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HOLY REDEEMER LIBRARY, WINDSOfi
I, 7/
BIBLIOTHÈQUE
THÉOLOGIQUE
DU XIX" SIECLE
HISTOIRE DE L'ÉGLISE
TOME V
l.MP. F. RAMKAUX-MAYET.
17
BÏBLIOTHÈQUE f?
THÉOLOGIQUE ' '
DU XIX^ SIÈCLE
Rédigée par les principaux Docteurs des Universités catholiques
ENCYCLOPÉDIE, APOLOGÉTIQUE
INTRODUCTION A l'aNGIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT
AKCHÉOLOGIE BIBLIQUE, HISTOIRE DE l'ÉOLISE , PATHOLOGIE, DOGMB
HISTOIRE DES DOGMES, DROIT CANON, LITURGIR, PASTORALE
MORALE, PÉDAGOGIE, CATÉCHÉTIQUE ET HOMILÉTIQUE
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE THÉOLOGIQUE
TRADUCTION DE L'ABBÉ P. BÉLET
HISTOIRE DE L'EGLISE
PAR S. E. LE CARDINAL HERGENRŒTHER
V
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR PALMÉ
(société GÉNÉRALE DE LIBRAIRIE CATHOLIQUE)
76, Rue des Snints-Pères, 76
BRUXELLES
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GENÈVE
HENRY TREMBLEY, '■'B'"*"":
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1891
HOLY REDEEMER LIBRARY, WINDSOR
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4<i^oé7à
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bibliothKque
THÉOLOGIQUE
DU XIX« SIÈCLE.
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HISTOIRE DE L'ÉGLISE,
ot<«c
SIXIÈME PÉRIODE.
De Boniface VIII jusqu'au commencement du XVP siècle.
(suite.)
CHAPITRE II.
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE.
Les iinliersiiés el la scolasticine.
Les universités en généraL
2H . Les anciennes et célèbres universités réunissaient encore
un grand nombre de savants de divers pays et d'âges divers.
Les chaires de l'enseignement public étaient fort recherchées;
souvent même, de nation à nation, l'on faisait échange de pro-
fesseurs. Les papes continuaient à protéger les universités et
leur prodiguaient des privilèges : elles furent grandement
favorisées par les papes d'Avignon Jean XXII et Urbain V. Le
caractère ecclésiastique y était si fortement empreint, que les
professeurs laïques de la Faculté de médecine de Paris ne furent
V. — HIST. DE l/ÉGLISE. 1
2 HISTOIRE DE L ÉGLISE.
autorisés à se marior qno depuis l'annért lirifî. A cos anciennes
nniversif«'\s vinrent s'ajontor un grand nombre de nouvelles
écoles, non senloinent en Italie, en Kspagne et en France, mais
aussi en Hongrie, en Pologne, en Angleterre, dans les Etals
Scandinaves et snrtont en Allemagne, où à la fin de cette
période on en comptait plus de quinze, créations d'un zèle
tardif mais ardent. Ces nouvelles écoles rivalisèrent bientôt
avec les premières par la force de leurs études et le nombre de
leurs élèves. En 1 i'.W, Cologne comptait deux mille étudiants,
dont un grand nombre de sujets Scandinaves.
La durée des études était variable. De hnit ans, qu'elle durait
d'abord, l'étude de la théologie fut, au quatorzième siècle, pro-
longée jusqu'à quatorze années. Le cours proprement dit
d'explication des Livres saints et de commentaire sur les Sen-
tences de Pierre Lombard demandait six ans (cinq chez les
franciscains et les dominicains), jusqu'au baccalauréat, qui com-
prenait trois degrés, aboutissant à la licence et au doctorat. Ces
trois degrés du baccalauréat étaient celui dos biblici ordi?io.rh\
celui des commentateurs des Sentences, et enfin celui des ôac-
calaurei formati. Les frais de promotion, diminués déjà par
Clément V, furent encore réduits par Benoît XI [. C'est sur le
modèle de Paris que s'organisèrent la plupart des autres uni-
versités nouvelles, notamment celles de Prague (1348), de
Vienne (136.%), d'IIeidelberg (1387), de Cologne (1388), d'Erfurt
(1392), etc. Vers la fin de cette période, elles se développèrent
avec plus d'indépendance.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 2H .
Jean XXII ol Urbain V, pour les universités : Christophe, II, p. 3 et
siiiv., 2!»!i et suiv.; Schwab, Gorson, p. 18. Professeurs célibataires de
MH'dccino : Thurol, de l'Organisation, etc., Paris, 1850, p. 31 ; Schwab,
I>. 62, n. 6. Nouvelles d'Oxford au quatorzième siècle, dans Henry
Auslcy, iMuniniHula academica, or Docunienls illustrât, of academieal
life and sind, al Oxford, London, 1808, 2 vol. — Fabroni, Hisl. Ac.
Pisau., Pise, I71M-I79Ö, t. III-IV ; Wenzel Toraeck, Gesch. der Prager
Univ., Prag., 1840; Kink, Gesch. der Univers., Vienne, 1864; Aschbach,
(Ji'sch. der Uiuv. Wien, im I Jahrb., Vienn»\ 180."); Franz llautz, Gesell,
der Iniv. Heidelberg, ed. von Reirhiin-Meldegg., Mannlioim, 1862;
Kosegarlcn, (iesrh. der Univ. Grt'if-;walde, (Jreifswald. I8.i(j, deux par-
ties; J.-F. von Fa!k<'Ti<!t('iii, Givilalis Eifio'tens, llistoria, Erfurt, 17i)2,
J.A SCIENCE, L ART ET LA VIK RELIGIEUSE. .5
[I. 274-2S(>; Kanipscliult, die Univ. Krfurl und ihr Verhalten zum
Humanismus, Trêves, 18Ö8-1860, deux parties; Heinzelmann, Aus dei"
Hlüthezeit der Erfurter L'niv., Erfurt, t87ü; Vischer, Gesch. der Univ.
Basel., Bàle, 1862; Hagenbach, die Theol. Schule Basel., de i480 à 1849,
Bâle, 1860; Käthen, zur Gesch. der Kieler Univ. und Chronik der Univ.
zu Kiel., Kiel, 1862; Knodt, Hist. Univ. Mogunt. Sur Tubingue, cf. /*'
Catholique, mai et juin 1876, surtout p. 642 et suiv.; Janssen, A.-A.-O.,
I. I, p. 167 et suiv.; Annerstedt, Upsala Universitets Historia, 1. 1 (1477-
1654), Stockolm, 1878,
L'université de Paris.
212. Ce fut précisément l'ancienne « reine des univer-
sités » qui déchut de sa première hauteur. Déjà en 1317,
Jean XXli lui reprochait de conférer à la légère le titre
de docteur, de sacrifier les grandes questions à des subtilités
d'école, de donner la préférence à des opinions philosophiques
faiblement appuyées, d'être inconstante dans le choix de ses
livres, et autres abus qui se retrouvaient ailleurs dans la
même proportion. On s'attardait à résoudre des problèmes
minutieux, à multiplier les définitions, les distinctions, les
vaines formules; on cherchait à surprendre par la pénétration
plutôt qu'à instruire, persuadé qu'on était plus habile que les
grands maîtres de la précédente période. L'opinion exagérée
qu'avaient d'eux-mêmes plusieurs savants d'université, opinion
qui se manifestait contre le Saint-Siège et contribua beaucoup
à le déconsidérer (sur ce point l'université de Toulouse est la
seule qui ait formellement résisté à celle de Paris); les con-
naissances superficielles d'un grand nombre d'auditeurs, qui
prétendaient, avec une instruction insuffisante, parcourir la
carrière académique ; les troubles et les guerres incessantes ; lu
goût dominant de la dispute et de la nouveauté, qui faisait
sacrifier le savoir solide au désir de faire triompher des vues
personnelles, toutes ces causes amenèrent la décadence des
éludes. Il devenait chaque jour plus difficile de former de vrais
savants, unissant aux aptitudes requises l'amour de la vérité,
la pureté des mœurs des anciens grands docteurs, et capables
de transmettre des choses durables à la postérité.
A Paris cependant, aussi bien qu'ailleurs, le nombre des
écoliers s'était multiplié; les anciens droits étaient maintenus
avec une jalousie ombrageuse, notamment le droit, révoltant à
i HISTOIRE DE l/ÉGLISE.
bcanooiip d'égards, de suspendre les leçons et les prédications
jusqu'à ce qu'on eût obtenu le redressement de ses griefs, droit
qui excita plus d'une fois le mécontentement général. C'est en
t i82 seulement que Louis XI obtint du Saint-Siège l'abolition
de ce privilège; cependant il y eut encore en ti99 une inter-
ruption de ce genre. Les rois acquirent insensiblement une
grande influence sur l'université; ils tentèrent de plus en plus
de se l'assujettir et de la dépouiller de son caractère interna-
tional. Leur empire finit par s'étendre jusque sur la doctrine,
et la cour ne demeura pas étrangère à la vieille querelle des
réalistes et des nominalistes.
OUVnAGES A CONSULTER ET IIEMAKQÜES CRITIQUES SLR LE N° 212.
lîlàme de Jean XXII : Rayu., an. 1317, n. 15. Multiplication des
collèges: Schwab, p. 66. Cessations, ib., p. 6li. tlude de la théologie,
ibid., p. 75 et suiv. L'université de Cologne aussi eut, en 1425, à se
justifier de diverses accusations concernant des propositions philoso-
phiques et l'abandon de l'ancienne méthode d'enseignement. Du Plessis
d'Arg., I, II, p. 220-223. Sur les scolastiques de ce temps, cf. Tiede-
mann, Geist, der specul. phil., V, p. 125 et suiv.; Ritter, Gesch. der
christl. phil., 4 vol.; Ueberweg, Gesch. der philos, der patrist. und
scholast. Zeit., p. 210 et suiv.; Stœckl, II, p. 052 et suiv.
Le réalisme et le nominalisme.
213. Après que le réalisme eut régné sans conteste à Paris, lo
nominalisme y obtint insensiblement la prépondérance. Il trouva
un puissant promoteur dans le célèbre Guillaume Durand de
Saint-Pourçain, professeur à Paris, plus tard évêqiie d'Annecy
et de Meaux (mort en 1333;. Guillaume, très favorable aux
sfotistes, blâmait l'autorité excessive qu'on attachait aux pro-
positions d'Aristote, essayait d'acquérir une connaissance plus
e.\acte do la nature, combattait le réaliste Noël Hervé (Natalis,
mort en 1323), et soutenait souvent des propositions rejetées
comme téméraires.
Plus grande encore fut l'influence exercée par Guillaume
()ccam, professeur à Paris, provincial des franciscains d'Angle-
terre, et enfin théologien à la cour de Louis de Bavière (§ 21),
mort à Munich eu 1347. Il travailla en faveur de la liberté
d'enseignement, abandonna sur plusieurs points la doctrine
scoliste, (jui dominait dans son ordre, et combattit les réa-
LA SCIENCE, L ART KT LA VIK KKLIGIEUSK. .»
listes avec tant de violence, que les uouiinalistes, dont il
soutenait la cause, furent appelés occamistes (ou terministes).
L'universel, selon Occaiu, n'est qu'une fiction, une représenta-
tion do l'esprit; les pensées ne sont (jue les signes des choses.
Occam rétrécissait le cercle des vérités que la raison peut con-
naître, ne voyait qu'arbitraire dans les lois de Dieu, établissait
toute une série de propositions singulièrement hardies, et pré-
parait les voies au scepticisme, qui allait être représenté par
Nicolas d'Autricuria, lequel fut obligé, en 1348, de se rétracter
à Paris par ordre du pape.
Les deux dominicains Armand de Bellevue {de BcUo Visu,
mort en i3-i0) et Robert llolcoth, à Oxford (mort en 1349),
adoptèrent le système d'Uccam, mais sans partager toutes ses
opinions. Le dernier ne voyait de péché mortel que dans le
rejet de la grâce; il n'y comprenait pas les péchés commis dans
l'emportement de la passion, et croyait que Dieu peut mentir à
sa créature. Cette doctrine fut censurée à Paris. On condamna
encore dans la suite diverses propositions tirées des écrits
d'Occam : celle-ci, par exemple, que Dieu peut commander à la
créature de le haïr, et que la créature obtient alors par la haine
plus de mérite que par l'amour, et autres assertions téméraires,
m'es la plupart de la passion des subtilités.
Dieu que la faculté des arts se tut prononcée contre Occam
en 1339 et 1340, le recteur de la Sorbonne, Jean Buridan, ne
laissa pas d'embrasser ses doctrines (1350).
Le nominalisme trouva plus tard d'habiles défenseurs dans
Pierre d'Ailly et Gerson (mort en 1429). Gerson le croyait plus
compatible avec la doctrine de l'Église, tout en essayant de
conciUer les difTérents systèmes. 11 admettait que l'universel a
dans les choses particulières un substratum réel, et que sa
forme constitutive est dans le travail abstractif de l'esprit. Il
tâchait de justifier, par l'Écriture et l'enseignement de l'Église,
ce qu'il y avait de solide dans les doctrines réalistes, et d'éUmi-
ner de chaque théorie les parties exclusives et pouvant conduire
à la négation de la foi.
Au reste, nominalistes et réalistes, thomistes aussi bien que
scotistes, en étaient venus à reléguer au second plan les diver-
gences accessoires des deux systèmes; on voyait des réalistes
accepter des propositions nominalistes, et réciproquement. Tous
6 HrSTOIRK DE l'ÉGLISE.
deux aussi, le nomitialisme et le réalisme, tombaient souvent
flans les extrêmes : le premier, dans le scepticisme, le matéria-
lisme ou le sensualisme; le second, dans l'idéalisme mystique.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 213.
Durandus à S. Porciano (doctor resolutissimus), Corn, in librus IV
Senl. Ses thèses incriminées, dans du PIcssis d'Arg., I, i, p. 330-332.
Entre autres : « 1° Scientia Dei est causa creaturarurii per nioduni di-
rigentis, voluntas autem causa per modum inclinaiitis et indiicentis.
Neutra autem est immediata causa. Poteutia vero est causa rerum sicut
exsequens et immédiate movens, contre In cause communis. 2" Tota
coguitio, quam habet Deus de futuris contiiigentibus, est per eorum
causam. 3° Potentia creandi potest a Deo communicari creatur*.
4° Deus non agit immédiate in omni actione creaturte. » 5" Touchant
le Sacrement de l'autel, il favorisait les vues de Jean de Paris : « Deus
posset facere quod, rémanente substantia panis et vini, corpus et san-
guis Christi essent in hoc sacramento. » (Contre cette opinion : Tho-
mas d'Argentina, in I. IV, d. ii, q. i ; Pierre Oriol, « doctor facundus »,
mort en 1322, Com. in Sent., Rome, 1596-1605; Bassolis et autres). 6° Il
lui parait vraisemblable « quod in sacramentis non est aliqua virtus
causativa gratife, characteris vel cujuscumque dispositionis s. ornatus
existentis in anirno, sed sunt causa sine qua non confertur gralia.
Recipiens (nisi ponat obicem) recipit gratiam, non a sacramento, sed a
Deo. 7° Character (in sacram.) non est aliqua natura absoluta, sed est
sola relatio rationis, per quam ex institutione vel pactione divina depu-
tatur aliquis ad sacras actiones. 8° Matrimonilim non est saciamentum
stricte et proprie dictum sicut alia sacramenta N. L. (sed largo modo).
!l" Ordu, qui est sacramentum, est solum sacerdotium, comprehendendo
sub sacerdotio episcopatum, qui est sacerdotium completum et per-
l'ectum... Cteteri ordines qua-dam sacramentalia. 10° Multi habitus
scientia; et actus sunt in nobis certioie« et notiores fide et actu ejus
extensive et intensive. 11° Fides divinilus infusa etiam in hsereticis
reperitur, quia accjuisitus habitus per quemvis contrarium actum non
illico destruitur. » Uervieus Nalalis, 0. Pr. et général de son ordre,
recteur de l'université de Paris., Com. in lib. IV Sent., quodlibela
majora i\ , minora xxiv. Guill. Uccam, appelé « doctor singularis, invin-
cibilis, venerabilis iuceptor », composa : « Quœstioncs super IV libros
Sent.; Centiluquium theologicum, theologiam speculativam sub 100
conclusionibiis complectens », éd. Lyou, 1495 et suiv. Comp. Schwab,
p. 274-288; Nicol. d'Autriciiria, du Plessis d'Arg., I, i, p. 355-360; Den-
zinger, Encbir., p. 183 et .seq., n. 457 et seq.; Robert Holcoth, du
PlHssis d'Arg., p. 340-342; Jean Buridan, 0pp., éd. Oxon., 1637, 1640;
RuI., Ilist. Univ. Par., IV, 257 et .seq.; Stœckl, II, p. 973 et suiv. — Vita
LA SCIENCE, L AKT KT l.X VIE RKLW.lErSE. 7
Potri de Alliaco, ap. v. d. Hardi, I. viii. p. 4i9 et seq.; Com in libr. IV
Sent, el Tiaclal., fd. Argent., I4'J0 et seq., Par., l.öUO, 111-4°. Comp.
Denzinger, v. d, relig. Erkenulnisz, 1, p. 142 etsuiv.; Gersou., Centi-
logiuni de conceptibus. — Cenlil. de causa finali, de inodis sig^nili-
candi, bO proposit. de concordia metaphysicse cum logica, 0pp. IV,
7'.).'J-830, de Siraplif. cordis, III, i'68; Schwab, p. 291 et suiv.
Édit du roi contre les nominalistes. — Le réalisme en
Allemagne.
21 i. Quand les uominalistes de Paris commencèreut à s'enhar-
dir, des mesures furent prises contre eux (1465 et 1466), cou-
foniiément aux anciens décrets de 1452, et leurs collèges furent
soumis à la visite. En 1473, dans une apologie des nominalistes
remise à Louis \1 et conçue dans l'esprit de Gerson, on com-
battait cette opinion que le réalisme est plus conforme à la foi
que le nominalisme. Cependant le roi publia contre les nomi-
nalistes IUI édit qui rcoommandait l'étude d'Aristote, d'Albert le
(irand, de saint Thomas et autres réalistes. Tout à coup, en
1481, la lecture des livres uominalistes, jusque-là interdite, fut
de nouveau autorisée, et le nominalisme obtint dès lors à
Paris la prépondérance.
L'Allemagne, au contraire, inclinait surtout vers le réalisme.
A Llàle, il était représenté par Ileynlin de Stein, qui avait
également travaillé à Paris, à Tubingue et à Berne, et qui était
le centre d'un cercle important de savants, dont Guillaume
Textoris, Jean Mathias de Gengenbach, etc., faisaient partie.
Ileynlin se retira chez les chartreux en 1487, édita des Pères
de l'Église et des classiques, et composa, sur le sacrifice de la
messe, un ouvrage qui eut une grande vogue.
A Fribourg, le triomphe du réalisme fut assuré en 1489 par
Georges Nordhofer, habile exégète, et par le savant chartreux
Grégoire Reisch, qui enseignait aussi la cosmographie, les
mathématiques et l'hébreu, et publia en 1496, sous le titre de
la Perle de la philosophie, la première encyclopédie philoso-
phique. Reisch se rattachait à Vincent de Beauvais (Spéculum
tuiiurale); à Conrad de Meygcnberg, prèlre de Ratisbonne
(Livre de la jiature], et à Pierre d'Ailly (l'Image du monde].
Son ouvrage fut souvent réimprimé. Le réaUsme fut soutenu
par les théologiens les plus renommés de l'Allemagne, et ceux
8 HISTOIRE DÛ l'Église.
mêmes qui comptaient parmi les nomiualistes essayaient de
concilier les deux théories, comme Marsile d'Inghen, qui de
l'université de Paris s'était rendu à Heidelberg (mort en 1396),
et après lui Gabriel Biel de Spire, professeur à Tubingue
depuis I i84 et auteur d'importants travaux d'économie popu-
laire. Biel (mort en li95) passe pour le dernier nominaliste de
valeur, mais il demeura étranger aux vues étroites de son
école.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 214.
Mesures contre les nominalistes, 1465 et 1466 : du Plessis d'Arg., I, ii,
p. 2Ö5 et seq. Discussions au sujet de Pierre de Rivo, ibid., p. 258 et
seq., 281-284. On demandait si la doctrine d'Aristote sur les futurs
contingents était compatible avec la foi, ibid., p. 273. Apologie du
nominalisme, 1473, ibid., p. 286-288. Édil royal, ib., I, i, p. 134; Bul.,
V, 708. Licence de 1481 : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 202-304. Comp.
Kleutgen, Philos, der Vorzeit, I, p. 328 et suiv. Réalistes allemands,
dans Janssen, 1, p. 93 et suiv.; Marsile d'Inghe.n, Natal. Alex., sœc.
XIV, c. y, n. 6, 15, p. 297 et seq.; Gabriel Biel, Collectorium ex Occamo,
in lib. IV Sent., Tub., 1502, t. Il; Brix., 1374, II, t. IV; Serm. de
temp., Tub., 1300, in-4°. Cf. Trithem., de Script, eccl., c. 903; Lin-
semann, Thcol. Quartalschr., 1803, p. 195 et suiv., 499 et suiv.
Théologiens des ordres religieux. — Les franciscains , les
dominicains, les augustins, les carmes.
215. C'étaient toujours les dominicains et les franciscains
qui cultivaient de préférence la théologie et la philosophie sco-
lastiques. Chez les franciscains, le scotiste François Mayron,
fameux par ses abstractions, mort en 1325, à Plaisance, et
Jean-Antoine .\ndrese d'Aragon {doctnr dulcifhms, mort en
1320), disciple do Scot, furent particulièrement célèbres. May-
ron, surnommé le Maître des abstractions, doctor acutus, illumi-
natus, scandalisa les doctes, non seulement en accusant Aristole
d'être un mauvais métaphysicien, mais en émettant des propo-
sitions hasardées sur la question de savoir si Dieu est l'auteur
du péché. Il fut suivi par l'anglais Thomas Bradwardin, profes-
.seur et chancelier à Oxfurd, puis archevêque de Cantorbéry,
mort en 1319, auteur d'un grand ouvrage où il apparaît
comme le précurseur de la théorie de Wiclef sur la prédestina-
tion '.
' L'ouvrage le plus considérable de Bradwardin est un long traité inli-
LA SCIENCE, L AH 1 ET LA ME HELIGIEUSK. 'J
Un meilleur souvenir se ratlaclie à la mémoire dus confrères
de Mayron , Pierre Oriol , à la fin archevêque d'Aix , mort
en 132:2 {doctor facwidus) ; Jean Bassolis (doctor ordbialhsl-
mus), et ses contemporains Âlvare Pelage (1340) et Jean de
Capistran (mort en 1456). Parmi les dominicains nous remar-
quons : Pierre Paludanus (mort en 1342), Jean de Monténégro,
le cardinal Jean de Turrecremala (mort en 1468), saint Autonin
de Florence, Jean Capréolus (1413), Henri Kalteisen (mort en
1463).
Les augustins possédaient des maîtres renommés dans Gilles
de Rome (mort en 1316) et Thomas de Strasbourg (1357). Un
autre personnage fort célèbre de son temps était le général de
l'ordre, Grégoire de Rimini, mort à Vienne en 1358, surnommé
le « bourreau des enfants », à cause de son opinion rigide sur
le sort des enfants morts sans baptême; qualification injuste,
car il n'entendait point combattre l'opinion plus modérée.
L'ordre avait aussi des théologiens estimés dans Augustin
Triomphe (1328) et Alphonse Vargas, qui devint archevêque
de Se ville, mort en 1366. Parmi les carmes, il faut nommer
surtout les deux Anglais Jean de Baccone (Bacondorpius, vers
1340) et Thomas Netter de Waiden (Waldensis), auteur de nom-
breux ouvrages (la plupart inédits), provincial de son ordre,
confesseur et secrétaire intime de Uenri V, théologien très versé
dans les Pères, solide et pénétrant, autant qu'habile polémiste.
Il mourut à Rouen, en 1431.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 215.
François Mayron (Mayronis), in lib. Sent. Sur la question : « Utrum
Deus sit causa effectiva peccati », in lib. I, d. xlui, q. rv, p. loO; du
lulé de la Cause de Dieu contre Pelage. Il y enseigne que la volonté de
Dieu est toujours efficace, parce qu'autrement Dieu ne serait ni bienheu-
reux ni tout-puissant; que, quand Dieu veut qu'une chose soit, il est
nécessaire qu'elle arrive ; qu'en Dieu il n'y a point de volonté condition-
nelle; que c'est Dieu qui opère en ses créatures le bien et le mal, même
le péché; que tout ce qui est, tout ce qui arrive, est l'effet d'une néces-
sité antécédente, imposée par la volonté divine, qui ne peut être ni
empêchée ni détournée; que toutes les actions de Jésus-Christ, d'Adam
innocent et de toute sa postérité ont été soumises à celte nécessité; que
la prédestination aux supplices éternels précède tout démérite, et que la
réprobation n'est pas la suite des péchés ; que la nécessité de contrainte
est opposée à la liberté, mais que la nécessité spontanée ne lui est point
opposée, et que tout acte de la volonté est libre, pourvu qu'il soit volon-
taire. (Note du traducteur.)
10 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
riessis, 1, I, p. 322 et seq.; Thomas Bradwardin, doclor profniidus, lib.
de Causa Dei, éd. Savilius, Lotid., 161.^. Cf. Lechier, de Thoma Brad-
ward., Lips., 1862; du Plessis d'Arg., p. 323-330 (üb. I, c. xxxiv : « Dens
aliquo modo vult peccata, ut peccata sunt » ; lib. III, c. xxvii : « Omnia
quse evenieut, evenieut a volunlate divina). L'erreur « de autecedeule
necessitate volunlatibus imposila per divinam prseveiitionem » fut
renouvelée en 1380 par Guillaume de Funlfrède, docteur de Paris. Du
Plessis d'Arg., 1, ii , p. 59, 60. Autres théologiens : Natal. Alex.,
saîc. XIV, c. V, art. 2 et seq., t. XV, p. 279 et seq., art. 5, n. 2 et sctj.,
p. 291 et seq.; Werner, Gesch. der apol. u. polcm. Lit., t. IIL
Mesures contre les erz^eurs. — Pic de la Mirandole. —
Raimond de Sébonde. — Renaissance du thomisme.
21«. Devant les nombreux abus qu'on faisait de la méthode
scolastifjne, et qui se révélaient par de vains sophismes, par des
thèses équivoques, téméraires et scandaleuses, par des artifices
de langage et des jeux de mots, plusieurs esprits sérieux, tels
(jue Nicolas de Clémange (mort en 1440), Pierre d'AilJy, Gerson,
Nicolas de Cusa, d'une instruction si variée, insistaient pour
qu'on revînt à la Ihéologie purement positive, surtout à l'Ecri-
ture sainte, sans délaisser complètement l'étude de la théologie
systématique. Un antre moyen qui restreignit les écarts et
favorisa l'exactitude théologique, ce fut la censure précise que
les universités, les conciles et les papes faisaient des diverses
propositions. Les propositions mêmes qui pouvaient encore
s'entendre dans nu bon sens, furent interdites quand elles
offraient un sens captieux et offeusaut, bien que leurs auteurs,
quand ils se soumettaient au jugement de l'Église, fussent
maintenus dans leurs places. Il en fut ainsi à Home au sujet du
comte I^ic de la Mirandole, génie merveilleux qui, à l'âge de
vingt-quatre ans, établit (luatre-vingt-dix thèses philosophiques
et théologiques. Ces thèses, quoique déférées à Innocent VIII,
puis interdites, n'empêchèrent pas l'auteur, qui soumit toutes
ses vues au Saint-Siège, de recevoir un bref élogieux qui sau-
vait son lionneur (liu:^).
L'e.xemple de Kaimond de Sébonde, médecin et juriste espa-
gnol, puis clerc et professeur à Touhjuse (vers J430), servit de
leçon à plusicms. Marchant sur les traces d'Alahi de l'isle, Rai-
mond essaya, en vue des nombreux incrédules de son pays,
d'e.xplifpier le dogme au peuple sous une forme intelligible; il
LA SCIENCE, l'aH r ET LA VIE UELIGIEUSE. I I
exécuta aussi d'importants travaux sur la morale. Mais son
génie spéculatif l'engagea dans une foule d'assertions dange-
reuses et inconciliables avec la doctrine révélée, à lacjuelle il
était du reste fermement attaché.
On fit davantage encore en revenant au premier maître de
la scolastique. En Italie, où les frères prêcheurs tenaient à-leius
anciens principes, de même qu'en Allemagne, on retourna à
saint Thomas, dont les ouvrages, depuis 1470 jusqu'en 1500,
furent réimprimés plus de deux cent seize fois. L'abbé Jean
Trilhèuie (si l'on en croit le témoignage de Wimpfeling, en
1507) croyait que le plus grand bonheur de son siècle était
d'avoir répudié, dans l'enseignement de la théologie, les stériles
et funestes artifices de langage, une érudition sans consistance,
et replacé l'Ange de l'école sur le chandeher.
OUVIUGES A CONSULTKa ET REMARQUKS CRITIQUES SUR LE N" 210.
Nicol. de Cleniangis (Vita, ap. v. d. Hardt., I, ii, p. 1\), de Studio
theo!.; d'Acheiy, Spicil., I, 473-480. Autres ouvrages : v. d. Hardt et
Lydius, Lugd. Batav., 1613, in-4°; Petrus de Alliaco, Recommendatio
S. Scripturee; Gerson., de Hei'onii. theol. (0pp. I, 120-12i); Lectiones
du« contra vanam curiositatem (ib., p. 86-106); ep. ii ad student. in
Coll. Navarr.; NLcol. Cusan., de Doctalgnorantia, 0pp., éd. Basil., 1565
et seq. — Henri Cornel. Agrippa, de Vanit. scientiarum, I, 97, se plaint
de la décadence de la scolastique. Plusieurs propositions téméraires
sont censurées dans du Plessis d'Arg., p. ex., I, i, p. 343 et seq., celles
du cistercien Jean de Mirecourt, exclu en 1347 de l'université de Paris :
« 2° Christus potuit dixisse faisum. 4° Deus facit quod aliquis peccat, et
hoc vult voluntate beneplaciti. 9° Peccatum magis est bonuin quam
raalum. 23° Peccatum post longam consuetudinem est minus. 30° Deus
est causa peccati, ut peccatum est, et mali, in quantum malum est » ;
ib., p. 370, celles du licencié Simon, eu 1351 : « 1° Hsec propositio est
possibilis : Jesus non est Deus (sciljcet potest humanitatem, ut assu-
mere, sic deponere). 2° Jesus potest esse et non esse Jesus »; ib., p.
381 et seq., celles du scotiste Louis, Paris, 1362 : « Non est inconve-
niens quod aliquid sit Deus secundum suum esse reole et tamen non sit
Deus secundum suum esse formule. Peccatum esse perfecta voluntas
Dei non potest immédiate noUe, et in alio : quod peccatum non est
immédiate odibile a perfecta voluntate » ; p. 387, celles de Jean de
Calore, nommé recteur à Paris en 1371 (Bul., IV, 377), 1363 : « l" Sum-
mus legislator Deus, ipse dignus est infinitis perfectionibus, quas nec
habuit, nec habet, nec habere potest. 2° Intinitœ perfectiones siuml in
legislatoris essentia sunt dignitas ad inlinitas alias » ; celles de Jean
1:2 UISTOIKK DL l'église.
Militis, li77 (ib., 1, ii, p. 290) : « Tribus proprielalibus, qiiarurn milla
est Deus, très personte constituuutiir >• (projt. scaudalosa, piarum aii-
rium olfensiva, l'alsa et iu fide catbol. erronea). De deux proposilions
de Henri Blanqueville, 0. S. F., celle-ci, de 1493 : « Homo factus est
Deus », fut tpialifiée « de proprietate serinonis proposilio falsa et erro-
nea, non praîdicanda, nisi eo sensu : Factum est quod bomo sit Deus » ;
l'autre : « Christus incepit esse », fut appelée <• de rigorc sermonis falsa,
scandalosa et hœretica, non doccnda nisi cum addito limitante ipsum
esse ad esse humanum » (p. 331). — Parmi les conclusions de Pic (ib.,
1, 11, p. 320-323) se trouvent celles-ci : « 1" Christus non veraciter et
quantum ad realem pncsentiam descendit ad inferos, ut ponit Thomas
et communis via, sed solum quoad etïectuui. 2" Peccatum mortale est
in se maluni timlum... l'eccalo mortuli liiiiti temporis non debelur
pœna inünita secundum tempus, sed finita tantum. '6° NuUa est scien-
tia, quaï nos magis certificet de divinitate Christi quam Magia et
Cabala. 12" Im proprie magis de Deo dici quod sit intelligens, quam de
angelo, quod sit anima rationalis. 13° Anima nihil actu et distincte
intelligit nisi se ipsam. » Bref d'Alex. VI, Omnium cotholicorum, 18 juin
1493 (ib., p. 321); Raimund. Sab., Lib. creaturarum, seu Theologia
naturalis (Extrait : Viola animée, seu de Natura hominis), Argent.,
1496 — in compend. redacta a Comenio, Amsl., 1659, Solisb., 1852;
Matzke, die Natiirl. Theol. des Raimund v. Sabunde, Berl., 1846; F.
Nitzscb, Qii;psliones Raiiimndiana', Ztscbr. f. bist. Theologie, 18.ï9, lil ;
Hultler, die Relig.-Pbiios. des R. v. Sab., Augsb., 1831; Denzinger,
Rel.-Erkenntn., I, p. 3d4; Stœckl, II, p. 1035 et suiv. — Trithem.,
ap. J. Wimpfeling, de Arte impressoria, p. 20.'
L.eH oon(rov«Ts«'N lliéolofflqucs.
L'Immaculée Conception de Marie. — Théorie scotiste de
l'acceptation.
iJI7. Outre les conlroversus déjà ineiitiomiées sur les droits
du pape et du concile, sur la position des moines à l'égard du
clergé séculier, sur le réalisme et le nominalisme, plusieurs
autres furent continuées ou entamées pour la première fois. Le
débat sur l'humacnlée Conception fut vivement agité entre les
thomistes et les scotistes. Les premiers, les maciilistes, furent
plus d'une fois censurés nominativement par l'université de
Paris dès 13H7. Après (|ue cette pieuse opinion eut été adoptée
par le concile de Jiàle en 1430, elle fut encore soutenue avec
plus d'ardeur en l'rance et en Allemagne par les conciles proviu-
LA SCICNCR, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. \3
ciaux (par exemple, à Avignon, en 1if>7, sons le cardinal Alain),
par les congrégations religieuses et les universités. Plusieurs
de celles-ci obligèrent leurs membres à s'engager par serment
à la défendre : celle do Paris le fit en 1496; celle de Cologne,
en 1-499. Sixte IV condamna en 1483 cette assertion de quelques
frères prêcheurs, que la doctrine de l'immaculée Conception
était hérétique et que c'était un péché mortel de célébrer cette
fête; mais il défendit aussi, sous peine d'excommunication,
d'accuser les maciUistes d'hérésie'. Il accorda du reste de
grandes indulgences à ceux qui assisteraient à l'office de la
fête approuvé par lui, et montra en général beaucoup de bien-
veillance aux immacuUstes, Cette fête devint générale et de
plus en plus brillante.
Les scotistes soutenaient en outre résolument leur théorie
de l'acceptation, quils appliquaient au mérite surnaturel de
l'homme, comme le Mineur Jean de Ripa et plusieurs autres.
On eut beaucoup de peine à calmer un peu la controverse
relative au sang de Jésus-Christ séparé de son corps sur la
croix (§ j.^8). D'autre part, on censura les propositions sui-
vantes, enseignées par Pierre Oliva et ses partisans, et con-
damnées au concile de Vienne : que le coup de lance que Jésus
reçut an côté avait précédé sa mort; que le récit de saint Jean
est inexact ; que l'àme raisonnable n'est pas la forme du corps
humain ; qu'il est douteux si les enfants, en recevant le bap-
tême, reçoivent, avec la remise de la faute, la grâce et les ver-
tus. On disputait aussi si ceux-là satisfont au précepte ecclésias-
tique de la communion pascale, qui ne communient pas le jour
même de Pâques : Eugène IV (1440) décida qu'on y satisfait en
communiant la semaine sainte ou l'octave de Pâques. Oh dis-
cutait également, à propos de différentes espèces de contrats et
d'affaires de négoce, s'ils étaient usuraires et illicites.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N« 217.
Vers 1330, Jean Bacon (Ord. Carm.), qui combattait Pierre Oriol,
^ Assertiones eorum qui affirmare praesumerent credentes aut propug-
nanles Dei Genitricem ab originalis peccati macula in sua conceptionö
prseservalam fuisse, propterea alicujns baeresis labe pollufos fore, vel
niorlaliter peccare, aut bujusmodi officium Concepfionis célébrantes, seu
hujusmodi sermoues audientes, alicujus peccati realum incurrere, dani-
nannus nt falsas, erroneas, et a veritate penitus aliénas. (Cit. du Irad.J
I ;, HISIOIKK Mi L hGLISE.
SDUlcnail, ainsi qu'Alvare Pelage (0. S. F.), que Jésus-Christ seul
avait été affranchi du péché originel. Jean de Monçon (Montesono),
0. Pr., 1387, ayant prétendu, avec d'antres, qu'il était contraire à la
loi d'enseigner que quelqu'un d'autre que Jésus-Clirist avait été exempt
dii péché originel, et notamment que Marie eût été conçue sans ce
péché, l'université de Paris déclara ces propositions hérétiques et
scandaleuses, et défendit de les enseigner. La même chose fut décidée
en 1388. Les dominicains en appelèrent à Avignon ; Jean de Monçon y
alla lui-même, mais il prit la fuite et fut exilé. Lii autre dominicain,
qui traitait d'hérétique la doctrine de rimmaciilée Conception, Jean
Thomas, se rétracta le 21 mars 1388. Du Plessis d'Arg., 1, u, p. GO-132,
132-135. De même, en 1389, le dominicain Richard Maria fut censuré,
ainsi que plusieurs frères de son ordre, pour avoir combattu le juge-
ment porté contre Monçon, ib., p. 135-147. Le sermon d'un dominicain
anii-maut que Marie avait été conçue avec le péché originel fut con-
damné en 1457, ibid., p. 252. Trithème raconte qu'un dominicain de
Pforzheim, ayant prêché en 1478 contre la pieuse opinion, mourut
frappé d'apoplexie ; qu'un autre, Wigand, ayant attaqué à Francfort
son livre « de Laudibus S. Annse », 1494, n'avait trouvé aucun écho
(p. 290, 331 et seq.). Depuis que la Faculté théologique de Paris (3 mars
1 49()) eut rendu son décret « de Defendenda Immac. Concept. » (ibid.,
p. 333, 33Ö), en quoi elle fut suivie en 1499 par celle de Cologne (ibid.,
III, n, p. 1, 2), les censures et les mesures de rigueur s'accumulèrent
contre les dominicains récalcitrants : en 1497, Jean "Verri et Jean Alu-
tarii en furent atteints (ibid., I, ii, p. 336-339). A Berne, en 1509,
quatre frères prêcheurs furent brûlés pour avoir essayé d'expliquer
par de faux miracles leur doctrine contre l'Immaculée Conception
(ibid., p. 348 et seq.). Parmi les Mineurs, on ne cite que Jean Grillot,
lequel fut obligé, en 1495, de rétracter ses sermons contre la pieuse
opinion (ib., p. 332). Sixti IV const., 1471, 1483, c. i, n; 1. III, tit. xii,
in X vagg. com.; du Plessis d'Arg., I, n, )). 28't et seq.; Denzinger, die
Lehre von der unbell. Einpt'., 2'' éd., Wiirzb., 1855, p. 30 et suiv. —
Jean de lUpa enseignait, 1330 : « lidem et charitatem non esse pro-
priam causam seu rationem meriti, sed hanc esse divinam acceptatio-
nem, ita ut boni actus ex lide et charitate tantum requirantur ut con-
ditio sine quo, in présent! statu, non autem necessarie ad immorlaleni
gloriam adipisccndam. » Vers 1350, le Mineur allemand de Valenchi-
nis enseignait la même chose, et prétendait que la dillèrence du péché
véniel et du péché mortel provient, non de la nature intime du péché,
mais de la miséricorde de Dieu, qui a égard à la faiblesse humaine;
de même (iuillaume de Fonlfrèdc, docteur de Paris, 1360, et Pierif
Plaoul. 1 U)9. Du Plessis d'Arg., I, i, p. 332-334, 369. — Conc. de
Vienne, r. i: Clem., de Summa Trin., 1, i; Corp, jur. can., éd. Richlei',
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE KELTOIEUSE. !•>
II, p. 1057 et seq.; Bul., Hist. Univ. Par., t. III, p. 535-541 ; Héfelé,
VI, p. 475-479. — Eng. IV, const., 8 jnillet 1440, Bull. Rom., éd. vet.,
I, p. 359. — Assertiones Pragensinm dootorum de venditione censuum
et reditnnm. 1420 : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 219. Snr la bulle de
Martin V Rcgimini {c. i, de Empt. et Vend., III, v, in X vagg. com.);
Facult. theol. Paris, sententia in certis quibusdam pactis et conventis
de annuo proventu pecuniae an fœnus sit (du Plessis d'Arg., loc. cit.,
p. 323).
Controverse sur le tyrannicide.
218. La lutte fut surtout ardente entre les partisans et les
adversaires du meurtre des tyrans. Après l'assassinat de Louis,
duc d'Orléans, accompli par ordre de Jean, duc de Bourgogne
(23 novembre 1 407), le franciscain Jean Petit {Parvits) soutint
le 8 mars 1408 la thèse suivante : « Il est permis à tout sujet de
tuer ou de faire tuer un vassal criminel ou un tyran infidèlo. »
Gerson, qui s'était lui-même prononcé autrefois pour le droit
de résistance à un tyran, et même pour le tyrannicide, en
s'appuyant de Cicéron, se déclara résolument contre cette doc-
trine (U13), en invoquant Jean de Salisbury et saint Thomas.
Après de longues délibérations, les évêques, l'inquisiteur et
l'université de Paris (1414) condamnèrent les assertions de
Petit; de son côté, le duc de Bourgogne en appela au Saint-
Siège. Le concile de Constance (XV session, du 6 juillet 1415)
condamna cette proposition : « Tout tyran peut être mis à mort
par son vassal ou sujet, soit par ruse, soit par de secrètes em-
bûches, nonobstant tout serment ou convention quelconque, et
sans attendre l'ordre d'aucun juge. »
La condamnation nominale des neuf propositions de Petit,
mort sur ces entrefaites, condamnation désirée par beaucoup
de Français, combattue par d'autres, notamment par les ordres
mendiants dans un avis collectif, n'eut pas lieu, et le jugement
qui venait d'être rendu laissait encore place à de nouvelles con-
troverses, celle-ci entre autres, si, après la sentence rendue par
un juge compétent, l'on pouvait se défaire d'un tyran sans
ruse, sans rupture de serment et de convention. Le concile, qui
ne voulait encourager ni les passions des sujets opprimés ni la
tyrannie des souverains, ne s'expliqua pas davantage, bien que
l'enquête poursuivie contre le dominicain Jean de Falkenberg
lui eu fournît de nombreiises occasions. Jean, dans un pam-
iÜ HISTOIRE DE L EGM.SE.
plilet composé à l'instigation de l'ordre Toutonique contre le roi
de Pologne, avait soutenu qu'il était permis de le tuer, lui et
tous les Polonais. 11 fut enfermé à Constance, et son livre con-
damné au feu. Les députés des nations, chargés d'informer
contre lui, tombèrent d'accord ; quant au jugement, il ne fut
point confirmé dans une session solennelle du concile, malgré
la demande qui en fut faite à la fin de l'assemblée, au nom des
envoyés de Pologne et de Lithuanie.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 218.
Seutentia Fac. theol, Paris, de 9 assertionibus Joh. Parvi. — Senten-
lia Episc. et Inquis. adv. Joh. Parv., 1413 (ib., I, H, p. 184-192);
Gerson. 0pp. V, p. 15-42; Schwab, p. 430 et suiv.; Héfelé, Vil, p. 176
et suiv. Ajoutez-y les « Decem Considerationes principibus et dominis
utilissimœ », 0pp. IV, 622 et seq.; Schwab, p. 426 et suiv.; 0pp. IV,
6Ö7-680; Schwab, p. 499 et suiv., 609 et suiv., 615 et suiv. — Joh.
Saresb., Polycr., III, xiv, xv; IV, i; VIII, xvii et seq.; S. Thoin., Sum.,
28-2*, q. XLU, art. 2, ad 3; q. lxix, a. 4 ; de Regim. princ, i, i et seq.,
6, 16; Natal. Alex., saec. XV, c. u, a. 4, n. 3, 4, t. XVII, 184 et seq. ;
Schwab, p. 612 et suiv.; Héfelé, p. 178 et suiv.; Conc. Const., sess. XV
et XVI; Mansi, XXVII, 765; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 186-192, 215 et
seq.; Schwab, p. 622, 633 et suiv., 646; Héfelé, p. 181, 343, 367 et
suiv.; mon ouvrage : K. Kirche, p. 475-485.
La mystique.
La mystique en général. — Gerson et la mystique. —
Ruysbroek. — Dernières années de Gerson.
219. La mystique, qui se cultivait surtout dans les monas-
tères, loin du tumulte du monde, essayait de satisfaire aux
besoins du cœur, en rendant la théologie plus intime et plus
vivante. Ses progrès étaient en proportion de la décadence de
la .scolaslique ; mais quand elle cessa de s'appuyer sur celle-ci,
elle tomba dans le vague et dans l'obscur, et, destituée d'une
base solide, s'égara souvent dans un faux mysticisme, il ne fal-
lait point qu'elle sortît du terrain de la foi et de la réalité, que
lu pensée de Dieu lui eidevàt le sentiment de la personnalit«'
liumaine, (pi'elle renonçât à la précision des idées, ni surtout à
l'esprit de pénitence et d'humilité. Les papes, les évêques, les
in(juisit(îurs , les univer.sitès, travaillèrent à écarter les faux
principes, (l'e.st ainsi, par e.\emple. que la proposition .suivanti'
LA SCIEKCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. d"
fut plus d'une fois censurée : « 11 faut faire toutes choses par
pur amour de Dieu et sans espoir d'une récompense éternelle,
ce qui serait un péché mortel ; » de même que celle-ci :
« S'exercer aux actes de vertu est le fait d'un homme impar-
fait, car le parfait trouve son bonheur en lui-même; la vraie
perfection dispense de l'obéissance ecclésiastique. »
Jean Charlier de Gerson essaya, en se rattachant étroite-
ment aux victorins et à saint Bonaventure, qu'il tenait en par-
ticulière estime, de donner à la mystique une base solide et
vraiment scientifique, de la présenter comme une sorte de phi-
losophie pratique de la vie, philosophie supérieure et qui ab-
sorbe l'homme tout entier. Elle consiste à acquérir la connais-
sance de Dieu par les expériences de la vie intime et à s'unir
directement à Dieu par l'exercice de la charité. La mystique,
aux yeux de Gerson, est l'art d'aimer, c'est la vraie piété ; elle
s'appuie sur la considération de la beauté divine et sur la con-
naissance de notre propre faiblesse : c'est ce qu'on nomme la
prière.
La mystique se divise en spéculative et en pratique; elle
suppose la psychologie et a pour objet le bien, de même que la
scolastique a pour objet le vrai. Gerson indiquait certains
moyens pratiques de rendre la mystique de plus en plus par-
faite, et il blâmait les ouvrages mystiques où l'on s'écartait des
doctrines des saints docteurs et des décisions de l'Église, notam-
ment celui qui lui fut communiqué par un chartreux et qui
avait pour titre : de la Parure des noces spirituelles, composé
par le prieur des chanoines réguliers de Griinthal, près de
Bruxelles, Jean Ruysbroek {doctor extaticus), mort en 1381, et
que son confrère Guillaume Jordaens traduisit en latin pour
aider à sa propagation. Il y reprenait surtout les propositions
suivantes : « L'âme arrivée au degré de la parfaite contem-
plation, non seulement voit Dieu par cette lum-ère qui est
l'essence divine, mais elle est elle-même la lumière divine;
elle perd son être propre, pour devenir conforme à l'être divin
et s'absorber en lui », etc.
Jean de Schœnhofen, disciple de Ruysbroek, essaya de jus-
tifier son maître, que plusieurs vénéraient comme 1' « organe
du Saint-Esprit » ; mais il ne put convaincre Gerson, lequel,
sans vouloir nier que le langage du maître fût susceptible d'un
V. — HIST. DE l'église. 2
18 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
sens juste, trouvait les expressions incorrectes et fautives. Son
apolof^iste avait raison en ce sens tjuo Ruysliroek combattait
résolument la secte du libre esprit et soutenait que la nature
créée ne peut jamais être absorbée dans la nature incréée.
Gerson profitait aussi de toutes les occasions, par exemple, de
ses sermons sur les souffrances du Sauveur et des drames de la
Passion, fréquents à cette époque, pour répandre l'esprit de la
vraie piété. l*ersécuté par Jean, duc de Bourgogne, il se réfugia
en Bavière et y composa, sur le modèle de Boëce et de Jean de
Tambacho, dominicain exilé (mort en 1373), les quatre livres
de la Consolation de la théologie, afin de s'animer lui-même et
d'animer les autres à conserver cette égalité d'esprit qu'enseigne
le christianisme. Après la mort du duc (10 septembre 1419),
Gerson se rendit à Lyon, où il vécut dans la retraite et dans la
société des chartreux, tout entier aux exercices de la piété et à
l'instruction religieuse des enfants. Il expliqua le Cantique des
cantiques, composa d'autres écrits, et mourut en grande répu-
tation de sainteté (12 juillet i429j.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 219.
Outre les ouvrages cités, V, g 317, voy. Chr. Schmidt, Essai sur les
mystiques du quatorzième siècle, Strassb., 1830, et Études sur le
mysticisme allemand, dans les Mémoires de l'Académie des sciences
morales et politiques, Par., 1847. Die Gottesfreunde im XIV lahrh.,
léna, 1854 et suiv. (Beitr. zur theol. Wiss. v. Reusz u. Cunitz V); iNikol.
V. Basel, Leben u. ausgewaehlte Schriften, Vienne, 1866; Galle, Geistl.
Stimmen aus d. M.-A., Halle, 1841 ; Bœhringer, K.-G. in Biograph., II
abth., m, iv; Pfeiffer, Deutsche Mystiker des XIV lahrh., Leipzig, 1845
et suiv.; W. Wackernagel, Gesch. der deutschen Lit., H, m, Bâle, 1853;
llamberger, Stimmen aus dem Heiliglhum der christl. Mystik., Stuttg.,
1837; Lasson in Ueberweg's Gesch. der christl. Philos. (1868), III,
p. 2t7 ; Preger, Vorstudien zur Gesch. der deutschen Mystiker (Ztschr.
für histor. Theo!., 1869). — Greith (évoque), die Deutsche Mystik im
Predigerorden, Frib., 1861; Gœrres, Einl. zu Heinr. Suso's Leben u.
Schriften von Diepenbrock, p. xxv et suiv.; Denzinger, Vier Bücher von
der relig. Erkenntnisz, Würzb., 1856, I, p. 328 et suiv. — Gerson
(doetor chrislianissimus), Considerationes de tlieol. mystica, Opp. III,
301-422; Trarl. de elucidatione scholaslica mysticoc theologiœ, ib.,
p. 422-428; Hundeshagen, Ztschr. f. bist. Tlieol., 1834, t. IV, i, p. 79
et suiv.; Liebner, dans les Studien und Kritiken, 1835, II, p. 277 et
suiv.; Engelhardt, de Gersone mystico (Erlanger Progr., 1822-1824);
LA SCIKNCIC, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. d9
Jourdain, Doctrina Joli. Gers, de theol. myst., Par., 1837; Schmidt,
Essai sur J. Gerson, Strassb., 1839; Ttiomassy, Jean Gerson, Par,,
1843; Schwab, Gerson, p. 325-375. — Rusbrochii Opera (Spéculum
salulis a-lerntC — Summa tolius vitae spii'itualis — In tabernaculum
Moysis, etc.), latine, per Surium, Colon., 1355, 1692. Autres ouvrages
de lui : Arnswald, Vier Schriften von Job. Rusbr. in niederdeutscher
Sprache, Hannov., 1848; Weiteres in flœmisclier Sprache edirt von
Prof. David von Lœven, Werken. Gent, 1858; Dat boec van VII Trap-
pen in den graet der gheesteliken Minnen. Dat boec van VII sloten.,
etc., 1862; Engelhardt, Hugo v. St. Victor und Job. Ruysbroeck,
Erlangen, 1838; Chr. Shmidt, Étude sur Jean Rusbr., Strassb., 1863;
Stœckl, 11, p. 1137 et suiv. Contre le livre de Ornatu spiritualium nup-
tiaruni : Gerson, Ep. ad fratrem Bartholom., 0pp. I, 59-63. Contre
Gerson : Libellus fratris Job. de Schœnovia, ib., p. 63-78. Réponse de
Gerson, 1408, Ep. contra defensionem, ib., p. 78-82; du Plessis d'Arg.,
I, 11, p. 152; Natal. Alex., sœc. XIV, c. v, a. 6, n. 3, t. XV, p. 294 et
seq.; Schwab, p. 357 et suiv.; Werner, III, p. 501 et suiv. Gerson, sur
la Passion, Ami de la religion, 26 mars 1853, p. 741-746; Joh. de
Tambacho, 0. S. D., Spéculum patientiœ de consolatione theologi*,
éd. Par., 1493; Gerson, de Consolatione theologiae libri IV, 0pp. I,
129-184; Schwab, Gerson, p. 758 et suiv.
La « Théologie allemande ». — Sociétés de mystiques. —
Tauler, Suso, etc.
220. En Allemagne, les doctrines de maître Eckhart (t. IV,
p. 220) gardèrent encore longtemps leur influence; quelques-
uns, comme l'auteur allemand inconnu d'un système de
mysticisme, essayaient de se rapprocher de la doctrine de
l'Église. La « Théologie allemande », composée probablement
dans la maison des chevaliers Teutoniques de Francfort, entre
1380 et 1430, si vantée plus tard par Luther, suivait un
panthéisme plus pratique qne logique, fondé snr l'idée du
bien. Nous y trouvons, présentées sous une forme singulière,
les propositions suivantes : « Dieu est tout et tout le reste n'est
rien; l'être fini est le rien, le péché, en tant qu'il existe par
soi, qu'il est individuel et lié à notre volonté propre. La vie
chrétienne commence par le dépouillement de la volonté
propre, en demeurant dans un état passif dans lequel on laisse
tout faire à Dieu. L'homme devient un avec Dieu par l'amonr,
cet amour en vertu duqtiel Dieu n'aime en nous que lui-
même. » Comme les vues principales de l'auteur sont erronées,
20 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
plus d'une pensée pieuse et édifiante empruntée aux anciens
mystiques y apparaît sous un jour aijsoluiuent équivoque.
Déjà du temps de Louis de Bavière et pendant l'interdit, on
voyait des ecclésiastiques et des laïques se réunir pour entrete-
nir et vivifier la vie religieuse parmi le peuple, combattre les
tendances de la secte du libre esprit et propager des écrits
édifiants. Ces réunions mystiques, encouragées par les domini-
cains, s'étendirent du nord-ouest, en suivant le cours du Rhin,
jusqu'en Bavière et en Suisse, et s'appelèrent « l'Alliance des
vrais amis de Dieu ». Il est regrettable que leurs membres,
qui pouvaient entretenir dans beaucoup d'âmes la vie reli-
gieuse, n'aient pas toujours su éviter les allures périlleuses
des sectaires.
On répandait alors les écrits d'un Bâlois surnommé l'Ami
de Dieu ; le livre des Neuf Rochers, composé par le Stras-
bourgeois Rulman Merswin, que l'augustin Jean de Schaftol-
shein, vicaire général de Strasbourg, traduisit en latin — c'était
une peinture animée des vices religieux de cette époque — mais
surtout les écrits des deux dominicains Jean Tauler (né en
1290, religieux depuis 1308, prédicateur ardent et aimé du
peuple, mort en 1361) et Henri Suso ou Seuse (de Berg),
surnommé Amandus (né en 1300, mort en 1365). Brûlants de
charité, intéressants dans leur exposé, mais non entièrement
affranchis des idées de maître Eckhart, ni par conséquent
d'expressions incorrectes, ces deux hommes ont rendu à plu-
sieurs d'éminents services et relevé la mystique allemande, qui
se transplanta jusque dans la haute Italie. Henri de Nœrdlingen ;
Conrad, abbé de Kaisersheim; beaucoup de chevaliers de Saint-
Juan et de prêtres, des religieuses en grand nombre, mais sur-
tout les nonnes d'ljnterliii(h:;n près de Colmar, d'Adelhausen à
Fribourg-en-Brisgau , d'Engelthal et de Marie Medingen, et
parmi elles les sœurs Marguerite et Christine Ebner, cette der-
nière par ses écrits (morte en 135r)), entretenaient un commerce
littéraire très actif sur des objets de la vie intérieure. Otton
de Passau, lecteur chez les carmes déchaussés de Bâle, com-
posa en {"i^V* les vinr/t-rpiatre Anciens ;\q laïque Hermann de
Fritzlar écrivit, dans un stylo pieusement naïf, ses Vies des
Saints, et Ludolphe do Saxe, d'abord dominicain, chartreux
dopuis 1330, rédigea son excellente Vie de Jésus-Christ.
LA SCIEWCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 21
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 220.
L'auteur anonyme de la Méthode d'enseignement du mysticisme,
dans Greith, loc. cit., p. 96-203. La « Théologie allemande », éditée en
partie par Martin Luther, qui la tenait pour l'œuvre de Tauler, 1516; puis
par Grell, Berlin, 1817, 1818; par Krüger, Lemgo, 1822; par Detzer,
Ed., 1827; par Troxier, St.-Gall, 1837; le mieux par Fr. Pfeiffer, Stuttg.,
1851, Leipzig, 1858. Voy. Lisco, die Heilslehrc der Theologie dlsch.,
Stuttg., 1857 ; Reit'enrath, die Deutsche Theologie des Frankfurter Got-
tesfreundes, Halle, 1863 ; Staudenmaier, Philos, des Christenthums, I,
p. 654 et suiv.; Stœckl, II, p. 1149. Cet ouvrage est autre que celui de
Berthold de Chiemsee (VII, § 365), sous le même titre. Preger (Revue
de théol. histor., en ail., 1869, p. 137 et suiv.) a donné des raisons
importantes en faveur du sentiment selon lequel le célèbre Oberlan-
dais l'Ami de Dieu serait né en 1317. A. Lutolf (Annales de l'histoire
suisse, en allem., I, p. 1-46, Zurich, 1870), et Denifle (Feuilles histo-
riq. politiq., 1875, t. LXXV, p. 25 et suiv.) ont prouvé que l'Ami de
Dieu était le fils d'un riche marchand, et non pas ce Nicolas de Bâle
qui fut exécuté en 1409, car il vécut jusqu'en 1420. On a de lui treize
écrits, dont quatre inédits : ainsi, le Livre des cinq hommes (1377),
Exhortations et Prières pendant la grande mort (1350), Histoire de la
conversion de Tauler. Voy. Bœhmer, dans le Damaris de Giesebrecht,
1865, p. 148 et suiv. Nicolas de Laufen était le secrétaire de Rulmann
Merswin (mort en 1382); il entra plus tard dans les ordres et résida
chez les Johannites du Grunen-Wœrth, à Strasbourg. Le livre « des Neuf
Rochers », attribué autrefois à H. Suso, est de Merswin. La pi'opagation
de la mystique allemande dans la haute Italie est attestée par une
lettre du dominicain Venturino, de Bologne, à Egenolf, de Strasbourg,
1336 (Quetif, I, 678). — Florentii Radewijns, Tractatulus devotus de
exstirpatione vitiorum et passionum et acquisitione v. virtutum, seu de
spiritualibus exercitiis, éd. H. Nolte, Frib., 1862. Jean Tauler, « doctor
subtilis et illuminatus », 0pp. kit., éd. Surius, Colon., 1548. « Mediilla
animse » et quelques œuvres partielles ont été éditées à part. Méditations
sur la vie pauvre de Jésus-Christ ; la meilleure édition est de Schlosser,
Frankf., 1833. Sermons, 3 vol., Frankf., 1826; Pischon, Denkmseler
der deutschen Sprache, Berl., 1840, II, p. 270 et suiv.; Schmidt, in
Herzogs Real-Encyklopsedie , XV, p. 485 et suiv.; Henricus Suso
(Seuse), Amandus, 0pp., éd. Aug. Vind., 1482, 1512 et seq.; Colon.,
1553. Sa vie et ses écrits, par Diepenbrock, Ratisbonne, 1837 et suiv.;
Geistliche Bliithen von Suso, Bonn, 1834; Patris Amandi Horologium
sapientiœ, Colon., 1856; Schmidt, der Mystiker H. Suso, Theol. Stu-
dien u. Kritiken, 1843, IV; Heinr. Amandus Leben und Scriften,
Vienne, 1863 et suiv.; Bœhmer, Damaris, 1865, p. 291 et suiv.; Freib.
22 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
Diœcesanarchiv, 1868, l. III ; Stœckl, II, p. 112!) et suiv.; Briefe Suso's,
éd. von Preger, Munich, 1872. Controverses entre lui et R. Kœhler à
Weimar, dans Ztschr. f. deutsch. Alterth., N. F., t. XIX, p. 346 et
suiv.; XX, p. 373 et suiv.; XXI, p. 89 et suiv.; Denifle, 0. Pr., Heinrich
Seuse's Schriften, Munich, 1876, t. 1, abth. I, Autres ouvrages, voyez
§ 205. Otton de Passau, lecteur chez les carmes déchaussés de Bâle,
composa en 1386 le livre « les 24 Anciens », Augsb., 1480. Hermann v.
Fritzlars Heiligenleben, ed. Pfeiffer, Deutsche Mystiker, I, Leipzig,
1846. Voy. Gervinus, Gesch. der poet. Nationalliteratur der Deutschen,
II, p. 138 et suiv. Lutlolphe de Saxe a composé une Vie de Jésus-Christ
d'après les quatre Évangiles et les Pères, puis une « Enarratio » sur les
Psaumes. Voyez encore le Buochlin von der Tochter Sion, ed. D.
Schade, Berlin, 1849.
Saints personnages des deux sexes.
221. En pratique, la mystique était alors représentée sous
sa forme la plus noble par une multitude de saintes femmes,
telles qu'Ângèle de Foligno, morte en 1309, qui retraça dans
sa Théologie de la croix le tableau de ses luttes et de ses
souffrances; Catberine de Sienne, morte en 1380, qui a laissé
des lettres, des dialogues et des révélations, et déployé un
courage viril pour la défense du Saint-Siège si souvent
opprimé, tout en blâmant hardiment les vices de la cour de
Rome; Brigitte de Suède, veuve depuis 134i, morte en 1373,
renommée pour des révélations qu'elle aurait reçues de Jésus-
Christ même, et qui ont été admises par d'excellents théolo-
giens; sa fille Catherine de Suède, morte en 1381, au couvent
de Wadstena; Catherine de Bologne, morte en 1463, connue
aussi pour ses révélations; Cathermc de Gênes, de la famille
des Fieschi, auteur de traités et de dialogues mystiques
(morte en 1474); Lidwine de Schiedam, née en 1380, morte en
1433, qui, dans un corps cruellement affligé et presque entiè-
rement détruit, mais qui reprit sa forme intacte quelques
instants seulement avant sa mort, expiait les péchés de l'Église.
Parmi les hommes, nous nommerons surtout : Laurent
.luslinien, Jean Dominici (§ 107), saint Bernardin de Sienne
(§ 207) et les frères de la Vie commune (§ 203), notamment le
second supérieur Florent, puis Thomas Hœraerken, surnommé
à Kempis, prêtre et sous-prieur des augustins au mont Agnès,
LA SCIENCE, l'art ET LA VIR RELIGIEUSE. 23
près de Zwoll, mort en 1471, et enfin le pieux chartreux Denis,
mort en 1471.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N« 221.
Angela Fulgin. : Acta SS., 4 jun. Cathar. Sen. (cf. § 42), canonisée
en 1461 : Cliavin de Malan, Histoire de sainte Catherine de Sienne (en
franc, et en allem., Ratisb., 1847); Luigi iMontella, Vita di S. Cat. da
Siena, Napoli 1854 ; Alf. Capecelatro (Orat.), Storia di S. Cat. da Siena e
del Papato, del suo tempo, Nap., 18Ö6, 2 vol., Fir., 1859; en allem.,
Würzb., 1873; Alcuni miracoli di S. Cat. da Siena secondo che sono
narrati da un anonimo suo contemporaneo, Siena, 1862; Hase, Kath. v.
Siena, ein Heiligenbild, Leipzig, 1804 (protestant et rationaliste). Bri-
gilla Suec, ou plutôt Birgitta de Birger : voy. Fred. Hammerich, S'*
Birgitta, en allem., par Michclseu, Gotha, 1872 ; Acta SS., t. IV. Oct.,
p. 368-360. Sa canonisation, déjà introduite sous Urbain VI, fut accom«
plie en 1391 par Boniface IX. En 141.T, les ambassadeurs suédois en
demandèrent à Constance la conürmation. Jean XXIII l'accorda le 2 fé-
vrier 1413. Elle donna lieu à des doutes et provoqua un nouvel examen
de ses Révélations, qu'elle avait elle-même déjà remises à Urbain V.
Gerson composa dans le mois d'août son <c de Probatione spirituum »,
0pp. I, 37-43. Plus tard (1419), Martin V renouvela à Florence sa cano-
nisation. Aucun des décrets de canonisation, bien qu'ils mentionnent
les visions et révélations dont elle fut favorisée, n'avait approuvé les
Révélations, telles qu'on les possédait par écrit (éd. Antwerp., 1611 ;
Colon., 1628; Monach., 1680; en suédois : Heliga Brittigitâs Uppen-
barchoen. Stock., 1861). Vers 1433, quelques moines du couvent de
Wadstena, fondé par la sainte, adressèrent au concile de Bâle divers
documents, à l'occasion des Révélations, combattues par plusieurs et
adoptées par d'autres. A Bâle, les opinions étaient partagées. Jean de
TuiTecremata soutint les 123 passages attaqués, ainsi que l'ensemble
(Mansi, XXX, 698-814); mais le concile n'alla pas plus loin. En 1446,
plusieurs Suédois ürent accréditer à Rome l'apologie du livre par Tur-
recremata; il fut reconnu qu'il pouvait servir à l'édification, mais qu'on
n'était pas obligé de l'admettre « de fide ». Bened. XIV, de Canonis. SS.,
lib. II, c. XXXII ; III, c. lui; Schwab, p. 364-367; Héfelé, Vil, p. 80 et
suiv., 539 et suiv. Cathar. Suec, morte en 1381, canon, en 1474 :
Acta SS., 20 mart. Cathar. Bonon., morte le 9 mars 1463, canon, en
1712 : Revelationes S. Cath. Bon. (écritesen 1438), éd. Bon., 1511, 1536;
Venet., 1583. Cathar. Januens. : Martyrol., 22 mart.; Marabotti, Vita
Cath., jan. 1551 (morte le 14 sept. 1510). Lidwina, morte en 1433 : Acta
SS., 14 avril; Schmœger, das Leben der gottseligen Anna Katharina
Emmerich, l, p. 165 et suiv. — Laurent. Justinian. (Vita, par Bern.
Giustiniani, ambassadeur vénitien auprès de Sixte IV; Acta SS., die
24 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
8 jan.) 0pp., éd. Basil., 1560; Venet., 1606, 1751 ; Colun., 1616. Ber-
nardin. Sen. : Wadding, Annal. Min., t. IV, V ; Florent. Radew., Trac-
latulus dévolus, etc. (§ 220); Thoin. a Kempis, Opuscula (Soliloquia —
Hortulus rosarum — Valus liliorum — Hospitale pauperum — de Soli-
tudine et Silentio — Hymni et Cantica — Vitae beatorum), éd. Henr.
Sommalius, S. J., Antw., 1600-1607, 1615; Colon., 1728, 1757; éd.
Kraus, Trev., 1868, Sur le livre de l'Imitation de Jésus-Christ, imprimé
plusieurs centaines de fois et traduit en sept langues (Weigl, Ratisb.,
1837), voy. V, § 356. Ouvrages à consulter sur la controverse : voyez
encore Fabric, Bibl. med. et inf. latin., s. h. v.; du Pin, de Auct. libri
de Imit. Christi, in 0pp. Gers., 1, 121; Amort, Scutum Kempense,
appendice à son édition, Colon., 1757, et Deductio critica, Aug. Vin-
del., 1761 ; Schrœck, K.-G., t. XXXIV, p. 313 et suiv.; Gregory, Mémoire
sur le véritable auteur de l'Imit. de J.-Chr., revu par le comte Lanjui-
nais. Par., 1827, trad. par Weigl, Sulzb., 1832 ; Silbert, Gersen, Gerson
u. Kempis, welcher ist Verfasser? Vienne, 1828 ; Gregory, Bist, du
livre de l'Ini. de J.-Chr. et son véritable auteur, Paris, 1842 et seq.,
2 vol.; Baehring, Thomas v. Kempen, Berlin, 1849; Malou, Recherches
bist, et critiq. sur le véritable auteur de l'Im., Paris et Tournay, 1858
et suiv.; Tub. Theol. Quartalschr., 1859, p. 319 et suiv.; Mooren, Nach-
richten über Thomas v. K., Crefeld, 1855; Nolte, zur Gesch. des
Büchleins V. d. Nachfolge Christi (Scheiner u. Hieusle's Th. Ztschr.,
Vienne, 1855, VII, h. 1, 2); F.-X. Kraus, dans Augsb. Allg. Ztg., 1872,
n° 201 ; Dionys. Carthus., Comment, in libr. sacros, Colon., 1530 et
seq.; Com. in Dion. Areopag., Colon., 1536; Acta SS., 12 niartii,
p. 245 et seq.
Morale et droit eanou.
222. La morale doit d'importants services aux auteurs sui-
vants : Jean Gerson, saint Antonin de Florence, un franciscain
du quatorzième siècle connu sous le nom d'Astesanus, auteur
d'une casuistique fort en vogue et intitulée Swnma Astesana;
le dominicain Barthélémy de Saint-Concordio, à Pise, mort en
1317, autour d'un ouvrage analogue (Siimma Pisanella,
Bartholina), dont le franciscain Angélus, mort on 1495, a
extrait la Summa Angelica, où les cas sont rangés dans l'ordre
alphabéti(]ue. L'ordre des Mineurs surtout a fourni beaucoup
de casuistes, entre autres Jean-Baptiste Trovamalo {Summa
Rosella), Jean-Baptiste Salvis, Pacifico, etc. Pierre Schott,
chanoine de Strasbourg, mort en 1499, composa différentes
Questions sur la conscience.
LA SCIENCE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 2o
Dans le droit canon même, la casuistique occupait le premier
rang; on attachait une grande importance aux ouvrages prati-
ques et détaillés où des sujets choisis étaient traités à part.
Un des auteurs saillants fut Jean Andreae, mort en 4348,
professeur renommé de Bologne; il travailla sur l'histoire de
la littérature juridique, expliqua en particulier les décrétales de
Boniface VIII, et composa divers ouvrages estimés. Son école
produisit : Azo de Ramaughis, son fils Bonincontrus , son
disciple Jean Calderinus (mort eu i36o), Paul de Liazariis
(mort en 1356). On comptait encore parmi les canonistes de
marque : Pierre Bertrand!, professeur des deux droits avant
son épiscopat, mort en 1331; Albérie de Rosate; Bartole de
Sassoferrato, mort vers 1359 ; Boniface de Mantoue, professeur
à Avignon en 1352; Jean de Lignano, k Bologne, mort en 1383;
Baldus de Ubaldis, mort à Pavie en 1400; Nicolas Eymeric,
dominicain et inquisiteur espagnol (vers 1393); Pierre de Ancho-
rano, inorten 1416 ; son disciple Antoine Butrio, mort en 1408;
Jean d'Imola, mort en 1436; Nicolas de Tudeschis, archevêque de
Palermo, mort en 1443; les cardinaux Zabarella et Turrecre-
mata; André de Barbatia, mort en 1479; Alexandre Tartagnus,
mort en 1477, disciple de Jean d'Anagni, mort en 1457.
L'Italie continuait de fournir la plupart des canonistes. Eu
Allemagne, Henri d'Odendorp, de Cologne, recteur de l'univer-
sité de Vienne en 1385, écrivit sur quelques parties du Corpus
juris canonici; il en fut de même de plusieurs autres profes-
seurs de droit canon, dont un grand nombre déjà apparte-
naient à la classe des laïques.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 222.
Jean Gerson, Definitiones terminoruin ad theologiam moralem per-
tinentium; St. Antonin, Summa theologica. Cf. Natal. Alex., ssec. XV,
c. V, a. 4, t. XVII, p. 337-339 ; Summa Pisanella, éd. 1473. Canonistes :
Natal. Alex., t. XV, p. 289 et seq., sœc. XIV, c. iv, art. 't; t. XVII,
p. 339 et seq., saec. XV, c. iv, a. 3, a. 2, p. 331 ; Schulte, Lehrb. d.
K.-R., 2« éd. (1868), p. 73 et suiv., 84 et suiv.; Lederer, der span.
Card. Joh. v. Turrecremata, Frib., 1879. Sur Odendorp, Aschbach,
Gesch. d. "Wiener Univ., p. 113 ; comp. p. 430.
26 HISTOIRE üE l'Église.
Li'hunianisme.
Les études classiques.
223. Le réveil des études classiques introduisit dans le monde
une sorte de puissance nouvelle, en relevant l'éclat de la faculté
des arts et en menaçant de supplanter bientôt la scolastique et
la mystique. La seconde moitié du quinzième siècle s'appelle
le temps de la Renaissance, de la restauration des sciences et
des arts, du renouvellement des études classiques et de l'esprit
antique. Cet essor est souvent attribué aux Grecs fugitifs de
Constanlinople : la vérité est que les études classiques n'avaient
jamais été complètement interrompues; du moins on lisait, on
employait beaucoup les classiques latins, ainsi qu'on le voit
par Alcuin, Jean Scot Érigène, llroswitha, Gerbert, Abailard,
Jean de Salisbury, Raimond Lulle, Roger Bacon; par les
hynmcs, les chants, les distiques imités des anciens poètes
romains ; par les traductions des ouvrages d'Aristote, de Jean
Damascène et d'autres Pères. Seulement ces études n'étaient
pas autrefois cultivées dans une si large mesure que depuis;
la scolastique se souciait moins de l'élégance que de la pré-
cision du langage, moins de la forme que du fond. Une fois
le système trouvé, il était plus facile et plus avantageux de
s'occuper de la délicatesse du style, de la rondeur des périodes,
qui, dans la science, viennent au second rang et non pas au
premier. Le moyen âge, du reste, avec ses nationalités encore
jeunes et vigoureuses, sentait moins le besoin d'une littérature
classique : il avait sa poésie populaire, ses institutions accom-
modées au génie de l'époque. Mais (juand l'esprit chrétien se
fut affaibli chez un grand nombre, on songea à combler les
lacunes, en faisant un usage plus complet des œuvres des
Grecs et des Romains et en les exploitant dans de plus vastes
proportions. Si l'on avait par trop négligé les études philolo-
giques, surtout dans les universités, on tomba bientôt dans
l'autre extrême : on les exalta outre mesure, on déprécia les
travaux sérieux des premiers Ages du christianisme, on
remplaça la connaissance des idées par la comiaissance de la
lettre. Ces deux tendances, du reste, devaient se produire, pour
arriver enfin k se concilier entre elles, à se compléter mutuelle-
ment et à s'imprégner l'une l'autre do leur esprit.
LA SCIEWCE, l'art ET LA VIE HELIGIEUSE. 27
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 223.
Tiraboschi, Sloiùa délia letteralura ital., Modeiia, 1772 et seq., t. V,
VI. — Mœhler sur Erhard (Gesch. des Wiederaufblühens der wissen-
chaftl. Bildung, Magdeburg, 1827-1832, 3 vol.), dans les Giesz. lahr-
büchern für Theo!., 1, p. 173 et suiv.; Mœhler-Gams, III, p. 121 et
suiv,; Stœckl, t. III. — Meiners, Lebensbeschreibungen berühmter
Maenner aus der Zeit des Aufblühens d. Wiss., Zürich, 1796 et suiv.,
3 vol.; lagemann, Gesch. d, freien Künste u. Wissensch. in Italien,
th. III, abth. II, III ; Heeren, Gesch. d. classischen Literatur im Mittel-
alter (Hist. Werke, th. IV, V); Voigt, die Wiederbelebung des classis-
chen Alterthums oder lahr. des Humanismus, Berlin, 1859; Schrceder,
das Wiederaufblühen der classischen Studien in Deutschland, Halle,
1864.
Les humanistes en France et en Italie. — Dante. — Pétrarque.
— Boccace. — Chrysoloras. — Traductions.
as^. Dès le quatorzième siècle, en France comme en Italie,
on constate un redoublement d'ardeur pour les études clas-
siques. En France, Charles V et les princes firent traduire en
leur langue beaucoup d'ouvrages d'Aristote, de Cicéron, de
Sénèque, de Tite-Live, d'Ovide, etc., et Nicolas "de Clémange
fut un excellent représentant de la culture classique. En Italie,
Dante Alighieri, qui revêtait la théologie de saint Thomas de
la brillante parure de Virgile, ouvrit une voie où plusieurs
allaient entrer à sa suite. Non seulement il créa, dans les trois
parties de sa Divine Comédie, une langue poétique avec le
dialecte de Florence et fournit un chef-d'œuvre de poésie
chrétienne qui excita l'admiration générale; il encouragea
encore, par ses lettres et ses opuscules, l'étude des anciens
auteurs latins, et travailla pendant son exil (1301-1321) à la
répandre en diverses localités d'Italie.
A côté de Dante se place François Pétrarque, mort en 1374,
lecteur assidu de Cicéron et de Virgile; il établit des biblio-
thèques classiques, et apprit encore, dans les dernières années
de sa vie, la langue grecque auprès du moine Barlaara;
il possédait Homère dans une traduction faite par Léonce
Pilate. Il doit la réputation de poète dont il jouit maintenant à
ses magnifiques poésies itaUeimes, tandis qu'il était surtout
célèbre auprès de ses contemporains par son épopée latine sur
la seconde guerre punique. Un de ses plus fameux disciples
28 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
fut Jean de Ravenne, qui résida à Padoue et à Florence, et
passait pour un des premiers grammairiens.
Ce que Pétrarque avait fait pour la littérature latine, Jean Boc-
cace, né en 1313 à Florence, mort en 1375, le fit pour la langue
grecque. Initié à cette langue par Léonce Pilate, il obtint en
1350 qu'une chaire de littérature grecque serait érigée à Flo-
rence pour ce savant, transcrivit lui-même les principaux ou-
vrages des auteurs helléniques, et composa, pour en faciliter
l'étude, une sorte de mythologie grecque et romaine réduite en
système. Dans la langue italienne, il fut le premier prosateur par-
fait; son Décaméron est une satire mordante, farcie d'obscénités.
La propagation de la littérature hellénique fut ensuite favo-
risée par plusieurs Grecs fixés en Italie , entre autres par
Manuel Chrysoloras, qui y était venu d'abord pour une ambas-
sade, et s'y fixa à partir de 1395. il enseigna le grec à Rome, à
Florence, à Venise et à Milan, accompagna à Constance le car-
dinal Zabarella, et y mourut le 15 avril 1415. Il avait une foule
de disciples remarquables, entre autres le camaldule Ambroise
Traversari, Léonard Bruni d'Arezzo (1369-1444), Poggio Brac-
ciolini l'Aîné (1380-1460), François Fileifo de Tolentino (^398-
^48l), Strozzl (1372-1462). On traduisit en latin non seulement
les ouvrages des Pères de l'Église, mais encore les discours de
Démosthène et autres ouvrages grecs. De son côté, Démétrius
Cydonius (mort après 1384) traduisit des ouvrages latins en
grec, et se familiarisa à Milan avec la théologie des Occiden-
taux.
OUVRAGES A CONSULTER SL'R LE N° 224.
Témoignages sur les études classiques en France, dans Schwab,
(icrson, p. 70 et suiv. De Dante (§ 11), Opère minori con illustrazioni
e notedi PiclroFraticelli, Fir., 1854, puis 1857 et suiv. (avccCanzonierc,
Rinne sacre, Poesie latine, de Vulgari Eloquio, de Monarchia, de Aqua
et Terra, Convitto, Epistolae latina"). Voyez encore, sur le caractère sou-
vent attaqué de Dante, W. Bergmann, les Prétendues Maîtresses de
Dante, 1870; Allg. Zeit. Beil., du 11 fév. 1870. — Hettinger, Grundidee
und Charakter der gœttlichen Komœdie, Bonn, 187ß. De Pétrarque :
Africa; Epistola?; Opp., ed. Basil., 1434, 1.^81, Lugd., 1601, 2 vol. m-[°;
Sonnetti, canzoni, trioutl, en allem., par Fœrster, 2*= éd., Leipzig, 1833.
Carlo Homussi, Petrarca a Milano (13Ö3-1368), Milano, 1874. De Boc-
cace : de Genealogia deorum, libri XV, Basil., 1532, in-f" ; Decamc-
rone, en allem., par Witte, 3<= éd., Leipzig, 18o9, 5 vol. Les Grecs en
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 2*)
Italie : Tiraboschi, t. VI, p. 346 et seq. — Fabric, Bibl. gr., éd. Harl.,
XI, 409 et seq.; Migne, PP. gr.. t. CLVI, p. 9 et seq.; Demetr. Cydon.,
Fabric.-Harless, Bibl. gr., XI, 398 et seq.; Migne, t. CUV, p. 825 et seq.
Éclat des études classiques en Italie.
225. Bientôt, en Italie, l'étude de la littérature classique
devenait une affaire nationale : on fonda des bibliothèques, on
déterra ou l'on acquit de vieux manuscrits ; les princes et les
cités rivalisaient pour attirer auprès d'eux les plus illustres sa-
vants et pour les compter au nombre de leurs amis. Cosme et
Laurent de Médicis, savants eux-mêmes, érigèrent des biblio-
thèques et fondèrent l'Académie de Platon. A côté de Florence,
Rome était déjà sous Eugène IV un célèbre foyer des Muses ;
elle le fut encore davantage sous Nicolas V. Celui-ci manda à
Rome Nicolas Perotti, Théodore Gaza, puis François Filelfo,
Grégoire Tiphernas, Candide Decembrio, etc., fit traduire la
plupart des écrits d'Aristote et donner des leçons sur les clas-
siques. Déjà au concile de Florence, plusieurs Itahens prouvè-
rent que la langue grecque leur était familière ; déjà avant la
prise de Constantinople, Jean Argyropule (mort en 1486) était
allé à Florence, et plus tard à Rome, où il avait donné des
leçons publiques sur Thucydide.
Une incroyable ardeur éclatait dans tous les domaines de la
science, même en mathématiques et en astronomie : déjà
Nicolas de Cusa en était venu à soutenir le mouvement de la
terre autour du soleil. Les études prirent un nouvel essor
lorsqu'un grand nombre de Grecs vinrent se fixer en Italie, ap-
portant avec eux des manuscrits précieux. Ils furent partout
accueillis avec empressement. On remarquait parmi eux Cons-
tantin Lascaris, qui se réfugia en Italie en 1454, enseigna à
Milan , à Naples et à Messine, et composa une grammaire
grecque (mort vers 1493), tandis que son fils Jean (mort en
1.535), ambassadeur de Florence auprès du sultan, achetait de
précieux manuscrits grecs; le cardinal Bessarion, qui traduisit
Aristote, tout en lui préférant Platon, et fut remarquable comme
théologien et comme instigateur de toute entreprise savante.
La philosophie platonicienne avait alors pour principal or-
gane Georges Gémiste Pléthon, mort en 1455, auquel se ratta-
cha Marsile Fiein, chanoine de Florence, mort en 1499. Firin
30 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
écrivit une élég-auto apologie du christianisme et un grand
ouvrage sur l'immortalité de l'âme; mais il poussait trop loin
le culte de Platon. Les platoniciens comptaient aussi parmi
eux le savant Pic de la Miiandole (mort en 1494.). On vit repa-
raître l'ancienne querelle des platoniciens et des aristotéliciens ;
des académies d'Aristote furent érigées en face des académies
de Platon, surtout par Georges de Trébizonde (mort en 1486)
et Théodore Gaza, lequel fut combattu par Michel Apostolius,
et défendu par Andronic Caliisti et Bessarion.
Bientôt les écoles philologiques et philosophiques de l'Italie
furent fréquentées par des hommes de tous pays, et ses savants
exercèrent une hifluence prépondérante. Tel fut, entre autres,
Ange Politien (mort en 1494), disciple d'Argyropule et de
Marsile Ficin , renommé comme philosophe et humaniste ,
connue traducteur et poète. De nombreux poèmes furent com-
posés en italien et en latin : les plus remarquables étaient ceux
du Napolitain Jean Sannazar, né en J458, mort en 1530,
auteur du de Partu Virginis , d'épigrammes, d'élégies,
d'églogues, de sonnets, etc.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 22Ö.
Boerner, de Doctis Hominibus. Grsecis literarum grœc. in Ilalia
instauratoribus, Lips., 17ol; Sieveking, Gesch. der Platon. Akademie
zu Florenz, Gœttingen, 1812; Roscoe, Lorenz von Medici, trad. de
l'anglais, Vienne, 1817; Reumont, Lorenzo de' Medici, Leipzig, 1874,
2 vol.; Slœckl, III, p. 136 et suiv.; Job. Argyrojju!., Migne, t. CLXl,
p. 1 et seq.; Gemist. Pletbo, Migne, t. CLX, p. 773 et seq.; Gasz, Gen-
nade et Plétbon, Breslau, 1844; Constantin Lascaris et son lils Jean,
Migne, t. CLXI, p. 007 et seq.; Bessarion, ib., p. \ et seq. Controverse
sur Platon et Aristote : du Plessis d'Arg., 1, i, p. 133 et seq.; Georges de
Trébizonde et Théodore Gaza, Migne, t. CLXl, p. 74;i et seq., 977 et
seq. AngeM Poliliani Opp., ed. Rasil., 15;i4, in-f"; Bonafous, de Angeli
Politiani vita et operibus, Par., 1846; Marsil. Ficin., de Relig. christ,
et de Fidci pietate— Tbeologia; PlatoniccP de ininiorlabtate animorum
libri XVIIl, Opp., ed. Paris., 1641 , in-f», I ; Dreydorf, das System des
Joh. Picus Mirand., Marb., 1858.
L'imprimerie.
22C. L'Allemagne fut bientôt en mesure de rivaliser avec
l'Italie. Pnissannnent relevée .sons le rapport de la moralité et
de la civilisation par les encouragements et les réformes de
LA SCIEXCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 31
Nicolas de Cusa et par les excellentes écoles des frères de la
Vie commune, elle rendit aux antres nations d'immortels ser-
vices par l'invention de l'imprimerie (vers 1440). Cet « art
merveilleux », que les Allemands, dès 1462, propagèrent
dans tous les autres pays, hâtait en le généralisant le mou-
vement civilisateur et favorisait les relations littéraires; on le
regardait moins comme une branche de l'industrie que comme
un instrument de propagande chrétienne : aussi le clergé
l'appuyait-il de tout son pouvoir et accordait même des in-
dulgences à ceux qui le répandaient. Dès 1467, une première
imprimerie était établie à Rome par les deux Allemands Pan-
narz et Sweinheim, qui avaient donné en 1465, au couvent de
Subiaco, la première édition de Lactance. On eut bientôt, grâce
surtout à la protection de Sixte IV, de nombreux ouvrages im-
primés sous mille formes diverses; jusqu'en 1500, Rome seule
imprima 9-25 ouvrages.
Ainsi se trouvait écarté le principal obstacle des études, la
disette des livres et le travail pénible de leur transcription. On
éprouvait partout le désir de s'instruire, de fonder des établis-
sements d'instruction , d'améliorer les hautes et moyennes
écoles ; partout on rivalisait d'ardeur pour les travaux scienti-
fiques et artistiques. L'Italie faisait de la nouvelle invention le
plus bel usage : ses imprimeries, celles de Venise surtout, four-
nissaient d^excellentes éditions de classiques et de Pères de
l'Église, d'orateurs, de poètes, de philosophes, de théologiens.
L'Allemagne ne demeurait pas en arrière : plusieurs villes,
telles qu'Augsbonrg, Nuremberg, Cologne, comptaient plus
de vingt imprimeries. Dans la librairie allemande, le com-
merce des manuscrits, depuis longtemps pratiqué, surtout dans
les grandes villes,, où l'on avait déjà satisfait aux besoins du
peuple, se continua dans de plus larges proportions. L'art de
la lecture se propagea rapidement dans la classe populaire.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N° 226.
Janssen, Gesch. des deutschen Volkes, I, p. 5 et suiv,, 13 et suiv.,
227 ; surtout p. 72 et suiv., 81, 89, 98, 106, 124.
L'humanisme en Allemagne.
2'27. Beaucoup d'Allemands, surtout de Westphaliens, avaient
32 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
reçu, à Deventer et plus loin encore, en Italie, une bonne édu-
cation classique : nous nommerons surtout Maurice de Spiegel-
berg et Rodolphe de Langen, qui entretenaient de loin (entre
1460 et U70) une correspondance littéraire active avec leurs
amis d'Allemagne. Tous deux, le premier comme prévôt d'Em-
merich, le second comme prévôt de la cathédrale de Münster,
consacrèrent leurs riches revenus à l'amélioration des écoles.
Sous ce dernier, le premier poète latin qui écrivit avec goût en
Allemagne, l'école de la cathédrale de Münster atteignit à une
grande célébrité ; il en fut de même, sous le premier, de l'école
de la collégiale d'Emmerich : elle fut longtemps dirigée par
Alexandre Hégius (mort en 1498, à Deventer), qui avait été
formé à Deventer et employé au gymnase de Wesel, dans le
Bas-Rhin (1469-1474). Cet homme exempt de prétentions s'est
acquis de grands mérites par la correction des livres et des
méthodes d'enseignement; il avait pour principe que toute
érudition est funeste quand elle s'obtient au détriment de la
piété. Lui, ainsi que d'autres savants, fut beaucoup redevable
au Frison Rodolphe Agricola (né en 1445, mort en 1485), qui
résida tour à tour en Italie, à Heidelberg et à Worms, auprès de
l'évècjue Dalberg. Versé dans la plupart des sciences, célébré
comme un second Virgile pour sa latinité classique, il était
profondément religieux, et mourut sous l'habit de Saint-Fran-
çois.
L'institut de Deventer possédait encore Antoine Liber et le
Westphalicn Louis Dringenberg. Ce dernier releva l'école de
Schlettstadt, où l'on enseignait l'histoire du pays et les clas-
siques. Cette école produisit Crato Ilofmann et Jacques Wimp-
feling (né en 1450). Wimpfeling, souvent acerbe et emporté
dans son langage, mais désintéressé et toujours disposé au
bien, disait avec justice que la vraie réforme de l'Église et de
l'État devait commencer par une meilleure éducation de la
jeunesse ; il rendit tant de services comme auteur pédagogique,
qu'il fut surnommé l'éducaleur do l'Allemagne.
Le Westphalien Jacques llorlenius éleva considérablement le
niveau des écoles dans la petite ville de Frankenberg (Hesse);
on ne doit pas de moindres serviros à ses deux compatriotes
Conrad (looienius et Timanus Cumener. Adam Polken donna
dès 1496 des leçons de grec à Xanten qui était en relation
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 33
avec Wesel, et il enseigna plus tard à Cologne, dans une des
onze écoles latines annexées aux collégiales de cette ville. Il
vivait là auprès de son parent Jean Potken, prévôt de Saint-
Géréon, excellent orientaliste, connu pour avoir fait imprimer
en Europe le premier livre éthiopien.
A l'université de Cologne, la philologie grecque et orientale
était représentée depuis 1484 par l'Italien Guillaume Raimond
Mithridates. En 1487, André Cantor, de Grœningen, s'appliquait
à améhorer l'étude de la langue latine; en 1491, Jean Césaire,
de Juliers, celle de la langue grecque. A Erfurt, les études clas-
siques avaient été introduites par Jacques Pubhcius, de Flo-
rence, et par Pierre Luder; ce dernier les enseigna aussi à
Heidelberg. La faculté des arts d'Ingolstadt fut surtout rede-
vable de sa réputation à Conrad Celtes, de Franconie, qui,
après avoir enseigné à Leipzig, à Erfurt et à Rostock, redevint
simple étudiant en Italie, professa ensuite à Vienne (1497), et
mourut en 1508; puis à son disciple Jacques Locher, surnommé
Philomusos. Depuis 1457 déjà, on expliquait les classiques grecs
à l'université de Vienne, alors très florissante.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 227.
Hagen, Literar. Verliseltnisse Deutschlands im Ref.-Zeitalter, Erlan-
gen, 1841, t. 1; Cornelius, die Mùnster'schen Humanisten, Münster,
1851 ; Tresliug, Vita et Mérita Rud. Agricolœ, Grœning., 1830; Ritter,
Gesch. der Philos,, IX, p. 201 et suiv.; Raumer, Gesch. der Psedagogik,
II, p. 261 et suiv.; Janssen, I, p. 49 et suiv. Sur Hegius, Butzbabch's
Wauderbüchlein, ed. Regensb., 1869, p. 148 et suiv.; Erhard, Gesch.
des W'iederaufblühens, I, p. 411 et suiv.; Janssen, I, p. 51 et suiv.;
Klüpfel, de Vita et Scriptis Conradi Gelt., Frib., 1813-1829, XII, Partie.;
Wiskowatoff, Jacob Wimpfeling, Berlin, 1867; B. Schwarz, J. Winipf.,
Gotha, 1875; Hist.-pol. Bl., t. LXI, p. 593-613; t. XLIX (1862), p. 280-
293. Sur Pierre Luder, Wattenbach, dans Mone, Ztschr. lur die Gesch.
des Oberrheins, t. XXII ; Dillenburger, Gesch. des Gymnasiums zu Em-
merich., ibid., 1846; Hsehle, der schwaebische Humanist Jacob Locher
(1471-1528), Programm., Ehingen, 1873 et suiv.
Sociétés savantes en Allemagne.
228. L'Allemagne vit aussi un grand nombre de corporations
savantes se former dans son sein. En 1491, Conrad Celtes insti-
tua à Mayence une « Société littéraire rhénane », qui réunissait
V. — msT. DE l'église. 3
34 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
des savants de toute espèce. Présidée par le prince-archevêque
Dalberg, elle comptait parmi ses membres le juriste Ulrich
Zasius, Jacques Wimpfeling, les patriciens Pirkheimer de Nu-
remberg et Conrad Peutinger d'Augsbourg, Henri Bebel de
Tubingue, Jean de Trittenheim (Trithemius), né en 4462, etc. :
tous ces hommes correspondaient entre eux et s'appuyaient
mutuellement dans leurs entreprises. Celtes fonda plus tard, à
Vienne, la a Société du Danube ». En i502, Aide Manuce établit
à Venise une société savante qui devait être un centre de ral-
Hement pour les érudits d'Allemagne et ceux d'Italie. Trithème,
abbé des bénédictins de Sponheim (1483-1503), qui n'était étran-
ger à aucune science, institua une académie dans son couvent.
A l'entendre, les classiques étaient le moyen le plus efficace pour
cultiver les forces de l'esprit et pour faire avancer les sciences
chrétiennes, surtout l'étude de la Bible et des saints Pères.
Les établissements scientifiques, puissamment encouragés
par les autorités municipales, obtinrent bientôt de riches biblio-
thèques et de nombreux legs. Les études savantes florissaient
surtout à Nuremberg et à Augsbourg. A Nuremberg, dès
4471, les mathématiques et la physique prirent un grand essor,
grâce à Jean MuUer Regiomontanus (mort en 4476), élève de
l'astronome Georges de Puerbach, à Vienne (mort en 4464),
puis au cosmographe et navigateur iMartin Behaim, comme au
généreux conseiller Bernard Walther. Les belles-lettres étaient
également cultivées avec ardeur, surtout par Jean et Willibald
Pirkheimer, par le prévôt Jean Kresz et par Jean Cochlée. A
Augsbourg, Conrad Peutinger (né en 4465); à Strasbourg,
Geiler de Kaisorsberg, les chanoines Thomas Wolf et Pierre
Schott, Jérôme Gebweiler et Beatus Rhenanus, appelés de
Schlettstadt, s'adonnaient à l'érudition.
Des femmes mêmes, comme Marguerite de Staffel, dans le
Rheingau (morte en 1471), s'appliquaient à la lecture et à l'imi-
tation des classiques. Jean Reuchlin fut de tous celui qui exerça
la plus grande influence sur les savants d'Allemagne. Né à
Pforzheim en 4455, initié à la langue grecque par des Grecs de
naissance résidant à Paris, il professa à Bâle, publia un diction-
naire latin {Breviloquus), apprit l'hébreu auprès de Jean Wes-
sel, se perfectionna dans le grec sous la direction d'Andronic
Contoblacas, se rendit à Orléans en 4479, à Poitiers en 4480,
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 35
pour étudier les deux droits, enseigna dans ces deux villes le
grec et le latin, et composa une grannmaire grecque pour
l'usage de ses auditeurs. Promu docteur en l'un et l'autre droit
à Tubingue, il remplit les fonctions de juriste auprès du pieux
Eberhard, comte de Wurtemberg, l'accompagna dans ses
voyages en Italie, devint son ambassadeur à Vienne, et fut
ensuite pendant onze ans juge de l'Alliance de Souabe, mais
toujours protecteur des sciences. Plus tard encore, il rentra
dans l'enseignement et professa à Tubingue (mort en d522).
Le nombre des humanistes célèbres se multipliait rapidement.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 228.
Aschhach, die frühei-en Wanderjahre des C. Celtes und die von ihm
errichteten gelehrten Sodalitœten (Sitz. -Berichte der Wiener Akade-
mie, Philos. -hist. Gl., t. LX, p. 75 et suiv.. Vienne, 1868); Heerwagen,
zur Gesch. der Nürnberger Gelehrtenschulen von 1 483-1 S26, Pro-
gramm., Nürnb., 1861; Binder, Charitas Pirkheimer, Frib., 1873;
Herberger, Conr. Peutinger (Jahresbericht des hist. Vereins für Schwa-
ben und Neub., 1849 et 1830); Otto, Joh. Cochlseus der Humanist.,
Breslau, 1874; Rœhrig, die Schule zu Schlettstadt (Illgens Ztschr.
für hist. Theol., Leipzig, 1834, IV, n. 2, p. 199 et suiv.); Horawitz,
Beatus Rhenanus, Sitz. -Berichte der Wiener Akademie der Wissensch.,
Philos.-hist. GL, 1870-1872; Geiger, Beziehungen zwischen Deutsch-
land und Italien zur Zeit des Humanismus (Müllers Ztschr. für deutsche
Culturgesch., Hannover, 1875); Fiedler, Peurbach und Regiomontanus,
Leobschütz, 1870; Ziegler, Regiomontanus, Dresde, 1874; MayerhofT,
Reuchlin und seine Zeit, Berlin, 1830; Lamey, Joh. Reuchlin, Pforz-
heim, 1833; L. Geiger, Joh. Reuchlin, Leipzig, 1871. De Reuchlin :
Rudimenta linguse hebraicœ, Pforzheim, commencement de 1306; de
Accentibus et Orthograph. linguae hebr., 1306; de Verbo mirifico
libri III, Tubing., 1514 et seq.; de Arte cabbal., Hag., 1517.
Ërasxne. — L'humanisme en France, en Angleterre et en
Espagne.
229. Plus illustre encore fut Dé.siré Érasme, né à Rotterdam
en 1467. Sa renommée s'étendait dans tous les pays. Après
avoir achevé ses études chez les frères de la .Vie commune, il
s'appropria par la lecture le style de Cicéron, publia des édi-
tions de classiques et de saints Pères, écrivit avec élégance
plusieurs ouvrages latins, et acquit une haute célébrité par ses
bons mots, par ses satires contre les moines et les abus qui
36 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
régnaient dans l'Kglise, par sa culture classique, par les rela-
tions qu'il noua pendant ses voyages en Angleterre, en France
et en Italie, avec les principaux savants de son siècle. En 1496,
il groupa autour de lui, à Cologne, un cercle d'humanistes,
entre autres Barthélémy de Cologne, poète et philosophe, et
Urtuin Gratins de Deventer, qui donna des cours sur les anciens
classiques et les grammairiens latins. Il fit de même en d'autres
villes, notamment à Venise et à Padoue, et fut honoré par
un grand nomhre de princes.
Quoique prêtre depuis 1492, Érasme avait des mœurs toutes
mondaines et souvent frivoles; il éclipsa tous ses contempo-
rains par sa réputation de savant. Il inspira le goût des belles-
lettres à un grand nombre de Français, d'Anglais et d'Espagnols,
qui y étaient demeurés jusque-là étrangers.
En France, le grec ne fut enseigné que plus tard ; il le fut
notamment par quelques Grecs établis dans les universités, tels
que Grégoire Tiphernas, Jérôme, Andronic Castillus, mais
surtout par Jérôme Alexandre (1489). Le latin était beaucoup
plus cultivé. En Angleterre, les belles-lettres eurent pour pro-
moteurs quelques jeunes hommes qui avaient étudié en Italie.
L'introduction de la langue grecque trouva d'abord de l'oppo-
sition à l'université d'Oxford, où les partis des « Grecs » et des
« Troyens » se combattaient avec acharnement ; les premiers
finirent par l'emporter. Vers la fin de notre période, l'Angle-
terre possédait dans le chancelier Thomas Vlorus, dans Fisher,
évêque de Rochester, dans Jean Colet, professeur de théologie
et doyen de Saint-Paul, des humanistes distingués.
En Espagne aussi, dans les dix dernières années du quin-
zième siècle, la littérature grecque avait ses représentants.
Deux chaires fiu'ont instituées à l'université de Valence pour la
littérature grecque, et six pour la littérature latine. L'Espagnol
Louis Vives (mort en 1540), philologue éminent, formait avec
Érasme et le Français Guillaume Budée un glorieux triumvirat.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQCFvS CRITIQUES SUR LE N° 229.
Erasnii CoUoquia, Adagia, Ciceronianus, Moria; encomium, Enchiri-
dion inititis cliristiani, Hatio verse theologiœ, Matrimonii christiani
inslitiitio, Eoclesiastes, Epistolaf, Nov. Test, grœce, versio, annotalio-
nes, paraphrasis Nov. Test., souvent réimprimé à part, éd. Basil.,
1Ö40 cl seq.; Lugd. Bal., 1702 et seq., 10 in-f; Berol., 1778-1780, iii-S",
LA SCIENCE, l'AKT ET LA VIE RELIGIEUSE. 37
3 tomes. Müller, Erasmus v. H., Hamb., 1828; Richard, E ras m us v. R.,
Leipzig, 1870. De Louis Vives : Commentaire sur S. Augustin, du Civ.
Dei; de Causis corruptarum artium, Antw., 1531 ; 0pp., éd. Basil.,
1555; Valenc, 1782. De Guill. Budée : de Transita hellenismi ad
christianismum. On disait qu'Érasme se distinguait « dicendi copia »;
Budée, « ingénie » ; Vives, « judicio ». De Thomas Morus, l'ouvrage :
De optimo reipublica? statu deque nova insula Utopia. Voy. Rudhardt,
Thomas Morus, Nürnb., 1829; Thommes, Thom. Morus, Lordkanzler
von England, Augsb., 1847 ; Henke, das hœusliche Leben des Thom,
Morus, dans Sybels bist. Ztschr., 1869, t. XXI, p. 6o et suiv.
S»itaafion de l'hanianisnie vis-à-vis de la (héolog'ic et de l'Eglise.
Attitude bienveillante de l'Église et des théologiens
en face de l'humanisme.
230. La nouvelle direction n'était pas en elle-même hostile à
la théologie ni à l'Église, elle leur était au contraire favorable :
aussi fut-elle appuyée des papes, des évêques et des théolo-
giens. A Cologne, elle fut puissamment soutenue par Henri
Mangold, prévôt et professeur de théologie scolastique; à
Ingolstadt, par le célèbre théologien Jean Eck; à Heidelberg,
par les professeurs de théologie et par le curateur évêque
D.ilberg, qui fonda la première chaire de httérature grecque;
par Reuchlin, qui y enseignait l'hébreu en 1498, et forma
une riche bibliothèque.
En Italie, en Espagne et ailleurs, le clergé contribuait à la
fois à répandre l'humanisme et à établir des imprimeries. Cer-
tainement il les soutenait à bon droit. Les humanistes rendi-
rent plus d'un service à la théologie, ne fût-ce qu'en rajeunis-
sant sou style. Le Romain Paul Cortésius, protonotaire aposto-
lique (mort en 1510), composa en quatre livres une Dogmatique
dans le style de Cicéron et de Lactance, un Abrégé succinct
des principales vérités de la foi, et des Theologumena ; le Véni-
tien Jérôme Donat, un traité de la procession du Saint-Esprit,
excellent et bien écrit, qu'il dédia à Léon X. Le beau langage
fut également cultivé par Laurent Valla, professeur à Rome et
à Naples (mort en 1465), qui écrivit de courtes mais superfi-
cielles remarques sur le Nouveau Testament. La théologie pro-
fita aussi des traités d'Érasme et de Reuchlin sur l'éloquence de
la chaire, des ressources que l'on rencontrait alors pour l'étude
38 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de la langue hébraïque, des travaux entrepris sur le texte de
la Bible et des Pères de l'Église, de la naissance de la critique
historique. Ajoutez que la plupart des premiers grands huma-
nistes se montrèrent fidèles à l'Église et à sa doctrine, recon-
naissants de l'appui qu'ils recevaient des papes et des évêques.
L'action simultanée de la culture humaniste et de la culture
scolastique pouvait être fort utile à la science religieuse, aider
à combler plus d'une lacune et à exploiter, dans de plus larges
proportions qu'autrefois, l'antiquité au profit de la vérité reli-
gieuse. C'était là du reste l'intention des meilleurs humanistes,
et ce but fut réellement atteint à bien des égards.
Écarts des humanistes.
231. Les humanistes malheureusement, surtout les laïques,
exagérèrent l'importance des études classiques; dédaignant les
lois sévères de la logique et la méthode rigoureuse qui distin-
guait l'ancienne scolastique, ils tournèrent celle-ci en ridi-
cule, surtout à cause de ses barbarismes. Imitateurs serviles
des anciens, leurs idées, leurs mœurs s'imprégnèrent peu à
peu de l'esprit païen ; ils se complurent dans les obscénités
d'Ovide, qu'ils surpassèrent souvent dans leurs propres écrits,
et fondèrent une littérature profondément immorale. Le style
courait risque de perdre toute empreinte chrétienne, et la
mythologie était en voie de tout supplanter. Les dogmes du
christianisme furent dénaturés, conspués quelquefois; le scepti-
cisme, l'épicurisme, l'incrédulité, firent invasion. Plusieurs
humanistes élevaient Platon au-dessus des Apôtres, et les néo-
péripatéticiens n'étaient pas eux-mêmes à l'abri de l'erreur et
de la passion du doute.
Pierre Pomponat, professeur à Padoue et à Bologne (mort
en 1526), disait ouvertement que les dogmes de l'immortalité
de l'àme et de la Providence étaient plus que douteux au point
de vue philosophique, mais qu'on pouvait les admettre au point
de vue thcologique. Cette assertion fut condamnée par le cin-
quième concile de Latran (huitième session). Déjà les prédica-
teurs en étaient venus à citer en chaire les classiques au lieu
de l'Ecriture et des Pères ; déjà l'éducation de la jeunesse était
empoisonnée par l'esprit sans frein et lascif des humanistes va-
niteux et avides do gloire. Quant à la morale, elle était ravalée
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 39
au niveau des païens, de Platon, d'Aristote, de Cicéron et de
Sénèque. La politique était complètement séparée de la mo-
rale; on en faisait une science impie, toute d'égoïsme et d'inté-
rêt. Elle était représentée, sous une forme séduisante, par
Machiavel, le célèbre historien de Florence (mort en 1530).
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N^^ 230-231.
J.-F. Bianco, die alte Univ. Cœlu, t. I, Cologue, 1835; Ennen, Gesch.
der Stadt Cœlu, 3 vol., Cologne et Neusz, 18G9; Wiedemann, Joh. Eck,
Ralisb., 1863; Zapf, Joli. v. Dalberg, Augsb., 1796; Nachtrag, Zurich,
1798; Falk, Wissenschaft und Kunst am Mittelrhein um 1450 (Hist.-
pol. Bl., 1873, t. LXXVI, p. 329 et suiv.). Paulus Cortesius, in Senten-
tias, qui in hoc opere theologiam cum eloquentia conjunxit, Rom.,
1512; Bas., 1513. Comp. Jageniann, Gesch. der freien Künste, III, in,
p. 219 et suiv.; Hiei'on. Donati, lib. de Process. Sp. S.; Mai, Vett. Scr.
N. Coll., VII, n, p. 1 et seq.; Laur. Valla, Annotationes in N. T., ed.
Erasmus, Par., 1305 et seq.; Revius, Amsl., 1631 ; Elegantiarum la-
tinae liuguœ libri VI, et Dialect. libri III (injuste contre la scolastique);
de Sammo Bono (morale sur une base païenne). Sur l'esprit d'un grand
nombre d'humanistes : Reumont, Gesch. der Stadt Rom, III, j, p. 321,
330; Gregorovius, VII, p. 533 et suiv. II faut ranger dans la httérature
immorale le Roman français de la Rose, fondé sur des réminiscences
classiques (Schwab , Gerson, p. 697 et suiv.); les précoces effusions
erotiques d'.Enéas Sylvius (Ép., I, 113); le dialogue de Valla « de Luxu-
ria »; l'Hermaphrodite, d'Antonio BeccadeUi, écrit sous Eugène IV,
condamné par ce pape, par Bernardin de Sienne, par Robert de Lecce,
par Albert da Sarteano (Friedrich , Jean Wessel , p. 36 et suiv.);
sans parler des « Facéties » de Poggio, répandues en vingt-six édi-
tions et en trois traductions italiennes avant 1500 (Voigt, le Réla-
bhssement de Tantiquité classique, IV, p. 223, en allem.); les écrits de
PorceUo de Pandoni, de Filelfo (de Jocis et Seriis — Convivia Mediolanen-
sia — Satyrœ) et de Leonardo Bruni, de Boccace, etc. Pomponatii lib.
de Immortahtate animée, Bonon., 1316. Cf. Erasmi lib. XXVI, ep. xxxiv;
Conc. Hard., IX, 1719 et seq.; Stœckl, III, p. 202 et suiv.; le Catholique
de Mayence (febr. 1861); N. Macchiavelli Discorsi sopra la prima Décade
di Livio — il Principe = Storie Fiorentine, 0pp., 8 vol., Italia, 1873.
Ont écrit contre lui : Possevinus, S. J., Judicium de Macchiavello ;
Ribadeneira, S. J., de Principe christiano, adv. Macchiav. ceterosque
hujus saec. politicos, Antw., 1603; Bozius Thom,, mort en 1610, Lib.
un. contra Macchiav., Coloniae, 1601. Cf. Artaud, Machiavel, son génie
et ses erreurs. Par., 1833, 2 vol.; Émue Feuerlein, zur Machiaveili-
Frage, dans Sybels hist. Ztschr., 1868, t. XIX, p. 1 et suiv.
40 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Lutte des humanistes et des théologiens. — Controverse
de Reuchlin.
232. Aussi la lutte ne tarda pas à éclater entre les théologiens
de l'ancienne école et les nouveaux savants, d'autant plus que
les nominalistes, redevenus plus puissants, se montraient, con-
trairement aux réalistes, hostiles à l'humanisme, et que les
poètes sortis de la nouvelle école, dirigés dans une grande
partie de l'Allemagne par le chanoine Mutian, à Gotha, acca-
blaient de sarcasmes et d'injures tous les scolastiques sans
distinction. Jacques Locher, d'Ehingen [Philomusos), publia,
en 1506, à Nuremberg, un pamphlet contre les scolastiques ;
Wimpfeling écrivit également contre eux, à l'instigation de
Geiler. L'université de Cologne, strictement scolastique, diri-
gée le plus souvent par des dominicains, résista aux change-
ments que de Langen, prévôt de la cathédrale, avait en vue;
celui-ci fut obligé d'en appeler aux savants d'Italie pour pou-
voir introduire de meilleurs livres scolaires.
A Bâle aussi, quand il y parut pour la première fois,
Reuchlin souleva contre lui les théologiens et les philosophes.
Il y avait du reste des exagérations de part et d'autre ; chacune
des deux écoles, l'ancienne comme la nouvelle, voulait dominer
sans partage. En 1488, le jeune humaniste Hermann de Busche
(né en 1468) entrait en dispute avec les théologiens de Cologne.
Plus tard, la question des juifs excita une grande rumeur, et
en 1.^10, on prit des mesures contre leur attitude insolente;
il s'agissait surtout d'éliminer ceux de leurs livres qui étaient
hostiles aux chrétiens et de les soumettre à un examen. Reuch-
lin, qui exagérait la valeur des rabbins, prit la défense des Uvres
juifs, tandis que les dominicains de Cologne, surtout J. Hogs-
traten, puis en l.*S04 Pfefferkorn, juif baptisé, demandaient
qu'on brûlât tous les livres des rabbins et combattaient le senti-
ment de Reuchlin.
La lutte se poursuivit dans de nombreux écrits : le Miroir
des yeux, publié en 1511 par l'irritable Reuchlin et hautement
vanté par les juifs, fut réprouvé par les théologiens de Cologne,
de Louvain et de Paris. Ces théologiens n'obéis-saient point à
un fanatisme aveugle et à des motifs inavouables ; ils s'inspi-
raient de leur zèle pour la religion et pour le bien général.
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 41
L'humaniste Ortuin Gratins soutenait lui-même en partie la
cause des dominicains. Ces disputes firent bientôt oublier la
querelle des juifs ; la lutte était tout entière entre les huma-
nistes et les théologiens.
En ioi4, l'évèque de Spire, commissaire du pape, se prononça
en faveur de Reuchlin ; le Saint-Siège, malgré toutes les
sollicitations, ne modifia pas jusqu'en 1519 le jugement pro-
noncé. On voulait épargner Reuchlin, parce qu'il aurait fallu
condamner différents endroits de ses écrits, si l'on avait voulu
porter un jugement complet et définitif.
Cette victoire remportée sur les dominicains, les humanistes
l'exploitèrent à leur façon et répandirent contre leurs adver-
saires une multitude d'écrits malicieux, surtout les Lettres
d'hommes obscurs, rédigées sous une forme mordante et sati-
rique (1516). Dans ces lettres, Ulrich de Hütten, homme aussi
immoral que plein de talents, Crotus Rubeanus, etc., se déchaî-
naient contre les moines et contre l'autorité du pape.
Quand cet écrit scandaleux, qu'on attribua à Ortuin Gratins
pour se venger de lui, eut été condamné à Rome (15 mai 1517),
une seconde série de lettres fut publiée dans le même esprit.
C'était là un puissant appui donné aux nouveautés dogmatiques
qui commençaient à se faire jour.
OUVRAGES A COiNSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 232.
Zarncke, Seb. Brants NarrenschiflF. , Leipzig, 1864, XX; Vischer,
Gesch. der Univ. Basel., ibid., 1860, p. 139. Écrits de controverse :
Continentur in hoc opusculo a Jac. Locher Philomuso facili syntaxi
concinnato vitiosa sterilis Musae ad Musam roscida lepiditate preeditam
comparatio, currus sacra? theologiae triumphalis ex Vet. et Nov. Test,
ornatus, elogia quatuor doctorum Ecclesiee cum epigrammatibus et
duabus prpefationibus. Dans le sens opposé : Contra turpem libellum
Philomusi defensio Ibeologiee scholasticse. Contre Beuchlin : Pfeffer-
korn, de Judaica Confessione, Colon., 1Ö08; de abolendis Scriptis Ju-
daeorum ; — de Ratione celebrandi Pascha apud Judœos; Hogstraten,
0. Pr., Destructio cabbalae seu cabbalisticse perfidiae adv. Reuchl.,
Antw., 1518; Contra Dialog, de causa Reuchl. et Apol. c. Reuchl., v.
d. Hardt, Hist. lit. Reform., part. II, Francof., 1717. Reuchlin : Oculare
Spéculum pro libris Judœorum non cremandis. Contre cet ouvrage, les
universités de Cologne et de Paris, du Plessis d'Arg., I, i, p. 349-351 ;
ibid., p. 351 et seq. La décision de l'évèque de Spire, 24 avril 1514.
(Hütten) Triumphus Capnionis (Reuchlin), 1519. Epistolse obscurorum
42 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
virorum, lib. I, Hagen., 15i6; I, II, Basil., 1317; cd. Milnch., Lips.,
1827; Rotermund, Hann., 1830; Bœcking, Lips., 1858. Gratius : La-
mentationes obscurorum virorum, éd. Bœckiug, Lips., 1863; Weislin-
ger, Iluttenus declaratus, c'est-à-dire, renseignements véridiques sur
l'édition des « Epistol. obscur, viror. », Constance, 1730; Mohnike,
Ztschr. für bist. Theol., 1843, III; Ulrici Hutt. 0pp., éd. Boecking,
Lips., 1839 et seq.; Dav. Strausz, Ulrich v. Hütten, Leipzig, 1858
et suiv., 3 vol. Sur Crotus Rubeanus, voy. Dœllinger, die Reformation,
I, p. 138 et suiv.; Rsesz, Convertiten seit der Reform., I, p. 95 et
suiv. Sur l'ensemble, voy. Janssen, II, p. 37 et suiv.
liCS études hisloriffiics.
Travaux historiques.
233. L'humanisme et l'invention de l'imprimerie contribuè-
rent puissamment à propager et à vivifier les études histo-
riques. D'excellentes chroniques continuaient d'être rédigées
dans les monastères et dans les villes, principalement en Alle-
magne, en Italie et en Angleterre, par les bénédictins (Ranulph
Hygdeu, mort en 1363, et ses continuateurs, puis Thomas Wal-
singham), les dominicains et les carmes; eu France, par les
moines de Saint-Denis, par Jean Froissart, par Robert Gaguin
(mort eu 1503), général des tertiaires, etc. 11 faut signaler
surtout la Chronique universelle de Henri d'Herford (mort en
1370), qui s'étend jusqu'en 1355.
En Italie, la Chronique florentine de Villani fut jugée digne
d'être comparée à un travail d'Hérodote. Saint Antonin, arche-
vêque de Florence; iEnéas Sylvius Piccolomiui, secrétaire
d'Eugène IV; Flavius Blondus (mort en 1458); le cardinal
Jacques Amaunali, de Pavie (mort eu 1479); Bembo; Bernardin
Corius, de Milau; Poggio Bracciolino, de Florence; Laurent
Valla, critique renommé; les historiens Platina, Guichardiu et
Machiavel, non irréprochables, mais habiles, ont également
bien mérité de l'histoire.
L'Allemagne pouvait citer comme promoteurs des travaux
historiques .\lbcrt de Strasbourg, Théodoric de Niem, Nicolas
de Cusa, Gobelin Persona et une foule d'humauistes. Philippe,
comte palatin, initié aux sciences, s'efforça de les favoriser
à l'université d'Ueidelberg. Il décida Rodolphe Agricola à com-
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 43
poser une histoire du monde, et il encouragea l'abbé Jean Tri-
thème de Sponheim à établir une imprimerie spéciale pour
publier les sources de l'histoire de l'Allemagne. Trithème aussi
a rendu de grands services aux études historiques. Non content
d'avoir donné, dans son ouvrage sur les auteurs ecclésias-
tiques, enrichi plus tard de onze cent cinquante- cinq articles
(1508-1513) par son disciple Jean Butzbach, prieur de Laach,
aidé de Jacques Sibert, le premier dictionnaire universel à
l'usage des savants, on lui doit le catalogue des hommes illustres
de l'Allemagne, et ses Annales d'Hirsau sont une excellente col-
lection de sources, malgré quelques erreurs partielles. Dans les
dernières années de sa vie, il chargeait encore le moine Paul
Lang de recueillir des matériaux pour une grande histoire
d'Allemagne. En 1500, lorsque Geiler fit venir de Bàle à Stras-
bourg Sébastien Brant en qualité de conseiller- syndic et décida
Jacques Wimpfeling à passer plusieurs années dans cette ville,
ces deux hommes formèrent une société pour l'avancement des
études historiques dans leur pays. Wimpfeling composa une
histoire des évoques de Strasbourg et un abrégé de l'histoire
d'Allemagne. A Nuremberg, Hartmann Schedel; à Augsbourg,
le bénédictin Sigmoud Meisteriin et Conrad Peutinger ; à Col-
mar, le chanoine Sébastien Murrho; à Cologne, le prieur des
chartreux Werner Rolewinck (mort en 1502) , qui s'occupa
aussi de commentaires sur l'Écriture sainte et de l'éducation du
peuple; à Hambourg, le chanoine Albert Crantz, travaillèrent
également avec succès.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 233.
Ci-dessus, § 1 et suiv.; Janssen, I, p. 87 et suiv., 98, 116 et suiv.;
Horawitz, Nationale Geschichtschreibiing im XVI Jahrh., dans Sybels
hist. Ztschr., 1877, t. XXV, p. 66 et suiv.; Natal. Alex., sfec. XIV,
c. V, art. 3, n. 12 ; art. 6, n. 4 et seq.; t. XV, p. 288, 293 et seq.; ssic.
XV, c. IV, art, 6, t. XVII, p. 341 et seq. Essai critique de Laur. Valla,
de ementita Const. M. donatione, in 0pp., Basil., 1540, 1543 et seq.
Les études biblîqaes.
Progrès de l'exégèse biblique. — Nicolas de Lyre. — Testat.
— La première Polyglotte.
234. Depuis longtemps les Latins surpassaient les Grecs par
44 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
le nombre de leurs travaux; ils arrivèrent insensiblement
à une étude plus approfondie de la Bible et surtout à une
recherche plus exacte du sens littéral, en limitant l'interpré-
tation allégorique et morale. L'université de Paris, du temps de
Gerson, condamna la proposition suivante : « Le sens littéral
de l'Ecriture n'est pas toujours vrai. » Elle maintint l'explica-
tion donnée par l'Église aux passages messianiques, et con-
damna en 1497 cette assertion que le verset 7 du psaume xxi
ne se rapporte à Jésus- Christ que dans le sens allégorique et
non dans le sens naturel.
Quelques savants continuaient de se livrer à d'utiles travaux
sur l'Écriture sainte. Le dominicain Conrad d'Halberstadt
(1300-1320) publia une concordance abrégée et corrigée de la
Bible, qui fut ensuite revue par Jean de Raguse et Jean de
Ségovie. Les commentaires de juifs espagnols sur l'Ancien
Testament, les chaires de langues orientales instituées par
Clément V (1311), les travaux de quelques juifs convertis, fami-
liers avec les langues, fournirent de grandes ressources pour
l'explication de l'Écriture d'après le texte original.
Une grande célébrité s'attache au nom de Nicolas de Lyre,
juif converti, franciscain, professeur de théologie à Paris, pro-
vincial de son ordre dans la Bourgogne (mort en 1341). Il com-
posa, sous le titre de Postille, des éclaircissements sur le texte
de la Bible, qui passèrent dans d'autres gloses de l'Écriture.
"Versé dans la langue hébraïque, il utilisait les commentaires
des rabbins, et s'efforçait d'expliquer le texte dans le sens
grammatical et historique. Presque tous les exégètes qui sont
venus après lui, l'ont mis à profit. Les plus éminents d'entre
eux sont des Espagnols. Salomon Lé vi, rabbin converti, qui
échangea son nom contre celui de Paul de Burgos, dont il
devint évêque (141o-li35), augmenta et corrigea la Postille de
Nicolas de Lyre, tandis que Matthieu Döring, franciscain de
Saxe, publiait une Réplique pour défendre son confrère.
Paul eut pour successeur sur le siège épiscopal de Burgos
son fils Alphonse, également instruit (1435-14f)6). Un autre
exégète fameux fut Alphonse Tostat, docteur de Salamanque,
honoré par Eugène IV d'un canonicat et de la dignité de scolas-
tique, évêque d'Avila en 1449 (mort en 1455). 11 écrivit des
commentaires sur le Pentateuque, sur d'autres livres historiques
LA SCIENCE, i/aRT ET LA VIE RELIGIEUSE. i3
(le rAncien Testament et sur saint Matthieu. On admire en
lui, avec une érudition étendue, une réfutation solide des
objections qui avaient cours alors parmi les juifs d'Espagne.
Xi menés les fit imprimer à ses frais en 1502. On reprochait
cependant au savant exégéte de suivre les Grecs en ce qui
regarde l'anticipation de la dernière Cène du Sauveur; déplacer
la mort de Jésus-Christ au 3 avril; d'enseigner que, s'il n'y a
point de péché irrémissible, Dieu cependant n'absout pas de la
peine ou do la dette, et que personne ne peut en absoudre ;
d'être favorable, dans quelques endroits, aux doctrines de Bàle
sur le pape et le concile.
L'augustin Jacques Ferez, de Valence (mort en 1491), com-
posa des commentaires sur les Psaumes, sur le Cantique des
cantiques et contre les juifs. D'autres fournirent des travaux
analogues. Le cardinal Ximénès fit préparer par une société de
savants, entre autres par Antoine de Lérija(mort en 1552), sur
un plan grandiose, la première Bible polyglotte (Complutensis),
en six volumes in-folio, contenant les textes latins et grecs,
hébreux et arabes, et autres textes orientaux, avec des diction-
naires et des grammaires : œuvre vraiment admirable pour
cette époque.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 234.
Sur le sens littéral de l'Écriture : Gerson, de Sensu lit. S. Script.,
t. 1; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 209, cf. p. 183, c. i; ibid., p. 336, le
décret du 15 avril 1597 sur le ps. xxi, 7; Conrad de Halberstadt, etc.;
A. Sixtus Sen., Biblioth. sancta, lib. IV; Vossius, de Hist. lat., III, xi;
Nicolaus Lyranus (doctor planus et subtilis, ou Posliilator) : Postillse
perpétuée in Biblia, Hom., 1471, t. V et seq., et Colon., Venet., No-
rimb., 1492, éd. Feuardent, et al. Lugd., 1590. On disait de lui : « Si
Lyra non lyrasset, Lutherus non saltasset ; » ce que les Allemands tra-
duisaient ainsi ; « Si Lyre n'avait pas joué de la lyre, Luther n'aurait
pas moins été en fête » ; ou : « Si Lyre n'avait pas joué de la lyre,
Luther n'eût pas été d'humeur à danser. » Luther sur lui : Walch, I,
p. 340 et suiv. Voyez encore le Catholique, 1859, p. 934 et suiv. Pau-
lus Burgeusis, Additiones et Emendationes ad Postillas, 1429; le con-
traire dans Matlh. Döring : « Replicœ defensivse postillse ab impugna-
tionibus Domini Burgensis », ou « Correctorium corruptorii Burgen-
sis ». — Alphons. Testatus, Comment., Venet., 1502 et seq., 13 vol.;
Venet., 1728 et seq., 24 vol. Son épitaphe : « Hic Stupor est mundi,
qui scibile discutit onine. » Plaintes contre lui : Rayn., an. 1443,
n. 24; Spondan., an. 1447; du Plessis d'Arg., II, i, p. 240-242. Voy.
46 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Janus, p. 403, et Anti-Janus, p. 169, n. 47. Sur la Polyglotte d'Alcala,
voy. l'introduction à l'Écriture sainte, Bibiia sacra, V. T, multiplici
lingua nunc primum impressum, t, I-V ; N. T., t. VI, Compluti, 1514-
1517 et seq.; Flécliier, Hist. du card. Ximénès, Par., 1643, t. II, en
allem, par Fritz, Würzb., 1828; J. de Marsolier, Hist. du ministère du
card. Ximénès, Toul, 1694; Héfelé, der Card. Ximenes, Tüb., 1844,
p. 120-158.
Orientalistes en Italie et en Allemagne. — Érasme et Le
Fèvre d'Ëtaples.
235. De même que l'Espagne, l'Italie possédait au quin-
zième siècle d'excellents orientalistes, comme Pierre Rossi
de Sienne, Jacques Philippe de Bergame, Jean Pic de la Miran-
dole, Manetti, Giavozzo, Palmieri, puis Tesio Ambrogio, qui
obtint de Léon X la chaire des langues orientales à Bologne.
Augustin Giustiniani travailla à une polyglotte sur le Psau-
tier ; dès i477 une Bible hébraïque était imprimée en Italie.
Le dominicain Thomas de Yio, surnommé Cajétan, cardinal
en 1517, donna sur la Bible de riches commentaires, mais
défigurés par une foule de fautes et d'opinions singulières.
Les Postules abondaient partout : celle du dominicain Nicolas
de Gorram était fort en vogue dans le quatorzième siècle; il
en fut de même au quinzième, en Allemagne, de celles des
professeurs de Vienne Henri de Hesse, Nicolas do Dinkelsbühl
(mort en 1433), et de Thomas Hasselbach (mort en 14-6-i). Chez
les Allemands, l'étude de l'hébreu fut particulièrement activée
par Renchlin ; mais déjà de son temps et en partie avant lui,
elle était cultivée par le dominicain Pierre Schwarz, qui publia
en 14.77 une introduction grammaticale à cette langue; par
Rud. Agricola, qui traduisit les Psaumes sur le texte primitif;
par Grégoire Reisch, à Fribourg, Summenhart et Paul Scrip-
toris, à Tubingue ; par Conrad Pélican.
En 1505, le savant théologien Eck, disciple de Reisch pour
l'hébreu, appela comme professeur d'hébreu à Ingolstadt Jean
Bœschenstein, qui s'y était formé indépendamment de ReuchUn
et de Pélican. On étudiait également l'hébreu à Mayence, à
Cologne, à Xanten, à Colmar et ailleurs. Cependant le diction-
naire et la grammaire de Reuchlin surpassaient tous les tra-
vaux antérieurs.
Les œuvres d'Érasme, formé sur les classiques, mais trop
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. -i?
peu familiarisé avec le dogme, servirent aussi à l'étude de la
Bible. Érasme s'occupa d'une nouvelle édition du texte grec du
Nouveau Testament, qui parut pour la première fois en 1516.
Cette édition, combinée avec celle d'Alcala (Complutensis), a
servi de modèle au texte reçu. Érasme y joignit aussi des
remarques et une paraphrase, en mettant à profit les exégètes
grecs.
En France, Jacques Le Fèvre d'Étaples {Faber Stapulensis,
mort en 1537) contribua aussi à ramener les esprits à une
étude plus exacte de la Bible. Ses commentaires sur le Psautier
et sur le Nouveau Testament n'étaient pas sans valeur, mais
sa critique hardie lui attira plus d'une censure. Il doit la
meilleure part de sa gloire à une traduction française de la
Bible (achevée seulement en 1523).
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 23Ö.
Tiraboschi, VF, p. 590 et seq.; VII, i, p. 1067; Cajétan, Com. in V. et
N. T., éd. Fi-ancof., 1639 et seq., 5 vol.; Natal. Alex., S£ec. XVI, c. v,
art. 2, n. 2, t. XVII, p. 363 et seq. Éditions italiennes de la Bible : Psal-
terium hebraicum, Bonon., 1477; Biblia hebr. intégra Soncini, 1488 et
seq.; ed. Brix., 1494, in-4° (utilisée par Luther). En 1317, commencent
les belles éditions de la Bible par David Bromberg, à Venise, avec le
concours du juif Félix de Prato : éd. Ven., 1517, 1521, 1528; Biblia
rabbinica, 1518, 4 vol. in-f°, 2^ éd., par Jacques ben Cbajim, 1323;
Mcolaus de Gorram, Postilla in Psalter, et Job, in Pauli Epp., in
Matth. et Job.; Natal. Alex., t. XV, p. 291, saec. XIV, c. vi, art. 4, n. 8
(plusieurs manuscrits dans les couvents d'Allemagne, notamment les
manuscrits du chapitre de Saint-Florian, p. 4, 7, 15, etc.); Henric. ab
Hassia jun., Com. in Genes.; Nicol. de Dinkelsbühl, 0pp., éd. Argent.,
1316; Aschbach, Gesch. der "Wiener Univ., p. 430 ; Thomas de Hassel-
bach, Janssen, I, p. 79. Études hébraïques en Allemagne : Mœhler-
Gams, m, p. 21 et suiv.; Geiger, das Studium der hebr. Sprache in
Deutschland vom Ende des XV bis zur Mitte des XVI Jahrb., Breslau,
1870. Grammaires hébraïques par des dominicains, avant Reuchlin :
Schellhorn, Amœnitat. liter., XIII, 206 ; Wachler, Hdb. des Gesch. der
Lit., Frkf., 1823, II, p. 212. Érasme, ses travaux bibliques : N. T., Basil.,
1516 (dédié à Léon X), 2» ed., 1519; Paraphrasis N. T., 1522. Faber
Stapul. : Psalterium quinluplex, Paris., 1509; Com. in Epp. Pauli,
Par., 1512; in IV Evang., Meld., 1322; la Bible, Antw., 1330. Cf. Ri-
chard Simon, Hist. crit. des principaux commentaires du N. T.; Ro-
senmüller, Hist. Interpret. libr. sacr. in Eccl. christ., 2a ed., Lips., 1814,
3 vol.; Meyer, Gesch. der Schrifterklœrung, Gœtt., 1802 et suiv., 5 vol.
4^8 HISTOIRE DB l'ÉGUSE.
Traductions de la Bible en langue vulgaire.
236. A la fin de cette période, la plupart des nations chré-
tiennes possédaient des traductions en langue vulgaire des
principaux livres de la Bible. Ces traductions, l'Église ne les
défendait point aux fidèles, quand les intérêts de la foi et le
progrès régulier du peuple n'exigeaient pas de restrictions.
Ce qui n'avait pas été possible jusqu'alors à la plupart des
particuliers, le devint par l'invention de l'imprimerie. Alors
la Bible fut lue avec avidité, même des ignorants et des
femmes, et les Bibles imprimées trouvèrent un rapide écoule-
ment. Beaucoup d'enfants lisaient les Évangiles et autres livres
de la Bible, et les apprenaient par cœur ; on fondait des bourses
pour ceux qui se destinaient à l'étudier pendant plusieurs
années. Mais on avait soin, comme dans la Bible de Cologne
(1470-1480), de recommander aux fidèles de lire ce livre sacré
avec humilité et dévotion, de ne pas juger ce qu'ils n'enten-
daient point, et de tout interpréter dans le sens de l'JÈglise.
D'autres fois, comme dans la Bible de Lübeck de 1494, on
ajoutait aux passages obscurs des remarques tirées de Nicolas
de Lyre.
Après la Bible de Fust publiée à Mayence de 1451 à 1455,
depuis 1460 à 1517, par conséquent avant Luther, l'Allemagne
possédait quatorze Bibles complètes traduites en haut allemand
et cinq en bas allemand. En Italie, une Bible populaire fut im-
primée en 1471, par Malermi, et fut suivie de plusieurs autres :
de sorte qu'avant 1550 il y avait en Italie trente-six éditions de
la Bible complète et trente-cinq éditions de parties détachées,
principalement du Psautier et du Nouveau Testament. L'intel-
ligence de la Vulgate latine y était fort répandue. En France,
on compte neuf éditions jusqu'en 1524. Une Bible espagnole
parut dès l'an 1478 à Valence.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 236.
Principes pour les traductions de la Bible : Malou, de la Lecture de la
Bible en langue vulgaire, Louv., 1846; en allem., Ratisb., 1848, 2 vol.
Leur nombre : Le Long, Bibliollieca sacra in binos syllabos distincta,
Faris., 1723, in-t'°, 2 l.; Hain, Hepertorium bibliogra])li., Sluttg., 1820
el seq., n. .3129-3143; Keusz, Gescli. der hl. Scrift des N. T., 4« éd.,
Braunschw., 1864, p. 440 et suiv.; Janssen, I, p. 44 et suiv.; Panzer,
LA SCIENCE; l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 49
làt. Nachrichten von der allerœltesten gedruckten deutschen Bibel,
Nürnb., 1774; Gesch. der rœm-kath, deutschen Bibel, Nürnb., 1781;
Kehrein, zur Gesch. der deutschen Bibelübersetzung vor Luther,
Stuttg., 1851; Alzog, die deutschen Plenarien, Friboui'g, 1874, p. 6ö
et suiv. Bibles italiennes : voy. Biblioteca degli autori greci e lat. vol-
garizzati di J. M. Paitoni, t. V.; Civiltà cattolica, 4 maggio 1861, sér.
rv, vol. X, p. 266. Sur la France : Manuel du libraire ; Pérennès, Dict.
de bibl. cath.. Par., 1858, t. I ; Mœhler-Gams, III, p. 57, n. 2.
La prédication et l'instruction da peuple.
La prédication.
237. Nous trouvons dans tous les États chrétiens d'excellents
prédicateurs, dont un grand nombre, comme Vincent Ferrier
(mort en 14-19), dominicain espagnol, se faisaient entendre chez
différentes nations. En Italie nous remarquons surtout : l'ermite
de Saint- Augustin Simon de Cassia (mort en 1348), saint Ber-
nardin de Sienne et ses confrères Albert de Sarteano (depuis
1415 franciscain de l'étroite observance) et Jean de Capistran
(né en 1380, mort en 1430), le Mineur François de Platea (mort
en 1400), également célèbre comme canoniste, les dominicains
Venturino de Bergame (vers 1333) et Jérôme Savonarole, puis
Gabriel Barletta (1470), Antoine de Verceil (1480), Bernardin
de Bustis, Michel de Milan, Bobert Caracciolo; en France :
Nicolas de Clémange, Jean Gerson, le Mineur Olivier Maillard.
L'Allemagne comptait parmi ses principaux orateurs de la
chaire : les frères prêcheurs Nicolas de Strasbourg, Jean
ïauler, Henri Suso (Seuse), et plus tard Heynlin de Stein, à
Berne; le franciscain Pelbart (1490). A Mayence prêchaient
avec beaucoup de succès Ange de Brunswick (mort en 1481),
Jean de Lauteren, Gabriel Biel, l'évéque auxiliaire Sifrid, de
l'ordre des Prêcheurs ; à Oppenheim (149Ö), Jean Godefroy
d'Odernheim, auteur de nombreux sermons et d'une traduction
allemande de la Cité de Dieu de saint Augustin ; à Passau, le
chanoine et docteur Paul Wann. Beaucoup de nouvelles charges
de prédicateur furent établies; les sermons tant du matin que
du soir étaient assidûment fréquentés, et dans beaucoup de
diocèses d'Allemagne, à la fin de cette période, il y avait plutôt
excès que manque de prédication.
C'était un orateur singulièrement original que Jean Geiler
V. — msT. DE l'église. 4
50 msTOiRE DE l'église.
de Kaisersberg, né en 1445, qui, après avoir professé à Bâle
et à Fribourg, prêché à Wurzbourg, passa ensuite trente-six
ans à Strasbourg, et mourut en 1510. On vantait principalement
les sermons qu'il prononça contre les vices et les défauts des
différent états, à propos d'un poème à la fois didactique, reli-
gieux et satirique, qui parut en 1494 et qui devint bientôt popu-
laire, — la Nef des fous, — par Sébastien Brant de Strasbourg
(né en 4457, professeur des deux droits à Bàle en 1489). Geiler,
comme la plupart des autres prédicateurs, écrivait en latin le
canevas de ses sermons et prêchait dans la langue du peuple.
On continuait de publier des traités sur la prédication et des
recueils de sermons. Nous en devons aux dominicains Jean de
Geminiano (1310), Jean de Fribourg, Jean Herolt; aux francis-
cains Henri ilerp et Jean Meder, à l'augustin Gottschalk Hol-
len, à Deuys le Chartreux, au curé de Bàle Jean Ulric Surgant,
au curé d'Ulm Ulric Krafft, aux chanoines Paul Wann et Michel
Lochmayer, à Gabriel Biel, etc. Déjà quelques-uns, comme, par
exemple, Gerson, récitaient VAve Maria à la un de l'exorde.
ODVKAGES A CONSULTER SUR LE N° 237.
Heller, Vincenz Ferrer., Berl., 1830. Sur Simon de Cassia : Trithemius,
dans Natal. Alex., sœc. XIV, cap. v, art. 4, n. 3, t. XV, 289. Capistran,
Armand Hermann, 0. S. F., Capistranus triumphans, Colon., 1700, en
allem., Munich, 1844; Bonner Ztschr., li. xxi, xxii. P. Savonarola,
Triumphus cruels, Flor., 1497, iu-4° ; in Orat. Domin. expositio qua-
druplex, Paris., 1517, etc. (§ 168). Barletta, Serm. quadrag., etc.,
Venet., 1577, t. 11; Ammon, Gesch. der Homiletik, I, p. 353 et suiv.;
Daniel, Theol. Controversen, p. 73 e.t suiv., 80 ; Mœhler-Gams, 111, p. 71
et suiv.; Kerker, dans Tüb. theol. Quartalschr., 1861 et 1862, t. XLIll,
p. 373 et suiv.; t. XLIV, p. 267 et suiv. Sur les prédicateurs français,
voy. Schwab, Gerson, p. 376 et suiv. Sermons de Nicolas de Strasbourg,
dans Moue, Anzeiger für die Kunde der deutschen Vorzeit, 1838,
p. 271 et suiv.; lloümann de Fallersleben, Altteusche Blsetter, II,
p. 165 et suiv.; Pfeilfer, die Mystiker des XIV Jahrb., Leipzig, 1845,
t. 1 ; Job. Taulers Predigteu in die jetzige Schriftsprache übertragen,
von Schlosser, Fraukf., 1825, 2 thle., d'après l'édition de J. Arnd et J.
Spener, od. de Kunze et Biesentbal, Berlin, 1841, 3 thle.; Schrœckh,
K.-G., t. XXXUI, p. 482 et suiv. Sur les prédicateurs de Mayence :
Eysengrein, Catai. testiuni veritatis, Diling., 1565, in-fo, 172 et seq.;
Falk, dans les Hist.-pol. Bl., t. LXXVI, p. 329 et suiv. De Paul Wann,
nombreux manuscrits dans les couvents (par exemple, les manuscrits de
LA SCIEIÎCE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 51
la bibliothèque du chapitre de Saiat-Florian, Linz, 1871, p. 45, 6ö, 93
et suiv., 101, 133). — J.-B. Rhenanus, Joh. Geileri Vita, ap. Ricgger,
Amœuit. lit., Frib., Ulm, 1775, fasc. I, 56 et seq.; Ammon, Geilers v.
K. Leben, Lehren und Predigten, Erlangen, 1826. — Hist.-pol. Bl.,
1861 et suiv., t. XLVllI, p. 037 et suiv., 721 et suiv., 949 et suiv.;
t. XLIX, p. 33 et suiv., 390 et suiv. Sun testament édité par Rœhrig,
dans Niedners Ztschr., 1848, p. 572 et suiv. Dacheux, la Prédication
avant la Réforme, dans la Revue cathol. de l'Alsace, 1863, p. 1-9, 58-67.
et Geiler de Kaysersberg, ibid., 1863-1870, en 12 articles. Ses sermons :
Weltspiegel, d. i. Predigten über Sebastian Brants NarrenschiiT, Bàle,
1574, et souvent (.Narrenschilf, éd. Fr. Zarncke, Leipzig, 1834; éd.
Simrock, Berhn, 1872; K. Gœdecke, Leipzig, 1872; lat., Navicula sive
Spéculum fatuorum a Jac. OtherocoU., Argent., 1510, in-4°, en allem.,
ibid., 1520). Joh. de Geminiano, 0. Pr., Summa de similitudinibus
rerum, recommandé par saint Antonin, Chron., part. III, c. xxiu,
§ 11; Natal. Alex., saec. XIV, cap. v, art. 1, n. 2, t. XV, p. 270; Joh.
Fnburg., Summa praedicatorum et confessorum, Lugd., 1318; Jean
Herolt, Discipulus de eruditioue tidelium. Argent., 1490. Autres : Jans-
sen, I, p, 30; Nicol. de Nyse, Gemma prsedicantium, Basil., 1308. Ave
Maria chez les prédicateurs : Schwab, Gerson, p. 401.
Livres d'instruction et d'édification.
238. Plusieurs conciles (par exemple, le concile de Tortosa
en 1429, can. vi) recommandèrent aux évêques de faire com-
poser, à l'usage de la classe inculte, des abrégés de la religion
chrétienne méthodiquement distribués. Gerson écrivit en latin,
pour les prêtres et les ignorants, un opuscule en trois livres,
où il traitait de la foi et des commandements, de la confession
et de l'art de bien mourir ; cet opuscule, traduit en français, fut
aussi traduit en allemand (par Geiler). Le Miroir des chrétiens,
par Théodoric Kœlde, de Münster, imprimé en 1470, était à la
fois un catéchisme et un livre de prières. Etienne Lanzkrana,
à Vienne (mort en 1477), composa le Chemin du ciel; Jean
Wolff, chapelain à Francfort-sur-le-Mein, rédigea un livre de
confession pour les enfants et les adultes (1478). Les Pléniers,
qui contenaient, outre les épitres et les évangiles de l'année, les
prières de la messe et différentes instructions; les Bibles des
pauvres, les catéchismes simples, les catéchismes illustrés pour
l'instruction du peuple, les explications des articles du Symbole
(comme celle qui fut imprimée à Ulm en 1483), les miroirs des
52 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
pénitents, les livres de prières et d'édification de toute espèce,
tels que la Consolation des âmes, souvent réimprimée (1474-
1491) ; le Jardinet des âmes, répandu en latin et en allemand;
le Trésor ou Écrin du vrai salut (1491), tous ces ouvrages
étaient fort nombreux.
De même qu'on publiait à l'usage des prêtres moins instruits
des manuels [Maiiuale sacerdolum, de Surgant, 1503), des
instructions particulières pour le confessionnal (de Guillaume
de Cajoco (1369), des dominicains Jean de Fribourg et Jean
Nider (mort en 1438), du franciscain Barthélémy de Chaimis,
vers 1478, etc.), ou composait aussi pour le peuple, depuis la
propagation de l'imprimerie, une multitude de livres sur la foi,
sur la pénitence et la réception des sacrements. Le livre de
l'Imitation de Jésus-Christ fut souvent édité en langue vul-
gaire; le Guide des âmes, le Jardinet des âmes, le Combat
spirituel (1503), d'Ulrich Kraift, étaient extraordinairement ré-
pandus. On recommandait aux familles d'élever chrétiennement
leurs enfants, ainsi que le faisait Sébastien Brant, mort eu
1521. En Italie, Mapliée Végius composa à Rome (1457) six
livres sur l'éducation de la jeunesse; eu Allemagne, Wimp-
feling était renommé comme pédagogue. Les Allemands pos-
sédaient vers 1470 un grand nombre d'écoles populaires libres
pour les deux sexes ; les maîtres étaient honorés, la discipline
était généralement très sévère.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 238.
Exhortations au clergé concernant l'instruction du peuple : Couc.
Mogunt., 1310, c. i; Vaurensc, 1368, c. i ; Basil., 1433, sess. XV; Revue
cath. de l'Alsace, 1863, p. 6 et seq.; Tübinger Quartalschrift, 1861,
p. 373 et suiv.; Gerson, Opusc. tripartitum de prœceptis Decalogi, de
confessioue et de arte moriendi, 0pp. 1, 425 et seq.; Schwab, p. 683 et
suiv.; Theodorich Kœlde, « Kresten-Spiegel ». Voy. Nordholi', dans
Picks Monatschrift für rheinisch-westphsel. Geschichtsforschung Jahrg.,
I h., 1 et suiv., Bonn, 1875; Binterim, Deutsche Conc, VII, p. 564;
Trithem., de Script, eccl., n. 950; Fabric, Bibl. eccl., II, 228; Mœh-
ler-Gams, III, p. 80 et suiv.; Hasak, der christl. Glaube des deutschen
Volkes beim Schlüsse d. M., Ratisb., 1868; Brück, der relig. Unter-
richt für Jugend u. Volk in Deutschland in d. zweiten Haelfte d. XV
Jahrb. (A. d. Kath.), Mayence, 1876; Moufang, die Mainzer Katechismen
von Eründung der Buchdruckerkunst bis zum Ende des XVIII Jahrb.,
Mayence, 1877. — Die « Hyraelstrasz », édit. d'Augsb. de 1484 (voy.
LA SCIENtE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 53
Hasak, p. 268 et suiv,). J. Woltï, « Vor die anhebenden Kynder und
ander zu Lichten », Francf.-sur-le-M., 1478. Pléniers d'Augsbourg,
1480;*d'ürach, iiSl ; de Strasbourg, 1483 et suiv, : Alzog, die deutschen
Plenarien im XV und zu Anfang des XVI Jahrb., Frib., i874; Hist.-pol.
Rl., 1876, I, p. n et suiv.; Geffcken, der Bilderkatechismus des XV
Jahrb. nach Cod. Heidelb. 438 mitgetbeill, Leipzig, 1855, in-4°. Cf.
Augsb. Allg. Z., 14 juillet 1857, Beil., n. 19ö; G. Heyder, die Darstel-
lungen der Biblia pauperum in den Handschriften des XIV Jahrb.,
Vienne, i863 ; Biblia pauperum, avec éclaircissements par Laib et
Schwarz, Zurich, 1867; Huland, zur Gesch. der bildheben Darstellung
als Unterrichtsmittel (Chiliaueum, 1862, I). Guillaume de Cajoco
(Cayeux, Picardie, vers 136!(), Summa confessorum (en plusieurs ma-
nuscrits, par exemple, celui de Saint-Florian, p. 67). Jean de Fribourg
(Eccard, I, 523), de lustructione confessorum (ibid., p. 51, 58]; Barthol,
de Chaimis, Interrogatorium seuConfessionale, llogunt., 1478; Modus
contitendi. Argent., 1508; Tract, perutilis de administr. sacram., ib.,
1499 ; Manipulus curatorum, par maître Guido de Monte Rotheri (Busse,
il, p. 280. Saint-Florian, Cod. XI, 92, 112, 132, p. 40, 52, 63). Jean
Nider, Prseceptorium divinœ legis. Argent., 1473; Explicatio Decalogi;
Manuale confessorum (plusieurs manuscrits , par exemple , celui de
Saint-Florian, p. 68, 132, 326). Herold, Discipulus de erudilione fîde-
liuni. Argent., 1490; J.-Ij. Surgant, Manuale curatorum, Arg., 1506.
Henri d'Erp, 0. S. F., mort en 1478 à Malines, Spéculum aureum,
Mog., 1474. Le « Dormi secure » parut en 1484; la « Summa rudium », en
1487, à Reuthngen. Jean de Bromyard, 0. Pr., mort en 1410, Dictiona-
rius pauperis. Par., 1498. Plaintes à ce sujet dans Wimpfeling, Kliipfel,
Vita Conr. Celtis. Frib., I, 172. Plusieurs éditions dans Panzer, Annal,
typograph., t. V, H ; Hain, Repertor. bibliogr., t. IV. Les manuscrits
de livres de prières et de légendes des saints sont très nombreux (par
exemple, les manuscrits de Saint-Florian, p. 57, 79, 85, 88, 91 et suiv.,
118 et suiv., 143 et ailleurs. — « Der Selen-fürer, ein nutzberlich buch
füryeglichen christenmenschen zum frumen leben und seligen ster-
ben. )> Mayence, chez P. Scheffer, 1498 (47 feuilles in-4oj. — B. Schwarz,
J. Wimpfeling, der Altvater des deutschen Schulwesens, Gotha, 1875;
Janssen, I, p. 20 et suiv. Maphœus Vegius, Bibl. PP., Lugdun., t. XXVI.
Le culte et Part relig-ieax.
Le Service divin. — Les fêtes. — Le jubilé. — Les indulgences.
— La bulle sur l'Eucharistie.
239. Le service divin ne subit aucun changement essentiel;
il se célébrait avec beaucoup d'éclat. On recommandait d'y
assister dans les églises paroissiales. Les conciles insistaient sur
54 msTOiRE DE l'église.
le respect de la sainte Hostie et la génuflexion au moment de
l'élévation; ils recommandaient d'accompagner solennellement,
avec des cierges et au son des cloches, le saint viatique, défen-
daient de baptiser dans les maisons, et veillaient à ce que les
fonctions religieuses fussent dignement remplies. Dans plusieurs
villes épiscopales, le peuple demeura attaché à l'église cathé-
drale et à son baptistère, au moins pour quelques cérémonies
particulières, même après qu'on eut érigé plusieurs paroisses.
Souvent les ecclésiastiques de la cathédrale exerçaient leurs
fonctions dans les paroisses à tour de rôle (hebdomadiers,
dogmani, mansionaires), et l'un d'eux devait y être toujours
présent.
Les offrandes en argent et en cire ; les processions, surtout
avec des reliques, étaient très fréquentes. Les dévotions
favorites étaient le rosaire et les stations du Chemin de la
croix, représentées par des tableaux figuratifs qui touchaient
le cœur en même temps qu'ils parlaient aux yeux. L'usage
d'annoncer X Angélus au son de la cloche fut presque partout
introduit. La solennité de la Fête-Dieu, avec procession du
saint Sacrement; celles de la Sainte-Trinité (prescrite par
Jean XXIf), de la Visitation, 2 juillet (Urbain V, 4369 et XLIII"
session de Bâle), et de l'Immaculée Conception devinrent géné-
rales. Au quinzième siècle, on y joignit la fête des Sept-
Douleurs de Marie. La fête du Rosaire n'était célébrée que
dans l'ordre de Saint-Dominique, On solennisait aussi les fêtes
des apôtres, celles des patrons et des saints populaires. A Rome,
on institua la fête de Sainte-Marie-des-Neiges (5 août).
Boniface VIII avait établi le jubilé en l'an 1300; Clément VI
(t343) décida qu'il aurait lieu tous les cinquante ans; puis
Urbain VI (1389), tous les trente-trois ans. Déjà Boniface IX
accordait l'indulgence du jubilé à d'autres diocèses que celui de
Rome; Paul II, en 1470, statua que le jubilé serait célébré tous
les vingt-cinq ans, et Sixte IV confirma cette mesure en 1473,
Sous Alexandre VI, on y ajouta l'ouverture solennelle de la
porte sacrée le jour de Noël de l'année précédente et sa ferme-
ture à la fin, pour indiquer le commencement et l'expiration
du temps où l'on pouvait gagner l'indulgence. Les concessions
d'indulgences étaient fréquentes ; ceux qui les annonçaient,
comme ceux qui recueillaient les aumônes (questeurs), dépas-
LA SCIENCE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 55
saient souvent leurs attributions, et obligeaient les supérieurs à
intervenir pour combattre leurs assertions exagérées, comme,
par exemple, lorsqu'ils disaient qu'en gagnant une indulgence
on délivrait immédiatement du purgatoire les âmes auxquelles
elle s'appliquait ; ce qui n'était nullement justifié par les bulles
des papes, ainsi que la Faculté de Paris le faisait remarquer en
1482. Au quatorzième siècle déjà avait paru la bulle sur l'Eu-
charistie, publiée le jeudi saint ; elle contenait les censures ré-
servées aux papes. Telle qu'elle était conçue sous Urbain V, elle
comprenait sept cas; sous Martin V, dix. Plus tard ce nombre
fut encore augmenté. Elle satisfaisait à des besoins religieux
profondément ressentis, ainsi qu'aux exigences de la société
chrétienne en général.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SDR LK N° 239.
Sur l'assistance à la messe paroissiale les dimanches et fêtes : Con-
ciles de Marciac, 1326, c. xxvi; de Bénévent, 1331, c. viir; 1378, c.lxviii;
de Prague, 1349, c. xxxii, etc. Sur le respect dû à l'Eucharistie : Conciles
de Salzbourg, 1418, c. x; de Tortosa, 1429, c. vu. Paroisses des villes :
Ordinarium Eccl. Parmens., p. 71-73, 75, 77. Oblations, ib., p. 23, 64,
73, 7o, 80 et seq., 188. Processions, ib., p. 37, 73, 137 et seq.; Concile
de Bénévent, 1378, c. xxxv. Ave Maria annoncé par les cloches, 1309,
en Hongrie : Héfelé, VI, p. 428. Jours de fête : Conciles de Marciac,
1326, c. xu; de Londres, 1328; Bonif. VIII, c. i; Antiquorum V, 9 in X
vagg. com.; Clem. VI, const. Unirjenitus, c. ii, h. t.; Bonif. l.X, Magn.
Chron. Belg., ap. Pistor., III, 363; Paul II, c. m, Etsi Dominici, h. t.,
in X vagg. com. Sixt. IV, c. iv, h. t.; Bened. XIV, const. Nemo vestrum,
1749 : Bull. M., XVIII, 147. Sur les « qusestores eleemosynarum » : Con-
ciles de Trêves, 1310, c. lxxxv (contre les indulgences, les quêteurs non
autorisés); de Ravenne, 1311, c. xiu (défense de prêcher); de Marciac,
1326, c. XLi (défense demporter des reliques avec eux et d'outrepasser
dans leurs sermons les bornes prescrites); d'Alcala, 1347, c. m. Boni-
face IX, en 1390, réprima les abus commis par les quêteurs : Rayn., h.
a., n. 1,2. Le concile de Cologne de 1423 ordonna, c. vi, de n'admettre
pour quêteurs que ceux qui seraient dans les ordres majeurs ; celui
de Trêves, vers le même temps, renouvela le décret de Clément V (c. ii,
lib. V, tit. IX, in Clem.). Le concile de Paris de 1429, c. xxvn, s'éleva
contre les abus commis par les quêteurs ; dans le même temps, celui
de Tortosa, c. xvi, frappa d'excommunication et d'une suspense de
trois ans les quêteurs qui prêcheraient ou quêteraient sans la permis-
sion de l'évoque. Censure de la Faculté théologique de Paris, de
Indulg. : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 306. De même en 1518, ib., p. 333
56 HISTOIRE DE L ÉGLISE.
etseq. —Walter, K.-R., § \9i, p. 346, n. 13; Hist-pol. Bl., t. XXI,
p. 37-82 ; Hausmann, Gescb. der paepstl. Reservalfcelle, Munich, 1868,
p. 95 et suiv.; mon ouvrage : Kath. Kirche, p, 770 et suiv. Bulle de
Paul II, c. m, Etsi Dominici, V, ix, de Pœnit. et Remiss., in X vagg.
corn.; de Jules II, const. xxv, Consueverunt, iSH : Bull. M., I, 507.
La poésie. — La musique.
240. L'art continuait de rehausser le culte chrétien. La poésie,
en dehors des chefs-d'œuvre des Italiens, fut moins féconde
jusqu'à la fin de cette période qu'elle ne l'avait été précédem-
ment, bien que l'on composât encore une foule de chants spi-
rituels et profanes, et que l'on traduisît dans l'idiome du peuple
quantité d'hymnes religieuses.
En Allemagne, le bénédictin Hermann (ou Jean) de Salz-
bourg, au quatorzième siècle, et le prêtre Henri de Laufenberg,
au quinzième, agirent en faveur des cantiques spirituels; on
composa des chants religieux à opposer aux hussites, et de 1470
à lois parurent plus de trente recueils de chants allemands.
L'usage de chanter des cantiques allemands pendant l'office
solennel existait déjà vers la fin du quinzième siècle. Les
drames religieux, à partir de 1450, devinrent plus brillants et
plus artistiques ; ils avaient pour sujets habituels Jésus-Christ
et sa mère, l'Antéchrist et la fin du monde. Un grand nombre
de personnes y prenaient part.
Dans le midi de la France, à Aix, les processions de la Fête-
Dieu du roi René (né en 1409) étaient particulièrement renom-
mées ; elles étaient aussi fort populaires en Espagne. On repré-
sentait en outre les mystères de Noël et de la Passion, les
mystères des vierges sages et des vierges folles, les mystères
de sainte Catherine et d'autres saints.
Quant à la musique, le chant grégorien se conservait en
Italie. Depuis Urbain V et Grégoire XI, qui, d'Avignon, emme-
nèrent avec eux leurs chantres, Belges pour la plupart, la
chapelle pontificale fut dirigée par des contrapontistes belges,
dont plusieurs composèrent aussi des messes. On exécutait
souvent des airs tout à fait profanes, qui nuisaient à la gravité
de l'office divin ; mais on n'était pas encore scandalisé à celte
époque d'entendre éclater sous les voûtes des églises les mêmes
mélodies que le peuple chantait dans les fêtes profanes. C'est
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 57
dans l'Allemagne du sud et du centre, puis dans les Pays-Bas,
que la musique était le plus cultivée. Jacques Obrecht, né dans
le pays rhénan (mort en 1507), qui vécut quelque temps à Flo-
rence, auprès de Laurent de Médicis, où Henri Isaac (1475-1480)
était maître de chapelle à l'église de Saint-Jean et donnait des
leçons de musique à la cour, exerçait ces fonctions à la cha-
pelle de l'empereur Maximilian en même temps que Josquin
du Pré [Jodocus Pratensis, mort en 1521), un disciple du célèbre
Jean Okenheim de Flandre, de qui plusieurs écoles de musique
se réclamaient. Étaient également célèbres comme composi-
teurs : Louis Senfl, de Zurich, disciple de Henri Isaac; Henri
Fiuck, maître de chapelle à Cracovie en 1492 ; Etienne Mahu et
Arnold de Brück, doyen de Laibach.
L'orgue fut perfectionné par l'invention de la pédale (avant
1470), la diminution de la dimension des touches et l'augmen-
tation de lenr nombre ; il le fut surtout par des maîtres alle-
mands, qui travaillèrent aussi en d'autres pays comme facteurs
d'orgues et organistes renommés. A Rome, Antoine dagl'Or-
gani (mort en 1498) jouissait comme organiste d'une grande
réputation. Les meilleures orgues furent construites en Alle-
magne par Henri Cranz, vers 1499.
Les règles de l'art musical furent exposées par les carmes
Jean d'Erfurt et Jean Goodenbach, lequel fut le maître de
Franchin Gafor, chef des musiciens théoriciens d'Italie (vers
1500). Jean Tinctoris (Teinturier), maître de chapelle de Ferdi-
nand, roi de Naples, écrivit sur le contrepoint, les tons et l'ori-
gine de la musique. Le bénédictin Adam de Fulda (1490), le
prêtre d'Amberg Sébastien Virdung, Jacques Zabern à Mayence,
Jacques Faber de Stablon, Michel Neinsbeck et Jean Cochlée de
Nuremberg étaient renommés comme compositeurs de musique.
OUVRAGES A CONSULTER SCR LE N° 240.
Livre de chant d'Oeglin, Au^sbourg, 1512; GeflFken, Hamburg, und
niedersœchsische Gesangbücher des XVI Jahrh., Hambourg, 1837; Hoff-
mann de Fallersleben, Schlesische Volkslieder, 1842; Haxthausen,
Geist). Volkslieder, 1830; Ditfurth, Frœnk. Volkslieder, 1832; Fr.
Horael, Geistl. Volkslieder, Leipzig, 1867; Kehrein, Kirchenlieder,
Wurzbourg, 1839 et suiv., 3 vol.; Meister, das kath. geistl. Kirchenlied
mit den Melodien, Frib., 1862; Janssen, I, p. 215 et suiv. Des chants
allemands pendant l'office divin sont mentionnés par le concile de
Schwerin, 1492 : Hartzheim, V, 633. Drames religieux, surtout : Plaintes
58 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de Marie, mystères de Noël et de la Passion, le mystère des dix vierges
(exécuté en 1322 à Eisenach), de sainte Catherine, etc. Voy. ci-dessus,
V« période, § 380, t. IV, p. 388-389; Janssen, I, p. 224 et suiv. Proces-
sions de la Fête-Dieu du roi René, mort en 1480 : Kreiten, S. J., dans
Laacher Stimmen, 1874, cahier VII, p. 84 et suiv. Clédat, Étude sur
le mystère de sainte Agnès (Biblioth. des écoles françaises d'Athènes
et de Rome, Paris, 1877, fasc. 1, p. 271 et seq.). — Janssen, I, p. 195
et suiv,, 206 et suiv.; F.-X. Kraus, Kirchen-Gesch., I, p. 417, § 124.
L'architecture.
241. On continuait de travailler aux grandes cathédrales
précédemment commencées et de construire de splendides
églises, surtout en Allemagne, en France, en Espagne, en
Italie ; on s'imposait encore à cette fin de grands sacrifices dans
toutes les classes de la société. Comme ou ne pouvait atteindre
à l'unité, éviter les méprises et les dépenses excessives, qu'en
soumettant les ouvriers à une éducation uniforme, dans des
corporations étroitement reliées entre elles, et par le concours
simultané de toutes les forces, deux grandes associations de
tailleurs de pierre se formèrent en Allemagne, l'une à Ratis-
bonne en 4459, l'autre à Spire en 1464. En vertu d'un statut
rédigé en commun, tous les ateliers de maçons se placèrent
sous la direction des quatre grands ateliers de Strasbourg,
de Cologne, de Berne et de Vienne, et confièrent à l'architecte
de la cathédrale de Strasbourg l'office de premier juge.
Mais les monastères aussi continuaient encore d'avoir des
écoles d'architecture. Des architectes allemands furent, en 1490,
mandés de Strasbourg à Milan pour continuer la construction
du dôme, comme en 1450 d'autres avaient été appelés do Co-
logne à Burgos. A l'apogée du gothique commença d'ailleurs
sa décadence : on exagéra les résultats atteints par le dégage-
ment des voûtes ; on tourna tous les travaux vers l'ornementa-
tion, au préjudice de l'unité organique ; on imagina toute sorte
de figures fantastiques et folâtres ; néanmoins l'architecture de
la tour était toujours grandiose.
En Italie, le plus grand architecte fut Bramante, qui, sous
Jules II, mit la première main à la construction de la grande
église de Saint-Pierre, continuée ensuite par Giocondo, Raphaël
d'Urbino et Antoine de Saint-Gall. Brunelleschi éleva en 1431
la voûte de la coupole du dôme do Florence. André Orcagna
LA SCIE'NCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 59
(1389), Julien da Majano, Michelozzo Michelozzi (vers 1440),
étaient des célébrités de cette ville. L'antiquité classique y
exerçait son influence prépondérante. La sculpture, qui avait
déjà produit d'excellents ouvrages en statues d'anges et de
saints, en monuments funèbres et en meubles d'église, déploya
à Florence sa plus sublime floraison. Là travaillaient Nicolas
et André de Pise; Ghiberti de Florence (mort en 14.55), dont
les portes de bronze du baptistère excitaient l'admiration de
Michel- Ange; son disciple Luca délia Robbia (mort en 1481),
qui fit des reliefs et des figures en terre cuite, puis les colora
et les vitrifia au feu, afin de les protéger par le vernis contre
l'air et les intempéries; enfin, Donato ou Donatello (mort en
1466), à qui l'on rendait cet hommage d'avoir ressuscité par
la plastique la beauté des chefs-d'œuvre de la Grèce : un grand
nombre de sculpteurs renommés sortirent de son atelier.
Après Giotto (mort en 1336) et Orcagna Piedro Tedesco (1386-
1400), Nicolas d'Arezzo avait travaillé plus tard au dôme de
Florence. En Allemagne et en France, les églises et leurs por-
tails furent ornés d'excellentes statues ou reliefs. On recouvrait
de peintures un grand nombre de statues de bois ou de pierre,
et sur les tableaux on mettait des ornements plastiques. A côté
des travaux en pierre, on en voyait d'autres coulés en bronze,
sculptés en ivoire ou en bois, ces derniers surtout aux chaires
et aux stalles du chœur. C'était une œuvre magnifique que le
tombeau de saint Sébalde à Nuremberg, par Pierre Vischer
(mort en 1530), dont l'école a produit le monument grandiose
de l'empereur Maximilien à Inspruck.
On doit à l'ami de Vischer, Adam Kraft, la meilleure repré-
sentation de l'histoire de la Passion qui existe sur pierre, ainsi
que le magnifique tabernacle de saint Laurent ; il n'a été sur-
passé que par celui d'Ulm, construit par maître de Weingarten.
Tilmann Rieraeuschneider a fait à Wurzbourg le tombeau de
Henri II et à Bamberg celui de son épouse Cunégonde, ainsi
que d'autres travaux remarquables. Veit Stosz (né en 1447),
qui travailla à Nuremberg et à Cracovie, joignait à la sculp-
ture sur pierre et sur bois la peinture, la gravure, la méca-
nique et l'architecture. Comme à Nuremberg et à Florence, il
y avait aussi d'excellents orfèvres à Augsbourg, à Ratisbonne et
à Mayence.
60 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 241.
Vasari (architecte florentin, mort en 1495), le Vite de' pittori,
architetti e scultori ital., Fir., 1550, in-4°; Milano, 1808, 7 t., en
allem.; Stuttgart, 1832 et suiv. Séreux d'Agincourt, Hist. de l'art
par les monuments. Par. et Strasb., 1823, 6 t. in-f» (en allem.,
Berlin, 1840 et suiv,); le Moyen Age monumental et archéologique,
Par., 1841; A.-F. Rio, de l'Art chrét., 2« éd., Par., 1861-67, 4 vol.;
Laib et Schwarz (IV, § 113); Boisseréo, Denkmale der Baukunst
am Niederrhein, Munich, 1833, 1842; Puttrich, Denkmale der Bau-
kunst im Mittelalter in Sachsen, Leipzig, 1836-1843; Wiegemann,
ueber der Ursprung des Spitzbogens, Düsseid., 1842; A. Reichensper-
ger, Die christlich-germanische Baukunst, Trêves, 1845; Rettberg,
Nürnbergs Kunslleben, Stuttg., 1854; Falk, die Kunstthœtigkeit in
Mainz von Willigis' Zeit bis zum Schlüsse des Mittelalters, Mayence,
1869; Allihn, die Bauhütte des ausgehenden Mittelalters (Grenzboten,
Leipzig, 1875, n. 42-44); Janner, die Bauhütten des deutschen Mittelal-
ters, Leipzig, 1876; Janssen, I, p. 134 et suiv. — Schnaase (II, § 256);
Sighart, Gesch. der bildenden Künste im Kœnigreich Bayern, Munich,
1862 ; Dursch, Aesthelik der christ), bildenden Kunst des Mittelalters
in Deutschland, Tüb., 1854; Springer, Bilder aus der neueren Kunst-
gesch., Bonn, 1867 ; Otte, Hdb. der kirchl. Kunstarchœologie, Leipzig,
1868; Neumaier, Gesch. der christl. Kunst, Schaffliouse, 1855, 2 vol.;
Janssen, I, p. 150 et suiv.
La peinture, la sculpture et la gravure.
242. Comme les arts plastiques, la peinture se détachait de
plus en plus de l'architecture et raffinait ses formes, soit par une
fidèle imitation de la nature, comme dans le Nord, soit à la
manière idéaliste des anciens, comme en Italie. Des écoles im-
portantes de peinture s'établirent à Pise, à Sienne et à Flo-
rence, puis à Venise, Vérone, Milan, Bologne, Ancône, Rome
et Naples. Des fresques magnifiques décoraient les églises. Le
pieux dominicain Jean Angelico de Fiésole (mort en 4465),
qui unissait à une piété profonde un vif enthousiasme et porta
la peinture religieuse à son plus haut degré ; plusieurs fran-
ciscains de rOmbrie; Pierre Pérugin, maître de l'immortel
Raphaël Sanzio d'Urbin (1483-1520); Léonard de Vinci (né
en 1452); Michel-Ange (né en 1474), à la fois grand architecte,
grand sculpteur et grand peintre, élevèrent l'art italien à un
rare degré de perfection. Ilumbert (mort eu 1432) et Jean van
LA SCIENCE, LART ET LA VIE RELIGIEUSE. 61
Eyck (mort en 1440) illustrèrent l'école flamande. Ils em-
ployèrent la peinture à l'huile dans les ouvrages exceptionnels,
introduisirent l'étude de la nature dans l'art, et formèrent d'ha-
biles disciples, comme Koger van der Weyden l'Ancien (mort en
1464.), et plusieurs Italiens, surtout Antonelli de Messine, qui
transporta à Venise le goût des tableaux de son pays. Ils influè-
rent aussi sur le Florentin ûomenico Ghirlandajo (1451-1495).
Luc iMoser de Weil et Frédéric Ilerlen de Noerdlingen répan-
dirent la peinture hollandaise dans la haute Allemagne. Cepen-
dant la principale inlluence demeura à l'école de Cologne,
qu'Etienne Lochner de Constance (mort en 1451) avait portée
au dernier degré de perfection. C'est à Cologne que le Franco-
nien Haus Memling et le Souabe Martin Schongauer reçurent
leur première instruction. Ce dernier, qui travaillait à Colmar
et était en relation avec Pierre Pérugin, donna la première
impulsion à une foule d'artistes, comme Barthélémy Zeitbloom
d'Ulm, Ilans iJurgkmaier d'Augsbourg, Hans Holbein l'Ancien
et Albert Durer de Nuremberg. Celui-ci fut, avec Holbeiu le
Jeune, un des peintres les plus féconds. Nuremberg, Cologne,
Vienne, le Tyrol, la Souabe, la Westphalie, et pendant quelque
temps aussi la Bohème (depuis Charles IV) possédaient des
maîtres capables.
Les vastes murailles ayant été supprimées dans les églises
gothiques, la peinture murale n'y trouva plus qu'une apphca-
tion restreinte, tandis que la peinture sur toile et surtout la
peinture sur verre aux fenêtres des églises prirent un grand
essor. Elle était cultivée par les religieux comme par les
particuliers, par des maîtres réunis en association avec les
peintres. On remarquait surtout parmi eux Veit Hirsch vogel,
à Nuremberg (né en 1451), et Hans Wild, à Ulm (vers 1480).
Le dominicain Jacques Griesinger d'Ulm (mort en 1491) se fit
à Bologne un renom considérable en fixant les couleurs sur le
verre au moyen de la cuisson, et il y forma une école d'artistes.
La peinture en miniature, surtout dans les missels et les hvres
de prières, fut pratiquée par les religieux, mais aussi par les
laïques, à Paris, à Nuremberg, à Augsbourg, à Ratisbonne, à
Prague et dans les Pays-Bas.
Un grand nombre d'ornements et de tapis de cette époque
étaient des œuvres d'art accomplies. Les gravures sur bois et
62 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
sur cuivre aidèrent aussi au progrès de l'art. Les images
religieuses étaieut fort répandues et se rencontraient dans la
plupart des familles. On composa des livres en images, et les
sculptures sur bois multiplièrent les compositions des peintres.
Albert Durer perfectionna l'art de la sculpture sur bois, notam-
ment dans ses feuilles de la Passion ; lui et Martin Schongauer
perfectionnèrent la gravure sur cuivre. C'est ainsi que l'art
concourait souvent à l'instruction du peuple en lui procurant
de féconds sujets d'édification. Les danses des morts, répandues
sous diverses formes, rappelaient le sérieux de la vie et le
devoir d'une vigilance énergique.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 242.
Crove et Lavalcaselle, Gesch. der ital. Malerei, I-V, traduit par Jor-
dan, Leipzig, 1869 et suiv.; Hotho (II, § 255); Waagen, Hdb. der deuts-
chen und niederländischen Malerschulen, Stuttg., 1862; Gessert (V,
§ 377 et suiv.); Lasteyrie, Hist. de la peinture sur verre, Paris, 1853 et
suiv.; Wackernagel, die deutsche Glasmalerei, Leipzig, 1855; W.
Schmidt, Martin Schongauer, et Lutthardt, Albrecht Dürer (les deux
ouvrages à Leipzig, 1875); Janssen, 1, p. 100 et suiv.; ibid., p. 174 et
suiv., sculpture sur bois et gravure sur cuivre. — Maszmann, Liter,
der Todtentœnze, Leipzig, 1840; Schnaase, Mittheilungen der k. k.
Centralcommission, 1861, VI, p. 221 et suiv.; Peignot, Recherches sur
les danses des morts, Paris, 1826; Langlois, Essai sur les danses des
morts, Rouen, 1852; Jubinal, la Danse des morts, Paris, 1862; Douce,
the Dance of death, Lond., 1833. On en voit de pareilles dans le tran-
sept de Klingenthal, près de Bàle ; puis à Strasbourg, Lübeck, Berlin,
Straubing, etc.
Là» vie rclig-icuse el morale.
Crimes et abus.
2-43. L'afTaiblissement de l'autorité ecclésiastique replongea
plus d'une fois le peuple chrétien dans l'ancienne barbarie,
et il devint très difficile de mettre un frein aux pas.sions qui
éclataient quelquefois avec une rare violence. En face du
pouvoir civil, souvent trop faible pour empêcher les grands
crimes, le droit du plus fort prévalut de nouveau, et de la
noblesse dégénérée naquit une chevalerie de brigands. Les
droits de la justice furent méconnus : au milieu des guerres
privées on voyait souvent des villages livrés aux flammes, des
femmes déshonorées, des enfants mis à mort. Les tribunaux
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 63
vehmiqnes de Westphalie n'arrêtèrent les crimes que pendant
une courte période et dans une sphère restreinte, et ils ne
tardèrent pas à dégénérer.
L'impudicité était fort répandue dans un grand nombre de
pays, même en France. Les vices contre nature, la cupidité,
l'usure, faisaient de nombreuses victimes. Des bandes de bri-
gands parcouraient les campagnes en y semant l'incendie, et
ajoutaient aux calamités de la peste et de la guerre des cala-
mités nouvelles. Le peuple, cruellement opprimé par la no-
blesse, se vengeait de temps en temps par des voies de fait. Le
servage existait encore çà et là. Inconnu à Rome, il fut aboli
à Florence en 1269 et en 1297 par la législation, tandis qu'à
Venise, quoique fort adouci, il ne disparut qu'au seizième
siècle.
En Allemagne, la classe des paysans était généralement
vigoureuse et hardie ; elle portait les armes, participait à la
vie publique, et souvent n'était pas moins insolente que la
riche bourgeoisie des cités. Si la misère fut plus d'une fois
une cause de crimes parmi les classes indigentes, la richesse
des citoyens, en Italie, en Allemagne, en France, provoqua
souvent des luttes sanglantes et des actes de cruauté.
L'Église dut intervenir contre les marchands qui employaient
de faux poids et de fausses mesures, contre les parures exces-
sives et les costumes indécents des femmes, contre l'omis-
sion des ofüces aux jours de dimanche, contre la violation du
jeûne, contre les autorités civiles qui prétendaient interdire
la réception des sacrements aux criminels condamnés. Elle se
plaignait de la réception peu fréquente du Sacrement de l'autel,
du nombre croissant des mariages clandestins, qu'elle com-
battait en recommandant la publication des bancs et la béné-
diction du mariage par le prêtre. Il lui fallait lutter aussi
contre la persistance des anciens abus, qui se révélaient sur-
tout dans les divertissements, dans les foires des dimanches et
des fêtes, dans la célébration de la fête des Fous, dans l'emploi
des églises pour les publications et les actes de l'autorité civile,
dans les danses, les marchés, les cris des femmes pleureuses
qui troublaient l'office des funérailles, et enfin dans la propa-
gation de prières superstitieuses pour combattre la peste et
autres calamités.
(ii HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"> 243.
Wachsmuth, Europ. Sittengeschichte, Leipzig, 1837, t. IV; D. Fran-
klin, das Reichshofgericht im Mittelalter, Weimar, 1869, 2 vol. Sur le
duel, voy. Janssen, 1, p. 4ö0 et suiv.jConc. Wirceh., 1452; Hartzheim,
V, 422. Sur les cours vehmiques, Wœchler, Beitraîge zur teutschen
Gesch., Tüh., 1845, p. 113, 117 et suiv.; Zœpil, 111, p. 432, 443 et suiv.,
avec indication des ouvrages à consulter. Sur le mépris des censures :
le cardinal Mcolas de Cusa à Pie II, 23 avril 1460, dans Nie. de Cusa (en
allem.), II, p. 193etsuiv. Surl'impudicité : Gerson, Sex'm.c. luxur,, 0pp.
111, iJ21 et seq.; Concile de Paris, 1429, c. xxiii; Conc. Wirceh., cit. Sur
l'usure : Conc. Vienn. (Clem., c. i, 1. V, tit. V); Conciles de Mayence,
1310, c. cxxxiii, cxxxiv; de Bologne, 1317, c. xv; de Salamanque, 1335,
c. xiv; de Bénévent, 1378, c. vui-xi; de Salzbourg, 1386, c. xm, etc.;
Janssen, I, p. 376 et suiv. Servage en Italie : Archivio storico italiano,
t. IV, p. 16; Miscellanea di storia ital., t. I, Torino, 1802, n. 9; Vinc.
Lazari, del Trallico e délie Condizioni degli schiavi in Venezia; Civiltà
cattohca, 5 dec. 1863, p. 596 et seq. Cessation du servage et condition des
paysans en Allemagne : Janssen, I, p. 269 et suiv., 300 et suiv. Contre les
taux poids et les fausses mesures : Concile de Londres, 1430, etc. Contre
le luxe des habits chez les clercs : Concile du Salzbourg, 1418, c. xxxiv;
Geiler, Sermones et varii Tract., Argent., 1518, in-f°, 26, h; Jœger,
Ulms Verfassungsleben, Stuttg., 1831, p. 509; Janssen, I, p. 366 et
suiv.; Schwab, Gerson, p. 38 et suiv. Solennité du dimanche négligée :
Conciles de Valladolid, 1322, c. iv ; de Sens, 1485, c. iv; Determinatio
Fac. Paris, super observatione dieruni dominicalium, du Plessis d'Arg.,
I, u, p. 226-228. Abus des jours de dimanche : Concile de Maghfeld,
1332; Héfelé, VI, p. 555. Divertissements mondains et foires les di-
manches et fêtes : Nicol. de Clemang., de Nov. Celebritat. non insti-
tuendis, p. 143 et seq.; Schwab, p. 389. Rupture du jeûne : Conciles
de Salamanque, 1335, c. vu; de Prague, 1349, c. XLii, etc. Les grands
du monde ne permettaient pas aux condamnés à mort de recevoir les
sacrements. Le contraire : Conciles de Nougarot, 13*15, c. m; de
Prague, 1322, etc. Réception rare des sacrements : Concile de Tolède,
1339, c. v. Fête des Fous : voy. ci-dessus, V, § 382. Les églises em-
ployées à des affaires profanes : Conciles de Trêves, 1310, c. lxiv ; de
Ravenne, 1311, c. xii ; de Valladolid, 1322, c. xvii ; de Marciac, 1326,
c. XLvi ; de Torp (York), 1367, c. i; Ordinarium Eccl. Parmens., 1417,
éd. Parm., 1866, p. 22; Concile d'Aranda, 1473, c. xix. Femmes pleu-
reuses : Concile de Marciac, 1326, c. xxni. Prière superstitieuse contre
la peste, 1492, condamnée par la Faculté théologique de Paris : du
Plessis d'Arg., 1, n, p. 324.
LA SCIENCE, LART ET LA VIE RELIGIEUSE. 6a
La superstition.
244. La superstition, sous les formes les plus diverses, avait
pris une grande recrudescence. Les astrologues, les aruspices,
les devins, hantaient la cour des grands comme la chaumière
du laboureur. Les croisades, les relations avec les Arabes de
l'Espagne introduisirent les amulettes, les talismans, la croyance
à la vertu des pierres fines, la magie, l'astrologie, l'alchimie et
la nécromancie, dont les Juifs et les Sarrasins s'occupaient,
tout en cultivant des arts plus élevés. C'était une opinion fort
répandue que les hommes peuvent entrer en rapport avec les
esprits malins et produire avec leur concours des effets mer-
veilleux, surnaturels. On parlait de pactes, de commerces in-
fâmes avec les démons, de sorciers et de maîtres sorciers. Les
Templiers, et d'autres encore furent accusés de sortilège et
mis à la torture. Les conciles interdirent souvent la magie
et autres genres de superstitions. Le Corpus juris canonici
ne s'était que peu occupé de cet objet, et Alexandre IV avait
défendu aux inquisiteurs de sévir contre ceux qu'on accusait
de sorcellerie. Jean XXII publia une bulle spéciale contre Tal-
chimie, mais il décida que les inquisiteurs n'interviendraient
que lorsque l'hérésie serait en jeu.
La magie passait généralement pour un crime mixte. Les
autorités civiles s'en occupèrent de bonne heure et firent inter-
venir la torture dans leurs procès. Gerson et la plupart des
théologiens de Paris, tout en reconnaissant qu'il fallait donner
une origine purement naturelle à des choses qu'on attribuait
à l'influence des esprits pervers, admettaient cependant que
l'action du démon peut s'exercer sous des formes multiples,
et ils condamnaient cette opinion que ce n'est pas une idolâtrie
d'entrer en rapport avec Satan, de promettre quelque chose
aux démons, etc.
En 1398, la Faculté de théologie s'expliqua longuement sur
plusieurs questions de ce genre, approuva en 1431 la condam-
nation de Jeanne d'Arc, prise par les Anglais et considérée
comme sorcière, rejeta en 1466 les livres de magie d'Arnold
Desmarets, et en 1493 les écrits de Simon Phares sur l'astro-
logie. En 1459, à Arras, un grand nombre d'hommes et de
femmes furent mis à uiort pour cause de sorcellerie; il est
V. — HIST. DE l'église. 5
C6 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
vrai que plusieurs étaient coupables des crimes les plus graves.
La superstition, malgré tous les sarcasmes de Pétrarque et
autres, trouvait un aliment dans la folie, dans l'esprit de cupi-
dité et de vengeance, dans les préjugés mêmes des juristes et
des médecins.
Le célèbre juriste Bartolo était d'avis en 4350 qu'il fallait
brûler les sorciers et les magiciens. D'anciennes lois (celle même
du Lévitique, xx, 27) furent remises en vigueur. On arrachait
des aveux par la torture. 11 est certain que l'intention seule
d'entrer en rapport avec Satan était punissable et que de là à
séduire les autres il n'y avait pas loin. Si la magie cachait sou-
vent des crimes, il est indubitable que beaucoup d'innocents
étaient sacrifiés. Un grand nombre de procès eurent lieu chez
les Grecs schismatiques eux-mêmes depuis 1338.
Toute la société chrétienne d'alors avait foi dans la magie.
Sixte IV blâma comme téméraires ceux qui demandaient des
réponses aux démons, et Innocent VI 11 autorisa en 1484 plu-
sieurs inquisiteurs d'Allemagne (Jacques Sprenger, etc.) à
procéder contre eux : son but était de faire en sorte que les
tribunaux ecclésiastiques fussent chargés de celte affaire, afin
de procéder par la douceur et la persuasion. Telle fut l'origine,
en Allemagne, du livre, rédigé par G. Sprenger, le Marteau des
sorcières, dont on fit un grand abus. Alexandre VI, Léon X et
son successeur s'occupèrent encore de ces désordres, qui ré-
gnaient surtout dans la haute Italie et en Allemagne. Trithème,
qui s'appliquait aussi aux sciences naturelles et était lui-même
décrié comme sorcier, combattit dans un ouvrage les magi-
ciens, les astrologues et les alchimistes. Ulric Molitor de Cons-
tance, docteur de Padoue, écrivit contre la croyance aux sor-
ciers un livre adressé à l'archiduc Sigismond; mais il n'eut
point de succès auprès des princes ni dans les universités. Par
jalousie contre les inquisiteurs du pape, les juges séculiers
mettaient un soin particulier à rechercher le crime de magie.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 244,
Ciruelo, Reprovacion de las superslitiones, y hechizerias, Alcala de
Henares, 1347; J.-B. Thiers, Traité des superstitions qui regardent les
sacrements, 4" éd., Avignon, 1777; Pellicia, de Superstit. christ, med.
œvi diss. VII (Polilia ckrist,, éd. Colon., t. II) ; Hauber, Bibl., Acta et
Scripta magica, Lemgo, 1739-45; Horst, Dœmonologie, Frankf., 1818,
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 67
und Zauberbibliothek., Mayence, 1821-1826, Gpaities; Soldan, Gesch.
der Hexeiijjruccsse, Stuttgart, 1843; Wœclitcr, Beitr. zur Gesch. des
deutsclien Strafrechts, Tiib., 1845; Haas, die Hexenprocesse, Tüb.,
1863 ; Bonner Ztschr. für Philos, und kath. ïhcol., 1844, h. i, p. 71 et
suiv.; Hist.-pol. Bl., 1861, t. XLVII, p. 890 et suiv. Amulettes de
l'Orient mentionnées par Jacques do Vitry, Hist. Hier., c. Lxxm, Lxxxix.
Décrets des conciles de Trêves, 1310, c. lxxix; de Mayence, h. a.,
c. cxxxvi; de Valladolid, 1322, c. xxiv; de Salamanque, 1335, c. xv; de
Prague, 1349, c. lvi ; de Magdebourg, 1390, c. xlv, etc. Alex. IV, c. viii,
§ 4, de Hser., V, 2 in 6 ; Job. XXH, const. xni Super, 12 août 1325; Eyme-
ric, Direct. Inquis., part. H, q. xliii, n, 9 ; Vinc. Petra, Com. in Const.
apost., IV, 45 et seq.; Const. un., V, vi, in X vagg. com. Enquête sur la
magie : Reiffenstuel, in lib. V Décret., tit. XXI, n. 18; Scbmalzgrueber,
in h. 1., n. 51 . Livres de droit anglais et décrets des parlements français,
dans Friedberg, de Fin., etc., p. 93, n. 3, 5, 8 et suiv. Gerson, sur la
magie; Schwab, p. 717 et suiv.; Determinatio Parisiis facta per Facult.
theol. super quibusdam superslitionibus noviter exorlis, 19 sept. 1308;
du Plessis d'Arg., I, n, p. 154-157. Il est dit ici sur l'art. 1 : « Quod
per artes magicas et maleficia et invocationes nefarias quaei'ere fami-
liaritates, amicitias et auxilia dœmonum non sit idololatria. » La
censure : « Error. Quoniam dœmon adversarius et pertinax et impla-
cabilis Dei et hominis judicatur, nec est honoris vel dominii cujus-
cunque vere seu participative vel aptitudinaliter susceptivus, ut aliœ
créature rationales non damnalse, nec in signo ad placitum instituto,
ut sunt imagines et templa, Deus in ipsis honoratur. » Ib., p. 229 et
seq., ex Bulœo, V, 394, Judicium Paris, de Jana puella, cui magica ars
imponebatur. Ib., p. 256, Judicium 26 oct. 1466, p. 324-331 ; Judicium
de Simone Pharees, p. 418, c. n. Crimes à Arras, d'après Monstrelel,
Chron. du roi Charles VH, vol. III, p. 84, an. 1439, 1460 ; Jacob. Mayer,
Ann. Flandr., lib. XVI, an. 1459. En Allemagne, le Miroir des Saxons,
liv. II, t. XIII, § 7, iniligeait la peine de mort à ceux qui étaient en
relation avec des magiciens. Voy. Landrecht des Schwabenspiegels,
§ 174. Ordonnance de Charles V, art. 109. Sur le nombre prodigieux
des sorcières en Allemagne, voy. Spee, S. J., Cautio criminalis, dub.
XI, XV ; Thomasius, de Ohg. ac Progressu processus Inquis. contra sagas,
Hal., 1712, in-4°; Cauz, de Cultibus magicis, Vindob., 1767, in-4o.
Médecins superstitieux : Gerson, 0pp. I, 203-210. Enquêtes chez les
Grecs : Acta Patriarchatus Constantinopolitani, éd. Müller etMiklosich,
t. I, doc. 79, 80, 85 et seq., 134, 137, 153, 228, 292, 305, 331 ; t. H,
doc. 377, etc. Mon ouvrage Kath. Kirche, p. 608-616; Sixtus IV, c. ii,
de Malef. et Incantat., V, xii, in libro Sept.; Innoc. VIH, const. Sum-
mis desiderantes, Bull., éd. Taur., V, 296 et seq., c. iv, loc. cit., in
Sept.; Gœrres, Mystik, IV, ii, p. 651 et suiv.; Alex. VI, c. i, loc. cit., in
Sept.; Leo X, const. Honestis petentium, loc. cit., c. vi, Bullar., p. 499;
Hadr. VI, 1322, ad Inquis. Com. Sept., loc. cit., c. ui; Hard., IX, 1907-
C8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
1910. M Malleus maleficarum in très partes divisas, in quibus concur-
renlia ad maleficia et modus denique procedendi ac puniendi malefi-
cos abunde continetur, prsecipue autem omnibus inquisitoribus et
divini verbi concionatoribus utilis cl necessarius. » La première im-
pression est probablement de Cologne, 1489, in-4°; vint ensuite
Francf., i580, in-4°. Le livre de U. Molitor, de Lamiis pythonicis mu-
lieribus, Colon., 1489, se trouve aussi en appendice dans l'édition de
Francfort du Marteau des sorcières. Ce livre fut approuvé par l'univer-
sité de Cologne, et le roi Maximilien le recommanda aux inquisiteurs.
Bruxelles, 6 nov. 1486. Sur Tritbème, voy. Janssen, I, p. 87.
Les beaux côtés de cette période.
245. Malgré tous ces vices, on remarquait toujours beaucoup
de zèle pour la réforme des mœurs, un grand esprit de foi,
une résistance vigoureuse contre le mal, jointe à l'emploi de
tous les moyens propres à le combattre. On voyait encore
parmi le peuple des mœurs saines qui réagissaient contre
le despotisme croissant, une humeur joyeuse, un caractère
enjoué, que l'Église tolérait tant qu'ils n'avaient rien de
contraire à la foi et à la morale; une grande liberté d'allures
et de langage régnait en Allemagne, en France, en Italie, et
principalement à Rome. Il était permis de ridiculiser les folies
des grands eux-mêmes et de mettre le vice au pilori ; la satire
pénétrait jusque dans l'enceinte des églises. La vertu chré-
tienne répandait encore les plus suaves parfums, et l'on ren-
contrait quantité de saints personnages parmi les évoques et
les prêtres (§ 197), non seulement dans les cloîtres (§ 206, 22t),
mais encore chez les personnes du monde. EIzéar de Sabran,
comte d'Ariano et prévôt royal de Naples sous le roi Robert,
montra, sous l'armure de chevalier et dans les splendeurs de la
cour, les vertus d'un ermite ; il vécut, avec sa femme Delphine,
dans une chasteté inviolable, et quand il mourut (1323), il
jouissait de l'estime universelle. Il fut canonisé par son parent
Urbain V, dont il avait été le bienfaiteur durant sa jeunesse.
En Suisse, Nicolas de Flue fut le modèle de ses compatriotes,
comme père de famille, soldat et juge, comme négociateur du
traité do Stanz (1481). Saint Roch, de Montpellier, fut pour la
France et l'Italie un ange de charité, et on l'invoqua plus tard
contre la peste. En Pologne, Casimir, issu de race royale, fut,
avec le saint prêtre Jean de Kenty, un modèle de la jeunesse.
LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 00
Parmi les femmes, Françoise Romaine se signala par son amour
du prochain, et l'héroïque Jeanne d'Arc (la Pucelle d'Orléans),
s'immola pour sa patrie. Brûlée le 30 mai 1431 comme sorcière,
elle fut réhabilitée par Calixte III, après la révision de son pro-
cès, et hautement vénérée de la postérité.
Ou voyait des exemples touchants de pénitence et de mortifi-
cation, surtout à la suite de certains sermons particulièrement
émouvants, qui furent prêches pendant la peste noire de 1348
et autres épidémies, et qui provoquèrent des processions de
flagellants inspirées par l'esprit de pénitence, mais souvent ré-
préhensibles. La vie chrétienne continuait de régner dans les
familles, d'où n'étaient exclus ni les ouvriers ni les domestiques.
De nombreux établissements de bienfaisance, des confréries,
des hôpitaux, surgissaient sous la protection spéciale de l'Église.
Clément V défendit de conférer ces établissements à des ecclé-
siastiques à titre de bénéfices. Pour soulager le peuple, qui avait
tant à souflrir de l'usure, on établit, dans le quinzième siècle,
les monts-de -piété, d'abord à Orviéto et à Pérouse (1450-1460),
et l'Église les encouragea. Non seulement les pasteurs de
l'Église recommandaient chaudement les œuvres de miséri-
corde corporelle et spirituelle, mais ils les pratiquaient eux-
mêmes, ainsi que les fidèles, souvent d'une manière éclatante.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 243.
Hasak (§ 238); Mœhler-Gams, III, p. 36-52. Elzéar de Sabran :
Baluz., I, 38Ö ; Rose, Études sur le XIV« siècle, p. 379; Christophe,
Papstth. im XIV Jahrh., II, p. 253, 286 et suiv.; Nikol. v. der Flue, J. v.
Müller, Gesch. der Schw. Eidgen, t. VI; Widmer, das Gœttliche in der
irdischen Entwicklung, nachgewiesen im Leben d. hl. Nik. v. d. Flue,
I.ucerne, 1819; Businger, Bruder Klaus u. sein Zeitalter, Leipzig,
1827 ; Gœrres, Gott in der Geschichte, Munich, 1836, h. i; Ming, der sei.
Bruder Nik. v. d. Flue, Lucerne, 1861 et suiv., 2 vol. — Guido Gœrres,
die Jungfrau von Orleans, Ratisb., 1834, 37; Quicherat, Procès de con-
damnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, Paris, 1841-49, 5 vol.
(recueil important de sources), et Aperçus nouveaux sur l'hist. de
Jeanne d'Arc, Paris, 1850; Strasz, Jeanne d'Arc, Berlin, 1862; Hase,
die Jungfrau von Orleans, Leipzig, 1861 ; A. Desjardins, Vie de Jeanne
d'Arc, Paris, 1854; Sickel, Jeanne d'Arc, dans Sybels hist. Ztschr.,
1860, IV, p. 273 et suiv.; Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII (1403-
1461), Paris, 1863, et Procès de Jeanne d'Arc, Paris, 1867; Wallon,
Jeanne d'Arc, Paris, 1860, 2 vol., 2« éd., 1867; Semmig, die Jungfrau
von Orleans, Deutsche Jahrb., 1863, t. LX; Robville, A. de Lamartine,
70 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
tous deux, Jeanne d'Arc, Paris, d863; Villiaumé, Hist. de Jeanne
d'Arc; Michelet, 2« éd., ibid., eod. an.; Eyssel, Jeanne d'Arc, Ratisb.,
1864; A. Dantier, Jeanne d'Arc (Correspondant, 23 mai 1876). Sur les
établissements de bienfaisance : Ratzinger, p. 286 et suiv.; ordonnance
de Clément V; Conc. Vienn., c. ix, x (Clem., c. i, n, lib. III, tit.
XIV). Montes pietatis : Leo X, const. Inter muUiplices, Bull., I, 553;
Bened. XIV, de Syn. diœc, X, v, 1 ; Devoti, Inst. jur. can., t. II,
lib. II, tit. XVI, § 16, n. 1 ; Ratzinger, p. 291 et suiv.
CHA.PITRE III.
l'église en face des lnfidèles, des schismatiques et des
hérétiques.
Rapports de l'Eglise avec les juifs et les niahoniétans.
Les juifs. — L'Inquisition politique en Espagne. — Les Sar-
rasins.
246. L'Église maintenait en face des infidèles son ancienne
législation. Les juifs, qui avaient singulièrement amélioré
leur bien-être, soulevaient de violentes réclamations par leurs
pratiques usuraires. De là les persécutions qui éclatèrent à
diverses reprises, en France (1320), à Francfort (1347) et
ailleurs encore, quand la peste noire étendit ses ravages. On
renouvela contre eux les anciennes ordonnances, mais elles
furent souvent éludées. Les papes et les conciles prirent la
défense de ceux qui étaient illégalement persécutés, interdirent
de les baptiser par force, et protégèrent les convertis. En 1412,
l'antipape Benoît XIII fit tenir une grande conférence reli-
gieuse, dans laquelle le rabbin Joseph Albo, auteur du livre
des Dogmes fondamentaux (Sepher d'Ikarim), défendit la reli-
gion juive contre Jérôme de Sainte-Foi, juif converti et
médecin de Benoît. En 1415, il publia une longue bulle, dans
laquelle, ayant égard aux nombreuses conversions qui s'étaient
produites en Aragon, il décidait que les juifs assisteraient
trois fois par an à des conférences données par de bons prédica-
teurs chrétiens sur l'avènement du Messie, sur les égarements
et le sort malheureux de leur peuple.
Le concile de Bàle, dans sa XIX* session (7 septembre 4434),
l'église en face des SCH1SMATIQÜES ET DES UÉKÉTIQUES. 71
ordonna que des prédicateurs d'élite seraient établis dans les
localités qui renfermaient une population juive considérable, et
qu'on forcerait les juifs d'assister à leurs instructions. 11 renou-
vela en même temps les ordonnances de Benoît sur le costume
particulier que devraient porter les juifs et sur leur exclusion
de tous les emplois. Ceux qui, après avoir reçu le baptême,
retourneraient aux usages juifs, devaient être livrés aux
inquisiteurs. Isaac Abubab, vers 1490, se signala parmi les
moralistes juifs (Menorath ha Maor). Entre les accusations qui
pesaient alors sur les juifs d'Espagne, figurait celle de
conspirer avec les Sarrasins : de là vient qu'en 1492 ou les
somma d'opter entre la réception du baptême et l'émigration.
Cent soixante mille familles juives quittèrent l'Espagne et
allèrent se fixer en Portugal, d'où elles furent chassées en 1496,
pour des raisons absolument semblables.
Il y avait dans la Péninsule beaucoup de Juifs et de Sarra-
sins qui se faisaient baptiser, mais qui combattaient en secret
le christianisme. L'Inquisition, qui allait se transformer bien-
tôt en institution civile, était particulièrement dirigée contre
eux. Sixte IV confirma cette institution en 1478 ; mais en
1482 il se plaignait déjà de la manière dont elle fonctionnait.
En 1483 on recevait à Rome des appels contre les inquisi-
teurs espagnols. Les grands inquisiteurs, Thomas de Tor-
quemada (1483-1498) et Didace Deze (1498-1506), s'appuyaient
principalement sur l'autorité civile, qui, devant les menaces
continuelles des « néochrétiens », trouvait dans cette insti-
tution, nullement impopulaire, le meilleur moyen d'atteindre
son but. Le Saint-Siège, depuis Clément V, mitigea beaucoup
la procédure des inquisiteurs contre les hérétiques, princi-
palement en soumettant les sentences de condamnation au
grand inquisiteur et à l'évêque ; il offrait souvent un asile aux
persécutés , et prenait des mesures sévères contre les faux
accusateurs et les faux témoins,
La plupart des inquisiteurs étaient, de l'aveu de leurs propres
adversaires, des hommes intègres et fidèles à leurs devoirs.
Lorsque Grenade, dernière ville occupée par les Maures, fut
prise en 1492, on permit aux Maures de conserver leur culte;
mais, une conjuration ayant été plus tard découverte, on les
somma également (1498) de se convertir ou d'émigrer; le
72 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
décret fut rigoureusement exécuté en 1501. Plusieurs Sarrasins
se firent baptiser; mais, comme ils n'étaient chrétiens que de
nom,. ils n'en devinrent que plus dangereux. Les relations des
chrétiens avec les Sarrasins étaient également hostiles, et les
conversions parmi ceux-ci plus rares encore que parmi les
juifs. Il fut sévèrement interdit aux chrétiens de livrer des
armes aux mahométans.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 246.
Desping, die Juden im Mittelalter, Stuttg., 1834; Jost, Gesch. der
Israeliten, Berlin, 1825 etsuiv., part. IV et suiv.; Wiener, Regesten zur
Gesch. der Juden in Deutschland waehrend des Mittelalters, Hannov.,
1832, 2 vol.; Grœsze, der Tannhœuser und der ewige Jude, 2« éd.,
Dresde, 1861. Mesures contre les juifs : Conciles de Valladolid, 1322,
c. XXI ; de Prague, 1349, cl; de Lavaur, 1368, c. cxii-cxv; de Palencia,
1388, c. V, VI ; de Salzbourg, 1418, c. xxxiii. Bulle de Benoit XIII, Etsi
doctoris gentium, dans Dœllinger, Materialien, II, p. 393-403. Conc.
Basil., sess. XIX; Mansi, XXIX, 98 et seq.; Héfelé, VU, p. 589. Contre
ceux qui embrassaient le judaïsme : INicol. IV, const. iv, an. 1288.
Greg. XI, const. u, an. 1372; V. Petra, Com. in Const. apost., t. III,
p. 253 et seq.; t. IV, p. 153. — Leo, Weltgesch., II, p. 431 ; Ranke,
Paepste, I, p. 242 et suiv.; Menzel, Neuere Gesch. der Deutschen, IV,
p. 197; Balmès, der Katholicism. verglichen mit dem Protestant.,,
cap. xxxvi, p. 177 et suiv.; Hist.-pol. Bl., 1840, t. VI, p. 482 et suiv.;
Héfelé, Ximénès, p. 241 et suiv. Sur le caractère des inquisiteurs :
Buckle, Gesch. der Civilisation in England, t. 1, sect. I, Leipzig und
Heidelb., 1860, p. 160. Voy. mon ouvrage Kath. Kirche, p. 600 et
suiv., 607 et suiv. Sur Pierre d'Arbues, Civiltà cattolica, an. 1867,
sér. VI, vol. XI, p. 273, 385 et seq. Inquisition modérée par les papes :
Clem. V, in Conc. Vienn., c. xiii, xiv (Clem., c. i, ii, lib. V, tit. III);
Héfelé, Vi, p. 482; Leo X, const. Intel leximus, 1518, Bull. Rom., III,
p. 465 et seq. — J. de Marsolier, E. Fléchier, etc. (ci-dessus, § 234).
— Joh. XXII, 1317, c. Copiosus, tit. VIII in X vagg. Joh.; Urban. V, in
Bulla Cœnœ. Cf. Bened. XIV, de S. D., XIII, xx, 1 et seq.; Phillips, K.-
R., II, p. 431, ^ 100. — Nicol. V, const. Olim, Bull. M., 1, 364; Haus-
mann, Gesch. der paepstl. Reservatfaelle, p. 143 et suiv.
nouvelles découvertes. — Les peuples païens de rJifrlquc
et de rAmérique.
Découverte des îles Canaries et des côtes occidentales de
l'Afrique. — Commerce des esclaves.
247. Plusieurs fois déjà les princes temporels s'étaient fait
concéder par le Saint-Siège, moyennant un tribut annuel, les
pays qu'ils avaient arrachés aux infidèles ou nouvellement
l'église en face des SCfflSMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 73
découverts. Vers 1344, Louis do la Cerda, prince de Castille, se
fit donner par Clément VI, contre une redevance, avec le titre
de prince de Fortunia, les îles Canaries, découvertes par des
marchands castillans et portugais, avec l'obligation d'y pro-
pager le christianisme, d'y ériger des églises et des couvents,
Le pape y consentit, à cette condition que d'autres princes
chrétiens n'auraient pas encore acquis de droit sur ces îles.
Quoique les rois de Castille et de Portugal eussent renoncé à
leurs prétentions, Louis ne fut pas en mesure d'en prendre
possession.
Plus tard, les Portugais découvrirent les côtes occidentales
de l'Afrique (1419-4484). Eugène IV, eu 1443, leur accorda tous
les pays qu'ils découvriraient, depuis le cap Noun jusqu'à
la terre ferme des Indes. Cotte mesure fut approuvée par Nico-
las V, sous la condition qu'ils y introduiraient le christia-
nisme. Bientôt de graves discordes éclatèrent entre les Por-
tugais et les Espagnols engagés dans cette entreprise. La
servitude personnelle , qui régnait d'une manière absolue
parmi les Maures de la Péninsule, avait fini par passer dans
les idées et les mœurs des Portugais et des Espagnols, au milieu
de leurs guerres réciproques. Aussi, dans leurs expéditions en
Afrique, en vinrent-ils au trafic des esclaves. Les lois permet-
taient de réduire quelqu'un en esclavage par le droit de la
guerre, et en suite d'une condamnation judiciaire, laquelle
avait presque toujours lieu pour cause de rébellion, de rechute
dans l'idolâtrie, d'anthropophagie. On pouvait tomber aussi en
la puissance de quelqu'un par la naissance, par contrat de
vente ou d'achat.
Les Portugais étaient souvent menacés par des corsaires
d'Afrique, qui entraînaient des multitudes d'hommes en escla-
vage : de là des représailles. Bientôt aussi l'on vit des conqué-
rants, des marchands même, faire la chasse aux nègres, afin de
pouvoir les revendre avec profit; et déjà en 1341 les Portugais
traînaient après eux des hommes enlevés des îles Canaries.
En 1393, des marchands d'Andalousie et de Biscaye emme-
naient de l'île Lancerote le souverain et sa femme, avec cent
cinquante de leurs sujets.
Le Normand Jean de Béthencourt, qui reçut de la Castille l'in-
vestiture des îles Canaries, s'y rendit de Cadix vers 1402, cons-
74 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
truisit un fort à Lancerote, puis retourna en Espagne pour
se procurer en abondance des ressources en armes, en hommes
et en vivres. Le capitaine Berlin de Berneval, qu'il chargea de le
remplacer pendant son absence, fit conduire en Espagne trente
insulaires à titre d'esclaves. Après son retour, d'autres esclaves
en plus grand nombre furent saisis à la suite de combats entre
les indigènes et les troupes françaises , d'autant plus qu'on
venait de s'emparer sur ces entrefaites de plusieurs autres îles.
Béthencourt y laissa plus tard son neveu, et se fit envoyer en
France de copieux revenus.
Alors les plaintes affluèrent à la cour d'Espagne. Les évêques,
surtout le franciscain Mengo, s'élevèrent avec force contre ces
abus, et déclarèrent que ni avant ni après leur conversion il
n'était permis de réduire les habitants des îles en esclavage.
Jean II n'ayant rien obtenu par ses lettres, Petro Barba de
Campos arriva avec trois vaisseaux pour déposer le jeune
Béthencourt.
Cependant le commerce des esclaves allait son train, princi-
palement sous le nouveau gouverneur Ilernando Peraza, qui
subjugua Gomera en 1443. Palma fut soumise en 1493, Téné-
riil'e en 4496. Le trafic des esclaves continua. Cependant il fut
souvent convenu dans les traités de paix que les indigènes
jusque-là traités en esclaves recouvreraient la liberté. Eu-
gène IV insista pour qu'on adoucît les lourds impôts qui
pesaient sur les habitants, prit des mesures pour leur envoyer
des maîtres qui leur enseigneraient les arts et les travaux
manuels, et protesta contre les atteintes portées à leur hberté.
Son exemple fut suivi par ses successeurs. Ne pouvant modifier
le droit de la guerre ni abolir l'esclavage, force leur était de
restreindre leur protection à ceux qui étaient encore en liberté.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N* 247.
Juan Nufiez de la Pefia, Conquista y anliquitades de las islas de la
Gran Canaria, 1. I, c. vu, xii-xvi; Cordeyro, Ilisloria insulana das ililas
a Portugal sugeytas no Oceano, c. m; d'Avezac, les Isles d'Afrique; G.
Gravier, le Canarien, livre de la conquête et conversion des Canaries
(1402-1422), par Jean de Béthencourt, Par., 1875; Hist. de la première
découverte et conquête des Canaries, Paris, 1630; K. Ritter, Gesch. der
Erdkunde, éd. Daniel, p. 244 ; Lütolf, zur Entdeckung und Christia-
nisiru-ng der westafr. Inseln (Tüb. Quartalschr., 1877, 11, p. 319 et
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 75
suiv.). Décrets des papes : Rayn., an. d344, n. 4 et seq.; 1369, n. 14;
1434, n. 21 ; I43C, n. 25, 26 ; 1443, n. 10; 1454, n. 8 (cf. Bull., III, m,
p. 70); an. 1462, n. 12; 1476, a. 21 et seq. Voyez mon ouvrage Kath.
Kirche, p. 344-349. — Hüne, Darstellung aller Verœnderungen des
Negerhandels, Goett., 1820, part. I; Copley, a History of sclavery and its
abolition, Lond., 1844; Cochin, l'Abolition de l'esclavage, Paris, 1862,
t. I; Bandinel, der african. Sclavenhandel, trad. par J. Hecbsel, p. 12;
Humboldt, Krit. Untersuchungen, II, p. 217; J. Margraf, Kirche und
Sclaverei seit der Entdeckung Amerikas, Tûb., 1865; Civiltà cattolica,
1865-1866, VI, I vol., i-vii, p. 427 et seq., 662 et seq., etc. Lois en
faveur de l'esclavage, d'après le Code Justinien, dans les Siete Par-
tidas d'Alphonse X de Castille, 1258, part. IV, et dans les Ordenaçoens
do rey Alfonso V de Portugal, 1446, lib. IV, tit. LXXXI; A. Helps, the
Spanish conquist., vol. I, part. III, c. i, p. 201, Lond., 1855 et seq.
Conversions en Afrique. — Influence de l'Église.
248. Le Portugal eut bientôt en Afrique d'immenses posses-
sions, d'où il ramenait à la fois de l'or et des esclaves. En 4445,
l'infant Henri défendit, dans l'intérêt de la conversion des
nègres, de leur faire violence ; il essaya d'établir avec eux des
relations commerciales, de conclure des traités, qui se multi-
plièrent à partir de 1469. La traite des nègres diminua sensi-
blement. Alphonse V et Jean II travaillèrent à leur conver-
sion, et envoyèrent au Congo d'habiles missionnaires. En 1491,
oay comptait déjà de nombreux chrétiens; on se mit à bâtir
des églises. Emmanuel y dépêcha des messagers de la foi à
diverses reprises (1504, 1510, d512); un prince du Congo fut
élevé à Lisbonne, et le roi, déjà baptisé, envoya à Rome une
députatiou. En 1533, Jean III de Portugal annonçait au pape
que tout le Congo était cathohque. Aucun esclave ne fut plus
enlevé de ce pays, et il fut en général sévèrement défendu de
réduire des chrétiens en esclavage. Les missionnaires se mon-
trèrent toujours les plus zélés défenseurs de la liberté des
indigènes.
Mais en d'autres contrées, notamment au Sénégal, on conti-
nuait d'exploiter et de vendre un grand nombre d'esclaves ;
ce trafic consistait ordinairement à échanger avec des nègres
un cheval contre neuf à dix-sept hommes. Comme l'Espagne et
le Portugal étaient alors fort dépeuplés par l'expulsion des
Maures, et que les bras manquaient au travail — car beaucoup
76 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
d'habitants émigraient aussi par esprit d'aventure — on se pro-
cura des esclaves africains à un haut prix : les marchands s'ins-
piraient de l'amour du lucre ; le gouvernement, de la politique.
La religion seule pouvait adoucir le sort des esclaves, procurer
leur conversion et avec elle souvent leur affranchissement, ou
du moins y contribuer par ses encouragements, protéger et dé-
fendre les convertis, garantir par ses censures ceux qui n'étaient
pas encore esclaves. Elle concourut à l'amélioration des lois, et
inspira souvent à des hommes cruels des sentiments d'huma-
nité. En face de ces peuples entièrement sauvages, qui ne con-
naissaient aucun droit des gens, qui avaient eux-mêmes des
esclaves, qui enlevaient et mettaient à mort des chrétiens, les
princes chrétiens se croyaient autorisés à faire la conquête du
pays, afin de les morahser en les subjuguant, et d'extirper les
crimes énormes, les massacres dont ils se rendaient coupables.
Mais, afin de prévenir de nouvelles guerres entre les princes
chrétiens, et d'assurer aux rois de Portugal le fruit des entre-
prises qu'ils faisaient au prix de tant de sacrifices et de dé-
penses, Nicolas V défendit de faire voile vers les îles et les côtes
découvertes par le Portugal , à quiconque n'en aurait pas
obtenu la permission du roi; il fallait payer un tribut, et s'y
rendre avec des vaisseaux et des matelots portugais. A la suite
de cet induit, Jean II de Portugal obtint d'Edouard IV, roi
d'Angleterre, que les marchands anglais demeureraient éloi-
gnés des côtes occupées par les Portugais.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N*" 248.
André Alvarez de Almada, Relaçao o Descripçao de Guiné, Lisb.,
1730; Relazioni del Reanie di Congo, traite dagli scritti di Odoardo
Lopez portughese, per F. Pigafetta, Roma, 1590; Barros, da Asia, dec.
I, lib. II, c. a. — Rayn., an. 1484, n. 82; 1490, n. 24; 1491, n. 6;
1510, n. 37; 1316, n. 104; 1533, n. ult.; Osorius, de Rebus gest.
Emman. II, Reg. Lusit., 1. III, c. vin ; Molina, Tr. de justitia et jure,
t. II, tr. II, disp. xxxiv, n. 8, p. 71 : « Ex hoc regno (Congo), cum
omnes christiani sunt, nuUum asportatur mancipium, neque propter
delicta serviluli subjiciuntur, sed aliis pœnis a suo rege puniuntur. »
Sur reflet de l'induit de Nicolas V, 1454 : Hackluil, Hist. Navigation.,
V, II, p. 2; Thomassin, part. III, 1. I, c. xxxii.
Circumnavigation de l'Afrique.
249. Après des efforts persévérants, le Portugal atteignit sou
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 77
but; il trouva sur mer une voie directe pour gagner les Indes
orientales, au lieu de passer par l'Egypte, et pour faire le tour
de l'Afrique par la voie de mer. On avait d'abord découvert l'île
de Porto-Santo (1-408), et de là l'île déserte de Madère (1419);
en 1-Ul, l'on découvrit le cap Blanc, et, en IMo, le cap Vert.
Vers 148-4, Diego Cano pénétra jusqu'au Congo, puis jusqu'au
cap Saint-Augustin. En 1487, Barthélémy Diaz atteignit réelle-
ment le cap de Bonne-Espérance : c'est le nom que le roi Jean II
voulut qu'on lui donnât, au lieu de cap des Tempêtes, comme
l'avait appelé celui qui en fit la déconverte. De là on apprit aussi
à connaître la côte orientale de l'Afrique, et l'on entama des né-
gociations avec l'Ethiopie. Vasco de Gama entreprit alors (1497)
son heureux voyage jusqu'aux Indes orientales, et bientôt de
nouvelles flottes y abordèrent. François Almeida fut nommé
vice-roi (1507), et après lui Alphonse Albuquerque (mort en
4515), qui fit de Goa le centre de la nouvelle domination dans
les Indes orientales, et étendit plus loin le commerce portugais :
nouvelle sphère ouverte à l'activité des missionnaires chrétiens.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 249.
J.-P. Maflfei, S. J., Histor. indic. libri XVI, Antw., 1605, 1. I-V; Col-
lecçao de monumentos iuedilos para a historia das conquistas dos Por-
tuguezes em Africa, Asia e America (dirigée par R.-J. Telner), t. II,
part. I, Lisboa, 1860; t. III, 1862. Ose. Peschel, Gesch. des Zeitalters der
Entdeckungen, Sluttg., 1838. Sur les travaux scientifiques des Portu-
gais relatifs à l'Amérique, voy. Brucker, dans les Études relig., hist. et
littér., mars 1878.
Découverte de l'Amérique.
250. On avait fait le tour de l'Afrique; on allait maintenant
découvrir l'Amérique. Le Génois Christophe Colomb, né en
4436, découvrit d'abord (12 octobre 1492) la petite île de Gua-
nahany (nommée San-Salvador), s'avança vers Cuba et recon-
nut Haïti, où il construisit un fort. Le 3 mai 1493, il
rentrait heureusement en Espagne. Pendant une seconde
navigation entreprise dans l'automne, il découvrit les îles Ca-
raïbes, et fonda une colonie à la Jamaïque. Calomnié à la cour
d'Espagne (1495), il se justifia pleinement des accusations éle-
vées contre lui (1496). Dans un troisième voyage, commencé le
30 mai 1498, il découvrit l'île de la Trinité, puis la terre ferme
TS HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de l'Amérique. Le grand amiral croyait qu'il était permis de
réduire en esclavage les indigènes rebelles , du moins les
Caraïbes des Antilles et les Haïtiens, qui se repaissaient de
chair humaine; que, s'ils demeuraient dans leur conditions au-
vage, ils ne se laisseraient jamais convertir ni civiliser. En
1494 déjà, sous Antoine Torrès, douze vaisseaux partaient
emmenant des prisonniers caraïbes; en 1495, cinq cents d'entre
eux furent conduits à Séville pour y être vendus.
Cependant ,1a reine, qui avait l'àme sensible et qui était bien
disposée pour les Indiens, défendit, à l'instigation de son con-
fesseur, l'archevêque de Grenade, de les mettre en vente, et
exigea qu'ils fussent renvoyés avec d'autres Indiens amenés
en Espagne. Colomb, qui respectait les droits naturels des in-
digènes, tout en faisant un usage excessif du droit de la guerre
tel qu'il existait alors, se brouilla sur ce point avec ses propres
compatriotes. Plusieurs d'entre eux, sous la conduite de Rol-
dan, se séparèrent de lui et se fixèrent dans le district de
Xaragua, où ils traitèrent les Indiens comme des esclaves.
Colomb ne parvint à les soumettre qu'en leur permettant de
garder les Indiens comme domestiques pour cultiver leurs
terres; ils seraient à la fois leurs chefs et leurs protecteurs. Les
chefs choisiraient les Indiens qui devraient être envoyés au
dehors.
Telle fut l'origine du système des commendes ou répartitions
{leparlhnieiito). La reine envoya à Ilispaniola (Saint-Domin-
gue) un commissaire chargé de faire une enquête. En 1500,
ce commissaire fit transporter en Espagne l'amiral chargé de
chaînes. Celui-ci recouvra la liberté, mais non pas de suite
le rang qu'il avait occupé jusque-là. Le roi Ferdinand envoya
à Hispaniola le chevalier Nicolas d'Ovando avec trente vais-
seaux parfaitement équipés. Sur sa demande, Colomb put en-
treprendre en 1502, avec quatre vaisseaux endommagés, son
quatrième voyage, traversé de bien des revers, mais couronné
de succès. Peu de temps après son retour, il mourut à Valla-
dolid, le 21 mai 1506, après n'avoir recueilli qu'ingratitude
pour ses gigantesques entreprises. La terre même qu'il avait
découverte ne reçut pas son nom, mais celui du Florentin
Améric Vespuce, qui n'y aborda qu'en 1499. Vespuce publia
quatre récits de voyages. Hispaniola fut pour les Espagnols le
l'église en face des schtsmatioues et des hérétiques. 79
point de départ de nouvelles découvertes. En 1500, Vasco
Nunez di lialbao arriva au j^olte de Panama et fonda la colo-
nie de Sainte-Marie-l'Antique. En 1513, la partie occidentale
de l'Amérique et l'océan Pacifique étaient déjà découverts.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 230.
Vita Christoph. Columbi, Venet., 1575 ; Robertson, Bist, of America,
Lond., 1772, traduite par Schiller, Leipzig, 1781, surtout 1. VIII; Tou-
roD, Ilist. gén. de l'Amérique, t. 1, 1. I ; Luigi Bossi, Vita di Cr. Col.,
Milano, 1818 ; Noticias sécrétas de America, por D. J. Juan y D. Ant. de
UUoa, sacadas a luz por D. Dav. Barry, Lond., 1826 ; Humboldt, Krit.
Untei'such. über die Gesch. und Geographie v. Ideler, II, p. 186 et
suiv.; Wiltmann, I, p. 18 et suiv.; Junkmann, die Entdeckung Ameri-
ka's, Kath. Magazin, Munster, 1846; Cadoret, Vie de Christ. Colomb.
Cf. Correspondant, t. XLII, p. 203; Peschel (§ 249); Margraf (§ 248);
M. G. Canale, Vita e Viaggi di Cr. Col., Fir., 1863 ; Roselly de Lorgnes,
la Croix dans les deux mondes, Paris, 1844; le même, Hist. de Chr.
Col., Paris, 1855; l'Ambassadeur de Dieu et le pape Pie IX, Paris,
1874; Satan contre Chr. Col., ou la prétendue chute du serviteur de
Dieu, Paris, 1876; P. Marcellin. Civezza, 0. M. 0., délia Vita di Cr.
Colombo, trad. dal francese ed accresciuta di uuovi documenti, Prato,
1876.
Progrès du PortugaL — Bulle d'Alexandre VI.
251. Les Portugais aussi cherchaient depuis longtemps à
conquérir des terres en Amérique. En 1500, Cabrai découvrit
le Brésil ; Fernando Magellan, la Patagonie, en 1519. Plus tard,
les îles Marianes et les Philippines furent découvertes pour l'Es-
pagne. Déjà précédemment la cour d'Espagne avait essayé de
s'entendre avec celle du Portugal, qui se croyait lésée dans ses
droits; cette tentative ayant échoué, elle demanda la décision
du pape. Alexandre VI assigna à la couronne de Castille les îles
et les terres fermes situées dans l'Océan occidental, et à la cou-
ronne portugaise, les îles et les terres fermes situées en Afrique.
Traçant une ligne (1493; du pôle nord au pôle sud, à cent milles
marins des îles Açores et des îles du cap Vert, il décida que les
pays situés au delà de cette ligne appartiendraient à la Castille,
et les pays situés en deçà au Portugal. Ce dernier pays n'en
ayant pas été satisfait, le pape recula la ligne de démarcation
à deux cent soixante-dix milles marins dans la direction
de l'ouest : de là vient que le Brésil échut plus tard au Por-
tugal.
80 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Le pape voulait prévenir les dissensions qui menaçaient
d'éclater entre l'Espagne et le Portugal, et assurer la propa-
gation régulière du christianisme dans ces pays. Il garantit
aux deux royaumes, contre les prétentions des autres princes,
les acquisitions qu'ils avaient faites, en tant qu'elles reposaient
sur des titres de droit, et que d'autres princes n'auraient pas
déjà auparavant occupé ces îles. Dans ce temps-là, on ne con-
naissait encore que les îles; le premier navigateur venu
pouvait occuper celles qui étaient désertes. Sur celles qui
étaient habitées, il était facile d'acquérir l'autorité par des con-
ventions avec les indigènes. Les colonies étabhes par les rois
chrétiens devaient travailler à la propagation du christianisme.
Alexandre VI y envoya aussi des franciscains. La concession
du pape devait s'entendre selon le droit alors en vigueur. Dans
une bulle analogue, donnée en 1497 pour le Portugal au sujet
de l'Afrique occidentale, il était dit positivement que les in-
digènes ne seraient assujettis que de leur plein gré. On ne
songeait nullement à faire de tous les Indiens des esclaves de
l'Espagne et du Portugal. La bulle du pape eut un plein suc-
cès. Les découvertes des deux puissances maritimes se pour-
suivirent sans qu'aucune guerre éclatât entre elles; seulement
la découverte du continent américain enleva à la bulle une
grande partie de son efficacité.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 251.
Const. Inter cetera, c. i, de Insulis novi orbis, I, ix, in Sept. Const.,
4, Bull., Taur., V, p. 361-364; Rayn., an. 1493, n. 19. Cf. Henrion,
Hist. gén. des missions, I, p. 333; Civiltà catt., VT, i, p. 662 et seq.
Mon ouvrage Kalh. Kirche, p. 337 et suiv. Bulle pour le Portugal :
Rayn., an. 1497, n. 33.
Travaux des missionnaires.
252. Les premiers missionnaires de l'Amérique furent des
bénédictins, des hiéronymites, des franciscains et des domini-
cains. Ils trouvèrent pour principal obstacle la cupidité et la
dureté des Espagnols, et se prononcèrent résolument pour la
liberté des Indiens. Le bénédictin Bail, envoyé par le pape en
qualité de vicaire apostolique, combattit Colomb sur ce point.
N'ayant rien pu obtenir, il retourna en Espagne (1494). Le
compagnon de Bail, Perez de Marchana, construisit la première
l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 81
église d'Hispaniola. Le hiéronymite Ramon Pane et le fran-
ciscain Borgounou déployèrent beauconp de zèle. Malheureuse-
ment, le cacique Guarinox, qu'ils avaient d'abord gagné, aposta-
sia par suite des cruautés des conquérants et des suggestions de
ses sujets païens. Sous la conduite d'Alonso de Espinal, douze
franciscains arrivèrent dans le pays avec le chevalier Ovando
(1502). Comme le roi Ferdinand était mécontent des bulles par
lesquelles Jules H érigeait de nouveaux évêchés, elles ne furent
pas exécutées. Les sièges de Saint-Domingue et de la Concep-
tion de la Vega, établis à Hispaniola, et celui de Porto-Rico, dans
l'île de ce nom, ne furent érigés qu'en 1511. Le droit de patro-
nage sur les sièges qui seraient institués fut accordé aux rois
d'Espagne dès 1508.
Les dominicains eurent une résidence à Hispaniola à partir
de 1510. ils condamnèrent l'usage de partager les Indiens
entre leurs maîtres en qualité d'esclaves : c'était, selon eux,
une violation du droit naturel, une infraction à la loi chré-
tienne et le contraire d'une saine politique. Us prêchaient
publiquement contre cet abus. Le gouverneur Ovando avait
apporté avec lui un décret favorable à la liberté des Indiens; ce
décret fut supprimé par un décret subséquent. Les gens du
gouverneur, dépourvus de vivres, croyaient ne pouvoir remé-
dier à leur détresse que par les bras des indigènes; lui-même
était convaincu qu'une liberté excessive avait fait retomber les
Indiens dans la barbarie et l'oisiveté, qu'il fallait pour les con-
vertir les confier aux soins des colons chrétiens. Il fut donc
décidé par une nouvelle ordonnance qu'on forcerait les Indiens,
dans l'intérêt de leur conversion, à fréquenter les chrétiens,
mais qu'on modérerait leurs travaux et qu'on ne les traiterait
pas en esclaves. Malheureusement, la cupidité entraîna les
Espagnols dans les plus grands excès d'autorité, et les domi-
nicains les combattirent avec courage.
Les abus ne cessèrent point après qu'Ovando eut été rem-
placé par Diego Colomb : il fut permis d'employer comme
esclaves domestiques ou dans les travaux des raines les Indiens
faits prisomiiers à la guerre. La cour d'Espagne était assiégée
(le tuus côtés par des prières et des remontrances contradictoi-
res. Les dominicains d'Haïti convinrent entre eux d'un certain
nondire de principes, et menacèrent les Européens qui faisaient
V. — HIST. DE l'église. 6
^'2 HISTOIKK DE LÉGLISE.
le trafic des esclaves du refus des sacrements. Pierre de Cor-
done et Antoine de Montesino déployèrent une grande ardeur.
Le dernier refusa en 1511 de rétracter les assertions qu'il avait
émises en chaire, et, soutenu par son ordre, il alla trouver le
roi d'Espagne, tandis que le franciscain Alonso de Espinal
partait avec lui par le uième vaisseau pour aller soutenir la
cause des colons. Le roi décida (1513) que les travaux des
Indiens seraient restreints à un nombre de mois déterminé,
(jue les femmes mariées et les enfants au-dessous de quatorze
ans seraient affranchis; il prit plusieurs mesures générales
pour protéger les indigènes et engager les vaillants frères
prêcheurs à ne pas faire de nouvelles demandes. Ceux-ci ne se
laissèrent point effrayer. Rodrigue d'Albuquerque, arrivé dans
les Indes vn 4514, supprima les anciennes commendes et entre-
prit une nouvelle répartition. Le sort des Indiens en fut sensi-
blement aggravé.
OUVRAGES A C.ONSULTEn SUR LE N° 252.
Hayn., an. 1493, n, 24 el seq.; Solorzano, de Jure indico, t. 1, 1. III,
c. VI, n. 59; Héfelé, Ximénès, p. 308; Margraf, p. 22; Peschel,p. 549 et
suiv. Privilèges des rois : Sciloizano, 1. IV, c. u ; Herrera, Hist. gea. de
los hechosde los Ca^lillano* en las islas y tierra firina del mar Oceano,
décad. I, 1. IX, c. XIV ; 1. X, c xn et seq.
Les esclaves nègres.
253. Au heu d'esclaves indiens, on commença de bonne
heure à emmener de l'Afrique des esclaves nègres, plus vigou-
reux et plus aptes au travail. Le gouvernement autorisa
l'importation de ceux qui étaient nés chez des maîtres chré-
tiens, mais non des autres. Ovando se plaignit en 1503 qu'ils
étaient trop nombreux n Haïti, que plusieurs se réfugiaient
auprès des Indiens et les corrompaient encore davantage. On
essaya de restreindre leur importation, et en 1.506 il fut interdit
d'introduire des nègres du Levant ou des nègres qui auraient
des Maures pour pères, dépendant, en 1510, le roi Ferdinand,
ayant égard à la constitution débile des Indiens, fit envoyer
de Séville à Haïti cinquante nègres pour travailler dans les
mines. Comme les nègres semblaient de meilleurs ouvriers
pour la culture de la canne à sucre, on exprima le désir, en
l'églisi; en iack ües schismatiques rt des hérétiques. 83
iM\, que l'importation des nègres »o fit sur une plus vasto
échelle. Le gouverneur Pedrarias y consentit en 1514. Mais
le cardinal Ximénès, régent après la mort de Ferdinand,
défendit rigoureusement la traite des nègres. On s'adressa au
jeune roi Charles, qui, cédant aux conseils de ses ministres de
Flandre, fit de nombreuses concessions, malgré les avertisse-
ments du régent. Les hiérony mites eux-mêmes, ainsi que le
célèbre Barthélémy de Las Casas, l'apôtre zélé des droits de
l'humanité, voulaient qu'on employât aux travaux des colonies,
au lieu des Indiens trop faibles et privés de leur liberté contrai-
rement au droit naturel, les nègres déjà réduits en esclavage,
tout en faisant de nombreuses réserves. C'est ainsi qu'on arriva
à soumettre la traite des nègres k un règlement précis. Parmi
les Indiens, il ne devait plus être permis de réduire en escla-
vage que les Caraïbes ou Cannibales (anthropophages). Cette
mesure fut confirmée par plusieurs ordonnances royales, où il
était dit que la révolte, l'idolâtrie, les sacrifices humains et
l'anthropophagie entraîneraient la peine de l'esclavage.
OUVRAGES A CONSIJLTKR ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 253.
Llorente, Œuvres ilt- B. Las Casas, II, 432 et seq., 436; Herrera,
déc. II, I. II, 8lfi; .Naxarette, Coll. des voyagi-^ ; Helps, loc. cit., II,
18-20; Héfelé, p. 524: Margraf, p. 41 et suiv. Ouelques-uns ont con-
testé que l.as Casas se fût prononcé pour l'exportation des nègres ;
Dœllinger. Hdb. der K.-G.. Landshut, 1828, II, ii. p. 397.
Les peuples de l'Amérique.
254. Les peuples de l'Amérique appartenaient en grande
partie à la race mongole et aussi à la race caucasique; ils diffé-
raient beaucoup d'origine, de mœurs et de coutumes. Les îles,
aussi bien que le continent, avaient, à différentes époques, reçu
leur population du dehors, le plus souvent de l'Asie. Beaucoup
étaient venus probablement du nord- est de l'Asie, des environs
du détroit de Behring, où les îles Kouriles, Aléoutiennes et des
Renards forment une espèce de pont, et ils s'étaient dirigés vers
la partie la plus occidentale de l'Amérique. D'autres, venus de la
nier Méditerranée, de la Phenicie et de l'Keypte, étaient allés vers
l'est de ce continent, ainsi que l'indiquent la légende de file
Atlantide et beaucoup de monuments antiques. Il se peut aussi
S4 HISTOIRE HK I.'ÉGLISE.
que des éniigralioijs soient venues de l'Inde orientale par les
îles de la mer du Sud.
L'histoire primitive de ces peuples n'est qu'un chaos téné-
breux, où pénètrent rarement quelques rayons de lumière;
nous ne counaissinis même plus tous les noms de ces peu-
plades; des tribus entières ont été extirpées avant que la
science eût pu porter sur elles ses investigations. Les Espagnols
se familiarisèrent d'abord avec les barbares Indiens, adonnés
au fétichisme, puis avec les Araucas et les Chactas, voués au
culte des astres, et avec les Mexicains, plus civilisés, etc. Les
premiers jugements furent très défavorables à la population ;
mais les missionnaires ne se départirent pas de ce principe
qu'il fallait respecter en eux la dignité de l'homme, parce
qu'ils descendaient du même premier couple humain que les
peuples des autres parties de l'univers connu.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 254.
Adelung, Mithrid., III, p. 338 ; Malts, Anthrop., I, p. 293 ; Hettinger,
die Abstam. d. Menschengeschl. v. Einem Paare (tirage à part a. d.
œsterr. Vierteljahrschr. für Theol., IV, h. m), Vienne, 1863, p. 40
et sniv.
LES SCHISMATIOUES & LES HÉRÉTIQUES DE L'ORIENT.
I^o Schisme grec e( IX'nion de Florence.
L'empire grec. — Négociations avec les papes.
255. Le vieux schisme avait repris de nouvelles forces sous
Andronic II; il continua dans le cours du quatorzième siècle, et
avec lui la polémique des théologiens grecs contre les théolo-
giens latins. Elle fut soutenue par Nil Cabasilas, archevêque de
Thessalonique (1340); par Gennade, archevêque des Bulgares;
par le moine Maxime l'ianudes, par Siméon de Thessalo-
nique, etc., et aussi, pendant quelque temps, par le moine
Harlaam. La division intestine croissait chaque jour, et avec
elle les désastres de l'empire. Les guerres d'Andronic 11 avec les
Francs, avec les Tartares et surtout avec les Turcs, eurent la
plupart une issue malheureuse. Les Francs, qui n'avaient pas
encore renoncé au projet de recouvrer leur empire de Komanie,
avaient pris d'assaut Thessalonique en 130G, mais ils avaient été
l'église KN face des SCHISMATIQUES ET DES IIÉRÉTIOUES. 80
arrêtés dans leurs progrès par la discorde entre les Hongrois et
les Vénitiens ; en I32i, les Tartares tuèrent ou emmenèrent pri-
sonniers un grand nombre de Grecs; enfin, les Turcs faisaient
do continuels progrès. Ajoutez à cela une guerre civile qui
éclata lorsque l'empereur voulut exclure du trône son petit-fils
Andronic 111, qui le renversa en 1328. La politique seule donna
lieu à des pourparlers relatifs à l'Union, avec Jean XXII, en
1326 et 1334, puis avec Benoit XII (1337-1339). Les Grecs ne
voulaient qu'une chose, qu'on leur vînt en aide contre les
Turcs; quant à l'union religieuse, ils en désiraient tout au plus
l'apparence. Clément VI et Innocent VI négocièrent longtemps
avec .lean V Paléologue (1341-1391), et avec son tuteur et
co empereur Jean Cantacuzène, qui en 1355 fut renversé du
trône, juste au moment où l'on concevait quelques espérances.
Jean Paléologue fit les plus belles protestations d'obéissance
au Saint-Siège; mais, comme les princes d'Occident ne répon-
dirent point aux invitations du pape, les Grecs ne furent pas
secourus; les Turcs s'emparèrent d'Andrinople (1361), et en
firent la résidence de leurs sultans. L'empereur se crut alors
dégagé de sa promesse. En 1364 cependant il envoya encore
des ambassadeurs à Urbain V, abjura le schisme à Rome en
1369, et entra avec sa famille dans la communion de l'Église
romaine. Cette fois encore les princes de l'Eurcspe demeurè-
rent iuactifs; les Turcs s'emparèrent de tout l'empire, sauf
Con.stantinople et Thessalonique, et forcèrent .Jean V en 1374
à conclure un traité de paix très humiliant avec le sultan
Amurat. Grégoire XI autorisa quatre légats à recevoir dans la
communion de l'Église tous ceux qui souscriraient le décret
de Lyon (1274) ; il exhorta Louis, roi de Hongrie, à prêter
secours aux Grecs, dont la plupart persévéraient dans le
schisme, soit afin de les gagner par des bienfaits, soit pour
protéger son propre pays contre les Turcs.
L'empereur Manuel Paléologue (1391- 1425) invoqua le secours
de Boniface IX contre Bajazet. Le pape fit immédiatement
prêcher une croisade (1398), et adjura les princes de ne point
permettre que les Grecs, quoique non entièrement soumis à
l'Église romaine, fussent subjugués et foulés aux pieds par
l'ennemi héréditaire de la chrétienté. En 1400, Manuel fit
inutilement le voyage de Venise, de France et d'Angleterre : il
86 HISTOIBE DE l'ÉuLISE.
ne trouva point de secours. Tamerlan seul, qui en 1402 battit
et fit prisonnier le sultan Bajazet, arrêta encore quelque temps
les Turcs dans leur marche victorieuse. En 1405, Innocent VII
en était rédnit à ce dunlourenx aven de ne pouvoir plu?
secourir l'empire grec, rédnit à la dernière extrémité.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LIi N» 255.
iNil. Cabasillas, de Caiisis dissensionuni in Eccl., ap. Salmas., de
Priniatu Papa?, Lug<l. Hat., i645, t. 1; Gennad., SOvTayixa (inédit. Voy.
mon ouvrage Pbotius, 111, p. 163, n. 33, p. 815); Maxim. Planud., ap.
Migne, PP. gr., t. CXLVII, p. 967 et seq., 1130 et seq. Cf. t. CLXI,
p. 309; Bailaara mua., ap. Salmas., loc. cit., p. 103 et seq.; Symeon
Thessal., Migue, t. CLV, p. 9 et seq. Guerre d'Andronic II avec les
Francs : Kaya., an. I30i^, u. 28; 1306, u. 5 ; 1312, n. 48. — Joh. XXII :
Raya., an. 1326, n. 26 et seq.; 1333, a. 18 et seq.; 1334, n. 2 et seq.
Benoit VI : Rayn., an. 1337, n. 31 ; 1339, n. 21 et seq., 36. Clem. VI,
ib., an. 1343, n. 12, 15 et seq.; 1344, n. 2; 1346, u. 64; 1348, n. 26.
Innocent VI, ib., an. 1353, n. 23 et seq.; 1355, n. 35; 1356, n. 33 et
.seq. Urbain V, ib., an. 1364, n. 67; 1365, n. 22; 1366, n. 2 et seq.;
1367. n. ."i; 1368, n. 20; 1369, n. 2 et seq.; 1370, n. 1 et seq. Gré-
tîoire XI, ib., an. 1373, n. 2; 1374, n. 1 et seq.; 1375. n. 1 et .seq.
Bunifacf IX, ib., an. 1398, u. 40; 1399, n. 4. Innucent VII, ib., au.
1405, 11. 3 et seq.; Niceph. Greg., Hist., 1. 1, p. 506 et seq.; t. II, p. 696
et seq., 780, ed. Bonn.; Cantacuzen., Bist., III, 87, 92 ; IV, 9; Pbrant-
zei?, p. 61, ed. Bt'nn.; Cbristüjjlie, II, p. 5 et suiv., 54 et suiv,, 165,
246-249, 292, 306 et suiv.; Iléfelé, VI, p. 565 et suiv., 610; Pichler, I,
p. 3;i6 et suiv.. :i73 ot suiv.. 380. 382.
Efforts de Martin V et d'Eugène IV en faveur de l'Union.
256. Les Latins avaient gagné à leur cause quelques Grecs de
mérite, tels que Manuel Calécas, qui entra dans l'ordre de
Saint-Dominique et écrivit contre le.s (rrecs quatre livres, cjui
furent traduits en latin par .Vmbroiso ïraversari, sur l'ordre de
Martin Y; UémétrinsCydoniusde Crète, qui séjourna longtemps
en Italie et combattit Maxime Plainides ainsi que Nicolas
Cabasilas, contre lequel il défendit saint Thomas d'Aquin.
Après que d'innombrables écrits eurent été échangés de part
et d'autre, les théologiens de Paris (1409) .s'appliquèrent aussi
à procurer l'union des Grecs. Il ne fallait pas, disait-on,
repousser la demande des Grecs tendant à réunir en un con-
cile universel les deux parties, mais se contenter d'exiger la
l'église ë> face des SCmSMATIOLES ET DES HÉRÉTIQUES. 87
soumission au Saint-Siège, tenir compte de la divergence des
coutumes, chercher enfin un détour pour amener la récon-
ciliation.
Une ambassade importante, envoyée par l'empereur et le
patriarche de Constantinople, se présenta à Constance en février
1418, mais il n'y eut point de négociations proprement dites.
L'empereur entra ensuite en relation avec Martin V, qui déploya
une activité extraordinaire en faveur de l'Union : il envoya plu-
sieurs ambassadeurs, imposa au clergé rhénan et au clergé bour-
guignon une taxe au profit de cette œuvre, et défendit très sévè-
rement l'alliance que même des princes chrétiens avaient con-
tractée avec les Turcs contre les Grecs. En l'an 1422, il envoya le
Mineur Antoine Massanus en qualité de nonce à l'empereur et au
patriarche, avec neuf articles concernant l'Union. Les Grecs
répondirent qu'il fallait réunir, et, qui plus est, à Constantinople,
un concile semblable aux sept conciles anciens, quand l'empire
aurait recouvré la paix; le pape en supporterait les frais.
Le concile de Sienne , quand il entendit la lecture de cette
réponse (8 novembre 1423), trouva que l'alfaire de l'Union
ne pouvait pas en ce moment être poursuivit* avec avantage.
L'empereur Jean Vil Paléologue (1425-1448), qui faisait les
dernières tentatives pour soutenir, avec le secours des Latins,
son empire chancelant, continua toutefois les négociations; il
consentit à ce que le concile de l'Uuion tut tenu dans une
ville sur la côte orientale de l'Italie, avec les patriarches orien-
taux et environ sept cents Grecs; le pape en couvrirait les
dépenses et enverrait des vaisseaux. Un traité spécial fut
conclu en 1430 à ce sujet, ainsi que pour la sécurité de Cons-
tantinople. Eugène IV fixa (12 novembre 1431) Bologne pour
lieu de la réunion, avertit encore (18 décembre) le roi Sigismond
d'envoyer à l'empereur et au patriarche des ambassadeurs pour
les inviter à expédier des fondés de pouvoir, permit (21 mai
1432) à l'archevêque de Pihodes, André, un savant Grec, d'ab-
soudre ceux qui abjureraient le schisme, et essaya d'obtenir
7 novembre 1432) que les Grecs qui se rendraient en Italie
tus.sent exempts de taxes et défrayés d'uue partie de leurs frais
de voyage.
Le fâcheux désaccord qui régnait entre le pape et l'assemblée
de Bâle préparait les plus graves difficultés; l'assemblée de
88 HISTOIRK DE l'ÉGLISE.
Bâle contrecarrait les négociations d'Eugèiio, bien que dans le
principe elle ne voulût rien avoir à démêler avec les Grecs. Le
26 janvier 1433, elle leur envoya une invitation et résolut de
leur dépêcher une ambassade. Snr la fin de l'été, elle délégua
à Byzance Antoine, évêque de Suse, et Albert de Crispis ,
provincial dos augustins; ceux-ci négocièrent en secret, et le
délégué du pape, Christophe Garatoni , ne fut pas même
informé de leur présence. En 1434, des envoyés grecs arri-
vèrent à Bâle et furent reçus avec solennité, mais ils ne
voulurent pas reconnaître Bàle pour le concile de l'Union. Le
pape, à celte époque, inclinait à accepter Constantinople, mais
les Bâlois s'y refusèrent.
Une nouvelle ambassade des Bâlois à Constantinople (1435)
n'eut aucun résultat : les Grecs ne tenaient pas à une ville
de l'empire grec, mais à une ville maritime avantageuse-
ment située. Les négociations durèrent encore longtemps;
c'était un va-et-vient continuel d'ambassadeurs ; à Bàle ,
des divisions éclatèrent. Eugène IV, que n'effrayait aucun
sacrifice, loua des vaisseaux à Venise (1437), s'occupa de ren-
forcer par des troupes les ressources militaires des Grecs, et
convoqua de concert avec eux le concile à Ferrare. Le pape et
les Bâlois envoyèrent chacun de leur côté des flottes à Constan-
linnple, pour emmener l'empereur, le patriarche elles autres
Grecs. Les Grecs se prononcèrent en faveur du pape, mirent à
la voile vers la fin de novembre 1437, et, le 8 février 1438,
abordèrent à Venise, où ils furent reçus avec les plus grands
honneurs.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 236.
Manuel Calec, Migiic, t. CLII, p. 9 et seq.; Demetr. Cydon., Migne,
t. CLTV, p. 82Ö et seq.; Gersou, Sermo coram rege Francia? nomiiir
Univ. Paris, pro pace Eccl. et unione Grœcorura, 0pp. II, 141-153;
Schwab, Gerson, p. 258-262. Ambassadeurs grecs à Constance : v. d.
Hardt, IV, 205 ; Marlene, Tlies., Il, 1661; HœOer, Gescbichtschreiber
der husit. Bewegung, 11, p. 171 ; Pichler, I, p. 383; Héfelô, VII, p. 342
et suiv. — Rayn., an. 1420, n. 27 ; 1421, n. 16; 1422, n. 2 et seq.; Cec-
coni (§ 121), doc. ii, m, p. V et seq. Envoi d'Antoine Massanus : Rayn.,
an 1422, n. 8 cl seq. Aôyo; toû lepotiovâxou 'AvTwvtoy MadCTavïi, dans Dimi-
iracopulus, 'Jaiopîa xoù <Txt(7[xaTo; tÏ); XaTivtx-îi; "ExxXTidîaç ànà tyji; ôp8o5ô$oy
ê),Xir)vixïii;, Lips., 1867, p. 101, 102; "ATroXoyîo, |j.à)>Xov 5è àviip^yidiç toû
TtavayiiuTâTOv Ttotipiâp/ov 'lüxri^iq) Trpè; Ta 8 ' xE^àXata, ib., p. 102, 103; Joh.
l'église en face des SCinSMAIIQrKS ET DES HÉRÉTIQUES. 89
Palœolog. ad Martin. V, i4 nov, 1422; Monum. Vindobon., 1857, p. 24-
26; Ceccoiii, doc. jv, p. XIV et seq. Conc. Sen. : Cecconi, doc. v;
Mansi, XXVIll, 1062-1070; Zhishman, die Unionsverbandlungen zw.
der orient, n. rœm. Kircbe seit Anf. des XY Jabrb. bis zum Concil von
Ferrara, Vienne, 1838; Picbler, I, p. 383 et suiv.; Héfelé, VII, p. 396
et suiv. — Eug. IV, 1431 et seq. : Cecconi, doc. vu, ix et seq., xiv et
seq., XL et seq.; Rayn., an. 1433, n. 28; 1434, n. 17 et seq.; Mansi,
XXIX, 92 et seq.; XXX, 833, 864; XXXI, 116; Monum. Vindob., p. 296;
Zhisbman, p. 59 et suiv., 101 et suiv.; Picbler, I, p. 383 et suiv.;
Héfelé, VU, p. 583 et suiv., 640 et suiv.; Frommann, Krit. Beitrsege z.
Gesch. der Florentiner Einigung, Halle, 1872, suiiout p. 139 et suiv.
Sur les sacrifices d'Eugène en faveur de l'Union, Job. Plusaden., pro
Concilio Flor.,ap. Allât., Grœc. ortbod., I, 613.
Dix-septième concile général de Ferrare-Florence.
257. Un grand nombre d'évêques étaient déjà arrivés à
Ferrare. Le 8 janvier 1438, le cardinal Albergati ût l'ouverture
du concile au nom du pape, nomma ses officiers, et tint le
10 janvier une première session, qui prononça la légitimité de
la translation du concile de Bàle à Ferrare. Le pape Eugène IV
arriva le 24 janvier; il fit publier dans la seconde session,
le 15 février, en présence de soixante-douze évèques, d'un
grand nombre de prêtres et de docteurs, une bulle qui inter-
disait, sous peine des censures ecclésiastiques, la continuation
de l'assemblée de Bàle. Le 28 février, l'empereur Jean Paléo-
logue se mit avec sa suite en route pour Ferrare ; il y entra
le A mars, et fut salué affectueusement par le pape et les cardi-
naux. Le 7 mars, le patriarche Joseph arriva avec son clergé.
Le pape, sur les questions de forme, se montra extrêmement
accommodant, malgré toutes les difficultés de cérémonial sou-
levées par les Grecs. L'empereur demanda que tous les princes
d'Occident assistassent au concile en personne ou par des délé-
gués; mais les nombreuses guerres d'Europe ne le permettaient
pas. On convint que l'ouverture des débats aurait lieu le 8 avril,
et que le pape enverrait aux princes d'Occident de nouvelles
lettres d'invitation et des nonces.
L'Orient n'était pas uniquement représenté par l'empereur et
le patriarche de Constantinople, mais encore par des plénipoten-
tiaires des autres patriarches : Alexandrie l'était par Antoine,
archevêque d'Héraclée, et par Grégoire Mammas, protosyncelle
90 HISTOIRE DE 1/ ÉGLISE.
de Bjzance ; Antioche , par Marc Eugénicus , archevêque
d'Éphèse, et Isidore, archevêque de Kiew; Jérusalem, par
Denys de Sardes, et après sa mort par Dosithée de Monem-
basia. Le patriarche Joseph, tombé malade à Ferrare, ne put
assister à l'inauguration; mais il déclara par écrit qu'il adhé-
rait au concile de l'Union.
Ce fut seulement après qu'on eut lu le diplôme du patriarche
que l'on donna, du consentenieut d'Rugène, lecture en latin et
en grec de la bulle papale d'ouverture (9 avril). On nomma
de part et d'autre une commission de dix personnes pour faire
un examen préalable des points de dissidence et aviser aux
moyens de procurer rUnion. On remanpiait parmi les Grecs :
Marc Eugénicus d'Éphèse et Bessarion de Nicée; parmi les
Latins : les cardinaux Julien Cesarini et A.lbergati, l'arche-
vêque André de Rhodes, Jean de Turrecremata et Jean de
Monténégro. A la cathédrale, les Latins occupèrent le côté de
l'évangile, et les Grecs le côté de l'épître. Au milieu, sur un
trône, était ouvert le livre des Évangiles. Plusieurs conférences
furent teinies dans l'église des franciscains; le cardinal Cesa-
lini les ouvrit par un brillant discours, auquel Marc d'Éphèse ne
répondit que faiblement. Bessarion parla mieux. Les premiers
colloques, ainsi que le désirait l'empereur, ne roulèrent guère
que sur des généralités.
Dans la troisième conférence, le cardinal Julien énuméra les
principaux points de dissidence : tMe dogme de la procession
du Saint-Esprit; 2° les azyujes; 3" la doctrine du purgatoire;
■i" la primauté du pape. Sur le ptirgatoire, devenu depuis 1252
un sujet d'ardentes controverses, le cardinal Julien et Turre-
cremata discutèrent, en Juin et en juillet, avec Marc d'Éphèse
et Bessarion; les Grecs, sur (^e point, n'étaient pas d'accord
entre eux, et cherchaient à dissimuler leur doctrine sous des
faux-fuj'ants, où ils n'échappaient pas toujours aux contradic-
tions. L'empereur tenait beaucoup n éviter les grandes opposi-
tions sur le terrain du dogme. On arriva tout naturellement à
discuter sur l'état des âmes des morts. Les Grecs, après s'être
longtemps consnltés, aboutirent enfin, le 17 juillet 1438, à
cette déclaration peu satisfaisante : les âmes des justes, après
la mort, jouissent immédiatement de toute la béatitude dont
l'âme est susceptible; vient ensuite, après la resorrection génê-
l'église en face des SCHlSMATlQLliS ET DES HÉRÉTIQUES- 91
raie, la glorification du corps, qui devient brillant comme le
soleil.
OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 257.
Les Actes complets du dix-septième concile général ne nous sont
point parvenus; mais nous possédons: 1° l'Histoire du concile jus-
qu'au départ des Grecs, par un Grec (probablement Dorothée, arche-
vêque de Mytilène), imprimée à Rome eu 1577 par ordre de Gré-
goire .\lll. Une traduction latine en fut faite, sur le désir de Benoît
d'Accoltis, archevêque de Ravenne, par Barthélémy Abram de Crète,
évèque grec, et publiée à Rome aussi dès 1521 ; mais elle contient beau-
coup de fautes. Une traduction meilleure fut donnée, sous Paul V, par
Jeau Matthieu Caryophilus (Conc, éd. Rom., 1612). Texte grec et latin
dans Hard., I.\, p. 1-434. 2° Les recueils des Actes, publiés en 1638
par Horace Justiniani, gardien de la bibliothèque vaticane, et conte-
nant les noies d'André de Sainte-Croix, patricien romain et notaire
apostolique, qui avait assisté au concile, puis d'autres documents tirés
des archives du Vatican et des bibliothèques de Rome (dans Hard., IX,
p. 669-1080). 3° La Summa Conciliorum, d'Augustin Patriciusde Sienne,
composée, en 1480, sur le désir du cardinal Piccolomini, très concise
(dans Hard., loc. cit., p. 1081-1198; Hartzheim, Conc. Germ.,V, 774-871).
4" L'ouvrage souvent suspect et passionné du prêtre grec Sylvestre
Syropulos, librement traduit en latin par l'anglican Robert Creyghton
et publié sous ce titre : Vera Historia uuionis non verae inter Grœcos
et Latinos, sive Concilii Flor, exactissima narratio grœce scripta, per
Sylv. Sguropulum (c'est ainsi que le traducteur rend le nom de
l'auteur). Hag. Com., 1660 et seq., avec une longue préface, contre
laquelle L. Allât, (in Roberti Creyghtoni apparatum, etc. Exercitatio-
nes, t. 1. Rom., 1674; composa d'excellentes remarques critiques.
Comp. Héfelé, Tïib. Theol. Quartalschr., 1847, II, p. 187-189. 5° An-
dron. Dimitracopulus, dans sun ouvrage cité (§ 256) du Schisme (p. 100
et suiv.), où il suit Syropulos, a donné quelques documents relatifs aux
préambules de l'histoire. 6° Eugène Cecconi, chauoine ^aujourd'hui
archevêque) de Florence, a fait beaucoup plus dans sou ouvrage mal-
heureusement inachevé (§ 121), surtout doc. ci.xx et seq., Cf.xxxii et
seq.). 7° Les récits du Russe schismatique Simon de Susdal ont été
publiés par Frommaun, op. cit. (§ 256), p. 110 et suiv. Edition à part ;
'H âyia xa'i olxo'JiJLcvixr) Èv <ï>X(op£v-ta (Tjvooo; O'.à [iovayoû ßeveoiXTivou (P. Nikes) ;
ev 'PoiiAr,, 1864. Sur le Concile, Iléfelé, Quartalschr., 1847 et 1848, et
Conc. -Gesch., VII, p. 650 et suiv., 666 et suiv.; Pichler, I, p. 389 et
suiv., ne relève que quelques détails. La divergence sur le purgatoire
lut surtout traitée à Constanlinople en 1252 Tract, cont. error. Graec,
Bibh PP.. Lupd.. XXVIL .ï99 et seq.;: mais elle l'avait déjà été sous Gré
92 HISTOIRE LIE l'ÉGI-ISE.
goire IX (Werner, III, p. 1 13, n. 17). Comp. Ai-cnd., de Igné purgatorio.
Romae, 1637; Allât., du ulriusque Eccl. perpétua in dogmate de Pur-
gatorio consensione, Romae, \Qoö; B. Loch, das Dogma der griech.
Kirche vom Purgatoritim, Ratisb., 18'f2; mon ouvrage Photius, 111.
p. 643 etsuiv., 821. Bessarion admettait un lieu intermédiaire entre
le ciel et l'enfer, un châtiment dans l'autre monde pour les âmes non
entièrement purifiées, une douleur, mais point de feu. Hard., IX, 19.
Suite du concile de Ferrare-Florence.
258. L'empereur Jean, sous prétexte qu'il fallait attendre
l'arrivée des Bâlois et d'autres princes, essaya d'empêcher qu'on
n'entrât dans l'examen approfondi des questions théologiques,
et d'amener une union basée sur de vagues formules. Tout
<intier au plaisir de la chasse, il ajournait les discussions,
au grand mécontentement du pape et des Grecs. Plusieurs de
ceux-ci, surtout les adversaires de l'Union, quittèrent secrè-
tement Ferrare, comme les archevêques d'Ephèse et d'Héra-
«lée; mais un ordre de l'empereur les obligea de revenir.
Eugène IV se plaignait à bon droit des lenteurs des négocia-
tions.
Après qu'on eut encore résolu quelques objections des
Grecs, on tint, le 8 octobre 1438, la première session générale,
(|ui fut presque entièrement occupée par un long discours
de l'archevêque Bessarion. Le H octobre, André, archevêque
de Rhodes, en prononça un autre qui ne fut guère moins
étendu. Vinrent ensuite les discussions. Les orateurs des Grecs,
suivant ce qui avait été convenu, prirent le rôle d'opposants, et
les Latins défendirent leur Église. Dans la troisième session
(14 octobre), Marc d'Ephèse attaqua violemment les Latins à
cause de l'addition faite au Symbole et en demanda la sup-
pression, il prétendait prouver, par les anciens conciles œcumé-
niques, que toute addition au Symbole était interdite. André,
archevêque de Rhodes, et le cardinal Julien lui répondirent
qu'un commentaire, un éclaircissement n'était pas proprement
une addition qui fût défendue ; que le FiUoque n'était qu'un
développement contenu en germe dans ces mots ex Pâtre; qu«;
les anciens conciles avaient interdit aux particubers de faire
aucun changement dans le Symbole, mais qu'ils n'avaient pas
défendu toute explication nouvelle de la foi, souvent né^es-
l'église en face ces schismatiques et des hérétiques. 93
sitée par do nouvelles hérésies ; que l'Église romaine, appuyée
sur renseignement des Pères grecs et latins, avait eu le dnjit
d'ajouter dans le Symbole de la foi, en guise d'explication, que
le Saint-Esprit procède du Fils aussi bien que du Père ; que les
Grecs n'y avaient point contredit dans le principe; qu'il fallait
se diriger non suivant la lettre des anciens conciles et des
Pères, mais suivant leur esprit.
Les Grecs persistèrent longtemps encore à soutenir qu'il
n'était permis de faire aucune addition au Symbole, quand
même cela paraîtrait nécessaire pour prévenir une hérésie. Ce
thème fut développé dans plusieurs sessions (IV-XV, des 15,
16, 20 et 25 octobre, i", 4, 8, 11 et 15 novembre, 4 et 8 dé-
cembre). Les Grecs étaient de mauvaise humeur et songeaient
à rentrer chez eux; mais leur empereur les retint et permit
qu'on s'occupât d'abord du dogme de la procession du Saint-
Esprit dans des conférences composées de douze théologiens
pour chaijue parti.
Sur ces entrefaites, le pape proposa de transférer le concile
à Florence, parce que la peste commençait à sévir à Ferrare,
et que la ville de Florenoe avait promis des avances d'argent
considérables, si le concile s'y transférait. Eugène IV, de son
côté, privé presque de tout revenu, voyait venir le moment où
il ne pourrait plus fournir aux sept cents (îrecs les secours
qu'il leur avait promis. Les prélats grecs y consentirent malgré
eux; ils auraient préféré retourner dans leur pays, mais ils
manquaient d'argent pour partir, et l'empereur les retenait. La
bulle de translation fut lue en grec et en latin au commence-
ment de janvier 1439 (seizième session), et la translation fut
opérée. Le pape se rendit à Florence le 16 janvier; les Grecs le
suivirent vers la mi-février.
OCVRAGES A CONSULTER SIR I.E N° 258.
Sessions de Ferrare : Héfelé. VII, p. 681-696. Translation : Hard.,IX,
173 et seq., 888 et seq.
Discussions à Florence sur la procession du Saint-Esprit.
259. Le 26 février (dix-septième session), le cardinal Julien
et l'empereur prononcèrent des discours et conférèrent en-
.-^emble sur les négociations pendantes. La grande lutte pu-
'U HISTOIRE DE l'ÉGLISE,
blique (dix-huitième session) commença le 8 mars, et se pro-
longea pendant cinq autres sessions. Le principal orateur des
Latins fut le provincial des dominicains de Lombardie, Jean
de Monténégro, dialecticien pénétrant et habile théologien.
.Marc d'Éphèse soutint la cause des Grecs. Jean ouvrit la dis-
cussion en disant qu'il allait développer ses vues théologiques
d'après les Pères grecs, notamment sur la génération, la pro-
cession, la nature, la personne, etc. il argumenta ainsi : « Selon
les l'ères, le Saint-Esprit tient l'être du Fils : il procède donc aussi
du Fils. » Il discuta avec Marc d'Éphèse sur divers pa.ssages de
saint Épiphane et de saint Basile. 11 fallut s'occuper aussi des inter-
polations faites dans les ouvrages des Grecs; les Latins avaient
a leur disposition des manuscrits grecs fort anciens. Ambroise
Traversari et le cardinal Julien aidèrent le provincial Jean à
recueillir des preuves dans les Pères orientaux. Marc défendit
mal sa cause, et un grau<l nombre de (îrecs furent heureux
d'entendre de la bouche du provincial Jean cette explication,
nullement nouvelle, (juo l(^s Latiu.s n'admettaient pas deux
principes ni deux >pirciti(»u.^, mais un seul principe et une
seule spiration ; que le Père et le Fils communiquent l'être au
Saiut-t>[)rit par ce (ju'ils ont de commun et non par ce
en quoi ils dilierent.
L'empereur voulait cpi'on ne prolongeât pas davantage
le débat, mais que l'union fût tout de suite opérée. La plu-
part des ecclésiastiques grecs y adhérèrent, après qu'on eut
donné lecture d'un passage de saint Maxime sur la doctrine
des Latins. Les 21 ei 24 mars 1439 (vingt-ipialrième et vingt-
lùuquième session), les archevêques d'Ephèse et d'Héraclée
ne parurent point; le provincial Jean développa avec t)eau-
coup de netteté la doctrine des Latins et les preuves à l'appui.
Les Grecs décidèrent, dans leurs assemblées particulières, qu'ils
examineraient les preuves des Pères qu'on venait de leur citer;
et le pape, sur leur désir, suspendit les sessions publiques. Des
délégués turent désignés de part et d'autre.
Deux partis existaient chez les (îrecs ; plusieurs, conimü
Isidore de Kiew, liessarion de Nicée et Dorothée de Mylilène,
étaient favorables à l'union ; d'autres, comme Marc d'Ephèse,
qui allait jusqu'à traiter Ifs Latins d'hérétiques, et Antoin«^
d'Héraclée, y étaient contraires. Les 13 et 14 avril, Bessarioii
l'église EiN FACE DES SCHISMAIIQIKS Kl DES HÉRÉTIQUES. ^Kt
pronouça dans l'assemblée de ses compatriotes un excellent
discours en faveur de l'union, et (ieorges Scholarius fit trois
conférences dans le même sens. Quoiqu'on n'eût encore pris
aucune résolution, le nombre des partisans de l'uniun ne
tarda pas à prédominer; seulement, les (îrecs ne voulaient plus
de discussion. Il fut convenu que dix hommes seraient choisis
de part et d'autre pour rédiger la formule de réunion.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N*" 239.
Sur les principes théologiques de Jean de Monténégro, voy. mes
Aniraadversiones in Phutium de Spir. Sanct. mystagogia, Ratisb.,
J837, p. 169, 231 et seq., 242. Voici les points importants : 1° La
nature et la personne sont réellement (xarà xà Ttpäyiia) une même chose,
mais elles durèrent xarà xèv xpÔTtov rri; i^ijjLExépa; voriTEw;; 2" la personne se
rorapose de l'essence (ouata) et d'une propriéU- particulière (i&îu)(jia) ;
3« l'essence est transmise aux personnes, mais les propriétés (tôtùtiaxa)
sont incommunicables; 4° pour que les personnes puissent être dis-
tinctes, les propriétés hypostatiques doivent demeui'er incommuni-
cables; .T<> dans la Trinité il n'y a de distinction possible entre les
personnes que celle de l'origine qu'une personne tient d'une autre
(Sià toûto, il TtpôdwTcôv Ti ècrrlv àç' i-céçoM). S. Thom., Sum., I, q. xxxvi,
art. 2 : « Si non esset Spiritus sanctus a Kilio, nullo modo posset ab
<'o personaliter distingui. » 6° Le principe générateur, « principium
quod générât ", c'est la personne; ce par quoi et avec quoi elle
engendre (principium quo, àpyri sr rj; yewà). c'est l'essence; les activi-
tés immanentes appartiennent aux personnes ; 7" ce qui est communi-
qué, c'est la nature; ce qui opère, c'est la personne. Le Père commu-
nique au Fils la nature, mais non la paternité; ce n'est pas la nature
qui engendre, c'est la personne. De même les personnes produisent
l'Esprit, non pas en vertu de ce qui les fait distinctes, mais en vertu
de ce qui constitue leur unité. Si l'Esprit est de la substance du Père,
il est aussi de la substance du Fils, car elle est commune au Père et au
Fils. Les Latins appelaient le Père et le Fils « principium », et non
X causa » ; les Grecs disaient akia. Voy. Thom., Opusc; cont. Graec, I,
c. vu; H, c. ni, IV. Les théologiens de Paris rejetèrent en 1413 cette
proposition : « Palerest causa Filii » (Gerson, de Exanî. doct., p. II,
cons. i; du Plessis d'.\rg., 1, ii, p. 2095). Parmi les textes des Pères,
Jean de Monténégro employait surtout Epiph., Ancor., c. lxxiu ;
Äthan., or. iv c. Arian.; Basil., c. Eunom., V, xiu ; III, i, ii. Sur la
falsitication d'un manuscrit de saint Basile par les Grecs, voy. Joseph
Methon., ApoL. Hard., tX,o68; Bessarion, or.de un. Eccl., ib., p. 319-
372; Georg. Scholar., orat. ui, ib., p. 446-350; Héfelé, VII, p. 696-710.
96 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
Nouvelles discussions.
260. Les députés grecs demandaient qu'on adoptât la lettre
do saint Maxime, ainsi que cette formule employée par lui, par
Taraise et par d'autres : « Le Saint-Esprit procède du Père par
le Fils. » Les Latins, croyant que los Grecs voulaient éluder par
là la profession du dogme véritable, admettre deux actions et
un concours purement instrumental du Fils, déclarèrent de
non veau (juils ne reconiiiissaiont pas deux principes dans la
Trinité, qu'ils croyaient qne le Père est la racine et la source
de la divinité, et tpie si le Saint-Esprit procède aussi du Fils, le
Ris le lient du Père. Les Grecs délibérèrent entre eux ; lo
métropolitain Lsidore pré.senta les témoignages des Pères re-
cueillis par Beccus. Ils envoyèrent une déclaration aux Latins,
où il était parlé des relations du Saint-Esprit avec le Fils en
tormes figures, qui pouvaient également se rapporter à une
mission purement temporelle du Saint-Esprit par lo Fils; les
L.itins maintinrent que le Saint-Esprit tient l'être du Fils de
toute éternité.
L'empL-reur essaya d'obtenir du pape (13 et 15 mai) qu'au-
cune explication nouvelle ne fût plus exigée, et il négocia
secrètement avec les partisans de l'union, Bessnrion, Isidore
et lo protosyncelle Grégoire. Dans une assemblée tenue chez
l'empereur (28 mai), la plupart des Grecs adhérèrent aux Pères
latins et à leur doctrine; seul, Marc d'Éphèse s'obstina dans sa
résistance. La formule du décret fut alors arrêtée de concert
(8 juin). On déclara que le Saint-Esprit est éternellement du
Père et du Fils selon sa nature, et qu'il procède d'eux comme
d'un seul principe; que ces formules des Pères : « du Père et
du Fils », a du Père par le Fils », sont au fond identiques, et
qu'on a eu raison d'ajouter le Filioque au Symbole. Cependant
on n'obligea pas les Grecs à changer l'ancienne forme de leur
Symbole; il leur suffisait d'admettre le dogme.
OUVRAGES A CONSISTER SUR LE N« 260.
Exigences des Grecs et déclarations des Latins : Hard., p. 378 et seq.
Sur ces teiintîs : ^lr^■^6X,^\•^ , àvaê),0!^£iv, Ttpoxeïv, etc., ib., p. 381 ; Mansi,
\\\\, 975. Sur le FiUoqur. ihid.; Héf.Hé, p. 710-721.
l'église en face des SCHISMATIQL'ES El' DES HÉRÉTIQUES. 97
Autres controverses.
261. Le pape Eugène demanda iiûmédiatement (9 juin) que
l'on s'entendît aussi sur les autres questions controversées. Rela-
tivement à la matière de l'Eucharistie, ou convint sur-le-champ
que la consécration est également valide avec du pain fermenté
et du pain non fermenté, et que chaque partie garderait son
ancienne coutume. En d'autres points aussi, l'accord fut plus
aisé qu'on ne l'avait cru. Sur ces entrefaites mourut le vieux
patriarche Joseph (10 juin), après avoir encore une fois déclaré
par écrit, le jour précédent, qu'il adhérait pleinement à TEghse
romaine et protesté de sa soumission au pape. Un lui lit de
solennelles funérailles.
Cependant, hieu des difficultés restaient encore à vaincre, et
les Grecs menaçaient de nouveau de s'en aller. Us ne voulaient
pas qu'on insérât dans le décret d'union que la consécration
a lieu en vertu des paroles de l'institution prononcées par
Jésus-Christ, sous prétexte que ce serait injurieux pour leur
Église. Les Latins finirent par céder sur ce point.
Sur l'état des âmes des défunts, les Grecs convinrent que
ceux qui n'ont pas fourni en cette vie une pénitence et une
satisfaction suffisantes, vont après la mort dans le purgatoire,
où ils peuvent être secourus par les prières , les bonnes
œuvres et les sacrifices des vivants ; que ceux qui sont entiè-
rement purs arrivent immédiatement à la vision de Dieu, niais
avec des degrés différents de béatitude; taudis que ceux qui
meurent en état de péché mortel ou seulement de péché ori-
ginel, descendent en enfer, mais souffrent diversement.
Le 20 juin, les Grecs et les Latins nommèrent de part et
d'autre six députés pour délibérer sur la formule d'union,
eu prenant pour base le projet présente par le pape. On dési-
rait que la définition fût rendue dès le 29 juin, mais elle fut
différée jusqu'au 5 juillet.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N« 261.
Sur les azymes, IV, § 189. Extrenia sententia Josephi Patr. : Hard.,
IX, 41)5; Mansi, XXXI, d007. L'authenticité est soutenue par Héfelé,
p. 723-727, contre Frommann, etc. (Voy. aussi Diraitracop., loc. cit.,
p. 135, 136).
v. — msr. DE l'église. 7
98 HISTOIRK ÜK L'itGLISE.
Discussions sur la primauté du pape.
262. Un point particulièrement difficile, c'était de faire recon-
naître par les Grecs la primauté du pape, qu'ils rejetaient
depuis lonf^temps. Ils avaient consenti à ce que le pape jouît
de tous les privilèges qu'il possédait dès l'origine et avant la
séparation, mais ils n'admettaient point qu'il eût été autorisé à
joindre le Filiorpic. au Symbole. Les théologiens latins démon-
trèrent cette prérogative et le droit divin de la primauté. Le
2t juin, les Grecs reconnurent les privilèges du pape, moyen-
nant deux restrictions : 1° il ne pourrait point convoquer de
concile œcuménique sans l'agrément de l'empereur et des
patriarches orientaux; 2° il ne recevrait aucun appel des
sentences des patriarches, et ne citerait point ceux-ci devant
son tribunal; il enverrait tout au plus des juges dans les pro-
vinces pour y faire décider la question.
Eugène IV répondit qu'd entendait maintenir tous les privi-
lèges de son Eglise (22 juin). Les esprits étaient profondément
abattus. Isidore, Bessarion et Dorothée de Milylène intervinrent,
et les Grecs reconnurent (26 juin), conformément au projet des
Latins, que le pape est le pasteur suprême, le représentant de
Jesus-Christ, le pasteur et le docteur de tous les fidèles, chargé
do régir et de gouverner l'Église entière, sans préjudice des
privilèges et prérogatives des patriarches orientaux.
L'empereur et son entourage opposaient des difficultés au
projet d'union (28 juin); ils lui reprochaient : 1° d'être conçu en
forme de bulle pontiticale, et de ne pas mentionner l'empereur
et les patriarches; 2" de contenir cette addition relative atix pri-
vilèges du Saint-Siège : « ainsi qu'il est porté dans la sainte
Écriture et les maximes des saints » ; ils auraient voulu que
l'on dît : « conformément aux canons ». Le pape consentit que
ces mots tussent ajoutés au commencement de la bulle : « avec
l'assentiment de l'illustre empereur et des patriarches «. Sur
le second point, les Latins ne crurent pas devoir céder.
Le 30 juin, les Grecs proposèrent la rédaction suivante :
« conformément aux canons, aux maximes des saints, à la
divine Ecriture et aux actes des conciles ». La citation exclusive
des canons courait risque de déplaire aux Latins; celle de
l'Écriture pouvait être omise, comme étant déjà contenue dans
l'église en face des schismat[ques fît des hérétiques. 99
les paroles où il est dit que le pape a hérité de toute la pri-
mauté dans la persouue de Pierre; l'appel aux maximes des
saints choquait les Grecs, qui ne voulaient voir dans beaucoup
de paroles des Pères que des termes de politesse. Quant à l'au-
torité des papes dans les conciles généraux (surtout à Chalcé-
doine), les Latins y attachaient une grande importance, comme
on le voit par les discours du provincial des dominicains. Après
que deux formules eurent été proposées le 1" juillet, on s'arrêta
à celle-ci : « suivant ce qui est contenu dans les actes des conciles
œcuméniques et dans les saints canons » ; formule qui, dans l'es-
prit des Latins, n'était pas une restriction, mais une exphcation.
Les Grecs se permirent seulement d'intercaler dans le passage :
« nonobstant les droits des patriarches » , les mots tous les droits^
que les Latins, après quelque résistance, finiront par accepter.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N° 262.
Hard., IX, 408, 413 et seq., 417, 9(57 et seq., 974 et seq. ; Fichier, I,
p. 394-396; Héfelé, p. 731 et siiiv., 737 et suiv.; Bauer, Laacher St.,
1872, VI, p. 537 et suiv.
Décret d'union.
263. La définition du concile de Florence (XVII' œcuménique)
commençait par ces mots : « Que les cieux se réjouissent et que
la terre tressaille » ; puis elle célébrait la concorde rétablie
entre l'Orient et l'Occident, et contenait les décrets relatifs à la
procession du Saint-Esprit du Père et du Fils, au pain eucha-
ristique, à l'état des âmes après la mort, à la primauté du
pape, à la succession dos patriarches. Le 6 juillet 1439, elle fut
solennellement publiée, en latin et en grec, d'après la rédaction
du savant Ambroise Traversari, en latin par le cardinal Julien,
en grec par l'archevêque Bessarion. Cette rédaction était
conçue selon le génie des deux langues, et reproduisait le
travail intellectuel des deux parties.
Les signataires, parmi les Grecs, furent : l'empereur, quatre
représentants des patriarches, seize métropolitains, quatre
diacres, les envoyés de quelques autres princes grecs. Marc
d'Éphèse refusa obstinément sa signature. Parmi les Latins :
le pape, huit cardinaux, deux partiarches latins, soixante et
un archevêques et évêques, quarante abbés, quatre généraux
d'ordres, les députés du duc de Bourgogne.
lOO HISTOIRE DR l'ÉGLISF.
Ce décret était d'une haute importance, même pour l'Occident ,
engagé alors dans de grandes disputes sur l'étendue de l'auto-
rité du pape. Le pape — disait le décret — n'est pas seulement
le chef des Eglises particulières, mais encore de l'Église uni-
verselle; il tient son pouvoir, non de la masse des fidèles, mais
inunédiatement de Jésus-Christ, dont il est le vicaire; il n'est
pas seulement le père, mais aussi le docteur de tous les chré-
tiens, et tous lui doivent obéissance. Cette définition réjouit tous
les esprits bien pensants ; elle ne fut pas, il est vrai, adoptée par
tout le monde inmiédiatement : la France, en particulier, refusa
longtemps de reconnaître le concile de Florence; mais elle
gagna chaque jour du terrain, et servit de base an développe-
ment théologi(]ue du dogme de la primauté. C'était un puissant
contrepoids opposé aux efforts du concile de Bâle.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 263.
Bull. Rom., éd. Taur., V, p. 39-42, const. xxi ; Denzinger, Enchir.,
éd. IV, p. 200 et seq.; ed. C. Milanesi, dans le Giornale storico degli
archivi toscani ; Comiiléinenl à Archivio storico ital., Firenze, 1837,
t. I, p. 210 et seq. Cette addition au passage sur la primauté : y.aô' öv
TpÔTTOv xai èv toi; TipaxTixoï; twv olxoufjievixwv oyvôScov xal [èvj toïç lepoïç xavôat
SiaXanêàve-cai, est ainsi conçue en latin : «' Quem ad modum etiam in
gestis œcumenicorum Conciliorum et in sacris canonibus continetur. »
En place de « etiam )>, Launoy, Pierre de Marca (deConc. Sac. etlmp.,
111, vin, 5), Noël Alexandre {stec. XV, diss. viii, art. 5, n. i3; diss. x,
art. 2, n. 15, t. XVIIl, p. 481, 634), Mainibourg (Traité histor. de
l'établissement et des prérogatives de l'Église de Rome, 1685, ch. v,
xx), Fébronius (de Statu Eccles., cap. v, § 4, n. 3), le soi-disant Janus,
p. 347, et Dœllinger (Gazette univ. d'Augsbourg, 21 janv. 1870), vou-
laient qu'on lût, les uns, « qucmadmodum et ->; les autres, « juxta
eum modum qui ». On prétendait qu'Abram de Crète avait altéré le
texte par sa traduction; que les Grecs auraient fait agréer toutes leurs
demandes; que le sens restrictif s'accordait mieux avec le texte grec; v
qu'il était admis par Flavio Biondo (dec. m, lib. X), Jean Eck, Jean de
Hochesler et Albert Pigbe. Bo.ssuel (Defens. cler. Gall., part. 11, lib. IV,
cap. XI, t. l, p. 503 et seq.) essaya, sous une forme adoucie, de soute-
nir le sens restrictif. Or il est prouvé depuis longtemps que Maim-
bourg a tout simplement inventé 1' <> etiam » (A. Vaira, de Praerogat. .
rom. Ponlif. a Constantinop. pra^sulibus usurpata, Patav., 1704 et seq.,||
p. 891), et que luus les manuscrits portonl <■ quemadmodum etiam »,
ce qui n'est nullement une falsillcation, ainsi que l'avoue Frommann v
lAlIg. Zig., 27, 28 febr. 1870. ot zur Kritik des Flor. Un. -Décrets,
l'église en l'ACE DES SCHISMA rK>l?ES ET IjKS HÉRÉTIQUES. 101
Leipzig, 1870, p. 50 et suiv.). Ces mots se trouvent dans les manuscrits
de Florence (Ccccoui, dans l'Armonia, 1'^'' fév. 1870j, dans ceux des
archives de Saint-Pierre à Rome, et Codd. Vatic, 4037, 4128, 4136
yCivillù cattolica, VII, 9 quad. 478), l'exemplaire de Carlsruhe (Gmelin,
in der A. Z., Beil. du 24 août 1871), etc. Voy. Fm. Schelstrate, Tr. de
sensu et auctor. décret. Consl. Conc, 168fi, pro'f., p. iv ; J. a Bennet-
tis, Vindic. pnerog. B. Pétri, part. I, t. I, p. 486 et seq.; Ballerini, de
Vi ac Ratione primatus, t. II, p. 39-()l ; Gcrdil, Animadv. in Comment.
Febron., posit. XI, 0pp. XIII, ii, p. M ; Mamachl, Zaccaria, Reidtel (das
runon. Recht, p. 395 et suiv., n.); Héfelé, p. 7.ö3-7o6, 758-761; mes
écrits : Anti-Janus, p. 118-120; die Irrthïuner von mehr aïs 400
Bischœfen, Frib.. 1870, p. 35 et suiv.; Kath. Kirche und christl. Staat,
p. !K»8 et suiv. L'œcuménicité du concile de Florence ne fut combattue
qu'en France, encore ne le fùl-elle ni universellement ni toujours : la
principale raison, c'est qu'on ne pouvait concilier le décj-et d'union
avec les décrets de Bàle et le système adopté. Charles VU. en 1438,
avait défendu à ses évoques d'y participer; ceux de Bourgogne, les
.seuls qui y pnrurent, reconnurent pleinement les droits du pape. Le
l^f mars 1438, l'évèque de Digne émit des principes entièrement con-
traires à ceux des Bâlois (Cecconi, doc. CLXxxviir, p. 568). A Bourges,
en 1440, Charles Vil déclara aux envoyés du pape qu'il ne reconnaîtrait
pas le concile de Florence. C'était là une parole arbitraire du pouvoir
civil. Cependant l'évèque de Meaux, Pierre de Versailles, ayant proposé,
le 10 déc. 1441, un nouveau concile général, prononça des paroles
qui étaient une adhésion à la doctrine définie à Florence sur le pape :
Raynald, an. 1441, n. 9-12. Après le concordat de Léon X, l'opposition
française s'afl'aiblit de plus en plus, alors même que quelques voix se
tirent encore entendre en ce sens, surtout à Trente : Pallavicini, Hist.
Conc. Trid., lib. XIX, c. xvi, n. 9 ; Rayn., an. 1563, n. 4 et seq., 119.
Cf. Bennettis, I, i, p. 320 et seq. Noël Alexandre (saec. XV, diss. x,
art. 1, n. 1-6, t. XVIII, p. 604 et seq.) avoue que les scrupules contre
le concile de Florence se sont évanouis depuis que P. de Marca a
montré une voie (tout à fait fausse) pour concilier le système gallican
avec le décret d'union. Comp. Bossuet, Def. declar., part. U, lib. IV,
c. X, H'^ éd., Mog., 1788, p. 501 et seq. Le sorbonuiste Pirot (voy. Fou-
cher de Careil, Œuvres de Leibnitz, 1, 376) déclarait, sous Louis XIV,
qu'il ne connaissait point de catholique français qui ne reconnût le cou'
cile de Florence pour œcuménique ; le clergé de France tenait le même
langage en 1655 : Pey, Autorité des deux puissances, il, 233; Zaccaria,
Antifebron.. c. v. § 4, n. 5. Le 16 mars 1738, une ordonnance royale
permit d'enseigner dans les écoles que ce concile était œcuménique :
Bauer, op. cit., p. 5i4. Voy. encore Allât., de Consens., lib. 111, c. ii,
n. 4, p. 919-926; mon ouvrage, Kath. Kirche, p. 970 et suiv.
i02 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Issue des négociations des Florentins avec les Grecs.
264. Lfi pape adressa encore plusieurs questions aux Grecs,
la plupart sur les différents rites de leur liturgie. Dorothée,
archevêque de Mitylène, donna des réponses satisfaisantes,
excepté sur deux points : la dissolution du mariage, surtout en
cas d'adultère, et l'élection des patriarches. Eugène IV désirait
que l'élection du patriarche byzantin eût lieu à Florence même,
ainsi que la punition du rebelle Marc d'Éphèse. Les drecs
répondirent que l'usage était de faire nommer le patriarche
par toute l'éparchie et de le sacrer à Sainte -Sophie; que Marc
serait sommé de rendre compte de sa conduite. Le pape recon-
nut sans difficulté l'ancien rite des Grecs, et son nom fut inséré
dans leurs diptyques. Les Grecs obtinrent aussi différentes
concessions relativement aux évêques des diocèses placés sons
la domination vénitienne.
Le 26 août 1439, l'empereur, pourvu de nouveaux subsides
par le pape, quitta Florence et rentra dans ses États en passant
par Venise. Eugène IV, qui avait déjà fait face à tant de dé-
penses, donna à l'empereur des soldats et deux vaisseaux de
guerre parfaitement équipés, lui promit d'autres secours, et
engagea les princes chrétiens à l'aider dans ce dessein. Il
informa la chrétienté de l'heureux rétablissement de l'union et
envoya des nonces en Orient. Il reçut une lettre d'adhésion de
Philothée, patriarche d'Alexandrie, auquel il avait envoyé le
franciscain Albert.
Eugène prolongea encore longtemps le concile de Florence,
négocia avec quelques autres Orientaux, et, sur un rapport dé-
taillé de Jean de Turrecremala, condamna, le 4 septembre 1439,
les « vérités dogmatiques » dos Bâlois (§ 145) et leur révolution
religieuse. Le 18 décembre, il nomma cardinaux les métropoli-
tains grecs Isidore de Kiew et Bessarion, qui avaient rendu
tant do services à l'œuvre de l'Union; le 23 mars 1440, il
condamna l'antipape Amédée. L'activité de ce concile dirigé
par le pape, comparée aux mesquines entreprises des Bàlois,
qui no purent rien exécuter de sérieux, est une preuve frap-
pante du prestige qui s'attache k la primauté ecclésiastique.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 264.
Hard., IX, «0-«4; Mansi, XXXI, I039-I0}3; Syropul., p. 302 et
l'église en face des SCHISMATIOl'KS ET DES HÉUÉTIQUES. 103
seq.; Héfelé, p. 756-758. Continuation du concile de Florence : Hard.,
IX, 1020 et seq., 1 160, 1165, 1183, 1266, 1000 et seq.; Rayn., an. 1439,
n. 29 j 1442, n. 8. Cf. Pallavicini, loc. cit., VI, xi, 11 et seq. La plupart
des théologiens soutiennent que !e concile était œcuménique, même
après le départ des Grecs, notamment Habert, L'Herrainier, Wilasse.
Noël Alexandre (loc. cit., diss. x, art. 3i; Rohrbacher (Hist. univ. de
l'Égl., t. XXI, p. 074) ; Héfelé, p. 781 et suiv.; Bauer, p. 545 et suiv.
Les deMiiié«'.« do l'I'niou aprôs le concile de Florence.
Vive résistance contre l'Union.
26o. Au del)ut de l'auiiée 14.40, l'empereur Jean Paléologue,
avec les prélats, rentra heureusement dans Constantinople.
Le succès ne répondit pas à ses efforts. Le fanatisme des
masses était excité ; les moines et autres ecclésiastiques
demeurés chez eux avaient .semé dans la foule les plus forts
préjugés contre l'œuvre de l'Union. Les évèques, à leur
retour, furent accueillis par des moqueries et des insultes : on
les appelait azymites, latins, traîtres, apostats, hérétiques. Marc
d'Éphèse, tant de fois confondu et humilié à Florence, trouvait
maintenant l'occasion de se poser en héros. En Italie, il avait
fait espérer à l'empereur (juMl souscrirait la formule d'union,
pourvu qu'on lui épargnât cette honte devant les Latins,
aujourd'hui, il se faisait le chef de tous les adversaires de
l'Union, multipliait les lettres et les livres contre les décrets de
Florence, et encourageait les autres à suivre son exemple.
Les schismatiques , aveuglés par leur haine, se donnaient
libre carrière: mensonges, exagérations, procédés vulgaires,
on ne reculait devant rien pour accroître l'animosité contre les
Latins. Les Grecs, disait-on, y compris le patriarche défunt,
avaient été corrompus à Florence; on les avait laissés mourir
de faim pour leur arracher leurs signatures; on avait falsifié
les écrits des Itères (cela était vrai du côté des schismatiques),
et condamné les anciens rites religieux de l'Église d'Orient.
Plusieurs Grecs réfutèrent ces impudentes calomnies, notam-
ment Bessarion de Nicée; Joseph, évèque de .Mélhone ; Grégoire,
protosyucelle , etc. Mais la haine ne voulut point entendre
raison. L'empereur, encore tidèle à l'Union, fit nommer un
de ses défenseurs, le métropolitain Métrophanes de Cyzique,
104 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
patriarche de la capitale; mais le patriarche, malgré tout son
zèle, ne put rien contre ses fanati(jnes adversaires.
Déjà Marc d'Éphèse et son parti avaient acquis assez d'in-
fltience pour que la majori fé des Grecs se prononçât hardi-
ment contre l'œuvre de l'Union; les patriaches d'Alexan-
drie, d'Antioche et de Jérusalem condamnèrent le nouveau
patriarche de Byzance et le concile de Florence, et chargèrent
Arsène, métropolitain de Césarée, l'un des plus ardents à la
révolte, d'exécuter leurs décrets (1443). L'empereur, mais sur-
tout Métrophanes et les clercs institués par lui, furent menacés
de l'anathème et de la proscription en masse.
En Russie, le métropolitain Isidore, ayant proclamé l'union
après sa rentrée, fut saisi par le grand-duc, s'évada deux
ans après (septembre 1443), et se réfugia à Rome. Plusieurs
dignitaires de Byzance, après avoir signé l'acte d'union
(comme Antoine d'Héracléc) , retournèrent aux schismatiques ;
et, lorsque Métrophanes vint à mourir (1" août 1443), le siège
patriarcal demeura longtemps inoccupé. L'empereur lui-même
devenait chaque jour plus insouciant : il semblait que l'aver-
sion de la foule, fanatisée par les moines, lui imposât le
devoir de ne pas faire exécuter l'œuvre de l'Union. Joignez-
y la cruelle défaite des chrétiens près de Varna (1444), où
périrent le cardinal Julien Cesarini et Ladislas, roi de Hongrie
et de Pologne. Les Occidentaux , apprenant l'antipathie des
Grecs, se refroidirent encore à leur égard. Le pape Eugène IV,
qui, en février t444, espérait encore sauver l'empire d'Orient
et faire adopter le concile de Florence, y dépensa tout ce qu'il
avait de ressources, tandis {\ne les Grecs demeurés fidèles à
l'Union, principalement le nouveau patriarche, le protosyncelle
Grégoire III (depuis le 7 juillet liiri). faisaient leur possible
pour la faire accepter. Mais le patriarche n'eut presque point
de succès dans la capitale, et se vit exposé à de continuelles
menaces, de manière qu'il résigna enfin son siège en 1451, et se
rendit à Rome, dû il niournt en odeur de sainteté. Bessarion
y séjournait également, en sa qualité de cardinal.
OUVUAGES A CONSULTER SUR LE N" 265.
Ducas, p. 216; Plusiad., Discepl. pro Conc. Flor., ap. Allât., Gr.
orthod., I, 619 et seq.; Allât., de Cons., lib. III, p. 939 et seq.; Héfelé,
Tüb. Oiiartalschr., 1847, IV, 1848, M: Pitzipios, l'Église orientale,
l'église en face des SCHISMATiyUES ET DES HÉRÉTIQUES. lOo
Rome, 1855, II, lix; III, xcviii ; Pichler, I, p. 397 etsuiv.; Frommaun,
p. 191 et suiv.; Dimitracop., Hist. schismatis, Lips., 1867, p. 152 et,
seq. Plusieurs actes ont été publiés par Dositiiée de Jérusalem, dans
16(10; xaxaUaYY);, Jassy, 1694; Töjxo; àyaTTr,;, ibid., 1698; Tojao; x«P««>
1705. Écrits des adversaires de l'Union : Marc d'Éphèse , Migne,
PP. gr., t. CLX; son frère Jean Eugénicus (dans le Codex Monach.
gr., 2Ö6); Georges Scholarius (Migne, t. CLX, p. 249 et seq.; Dimitra-
cop., p. 166-172); Georges Gemist. Pléthon (Migne, t. cit.); Theo-
phanes le Moine (Dimitracop., p. 159); Amyrutzes de Trébizonde, plus
tard renégat (Allât., de Cons., III, m, 8, p. 9.35 et seq.). Écrits des
partisans de l'Union : Joseph de Méthone , Grégoire Mammas, Jean
Argyropulos, Isaac de Chypre, le moine Hilarion, Bessarion de Nicée,
Georges de Trébizonde, dans Allât., Grœc. orthod., t. I, Migne, t. CLIX-
CLXl. Sur le métropolitain russe Isidore : Picliler, II, p. 51. Voy. les
lettres d'Eugène IV, dans Theiner, Vet. Monum. Slavor. méridional,
historiam illustrantia, Roma?, 1863, I, 380 et seq. Le patriarche Gré-
goire m : Cuper, Acta SS., t. I. Aug., p. 190 et seq.; Migne, t. CLX,
p. 9, 10; Bist, polit. Cpl., an. 1391-1578, a Martino Crusio lat. facta,
ed. Bonn. 1849, p. 10; Allât., de Cons., 111. iv, 4, p. 953.
Fin de l'empire grec.
266. Jean Paléologue, qui eut le bonheur de ne pas survivre
à la ruine de son empire, eut pour successeur son frère
Constantin XII (1448-1453), le dernier souverain chrétien de
Constantinople. Comme les Turcs devenaient chaque jour plus
menaçants, il envoya des ambassadeurs à Nicolas V, et essaya
de se justifier de n'avoir pas publié l'acte d'union. Le pape
l'exhorta à ne pas accroître sa faute et sa responsabilité en
prolongeant un délai qui lui ravirait en même temps toute
l'affection des Occidentaux et exposerait l'empire à subir le sort
du figuier stérile. Il lui dépêcha le cardinal Isidore de Russie,
qui se heurta d'abord à de grandes difficultés, puis célébra la
fête de l'Union dans l'église de Sainte-Sophie (12 décembre 1452),
en présence de l'empereur, d'un grand nombre de seigneurs
et de trois cents ecclésiastiques. Les fanatiques en devinrent
furieux; ils évitèrent l'église de Sainte-Sophie comme souillée,
et publièrent hautement qu'ils ne voulaient point du secours
des Francs, qu'ils aimaient mieux devenir Turcs que Latins.
Le moine Gennade (autrefois Georges Scholarius) pensait que
la chute imminente de la ville n'entraînerait pas celle de l'or-
thodoxie, que l'Union succomberait sous l'aiiathème.
106 HISTOIRE DK l'ÉGLISE.
Un tel peuple était voue à une ruine irrémédiable. La
colère du Ciel allait éclater sur la nouvelle Rome si profondé-
ment déchue. Le sultan Mahomet II la bloqua par terre et par
mer (6 avril). Les vaisseaux vénitiens et génois, de même que
les soldats amenés par le cardinal Isidore, aidèrent à la défense,
qui fut conduite avec la plus grande activité. Mais déjà, le
29 mai 1453, la ville était prise d'assaut par les Turcs, et l'em-
pereur Constantin succombait dans la lutte. C'en était fait de
l'empire grec. La splendide église de Sainte-Sophie fut trans-
formée en une mosquée, sous les yeux des Grecs orgueilleux.
L'Occident, le pape surtout, qui songeait encore à envoyer une
flotte plus considérable, en fut profondément affligé.
OrVRAGES A CONSÜLTEH SUR LE N"* 266.
Nicol. V, ep. : Rayn., an. 1451, n. 1 et seq.; Migne, t. CLX, p. 1201
et seq. F^te de l'Union : Uberlinus Pusciilus, dans Ellisen, Analec-
ten, Leipzig, 1857, III, p. 670 et sniv. — Isidor. card., ep. ad omnes
christ. : Migne, t. CLIX, p. 95.3 et seq.; Leonard. Chiens., archiep.
Milyl., de Cpli capta, ad Nicol. V, ib., p. 923 et seq.; Bist, polit.,
p. 16-23; Matthai'us Camariota , Narralio lamentabilis de Cpli capta,
Migne, t. CLX, p. 1059 et seq.; Andronicns Callistus, Monodia de Cpli
capta, Migne, t. CLXI, p. 1131 et seq.; Nicol. Barbaras, Ephemerides
de Cpli an. 1453 obsessa atque expugnala, ib., t. CLVIII, [i. 1067 et
seq.; Reussner, Epistola« Tiircica', 1. III, 104, 108. Rapport en français
au cardinal d'Avignon : Buchen, Collect, des Chroniques nat. fr. ,
t. XXXVIll; Marlene et Dur., Coll. ampliss., t. V; Tagebuch des
Venetianei"s Nik. Barbaro, éd. Vienne, 1856; Zinkeisen, Gesch. des
Osman. Reiches in Europa, t. II, 111 ; Mordtmann, Belagerung und
Eroberung Cpls. durch die Türken, Stultg., 1858.
Domination des sultans turcs.
267. Le conquérant, il mt le schisme servait merveilleuse-
ment les intérêts, essaya de ramener dans la ville les Grecs
dispersés, et fit nommer patriarche Gennade (Georges Schola-
rius), adversaire de l'Union. Gennade reçut de lui l'investi-
ture, comme les patriarches la recevaient autrefois des empe-
reurs chrétiens. Le patriarcat reprit insensiblement son éclat
extérieur, mais il demeura le jouet du despotisme turc et des
intrigues de l'ambition. Eu 1458 déjà, le patriarche se voyait
contraint de résigner. Son clergé était tellement indocile, que
l'église en face des schismatiqles et des hérétiques. 107
son successeur Juasaph, de desespoir, se précipita daus uq
puits; il en fut retiré, mais il ue tarda pas à être maltraité
par le sultan et e.xilé. Quand ce dernier eut aussi renversé
l'empire ^rec de Trébizonde (1-401), plusieurs familles dis-
tinguées allèrent de là se fixer à Stamboul (c'est ainsi qu'on
api)ela dès lors Constantinople), où elles essayèrent d'accaparer
le patriarcat.
Encore quelque temps, et le sultan allait le vendre à prix
d'argent : la simonie faisait chaque jour de nouveaux progrès,
et plusieurs sujets indignes arrivèrent à la première dignité de
l'Église grecque. Seul le patriarche Nyphon était exempt de
haine contre les Latins. Un jour, comme il conseillait à Joseph,
métropolitain de Kiew, d'adhérer au concile de Florence, il fit
cette remarque que la colère de Dieu s'était peut-être appesantie
sur les Grecs parce qu'ils avaient rompu l'union. C'était là
l'opinion générale des Latins, l'opinion des Grecs qui se
réfugièrent en Occident et des Grecs dispersés qui demeuraient
fidèles à l'union. De plus, l'absolutisme impérial avait jeté
l'empire dans une décadence profunde, qui amena sa ruine
définitive. Déjà auparavant, l'islamisme avait acquis une in-
fluence considérable et supplanté l'élément latin.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 267.
Geuuade II, Hist. patriarch. ab an. 1454-1578, éd. Bonn, 1849.
p. 78 et seq.; Cuper, Acta SS., loc. cit., p. 192 et seq.; Ep. >«yphün.,
ap. Rayn., an. 1486, n. 62 ; Pichler, I, p. 403, 42.3 et suiv., où d'autres
ouvrages sont indiqués.
Les Monochitoues.
268. Beaucoup de chrétiens de l'empire grec, à l'exemple des
juifs et des musulmans, se rattachèrent à la nouvelle secte
mahométane des monochitoues (ainsi appelés à cause de leur
costume de moines). Le juriste Mahmoud Bedreddin en était
le chef spirituel ; Sun héraut, le fanatique .Mustapha, qui habi-
tait sur la montagne de Stylarios, près du golfe de Smyrne, à
l'est de Chio, avait gagné à sa doctrine un grand nombre de ses
compatriotes (1413). La secte faisait profession de pauvreté et de
renoncement absolu, admettait la complète communauté des
biens, mais non celle des femmes, enseignait l'amour des chré-
108 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
tiens, qu'un impie seul, disait-elle, pouvait ne pas considérer
comme des hommes craignant Dieu ; vivre avec eux en commu-
nauté de foi était une condition du salut. Mustapha envoya des
messagers aux princes et aux ecclésiastiques des îles grecques,
et s'ofîrit à conclure avec eux une alliance d'amitié, au nom de
la Divinité qu'ils adoraient en comnmn. Ses disciples embras-
saient les chrétiens qu'ils rencontraient, et les vénéraient
comme des anges. Des bandes tout entières de derviches, par-
courant les campagnes, recrutèrent pour leur prophète une
petite armée de six mille combattants, qui vainquit deux fois
dans les gorges de Stylarios les troupes envoyées contre elle
par le sultan Mahomet, et se renforça continuellement de Turcs,
de juifs et de chrétiens. Mahomet envoya enfin des forces
redoutables, qui se ruèrent sur les monochitones, tuèrent sans
pitié vieillards, femmes et enfants, et, après une lutte acharnée,
occupèrent le dernier sommet de la montagne, où elles s'empa-
rèrent du prophète et du reste de ses partisans. Les monochitones
refu.sèrent, même au milieu des supplices, de renier leur f(ji.
Mustapha fut honteusement cloué sur une croix, hissé sur
nn chameau et promené en triomphe à travers Éphèse. Tous
périrent avec constance. Les survivants de la secte prétendirei»t
que leur prophète n'était pas mort, mais qu'il vivait toujours
à Samos. Le sultan lit rechercher partout et exterminer les
derviches, (jui vivaient dans une extrême pauvreté. L'isla-
misme repoussait sévèrement toute pensée de fraternité avec
les chrétiens.
OUVRAGES A CONSfLTEH ET UEMAKQUES CRITIQUES SLR LE N° 268.
niicas, Hist. Byzaiit.. c. xxi (Mipne, l. CLVIl, p. 889-893). Movoxîtwve;.
Ce sont proprement des dorviciies velus d'une seule robe. Ducas,
C. xxn, p. 90λ : èv dyyijj.aTt (j/jvo/t-ctovo;.
Littérature grecque.
269. En littérature, les Grecs de ce temps ont surtout fourni
des travaux historiques : tels sont Nicéphore-Calliste et Nicé-
phorc-Giégoras, Théodore Métochite (mort en 1332), l'em-
pereur Jean Cautacuzène, Siméon de Thessalonique, Michel
Glycas, Georges Codinus, Michel Ducas , Georges Phrantza,
Laonique Chalcondylas. Matthieu lilastarès rédigea son Sj/n-
l'église en face des schismattoues et des hérétiques. 100
tagma alphabétique de droit canon ; Constantin lîarméno-
pule, son extrait des canons. Nicolas Cabasilas, archevêque
de Thessalonique ; l'empereur Manuel II Paléologue, Théodore
Méliténiota, le savant moine Théodule, Siméon de Thessalo-
nique, etc., traitèrent des sujets dogmatiques, moraux et ascé-
tiques. Nous avons déjà mentionné les savants Grecs qui, en
Italie et ailleurs, s'occupèrent de philosophie, de philologie et
d'autres sciences (§ 2:24 et suivants).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 26!).
Niceph. Call., Migne, t. CXLV, p. 557 — t. CXLVll, p. 448 ; Niceph.
Greg.,Migne, t. CXLVIIl, p. 119 et seq.— t. CXUX, p. 9 et seq.; Theod.
Metoch., Hist. Caisar., Lugd. Balav., 1618. Cf. Allai., de Theod., n. 127
(Mai, N. PP. Bibl., VI, ii, p. 186 et seq.); JoU. Cantacucen., Migne,
t. CLIII, p. 17 et seq. — t. CLIV, p. 9 et seq.; Symeon. Thessal, t. CLV ;
Mich. Glycas, Annal., part. IV, epp., Migne, t. CLVIII; Georg. Codin.,
Migne, t. CLVII, p. 25 et seq.; Michael Oucas, Hist., 1341-1462, ib.,
p. 743 et seq.; Georg. Phrantza, Migne, t. CLVI, p. 637 el seq.; Laonic.
Chalcond., Migne. t. CLIX ; Matth. Blastaies, t. CXLIV, CXLV ; Constan-
tin. Harmeaop., t. Ct.. Exégèles : Macaire Chrysokephalus, archev. de
Philadelphie, Com. sur le N. T., Migne, t. CL, p. 229 et seq.; Matth.
Cantacuzène, sur le Cantique des cantiques et le livre de la Sagesse,
t. CLIl; le moine Job, sur les Psaumes, t. CLVllI, p. 1053 et suiv.;
Nicol. Cabasilas, etc. (ci-dessus, § 255j, Mi^ne, t. CL, p. 491 et seq.
Sou principal ouvrage : Trepl t?i; âv Xpt(TT(I) î;wti;, a été récemment publié
par Gasz H, Greifsw., 1849. Manuel II Paléologue, Migne, t. CLVI, p.
309 et seq.; Théodore Méliténiota, t. CXLIX, p. 883 et seq.; Théodule,
t. CXLV, p. 447 et seq.
LiP!« Arméniens.
Travaux des papes et des frères prêcheurs en faveur des
Arméniens. — Rupture de l'union avec Rome.
270. Un des principaux soucis des papes fut d'affermir les
Arméniens unis dans leur fidélité envers l'Église romaine, et
de gagner ceux qui en étaient encore séparés. Plusieurs
conciles ayant été tenus contre le concile de Sis (1307), surtout
en vue de combattre la doctrine des deux natures en Jésus-
Christ, la célébration distincte des fêtes de Noël et de l'Epi-
phanie, le mélange de l'eau avec le vin dans le sacrifice de la
messe, le concile d'Adana (1316) essaya de les réfuter et de
i 10 HISTOIRE DE l'ÉULISR.
remettre en vigueur les anciens décrets. Le roi Oscin écrivit
.ta Saint-Siège. Jean XXII résolut d'établir en Arménie une
mission permanente de dominicains, avec un collège où les
jeunes Arméniens seraient initiés au latin et aux sciences; il
recommanda au roi, qu'il aida de sommes d'argent considé-
rables dans sa lutte contre les Sarrasins, l'ordre des prêcheurs,
dirigé par Haimond Stephani, proposa d'adopter les rites
latins, rappela que les évêques seuls ont le droit de confirmer
et de bénir l'huile des infirmes, et recommanda au patriarche
Constantin le dominicain Guillaume, iju'il destinait aux Armé-
niens de la Perse, et auquel il venait de confier le siège archié-
piscopal de Sultanieh, nouvellement érigé.
Le confrère de Guillaume, Barthélémy le Jeune, de Bologne,
sacré par le pape évèque de la province de Maraga, située entre
l'Arménie et le pays des Parthes, rendit d'éminents services :
il fonda un couvent florissant, et gagna beaucoup d'ecclésias-
tiques arméniens, entre autres maître Jean de Kerna, disciple
du célèbre moine Isaïe. Il fonda l'ordre des Unis de Saint-Gré-
goire rilluminateur, qui fut confirmé par le pape. Cet ordre,
qui ne se distinguait de celui de Saint-Dominique que par le
costume, possédait à Kaila un établissement d'éducation ; il se
lépandit au loin dans l'Arménie et dans les pays voisins.
Après la mort de saint Barthélémy (1333), ses disciples, imi-
tateurs de son zèle, mais non do sa prudence, blessèrent le
peuple en contrariant ses usages nationaux. Quelques fugitifs
et plusieurs Latins accusèrent les Arméniens de diverses
erreurs auprès de Benoit XII. Un concile tenu à Sis, sous le
patriarche Méchifar (1342), déclara que la plupart des accusa-
tions étaient calomnieuses, que d'autres n'étaient que les
égarements de quelques individus.
C'est pourquoi Clément VI (1346) envoya deux nonces chargés
d'extirper les erreurs encore subsistantes. Les réponses données
sur diverses (]uestions qui restaient encore, ne le satisfirent pas;
quelques points étaient encore à discuter. Clément VI veilla aussi
à ce que les Arméniens fussent secourus par les princes chré-
tiens. Innocent VI chargea Nersès, évêque de Macazgert, qui
savait le latin, d'obtenir du roi et du patriarche une réponse
satisfaisante et sincère aux (]uestions qui leur avaient été posées
(1353). Survint hientôt un interrègne do deux ans, puis le
l'église en face des schismatiques et des H]f:RihiQUES. m
règne de l'anarchie. Urbain V (1365) engagea !es Arméniens à
élire un nouveau roi, et leur recommanda Léon Lnsignan, qui
fut nommé sous le nom de Léon VI. Mais en 1375 le sultan
d'Egypte détruisit le royaume de la Petite- Arménie. Léon,
délivré de sa captivité (1382), .se réfugia en Europe (mort en
1392). La (irande-Arménie, autrefois assujettie aux Kurdes, fut
conquise en 1391 par Tamerlan. Un grand nombru d'Armé-
niens se disper.sèrent en difîéreiits pays. Les relations avec le
Saint-Siège demeurèrent longtemps interrompues.
OUVRAGES A CONSCLTEB SL'R LE N° 270.
Concile de 1316 : Galan., I, 474; Mansi, XXV, 655-670; Héfelé, VI,
p. 504. Joh. XXII : Rayn., an. 1318, n. 8, 15-17; 1323, n. 7; 1330, n. 43.
Barthol. Jiin. et l'Ordo Uniloriim S. Greg. Illum.; Franchi Armeni ;
Galan., I, 515 ; Werner, Gesch. der apol. und polem. Lit., 111, p. 397 et
suiv.; Pichler, II, p. 154 et suiv. Benoît XII et le concile de Sis, 1342 :
Bzovius, an. 1338, n. 21 ; Hayn., an. 1341, n. 45 et seq.; Mausi, XXV,
1183-1270 ; Héfelé, VI, p. 5C9-577; Pichler, II, p. 455 et suiv. Pour le
rf.stti, Rayn., an. 1346, n. 67 et seq.: 1350, n. 37 et seq.; 1351, n. 1
et seq.. etc.; Pichler. Il, p. 456-458.
L'Union de Florence.
271. Eugène IV essaya de rétablir l'union des Armeniens, et
leur adressa à ce sujet différentes invitations. Deux évêques
d'Arménie, Jean et Isaïe, écrivirent (30 septembre 1433) au
concile de Bàle. Isaïe, évèque de Jérusalem, répondit à l'invi-
tation d'Eugène iV (1" novembre 1434) qu'il avait envoyé les
écrits du pape au patriarche. En 1437, le pape délégua plusieurs
franciscains pour préparer l'union de l'Arménie. Le patriarche
Constantin Vi (1438) dépêcha à Florence quatre fondés de pou-
voir pour renouveler l'ancienne alliance avec Rome ; il y avait
été déterminé par le Génois Paul Impériale de Kaffa, en Crimée,
et par le P. Jacques, envoyé du pape. Les plénipotentiaires
arrivèrent à Florence avant le départ de l'empereur grec,
dont ils sollicitèrent l'appui. Deux cardinaux s'abouchèrent
avec eux, et, le 22 novembre 1439, le décret concernant l'Union
était déjà lu en audience publique. Les Arméniens acceptèrent
le Symbole avec le Filioque, la doctrine des deux natures,
des deux volontés et des deux opérations en Jésus-Christ, le
concile de Chalcédoine, le décret d'union avec les Grecs et
112 HISTOIRE DE l'^GLISE.
le Symbole de saint Athanase; ils reçurent en outre des ins-
tructions sur les sept sacrements et les fêtes de l'Église.
Comme l'évêque latin de KafTa. ville qui appartenait aux
Génois, avait interdit aux évêques arméniens de porter les
insignes épiscopaux et de donner la bénédiction, Eugène IV
supprima cette défense et assura la juridiction des prélats
arméniens sur leurs compatriotes. Les Grecs unis demeurèrent,
quoique dispersés, fidèles au décret de Florence, tandis ijue
ceux qui vivaient sous la domination turque lui firent une vive
résistance. Le patriarche Constantin mourut avant le retour
des députés, et son successeur Joseph III le suivit peu de temps
après dans la tombe. Grégoire IX, qui voulait faire exécuter le
décret d'union, fut déposé et expulsé. Les Turcs établirent
ensuite à Constantinople (1461) un patriarche arménien distinct
à côté de ceux d'Etschmiazin, Sis, Agthamar. Le patriarcat
devint un objet de trafic et tomba dans un profond discrédit.
OUVRAGES A CONSULTER SCU LE N° 271.
Lettres de Jean et d'Isaie : Martèiio, Coll., VIII, 640; Cecconi, doc.
xui; d'Isaie au pape Eugène : Marti-ne, p. loi; Cecconi, doe. xl. Cf.
Rayn., an. 1434, n. 18. Ambassade à Florence, ib., an. 1439, n. 13;
Hard., IX, tOioetseq. union du 22 nov. 1439, const. xxiii, Exultate
Deo, Bull., éd. Taur., V, 44-51 ; Hard., p. 434, 1163; Mansi, XXXI,
1047 et seq.; Rayn., an. 1430, n. 13 et seq.; Denzinger, Enchir., p. 201
et seq. Cf. Wadding, Ami. min., XI, ;in-71. Décret du 15 déc. 1439 :
Rayn., h. a., n. 17 ; Héfelé, Vil, p. 788 et suiv.; Pichler, II, p. 458 et
suiv.; Rattinger (V, §261).
Les antres Orientaux.
Les Coptes & les Éîthiopiens. — Décret pour les jacobites.
272. Les Coptes, souvent persécutés par les Sarrasins, sur-
toutau commencement du quatorzième siècle, et les Éthiopiens,
auxquels Nicolas IV (1289) et Jean XXII (1329) avaient envoyé
des missionnaires, déléguèrent aussi des députés à Florence.
Jean, patriarche d'Alexandrie, répondit aux lettres du pape en
allant au-devant de tous ses vœux, et nomma pour son rempla-
çant l'abbé Jean, du couvent de Saint-Antoine (12 septembre
14-40). De son côté, l'abbé Nicodème de Jérusalem, chef des jaco-
bites de cette ville (14 octobre), envoya une lettre et des repré-
l'église en face des SCHISMATIQIES ET DES HÉRÉTIQUES. 113
sentants, et manda que le roi d'Ethiopie était favorable à
l'Union. Ce dernier choisit pour ambassadeurs les députés
mêmes du patriarche Jean et de l'abbé Nicodème.
Le 30 août 1441, l'abbé André prononça devant le pape un
discours où il l'exaltait comme le chef et le docteur de l'Église
universelle; deux jours après, l'envoyé de Jérusalem imitait son
exemple, et célébrait la puissance de l'Ethiopie en même temps
que sa piété. Le 4 février 1442, l'union avec les jacobites fut
résolue à Florence dans une assemblée générale. Le décret d'u-
nion contenait un symbole de foi très détaillé, un catalogue des
Uvres canoniques, les décrets pour les Grecs et les Arméniens,
des règlements sur la forme et la matière de l'Eucharistie et
sur les quatrièmes noces.
Beaucoup de jacobites insérèrent ces décrets dans leurs livres
liturgiques. Malheureusement, ils étaient trop éloignés de
Rome et les Sarrasins trop puissants, pour que ces décrets
portassent beaucoup de fruit. Les dominateurs de l'Ethiopie
n'étaient guère d'humeur à se rapprocher de la Rome loin-
taine. Ils ne montrèrent un peu d'empressement que lorsque
les Portugais, dans leurs grands voyages d'explorations, com-
mencés en 1414, entrèrent plus tard en contact avec eux sur
les côtes d'Afrique. Les missionnaires envoyés en 1486 par le
Portugal trouvèrent bon accueil, mais n'eurent que peu de
succès.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 272.
Ray n., an. 1326, n. 98; 1442, n. 1-7; Hard., IX, 1018 et seq., 1021 et
seq.; Bull., éd. Taur., V, 38-6o. Const. xxvii, Cantate Domino, ap.
Denzinger, Enchir.. p. 208 et seq.: Héfelé, p. 793-797; Pichler, 11,
p. 504-509.
Continuation à Rome du concile de Florence.
'213. Sur ces entrefaites, dans l'automne de 1443, Eugène IV
avait transféré le concile de Florence à Rome ; il continua de
réunir les Orientaux avec l'Église romaine. Sur la fin de la
même année 1443, arriva à Rome un délégué du roi de Bos-
nie, qui abjura les erreurs manichéennes et accepta la profes-
sion de foi des Latins. H se peut que la division du patriarcat
des jacobites de Syrie, opérée en 1293, ait décidé le patriarche
de Diarbekir (à l'orient), par jalousie contre son rival de
V. -— HIST. DE l'église. 8
lli HISTOIRE DK L ÉGLISE.
Salacha (à l'occident), à céder aux instances du pape et de son
infatigable nonce, le P. Albert, et à dépêcher le métropolitain
Abdallah d'Édesse, pour proposer l'union des jacobites qui rési-
daient entre le Tigre et l'FAiphrate. Le pape le reçut, lui et ses
compagnons, avec bienveillance, et nomma une commission
pour discuter avec eux les points de controverse. Il résulta de cet
examen qu'ils étaient entachés de monophj-sitisme et de mono-
thélisme, et niaient comme les Grecs la procession du Saint-
Esprit du Fils. Sur ce point, Abdallah ou Abdalès accepta sans
hésiter la doctrine de l'Église romaine, et fit la même pro-
messe au nom de son patriarche. Il réitéra ses déclarations
dans la première session du concile de Florence tenue à Latran,
le 30 septembre 1444, et l'union fut solennellement consommée.
Eugène IV publia à ce sujet un décret particulier.
OCVRAGES A CONSULTER SUR LE N"> 273.
Translation : Aug. Patrie, c, r.xxix ; Hard., p. 1183. Sur le roi de
Bosnie, Bened. Ovelar. Vicent. (secrétaire du roi de Chypre), ép. datée
de Rome, f oct. 1442 (ou plutôt 1443), dans Marlene, Vett. mon.
Coll., I, d592, et lettres d'Eugène, dans Raynald, an. 1444, n. 2; 1445,
n. 23 et seq.; Hard., p. 1036; Héfelé, p. 814. Union des jacobites
syriens : const. Multa et mirabilia, dans Hard., p. 1040 et seq.; Iléfelé,
p. 814 et suiv.; Picbler, II, p. 403.
Les Chaldéens et les Maronites.
274. Le pape envoya ensuite l'infatigable André, archevêque
de Rhodes, en Orient et en Chypre, pour mieux renseigner sur
l'œuvre de l'Union les Grecs, les Arméniens, les jacobites et les
nestoriens qui y résidaient, pour les affermir dans la foi ou les
y ramener. Il réussit, après de nombreux efforts en Chypre, à
gagner le métropolitain nestorien Timothée de Tarse, l'évêque
maronite Élie, le clergé et le peuple, et à leur faire accepter la
doctriue romaine. Timothée et un délégué de l'évêque Élie se
rendirent à Rome, et promirent l'obédience dans la seconde ses-
sion du concile do Latran, continuation de celui do Florence,
le 7 août 1445. Le pape l'annonça dans un décret particulier, et
défendit de donner désormais le nom d'hérétiques aux Chal-
déens et aux Maronites. La masse des nestoriens persévéra
dans son ancienne erreur; l'adhésion à la primauté du pa[i..'
l'église en face des schismatioues et des hérétiques. 115^
donnée par le patriarche Jaballaha en 1 304, dans une lettre à
Benoît XI, n'eut aucun succès.
Bien meilleure était la situation avec les Maronites du Liban,
auxquels Eugène IV fit donner des éclaircissements sur les dé-
crets de l'Union par le frère mineur Antoine de Troie. Nicolas V
désigna au patriarche l'archevêque André de Chypre comme
l'intermédiaire auquel il pouvait s'adresser pour entrer en rela-
tion avec le Saint-Siège. Le mineur Grifon travailla avec succès
chez les Maronites depuis 1430 jusqu'en 1476. Le patriarche
Pierre le délégua à Paul II, qui le renvoya en 1469 avec une
lettre où il confirmait les pouvoirs spirituels et temporels du
patriarche et lui recommandait l'union avec l'Église romaine.
Sixte IV permit en 1475 au vicaire général des mineurs
d'envoyer comme délégué auprès des Maronites un conventuel
muni de pouvoirs particuliers. Lorsque le patriarche Simon
Pierre (1314) fit demander à Léon X, sans lui envoyer aucun
écrit, de confirmer sa nomination et de lui remettre le pallium,
le pape renvoya son délégué et dépêcha deux mineurs pour
ramener les Maronites de quelques erreurs. Ils atteignirent leur
but, et la nation envoya trois délégués au cinquième concile de
Latran. Le 18 juillet 1516, Léon X confirma le patriarche, et
déclara que les Maronites étaient d'accord avec l'Église romaine
dans tout ce qui intéresse le salut. Lecture fut donnée des
lettres du patriarche et de ses évêques dans la onzième session
du concile de Latran, le 19 décembre 1316.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 274'.
Décret Benedictus Deus, dans Hard., p. 1041 et seq.; Héfelé, p. 813 et
suiv.; Fichier, 11, p. oi4 et suiv. Lettres de Jaballaha : Rayn., an. 1304,
n. 23,26; Picliler, II, p. 427 et suiv. — Wadding, an. 1440, n. 7;
Rayn., an. 1469, n. 28 et seq.; 1514, n. 88-102; 1516, n. 7 et seq.;
Bonner Ztschr,, h. xvi, p. 232 et suiv.; h. xvii, p. 239 et suiv. Kunst-
mann, dans Tüb. Theol. Quartalschr., 1845, p. 40-.54; Fichier, II,
p. 545 et suiv.
NOUVELLES HÉRÉSIES.
L.e Palanihisnie.
Les Hésychastes.
'21o. Il y avait depuis longtemps parmi les moines grecs un
parti de fanatiques adonnés au repos contemplatif (hèsychia).
116 HISTOIRE DE l'ÉGLISË.
Siméon, abbé du couvent de Xyrokerkos, surnommé <( le jeune
théologien », et maître de Nicétas Stethatos, avait légué à ses
moines une instruction écrite sur la prière et la méditation, qui
servit plus tard de règle aux quiétistes ou hésychastes des cou-
vents du mont Athos et de la ville impériale grecque. D'après
cette règle, on devait se retirer dans im lieu solitaire, fermer
les portes, détacher son cœur de tout objet temporel, et, le
menton baissé sur la poitrine, fixer avec toute l'attention
possible ses regards vers le milieu du corps, le nombril,
empêcher de son mieux la respiration par les narines, et tâcher
de découvrir dans ses entrailles la place du cœur, où résident
communément toutes les facultés de l'àme. On y trouvera
d'abord les ténèbres et une épaisseur impénétrable; mais, si
l'on persévère nuit et jour, on ressentira bientôt un bien-être
indescriptible et l'on apercevra une lumière d'une merveilleuse
clarté : car, sitôt que l'âme a découvert le siège du cœur, elle
sait ce qu'elle n'a jamais su, elle voit l'air qui est entre le cœur
et elle-même tout lumineux et transparent.
Cette lumière intérieure et incréée est un écoulement de la
Divinité ; c'est elle que les apôtres ont vue pendant la transfigu-
ration sur le Thabor; c'est d'elle que saint Antoine a été
autrefois illuminé.
Ces extravagances trouvèrent accès dans divers couvents à
partir du onzième siècle, et plusieurs moines perdirent le bon
sens et la raison. Au quatorzième siècle, deux moines célèbres
du nom de Grégoire, l'un appelé le Sinaïto, l'autre Palamas
(de là le nom de Palamites), poussèrent cette folie aux der-
nières limites et soulevèrent de grandes contestations.
OUVRAGES A CONSULTER SUR I.E N" 275.
Deraetrius Cydon. adv. Greg. Palam., dans P. Arcudii, Opuscula
aiirea theoL, Rom., 1670; Joh. Cantacuz., Flist., 1. II, c. xxxix cl seq.;
Niceph. Gregor., Hist. Byz., 1. XI, x et seq., XIX, i et seq.; Leo Allât.,
de Eccl. occid. et or. perpel. consens,, I. II, c. xvi, xvii; Petav., Theol.
dogm., t. I, de Deo, I. I, c. xii, xiii ; Rechenberg, de Hesychastis Exer-
cit., p. 378 et seq. Longs détails, avec emploi de dociunents non utilisés
ailleurs : F. J. Stein, Studien über die Hesycliasten des XIV Jahrb.;
Separatabdruck aus der ceslerr. VierteJjahrschr. für kath. Theol.
(1873), Vienne, 1874. Sur Siméon le .Feune (6 véo; oeô^oyo;) : Dimi-
tracop., Bt6),io6r,xr, èxx).r,<j., Lips., 1866, t. I, p. £ '. Pièce de vers de Nicéta'-
l'église en face des SCHISMATIQLES ET DES HÉRÉTIQUES. 1 17
Stethatos en l'honneur de son maître Siméon : Allât., de Simeonibus,
p. 168. 0pp. Greg. Palamaf, Migne, PP. gr., t. CL. Gregor. Sinait., ib.,
p. 1237. Greg. Palama? Encomium, par Philothère, Migne. t. CLI,
p. 531 et seq.: par NU, ib., p. 659 et seq.
Barlaam contre Palamas.
!276. Barlaam, moine basilien, originaire de Calabre, instruit
et éloquent, résidait à Constanlinople et à Thessalonique depuis
1328, ponr y poursuivre ses études sur Aristote; il gagna la
confiance de Jean Cantaeuzène, changea souvent de point de
vue ttiéoiogique vis-à-vis des Latins, et se présenta à la cour
pontificale d'Avignon (1336) avec une mission semi-officielle. Sa
principale occupation fut de combattre le faux quiétisme des
moines de Thessalonique et de Constantinople. Initié à la doc-
trine des hésychastes par un de leurs membres d'assez peu de
talent, il les traita de fourbes et d'imposteurs, de messaliens,
de contemplateurs de nombrils, d'àmes de nombrils (ompha-
lopsychistes), et de dithéistes, parce qu'ils prétendaient que la
lumière incréée du Thabor était une seconde divinité.
Grégoire Palamas, déjà sévèrement blâmé par le savant
Nicéphore Grégoras pour avoir soutenu qu'il voyait la Divinité
des yeux du corps, persista dans son sentiment ; il engagea
Barlaam à rester en paix avec les moines qui le partageaient,
et à se borner à l'étude des sciences profanes, qui lui procuraient
beaucoup de gloire. Barlaam, de son côté, affirmait que la
lumière du Thabor était une lumière matérielle, passagère,
créée ; qu'il était impossible de la considérer comme l'essence
de Dieu. Palamas déclara dans la suite que cette lumière,
quoique incréée et divine, n'était pas cependant l'essence même
de Dieu (ousia), mais seulement l'énergie de cette essence
(energeia), et que la créature participait à cette énergie seule-
ment.
Barlaam répondit que cette distinction entre l'essence divine
incommunicable et l'énergie divine communicable introduisait
un dieu supérieur et un dieu inférieur, par conséquent le
dithéisme. Palamas défendit son opinion par des textes des
Pères dénaturés ou mal compris; par la comparaison du soleil,
dont nous pouvons percevoir les rayons, mais non saisir le
disque; par les effets de la grâce divine, dont le principe est
H 8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
l'essence divine, laquelle n'est pas commuiiicablej comme le
sont ses effets. Barlaam n'admettait pas non plus cette formule
de prière des liésychastes : « Seigneur Jésus- Christ, ayez pitié
de moi 1 » Il y avait là, selon lui, une omission choquante. Il
déposa une plainte contre les moines auprès du patriarche
Jean XlVCalécas. Mais le concile réuni à Sainte-Sophie eu 1331
se prononça en faveur des accusés, et Barlaam fut contraint de
demander pardon. Il s'enfuit dans la basse Itahe, où il devint
évêque de Gérace en 1342, et composa encore divers écrits pour
la défense de l'Église latine (mort en d348).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 276.
Niceph. Greg., 1. XIX, c. i et seq.; Joh. Cyparissiota, Palamiticarum
transgressionum lib., Migne, t. CLII ; Stein, p. 18 et suiv. Concile de
13il : Jüh. Cantacuc, H., II, xl; Niceph. Greg., XI, ex; Migne, t. CL,
p. 877, 891 , 900 et seq. Tom. synod. Joh. Pair., Migne, t. CLI, p. 679
et seq. Dosith. Hier., Tôjao; 'AyâTtr,?, Proleg., c. iv, p. 40 et seq. Acta
Patriarch. Cpl., ed. Müller et Miklosich, Vindob., I, p 238 et seq.,
T6|jioç àytopiTixoc, ap. Dosilh., loc. cit., p. 34-39. Barlaami epp. et opusc,
Migne, t. CLI, p. 1235 et seq.
Acindynus contre les moines. — Conciles au sujet de
Palanias.
277. Le moine Grégoire Acindynus, ancien ami de Palamas,
continua la lutte contre les hésychastes, qui devenaient chaque
jour phjs audacieux. Selon lui, les propriétés et les énergies de
la Divinité ne diffèrent pas réellement de son essence, et il n'y
a pas de lumière incréée, divine, en dehors de l'essence de
Dieu. Acindynus devint suspect comme barlaamite, et l'on fit
valoir contre lui la décision du concile tenu contre les pala-
mites. Palamas et ses sectateurs dédaignèrent la défense faite
par le patriarche de traiter de vive voix ou par écrit les ques-
tions controversées , et ils s'appuyèrent sur le puissant Jean
Cantacuzène. Mais lorsque celui-ci eut été exilé par l'impéra-
trice Anne, ils perdirent leur influence à la cour; Palamas lui-
même fut emprisonné en 1343, et un concile fut tenu à Cons-
tantinoplo en 1343 contre son ami Isidore Bnchiras, nommé
évêque de Monembasia, à l'occasion d'une plainte d'Ignace,
patriarche d'Antioche. Ce concile déposa Isidore et excommunia
Palamas et les siens, à cause de leurs doctrines blasphéma-
I
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 119
foires. Le patriarche Jean interdit toute relation avec eux, et
leur reprocha d'avoir falsifié son précédent concile.
Cependant les palamites recouvrèrent les bonnes grâces de
l'impératrice Anne, obtinrent la déposition du patriarche (1347),
la condamnation de leurs adversaires et leur propre justifica-
tion : toutes choses qui furent approuvées de Jeau Cantacu-
zène, qui entra alors à Constantinople en qualité d'empereur.
Isidore Buchiras, déposé, obtint en 1345 le siège patriarcal, et
nomma Palamas archevêque de Thessalonique. En vain plusieurs
évêques assemblèrent un concile où ils les destituèrent l'un et
l'autre : l'empereur les maintint dans leur dignité. Nicéphore
(irégoras lui-même n'obtint rien auprès de lui, bien qu'il eût
gagné à sa cause l'impératrice Irène. Ceux qui furent nommés
a des évèchés durent attester par écrit qu'ils rompaient toute
communion avec les hérétiques ßarlaam, Acindynus et leurs
partisans. Isidore les condamna de nouveau dans son testament
(mort en 1350).
Ouvrages a consulter sur le n° 277.
Grégoire Acindynus (àxîvSuvo;) : Niceph. Greg., XII, ii; Cantacucen.,
Il, xl; Allât., loc. cit., c. xvi, n. 3; Migne, t. CL, p. 875 et seq.;
t. CLI, p. 1189 et seq. Deux conciles pour l'affaire de Palamas : Can-
tacuc, loc. cit.; Niceph. Greg., XVIII, viii; Tom. Joh. Pair., Migne,
t. CL, p. 901; Encom. Palam., p. 60i. Troisième concile : Tom. con-
demuat. Pal.; Allât., II, xvi ; Migne, t. CL, p. 880 et seq.; Patr. sermo,
ib., p. 894 ; 'Ava^opà twv àpyiepÉtov Ttpôç Tr,v y.paTtarriV... xupîav "Avvav t^v
naXaioXoY-, Migne, t. CLI, p. 770 ; Cantac, III, xcviii; Dosith., T6(i. 'Ay.,
Proœm. ex descript. D. Nicephori Sceuophil. in monte Athos. Qua-
trième concile : Tom, in Act. Patriarch. Cpl., 1, p. 243 et seq.; Migne,
t. CLIl, p. 1273. Cinquième, 1347 : Leo Allât., loc. cit., Migne, t. CL,
p. 877 et seq.; Joh. Cypariss., t. CLlI, p. 710. Serment d'obédience
envei"s le patriarche Isidore, 1349 : Acta Patr. Cpl., I, 294, doc. cxxxi.
Testament d'Isidore, ib., p. 287 et seq.
Triomphe définitif des palamites.
278. L'ignorant et vindicatif patriarche Calixte I" (1350-
1354), ancien moine du mont Athos, se conduisit en véritable
tyran contre les antipalamites : aussi plusieurs évêques se sépa-
rèrent-ils de sa communion, et l'empereur eut beaucoup de
peine à rétablir la paix. Cependant, comme les partisans d'Acin-
120 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
dynus, qui depuis longtemps agissait on secret, et ceux du
savant Nicéphore Grégoras, allaient en augmentant, l'empe-
reur convoqua en 1331, aux Biaquernes, un concile où la doc-
trine des palamites triompha de nouveau, malgré toutes les
résistances et les objections de Grégoras et de ses amis. On y
décida qu'il existe en Dieu une différence réelle entre la nature
et les attributs, et l'on justifia la doctrine de Palamas, qui fut
désormais complètement identifiée avec la doctrine orthodoxe
et envahit presque toute la dogmatique grecque. Grégoras fut
retenu prisonnier.
De nombreuses démarches furent faites auprès de lui, même
par ses anciens amis, comme Nicolas Cabasilas. Il demeura
inébranlable, malgré les rigueurs de sa captivité, et continua
de travailler à la réfutation des palamites. Jean Paléologue
lui rendit la liberté en 1354; il prolongea sa lutte contre
Palamas et Jean Cantacuzène. Celui-ci, après avoir abdiqué,
entra au couvent sous le nom de Joasaph, et survécut à Pala-
mas, que les Grecs rangèrent dans la suite parmi les saints
(1368). On fit encore diverses tentatives pour écarter les erreurs
des palamites, mais ils s'affermirent dans l'empire grec; leurs
adversaires furent persécutés et souvent cuutraiuts d'abjurer
comme « partisans de l'hérésie de Barlaam et d'Acindynus » .
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 278.
Calixte I : Niceph. Greg., XVIII, i; XIX, xxxi et seq.; Acta cit.,
p. 293 et seq.; MalihiEi Mpl. Ephes. declar., ap. Dosilh., loc. cit.,
Proœm. ante tabulam materiarum. Sixième concile, 1351 : Niceph.
Greg., VIII, VIII ; XIX, i-iv ; XX, i-iii; Cantac, IV, xxiii; T6|j,o? «tuvoS.,
ap. Combefis, Auctar. novissim., II, 133 et seq.; Migne, t. CLI, p. 717
et seq.; Dosilh., Prolog-., c. v, p. 32-84; Hard., Conc, XI, 283 et seq.;
Stein, p. 113 et suiv. Résistance de Niceph. Greg., d'après son Hist.,
XXII, I et seq.; XXIll, i et seq.; XXIV, i et seq.; XXVII, ii et seq.;
XXVIII, XLiv. Contre le palaniitisme, ep. ad Nicol. Sid. Chai'tophylac,
soi-disant de l'archev. Cyrille de Side, Acta cit., I, p. 399 el seq.,
n. 173. Cf. ib., p. 404 et seq., n. 173 et seq. Syn. Ephes., ap. J. Cyra-
rissiot (§ 276) : Migne, t. CLII, p. 738; Demetr. Cydon., op. cit. (§ 273).
Manuel Calecas, uepî oùcrîa; xai èvepyetai;, éd. Combefis, Auctar. noviss.,
t. II ; Coiislanlin. Ilarmeuopul., Migne, t. CL, p. 864 et seq.; Andreas
Coloss., ib., p. 862 et seq. Abjurations : Acla cit., I, p. 346, 301 et
seq., 330, 368; II, p. 267, 293, doc. 153, 2i3, 246, 275, 310, 314, 502,
520. Voyez le formulaire dans Dosilhéc, p. 13, 17. Dépositions : Acta
l'église en face des SCUISMATIQUES El DES HÉRÉTIQUES. 121
Pair. Constantinop., I, p. 423 et seq., doc. 172. Le moine Philothée,
devenu archevôque d'Héraclée, 1334, au lieu du patriarche Calixte,
dut lui céder sa place ; mais il reçut de nouveau, pour la seconde fois,
le patriarcat après la mort de celui-ci. Il écrivit treize à quatorze cha-
pitres dogmatiques, une confession de foi, et Xôyoi àvTippYjTtxoî iß' contre
Grégoras (Migne, t. CLI, p. 773 et suiv.). En 1368, il condamna dans un
concile Prochorus Cydonius, moine du mont Athos et partisan des bar-
laamites, Lb., p. ü93 et seq.; Dosith., cap. vu, p. 93-114; il composa
l'office de la fête de saint Palamas (Allât., Graec. orth., t. I, append.,
dissert. II, de libr. Eccl. graec. Le patriarche Hilp écrivit le panégy-
rique de Palamas. La propagation du palamitisme était en outre
favorisée par le moine Marc (adv. Bari, et Acindyn.), Siméon de Thes-
salonique (adv. Hier.), Joseph Bryennius (de Transfig. Dom.), le
diacre Damascène de Thessalonique (serm. de Transüg.), Calixte
Angelicudès (de Spirit. parlicipatione), Marc d'Éphèse, etc. En Occi-
dent, on ne trouve que de rares vestiges des dogmes palamitiques,
par exemple, chez Gilbert de la Porree et chez Jean de Brescain, dont
la proposition suivante fut rejetée par le légat Odon et Tuniversité de
Paris : « Creatam lucem infinitam et immensam esse ». Thèse : « Cla-
ritatem aeternam esse empyreum cœlum » , dans Aug. Steuchus,
Cosmop., cap. i, p. 10. Jean de Varennes, diocèse de Reims, disait
vers 1396 : « In transfiguratione Christi très apostoli ita clare viderunt
diviuam essentiam, sicut nunc vident in patria. » Du Plessis d'Arg., I,
1, p. 323; 1, II, p. 154.
Wiclef et son hérésie.
Jean Wiclef.
279. Les éléments de la fausse philosophie et de la fausse
théologie, tels qu'ils apparaissent dans les vaudois, les apoca-
lyptiques, Guillaume Occam, Marsile de Padoue, etc., se concen-
trèrent dans la secte fondée par l'Anglais Jean Wiclef, transition
des anciennes hérésies à une tendance hérétique nouvelle et
plus générale, le protestantisme.
J. Wiclef naquit en 1324., au village de Wiclef (qui lui a donné
son nom), dans le comté d'York; il étudia la philosophie, la
théologie et les deux droits à Oxford, où enseignait le célèbre
Thomas Bradwardin, non exempt de grandes erreurs. Il avait
lu surtout Aristote et saint Augustin, et avait acquis, du moins
dans sa jeunesse, la réputation d'un homme irréprochable dans
122 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
ses mœurs, d'une grande piété, d'une pénétration remarquable
et de beaucoup de savoir. Membre de l'université d'Oxford, il
entra pour la première fois vers 1360 dans la lutte que cette
université soutenait contre les ordres mendiants. Nature pas-
sionnée, Wiclef, à l'exemple de Guillaume de Saint-Amour, de
.lean Poilly et de Richard d'Armagh, traitait les moines men-
diants de pharisiens et de docteurs de la loi {Matth., xxin, 4).
Entrer dans un ordre de mendiants, disait-il, c'est renoncer au
royaume de Dieu.
Lorsque l'archevêque de Cantorbéry Islep eut fondé à Ox-
ford, en 13f)I, un collège (Canterbury-IIall) pourvu d'un supé-
rieur et de dix écoliers, dont sept devaient être des clercs
séculiers et trois des clercs réguliers, il y eut bientôt des frois-
sements entre Jes deux parties. Les réguliers furent expulsés,
puis rétablis par ordre du nouvel archevêque, Simon Langham,
• [ui destitua Wiclef de sa charge de supérieur. Wiclef entama
un procès auprès de la curie pontificale d'Avignon, obtint sur
ces entrefaites d'autres bénéfices et surtout la faveur de la cour.
Urbain V (1305) ayant réclamé d'Edouard 111 le tribut annuel
de 1,000 marcs, qui n'était plus acquitté depuis trente-trois ans,
le parlement déclara (1366) que Jean sans Terre n'avait pu
contracter cette obligation sans le consentement des États, que
le roi actuel d'Angleterre ne pouvait pas accéder à une
demande qui blessait l'indépendance de l'Angleterre et était
contraire au serment d'Edouard. Cette décision fut expressé-
ment soutenue par Wiclef contre un religieux mendiant; il
prétendit que le pouvoir civil avait le droit de retirer au clergé
les biens temporels dont celui-ci abusait.
Wiclef, favorisé par le duc de Lancastre, devint aumônier du
roi. Cependant il perdit en 1370 le procès qu'il avait entamé
à la curie d'Avignon, et sou représentant, Richard, sommé d'y
comparaître, ne s'était pas présenté. Le collège fut donné aux
réguliers avec l'approbation du roi. En 1372, Wiclef reçut le
grade de docteur en tbéologie et fut nommé professeur. Une
nouvelle plainte fut élevée contre le Saint-Siège relativement
à la collation des bénéfices en Angleterre; des négociations
entamées à Bruges en 1374 entre l'ambassade du roi, dont
Wiclef faisait partie, et les envoyés de Grégoire XI, se termi-
nèrent par un accord, qui n'apaisa pas le mécontentement de
l'église ex face des SCHlS3IATlgUES ET DES HÉRÉTIQUES. 1:23
l'Angleterre. Wiclef s'efforça de l'accroître, et entra de plus en
plus avant dans les bonnes grâces de la cour.
Cet homme, de mœurs si austères, ajouta à son professorat,
en 1375, la riche paroisse de Lutterworth, et se servit de ses deux
chaires de professeur et de curé pour déclamer contre les ordres
mendiants, le clergé et la hiérarchie, mais surtout contre le pape;
il apparaissait avec la double auréole de docteur évangélique et
d'apologiste fervent des intérêts de l'État. 11 envoya bientôt au
dehors ses prédicateurs ambulants, les « pauvres prêtres »,
chargés de répandre ses idées dans la masse du peuple. Déjà
Wiclef, rendu plus audacieux par les égards de la cour et la
faveur du peuple, en était venu, dans un sermon, à traiter le
pape de prêtre orgueilleux et mondain de Rome, de damnable
oxacleur et même d'Antéchrist.
OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 279.
Thom. Walsingham, 0. S. B., à Saint- Alban, vers 1440, Historia
Anglica major (Camden, Scr. rer, Augl., Lond., 1574, Francof., 1602
et seq., ed. H. Th. Riley, Loud., 1863, 2 vol., in Rer. brit. med. sev.
Scr.); Henric. a Knyglhon (chanoine de Leicester en ce temps-là), de
Eventibus Angliae usque ad an. 1395; Twisden, Script, hist. angl., II,
2644 et seq., Lond., 1652 et seq.; Fasciculi zizaniorum Mag. J. Wyclef
cum tritico, par Thomas Netter of Waiden, provincial des carmes anglais
et confesseur de Henri V, éd. Phidey, in Rer. bdt. med. aev. Script.,
plein de notices et d'opuscules émanés de l'hérétique et de ses adver-
saires. Writings of John Wicliff, Lond., 1836. The Life and Opinions of
John de Wycliffe, par Robert Vaughan, éd. II, Lond., 1831, 8 vol.,
2 avec de nombreux documents et un catalogue des écrits de Wal-
singham, t. II, p. 380-392. Des ouvrages de Wiclef (celui qui est intitulé :
« des Derniers Temps de l'Église», est contestable), le principal était le
« Trialogue », imprimé à Bàle, 1525; à Francfort et à Leipzig, 1373; puis
le « Wicket » (Petite Porte), Nuremberg, 1546; Oxford, 1612; le traité
de Officio pastorali, composé avant 1378, édité par Lechler, d'après un
manuscrit de Vienne, Lips., 1863. Élaborations par des protestants :
Lewis, Hist. of the life and sufferings of J. Wicliff, Lond., 1720, Oxf.,
1S36, et Rob. Vaughan, loc. cit.; Gronemann, Diatribe in J. W. refor-
mationis prodromi vitam, ingenium et scripta, Trajecti, 1837; E. A.
Lewald, die Theol. Doctrin Wycliffe's, dans Niedners Ztschr. f. hist.
Theol., 1846, 1847; Oscar Jœger, J. Wycliffe und seine Bedeutung für
die Reformation, Halle, 1854. Gotth. Lechler est celui qui a le plus fait
liour l'histoire de Wiclef : l" Wie. und die LoUarden, dans Niedners
l'24 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Ztschr., 18b3 et suiv.; 2» W. als Vorleeufer der Reform. (leçon d'inau-
guration), Leipzig, 18Ö8; 3° Joli. v. Wiclif und die Vorgesch. der
Reform., Leipz., 1873, 2 vol. Voy. encore Weber, Gesch. der akath.
Kirchen und Seelen in Groszbrit., Leipz., 1845, t. Ij Neander, K.-G.,
II, p. 747 et suiv.; Bœhringer, K.-G. in Biograph., II, iv, livrais. 1
(1856)j Pauli, Gesch. Engl., t. IV, Gotha, 18.^5. Auteurs catholiques :
voy. du Plessis d'Arg., 1, ii, p. 1 et seq. (énumération des sources»
anciennement connues); P. M. Grassi, de Ortu ac Progressu haer. J.
Wicl., Vicent.,1707, in-f°; Lingard, Hist. d'Anglet., IV, p. 167 etsuiv.;
Staudenmaier, Philos, des Christenth., I, p. 667 et suiv.; Schwab, Ger-
son, p. .^27-346; Héfelé, VI, p. 810 et suiv. (1867); Hœfler, Anna v.
Luxemburg, Vienne, 1871.
Informations sur la doctrine de Wiclef.
"ISO. Devuut un tel langage, l'épiscopat d'Angleterre ne pou-
vait rester muet. Sur la demande de l'évêque de Londres
Guillaume Courtney, Wiclef fut cité devant un tribunal ecclésias-
tique, le 19 février 1377. Il se présenta escorté des gens d'armes
du duc de Lancastre et du grand maréchal Percy. L'attitude
insolente du duc envers l'évêque, soutenu cette fois par le
peuple, empêcha de tenir séance. Le faible archevêque do Can-
torbéry se contenta d'imposer silence à Wiclef et aux siens.
Cette mesure fut inutile.
Les adversaires de Wiclef, surtout les religieux mendiants
qu'il accusait d'hérésie, envoyèrent au pape dix-neuf proposi-
tions extraites de ses écrits et de ses sermons. Le 22 mai 1377,
Grégoire XI publia plusieurs bulles où il blâmait la négligence
des évêques d'Angleterre, prescrivait une enquête minutieuse
sur Wiclef, ordonnait son emprisonnement, et, en cas d'impossi-
bilité, décidait qu'il aurait à comparaître devant le Saint-Siège
dans l'espace de trois mois; il relevait l'analogie de ses erreurs
avec celles de Marsile et les dangers qu'elles faisaient courir à
l'État.
Les bulles arrivèrent en Angleterre tandis qu'Edouard III se
mourait (21 juin). Leduc de Lancastre fut chargé de la régence
pendant la minorité de Richard II. Les évêques ne pouvaient
donc pas songer à faire emprisonner Wiclef, d'autant plus que
celui-ci fut consulté par les chefs de l'Etat et par le parlement
sur la question de savoir si l'on pouvait défendre d'exporter
de l'argent hors du royaume, même contre la menace des cen-
l'église ex face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 12n
sures. Wiclef n'hésita pas à répondre affirmativement; il essaya
aussi de se créer de nouveaux partisans en juslifiant. sous le
voile de l'anonyme, les dix-neuf propositions.
Le primat et l'évêque de Londres chargèrent le chancelier
d'Oxford (18 décembre) d'entendre les personnes les plus qua-
lifiées sur les doctrines de Wiclef, et de l'inviter à comparaître
devant leur assemblée dans l'espace de trente jours. Wiclef se
présenta k Lambeth au comnencement de 1378. Sous la pres-
sion exercée par la mère du roi et l'affluence de plusieurs
citoyens imbus des idées de Wiclef, les évéques se déclarèrent
satisfaits des explications mitigées et le plus souvent sophis-
tiques qu'il donna de ses propositions, et ils le congédièrent en
lui ordonnant de ne plus parler de cette affaire. Tant de lâcheté
de la part des prélats révolta les théologiens orthodoxes, et ne
fit qu'enhardir l'audacieux novateur à propager davantage ses
pernicieuses doctrines par une série de thèses nouvelles.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 280.
Grégoire XI, bulles : Rayn., an. 1377, n. 4; Mansi, XXVI, 562-567;
du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 2 et seq.; Gronemann, p. 129 et seq.
Avis de Wiclef: Fascicul. zizan., p. 258, 271. Ses explications, ib.,
p. 245 et seq.; Walsingham, p. 357; Vaughan, t. i, app., n. 16; Gro-
nem., p. 125-128, 136-146; Schwab, p. 533-535; Héfelé, p. 816 et suiv.
Nouvelles thèses -. Walsingham, p. 363 et seq.
Audace croissante de Wiclef.
281. Par surcroît de malheur, cette même année 1378 vit
éclater le grand schisme, que Wiclef considérait comme l'inévi-
table résultat de la corruption de l'Église. Il redoubla d'ardeur
contre la papauté, et commença (1380), sans counaisance du
grec ni de l'hébreu, sa traduction anglaise de la Bible, calquée
sur la Vulgate, saint Jérôme, Nicolas de Lyre, etc. Il rejeta les
livres deutérocanoniques, et déclara que la Bible était l'unique
source de la doctrine chrétienne. Elle était, selon lui, intelligible
à tout le monde, et le clergé était grandement coupable de tenir
fermée la .sainte Écriture. Il opposait à l'autorité de l'Église
l'Kcriture et le témoignage intérieur que chacun trouve dans sa
propre inteUigence. Il faisait de la prédication de la parole divine
la principale fonction du ministère sacerdotal, supérieure même
au culte eucharistique.
126 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
En 1381 déjà, Wiclef attaquait dans ses thèses et ses discours
la doctrine de l'Église sur l'Eucharistie, notamment la trans-
substantiation, qu'il disait contraire à l'Écriture; il n'énonçait pas
clairement sa doctrine : suivant lui, le pain et le vin n'étaient
que les symboles du corps et du sang de Jésus-Christ, dont
l'efTet est de mettre les pieux fidèles en union réelle avec le
Rédempteur. Il adoptait les idées de Bérenger, où il croyait
retrouver l'ancienne doctrine de l'Église.
Le chancelier de l'université d'Oxford, Guillaume Berton,
défendit d'enseigner dans les écoles les propositions de Wiclef
sur l'Eucharistie, et son décret fut signé par douze professeurs
et docteurs, parmi lesquels huit religieux. Wiclef déclara que
l'interdit du chancelier n'était pas valide, et en appela au roi.
Il publia aussi, le 10 mai 1381, une apologie et une exposition
populaire de sa doctrine sur l'Eucharistie. Ses prédicateurs
ambulants soulevèrent le peuple, et eurent certainement une
grande part à la révolte des paysans qui éclata pendant l'été.
Jack Straw et John Bail, deux prêtres vagabonds, prêchaient la
liberté et l'égalité universelles. D'effroyables tumultes éclatè-
rent; la mère du roi fut maltraitée, le primat assassiné; des
pillages innombrables furent commis, et l'on eut beaucoup de
peine à étouffer l'insurrection.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 281.
Jusqu'en i3d6, le Psautier seul avait été traduit en anglais. Wiclef,
soutenu par Psicoias d'Hereford, John Purvey, etc., n'acceptait de
l'Ancien Testament que les vingt-deux livres du canon hébreu : Vau-
ghan, II, p. 50. De cette traduction, le Nouveau Testament fut im-
primé à Londres en 1731, tSlO, t84i, 1848; la Bible entière ne le fut
qu'en dSöO, à Oxford (4 vol. in-4°). D'après Vaughan, malgré les lois
sévères qui défendaient de posséder des bibles et des écrits de Wiclef,
il y avait au seizième siècle 178 exemplaires de ces bibles. Douze
thèses sur l'Eucharistie : Thom. Walsingham, p. 283 et seq.; Hist.
Univ. Oxon., p. 188; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 7-9; Gieseler, K.-G.,
Il, m, p. 297, 1"^ édit.; Schwab, p. 539-541. Décret du chancelier
d'Oxford : Fascicul. zizan., p. 110-113; Mansi, XXVI, 718 et seq.; du
Plessis d'Arg., loc. cit., p. 11-14. Ripostes de Wiclef ; Fascicul. zizan.,
p. 115-132; Vaughan, II, lxiv et seq. Insurrection de paysans, 1381 :
Walsingh., I, p. 453 et seq.; t. II, p. 1 et seq.; Pauli, p. 236 et suiv.;
du Plessis d'Arg., p. 12 et suiv.
l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 127
Condamnation et mort de Wiclef.
282. L'évèque de Londres, Guillaume Courtney, venait d'être
nommé archevêque de Cantorbéry. En mai 1382, il réunit à
Londres un concile provincial, où furent condamnées vingt-
quatre propositions tirées des écrits de \Mclef et des sermons de
ses partisans, les unes comme erronées (quatorze), les autres
comme hérétiques. L'archevêque ordonna la publication solen-
nelle des décrets du concile, et Ht rendre desédits royaux contre
les prédicateurs non approuvés et contre les membres de l'uni-
versité d'Oxford imbus des idées de Wiclef. Ces derniers résis-
tèrent en invoquant les franchises de l'université, et implorèrent
le secours du duc de Lancastre, qui les repoussa. Plusieurs des
accusés finirent par se soumettre à larchevèque.
Wiclef lui-même, après la tenue d'un second concile (novembre
1382), fut écarté de l'enseignement et exclu de l'université. Il
se retira dans sa paroisse de Lutterworth, prêcha souvent, et
composa son principal ouvrage, le Trialogue, en quatre livres,
où il faisait converser la Vérité, le Mensonge et la Prudence
(Aletheia, Pseudis, Phroiiesis), et développait longuement son
système. Frappé d'apoplexie le 28 décembre 1384, au moment
de la consécration de la messe célébrée par son chapelain Jean
Purney, qui partageait ses sentiments, il perdit la parole et
presque tout mouvement ; quelques jours après, ce n'était plus
qu'un cadavre (31 décembre). Il ne s'était pas rétracté, et, loin
de se rendre à Rome, où il avait été mandé, il avait continué de
défendre et de propager ses doctrines.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 282.
Concile du tremblement de terre (ainsi nommé parce qu'un trem-
blement de terre avait eu lieu à Londres et dans les alentours), tenu
en 1382 : Walsingh., t. II, p. ö8 et seq.; Fascicul. zizan., p. 277 et
seq.; Mansi, p. 69ö et seq.; du Plessis d'Arg., p. 14 et suiv.; Héfelé,
p. 821 et suiv. Autres négociations : Fascic. zizan., p. 275 et seq., 299
. et seq., 329 et seq.; Walsingb., Il, p. HO et seq., 119 et seq.; Mansi,
p. 704 et seq.; Héfelé, p. 822-8:il.
Système de "Wiclel.
283. Le système de Wiclef est un grossier réalisme panthéiste,
128 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
mêlé de fatalisme et de prédestiiiatianisme. Voici sa doctrine :
i** Tout (chaque créature) est Dieu. Tout être est partout, puisque
tout être est Dieu ; tout ce que nous concevons en Dieu, est Dieu
lui-même. 2° Comme l'idée est Dieu, la mesure de l'idée est
nécessairement la mesure de l'esprit divin, du pouvoir divin.
Dieu ne peut donc pas créer d'autres êtres que ceux qu'il a créés
en effet (Abailard). 3° Tout, y compris l'opération divine, est sou-
mis à une nécessité absolue. Le mal lui-même se produit néces-
sairement, et la liberté de Dieu consiste à vouloir le nécessaire.
L'idée éternelle détermine nécessairement la volonté divine, et
la volonté divine détermine avec la môme nécessité la volonté
créée. Dans tout être doué d'activité, c'est Dieu qui nécessite
chacun des actes qu'il produit. 4° Quelques-uns sont prédestinés
à la gloire, d'autres à la réprobation {prœsciii, connus d'avance] .
Les desseins de Dieu doivent nécessairement s'accomplir; le
futur arrivera parce que Dieu le connaît. La prière d'un non-
prédestiné n'a pas de valeur, et le péché auquel Dieu nécessite
un prédestiné ne lui nuit point. 5" La rédemption opérée par
Jésus-Christ était nécessaire. Jésus-Christ est l'humanité, et
l'humanité "est Jésus-Christ tout entier. L'homme est composé
d'un corps, d'une âme et d'un esprit; Jésus-Christ possède le
corps humain, l'àme humaine et le Verbe divin. Chaque partie,
de même que toutes les parties réunies, forme le Christ tout
entier. 6° L'Église étant la société des prédestinés, on ne peut
excommunier ni canoniser personne sans une révélation divine
particulière. T II y a dans le monde un principe diabolique, qui
a créé les établissements scientifiques (y compris les univer-
sités) et les ordres religieux ; soutenir ces derniers est un
péché; les saints qui les ont fondés, ont eu tort et sont dam-
nés, à moins qu'ils ne se soient repentis. 8° La Bible, et
non la Tradition, est l'unique source de la foi. 9° Les indul-
gences sont contraires au décret éternel de Dieu; y croire
est une folie. 10° Il n'est pas permis à l'Église de posséder
des biens temporels; l'empereur Constantin et le pape Syl-
vestre, en lui en donnant, se sont fourvoyés; les princes tem-
porels ont le droit et le devoir de les lui enlever. 11° Un
supérieur spirituel ou temporel n'a aucun pouvoir quand
il est en état de péché mortel. 12° L'Église romaine est la
synagogue de Satan; le pape n'est pas le vicaire immédiat
l'église en face des schismatiques et des hékétiques. 129
de Jésus-Christ et des apôtres, mais l'Antéchrist, l'abomina-
tion de la désolation. La nomination du pape par les cardinaux
est d'invention diabolique. 13" Dans l'ancienne Église, la hié-
rarchie n'avait que deux degrés, les prêtres et les diacres;
tous les autres ordres ont été inventés dans la suite pour la
ruine de l'Église. IA° Les prêtres et les diacres peuvent prê-
cher sans la permission du pape ou de l'évoque; ils pèchent
gravement quand ils négligent de le faire pour cause d'excom-
munication; nul prélat ne peut excommunier quelqu'un, à
moins de savoir qu'il est excommunié de Dieu. 15" La nature
du pain et du vin subsiste dans l'Eucharistie, môme quand
Jésus- Christ y est moralement présent. Rien dans l'Évangile
n'autorise à admettre que Jésus- Christ a institué la messe.
Hj" Toute confession extérieure est superflue et inutile pour
celui qui a la contrition intérieure. 17° L'extrême- onction ne
peut être prouvée par l'Écriture sainte {Jacq., v, 14). 18" Il
est défendu de sanctionner des contrats humains par le ser-
ment. 19° La confirmation, l'ordination des clercs, la consécra-
tion des églises, ont été réservées au pape et aux évêques
par cupidité et ambition. 20° Les décrétales des papes sont
apocryphes; elles conduisent à l'apostasie; les étudier est
folie.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 283.
Wicl., Trial., éd. Francof. et Lips., 17Ö3, in-*". Art. damnali, ap.
Denzinger, Enchir., p. 186 et seq.; Werner, Gesch. der apol. u. pol.
Lit., III, p. 571 et suiv.; Schwab, p. 542 et suiv. Cette proposition de
Wicief : «( Divinitas et humanitas unus sunt Christus », les docteurs de
Paris, Jean de Basilia et Thoraas de Cracovie, l'avaient d'abord
énoncée sous cette forme : « Personani Filii cum huniana natura sic
intime copulari, ut per hujusmodi unioneni quoddara tertium consti-
tualur. >'
Les 'wicléfistes. — Mesures contre eux.
284. La mort du fondateur n'entraina pas celle de la secte;
elle se multiplia au contraire par le zèle des prédicateurs
ambulants qui répandaient leurs bibles et leurs brochures et
prêchaient contre l'Église et le clergé dans le sens de Wicief. ils
se disaient les docteurs de la vérité évangéhque, et traitaient
V. — msT. de l'église. 9
130 HISTOIRE DE L*ÉGLISE.
leurs adversaires de faux docteurs et d'ennemis de la loi de
Dieu. Eux et leurs partisans se nommaient lollhards. Beaucoup
d'entre eux étaient des partisans farouches du désordre. A leur
tête se trouvait Nicolas Hereford, docteur en théologie d'Oxford ;
venaient ensuite John d'Aston, curé du diocèse de Worcester;
John Fiirney, ami intime et chapelain de Wiclef ; John Parker,
Robert Swinderly, Guillaume Smith, Richard Waytstach, etc.
Les principaux centres des wicléfistes étaient les diocèses de
Londres et de Lincoln, puis Worcester et Salisbury. Une ordon-
nance royale de 1388 prescrivit de livrer les écrits wicléfistes ;
mais elle n'eut que peu de succès. La négligence avec laquelle
un grand nombre de clercs s'acquittaient de l'office de la prédi-
cation, tourna au profit des sectaires. A Leicester, en 1389,
plusieurs ecclésiastiques furent soumis à une enquête, et la
ville demeura en interdit jusqu'à ce qu'ils se fussent présentés.
L'évoque de Worcester supprima leurs prédications et défen-
dit d'aller les entendre. En 1394, ils adressèrent au parlement
une requête où ils se prononçaient contre les mœurs profanes
de l'Église, contre le prétendu sacerdoce de Rome, la loi du céli-
bat, le vœu de chasteté, le « miracle des autels qui aboutissait à
l'idolâtrie », les exorcismes, les bénédictions, les sacramentaux,
les pèlerinages, les oblations, la confession auriculaire, la peine
de mort, etc.
Dans le même temps, l'assemblée du clergé (convocation)
présenta une supplique pour le maintien de la foi catholique
contre la secte impie des lollhards, et rendit leurs démarches
infructueuses. Le primat Courtney, mais surtout son succes-
seur Thomas, comte d'Arundel, déployèrent beaucoup de zèle.
Ce dernier, dans un concile tenu en 139G, condamna dix-huit
propositions wicléfistes, et chargea plusieurs théologiens, no-
tamment le franciscain Guillaume Wordford, de justifier en
détail les points de cette condamnation. Malheureusement, le
roi Richard II ne donnait aux évêques qu'un faible concours;
il alla môme en 1397 jusqu'à exiler le primat, sous prétexte de
complicité dans une conjuration. Cependant Thomas fut rétabli
en 1399 (§ 194).
Le nouveau roi Henri IV, de concert avec le parlement (1400),
prit contre la secte les mesures les plus rigoureuses. Le 19 fé-
vrier 1401 , Guillaume Sawtre, chapelain déposé, qui avait abjuré
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 131
ses erreurs pour y retomber bientôt après, fut condamné
comme hérétique, dégradé et livré au feu. Il passa pour le
premier martyr des loUhards. D'autres se rétractèrent. En
1-408 et en 1409, le primat ordonna des visites périodiques dans
les collèges et chez les écoliers de l'université d'Oxford, où l'on
continuait de remarquer des éléments wicléfîstes ; il défendit
de prêcher sans la permission de l'évêque diocésain, de lire les
écrits de Wiclef, de se servir de sa traduction de la Bible, et de
discuter sur les propositions décidées par l'Église ; il édicta des
peines contre ceux qui contreviendraient à cette défense. L'uni-
versité d'Oxford remit en 1412 au primat un recueil de deux
cent soixante-sept propositions, les unes hérétiques, les autres
fausses ; à Rome, le concile de Jean XXIII condamna plusieurs
propositions de Wiclef et interdit ses écrits. Le concile de Cons-
tance s'en occupa dans sa cinquième session; le 4 mai 1415
(huitième session), il en approuva la censure, ordonna de brûler
tous les écrits de cet hérésiarque et d'exhumer son cadavre de
la terre sainte. Cette dernière mesure fut exécutée en 1428 par
Robert Flemyng, évèque de Lincoln. La condamnation des
quarante-cinq articles de Wiclef fut confirmée par Martin V
en 1418.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 284.
Doctores evangelicae doctrinœ, dans Knyglhon, Hist. Angl. Scr.,
Lond., 1601 et seq., III, 2661. On attribue différentes étymologies aux
termes de Lolhardi, Lollardi : 1° <( hypocritae, gyrovagi, Deura laudan-
tes », dans l'Hennegau et le Brabant. Voy. Hosceraius (1.348), de Gest.
Episc. Leod., I, c. xxxi, an. 1309; Rayn., an. 1318, n. 40. 2° Le
Gauthier mentionné comme chef des fraticelles dans Trithème,
Chron. Hirs., p. 155, an. 1328, et saisi près de Cologne, s'appelle, dans
Genebrard, Chron., an. 131.5, p. 692, Gauthier Lollhard (du Plessis
d'Arg., I, I, p. 282). 3" Plusieurs font dériver ce nom du latin lolliunt
(ivraie) = vertigineux. En Angleterre, Henri Kromper, cistercien, qui
en 1382 prononça des discours contre les wiclélistes, les appelait :
« haereticos LoUardos » (Lewis, Wiclif, append., 362); le chroniqueur
Kneygthon dit : « Sicque a vulgo Wiclef discipuli et Wiclyviani sive Lol-
lardi vocali sunt. )> En 1387, dans un mandement, Henri, évèque de
Worcester (Wilkins, Conc. M. Britt., III, 202), emploie ofliciellement
le terme de loUard pour celui de wicléiiste ; de même que d'autres
après lui (Lechler, dans la Revue de Niedner, 1853, III, p. 491-493).
Une poésie des loUards, le Récit du laboureur, consignée par écrit vers
132 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
1384 (the Plowmans Taie), autrefois attribuée à Chaucer (né en i3Ü0,
rnort en 1400), qui traduisit le Roman de la Rose (satire contre les
ordres mendiants) et attaqua l'Kglise dans ses « Canterbury Taies »,
est imitée d'une ancienne pièce de vers, « Visions of Piers Plouh-
man », composée en 1350, avant les travaux littéraires de Wiclef, pro-
bablement par le prêtre Robert Langland (Lechler, p. 505 et suiv.).
Sur les prédicateurs de la secte, dont l'un, Philippe Reppington, se
rétracta eu 1382, fut connu comme son adversaire et comme évèque
de Lincoln (depuis 1405], voy. du Piessis d'Arg., p. 13 et suiv. Pro-
cessus contra Lollardos : Wilkins, ill, 204, 208, 210, 228 et seq., 248.
Représentations au parlement en douze conclusions, avec raisons à
l'appui et corollaires : Wilkins, 111, 221-223; Lechler, p. 501 et suiv.
Supplique de la convocation du clergé : Wilkins, 111, 223. Conc. de
1390, ib., p. 229; Mansi, XXVI, 811 et seq.; du Piessis d'Arg., p. 225;
Héfelé, p. 840 cl suiv. Articuli Job. Wicl. Angli impugnati a Will.
Woodfordo, dans Ort. Gratins, Colon., 1335; Brown, Fascicul. rer.
expet. et fug., Lond., 1690, II, 190 et seq. Troubles de 1397-1400 :
Pauli, JV, p. 603 et suiv.; Lingard, IV, p. 274 et suiv. Conciles de
1401 et 1410 : Mansi, XXVI, 937-956, 1U31-1048; Héfelé, p. 844 et
suiv., 847; Wilkins, 111, 315 et seq.; du Piessis d'Arg., p. 23 et suiv.
Les 267 articles de \Mclei, ib., p. 34-47, d'après Wilkins, III, 339 et
seq. Concile de Jean XXllI : Rayn., an, 1413, u. 1 et seq.; du Piessis
d'Arg., p. 30 et seq.; Héfelé, VII, p. 18; Conc. de Const., sess. V, VI,
ibid., VII, p. 105, 116 et suiv. Exhumation du cadavre de Wiclef :
Werner, III, p. 568; Lechler, p. 538. Art. 45 a Martino V damn. :
const. hiter cunctas, ap. Mansi, XXVIl, 1210 et seq.; du Piessis d'Arg.,
p. 49 et seq.; Héfelé, VU, p. 346 et suiv.
Principal soutien des vricléfistes.
;285. Un des principaux soutiens des wiclélistes était John
Oldcastle (Uldcasteli), lord de Cobliam, qui fut longtemps en
grande faveur auprès de Henri iV. 11 assistait à leurs sermons,
acceptait leurs doctrines et les défendait. Son cliapelain fut en
1410 cité devant l'arciievèque pour rendre compte de sa con-
duite; en 1413, un livre hérétique qui se trouvait en sa posses-
sion fut brûlé, et le clergé invita le primat à procéder contre
lui. Henri V (depuis 1413), après avoir vainement essayé de le
ramener par la douceur, lui adressa de vives réprimandes. Lord
Cobham s'éloigna secrètement de la cour, et se retrancha dans
une forteresse située dans le Kent. Il fut excommunié et invité
de iiuuveau a comparailre, sinon le pouvoir civil procéderait
l'église en face des SClIISMATlnlES ET DES HÉB^TIOIES. i^^
contre lui. Il s'obstina dans son erreur, appela le pape tête de
l'Antéchrist, dont les prélats étaient les membres et les moines
la queue. Il fut condamné, s'enfuit de la Tour, et organisa une
conjuration.
Le roi (il janvier 14.14) mit sa capture à un prix de mille
marcs, surprit les insurgés et les dispersa. Cette fois encore
lord Cobham parvint à s'échapper. Beaucoup de ses complices
furent mis à mort, et les lois contre les lollhards aggravées.
Cobham fomenta bientôt une nouvelle conspiration (1416). Mais
il fut saisi en 1417, condamné par les lords, pendu pour crime de
haute trahison et brûlé comme hérétique. Lui aussi fut un des
martyrs des lollhards ; plusieurs autres furent encore brûlés
jusqu'en 1431. Leurs grandes prédications publiques cessèrent,
et ils ne tinrent plus de conventicules que dans le cercle étroit
de quelques familles.
L'archevêque Henri (1414-1442) essaya d'agir sur eux par
la persuasion. Le moine Scillius prêcha dans Londres contre
l'usage de la Bible en langue vulgaire, et le franciscain Guil-
laume Butler écrivit des livres dans le même sens; Guillaume
Lindwood tint en 1417 des conférences en anglais et en latin
contre ces sectaires, qui allaient toujours plus loin et s'éga-
raient dans des théories communistes; Thomas Waldensis
(§ 215) composa contre la secte un excellent traité dogmatique
(vers 1422), et plusieurs autres théologiens la réfutèrent en
détail.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"> 285.
Concile contre Oldcaslle : du Plessis d'Arg., p. 31-34; Héfelé, VH,
p. 24 et suiv. Henri, archevêque de Cantorbéry : Harpsfeld, Hist.
Wiclif., p. 719; d'Argentré, p. 24. Sur Butler, etc., Usher, Hist.
dogni. controv. de Script, vern., 1690, in-4°, p. 193. Sur W, Lind-
wood, Wilkins, III, 389 ; Thomas Waldensis (mort le 3 nov. 1431, à
Rouen), Doctrinale antiquitatum fidei Eccl. cath., composé vers
1422, éd. Paris., 1521, 1523, t. U, Hl ; Salmant., 1556; le tout, Venet.,
1731, t. 111, in-fo. L'ouvrage a six livres : 1 De Deo et Christo; II de
Corpore Chi-isti ; III de Monachatu; IV de Mendicantibus et Bonis
monasteriorum ; V de Sacramentis; VI de Sacramenlalibus. En 1323,
la Sorbonne déclara qu'il était utile et méritait d'être publié, « quan-
doquidem ad enervandas Lutheranas calurauias atque hœreses pluri-
mum conducit. » Lechler, p. 359 et suiv., 571. D'autres adversaires du
134 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
wicléfisme furent les dominicains Guillaume Jordan (Apologia fralr.
Mcndicant., adv. Utred. Bold, mon., Eccard et Quetif, I, 695), Ro-
dolphe Srode (Positiones et 18 Argumenta contra Wicl. haeret.), Jean
Bromiard, Roger Dinnock ; les mineurs Joh. Tissington et W. Wood-
ford; les carmes Jean Kiningham, Richard Lawingham, Pierre Sto-
ckes, Thomas Lombe, Jean Marray; Etienne Patrington, évèque de
Saint-David; les auguslins Thom. Ushburn, Thom. Winterton; les
bénédictins Boltonius Uthretus , Nicol. Radcliff; les chanceliers
d'Oxford Berton et Alington ; Robert Waldeby, archevêque d'York.
Les hérétiques de la Dohénic. — Jean Hus.
Situation de la Bohême. — Égarement religieux parmi les
Tchèques.
286. La doctrine de Wiclef trouva dans la Bohême un sol
admirablement préparé. Dans ce pays, la culture savante était
surtout représentée par des Allemands, auxquels les Tchèques,
qui formaient le parti strictement national, faisaient souvent
opposition. Plusieurs affirmaient qu'il y avait eu des Vaudois
dans le pays, que leur chef lui-même, Valdo, avait trouvé un
refuge en Bohême. Un concile tenu à Prague en 1301 combattit
les progrès de l'hérésie, les mariages secrets et certains vices
grossiers. Le peuple était encore très rude, ignorant et vicieux.
Des factions se formèrent après l'assassinat de Venceslas III
(1306); Rodolphe, fils d'Albert, mourut bientôt, et Henri de
Carinthie ne put s'afTermir. Un parti s'adressa à Henri Vil
d'Allemagne, dont le fils Jean (25 juillet 1310) était fiancé à
Elisabeth , seconde sœur de Venceslas , et avait reçu en fief
l'investiture de la Bohême.
Ce prince chevaleresque, infatigable et souvent occupé hors
du pays, aveugle depuis 1340, fit beaucoup pour la Bohême. Il
obtint que Prague (1344) fût séparé do l'Allemagne sous le rap-
port ecclésiastique et érigé en archevêché. Son fils, l'empereur
Charles IV, fit encore davantage pour sa chère Bohême. Pour
hâter les progrès de la civilisation, il fonda en 1348 funiver-
sité de Prague et en confia la plupart des chaires à des docteurs
de Paris. Il fut secondé par l'excellent archevêque Arnest de
Pardubic, qui tint en 1349 un concile provincial et collectionna
les ordonnances ecclésiastiques alors en vigueur. Plusieurs
l'église KN fach des Sr.HISMATIQl'ES ET HKS IIKRfîTIQt ES. 135
autres conciles furent tenus dans le même esprit. Cette ten-
tative de Charles IV de fonder une université nouvelle était
plus que hasardée, car les écoles préparatoires des couvents de
Bohème étaient insuffisantes, il y avait trop de différence entre
elles et l'université de Paris, et le mépris profond que les doc-
teurs parisiens affectaient pour les moines rendait impossible
une action commune profitable : c'était poser une cause de
froissements permanents et donner un grand scandale au
peuple.
Ajoutez que les idées de réforme répandues à Paris avaient
passé à Prague et étaient développées dans des discours cap-
tieux devant une jeunesse inexpérimentée. 11 y avait à l'univer-
sité de Prague, outre la nation bohémienne, les nations saxonne,
bavaroise et polonaise. Les trois dernières marchaient ordinai-
rement de concert et offusquaient le sentiment national tchèque.
Tandis que les Allemands étaient nominalistes en philosophie,
les Bohémiens, par esprit d'opposition, professaient le réalisme.
Les scolastiques eurent bientôt pour adversaires les mystiques,
dont plusieurs embrassèrent les erreurs des apocalyptiques et
des frères apostoliques.
Les mystiques comptaient dans leurs rangs Jean MiUc,
chanoine de Kremsier, qui était en grand crédit auprès de
Charles IV et l'accompagnait souvent dans ses voyages. Depuis
1363, il se consacra activement à la prédication. Il avait em-
prunté aux franciscains Spirituels l'idée d'un règne de l'Anté-
christ, dont il annonçait l'avènement pour l'année 1366; il
fonda une association de piétistes, dans laquelle il prêchait aux
laïques la communion quotidienne, combattait comme un
péché l'étude des sciences générales, excitait la haine du peuple
contre toute espèce d'étude et contre l'usure, et se jetait dans
les idées les plus extravagantes. Vanté outre mesure pour la
sévérité de ses prédications de morale, il passait pour avoir
converti beaucoup de femmes perdues de mœurs. Suspect de
doctrines hétérodoxes , il fut cité devant la curie romaine, et
mourut à Avignon pendant le cours de l'enquête (1374).
Son disciple, Mathias de .Jannow, un peu moins fougueux
que lui, fut plutôt écrivain que prédicateur; il mettait la Bible
au-dessus de tout, combattait comme des manifestations de
l'Antéchrist des abus réels ou imaginaires, recommandait de
I3fi HISTOIRE DE L'ÉGLISr:.
préférer les choses intérieures aux choses extérieures. x\falgré
tous les soins qu'il prenait pour se contenir, il causa plus d'un
scandale. Il mourut en 1395, après avoir fait une rétractation
partielle (1389). Plus réfléchis en même temps que plus adon-
nés aux choses pratiques étaient Conrad de Walthausen, augus-
tin autrichien, prêtre depuis 1345, curé de Leitmeritz depuis
1360, et plus tard de l'église de Teyn à Prague (mort en 1369);
Jean, prédicateur des Allemands à Saint-Gall, dans la Vieille-
Ville de Prague, lequel s'occupa aussi de la constitution et de
la hiérarchie de l'État, afin d'instruire les citoyens de leurs
devoirs. Il eut pour disciple le laïque Thomas Stitny, auteur de
nombreux ouvrages populaires d'édification et adonné au mys-
ticisme. Le clergé, richement doté, eut encore pour adversaires
une foule de réformateurs, notamment des visionnaires qui
annonçaient l'Antéchrist et ne faisaient qu'accroître la fermen-
tation des esprits et le goût des disputes.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 286.
Guericke, II, p. 266; Hœfler, Prager Concilien, 1862, p. xvui, xxvni
et suiv., 2-8; Héfelé, VI, p. 342, 394 et suiv., 6d0; Tomek, Gesch.
der Stadt Prag., ibid., 1856, I, p. 403, 521 et suiv.; Monum. Univ.
Prag., t. I, part. I, p. 223 et seq.; Palacky, Gesch. Bœhmens, III, i,
p. 40 et suiv., 161 et suiv. Le mCme (trad. Jordan.), Vorleeufer des
Husitenthums , Leipzig, 1846; Hagemann, Der erste dogmat. Streit
an der Univ. Prag. (Tüb. Quartalschr., 1859); Krummel, Gesch. der
Bœhin. Reformation im XV Jahrb., Gotha, 1866, surtout p. 50 et suiv.;
Neander, K.-G., II, p. 767 et suiv.; Czerwenka, Gesch. der evangel.
Kirche in Bœhmen, 1869, p. 40 et suiv. — Bist. -pol. BI., 1860, t. XLV,
p. 969 et suiv., 1053 et suiv.; t. XLVI, p. 1 et suiv., 97 et suiv.; Wer-
ner, III, p. 622 et suiv.; Schwab, Gerson, p. 546 et suiv. Sur Milic,
Balbini Miscell., IIb. IV, part. II, p. 44-64; Palacky, III, i, p. 164 et
suiv. Sa citation et sa mort : du Plessis d'Arg., I, i, p. 393. Les traités
de Sacerdotum et Monachorum abominatione et desolatione in EccI.
Chr.; de Myslerio iniquitatis ; de Revelatione Christi et Antichrist],
sont probablement de Math, de Jannow : Gieseler, K.-G., II, ni, p.
285 ; Schwab, p. 547. Voyez sur lui Palacky, loc. cit., p. 173 et suiv.
Des Regula?. V. et N. T. de Jannow, on trouve des fragments dans les
Œuvres de Hus, Ilist. et Monum. J. Hus et Hier. Prag., Norimb.,
1598, 1. 1, p. 451, 462 et seq., 385 et seq., 409 et seq. Sur cette idée
que l'Antéchrist était déjà né, qu'il avait séduit les universités et
inspiré les moines, Mathias Par. Bohemus, 1380, lib. de Antichr.;
l'église en face des SCHISMATIyLES ET 1>ES HÉRÉTIQUES. 137
Bul.,Hist. Univ. Par., t. IV, p. 584; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 60.
Conrad de Welthausen : Palacky, p. 161-164. Postules et discours : Cod.
S. Florian., XI, 334 et seq.; Hdschr. der Bibliothek v. St.-Florian,
Linz, 1871, p. 136. — J. Wenzig, Studien über Ritter Thomas v.
Stitné (Stittny), Leipzig, 18o6. Sur les visionnaires : Henri de Hesse,
Liber ad vera Telesfori eremitse vaticinia, Pcz, Thés., I, ii, p. o05.
L'épiscopat de Bohême. — Controverses sur l'Eucharistie.
■287. L'excellent archevêque Arnest était mort en 1364.
Son successeur, Jean Ocellus de WJassim, nommé plus tard car-
dinal par Urbain VI, célébra en 4365 et dans les années sui-
vantes plusieurs conciles pour combattre l'immoralité et le
luxe des clercs. Charles IV avait encore comprimé d'une main
ferme et prudente la discorde qui menaçait d'éclater parmi les
clercs ; malheureusement, son fils et successeur Venoeslas, sans
être dépourvu de talent, était colère, paresseux et nullement à
la hauteur des difficultés de l'époque ; il était de plus entière-
ment asservi à une noblesse entreprenante et avide des biens
ecclésiastiques.
Le grand schisme éclata en 1378. L'archevêque Jean II,
neveu du précédent archevêque, et légat du pape pour quelques
diocèses allemands limitrophes, publia en 1381 plusieurs statuts
synodaux, se prononça énergiquement pour le bon droit d'Ur-
bain VI, et régla la vie des clercs et des moines. En 1384,
Mathias de Chrochowa en Poméranie (communément appelé de
Cracovie) fut nommé orateur synodal, et dépeignit les vices du
clergé de Bohême. C'était alors une question fort agitée de
savoir s'il valait mieux que les clercs et les laïques, convain-
cus de leur indignité, s'abstinssent complètement de l'Eucha-
ristie ou qu'ils reçussent la communion. Mathias de Jannow
s'était déclaré pour la communion quotidienne des laïques. En
1388, il fut décidé que les laïques seraient admis tous les mois
à la communion. En 1389, Mathias de Jannow fut obligé de
reconnaître qu'il avait enseigné une foule d'erreurs, principa-
lement sur le culte des images.
L'abîme qui séparait le clergé sécuher et le clergé régulier
allait s'élargissant chaque jour. L'archevêque Jean II finit par
s'adonner à un ascétisme rigoureux ; mais il ne put arrêter la
corruption, qui faisait sans cesse de nouveaux progrès. A l'uni-
138 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
versité, on disputait avec ardeur sur le Sacrement de l'autel,
notamment sur l'adoration de l'hostie consacrée. Jean Mentzin-
ger, d'Ulm, soutint à ce sujet des thèses pleines de témérité;
d'autres enseignèrent de nouvelles erreurs. Le prêtre Jacques
soutint que l'intercession de la sainte Vierge et des saints était
inutile, que chacun pouvait communier quand il lui plaisait.
Ajoutez que depuis le mariage d'Anne, sœur de Venceslas, avec
Richard II, roi d'Angleterre (138t), des relations très actives
s'étaient établies entre les universités d'Oxford et de Prague,
et en 1385 déjà, des ouvrages wicléfistes se répandaient en
Bohême, d'abord des ouvrages philosophiques et pratiques,
puis des ouvrages sur la théologie. C'était là, au milieu des
querelles qui divisaient les écoles théologiques , un nouvel
et très dangereux ferment jeté dans la querelle entre le clergé
séculier et les ordres religieux.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 287.
Conciles : Hœfler, Conc. Prag., p. 8 et suiv., i4 et suiv., 25 et suiv.;
Mansi, XXVI, 690 et seq.; Héfelé, VI, p. 621 et suiv., 627, 809 et suiv.
Il est douteux si le livre de Squaloribus Rom. Curiaf^ appartient à
Mathias de Cracovie : car il mentionne Martin V et le concile de Cons-
tance, et Mathias mourut en 1410. Quelques-uns croient qu'on y a
fait plus tard des additions. Voici les thèses de Jean Menlzinger :
« 1"» Corpus Christi non est Deus; 2° Ilumanitas Christi non est homo
nec res per se existens ; 3° Christus non est compositus ex deitate et
huraanitate ; 4° Nulla creatura est adoranda adoratione, qua Deus
débet adorari ; 5° Hostia consecrata non est Deus. » Ouvrages de Wiclef
en Bohême : Hist. et Monum. J. Hus, p. 108; Prior Dolens, in Anti-
Wiclefo, Pez, Thés., IV, ir, p. 138, 184, 383; Héfelé, Vn, p. 29 et
suiv.
Jean Hus. — Discussions sur la doctrine de Wiclef.
288. Le mouvement de la Bohême ne tarda pas à être dirigé
par Jean Hus (en bohémien : oie], né en 1369, d'une famille
de paysans de H usinée. Après avoir achevé ses études à
Prague, IIus devint bachelier en philosophie (1392) et en théo-
logie (1394), maître es arts libéraux (1396), qu'il professa
ensuite (1398), puis doyen des arts libéraux (1401). En 1402, il
fut nommé prédicateur de la chapelle de Bethlehem et recteur
de l'université. Intègre de mœurs, versé dans la dialectique,
l'église en face des SCHISMATIQiUES El DES HÉRÉTIQUES. 139
orateur, mais médiocre dans la spéculation, maigre et livide,
fanatique dans ses discours, où éclataient sa connaissance de la
Bible, ses études philosophiques et théologiques, mais surtout
son zèle passionné contre les vices du clergé, Hus était profon-
dément dévoué à sa nation et épris des idées de Wiclef, qui
répondaient à sa tournure d'esprit et trouvaient chaque jour
plus d'écho dans son entourage.
Après la mort du faible archevêque Wolfram de Skworec
(2 mai 1402), le siège de Prague demeura longtemps vacant.
Sur les instances du chapitre de la cathédrale, la majorité des
membres de l'université décida, le 28 mai 1403, qu'il serait
interdit à qui que ce fût de soutenir et d'enseigner les quarante-
cinq propositions de Wiclef qu'on lui avait soumises. Stanislas
de Zuaim osa seul en prendre la défense; Nicolas de Leitoraysl
et Hus se bornèrent à dire qu'elles n'étaient pas exactement
extraites des écrits de Wiclef.
La réputation de Hus, à cette époque, était encore intacte.
Peu de temps après, l'archevêque Sbinko (Zbynek) le nomma
prédicateur synodal, et la reine Sophie le choisit pour confes-
seur. L'archevêque approuva un de ses ouvrages où il démon-
trait que tout le sang de Jésus-Christ avait été glorifié. Même
après que Sbinko, sur l'invitation d'Innocent VII (1405), eut
commencé de combattre avec force les wicléfistes, surtout parce
qu'ils enseignaient que la substance du pain et du vin demeure
dans l'Eucharistie, Hus ne perdit pas sa confiance : car il ne
suivait pas en cela la doctrine de Wiclef, comme faisaient plu-
sieurs de ses collègues (Stanislas de Znaïm, Etienne de Palecz).
En revanche, les sermons de Hus contre les droits d'étole et le
cumul des bénéfices, depuis l'été de 1407, produisirent une vive
sensation. Le 18 mai 1408, l'université condamna de nouveau
les quarante-cinq propositions de Wiclef, parce que maître
Mathias de Knyn avait derechef soutenu que la substance du
pain et du vin demeure dans l'Eucharistie, et ne s'était rétracté
devant l'archevêque qu'après une longue résistance.
La nation bohémienne n'accepta le décret (20 mai) que sous
une clause qui ménageait les dissidents : savoir, qu'on ne
devait pas enseigner ces articles dans leur sens hérétique ou
ofTensant, ce qui supposait qu'ils présentaient un sens bon et
catholique. On défendit aux étudiants de lire les livres de
liO HiSToïKE DE l'Église.
Wiclef. Ce ne fut que plus tard, lorsqu'on répandit une déclara-
tion de l'université d'Oxford très favorable à Wiclef, mais apo-
cryphe, comme il fut constaté dans la suite, que Hus se déclara
ouvertement pour Wiclef. Il fut suivi par Jérôme de Prague,
qui depuis 1399 avait visité un grand nombre d'universités et
de villes et avait été persécuté à Oxford pour propagation d'er-
reurs.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 288.
Pierre de MIadenowicz (mort en 1441, utraquiste), Epistolse qua;-
dam piissima; et eruditissima? J. Hus, imprimées avec une préface de
Luther, Vitenb., 1537; puis aussi 0pp. Husii s. Hist. et Monumenta
J. Hus et Hier. Prag., Norimb., 1558, 1715, t. II; J. Cochlaius, Hist.
Hussitarum, Mog., 1549; ^neas Sylv., Hist. Bohem., c. xxxv ; du
Plessis d'Arg., I, n, p. 158 et seq.; Documenta M. J. Hus, éd. Palacky,
Pr., 1869; Mistra Jana Husi , sebrane spisy ceske (Mag. Joh. Hus
Gesammelte Schriften in bœhmischer Sprache, zuerst edirt von K. J.
Erben, Prag., 1865 et suiv.); Hœfler, Geschichtschreiber der hus.
Bewegung in Rœhmen (von der k. k. Akad. d. Wiss. in Wien Scr. rer.
Austr. herausgegeben), Vienne, 1856 et suiv., .3 vol.; Palacky, Gesch.
V. Bcehmen, t. in, abth. ii, m ; Lehmann, Stud. u. Kritiken, 1837, I,
p. 132 et suiv.; Hist.-pol. Bl., t. XXXI, p. 350 et suiv.; t. XXXIX, p. 699
et suiv.; t. XLI, p. 529 et suiv.; Helfert, Hus u. Hier. Prag., 1853;
Schwab, Gerson, p. 549 et suiv.; Hœfler, Mag. Joh. Hus, Prag., 1864;
E. Bonnechose, Reformuteurs avant la réformation du XVI^ siècle,
Jean Hus, 3^ éd., Par., 1860; Tosti, Gesch. des Conc. von Constanz,
en allem., Schalfhouse, 1860, p. 110 et suiv.; Henke, J. Hus und die
Synode von Constanz, Berlin, 1869; Héfelé, Conc.-Gesch., VH (1869),
p. 28 et suiv.; Berger, J. Hus und Kœnig Sigismund, Augsb., 1871 ;
Krummel (§ 286). Néander , Krummel, etc., ont cru que Hus s'était
borné à développer les tendances réformatrices qui existaient déjà en
Bohème, que ses rapports avec Wiclef furent purement extérieurs et
n'eurent pas d'influence décisive sur la direction de son esprit. Le
contraire dans Schwab, p. 551 ; Werner, III, p. 624; Ila^tler, Mag. J.
Hus, p. 147, und Geschichtschreiber der hus. Bewegung, III, p. 90. —
Université de Prague, 1403, Documenta M. J. Hus, éd. Palacky, p. 327
et seq.; Chron. Univ. Prag., dans Hœfler, Geschichtschrciber, I, p. 17,
196, et Conc. Prag., p. 43 et seq.; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 25 et
seq.; Schwab, p. 551 ; Hus, de Omni Sanguine Christi gloriflcato,
0pp. I, 191-202. Stanislas de Znaim, Hus 0pp., I, 334, al. 330, b.
Math. Knyn, Doc, éd. Palacky, p. 338 et seq. Négociations de 1408 :
du Plessis d'Arg., p. 28; Hœiler, Geschichtschr., H, p. 138, 193; III,
l'église en face des SCHISMATIQLES ET DES HÉRÉTIQUES. 141
35; Conc. Prag., p. 53; J. Hus, p. 177 et suiv., 189 et suiv.; Palacky,
Gesch. V. Bœhmen, III, i, p. 221 et suiv. Sur Jérôme : Doc, éd. Pala-
cky, p. 336. A Pans, le chancelier l'invita en 1406 à se rétracter, parce
qu'il avait dit dans une dispute : « Deus nihil poterat annihilare »; sur
quoi il prit la fuite : du Plessis d'Arg., 1, u, p. 193.
Hus est suspendu de son ofiice de prédicateur. — Nouvelle
organisation de l'université de Prague.
289. En juin 14U8, l'archevêque ordonna de remettre tous
les livres de Wiclef à la chancellerie de l'archevêché, et cita
quelques-uns des partisans les plus déclarés de Ihérésiarque
anglais. Un grand nombre de docteurs et d'étudiants, Hus
lui-même, portèrent les livres de Wiclef, ou du moins quelques-
uns, à la chancellerie; d'autres en appelèrent au pape Gré-
goire XII, et protestèrent contre l'ordre mal compris de l'arche-
vêque d'enseigner eu chaire qu "après la consécration il n'y a
dans l'hostie que le corps, dans le calice que le sang de Jésus-
Christ. Ils voyaient là une négation de la concomitance. Bientôt
après, sur les plaintes de quelques ecclésiastiques, Hus fut
invité à rendre compte de ses sermons provocateurs. U se
défendit d'un ton arrogant et avec des arguments sophistiques.
La prédication lui fut interdite.
Alors ses partisans firent valoir et mirent en pratique cette
assertion de Wiclef, qu'un prêtre ou un diacre peut annoncer la
parole de Dieu sans la permission du pape ou de l'évêque,
Quelques-uns le permettaient même aux laïques. Les Tchèques
se rapprochaient de plus en plus de la doctrine de Wiclef, com-
battue par les Allemands, et songeaient sérieusement à détruire
la prépondérance des autres nations.
Ce fut pour eux une bonne fortune que le roi Venceslas, pour
des considérations politiques, se détacha de l'obédience de Gré-
goire Xil (octobre 1408) et promit d'envoyer des délégués au
concile de Pise ; en quoi il fut contredit par l'archevêque et les
Allemands, mais soutenu par les Tchèques. Venceslas, après
avoir d'abord repoussé la proposition qui lui en avait été faite
par Hus et ses amis, pubha le 18 janvier 1409 un édit par lequel
U accordait à la nation bohémienne trois voix au heu d'une
seule, tandis qu'il n'en accordait qu'une seule à la Bavière, à la
Saxe et à la Pologne réunies. C'était le bouleversement complet
142 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de l'ancien ordre de choses. Les nations, ainsi restreintes dans
leurs droits, réclamèrent en vain ; des milliers d'étudiants
quittèrent Prague, accompagnés de leurs maîtres, fondèrent
l'université de Leipzig et en renforcèrent d'autres (Cracovie,
Ingolstadt, Erfurt). L'université de Prague, devenue purement
bohémienne, se trouva singulièrement réduite. Ilus et ses
amis défendirent l'édit du roi par des sophismes. Un antre édit
survint bientôt qui interdisait à tous les sujets de reconnaître
le pape Grégoire XI L
Hus, nommé recteur pour la seconde fois, devint plus auda-
cieux que jamais et brava l'archevêque, brouillé avec le roi à
cause de son attachement à Grégoire XII. Hus et son parti
reconnurent Alexandre V, qui avait été nommé à Pise, et
obtinrent de lui la nomination du docteur Henri Crumhart
comme juge d'instruction contre l'archevêque, à qui l'on
interdit toute procédure contre les appelants. Sbinko (2 sep-
tembre 14.09) passa dans le camp d'Alexandre, et l'appel des
hussites n'eut plus de suite; l'archevêque fut établi juge de
ses accusateurs, chargé (20 décembre) de prendre des mesures
contre la propagation des erreurs wicléfistes et de défendre la
prédication dans les petites chapelles et les cimetières.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 289.
Décret de l'archev. en juin 1408 et opposition qu'il rencontre :
Hœller, Conc. Prag., p. 60, 5Ü et seq.; Geschichtschr., I, p. 290; II,
p. 143 et suiv.; 111, p. 29 et suiv.; Palacky, loc. cit., p. 223; Docuni.,
p. 188 et seq., 332 et seq., 402, 453 et seq. — Hœfler, M. .1. Hus,
p. 197 et suiv., 216 et suiv.; Palacky, Gesch. Bœhmens, III, vi, p. 227,
230 et suiv.; Doc, p. 347 ; Héfelé, VI, p. 796 et suiv.; VII, p. 39 et
suiv. Décrets d'Alexandre V : Doc, éd. Palacky, p. 189, 389, 402 et
seq., 372 et seq.; Hœfler, Conc. Prag., p. 62 ; Gescliichtschr., 111, p. 33
et suiv.; Rayn., an. 1409, n. 89 ; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 160.
Appel de Hus au pape de Pise. — Tumulte à Prague. —
Condamnation de Hus et sa résistance.
290. Les bulles d'Alexandre V arrivèrent à Prague en
mars 1410, et l'archevêque se disposait à les faire exécuter.
Hus et l'université s'y opposèrent, notamment à l'ordre (du
10 juin) de brûler les écrits de Wiclef ; on décida le roi à l'in-
terdire comme un déshonneur pour la bohème. Hus, malgré
L*ÉGLISE EN FACE DES SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 143
la défense qui lui en fut faite, prêcha avec violence dans la
chapelle de Bethlehem et déposa un appel à Jean XXI H (25 juin),
en le priant de charger le cardinal Colonna de l'enquête et de
l'information contre l'archevêque. Cependant l'archevêque ne
renonça pas à son dessein : il fit brûler (16 juillet) les écrits de
Wiclef qu'il avait confisqués (environ deux cents volumes), et
lança l'excommunication contre Hus et ses amis. Une rumeur
presque générale s'ensuivit dans Prague.
Les partisans de Hus maltraitèrent les ecclésiastiques, hurlè-
rent en public des chansons dérisoires et provocantes contre
l'archevêque, et tinrent dans l'université même des conférences
sur Wiclef. Jérôme de Prague emprisonna deux moines et en
précipita un troisième dans la Moldau. Non seulement le roi
laissa impunis une foule d'actes de violence ; il força encore les
conseillers de l'archevêque de fournir un dédommagement
pour les livres brûlés, dont plusieurs avaient des reliures de
prix. Hus, qui avait transcrit de sa main le Trialogue de Wiclef
et l'avait traduit en bohémien, se montrait violent et fana-
tique.
La commission pontificale établie à Bologne décida, sur l'avis
de l'université de cette ville, que les écrits de Wiclef ne seraient
pas livrés au feu ; mais elle n'en approuva pas le contenu.
Après de nouveaux renseignements arrivés à Prague, le cardi-
nal Colonna fut chargé de terminer celte affaire. Il invita Hus
à comparaître à Bologne; et, comme l'hérésiarque ne s'y ren-
dit point, il lança contre lui l'excommunication, malgré les
démarches du roi, de la noblesse et de l'université, pour faire
retirer la citation. Jean XXIIl, qui n'avait encore rien décidé,
remit l'affaire à une nouvelle commission de neuf cardinaux,
dont les travaux traînèrent en longueur. Le cardinal Bran-
caccio, chargé ensuite de conclure ce débat, confirma le juge-
ment de Colonna, en le renforçant par cette déclaration que
Hus était excommunié comme hérétique et l'interdit jeté sur le
lieu de son séjour. L'archevêque renouvela (15 mars 1411)
l'excommunication fulminée contre lui et ses amis, se prononça
également contre le gouverneur de Prague, et frappa la ville
d'interdit. Hus continua de prêcher, et en appela à un concile
général.
144 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Ouvrages a consulter sur le n° 290.
Doc, éd. Palacky, p. Iß, 36, 189 et seq., 387 et seq, 397 et seq., 42Ö
et seq.; Hœfller, Geschichtschr., I, p. 21, 188 et suiv., 291 et suiv.; II,
p. 187; J. Hus, p. 299 et suiv.; Palacky, Gesch. v. Bœhmen, III, i, p.
252 et suiv., 263 et suiv.; Héfelé, VII, p. 41-45.
Justification de Hus.
291. La position de l'archevêque s'était tellement aggravée,
qu'Use montra prêt, en juillet 14.11, à entrer dans un accommo-
dement ménagé par le roi Venceslas : il devait faire amende
honorable devant le roi, et mander au pape qu'il n'y avait en
Bohême aucune hérésie, qu'il fallait retirer l'excommunication
et l'interdit, que Hus lui-môme se justifierait devant l'univer-
sité. De son côté, Hus déclara (1" septembre 1411) qu'on lui
avait à tort imputé de fausses doctrines, qu'il était pleinement
orthodoxe, qu'il n'était pas cause de l'expulsion des Allemands
de Prague, qu'il était encore prêt à répondre à toutes les accu-
sations, et, s'il était convaincu, à endurer le supplice du feu,
pourvu que ses accusateurs, s'ils venaient à succomber, subis-
sent la même peine. Il écrivit aux cardinaux du pape de Pise
que l'archevêque le persécutait uniquement parce qu'il avait
travaillé en faveur de l'abdication de Grégoire XII et de la
reconnaissance du concile de Pise. Innocemment persécuté, il
implorait donc leur protection et demandait qu'on l'exemptât
de comparaître en personne.
Dans le temps même où il récompensait si mal l'archevêque
de ses lâches concessions, Hus déclamait dans ses traités contre
l'ordre de brûler les livres hérétiques, contre la défense qui lui
avait été faite de prêcher, défense suscitée par la jalousie de
l'Antéchrist, contre les censures lancées sur Wiclef ; il contes-
tait l'autorité de la Tradition, le pouvoir des souverains en état
de péché mortel, etc.
L'archevêque Sbinko (revenu sans doute à des idées plus
saines) n'envoya pas au pape la lettre qu'il avait promise; il se
plaignit au roi que la convention ne fût pas observée, et alla
solliciter à Presbourg le secours du roi Sigismond. Il y mourut
le 28 septembre 141 1 . Son successeur Albic, médecin de Vences-
las, entré veuf dans l'état ecclésiastique, jouissait, par la pureté
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 161
et la guerre continua avec un redoublement de frénésie. Les
hussites étaient souvent divisés entre eux. Les modérés ou
calixtins, qui ne réclamaient que l'usage du calice et conser-
vaient les rites ordinaires de l'Église, mais en omettant la
pompe extérieure, qui leur semblait superflue, avaient contre
eux les fanatiques taborites, dirigés par Zisca. Ces derniers,
après la mort de Zisca (1424), formèrent différents partis : les
uns choisirent pour chef le moine apostat Procope le Grand (ou
Holy le Tondu), et gardèrent le nom de taborites; les autres se
nommèrent orphanites ou orphelins , parce qu'ils trouvaient
que Zisca ne pouvait être remplacé et que nul n'était digne
de lui succéder; ils avaient cependant un chef dans Procope le
Petit ou Procupec. Venaient ensuite les horébites , nommés
ainsi d'une montagne qu'ils appelaient Horeb; ils furent
d'abord dirigés par Hynco Crussina, et ensuite par le Morave
Bedrzich,
Ces partis étaient principalement divisés entre eux sous le
rapport politique; en matière religieuse, ils se rattachaient
aussi aux taborites. Ils rejetaient tous les usages ecclésias-
tiques, parce que Jésus-Christ et les apôtres n'avaient donné
aucune prescription à ce sujet, qu'ils étaient inutiles et cor-
rupteurs; ils buvaient le vin consacré dans n'importe quelle
coupe, se servaient, au lieu d'hosties rondes, d'hosties brisées
et découpées de diverses manières. Le parti politique des pra-
guistes, sous le prince Sigismond Corybut de Lithuanie, adhé-
rait aux calixtins, et se tenait passablement éloigné des tabo-
rites républicains. Les taborites se combattaient vivement
entre eux, dès qu'ils n'étaient pas engagés dans quelque expé-
dition miUtaire.
OUVRAGES A C0.N3ULTEB ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N°" 300-301 .
iEneas Sylv., Hisl. Bohem., c. xlviii; Trithem., Chrou. Hirs., II,
358; Parai, ad Chron. ürsperg., p. 295; Cochlœus, Hist. Hus., lib. V,
p. 183; Theobald, Husitenkrieg, 3<^ édit., 1750, 3 vol.; Bezold, K.
Sigismund und die Reichskriege gegen die Husiten, 1423-1428,
Munich, 1873. Les quatre articles de Prague furent envoyés à l'univer-
âilé de Paris par l'évèque de Tournay : du Plessis d'Arg., loc. cit.,
p. 172-474.
V. — HIST. DE l'Église. 11
162 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Les Picards et autres sectaires.
302. Comme une exagération en amène souvent une autre,
les utraquistes eurent pour contre-partie les Picards, suivant
lesquels il ne fallait rendre aucun culte à l'Eucharistie, parce
que Jésus-Christ n'y était pas présent, qu'elle ne contenait que
du pain et du vin. Cette opinion fut acceptée par pins de
quatre cents taborites. Ils brisèrent les calices et les osten-
soirs, et traitèrent d'idolâtres ceux qui s'agenouillent devant
l'Eucharistie. Chassés du mont Thabor, ils continuèrent ailleurs
leurs extravagances. Ils en vinrent au point que beaucoup se
dépouillèrent de leurs habits, se présentèrent cyniquement en
public et commirent les plus graves désordres, surtout des in-
cestes. On los appelait adamites. Dans le principe, ils couraient
comme des sauvages à travers les bois, et ils finirent par se
fixer au village de Kerkot. Zisca alla les surprendre, en fit
brûler cinquante qui avaient refusé d'abjurer leurs erreurs,
avec tous leurs prêtres. Une secte analogue aux adamites était
celle des fossariens ou mineurs, découverts beaucoup plus tard
(ioOi) à Gurricke, village de Bohême, par Lorenz Glatz, de
Rotenhausen : ils se réunissaient la nuit dans des cavernes et
des grottes, commettaient toute sorte de débauches, mépri-
saient les églises et les sacrements; ils firent des prosélytes
même dans les hautes classes de la société. Ils aimèrent mieux
émigrer que d'abjurer leur hérésie ; leurs partisans les consi-
déraient comme des martyrs. Le peuple était persuadé qu'ils
agissaient sous l'inspiration de Satan.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 302.
Laurentius, de Gest. et Var. Accid. regni Bohem., dans Hœfler,
Geschichtschr., 1 (18Ö6), p. 414, 4Si ; Mn. Sylv., Hist. Bohem., c. xli ;
Joli. Nider, 0. Pr., Formicar., lib. 111, c. i et seq.; Joh. Tritheni.,
Chron. Hirs., t. Il, p. 319; Chron. Sponhem., p. 413; du Plessis
d'Arg., I, II, p. 216-219 (de Adamitis), p. 342 et suiv. (de Fossariis).
Guerres hussites. — Négociations avec le concile de Bâle.
303. Les hussites, devenus la terreur de leurs voisins, furent
plusieurs fois vainqueurs des troupes levées contre eux (1420,
li21, 1427, 1431). Ils mirent à contribution la Bavière, la
Franconio et la Saxe, et y commirent d'effroyables ravages;
l'église en face des SCfflSMATIQüES ET DES HÉRÉTIQUES. 163
l'Église catholique, en Bohême et en Allemagne, parut plus
d'une fois exposée à une ruine irrémédiable. Le cardinal Cesa-
rini alla lui-même en Bohême au mois de juillet 1431. Dans
un mémoire daté du 21 juillet, les hussites maintinrent leurs
articles précédemment rejetés par Sigismond ; mais ils expri-
mèrent le désir d'être entendus par le concile de Bâle, qui les
invita en effet à se présenter (octobre t431). Deux religieux
délégués par les Bâlois trouvèrent à Prague le chef des prédica-
teurs calixtins, Jean Rokycana, favorablement disposé pour
le concile et prêt à se réconcilier avec l'Église, si l'usage du
calice était accordé aux laïques. Les taborites, au contraire,
adressèrent aux Allemands dans le sens opposé un manifeste
violent, auquel le concile ne fit qu'une courte réponse. Les
négociations avec les calixtins, qui demandaient des saufs-
conduits et voulaient se justifier librement, se prolongèrent
pendant l'année 1432. Dans la quatrième session (20 juin), le
concile promit aux Bohémiens une entière sécurité ; ils seraient
libres de défendre leurs quatre articles, de discuter avec les
membres du concile, de célébrer leur culte dans leurs demeures,
d'exercer à Bâle la juridiction sur leurs compatriotes, et ils ren-
treraient chez eux avec une pleine liberté.
Le 17 juillet, des prières furent prescrites pour le retour des
hussites. Il restait encore plusieurs difficultés relativement à
l'armistice et aux saufs -conduits. Cependant deux délégués
bohémiens se présentèrent à Bâle dès le 10 octobre; le 4 jan-
vier 1433, arrivèrent sept laïques et huit ecclésiastiques avec
une suite nombreuse, en tout trois cents personnes. Dans ce
nombre se trouvaient Jean Rokycana, Procope Holy, le chef
des taborites, et Ulric de Znaïm, prêtre des orphelins. Tous
les partis hussites avaient leurs représentants. Ils furent traités
avec tous les égards et les ménagements possibles.
Dans la congrégation du 10 janvier, le cardinal Julien Cesa-
rini adressa aux Bohémiens une allocution affectueuse, à la-
quelle Rokycana répondit en termes obligeants. Les hussites
essayèrent ensuite, dans de longues dissertations, de défendre
leurs quatre articles. Rokycana parla avec modération de la
communion sous les deux espèces, et lorphanite Llric, sur la
liberté de la prédication ; Nicolas Biscupek, évêque des tabo-
rites, traita, en se permettant de violentes sorties, de l'obliga-
464 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
tion de punir légalement les péchés mortels, et l'Anglais Pierre
Payne, de la défense qu'il fallait faire au clergé de posséder
aucun bien temporel. Au premier Jean de Raguse répondit
par un long discours, qui fut continué pendant plusieurs jours
et souvent interrompu; au second, Henri Kalteisen, professeur
de théologie à Cologne ; au troisième, Gilles Charher, doyen
de Cambrai ; au quatrième, Jean de Polemar (Palomar), archi-
diacre de Barcelone.
Les orateurs des hussites répliquèrent ; mais on s'aperçut
bientôt qu'on allait s'engager dans des disputes interminables,
et, le 11 mars 1434, des commissions nommées par les deux
parties furent chargées de négocier la paix. Le 19 mars, ces
commissions furent réduites à quatre personnes de part et
d'autre. On continua en même temps les dissertations sur les
sujets entamés, en y joignant plusieurs autres questions. Les
Bohémiens étaient impatients, désunis entre eux, principale-
ment sur les questions que leur avait posées le cardinal Julien
Cesarini. Ils partirent le 14 avril avec des délégués du concile,
chargés de négocier en Bohême avec les représentants de la
nation.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N*> 303.
Monum. Concil., éd. Vindob., p. 118, 135 et seq., 153 et seq., 170 et
seq., 197, 217, 227 et seq.; Mansi, XXIX, 233 et seq., 40G, 416 et seq.,
641 ; XXX, 145, 179 et seq. Le discours de Rokycana : Mansi, XXX, 269-
30Ö ; celui de Jean de Raguse : Canis.-Basnage, L. A., IV, 45i et seq.;
Mansi, XXIX, 699-808; celui d'Ulrich de Znaim, Migne, XXX, 306-337;
Henri Khalteisen, 0. Pr., de Liliera Prœdicatione, ib., XXIX, 791-1004.
Gilles Gharlier contre Biscupek, dont le discours est inédit : de Corri-
gendis Publicis Peccatoribus , ib., p. 868-971; Job. de Polemar,
p. 1165-1168; Palacky, III, m, p. 65 et suiv.; Héfelé, Vil, p. 465 et
suiv., 479 et suiv., 492 et suiv., 500 et suiv.
Les Gompactats d'Iglau.
304. Les délégués de Bàle obtinrent difficilement les saufs-
conduits dont ils avaient besoin , et, après leur arrivée à
Prague, il leur fallut entendre toutes les injures que l'on pro-
férait impunément contre le concile. A la diète do Prague, qui
s'ouvrit le 12 juin 1483, après de nombreuses explications sur
la forme qu'il convenait de donner aux quatre articles, ils
n'obtinrent qu'une seule chose : c'est que trois délégués de
l'église en face des SCHISMATiyVES ET DES HéRÉTlQUES. 16o
Bohême pourraient accompagner à Bâle (le 11 juillet) les délé-
gués du concile. Là, les avis étaient fort partagés sur les con-
cessions qu'il convenait de faire aux hussites; mais les hommes
les plus influents se prononcèrent pour la concession du calice
aux laïques, et, le 1 1 septembre, il fut décidé qu'une seconde
députation serait envoyée à Prague. Cette députation témoigna
à la diète de Prague (novembre) la plus grande condescen-
dance, et rédigea en quelques articles une convention qui ne
fut acceptée que par une partie des hussites ; les autres la reje-
tèrent et continuèrent la guerre.
Le parti modéré de la noblesse, auquel appartenaient les
savants de Prague et trois villes, avait contre lui le parti
démocratique des taborites et des orphelins, qui comprenait la
plupart des villes et peu de barons. Le premier parti réussit,
le 6 mai 1434, à prendre d'assaut la ville neuve de Prague,
dévouée aux démocrates. La ville de Pilsen fut débloquée par
le secours que lui procura Jean de Polemar. Dans la bataille
de Lipan (30 mai), l'armée des taborites et des orphelins fut
presque entièrement anéantie ; les deux Procope succom-
bèrent, et le matériel de guerre tomba aux mains des vain-
queurs. A la diète du 24 juin, une paix générale fut conclue
entre tous les utraquistes, et un armistice d'un an avec le parti
catholique royal. De nouvelles négociations furent entamées à
Ratisbonne (août 1434) avec le roi Sigismond et avec les Bâlois;
en octobre, la diète de Bohème posa ses conditions, dont plu-
sieurs allaient fort loin. Bientôt le reste des taborites, renforcés
de plusieurs orphelins (tandis que d'autres se fondirent avec
les calixtins), recommença la guerre, et les calixtins eux-mêmes
se montrèrent plus violents que jamais. Du mois de juillet 1435
au mois de janvier 1436, il fut question d'une nouvelle ambas-
sade des Bâlois à Brunn, et d'une autre à Stahlweissenbourg,
en présence de Sigismond. Enfin les articles concertés {com-
pactats) furent publiés (juillet 1436) à Iglau, où l'empereur se
rendit en personne, et ratifiés par le concile de Bâle le 15 jan-
vier 1437.
Les quatre articles des hussites avaient été ainsi transfor-
més : 1° L'usage de la communion sous une seule espèce
{sub unà), introduit par l'Église pour de bonnes raisons et irré-
préhensible, peut être changé par l'Église. La communion
166 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
SOUS les deux espèces est accordée aux Bohémiens et aux
Moraves (^ui, du reste, se soumettent à la foi et aux rites de
l'Église universelle, en vertu de l'autorité de Jésus-Christ et de
l'Église; mais les prêtres doivent avertir le peuple que la com-
munion sous une seule espèce est également bonne et que
Jésus-Christ est présent sous Tune et l'autre. Il est défendu de
médire des utraquistes. 2° La parole de Dieu sera librement
prêchée, mais par ceux-là seuls qui auront l'approbation des
supérieurs ecclésiastiques et sans préjudice de l'autorité de
l'Église. 3° Les péchés mortels doivent être extirpés et punis,
non par les particuliers, mais par l'autorité établie et seu-
lement d'après les lois divines et ecclésiastiques. i° Les prêtres
doivent administrer et employer leurs biens conformément aux
canons, mais ils ne peuvent en être dépouillés sans sacrilège.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 304.
Liber de legationibus Conc. Basil, pro reductione Bohemorum, par
Gilles Charlier, Monum. cit., p. 361-700. Dr Thomas Ebendorfer d'Has-
selbach, prof, à Vienne, Diarium, ib., p. 736-741. Avis, p. 723-731.
Joh. de Turonis, secrétaire des députés du concile : Registrum ;
Héfelé, VII, p. 542-547, 568-581, 605-626.
Autres événements en Bohême.
305. Dans l'espoir d'aboutir à quelque résultat, les Bâlois
avaient montré aux Bohémiens la plus grande condescen-
dance : ils leur avaient permis ce que le concile de Constance
leur avait refusé. Plus ils affectaient de hauteur à l'égard du
pape, plus les Bàlois faisaient preuve d'égards et de patience
envers les hussites, qui poussaient loin leurs prétentions, et
dès le début dépassèrent les compactais. Ils ne gagnèrent du
reste que les calixtins modérés ; les taborites rejetèrent toutes
les propositions. Plusieurs utraquistes s'offusquèrent de ce que
Rokycana ne fût pas confirmé comme archevê(iue de Prague.
Cependant le nombre de ses adversaires s'était multiplié, et ils
avaient élevé des plaintes contre lui. Comme l'empereur se
disposait à sévir, il se réfugia chez un gentilhomme.
Un décret rendu à Bâle dans la trentième session (23 dé-
cembre li37) traita de la communion sous les deux espèces,
mais ne résolut point les autres questions controversées. Après
l'église en face des SCHISMATiyUES ET DES HÉRÉTIQUES. 167
la mort de Sigismond, la confusion s'accrut en Bohême. Les
catholiques et les calixlins modérés lui donnèrent pour suc-
cesseur le mari de sa ûlle, Albert d'Autriche ; les taborites et
le parti de Rokycana (les utraquistes fanatiques) choisirent le
prince Casimir de Pologne, âgé de treize ans. Albert, peu de
temps après son couronnement à Prague (janvier 1438), fut
impliqué dans la guerre avec le parti polonais, et les tentatives
d'accommodement faites à Breslau n'eurent aucun succès.
Après la mort d'Albert (2-i octobre 1439), le pays se vit en
proie à tous les désordres. Les catholiques essayèrent de réta-
blir l'unité religieuse dans le pays, même dans les usages plu-
sieurs fois changés. Les calixtins n'observèrent les compactais
qu'autant qu'ils leur étaient favorables; ils les interprétèrent
très largement, et fmirent par les enfreindre de plus en plus : de
là vient que les papes eux-mêmes se crurent dispensés de les
observer. Une tendance hérétique dominait depuis longtemps
parmi les Bohémiens exaltés, et l'on continuait d'honorer llus
comme un saint et un martyr, même après qu'on eut cessé de
suivre ses doctrines : on vénérait sou image, on composait des
prières et des liturgies en son honneur, on soleunisait l'anni-
versaire de sa mort comme un jour de fête.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 305.
Basil., sess. XXX : Mansi, XXIX, 138 et seq.; Hard., VIII, 124i; IX,
11.31 ; Palacky, III, m, p. 289 et suiv.; Héfelé, p. 637 et suiv. Cullc de
Hiis en Bohême : Mansi, XXVII, 786; Monuni. hist. Univ. Prag., t. III,
p. 148, 150; Missale hussit., de 1491, dans Sacken, die Ambraser
Sammlung, Vienne, 1853, II, p. 200 et suiv.
Les légats du Saint-Siège en Bohême.
30G. Le cardinal Carvajal, délégué en Bohême par Eugène IV
en 1444, ne put obtenir qu'on y observât les compactais.
Nicolas V l'envoya de nouveau (1448) à Prague, où il
travailla énergiquement contre les partisans de Rokycana;
il y dépêcha (1451) Jean de Capistran, qui ne put pénétrer
dans Prague et fut en butte à mille tracasseries. Il parvint
cependant, sur les frontières de la Bohême, en Moravie et en
Silésie, à réconcilier beaucoup d'hussites avec l'Église. ^Enéas
Sylvius, évêque de Sienne, arriva ensuite à Tabor, et eut plu-
sieurs conférences avec les hussites et le gouverneur Georges
168 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Podiebrad. Il y trouva une population pauvre, sauvage, mais
bonne encore, qui mettait Zisca presque au-dessus de Jésus-
Christ. A cette objection que Rome avait violé les compactais,
il répondit que les Bohémiens avaient commencé eux-mêmes
par les abolir absolument. Il discuta aussi, mais sans succès,
avec plusieurs prêtres hussites.
Nicolas de Cusa, qui déjà précédemment avait réfuté l'erreur
concernant la communion des laïques sous les deux espèces,
rencontra à Ratisbonne en 4452 des députés de Bohême, qui
le prièrent d'intervenir comme médiateur de la paix. Il adressa
donc aux hussites, en qualité de légat du pape, plusieurs écrits,
qui n'eurent aucun résultat. En 1465, en présence de Georges
Podiebrad, élevé au trône, et qui régnait dans le sens des
calixtins; en présence d'une foule de barons et de députés, eut
lieu un colloque entre les utraquistes, représentés par Roky-
cana, et les subunistes, représentés par Hilaire, doyen de la
cathédrale de Prague. On y traita de la rupture des compactais
de Bâle et de leur véritable sens, du mépris de l'autorité ecclé-
siastique, de l'anabaptisme, de la confirmation donnée par de
simples prêtres, des ordinations secrètes, de l'omission du bré-
viaire, de la valeur du sacrifice et de l'efficacité du sacrement
dans la communion, de la célébration de la messe en langue
vulgaire, de la confusion qui régnait entre l'ordre et la juridic-
tion. On ne s'entendit point.
Podiebrad, qui s'était emparé de Tabor et avait opprimé
les taborites, fut excommunié par Paul II, et les dissensions
continuèrent. Une bataille sanglante fut livrée près de Taussen
(1467.) Les principaux appuis do Tutraquisme, Podiebrad et
Rokycana, moururent en 1471. La Bohême obtint de nouveau
un roi catholique en la personne de Ladislas de Pologne, qui,
en 1485, assura la tranquillité civile par la pacification reli-
gieuse de Kuttenberg.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N« 306.
Carvajal : Jac. card. Piccolomini, Comment., lib. VI, VII; lib. II,
ep.xLvn. Jean Capistran : Wadding, Ann. min., t. IV, IX-XII; ActaSS.,
3 oct., p. 334 et seq.; yEneas Sylv., ep. cxxx à Carvajal, Orat. habita
coram Calixto III, 1435, de Compactatis Bobemorum (Pli P. M. II,
Orat., éd. Mansi, I, 352); Nicolas de Cusa, Concord. cath., lib. II, xxvi,
ep. u-vii. — Diix, Nikol. v. Cusa, I, p. 143 et suiv., 154 et suiv.j II,
l'église en face des SCHISMATIOrES ET PFS HÉRÉTIQUES. 169
p. 76 et suiv. Colloque religieux de U65, Disputatio Capitul. Prag,
cum Rokycana : Basnage, Lect. ant., IV, 753-776; Guerricke, K.-G.,
Il, p. 290.
Les frères bohémiens et les frères moraves.
307. La portion des hussites qui était de plus en plus refoulée,
donna naissance à la secte particulière des frères de Bohême et
de Moravie (l'Unité des frères), dont le dogme fondamental était
la définition de l'Église telle que la donnaient les hussites. Ils
aboutirent peu à peu à rejeter plusieurs doctrines do l'Église,
la transsubstantiation, la prière pour les morts, etc. Cette
société fut établie vers 1450, alors que plusieurs sectes exis-
taient déjà en Bohême, par Pierre de Chelcic et Grégoire,
neveu de Rokycana. Cependant elle voulut avoir pour pre-
mier évèque un prêtre qui avait été, en 1434, ordonné dans
l'Église romaine par un évêque vaudois. En 1457, elle reçut un
établissement à Brunwald, dans le domaine royal de Senften-
berg, et déjà en 1461 elle était persécutée pour sa doctrine de
l'Eucharistie, différente de celle des utraquistes. Elle maintint
le célibat du clergé jusqu'en 1570. Mais elle avait subi sur bien
des points l'influence du luthéranisme, et les théories des luthé-
riens et des calvinistes sur la cène supplantèrent l'ancienne
croyance touchant le dogme de la présence réelle. Elle n'accepta
pas la doctrine de Luther sur la justification, bien que cette
doctrine eût déjà précédemment des sectateurs dans son sein.
En 1604, elle passa tout entière au calvinisme. Elle admettait
aussi dans le principe les sept sacrements. L'anabaptisme y
régna quelque temps, et fut ensuite aboli .
0Ü\TIAGES A CONSULTER SUR LE N° 307.
Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes, livre II,
§ 168 et suiv.; Lochner, Entstehung und erste Schicksale der Brüder-
gemeinde in Bœhmen und Msehren, Nürnb., 1832 ; A, Ginbely, Gesch.
der Bœhm. Brüder. — Bœhmen u. Maehren im Z.-A.; der Reform,
Prague, 1857 et suiv., 2 vol. Comp. Hist.-pol. Bl., t. XLII, p. 371 et
suiv.
Petites sectes et hérétiques isolés.
La secte du Libre-Esprit et autres hérésies analogues.
308. 11 existait toujours des hommes frivoles pour la plupart,
170 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.
qui se moquaient de la religion : tels furent les averroïstes, qui
comptaient dans leur sein plusieurs savants de l'Italie, surtout
dans l'université de Padoue. De ce nombre étaient aussi les
frères et les sœurs du Libre-Esprit. On les rencontrait sur le
Rhin, dans d'autres provinces d'Allemagne et en Belgique.
Le laïque (xilles Cantoris et le carme Guillaume de Hildenissen
{\M\) en faisaient partie. Dieu, disaient-ils, est aussi présent
dans la pierre, en enfer, que dans l'Eucharistie ; l'enfer dispa-
raîtra un jour; c'est Dieu qui opère toutes choses. L'homme
extérieur ne peut souiller l'homme intérieur. Tous seront
sauvés : les juifs, les païens, les démons même. Il n'y a pas de
loi pour les parfaits.
Il fallut également procéder contre une foule de béguines et
de bégards, qui faisaient semblant de renoncer à leurs erreurs
et y retombaient dans la suite.
Vers 1356, Bcrthold de Rohrbach enseignait que l'homme
peut, dès celte vie, atteindre à une telle perfection qu'il n'a
plus besoin de prier ni déjeuner; le péché n'existe plus pour
lui; la prière vocale n'est ni utile ni nécessaire, et dans un
homme pieux tout aliment et toute boisson peuvent produire le
même effet que l'Eucharistie ; un laïque ignorant, poussé par
l'Esprit de Dieu, peut être plus utile à lui-même et à autrui que
le prêtre le plus savant; il mérite plus de créance et de sou-
mission que l'Évangile et les docteurs de l'Église; Jésus-Christ,
sur la croix, s'est senti délaissé au point de douter si son âme
était sauvée ou damnée; dans sa douleur, il a maudit la terre
et Marie sa mère.
Berthold avait rétracté ses erreurs à Wurzbourg; quand il
voulut les produire de nouveau à Spire, il fut saisi et livré aux
flammes. En 1373, (Irégoire XI .s'éleva contre les turlupins, qui
surgissaient dans le nord de la France en même temps que les
vaudois. Partout l'Inquisition procédait contre les sectaires, qui
se montraient tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre; elle
parvint le plus souvent à les faire disparaître.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 308.
Pétrarque, sur les averroïsles; Renan, Averroos et l'Averroïsme,
ch. UK Les erreurs d'Amalaire furent renouvelées dans un livre de
Thomas Apulus, qui se donnait pour l'envoyé du Saint-Esprit (1388):
Pul., Hist. de l'univ. de Paris, IV, p. 634; du Plcssis d'Arg., I, u,
l'église en tage des schismatiques et i>es hérétiques. 171
p. 131. Procès de Pierre d'Ailly contre Guillaume d'Hindenissen, ibid.,
p. 201-209. Un chef des béghards catalans, le prôtre Bonanatus, qui
avait précédemment abjuré, fut livré au bras séculier sous Benoît XII
(1336), ibid., I, i, p. 336, d'après Eymeric, Direct. Inquis., part. Il,
p. 266. Berthold de Rohrbach : Job. Naucler, Chron., H, 401; Tri-
Iheni., Chronic. Hirs., Il, 231 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 376 et seq.;
Remhng, Évéques de Spire, I, p. 622. Turlupins, Greg. XI : Natal.
Alex., sœc. XIV, c. ni, art. 19, t. XV, p. 201 ; du Plessis d'Arg., I, i,
p. 392 et suiv.
Les apocalyptiques.
309. Les wilhelmites et les joachites avaient aussi leurs
partisans. En Espagne, Martin Gondisalvus se faisait passer
pour le frère de l'archange Michel, lequel avait obtenu dans le
ciel la place perdue par Lucifer ; il était, disait-il, la vérité
première, l'échelle du ciel, le vainqueur de l'Antéchrist. Nicolas
de Calabre, qui vivait aussi en Espagne, assurait que Martin était
le Fils éternellement vivant de Dieu, et qu'au jour du jugement
il rachèterait tous les damnés; il prêchait l'incarnation du
Saint-Esprit, et prétendait que le corps humain avait été créé
par le Fils, l'àme par le Père, l'esprit par le Saint-Esprit. Il fut
condamné en 1356 par l'Inquisition, et livré au bras séculier.
Longtemps auparavant, Arnold de Villeneuve, médecin de
Catalogne, familier avec la théologie et auteur de plusieurs
erreurs sur la personne de .Jésus-Christ, enseignait que dans le
Christ la nature humaine égalait la nature divine ; il faisait une
affreuse peinture de la corruption de la chrétienté par la ruse
du démon, et plaçait l'avènement de l'Antéchrist entre les
années 1300 et 1400, vers 1335 ou 1376. Il s'appuyait principa-
lement sur une révélation ou prophétie qui aurait été, en 1192,
remise par des anges, sur deux tablettes d'argent, à Cyrille,
général des carmes ; il élevait cette prophétie au-dessus de
toute l'Écriture sainte. Cette prophétie était un discours, conçu
en termes obscurs, sur les péchés monstrueux du clergé, avec
l'annonce d'un châtiment effroyable, qui allait bientôt éclater.
Dans la messe, disait-il, on honore Dieu, non en effet, mais en
paroles ; la messe est moins agréable au Seigneur que n'importe
quelle pratique de miséricorde; le peuple chrétien tout entier
est conduit en enfer par ses chefs ; sa foi n'est que la foi des
démons.
172 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
L'ouvrage d'Arnold sur l'Antéchrist fut condamné en 1303
par l'évêque et l'université de Paris. Après sa mort, Clément V
fit examiner ses livres, et, en 1317, plusieurs furent interdits
par l'Inquisition d'Aragon. A Avignon, un franciscain de
France, Jean de Rochetaillée {de Rupe scissa) fut condamné à
l'emprisonnement à cause de ses prédications menaçantes
contre la noblesse et le clergé, auxquelles il mêlait plusieurs
idées empruntées à Oliva, et pour avoir annoncé une ère nou-
velle, inaugurée par l'ordre de Saint-François. Sous Clément VI,
Barthélémy Janovézius, dans l'île de Majorque, publia un écrit
où il émettait les propositions les plus hardies, qu'il fut obligé
d'abjurer (1361.) L'Antéchrist devait paraître à la Pentecôte de
1360 : alors le sacrifice de l'Église cesserait ainsi que tous les
sacrements; les chrétiens se déclareraient en masse pour l'An-
téchrist, et l'Église, à la fin, ne serait plus composée que d'in-
croyants convertis. Le spectacle de la corruption qui régnait
en tant de lieux, éveillait dans plusieurs le désir d'une grande
rénovation, d'un pape qui ressemblât vraiment à un ange ; à
d'autres, il donnait le pressentiment lugubre de la fin prochaine
de l'univers. Dans une telle époque, les projets aventureux de
réforme, les espérances fanatiques d'un meilleur avenir de-
vaient abonder.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 309.
Martin Gondisalvus et Nicol. de Calabre : Franc. Diago, 0. Pr., Hisl.
prov. Arag., lib. I, c. xxiv; Eymeric, in Direct.; du Plessis d'Arg.,
loc. cit., p. 376. Ai'nold de Villeneuve écrivit : de Speculatione Anti-
christi ; de Humilitate et Patientia Jesu Christi ; de Fine raundi; Infor-
matio Beguinorum; de Charitate ; Apologia, etc. Sur lui : Eymeric.,
part. II, q. xxvin ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 267 et seq. Joli, de Rupe-
scissa : Froissart, Hist., liv. II, c. ccxi, p. 221 ; Trithem., loc. cit., II,
p. 225; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 343, 374. Barthol. Janovézius :
Eymeric, part. I, q. xi, § 10, p. 266; du Plessis d'Arg., p. 380. Sur
l'opposition prophétique, voy. Dœllinger, dans Histor. Taschenbuch,
Leipzig, 1871, p. 279 et suiv.
Les flagellants.
310. La secte des IlagcUants, qui subsistait toujours, fut con-
damnée par Clément VI en 1349. Plusieurs soutenaient qu'on ne
pouvait gagner la vie éternelle qu'au prix de son propre sang,
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 173
que le baptême de sang était nécessaire, que la hiérarchie avait
perdu son pouvoir, que l'Eucharistie était sans valeur. Les fla-
gellations publiques, accompagnées de chants particuliers, pro-
duisaient une vive impression. L'université de Paris condamna
elle-même les flagellants, qui parcouraient la France, l'Italie et
rAllemagne, se livraient souvent à de grossières débauches,
répandaient de fausses doctrines avec une prétendue lettre
reçue d'un ange, et se donnaient mutuellement l'absolution.
Mais tous les flagellants n'étaient pas de cette espèce, et saint
Vincent Ferrier favorisait les processions de flagellants entre-
prises dans un véritable esprit de piété. En Italie, en 1399, les
pénitents blancs (Albati), conduits par un prêtre, parcouraient
les campagnes et se dirigeaient vers Rome pour le grand
jubilé. Beniface IX fit saisir près de Viterbe leurs chefs spiri-
tuels et disperser la foule. Cependant, comme ils parurent
inoffensifs et qu'ils entretenaient l'esprit religieux, il leur rendit
la liberté ; il ne renouvela sa défense que lorsque des abus se
produisirent. Vers 1392, l'inquisiteur maître iMartin découvrit
parmi les paysans du diocèse de Wurzbourg des flagellants qui
professaient les erreurs des fraticelles; ils se convertirent, et
promirent pour pénitence de s'engager dans la guerre contre
les Turcs. Les chorisantes ou processions dansantes offraient
quelque chose d'analogue.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 3iO.
Cf. V, § 366. Contin. Guillelm. de Nangis, Spic, XI, 8H; Albert.
Argentin., in Ciiron., ap. Urstis., III, Hist. Germ., p. II, p. 49; Hist.
Pap. Aven., p. 96, éd. Bouquet.: Massœus, in Chron., p. 249; Gobelin.,
Pers, Cosmodr., act. VI, p. 241 ; Henric. Rebdorf., Annal., p. 439, éd.
Freher; Trithem., Chron. Hirsaug., II, 207; Rayn., an. 1339, n. 20;
Conrad de Lichtenau, abbé d'Ursperg, Rer. mirabil. Paralip., p. 284;
Albert Cranz, Metrop., lib. I, p. 250; Compilât, chronolog., éd. Pistor.,
p. 744, 697; Bul., IV, 314 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 361-368; Gerson.,
Tract, c. sect. Flagellant,, 0pp. II, 660, éd. du Pin. lis prétendaient
que les flagellations avaient plus de prix que les sacrements, que
c'était l'acte le plus important du culte. Sur les pénitents blancs à
Rome, voy. Reumont, II, p. 1086 et suiv. Flagellants à Wurzbourg :
Trithem., I. c, p. 296; du Plessis d'Arg., 1, ii, p. 152; Schneegans, die
Geiszler, namenthch die groszen Geiszlerf. in Straszburg, 1349, en
allem, par Tischendorf, Leipzig, 1840; Mayer-Merian, Basel im XIV
Jahrb., p. 191; Closener, Elsaesz. Chron., éd. Hegel, Leipzig, 1870, I,
174 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
p. 105 et suiv. Chorisantes : voy. Hecker, die Tanzwulh — eine Volks-
krankheit des M. -A., Berlin, 1832.
Les Amis de Dieu.
311. En Allemagne, les Amis de Dieu, sectateurs d'un faux
mysticisme, étaient déjà dangereux par cela seul qu'ils for-
maient une association secrète. Ils professaient le quiétisme,
cherchaient partout des visions, changeaient les dogmes en
symboles, tenaient pour iudifTérentes l'observation des comman-
dements de l'Église, les œuvres de mortification, les cérémonies,
et demandaient la réforme de l'Église corrompue par les
richesses. Ils n'admettaient point de différence entre les clercs
et les laïques, et obéissaient à des chefs inconnus. Plusieurs
prêchaient la pénitence et annonçaient le jugement de Dieu
prêt à éclater. Nicolas de Bàle fut pris en Autriche avec deux
de ses compagnons, et brûlé à Vienne en qualité de bégard
(1409). Son disciple, Martin de iMayence, bénédictin de l'abbaye
de Reichenau, avait déjà été brûlé à Cologne (1393), parce qu'il
obéissait aveuglément au laïque Nicolas, comme à un représen-
tant de Dieu. Leurs partisans méprisaient les censures de
l'Église, s'adonnaient à des visions fantastiques, qu'ils affir-
maient avec force, et se disaient en commerce intime avec Dieu.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N* 311.
Voy. ci-dessus, § 220. Joli. Nider, Formicarius, Argent., 1517, in-4",
f. 40, a.; Schmidt, Nik. v. Basel, p. 66 et suiv.; Tauler, p. 237; Denzin-
ger, Vier Bücher von der relig. Erkenntnisz, I, p. 330 et suiv.
Les hérésies en Angleterre.
312. De nombreuses et graves erreurs se répandaient aussi
en Angleterre. Le primat Simon Langham les résuma (1368)
dans un écrit qui fut envoyé au chancelier d'Oxford : 1° Le
baptême n'est pas nécessaire pour le salut éternel. 2" On peut
opérer son salut par ses propres forces naturelles. 3" Rien n'est
mauvais en soi; une chose ne le devient que parce qu'elle est
défendue. A° Tout honune, même l'incroyant, voit Dieu face à
face avant de mourir; il est libre alors de se tourner vers lui ou
de s'en détourner : de son choix dépend son salut ou sa damna-
lion. 5° Le péché commis pendant cette vision est inguérissable
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 175
et irrémissible ; Jésus-Christ, dans sa Passion, n'a pas pu satis-
faire pour ce péclié. 0° On ne peut perdre l'héritage céleste
pour aucun péché commis hors de cette vision, de même qu'un
enfant n'est pas privé de l'héritage paternel pour avoir péché
par ignorance. 7" Les damnés qui sont en enfer, peuvent être
réhabilités et parvenir au ciel. 8" Jésus-Christ, Marie et tous les
bienheureux sont encore maintenant mortels; tous, excepté
Jésus-Christ, sont assujettis au péché. 9" Dieu ne saurait ré-
duire quoi que ce soit au néant. 10" 11 ne peut punir personne
directement, parce qu'il ne peut être un bourreau.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 312.
Conc. Angl., Il, 613, an. 1368; Natal. Alex., sœc. XIV, c. m, art. 21,
t. XV, p. 213 et seq.; du Plessis d'Arg., 1, i, p. 387-389.
Hérésies en d'autres pays.
313. Sous le pape Urbain V, plusieurs frères mineurs furent
censurés pour avoir soutenu cette opinion extravagante (uni-
quement appuyée sur Jean, xix, 26) que l'évangéliste saint
Jean était véritablement fils de la sainte Vierge. Deux autres
frères mineurs, Jean de Latone et Pierre de Bonageta, préten-
daient que l'hostie consacrée, si elle tombe dans la boue ou dans
un lieu indécent, si elle est rongée par les souris ou d'autres
animaux, redevient, par nn changement de substance, du pain
ordinaire; que le corps de Jésus-Christ retourne dans le ciel
quand l'hostie est broyée avec les dents ; que ce corps, en un
mot, ne descend pas dans la partie inférieure du corps humain.
Cette doctrine fut condamnée par le pape Urbain II (1372).
L'Espagnol Pierre Seiplanes, curé près de Valence, prétendit,
vers 1389, qu'il fallait reconnaître la Trinité dans l'Eucharistie,
et dans Jésus-Christ trois natures : la nature humaine, la nature
spirituelle et la nature divine. Le dominicain Eymeric écrivit
contre lui. Il se produisit aussi quelques erreurs sur la Trinité,
soit dans les écoles monastiques d'Angleterre (131i), soit à
Paris, dans les thèses de Jean Guion (1318). Les assertions
erronées étaient souvent le fruit de l'ignorance, de la simpli-
cité, d'une dévotion mal entendue, de la précipitation. Le
cistercien Tolomeo de Lucques, qui prêchait à Mantoue (1504),
pensait que Jésus-Christ n'a pas été conçu dans le sein de la
176 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
sainte Vierge, mais daus le voisinage de son cœur, au moyen
de trois gouttelettes de sang. Les inquisiteurs voulaient le con-
damner pour ce chef; mais Jean-Baptiste de Mantoue l'excusa,
et écrivit une dissertation spécialej^sur ce sujet.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 313.
Erreur concernant l'évangélisle saint Jean : Bal., Cent., VI, p. 481, ex
Girardo Ridder, in Lacryma Eccl. Script., 0. Pr., p. 712, c. ii, § 25,
an. 1376; Eymeric, Disput., MS. Paris., 2847, in-f», 104, ap. du Plessis
d'Arg., I, n, p. 153. Jean de Lalone et Pierre de Bonageta : Eymeric,
Direct., p. I, p. 44; Rayn., an. 1372, n. 11 ; Natal. Alex., 1. c, c. iir,
art. ly, n. 1, p. 201 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 390; Denzinger, Enchir.,
p. 185, n. 471 et seq. — Eymericus, de Duplici natura in Christo et de
tribus in Deo personis : Script. 0. FF. Pr., 1, 711, c. i, § 15; du Plessis
d'Arg., I, Ti, p. 151 et seq.; ibid., I, i, p. 283 et suiv. Articuli de Trini-
tate an. 1314 Oxonii damnati, p. 293 et seq. Articuli revocati fr. Joh.
Guidon., 0. min., an. 1318, ibid., I, ii, p. 154. Censures de proposi-
tions sur la morale, 1396, contre Jean de Varennes, p. 323 : Censures
de 1490, p. 340 et seq.; Censui-es de 1498, contre Jean Vitrarius. —Jean
Mantoue, de Vero Christi conceptionis loco per Scripturas : Bul., Cent.,
VIII, 641 ; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 347.
Écarts de quelques réguliers.
314. Quelques ermites de Saint- Augustin furent entraînés
par leurs théories d'école dans différentes erreurs. A Paris, le
théologien Gui, religieux de cet ordre, dut rétracter les propo-
sitions suivantes (1354) : 1" La charité qu'on perd une fois n'a
jamais été une vraie charité. 2° Celui qui est prédestiné ne peut
acquérir aucun mérite, ni faire aucun acte méritoire, quand
même il se trouve dans la charité. 3° L'homme mérite la vie
éternelle de condigno; la lui refuser serait une injustice, et Dieu
se ferait injure à lui-même. 4° Le péché existerait quand même
il n'y aurait point de libre arbitre. 5° Le mérite vient tellement
de Dieu, que rien ne provient de la volonté humaine, 6° Dieu
peut forcer la volonté au bien de telle sorte qu'il ne reste plus
aucun pouvoir pour faire le contraire. 7° Il peut y avoir plu-
sieurs unités qui ne font pas un nombre. 8° Aucune créature
raisonnable n'est en elle-même que parce que Dieu est son être
à elle-même, et dans toute créature le non-être est plus essen-
tiel que l'être. 9° Une chose peut être sans le temps, soit pour
le mérite, soit pour le péché.
l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 445
de ses mœurs et par sa prudence, d'une grande réputation. Eu
mai 1412, il reçut le palliumdes mains d'un légat de Jean XXI II,
en même temps qu'une bulle publiait la croisade contre Ladis-
las de Naples, avec indulgence pour ceux qui y coopéreraient
par des subsides ou en personne.
Hus et les siens se déchaînèrent contre la bulle, et traitèrent
le pape d'Antéchrist vivant. En vain l'archevêque et la faculté
de théologie firent des représentations et défendirent la bulle :
Hus, Jérôme et leurs amis insultèrent les prédicateurs de l'in-
dulgence, soulevèrent le peuple contre eux, brûlèrent les exem-
plaires de la bulle et la tournèrent en dérision, répandirent des
pamphlets haineux contre le pape et les évêques. Hus publia
deux écrits sur les indulgences et contre la bulle du pape, sou-
tint contre celle-ci une thèse virulente, dans laquelle Jérôme le
surpassait encore. Le roi Venceslas menaça de mort quiconque
continuerait d'insulter le pape, et le conseil de la ville de Prague
fit saisir et condamner à mort comme insurgés trois jeunes
hommes qui avaient injurié les prédicateurs à l'église (10 juil-
let 1412.)
Hus, accompagné de plusieurs étudiants, réclama vainement
leur mise en liberté : le jugement fut exécuté. Les trois suppli-
ciés furent solennellement inhumés dans la chapelle de Beth-
lehem comme des martyrs hussites. Plusieurs collègues notables
de Hus, Etienne de Palecz, André de Broda, Stanislas et Pierre
de Znaim, se déclarèrent alors les ennemis de Hus et de Wiclef,
et le nombre des théologiens qui combattirent ces hérétiques se
multiplia. Le premier fut Etienne de Dola, prieur des chartreux
de Moravie. Le roi Venceslas, sans vouloir interdire la libre pré-
dication ni sévir contre Hus, menaça de l'exil ceux qui soutien-
draient les quarante-cinq propositions de Wiclef, et ordonna
que les six articles dressés par la faculté de théologie contre les
wicléfistes seraient respectés de chacun.
Les curés de Prague se plaignirent au pape par l'organe de
leur agent Michel de Deutschbrod (nommé de Cansis), et dans
l'été de 1412 parut une bulle qui confirmait l'excommunication
contre Hus et l'interdit jeté sur le lieu de son séjour, invitait
les fidèles à le livrer à l'archevêque de Prague ou à l'évêque de
Leitomysl, et à détruire la chapelle de Bethlehem. Les curés
de Prague observèrent scrupuleusement l'interdit. Etienne de
V. — HIST. DE l'église. 10
146 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Palecz prêcha publiquement contre Hus, qui ne cessait d'en
appeler à Jésus- Christ et essayait d'ameuter la noblesse contre
l'interdit. Les catholiques et les hussites prenaient une attitude
de plus en plus décidée. En décembre 1412, sur un ordre du
roi, Hus quitta la capitale de la Bohême, et le service divin fut
de nouveau célébré. Cependant son disciple Hawlik fut autorisé
à le remplacer dans la chapelle de Bethlehem.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N** "29i .
Accommodement en 14H, explications et lettres de Hus : Palacky,
Doc, p. 434-443, 18 et seq.; Gesch. Bœhmens, III, i, p. 208; llœtler,
Gescliichtschr., I, p. 164 et suiv., 294 et suiv. Écrits de Hus : de Libris
hœreticorum legendis, 0pp. I, 102 et seq.; Actus pro defensione fidei
J. Wicleü de Trinitate, ib., p. 105 et seq.; Replica contra Auglum
Simonem Stokes, p. 108 et seq.; Defensio quorunidam articulorum J.
Wiclefi, p. 112 et seq. Autres, ib., p. 118-128. Comp. Schwab, p. 554-
559. Derniers jours de Sbinko : Doc, p. 443; Palacky, p. 270 et suiv.
Hus contre les indulgences et Je pape : Quœstio de indulgentiis, et
Contra bullam Papse, 0pp. 1, 171 et seq., 184 et seq.; Schwab, p. 563
et suiv. Les premiers martyrs hussites : Palacky, p. 273-280; Hœller,
Geschieh tschr., II, p. 201 ; IH, p. 230 et suiv. Plusieurs des collègues
de Hus l'abandonnent : Hus, 0pp. I, 324 et seq., 330 b, 334 a, 360 b,
394 b, 398 et seq.; Palacky, Gesch. des Husitenthums und Prof. llœtler,
p. 145. Traité de Stanislas de Znaïm : Cod. Monac, lat., 5835, in-f°, 114
et seq.; Schwab , p. 576 et suiv. Mag. Paulus, curé de Dola , près
d'Olmütz, de Auctorit. Rom. Eccles., 1417, également inédit; Etienne
de Dola, Medulla Iritici, s. Antiwiclefus, Pez, Thcs. anecd., IV, ii,
p. 151-360; Antihusus, Dialogus volatilis inter aucam (ocam = Hus)
et passerem, — ep. ad Husitas, ib., p. 363-760 ; Bibl. ascet., IV, p. 87-
110. André de Ratisbonne, 0. S. A., Dialog, de Husitis; Hœfler,
Geschichlschr., 1, p. 556-596; Anon., de Ilusitis, ib., p. 621-632. Les
six articles : Doc, p. 455 et seq.; Palacky, III, i, p. 280-283; Hœfler,
Conc Prag., p. 72. Actes de l'université de Prague, d'après Cochlée,
dans du Plessis d'Arg., I, ii, p. 160-163. Plaintes des curés de Prague :
Hœfler, Geschichtschr., II, p. 204 ; Conc. Prag., p. 73. Bulle d'excom-
munication : Doc, p. 401 et seq.; Palacky, p. 285 et suiv.; Hœfler,
Geschichtschr., I, p. 26 et suiv.; III, p. 50 et suiv. Hus la combat: Doc,
p. 22 et seq., 31 et seq., 464 et seq.; Hus, Opp. I, 22; Héfelé,
p. 49-52.
Autres travaux de Jean Hus.
292. L'archevêque Albic donna sa démission, et se contenta de
l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 147
la prévôté de Wysherad et de l'archevêché de Césarée in partions.
Le Westphalieii Conrad de Vechte, jusque-là évêque d'Olmiitz,
obtint le siège de Prague. 11 réunit, en février 1413, un grand
synode pour apaiser les discordes religieuses. Hus y fut repré-
senté par Sun ami, le jurisconsulte Jean de Jesenic. La faculté de
théologie résuma les hérésies des novateurs sur les sacrements
et les coutumes ecclésiastiques, sur la hiérarchie et la sainte
Écriture, et proposa qu'on agît sévèrement (même par l'exil)
contre ceux qui résisteraient à la doctrine de l'Église. Hus et
les siens demandèrent qu'on leur permît de se justifier person-
nellement devant le synode, et que, s'ils y parvenaient, on
livrât leurs adversaires au feu, afin de purger la Bohême de
tout soupçon d'hérésie.
L'archevêque de Leitomysl voulait qu'on établît à l'université
un vice- chancelier pourvu d'une autorité suffisante, qu'on
surveillât la prédication, que les hussites en fussent exclus et
que l'on confisquât leurs livres. Il y eut encore d'autres proposi-
tions et contre-propositions, mais le synode n'aboutit à aucun
résultat.
Une commission étabUe par Venceslas essaya, mais en vain,
d'amener une conciliation favorable aux hussites. Comme elle
n'avait point de principes, les professeurs de théologie s'en sépa-
rèrent. Venceslas, favorable aux hussites, exila ces professeurs
comme étant les auteurs de la discorde. Le roi prit même des
mesures tyranniques contre les antihussites, surtout contre les
Allemands. Hus, pendant ce temps-là, vivait retiré dans les châ-
teaux de quelques familles nobles, où il composa des ouvrages
en bohémien et en latin, sa Postille et son principal traité dog-
mati(jue sur l'Église. Il écrivit de nombreuses lettres à ses amis,
prêcha dans les villages, en pleine campagne, partout, en un
mot, où il trouvait des auditeurs, et attaqua, dans un langage
extrêmement acerbe, la hiérarchie et les dogmes de l'Église.
Son exil de Prague ne servit qu'à mieux propager son hérésie
en Bohême. Jérôme de Prague l'introduisit en Moravie et en
Pologne; l'université de Prague inclina dans ce sens et la
défendit contre les théologiens de Vienne. L'interdiction des
livres de Wiclef (février 1413), portée par Jean XXIll au concile
de Rome, n'eut aucun résultat, et le danger devenait chaque
jour plus menaçant. Sigismond, roi de Germanie et des Ro-
148 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.
mains en même temps que successeur au trône de Veneslas
privé d'enfants, songea sérieusement aux moyens d'y remédier,
et les universités étrangères en firent l'objet de leur examen.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N° 292.
Synode de 1413 : Doc, p. 52 et seq., 47öet seq.; Hœfler, Conc. Prag.,
p. 73-1 H ; Geschichtschr., III, p. 51 et siiiv.; Palacky, III, i, p. 290 et
suiv.; Cochiseus, Hisl. Hus., lib. I, p. 29-36. Commission établie par
Venceslas : Doc, p. 507-511; Hœfler, Geschichtschr., I, p. 28 et suiv.;
Palacky, p. 294 et suiv.; J. Hus, Tr. de Eccl., 0pp. 1, 196-2.55. Comp.
Schwab, p. 567 et suiv. Autres écrits : de Abolendis Sectis, de Pernicie
humanarum traditionum, 0pp. I, 472 et seq., nov. ed., I, 593, 595.
Trois lettres à ceux de Prague : 0pp. I, 75, 119, 124; mieux Doc,
p. 34-43. Onze lettres dans Hœfler, Geschichtschr., II, p. 214-229;
Doc, p. 43-51, 54-63. Die Prager Univ. gegen Mag. Sybart v. Wien :
Hœfler, II, p. 203 ; Doc, p. 506, 512 ; Palacky, III, i, p. 263, 301.
Doctrine de Hus.
293. Sans adopter la spéculation panthéiste de Wiclef, Hus fit,
de la doctrine de la prédestination, le centre de sa dogmatique.
Selon lui, la véritable Église est un corps mystique qui se com-
po.se uniquement de prédestinés. Ces justes, appelés de toute
éternité à la béatitude, ne peuvent être pour toujours sépa-
rés de ce corps. Quant aux prévus (prœsciti), ils n'ont jamais
été des membres de ce corps; ils n'en sont que les humeurs
impures. Comme il est impossible qu'un prédestiné périsse et
que nulle puissance ne peut le séparer de l'Église, personne ne
peut être exclu du salut ni retranché de l'Église par l'excom-
munication. On ne peut savoir sans une révélation particulière
si quelqu'un est prédestiné : aucun laïque n'est donc obligé de
croire que son supérieur ecclésiastique est membre de l'Église.
Le pape et les cardinaux peuvent sans doute appartenir à la
vraie ÉgUse, mais non en qualité de chefs. Jésus-Christ seul
est le chef de l'Église, le roc sur lequel elle est bâtie {Matth.,
XVI, 18).
On ne saurait prouver que Jésus-Christ a établi un chef
visible. La papauté n'a pas d'autre origine que la faveur des
empereurs et la force. Les bulles du pape ne méritent créance
qu'autant qu'elles sont conformes à l'Écriture : c'est pourquoi
chacun a le droit de les examiner. Le pape trompe les autres
L ÉGLISE EN EACE J>ES SCHISMATIOIES ET DES HÉRÉTIQUES. 149
par amour du lucre, et se trompe lui-même par ignorance. Les
clefs du royaume des cieux remises à Pierre, et par lui à toute
l'Église, ne figurent que le pouvoir de prêcher, d'avertir et de
remettre les péchés; mais aucun prêtre ne doit lier ou délier au
delà de ce qu'a fait Dieu lui-même, dont il n'a qu'à exécuter la
sentence. De plus, à parler rigoureusement, la contrition seule
est nécessaire pour la rémission des péchés. Le Siège aposto-
lique, c'est proprement la vie apostolique, qui rend apte à ensei-
gner et à juger selon la loi de Dieu. L'obéissance à l'Église est
contraire à l'Écriture et une pure invention de la hiérarchie.
Un prêtre qui se sent innocent, ne doit point, malgré la défense
du pape et de l'évêque, cesser de prêcher, et n'a pas à se soucier
de l'excommunication. Tout supérieur temporel et spirituel en
état de péché mortel est privé de son autorité et doit résigner
sa charge.
Hus croyait fonder ainsi une constitution ecclésiastique qui
répondrait mieux à l'Évangile que la constitution établie, et il
considérait comme sa mission de créer un peuple qui serait
gouverné dans la concorde par la loi divine et ne reconnaîtrait
pour chef que Jésus-Çhrist. Il soutenait que les évêques et les
prêtres étaient égaux entre eux, que la division en diocèses
n'était que l'œuvre de la cupidité. Chaque évêque, chaque
prêtre devait, comme les apôtres, avoir le droit de prêcher par
toute la terre; l'ordination seule les y autorisait. Cependant,
ajoutait-il, tous ceux qui ont reçu les ordres n'ont pas reçu le
Saint-Esprit; le clergé de l'Éghse régnante ne l'a pas, parce qu'il
ne prêche point l'Évangile au peuple dans la pauvreté et la
patience : sa prédication n'est qu'une usurpation. La mission
invisible et divine, qui se reconnaît non à des signes et à des
miracles, mais par l'attrait du Saint-Esprit imprimé dans le
cœur, par l'imitation de Jésus-Christ dans une vie vertueuse,
vaut beaucoup mieux que la mission visible et humaine. Pour
gouverner l'Église militante, qui a pour chefs la divinité et
l'humanité du Christ, ainsi que les supérieurs particuliers, la
Bible suffit ; elle est, du reste, renforcée par les saints de Dieu,
qui sont une seconde et vivante Écriture.
Le magistère infaillible de l'Église est un objet d'horreur
pour Jean Hus ; dans le doute, il s'en rapporte uniquement à
rillumiûalion divine; il accorde l'infaillibilité à chaque ûdèle,
450 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
même aux laïques. Les prédestinés, selon lui, ne peuvent tom-
ber dans l'erreur {Jean, x, 28); quant aux réprouvés, le Saint-
Esprit ne réside pas en eux ; ils n'ont aucune autorité, aucune
intelligence de l'Écriture ; ils n'ont pas la même nature que les
autres.
La véritable Église, c'est l'Église invisible, l'Église des pré-
destinés; comparée avec elle, l'Église visible ne mérite pas
même le nom d'Église. Hus, il est vrai, reconnaît les docteurs
de l'Église et leur attribue une certaine autorité ; mais ils sont
également soumis à l'interprétation individuelle, comme l'Écri-
ture, et leur parole est soumise à l'appréciation du jugement
privé. En morale, Hus n'admettait point de milieu entre les actes
méritoires et les actes coupables ; il insistait beaucoup sur les
bonnes œuvres. Sa théorie de la justification s'écarte sensible-
ment de celle de Luther. Partout il caresse l'orgueil des
masses, qu'il constitue juges des autorités temporelles et spiri-
tuelles ; il excite au mépris du clergé et des moines, et pense
à les persécuter. Sa doctrine n'est pas seulement hérétique;
elle est encore souverainement dangereuse sous le rapport
politique et absolument révolutionnaire.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 293.
EiTores J. Hus a Gersonio cancell. et aliis Mag. Paris, notati : du
Plessis d'Arg., I, ii, p. 164 et seq.; Cappenberg, Utrum Husii doctrina
fuerit haeretica, Monast., 1834; J. B. Friedrich, die Lehre des J. Hus,
Ratisbonne, 1862; Schwab, p. 567 et suiv., 580 et suiv.; Lechler,
(Joh. V. "VVicl., Leipz., 1873, t. II, p. 246) convient également avec
Friedrich que Wiclef enseignait, sur la justification, non la doctrine
luthérienne, mais la doctrine catholique. Il en faut dire autant de
Hus.
Hus à Constance. — Son interrogatoire.
294.. Les rois Sigismond et Venceslas conseillèrent à Hus,
en lui promettant un sauf-conduit, de se rendre au concile
général de Constance, pour dissiper les bruits fâcheux répan-
dus sur sa doctrine et relever la réputation de son pays. Malgré
la résistance de ses amis, il se crut obligé, par son appel per-
sonnel et par les déclarations qu'il avait faites, de se rendre à
cet avis. 11 espérait que ce concile réformateur approuverait sa
doctrine, s'il lui était donné de la développer dans de libres
l/ÉGLISE EN FACE DES SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES, loi
et publiques conférences. Il revint à Prague au moment où
l'archevêque Conrad avait convoqué un synode diocésain. Il
déclara dans des affiches placardées aux murs et rédigées en
latin, en allemand et en bohémien, qu'il était prêt à rendre
compte de sa foi devant l'archevêque et son synode, comme
aussi devant le concile de Constance. Dans le placard latin, il
promettait de prouver son innocence « d'après les décrets et les
canons des saints Pères », et, dans le placard allemand, « selon
l'ordre de l'Écriture sainte ». Dans le texte bohémien, il ne
disait ni l'un ni l'autre. L'archevêque déclara qu'il n'avait
constaté dans Hus aucune erreur, qu'il devait se justifier
auprès du pape.
Hus remercia (1" septembre 1414) le roi Sigismond de sa
faveur, promit d'aller à Constance sous la protection d'un sauf-
conduit, et demanda qu'il lui fût permis d'y confesser publi-
quement sa foi, pour laquelle il était prêt, au besoin, à endurer
la mort. Puis il répondit aux accusations écrites que ses adver-
saires devaient faire valoir à Constance, et qui lui furent remises
par un de ses amis, afin de se mieux préparer pour les discus-
sions de Constance. Trois chevaliers bohémiens lui furent ad-
joints pour le protéger dans son voyage, sans parler des nom-
breux amis qui l'escortèrent de Prague (11 octobre). Il fut bien
accueilli, surtout à Nuremberg et à Biberach. Les voyageurs
arrivèrent à Constance le 3 novembre 1414. Hus alla résider
chez une veuve, et chargea le lendemain deux de ses cheva- "
liers d'annoncer sou arrivée à Jean XXIII. Le pape les reçut
amicalement, suspendit l'excommunication et l'interdit encou-
rus par Hus, et chacun fut hbre de converser avec lui ; mais
on lui défendit de prêcher et de célébrer. Pour éviter le scan-
dale, il devait s'abstenir d'assister aux solennités religieuses.
L'examen de son affaire fut ajourné jusqu'à l'arrivée de
Sigismond. Sur ces entrefaites, Etienne de Palecz et Michel de
Causis ayant déposé leur plainte, Hus fut mandé devant le pape
et les cardinaux (28 novembre). L'un de ceux-ci lui représenta
que, de graves accusations ayant été produites contre lui, on
désirait apprendre de sa propre bouche ce qu'il en était. —
J'aimerais mieux mourir, répondit Hus, que de me savoir cou-
pable d'une seule erreur; si l'on me convainc de quelqu'une,
je suis prêt à me rétracter et à faire pénitence. On fut satisfait
152 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de cette réponse. L'interrogatoire sur la doctrine de l'Eucha-
ristie ne révéla rien qui lui fût défavorable. Cependant, comme
il disait journellement la messe, malgré la défense qu'on lui
avait faite, et qu'il adressait des allocutions aux personnes
curieuses de l'entendre, ce que l'évêque de Constance ne pou-
vait pas tolérer, il fut enfermé, d'abord dans la demeure du
chantre de la cathédrale, puis au couvent des dominicains
(6 décembre), où il se plaignit de l'insalubrité de sa prison. On
lui donna bientôt une chambre plus saine, et on lui procura
les soins des médecins de Jean XXIII.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 294.
Hœfler, Geschichtsclir., I, p. 115 etsuiv., 162 et suiv. ; II, p. 262 et
suiv.; III, p. 73 ; Docum., p. 66 et seq., 237 et seq., 531 et seq.; Pa-
lacky, m, I, p. 314 et suiv.; Héfelé, VII, p. 60-66.
Intervention de la noblesse de Bohême en faveur de Hua.
295. L'examen des griefs, obstination dans la désobéissance,
justification des articles de Wiclef et doctrines propagées par
Hus lui-même, fut confié par Jean XXIII à Jean, patriarche
latin de Constantinople (un Français), à l'évêque Jean de
Lübeck et à un évêque itaUen. Ils entendirent un grand nombre
de savants et de moines tant allemands que bohémiens. Hus,
pendant cet intervalle, fut libre d'écrire quantité de lettres et
de traités religieux, de répondre aux articles de ses adver-
saires, surtout d'Etienne de Palecz et du chancelier Gerson. Le
chevalier Chlum, qui l'accompagnait, avait déposé une protes-
tation contre son emprisonnement ; quant au sauf-conduit reçu
de Sigismond le 18 octobre, il ne l'avait montré à Constance
qu'après l'incarcération de Hus. Sigismond lui-même fut mé-
content de cette incarcération; mais il déclara (1" janvier 1415)
qu'il ne voulait pas empêcher le concile de procéder selon le
droit commun contre les personnes accusées d'hérésie. Après
la fuite de Jean XXIII, Hus fut confié à la garde de l'évêque de
Constance (22 mars), qui le fit transférer au château de Gottlie-
ben. Le 6 avril, le concile établit une commission présidée par
les cardinaux d'Ailly et Pilastre, pour examiner la doctrine de
Hus et de ses partisans; le 17 avril, on nomma de nouveaux
commissaires, investis de pouvoirs plus étendus. Après la déci-
l'église en face des SCHISMATIOUES ET DES HÉRÉllQUES. 153
sion portée contre Wiclef (4 mai), la condamnation de ses par-
tisans de Bohème était aisée à prévoir. La noblesse de Bohême
et de Pologne se plaignit do l'offense infligée à la Bohème, de
la dure captivité de Hus et de l'ajournement de la sentence;
elle demanda qu'il fût interrogé publiquement et qu'on le
traitât avec égards, en considération du sauf-conduit de Sigis-
mond. La haine, le défaut de charité lui paraissaient l'unique
source des accusations élevées contre Hus, et elle invoquait
pour lui des témoignages favorables,
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 295.
Ray»., an. 1414, n. 10 et seq.; Doc, p. 83 et seq., 97, 199, 232 et
seq., 266 et seq., 356 et seq., 612; Hœfler, Geschichtschr., I, p. 140 et
suiv., 113, 133 et suiv.; Schwab, p. 581 et suiv.; Héfelé, p. 70 et suiv.,
93, 103, 109, 124, 132 et suiv,, 142 et suiv., 147 et suiv.
Condamnation de Hus. — Sa mort.
296. Au commencement de juin 1415, Hus fut amené de
Gottlieben au couvent des franciscains de Constance, où plu-
sieurs congrégations générales furent tenues à son sujet. On
lut des extraits d'écrits qu'il reconnaissait comme siens, en
même temps que les dépositions des témoins, 11 donna dans
plusieurs passages des explications sophistiques, ou protesta
qu'il n'avait jamais enseigné telles propositions. Il défendit
ouvertement, comme n'étant pas du moins hérétiques, plu-
sieurs articles de Wiclef, soutint qu'aucun Bohémien n'était
entaché d'hérésie, et il n'épargna pas les injures. Son dessein
était de discuter avec le concile. 11 se trouva que plusieurs
passages étaient encore plus violents dans ses livres que dans
les propositions qu'on en avait extraites, et Sigismond lui-
même reconnut qu'une seule des erreurs avouées par lui
suffirait pour le faire condamner.
Après son troisième interrogatoire (8 juin), les cardinaux,
Sigismond et diverses personnes firent plusieurs tentatives
pour amener à une rétractation cet hérétique fanatiquement
passionné pour sa doctrine et pour l'honneur de la Bohème.
On lui proposa quelques formules d'abjuration très mitigées ;
mais il persista à soutenir qu'il ne se sentait point coupable
d'erreur, qu'on ne l'avait encore convaincu d'aucune par
loi HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
l'Écriture sainte, qu'il ne pouvait pas condamner la vérité et
prêter un faux serment. Lorsque la commission synodale, afin
de l'impressionner davantage, eut condamné ses ouvrages au
fou (24 juin), II us les compara à ceux do Jérémie (Jérém.,
xxxvi, 23) et autres livres sacrés qui avaient eu le même sort;
il se déchaîna contre la malice de l'Antéchrist et contre le con-
cile, cet asile de tontes les corruptions. D'autres tentatives
d'accommodement ne purent vaincre son étonnante obstina-
tion. C'est pourquoi, après la lecture de ses erreurs faite dans
la quinzième session (6 juillet 1415), après une nouvelle et
inutile exhortation, il fut condamné comme hérétique, déposé
de la dignité sacerdotale, dégradé et abandonné au bras sécu-
lier. Sigismond le livra à Louis, comte palatin, et celui-ci au
bailli de Constance.
Conduit au bûcher pour y subir le châtiment des hérétiques,
Hus le supporta avec beaucoup de calme et de fermeté. La peine
du feu, réclamée par la jurisprudence de ce temps, fut appli-
i[uée dans toute sa rigueur. Hus lui-même l'avait demandée.
Ce qui lui valut cette mort tragique, ce ne fut point son zèle
pour les réformes : d'autres contemporains en avaient montré
autant et n'en avaient pas souffert; ce furent les erreurs sou-
verainement funestes dont il était convaincu. On ne saurait
l'absoudre d'obstination et d'orgueil national, d'inconséquence
et de fanatisme. Il n'est pas du tout exact qu'on ait violé son
sauf-conduit, simple passeport destiné à le mettre à l'abri des
vexations étrangères, mais non à le soustraire au juge ordi-
naire et à sa sentence; et c'est bien à tort qu'on a attribué
au concile do Constance cette parole, qui ne se trouve dans
aucun de ses décrets approuvés : On ne doit point de foi à un
hérétique.
OnVUAGES A CONSULTER SUll LE .N" 296.
Doc, p. iOi et seq., 276 et seq., 28b et seq., 209 et seq., 314 et
seq., Ö57; Hœller, Geschichtschreiber, I, p. 210 et suiv., 244 et suiv.,
287 et suiv., 327; II, p. 306 et suiv.; Mansi, XXVII, 747 et seq.; Hard.,
VIII, 402 et seq.; ^n. Sylv., Hist. Boh., c. xxxvi ; Ulrich de Reichen-
thal (§ 94), f. 2141 a.; iléfclé, Vil, p. 149-173, 184 et suiv. Sur le sauf-
conduit, voy. Pignalclli, Consult. canon., t. V, cons. Lxvn, n. 66-73,
p. 1688 et seq., ed. Venet., 1688; Natal. Alex., sœc. XV, diss. vu,
t. XVIII, p. 402 et seq.; Hœflcr, dans Hist.-pol. Blœttern, t. IV, p. 422
l'église en face des SCHISMATKiLKS ET UES HÉRÉTIQUES. 155
et suiv., et t. XLI (1858), p. 329 et suiv.; Héfelé, p. 218-227; Berger,
p. 179 et suiv.; Brück, Lehrb., p. 51 o et suiv. Contre cette assertion
de Gieseler, Hisl. eccl., II, ii, p. 418, que le concile aurait dit : « Nullam
lidem haeretico esse servandam », voy. Hist. Conc. Trid., Xli, xv, 8 ;
Hœfler, dans Hist.-pol. Bl., t. IV, p. 421 et suiv.; Héfelé, VII, p. 227 et
suiv.
Procès et mort de Jérôme de Prague.
297. Une destinée semblable à celle de Hus était réservée à
son ami Jérôme de Prague, qui le surpassait encore par son
éloquence, non moins que par son ardeur inconsidérée. Sans
y être appelé, .Jérôme s'était rendu à Constance dès le 4 avril
I41.S. Effrayé par l'emprisonnement de Hus, il demanda un
sauf-conduit qui assurât la liberté de sa défense. Le concile
agréa sa demande et accorda le sauf-conduit, mais en déclarant
qu'il avait pour objet de le protéger contre d'injustes violences,
et non contre le bras de la justice (11 et 17 avril). Jérôme, ne se
croyant pas suffisamment en sûreté, essaya, avec le concours
de ses amis, de retourner en Bohème ; mais, au mois d'avril
encore, il fut emprisonné à Hirschau, dans le Haut-Palatinat,
pour outrages envers le concile, et le 23 ramené à Constance
chargé de chaînes. Interrogé sur la cause de sa fuite, il essaya
de se justifier en alléguant l'insuffisance du sauf- conduit; il
prétendit n'avoir pas eu connaissance de sa citation devant le
concile.
Questionné ensuite sur l'Eucharistie, il s'exprima en termes
équivoques et sans contester la transsubstantiation. Pour échap-
per à la prison, il consentit à se rétracter dans une congréga-
tion générale tenue le 11 septembre, puis dans la dix-neuvième
session solennelle (23 septembre). Il avait, disait-il, trouvé juste
la sentence prononcée contre Hus, lorsqu'il eut acquis la convic-
tion que Hus enseignait réellement les propositions qu'on lui
imputait. Il anathématisa les quarante-cinq articles de Wiclef
et les trente de Hus. Il fut désormais traité avec plus de dou-
ceur, mais non remis en liberté : car plusieurs Bohémiens et
Allemands contestaient la sincérité de sa soumission, et quelques
carmes de Prague produisirent contre lui de nouvelles accusa-
tions. Les juges mêmes de l'enquête, s'étant prononcés pour son
élargissement, furent suspectés d'avoir été corrompus par le
roi Yenceslas et par les Bohémiens.
156 HISTOIRE DE L EGLISE.
Jean, patriarche de Coiistantiiiople, et le docteiu' Nicolas de
Dinkelsbilhl furent chargés d'entendre les témoins qui dépose-
raient contre lui. Ils firent leur rapport le 27 avril et le 9 mai
1416, et produisirent plusieurs graves accusations. Jérôme
refusa obstinément de s'expUquer devant les commissaires, et
voulut paraître devant le concile même. Ou l'y autorisa le
23 mai 1416, jour anniversaire de son emprisonnement; mais,
au lieu de lui permettre, ainsi qu'il le voulait, de se justifier
dans une longue apologie , on le somma de répondre aux
chefs d'accusation. Il en nia plusieurs et en atténua quelques
autres; puis il parla longuement pour sa justification, déclara
que Hus était un homme saint et juste, qu'il avait eu tort de
se rétracter et ne l'avait fait que par crainte. 11 se permit aussi
des sorties contre les papes et les cardinaux. On essaya inutile-
ment de le ramener à une plus grande réserve. Ses déclara-
tions non rétractées contenaient son propre jugement. Le
30 mai 1416 (vingt et unième session), il fut condamné comme
hérétique opiniâtre et relaps, ethvré au bras séculier. Il mourut
avec la même fermeté que IIus.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 297.
Du Plessis d'Arg., 1, n, p. 194-197 ; Héfelé, VII, p. 106 et suiv., 109,
114, 133, 231, 234 et suiv., 252 et suiv., 254 et suiv., 271 et suiv.;
ibid., p. 280 et suiv., la lettre d'un témoin oculaire, Poggio de Flo-
rence à Léonard d'Arezzo.
Les HiissKcs eu Bohême et en lloravie.
Introduction à Prague de la communion sous les deux
espèces.
298. Peu de temps après le départ de Hus pour Constance,
son ancien condisciple Jacobellus (Jacques de Mies), curé de
Saint-Michel et professeur de philosophie à Prague, encouragé
par d'autres théologiens, avait émis cette proposition, que, pour
participer complètement à l'Eucharistie il fallait communier
sous les deux espèces, que l'usage du calice appartenait aussi
bien aux laïques qu'aux ecclésia.stiqucs. Et aussitôt quelques
curés commencèrent de leur propre chef à distribuer la com-
munion sous les deux espèces, et abolirent le précepte de la
recevoir à jeun. On s'éleva bientôt contre les prêtres qui com-
l'ÉGLTSE en face des Sr.HISMATIQlES ET DES HÉRÉTIQUES. 157
battaient cette nouveauté ; des bouteilles contenant le vin con-
sacré circulaient partout, et servaient de signe de ralliement
aux partisans de Hus.
Le 16 mai 1415, l'évèque de Leitomysl s'en plaignit à
('onstance, et, le 15 juin (treizième session), le concile publia
un décret qui maintenait la pratique de l'Église et frappait de
censures ceux qui donnaient et ceux qui recevaient la commu-
nion sous les deux espèces {si/ô u traque, « utraquistes »). Hus,
consulté à ce sujet par le chevalier Chlum, n'avait pas voulu
déclarer d'abord qu'on pouvait, de sa propre autorité, intro-
duire l'emploi du calice pour les laïques ; il désirait au con-
traire que l'on demandât celte concession au pape. Cette inno-
vation, du reste, lui semblait conforme à l'ancienne pratique
de l'Église, et, le 21 juin, il engagea son disciple Hawlik à ne
pas résister à Jacobellus et à ne pas justifier une coutume que
la négligence avait laissé s''introduire dans l'Église; il engagea
même un prêtre à donner la communion sous les deux espèces.
Plusieurs écrits de controverse furent publiés sur ce sujet, et
les utraquistes allèrent jusqu'à soutenir que Jésus-Christ n'était
pas entièrement présent sous chaque espèce : il y avait donc à la
fois témérité et hérésie. Le décret du concile fut très mal reçu
en Bohême. L'archevêque Conrad et le roi Venceslas inter-
dirent , il est vrai , l'usage du calice , mais il continua à la
campagne, où la communion avait lieu souvent en plein air;
à Prague même, la défense ne fut pas longtemps observée.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 298.
Conc. Const., sess. XIII ; Mansi, XXVII, 726-728; Hard., VIII, 380 et
seq.; Denzinger, Enciiir., p. 199 et suiv., n. 585 ; du Plessis d'Arg., I,
II, p. 165-172. Écrits de controverse sur le calice des laïques : Werner,
m, p. 643 et suiv.; Dr. Andreas Broda, cap. xiv ; v. d. Hardt, Conc.
Const., 111, 392 et seq. Réplique de Jacobellus, ib., p. 416 et seq.;
Maurice de Prague, ib., p. 826 et seq.; Mansi, XXVIII, 432 et seq., 447
et seq.; Gerson, Tr. contra heeres., de communione laicorura sub
utraque specie, 1417, 0pp. I, 457-467; Mansi, loc. cit., p. 424 et seq.
Voy. Schwab, p. 604 et suiv.; Pétri de PuIca, Tract, in materia Husit.,
Cod. Monac, lat., 5835, in-f«, 1-61 ; Schwab, p. 603, n. 3.
Désordres et excès en Bohême.
299. La nouvelle du supplice du fameux Hus, considéré
158 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
comme un outrage à la nation bohémienne, changea le mécon-
tentement en un effroyable tumulte. A Prague, les maisons
des prêtres antihussites furent saccagées ou détruites, beau-
coup d'ecclésiastiques maltraités et mis à mort ; le palais archié-
piscopal fut assiégé, et l'archevêque eut beaucoup de peine à
se dérober à la mort par la fuite. A la campagne, beaucoup de
barons chassèrent les curés et séquestrèrent les biens de
l'évêque de Leitomysl. Partout on essayait d'introduire la com-
munion sous les deux espèces. Le roi demeurait spectateur tran-
quille de toutes ces scènes et injuriait le concile; la reine et
beaucoup de dames de qualité s'enthousiasmaient pour Hus, « le
martyr ». En septembre 1415, la noblesse hussite, réunie pour
la diète de Prague, adressa au concile une lettre pleine de vio-
lences, où elle qualifiait de fils du diable quiconque parlerait de
l'hérésie des Bohémiens. Elle décida de plus qu'elle protégerait
la lil)re prédication de la parole de Dieu, braverait les excom-
munications injustes, n'obéirait aux évêqucs que lorsqu'ils
auraient pour eux l'Écriture sainte, et qu'elle suivrait en tout
les décisions de l'université do Prague (dont elle faisait ainsi la
suprême autorité ecclésiastique).
L'alliance catholique, fondée au mois d'octobre, ne comptait
que quatorze barons; et, comme elle n'était que faiblement
soutenue par le roi et par l'archevêque, elle n'eut que peu de
succès. L'évêque de Leitomysl, qui arriva en Bohême en qua-
lité de légat, se vit partout honni et persécuté; plusieurs
membres du clergé catholique furent expulsés ; le chapitre de
la cathédrale de Prague, demeuré seul inébranlable, lança
l'interdit sur la ville. L'écrit des hussites, muni du sceau de
quatre cent cinquante-deux barons de Bohême et de Moravie,
arriva à Constance le jour de Noël; le concile résolut (20 février
1416) d'inviter los signataires à comparaître dans l'espace de
cinquante jours, comme suspects d'hérésie. Ils ne se présen-
tèrent point, et furent déclarés opiniâtres (juin).
Le 1" juillet, Henri de Latzenbock, l'un des trois chevaliers
qui avaient accompagné Uns, abjura ses erreurs On essaya de
nouveau dans le courant de septembre d'inviter les Bohémiens
rebelles, et l'on chargea le patriarche de Constantinople de
s'occuper de cette affaire. En décembre 1416, le concile pria le
roi Sigismund de combattre les désordres sans nombre qui
l'ÉGMSK en face des SCUISMATIQUES ET DES HÈRÈTIOUES. 159
agitaient la Bohême, et devant lesquels Venceslas demeurait
dans une complète inaction. On continuait de persécuter les
religieux, de piller les couvents, de mépriser les censures, de
donner publiquement la communion sous les deux espèces; les
portraits de Hus et de Jérôme étaient honorés dans les églises
à l'égal des images des saints, Venceslas favorisait la secte;
l'université de Prague, en 1 il 7, entra complètement dans ses
vues, et se mit à la tête de ceux qui réclamaient l'usage du
calice, de sorte que le concile de Constance défendit de la fré-
quenter et annula ses actes. Après l'élection de Martin V, le
concile publia en vingt-six articles des prescriptions sur la
manière d'étoutîer l'hérésie hussite, et le pape lança contre
elle, le 22 février 1418, une longue bulle contenant trente-neuf
questions, que l'on devait adresser à toute personne suspecte.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 299.
V. d. Hardt, Conc. Const., IV, 49o, .")ö9, 607 et seq.; II, 423, 1408.
Comp. Palacky, Gesch. Bœhmens, III, i, p. 369 et suiv.; Mansi,
XXVII, 832 et seq., TSC et seq. (ibid., les Prescriptions du concile de
Constance en 24 articles, p. H96 et seq.); Hœfler, Geschieh tschr., II,
p. 240 et suiv. Martin V, const. Inter cunctas, ap. Mansi, loc. cit.,
p. 1204-1213; Denzinger, p. 186-196; Héfelé, p. 249 et suiv., 283 et
suiv., 288, 299, 313 et suiv., 344 et suiv.
Révolution hussite.
300. Le roi Venceslas dut trembler lui-même devant les
hussites. Leur chef, Nicolas de Husinecz, lui demanda avec
insolence de lui livrer plusieurs églises. Venceslas ajourna la
réponse, menaça Nicolas de la corde, et le bannit de Prague.
Et tandis que Nicolas fomentait l'insurrection à la campagne,
le chambellan Jean Zisca de Trocnow se mettait à la tête des
sectaires de Prague. Dans l'été de 1419, Nicolas prépara sur le
mont Elardstein, que les hussites appelaient le Thabor, une
grande assemblée de quarante mille personnes, qui reçurent
toutes la communion du calice. Cette horde allait se ruer immé-
diatement sur Prague, lorsque le prêtre Venceslas Kuranda dé-
joua le plan de Nicolas. Quelques-uns cependant poursuivirent
leur dessein, et sévirent contre les fonctionnaires et les moines.
Dans une procession publique, pendant laquelle on portait le
calice, quelqu'un jeta de la maison de ville une pierre qui blessa
160 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
un ecclésiastique hussite ; les insurgés, excités par Zisca, enva-
hissent la maison de ville et précipitent des fenêtres plusieurs
conseillers, que la populace reçut avec des piques et tua d'une
manière barbare. Les églises furent pillées, un grand nombre
de prêtres et de moines expulsés. Le roi Venceslas était plein
de colère, d'inquiétude et de ressentiment; mais il ne prit
aucune résolution sérieuse. Il mourut bientôt après (16 août
1419) d'une apoplexie.
Les quatre demandes des hussites. — Leurs divisions.
;j01. Comme le roi Sigisraond, frère et héritier de Venceslas,
combattait les Turcs en Hongrie, la reine veuve Sophie prit la
régence; mais elle n'était pas à la hauteur de sa tâche, car la
révolte prenait chaque jour de nouvelles proportions. Ce ne fut
qu'au mois de décembre 1419 que Sigisraond arriva à ßrünn,
pour recevoir l'hommage des Bohémiens et des Moraves. Les
délégués de Prague s'excusèrent des attentats commis dans la
ville, et Sigisraond s'apaisa. Au lieu de réduire dans Prague
même les rebelles par une attitude énergique et vigoureuse, et
de se mettre promptement en possession de tout le royaume, il
se contenta d'envoyer des ordres sévères contre les hussites, et
se rendit à Breslau pour punir quelques insurgés. Les hussites
se fortifièrent en attendant, construisirent des forteresses, et
recommencèrent la lutte contre les troupes royales. Comme ces
fanatiques ne reculaient devant rien, ils remportèrent plusieurs
victoires sous la conduite de leur vaillant général Zisca, et se
hvrèrent sur les catholiques à des cruautés révoltantes. Des
villes et des villages entiers devinrent la proie des flammes ;
des milliers de personnes périrent par le fer et le feu.
DifTérentes négociations furent entamées ; les rebelles pro-
mirent de se soumettre, si le roi leur accordait les quatre
articles : 1" il serait permis aux prêtres hussites de prêcher
sans entrave dans toute la Bohême; 2° tout chrétien serait
libre de communier sous les deux espèces; 3° les prêtres s'obli-
geraient à ne posséder aucun bien et à vivre dans la pauvreté,
à l'exemple de Jésus-Christ et des apôtres; 4" tout péché mortel
— et on y comprenait l'ivrognerie, le vol et l'acceptation des
honoraires de messes — serait défendu aux clercs et aux
laïques, et puni par l'autorité civile. Le roi rejeta ces demandes,
l'église en face des SCHISMATIQUES Et DES HÉRÉTIQUES, ill
Plusieurs prédicateurs des ordres mendiants allaient si loin
dans leur zèle pour la réforme, que non seulement ils atta-
quaient la curie romaine, mais répandaient encore des opi-
nions hérétiques, notamment le carme Thomas Connecte, sous
Eugène IV; il trouva beaucoup d'écho en France et en Italie,
et finit par être brûlé comme hérétique. En divers pays, on
traçait des peintures malignes et souvent exagérées de la
corruption qui avait envahi l'Église ; quelques-uns y mêlaient
des rêveries apocalyptiques, comme le Suisse Pamphile Gen-
genbach, et, dans une moindre proportion, Berthold, évêque de
Chiemsée, d'ailleurs théologien instruit, en son ouvrage : le
Fardeau de r Église.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 314.
Revocalio Fr. Guidonis, 16 mai i3o4; Natal. Alex., t. XV, p. 197,
cap. m, art. 16, n. 2 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 373. Cette assertion de
Bérenger, cistercien espagnol : « Quae spe mercedis (seternse) liunt,
peccata esse », fut condamnée par l'inquisiteur Raselli, 0. Pr., et par
l'archevêque de Tarragone, 0. S. F.; Eymeric, Direct. Inquis., part.
II, q. XI, p. 266 ; Natal. Alex., loc. cit., p. 199, art. 17, n. 5 ; du Pies-
sis d'Arg., I, I, p. 376. Cf. Trid., sess. VI, c. xxxi, de Juslif. Sur la
perfection dans le sens des bégards, qui appartenaient à la secte du
Libre-Esprit : Conc. Vienn., c. vi (Clem., c. m, lib. V, lit. IIIj. Sur Tho-
mas Connecte, voy. Cosm. de Villers, Biblioth. Carme!., Aurelian.,
1572, II, 814; Gœdecke, Pamphilus Gengenbach, Hanovre, 1856. De
Berthold de Chiemsée (cf. VII, § 365) : Onus Ecclesiœ, c. an. 1519.
Jean "Wesel.
31.^. Jean Wesel (appelé ainsi de son lieu natal, Oberwesel,
sur le Rhin, proprement Ruchrath ou Richrat), fut professeur
de théologie à Erfurt, prédicateur à Mayence et à Worms; il
attaqua violemment la hiérarchie. Il niait la valeur des indul-
gences et du jeune, et enseignait des erreurs sur la prédestina-
tion et la grâce. On lui imputait surtout les propositions
suivantes : 1° Jésus-Christ seul peut interpréter l'Évangile;
toutes les autres explications sont fausses et à rejeter : on ne
doit croire qu'à l'Écriture. 2° Les prédestinés sont inscrits de
toute éternité au Uvre de vie; nulle excommunication ne les en
peut effacer, ni la hiérarchie ni les indulgences n'y peuvent rien.
3° Les commandements de l'Éghse n'obligent point sous peine
V. — - msT. DE l'église. 12
178 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
do péché; les prélats ne peuvent faire aucune loi. 4° Jésus-Christ
ne veut point d'autre prière que le Pater ?ioster: il ne demande
ni fêtes solennelles, ni jeûnes, ni pèlerinages. 5° Le corps de
Jésus-Christ peut être présent dans l'Eucharistie même sans
changement de la suhstance du pain. 6° La forme allongée de
la messe, diflférente de la forme simple des apôtres, est devenue
une chose vraiment onéreuse. 7° On ne doit pas se soucier du
pape ni des conciles.
L'archevêque de Mayence, Dietrich d'isenbourg, lui fit son
procès (1479) sur une plainte déposée par les dominicains de
cette ville, et l'ou interrogea aussi les universités de Cologne et
d'Heidelberg. Wesel fut contraint de se rétracter, et mourut vers
1481, au couvent dos augustins de Mayence. Le chartreux Jean
de Mayence écrivit contre lui.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 315.
J. Wesel, contre les indulgences, et de Auctoritate, Officio et Potes-
tale pastorum Ecclesise; Walch, Monuni. medii cevi, fasc. I, p. IH et
seq., fasc. II; Paradoxa, dans Fascicul. rer. expetend., t. I, p. 325.
Actes de son procès : du Plessis d'Arg., I, n, p. 291-298. Comp. Tri-
theui., Ciiron. Sponh., 0pp. hist., éd. Freher, II, 391 ; Serrar., Rer.
Mogiint. lib. V, Mog., UîOi, p. 144 et suiv., 877.
Jean Wessel.
316. Jean Wessol (fils d'Hermann ou Gansfort), né à Grœnin-
gen en 1419 ou 1420, élevé chez les clercs de la Vie commune,
étudia la théologie à Cologne, lut les ouvrages do Rupert de
Deulz, s'adonna aux éludes classiques et à l'hébreu, enseigna
et disputa à Cologne, Louvain, Paris, Ileid<ïlberg, stgourna à
Rome en 1470 et 1471, puis de nouveau à Paris. Amoureux de
singularités, il fut d'abord réaliste, puis nominalisfe, changea
souvent de point do vue, et essaya ensuite de concilier ses
diverses opinions. Ses admirateurs l'appelaient « la lumière du
monde »; ses adversaires, « le maître des contradictions ». Après
avoir longtemps erré, il mourut en 1489 dans sa ville natale,
laissant de nombreux écrits, dont plusieurs sont perdus et
qut'l(]ues-uns paraissent interpolés. On l'a rangé plus tard
parmi les précurseurs de Luther. Cependant il admettait l'uni-
versalité de la chute originelle (sauf pour Marie), le libre
arbitre, la doctrine de l'Église sur la justification, les sept
l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 179
sacrements, le culte de Marie, le purgatoire. Dieu seul, disait-il,
a le pouvoir propre de remettre les péchés; l'Église ne le peut
qu'en vertu de la puissance qu'elle a reçue de lui; la contrition
parfaite délivre du péché avant la confession, et autres doc-
trines que des théologiens catholiques pouvaient soutenir.
Plusieurs des propositions qu'on lui attrihue, sont équivoques ;
d'autres ont été mal interprétées ou entendues dans un trop
large sens, comme lorsqu'il parle du sacerdoce universel et de la
dignité de l'Écriture sainte. On ne saurait le considérer comme
un véritable hérétique, bien qu'il se soit exprimé maintes fois
d'une façon inexacte et contradictoire. Ses éditeurs (partisans
de Luther et de Calvin) ont souvent falsifié ses ouvrages. La
plupart de ses écrits conservés sont ascétiques. Il admettait
probablement les théories de Constance et de Bàle sur le pape.
La hiérarchie, l'état religieux, les indulgences, le culte des
saints et des reliques, furent aussi combattus par Nicolas
Rusz à Rostock.
OüVBAGES A CONSULTER ET REUABQÜES CRITIQUES SUR LE N° 310.
BuL, Hist. Un. Par., V, 918; Farrago Wesseli, plus tard cum prœfal.
Lulheri, Vileb., 1322. Longs détails dans J. Friedrich, Joh. Wessel, Ein
Bild aus der K.-G. des XV Jahrb., Katisbonue, 1862. Ibid., p. 117 elsuiv.,
Catalogue de ses écrits, tels que : Tract, de oratione, cumDominicae Oratio-
nis explanatione ; — de Cohibendis Cogitalionibus et de Modo consti-
luendarum meditationum ; — Exempla scalœ meditationis fralribus
montis D. Agnetis dedicata ; — de Causis Incarnationis ; — de Magni-
ludine Passionis ; — de Sacramento Eucharistiae (0pp., éd. Gron.,
1614, p. 1-703); Farrago rerum theolog. (p. 711-831); Epistolaî, princi-
palement sur le purgatoire et les indulgencos. Ses écrits en faveur des
noniinalistes semblent perdus, ainsi que de Triduo Christi in sepulcro,
pour Paul de Burgos contre Middelbourg, les Libelli practici in medic;
le Liber notularum de Scripturi.s sacris, etc.; de Dignitate et Poteslate
Eccl.; de Futuro Saîculo. En 1328 déjà, Jean Faber assurait que
Luther et Wessel différaient entre eux sur 31 points; Ullmann (Refor-
matoren vor der Reformation, !, p. 637 et suiv. Anm.) n"a pu réfuter
cette assertion, bien que Luther (lo22j invoquât son témoignage
(Œuvres, voy. ed.Walch, th. xiv, p. 220 et suiv.). Cf. nœUinger, Reform.,
m, p. 4, n. 2. — Nie. Rusz, de Triplici Funiculo. L'ouvrage de Flacius
lUyricus, cité au « Catalogus testium veritatis », a été retrouvé par
Jules Wiggers et publié dans iNiedners Ztschr. f. bist. Tbeol., 1830, II,
p. 171 et suiv.
l80 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.
Jean Pupper de Goch.
317. Un autre Hollandais, .Jean Piipper de Goch, prieur d'un
couvent de nonnes à Malines (mort en 1475), était un ennemi
passionné de la scolastique. Il se crut appelé à ramener le chris-
tianisme à sa pureté primitive. Voici les propositions qu'il
enseignait : 1° 11 n'y a de vraies que les doctrines tirées des
Écritures canoniques et prouvées par elles. 2° Le christianisme,
dénaturé d'abord par son alliance avec la loi mosaïque, l'a été
ensuite en ce qu'on a fait consister la perfection chrétienne dans
la foi sans les œuvres ; 3° par l'influence du pélagianisme, qui
a déclaré le secours surnaturel superflu ; A° par l'obligation
d'un vœu qu'on a prétendu nécessaire à la perfection évangé-
lique. A la prétendue erreur pélagienne des thomistes, il opposa
neuf conclusions sur la liberté de la religion chrétienne, semant
ainsi le germe d'une foule d'autres erreurs.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 317.
J. Pupper, de Libertate christiana, éd. Grapheus, Anlwerp., 1521,
in-4"; de quatuor erroribus Dialogus, Walch, loc. cit., fascic. IV, p. 73
et seq. Cf. I^raef., part. XIII et seq.; Ullmann, die Reformatoren, t. I.
Ruiss'wick. — Symptômes de nouvelles révoltes contre la
foi et l'Église.
318. Un troisième Hollandais, Hermann Ruisswick, alla beau-
coup plus loin et tomba même dans l'incrédulité. Il admet-
i^\ une matière éternelle comme Dieu, niait que les anges eus-
sent été créés par Dieu, rejetait l'enfer et l'immortahté del'àme,
traitait Jésus-Christ de séducteur, d'insensé et de fanatique,
déclarait que la foi chétienne et la Ihble n'étaient que des
fables. Saisi et condamné à abjurer, il continua de répandre ses
erreurs, fut saisi une seconde fois et brûlé à la Haye en 1512.
Déjà se répandait partout une licence effrénée, qui tournait
toutes les choses saintes en dérision. A Paris, en 1503, le jour
de la fête de saint Louis, le nommé Hénion Picard arracha
dans la Sainte-Chapelle l'hostie consacrée des mains du prêtre,
la broya et la foula aux pieds. Jeté en prison, il subit la
peine du feu sans témoigner aucun repentir. En 1507, le
fameux astrologue et magicien George Sabellicus se préten-
dait capable de faire les mêmes miracles que Jésus-Christ. Le
l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 181
chevalier Franz de Sickingen le reçut à Kreuznach et le
nomma maître d'école. Jean Trithème prenait ce magicien
noir pour un dangereux et méprisable imposteur.
Partout se révélaient les symptômes les plus alarmants. Un
autre et fâcheux pronostic pour la société chrétienne, c'étaient
les insurrections des paysans, tels que les loUhards d'Angle-
terre; ils se déchaînèrent en Savoie et en France, au quator-
zième siècle, puis en Allemagne, à la fm du quinzième siècle : —
ils étaient les avant-conreurs d'une époque révolutionnaire qui
menaçait de tout renverser. Vers 1470, Jean Bœhm, de Niklas-
hausen, en vertu d'une prétendue mission qu'il aurait reçue de
la Mère de Dieu, prêchait contre l'avarice, l'orgueil et l'immo-
raUté du clergé, contre les dîmes et autres redevances tempo-
relles, contre la pluralité des bénéfices, et demandait que les
droits de chasse, de pêche, d'affouage, etc., fussent partagés
entre les riches et les pauvres. Des milliers de personnes allaient
l'entendre, jusqu'à ce que Rudolphe, évêque de Wurzbourg, eût
ordonné de le mettre à mort. La semence qui avait été jetée allait
lever plus tard en bien des endroits; la misère, la haine contre
les riches et surtout contre le clergé soulevèrent les couches
inférieures de la société.
OIVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 318.
Bern, a Luxemb., Prateol.; Spondan., an. 1312, n. 37, p. 868; du
Plessis d'Arg., 1, ii, p. 342. llémon Picard, 1303; Massœus, Chron.,
p. 270; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 347. Même chose, 1491 et 1496, ib.,
p. 323 et seq., d'après Massseus, p. 268. George Sabellicus, 1307, ib.,
p. 348, d'après Trithem., ep. ad Job. Vird., lib. II, ep. xlvui. Depuis
1363, on mandait de Savoie que des actes de pillage et de violence
contre les nobles, des mauvais traitements infligés aux femmes et
aux enfants, avaient été commis sous la direction de Jacques Bon-
homme : dans Massœus, Chron., p. 230; du Plessis d'Arg., I, ii,
p. 133 (ex Paralip. ad Chron. Ursperg., p. 284; Hob. Gaguin, lib.
IX). L'Allemagne vit surgir la « Ligue du soulier » (Liga sotularia)-
L'alliance des paysans du village d'Untergrumbach, au diocèse de
Spire (1503), fut particulièrement menaçante : elle réclamait la sup-
pression des autorités, des impôts et des dîmes; la liberté de pâtu-
rage, de chasse et de pèche; obligeait ses membres, qui avaient
pour devise les noms de Marie et de Jean, à prier journellement
pour le triomphe de leur cause. Elle s'empara de Bruchsal, et vou-
lut partager les biens des couvents et des églises. L'empereur Ma.v-
182 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
milien fit prendre des mesures contre eux. Append. ad Chron. Urs-
perg.; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 346 ; Janssen, II, 397 et suiv. Jean de
Niklashausen : Trithem., Chron. Hirs., II, p. 486; du Plessis d'Arg.,
p. 288-290 ; Barack, Hans Bœhm und die Wallfahrt nach Niklashau-
sen im J. 1476 (Archiv des hist, Vereins v. Uuterfr., t. XIV, Würzb.,
1858); Ludewig, Geschichtschr. von dem Bischoffthum Würzburg,
p. 852-855.
TROISIEME EPOQUE.
LES TEMPS MODERNES.
SEPTIÈME PÉRIODE.
De la fin du quinzième siècle au traité de Westphalie (1648).
INTRODUCTION.
DIFFÉRENCE ENTRE LES TEMPS MODERNES ET LE .MOYEN AGE.
Si nous jetons un regard sur les travaux de l'Église parmi
les peuples germains et slaves, et si nous comparons le com-
mencement et la fin de sou activité au moyen âge, nous
verrons des hordes sauvages et indisciplinées se plier à un
ordre social régulier et plus parfait; nous constaterons dans
les intelligences un progrès gigantesque, une transformation,
un renouvellement complet de l'humanité européenne dans
toutes les conditions de la vie, accompli sous la conduite et
l'éducation de l'Église. Le sol avait été cultivé, les marais
desséchés, les forêts défrichées, les ténèbres avaient disparu
partout dans le monde physique et naturel.
Même phénomène sur le terrain moral et intellectuel : les
esprits avaient été éclairés, les cœurs ennoblis; on avait fait la
guerre à l'ignorance, à l'erreur, au vice; la vie des peuples
s'était fortifiée et embellie. L'Europe entière était convertie à
la doctrine de Jésus Christ. Le nouveau monde , avec ses
tribus innombrables de peuples jusque là inconnus, s'ouvrait
aux missionnaires de la croix, et le théâtre de l'activité de
l'Église prenait des proportions inespérées. Les différentes con-
trées de l'Europe étaient parfaitement cultivées, la population
184 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
s'était accrue, le commerce et Tindustrie étaient florissants,
les États bien constitués, les arts et les sciences faisaient
chaque jour de nouvelles conquêtes, leurs résultats devenaient
à la fois plus complets et plus brillants.
L'esclavage, sauf quelques rares vestiges, avait disparu ; le
mariage était sanctifié, la vie de famille constituée. Prêtres et
chevaliers, bourgeois et laboureurs, tous les états s'étaient déve-
loppés et affermis. Comme les familles, les corporations, les
communes s'étaient régularisées, et l'individu se sentait fort
au sein de la masse. Tout se rapportait à la religion, tout
recevait d'elle son élan et sa direction. Les peuples eux-mêmes
formaient une vaste famille sous un chef unique qui leur
servait de père, gouvernait selon la loi de Jésus-Christ, et
d'une main puissante encore écartait les désordres. Un déve-
loppement pacifique, poursuivi sur la base des résultats obte-
nus, devait donner les plus beaux et les plus magnifiques
résultats.
Malheureusement, ce progrès pacifique et normal ne fut
pas accordé aux peuples européens; il fut au contraire entravé
par leur propre faute. La vie même recelait des germes de
mort; de nouvelles luttes, de nouveaux orages se préparaient
alors que les précédents n'étaient pas encore complètement
apaisés, et ils allaient devenir plus graves, plus féconds en
résultats que la plupart de ceux qui avaient éclaté jusque-là.
Déjà avant la fin du moyen âge, des phénomènes étranges
annonçaient une nouvelle ère de tempêtes. Le principe
d'autorité était ébranlé; le chef suprême de la chrétienté avait
baissé dans l'estime générale ; les princes et les peuples, les
grands et les petits n'obéissaient qu'à leur égoïsme, et les
diverses tendances nationales menaçaient l'unité religieuse.
Sans doute, les peuples chrétiens étaient encore unis par des
liens indissolubles, et les destinées d'une nation influaient plus
ou moins sur les destinées d'une autre nation; mais le nœud
((ui les rattachait était purement humain, extérieur, artificiel,
(tétait, par-dessus tout, les avantages et les inconvénients ter-
restres, les progrès de l'activité matérielle, le désir de multiplier
les relations et de favoriser le commerce, qui produisaient entre
les peuples ces rapprochements plus intimes, mais non plus
sincères.
vif PÉRIODE. — INTRODUCTION. 185
Parmi les changements survenus, nous remarquons l'établis-
sement des postes, introduites en France sous Louis XI, en
Allemagne par Maximilien I"; l'invention de la poudre à canon,
qui allait détruire l'ancienne chevalerie et transformer l'art de
la guerre ; la création des troupes soldées et permanentes ,
nouveau fardeau pour les peuples; la découverte de pays
inconnus, qui développa la navigation et le commerce, comme
aussi la passion du lucre et le goût des aventures; l'invention
(le l'imprimerie, qui fut tour à tour l'instrument du bien et
l'instrument du mal, et permit de répandre partout, en un
clin d'œil, les idées qui agitaient les contemporains.
L'ancienne littérature classique, avec son esprit païen et sa
passion de liberté ; les poésies et les romans immoraux, les
satires mordantes des anciens et des modernes, les placards
insurrectionnels, les leçons, les dissertations des agitateurs
politiques et religieux, se répandaient aussi rapidement, plus
rapidement même parmi les différents peuples, que les livres
d'édification et d'enseignement religieux. .Mécoutcnt de l'ordre
actuel, amoureux de nouveautés, on abusait depuis longtemps
des mots de réforme et de uberté; on convoitait le bien d'au-
trui, surtout les riches domaines d'un clergé qui n'était plus
seul maintenant en possession du savoir , et qui, démoralisé
dans plusieurs contrées, était tombé dans l'avilissement. L'es-
prit de révolte contre les papes et les évèques, et bientôt contre
toute autorité; l'attitude effrontée de plusieurs humanistes en
face de la philosophie et de la théologie anciennes ; l'établissement
de l'absolutisme gouvernemental en Angleterre, en France, en
Espagne et en Portugal ; l'affaiblissement de l'autorité royale
en Allemagne, en Pologne, en Hongrie et en Scandinavie :
— c'étaient là autant de symptômes de la corruption qui ger-
mait dans la société, les indices d'une révolution imminente, en
même temps qu'un levier redoutable pour toute hérésie
nouvelle qui éclaterait .
Il semblait, d'une part, que l'engouement de la nouveauté
allait renverser partout les choses anciennes et traditionnelles;
et, d'autre part, une stagnation dangereuse arrêtait le mouve-
ment, et il fallait pour en sortir de vigoureux efforts. L'art et
la science menaçaient de plus en plus de déserter la religion
pour retourner au paganisme classique. L'hostilité de l'État
i86 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
contre l'Église, de la politique contre la morale religieuse, de
la vie publique contre les idées de l'Eglise, se révélait partout,
quoique dans des degrés divers et dans une mesure difTérente,
et posait les fondements d'un âge révolutionjiaire qui tendait au
bouleversement.
Là réside la difTérence essentielle, le trait caractéristique qui
sépare l'histoire moderne de l'histoire du moyen âge. Les
conséquences furent d'une portée incalculable.
Une transformation complète commence avec la grande
hérésie d'Occident, le protestantisme, qui renfermait en germe
la négation de toute tradition religieuse, la répudiation radi-
cale de tous les principes du catholicisme, puis aussi le germe
des révolutions politiques et sociales, dont les conséquences
dernières ne devaient se développer que progressivement.
L'unité rehgieuse fut remplacée par la multiplicité des sectes;
la liberté protégée par l'ordre fit place tantôt à une anarchie
effrénée, tantôt à un despotisme politique qui méconnut toute
liberté de conscience. Une multitude d'ennemis nouveaux,
publics ou secrets, s'élevèrent contre l'ancienne Église : beau-
coup de ses créations, de ses plus splendides cathédrales, de
ses richesses artistiques, furent brutalement anéanties, et, après
des déprédations inouïes, on lui fit à elle-même les plus graves
blessures. L'Église fut à la hauteur des nouvelles attaques, qui
souvent dépassèrent les anciennes; elle continua de se répandre
au milieu des plus rudes persécutions, reconquit par les armes
spirituelles des provinces perdues, remporta de nouveaux et
brillants triomphes sur le paganisme ressuscité et sur l'hérésie
devenue toute-puissante, tandis qu'elle s'appliquait à relever
chez elle ce qui était abattu, à corriger ce qui était défectueux,
et produisait de nouveaux fruits avec une sève qui ne taris-
sait jamais.
Le protestantisme, si redoutable dans son origine, perdit
chaque jour de sa force au dedans comme au dehors, et finit
par n'avoir plus aucune consistance. Beaucoup de ses plus
vaillants champions vinrent S(i réfugier dans l'arche de
salut ; et bientôt, devant la mobilité incessante des opinions
humaines, la répudiation des ancieimes doctrines, on vit se
dessiner deux (/rancis partis : celui des croyants et celui des
incroyants. Quiconque ne veut pas appartenir à ces derniers,
vil' PÉRIODE. — INTR0DLCT1ÜN. 187
est logiquement amené dans le sein de la véritable Église.
L'inconséquence, l'aveuglement spirituel, l'attachement à des
préjugés invétérés, la préférence donnée à des choses acces-
soires, peuvent seuls l'arrêter dans cette démarche, et faire de
lui un allié de l'incrédulité, qui jamais ne se repose.
Ouvrages. A. Auteurs protestants : Schriften und Lebensbes-
chreibungen der Reformatoren und ihrer Schüler, z. B. Leben
und ausgeweehlte Schriften der Begründer der reform. Kirche, Elber-
feld, i837 et suiv., 10 voL — Der luther. Kirche, ibid., 1861 et suiv.,
8 vol. Lœscher, Vollstsendige Reformalions-Acta (1517 et suiv.), Leip-
zig, 1720 et suiv., 3 vol. in-4°. L. W. Tentzel, Hist. Bericht v. Anfang
u. Fortgang der Ref. Luth., Leipzig, 1718, 2 parties. Kapp, Nachlese
zur Reform. -Gesch. nützl. Urkunden, Leipzig, 1727 et suiv., 4 vol.
Strubel, Miscellanea, Nürnb., 1778 et suiv., 6 livraisons, et Beitraege
zur Literatur, 1784 et suiv., 2 et ö vol. Wagenseil, Beitr. z. Gesch. der
Reform., Leipzig, 1829. Foerstemann, Archiv für Gesch. der Reform.,
Halle, 1831 et suiv., et Neues Urkundenbuch, Hamb., 1842. Seide-
mann, die Reform. -Zeit in Sachsen, Dresde, 1846 et suiv., 2 pet. vol.
Johannsen, die Entwicklung des prot. Geistes, eine Sammhmg der
wichtigsten Documente vom Wormser Edict bis zur Speierer Protestat.,
Copenhague, 1830. Neudecker, Urkunden aus der Reform.-Zeit, Cas-
sel, 1836 et suiv., et Actenstücke, Nürnb., 1838. Chr. Scheueis, Brief-
buch, Beitr. z. Gesch. d. Reform., publié par Fr. v. Roden et Knaak,
Potsdam, 1867-72, 2 vol. Spalatini, Annal, reform, (jusqu'en 1543), ed.
Cyprian, Lips., 1718. Sleidanus (mort en 1556), Comment, de statu
relig. et reipubl. Carolo V Cses., Argentor., 15ö5, 1556 et souvent.
Contin. usque ad an. 1364, Londorpius, Francof., 1619, 3 t. in-4'>,
annot. ülustr. a Chr. Car. am Ende, ibid., 1783, 3 part. Sculteti,
Annal, (jusqu'en 1530), Francof., 1717. Frid. Myconius (mort en 1546),
Hist. Reform. (1318-1542), aus des Autors Autogr. mitgetheilt und
erlseutert von E.-S. Cyprian, réimprimé à Leipzig, 1718. V. d.
Hardt, Hist. liter. reform., Francof. et Lips., 1717 et seq., avec Scul-
teti Annal. Hortleder, Handlungen und Ausschreib, von den Ursachen
des deutschen Krieges (jusqu'en 1553), Frankf., 1617 et suiv., 2 vol.
in-f°. Seckendorf (mort en 1692), Comment, hist. et apolog. de Luthe-
i-anismo, Francof. et Lips., 1688, 1692, in-f°, contre Maimbourg (jus-
qu'en 1346). J. Basnage, Hist. de la religion des ÉgUses réformées,
Rotterd., 1690, 2 t. in-12; la Haye, 1723, 2 t. in-4°, contre Bossuet,
Hist. des variât. Dan. Gerdesii (mort en 1763), Introductio in hist.
Evang. renov., Groening., 1744-32, 4 t. Hottinger, Helvet. K.-G.,
Zürich, 1708 et suiv., 4 vol. in-4°. BuUinger, Ref.-Gesch. (jusqu'en
1536), éd. Hottinger, Frauenfeld, 1838-40, 3 vol. Ruchat, Hist. de la
188 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Réf. de la Suisse, Genève, 1727 et seq., 6 t. in-12. Beausobre, Hist. de la
Réf. (jusqu'en 1530), Berlin, 1785, 3 t. D. Winzenberger, Wahrhaft.
Gesch. V. 1500-1583, Dresde, 1583, in-4°. De Thou, Hist. sui temporis
(1543-1607), Francof., 1625, 4 t. in-f°, et souvent. Salig (mort en 1719),
Vollst. Historie der Augsb. Confession (1517-1562), Halle, 1733-35, 4
part, en 3 vol. Planck, Gesch. der Entstehung, Verfenderung und Bildung
des prot. Lehrbegrilïs bis zur Concordienformel, Leipzig, 1791-1800,
6 vol. Marheineke, Gesch. der deutschen Ref. bis 1535, 2 vol., 1817,
1831 et suiv. (extrait d'après Seckendorf). Woltmann, Gesch. der
Reform, in Deutschland, Altona, 1801, 1817, 3 part. Carl Adolph
Menzel (mort en 1855), Neuere Gesch. der Deutschen von der Reform,
bis zur Bundesacte, Breslau, 1826 et suiv., 12 vol.; 2« éd., 1854 et
suiv., 6 vol. (plus impartial et plus objectif que d'autres protestants).
L. Ranke, Deutsche Gesch. im Zeitalter der Reform., Berlin, 1839 et
suiv., 5 vol., en 4 édit. Sa^mmtl. Werke, Leipzig, 1867 et suiv., t. I-VI
(voy. sur lui Hist. -pol. Bl., t. IV, p. 540 et suiv., 654 et suiv.; Wiener
Jahrbücher, 1841, t. XCHI-XCVI). Hœuser, Gesch. des Zeitalters der
Reform., ed. v. Oncken, Berlin, 1868. Hagenbach, Vorles. über das
Wesen und die Gesch. der Reform., Leipzig, 1834-1843, 6 vol. Hagen,
Deutschlands lit. u. relig. Verf. im Reformationszeitalter, Erlangen,
1841 et suiv., 3 vol. Dorner, Gesch. d. prot. Theol. bes. in Deutsch-
land, Munich, 1867. Schenkel, das Wesen des Protestantismus, Schatf-
house, 1844-51, 3 vol. Merle d'Aubigné, Histoire de la réforme du
seizième siècle, Paris, 1835 et suiv.; édit. allem., par Elberfeld, 5 vol.
Robertson, Hist. of the emp. Charles V, Lond., 1769, 3 t. in-4'> ; en
allem., Renier, Braun.schweig, 1792-94, 3 vol. J.-G. Eichhorn, Gesch.
der drei letzten Jahrhunderte, Hanovre, 1817 et suiv., 6 vol. Heeren
u. Uckert, Europ. Staatengesch. J. Matth. Schrœckh, Christi. K.-G.
seit der Reform., Leipzig, 1804 et suiv., 10 parties.
B. Auteurs catholiques : Job. Cochlaeus (mort en 1552), Com. de actis
et scriplis Lulberi, Mogunt., 1549 (Cf. M. de Weldige-Cremer, de Job.
Cocbl. vita et scripti^, Monast., 1865). Surius, 0. Carth. (mort en 1578),
Chronicon ab an. 1506 usquc ad 1566, Colon., 1567, continué jusqu'en
1573 (contre SIeidan). Siméon Fontaine, Hist. cath. de notre temps
touchant l'état delà religion chrét., contre l'Hist. de S. SIeidan, Antw.,
1558. Roveri Ponlani (carme à Bruxelles), Vera Narratio rerum ab an.
1500 usque ad an. 1559 in republ. christ, memorabiliuin, Colon., 1559,
in-f». Ulenberg (protestant, puis catholique, mort eu 1597, curé de
Cologne), Vitœ btcresiai'charum Luthcri, Melanchthonis, Majoi'is, lUy-
rici, Osiandri, et Causœ graves et justa; cur catholicis in communione
veteris ejusquc veri cbristianismi coustanter... perniancndum sit.
Colon., 1589. Ces deux ouvrages en allemand ])ar Kerp, Mayeucc,
VII'' PÉRIODE. — INTRODUCTION. IHW
1833, 1836. Kilian Leib (prieur des chanoines de Saint-Augustin, ù
Rebdorf, mort en iööS), Hist. «ui temporis, V" part., jusqu'en 1.Ö23, éd.
d'Arétin, Beilr. z. Gesch. u. Literatur, t. VII et VIII; IP part., 1524-
i548, éd. Dœllinger, Materialien zur Gesch. des XV und XVI Jahrb., Ra-
tisbonne, 1863, t. II, p. 44.t et suiv. Paul. Jovius, Hist. sui temp., 1498
et seq., 1521-1Ö27, Flor., 1548, lööO et seq. Guicciardini iVI, 1)
Adriani, Istoria dei suoi tempi (1 536-1 ö73j, Fir., 1583; Venezia, 1587,
3 vol. in-4°. Marco Quazzo, Hist. di tutti i fatti degni della memoria
nel mondo successi dal 1524 sino all' an. 1549. In Venezia, 1540, in-8°;
1549, ia-8". Guil. Paradini Burgundi (mort après 1581), Mémorise nos-
trae libri IV (1515-1544), Lugd., 1548 et seq. Rayn., Annal, eccl., an.
1517 et seq. Bossuet, Hisl. des variations des Églises prot., Paris, 1688,
2 t. in4°; 1734, 4 t.; nouvelle édit. des Œuvres de Bossuet, Paris, 1836,
t. V, VI, avec la Défense contre Jurieu et Basnage (en allem, par Mayer,
Munich, 1825, 4 vol.). Maimbourg, S. J., Hist. du Luthéranisme, Paris,
1680, et Hist. du Calvinisme, Paris, 1682. Varillas, Hist. des révolu-
tions arrivées dans l'Europe en matière de religion, 2^ édit., Amst.,
1689 et seq., 6 vol. Jean Machault, S. J., Notatioaes in Thuani hist.
libr. auctore J. B. Gallo J. C, Ingolst., 1624, in-4°. Ign. Schmidt,
Gesch. der Deutschen, Ulm et Vienne, 1775 et suiv., part. V-XI. Herrn,
i. Schmitt, Versuch einer philos.-hist. Darstellung der Reform.,
Sulzb., 1828. Hortig, Hdb. der K.-G., continué par J. Dœllinger,
Landshut, 1828, II, 2. Kaspar Ritfel, Christi. K.-G. seit der groszen
Glaubens und Kirchenspaltung, Muyence, 1841 et suiv., 3 vol. Boost
die Reform, in Deutschland, Ralisbonue, 1843 (E. v. Jarke). Studien
und Skizzen zur Gesch. der Reform., Schaü'house, 1846. Jcerg, Deuts-
chland in den Revolutionsperioden, 1522-1526, aus diplomatischen
Correspondeuzen, Frib., 1851. Fr. v. Buchholz, Ferdinand I", Vienne
1832 et suiv., 9 vol. Ilurter, Ferdinand II, Schaffhouse, 1830 et suiv.
Werner, Gesch. der kath. Theol. in Deutschland, Munich, 1866. Cesare
Cantù, Hist. univ., trad. allem., Schaffhouse, 1857, t. IX, X. Huo-o
Lsemmer a donné comme protestant : « Vortrident. kath. Theolof^ie
des Reformationszeitalters » (Berlin, 1858), fourni après sa conversion
de nombreux matériaux puisés aux sources, dans les Analecta Romana,
SchaÖ'house, 1861 ; dans les Monumenta Vaticana HE. sœc. XVI, Frib.,
1861, et dan? les Beiträgen zur K.-G. des XVI u. XVII Jahrh, Frib., 1863,
Dœllinger, dans les Materialien, 1. 1, Ratisbonne, 1862, aus span. Archi-
ven Documente von Carl V und Philipp H; puis t. II, 1863, dieAnnalen
des Kilian Leib : tous deux sout remplis de fautes d'impression. Dans
son grand ouvrage : La Reformation, son développement intérieur et
ses résultats, Ratisbonne, 1846 et suiv., 3 vol. ^Paris,Gaume), il a longue-
ment reproduit les témoignages de Luther et de plusieurs luthériens.
190 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Introduction. — Ritter, K.-fi., VI, A. II, p. 142 et suiv. Mœhler,
Abhdlg. über den Zustand der Kirche im XV und zu Anfang des XVI
Jahrb., Ges. Sehr., II, p. 1-33. Grœne, Zustand der Kirche Deuts-
chlands vor der Reform., Tab. Quartalschr., 1862, I, p. 84-138. Tira-
boschi (VI, § 223), t. XII et seq. Janssen (VI, § 186). — H.-A. Erhard
et K. Hagen (VI, §§ 223, 227). Ranke, Rœm. Paepste, I, p. 33 et suiv.
CHAPITRE PREMIER.
LE PROTESTANTISME.
Orijjfiue et foriiiatiou première du proteslantisnie. — llouvement
relig'ienx produit en ^^lleniagfne par LiUther.
Luther et ses premiers agissements.
1. Martin Luther, né le 10 novembre 1-483, à Eisleben, était
le fils d'un mineur. Destiné par sou père à l'étude du droit, il
s'y prépara à Magdebourg et à Eisenach, étudia dès 1501 à
l'université d'Erfurt la dialecfitpie et la philologie latine, et
obtint en 1505 le grade de docteur. 11 fit ensuite des cours sur
la physique et la morale dWristote. Dans un moment de subite
frayeur et sous l'empire d'une crainte violente de la mort —
un do ses amis venait d'être frappé de la f(Midre à ses côtés —
il fit vœu d'embrasser l'état religieux, et entra, contre le gré de
son père, au couvent des ermites de Saint-Augustin d'Erfurt.
Vu sa qualité de docteur, le vicaire provincial, Jean rie Staupilz,
l'affranchit prématurément des occupations humiliantes, des
ouvrages manuels des novices, et Luther fit profession avant le
terme voulu. Ordonné prêtre en mai 1507, il étudia l'Écriture
sainte en se servant des commentaires de Nicolas de Lyre et
des œuvres de saint Augustin. Son supérieur l'y encourageait.
En 1508 déjà, sur la proposition du même Staupitz, Frédéric,
prince électeur de Saxe, le nommait professeur de dialectique
et de morale à l'université qui venait d'être érigée à Witten-
berg; l'année suivante (1509), Luther était employé à rensei-
gnement de la théologie, pour laquelle il montrait plus d'incli-
nation, il s'adonnait aussi à la prédication.
LE PROTKSTANTISME. 101
Luthor fit en 1510 le voyage de Rome pour y régler des
affaires de son ordre, visita avec piété les sanctuaires de la
ville, mais fut scandalisé, dit-on, de l'incrédulité de plusieurs
ecclésiastiques. La vérité est qu'il n'eut point de relations in-
times avec le clergé de Rome, et cette accusation ne reposait
que sur des rumeurs. L'orgueilleux augustin, le professeur de
Wittenberg, se sentit blessé d'avoir passé inaperçu dans la
grande ville. Promu docteur en théologie (par Carlstadt) après
son retour (octobre lai 2), il se mit à expliquer le Psautier, les
Épîtres aux Galates et aux Romains. Il édita en 1516 la
Théologie allemande (VI, § 220), ce « magnifique et inappré-
ciable opuscule », vers lequel il se sentait attiré, moins par le
mysticisme panthéiste que par les conséquences qu'il en
tirait relativement k l'absence de libre arbitre dans l'homme
et à l'efficacité unique de la volonté divine.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 1.
M. Lutheri 0pp. lat., Viteb., loî^o et seq., 7 vol.; -Jen., 1556-58, 4 vol.
in-f". Œuvres de Luther, en allem., Wittenb., 1539 et suiv., 12 vol. in-f°;
léna, 1553 et suiv., 8 vol. in-f". Ajoutez deux volumes de suppléments,
par Aurifaber, Eisleben, 1564 et suiv. Édition d'Altenbourg des ouvrages
allemands, par Sagittarius, 1661-1664, 10 vol. Volume de supplément
pour toutes les anciennes éditions (par Zeidier), Halle, 1702. Édition de
Leipzig, 1729-1740 et suiv., 22 vol. Édition de Halle, par J-G. Walch,
1704-1752, 24 part, in-4", dont les parties XV-XVH renferment
des documents pour la Réforme (ces deux dernières éditions ne don-
nent le? ouvrages latins qu'en traduction allemande). Œuvres de Luther
publiées dans les deux langues originales, éd. Plochmann et Irmischer,
Erlang, et Frankf., 1826-1836, 67 vol. in-8° (comp. Irmischer, Kurze
Gesch. der Gesammtausgabe von L. W. Ztschr. für Protest, und K.,
18.50, I). L'édition de Francfort des Œuvres allemandes de Luther, par
Heyder et Zimmer, revue par Irmischer, Enders et autres, a donné, t.
I-XX, les écrits homilétiques, 1826 et suiv., 2'" éd. corrigée; t. XXI-
XXXII, les écrits catéchétiques ; t. XXXIH-LII, les éci'its exégétiques: t.
LIII-LXVII, les autres ouvrages en allemand, avec des tables. L'édition
entière, avec les ouvrages latins, comprend 105 vol. On a fait de nom-
breuses éditions des ouvrages séparés (souvent expurgés). Luthers
Briefe. Sendschreiben und Bedenken, éd. de Wette, Berlin, 1825-28, 5
pari. Supplément, par le Dr. Burkhardt, Leipzig, 1866. — Mélanchthon,
Ilist. de vita et actis Lutheri, Vitemb., 1546; Vratisl., 1817 (très défec-
tueuse). Matthésius (depuis 1845 prédicateur dans le Joachimsthal, mort
192 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
en <564), Historien von des ehrw. Lutheri Anfang, Lehren, etc., Nürn-
berg, 1565. M. Anton Lauterbacbs, diacre à W'ittenb., Tagebuch auf das
Jahr 1538 aus der Handschrift herausgegeben von J.-K. Seidemann,
Dresde, 1872. J.-A. Fabricius, CentifoHum Luth., seu Notitia Ht. scrip-
toruffii de Luthero editorum, Hamb., 1728. Keil, Merkwürdige Leben-
sumsteede Luthers, Leipzig, 1764, 4 part. Uckert, Luthers Leben, Gotha,
1817, 2 voL Spieker, Gesch. Luthers, Berlin, 1818 (t. 1, jusqu'à 1521).
Ledderhose, Luther nach seinem iimeren und œuszeren Leben, Spire,
1836. Plizer, Leben Luthers, Stuttg., 1836 (complètement idéahsé).
Stang, Leben Luthers, 1838. .laeckel, Leben und Wirken Luthers im
Lichte unserer Zeit, Leipzig, 1840 et suiv. Maurer, Luthers Leben,
Dresde, 1842. Jürgens, Luther v. s. Geburt bis zum Ablaszstreit, Leipzig,
1846,4 vol. Schenkel, die Reformatoren (Luther, Zwingle, etc.), Wiesb.,
1856. Vogel, Bibliotheca biographica Lutherana, Lips., 1851 (instruc-
tif). Neudecker, Ratzenbcrgers (mort en 1558) handschriftl. Gesch.
iiber Luther, léna, 1850 ; de Sybel, Neuere Erscheinungen der Luther-
liter., dans son liist. Ztschr., 1872 , t. XXVH. J. Kœsllin, M. Luther, Sein
Leben u. s, Schriften, Elberfeld, 1875, 2 vol. Auteurs catholiques : voy.
Cochlœus, Ulenberg (ci-dessus, B); Pallavicini, Ilist. Conc. Trid., lib. I,
c. IV, n. 2; J. Gœrres, Luthers Werk und Luthers Werke (Catholique,
1827). Luther. Ein Versuch zur Lcesung eines psycholog. Problems
(Hist.-pol. Bl., 1838 et suiv., t. 11, p. 249-271, 313-329; t. IH, p. 193-
204, 275-285). Audin, Hist. de la vie, des écrits et des doctrines de
Martin Luther, Par., 1839, 2 vol., 2« éd., 1841 ; en allem., Augsb., 1843.
DœUinger, Luther. Eine Skizze (tirage à part du Freib. Kirchen-Lexi-
kon, t. VI, p. 651 et suiv.), Frib., 1831, et son ouvrage : die Ref.
(Regensb., 1848), t. Hl, p. 9 et suiv. Janssen, II, p. 67 et suiv. Les
registres d'Erfurt portent : « Martinus Luder ex Mansfeldt. » Uckert,
op. cit., p. 67. — Voyez encore Kampschulte (VI, § 211). Pasig,
Job. VI, Bischof, v. Meiszen, Leipzig, 1867. Sur Staupitz, voy. J.-F.
Knake, Job. Staupitii Opp., quöe reperiri potuerunt, Potsd., 1867 (du
même, les Traités de l'amour de Dieu et de la véritable foi chrétienne,
le Petit Livre du Christ, 1315).
Théorie de Luther sur la justification.
2. Déjà Luther s'était écarté de l'enseignement général de
l'Église sur le point important de la justificatiou de l'homme.
En 151 G, la doctrine qu'il enseignait et qui contenait en germe
toute la théorie qu'il allait échafauder dans la suite, avait donné
déjà occasion de parler d'une théologie nouvelle et erronée.
Dans son état d'abattement et d'inquiétude, fruit d'un ascétisme
LE PKOTESTANTISME. 193
stérile et d'un esprit violemment surexcité, dans son découra-
gement voisin du désespoir et qui allait le précipiter dans la
manie de dénaturer des pensées et des sentiments vrais en soi,
il crut qu'il ne trouverait de repos que dans une doctrine selon
laquelle tous les efforts de l'homme (devenu entièrement mau-
vais par le péché originel) pour atteindre à la sainteté étaient
en pure perte, qne Dieu justifie l'homme par la justice de
Jésus-Christ, que cette justice couvre nos péchés, et que nous
nous l'approprions par la foi.
Ainsi disparaissent toutes les angoisses de la conscience; on
ne demande plus à l'homme que de s'avouer coupable et de se
confier en Dieu. Voilà ce que Luther croyait avoir clairement
aperçu dans les Épîtres de l'apôtre saint Paul. C'était là, selon
lui, ce que signifiait l'abolition de l'ancienne loi. 11 se plongeait
de plus en plus dans cette doctrine, qui semblait lui offrir la
solution de toutes les énigmes de la vie religieuse. Il n'en
démêlait pas encore nettement les conséquences, mais il y
voyait la pierre de touche de tous les dogmes et de toutes les
institutions de l'Église, et il arriva successivement à rejeter
comme contraire à l'Écriture tout ce qui ne cadrait pas avec
son imputation de la justice {justitia impiUata). Il débuta en
attaquant la doctrine et l'usage des Indulgences.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 2.
Dœllingev, dans son Esquisse et Réformation, III, p. 9 etsuiv., 31
et suiv., 173 et suiv. Comp. Kattenbusch, Luthers Lehre vom unfreien
"Willen und von der Prädestination nach ihren Entstehungsgründen,
Goettingue, 1876.
Publication des indulgences sous Léon X. — J. Tetzel.
3. Le pape Léon X, désireux d'achever l'église de Saint-
Pierre à Rome, dont Jules II avait posé la première pierre
en 1506, publia en lol-4, conformément à l'usage traditionnel,
une indulgence accompagnée de plusieurs faveurs spirituelles.
La bulle, promulguée en 1515 et 1516 dans les différents pays,
était absolument conçue dans les formes accoutumées. Albert,
archevêque de Mayence et de Magdebourg, et en même temps
évêque d'Halberstadt, fut nommé premier commissaire pour une
partie considérable de l'Allemagne; il chargea plusieurs sous-
V. — UIST. DE l'église. 13
194 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
commissaires, entre antres le savant dominicain Jean Tetzel,
(le publier l'indulgence, et il leur donna, ainsi qu'aux confes-
seurs, des instructions précises. Il n'est nullement prouvé que
ces instructions aient été dépassées, ni que Tetzel et ses com-
pagnons de l'ordre des frères prêcheurs, si calomniés alors,
se soient rendus coupables des excès dont la haine de parti les
a accusés. Leurs sermons, qui nous sont parvenus, et les autres
témoignages les justifient complètement.
11 est vrai que la publication des indulgences avait déjà ren-
contré plus d'une opposition, mais la résistance venait le plus
souvent de l'égoïsme, elle ne s'attaquait point à la doctrine de
l'Église; tout récemment encore des indulgences avaient été
demandées et accordées en Allemagne dans des circonstances
beaucoup moins importantes, sans qu'il en fût résulté aucun
scandale; du reste, il n'avait jamais été défendu de s'élever
contre les malversations de prédicateurs isolés. Mais les domi-
nicains étaient alors jalousés par d'autres ordres et souvent
attaqués devant la multitude : ces ordres supportaient avec
peine de se voir privés des indulgences qu'ils avaient eues
autrefois; les augustins surtout, dont le couvent de Witten-
berg, encore inachevé, pouvait en souffrir, étaient, pour des
opinions d'école et comme amis des humanistes, hostiles aux
frères prêcheurs et aux sermons que ceux-ci faisaient sur les
indulgences. Plusieurs princes et évêques les voyaient égale-
ment de mauvais œil,
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 3.
Bulle de Léon X : v. d. Hardi, Hist. lit. réf., Francof., llil, t. IV,
p. 4. Cf. Pallavic, loc. cit., 1, c. ii, n. 6. Sur l'archevêque Albert,
voy. Hennés, Albrecht von Brandenburg, Erzb. von Mainz und Mag-
deb., Mainz, 1838 ; J. May, der Churfürst, Card. u. Erzb. Albrecht II
mit 82 Urkunden und Beilagen, Munich, 1866. L'archevêque a été
célébré dans une pièce de vers par George Sabinus, gendre de
Mélcinchthon ; Hulten, ép. à Jules Ptlug, du 23 août 1318, l'appelait son
protecteur et celui de Reuchlin, « decus principum ». Albert choisit
lui-même les dominicains pour prêcher l'indulgence : Pallavic, I, ni,
6-8. L'instructio sumraaria pro subcommissariis, pœnitentiariis et
confessoribus, dans Lœscher, Beform. -Urk., I, p. 388; II, p. 232, 292.
Œuvres de Luther, éd. Walch, XV, p. 371 et suiv. Nous avons trois
biographies de Tetzel par des protestants : 1' celle de Gottfried Hecht,
LE PROTESTANTISME. 195
Disputatio de vita Joh. Tetzelii nundinatoris sacri, Vitemb., 1707; Vita
Joh. Tetzelii quœst. s., ib., 1717; 2° celle de Jak. Vogel, prédicant près
de Leipzig : Leben des pœpstl. Ablaszpredigers oder Ablaszkrœmers J.
T., Leipzig, 1717 et 1727 ; 3" celle de Fr. Gottl. Hofmann (c'est-à-dire,
Christophe Schreiber), Leipzig, 18i4. Du côté des catholiques, Tetzel
n'a presque pas été défendu ; on a presque toujours admis sans exa-
men les renseignements fournis sur lui par les protestants, notamment
par Ritter dans son Histoire de l'Église, II, p. 139 (6'= éd.). Ce prédi-
cateur tant calomnié na été défendu que dans les « Lettres familières
de deux catholiques sur la querelle des indulgences du docteur Martin
Luther contre le docteur J. Tetzel » (Francfort-sur-Ie-Mein, 1817, en
allem.). Il a été justifié à l'aide de documents par Val. Grœne, Tetzel
und Luther oder Lehensgesch. und Rechtfertigung des Ablaszpredi-
gers imd Inquisitors D. J. Tetzel, Soest imd Olpe, 1833 (2« éd., 1860).
Voy. ibid., p. 231 et suiv., 1"= éd., les documents du conseil de Halle,
du 12, et de l'augustin .Jean Pals, du 14 déc. 1317, en faveur de Tetzel.
Voy. encore p. 90 et suiv., 176 et suiv. Vers 1300, les princes électeurs
s'étaient prononcés contre le mode habituel de publier des indul-
gences ; il devint l'objet des « Gravamina imperii ». Maximilien I""",
dans sa réponse, avait négligé ce point (Pallavic, I, ii, 7). Le produit
des indulgences devait, d'après le décret de 1310, demeurer en Alle-
magne, et l'empereur s'employa dans ce but. L'évèque Jean de Meissen
refusa l'entrée de son diocèse aux prédicateurs d'indulgences; il en fut
de même à Constance. Sur les objections admissibles contre les indul-
gences, voy. Pallavicini, loc. cit., n. 8, 9. Ce mode d'annoncer les in-
dulgences n'avait pas été attaqué précédemment. Jean XXII, en 1319,
avait accordé une indulgence de quarante jours pour la construction
du pont de Dresde ; Martin V (1426), une indulgence pour le pont de
Sobernheim; en 1491, les princes de Saxe, à défaut d'autres res-
sources, avaient obtenu pour vingt ans une indulgence en faveur de la
chapelle et du pont de l'Elbe, près de Torgau (Grœne, p. 234-237) ;
Jules II l'avait renouvelée ; le même pape, en 1304, avait publié une
indulgence en faveur des chevaliers allemands de Prusse, serrés de
près par les Russes et les Tartares. Tetzel, qui avait déjà prêché avec
succès à Zwickau, pour le jubilé prescrit en 1300 par Alexandre VI,
l'annonça en Prusse, dans le Brandebourg et en Silésie. De mars à
juillet 1310, il prêcha à Annaberg, sur la demande spéciale du duc
George, l'indulgence approuvée pour Torgau. Quant à l'électeur Fré-
déric, il ne permit la publication de la nouvelle indulgence de Léon X
qu'après que l'empereur l'y eut invité par ordonnance du 27 août 1317
(Lœscher, I, p. 388). Sur la jalousie des augustins : Pallavic, I, iv. 1 ;
Serrar., Rer. Mogunt., lib. V, p. 883 ; Grœne, p. 28 et suiv.
196 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Thèses de Luther contre les indulgences.
4. Le P. Telzel, qui avait prêché avec beaucoup de zèle et
de succès dans le territoire de Magdebourg, d'Halberstadt, de
Brandebourg et de Leipzig, se rendit dans le voisinage de
Wittenberg, à Jiiterbogk, où il attira un grand concours de
peuple, tandis que les églises de Wittenberg, notamment celle
de Tous-les-Saints, si fréquentée jadis, semblaient demeurer
vides. Luther et ses amis, après s'être concertés dans la pré-
vôté de Kemberg avec le prévôt Ziegelhain et d'autres, imagi-
nèrent un moyen qui, en affaiblissant le crédit des dominicains,
devait arrêter pour longtemps le succès de la prédication des
indulgences, empêcher d'en percevoir les aumônes à Witten-
berg, plaire au prince électeur de Saxe, contenter la jalousie
de beaucoup d'établissements et de monastères, et intéresser le
monde savant adonné aux études humanistes. Ce moyen fut la
rédaction de quatre-vingt-quinze thèses sur les indulgences,
qui devaient être publiquement soutenues par Luther, leur
auteur, contre les prédicateurs d'indulgences.
Le samedi 31 octobre, veille de la Toussaint, Luther les
afficha lui-même, en allemand et en latin, à l'église du château
et de l'université de Wittenberg, et les fit répandre dans les
alentours. Plusieurs, sous une apparence d'orthodoxie, étaient
très captieuses ; d'autres montraient plus clairement que
Luther s'écartait de la doctrine catholique. Les attaques contre
le pape et contre les indulgences étaient voilées, mais propres
à séduire une multitude facilement irritable. Ses propositions,
souvent burlesques et dérisoires, se contredisaient entre elles.
Les protestations d'attachement à l'Eglise étaient là pour sauver
les apparences.
Quelque motif rpie pussent avoir les amis de Luther pour
l'enhardir dans ses attaques contre les prédicateurs des indul-
gences, il est certain qu'en agissant ainsi Luther obéissait
complètement à sa manière de voir. La doctrine de l'Eglise sur
les indulgences était incompatible avec ses idées sur la satis-
fa'tion do Jésus-Christ imputée à tous les hommes, sur la
valeur des bonnes œuvres, sur le mérite et sur la foi. Déjà,
dans ses sermons, il s'était escrimé contre les commissaires des
indulgences; déjà il avait attaqué la théologie scolastique, ainsi
LE PROTESTANTISME. 197
qu'« Aristote », et rompu avec la tradition de l'Église au point
de déclarer que la Bible seule suffisait.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 4.
Les 95 thèses de Luther, en quatre sections, dont les trois premières
contiennent chacune 25 propositions et la dernière 20, étaient impri-
mées sur une feuille grand in-folio, à deux colonnes. Texte dans
Lcescher, Reform. -Acta, I, p. 367 et suiv.; L. W., éd. Walch, XVIII,
p. 255 et suiv., d'après l'original de Berlin, dans Ranke, Ssemmll.
W., VI, p. 80-85. Critique des thèses, dans Riffel, I, p. 32 et suiv.;
2« éd., p. 65 et suiv.; Pallavic, I, iv, n. 3-10. On était surtout scanda-
lisé des propositions suivantes : Les indulgences ne remettent pas
d'autres peines que celles qui sont imposées par l'Église (th. v, xx,
xxxiv) ; le trésor d'où elles sont tirées, ce ne sont pas les mérites de
Jésus-Christ et des saints (th. lviii) ; pour les défunts, il n'y a pas d'in-
dulgences (th. VIII, xui); on ignore si toutes les âmes veulent sortir du
purgatoire (th. xxix) ; la peine du péché et la vraie pénitence consistent
à se haïr soi-même (odium sui, th. iv) ; le pape, en remettant la dette,
se borne à déclarer qu'elle est remise par Dieu même (th. vi, xxxvin) ;
les âmes du purgatoire, sous l'empire d'une crainte voisine du déses-
poir, incertaines de leur salut, peuvent augmenter leur charité et leur
mérite (th. xv, xvi, xviii, xix). Voy. d'autres déclarations de Luther
dans Lcescher, I, p. 340 et suiv., 700 et suiv., 761, 807, 834; Riffel, I,
p. 42; Grœne, p. 31-47.
Polémique sur les indulgences.
5. Luther, en affichant ses thèses audacieuses, était loin
d'être rassuré : il les envoya, avec des dédicaces, à l'archevêque
de Mayence et à l'évêque de Brandebourg, Jérôme Scultetus.
Personne ne se trouva à la conférence qu'il avait annoncée.
Tetzel se rendit à Francfort-sur-l'Oder, auprès de son bien-
aimé maître Conrad Wimpina, pour y prendre les degrés
théologiipics et se trouver à la hauteur de Luther. Il y soutint,
avec beaucoup de force et de pénétration, cent six antithèses
sur la pénitence et les indulgences. Pendant le carême de 1518,
Luther publia, surtout en vue du peuple, une nouvelle disser-
tation — vingt articles sur les indulgences et la grâce — où
il montrait plus de calme et de modération, flattait les huma-
nistes, et rejetait la division de la pénitence en trois parties,
contrition, confession et satisfaction, adoptée par Tetzel. Celui-ci
eu écrivit une savante réfutation, et soutint en outre cinquante
198 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
thèses sur le pouvoir du pape, afin d'amener sou adversaire à
déclarer s'il reconnaissait encore, oui ou non, l'autorité du
Saint-Siège. Luther n'entra point dans cette voie; il se con-
tenta de faire une réponse acerbe et injurieuse à la réfutation
de Tetzel sur les indulgences et sur la grâce.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 5.
Luther à Albert de Mayence, 31 oct. 1517 : Lœscher, I, p, 473;
Grœne, p. 62 et suiv. Sa réponse : Œuv, de Luther, éd. Walch, XV,
p. 1640. Luther à Jérôme Scultetus, 22 mai 1518 : Lœscher, II, p. 173.
Autres démarches de Tetzel : Grœne, p. 71 et suiv. Les 106 antithèses
de Tetzel : Lœscher, I, p. 484 et suiv. Cf. Riffel, I, p. 36 et suiv.;
2= éd., p. 71 et suiv.; Grœne, p. 81-88. Plusieurs, croyant Tetzel inca-
pable, attribuèrent les antithèses à G. Wirapina (Œuv. de Luth.,
XVII, p. 28 ; Lœscher, II, p. 207 ; I, p. 484) ; mais elles sont certaine-
ment de lui (Grœne, p. 74-81). Sur Wimpina, né à Buchen, inhumé
au couvent d'Amorbach en 1531, voy. Mittermüller (Catholique, 1869,
I, p. 641-682; II, p. 129-163). Tetzel fut combattu par im jeune fran-
ciscain, Jean Knipstrow (mort en 1336 surintendant général de Rü-
gen et de la Poméranie antérieure), et par le cistercien Christian
Kelelholdt, de Poméranie (mort en 1523 pasteur « primarius » de
Stralsund). — Sermon de Luther en vingt articles sur les indulgences
et la grâce : Lœscher, I, p. 469-473; Grœne, p. 212-216. — « Voilegung,
gemacht von Br. Joh. Tetzel, Predigerordens, Ketzermeister, wider
einen vermessenen Sermon von 20 irrigen Artikeln, pœpstl. Ablasz
und Gnade belangend » : Lœscher, I, p. 484-503; Grœne, p. 216-230.
— Cinquante thèses sur le pouvoir du pape : Lœscher, I, p. 504 et
suiv.; Grœne, p. 104-114; Riffel, I, p. 71 et suiv. Luther : « Freiheit
des Sermons, pa?.pstl. Ablasz und Gnade belangend, wider die Vorle-
gung, so zur Schmach sein und desselben Sermons erdichtet. » Lœs-
cher, I, p. 526 et suiv. Cf. Grœne, p. 115 el suiv.
Premiers Succès de Luther.
6. Les propositions hardies de Luther avaient produit une
immense rumeur; dans l'espace de deux mois, elles avaient
parcouru toute l'Europe. Plusieurs croyaient qu'il ne s'atta-
quait qu'à des abus. Laurent de Bibra, évêque de Würzbourg,
intervint pour lui auprès de son prince électeur, et son propre
évêque lui conseilla faiblement d'éviter toute attaque contre
l'Egli-so. L'archevè(]ue de Mayence lui manda qu'il n'avait pas
encore eu le loisir de lire ses écrits, qu'il en abandonnait le
LE PROTESTANTISME. 199
jugement à une autorité plus élevée, et déplorait que des doc-
teurs en renom se disputassent entre eux sur le pouvoir du
pape, le libre arbitre, etc.
Les humanistes applaudirent le professeur de Wittenberg,
et la plupart de ses collègues adoptèrent ses sentiments. Les
augustins s'enorgueillissaient d'un confrère devenu si promp-
tement célèbre ; quelques-uns seulement, comme le prieur Con-
rad Ileld, craignaient que leur ordre ne devînt bientôt sus-
pect d'hérésie. Luther avouait lui-même qu'il n'avait pas su ce
que c'était qu'une indulgence ; on pouvait en dire autant, à plus
forte raison, d'un grand nombre de ses contemporains étran-
gers à la théologie. A Wittenberg, presque tout le monde pre-
nait parti pour le héros du jour, qui semblait répandre sur la
ville un nouvel éclat. Huit cents exemplaires des thèses de
Tetzel furent publiquement livrées aux flammes, tandis que
celles de Luther ne furent point brûlées par Tetzel, malgré le
bruit qui s'en répandit dans la foule. Les témoignages d'appro-
bation qui arrivaient de toutes parts à l'augustin de Saxe, ne
pouvaient que l'animer à de nouvelles tentatives.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 6.
Erasm., Epistol. lib. XVIIl, p. 736; Surius, an. 1517; Pallavic, I,
V, i. Luther contre Hans Worst : Pfaff, p. 29; Lœscher, I, p. 840.
Œuvres de Luther, th. xvii, p. 1704. Sur Conrad Held, Œuvres, éd.
léna, V, p. 53. Luther à Jodok Trautweiter, 9 mai 1518 : Lœscher, II,
p. 64. Sur Sébastien Küchenmeister, Lie. à Vittenberg. Luther avoue
son ignorance concernant les indulgences, et Janssen prouve qu'avant
lui cette doctrine était parfaitement enseignée en Allemagne (Ges-
chichte des deutschen Volkes, I, p. 36 et suiv.) dans l'ouvrage « Wi-
der Hans Worst » : Walch, XVII, p. 1704. Les thèses de Tetzel livrées
au feu : Grœne, p. 122-128.
Opposition des théologiens contre Luther.
7. Après Tetzel, d'autres théologiens entrèrent dans la lice
pour combattre les nouveautés de Luther. Sylvestre Prierias
(Mazzoli), dominicain de Rome et maître du palais apostolique,
lui prouva, avec beaucoup de netteté, que l'Église avait depuis
longtemps, par l'organe du pape, décidé la question des indul-
gences, et que la solution du Saint-Siège était obligatoire pour
tout catholique ; puis le célèbre docteur .Jean Eck, vice-chancelier
200 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
l'université d'Ingolstadt et chanoine d'Eichstaedt, prouva par ses
remarques sur les thèses de Luther {obelisci) que celles-ci se
rapprochaient des doctrines de Hus. Quoiqu'il ne les destinât
pas à la publicité, les remarques de J. Eck ne .tardèrent pas à
se répandre. Vinrent ensuite Jérôme Emser de Dresde, et
Jacques Hogstraten, dominicain de Cologne, dont l'ardeur
outrée contre les humanistes nuisit souvent à la cause catho-
lique.
Mais que pouvaient les meilleures réfutations contre un
homme tel que Luther, qui croyait avoir trouvé sa doctrine
dans l'Évangile ? Il s'était retranché derrière un rempart inex-
pugnable aux assauts de la science : sa doctrine était de Dieu ;
ses adversaires n'étaient que des hommes ignorants et mépri-
sables. Il répondit à Prierias d'un ton amer et sardonique, mais
sans vouloir entrer dans le fond du débat ; au lieu d'autorités,
il demandait des raisons; les papes, les conciles étaient sujets
à l'erreur; l'Écriture sainte seule était infaillible. Sa réponse
au docteur Eck n'était qu'un torrent de basses injures; les
contradictions y abondaient, et Luther s'y écartait sensiblement
de la doctrine catholi(]ue. A Hogstraten il reprocha son igno-
rance et son esprit do rancune.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 7.
Dialogus R. Fr. Sylv. Prieriatis, 0. Pr., S. Theol. Prof, sacrique
Palat. mag., in praesumptuosas M. Lutheri conclusiones de potestate
Papœ : Lœscher, II, p. d2etsuiv. Érasme, ép. cccxlix, et d'autres préten-
dent que cet écrit est funeste à l'Église catholique, plat et maladroit.
Mais Érasme et les humanistes en général étaient peu familiers avec la
théologie catholique ; les autres théologiens contemporains ensei-
gnaient la môme doctrine (Sleidan., Com. de statu relig., lib. Il,
p. 55), et Luther se sentit principalement atteint par cet écrit: 0pp., éd.
Jen., I, p. 60. Cf. Pallav., 1, vi, 3. Joh. Eck Obelisci : Lœscher, II, p. 64
et suiv. Luther lui-môme (de Wette, Lettres de Luther, I, p. 59) appe-
lait Eck « insignis vereque ingeniosœ crudilionis et eruditi ingenii
homo »; Pallav., loc. cit., n. 2 : « vir doctrina et eloquentia prijepol-
lens ». Voy. Meuser dans le Kath. Ztschr. für Wissensch. und Kunst,
Jahrg. III, Cœln, 1846; Wiedemann, Dr. Joh. Eck, Vienne, 1865. —
Emser, voy. i; 15. De J. Hogstraten, voy. l'ouvrage ultérieur : Cum D.
Augustino colloquia contra enormes atque pcrversos M. Lutheri erro-
res, Colon., 1522. Cf. Erasmus, Epist. lib. XII, p. 403 ; v. d, Hardt,
Hist. lit. Ref., II, 13 ; Ltemmer, die Vortridentin. kath. Theologen des
LE PROTESTANTISME. 201
Reformationszeitalters, Berlin, 1838, p. i et suiv. L'opiniâtreté de
Luther est attestée par ses lettres à Jean Lang, 11 nov. 1317 ; àSpala-
tin, 21 août 1318 : Lœscher, I, p. 838; II, p. 621. Noms injurieux don-
nés à SCS adversaires : Œuvres, éd. Walch, t. XIII, p. 12; t. XVllI,
p. 328. Responsio Lutheri ad Prieratis Dialogum : Lœscher, II, p. 400 ;
Œuvres de Luther, éd. d'Altenb., I, p. 68 et suiv. Asterisci, contre Eck :
Lœscher, II, p. 333 et suiv., 680 et suiv. Contre Hogstraten : Lœscher,
II, p. 323; Luth. 0pp. lat., éd. Jen., t. I. Comp. Riffel, I, p. 73 et
suiv.
Controverse de Heidelberg.
8. Une réunion des auguslins eut lieu à Heidelberg, en
avril 1518. Luther y fut invité et chargé de présider les
débats. Ses assertions y furent largement soutenues : le libre
arbitre, depuis la chute originelle, n'existe plus que de nom ;
l'homme, même en faisant ce qui dépend de lui, commet un
péché mortel; le bien qu'il fait, c'est Dieu seul qui l'opère en
lui ; lui-même en est incapable, car il reste absolument passif.
Luther se déchaînait surtout contre le pélagianisme, et tomba
dans l'autre extrême, en s'appuyant de saint Augustin , qu'il
dépassa de beaucoup. Pelage exaltait et surfaisait le hbre
arbitre; Luther le supprimait radicalement. Pelage accordait
à la nature humaine, avant comme après la chute d'Adam,
la possibilité de mériter sans le secours d'une grâce surna-
turelle; Luther la croyait incapable d'aucune espèce de bien.
Dans cette discussion, Luther gagna Martin Bucer, Jean
Brenz et Erhard Schnepf. Son collègue André Bodenstein (sur-
nommé Carlostadt, du lieu de sa naissance) se rapprocha de plus
en plus de lui, et composa pour le soutenir des écrits de contro-
verse, dirigés surtout contre Eck. Bienlôt la dispute ne roula
plus seulement sur les indulgences; la foi catholique tout
entière fut mise en péril, et l'autorité ecclésiastique dut inter-
venir.
OUVRAGES A CONSCLTER SUR LE N° 8.
Lœscher, II, p. 46 et suiv. ; Œuvres de Luther, éd. Walch, th. xvin,
p. 66 et suiv.; Pallavic., I, vu, 3; Guericke, K.-G., III, p. 30; de Carlo-
stadt, 370 couclusionesapologeticae, et (contre l'apologie des « Obelisci »
par Eck) Defensio adv. J. Eckii monomachiam ; Lœscher, th. ii.
202 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Attitude du Saint-Siège.
9. Rome avait, dès le début, compris la gravité de la situa-
tion. Déjà, le 3 février 1518, le pape Léon X chargeait le général
intérimaire des ermites de Saint- Augustin, Gabriel de Venise,
de chercher, par des lettres et des négociations, à calmer le
moine saxon, et à éteindre une flamme qui pouvait aisément
devenir un dangereux incendie. La congrégation saxonne de
l'ordre soutint qu'elle était indépendante du général qui rési-
dait à Rome, et que celui-ci avait besoin, pour intervenir chez
elle, d'une autorisation particulière du pape. Gabriel s'adressa
au vicaire provincial, Staupitz, lequel, étant favorable à Luther,
se montra fort négligent.
Cependant Luther (22 mai) écrivit à son évêque diocésain et
lui transmit ses Résolutions sur les indulgences; puis à Staupitz
(30 mai), à qui il envoya pour le pape une lettre modeste et
flatteuse : il y demandait une enquête et un jugement, assurant
que la voix du pape serait pour lui la voix de Jésus-Christ;
mais il accusait en même temps les commissaires des indul-
gences d'avarice et d'erreur, et disait qu'en s'élevant contre
eux il n'avait voulu que révoquer en doute leurs afßrmations.
Le pape, qui avait aussi invité le prince électeur de Saxe à
mettre un terme aux menées de Luther, institua une commis-
sion pour régler cette affaire. La commission envoya au pro-
fesseur de Wittenberg l'assignation qui lui était faite, sous la
date du 7 août 1518, de se présenter à Rome dans l'intervalle de
soixante jours ou de se rétracter. L'empereur Maximilien, qui
se rendait parfaitement compte du danger qui menaçait l'Église
et l'empire, invita le pape (5 août) à prendre des mesures
sévères pour empêcher que des opinions, des extravagances
humaines prissent la place des vérités révélées.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 9.
Contre l'opinion de Bandello et autres, que Léon X avait traité
l'affaire comme une querelle de moines sans importance (Lœscher, II,
iv; Pallavic, I, vi, 4), voy. Breslauer Ztschr. f. Theol., 1832, I, p. 26
et suiv.; II, p. H et suiv.; Ritter, K.-G., il, p. 162; Ranke, Rœm.
Pœpsle, 1, p. 86. — Lettre à Gabriel de Venise : Bembo, ep. xvi d. d.
18 févr. 1.Ï18. Œuvres de Lutber, éd. Wulcb, tli. xv, p. 518. Lettre
de Lutber à Scultetus: Lœscber, 11, p. 173, avec les Resolutiones dispu-
LE PROTESTANTISME. 203
tationum de virtute indulgentiarum, resol. 69 : « Auctoritati papali in
omnibus cum reverentia credendum est. Qui enim polestati resistit,
resistit Dei ordinationi. » Lettre au pape : 0pp. Lutheri, éd. Jen., 1579,
I, p. 74; Lœscher, II, p. 176; Le Plat, Monura. ad conc. Trident., Lo-
van., 1782, vol. II, p. 1-3. On y lit : « Beatissime Pater, prostratum
me pedibus Tuoe Beatitudinis offero cum omnibus quœ sum et habeo.
Vivitica, occide, vuca, revoca, approba, reproba, ut placuerit. Vocem
tuara vocem Christi in te prœsidentis et loquentis agnoscam. Si mor-
tem merui, mori non recusabo. » Cf. Bossuet, Hist. des var., livre I,
^ 20. Invitation de Luther et sa réception : Pallavic, I, vi, 7 (ibid.,
n. 6); il se plaint que le pape se soit adressé trop tard à Frédéric; il
lui écrit le 23 août : 0pp. Luth., I, p. 180; Le Plat, loc. cit., p. 5, 6).
Maximilien à Léon X, 5 août: Rayn., an. 1518, n. 90; Goldast, Coll.
Const. imper., II, p. 140. Œuvres de Luther, part. XV, p. 534, éd.
d'Altenbourg, I, p. 113 ; Pallavic., loc. cit., n. 45 ; Le Plat, p. 4, 5.
Luther à Augsbourg devant le cardinal Cajétan.
10. L'intervention du Saint-Siège remplit d'effroi les amis de
Luther. Cédait-il, les dominicains détestés l'emporteraient,
l'université de Wittenberg et ses partisans perdraient leur
crédit; s'il résistait, il s'exposait aux censures que la loi infli-
geait à l'hérésie, et la gloire de Wittenberg courait risque de
s'éclipser. On songea surtout à lui procurer un interrogatoire
en Allemagne. Frédéric, prince électeur de Saxe, fut prié, par
l'entremise de Spalatin, prédicateur de la cour et ami de
Luther, d'interposer sa médiation. Il consentit à demander au
pape de charger de l'enquête l'évêque de Würzbourg, ou
celui de Freisingen, ou quelque université non suspecte. L'effet
de cette démarche fut que Léon X remit l'affaire (23 août) au
cardinal légat Thomas de Vio, de Gaëte (Cajétan), théologien
renommé, qui se trouvait déjà en Allemagne.
Le pape en informa le prince électeur, en l'exhortant à ne
point s'intéresser pour l'accusé et à faire en sorte qu'il parût
devant le légat, afm qu'on ne pût pas dire un jour que la plus
détestable des hérésies s'était propagée par la faveur d'une
maison si puissante et si célèbre. Luther, pourvu d'un sauf-
conduit, recommandé par son souverain au conseil et aux
liommes les plus notables d'Augsbourg, entra dans cette ville
après la clôture de la diète, le départ de l'empereur et de Fré-
déric (7 octobre 1518).
204 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Lorsque Luther parut avec Staupitz en présence du cardinal
(12 octobre), celui-ci se montra très affectueux et accommo-
dant; mais il ne trouva en Luther aucune disposition à se
rétracter. De nouveaux pourparlers n'eurent d'autre résultat
que cette déclaration faite par Luther devant témoins : qu'il
fallait considérer comme non avenu ce qu'il avait dit ou fait
contre l'Église romaine. Luther finit par sortir clandestinement
d'Augsbourg, où il laissa un acte rédigé devant un notaire
et des témoins, par lequel il « appelait du pape mal informé au
pape mieux informé », puis une lettre d'excuses au cardinal
M8 octobre). Il avait invoqué le jugement d'universités impar-
tiales et suspecté le cardinal en qualité de thomiste ; il avait
fait montre tantôt de soumission, tantôt de bravade envers le
Saint-Siège, et attesté en fin de compte qu'il persistait opiniâ-
trement dans ses doctrines hérétiques.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 10,
Intercession de l'électeur de Saxe et de l'université de Vittenberg
(celle-ci, du 2S septembre, fut en retard et n'eut point d'effet) :
Lœscher, H, p. 384, 437, 443, 445; Lutb. 0pp., éd. Jen., t. 1, p. 183,
ep. Lvi; Œuvres, éd. Walch, th. xv, p. ö44 et suiv.; th. xvii, p. 173;
Pallavic, I, vu, 1, 2; ix, 3; Le Plal, p. 6-8, 9 et seq. Voyage de Luther
à Augsbourg : Œuvr,, part. XVII, p. 20i ; Fallavic, I, ix, 1, 2; Uckert,
p. 109. Relativement aux négociations de Cajétan avec Luther, le
secrétaire de, celui-ci, J.-B. Flavius, assure : « Satis legato fuisse, si
Lutherus scripto aftirmaret so subdere doctrina?, quam Ecclesia Rom.
fidèles docuerat, nulla imposita cxpressa palinodia. » (Pallavic, I, vu,
5, ne décide pas la question.) Celte rétractation que fit Luther devant
un notaire et quatre conseillers impériaux : « Je, frère Martin Luther,
de l'ordre des augustins, atteste que je suis et honore la sainte Église
romaine dans toutes mes paroles et actions. Dans le cas où je dirais
quelque chose d'autre ou de contraire, je veux qu'il soit tenu pour non
avenu », se trouve dans l'édition latine d'iéna, t. I, f. 286, f. 162, 2;
■elle est supprimée dans l'édition allemande d'iéna et dans l'édition
d'Altenbourg, I, f. 121. Ce que Luther accordait là était peu de chose,
et cependant il trouva bientôt que c'était trop. Quand ce moine nia
qu'il L'ùl enseigné quelque chose de contraire à l'Église romaine, le
légat lui rappela deux de ses thèses : 1° Le trésor de l'Église ne ren-
ferme pas les mérites de Jésus-Christ et de ses saints; 2" pour recevoir
les effets d'un sacrement, il faut admettre avec une ferme confiance
qu'on les j-eçoit : la première est contraire à la bulle Unigenitus, de
LE PROTESTANTISME. 20o
Clément VI; la seconde, à l'iicriture. Tandis que, par la première, Luther
rejetait l'autorité du pape, il essayait de prouver la seconde par des
textes de la Bible ; il confondait la foi avec l'espérance, et la certitude
universelle du jugement sur la rétribution divine en général avec la
certitude spéciale qui est en nous. Comme il semblait aboutir à une
discussion savante, le légat interrompit le débat par de paternels
avertissements. Le 13 octobre, Luther parut de nouveau devant le
cardinal, essaya, par une contestation dont il donna lecture, de sous-
traire l'affaire aux mains du pape et de la soumettre aux universités
(Lœscher, II, p. 463), proposa d'exposer par écrit ses vues sur les
indulgences et sur la foi, ce qu'il fit le lendemain. Le légat ne pouvait
qu'insister pour qu'il se soumit ; il lui fit sentir en quelques mots la
faiblesse des nouveaux arguments par lesquels il essayait d'interpré-
ter dans sou sens la bulle de Clément VI, et finit par lui ordonner de
ne plus paraître devant lui avant qu'il eût changé de sentiment. Ainsi
se terminèrent les conférences verbales. Cajétan essaya encore, par
l'entremise de Staupitz et de W. Link, d'agir sur cet hérétique opi-
niâtre, lequel ne donna que temporairement une rétractation par-
tielle. L' « Appellalio a legato ad Papam et a Papa non bene infor-
mato ad melius informandum », rédigée devant notaire, était datée du
16 octobre (Le Plat, II, p. 11-16 ; 0pp. Luth., I, p. 193). Le 17 octobre,
Luther écrivit au cardinal, vanta son affabilité, demanda pardon des
discours violents qu'il avait prononcés contre le pape, promit de ne
plus parler des indulgences, si on imposait silence à ses adversaires;
mais il refusa, comme contraire à sa conscience, toute rétractation,
jusqu'à ce que l'Église eût prononcé, afficha son mépris pour saint
Thomas et la scolastique (Le Plat, II, p. 16-18; Luth. 0pp. I, p, 192).
Cajétan ne pouvait pas se tenir pour satisfait, d'autant que Luther
n'avait pas attaqué seulement les indulgences, mais encore d'autres
doctrines de l'Eglise, et que le silence n'eût contribué qu'à multiplier
les erreurs et à dénaturer le dogme. Staupitz, qui n'avait pas de
sauf-conduit, sortit d'Augsbourg sans prendre congé du cardinal ;
Luther eu fit autant, mais il lui adressa ses adieux dans une lettre du
18 octobre (Le Plat, loc. cit., p. 18 et suiv.; Op. Luth., I, 192). Il
essaya de justifier «a conduite, appela de lui, comme d'un juge
suspect, et du pape mal renseigné au pape mieux informé (Pallav., I,
c. IX, n. 5 et suiv.; c. x, n. 1-7). Selon quelques récits, Cajétan avait pris
des mesures pour s'emparer du moine récalcitrant, et il y serait par-
venu, si le bourgmestre d'Augsbourg, Langermantel, n'eût fait évader
Luther par une porte dérobée. Voy. Ranke, Deutsche Gesch. im Zeital-
ter der Reform., 2'= éd., I, p. 39.o.
206 HISTOIRE DE L*ÉGLISE.
Le prince électeur Frédéric favorable à Luther.
11. Le cardinal, mécontent du départ soudain de Luther,
représenta au prince électeur de Saxe les dangers de la nou-
velle hérésie, le pria d'envoyer Luther à Rome ou de le bannir
de ses États, et en tout cas de lui retirer sa protection. Fré-
déric, consulté par Staupitz et Spalatin, envoya à Luther la
lettre du légat. Luther répondit à son seigneur en l'accablant
de louanges, le demanda pour arbitre, et exalta son zèle pour
la cause de Dieu. 11 l'adjura de ne pas permettre qu'un homme
injustement persécuté par les dominicains parce qu'il était plus
savant qu'eux, devînt le jouet de ses ennemis furibonds. Les
professeurs de l'université de Wittenberg intervinrent aussi,
quoique timidement et sous condition , en faveur de leur
collègue.
Travaillé de divers côtés et devenu méfiant à l'égard du car-
dinal, Frédéric lui répondit qu'il avait rempli sa promesse en
envoyant Luther à Augsbourg ; il avait espéré que le cardinal
l'instruirait et le déciderait à se rétracter; du reste, ajoutait-il,
la doctrine de Luther était approuvée de beaucoup de savants,
et il ne pouvait pas priver son université d'un homme si instruit,
tant qu'il ne serait pas établi par des preuves ou par le juge-
ment des universités invoqué par lui qu'il était réellement
punissable. Luther, de son côté, essaya d'échapper à la con-
damnation dont il était menacé à Rome, par un appel au
futur concile général, qu'il mettait au-dessus du pape (28 no-
vembre 1518).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° \i.
Cajétan à l'électeur Frédéric, 25 oct.; Luther au même, 19 nov.
1518 : Le Plat, p. 19-21, 26-36; Pallav., I, xi, n. 1-9; Œuvres de Lullier,
th. XV, p. 195. Intercession des Vittenbcrgeois auprès de Frédéric,
23 nov. : Le Plat, II, p. 36 et suiv.; Luth. 0pp. I, 202. Appel de Luther,
du 28 nov. : Lœscher, 11, p. bOO et suiv.; Le Plat, p. 37-42; Pallav., [,
XII, 1. Frédéric à Cajétan, d. d. Altenbourg, 8 déc. 1Ö18 : Le Plat,
p. 42 et seq.; 0pp. Luth., l, p. 197.
Bulle sur les indulgences. — Mission de Miltiz.
12. Cependant , des conseils plus modérés encore avaient
prévalu à Rome. Une bulle publiée le 9 novembre traitait de
LE PROTESTANTISME. ^07
l'utilité (les indulgences pour les vivants et pour les morts,
développait les principes dogmatiques sur lesquels elles s'ap-
puient, et frappait d'excommunication leurs adversaires. Elle
devait enlever à chacun tout prétexte d'ignorer la doctrine de
l'Église romaine. Le nom de Luther n'y figurait point. Elle
parvint à Linz au cardinal Cajétan, mais elle n'y fut publiée
que le 13 décembre. Elle manqua une partie de ses effets, parce
que l'on connaissait déjà l'appel de Luther, parce que les nom-
breux partisans du hardi novateur exerçaient leur influence,
et aussi parce qu'elle se bornait à justifier les indulgences, que
plusieurs considéraient comme un moyen de fournir des res-
sources aux papes et aux dominicains. On attribua la décision
de Léon X à la pression exercée par les frères prêcheurs ; on
prétendit qu'elle était partiale et qu'elle avait été arrachée par
la force.
Le pape dépêcha en outre son caraérier Charles de Miltiz,
Saxon d'origine, dont le père était bailli à Meissen et à Pirna,
pour tâcher de gagner le prince électeur Frédéric, à qui il fit
remettre la rose d'or bénite , en le priant d'apaiser la dispute
et d'entamer de nouvelles négociations. Les manières affables
et engageantes de Miltiz , sa connaissance des affaires alle-
mandes, la faveur que lui témoignait la cour de Saxe, sem-
blaient le rendre éminemment propre à cette mission; mais
son défaut de fermeté et de réserve, son excessive condescen-
dance, ses allées et venues incessantes, affaiblirent son crédit
et accrurent l'audace de Luther.
Frédéric de Saxe se comporta avec beaucoup de réserve en
présence de l'envoyé du pape. Devenu vicaire de l'empire après
la mort de l'empereur Maximilien , il déploya une grande
ardeur pour les intérêts de son pays et de son université.
Luther s'aboucha avec Miltiz à Altenbourg (janvier 1319); il
rejeta toute la faute sur le pape, sur l'archevêque de Mayence
et sur Tetzel. La seule concession à laquelle il se prêta, fut de
laisser tomber la dispute, si ses adversaires se taisaient ; mais
il refusa de se rétracter. Il voulut ensuite écrire au pape une
lettre pleine d'humilité, expliquer au peuple dans un écrit
l'obéissance qui est due à l'Éguse romaine, les commandements
de l'Église, les indulgences et le culte des saints ; il demanda
en outre à se justifier devant un évèque d'Allemagne.
208 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Le 3 mars 4519, Luther essaya, dans une lettre pleine de
docilité adressée à Léon X, d'excuser sa conduite antérieure,
assurant qu'il n'avait jamais eu l'intention d'attaquer l'autorité
du Saint-Siège, qui surpasse, à l'exception de Jésus-Christ,
tout ce qui est au ciel et sur la terre. Il avouait que, dans sa
brutale rudesse, il était allé trop loin contre l'Église romaine,
et promettait d'engager le peuple, dans un écrit, à rendre à
cette Église le respect qui lui est dû. Mais les lignes suivantes,
qu'il écrivit quelques jours après à Spalatin, montrent combien
il avait peu à cœur le respect envers le Saint-Siège : «Je ne
sais si le pape est lui-même l'Antéchrist ou s'il n'est que son
apôtre. »
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 12.
Consl. Cum postquam, ap. Le Plat, II, p. 21-25 ; 0pp. Luth., I, 203;
Lœscher, II, p. 493 et siiiv.; Walch, L. W., th. xv, p. 736 et suiv.
Dispositions au sujet do la bulle : Pallav., I, 12, n. 3-9. — Tetzel,
Nülzl. Urkunden zur Ref.-Gesch., I, p. 53, 56 et suiv., 62 et suiv., 71 et
suiv., 84 et suiv., 109, 374 et suiv.; Kapp, Nachlese, 111, p. 238; Lœs-
cher, III, p. 9 ; de Wette, I, p. 191 et suiv.; Seidemann, Miltiz, p. 6;
Grœne, p. 154-163; Pallav., 1, c xu, n. 10; c. xni, n. 1 et seq.; c. xiv,
n. 1 et seq. Lettre de Luther, du 3 mars 1519 : Lœscher, III, p. 92;
Opp. I, 210 ; Le Plat, II, p. 44, 45.
Mort de Tetzel. — Bravades de Luther.
13. Miltiz se conduisit avec beaucoup de dureté envers le
dominicain Tetzel, alors malade. Après l'avoir mandé à Alton-
bourg, il alla le trouver à Leipzig, où il lui donna deux fois
audience, ainsi qu'à son provincial Hermann Rab. Tetzel, qui
avait défendu les intérêts du Saint-Siège, se voyait injustement
persécuté et calomnié. Consumé de chagrin, plus affligé du
sort de l'Allemagne que de ses propres souffrances, Tetzel
était profondément attristé que Miltiz prêtât l'oreille aux bruits
répandus sur son compte et le considérât en quelque sorte
comme l'auteur de tout le mal. Luther lui-même, en qui la
conscience semblait se réveiller, écrivit une lettre de consolation
à ce vieillard, devenu la raillerie des enfants. Dans ce novateur
fougueux, il y avait lutte entre l'intelligence et la conscience :
tantôt c'était le respect de l'autorité de l'Église, non encore
étouffé en lui ; tantôt la logique inexorable de son système qui
LE PROTESTANTISME. 200
l'emportait. Il avait souvent l'esprit perplexe, égaré, et ce n'était
qu'après avoir longtemps combattu avec lui-même qu'il so
mettait au-dessus de l'idée qu'il faut obéir à l'Église de Jésus-
Christ. Des circonstances extérieures bâtèrent l'arrivée de
cette phase psychologique, notamment le colloque de Leipzig,
résultat de la polémique entre Eck et Carlostadt, puis la condam-
nation de sa doctrine par plusieurs universités. A dater de là,
il en vint à rejeter ouvertement toute autorité ecclésiastique.
Tetzel, au contraire, y demeura fidèle. Lorsque Luther exprima
à Leipzig le regret de ne pas y voir aussi l'inquisiteur, celui-ci
était déjà au lit de la mort (il mourut en juillet ou en août 1519).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 13.
Lettre de Herrn. Rab, 3 janv. 1519; Telzel, II, p. 106 et suiv. ;
Lettre de Luther, 0pp. I, éd. Jen., prsef.; Lœsclier, III, p. 963 ; de
Wette, I, p. 336; Grœne, p. 165-175.
La dispute de Leipzig.
14. Les évêques de Brandebourg et de Mersebourg s'étaient
opposés à une dissertation scientifique demandée par le docteur
Eck et acceptée par Luther et par Carlostadt après de nombreuses
hésitations ; mais le duc George de Saxe, en sa qualité de
souverain, garantit la sécurité des combattants et leur donna
à Pleiszenbourg une salle pour tenir leur conférence. Des
arbitres furent nommés pour fixer la forme de la dissertation,
et des notaires pour la consigner par écrit. Après de longs
pourparlers, les universités d'Erfurt et de Paris furent choisies
pour arbitres du débat. Les propositions que l'on devait discuter
furent imprimées et répandues par les deux parties. Beaucoup
de savants, comme si le sort de l'Église avait dû se décider là,
accoururent à la dispute de Leipzig, qui dura du 27 juin au
15 juillet 1519.
Eck discuta d'abord victorieusement contre Carlostadt sur le
libre arbitre et sur la part qui lui revient dans les bonnes
œuvres. Carlostadt se laissa arracher un aveu qui dépassait les
hmites de son système : il reconnut qu'il y a dans le libre
arbitre une activité qui consiste à adhérer à la grâce; et c'est
de quoi ni lui ni Luther ne voulaient d'ailleurs convenir.
Lorsque Luther apprit la défaite de Carlostadt, il résolut de se
V. — HIST. DE l'église. 14
210 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
mesurer lui-même avec Eck sur un autre sujet : la primauté
du pape. Relativement à cette question, il rejetait les commen-
taires des Pères sur l'Écriture, les décrets de Constance et
l'infaillibilité des conciles généraux, bien que, d'après les con-
ventions arrêtées, ils dussent être tenus comme hors de doute.
Quand on lui reprocha d'être partisan de l'hérésie bohémienne,
Luther tomba dans un violent accès de colère, vociféra en latin
et en allemand, et chercha tous les faux- fuyants imaginables.
Cette fois le monde entier put se convaincre de ses sentiments
hérétiques.
Le duc George, stupéfait et hors de lui-même, s'écria en
branlant la tête et les poings sur la hanche : « C'est l'effet de la
rage. »
Suite de la controverse de Leipzig.
15. On disserta encore sur les points suivants : i° si les âmes
du Purgatoire sont assurées de leur salut, si elles méritent
encore et peuvent satisfaire pour elles-mêmes; 2° si les
indulgences sont utiles; 3° si la pénitence doit commencer par
la crainte ou par la charité; 4° si un simple prêtre peut ab-
soudre seulement du péché et non de la peine. Le 14 juillet,
Carlostadt poursuivit la discussion sur le libre arbitre; et, bien
qu'il émit des propositions tout à fait insoutenables, il montra
plus d'habileté que la première fois. Quant à Luther, il n'at-
tendit pas la fin de cette discussion, qui durait depuis dix-sept
jours à Leipzig et occupait plusieurs heures de la journée : il
n'était pas content de l'accueil qu'il avait reçu dans la ville, ni
surtout du résultat obtenu et des honneurs qu'on rendait à son
adversaire.
Comme il fallait encore envoyer les actes aux deux univer-
sités choisies pour arbitres, les deux parties, après la clôture
des conférences, retournèrent chez elles. Ces disputes eurent
au moins l'avantage d'affermir dans la foi catholique le duc
George, la ville et l'université de Leipzig, et de mieux dessiner
la position des deux parties. Pendant que les deux universités
faisaient attendre leur jugement — on ne connaît point celui
d'Erfurt, et celui de Paris n'arriva qu'on 1521 — les univer-
sités de Cologne (30 août) et de Lonvain (5 novembre 1510)
censurèrent les assertions hérétiques de l'augustin de Witten-
LE PROTESTANTISME. 211
berg, ce qui ne fit qu'accroître sa fureur. Les Wittenbergeois
essayèrent de regagner le terrain perdu en publiant sur les
points de controverses déjà discutés à Leipzig des récits où ils
présentaient naturellement la question sous un jour qui leur
était favorable. De nouveaux écrits de controverse furent
publiés, du côté des catholiques, par Jérôme Emser, secrétaire
privé du duc George ; du côté de Luther , par Philippe
Schwarzerd (Mélanchthou), qui, à la suite d'une dispute dont
l'éclat et la publicité ne firent que répandre davantage la nou-
velle doctrine, se rattacha à elle et devint un de ses plus
notables représentants.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N^^ 14-15.
Actes, dans Lœscher, III, p. 203 et suiv.; Walch, L. W., th. xv,
p. 954, 992 et suiv.; Cochlœus, de Act. Luth., an. 1519; Bzov., ad h.
a., n. 22-30; Pallav., I, xiv, 8 et seq., c. xv-xvn; Seidemann, die
Leipziger Disput, nach bisher unbenutzten Quellen, Dresde, 1843;
Riffel, I, p. 80-94 (2'= éd., p. 134 et suiv.); Wiedemann, Dr. E. Eck,
p. 75 et suiv.; Catholique, 1872, II, p. 297 et suiv., 531 et suiv.;
Albert, Aus welchem Grunde disputirte J. Eck gegen M. Luther in
Leipzig? (Zlschr. f. bist. Theol., 1873, III) — (très partial, appuyé sur
les dires de Luther et des siens); Janssen, II, p. 83 et suiv. — Contra
la thèse : « Nostrum liberum arbitrium in actibus bonis nihil operari,
sed eos in se recipere tamquam potenliam mère patientem », Eck allé-
guait l'Ecclésiastique, xv, 14-18, la parabole des talents, saint Am-
broise et autres Pères, et réfutait ces faux-fuyants que les textes ne
parlent pas « de homine lapso », que les objections ne répondaient
pas directement aux thèses, ainsi que les arguments adverses, ces
derniers surtout, par des textes de la Bible qui font ressortir le con-
cours de l'homme (Si gratia mecum operatur, ergo non ipsa sola
operatur; si ego a Deo adjuvor, ergo simul operor pro mea parte :
quicumque enim adjuvatur, oportet aliquid de suo conférât) et attri-
buent l'œuvre tout entière à Dieu (ajoutez : « Quamquam totum opus
Dei sit, non tamen totaliter, quemadmodum totum pomum efiicitur a
sole, sed non a sole totaliter et sine plantœ efficientia. » Cf. Pallav., I,
xvu, 2) ; il admettait le concours des deux opérations divine et
humaine. Carlostadt ne l'emporta sur Eck qu'au sujet d'une remarque
critique relative à la lettre à Démétriade, attribuée à saint Jérôme.
Eck croyait, avec Érasme, que c'était une œuvre pélagienne. Sur
toutes les grandes questions il fut battu par son éminent adversaire
(fiuericke, III, p, 38); ajoutez qu'u était inquiet et servilement
attaché à ses livres et cahiers. Contre cette thèse de Luther, 13 ;
212 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
« Rom. Ecclesiam esso omnibus aliis superiorem probatur ex
frigidissimis Rom. Pontificum decretis citra quadringenlos annos
natis , quibus adversantur historiée approbatee mille ac centum
annorum, textus Scripturse divinae et decretum Nicseni Concilii
omnium sacratissimi », Eck citait les textes de l'Écriture et des
Pères en faveur de la primauté. Luther rejetait l'exégèse patris-
tique, soutenait que Jésus-Christ, par le mot « petra » (Matth., xvi,
18), entendait sa personne, et il invoquait le c. m, d. 99 : « Ne
primae sedis episcopus (in Africa) appelletur summus sacerdos vel
princeps sacei'dotum. » Quant à cette addition : « Ne etiam Rom.
episcopus dicatur episcopus universalis », elle n'est pas du concile
d'Afrique, mais de Gralien, qui la donne comme l'abrégé des canons
suivants, iv et vi, de Pelage II et de Grégoire I"; et c'est là ce qu'ou-
blièrent à la fois Eck et Luther. Eck expliqua correctement les pas-
sages des deux papes : « Recusatum ab illis Pontiücibus titulum, quasi
videbatur significare, solum episcopum et Patriarcham Rom. potiri
dignitate ac jurisdictione episcopali ac patriarchali. » Voyez ci-dessus,
II, § 225. A cette objection de Luther que personne ne pouvait être
assez insensé pour douter que l'évûque de Rome fût seul évoque, Eck
répondit : « Le fait d'une pareille folie est attesté par Occam, Alvarus,
Turrecremata; les papes avaient clairement indiqué la raison qui leur
faisait rejeter le titre d' « universel », bien qu'il put leur revenir en
toute justice et qu'on les eût déjà appelés ainsi. La formule « Episco-
pus Ecclesiee universalis » était préférable. Lorsque Luther voulut
conclure de la citation du concile de Chalcédoine que la primauté
n'émanait que du droit civil, Eck le nia résolument, et il prouva qu'elle
était supposée par tous les conciles. 11 invoqua le c. xi Décret., c. ii,
q. 6, de Grégoire IV, passage adopté par les deux partis comme un
témoignage de Grégoire 1"'. On discuta aussi sur le concile de Nicée et
principalement sur celui de Constance. Comme on opposait à Luther
(n. 7, 9, 10, 13) les articles de Hus qui y furent condamnés, il chercha
mille échappatoires : a) il était fort possible que les actes eussent été
altérés par un imposteur ; 6) les doctrines de Hus étaient interdites,
mais non toutes condamnées comme hérétiques ; c) les conciles pou-
vaient aussi se tromper, surtout dans les choses qui ne regardent pas
la foi ; d) plusieurs des articles de Hus étaient vraiment catholiques,
tels que les articles 1-4 ; e)au concile de Constance, c'étaient les adula-
teurs du pape qui avaient eu la prépondérance (!). Eck répondit :
l« Si les conciles œcuméniques sont sujets à l'erreur, tous les articles
de foi sont incertains ; 2° aucun concile n'est moins suspect de flatterie
envers les popes que celui de Constance, lequel a du reste condamné
Hus alors qu'il n'y avait point de pape; 3° les articles condamnés sont
positivement contraires à la foi. Dans la controverse sur la thèse xiii
LE PROTESTANTISME. 213
de Carlostadt : « Liberum arbitrium, opérande quod in se est, non posse
anferre impedimenta gratise », et sur la thèse ii de Eck : « Quamvis pec-
cata venialia sint quotidiana, tarnen negamus, justum peccare semper
in quolibet opère bono, etiam bene merendo », Carlostadt traite cette
dernière proposition de présomptueuse, impie et hérétique, et il
invoque l'Eccles,, vu, 21. Eck répondit qu'il y avait là « fallacia ab
universaülate suppositorum ad universalitatem temporum; peccare
quidem omnem justum, sed non omni tempore ». Cf. Pallav., I, xv,
10, il. — Luther à Spalatin (Lœscher, III, p. 233 et suiv.) : « Interim
tarnen ille (Eck) placet, triumphal et régnât, sed donec edideriraus
nos nostra. Nam quia maie disputatum est, edam resolutiones denuo.
Lipsienses sane nos neque salutarunt neque visitarunt, ac veluti hostes
invisissimos habuerunt; illum comitabantur, adhaerebant, conviva-
bantur, invitabant, denique tunica donaverunt et schamlotum addi-
derunt, cum ipso spaciatum equitaverunt, breviter quidquid potue-
runt, in nostram injuriam tentaverunt. » Sur le résultat, voy. aussi
Pallav., I, XVI, 18; xvii, 6. Censura Univ. Colon, et Lovan. : du Plessis
d'Arg., I, II, p. 358-361 ; Le Plat, II, p. 45-50. Lettre du cardinal de
Tortosa à l'université de Louvain, 4 déc. 1519 : Luth. Op. I, 465; Le
Plat, H, p. 50, 51. Écrits de controverse sur cette dispute : Pallav., I,
XVII, n. 1 et seq.; Wiedemann, Eck, p. 139 et suiv. Pamphlets contre
Eck : 1" Eccius dedolatus, par Willibald Pirkheimer, encore partisan
de Luther; 2° Canonicorum indoctorum (le frère Adelmann) Respon-
sio ad Eccium, par Œcolampade : Lœscher, III, p. 935 et suiv.; Walch,
Œuvres de Luther, th. xv, p. 1513 et suiv. — Jérôme Emser (Lie. jur.
can.), fort versé dans la théologie classique et orientale, écrivit : « De
disputatione Lipsiensi, quantum ad Bohemos obiter deflexa est » (août
1519); Luther l'attaqua dans« Responsio ad. EgocerotemEmserianum »,
et Emser répliqua par : « A venalione Lutherana .,f]gocerotis assertio »
(nov. 1519) : Luth., Opp, I, éd. Jen.; Lœscher, t. IV. Emser composa en
outre une biographie de saint Bennon de Meiszen, les écrits « de Cauone
Missae » et « Assertio Missse », uû écrit sur l'interdiction de la traduction
de la Bible par Luther (Leipzig, 1523), et une traduction allemande du
Nouveau Testament (Dresde, 1527).
Mélanchthon.
16. Mélanchthon, parent du savant Reuchlin, fils d'un
armurier, était né à Bretten, dans le Palatinat du Rhin, le 16
février 1497. Il fit ses premières études à Pforzheim, et publia
à Heidelberg, en 1513, une grammaire grecque. Docteur depuis
151 4, il s'était fait un nom célèbre parmi les humanistes,
surtout par ses leçons sur Aristote et autres classiques. Appelé
2li HISTOIRE DE l'ÉGLISR.
à Wittenberg comme professeur de littérature grecque, il
remplit cette charge jusqu'en 1524, et fut ensuite, quoique
marié depuis 1520, nommé professeur de théologie. Il n'avait
ni la franchise, ni la rudesse, ni l'âpreté de Luther; il était
plus poli, plus souple, plus dissimulé, et avec cela plus calme
et plus prudent. Il rédigea sur la dispute de Leipzig un rapport
succinct et non exempt de partialité, puis différents autres
écrits favorables aux idées nouvelles.
Le bon sens de la multitude était égaré : plusieurs se figu-
raient que les actes de la dispute devaient contenir tout ce qui
pouvait être dit pour la défense de l'Église, et ils se scandali-
saient quand toutes les preuves de Eck n'étaient pas également
solides. Luther, de son côté, oubUa bientôt la défaite de
Leipzig, et son audace ne fit que s'accroître : c'est pourquoi il
renonça à l'idée d'établir une distinction entre l'Église romaine
comme épouse de Jésus-Christ et la curie romaine avec les
mauvais fruits qu'elle portait. Déjà le siège pontifical lui
apparaissait comme la chaire de l'Antéchrist vivant, la papauté
comme une institution maudite de Dieu, et toute l'ancienne
Église comme la Synagogue do Satan, vouée à la corruption et
remplie de toute sorte d'impiétés.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N** 16.
Ph. Melanchlhonis 0pp., éd. Basil., 1541 et seq., ö t. in-f", rec.
Peucer, Viteb., 1362 et seq., 4 t. ia-f° ; Corp. Reform., ed. Bret-
sclmeider, t. I-X ; Melanchllx. 0pp., éd. Hal., 1834-58, 26 vol. in-4° ;
Camerarius, de Ph. Mel. ortu, totius vitœ curric. et morte narratio,
Lips., 1566; éd. Augusti, Vratisb., 1817. Camerarius a évidemment
falsifié les lettres de Mélanchthon ; elles ont passé telles quelles de
son édition dans le Corpus Reform, de Bretschneider (de Druffel e*'
Vf. Mayer dans les Sitzungsberichten der Manch. Akad. d. Wiss.
bist. CL, 1877, h. IV, p. 491 et suiv.; V, p. 596 et suiv.). — Matthes,
Phil. Mel., sein Leben und Wirken, Altenb., 1846, 2^ édit,; Galle,
Charakteristik Mel. als Theol. u. s. Lehrbegriffs, Halle, 1846; Heppe,
Mel., 2« éd., Marburg, 1860; Maurer, Mel., Leipzig, 1860; Pressel, Mel.,
Stultg., 1859; Planck, Mel., prieceptor Germaniœ, Nœrdl., 1860; C.
Schmidt, Mel. Leben u. ausgew. Schriften, Elberfeld, 1861. — Dœllin-
ger, Ref., I, p. 349 et suiv.; III, p. 274 et suiv. Luther, selon Aurifa-
ber, aurait écrit sur la table : « Res et verba Philippus, verba sine re
Erasmus, res sine verbis Lutherus, nec rem nec verba Carlostadius. »
Mélanchthon passe pour « le principe féminin à côté du principe mas-
LE PROTESTANTISME. 213
culin dans la procréation de la Réforme » (Guericke, III, p. 39 et
suiv.). Le premier grand ouvrage de Mélanchthon sur la Réforme fut
l'écrit pseudonyme intitulé (Didymi Paventini) Oratio pro M. Luthero
Theol., de févr. 1521 (0pp. Mel., I, 286 et seq., ed. Bretschn.).
Audace croissante de Luther.
17. Tout contribuait à rendre de plus en plus hardi et
téméraire l'hérésiarque encore timide dans le principe : l'aver-
sion contre Rome, alors très répandue en Allemagne; l'inac-
tion et la versatilité de la plupart des évêques allemands; la
popularité dont lui, Carlostadt et Mélanchthon jouissaient, et
qui dès le commencement de 1520 attira quinze cents
étudiants à Wittenberg; les témoignages d'assentiment et
d'admiration qui lui arrivaient de tous les pays; la vogue
prodigieuse de ses écrits ; les excitations et les encouragements
des hussites de Bohème, avec lesquels il entama une corres-
pondance épistolaire; les offres de protection et d'asile que lui
firent Franz de Sickingen et d'autres chevaliers; les dispo-
sitions bienveillantes de son prince électeur, qui continua
d'exercer la plus grande influence même après l'élection
(28 juin 1519) et pendant le séjour de Charles-Quint en Espagne,
et qui fut encore encouragé dans la protection qu'il accordait au
novateur par une lettre d'Érasme, dont l'opinion prévalait alors
sur celle de toute une université ; l'attitude peu digne de
Charles de Miltiz, qui prenait devant Luther la posture d'un
suppliant.
Dans son arrogance, Luther vomissait des torrents d'injures
contre les facultés théologiques qui le censuraient ; contre les
franciscains, qui, après avoir, dans leur chapitre de Jüterbogk,
recueilli quatorze erreurs contenues dans ses écrits et les avoir
remises à l'évêque de Brandebourg (commencement do 1519),
perdirent bientôt courage et négligèrent cette affaire ; contre le
docteur Eck, qui commenta à son tour ces quatorze articles. Lu-
ther poussa l'effronterie jusqu'à remettre au camérierdu pape
son écrit de la Liberté d'un chrétien , avec une lettre pour le
souverain pontife (du 1 1 octobre, al. 6 avril 1 520), où il épanchait
son venin contre Rome et contre ceux qu'il qualifiait d'adula-
teurs du pape, s'apitoyait sur la personne du pape, « cet agneau
au miUeu des loups » , déchargeait sa haine contre Cajétan et
216 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Eck avec l'étalage d'un orgueil effréné. Il engageait le pape à
descendre de son siège pour vivre d'une petite prébende ou de
son patrimoine; il ne faisait entrevoir sa soumission que pour
le cas où on ne lui demanderait plus de changer de doctrine et
où l'on ne lui tracerait pas de règle pour l'explication de l'Écri-
ture sainte. Tout autre ambassadeur eût refusé de se charger
d'un écrit aussi grossièrement offensant; Miltiz, homme sans
tact, accepta cette mission.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 17.
Correspondance de Luther avec les hussites : Lœscher, III, p. 699 et
suiv.; Riffel, I, p. 88 et suiv.; 2« éd., p. 151 et suiv. Lettres du prince
électeur de Saxe : Walch, Œuv. de Luth., t. XV, p. 337, 1665;
lettre à Beit Dietleben, à Rome, 1" avril 1520, 0pp. Luth., II, 255 j Le
Plat, II, p. 31-53 ; Erasm. ep., p. 317, 325. Érasme, qui, par la forme
et le fond de ses écrits, notamment par ses mordantes satires et l'esprit
de doute qu'il éveillait, préparait les voies à Luther, approuva ici (dès
1518j sa première démarche (voy. Hess, Érasme, sa vie et ses écrits,
Zurich, 1790, II, p. 17, en allem.); en 1519, il répondit amicalement à
la lettre flatteuse de Luther, et se borna à lui recommander la modé-
ration ; il loua son Commentaire sur les Psaumes, déjà farci de doc-
trines hétérodoxes. A l'occasion de sa dédicace de Suétone, il engagea
le prince électeur à ne s'associer à aucune mesure de violence contre
Luther, et s'exprima sur lui en termes très favorables (Extrait, dans
Seckendorf, Hist. Reform., Il, 111. Voy. Lœscher, III, p. 114). Il crut
longtemps que tout le crime de cet auguslin était de s'être attaqué à
la couronne du pape et aux ventres des moines. Il ne changea d'opi-
nion que dans la suite. Voy. Dœllinger, Ref., I, p. 1 et suiv.; Vita
Erasmi, par lui-même et par Beatus Rhenanus, Er. 0pp., éd. Clerici,
t. I; de Burigny, Vie d'Érasme, Paris, 1757 (en allem., par H. P. K.
Henke, Halle, 1782, 2 vol.); A. Müller, Leben d. Erasmus, Hamb.,
1828 ; Pallav., I, xxiii, n. 4 et seq.; Janssen, II, p. 1 et suiv. Attitude de
Miltiz : Lœscher, II, p. 552-560 ; III, p. 820-847; Walch, L. W, t. XV,
p. 808 et suiv.; Pallav., I, xviii, 1 ; Riffel, 1, p. 123 et suiv. Luther
contre les universités de Cologne et de Louvain : Walch, loc. cit.,
p. 1598 et suiv. Les quatorze erreurs l'ecueillies par les franciscains,
dans Lœscher, III, p. 114 et suiv. Troisième lettre de Luther au pape :
Walch, loc. cit., p. 934 et suiv.; de Weite, I, p. 497 et suiv.; Luth.
0pp. I, p. 432 ; Le Plat, II, p. 53-59. Luther antidata la lettre et la mit
avant la publication de la bulle d'excommunication. Voy. Pallav., I,
xvni, n. 1-3; Riffel, I, p. 151 et suiv.; 2« éd., p. 221 et suiv.
LE PROTESTANTISME. 217
Écrits de Luther.
18. En vain le docteur Eck avait appelé l'attention de l'électeur
de Saxe sur les nombreuses et grossières erreurs de Luther : en
janvier 1 520 il partit pour Rome, afin d'y exposer la situation de
l'Allemagne et de solliciter une condamnation qu'on ne pouvait
plus guère ajourner. Luther lui-même la considérait comme iné-
vitable, et ce fut pour en atténuer les effets qu'il composa son
« discours sur l'excommunication », entièrement conforme aux
idées de Hus. Tandis qu'à Rome on extrayait les plus graves
erreurs contenues dans ses écrits, avec le concours des meilleurs
théologiens (Pierre d'Accoltis, évèque d'Ancône, Cajétan, Jaco-
vacci, Gilles de Viterbe, etc.), Luther rédigeait deux livres dans
lesquels il dépassait tout ce qu'il avait écrit jusque-là, et s'effor-
çait de ruiner de fond en comble tout l'enseignement de l'Église
sur les sacrements, le sacrifice de la messe, les vœux solennels
et la primauté : c'étaient ses écrits sur la messe, puis son traité
de la Réformation de l'État chrétien (juin 1520), adressé à l'em-
pereur (avant son couronnement, 22 octobre 1520, et demeuré
sans réponse) et à la noblesse de la nation allemande.
Venait ensuite l'infâme pamphlet de la Captivité de Babylone,
où il renversait toute la hiérarchie de l'Église, niait surtout le
sacerdoce extérieur, exaltait outre mesure le sacerdoce général
de tous les fidèles, exhortait l'empereur à dépouiller le pape de
son autorité temporelle et spirituelle, à supprimer les subsides
qu'on envoyait à Rome, le célibat du clergé, les préceptes du
jeune et de l'abstinence, les messes pour les défunts et les jours
de fête. Aucun pape, aucun évêque, aucun homme au monde,
disait ce nouveau fléau de la terre, n'a le droit d'établir une
seule syllabe contre un chrétien, à moins que celui-ci n'y con-
sente ; tout ce qui se fait autrement, se fait dans un esprit de
tyrannie ; il faut détruire et transformer la plupart des livres
les plus en vogue et presque tout l'édifice extérieur de l'ÉgUse.
Les précédents hérétiques avaient déjà émis les diverses propo-
sitions que Luther prétendait avoir tirées de la Bible, son seul
guide : aussi étaient-ils considérés par les siens comme les pré-
curseurs de la Réforme.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 18.
Lettre de Eck à Frédéric : Walch, loc. cit., p. 1333 et suiv. Élection
218 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de Charles-Quint : Robert Rosier, die Kaiserwahl Caris V, Vienne, 1868.
Lettre de Luther à l'empereur, du 30 août, selon Brant ; du 15 janvier
1520, selon de Wette (de Wette, I, p. 392, 482). Burkhardt, M. L.
Briefwechsel, p. 25; Walch, loc. cit., p. 1636. Comp. Riffel, I, p. 103
et suiv. Le même, dans Pallav., I, xxvi, 1, dit que la lettre citée de
Luther a été révoquée en doute, mais elle est certainement authen-
tique. Voy. Lsemmer, Mon. Vatic, append., I, p. 442. — Luth., de
Captivitate babylonica, 0pp. I, in-f°, 288, a. Flaccius lUyricus (Catalo-
gus testium veritatis) et les suivants ont recherché les précurseurs de
Luther : G. Arnold, Hist. et Descriptio theol. myst., Francof., 1702,
p. 306 ; Flathe, Gesch. der Vorlœufer der Reformatoren.
Luther condamné par Léon X.
19. Sur ces entrefaites, la bulle pontificale avait été publiée le
46 mai (en réalité le 15 juin). Elle condamnait quarante et
une propositions de Luther, ordonnait de brûler ses livres et
lançait contre lui l'anathème, s'il ne se rétractait dans l'espace
de soixante jours. Le pape l'adjurait, lui et ses partisans, par le
sang du Rédempteur, de ne pas attenter davantage à la vérité
de la foi et à la paix de l'Église ; il rappelait les ménagements
dont ils avaient été l'objet, les informations exactes qui avaient
eu lieu, et le devoir imprescriptible qui obligeait le chef de
l'Église à combattre ces funestes doctrines. Les propositions
condamnées roulaient sur le péché et ses suites, sur la contri-
tion et la pénitence, sur le purgatoire et les indulgences, sur
les sacrements en général et l'Eucharistie en particulier, sur la
primauté, les conciles, l'excommunication, la punition des héré-
tiques, la guerre contre les Turcs. Ces quarante et une proposi-
tions, qui étaient loin de contenir toutes les erreurs que Luther
débitait déjà à cette époque, étaient les unes manifestement
hérétiques, les autres scandaleuses au suprême degré ; toutes
jaillissaient du système du novateur, qui chaque jour se déve-
loppait avec plus de clarté. Luther ne s'atlaquait point à quelque
article isolé de la foi ; il renversait l'édifice entier du dogme
catholique, afin d'en ériger un nouveau sur ses débris.
Ouvrages a consulter sur le n° 19.
Const. Exsurge Domine, dans Rayn., an. 1520, n. 51 et seq.; Ilard.,
Conc, IX, 1895 et seq.; du Plessis d'Arg., I, n, p. 361-364; Le Plat, II,
p. 60-72 ; Bull. Rom., éd. Taur., V, 748 et seq.; Denzinger, Enchir.,
LE PROTESTANTISME. 210
doc. 80, n. 625 et seq. Cf. Pallav., I, xx, n. 3-6; Bossuet, loc. cit., I,
§ 24 et seq.
Système de Luther.
20. Le système de Luther était un mélange de mysticisme
religieux et panthéiste. 1° Tout, selon lui, est soumis à une
nécessité divine inéluctable; les actes de l'homme ne sont au
fond que des actes de Dieu ; l'homme n'a aucune Uberté, non
seulement dans l'état de nature déchue, mais encore dans l'état
de justification; Taccomplissement des commandements de Dieu
lui est impossible; le péché ne peut être effacé en lui, même
après la rédemption ; il se mêle à toute espèce de bien, et le
juste lui-même pèche dans chaque bonne œuvre qu'il fait.
2" L'état heureux où se trouvait Adam était un état naturel,
ou plutôt essentiel à sa nature; l'homme, en perdant cet état, a
perdu une partie intégrante de son être et a reçu une nature
opposée. L'homme déchu, devenu radicalement mauvais, ne
peut que faillir en faisant usage de ses forces. Tous les péchés
sont des manifestations, des fruits du péché originel. Toutes les
actions des païens sont des péchés.
3° Quand le pécheur est ébranlé par la prédication de la loi
que chacun de nous a conscience de ne pas accomplir, et qu'il
est proche du désespoir, l'Évangile lui est annoncé, et il reçoit
la consolation que Jésus- Christ a effacé les péchés du monde.
Plein de terreur et de crainte, il s'approprie les mérites du
Sauveur par la foi, qui seule justifie, et Dieu le déclare juste en
vue de ces mérites, bien qu'il ne le soit pas en réalité; dans
cette renaissance, œuvre de Dieu seul, l'homme est purement
passif. Aussi nul homme ne peut s'attribuer aucun mérite, et
cependant chaque fidèle est assuré de son salut. La foi qui
justifie n'est pas cette foi qu'anime la charité, comme le veu-
lent les catholiques; c'est la confiance en Jésus-Christ, dont
les mérites nous justifient, quelque grands péchés que nous
commettions.
4"* Et puisque la foi seule justifie, les sacrements ne peuvent
plus être le canal, la condition de la grâce justifiante; ils sont
simplement des signes attestant notre foi en la promesse que
Dieu nous a pardonné nos péchés en vue de Jésus-Christ et
nous a adoptés pour enfants, à moins qu'ils ne soient peut-être
220 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
d'invention humaine. Ils opèrent en proportion de la foi de
celui qui les reçoit; ils n'ont point de valeur objective. Ainsi
disparait la différence essentielle entre les sacrements de la loi
ancienne et les sacrements de la loi nouvelle.
5° Luther rejette tous les sacrements, à l'exception de trois
tout au plus (et ces trois ne sont pas indispensables) : il ne reste
donc que le Baptême, qui est le sceau, la cédule de la rémission
des péchés; l'Eucharistie, sur laquelle Luther a successive-
ment émis différentes doctrines, mais en rejetant toujours la
transsubstantiation et le sacrifice de la messe; la Pénitence,
dont les parties constitutives se réduisent à la terreur de la
conscience et à la foi. Quant à l'absolution, elle n'est qu'une
simple déclaration que les péchés sont remis : tout chrétien
peut la donner.
6** L'état ecclésiastique et la hiérarchie, surtout la primauté
du pape, ne sont pas seulement superflus, mais condamnables ;
tous les chrétiens ont le même pouvoir sacerdotal, la même
autorité sur la parole divine et les sacrements. Les conciles
eux-mêmes n'ont aucun pouvoir, aucun caractère obligatoire;
Hus a été injustement condamné à Constance; les excommuni-
cations n'ont aucun effet sur la vie religieuse, on doit plutôt les
souhaiter que les craindre.
T Comme toutes les œuvres extérieures, les pratiques de
pénitence, les vœux, les indulgences, n'ont aucune vertu-
Luther blâmait vivement tout ce qui se faisait dans la chré-
tienté, y compris la répression des hérétiques et la guerre
contre les Turcs, qui était une résistance à la visite de Dieu.
S" Le purgatoire, dont il n'avait pas d'abord contesté l'exis-
tence, fut rejeté, parce qu'on ne pouvait l'établir par les Écritures
canoniques et qu'il dérogeait à l'œuvre de Jésus- Christ, qui
seul délivre les âmes humaines sans le concours de l'homme.
ij 9' L'idée de la communion des saints est une idée oiseuse,
stérile. Luther recommande l'imitation des saints, mais défend
de les invoquer, parce que Jésus-Christ est l'unique Médiateur.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 20.
Mœhler, Symbolique, 1830; 6« éd., 1843, B. I; Hilger, Symbol.
Theol., Bonn, 1841 ; Slaudenmaier, Philos, d. Christenlh., I, p. 684 et
suiv.; Stœckl, Gesch. der Philos, des Mittelalters, III, p. 477 et suiv.;
Riffel, I, p. 28 et suiv., 2«^ 6d, — Vorreiter, Luthers Ringen mit den
hE PROTESTANTISME. 22l
anlichristl. Principien der Revol., Halle, 1861 ; Luthardt, die Ethik
Luthers in ihren Grundzügen, Leipzig, 18ü7. — 1) Pi'op. a Leone X
damn., 2-4, 32, 36; Luth., de Servo Arhitrio, Opp. III, 170, ed. Jen.;
in Gen. c. xix. OEuv. de Luther, éd. Wittenb., Ill, p. 162 ; VI, p. oOO-
502, 476; Dœilinger, Ref., III, p. 22 et suiv. — 2) Luth., in Gen.
c. in, Opp. I, 83; ed. Jen., VI; ed. Wittenb., 1580, p. 37 et seq.; Dœi-
linger, Ref., III, p. 18 et suiv., 30 et suiv., 112 et suiv. Sur la « foi
spéciale » comme confiance et certitude de l'état de grâce, ibid., p. 62
et suiv. Cette proposition : « Opera nihil sunt coram Deo aut omnia
sunt cequalia, quantum ad meritum atlinet », fut qualifiée par la
Sorbonne de « prop. falsa, sacris eloquiis adversa atque errori Jovi-
nianistarum conformis ». Celle-ci : « Liberum arbitrium, dum facit
quod in se est, peccat mortahter », de « prop. scandalosa, impia, in
fide et moribus erronea » (du Plessis d'Arg., I, ii, p. 368, 373).
3) Contre la loi et iMoise, sur Gai. c. iv, éd. d'Altenb., VI, f. 735, b;
Propos de table, éd. Eisleben, f. 168, a. Contre la « foi formée »,
Explication de l'Épitre aux Galates, f. 143; Dœilinger, III, p. 44 et
suiv., 116 et suiv. En 1321, Luther alla jusqu'à dire : « Esto peccator
et pecca fortiler, sed fortius fide et gaude in Christo (Epist. Luth.,
a Job. Aurifabro collectée, Jen., 1336, t. I, p. 343 ; de Wette, II, p. 37).
4) Prop. 1 a Leone X damn. : Walch, L. W., th. xix, p. 1180. Sur cette
assertion (de Captiv. babylon.), que l'invention des sacrements était
récente, les théologiens de Paris firent cette remarque : « Prop.
innuens recenter ab hominibus esse sacramenta inventa et non a
Christo instituta, est temeraria, impia et manifeste hœretica. » Cette
proposition, que toute l'efficacité des sacrements résulte de la foi, fut
qualifiée : « propos, efficaciœ sacramentorum novee legis impie deroga-
toria et hseretica » ; et la proposition affirmant que la confirmation et
l'extrème-onction n'ont pas été instituées par Jésus-Christ, fut appelée
proposition hérétique, imitée des albigeois, des wicléfites et des
héracléonites (du Plessis d'Argent., I, ii, p. 366 et suiv.). Sur le
mariage, voy. ibid., p, 368, n. 13-13). Luther demandait en outre que
« chacun gardât sa liberté à l'égard de tous les sacrements ; qu'on laissât
en repos celui qui ne voulait pas se faire baptiser; que celui qui ne
voulait pas recevoir le sacrement était libre ; que qui refusait de se
confesser était libre, même à l'égard de Dieu » (Abhdlg. von "der
Beichte, Altenb., 1" éd., p. 792. Cf. Dœilinger, III, p. 136 et suiv.).
5) Il n'attaque pas le baptême des enfants, sous prétexte que la foi de
leurs parrains leur est imputée; mais il ne dit rien du cas où les
parrains seraient incrédules ou hypocrites. Suivant lui, la seule prépara-
tion nécessaire à -l'Eucharistie, c'est la foi, et non la confession et la
prière (prop. 13 damn. Cf. Determin. Paris., loc. cit., p. 371). 11
se prononça plusieurs fois pour la communion sous les deux espèces
222 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
(prop. 16), bien que son système ne l'y obligeât pas : car la foi peut
aussi bien être vivifiée par une seule espèce que par deux, et même
sans aucune. D'où vient qu'il disait plus tard (1523), dans son règle-
ment de la messe ■ « Si un concile permettait ou défendait les deux
espèces, nous n'en accepterions qu'une seule, afin de braver le concile,
ou nous n'en accepterions aucune, et nous maudirions ceux qui pren-
draient les deux en vertu de cet ordre. » (Édit. allem, de Wittenb.,
VII, f. 367, b). Il n'était pas non plus nécessaire qu'après avoir rejeté la
transsubstantiation, Luther acceptât encore une présence réelle de
Jésus-Christ dans l'Eucharistie (impanation ou consubstantiation) ; il
n'y arriva que dans ses démêlés avec d'autres partis. Il rejetait le
sacrifice de la messe comme un trafic diabolique, et il souhaitait que
Dieu donnât à tous les pieux chrétiens un cœur tel, qu'en entendant lo
mot « messe », ils fussent efi"rayés et se signassent comme devant
une abomination satanique (Walch, t. XX, p. 1384. Voy. t. XVI,
p. 2202; XIX, p. 1576). Il aimerait mieux, disait-il (t. XXII, p. 1236)
avoir été un Ttopvoêouxôi;, que d'avoir blasphémé le Christ en disant la
messe pendant quinze ans. L'Écriture, selon lui, ne permettait pas de
considérer la messe comme un sacrifice, de l'oûrir pour les défunts,
les pécheurs, etc.; les prêtres qui disaient la messe étaient des ido-
lâtres. (Cf. Determ. Paris., p. 367 et seq.) Sur la pénitence, prop.
damn. 5-14 : Dœllinger, Ref., III, p. 67-78. La Sorbonne condamna
de la Captivité de Babylone les propositions, n. 18 : « Periculosum,
imo falsum est opinari pœnitentiam esse secundam tabulam post nau-
fragium » (prop. temeraria, erronea ac fatue asserta, ac B. Hieronymo
illam ponenti injuriosa); n. 19 : « Qui sponte confessus seu correp-
tus veniam petierit et emendaverit coram quovis privatim fratre,
non dubito a peecatis suis iUuni esse absolutum » (prop. innuens
laicos tam viros quam mulieres polestatem clavium habere est falsa,
sacramentis ordinis et pœnitentiee contumeliosa et ha^retica, cum
errore conveniens Waldensium et Quintillianorum). Luther disait :
« Il n'est pas au pouvoir du pape, de l'évèque, du prêtre, ni d'aucun
homme sur la terre, de remettre les péchés ; cela dépend uniquement
de la parole de Jésus-Christ et de la foi individuelle. Les clefs ont été
données non à saint Pierre, mais à vous et à moi. Quand je prêchais
la rémission des péchés, je prêchais le véritable Évangile, car voici
l'abrégé de l'Évangile : Qui croit en Jésus-Christ, ses péchés doivent
lui être remis, de telle sorte qu'un prêtre chrétien ne saurait ouvrir la
« gueule n sans prononcer une absolution. C'est ainsi que fait Jésus-
Christ dans l'Évangile quand il dit : « Pax vobis. » (Éd. Wittenb.,
VII, 3, f.; VI, 137. Voy. aussi VII, 355 ; XX, 60). Les clefs sont données
à la communauté intégrale de tous les chrétiens et d'un chacun, et
cela non pas seulement en vertu d'un pouvoir (spécial), mais aussi
«
LE PROTESTANTISME. 223
selon l'usage cl de toutes les manières possibles (ibid., VII, 355). L'ab-
solution papiste est une œuvre diabolique (ibid., VIII, 389 et suiv.).
Cependant il ne voulait pas abolir la confession privée. De Captiv.
babyl., II, 292 : « Occulta autem coufessio, quse modo celebratur, etsi
probari ex Scriplura non possit, miro taraen modo placet et utilis,
imo necessaria est, imo gaudeo eam esse in Ecclesia Cbristi. Cf. art.
Schmalcald., p. III, c. vni. Le maintien de la confession, comme une
œuvre purement extérieure, qui ne procure aucun changement dans
l'état du pécheur, contraire à la liberté chrétienne et souverainement
onéreuse, était une inconséquence : aussi ne put-elle se maintenir
parmi les luthériens. Dans son traité sur la confession (éd. d'Altenb., I,
p. 804 et suiv.), le réformateur dit que l'on doit se confesser au prêtre,
non en tant que prêtre, mais comme à un frère et à un chrétien
ordinaire. De là à rejeter les trois parties qu'on avait admises de
tout temps dans la confession, il n'y avait qu'un pas : la contrition
lui semblait faire de l'homme un hypocrite, un pécheur (prop. 6,
damnât., sur quoi la Sorbonne disait : « Prop. falsa, vise ad pœniten-
tiam impeditiva, S. Scripturis et doctrinœ Sanctorum difforniis »); la
confession au prêtre, inutile ; la satisfaction, une diminution des
mérites de Jésus-Christ. 6) Cette proposition : « Sacramentum Ordi-
nis Ecclesia Christi ignorât », fut qualifiée par la Sorbonne « hseretica,
error Pauperum de Lugduno, Albigensium et Wiclefistarum. » Et
celles-ci : « Omnes christiani habent eamdem potestatem in verbo et
Sacramento quocumque — Claves Ecclesise sunt omnibus communes
— Omnes christiani sunt sacerdotes » : Quaelibet harum trium
propos, est ordinis hierarchici destructiva et hseretica (p. 367). II
parle de l'ordination en termes bassement grossiers et injurieux :
Luth., de Instituendis Ministris Eccles., 0pp. Il, 385, 2<= édit.
d'Altenb., p. 492-315. Voy. ibid., I, p. 523. Sur les conciles, prop.
29, 30, damn. : Determ. Paris., p. 372 et seq. Le nom de concile,
écrivait Luther en 1524 (Epp., ed Aurif., Il, 243), m'est aussi suspect et
odieux que celui de « libre arbitre ». 11 blâme tous les conciles en
particulier, et il dit que c'est une folie honteuse et daranable de
« les honorer comme s'ils avaient le Saint-Esprit ». (Walch, t. XI,
p. 1891 ; t. XIX, p. 1034.) Il reproche au IV« concile de Latran
cette proposition : <( Divinam essentiam nec generari nec gene-
rare » ; et au concile de Vienne celle-ci : « Animam esse formam sub-
stantialem corporis humani ». Voyez là-contre Determ. Paris., p. 368 et
seq. Voyez encore Wittenb. deutsche Ausg., VI, f. 244, a; Dœllinger,
III, p. 193. Sur les excommunications, prop. 23, 24, damn. 7) Sur les
vœux, Determ. Par., p. 368, 372; prop. 41, damn.; sur les indul-
gences, prop. 17-22, damn. Punition des hérétiques : prop. 33.
Guerre contre les Turcs : prop. 34. Cf. Pallav., I, xxv, 12. 8) Le
224 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Purgatoire, prop. 37-40, damn. Les articles de Schmalcalde (p. II, c. il,
§ 9) l'appellent déjà uue invention diabolique. Voy. Mœhler, Symbo-
lique, § 52, p. 430 et suiv., 2« éd.
Publication de la bulle d'excommunication. — Elle est
tournée en dérision et livrée aux flammes.
21 . Le docteur Eck fut associé aux légats du pape, Aléandre
et Caraccioli, pour exécuter la bulle d'excommunication. Plu-
sieurs virent en cela un manque d'égards pour les évêques
d'Allemagne et la satisfaction d'une vengeance personnelle,
d'autant plus qu'on reprochait au vice-chancelier d'Ingolstadt
d'avoir, de son propre chef, étendu la bulle à différents parti-
sans de Luther. En plusieurs endroits la publication de la bulle
rencontra des difficultés : elle fut injuriée à Erfurt, à Torgau et
à Leipzig ; à Naumbourg, elle ne fut pas publiée, mais bien à
Cologne, Mayence, Meissen, Brandebourg, Mersebourg, Hal-
berstadt, Eichstœdt et Freisingue. L'électeur de Saxe aurait
voulu demeurer neutre; mais, cédant aux conseils d'Érasme,
dont la conduite était singulièrement équivoque, il s'intéresssa
vivement à son professeur, et soutint, contrairement à tous les
principes de l'Église, qu'il fallait encore une fois confier l'examen
de cette affaire à des juges impartiaux et commencer par réfu-
ter la doctrine de Luther au moyen de l'Écriture sainte.
Le débauché Ulric de Hütten renvoya la bulle à Rome avec
un commentaire malicieux et satirique. Luther lui-même l'envi-
sageait comme un factum fabriqué en Allemagne ; il se répandit
de nouveau en grossières injures contre le pape, qu'il qualifia
d'hérétique endurci, d'apostat damné, d'ennemi et d'oppresseur
de la sainte Écriture, de traître, de blasphémateur, de contemp-
teur de l'Église chrétienne; il en appela de nouveau au concile
général (17 novembre 1520), et rédigea contre la Bulle de
l'Antéchrist un pamphet où il dépassait toutes les bornes. Le
JO décembre, devant les portes de Wittenberg, il brûla solen-
nellement, avec la bulle du pape, le recueil des canons de
l'Église et plusieurs écrits de ses adversaires. 11 déclara publi-
quement qu'il ne s'agissait de rien moins désormais que d'abolir
toutes les institutions et toutes les lois de l'Église, de créer une
nouvelle théologie et une Église nouvelle. « Puisque tu as
affligé le Saint du Seigneur (Martin Luther), » s'écria-t-il, « sois
affligée toi-même et dévorée par le feu éternel. »
LE PROTESTANTISME. 525
Luther, après avoir annoncé cet autodafé dans un placard, s'en
réjouit comme d'un véritable triomphe. Ses collègues et les étu-
diants de Wittenberg l'applaudissaient ; le prince électeur et le
conseil de la ville, qui déjà s'était signalé (1512) par son opposi-
tion à l'Église, fermaient les yeux. Les luthériens renouvelèrent
les mêmes scènes en différents endroits. Cependant le docteur
Juste Jonas continua d'expliquer, même à Wittenberg, les dé-
crétales des papes; là comme ailleurs, on manquait d'esprit de
suite et de principes immuables. Luther exhortait ses auditeurs
à se garder de la tyrannie du pape, qu'il était urgent, disait-il,
de brûler avec toutes ses doctrines. La société de Luther était le
royaume de Dieu; la papauté, l'empire de Satan. Nulle paix
n'était donc plus possible, et les choses semblaient parvenues au
point où Luther devait succomber comme un hérétique digne
de malédiction, ou l'ÈgUse catholique périr tout entière.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 21.
Pallav., I, XX, 2 et seq., édit de Frisingue, 10 janv. 1521 ; du Plessis
d'Arg., [, II, p. 364; Le Plat, II, p. 83 et seq.; Riffel, I, p. 235 et suiv.
Attitude de l'électeur Frédéric : Pallav., T, xxiii, 8; Heinr. v. Zütphen,
Kurze Erzœhlung der Handlung in Cœln, Walch, L. W., th. xv,
p. 1919 et suiv.; Job. Sleidan, Ref.-Gesch., übers, v. J.-S. Semler, II,
p. 125. Lettre du pape à Frédéric et à l'université de Wittenberg :
0pp. Lutb., II, 256; Le Plat, II, p. 72-74; Pallav., I, xxn, 1, 2. Lettre
de Eck. aux Wittenbergeois, d. d. Leipzig, 3 oct. 1520 : 0pp. Lutb.,
éd. Jen., t. II, p. 469; Le Plat, II, p. 74. Le 5 novembre 1520,
Érasme avait déclaré à l'électeur de Saxe que l'on combattait la doc-
trine de Lutber pour des motifs inavouables, scandaleux pour tous
les gens de bien ; que le mieux était de faire arranger cette affaire
par des hommes prudents et non suspects (v. d. Hardt, Hist. litt.
Reform., I, 104 et seq.). Sur la demande de Spalatin, il disait encore
dans un écrit spécial : « Les plus pieux et les meilleurs bommes ont
pris de la mauvaise bumeur, non par les doctrines de Luther, mais
par les rudesses et les inconvenances de la bulle; deux universités
l'ont condamné, mais non réfuté; le pape est plus soucieux de son
honneur que de celui du Christ; on ne doit pas procéder contre les
savants par la violence (Burscheri, Spic, XV, p. 23). Érasme redemanda
cet écrit, de peur;qu'il ne fût livré à l'impression ; mais il l'était déjà
deux mois après, à son grand regret (Dœllinger, Reform., I, p. 5).
Cet humaniste sans caractère n'entendait pas se brouiller avec le pape,
etil écrivait à Rome : « Lutherum non novi nec libros ejusumquam
legi, nisi forte decem aut duodecim pagellas. » Léon X, dans une
V. — HIST. DE L EGLISE. 15
226 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
lettre qu'il lui écrivit le 10 janv. 1521 (Laetnmer, Monura. Vatic, n. 1,
p. 3 et 3uiv.), lui marqua sa joie des sentiments qu'il exprimait, tout
en manifestant son désir que d'autres ne fussent pas induits en erreur
à ce sujet et qu'il déployât son talent contre des doctrines impies.
Frédéric de Saxe aux nonces Caracciolo et Aléandre, 7 nov. 1520 : Le
Plat, II, p. 75, 76. Ulrich de Hütten (mort en 1523) contre la bulle :
Walch, th. XV, p. 1675 et suiv.; 0pp. Hulten, éd. Münch, p. IV, p. 7
et seq., Berol., 1821. Cf. Meiners, Lebensbeschreib. beriihmter Mœn-
ner, Zurich, 1796 et suiv., 3 vol.; Panzer, Ulrich v. Hütten in liter.
Beziehung., Nürnbei'g, 1798; Magenseil, U. v. H., ibid., 1823; Ferd.
Meyer, Huttens letzte Lebenstage, Leipzig, 1872 (mensonger); Meiszlin-
ger et Strauss (ci-dessus, VI, § 232); Hist.-pol. BL, t. IV, p. 257-273.
Luther contre la bulle, qu'il attribue à Eck : 0pp. II, p. 469, éd. Jen.;
Bossuet, Hist. des var., 1, § 24 et seq.; Riffel, I, p. 170 et suiv. (2'' éd.,
p. 242 et suiv.). Appel du 17 nov. : 0pp. II, 257; Le Plat, II,
p. 77-79 ; Walch, th. xv, p. 1909 et suiv.; Sarpi, I, § 14. Luther contre
la bulle de l'Antéchrist : Walch, loc. cit., p. 1723 et suiv. Elle est livrée
aux flammes : ibid., p. 1925 ; de Wette, 1, p. 322 et suiv.; Pallavic,
I, XXII, 3-5 ; xxiii, 11-14. Luther disait dans sa missive à la commune
chrétienne delà ville d'Esslingen, 1323 (Altenb., 2° éd., p. 362) : « La
doctrine du Christ et la doctrine du pape sont opposées comme le
jour et la nuit, comme la vie et la mort. »
La diète de AVornis (1591). — Luther à la H'artbourg- et à
^iVlltenherg.
La diète de 'Worms.
22. Le nouvel empereur Charles-Quint, peu familier encore
avec les querelles religieuses de l'Allemagne, mais élevé clans la
foi catholique et soumis à ses enseignements, avait permis aux
nonces du pape de brûler les écrits de Luther, mais il avait
ajourné à la diète qui devait se tenir à Worms la publication
d'un édit contre l'hérésiarque. Parmi les princes, la plupart
des ecclésiastiques, ainsi que Joachim 1" de Brandebourg, se
prononçaient pour des mesures sévères; d'autres étaient inti-
midés par les applaudissements que le fougueux novateur
recueillait dans la noblesse, dans le clergé et parmi les philo-
logues. Frédéric de Saxe et Louis, comte palatin du Rhin, furent
d'abord les seuls qui prirent son parti. Charles-Quint se pro-
posait d'appeler Luther à Worms ; mais le légat du pape, Jérôme
Aléandre, savant renommé, s'y opposa, parce qu'il n'était pas
LE PROTESTANTISME. 227
permis au pouvoir civil de remettre en question ce qui avait
été décidé par le pape, et il demanda qu'on fit exécuter les
prescriptions de la bulle d'excommunication.
Un nouveau décret, en date du 3 janvier 1521, déclarait que
Luther et ses partisans, ayant laissé passer le terme qu'on leur
avait fixé, avaient encouru de fait l'excommunication. L'empe-
reur, dans le principe seulement, se désista de son dessein,
Aléandre essaya de convaincre les princes, entourés partout de
luthériens, qu'il ne s'agissait point ici, ainsi qu'on le faisait
accroire communément, de questions théologiques accessoires
ni des intérêts de la cour de Rome. Le 13 février 1521 (mercredi
des Cendres), dans une réunion où tous les princes se rencon-
trèrent, à l'exception de l'électeur de Saxe, absent au commen-
cement, mais qui eut soin de se faire tout rapporter exacte-
mient par écrit, Aléandre fit sur eux une impression profonde.
Dans un éloquent discours, qui dura trois heures, il leur prouva
que la nouvelle secte était éminemment funeste et condam-
nable, qu'il fallait la combattre avec vigueur et que le meilleur
moyen était la mise au ban de l'empire, que cette mesure ne
pouvait pas être plus dangereuse qu'une lâche indifférence et
des ménagements intempestifs.
Les partisans de l'hérésiarque mirent tout en œuvre pour
neutraliser l'influence d'Aléandre par de nouveaux artifices.
Frédéric de Saxe ayant fait remarquer qu'il était douteux si
tous les livres publiés sous le nom de Luther émanaient de
lui, qu'il était nécessaire de l'entendre lui-même, l'empereur
céda, en ce sens qu'il manda Luther à Worms en lui accordant
un sauf- conduit. Plusieurs États présentèrent cent un griefs
sur des matières religieuses, et le duc George douze plaintes
relatives à la conduite du clergé, en demandant la convocation
d'un concile général. Les amis de Luther s'élevaient partout
d'un air audacieux, distribuaient son portrait entouré d'une
auréole, et répandaient une multitude de pamphlets, qui péné-
trèrent jusqu'à Rome. On les offrait à vendre aux portes des
églises, souvent entourés de représentations obscènes, aux-
quelles Luc Kranach prêtait sa main d'artiste. Luther continuait
d'être le héros du jour, alors même que des hommes religieux
et clairvoyants, comme le franciscain Thomas Murner, à Stras-
bourg, déploraient la folie et l'aveuglement de la foule.
228 HISTOIRE DE l'église.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* 22.
Sur Charles-Quint : Pallav., I, xxni, 1 et seq.; Cochlseus, Comment.,
éd. Mogunl., p. 26; Robertson, Gesch. K. Carls V, en allem., Kemp.
et Braunschw., 1792 et suiv., 3 vol.; Raumer, Gesch. Europa's seit d.
Ende des 15 Jahrh., I, p. 580 et suiv.; Lang, Correspondenz K.
Caris V, aus d. k. Biblioth. u. der Bibl. de Bourgogne zu Brüssel
mitgeth., Leipzig, 1844 et suiv., 6 vol.; Heim, Briefe an Carl V (1530-
1532), aus dem span. Archiv zu Simancas, Berlin, 1848; Autobiographie
Carls in portugies. Uebers. wieder durch Kervin de Lettenhove in
Brüssel aufgefunden, en allem, par Warnkœnig, Brüssel, 1862; Mau-
renbrecher, Carl V und die deutschen Protestanten, Düsseid., 1865
(Caractéristique, Hist.-pol. Bl., t. LX; Bonner theol. Lit.-Bl,, 1866,
p. 817-824). Jérôme Aleandre (mort en 1542) : Pallav., loc. cit., n. 1, 2,
c. XXIV et seq. Le card. Campeggio lui écrit le 15 janv. 1521 : Laem-
mer, Mon. Vat., n. 2, p. 4 ; Friedrich, der Reichstag zu Worms nach
Briefen v. Aleander (Abhandl. der k. k. Akad. d.; Wiss. Histor. BL,
t. XI, abth. III, an. 1870) ; Janssen, II, p. 138 et suiv. Bulle Decet Ro-
manum Pontificem : Bull. Rom., V, 761 et seq.; Le Plat, II, p. 79-83.
Discours d'Aléandre : Pallav., loc. cit., xxv, n. 7 et seq.; Le Plat, II,
p. 84 et seq. Comp. Tüb. Quartalschr., 1841, p. 648 et suiv. Autres
négociations : Pallav., I, xxvi, 1 et seq. Invitation à Luther, du 6 mars
1521 : Goldast, Const. imp., II, 142; Le Plat, II, p. 97, 98. Grava-
mina : Walch, th. xv, p. 2058 et suiv.; Goldast, I, 456 et seq.; Georgii,
Imperatorum nat. germ. gravamina ad Sedem Rom., Francof. et
Lips., 1725. — Satires et Pasquinades du temps de la Réforme, éd.
Oscar Schade, Hanovre, 1856-1858, 3 vol.; Gœdeke, Grundrisz der
Geschichte der deutschen Dichtung, t. I ; Kuezynski, Thesaur. libell.
bist. ref. illustr., Lips., 1870; Baur, Deutschi, in den Jahren 1517-
152Ö, Ulm, 1872. Contre les luthériens : Dr Thomas Murner, 0. S. F.,
Gedicht vom groszen lutherischen Narren, éd. H. Kurz, Zurich, 1848.
Comp. Vilmar, Geschichte der deutschen Nationalliteratur, p. 377;
W. Roehrich, Th. Murner, der Barfuszermœnch (Niedners Ztschr. f.
bist. Theol., 1848, IV, p. 587 et suiv.).
Luther à 'Worms.
23. Luther, quoique dissuadé par plusieurs de ses amis,
résolut de se reudre à Worms. Il pouvait se présenter en apolo-
giste de sa doctrine devant les princes et devant la noblesse,
où il comptait beaucoup d'amis; il pouvait même accroître son
crédit et le nombre de ses adhérents, sans avoir rien à craindre
pour sa sûreté. Il était allié avec beaucoup de chevaliers, les uns
LE PROTESTANTISME. 229
complètement irréligieux, les autres révolutionnaires, notam-
ment l'aventurier Franz de Sickingen et Sylvestre de Schaum-
bourg, dont la protection, disait-il volontiers, lui était superflue,
mais qu'il ne voulait point rejeter, puisqu'elle lui était envoyée
par Jésus-Christ, son unique refuge. Accompagné de cent
chevaliers, applaudi par un peuple avide de nouveautés ou
emporté par une admiration aveugle, Luther partit pour
Worms presque en triomphateur. Il y arriva le 16 avril 1521, et
alla résider dans le voisinage de son souverain Frédéric. Ses
partisans déployèrent une grande hardiesse afin d'intimider
leurs adversaires. Ils propagèrent, avec des pasquinades contre
Rome, des lettres menaçantes contre l'empereur et les princes,
dans le cas où Luther éprouverait quelque désagrément.
Le 17 avril, Luther parut pour la première fois devant la
diète. L'official de Trêves lui demanda, au nom de l'assemblée»
s'il reconnaissait comme siens les écrits (à peu près vingt-cinq)
qui se trouvaient devant lui, et s'il persistait à soutenir ce qu'ils
renfermaient. Luther répondit affirmativement sur la première
question; sur la seconde, il demanda du temps pour réfléchir.
Quoique cette demande ne parût pas fondée, car il devait être
prêt à répondre, on lui accorda un jour de délai. II n'avait que
deux partis à prendre : ou rétracter un système avec lequel il
s'était complètement identifié et sacrifier sa popularité, ou se
laisser traiter d'hérétique opiniâtre. Il prit ce dernier parti dès
qu'il ne lui resta plus d'autre alternative. Il déclara le 18 avril
que ses écrits se divisaient en trois classes : 1° ceux qui trai-
taient de religion — et ceux-là, il y tenait ; 2" ceux qui étaient
dirigés contre les papes et leurs décrets — les rétracter, ce
serait fournir de nouvelles armes à un bourreau (ici il injuria
violemment le pape, et l'empereur le rappela à l'ordre) ; 3** ceux
qu'il avait écrits contre ses ennemis — il ne pouvait pas davan-
tage les rétracter, parce que ses adversaires provoquaient ses
emportements et qu'il s'agissait non de sa sainteté, mais de sa
doctrine : eu un mot, il ne se rétracterait que s'il était convaincu
par des témoignages de l'Écriture sainte ou par des preuves
publiques, claires et lucides. II ne reconnaissait pas l'autorité
du pape et des conciles généraux, ces derniers étant tombés
dans des contradictions et des erreurs; sa conscience était cap-
tive de la parole divine, et il priait Dieu de lui venir en aide.
230 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Ouvrages a consdlteb et remarques critiques sur le n<* 23.
Hub. Leodii, Lib. de reb. gest. et calamit. obilu Fr. de Sickingen'
Freher, t. III, p. 296 ; Meiners Lebensbeschr. (ci-dessus, § 21) ; Histor.-
pol. BI., 1839, t. IV, p. 321 et suiv., 46Ö et suiv., 513 et suiv., S77 et
suiv., 669 et suiv., 723 et suiv. Luther, sur la protection des cheva
liers : de Wette, I, p. 448. Thomas Munzer reproche à Luther, en
1 524, de s'être glorifié de la protection des chevaliers en se rendant à
Worms, de leur avoir promis des couvents et des collégiales (Strobel,
Leben Th. Münzers, p. 166; Menzel, Neuere Gesch. der Deutschen, I,
p. 94 et suiv.). Sur les négociations : Cochlaeus, loc. cit., p. 25 et seq.;
Rayn., an. 1521; Pallav., I, xxvi, 8; c. xxvii, n. 2 et seq.; Acta
Lutheri in Comitiis Worraat., ed. Policarius, Viteb., 1546; Luth.
Opp. lat., Jen., II, p. 436 et seq.; Œuvres allem., éd. léna, I, p. 432-
463 ; Riflfel, I, p. 224 et suiv., 2« éd.; Friedrich, loc. cit. — Forschun-
gen zur deutschen Gesch., VIII, p. 21-44; Otto, das Colloquium des
Cochlœus mit Luther zu Worms (Oesterr. Vierteljahrschr. f. Theol.,
1806, 1); Hennés, Luthers Aufenthalt in Worms, Mayence, 1868;
Boye, L. zu Worms, Halle, 1824; Tutzschmann, L. zu W., Darmst.,
1860; Janssen, II, p. 161 et suiv.
Gharles-Quint et Luther.
24. Charles-Quint, sur qui l'extérieur grossier et replet de ce
moine superbe et nullement ascétique avait fait une impression
défavorable, dit cette parole : « Cet homme ne fera jamais de
moi un hérétique » ; il interrompit le colloque avec indignation,
et déclara par écrit aux princes (19 avril) qu'il était sur le point
de procéder contre ce moine rebelle à la croyance générale des
chrétiens et aux saints conciles, et de le traiter comme un héré-
tique notoire; qu'au lieu de l'entendre encore, il le renverrait
après une sévère mouition; que, du reste, il lui maintiendrait
un sauf-conduit jusqu'à ce qu'il fût rentré dans son pays. La
plupart des princes approuvèrent l'empereur. Mais l'archevêque
de Mayence, intimidé par des lettres menaçantes, et quelques
autres, qui croyaient qu'une nouvelle entrevue changerait les
sentiments de Luther, obtinrent un sursis de trois jours, puis
un second de deux jours. Cependant Charles-Quint ne permit
que des entrevues privées.
Richard de Greifenclau, archevêque de Trêves, son officiai Eck
cl Jean Cochlée, doyen des chanoines de Francfort, essayèrent
inutilemeut d'amener l'hérésiarque à reconnaître les conciles
LE PROTESTANTISME. 231
généraux, à se soumettre au jugement de l'Église ou à celui de
l'empereur, à retirer ses plus choquantes propositions. Tant
d'efforts et de prières ne firent qu'accroître la haute opinion
que Luther avait de lui-même, et il répondit enfin par ces paroles
de Gamaliel, qu'un mahométan ou tout sectaire aurait pu éga-
lement invoquer : « Si l'ouvrage est de main d'homme, il
tombera; s'il est de Dieu, il subsistera. » L'empereur, informé
de tout, ainsi que de la conduite scandaleuse du moine, lui fit
ordonner le 25 avril de quitter Worms dès le lendemain, et pro-
longea son sauf-conduit pendant vingt et un jours, avec défense
de prêcher en route et d'assembler le peuple.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 24.
Charles-Quint sur Luther : Pallav., I, xxyi, 7. Sa lettre aux princes :
Walch, th. XV, p. 2233 ; Goldast, II, 142 ; Le Plat, II, p. H5; Cochl.,
de Act. et Script. Luth., p. 32 et seq.; Pallav., loc. cit., c. xxvii, n. 4.
Luther invoque le texte des Actes, v, 38 et suiv. : ibid., n. 5-8 ; Riffel,
I, p. 283 et suiv. Cette conclusion du discoiirs de Luther : « J'en suis
venu là, je ne puis faire autrement », a été ajoutée après coup, ainsi
que l'a prouvé Burkhardt, Studien und Kritiken, 1869, h. III.
Départ de Luther. — Sa prétendue captivité. — Ëdit de
Worms. — Le ban de l'empire. — Ses effets.
25. Le 26 avril, Luther sortit de Worms, escorté de vingt
chevaliers de son parti. Deux jours après, il renvoya l'escorte
impériale avec le sauf-conduit et une lettre de justification à
l'empereur. Son intention était de n'être pas soupçonné, à la
suite de ce qu'il se proposait de faire, d'avoir déshonoré et
blessé l'escorte impériale, puis de jeter le discrédit sur ses
adversaires par sa prétendue captivité, il avait été convenu, en
eflet, entre lui et l'électeur Frédéric, que pendant son retour il
serait attaqué sur le territoire de Salzungen, en Thuringe, par
quelques chevaliers déguisés, enlevé de son chariot, mis sur un
cheval, et, déguisé en chevalier, conduit à la Wartbourg, près
d'Eisenach. Il y résida en effet durant une année, entouré de
tous les soins, sous le nom de chevalier Joerg, et il évita ainsi
les premières conséquences du ban de l'empire. Cette comédie
avait été secrètement concertée, mais la vérité fut bientôt
connue de tout le monde, ce qui n'empêcha pas les luthériens
de s'écrier que l'illustre docteur avait été, au mépris du sauf-
532 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
conduit, emmené par la force : de là de nouvelles plaintes
contre le pape.
Sur ces entrefaites (25 et 26 mai), le ban de l'empire (daté
du 8), rédigé par Aléandre, avait été publié à Worms. Il portait
que le moine opiniâtre devait être traité comme un hérétique
notoire, défendait de le favoriser, de le recevoir et de le
défendre; chacun devait, au contraire, tâcher de s'emparer de
sa personne et le livrer à l'empereur, parce qu'il avait encouru
le ban de l'empire ; ses complices et fauteurs étaient frappés de
la même peine. Il ordonnait de détruire ses livres et de punir
ceux qui les vendraient. Le tribunal impérial de Nurenberg
était chargé de veiller à l'exécution du décret. Cet édit sévère
valut à l'empereur les remerciements de plusieurs princes,
entre autres de Joachim 1" de Brandebourg, dont le zèle reli-
gieux avait été loué par le pape Léon X.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 25.
De Wette, U, p. 3, 7, 89 ; Pallav., I, xxviii, 1-4 ; Riffel, I, p. 213 et
suiv. (2« éd., p. 290 et suiv.). — Pallav., loc. cit., n. 5-8 ; Le Plat, H,
p. 116-127. — Léon X à Joachim 1°'' de Brandebourg et à George de
Saxe, 16 mars 1521 ; Lœmmer, M. V., n. 4, 5, p. 5 et suiv.
Révolte des luthériens contre l'édit de Worms.
26. Charles-Quint, dont la conduite fut hautement approuvée
du Saint-Siège, se rendit, après la clôture de la diète, dans les
Pays-Bas et de là en Espagne. Les troubles de la Péninsule,
une longue guerre avec la France l'absorbèrent tellement, que
l'Allemagne parut abandonnée à elle-même. L'empire, divisé,
sans argent et sans pouvoir exécutif, avait à sa tête le frère de
Charles-Quint, Ferdinand, âgé de dix-huit ans, qui avait été élevé
en Espagne et avait reçu l'Autriche en partage ; puis les princes
électeurs de Saxe et du Palatinat, enclins au luthéranisme.
Peu de temps après le départ de Charles, les luthériens com-
mencèrent à se déchaîner avec fureur contre l'édit qu'ils
détestaient, essayèrent d'intimider plusieurs princes et do
fanatiser la multitude en lui faisant croire que Luther, ce
véritable Allemand, ce grand prédicateur, cet ami du peuple,
avait été condamné illégalement et sans être entendu.
A.lphonse Valdezj ce pénétrant Espagnol, ne s'était pas trompé
I
LE PROTESTANTISME. 233
lorsqu'il avait dit que c'était là le commencement et non la fin
d'une grande tragédie. L'édit de Worms ne fut exécuté que
dans les États de l'empereur, de son frère Ferdinand, du prince
électeur de Brandebourg, du duc George de Saxe, du duc de
Bavière et de quelques princes ecclésiastiques. Plusieurs sei-
gneurs se méfiaient de leurs propres sujets; d'autres étaient
insouciants; d'autres enfin réclamaient contre l'édit, sous pré-
texte de préserver l'Allemagne de la tyrannie de Rome ; déjà
même quelques-uns s'élevaient contre l'empereur. Le cardinal
de Medicis essaya, par l'entremise du légat A.léandre, d'avertir
l'empereur de la violation de son édit et des conséquences
qu'entraînerait l'impunité de l'injure infligée aux deux pre-
mières puissances.
Léon X mourut peu de temps après (1" décembre 1524),
hautement célébré comme l'ami et le protecteur des arts et des
sciences, souvent blâmé à outrance par ceux qui méconnais-
saient les difficultés de sa position comme pape. 11 ne fut jamais
infidèle aux devoirs de sa charge suprême, et, en punissant des
vassaux parjures, il ramena sous la domination immédiate du
Saint-Siège Fermo, Pérouse et antres territoires.
Léon X eut pour successeur Adrien VI, ancien précepteur de
Charles- Quint et archevêque de Torlose, renommé pour son
érudition et la pureté de ses mœurs. Hollandais de naissance,
il appartenait à la nation allemande. Il s'appUqua avec zèle à la
réforme de la cour romaine; mais il n'était pas donné au pape,
quels que fussent son dévouement et sa sainteté, de conjurer
l'orage une fois soulevé par Luther, dont la doctrine était
partout répandue.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N' 26.
Pallav., II, I, 1 et seq. Lettre de Léon X à l'empereur, à son
confesseur, etc. : Laemmer, Mon. Vatic, p. 7 et suiv., n. 6 et seq. —
Alphons. Valdez, ep. ad Petr. Mart. le card. de Medicis à Aléandre : Pal-
lav., 11, I, 6. Sur Léon X, VI, § 173 ; Ranke, Rœm. Paepste, I, p. 89 et
suiv.; 111, p. 263. Le pape Adrien : Hœfler, Wahl und Thronbes-
teigung des letzten deutschen Papstes Adr. VI, Vienne, 1872. Hadria-
nus Florentins, né à Utrecht, 1439, professeur à Louvain et auteur
théologique (Comment, in libros Sent., etc. Cf. Syntagma theol.
Adriani VI, éd. Reussens, Lovan., 1862. Cf. Anecd. de vita et script.
Hadr. VI, ib.), mais élevé dans les doctrines des humanistes (Licet
234 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
scbolasticis disciplinis faveret, satis tarnen aequus in bonas litteras.
Erasm., ap. Burmann, Analecla hist. de Hadr. VI, Traj., 1727, in-4o.
Voy. la correspondance d'Adrien avec Érasme, trad. du latin en allem.,
Francf., 1840). Il avait soutenu, comme docteur privé, que « plusieurs
papes avaient été hérétiques »; mais il n'a jamais, comme pape, rien
affirmé de pareil. Ses livres ne furent pas revisés pour une nouvelle
impression : Gotti, Vera Eccl., t. I, c. ii, § 1, n. 6. Sur ses réformes,
Rayn., an. 1523, n. 117; Pallav., 1. II, c. ii-iv. Cf. Launoji 0pp., V, i,
1. IV, ep. L, II, p. 562; Moroni, Diz. t. I, p. 104-107; Ranke, R. P., I,
p. 90-92 ; III, p. 238, 241 ; Gachard, Correspondance de Charles-Quint
et d'Adr. VI, Bruxell., 1859 (Lettres de 1516-1523).
Partisans de Luther.
27. Les progrès de la nouvelle doctrine ne furent arrêtés ni
par les sentences des universités de Paris (15 avril 1521) et
d'Oxford, ni par les réfutations de quelques personnages mar-
quants, ni par la retraite dans laquelle le novateur se déroba
assez longtemps aux regards de la foule. L'évangile de Luther
offrait à la portion ignorante et immorale des moines et des
clercs un excellent prétexte pour échapper à leurs vœux et à
la loi du célibat; aux seigneurs, dont la plupart étaient criblés
de dettes, il montrait dans la confiscation des biens d'Église un
excellent moyen de sortir d'embarras, et dans la spoliation des
principautés episcopales une ressource pour étendre et arrondir
leurs domaines; les villes impériales ne visaient qu'à s'affran-
chir entièrement de la juridiction épiscopale et monacale ; la
chevalerie appauvrie jetait un regard avide sur les petites fon-
dations religieuses et sur les couvents. Enfin, la tempête qui
venait d'être soulevée promettait des avantages aux philolo-
gues de l'école d'Érasme et de Mélanchthon, d'ailleurs hostiles
aux évêques et au clergé; leur influence augmenterait aussi, si
on élevait sur le fondement de l'étude de la parole biblique une
ÉgUse qu'ils auraient concouru à fonder, si leur prédicateur
favori rompait avec toutes les anciennes traditions, et si la
libellé de la science prévalait sur toute autorité extérieure.
Le « réformateur » était de plus encensé par la génération
grandissante, par la jeunesse qui venait d'entrer dans la vie
publique, et qui voyait en lui le représentant de la civili-
sation et du progrès, le précurseur d'une ère nouvelle pleine
LE PROTESTANTISME. 235
de vigueur et do vie, d'où toutes les vieilleries surannées dispa-
raîtraient sans retour. Le peuple voyait dans ce moine simple
et pauvre, mais éloquent et actif, qui se dressait en face des pré-
lats opulents et fastueux, la plupart très désœuvrés, un pro-
phète envoyé de Dieu, un troisième Élie. Peu familier encore
avec les hyperboles et les pompeuses déclamations des rhéteurs,
le peuple prenait toutes ses paroles au pied de la lettre, d'autant
plus que Luther semblait tout emprunter à la Bible, qu'il en
appelait sans cesse à Jésus-Christ et à l'Évangile, et sacrifiait
sa personne tout entière à sa doctrine. Le vulgaire se familia-
risait avec les idées consolantes qu'on lui avait malicieusement
cachées jusque-là et qu'on lui prêchait aujourd'hui avec tant
de force; il s'accoutumait aux calomnies effroyables lancées
contre l'Église dominante et surtout contre la papauté, qu'on
accusait, depuis le concile de Bâle, de repousser toutes les
réformes, d'être l'auteur de tous les maux dont on souffrait.
Le spirituel et le temporel flottaient pêle-mêle dans l'imagi-
nation de la foule; la nouvelle liberté chrétienne promettait
l'abolition de toutes les charges, corvées, cens, dîmes, taxes,
contributions, et finalement la suppression de toute autorité.
Les écrits de Luther caressaient toutes les faiblesses du carac-
tère national des Allemands : farcis de sentences et d'images
bibliques, remplis de bons mots et de remarques populaires,
tour à tour graves et frivoles, ils pouvaient se lire dans les
cabarets aussi bien que dans la chaire. Ils flattaient la multi-
tude.
La justification obtenue sans préparation aucune, par la
simple imputation des mérites de Jésus-Christ; la certitude de
l'état de grâce et de salut acquise par un simple acte de foi,
les bonnes œuvres inutiles au salut et sans influence sur la
justice, l'Écriture sainte devenue intelligible à tous et présentée
comme l'unique règle de la croyance, les droits des chrétiens
inaliénables, ces idées trouvaient partout de l'écho. Les anciens
disciples du « réformateur » , des maîtres d'école, des manœuvres,
des paysans, se flattaient de comprendre la Bible et d'être en
pleine possession de la vérité, tandis qu'ils la refusaient à
toutes les autorités de l'ancienne Éghse. Au lieu de s'affaiblir,
le nombre dos partisans du « réformateur » croissait de jour en
jour.
236 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 27.
La faculté de théologie de Paris, à laquelle le syndic Noël Beda
avait présenté, le 2 mai i520, la lettre de l'électeur de Saxe sur l'af-
faire de Luther, donna contre elle une détermination, le i5 avril 1521 :
Bzov., an. 1522, n. 21; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 365-374; II, i, p.
i-iv; Le Plat, II, p. 98 et suiv. Elle rappelle au début que Luther
renouvelle les anciennes hérésies; qu'il reproduit la doctrine de
Montanus et de Manès, celle des manichéens sur le libre arbitre, celle
des hussites concernant la contrition et ses effets, celle des wicléfites
sur la confession, celle des béghards sur les commandements, celle
des cathares sur la punition des hérétiques, celle des vaudois et des
bohémiens sur l'immunité ecclésiastique et les conseils évangéliques,
celle des ébionites sur l'observation des prescriptions légales. Elle
prouve que Luther enseigne des erreurs intolérables sur les sacre-
ments, les péchés, les peines du purgatoire, les conciles généraux;
qu'il blasphème la philosophie, le pouvoir ecclésiastique et les indul-
gences ; que le livre de la Captivité de Babylone est comparable au
Coran. De ce dernier écrit, elle produisit, sous neuf titres, 24 proposi-
tions (de sacramentis 19, de constitutionibus Ecclesiae l,de operum
œqualitate 1, de votis 2, de divina essentia et corporis forma hu-
mani 1), qu'elle qualifia, puis d'autres propositions tirées d'autres
livres, sous 19 titres (de conceptione B. V. M. 1, de contritione et iis
quae eam prœcedunt 10, de confessione 7, de absolutione 4, de satis-
factione 7, de accedentibus ad Eucharistiam 2, de certitudine charita-
tis habitœ 2, de peccatis 7, de praeceptis 6. de consiliis evangelicis 4,
de Purgatorio 9, de conciliis generalibus 4, de spe 1, de pœna hsere-
ticorum 1, de observatione et cessatione legalium 1, de hello contra
Turcas 1 , de immunitatibus 1 , de libero arbitrio 5, de philosophia et
theologia scholastica 7), puis une foule d'autres. Joignez-y, d'après
une proposition contre Denys, de Cœl. hierarch., 81 propositions.
La thèse m, in tit. XIX : « Theologia scholastica est falsa Scrip-
turaî et sacramentoruni intelligentia et exulem nobis facit veram et
sinceram theologiam », est qualifiée : « prop. falsa, temeraria et su-
perbe asserta, ac sacrœ doctrinœ inimica. » — Judicium academiœ
Oxon. adv. Luther., 1521, ib., I, ni, p. 380, 381. — Henri VIII d'An-
gleterre (ci-dessous, § 34) ; Jean Fisher, évèque de Rochester, Asser-
tionis Lutheranœ confutatio, 1523. Cf. Laemmer, Vorlrid. kath. Theol.,
p. 14 et suiv. La Responsio Rossei ad convicia M. Lutheri congesta in
Henric. Reg. Angl. est attribuée par quelques-uns à Thomas Morus.
Jacques Hogslraten, Colloquiorum libri VI, Colon., 1522; Epitome de
fide et oper.. Col., 1524. Cochlée, Consideratio super articulis Lu-
theri, Ingolst., 1546, etc. Jérôme Emser, Missee christianorum con-
LE PROTESTANtISMË. 23t
Ira Luth, missandi formulam, ap. Dresd., i524. Réponse (1525) au
sujet do l'horreur que Luther éprouvait pour la messe basse. —
Erasm. Epist., 1. XVin, p. 593; L XIX, p. 602, 604, 683, 596; 1, XXI,
p. 771 ; 0pp. IIL 1, éd. Lugd., p. -766, 818 et seq., 824, 846; Crotus
Hubeanus, Apologia privatim ad quemdam amicum conscripta, Lips.,
1531 ; Ulmann, Franz v. Sickingen, Leipzig, 1872.
Dispositions intérieures de Luther. — Ses travaux à la
Wartbourg.
28. Luther, quoique tourmenté de souffrances physiques,
bourrelé de remords et agité de tentations diverses, ne changea
pas de dispositions pendant son séjour à la Wartbourg, son
« Palmos », comme il l'appelait. Ces questions inquiètes qu'il se
posait à lui-même : suis-je seul sage ou ne suis-je pas plutôt
dans l'erreur? suis-je appelé et autorisé à renverser l'ancienne
doctrine de l'Église? il les envisageait comme des tentations du
diable, et les bannissait de son esprit par la variété des distrac-
tions. 11 s'affermissait de plus en plus dans sa théorie, dans sa
haine contre l'ancienne Église, qu'il lui semblait plus utile,
plus nécessaire de combattre que les vices les plus grossiers.
Il commença sa traduction allemande de la Bible, qu'il accom-
moda de tout point à son système, composa divers écrits contre
le théorogien catholique Latome et l'université de Louvain;
contre Albert, archevêque de Mayence; contre les vœux monas-
tiques et les messes privées. Dans ce dernier écrit, il assurait
n'être arrivé qu'après de longs combats avec sa conscience à
considérer le pape comme l'Antéchrist, les évêques comme ses
apôtres, les universités comme ses maisons de débauche. Après
avoir écarté tous les doutes que lui suggérait « son cœur
souvent agité », il se prononça nettement pour l'abolition du
célibat et des vœux monastiques, tant pour lui-même que pour
les autres, car ils lui étaient depuis longtemps à charge.
OUVRAGES A CONSULTE« ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 28.
Dœllinger, Réforme, III, p. 252 et suiv.; Luther, Eine Skisse (Freib,
K.-Lex., VI, p, 659 et suiv.); U. Wilzschell, Luthers Aufenthalt auf
der Wartburg, Vienne, 1875. En 1522, Luther écrivait à Harmuth de
Kromenberg (Aurifaber, epist. ii, p. 106) que Dieu devrait plutôt
laisser croupir tous les gens dans la boue et l'ordure du péché que de
les laisser vivre dans le papisme et aveuglés sur la vraie doctrine.
Dans son « Apologie et Réponse au cri de mort des papistes » (1523),
238 HISTOIRE DE l'ÉGLISE
on lit : «Oh! il est beaucoup plus nécessaire maintenant de prêcher
contre la subtile, sainte et habile séduction du monde par le peuple
tonsuré, que de prêcher contre les pécheurs publics, les païens et les
Turcs, les brigands et les assassins, les voleurs et les adultères. » Voy.
Dœllinger, I, p. 281. Sur les écrits : Contre l'idole de Halle (l'archev.
Albert), des Vœux monastiques (dédié à son père), de l'Abus des
messes (dédié aux augusUus de Wittenberg), voy. Walch, th. xix,
p. 1304 et suiv., 1800 et suiv.; th. xvm, p. 1204 et suiv.; Riflfel, I,
p. 329 et suiv., 2« éd.
Troubles à Wittenberg.
29. Ces enseignements allaient bientôt porter lenrs fruits.
Vers la fin de 1521, les augustins de Wittenberg et d'Erfurt
rompirent tous leurs liens monastiques, déclarèrent que leurs
vœux étaient invalides, abolirent la messe, et donnèrent la
communion sous les deux espèces. Le prince électeur Frédéric
en fut d'abord mécontent; il questionna cinq de ses docteurs, et
se déclara satisfait après que Carlostadt, Mélanchthon et Jonas
eurent approuvé la résolution des augustins; il demanda seule-
ment que la liturgie fût célébrée selon l'ancien rite dans la
principale église; il en fut ainsi pendant deux ans — jusqu'à ce
que Wittenberg fût complètement « luthéranisé ». — Carlostadt
alla bientôt plus loin encore : à Noël, en 1521, il célébra la
messe en langue allemande, omit plusieurs cérémonies, et donna
la communion à qui la voulut, même sans confession préalable.
Barthélémy Bernhardi, de Feldkirch, dans le Vorarlberg, curé
de Kemberg, se maria en 1521 ; soumis à un interrogatoire, il
se justifia par les arguments ordinaires des ennemis du célibat.
Carlostadt, ayant pris femme aussi, essaya de prouver par l'Écri-
ture la nécessité de la clérogamie. H disait aussi que la volonté
de Dieu, déclarée par saint Paul, était que personne ne devait
faire vœu de chasteté avant soixante ans. On vit reparaître les
briseurs d'images. Il y avait encore à Wittenberg quantité
d'ecclésiastiques ennemis des nouveautés, qui célébraient le
culte divin selon l'ancien rite. Carlostadt et le moine Gabriel
Didyme (Jumeau), à la tète d'une bande d'écoliers et de paysans,
pénétrèrent dans les églises et dans les couvents, arrachèrent les
tableaux des saints, renversèrent les autels, brisèrent les con-
fessionnaux et commirent d'affreux désordres,
LE PROTESTANTISME. 239
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SDR LE N" 29.
Pallavic, II, vin, 18; Luthers W., th. xv, p. 2332 et suiv.; Bern-
hardi, Apologia pro uxore ducta, th. xviii, p. 2334 et suiv.; Cailosladt,
Axiomata. — Klingenbeil, sur le mariage des prêtres, 1528, avec pré-
face de Luther : Walch, part. XIV, p. 253. J.-G. Wolter, Prima Gloria
clerogamicB restitutœ Luthero vindicata, Neost., ad 0., 1767, in-i».
(George, duc de Saxe, fit jeter en prison le curé Jacques Seidler, qui
s'était marié. 11 y mourut.)
Les anabaptistes.
30. Les fruits de la nouvelle doctrine furent encore plus
visibles parmi les anabaptistes. Usant des mêmes droits que
Luther avait fait valoir jusque-là pour renverser les institu-
tions de l'Église, les anabaptistes attaquèrent dans le voisinage
de Wittenberg le baptême des enfants, et jetèrent Mélanchthon,
qui ne s'y attendait pas, dans un étrange embarras. Le princi-
pal centre des anabaptistes était Zwickau, où uu fabricant de
drap, Nicolas Storck, avait réuni autour de lui douze apôtres
et soixante- dix disciples, et se donnait pour prophète. Marc
Thomas, Marc Stubner, Martin Cellarius et Thomas Münzer,
prédicateur à l'église de Sainte- Catherine, entrèrent dans son
parti. Les anabaptistes rejetaient le baptême des enfants, parce
que la foi était nécessaire pour recevoir le baptême {Marc, xvi,
16) ; ils se disaient en commerce intime avec le Ciel, et se propo-
saient de fonder « un hbre royaume de Dieu », fallùt-il recourir
à la révolte et à l'extirpation du clergé. Ils rejetaient la doc-
trine de Luther sur la justification par la foi.
Chassés de Zwickau vers la fin de l'année lo21, ils se reti-
rèrent à Wittenberg, où ils accrurent encore la confusion. Ils
trouvèrent de la vogue. Dédaigneux de la science, ils se glori-
fiaient de posséder le Saint-Esprit, qui révèle aux petits ce
qu'il cache aux grands de la terre. Ils avaient des extases, des
visions, des rêves prophétiques; ils prêchaient la libre répu-
blique du Christ, où il n'y aurait aucune autorité spirituelle ni
temporelle; chacun y vivrait selon la loi qui habite en lui, dans
une parfaite communauté de biens. Plusieurs de ces égarés se
hv raient à d'infâmes débordements. Carlostadt se laissa entiè-
rement gagner par eux, de même que le moine Didyme,
qui conseillait aux parents de détourner leurs enfants de l'étude.
240 mstoiRE DE l'église.
Carlostadt, comme l'avait déjà fait Luther à plusieurs reprises,
déclarait la guerre à toutes les sciences, et courait lui-même
dans les échoppes des artisans pour apprendre d'eux l'interpré-
tation de l'Ecriture, parce que l'étude ne les avait pas rendus,
comme les savants, incapables de la comprendre.
Les étudiants prenaient la fuite ou étaient rappelés par leurs
souverains; l'université semblait à la veille d'une dissolution.
Mélanchthon, incapable de réfuter les objections des anabap-
tistes, se demandait avec inquiétude si leur doctrine ne serait
pas fondée sur la Bible, et si par conséquent on n'était pas
obUgé de l'admettre. Luther, à qui, dans son embarras, il
demanda conseil, écrivit une instruction (janvier 1522) sur la
manière d'éprouver les esprits ; mais cela ne servit de rien, et
déjà il était à craindre que l'autorité civile, ainsi que le propo-
sait George, duc de Saxe, ne fît exécuter les décrets impériaux
contre les novateurs.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N« 30.
Walch, L. W., th. xvi, p. 199 et suiv.; Riffel, I, p. 479 et suiv.
(2« éd., p. 581-632); G. Th. Strobel, Leben, Schriften und Lehren Th.
Münzers, Nürnb., et Altdorf, 1795, et Beitr. zur Lit. d. 16 Jahrh.,
t. II, st. i; L. V. Baczko, Thomas Münzer, dessen Charakter und
Schiksale, Halle et Leipzig, 1872; Hast, Gesch. der Wiedertœufer.,
Münster, 1835; Seidemann, Thom. Münzer, Dresde, 1842 ; L. Kœhler,
Thom. Münzer und seine Genossen, Leipzig, 1846; Hist.-pol. Bl.,
1841, t. VII, p. 236-256, 310-320. A Zwickau, Nicolas Storck et ses
compagnons furent surtout combattus par Nie. Hausmann, né à
Fribourg en 1479, curé à Schneeberg en 1519, à Zwickau depuis le
mois de mai 1521, à Anhalt en 1532, mort en 1538 à Fribourg, pro-
fondément regretté de Luther (« quod nos docemus, vivit ille. ») Sur
les anabaptistes, Mélanchthon écrivait au prince électeur : « Quibus
ego quomodo commovear non facile dixerim... De quibus judicare
praeter Martinum nemo facile posset. » Luther sur la science : Walch,
th. XI, p. 459, 2308 ; th. viii, p. 2044; th. ix, p. 599 ; th. vu, p. 2160.
Voy. Germania, 22 juillet 1873. Sur l'épreuve des esprits, ibid., th. xv,
Anh., p. 221.
Retour de Luther à Wittenberg.
31. Luther quitta la Wartbourg secrètement et contre le
gré de son souverain (3 mars 1522), et se rendit à Wittenberg.
Il s'excusa auprès de Frédéric, qui ne laissait pas de lui être
LE PROTESTANTISME. 24.1
favorable, en disant qu'il ne fallait pas mesurer les œuvres de
Dieu d'après les idées des hommes ; qu'étant poussé par l'esprit
de Dieu, il était sous une protection plus haute que celle du
prince; qu'il était obligé de combattre la mauvaise semence
répandue par le diable à Wittenberg. Il essaya en outre de
calmer ce prince par de plus douces paroles. Depuis le 9 mars,
il prêcha à Wittenberg pendant une semaine entière, « en
donnant sur le nez aux esprits exaltés » ; il rétablit en paroles
la confession, l'élévation de l'hostie et la communion, toléra
d'autres pratiques et essaya de renouveler la Uturgie. Son
dessein, en s'élevant contre les désordres, était d'empêcher le
discrédit de sa doctrine, de relever son autorité dogmatique et
de lui préparer de nouveaux triomphes par ses talents d'ora-
teur.
Son œuvre avait pris d'abord un mouvement rapide; il
voulait maintenant ralentir sa marche et ménager davantage
les choses extérieures. 11 n'ignorait point qu'il lui suffisait de
sauver sa théorie de la justification, pour que tout ce qui ne
cadrait pas avec elle tombât bientôt de soi-même. Il allait
jusqu'à menacer, si l'on continuait d'agir aussi violemment
qu'on avait fait jusque-là, de rétracter tout ce qu'il avait dit et
enseigné jusque-là, et d'abandonner les rebelles à leur destinée.
Il attribuait toutes les menées des co-réformateurs qui lui résis-
taient à la jalousie du diable, qui travaillait à déshonorer le
nouvel Évangile. L'autorité qu'il s'attribuait à lui-même, il ne
voulait l'accorder à personne. Aussi Carlostadt, qui avait été
jusqu'alors son meilleur auxiliaire en conseils et en actes,
que lui-même avait vanté comme un théologien d'un incom-
parable jugement, dut céder à sa colère : on lui défendit de
prêcher, on le chassa de Wittenberg (1522), et l'on interdit
l'impression de ses ouvrages. Luther le traitait d'homme
infâme, incrédule et souillé de tous les vices, et le persécuta
partout.
Lorsque Carlostadt se fut chargé de la paroisse d'Urlamunde,
le réformateur s'y rendit au nom du prince électeur pour com-
battre « sa mauvaise administration », et parvint à le faire
chasser des terres du prince électeur ; il continua de poursuivre
de sa haine son ancien ami absent, par cette raison surtout
que Carlostadt contestait la présence réelle de Jésus-Christ dans
V. — msT. DE l'église. 16
24^ HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
l'Eucharistie, et prétendait qu'en prononçant ces paroles :
« Ceci est mon corps », Jésus-Christ n'avait pas désigné le
pain, mais son propre corps.
Munzel, qui abusait de sa chaire d'Alstadt pour débiter des
sermons insurrectionnels, fut également expulsé. Déjà l'auda-
cieux réformateur disposait de la puissance de son souverain,
et ce fut grâce à elle qu'il vainquit les autres réformateurs.
Lorsque l'ancien protecteur de Luther, Staupitz, se détacha
de lui et entra chez les bénédictins de Salzbourg, Luther le
traita d'aliéné, et vit dans sa mort prématurée (1524) une puni-
tion de Dieu.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 31.
De Wette, L. W., II, p. 137 et suiv.; Walch, th. xv, p. 2378 ; Pallav.,
II, viii, 17; Dœliiuger, Luther (Freib. K.-Lex., VI, p. 661). Doctrines
de Carlostadt : Walch, part. XX, p. 138; Pallavic, II, xii, 1. Dans léna,
à l'Ours noir, Luther et Carlostadt discutèrent de la façon la plus bru-
tale sur l'Eucharistie. Luther dit à Carlostadt en pailant : « Puissé-je te
voir sur la roue ! » A quoi Carlostadt répondit : « Puisses-tu te rompre
le cou avant d'arriver chez toi ! » (OKuvr. de Luth., éd. Yittenb.,
part. IX, p. 208 et suiv.; Walch, part. XV, p. 2423. Carlostadt arriva à
Strasbourg en 1524, et provoqua Bucer et Capito à une dispute. Le
15 décembre 1524, Luther avertit les Strasbourgeois de se mettre en
garde contre lui. Bucer et Capito essayèrent d'intervenir. Carlostadt
publia iï Belle son écrit contre l'usage antichrétien du pain et du calice
du Seigneur (Walch, part. XX, p. 138) et autres traités contre Luther;
participa à la guerre des paysans, s'humilia en 1525 devant Luther, se
lit marchand dans la contrée de Vittenberg, fut de nouveau contraint
en 1528 de quitter la Saxe, repartit pour la Suisse, et mourut de la
peste, professeur et prédicateur à Bàle, 1541. J.-C. Füszli, Andreas
Bodensteins, sonst Carlstadts Lebeusgesch., Frankf. et Leipzig, 1776j
Kœhler, Lebensbeschreibungen deutscher Gelehrter und Künstler,
Leipzig, 1792, 1, p. 1-101 ; II, p. 239-268; Gœbel, Andr. Bodensteins
Abendmahlslehre (Stud. u. Kritiken, 1842, II); Jœger, Andr. Bodenstein
V. Carlstadt, Stuttg., 1850. Depuis 1519, Jean de Stauplitz s'éloigna de
plus en plus de Luther ; il se rendit à Salzbourg, sortit, par l'entremise
du cardinal archevêque Matthieu Lang, de l'ordre des augustins,
moyennant dispense du pape, entra chez les bénédictins, et devint
abbé de Saint- Pierre (1522). il écrivait alors : « La doctrine de Luther
est vantée par ceux qui visitent assidûment les maisons de débauche ;
ses nouveaux écrits ont causé de graiiçls spm^JaJljÇf^ » Lutheri üpp-, ed..
LE PROTESTANTISME. 24.3
Aiirifaber, II, f. 76. II mourut le 28 déc. 1524. Voy. Grimm, in lUgens
Ztschr. f. hist. theol., VII, 74-79 ; Dœllinger, Ref., I, p. 153-155.
Autres travaux littéraires du réformateur.
32. Les excès qui accompagnaient le nouvel Évangile de
Luther, ne nuisirent pas plus à la cause de Luther que les
désordres des radicaux extrêmes ne nuisent de nos jours à la
cause des libéraux modérés. L'éloquence populaire de Luther,
son autorité, la puissance de son souverain, ses nouveaux
travaux littéraires, maintinrent la cohésion de son parti. Son
ami Mélanchthon avait rédigé pour les écoliers et les savants
des Lieux théologiques, entièrement conformes à son esprit;
ils furent souvent réimprimés dans la suite, et modifiés par
Mélanchthon lui-même. Les pensées du réformateur sur le libre
arbitre, sur la prédestination absolue, etc., furent recueillies,
mais non au complet. Dépourvues de profondeur et de solidité,
elles étaient rédigées dans un beau langage. Les dogmes de la
Trinité et de l'Incarnation ne figurèrent que dans les dernières
éditions, d'après un extrait des six premiers conciles. Luther
disait lui-même que cet ouvrage était ce qui avait été de mieux
écrit depuis le temps des apôtres. Il déployait une grande
activité littéraire : tantôt réservé et temporisateur, tantôt em-
porté au delà de toutes les bornes, au gré de son humeur.
Luther injuriait tous ses adversaires en théologie. Faire vœu
de pauvreté et de chasteté perpétuelle, disait-il, c'est vouloir
blasphémer toute sa vie; il voulait que les vœux monastiques
fussent supprimés par l'autorité, et les couvents détruits. Il se
surpassa lui-même par les blasphèmes honteux qu'il vomit
contre le vénérable canon de la messe, étabU, quant à sa
substance, depuis le sixième siècle. Il en publia une traduction
allemande, accompagnée de remarques satiriques.
Bientôt la pensée lui vint de faire supprimer la messe;, après
avoir si vertement blâmé Carlostadt pt>nr ce fait. Aux cha-
noines de Wittenberg qui lui faisaient opposition il disait :
Vous voulez former des « factions » et des« sectes ». Il déchaîna"
ses partisans contre les « frocards diseurs de messes », cl finit
par supprimer formellement le canon de la messe, en conser-
vant toutefois l'élévation (novembre 1525). 11 rejetait complè-
tement l'antiquité chrétienne, où la théorie de la justification,
244 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
ainsi qu'il l'avouait lui-même, était ignorée, et dont il ne
connaissait que très imparfaitement les témoignages et les
instructions; il sentait confusément qu'elle était incompatible
avec son système. Le Nouveau Testament était son grand arse-
nal, car il ne donne que peu de renseignemeuts sur les pre-
mières institutions de l'Église, et ces renseignements vagues,
Luther pouvait aisément les tourner dans le sens de ses opi-
nions.
OUVRAGES A CONSULTER ET REiMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 32.
Phil. Melanchthonis Hypotyposes theologicse, seu Loci communes
rerum theologicarum, Vileb., d521, dans v. d. Hardt, Hist. lit. Ref.,
IV, p. 30-77, éd. Augusli, Lips., 1841. A ce sujet, Luther, de Servo
Arbitrio ; contre : J. Eck, Enchii'idion locorum communium. Sur les
variations : Strobel, Lit.-Gesch. von Phil. Melanchth. Loci theologici,
Altdoif et Nurenb., 1776. Cette proposition, condamnée par le concile
de Trente (sess. VI, de Justif., can. vi) : « Comme la vocation de Paul,
l'adultère de David et la trahison de Judas sont l'œuvre de Dieu », Mé-
lanchthon l'enseignait ici et dans son Commentaire sur l'Épitre aux
Romains ; le passage fut supprimé dans les éditions ultérieures. Sur la
polémique subséquente de Luther, voy. Riffel, I, p. 179 et suiv., 433 et
suiv. Courts discours de clôture sur les vœux et la vie ecclésiastique
des couvents : Walch, part. XIX, p. 797.
Traduction de la Bible par Luther.
33. Aussi son principal travail fut la traduction allemande du
Nouveau Testament, publiée en 1522, avec la Postille qui s'y
rattache (1524). Sa Bible était son œuvre favorite. C'était lui, à
l'entendre, qui le premier avait tiré la Bible de dessous le
boisseau, vanterie qui lui fut vivement reprochée par Zwingle
et par d'autres encore. Il habitua le peuple à s'occuper de
théologie, en enseignant que l'Écriture était claire, facile à
comprendre et suffisante.
Les anciennes traductions furent vouées à l'oubli , parce qu'il
fallait, en se les procurant, acheter l'Ancien Testament avec le
Nouveau, et que la version de Luther était plus claire et meil-
leure sous le rapport de la langue, sinon sous le rapport exégé-
tique et théologique.
Cette traduction, conçue tout entière selon le système de
Luther et en vue de répandre sa théorie de la justification, était
1
LE PROTESTANTISME. 24o
souvent accommodée à sa doctrine par des altérations et des
intercalations arbitraires. Ce qui ne pouvait être atteint par
l'artifice de la traduction, était complété par des gloses margi-
nales, que la plupart des lecteurs confondaient avec le texte,
puis par des interprétations destinées à mettre la Bible d'accord
avec le système. Après le Nouveau Testament, Luther com-
mença la traduction de l'Ancien, qu'il termina en 1534. En face
de la version de Luther, les traductions catholiques (celles
d'Emser, de J. Dietenberg, de J. Eck), ne purent se soute-
nir. Les traductions et les commentaires du réformateur
aidèrent puissamment à sa cause, en même temps qu'ils
augmentèrent son courage et sa confiance en lui-même. Les
imperfections, même grossières, de sa version, souvent relevées
dans la suite, ne purent affaiblir chez ses partisans l'autorité
d'une œuvre qui passait en quelque sorte pour inspirée.
OL'VRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 33.
Contre les vanteries de Luther, Zwingle en appelait au témoignage
de L. Valla, Reuchlin, Pellican, Érasme, etc. La traduction du Nou-
veau Testament (faite sur la seconde édition du texte grec d'Érasme)
révèle des intercalations dans le texte, arbitraires et destructives du sens,
comme l'épithète « seule » et l'adverbe « uniquement », par exemple,
dans Rom., m, 20 : « Par la loi on n'obtient que la connaissance du
péché »; ibid., iv, 15 : « La loi n'opère que la colère » ; m, 28: «L'homme
est justifié sans les œuvres de la loi, par la foi « seule ». Ce dernier
point, justement blâmé de toutes parts, Luther le justifia dans une
lettre à Link (Walch, part. XXI, p. 314 et suiv., éd. d'Altenb., v, fol.
269, 6 ; rapport et réponse à deux questions, par le truchement) : « Si
votre nouveau papiste se tourmente inutilement à cause de ce mot
« sola », dites-lui simplement : Docteur Martin Luther le veut ainsi,
et il dit : Papiste et âne sont une même chose Sic volo, sic jubeo; stat
pro ratione voluntas. Nous ne voulons être ni les écoliers ni les
disciples des papistes, mais leurs maîtres et leurs juges ; nous voulons
aussi une bonne fois nous pavaner et nous gaudir en face de ces têtes
d'ânes, et de même que Paul se glorifie en face de ses saints insensés, je
veux, moi aussi, me glorifier vis-à-vis de mes ânes. » Et il ajoute
(Walch, loc. cit., p. 327) : « Je regrette de n'avoir pas mis : »< Aucun,
aucune », — u sans aucune œuvre i' aucune loi », ce qui dirait la chose
nettement et clairement. Ainsi, je veux que cela reste dans mon Nouveau
Testament, et, dussent tous ces ânes de papistes en devenir fous, ils ne
l'en feront pas sortir. » Luther alla jusqu'à commettre des falsifica-
246 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
tions palpables, Rom., m, 25 et suiv.; il supprima dans sa traduction
allemande tout ce qui contrariait sa doctrine. Il dit : « Celui (le
Christ) que Dieu a proposé comme siège de grâce (gr., iXacTi^piov, lat.,
propitiationem) par la foi dans son sang, afin de montrer la jus-
tice qui vient à ses yeux, eU evSei^-.v tyi; SixatotnivYiç aÙToû (ad ostensionem
justitiae suœ), en remettant les péchés qui étaient demeurés jusque-là
sous la patience divine, Stà röv uàpEffiv twv TipoYîyovÔTwv à[i.apTri[iâTa)v (prop-
ter remissionem prsecedentium delictorum). » Parmi ses notes margi-
nales, la suivante sur ce passage, Rom., viii, i : « 11 n'y a rien de dam-
nable en ceux qui croient en Jésus-Christ », est surtout remarquable •
« Quoique le péché l'ègne encore dans la chair, il ne damne pas » (à
cause de la justice imputée). Luther fait de l'exégèse arbitraire quand
il dit : « Observer les commandements, c'est « ci'oire » (Walch, part.
VIII, p. 2106, II, 32). Dans Gen., xxxvi, 24, il traduit « d'une façon
très malheureuse », selon la remarque de Gésénius et de Wette, le
mot Jémim par « mulet », au lieu de « source, fontaine » (aquae ca-
lidae). Voy. Dœllinger, Reform., IIl, p. 139 et suiv., 156 et suiv. —
Versions catholiques de la Bible : a) par Jérôme Emser (Dresde, 1527),
qui, dans sa critique de la traduction de Luther, lui reproche 1,400
fautes, tandis que Luther l'accuse de lui avoir fait de nombreux em-
prunts ; b) par Jean Dietenberger, qui en 1534 publia à Mayence toute
la Bible en allemand ; lui aussi se servit de Luther; c) par Jean Eck
(1537), meilleur théologien que styliste; il traduisit lui-même l'Ancien
Testament et emprunta le Nouveau à Emser ; d) par K. Ulenberg (Co-
logne, 1630).
Controverse de Luther avec Henri VIII.
34. Outre le duc George de Saxe, Luther avait pour prin-
cipal adversaire parmi les princes Henri YIIl, roi d'Angleterre.
Blessé des emportements du réformateur, Henri VllI invita
(mai 1521) l'empereur et l'électeur palatin à l'exterminer de la
terre, lui et sa doctrine, et il interdit sous les peines les plus
graves de propager ses idées dans son royaume. Et comme il
s'était lui-même adonné autrefois aux études théologiques, il
entra en dispute avec Luther en qualité de théologien; il releva
(dans une apologie des sept sacrements) ses contradictions,
notamment dans la Captivité de Babylone. 11 fit présenter son
ouvrage à Léon X, dont il attendait et reçut un titre honori-
fique pareil à celui qu'avaient obtenu les rois de France et
d'Espagne, le titre de <( défenseur de la foi », defensor fidei^
que ses successeurs ont continué de porter. Cet ouvrage,
LE PROTESTANTISME. 247
qu'on a beaucoup surfait de son temps, était conçu dans une
forme populaire, et faisait habilement ressortir les contradic-
tions de Luther sur la confession, les iiidulgeuces et la pri-
mauté.
Luther répondit en 1522 avec sa malice et sa grossièreté
habituelle : la grossièreté chez lui était devenue classique. Ces
procédés indignèrent tellement Henri VIII, qu'il usa de son
influence politique contre le moine saxon. Luther se montra
bassement hypocrite , lorsque, Henri étant sur le point de
rompre avec Rome à cause de son divorce, il lui adressa une
lettre excessivement flatteuse, dans l'espoir de le gagner à son
Évangile (1328). Nun seulement il s'excusa de sa violence, mais
il offrit encore de se rétracter. Le roi, profondément blessé, pro-
fita de ces aveux pour le clouer au pilori, et Luther redoubla de
fureur et de rage.
OüVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 34.
Lettres de Henri VllI contre Luther : Walch, th. xix, p. 133 et
suiv.; Kapp, Nachlese, II, p. 458 ; Cvprian, Nützliche Urkunden, II,
p. 4.')8;Assertio Septem sacramcntorum adv. M. Lutherum, Lond., 1321,
in-4°; réimprimé à Anvers, 1322, in-4°, sans indication de lieu, 1323,
en allem, par II. Eniser, 1322 ; voy. ^Yalch, loc. cit., p. 158 ; Planck,
Gesch. d. prot. Lehrbegr., II, p. 98. Pallavicini, 11, i, 8, prouve que
le titre de « Défenseur de la foi » fut donné non par Clément VII,
mais par Léon X. Cf. bulle du H oct. 1311, dans Rymer, Fœd., XIII,
73C; Conc. M. Brit., lil, 603; Gerdes, Mon., IV, 178. Bulle de confir-
mation, par Clément VII, du 5 mars 1523, dans Rymer, XIV, 13. Conc.
M. Brit., III, 702 ; Gieseler, III, ii, p. 3, n. 4. Luth., Contra regcm Angl.,
1322, in-4°, 0pp. lat., éd. Jen., Il, 316. L'« Ecclésiaste de Wittenberg par
la grâce de Dieu» appelle son adversaire un âne couronné, un grediu
iiell'é, un idiot, le rebut de tous les porcs et de tous les ânes, un blas-
phémateur, Henri l'imbécile, une gueule arrogante de roi, « qui frotte
de son... ordure la couronne du Christ mon roi, dont je possède la
doctrine ». Lettre de Henri à l'électeur de Saxe, 22 janv. 1323 :
Cyprian, Epist. clar. vir., ex biblioth. Goth. autogr., p. 9, dans
Gerdes, loc. cit., p. 119. Réponse de l'électeur : Cyprian, Nützl. Urkun-
den, II, p. 276. Henri contre Luther : de Wette, III, p. 23 et suiv.;
Walch, th. XIX, p. 468 et suiv., 312 et suiv.; Riiiel, I, p. 333 (2"= éd.,
p. 446 et suiv.).
Controverse de Luther avec Éraszae.
35. Plus importante encore fut la dispute de Luther avec
248 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Érasme. Cet humaniste ardent, cet adversaire ironique des
moines, avait longtemps servi les intérêts de Luther, puis il
était devenu hésitant. En 1524 enfin, il résolut d'attaquer la
doctrine du réformateur sur le libre arbitre. Comme les catho-
liques le tenaient pour un luthérien et les luthériens pour un
lâche qui n'osait se déclarer ouvertement en leur faveur,
Érasme choisit dans la nouvelle doctrine le sujet qui était le
plus antipathique à son esprit ; il pouvait, en le traitant, com-
battre un dogme fondamental des novateurs, sans paraître se
faire l'écho servile des vieux préjugés et l'apologiste vénal de
la curie romaine ; il n'avait besoin que de preuves scripturaires
et rationnelles. Sa polémique était exempte de personnalités;
ses arguments en faveur du libre arbitre étaient souvent
excellents ; sa critique des preuves bibliques de Luther, écra-
sante.
Luther, qui avait autrefois si fort exalté Érasme, lui répondit
dans les termes les plus virulents en son traité du Serf
Arbitre. Il trouva moyen de tourner en sens contraire les textes
les plus précis et les plus clairs de la Bible, n'accorda à la
raison aucune valeur dans les choses de la foi, distingua entre
la volonté secrète et la volonté manifeste de Dieu, compara
l'homme après sa chute à une bûche, à une statue de sel, et
traita son adversaire d'incrédule, de sceptique et d'épicurien.
Érasme, dans un second écrit, prit aussi un ton plus amer.
Luther, dont il découvrait les lacunes scientifiques, jugea à
propos de céder et de reconnaître qu'il avait été trop loin. A
une lettre d'excuses et de flatteries, Érasme répondit en dépei-
gnant les procédés orgueilleux do Luther et les funestes résul-
tats de ses œuvres. Il rompit toute relation avec lui, mais il
continua son commerce épistolaire avec Mélanchthon.
Ouvrages a consulter sur le n* 35.
Erasm., de Libero Arbitrio diatribe, 1524 : Walch, th. xyni, p. 19,
62; Esch, sur Érasme, in Raumers hist. Taschenbuch, 1843; Dœllin-
ger, I, p. 7 et suiv.; Riffel, II, p. 251 et suiv.; Kerker, Erasm. u. s.
theol. Standpunkt (Tüb. theol. Quarlalschr., 1859, p. 529 et suiv.).
Luth., de Servo Arbitrio ad Erasm., 1525 : Walch, th. xviii, p. 20-50.
0pp. lat., éd. Viteb., 1546, t. Il; Dœllinger, III, p. 25 et suiv.; Erasmi
Hyperaspites diatr. adv. Servum Arbitrium Lutheri, libri II, 0pp., éd.
Clçrici, X, 1249 et seq.; Walch, loc. cit., p. 100-154, 1944-2486 ; Riffel,
LE PROTESTANTISME. 249
II, p. 250 etsuiv.; Erasmi Epist., XXI, xxmii, éd. Clerici. Sur Érasme voy.
encore Robert B. Drummond, Erasmus, his life and character, Lond.,
1873, 2 vol.; Durond de Laur., Érasme précurseur et initiateur de
l'esprit moderne, Par., 1872, 2 vol.; Stœhelin, Erasmus' Stellung zur
Reformation, Bâle, 1873; Woker, de Erasmi Rot. studiis irenicis,
Paderb., 1872.
Les diètes de IVnrenberg- en 1599 et 159-1.
Adrien VI. Ses efforts auprès de la diète de Nurenberg.
36. Le sultan Soliman venait de conquérir Belgrade et
menaçait la Hongrie, lorsqu'une nouvelle diète s'ouvrit à
Nurenberg (152-2). Le pape Adrien VI y envoya le nonce
François Chieregati, tant pour appuyer les Hongrois que pour
presser l'exécution de l'édit de Worms. Après avoir, dans son
bref (9 septembre 1522), tracé aux princes de l'empire le récit
des faits, qu'ils n'ignoraient pas, il leur représenta qu'on sacri-
fierait en vain ses richesses et sa vie pour vaincre ses ennemis
du dehors, si on tolérait dans l'intérieur du pays le poison de si
funestes doctrines, et si, contrairement à l'exemple des vaillants
et pieux ancêtres, on le favorisait, au mépris des lois et de
l'honneur. Outre cet écrit, Chieregati communiqua franche-
ment aux États les instructions particulières dont il était muni :
le pape y déclarait que les malheurs actuels lui semblaient un
châtiment des crimes de la chrétienté, principalement de ses
pasteurs et de ses chefs ; il avouait qu'il y avait aussi des abus
à Rome, que lui-même avait commencé à réformer la curie
pontificale et qu'il était prêt à travailler de toutes ses forces à
corriger le mal; il assurait de plus que les concordats seraient
observés et qu'il veillerait aux intérêts de l'Allemagne ; il invi-
tait les princes à indiquer les moyens d'apaiser les troubles et
de supprimer les abus, et il chargeait le nonce de rechercher
des hommes pieux et savants auxquels il pourrait venir en aide.
Adrien manifestait la plus ferme volonté de faire tout ce qui
était en lui pour améliorer la situation religieuse. Il essaya
dans deux lettres particulières, écrites d'un ton grave mais
paternel, d'ouvrir les yeux au prince électeur Frédéric. Il
écrivit également à plusieurs États.
250 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A COfjSÜtTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 36.
, Raynald., an. 1522 ; Pallav., II, vu, 1 et seq.; Walch, L. W., th. xv,
p. 2516 et suiv.; Menzel, I, p. 105 et suiv.; Riffel, I, p. 378 et suiv.
Bref à l'électeur de Saxe du 5 oct. 1522 : 0pp. Luth, lat.. Il, 330 ; Le
Plat, II, p. 127 et seq. Instructions pour le légat : Rayn., loc. cit.,
n. 65 ; Pallav., loc. cit., n. 4-6 ; Le Plat, II, p. 144 et seq. Voici les
remarques que Pallavicini, loc. cit., n. 9-14, fait sur ces instructions :
1"^ Adrien ne connaissait pas autrefois la curie romaine; de l'Espagne,
où il appmt le 9 février sa nomination, qui avait eu lieu à Rome le
6 janv. 1522, il n'arriva à Rome que le 8 juillet. 2° Il ajoutait trop de
foi aux mauvaises rumeurs, aux satires, ainsi qu'aux flatteurs qui,
pour le louer, dépréciaient le dernier pontificat. 3° Léon X fut plus
heureux qu'Adrien dans le choix d'hommes capables, et la corruption
de la curie n'était pas telle qu'on le prétendait. 4» La prudence lit
défaut dans les brefs et les instructions d'Adi'ien, car il était à prévoir
que les ennemis du Saint-Siège y verraient un aveu complet de leurs
accusations, souvent mal fondées. Il eût mieux valu les réfuter sim-
plement par les actes de sa propre vie, sans condamner ni encenser
les papes antérieurs. Il était de plus imprudent de consulter « tout le
monde » sur les moyens d'écarter les troubles religieux et de prévenir
soi-même les propositions. Tous n'avaient pas une foi pure, la môme
prudence et sincérité. Chacun tenait pour le meilleur remède ce qui
répondait le mieux à ses propres passions. Les goûts et les intérêts
étaient trop différents. Les instructions communiquées donnèrent lieu '
à des prétentions exagérées, auxquelles il était impossible de satisfaii'e. '
Sur Luther, Adrien, n'étant encore que cardinal, avait écrit : « Qui
sane tam rudes et palpabiles haereses mihi prœ se ferre videtur, ut ne
discipulus quidem theologiaî ac prima ejus limina ingressus ita labi
poluisset » (Burmann, Analecta hist. de Hadr. VI, Traj., 1727, p. 447).
Lettre de Charles et des États de l'empire sur les « gravamina impe-
rii » : Goldast, I, 447 ; Le Plat, II, p. 128-130. Lettres et Instructions
d'Adrien, de nov. 1522 : Le Plat, II, p. 140-153; Bull. Rom., t. I,
p. 626 et seq.; Roscovany, Mon. cath., III, p. 59-66.
Négociations de Nureuberg.
37. Malheureusement, la plupart des États ne montraient
que faiblesse, insouciance ou mépris déclaré pour le pape.
Les esprits enclins au luthéranisme considéraient les aveux du
pape sur le besoin d'une réforme comme un triomphe pour
leur cause et une justification du retard apporté à l'exécution
de redit de Worms; plusieurs même s'affermirent dans leur
LE PROTESTANTISME. 2ol
haine de la papauté, malgré les excellentes qualités et les
bonnes intentions d'Adrien, qu'ils ne pouvaient nier. Tous ne
cherchaient que leurs propres intérêts. La réponse au pape
était passablement froide : On n'aurait pu exécuter l'édit
de Worms sans provoquer une révolte parmi le peuple; il
fallait satisfaire aux exigences des États séculiers de l'empire
(les 101 griefs), et réunir dans une ville allemande un concile
libre et général pour examiner ces exigences et vider les
controverses religieuses ; en attendant, on veillerait à ce que
Luther et ses amis n'écrivissent et ne fissent rien imprimer
qui fût de nature à exciter le populaire, et l'on ne s'opposerait
pas à ce que les évêques procédassent par des peines purement
canoniques contre les clercs mariés, qu'on ne pouvait punir
d'après les lois civiles.
Beaucoup des griefs qu'on alléguait étaient souverainement
injustes; on oubliait complètement que les papes avaient
envoyé aux Allemands pour les guerres contre les Turcs des
sommes beaucoup plus considérables que les annates, dont on
se plaignait si fort, et qui étaient du reste garanties par les
concordats de Vienne. Le nonce déclara que cette réponse était
insuffisante et qu'il ne pouvait l'accepter, à moins qu'elle ne
fût corrigée sur plusieurs points, renforcée et expliquée avec
plus de détails. La raison pour laquelle on n'avait pas exécuté
l'édit de Worms lui semblait inadmissible, car on ne doit point
tolérer le mal sous prétexte d'en tirer quelque bien ; l'indul-
gence dont on avait usé jusque-là, n'avait fait qu'aggraver la
situation. Tous les griefs qu'on pourrait imaginer contre
Rome, quelque fondés qu'ils fussent, n'excuseraient jamais
l'hérésie et l'abandon de la foi ; la proposition d'un concile ne
déplairait pas au pape, si l'on s'abstenait de tout langage sus-
pect, si l'on ne prétendait pas accorder aux laïques les mêmes
droits qu'aux clercs, introduire une liberté que l'Église ne
pouvait approuver, et abolir la primauté.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N° 37.
Pallav., Il, vui, 1-15 : Responsa principum — Replicatio legati —
Duplicatio principum — Gravamina, cap. lxxvii; Le Plat, II, p. 133 et
seq., 164 et seq.
252 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Ëdit publié par les Etats.
38. A ces remarques, les États ne firent aucune réponse ; ils
se contentèrent à la fin (6 mars 1523) de publier, au nom de
l'empereur, un édit où ils ne rétractaient rien de leur réponse,
mais donnaient quelques éclaircissements dans le sens du
nonce, sans céder pour le principal. 11 fut résolu que les
prédicateurs expliqueraient l'Écriture d'après l'interprétation
reçue et approuvée par l'Église. Le tout était pâle et incolore.
Révolté de cette façon d'agir, le nonce quitta Nurenberg avant
qu'on eût pu lui remettre le mémoire aux cent un griefs.
Ce décret fut tantôt interprété par Lutber comme favorable
à sa cause, tantôt violemment attaqué. Le discours de Chie-
regati sur les secours à fournir contre les Turcs, discours si
plein de dignité et de mesure, fut bientôt traduit en allemand
par les luthériens et répandu dans le public avec commentaire
injurieux envers le pape et son légat, et avec des altérations
perfides. Sur ces mots : a La Hongrie une fois perdue, l'Alle-
magne tombera bientôt aux mains des Turcs », ils ajoutèrent
cette glose marginale : « Nous aimons mieux servir les Turcs
que vous, la dernière et la plus grande horreur, l'ennemi de
Dieu. » Le schisme religieux allait bientôt amener le schisme
politique ; la trahison de l'Église, la trahison de la patrie.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N«» 38.
Décret des États de l'empire, du 6 mars 1523 : Goldast, II, loO; Le
Plat, II, p. 207-211 ; Pallav., loc. cit., n. 16.
Dernières démarches d'Adrien VI.
39. Profondément affligé de la mauvaise issue de la diète de
l'empire, Adrien VI s'en plaignit d'un ton paternel au prince
électeur de Saxe, ainsi qu'à d'autres princes et à des villes.
Frédéric essaya de se justifier, rappela que Luther était tou-
jours disposé à rendre compte de ses actes (1), pria le pape de
ne point ajouter foi à des bruits calomnieux, et protesta qu'il
entendait demeurer enfant soumis de l'Église (février 4523).
Le pape voyait ses meilleurs desseins avorter et l'inutilité de
ses efforts pour défendre l'île de Rhodes contre les Turcs
(25 décembre 1522). Sa sévérité et son économie, mais surtout
LE PROTESTANTISME. 253
l'éloigiiement do fonctionnaires superflus, lui avaient suscité
dans Rome même de nombreux ennemis, qui se réjouirent
hautement de sa mort prématurée (14- septembre 1323). Il
s'était entouré de pieux personnages (saint Cajétan de Thienne
et Carafa), et ne laissa que très peu d'argent. Il avait limité les
indulgences, canonisé Antonin de Florence et Bennon, évêque
de Meissen (3 mai 1523). A l'occasion de la levée des ossements
de ce dernier, Luther publia un odieux pamphlet « contre la
nouvelle idole et le vieux diable qui doit être exalté à Meissen ».
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 39.
Rayn., an. 1523, n. 73-86 ; Pallav., II, vni, 20, 21. Le bref menaçant
« Satis et plus quam satis » (Le Plat, II, p. 131-139) parut comme un
projet de Cochlée (Catholiq., 1873, p. 237 et suiv.). Pallavicini dit
d'Adrien : « C'était un prêtre excellent, un pape médiocre, et pour le
peuple, qui juge de tout par le succès, moins que médiocre, estimé
des cardinaux outre mesure quand on l'éleva au pontificat, et détesté
de la cour au delà de toute imagination pendant son gouvernement. »
On afficha sur la porte de son médecin cette inscription : « Liberatori
patriae S. P. Q. R. » Il fut inhumé à Santa-Maria dell' Anima, et ses
amis lui firent cette épitaphe : « Ici repose Adrien VI, qui tenait pour
le plus grand malheur de régner. » — Pamphlet de Luther à l'occa-
sion de l'exhumation des ossements de S. Bennon : Walch, Cüuvr. de
Luth., part. XV, p. 2794 et suiv.
Clément VII et la nouvelle diète de Nureuherg.
40. Le 19 novembre 1523, Adrien VI eut pour successeur,
sous le nom de Clément VII, le cardinal Jules de Médicis,
parent de Léon X. En butte à de nombreuses calomnies, Clé-
ment VU avait eu peu d'influence sous le précédent pape, mais
il n'avait pas tardé à être justifié. Jeune encore et vigoureux,
initié aux études classiques, il était plein de loyauté, de pru-
dence et de réserve. Sa sage lenteur fit croire à plusieurs qu'il
agissait plutôt par astuce et tromperie que par une conviction
fondée sur un sérieux examen. Il donna toute son attention
aux désordres de l'Allemagne. Clément VII n'ignorait pas
combien étaient suspectes les conditions sous lesquelles on
avait demandé un concile , combien Luther était peu disposé
à s'y soumettre, quels obstacles enfln les guerres d'alors oppo-
saient à sa réunion .
254 HISTOIRE DE l'ÉGLISE. '
Il envoya à la nouvelle diète de Nufenberg (1524.) le car-
dinal Laurent Campeggio en qualité de légat. Campeggio ne
devait considérer les cent griefs des princes temporels que
comme une écriture privée^, presser l'exécution de l'édit de
Worms et aviser aux moyens de réformer le clergé. Pendant
son voyage, surtout à Augsbourg et à Nurenberg, le légat
put constater les dispositions fâcheuses qui dominaient contre
le Saint-Siège. Frédéric de Saxe, qu'il espérait gagner par
la force de ses arguments comme par le bref affectueux
qu'il était chargé de lui remettre, ne parut pas à la diète;
il en fut de même de plusieurs autres princes, et la plupart
de ceux qui s'y rencontrèrent étaient contraires au légat.
Tandis que celui-ci insistait pour qu'on maintînt résolu-
ment l'unité religieuse, les princes cherchaient à exploiter la
querelle religieuse à leur profit, à vendre simoniaquement au
pape la restauration de son autorité en Allemagne, moyennant
l'abandon de ses droits et de ses revenus, et à lui arracher les
plus énormes concessions.
Le légat déclara que le Saint-Siège ne pouvait considérer les
griefs qui lui avaient été présentés que comme un document
privé, comme l'œuvre de ses ennemis, lesquels n'avaient
aucun égard à la justice et à l'équité; qu'il lui était impossible
de faire droit à toutes les exigences, ne fût-ce que pour
l'exemple qui serait donné à d'autres pays, quand même il
s'agirait de la perte de toute l'Allemagne ; que du reste il n'y
avait rien à attendre do ceux qui voulaient se faire payer pour
ne point déserter la foi. Il était faux que les évèques et le pape
n'eussent en vue que leur propre avantage; mais il en serait
ainsi, s'ils trafiquaient honteusement de leurs droits pour obte-
nir la faveur des princes.
Les États persistèrent dans leur sentiment, et n'entrèrent point
dans les projets de réforme du légat. Comme un rescrit impé-
rial pressait l'exécution de l'édit de Worms, la diète décréta ce
qui suit (18 avril lo24) : 4" Chacun des États de l'empire cher-
chera « autant que possible » à exécuter l'édit, et chaque auto-
rité s'opposera de toutes ses forces à la propagation de nouveaux
écrits injurieux à l'Église catholique; 2° on demandera au pape
de réunir un libre concile en Allemagne ; 3° une nouvelle diète
(11 novembre) sera tenue à Spire, où l'on discutera, d'après
LE PROTESTANTISME. 2SÖ
l'avis d'hommes savants et expérimentés, sur les cent griefs
contre Rome ; 4° ces hommes examineront avec soin les noU'-
velles controverses rehgieuses, parcourront les écrits de
Luther, en feront un triage, et décideront ce qu'il sera permis
de prêcher et d'écrire jusqu'à la réunion du concile.
OUVRAGES A CONSULTEa ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 40.
Pallav., II, II, 1 et seq.; ix, n. 2 ; Ranke, Rœm. Pœpste, I, p. ■127;
ibid., III, p. 264 et suiv. Beil., Relation de l'ambassadeur vénitien :
« Uom prudente e savio, ma lungo a risolversi e di qua vien le sue
operazioni varie. Discoi're bene, vede tutto, ma è molto timido, uomo
giusto e uom di Dio. » Précédemment (1517) Marco Zorzi ne faisait plus
grand cas de lui, et Marco Minio l'appelait (1320) « uom di maneggio,
cbe ha gran poter col Papa » (Léon X). Ranke, III, p. 235 et suiv., 23 et
suiv.; I, p. 98. Clément à l'électeur de Saxe, 7 déc. 1523 : Pallav., II,
x; Le Plat, II, p. 2H ; à l'empereur pour l'exécution de l'édit de
Worms, 17 janvier 1524 : RajTiald., h. a., n. 2 ; Le Plat, II, p. 212,
213 ; Pallav., Il, x, 9 et seq.; Raynald., an. 1524, n. 8 et seq. Recez de
la diète de l'empire, 18 avril, dans Lünig, Reichsarchiv., P. gen.
Cont., t. I, p. 445 ; Walch, L. W., th. xv, p. 2674 ; Koch, Reichstags-
abschiede, p. 258; Goldast, II, 152 ; Le Plat, H, p. 217-221,
Le décret de Nurenberg.
41. Ce décret révèle une duplicité, une équivoque également
blessantes pour toutes les parties, ainsi que l'écrivit Clément VII
à l'empereur. Le quatrième article supprimait le premier : car,
si l'édit de Worms devait être exécuté, on ne pouvait pas sou-
mettre à un nouvel examen la doctrine de Luther, manifeste-
ment hérétique; l'autorité de l'empereur était encore plus
sacrifiée que celle du pape.
Le cardinal, à qui l'on avait auparavant communiqué le
décret, approuva le premier article, accepta le second ; mais il
rejeta résolument le quatrième, parce qu'il n'était pas permis
de remettre en question des doctrines décidées par l'Église,
parce qu'une diète ne pouvait se prononcer sur ces contro-
verses religieuses, parce que la délibération, l'examen ne pou-
vaient pas èlre confiés à des hommes dont la plupart étaient
étrangers à la doctrine de l'Église et enclins à l'hérésie, ou plu-
tôt qui eu étaient déjà venus à ne plus favoriser qu'elle; parce
que ceux qui méprisaient l'autorité du pape et de l'empereur
256 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
ne seraient guère d'humeur à accepter une décision émanée de
docteurs particuliers; parce que, si on les laissait tous se pro-
noncer sans faire un choix, on n'arriverait à aucun résultat, et
que si l'on faisait un choix, ceux qui n'y seraient pas compris
pourraient aisément rejeter le décret comme illégitime et
injuste; parce que les autres nations ne souscriraient jamais à
une décision dogmatique rendue par les seuls Allemands, et
qu'on n'aboutirait ainsi qu'à accroître les dissentiments reli-
gieux. Quant à la réforme du clergé, elle ne demandait point
de nouvelles lois : il suffisait d'observer les anciennes, et le légat
était prêt à les faire exécuter. Relativement aux griefs, les
États pouvaient en conférer par leurs agents avec le pape, qui
accorderait ce qui était équitable. Après avoir annoncé son
départ, le cardinal déclara qu'il n'avait approuvé que ce qui
était contenu dans son explication; qu'il n'acceptait pas la
phrase où il était dit qu'on s'était entendu avec lui sur le con-
cile.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N"» 41.
Clément VII à Charles-Quint, il mai: Rayn., an. 1524, n. 15 et seq.;
Le Plat, II, p. 223-225 ; à Henri VIII et François I" de France : Le
Plat, II, p. 222-226. Remontrances de Campeggio : Pallav., loc. cit.,
c. X, n. 19-21.
Délibérations à Rome. Mesures de l'empereur.
42. Clément VII soumit à une congrégation les quatre ques-
tions suivantes : 1° Que faut-il faire pour procurer l'exécution
de l'édit de Worms ? 2° comment peut-on combattre les délibé-
rations religieuses de Spire? 3** que répondre à la demande
d'un concile et aux cent griefs? 4° faut-il continuer les négo-
ciations avec Frédéric de Saxe? On s'abstint de prendre contre
ce dernier des mesures précises; quant au concile, il fut
répondu : Le pape désire lui-même assembler un concile
pour rétablir l'ordre dans l'Église; mais il faut y préluder par
le rétablissement de la paix entre les princes chrétiens : on peut
continuer les négociations. Relativement aux griefs, le cin-
quième concile de Latran en avait éliminé un grand nombre, et
le pape s'en tenait rigoureusement à ce concile. Pour le reste,
une congrégation spéciale était instituée, et elle achèverait ses
LE PROTESTANTISME. 257
travaux avant même la réunion du concile. Sur les deux pre-
miers points, il fallait, par de sérieuses représentations, éclairer
l'empereur, les princes orthodoxes de l'empire, les rois de Portu-
gal et d'xlngleterre, qui pouvaient exercer une influence consi-
dérable, et les encourager à des mesures opportunes. Les deux
rois s'employèrent effectivement en faveur de l'édit de Worms,
et Charles-Quint ordonna, sous peine de lèse-majesté impériale
et du ban de l'empire, d'observer ponctuellement l'édit contre
Luther, ce second Mahomet ; il interdit l'assemblée de Spire,
blâma les décrets qui avaient été rendus, et promit d'engager
le pape à réunir un concile général.
Le pape manda aux princes que l'orage qui menaçait actuel-
lement l'autorité ecclésiastique se tournerait bientôt contre
l'autorité civile, qu'il saurait au besoin remplir son devoir sans
leur concours, mais qu'eux se repentiraient un jour de le lui
avoir refusé. Les princes consentirent à ce qu'il n'y eût pas de
conférences religieuses à Spire, mais ils opposèrent à l'exécu-
tion de l'édit de Worms des difficultés invincibles. Luther, éga-
lement mécontent de la diète de Nurenberg, fut pris d'un vio-
lent accès de colère en voyant le peu d'approbation qu'on don-
nait à son œuvre.
Ouvrages a consulter sur le n° 42.
Pallav., II, X, n. 23-30; Rayu., an. 1324, n. 21 et seq.; Sarpi, I,
§ 31 ; Le Plat, Mon., II, p. 237-239.
Travaux de Campeggio.
43. Cependant Campeggio accomplit en Allemagne beaucoup
de choses importantes. Il réunit à Ratisbonne ceux des princes
qui étaient franchement catholiques : l'archiduc Ferdinand, les
ducs de Bavière, l'archevêque de Salzbourg, l'évêque de Trente,
administrateur de Ratisbonne, auxquels se joignirent les pro-
curateurs de neuf évèques. Il déhbéra avec eux sur les moyens
les plus opportuns de maintenir l'ancienne croyance, attestant
ainsi publiquement qu'une grande portion de l'Allemagne était
encore catholique et fidèle au pape.
Une ligue cathohque fut conclue le 5 juin 1524. Ses membres
prirent l'engagement d'exécuter l'édit de Worms, d'empêcher
l'aboUtion des anciennes coutumes rehgieuses, de défendre à
V. — msT. DE l'église. 17
258 HISTOIRE UE l'église.
leurs sujets de fréquenter l'université de Wittenberg, et d'ex-
clure les récalcitrants de tous les emplois. On interdit le
mariage des prêtres, on publia des lois pour la correction des
mœurs du clergé, on allégea les contributions pécuniaires des
laïques, en abaissant notamment les frais de sépulture. Dans le
nord de l'Allemagne, à Dessau, les catholiques tinrent une
réunion semblable ; à Vienne aussi, dans le courant de l'au-
tomne et de l'hiver, le cardinal légat s'employa activement
pour les intérêts de l'Église. Quinze prédicants luthériens furent
chassés de Prague, et cet exemple fut suivi dans d'autres loca-
lités. Déjà une sourde fermentation se remarquait parmi le
peuple, et les princes favorables à la nouvelle doctrine for-
geaient des plans contre l'empereur ; déjà l'on parlait à haute
voix, tantôt d'élire un nouveau souverain, tantôt de séparer
Charles-Quint du pape, à cause de l'inclination de celui-ci pour
la France, afin de l'attirer dans le parti des sectaires. La guerre
avec la France paralysait la puissance impériale et servait
puissamment la cause des novateurs.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 43.
Pallav., II, XI, \ et seq.; Cliiliaii Leib, Chron., dans Dœllinger,
Beitr., Il, p. 447 et suiv. Édit, dans Goldast, Const. imper., III, 487;
Le Plat, II, p. 226-237. Lettres du légat, 22 août, 23 sept., 15 oct.,
il nov., 7 et 29 déc. 1524, dans Laimnier, Mon. Vat., n. H et seq.,
p. H et suiv.
L.e»i guerres de paysans. llaria{>:c de Luther. Son règ'Icnicnt
ecclésias(if|ue.
Insurrections de paysans.
I
44. Plusieurs fois déjà depuis les dernières années du quin-
zième siècle, les paysans s'étaient attroupés dans ditférentes
contrées de l'AUemagno et en d'autres pays pour forcer les
souverains d'alléger leurs charges. On étouffait ces insurrec-
tions, on punissait sévèrement leurs autours; mais on ne son-
geait pas à en écarter les causes, fondées pour la plupart. Les
éléments de lagitation subsistaient donc, et les écrits de Luther
les iüu^menfaicnt si-nsiblement. Ce n'étiit pas sans complai-
sance que Luther écrivait à Link en 1522 : « Le peuple est
LE PROTESTANTISME. 239
partout sôiilovi'; on lui a donné îles yeux : il ne peut ni ne veut
se laisser opprimer par la violence; » et il disait en 1323 : « Il
ne doit pas y avoir d'autorité parmi les chrétiens, mais chacun
est en même temps sdumis à son semblable. » Cependant la
prudence lui commanda de ne pas se prononcer pour les che-
valiers, quand ceux-ci commencèrent à attaquer les princes et
firent le siège de Trêves, sous la conduite de Franz de Sic-
kingen. Le Palatinat et la Hesse vinrent au secours de la
ville, et, le 7 mai 1323, Sickingeu mourait des blessures qu'il
avait reçues en défendant sa forteresse de Landstuhl.
Cependant Luther reprochait souvent aux princes temporels,
et principalement aux princes ecclésiastiques, la dureté de leur
gouvernement ; il parlait d'une insurrection imminente contre
les seigneurs ecclésiastiques, traitait d' « aimables enfants » de
Dieu ceux qui contribuaient au renversement du douvoir épis-
copal, et faisait de la « liberté chrétienne » la devise univer-
selle. Les paysans opprimés, travaillés par des meneurs et des
astrologues, se flattaient que le nouvel Évangile les affranchi-
rait détinitivement de la servitude et de l'oppression; ils cher-
chaient à appuyer leurs droits sur « la parole de Dieu », et se
croyaient autorisés à les revendiquer au besoin par la force, en
vertu de « la liberté évangélique ». Les princes d'emeurés
fidèles à l'ancienne Église étaient dépeints par les prédicants
luthériens comme des persécuteurs de l'Évangile, des tyrans,
des saugsues ; ces prédicants, la plupart des moines échappés
de leurs couvents, fanatisaient les paysans, et quand ils
étaient expulsés par les souverains, les campagnards aveuglés
croyaient qu'on voulait leur ravir le pur Évangile, pour les
empêcher de connaître leurs droits.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 44.
Luther sur les princes et les autorités temporelles, édit. d'Altenb.,
1, p. 170 ; 11, p. 771 ; sur les prédicants : de Wette, 11, p. 173 et suiv.;
lettre du 28 mars 1522; Hilïel , 1, p. 508 et suiv.; Erasm., ep. ad
Petrum Barbirium, 1523; 0pp., éd. Lugd., 111, I p., 766 et ailleurs
(voy. Dœllinger, Ref., 1, p. 8 et suiv.) sur les fruits du nouvel Évan-
gile. Kilian Leib dit de la haine qu'on portait au clergé, an. 1225
(Dœlliiigor, Matériaux, 11, p. 467) : « Fiebat ut sacerdotes non luthe-
rani et monachi popularibus plus quam Judaei invisi et abominabiles
fièrent. »
260 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Insurrections dans la Souabe, la Franconie, la Thuringe, etc.
43. En 1324. déjà, des insurrections de paysans éclatèrent en
différents endroits, et l'année suivante l'incendie s'étendit dans
la Souabe, la Franconie, la Thuringe, la Saxe et les pays du
Rhin. Réunis en grandes troupes, soutenus par quelques che-
valiers, aiguillonnés par des meneurs qui agissaient en secret,
les paysans saccageaient les couvents et les châteaux, les
réduisaient en cendres, et se livraient à d'atroces barbaries.
Thomas Münzer, prédicateur à Mulhouse depuis son expulsion
d' Altstadt, proclamait dans la Thuringe l'égalité naturelle de
tous les hommes, l'abolition des autorités, l'établissement d'un
royaume nouveau, où il n'y aurait que des justes.
Des paysans mêmes se permettaient de prêcher, puisque
chacun était libre d'annoncer la parole de Dieu. On répandait
de toutes parts des pamphlets, des manifestes séditieux; dans
la Souabe notamment on propagea douze articles où il était dit
dans la préface : L'Évangile est outragé par un grand nombre
d'ennemis du christianisme, comme s'il était responsable de
tous les attroupements; or ces articles ont été précisément
dressés parce qu'on veut entendre l'Évangile et y conformer
sa conduite. Et voici ce qu'on réclamait : 1** le droit pour
chaque commune d'instituer et de destituer ses prédicateurs ;
2° l'abolition des dhues sur le bétail ; 3" l'emploi des dîmes sur
le blé pour solder de nouveaux prédicateurs et entretenir des
établissements utiles; 4° la cessation de la tyrannie avec
laquelle on traitait comme des serfs les paysans que Jésus-
Christ a rachetés de son sang ; S" le droit de chasse, de pêche,
l'usage du bois de chauffage et de construction; G" la compen-
sation du dommage causé dans les champs par la chasse; 7" la
réduction à l'ancien pied des contributions, corvées, taxes, etc.
Les paysans déclarèrent qu'ils étaient prêts à rejeter ces
articles, si on leur prouvait « par l'Écriture sainte » qu'ils
étaient injustes dans leur ensemble ou dans quelque partie; à
renoncer même aux concessions qu'on leur avait déjà faites, si
l'on prouvait qu'elles n'étaient pas fondées sur l'Écriture; ils se
réservaient en revanche de réclamer encore tout ce qu'ils trou-
veraient conforme à la Bible. Le Bible devenait donc le code de
la urisprudeuce civile, et elle devait également suffire sur le
LE PROTESTANTISME. 261
terrain politique et social. Les idées de Luther transpiraient
partout. C'étaient elles aussi qui faisaient la base de trente autres
articles, rédigés la plupart avec des textes tirés de ses livres, et
dans lesquels (art. 28) on jurait haine à tuus les ennemis de
Luther.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 4Ö.
Leib (Dœllinger, Matériaux, II, p. 446 et suiv.), sur les troubles de
i'62i daos le comté de Stuhlingen, à roccasion de lourds impôts; à
l'abbaye de Reichenau, à propos de l'expulsion d'un prédicant; en
juillet, près de Forchhelm, territoire de Bamberg, au sujet de la
chasse et des dîmes ; dans le territoire d'Eichsteett, près de Dollen-
sleiu ; puis (ibid., p. 469j sur la révolte des paysans et des bourgeois
contre l'abbé de Kempten, qui fut cerné dans la forteresse de Lie-
benthau et obligé de se rendre, tandis qu'on saccageait le couvent ;
sur le lac de Constance et dans l'Allgau (commencement de 1525),
Mag. Lorenz Fries (die Gesch. des Bauernkriegs in Ostfranken, ed. im
Auftrage des bist. Vereins von Unterfranken von Schaeffler und lleii-
ner, Würzb., 1876 et suiv., 1, Lief., p. 9 et suiv.), sur la révolte des
paysans dans le Wurtemberg (depuis mars 1525). Münzer (cf. § 30), en
réponse à l'avertissement que Luther avait adressé à la commune de
Mulhouse (1524), écrivait : « Pamphlet provoqué en haut lieu et réponse
à la masse de chair dépourvue d'esprit qui vit doucement à Witten-
berg. » Les douze articles des paysans (Walch, part. XVI, p. 24)
auraient eu pour auteur, selon quelques-uns (Cornelius), Christophe
Schappelen, prédicant à Memmingen, né à Saint-Gall, un des prési-
dents du colloque de Zurich en 1Ö23, menacé de mort en 1525 ; selon
d'autres (Strobel, Beitr., II, p. 76; Guericke, III, p. 66 et suiv., n. 5),
Jean Heugling, chapelain à Ueberlingen ; selon d'autres (Zimmer-
mann), Th. Münzer; selon d'autres (Joerg), Fuchstein; selon d'autres,
Balth. Hubmaier (voy. Alfred Stern, die 12 Artikel der Bauern und
einige andere Aktenstücke aus der Bewegung von 1525, Leipzig,
1868). Fr. Ludw. Baumann (die Oberschwaebischen Bauern im Maerz
1025 und die zwcelf Artikel, Kempten, 1871) en attribue enfin la
rédaction définitive au prédicant Schappeler. « Le noble Helferich, le
chevalier Heinz et Karsthanns et leurs partisans ont juré d'observer
fidèlement et ponctuellement les 30 articles », in 0pp. Hütten, ed.
Münch, V, 451 et seq.; Falkenslein, Vollstaend. Gesch. des Herzogth,
Bayern, Munich, 1763, III, p. .521 et suiv. Hütten composa, sous le
titre de « Karsthanns », un dialogue entre un paysan et Franz de
Sickingen, qui remua tout particulièrement les paysans.
2C2 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Médiation de Luther.
i6. Les paysans envoyèrent ces douze articles à Luther pour
solliciter son approbation. 11 en fut embarrassé : les approuver,
c'était enhardir les bandes armées dans leur révolte, et s'aliéner
les princes et la noblesse; les repousser, c'était perdre son
crédit et la faveur de la multitude. Il résolut donc d'adresser
des conseils aux deux parties, aux princes et aux seigneurs,
aussi bien qu'aux paysans, et de les « exhorter à la paix »
(mai 1525). Aux premiers il représenta leurs défauts, les
accusa d'être la cause de la révolte, et les menaça d'une ruine
prochaine s'ils ne se corrigeaient point, s'ils continuaient de
rançouner le peuple et de le tailler à merci. Il accumula en
même temps les accusations les plus outiées contre les évêques
les moins tyranniques et contre les princes qui s'opposaient à
l'introduction de sa doctrine dans leurs États. Les paysans déjà
en armes, il les exhorta à la patience, leur rappela que l'Écri-
ture défend de se rendre justice à soi-même, tout en tolérant
des choses qui devaient plutôt les affermir dans leurs desseins
que les effrayer; il les traita avec beaucoup plus de ménage-
inetits que les grands seigneurs. Du reste, ajouta-t-il, les deux
parties ont tort : si elles ne s'unissent pas dans la concorde,
Dieu se servira d'un gamin pour fouetter l'autre gamin. Il faut
faire vider la querelle par des arbitres.
11 semblait alors que les desthiées de l'Allemagne fussent
tout entières entre les mains de Luther. Mais ses exhortations
furent en pure perte, car les paysans avaient déjà fait trop de
progrès. De grandes masses de peuple s'étaient d'abord soule-
vées sur le lac de Constance et dans l'AUgau, et avaient pillé et
détruit les couvents. La ligue de Souabe entama des négocia-
tions, tout en se préparant elle-même au combat. Les paysans
ne cessaient de répéter (juils ne voulaient (]ue défendre l'Évan-
gile, le mettre à exécution et soutenir les droits de Dieu. Dans
quelques endroits, ils se prêtèrent à des négociations ; ailleurs
ils les rejetèrent. Eu avril 1525, plusieurs de leurs bandes
furent battues par George de Truchsess, général de la ligue.
Déjà l'insurrection menaçait un grand nombre de principautés
ecclésiasti(jues, telles que Eichsta?t et Wui zbourg.
Au mois de mai, la révolte s'étendit sur de vastes territoires,
LE PROTESTANTISME. 263
et plusieurs villes s'y associèrent. Des hordes de paysans, fortes
de dix à vingt mille hommes, promenaient partout le pillage et
la dévastation. Un grand nombre de chevaliers, comme Goetz
de Berliciiingen, se joignirent à eux. A Weinsberg, plusieurs
de ceux-ci sni)irent une mort cruelle : on les obligea de se
précipiter en pleine campagne sur des piques dressées devant
eux. Le prince évêque de Würzbourg, Conrad III de Thungen,
ne garda que le château de Marienberg, défendu par Sébastien
de Hotenhau. Bamberg, la Thuringe, l'Alsace et le Palatinat
du Rhin furent également ravagés. Tout semblait voué à la
destruction. Les armées des princes contenaient une foule de
fantassins inhabiles aux armes, et il leur fallait éparpiller leurs
forces, tandis que les insurgés se bornaient à quelques attaques
partielles, qui leur promettaient un riche butin. Encore quelque
temps, et il était à craindre que l'Allemagne ne fût plus qu'un
monceau de ruines.
Défaite des paysans.
47. Comme les princes temporels se voyaient aussi menacés
que les princes ecclésiastiques, ils déployèrent toutes les res-
sources dont ils pouvaient disposer et exercèrent de sévères
représailles. Antoine, duc de Lorraine, étouffa la rébellion en
Alsace, surprit à Lüpstein six mille paysans qu'il fit mettre à
mort, força (17 mai) dans Saverne le principal corps d'armée à
se rendre; et, comme les paysans désarmés défilaient en chan-
tant un vivat à Luther, il commanda à ses lansquenets de
massacrer la plupart d'entre eux. Tandis qu'il revenait sur ses
pas, il défit de nouvelles bandes près de Scheerweiler (20 mai).
De son côté, George de Truchsess, après avoir battu les
insurgés près de Bebelingen, dans le Wurtemberg (t7 mai),
s'était emparé de Weinsberg, qu'il fit livrer aux flammes avec
plusieurs autres villages d'alentour. Louis, électeur du Pala-
tinat, purgea d'abord le diocèse de Spire des rebelles, puis,
s'unissant à l'armée de Souabe, rétablit l'ordre dans la Fran-
conie, où vingt-six couvents et deux cents châteaux avaient
été détruits. Les paysans furent vaincus près de Kœnigshofen et
d' Ingolstadt, et un grand nombre mis ä mort. Tant de sang ré-
pandu amena enfin quelque repos. Les ducs de Bavière, dont le
territoire avait eu le moins à souffrir de la guerre de? paysans,
264 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
pacifièrent le diocèse de Salzbourg. Le 45 mai, près de Fran-
kerihausen, de nombreuses bandes de paysans furent anéanties
par les ducs George de Saxe et Henri de Brunswick, et par
Philippe, landgrave de Hesse.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°* 46-47,
Walch, L. W,, th. xvi, p. 5 et suiv., 60; th. xxi, p. 149 et suiv.;
Dœlliuger, dans Freib. K.-Lex., VI, p. 665. — Leib, Chron., an. i525;
DœUinger, Beitr., II, p. 462 et suiv.; Lor. Fries, in der angef. Gesch.
Briefe des Nuntius Rorarius und des Card. Campeggio an Sadolet, 7 et
14 febr., 5 aug. 1525 ; Lœmnier, Monum. Vat., p. 20-23, n. 17 et seq.;
Pétri Gnodalii, Seditio repentina vulgi an. 1525 exorta, Basil., 1580
(se trouve aussi dans S. Schard, Scr. Rer. Germ., t. III) ; Peter Haarer
(Crinitus), Wahrhaftige Beschreibung des Bauernkriegs, Frankf.,
1625, dans J.-H.-D. Gœbel, Beitr. zur Staatsgesch., Lemgo, 1767, lat.,
ap. Fréher, Scr. Rer. Germ., III, 194; G.-L. Waldau, Beitr. zur Gesch.
des Bauernkr., Nürnb., 1790; Materiahen zur Gesch. des Bauern-
kriegs, Chemnitz, 1792-94, 3 st.; G. Sartoi'ius, Versuch einer Gesch.
des Bauernkr., Berhn, 1795 (ibid., p. 393, les anciens ouvrages); F. -F.
Oechsle, Beitr. zur Gesch. des Bauernkr., Heilbronn, 1830; Waclis-
muLh, der Deutsche Bauernkr., Leipzig, 1834 ; II. Schreiber, Taschen-
buch für Gesch. und Alterth. in Süddeutschland, Frib., 1839, p. 233
et suiv.; II. W. Bensen, Gesch. der Bauernkr. in Ostfranken, Erlan-
gen, 1840; W. Zimmermann, AUg. Gesch. des groszen Bauernkr.,
Stuttg., 1841 et suiv., 2 part. (2« éd., 1856); Schreiber, der Deutsche
Bauernkr., Frib., 1864; Ranke, Deutsche Gesch. im Z.-A. der Ref.,
II, p. 182-224. — Mone, Quellen für die badische Landesgesch., Carls-
ruhe, 1848 et suiv., t. II, 4 ; Riffel, I, p. 412-479 (2° éd., p. 508-581);
Jœrg, Deutschi, in der Rev. -Periode, 1522-1526, Frib., 1857; Corne-
lius, Studien zur Gesch. d. Bauernkr., Munich, 1862 ; Friedrich, Astro-
logie und Raformation oder die Astrologen als Prediger der Ref. und
Urheber des Bauernkr., Munich, 1864; Kraus, zur Gesch. des deuts-
chen Bauernkr. (Nass. Annalen, XII, 1873); Falk, Luther und der j
Bauernaufruhr im Rheingau (Catholique, juillet 1877). Voy. encore
Hisfor.-polit. Bl., 1840, t. VI : Ursachen des Bauernkr., p. 351-357;
Ausbruch und Charakter desselben, p. 449-409 ; Verthcidigungsan-
stalten, p. 527-544. Manifeste und Verfassungsentwürfe der Bauern,
p. 641-604; 1841, t. VII : Geschichtslügen über den Bauernkr., p. 301-
375, t. VIII ; Folgen des Bauernkr., p. 28-36.
Luther et Mélauchthon contre les paysans vaincus.
48. Les premières défaites des paysans étaient à peine con-
LE PROTESTANTISME. 56o
nues, que Luther, dans un écrit « contre les paysans brigands
et assassins », engageait les princes à les écraser sans pitié ni
merci, à les abattre comme des bètes fauves et des chiens
furieux, à les étrangler ou tuer de quelque autre manière :
ils pourraient ainsi plus facilement gagner le ciel que d'autres
par la prière. Plusieurs étaient révoltés de ce défaut de com-
passion pour des gens qui lui étaient attachés et qu'il avait
séduits par ses doctrines, de ce conseil sanguinaire qui ne fut
que trop exactement suivi, des encouragements qu'il donnait à
des souverains déjà enclins à la sévérité, contrairement au lan-
gage, qu'il avait tenu autrefois. Mais Luther avait à cœur de
faire passer ses adversaires pour des rebelles; il engagea même
l'autorité à sévir contre ceux qui s'apitoyaient sur les paysans,
et revendiqua l'honneur d'avoir fait massacrer ces malheureux,
en disant qu'il avait parlé sur l'ordre de Dieu.
Quant àMélanchthon, que Louis, comte du Palatinat rhénan,
avait consulté sur les douze articles des paysans, dans le désir
d'éviter l'effusion du sang et de rétablir un ordre de choses
régulier, il répondit qu'un peuple aussi mal élevé que les
Allemands avait encore trop de libertés, que ce que l'autorité
faisait était bien fait et que tous ses décrets devaient être
agréés du peuple. C'est ainsi que les nouveaux réformateurs
de l'Église se faisaient les champions du despotisme et de
l'asservissement. Ils n'étaient plus les hommes du peuple, mais
les serviteurs des princes.
OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR I.E N° 48.
Luther contre les paysans pillards et assassins : Walch, th. xvi, p. 91
et suiv.j Hislor. -polit. BI., 1841, t. Vil, p. 170-192. Érasme aussi (Hy-
perasp., I, 1032) reprochait à Luther sa complicité dans la guerre des
paysans. Tlieobald Billican {Apologia de commento revocationis in
religione, Worraat., 1339, B. 7 : « Agricolas libertatis falsee spécula
illectabat, classicum canentibus lis qui numinis coelestis adulterato
verbo simplicitati hominum imponebant (Dœllinger, Reform., I, 149.
Voy. Eck, dans Wiedemann, J. Eck, p. 41). Kilian Leib, qui appelait
Luther « superbus Jéroboam, homo a daemone missus » (p. 446, 462 et
seq.), disait des paysans : « Misere a noxiœ libertatis consultore, pes-
simo Luthero, delusi sunt crudelitcr » (p. 447); et plus loin (p. 490) •
« Edidit... L, libellum, quo testabatur iniquissimus nebulo tumultuan-
tes rusticos juste trucidatos, qui eos nefandis dogmatibus noiiam
266 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
libertatem desiderare, ac per id inobedientiara dominorum etmajorita-
tis odium, sacrilegia, sacrorum contemptum et in summa malura
omne docuerat, hoc ipso hospitis sui Satana?, magistri sui, dœmonis
artes et ingenium referens egregie, qui primo omnes adhibet vires...
ut misères mortales peccatis oneret... el voti compos effectus agit, ut
illaqueatos in desperalionis praecipitium cogat et damnationis suse
faciat habeatque participes. » Selon la remarque de Sébastien Frank,
mort en 1ö4d (Dœllinger, Reform., t. I, p. 187 et suiv.), l'opinion
que Luther avait d'abord séduit les paysans, puis excité à les anéantir,
était si répandue, qu'en plusieurs endroits où sa doctrine était prè-
chée, on avait coutume de dire, quand on entendait sonner pour la
prédication : « On sonne la cloche du meurtre. » Du reste, Luther
disait lui-même : « Moi, Martin Luther, j'ai tué tous les paysans dans
une insurrection; j'ai commandé de les tuer. Tout leur sang est sur
ma tète, mais je le renvoie à Dieu Notre-Seigucur, qui m'a ordonné
de parler ainsi. » (Propos de table, éd. d'Eisleb., f. 276, b ; éd. de
Francfort, f. 196, «.
Victimes de la guerre des paysans.
49. Les paysans n'avaient succombé que par le manque de
bons chefs et de grosse artillerie. Leur défaite sauva, cette fois
encore, les trônes chancelants. Les princes demandèrent aux
fondations rehgienses des dédommagements considérables
pour les dépenses qu'ils avaient faites à la guerre, bien qu'ils
n'eussent fourni que des secours tardifs et qu'ils eussent aussi
combattu pour leur propre cause. On usa surtrtut de sévérité
envers les anabaptistes, dont les débris s'étaient réfugiés eu
Silésie, en Moravie, en Pologne, en Suède, dans les Pays-Bas
et en Suisse. Beaucoup furent mis à mort, entre autres leur
chef Thomas iMüuzer, qui, après avoir régné en maître à
Mulhouse et introduit la communauté des biens, avait été battu
à Frunketdiausen et fait pri.soiinier. Il abjura ses erreurs avant
de mcturir, revint à l'Église catholique, exhorta les princes à la
justice, le peuple à la patience et à la soumission. Le nombre
de ceux qui périrent dans la guerre des paysans fut estimé à
cinquante mille, dont vingt mille pour l'Alsace seule, autant
pour la Franconie et la Souabe, six mille pour le Wurtemberg.
LE PROTESTANTISME. 267
OUVRAGES A CONSLLTEK SUR LE S° 49.
Leib, ad ann. Iö2ö, loc. cit., p. 498. Voy. les ouvrages cités § 30, sur
Münzer, et § 40 et suiv.
Mariage de Luther.
50. Au milieu de la guerre atroce des paysans, tandis qu'il
faisait de la polémique, Luther, qui avait déposé le costume
religieux en décembre lo24., venait d'atteindre sa quarantième
aimée. Il épousa Catherine de Bora (13 juin 1525), que ßernard
Koppe lui avait amenée du couvent de Nimptschen, tumultuai-
remeiit supprimé. Ce mariage arriva si soudainement et fut
célébré avec une si étonnante précipitation, que les plus chauds
partisans de Luther en furent eux-mêmes surpris et décon-
certés. Le 3 juin, il avait exhorté rarchevèijue de Mayence
« à prendre femme », et s'était excusé de tlifférer s^n propre
mariage par la crainte de « n^^ être pas propre ». Dix jours
plus tard, il se mariait secrètement , et quinze jours après il
célébrait ses noces. Il voulait, disait-il, donner à l'archevêque
« un exemple fortifiant », et, en épousant une nonne, rendre
témoignage à sou Évangile diffamé par Müuzer et les paysans,
attester le mépris qu'il faisait de ses ennemis, accomplir un
ancien désir de sou père, fermer la bouche à ceux qui avaient
médit de lui à propos de Catherine. Il alléguait encore diffé-
rentes raisons, celle-ci entre autres, que, pendant qu'il songeait
à tout autre chose, le Seigneur l'avait, d'une façon toute miracu-
leuse, lancé daus le mariage avec une nonne, et qu'il lui fallait
maintenant être injurié et maudit pour cette œuvre divine (il y
avait donc des œuvres méritoires). Il se glorifiait comme d'un
triomphe de ce que lui et son élue avaient rompu leurs anciens
\ œux et noué un mariage déclaré nul par les vieilles lois civiles
et ecclésiastiques. Il sentait néanmoins qu'il avait baissé dans
l'estime pubhque, et il essayait vainement d'étouffer cette
impression pénible par des propos amers et grossiers ou par
de frivoles plaisanteries. Au sentiment douloureux de sou
discrédit se joignirent les chagrins que lui causa l'humeur
impériense de sa femme, et l'on allait répétant ce mot sarcas-
tique d'Erasme : « Plusieurs s'imaginent que l'entreprise de
Luther est une tragédie; c'est plutôt une comédie, car tout y
finit par le mariage. »
268 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 50.
Lettres de Luther à l'archevêque de Mayence , à Rühe), Spalatin,
Amsdorf : de Wette, II, p. 673 et suiv,; III, p. 2, 12. Ses déclara-
tions sur « Ksethe » : Walch, part. XXIV, p. loO ; sur le mariage, èdit.
allemande d'Iéna, II, f. 147 et suiv., 152, 136 (là-dessus le duc George,
1326, dans Walch, part. XIX, p. 616. Voy. Walch, part. XXII, p. 1726).
DœUinger, Ref., II, p. 427 et suiv., 623 et suiv.; Histor.-pol. Bl., t. XI,
p. 410-433 ; Melanchth., Ep. ad Camerar., Lips., 1569, p. 33; Engel-
hard, Lucifer Witebergensis, oder der Morgenstern, d. i. vollstaendiger
Lebenslauf der Katharina von Bora, Landshut, 1749, 2 vol.; Walch,
Kathar. v. Bora, Halle, 1751, 2 vol.; Lessing, Rettung des Simon Lem-
nius — lettres VII, viii (V. W. zur Lit. u. Theol. Carlsruher Ausg., th. iv,
p. 29-37); Beste, Kathar. v. Bora, Halle, 1843; Meurer, Katharina
Luther, Dresde, 1834. Voy. encore Surius, an. 1323; DœUinger, Lu-
ther, p. 664-667.
Nouveaux règlements religieux.
51 . Le zèle de ses partisans contre l'ancienne Église s'était
refroidi : Luther essaya de le réchauffer. Au nouvel au de 1526,
il leur rappela qu'on n'avait pas encore, à beaucoup près, assez
injurié, décrié, ridiculisé par des chansons et des vers, broyé
la papauté; qu'il fallait de nouveau employer contre elle l'écri-
ture, les vers, la rime et la peinture.
Il s'appliqua à recouvrer par la flatterie les bonnes grâces
de George, duc de Saxe, qu'il avait autrefois gravement
offensé; mais George, indigné de sa conduite, lui reprocha
ses funestes doctrines et les conséquences morales qu'elles
entraînaient. Luther s'était borné jusque-là h. renverser l'an-
cien ordre de choses et n'avait encore rien édifié; il s'adressa
(1526) au nouvel électeur Jean, surnommé « le Constant », qui
avait succédé à son frère Frédéric le Sage (.^ mai 1525), pour le
prier de régler de nouveau les affaires religieuses de la Saxe,
attendu qu'il ne pouvait rien faire de sérieux sans le concours
du souverain et que lo désordre était devenu intolérable. L'ordi-
nation d'un évêque était devenue nécessaire, et, dès le mois
de mai 1525, Rorarius avait été ordonné à Wittenberg selon le
rite nouveau. Sur la proposition du réformateur, le prince
électeur fit entreprendre une visite des églises, pour y établir
la nouvelle organisation.
Au lieu d'une constitution démocratique, de communes
LE PROTESTANTISME. 269
isolées, où la majorité instituait ot destituait à son gré les
prédicateurs, on adopta dès lors un gouvernement ecclé-
siastique placé sous la tutelle des souverains, afin d'arrêter
l'arbitraire dos individus et de récompenser les princes des
services rendus à la nouvelle doctrine. On plaça donc les com-
munes religieuses sous l'autorité des juristes, qui furent sou-
vent en désaccord avec le réformateur et plus tard détestés par
lui. Jusque-là, Luther avait été consulté en toutes choses, et
c'était lui qui avait proposé les prédicateurs.
De la messe on avait conservé le nom et la plupart des céré-
monies (y compris l'élévation); cependant on omettait le canon
et tout ce qui rappelait l'idée de sacrifice ; on avait supprimé
les messes basses, et tout se faisait en langue allemande. Les
chants, la lecture de la Bible et la prédication étaient l'essentiel
du culte. Comme visiteurs furent nommés deux juristes et
deux théologiens; Mélanchthon était de ces derniers. Ils accom-
plirent leur mission en 1527 et 1528, donnèrent des prescrip-
tions sur la doctrine et sur le culte, prirent des mesures pour
supprimer les fondations ecclésiastiques, pour ériger des écoles
et des paroisses, et ils chargèrent les autorités civiles de punir
les récalcitrants.
En 1527, Mélanchthon composa son opuscule sur la visite,
pour enseigner aux curés ce qu'ils devaient prêcher. Luther,
qui avait écrit dès 1523 une Postille à l'usage des prédicateurs,
déclara dans sa préface sur l'ouvrage de Mélanchthon, sans
doute pour atténuer la contradiction qui existait entre ce qu'il
avait fait autrefois en supprimant toutes les lois, toutes les
institutions obligatoires de l'Église, et le règlement ecclésias-
tique qu'on imposait maintenant, il déclara que ce règlement
n'était pas strictement obligatoire, car on ne voulait pas renou-
veler les décrétales des papes, mais qu'il fallait le considérer
comme « une histoire, un témoignage et une confession de la
foi ».
Les curés et les communes ne s'y trompèrent pas : ils com-
prirent que cette « histoire », ce « témoignage » les obligeraient
rigoureusement, tant que TEsprit-Saint n'y aurait rien changé
par l'organe des réformateurs : car le prince électeur, en sa
qualité de souverain chrétien, devait veiller à ce que l'inégalité
dans le culte et la doctrine ne produisissent point des discordes,
270 HISTOIRE DK l'égus?:.
des attroupements et des insurrections. Voilà où l'on aboutissait
avec la « liberté cbrétieniie » : on retirait aux communes le
droit d'instituer et de destituer les prédicateurs. C'est ainsi
encore que furcut composés plus tard, pour les besoins de
renseignement, le Grand et le Petit Catéchisme de Luther
(1529), qui acquirent l'autorité d'un Symbole. On confia la
surveillance des curés et la décision des affaires matrimoniales
à des surintendants, qui furent présidés dans la suite par les
consistoires (1542). C'était, en un mot, l'autorité civile qui était
chargée du gouvernement de l'Église.
OUVRAGES A CONSULTEB SUR LE N° Ö1.
Lettre de Luther à l'électeur Jean, 22 nov. t526 : de Wette, III,
p. t3ö. Comp, ibid., p. 160, 219; II, p. 493 ; K.-Fr. Jagemann, Lebens-
beschreibung Joh. des St.uidhaftcn und Job. Friedr., Halle, 1736;
Riftel, 11, p. 1 et suiv.; Richter, die Evangel. Kirchenordnungen des
16 Jahrh., Urkunden und Regesten, Weimar, 1846, 2 vol. Instruction
des visiteurs aux curés (lat. 1527), avec une préface de Luther, Wit-
tenb., 1Ö28, in-4'' ; en lat. et en allem., éd. de Strobel, Altdorf, 1777,
avec une introduction et des remarques historiques par Weber,
Schhichtern, 1844. Comp. Riffel, II, p. 32-61. Catéchisme de Luther,
dans Hase, Libri synibol. Eccl. evang., p. 361 et seq.; en allem.,
dans Kœthe, die Symbolischen Biïcher der ev.-luth. K., p. 254 et suiv.;
Augusti, Hist.-krit. Einleit. in die beiden Haupt-Katechismen, Elber-
feld, 1824; Wolch, th. x, p. 2 et suiv. Consistoires : Richter, Gesch.
der evangel. Kirchenverfassung, p. 82 et suiv.
La Réforme en Prusse, dans la Hesse, à Ânspach et dans
beaucoup de villes impériales.
52. Lorsque Albert de Brandebourg, grand maître de l'ordre
Teutonique, eut embrassé et introduit en Prusse la nouvelle
doctrine, le landgrave Philippe de Hesse se déclara ouverte-
ment en sa faveur. Dans une assemblée tenue à Hambourg sous
sa présidence (octobre 1526), on discuta la question si l'on con-
serverait l'ancienne croyance ou si l'on adopterait la nouvelle.
Comme on avait arrêté d'avance qu'on n'emprunterait ses
preuves qu'à la Bilile, on montrait par cela même qu'on
enteudait favoriser le luthéranisme. Les luthériens étaient
représeutés par un prédicateur de la cour, Adam Kralft (il
mourut en 1558); par un franciscain apostat, François Lambert
LE PROTESTANTISME. 271
d'Avignon (il moutnt en 1530), et par Erhard Schnepf (il
monrnt en I008). Les représentants des catholiqnes, Jean
Sperber, curé de Waklan, et Nicolas Ferber, gardien des
franciscains, se retirèrent.
Lambert parla avec feu en faveur d'un règlement synodal
sur une base démocratique. Ce règlement, dans sa substance,
plaisait au landgrave; mais en 1528 il était déjà remplacé par lo
règlement saxon. Après un nouveau synode tenu à Marbourg
en 1527, les prêtres catholiques furent chassés du pays, les
couvents évacués, et leurs biens assignés à l'université de
Marbourg et à d'autres établissements. Le landgrave en reçut
sa part.
Sur le territoire d'Anspach , le margrave George abolit la
religion catholique (1528). Déjà beaucoup de villes de l'em-
pire s'étaient insurgées contre l'ancienne Église, notamment
Nurenberg, Francfort-sur- le-Mein, Ulm, Schwabisch-Hall,
Strasbourg, Brème, Magdebourg; déjà les magistrats de ces
villes, imitant les souverains, se faisaient les maîtres des
consciences; déjà la corpi »ration de Luther de persécutée deve-
nait persécutrice ; l'autorité de l'Église avait fait place à l'au-
torité des réformateurs, qui s'étaient eux-mêmes appelés. La
situation extérieure offrait le plus lamentable spectacle. Un
grand nombre de prédicateurs n'étaient que des manœuvres
ignorants et souvent immoraux : ils tombèrent dans le mépris,
et le peuple ne voulut plus d'ecclésiastiques. Beaucoup de ces
derniers dépérissaient avec leurs familles dans une affreuse
misère.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 52.
Sur la Prusse, ci-dessous, § 125. Sur la Hesse, etc., L.-A. Salig, His-
torie der Augsburger Confession, th. i, p. 658 etsuiv.; J.-M. Sclirœckh,
Allg. Biographie, th. vin, p. 288 et suiv.; de Rommel, Kurze Gesch.
der Hessen-Cassel'schen K.-Verbess., Cassel u. Marh., 1817; Hassen-
kamp, Hess. K.-G. seit der Ref., Marb., 1853, et Franz Lambert,
Elberfeld, 1860; Raum, Franz Lambert, Straszb., 1840; Hartmann,
Erhard Schnepf, Reformator in Schwaben, Nassau, Hessen und Thü-
ringen, Tübingen, 1870; Riffel, H, p. 77-126. Sur George d'Anspach,
Leib, Chron., an. 1527, p. 514 et suiv.; an. 1530, p. 538; Dœlhnger,
Ref., I, p. 223; Fiedler, Pastoralztg. v. Torgau, 1842, ann. 4; die
Einführung der Ref. im Erzstifte Magdeburg; Kirchhofer, zur Ref.-
272 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Gesch. V. Ulm (Niedners Ztschr. f. List, theol., 1849, III, p. 44o et
suiv., et plusieurs dissertations semblables). Prédicateurs ignorants :
Capito, 1S33; Centuria epistol. ad Schwebelium, Biponti, 1597,
p. 170 ; Polit, eccl., dans Grosch, Verlheidigung wider Arnold, p. 497;
Gallus, Brandenburgische Gesch., III, p. 14ü. Prédicateurs immoraux :
Luther, Epp., éd. Âurif., II, 101 ; Dœlhnger, III, p. 229 et suiv.; II,
p. 295 et suiv.; Wizei, Jean Eberlin, Henri Satrapitan, dans Dœllinger,
F, p. 105 et suiv., 208 et suiv., 210 et suiv. Sur le mépris des ecclésias-
tiques : Luther, Postille domestique ; Walch, part. XIII, p. 39, 1816,
éd. d'Altenb., IX, f. 963, 964; Dœllinger, Ref., I, p. 299 et suiv.;
Mélanchthon, Drakonites, George iMajor, Musculus et plusieurs autres,
dans Dœllinger, 1, p. 463 et suiv.; Bucer, ibid., II, p. 26 et suiv. Leur
pauvreté et leur misère : Luther à l'électeur Jean, 22 nov. 1526 et
3 févr. 1527; de Wette, III, p. 135, 160. Explication du premier livre
de Moïse : Walch, part. II, p. 1811 ; Dœllinger, I, p. 317-325.
Les événements depnis 1&91> jusqu'en I530.
Ligue de Torgau. Diète de Spire en 1526.
53. Effrayés de l'apostasie d'un grand nombre de seigneurs,
de la guerre des paysans et de ses suites, les princes catho-
liques, notamment Albert de Mayence, George de Saxe, Henri
de Brunswick, 1 evêque de Strasbourg, cherchèrent à resserrer
les liens qui les unissaient, et conjurèrent l'empereur de
détourner les périls imminents. De leur côté, les princes luthé-
riens formèrent, le A mai 1526, la ligue de Torgau (ou de
Gotha), par laquelle ils se promettaient assistance mutuelle,
si on venait à leur défendre d'introduire la nouvelle doctrine.
Philippe de Hesse, l'âme de cette ligue, avait soutenu contre
Th. Münzer que la religion ne pourrait pas être un motif
de se révolter contre l'autorité légitime; et cependant la ligue
formée par lui n'était au fond qu'une conspiration contre
l'empereur, alors victorieux. 11 y avait ainsi en Allemagne
un camp catholique et un camp luthérien. La ligue créée par
le prince électeur de Saxe et le landgrave de Hesse fut adoptée
par le duc de Brunswick-Lunebourg, Henri de Mecklenbourg,
par les ducs de Celle et de Grabenhagen , par ^yolfgang ,
prince d'Anhalt, par les comtes Gebhardt et Albert de Manns-
feld et par la ville de Magdebourg. Nurenberg refusa, parce
que la religion ne doit pas s'appuyer sur le bras des
hommes.
LE PROTESTANTISME. 273
Les suites de la ligue de Torgau se révélèrent à la diète qui
s'ouvrit à Spire en juin 1526 : les États luthériens, exploitant
les embarras de l'empereur et de son frère, s'y montrèrent
pleins de bravade. Déjà Jean de Saxe et Philippe de Hesse se
disposaient à quitter l'assemblée, et une guerre religieuse sem-
blait imminente. Cependant l'archiduc Ferdinand et Richard de
Trêves apaisèrent les esprits et firent rendre un décret (27 août)
portant qu'on fournirait des secours pour la guerre contre les
Turcs, qu'un concile général ou du moins national et allemand
serait réuni dans l'espace d'une année ; quant à l'édit de Worms,
chaque État ferait ce dont il pourrait répondre devant Dieu et
devant l'empereur. C'en était donc fait de cet édit : chaque sou-
verain avait le droit de régler les affaires de la religion selon
son bon plaisir (principe du territorialisme et droit de réforma-
tiou). Le secours contre les Turcs arriva trop tard. Le 29 août
1526, près de Mohacz, Louis, roi de Hongrie et de Bohême,
était pleinement battu par le sultan Soliman et perdait la vie
pendant sa fuite à travers les marais de Hongrie. Ofen (Bude)
se rendit aux Turcs^ qui se retirèrent vers la fin de l'année.
L'archiduc Ferdinand hérita de la couronne de Hongrie en sa
qualité de beau-frère de Louis et par suite de contrats de fa-
mille ; mais il eut à se défendre contre le woywode de Tran-
sylvanie, Jean de Zapolya, soutenu par les Turcs.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 53.
Sieidan., op, cit., lib. VI; Walch, th. xvi, p. 214; Kapp, Nachlese,
th. II, p. 680 ; Kilian Leib, loc. cit., p. 499 et suiv.; J.-J. Müller, Histo-
rie von der evaugel. Staende Protestation und Appellation wider und
von dem ReichstagsaLschied zu Speyer, 1329, Jena, 1704, in-4° ; Gue-
ricke, K.-G., TU, p. 99, n. 2, 9^ éd.; Maurenbrecher, Carl V und die
deutschen Protestanten, p. 83.
L'imposture de Pack.
54. Déjà les princes luthériens méditaient une incursion
dans les provinces catholiques, dont les souverains passaient
pour avoir conspiré entre eux la ruine du nouvel évangile.
Utton de Pack, conseiller de la chancellerie de George, duc de
Saxe, persuada au landgrave de Hesse qu'une alliance avait
été formée entre son maitre, l'archiduc Ferdinand, et quelques
Y. — HisT. DE l'Église. Ijj
274 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
évêques, en vue d'expulser les princes luthériens et de partager
leurs territoires ; et, pour confirmer son dire, il montra une
copie de documents et promit de livrer l'original pour la somme
de 4,000 florins (1528). Aussitôt le landgrave Philippe et l'élec-
teur de Saxe se préparèrent à la guerre, et personne ne savait
pourquoi. La lumière ne se fit que lorsque Philippe en écrivit
au duc George, son beau-père. Otton de Pack ne put rien
démontrer, et Philippe dut reconnaître qu'il avait été dupe.
Mélanchthon n'avait pas tardé à deviner l'imposture. Cependant
Luther profita de la circonstance pour répandre sa bile contre
le duc et le rendre suspect de mille manières. Le landgrave
Philippe exigea un dédommagement de ses préparatifs
militaires (demanda même 200,000 florins) à des princes
ecclésiastiques qui n'avaient rien à démêler dans cette affaire,
tels que l'archevêque de Mayence et les évêques de Würzbourg
et de Bamberg : 40,000 florins furent arrachés à l'évêque de
Würzbourg, et 20,000 à celui de Bamberg, tant les princes
catholiques étaient alors impuissants et découragés.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 54.
Walch, L. W., th. xvi, p. 44S et suiv., 506; th. xix, p. 642. Sorite de
Luther ; Le duc George est l'ennemi de ma doctrine, par conséquent
il se décliaîno contre la parole de Dieu ; je dois donc croire qu'il se
déchaîne contre Dieu même et contre son Christ. S'il se déchaîne
contre Dieu même, je dois croire secrètement qu'il est possédé du
démon ; s'il est possédé du démon, je dois croire secrètement qu'il
trame les plus noirs desseins, etc. — Kilian Leib, an. 1628, p. 520-
522; Rilfel, I, p. 371-376, n. l, t. Il, p. 356 et suiv.— Seidemann,
Theol. Briefwechsel zwischen Landgraf Philipp v. Hessen und Herzog
Georg von Sachsen, 1535 et suiv. (iNiedners Ztschr. f. histor. Iheol.,
1849, II, p. 175 et suiv.).
Clément VII et l'empereur.
55. Une chose particulièrement douloureuse aux catholiques
fut la mésintelligence qui éclata entre le pape et l'empereur.
Clément VII s'était déjà employé comme cardinal pour les inté-
rêts de Charles-Quint ; il lui avait rendu d'importants services
et avait longtemps soutenu sa cause. Mais les devoirs de sa
charge ne lui permettaient point d'approuver la guerre contre
LE PROTESTANTISME. 275
la France, et il était teuu de veiller à l'indépendance du Saint-
Siège comme à la liberté de l'Italie. L'orgueil et la cupidité
des Espagnols, leur domination sur Naples et sur beaucoup
d'autres parties de l'Italie, avaient profondément blessé les Ita-
liens, qui joignaient à une culture délicate le vif sentiment du
bien général ; cette domination, en s'étendant de plus en plus,
exposait la Péninsule à tomber sous la servitude des agents de
l'Espagne. A Rome, on craignait d'être accablé du côté du nord
et du sud par la prépondérance de l'empereur ; le pape avait
plus d'une fois constaté son manque d'égards, le mépris de ses
conseils ; l'empereur protégeait son vassal de Ferrare contre le
Saint-Siège. Enfin, les armes françaises étaient victorieuses en
Italie, Milan conquis (1524), les États de l'Église menacés : le
pape , après de vaines tentatives pour garder la neutralité ,
conclut avec François 1" une alliance dans un moment où par
malheur l'étoile de ce prince commençait déjà à pâlir.
François I" fut vaincu près de Pavie, fait prisonnier par les
Impériaux (22 février 1525), conduit en Espagne et obligé de
consentir à un traité fort onéreux pour recouvrer sa liberté. Il
déclara plus tard que le contrat qu'on lui avait fait signer était
nul (14 juin 1526), et il recommença la lutte; soutenu en Italie
par de nombreux amis : Sforza, duc de .Milan, dont l'empereur
revendiquait les domaines; Venise, Florence, la Suisse, l'An-
gleterre et le pape s'allièrent pour rétablir l'indépendance
de l'Italie. Le pape avait prié l'empereur de rendre la paix
au monde, au roi de France la liberté, et de reconnaître le duc
de Sforza ; il avait ensuite délié François I" du serment qui lui
avait été arraché, tout en ne lui accordant que le passage, à
travers ses États, des approvisionnements et d'une partie de ses
troupes déjà presque désarmées, toutes choses que les Français
auraient pu obtenir eux-mêmes par la force.
Le pape avait beaucoup à se plaindre de lempereur, qui
avait repoussé les conditions arrêtées avec ses ministres, déposé
le duc de Milan, rendu en Espagne et à Naples plusieurs lois
contraires à la juridiction ecclésiastique, dédaigné ses conseils
et ses ambassadeurs ; il était mécontent aussi de la manière
dont l'empereur avait demandé la réunion d'un concile, auquel
il en avait appelé pour de prétendues injures dont il avait été
l'objet : il semblait y chercher un moyen d'affaiblir l'autorité
276 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
du Saint-Siège. Une correspondance très vive fnt échangée de
part et d'antre (juin -octobre 1526); Charles-Quint essaya même
d'aigrir les cardinaux contre le pape et de les décider à convo-
quer le concile.
Le cardinal Pompée Colonna recruta dans les États de l'Église
des troupes pour l'empereur, fit avancer jusque devant les
murs de Rome le général de Charles-Quint, Hugues de Mon-
cada, dont les troupes pillèrent la cité léonine et obligèrent le
pape à se réfugier au château Saint-Ange. Un armistice fut
conclu, d'après lequel le pape s'engagea à rappeler ses troupes
de la haute Itahe et à pardonner à celles de Colonna. La pre-
mière condition fut exécutée; mais les Impériaux, n'ayant pas
rempli les engagements du traité et s'étant rendus coupables do
nouveaux crimes, furent déclarés coupables de lèse-majesté,
et Pompée fut destitué du cardinalat. Il refusa de se soumettre,
et en appela à un concile général.
Le sac de Rome.
56. François Guignon, général des frères mineurs, délégué à
Charles-Quint, revint avec des propositions de paix que le pape
accepta; mais les ministres de l'empereur y ajoutèrent des clauses
fort onéreuses, qui empêchèrent la conclusion de la paix. Clément
VII convint avec le vice-roi deiNaplesd'un armistice, qui lui était
très défavorable. Lorsqu'il fit demander au duc Charles de
Bourbon, entré au service de l'empereur, et à d'autres chefs
d'armée, si cela suffisait ou s'il devait aussi conclure l'accord
avec eux, ils déclarèrent que la convention passée était sufli-
sante. Le pape s'autorisa de cette réponse.
Cependant l'armée impériale qui se trouvait dans la haute
Italie sous la conduite de Charles de Bourbon et de George de
Fruusdberg, était demeurée longtemps sans solde : réduite à
une grande détresse, elle avait soif du riche butin qui l'atten-
dait à Rome. Après avoir obtenu le passage du duc de Ferrare,
elle marcha contre la ville éternelle et en demanda la reddition.
Rome refusa d'ouvrir ses portes, fut prise le 6 mai 1527 et
livrée à un all'reux pillage : les églises furent profanées, les
religieuses déshonorées, de nombreux chefs-d'œuvre anéantis,
les habitants pillés et assassinés. Il se passa dans Rome des scènes
LE PROTESTANTISME. 277
qu'on n'avait pas vues dans les temps de Ileiiri IV et de
Henri V. Les luthériens, parmi les lansquenets allemands, dont
un grand nombre servaient aussi dans l'armée française, insultè-
rent le pape et les cardinaux, et commirent, avec les vases et les
ornements sacrés, de grossières parodies. Ces horreurs durèrent
plus de quinze jours, après quoi beaucoup moururent de mala-
dies. Le duc de Bourbon, qui aurait pu prévenir ces odieuses
saturnales, était tombé pendant qu'on dressait les échelles pour
l'escalade. Le pape et les cardinaux, réfugiés au château Saint-
Ange, durent enfin se mettre à la merci des Impériaux.
Protestation de Charles-Quint contre la prise de Rome.
57. Lorsque Charles-Quint apprit en Espagne ce qui s'était
passé, il fit prendre le deuil à la cour et protesta dans un écrit
que Rome avait été envahie à son insu et contre son gré ; il fit
la même déclaration à d'autres cours, révoltées de ces attentats.
Clément VII n'en fut pas moins obligé, avant son élargissement,
de payer aux soldats impériaux l'arriéré de leur solde, outre
d'immenses sommes d'argent, de livrer en gage deux de
ses parents et plusieurs forteresses. Les Colonna, indignés
de la conduite des Impériaux, se réconcihèrent avec le pape.
Pompée Colonna et le cardinal Farnèse, délégués auprès de
l'empereur, ne négligèrent rien pour rétablir la paix. Elle fut
conclue d'abord provisoirement en octobre et en novembre 1527,
puis d'une manière définitive à Barcelone, au mois de juin 1529.
L'empereur témoigna son horreur des abominations commises
contre Rome et contre le pape, protesta qu'il n'y avait eu
aucune part, qu'il vénérait toujours le pape comme son père et
le vicaire de Jésus- Christ : c'est pourquoi il avait donné des
ordres pour qu'il fût rétabli dans tous ses droits spirituels et
temporels.
Le pape et les cardinaux furent invités à réunir selon les
formes légales et dans un lieu convenable, en observant tout
ce que requérait le droit, un concile général, pour traiter do
la pacification de la chrétienteté, de la guerre contre les Turcs
et de l'hérésie luthérienne ; l'empereur, de son côté, ferait tout
ce qui était en lui pour faciliter la réunion du concile et récon-
cilier les princes. Charles- Quint s'appliqua à réparer de son
mieux ce qui s'était passé : il se réconcilia avec François I" par
278 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
le traité de Cambrai (août 1529); puis, traversant Gênes et
Plaisance, il se rendit à Bologne, où il reçut de Clément VII la
couronne impériale (24 février 1530), le trentième anniversaire
de sa naissance. 11 entretint longtemps avec lui les relations les
plus amicales. Clément VII, irréprochable de sa personne, fut
souvent en politique hésitant et malheureux ; Charles-Quint,
qui le fut aussi, avait révolté beaucoup de pays catholiques,
tout en n'obtenant que des succès éphémères.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"^ 00-56-57.
Correspondance du pape et de Charles-Quint, 1525-1527 : Fascicule
rer. expet., Lond., 1690, II, p. 683 ; Rayn,, an. 1526, n. 1 et seq., 22 et
seq.,67etseq.;an. 1527 etseq.; Goldast, Polit, imp., part. XXII, pag. 990
et seq.; Le Plat, II, p. 240-290. Instruction pour le cardinal Alex. Far-
nèse, dans Ranke, Rœm. Pœpste, Berlin, 1836, III, p. 2Ä1-261, uti-
lisée en partie par Pallav., II, xiii, 1 ; Giberto Datario a D. Michèle
de Silva e al Vescovo di Veroli, dans Lettere de' principi, I, 192, 197.
Demandes de Charles aux cardinaux, au sujet de la convocation du
concile, le 6 oct. 1529 : Rayn., h. an., n. 45 ; Le Plat, II, p. 290-294.
Documents publics de Rome, du 12 déc, ibid., p. 294, 295. Le cardi-
nal Wolsey au cardinal Rodolphe sur l'emprisonnement du pape,
12 juillet 1527 : Lœmmer, Monum. Vatic, n. 20, p. 23. Traité entre
l'Angleterre et la France « de non admittendo Concilio a Papa captivo
indicendo », 18 aug. 1527 : Le Plat, II, p. 296-301. Sac de Rome, écrit
en 1527 par Jacques Bonaparte, témoin oculaire; traduction de l'ita-
lien parNapol.-L. Bonaparte, Florence, 1830 (d'après Ranke, Deutsche
Gesch. im Z.-A. der Reform., II, p. 351 et suiv., IV, elle n'émanerait
pas de Bonaparte, mais probablement de S. Guicciardini). Autres té-
moins oculaires, dans Buder, Sammlungen, I, p. 546, 551. Kilian
Leib, Annal., an. 1524-1527 (Dœllinger, Beitr., II, pag. 448-462, 498-
513); Guicciardini, lib. XVI, XVII; Pallav., II, xui, 1 et seq., c. xiv,
n. 1-16; Raumer, Gesch. Europas seit Fnde des XV Jahrb., Leipzig,
1832 et suiv.; I, p. 303 et suiv., 324 et suiv.; Ranke, Rœm. Paîpste, I,
pag. 99 et suiv., 103 et suiv,; Rey, Hist. de la captivité de François I",
Paris, 1837; Cantù, Storia univ., lib. XV, c, vi. Sur la politique reli-
gieuse de Charles-Quint, Histor.-polit. Bl., 1861, t. XLVIII, p. 964-976
(contre Droysen); Pallav,, liv. II, c. xvi; liv. III, c. ii. Campeggio an
Sanga, 18 sept. 1528 : Lœmmer, Mon. Vat,, p. 24, n. 21, Réponse de
Charles, le jour du couronnement à Bologne, aux articles du pape :
Le Plat, II, p. 322 et seq.
LE PROTESTANTISME. 279
Diète de Spire (1529).
58. Cependant une diète annoncée pour le 2 février 1529,
mais ouverte seulement le 15 mars, fut tenue à Spire. Elle
devait s'occuper de la guerre contre les Turcs, qui avaient
envahi inopinément la Hongrie. Vienne, contre laquelle ils
allaient bientôt s'avancer, ne dut son salut qu'à l'héroïsme de
sa garnison et de ses habitants. La diète devait s'occuper aussi
des troubles religieux qui n'étaient pas encore apaisés, des dé-
penses pour l'entretien de l'empire et de la Chambre de l'empire.
On se disputa dès le début sur les questions qu'il fallait
d'abord entamer : les États luthériens, qui avaient amené leurs
prédicateurs et célébraient leur culte séparément, voulaient
qu'on traitât d'abord la question religieuse, parce qu'il fallait
avant tout que chacun d'eux sût ce qu'il avait à attendre de
son voisin; les États catholiques, que le comte Jean Thomas de
la Mirandole, envoyé par le pape, exhorta à fournir contre les
Turcs et pour le rétablissement de l'unité religieuse une cotisa-
tion mesurée sur les faibles ressources dont on disposait alors,
cédèrent sur ce point. Mais, comme ils formaient la majorité, ils
ajoutèrent qu'il fallait, conformément aux propositions de l'em-
pereur, prier ce prince de procurer la réunion d'un concile
général, ou du moins d'un concile national, dans l'espace
d'un an, et de s'y présenter. En attendant, les États qui avaient
observé l'édit de Worms, continueraient de l'observer et de le
faire observer ; ceux dans les territoires desquels la nouvelle
doctrine était déjà introduite, pourraient garder jusqu'au pro-
chain concile les nouveautés qu'on ne pouvait abolir sans danger
et sans soulèvement ; mais, en attendant, ils empêcheraient de
toutes leurs forces qu'on ne fît aucune innovation. On s'abs-
tiendrait surtout de prêcher publiquement contre le Sacrement
de l'autel et d'abolir la messe ; dans les lieux où elle aurait été
abolie, on n'empêcherait personne de la célébrer ou d'y assister ;
onprècheraitl'Évangile d'après l'interprétation des Pères adoptée
par i'ÉgUse, sans toucher aux points controversés ; on main-
tiendrait la paix, et personne ne serait violenté àcause de sa foi;
on publierait enfin un nouvel édit contre les anabaptistes et
autres partis extrêmes, coupables de différents crimes. Ce décret
de la majorité, rendu le 13 avril 1529, était, de la part des
280 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
catholiques, une grande concession : ils ne demandaient que la
tolérance de leur culte.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"* 58.
Walch, th. XVI, p. 265 et suiv., 328-429; Koch, p. 293; Pallav., II,
xviii; Sarpi, II, § 39; Goldast, Coll., III, 494; Le Plat, II, p. 301-321
(décret du 13 avril 1529); Kiliau Leib, an. 1529, p. 525 et suiv. (ibid.,
p. 515 et suiv., sur les menées des anabaptistes. Ils brûlèrent à
Vienne, comme anabaptiste et criminel, Balth. Hubmaier, appelé
Friedberg, curé d'Ingolstadl, prédicateur à Ratisbonne, auteur de
l'expulsion des Juifs de cette ville, puis occupé à Waldsliut; Eytelbans
Langermantel, d'Augsbourg, fut décapité à Weissenhorn.)
Les protestants.
59. Les novateurs cependant ne furent pas satisfaits, et le
19 avril ils déposèrent contre ce décret une protestation formelle:
de là leur nom de protestants. \° Les matières de religion,
disaient- ils, ne se décident pas à la majorité des voix ; 2° on ne
devait point permettre que deux sortes de messes fussent célé-
brées dans une même paroisse, car on en conclurait que leurs
prédicateurs avaient tort ; 2° la messe, selon l'Écriture sainte,
était une idolâtrie : on ne saurait donc la permettre. Cette pro-
testation ayant été rejetéo, ils rédigèrent un appel en forme,
dans lequel ils soumettaient tous leurs griefs, passés et futurs,
à l'empereur, au prochain concile, à tout juge chrétien intelli-
gent et impartial.
Cet instrument fut rédigé au nom de l'électeur de Saxo, du
landgrave de liesse, d'Ernest, duc de Lunebourg, auxquels
s'associèrent en outre deux princes et quatorze villes. Une am-
bassade fut envoyée à l'empercnr, alors en Italie. L'empereur se
montra très offensé de leur protestation : les États luthériens
(13 octobre), dit-il, avaient toute raison de se soumettre au décret;
pas plus (jueles protestants, l'empereur et les États catholiques
ne voulaient agir contre leur conscience et le salut de leurs âmes;
comme eux, ils demandaient un concile pour procurer la gloire
de Dieu et le bien général ; mais, en attendant, les protestants
devaient se conformer aux décisions de la diète. Les délégués
protestèrent également contre cette déclaration. Charles-Quint
songeait à les faire emprisonner ; l'un d'eux, ayant voulu lui
LE PROTESTANTISME. 281
offrir le Catéchisme de Luther, allait être saisi, lorsqu'il prit la
fuite. Le 21 janvier 1530, Charles-Quint indiqua une nouvelle
diète, qui se tiendrait à Augsbourg en sa présence. Les États
devaient s'y trouver aussi, mais n'y apporter aucun sentiment
de colère ni d'aigreur.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 59.
J.-J. Müller (§ 33); A. Jung, Gesch. des Reichstages zu Sp., Straszb.,
1830; J.-A.-H. Tittmann, die Protestation der evangel. Sttendc im J.
1529, Leipzig, 1829; J.-L.-G. Johannsen, die Entwickelung des protest.
Geistes bis 1529, Copenhague, 1830; Sleidauus, Histor., lib. VIII.
Réponse de Charles aux envoyés des protestants : Bzovius, an. 1529,
n. 48; Pallav., II, xviii, 7. Indiction de la diète d'Augsbourg pour
le 21 janv. 1530 : Goldast, III, 307; Le Plat, II, p. 321.
L'AGITATION RELIGIEUSE EN SUISSE ET SES CONSÉQUENCES.
Zwing'le et son système.
Situation de la Suisse.
60. La situation de la Suisse était généralement la même
que celle de l'Allemagne. A Bâle, l'humanisme était florissant,
grâce surtout à Érasme (1516). Beaucoup d'individus suspects
sous le rapport politique et religieux y avaient trouvé un asile, et
jouissaient parmi les confédérés d'une pleine liberté d'action. On
veillait avec un soin jaloux sur les anciens droits du peuple et
sur les nombreuses restrictions apportées à la juridiction ecclé-
siastique, principalement sur celles qui étaient coi^tenues dans
les Letti^es des curés de 1370 et renouvelées par le traité de
Stanz de 1481. Beaucoup de cantons avaient des démêlés avec
les évêques, placés la plupart sous des métropolitains étrangers
(Constance et Coire dépendaient de Mayence ; Bàle et Lausanne,
de Besançon; Corne, d'Aquilée); Sion ne fut déclaré exempt que
sous Léon X. Beaucoup de chapitres et de collégiales avaient pris
des mœurs mondaines ; trop souvent les ecclésiastiques ne son-
geaient qu'aux richesses et aux commodités de la vie : de nom-
breux abus s'étaient introduits. L'évêque de Bâle, Christophe
Uttenheim, essaya d'y remédier dans un synode tenu en 1503.
Plusieurs prêtres recommandables rendaient encore de grands
services, et quelques-uns faisaient de la mystique leur occupa-
tion favorite. Un livre de piété, Plenariumy rédigé par un
282 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
chartreux, à l'usage du peuple, et comprenant la messe en
langue allemande, avec des prières, des méditations et des
chants, tenait dignement sa place à côté des meilleurs travaux
des mystiques.
Ouvrages a consulter sor le n" 60.
Egid Tschudi (Landamman à Claris, mort en 1572), Chron. helvet.,
éd. Iselin., Bas., 1734, 2 t. in-f., de 1000-1470 — handschriftlich
aus Archiven und seltenen Drucken bis 1370; J. Fuchs, Eg. Tschudi's
Leben und Schriften, St. -Call, 1805, 2 part.; Reformationschronik
des Carthseusers Georg., Basel, 1849; Salat, Chronika und Beschrei-
bung V. Anf. des neuen Unglaubens bis Ende, 1534, MS. in-f».; Archiv
f. Schweiz. Ref.-Gesch., éd. du Schw. Piusverein, Soleure, 1868 et
suiv., Frib., 1872, I-II ; J.-E. Fuesziin, Beilr. zur Erlaeuterung der Ref.-
Gesch. des Schweizerlandes, Zurich, 1741 et suiv., 5 vol.; Hottinger,
Helvet. K.-G., Zurich, 1708 et suiv., 4 vol. in-4»; Simler, Sammlung
alter und neuer Urkunden, Zurich, 1767; J. de Müller, Gesch. der
schweizerischen Eidgenossenschaft, II, v, p. 344 et suiv.; J. Basnage,
Bist, de la rel. des Églises réf., Rotterd., 1690, 2 t. ; la Haye, 1725, 2
t. in^"; Ruchat, Hist. de la réf. de la Suisse, Gen., 1727 et seq., 6 vol.;
V. Arx, Gesch. des Cantons St. Callun, 1811; L. Wirz et Melch.
Kircbhofer, Helvet. K.-C, Zurich, 1808-1819, Spart, en 4 vol. — Riffel,
t. ni, Mayence, 1847.
Zwingle.
61. En Suisse, les innovations religieuses eurent pour promo-
teur Ulric (Iluiderich) Zwiiigle, né à Wildhaus, dans le comté
de Toggenljourg, le l" janvier 1484, d'une famille aisée de la
campagne. Il fit ses études à Berne et à Bâle, sa philosophie à
Vienne ; il acheva de se perfectionner dans la théologie à Bâle,
sous Thomas Wattenbach, fut ordonné prêtre en 1505, et reçut
à Glaris, en 1506, son premier emploi ecclésiastique. Le légat
du pape, dont l'attention avait été appelée sur lui, pourvut à
son entretien pendant une année, afin de lui permettre de
compléter ses études. Initié à la littérature classique comme à
la littérature religieuse, Zwingle avait une intelligence lucide
et ne manquait pas d'éloquence; mais il n'avait aucun talent
pour la spéculation, aucune profondeur dans l'esprit, point de
connaissances solides; il était de plus ambitieux et plein de
confiance en lui-môme. Il jouissait d'une santé robuste. Il
apprit l'hébreu, et s'adonna à l'étude de la Bible, des Pères et
LE PROTESTANTISME. 283
des belles-lettres. En 1516, il devint curé d'Einsiedeln , lieu
fameux de pèlerinage, et, quoique sa réputation fût gravement
entamée, il s'y fit un renom comme prédicateur. Déjà à cette
époque il attaquait le culte de la sainte Vierge et les pèleri-
nages.
Nommé prédicateur de la principale église de Zurich, en
décembre 1518, Zwingle se déchaîna violemment contre les
abus de la hiérarchie, qu'il avait, disait-il, appris à connaître
pendant deux séjours qu'il avait faits à Rome (comme aumônier
militaire, 1511 et 1515). Il expliquait en chaire des livres en-
tiers de l'Écriture, qui était son unique autorité, et adoptait
entièrement le point de vue de Luther, bien qu'il prétendît
n'être pas son disciple, mais son rival, assurant qu'en 1516
déjà, avant que le nom de Taugustin Wittenbergeois fût connu
en Suisse, il ne suivait que la Bible. Plus il était indulgent à
lui-même sur le rapport des mœurs, plus il tonnait contre
l'immorahté du clergé ; il le fit surtout dans un sermon pro-
noncé le premier jour de l'année 1519, sur la réforme de
l'Église; il prouva, en parlant de l'Église et du pape, qu'il était
incapable d'apprécier sainement l'histoire. Déjà on l'entendait
énoncer dans ses discours une foule d'assertions téméraires
sur le culte des saints, l'ornementation des égUses, le sacer-
doce, les vœux, etc.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 61.
Huld. Zwinglii 0pp., éd. Gualther, Tigur., 1545, 1381, 4 t. in-f°.; éd.
Schüler et Schulthess, ib., 1829-42, 8 part, en 11 vu!.; édit. allem.,
Zurich, 1828 et suiv. Oswald. Myconius, de Vita et Obitu Zwinglii ep.,
imprimé en tête des 4 livres Œcolampadii et Zwinglii epist., Basil.,
1536, in-f°; 1592, in-4°; Miscellanea Tigurina, Zurich, 1722-24, 3 vol.;
Rotermundt, Leben des Reformators U. Zwingli, Brème, 1818; Hess,
Lebensbeschreibung Zwingli's, Zurich, 1811; Hess, Vie de Zwingle,
Paris, 1840; Gotlingen, Zwingli's Leben, Zurich, 1843. Leben und
ausgewaehlte Schriften der Begründer der réf. Kirche , eingeleitet
von Hagenbach, Elberfeld, 1857 et suiv., 16 vol.; Moerikofer, Ulr.
Zwingli nach urkundlichen Quellen, Leipzig, 1864, ImmoraUté de
Zwingle : Zwingl. ep. xviii, p. 54, éd. Tur. Cf. Riffel, HI, p. 13 et suiv.
284 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Z'wingle prêche contre les indulgences et demande le
mariage des prêtres.
62. Ce fut également la prédication des indulgences sous
Léon X qui fournit à Zwingle l'occasion de dévoiler publique-
ment ses erreurs. En Suisse, le commissariat des indulgences
était confié au frère mineur François Lichelto, excellent théo-
logien, qui nomma pour sous-commissaire son collègue Ber-
nard Samson de Milan. Hugues, évêque de Constance, interdit
la chaire aux prédicateurs d'indulgences, et le conseil do Zurich
les repoussa. Zwingle, sans pouvoir convaincre d'abus les
commissaires, ne laissa pas de prêcher contre les indulgences,
et fut vivement applaudi à Zurich. En 1520, le grand conseil
ordonna à tous les prédicateurs de n'enseigner que ce qui
pouvait se prouver par l'Écriture. Jusque-là, il n'y eut pas
d'autre innovation.
Zwingle ne fit aucun cas de l'invitation qu'il reçut de rendre
compte au pape de sa doctrine. En 1522, il présenta, avec quel-
ques-uns de ses collègues, une demande à l'évèque de Constance,
pour que rien ne fût décidé contre la prédication du pur Évan-
gile et pour qu'il fût permis aux prêtres de se marier. Zwingle
et les siens avouaient sans détour « la vie honteuse et déshono-
rante » qu'ils avaient menée jusque-là avec des femmes, et
déclaraient, en s'appnyant de saint Paul (1 Cor., vu, 9), que la
continence leur était impossible. L'évèque n'entra pas dans leurs
vues; il se plaignit au conseil et au chapitre de la collégiale de
Zurich des nouveautés qui coiimiençaient à se faire jour.
Zwingle rejetait en matière de foi tout ce qu'il appelait autorité
humaine, tradition, conciles, décrets des papes : c'était là, à
l'entendre, une tyrannie dogmatique, et le célibat une inven-
tion du diable ; il insistait sur le mariage des prêtres, deman-
dait la communion sous les deux espèces, combattait la pri-
mauté et la plupart des institutions ecclésiastiques. Adrien VI,
par la lettre atrectueuse qu'il lui écrivit (23 janvier 1523), ne fit
aucune impression sur ce prêtre esclave de ses passions.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 62.
Pallav., I, XIX, 2; II, xii, 4, 5. Zwinglii Supplicatio et Apologelicus,
Aichetiiles appellatus, 0pp. t. I, III; ep. ad Helvet., ap. Sleidan.,
1. 111, lin.; Hillcl, III, p. 37 et suiv.
LE PROTESTANTISME. 285
Colloque religieux de Zurich.
63. Zwingle décida le gouvernement cantonal, qui lui était
favorable, à indiquer pour le 29 janvier 1523 un colloque reli-
gieux à Zurich. L evêque de Constance y fut invité. Zwingle
établit soixante-sept thèses où il essayait de démontrer que la
Bible était l'unique règle de la foi, qu'il fallait rejeter toute
espèce de tradition, que Jésus-Christ était l'unique chef de
l'Église, l'Église la société de tous les élus, que l'autorité du
pape et des évoques avait sa source dans l'usurpation et dans
l'orgueil; il contestait à la messe le caractère de sacrifice,
rejetait l'intercession des saints, le purgatoire, l'absolution
donnée par le prêtre, les œuvres satisfactoires, le célibat et les
vœux monastiques.
Parmi les catholiques, un seul parut au colloque : Jean Faber
(Heigerhn), vicaire général de Constance; il avait pour mission,
au lieu de disenter avec les novateurs, de se borner à protester
contre une entreprise qui empiétait sur les conciles. On lui
répondit que chacun, étant chargé de son salut, avait le droit
de chercher librement la vérité. Cependant Faber entra en dis-
cussion avec Zwingle sur plusieurs propositions de celui-ci. Les
magistrats, entièrement favorables à Zwingle, lui décernèrent
la victoire. Des écrits de controverse furent encore échangés
plus tard sur les conférences du colloque. Une nouvelle réunion
eut lieu dans l'automne de la même année; les évèques de
Constance, de Bàle et de Coire ne se rendirent point à l'invita-
tion qu'ils reçurent, mais ils se firent représenter. Zwingle et
les siens virent dans cette abstention un nouveau triomphe pour
leur cause.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 63.
Œuvres de Zwingle, I, p. 169 et suiv.; Riffel, p. 46 et suiv. Sur le
premier colloque religieux de Zurich : 1« Erh. Hegerwald, Handlung
der Versammlung der lœblichen Stadt Ziirich den 29 Jenner 1523,
Zurich, 1523, in-4<'; 2° Joh. Faber, Eine wahrlich Unterrichtung, wie es
zu Ziirich den 29 Jenner 1523 ergangen sei; 3° « le Gyrenruphen »,
par plusieurs jeunes citoyens de la ville. L'histoire de la seconde dis-
cussion, à laquelle participa Conrad Hofmann, chanoine de Baumgar-
ten, comme représentant des catholiques, a été publiée par Louis
Hetzer,
286 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Réforme de Z-w^ingle à Zurich.
64. Encouragé par le conseil, soutenu par ses confrères Léon
Juda, Engelliardt et L. Hetzer, Zwingle poursuivit activement
son plan de réforme : il fulmina contre la messe et les images
des saints, obtint du conseil l'abolition des processions, l'en-
fouissement des reliques dans le lieu ordinaire des sépultures,
la suppression de l'extrême-onction et des cérémonies reli-
gieuses, l'établissement d'une censure, qui, entre les mains de
Zwingle, de son ami Utinger et de deux conseillers, n'autorisa
que les livres conformes aux vues du réformateur*
En 15-24, yintroductio7ï à la doctrine évangélique, de Zwingle,
fut mise à la disposition de tous les curés. Les prêtres se mariè-
rent ; Zwingle épousa la veuve Anna Reinhardt, avec laquelle
il entretenait depuis bien des années un commerce criminel.
Le réformateur, pénétrant dans les églises avec des paysans,
des maçons, des charpentiers, faisait briser les autels, les ta-
bleaux, les orgues môme. Le chant ecclésiastique fut supprimé,
et le culte divin réduit à une simplicité, à une monotonie ridicule :
sur une table ordinaire, on voyait des corbeilles de pain, des
verres et du vin. La Bible, dont on citait souvent les textes en
hébreu, en grec, en latin, puis en allemand, était la seule
chose qui eût de la vie. Léon Juda traduisit, pour les besoins
de la nouvelle secte, la version du Nouveau Testament de
Lutber (1525), « dans le dialecte et selon l'opinion suisse»;
plus tard (1526-1529), avec l'aide de Gaspard Grossmann, il
traduisit l'Ancien Testament de l'hébreu. Le tout parut à
Zurich en 1531. Ceux des membres catholiques du conseil qui
résistèrent anx innovations, furent expulsés par la majorité
zwinglienne, et on ne leur permit pas même de conserver
l'ancien culte. Le canton de Zurich fut bientôt entièrement
réformé selon l'esprit de Zwingle.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N' 64.
Œuvres de Zwingle, I, p. 541 et suiv.; II, i, p. 426 et suiv.; II, ii,
p. 233 et suiv.; Itill'el, III, p. 40, 139 et suiv., 145 et suiv.; Tichler, de
Indole sacrorum emendationis a Zwinglio inslilutai rite dijudicanda,
Trajecti, 1827; Richter, die Evangel. Kirchenordiiungeu, 1, p. 134 et
suiv.; Leo Judae (mort en 1542). Comp. Lebensbeschreibung von
seinem Sohne Johannes, 1574; Miscell., Tigur., III, i. Traduction de
LE PROTESTANTISME. 287
la Bible, appelée Bible de Froscliauer, parce qu'elle fui imprimée
chez le libraire de ce nom, à Zurich. 11 publia aussi, en 1534, un
Catéchisme, dont il parut un extrait en 1541.
Négociations avec d'autres cantons. Zvàngle et les ana-
baptistes.
65. Dans les autres cantons de la Suisse, les nouveautés de
Zurich trouvèrent d'abord peu de crédit. A Lucerne, canton
limitrophe, une assemblée tenue en 4524 défendit de faire des
changements dans la doctrine et dans le culte. D'autres cantons
(Schaffhouse s'y refusa) s'unirent entre eux et envoyèrent des
délégués à Zurich pour conjurer leurs frères de ne pas rejeter
étourdiment leur ancienne croyance, et ils les invitèrent à déli-
bérer avec eux sur les moyens d'abolir les abus religieux. Mais
le conseil de Zurich, qui était également demeuré sourd aux
avertissements de l'évêque de Constance, trouvait dans la doc-
trine de Zwingle un moyen infaillible d'augmenter ses revenus
et d'accroître sou influence dans la confédération ; il était trop
enorgueilli des droits épiscopaux que lui assignait le réforma-
teur, pour ne pas persévérer dans ses innovations et appuyer
Zwingle.
Déjà les anabaptistes s'étaient répandus dans la Suisse et
avaient recruté des partisans à Saint- Gall et à Zurich. Zwingle
discuta avec eux en 1525 dans des colloques religieux. Les
anabaptistes gardèrent leurs opinions, bien que le conseil se
fût prononcé pour son réformateur. Zwingle ne les combattait
pas tant par des arguments que par la puissance matérielle
dont il disposait : car le gouvernement défendit sous peine de
mort de réitérer le baptême, fit noyer Félix Manz, qui s'opinià-
trait dans cette doctrine (1526), et frapper de verges son compa-
gnon Blaurockj de Coire, un moine apostat.
Un fervent auxiliaire de Zwingle, Louis Hetzer, de Thurgovie,
qui rejetait le baptême des enfants, quitta Zurich et n'y revint
qu'en 1526, après avoir soumisses vues au maître. Cet homme,
qui avait pris successivement douze femmes, fut publiquement
décapité à Constance comme adultère et apologiste de l'adultère,
qu'il disait conforme à la volonté de Dieu.
288 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° Gb.
Egli, die Züricher Wiedertœiifer zur Ref.-Zeit, nach den Quellen
des Stadiarchivs, Zurich, 1878. Sur L. Hetzer, Museum helvet.. Vi,
cxi-cxv; Dœllinger, Ref., I, p. 197 et suiv.
Les réformateurs à Bâle, à Berne et en d'autres cantons.
66. A Bâle, la nouvelle doctrine avait pour champion Jean
CEcolampade (llausschein), né à Wenisberg en 1482. (Ecolam-
pade avait étudié les deux droits à Bologne, la théologie à
Heidelberg, et s'était lié d'amitié avec Erasme; il fut nommé,
en d515, curé de Bàle, où le libraire Froben avait de bonne
heure répandu les écrits de Luther. Déjà l'invocation des saints,
la messe et le purgatoire y avaient été attaqués en chaire par
le curé Wolfgang Capito (Knœpflein), ami de Zwingle, qui de-
vint en 152Ü le conseiller de l'archevêque mal conseillé de
Mayence, en 1523 prédicateur et prévôt de Saint-Thomas à
Strasbourg. Là Capito jeta son masque d'hypocrite : il avait
fait croire à Rome qu'il soutenait la cause du pape, et se
déclara en faveur de Zwingle; cependant il essaya bientôt de
concilier les doctrines. Il trouva un imitateur dans le curé
Reublin.
En 1518, (Ecolampade fut appelé à Augsboug comme prédi-
cateur de la cathédrale, abdiqua pour cause de santé, et résida
au couvent d'Altmunster jusqu'à ce qu'il en fût expulsé pour ses
opinions hérétiques. Il devint ensuite le prédicateur du château
de Franz de Sickingen, et de nouveau curé de Bàle, en même
temps que professeur do théologie. Il entra en relations intimes
avec Zwingle, soutint en 1524 la théorie de Luther sur la jus-
tification, se déchaîna contre les doctrines et les usages catho-
liques, et finit (1528) par épouser une veuve du nom de Rosen-
blatt, qui devint plus tard la femme du réformateur Capito,
puis de Bucer.
CEcolampade eut pour auxiliaire le gentilhomme Guillaume
Farel, expulsé de France en 1523, et plus tard (1529) les pro-
fesseurs Sébastien Münster et Simon Grynceus. Il eut d'abord
contre lui le gouvernement et l'université; mais ses partisans
obtinrent le libre exercice de leur culte (1527), et, marchant
toujours plus en avant, arrivèrent (février 1529) à étouffer com-
LE PROTKSTANTISME. 589
plètenient par la force ouverte la religion catholique. Ils brisè-
rent les autels et les tableaux, et commirent des attentats si
révoltants, qu'Érasme sortit de Bâte indigné et se rendit à
Fribourg-en-Brisgau. Les membres catholiques du grand con-
seil furent expulsés, et la doctrine de Zwingle y domina aussi.
Ouvrages a consulter sdr le n° 66.
Hesz, Lebensbeschreibung des Dr J. OEkolarap., Zurich, 1793. Du
même, Ursprung, Gang und Folgen der durch Zwingli bewirkten
Reform., ibid., 1820; J. Herzog, Leben Joh. Œk, Bàle, 1843, 2 part.;
Burckhardt, die ReL in Basel, Bàle, 1818; Hagenbach, Joh. Œkol.
und Oswald Myconius, Elberf., 18ö9; (Ecolampadii et Zwinglii epist.
lib. IV, Basil., 1533; Histor.-pol. BL, 1844, t. XIH, p. 703-746, 810-836;
t. XIV, p. 129-147, 273-291, 377-392. Sur Capito (mort en 1342),
Baum, Capito und Bucer, Elberf., 1860; DœlUnger, Réf., II, p. 8-16;
Ancillon, Vie de Farel, Amst., 1691; Kirchhofer, Leben Wilh. Farels,
Zurich, 1831; Ch. Schmidt, Études sur Farel, Slrasb., 1834; Ch.
Chenevière, Farel, Froment, Viret, réf., Genève, 1833; Ruchat (§ 60),
I, p. 379 et seq.; Doellinger, I, p. 560.
La Réforme à Schaffhouse, Glaris, Berne, etc.
67. II en fut de même en d'autres endroits : d'abord à Mul-
house, près de Bàle (1 528); puis à Appenzell (Rhodes-Extérieures),
à Schaffhouse et à Glaris (1528). Berne hésita longtemps entre
l'ancienne et la nouvelle doctrine ; elle essaya d'abolir les abus
existants, ce qui n'était pas servir la cause des novateurs. Ce-
pendant Zwingle y comptait aussi des partisans; il apprit à
François Kolb, un chartreux apostat, qui avait lui-même pour
protecteur N. Manuel, poète et peintre influent, la manière
d'avancer progressivement.
Berthold Haller, disciple de Mélanchthon, et originaire de
Souabe, prêcha en 1522 la nouvelle doctrine, à laquelle Jean Hal-
ler, curé d'Amsoldingen, marié depuis 1521, et un grand nombre
de caricatures et de libelles diffamatoires, avaient déjà préparé
les voies. Il obtint en 1520 l'autorisation de cesser la célébration
de la sainte messe, et en 1528, après une conférence religieuse, il
décida les Bernois à accepter la doctrine de Zwingle : elle futim-
posée dans tout le canton par la force brutale. Les couvents furent
supprimes, la messe et les images abolies; les prêtres se mariè-
rent. Joachim de Watt ( Vadianus) prêcha à Saint-Gall et entraîna le
V. — HisT. DE l'Église. ly
290 HISTOIRE DE L ÉGLISE.
conseil dans le parti des innovations. Dans le canton des Gri-
sons, le nombre des zwingliens allait croissant; Solenre et
d'autres hésitaient. Les cantons où s'était conservée la simpli-
cité des anciennes mœurs, Schwytz, Uri, Unterwald, Zug et Fri-
bourg, gardèrent leur vieille croyance.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 07.
Joh. Keszlers Sabbata, Chronik der Jahre 1523-t539, l"" part,, 1Ö23-
1525; il« part., 1526-1539, éd. E. Gœtszinger. — Mittheilungen zur
vaterlaend. Gesch., St-Gallen, 1866-1868; KiUan Leibs Chronik, loc.
cit., p. 518 et suiv.; C.-L. v. Haller, Gesch. der kirchlichen Revolution
oder prutest. Hef. des Cantons Bern, Lucerue, 1836; Slierlein, Reform,
im Canton Bern, ibid., 1827; M. Kirchhofer, Berlh. Halter oder die
Ref. in Bern, Zurich, 1828; Pestalozzi, B. Haller, Elberf., 1861; de
Stürler, Quellen zur Gesch. der Ref. in Bern (Archiv, des bist. Vereins
Bern, 1855-1858); Grüneisen, Nikol. Manuel, Stuttg., 1837; Presset,
J. Vadian (moi't en 1551), Elberf., 1861; Ernst Gœtszinger, Joh. von
Watt als Geschichtschreiber 1873 und J. v. Walt, Deutsche histor.
Schriften, 1 vol., St-Gall, 1875; J. Strickler, Aclensammlung zur
schweizer. Reformationsgeschichle, 1521-1532, Zurich, 1878, t. I;
Riflel, HI, p. 203 et suiv.
La dispute de Bade et ses suites.
68. Déjà précédemment les cantons catholiques avaient de-
mandé une conférence à laquelle serait invité le célèbre Eck
d'ingolstadt; des négociations avaient été, depuis 1524, entamées
à ce sujet. Après de nombreuses difficultés, la conférence se
réunit à Bade au mois de mai 1526. Zwingle refusa d'y prendre
part, et fut remplacé par (^colampade , son Mélanchthon,
Berthold Malier et autres prédicants; les catholiques furent re-
présentés par Eck, Jean Faber et Muraer, par les délégués de
douze cantons, par ceux de l'archiduc Ferdinand, des ducs de
Bavière, des évéques de Constance, Bàle, Lausanne et Coire,
de l'abbé de Saint-liali, et plusieurs autres personnes.
Les thèses de Eck roulaient sur l'Eucharistie, la messe, le
purgatoire, le culte des saints et des images, la distinction entre
le baptême de Jésus-Christ et le baptême de saint Jean. On
nomma quatre présidents et deux notaires, et l'on arrêta les
points qui feraient l'objet du débat. Pendantdix-huit jours. Eck,
ce valeureux champion de l'iîlglisc catholique, discuta avec (E-
LE PROTESTANTISME. 291
colampade et Jacques Immeli de Bàle, Ulrich StuJer de Saiut-
Gall, llaller de Berne et plusieurs autres. A la fin des confé-
rences (8 juin), la plupart des assistants, quelques-uns même
de ceux qui avaient été jusque-là imbus d'idées zwingliennes,
se prononcèrent pour les thèses de Eck ; la minorité, presque
entièrement composée de prédicants zwingliens, les rejeta.
Les députés des cantons assignèrent la victoire à Eck, inter-
dirent tout changement dans la religion, défendirent d'impri-
mer et de vendre les écrits de Zwingle et de Luther. Cette con-
troverse eut sur les États catholiques d'excellents effets. Quant
à ceux qui étaient enlacés dans les liens de l'hérésie, ils ne de-
vinrent que plus aigres; ils essayèrent d'atténuer les résultats
de la conférence par des écrits, de nouveaux colloques religieux,
et surtout par la violence. L'animosité des deux partis allait
croissant; à Lucerne et à Schwytz, on condamna à mort quel-
ques hérétiques qui profanaient les autels et insultaient le saint
Sacrement, tandis qu'à Zurich on suppliciait les ennemis de la
réforme.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 68.
Riffel, III, p. 547-536; Th. Wiedemann, Dr J. v. Eck auf der Dispu-
tation zu Baden (Œsterr. Vierteljahrsschr. f. Theol., 1862, 1, p.
63-113), et Jean Eck, p. 213 et suiv., avec citation de nombreux ou-
vrages.
Guerre helvétique^ Mort de Zwingle et d'Œcolampade.
69. En 1527, Zurich avait contracté avec Constance, où
Ambroise Blaarer (Blaurer) travaillait pour la réforme, une
alliance où il était question, entre autres choses, des mesures à
prendre pour assurer les conquêtes que l'on ferait à l'avenir.
Bàle, Berne et plusieurs autres pays y entrèrent en 1528. Cette
alliance décida les cantons catholiques à s'unir entre eux et
avec le roi Ferdinand (^1529) pour la défense de leur foi : ils
formèrent l'alliance du Valais. La Suisse était à la veille d'une
guerre intestine. Plusieurs villes essayèrent d'interposer leur
médiation. En juin 1529, le bailli de Glaris, Hans Obli, procura
une paix avantageuse aux cantons réformés. Mais des disputes
éclatèrent bientôt sur l'interprétation du contrat. Zurich et ses
alliés travaillaient par tous les moyens à répandre la nouvelle
doctrine. On chassa l'abbe de Saint-Gall et ses moines, et l'on
292 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
finit par couper les vivres aux cantons catholiques. De part
et d'autre on se prépara de nouveau à la guerre.
Les cantons catholiques, unis entre eux, prévinrent leurs
adversaires et remportèrent une victoire près de Cappel (11 oc-
tobre 1531). Zwingle, qui avait pris part à la lutte, tomba sur
le champ de bataille, et son cadavre fut brûlé par les catho-
liques. Cependant les vaincus furent traités as'ec une modéra-
tion qui nuisit bien des fois aux intérêts politiques et religieux
des catholiques. Bientôt après, Œcolampade mourut à Bàle
(23 novembre). Les chefs de la réforme helvétique eurent des
successeurs : Zwingle fut remplacé à Zurich par Henri ßullin-
ger ; Œcolampade le fut à Bâle par Oswald Myconius. La doc-
trine de Zwingle se soutint; mais les cantons catholiques, en-
couragés par les papes, demeuraient fidèles à leur ancienne
croyance.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 69,
Riffel, m, p. 568 et suiv.; Salât, Chronik (Archiv, f. Schweiz. Ref.-
Gesch., I, p. 203 el suiv.); Kilian Leib, an. 1531, p. 560-564. 11 est par-
faitement établi, par les archives concernant l'histoire de la réforme
en Suisse, t. I et II, par la chronique de Salât et par les documents,
que les papes n'ont pas excité les cantons catholiques 5 la guerre
religieuse de 1531. Voy. Feuill. hist. et politiq., 1872, t. LX.X, p. 394 et
suiv. Sur les efforts des papes en faveur de la Suisse, voy. Pallav., Il,
1, 7; XII, IV, 5. Luther apprit avec plaisir la nouvelle de la mort des
deux réformateurs suisses; il regretta seulement que les catholiques
n'eussent pas profité de leur victoire pour étouffer le zwinglianisme :
s'ils l'avaient fait, « leur victoire », disait-il, « serait presque un bon-
heur et digne d'une grande gloire. » Il croyait sérieusement pouvoir
révoquer en doute le salut de Zwingle : Riffel, p. 676 et suiv. — Hesz,
Lebensgesch. M. -H. BuUingers, Zurich, 1828 et suiv., 2 vol. (inachevé);
M. Kirchhofer, Oswald Myconius, Antistes der Basler Kirche, Zurich,
1813.
Système de Z^vingle.
70. Le système doctrinal de Zwingle, esprit moins original
mais plus rationaliste que Luther, et ennemi de tout mystère,
est un mélange de panthéisme et de fatalisme; il offre de nom-
breuses analogies avec les doctrines des manichéens et de
Wiclef. Selon Zwingle, il n'y a rien qui ne soit Dieu, Dieu est
l'être de toutes choses. Toute force est incréée ou créée : incréée,
LE PROTESTANTISME. 293
cette force est Dieu même; créée, elle est de Dien, c'est une
émanation divine, une manifestation de la force universelle
dans un nouvel individu. L'expression de « créature libre » est
une contradiction : la liberté, comme puissance personnelle, est
inconciliable avec la toute-puissance et la sagesse divines. Vou-
loir être libre, c'est vouloir être son propre Dieu, c'est marclier
au polythéisme. La Providence divine est conforme à la néces-
sité des événements.
Si Dieu est tout être, il est aussi tout activité; l'homme est à
l'égard de lui ce que l'instrument est dans la main de l'artiste.
Dieu fait aussi le mal. Que si l'on demande comment Dieu peut
alors punir le mal, il faut répondre : Il suffit en soi que Dieu
ait fait l'homme de telle sorte que le péché soit le fruit de sa vie
corporelle : alors il demeure vrai que celui qui est placé sous
une loi pèche en la transgressant, même quand il est forcé de
la transgresser; quant à Dieu, pour qui il n'y a point de loi, il
ne pèche pas, et sa sainteté subsiste même quand il force
l'homme à pécher. Il révèle également sa justice en choisissant
quelques hommes pour la manifester en eux. Dieu enfin est
toujours dirigé par les vues les plus pures, et c'est pourquoi la
fin justifie les moyens.
Zwingle ne connaît pas de réponse plus satisfaisante. Il
trouve dans l'amour de soi (philautie) la racine de tout mal.
Satan, ayant remarqué l'esprit entreprenant qui se faisait jour
dans Eve et son inexpérience en toute espèce de ruses, lui
enseigna les moyens de tromper son mari : de là le premier
péché. Adam pécha par égoïsme, et de ce péché sont sorties
toutes les misères de l'homme. Or, comme les mêmes causes
produisent les mêmes eifets, tous les hommes, depuis la chute
d'Adam, naissent avec l'égoïsme. Le péché d'origine est une
disposition naturelle, un penchant, une inclination au péché,
une maladie inhérente à la nature, une prépondérance de la
sensualité, exempte de faute, et que le baptême même ne peut
enlever. Comme tout est de Dieu, tout retourne à lui et se
résout dans l'être universel. Zwingle croit expliquer par là le
dogme de l'immortalité, justifier en partie la métempsycose
selon Pythagore et l'idée stoïcienne d'un Dieu qui serait l'àme
du monde. Les païens les plus illustres, Socrate, Caton, etc.,
sont intimement unis avec Jésus-Christ.
294 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Points de contact et de divergence entre ZAvingle et Luther.
Théorie de la Cène.
7d . Zwingle cro3'ait avec Luther : 1 ° que la Bible est la source
suprême de la foi, que chacun peut l'interpréter à son gré, et
que Dieu en découvre le sens à ceux qui le lui demandent par
d'instantes prières ; 2° comme lui, il niait le libre arbitre et sou-
tenait l'impuissance do l'homme pour toute sorte de bien ; 3° il
faisait Dieu l'auteur du mal, et dans un degré plus élevé encore
que Luther; 4" il professait l'inutilité des bonnes œuvres et la
justification par la foi seule; 5" il rejetait les indulgences, les
vœux, le purgatoire, la hiérarchie et le sacerdoce, et 6° voyait
dans les sacrements des symboles de la grâce que chacun pos-
sède déjà. Zwingle développe cette pensée avec plus de logique
que Luther. Pour lui, les sacrements sont avant tout des 'céré-
monies par lesquelles l'homme atteste qu'il est disciple de Jésus-
Christ, membre de l'Église; ils n'ont en soi aucune valeur, ils
ne sont pas même un gage de la bienveillance divine, parce
que celui-là n'a pas de foi qui a besoin de l'attester par de
pareils moyens. Ceux qui les reçoivent, témoignent à l'Eglise
qu'ils ont la foi, plutôt qu'ils n'y puisent des forces.
Le baptême est un signe d'initiation; l'Eucharistie, un
simple mémorial de la mort expiatoire de Jésus-Christ, de sa
passion et de ses travaux. C'est dans la doctrine de l'Eucharistie
que Zwingle s'écarte le plus de Luther : il nie toute présence
réelle de Jésus-Christ, et interprète les paroles de l'institution
dans un sens figuré. Selon lui, le mot est a le sens de sigtiifie.
Une révélation qu'il avait eue en songe, lui avait signalé ce pas-
sage : « (l'agneau) Il est la Pàque du Seigneur » [Exod., xn, il) ;
mais, quand il s'était réveillé, il n'avait pas lu ce qui est dit plus
loin (vers. 27), que c'est là une figure employée pour : « l'agneau
est le sacrifice du passage du Seigneur ». Tandis que Zwingle
prenait es^ dans un sens impropre, üEcolampade entendait le mot
corps dans un sens métaphorique : corps était pris pour « signe
de mon corps ». Zwingle comparait l'Eucharistie à l'anneau
que l'époux remet à son épouse au moment de s'absenter; il y
voyait un simple mémorial, dans lequel Jésus-Christ, présent
aux siens par la vertu céleste, les console par la méditation et
les alTermit par^la foi.
LE PROTESTANTISME. 295
Sur ce point, la difréience entre Zwingle et Luther était trop
grande pour qu'ils pussent s'entendre. Une lutte devait éclater,
qui révélerait de plus en plus le désaccord des nouveaux réfor-
mateurs et les résultats de la libre interprétation des saintes
Écritures.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LES N°* 70 ET 7t.
Zwingt. Commentar. de vera et falsa religione (dédiés au roi
François I«'), Tiguri, 152Ö; Expositio fidei ad regem Gall., Juli.,
1531; Le Plat, II, 723-749; Append., ib., p. 7.o0-761 ; Fidei ratio
ad Carol. Imper., Tig., 1530; Christ, fidei brevis et clara expositio ad
reg. christ. Franc. I, éd. Bullinger, Tig., 1336; Zwingl. 0pp. IV,
42-78, de Providentia, 0pp. I (principaux passages, de Provid.,
c. ni, vi), de Peccato orig. declar., 0pp. II, H7. « Uslegeu und gründ
der Scbluszreden oder Artikel >>, quasi farrago omnium opinionum
quae hodie controvertuntur, Opp. t. VII; Augusti, Corp. libr. symbol.
qui in Eccl. Reformat, publicam aucloritatem obtinuerunt, Elberf,,
1827; Niemeyer, CoUectio confessionnm in Eccl. reform, publ., Ups,,
1840; Hagenbach, Gesch. der ersten Basler Confession, Bàle, 1827;
Hahn, Zwingl'is Lehren von der Vorsehung, von dem Wesen nod der
Bestimmung des Menschen (Studien und Kritiken, 1837, IV); Zeller,
das Theol. System. Zw., Tüb., t853; Schweizer, die Prot. Centraldog-
raen, Zurich, 1854; Sigwart, Ulr. Zwingli, d^n' Charakter seiner Theol.,
Stuttg., 1853; Hundeshagen, zur Charakteristik Zwingl'is (Studien u.
Kritiken, 1862, IV); Spœrri, Zwingli'sche Studien, Zurich, 1866. —
Mœhler, Symbolique, § 9; RitTel, IH, p. 54-102; Zwingt. Opp. III,
591 et seq.
Luther et Zwing-le. Querelle des sacranientaires.
Doctrine de Luther sur la présence réelle.
72. Luther, conformément à sa théorie de la justification, n'a-
vait d'abord attaché que peu d'importance à la présence réelle
de Jésus-Christ dans le sacrement de l'autel, destiné à exercer
la foi et à la fortifier. Il fut tenté quelque temps d'admettre que
dans l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin : c'est ainsi,
croyait-il, qu'il donnerait « au papisme la plus forte gour-
made ». Cependant sa dispute avec Carlostadt (§31) l'avait amené
à soutenir définitivement que les passages de la Bible ne peu-
vent s'entendre que d'une présence effective, d'une commu-
nication essentielle du corps de Jésus-Christ. Cet homme, qui
296 HISTOIRE DE L ÉGLISE.
savait interpréter à sa fantaisie les textes les plus clairs de la
Bible, trouvait qu'ici le texte était « trop impérieux » et « le
retenait captif » .
La conduite de Zwingle et de ses partisans l'affermit encore
davantage dans sa conviction. Persuadé qu'il était choisi de
Dieu pour restaurer la véritable doctrine chrétienne, qu'il était
particulièrement favorisé de sa grâce, son orgueil souffrait des
atteintes portées à sa gloire ; il voyait avec peine que d'autres
s'immisçassent dans une œuvre qu'il considérait comme dévolue
à lui seul, on plutôt il voyait tourner contre lui les armes que
lui-même avait forgées : l'interprétation arbitraire, isolée de
toute tradition, de quelques textes de l'Écriture; il dut bientôt
reconnaître que sur ce terrain la dispute n'aurait point de fin.
Ses propres affirmations, sa théorie générale des sacrements,
qui ne semblait point justifier une exception en faveur de l'Eu-
charistie, étaient alléguées contre lui, et il finit par n'avoir plus
d'autre ressource que d'invoquer les Pères et la tradition ecclé-
siastique, qu'il avait jusque-là si fort méprisés.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 72.
Dœilinger, I.ulher Skizze, p. 663 et suiv.; Lutlier, Œuvres, éd.
Walch, part. XV, p. 2448. Voy. ibid., part. XIX, p. 79; part. XX,
p. 2078 et sniv., 186 et suiv. Anciennes déclarations de Luther sur
les Pères, dans Dœilinger, Réf., I, p. 448 et suiv.; Weislinger, Frisz
Vogel oder stirb, Slrasb., 1726, p. 300, 314, et ailletu's.
Controverse des théologiens. Polémique de Luther. Théorie
de l'impanation et de l'ubiquité.
73. Les idées de Carlostadt sur l'Eucharistie, généralement
adoptées par Zwingle, trouvèrent de l'écho dans plusieurs villes
allemandes. A Ulm, la doctrine de Zwingle eut pour organe le
prédicant Conrad Sam, qui en 1520 s'était enrôlé sous la
bannière de Luther. Cet exemple fut bientôt suivi par les
prédicants wurtembergeois. A Strasbourg, ce rendez-vous de
tous les hérétiques possibles. Capiton était tout à fait dans les
idées de Zwingle, tandis que l'artificieux Martin Bucer, le
« diplomate des réformateurs », se posait en conciliateur. A
Augsbourg, Wittenberg et Zurich se disputaient la prédomi-
nance. Jean Brenz , prédicant à Schwabisch-Hall , Erhard
Schaepf et autres prédicants de Souabe, dans un écrit collectif
LE PROTESTANTISME. 297
(le Syngramma de Souabe), qui fut combattu par CEcolampade
{Antisynr/ramma) y se prononoèreut pour la pure doctrine de
Luther. Théobald Gerlacher (Billicanus), prédicant et réforma-
teur à Nœrdliiigen, soutenait aussi (1526) le sens littéral des
paroles de l'institution ; il fut combattu par Zwingle et par
OEcolampade. Le savant Willibald Firkheimer, à Nurenberg, et
Urbain Regius (mort en 1541) écrivirent aussi contre les
Suisses.
Les emportements de Luther attisèrent encore le feu de la
dispute. 11 traita Zwingle et les siens de serviteurs de Satan, de
sacramentaires qu'il fallait extirper; c'étaient des cœurs endia-
blés, perendiablés, superendiablés, des gueules de mensonge,
pour qui nul chrétien ne devait prier. Faible dans le détail de
sa polémique, Luther était plus heureux quand il se plaçait sur
le terrain de l'ancienne Église. Mais, comme il avait rejeté la
consécration et la transsubstantiation des catholiques, afin de
n'être pas obligé d'admettre un sacerdoce et pour abolir le sacri-
fice, il se vit contraint, par les objections de Zwingle, d'imagi-
ner un autre moyen, qui laissait place à la présence réelle : il
aboutit ainsi à la doctrine de la cousubstantiation ou de l'impa-
nation, suivant laquelle on recevait le corps de Jésus-Christ dans
le pain, sans le pain et avec le pain; il admettait une extension
formelle du corps de Jésus-Christ dans l'infini (ubiquité), et
croyait qu'il est partout littéralement présent, même dans
chaque aliment. Mais il disait aussi que le corps de Jésus-Christ
n'est uni à la substance du pain qu'au moment de la commu-
nion.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 73.
Conrad Sam : voy. Schmid et Pfister, Denkwürdigkeiten der Würt-
temb. und Schwab. Ref.-Gesch., Tüb., 1817, II, p. 102 et suiv.
Capito et Bucer : Dœllinger, Réf., II, p. Ü et suiv., 21-24. Sur
Augsbourg, ibid., p. 576. Kilian Leib, an. Iö28, p. 517, disait : « Apud
quos (Augustanos), cum Luthericolae essent, toi fere bsereses quot
plateae erant. « Jean Brenz . voy. Hartmann et Jaeger, Job. Brenz >
Dœllinger, II, p. 351; Cammerer, Job. Brenz, Stuttg., 1840; Vaibin-
ger, J. Brenz, ibid., 1841 ; Syngramma suevicum super verbis Coenae
(contre CJEkolampade, De genuina verborum Domini : Hoc est corpus
meum, expositione liber, 1525j; Œcolampadii Àntisyugramma, 1526;
Théobald Billican, prédicant à Ncerdlingue, de Verbis Cœnœ Domini
298 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
et opinionum varietate ad Urbannm Rhegiura epist.; Dœllinger, I,
p. i42 et suiv.; Willibald Pirkheimer, De vera Christi carne et vero
ejus sanguine ad Job. Œcolarap, responsio, 0pp., éd. Goldast, Fran-
cof., 1610. Cf. Hagen, Deutsch], lit. u. relig. Verhaeltnisse im Ref.-
Zeitalter mit besonderer Rücksicht auf W, Pirkheimer, Erlang., 1841,
t. I; Dœllinger, Réforme, I, p. 161 et suiv.; ibid., p. 533; sa lettre à
Kilian Leib sur le retour de celui-ci à Él'glise catholique. La sœur de
Kilian, Charitas, abbesse de Sainte-Claire, fut toujours catholique :
voy. Histor.-pol. Bl., t. XHI, p. 513-539; HœOer , Charitas Pirkh.,
Bamb., 1852; W. Loose, Aus dem Leben der Charitas Pirkh., Dresde,
1870. Luther se prononça contre les zwingliens dans la préface de
l'édition allemande du Syngramma par Agricola; dans un écrit aux
chrétiens de Reutlingen, « contre les prophètes célestes » (Walch, part.
XX, p. 186 et suiv.); dans un sermon sur le sacrement du corps et du
sang de Jésus-Christ contre les fanatiques (ibid., p. 915 et suiv.); puis
en 1527, en disant que « les paroles du Christ : Ceci est mon [corps^
subsistent toujours contre les fanatiques » (ibid., p. 950 et suiv.),
ainsi que dans la « Grande Confession sur la cène du Christ » (ibid.,
p. 1118 et suiv.) Voy. encore Walch, th. xvii, p. 1907. — Ajoutez th.
XX, p. 1010. Cf. Bellarm., de Christo, III, i; Rettberg, Occam und
Luther Studien und Kritiken, 1839, I, p. 69 et suiv. Dans le sens
opposé, Franz Lambert, de Symbolo fœderis numquam rumpendi,
quam communionem vocant, confessio (s. L), 1530.
Argumentation de Z'wingle. Luther invoque le témoignage
de l'ancienne Église.
7i. Zwingle, qui appelait les luthériens des « mangeurs de
la chair de Dieu », raisonnait ainsi : r Si l'on veut s'en tenir
au sens httéral, il ne reste qu'à recevoir la doctrine catholique
de la transsubstantiation. 2° H est inadmissible qu'on puisse
remplacer les termes de l'Kcriture par ces autres termes : Dans
ce pain l'on mange mon corps. 3° Luther aussi a recours à une
figure quand il dit : Ceci contient mon corps; ou : Ce pain est
uni à mon corps. Or la métonymie de Zwingle était-elle moins
recevable que la synecdoche de Luther? 4° Le docteur witten-
bergeois, avec sa doctrine de l'ubiquité, tombe dans un mono-
physitisme à rebours et contredit le dogme des deux natures.
5° Il agit à l'égard des Suisses comme le pape à l'égard des
Wittenbergeois : il condamne, il anathématise, il engage l'au-
torité à sévir, il blesse toute charité chrétienne. Les deux par-
tis s'aperçurent bientôt qu'ils ne feraient rien avec la Bible, et
LE PROTEST ANTISMIÎ. 509
ils revinrent à l'antiquité chrétienne; plus tard (1532), Luther
s'appuya ouvertement sur les a livres et écritures des bien-
aimés Pères », sur le consentement de la sainte Église chré-
tienne, dans latjuelle Jésus-Christ réside tous les jours {Matth.,
xxvni, 20), et qui est la colonne et le fondement de la vérité
(I Tim., III, 15).
OUVRAGES A CONSULTEH SUR LE N° 74.
Zw., Klare Unterrichtung vom Nachtmahl Christi, Œuvres, II, p.
426 et suiv.; Amica Exegesis, i.e., Expositio Euchar. negot. ad M. Luth.,
III, 4(59; Fründlich verghmpfung und ableinung über die predig des
tretfentUcheu M. Luth, wider die Schwa?rnier, II, p. { et suiv., et II,
sect. II, p. 29. ÖEcolamp., Justum responsum in Liith. exposit. de
Sacramento, 1526. Luther à Albert de Prusse, 1532 : Walch, th. xx,
p. 2089; de Wette, IV, p. 354.
Tentatives de conciliation.
75. Ces dissentiments déplaisaient fort aux princes et aux
villes protestantes : ils désiraient une alliance étroite avec les
villes du sud de l'Allemagne, favorables à Zwingle; mais cette
alliance, les luthériens rigoureux la tenaient, d'après le lan-
gage de leur maître, pour antichrétienne et illicite. Jean, élec-
teur de Saxe, suivit en tout le conseil de ses théologiens par-
tisans du luthéranisme; ceux-ci dressèrent les dix-sept articles
de Schwabach ou de Torgau, où la doctrine de Luther sur
l'Eucharistie faisait un vif contraste avec celle de Zwingle. Ces
articles, qui furent signés, posaient les conditions sous lesquelles
on pouvait contracter alliance avec les zwingliens.
Cependant le landgrave Philippe de Hesse, qui inclinait au
fond vers le zwinglianisme, voulut tenter une union plus
étroite entre les deux partis, au moyen d'une conférence per-
sonnelle à laquelle il les invita à Marbourg pour le i" octobre
1529. Le haut pays y envoya Zwingle, OËcolampade, puis
Bucer et Gaspard Hedio de Strasbourg (ce dernier, disciple de
Capiton et eutièrement dominé par Bucer); l'autre parti fut
représenté par Luther, Mélanchthon, Jonas, Osiandre, Etienne
Agricola et Jean Brenz. Zwingle y montra plus de condescen-
dance que Luther: celui-ci ne voulait pas même reconnaître les
zwingliens pour des frères et leur donner la main, et il dissua-
300 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
dait son prince électeur de toute alliance avec les zwingliens,
qu'il traitait d'abominables. Quant à son dogme de la consubs-
tantiation, Luther l'éclaircissait par l'exemple suivant : Le corps
de Jésus-Christ est dans le pain comme l'épée dans le fourreau ;
les paroles de Jésus-Christ sont un discours abrégé, comme
lorsque l'on parle d'une épée et que l'on a également en vue le
fourreau.
Les deux partis s'attribuèrent la victoire. Les zwingliens
étaient blessés de l'attitude présomptueuse de Luther. Cepen-
dant, afin de ne pas clore l'assemblée sans avoir produit aucun
résultat, on dressa quinze articles de foi et d'union, sur les-
quels on était plus ou moins d'accord, et on les souscrivit (30 oc-
tobre). Ces articles traitaient de la Trinité, de la Rédemption,
de la foi et de la justification, de l'autorité (contre les anabap-
tistes). L'article 13 portait : On appelle Tradition des règle-
ments humains portés sur des ol)jets spirituels ou ecclésias-
tiques; quand elle n'est pas contraire à la parole de Dieu, on
est libre de l'observer ou de la négliger; l'article 14 ap-
prouve le baptême des enfants; l'article 15 dit qu'on doit user
de l'Eucharistie. Bien (ju'on ne fût pas tombé d'accord sur
la doctrine, chacun devait témoigner aux autres de la charité
chrétienne, tant que la conscience pouvait le souffrir, et de-
mander à Dieu par de ferventes prières la véritable intelligence.
Jusque-là aucun accord n'était possible. Luther, qui se scanda-
lisait de la théorie de Zwingle sur le péché originel, ne voulut
pas faire d'autre concession, et persista à considérer la doctrine
de Zwingle comme hérétique. Mélanchthon, qui lui était entiè-
rement asservi, n'était pas moins, en paroles, contraire aux
zwingliens; il éprouvait des remords de conscience, disait-il,
pour avoir protesté à Spire contre l'article dirigé contre les
sacramentaires, et il s'avouait coupable d'avoir contribué à
répandre ce funeste poison, cette doctrine impie de Zwingle.
De leur côté, ceux du haut pays rejetaient les articles de Tor-
gau ou do Schwabach (16 octobre). Et c'est ainsi que, malgré
tous les essais d'union tentés par la politique, la nouvelle
Eglise demeurait dès le principe divisée en Église allemande-
luthérienne et en Eglise suisse-zwinglienne réformée. Non seu-
lement Philippe de liesse s'était étruitement allié avec la Saxe
électorale, Strasbourg, Ulm et Nurenberg; il travaillait aussi
LE PROTESTANTISME. 301
avec persévérance, par l'entremise fies Zurichois, à conclure
avec la France une alliance qui était une trahison envers l'Em-
pire.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 75.
Articles de Toi'gau : RilFel, II, p. 375 et suiv. Sur Hédio, Dœllinger,
Réf., II, p. 16 et suiv. : Colloque religieux de Marbourg Pallav., III, i, 2;
Schmitt, das Religionsgesprœch zu M. Marburg, 1846. Les 15 articles
de foi et d'union ont été publiés par H. ïleppe (dans la Revue de
théologie historique de Niedner, 1848, I, p. 3-7), d'après le manuscrit
original trouvé aux archives de Cassel. Voyez encore B.-E. Lœscher,
llist. motuum zw. den Ev. Luther, und Reformirten, I th., cap. ii,
p. 25 et suiv.; Selneker et Chemnitz , Bist. d. Sacranientenstreits ,
Leipzig, 1591; Lud. Lavater, Hist. de origine et progressu contro-
versiœ sacramentarise de Cœna Dom. ab an. 1323 ad an. 1563
deducta, Tiguri, 1564, 1572; R. Hospiniani, Hist. sacramentaria, Tig.,
1598, 2 vol.; Planck, Gesch. der Entstehung, der Versenderung und
der Bildung unseres protest. Lehrbegriffs, II, p. 204 et suiv., 471 et
suiv.; III, I, p, 376 et suiv.; Gesch der prot. Theol., I, p. 6 et suiv.;
II, I, p. 89 et suiv., 211 et suiv.; II, ii, p. 7 et suiv.; III, p. 150, 274,
732 et suiv.; Dieckhotï, Das ev. Abendmahl im Ref.-Zeitalter, Gcet-
tingue, 1854.
PROGRÈS DE LA RÉVOLUTION RELIGIEUSE EN ALLEMAGNE.
La diète d^Aug'sbourg: de 1530.
Ouverture de la diète d'Augsbourg.
76. Au lieu de se rendre à la diète d'Augsbourg dans le cou-
rant d'avril, Charles-Quint n'y arriva que le 15 juin 1530. Il
était accompagné du cardinal Campeggio, à qui le pape avait
donné des instructions précises sur les moyens d'étouffer la
nouvelle doctrine. On était à la veille de la Fête-Dieu, que l'em-
pereur se disposait à célébrer avec une grande pompe. Les
princes protestants refusèrent de participer à ce « rite supersti-
tieux », à cette exhibition théâtrale du « demi » Sacrement;
seul le prince électeur de Saxe, par égard pour sa position,
surmonta ses scrupules, et porta l'épée de l'empire devant
Çharles-Quint. Pendant l'office solennel (20 juin), le nonce Vin-
cent Pimpinella prêcha sur le besoin de la concorde pour com-
battre les Turcs et sur l'unité de foi, condition nécessaire de la
302 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
concorde. Après l'oiiverlure do l;i diète, le cardinal légat pro-
nonça un disconrs sévère snr l'objet des délibérations. L'empe-
reur convint qu'il fallait d'abord traiter la question religieuse,
et il invita les Etats protestants à s'expliquer sur les croyances
comme snr les abns qui les offusquaient. Ils le firent d'après
un écrit de Mélanchthon rédigé sur les articles de Torgau et
connu sous le nom de Confession d'Augsbourg, approuvée par
Luther lui-même.
Les vingt et un premiers articles, relatifs à la doctrine chré-
tienne, atténuaient sen^iblement les déclarations trop cho-
quantes de Luther; seulement ils étaient incomplets et man-
quaient de précision dogmatique. Les sept derniers exposaient
les abus supprimés par les protestants, et avaient trait à la
communion sous les deux espèces, au mariage des prêtres,
aux vœux monastiques, aux messes basses, à la confession
détaillée, à la distinction des aUments et au pouvoir épiscopal.
Cette confession fut signée par Jean de Saxe, Philippe de Hesse,
Ernest de Brunswick-Lunebourg, Wolfgang d' Anhalt, George
de Brandebourg, les villes de iNurenberg et de ReutUngen.
L'empereur ne voulut la recevoir que par écrit; mais les pro-
testants obtinrent qu'elle fût lue publiquement le 25 juin, en
présence de l'empereur et de la diète. A cette question de
Charles-Quint, s'il y avait encore d'autres points sur lesquels ils
s'écartaient de la foi catholique, ils répondirent qu'il était
inutile de présenter d'autres articles; alors l'empereur leur lit
savoir qu'il examinerait cette importante affaire et leur com.
muniquerait sa décision. Les protestants le remercièrent d'a-
voir bien voulu les entendre, et lui remirent la Confession en
allemand et en latin.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 76.
Instructions de Campeggio : Ranke, Pajpste, lit, p. 266 et suiv.j
Maurenbrecher, Cari V, Anh., p. 3-21, Dans rindignalion soulevée
par ce « document qui respirait la fureur » (Hanlie, I, p. Hl et suiv.),
"on a complètement perdu de vue les violences accomi>lies par les
protestants, la législation en vigueur à cette époque, la douceur vai-
nement employée pendant un si long temps et qui précéda le décret
d'exercer la riguciu' et de la recommander. Campeggio donna des
instructions à plusi<'urs princes dans le sens dn Mémorial, et fut bien
accueilli à Munich. Lettres des i 3 et 20 mai, cl du 14 juin 1530: Ltemmer,
LE PROTESTANTISME. 303
Mon. Vatic, p. 34 et suiv., n. 30 et siiiv. Sur la Fête-Dieu à Augsbonrg :
Campeggio, 16 juiu, ibid., p. 39 et suiv., n. 33; Kilian Leib, p. 541
et suiv.; Fullav., 111, m, n. 2 et seq., 7 et seq. Les théologiens de
l'électeur de Saxe déclarèrent que le port du glaive de l'Empire était
une fonction civile, et rappelèrent l'exemple d'Elisée, qui permit au
Syrien Naaman de Uécbir le genou devant l'idole de son roi, s'il
l'appuyait de son bras (IV Rois, v, 18). Proposition impériale du
20 juin et résolution après le discoux's du légat : Goldast, I, 504, 508 ;
Le Plat, 11, p. 3-23-331. La Confession d'Augsbourg fut déjà imprimée
avec des changements pendant la diète de l'Empire, à l'insu de Mélanch-
thon : de là vient qu'en 1530 celui-ci en donna une édition allemande
et latine; plus tard il modifia lui-même le texte en faveur des calvi-
nistes, surtout l'article 10 sur la cène : on distinguait donc la « Con-
fessio Aug. variata » et la « Confessio iuvariata ». La même dans
Hase, Libri symbol. Eccl. evang., Lips., 1837; en allem, dans Kœthe,
die Symbol. Rücher der ev.-lutber. Kirche, Leipzig, 1830, p. 14 et
suiv. Voy. Bossuet, Hist. des variât,, 111, § 7; Le Plat, II, p. 332 et
seq.; Kœllner, Symbolik, Hamb., 1837, p. 150 et suiv.; Rudelbach,
Hist.-krit. Einleitung in die Augsb. Conf., Leipzig, 1841; L. Pastor,
die Kirchl. Reunionsbestrebungen weehrend der Regierung Caris V,
Frib., 1879, p. 17 et suiv.
Réfutation de la Confession d'Augsbourg.
77. Dans une conférence ménagée par l'empereur avec les
États catholiques (-26 juin), le duc George de Saxe et l'électeur
de Brandebourg, ainsi que quelques théologiens, demandèrent
que l'édit de Worms fût exécuté dans toute sa rigueur; mais la
plupart, surtout les princes ecclésiastiques, qui avaient été
heureusement impressionnés par la forme bienveillante de la
Confession, s'y opposèrent. Il fut convenu que la Confession
serait réfutée par les théologiens, qu'un donnerait lecture de la
réfutation, et qu'un laisserait à l'empereur le soin de décider
s'il fallait agir avec douceur ou sévérité, ou ordonner que les
choses restassent sur l'ancien pied jusqu'à la réunion d'un
concile général. Le 27 juin, la Confession fut remise à vingt
théologiens catholiques, auxquels on recommanda de la réfuter
avec la plus grande modération.
Ces théologiens, ayant à leur tête Eck, reconnurent que tout
cela n'était qu'hypocrisie; ils prouvèrent que la Confession con-
tenait de nombreuses erreurs, que la doctrine protestante y
fourmillait de contradictions, et que les protestants enseignaient
304 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
en outre quantité de nouvelles hérésies. Le 18 juillet, Eck
remit la réfutation à l'empereur avec neuf suppléments. Les
princes catholiques et l'empereur lui-même la trouvèrent trop
amère et trop violente ; ils demandèrent qu'on s'abstînt d'énu-
mérer les contradictions de Luther et autres erreurs, et que le
ton de la rédaction fût adouci. Les théologiens parcoururent
alors la Confession article par article, indiquèrent ce qui était
d'accord avec la croyance catholique et ce qui s'en écartait;
mais il leur fallut encore, ici même, accepter des tempéraments.
La réfutation ainsi transformée fut lue publiquement le 3 août,
comme l'avait été la Confession. L'empereur invita les protes-
tants à déposer tout esprit de discorde et à rentrer dans l'unité
de l'Église : sinon il serait obligé, en sa qualité de souverain,
d'agir selon sa conscience.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 77.
Lettres de Campeggio des 16 et 26 juin, 29 juillet, 10 et 20 août,
24 sept., 6 cet. : Lcemmer, p. 39 et suiv., n. 34-39. Lettre de Charles-
Quint du 8 juillet : Dœilinger, Beitr., I, p. 7 et suiv ; Kilian Leib (ici té-
moin oculaire, avec renseignements fournis sur les théologiens cathol.),
p. 542 et suiv.; Pallav., III, m, 12 et seq.; iv, 1-7; Th. Wiedemann,
Eck auf d. Reichstage zu Augsb. (OEsterr. Vierteljahrschr. f. Theol.,
1862, IV, p. 533 et suiv.), et Jean Eck, p. 271 et suiv.; Walch, th. xvi,
p. 1219 et suiv.; th. xiv, p. 542 et suiv. Lettres de Mélanchthou :
Corp. reform., II, 141 et seq., 175 et seq., 183 et seq., 193 et seq.,
241 et seq.; Fœrstemann, Urkundenbuch zur Gesch. des Reichstags zu
Augsb., Halle, 1834 et suiv., 2 vol.; Cœlestini, Ilist. comiliorum Aug.
célébrât., Francof. ad Viad. , 1577, 1597; Chytraeus, Historie der
Augsb. Confession, Rostock, 1576; Cyprian, eod. tit., tiotha, 1730.
Ouvrages sous le même titre, par Salig (Halle, 1733 et suiv., III th.),
PfafT (Stuttg., 1830) ; Kikenscher (Nùrnb., 1830) ; M. Flacius, Gesch. des
Reichstags zu Augsb., Leipzig, 1530; Menzel, I, p. 335 et suiv.; Lœm-
mer, die Vortrid. kath. Theol., p. 39 et suiv. La réfutation, avec la
Confession d'Augsbourg en latin et en allemand, se trouve dans le
Catholique, 1828, 1829, éd. Kieser, die Augsb. Conf. aus Orig.-Ausg.
und ihre Widerlegung aus dem aechten Manuscripte gezogen, Regensb.,
1845. Réponse imperiale du 3 août : Le Plat, II, p. 337 et seq. Sur
les prétendues déclarations des princes catholiques et du docteur Eck,
voy. Binlerim , der Reichstag v. Augsb., 1530, Düsseid., 1844, et
Œsterr. Vierteijahrsschr., loc. cit., p. 535, n. 2, p. 540 et suiv.; Pas-
tor, p. 43 et suiv.
LE PROTESTANTISME. 305
Négociations sur les points divergents.
78. Les protestants se montrèrent fort mécontents, et deman-
dèrent une copie de la réfutation pour y répondre. L'empereur
ne voulut plus accepter de discussions par écrit, et la scission
s'accentua de plus en plus. Philippe de Hesse quitta secrètement
Augsbourg (6 août). Enfin, l'empereur institua une commission
de quatorze membres, comprenant deux princes, deux juristes
et trois théologiens pris dans chacun des partis, pour débattre
les articles controversés et essayer d'amener une conciliation.
Les théologiens catholiques étaient Eck, Wimpina et Cochlée;
les théologiens protestants : Alelanchthon, Brenz et Schnepf.
La conférence s'ouvrit le 10 août; elle reprit un à un les
articles de la Confession. Les articles 1 et 3 (Trinité et In-
carnation) furent reconnus pour orthodoxes; l'article 5, où
il était dit que Dieu a institué l'office de la prédication et les
sacrements comme des moyens d'obtenir la foi qui justifie ;
puis l'article 8, sur l'efficacité des sacrements administrés par
les pécheurs; l'article 9, sur la nécessité générale du baptême,
même pour les enfants, demeurèrent également intacts. Sur le
péché originel (art. 2), Mélanchthon convint qu'il est remis
par le baptême quant à la dette ; qu'il ne reste que la concu-
piscence, laquelle, avant le consentement, n'est pas un vrai
péché. Sur la justification (art. 4), il renonça au sola ßdes (la
foi seule), et accepta la formule de Eck, suivant laquelle
l'homme est justifié par la foi et par la grâce. Sur les bonnes
œuvres (art. 6), on convint qu'il faut pratiquer celles que Dieu
prescrit ; qu'aucune œuvre n'est en soi méritoire, mais seule-
ment quand elle est accomplie avec la grâce de Dieu. Cependant
le mérite des œuvres continuait d'offusquer les protestants.
Sur l'Église (art. 7), il fut admis que l'Église militante ne
contient pas seulement des saints, mais encore des pécheurs et
ceux qui seront damnés un jour. Cette définition de l'Église,
comme société réunissant les hommes saints et pieux, ayant été
critiquée, les protestants consentirent à admettre que l'Église
militante renferme aussi des méchants et des pécheurs. Ils
acceptèrent aussi, sur l'article 10, de l'Eucharistie, cette
addition que Jésus-Christ y est vraiment et essentiellement pré-
sent. L'article 11, portant que l'on devait conserver la confes-
y. — uisi . DE l'église. 20
306 HISTOIRE DE LÏiGLISE.
sion privée, mais qu'il n'est pas nécessaire d'éiiiimérer tons
les péchés, fut renvoyé à l'autre section. Sur les trois parties
(le la confession (art. 12), les protestants cédèrent anssi, mais
ils refusèrent d'admettre que la satisfaction fût nécessaire pour
la remise de la peine. Sur le libre arbitre (art. 18), on tomba
d'accord qne la volonté de l'homme est libre, mais qu'il ne
pent être jnstifié sans la grâce de Dieu. On convint également
(art. 20) que les bonnes œuvres sont nécessaires au salut et
agréables ù Dieu, quand elles proviennent de la foi et de la
grâce; les protestants ne voulurent pas reconnaître leur mé-
rite, ils avouèrent aussi (art. 21) que les saints intercèdent pour
nous auprès de Dieu, et qu'on peut célébrer leur mémoire à
certains jours déterminés; mais ils lévoqnèrent eu doute s'il
était permis de les invoquer. On était d'accord sur quinze des
vingt et un premiers articles; sur trois on ne l'était que par-
tiellement; trois autres furent renvoyés à la seconde section.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 78.
La première commission établie par l'empereur comprenait, du
côté des calhûliques : Henri, duc de Brunswick, et, après son départ,
George de Saxe et Christophe de Stadion, prince évèque d'Augsbourg;
les chanceliers Bernard llagcn, de Cologne, et Jérôme Vehus, au ser-
vice du margrave de Bade; du côté des protestants : Jean-Frédéric,
fils de l'électeur de Saxe, le margrave Geoi'ge d'Anspach, le Dr
George Brück, chancelier de l'électeur de S;ixe, et le Dr Sébastien
Haller, chancelier du margrave. Sur l'article 2 : « Docent quod post
lapsum Adae omnes homines secundum naturam propagati nascunlur
cum peccato, hoc est, sine metu Dei, sine iiducia erga Deum et cum
coticupiscenlia », wobei l-etztere das einzig Positive war, sagten die
kath. Theologen : « Üeclaralio arliculi est omniiio rejicienda, cum sit
cuilibet christiano manifestum esse sine metu Dei, sine üducia erga
Deum, esse potius culpam actualem, quam noxam infanlis recens nati,
qui usu rationis adhuc non pollet. » Voici l'explication qu'en donna
l'Apologie de la Confession, 11, § 2 : « flic locus testatur nos non
solum actus, sed et poleiitium seu doua efliciendi timorem et llduciam
erga Deum adimere propagatis secundum carnalem naturam. » Eck
se prononça contre cette doctrine, que la concupiscence est en soi
un péché, et il lit partager son sentiment à Mélanchthon. Sur l'ar-
ticle 4 : « Docent quod homines non possint justificari propriis
viiibus, merilis aut opcribus, sed gratis justifîcentur propter Christum
per üdem, cum credunt se in gratiam recipi et peccata remitti propter
LK PROTESTANTISME. 307
Christum, qui sua morte pro nostris peccalis satisfecit », Eck prouva
que l'iîomme est « formellement »justifié par la foi et la grâce, et
« instrumentalement » par la parole et les sacrements. Mélanchthon
accepta cette doctrine. Voici ce qu'il dit dans lApologie, art. 4, § 26 :
« Sola fide iu Christum, non per dilectionem, non proi>ter dileclioiiem
aut opéra consequimur remissionem peccatorum, etsi dilectio sequitur
fidem. » L'article 10 porte : « De Cœna Domini docent quod corpus et
sanguis Christi vere adsint et distribuantur vescentibus in cœna, et
improbant secus docentes. » La Variatu disait : « quod cum pane et
vino vere exhibeantur corpus et sanguis Christi vescentibus in cœna
Domini. »
79. Quant à la communion sous les deux espèces (art. 22), Mé-
lanchthon accorda que Jésus-Christ est tout entier sous chaque
espèce, qu'il ne faut pas condamner les laïques qui commu-
nient sous la seule espèce du pain. Eck fit pressentir que la
communion du calice serait concédée aux conditions établies par
le concile de Bàle pour les Bohémiens. Sur le célibat, aucun
accord n'intervint : Mélanchthon ne voulut ni accepter comme
une grâce le mariage des prêtres, que l'on proposait d'accorder
sous certaines réserves, ni abandonner cette affaire à la déci-
sion d'un futur concile. On ne s'entendit pas davantage sur le
sacrifice de la messe. Au sujet des couvents encore existants,
du jeune, des cérémonies, de la confession privée, Mélanchthon
fit de nombreuses concessions ; il voulait même adopter la juri-
dicti(>n épiscopale, et consentir à ce que les curés et les prédica-
teurs fussent soumis aux évêques et tenus de respecter leurs
censures.
Dans une lettre au cardinal légat, auquel il avait précédem-
ment rendu visite, il se déclarait prêt à reconnaître l'autorité
du pape, mais uniquement au point de vue du droit humain.
Ces deux concessions excitèrent la colère de Nurenberg et
d'autres villes. Luther lui-même, qui était constamment en
commerce épistolaire avec Mélanchthon, et qui s'était rendu à
Cobourg pour être plus rapproché de la conférence, répugnait
à toute concession, surtout en ce qui regardait les messes
basses, le canon, l'autorité des évêques et du pape. Tout
accord dans la doctrine lui semblait impossible, si le pape
n'abdiquait pas la papauté ; il croyait que les rusés catholiques
leur avaient tendu un piège qu'il fallait éviter. En fait, les vues
308 HISTOIRE DE l/ÉGUSE.
fondamentales des deux partis offraient trop de divergences, et
il ne servait à rien d'atténuer los oppositions et de les passer
sons silence. Un accord passager n'eût été qu'nn palliatif : tant
qne l'autorité de l'Église infaillible n'était pas reconnue, il
n'aurait pas eu d'etfct sur les masses. Mélanchthon encourut
les plus amers reproches, et fut accusé d'avoir trahi son parti.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 79.
Spieker, Mélanchthon auf dem Reichstage zu Augsb., Zlschr. f. iiisl.
Theol., t84.T, Ï, p. ii8 et suiv.; Wiedemann, Eck, p. 277 et suiv. Sur
l'audience donnée à Mélanchthon par Canipeggio, rapport du ce der-
nier du 29 juillet Wj'SO : Lsemmer, Mon. Vat., p. 48; Kilian Leih,
p. öiä. Mélanchthon à Canipeggio, G juillet : Rayn,, an. iliW, n. S3 ;
Pallav., m, m, 4; Cœleslin., Hist. (§ 77), éd. 1597, III, 18 ; Melancht.,
ep. ad Canierar., p. i48-töl ; Corp. Ref., II, IG9. Malhes (Melancht.,
Altenb., 1841, p. 131) croit que Mélanchthon a joué une indigne
comédie avec le cardinal. Voy. Riffel, II, p. 403; Dœllinger, Reform.,
I, 360 et suiv. Mélanchthon (28 août) sur les Nurenbergeois (Walch,
th. XVI, p. 1755); le 1«'' sept., il écrivait à Luther (ibid., p. 1793) :
(' Vous ne comprendrez jamais combien je suis détesté des iNurenber-
geois et je ne sais de combien d'autres, à cause de la juridiction qui
a été rendue aux évèques. C'est ainsi que les nôtres ne combattent
que pour la domination, et non pour l'Évangile. » Brenz, qui est rare-
ment sincère, écrivait le 11 septembre à Isenmann : <( Non est timen-
dum ut adversarii nosira media acceptent. Si enim (|uis diligenter rem
consideret, ita proposuimus, ut videamur aiiquid concessisse, cum re
ipsa nihil plane concesserimus, idque ipsi probe intelligant. » (Corp.
Ref., II, 362.) Lettre de Luther dans de Wetlo, IV, p. 70, 145 et suiv.,
156. Comp. Riü'el, II, p. 421 et suiv.
Apologie de la Confession d'Augsbourg.
80, Ces négociations laborieuses, conduites avec esprit de paix,
ji"at)(Milireiit duiuwï aucun rcsuitat. Eck avait fait son rapport
le 21 auùt; iVlelan(;hlhon donna le sien le 22. On institua ensuite
une autre commission moins considérable, composée de part et
d'autre d'un théologien et de deux juristes : Eck et les chance-
liers de Cologne et de Bade représentaient les catholiques;
iVlélanchlhon, les chanceliers de la Saxe électorale et de Brande-
bourg-Ansbach, les prolestants. La conuuission délibéra du
24 au 30 août. Les deux théologiens se renfermèrent rigoureu-
}.E Pi;OTi;siA.M(SMi:. 309
st'ineiit (liiKs les [joints (jui avaient été débattus jn.si|u*aiürs.
Cette fois eiicoro, on ne put s'entendre sur le ci'diliat ni snr le
sacrifice de la messe, et les deux partis en appelèrcMit à un con-
cile. Le 7 se[)tembre, Charles-Quint déclara aux Etats qu'il
s'offrait à procurer la convocation d'un concile général; seu-
lement les protestants, qui avaient introduit des nouveautés
Mlégales, devraient, en attendant, s'en tenir à la religion de
l'empereur et de la majt)rité des princes, s'expliquer à ce sujet
avant le 15 avril prochain, ne rien faire imprimer de nouveau
sur leurs territoires en matière dogmatique, s'abstenir de toute
innovation, ne point faire obstacle aux partisans de l'ancienne
croyance ni attirer dans leur secte des sujets étrangers, s'unir
aux cathorKiues contre les anabaptistes et les adversaires de la
divinité de l'Eucharistie (les zwingliens), restituer enfin au
clergé les biens qui lui avaient été ravis.
Joachim 1" de Brandebourg leur déclara au nom de l'empe-
reur (jne celui-ci ne pouvait pas admettre que leur Confession
fut fondée sur l'Évangile, une la conduite des États prétendus
évangéliques était contraire aux livres sacrés. Les protestants
rejetèrent toutes ces propositions, en appelèrent à la parole de
Dieii, et déclarèrent ne pouvoir se soumettre à la majorité.
Toutes les négociations privées demeurèrent sans effet. Pour
démontrer que leur Confession reposait sur la parole de Dieu,
ils remirent aux catholiques Y Apologie de la Confession
(TAufjsbourrj, rédigée par .Mélanchthon pendant les négocia-
tions. Plusieurs points de doctrine y étaient mieux éclaircis et
elle faisait de nombreuses concessions. Cette Apologie, qui
reçut également plus tard l'autorité d'un symbole parmi les
protestants, l'empereur refusa de l'accepter, et il décida, dans
le recez de la diète du 18 novembre, qu'avant la réunion du
concile tout rentrerait dans le précédent état : il se croyait
obligé, disait-il, d'user de son pouvoir pour protéger l'ancienne
croyance.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE .N" 80.
Voyez les ouvrages sur le § 77. Déclaration impériale du 7 sept. :
Pallavic, III, iv, 7; Le Plat, II, 467 et seq. Discours de Joachim I"
de Brandebourg : Kilian Leib, p. 548, .oö3 et suiv.; Menzel, I, p. 40Ü.
Son éloge dans Campeggio, 24 sept. 1.530, et Aléandre, 28 jauv.
^\0 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
I.J32 ; F>spmmer, p. F>8, 98, n. 38, 73. Disi)osilions des États protestants :
Menzel, I, 380; Feuill. liist. et polit., t. LX, p. 213 et suiv. I/Apologie
de la Confession d'Augsbourg, dans Hase, Libr. Symb., Lips., 1837;
première édit., avril 1531, en allem, par Juste Jonas et Mélaachttion,
lin de la même année. Sur sa sopbistique, Dœllinger, Reform., III, p.
277-283. Négociations à son sujet, ibid., p. 296et suiv. L'article 13 de la
Confession d'Augsbourg portait que les sacrements sont institués, « non
modo ut sint notée professionis inter horaines, sed magis ut sint signa
et testimonia voluntatis Dei erga nos ad excitandam et contirmandum
tidem in his, qui utuntur, proposita » ; et elle ajoutait : « Itaque uten-
dum est sacramentis ila ut lides accédât, qui« credat promissionibus
quaî per sacramenta exliibentur et ostenduntur. » L'Apologie accor-
dait davantage quand elle délinissait les sacrements : « ritusqui habent
mandatum Dei et quibus addita est promissio gratiœ », et qu'elle par-
lait d'une « annexa ceremoniœ gratia ». Dans la suite, plusieurs
lutliériens admirent de nouveau tacitement Vopus operatum, tout en
rejetant l'expression : Mœhler, Symbolique, § 28, p. 232 et suiv.
Décret du 23 et du 24 sept. : Le Plat, II, 472 et seq. Décret de la diète :
Pallav., loc. cit., n. 8; Leib, p. 5Ö2-538 ; Koch, p. 306 et suiv.; Rayu.,
an. 1530, n. 124 et seq.; Le Plat, II, p. 479-501 .
Confession des quatre villes et de Z-wingle.
81. Les quatre villes zwinglieniies, Strasbourg, Constance,
Memmingen et Lindau, repoussées par les luthériens, avaient
remis à l'empereur leur Confession particulière. Une réfutation
en fut faite par Eck et Faber sur l'ordre do l'empereur, et l'on
en donna lecture en présence des États de l'empire (17 octobre),
en les invitant, eux aussi, à rentrer dans l'ancienne Église.
Cette Confession {Confessio Tetrapolitana) ne fut plus l'objet
d'aucun pourparler. Plus tard, les quatre villes adoptèrent,
pour des raisons politiques, la Confession d'Augsbourg.
Zwingle avait également présenté une Confession. Eck la
réfuta, et publia de nouveau son recueil de quatre cent quatre
propositions hérétiques, sur lesquelles il proposa de discuter
avec les théologiens protestants. Ceux-ci refusèrent, mais ne
s'épargnèrent pas les ripostes malveillantes.
Les réclamations des États protestants sur l'abolition du
canon de la messe et du célibat, sur la communion des laïques
sous les deux espèces, sur les biens ecclésiastiques confisqués,
et sur la tenue d'un concile pour concilier les autres diver-
LE PROTESTANTISME. 311
gences, avaient été remises par l'empereur au légat Campeg-
gio, qui les avait communiquées au pape. On résolut de ne pas
les approuver , parce qu'elles renfermaient de nombreuses
erreurs et seraient funestes à la religion, mais tout en remer-
ciant l'empereur de son zèle pour ramener les dissidents.
Relativement au concile, sur lequel des négociations furent
immédiatement entamées, Charles-Quint déclara au légat dès
le 9 août qu'il le croyait plus nécessaire pour les catholiques
que pour les hérétiques.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 81.
Confes?io Tetrapolitana : Le Plat, II, 441-467; Angusti, Corp. libr.
symbol. Ecci. réf., Lips., 1846, p. 327 et seq. Sur les infidélités à la
doctrine de Mélanchlhon : Dœliinger, Réf., III, p. 295 et suiv.; ad
Carol. Irap. lldei H. Zwinglii ratio, 0pp. IV, p. II; Le Plat, II, p. 691-
700. Ep. ad Gcrtnan. principes, 7 aiig. : Le Plat, II, p. 70Ü 723. —
Cf. Eckii Repnlsio articulorum Zwinglii — Sub D. Jesu et Mariaî pro-
teclione articulos 404 partim ad disputationes Lipsiens., Bad. et Bern,
attinentes, partim vero ex scriptis pacem Ecclesiae perlurbaotiuni
extractos coram D. Ceesare Carolo V, R. J. S. A. ac proceribus imperii
J. Eclvius... ofl'ert se disputaturum. Ingolsl., t530, in-4° fi8 feuillets)
Cf. Encomium Eccii auctore Puntano Seveiio, Trajecti, loSO. Propo-
sitiones de vino, venere et balneo, et Eccii dedolati ad Ca^?. Maj.
magistralis oratio, 8 feuillets. Cf. Œsterr. Vierteljahrsschr., loc. cit.,
p. 558-564. Décisiou de Rome sur les demandes des prolestants :
Pallav., III, IV, 1 et seq. Rapport de Campeggio sur sou entrevue avec
l'empereur, le 10 août : Lœmmer, p. 50.
Les negfociations depuis 1^30 jusqiiVn 1539.
Attitude hostile des protestants envers l'empereur. Alliance
de Smalkalde. Détresse et concessions de l'empereur.
82. Les ordres de l'empereur trouvèrent parmi les États
luthériens une si violente opposition, qu'ils étaient prêts à se
révolter ouvertement, surtout après que Luther et Mélanchthon
eurent déclaré (]u'il était permis de défendre par les armes
« l'Evangile » contre les « papistes ». Ils ne voulaient à aucun
prix restituer les biens enlevés à l'Église, ni enrayer le mouve-
ment ; leur dessein était d'empêcher la procédure du tribunal
de l'empire, d'entraver surtout la nomination du frère de l'em-
'\\-2 HISTOIHK I>E L ÉGLISE.
jmrour comme roi des Romains, adivemfîiit poursuivie par
celui-ci, ou de ne l'admettre que sous de grandes concessions.
Ils en délibérèrent à Smalkalde dès le mois de décembre 1530,
et posèrent leurs conditions dans ce sens. Le 29 mars 4531,
dans la même ville, ils conclurent pour six ans une alliance
offensive et défensive, soit entre eux, soit avec les villes impé-
riales zwing-liennes, espérant profiter des embarras de l'empe-
reur. Charlei=-Quint avait quitté Augsbourg- avec son frère ;
traversant le Wurtendjerg, il était allé à Cologne, et avait pro-
clamé, avec l'assentiment de la plupart des princes électeurs,
son frère roi des Romains (12 janvier 1531). L'électeur de Saxe
était absent; il refusa son adbésion. Les princes catholiques
n'étaient pas préparés, et la puissance de l'empereur était trop
faible pour appuyer le décret de la diète ; le danger grandissait
du côté des Turcs. Charles, plutôt bienveillant de sa nature,
réfléchi et temporisateur, se vit contraint à d'humiliantes con-
cessions : il recevait de Constantinople les nouvelles les plus
alarmantes.
Soliman organisait quatre armées pour envahir simultané-
ment Naples, l'Autriche et d'autres Etats de Ferdinand. L'em-
pereur demanda secours à tous les princes, même aux alliés
de Smalkalde, qui soulevaient la Bavière contre l'élection de
Ferdinand à la royauté et nouaient de dangereuses relatituis
avec le Danemark, la France et l'Angleterre. Les confédérés
de Smalkalde, qui voyaient dans le sultan un excellent auxi-
liaire, profitèrent de la guerre turque pour braver l'empereur.
Ils lui répondirent qu'ils ne pouvaient s'engager à rien tant
qu'ils n'auraient pas obtenu des garanties pour leur religion,
et ils persistèrent dans leur insolence. Déjà ils ne se conten-
taient plus de la Confession d'Augsbourg en ce qui regardait
les prétendus abus. Pour eux, le point important dans la ques-
tion religieuse était de conserver les biens enlevés à l'Église.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 82.
Sur l'usage des armes pour défendre la nouvelle doctrine, Avertis-
sement de Luther à ses chers Allemands. — Contre l'assassin de
Dresde — part. XVI, p. 19Ö0-2O62 ; Propos dn table, éd. léna, 1GÜ3,
f. iS2. Stahl (Philosophie du droit, II, n, § l.'ü), 3'' éd.) ne rapporte
que les précédentes paroles du réloriuateur, si fertiles en contradic-
LE l'nOTESTANTlSME. .' j I 3
lions. Wiilch, paît. \, [>. G49: Ih. xvi, |.. 279, 024; Sleidaii., lih. Vlll,
p. 27; .XVI, p. 27; lîossuet, Hist. des variai., iiv. IV, i et seq.; K.-A.
.Menzel, Neuere Gesch. d. Datschen, I, p. 422 et suiv.; Ranke, R.
Psepste, I, p. 113. Sur la nominalion de Ferdinand comme roi de?
Romains, voyez encore Leib, p. 559 et suiv.
Première pacification religieuse de Nurenberg.
83. Enfin, Charles-Quint leur fit déclarer qu'il se proposait
d'établir par son autorité impériale une pai.x en vertu de
la(juello aucun des Etats de l'empire ne pourrait plus attaquer,
ve.xer, endommager un autre État pour cause de relig-ioii ou
pour tout autre motif, jusqu'au futur concile ou à la pro-
chaine diète. A ceu.x qui ne parurent pas encore satisfaits, il
accorda la suspension des procès entamés devant le tribunal de
l'empire à l'occasion des biens enlevés à l'Église. C'était sup-
primer, ou peu s'en fallait, le dernier recez de la diète, et
reconnaître indirectement l'existence du protestantisme. Les
négociations des confédérés de Smalkalde avec l'étranger, avec
la France surtout ; l'adhésion donnée à celles-ci par les ducs
de Bavière (24 octobre 1531, à Saalfeld), aigris de la nomina-
tion de Ferdinand comme roi des Romains : telles sont les
causes qui avaient amené l'empereur à cette conde.scendance.
La première paix religieuse fut conclue à Nurenberg, le 25
juillet 1532, sur la base des négociations conduites à Francfort.
Les procès furent suspendus et l'état actuel des choses provi-
soirement reconnu; les zwingliens en demeurèrent exclus, ce
qui satisfit d'abord pleinement les princes luthériens. Les con-
cessions de l'empereur furent vivement criti(juées; mais il pou-
vait alléguer la nécessité. Les secours promis contre Soliman
affluèrent de toutes parts. Soliman II, peu d»? temps après son
entrée en Hongrie, vit bientôt ses projets anéantis par les me-
sures qui avaient été prises, par une foule de désastres et par
les défaites de son avant -garde : il résolut de rebrousser che-
min.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 83.
Goldast, H, p. 172; Le Plat, II, 503 et seq.; Sarpi, I, § 46; Pallav.,
III, c. i\. LeUres d'Aléandre et de Campeggio, lo31-1332 : Lœmmer,
Mon. vatic, p. 86 et suiv., 120 et suiv., 143 et saiv.; Mémoire remis à
l'empereur, ibid., p. 123-127. Guerre des Turcs : Kiiian Leib, i>. 560 et
buiv,, 076 et suiv.
31 i HISTOIKE DE l'ÉGLISE.
Négociations à propos du concile.
84. De longues négociations furent poursuivies entre le pape
et l'empereur au sujet du concile. Mais les protestants, en
demandant une pareille assemblée, ne cherchaient-ils pas à
gagner du temps et à différer le rétablissement de l'ordre dans
l'Église? ne demandaient-ils pas un concile absolument con-
traire aux lois de l'Église, dans lequel les laïques même héré-
tiques auraient droit de suffrage, quelque chose d'analogue
aux assemblées de Bàle et de Pise? se soumettraieut-ils à un
nouveau concile, après que leurs chefs avaient formellement
rejeté tous les conciles anciens, où leurs erreurs avaient déjà
été condamnées? l'empereur lui-même n'y chercherait-il pas,
comme il avait fait autrefois, des armes contre le pape? les
autres princes chrétiens y consentiraient-ils? et pourrait-on si
facilement surmonter les difficultés de temps et de lieu?
C'étaient là des questions dont Rome s'occupait sérieusement
depuis 1330. Clément VII (31 juillet 1330) avait autorisé l'em-
pereur à promettre en son nom la réunion d'un concile, sous
cette réserve, posée par l'empereur lui-même, que les hérétiques
quitteraient la voie où ils étaient entrés et promettraient
d'obéir au concile. Il maintint cette condition même après que
l'empereur eut déclaré (pi'elle était irréalisable. A la suite de
nombreuses négociations, le pape et l'empereur se donnèrent
rendez-vous à Bologne en 1533. L'affaire fut derechef débattue,
et des nonces furent envoyés aux princes et surtout aux États
d'Allemagne pour concerter de nouveaux accommodements.
Voici les points qui leur fiu'eut soumis : 1° Le concile sera célé-
bré à la manière des précédents conciles œcuméniques; 2" tous
ses membres promettront de se conformer à ce qui y sera résolu ;
3° ceux qui seront empêchés d'y prendre part, enverront des dé-
légués; 4" en attendant, il ne sera rien innové dans les choses
de la foi ; 3" un lieu convenable sera choisi : le pape proposait
Mantoue, Plaisance ou Bologne, situées près de l'Allemagne
et commodes ptjur les autres nations; C si un prince s'abste-
nait sans motif légitime, le concile ne serait pas dissous, et si
quelqu'un des princes \oulait l'empêcher, les autres se range-
raient du coté du pape; 7" après une réponse favorable, le
LE PROTESTANTISME. 3 LS
pape convoquerait le concile six mois après, et l'ouvrirait au
bout d'un an.
Les nonces s'adressèrent d'abord au roi Ferdinand, puis à
Jean-Frédéric, électeur de Saxe, qui avait succédé à son père le
10 août loS'â; ils eurent avec lui une conférence à Weimar le
2 juin 1333. Après quelques hésitations, ce prince déclara qu'il
voulait consulter d'abord les autres princes protestants. Ces
princes se réunirent à Smalkalde, et donnèrent une réponse
négative : ils ne pouvaient en aucune sorte, disaient-ils,
accepter les deux premières conditions; l'Écriture sainte
(d'après la traduction de Luther?) devait être l'unique règle
du concile, et ils demandaient qu'il se réunit en Allemagne.
Clément Vil et les cardinaux ne perdirent point courage, et
tournèrent leurs vues ailleurs.
Le pape mourut sur ces entrefaites (23 septembre 1534); il
eut pour successeur (13 octobre) le cardinal Alexandre Far-
nèse, Paul 111, qui avait dt-jà travaillé précédemment en faveur
du concile; il continua avec la même activité après son élec-
tion.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 84.
Rayn., an. 1530, n. 175 et seq.; lo31, n. 6; 1533, n. 3 et seq., 6, 8;
Pallav., m, 5, n. 1 et seq. — c. xiii, incl.; Le Plat, II, 501 et seq.,
510 et seq.; Kilian Leib, p. 582 et suiv.; Lcemmer, M. V., p. G3 et
suiv., n. 45 (explications confidentielles sur le concile — Gampeggio
au pape, 13 nov. 1530) ; p. 70, n. 48 (autres colloques avec l'empereur
à ce sujet, Cologne, 20 déc. 1530); p. 71 et suiv., n. 50 (d. d. Gand,
13 juin 1531) ; p. 87 et suiv., n. 65 (Aléaudre sur les conditions du
concile); p. 123 et suiv., n. 9ß (Mémoire de Gampeggio, juin 1532),'
p. 128 et suiv., 142 (Aléandre sur le concile national); p. 189 et
suiv., 255 et suiv., n. 140, 168 (Morone sur le concile général). Walch,
th. XVI, p. 2263, 2281; de Wette, IV, p. 454; K.-A. Menzel, II, p. 17
et suiv.; Pastor, p. 71 et suiv.
Progrès du luthéranisme.
85. L'empereur était retourné d'Italie en Espagne. Ses entre-
prises contre Tunis, cette ville de pirates, et la nouvelle guerrequi
venait d'éclater contre la France, eurent pour effet d'abandonner
de nouveau pour longtemps l'Allemagne à son propre sort et de
laisser un libre cours à la nouvelle doctrine. En 4532, le luthéra-
316 HISTOÏKK DE l'ÉGLISE.
uisme fut intruduit en Poinérn nu»; on 1533, à .1 uliers; ciii53i, clans
le Wurtemberg'', où le duc Ulric, mis au lias de l'empire, fut
rétabli par Philippe de Hesse au moyen de la force armée et
reconnu par le roi Ferdinand dans le traité de Kadan. Le luthé-
ranisme était représenté par l'augustin Jean Monlel, Conrad
Sam, Schnepf. Brenz et Ambroise Blaurer, Ferdinand fut
reconnu roi des Romains par la Saxe et ensuite par la Bavière ;
mais il dut interdire au tribunal de l'empire, au nom de l'em-
pereur, de recevoir des plaintes contre les protestants, qui con-
tinuaient de confisquer les biens de l'Église. Une conférence
ménagée à Leipzig, les 29 et 30 avril 1534., par le prince électeur
de Mayence et Geiu'ge, duc de Saxe, n'avait donné aucun
résultat. Comme on attachait un sens différent aux expressions
les plus communes, celle de « grâce », par exemple, toutes les
tentatives de rapprochement éclKJuaient devant cet obstacle. A
Anbalt, le prince George, prévôt de la catliédrale de Magde-
bourg; en Poméranie, la diôfe de Treptow (1534), avaient
assuré la prédominance du luthéranisme.
En 1535, les princes protestants renouvelèrent pour dix ans
le traité conclu à Smalkalde en 1531 , et gagnèrent de nouveaux
adhérents : Ulric, duc de Wurtemberg ; Barnim et Philippe,
ducs de Poméranie; Rupert, comte palatin de Deux-Ponts;
Guillaume, comte de Nassau ; les villes de Francfort-sur-le-
Mein, Kempten, Hambourg, etc. Comme plusieurs de ces
villes étaient zwingliennes, l'habile Bucer, tjui négocia d'abord
avec Melanchtlion à Cassel, depuis avec Luther à Wittenberg,
procura dans le mois de mai 1536 une réunion (la Concorde de
Wittenberg), qui abandonna, en apparence seulement, la doc-
trine de Zwingle sur l'Eucharistie. Quand Luther eut déclaré
qu'il s'en tenait aux paroles de l'institution, sans s'enquérir
comment il fallait interpréter l'acte lui-même; quand il eut
conseillé, dans le cas où l'on ne s'entendrait point öbsolument,
de garder l'amitié et la charité, les Suisses acceptèrent aussi la
convention (1538).
OUVRAGES A CONSUI-TEU KT REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 85.
Ritrei, II, p. 664 el suiv.; Ltjib, an. Iö3i, p. 584 et suiv. Lettres de
Vei'gcrius, in;ii el juillel 1534, tliins Lcenimer, [>. KiS cl suiv. luslruo-
tiuns de l'crdiiiand, 1534 : Dœllinger, Ueilr., 1, p. 0 el suiv.; Scluuidt
LE PROTESTANTISME. 317
et Pfister, DeriUw. der WïuUemb. Ref.-Gosch., Tüb., 1817; L.-F. Hayd,
Herzog Ulrich von Würllemberg, Tüb., 1841, 2 vol.; Schiiurrer,
Krlaeuteriing der Würltemb. Ref. und Gelebrten-Gesch., Tüb., 1789;
Hartmann, Gesch. d. Ref. in Würtlemb., Stuttg., 183ö; Keim,
Schw'teb. Ref.-Gesch., Tüb., 1833, ii. Ambros. Rlaarer, der Schwceb.
Reformator, Stutig., 18tiO; Th. Presset, Ambros. Blaarers Leben u.
Schriften, Stutig., 1861. Sur la conférence de Leipzig, 1ö3i, Corp.
Ref., II, 723; Dœllinger, Réf., III, p. 299, 300; Pastor, p. 137 et suiv.—
Seckendorf, Com. bist, et apol. de Luther, HI, 132; Walch, th. xvii,
p. 2326 et suiv.; Guericke, III, § 77, p. 120-129. La doctrine de l'Eu-
charislie fut ainsi formulée, d'après S. Irénée : « Eucharistiam con-
slare duabus rebus, terrena et cœlesti, cum pane et vino vere et
substantialiter adesse, exhiber! et sumi corpus et sanguinem Christi
— sacramcnlidi unione (au lieu de «transsubstantiation ») panem esse
corpus Christi, hoc est, porrecto pane simul adesse et vere exhiberi
corpus Christi. » Cf. Melanchth. 0pp., éd. Bretschn., III, p. 73;
Walch, loc. cit., p. 2öi-3. Lettre de Luther aux Suisses, 1'"' déc. 1337,
sog. Friedensbrief : de Wette, V, p. 83 et suiv.; Walch, loc. cit.,
p. 2068. Voy. Rillel, II, p. 463 et suiv.
Travaux de Paul III en faveur du concile. Articles de
Smalkalde.
86. Le pape Panl Ml, qui avait fait via excellent choix de cardi-
naux,nomma une commission pour la réformede la cour romaine
et donna tous ses soins à l'airaiie du concile. En 1535, il envoya en
Allemagne le nonce Pierre-Paul Vergerio, pour négocier de nou-
veau avec le roi Ferdinand et les princes de l'empire. Vergerio fut
honorablement reçu des princes catholiquesetdequelques princes
protestants. Malheureusement pour les catholiques, l'électeur de
JBrandebourg, Joachim I", mourut dès l'année 1535. Son fils,
Joachim II, gagné à la doctrine de Luther par sa mère, une
princesse danoise, favorisa les luthériens et se déclara plus tard
ouvertement en leur faveur (1539). Les Smaikaldiens, fiers de
leurs succès, et comptant sur l'appui de la France et de l'An-
gleterre, ne voulurent plus entendre parler de concile ; certains
de la vérité de leur doctrine par l'Écriture sainte, ils préten-
dirent n'en avoir pas besoin, et accusèrent les catholiques de
n'en pas parler sérieusement. Un concile dirigé par le pape
n'était pas, selon eux, un concile libre : il valait mieux que
les princes choisi.ssent des hommes capables et impartiaux, qui
prononceraient selon la parole de Dieu (décembre 1535).
318 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Vergerio, revenu d'Allemagne, fut envoyé à l'empereur, qui
lui-même arriva à Rome en avril 1536 et eut de longs entretiens
avec Paul III. Le 2 juin, le pape annonça que le concile s'ou-
vrirait à Mantoue en mai 1537. Les catholiques reçurent la
bulle avec joie ; les protestants soulevèrent de nombreuses
difficultés. En février 1537, sur l'avis du prince électeur de
Mayence, le nonce Pierre Vorst, accompagné du vice-chancelier
de l'empire, M. Held, se rendit à Smalkalde, où les princes pro-
testants s'étaient réunis. Dans cette assemblée, la fureur contre
le pape, qui allait convoquer le concile si souvent réclamé, ne
connut plus do bornes ; les princes, embarrassés des promesses
qu'ils avaient faites, étaient singulièrement aigris. Leurs théo-
logiens, convaincus qu'ils y seraient condamnés, jetaient feu et
flamme, Luther surtout, qui avait voué tous les conciles au
diable, et qui traitait le pape de Satan incarné.
C'est dans cet esprit ipie furent rédigésles articles (vingt-trois)
de Smalkalde, diamétralement contraires à la Confession d'Augs-
bourg. Lo purgatoire y était qualifié de fantasmagorie du
diable ; le pape, d'Antéchrist, do menteur et d'assassin ; la messe,
le culte des saints, etc., indignement blasphémés : ce qui
n'empêcha pas les luthériens d'accorder à ces articles la valeur
d'un Symbole. Mélanchthon, chargé d'écrire sur l'autorité des
évêques et du pape, aboutit à cotte conclusion que la primauté
pontificale devait être conservée, non en vertu du droit divin, mais
en vertu du droit humain. Cette décision déplut à l'assemblée
surexcitée. Luther, qui voyait déjà sa doctrine adoptée par un
grand nombre de royaumes et de provinces, la rejeta, et, en
sortant de Smalkalde, le nouveau dictateur religieux dit aux
prédicants (jiii l'accompagnaient : « 0^*^ i^i^u nous remplisse
de haine contre le pape ! » La haine du pape, voilà ce qu'il a
laissé aux siens comme gage sacré de son amour 1
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 86,
Rayn., an. 1535, n. 26 et seq.; Le Plat, II, p. 518 et seq., 534 et seq.
(ibid., p. 535-554, propositions de Faber pour la préparation du con-
cile; et p. 551-560, sa lettre au nonce Morone, de 1536, de Nccessitate
concilii) ; Lfrninier, Mon. Val., p. 146 et suiv., 177 et suiv. Bulle de
convocation de Paul Ifl : Hayn., an. 1536, n. 35; Sarpi, 1, § 15;
Pallav., III, XIX ; Le Plat, II, p. 526-530. Le pape, aux rois de Dane-
niarck et de Pologne : Hayn., an. 1536, n. 41. 4L'; an. 15:i7, n. 20; Lo
r.F, pnoTF.sTA.NTisMi:. 3 ni
Plat, II, p. r)60 et soq., "»84. Mémoire de François I" sur le concile de
1Ö3Ö : Le Plat, II, p. 520 et suiv. Sur Joachim I"' et Joacliim II de
Brandebourg : Rillel, II, p. 682-703; Hist.-pol. Bl., 1851, t. XXVIII,
p. 29! el suiv.; Ad. Müller, Gesch. der Ref. in der Mark Brandenburg,
Berlin, 1839; Spieker. Gesch. der Einführung der Ref. in der Mark
Brandenburg, Berlin, 1839 ot siiiv., 3 part. — Walch, th. xvi, p. 2290
et suiv., 2305 et suiv.; Melanchtli. Opp., ed. Bretscha., II, 962 et seq.;
Pallav., lil). IV, c. i et seq. Discours de l'ambassadeur de France aux
princes de Smalkalde, déc.153."» : Le Plat, II, p. 804-810. Charles-Quint à
Jean-Fr. de Saxe, 7 juill. 1Ö36 : Le Plat, II, p. 330 et suiv. Réponse
des princes protestants, 9 sept., ibid., p. 532. Récusation du concile
par les princes protestants, 5 mars 1537, ibid., p. 575-583; Pallav.,
IV, u; Sarpi, I, i; 55. — Art. Schmalkaldici, ap. Hase, loc. cit., p. 298
et seq.; Kœthe, p. 216 et suiv., éd. Marheinecke, Berol., 1817. Cf.
Plitt, de Aucloritate articul. Schmalkald. symbolica. Erlang., 1802;
Sander, GeschichtI. Einleitung zu den Schmalkald. Artikeln (Jahrb. f.
deutsche Theol., 1875, III); Menzel, II, p. 98; Dœllinger, Luther,
p. 669 et suiv.; Melanchth., de Potestate et Primatu Papse tract., Opp.,
ed. Bretschn., III, 271 et seq. (il forme sans cela l'appendice des « arti-
culi, qui dicuntur Schmalkaldici »).
Obstacles au concile.
87. Le concile ne fut pas encore assemblé, soit à cause de la
guerre qui venait d'éclater de nouveau entre Charles-Quint et la
France, soit à cause de la résistance du duc de Mantoue et des
dangers qui menaçaient cette ville. Paul II! était affligé des
obstacles que rencontrait la détermination du lieu : le territoire
impérial déplaisait aux Français, les États de l'Église aux
Allemands ; Venise élevait aussi des difficultés. Le pape ajourna
donc le concile (^20 mai 1537) jusqu'en novembre, et fit niander
à l'empereur et à son frère ce qui suit : Comme l'espoir de
voir les protestants participer au concile s'est évanoui, les
autres parties intéressées ne doivent plus trouver mauvais qu'il
se réunisse en Italie; si l'on choisissait une ville dans les États
de l'Église, le pape renoncerait à sa souveraineté pendant
la durée du concile. Ferdinand exposa au nonce ses scrupules
au sujet de Bologne et de Plaisance, et proposa Trente. Sur ces
entrefaites, le pape obtint de la république de Venise la conces-
sion de la ville de Vicence pour la célébration du concile, ctioisit
pour le présider trois cardinaux éminenls, et en fixa l'ouverture
320 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
ail F'' mai 1538. Il essaya de récoiicilior les monarques, alla
lui-même dans cette fin à Nice au printemps de 1538, et obtint
un armistice de dix ans. Cependant il lui fallut encore ajourner
le concile.
Conformément à la convention verbale arrêtée entre le pape
et l'empereur, le cardinal Aléandre fut envoyé en Allemagne,
où la situation des catholiques empirait de jour en jour.Le vice-
chancelior Mathias lleld ménagea (10 juin 1538) la conclusion
à Nurenberg d'une alliance défensive — la Sainte-Alliance
entre les princes catholiques. Do leur côté, les princes protes-
tants (février 1539) se réunirent à Francfort, car le landgrave
Philippe avait intercepté quelques lettres du chef do l'alliance
catholique, le duc de Brunswick. L'empereur fit entamer des
négociations avec ces princes, et ses délégués conclurent avec
eux, pour seize mois, un armistice qui fut vivement blâmé par
le cardinal Aléandre.
Luther raviva la haine contre l'ancienne Église, et les catho-
liques subirent de grandes pertes. George, duc de Saxe, mou-
rut eu 1539; son frère et successeur Henri, ardent luthérien,
appela immédiatement des prédicateurs du luthéranisme, no-
tamment l'ex-franciscain Frédéric Myconius de Lichtenfels
(il mourut en 4546), qui, depuis 1524 déjà, travaillait à
le répandre à (iotha. Malgn'' la résistance du peuple, le
nouveau duc introduisit le luthéranisme à Meissen, et les
évèques de Meissen et de Mersebourg, ainsi (]ue l'université
de Leipzig, n'obtinrent pas mêoie la tolérance du culte catholi-
que. Luther triomphait de la mort du duc George, qu'il détes-
tait cordialement, ainsi que de l'introduction de sa doctrine
dans le Brandebourg. Cette doctrine, Mathias, évoque de
Jagow, l'y propageait depuis 1528. Joachim II (1535-1.571)
l'accepta ouvertement, à l'exemple de sa mère et de son frère,
le margrave George de Neumark. Le cardinal Bernard Klesl,
prince évéque de Trente, qui avait beaucoup de crédit auprès
de Ferdinand, mourut également. D'autres épreuves non moins
cruelles furent réservées aux catholiques : ainsi l'évêque de
Schwerin (dans le Mcicklembonrg), prince Magnus, l'abbesse
Anne <le Stulberg (à (jiiediiiibourg) et la duchesse Elisabeth de
Calenberg adhérèrent à la nouvelle doctrine et l'impo.sèrent à
leurs sujets.
LE PROTESTANTISME. 321
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 87.
Pallav., IV, c. iii-viii; Rayn., an. 1537, n. 6 et seq.; Le Plat, II,
p. Ö61 el seq., ö84 et seq., 617 et seq. Rapport de la nonciature,
du 11 mai 1537 : Dœilinger, Beitr., I, p. Ij. Autres dans La?ninier,
p. 188 et suiv. — Horlleder, Ilandl. u. .\usschreibungen, th. i, liv. I,
cap. xxv-sxix, xxxn; Walcb , th. xvi , p. 2426 et suiv., th. xvii,
p. 396 et suiv.; Rillel, H, p. 523-326. Lettres d'AIéandre et d'autres,
en 1539 : Lienimer, p. 206 et suiv.; Hotl'mann, Ausführl. Ref.-IIistorie
der Stadl und L'niversitset Leipzig, Leipzig, 1739; Leo, Gesch. der
Ref. in Leipzig und Dresden, Leipzig, 1834; de Langenau, Moritz,
Herzog u. Cht", zu Sachsen, Leipzig, 1841, 2 vol.; Hasse, Abr. der
ujeiszii.-albertiu.-saechs. K. -Gesch., Leipzig, 1847; Müller, Spieker
(§ 86j et U. de MiUiler, Gesch. der ev. K.-Verf. in der Mark lirandenb.,
Weimar, 1346; Kiliel, p. 674 et suiv. Sur les mérites du duc George
de Saxe, voy. Feuill. bist, et poht., 1860, t. XL VI, livrais. 4-6.
George provoqua les visites d'églises que i'évêque Adolphe de Merse-
bourg (depuis 1514), et Jean IX de Scbleinitz, évèque de Meissen,
lirent dans son pays vers 1522; il appela à sa cour des savants catho-
liques, tels que Emser, Cochlée, le converti Wizel, Pierre Sylvius,
Augustin Alvald, 0. S. l., Amnicola, abbé cistercien. Les sermons
d'Alexis Chrosner de Coiditz (Colditius). que celui-ci publia dans la
suite à Wittenberg, ne furent pas prononcés tels quels à la cour du
duc, mais remaniés dans le sens de Luther, comme Seidemann l'avoue
dans ses éclaircissements. Sur le prédicateur de la cour du duc Henri,
Jacques Schenk, réformateur de Fribourg, voy. Dœilinger, Réforme, II,
p. 130 et suiv.
Préparatifs d'un nouveau colloque.
88. Le parti protestant, qui rejetait toutes les décisions du tri-
bunal de l'empire comme émanées de juges hétérodoxes, avait
obtenu la suspension des procès entamés devant ce tribunal et
l'apaisement du désaccord religieux au moyen de colloques
depuis si longtemps désirés. Ce dernier moyen fut approuvé de
l'empereur, qui, malgré l'opposition du cardinal légat, con-
vaincu de son inutilité, annonça qu'une nouvelle conférence
religieuse aurait lieu à Spire. Plusieurs la trouvaient d'autant
plus opportune, que le pape, le 31 mai 1539, avait dû ajourner
encore une fois le concile. Une maladie contagieuse ayant éclaté
à Spire, il fut décidé que la conférence aurait lieu à Haguenau,
en juin 1540 ; mais elle ne fut réellament ouverte qu'à Worms
V. — HIST. DE l'église. 21
322 HISTOIRE DK l'ÉGLISE.
(novembre). Le pape, sur la demande de l'empereur, y envoya
l'évèque de Feltre, Thomas Campeggio, qui, après le discours
d'ouverture du chevalier Granvelle, prononça une allocution
appropriée à la circonstance. Cette assemblée devait servir de
préparation à la réunion que la prochaine diète deRatisbonne se
proposait de réaliser. La politique, alliée à la théologie, essayait
d'amener une conciliation artificielle et apparente.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 88.
Documents dans Rayn,, an. 1539, n. 5 et seq., 23 et seq.; Le Plat,
II, p. (Î22-64-7-, Dœllinger, Beitr., I, p. 16 et suiv.; Lœmmer, p. 202 et
suiv., 262 et suiv.; Pallav., IV, c. xi et seq.; Leib, an. 1540, p. 607.
Proposition du roi Ferdinand aux États, du 12 juin 1540: Raynald, h.
ana., n. 40 et seq. Réponse des États catholiques, ibid., n. 45 et seq. Les
deux docLinients dans Le Plat, II, p. 050-657. Cf. Sarpi, I, § 64. Avis de
Cochlée du 17 juin, et autres actes jusqu'en décembre 1540 : Le Plat,
II, p. 657-690.
Le sciui-luthéranisnie et le preniiei' intériiu.
Le semi-luthéranisme.
89. Plusieurs théologiens catholiques se rapprochaient à
cette époque de la doctrine de Luther sur la Justification,
notamment Albert Pigghe, qui voyait dans le péché originel
le péché d'A.dam imputé à chaque enfant, mais sans culpabi-
lité inhérente, et opposait imputation à imputation ; Jean
Gropper, chanoine de Cologne, qui accepta cette théorie et
l'enseigna d'abord clans son Enchiridion. Selon cette doctrine
(semi-luthéranisme), il y a dans l'homme une double justice :
la justice simplement imputée, qu'on acquiert par un acte de
foi spécial et qui justifie réellement devant Dieu ; la justice
inhérente, qui réside dans l'homme, mais qui est défectueuse
et toujours insuffisante. A la première se rapportaient les
textes de l'Ecriture allégués par les luthériens; à la seconde, les
textes allégués par les catholiques.
Gropper avoue que cette distinction était inconnue des scolas-
tiques ; on en voit tout au plus quelques vestiges dans Cajétan.
La plupart des théologiens catholiques la trouvaient insoutena-
ble. Gropper la fit accepter non seulement à plusieurs savants
d'Allemagne, y compris Jules de Pflug, mais encore au cardi-
LE PROTESTANTISME. 323
nal Contareni, qui rédigea à Ratlsbonue, sous son influence, un
traité de la justification (mai 1541), qui se répandit en Italie et
fut même approuvé des cardinaux Réginald Polus et Jean
Morone. Ce fut aussi à Gropper que le général des augustins,
Jérôme Seripando, emprunta dans la suite, à Trente (été de
1546), son plan d'une théorie de la justification, qui fut approuvé
seulement par trois de ses confrères, par un servite et par un
Espagnol. Mais d'ailleurs le projet fut énergiquement repoussé,
et il fallut le remanier de fond en comble.
Les théologiens plus pénétrants s'aperçurent bientôt que
cette doctrine n'était qu'un luthéranisme déguisé, basé sur
cette erreur fondamentale que l'homme ne peut jamais, malgré
tous les secours de la grâce, arriver à une justice réelle et
valable aux yeux de Dieu ; qu'il a besoin par conséquent d'une
justice étrangère parfaite, qui lui est simplement imputée. En
1544, la faculté de Paris fit au général Seripando des remon-
trances au sujet de plusieurs augustins qui inclinaient aux doc-
trines protestantes.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 89.
Cf. Vega, de Justiticat., p. 159, éd. Colon.; Ruard. Tapper,
Explicat. articul. Fac. Lovan., II, 42; Stapleton, de Justif., p. 237;
Dœllinger, Réf., 111, p. 313. Albert Pigghe (Pighiusj, mort en 1543 à
Utrecht, Controversiarum prœcipuarum m coniitiis Ratisbon. Iracta-
tarum explicatio, Colon., 1542; Controv. II de fide et justif. Cf. Linse-
manu, A. Pighius u. s. theol. Standpunkt (Tüb. theol. Quartaischr.,
1866, IV). Son disciple, Jean Gropper, né en 1502, enseigna la même
doctrine que lui dans son Enchiridion, qui était annexé comme
manuel populaire de la religion aux canons du concile provincial de
Cologne, et plus clairement dans ÏAntididagma de 1 544. Possevin dit
de ÏEnchiridion (Apparat, sac, f. 890) : « Certe in modo loquendi doc-
trinam Melanclithonis et Buceri valde redolet. » Dans l'Index de Soto-
major, le chapitre tout entier de la justiiication est signalé comme
répréhensible. Les théologiens de Louvain blâmèrent également la
réunpression de sun Antididngma, faite dans celte ville. Voy. Dœllin-
ger, III, p. 308-3H ; Jansen, de Juho Püug, Berol., 1858. Le Traité de
la juslitication, par Contareni (mort en 1542j, fut encore approuvé de
la Sorbonne en 1571 ; mais il fut supprimé en 1589, par ordre de l'in-
quisiteur Marco Medici, de Venise. Lui-même eut à s'expliquer sur le
reproche d'enseigner des doctrines hérétiques ; il parvint à se justifier.
Epist. Poli, III, 213; Rayn., an. 1541, n. 38; Ranke, R. Paepste, I,
324 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
p. 4Ö1-155, 200. Sur le cardinal Poliis, Poli Epist., cd. Quirini, III, xxv,
28 ; IV, IÖ2. La lenlative que lit Quirini pour présenter la doctrine de
Contareni comme catholique, fut combattue par Kiesling, Epistola de
Conlareno ad Quirinum, Jen., 1749. Le cardinal Moroue lit plusieurs
fois réimprimer dans son diocèse de Modène le livre del ßenelicio di
Cristo (voy. § 202), et sous Paul IV il fut accusé de s'être exprimé
d"une façon incorrecte sur la justification. Schelhornii Amœnilat. liter.,
XII, 568; Dœllinger, III, p. 312; G. -F. Sclopis, le card. Jean Morone,
Paris, 1869; Pastor, p. 167 et suiv. Seripand à Trente : Pallav., VIII,
XI, 4-7. Carafa écrivit contre lui : Bromato, Vita di Paolo IV, t. II,
p. 131. Lettres de la Sorbonne à Seripand, 2 mai et août 1544 : du
Plessis d'Arg., 1. 1, append., p. xiii. Déjà en 1523, l'augustin Arnold de
Bornosto (Bornossio) avait émis des propositions luthériennes sur la
satisfaction et le purgatoire; il dut les rétracter sur l'ordre de la Sor-
bonne (il)id., t. 1, part. II, p. 403 et seq.; t. III, p. I, p. xx). La même
chose arriva ù Jean Bernard, au sujet de propositions sur les comman-
dements de l'Église, le jeûne, etc. En 1543, il fut accusé d'avoir débile
des sermons hérétiques, comme en 1545 son confrère Léger Grimault
(ibid., 11, I, p. 136; 1. 1, app., p. xxxvii); en 1537, Hardicius et Morielus
(ibid., t. I, app., p. x) ; en 1540, J.-an Bareuton ; en 1541, Morelet
(t. II, I, p. 131-133).
Philippe de Hesse et Bucer. Disputes de "Worms et de
Ratisbonne.
90. Bucer jouissait alors d'un très grand crédit auprès de
Philippe de liesse, le plus influent des princes de l'alliance de
Smalkalde; il espérait, grâce à lui, propager la réforme dans
les parties encore catholiques de l'A-Uemague, et améliorer aussi
la situation religieuse des protestants. On pouvait, suivant lui,
par la perspective d'une paix allemande et d'une réforme géné-
rale de l'Église, i)ar do grandes concessions relativement à la
constitution de l'Église et au culte, faire adopter des catholiques
la théorie de la justification, qui trouvait un si facile accès,
d'aul.uit plus que Gropper faisait la moitié du chemin. Le dessein
de Philippe était de gagner les évèques allemands par une sage
condescendance. Lui aussi comprenait que si la théorie protes-
tante de la justilication était adoptée, elle amènerait le triomphe
complet du protestantisme parmi les catholiques, et que ceux-ci
donneraient pleinement dans le piège. 11 prit ses mesures en
conséquence.
Au colloque do Worms, Eck et Mélanchthon discutèrent en
LE PROTESTANTISME. 32o
prenant pour base la Confession d'Auf^sbonrg, ce (jui pro-
mettait peu (Je succès. En décembre 1540, on traita de la justi-
fication et du péché originel. Eck rédigea une formule qui fut
à la fois rejetée par les protestants décidés et par les délégués
de Brandebourg, de Clèves et du Palatinat. Gropper essaya d'in-
tervenir en prétendant qu'où s'était mal entendu jusque-là,
qu'on n'avait disenté que sur des mots. Mélanchthon n'eut pas
de peine à le réfuter. Déjà les protestants espéraient qne les
savants de Cologne adhéreraient à leur doctrine de la justifica-
tion. La cûntrovers(! traîna en longueur. Eck et Mélanchthon
dissertèrent pendant trois jours sur la culpabilité des premiers
mouvements de la concupiscence et sur l'impossibihlé d'accom
plir les préceptes divins. Granvelle interrompit entîn les négc
ciations et les Iran.sféi'a à Hatisbonne (5 avril 15il).
Philippe provoqua à Worms une autre conférence entre Buccr
et Capiton d'une part, Gropper et Gérard Veltwick, secrétaire de
l'empereur, d'autre part; il en résulta un écrit qui présentait la
foi sous un faux jour et tout à fait dans le sens de Bucer et de
Gropper.
OUVRAGES A CONSULTER SLR LE N" 90.
Avis de Bucer au landgrave Philippe, 28 mai J539: Neudeckers
Urkunden, Cassel, 1836, p. 353; Dœllinger, II, p. 42 et suiv.; III,
p. 314 et suiv.; Rœder, de Colloquio Wormatiensi, an. Io40, intt^r
Protest, et Pontiticios Theologos cœpto, sed non consumniato, disquis.,
ex MS. Ebneriano facta, Norimb., 174»-. Négociations : Corp. Reform.,
III, xxxu, XLU, 1229; Walch, part. XVH, p. 4:)3 et suiv.; Melanchth.
0pp., éd. Bretschn., t. IV, p. 1 et seq.; Rayii., an. 1340, n. 15-24,
b4 et seq. Rapport des nonces : Lseramer, p. 269 et suiv., 301 et suiv.
Autres actes : Dœllinger, BeiU\, I, p. 29 et suiv., 32 et suiv., u. 8, 9.
Proposition de Philippe à Bucer : Buchhoiz, Gesch. Ferd. I, t. IV,
p. 360; Dœllinger, Réf., III, p. 315 et suiv.
Colloque de Ratisbonne.
9i. A la diète qui allait s'ouvrir à Ratisbonne, et à laquelle
le pape envoya le cardinal Contareni et le nonce Morone, se
rattachait naturellement la continuation du cûllo(ine religieux.
L'empereur y nomma, pour les catholiques, Eck, Jules Pflug et
Gropper; pour les protestants, Mélanchthon, Bucer et Pistorius
de iNidda; pour présidents, son chancelier de Granvelle, Fré-
déric du Palatinat et plusieurs coüseiliers de princes. L'empe-
320 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
reur chargea le cardinal légat de transmettre ses propositions à
la diète (le cardinal fit an moins adopter cette clause : « sans
préjudice du recez d'Augsbourg »), de même que l'écrit qui lui
fut remis par Gropper, Bucer et Veltwick. Contareni et Morone
l'examinèrent, et demandèrent des corrections en plus de
vingt endroits; Gropper y consentit. Contareni se montra satis-
fait des changements, mais ne voulut point donner d'appro-
bation officielle.
Morone éprouvait une aversion invincible pour cette ma-
nœuvre artificieuse, ijue Eck avait pénétrée dès le début. Lors-
qu'on donna lecture do l'écrit, il sembla d'abord que le succès
serait favorable. L'article sur le pape fut retiré; sur la réserve
et l'adoration de l'Eucharistie, sur la transsubstariitiation, l'on
ne parvint pas à s'entendre ; par contre, on se rapprocha d'assez
près sur la foi, la justification, les œuvres et le baptême ; mais
ici, la position de Mélanchthon était aisée : car Eck, souvent ma-
lade et empêché, était de plus conlrecairé par Gropper, ainsi
que par Pflug, entièrement sons la dépendance de Gropper.
Mélanchthon invoquait surtout cet argument : Si nous
sommes justes à cause de Jésus-Christ, ce n'est pas à cause de
nos vertus ; si nous le sommes à cause de nos vertus, ce n'est
pas à cause de Jésus-Christ. Il ne cessait de faire ressortir ce
qu'il y avait de consolant dans cette doctrine, et ne voulait pas
approfondir les réponses des catholiques. Diverses formules
furent successivement dressées : l'une d'elles, proposée par le
légat et favorable à la manière de voir de Gropper, fut rejetée
par les protestants; une autre, rédigée par Mélanchthon, fut
repoussée par les catholiques; celle des catholiques, enfin, le fut
par les théologiens protestants. Une nouvelle formule fut établie
sur la base du chapitre (de Bucer et Gropper) contenu dans le
projet d'accommodement de l'empereur. Par cette formule,
chaque parti crut avoir contenté ou surpris l'autre parti, sans
être lui-même entièrement satisfait; cependant elle était plus
favorable aux protestants qu'aux catholiques; elle déplut à la
fois et aux luthériens rigides et au Saint-Siège. Les principales
doctrines protestantes — la foi spéciale, la certitude immé-
diate de l'état de grâce, la justice imputée — étaient entre-
mêlées à l'enseignement calholiipie, presque sans transition, et
dissimulées sous des expressions équivoques.
LE PROTESTANTISME. 327
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 91.
Instruct. pour Contar., du28janv. 1541 : Quirini, Epist. Poli, III, 286.
Cf. Pallav.,lV, xiu et seq., du 13 juin; Lœmmer, p. 376 et suiv., n. 221.
Discours de Eck (li avril) sur l'Eucharistie, ex éd. Antwerp., 1541 :
Le Plat, 111, p. 1-8. Proposition de l'empereur et les 23 articles : Gol-
dast, II, p. 182 et seq.; Raynald, an. 1341, n. 6 et seq.; Le Plat, III,
p. 8-44. Explications des États protestants : Goldast, II, p. 200 et seq.;
Rayn., loc. cit., n. 12 et seq.; Le Plat, III, p. 44 et seq. Cf. Neudecker,
Merkw. Actenstiicke, p. 249 et sniv,, 276 et suiv.; Acta in conventu
Ratisb., éd. Melanchth., Viteb., 1341; Melancht. 0pp., éd. Bretschn.,
IV, 119 et seq.; Corp. Ref., IV, 303 et seq.; Walch, part. XVII, p. 693
et suiv., 725 et suiv.; Ztschr. f. bist. Theol., 1836, II; Dœllinger, III,
p. 318-322; Hergang des Relig.-Gesprœchs zu Regensb., Berl., 1838.
Rapports de la nonciature, dans Lœmnier, p. 338 et suiv.; Riffel, II,
p. 349 et suiv.; II. Schisfer, De libri Ratisbon. origine atque bist.
Comment, bist., Bonner Dissertation, 1870; Tb. Brieger, De formulai
Concordiœ Ratisbon. origine atque indole ; Hall. , Habilitations-
schr., 1870.
Premier intérim de Ratisbonne.
92. Mais on ue s'accorda point sur l'Église, l'Eucharistie, la
satisfaction, la confession, le pape et les conciles. Sur ces ar-
ticles, Gropper rendit plus de services à la cause catholique;
armé des textes des Pères, il fit une si vive opposition aux pro-
testants, que ceux-ci s'estimèrent heureux de voir échouer, au
moins pour cette fois, les tentatives de conciliation. Les luthé-
riens, qui avaient été appuyés par Amsdorf, envoyé de l'électeur
de Saxe et ennemi de tout tempérament, et qui réclamaient
l'abolition du culte des saints, des vœux monastiques, des in-
dulgences, du célibat, etc., toutes choses que les théologiens
catholiques repoussèrent énergiquement, n'avaient pas obtenu
tout ce qu'ils voulaient. Les principes admis de part et d'autre
rendaient l'union impossible; elle aurait déjà politiquement
échoué par cela seul qu'une grande partie des princes et la
France étaient jaloux de la puissance que l'empereur aurait
retirée de l'unité religieuse de l'Allemagne,
Contareni comprenait parfaitement que quand même les
théologiens se seraient entendus, l'hérésie n'eût pas encore été
abolie, car elle favorisait la cupidité et l'ambition des princes.
D28 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Il n'y avait que des évèquos, tles théologiens, des prédicateurs
capables — et leur nombre était encore trop faible à cette époque
— qui pussent venir en aide aux Allemands. Quant à l'empereur,
qui projetait une nouvelle expédition en Afrique pour protéger
l'Espagne, il voulait que chacun se consolât dans l'espoir d'un
concile; en attendant, il ordonnait solennellement que l'on recon-
nût les doctrines sur lesquelles on était d'accord en apparence.
L'empereur communiqua donc aux États les négociations
du congrès et les propositions faites aux évêques par le légat
pour le rétablissement de la discipline parmi le clergé; ildéclara
que le cardinal, malgré sa protestation, avait adhéré aux arti-
cles convenus. Plusieurs villes catholiques se montraient favo-
rables à ces articles, mais ils avaient contre eux les princes et
les évêques. Cependant ceux-ci proposèrent de confirmer les
précédents édits, de réunir un concile œcuménique, ou du
moins un concile national allemand. Les protestants désap-
prouvèrent les réformes disciplinaires du légat, demandèrent
le retrait des édits rendus contre eux, se prononcèrent contre
un concile qui serait dirigé par le pape et par ses favoris,
essayèrent de restreindre encore davantage les articles concer-
tés, d'affaiblir les raisons que le légat opposait à un concile
national, en disant qu'un tel concile ne pouvait pas trancher
des questions dogmatiques et pouvait aisément engendrer des
divisions.
Enfin (28 juin io41), l'empereur publia un formulaire exces-
sivement modéré, qui, avec les articles convenus, prit le nom
d'interùn de Ratisbonne. D'après cet iiitetim, les deux partis
devaient s'en tenir auxdits articles jusqu'au prochain concile,
soit œcuménique, soit national allemand, ou jusqu'à la pro-
chaine diète, à laquelle l'empereur promettait d'obtenir la
participation d'un légat du pape ; ils observeraient exactement
et dans tous les points la paix de Nnrenberg (1532), et s'abs-
tiendraient de détruire les couvents ; les catholiques, de leur
coté, se conformeraient aux prescriptions disciplinaires du
légat. On tempéra le décret d'Augsbourg et Ton suspendit tous
les procès entamés devant le tribunal de l'empire, quand il y
avait doute s'ils étaient compris ou non dans la paix de Nuren-
bcrg.
Les prolestants ne furent pas encore contents, et ils exigèrent
LE PROTESTANTISMIÎ. 329
davantage, harlcs- Quint, afin de se procurer des ressources
pour la guerre, céda eu partie, et il accorda de plus aux États
luthériens le droit de réformer (supprimer) les couvents situés
sur leurs territoires, sans parler de quelques autres concessions
(déclaration du 29 juillet).
Cependant aucun des partis n'accepta les articles de la con-
vention. Il fut heureux pour les catholiques, à qui l'intérim de
Ratisbonne eût été souverainement dangereux, que Luther et
son électeur refusassent toute concession : ce refus fit complè-
tement échouer les artifices de Bucer et du landgrave Philippe.
Charles-Quint, dont l'unique intérêt était alors d'étouffer les
divisions religieuses, consentit même à envoyer à Wittenberg
une ambassade solennelle, composée des princes d' Anhalt et de
Schulenbourg, et d'un théologien (protestant), Alésius. Mais
Luther poussa l'audace jusqu'à exiger des théologiens catho-
hques l'aveu public qu'ils avaient jusque-là enseigné l'erreur,
et qu'ils rétractaient formellement leur doctrine sur la justifi-
cation.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE iN° 92.
Autres documents : Le Plat, III, p. 89 et seq.; Pallav., IV, xv. Reces-
sus Ratisbon.: Rayn., h. an., n. 34; Le Plat, III, p. 124 et seq.; Sarpi,
I, ^ 63; Koch, p. 428 et suiv.; Walch, part. XVII, p. 962 et suiv.
Déclaration du recez : Walch, loc. cit., p. 999 et suiv.; Dœllinger,
Beitr., I, p. 36-38, n. 10; Wiedemann, J. Eck, p. 292 et suiv.; Bieck,
Das dreifache Interim, Leipzig, 1721. Le peuple, plaisantant sur les
noms des conférenciers, fit ce jeu de mot : « Ils labourent (Pflug),
hersent (Eck), creusent (Gropper), peignent (Mélanchthon?), bros-
sent (Bucer), cuisent (Pistorius), et n'aboutissent à rien. » Mélanch-
thon, dans une lettre à Veit Dietrich, du 4 nov. 1541 (Corp. Reform.,
IV, 693), montrait beaucoup de colère contre les « architecti
labyrinthi Ratisbonnensis »; il attribuait au landgrave Philippe (ibid.,
p. 116, lettre du 9 mars) « quamdam ingenii pravitatem Alcibia-
deam ». Mais il était encore plus courroucé contre Bucer (ib., p. 409
et seq., 435; III, 973; de Wette, V, p. 14). Dans l'Hist. Convent.
Ratisb. (ib., p. 330, 332), il est dit : « Farrago illa neutri parti satisfa-
ciebat, et quia novas quasdam sententias continebat et quod pleraque
erant obscura, impropria el flexiloqua. » Luther disait que le diable
avait dirigé cette affaire, que depuis le commencement de l'Évangile
aucun écrit plus infâme n'avait paru contre son parti. Il traitait Bucer
d'hypocrite, que Dieu confondait maintenant. Le terme de « justilication
330 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
par la foi vivante et efficace », il l'appelait un « misérable rapiéçage »
(Corp. Reform., IV, 237; de Wette, V, p. 3Ö3, 383, 388). L'électeur de
Saxe protesta énergiquement, et la dispute ne fit que s'envenimer.
Eck rejeta ce factum et le l'éfuta ; Gropper et Ptlug essayèrent de se
justifier dans une apologie (Pallav., IV, xv, 3-13; Le Plat, III, p. 109
et suiv.). D'après le récit de Morone, 14 avril 1841 (Laemmer, p. 369 et
seq., n. 217), le cardinal de Mayence aurait dit : « L'empereur croit
tenir le landgrave dans ses mains, et il ne presse qu'une anguille; les
luthériens n'entendent point se réunir à nous, mais nous attirer à
eux. » Sur l'attitude des princes, voy. Ranke, les Papes romains, I,
p. 164 et suiv.; Menzel, II, p. 205. Sur les autres travaux de Gropper,
voy. Cruciger, dans Corpus Ref., IV, 306. Sur Contareni, Pallav., IV,
XIV, 13; Le Plat, III, p. 91 et seq., 93 et seq., 101 et seq.; Brieger,
Gasparo Contareni u. das Regensb. Relig.-Gespr<Ech d. J., 1541, Gotha,
1870; Pastor, p. 184 et suiv., 218 et suiv.
Eies événements depuis 1541 jusqu'en 15-16.
Polygamie du landgrave de Hesse.
93. Autant les progrès du protestantisme étaient brillants au
dehors, autant la situation intérieure de la nouvelle Eglise était
embarrassée. Luther lui-même se plaignait amèrement de
l'immoralité qui régnait parmi ses partisans : elle dépassait, de
son propre aveu, ce qui s'était vu « sous la papauté ». L'ivro-
gnerie, la débauche, la grossièreté , une licence effrénée,
avaient envahi toutes les conditions, sans excepter les princes.
La polygamie même était eu honueur : le landgrave de Hesse, qui
vivait en état permanent d'adultère, songeait à contracter un
second mariage, afin, disait-il, d'apaiser les remords de sa
conscience, qui ne voulaient point céder devant la foi qui seule
justifie. Il s'adressa au complaisant Bucer, et lui remit, pour
Luther et Mélauchthon, une lettre où il demandait leur avis et
leur approbation pour le projet qu'il méditait.
Marié depuis seize ans avec Christine, fille de George, duc
de Saxe, qui lui avait donné huit enfants encore vivants, il
désirait contracter un second mariage avec Marguerite de la
Sahl , dame d'honneur de sa sœur Elisabeth. Sa forte
constitution, disait-il, ses nombreuses abseuces exigées par les
diètes impériales et provinciales, où il fallait faire bonne chère,
ne lui pcrmeltaient pas de demeurer seul, et il ne pouvait
emmener avec lui son épouse avec sa cour. Cette demande jeta
LE PROTESTANTISME. 331
dans un grand embarras les apôtres de la nouvelle doctrine,
d'autant plus que Philippe, qui avait été jusque-là leur plus
zélé protecteur, menaçait de déserter leur cause. Ils se décidèrent
enfin à lui accorder une dispense telle que le pape n'en avait
jamais donné. En suite d'une « consultation de conscience »
(1539), signée de Luther, Mélaiichthon, Bncer et cinq théolo-
giens hessois, suivie d'un avis de Mélanchthon, ils permirent
au landgrave d'épouser, « pour le salut de son corps et de son
âme et pour la gloire de Dieu », la seconde femme qu'il con-
voitait; mais le mariage devait être célébré devant un petit
nombre de témoins et demeurer secret.
Le 4 mai 1540, le mariage fut célébré par le prédicateur de
la cour de Hesse, Denys Mélandre, qui lui-même avait pris trois
femmes. Melanchthun, présent à la cérémonie, prononça une
allocution dans laquelle il exhorta Son Altesse le landgrave, en
reconnaissance de l'induit qu'on lui avait fait d'une seconde
femme, à mieux soigner les curés évangéliques et les maîtres
d'école, à s'abstenir désormais de tout adultère , fornication
et paillardise, et à tenir l'induit absolument secret.
Luther, comprenant qu'un tel acte était injustifiable, ne
voulut ni refuser son consentement, ni convenir qu'il « s'était
trompé et avait commis une folie » ; mais il se tranquillisa bientôt,
et résista à Henri, duc de Brunswick, à cause de son commerce
criminel avec Eve de Trotta. Mélanchthon en fut si chagriné
qu'il tomba malade, car l'affiiire ne tarda pas à être divulguée;
mais il essaya de cacher son dépit, « afin de braver le diable et
les papistes ». Quant au landgrave Philippe, rassuré désormais
parla permission des réformateurs, il vécut tranquillement avec
ses deux femmes, qui lui donnèrent l'une et l'autre une nou-
velle postérité : la margrave, deux nouveaux fils et une fille ;
la « femme suppléante », six fils (les comtes de Diez). Il avait
donc en tout dix-sept enfants « issus de mariages». Bucer com-
posa, sous le nom d'Ulric Neobulus, une justification de la poly-
gamie, bien que le Code criminel de Charles- Quint punît ce
crime de la peine capitale.
OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 93.
Dans rititerpvétation du o« livre de Moïse (Walch, part. III, p. 2277),
Luther assure que ses évangéliques sont sept fois pires qu'ils étaient
332 HISTOIKE DE l'ÉGLISE.
SOUS le papisme ; il reproche aux Allemands leur ingralilude envers
lui, leur plus grand bienfaiteui", et envers l'Évangile, et il appelle la
Saxe, qu'il avait réformée, le plus damné des pays (Walch, part. Vlll,
p. ion et suiv.) En 1531, il essayait de s'en consoler en disant que
l'immoralité n'était qu'un fait passager accidentel (Runhardt, Beitrieg.,
I, p. 138); mais il avouait de nouveau en 1538 qu'il n'eût pas com-
mencé son oeuvre, s'il eut prévu ces conséquences (Walch, part. VIII,
p. 564). Il rejette une grande part de la faute sur les prédicants
(Walch, part. "VI, p. 3294; Mathes., Vie de Luther, en allem., p. 118,
i21). Dans les dernières années de sa vie, sa mauvaise humeur sur ce
point s'accrut encore sensiblement. Voyez les preuves complètes dans
Dœllinger, Reform., t. I [passim); t II, p. 426-452. Sur l'ivrognerie,
Walch, part. V, p. 1576; part. X, p. 2666; part. XIX, p. 164. Secken-
dorf, de Luth., lib. III, p. 277 et seq.; Ilasscncamp, Hess., K.-C, im
Zeitalter der Ref., Marb., 1852, t. I; Menzel, II, p. 191; Schmitt,
Versuch einer philos.-hist. Darstell., p. 429 et suiv.; Riffel, II, p. 332
et suiv.; Hist.-pol. Bl., t. VII (18il), p. 751 et suiv.; das Grabmal der
Margar. v. d. Saal (morte en 1566), t. XIV, xvi ; Bt. XVIII, p. 224 et
suiv.; t. XX, p. 93 et suiv. Le ^< conseil de conscience », la lettre de
Luther à Philippe, le votum et l'allocution de Mélanchthon à la
<■<■ femme annexée », ont été publiés en entier d'après les originaux des
archives de Cassel par lleppe (Documents supplémentaires sur l'his-
toire du double mariage du landgrave Philippe de Hesse, dans la
Revue de théologie historique, de Niedner, 1852, t. II, p. 262-283),
avec cet aveu que les théologiens de cour éliminèrent ainsi tous les
éléments moraux du mariage. Autrefois, ces documents avaient été
publiés en partie par Bossuet, Hist. des var., I, p. 362 et seq., trad.
par Mayer, I, p. 286-310; Ulcnberg, Gesch. d. luth. Ref., II, p. 468-
484 (cf. Rœsz, Couvert., Il, p. 550 et suiv.); de Wette, V, p. 237; VI
(de Seidemann, Berl., 1856), p. 239 et suiv., 273 et suiv. Jean Lenig,
chartreux apostat et curé à Melsungeii, qui maltraitait sa femme et
qui, après sa mort, épousa à 70 ans une servante de Marguerite et
mourut en 1565 (voy. Dœllinger, t. II, p. 211 et suiv.), avait, comme
conseiller de conscience de la « femme annexée », essayé de la tran-
quilliser sur ses scrupules de conscience, dans un écrit qu'il lui avait
adressé avant son mariage. Biicer fil l'apologie de la polygamie, qu'on
blAmait avec beaucoup de sévérité (Cod. Carol. crim., CGC, art. 121).
Voy. Doîllinger, II, p. 43 et suiv. Jugement de Mélanchthon : voy. Corp.
Reform., II, 520 et seq. 11 est établi depuis longtemps que le prétendu
double mariage du comte de Gleichen, lequel aurait eu lieu avec l'ap-
probiilioii du i)ape, est une invention : Placid. Muth, 0. S. B., Disquis.
hist. cri t. ni bigauiiam com. do Gleichen., Erfordi, 1788 3 Stapf, Pasto-
LE PROTESTANTISME. 333
raluutorriclit über die Ehe., ,^« éd., p. 337-340; L.-J. liesse, Archiv,
für stechsische Gesch., von Wachsmiith und Weder, Leipzig, 18C3 et
suiv., t. I-Ul ; Wegele, dans Sybel, Hist. Ztschr., 1864, XI, p. 534.
Violences des protestants. — Troubles de Cologne.
94. Les attentais des protestants devenaient de plus en plus
nombreux et violents. Le chapitre venait de nommer à l'évèché
vacant de Naumbourg-Zeiz le prévôt de la cathédrale, Jules de
Pflng. Jean-Frédéric de Saxe y intronisa par la force le prédi-
cant luthérien Nicolas Amsdorf, nommé par lui; il l'institua
en 1542, en lui assignant les revenus d'un curé, tandis que lui-
même faisait administrer le temporel par ses agents. Luther
(20 janvier 1542), pour attester sa dictature absolue en matière
religieuse et insulter les catholiques, « ordonna » évèque
Armsdorf, sans aucun rite religieux, et se justifia dans un
écrit particulier. La même année, Henri, duc de Brunswick-
Wolfenbuttel, fut attaqué par les chefs de l'alliance de Smalkalde,
obligé de se réfugier en Bavière et dépouillé de ses États, où le
luthéranisme fut introduit par la force. Hildesheim, où la nou-
velle doctrine, était encore peu répandue en io3l, fut traité de
la même façon par les protestants, et peu s'en fallut que l'élec-
torat de Cologne ne tombât tout entier entre leurs mains.
L'archevêque Hermann, comte de Wied (depuis 1515), qui
avait jadis combattu la nouvelle doctrine et préparé dans un
concile provincial de Cologne (1536) les voies à une réforme
salutaire du clergé, était trop amoureux des plaisirs et d'un
esprit trop borné pour n'être pas bientôt circonvenu par le
nouvel Évangile et dominé par l'influence de l'astucieux Bucer.
11 manda celui-ci à Buschhoven, près de Bonn, et le fit conférer
avec le coadjuteur Nopelius et le chanoine Gropper (1541). Le
chapitre de la cathédrale ayant réclamé, l'archevêque congédia
Bucer; mais il le rappela bientôt après, le chargea, en décem-
bre 1542, de faire, au couvent des franciscains, des conférences
publiques sur les Épitres de saint Paul, et lit répandre un écrit
où Bucer se justifiait. 11 fut ensuite personnellement appuyé
par Mélanchthon, K. Hedio de Strasbourg, Pistorius, etc. Déjà
des communes protestantes se formaient à Bonn, à Andernach,
à Linz, etc. Bucer et Mélanchthon esquissèrent un plan complet
de réforme, qui souleva, comme l'écrit de Bucer, les réclama-
334 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
tions du chapitre, de l'université et du clergé. Le pape et l'em-
pereur encouragèrent les catholiques à résister énergiquement
aux nouveautés, et le conseil de Cologne les rejeta.
Charles-Quint décida entin l'archevêque à congédier ses
réformateurs. Mais quand on vit que sa condescendance n'était
qu'hypocrisie, les états, le chapitre, l'université et les magis-
trats en appelèrent au pape et à l'empereur (18 novembre 1544).
L'appel fut accepté de part et d'autre. Charles-Quint prit (juin
1545) le clergé sous sa protection, et menaça du ban de l'empire
quiconque attenterait sur lui. il invita aussi l'archevêque à
rendre compte de ses actes dans l'espace d'un mois. Paul III,
de son côté, le somma de se présenter devant lui dans le terme
de soixante jours. L'archevêque, n'ayantpas comparu, futfrappé
de l'excommunication (16 avril 1546), dépouillé de ses dignités
et de ses fonctions ; ses sujets furent déliés de leur serment de
fidélité.
Hermann essaya de se faire recevoir dans l'alliance de
Smalkalde; mais, comme il inclinait vers la doctrine de Zwingle,
il n'obtint que des promesses, il se retira plus lard dans son
comté de Neuwied, où il mourut en 1552, âgé de soixante-seize
ans.
Cologne, où se trouvait alors le bienheureux Pierre Canisi us,
demeura fidèle à la foi catholique. D'autres princes ecclésias-
tiques étaient également suspects : tel François de Waldeck,
qui occupait les évêchés de Münster, Osnabrück et Minden, et
fut enfin obligé d'abdiquer. D'autres étaient singulièrement
menacés : tel l'évêque de Mersebourg. Chaque jour on voyait
quelques villes embrasser la nouvelle doctrine : Halberstadt,
Halle, etc., dans le sud même de l'Allemagne, jusque dans la
Bavière et dans les États du roi Ferdinand, lequel négocia en
Bohême avec les utraquistes, fut obligé de combattre en
Autriche les tendances protestantes des Etats, et vit surgir dans
le Tyrol plusieurs prédicateurs de l'hérésie. Les partisans de
Luther s'élevaient avec audace ponrétouller l'ancienne Église.
Dans le sud de l'Allemagne, une grande partie de la noblesse
avait accepté les nouveautés, 'et benucoup de ses membres
avaient demandé des réformateurs à Luther, notamment le
comte de Werthheim (dès 1522), qtii obtint Michel Hœfer. Tout
ce qui s'était passé jusque-là ne pouvait (j n'accroître la con-
LE PROTESTANTISME. 335
fiance et la hardiesse des luthériens. En 1543, on vit le duc
même du palatinat deNeubourg, Henri, appeler Osiandrepour
réformer son pays.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 94.
Walcli, Ih. XVII, p. 122 el suiv., 8i et suiv.; Dœllinger, Réf., II,
p. 117 et suiv.; Lepsius, Wahl und Einführung des Nikol. v. Amsdorf,
Nordhausen, 1835; A. Jansen, Julius Ptlug, dans Opel, Neue Mitthei-
lungen des chursœchs. Vereins, t. X, éd. 1, 2, Nordhausen, 1864. Sur
la protestantisation du Brunswick, voy. Kilian Leib, an 1542, p. 608;
Rehtnieyer, Braunschw. K. -Historie, II; Giesz, Joh. Bugenhagen, der
Ref. Braunschw., Leipzig, 1829; Lensz, Gescb. des ev. Bekenntn. im
Herzoglh. Braunschw., Wolfenbüttel, 1830; Schegel, K.-u. Ref.-Gesch.
Norddeutschl., bes. der hannov. Staaten, Hanovre, 1828 et suiv., 2
vol.; Baring, Gesch. der Ref. in der Stadt Hannover, Hanovre, 1842 ;
Hildesheimer theol. Monatsschr., 1851, oct. et nov.; Riffel, II, p. 708
et suiv., sur Hildesheim. Voy. encore Reifenberg, Hist. S. J. ad Rhen.
infer., I, 251 et seq.; Lünkel, die Annahme des ev. Gl. -Bekenntn. v.
d. Stadt Hildesheim, Hildesheim, 1842; Hist.-pol. ßl., t. IX, p. 316-
318, 724-728; t. X. — Rel. -Gesch. der cceln. Kirche unter dem Abfall
der zwei Erzbischœfe Herm. v. Wied u. Gebhard v. Truchsesz,
Cologne, 1764; Deckers, Herm. v. Wied, Cologne, 1840; card. Pacca,
über die Verdienste des Clerus, der Univ. und des Magistrats von
Cœln um die kath. K. im 16. Jahrb., trad. de l'ital., Augsb., 1840;
Ennen, Gesch. der Reform, im Bereich der alten Erzdiœcese Cœln,
Neusz, 1849; Flor. Riesz, S. J., der sei. Petrus Canisius, Frib., 1863,
p. 43-67; G. Drouven. die Reformation in der Cœlnischen K. -Provinz
zur Zeit des Erzbischofs Hermann V, Cologne et Neusz, 1876. Le légat
du'pape trouvait déjà, le 25 novembre 1531, que Hermann de Wied
penchait vers l'hérésie (Laemmer, Mon. Vat., p. 89 et seq.; cf. ibid.,
Morone, 21 mai 1340, p. 268); Morone, le 23 février 1342. Sur l'appel
de Bucer et lettre à l'archevêque, le 28 février (ibid., p. 417 et seq.).
L'écrit de Bucer, intitulé : « Ce qu'on enseigne maintenant à Bonn au
nom du saint Évangile de Noire-Seigneur Jésus-Christ », fut réfuté
par l'Antididagma f« Rectification chrétienne et catholique ») de
Gropper (ci-dessus, § 89). Le livre de Bucer, « de Reformatione insti-
tuenda ».fut envoyé par les théologiens de Cologne, en 1345, à la
faculté de Paris. Du Plessis d'Arg., t. I, append., p. xv. — Karaps-
chulte, Einführung des Prolest, in Weslphalen, Paderb., 1866, sur-
tout p. 144 et suiv.; Fraustadt, die Einführung der Ref. im Hochstifte
Merseburg, Leipzig, 1844. Moi'one écrivait de Spire, le 10 nov. 1342,
au cardinal Farnèse (Laemmer, p. 403 et suiv., n. 233), que l'évêque
336 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.'
de Mersebourg était sérieusement menacé par Philippe dans ses droits
temporels et dans son existence. Plus tard, en 1544, George d'Anhalt
embrassa le luthéranisme, et le prévôt de la cathédrale en fit autant
en 1530; il fut élu évèque de Mersebourg par le chapitre imbu de
luthéranisme, et ordonné par Luther; mais il dut, en 1550, céder la
place à l'évèque catholique Helding (mort en 1561), et il mourut en
15C3 dans son pays natal (Dœllinger, II, p. 125). Cependant ce bénéfice
échut définitivement à la Saxe électorale. Franke, Gesch. der Halls-
chen Hef., 1841; Apfelstedt, Einführ, der Ref. Luthers in den
Schwarzburger Landen, Sondersh., 1841. Sur Franc, de Waldeck, voy.
Lit. Rundschau, 1877, p. 296. Lo protestantisme en Bavière : Hist.-
pol. Bl., 1842, t. IX, p. 14-29, dans Oesterr., Hist.-pol. Bl., t. VI,
p. 577-609; Beda Weber, Tirol u. die Ref., Innsbr., 1841. Utraquistes
en Bohème. Morone sur les négociations du roi Ferdinand avec lui :
Lsemmer, Mon. V., p. 180 et suiv., 193, n. 136, 137, 144. Mich.
Hœfer : Dœllinger, Réf., II, p. 78.
Négociations de 1542 et 1543.
95. Charles-Qiiint, en quittant Ratishonne, se rendit en
Italie, accompagné du cardinal Contarcni ; il se rencontra à
Lucques avec le pape, et conféra quatre fois avec lui sur les
obstacles i\m s'opposaient au concile et à la paix avec la France;
puis il entreprit sa seconde et malheureuse expédition contre
Tunis et Alger (novembre 154.1). Le pape négocia avec le roi
Ferdinand au sujet de Vmterim, dont il désirait la suppression ;
au sujet de la diète qui devait se tenir à Spire, et à laquelle il
envoya le nonce Morone; au sujet du concile, pour lequel les
Allemands demandaient une ville d'Allemagne. A cette
demande on objecta : 1" que le pape, désireux d'y assister lui-
même, était trop âgé pour entreprendre un si long voyage ;
2° que le lieu où la lutte avait éclaté était le moins propice
pour une discussion pacifique, et qu'enfui la situation de l'Alle-
magne n'était pas de nature à inspirer confiance aux autres
nations.
L'électeur de Mayence et d'autres Allemands avaient égale-
ment dissuadé le pape de réunir le concile en Allemagne, parce
qu'il y faudrait faire de trop grandes concessions. Morone
arriva à Spire en février 1542. Il avait aussi pour mission d'y
affermir l'alliance catholique, à laquelle le pape vint en aide
par une somme d'argent considérable. Il négocia sur les
LE PROTESTANTISME. 337
subsides à fournir pour la guerre contre les Turcs, sur la
réforme du clergé et le lieu du concile. On proposait mainte-
nant Cambrai ou Trente. Les luthériens montrèrent peu d'ar-
deur contre les Turcs, repoussèrent Trente comme lieu du
concile, profitèrent de la diète pour faire approuver leurs
violences contre Naumburg et le Brunswick et supprimer
complètement les procès entamés devant le tribunal de l'em-
pire.
Sur ces entrefaites, la guerre menaçait d'éclater de nouveau
entre la France et l'empereur. Le pape dépêcha à François P""
le cardinal Sadolet; à l'empereur, Morone, qui venait d'être élu
cardinal, et qu'il destinait, avec Polus et Parisius (16 octobre
1542), à présider le concile de Trente. Paul 111 n'avait rien
négligé pour réunir un concile, et il n'obtenait aucun résultat.
11 fit également tous ses efforts pour rétablir la paix; mais son
entrevue avec l'empereur près de Padoue (1543) ne put arrêter
la lutte, et Charles -Quint se montra bientôt offensé de la neu-
tralité du pape, quoiqu'elle lui fut commandée par sa position.
Paul III envoya de nouveau le cardinal Farnèse aux deux
princes belligérants.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 9Ö.
Pallav., lib. IV, c. xv, n. 14 et seq.; lib. V, c. i-iv; Raya., an. 1Ö41,
11. 25 et seq.; 1542, n. 2 et seq., 16 et seq.; an. 1543, n. 17 ; Le Plat,
IH, p. 127 et seq., 195 et seq.; Lsemmer, Mon. Vat., p. 391 et suiv.,
377, 388, 398-428.
Diète de Spire en 1544. — Diète de Worms en 1545. —
Deuxième colloque de Ratisbonne.
96. Au commencement de 1 544, une nouvelle et nombreuse
diète fut tenue à Spire ; les luthériens s'y montrèrent d'autant
plus arrogants, qu'ils voyaient l'empereur plus enclin à la condes-
cendance. En retour des secours eu armes qu'ils prumirent, ils
obtinrent de grandes concessions religieuses, et la position des
catholiques en fut encore aggravée. 11 fut question de réunir
un concile national, ou du moins une diète de l'empire, où l'on
devait apporter de toutes parts des projets de réforme. L'empe-
reur dépassa de beaucoup les Umites de son pouvoir, et le pape
se plaignit amèrement de sa conduite (-24 août;. Cependant le roi
de France, François 1", qui voyait les princes protestants s'élever
v. — HisT. DE l'Église. 22
338 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
aussi contre lui, fut contraint de signerlapaixdeCrespy (18 sep-
tembre 1544). Paul m prescrivit, à cette occasion, des fêtes d'ac-
tions de grâces, et annonça (19 novembre) l'ouverture du concile
de Trente pour le 1 5 mars 1545. Dans ce même mois de mars, les
États protestants, se voyant soutenus par Frédéric II du Palatinat,
se prononcèrent, avec la diète de Worms, ouverte par le roi Ferdi-
nand, contre le concile de Trente, parce qu'il serait dirigé par le
pape, dépourvu de liberté, irrégulier. Ils répondirent par un
écrit rédigé par Mélanchthon, sur l'ordre du prince électeur, con-
cernant les motifs de leur abstention, puis par un traité de Lu-
ther, aussi violent que trivial, intitulé : la Papauté fondée par le
diable, orné d'une misérable caricature. Ils repoussèrent toute
tentative de conciliation avec les catho]iques,et prétendirent que
les catholiques devaient se borner à leur soumettre leurs projets
de réforme. L'empereur, sans égard pour le concile de Trente,
consentit à préparer, pour le mois de janvier 1546, un nouveau
colloque qui se tiendrait à Ratisbonne. Le pape et les évêques
assemblés à Trente en furent mécontents, et c'est pourquoi la
première session d'ouverture fut tenue le 13 décembre 1545, et
la seconde fut fixée au 7 janvier 1546.
Les Allemands ne paraissaient pas se soucier le moins du
monde du concile; ils ne songeaient qu'à leur colloque reli-
gieux, que les protestants eux-mêmes considéraient comme
un moindre mal. Le colloque commença le 27 janvier. Les
protestants George Major, Pistorius, Schnepf, Frecht, avaient
pour antagonistes le savant dominicain Malvenda, confesseur
de Charles-Quint ; Éberhardt Billik, carme de Cologne ; Jean
Hofmeister, provincial des augustins,et J.Cochlée.La présidence
était occupée par Maurice, évêque d'Eichstaett, et par le comte
Frédéric de Furstenberg.
Comme les catholiques refusaient d'admettre la convention
conclue cinq ans auparavant sur la justification, qu'ils traitaient
d'œuvre de parti, et que les protestants eux-mêmes n'en étaient
pas satisfaits, ils espéraient l'emporter par ce moyen, ainsi que
par la concession du mariage des prêtres et de l'usage du calice
aux laïques, réclamée par le landgrave Philippe. Les questions
relatives à la conversion, à la foi, à la justification et aux bonnes
œuvres, furent traitées au grand complet. On ne visait pas à
se rapprocher, mais à s'entendre sur la question dogmatique.
. LE PROTESTANTISME. 339
Les princes protestants n'attendaient plus qu'une occasion
propice pour rompre les négociations ; ils la trouvèrent dans
une décision de l'empereur, qui associait à la présidence l'évêque
Jules Pflug, à côté des autres déjà nommés, et ordonnait de
garder le secret et de discuter de vive voix plutôt que par écrit.
L'électeur de Saxe et le landgrave Philippe rappelèrent leurs
théologiens, et la conférence fut dissoute. L'empereur ayant
blâmé les théologiens protestants de s'être éloignés de leur
propre chef et sans motifs valables, George Major répliqua que
des chrétiens ne pouvaient pas se commettre plus longtemps
avec des ennemis de Dieu, des hérétiques (d'après Tit., m, 10) .
Les Strasbourgeois voulaient qu'on proposât un autre colloque
sous une forme nouvelle ; les Wittenbergeois, ne sachant plus
où ils en étaient, déclarèrent qu'il n'y avait rien à attendre
d'une nouvelle conférence ; que cependant, dans l'état où se
trouvaient les affaires ecclésiastiques, il était désirable qu'on
s'entendît avec l'empereur et les évêques pour rétablir l'ordre
dans le domaine religieux. Les Wittenbergeois avaient perdu,
sur ces entrefaites, le chef auquel ils avaient obéi jusque-là.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N« 96.
Rayn., an. 1544, n. 3 et seq.; Le Plat, III, p. 208 et seq.; Kei-vyn de
Lettenhove, Aufzeichnungen Carls V, p. 85 et suiv.; Ranke, Deutsche
Gesch., IV, p. 307; Riffel, II, p. 736 et suiv. Rref à Charles, du
24 août: Rayn., an. 1544, n. 7; Le Plat, III, p. 237 et seq.; Roscovany,
Monum., III, p. 74-84; Pallav,, V, vi ; Sarpi, I, § 73. Autres lettres du
pape : Rayn., loc. cit., n. 8; Le Plat, p. 247 et seq. Paix avec la
France : Rayn., loc. cit., n. 24; Pallav , V, vu; Le Plat, III, 249. Con-
vocation du concile de Trente : Raynald., au. 1545, n. 38; Le
Plat, p. 255 et seq.; Pallav., V, \m. Paul III au roi Ferdinand sur la
diète de Worms, 12 mars 1545 : Raynald., loc. cit., n. 17; Le Plat,
III, p. 261 et seq. Parmi les princes protestants, Joachim II de Brande-
bourg avait continué de négocier extérieurement avec les légats du
pape (Lsemmer, p. 108, 200 et suiv., n. 150, 151), et en 1544 il avait
même demandé au cardinal Farnèse que le pape retirât au roi de
France le titre de roi très chrétien (Dœlliuger, Beitr., I, p. 38 et
suiv.). Frédéric du Palatinat, qui succéda à son frère Louis en 1544,
se révéla bientôt comme un partisan de la nouvelle doctrine. Kil.
Leib, an. 1544, p. 609; Riffel, II, p. 721 et suiv.; Blaul, D. Ref.-Wes.
in de Pfalz, Spire, 1846; Mélanchthon : « Causas quare et amplexi sint
et retinendam ducant doctrinam... (Conf. Aug.) et quare iniquis judi-
340 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
cibus collectis in synodo Trid., ut vocant, non sit assentiendum. »
Witeb.,1546, in-4°,0pp. t. IV, p. 772. Pamphlet de Luther dans Walch,
th. xvn, p. 1278 et suiv. Cf. Menzel, II, p. 352. L'abbé Prechtl l'a
fait réimprimer avec des remarques : Seitenstück zur Weisheit Dr
Martin Luthers zur Jubelfeier der luther. Reform, Sulzbach, 1817;
III* éd., 1818. Projet de reforme par Bucer : Corp. Ref., V, 694 et
seq.; par Méianchthon, ib., V, 607 et seq.; Walch, th. xvn , p. 1422
et suiv. Commencement du concile de Trente : Pallav., V, xvii. Recez
de Worms : Rayn., an. 1545, n. 22; Le Plat, III, p. 283 et seq.; Sarpi,
II, § 22. Acta coUoquii Ratisbon. Ultimi verissima ratio, Ingoist.,
1546, in-4° (imprimé par ordre impérial). Rapports de George Major
(Wittenb., 1546, in-4'') et de Bucer, dans Hortleder, th. i, cap. xl,
XLi; Walch, th. xvn, p. 1529; Menzel, II, p. 395; Riffel, II, p. 742
et suiv.; Dœllinger, Réf., HI, p. 322-333; Pastor, p. 305 et suiv
MORT DE LUTHER. - SON CARACTERE.
Tristes expériences du réformateur de Wittenberg.
97. Luther passa les derniers jours de sa vie dans des dispo-
sitions d'àme fort diverses. En 1542, il était devenu si fier de
ses succès, que, dans une lettre datée du 7 mai, il exigeait de
tous les fonctionnaires et de tous les nobles de Meissen qui
avaient embrassé sa doctrine et en avaient fourni la preuve en
recevant la cène sous les deux espèces, non seulement qu'ils
fissent pénitence, mais qu'ils approuvassent sans restriction
tout ce que lui et ses collègues avaient fait jusque- là et feraient
encore à l'avenir. Mais les princes et les fonctionnaires, tout en
lui laissant la liberté d'enseigner ce qu'il voulait et d'étendre
la division, ne lui permettaient pas d'intervenir dans la gestion
des biens ecclésiastiques, ni dans les questions relatives à leur
gouvernement temporel.
Luther déplorait la détresse où languissaient les prédicateurs,
malgré tant de biens ecclésiastiques confisqués. Toutes les
affaires de l'Église étaient réglées par la bureaucratie. Les
juristes, avec lesquels il eut des discussions particulières sur la
validité des fiançailles, considéraient les enfants des clercs comme
illégitimes et incapables d'hériter: il lesaccabla de ses plus amers
sarcasmes. Il y avait aussi de grandes discussions parmi ses
partisans, et jusque dans son entourage immédiat, avec lequel
LE PROTESTANTISME. 341
il fut lui-même en dispute. Dès 1537, il s'était brouillé avec
son ancien familier Agricola et le poursuivait partout ; il interdit
ses écrits et l'empêcha de se placer nulle part. Agricola s'étant
rendu à Wittenberg à cause de lui, Luther, qui allait mourir
cette même année, le repoussa impitoyablement et ne voulut
pas même le voir. A l'égard de ses collègues, il se montrait
soupçonneux, et Mélanchthon lui-même se plaignait de l'escla-
vage qu'il était obligé de subir ; les tempéraments apportés à
la doctrine de la justification, le penchant de son ami pour les
idées de Zwingle sur la cène, blessaient vivement le réforma-
teur. Cruciger écrivait à Tite Dietrich : « Il n'en est guère-
parmi nous qui puissent éviter d'encourir la mauvaise humeur
de Luther et d'être par lui publiquement fustigés. »
Luther s'indignait aussi de la licence qui régnait parmi les
étudiants et la population de Wittenberg; elle lui était devenue si
insupportable, que, dans l'été de 1545, il écrivait à sa « Kétha »:
« Sortons de cette Sodome ! Je veux errer à l'aventure et plutôt
manger le pain de la mendicité que d'empoisonner mes pauvres
vieux derniers jours par le spectacle des désordres de Witten-
berg.»Il ne fallut rien moins que l'intervention du prince électeur
pour le faire rentrer dans cette ville, qu'il avait convertie et que
maintenant il détestait si fort. De quelque côté qu'il se tournât,
il ne trouvait qu'amertume et désenchantement. L'Éghse
catholique était encore debout, malgré toutes les pertes qu'il
lui avait infligées ; le parti religieux de la Suisse se propageait
de plus en plus en Allemagne, et sa propre Église n'était pas
soumise à sa direction. Les fruits de la nouvelle doctrine
l'empoisonnaient lui-même ; il avouait que son moral avait dé-
cUné, qu'il n'était pas exemptde doutes, d'angoisses et de remords
de conscience : sa foi n'avait pas jeté d'assez profondes racines.
OÜVEAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 97.
Nouvelle édition du Journal de Lauterbach (§ 1), éd. Dresde ; Menzel,
II, p. 427 et suiv.; Dœllinger, Réf., I, p. 334 et suiv., 224 et suiv.,
278 et suiv., 306 et suiv.; [II, p. 270, 307, 244 et suiv., 372 et suiv.;
Hist.-pol. BL, t. LX, p. 131. Sur la querelle avec les juristes, voy.
Walch, th. xxn, p. 1049, 2158 et suiv.; Kœhler, Luther und die
Juristen, Gotha, 1873. Lettres à l'électeur Jean Frédéric, 18 janv. 1349;
à Mélanchthon, 6 févr. 1Ö46 (de Wette, V, p. 422, 713, 721, 783);
342 fflSTOiRE DE l'Église.
Corp. Reform., V, 310, 314; Propos de table, éd. d'EisIeb.. in-f, 5b7,
559, 561 et seq., 566, 571. Luther s'exprimait avec beaucoup de sévé-
rité, en 1537, contre les adoucissements que Mélanchthon avait
apportés à sa doctrine; celui-ci gémissait sur la « Servituten! pœne
deformem »(Corp. Ref., VI, 889), et appelait Luther un Hercule ou un
Philoctète en fureur (ibid., V, 310). Quand Major partit en 1545 pour
le colloque de Ratisbonne , il trouva dans le cabinet d'étude de
Luther ces mots écrits de sa main : « Nostri professores examinaudi
sunt de cœna Domini » ; ils s'appliquaient à Mélanchthon et à ses
amis. Voyez encore la lettre de Cruciger à Veit Dietrich (Corp.
Reform., III, 398). Sur l'immoralité à Wittenberg : Œuvres de Luther,
éd. d'Altenb., VIII, p. 343; Walch, th. xi, p. 3096; th. xii, p. 789,
895, 1227; de Wette, II, p. 271; V, p. 615, 722, 753 (lettre à
Catherine, de 1545), p. 43 (lettre à J. Jonas, 18 juin 1543). Sur les
vices régnants : Walch, th. xiii, p. 19, 2193. Doutes de Luther : Mathe-
sius, 12'' sermon, p. 131, «.
Continuation de la polémique de Luther.
98. Luther continua sa polémique avec un redoublement de
véhémence. Parvenu à l'âge de soixante ans, il disait qu'il ren-
drait au tribunal de Jésus- Christ ce témoignage d'à voir condamné
et évité avec tout le sérieux possible les visionnaires ennemis
du Sacrement : Carlostadt, Zwingle, Œcolampade, Stenkfeld
(Schwenkfeld), ainsi que leurs disciples de Zurich et d'ailleurs,
avec leur abominable hérésie. Dans soixante-seize thèses de son
écrit co7itre les trejite-deiix articles des théologiens de Louvam,
il attaqua violemment les dogmes de la foi catholique qu'il
rejetait, et plutôt que d'écrire (comme on le lui demandait) un
livre sur la discipline de l'Église, il composa sa Papauté fondée
par le diable, qu'on ne peut attribuer qu'à une imagination
échauffée par des boissons spiritueuses. La caricature que Luc
Kranach avait faite de la papauté, ne lui suffisait point : il n'y
avait pas encore là assez de figures de diables. Mécontent
lui-même de son propre ouvrage, où la fureur atteint cepen-
dant aux extrêmes limites de la folie, il voulut écrire une
dernière fois contre le pape; mais il en fut empêché par les
douleurs de la pierre, qu'il souhaitait au pape et aux cardinaux.
Tout lui semblait permis quand il s'agissait de berner, d'inju-
rier le Saint-Siège.
Pour donner à sa rage un plus libre cours, Luther se dé-
LE PROTESTANTISME. 343
chaîna aussi contre les juifs. Il invita formellement les chrétiens
à réduire en cendres leurs synagogues, à leur enlever tous leurs
livres, la Bible même, à leur interdire tout culte religieux sous
peine de mort, à les maltraiter et à les expulser. Dès le début
de son livre Sckejn Hamphoras, il traite les juifs de jeunes
diables condamnés à l'enfer, et il entre dans des descriptions
tellement grossières, que ses partisans se sont efforcés plus
tard de les faire disparaître. Dans beaucoup de ses propos de
table qui ont été recueillis, il montre un grand attrait pour les
plaisanteries obscènes, les altérations malicieuses, les injures
arrogantes, tandis qu'il s'efforce ailleurs, en suivant la Bible,
de prendre un ton grave et onctueux. Beaucoup trouvaient,
avec Érasme, qu'il y avait en lui deux personnes : un orateur
populaire, éloquent et enthousiaste; un bouffon effronté et
ridicule.
ODVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 98.
Articuli Lovanienses hœresira Lutheri damnantes : Rayn., an. 1544,
n. 35; Le Plat, III, p. 2o0 et seq. Confirraatio Caesarea, 14 mars 1545,
ib., p. 262 et seq. Luther contre les théologiens de Louvain, 1545,
éd. Erl., t. LXV, p. 169 etsuiv. On demande à Luther un ouvrage sur
la discipline ecclésiastique : de Wette, V, p, 701. « La Papauté fondée
par le diable, » éd. Erlang., t. XXVI. Cfr Dœllinger, t. I, p. 348.
Sur le pape et la caricature de Luc Kranach, voy. de Wette, V
p. 742 et suiv., 745, 763. On connaît ce mot de Luther : Nos hic
persuasi sumus ad Papatum decipiendum omnia licere » (à Jean
Lange, 1520 : de Wette, I, p. 478), et cette prophétie trouvée dans
une lettre après son départ de Smalkalde (ibid., V, p. 57), répétée
peu de temps avant sa mort et gravée plus tard sur des médailles
jubilaires : « Pestis eram vivens, moriens tua mors ero, Papa. » Voyez
la lettre du 10 janvier 1527 (de Wette, III, p. 154). Polémique contre les
juifs : Walch, th. xx, p. 2529; de Wette, V, p. 610 ; ibid., p. 784, à
Kétha, du 1<='' février 1546 ; Quand les principales affaires seront
écrites, il travaillera, dit-il, à expulser les juifs. Cf. Dœllinger, Luther,
loc. cit., p. 671 et suiv.
Contradictions de Luther au sujet de sa mission.
99 . Les contradictions abondaient également dans sa vie et
dans sa doctrine; elles éclataient surtout quand il s'agissait de
prouver l'origine divine de sa mission et de sa vocation. Il
34-4 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
changea quatorze fois d'opinion dans l'espace de vingt-quatre
ans. En 1521, il avait la confiance, disait-il, sans en être sûr
pourtant, d'avoir commencé sa mission au nom de Dieu, mais
il n'aimerait pas à en rendre compte au tribunal de Dieu. Peu
de temps après, il exigea de ceux qui voulaient annoncer la
parole divine une mission particulière. En 1522, il croyait
qu'une telle mission n'était pas nécessaire pour prêcher et
enseigner , tandis (ju'il affirmait dans ses sermons contre
Carlostadt qu'il fallait être appelé à l'office de la prédication, que
quiconque prêchait sans y être appelé ne pourrait résister au
diable et serait précipité en enfer : c'est pourquoi il voulait
tenir une seringue devant le nez du diable, afin que le monde
lui-même lui devînt trop étroit, car il savait bien que« le conseil
de Wittenberg » l'avait appelé à prêcher malgré sa résistance.
Quelques semaines après, ce n'était plus le conseil de Witten-
berg, mais Jésus-Christ même, qui l'avait appelé à prêcher ; et il
se réjouissait qu'on lui eût enlevé le titre de docteur et tous les
autres masques papistes. La même année encore, il traitait de
menteurs et de diables ceux qui volaient du ciel dans l'Église
et se prétendaient appelés de Dieu sans intermédiaire, et il
alléguait de nouveau la vocation qu'il avait reçue de la commune
de Wittenberg.
En 1523, il crut une première fois qu'une vocation divine
n'était pas nécessaire pour prêcher, et une seconde fois, que
cette vocation devait être conférée par la commune.
11 en était encore là en 1530, mais il invoquait de nouveau
son doctorat. C'était souvent pour lui une source de consolation,
bien qu'il ne l'eût reçu que pour l'enseignement scientifique et
à la condition qu'il s'en tiendrait à la doctrine de l'Église et à
l'Écriture interprétée par elle. Si je n'étais pas docteur de la
sainte Écriture, disait-il, je ne pourrais rien contre les évêques
ni contre le diable. En 1531, il ne reconnaissait plus à la
commune le pouvoir de décerner la mission de prédicateur ; il
disait que celui qui avait été une fois nommé curé par la
commune, pouvait désormais établir des prédicateurs de son
propre chef, et que la commune entière ne pouvait pas l'en
empêcher. En 1532, il essaya de concilier la mission de la
commune avec celle du curé ; puis il en appela derechef à son
doctorat académique, où il avait vu autrefois le caractère de la
LE PROTESTANTISME. 345
Bête. Sans ce titre il ne croyait avoir aucune vocation sur la-
quelle il put s'appuyer avec sécurité.
En 1538, son doctorat n'était plus le fondement de sa voca-
tion, mais seulement un pouvoir qui l'autorisait sans le papisme
à prêcher partout où il serait régulièrement appelé, après qu'il
se serait acquitté de ses autres fonctions ; le doctorat ne suffisait
pas en soi, il devait être complété par une vocation régulière,
émanée des princes et des autorités temporelles. Enfm, il en
revint à soutenir que la vocation régulière appartenait aux
évêques comme successeurs des apôtres et durerait jusqu'à la
fin du monde, bien qu'il eût, dans le principe, refusé aux
évêques le droit d'ordonner ou d'appeler à la prédication.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 99.
J. Faber, de Antilogiis Lutheri (cf. Rayn., an. I.ö3i, n. 57); George
Wizel, Retectio Lutheristni, éd. 1538. Voy. aussi Dœllinger, Réf., I,
p. 112; J. Cochlée, Lutherus septiceps ubique sibi et suis scriptis con-
trarius, Lips., 1529; Par., 1364; Gaspard Querhammer, 1533 (Dœllin-
ger, Réf., I, p. 331, n. 214); Frint, Theol. Ztschr., 1812 et suiv.;
Hist.-pol. El., t. VI, p. 366; t. XI, p. 413. Le 12 mai 1531, Luther
disait, après avoir délibéré avec Mélanchthon : « Defînimus baptis-
mum conditionalem simpliciter toUendum esse de Ecclesia )> ; mais le
lendemain : a Conditionalem baptismum non possum damnare •
(de Wette, IV, p. 254, 256). Changement d'opinion sur sa mission :
Dœllinger, Réf., III, p. 205-215. Déclarations de 1521 et 1522 dans
Walch, th. xvin, p. 1351; th. xx, p. 63 et suiv. (cf. 0pp. lat., Jan.,
II, 553); th. XV, p. 2379; th. xi, p. 2548, et th. xx, p. 2074 et suiv.;
de 1523-1330, Walch., th. ix, p. 703; x, p. 1802; v, p. 1061 et suiv.
Autres paroles : Walch, th. x, p. 1895; xx, p. 2074 et suiv., 2080;
0pp. lat., Jen., IV, 96 ; VIII, 842.
Contradictions de Luther sur la nécessité d'accréditer sa
vocation par des miracles.
100. Le langage de Luther sur la confirmation de sa doctrine
par des miracles n'était pas moins contradictoire. Avec les
théologiens catholiques, il enseignait que celui qui s'attribue
une mission extraordinaire, doit, comme les apôtres, attester sa
vocation par des signes et des miracles. Ce qu'il exigeait des
sacrameutaircs et autres hérétiques, les cathoUques l'exigèrent
V
346 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de lui, et il commença par sentir qu'ils avaient réellement autant
de droit, plus de droit même, de réclamer de lui une pareille
légitimation. Il disait dans un sermon : « Si la nécessité l'exi-
geait, si les catholiques voulaient inquiéter et persécuter
l'Evangile, il faudrait vraiment nous y mettre et produire
aussi des signes, plutôt que de laisser injurier et asservir nous
et l'Évangile. Je crois pourtant que cela ne sera pas nécessaire
et qu'on n'en viendra pas là. » Mais bientôt il repoussa hardi-
ment ces sortes d'exigences : il voulait, disait-il, traiter les
papistes comme Jésus- Christ avait traité les juifs {Matth., xii,
39), en ne leur faisant voir aucun signe; il avait même prié
Dieu de n'opérer par lui et pour lui aucun miracle, afin qu'il
ne s'enorgueillît point. Moi et les miens, disait-il en 1538, nous
n'avons pas besoin de miracles, car nous possédons les pro-
phéties relatives à l'Antéchrist et à son royaume, et nous pou-
vons prédire avec sûreté la suite entière des destinées du
papisme et sa ruine.
Quelquefois cependant Luther ne dédaignait pas de signaler
quelques miracles, comme 1° l'absolution donnée par la bouche
des prédicants luthériens, par qui Dieu enlève chaque jour
leur proie à l'enfer, au péché et à la loi ; 2* l'évasion de beau-
coup de nonnes de leurs couvents bien gardés, évasion accom-
plie par la vertu de l'Évangile et mal jugée par les impies;
3° des phénomènes étranges dans l'ordre naturel, comme les
étoiles filantes, les feux follets, les orages, les avortements;
4° la propagation étonnante de la nouvelle doctrine, l'accueil
favorable qui lui était fait et la discorde qu'elle avait suscitée
dans le monde. 11 ne songeait pas que la même chose était
arrivée à beaucoup d'erreurs que le monde avait longtemps
applaudies, même aux plus grossières hérésies ; qu'on pouvait
trouver le secret des applaudissements qu'il recevait, dans la
situation morale, déplorée par lui-même, de la nouvelle com-
munauté; que ses adversaires, les Zwinglions et autres
« bandes », pouvaient présenter les mêmes résultats; que
beaucoup de ses partisans l'avaient abandonné, et qu'il repro-
chait lui-même aux Allemands leur amour des innovations.
5" Luther invoquait aussi l'intervention merveilleuse do
Dieu en sa faveur : il avait été sauvé de tous les dangers et
avait déjoué les desseins des papistes contre lui. Convaincu de
LE PROTESTANTISME. 347
ses hautes capacités pour l'enseignement et de la sublimité de
sa vocation, et néanmoins rempli de soupçons continuels et
persuadé que la majeure partie des hommes était sous l'empire
du diable, il se figurait toujours que ses adversaires conspi-
raient contre sa vie. Il disait souvent qu'il avait bu du poison
sans en avoir rien souffert, et il attribuait à un empoisonne-
ment les suites naturelles d'un souper trop copieux; les chaires,
les sièges sur lesquels il avait prêché, il les croyait empoisonnés,
et il se glorifiait d'en être toujours sorti sain et sauf. Enfin,
6° pour avoir aussi sa prophétie, il s'appuyait sur une pré-
tendue prédiction de « saint Jean Hus », selon laquelle, au bout
decentans, l'oie serait suivie d'un cygne qu'on ne pourrait tuer.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 100.
Walch, th. m, p. 1075; ix, p. 1009, 1295; xi, p. 1907; vi, p. 125;
vui, p. 579; XX, p. 2519. Miracles et prophéties en faveur de la nouvelle
doctrine : Walch, th. vi, p. 295; xix, p. 2097, 2119 et suiv.; Colloq.
Rebenst., I, 107. Sur la question, voy. aussi Hieron. Welleri (mort
en 1572) Opera, ed. ups., 1702, I, 830; 111, 178; Joh. Fincelius, Wun-
derzeichen v. J., 1517-1556, Nurnb., 1556; Dœllinger, Réf., II, p. 192,
421. Prétendue prophétie de Hus : Walch, th. xvi, p. 2061. Luther
écrivait des Allemands (Œuvr., part. XX, p. 957) : « Voici les com-
pagnons que nous sommes, nous autres Allemands : une chose est-elle
nouvelle, nous tombons sur elle et nous nous y attachons comme des
fous, et si quelqu'un veut s'y opposer, nous devenons encore plus
enragés ; si personne ne nous contrarie, nous nous en lassons bientôt et
courons à autre chose. »
Caractère de Luther.
101. D'une humeur hautaine et impérieuse, le réformateur
ne souffrait point de contradiction; le sentiment de son élo-
quence et de sa supériorité intellectuelle lui donnait une con-
fiance sans bornes, surtout dans la chaleur de ses nombreuses
controverses. Mais dès qu'il était abandonné à lui-même, cette
confiance factice disparaissait devant les angoisses de sa cons-
cience bourrelée. Il essayait de les surmonter en se figurant
que c'était le diable qui lui suggérait de tels reproches pour le
tromper et le jeter dans le désespoir. Il voyait partout le démon
348 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
s'attaquer personnellement à lui, et il y cherchait une diversion
en se déchaînant contre la papauté.
Dominé par des pensées de sorcellerie et autres superstitions,
il traitait ses adversaires sans aucun ménagement et poussait
la calomnie jusqu'à étonner ses contemporains; il n'y avait
guère que ses admirateurs aveugles qui se consolassent par
l'idée qu'un tel génie n'avait d'autre règle que lui-même, et
qu'il fallait lui pardonner ce qu'on aurait blâmé dans les autres.
Il prouva d'une façon étonnante l'empire qu'exerçaient sur lui ses
instincts naturels : il aimait « le vin, les femmes et le chant »
outre mesure. Impétueux et colère, il n'épargnait personne ; il
fallait que tout lui fût assujetti, jusqu'à sa chère Ecriture, qu'il
exaltait si fort. Son enthousiasme pour elle ne l'empêchait pas
de la maltraiter souvent d'une façon horrible, comme dans
l'Épître de saint Jacques, qu'il rejeta constamment, tandis que
Mélanchthon et d'autres cherchaient à l'appliquer dans leur
sens — dans ses traductions, dans ses commentaires, dans ses
procédés artificiels d'interprétation — et enfin dans les endroits
où il exalte le Christ comme le maître et le seigneur de l'Écri-
ture, qu'il faut placer au-dessus de toutes les paroles de la
Bible. S'il était plus franc et plus désintéressé que les autres
réformateurs, infatigable au travail, éloquent et spirituel, orné
d'une foule de talents; s'il a rendu service à la langue alle-
mande par quelques-uns de ses sermons et par ses cantiques,
il faut avouer aussi que ses nombreuses contradictions, le
défaut d'empire sur lui-même, de réflexion, de charité et
d'humilité, le rendaient peu propre à devenir le réformateur
de l'Église.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 101.
Riffel, 1, p. 164 et suiv., 310, 315 et suiv., 371; Dœllinger, III.
p. 243 et suiv. Foi au diable et aux sorciers : Walch, th. xi, p. 412 et
suiv., 441, 1295; xxi, p. 1487; xxii, p. 1098. 1027, 1155, 1208; Dœl-
linger, Réf., III, p. 256 et siiiv., 265, n. 195. Luther sur la magie :
Hist.-pol. m., 1861, t. XLVII, p. 890-918. Injures contre la papauté:
Colloquia, éd. Fœrstemann, III, p. 102 et suiv., 116, 121, 136; IV,
p. 62; Walch, th. xxii, p. 1237. Grossièreté de langage : Bullingcr,
1543 et 1545 (dans Dœllinger, III, p. 262 et suiv.); de Wette, 11, p. 49;
IV, p. 271, 276 (Érasme, Capito, rélecteur Jean Frédéric). Sur
LE PROTESTANTISME. 349
'Épitre de saint Jacques, Walch, th. xiv, p. 104, « epistola stra-
minea » ; Doellinger, ill, p. 306-358. Comment il traite la Bible : Opp.
lat., ep. Witeb., I, 387, et ci-dessus, § 33. Substitution de sa propre
autorité à celle de l'Eglise : de Wette, II, 107, 139, 178. Sur le boire
et le manger : Luther à Jérôme Weiler, 6 nov. 1530 (de Wette, IV,
p. 188); à Kétha, 2 juill. 1540 (Buvckhardt, Dr M.-L. Briefwechsel,
Leips., 1866, p. 357) ; à la môme, 29 juill. 1534 et 6 févr. 1546 (de
Wette, IV, p. 553; V, p. 786. Voy. encore ibid., p. 780, 784,792);
Walch, th. XI, p. 730; xxn , p. 133; DœUinger, Réf., III, p. 240.
Passages sur l'instinct naturel, dans Walch, th. m, p. 64; vi, p. 2750;
xvni, p. 2148; xix, p. 904; xxii, p. 1700. Lettre à des nonnes, du
6 août 1524 : de Wette, II, p. 535; Dœllinger, II, p. 428 et suiv.;
Jarcke , ueber Luthers Eherecht; Bist. -pol. Bl., t. XI, p. 410-435;
Studien und Skizzen zur Gesch. der Ref., Schaffhouse, 1846, p, 83
et suiv. Exagération des services rendus par Luther à la langue
allemande : voy. S. Hasack (VI, § 238), p. 584 ; Lindemann, dans Bonner
theol. Liter.-Bl., 1869, p. 292. Voy. encore en général Pallav., VI,
X, 2; (DoUer) Luth. kath. Monument., Frankf. , 1817; Gœrres ,
Luthers Werk und Luthers Werke (Catholique, 1827); das Luthermo-
nument zu Worms, Mayence, 1868, p. 169 et suiv.; Raumer, Gesch.
Europa's seit Ende des 15 Jahrb., I, p. 524 et suiv.
Derniers jours de Luther.
102. Aveuglé par son orgueil, Luther se vantait encore en
écrivant son testament d'être « le notaire de Dieu et le témoin
de son Évangile », et il se croyait assez d'autorité pour qu'on
eût confiance en lui seul. Le 17 janvier 154Ü, il se complaisait
dans cette béatitude du Psalmiste : a Heureux l'homme qui n'a
point été dans le conseil des sacrameutaires, qui n'a jamais
marché dans les voies des Zwingliens et ne s'est pas assis dans
la chaire de ceux de Zurich 1 » Le 19 janvier, il s'exerçait à
écrire « contre les ânes de Paris et de Louvain ». Le 16 février
il maudissait les juristes comme des sycophantes, des sophistes
et la peste de l'humanité. A Eisleben, où il était allé pour apla-
nir un différend entre les comtes de Mansfeld à propos de mines
de cuivre, il sentit sa faiblesse et comprit que sa tin était
proche. Elle arriva en effet le 18 février 1546, sans qu'il se fût
ahté. Taudis que ses membres se raidissaient déjà dans les
affres de la mort, il donna ce conseil à ceux qui l'entouraient :
« Priez pour Notre-Seigneur Dieu et pour son Évangile, afm
350 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
que tout aille bien, car le concile de Trente et ce malheureux
pape sont furieux contre lui. »
Maudit des catholiques, ses partisans relevèrent jusqu'aux
nues; ils le glorifièrent par des médailles, des discours, des
poésies, et même, en 1760, par une épopée. Le culte du réfor-
mateur marcha de pair avec la haine du pape et s'étendit
jusqu'à ses reliques. L'étranger, qui ne connaissait guère
que les ouvrages latins de Luther, s'étonna de l'apothéose
décernée à un homme qui n'était remarquable ni par
son érudition, ni par l'entrainement de son éloquence, ni
par sa pénétration, et qui n'avait pas même de suite dans ses
pensées. Mais sa force était dans ses écrits allemands, composés
en vue de sa nation ; ils lui procurèrent les plus grands succès,
et ce désir d'Érasme s'accomplit d'une façon que lui-même ne
prévoyait guère : (( Puisse la médecine amère et forte que
Luther a donnée au monde, contribuer à ramener la santé dans
la vie de l'Église! »
OUVRAGES A CONSDLTEn ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* i02.
Testament de Luther : Seckendorf, 1. 111, p. 651. Sa un : de Wette,
V, p. 778, 785; J.-G. Walter, Ergœnzte und Verbesserte Nachrichten
von den letzten Thaten des sei. Dr M. Luther, léna, 1749-1756, II
part.; Mœhuike, Luthers Lebensende, Stralsund, 1817 (avec de nom-
breux témoignages et discours funèbres); Keil, Luthers Lebensum-
stände, III, p. 267; Pasig, Luthers letzte Lebenstage, Tod und Begrœb-
nisz, Leipzig, 1846; Dœllinger, Luther (Skizze), p. 673; Reform., I,
p. 337-348; III, p. 274. Sur le culte de Luther : J. Mathesius, Luthers
Leben in 17 Predigten dargestellt, nouv. éd., Berlin, 1855; R.-E.
Fœrstemann, Denkmale, dem Dr Luther von seinen Zeitgenossen
errichtet, Nœrdl., 1846. Ce culte est attesté: 1» par l'habitude cons-
tante des théologiens ultérieurs d'invoquer l'autorité de Luther dans
les controverses; 2° par les quahtications qu'on lui donnait de « cher
homme de Dieu », de « Divus » Dr Martinus Luth., de Theander Luthe-
rus (comme Cyriaque Spongenberg, né en 1528, surintendant à Mansfeld
en 1553, réfugié à Strasbourg en 1575, mort en 1604 (DœlHnger,
Reform., II, p. 270 et suiv.); 3° par la vénération accordée aux objets
laissés par lui ou qui le rappelaient, surtout à la Wartbourg, près
d'Eisenach, et à Cobourg, dans les chambrettes de Luther; on alla
même jusqu'à faire des pèlerinages ä ses reliques ; 4" par les médailles
gravées à son sujet. Voyez l'ouvrage : das Güldene und Silberne
LE PROTESTANTISME. 3ol
Ehrengedfcchtnisz des Theuren Gotteslchrers D. M. Lutheri, in wel-
chem dessen Leben, Tod, Familie und Reliquien — umstaendlicli
beschrieben und — aus mehr als 200 Medaillen oder Schaumünzen
und Bildnissen von rarer Guriositset, mit auserlesenen Anmerkungen
crkla-rl durch Christian Junker Dresdensem , Hochfürstl. saechs.
Henneberg, gesammten historiographum. Frankf. u. Leipz., 1706
(il y a là, en effet, quantité de choses curieuses). La « Luthériade »
parut à Aurich, en 1760 et suiv., chez Jean Gottlob Luschky, en deux
parties (p. 183, 192) et douze chants. Commencement : « Lenk,
Dichtkunst, meinen Kiel, mit lehrerfüllten Bildern — Der Waltung
groszes Werk der Nachwelt abzuschildern — Wie Gott durch seinen
Knecht zum Trost der Seligkeit — Der Kirchen Heiligthum von Mens-
chentand befreit, u. s. f. » Ainsi s'accomplit cette prophétie du réfor-
mateur : « Adorabunt stercora nostra et pro balsamo habebunt. »
Erasm. Episl., p. 601 et seq.
Succès de l'empereur contre les alliés de Smalkalde.
i03. Charles-Quint était aigri de l'insuccès de ses efforts pour
amener une conciliation avec les princes protestants, et blessé
des outrages infligés à l'autorité impériale. Débarrassé de ses
ennemis du dehors par uq armistice avec les Turcs et par la
paix conclue avec la France, il prit une attitude menaçante
contre l'alliance de Smalkalde. Appuyé de la Bavière, des
princes catholiques et des princes luthériens qui ne faisaient
point partie de l'alliance, il déclara à ceux qui le questionnaient
sur ses préparatifs, que les esprits dociles ressentiraient la
faveur impériale, mais qu'il allait faire sentir sa puissance
aux rebelles.
L'électeur de Saxe et le landgrave Philippe s'étant dirigés
vers le sud à la tète de quarante mille hommes, l'empereur les
mit au ban de l'empire comme des perturbateurs de la paix et
des rebelles (20 juillet 154-0), résolu à défendre par les armes
l'honneur de l'empire ou à succomber comme empereur. Le
pape, avec qui il avait conclu une alliance, lui envoya de
l'argent et des troupes pour six mois et lui fit différentes
concessions. Paul lll s'associa à la guerre déclarée par l'empe-
reur et invita les catholiques à lui prêter secours. Les alliés de
Smalkalde essayèrent en vain de barrer la route aux armées
impériales qui s'avançaient contre eux : ils manquaient de bons
généraux et négligèrent les occasions favorables. Sébastien
332 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Schsertlin deßurtenbach, qui occupait Füssen, fut rappelé pour
défendre la ville d'Augsbourg. Après que l'empereur eut sensi-
blement renforcé son armée à Ratisbonne, à Landshut et à
Ingolstadt, et pris plusieurs villes sur le Danube, les alliés
n'osèrent point lui livrer bataille.
Maurice, duc de Saxe, d'accord avec l'empereur, qui lui avait
promis la dignité électorale, s'éleva contre le prince électeur;
avec le roi Ferdinand, il envahit la Saxe électorale; mais ils
n'auraient pu s'y maintenir, si Charles-Quint lui-même ne fût
venu à leur secours. Le 24 avril 1547, l'empereur défit le
prince électeur à Lochau, près de Mühlberg sur l'Elbe, le fit
prisonnier, et, après l'avoir condamné à mort comme traître à
l'empire, lui fit grâce en l'obligeant à renoncer à sa dignité
d'électeur et en le condamnant à subir le genre de captivité
qu'il plairait à l'empereur de lui infliger, Maurice, son cousin,
devint prince électeur et obtint la plupart de ses possessions.
Philippe de Hesse conserva ses États en demandant, à Halle,
pardon à l'empereur ; mais il demeura sous sa tutelle.
Charles-Quint était alors au comble de sa gloire. La même
année vit mourir ses deux rivaux, les rois de France et d'An-
gleterre. Cependant il ne tira pas d'autres avantages de sa
victoire et ne changea rien à la constitution de l'empire ; il ne
punit point les États catholiques qui ne l'avaient pas assisté, et
il ne força point les protestants à rentrer dans le giron de
l'Église. 11 lui suffisait d'avoir divisé leur puissance, rétabli
Jules de Pflug dans son évêché de Naumbourg, restauré le
catholicisme dans l'archevêché de Cologne. Son dessein était
de conclure une paix agréable aux protestants, d'autant plus
qu'il était mécontent du pape, qui avait hésité à prolonger
l'alliance au delà des six mois convenus.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 103.
Rayn., an. 1546, n. 94 et seq.; Pallav., VIII, 1 et seq.; Le Plat, III,
434-436, 437-446; Sarpi, lib. II, § 72; Walch, th. xvii, p. 1832 et
suiv.; Kervyn de Letlenliove, Aufzeichnungen K. Caris V, Leipzig, 1862;
Dœllinger, Beilr., I, p. 40-53; Hortleder, t. Il, liv. III, p. 618 et suiv.
Décret impérial, d. d. Ratisb., 20 juill. 1546, et décr. de déc. contre le
duc de Wurtemberg : Rayn., an. 1546, n. 109, 116; Le Plat, III,
459-465, 470 et seq. Lettre de félicitation du pape, 22 janv. et 30 mai
LE PROTESTANTISME. 353
1547 : Rayn., an. Iö47, n. 98, 101 ; Le Plat, III, 503 et seq., 644 et
seq.; Camerarii Com, belli Smalkald. gr. scr., Freher, t. III, p. 557;
Hahn, Gesch. des schmalkaldischen Krieges, Leipz., 1837; don Luis
de Avila y Zuniga, Gesch. des schmalkald. Krieges, de l'espagnol,
Berlin, 1853; Jahn, Gesch. des schmalkald. Krieges, Leipz., 1857;
Th. Herberger, Seb. ScherUin v. Burtenbach und seine an die Stadt
Augsburg geschriebenen Briefe, Augsb., 1852; Leben und Thaten des
H. Seb. Schertlin v. Burtenb. Durch ihn selbst beschrieben, ed. von
Ottmar F. -H. Schœnhuth, Münster, 1858; de Langenn, Moritz, Churf.
V. Sachsen u. seine Zeit, Leipzig, 1841, 2 vol.; Cornélius, zur Erlaeu-
terung der Pohtik des Chursiirsten Moritz von Sachsen (Münch. Bist.
Jahrbuch 1866, p. 259 et suiv.); W. Wenck, die Wittenberger Capi-
tulation von 1547 (Sybels bist. Ztschr., 1868, t. XX, p. 53 et suiv.);
Maurenbrecher, zur Beurtheilung des Moritz v. S., (ibid., p. 271 et
suiv.); K.-A. Menzel, II, p. 451 et suiv.; III, p. 1 et suiv.; Riffel, II,
p. 733 et suiv.
Mésintelligence entre l'empereur et le pape.
104. Paul III, de son côté, avait de nombreux griefs contre
l'empereur. 1° Charles-Quint voulait prononcer en maître sur
les questions même religieuses; il cherchait à empêcher à
Trente les débats sur la justification, et quand le décret eut été
rendu, il le combattit; il protesta avec menaces contre la trans-
lation du concile prononcée parla majorité des prélats (il mars
1547). 'i" Il élevait des prétentions exagérées au sujet des sub-
sides qu'il réclamait sur les biens ecclésiastiques en Espagne;
le gouvernement même de Madrid les désapprouva et conseilla
de les abaisser. 3° 11 refusa de reconnaître, malgré les preuves
qui en avaient été tant de fois fournies, la suzeraineté du
Saint-Siège sur Parme et Plaisance, et chargea son gouver-
neur de Milan, Fernand Gonzague, constamment hostile à la
famille du pape, de ne point laisser de repos à Pierre-Louis
Farnèse, qui fut ensuite tué (10 septembre), non sans la parti-
cipation de Gonzague. 4° Il mit la main sur d'autres territoires
italiens, et menaça de sa toute-puissance l'autonomie de l'Italie
entière. 5° Il conclut des traités avec les protestants, leur fit des
concessions funestes aux intérêts des catholiques. 6° Il agit de
son propre chef contre l'alliance formée avec le pape, sans
même consulter son allié ou son nonce.
Aussi, quand les six mois furent écoulés, le pape, offensé par
T. — HIST. DE l'église. 23
354 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
le sans-façon et les menaces de l'empereur, ne voulut pas
renouveler une alliance qui lui avait suscité tant de difficultés
du côté de la France et de Venise, d'autant plus que l'armée
qu'il avait fournie, les dépenses du concile et quantité de sub-
sides avaient épuisé ses ressources, et que l'imminence d'une
nouvelle guerre entre l'empereur et la France lui commandait
de garder la neutralité. En faisant cela, il ne violait aucun
traité, il ne retirait aucune de ses précédentes concessions ; il
en faisait même de nouvelles, et ne négligeait rien pour empê-
cher au moins le conflit de s'étendre. En février 1547, le nonce
Bertano était en mesure de justifier par de bonnes raisons le
pape devant le monarque en courroux ; et ces raisons, l'empereur
fut incapable de les réfuter, malgré la violence de ses plaintes.
Do meilleures relations s'établirent plus tard entre Charles-
Quint et Paul m ; mais le pape dut regretter amèrement que
les succès de l'empereur lui fussent moins avantageux qu'aux
protestants qu'il avait combattus, après les sacrifices considé-
rables qu'il s'était imposés.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 104.
Pallav., VIII, V, 8; IX, m, i et seq.; X, c. vi et seq.; Rayn., an.
1547, n. 57 et seq.; Le Plat, III, 609 et seq., 658 et seq., 699 et seq.;
Dœllinger, Beitr., I, p. 40 et suiv,, 53 et suiv., H2 et suiv.; Mauren-
brecher, Cari V, p. 113 et suiv., 133 et suiv.; Anh., V, p. 86 et suiv.;
Gachard, Trois Années de Charles-Quint (1543-1546), d'après les
dépèches de l'ambassadeur vénitien, Brux., 1865 ; mon ouvrage, Kath.
Kirche, p. 218-221 ; Drulfel, Kaiser Cari V und die Rœm. Curie, 1544-
1546, 1 abth., Münch., 1877.
2e Intérim (d'Augsbourg). — 3e Intérim (de Leipzig).
105. Le i" septembre 1547, Charles-Quint ouvrit une nou-
velle diète à Augsbourg, dans l'espoir d'obtenir des princes
protestants, alors humiliés, l'accord qu'il n'avait pu réaliser
autrefois, malgré leur refus de prendre part au concile. Une
nouvelle formule de réunion fut dressée par Jules, évêque de
Naumbourg ; par Michel Holding, coadjuteur de Mayence, et
Jean Agricola, prédicateur à la cour de Brandebourg. On
l'appela Vintérhn d'Augsbourg, parce qu'elle devait être provi-
soirement appliquée pour les deux parties jusqu'à la fin du
l.E PROTESTANTISME. 355
concile général. Les points dogmatiques furent rédigés dans
le sens catholique, mais en termes plus mitigés et quelquefois
très vagues. On permit expressément aux protestants la com-
munion sous les deux espèces et le mariage de leurs ecclé-
siastiques, et on les autorisa tacitement à retenir les biens
d'Église confisqués. La formule fut publiée le 15 mai 1548 dans
l'assemblée des villes de l'empire, puis insérée dans le recez de
la diète. On soumit aussi aux évêques présents un projet de
réforme.
Comme toutes les demi-mesures, le nouvel intérim n'attei-
gnit pas son but et suscita une infinité de difficultés. Les
nonces du pape l'avaient déjà désapprouvé, et Rome le com-
battit pour une foule de raisons ; la population, tant catholique
que protestante, y était contraire. C'était une œuvre avortée. 11
fut vivement attaqué dans plusieurs écrits ; des princes même
et un grand nombre de villes, notamment Magdebourg, protes-
tèrent publiquement. Agricola fut traité de fauteur d'idolâtrie
et de propagateur du papisme.
Le nouveau prince électeur, Maurice de Saxe, qui tâchait de
suivre une voie intermédiaire, présenta l'intérim à ses États et
à ses théologiens, avec le désir que son acceptation ne rencon-
trât point de difficultés inutiles et qu'il fût reçu autant que la
conscience pouvait le permettre.
Parmi les théologiens, Mélanchthon était le plus influent. Il
voyait dans la guerre de Smalkalde et dans Yintérim un châti-
ment que Dieu infligeait aux péchés des princes, des prédi-
cateurs et des fidèles luthériens; mais, du reste, toujours enclin
à la condescendance, il était favorable à l'acceptation. Distin-
guant entre les articles essentiels et les articles non essentiels,
il assura qu'on pouvait accepter ceux-ci {adiaphora, indiffé-
rents), en raison de l'obéissance due à l'empereur, de même que
les cérémonies et les coutumes ; et quant aux articles « essen-
tiels », on trouva moyen de sortir d'embarras par des modifi-
cations. Sur lajustification, l'on fit remarquer que Dieu n'opère
pas avec nous comme avec une pure machine, bien que nous
soyons justifiés par les seuls mérites de Jésus-Christ; que les
œuvres commandées de Dieu sont bonnes et nécessaires, et les
trois vertus théologales requises pour le salut. On devait accepter
la confirmation et l'extrême-onction, la Fête-Dieu, l'abstinence
356 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
des derniers jours de la semaine, la messe selon l'ancien rite,
mais avec des cantiques en allemand; la juridiction épisco-
pale, si les évoques acceptaient les autres points.
Cet avis de Mélanchthon et de ses amis (Eber, Bugenhagen,
George Major, Pfefringer)fut approuvé par la diète provinciale
de Leipzig en décembre 1548, et reçut le nom d'intérim (3") de
Leipzig. Du vivant de Luther, on n'eût pas fait, à coup sûr, de
si grandes concessions. Cet acte toutefois ne laissa pas d'être
vivement critiqué par beaucoup de prédicants luthériens, même
en Saxe, et il amena une séparation entre les luthériens rigides
et les luthériens modérés. Cependant Vintérim fut exécuté dans
beaucoup de territoires protestants.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 105.
Proposition impériale et déclarations des princes et des villes à
Augsbourg, sept. 1547, dans B. Sastrowens, Herkommen, Geburt und
Lebenslauf, éd. de Mohnike, II, p. 100-151. Autres actes, ibid., p. 151-
166. Propositions de l'empereur à Rome et réponse : Rayn., an. 1548,
n. 45; Le Plat, IV, p. 18 et seq.; Pallav., X, 16. Intérim et projet
de réforme : Rayn., an. 1548, n. 59, 61; Le Plat, IV, p. 32 et seq.;
Goldast, Const. imp., I, 518; II, 326 et seq.; Pallav., X, xvii; XI, n;
Sarpi, üb. III, § 21. Décret des légats du pape et autres actes : Mar-
lene, Coll., VIII, 1263; Le Plat, IV, p. 121 et seq. Rapports de Rome
dans Dœllinger, Beitr., 1, p. 155 et suiv.; Bieck, das dreifache Inte-
rim, Leipzig, 1721, p. 13 et suiv., 166 et suiv.; J.-A. Schmidt, Hist.
interiraistica, Ilelmst., 1730; A. Dürr, Formula reformationis a Carolo
V in comitiis Aug. 1548, Statibus Eccles. oblata cum comment., Mog.,
1782; Scbrœckh, K.-G. seit der Reform., I, p. 674-692; A. Müller,
Formula sacrorum emendandorum in comitiis August, an. 1548 a
Julio Pflugio proposita, Lips., 1803; Pastor, p. 351 et suiv., 406 et
suiv. Mélanchthon sur l'intérim : Corp. Ref., VI, 325, 537, 625; Dœl-
linger, Réf., i, p. 364-366. De même, Bucer, Calvin. Epist., p. 45, 232;
Dœllinger, Réf., II, p. 52 et suiv. — Bieck, p. 132 et suiv., 361 et suiv.,
Expositio eorum quœ Theologi Viteberg. de rebus ad religionem per-
tinentibus monuerint, Viteb., 1549, in-4°; Friedberg, Agenda, wie es
in des Churfürsten zu Sachsen Landen in den Kirchen gehalten wird.
Ein Beilrag zur Gesch. des Interim, Halle, 1861). (Le Rituel fut con-
certé en mai 154'J, sur la base de l'intérim de Leipzig, mais non
publié.)
Les protestants représentés à Trente.
106. Lorsque le pape Jules III, en 1550, transféra de nouveau
LE PROTESTANTISME. 357
le concile de Bologne à Trente et invita Maurice de Saxe et
les autres princes protestants à y envoyer des représentants ,
Charles-Quint assembla dans le même but une nouvelle diète à
Augsbourg. Les protestants renouvelèrent leurs précédentes
demandes : ils exigèrent que leurs théologiens eussent voix
délibérative, que la présidence fût enlevée au pape, que ce qui
avait été fait jusque-là à Trente fût annulé.
Plusieurs États protestants se décidèrent enfin à envoyer à
Trente des délégués et des théologiens. Le concile leur accorda
un sauf-conduit (XIII* session, 11 octobre 1551). En 1551, l'on
vit arriver aussi, avec le prince électeur de Cologne, des délé-
gués de Brandebourg, dont l'un, le juriste Christophe Strasius,
promit dans un discours l'obéissance au nom de son souverain.
En 1552, survinrent les délégués du duc de Wurtemberg et
de plusieurs villes. Le sauf-conduit des protestants fut renou-
velé (XV session, 25 janvier 1552). L'électeur de Saxe envoya
également une députation.
Les théologiens de Wittenberg se mirent en route, ayant à
leur tête Mélanchthon, qui du reste avait rédigé une nouvelle
confession de foi très accentuée. Il avait l'ordre de se rendre à
Trente par Nurenberg.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 106.
Pallav., XI, XI et seq.; XII, c. ix, n. 1 et seq.; cap. xv, n. 2; Rayn.,
an. 1530, n. 12 et seq.; 1551, n. 1 et seq. Recess. August., 13 febr.
1551 : Goldast, Const. imper., II, 340; Le Plat, IV, p. 170-210. Autres
documents : Le Plat, IV, p. 214 et seq., 260 et seq., 264 et seq., 360
et seq., 417 et seq.; Mélanchthon., Confessio doctrinse Saxonicarum
Ecclesiarum scripta 1551, ut Synodo Trid. exhiberetur, 0pp. I, 121 et
seq.; Syntagma eorum quae nom. duc. Virtemb., in Syn. Trid. per
legatos ejus acta sunt, Basil., 1552. Cf. Le Plat, IV, p. 542 et seq.;
Pastor, p. 418 et suiv.
Trahison de Maurice de Saxe.
107. Ces belles dispositions des protestants n'étaient qu'une
comédie arrangée par l'astucieux Maurice de Saxe pour mieux
tromper l'empereur. Dès le 5 octobre 1551, il avait formé
une alliance secrète avec Henri II, roi de France, qui lui avait
promis des secours en argent et un envoi de troupes en Aile-
358 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
magne, s'il obtenait en retour les évêchés de Metz, de Toul, de
Verdun et de Cambrai. On lui promettait l'expectative pour la
prochaine élection qui aurait lieu en Allemagne. Maurice, étant
chargé d'exécuter le ban de l'empire sur la ville de Magdebourg
(depuis septembre 1550), pouvait faire ses préparatifs sans
éveiller de soupçons. A Maurice, qui n'hésitait pas à trahir
Charles- Quint, son bienfaiteur, et à déserter la cause de l'em-
pire d'Allemagne, se joignirent le landgrave Guillaume, l'aîné
des fils de Philippe de Hesse, Albert, margrave de Brande-
bourg, et .Jean Albert, duc de Mecklembourg. Maurice tenait à
regagner la confiance de ses coreligionnaires, à déhvrer ses
parents retenus prisonniers par l'empereur, et à se montrer le
champion de la cause luthérienne. En mars 1552, il sortit de la
Thuringe, s'avança vers le sud et s'empara d'Augsbourg,
tandis que les Français occupaient les villes épiscopales qui
leur étaient assurées. Sous prétexte que Charles-Quint se pro-
posait de soumettre les États d'Allemagne à une servitude into-
lérable et héréditaire, il parut dans le Tyrol, avant que l'armis-
tice proposé par le roi Ferdinand eût été conclu, s'empara
de l'ermitage d'Ehrenbourg, et força l'empereur malade à
Inspruck de se réfugier à Villach, dans la Carinthie (mai
1552).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 107.
Traité de Maurice avec la France, dans Lünig, Reichsarchiv, part,
spéc, et Recueil des traités de paix, II, 258. Lettre écrite de Villach
'par Charles-Quint au roi Philippe, le 9 juin 1552: Dœllinger, Beitr.,
I, p. 200 et suiv.; Schrœckh, K.-G. seit der Reform., I, p. 704; K.-A.
Menzel, III, p. 411 et suiv.; Scherer, der Raub der drei Bisthümer
Metz, Toul und Verdun (Raumers hist. Taschenbuch N. F., Jahrg. 3);
Schmidt, N. Gesch. d. Deutschen, VI, p. 273; Buchholz, K. Ferdi-
nand I, t. VI,p. 477; VII, p. 23 et suiv.; Cornelius a., op. cit., p. 281.
Traité de Passau.
108. Les troupes impériales étaient alors disséminées et hors
d'état de poursuivre avec succès la guerre contre les rebelles et
contre la Franco. L'empereur, comprenant qu'il n'était plus do
force à calmer les dissentiments, chargea son frère Ferdinand
d'entamer des négociations de paix, qui aboutirent au traité do
Passau (30 juillet 1552). 1" Le landgrave Philippe devait être
LE PROTESTANTISME. 359
mis sur-lo-champ en liberté (l'empereur avait déjà élargi le
prince électeur). 2° Dans l'espace de six mois une diète serait
tenue pour aviser aux moyens de vider la querelle religieuse,
soit par un concile général, soit par un concile national, soit
par la diète elle-même. 3° Des hommes prudents, pacifiques et
craignant Dieu, choisis dans les deux partis, délibéreraient sur
les moyens les plus opportuns de rétablir la paix, et soumet-
traient leur avis à la diète. 4." En attendant, ni l'empereur
ni aucun État de l'empire n'attenterait à la liberté de conscience
par aucune mesure coercitive. 5° Les Etats de la Confession
d'Augsbourg ne susciteraient aucune difficulté à leurs co-Êtats
de l'ancienne Église, tant ecclésiastiques que laïques, mais les
laisseraient dans la paisible possession de leurs droits et de
leurs territoires. 6° La chambre impériale rendrait justice à cha-
cun sans distinction de culte, et par conséquent les protestants et
les catholiques y seraient représentés en nombre égal. 7° Si les
parties ne parvenaient pas à s'entendre sur les questions reli-
gieuses, le présent contrat ne demeurerait pas moins en
vigueur jusqu'à une entente définitive. 8° Les princes licen-
cieront leurs troupes et observeront la paix ; la prochaine diète
prononcera sur les plaintes qui pourront s'élever. Maurice,
électeur de Saxe, fournira un contingent de 10,000 hommes
pour assister le roi Ferdinand en Hongrie.
Ces articles, au nombre de trente-six, furent signés le 2 août
par Ferdinand et par les princes. L'empereur résista de toutes
ses forces à un accord aussi désavantageux, mais il ne put s'y
soustraire.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 108.
T. Reichsarchiv, P. gen., p. HO et seq.; Ilortleder, th. ii, buch V,
cap. XIV. Corp. jur. publ. academ. germ., éd. Struve, Jen., 1734,
p. 144-168; Goldast, Const. imp., I, 566; Le Plat, IV, 547-562; Rayn.,
an. 1532, u. 32; Pallav., XIII, c. v; Lehmann, de Pace religionis acta
publ. et orig., d. i. Reichshandl. und Protok. des Rehgieusfriedens,
Frankf., 1631, iu-4°, 1707-1709; Supplem. Discours de l'ambassadeur
de France à Passau, 3 juin 1552 : Dœllinger, Beitr., I, p. 196-199.
Charles-Quint est peu favorable au traité ; Maurenbrecher, p. 308 et
suiv., 311 et suiv.
360 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
Convention de Naumbourg. — Paix religieuse d'Augsbourg.
109. Il fallut ajourner pour longtemps la diète qu'on venait
d'indiquer, soit à cause de la guerre, fort onéreuse, que l'em-
pereur soutenait avec la France, et dans laquelle il ne put
reconquérir les trois évêchés; soit à cause des troubles excités
en Allemagne par le margrave de Brandebourg-Culmbach. Ce-
margrave continua de piller les évêchés et les abbayes, jusqu'à
ce que l'électeur Maurice l'eût complètement défait près de
Sievershausen (9 juillet 1553). Maurice lui-même mourut après
la bataille. Albert essuya encore deux défaites, fut mis au ban
de l'empire, et se réfugia en France.
La question religieuse continuait d'occuper les esprits. Une
assemblée de théologiens hessois et saxons tenue à Naumbourg
(mai 1554) fit la déclaration suivante : Comme il ne peut plus
être question de rentrer sous l'autorité des évêques, chaque
souverain devra, pour la gloire de Dieu, pourvoir par des con-
sistoires au gouvernement ecclésiastique. Enfin, le roi Ferdi-
nand convoqua, au nom de l'empereur, une diète qui se tint à
Augsbourg en février 1555. Sur sa demande, le cardinal
Morone y fut délégué par le pape, puis rappelé à la mort de
Jules III (23 mars). Le nonce Delphin et Lipomano, évêque de
Vérone, nonce destiné pour la Pologne, s'employèrent active-
ment auprès de Ferdinand pour qu'on ne fît rien de préjudi-
ciable à la foi catholique; mais ils quittèrent bientôt Augsbourg,
pour n'être pas témoins des autres négociations, qui allaient
encore se poursuivre pendant longtemps.
Les États catholiques étaient découragés : ils partageaient le
sentiment de Ferdinand, que les dissensions religieuses, au
moins pour le moment, ne pouvaient être aplanies ni par des
colloques ni par un concile, et qu'il ne restait qu'à prendre des
mesures pour maintenir l'ordre et la paix dans l'empire.
On aboutit donc, le 25 septembre 1555, à la paix rehgieuso
d'Augsbourg, rédigée en vingt-deux paragraphes, et dont voici
la substance : 1° Aucun Etat de l'empire ne forcera un autre Etat
ni un sujet de cet État de changer de religion , ou ne le vexera pour
ce motif; la paix et la concorde seront maintenues entre les deux
parties. 2° Cette paix ue comprend que les catholiques et les
LE PROTESTANTISME. 361
adhérents à la Confession d'Augsbourg (et non les Zwingliens,
etc.). 3° Un dignitaire ecclésiastique qui passera à la Confession
d'Augsbourg, perdra sa dignité religieuse, avec les emplois
et les revenus qui y sont attachés, mais sans préjudice de son
honneur et de sa fortune particulière. (Les protestants s'éle-
vèrent contre cette restriction religieuse.) i" Les partisans de
la Confession d'Augsbourg demeurent en possession des biens
ecclésiastiques confisqués depuis le commencement de la ré-
forme, d'après l'état où les choses se trouvaient en i 5.55 ; mais
à l'avenir aucune partie ne pourra plus rien enlever à l'autre.
5° La juridiction ecclésiastique de la hiérarchie catholique de-
meurera suspendue dans les États de la Confession d'Augsbourg
jusqu'à la conclusion d'un accord rehgieux, que la prochaine
diète de Ratisbonne s'efforcera de rétablir. 6° Les conflits qui
surviendront entre les deux parties sur les droits et les biens,
seront vidés à l'amiable par des arbitres ; aucun État ne devra
protéger ses sujets contre l'autorité de ces derniers. 7° Il est
permis à chacun de choisir une des deux religions reconnues,
et de se rendre, pour la pratiquer, dans un pays étranger,
sans perte de son honneur, de ses droits et de ses biens, et sans
préjudice des droits du seigneur sur ses serfs. 8" Cette paix
sera en vigueur à perpétuité ; elle s'étendra aussi aux cheva-
liers libres et aux villes de l'empire. Toutes les dispositions
antérieures qui y sont contraires, demeurent abrogées. 9° Le
tribunal de l'empire se conformera rigoureusement à ce traité :
toute infraction sera punie par la mise au ban de l'empire.
40° Le serment peut être prêté au nom de Dieu et de son saint
Évangile.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 109.
Schmidt, N. Gesch. der Deutschen, VI, p. 273. — Corp. Ref., VIII,
282; Neudecker, Neue Beitr., I, p. 102; K.-A. Menzel, III, p. ö30-ö36>
o73. Nonces du pape à Augsb. : Pallav., XIII, x, i; xiii, 2. Leurs lettres
dans Maurenbrecher, Anh., p. 177 et suiv. — Pallav., XIII, xiii, ö et
seq.; Sarpi, Üb. V, § 17; Goldast, I, 574; Le Plat, IV, 565 et seq.;
T. Reichsarchiv, P. gen., p. 131 et seq.; Pacis compositio inter prin-
cipes et ordines R. J. catholicos et protestantes in comitiis Aug.
an. 13Ö5 édita et illustrata a J. C.'cath., DiUng., 1629 (en allem., avec
plusieurs dissertation?, Abhandl. Frankf., 1629, in-4»); Struve, Corp.
jur. acad., p. 169-214; K.-A. Menzel, Ill,|p. 568 et suiv.; Riffel, II, p.
3^2 HISTOIRE DE L EGLISE.
751-760; Phillips, K.-R., III, p. 441 et suiv.; mon ouvrage, Kath.
Kirche,p. 718-721.
Abdication de Charles- Quint. — Sa mort.
410. Les protestants n'avaient voulu accorder la tolérance
aux catholiques dans leurs territoires qu'à la condition que
ceux-ci s'abstiendraient d'exercer publiquement leur culte et
leurs cérémonies, tandis que les protestants pourraient prati-
quer librement leur religion dans les pays catholiques. Ces
conditions, qui étaient toutes à leur désavantage, les catho-
liques ne pouvaient les accepter. Les protestants deman-
daient en outre qu'il fût loisible à leurs partisans de pratiquer
librement leur religion dans les pays catholiques, ou du moins
dans les pays ecclésiastiques : les catholiques devaient encore
s'y opposer. Cependant les protestants obtinrent du roi Ferdi-
nand, après la clôture de la diète, une déclaration particulière
en faveur du libre exercice du culte par leurs coreligionnaires
qui habitaient dans les territoires ecclésiastiques; mais elle ne
fut jamais considérée comme valable par les catholiques. Cette
paix religieuse, en somme, si avantageuse qu'elle parût pour
la tranquillité extérieure, contenait le germe d'une foule de
complications nouvelles; elle compromettait l'existence des
catholiques en pays protestants et conduisait à une foule de
luttes partielles, sans pouvoir prévenir la guerre de Trente ans,
qui allait éclater plus tard.
Le pape Paul IV, qui avait engagé (6 septembre) l'empereur
à détourner son frère de toute concession funeste, protesta
résolument contre la paix; il la déclara invalide, et fut sur le
point de délier ceux qui avaient pu y prêter serment. Il agis-
sait ainsi d'après le point de vue juridique où il se plaçait,
et dans la conviction qu'il n'était pas encore nécessaire de
s'écarter des principes de droit qu'il partageait avec l'empe-
reur, et nullement parce qu'il désirait précipiter l'Allemagne
dans une guerre civile. Quant à l'empereur, il ne voulut
en aucune façon se mêler de cette affaire, et rejeta toute la
responsabilité sur son frère, qui était du reste muni de pou-
voirs illimités. La paix était le fruit de la trahison de l'électeur
de Saxe et le point do départ de la guerre effroyable de Treute
ans.
LE PROTESTANTISME. 363
Charles-Quint, préoccupé de ce mot d'un de ses officiers : que
(t l'homme devait, avant de mourir, se réserver un peu de
temps entre le monde et la mort », renonça en 1556, après de
touchants adieux, à toutes ses couronnes, et mourut en 1558,
au couvent des hiéronymites de Saint-Just, dans l'Estrama-
dure. 11 laissa en mourant la mémoire d'un fils dévoué de
l'Église, malgré tous ses égarements ; d'un homme pénétrant,
bien doué, instruit; d'un capitaine expérimenté, d'un souverain
supérieur de beaucoup à la plupart des princes de son temps
par sa modération, son honorabilité, son zèle pour le bien
général.
OUVRAGES A CONSULTER SOR LE N° 110.
Sur les exigences des protestants : Lehmann, Acta publica, th. i,
p. 37, éd. 1707; Menzel, III, p. 572; V, p. 49 et suiv.; Phillips, p. 445
etsuiv., § 140. Là-dessus, Tractât, de autonomia, d. i. von Freistel-
lung mebrer Religion und Glauben, Munich, 1386, III part. Paul IV
contre la paix religieuse : Bzov., an. 1555, n. 36; Rayn., h. an., n.
22 et seq., 51, 134; Pallav., XIII, xiv, d; Le Plat, IV, 569 et seq.;
Maurenbrecher, Anh. X, xin, p. 183; Pastor, p. 461 et suiv. —
Gachard, Lettres sur la retraite et la mort de Charles-Quint au monas-
tère de Yuste. Du même, Analectes belgiques, I, 70 et seq. La Vie
monastique de Charles-Quint {d'après des notes que le chanoine Gonza-
lez trouva dans les archives de Ferdinand VII), éditées parl'Anglais Stir-
ling. Vie monastique de Charles-Quint, trad. de l'anglais par Lindau
Dresde, 1853; par Kaiser, Leipzig, 1853; Prescott , Klosterleben Carls
V, traduit de l'anglais, Leipzig, 1837; Raumex', Gesch. Europa's, I,
p. 381 et suiv.; Ranke, Deutsche Gesch., V, p. 358 et suiv., 366, 392;
Mœhler-Gams, m, p. 152-154.
Philippe II succède à Charles-Quint.
111. Dans les pays espagnols, Charles-Quint eut pour succes-
seur son fils Phihppe II, entièrement dévoué à la foi catho-
lique; en Allemagne et dans l'empire, après de longues négo-
ciation.«!, son frère, le roi Ferdinand. C'était une grave offense
pour le pape que Charles-Quint eût abdiqué entre les mains des
princes électeurs au lieu d'abdiquer entre les siennes; que le
roi Ferdinand prît immédiatement le titre « d'empereur élu des
Romains », sans même consulter le Saint-Siège. C'est pourquoi
Paul IV ne reçut l'embassadeur de Ferdinand que comme une
364 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
personne privée, et soumit à ce sujet quatre questions à une
congrégation de cardinaux. Sa décision fut que l'abdication
était invalide, que le pape devait prendre des mesures pour
empêcher que l'empire ne fût dévolu à quelqu'un qui serait
incapable de protéger l'Église, que les princes électeurs héré-
tiques étaient déchus de leur dignité.
Cette décision était de tout point conforme à l'ancienne juris-
prudence, et c'était la première fois que les Allemands allaient
l'attaquer. En vain Gropper, qui se trouvait alors à Rome,
conseillait la modération : le pape persévéra dans ses vues, et
quand Charles- Quint eut rendu le dernier soupir, il considéra
l'empire comme vacant pour cause de mort. Plusieurs blâmè-
rent Paul IV de s'en tenir rigoureusement à l'ancien droit. Son
successeur, Pie IV, accueillit immédiatement les ambassadeurs
de Ferdinand, et déclara qu'il n'entendait pas vider la question
par les voies du droit. Ferdinand lui en exprima sa reconnais-
sance.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° \\\.
Négociations de 1551 sur la succession à l'empire : Dcellinger, Beitr.,
I, p. 168 et suiv. Négociations à Rome sur l'empire de Ferdinand :
Pallav., m, IX, 2 et seq.; XIV, vi, 5 et seq.; c. xi, n. 1 j c. xii, n. 1 ;
Rayn., an. 1558, n. 7, 10; 1559, n. 42; Bromato, Vita di Paolo IV,
t. II, p. 431 ; Ranke, Deutsche Gesch., V, p. 413 et suiv., 420-422; mon
ouvrage cité, p. 221 et suiv.
CONTINUATION DE LA RÉFORME EN SUISSE. - LE CALVINISME.
Rapports entre la Suisse allemande et la Suisse française.
112. En Suisse, après les deux victoires remportées par les
catholiques le 11 et le 24 octobre 1531, les Zurichois et les Ber-
nois ensuite avaient obtenu la paix, à cette condition qu'aucun
canton n'en inquiéterait un autre pour cause de religion et que
le culte catholique serait de nouveau librement exercé dans les
bailliages communs. A Glaris et Appenzell, l'ancienne croyance
fut en partie restaurée; elle le fut complètement à Bremgarten,
Mellingen et Rapperschwyl. L'abbé de Saint-Gall recouvra son
abbaye, bien (|uc la ville demeurât réformée. Mais à Zurich, à
Berne, à Bâle et à Schaffouse, les partisans de l'ancienne Église
tentèrent vainement de rentrer en possession de leurs droits.
LE PROTEST ANTISxME. 365
Les réformateurs suisses ßuliiuger, Myconius, Farci, Gross-
manii, Léon Judai, Grynseus, établirent dans des confessions de
foi les dogmes de leur nouvelle Église, sans négliger les
moyens d'accommodement avec les luthériens d'Allemagne. Ils
trouvèrent beaucoup d'écho, même auprès de Mélanchthon, qui
les accueillit d'abord avec réserve, tant qu'il continua d'être tout
entier sous la domination de Luther.
Luther, après la Concorde de Wittenberg (août 1543), s'éleva
de nouveau contre les Zwingliens, à propos de l'envoi d'une
traduction de la Bible faite par Léon Judœ. Il les menaça du
châtiment qui avait frappé leur maître, et se détacha bientôt de
l'alliance. Les Bernois s'étaient alliés avec la France et avaient
fait la guerre au duc de Savoie, dont les Genevois se plaignaient.
Us lui enlevèrent Lausanne, Yverdun, Morgues et Vevey. Le
culte catholique fut sur-le-champ aboli partout, la nouvelle
doctrine imposée par la force, et les récalcitrants expulsés.
Guillaume Farel, qui en 1520 déjà avait propagé la nouvelle
doctrine à Neufchâtel, travailla avec ardeur à la répandre dans
Genève; il fut expulsé, revint en 1534, et réussit en 1535 à y
introduire les nouveautés. Viret et Fromment lui prêtaient un
actif concours. Sans l'intervention violente de Berne, sans les
dissentiments des Genevois avec le prince évêque et avec la
Savoie, la Suisse française aurait conservé son antique
croyance. Genève fut placée sous la dépendance de Berne, et
tomba, sous le rapport politique, comme sous le rapport moral,
dans une profonde décadence.
OUVRAGES A CONSULTER ETT REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 112.
Ouvrages à consulter, ci-dessus, § 60 et suiv. La 1'^ Confession helvé-
tique, appelée ainsi à cause de son autorité, fut rédigée (1536) en
28 articles par Bulliuger, Myconius, Grynaeiis, etc. Quelques-uns l'ap-
pellent «( Basileensis posterior » (Basil. II) , à cause du lieu de sa
rédaction. La première Confession de Bâle, appelée aussi de Mulhouse,
parce que le conseil de cette ville la publia avec son sceau en 1537 et
1530, fut composée de 1532 à 1534, d'après le projet d'QEcolampade
(Hagenbach, Hist. critiq. de la première Confession de Bàle, Bâle,
1827, p. 213-217), par 0. Myconius en 12 articles (éd. Basil., 1534), et
revue en 1561. Corp. et Syntagma Confess. tid., Genev., 1612, I, p. 72
et seq.; quelques-uns en font la III« Confession helvétique. La seconde
Confession helvétique, par Bullinger, est de 1564; Bèze la traduisit en
366 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
français, et elle fut adoptée dans la plupart des pays réformés. Cf.
Niemeyer, Coll. Confess. in Eccl. reform, publicatarum, Lips., 1840.
Guerre de Berne et de Genève contre la Savoie : Leib, an. 1536, p. 604 et
suiv. Sur W. Farel, Erasm. ep. ad oflic. A. Ep. Besunt., Ep. lib. XVIII,
xxx; Cari Schmidt, W. Farel und P. Viret, Elberf., 1860; Kirchhofer,
Farels Leben, Zürich, 1831; J. Cart, Pierre Viret, le réformateur Vau-
dois, Genève, 1863. Le rôle de Berne et de Fribourg dans l'introduc-
tion du protest, à Genève (Archiv, für Schweiz. Reform. -Gesch., I,
p. 811 et suiv.). Hist. de M. Vuarin et du rétablissement du catholi-
cisme à Genève, par M. l'abbé Martin et M. l'abbé Fleury, Paris, 1862;
Kampschulte (ci-dessous, § 113), I, p. 26, 206 et suiv.
Jean Calvin.
113. Le plus important réformateur de la Suisse, ou plutôt le
chef du protestantisme français, fut Jean Chauvin (Calvin), né
à Noyon, en Picardie, le 10 juillet 1509. Destiné par son père à
l'état ecclésiastique, il étudia la philosophie et la théologie à
Paris, et ses talents lui valurent plusieurs bénéfices, qui lui
furent concédés à titre de secours. Plus tard, sur le désir de son
père, il alla étudier le droit à Orléans et à Bourges, sans renon-
cer complètement cà la théologie. A Bourges, un philologue
allemand, Melchior Volmar, l'initia à la théorie de Luther sur
la justification. En 1533, il se constitua dans Paris l'apologiste
de la nouvelle doctrine, et fit si bien que son ami Nicolas Kop,
recteur de l'université, émit lui-même dans un discours une
foule d'assertions en faveur de la réforme luthérienne. Une
enquête eut lieu, et Calvin, malgré la bienveillance de Margue-
rite de Valois, vit sa liberté compromise. Il erra quelque temps
à travers la France (1534), puis se rendit à Bâle, où il publia
son principal ouvrage, V Institution chrétienne, accompagné
d'une dédicace au roi de France François I" (1 535-1 53G).
Très habile à tourner les textes de la Bible dans le sens de
ses idées, Calvin n'était pas, comme Luther, ennemi de la spé-
culation ; il la reconnaissait même dans les ouvrages des Pères et
des scolastiques, utilisait les philosophes et les classiques grecs,
et faisait preuve d'éloquence et de sagacité. Moins original que
Luther, il suivait une méthode plus systématique et plus
scientifique. Quant à ses adversaires, il déversait sur eux les
mêmes outrages que le réformateur de Wittenberg. Son livre
eut encore plus d'influence que les Loci communes de Mélanch-
LE PROTESTANTISME. 367
thon, et surpassa de beaucoup les écrits de Zwingle. Ce fut égale-
ment auprès des peuples latins que Calvin eut le plus de succès.
il résida quelque temps à la cour de Ferrare, où la duchesse
Renée, princesse française, se montrait extrêmement favorable
aux nouveautés, à cause de la mésintelligence qui existait entre
elle et le pape.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 113.
Joh. Calvini Epist. et Resp., Genev., 1576 et seq., cum vita Calv. —
0pp., éd. Genev., 1556-1617 et seq., t. XII; Amst., 1671, t. IX et seq.;
Corp. Ref., vol. XXIX et seq., ed. Baum, Cunitz et Reuss, Brunsv.,
1863; Calvini, Bezae aliorumque Literae quaedam ex autogr. in bibl.
Goth., éd. Bretschn., Lips., 1835; Œuvres françaises de J. Calvin,
précédées de sa vie, par Th. de Bèze, Paris (imprimées d'abord à
Genève, 1564); Bolzec, Hist. de la vie de C, Paris, 1577; S. Basnage,
Hist. des Égl. réf., Rotterd., 1721 ; Henry, Leben Calvins, Hamb., 1835
et suiv., 4 vol.; Weber, Gescliichtl. Darstellung des Calvinismus,
Heidelb., 1836; Hundeshagen, der Conûict des Zwingl., Luth, und
Calvinismus in der Bernischen Landeskirche, Berne, 1843; Stœhelin,
Joh. Calvins Leben und ausgewaehlte Schriften, Elberfeld, 1861 et
suiv., 2 vol.; Hist. de la reform, en Eui'ope au temps de Calvin, t. II,
Paris, 1863; J.-B.-G. Galiffe, Quelques Pages d'histoire exacte sur les
procès crim. intentés à Genève en 1547 pour haute trahison, contre
N. Ami Perrin, Genève, 1862, et Nouvelles Pages d'histoire exacte sur
le procès de Pierre Ameaux (1546), ibid., 1863. Forschungen aus den
Genfer Rathsprotokollen : voy. Augsb. Allg. Zeit., Beil. v. 23 Aug.,
1866. Viguet et Tissot, Calvin d'après Calvin, Genève, 1864; Hermin-
jard. Correspondance des réformateurs, 1516 et suiv., Genève, 1866
et suiv. Auteurs catholiques : Maimbourg, Hist. du calvinisme, Paris,
1682, in-S»; Audin, Hist. de la vie, des ouvrages et des doctrines de
Calvin, Par., 1841, 2 vol., en allem., Augsb., 1843; Kampschulte,
Calvin, seine Kirche und sein Staat in Genf., Leipzig, 1869, t. I. Sur
cet ouvrage : Héfelé, dans Bonner Iheol. Lit.-BL, 1869, p. 662 et
suiv. — Calvini Institutio (plus tard Institutiones) religionis chris-
tiange, Basil., 1536; Argent., 1539, 1543; Genev., 1550, 1558; éd.
Tholuck, Berol., 1834; éd. Baum, Cunitz et Reuss, Brunsv., 1869.
Dans le principe, l'ouvrage avait six chapitres; plus tard il eut 4 livres :
i° Connaissance de Dieu Créateur; 2° Connaissance de Dieu Rédemp-
teur; 3 la Grâce de Jésus-Christ; 4° les Moyens extérieurs du salut.
Paul Thurius fit sur cet ouvrage le distique suivant : « Prseter aposto-
licas post Christi tempora Chartas, Huic peperere libro sspcula nulla
parem. » Calvin lui-môme le modifia souvent. Gerdes, de J. Calv.
368 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Instit. rel. chr. hist. lit., dans les Miscellanea Groning., II P., b;
Strobel, Lit. -Gesch. der Insüt. Calvins, INürnb., 1776. Albert Pighe
ayant écrit contre la doctrine de Calvin sur la prédestination, celui-ci
composa son « De aeterna Dei praedestinatione » et <■<■ De libero arbi-
trio », et il traita son adversaire, mort sur ces entrefaites, de « cbien
furieux ». Quant à ses autres adversaires, il les qualifiait de « ser-
pents », de « bêtes furibondes », de « gibiers de potence », de « chiens
impurs », de « calomniateurs », de « bavards », d' « aliénés », etc.
Travaux de Calvin à Genève. — Son expulsion et son retour.
114. En 1536, sur la prière de Farel, Calvin alla se fixer à
Genève, devint prédicant et professeur, et acquit bientôt une
prodigieuse influence. Il força les autorités et le peuple d'abju-
rer la papauté, introduisit une discipline sévère et régna en
véritable tyran. Beaucoup de citoyens s'en indignèrent. De leur
côté, les Bernois et leurs partisans étaient mécontents de ce
que Calvin et Farel refusaient d'adopter le règlement ecclésias-
tique de Berne, abolissaient toutes les fêtes, donnaient la com-
munion avec du pain fermenté, supprimaient dans les églises
les fonts baptismaux, etc.
Un synode tenu à Lausanne se prononça en faveur des Ber-
nois. Ainsi se forma contre Calvin un parti (les articulants), qui
le chassa de Genève (à Pâques, 1538), lui, son compagnon Farel
et Courault, augustin apostat.
Le cardinal Sadolet, évêque de Carpentras, essaya vainement,
dans un sévère monitoire, de ramener les Genevois à l'ancienne
Église ; Calvin, qui séjournait en Allemagne, où il se familia-
risa avec la réforme de ce pays, et devint ensuite prédicant à
Strasbourg, lui fit une réponse qui excita l'admiration de ses
partisans. Dans l'automne de 1540, Calvin épousa Idelette de
Buren, veuve d'un anabaptiste, se mit à la tète d'une Église
française réformée, et composa plusieurs écrits.
Comme Genève, depuis son exil, se trouvait dans un grand
désordre, qu'un changement avait eu lieu dans l'administration,
ses partisans et ceux de Guillaume Farel (les guillelmins) ga-
gnaient de plus en plus de terrain. Ils firent rendre un décret qui
le rappelait, lui et les siens (20 octobre 1540). Calvin souleva des
difficultés, se fit prier et supplier de rentrer, et posa enfin de.^
conditions qui lui accordaient un pouvoir presque illimité en
LK PROTESTANTISME. 369
matière ecclésiastique et civile. En septembre 1541, il revenait
triomphant. Viret fut également rappelé de Lausanne, et Farel
de Neufchâtel; mais ils n'eurent plus désormais qu'un rôle
secondaire.
OUVRAGES A. CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR I,E N" i 1 4.
Ouvrages à consulter, comme au n" M 3. Contre la lettre de Sadolct
(0pp., éd. Mogunt., 1607, p. 484 et seq.), Calvin écrivit : Responsio ad
Sadol. Ep. (0pp., éd. Baum, V, 385 et seq.). Tandis que Marguerite de
France le félicitait des services x'endus à ce pays, il s'ell'orçait, dans ua
écrit pseudonyme, sous le masque d'un patriote allemand, d'exciter le
sentiment national des Allemands contre le Saint-Siège. « Cousilium
admodum paternum Pauli III Pont. Rom. datum Imperatori... et Eu-
sebii Pamphili ejusdera consilii pia et salutaris explicatio, 0pp. V,
461 et seq.
Organisation des affaires religieuses à Genève.
H5. Dès le mois de novembre, les autorités et le peuple accep-
taient le « règlement ecclésiastique » et le « tribunal des mœurs » ,
par lesquels Calvin se proposait d'ordonner toute la vie domes-
tique et sociale selon les prescriptions de l'Évangile. Le « règle-
ment ecclésiastique» devint la loi fondamentale de la république
de Genève (2 janvier lo42). Les prédicants obtinrent des pri-
vilèges presque aussi étendus que ceux dont jouissait autre-
fois le clergé catholique. La surveillance était exercée par
l'assemblée générale (congrégation) de tous les prédicants
(ministres de la parole de Dieu), naturellement sous la direction
de Calvin. Le consistoire, qui venait d'être établi, se composait
de six ecclésiastiques et de douze laïques ; il était à la fois
chargé de l'inspection religieuse et civile et de l'administration
de la justice. Le manque de respect envers celte autorité était
puni comme « une rébellion contre Dieu et la sainte réforma-
tion ».
Cette inquisition redoutable surveillait les mœurs des citoyens
et leur assistance à l'église, punissait leurs délits, parmi lesquels
figuraient la danse, la fréquentation des spectacles et des caba-
rets (à l'e.vception de cinq cabarets privilégiés, tenus par de
bous calvinistes); elle épiait jusqu'aux conversations particu-
lières, et fulminait l'excommunication, qui se terminait par le
Y. — HIST. DE L'ÉGUSE. 24
370 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
bannissement. Les prédicants faisaient des visites régulières
dans les maisons, et prenaient des renseignements sur les plus
futiles objets. La prison était dure, les cbâtiments inbumains :
on alla jusqu'à inventer de nouveaux instruments de torture.
Calvin imagina aussi une nouvelle espèce de confession.
Avant de se présenter pour la cène, qu'on recevait quatre fois
dans l'année, les communiants devaient paraître devant lui :
ceux qui avaient besoin d'instruction, en recevaient ; ceux qui
avaient besoin d'avertissements particuliers, étaient avertis ;
ceux qui avaient des angoisses de conscience, étaient consolés.
La prédication et les catéchèses formaient le noyau du culte
religieux ; on y joignit le chant des psaumes avec des prières.
Les images, les ornements étaient interdits dans les églises : on
conserva la nudité glaciale du culte zwinglien.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 113.
Ordonnances ecclés. de l'Eglise de Genève, dans Richter, die
Ev. K. -Ordnungen des 16 Jahrh., 1, p. 342 et sniv,; Bonner Monats-
schrift für die ev. K. Jahrg., 1846. Cf. Kampschulle, I, p. 395, 442 et
suiv. Formule d'excommunication de Calvin, dans Kober, der Kirchen-
bann, p. 16. Audin, Leben Calvins. D. Augs., II, p. 31. Sur la confes-
sion : Kanipschulte, i, p. 460. — Mignet, Einführung der Hcform.
und die Verfassung des Calvinismus zu Genf., trad. du français par
Stolz, Leipzig, 1843.
Tyrannie de Calvin.
116. Le dictateur de Genève ne supportait aucune espèce de
contradiction : sa parole était une autorité infaillible. Ses ad-
versaires, les libertins, comme il les appelait, l'accusaient d'op-
primer les consciences et d'introduire un nouveau papisme. Il
les écrasa soit par la puissance de son crédit et de sa parole,
soit par les mesures coercitives du pouvoir civil. Il essaya de
rendre suspect et d'anéantir le parti national, qui lui était
contraire, et de créer dans Genève, surtout parmi les nombreux
émigrés de France, un parti qui lui fût entièrement dévoué. Il
percevait d'immenses revenus, déployait une activité infati-
gable, prêchait, écrivait, dirigeait les actes de la justice,
organisait des procès contre les sorciers, les « propagateurs de
la peste » et les hérétiques : en un mot, il agissait partout avec
une autorité absolue.
LE PROTESTANTISME. 371
Sébastien Castellio, prédicant célèbre et traducteur de la
Bible, ayant combattu sa doctrine de la prédestination, fut
destitué et exilé; le médecin Jérôme Bolsec fut congédié;
le conseiller Anieaux, jeté en prison; Jacques Gruet (1548),
misa mort pour avoir traité le réformateur de « chien » et son
consistoire de « tyrannie », et pour avoir écrit des lettres commi-
natoires. Gentilis, condamné à mort pour avoir accusé Calvin
d'erreur sur la Trinité, ne sauva sa vie qu'en demandant solen-
nellement pardon ; il fut plus tard décapité à Berne comme
hérétique (1566).
Michel Servet, médecin espagnol, qui avait combattu dans
un écrit le dogme de la Trinité, fut, pendant son passage à Ge-
nève (1553), condamné par Calvin comme hérétique et brûlé
vif. Calvin écrivit un traité spécial pour justifier la peine de
mort contre les hérétiques. Mélanchthon lui souhaita de réussir
avec son procédé, et développa les mêmes sentiments dans une
consultation. C'était là l'opinion qui dominait parmi les réfor-
mateurs.
Calvin exhorta le régent d'Angleterre à extirper par le
glaive quiconque combattrait l'organisation protestante des
affaires ecclésiastiques, notamment les catholiques; et cesdispo-
positions n'étaient pas chez lui le résultat d'un emportement
passager: c'était le fruit d'une colère sourde et réfléchie. Les
châtiments cruels trouvaient toujours en lui un promoteur et
un apologiste. Il était inexorable envers quiconque osait le
contredire et le blâmer. Plusieurs, tels que Le Fèvre, furent jetés
en prison, simplement pour avoir dansé dans une noce. Son
beau-fils Perrin, ayant menacé Calvin, dut se réfugier en France,
et il fut brûlé en effigie à Genève.
A la campagne comme dans la ville de Genève, le nouvel
Évangile fut introduit par la force ; le peuple, quand il s'y op-
posait ou faisait résistance aux prédicants souvent immoraux,
subissait les plus cruelles vexations. Les autorités ne toléraient
aucune parole, aucun emblème catholique ; l'abstinence de chair
le vendredi fut punie de la prison, et l'on contraignit une foule
de paysans d'assister aux sermons calvinistes.
OUVRAGES A CONSUr.TER ET REMARQUES CRITIQeES SUR LE N° H 6.
Libertins (libertini), ou égrenés : Calv. aux ministres de l'Église de
372 HISTOIRE DB l'ÉGUSE.
Neufchâtcl contre la secte fanatique et furieuse des Libertins, Gen.,
löii-, in-80; Mœhly, Sebast. Castellio, Bâle, 1862. Sur Bolsec,
Anieaux, Gniet, voy, Galitie (§ 113). Le Calabrais Jean-Val. Gentilis,
d'abord trithéiste, puis arien, avait proposé dans ses tbèses que celui
qui dans le débat public serait trouvé hérétique, fût puni de la peine
de mort. Bened. Aretin., Hist. de supplicio Val. Gentilis; Guéricke, III,
p. 435, n. 2. De Genève, Gentilis se rendit en France et en Pologne,
puis de nouveau en Suisse après la mort de Calvin; il fut décapité
le 9 septembre 1566. L'ouvrage de Michel Servet : de Erroribus Trini-
tatis libri Vil, 1531, est mentionné par Aléandre en lo32(Lœmmer, Mon.
Vat., p. 109 etseq., n. 84). En 1531, à Strasbourg, Bucer affermait en
chaire que Servet était digne de la mort la plus honteuse. Servet ensei-
gnait ceci : L'homme Jésus est le Fils de Dieu, car Dieu, dans la géné-
ration extraordinaire qui a eu lieu par l'entremise de Marie, a pris la
place du père; il a l'eçn la plénitude de la divinité coparlagée, mais sans
union hypostatique des deux natures. 11 écrivit en outre: Dial. deTrin.
lib. VII, et Christianismi restitutio. Cf. Schrœckh, V, p. 492 ot suiv., 513.
G.-L.-B. Pïinjer, de Mich. Serveti doctrina, Jenae, 187fi, et Brunne-
mann. Mich. Servelus Actenniaîszige Darstellung des 1553 in Genf gegen
ihn geführten Criminalprocesses, Berlin, 1865; Calvin, Fidelis Exposi-
tio errorum M. Serveti et brevis eorum refutatio, ubi docetur jure
gladii coercendos esse haîreticos, löo4; Calv. Opusc, p. 686 et seq.
De même Th. Beza, De htereticis a civili magistratu puniendis, eod.
an. Schrœckh, V, p. 189. Ce dernier demandait aussi que les antitri-
nitaires, quand même ils se rétracteraient, fussent mis à mort. Crenii
Animadvers., XI, 90. Mélanchthon, qui réclamait aussi des peines cor-
porelles contre les catholiques (Corp. Reform., IX, 77), adressa des
éloges à Calvin (Epp. Calvin., n. 187. Voyez son avis, Consilia et Judicia
theoL, éd. Pezel, II, 204). Cf. Menzel, II, p. 8 et suiv.; Dœllinger,
Kirche und Kirchen, p. 69 et suiv. Calvin au duc de Somerset :
Epist., éd. Genev., 1579, p. 40. Sur d'autres, voy. Galiffe (§ 113);
T. Gaberel, Hist. de l'Égl. de Genève depuis le commencement de la
réf., Genève, 1858-62, 3 vol. Sur les procédés dans les communes
rurales, Kampschulte, I, p. 448.
L'Académie de Calvin. — « Consensus Tigurinus. m — Mort de
Calvin et de Farel.
117. Comme sa renommée de théologien protestant lui atti-
rait une foule do disciples, qu'il voulait faire prévaloir son sys-
tème et le répandre au loin, Calvin établit à Genève, en 1558,
une académie pour renseignement do la philosophie et delà
théologie, dos langues grecque et hébraïque. Do nombreux
LI- rROTKSTANTISME. 373
disciples, Jon nés gens et hommes falls, affluèrent à Genève, non
seulement de la Suisse et de la France, mais encore de l'Alle-
magne, de l'Angleterre et de l'Ecosse, pour se former à l'école
du réformateur et aller fonder ensuite dans leur patrie des
communes réformées analogues aux siennes. Calvin répandit
avec profusion los semences de la révolte, en déniant toute
autorité aux princes qui résistaient à l'Évangile et en approu-
vant la rébellion contre eux. 11 fut longtemps en dispute avec
les théologiens de Zurich, qui continuaient d'avoir à leur tête
Henri Bullinger (mort en to75) ; mais, en 1549, il s'entendit avec
eux par calcul politique, et signa le Co7isensiis de Zurich. Quelque
rigide qu'il fût dans ses opinions, il ne laissa pas de se montrer
accommodant dès que l'unité politique et religieuse de la Suisse
lui parut d'une nécessité urgente. Il se contenta également, à
propos de l'Eucharistie, de rejeter à la fois la doctrine catho-
lique et la doctrine luthérienne ; mais cela ne l'empêcha pas
dans la suite (à Worms, 1557) de faire remettre par son disciple
Bèze une confession de foi où l'Eucharistie était présentée dans
le sens de Luther. La haine commune de l'ÉgUse catholique
fut toujours l'unique mobile des accommodements, purement
extérieurs, du reste, qui intervenaient entre les partis. Après une
vie remplie de travaux, Calvin mourut le 27 mai 1564. L'année
suivante, son collègue Guillaume Farel expirait également à
Neufchâtel.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 117.
Calvin, sur l'autorité et lobéissance qui lui est due : Inst., IV, xx,
XXX, XXXI, plus fort. Com. in Daniel., c. vi. Cf. Camden, Annal., p. II,
an. 1Ö71. Consentement de Zurich aux 26 art., dans .Niemeyer, p. 191-
217; éd. pr., 1351, cum Calv. ep. ad Tigurin., 0pp. VIII, 6i8 et seq.
Il est dit sur la cène : « Non minus absurdum judicamus, Christum
sub pane locare vel cum pane copulare, quam panem transsubstantiare
in corpus ejus. » Polémique à ce sujet avec Westphal, Ileszhusius et
autres luthériens, surtout «n 13b6. Explication k Worms, 1337 : Corp.
Reform., IX, 333 ; Beza, l'Histoire de la vie et de la mort de J. Calvin,
1364; Sta?helin, Jean Calvin, vie et écrits (part. IV, «le père et le fonda-
teur de la réfor. relig., » 1863); Roget, l'Eglise et l'État à Genève du
vivant de Calvin, Genève, 1867; Henry, Vie de Jean Calvin, t. III (en
allem.). La 3« fête séculaire de la mort de Calvin fut misérable : on ne
voulait plus le recounuilre pour le, héros, le saint des Français et des
374 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Suisses, ni justifier ses cruautés. Voy. sur cette solennité la Gazette uni-
verselle d'Augsbourg, n. 154, du 2 juin 1864. En 1862, le dernier des-
cendant de Calvin rentrait à Noyon dans le giron de l'Église catholique.
Théodore de Bèze.
i 18. Théodore de Bèze, disciple et biographe de Calvin, naquit
à Vézelay, en Bourgogne (1519), d'une famille noble, et étudia
les belles lettres à Orléans. De bonne heure il composa des
poésies obscènes et vécut dans le débordement. Licencié en
l'un et l'autre droit en 1539, il résida à Genève dès 1547,
fut ensuite professeur d'hébreu à Lausanne, puis de nouveau
prédicant et professeur à Genève, dans l'Académie do Calvin.
Bèze était appelé à continuer l'œuvre de son maître. Semblable
à Calvin par son humeur farouche, il avait cependant plus d'a-
ménité dans le caractère, et il donna au nouveau vsystème plus
de vogue que n'avait fait le maître lui-même. Spirituel, éloquent,
d'une présence d'esprit remarquable, il possédait de grandes
connaissances en linguistique. Il composa une multitude de
commentaires sur la Bible et d'ouvrages sur le dogme, tra-
duisit plusieur.«* parties de l'Ecriture sainte, et défendit l'idée de
Calvin dans différents traités : par exemple, sa théorie de l'Eu-
charistie contre le luthérien Tileman lleszhusius. Ses ouvrages
tant latins que français avaient beaucoup de vogue parmi les
calvinistes. Bèze mourut en 1605.
OUVRAGES A CGNSULTKR SUU LE iN° 118,
Fajus, de Vita et Obitu Th. Bezae, Genev., 1606; Schrœckh, K.-G.
seitder'l\ef., II, p. 205, 271 et suiv.; III, p. 125; V, p. 94, 106, 119,
141 222. Schlosser, Leben des Th. Beza und des Petrus Martyr Vcr-
milli, Heidelberg, 1809; Baum, Th. Beza nach hdschr. Quellen dar-
gestellt, Leipzig, 1843 et suiv., 2 vol. Contre lleszhusius, Rpetoçayta sive
Cyclops, dial. de vera communicatione corporis et sanguinis D. Trac-
tai, theol., I, 239 et seq.
Dogmatique de Calvin.
119. Calvin avait eu pour prédécesseurs Luther et Zwingle ;
mais il les surpassa l'un et l'autre par la rigueur de sa logique.
Dans sa principale théorie, celle de la nécessité absolue et de la
prédestination absolue, il se rattache à Wiclef. Tout ce qui
arrive, arrive iiüCC»sairomeut. A propos de l'état originel, il
Li: PROTESTANTISJIF.. 37o
conçoit riionimo, comme Luther, destitué de force surnaturelle,
mais cepenilaut doué du libre arbitre, qui lui permet, s'il le
veut, d'acquérir la vie éternelle. Quant à savoir comment le
libre arbitre se peut concilier avec la prédestination absolue, ni
Calvin ni aucun de ses successeurs ne l'a indiqué. Calvin sépara
rigoureusement ces deux dogmes, et, contrairement à Luther,
il conciliaitla liberté avec la nécessité intérieure, mais non avec
la coaction extérieure. Ainsi l'homme tombe parce que la Pro-
vidence divine l'a ordonné, et cependant il pèche librement,
parce qu'il ne subit pas de contrainte extérieure, mais seule-
ment une nécessité intérieure. C'est Dieu qui porte et excite au
péché, parce que c'est lui (jui agit, opère et crée en toutes choses.
Celte proposition, bientôt délaissée par Luther et Mélanchthon,
que Dieu est l'auteur du mal, fut maintenue par Calvin et Bèze,
en ce sens que Dieu crée une partie des hommes afin de pou-
voir par eux opérer le mal. La nécessité qui supprime toute
Uberté et qui résulte d'un décret de Dieu, ils ne la confon-
daient pas avec le fatalisme stoïcien ; ils prétendaient au
contraire que la doctrine suivant laquelle rien ne se fait sans
un décret de Dieu était éminemment consolante, pratiquement
utile et nécessaire en théorie ; ils parlaient d'une volonté secrète
de Dieu, volonté juste, quand même nous ne la comprenons pas.
En cela, disaient-ils, il faut distinguer le motif de Dieu et le
motif du pécheur, et appliquer la sainteté du but à la sainteté
des moyens.
Dieu voulant manifester à la fois sa justice et sa miséricorde,
il doit y avoir des pécheurs et des élus. Adam était condamné
à pécher ; mais il était punissable, parce qu'il pécha avec une
délectation intérieure, avec spontanéité, et qu'il ne voulut pas
se soustraire au péché. « La prédestination est un dessein éter-
nel par lequel Dieu prononce sur la destinée de chaque homme,
car tous ne sont pas réservés au même sort : las uns sont pré-
destinés d'avance à la vie éternelle; les autres, à la damnation. »
Dieu slnsinue dans les esprits des réprouvés, afin de les rendre
plus inexcusables. Les élus, au contraire, sont créés pour servir
d'instruments à la miséricorde de Dieu ; la grâce divine, qui est
irrésistible, domine en eux. Calvin croyait avoir emprunté cette
doctrine à saint Paul et à saint Augustin.
376 HISTOIRE DE L*ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 119.
Cf. Petav., Dogm. theol., t. I, lib. X, c. vi-xv. Doctrine de la pré-
destination; Instit., I, XV, 8; xvi, 8; xvii, 3; III, xxiii, 4 et seq.; xxi, 5;
Beza Aphorism., 22. Abstersio calumniarum, quibus aspersus est J.
Calvinus a Til. Heszhus., 1561.
120. Sur lo péché originel, Calvin vacillait dans son langage :
tantôt il disait qu'il a détruit dans l'homme Timage de Dieu,
tantôt qu'il l'a seulement obscurcie et défigurée. Il admettait
que la raison et la volonté constituent la différence de l'homme
et de l'animal ; il les faisait également valoir dans le domaine
purement civil, mais il hésitait souvent sur le terrain religieux
et moral. Leä bonnes œuvres des païens, suivant lui, étaient des
œuvres purement extérieures, hypocrites, coupables. La con-
cupiscence et la justification, il les concevait îi la manière de
Luther. Il attribuait aux élus la parfaite certitude de leur féli-
cité éternelle. Il envisageait la foi qui justifie comme l'organe
par lequel Jésus-Christ est offert à Dieu pour la sanctification
de l'homme : tel qu'un vase de terre qui renferme un trésor,
mais qui est en soi sans valeur.
Sur les bonnes œuvres, Calvin s'exprimait avec plus de mo-
dération que Luther : il croyait qu'elles ne sont pas parfaitement
pures chez les fidèles, qu'elles sont souillées dans une certaine
mesure. Il considérait les sacrements comme d'utiles auxiliaires
de la foi; mais, contrairement aux catholiques et aux luthériens,
il voulait que leur vertu sanctifiante fût rigoureusement séparée
des signes sensibles; cette vertu n'était pas unie aux éléments
matériels. Chacun recevait ces éléments, mais non la nourriture
divine (la grâce).
Dans le Baptême, les réprouvés ne sont lavés qu'extérieure-
ment, et dans l'Eucharistie ils ne reçoivent que du pain et du
vin. Calvin n'admettait que ces deux sacrements ; il rejetait la
Pénitence, qui, suivant lui, consistait simplement à dépouiller
lo vieil homme et à revêtir l'homme nouveau. Sur l'Eucharistie,
il cherchait un moyen terme entre les luthériens et les zwin-
gliens, rejetait à la fois la transsubstantiation et la consubs-
tantiation. Le corps de Jésus-Christ, disait-il, est réellement
présent, et les fidèles y participent en ce sens qu'au moment
où ils reçoivent les éléments sensibles, lesquels demeurent à
LE PROTESTANTISME. 377
tous égards co qu'ils étaient, une vertu qui découle du ciel,
où le corps de Jésus (rélénieut divin) réside exclusivement, est
ofTerte aux fidèles (aux prédestinés).
Sur l'Église, Calvin partageait les vues de Luther, mais il
maintenait le corps enseignant ordinaire. L'Église invisible des
prédestinés doit reluire dans l'Église visible ; le ministère spiri-
tuel doit être exercé par les pasteurs, les anciens et les diacres.
La vocation divine apparaît comme venant de Dieu, (piand elle
est décernée par la commune ; l'imposition des mains doit être
faite par le conseil des anciens {presbyterium). L'Église, indé-
pendante de l'État, est organisée en communes réglées d'après
lo régime républicain ; les synodes sont le lien de l'unité.
L'origine divine de l'Écriture sainte doit être attestée par le
témoignage que le Saint-Esprit rend dans le cœur de l'homme.
La Bible doit être la loi souveraine des prédicateurs, des synodes
et des autorités.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 120.
Sur le péché originel : Inst., I, xv, 4; II, ii, 12; iit, 6; III, ii, 12;
XXIX, 2. Ses maximes, dans Strausz, Doctrine dogmatique, 1, § 9, p. 95.
Fides justificans el opéra bona : Inst., 111, xi, 7; xiv, H ; de Ni:!cessit.
reform. Eccl., Opusc, p. 430. Sacrements : Inst., IV, c. ix, 17. Église et
Bible : IV, i, 2; I, vu, .3. Cf. Mœhler, Symb., liv. I, § 3 et suiv., 8,
31, 31 ; Staudenmaier, Philos, des Christenth., I, p. 698-709; Hepp,
die Dogmalik der evangel.-ref. Kirche, Elberfeld, 1866; Lobstcin, die
Ethik Calvins in ihren Grundzügen, Strasbourg, 1877.
PROPAGATION DU PROTESTANTISME DANS LES DIFFÉRENTS PAYS.
En AUeniag'ae.
Les métropoles du protestantisme allemand.
121. Plusieurs grandes villes d'Allemagne étaient devenues
les foyers intellectuels de la nouvelle doctrine. Après Witten-
berg, ce fut Strasbourg (1524) qui servit de lien entre
l'Allemagne et la France. Là travaillaient Capito (mort en 1542),
qui en 1528 avait rejeté le baptême des enfants; Bucer, Hedio et
Nicolas Gerliel de Pforzheim, lequel représentait la théorie
rigoureuse de Luther sur la justification contre iMatth. Zell
(Schwenkfeldien) et contre le chanoine Velsch de Saint-Thomas;
378 HISTOIRK DE l'É0F-16E.
Engelbrccht, ancien coadjulour de Spire, alors curé de Saint-
Etienne, et plusieurs antres qui nu firent que passer.
La troisième métropole étaitNurenberg,centrodu mouvement
dans le sud-est de rAllemagne. André Osiandro, professeur de
langue hébraïque en 1520, y enseignait depuis 1522, à Saint-
Laurent, les doctrines de Luther, Dominique Schleupner, pré-
dicant à Saint-Sébald, se joignit à lui ; puis, en 1523, le domi-
nicain apostat Thomas Venatorius, pasteur au nouvel hôpital ;
le recteur Léon Uardt Culmann ; en 1525, Wenceslas Link,
ancien augustin et ami de Luther; en 1528, André Altham-
mer, diacre de Saint-Sébald. Les prévôts George Besler et
Hector Poemer, l'abbé de Saint-Gilles, le prieur des chartreux
et celui des augustins prirent aussi une pari très active à
l'introduction de la nouvelle doctrine, dont les prédicateurs
eurent bientôt de nombreuses disputes.
Une quatrième métropole était Magdebourg: Nicolas d'Anis-
dorf, né en 1483, professeur de théologie à Wittenberg depuis
1511, s'y employa pendant dix-huit ans, à partir de 1524, <à
l'œuvre de la réforme. C'est là aussi que se réunirent plus tard
les luthériens les plus hardis et les plus entreprenants. Ham-
bourg fut réformée jusqu'en 1529, par Jean Bugenhager, qui
travailla aussi à Brunswick, à Lübeck, à Heidelsheim et en
Poméranie, puis par le franciscain apostat Etienne Kempen.
Francfort-sur- le-Mein eut pour apôtre le dominicain Denys
Melander, qui, après avoir apostasie à Ulm, y vécut depuis 1534
dans une grande immoralité, et devint ensuite prédicateur de
la cour de liesse (mort en 1561). A Erfurt, Luther prêcha à
diverses reprises avec de grands applaudissements ; en 1521,
sur les instances du prieur des augustins .1. Lange, le culte
catholique y avait été aboli, et nul prêtre n'usait plus paraître
dans les rues avec son costume ecclésiastique. Just Ménius, de
Fukle, devint, en 1.525, pasteur luthérien à Saint-Thomas, mais
fut contraint d'abdicjuer. 11 alla poiu-suivre en Saxe l'œuvre de
la réforme, devint surintendant d'Eisenach, puis de Gotha en
1546. Il passait pour le principal réformateur de la Thuringe
(mort à Leipsig en 1558).
A l'université d'Erfurt, le médecin Henri Eberwein (Euricius
Cordus) faisait des leçons sur la doctrine de Luther, et la plu-
part des professeurs étaient en rapport avec le réformateur de
I,E PROTESTANTISME. 379
"Wittenberg. Cepninlaiit le maître de Luther, Jodok Trutvelter,
qui retourna bientôt de Wittenberg à Erfurt, mourut dans la
foi catholique (1510). Dans celte même ville, l'augustiu Barth.
Arnoldi fut également, jusqu'en 1526, le défenseur invariable
de l'ancienne doctrine de l'Église. Il en fut de même de Jean
Lupus et de Maternus Pistorius, l'iui des fondateurs de l'école
des humanistes d'Erfurt. Quant à George Forchheim et à Jean
Culsheimer, ils suivaient, ainsi que l'augustiu Lange (mort en
1547), la doctrine de Luther.
OLVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 12t.
Dœllinger, Réforme, 11, p. 3 et suiv., 81 et siiiv., 1 lit et suiv., 114;
1, p. 215 et suiv.; Bugenhagen, ibid., II, p. 140 et suiv.; K.-A. Tr.
Vogt, Joli. Bugenhagen Ponicranus, Elberf., 1867 ; Denys Melander,
Dœllinger, II, p. 210 et suiv.; iMenius G.-L. Schmidt, Justus Meniiis,
Gotha, 1867, 2 vol. Cf. Kampschulte dans Bonner, Ihcol. Lil.-Bl., 1869,
p. 533 et suiv.
Lattes dans les universités allemandes. — Les expectants.
122. Dans les universités allemandes, dont beaucoup furent
précipitées par le protestantisme dans une profonde déca-
dence , la lutte religieuse fut généralement conduite avec
beaucoup de vivacité : telles furent Erfurt, Bàle (protestantisées
parla force en 1529); Leipzig, qui était un des boulevards du
catholicisme sous le duc George, fut réformé après sa mort,
et déclina bientôt. L'université de Rostock (tombée après 1518),
celle de Francfort-sur-l'Oder (près de se dissoudre en 1526),
se laissèrent envahir presque sans résistance par la nouvelle
doctrine. A Tubingue, le duc protestautisa l'université en 1535,
avec le concours dos zwinglieiis Grunaeus et Blaurer, bien que
beaucoup de professeurs fussent encore catholiques de cœur.
La nouvelle université de Marbourg fut bientôt dans la plus
triste décadence; celle de Giessen, créée en 1607, n'eut pas
d'importance. Helmstaedt, fondée en 1574, était déjà près
de crouler en 1602.
Wittenberg etiéna étaient agitées par de violentes querelles;
Heidelberg, divisée jusqu'en 1557, fut protestantisée par le
prince électeur Otton IIenri,puis scindée par les luttes du luthé-
ranisme et du calvinisme; Fribourg, au contraire, qui était
380 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
demeurée catholique, s'agrandit. Le fameux juriste Ulric Zasius,
né à Constance en 14GI, d'abord admirateur de Luther et dès
1521 révolté de sa conduite, se familiarisa plus tard avec la
théologie catholique; il se félicitait en 1534 de l'état florissant de
l'université de Fribourg, où affluaient un grand nombre de
professeurs et d'étudiants, pour se soustraire à l'impiété qui
régnait à Tubingue. On y vit arriver Louis Ber, professeur
renommé à Bàle, qui avait été formé à Paris ; puis le célèbre
Henri Loriti Glareanus, chargé d'enseigner la poésie, et Jean
Gaudens Anhauser, de Neutlingue, professeur à Tubingue
jusqu'en 1534 (plus tard à Vienne).
La plupart des facultés de droit ne se rattachèrent que partiel-
lement à l'œuvre de Luther : si elle offrait de grands avantages à
leur profession, si elle favorisait la bureaucratie, ces hommes ne
pouvaient s'accommuderd'nup;irti d'où les formes et la légalité
étaient absentes. Cependant un grand nombre de savants dé-
ployaient leurs voiles au vent qui soufflait alors : Christophe
Hogendorphin, syndic do Lunebourg en 1537, surintendant
en 1540; Jacques Mycellius, professeur à Heidelberg, qui com-
mença en 1532 à soutenir les innovations qu'il avait jusque-là
combattues; Jacques Diller, autrefois prieur des augustins,
prédicant luthérien à Spire en 1528, prédicateur de la cour de
Nenburg en 1548, mort à Heidelberg en 1570, protestant en
public et catholique en secret.
Beaucoup même de ceux qui entrèrent dans le mouvement
religieux et moururent dans la nouvelle corporation, aimaient
à se persuader que la séparation n'était pas durable, qu'on
pouvait être à la fois protestant et membre de l'Église catho-
lique, que cet état ne durerait que jusqu'à ce qu'un accord fût
arrêté par un concile formé des doux partis ou par un autre
moyen : ces hommes-là se nommaient les expectants. Mais, en
présence des dispositid^is qui animaient les princes luthé-
riens, de telles espérances ne pouvaient se réaliser.
OUVRAGES A CONrilt.TER SUR LE N" 122.
Dœllingcr, Héf., I, p. 468-if<2, :;;j7-y82. Plaintes sur Erfurt par
lléliusCoban. Hesse, ibid., p. 2IG-2I9 ; sur Marbonrg, p. 219-221 ; II,
p. 20'f et suiv. Sur Ulrich Zasius, ibid., I, p. 174-182; Sliuzing,
Ulrich Zasius, Bùle, 1857; Janssen, Gesch. d, duuLcheu Vulkcb, 1,
LE PROTESTANTISMK. ;'.Sl
p. 91-93. Ludwig Ber : Dœllinger, I, p. 560-oß2. Glareaiius et Anliaii-
ser, ibid., p. 182-186, 56k Silualion tics facullös de juristes, I, p. 034 et
suiv., Ö68. Dilier, liegendorpliin, Myceilius et autres, ibid., I, p. öä4-
556, 567. Kxspeclaates, ibid., I, p. 51 1 et suiv.; Pastor, p. 107 et suiv.
Vieux théologiens dévoués à l'Ëglise. — Les réformateurs
dans quelques provinces et localités.
123. Parmi les anciens et savants théologiens catholiques, il
s'en trouva fort peu qui embrassèrent la nouvelle doctrine. On
cite parmi les fidèles soutiens de la foi catholique les noms
suivants : en Alsace, Jean Wimpfelin{^(mort en 1528), zélé pour
la réforme des mœurs; Othner Luscinius (rossignol), disciple
de Geilerde kaisersherg ; Beatus Khenanus (mort en 1547), dis-
ciple de Wimpfeling, et qui, avec l'aide de son maître, conserva à
l'Eglise l'école de Schletstadt; dans le Wurtemberg, le prémontré
Jacques Nelin, professeur d'hébreu depuis 1538 à Ingolstadt;
le prévôt Amhroise Widmann, qui alla à Noltenbourg; Arm-
bruster, recteur de Tubingue, qui alla à Wurzbourg; Gallus
Jean MuUer, qui alla à Inspruck; Plantsch (mort en 1533),
Pierre Brun; en Franconie : Conrad Wimpina (mort en 1531);
Kiliau Leib, prieur des chanoines augustins de Rebdorf(mort
en 1553), à Rostock; Jean PaulU, surnommé Arsène, prieur
des Frères de la vie commune, honmie de grand mérite et
inébranlable à toutes les attaques (mort en 1577); Marquard
Behr, prieur de la chartreuse de Marienehe, près de Rostock
(mort en 1553), fidèlement dévoué à l'Église.
Entre les anciens théologiens qui résistèrent à l'Église, nous
nommerons d'abord Urbain Régius, professeur à Ingolstadt
en 1510, vicaire général de Constance en 1519 : il prêcha à
Augsbourg la doctrine de Luther avec un cortège de partisans
armés; puisa Hall, dans le Tyrol; nommé prédicateur en 1524
par le magistrat d'Augsbourg, il organisa en 1530, sur l'ordre
du duc Ernest, la nouvelle Éghse de Lunebourg, et y mourut
avec la qualité de surintendant (1541 j.
La plupart des prédicants luthériens étaient des moines
évadés : nous citerons l'augustiu Gaspard Gutel, qui en 1522
prononça à Arnstadt le premier sermon luthérien, alla à Zwi-
ckau en 1.^23, et travailla longtemps à Eislelien (mort en 1541);
sou collègue Michel Styfel, qui en 1 522 s'échappa du couvent
382 HISTOIUK DE l/ÉGLISE.
d'Esslingcn, prêcha chez le comte Albert de Mansfeld, puis en
Autriche, d'où il s'enfuit et so réfugia auprès de Luther; il
devint curé de Lochau, et, après des vicissitudes diverses, après
avoir professé les mathématiques, mourut à léna en t5C7, etc.
Parmi les premiers propagateurs du hithéranismo, on re-
marquait Eberhard Weidensée, ancien prévôt et lecteur à l'école
du couvent d'Halborsladt, pasteur à Magdebourg en 1524,
chassé par son collègue Grau topf, qui était favorable aux ana-
baptistes et avait soulevé le peuple contre lui ; il travailla
dans l'intérêt de la réforme dans le Schleswig-Holstein, et mou-
rut en 1547, surintendant à Goslar.
Le comté de Nassau avait eu pour réformateur Érasme Sar-
cérius,qui, aprèsavoir été employé à Lübeck, Rostock, Vienne,
Gratz, puis de nouveau à Lübeck, fut recteur à Siegen en
1536, devint en 1539 surintendant de tout le comté, retourna
plus tard en Saxe et à Mansfeld, et mourut à Marbourg en
1559.
Dans la ville impériale de Nordhausen, à Ilfeldet Walkenreid,
la nouvelle doctrine fut introduite dès 1524 par Jean Spangcn-
itcrg. A Halle, Juslus Jouas fut appelé (1541) en qualité do
réformateur, et prit pour auxiliaire le batailleur André Poach.
En 1545, il fit de vifs reproches au conseil, qui refusait d'expul-
ser les ecclésiastiques et les moines demeurés fidèles à l'ancienne
Eglise. En 1546, le duc Maurice le fit expulser pour outrages
à la personne de l'empereur ; après son retour (1550), il lui
fut défondu de prêchera Halle. En 1551, il devint prédicateur
à la cour de Cobourg, et, bourrelé de remords, mourut en 1555
surintendant d'Eichsfeld. L'ami de Luther, Spalatin, deverni en
1525 surintendant d'Altenbourg, dégoûté de son emploi dès
1528, fut tourmenté plus tard par une mélancolie qui allait
jus(ju'à l'aliénation mentale, et qui en 1544 le précipita dans la
tombe.
OUVRAGES A CONSULTER SUR I.F. N° 123.
Wimpfcling et Liiscinius : Dœllinger, Héf., I, p. 546-551. Beatus
Rhenanus, ibid., p. 515 et suiv.; Horawilz, Rcalus Rheii., Vienne,
1872; des H. Rhen. Tlicptigkeit., Vienne, 1873. Théologiens de Wùr-
tonilicrg : Doillinger, I, p. 503 et suiv. Wimpina, ibid., I, p. 580.
Kilian l.cib : voy. Wiiizl). kalli. VVochenschi'., 1855, n. 50, ]). 785 et
suiv. Jean Aisénius : Dœllinger, 1, p. 578-580. Alarquard Dehr : voy.
LE PROTESTANTISME. 'Mi
Lisch, dans Jalirb. fur Mecklenb. Gesch., Schwerin, ^SfiO, ainiAe 2.)%
p. 383. — Urljain llcgins, « Summe chrisll. Lehre », Augsb., 1">27 :
Deutsche Bücher und Schriften, Nürnb., 1562; Dœllinger, IL p. S8-
63; Uhlhorn, Urban Reg., Elberf., 1861. Gaspard Gütel : Dœllinger, U,
p. 66-68. Michel Styfel : voy. E.-J. Cosack, dans Neue Preusz. Prov.-
ni., III, conlinué par K. v. Hasenkamp, Kœnigsb., 1861, t. VII, VIII.
Eberhard Weidensee : DoiUiiiger, II, p. 72 et suiv. Érasme Sarcérius :
voy. Engelhardt, dans Niedner's Ztschr. f. bist. TheoL, 1850, I, p. 70
et suiv.; Dœllinger, II, p. 179 et suiv. Spangenberg : Dœllinger, II,
p. 268 et suiv. Juslus Jonas à Halle, ibid., p. 114-117. Spalatin : voy.
Jnl. Wagner, Spalatin und die Ref. zu Altenburg, Altenburg, 1830;
Chr. Schlegel, Hi.-.L vita? Georgii Spalatini, Jenae, 1693; Dœllinger, II,
p. 117 et suiv.
Disciples de Luther.
124. Luther compta parmi ses principaux disciples : 1" Antoine
(lorvin, cistercien apo.stat, qni conconrnt à l'érection de l'uni-
versité de Marbourg, propagea le luthéranisme à Goslar et à
Nordheim, et devint enfin surintendant général à Calenberg
(mort en 1553) ; 2° Érasme Alher, qni étudia sous Luther en
1520, enseigna en 1525 à l'école d'Ursel, répandit la nou-
velle doctrine dans le petit pays de Dreicheicn, dans le comté do
Katzenellenbogen et dans le Mittelmark, et fut ensuite pré-
dicant à Neubrandebuurg, auteur de cantiques religieux et
d'écrits sarcastisques, mal famé, dissipateur et perdu de mœurs
(mort en 1555); 3" Jean Drach (Draconitès), de Carlstadt en Fran-
conie : il étudia à Erfurt, puisa Wittenberg, prêcha la réforme à
Miltenberg en 1522, et pénétra dans l'évêché de Vurzbourg, où
Luther comptait déjà des partisans. Deux chanoines de Nen-
Munster s'y étaient mariés, et furent emprisonnés par
l'évêque Conrad IlL Promu docteur en théologie à Wit-
tenberg en 1523, il devint curé de Walters-Hausen en Thn-
ringe (jusqu'en 1528), prêcha k Eisnach et à Marbourg (jus-
qu'en 1547), redevint professeur et surintendant à Rostock, et
retourna à Wittenberg (1560, mort en 1566). 4° Gaspard Aquila
d'Augsbourg, curé de .lengen, près de Landsberg : enseignait
déjà en 1518 diverses propositions de Luther, assista en 1520
aux leçons de celui-ci à Wittenberg, devint prédicateur à
l'église du château de cette ville et professeur d'hébreu, fut
curé à Salfeld en 1527, soutint de nombreuses controverses,
384 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
réforma Hennegau, accepta la charge de surintendant à
Smalkalde, la perdit eu 1552, et retourna à Salfeld (mort en
1560). 5° Jean Éberlin de Gunzbonrg, franciscain à Tubingue et
à Ulm : il prêcha la nouvelle doctrine dans cette dernière ville,
résida à Bâle et à Rheinfeld, puis auprès de François de Sicken-
gen, alla à Wittenberg en 1522, se maria à Erfurt, devint pré-
dicant à Wertheim en 1525, et mourut en 1526. Tandis qu'il
dépeij^nait sous de vives couleurs l'incrédulité de son parti, il
donnait lui-même beaucoup dans la déloyauté et l'hypocrisie.
C'était là, du reste, le caractère de la plupart des réformateurs
sortis de l'école de Wittenberg.
OUVRAGES A CONSULTER SUR I.E N" t24.
Sur Antoine Corvin , voy. Dœllinger, II, p. 63-66; sur Érasme
Alber, ibid., p. 68-72, et Creccellius, dans Archiv, für Lit.-Gesclx., VI,
h. 1. (Il no faut pas le confondre avec Matth. Alber, réformateur à
Reullingue : voy. J. HarUnann, Matth. Alber, Tiib., 186.3.) Sur Jean
Dracli, Do^llinger, II, p. 20.Ï-2I0; sur Gaspard Aquila, ibid., p. 132-
134; sur Jean Éberlin, Slrobcl's Lit. Museum, 1, p. 365 et suiv.; Hist.-
pol. m., t. VIII, p. 347-351.
lue protestaii(i»>nie en Prusse et en Silésie, en Polog'ne el en
llon{>;rie.
Le protestantisme en Prusse.
125. Le prince Albert de Brandebourg, grand maître de
l'ordre Teutonique depuis 1511, avait refusé au roi de I*ologne
l'hommage et les devoirs du vassal : il fut attaqué en 1519. Léon X
essaya d'iutervenir, et Charles-Quint méuagea un armistice de
quatre ans. Pour se rendre indépendant do la Pologne, Albert
gagna l'Allemagne on 1522, et ne tarda pas à s'éprendre de la
doctrine do Luther,qu'Osiandre lui avait enseignée àNurenberg.
Luther lui conseilla de supprimer la règle de l'ordre, et de gou-
verner la Prusse comme une principauté temporelle. Son con-
seiller Frédéric de Heidek était favorable aux nouveautés. Les
prédicants luthériens Jean Brissmann et Pierre Amandus arri-
vèrent en Pru.sse.
Bientôt les moines et les nonnes furent chassés de leurs cou-
vents, les imagos et les autels détruits dans chaque église.
I
LE PROTESTANTISME. 385
L'évêquedu Samlaud, Jean-George Polenz, coiicoiirntà la pro-
pagation du luthéranisme. Le faible roi de Pologne conclut la
paix à Cracovie en 1525, et reconnut Albert comme duc héritier
de la Prusse orientale, sous la haute suzeraineté du roi. Ses États
donnèrent leur assentiment; l'évèque du Samland, demeuré
seul, renonça à son pouvoir temporel. Le nouveau duc épousa
Dorothée, princesse danoise, et se justifia de cet acte dans un
écrit d'une grande platitude. Il brava tout ensemble et les cen-
sures du pape et le ban de l'empire, et les protestations de
l'ordre indignement spolié, dont la plupart des commanderies
allemandes demeurèrent fidèles à la règle et transportèrent
le siège du grand maître à Mergentheim.
En 1526, une nouvelle liturgie et un règlement ecclésiastique
nouveau, en langue polonaise, furent introduits. Jean Seclu-
sianus prêcha à Kœnigsberg. En 1530, Albert adopta la Confes-
sion d'Augsbourg, et fonda, pour servir de pépinière au pro-
testantisme dans le nord- est et de colonie à Wittenberg, l'uni-
versité de Kœnigsberg (1530). Le gendre de Mélanchthon, Sabi-
nus, en fut le recteur sa vie durant ; il eut beaucoup à souffrir de
la discorde des professeurs et des débordements des étudiants.
Elle devint le théâtre des luttes les plus désastreuses. L'appro-
bation du roi de Pologne dut remplacer celle du pape et de
l'empereur-
A la mort d'Albert (1568) , le luthéranisme était partout
affermi dans le pays, mais déchiré par une foule de querelles
intestines. Les deux évêchés de la Poméranie et du Samland,
pourvus de nouveau en 1567 sur la demande des États, furent
supprimés en 1587 et remplacés par des consistoires. Après la
mort du duc Albert-Frédéric, tombé en démence (1618), la
Prusse échut à l'électeur de Brandebourg.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N° 125.
Pétri Bembi Epist. Leonis X nomine scriptae, IIb. I, ep. xxii; üb. Il,
ep. xxn; Campeggio, epp. an. 1524; Lsemmer, Monum. Vat., p. H et
suiv.; Simon Grünau de Danzig, 0. Prsed., Chron., dans le recueil :
die Preusz. Gesch. -Scbreiber des 16 u. 17 Jahrb., Leipzig, 1877,
livrais. III; F. -S. Bock, Leben Albrechts von Preuszen , Kœnigsb.,
174:); D.-H. Ârnoldt, Kurzgefaszte Kirchengesch. vom Kœnigr. Preus-
zen, Kœnigsberg, 1769, p. 249 et suiv.; Faber, Luthers Briefe an
V. — BIST. DE l'Église. 25
38G HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Herzog Albrecht und Melanchth. Briefe an H. A. (tons deux à
Kœnigsb., 1817). Le même : lieber das Verliaillnisz des Deutschordens
z. rœm. Stuhle, dans Schuberts Abhdlgn. der deutschen Gesellsch.,
Kœnigsbg., 1830, I; Nicolovius, die Hischœll. Würde in l'reuszen,
Kœnigsb., 1834; Tœppen, die Gründung der Un. Kœnigsberg und das
Leben des Sabinus, 1844. Cf. Dœllinger, Réf., I, p. 480-482. Alt-
preuszisches Kirchenbuch nebst einer bist. Einleit., Kœnigsb., 1861;
Voigt, Corresp. Albr. v. Preuszen, Kœnigsb., 1841. Le même, Gesch.
Preuszens , Kœnigsb., 1839, t. IX, p. 68ö et suiv., et lettre au P.
Augustin Theiner (contre son assertion qu'Albert était rentré dans le
giron de l'Éghse catholique, 1846), Kœnigsb., 1846. Cf. Riffel, II,
p. 147 et suiv.; Raesz, Convertiten, II, p. 584-595. — Nouveaux rensei-
gnements puisés aux sources sur le réformateur Albert de Brème
(Catholique, 1876, p. 172 et suiv.j.
Le protestantisme en Silésie.
126. Dans la Silésie, qui, après avoir été polonaise jusqu'en
H63, fut gouvernée par ses propres ducs, dont la plupart
reconnurent dans ia suite la suprématie de la Bohême, les agi-
tations des hussites et l'engourdissement do la vie religieuse
avaient préparé les voies à la nouvelle doctrine. Jean V, évoque
de Breslau (1506-1520), était en relation avec les Wittenbergeois
et mérita même les éloges de Luther. L'augustin Melchior lloft-
mann, envoyé par Luther lui-même, prêcha dès 1518 dans
la principauté de Jauer, au château du seigneur de Zedlitz, et,
à partir de 1521, au château de Jean de Rcichonberg, ami de
Mélanchthon ; à Freistadt, dont les magistrats s'emparèrent de
l'église paroissiale (1524), et installèrent le prédicant Nicolas
Sander.
Dans le duché de Liegnitz, la nouvelle doctrine fut annoncée
par Fabien Eckel et Sébastien Schubart, appuyés par le duc
Frédéric IL En i:)23, celui-ci appela le luthérien Valentin
Krautwald à l'église de Saint-Jean, enleva en 1524 au clergé
catholique les contributions paroissiales, prescrivit la « prédica-
tion évangélique », et fit distribuer la communion sous les deux
espèces. Les franciscains furent chassés; les catholiques, violem-
ment opprimés.
Le conseil municipal de Breslau manda des prédicants luthé-
riens, notamment Jean Hess de Nurenberg, laissa la populace
insulter impunément et pubhquemeiit le culte catholique, s'em-
1,E PROTESTANTISME. 387
para d'un grand nombre d'églises et de couvents, dont il con-
fisqua les biens, et traça à tous les ecclésiastiques des règles sur
la prédication. Seul entre les prêtres catholiques qui restaient
encore, le docteur Sporn de Saint-Albert combattit ouvertement
l'ingérence des magistrats : il fut expulsé avec plusieurs
moines.
Les édits du roi Ferdinand et les représentations de Sigis-
mond de Pologne n'eurent pas plus de succès que les démarches
du pape Adrien VI et de Jacques, évêque de Salza, esprit faible
quoique bien pensant (1520-1539). D'autres villes suivirent
l'exemple de Breslau. Il est vrai que le roi Ferdinand se fit
rendre hommage dans cette ville (1527), et publia des ordon-
nances pour protéger les catholiques ; mais elles ne furent pas
exécutées, et le monarque, absorbé par la guerre contre les
Turcs, ne put les faire prévaloir. Les évèques, chargés du com-
mandement supérieur des troupes locales, étaient sans éner-
gie ou même favorables à la nouvelle doctrine : tel Balthasar de
Pomnitz (1539-1562), dont la nomination combla de joie les
protestants. L'apostasie faisait chaque jour de nouveaux progrès
parmi le clergé. Quelques-uns seulement, comme le docteur
Colo, Senitz et Kupferschmidt, préférèrent l'exil à la rupture de
leurs vœux sacerdotaux.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 126.
J. Ehrenkron, Schlesische Iv. -Historie, Freist., 1713, part. I, cap. y
et suiv.; part. Il; Heasel, Protest. K. -Historie der Gemeinden in
Schlesien, Leipzig et Liegnitz, 1764; A.-G. Rosenberg, Schles. Ref.-
Gescii., Breslau, 1767; G. Fuchs, Materialien z. ev. Relig. -Gesch.,
Breslau, 1773; K.-A. Menzel, i\'. Gesch. der Deutschen, III, p. 91 et
suiv.; V, p. 238 et suiv., 422 et suiv.; VI, p. 140 et suiv., 220 et suiv.
Auteurs catholiques : Fibiger (maître et prélat ad S. Mathiam, à
Breslau), das in Schlesien gewaltthœtig eingerissene Lutherthum., Bres-
lau, 1712-33,3 part., in-4° (le même a utilisé le manuscrit intitulé :
« Schlesische Religionsaclen », par Buckisch, secrétaire du roi àBrieg.,
conseiller et historien royal, en 7 volumes in-folio). Gœrlich, Gesch.
der Praemonstrat.-Abtei z. hl. Vincenz, Breslau, 1636 et suiv., th. i,
p. loi et suiv.; Bach, Urkundl. Gesch. d. Grafschaft Glatz, Breslau,
1841 ; Buchmann, Antimosler oder Beitr. zu einer gerechten Würdi-
gung der Lage der schles. Protestanten unter œsterr. Herrschaft,
Spire, 1843; Dceliiuger, Réf., I, p. 226 et suiv.
388 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
Le protestantisme en Pologne.
127. Quelques jeunes gens qui avaient étudié à Wittenberg,
ainsi que des frères bohémiens et moraves émigrés, essayèrent
de propager le luthéranisme en Pologne. Le roi Sigismond I"
(1501-1548) était un fervent catholique. La diète de Thorn in-
terdit, sous peine de confiscation des biens et de bannissement,
de conserver les écrits de Luther. L'archevêque de Gnesen, Jean
Laski (mort en 1531), et André Krzyki, chevalier de la reine
Bona et évêque de Przemysl, en 1524, défendirent vaillamment
la foi catholique, et une commission spéciale fut établie pour
rechercher les ouvrages des hérétiques.
Le protestantisme fut introduit à l'université de Cracovie par
Martin Glossa, et à Posen par Jean Séclusianus, auteur de la
première traduction complète de la Bible en l^olonais. Le moine
Jacques Knade prêchait la doctrine de Luther à Danzig dès
4518, et en 1528 beaucoup d'habitants voulaient la faire adopter.
Knade fut obligé de prendre la fuite, et plusieurs luthériens
furent mis à mort. A la fin cependant, le roi se vit obligé de
tolérer la nouvelle doctrine à Danzig, d'où elle se répandit à
Elbing et à Thorn. Un décret rendu en 1534 portait que des
places seraient refusées aux Polonais qui auraient étudié à Wit-
tenberg ; mais il souffrit de nombreuses exceptions, et beaucoup
de gentilshommes favorisèrent les nouveautés.
Sous le roi Sigismond-Auguste, beau«)up moins résolu que
son prédécesseur (1548-1572), on vit en Pologne, à côté des
luthériens et des frères bohémiens, des zwingliens, des calvi-
nistes et des sociniens. Les calvinistes furent appuyés par le
confesseur de la reine Bona, le franciscain Lismanin, par Jean
de Lasco et Radziwill, prince lithuanien, qui, à l'exemple des
luthériens, suivis en cela par les catholiques, fit traduire dans
le sens de ce parti la Bible en polonais (1563). On déployait
alors une grande activité littéraire, d'autant plus que la litté-
rature polonaise était parvenue à son plus haut degré de splen-
deur.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 127.
M. Lubienski, Hist. réf. Polonicce, PVeist., 1688; Jura el Libertates dis-
sidentiuin in rcgno Polon., Berol., 1707, in-f; die Schicksale der poln.
LE PROTESTANTISME. 389
Dissidenten, Hamb., 1768-70, 3 part.; Friese, Beitr. z. Ref.-Gesch,,
in Polen u. Litth., part. II, t. 1 et II, Breslau, 1786; Ostrowski (IV,
§ 248), t. III; Lochner, Facta et Rationes earnm familiarum chr. in
Polonia, quœ ab Eccl. cath. aliénas fuerunt usque ad Consens. Sendo-
mir. tempora (Acta Societ. Jablonov. nova, Lips., 1832, t. IV, fasc. 2);
C.-N. Krasinski, Historical sketch of the rise, progress and décline of
the reform in Pol., Lond., 183."j, vol. I; en allein., par Lindau, Leipzig,
1841 ; Lukaszewicz, Nachrichten über die Dissidenten in der Stadt
Posen u. d. Ref. in Groszpolen im 16 u. 17 Jahrh. dtsch. , von
Balitzki, Darmst., 1843; Gesch. der ref. Kirche in Litthauen, Leipzig,
1848, t. I; Fischer, Versuch einer Gesch. der Ref. in Polen., Grœtz,
18.ÏO ; Bartels, Joh. v. Lasco, Elberf., 1860. Mandat de l'évèque d'Erm-
land contre le luthéranisme, 20 janv. 1524 : Le Plat, Mon., II, p. 214-
217. Paul 111 au roi de Pologne : Rayn., an. 1548, n. 82; Le Plat,
IV, p. 101 et seq. Statuts diocésains de Jean Laski et Stanislas Kani-
kowski, réunis en cinq livres, éd. Wenzyk, Cracovie, 1636. Anciennes
traductions polonaises de la Bible depuis le XIV^ siècle : Lelong, Bibl.
sacra in binos syllabos distincla, Par., 1723, in-f°., sect. III; Bibl. Polon.,
p. 439 et seq. Jean Séclusianus rédigea sa version de la Bible dans le
sens de Luther (1551 -1552). Chez les catholiques, le Nouveau Testament
fut publié en polonais pour la première fois à Cracovie, en 1556, et
en 1561 on y donna une traduction complète de la Bible. La traduc-
tion classique de Jacques Wujek, S. J., avec explication des plus dif-
ficiles passages, parut de 1593 à 1599, La littérature polonaise est
indiquée dans la Bibliographie de Ciampi, professeur à Varsovie, et
dans l'Histoire de la littérature par Wiszniewki. Voy. Saggio délia
letteratura polacca, dans la Civiltà cattol., 19 avril 1856, page 146.
Parmi les savants, nous remarquons, après Copernic, les deux Bielski,
l'historien Gronicki, Stanislas Hosius, Sarnucki, l'évèque Martin Kro-
mer (Eichhorn, der Erml. bischof. M. Kromer, Braunsb., 1868); parmi
les poètes latins, Janicki et Sarbiewski, S. J. (Sarbeivius) ; parmi les
poètes polonais, Llonowicz (Ovidius Sarmat.), Zomorowicz, Jean
Rochanowski, Sumonowicz, etc.
Diète de Pétrikau. — Paix de Varsovie.
128. En 1556 déjà les délégués protestants demandaient à la
diète de Pétrikau qu'il fut célébré, sous la présidence du roi, un
concile national où tout se déciderait d'après l'Écriture sainte ;
une discussion aurait lieu entre les évêques catholiques et les
théologiens protestants, parmi lesquels figureraient Mélanch-
thon, Calvin, Bèze, etc. , et l'on dresserait un symbole. Sigismond
entra dans ces vues, et pria le pape d'approuver la célébration
390 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
d'un concile, l'emploi de la liturgie en langue vulgaire, la com-
munion sous les deux espèces, le mariage des prêtres et la sup-
pression des annales. Le pape, comme on devait s'y attendre,
répondit par un refus, et les ajourna au concile général. Il
dépêcha en Pologne, en qualité de nonce (loo6-1557), Louis
Lipomanno, évêque de Vérone, pour adjurer le roi et les prélats
de ne point s'écarter de la foi de leurs ancêtres et de traiter
avec douceur ceux qui abandonneraient l'hérésie.
La noblesse polonaise, qui régnait arbitrairement dans ses
domaines, inclinait fortement vers la libre pensée et favorisait
toutes les erreurs imaginables, malgré l'horreur qu'elles ins-
piraient au peuple. Seuls, les esprits clairvoyants comprenaient
les malheurs qui menaçaient le royaume, notamment du côté
des sectaires, qui se querellaient entre eux et se persécutaient
les uns les autres. Il est vrai que les réformés, les luthériens
et les frères de Bohême, réunis en 1570 dans un synode géné-
ral tenu à Sandomir, rédigèrent en commun une formule de
foi; mais elle était beaucoup trop vague pour produire un véri-
table accord. Fortifiés au dehors, les partis hérétiques obtinrent,
après la mort de Sigismond-Auguste (1373), la paix religieuse
de Varsovie, qui accordait les mêmes droits civils aux catho-
liques et aux non catholiques (dissidents), et obligeait les deux
parties à une paix perpétuelle. Le nouveau souverain, Henri
de Valois, fut contraint de jurer cette convention.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 128.
Demandes des protestants en 1555 : Raynald., h. an., n. 58 et seq.;
î,e Plat, IV, p. 567 et seq. Paul IV à l'épiscopat et au roi : Rayn.,
an. 1558, n. 16-19; 1559, n. 27-29. Pie IV, ib., an. 156), n. 5-8;
1563, n. 185-187; Jablonski, Hist. Consensus Sendomir., cui subjicitur
ipse Consensus, Berol., HS^in-i"; Augusti.Corp. libr. symbol., p. 254 et
seq.; Pax dissidentium, 1573; Nova Acta hist. ceci., VII, 726; liicbhorn,
II, p. 483 et suiv.; Ranke, Rœm. Pocpste, H, p. 79, 366 et suiv., 370 et
suiv.; Rcimann, der Kampf Roms gegen die relig. Freiheit in Polen,
1573 und 1574, dans Sybels Hist. Ztsclir., 1864, XII, p. 379 et suiv.
— Cette dissertation a besoin d'être rectiflée.
Défections dans l'épiscopat. — Le cardinal Hosius.
129. Sous le roi Etienne Bathory (1.^)70-1586), qui assura aux
villes protestantes de Danzig, Thorn, Elbiiig, la Uberté qui leur
LE PROTESTANTISME. 391
avait déjà été auparavant garantie, les dissidents prirent de
nouvelles forces, bien que ce prince fût lui-même catholique,
d'autant plus que l'archevêque Jacques Uchanski (mort en
1581) usait à leur égard d'une extrême faiblesse, les favorisait
même et se montrait hostile au Saint-Siège, tandis qu'un
grand nombre d'évêques manquaient d'énergie. Cependant, ici
même, les vaillants champions ne firent pas défaut à la cause
catholique, outre les légats du pape, le cardinal Bolognetto et
surtout Jean-François Commendone (mort en to84), qui s'appli-
qua avec succès à faire recevoir en Pologne les décrets de
Trente et à rétabhr l'ordre réguUer dans les affaires religieuses
(1563-1566). Stanislas Ilosius, évêque d'Ermeland, déploya une
grande activité et devint la colonne de l'Eglise de Pologne.
Non seulement il releva le catholicisme dans son diocèse, il
convertit encore une foule d'apostats. En 1551, au synode de
Pétrikau, il avait dressé une profession de foi, opposée à celle
d'Augsbourg, et qui fut en peu de temps universellement
répandue. En 1557, il combattit dans un dialogue le mariage
des prêtres, l'usage du calice pour les laïques et la liturgie en
langue vulgaire; en ioo8, il s'élevait contre J. Brenz, décidait
le primat JDziergowski à prendre des mesures énergiques, fon-
dait en 1569 le lycée de Braunsberg et un collège de la Com-
pagnie de Jésus, et procurait à cet ordre, qui avait été si
dignement représenté par Pierre Canisius (1558), l'entrée dans
ce pays. Hosius mourut en 1579, comblé de mérites et revêtu
de la dignité de cardinal.
On vit bientôt surgir à Pultuk, à Posen et à Wilna (1570), des
collèges de jésuites qui obtinrent de grands succès. Le roi
Sigismond III (1587-1632) les soutint avec persévérance, en
même temps qu'il encouragea la noblesse catholique. Ils furent
également favorisés par plusieurs évêques éminents, tels que
Stanislas Karnkowski (mort en 1603 primat de Gnesen), remar-
quable par son érudition, sa vertu et son zèle pastoral. Mais
plus ils ramenaient de dissidents et répandaient la foi catho-
lique, plus ils excitaient la fureur des hérétiques, qui les
poursuivaient des plus odieuses calomnies. Le jésuite Jacques
Wujek (mort en 1597) était célèbre comme prédicateur, polé-
miste et traducteur de la Bible; cependant il fut encore sur-
passé dans l'éloquence de la chaire par son collègue Pierre
392 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Skarga (mort en 1612), qui fut lui-même dignement remplacé
dans la chaire royale de Varsovie par le dominicain Fabien
Birkowski (mort en 1636).
Martin Bialobrzeski, évêque suffragant de Cracovie (mort en
1585), se fit remarquer par son Grand Catéchisme et par des
homélies populaires. Tout cela aigrissait les hérétiques; les
mesures sévères de Sigismond III les poussèrent jusqu'à des
tentatives de révolte et à des alliances avec l'étranger, qui
cherchait à entretenir le mécontentement. Le généreux Ladis-
las IV (1632-1648) essaya vainement de calmer les esprits, et le
colloque religieux de Thorn (août-novembre 1645) demeura
sans résultat.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"* i29.
Graziani, Vita del cardin. Commendone (ci-dessous, § 156). Pallav.,
XII, vu; XV, ii-vi, viiij XXIV, xiu; Rayn., an. 1564. Stanislai Hosii 0pp.,
cd. Col., 1584, t. II (Confessio fidei — Verse chr. cath. doctrinae solida
propugnatio contra Brentium, etc.); Conslit. synodal, diœc. Warmiens.,
Briinsb., 1612, in-4°. Stanislaus Rescius , Slan. Hosii card. et ep.
Warm, vita, Rom., 1687; Bzov., an. 1568, n. 33. Eichhorn, der Erml.
Bischof und Card. Hosius, Mayence, 1854, 2 vol.; Flor. Riesz, der sei.
Petnis Canisius, p. 259 et suiv. On a de Karnkowsky : des statuts dio-
césains, des sermons en polonais et des dissertations sur la Rédemp-
tion (1597) et sur l'Eucharistie; de J. Wujek (Vangroviecensis), en
polonais, la « Postula major et minor », le traité « de Missa et de Deitate
Verbi divini contra Consensum Sendom. », la « Vita et doctrina Salva-
toris ex IV Evangeliis, » le traité « de Eccles. cath. », et des hymnes;
du P. Skarga : des sermons (nouv. éd., Leipzig, 1843), un extrait de
Baronius, Rocyne dzieje koscielne, Krak., 1603, in-f°, continué de 1198
à 1645 par Kwiatkiewicz, Kalisz, 1695, in-f*»; Vie des saints, libri III,
Dissert. de Eucharistia, et un traité en polonais sur la réunion de l'Église
latine et de TÉglise grecqse : Bäcker, Bibliolh. des écrivains de la
Comp, de Jésus, Liège, 1861, VI, p. 646 et seq. De Birkowski : deux
séries de sermons pour les dimanches et fêtes; de M. Bialobrzeski, la
« Postilla orthodoxa », 1581, t. II (traduite en allemand peu de temps
après), et le Catéchisme en polonais. DeclaratioThoruniensis : Augusti,
loc. cit., p. 411 et seq.
Le protestantisme en Livonie et en Courlande.
130. 11 arriva en Livonie et en Courlande ce qui était advenu en
Prusse. La Livonie était gouvernée par le commandeur Walter
LE PROTESTANTISME. 393
de Plettenburt^' et indépendante de l'ordre Teutonique depuis
1521. Walter, dès 1523, se servit de la croyance luthérienne, déjà
répandue dans les villes de Riga, Dorpat et Revel, et à laquelle
inclinaient plusieurs autres villes et une grande partie de ses
chevaliers, pour se soustraire à l'influence de l'archevêque de
Riga et des évêques. La liberté religieuse accordée aux protes-
tants se changea pour eux en domination absolue, lorsque
Guillaume, margrave de Brandebourg et frère d'Albert, duc de
Prusse, fut devenu archevêque de Riga (1539, mort en 1563).
En Courlande, le commandeur Gotthard Kettler adhéra à la
Confession d'Augsbourg, accepta à titre de duché héréditaire
son territoire en fief de la Pologne, à laquelle il céda une partie
du pays (au delà de la Duna). Le dernier évêque de la contrée,
Jean de Mœnnighausen, vendit eu 1559 son évéché au roi de
Danemark, partit pour l'Allemagne et s'y maria.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 130.
C.-L. Tetsch, Kurlœnd. K.-G., Riga, 1767-70,3 part. Extrait dans
les Acta bist. eccJ., t. VIII, 649 et seq.; X, 865, 721, et Acta H. E.
nostri teraporis, II, 456, 711 et seq.; Gadebusch, LieÜ. Jabrbücber,
tb. I, Riga, 1770; Scblœzer et Gebbardi, Gescb. v. Littb., Lieu. u.
Kurland, Halle, 1785, in-4° ; Heinrieb v. Jannau, Gescb. v. Lietl. c.
Estbland, Riga, 1792-97, 2 vol., part. I, p. 393 et suiv., Arcbiv. für die
Gescb. V. Liefl., Estbl. u. Kurl., fortges. v. Scbirren, Reval, 1861,
t. VIII, p. 1 et suiv.; Abb. v. Tb. Ilaller u. Mittb. v. Breverns, p. 47 et
suiv.; Scbirren, Quellen z. Gescb. d. Untergangs der livl. Selbstaen-
digkeit, Reval, 1861 et suiv., 2 vol.; Reimann, das Verbalten des
Reiebs gegen Livland, 1359-61 (Sybels Hist. Ztscbr., 1876, II); Biene-
manu, Briefe u. Urkunden z. Gescb. Livl., 1558-1362, Riga, 3 vol.
(V, 1876).
Le protestantisme en Hongrie.
131. La doctrine de Luther fut importée en Hongrie par des
indigènes qui avaient étudié à Wittenberg. En 1525, la diète
de Pesth publia contre elle de sévères règlements; mais rien ne
put entraver sa propagation, d'autant plus que le clergé, dégé-
néré, avait beaucoup baissé dans l'estime publique ; que beau-
coup de gentilshommes, sous le prétexte de l'Évangile,
essayaient d'accaparer les biens d'Église; enfin, l'occupation
d'une partie du pays par les Turcs favorisa singulièrement,
394 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
depuis 1526, la propagation de l'erreur. Cinq villes libres de la
haute Hongrie se prononcèrent publiquement pour le luthéra-
ranisme. La Hongrie reçut des rois de deux côtés opposés :
Fcnlinand d'Autriche avait contre lui Jean de Zapolya; l'un et
l'autre gaspillèrent leurs forces dans des guerres civiles, et ne
firent aucune résistance à la noblesse avide de pillage, qui
s'emparait des biens des évêques apostats.
Aux luthériens se joignirent bientôt les zwingliens et les
calvinistes. Matthieu Devay, d'abord luthérien, zwinglien
depuis 1543, réunit en 1545, à Erdœd, dans le comté de
Szatmar, un synude où parurent vingt- neuf prédioants. Les
cinq villes libres luthériennes de la haute Hongrie acceptèrent
à Éperies la Confession d'Augsbourg en seize articles. En vain
la diète de Presbourg (1548) prescrivit l'abolition des hérésies :
le palatin Thomas Radasdy, élu en 1544, demeura le protecteur
des protestants, qui ne s'affaiblirent que par leurs querelles
intestines. Le calvinisme obtint insensiblement la prépondé-
rance sur le luthéranisme.
En 1563, le synode de Tarczal accepta la Confession de foi de
Bèze et prescrivit renseigiieniont de la doctrine rigoureuse de
la prédestination. En 1570, un autre synode tenu à Czenger se
prononça énergiquement contre les luthériens. Ceux-ci, dans
un synode réuni à Bartfa en 1594, exposèrent les points de
doctrine qui les séparaient des calvinistes, et déclarèrent que les
écrits de Luther étaient la règle selon laquelle il fallait décider
toutes les controverses religieuses. La division des partis ra-
mena plusieurs égarés dans le sein de l'Église, et le clergé
s'auiuia d'une nouvelle ardeur.
Le primat de Gran, Nicolas Olahus (mort en 1569), fit exécu-
ter l'édit de restitution du 10 avril 1560, qiii ordonnait la reddi-
tion des biens ecclésiastiques usurpés par les laïques et le rappel
des jésuites à Tyrnau (1561j. Persécutés par les protestants,
chassés après avoir vu leur collège livré aux flammes (1569),
ce no fut qu'à partir de 1586 que les jésuites purent se remettre
sérieusement à l'œuvre. Beaucoup de gentilshommes rentrèrent
dans le giron de l'Eglise. Ce retour, favorisé par le roi Ferdi-
nand, se ralentit sous son (ils Maximilicn II (1564-1576). Ro-
dolphe II remit en vigueur les lois favorables aux catholiques.
Les protestants s'allièrent au prince de Transylvanie, se sou-
LE PROTESTANTISME. 395
lovèrent avec fureur, et obtinrent par la paix de Vienne (1606)
le libre exercice de leur religion.
L'expulsion des jésuites, qu'ils réclamaient tumultuairement,
fut empêchée par une remarquable apologie due à un membre
distingué de cet ordre, Pierre Pazmann, né en 1570, qui avait
passé du calvinisme dans le sein de l'Église (1583). Pazmann
devint primat en 1616, cardinal en 1629, et mourut en 1637,
honoré des catholiques hongrois comme leur plus grand bien-
faiteur : il avait fondé beaucoup d'écoles et de séminaires,
rétabli la discipline et l'autorité du clergé, et il fut à la fois
grand orateur et grand théologien. Pins d'une fois encore les
protestants recoururent aux armes, et ne se contentèrent pas
des concessions du traité de Linz (1645), bien qu'elles eussent
été acceptées par la diète.
OÜVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE X° 131.
(Lehmann) J. Burii Ilist. diplom. de statu relig. evang. in Hungaria,
1710, in-f; (P.-C. Debrecen) Hist. eccl. reform, in Hungaria et Trans-
sylvania access. locupl., a F. -A. Lampe, Traj. ad Rhen., 1728 ; J.
Ribini (prédicant k Presbourg), Memorabilia Aug. Gonfess. in reguo
Hung. a Ferdin. 1 usque ad Carolum VJ, 2 vol., Posen, 1787-1789;
G.-B. de Patronis, Reform. Hung. in D. Gerdesii Serin, antiq., VH, i,
p. 13.3 et seq., p. Il, p. 346; Joh. Szeberinyi, Corp. maxime memorab.
synodorum Evaug. Aug. Conf. in Hungaria, Pestini, 1848; Tekusch,
Kurze Gesch. der ev.-luth. Kirche in Ungarn, Gœtt., 1794; Engel-
hardt, Iv.-G., IV, p. 217; Mailalh, Gesch. Ungarns, III, p. 193 et suiv.;
IV, p. 259 et suiv.; die Religionswirren in Ungarn, Regensb., 1845,
t. I; Buchholz, Gesch. K. Ferdinands I, Vienne, 1832. — Brefs de
Pie IV à l'archevêque Nicol. de Gran : Rayn., an. 1360, n. 9, 66;
Socher, Hist. Provinc. Austr. Societ. Jesu, Vienn., 1740. Sur la réac-
tion cathohque : Ranke. Papste, 1, p. 465 et suiv. Le livre de Paz-
man : Hodoegus Jgazsùgra vez' erlo Kalaus, Preszb., 1613, 1623, en
hongrois, était spirituel, savant et d'un fort bon style ; il eut sur les
compatriotes de l'auteur un effet irrésistible. A la diète de 1623, les
catholiques eurent la majorité. Le converti Esterhazy, désiré par la
cuur, devint Palatin.
Le protestantisme en Transylvanie
13-2. Dès 1521, la doctrine de Luther fut répandue en
Transylvanie par des marchands d'Hermannstadt revenus de
Leipzig. Elle fut interdite en 1523 par des lois sévères, et les
39G uiSTOiRE DE l'Église.
livres de Wittenberg furent livrés aux flammes. Cependant
une école luthérienne s'établit à llermannstadt en 1524, et la
noblesse s'empara des biens du clergé. A partir de 1526, les
luthériens redoublèrent d'audace; les religieux et les plus
décidés d'entre les catholiques furent chassés d'Hermannstadt
en 1529. A Cronstadt, le prédicant Jean Honter agissait par ses
sermons et par ses écrits; en 1534, il y dominait en maître
absolu. La messe fut abolie, et l'usage du calice pour les laïques
introduit dans une grande partie du pays.
En 1544, au synode de Medwisch, toute la nation saxonne se
prononça pour la Confession d'Augsbourg. Les Magyares du
pays embrassèrent le calvinisme. En 1556, la diète de Klausen-
bourg — imitant ce qu'avait fait la Paix de religion d'Augs-
bourg — établit la liberté illimitée du culte. Les biens d'Église
furent confisqués pour la défense du pays, à l'exception de
deux couvents, que l'on convertit en gymnases luthériens. En
d564, à Enyed, les calvinistes ou réformés furent reconnus
sans restriction et reçurent un surintendant particulier. Vinrent
ensuite les unitaires (sociniens), qui avaient dans George
Blandrata et François Davidis de zélés promoteurs. Ils furent
reconnus en 1571 et reçurent un surintendant. On voyait aussi
des anabaptistes.
Des luttes ardentes ne tardèrent pas à éclater. Les réformés,
puis les luthériens, formaient la majorité de la population; les
Valaqucs grecs l'emportaient eux-mêmes en nombre sur les
catholiques. Gaspard llellai, prédicant luthérien à Klausen-
bourg, publia (1562) une traduction de la Bible d'après la
Vulgate et Luther; une autre traduction, d'après le texte ori-
ginal, fut publiée par Gaspard Caroly, prédicant à Gœnz
(1589); son travail fut corrigé par Abraham Molnar, prédi-
cant des réformés. Comme les frères bohémiens, les unitaires
se plaignaient des divisions qui déchiraient le pays et de
rab.sence de toute vraie piété.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 132.
Tcutscb, Aus dem saechs. Leben, vornehmlich Herraannstadts, am
Ende des 15 Jahrh. (Archiv, fur siebenbürg. Gesch. -Kunde. N. F.,
t. XIV, 1877, I); G. Haner, Hist. eccl. Transsylv., Fraucof., 10114;
Debrecen (§ 131); Pclri liud, Hist. Antitrinilar. m Transsylv., Lugd
J.H PROTESTANTISME . 397
Bat., 1781 . — De falsa et vera uniiis Dei Patris, Filii el Spir. S. cogni-
lione, auctorilnis ministris ccclcsiaruin consentientium in Sarmatia et
Transsylv., éd. 1507 (par les unitaires) : Dœllinger, Réf., II, p. 069 et
suiv.
Le protcstaiitisnie en Scandinavie.
La Suède sous Gustave Wasa.
133. La Suède avait essayé, sons l'administrateur du royaume
Sten Sture le Jeune, de secouer le joug du Danemark; mais ce
prince périt dans une bataille en 1519, et Christian II, roi de
Danemark, rétablit son autorité. Malheureusement, il sema de
nombreux germes de discorde et de haine, en faisant subir,
après son couronnement à Stockholm, une mort cruelle à
beaucoup de grands persüiinages de Suède (novembre 1520] .
Le fils d'une de ces victimes, Gustave Wasa, remis au roi en
qualité d'otage, s'enfuit à Lübeck, où il trouva un accueil favo-
rable, obtint des secours, et se familiarisa en même temps avec
la doctrine de Luther, singulièrement propice à ses desseins. Il
retourna en Suède, vainquit les Danois, fut d'abord administra-
teur du royaume, puis en 1523 élevé à la royauté.
Désireux de transformer la Suède en monarchie héréditaire,
de briser la puissance du clergé et de la noblesse, de fortifier
celle de la couronne par les grandes richesses de l'Église,
Gustave Wasa procéda avec une prudente lenteur à la révo-
lution religieuse qu'il méditait, car l'attachement du peuple
à son ancienne religion lui présentait de grandes difficultés.
Deux frères, originaires de Néricke, en Suède, et formés à
Wittenberg, Olof et Laurent Peterson, devinrent l'objet de ses
faveurs : l'un fut nommé prédicateur de la cour de Stockholm ;
l'autre, professeur à Upsal. Gustave les avertit d'user de beau-
coup de modération dans ce qu'ils entreprendraient contre
l'ancien ordre ecclésiastique, d'autant plus que leur vie était
souvent en danger. Us gagnèrent quelques adhérents, entre
autres Laurent Anderson, archidiacre de Strengenaes, dont le
roi Gustave fit son chancelier.
Leurs progrès furent d'abord peu rapides au sein d'une
population foncièrement cathoHque. Le roi, dans ses lettres au
pape Adrien VI et à son légat Magnus Gothus, feignait encore
d'être attaché à l'Église au moment où il accompUssait déjà
398 HisroiUE i.e l'église.
d'importantes innovations. Jean Brüske, évêquedoLinkœpring,
et Pierre Jacobson, évoque de Westcraes, ainsi que les domini-
cains, opposèrent au roi une vive résistance. Les dominicains
lurent expulsés du royaume.
Le roi provoqua à Upsal un colloque religieux, dans lequel
Olof Peterson soutint la nouvelle doctrine contre le professeur
Pierre Galle ; Gustave décerna la victoire au premier, parce
qu'il n'avait tiré ses preuves que de la parole de Dien. Il persé-
cuta les évoques et les moines, prit dos mesures pour introduire
le luthéranisme à l'université d'Upsal, et protégea Olof Peterson,
qui se maria. Il procéda ensuite à la confiscation des biens
d'Église, chargea son université de le justifier, et profita d'un
soulèvement populaire pour .se débarrasser des évèques qui
l'incommodaient, en les accusant de haute trahison. L'arche-
vêque d'Upsal et l'évêque deWesteraes furent mis à mort (février
1527). Gustave semait partout la crainte et l'épouvante. Beau-
coup d'ecclésiastiques apostasièrent, séduits en partie par les
charmes de la nouvelle liberté. Les religieuses de Wadstena
montrèrent parmi les pins rudes épreuves un courage héroïque.
Diète de Westeraes. — Astuce de Gustave Wasa.
134. Gustave exposa ses plans de réforme à la diète de Wes-
teraes (1527). Les deux partis se combattirent avec vivacité, et la
majorité rejeta les propositions du roi. Alors Gustave fit sem-
blant do vouloir abdiquer la couronne, sous prétexte qu'il ne
pouvait plus régner dans l'état actuel des affaires, et il réclama
les biens personnels qu'il avait consacrés au service de l'État. 11
s'ensuivit une grande émotion, car on redoutait l'anarchie. Ses
partisans essayèrent de gagner les bourgeois et les paysans, en
agitant devant eux le spectre menaçant de la tyrannie danoise.
La noblesse fut contrainte de céder.
Des délégués de tous les États conjurèrent le roi de ne point
abdiquer, s'engagèrent à étouffer tout mouvement insurrec-
tionnel, consentirent à ce que le roi confisquât les biens des
évoques, des chapitres, des cathédrales et des couvents, fixât
le traitement des évèques, instituât et destituât les clercs. La
noblesse fut autorisée à reprendre les biens (jue ses ancêtres
avaient donnés à l'Église depuis 1453. Le clergé fut soumis aux
LE l'ROTESTANTlS.AIi:. .'}•)*.)
resfri<>ti(Mis les plus déshonorantes et profondément humilié;
beaucoup de couvents furent à l'instant supprimés.
Lo roi exif^ea que la pure parole de Dieu fût désormais
annoncée à tous ses sujets d'après la doctrine de Luther. La
population suédoise devint, eu matière relif?ieuse, entièrement
dijpendante du roi et séparée de l'unité ecclésiastique ; le célibat
des prêtres fut aboli, et la liturgie célébrée eu langue vulgaire.
Le synode d'Œrebro, en 1529. consomma l'œuvre de la réforme.
Ou conserva cependant, en considération du peuple, non seule-
ment la constitution épiscopale, mais encore la plupart des rites
extérieurs de l'Eglise, y compris les images et les ornements ;
mais le roi accapara les objets les plus précieux des églises.
Une censure sévère et des peines graves devaient rendre
impossible le rétablissement de l'aucienne Église. Le .siège
archiépiscopal d'Upsal fut donné en 1531 k Laurent Peterson,
ministre docile de ce roi despote. Cependant Anderson et Olof
Peterson trempèrent plus tard dans une conjuration contre le
roi, furent condamnés à mort (1540), et ne rachetèrent leur vie
que moyennant de grosses sommes d'argent. En 1552, Ander-
son mourut, délaissé et méprisé, cà Stiengeuces, là môme où il
avait commencé sa révolte contre l'Église catholique. Le roi,
qui avait fait accepter en 1544 la transmission du trône à sa
descendance masculine, et qui était vraiment le chef de l'Église
de son pays, demeura jusqu'à la lin de ses jours (30 septembre
1560), parmi de nombreuses révoltes qu'il étouffa dans le sang,
fidèle au luthéranisme. La corruption des mœurs était si grande
dans le pays, que le roi, ainsi que son archevêque d'Upsal,
disaient, dans leurs décrets de 1544 et 1558, que les calamités
publiques étaient une punition d'en haut, et ils exhortaient
leurs sujets à se faire une plus juste idée de la liberté évangé-
lique.
Éric XIV.
135. Éric, l'un des quatre fds de Gustave, fut élevé à la
royauté ; les autres, d'après le testament de leur père, reçurent
des domaines particuliers. Déjà la doctrine de Calvin commen-
çait à pénétrer dans le pays, au grand regret des luthériens,
qui y dominaient. Éric fut gagné au calvinisme par un de ses
maîtres, le Français Denys Beurrée, ami de Calvin et de Bèze, et
400 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
il le professa bientôt publiquement. Des conflits sanglants écla-
tèrent entre calvinistes et Iiilhérions; ceux-ci, déjà prépondé-
rants, remportèrent la victoire sous la 'conduite de Jean Oseg,
évêque de Westera?s. Éric XIV, détesté pour sa tyrannie, fut
renversé du trône en septembre 1568, à la suite des mesures
qu'il avait prises pour introduire le calvinisme ; jeté en prison,
il y mourut empoisonné (25 février 1577). La noblesse, qui
avait fini par retirer du changement de religion plus de profit
encore que la royauté, menaçait déjà le pays de nouvelles et
redoutables révolutions.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N"^ 133-135.
Baaz, Invenlarium eccl. Sueco-Gotliorum., Linkœp., 1642, in-4'' ;
C. Tibnrlii Range, Suecia orthodoxa, Altstettin, 1688, in-4"; Messc-
nius, Scaadia illustrata, Stockholm, 1700, 8 t., in-f"; Olaus Pétri
Chron. Suec. (Swenske Krœnica) , éd. Kiemming, Stockh., 1860;
Handlingar rœrande Sveriges historia : Konung Gustaf I Registra-
tur, 1521-1524, Stockh., 1861 ; Schimmeier, Lebensbeschreibung der
drei schwcd. Reformatoren, Lübeck, 1783, in-4"; Fr. Hubs, Gesch. v;
Schweden, Halle, 1805-1814, 5 vol., surtout t. Il, p. Ol et suiv.;
Gejer (IV, § 233), t. II; Vertot, HisL des révolution? de Suède, Par.,
1768, II, 162 et seq.; Rœmer, de Gustavo I rer. sacr. in Suecia ssec.
16 instauratore, Utraject., 1840; Thyselius, Einführung der Ref. in
Schweden (Hist.-theol. Ztschr., 1846, 11); Dcellinger, die Reform., II,
p. 452, 678 et suiv.; Kirche u. Kirchen, p. 103.
Tentatives de Jean III pour restaurer le catholicisme.
J3Ü. Jean m (1568-1592), le frère cadet d'Éric, avait développé
les riches qualités de son esprit et de son cœur dans de sérieuses
études et parmi de rudes épreuves. Marié depuis 1562 à la
princesse polonaise Catherine, sœur du roi Sigismond-Auguste,
il lui avait assuré le plein exercice de sa religion. Catherine
avait amené avec elle des prêtres catholiques, notamment Jean
Herbst et Joseph Albert. Jean III avait été jeté en prison par
son frère Éric, et sa femme y avait mis au monde le prince
Sigismond, qui fut plus tard roi de Pologne (1587); il avait
étudié les Pères de l'Église avec les deux prêtres de sa femme,
et s'était de plus en plus convaincu de la vérité de la religion
catholique. Depuis (ju'il était monté sur le trône, il travaillait
avec beaucoup de prudence à son rétablissement. Il s'efforça de
I
LE PROTESTANTISME. 401
sauver le peu qui restait encore de couvents et d'institutions
ecclésiastiques, publia treize articles concernant la réforme du
clergé luthérien profondément déchu, introduisit un nouveau
rituel, rédigé en partie par lui-même et en partie par
l'archevêque Laurent en 1571 , pour favoriser le retour à
l'Lglise catholique; il y parlait de saint Anschar, apôtre du
pays, et de l'étude des saints Pères.
Après la mort des luthériens rigides, il plaça sur les sièges
épiscopaux des hommes plus modérés, donna celui d'Upsal à
Laurent Peterson Gothus, qui se fit sacrer selon le rite catho-
lique et contracta avec le roi un accord sagement combiné.
Depuis qu'il avait conversé avec le spirituel jésuite Warszewicki
(1574), envoyé par la reine de Pologne, Jean avançait d'un pas
plus rapide. Il dépeignit, dans un synode, la décadence de
l'Église nationale, et trouva de bonnes dispositions dans un
grand nombre d'ecclésiastiques.
En 1576, parut une liturgie composée par le roi, aidé du
chancelier Pierre Fecht; elle fut presque généralement accep-
tée. Seul, le plus jeune des frères du roi, le duc Charles de
Sudermanie, déjà rattaché au parti rigide des luthériens pour
des intérêts politiques, s'y opposa en invoquant le testament de
son père et les lois du royaume. Sur ces entrefaites, le jésuite
Laurent Nicolai arriva de Belgique à Stockholm, et obtint une
chaire de professeur de théologie ; on le fit passer à tort pour
l'auteur de la liturgie. En 1577, il eut de violentes disputes
avec les professeurs luthériens Pierre Jone et Olof Luth, prin-
cipalement sur l'Église et le sacrifice de la messe. 11 en sortit
victorieux. Déjà plusieurs luthériens commençaient à mieux
apprécier la foi catholique, et le Catéchisme de Pierre Canisius,
propagé par le P. Herbst, eut une grande part dans ce résultat.
OUVRAGES A CONSUMER SDR LE N° 136.
A. Theiner, Schweden u. s. Stellung zum hl. Stuhl unter Joh. III
Sigism. III u. Carl. IX, nach geheimen Staatspapieren, Augsb., 1838
etsuiv.,2 part.; Hist.-pol. Bl., 1838, t. II, p. 33-51. La liturgie de
1576, dans Munter, Magazin f. K.-G. u. K.-R. des Nordens, II, i, p. 19
et suiv., 41 et suiv. Cf. Theiner, I, p. 415 et suiv.
v. — HisT. DE l'Église. 26
402 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Nonciature de Possevin en Suède.
137. Encouragé par ses précédents succès, Jean III envoya à
Rome le chancelier Pierre Fecht et le savant Pontus de la Gardie,
pour concerter avec Grégoire XIII les moyens de réconcilier la
Suède avec l'Église catholique. Fecht mourut en mer; son
compagnon arriva à Rome. En 1577, Grégoire XIII envoya en
Suède, en qualité de nonce, le savant et pieux jésuite Antoine
Possevin, et Jean III eut avec lui de longs entretiens. En 1578,
le roi abjura le protestantisme et souscrivit à la profession de
foi du concile de Trente. Cependant la congrégation instituée
à Rome rejeta plusieurs des douze conditions exigées par le
roi. Une dispute s'engagea en Suède, à l'instigation des théolo-
giens allemands luthériens, pour et contre la liturgie : de là le
parti des philoliturges et le parti des misoliturges.
La vie du roi fut souvent en danger : car son frère Charles,
qui aspirait lui-même à la couronne, avait pendant son séjour
en Allemagne attiré les princes protestants dans son parti, et sa
femme Marie favorisait puissamment la cause du luthéranisme
en Suède. Les traîtres qui entouraient Pontus de la Gardie et
Jacques Typolius, décidèrent le roi, peu énergique d'ailleurs, à
maintenir ses exigences vis-à-vis de Rome; Rome ne céda
point, parce que cet exemple eût été dangereux pour d'autres
pays, et que, dans de telles conditions, le catholicisme n'aurait
pu vivre en Suède d'une vie véritable. Possevin rentra en 1579,
sans avoir obtenu les concessions désirées. Le roi renouvela sa
demande ; mais bientôt son ardeur pour la cause catholique se
ralentit. Intimidé de toutes parts, il tremblait devant les insur-
rections et craignait de perdre son trône : à dater de là, il ne fit
plus aucune démarche pour réunir la Suède à l'Église catho-
lique. Ces espérances s'évanouirent de plus en plus à la mort
de la reine Catherine, zélée pour le catholicisme (16 septembre
1583). Jean contracta dans la suite un second mariage avec
Guneila Rjelke, qui fut un des principaux soutiens du luthéra-
nisme. Guneila et le théologien de Rostock, Chytrée, exercèrent
sur lui une grande influence; mais ils ne purent le décider à
renoncer à sa liturgie.
LE PROTESTANTISME. 4f03
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 137.
Dorigny, Vie du P. Possevin, Paris, 1712, p. 166-252; Theiner, I,
p. 449 et suiv., 504 et suiv.; Ranke, Rœm. Pœpste, II, p. 81 et suiv.;
Rüh.s, II, p. 223 et suiv. — Judicium prœdicatorum Holmensium de
publicata liturgia, ap. Baaz, Invent., p. 393.
Le roi Slgismond.
138. A la mort de Jean III (1592), son fils Sigismond, déjà
roi de Pologne, était absent. Son oncle, le duc Charles, admi-
nistrateur provisoire du royaume, profita de cet intervalle pour
l'évincer du trône. Sigismond avait rejeté autrefois la demande
qu'on lui avait faite de jurer la Confession d'Augsbourg, et
offensé par là les nombreux protestants. Charles réunit à Upsal
une diète et un synode national, qui repoussa le rituel et la
liturgie de Jean III (mars 1593), prescrivit à tous la Confession
d'Augsbourg, et la fit jurer à quiconque remplissait une charge
publique. Il y fut déclaré qu'aucune secte, papiste, calviniste
ou autre, ne serait tolérée dans le pays; qu'on s'en tiendrait
uniquement à la seule et véritable foi luthérienne. Les évêques,
dans leur lâcheté, témoignèrent en termes ridicules leur regret
d'avoir accepté la liturgie condamnée; l'archevêché d'Upsal fut
donné à un luthérien fanatique, Abraham Angermann.
Déjà le duc Charles donnait à entendre que son neveu devait
être exclu du trône, s'il n'acceptait pas les décrets. Le méconten-
tement contre ce roi juste et généreux avait déjà fait de grands
progrès, quand il arriva en Suède (juillet 1593) pour prendre
possession du trône paternel. 11 était accompagné du nonce du
pape, Malaspina. A Danzig, il fut salué par un autre délégué du
Saint-Siège, Barthélémy Powsinsky, qui lui remit une somme
d'argent pour ses frais de voyage et lui donna différents con-
seils. La puissance royale était déjà considérablement affaiblie
par les concessions précédentes de Sigismond. Les vues du roi
se bornaieut à accorder quelques libertés aux catholiques, sans
toucher à la constitution protestante. Les prédicants luthé-
riens, qui excitaient le peuple de mille manières, essayèrent de
s'y opposer; on alla jusqu'à refuser au roi l'exercice pubhc du
culte catholique. Un des plus fougueux était le prédicant de
Stockholm, Éric Schepper. C'est, disait-il, un crime abominable
404 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
que d'enterrer solennellement un catholique polonais, et il
lança l'interdit sur la capitale.
Devant la fourberie de son oncle et le fanatisme des luthé-
riens, Sigismoud ne pouvait rien faire d'important; malgré
toute sa condescendance et sa loyauté, il fut incapable de pré-
venir une révolte. Avant de repartir, il régla le gouvernement
de l'État, qu'il remit en commun à son oncle et aux juges du
royaume, confirma toutes les prérogatives de la religion natio-
nale, augmenta les revenus des évêques et des prédicants, et
agrandit leur autorité (16 mars 1594). Les prédicants se moquè-
rent du roi et l'accusèrent de superstition pour avoir fait le lave-
ment des pieds le jeudi saint (bien qu'il se trouve dans l'Évan-
gile), et ils punirent par l'excommunication et la perte de leurs
aumônes les pauvres qui s'étaient prêtés à cette cérémonie.
Diète de Suderkœping. — Ses suites.
139. Sigismond parti, le duc Charles continua ses intrigues
pendant dix ans (1594-1704), jusqu'à ce qu'il eût définitivement
enlevé le trône à Sigismond. La diète de Suderkœping (1 59.5)
fit un crime au roi d'avoir accordé aux catholiques le libre
exercice de leur culte et une part dans les fonctions de l'État.
Elle décida que tous les non luthériens seraient contraints
d'émigrer, qu'on enlèverait au roi le droit de nommer aux
emplois pour le conférer au duc Charles, qu'on défendrait
tout appel au roi tant qu'il résiderait hors du pays.
Ces décrets de haute trahison furent exécutés sans merci ; le
couvent de Wadstena fut complètement supprimé et détruit, et
la partie du peuple qui se montra revèche fut forcée par la
violence à se soumettre. En 1595, une fête d'actions de grâces
fut célébrée « pour le maintien de la vraie religion contre les
entreprises et les manœuvres des jésuites ». L'archevêque
Angermann « fit une visite des églises qui n'avait pas eu sa
pareille », dit Ranke. Quiconqiie ne fréquentait pas l'église
luthérienne, était frappé de verges; l'archevêque emmenait
avec lui quelques vigoureux disciples, chargés d'administrer
la correction sous ses yeux. Les autels des saints furent mis en
pièces, les reli(iues dispersées; les cérémonies, qu'on tenait
encore pour indifférentes en 1593, furent en 1597 supprimées
LE PROTESTANTISME. 405
en beaucoup d'endroits. La tyrannie était d'autant plus raffinée,
qu'elle contrariait davantage les penchants du peuple et la
volonté du roi. Déjà le duc Charles, qui se comportait en roi,
avait fait rendre un décret statuant qu'aucune ordonnance
royale ne serait valable avant d'être approuvée par le gouver-
nement suédois.
Sigismond détrôné par le duc Charles.
140. Cependant il y avait encore un parti dévoué à la cause
du roi. Le gouverneur Flemming, gouverneur de Finlande,
continuait de défendre son drapeau. Beaucoup de seigneurs,
qui avaient cherché en lui une barrière contre l'arbitraire de
Charles, furent expulsés; mais leurs partisans demeurèrent
dans le pays. Le bas peuple était mécontent de l'abolition de
toutes les cérémonies, et considérait les calamités publiques
comme un châtiment du Ciel. Indigné de ces attentats, Sigis-
mond III aborda pour la seconde fois (été de 1598) dans son
royaume héréditaire, et débarqua à Calmar avec cinq mille
hommes seulement. D'autres troupes étaient déjà arrivées, et
une bande de Finlandais s'avançait vers Upland. Charles se mit
à la tète de son armée et marcha contre le roi. Sigismond rem-
porta de nombreux avantages : il aurait pu écraser le perfide
duc avec tous ses partisans ; mais il suspendit le massacre et ne
recueillit qu'ingratitude. Charles ne tarda pas à obtenir la pré-
pondérance ; le roi dut promettre qu'il se soumettrait à la déci-
sion de la diète, et il s'embarqua pour Danzig. A Jonkœping
(janvier 1599), Charles l'accusa de vouloir ramener les Suédois
aux erreurs de l'Antéchrist.
Les États assemblés à Stockholm (mai) déclarèrent qu'ils refu-
seraient l'obéissance au roi, s'il n'approuvait pas toutes leurs
demandes, entre autres celle de faire élever en Suède, dans le
protestantisme, son fils Ladislas par le duc Charles.
Tous les partisans de Sigismond périrent dans de cruels
supplices. En 1600 enfin, à la diète de Linkœping, Charles et
les États déclarèrent Sigismond et sa descendance déchus du
trône pour avoir apostasie la vraie doctrine. Neuf conseillers
royaux payèrent de leur tète leur fidélité au roi. En 1604, la
diète do Nordkœpiug renouvela les calomnies et les injures
-406 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
précédemment débitées contre Sigismond, et proclama roi le
duc Charles (IX), qui s'affermit sur le trône par la violence et
alla jusqu'à entamer une guerre contre son neveu de Pologne.
Le fils de Charles IX, Gustave- Adolphe (1611-1632), hérita de
son ambition et de sa passion guerrière; sa fille unique et son
héritière, Christine, renonça au trône au bout de quelque temps
(1654), et se convertit au catholicisme.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N°* 138-140.
Concile de 1593 : Munter, Archiv, II, i, p. 69 et suiv.; Messenius, op.
cit.; Ranke, II, p. 374 et suiv., 383 et suiv.; Theiner, II, p. 45 et suiv.;
Riihs, II, p. 298 et suiv.; III, p. 1 et suiv.; Gejer, II, p. 305 et suiv.
l,c manifeste énumère les crimes du duc Charles contre le roi Sigis-
mond : « Ausa illustrissimi principis D. Caroli Sudermanniaî ducis
adversus serenissimum et potentissimum D. Sigismundum III Regem
Sueciœ et Poloniae suscepta, scripta et publicata ex mandato S. Reg.
Majestatis proprio », Dant., 1598. — Cf. Piacesii , Chronic. gest. in
Europa singul., p. 159, Sion, 1841, n. 107 et suiv., p. 969 et suiv.
Abrah. Cronholm, Sveriges Historia under Gustaf II, Ad. Regering.,
Stockholm, 1861.
Le protestantisme en Danemark.
141. Le protestantisme fut introduit en Danemark par les
mêmes procédés qu'en Suède. Là aussi, la noblesse et le clergé
étaient riches et très puissants. Ils nommaient ordinairement
le roi par des capitulations électorales qui restreignaient sou
autorité. Christian II (1513-1523) trouva dans le protestantisme
un moyen d'affaiblir l'aristocratie laïque et surtout l'aristocratie
ecclésiastique. En 1520, il remit au docteur Martin, qu'il avait
demandé à Luther, une église à Copenhague, sans se soucier
de la résistance des États, défendit aux ecclésiastiques non
mariés d'acheter des biens, et fit exécuter l'archevêque de Lund.
Outrés de ses vexations insupportables, les prélats et les barons
se concertèrent pour précipiter sa ruine. Ils prononcèrent sa
déposition, parce qu'il régnait en tyran et voulait introduire un
culte nouveau. Le peuple danois était si loin de songer à un
changement de religion, que le nouveau roi Frédéric, duc de
Schleswig et Holstein, oncle de Christian, dut s'obliger par ser-
ment, quand il fut couronné, à maintenir la religion catho-
hV. PROTESTANTISME. 407
liqne, à interdire la prédication aux disciples de Luther et à les
traiter coiiimo des hérétiques.
Frédéric n'osa pas avouer encore qu'il était lui-même luthé-
rien (23 mars 1523), et il trompa les évêques. Mais il se montra
bientôt le protecteur des luthériens, favorisa le prédicant
Hans Tausan, et en 1526 se déclara formellement luthérien.
Interrogé sur ce sujet par les États réunis à la diète d'Odensée
(1527), Frédéric s'excusa en disant (}u'il n'avait pas promis de to-
lérer les abus de l'ancienne Église ; il fit même adopter un décret
suivant lequel les deux religions subsisteraient l'une à côté de
l'autre jusqu'au prochain concile général; les luthériens joui-
raient des mêmes droits civils que les catholiques, le mariage
serait permis aux ecclésiastiques, la demande du pallium à
Rome supprimée, et la confirmation des évêques confiée au roi.
Les hens avec le Saint-Siège étaient rompus; les évêques,
mondains et insouciants, ne firent aucune résistance au pro-
grès des innovations.
Cependant, comme ce progrès laissait encore à désirer, Frédé-
ric provoqua à Copenhague (1529) un colloque religieux, auquel,
sur la demande des évêques, les chefs de l'Allemagne catho-
lique, Eck et Cochlée, furent aussi invités. Ils n'arrivèrent
point, mais seulement Stagefyr, théologien de Cologne, peu
versé dans la langue danoise. Cette raison, jointe à celle-ci
que les luthériens ne voulaient point discuter en latin, qu'ils
ne reconnaissaient ni Pères de l'Église ni conciles, mais seu-
lement l'Écriture sainte, fit que le colloque n'eut pas lieu.
Les griefs réciproques furent remis par écrit au roi et à la
diète.
Les luthériens avaient en outre dressé une confession de foi
en quarante-trois articles. Le roi déclara que la doctrine de
Luther était l'expression de la vérité divine. A dater de là, les
catholiques furent honnis et persécutés ; quand ils ne cédaient
pas, on les expulsait violemment de leurs possessions. Les
fonctionnaires royaux s'étaient vite accommodés à la nouvelle
doctrine, dont les partisans l'emportèrent à la diète de 1530. La
ville de Malmoë fut la première qui abolit l'ancien culte. Le
nouvel évêque de Roskild fut obligé de payer au roi six mille
florins d'or pour sa confirmation. Les excès des briseurs
d'images, l'invasion de Christian II déposé et la guerre civile
408 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
qui en résulta, furent les seuls motifs qui décidèrent le roi à
user encore de quelques ménagements envers les catholiques.
Christian III. — Abolition définitive du catholicisme.
142. Frédéric mort, le« évêques protestèrent contre l'éléva-
tion de l'aîné de ses fils, Christian III, ami personnel de Luther,
et qui avait déjà protestantisé le Holstein. Mais Christian III
sut attirer dans son parti les États laïques du royaume, et fit
saisir en un seul jour tous les évêques du pays. Luther lui
écrivit pour le féliciter d'avoir « extirpé » les évêques, et assura
qu'il s'emploierait de son mieux pour qu'on en fît autant par-
tout où il se pourrait. Frédéric ne rendit aux évêques leur
liberté et leurs biens patrimoniaux que lorsqu'ils eurent rési-
gné et promis de ne point faire obstacle à la nouvelle doctrine.
L'évêque de Roskikl, Rœnnow, fut le seul qui refusa d'acheter
la liberté à ce prix : il mourut en prison (1544). Tous les prêtres
qui repoussèrent la doctrine de Luther, furent destitués; les
moines et les nonnes furent chassés de leurs couvents. Le
collègue de Luther, Jean Bugenhagen [Pomeranus], fut mandé
de Wittenberg en 1537 pour consommer l'œuvre de la réforme.
11 couronna le roi et dressa un nouveau règlement ecclésîas-
ti(]ue, qui mettait la religion entièrement aux mains du souve-
rain; ce règlement fut approuvé en 1539 par la diète d'Odensée.
Aux évêques, dont les biens furent partagés entre le roi et la
noblesse, on substitua sept surintendants, qui furent consacrés
par Bugenhagen et prirent bientôt eux-mêmes le titre
d'« évêques ». Ce qui subsistait encore des droits des catho-
liques, fut anéanti en 154G, k la diète de Copenhague : on inter-
dit aux prêtres catholiques, sous peine de mort, de résider dans
le pays; on priva les catholiques du droit d'hériter et on les
exclut de tout emploi. Bugenhagen, qui aimait à se faire appe-
ler « l'apotre du Nord », quitta le Danemark eu 4539, emportant
avec lui de grandes sonwues d'argent (mort en 1558).
Parmi les théologiens danois se trouvait le plus célèbre des
disciples de Mélanchthon, Nicolas Ueniming, professeur do
théologie à Copenhague. Lui aussi fut obligé de céder au des-
potisme du roi en matière dogmatique, et de rétracter sa
doctrine sur l'Eucharistie (1575). En 15G2, il s'apitoyait sur la
LE PROTESTANTISME. 409
situation désespérée de la jeune Église danoise. En 1594, les
conseillers du royaume, investis de la régence, déploraient la
décadence des écoles. La noblesse avait le monopole de tous les
avantages politi(]ues ; les bourgeois et les paysans ployaient sous
des charges de toute nature. Les tentatives de Christian IV
(1588-1648) pour les soulager échouèrent devant la résistance
do la noblesse, dont la force surpassait la sienne.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°^ 141-142.
Conr. Aslack, Or. de religionis per Lulh. reformatai orig. et pro-
gressa, Hafn., 1621, m-4°; en allem., ibid., 1622. Erich Paiitopidan.
(IV, § 225), t. III. 1747, u. Ref.-Gesch. der dœnischen Kirche, Lübeck,
1734, p. 1 et suiv., 155 et suiv.; Ilolberg, Daen. u. norwegische Staats-
historie, Copenhague, 1731, p. 127 et suiv.; Munter, Danske Ref
Historie, 2 vol., et K.-G. von Dœnem. u. Norw., Leipzig, 1834, t. III;
Dahlmann, Gesch. v. Dœnem., Hamb., 1841 et suiv., 3 vol. (ibid., 111,
p. 356 et suiv. Sur la déposition de Christian III, documents dans
Ludewig, Reliquiœ manuscript., Francof. et Lips., 1723, V, 321);
Eugelstoft, Reformantes et Catholici tempore, quo sacra emendata
sunt, in Dania concertantes, Hafn., 1836; Allen, Gesch. des Kœni-
greichs Deenem., übersetzt von Falk, 1846; Behermann, Leben des
Joh. Bugenhagen, Berlin, 1850. — Quelques notices dans K. Leib,
Ann., an. 1535 et 1537, p. 600-602, 605; dans les rapports de la non-
ciature, 1530-1542; Lsemmer, Mon. Vat., p. 35 et suiv., 49 et suiv.,
61, 86, 415 et suiv.; DoïUinger, Réf., II, p. 670 et suiv. Sur Nicol.
Hemming, voy. Dsenische Biblioth., I, p. 72 et suiv.; Lackmann, Hist.
ordin. Eccl. regni Dan., p. 68 ; Dœllinger, II, p. 672-675, et über die
Zustœnde des Landes dens. Kirche u. Kirchen, p. 97 et suiv. —
Kai-up, Gesch. der kath. Kirche in Deenem., trad. du danois, Mimster,
1863; Mœhler-Gams, IH, p. 192.
Le protestantisme en Norwège et en Islande.
143. Dans la Norwège, qui était unie au Danemark, le luthé-
ranisme eut pour apôtre Olof, archevêque de Drontheim, qui
fut obligé, en sa qualité de partisan de Christian il, de s'enfuir
dans les Pays-Bas. Christian III imposa à la population récalci-
trante le double joug de la nouvelle religion danoise et de la
noblesse; les ecclésiastiques durent opter entre l'apostasie et
l'exil. En 1541, le riche tombeau de saint Olaf à Drontheim
fut pillé de fond eu comble, et la magnifique cathédrale complè-
4.10 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
tement saccagée; l'archevêché et les évêchés subsistèrent de
nom sous le régime luthérien.
L'île d'Islande résista longtemps, elle aussi, contre ce double
joug; mais, après que le vaillant évêque d'IIolum, Jean Aresen,
eut été décapité, la résistance s'affaiblit, et, à partir de 1551, les
nouveautés furent définitivement introduites.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 143.
Torfœus, Hist. Norweg., p. I, 1, II, c. xix; Gebhardi, Gesch. v.
Dœnem. in d. Allg. Welthistorie, th. xxxiii , Halle, 1770, p. 156 et
suiv.; llarboe, Reform, in Island (Hist. Abhdlg. der Gesellsch. der
Wissensch.in Copenhagen, Altona, 1796, t. VI et VU); L.-Chr. Müller,
Beitr. z. K.-G. Islands (Medners Ztschr. für hist. Theol., 1850, III,
p. 384-389; zur früheren Geschichte das., p. 378-384).
LE PROTESTANTISME EN ANGLETERRE.
Le protestantisme souk Henri Till.
Mariage de Henri VIII.
14-4. En Angleterre, les mœurs adultères du roi Henri VIII,
le plus intrépide des adversaires de Luther, aboutirent à un
schisme qui finit par prendre les proportions d'une hérésie. Ce
prince voluptueux et tyrannique arriva, par la violation de la
sainteté du mariage, à rompre avec les institutions de l'Éghse,
A quatorze ans, c'est-à-dire, à un âge où il pouvait licite-
ment se marier, il avait épousé (1509) la veuve de son frère
défunt Arthur, Catherine d'Aragon, tante de Charles-Quint,
moyennant dispense du pape .Iules II. Le mariage de Catherine
avec Arthur n'avait pas été consommé. Catherine, mariée à
Henri VIII, lui donna dans une période de dix-sept ans trois
fils et deux filles ; de tous ces enfants, la princesse Marie fut la
seule qui survécut. En 1527, Henri VllI se lassa de son épouse,
pieuse et spirituelle, mais un peu plus âgée que lui, et désira
s'unir à une dame de la cour, Anne de Boleyn. Il lui fallait
un prétexte pour rompre son mariage : il prétendit qu'il était
nul ; que la dispense de Jules II avait été donnée sur de fausses
allégations ; (ju'à Rome même on avait douté autrefois si le
pape pouvait permettre le mariage avec la veuve du frère,
parce (ju'uii tel mariage était défendu sous l'ancienne loi (1) et
(1) Lévitique, xviu, 16; xx, 31,
LE PROTESTANTISME. Mi
que saint Jean- Baptiste l'avait interdit à Ilérode (1). Il oubliait
qu'il s'agissait pour Ilérode de la femme de son frère Philippe
encore vivant, que le mariage de lévirat était même prescrit
sous l'Ancien Testament (2), que Judas donna à son fils Onan
la veuve de lier pour épouse (3).
Henri VIII, simulant des scrupules de conscience au sujet de
l'invalidité de son alliance, consulta son entourage, principale-
ment Thomas Wolsey, qui, sorti d'une condition inférieure, était
devenu chancelier du royaume, archevêque d'York et cardinal, et
se montrait en tout l'instrument docile du roi. Cette question fort
simple, Wolsey essaya de l'obscurcir, et s'appliqua à gagner les
théologiens anglais. Le roi, de son côté, s'adressa au pape
Clément VII pour faire prononcer la nullité de son union, et de-
manda les cardinaux Wolsey et Campeggio pour juges délégués.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 144.
Ouvrages protestants : Herbert of Cherbury, the Life and Raigne
of king Henry Ihe Eighith, Lond., 1649; G. Burnet (évêq. de Salis-
bury, mort en 1713), the History of the réf. of de Church of Engl.,
Lond., 1679 et seq., 2 t. in-f°, Oxon., 1816; en allem., Braunschweig.
1763, 1770, 2 vol.; Henry Soames , the History of the réf. of the
Church of Engl., vol. I et H; Henri VIII, Lond., 1825 et seq., in-S»;
Hume, Hist. of Great-Britain , Lond., 1754 et seq., 4 t. in-4°; John
Strype, Ecclesiastical Memorials relating chiefly to Religion and the
Reform... under king Henry VIII, king Edward VI, and queen Mary,
Lond., 1721, 3 vol. in-f°; A.-W. Bœhme, Acht Bücher von der Ref.
der Kirche in England, AUona, 1734; Dahlmann, Gesch. der engl.
Revolution, Leipzig, 1848; Gumpach, Erlaeuterungen und Berichti-
gungen 2u Dahlmanns Gesch. u. Trennung der engl. K. v. Rom,
Darmst. , 1845; Stseudlin , K.-G. v. Groszbrit. , Gœttingue, 1849;
Ranke, Engl. Gesch. vornehml. im 16 u. 17 Jahrb., Berhn, 1839 et
suiv., 6 vol. fvoy. Œuvr., t. XIV-XXI), surtout t. III et suiv.; Mau-
renbrecher, England im Reformationszeitalter, Düsseldorf, 1866.
Auteurs catholiques : Vera et sincera Hisloria schismatis Anglorum a
Nicol. Sandero, auct. per Ed. Richtonum , castigatius ed. a R. P.
Ribadeneira, Colon., 1628; Job. Lingard, Gesch. v. England, Irad.
par Salis, t. VI et suiv.; Boost, Gesch. der Reform, u. Revol. in
England, Augsb., 1843; Audin, Hist. de Henri VIII et du schisme
d'Angleterre, Paris, 1850, 2 vol.; Cobbet (converti, qui écrivit encore
(1) Marc, VI, 18.
(2) Deuter., xxv, ö. — MaUhieu, xxii, 24.
(3) Genèse, xxsviii, i-8.
412 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
protestant), Briefe über die Ref. in Engl. u. Id., Mayence, 1862;
Thommes, Gesch. v. England zur Zeit der Tudors, Mayence, 1866,
2 vol. Quelques lettres de Henri VIII, de 1509-1522, dans Mai, Spie.
Rom., VII, praef., p. xlii et seq. Lettre de Wolsey à l'agent de l'Angle-
terre à Rome, 5 déc. 1527 : Buruet, I, appeud., p. 9.
Négociations des juges délégués.
145. Clément VII, déjà informé par Charles-Quint de ce qui
se passait, était prêt à faire toutes les concessions possibles à
un prince qui avait jusque-là bien mérité du Saint-Siège. La
congrégation convoquée par lui trouva les motifs de nullité
insoutenables, et inopportune l'enquête en Angleterre. Les
envoyés de Henri essayèrent d'affaiblir cette dernière considé-
ration en citant plusieurs exemples et en invoquant les dispo-
sitions de la reine, qui peut-être entrerait dans un couvent; ils
essayèrent aussi de prouver que la dispense de Jules II avait
été obtenue subrepticement. Le pape délégua donc (février
1528), pour établir une enquête, les deux cardinaux demandés.
Le cardinal Campeggio devait tenter une réconciliation entre
les deux époux, et, s'il échouait, engager la reine à entrer dans
un monastère, afin de mettre sa vie en sûreté ; si l'un et l'autre
moyen échouaient, il tâcherait de gagner du temps et s'abstien-
drait de juger le différend.
Campeggio, que le roi de France essaya pendant son voyage
de disposer en faveur de Henri, arriva à Londres en octobre
■1528. Il s'y heurta à de sérieuses difficultés. Le roi semblait
parfaitement convaincu de la nullité de son mariage, et les
tentatives de réconciliation furent en pure perte. Catherine
elle-même ne se souciait point d'entrer dans un couvent; elle
demanda une décision juridique, et voulut être assistée par des
jurisconsultes. Le roi le lui accorda. Wolsey avertit d'avance le
cardinal italien que si la volonté du roi ne s'accomplissait pas,
l'Angleterre apostasierait. Il eut bientôt à regretter d'avoir
poussé si loin cette affaire. (In mariage du roi avec une prin-
cesse de France aurait été favorable à sa politi(iiie; un scandale
à la cour lui donnait des inquiétudes.
Catherine trouva dans l'évêque do Iloche.slor un ?^nvat)t et
habile défunseur; elle repoussa toute espèce de tribunal établi
en Angleterre. Wolsey était l'instrument du roi, et Campeggio
LE l'KOTESTANTlSME. -413
dépendait de lui comme ('ivr(|iie de Salisbury. Catherine ne
voulait point d'autre juge que le pape; les délégués de l'empe-
reur à Rome et ceux de son frère exprimaient le même désir;
Campeggio enfin demandait que le pape se réservât la décision.
Le Saint-Siège se la réserva en effet par un décret en date
du 19 juillet 1520. Dans le mois d'octobre, Henri assurait encore
au cardinal Campeggio qu'il demeurerait toujours un flls dévoué
de l'Église; mais il s'irrita contre Wolsey, qui perdait de plus
eu plus ses bonnes grâces et se vit déjà privé de quelques-unes
de ses places.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 145.
Pallav., Hist. Conc. Trid.. 1. II, c. xv, n. 1-16; c. xvii, n. 1-6, Lettres
de Campeggio, d 'cet. 1528 au 7 oct. 1529 : Lsemmer, Mon. Vat., p. 24-
34, n. 21-29. Décret de Rome du 19 juillet 1529 : Burnet, 1, p. 49. La
déclaration de nullité par le Saint-Siège mentionnée dans Guicciardini
et Sarpi, et dont le légat ne devait faire usage que dans des cas déter-
minés, est une invention (Pallav., loc. cit., c. xv, n. 17). Il en est de
môme des récits de Knigth et de Grégoire Casali (Burnet, I, app.,
p. 18): ils ne reposent que sur les dires de quelques courtisans.
L'affaire de Henri VIII devant le Saint-Siège.
146. Clément VII avait chargé le doyen de la Rote de l'examen
de cette affaire ; il espérait toujours que le temps calmerait la
passion de Henri et lui rendrait la réflexion. Le roi de France
essaya vainement d'agir dans ce sens sur l'esprit du roi d'An-
gleterre. Celui-ci, impatient des délais de Rome, voulut de
nouveau envoyer des députés anglais, et se plaignit amèrement
quand on eut repoussé sa demande. Sur le conseil de Thomas
Cranmer, chapelain domestique de la famille de Boleyn, la ques-
tion du mariage fut soumise aux universités, sur lesquelles on
agit par la corruption et la ruse. Des avis favorables arrivèrent
de Cambridge, d'Oxford et de plusieurs universités de France ;
mais la plupart, même les universités allemandes, se pronon-
cèrent contre le divorce. Quelques universités de France et
d'Italie répondirent que le divorce n'était admissible que si le
mariage de Catherine avec Arthur avait été consommé.
A Rome, le 22 décembre 1530, il fut décidé en consistoire
que la Rote continuerait son information, puis qu'elle présen-
414 histoire.de l'église.
terait les actes à la décision du Saint-Siège; quant à Henri, il
devait s'abstenir de toute tentative de mariage. Dans un autre
consistoire, tetui le 29 mars 1531, il fut donné lecture d'une
lettre pressante adressée par l'empereur au pape en faveur de
sa tante. La reine Catherine se plaignait des lenteurs de la
procédure, tandis que la cour de France les favorisait et
demandait que Henri VI H eût le temps d'envoyer ses procura-
teurs à Rome. Et comme le Saint-Siège ne fléchissait pas,
Henri VIII supprima les annales (1532). Anne de Boleyn, près
d'accoucher, reprochait vivement à ce prince d'avoir abusé
d'elle en lui promettant la couronne. Le roi résolut alors de
l'épouser secrètement dans sa chapelle (25 janvier 1533, selon
d'autres 14 novembre 1532).
Peu de temps après, Henri VIII nomma Cranmer, qui avait
fait entrer beaucoup de théologiens anglais dans les plans du
roi, archevêque de Cantorbéry. Cranmer sut par trom-
perie obtenir l'approbation du pape, et prononça, lors de
sa consécration, le serment accoutumé, bien qu'il eût été en
Allemagne gagné à la doctrine de Luther et qu'il fût déjà
secrètement marié à la nièce d'Osiandre. Tout cela ne l'empê-
cha point de déclarer, devant témoins, qu'il entendait, par lo
serment qu'il allait prêter, ne s'obliger à rien d'incompatible
avec les réformes que le roi avait en vue dans les choses de la
religion. Déjà cet hypocrite raffiné avait tout mis en œuvre
pour séparer son pays de Rome. Le roi fit mettre le clergé en
accusation pour s'être soumis à la juridiction du cardinal
Wolsey, contrairement à un statut de 1364; mais il lui fit
entrevoir son pardon, s'il reconnaissait la suprême juridiction
du roi en matière religieuse. Lo clergé y consentit, moyennant
cette clause : « Autant que la loi de Jésus-Christ le permet. »
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N« 146.
Pallav., m, XIV, 3 et seq.; Campeggio, 1530 et 1531, dans Laemmer,
p. ()6 et suiv., 75, n. 46, 54. Henri VllI demanda aux universités : « An
divino et nalurali jure prohibilum sit ne frater uxorem fratris etiam
defuncti ducat in uxorem, an Pontiticis dispensatio Jocum habeat? »
Cambridge fut de l'avis du roi; Oxford le combattit dans le principe.
Lorsqu'un grand nombre d'universités de France — celle d'Orléans,
le 5 avril 1530; celle d'Angers, le 7 mai; les canonistes de Paris,
].K PROTESTANTISME. 415
le 23 mai; l'université de Bourges, le 10 juin; les thi^ologiens de Paris,
le 2 juillet; Toulouse, le 17 septembre 1530 — se furent prononcées en
faveur de Henri (du Plessis d'Arg., t. If, part. I, p. 98-100), plusieurs
sans doute après do longues controverses et contre l'avis de plusieurs
membres incorruptibles (ibid., t. II, part. II, p. 99-101), ceux d'Oxford
donnèrent enfin un avis favorable ; mais la Faculté des arts et un grand
nombre de juristes se prononcèrent contre eux (ib., t. I, append., p. vi
et seq.). Cf. Hist. Univ. Oxon., auct. Wood, t. 1, p. 234 et seq.; Burnet,
Angl., III, app., p. 23, 51 ; Conc. M. Brit., III, 726. Sur d'autres univer-
sités, voy. Burnet, I, app., p. 53; Rymer, Fœdera, XIV, 391. La plu-
part placent le mariage de Henri en janvier 1333; d'autres (comme Gie-
seler, t. III, n, p. 8), au 16 ou 14 nov. 1332. On a de Cranmer une bio-
graphie tout à fait partiale, par Strype : Memorials of the most Rev.
Father in God Th. Cranmer, Lond., 1694 et seq. Cf. Burnet, I, p. 70.
Crantner prononce le divorce de Henri 'Vm. — Décision
du pape.
147. En avril 1533, Cranmer pria le roi de faire décider
l'affaire de son mariage. Henri répondit qu'il y était prêt, mais
en ajoutant qu'il ne se croyait soumis à aucune loi émanée
d'une puissance humaine. La reine Catherine, invitée par le
nouveau primat, n'ayant point comparu, Cranmer prononça
l'invalidité du mariage de Henri, pria le roi d'accepter cette
sentence avec soumission, et déclara la légitimité de son union
avec Anne de Boleyn, « en vertu de sa puissance spirituelle et
juridique, émanée des apôtres ».
François I", allié avec Henri, essaya encore d'agir à Rome
en sa faveur : il fit représenter au pape que s'il cassait la sen-
tence rendue en Angleterre, ce royaume se soustrairait tout
entier à son obéissance, et que Henri ne laisserait pas de faire
sa volonté. Rome observa rigoureusement toutes les formes de
la procédure, mais avec prudence et modération. Dans un con-
sistoire tenu le 11 juillet 1533, Clément VII rendit deux juge-
ments : 1° Henri, par son opiniâtreté, avait encouru les cen-
sures, en ce que, contrairement à la défense du pape, il avait
congédié sa femme et en avait épousé une autre; cependant les
censures ne sortiraient leur effet qu'au mois d'octobre, afin que
le roi eût le temps de rentrer en lui-même; 2" la reine, injuste-
ment renvoyée, devait être rétablie dans ses honneurs et ses
droits.
il6 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
Le roi, déjà trop asservi à sa passion et enveloppé dans les
lacets de Cranmer, s'obstina dans sa révolte, célébra publique-
ment ses noces, donna à sa concnbine les honneurs royaux et
les enleva à Catherine, qui ne devait plus s'appeler désor-
mais que la veuve du prince Arthur. Il enleva même à sa fille
légitime iMarie le titre de « princesse de Galles » . Cependant il
envoya encore des députés au pape, qui se trouvait à Marseille;
ces députés, n'ayant pas obtenu ce qu'ils demandaient, appe-
lèrent avec menaces du pape au concile. Le roi de France tenta
vainement de ramener ce prince égaré par la passion. Le
23 mars 1534, le pape déclara solennellement la validité du
mariage de Henri et de Catherine. Malgré toute la lenteur qu'il
avait mise à rendre son jugement, quelques-uns ne craignirent
pas de l'accuser de précipitation, et peu de temps après parais-
sait un écrit de Henri VIH qui lui refusait l'obéissance. Cathe-
rine mourut au bout de vingt et un mois (1536).
Le Saint-Siège, prenant en considération le péril des âmes
de tant de catholiques, attendit longtemps avant de recourir
aux censures. Paul TU diiréra jusqu'au 17 décembre 1538 la
publication de la bulle, datée du 30 auùt 1535 : il y avait long-
temps que le roi ne laissait plus aucun espoir de retour. S'au-
torisant à la fois du droit divin et du droit humain, le pape dé-
clara que Henri VHI, qui avait autrefois reconnu la puissance
du pape dans toute son étendue, était excommunié, déchu de
ses États et de la dignité royale.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 147.
Pallav., m, XIV, 4-8; c. xv, 1-3; Kilian Lcib, an. 1535, p. 002-604;
Rayn., an. 1533 et seq.; Paul. III, const. Ejus qui immobilis et Cum
Redemptor, Bull. Rom., éd. Luxerab., 1742, t. I, p. 707,711 et seq.;
Roscovany, Mon., III, 67-74; Spondan., an. 1535, n. 15; an. 1538,
n. 14. Voy. mon ouvrage : Katliol. Kirclie u. christ! . Staat, p. 673-675.
Ranke (Hist. d'Anglet., p. 131-147) avoue lui-même que Henri VIII
reconnaissait autrefois l'autorité du pape.
Rupture complète de Henri VIII avec Rome. - Serment de
suprématie et de succession.
148. Henri VHI avait définitivement rompu avec le pape et
interdit toute relation avec Rome; il s'était déclaré lui-même
LE PROTESTANTISME. 417
chef suprême de l'Eglise anglicane et la source de toute autorité
spirituelle. On devait appeler du tribunal de l'archevêque de
Cantorbéry à la chancellerie royale ; le primat confirmerait les
évêques et accorderait les dispenses. Au lieu des oraisons pour
le pape, ou inséra dans les livres d'Église une prière pour
demander d'être délivré de sa tyrannie. Le parlement docile
approuva tous ces actes, et le clergé, qui avait beaucoup décliné,
ne fit aucune résistance. Henri «anda à beaucoup de princes ce
qu'il venait d'accomplir ; les protestants approuvèrent naturel-
lement sa conduite contre Rome, mais non les raisons qu'il fit
valoir et ses demi- mesures : car il demeurait hostile à la doc-
trine de Luther, contrairement aux vœux de Cranmer, et
continuait de faire supplicier ses adhérents. Tous les fonction-
naires, les ecclésiastiques, les religieux d'Angleterre, furent
tenus de jurer, sous peine de haute trahison, qu'ils recon-
naissaient le roi pour chef suprême de l'Église (serment de
suprématie). Cette adhésion devait être annoncée dans les
chaires et dans les écoles.
En 1535, Henri VIII choisit pour exercer la suprématie ecclé-
siastique en son nom le laïque Crorawell, ancien secrétaire du
cardinal Wolsey (qu'il avait surtout contribué à renverser);
puis il le nomma chancelier de la Chambre du Trésor, sous le
titre de vicaire général du roi et de vice-régent, avec préémi-
nence sur tous les lords ecclésiastiques et laïques. Toute la
juridiction ecclésiastique fut suspendue pour un temps indéter-
miné. Quiconque voulait l'obtenir de nouveau, devait en faire la
demande et reconnaître, en prêtant le serment de suprématie,
que la royauté était la source de toute puissance spirituelle. Le
roi accordait alors la demande, mais sous une forme toujours
révocable. Lorsque Anne de ßoleyu mit au monde (avant le
temps qui aurait dû s'écouler depuis leur mariage) une fllle
du nom d'Elisabeth, les sujets du roi furent également obligés
de promettre par serment qu'ils reconnaissaient Elisabeth pour
l'héritière légitime du trône (serment de succession).
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 148.
En 1Ö34, la question suivante fut posée à l'université d'Oxford :
« An Runiauus Pontifex habeat majorem aliquam jurisdictionem sibi
a Deo collatam in S. Scriptura in hoc regno Angliae, quam alius quivis
externus episcopus? » Les théologiens se décidèrent enfin à répondre
V. — HiST. DE l'Église. 27
418 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
dans le sens du roi, négativement : Wood, Hist. Univ. Oxon., I, 258,
c. ii; du Plessis d'Arg., t. I, app., p. xxxvi. Autres détails dans
Ryiner, Fœd. Hag. Comit., 1741, t. VI, p. II, p. 163 et seq., 194 et
seq.; Burnet, I, "2d f et seq., Ti'6 ot seq., 311 et seq., 365 et seq.;
Strype, loc. cit., p. 184 et seq., 211; app., p. 49, 136 et seq.; R.
Toyras, Hist. de l'Angleterre, à la Haye, 1724, in-4°, t. V; Scbœll,
dans Herzogs Healoncyklop., I, p. 323 et suiv.; N. Sander, 1. I, p. 49
et seq. Sur Thomas Cromwell : Pauk, dans Sybels hist. Ztschr., 1869,
t. XXI, p. 52 et suiv.
Pillage des églises et des couvents.
149. La première entreprise du roi fut la confiscation des
biens d'Église et la suppression des couvents. On visita ces
derniers, dans le but d'y trouver des raisons pour les abolir. Un
acte du parlement, daté du 4 mars 1536, assigna au roi tous les
monastères dont les revenus nets ne dépassaient pas annuelle-
ment 200 livres, et il ne laissa une pension qu'à leurs supé-
rieurs. Trois cent soixante-seize monastères furent immédia-
tement supprimés, pour « complaire à Dieu et procurer la
gloire du royaume ». On commença par los couvents de
moindre importance, sous prétexte que la discipline y était
moins bien observée que dans les grands.
Ces mesures de rigueur provoquèrent dans la partie nord du
pays de nombreuses insurrections ; on en profita pour détruire
le reste des couvents, accusés d'être des foyers de révolte. Les
commissaires royaux déployaient un sans-façon odieux et bru-
tal : de splendides œuvres d'art, de riches bibliothèques furent
anéanties; on n'épargna pas même les monuments de saint
Augustin, l'apôtre do l'Angleterre, et de Thomas Decket, dont
la sainteté môme fut poursuivie en justice; on dispersa au vent
la cendre des saints, et l'on osa porter la main jusque sur lo
tombeau du roi Alfred. Les biens confisqués, quand ils n'étaient
pas accaparés par les Visiteurs, étaient distribués et gaspillés
par le roi, tandis que la misère gagnait parmi le peuple. Cepen-
dant, afin de faire quelques sacrilices à la foule mécontente,
Henri fonda six évêchés nouveaux et quatorze églises cathé-
drales et collégiales.
Oi;VU.\GES A CONSULTER SUR LE N° 149.
Burnet, I, p. 416 cl seq., 437 et seq.; Rymer, p. 194 et seq.j Lin-
LE PROTESTANTISME. 419
gard, VI, p. 255 et suiv.; Cobbet, p. 180 et suiv.; (Nicéron) la Conver-
sion de l'Angleterre au christianisme comparée avec sa prétendue
réform., Par., 1729, p. 268 et seq.; Spclnian, the Ilistory and Fate of
Sacrilège, etc., Lond., 1698, nouv. éd., 1846; Hist.-pol. Blaetter, t. XX,
p. 351 et suiv.
Thomas Morue et l'évêque Fisher.
150. Henri VIII sévissait véritablement avec fureur contre tons
les adversaires de sa suprématie religieuse. Le confesseur de la
reine Catherine, Forest, qui avait attaqué celte suprématie dans
un écrit, fut condamné au feu. Un grand nombre d'ecclésiastiques
et de laïques subirent la mort pour le même motif, entre autres
les deux hommes les plus distingués de l'Angleterre, le chance-
lier Thomas Morus et Jean Fisher, évêque de Rochester. Le
premier avait acquis, par sa vertu et sa science, la charge de
grand chancelier ; il était aussi célèbre comme jurisconsulte
que comme humaniste, et avait de plus un cœur dévoué, loyal
et plein de franchise. Il déclara au roi qu'il n'entendait point
perdre l'éternité pour vingt années au plus qu'il lui restait à
vivre; il montra dans sa prison une fermeté d'âme vraiment
sublime, et il affronta l'échafaud avec un courage intrépide
(16 juillet 1335).
Fisher avait été, lui aussi, l'ami du roi, et Henri VIII avouait
qu'aucun prince ne pouvait se vanter d'avoir un pareil sujet.
Théologien éminent, pasteur zélé, il refusa, à l'exemple do
Morus, d'approuver le divorce du roi et de reconnaître la nou-
velle suprématie : de là un emprisonnement qui dura treize
mois et pendant lequel Paul III l'éleva à la dignité de cardinal.
Il endura le martyre avec un courage héroïque, Henri VIII se
vengea cruellement du cardinal Reginald Poole (Polus), qui
s'était élevé avec force contre son despotisme et avait trouvé
un sur asile sur le cmtinent. Sa mère et deux de ses proches
furent mis à mort sur des griefs non démontrés, et la tête du
cardinal mise au prix de 30,000 ducats. Paul III, dans une allo-
cution prononcée devant les cardinaux le 23 octobre 1338,
dépeignit les crimes de Henri VII l et fulmina contre lui
l'excommunication et l'interdit (27 décembre). En 1539, il
envoya le cardinal Polus à Charles-ljuint et à François 1*% pour
délibérer avec eux sur les moyens de ramener l'Angleterre à la
420 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
foi catholique. Le principal instrument du despotisme royal,
Thomas Cromwell, n'échappa point lui-même au sort qu'il
avait préparé à d'autres : accusé d'hérésie et de trahison, il fut
exécuté en 1540, malgré toutes ses démarches rampantes et
hypocrites.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 1Ö0.
Thom. Mori 0pp., éd. Lovan., Jo66; Kudhart, Thomas Morus,
Nürnb., 1829, surtout p. 273 et suiv., 433 et suiv.; 2» éd., 1852; W.-J.
Walter, Sir Th. Moore, London, 1840 ; Thoranies, Th. Morus, Augs-
bourg, 1847; Lingard, VI, p. 241-245; Ranke, Engl. Gesch., t. I (1860),
p. 199 et suiv.; L.-Th. Henke, Das hœusl. Leben des Th. Morus (Sybcis
hist. Ztschr., 1869, t. XXI, p. 65 et suiv.) — Kerker, John Fisher,
bischof von Rochester, Tübingue, 1860. Voy. Pallav., III, xvii, 4;
Lœmmer, Mon. Vat., p. 33, u. die vortrident. kath. Theol., p. 14 et
suiv.; Reginaldi PoliEpist., éd. Quirini, Brescia, 1744-1757; L. Becca-
delli, Vita del card. Polo, 1727, et Mouura. di varia letter., Bologna,
1797; New Séries des Lives of the archbishops of Canterbury, Lond.,
1869,3 vol. Voir là-dessus Reumont, dans Bonner theol. Lit.-Bl., 1870,
n. 25 et 26,- Pallav., IV, iv, 4-7; vu, 1-3. Instruction pour Polus ,
de 1539 : Lœmmer, Mon. VaL., p. 201 et suiv., n. 152. Sort de Crom-
well : Rymer, loc. cit., p. 60; Burnet, I, 629 et seq., 661 et seq.
Fureur de Henri VIII contre ses femmes.
151. Les femmes de Henri Vlll fnrent également victimes
de son caprice royal. Anne de lioleyn, suspecte d'infidélité, fut
accusée d'adultère, d'inceste et de haute trahison; Cranmer la
.sépara du roi, et déclara invalide, « au nom de Jésus-Christ et
pour la gloire de Dieu », ce même mariage qu'il avait précé-
demment confirmé « en vertu de l'autorité apostolique », Le
jour même où Anne fut décapitée (tu mai 1530), Henri prenait
une troisième femme, Jeanne Seymour, qui mourut le 24 octo-
bre 1537, après la naissance du prince Edouard (VI). Il en prit
une quatrième, Anne de Clèves, qui n'eut pas l'avantage de lui
plaire. Cette fois encore, l'archevêque dut prononcer la sépara-
tion des épou.x, sous prétexte que le roi avait été trompé par
la peinture exagérée des charmes de sa femme. xMélanchthon
écrivait à ce propos (1540): « Le tyran d'Angleterre a tué
Cromwell et il médite de seséparerdelahlledeJ uliers; combien
est vrai ce passage d'une tragédie que le meurtre d'un tyran
LE PROTESTANTISME. 421
est pour le Ciel le plus agréable des sacrifices! Dieu veuille donc
inspirer à un homme de cœur une pareille résolution! »
La cinquième femme de Henri, Cattierine Howard, fut accusée
d'avoir mené une vie légère avant son mariage, et mise à mort
comme adultère. La sixième, Catherine Parr, survécut seule à
ce furieux ; il est vrai qu'elle était sur le point d'être brûlée
comme hérétique. Parmi les personnes immolées par Henri, on
comptait deux reines, douze ducs et comtes, cent soixante-
quatre gentilshommes, deux cardinaux archevêques, dix-huit
évê(jnes, treize abbés, cinq cents prieurs et moines, trente-huit
docteurs eu théologie et dans les deux droits.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° loi.
rUirnet, I, 4ö3 et seq., 510 et seq., .ö47 et seq., 56.3 et seq., 598 et
seq.; Strvpe, p. 279 et seq., 351 et seq.; Thommes, loc. cit., p. 722;
Le Grand, Hist. du divorce de Henri VIII, t. I, p. 141. — Melanchth.,
ep, ad Vit. Theod. (Corp. Reform., 111", 1075). Cf. Dœllinger, Réf., I,
p. 332, n. 6.
Le schisme angl can.
152. Sur la doctrine de l'Église, Henri ne voulut opérer au-
cun changement, et les relations passagèrement nouées avec
des théologiens d'Allemagne demeurèrent sans résultat. Loin
de consentir à la suppression du célibat, il voulut que sa trans-
gression fût punie comme un acte de félonie ; l'archevêque
essaya vainement de s'y opposer. Cranmer, inquiet pour sa
sûreté, se hâta d'envoyer sa femme et ses enfants en Allemagne.
La plupart des rites, l'eau bénite même et le culte des saiuts
furent maintenus ; les reliques, au contraire, furent dispersées,
et l'on permit à ceux qui ne savaient pas lire de remplacer les
livres par des images. Là lecture de la Bible ne fut permise
qu'aux classes élevées ; la traduction de Tyndall fut défendue et
plusieurs fêtes abolies.
La transsubstantiation, la communion sous une seule espèce,
les messes pour les défunts, la confession auriculaire, les vœux
et le célibat, le roi les fit confirmer en 1539 par le parlement,
sous la forme de six articles, dont le rejet entraînait la peine
capitale. Les catholiques furent mis à mort; les luthériens et
les calvinistes, brûles comme hérétiques. Cranmer s'inclina de.
422 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
vant l'orthodoxie royale, et ne rougit point de condamner des
hommes pour les mêmes doctrines auxquelles il adhérait en
secret et qu'il professa ouvertement dès qu'il le put sans danger.
En 1543, il fit répandre partout le livre du roi ou « la Doctrine
et la Science nécessaires à tout chrétien », dans lequel le dogme
catholique de l'Eucharistie était enseigné selon toute sa rigueur.
Les universités d'Oxford et de Cambridge, qui depuis 1521 déjà
comptaient plusieurs savants épris des nouveautés, devaient
plier devant la volonté du roi. Henri VII 1 mourut enfin le
28 janvier 1547, après un règne de trente-huit ans, non moins
funeste au pays sous !e rapport moral que sous le rapport éco-
nomique.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 152.
Burnet, I, 604 et seq., 733, 740 et seq.; Strype, p. 356 et seq.,
800 et seq.; Lingard , VI, p. 311 et suiv. W. Tyndall traduisit le
Pentateuque et le Nouveau Testament en anglais. Cochlée s'opposa à
l'impression, qui devait d'abord se faire à Cologne (voy. son Com. de
act. et script. Luth., au. 1526, p. 132). Le Nouveau Testament parut
à Anvers en 1526, fut souvent réimprimé, et importé en Angleterre
par des marchands allemands. Gerdcs, Hist. Ref., 111, 107; IV, 205.
Selon Vox : Comment, rer. in Europa gest., Basil., 1559, p. 138,
Culhbert Tonstall , évoque de Londres, acheta la première édition
alin de la détruire, et fournit ainsi à Tyndall les moyens d'en
procurer une seconde et meilleure édition. Les universités d'Angle-
terre inclineront souvent au protestantisme. Wood, I, 247, 250;
Gerdes, IV, 181 et seq., 187. Cf. 307 et seq.; Fox, loc, cit., p. 127 et
seq.; Burnet, I, xvui. Le collège Cardinal (plus tard collège du Christ),
fondé par Wolsey, devint, en 1526, le principal foyer du luthéranisme à
Oxford. John. Frylh, ainsi que Wilh. Tyndall, d'Oxford, fut expulsé;
mais il ne fut que plus à son aise pour envoyer ses écrits de l'étranger.
Us lurent interdits en 1526, 1520, 1531. Conc. AI. Brit., 111, 707, 719;
Gerdes, Mou., IV, 134, 139; Fox, Act.s and Monuments of the Church,
Lond., 1583, 2 vol. iu-f», II, 234.
Le prolcstandsiiic sous Edoiiaril VI.
Edouard VI. — L'Angleterre devient protestante.
153. Henri VI II, ainsi qu'il l'avait décidé par testament, eut
pour successeur son fils Edouard VI, issu de Jeanne Seymour
L't à peine âgé de dix ans. Sa minorité fut exploitée au profit
LE PROTESTANTISME. i23
fie nouvelles révolutions religieuses. Son onde maternel, le
comte Seymour, fut nommé régent et prolecteur du royaume,
avec le titre de duc de Somerset. Partisan zélé de la réforme,
il avait de bonne heure inspiré au jeune Edouard une aversion
profonde pour l'Église catholique. Cranmer fit renouveler sa
juridiction par le roi, et ne tarda pas, lui et les siens, à jeter
le masque du catholicisme. Martin Bucer et Paul Fagius (1549),
mandés de Strasbourg, reçurent des chaires de professeurs à
Cambridge, mais ne tardèrent pas à mourir (Fagius en 1549,
Bucor en février 1551). Vinrent ensuite d'Italie à Oxford, Ber-
nardin Ochino, qui y demeura peu de temps, et Pierre Martyr. On
envoya aux prédicateurs et aux évêques un recueil d'homélies
composé par Cranmer, et destiné à préparer les voie.'^ à la nou-
velle doctrine. 11 fut bientôt suivi d'un nouveau Catéchisme.
Gardiner, évèciuo de Westminster, résista et fut emprisonné.
Nul n'avait le droit de prêcher sans la permission expresse du
roi.
Le parlement enleva aux chapitres le droit d'élection, abolit
les six articles de Henri YIII, et par conséquent le célibat, le
sacrifice de la messe et la communion sous une seule espèce ;
il assigna à la couronne une grande partie des biens ecclésias-
tiques, et prit dos mesures impitoyables contre les mendiants,
devenus fort nombreux depuis la suppression des couvents.
Cranmer abolit l'ancienne liturgie et la remplaça par une nou-
velle. 11 composa, « sous l'inspiration du Saint-Esprit», le Livre
des communes prières et de l'administi'ation des sacrements
{Book of common pray er). (Quiconque le repoussait on le tour-
nait en tlérision, était puni de lourdes amendes et de la
prison. La langue nationale devint la langue exclusive du
culte ; les ornements du service divin, devenus iiuitiles, les
chapelles particulières furent accaparés par le fisc.
Le peuple essaya, par plusieurs émeutes, d'empêcher ces
innovations violentes ; mais le gouvernement ne craignit pas
d'appeler de l'étranger des troupes mercenaires [tour <( l'éta-
blissement de l'ÉgUse établie par la loi »; les évêques qui résis-
tèrent encore, furent emprisonnés et destitués. La princesse
Marie, fille de Henri et de Catherine, toujours catholique, fut
inutilement mise à la torture pour être amenée à changer de
religiiui, cl ^^.n\ premier chapelain fut enfermé. Cranmer^ devenu
424 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
le chef d'une nouvelle inquisition, aida le duc régent à faire mon-
ter son frère sur l'échafaud. Bientôt Somerset lui-même fut accusé
de trahison et décapité. Dudley;, comte de Norwick, puis duc de
Northumberland, devint son successeur dans le protectorat.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR J.E N° 153.
Burnet, p. II, t. I, p. 1 et seq.; Strype, Hist. Memorials, London,
i721, vol. II, p. 1 et seq.; H. Soames (§ 144), vol. III, p. 1 et seq.; Rapin
Thoyras, t. VI, p. ^ et seq.; Hundeshagen, Epistola; aliquot ineditic
Buceri, Calvini, etc., ad bist. Eccl. britan., Bern., i844. Sur Bucer, voy.
Dœllinger, Réf., II, p. 52. Paul Fagius, né en 1504 à Rheinzabern,
dans le Palatinat ; 4537, pasteur à Isny, en Souabe; 1542, successeur
de Capitoà Strasbourg. Cf. Sleidan., 1. XVIII, p. 559; 1. XXI, p. 655,
672. Sur Ochino et Pierre Martyr, § 202. Décrets du parlement, dans
Lingard, Vil, p. 2t et seq.
Les quarante -deux articles. — Nouveau code religieux.
154. Un désordre irrémédiable régnait dans les affaires reli-
gieuses. Les ecclésiastiques ne sachant plus ce qu'ils devaient
faire, croire et prêcher, le conseil de régence chargea l'arche-
vêque Cranmer de confectionner un nouveau Symbole, qui
devait, une fois approuvé par le roi, être l'unique critérium de
l'orthodoxie. En 1552, Cranmer rédigea, de concert avec Ridley,
évoque de Londres, une Confession de foi en quarante-deux
articles — mélange d'idées catholiques , luthériennes, zwin-
gliennes et calvinistes ; — elle était basée sur ce principe com-
mun à tous les protestants, que la Bible est l'unique règle de la
foi. On déclara valides les Symboles des Apôtres, de Nicéo et do
saint Athanase; on adopta, en évitant les expressions trop
précises, les dogmes catholiques du péché originel et du libre
arbitre, mais on maintint rigoureusement la justification par
la foi seule ; on ne reconnut que les sacrements du Baptême et
de l'Eucharistie, ce dernier dans le sens des calvinistes; le roi
fut proclamé chef suprême de l'Église anglicane.
Edouard VI et la plupart des ecclésiasliques souscrivirent à la
nouvelle Confession. La liturgie, purgée de tous les « restes de
papisme», fut introduite par la force. Une commission, présidée
par Cranmer, fut chargée d'élaborer un code de lois ecclésiasti-
ques à la place du recueil des décrétalos. Elle cuinmença sa
LE PROTESTANTISME. ^^o
(( réforme des lois do l'Église » par une exposition de la foi, et
prononça la peine de mort et la confiscation des biens contre
quiconque renierait la foi chrétienne, soutiendrait la trans-
substantiation, la primauté du pape et autres doctrines réprou-
vées; elle fixa la procédure à suivre contre les hérétiques, la
cérémonie de l'abjuration de l'hérésie et de la tradition des
hérétiques opiniâtres au bras séculier, insulta à la mendicité;
on condamna l'adultère à la prison ou à l'exil à perpétuité. Le
divorce fut permis pour cause de cruauté, d'humeur insuppor-
table et d'absence de plusieurs années.
Ce code de lois si effrayant pour les catholiques ne fut pas
réellement imposé, parce que Edouard VI mourut avant sa pubU-
cation, âgé de seize ans seulement (6 juillet 15.53).
Comme Henri VIII n'avait point de descendant mâle, et que
Marie, issue de son premier mariage, ainsi qu'Elisabeth, issue
du second, avaient été déclarées bâtardes par Cranmer, le roi
Edouard, pendant sa maladie, avait consenti, dans son testa-
ment, sur les instances du duc de Northumberland, à ce que la
belle-fille de celui-ci, Jane Grey, petite-fille de Marie, sœur de
Henri VIII , fût l'héritière légitime du trône. (Marie avait
épousé en secondes noces Charles Brandon, dont elle avait eu
une fille, qui épousa Henri Grey, père de Jane.)
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° loi.
Art. Craumer dans Burnet, II, 209 et seq.; Salig, Gesch. der Augsb.
Genf., II, p. 456. Cf. Schrœckh , K.-G. seit der Ref., II, p. 613 el
suiv.; Lingard, VII, p. 106 et suiv.; Reformatio legum ecclesiast.,
Lond., 1640; Gerdes, p. 383-391; Mon. antiq., n. 43, p. 230 et seq.;
Burnet, II, 477 et seq.; Sclirœckh, p. 618 et suiv. Calvin avait déjà
précédemment engagé le protecteur Somerset à extirper par le glaive
les partisans de l'Anléchrist de Rome. Calvini Kpist., éd. Genev., 1376,
p. 67; Dœllinger, Kirche u Kirchen, p. 69.
Les protestants sons le règ-ne de Marie.
Rétablissement du « statu quo » de Henri VIII.
155. Après la mort d'Edouard, le duc de Northumberland,
désireux de procurer la couronne royale à sa famille, fit pro-
clamer reine Jane Grey, épouse de son fils Gilfred. Le règne
de Jane ne dura que neuf jours. L'héritière légitime du
trône, Marie, qui avait pour elle l'opinion publique et l'opposi-
426 HISTOIRE DE l'ÉGLTSE.
tion de beaucoup do seigneurs contre le testament arraché au
faible Edouard, s'avança avec une armée et fit son entrée royale
dans Londres. Le duc prolecteur fut incarcéré, et, après une
nouvelle révolte, mis à mort avec son fils et Jane Grey. La
reine, qui était une fervente catholique, s'efforça de faire
rentrer l'Angleterre dans l'unité de l'Église ; elle trouva surtout
de l'opposition chez ceux qui avaient profilé des biens enlevés
à l'Église et auprès des évêques protestants institués par Cran-
mer. Cbarles-Quint lui conseilla d'agir avec beaucoup de
modération et de prudence. Marie n'adopta pas le titre de chef
suprême de l'Église anglicane ; elle fit invalider par le parle-
ment le mariagede Henri VIII avec Anne de Boleyn, réintégra les
évêques (Jardiner, Banner, Tonstall, etc., déposés sous Edouard,
et s'efforça de ramener les choses au point où elles étaient suus
Henri VlII;elleenjoigintà l'infidèle archevêque Cranmer de quit-
ter son palais, mesure excessivement douce (|uand on songe à
la conduite de Cranmer envers la mère de Marie et à la part qu'il
avait eue dans l'élévation de Jane. S'il fut emprisonné dans
la Tour par ordre du coiiKeil royal, ce fut seulement après qu'il
eut attaqué dans un écrit violent le sacrifice de la messe comme
une invention diabolique.
Los affaires ayant été ramenées, avec l'approbation du pre-
mier parlement, au point où elles étaient quand Edouard VI
monta sur le trône, les clercs mariés perdirent leurs bénéfices,
l'Église recouvra les l)ieiis confisqués par la couronne, les dî-
mes et antres redevances. L'évêque Gardiner consacra des pré-
lats avec la permission secrète du pape, afin de remplacer suc-
ces.'^iv(iment les évè(jues protestants. Les novateurs, (jui avaient
démêlé les intentions de la reine, provoquèrent une rébellion,
qni fut étouffée par les armes. Marie, afin de se procurer un
solide appui, épousa le prince Philippe, héritier de la couronne
d'Espagne; il arriva en Angleterre le 19 juillet 15,14. Pour
apaiser la résistance des possesseurs de biens eodésiastiijues,
on demanda à Jules 11! et l'on obtint une bulle par laquelle
l'Église renonçait aux biens (jni lui avaient été ravis sous les
deux derniers gouvernements.
Slüid.ui., 1. XXV, p. 80Ö et ?G(I.; |{uruet, IV, p. o'j'ô et seq.; Slrype^
I.K PROTESTANTISME. 427
III, p. I et seq.; Soames, IV, p. i et seq.; Riyn., an. I.oo3 et seq.;
I.ingard, VII, p. 158 et siiiv.; Cobbet, p. 259 et suiv., 282.
Restauration du catholicisme. — Sévérité de Marie. — Sa
mort.
156. Dès le o août 15.^3, Jiile.s III avait désigné pour son
légat en Angleterre le cardinal Régiiiald Polns, qui résidait en
Italie et commençait à mieux espérer de son pays. Mais aupa-
ravant, il délégua secrètement l'habile François Commendon,
chargé de prendre une connaissance exacte de l'état des affai-
res. Son arrivée causa une grande joie à la reine, toujours
entourée de nombreux hérétiques. Polus rentra eu Angleterre
(novembre 1554) après l'ouverture du second parlement et le
retrait des édits dont il avait été autrefois l'objet. On lui fit une
réception des plus solennelles. La réconciliation de l'Angleterre
avec l'Église catholique fut adoptée dans les deux chambres à
la presque unanimité. Le cardinal leva l'excommunication qui
pesait sur le royaume, confirma les évèchés fondés pendant le
schisme, ainsi que les hôpitaux, les écoles, les mariages con-
tractés dans les degrés défendus, l'abandon aux possesseurs
actuels des biens de l'Eglise aliénés ; il s'occupa d'établir des
évèques catholiques et de restaurer le culte religieux.
Le 21 juin 1555, des ambassadeurs anglais se présentèrent à
Rome, où une grande fête d'actions de grâces avait déjà été
célébrée (14 décembre 1554), pt^ur demander pardon au Saint-
Père des vingt années d'égarement où avait vécu l'Angleterre.
Le cardinal Polus, chargé de l'administration de l'archevêché
de Cantorbéry, s'appliqua surtout à former un clergé capable
et instruit et à établir par des moyens pacifiques le règne
complet du catholicisme.
La reine, maladive et impatiente, n'entrait pas toujours dans
ses vues de sage discrétion ; cependant elle le pressa de demeu-
rer dans le pays, lorsque Paul IV, moins prudent que son pré-
décesseur, voulut, peut-être par méfiance, le rappeler et mettre
à sa place le confesseur de la reine, Guillaume Poet, franciscain
de l'étroite observance, promu au cardinalat. Marie, après avoir
d'abord régné avec mansuétude, commença à traiter avec-
beaucoup de sévérité les non-catholiques ; elle remit en vi-
gueur les anciennes lois contre les hérétiques, d'autant plus
■428 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
que plusieurs conjurations avaient été tramées contre elle
(Wyat, SufTolk, etc.), que les prédicateurs protestants, Ridley
lui-même, évêque de Londres, l'attaquaient ouvertement en
chaire et dans les écrits qu'ils propageaient. On compta près de
deux cent soixante-dix-neuf suppliciés.
Cependant, si l'on compare le gouvernement de Marie avec
les deux précédents et avec celui qui lui succéda, elle ne mérite
nullement le nom de « Sanglante », que lui ont donné les protes-
tants. Les soulèvements politiques étaient l'œuvre de l'hérésie,
et la plupart des victimes, d'infâmes criminels, notamment le
vénal Cranmer, qui, condamné à mort en 1556, puhlia une
rétractation lâche et hypocrite, puis la rétracta quand il s'aperçut
qu'elle lui était inutile ; le traître Latimer, évêque de Worchester;
Ridley, de Londres, convaincu de haute trahison ; plusieurs
prédicants réformés, qui avaient soufflé le feu de la révolte, et
dont les six plus coupables moururent sur l'échafaud en janvier
1555.
L'Espagnol Alphonse de Castro, confesseur du roi Philippe,
blâma publiquement ces mesures de rigueur, et pendant quatre
semaines les condamnations furent suspendues. 11 fut ensuite
prescrit à toutes les autorités d'engager ceux qui étaient accu-
sés d'hérésie à se convertir ; puis, en cas de résistance, de les
conduire aux supérieurs ecclésiastiques pour les faire instruire,
et, seulement après, d'agir conformément aux lois. La reine
Marie mourut d'hydropisio, le 15 novembre 1558 ; seize heures
plus tard, le cardinal Polus expirait. Cette douloureuse nouvelle
parvint à Rome au moment où l'on célébrait les funérailles de
Cliai-les-(Jiiint (2:2 décembre). L'Angleterre était à la veille d'iuje
nouvelle révolution religieuse.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° i56.
Pallav,, XIII, c. vii-ix, xii, xiii; Conc. M. Brilan., IV, H2 et seq.;
Graziani, la Vie du card. Commendon, Irad. par M. Fléchier, 4« éd.,
Lyon, 1702, p. 61 et seq.; Reformatio Augliai ex decretis Reginaldi
Poli Sedis Ap. legati, 10 febr. 1356; Labbé, XIV, 1733; Le Plat, Mon.,
IV, p. 070 et seq.; Rayn., an. 13ö6, n. 28. Attitude de Paul IV : Pallav.,
XIV, 0. H, n. 3 et seq.; Rayn., an. 1538, n. 3 et seq.; Ranke, Rœm.
Pœpste, I, p. 309 et suiv. Ce dernier apprécie le malheureux Cranmer
(Ilist. d'Anglet., I, p. 20i et suiv.) comme l'a fait dernièrement un
critique de la Gazette universelle d'Augsbourg (Supplem., il déc.
LF. l'KOTESTANTlSME. 429
i860) : « II était de ces natures qui ont besoin de se sentir appuyées
par l'autorité souveraine pour être en état de poursuivre leur opinion.
Autant elles paraissent entreprenantes et courageuses, autant elles
deviennent souples et flexibles quand cette faveur leur fait défaut.
Elles ne brillent point par la grandeur morale, mais elles sont émi-
nemment propres, dans les circonstances critiques, à sauver, pour des
temps meilleurs, l'allaire qu'ils ont entreprise. » — Impossible de
dire à un homme, avec plus de ménagements, qu'il manque de carac-
tère. — Pallav., XIV, VIII, 1 ; Rayn., an. 1558, n. 3 et seq., 10 ; Rurnet,
p. 872 et seq.; Strype, p. 464 et seq.
LES PROTESTANTS SOUS LE RÈGNE D'ELISABETH.
Attitude religieuse d'Elisabeth.
157. Les intérêts personnels d'Elisabeth, la seule qui restât
des filles de Henri VIII, étaient d'accord avecceuxdu protestan-
tisme. Fille d'Anne de Boleyn et née du vivant de Catherine,
les catholiques la considéraient comme illégitime. La véritable
souveraine, selon eux, c'était Marie Stuart d'Ecosse, descen-
dante de Marguerite, sœur de Henri VIII et femme de Jacques
IV, roi d'Ecosse. Mais comme elle était mariée à François, dau-
phin de France, et que la domination soit de la France, soit de
l'Ecosse, était intolérable à l'orgueil national des Anglais, Elisa-
beth, qui avait simulé le catholicisme sous la reine Marie, tout
en méritant les faveurs du parti protestant, fit aisément re-
connaître par la majeure partie du peuple anglais ses préten-
tions au trône. Son père, dans son testament, l'avait préférée à
ses autres parents.
Elisabeth parut d'abord hésiter entre les deux religions ; elle
se fit couronner selon le rite des catholiques, et jura même de
maintenir leur religion. Elle fit annoncer au pape Paul IV son
élévation au trône et négocier un mariage avec Philippe II
d'Espagne. Paul IV, à qui la cour de France avait demandé de
sauvegarder les droits de Marie Stuart, répondit à Elisabeth que
l'illégitimité de sa naissance ne permettait pas d'établir son droit
d'une manière absolue et indubitable ; que Marie aussi revendi-
quait la couronne d'Angleterre; que si Elisabeth voulait remettre
l'affaire à sa décision, elle devait faire toutes les concessions
compatibles avec la justice. Cette réponse olTusqua l'orgueilleuse
princesse au suprême degré ; mais elle n'aurait pas laissé sans
430 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
cela de se prononcer pour le protestantisme : sa conduite tout
entière et le caractère des personnes qui l'entouraient, ne per-
mettent pas d'en douter. Son unique dessein était, avant d'être
bien affermie sur le trône, de ne pas rompre ouvertement avec
les catholiques et avec le pape, et de procéder avec lenteur
dans l'exécution de ses plans.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 157.
Rayn., an. 1538, n. M et seq.; an. 1559, n. i et seq.; Pallav., XIV,
vin, 2; Ranke, Rœm. Pwpste, I, p. 310 et suiv.; Engl. Gesch., I,
p. 222 et suiv.; Nares, Ménioirs of Burgleigh, II, XLin; J. Strype,
Annals of the Reformation and Establisbement of religion under the
reign of queen Elizabeth, 2« éd., 3 vol., Lond., 1727-1737 (1558-1588);
Brief Annals of tbe Church and State under the reign of queen Eliza-
beth,, Lond., 1738, 2« éd. (1589-1603); Biirnet, loc. cit., p. 880 et seq.;
H. Soames, Elizabethan religions History, Lond., 1839.
L'Angleterre redevient protestante. — Les trente-neuf
articles de l'Église anglicane.
158. Les protestants emprisonnés furent innnédiatement
élargis, les exilés furent rappelés et beaucoup entrèrent dans le
parlement. Sur le conseil du plus intime de ses conseillers,
Ceci!, Elisabeth lança, le 27 décembre 1558, une proclamation
qnidéfendaitauxecclésiastiquesde prêcher jusqu'à ce qu'elle eût
rendu, de concert avec le parlement, des décrets à ce sujet. Cecil
était parveim à faire adopter le plan de la reine par la majorité
du parlement, et cette même assemblée, qui s'était ouverte (25
janvier 1559) par un oftice catholique solennel et un sermon
réformé, supprimait peu de temps après les lois édictées sons
Marie et rétaMissait la plupart des lois rendnes sous Edouard VI.
La majorité, dans le principe, ne fut que de troix voix. On
décida la revision du Livre de prières, on rappela l'ambassadeur
de Rome et l'on rompit toute relation avec le Saint-Siège. La
suprématie de la reine fut reconnue, avec l'obligation d'un ser-
ment qui devait être prêté sous peine de destitution et de con-
fiscation des biens : c'était exclure les catholiques de tous les
emplois. Admettre l'autorité du pape, s'opposer à la reine en
(]U(ii que ce fût sur les matières religieuses, passait pour un
crimo do hante trahison. Il y eut encore de la résistance parmi
les premiers prélats et dans les universités. Une conférence
],E IMiOlKSlAiNll.SMK. 431
piihliqiio, présidée par lu garde des sceaux, et qu'on avait déjà
soumise à plusieurs rèu;lemeuts funestes aux catholiques, fut
inteirouipue ; les callioliques qui s'y étaient rendus, furent
punis de Tameiide et de la prison ; les prêtres qui avaient
refusé le serinent de suprématie, remplacés par des prédi-
cants réformés.
La reine nomma archevêque de Canturbéry Matthieu Parker,
qui fut sacré le 17 décembre 1559 par l'évêque protestant Bar-
low, assisté de trois autres prélats semblables, et qui dut lui-même
en consacrer d'autres. La majeure partie du bas clergé se sou-
mit, presque toujours dans le dessein de garder ses bénéfices
et aussi dans l'espérance illusoire d'un prochain revirement.
Des neuf mille quatre cents béuéficiers, il n'y en eut guère que
soixante qui préférèrent perdre leur place plutôt que d'aposta-
sier. Au dehors, une foule de choses demeuraient encore catho-
liques : on avait maintenu la hiérarchie avec ses privilèges, les
ornements d'églisf^, l'abstinence de chair (conservée pour des
raisons éconoini(|ues), etc. Presque la moitié de la nation était
encore catholifjue de cœur, et cependant le gouvernement no
rencontra nulle part une résistance sérieuse.
Les mesures pour étouffer l'ancienne croyance devenaient
chaque jour plus sévères : en 1562, il fut décidé que tous les
membres de la Chambre des communes, les maîtres privés
et publics, tous les avocats et les ecclesiastifjues prêteraient le
serment de suprématie ; tous ceux qui blâmeraient le culte in-
troduit, tous les réniteiits {récusantes) souffriraient la peine
des criminels de lèse-majesté. Cette mesure, imparfaitement
e.Kécutée dans le principe, le fut plus tard avec une extrême
rigueur. Les quarante-deux articles publiés sous Edouard VI
furent revisés et réduits à trente-neuf. On laissa une foule de
choses indécises; mais on rejeta expressément la primauté du
pape, le sacrifice de la messe, « cette invention sacrilège »,
la transsubstantiation, le purgatoire, l'invocation des saints, le
culte des images, les indulgences. Quiconque agirait ou écri-
rait contre les trente-neuf articles, élevés à la dignité de Sym-
bole, devait être puni comme hérétique.
()UVR.\GES A CONSULTER ET REMARQUES' CRITIQUES SUR LE N° 158.
The Life aud Acts of Mallh. Parker, Lond., M\\, in-f°. Le P. Cou-
432 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
rayer, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, à Paris, se prononça
pour la validité des ordinations anglicanes (Dissertât, sur la validité
des ordinations des Anglais, 1723, et Défense de la Dissert., etc., 1724).
Mais la plupart des théologiens catholiques considéraient comme inva-
lides les ordinations de la haute Église faites par M. Parker, tels que
Nie, Sander, de Schismate anglicano; Harding (contre lewell, évêque
anglic. de Chichester); Stapleton (Fortresse of the fait); Hardouin
(Dissert, du P. C, Par., 1724). De nos jours, ont écrit sur la validité
des ordinations anglicanes, après Pusey : Lee (the Validity of thc
Holy Orders of the Ghurch of England, London, 1869), et Bailley
(Ordinum sacroruin in Eccl. Angl. Defensio, Lond., 1870); contre
elle : Raynal, 0. S. B. (the Ordinal of king Edward VI, its History,
Theology et Lilurgy, Lond., 1870); can. Estcourt (the Question of
anglican, ordination discussed, Lond., 1873). Comp. Bellesheim, dans
Archiv f. kath. K.-R., 1874, t. XXXI, p. 3-34; W. Bender, War Parker
ein giltig geweihter Bischof? Würzb., 1877. Voici les principales
raisons contre la validité : 1° Il n'est pas certain que, par la consécra-
tion de Barlow, Parker ait été validenient ordonné évèque; 2° les ordi-
nants n'avaient pas l'intention requise, l'infeention de faire ce que fait
l'Église ; 3" la formule d'ordination de l'Église anglicane sous
Edouard VI ne mentionnait nullement le pouvoir épiscopal, et elle
avait subi des modilications si essentielles, que l'assemblée du clergé
de 1062 crut nécessaire de l'éliminer. — Augusti, Corp. libror.
symbol , p. 126-142, en allem., dans Bonner Ztschr., N.-F. Jahrg.;
5 liviais., 1, p. 196-208. Freib. Zlschr., t. XU, p. 250 et suiv. Cf.
Burnet, p. 933 et seq.; Strype, p. 323 et seq.
Les non-coniormistes.
-159. Les mesures du gouvernement avaient pour adver-
saires, outre les catholiques, les puritains, ou partisans rigides
de Calvin, qui trouvaient trop d'éléments papistes dans l'Eglise
anglicane réformée et se scandalisaient de la constitution épis-
copule. On les appelait non -conformistes. La liturgie, la hié-
rarchie épiscopale sentaient par trop le papisme ; la chape, la
barrette et autres objets extérieurs incpiiétaient leur con-
science. La plupart détestaient le serment de suprématie ;
quelques-uns cependant croyaient pouvoir l'accepter, parce
qu'il excluait toute puissance étrangère, nommément celle du
pape, et parce qu'il y était dit (jnc le pouvoir royal était investi
de la suprême puissance sur toutes les personnes ecclésias-
tiques et civiles nées dans le royaume. Ils étaient plus difficiles
LE PROTESTANTISME. 433
en matière de rites. En 1568, ils tinrent une assemblée secrète
et résolurent de se séparer de la haute Église épiscopale, à
laquelle ils essayèrent d'opposer une constitution presbyté-
rienne plus populaire. Beaucoup d'entre eux turent saisis, mais
relâchés bientôt après. Plus tard, ces non-conformistes eurent
également beaucoup à souffrir.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 159.
Dan. Neal, the History ol" tlie Puritans or Prot. Non-Conformistes,
2« éd., Lond., 1723-38, 4 vol.; a new édition revised by Joshua Tou-
lin, Lond., 1797, ö vol. (traduction allemande, Halle, 1762, th. i);
Heylin, Hist. des presbytériens, p. 233 et seq.; Chebus, die Dissenters
in England (Mcdners ZtscUr. f. histor. ïheol., 1848, I, p. 87 et suiv.);
Weingarten, die Revolutionskirchen, Leipzig, 1868; Lingard, ViU,
p. 134 et suiv.
Persécution des catholiques.
160. Jusqu'en 1570 , le sort des catholiques d'Angleterre
était encore presque supportable , et Pie IV n'avait pas
encore renoncé à l'espoir de gagner l'orgueilleuse souveraine.
11 essaya d'entamer des négociations par l'entremise de l'abbé
Parapaglia. Mais depuis que la reine d'Ecosse, xMarie Stuart,
serrée de près par ses sujets rebelles, se fut réfugiée en Angle-
terre, où. Elisabeth, après lui avoir promis un asile, ne lui ré-
servait qu'une prison (1508) ; depuis que plusieurs geutils-
hommes catholiques eurent fomenté une émeute en faveur de
la captive, qu'ils considéraient comme leur légitime souve-
raine, Elisabeth redoubla de colère et de sévérité contre les
catholiques : tous furent considérés comme des complices de
l'émeute et des ennemis de l'État, quoique beaucoup eussent
combattu sous ses drapeaux. Supposé, du reste, que tous les
catholiques se fussent déclarés contre Éhsabeth, ils n'auraient
fait que ce que les protestants d'Ecosse avaient entrepris eux-
mêmes contre leur reine. Elisabeth avait constamment excité
contre les rois de France et d'Espagne leurs sujets réformés :
ce ne pouvait pas être un crime inouï que de lui rendre
maintenant la pareille.
Des centaines de catholiques furent mis à mort, et la capti-
vité de Marie Stuart devint plus étroite. A la suite de ces vio-
v. — HiST. UE l'église. 28
434 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
lences, le pape Pie V, conformément à l'avis de Philippe 11, au
conseil que quelques évèques anglais et les théologiens de Lou-
vain lui avaient donné en 15G3, Pie V, se référant aux prin-
cipes de droit alors en vigueur, prononça solennellement l'excom-
munication et la déposition d'Elisabeth (25 février 1570). A
Rome, on espérait encore que l'infortunée reine Marie Stuart
serait délivrée, et, pour atteindre ce but, Pie V était prêt à tous
les sacrifices ; il invoqua le secours de l'Espagne et d'autres
puissances : une guerre contre Elisabeth eût été, dans ce cas,
parfaitement justifiée. Qu'il ait soudoyé quelqu'un pour l'as-
sassiner, c'est là une calomnie insoutenable. Il recommanda au
roi d'Espagne un envoyé de la prisonnière, et s'en remit tout
entier à ce prince de l'œuvre de sa délivrance. L'entreprise,
dirigée par le duc de Norfolk, fut déjouée ; l'Espagne ajourna
ses secours, et, à dater de 1571, Elisabeth redoubla encore de
sévérité.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 160.
Pie IV, ap. Rayn., an. 1S60, n. 42 et seq.; d561, n. 51 ; Le Plat, IV,
623 et seq. Que Pie IV ait oü'ert à la reine d'approuver le « Livre des
communes prières », si elle et son royaume reconnaissaient la supré-
matie du Saint-Siège, c'est là une pure invention : Esteourt, loc. cit.,
p. 354 et seq. En faveur des droits de Marie sur l'Angleterre, Joh.
Leslaîus, op. Roffensis, de Titulo et Jure serenissimœ principis Mariai
Scolorum regiuœ, quo regni Angliae successionem sibi juste vindicat,
Khemis, 1581. Sur l'auteur, voy. Theiner, Annal, eccl., an. 1574,
n. 10, c. IV. Demandes au pape relativement à l'excommunication
d'Elisabeth : Pallav., XXI, vu, 4 et seq.; Spondan., an. 1569, n. 8 et
seq.; Bzov., h. an., n. 30. Const. de Pie V Reg7ians in excelsis : Bull.
Rom., t. IV, p. m, p. 98; al., t. H, p. 324; éd. Taur., VII, 810 et seq.;
Roscovany, Mon., III, p. 85-87, n. 438. Voyez mon ouvrage Kath.
Kirche, p. 678 et suiv., où j'apprécie l'accusation contre Pie V, em-
pruntée sans raison suffisante à Gachard, Correspondance de Phi-
lippe II, t. II, p. 180 et suiv.
Nouveaux bills contre les catholiques.
161. En 1571, quatre nouveaux bills furent présentés au par-
lement contre les partisans do Marie Stuart et contre les catho-
liques. Trois furent adoptés. D'après ces bills, serait coupable
de haute trahison quiconque attaquerait ou seulement révo-
LE PROTESTANTISME« 435
querait en doute les droits d'Elisabeth à la couronne d'Angle-
terre, l'appellerait hérétique, schismatique, tyran. Un menaça
aussi des châtiments réservés à ceux qui trahissent la patrie
ceux qui recevraient de Rome une bulle, un bref, un rescrit,
une dispense, etc., ou qui s'en serviraient pour recevoir ou
donner des absolutions et des dispenses. Pour maintenir la su-
prématie royale eu matière religieuse, on institua un tribunal
particulier, la haute cour de commission, qui fut investie de
pouvoirs inquisitoriaux exceptionnels et affranchie des formes
ordinaires de la justice. Les agents pénétraient dans les mai-
sous, épiaient les discours, saisissaient les papiers, et pouvaient
enlacer dans leurs ülets quiconque leur déplaisait.
Le refus d'assister aux offices de la haute Église entraînait
d'énormes amendes, des châtiments corporels et une prison sé-
vère. Les amendes seules dépassaient les ressources d'un grand
nombre de catholiques, dont plusieurs périrent misérablement
dans les prisons. Cependant cette législation tyrannique parut
encore trop douce, et les édits sanguinaires furent renforcés en
1581 : toute fonction sacerdotale, absolution, célébration de la
messe, ordinations, asile même accordé aux prêtres catholiques,
furent menacés de la peine de mort. Les places de professeurs et
de précepteurs ne devaient être accordées qu'avec l'agrément des
autorités protestantes. Des espions attitrés du gouvernement
tendaient des embûches aux catholiques, se donnaient pour les
hommes de confiance de la reine Marie toujours prisonnière,
tâchaient d'impliquer les cathoUques crédules dans des conspi-
rations, afin de les dénoncer ensuite ; ou bien ils leur arra-
chaient quelques paroles de mécontentement contre la tyrannie
régnante, afin de les faire punir. Les prisons de tous les comtés
regorgèrent bientôt de catholiques. La ruine de l'ancienne
Église, surtout par la disette de prêtres, semblait inévitable.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 161.
Lingard, t. VII, p. 3ö6 et suiv.; VIll, p. 7ö et suiv., 437 et suiv.;
Ranke, Papes romains, II, p. 160 et suiv. — J. de Thou (lib. VIII, 1Ö80,
p. Ö41, traduct. tVauç.j parle aussi des espions sous Elisabeth. Châti-
ments rigoureux inlligés à ceux qui professaient d'autres doctrines :
Eduard Coxe, institut., III, 5.
436 HISTOIRE DE LÉGLISE.
Séminaires de Douai et de Rome. — Héroïsme des mission-
naires catholiques. — Supplice de Marie Stuart.
162. Pour remédier à la pénurie des prêtres, le zélé docteur
Guillaume Allen, ancien supérieur de Maria-Hall à Oxford, fixé
à Douai en Belgique, plus tard cardinal et protecteur de la na-
tion anglaise à Rome (1587-1594), établit à Douai, en 1568, un
séminaire pour les Anglais. Le pape Grégoire XIII lui fit en-
voyer d'abondants subsides, et renforça cet établissenienl en
instituant à Rome, en 1579, le collège anglais. Les élèves de ce
collège s'obligeaient à retourner en Angleterre pour y annon-
cer la foi, et à se conformer à l'exemple des missionnaires en-
voyés autrefois par saint Grégoire le Grand. Les ministres
anglais persécutèrent ces deux établissements par tous les
moyens imaginables, et demandèrent au gouverneur espagnol
la suppression du séminaire de Douai. Celui-ci le promit, à
condition que les ports de l'Angleterre seraient fermés aux re-
belles des Pays-Bas.
Les princes de Guise accueillirent les expulsés, et le sémi-
naire de Douai, transféré à Reims, continua de prospérer. Les
lois contre le clergé catholique furent exécutées avec une
cruauté inouïe. Cependant rien ne put ébranler le courage
surnaturel des missionnaires. En 1580, deux jésuites anglais,
Persons et Campian, retournèrent dans leur patrie, et parcou-
rurent les provinces avec courage et prudence, parmi des dan-
gers et des persécutions incessantes : l'un, les provinces du
Nord ; l'autre, les provinces du Sud. Changeant de costume et
de nom, ils portaient les consolations du Ciel dans une foule do
familles catholiques, célébraient les saints mystères en secret
et dans un appareil qui rappelait les premiers âges du chris-
tianisme. Des écrits cathohques, composés avec habileté et
élégance, parurent et produisirent une profonde impression.
La véritable Église remporta, au sein même de la persécution,
de nouveaux triomphes.
Le magnanime Campian souffrit le martyre, de même que
Cuthbert Maine, noble prêtre de Cornouailles. Il y eut encore
quantité d'autres victimes, accusées, la plupart, d'avoir parti-
cipé à des conjurations dont elles ignoraient l'existence. D'hor-
LE PROTESTANTISME. 437
ribles instruments de torture furent mis en usage ; et, dans les
dernières années de cette femme tyrannii]ue, orgueilleuse et
despote, lu persécution devint de plus en plus acharnée. Les
catholiques anglais avaient constamment de nouveaux mar-
tyrs.
Enfin, le sort de l'infortunée Marie Stuart fut également fixé.
Après une captivité de dix-neuf ans, parvenue seulement à sa
quarante-cinquième année, elle fut exécutée le 18 février 1587,
comme une criminelle, surtout pour des raisons politiques fon-
dées sur des documents dont on n'avait que des copies sans
autorité. Cette procédure révoltante contre une tête couronnée,
à qui l'on n'accorda pas même un prêtre catholique avant la
dernière heure qui lui restait à vivre (la reine n'avait reçu
qu'une hostie consacrée par le pape), souleva la chrétienté
catholique et mûrit enfin les projets de l'Espagne.
Philippe II, mari de la précédente reine Marie, fit valoir ses
prétentions sur l'Angleterre. Mais la position insulaire de ce
pays, le dévouement de la nation, y compris les catholiques, et
jusqu'aux perturbations de la nature, favorisèrent l'astucieuse
Elisabeth, et c'en fut fait de l'Armada espagnole (1388). De
nouvelles entreprises furent, il est vrai, concertées, mais non
accomphes, et des jours prospères revinrent pour Élisahieth.
Nulle trêve à son despotisme ; elle se targuait de respecter la
liberté de conscience, et elle persécutait les catholiques comme
coupables de haute trahison, sans prêter l'oreille à ceux qui
entraient en lice pour défendre leur cause. Douée de hautes
qualités intellectuelles, mais d'un caractère bassement tyran-
nique, rien moins que pure et vierge dans sa vie privée, Elisa-
beth demeura jusqu'à sa fin (4 avril !603) l'ennemie irrécon-
ciliable des catholiques, qui, après la mort de l'évêque de
Lincoln (1381), n'eurent plus aucun évêque et n'obtinrent
un archiprêtre qu'en 1398.
OUVRAGES A CONSULTER EX REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 162.
Camden, Rer. brit., I, 315; Sacchiui, Hist. Suc, Jesu, p. IV, lib. VI,
c. VI ; lib. VII, c. x-xxx; Edm. Campiani Vila et Martyrium, Ingoist.,
1584; Concertaliü Ecclesiœ catbol. in Aiiglia., Aug. Trevir,, 1588,
in-4'' (par Bridgevater); Spondan., an. 1581, n. 13 et seq.; Challoner,
Denkwürdigkeiten der Missionspriesler u. and. Katholiken, die in
Engl, ihrer Ueligiun wegen den Tod erlitten haben, 1377-1684, trad.
438 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
de l'anglais, Paderborn, 1852, 2 vol.; Hist.-pol. Bl., 1838, t. I, p. 457-
469; 1839, t. [II, p. 696-702; Héfelé , Ximénès , p. 89-101 (Isab.
d'Espagne et Élisab. d'Angl.), — Natal. Alex., Hist. saîc. XV et XVI,
c. XII, art. 6, t. XVII, p. 601 ; Caussin, S. J., Aulse sanctae, t. II; Lin-
gard, VIII, p. 220 et suiv. Autres ouvrages ci-dessous, § 170. Déjà en
1572, l'évêque de Londres disait dans une lettre à lord Burgley que
la sécurité du royaume exigeait qu'on abattît la tête de Marie. EUis,
Lotters, II ser., t. III, p. 25. Plans politiques contre Elisabeth : Ranke,
Paepste, II, p. 85, 161 et suiv., 168 et suiv.; Laemmer, Analecta
Romana, p. 49 et suiv., n. 9. — Letters from sir Robert Cecil to sir
G. Carew, edited by J. Maclean, Camden Society, n, 88, an. 1864.
Les théologiens protestants professaient pour Elisabeth une sorte de
culte idolâtre. "William Tooker, chapelain de la cour, essaya de
prouver dans un écrit qu'elle avait le don miraculeux de guérir le
goitre et les écrouelles. (« Charisma seu donum sanationis seu expli-
catio totius quaestionis de mirabilium sanitatum gratia, in qua prœ-
cipue agitur de solemni et sacra curatione strumae, cui reges Angliœ
rite inaugurali diviuitus medicati sunt et quam serenissima Eliza-
betha... ex cœlesti gratia sibi concessa applicatione manuum suarum
et contacta morbidarum partium non sine religiosis ceremoniis et
precibus cum admirabili et felici successu in dies sanal. » Londini,
1597); et il voulait prouver par ces miracles la légitimité de cette
<( très sainte princesse ». Voy. Hist.-pol. Bl., 1841, t. VIII, p. 355 et
suiv. Un poêle de la cour, Jammy Thompson, célébra les « gloires »
de son « règne virginal », tandis que Witaker, ecclésiastique protes-
tant, d'accord avec beaucoup de contemporains, lui imputait les plus
grossiers débordements; un grand nombre la considéraient comme
la femme la plus impie dont l'histoire fasse mention, sans excepter
Jézabel elle-même (Cobbett, dans la Iraduct., IV° éd., p. 414). De
nos jours, des chercheurs protestants avouent que l'immoralité d'Eli-
sabeth n'est plus une question, et qu'il faut plutôt attribuer ses succès
au ministre Cecil qu'à elle-même. Maurenbrechei', Engl, im Revolu-
tionszeitaller, Düsseldorf, 1866, p. 91 et suiv.; Ranke, Engl. (Jesch,, I
et suiv. La délégation de l'archiprêtre par le carduial protecteur date
du 7 mars 1 598 ; Rome trouva la nomination d'un évêque inoppor-
tune. Mejer, Propag., II, p. 37, 39 et suiv.
L>es protestants sons Jacqncs ler et Charles 1er,
Jacques I^r. — La conjuration des poudres. — Le serment de
fidélité.
163. Le üls de Marie Stuart, Jacques VI, roi d'Ecosse, monta
LE PROTESTANTISME. 439
sur 1g trône d'Angleterre sous le nom de Jacques I", et réunit
sous son sceptre les trois royaumes britanniques. Tous les partis
religieux fondaient sur lui de grandes espérances : les puritains,
parce qu'il avait été élevé dans leur religion; les épiscopaux,
parce que leur système s'adaptait mieux au principe monar-
chique ; les catholiques, parce que sa mère avait été une catho-
lique fervente et qu'en Ecosse il avait usé de tolérance envers
l'ancienne Église. A Rome aussi l'on attendait beaucoup de son
élévation au trône. Déjà précédemment Clément VIII lui avait
mandé qu'il priait pour lui, pour ce fils d'une mère vertueuse,
lui souhaitait toutes les prospérités temporelles et spirituelles, et
il espérait encore le voir catholique. Jacques permit à son am-
bassadeur à Paris d'entretenir des relations avec le nonce, qui
lui montra une lettre du cardinal Aldobrandini, où celui-ci enga-
geait les cathohques d'Angleterre, au nom du pape, à obéir à
leur roi et à prier pour lui.
Le roi promit de ne pas inquiéter les catholiques paisibles, et
il les laissa en effet jouir quelque temps d'un peu de repos. On
recommença de célébrer la messe dans le nord de l'Angleterre,
et beaucoup d'Anglais se montrèrent de nouveau catholiques.
Par malheur, le mouvement protestant et surtout le zèle du
roi pour la constitution épiscopale, que les puritains traitaient
de papisme, entraînèrent Jacques I". Pour se purger du soup-
çon de papisme, Jacques renforça les lois contre les catholiques
(1604), fit percevoir sans merci les amendes au profit de ses
favoris d'Ecosse, et prononça plusieurs sentences de mort. Dans
cet état de choses, il était naturel que quelques uns se laissas-
sent entraîner dans des complots et des conspirations.
Robert Katesby forma, avec quelques complices, le dessein de
faire sauter en l'air (novembre 1605) le palais du parlement,
avec le roi, les lords et les communes. Le plan fut éventé, et
plusieurs des conjurés mis à mort. On essaya de faire passer
les jésuites pour les instigateurs du complot. Le P. Garnet, qui
n'avait connu la conjuration que par le confessionnal et qui avait
fait pour l'empêcher tout ce qu'il avait pu sans violer le secret
de la confession, fut condamné à mort comme complice, après
une procédure absolument privée de formes et différentes tor-
tures.
Le niLine sort atteignit d'autres missionnaires. 11 fut prescrit
440 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
qu'une fête annuelle serait célébrée le 5 novembre, jour de la
découverte de la conspiration des poudres, et une prière fut
insérée dans la liturgie contre les ennemis cruels et sangui-
naires de l'État. Ou redoubla de rigueur envers les catholiques;
on leur imposa le sermeut de fidélité, qui n'était au fond que le
serment de suprématie et (]iii de plus était injurieux à la foi
catholique. On donna à entendre que cet attentat était le fruit
de la doctrine cathoFuiue ou d'un ordre spécial du pape, et l'on
demanda que l'opinion suivant laquelle l'Église peut, dans
certains cas, déposer les souverains, opinion soutenue par les
théologiens les plus autorisés, fût condamnée comme hérétique :
c'était empiéter sur la doctrine de l'Église, et nul catholique
n'avait le droit de le faire. Ceux qui prêteraient le serment, ne
devaient être soumis qu'aux peines établies par la loi ; les
autres, y compris les femmes, seraient condamnés à la prison
perpétuelle, perdraient leurs biens, et seraient traités comme
des excommuniés (4606).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 103.
Hanke, Rœtn. Pœpstc, t. II, p. 479 et suiv.; Histoire d'Angleterre,
t. 1, p. 531 et suiv.; Lueminer, Analecta Rom., p. 53; Lingard, IX,
p. 35 et suiv., 55 et suiv.; Crétineau-Joly, Hist. de la Comp, de Jésus,
t. III, p. 83 et seq.; Riffel, Gesch. der Aushebung des Jesuitenordens,
2« éd., p. 30C-3H ; N.-J. Morris, S. J., the Condition of Calh. ander
James I. Father Gerards Narrative of the Gumpoweder Plot., Lond.,
1871 ; en allem., par Hollmann, Frib., 1872. Voy. Laacher Monatsschr.,
1872, II, p. 165 et suiv. Souvenir liturgique du 5 novembre: Daniel.
Cod. liturg., III, DÖ5; Juram. fidel., ap. Rapin Toyras, Hist. de l'An-
gleterre, t. VII, Hb. XVIII, an. 1606.
Paul V et le serment de fidélité.
164. Plusieurs catholiques so demandaient s'il était permis do
prêter le serment de fidélif»^ Le pape Paul V déclara que ce
serment contenait une foule de choses contraires à la foi, et que
personne Jie pouvait le prêter sans préjudice de son salut; il
exprima l'espoir que les catholiques, éprouvés jusqu'alors au fou
do la persécution, souffriraient les dernières extrémités plutôt
(jue d'offenser la majesté divine. Paul V nu pouvait pas admnltre
non plus que les actes des papes du moyen âge eusseut été
LE PROTESTANTISME. Ail
impies et injustes, ni laisser qualifier d'hérétiques des opinions
tliéologitjues généralement enseignées dans les écoles ecclésias-
tiques.Plusieurs catholiquesémigrèrent et perdirent leur fortune;
d'autres firent le sacrifice de leur liberté et même de leur vie.
Le roi Jacques, qui se piquait aussi de théologie, essaya
de justifier la formule de serment contre les théologiens catho-
liques Bellarmin, Suarez et Duperrou. Il en résulta une dispute
littéraire. Jacques connaissait et estimait les Pères de l'Église, et
il était modéré à l'égard des catholiques dans ses conversatious
privées. Les catholiques de Londres, nombreux encore malgré
toutes leurs pertes, avaient pour centre religieux la chapelle de
l'ambassadeur d'Espagne. Des amendes qu'on leur imposait, le
roi percevait annuellement 36,000 livres sterling. Quand son fils
Charles épousa la princesse cathoUque Henriette de France, il fit
par écrit diverses concessions aux catholiques, rendit la hberté
à plusieurs des leurs qui gémissaient dans les prisons, et adoucit
sensiblement leur sort, malgré la résistance du clergé et du
parlement anglais. Jacques maintint rigoureusement son sys-
tème épiscopal et sa suprématie religieuse : « Je fais ce qu'il me
plaît, » disait-il, « la loi aussi bien que l'Évangile. »
OUVRAGES A CONSULTE« ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 164.
Paul V, 1" oct. 1606 et 23 août 1607 ; Wilkins, Conc. M. Brit., IV,
430, Lond., 1737; du Plessis d'Arg., III, ii, p. 172-174; Roscovaiiy,
Monum., I, 197 et seq. Cf. Gosselin (V, § 149), II, p. 282-288, et mon
ouvrage cité, où j'examine, entre autres choses, l'accusation empruntée
aux Notices et Extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale,
Paris, 1804, t. VII, p. 311. Voyez encore Ranke, Hist. d'Angl., I,
p. 544 et suiv. Bossuet lui-même (Defens. Déclarât, cleri Gall,, part. I,
lib. IV, cap. xxui, p. 387) n'osait justifier le serment. Jacques, son
Apologia pro juramento tidelitatis, dans ses 0pp., Lond., 1619, p. 237
et seq., Lips., 1689; Bellarmin., Respons. ad Apol. pro jur. fidel.,
0pp., VII, 640; Suarez, Defensio fidei cath., Colon., 1614. Autres
ouvrages dans Dupin, Hist. eccl. du XVIP siècle, t. IV, p. 622 ; Bianchi
(V, § 1), t. II, lib. VI, § 11, n. 8 et seq., p. 640; Werner, Franz Suarez,
I, p. 97, n. 1. Aveux privés de .Jacques : J. Forster, Hist. Essays, Lond.,
1838, I, 227; Ranke, Pœpste, II, p. 481 et suiv., 487. Le mariage di-.
Charles P' avec une princesse catholique donna lieu à de longues
négociations, auxquelles le Saint-Siège lui-même prit une part active :
Ranke, p. 483 et suiv., 507 et suiv. Divers documents dans Kunst-
442 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
mann, die Gemischten Ehen., Ralisb., 1839, p. 195-205. Cf. p. 143 et
suiv., n. 162.
Règne malheureux de Charles 1er.
165. Sous Charles I" (1625-1649), caractère vacillant et sans
énergie, un sort meilleur parut d'abord réservé aux catholi-
ques. Des agents du pape allèrent à Londres, et des délégués
de l'Angleterre à Rome. La reine avait de l'influence sur son
mari, qui se complaisait dans plusieurs coutumes catholiques.
L'agent de Rome, Cuneo, discuta avec le roi sur une modiflca-
tion à introduire dans le serment de fidélité, et déclara que la
seule formule acceptable était celle qui ne prescrivait que
l'obéissance temporelle. Charles I" trouvait des difficultés, soit
dans les dispositions du parlement, soit dans la haute idée qu'il
se faisait des droits de la royauté : il rejeta les propositions de
Cuneo, et Rome persista à réprouver le serment de fidélité.
L'Angleterre, du reste, avait reçu de Grégoire XV un vicaire
apostolique, d'abord Guillaume Bisliop (1623-1625), évoque de
Chalcédoine, puis Richard Smith.
A Rome, en 1630, la Propagande s'occupa du rétablissement
de la hiérarchie catholique en Angleterre. Ce projet échoua.
Non seulement la plupart des conditions établies dans le contrat
de mariage du roi ne furent pas exécutées, mais il se produisit
une foule d'autres complications singulièrement préjudiciables
aux catholiques. Le roi, entouré de conseillers à courte vue,
fut bientôt le jouet de partis fanatiques. Les épiscopaux se firent
les organes de l'absolutisme royal, et les presbytériens, les
champions de la souveraineté populaire et de la liberté civile.
Chez ces derniers, les tendances républicaines s'accentuèrent
de plus en plus sous le masijue de la religion, et menacèrent à
la fois la monarchie et la hiérarchie. Do leur côté, les puritains
ou les «saints» apparurent armés de textes de la Bible, et outre-
passèrent bientôt toute mesure. Charles, ainsi que son père,
craignant d'enflammer le fanatisme des puritains en se mon-
trant équitable envers lescatholiijues, se laissaitentraîneràdes
demi-mesures, à do fausses combinaisons, qui avaient toujours
un effet contraire à ses desseins.
L'opinion publique était travaillée contre sa femme catho-
lique, contre sou ministre, le duc de Duckingham, et contre
LE PROTESTANTISME. 443
Laud, archevêque de Caiitorbéry, épiscopal rigide. Les parle-
ments, où les puritains furent bientôt en majorité, combattaient
le gouvernement et se plaignaient du papisme {No Popery !)
Le roi, tant pour apaiser le parlement que pour sortir de ses
embarras financiers, donna son adhésion à toutes les mesures
vexatoires proposées contre les catholiques : les « récusants »
furent de nouveau frappés d'amendes, emprisonnés et même
exécutés. Les prêtres catholiques émigrés qui rentreraient dans
le pays, devaient être punis de mort. On enleva leurs enfants à
beaucoup de familles catholiques, pour les faire élever dans le
protestantisme. Les partisans de l'ancienne Église furent mis
hors la loi.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 163.
Rapports de Cuneo, dans Ranke, Engl. Gesch., II, p. 206 et suiv. j
Anhang, p. 26-32. Voy. son Rœm. Pcepsle, II, p. 572 et suiv. Sur le
rejet constant du serment de fidéUté et sur la déclaration projetée
sous Innocent X (1648), mais non publiée, voyez mon ouvrage cité,
p. 692 et suiv. Vicaires apostoliques en Angleterre : Mejer, Propag., Il,
p. 43 ; Pie IX, const. Universalis Ecclesix, 29 sept. iSöO (Acta Pli IX,
vol. I, p. 236 et seq.). Délibération de la Propagande de 1630 : Läm-
mer, Analecta Rom., p. 37; Rinuccini (archev. de Fermo), Nunziatura
in Irlanda ncgii anni 1645, an. 1649, public, su' MSS. originali,
Firenzi;, 1844; — Hradshaw, the English Puritane, Lond., 1603 ; lat. :
Piiritanismus anglicus, Francof., 1610; Dan. Neal (§ 139), surtout II,
393 et seq.; Schrœckh, K.-G. seit d. Ref., V, p. 24 et suiv., 41 et suiv.;
VIII, p. 410 et suiv.; Chebus (§ 139), p. 96-lld.
Révolution d'Angleterre.
166. Charles commit une faute politique (1636) en voulant
Imposer aux presbytériens d'Ecosse la constitution épiscopale et
la liturgie de l'Angleterre, en restreignant leurs prédications et
leurs exercices de piété. Il en résulta une révolution. Le roi
réunit de nouveau un parlement à Londres, pour se procurer
des ressources pécuniaires. Mais ici encore il trouva de la résis-
tance, et il lui fallut dissoudre l'assemblée. Les Écossais enva-
hirent l'Angleterre et s'allièrent avec les puritains. Les con-
seillers du roi ne sachant quel parti prendre et l'argent faisant
absolument défaut, Charles convoqua un nouveau parlement
(1640), qui allait lui devenir funeste. Dans ce « Long Parlement »
444 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
(1640-1649), la Chambre des communes commença ses délibéra-
tions par des plaintes sur les intrigues papales, résolut de faire
une épuration dans la haute Église, et rendit à plusieurs ecclé-
siastiques non-conformistes les places qu'on leur avait ravies.
Il mit ensuite en accusation lord StrafTord, le plus capable des
ministres du roi, et le fit exécuter. L'archevêque Laud fut en-
fermé dans la Tour.
Charles cédait partout, et commettait les plus graves impru-
dences par excès de précipitation. Il s'enfuit de Londresà York,
et, en 1642, le parlement lui enleva le pouvoir législatif . Il y eut
encore des négociations entre les deux partis, mais de part et
d'autre on recrutait des troupes. Les catholiques, durement
opprimés, soutenaient la cause du roi Charles ; suspect de pa-
pisme, il refusa d'abord d'accepter leurs services, et finit par y
consentir, tout en continuant de faire supplicier leurs prêtres.
Il avait encore pour lui la majeure partie de la noblesse, tandis
que le parlement était soutenu par la bourgeoisie, ennemie de
tout monopole. Les prédicants presbytériens excitaient parmi
leurs troupes le plus effroyable fanatisme. On enleva à chaque
catholique les deux tiers de sa fortune, pour couvrir les frais de
la guerre contre le roi ; la tète de tout prêtre catholique fut
mise à prix, sous prétexte que le roi avait tramé un complot
papiste (1643). Les épiscopaux, persécutés par les deux partis,
subirent les puritains, qui prévalaient dans l'armée comme au
sein du parlement, supprimèrent complètement la liturgie et
le régime épiscopal, et introduisirent partout la constitution
presbytérienne.
OUVRAGES A CONSI.'LTER SUR LE N° 166.
Ed. Clarendon, Hisl. de la rébellion et des guerres civiles d'Angle-
terre, à la Haye, 1704, 6 vol.; Rapin Thoyras, t. VI, p. 261 et seq.,
399 et seq., 461 et seq.; t. VIII, p. 1 et seq.; F. Förster, Historical
and Biographical Fssays, Lond., 1858, vol. I, the Débats on the grand
Remonstrance, 1641 ; Lingard, t. IX et X.
Exécution du roi.
167. Mais bientôt les presbytériens virent se dresser contre
eux une secte plus radicale encore : les indépcnrlanls rejetèrent
le système synodal et les prosbytéries, demandèrent la tolérance
LE PROTESTANTISME. 445
générale et la suppression des prédicants, car quiconque était
saisi par le Saint-Esprit devait prêcher. Ils se nommaient aussi
congrégationalistes et Brownistes(de Robert Brown, leur chef).
On vit en effet des soldats, des marchands, des femmes, escalader
les chaires. Ces fanatiques avaient à leur tète les premiers
généraux des troupes du parlement, Fairfax et Olivier Crom-
well, qui aspiraient à la dictature; ils remportèrent plusieurs
victoires sur les troupes royales. Le 30 janvier 1647, le roi fut
emmené captif à Ilolby.
Des mains du parlement il tomba dans celles des indépendants,
qui avaient supplanté les presbytériens, et finalement dans
celles d'un troisième parti qui s'était formé au sein de l'armée,
les Levellers (ni voleurs ou rationalistes).
Les Levellers professaient la liberté absolue en matière reli-
gieuse, et la souveraineté populaire, et cherchaient à prouver
par la Bible que Dieu a tous les rois en abomination. Les partis
extrêmes se supplantaient mutuellement. Bientôt la mise en
accusation du roi fut décrétée; la chambre haute résista, la
chambre basse se déclara investie de l'autorité suprême. Les
presbytériens récalcitrants furent expulsés du parlement ; les
autres (le rumpfparlement) mirent le roi en aceusation, pour
avoir pris les armes contre le parlement souverain. Une cour
de justice dirigée par Cromwell le condamna à mort en invo-
quant la Bible, et, le 30 janvier 1549, la tète du roi tombait sous
la hache du bourreau. La royauté fut déclarée abolie en Angle-
terre, et la république proclamée. L'Angleterre venait de tra-
verser toutes les phases de la révolution ecclésiastique et poli-
tique.
OUVRAGES A CONSUMER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 167.
J. Waddington, Congregational History, 1567-1700, dans Relation to
contempor. events, Lond., 1874; Weingarten (§ 159), p. 20 et suiv.
Des Leveliers (on leur doit l'ouvrage : the Leveller or tho Principles
and Maximes concerning Government and Religion, Lond., 1658),
sortit la secte de la o^ monarchie de Vennec, suivant laquelle il ne
fallait reconnaître d'autre roi que le Christ, ni remettre le glaive dans
le fourreau avant que la royauté, cette autre Babylone, lût extirpée.
Voyez encore Sanford, Sludies and Illustrations of the great rébellion,
Lond., 1858. Le meurtre royal fut justifié par J. Milton, Defensio pro
populo anglicano contra Salraasii defensionem regiam pro Garolo I,
446 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Lond., i651, et Philippi Respousio ad Apolog. anonym, pro rege,
Lond., 1652.
Le prolcstantisnie en Ecosse.
Les protestants écossais. — Jean Knox.
168. L'Ecosse fut le premier des royaumes britanniques où la
nouvelle doctrine trouva de nombreux représentants. Elle y fut
prêchée sous le roi Jacques V (1524-1542) par Patrice Hamilton,
qui l'avait étudiée à sa source, à Wittenberg et à Marbourg.
L'arcbevêque de Saint-André (métropole depuis 1471), Jacques
Beaton, après une procédure régulière, le fit livrer comme
hérétique au pouvoir séculier, qui le punit de la peine du feu
(1528). Comme il avait joui d'un grand crédit en sa qualité
d'abbé de Ferme et montré beaucoup de courage pendant son
supplice, le nombre de ses partisans secrets se multiplia. On vit
surgir une multitude de prédicants réformateurs, entre autres
le bénédictin Henri Forest (qui fut également brûlé), et le con-
fesseur de Jacques V, Alexandre Seton, qui se réfugia sur le
continent. Les plus belles perspectives s'ouvrirent devant les
novateurs, car une portion notable du clergé était fort dégé-
nérée depuis la confiscation des biens d'Église par la couroinie
et la noblesse, et le peuple grandissait dans une profonde
ignorance.
Les écrits sarcastiques répandus contre le clergé étaient
recherchés avec passion, et les prêtres indignes étaient bafoués
comme de faux prophètes. Les protestants se multipliaient,
favorisés par la noblesse en haine des prélats opulents et de la
royauté, alliée avec eux. ici encore les biens ecclésiastiques ser-
virent de prétexte à beaucoup de gentilshommes appauvris, pour
faire opposition à l'Égiise. L'archevêque Jacques eut pour suc-
cesseur son neveu David Beaton, encore beaucoup plus zélé que
lui, et qui fut aussi pronm au cardinalat. (Juand le roi Jacques V
vint à mourir (1542), sa fille et son héritière Marie Stuart n'était
âgée que de huit jours; la régence tomba aux mains du comte
d'Arran, Jac(jues Hamilton, très faible de caractère, mais dé-
voué aux protestants. Le parti catholique, très puissant encore,
dirigé par le vaillant cardinal archevêque, ne voulut point d'un
protestant pour administrer le royaume. Hamilton, pour se
LE rROTKSTANTISMF. Ail
maintenir, rentra dans le giron de l'Eglise catholique (1543), et
s'unit au cardinal pour combattre les hérétiques.
L'un des réformateurs , George Wishart, ayant été mis à
mort, les protestants conspirèrent contre l'archevêque; ils l'as-
saillirent dans son château comme ennemi opiniâtre de Jésus-
Christ et de l'Évangile, au dire de Melvil, disciple du supplicié,
l'assassinèrent avec barbarie, et restèrent en possession de son
château (i546). Cent quarante gentilshommes se mirent de
leur parti, et la mer leur apporta d'Angleterre des res-
sonrces en argent et en vivres. Le régent fit le siège du châ-
teau, entra en négociations avec les meurtriers, et, quand elles
eurent échoué, les força enfin de se rendre, avec le secours
d'une flotte française. Cependant ils furent libres de s'en
retourner. Parmi eux se trouvait le prédicant Jean Knox,
réformateur écossais, né en 151.^, dégradé par le cardinal pour
ses doctrines hérétiques, puis aumônier militaire des re-
belles : cet adversaire fanatique de l'ancienne Église fut con-
damné en France à deux années de galères. En 1549, il arriva
en Angleterre, où il prêcha souvent en présence d'Edouard VI
et de ses conseillers secrets ; en 1553, il se rendit à Genève, et
se lia avec Calvin d'une étroite amitié.
Rébellion eu Ecosse.
469. L'alliance intime qui existait entre la France et l'Ecosse,
valut à celle-ci une guerre très funeste, mais très favorable à
la propagation du calvinisme. La reine mère, Marie de Guise,
n'hésita pas à s'allier aux calvinistes pour renverser le régent
d'Arran, qui se décida à lui laisser la régence (1554). La
reine usa de grands ménagements envers les novateurs et
même envers les étrangers persécutés dans leur pays. Mandé par
ses amis, Knox retourna en Ecosse (1555), et travailla de toutes
ses forces à son œuvre de réformation. 11 donna à plusieurs
gentilshommes la communion selon le rite de Genève, et prê-
cha contre le gouvernement papiste des femmes. Assister à la
messe était, selon lui, un péché mortel. En 1556 cependant, il
repartit pour Genève, où une chaire lui était offerte.
Le clergé, ranimé par son départ, l'accusa d'hérésie et le fit
brûler en effigie à Edimbourg. La reine mère se contenta de
AAH HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
condamner à mort quelques fanatiques, qui pillaient les
églises et renversaient les autels do la façon la plus barbare.
Les calvinistes demeurèrent en correspondance avec Knox,qui
résida à Genève de 1556 à 1559, et y fit retentir son « pre-
mier coup de trompette contre le gouvernement satanique des
femmes ». A partir de 1557, ils prirent une attitude de plus en
plus menaçante ; Knox prêchait ouvertement la révolution
contre « l'idôlatrie » et contre l'autorité, qui la soutenait. Les
lords protestants formèrent entre eux une alliance (la « con-
grégation du Seigneur ») pour résister aux catholiques, qu^'ils
appelaient la « congrégation de Satan » ; ils s'engagèrent à
défendre leur religion jusqu'à la mort et à se procurer des pré-
dicateurs vraiment évangéliques. L'archevêque Hamilton ayant
fait brûler, en 1558, un prêtre apostat, Walter Milne, ils
demandèrent à la régente et au parlement la liberté absolue do
religion, et menacèrent de se révolter.
Lorsque Knox fut revenu de Genève, les églises et les cou-
vents furent profanés et livrés au pillage, plusieurs détruits de
la façon la plus barbare, y compris la superbe cathédrale de
Saint-André. On en vint à une guerre ouverte. Les rebelles no
se contentèrent même pas du traité de 1559, qui accordait aux
protestants le libre exercice de leur culte : ils entendaient
régner seuls sur les ruines du catholicisme. Ils refusèrent
l'obéissance à la régente, qui reçut des troupes de France, tan-
dis que les rebelles furent appuyés par Elisabeth d'Angle-
terre.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°« 168-169.
Bradshaw (§ i65); Heylin, Hist of the Presbyterians, Oxford, 1670,
p. 130 et seq., 163 et seq.; the History of Ihe leformation of religion
wilLiri rcaltn of Scollanci togetiier with tlic Life of John Knox Uie
author, Edinb., 1732; Gilbert Stuart, Ilist. of reform of Scotland,
Lond., 1780, in-i», Altenb., 1786; Robertson, Ilisl. of Scotland., Bas.,
1791, 2 t.; en allem., Braunschw., 2 thle ; Calderwood, the True
Hislory of Ihe Churdi of Scotland, Lond., 1768; Th'M'Cric, the Life of
J. Knox, Edinb., 1811, 2 vol. (et souvent extrait par Planck, Goetting.,
1817); Cook, Hist. of Ihe Church of Scotland from the reform.,
Edinb., 1815, t. III; Niemeyer, Leben d. J. Knox u. der beiden
Marien, Leipzig, 1824; Weber, John Knox und die schottische Kirche
(Studien u. Kritiken, 1842, h. IV) ; Kudloil', Gesch. der Reform, in
LE PROTESTANTISME. 449
Schottland, Berlin, 1847 et suiv., 2 part. ; Kœslin, die Schottische
Kirche, Hanib., 1852; Brandes, John Knox, der Keformator Schotll.,
Ëlberf., 1862; Lingard, Gesch. v. Engl., Vil, p. 303 et suiv., 311 et
suiv.; Confessio scotica, dans Augusti, Corp. liLr. symbol., p. 143 et
seq. Extrait dans Weber, J. Knox, p. 886 et suiv.; Livre de discipline
de Knox, ibid., p. 892 et suiv. (Weber, Gesch. der Kirchen u. Secten
V. Groszbrit., Leipzig, 1843 et suiv., 2 vol.).
Oppression du catholicisme. — Marie Stuart en Ecosse.
170. La régente Marie de Guise mourut au milieu de ce
désordre (1560). l'lusieurs catholiques s'unirent aux rebelles
pour demander l'éloignement des troupes françaises. La jeune
reine Marie Stuart et son époux François IJ, roi de France, se
virent donc obligés de conclure avec la congrégation la paix
d'Edimbourg, qui sanctionnait la victoire de la noblesse insur-
gée. Toutes les exigences politiques furent approuvées, et la
question religieuse renvoyée au prochain parlement. Au lieu
de l'attendre, les calvinistes introduisirent partout leur nou-
velle organisation ecclésiastique, nommèrent des surinten-
dants et des prédicateurs, de sorte que le parlement, où ils
étaient, du reste, en majorité, n'avait plus qu'à confirmer leurs
actes. En 15G0 encore, le parlenioat prononça l'aboUtion de la
religion catholique, défendit la célébration ou l'audition de la
messe sous peine de confiscation des biens, et, en cas de réci-
dive, de l'exil et de la mort ; il adopta une confession de foi
calviniste, — la confession écossaise. La constitution devait
être presbytérienne ; cependant on laissa encore provisoire-
ment aux évêques leurs revenus et leurs sièges dans le parle-
ment, afin d'obtenir plus facilement l'adhésion de la reine.
Peu de temps après, Marie Stuart, devenue veuve par la
mort de François II, céda aux instances des catholiques et des
protestants, et retourna dans son royaume héréditaire. Déjà
avant son arrivée, le conseil de régence avait fait détruire tous
les monuments de l'ancienne religion. Marie Stuart osa se
confier aux protestants, et promit de suivre surtout leurs con-
seils dans la conduite du gouvernement. Mais Knox était
beaucoup plus puissant que la reine ; elle ne pouvait assister à
la messe sans exposer ses jours, et le peuple menaçait de lapi-
der son chapelain. Knox vomit du haut de la chaire les propos
V. — HIST. DE l'église. «29
4o0 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
les plus injurieux contre la souveraine catholique, et quand
elle fit son entrée à Edimbourg, on joua une comédie qui tour-
nait sa croyance en dérision. Plus tard, sa chapelle fut forcée
et pillée durant son absence. Elle n'était pas même maîtresse
dans son propre palais.
Abdication et fuite de Marie Stuart.
171. Les premiers actes de la jeune veuve furent marqués
au coin de la modération et de la prudence ; sa vue seule atti-
rait les cœurs ; mais on interprétait mal, on blâmait vivement
ses meilleures actions. La foule égarée ne voyait en elle qu'une
servante du diable. Seule au milieu d'un peuple hostile, elle
résolut , avec l'approbation des hommes les plus capables ,
d'épouser son parent, lord Henri üarnley, dont la famille pas-
sait pour très catholique. Aussitôt Knox compara les deux
époux à Jézabel et Acliab; son demi-frère Jacques, nommé par
elle comte de Murray, se révolta ; les lords protestants s'allièrent
à Elisabeth d'Angleterre, qui poursuivait de son implacable
haine sa belle et spirituelle rivale. Déjà l'on en était venu à vou-
loir défendre à la reine d'avoir une chapelle catholique dans
son propre palais. Cependant, quand elle demanda secours dans
une proclamation où elle assurait à tous le libre exercice du
culte, elle obtint la victoire. Le mariage fut conclu en 15C4. On
reprocha à Marie d'avoir, sans consulter le parlement, doimé à
son mari le titre de roi. Ce dernier, au surplus, ne se montra
pas à la hauteur de sa situation, et s'irrita de ce que Marie
ne lui abandonnait pas le gouvernement d'une manière défiui-
tivo; puis il s'aigrit contre Kizzio, secrétaire de la reine, qu'il
fit arrêter dans les appartements de Marie et assassiner (mars
inC6).
A la suite d'une conjuration ourdie par les plus puissants
d'entre les barons, ayant à leur tête le comte Bothwell, on fit
sauter en l'air Darnley avec sa maison de campagne (février
15Ü7). La rumeur pnl>li(iue désigna le comte Buthwell comme
l'assassin, bien qu'il fût justifié de ce reproche par vingt-quatre
membres considérables de la noblesse. La malveillance répandit
aussi le bruit que la reine avait préparé, ou du moins auto-
risé ce meurtre, et la foule y ajouta foi, bien qu'il fût impos-
LE PROTESTANTISME. 451
sible de le démontrer. Knox n'hésita pas à traiter la reine
catiioliquc d'adultère et de meurtrière. Marie Stuart courait
déjà les plus extrêmes dangers, liothwell s'empara de Marie et
la retint prisonnière jusqu'à ce qu'elle lui eût donné sa main,
ce qui ne servit qu'à contirmer les soupçons répandus contre
elle et à la conduire à sa perte.
Une nouvelle insurrection éclata, dirigée par l'ambitieux
comte de Murray. Botliwell s'évada ; la reine fut prise et con-
trainte d'abdiquer la couronne en faveur de son fils Jacques,
âge de treize mois seulement. Murray fut chargé de la régence.
Marie s» vit alors accusée de meurtre et d'adultère. Après
son évasion de la prison et la défaite de ses partisans près de
Longside (iot)8), elle se réfugia en Angleterre, y révoqua son
abdication et se jeta dans les bras de la reine Éhsabeth, sou
ennemie mortelle, qui lui réservait le supplice de l'échafaud.
Affermissement de la constitution presbytérienne. — Impuis-
sance de la royauté.
17:2. La chute de la reine consomma l'étabhssement de la
reformation en Ecosse. Le parlement déclara que l'Église pro-
testante élait la seule véritable EgUse, et voulut que chaque
souverain s'obhgeàt par serment à la professer. La noblesse
garda les biens d'Eghse, dont elle s'était emparée. Le Livre
de discipline de Knox devint obligatoire. La constitution ecclé-
siastique fut presbytérienne et démocratique. La communauté
des saints élisait les anciens, et c'était geuéralemeut le prin-
cipe de la souveraineté du peuple qui prévalait. Un invoqua
contre toutes les autorites ecclésiastiques les passages de l'An-
cien Testament relatifs à l'idolâtrie, et l'on revendiqua, au nom
de l'Evangile, le droit et le devoir de les punir de ce crime,
même par la mort, comme les Israélites avaient fait autrefois
des Lhananéens.
Knox, cet ennemi implacable du sacrifice de la messe, mou-
rut en 1572, et fut remplacé par Andre Melvil, aussi radical
que lui. A celte époque, une assemblée tenue à Leith s'etant
prononcée pour le maintien des titres d'archevêque et d'évèque,
l'asseiriblee générale de Perth protesta contre cette demande.
Le jeune roi Jacques VI, monté sur le trône en 1578, se sentit
impuissant. En 1581, l'assemblée générale obligea les évèques
452 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
à abdiquer leurs fonctions, et les menaça de rexcoramunication
s'ils continuaient de les exercer. En 1582, le roi fut saisi par
une horde de fanatiques, et les prédicants excommunièrent
tous ceux qui désapprouvaient cet acte, y compris l'archevêque
protestant de Saint-André, qui combattait ces mouvements
insurrectionnels. Ils furent renforcés par la noblesse, qui se
trouvait en possession des biens ecclésiastiques, et par des
troupes envoyées d'Angleterre. Le jeune roi essaya de faire
reconnaître le système épiscopal, et obtint un décret favorable
du parlement (1584); cependant le système presbytérien était
déjà pratiqué par un trop grand nombre, et, en 1592, le par-
lement lui accorda la préférence. Lorsque Jacques prescrivit
des prières au sujet de la condamnation de sa mère en Angle-
terre, la plupart des prédicants y firent opposition, et le roi
fut obligé de céder. La puissance royale en Ecosse n'était plus
qu'une ombre.
Jacques I^', roi d'Angleterre.
173. Jacques VI, devenu, en 1603, héritier de la couronne
d'Angleterre, essaya vainement, par la ruse et la violence, de
combattre le presbytérianisme écossais. 11 fit ordonner pour
l'Ecosse treize évèques, qu'il nomma d'abord présidents des
synodes et des presbytérics, et à qui il restitua plusieurs biens
épiscopaux, qui étaient échus à la couronne. Il fit condamner
comme traîtres quelques ecclésiastiques presbytériens récalci-
trants, et essaya d'en gagner d'autres en leur livrant les biens
des catholiques « récusants !). Il obtint aussi l'assentiment par-
tiel du parlement. Cependant les prédicants presbytériens et la
niasse du peuple qui les suivait, n'entrèrent point dans les vues
du roi. Jacques se rendit en Ecosse en 1617, donna des chapitres
à ses évoques, ordonna de recevoir la communion non assis
mais cà genoux, de la distribuer dans les maisons aux personnes
mortellement malades, de célébrer selon le rite anglican Noël,
le Vendredi saint, l'Ascension et la Pentecôte. Mais il ne fut pas
obéi, et ses évéques encore moins.
Révolte contre Charles 1er,
174. L'bumeur indocile et rebelle des Écossais se révéla de
LE PROTESTANTISME. 453
nouveau sous Charles I"', qui tenta vainement d'introduire
dans le pays la constitution ecclésiastique et la liturgie angli-
cane. On se révolta ouvertement, et la guerre civile fut déchaî-
née. Les ordonnances du roi furent rejetées comme culte de
Baal et asservissement de l'Esprit divin. En 1638, le couvent de
presbytériens décréta l'indépendance de l'Église écossaise,
rejeta l'épiscopat, la liturgie anglicane et les droits du roi sur
l'Église, excommunia les évèques, et rétablit l'ordre de choses
du premier gouvernement de Jacques (1639).
Le parlement d'Ecosse accepta ces résolutions, mais Charles I"
refusa de les approuver. Les rebelles d'Ecosse s'unirent étroite-
ment avec ceux d'Angleterre : les uns (le covenant) voulaient
affranchir l'Église écossaise; les autres, réformer l'Église an-
glicane. Lorsque le roi Charles s'enfuit en Ecosse après avoir
perdu la bataille de Naseby (1645), les Écossais se déclarèrent
prêts à le so\itenir, s'il acceptait leur presbytérianisme. Il refusa,
parce qu'il voyait dans cette concession la perte de la royauté :
alors ses sujets rebelles le livrèrent au parlement anglais pour
la somme de 400,000 livres. Les Écossais avaient aussi la pré-
dominance en Angleterre, mais elle fut détruite par Cromwell
en 1648. Charles II se vit, il est vrai, appelé à la royauté; mais
il lui fallut se réfugier en France. Malgré tous les obstacles,
l'Église catholique se maintenait en Ecosse ; elle recevait du
collège de Rome des prêtres pleins de zèle, qui conservaient
au moins la semence de la foi pour des temps meilleurs.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N°* 170 à 174.
W. de Schütz, Maria Stuart, Mainz, 1S.39, Cf. Hist.-pol. BL, t. I,
p. 4.57 et suiv.; t. III, p. 096 etsuiv.; Robertson, t. I, p. 272 et seq.;
Liugard, VII, p. 338 et suiv.; VIII, p. i et suiv.; J.-M. Dargaud, Hist.
de Marie Stuart, 2*^ éd., Par., 1858; Wiesener, Marie Stuart et le Comte
de Bothwell , Paris, 1863; Mignet, Hist. of Mary, Queen of Scots,
Lond., 1863 ; Chantelauze, Marie Stuart, dans le Correspondant, 1873,
et M. St., son procès et son exécution, Paris, 1876; K. de Wizleben,
Pro et contra Maria Stuart und ihr Verhœltnisz zu Bothwell, Zurich,
1877; Recueil des dépêches, rapports, instructions et mémoires des
ambassadeurs de France en Angleterre et en Ecosse pendant le
XVI» siècle, conservés aux archives du royaume et publiés sous la
directinn de M. Ch. Porton Couper, Paris, t. I et II (surtout rapports
de 1568 et 1569); Fraser Tybler, History of Scotland, t. VI; Lingard,
454 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
VII, p. 338 et suiv.; VIII, p. i et suiv.; Th. Opitz, Maria Stuart, Fri-
bourg, 1879.
Le proiestanlisnie en Irlande.
Les Irlandais sous Henri VIII, Edouard VI et Marie.— Lutte
sous le règne d'Elisabeth. — Persécution des catholiques.
175. L'Irlande, sans être définitivement subjuguée par les
Anglais, était soumise à une dure oppression. Le parlement
d'Irlande ne se composait que de colons anglais, qui décidaient
du sort de l'île. De là vient que la suprématie de Henri VIII
fut reconnue par le parlement, et acceptée par Brow^n, arche-
vêque de Dublin. Mais dans l'intérieur du pays, le clergé et le
peuple gardèrent les anciennes institutions. Les prédicants
d'Angleterre, leur liturgie, ne trouvèrent point d'écho. L'éta-
blissement de l'Irlande en royaume, en 1542, ne changea rien
à cet ordre de choses ; la nationalité irlandaise se confondait
avec la foi catholique. Les réformes d'Edouard VI ne furent
partiellement exécutées que sur les côtes orientales; les Irlan-
dais demeurèrent en repos sous la reine Marie. Mais, l'ambi-
tieuse Elisabeth ayant essayé de conquérir l'île tout entière et
d'y implanter le protestantisme, il s'ensuivit des guerres
longues et sanglantes, dans lesquelles les Irlandais défendirent
à la fois leur indépendance nationale et leur religion. Ils
finirent cependant (1602) par succomber à la prépondérance
de leurs ennemis, plus versés dans l'art de la guerre et pour-
vus de ressources plus abondantes.
A mesure que les conquérants anglais avançaient dans le
pays, ils y introduisaient l'Église d'Angleterre et instituaient
des évêques anglicans ; toutefois ils ne firent que peu de pro-
sélytes. Les évêques catholiques furent déposés, beaucoup mis
à mort, et les couvents supprimés. Les papes, Grégoire XIII
surtout, veillaient constamment à y nommer de nouveaux
évêques. Un grand nombre d'indigènes préférèrent quitter leur
patrie plutôt que d'accepter la religion de leurs oppresseurs ;
mais plusieurs y retournèrent ensuite par petites bandes, afin
do défendre leurs compatriotes. Tel fut le jeune Oeraldin, qui
après son retour (1579) remporta plusieurs avantages, mais
succomba bientôt dans une bataille. Les Anglais n'en devinrent
que plus cruels.
LE PROTESTANTISME. 455
Le gouverneur lord Grey ne laissa après lui, dans une foule
de localités, que des cadavres et des ruines. On voulait extirper
jusqu'au dernier des Irlandais, et quiconque se signalait dans
cette œuvre de destruction recevait de grands domaines dans
ce malheureux pays. Pour le réduire sous la domination an-
glaise, on se voyait contraint de travailler à sa ruine : l'incen-
die, l'assassinat, la famine, devaient garantir la tranquillité des
conquérants.
Détresse croissante de l'Irlande.
170. Lorsque Jacques I", qui descendait des anciens rois
d'Irlande, monta sur le trône d'Angleterre, le pauvre peuple
irlandais espéra recouvrer la liberté de religion, et envoya pour
cela une députation au roi. Jacques I" la reçut avec dureté, et
n'excepta de son amnistie que les papistes et les assassins ; il fit
emprisonner pour longtemps un grand nombre de députés,
mettre à exécution les lois pénales contre les « récusants » et
interdire le culte catholique. En 1605, les prêtres catholiques
reçurent l'ordre d'évacuer le pays sous peine de mort. Les indi-
gènes se virent de plus en plus chassés de leurs domaines ; des
comtés tout entiers furent confisqués, et deux millions de jour-
naux de terre assignés à des colons anglais : la détresse du
peuple allait croissant.
Charles I" n'apporta aucun remède à ces abus. Le gouver-
neur, lord Strafford, n'employait ses talents qu'à opprimer les
Irlandais, et il continua ce système de déprédation. Cependant
les Irlandais fournirent des subsides au roi, serré de près par
les Écossais et les Anglais, dans l'unique espoir qu'il serait fait
droit à leurs légitimes réclamations. Les « grâces » qu'on leur
octroya eu 1628, ne furent pas exécutées, car les conseillers du
roi avaient l'art de tout déjouer. On excitait le peuple à la
révolte, afin de pouvoir l'écraser. Poussée à bout, la nation se
souleva d'abord dans la province d'Ulster, « pour défendre
Dieu, le roi et la patrie». En mai 1642, l'assemblée nationale
de Kilkenny proclama la guerre pour soutenir la religion de
l'Irlande, secouer le joug du parlement anglais, assurer le
niaiiilicn des « grâces » obtenues en 1628 et l'expulsiou des
étrangers.
456 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Un synode national déclara la guerre sainte et légitime. Les
Irlandais avaient alors toute raison de faire ressortir la justice
de leur cause en face des Écossais rebelles et des Anglais. La
guerre fut conduite avec aniinosité, et quelque temps aussi
avec succès pour l'Irlande ; un grand nombre de protestants
succombèrent. Les Anglais ayant mis à mort quelques indi-
gènes inoffensifs, les indigènes usèrent de représailles. Le suc-
cesseur de Strafford, le duc d'Ormond, conclut un armistice
(1643) ; mais la paix fut compromise par Charles, qui refusa la
liberté de religion, par crainte des zélateurs anglais et écossais.
Pendant la lutte, plusieurs prêtres arrivèrent de nouveau dans
le pays, notamment Rinuccini, archevêque de Fermo, envoyé
par le pape.
Crom^vell en Irlande.
177. Lorsque le roi Charles fut pris par les rebelles d'Ecosse
et d'Angleterre, l'Irlande catholique se prépara à lui venir en
aide ; mais elle expia rudement ce généreux sacrifice quand la
tête du roi fut tombée. Les républicains anglais se mirent eu
marche, et Cromwell ravagea l'île par le fer et le feu pour en
faire un désert. Mais rien ne se peut comparer à la tyrannie
qu'exercèrent les troupes républicaines en matière religieuse :
elles reçurent l'ordre de traiter les Irlandais comme Josué avait
fait des Chananéens. Cinq millions d'acres de territoire furent
confisqués et livrés soit aux soldats, soit aux capitalistes qui
contribuaient à la guerre, et la plupart des anciennes familles
d'Irlande se virent ainsi dépouillées de leur fortune ; les apostats
seuls purent sauver leurs biens. L'inhumanité ne s'arrêta pas
là : 20,000 Irlandais fureu? vendus comme esclaves en Amé-
rique ; on résolut de concentrer tous les indigènes dans la pro-
vince de Connaugth, et c'est ce qui eut lieu sans exception pour
tous les anciens propriétaires des biens confisqués. « En enfer
ou à Connaugth 1 » s'écriaient les fanatiques républicains de
Cromwell. Recevoir un prêtre catholique passait pour un crime
de haute trahison, et sa tête était mise à prix pour cinq livres,
exactement comme celle d'un loup. En 1633, l'île presque tout
entière était conquise, ravagée et bouleversée.
LE PROTESTANTISME. 457
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"' ilo à 177.
Hegwisch, Uftbersicht der irischen Gesch. zur richtigen Einsicht in
die Ursachen der Rebellion v. 1798, Allona, 180G (sans valeur); Mac
Geoghean, Histoire de l'Irlande, Paris, 1782; Gordon, Hist. d'Irlande,
Paris. 1808, vol. I ; Warner, Hist. of rébellion and civil-war in
Ireland, Lond., 1768 (surtout p. 294-299. Ce protestant élève à 12,000
le nombre de ses coreligionnaires assassinés par les catholiques,
tandis que Henke le porte à 200,000 et Kurz à 400,000). Mémoires du
capitaine Rock sur les rapports de l'État, de l'Église et du peuple eu
Irlande, éd. Thomas Moore, trad. de l'anglais, Breslau, 18"25; Th.
Moore, Hist. of Ireland, t. III, en allem, par Klee, Mayence, 1835;
O'Connell, Mémoire of Ire)., en allem, par Willmann, Rcgensb., 184.3;
Lingard, X, p. 128 et suiv., 392 et suiv.; Leo, Universalgesch., III,
p. 624 et suiv.; Dœilinger, dans Hortig K.-G. Forts., Landsh., 1828,
p. 641-644; Ranke, Rœm. Psppste, II, p. 85-87; Engl. Gesch., III,
p. 337 (l'archevêque de Fermo en Irland) ; Tüb. Iheol. Quartalschr.,
1840, p. 349 et suiv.; Beitr. zur Gesch. Irlands, dans Hist. -pol. Bl.,
t. XII, p. 109-120, 226-235; Brewer and W. Bullen, Calendar of thc
Carew Manuscripts preserved in the archiépiscopal library ai Lambeth,
vol. I, 1510-1574; vol. II, 1575-1588 ; vol. IH, 1589-1600, Lond., 1867-
1869. Cf. Reinhold Pauli, dans Sybels hist. Ztsch., t. XXII, p. 250 et
suiv. — Voy. encore Belling, Vindiciœ catholicorum Hibernorum,
Par., 1650; Beaumont, l'Irlande sociale, politique et religieuse, Paris,
1863, 2 vol., 7«^ éd.
t^e protestautisuic en France.
Fauteurs du protestantisme. — Mesures contre les novateurs.
178. En France, une foule de personnes influentes furent
longtemps favorables au protestantisme : la sœur de François I",
Marguerite de Valoi.s, femme de Henri d'Albret, roi de Navarre ;
la duchesse d'Étampes, maîtresse du roi; le ministre Guillaume
du Bellay, et peut-être son frère l'évêque de Paris, ainsi que
plusieurs seigneurs, inclinaient vers la nouvelle doctrine. Lo
con.seiller du roi, Louis Berquin, traduisit en français les écrits
d'Érasme, de Carlostadt et de Mélanchthon ; le savant Jacques
Le Fèvre d'Étaples, professeur de théologie, lisait également
les écrits de Luther, et il donna une traduction des quatre
Evangiles avec des remarques conformes aux idées luthériennes
(1523). Vers le même temps, il se forma, sous le patronage do
458 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
l'évêque de Meaux , Guillaume Briconnet, une petite commu-
nauté luthérienne, dans laquelle Le Fèvre, Farel et Jean Le
Clerc faisaient des conférences. L'esprit de révolte contre le
Saint-Siège, depuis longtemps entretenu, l'influence des satires
composées par des humanistes, la fréquence des relations avec
l'Allemagne, surtout avec Strasbourg, les traces que les anciens
sectaires, principalement les vaudois, avaient laissées dans le
pays, la politique hésitante et arbitraire de la cour, tout cela
favorisait les novateurs.
D'autre part, la cause catholique était résolument défendue
par la reine mère Louise de Savoie, par le chancelier et car-
dinal Diiprat, par le cardinal de Tournon, par le parlement et
l'université de Paris. En 1521, le parlement défendit de publier
des écrits sur les matières religieuses sans l'approbation de la
faculté de Paris, et fixa les peines qui atteindraient les con-
traventions. Le roi approuva cette mesure. Les écrits de Luther
ou en faveur de Luther, notamment ceux qui demandaient le
mariage des prêtres, déjà réprouvés par un concile de Sens,
furent condamnés et livrés au feu. Depuis 1523, la faculté
de théologie de Paris censura tantôt des propositions isolées,
tantôt des livres et des traductions de J. Le Fèvre, ßerquin,
Mélanchthon, etc., puis une multitude de pasquinades et de
pamphlets dirigés contre les censures qu'elle avait faites des
écrits de Luther.
A la demande de la reine mère, la faculté de théologie donna
en 1523 son avis sur la question de savoir quels étaient les
meilleurs moyens d'arrêter les progrès de l'hérésie. Sur la pro-
position du syndic Bède, elle déclara qu'il fallait interdire
tous les écrits des novateurs, les faire confisquer par les évè-
quesde tous les diocèses, procéder sévèrement contre leurs défen-
seurs, maintenir les lois existantes, faire un devoir aux théolo-
giens et aux prédicatonrs de déployer tout leur zèle, de ne pas
entraver, mais d'appuyer les travaux de l'université. La faculté
recommanda vivement à ses membres de maintenir la pureté
de la foi.
La communauté luthérienne de Meaux, pour laquelle on avait
déjà traduit en français les Épitres et les Évangiles dans le sens
du protestantisme (la Sorbonne y découvrit quarante-huit
erreurs), fut complètement dissoute. Parmi ses membres, les uns
I
LE PROTESTANTISME. 459
furent punis, les autres prirent la fuite. L'évêque, sur qui
pesaient de nombreuses accusations, ne put se sauver que par
une justification humiliante, une multitude de livres furent
soumis au jugement de la faculté, qui déployait une ardeur
infatigable. Quand François I" fut revenu de sa captivité (1526),
on redoubla encore de vigueur, car la tranquillité avait été
gravement compromise : on avait mis en pièces des tableaux
de Jésus-Christ et des saints, et répandu de nouveaux pamphlets
contre la foi catholique. Plusieurs parlements montrèrent beau-
coup de zèle ; les évèques recommencèrent à célébrer des
synodes pour réformer les mœurs du clergé, notamment à
Sens et à Bourges en 1528. Les partisans de la nouvelle doc-
trine, quoique souvent poursuivis, trouvaient toujours des
protecteurs, principalement dans la reine Marguerite, qui eu
attira plusieurs à sa cour ; et comme François l"" s'était allié
avec les princes protestants d'Allemagne, ils ne désespéraient
pas de devenir un jour victorieux.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 178.
a) Serrani (prédicant réformé à Genève, mort en 1398), Comment, do
statu religionis et reipubl. in regno Gall., Genev., 1372 et seq., 3 t.,
4« éd., 1577; Hist. ecclés. des Églises réformées au royaume do
France (jusqu'en 1363, attribué à Théod. de Bèze), Anvers, 1380,
3 vol.; Franc. Thuanus (de Thou, mort eu 1617), Hist. sui temporis
(1543-1607), Lond., 1733, 7 vol. in-f°.; (De la Planche), Hist. de l'Estat
de France, tant de la république que de la religion, 1376, in-S»;
Gerdes., Hist. ev. sœc. XVI renov., t. IV, Grœning., 1752; Belcarii
episc. Metens. Commeutar. rer. gallic. ab an. 1361-1567, Op. pos-
Ihura., Lugd., 1623; Davila, Storia délie guerre civili di Francia,
1359-159.'=!, Venez., 1630, Par., 1644; en allem, par Reith, Leipzig,
1792 et suiv., 3 vol.; Maimbourg, S. J., Hist. du calvinisme, Par.,
1682; Fleury, Hist. ecclés., t. XLII ; Bordes, Supplément au traité de
Tbomassin, hist. et dogm., etc., Par., 1703, 2 vol.; Mézeray, Abrégé
chronolog. de fhist. de France, Par., 1717, 3 vol.; Mémoires de
Coudé, ü\i Recueil pour servir à l'hist. de France sous François II et
Charles IX, nouvelle édit., Paris, 1741, 6 vol. in-4°; Berthier, Hist. de
l'Église gallicane, Paris, 1749, in-4°, t. XVIII; Lacretelle, Hist. de
France pendant les guerres de religion, Paris, 1815 et seq., 4 vol.;
Petitot, Collection complète des mémoires relatifs à l'histoire de
France, Par., 1821 et suiv. (Mémoires de Castelnau, Gaspard de Saulx,
Sully, Richelieu, de Tavannes, etc.); Capeügue, Hist. de la. Réforme,
460 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de la Ligue et du règne de Henri IV, Par., 1834, 4 vol.; Sismondi,
Précis de l'hist. des Fi'ançais, Bruxell., 1839, 2 vol.; Hist. des Français,
Aix-la-Chapelle, 1838; Peignot, Livre des singularités, Dijon, 1841;
Lambert, Hist. des guerres de relig. en Provence; Bulletin de la
Société acad. du Var, Toulon, 1869.
6) Schmidt, Gesch. Frankreichs, Hamb., 1835 et suiv., t. II et III;
Barthold, Deutschl. u. die Hugenotten, Brème, 1848, 2 vol.; Soldan,
Gesch. des Protest, in Frankreich bis zum Tode Carls IX, Leipzig, 1855,
2 vol.; Polenz, Gesch. des franz. Calvinismus bis 1789, Gotha, 1857-
1864, 4 vol.; Ranke, Franzœs. Gesch., vornehml. im 16 u. 17 Jahrb.,
Stuttg., 1852, 5 vol. ; Sœmmtl. W., t. VIII-XIII, 3« éd., Stuttgart, 1877,
t. I. — Frankreich u. die Reformation (CathoHque, 1842, avril-juin);
Boost, Gesch. der Ref. in Frankreich, Augsb., 1844.
Henke, Franzœs. Frauen aus der Reformationszeit (Sybels hist.
Ztschr., 1871, t. XXV, p. 118 et suiv.). Marguerite de Valois écrivit des
nouvelles indécentes et un livre intitulé : Miroir de l'âme chrétienne.
L. Lalanne, Mémoires de Marguer. de Valois, suivis des anecdotes
inédites, Par. , 1858. Elle était en rt^lation avec Érasme et Berquin ; ce
dernier traduisit plusieurs écrits d'Érasme et des réformateurs alle-
mands, ainsi que l'ouvrage de Luther sur les vœux monastiques,
censuré par la Sorbonne (du Plessis d'Argent., III, i, p. xi-xm, 40-46 ;
I, u, p. 404 et seq.). Comme il refusa de se rétracter, il fut empri-
sonné en 1523, puis délivré par François I«^ Il fut bientôt soumis à
une nouvelle enquête et brûlé comme hérétique, le 21 avril 1529.
Jacques Le Fèvre d'Étaples (VI, 235) publia un commentaire in Epist.
Paul., Par., 1512, avec le texte de la Vulgate; donna une version
revisée sur le texte grec original, et, dans son commentaire sur les
quatre Évangiles (Meaux, 1522), il corrigea l'ancienne version latine.
En 1523, la Sorbonne censura son « Exposition » (loc. cit., III, i, p. x,
xi), et en 1544, elle mit plusieurs de ses livres à l'index (ibid., II, i,
p. 143); il fut expulsé de son .sein dès 1525. Sa captivité honorable
auprès de Gérard, évêq. de Saint-Paul, est mentionnée par Âléandre,
le 30 déc. 1531 (Lœmmer, Monum. Vat., p. 95, n. 69). Il résida long-
temps auprès de la reine de Navarre, et mourut en 1536 (Revue de
théolog. Iiistor., 1852, 1 et II). Les Épîtres et les Évangiles qui étaient
en usage dans le diocèse de Meaux sous l'évêque Guil. Briconnet,
d'abord favorable aux nouveautés, furent censurés par la Sorbonne
le 6 nov. 1525 (du Plessis d'Argent., III, i, p. 35-40). Décret du parle-
ment des 22 mars et 13 juin 1521, 5 et 12 août 1523 (ibid., p. IV.
Cf. I, u, p. 406, 407). En lri21, deux écrits sur le mariage des prêtres
furent interdits par le parlement et par le concile de Sens (ibid., III,
1, p. V; I, n, p. 381. Recueil des actes concernant les affaires du
clergé de France, Paris, 1716, I, p. 365). A la Sorbonne, on discuta
LE PROTESTANTISME. 461
la question si le pape pouvait permettre le mariage à des prî-tres
légitimement ordonnés; la majorité se prononça pour la négative
(du Plessis d'Arg., t. I, append., p. iv). On a de la Sorbonne des
censures portées contre quelques thèses sur la sainte Vierge, le culte
des saints, le canon de la messe, l'oftice des morts, etc., 1523 (ibid., I,
II, p. 374-379; III, i, p. xv-xx) ; contre des propositions émises à Lyon
dans un sermon par le dominicain Mesgret, 1524 (ibid., III, i, p. 7-13);
contre un sermon prêché au Havre touchant le jeune et le célibat
(ibid., p. 15-17); contre trente et une thèses concernant la messe, le
rite et la foi (p. 18-30), 1525; contre Jacques Pouent, qui niait le pur-
gatoire, la primauté, etc. (p. 30-34); contre les écrits de Mélanchthon
(III, I, p. XIII et seq.; I, ii, p. 407-416); contre le pamphlet « Murman »
(opposé à la « Determinatio contra Lutherum »), dont trente-cinq
propositions furent censurées, et contre lesquelles le parlement lui-
même lança un décret en mars 1524 (III, i, p. 7-9); en 1526, contre
Érasme (ibid., p. 47-77); en 1531, contre Etienne Le Court, curé de
Condé, diocèse de Séez (ibid., p. 93-98): contre Jean Morand, chanoine
d'.\miens (II, i, p. 102-109). Avis de la faculté « de Exstirpationc
hreresis Lutheranee (III, i, p. xx, 3-5). Apologia Natalis Bedœ adversus
clandestinos Lutheranos, seu resp. adv. sui et operis in Fabri et
Erasmi errata criminatores, 1525; et écrits contre lui, lettres de lui et
d'Érasme, loc. cit., III, ii, p. 2-80.
Négociations avec les protestants d'Allemagne. — Mesures
sévères du roi.
•179. L'astucieux Bucer essaya en I53i de donner au protes-
tantisme les dehors de l'Église catholique, et assura hypocrite-
ment au cardinal du Prat que les partisans de la Confession
d'Augsbourg étaient tout disposés à se soumettre au jugement
de l'Église, à répudier dans leurs doctrines et leurs usages ce qui
était contraire à l'enseignement des Pères de l'Église. Mélanch-
thon lui-même envoya à Paris un mémoire où il dissimulait de
sou mieux l'abîme qui séparait la nouvelle religion de l'an-
cienne, et essayait de prouver qu'il était facile de s'entendre :
les catholiques accepteraient la doctrine de Luther sur la justi-
tification, et les luthériens adopteraient toutes les institutions
hiérarchiques et liturgiques de l'ancienne Église. Déjà il était
question de réunir un colloque reUgieux.
En 1.^35, François I" invita Mélanchthon à se rendre auprès
de lui. Mélanchthon répondit que sou souverain ne lui permet-
tait pas de faire le voyage de France; il proposa de conférer en
462 HÎSTOÎRE DR l'ÉGLISK.
Allemagne, et demanda à la cour d'y envoyer douze docteurs
de Sorbonne. La Sorbonne refusa, parce qu'il n'était pas per-
mis de discuter avec des hérétiques ; elle consentit cependant à
ce que les Allemands envoyassent leurs articles et soumissent
leurs doutes pour recevoir des éclaircissements.
Les douze articles envoyés par Mélanchthon et ses amis
n'offraient pas une base suffisante pour les négociations, qui
devaient avoir lieu par écrit, car ils contenaient une foule
d'erreurs et d'inexactitudes. On les réfuta en détail, et l'on
décida qu'on demanderait simplement aux protestants s'ils
acceptaient la doctrine de l'Église et des Pères. Toutes ces
démarches n'eurent aucun résultat, non plus que la dédicace
du premier ouvrage de Calvin à François I", à qui Zwinglo
s'était également adressé. Le moyen, en effet, de gagner défini-
tivement ce prince au protestantisme et de lui persuader que les
théologiens catholiques ne tenaient à la messe, au purgatoire,
à la primauté du pape, que par des intérêts humains !
Cependant la politique française devenait chaque jour plus
hésitante, et les protestants en profitaient. Dans l'automne de
4534, un pamphlet populaire, imprimé en Suisse, contre l'Église
catholique et la personiie du roi, fut répandu dans toute la
France et affiché de nuit aux portes des appartements du roi :
de là une grande commotion, et une justice sévère exercée contre
les novateurs; six fnrent mis à mort. Mais on eut soin de s'excu-
ser auprès des princes protestantsd'Allemagne, en disant qu'on
n'avait fait que punir des traîtres, pour qui la religion était un
simple prétexte.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 170.
Buceri Defensio adversus axionia catholicuni, id est, crimiualionem
R. P. Roberli (Cenaiis), ep. Abrincensis (Avranches), Argeutor., io34.
Cf. Dœllinger, Réf., II, p. 37 et suiv. Senteutise Phil. Melanchthoais,
M. Buceri, C. Hedionis et aliorum in Germania theologorum de pace
Ecclesiœ, ad viruni nobilem Guill. Bollaiuni Langaîum(ed. Par., 1007);
Paul. Coloniesiiis, Claronim virorum cpislolaî, Lond., 1fi87; Corres-
pondance de Mélanchlbon et du roi François !<=■■, dans Le Plat, Mon., II,
762-770, 523, 801-803; Actes de la faculté de théologie de Paris,
des 20, 22, 26 juillet 1335, ib.. II, p. 776-799. Cf. du Plessis d'Arg.,
I, II, p. 381-401 ; II, I, p. 120 et seq.; Corp. Ref., II, 776, 785; X, 139;
Fleury, lil). CX.XXV, n. 72 et seq.; üb. CXXXVI, n. 43 et seq.; Dœllin-
I.F. PROTRSTANTISME. 463
ger, Réf., II, p. 47; III, p. 282 et stiiv. Zwick à Constance et d'autres
protestants furent prüfondcnicnt blessés des concessions fuites aux
Français par Hucer et Mélanclithon. Holtingcr , II. Ecci. sœc. XVI ,
t. III, p. 671, t>63; Dœllinger, II, p. 40 et suiv. ; Prot. Schma?.lischrif-
ten; Gardes., Hist. Evang. renov., t. VI, p. oO.
Mouvements protestants.
180. Les vaudois du Dauphiné et de la Provence, alliés à
ceux de la Suisse, du Piémont et du marquisat de Saluées, se
rattachèrent en 1530 aux réformateurs de Suisse et de Stras-
bourg. Chassés du comtat Venaissin, qui appartenait au pape, ils
se vengèrent par des actes de brutalité, principalement sur les
églises, les images des saints et les prêtres. Le parlement d'Aix
décréta, pour les effrayer, la destruction du bourg de Mérindot
et l'exécution de dix-neuf personnes. Le roi leur donna d'abord
un délai de plusieurs mois, et ensuite un terme plus long, pour
abjurer leurs erreurs. Le cardinal Sadolet, évêque de Carpen-
tras, ayant intercédé en leur faveur, et le président de Chassanée
incliné à la mansuétude, on ne fit rien contre eux. Ils proutèrent
de ce temps pour s'armer et chercher dn secours auprès des
Suisses. Ils pillèrent les églises et les profanèrent.
Le roi, à la suite des plaintes qui lui arrivèrent, ordonna
aux troupes qui se trouvaient dans les provinces voisines, de
se mettre à la disposition du président Oppède, à qui le vice-
légat d'Avignon envoya également des soldats. Oppède usa
(1545) d'une répression sanglante, barbare même, à tel point
que François I", de son lit «le mort (1547), ordonna une enquête,
qui aboutit à la condamnation à mort de l'avocat général
Guérin, reconnu le plus coupable. On continua de harceler les
protestants, sans ponvoir empêcher que de nouveaux écrits et
de nouveaux prédicants continuassent d'arriver en France, de
Genève, de Bàle et de Strasbourg. Les calvinistes eurent
bientôt supplanté les luthériens. Pierre Le Clerc fonda à Paris
la première communauté calviniste; d'autres s'étabUrent à
Lyon, Orléans, Angers et Rouen. Les calvinistes de France
reçurent le nom de huguenots.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* 180.
En 1517, Claude Seyssel, archevêque de Turin, écrivit contre les
464 HisTOiHK dp: l'église.
vaudois (éd. Paris, 1520). Bucer et Œcolampade, à qui les hérétiques
s'étaient adressés en 1330, les félicitèrent, mais demandèrent de nom-
breux changements. Quelques ecclésiastiques vaudois empêchèrent
la réunion. En 1536, ils étaient en relation avec Farel, et tinrent un
synode à Genève. Ils se rapprochèrent de plus en plus des calvinistes.
Natal. Alex., sœc. XI et XII, diss. II, c. iv, a. 13, § 8; du Plessis
d'Arg., I, I, p. 105-107 ; Rachat, Hist. de la Réf. en Suisse, t. III,
livre VII. La procédure en Provence : Berthier, Hist. de l'Église gall.,
Par., 1749, t. XVIII, p. 14 et seq., 383 et seq.; du Plessis, Hist. de
l'Église de Meaux, Par., 1731, 4, 1, 326 et seq. Sadolet, humaniste
célèbre, fut souvent suspecté d'hétérodoxie. En 1534, les théologiens
de Paris refusèrent d'approuver son Commentaire sur l'Épitre aux
Romains (du Plessis d'Arg., t. I, app., p. viii, c. ii ; t. II, p. I, p. 119).
Sur le nom de huguenots, voy. Daniel, Hist. de France, éd. Griffet, X, 54.
Uuelqnes-uns le font dériver de « Eigenossen « (Confédérés, Suisses;
Hugenots = Eignots); d'autres, du terme provincial français c Hugo »
ou « Hugenot », = fantôme de nuit, suivant une tradition populaire
relative au roi Hugues Capet, et d'après cette idée que les calvi-
nistes tenaient ordinairement de nuit leurs assemblées; d'autreseniln,
d'une monnaie de division décriée du temps de ce roi et appelée
« hugenot ».
Les événements sous Henri II.
d81. Sous Henri II (1547-1559) nous retrouvons la même
politique : au dehors, protéger les protestants et s'en servir
pour agrandir le royaume au détriment de l'Allemagne ; au
dedans, les réprimer par des règlements et des peines sévères.
Par l'édit de Chàteaubriant (1551), Henri H réunit les tribu-
naux de l'inquisition épiscopale à la commission du parlement
chargée de l'encpiête, afin d'obtenir une plus grande unilé
politique. Les sentences pénales furent prononcées par les tri-
bunaux civils, parce que les tribunaux ecclésiastiques ne pou-
vaient pas infliger la peine de mort. Ces derniers jugeaient de
l'hérésie. Le dominicain Matthieu Ori fut confirmé en qualité
do grand inquisiteur, avec la faculté d'établir dos sous-com-
missaires. La faculté de théologie de Paris, qui n'avait cessé de
combattre les erreurs, et qui, en 1542, avait rappelé en vingt-
si.\ articles, souvent renouvelés depuis, les principes de l'Église,
notamment l'obéissance que tous les chréticn,s doivent au pape,
reçut, par un bref de Jules III (6 février 1551), le droit d'expulser
LE PROTESTANTISME. 465
ses membres hérétiques, sans suivre les formalités rigoureuses
de la procédure. Le roi et le parlement lui reconnurent ce pri-
vilège et le firent souvent exécuter.
L'édit royal fut attaqué par Charles du Moulin dans un écrit
violent qui fut censuré en 1552. Tandis que les universités de
Paris et de Reims continuaient à condamner les écrits et les
assertions hérétiques, les évéques faisaient très peu pour corri-
ger le clergé : les décrets du concile provincial de Narbonne ne
furent pas exécutés (décembre 1551). 11 y avait toujours des
prêtres apostats, et des évéques même menaçaient de prévari-
quer. Jacques Spifame, évèque deNevers, passa aux calvinistes,
qui devinrent chaque jour plus audacieux. Eu mai 1559, An-
toine de Chautieu, prédicant réformé de Paris, tint dans cette
ville un synode général pour abolir les divergences qui exis-
taient entre les dilférentes communautés. Les membres de
cette assemblée convinrent d'une confession de foi calviniste, et
adoptèrent la constitution presbytérienne des Suisses. Ils re-
çurent aussi la sévère constitution religieuse de Calvin, et
établirent la peine de mort coulrc les hérétiques, saus songer à
l'usage qu'en pourraient faire les catholiques. Henri II mourut
peu de temps après (juillet 1559), d'une blessure reçue dans un
tournoi.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 181.
Décret. Sorbon. coût. Calviuist., du 10 mars, publié le 31 juillet
1548 : Rayn., h. an., n. 79j Le Plat, IV, p. 111 et seq. Articuli contra
Lutheri errores a Fac. theol. Par. déclarât! : du Plessis d'Arg., 1, ii,
p. 413-410; II, I, p. 323, 327; 11, ii, p. 294. Le bref de Jules III pour •
la Sorbonne (ib., I, app., p. xviii; II, i, p. 206) fut reconnu par
Henri II, le 28 août löo2 (ibid., Il, i, p. 206 et seq.), et enregistré
par le parlement, le 23 décembre (Bul., Hist. Univ. Paris., VI, 465).
Le bvre de Charles du Moulin, Commentarius ad ediclum llenrici II,
contra parvas datas et abusus Car. Rom., fut déféré à la Sorbonne
par le procureur général; voici le jugement qu'elle rendit le 9 mai
1552 : « Hic liber est loti orbi cbristiano perniciosus, scaudalosus,
seditiosus, schismaticus, impius, blasphemus in sanctos , conformis
haeresibus Waldens., WicL, llus. et Lutberanorum, et maxime conspi-
rans erronbus Marsilii Patavini... citissime comprimeudus » (ib., II, i,
p. 2U5 et seq.j. Plusieurs membres furent expulsés, en premier lieu
le carme GuiUuume Gastel, qui avait participé à la cène luthérienne
v. — fflST. DE l'Église. 30
466 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
(ibid., p. 208). Synode calviniste : Rayn., an. 1559, n. 13; Bertliier,
loc. cit., p. 460 et seq.; Bordes, Supplément au traité de Thomassin,
Par., 1703, in-4°, p. 108-12G. Henri II contre les hérétiques : Rayn.,
an, 1559, n. H, 12. Sur les progrès de l'hérésie : Alberi, Relazioni
Venete, ser. I, vol. III, p. 425 et seq.
Puissance oroissaute des calvinistes.— Conjuration d'Amboise.
182. Les huguenots devinrent encore plus puissants sous les
deux faibles règnes de François II (1559-1560) et de Charles IX,
fils de Henri II (1560-1574). Déjà précédemment ils avaient osé
tenir des réunions sur les places publiques de Paris, chanter
des psaumes et afficher leur mépris des lois, de sorte que Henri II
avait rendu de très sévères édits et purgé lui-même le parle-
ment des calvinistes les plus ardents. La reine Catherine de
Médicis essaya de maintenir son autorité par une politique de
bascule. Elle était ambitieuse, intrigante, dépourvue de sen-
timents religieux. Les princes de Bourbon, par rivalité contre
la famille régnante et contre les puissants ducs de Guise,
rigoureusement catholiques, se faisaient les protecteurs et les
adhérents du calvinisme. C'étaient : Antoine de Vendôme, roi
de Navarre, et ses frères, dont le plus actif était le prince Louis
de Coudé. Veuaientensuiteleconnétable de Montmorency, l'ami-
ral de Coligny, qui devint le véritable chef du parti, son frère
d'Andelot et le cardinal Odet de Châtillon, évèque de Beauvais.
La jeunesse de François II, l'attitude hésitante de sa mère,
l'aigreur de ses partisans contre la peine de mort que l'on con-
tinuait d'infliger aux protestants, donnèrent lieu à une conju-
ration en vue de s'emparer de la personne du roi et de trans-
férer le gouvernement des Guises au prince de Coudé. Les
conjurés demandèrent d'abord l'avis de leurs théologiens et de
leurs jurisconsultes : ceux-ci approuvèrent l'entreprise, pourvu
qu'un prince du sang se mît à leur tête.
Le complot fut découvert; la conjuration d'Amboise échoua
(1560), et plusieurs conjurés furent mis à mort, François, duc de
Guise, reçut la dignité de lieutenant général de France et le
titre de sauveur de la patrie. Son frère, le cardinal Charles de
Lorraine, ainsi que le cardinal François de ïournon, établi pre-
mier censeur de la foi en France, furent nommés par Pie IV
légats en France pour la réforme des mœurs. Le pape écrivit
LE PROTESTANTISME. 467
au roi, à Antoine do Bourbon et à sa femme. Ceux-ci, dans
leurs réponses, feignirent d'être inviolablement attachés à la
foi catholique, tout en continuant de favoriser le calvinisme,
qui pénétra aussi dans les domaines pontificaux d'Avignon et
du Venaissin.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N** i82.
Belcaire, lib. XXIX, n. 22 et seq.; du Tillet, Chron., an. 1560;
Alberi, Vita di Cater. d. Med., Firenze, 1838; Reumont, die Jugend
der Kath. de Med., Berlin, 1834; de Thou, lib. XXIII, p. 68 et seq.;
lib. XXIV, p. 732 et seq.; Pallav., lib. XIV, cap. xii, n. 9 et seq.;
Rayn., an. 1360, n. 27 ; ibid., n. 28; l'avis des théologiens protestants
(cf. Bossuet, Hist. des variât., liv. X, c. xxni), Erlasse Pius' IV :
Rayn., h. a., n. 30 et seq., 36 et seq. Lettres d'Antoine de Navarre et
de sa femme au pape, ib., n. 39.
Nouveaux édits. — Deuxième conjuration de Condé. — Les
calvinistes favorisés par la cour.
183. Les édits du 12 mars et du 7 mai 1560, où il n'était pas
encore question d'établir une inquisition sévère telle que la
souhaitaient les Guises, confiaient aux évêques l'examen de
l'hérésie, et proclamaient une amnistie générale pour ceux qui
avaient violé les lois eu matière religieuse, à l'exception des
rebelles et des prédicants. Ces édits étaient faibles et peu
propres à intimider les rebelles. Au mois d'août, les notables
tinrent à Fontainebleau une assemblée à laquelle l'amiral de
Coligny remit une supplique pour la suppression des lois contre
les calvinistes et pour le libre exercice de leur culte ; elle était
appuyée de deux évêques. Les Guises la combattirent résolu-
ment. Cependant on obtint la suspension de toute procédure
juridique contre les huguenots, hormis ceux qui se réuniraient
en armes. 11 fut question de réunir un concile national pour
abolir les abus, et l'on convoqua à Meaux pour le mois de
décembre une assemblée des trois états, qui fut ensuite trans-
férée à Orléans.
Le prince de Condé se laissa entraîner dans une nouvelle con-
juration et essaya de s'emparer de la ville de Lyon. Il fut jeté
en prison et cité en justice. L'exécution de la sentence de mort
prononcée contre lui ne fut empêchée que par la mort pré-
468 HISTOIKE DE l/ÉGLISE.
maturée du roi François II (5 décembre 1560), auquel succéda,
sous la régence de la reine mère, son frère Charles IX, à peine
âgé de onze ans. Cette femme artificieuse, qui visait à se rendre
agréable et nécessaire aux deux partis, se compromit avec l'un
et l'autre, précipita la France dans des guerres de religion
affreuses, et attira sur son fils les malédictions du peuple. Les
partis se succédaient à la cour. Le connétable de Montmorency
se rattacha au duc de Guise ; il forma avec lui et avec le maré-
chal de Saint-André un triumvirat qui devint la base de la
Ligue catholique. Antoine de Navarre entra alors dans leur
parti. De son côté, la reine mère se rapprocha du prince gracié,
de Condé et des Châtillon , et favorisa les sectaires , qui ne
comptaient guère en Franco qu'un demi-million de partisans,
mais qui semblaient beaucoup plus forts, à cause des familles
nobles qui en faisaient partie et des agitations qu'ils soulevaient
dans le pays. Les troubles continuaient à Paris et dans les pro-
vinces.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 183.
Pallav., loc. cit., n. 12 et seq.; c. xvi, n. 1 et seq.; üb. XV, c. i;
c. XI, n. i ; c. XIV, n. i ; Rayn., an 1560, n. 31, 48 et seq., 80, 82 et
seq.; de Thon, IIb. XXV, p. 760 et seq.; Bossuet, liv. X, § 25-34;
Bordes, loc. cit., p. 28-151 ; Daniel, Hist. de France, éd. Griffet, X, 46
et seq.
Colloque religieux de Poissy
184. En juillet 1561 , parut un nouvel édit qui amnistiait
le passé, défendait les assemblées des hérétiques, et se bornait
à prononcer l'exil, au lieu de la peine de mort, contre les sec-
taires opiniâtres. Les huguenots continuaient de tenir leurs
assemblées ; la reine mère les laissa faire, les favorisa même et
vanta leur piété. Elle conseilla au pape d'abolir les images, les
exorcismes, la confession privée, etd'accorder la communion sous
les deux espèces, etc. Le chancelier Michel de l'IIospital était sus-
pect dans sa foi et inclinait vers la liberté générale de religion ;
Jean (Juintanus, professeur de droit canon à Paris, le combattit
dans une longue dissertation. La facnlié de théologie était
opposée à un concile national ainsi qu'à un colloque projeté par
la reine. Pie IV envoya en France, pour l'empêcher, le cardinal
LE PROTESTANTISME. 469
Hippolyte d'Esté ; mais il était trop tard : il eut lieu à Poissy,
en septembre 1561, en présence du jeune roi, de sa mère, du
cardinal de Lorraine et de cinq autres cardinaux, de nombreux
évêques, fonctionnaires et savants.
Les protestants étaient représentés par vingt- deux députés
de leurs communes et douze prédicants, ayant à leur tête
Bèze et Pierre Martyr. Parmi les catholiques, on distinguait le
cardinal de Guise, le général des jésuites Lainez, Claude Santés
et Claude d'Espencé. D'après le règlement de Catherine, Bèze
récita une prière d'une voix pathétique, puis il développa, avec la
doctrine sur l'Église, surtout celle sur l'Eucharistie : il scanda-
lisâtes catholiques en affirmant que le corpsde. Jésus-Christ était
aussi éloigné des espèces que le ciel l'est de la terre. Le cardinal
de Guise lui répondit avec beaucoup de soUdité. On examina de
même les autres dogmes du calvinisme. Lainez défendit vigou-
reusement la doctrine catholique. On ne s'accorda sur aucun
point, et l'on finit par remettre les négociations à un comité de
dix docteurs choisis en nombre égal dans chaque parti, ce qui
n'aboutit pas davantage. La conférence se sépara le 25 no-
vembre, sans avoir donné aucun résultat. Les calvinistes, qui
avaient présenté au roi une confession de foi, s'attribuèrent la
victoire, et devinrent plus insolents que jamais.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N® 184.
Sur Mich. del'Hospital, voy. Rayn., an. 1560, n.47; 1S61, n.90; 1562,
n. 1.30; Le Plat, V, 4.33, 513 (lettre apologétique à Pie IV, du 30 juillet
1Ö62, et réponse du pape, 27 sept.); Taillandier, Vie de M. L'Ospital,
Paris, 1S61 ; Marie, Essai sur la vie et les ouvrages du chancelier Mich.
de l'Hospital, Rennes, 1868. Discours de Jean Quintanus : Rayn., an.
1561, n. 82. Déclarations de la faculté théologique de Paris : du Plessis
d'Arg., II, 1, p. 292-294. — Bossuet, liv. IX, § 90 et suiv.; Pallav., XV,
XIV, n. 2 et seq.; Rayn., an. 1561, n. 89-99; de Thou, lib. XXVUI, t. II,
p. 41 et seq.; J. Basnage, Hist. de l'Église, t. II, liv. XXVI, c. vu, p.
1551 et seq.; Daniel, X, 127 et seq.; Anquetil, Esprit de la Ligue, Paris,
1771, I, p. 86 et seq.; Klipffel, le Colloque de Poissy, Paris, 1867.
Claude d'Espencé fut souvent blâmé par la Sorbonne, notamment en
1543, pour avoir favorisé des hérésies sur le culte des saints et des
images; en 1553, sa « Paraphrase ou Méditations sur l'Oraison domi-
nicale » et sa a Consolation en adversité » furent censurées ; il fut de
nouveau cité le 18 février 1357, et promit de se soumettre. Du Plessis
470 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
d'Arg., II, I, p. 332, 134, 137, 138, 220 et seq., 187. La Confessio gal-
lica, dans Augusti, Corp. libr, symb. Eccl. réf., p. 110 et seq.
Ëdit de tolérance et cruautés des calvinistes. — Premièi'e
guerre de religion.
185. Le 17 jantier 1562, la reine publia un éditde tolérance,
par lequel elle accordait aux protestants la liberté de religion
hors des villes et sans armes, défendait tout acte violent, toute
attaque contre les institutions catholiques, toute levée d'impôts,
toute attaque clandestine, et prescrivait de restituer aux catho-
liques les églises et les biens qui leur avaient été enlevés. Le
parlement refusa de l'enregistrer, et la Sorbonne le repoussa.
11 fut cependant exécuté. Les calvinistes en furent mécontents
et redoublèrent d'audace ; ils tuèrent plusieurs prêtres dans les
faubourgs de Paris, et commirent contre les catholiques, surtout
dans le midi de la France, les plus révoltants excès. Ils violèrent
les tombeaux, renversèrent les églises, profanèrent le saint
Sacrement, forcèrent les catholiques d'assister à leurs prédica-
tions, mutilèrent et assassinèrent des prêtres et des laïques,
tout cela avec l'approbation de leurs consistoires et de leurs
prédicants.
Ces événements disaient assez aux catholiques ce qu'ils
avaient à attendre de leur inaction : les novateurs ne voulaient
point de tolérance, mais l'extirpation du catholicisme. De là,
dans Paris, une réaction sérieuse à partir de 1562. Les esprits
hésitants se demandaient eux-mêmes : Que signifie une telle
religion? Où Jésus- Christ a-t-il commandé de piller son pro-
chain, de verser son sang ? Le l*"^ mars 15G2, à Vassy en Cham-
pagne, la suite du duc de Guise se prit de querelle avec les
huguenots assemblés dans une grange. Le duc, accouru pour
rétablir la paix, fut blessé d'un coup de pierre, et ses gens,
surexcités, tuèrent près de soixante calvinistes. Ce fut là l'occa-
sion d'une guerre civile religieuse. Le prince de Condé, encou-
ragé par l'ambassadeur anglais Throckmorton, réunit une armée
et s'empara de plusieurs villes. A Toulouse, où se trouvaient
trente mille Iniguenots, on se battit au mois de mai durant
plusieurs jours ; quatre mille hommes succombèrent, et deux
cents maisons furent détruites par les flammes ; les catholiques
finirent par l'emporter. Comme dans le Béarn, où régnait
LE PROTESTANTISME. 471
Jeanne d'Albret, les calvinistes dominaient en Normandie, et
excitaient leurs soldats aux cruautés les plus inhumaines.
Le Dauphiné était ravagé par François de Beaumont, baron
des Adrets, qui obligea ses fils à se baigner dans le sang des
catholiques; beaucoup furent, par ses ordres, précipités du haut
des tours et des rochers, et reçus au bout des hallebardes de ses
soldats. Les huguenots firent même venir des troupes d'Alle-
magne, et livrèrent le Havre-de- Grâce à la reine d'Angleterre.
Cette fois, comme on devait s'y attendre, les cathohques révo-
quèrent 1 edit de tolérance, et déclarèrent les calvinistes coupables
de haute trahison.
Paris se mit en état de repousser les attaques de Coudé,
chassa les protestants, et prit une attitude franchement catholi-
que. L'université, le parlement, la magistrature, les avocats et
les militaires signèrent une profession de foi catholique. Fran-
çois de Guise avait ramené dans sa capitale le jeune roi et sa
mère. Plusieurs villes, telles que Rouen, furent prises d'assaut
par les catholiques, et, le 19 décembre 1362, les rebelles essuyè-
rent près de Dreux une entière défaite. Louis de Condé fut fait
prisonnier, et Coligny se retira dans Orléans. Le duc de Guise
mit le siège devant cette ville, et fut traîtreusement tué d'une
balle empoisonnée par Poltrot, gentilhomme calviniste (18 fé-
vrier 1563). Poltrot fut exécuté dans la suite, mais inscrit au
martyrologe de Genève et honoré comme un martyr.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 185.
De Thou, lib. XXIX, vu, t. Il, 69 et seq., ed. Francof., 1614; Rayu.,
an. 1562, n. 128 et seq., 132 et seq.; Nouv. Collect, des Mémoires,
Paris, 1866, VI, 614; Daniel, p. 396 et seq.; Bossnet, liv. X, § 32 et
seq.; du Plessis d'Arg., II, i, p. 317 et seq.; Graziani Epist., lib. IV,
ep. XIII ; Mai, Spic. Rom., VIII; Anquetil, I, 162 et seq.; Bordes, p. 171
et seq.; Rayn., an. 1561, n. 103 et seq.; 1562, n. 139 et seq., 158 et
seq.. 175; Vaissette, Hist. du Languedoc, Paris, 1743, t. V, p. 189,213;
Ménard, Hist. de Nismes, Paris, 1753, p. 245 et seq.; Lacretelle (§ 178);
Poyedavant, Hist. des troubles du Béarn, Paris, 1820, H, 424; Picot,
Essai bist, sur l'intluence de la rel. en France pendant le XVII« siècle,
Brux., 1824, t. i, p. 12 et seq.; Hermann, Frankr. Rel. u. Bürger-
kriege im XVI Jabrh., Leipzig, 1828; Sismondi, Hisl. des Français,
Aix-la-Chapello, 1838, XIII, xxxr. Catholique, t. LXXXIV, p. 124 et
suiv., aunée 1863, 1, p. 227-248, 317-336. Actos de violence approuvés
472 HISTOIRE DE L 'ÉGLISE.
par les prédicants et les synodes calvinistes ; voy. Aymon, Synodes
nationaux de l'Église réformée de France, la Haye, 1710, in-4°, t. I
p. 43, 45; Bossuet, X, § 47; Bianchi , délia Potestà e Polizià délia
Chiesa, t. 1, 1. 1, § 6, p. 49 et seq. Mon ouvrage cité, p. 487. Bèze écri-
vait, le 30 déc. 1561, à Calvin î « Qui hostibus armatis pepercerant,
idolis et panaceo illi Deo (au Dieu sous l'espèce du pain) parcere non
potuerunt, frustra reclamantibus, quibus ista non placebant. » Baum,
Th. de Bèze, II anh., p. 150. Sa lettre aux Églises de France, 25 mars
1562, ibid., p. 172. Hist. ecclés., liv. III, 550, 254, 270, 313. Cf. Bauer,
die liugenottcnkriege , ein Werk der Toleranz (Laacher Stimmen,
1876, livrais. VlI-X, p. 143 et sniv.). Zèle des catholiques et leur vic-
toire : Rayn., an. 1562, n. 163, 174 et seq.; 1563, n. 23 et seq.; Pal-
lav., XIX, X, 3 ; Le Plat, V, 677 et seq. Souscription du Formulaire de
foi : du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 317 et seq., 337-329. Réaction
catholique : Ranke, les Pontifes romains, II, p. 61 et suiv, « Massacre
de Vassy » : Voix de Laach, 1872, II, p. 570 et suiv. Assassinat du duc
de Guise : Rajm., an. 1563, n. 50 et seq.; Baguenault de Puchesse, les
Ducs François et Henri de Guise, d'après de nouveaux documents,
Paris, 1877. L'assassin Poltrot de Méré, grand écuyer de l'amiral de
Coligny, déclara dans les tortures qu'il avait pour complices l'amiral et
Bèze. Coligny essaya, trois ans après, de se purger par serment de
cette accusation (Lacretalle, Hist., liv. IX, p. 163).
Traité d' Amboise. — Deuxième guerre de religion. — Nouvelle
paix religieuse. — Retrait des concessions.
186. Les catholiques, malgré leurs victoires, avaient fait des
pertes considérables. François de Guise était leur plus vaillant
champion et leur meilleur capitaine. Antoine de Navarre, qui
avait été délaissé par sa femme franchement hérétique, suc-
comba devant Rouen à une blessure mortelle. Beaucoup de
reliques de saints (saint Irénée, saint Hilaire, sainte Rade-
gonde, etc.) furent bmlées et jetées au vent; beaucoup de
cathédrales brûlées, un grand nombre de prêtres distingués
furent assassinés, et rien n'indique que tant de crimes aient
été réprimés. La régente Catherine rendit même la liberté à
Coudé captif, publia une amnistie contre laquelle l'université
et le parlement firent d'inutiles protestations, et conclut en
riG.l la paix d'Amboise, qui assurait la liberté du culte à la
haute noblesse de la confession réformée, tant pour elle que
pour ses sujets, ainsi qu'à toutes les villes où ce culte était pré-
LE PROTESTANTISME. 473
cédemrnent établi, leur donnait une église dans chaque bail-
liage, à l'exception de Paris, et renouvelait, sauf de légères
restrictions, l'édit de janvier 1562. Cependant ni Coligny ni les
prédicants calvinistes, qui exigeaient beaucoup plus , ni les
catholiques, n'en furent satisfaits : les catholiques savaient par
expérience ce que leur réservaient les huguenots.
Catherine se rapprocha de plus on plus des catholiques, essaya
de s'entendre avec l'Espagne, et ne dissimula pas désormais aux
hugnenots l'aversion qu'ils lui inspiraient. Ceux-ci travaillèrent
à s'organiser, se plaignirent qu'on tramait contre eux de
nouveaux complots, recueillirent de grandes sommes d'argent,
et formèrent pour ainsi dire un État dans l'État.
Le prince de Condé était blessé du peu de crédit qu'on lui
accordait, ce qu'il n'avait que trop mérité ; Coligny n'avait
déposé les armes que malgré lui. En 1567, ils formèrent un
nouveau plan pour s'emparer à Monceaux du jeune roi et de sa
cour; le complot fut découvert à temps. Montmorency, à la tête
de 6,000 Suisses, ramena le roi à Paris à travers les rebelles en
armes, A dater de ce jour, Charles IX conçut un dégoût insur-
montable pour les calvinistes, et ce dégoût s'accrut encore par
les scènes sanglantes de Nimes (29 septembre 1567). Cette nou-
velle guerre de religion dura plusieurs mois. Les catholiques
vainquirent près de Saint-Denis, mais ils perdirent dans la
mêlée le vaillant connétable de Montmorency et ne purent tirer
parti de leur victoire, parce que leurs adversaires reçurent des
renforts de l'électeur du Palatinat.
Les catholiques conclurent pour la seconde fois à Longju-
meau (23 mars 1568) une paix qui renouvelait l'édit de janvier
1562 sans les clauses restrictives. Mais les huguenots refusèrent
de livrer les forteresses désignées, en construisirent de nou-
velles, s'emparèrent des villes catholiques, dont ils maltraitèrent
indignement les habitants, et nouèrent des alliances avec les
protestants d'Allemagne, des Pays-Bas et d'Angleterre.
Ces excès décidèrent Charles IX à révoquer en 1568 tous les
avantages qui avaient été accordés aux calvinistes ; il leur
retira leurs emplois, publia de sévères ordonnances contre les
renégats du catholicisme, interdit le culte calviniste sous peine
de mort et de conûscation des biens. Un décret du parlement
exigea de tous ceux qui sollicitaient des places dans l'adminis-
'iT-i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
tration de la justice la profession de la foi catholique, et écarta
les magistrats calvinistes. On prescrivit à la noblesse une for-
mule de serment par laquelle elle s'obligeait à ne contracter
aucune alliance à l'insu du roi. Le chancelier Michel de l'Hospital
fut congédié. Il semblait qu'on fût alors sérieusement résolu à
extirper cette secte qui compromettait la sécurité de l'État. Le
pape autorisa en faveur de la cause catholique une aliénation
de biens ecclésiastiques, qui amena un million et demi de livres
dans les caisses du gouvernement.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 186.
Destructioa des reliques : Rayn., an. 1562, a. 159-161. Pi-otestatioa
de l'université de Paris contre l'amnistie : du- Plessis d'Arg., loc. cit.,
p. 335. — Pallav., XX, x, 1; Sarpi, Vil, § 82-87; Rayn., an. 1563,
n. 54 et seq., 74 et seq.; Le Plat, Mon., VI, p. 6 et seq. (avec d'autres
pièces); (de Bèze) Hist. ecclés., t. VI, p. 283; de Thou, lib. XXXIV, 235
et seq.; XXXV, 241. — Kluckhohn, zur Gesch. des angeblichen Bünd-
nisses von Rayonne (1565), nebst einem Originalbericht über die Ur-
sachen des zweiten Religionskrieges in Frankreich (Abhdlgn. der
bayer. Akad. d. Wiss., III cL, t. XI, abth. i). Sur la Michelade do
Nîmes, 29 sept. 1567, où 400 cathoHques perdirent la vie : Ménard,
Histoire de la ville de Nîmes, t. X, p. 16. — (Bèzg) Hist. ecclés.,
liv. VII, p. 337 et seq.; de ïhou, lib. XXXVI, p. 243 et seq.; XLII, p. 465
et seq.; Commentarii de statu religionis et reipubl. in regno Galiiaî,
4« édit., 1577, lib. VH, t. IH, p. 22 et seq., 84 et seq.; lib. VIH, p. 132
et seq., 139, 145, 181 ; du Plessis d'Arg., II, i, p. 402-40i; Catena,
Vita di Pio V, p. 79. Cf. Ranke, Paepste, II, p. 64.
Troisième guerre de religion. — Rétablissement de la liberté
des cultes.
187. Il en résulta nue troisième guerre, qui fut encore con-
duite avec plus d'acharnement. Briquomaut, chef des hugue-
nots, portait un collier d'oreilles enlevées à des prêtres massa-
crés. Les protestants reçurent des renforts de leurs alliés ; les
catholiques obtinrent de l'Espagne et de Pie V de l'argent et
des troupes. Les huguenots furent de nouveau battus près de
Jarnac (13 mars loC«.)), et le prince de Condé fut tué d'un coup
de feu. Alors Gaspard de (A)ligny se mit ouvertement à la tête
des calvinistes, dont les principaux chefs étaient Henri de
Navarre, ûls d'Antoine et de Jeanne d'AIbret, et Henri, fils de
LE PROTESTANTISME. i7S
Condé. Coligny recruta une nouvelle armée, qui fut renforcée
par Henri de Navarre, âgé de seize ans. Cependant les ^calvinistes
perdirent la bataille de Moncontour (3 octobre), d'où ils ne
sauvèrent que 6,000 hommes.
Désormais c'en eût été fait des calvinistes, si les intrigues
des factions et la faiblesse de la cour n'avaient pas empêché les
catholiques de tirer parti de leur victoire, si l'on n'avait pas
gaspillé son temps et ses forces dans des sièges interminables.
Le roi enviait à son frère Henri, duc d'Anjou, qui avait com-
mandé les catholiques avec Henri, duc de Guise (fils de François,
assassiné), les honneurs de la victoire, et son entourage l'affer-
mit dans cette crainte qu'avec l'honneur la puissance lui échap-
perait des mains.
Le parti franchement catholique, dirigé par le duc d'Anjou,
rencontra pour adversaire le parti calviniste de la cour, qui par
le traité de Saint-Germain-en-Laye (août 1370) accorda aux
réformés de toute la France, Paris excepté, le libre exercice du
culte, l'accès à toutes les fonctions de l'État et quatre places de
sûreté qu'ils occuperaient. Au lieu d'étouffer l'insurrection, la
cour, toujours hésitante, l'encourageait; elle admettait au
partage de la souveraineté un parti acharné à sa perte et odieux
aux catholiques rigides, qui ne pouvaient oublier les atrocités
commises par les huguenots et couvaient leur ressentiment :
elle perdit toute autorité auprès des deux partis. En 1569. on
s'était allié avec l'Espagne pour renverser ÉUsabeth ; en 1570,
on essayait, en s'alliant avec Elisabeth, d'anéantir la domina-
tion espagnole dans les Pays-Bas. Cette politique, trop hâtive,
trop peu réfléchie, n'offrait aucune chance de durée. Une explo-
sion violente allait éclater.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SlR LE N° 187.
De Thou, lib. XLIV, p. 546 et seq., 568 et seq.; XL VIT, p. 660 et seq.;
Comment., lib. IX, p. 204 et seq., 313 et seq.; Ménard, loc. cit., IV,
preuves, 6, V, 9 et seq.; Vaissette, V, 214 et seq.; Anquetil, I, 132 et
seq.; Bordes, p. 173 et seq.; Desjardins, Charles IX, Deux Années de
règne (1570-lo72), Douai, 1873. Le prolestant Fauriel (Essai sur les
événements qui ont précédé et amené la Saint-Barthélémy, 1838,
p. 36) avait tort de dire que la paix de 1570 était un moyen perfide
pour endormir et tromper les protestants. Le contraire est attesté par
la Correspondance du roi Charles et du sieur de Mandelöl, publiée par
476 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
M. Paulin Paris, 1830; par la Correspondance politique de Bertrand
de Salignac de la Mothe-Fénelon (ambassadeur de France à Londres,
(J568 à 1573), publiée par M. Feulet, Paris et Londres, 1838-40, t. VII;
par les rapports d'Alvise Contarini et Sigism. Cavalli, dans Alberi,
Relaz. Ven., ser. I, vol. IV, p. 249-232, 32o.
La Saint-Barthélémy.
188. Tout était réconcilié en apparence. Coligny, mis au baa
du royaume par le parlement de Paris le 13 septembre 1569,
fut, ainsi que d'autres chefs calvinistes, mandé à la cour. Coli-
gny essaya de gagner la faveur de Charles IX et de lui rendre
sa mère odieuse. A partir de 1571, il acquit une grande in-
fluence ; il s'occupa de faire la guerre contre l'Espagne, de fournir
des seconrs aux Pays-Bas insurgés, de contracter une alliance
avec Elisabeth d'Angleterre, et d'éloigner les Guises de la cour.
Litt paix au dedans devait être scellée par le mariage du calvi-
niste Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, sœur de
Charles IX, bien que Pie V eût refusé de donner une dispense
et que Grégoire XIII n'y consentît que sous des conditions qui
ne furent pas observées. Le mariage eut lieu à Paris le 18 août
1572; beaucoup de gentilshommes calvinistes s'y rendirent
avec des gens armés.
Coligny était sur le point d'écarter complètement la reine
mère de la gestion des affaires, et d'impliquer le jeune roi dans
la guerre contre l'Espagne. Catherine do Médicis, nullement
embarrassée dans le choix des moyens, résolut de se défaire, par
un meurtre, de l'amiral, qui déjà prenait un ton menaçant.
Quand cet attentat, qui porta l'irritation des huguenots à son
comble, eut échoué ('22 août), elle médita de consommer, avec
l'aide des catholiques depuis longtemps indignés, la perte des ré-
formés qui .se trouvaient à Paris, et, autant que possible, de ceux
qui étaient dans les provinces. De là cette fameuse nuit de la
Saint-Barthélémy (24 août 1572), qui ne fut que la conséquence
d'une résolution subite de la reine Catherine, et non un acte de
viol«Mice préparé de longue main et sur un plan tracé d'avance.
A Paris, il n'y eut de victimes que Coligny et environ un
millier de calvinistes ; beaucoup de catholiques perdirent aussi
la vie. Dans les provinces, les ordres d'assassin;ijtne furent point
exécutés partout, et beaucoup d'ecclésiastiques sauvèrent la vie
I
1,K PROTF.STANTISME. 4-77
à de nombreux calvinistes ; lo chiffre des morts n'alla guère au
delà d'un millier. Cliarles IX était entré dans ce plan à l'insti-
gation de sa mère, parce qu'il redoutait une nouvelle guerre
civile et qu'il croyait sa vie en danger. Beaucoup avaient voulu
venger la mort de leurs proches sur les huguenots; d'autres, se
défaire de leurs ennemis sans distinction de religion ; d'autres,
effrayés par les précédents méfaits des calvinistes, avaient
cru à une conspiration contre les catholiques : ce fut le motif
que le roi fit valoir le lendemain devant le parlement pour
justifier l'assassinat. On manda aux cours étrangères qu'une
conjuration avait été découverte contre la vie du roi et de sa
famille, et qu'on l'avait prévenue par le meurtre des conjurés.
La cour d'Angleterre, alliée avec la France depuis le 29 avril,
n'avait aucun doute à cet égard. Grégoire Xlll, plein de con-
fiance dans le récit de l'ambassadeur français, fit célébrer à
Rome une fête d'actions de grâces, à cause de la délivrance de
la famille ro) aie et de la conservation de la religion catholique
en France. Mais il fut profondément affligé du sang répandu et
de ce que les formes juridiques n'avaient pas été observées
contre les conjurés. Quant à l'attentat lui-même, ni le Saint-
Siège ni la religion n'y eurent aucune part. Il est certain que
les protestants de France, dont les crimes n'étaient ni moins
nombreux ni moins révoltants, si l'on regarde au nombre et à
la puissance, n'ont en cela rien à reprocher aux catholiques
français. Les luthériens d'Allemagne considérèrent ce massacre
comme un juste châtiment infligé de Dieu aux hérétiques
calvinistes.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 188.
Sur Coligny, voy. Michie!, Relaz. Ven., loc. cit., p. 284, 28ö; Lin-
gard, Gesch. Engl., VI II, p. 432 et suiv.; Poyedavant, 1, 232; Bague-
nault, l'Amiral de Coligny (Correspondant, 25 févr. 1876j. Négocia-
tions au sujet du mariage de Henri IV avec Marguerite de Valois,
déclaré nul (plus tard, le 15 déc. 1599): Mémoires de Marguerite de
Valois, éd. par M. Jul. Lalanne, 1838; Alberi, loc. cit.; Theiner, Annal,
eccl. contin., t. I; Mantissa, doc. XI, XV. — Davila, lib. V, p. 267. —
Collection compl. des Mémoires, XX, 148 et seq., 154, 160; XXXVII, 22 ;
Mémoires de Tavannes, t. VIII, sér. I de la Nouv. Coll. des Mémoires,
par MM. Michaud et Poujoulat, Paris, 1836 et seq.; Alberi, Relaz. Ven.,
p. 289 et seq.; Vib di Cat. di xMed., p. 120 et seq. — K. Curtlis, die
478 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Bartholomœusnacht, Leipzig, 1814; Lacretelle, Hist. de France, II,
p. 320 et seq.; Audiu, Hist. de la Saint- Barthélémy, Paris, 1826 ; Cape-
figue, Hist. de la Réf. et de la Ligue, cli. xxxviii-xLiv;Ludw. Wsechter,
die Pariser bluthochzeit, Leipzig, 1828; W. v. Schütz, die Aufgehellte
Bartholomaeusnacht, Leipzig, 1845 ; Soldau, Frankr. u. die Barth. -
Nacht (Raumers hist. Taschenb., 1854); Cantù, Storia un., hv. XV,
c. XXIV, éd. Tor., VIII; Gandy, la Saint-Barthélemy, dans la Revue des
questions historiques, 1866 (et d'après lui, Civiltà catt., ser. VI,
vol. Vlll, p. 679 et seq.; vol. IX, p. 267 et seq., 662 et seq.; vol. X,
p. 268 et seq.; vol. XI, p. 14 et seq., 648 et seq.). Cf. Germania,
21 cet. 1874, Beil. Le protestant Lucas Geizkofler, originaire du Tyrol,
présent à Paris en 1372, alors âgé de vingt-deux ans et étudiant eu
droit, rapporte plusieurs rumeurs qui circulaient alors dans les sphères
protestantes, par exemple, que la tête de Coligny avait été envoyée « à
Rome »; il porte le chiffre des victimes parisiennes « au delà de 10,000,
jeunes gens et vieillards, hommes et femmes » ; et il ajoute qu'un très
grand nombre de catholiques périrent eux-mêmes victimes de la
cupidité, de l'envie et de la haine; que son chef de maison, l'ecclésias-
tique Blandis, protégea ses locataires, non toutefois sans qu'ils fussent
obligés d'ouvrir leur escarcelle, x qui n'était pas trop garnie ». (A.
Wolf, Lucas Geizkofler et son autobiographie, en allem., Vienne, 1873.)
Sur le nombre des victimes, les renseignements varient entre 1,000,
2,000, 4,000 (Alzog., H, p. 240), 30,000 (autant de réformés — Schrœ-
ckh, Hist. eccl. dep. la Réforme, II, p. 304), et 50,000 (Ranke, Papes
romains, II, p. 67). Popelinière, qui n'est pas suspect, élève le chiil'rc
des victimes de Paris à 1 ,000. D'après un document de l'hôtel de ville,
déjà cité par Caveirac, 1,100 cadavres furent repêchés dans la Seine
(Gandy, loc. cit., livrais. II, p. 330). — Michiel (Relaz., p. 291) parle de
2,000. C'est le chilfre adopté par Papirio, Masson, ïavannes, de Thou,
etc. Diverses estimations dans Lingard, VHI, p. 437. Le généreux Hen-
nuyer, évêque de Lisieux, protégea hardiment les huguenots, dont la
plupart rentrèrent dans le sein de l'Église. M. de Formeville , les
Huguenots et la Saint-Barthélemy à Lisieux, 1840. Recherches histo-
riques sur Jean Le Hennuyer, par M. A., Bordeaux, 1842, 1844. Dans
les provinces, beaucoup de gouverneurs, comme celui de Bayonne,
l'efusèrent également d'exécuter les oi'dres sanguinaires. Voyez encore
de Thou, lib. L, p. 754 et seq.; LI, p. 788 ; LH, p. 805 et seq. Les crimes
des calvinistes français sont franchement reconnus par Th. H. Buckle,
Gesch. der CiviUsation in England, en allem, par A. Rüge, I, ii, p. 8,
n. 16. Dans leurs rapports à l'électeur de Saxe, les théologiens luthé-
riens reconnaissaient le caractère politique de cet événement: K.-A.
Menzel, N. Gesch. d. Deutschen, V, p. 40. Déclarations de la cour d'An-
gleterre : Coouper, Recueil des dépèches, Paris, 1840, V, 12(», 138, 161
LE PROTESTANTISME. 47*J
et seq.; Theincr, Annal, eccl., h. an., n. 47, p. 46 (ibid., p. 46 et ?oq.;
Mantissa, p. 328-331, 336. Rapports du nonce Salviati). Grégoire XIII,
dans Brantôme, Vie de M. l'amiral de Chastillon : 0pp., VIII, éd. la
Haye, 1740; Paris, 1822, III, 283. Muret, Orat. xxn, p. 177, éd.
Ruhnken. Voy. mon ouvrage Kalh. Kirche, p. 654-656.
Quatrième guerre de religion. — Mort de Charles IX. —
Henri III. — Nouvelle paix religieuse.
189. La nuit de la Saint-Barthélémy avait affaibli les hugue-
nots, elle ne les avait point extirpés. L'opinion publique, qui
oublie aisément le passé, leur devint favorable dès qu'ils paru-
rent persécutés. Une quatrième guerre de religion éclata en
4573. Henri, duc d'Anjou, poursuivit eu vain pendant six mois
le siège de la Rochelle. Quand le duc eut été élu roi de Pologne,
une paix fut conclue (ou plutôt un armistice), qui accordait le
libre exercice de la religion à la haute noblesse et à plusieurs
villes. Parmi les catholiques, les divisions précédentes sem-
blaient se propager de plus en plus. A côté des huguenots et
des catholiques rigides, s'était formé le parti des politiques
(libéraux modérés), qui, peu soucieux des intérêts de la religion,
se posait constamment en médiateur, à l'exemple de l'ancien
chancelier de l'Hospital, du jeune Montmorency, du maréchal
de Cossé, etc. François, duc d'Alençon, le plus jeune des fils
de Henri H, se joignit à eux et inclina vers l'alliance des calvi-
nistes.
Charles IX mourut le 30 mai 1574, laissant à son frère
Henri, duc d'Anjou et roi de Pologne, un royaume entièrement
bouleversé. Henri rentra en France et régna sous le nom
de Henri HI, sans vigueur et sans résolution, énervé par la
paresse et la débauche. En 1576, une nouvelle levée de bou-
cliers procura aux calvinistes la paix singulièrement avanta-
geuse de Beaulieu, qui leur accordait, avec l'amnistie, la liberté
religieuse dans tout le royaume (excepté à la cour et dans
Paris), l'entrée au parlement, une pleine égahté civile, huit
uouvelles places de sûreté, et la légitimation des enfants des
prêtres et des moines apostats.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 189.
Commentar., p. IV, in-f», 84 et seq., 107 et seq., 139 et seq.; p. V,
480 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSE.
in-t'°, { et seq.; de Thou, lib. LUI, p. 838 et seq.; lib. LV, p. 9U; LVI,
p. 927 et seq.; LVII, p. 989 et seq.; t. H, lib. LVIII-LXII.
La Ligue. — Cinquième et sixième guerre de religion.
-190. La force et l'audace croissantes des huguenots, les con-
cessions qu'ils avaient obtenues, provoquèrent une réaction. Les
catholiques formèrent entre eux « l'alliance sacrée », la Ligue
pour le maintien de la religion catholique, du roi et de l'État.
Elle avait à sa tête le chevaleresque Henri, duc de Guise.
Henri III et sa mère, qui vivaient dans un continuel désaccord,
se sentant trop faibles pour étouffer la Ligue, prirent un détour :
le roi se déclara lui-même le chef de la Ligue. Les états réunis
à Blois en 1577 supprimèrent l'édit de 1576, et déclarèrent la
religion catholique la seule religion de l'État.
Une cinquième guerre de religion éclate, mais se termine
bientôt par l'édit pacifique de Poitiers (septembre 1577). Cet
édit, tout en accordant la tolérance aux protestants, leur défon-
dait le culte pubhc. L'université et d'autres corporations s'étaient
résolument prononcées contre la lii)erté de religion réclamée
par les calvinistes. La reine mère fit encore des concessions
plus étendues à Henri de Navarre par la paix de Nérac (1579).
Cependant une sixième guerre s'alluma en 1580, et fut terminée
le 26 novembre par le paix de Fleix. Sous Henri de Navarre et
le jeune Condé, les huguenots, appuyés par les princes protes-
tants, accaparèrent à peu près toute l'autorité et combattirent
la Ligue, qui se rattacha à l'Espagne.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 190.
De Thou, lib. LXIII, p. 164 et seq.; Mézeray, III, 406, éd. Paris, 168S;
Goulard, Mémoires de la Ligue, Amst., 1758, h\-i°, 6 vol.; Anquetil,
Esprit de la Ligue (15ö9-ib98), Paris, i767, in-S", 3 vol.; Sisraondi,
XIII, 4ö4; Ranke, Paîpste, II, p. 143-147; Schneemann, Laacher
Monatsschrift, 1872, VI, p. 504 et suiv. — De Thou, lib. LXIV, p. 207 et
seq.; Anquetil, II, 105 et seq.; Vaisselle, V, 310 et seq.; Bordes,
p, 228 et seq.; Ayraon, Synodes nationaux des Églises réf., I, 98 et
seq., 134; Raumer, Gesch. Europa's seit Ende des XV Jahrb., t. II,
p. 283 et suiv.
I.K PROTESTANTISME. 481
Nouvelles irrésolutions du roi. — La Ligue et le Saint-Siège.
191. Henri III se trouvant sans enfant lorsque le dernier de
ses frères, François d'Alençon (duc d'Anjou depuis 1573) vint à
mourir (1384), Henri de Navarre revendiqua le trône. La
crainte de recevoir pour roi un calviniste mit en grand émoi les
catholiques de France. Le duc de Guise décida le cardinal de
Bourbon, oncle de Henri de Navarre, à se déclarer, dans un
manifeste daté de Péronne (31 mars 1385), premier prince du
sang avec l'expectative du trône, et chef de la Ligue. Plusieurs
désiraient pour roi le duc de Guise. Henri 111, souvent accusé
d'être le fauteur de l'hérésie, engagea Henri de Navarre à se
faire catholique et à l'assister dans la défense de leurs communs
droits. Mais, intimidé de nouveau par les ligueurs, il conclut
avec eux le traité de Nemours, par lequel il leur concédait de
l'argent et des places de sûreté, enlevait leurs privilèges aux
calvinistes, et ordonnait d'émigrer à ceux qui refuseraient de
rentrer dans le giron de l'Église.
La Ligue se donna mille peines pour obtenir du pape une
bulle qui approuvât sa conduite. Grégoire XHl, malgré son
désir de maintenir la foi catholique et de favoriser les Guises,
ne put s'y résoudre. Sixte-Quint, insensible aux sollicitations de
l'Espagne, repoussa la demande des ligueurs et les blâma de
s'être armés contre la volonté du roi; seulement, dans l'intérêt
du catholicisme eu France, il publia une constitution (9 sep-
tembre 1583) où il excommuniait le roi de Navarre et le prince
de Coudé comme hérétiques, et déclarait, d'après l'ancien droit,
égalemeut reçu eu France, qu'ils étaient exclus de la succes-
sion au trône. Les bourgeois, le parlement et l'université de
Paris professaient alors les mêmes idées. Ce ne fut que plus
tard, et quand la situation fut changée, qu'on prétendit que le
décret de l'université avait été arraché par la force et qu'il était
sans valeur. Peu d'évêques (sept) signèrent une contre-déclara-
tion. Henri de Navarre se justifia par écrit, fit afücher dans
Rome une proclamation, et en appela au parlement, qui interdit
à sou point de vue la publication de la bulle.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° l'JI.
Déclaration des causes qui ont mû le cardinal de Bourbon et les
V. — HIST. DE l'église. 31
482 HISTOIRE üE l'Église.
paiii<>, seigneurs, villes,... de s'opposer à ceux qui veulent subvertir la
religion de l'État, Rheims, 1583, in-8°; Ranke, Rœm. Paepste, II,
p. 148 (cet auteur mentionne, n. 1, un mémoire envoyé de Rome en
Espagne sur l'élévation d'un Guise au trône : « délia Inclinazione de'
Cattolici verso la casa di Ghisa e del servitio che riceverà la christianità
etil re cattolico délia successione di uno di questi principi, » n. 2. Dis-
paccio Veneto, 1«' déc. 1584, attribué au cardinal d'Esté). Daniel, XI,
196-199; Anquetil, II, 203. En ce qui concerne les papes, on ne trouve,
à partir de Grégoire XIII, relativement à la question de succession en
France, que la lettre un peu exagérée peut-être de Claude Matthieu au
duc de Nevers, du 11 février 1588 (Capefigue, Réforme, IV, 173; Ranke,
loc. cit., p. 149 et suiv.). Sur Sixte-Quint, voy. Maffei, Hist. ab excessu
Greg. XIII, lib. I, p. 10; Tempesti, Vita di Sisto V, Venezia, 1754, I,
m, 283, 320; Iliibuer, Sixte-Quint, Paris, 1870, vol. II, p. 370 et suiv.
— Constit. Ab immensa aetemi Régis, Bull. M., Luxemb., 1727, II,
163, appond.; Spondan., an. 1585, n. 17. Cf. Gosselin, II, 351 et seq.;
Bianehi, t. Il, lib. VI, § 10, n. 6, p. 395 et seq.; mon ouvrage cité,
p. 676-678. Sur l'opinion dominante à Paris, voy. Spondan,, loc. cit.,
n. 7; an. 1589, n. 111 ; 1590, n. 3, 9; Crétineau-.Ioly, Hist. de la Comp,
de Jésus, II, 411 et seq. Sur le décret de la Sorbonne, déclarations
ultérieures dans du Plessis d'Arg., II, i, p. 482 et seq., 530; 11, ii,
p. 293 et seq. Contre-déclaration : Spondan., an. 1591, n. 8; Blanchi,
loc. cit., n. 4, 5, p. 591-394. Sur la Ligue en général : Schneemann,
dans Laacher Monatsschrift, 1872, VI, p. 304 et suiv.
Derniers temps de Henri III. — Ses crimes et son assassinat.
I9"2. Les huguenots remportèrent sous Henri de Navarre la
victoire de Contras (20 octobre 1587) ; mais les Guises obtinrent
aussi des avantages : ils prirent Toul, Lyon, Bourges, Orléans,
sans tirer l'épée, et battirent les troupes allemandes qui
venaient au secours de leurs ennemis. Le roi se montra sans
caractère : il négocia d'abord avec les huguenots, puis avec la
Ligue, à laquelle il se rattacha définitivement, et dénia aux
princes protestants, dans son édit de Rouen (19 juillet 1588), le
droit de succéder au trône. En octobre de la même année, les
états lie Blois érigèrent l'édit en loi fondamentale du royaume ; le
roi fut obligé de promettre qu'il sacrifierait sa vie au besoin pour
l'extirpation de l'hérésie, chaque sujet devait déclarer, en guise
de serment, qu'il ne reconnaîtrait jamais pour roi un hérétique
LU un fauteur de l'hérésie. Mais les catholiques curent bientôt
LE PROTESTANTISME. i8,'3
lieu de douter de la sincérité du roi : divisé avec lui-même,
hésitant, irrésolu, fatigué de la puissance de la Ligue, il fit
assassinera Blois, en 1588, Henri, duc de Guise, et son frère
Louis, le cardinal archevêque de Lyon. Le troisième frère, le duc
Charles de Mayenne, échappa ; il se mit à la tête de la Ligue,
qui se rattacha étroitement à l'Espagne et dénonça l'obéissauce
au roi.
Le duc de Guise, caractère chevaleresque, avait été l'idole des
catholiques : raison de plus pour leur faire détester la lâcheté du
roi. Sixte-Quint, qui aimait et admirait ce second Judas Mac-
chabée, demanda compte au roi surtout de l'assassinat du cardi-
nal, et un moniteire pontifical fut publié le 23 juin 1589. La
Sorbonne se prononça pour le refus d'obéissance à Henri III
(7 janvier), et la ville de Paris se prépara à une résistance
énergique. Henri s'allia dès lors ouvertement avec Henri de
Navarre et fit avec lui le siège de la capitale. Au commence-
ment d'août 1589, il était assassiné par un jeune dominicain
fanatique, Jacques Clément.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 192.
Édit d'union de Rouen et assemblée de Blois : du Plessis d'Arg., II,
I, p. 494 et seq.; Gosselin, II, 350-352. Hésitations de Henri HI : Sau-
vigay, Hist. de Henri III, Paris, 1778, in-8°; Ranke, Rœmische Psepste,
II, p. 150 et suiv., 169 et suiv. Sixte-Quint, sur les frères Guise, ibid.,
p. 169; Tempesti, Vita di Sisto V, t. I, p. 346 et seq.; t. II, p. 137.
Avis de la faculté théologique de Paris, dans les Additions au journal
de Henri III, t. I, p. 317; Ranke, p. 188. Plus tard, le 1" févr. 1717,
il fut déclaré : « Facultatem décréta praetensa pro suis non agnoscere
nec uraquam agnovisse, » qu'elle n'avait pas été libre de 1588 à 1590.
Du Plessis d'Arg., II, i, p. 484 et seq., 493 et seq.; J. Boucher, De justa
Henrici 111 abdioatione, 1588; H. Grotius, Append. de Anlichr., p. 59,
Amst., 1641, remarque que le livre n'est pas tiré de Mariana et Can-
tarelli, mais de Junius Brutus.
Henri IV et sa conversion.
193. Avec Henri III expirait la branche des Valois, qui régnaient
depuis 1328. Henri de Navarre prit désormais le titre de roi de
France. Issu de la maison de Bourbon, il descendait du qua-
trième fils de Louis IX, le comte Robert de Clermont, qui avait
épousé l'héritière de Bourbon, Beatrix de Bourgogne, et avait
48i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
eu d'elle le prince Louis, devenu duc de Bourbon en 1327.
Comme Henri IV était calviniste et excommunié, il ne fut point
reconnu par l'Espagne ni par la Ligue, Celle-ci combattit sous
le nom du cardinal de BourlK^n, qu'elle nomma Charles X (mort
le 8 mai 1590); mais le cardinal ne fut pas reconnu par le
Saint-Siège, qui ne s'occupait qu'à écarter du trône un prince
hérétique.
La crainte de la prépondérance espagnole et les bonnes qua-
lités du nouveau souverain décidèrent beaucoup de catholiques
de France à le reconnaître. Venise travaillait dans ce sens ; le
pape Sixte-Quint comptait toujours qu'il rentrerait dans le sein
de l'Église.
(rrégoire XIV se prononça contre le roi protestant et renou-
vela la déclaration de son prédécesseur ; Philippe II envoya des
troupes à la Ligue, et les IMémontais envahirent la France.
Henri IV fut vainqueur et se déroba à la poursuite des catho-
liques. Clément VIII usa de prudence et de discrétion. Le roi se
persuada de plus en plus qu'il n'arriverait jamais, comme cal-
viniste, à posséder la France en paix, et chaque jour il se fami-
liarisait davantage avec l'idée de sa conversion. Son ami et mi-
nistre Sully le poussait dans cette voie. Enfin, le 25 juillet 1593,
il fit à Saint-Denis sa profession de foi catholique et reçut l'abso-
lution de l'archevêque de Bourges, sous réserve de l'approbation
du pape ; celle-ci arriva deux ans après. Le 22 mai 1 59i, Henri IV,
au mili-eu des acclamations du peuple, entrait dans Paris, occupé
jusque-là par la Ligue et le comité des Seize. La Sorbonne
elle-même prêta le serment de fidélité (22 avril), et établit cette
fois de tout autres principes qu'en 1589. La Ligue fut dissoute, et
la tranquillité parut assurée en France jusqu'en 1596. Henri IV
avait promis au peuple de restaurer la catholicisme dans le
Béarn, d'introduire le concile de Trente, de faire exactement
observer le concordat, et d'élever l'héritier du trône dans la foi
catholique. Il vint aussi plus d'une fois au secours du Saint-
Siège.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 193.
.lournal de Ifcnry IV; Collection, t. XLVI et seq.; Anquetil, II, 266 et
seq.; III, 2 et seq.; Bordes, p. 240 et seq.; P. Féret, Henri IV et
l'Église cath., Paris, 1875; Dussieux, Lettres intimes de Henri IV,
LE PROTESTANTISME. 185
Paris, 1876; A. Franklin, Journal du siège de Paris en 1590, Paris,
1876; Recueil de lettres missives de Henri IV, t. I-VIII, t. IX, Suppl.,
par Guadet, Paris, 1870. Grégoire XIV contre Henri : Spondan.,
an. 1591, n. 4; Ranke, Paepste, II, p. 222-225. Voy. ibid., p. 172 et
suiv., 215 et suiv. Sur l'absolution de Henri IV : de Thou, t. VII, 1.
CVII, CXIII, p. 32 et seq., 473-476, est inexact. Defensio Decl. Cleri Gall.,
p. I, lib. III, c. xxviii, p. 335, éd. Mog. Plus exacts : les Ambassades
du card. Duperron, t. I. — Ranke, II, p. 238 et suiv., 244 et suiv.;
Lœmnier, Analecla Rom., 1861, p. 151 et suiv.; Arlaud, Hist. des
souv. Pont., t. V, p. 45 et seq.; Stœhelin, der Uebertritt Kœnig Hein-
richs IV zur rœm.-kath. Kirche, Râle, 1856; Poirson, Hist. du règne
de Henri IV. Sur lui, Villemain, Ami de la religion, 3 sept. 1857,
n. 1202. Serment de fidélité de la Sorbonne: du Plessis d'Argentré,
II, I, p. 505-508.
L'édit de Nantes.
494. Les calvinistes, très mécontents du retour du roi dans le
sein de l'Église, se révoltèrent de nouveau et tâchèrent de
vendre leur soumission aussi chèrement que possible. Henri IV,
pour les apaiser, publia l'édit de Nantes (13 avril 1598), qui leur
permettait, sauf de légères restrictions, de séjourner dans le
royaume et d'y célébrer leur culte, d'occuper des fonctions
publiques, de fonder des écoles et des établissements. Ils devaient
rétablir le culte catholique là où il avait été supprimé, obser-
ver au moins extérieurement les fêtes catholiques, se conformer
aux lois ecclésiastiques sur le mariage, renoncer à toute intri-
gue et à toute alliance avec l'étranger ; ils auraient des cham-
bres particulières aux parlements de Grenoble et de Bordeaux,
et tiendraient librement leurs synodes. Leurs universités de
Saumur, Sedan, Montpellier et Montauban furent confirmées ;
on leur donna des places de sûreté pour huit ans, et l'on autorisa
des subsides en argent pour les faire occuper et pour subvenir
aux besoins du culte. Il fallut user des plus grandes rigueurs
pour faire enregistrer l'édit au parlement de Paris (25 février
1599), et encore ne le fut-il qu'avec des restrictions.
Les calvinistes, à leur tour, furent longtemps avant de se
montrer satisfaits de ces concessions ; ils ne firent rétablir le
culte catholique ni dans le Béaru ni dans leurs places de sûreté,
se montrèrent intolérants envers les cathohques, et outragèrent
surtout le Sacrement de l'autel : par exemple, Philippe Duplessis
486 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Mornay (4599), dans un ouvrage que l'évêque Duperron
réfuta en 1600 dans une dispute publique. Dans leur synode de
Gap (1603), ils établirent comme articles de foi (31) que le pape
est le véritable Antéchrist, essayèrent de présenter les doctrines
catholiques comme dangereuses à l'État, en dissimulant en
faveur de la puissance royale leurs anciennes doctrines. Leur
nombre était toujours considérable : ils comptaient 760 districts
ecclésiastiques et 4,000 gentilshommes.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 194.
Picot, Eaeai histor., éd. Rruxell., 1824, t. I, p. 4i0 et seq.; Benoist
(prédicant calvin.), llist. de l'édit de Nantes, app., p. 92 et seq.;
Daniel, XII, 307 et seq., 388; Vaissette, V, 494; Ranke, Franzœs.
Gesch., Il, p. 420 etsuiv.; Segretain, Sixte-Quint et Henri IV, Paris, 1861,
p. 420; Négociations diplom. et politiques du président Jeannin, 1598-
1620, Orléans, 1873; Phil. Duplessis-Mornay , de l'Institution, Usage
et Doctrine du saint Sacrement de l'Euchar. en Église ancienne, com-
ment et quand et par quels degrés la Messe s'est introduite en sa
place. Jugement de la Sorbonne sur cet ouvrage, juin 1599 : du Plessis
d'Arg.,II, I, p. 535-537, et Duperron, Traité sur l'Euchar., Œuvres, 1. 1,
Paris, 1620, in-f». Synode de Gap : Aymon, Synodes nat. des Églises
réformées de France, t. 1, 258. Cf. p. 272; II, p. 106 et seq.; Bianchi,
t. I, lib. 1, § 6, p. 49 et seq.; mon ouvrage cité, p. 488, n. 7. Passages
des synodes sur le catholicisme, l'ecueillis dans Brück, Lehi'b., 2« éd.,
p. 622 et suiv.; Anm., Organisation des huguenots depuis 1598; Ben-
tivoglio, Rclazioni, Venezia, 1636^ p. 194 et seq.; Milano, 1806, p. 235
et seq.; Badoer, Uelaz. di Francia, 1605, dans Ranke, II, p. 426.
Troubles excités par les calvinistes. — Ils sont réprimés
par Richelieu.
195. Lorsque Henri IV fut assassiné par Ravaillac, le 14 mai
1610, son fils et successeur Louis XIII (1610-1643) n'avait que
neuf ans. Sa mère, Marie de Médicis, se chargea de la régence,
mais elle fut au-dessous de sa tâche. Elle confirma l'édit do
Nantes et approuva les places de sûreté pour cinq autres
années. Cependant les désordres ne faisaient que s'accroître.
Les huguenots refusaient de remplir les conditions de l'édit do
Nantes favorables aux catholiques, et devenaient chaque jour
plus exigeants. Ils se soulevèrent dans le Languedoc en 1615,
à la Rochelle on 1621, supprimèrent Le culte catholique en
I,K PROTESTANTISME. 487
divers endroits, démolirent les cathédrales reconstruites par les
catholiques, formèrent des alliances avec les princes étrangers,
se formalisèrent même du mariage du jeune roi avec une
infante espagnole, et s'insurgèrent contre la paix de Montpellier,
consentie en leur faveur (1622).
Cependant les conversions au catholicisme se multipliaient,
et le gouvernement acquit la conviction qu'il était impossible
de gouverner avec un parti qui prétendait former un État dans
l'État. Depuis 1621, il s'efforça de restreindre la puissance des
réformés, et fit surveiller les assemblées des huguenots par
des commissaires (1622). Le ministre et cardinal de Richelieu
(1624-1642) combattit leurs empiétements avec énergie. Riche-
lieu, dans les affaires de religion, n'agissait que par des rues
politiques, bien qu'il eût autrefois, notamment comme évèque
de Luçon, prêché avec zèle et écrit des traités de théologie. Il
essaya de supprimer les huguenots en tant que parti politique.
Après avoir, en 1625, vaincu les rebelles, qui déjà recrutaient
des mercenaires, enlevaient les caisses royales, concluaient des
alliances avec l'étranger et profitaient de tous les embarras de
la cour, il usa de modération et de douceur, et laissa subsister
l'édit de Nantes.
En 1627, les huguenots, alliés avec l'Angleterre, se soule-
vèrent de nouveau. Le roi était dangereusement malade, le
trésor passablement épuisé, le ministre aux prises avec divers
partis, et lord Buckingham arrivait au secours des rebelles avec
une flotte anglaise. Richelieu révéla dans le danger la vigueur
de son génie. Il força les Anglais à rebrousser chemin, mit les
chefs des huguenots au ban du royaume après de vains pour-
parlers, et commença le siège de la Rochelle, leur principal
boulevard. La ville, malgré les deux flottes envoyées à sou
secours par les Anglais, fut obligée de se rendre (22 octobre
1628). Ainsi fut brisée la puissance des calvinistes, qui en tom-
bant ferma l'ère des guerres civiles. Les citadelles et les places
de sûreté furent démoUes, et le culte catholique introduit même
dans les localités protestantes; ceux qui se soumirent, furent
traités avec douceur et ménagement ; on alla jusqu'à rendre
aux chefs leurs dignités et leurs biens. L edit de grâce de
Mmes (1629) maintint l'édit de Nantes. Richelieu, on .trénéral,
traita les protestants vaincus d'une façon incomparablement
488 HISTOIRE DE L EGLISE.
plus généreuse qu'Elisabeth et ses successeurs ne traitèrent les
catholiques irlandais.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 193.
Le Vassor, Hist. de Louis XIll, Amst., 1737, 18 vol. in-12; Aubery,
Hist. du card. duc de Richelieu, Paris, 1630, 2 vol.; d'Avrigny,
Mémoires chronol. et dogin., Nismes, 1781, I, 173 et seq.; Ménard, V,
440 et seq.; F.-E. de Mézeray, Hist. de la mère et du fils, c'est-à-dire,
de Marie de Médicis, femme du Grand Henry et mère de Louis XIII,
Amst., 1730, 2 vol.; Aumel, Lettres, Instructions, Dipl. et Papiers
d'État du card. de Richelieu, Paris, 1833 et seq.; Malingre, Hist. des
derniers troubles arrivif'S eu France, p. 789; Picot, p. 426 et seq.,
522 et seq.; Topin, Louis Xlli et Richelieu (Correspondant, 1873),
Paris, 1876; Kerviler, la Presse politique sous Richelieu (Correspon-
dant, 10 mars 1876); Fr. Raumer, Gesch. Europa's seit dem Ende des
XV Jahrb., IV, p. 43 et suiv.; Ranke, Rœmische Psepste, II, p. 473 et
suiv., 310 et suiv., 323 et suiv.
I^e pro((\<»lanti.<«iue dans les Pays-Oa$i.
Domination de Charles-Quint dans les Pays-Bas. — Mécon-
tentement sous Philippe II.
196. Les Pays-lUis, par l'étendue de leur commerce, par leurs
richesses, par les idées libérales qui y dominaient et par l'in-
fluence des bumaiiistes. offraient un terrain propice aux protes-
tants. Charles-Qniut y fit publier l'édit de Worms, nomma deux
inquisiteurs (4522), et fit agir les autorités contre les partisans
de Luther, dont les ang-ustins d'Anvers faisaient partie. Henri
Voes et Jean Esch furent brûlés comme hérétiques (1523). On
vit bientôt paraître aussi dans les provinces du Nord des ana-
baptistes, qui se propagèrent très rapidement. De là vient que
les lois impériales redoublaient de sévérité d'année en année.
iMarguerito de Parme, sœur de Charles, essaya, en sa qualité
de gouvernante, de tempérer une foule de mesures.
Une traduction hollandaise de la Bible selon les principes de
Luther, par Jacques Liesveld, parut en 1525 et se répandit en
secret. Cependant, tant (jue régna Charles-Quint, les novateurs
n'arrivèrent jamais à former des communautés réelles, et ils ne
trouvèrent que peu d'écho auprès des autorités des villes.
Lorsque l'empereur confia à son fils Philippe II (1555) les dix-
LE PROTESTANTISME. 480
sept provinces des Pays-Bas, la tranquillité régnait encore au
dehors. Mais plusieurs ambitieux, ainsi que la petite noblesse,
obérée de dettes, ne tardèrent pas à se servir de la nouvelle
doctrine pour soulever la multitude contre le roi : ils représen-
tèrent ses ordonnances comme funestes aux libertés de la
nation, se plaignirent des fonctionnaires et des troupes espa-
gnoles (jui occupaient le pays, du ministre le cardinal Gran-
velle, (le l'intolérance religieuse du gouvernement. A dater de
45o9, le roi, moins aimé que son père, ne parut plus dans le
pays.
Philippe II n'était rien moins qu'un tyran maladroit. Il cédait
volontiers en matière politique; mais il tenait rigoureusement
à tout ce qui pouvait servir à la conservation de la foi catho-
lique, notamment à la procédure contre les hérétiques et aux
droits de l'épiscopat. Comme il n'y avait dans les dix-sept pro-
vinces que quatre évêchés, placés sous des métropoles étran-
gères (Cologne, Trêves et Reims), il obtint de Paul IV en 1559
l'érection de trois archevêchés (Malines, Cambrai et Utrecht) et
de quatorze évêchés nouveaux. Les dotations furent fournies
par des abbayes et des prieurés, par des particuliers et par le
roi. La tâche principale des évêques devait être de réformer la
discipline.
Les nobles et le clergé se plaignirent de la violation de leurs
droits : ces plaintes, dans la bouche de plusieurs, ne servaient
qu'à déguiser leur apostasie. L'ambitieux Guillaume de Nassau-
Orange, gouverneur de Hollande et d'autres provinces, aspirait
depuis longtemps à devenir gouverneur général et ne rêvait
que conspirations; il sut entretenir l'aigreur croissante de la
multitude. Après la mort d'Anne d'ßgmont (1561), il épousa en
secondes noces la fille de Maurice, prince électeur de Saxe, afin
d'avoir plus d'influence sur l'Allemagne et d'y trouver de
l'appui. Il trompa ouvertement le roi lorsqu'il lui promit que
sa femme vivrait en catholique ; lui-même était sans foi et sans
religion, habitué à dissimuler ses sentiments et à soulever le
peuple. Il en était de même de Lamoral comte d'Egmont et du
comte de Horn, dont les desseins ambitieux étaient un péril
pour le roi. Ils essayèrent d'abord de renverser le ministre car-
dinal Granvelle, qui devint archevêque de Malines.
490 HISTOIRE DE l'ÉGLKE.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 196.
F. Stradœ, S. J., Hist. belgicœ duse décades, 2 tomi, Rom., 1640-1647
et souvent (ouvrage classique); Hist. délia guerra di Fiandra descritta
dal Card. Bentivoglio (jusqu'en 1609), Colon., 1623, in-4°; Henne,
Hist. du règne de Chades-Quint en Belgique, Bruxell,, 1858 et seq.;
Th. Juste, Hist. de la révolution des Pays-Bas sous Pliil. H, Brux. et
Leips., p. 1, 1855, 2 vol.; p. II, 1863; les Pays-Bas au XVI'^ siècle, Vie de
Marnix de Sainte-Aldegonde (1538-1598), Brux. et Paris, 1858; Gachard,
Correspond, de Piiil. II sur les allaires des Pays-Bas, Brux., 1848, vol.
I; 1854, vol. II; 1859, vol. HI; Holzwarth, der Abfall der Niederlande,
i vol. (1539-1566), Schaffhouse, 1865. — Ponti Heuteri, Reruni belgi-
carum libri XV, Amst., 1590; Gerh. Brandt, Historie der Reformation
en andere kerkelyke Geschiedenissen in en Omtrent de Nederlanden,
Amst. et Rot., 1671, 1704, t. IV. Extrait : Hist. abrégée de la reform,
des Pays-Bas, trad. du hollandais, Amst., 1730, t. III; Meteren,
Niederleend. Historien v. Anf. des Krieges an bis z. J. 1611, éditée en
hollandais, puis en allemand, Arnheim, 1612 et suiv. Continuation :
Meteranus novus, Amst., 1640; Hoofts, Nederland. Historien (1555-
1587), Amst., 1703, in-f«; Gerdes., Hist. reform., t. III, p. 1 et seq.;
Wagenaar, Allg. Gesch. der verein. Niederlande, Leipzig, 1758, t. III;
Van der Vynkt, Hist. des troubles des Pays-Bas sous Phil. Il, éd. par
J. Tarte, Brux., 1822, 2 vol.; H. Leo, Zwœlf Bücher iiiederleend.
Gesch., Halle, 1835, 2 part., et Lehrb. der Univ.-Gesch., III, p. 320 et
suiv.; Prescott, Gesch. d. Reg. Philipps II , trad. de l'anglais par
Scherer, Leipzig, 1857; J.-L. Motley, der Abfall der Niederl., Dresde,
1857 et suiv., 3 vol. (peu solide); M. Koch, Ueber die Empœrung und
den Abfall der Niederlande von Spanien, Leipzig, 1860; Nugens, Gesch.
des niederl. Aufruhrs, 1865-1870, 4 vol. Autres ouvrages dans Sybels
hist. Ztschr., 1859, t. II, p. 180-192.
Sur le n" 196 en particulier : Gachard, Analectes belg., Brux., 1830,
vol. I; Carl V à .Marie de Hongrie, 1531. Sur l'attitude de Philippe :
Raïike, Rœm. Pœpste, H, p. 54; Holzwarth, op. cit., I, p. 18 et suiv.,
27 et suiv.; Hist. -pol. Bl., 1840, t. VI, p. 193 et suiv., 269 et suiv.
Const. de Paul IV Super universas orbis Ecclesias, 14 mai 1559 : Bull.
Rom., VI, 559 et seq.; Rayn., an. 1559, n. 34, 35. Précédemment il
n'y avait que les évêchés d'Utrecht, Arras, Cambrai et Tournay. II
avait déjà été question sous Charles-Quint d'augmenter le nombre des
diocèses : Holzwarth, I, p. 68 et suiv., 417, n. 1-4. — Papiers d'État du
card. de Granvelle, Paris, 1841 et seq., 3 t. 10-4°; Holzwarth, I, p. 34-37;
Grocn van Prinsterer, Archives ou Correspond, inéd. de la maison
d'Orange-Nassau, I" série, 1835; Gâchait, Correspondance de Guil-
laume le Taciturne, Bruxelles, 1850.
LE PROTESTANTISME. 491
Les gueux.
197. Les mécontents virent dans l'augmentation des évêchés
une mesure offensante pour les États, attentatoire aux fran-
chises du pays et aux droits des anciennes fondations, et servant
de prélude à l'établissement de l'Inquisition espagnole : ils sou-
levèrent contre elle un grand nombre de villes , comme
Anvers, et essayèrent par mille moyens de s'y opposer. Phi-
lippe II s'était borné à maintenir les lois religieuses et l'Inqui-
sition établie par Charles-Quint; il ne les avait pas changées, et
cependant elles soulevèrent de vives réclamations. Depuis 1563,
Marguerite de Parme se tourna également contre le cardinal ; et
quand celui-ci dut résigner sa charge en 1564, elle tomba de
plus en plus dans les filets des conspirateurs, dont les relations
avec l'étranger, surtout avec le frère de Guillaume d'Orange,
Louis de Nassau, qui avait embrassé le calvinisme à Genève,
étaient notoires. En mars 1566, plusieurs gentilshommes for"
nièrent une alliance appelée compromis, soi-disant pour dé-
fendre les droits du pays, mais au fond dans des vues complé-
ment révolutionnaires. Ils gagnèrent de nouveaux adhérents
et marchèrent par troupes nombreuses contre Bruxelles, pour
leur requête à la gouvernante. Le comte de Berlaimont les
ayant appelés un ramassis de mendiants, de gueux, ils adoptè-
rent ce nom de « gueux ».
Bientôt on vit affluer une multitude de prédicants calvi-
nistes, et, en 1566 déjà, les égUses et les images étaient dé-
truites avec une véritable frénésie. Les attentats inouïs qui se
commirent alors, ouvrirent les yeux à plusieurs catholiques qui
s'étaient jetés dans le mouvement. La gouvernante, jusque-là
timide et irrésolue, reprit le dessus et défit les insurgés. Le
culte catholique fut restauré, et l'on obligea les fonctionnaires
et les vassaux à s'engager par serment à le maintenir. Guil-
laume d'Orange s'enfuit en Allemagne ; le comte d'Egmont alla
auprès du roi d'Espagne. En 1567, le calme semblait rétabli.
L'apparition personnelle du roi, une attitude à la fois ferme et
modérée de la part du gouvernement auraient, dans l'état de
faiblesse où se trouvait encore l'hérésie, prévenu bien des cala-
mités.
492 HISTOIRE DE L EGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 197.
Holzwarth, F, p. 78 et suiv., 344 et suiv.; t. II, pe ggot. (1566-1572),
ScbaÖh.,1871, p. 1 et suiv.
Le duc d'Albe. — Révolte contre l'Espagne.
198. Mais Philippe II, nature inflexible, envoya d'Italie dans
les Pays-Bas le duc d'Albe. avec une armée de 10,000 hommes,
formée de ses meilleures troupes, tant pour punir les attentats
perpétrés que pour en empêcher le retour, fermement résola
ou à maintenir la religion catholique dans ces provinces, ou à
perdre celles-ci s'il le fallait. Le duc, qui cachait une âme de
fer sous l'enveloppe d'un soldat, procéda rigoureusement selon
le droit de la guerre, et fit incarcérer les comtes d'Egmont et de
Horn, comme complices des troubles précédents. Marguerite de
Parme, se sentant blessée, demanda et obtint son congé, et
Albe devint gouverneur général. Il régna par les arrestations
et les supplices ; Egmont et Horn montèrent sur l'échafaud le
0 juin J568, et d'autres les suivirent. Les maisons des con-
damnés furent démolies, leurs biens confisqués. Le pays était
entièrement sous le régime militaire.
La sévérité du duc, même dans la perception de nouveaux
impôts, accrut la haine des Néerlandais. Guillaume et Louis
d'Orange fireut d'Allemagne et de France des invasions en
Hollande, tandis que d'autres (les gueux do mer) parcouraient
la mer en pirates, et, en 1572, s'emparaient de la ville de Brielle,
avec le secours de l'Angleterre. Plusieurs villes du Nord embras-
sèrent leur cause et recdiinurent pour chef Guillaume d'Orange,
qui portait le titre de gouverneur royal. La liberté de religion
fut, il est vrai, accordée à tous les partis; mais les prêtres
calboliques et les moines furent affreusement maltraités et mis
à mort. Tel fut, notamment, le sort que les soldats de Guillaume
firent subir à Gorkum dans l'été do 1572 à dix-neuf ecclésias-
tiques. Bientôt les provinces du Sud s'unirent à la Hollande et à
la Zélande pour repousser les garnisons espagnoles et suppri-
mer les édits de religion. La révolte gagnait du terrain. Leduc
d'Albe battit rennemi chaque fois qu'il le rencontra en pleine
campagne ; mais il trouva la plus sérieuse résistance dans les
villes de Zélande et de Hollande, où le protestantisme comptait
LE PROTESTANTISME. 493
le plus d'adhérents. Cepoiidaut Harlem fut obligé do se
rendre. Uuo députatioa partit pour l'Espague et fut bien
accueillie du roi, qui résolut de remplacer le trop sévère Albe
par un gouverneur moins rigide.
OUVRAGES k CONSULTER SUR LE N° d98.
Cavalli, Dispaccio di Spagna, 7 août 1567; Ranke, Rœm. Paepste, IF,
p. 57 et suiv., 69 et suiv,; Leo, Univ. -Gesch., III, p. 374 et suiv.; Nie-
derlsendische Gesch., II, p. 510 et suiv.; Th. Juste, le Comte dEgmont
et le Comte de Bornes, Brux., 1862. Martyrs de 1572, canonisés
en 1867 : Theatrumcrudelitatumhcereticorum nostri temporis, Antw.,
1588, p. 58 ; Histoire des martyrs de Gorkum (par Wilh, Estius), en al-
lem., Warendorf, 1867.
Guillaume d'Orange. — Pacification de Gand. — Séparation
de la Belgique et de la Hollande.
199. Le successeur d'Albe, Louis Requesens (1572-1576),
était moins belliqueux et plus modéré. Il aurait peut-être réta-
bli la tranquillité, si Guillaume d'Orange, qui aspirait lui-même
à gouverner, n'eût empêché toute réconciliation avec le roi,
qu'il injuriait de la façon la plus indigne. Il travaillait de plus
en plus à assurer la prépondérance du calvinisme en Hollande.
Après la mort de Requesens, le conseil d'État prit les rênes du
gouvernement ; mais il manquait de force et d'unité. Les sol-
dats espagnols, mal payés, se révoltèrent et saccagèrent Anvers.
Alors les provinces du Sud et du Nord se promirent assistance
mutuelle par la pacification de Gand, et prirent elles-mêmes le
gouvernement en main. Le nouveau gouverneur envoyé par
le roi, don Juan d'Autriche, fils naturel de Charles-Quint, ne
fut reconnu qu'après avoir accepté la pacification de Gand et
congédié les troupes espagnoles. De son côté, Guillaume
d'Orange menaçait le Midi ; mais les provinces wallones et la
noblesse catholique s'opposèrent à l'invasion du protestantisme,
et servirent d'appui à don Juan, Si encUn qu'il fût à la modé-
ration, ainsi qu'il le montra dans son « édit perpétuel » du
17 février 1577, don Juan ne fut pas moins obligé de lutter
incessamment contre la révolte. Il conserva Luxembourg, occupa
Namur, soumit quelques localités, soit par les armes, soit par
des traités.
L'évêque d'Arras, M. Moulart, essaya de réconcilier déûniti-
494 HiSTOiMi; DE l'église.
vement les rebelles avec le roi. Le successeur de don Juan
(mort en 1578), Alexandre Farnèse, duc de Parme, poursuivit
avec succès la guerre contre les provinces du Nord et les négo-
ciations avec les provinces du Sud; il ramena celles-ci (la Bel-
gique) sous l'obéissance du roi, moyennant des restrictions, que
ce prince fut obligé d'accepter. Il obtint que de nouvelles troupes
espagnoles reviendraient dans le pays, et acquit les villes de
Dunkerque, Bruges, Ypres et Gand, Bruxelles, Malines et
Anvers. La Belgique redevint de plus en plus un pays franche-
ment catholique.
OUVRAGES A CONSULTER 3UR LE N° 199.
Holzwarth, t. 11, sect. 11(1572-1584); Gachard, Corresp. de Phil. II
sur les affaires des Pays-Bas, t. IV, Brux., 1861, et Actes des états
généraux des Pays-Bas, 1576-1383, t. I, Brux., h. a.; Blaes, Mémoires
anon. sur les troubles des P.-B., et Mém. de Pontus Payen, t. II;
Nuijens, la Pacification de Gand, 1576 (Revue générale, juillet et août
1876); Jacobs, les Catholiques belges sous D. Juan d'Autriche (ibid.,
mars 1877); Blaes, Mém. sur Em. de Lalaing, baron de Montigny,
Brux., 1862; Ranke, II, p. 71-7.3, 8,3, 98-110.
La république hollandaise.
200. La Hollande (le Nord), différait de la Belgique aussi bien
sous le rapport politique que sous le rapport religieux. Guil-
laume continuait de régner en Hollande, bien que l'archiduc
Mathias, puis François, duc d'Anjou, eussent été proclamés
gouverneurs par les partis de la noblesse. La réunion de la
Hollande, de la Zélande, de la Frise, de Gueldre et de Zutphen,
en 4.579, posa les bases de la république hollandaise. A ces
cinq provinces se joignirent, en 1580, Over-Yssel, et, en 1594,
Groningue. Le tout reçut le nom de Hollande.
Le 20 décembre 1581, contrairement à ses anciennes pro-
messes, Guillaume interdisait l'exercice public du culte catho-
lique, et, en 1580, mourait le premier et dernier archevêque
d'Utrecht, Frédéric Schenk de Trautenberg. Deux successeurs
nommés par l'Espagne n'occupèrent pas leur siège.
En 1583, Grégoire XllI nomma un vicaire apostolique pour
la mission hollandaise, dont la haute inspection fut confiée au
nonce de Bruxelles en 1597. Le vicaire Su.sboldd Wosracr fut
LE PROTESTANTISME. 495
exilé, et mourut à Cologne en 1614. Guillaume d'Orange, tué
d'un coup de feu par le Bourguignon Balthasar Gérard, eut
pour successeur son fils Maurice. La guerre continua jusqu'à
l'armistice de 1C09, qui fut conclu pour douze années. Ce terme
écoulé (1621), elle éclata de nouveau; mais Maurice d'Orange,
malade depuis 1622, la conduisit avec moins de vigueur. 11
mourut le 23 avril 1625, et fut remplacé par son frère Frédéric-
Henri.
En 1625, Richelieu s'étant servi de la flotte des Pays-Bas
contre les huguenots, le synode d'Over-Yssel obtint, en 1626,
le rappel des vaisseaux. Il y eut encore des combats entre la
Hollande et l'Espagne, jusqu'à ce que celle-ci eût reconnu, par
le traité de Munster (30 janvier 1648), l'indépendance des pro-
vinces du Nord. Le fanatisme et l'intolérance des protestants de
Hollande firent peser sur les catholiques du pays (les deux cin-
quièmes) un joug insupportable. Le calvinisme, qui avait déjà
laissé son empreinte dans la confession belge de 1562, reçut des
synodes de Dordrecht, en 1574 et 1618, une forme plus arrêtée,
et fut, à dater de 1575, expressément soutenu par la nouvelle
université de Leyde.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 200.
Guillaume d'Orange manque de parole aux catholiques : Stoupe,
la Religion des Hollandais, 1672, p. 12; A. Arnauld, Œuvres, XIV,
509; Dœllinger, Kirche u. Kirchen, p. 64, n. 1. Situation des catho-
liques : Bentivoglio, Relat., p. 163 et seq.; Q. Mejer, Propaganda, II,
p. 81 et suiv. Le second vicaire apostolique, Philippe Roven dArden-
sal, archevêque de Philippi depuis 1629, mourut également en exil
(1" oct. 1651). — Confessio belgica, 1562. Augusti, Corp. libr. syrabol.
Eccl. réf., p. 170 et seq.; Synod. Dordracena, ci-dessous, § 226; Wage-
mann, die Stiftung der Umversitaet Leyden (Jahrbücher für deutsche
TheoL, 1875, 1); Schotel, de Académie te Leiden in de 16, 17, en 18,
eeuw., Haarlem, 1875.
Prog-rè»> du protestanüsuie en Espag'ne et en Italie.
Les protestants d'Espagne.
201. Quelques partisans de Luther et de Calvin se mon-
trèrent dans la péninsule pyrénéenne et dans la péninsule
apenniue, mais leurs idées trouvèrent généralement peu de
496 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
crédit. En revanche, le mépris do l'autorité ecclésiastique, la
liberté chrétienne hautement proclamée, la fermentation géné-
rale des esprits, conduisirent à de nombreux égarements, dont
quelques-uns, plus graves encore que ceux du protestantisme,
aboutirent jusqu'à l'athéisme absolu. Les ouvrages de Luther
et des autres réformateurs étaient sans doute interdits, mais
on hsait avec d'autant plus d'avidité les divers écrits des huma-
nistes, dangereux pour la foi, principalement ceux d'Érasme.
C'était Érasme qu'invoquaient en Espagne ceux qui ne vou-
laient point nommer Luther, et ils le faisaient avec d'autant
plus de hardiesse que Rome, pour prévenir de plus grands
excès, s'était abstenue de le condamner. L'université de Paris
fut la première qui le proscrivit.
François Enzinas (Dryander) composa uue traduction protes-
tante de la Bible à Tusage des Espagnols. Emprisonné pendant
quelque temps à Bruxelles, il recouvra la liberté en 1548, et se
rendit à Bàle, d'où il fut bientôt contraint de sortir pour avoir
blâmé l'ignorance qui régnait dans cette ville. Un autre Espa-
gnol, Jean Diaz, fut l'auditeur de Calvin à Genève, et résida à
Strasbourg. René-Gonzalve Montan, ancien dominicain, puis
calviniste, vivait également à l'étranger, de même que Michel
Servet, qui rejetait expressément le dogme do la Trinité.
Vers 1558-1560, l'Espagne elle-même parut sérieusement
menacée par l'hérésie, et Paul IV se donna toutes les peines du
monde pour la combattre. Cependant lactivité prodigieuse
déployée par d'illustres théologiens de ce pays et par l'Inquisi-
tion empêcha les succès du protestantisme. Les plus hauts digni-
taires de l'Église étaient eux-mêmes justiciables de ce dernier
tribunal : ainsi Barthélémy Carranza, archevêque de Tolède, de
l'ordre des dominicains, fut soumis à une enquête d'abord en
Espagne, de 1559 à 1567, puis à Kome, de 1567 à 1576 ; mais
on ne put le convaincre d'aucune hérésie.
OUVRAGES A CONSULTEn ET HEMAllyCES CRITIQUES SUR LE N° 201.
Lecture d'Érasme en Espagne : Aleander à Sanga, 30 déc. 153! ;
Lspmmer, Mon. Vat., p. 94, n. 69. Commerce épistolaire d'Érasme
avec l'EspagriH : lleifferich, dans Niedners Ztschr. für hist. Theol.,
1859; Gonsalvo de Illescas, Historia Pontifical y catolica, Madrid,
1552; Schrœckh, K. seit der Ref., Il, p. 792 et suiv.; Th. M'Crie, Gesch.
LE PROIKSIANTISME. 197
der Ausbreitung und Cnterdnickiirig d. lU-f. in Spanien, trad. de
l'anglais par Plieninger, Sliiltg., 183^; Fraucisca llernandez u. Fray
Fr. Ortiz. Anfsengc ref. Bewegungen in Spanien unter Carl V, par E.
Bœhmer, Leipzig, 1865 ; Ad. de Castro, Hist. de los protestantes espa-
fioles y de su persecucion por Felipe II, Cadiz, 1851 (en allem, par
Herz, Frankf. , 186ß), œuvre très peu scientifique. Voy. Sybels hist.
Ztschr., XV, p. 451 ; Bœhmer, Hibliotheca Wiffeniana, ou Spanish Re-
formers, Strasb., 1874. Sur Franc. Enzinas (ou Duchesne), voy. Ochs,
Gesch. der Stadt und Laudsch., Bâle, VI, p. 203 ; Dœllinger, Réf., I,
p. 563; Canipanus, dans l'éd. de ses Mémoires, Bruxell., 1862 et seq.
(écrits après son évasion de la prison, 1545). Sur Servede (ou Servet),
né en 1499 à Villeneuve, en Aragon, juriste, philosophe, théologien et
médecin (depuis 1536), voy. ci-dessus, § M 6. Sur les dangers qui mena-
çaient le catholicisme en Espagne dans les premiers temps du règne
de Philippe, voy. Raynald., an. 1559, n. 15 et seq.; 1560, n. 22. Sur
Barthél. Carranza, auteur de la Summa Conciliorum, Rom., 1546, et
d'autres ouvrages, parmi lesquels ses Commentarios sobre el Catecismo
crestiano, que les censeurs de Trente épargnèrent en 1563, étaient le
principal objet de l'accusation élevée contre lui : v. Rayn., an. 1559,
n. 20; 1560, n. 22 et seq.; 1563, n. 137 et seq.; Pallav., Hist. Conc.
Trid., XXI, vu, 7; Llorente, Hist. critique de l'Inquisition d'Espagne,
t. III, p. 184-315.
Les protestants en Italie.
202. Eu Italie, Jean Valdez, .secrétaire du vice-roi do Naples,
se fit le propagateur des nouvelles doctrines. Le livre du Bien-
fait de Jésus-Christ, attribué à .\onio Paleario, émanait, dit-on,
de son disciple, un moine de San-Severino. Ce livre, revu par
Flaminio, réimprimé à diverses reprises et en différentes
langues, fut condamné à la fois par la Sorbonne et par l'in-
quisition. A Naples , plusieurs femmes, et pendant quelque
temps Victoria Colonna , ainsi que beaucoup de maîtres
d'école, embrassèrent ces doctrines. Les nouveautés trouvèrent
également de l'écho à Turin, où quelques augustins soutenaient
les propositions de Luther ; à Pavie, nù le libraire Calvi répan-
dait ses écrits ; à Venise, où l'on imprimait quelques traductions
de ses livres et les Loci de Mélanchthon ; à Ferrare, où la du-
chesse Renée (qui mourut en France en 1575) favorisait les sec-
taires ; à Florence, où Antoine Brncioli (expulsé en 1522, arrêté
en 1529 et chassé une seconde fois) travaillait à une traduction
de la Bible, sans parler d'autres villes. Mais si le protestantisme
v. — HIST. DE L'ÉliUSE. 32
498 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
njmptait des partisans en Italie, il en était très peu qui accep-
tassent toutes les propositions du réformateur.
Flaminio développait des idées protestantes, mais il recon-
naissait l'autorité du pape; Jean-B. Folengo mourut dans l'or-
dre des bénédictins ; Antoine dei Pagliarici,de Sienne (mort en
1568), Carneschi de Florence, J.-B. Rotto de Bologne, Isidore
Clario, Antoine de Voiterra, n'adhéraient que partiellement à la
réforme. Ceux qui se rattachaient à la nouvelle doctrine, froi-
dement accueillie, furent obligés de quitter l'Italie : ainsi l'an-
cien nonce, Pierre-Paul Vergerius, suspect d'hérésie depuis
1541 ; il se réfugia en Suisse en 1549, dans le Wurtemberg en
1553 (et mourut à Tubingue en 1565) ; Bernardin Ochino, fran-
ciscain, puis capucin, qui se maria à Genève et devint profes-
seur à Oxford ; Pierre- Martyr Vermigli, qui s'enfuit k Zurich,
puis à Oxford et à Strasbourg, et résida de nouveau à Zurich
en 1556 ; Philippe Valentino, qui se rendit à Trente ; Castelvetri,
en Allemagne; Cello Secundo Curione, en Suisse.
Les académies de Naples et de Modène, imbues de l'esprit
protestant, ne tardèrent pas à se dissoudre. Beaucoup d'Italiens
protestants tombèrent dans l'athéisme, notamment Jules-César
Vanini, qui fut brûlé à Toulouse en 1629 comme ennemi de
Dieu et de toute religion ; Côme Kuggerio, de Florence, qui
mourut à Paris en 1615. Ce qu'on enseignait de Dieu et du
diable était, selon lui, de pures inventions, etc.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 202.
Beccadelli, Moiium. di varia letterat., Bologna, 1797, t. I, et Vita
del card. Conlareni, Brescia, 1746; Albèri, Relazioni Venete, t. II;
Gardes., Spécimen Italiai reform., Lugd. Bat., 1765, in-4<'; Schrœckh,
K.-G. seit der Ref., il, p. 769 et suiv.; Tti. M'Crie, Gesch. des Fort-
schritls und der Unterdrückung der Ref. in Italien., trad. par PVied-
rich, Leipzig, 1829; Ranke, Rœm. I'ajpste, I, p. 137 et suiv., 208 et
suiv.; Stern, Alfonso e Juan Valdez, Fragments d'hist. de la reform,
en Espagne et en Italie, thèse présentée à la Faculté de théol. prot.
de Strasbourg, Slrasb., 1869; A. Theiner, dell' Introduzione del pro-
tcslantesimo in Italia teiitata, Konia e iNapoli, 1830; G. Cantù, gli
Eretici d' Raiia, 3 vol., Toriiio, 1865-66, et il Cardinal Morone (Memo-
rio del R. Lstituto l.onibaido, ser. 111, X'' vol.). Sur l'ouvrage suivant,
attribué par Schclhorn, Gerdes, etc., à M. Paleario : del Beneficio di
Gl islo, Vf)'. Young, the Life and Times of Aonio Paleario, or a History
LE l'HOTKSTANTISME. i99
oflhe Ital. l\(>formprs, t.ond., ISfiO; Bonnet, Aonio Palt-ario, Paris,
1863, en allem., Hamb., 1863; Benrath , ueber den Verfasser der
Schrift V. d. W. Chr. (Zlschr. f. K.-G., 1. I, livrais. 4). La Iraduclion
française (du Bénétice de J.-C. crucifié envers les chréliens, Lyon,
1545), en fut interdite le 1" mars 1546 à Paris : du Plessis d'Argentré,
t. I, app., p. XVII, c. i; t. Il, p. I, p. 141. Édition allemande : " von
der Wohlthat Christi », Leipzig, 1805. Sur Vergerins, voy. Pallav., VI,
xtn, 3; Lap.mmer, Mon. Vat., p. 310 et sniv., 345, 357 et suiv.; Sixt
Paul Vergerius, Braunschw., 1835. Sur B. Ochino Boverio, Annali de
frati minori Capuc, I, 375; Gratiani, Vita di Commendone, éd. en
franc., p. 143 ; Rayn., an. 1564, n. 48; Schrœckh, il, p. 608 et suiv.,
780 et suiv.; Benrath, Bern. Ochino v. Siena, Leipzig, 1875. Snr Pierre-
Martyr Vermigli, Schrœckh, 11, p. 268 et suiv.; C. Schmidt, Petrus
Mart. Verm., Elberf., 1858. On a de Vanini ; Amphitheatrum Provi-
dentias et Dialogi de natura (les théologiens de Paris s'élevèrent
contre ce dernier, l«' oct. 1616 : du Plessis d'Arg., H, ii, p. 99). -
De Dozninis. — Paul Sarpi.
203. On connaît davantage Marc-Antoine de Dominis, né en
1566, évêque de Segri et archevêque de Spalatro eu Dalmatie
<lc[juis 1602 ; Paul Sarpi, servite vénitien, qui entretenait avec
lui une correspondance active. Le premier, accusé de nouveau-
tés antireligieuses, se rendit à Londres, fit une profession de
foi anglicane, et obtint par ses écrits un grand renom parmi
les protestants, surtout partout par son livre de la République
ecclésiastique, où il combattait les dogmes catholiques, particu-
lièrement la primauté du pape, le .sacrifice de la messe, le pur-
gatoire, la confession et les sacrements ; il professait l'égalité de
tous les apôtres et évéques, soutenait diverses propositions de
Hus, et exploitait la Bible et l'histoire de TÉglise en faveur
des doctrines protestantes. Cet ouvrage, qui avait des appa-
rences d'érudition, fut censuré en détail par Tuniversité de
Paris en 1617, par celle de Cologne eu 1618.
Nier la constitution monarchique de l'Église et sa juridiction
extérieure, combattre les vues du moyeu âge sur les relations
mutuelles des deux puis.sances , prétendre que la véritable
Eglise s'était complètement obscurcie, rejeter les conciles œcu-
méniques tenus en Occident; affirmer qu'il appartient aux laï-
ques aussi bien qu'aux prélats de prononcer sur les questions
de foi, qu'une décision dogmatique doit s'appuyer sur le con-
500 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
sentement de tons les membres de l'Église : tout cela souriait h
un assez grand nombre d'hommes d'Etat et de théologiens
français; aussi consultaient-ils assidûment l'ouvrage de Dominis.
Le fameux apostat regretta phis tard de l'avoir écrit, et se rendit
à Rome, en 162-2, pour y faire pénitence. 11 n'était ni luthérien
ni calviniste, encore moins catholique : bouffi d'orgueil et d'am-
bition, son dessein était d'introduire un nouveau système de doc-
trine. Peu de temps après, il fut soumis à une nouvelle
enquête pour des propositions hérétiques, et mourut à Rome
sur ces entrefaites (1624).
Son ami Paul Sarpi, de l'ordre des servîtes, usa de plus de
précautions pour introduire le protestantisme en Italie, et, s'il ne
l'embrassa pas lui-même, ce fnt pour mieux combattre le pape.
Des Bibles protestantes forent, par ses soins, répandues dans
Venise à profusion. La meilleure traduction de l'Écriture sainte,
sous le rapport de la langue, fut donnée, en 1601, par son ami
Jean Diodati de Lucques, prédicant et professeur k Genève,
mort en 1649.
OUVRAGES A CONSULTER Sl'U LE N» 203.
Supplem. ad Natal. Alex. Flist. Eccl., t. II, diss. v, § 21, p. 542 et
se«{.; Fleury, Cont., liv. CXC, n. 144 et suiv.; liv. CXCI , n. 6;
Schrœckh, III, p. 443 et suiv. Censure du livre de Republica christ,
libri IV, Lond., 1617, par la faculté de Paris (du Plessis d'Arg., I, ii,
p. 103-109); par celle de Cologne (ib., III, n, p. 191-230). Voy. aussi
Catholica>, hiérarchise assertio , in qua B. Pétri et Rom. Sedis pri-
matus defenditur , auclore D. Leonardo Mario , in Colon. Acad.
theol. piof., Colon., 1618; Coelfeleau, Pro sacra monarchia Eccl. cath.
libri IV. (liibl. Pontif., cd. Roccaberti, t. XVII, p. II); Hist.-pol. Bl.,
t. X.\1V, p. 537-Ö54; Bauer, dans les Laacher Stimnien, 1873, I,
p. 26-32. — Opère del P. Paolo dell' 0. de' Servi, Mirandola, 1677;
Helnist., 1763, avec biographie par le P.FuIgenzio. Vie abrégée de Fra
Paolo, par Courraycr, av;int l'Hist. du Conc. de Trente, t. I. Biographie
de Franc. Grisalini, en allem., Ulm, 1761; Le Bret, Staatsgesch, von
Ventîdig, part. Il, p. 114 cl suiv.; du même, Magazin, Ulm, 1771, I,
p. 426 et suiv.; II, p. 235 et suiv., etc.; MiUinelli, Storia arcana III
Fia Paolo Sarpi, Lottere ed. Polidori, Fir., 1863, surtout Civiltà catto-
Iic;i, qu. 315, an. 1867, Sept., p. 53 et seq.; Ranke, Pœpste, II, p. 334-
337, III, p. 363, 307. - Schrœckh, V, p. 113; Civiltà cattolica, 1853,
ser. H, vol. IV, p. 554.
LIi PROTKSTAN.TISME. 501
Unitaires et sfociniens.
204. Ea Italie, la vogue était surtout aux doctrines rationa-
listes et antitrinitairos. Le trithéisme, puis l'arianisme, avaient
pour représentants (jentilis de Calabre, ainsi que d'autres, qui
se réfugièrent en Pologne, y fondèrent des communes uni-
taires et des imprimeries. Eu Transylvanie, ils avaient pour
organe le médecin piémontais Blandrata. Ils traitaient l'adora-
tion du Christ d'idolâtrie, parce que Jésus-Christ était simple-
ment un homme que Dieu avait orné de ses dons les plus pré-
cieux. Lelio Socin, descendant d'une famille noble de Sienne,
né en 1525, était timide et soc. D'abord juriste, puis théologien,
il séjourna en Allemagne et en Suisse depuis 1547, entra en
relation avec Mélaiichthon et autres, résida à Wittenberg de
1548 à 1551, puis se rendit en Pologne et finalement en Suisse.
Plus d'une fois il éveilla dans Calvin et autres réformateurs des
soupçons d'hétérodoxie ; mais il dissimula ses vues jusqu'à sa
mort, survenue à Zurich en 1562. Le fils de son frère, Fauste
Socin, né à Sienne en 1539, hérita de ses écrits. Il s'appliqua à
développer les idées de son oncle, fut pendant douze ans au
service de lu cour de Florence, et en 1574 quitta pour jamais
l'Italie, où il ne se croyait pas en sûreté. Il étudia pendant trois
ans la théologie à Bàle, et alla ensuite en Transylvanie et en
Pologne. Là il voulut se faire recevoir (1579) parmi les uni-
taires, mais il rencontra des difticultés. En 1580, il fut rejeté
par le synode de Rakow, parce qu'il ne croyait pas le baptême
nécessaire et enseignait encore d'autres erreurs. Devenu éga-
lement suspect sous le rapport politique, il dut quitter Cracovie,
et trouva im asile chez des gentilshommes polonais. Il finit
cependant ])ar se créer de notnbreux partisans, gagna même
la majeure partie des unitaires, auxquels il donna un corps pré-
cis de doctrine. Il mourut en 1004, laissant de nombreux écrits,
principalement un catéchisme que d'autres corrigèrent et aug-
mentèrent dans la suite. Les sociniens, à qui il a donné son
nom, eurent de nombreux écrivains non dépourvus d'habileté.
Doctrine des sociniens.
205. Les sociniens maintenaient le principe fondameiital du
502 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
protestantisme sur l'autorité de la Bible ; mais les rationalistes
le modifièrent. L'homme, selon eux, arrive de lui-même à la
distinction du bien et du mal ; mais l'idée de Dieu et des ctioses
divines, il ne l'acquiert que par l'enseignement extérieur ; la
ressemblance de l'homme avec Dieu consiste dans la mission
qu'il a de régner sur les animaux. Les sociniens séparaient la
morale de la religion et relevaient bien au-dessus de celle-ci.
Ils voulaient, à la vérité, que l'homme se soumît à l'enseigne-
ment de l'Écriture, mais c'était la raison qui devait en fournir
l'intelligence; tout ce qui lui est contraire n'est point une
doctrine révélée, et la raison doit éliminer tuutce qui repose sur
une simple accommodation; aucune tradition, aucune autorité
extérieure ne doit le contredire.
L'inspiration, aux yeux des sociniens, consiste simplement
en ce que Dieu a fait en sorte que les livres saints ne fussent
écrits que par des hommes sages, honorables, bien instruits,
vertueux, quoique çà et là susceptibles de se tromper. Pour
mieux sauvegarder la liberté humaine, les sociniens limitaient
la proscience divine, et ils enseignaient (pie Dieu se laisse le
plus souvent déterminer par les actions de rhonime. Selon eux,
le père de Jésus-Christ est seul vraiment Dieu, l'unité de la
personne est inséparable de l'unité dénature; Jésus-Christ est
un homme conçu du Saint-Esprit, surnaturellement engendré
et investi d'une grandi; puissance ; il est fils de Dieu et il porto
lui-même le nom de Dieu, parce (ju'il tient du Dieu unique sa
sublime puissance et participe en quelque sorte de .sa divinité.
Avant de commencer son ministère, il fut admis dans le ciel
pour y recevoir les messages qu'il devait transmettre à l'hu-
manité. La rédemption accomplie, .son obéissance lui valut
d'être élevé aux honneurs divins. L'adoration lui est donc due
à ce titre; mais elle est moindre que celle (jui revient au Dieu
suprême, et elle doit se rapporter ä lui.
Le Saint-Esprit n'est qu'une vertu, une opération de Dieu ;
ce n'est pas une personne. Il n'y a pas proprement de péché
originel. Le pé<^hé d'Ailam n'a préjudicié (pi'à lui seul ; il n'y a
qu'une certaine dette, la mort surtout, qui ait été transmise à
ges descendants. En si»i, Adam a été créé mortel ; cependant il
ne serait pas mort, s'il avait continué d'obéir à Dieu. La
rédemption consiste dans une législation plus épurée et [)lus
I.V. l'ROIESTANIISME. 503
paifaite, dans la perspective d'une vie future, confirmée par la
résurrection de Jésus-Christ et promise dans la nouvelle alliance
aux pécheurs repentants et aux observateurs des prescriptions
morales.
La satisfaction et l'imputation des mérites de Jésus-Christ sont
rejetées par les sociniens comme funestes à la vie morale ; ils
ne reconnaissent que la rémission des péchés par Jéeus-Christ.
L'homme commence par ses seules forces naturelles les efforts
qu'il fait dans l'ordre moral. Tout homme, s'il n'est corrompu
par sou entourage, peut vivre sans péché, parce que l'Évangile
lui offre la récoui pense la plus attrayante en retour de ses
vertus.
La justification est une sentence par laquelle Dieu nous
absout dans sa miséricorde, quand nous croyons à Jésus-Christ
et observons ses commandements. Jésus-Christ continue dans
le ciel de s'intéresser à nous en détournant le courroux de
Dieu ; c'est là seulement qu'il exerce ses fonctions de grand pon-
tife. Toute grâce ici-bas n'est qu'une grâce externe, conçue à
la manière des pélagiens. Les sacrements sont des cérémonies pu-
rement extérieures; le baptême est un rite d'initiation à la société
chrétienne, il n'avait pour objet dans l'origine que de signifier
aux juifs et aux païens grossiers la purification intérieure. Si
on l'a maintenu, c'est parce qu'on a mal compris le précepte
de Jésus-Christ, qui en soi n'était que temporaire. Il n'est pas
absolument nécessaire aux enfants, mais sou usage n'est pas
condamnable. Sa véritable valeur réside dans la profession pu
bliquede la foi chrétienne. La cène, au contraire, a été instituée
pour toujours, mais elle ne sert qu'à annoncer la mort du Sau-
veur ; c'est une cérémonie commémorative de Jésus-Christ. Les
sociniens rejettent complètement la prédestination et les peines
de l'enfer ; ils prétendent que les damnés seront anéantis.
Comparaison des luthériens et des sociniens.
206. Le socinianisme et le luthéranisme sont deux extrêmes,
dont l'un s'est emparé de l'élément humain, l'autre de l'élément
divin, qui constituent l'unité du christianisme et que le catholi-
cisme groupe dans un tout harmonieux. Dans le luthéranisme,
l'élément humain en Jesus Christ est absorbe par l'élément
504 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
divin (ubiquité); dans le socinianisme, l'élément divin est
absorbé par l'élément humain. Pour Luther, Jésus-Christ n'est
qu'un réconciliateur; pour Socin, qu'un législateur et un type
de morale ; l'un exagère le péché originel, l'autre le supprime ;
selon le premier, l'homme est purement passif dans l'ouvrage
du salut ; selon le second, il est seul actif. Luther ne parle que
de la grâce, Socin que de la loi et des commandements ; Luther
affaiblit la raison, Socin lui érige un trône ; Luther prétend
que l'Écriture est accessible et suffisante à chacun ; Socin pré-
tend qu'elle est obscure. Tous deux ambitionnent de restaurer
le christianisme primitif, considèrent la Bible comme rniii(|ue
règle de la foi, ne voient le christianisme que sous un seul
aspect et par son côté pratique.
Le socinianisme ne s'est entièrement dépouillé^iue plus
tard de ses parties supernaturalistes, pour passer au rationa-
lisme; il a pris, sous les successeurs de Luther, une grande
extension. Le génie hérétique de l'Italien Socin a supplanté
dans sa patrie, après moins de trois siècles, « riionimedc
Dieu des Allemaiiils )) ; on était loin de pressentir ce résultat,
lorsijue Ernest Soner ut les siens répandaient les dogmes de
S(jcin à l'université d'Altdorf : c'est en 1 Gl 5 seulement ([u'ils
furent découverts et soumis à l'examen. A cette époque, de
pareilles doctrines inspiraient encore une horreur univer-
selle.
Réaction en Pologne contre les sociniens.
207. En Pologne même, une réaction éclata (1038) contre
les sociniens à l'occasion d'un altentat qu'ils avaient commis
contre tui crucifix. Leur école de Rakow fut supprimée; on leur
enleva leur imprimerie, on bannit leurs docteurs et l'on ferma
leurs églises. En 1058, la diète de Varsovie décréta leur expul-
sion et la j)eine de mort contre ceux qui enireraient dans la
secte. Leurs alliances politiques avec la Suède leuravaient attiré
la haine générale. Les sociniens étaient nombreux en Hol-
lande, en Angleterre, en Suisse, en Prusse, dans le Palatinat
rhénan; dans la Transylvanie, on en comptait 45,000. Leurs
communes rencontraient pres(jue partout une vive résistance.
En Hollande, on ne tolérait (|ue des sociniens isolés, et non des
communes entières.
LK l'UOrKSTA>TISME. 505
OrVHAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SLR LES N"^ 204 A 207.
Maiinbüurg, Hist. de l'arianisme, Paris, 1622; Lamy, Ilist. du soci-
niauisnic, Paris, 1723; Sara. Friedr. Lauterbach, Ariano-Socinianis-
nius ülini in Pulunia, ou Eheoi. poln.-arian. Socioiauisinus, Fraucf. et
Leipzig, 172Ö; Fr. S. Bock, liist. Antitiiuitariorum, maxime Socinian.,
Regiomout., 1774-1784, t. H; Trechsel, die Protest. Anlitriuitarier ver
Faustus Socinus, Heidelb., 1839, 1844, 2 voL; Fock, der Socinianismus,
Kiel, 1847; Wallace, Antitriuit. Biography, Lond., 18ö0. On a publié
de Lélius Socin : Dial. iuter Calvinum et Vaticannm, Mini Celsi
Senens. de hsereticis capitali supplicio non afficiendis, dissert, de
sacramentis ad Tigurioos et Genevenses; de Fauste : de S. Scripturœ
auctoritate, lecliones sacrœ, christ, religionis brevissima institutio,
praelectiones theol. de statu primi hominis disput., tract, de justiüca-
lione, de baplismo aquœ, disput. de Vita Fausti Sociui in Bibliotheca
fratrum Polonor., vol. I, Irenopoli (Amst.), 1656, 8 vol. in-f». Cf.
Schrœckh, V, p. 520 et suiv.; Catech. Racov., an. 1609, éd. Œder,
Fraucof., 1739. Autre Catéchisme par Osterod, prédicant socinien à
Buscow, près de Dantzig (mort en 1611). AiiCres auteurs sociniens : K.
Jonas Schlichting, prédicant à Rakow (Confessio tidei christ, édita
nomine Ecclesiarum Polon., s. 1., 1642, nov. 1651); Jean-Louis Wolzo-
gen. mort en 1661, Exégèse et Dogmatique; Jean Krell (de Vera Relig.,
Cracov., 1630, etc.); A. Wissowatzi, mort en 1678 (Religio naturalis,
168Ö, Amst., 1703); Valentin Schmalz, mort en 1622 (de Divin, chr.,
Racov., 1608); Daniel Brennius, mort en 1633 (0pp. theol., Amst.,
1666); Daniel Zwicken, mort eu 1678, comme l'autre, à Amsterdam
(Irenicuni Irenicoruni. 1658), eic. Voyez encore Schrœckh, V, p. 521
et suiv., 625 et suiv. (sui- Soneri; IX, p. 428 et suiv.
Jordan Bruno.
208. Uu aiitro liérétique italien fut .lordan Bruno, de Nola,
né en 1550. Sorti en 1580 de l'ordre des dominicains, il se ren-
dit à (iènes et à Genève, enseigna à Paris en 1582; il gagna
l'Angleterre, où il fut entretenu par Elisabeth, qu'il célébra
dans son Chant du cygne. Il alla plus tard en Allemagne et à
Venise. Emmené à Rome en 1598, il fut, sur la demande de l'Es-
pagne, brûlé comme hérétique en février 1600. 11 n'avait d'abord
coîubattu que quelfjucs dogmes catholiques et la philosophie
d'Arislote ; puis il s'était approprie les idées de Raymond Lulle,
avait bientôt dédaigné toute religion positive et ouvertemeT.t
enseigné le panthéisme. Malgré toute la richesse de ses facuMés
506 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSE.
et l'immensité de ses productions dans plusieurs domaines de
la science, il ne fut pas moins un ennemi de Dieu, divisé avec
lui-même, inquiet, insolent; avant d'expirer, il repoussa
encore le crucifix d'un air farouche. Ses écrits, imprimés en
difTérents pays, répandirent la haine de la religion, la frivolité,
les idées du panthéisme, et séduisirent une foule de savants.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 208.
Opère di Giordano Bruno, éd. Ad. Wagner, Lips., 1829, 2 vol.; Jord.
Bruni Nolani scripta, quœ latine confecit, omnia coll. A. Fr. Gfrœrcr,
Stullg., 1834, fasc. 1-5, surtout de Monade, Numero et Figm-a iib.,
Francof., i'6'Ji, 1614; Giord. Bruno, par M. Christian Bartholomès,
Paris, 1847 et suiv., 2 vol.; Clemens, Giord. Bruno, Bonn, 1847. Cf. Hist.-
pol. Bl., t. XX, p. 13-26; t. XII, p. 505-532. Voy. H. Jakobi, ueber die
Lehre des Spinoza, Sœmmtl. W., IV, p. 261-306; Ranke, Kœm. Pœpslc.
I, p. 489 et suiv,
Causes de la propagation du protestantisme.
209. Les causes de 1' « origine » du protestantisme sont les
mêmes que celles des précédentes hérésies : l'orgueil et la pas-
sion. Les causes de ses progrès .se trouvent dans la situation
politique, religieuse et littéraire, dans les circonstances de
lieux et de personnes. Tout favorisait la nouvelle doctrine :
i" l'abandon de l'Église par les gouvernements temporels;
2° la haine souvent alimentée contre Rome et la hiérarchie;
3" les déclamations hahituclles contre les ahus ; 4" le penchant
d'une foule de mécontents pour toute espèce de nouveautés ;
5° les idées décevantes d'affranchissement de la pensée, de
liberté chrétienne, d'almlition des abus, de sacerdoce uni-
versel ; 6° les passions humaines soulevées et entretenues par
les réformateurs : l'orgueil de l'homme, qui voulait atteindre à
la vérité religieuse par la Bible seule, sans aucun intermédiaire
ecclésiasti(juo ; la cupidité, qui s'enrichissait des biens de
l'Eglise; les convoitises de la chair, qui se remuaient dans la
portion immorale du clergé, tant séculier (jue régulier ; 7" le
désir de répudier ce (lu'il y avait de gênant et de pénible dans
la vie religieu.se (le jeune, la confession, v,\c.); 8° les restes des
anciennes hérésies (vaudois, wicléfites, hussites), qui offraient
de nombreux points d'appui à l'hérésie nouvelle; 9° la lutte
LE PROTESTANTISME. 507
scientifique entre les iiumanistes et les scolastifjiies ; 10" l'in-
soiiciaiice de l'épiscopat, la corruption et l'ignorance du clergé
dans plusieurs régions de l'Allemagne, de la France, de la
Scandinavie et de la Suisse; il" l'influence personnelle des ré-
formateurs et les moyens qu'ils employèrent : dans le principe,
les apparences d'un attachement sévère à la vraie foi ; plus tard,
les altérations qu'ils firent dans la doctrine catholique, les pein-
tures odieuses de la tyrannie des papes, l'invocation perpé-
tuelle de la Bible, la confiance dans leurs nouvelles assertions,
les sermons et les écrits où l'on exploitait les côtés faibles du
caractère du peuple, l'éloquence populaire des chefs de la ré-
forme; 12° les divers intérêts matériels qui trouvaient aisément
à se satisfaire, l'ambition et les embarras politiques, surtout la
jalousie que la France portait à la puissante maison de Habs-
bourg; 13" joignez-y quehjues maladresses commises par les
représentants de l'ancienne Eglise ; 14° l'amour-propre flatté
par les nouvelles institutions : l'adoption de la coupe pour les
laïques et de la langue populaire dans la liturgie; la lecture
universelle de la Bible; les doctrines attrayantes sur la justifi-
cation par la foi seule, sur l'absence du libre arbitre, sur la
certitude du salut, la nullité des vœux monastiques; le célibat
et les bonnes œuvres qualifiés d'inutiles et même de funestes;
15° mais surtout les actes de violence exercés par des princes
et des villes qui, après avoir expulsé les prêtres catholiques,
obligeaient d'assister aux prédications protestantes, et atti-
rèrent peu à peu les descendants mêmes de ceux qui avaient
fait une vive résistance aux nouveautés.
En plusieurs endroits, on détournait brutalement le peuple
de son ancienne Église. A la violence se mêlait la ruse : on
garda longtemps encore le rite catholique, et l'on maintint tout
ce qui frappait les yeux, par exemple, dans le Brandebourg, le
Danemark et la Suède.
Il ne manquait point, parmi les apôtres de la nouvelle reli-
gion, d'hommes bassement hypocrites, qui, selon les circons-
tances, faisaient des sermons catholiques et des sermons pro-
testants. Le protestantisme, contrairement à ce qui s'était vu
dans les premiers siècles chrétiens, fut surtout propagé par la
puis.'^ance temporelle et non par le martyre — les prétendus
martyrs protestants n'ont rien de commun avec les martyrs de
508 iiisioiuE ME l'église.
la primitive Église. — De là vient que les nouvelles Églises ré-
formées furent complètement asservies au pouvoir civil et tom-
bèrent dans un état désespéré.
OUVHAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 209.
Marr, die Ursachen der schnellen Verbreitung der Reform.,
Mayence, 1834; MœhlerGams, Hist. de l'Égl., III, p. 157 et suiv. Sur
i) voy. VI, § 178 et suiv. Sur 2) VII, 27. 8«, 98, 194. Erasni. Ep., I,
xn, p. 134 : « Odium Romani nominis penitus infixum esse muUarum
genlinm aniniis opinor. » Lettre de Valdcs, 1521, à Pierre d'Anghiera.
Voy. aussi VI, g 187. Sur 3) — 6) voy. ci-dessus, § 27. Martin. Bucer,
de Regno Christi, Basil., 1557, p. 35 : « Maxinia horura pars visa est
ea modo ex Evangelio petiisse, primum ut Antichrist! Romani et
pseudoepiscoporum tyrannidem a se depellcrent, deinde ut jugnm
qualiscunque disciplinée, pœnitentice et religionis univers«, qua? in
Papatu reliqua fuit, abjicerent, proque carnis sute arbilrio ac libidine
instituèrent agerentque omnia... Nee pauci eoruni qualemcunique
Evangelii prœdicationcm eo tantum receperunt, ut in opes invaderent
ccclesiasticas. » Mclaiichthon, Epilome rénovât. Eccl. doctr., A. A. ö;
A. 7 : « Multos ex plebe videnius Luthero favere tam([uani liberlatis
auctori, pertsesos morum veterum. Professores quosdaai anibitio aul
spes qufestus invitât ad docendura novae doctrinœ genus... Hi se valde
pios esse putant, ubi in sacerdotes fortiter debacchati sunt aut contra
ijioi'em carnes ederunt... Et quidam pseudolutherani profanis et sedi-
tiosis clamoribus, diun gralificantur niullitudini alioqui cupidae nova-
rum rerum, passim seditioues excitant. » (Dœllinger, Rc'f., II, p. 54;
III, p. 301 et suiv.; ibid., mêmes témoignages par Jean Éberlin, 1523
et suiv.; George Wicel., 1533; Dudith, I, p. 200 et suiv., 35 et suiv.,
55 et suiv.; il, p. 687); Melchior Ambach, Klage Jesu Chr. über die
.vermeintlichen Evangelischen, Francf.-sur-le-M., 1551, B. 2, 0. 3
(üfrilinger, II, p. 80 et suiv.). 7) Voyez ci-dessus § 17, 180; Vi, 279 et
suiv., ;{|8. 8) Cf. VI, § 232; Georg. Wicci., Epist., lib. iV, Lips., 1537,
b. 4; iJuiUinger, 1, p. 18 et suiv. : « .■Mtraxit me... plausus ille orbis
maximus, pellexit pra'.properus eruditorum assensus, incitavit novitas,
calcar ad id ingens erant Erasmi vigiliœ. » 9) Apostats, voy. § 121 et
suiv., 125, 178 et suiv. Sur la décadence du clergé, voyez aussi les
rapports de la noiiciature dans Lajmmer, Mon. Vat., et ailleurs. Kt)
C.-A. Menzel, Neuere Gesch. der Deutscheu,! , p. 84. 11) Raumer,
Gesell. Europa's s. d. Ende des 15 Jahrb., I, p. .180; Schiller, Gesch.
des 30 ja'lir. Krieges, liv. 1, (lommenc; lîeithier, Hist. de l'Église
gall., XVIII, 371. 12) Sur B. Aliltiz, ci-dessus, ^ 12 et suiv. 13) Alesius,
1552, Expos. Ep. ad. Tit., Lips., 1552, A, 4, 5; Brentius, hom. in Luc,
IM l'hOTESTAMlSMK. 509
t. V, Opp., p. 'J37; Com. in Malth., p. 73, in Rom., VII, 606; Dœllin-
ger, II, p. 32't, 351). 14) G. Wicelius, de Moribus licPieticoruni, 1537;
J. Crolus Rubeanus, Apologia privatim ad quemdam amicum scripta,
Lips., 1531, B. 4, a.; Dœllinger, I, p. 121 et suiv., 141 et suiv. Chro-
nique de Worms, par Wilk; llist.-pol. Blsetter, t. LXXV, p. 325-340;
Heidelb. Mskr., dans Lehmann, Hess. Archiv. (Falk) Bilder aus der
kiirpfa»lz. Reform. (Catholique, 1876, I, p. 50-75). — K.-A. Menzel,
II. p. 2; TU, p. 91 et suiv. Martyrs protestants, voy. § 196; Volkert und
Brock, die Miirlyrer der Evangel. K., Erlangen, 1845; Rudclbach,
Christi. Biographien, I, p. 4.
CONSTITUTION INTÉRIEURE DU PROTESTANTISME.
Lics Égflises nationales lathertenncs en S'encra!.
Mélanchthon et ses adversaires. — Les Églises protestantes.
210. Après la mort de Luther, IVIélauchthon devint le chef des
luthériens allemands, mais il n'eut pas cà beaucoup près le
même crédit que Luther. Son penchant pour les doctrines cal-
vinistes, sou aversion pour les dogmes rigoureusement luthé-
riens ne demeurèrent pas longtemps secrets, et lui suscitèrent
de nombreux combats. Dès 1548, la mort lui enlevait Gaspard
Cruciger, associé à ses vues. En 1558, l'université d'Iéna fut
fondée pour maintenir l'orthodoxie luthérienne contre Witten-
berg et la branche aînée de Saxe. Le duc de Gotha, Jean-Fré-
déric, était surtout hostile à la branche cadette, à cause de la
perte qu'il venait de faire de la dignité électorale. Les luthériens
rigides se séparèrent des mélanchtonieus (philippistes), quand
Mélanchthon eut modifié l'article 10 de la Confession d'Augs-
bourg en faveur des calvinistes, et que Brenz (mort en 1570)
eut établi à Wittenberg la théorie de l'ubiquité du corps de
Jésus-Christ, comme le seul principe dogmatique universelle-
ment valable.
Des controverses dogmatiques éclatèrent de toutes parts.
Mélanchthon, assailli de divers côtés, passa les dernières années
de sa vie dans la tristesse. Eu 1558, dans une lettre à Philippe
de Hesse, il traita ses adversaires luthériens de chiens sangui-
naires, d'idolâtres et de sophistes. 11 mourut le 19 avril 1560,
âgé de soixante- trois aus, le cœur brisé de douleur et témoin
des fruits empoisonnés que produisaient les nouvelles doc-
510 HISTOIRE DE l-'ÉGLISE.
trines. II devenait chaque jour pins manifeste que le principe
formel du protestantisme, l'autorité exclusive de la Bible, était
impuissant à décider les controverses dogmatiques ; qu'on ne
pouvait point se passer de l'ancienne tradition; que l'incertitude,
l'inconstance régnaient dans les dogmes même les plus impor-
tants; que l'immoralité, enfin, gagnait de jour en jour. Les
opinions divergentes furent vivement combattues ; on main-
tint les anciennes lois contre les hérétiques, et, à la fin, ce
furent les gouvernements, au lieu des papes et des conciles,
qui portèrent les décisions. Une agitation révolutionnaire se
révéla dès le principe au sein des nouvelles Églises, et les
princes civils essayèrent de l'étouffer.
Cette autorité (}ue les souverains exerçaient sur les Églises
territoriales, substituées à l'unique et grande Église catho-
lique, on essaya peu à peu de la justifier, soit par des textes
de la Bible, soit par de nouvelles théories. Les uns préten-
dirent que la souveraineté ecclésiastique avait été dévolue aux
princes par la paix d'Augsbourg, en qualité de premiers évo-
ques (système épiscopal) ; les autres, qu'elle leur appartenait
déjà en vertu de leur souveraineté temporelle, et qu'ils ne fai-
saient qu'en reprendre possession (système territorial) ; d'autres
enfin, mais beaucoup plus tard, que ce pouvoir leur avait été
conféré d'une manière révocable par les communes (système
collégial). Et c'est ainsi que le césaro-papisme, cette tyraimie
inconnue de l'ancienne Église chrétienne, atteignit son plus
haut période.
Chez les calvinistes, la notion de l'indépendance religieuse se
maintint beaucoup mieux que parmi les luthériens, sans être
cependant appliquée partout dans toute son étendue. Les
livres symboliques devaient remédier au défaut de précision
dans la doctrine; malhenrensement, ils n'avaient (ju'une auto-
rité humaine ; on pouvait les rejeter en alléguant qu'ils étaient
contraires à l'Écriture, ou les interpréter d'une façon arbitraire.
L'un et l'autre furent faits dans de vastes proportions. Les
prédicateurs de la campagne, la plupart ignorants, firent peu
de résistance ; mais^ dans les universités et dans le cercle des
surintendants, les controverses furent d'autant plus nom-
breuses.
LE l'RüTKSTAiNTlSMK. 511
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SIR LE N° 210.
En 1527, Aquila reprochait déjà à Mélanchthon d'être redevenu
papiste sur la doclriue de la pénitence (dorp. Reform., IV, 9ö9);
depuis 1533, il fut attaqué par Cordatus, Amsdorf et Strigel; après sa
mort, A. Musculus voulait qu'on le brûlât avec ses écrits comme héré-
tique. Dœllinger, Réf., III, p, 302, 304 et suiv.; Il, p. 398 et suiv.
Autres détails sur M., ibid., I, p. 407 et suiv.; cf. p. 280 et suiv.,
384 et suiv. Cruciger, ibid., II, p. 146-152. Brenz, sur l'ubiquité, ibid.,
II, p. 363-365. Voy. encore les ouvrages cités sur le § 16. — Gieseler,
K.-G., III, 11, Ho et suiv. (Onno Klopp) Studien über Kath. u. Protest.
u. Gevissensfreiheitin Deutschld, Schafl'house, 1857. Auteurs cathol. :
Balmès, der Protest, verglichen mit dem Kathol., trad. de l'espag.,
Ratisb., 1845 et suiv., 3 vol.; Perrone, der Protest, u. die Glaubensre-
gel., trad. de l'italien, Ratisb., 1856, 3 vol.; Nicolas, ueber das Berhaelt-
nisz des Protest, u. sœranill. Hœresien, zum Socialisraus, Mayence et
Paderborn, 1853; Dœllinger, Kirche u. Kirchen, Munich, 1861, p. 93
et suiv., 190 et suiv., 386 et suiv.; Robelot , de l'InÜuence de la
réforme de Luther sur la croyance religieuse, Paris, 1823, en allem,
par Raesz u. VVeisz, Mayence, 1823, contre Villers, Essai sur l'esprit et
lintl. de la réf. de Luther, Paris, 1822; (Kerz) ueber den Geist und
die Folgen der Ref., Mayence, 1821 ; Kuhn, die formalen Principien des
Kath. u. Prot. (Tüb. Quartalschr., 1858); Bossuet, Hist. des variations
(passim). Sur la Tradiliou : Lessing, Axiomata wider den Pastor Gœtze,
Voy. OEuvr., éd. Lachmaun, X, 133-251 ; Bucer, A^oL, dans Hottinger.
H. E. soec. XVI, t. III, p. 671, 683. Divergences des opinions :
Mélanchth., dans le Corp. Ref., II, 917 et seq., 977, 978; III, 65 ; Dœl-
linger, III, p. 303. Immoralité chez les protestants: Gerbel, prof, à
Strasbourg, 1560; H. Eobani Hessi Epist. tertius libell., éd. Camerar.,
Lips., 1561, n. 3 ; Melchior Specker, Von der herrlichen Zukunft Jesu
Christi, Strasb., 1555 et suiv., p. 78, 86; Nikol. Florus, 1578, 1583;
ürban Regius, Eberh. VVeideusee, dans Dœllinger, II, p. 57, 61 et suiv.,
73. Persécution des dissidents et exécutions d'hérétiques : Arnold,
K. -Historie, II, p. 643; Strobel, Miscell., I, p. 170; Heeusser, Gesch der
rheiu. Pfalz, II, p. 45 et suiv.; Dœllinger, Kirche u. Kirchen, p. 81 ;
Hist. -pol. Bl., t. III, p. 528-548. Mouvement révolutionnaire, ibid.,
t. IX, p. 737-770; mon ouvrage cité, 490 et suiv. Despotisme en matière
ecclésiastique : Dœllinger, Kirche, p. 53 et suiv.; Reform., III, p. 226 et
suiv.; Il, p. 481 et suiv. (Jean Wigand, de Bonis et Malis Germ., ap.
Petr. Brubach, 1566, p. 34, 82, 91 et seq.), 550-552 (Jean Wirth)_
Mélanchthon fondait le pouvoir des princes temporels en matière
ecclésiastique sur la convention de Naumburg, 1554, d'après leps. xxui
7 : »< AttoUile portas, principes, vestras », et Isai., xux, 23 : « Reges
.M2 iiisroiUE DJi l'église.
mitritii », selon la Vulgate (Canierar., Vita Melanchlh., éd. Slrobel,
p. 319. Voy. Unschuldige Nachrichten von 1714, p. 541-bb^; K.-A.
Menzel, III, p. S30 et suiv.). Le gouvernement ecclésiastique des princes
est mentionné dans l'Apologie de la Confession d'Augsbourg, art. 9;
dans le préambule de la Formule de concorde; dans la Confession
écossaise, c. xxiv; dans la Confession belge, c. xxxvi; dans la Confes-
sion anglicane, c. xxxvii ; dans la Confession de la Marche, etc. Capito,
dans sa « Responsio de Missa, matrimonio et jure magislratus in reli-
gionem », Argentor., 1340, in-f°, 198 et seq. (adressée au comte
palatin Rupert, au nom des prédicauls de Strasbourg), disait hardi-
ment: « Jésus-Christ a doué les princes de la sagesse du gouvernement
et les a établis chefs de son Église sur la terre ; les princes ont le droit
do diriger et de punir les prédicateurs, de déterminer la forme du
service divin; de supprimer les anciens usages et d'introduire la
nouvelle doctrine. » (Cf. Dœilinger, Reform., II, p. i*2 et suiv.) Autres
détails ci-dessous, VIII, § 189. En faveur d'une plus grande liberté
ecclésiastique, d'après cette maxime de Calvin : « Ecclesia est sui
juris », voy. l'anglican Beveridge dans la préface de son Synodicon,
seu Pandecte canonum, Oxon., 1672, in-f°, p. I et seq. Livres symbo-
liques des luthériens, éd. Hase, Lips., 1837; des réformés, éd. Au-
gusti, Elberf., d827; Niemeyer, Lips., 1840. Les articles de la visita-
tien de l'électeur de Sa.xe se plaignent des prédicateurs ignorants,
1557. Voy. encore Hist.-pol. Bl., t. VI, p. 596 et suiv.; t. X, p. 209 et
suiv., 529 et suiv. Gieseler, op. cit., p. 352 et suiv.; Walter, K.-R.,
§§ 38-42, 13«= éd.
QUERELLES THÈOLOGIQUES.
1° Parmi le»> luthériens.
L'antinomisme.
211. La querelle autinomiste fut soulevée par Jean Agricola,
né à Eisleben en 1492. Cet ami de Luther essaya d'abord do
présenter la- loi, rÉvaiigile et la pénitence dans un ordre dilFé-
rciil de celui qu'avait étal)U Luther. Sa pensée, que lui-même
no débrouillait que confusément, était celle-ci : Avec le dua-
lisme trop mécanique de Luther, on n'aboutira jamais à une
véritable pénitence , la prédication de la loi ne peut engendrer
dans le pécheur ()u'une stérile frayeur, dénuée de vertu
sanctiliante ; l'Évangile, conçu comme une simple promesse,
une cons(tlation, ne [»eut qu'étouffer le véritable esprit de péni-
tence; il faut, au contraire, se servir de l'Evangile pour pré-
LE PROTESTANTISME. ' 513
cher la pénitence, car l'Évangile enseigne la passion et la mort
du Seigneur.
En 1527, Agricola combattit cette idée de Mélanchtlion qu'en
prêchant la pénitence, il fallait recourir à la Loi pour exciter
une crainte salutaire de Dieu, et il enseigna dans son Caté-
chisme que la vraie pénitence ne vient que de l'Évangile.
Luther, à cette époque, envisageait cette dispute comme une
pure logomachie. Cependant Agricola continua de travailler à
Eisleben; en 1536, il retourna à Wittenberg en qualité de pro-
fesseur, et y renouvela la controverse en 1537. Il s'accommo-
dait mal de cette doctrine de Luther, que la « Loi mosaïque »
comprend toute la partie morale de la religion, à l'exclusion de
l'Évangile. Lui aussi il croyait que k Loi mosaïque, en tant
qu'elle excite la crainte et fait entendre des menaces, est abo-
lie, même dans ses préceptes moraux, y compris les dix comman-
dements ; mais il n'écartait point tout élément moral, puisque
la charité doit aussi régner sous l'Évangile. Lui aussi rejetait
les œuvres des catholiques et conservait le dogme luthérien de
la justification, mais non toutefois sans se contredire.
Luther l'attaqua cette fois avec beaucoup de violence et déna-
tura complètement la question ; il fit semblant de croire
qu'Agricola (Grrikel, comme il l'appelait) ne voulait qu'élimi-
ner la loi morale et ouvrir la porte à tous les péchés. Mélanch-
thon n'était pas moins déloyal. Tandis que Luther attribuait la
crainte à la Loi et la consolation à l'Évangile, Agricola pensait
que l'une et l'autre devaient se trouver dans l'Évangile ;
Luther, lui, ne voyait dans l'Évangile qu'une prédication con-
solante, qui donnait la certitude du salut ; Agricola y trouvait,
en outre, des prescriptions morales, surtout dans la vie et la
mort de Jésus-Christ.
On avait tort d'accuser Agricola d'antinomisme. Il se défen-
dit vainement contre les reproches de Luther, qui écrivit six
dissertations contre lui (1538-1540). Ses écrits furent interdits
et lui-même fut menacé dans sa liberté. Il fit une rétractation
absolument telle que le demandait Luther; mais Luther ne fut
point encore apaisé : il continua de le dépeindre comme un
réprouvé, un homme satanique, et alla jusqu'à lui reprocher sa
patience dans les mauvais traitements qu'il endurait. Agricola
avoua lui-même, dans une supplique au prince électeur (mars
v. — msT. DE l'église. 33
514 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
1540), qu'il avait rampé devant Luther comme un pauvre petit
chien. Il devint prédicant à Berlin en 1540. Quand il arriva
en 1545 à Wittenberg-, avec une lettre du prince électeur de
Brandebourg, Luther, qui savait parfaitement, quand il le
voulait, rendre la vraie pensée d'Agricola (il mourut en 15G6),
se montra irréconciliable.
Luther, en 1545, distinguait deux classes d'hommes : ceux
qui ne connaissent pas encore leurs péchés et n'ont aucune
frayeur de la colère de Dieu, ceux qui sont efîrayés et craintifs ;
aux premiers, disait-il, il nefaut prêcher que la loi, aux seconds
que l'Évangile ; les antinomistes, qui confondaient l'une et
l'autre, comme si on devait d'abord prêcher la grâce et seule-
ment après etlraycr par la colère, ne savaient pas ce que c'était
que colère, grâce, pénitence, consolation. Il donnait au terme
d'antinomisto des sens très divers; il appelait ainsi : 1° ceux
qui enseignent qu'on ne doit pas punir les péchés ni effrayer
les gens par la Loi (Luther, dans le principe, l'enseignait lui.
même, ainsi que Jacques Schenk à Fribourg, Tilemann Krage
à Hildesheim, le pasteur Stiefel, ancien ami de Luther, qui se
justifia dans un écrit en 1501) ; 2° ceux qui ne voulaient point
tolérer les semonces ou discours contenant des injures per-
sonnelles et que les prédicants luthériens donnaient d'ordi-
naire pour des sermons sur la Loi ; 3° toutes les classes
d'hommes qui lui déplaisaient, même les partisans de la doc-
trine calviniste sur l'inamissibilité de la justification, de la
foi et de la grâce (teile que l'enseignait Thomas Naogeorgus,
pasteur à Kahla, et le pasteur Aureus, déposé en 1535 et exé-
cuté plus tard comme adultère).
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 211.
Walcli, Einl. in die Rel. Streitigkeiten der luth. K,, léna, 1733;
Planck, Gesch. der prot. theol. Lit. bis z. Concord. -Formel, Nurenb.,
1S48; Heppe, Gesch. des deutschen Protest., Iööl-lö81, Leipzig, 1832,
4 vol.; Dorner, Gesch. der j)rot. Theologie, Munich, 1867; Hasse, K.-
G., éd. Kœhler, t. III; Gieseler, K.-G., III, ii, p. 187 et suiv,; Frank,
Gesch. d. prot. Dogm., Leipzig, 1862, th. i.
Schrœckh, K.-G. seit der Keform., IV, p. 530 et suiv.; Klwert, de
Antinomia Agricolse, Tur., 1837; Nitzsch, neher Gesetz, Evang. u. s.
f. (deutsche Ztschr., 18Ö1, n. 10); Dœllinger, Réf., 111, p. 372-397.
Contre les 18 propositions d'Agricola, Positiones inter fratrcs sparsse
LE PROTESTANTISME. 515
Luthers disputationes : »Walch, L.-W., th. xx, p. 2014 et suiv.;
Mélanchth., Epp., t. I, p. 91ö. Cependant Luther montre une intelli-
gence plus exacte de la situation, quand il dit d'Agricola : « Si ipse
pœnitentiam ex amore justitiae vult prœdicare, tune tantum justis
prsedicet. » (Colloquia, éd. Rebenstock, II, 47.) Le contraire dans un
sermon de 1545 : Walch, th. xix, p. 1794 et suiv. Sur l'opposition entre
la Loi et l'Évangile, selon Luther, voy. Com. in Gai., 1535, Francof.,
1543, in-f», 267 et seq.; Dœllinger, III, p. 34-51.
212. Mélanchthon lui-même, surtout après sa mort, fut accusé
d'antinomisme, après l'avoir tant de fois combattu. Il disait, en
effet, dans sa Confession d'Aug-sbourg corrigée par lui, que
l'Évangile punit le péché et prêche la pénitence. Cette doctrine
fut adoptée par les mélanchthoniens Crucifer le Jeune, Paul
Krell, Pezel, Hemming de Copenhague, et combattue par Wi-
gand, Judex et autres luthériens rigides. Alors on défmit
l'antinomisme une doctrine qui ravit à la loi son objet pro-
pre et admet que l'Évangile est, dans le sens rigoureux du
mot, une prédication de la pénitence.
Wigand et les siens soutenaient que l'Évangile était une pro-
messe delà grâce, simple et sans conditions; qu'il ne fallait pas
mêler la Loi et l'Évangile. Abdias Prsetorius, de Francfort-
sur-l'Oder, attaqua vivement cette distinction; il trouvait à la
fois dans l'Évangile la Loi et l'exhortation à la pénitence. Les
théologiens de Mansfeld l'appelaient antinomiste. André Mus-
culus lui reprocha de faire de Jésus-Christ un nouveau Moïse
et d'enlever toute sécurité à la conscience. Quant à Musculus et
à ses partisans de la Marche, ils faisaient partie de cette classe
d'antinomistes qui (selon Praetorius) disaient que les fidèles sont
affranchis de la loi, que le Décalogue ne regarde que les impies;
ils rejetaient Moïse et le traitaient de prédicateur du diable.
Cette sorte d'antinomisme, qu'adoptait également Antoine
Otton, à Nordhausen, s'appuyait sur l'Épitre aux Galates inter-
prétée par Luther, et donnait lieu à de violentes sorties contre
Mélanchthon. On était d'accord pour assigner à la Loi un double
usage et une double fin : 1° une fin politique, consistant à
maintenir la discipline dans la société ; 2° une fin théologique,
consistant à amener l'incrédnle à la connaissance de ses péchés
et à l'effrayer par les jugements de Dieu. Mélanchthon lui
attribuait une troisième fin (de là le nom de tertianistes) : celui
516 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
qui était régénéré avait besoin qu'on lui prêchât la Loi, à cause
du vieil Adam qu'il continuait de porter en lui. Cette théorie,
qui prévalut bientôt, surtout dans la formule de Concorde, fut
combattue par Otton et ses partisans (eux aussi étaient traités
d'antinomistes). Le troisième usage, disaient-ils, ne peut être
distingué de l'usage politique ; la Loi ne doit pas pénétrer
dans la conscience, où l'Évangile règne seul avec son esprit de
liberté. Cependant, comme la formule de Concorde résolvait
négativement la question si lÉvangile, pris dans le sens rigou-
reux, prêchait la pénitence, elle fut vivement combattue par
les théologiens de Nurenberg et de Magdebourg.
OUVBAGES A CONSULTER SUR LE N° 212.
Sur Mélanchlhou : Uœllinger, II, p. 293 et suiv. Controverse entre
Abdias Prtetorius (pliilippisle)et Andi'é Musculus (antiphilippisle), ibid.,
II, p. 394 et suiv.; Ch. W. Spieker, Lebensgesch. des Andreas Muscu-
lus, Geueralsuperintendent der Mark Brandenb., Francf.-sur-l'Oder,
1838. Sur le troisième usage de la Loi, voy. les lettres de Néaudre et
de A. Otton à Flacius, dans Dœllinger, III, Anh., p. 3-12.
Controverse d'Osiandre.
213. André Osiandre, né eu 1488, professeur d'hébreu à
Nurenberg en 1520, s'éleva en 1531 contre le passage du règle-
ment ecclésiastique do cette ville où il est dit que la Loi se rap-
porte au vieil homme et l'Évangile à l'homme nouveau.
Effrayé des tristes résultats que les nouvelles doctrines produi-
saient sur le terrain de la morale, il croyait qu'il valait mieux
admettre le contraire. Depuis 1533, il prêcha également contre
l'absolution générale qui avait remplacé l'ancienne confession.
11 fut constamment en dispute avec ses collègues, dont il s'écar-
tait aussi à propos de l'Eucharistie. Il maintenait l'élévation
comme symbole extérieur de la foi en la présence réelle, défen-
dait la transsubstantiation, et cherchait à se rapprocher des
catholiques.
Osiandre quitta Nurenberg en 1547, se rendit en Prusse, et
obtint en 1549 une chaire de professeur à Kœnigsberg.ll trouva
dans le duc Albert un zélé partisan quand il se mit à enseigner
des doctrines conformes aux vues d'Agricola. La théorie de la
justification, différente sur plusieurs points de la doctrine de
LE PROTESTANTISME. 517
Luther, acquit une grande importance.il l'avait déjà développée
vers lo2-4. Voici cette théorie : 1° il ne faut pas confondre la
rédemption ou la satisfaction avec la justification ; 2" cette der-
nière consiste essentiellement dans l'entrée de Dieu en nous,
dans la demeure de la Trinité dans l'homme, dont le premier
Adam avait déjà joui ; 3" c'est l'humanité de Jésus-Christ qui
nous a procuré la satisfaction ; elle est la condition de cette
demeure de Dieu en nous ; 4° cette demeure, cette justice
de l'homme, Jésus-Christ l'opère, non par sa nature humaine,
mais par sa nature divine ; 5° cette habitation est produite en
nous par la foi.
Osiandre avait également conservé la théorie luthérienne de
l'impanation. Selon lui, quand nous avons été rachetés par
Jésus-Christ et que nous croyons à la parole qui nous annonce
la félicité promise, le Père répand en nous le Fils et le Saint-
Esprit, et nous tient désormais pour justes, parce que le Christ,
le Saint-Esprit et le Père habitent désormais en nous, et nous
apportent la justice de Dieu, qui est Dieu lui-même. C'est ainsi
que la justice divine nous est imputée comme si elle était nôtre,
et, afin qu'elle nous soit imputée de plein droit, elle nous est
donnée en propre pour toute l'éternité. Cette habitation est le
résultat de la foi.
Ces doctrines produisirent à Kœnigsberg et ailleurs une
grande sensation ; la plupart des théologiens étaient contre
Osiandre, mais ils furent loin de s'entendre lorsqu'un ordre du
duc les obhgea de s'expliquer sur la nature de la justice qui
s'obtient par la foi. Ainsi naquit la controverse osiandrienne,
qui fut poussée avec une sorte de fureur. Mœrlin était le prin-
cipal adversaire d'Osiandre. Albert demanda l'avis des théolo-
giens étrangers (1551); Brenz, dans le Wurtemberg, se pro-
nonça pour Osiandre, mais il eut de violentes disputes avec
Mélanchthon ; Flacius composa plusieurs écrits contre lui. Le
margrave Jean de Brandebourg- Kustrin envoya (1552) au duc
Albert la décision rendue par une assemblée de ses théologiens,
lesquels se plaignaient que le duc eût permis à Osiandre, « ce
gros porc sauvage, d'arracher les ceps de la vigne du Sei-
gneur». Les Kœnigsbergeois disaient au peuple que, pendant
qu'Osiandre faisait bonne chère à table, le diable écrivait pour
lui sur son pupitre ; Mœrlin le traita d'Antéchrist.
Kl 8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Osiandre mourut en octobre 1552 ; mais la querelle continua
avec ses partisans. Albert demeura fidèle à sa doctrine, et peu
s'en fallut qu'elle ne donnât lieu à des émeutes. Le duc consulta
des théologiens étrangers, fit tenir des synodes, et se montra
faible et timoré. L'avis des frères de Bohême fut contraire aux
deux partis. Mœrlin et Venetus (1566) finirent par l'emporter,
et furent nommés évêques régionaux. En 1567, le Corpus doc-
trinse de Prusse condamna l'osiandrisme et fut imposé à tous
les prédicants. Après la mort de Mœrlin (1571-1573), le fana-
tique Heszhusius continua la persécution contre les osiandriens,
quoique ceux-ci eussent depuis longtemps modifié leurs doc-
trines. En 1601, l'on décapitait Fimk, partisan d'Osiandrc.
François Stàncar, professeur de théologie à Kœnigsberg,
tomba dans l'extrême opposé. Jésus-Christ, disait-il, ne peut
être appelé notre justice que selon sa nature humaine, et non
selon sa nature divine, parce que c'est uniquement selon la
première qu'il est notre Sauveur, qu'il a répandu son sang, et
qu'il nous a affranchis de la Loi en l'accomplissant. Staucar
obligé de résigner ses fonctions, alla à Francfort, puis en Polo-
gne, où il trouva également de nombreux adversaires de ses
vues nestoriennes. Il fut réfuté par Calvin en 1560, et mourut
en 1574.
Heszhusius fut destitué pour avoir enseigné que Jésus-Christ
doit être adoré non seulcuient au concret, mais encore dans sa
chair considérée abstractivement. Il l'avait déjà été pour d'autres
motifs à Goslar en 1556, à Rostock on 1557, à Heidelberg, à Brème,
à Magdebourg. L'ex-évêque do Samland mourut professeur à
Heluistadt, en 1588. La môme destitution échut fréquemment à
d'autres professeurs. Simon Musseus (mort en 1576) n'était pas
demeuré plus de trois ans dans une seule des quatorze places
qu'il occupa ; il fut dix fois déposé et chassé, le plus sou-
vent pour son intolérance et son humeur disputeuse. Jean
Wigand, si ingrat envers Heszhusius, autrefois professeur
à léna (mort en 1587), devint en 1575évêque de Poméranie.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR I.E N° 213.
Wilkon, Oslanders Leben, Lehre und Scbriflen, Stralsund, i830-
1844; Ilfcbcrlc, Os. Lehre (Studien und Kritiken, 1844); Ritschi, die
Rechtfertigungslehre des Oslander (Jahrbücher für deutsche Theol.
LE PROTESTANTISME. 519
V. Dorner u. Liebner, II, livrais. 4); Mœller, Dr. Andreas Osiander,
Elberfeld, 1870; Schrœckh, IV, p. 572-587; Dœllinger, Réf., II, p. 81-
95, 100 et suiv., 3oÜ; 111, p. 397-437. Sur Joachim Mœrlin, ibid., II,
p. 453 et suiv; HeszUusius, ibid., II, p. 458-474; Simon Musaeus, II,
p. 286-290; Wiggei-s, Tilem. Heszhus. et Jean Drakonites, Rostock,
1854; Wilkens, T. Heszhus., ein Sireittheologe der luth. Kirche,
Leipzig, 1860; Franc. Stancarus, Schrœckh, IV, p. 58 i et suiv.; Walch,
IV, p. 171 et suiv.; Dorner, Christo!., II, p. 589 et suiv. André Mus-
culus, depuis 1545 prof, à Francfort-sur-l'Oder, discuta en 1552 avec
Stancarus, et soutint que Jésus-Christ était mort selon les deux
natures; il fut également attaqué par Mélanchthon : Dœllinger, II,
p. 393.
Controverses kargiennes.
2U. George Karg, né en 1512, professeur à Wittenberg en
1538, prédicant à (Ettingen en 1539, plus tard à Schwabach
et à Ansbach, eut de nombreuses disputes avec ses collègues.
Jésus-Christ, disait-il, est lui-même, eu tant qu'homme, assu-
jetti à la Loi : par conséquent, sa soumission à la Loi, sa passion
volontairement acceptée, ne sauraient être considérées comme
l'objet d'une imputation pour les hommes ; nulle part l'Écri-
ture n'enseigne l'imputation de la justice de Jésus-Christ ; on
peut bien souffrir, mais non être pieux pour autrui. Karg n'ad-
mettait pas que la justice du Sauveur fût la cause formelle de
notre justification, parce qu'elle n'est qu'excitante. Il fut com-
battu en 1569 par Ketymann, prédicant à Ansbach, ensuite
par lleszhusius et par d'autres.
Paul Éber et d'autres théologiens de Wittenberg discutèrent
vainement avec lui. Comme tous les théologiens luthériens et
les princes protestants le tenaient pour hérétique, il fut obligé
de se rétracter (1570) et de promettre qu'il se conformerait de
tout point aux idées de Luther et de Philippe. Il se passa un
long temps avant que les vues de Karg trouvassent désormais
des partisans auprès des luthériens; mais elles furent adoptées
par des calvinistes, ainsi que par Piscator et Ursinus, l'auteur
du Catéchisme d'Ileidelberg. Déjà en 1563, Karg avait eu une
controverse sur la cène, pour avoir, dans son Catéchisme
d'Ansbach, résolu négativement cette question : Le corps do
Jésus-Christ n'entre-t-il pas aussi dans l'estomac quand on
520 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
fait la communion spirituelle? Le doyen Tettelbach voulait
qu'on répondit affirmativement.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 214.
Dœllinger, III, p. b64 et suiv.; Anh., p, i5 et suiv.; Schrœckh, V,
p. 3o8 ; Sixt, Dr. Paul Éber, Heidelberg, 1843, et Paul Éber, ein Stück
Wittenberger Lebens, 1532-1569, Ansbach, 1857. Selon Luther, il y
eut échange formel de rôle entre Jésus-Christ et le pécheur, en ce que
Jésus-Christ fit et souffrit tout ce que le pécheur aurait dû faire et
souffrir; il est même devenu pécheur par nous (par pure imputation),
et a souffert les peines des damnés (Dœllinger, III, p. 80 et seq.). Karg
combattit résolument cette substitution de rôles et cette sorte d'impu-
tation. Autres luthériens sur ce point (voy. ibid., p. 555-568). Contro-
verse de Karg sur la cène : Lang, Hist. de Baireuth, t. III, p. 360 (en
allem.).
Controverse sepinienne.
215. Jean ^pinus, pasteur depuis 1529, surintendant à Ham-
bourg en 1532, mort en 4553, enseigna ce qui suit, à partir de
45M : L'âme de Jésus-Christ, après le supplice de la croix, est
vraiment desceaduo en enfer et a souffert les tourments des
damnés : c'est là une partie de son œuvre do rédemption. Les
prédicants et bientôt le peuple se divisèrent en deux partis :
l'un prétendait que la rédemption de Jésus-Christ finissait à
sa mort (consummatistes), l'autre voulait que Jésus-Christ eût
souffert en enfer (iufcrnalistos, aepinistes). Le magistrat imposa
aux prédicants une formule d'enseignement, et consultales théo-
logiens do Wittenberg. Mélanchthon, dans son avis, évita do
s'expUquer sur cette question et se contenta d'exhorter à la
paix. Le magistrat chassa de la ville les adversaires d'^Epinus,
et permit à celui-ci de répandre sa doctrine, qui trouvait
encore quelques représentants, même au dehors ; mais beau-
coup la traitaient d'hérétique.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 215.
Grève, Memoria /Epini iustaurata, Ilamb., 1736, p. 95 et suiv.;
Beil., XI, p. 181 ; Planck, Gesch. des prot. Lehrbogriffs, V, i, p. 252 et
suiv.; Franck, Theol. d. Concordienformel, 111, p. 497 et suiv.; Dœl-
linger, Réf., II, p. 485 et suiv.
LE PROTESTANTISME. 521
Controverse adiaphoriste.
216. La controverse adiaphoriste se rattachait à V intérim de
Leipzig (en 1348). Mathias Flacius , surnommé lUyricus,
parce qu'il était né dans l'illyrie vénitienne, était venu à Wit-
tenberg en 1341, à l'âge de vingt et un ans. Introduit auprès
de Luther par le diacre Bachofen, il devint son ami et celui do
Méianchthon, et fut nommé professeur d'hébreu en 1344. Il
était violent et passionné, et avait des accès de mélancolie qui
allaient quelquefois jusqu'au désespoir ; il reprochait à Mé-
ianchthon et à ses collègues de sacrifier lâchement la vérité en
essayant, par leur condescendance sur la question de Vinterim,
d'accorder Jésus-Christ avec Déliai, et il sortit furieux de Wit-
tenberg. Après des pourparlers avec les luthériens résolus du
Nord, il se fixa à Magdebourg, auprès de Nicolas Amsdorf, de
Gallus et autres gens du même bord.
A Magdebourg, dont les bourgeois bravaient audacieusement
l'empereur aussi bien que le pape, Flacius attaqua sans ména-
gements, dans une foule d'écrits, Vi?iierim d'Augsbourg et les
théologiens de Wittenberg, qui étaient en train, disait-il, de re-
tourner au papisme. Méianchthon profita de toutes les occasions
pour lui faire sentir le poids de sa colère. Les princes et les
villes essayèrent vainement d'intervenir entre les antiinteri-
mistes (les flacieus), et les interimistes (les philippistes). Il en
résulta plutôt de nouvelles querelles. Flacius, devenu célèbre
par ses Centuries, fut appelé à léna, où lui et ses sectateurs
(dès 1337) prirent une attitude décidée. Déposé et banni ainsi
que ses partisans en 1361, il se rendit auprès de Gallus à
Ratisbonne, à Anvers en 1366, puis à Francfort- sur-le- M ein,
et enfin à Strasbourg en 1367; il mourut à Francfort en 1575,
comme un fauve qui périt dans les tortures de la rage.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 216.
Schrœckh, I, p. 692-695; IV, p. 544-547; Planck, I, p. 86 et suiv.;
Dœllinger, II, p. 224-255; cf. p. 143 ot suiv. La controverse fut
renouvelée dans de plus larges proportions au temps des piétistes.
Voyez ci-dessous, VUI, § 230.
522 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Le majorisme.
217. Luther avait refusé aux bonnes œuvres toute espèce de
mérite auprès de Dieu ; Mélanchthon, en d535, déclarait que la
nouvelle obéissance consistait dans les bonnes œuvres et
qu'elles étaient nécessaires au salut. L'intérim de Leipzig et
celui d'Augsbourg avaient adopté la même doctrine. L'un des
auteurs de Vinterim de Leipzig était George Major, profes-
seur à Wittenberg, puis surintendant (1552) au comté de
Mansfeld. En 1551, Nicolas Amsdorf l'attaqua comme adiapho-
riste, et l'accusa de nier la doctrine de la justification. Dans
cette longue controverse, Major fut suspecté de papisme par
Flacius et Gallus, par les gens d'Iéna et autres luthériens.
AmsdorfT alla jusqu'à soutenir que les bonnes œuvres sont pré-
judiciables au salut; Major maintint que personne ne se sau-
vait par de mauvaises œuvres et sans en pratiquer de bonnes,
tout en essayant de mettre cette proposition en harmonie avec
la doctrine de Luther sur la justification. Le tumulte contre le
majorisme devint de plus en plus fort : Major dut quitter le
pays de Mansfeld, et, malgré toutes ses concessions, il fut traité
sans pitié.
Just Ménius s'intéressa au persécuté, et assura qu'il ne voyait
aucune hérésie dans ce qu'il enseignait, Âmsdorf et ses amis
déchaînèrent sur lui leur colère; il fut suspendu en 155G, et
une commission de théologiens établie à Eisenach l'obUgea de
se rétracter, bien (}u'il eût confondu ses adversaires (mort en
d558). Le colloque d'Altenbourg, qui fut ufi simple échange
d'écritures entre les théologiens de l'électeur de Saxe et ceux
du duc Jean-GuillauQie, n'eut point de résultat. Major lui-même
mourut à Gotha en 1574, dans une grande pauvreté.
OUVRAGES A CONSULTER ET RKMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 217.
Schrœckh, IV, p. 548-552; Dœllingcr, II, p. 162-179; III, p. 493-555.
Doctrine de Luther sur les bonnes œuvres, voyez ibid., p. 90-105. A
celte controverse se rattachent également les lettres d'Abdias Praito-
rius à Joachim II de Brandebourg, et d'Alésius à Just Ménius, données
là môme en supplément, III, iv, p. 13-15. Sur Ménius, voy. II, p. 176.
Lutte dans le comté de Mansfeld, où un concile tenu en 1554, sous
Sarcérius, condamna le majorisme et déposa Etienne Agricola, ibid.;
LE PROTESTANTISME. 523
II, p. 271. Colloque d'AItenbourg, ibid., III, p. 533 et suiv. : Acta
Collüi|iiii Altenburg., Lips., 1370, in-f°; Lœber, ad Hist. CoUoquii
Allenburg. Animadvers., Altenb., 1776, in-4°.
Le synergiszne.
218. La question, si l'homme coopère avec Dieu dans l'œuvre
de sa conversion, suscita la querelle synergiste. Luther, et
avant lui Mélanclithon, avaient répondu négativement. Mé-
lanchthon modifia bientôt son sentiment, ainsi qu'on le voit
déjà par la Confession d'Augsbourg. L'édition de lo3o de ses
Lieux théologiques contenait cette assertion, souvent attaquée
dans la suite, que trois causes concourent à l'œuvre de la con-
version : la parule, le Saint-Esprit et la volonté de l'homme,
lequel, loin de rester oisif, résiste à sa propre faiblesse. Cette
nécessité du concours de l'homme (synergisme) avait également
passé dans Yinterim de Leipzig. Mélanchthon savait bien que
Luther avait soutenu le contraire jusqu'à sa mort: c'est pour-
quoi il ne voulut poiut à Worms (1557) condamner la doctrine
qui niait le libre arbitre,
Jean Pfefünger, professeur à Leipzig depuis 4549, soutint
dans une dispute (1550) la nécessité du concours de l'homme
dans sa conversion, et développa cette doctrine dans un écrit
particulier (1555). De là un grand scandale parmi les luthériens
rigides. Amsdorf et Flacius écrivirent contre PfefTinger et contre
la « très savante et impie bande de Leipzig », qu'ils traitèrent
de «chrétiens renégats» et de «mameluks.» Amsdorf reprocha
à PfefTinger de renouveler la sophistique impie desscolastiques.
Jean Stolz, prédicant à la cour de Weimar, et Flacius à léna,
le combattirent avec les écrits de Luther ; Flacius lui opposa
deux dissertations, où il enseignait avec Luther que la volonté
de l'homme est impuissante pour toute espèce de bien, que la
conversion est un acte do la toute-puissance divine sur la résis-
tance de la volonté humaine.
Tandis que Flacius combattait comme synergistes les théolo-
giens de Wittenberg et de Leipzig, son collègue Yictorin
Strigel, autrefois adversaire décidé des mélanchthoniens, se
levait à léna même pour défendre le synergisme. Un ci.l-
loque entre lui et Flacius, tenu par ordre et en présence du
524 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
duc Jean-Frédéric, à Gotha, aboutit à de nouvelles et violentes
accusations. Alors parut, à la fin de 1558,1e Livre de réfutation^
composé par Stœffel, Musaeus et Max Mœrlin, revu par Flacius,
Sarcérius, Aurifaber, etc., et destiné à flétrir, au nom des ducs de
Saxe, toutes les nouvelles erreurs qui se montreraient dans le
protestantisme. Le synergisme y était traité d'« opinion impie
des adiaphoristes » .
Ce livre, qui devait être lu dans toutes les chaires, fit éclater
la lutte à léna. Strigel et le prédicant Hugel protestèrent
contre la Réfutation, et furent enfermés dans la forteresse de
Grimmenstein ; en 1559, quand, grâce à l'intervention de plu-
sieurs princes, ils furent renvoyés à léna, ils durent promettre
d'y garder le silence jusqu'à ce qu'ils fussent purgés des plaintes
élevées contre eux. Flacius, encouragé par l'arrivée de Judex
et de Wigand, soutint une dispute publique à Weimar en août
4560. Elle n'eut aucun résultat. Flacius n'admettait point les
arguments philosophiques ; tout devait se décider par l'autorité
de Luther, que Strigel n'osa point attaquer. Flacius représen-
tait le luthéranisme extrême: il allait jusqu'à soutenir que le
péché originel est la vraie substance de l'homme. Les luthé-
riens rigides persécutaient à outrance tous les synergistes.
Mesures contre les luthériens.
219. En ce moment, le duc, conseillé par son chancelier
Brück le Jeune, prit une autre attitude. Afin de déjouer à jamais
les tentatives des prédicauts luthériens pour arrivera la domi-
nation, il établit un consistoire composé mi-partie de juristes et
mi-partie de fonctionnaires, auquel il soumit les théologiens
mêmes d'Iéna. Le surintendant d'Iéna fut déposé. Les flaciens
résistèrent, et défendirent l'indépendance de leur ministère con-
tre la cour et son consistoire : ils furent destitués et expulsés.
Les synergistes triomphaient maintenant à léna comme à Wit-
tenberg et à Leipzig.
Le prince électeur de Saxe, voulant purger son pays des fla-
ciens, les envoya devant le tribunal de Pfefflnger, au consis-
toire de Leipzig. Pfeffinger se vengea des injures qu'il avait
reçues. Strigel, malgré sa victoire, perdit son poste à léna. il
fut appelé à Leipzig, où Pfeffinger, comme surintendant, le
LE PROTESTANTISME. 525
protégea jusqu'à ce qu'il fut obligé de quitter la ville (1567), à
cause de ses doctrines calvinistes sur la cène. Cependant les
adversaires du syuergisme continuaient d'être les plus nom-
breux, et se plaignaient hautement des atteintes portées au
protestantisme. En lo(j7, aprus la prise de Gotha, le duc Jean-
Frédéric H ,fut emprisonné, et ses domaines échurent à son
frère, le duc Jean-Guillaume, qui se hâta de rendre aux flaciens
leur pouvoir. Les synergistes furent remplacés par leurs
adversaires, tels que Wigand et Irénée.
Pour terminer les controverses théologiques entre la Saxe
électorale et la Saxe grand-ducale, l'électeur Auguste et le duc
Jean-Guillaume (1568) ménagèrent le colloque religieux d'Al-
tenbourg, qui dura quatre mois et n'eut point de suites. Les
flaciens étaient représentés par Wigand ; les mélanchthoniens,
par Paul Éber, professeur à Wittenberg (mort en 1569). Lorsque
le prince électeur Auguste se chargea de la régence dans les
duchés (1573) après la mort de Jean-Guillaume, les flaciens, qui
dominaient à léna, furent persécutés ; Wigand, Heszhusius,
etc., neuf surintendants et cent deux curés furent déposés.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N'* 218-219.
Schrœckh, IV, p. 332-572; Dœilinger, II, p. 119 et suiv., 320-328;
m, p. 437-493 ; Otto, de Victorino Strigelio libérions meatis in Eccl.
Luth, vindice, Jen., 1843; W. Preger, M. Flac. lUyricus u. s. Z.,
Berlin, 1839-61. Sur Wigand : Dœilinger, II, p. 476 et suiv.; sur Paul
Éber, ibid., p. 153 et suiv.; sur l'antitlacien Christophe Lasius, p. 262
et suiv. Cf. encore Planck, IV, p. 553 et suiv.
Différence des flaciens et des luthériens.
220. Les flaciens (appelés aussi substantiaUstes, par opposi-
tion aux accidentaires ou synergistes), très nombreux encore
et épars dans différents pays, ne partageaient pas tous la doc-
trine du maître sur le péché originel. La formule de Concorde
était dans son ensemble contraire à la doctrine de Luther sur le
péché originel considéré comme substance de l'homme. Sur le
synergisme, tout en rejetant la doctrine de Luther touchant la
nécessité absolue de toutes les actions humaines, elle soutenait
qu'il ne reste pas dans la nature de l'homme la moindre étincelle
de force spirituelle, que l'homme est entièrement mort pour le
526 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
bien, qu'il ne peut coopérer à sa conversion, et qu'en fait de
résistance il est pire qu'une pierre ou une bûche ; tout ce qui
dépend de lui, c'est de vouloir ou de ne vouloir pas aller à
l'église et entendre la parole de Dieu. Mais la formule tombe ici
dans une contradiction : d'une part, elle déclare que l'homme
est obligé de rejeter l'Évangile comme une fable, tant que Dieu
ne le convertit pas, et, d'autre part, elle lui impute à faute
sa non-conversion, quand il n'accepte pas la parole de Dieu dans
un esprit de foi .
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 220.
0. Schmid ,. des Flacius Erbsündeslreit (Ztschr. für hist. Tlieol.,
i849, I, p. 3 et suiv.; Il, p. 2d8 et suiv.); Dœllinger, II, p. 272 et suiv.
(Accidentaires et Subslantialistes dans le pays de Mansfeld). Le subs-
tantialisme , également soutenu par Christophe Irénée à Weimar
(ibid.. H, p. 290-294), et nié par Wigand, fut défendu, à l'aide des
écrits de Luther, par Cyriaque Spangenberg (ibid., p. 277 et suiv.).
En 1576, le synode d'Eisleben condamna le substantialisme (p. 286).
Le cryptocalvinisme.
221. Le calvinisme secret (cryptocalvinisme) fut vivement
combattu par les luthériens, surtout dans la personne des phiUp-
pistos. A Marbourg, l'habile André Ilypérius d'Ypres (15-42-
doO-i) gagna un grand nombre de Suisses et réussit à frayer les
voies aux idées calvinistes. A Leipzig parut, en 45GO, un recueil
pour la justification des philippistes ; il contenait, il est vrai, les
plus importants écrits de Mélanchthon, mais non les articles de
Schmalkalde en faveur des réformés. Quelques-uns en attribuè-
rent la publication à Mélanchthon; d'autres, h son gendre Gas-
pard Peucer, professeur de médecine à Wittenberg. 11 souleva
de nombreuses objections. A Brème, le prédicateur de la cathé-
drale, Albert Hardenberg, ayant refusé de souscrire à la doc-
trine de l'ubiquité, fut suspecté de cryptocalvinisme et expulsé
en 1.%1 par ses collègues Musseus, lleszhusius et Timann, ce
qui mit en mouvement tout le cercle de la Saxe-Inférieure. Les
partisans d'Albert furent excommuniés et interdits. Les contro-
verses se terminèrent en 1562 par l'introduction du calvinisme à
Brème. Comme ces bouleversements étaient attribués aux que-
relles des théologiens, les princes protestants se réunirent eux-
LE PROTESTANTISME. 527
mêmes à Naumbourg (23 janvier 1561), pour essayer de conci-
lier les opinions.
Auguste, prince électeur de Saxe, crut que le meilleur moyen
d'opérer l'union, était de remettre en vigueur, sans aucun
changeraont, la Confession d'\ugsbourg. Pour empêcher qu'on
ne médît de la discorde intérieure, il invita à la réunion les
États protestants, qui délibéreraient en même temps sur la con-
duite à tenir à l'égard du concile de Trente ; quant aux théo-
logiens, ils devaient rester chez eux, parce qu'ils ne faisaient
qu'accroître le mal. Frédéric, prince électeur du Palatinat, imbu
de calvinisme, ne voulut pas signer le dixième article de la Con-
fession d'après le texte allemand, mais d'après le texte latin. Ce
texte latin portait : le corps et le sang de Jésus-Christ sont vrai-
ment présents [vere adsimt) ; le texte allemand : le vrai corps et
le vrai sang sont vraiment « présents sous l'espèce du pain et
du vin ». Ce dernier texte lui semblait trop papiste. On céda,
parce qu'autrement la plupart des États de la haute Allema-
gne se seraient séparés. Tous les princes protestants se rendi-
rent à l'assemblée, soit en personne, soit par des délégués. On
y vit aussi beaucoup de comtes.
On discuta sur les dilîérentes éditions de la Confession
d'Augsbourg, et l'œuvre de l'union fut laborieuse. Les théo-
logiens d'iéna exigèrent, dans une requête spéciale, qu'on
assemblât en outre un synode particulier pour extirper l'ivraie,
et menacèrent de la colère de Dieu en cas de refus. Cette colère
s'était déjà révélée par des tonnerres affreux et par des têtes de
Turcs qu'on remarquait sur les poires. Leur demande ne fut pas
adoptée. On convint enfin d'accepter l'édition de la Confession
imprimée à Wittenberg en 1531, de la publier de nouveau pour
servir de règle, avec une préface dont la rédaction fut confiée
aux princes électeurs de Saxe et du Palatinat. Quand la préface,
qui admettait aussi l'édition modifiée de 15i0, fut achevée, les
ducs .Jean- Frédéric de Saxe et Ulric de Mecklenbourg et quel-
ques délégués la rejetèrent , parce qu'elle ne condamnait
point en termes formels les erreurs opposées à la doctrine de
Luther, surtout celles des sacramentaires.
Jean- Frédéric, conseillé par Max .Mferlin et Jean Stœffel,
demeura inébraidable, et partit incontinent de Naumbourg
(3 février). Les autres États signèrent, mais les affaires n'en
528 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
furent guère plus avancées. Beaucoup de ceux qui avaient
souscrit, expliquèrent ou modifièrent plus tard la préface dans
le sens de Luther, tandis que dans le Palatinat Frédéric 111
prescrivait la doctrine calviniste, organisait un assaut contre
les images, et introduisait la fraction du pain. En 1563, il
chargea les professeurs Zacharie Ursinus et Gaspard Olévian de
rédiger le Catéchisme de Heidelberg, où la messe catholique
était traitée d'idolâtrie (demande quatre- vingtième).
La Hesse électorale elle-même ne put se préserver du crypto-
calvinisme. Les plus fougueux d'entre les luthériens, Wigand et
Heszhusms, furent expulsés d'Iéna (1573), et les philippistes
de Wittenberg redoublèrent d'audace. En 157-i, le prince élec-
teur Auguste s'aperçut qu'un grand nombre de ses professeurs
et prédicants étaient infectés de calvinisme. Il fit amener les
suspects à Pleissenbourg. (Quelques-uns recouvrèrent bientôt la
liberté, mais seulement après avoir souscrit les quatre articles
dressés à Torgau sur la cène. Ceux qui refusèrent, durent
évacuer le pays. Stœssel et George Krakov moururent en pri-
son ; Peucer ne recouvra la liberté qu'au bout de douze ans.
Leurs remplaçants encoururent bientôt le même soupçon de
philippisme, et les luthériens n'eurent point de cesse qu'ils ne
fussent entièrement victorieux.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 221.
André Hypérius, mort en 1364 : Dœllinger, II, p. 213 et suiv.; Hyperii
Mcthodi theol. libri très, Basil., 1568, avec son éloge funèbre, par
Wigand Orth., Corpus doctrinse christ. (Saxonicum [ou Philippicum]),
Lips., 1560; Schrœckh, IV, p. 47Ö; Walch, Bibl. theoL, H, 388 et seq.;
Heppe, Gesch. d. Prot., I, p. 366 et suiv., 408 et suiv.; Kluckhohn,
Friedrich 111 v. d. Pfalz (Münch. bist. Jahrb., 1866, p. 468 et suiv.,
482 et suiv., 301); Peuceri, Bist, carcerum et liberationis div., ed.
Pezel, Tig., 1603; Frimel, Viteberga a Calvino devastata et divinitus
liberata, d. i. Bericht, wie der sacram. Teufel in Sachsenland einge-
drungen, Witteub., 1646, ui-i°.
Controverse sur l'inamissibilité de la foi et de la grâce.
222. Une autre question divisait les luthériens et les calvi-
nistes : les calvinistes prétendaient que la foi qui justifie, accor-
dée de Dieu une fois pour toutes, est un don inamissible j les
LE PROTESTANTISME. 529
plus grands crimes ne sauraient le ravir, et l'homme est infail-
liblement assuré de son salut. Les luthériens croyaient au con-
traire que la foi et la grâce peuvent se perdre ; que l'homme
coupable de grands péchés n'a que la fui générale, historique ;
il a perdu la foi spéciale qui justifie, et il faut qu'elle lui soit de
nouveau accordée. Sur ce point, les philippistes étaient d'accord
avec les luthériens et se trouvaient ainsi séparés des calvi-
nistes. On s'appuyait sur l'article 12 de la Confession d'Augs-
bourg, condamnant cette proposition des anabaptistes, que ceux
qui sont une fois justifiés ne peuvent plus perdre le Saint-
Esprit. Ce fut là l'objet d'une discussion à Strasbourg entre le
surintendant Marbach et le calviniste Zanchi (1561). Les théo-
logiens de Marbourg, d'Heidelberg et de Zurich se prononcèrent
pour Marbach ; ceux de Tubingue et la plupart des luthériens
furent d'un autre avis. A l'instigation du conseil de Strasbourg,
Zanchi donna, en 4363, une adhésion équivoque à un formu-
laire de concorde rédigé surtout dans le sens luthérien, mais il
dut quitter la ville et se rendit à Chiavenna. Le luthéranisme
avait acquis la prépondérance. Au colloque de Montbéliard,
en présence du duc de Wurtemberg, Bèze défendit avec
beaucoup de fermeté , contre Jacques Andrese , l'inamissi-
bilité de la foi dans les élus. C'était élever un nouveau mur
de séparation entre le luthéranisme et le calvinisme. Beau-
coup de luthériens considéraient celui-ci comme plus dan-
gereux que le papisme même.
OUVRAGES A CONSULIEK EX REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 222.
Dœllinger, III, p. 574-591. Opiuion de Luther, ibid., p. 115, 117. Con-
troverse entre Aquila et le calvinisant Thomas iNaogeorgus de Kahla,
ibid.. Il, p. 134, 136. Sur Etienne Proetorius, ibid., p. 528, 529. Col-
loque de Montbéliard, en mars 1586 : Acta Colioq. Montisbelligard.,
Tubing., 1587. Contre Bèze, Kesponsio ad acta Coll., Genev., 1587-
88, en allem., Heidelb., 1588 (Bèze conteste la fidélité des Actes). A.
Schweizer, Gesch. der réf. Centraldogmen, I, p. oOl et suiv.
Le Livre de Torgau et de Bergen.
223. Pour procurer enfin aux partisans de la Confession d'Augs-
bourg l'unité si désirable de doctrine, le prince électeur Auguste
convoqua (1576) les plus fameux théologiens à Torgau, afin d'y
V. — fflST. DE l'église. 34
530 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
rédiger, au moyen des formules de concorde déjà existantes,
une formule nouvelle qui put être généralement admise.
Comme l'existence du protestantisme semblait compromise, on
crut qu'il fallait se montrer plus coulant sur les questions de
dogme. Jacques Andreae, chancelier de Tubingue, s'était déjà
mis en relation avec le prince électeur. David Chytrée, profes-
seur à Rostock, et Martin Chemnitz, surintendant de Bruns-
wick, furent appelés. Dix-huit théologiens délibérèrent à Tor-
gan sur le libre arbitre et autres questions, et il en résulta le
Livre de Tnrrjau, rédigé surtout d'après les doctrines des mé-
lanchthoniens. Il accorde au libre arbitre la faculté de résister
au Saint-Esprit qui veut agir on lui,, mais il ne reconnaît qu'à
la grâce le pouvoir de changer la volonté, sans cependant
exclure le concours (synergie) de la volonté humaine.
Le Livre fut envoyé à tous les États luthériens d'Allemagne
et de Prusse, avec prière d'y faire leurs observations. Vingt-
cinq avis furent exprimés, les uns courts et approbateurs, les
autres plus développés et en partie contradictoires. Ce fut l'occa-
sion d'une nouvelle revision du Livre, à laquelle travaillèrent
d'abord Chemnitz, Andreae et Selnekker, puis Musculus (mort
en 158i), Chytrée et Kœriier. Cependant Chytrée n'eut aucune
influence, et il ne souscrivit qu'avec dépit la revision connue
sous le nom de Livre de Bergen. On y avait omis ou modifié
sur plusieurs points les passages favorables au synergisme ; la
majeure partie était conçue dans le pur luthéranisme, et il y
régnait beaucoup d'obscurité. Ce fut Andreae qui eut la princi-
pale part dans ce travail (Formw/e de concorde, 28 mai 1577). II
se composait de deux parties : 1" d'un extrait de la vraie doc-
trine ; 2" d'une exposition détaillée {solida declaratio).
Ce nouveau livre symbolique, quoique conçu dans l'esprit du
« cher homme de Dieu » , ou plutôt pour cette raison même, no
fut point accepté partout. L'électeur du Palatinat, le comte pala-
tin Richard et le landgrave (Juillaume de liesse exprimèrent par
écrit leur désapprubatiou; les théulogiens de Poméranie, de Ros-
tock, d'Ilelinstaidt et de Nureuberg exposèrent leurs griefs ; les
calvinistes étaient exaspérés. Peu à peu cependant la formule de
concorde fut acceptée par la plupart des États luthériens. Dans
la Saxe électorale, elle fut présentée aux États provinciaux à
Dresde comme livre de concorde^ avec les anciens symboles
LE PROTESTANTISME. 531
généraux, la Confession non revue d'Augsbourg, son apologie,
les articles de SnialkaUle, les Catéchismes de Luther. La sous-
cription du 25 juin 1580 lui donna l'autorité d'un symbole.
L'adoption de ce code dogmatique par une multitude de
princes et de villes (51) porta un coup terrible aux mélanch-
thoniens. Ils essayèrent en 1586 d'exploiter à leur profit le
changement de souverain, et sous Christian !•"■ ils relevèrent la
tète, appuyés qu'ils étaient par le chancelier Nicolas Crell, ami
des libres penseurs et ministre presque tout-puissant, qui tra-
vaillait secrètement à la réunion des luthériens et des calvi-
nistes. Les controverses en chaire furent défendues, et les plus
importants emplois confiés aux philippistes.
Un publia une édition de la Bible dont les introductions et les
notes exposaient la doctrine de Calvin, réfutaient la formule
de concorde, interdisaient la sonnerie pendant la cène et les
exorcismes dans le baptême. Quant au mécontentement des
luthériens, le chancelier n'en avait cure; il semblait que la Saxe
électorale allait devenir calviniste. Christian I" mourut en 1591,
et Frédéric-Guillaume I", duc de Saxe-Altenbourg, zélé luthé-
rien, fut nommé tuteur de Christian II. La veille de l'inhuma-
tion de Christian I'', Crell fut saisi, de même que Steinbach et
Salmuth, prédicateurs de la cour de Dresde, et Pirius, surinten-
dant de Wittenberg. On élargit ces derniers après qu'ils eurent
signé l'aveu de leurs péchés calvinistes ; Crell eut la tète tran-
chée après une captivité de huit ans.
A Dresde et à Leipzig, la populace luthérienne déchaînait sa
fureur sur les maisons et les cadavres des calvinistes ; tous les
réformés se virent expulsés de Leipzig à la suite d'une insur-
rection (14 et 15 mai 1592). Le luthéranisme fut restauré avec
toute la sévérité possible, et l'on fit vivement ressortir dans les
'( articles de la Visitation de Torgau » sou opposition au calvi-
nisme. En Silésie aussi, surtout à Breslau et à Liegnitz, des
prédicants et des docteurs furent congédiés comme calvi-
nistes déguisés : car le peuple luthérien les détestait à l'égal des
hérétiques. Les quelques conversions au calvinisme n'avaient
lieu que dans les classes élevées. Les dénonciations étaient à
l'ordre du jour, et pratiquées surtout par Samuel Huber,
expulsé de Berne et converti au luthéranisme. Quant à la for-
mule de concorde, elle subit encore pendant longtemps de nom-
532 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
breux assauts. Dans le Holstein, elle fut attaquée par le surin-
tendant Paul d'Eitzen.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 223.
Colloque religieux de Maulbronn, avril 1364, entre Palatins et Wur-
tembergeois (Brenz) : Epitome colloquii Maulbron. inter theol. Heidel-
bergenses et Würtenb. de cœna Domini et majestate Christi, 1364;
Wahrhaftiger und gründl. Bericht v. d. Gesprsech... gestellt durch die
Würt. Theol., Francf., 1564. Contre : Epitome coli, Maulbr. cum resp.
Palatinor. ad Epit. Würt., Hcidelb., 1565; Duplik., Tüb., 1565, in-4°;
Klunzinger, das Relig.-Gespr. zu M. actenmœszig dargestellt und
kritisch beleuchtet (iNiedners Ztschr. für bist. Theol., 1849, I, p. 166
et suiv.). — Projet de Jacques Andreœ en 5 articles pour rétablir l'unité
parmi les luthériens, en 1368. — Déclaration des Églises de Souabe et
de Wurtemberg, en 1373. Elle donna lieu, après des changements
opérés par Chemnitz et Chytrée, à la « Concorde de Souabe-Saxe »
(1573). — Formule de Maulbronn, 19 janvier 1576 (Hutter, Concord.
conc, p. 303 et seq.; Planck, Vi, p. 428 et suiv.), dont la substance a
passé dans le Livre de Torgau, lequel fut approuvé par une nouvelle
assemblée tenue à Maulbronn, le 13 sept. 1376; Kœlhier, Symbol, d.
luth. K.-G., p. 323 et suiv.; Dœllinger, Réf., II, p. 502 et suiv.; III, p. 472
et suiv. Sur Nicol. Selnekker de Uersbruck, mort en 1392 à Leipzig :
Dœllinger, II, p. 331-350. Sur les travaux de Jacq. Andreœ, ibid., II,
p. 379-392; sur David Chytrée, ibid., II, p. 300-510. — Formula
Concord., dans Hase, Libri symbol., p. 570-830. Cf. Proleg., p. cxxxiv
et seq. Contre : Ilospinian., Concordia discors, Tigur., 1608. Réponse
de Hutter, Concordia Concors, Viteb., 1614, in-f«, Lips., 1690, in-4°;
Anton, Gesch. der Concordienformel, Leipzig, 1779, 2 vol.; Menzel, IV,
p. 308; V, p. 184 et suiv.; Gœschel, die Concordienformel nach ihrer
Geschichte, Lehre u. Bedeutung, Leipzig, 1858; Frank, Theol. d. Con-
cordienformel, Erlang., 1858. Opposition en Hesse par Barth. Meyer,
mort en 1600, et le landgrave Guillaume : Dœllinger, II, p. 223 et suiv,;
en Poméranie, ibid., III, p. 367 et suiv,, 479 et suiv.; à Nurenberg et
Anhalt, ibid., p. 481 et suiv.; dans le Holstein, par Paul d'Eitzen, ibid,,
II, j). 487-490. Johannsen, Schleswig-Holsteins Stellung zur Concordien-
formel (N. Ztschr. f. bist. Theol., 1850, IV, p. 638 et suiv.) u. Pfalzgraf
Job. Casimir u. s. Kampf gegen die Concordienformel (Ztschr. für bist.
Theol., 1861, p. 419-476). —Blum, Leichenpredigt über Dr. Crell, Leip-
zig, 1601. Contre : Antwort und wahrhaftiger Gegenbrief auf die Lei-
chenpredigt Blums, 1 605 ; Engeicken, Hist. Nicolai Crellii, Rostock, 1 727;
Schroeckh, IV, p. 649 et suiv.; Menzel, V, p. 176; Hasse, über die kir-
chengeschichtl, Bedeutung des CreU'schen Processes (Niedners Ztschr.
LE TROTESTANTISME. 533
f. bist. Theol., 1848, II, p. 31o et suiv.); Calinich, Kampf u. Untergang
des Melanchthonismus in Cliursachsen, Leipzig, 1866; Kluckhohn, der
Sturz der Kryptocalvinisten in Sachsen (Sybels bist. Ztschr., 1867,
t. XVIII, p. 77-127); A.-V. Richard, Der churfürsll, ssechs. Kanzler Nik,
Grell, Dresde, 1859. — Quatre articles de la « Visitation de Torgau », 1 592,
sur « falsa et erronea doctrina calvinistarnm » (Herzog, RealencycL,
XVI, p. 144). Jacques Andrese avait mis les calvinistes au même rang
que les ariens et les mahométans, et Philippe Nicolai, à Hambourg (mort
en 1608), déclara, dans son Histoire du règne de Jésus-Christ (Nurenb.,
1628, p. 594), que la papauté valait mieux que le calvinisme. Dœllin-
ger, II, p. 382, 497.
Galixte et les syncrétistes.
224. Il y avait encore des théologiens qui essayaient de con-
cilier les divergences. Tel fut en particulier George Calixte, né
en 1586 à Meelby dans le Schleswig, enrichi par ses études et
ses voyages de connaissances variées. Professeur à Helmstœdt,
il y combattit en IGll, dans des disputes, la doctrine de Luther
sur l'ubiquité du corps de Jésus-Christ et sur la communication
des propriétés des deux natures, telle que l'exposait la formule
de concorde ; il la trouvait entachée d'eutychianisme : de là
vient que quelques-uns le suspectèrent de calvinisme. 11 sou-
tint ensuite (1619), dans son Extrait de la théologie, qu'on pou-
vait dire en un certain sens que Dieu est improprement et par
accident l'auteur du péché, et il négligea plusieurs antithèses
contre les calvinistes et les catholiques. Il fit encore plus de
bruit par la préface de son édition de Vincent de Lérins (1629),
où il semblait mettre la Tradition à côté de la Bible, et par
son Extrait de la théologie morale (1634), avec une digression
{de Arte nova) où l'on trouvait des essais d'accommodement
entre les calvinistes et les catholiques ; il disait en outre que
plusieurs points de controverse entre les cathoUques et les pro-
testants ne regardaient pas le fond et l'essence de la foi, et que
les catholiques pieux pouvaient se sauver. On appelait cela le
mélange de la foi, syncrétisme.
Le collègue de Calixte, Conrad Hornejus, émit des opinions
semblables dans des conférences. Ces deux hommes ne furent
pas beaucoup inquiétés dans le principe ; mais en 1639 Statins
Buscher, prédicant dans le Hanovre, essaya d'établir que
Calixte et ses amis s'étaient écarles de la doctrine des symboles
b34 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
qu'ils avaient jurés, puisqu'ils acceptaient avec la Bible les
anciennes ordonnances de l'Église, qu'ils plaçaient la raison et
la philosophie presque au-dessus de l'Écriture, soutenaient
enfin des doctrines fausses et suspectes, telles que celles-ci :
1° le péché originel n'est pas toute la nature de l'homme, mais
un simple accident, la perte de la justice surnaturelle ; 2° on
peut, avec le secours de la nature, connaître en partie Dieu et
ses actes, distinguer le bien du mal, pratiquer l'un et s'abstenir
de l'autre ; 3° les enfants, avant d'avoir atteint l'âge de raison,
ne commettent point de véritables péchés ; 4° dans la doctrine
de la justification par la foi, Calixte supprime le mot « seule »,
et semble adm(3tlre quo les bonnes œuvres méritent la vie éter-
nelle et nous affermissent dans notre vocation; 5° l'ÉgHse
luthérienne a conservé la substance de l'ancienne religion, et
les membres de tous les partis religieux chrétiens doivent par-
venir à la même félicité, quand ils s'appuient sur la même foi
au Fils de Dieu, sur la môme confiance en ses mérites et en sa
mort, sur la même espérance dans la vie éternelle ; 6° si le pape
consentait à supprimer quelques abus, Calixte était disposé à
lui reconnaître, selon le droit humain, la première place dans
l'Église; 7° la cène ou la m-esse peut, dans un sens large,
s'appeler un sacrifice. Calixte entendait réunir toutes les con-
fessions au moyen de ce qu'il appelait les « articles fondamen-
taux », le symbole des apôtres et l'enseignement des cinq
premiers siècles du christianisme.
Il était soutenu par son gouvernement et par l'université
d'Helmstsedt. Le livre de Buscher fut interdit à Hanovre ;
Calixte et Horncjus se justifièrent dans un écrit particulier
(Lunobourg, 16-41). En 16-43, Ilornejus soutint dans une dis-
pute la nécessité des bonnes œuvres pour le salut, — doctrine
détestée dos luthériens depuis le temps de Major, — et la que-
relle ne fit que s'envenimer. Un disciple de Cahxte ayant
avancé cette proposition (1645), que la Trinité n'était pas aussi
clairement révélée dans l'Ancien Testament qu'elle l'a été dans
le Nouveau, il fut accusé d'erreurs judaïques et ariennes.
La colère des luthériens s'accrut encore lorsque Calixte ,
appelé par le roi de Pologne au colloque religieux de Thorn,
conversa amicalement avec les calvinistes, — contre lesquels il
écrivit, du reste, plusieurs livres, — et qu'un certain nombre
LE PROTESTANTISME. 535
de ses partisans se convertirent au catholicisme. Il fut attaqué
par Jacques Weiler à' Dresde, par Abraham Calov à Dantzig
(à Wittenberg depuis 4630), par Jean Hulsemann à Leipzig, par
Werner, Scharpf, etc. Saiomon Glass et Jean Musseus se posè-
rent en médiateurs. On publia contre lui un nouvel ouvrage
symbolique, « le Consentement renouvelé de la vraie foi luthé-
rienne ». Cependant Calixte mourut en paix en 1636, honoré
et soutenu par Hermann Conring et par la plupart de ses col-
lègues. Les mouvements qu'il avait excités, durèrent jusqu'à la
fin du dix-septième siècle. L'université d'Eichstaedt se maintint
dans les principes de tolérance déjà suivis pieusement par le
péripatéticien Cornéhus Martini et Jean Casélius (de là leur nom
de caséliens ou simplicistes), et protégés par la cour de Bruns-
wick. Dans cette controverse du syncrétisme, on discutait con-
tinuellement sur le péché originel, les bonnes œuvres, la
justification, la cène et l'Église. L'idée que les trois grandes
fractions formaient l'unique Église catholique et qu'on pouvait
se sauver dans chacune d'elles, reparut encore à plusieurs re-
prises.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 224.
A. Calov, Hist. syncretistica, 1682 (confisquée en Saxe); MoUer, .
Cimbria lit., III, 121-210; Schrœckh, IV, p. 688-710; Henke, Calixts
Briefwechsel, Halle, 1833. (Continuations, léna, 1835, et Marburg, 1840.)
Le même, die Univ. Helmstœdt im 16 Jahrb. oder G. Calixt u. s.
Zeit, Halle, 1833 et suiv., 2 vol.; Gasz, Georg Calixt u. d. Syncretis-
mus, Breslau, 1846, u. Gesch. der prot. Dogm., Berlin, 1857, 2 vol.;
Schraid, Gesch. d. synkr. Streit, in d. Zeit des G. Calixt, Erlangen,
1846; Dowding, the Life and Corresp. of Cal. — Oxf., 1863. Statiug
Buscher, Crypto-Fapismus novœ theolog. Heimst., Hamburgi, 1639,
in-4°. La formule de concorde ne fut pas adoptée dans le Brunswick
mais remplacé ]jar le « Corpus doctrinal Juliuni », recueil de symboles
composé par Chemnitz, d'après le travail préliminaire de 1569 fait sou^
le duc Julius pour ses provinces. Elle accepta le « Corpus doctrinae Wilhel-
minum >i pour le pays de Lunebourg; l'ouvrage d'Urbain Régius : For-
mulée quœdam caute et extra scandalum loquendi de prsecipuis christ
doctrinae locis, de 1535. — Consensus repetitœ fidei vore lutheranae, de
1655, en 88 articles. Ajoutez : Calov, Harmonia Calixtino-hœretica,
1655; Syst. locor. theolog., 2 vol., h. a. Sur la philosophie à Helms
taîdt, voy. Denzinger, von der rehg. Lrkenntnisz, I, p. 133 et suiv.
536 msToiRE DE l'église.
CONTBOVERSES THÉOLOGIQUES PARMI LES CALVINISTES.
Les supralapsaires et les infralapsaires. — Les arminiens et
les gomaristes. — Les remontrants.
225. Parmi les calvinistes des Pays-Bas, la doctrine de Calvin
sur la prédestination suscita une violente dispute. Deux partis
étaient en présence : les supralapsaires soutenaient que la
prédestination au ciel ou à l'enfer avait eu lieu avant la chute ;
les infralapsaires soutenaient qu'elle avait eu lieu après.
Jacques Harraensen ou Arminius, né en 1560 dans la Hollande
méridionale, après avoir achevé ses études à Genève sous Bèze,
puisa Paris et à Padoue, avait adopté des opinions moins rigides
sur la liberté et l'élection de la grâce. Il fut chargé, comme
prédicateur, de réfuter les calvinistes moins rigides et infra-
lapsaires ; mais il se montra encore plus résolu à condamner ce
qu'il était chargé de défendre. Professeur de théologie à Leyde
depuis 1603, il trouva dès le début un adversaire passionné
dans son collègue François Gomar, qui s'offusquait de la plus
légère apparence de contradiction avec Calvin, et l'accusa do
semi-pélagianismc. Arminius^ de son côté, essaya de prouver
que la doctrine de Gomar faisait Dieu auteur du péché et qu'elle
était manichéenne. Depuis 1604, la controverse fut ardemment
soutenue par des disputes et des écrits. Gomar avait pour lui
la majorité des prédicants et du peuple ; Arminius était appuyé
par les infralapsaires et surtout par les hauts fonctionnaires de
l'État.
Arminius demanda à se justifier dans un synode contre ses
calomniateurs. On lui accorda provisoirement de .soutenir une
discussion contre son adversaire devant une députation des
états (1608). Le rapport de cette commission fut favorable à
Arminius, et l'on recommanda aux deux parties de garder le
silence. Les gomaristes, mécontents, contestèrent à l'État le
droit de s'immiscer dans les querelles religieuses. La fermenta-
tion augmentait. Arminius, il est vrai, mourut en 1609 ; mais
ses principes lui survécurent, et trouvèrent d'habiles et coura-
geux organes dans Jean Uytenbogart , Conrad Vorstius et
Simon Épiscopius. Lorsque ceux-ci furent accusés auprès des
états de troubler la paix du pays et de professer des doctrines
LE PROTESTANTISME. 537
hétérodoxes, ils leur présentèrent en 1610 une justification en
cinq articles, appelée remontrance : de là le nom de remontrants
donné aux arminiens.
Voici les cinq articles : iMe conseil de Dieu est conditionnel,
il ne sauve que ceux qui croient ; 2° Jésus-Christ est mort pour
tous les hommes, mais les fidèles seuls jouissent des fruits de sa
mort ; 3° l'homme peut accepter la grâce ou la refuser, mais la
grâce seule peut le conduire à la grâce ; A° la grâce n'opère
point d'une manière irrésistible, ni avant, ni pendant, ni après
la conversion ; 5° les fidèles ont sans doute le pouvoir de per-
sévérer, mais on ne peut pas soutenir d'une manière absolue
l'inamissibilité de la foi. — Les gomaristes présentèrent une
contre-remontrance dans le sens de la doctrine rigide de Calvin :
de là leur nom de contre-remontrants. Dans plusieurs localités,
à Alkmaar, à Utrecht, des collisions éclatèrent entre les deux
partis dès l'année 1610.
Lutte entre les deux partis. — Synode de Oordrecht.
226. Les colloques religieux provoqués par les états
(en 1611 à la Haye et en 1613 à Delft) demeurèrent sans résul-
tat. En 1611, Conrad Vurstius perdit sa place de professeur,
mais reçut une pension. Gomar avait précédemment renoncé à
sa charge et quitté le pays. Comme les états gardèrent la neu-
tralité, les places de professeurs furent données au remontrant
Épiscopius et au contre- remontrant Jean Polyandre. Les goma-
ristes, favorisés par Jacques I" d'Angleterre, se mirent (depuis
1613) au-dessus des ordonnances, et commencèrent à fonder
des communautés particulières. Les arminiens comptaient parmi
les leurs deux hommes distingués : Jean d'Olden-Barneveldt,
avocat général dès 1586, plus tard pensionnaire conseiller de
Hollande, et Hugues Grotius (de Groot), avocat fiscal de Hollande
et syndic de Rotterdam, teus deux tolérants et indifféren-
tistes.
Les remontrants, depuis 1611, n'étaient pas seulement tolé-
rés, mais encore ouvertement favorisés. Cependant le gouver-
neur et général Maurice d'Orange, avide du souverain pouvoir,
so rattacha de plus en plus, pour des raisons purement poli-
tiques, aux contre- remontrants^, et fréquenta leurs églises à
538 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
partir de 1617. Les arminiens et Olden-Barneveldt étaient de
francs républicains ; on les appelait aussi les gueux politiques,
et les gomaristes, les gueux de Genève ou de Slyk. Le synode
était réclamé de toutes parts : le prince Maurice le convoqua à
Dordrecht pour le 11 novembre 1618, bien que plusieurs États
y fussent opposés. Olden-Barneveldt fut condamné à mort;
Hoogerbetts, syndic de Leyde, et Hugues Grotius, à la prison
perpétuelle, mais ce dernier s'évada plus tard par les ruses de
sa femme; Hoogerbetts ne recouvra la liberté qu'en 1626;
Olden-Barneveldt fut exécuté. Maurice, à la tête de ses soldats,
changea les collèges de magistrats.
Les arminiens, dont les chefs furent accusés d'être partisans
des Espagnols et papistes, s'affaiblirent, et, du reste, ils étaient
déjà condamnés d'avance par le parti dominant des calvinistes.
Le synode de Dordrecht (novembre 1618-mai 1619) comptait
vingt-huit théologiens étrangers, tant de l'Angleterre que de
l'Ecosse et du Palatinat. Les remontrants no furent pas admis
comme membres du synode, mais seulement comme accusés.
Le prédicant Jean Bogermann, de Leuwarden, qui fut
d'abord président, justifia, comme le faisait Calvin, la peine de
mort contre les hérétiques. Dans la vingt-deuxième session,
Épiscopius déclara qu'il était prêt à accepter une conférence ;
mais sa proposition, tout équitable qu'elle était au point de vue
protestant, ne fut pas même écoutée. Il demandait que les opi-
nions des deux parties fussent appréciées non seulement d'après
les symboles réformés, mais encore d'après la Bible. L'autorité
do Calvin passait pour infaillible. On disait aussi que Jésus-
Christ demeurait avec l'Église jusqu'à la lin du monde, et
cependant qu'il l'avait quittée depuis plus de mille ans.
Ce fut seulement dans la cinquante- septième session que l'on
condamna « l'hérésie d'Arminius » et qu'on opposa cinq arti-
cles nouveaux aux cinq articles des remontrants. Selon ces
articles, l'élection dépend tout entière du bon plaisir de Dieu,
qui n'a aucun égard au bien qui peut se trouver dans l'homme;
la mort de Jésus-Christ n'est efficace que dans les élus ; le hbre
arbitre de l'homme n'a aucune part à la conversion de ceux
qui sont appelés. Tous ceux qui sont appelés, Dieu les affran-
chit complètement, mémo en ce monde, du joug du péché ; s'ils
tombent dans des fautes grossières, Dieu ne leur retire pas
LE PROTESTANTISME. 539
entièrement le Saint-Esprit, à cause de son dessein éternel ; il
ne leur permet pas de commettre des péchés qui soient à la
mort ou contre l'Esprit-Saint.
Les arminiens furent déclarés hérétiques ; deux cents per-
dirent leurs places, quatre-vingts furent exilés, quarante pas-
sèrent aux gomaristes et quelques-uns au catholicisme. Beau-
coup allèrent dans le Brabant, comme Uytenbogart et Épiscopius ;
d'autres, dans le Schleswig, où ils bâtirent Friedrickstadt . Il y
avait parmi ceux qui furent déposés et expulsés beaucoup de
savants de marque : Épiscopius, qui continua de combattre par
la plume ; Gérard-Jean Voss, Gaspard Barlseus, Pierre Bertius.
Les décrets de Dord recht furent reçus dans les Pays-Bas, en
Suisse et en France, mais non en Angleterre (excepté par les
presbytériens) et dans l'électorat de Brandebourg, où Jean
Sigismond, en 1614, avait passé au calvinisme, ainsi que le
landgrave de Hesse dix ans auparavant. Chez les calvinistes
allemands, la doctrine mitigée du Catéchisme de Heidelberg
sur la prédestination prévalut.
Doctrine des arminiens. — Les collégiens.
227. Voici les prhicipaux arguments que les arminiens fai-
saient valoir : La théorie rigide de la prédestination fait Dieu
auteur du mal ; elle anéantit et rend inexplicable la mort expia-
toire de Jésus-Christ ; la prévision se change en destin. Le libre
arbitre appartient tellement à l'homme, qu'il ne peut jamais le
perdre ; le péché d'Adam était un acte libre, qui a entraîné la
perte de la vraie justice et une infinité de maux temporels;
mais il n'a pas ravi à l'homme tout pouvoir d'opérer le bien; la
rédemption a été universelle, et chacun reçoit des grâces suffi-
santes, de sorte que celui qui ne se relève pas de la chute en
porte lui-même la peine.
La raison de l'efficacité de la grâce, les arminiens la trou-
vaient dans l'homme, et niaient qu'on ne put pas y résister ;
ils enseignaient que toute œuvre vraiment bonne doit com-
mencer, se continuer et se consommer dans la grâce. La foi
qui sauve {fides salvifica) , selon eux, est celle qui opère
par la charité; et ils désignaient comme des actes de Dieu
l'élection, l'adoption, la justification, la sanctification et le sceau
540 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSE.
du Saint-Esprit. Parmi les sacrements, dont ils se faisaient des
idées obscures, ils n'en admettaient que deux. Sur la cène, ils
adoptaient les vues de Zwingle.
D'autres, tels que Limborch, soulevèrent le subordinatio-
nisme sur le dogme de la Trinité et admirent une foule
d'idées sociniennes. Les collégiens (leurs assemblées s'appe-
laient collèges) rejetaient toute doctrine positive, admettaient
la liberté absolue d'enseigner et de prêcher, défendaient d'ac-
cepter des emplois, de prendre du service militaire et de prêter
serment. Dans les Pays-Bas, une conjuration ourdie par les fils
d'Olden-Barneveldt ayant été découverte, on renouvela la persé-
cution contre eux (1623). Après la mort du prince Maurice
(1625), leur position s'améliora, et, en 1636, ils obtinrent la
liberté de religion, excepté dans la ville de Dordrecht. Sous le
prince Frédéric, beaucoup, tels que G.-J. Voss et Barlaeus,
retournèrent en Hollande.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"" 225-227.
Walch, Hist. u. theol. Einleit. in die Streitigkeiten , sonderlich
auszer der lutherischen Kirche, 3"= éd., léna, 1733 et suiv., 5 vol.;
Schweizer, die protest. Central-Dogmen innerhalb der ref. Kirche,
Zurich, 1854, 2 vol., surtout II, p. 43 et suiv.,J)5, 181 et suiv.; Hagen-
bach, Dogmengesch., 3*^ éd., p. o8U; Ref. Dogm., II, p. 123 et suiv.;
Dorner, Gesch. der protest. Theol., p. 404 et suiv.; Leo, Univ. -Gesch.,
IV, p. 12 et suiv.; H.-C. Rogge, Casper Janszoon Coolhses, de voor-
looper van Arminius, et Wiarda, Huibert Duifhuis, de prediker v. S.
Jacob (tous deux, Arast., 1858). — Regenberg, Hisl. der Remonstran-
ten, en allem., Lemgo, 1781 ; Luden, Hugo Grotius nach Schicks, und
Schriften, Berlin, 1805; L. Clarus (Vœlk, Conv.),Hugo Grot. Rückkehr
z, kalh. Glauben, du hollandais, par Broere, éd. Schulte, Trêves,
1871; Van Prinsterer, Maurice et Barneveldt, étude bist., Utrecht,
1875; Th. Wenzelburger, .loh. Oldenbarneveld und sein Procesz (Sybels
hisl. Ztschr., 1876, II), — Acta Synodi nat. Dordrac. hab., Lugd.
Batav., 1C20 et seq., Han., 1620, in-4»; Acta et Scripta Syn. Dordrac.
Remon.'^trantium , Harderw., 1620; Augusti , Corp. libr. symbol.,
p. 198-240; Halesii, Hist. Conc. Dordraccni, ed. Moshera, Hamb., 1824;
Graf, Beitr z. Gesch. der Synode v. Dordrecht, Râle, 1825; Heppe,
Hist. syn. nat. Dordr. s. lit. delegator. ad Landgr. Maurit. (Illgens
hist. Ztschr., 1853, p. 226 et suiv,); Schweizer, Dordr. Synode und
Apok. (Ztschr. f. hist, Theol., 1854, IV). Ouvrages d'Épiscopius : Con-
fessio seu Declaratio sententiae pastorum, qui in fœderato Belgio
LE PROTESTANTISME. 5il
Reraonstrantes vocanlur, 1622; Responsio ad duas Pétri Wading.
epist.; — Antidotum seu Genuina Declaratio sententiœ Syn. Dordracen.
Examen censurœ (de sa Confession); — Institut, theol., resté inachevé
après sa mort, 1643; — Hist. vitae S. Episcopii scripta a Phil. Lim-
borch, Amstel., 1701. — Schrœckh, V, p. 330 et suiv.; Grégoire,
Hist. des sectes relig., V, 328; Rues, Gegenwart. Zustand der Menno-
niten und CoUegianten, léna, 1743; Fliedner, Collectenreise nach
Holland, Essen, 1831, 1, p. 186 et suiv.
Les partis calvinistes en Angleterre et en France.
228. Les calvinistes d'Angleterre se partageaient en épisco-
paux et en presbytériens. De ces derniers sont sortis les
puritains et autres sectaires fanatiques. La controverse sur les
droits des évoques donna lieu à des ouvrages sérieux. Il y eut
aussi, après le synode de Dordrecht, ce qu'on appelait les lati-
tudinaires, qui, <à l'exemple des remontrants de Hollande, pro-
fessaient des opinions plus larges sur l'élection de la grâce, et,
bientôt après, sur d'autres dogmes. Ils eurent d'abord pour
organes Jean Haies (mort en 1656), qui avait assisté au synode
de Dordrecht, et Guillaume ChilJingworth (mort en 1644), qui
essayait de limiter autant que possible le nombre des articles
de foi, surtout dans son ouvrage : la Religion protestante sûr
moi/en d'arriver au salut (1638).
En France aussi , quelques-uns répudiaient les principes
rigides de Calvin, entre autres Cameron (mort en 1625), et son
disciple Amyraut, professeur à Saumur (mort eu 1664). Le
collègue de celui-ci, Josué de la Place (mort en 1665), croyait
que le péché d'Adam ne pouvait être imputé à faute à ses des-
cendants que par l'intervention du péché actuel ; il fut con-
damné par le synode de Charenton (1642). Le Blanc, professeur
à Sedan (mort en 1675), suivait à peu près la même direction
que George Calixte ; les ditférences qui séparaient les calvi-
nistes et les luthériens lui semblaient insignifiantes, parce
qu'elles ne touchaient à aucun article essentiel et fondamental.
Les synodes réformés condamnèrent également cette assertion
de Claude Pajon, professeur à Saumur (mort en 1685), que le
Saint-Esprit n'opère pas d'une manière immédiate et surnatu-
relle, mais seulement d'une façon indirecte, par les images
les raisons qu'il présente à l'esprit et au cœur. Isaac de la
542 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Peyrère (Peyrerius), né en 1594, fit grande sensation quand il
soutint cette thèse qu'il y avait eu des hommes avant Adam
(préadamites), qu'Adam n'était que l'ancêtre des Juifs, et que
ceux-ci avaient seuls hérité du péché. On lui reprochait aussi ses
explications arbitraires de la Bible. Il mourut dans le sein du
catholicisme (1676).
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 228.
Épiscopaliens et puritains, ouvrages, §§ 159, 165. — A Brief Account
of the new sect of Latitudinarians, Lond., 1662; Jurieu, la Religion du
Latitudinaire, Rotterd., 1698; Utr., 1697; Bury, Latitudinarius oiiho-
doxus, 1697. — Jean Cameron de Glasgow, mort en 1625 à Montau-
ban. Cf. Baur, Theol. .lahrb., 1853, II, p. 174 et suiv. Sur Amyraut,
Synode de Charenlon, 1644; Aynion, Synod. réf., II, 663, 680. Il éten-
dit le « Decretum universale et hypotlieticum » aux païens, et distin-
guait entre la grâce résislible et la grâce irrésistible. Contre sa doc-
trine : « Formula consensus Ecclesiae helveticœ >>, 1675 (Augusti, loc.
cit., p. 443 et seq.), par Turretin et Heidegger. A. Schweizer, dans
Bauers Theol. Jahrb., 1853; über den Pajonismus in Gesch. der Cen-
traldogmen, 1, u, p. 564 et suiv., 576 et suiv. Isaac de la Peyrùre, Praîa-
damitee s. Exercitatio super vv. 12-14 cap. v Ep. ad Rom., 1653. Sys-
tema theol. ex Praîadamitarum hypolhesi. Par., 1655. Cf. du Plessis
d'Arg., III. n, p. 279; Natal. Alex., H. E., Suppl., II, 535. Zœckler,
dans Ztschr. für luth. Theol. u. K., 1878, I; Niceron, Nachr. von be-
rühmten Gelehrten, Halle, 1771, XXIH, p. 91 et suiv.; Jugler, Bibl.
bist. lit. sel., III, i, XH; Walch, Einl. in die Streitigk. auszerhalb der
lutli. Kirche, t. HI.
PETITES SECTES PROTESTANTES.
Les anabaptistes à Munster.
229. Jusqu'en 4530, divers essais furent vainement tentés
pour introduire la doctrine de Luther on Westphalie. L'autorité
croissante de l'alliance do Smalkalde rendit les novateurs plus
audacieux, et ils acquirent insensiblement de l'influence à Min-
den, Herford, Lemfe^), Soest, Lippstadt, puis aussi à Munster.
Dans cette dernière ville, Bernard Rottmann, chapelain de Saint-
Maurice, prêcha d'abord (en 1532) la nouvelle doctrine avec
une véhémence fanatique, excitant le peuple à détruire sans
pitié les autels et les images des saints. Il eut bientôt gagné lo
magistrat et l'appui du margrave de liesse. Le 14 février 1533,
LE PROTESTANTISME. 543
la nouvelle doctrine obtenait la liberté d'enseignement et les
protestants recevaient six églises ; les catholiques conservèrent
les autres, ainsi que la cathédrale.
Déjà en 1532, les anabaptistes de la Frise orientale, où Mel-
chior Hoffmann, de Souabe, déployait une grande activité,
avaient essayé de s'y créer des partisans. Rottmann, chef des
luthériens, les avait combattus et repoussés ; mais bientôt il se
posa lui-même en adversaire du baptême des enfants, et trouva
de l'écho chez quelques prédicants. Il était défendu , il est
vrai, de discuter sur le baptême et la cène (août 1533); mais le
conseil de la ville était trop faible pour résister aux anabap-
tistes, qui affluaient en grand nombre et auxquels il défendait de
prêcher. Les anabaptistes, devenus de plus en plus fanatiques,
voulaient qu'on étouffât tout ce qui tient de l'homme, mépri-
saient les sacrements et tout l'ordre ecclésiastique, renouve-
laient d'après l'Apocalypse les rêveries des millénaires, et
s'adonnaient à un spiritualisme montaniste et visionnaire. Le
magistrat fit venir deux prédicants pour lutter soit contre les
catholiques soutenus par le prédicateur de la cathédrale, le
docteur Mumpert, envoyé par l'archevêque François de Wal-
deck ; soit contre les anabaptistes, qui se multipliaient de plus
en plus et recevaient constamment de nouveaux renforts do la
Hollande. Les anabaptistes ne tardèrent pas à l'emporter.
Les trois apôtres envoyés par Jean Matthiesen, chef de la
secte en Hollande, prêchèrent sur l'avènement du règne millé-
naire de Jésus-Christ et sur la chute prochaine de toute tyrannie.
Ils produisirent un profond ébranlement. Vint ensuite (1534-)
Jean Bockelson, tailleur de Leyde (surnommé Jean de Leyde),
et enfin le prophète Matthiesen lui-même. Le conseil d'État
n'était plus de force à maîtriser le mouvement. Cinq cents
anabaptistes s'emparèrent de la place du Marché, obtinrent la
liberté absolue de religion, et s'en servirent pour étouffer les
autres partis. Le bourgmestre Tilbek se fit baptiser, et se prêta
à une nouvelle organisation de la magistrature.
Le 25 avril, on décréta l'expulsion de tous ceux qui refuse-
raient le nouveau baptême. Les églises, les bibliothèques, les
couvents, furent détruits ; la communauté des biens fut intro-
duite. Jean de Leyde, s'autorisant de la révélation divine, abolit
la magistrature, établit douze juges, usurpa, avec le titre de
544 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
roi, le gouvernement de la forteresse de Sion, ainsi qu'il appe-
lait Munster, et régna en maître absolu. II introduisit la poly-
gamie et prit lui-même dix-sept femmes. Il annonça dans un
manifeste sa prochaine expédition militaire pour châtier et
soumettre tous les royaumes de la terre. Déjà il distribuait les
pays environnants à ses affidés.
La confusion atteignit les dernières limites. Le prince
évêque, qui assiégeait la ville avec ses troupes et avec celles
que plusieurs princes lui avaient envoyées, trouva une sérieuse
résistance. Matthiesen perdit la vie dans une sortie. Il ne fallut
pas moins de dix-huit mois aux assiégeants pour s'emparer de
la ville (25 juin 1535). Jean de Leydc, son chancelier Krechting
et son bourreau KnipperdoUing furent mis à mort (23 janvier
4536), après avoir subi tous les ;iffronts, et leurs cadavres
furent suspendus à la tour Saint-Lambert dans des cages de fer.
D'autres exécutions succédèrent. La ruine des anabaptistes
consomma celle du protestantisme à Munster, où il ne réussit
plus à s'implanter dans la suite.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 229,
Herrn, a Kerssenbrock, Anabaptistar. furoris hist. narratio, 1564-
1573; Menken, Scr Germ., t. III, trad., Francf. (Munster), 1771, ia-4»;
Kilian Leib, Annal., an. 1535, p. 590 et suiv. Jugement de la faculté de
Cologne, en 1532, sur les doctrines de Bernh. Rottmann : du Plessis
d'Arg., III, H, p. 82-86; Ilist.-pol. Bl., t. IX, p. 99-108, 119-152, 203-
214, 337-360; t. X, p. 626 et suiv.; Cornelius, die Münst. Humanisten
und ihr Verhseltnisz zur Ref., Munster, 1851; le même, Gesch. der
Wiedertaeufer, ibid., 1853; Gesch. des Münst. Aufrurhs, Leipzig, 1855
et suiv.; die Niederhend. Wiedertaeufer wadirend der Belagerung von
Münster, 1534-1535 (Abhandl. der Münchener Akad., 1870, t. 1,
abth. II, p. .50 et suiv.); Kampschulte, Einführung des Protest, in
Westphalen, Paderb., 1866; Rifrcl, II, ji. 580-664. Vuy. encore Joch-
raus, Gesch. der Kirchenref. zu Münster und ihres Unterganges durch
die Wiedertaeufer, Munster, 1825; Hast, Gesch. der Wiedertäufer,
ibid., 1836; Erbkam, Gesch. der protesl. Seelen im Z.-A. der Ref.,
Hamb.,1848; Füsser, Gesch. der Wiedert., Munster, 1852, 1866; Hase,
Neue Propheten, abth. II, hvrais. ui; das Reich der Wiedert., Leipzig,
1861.
LE PROTESTANTIS ME. 545
Les anabaptistes en d'autres pays.
230. La secte étouffée à Munster n'était pas définitivement
détruite; les anabaptistes, continuant d'agir en secret, se pro-
pagèrent de la Hollande et de la Livonie dans le Tyrol. Mais,
poursuivis partout et sans espoir de réaliser leur règne de
mille ans, ils devinrent insensiblement plus modestes et plus
réservés. Leur pensée favorite était que les communautés
chrétiennes devaient vivre sans loi, sans autorité et même sans
Bible : la Bible, Dieu l'a gravée lui-même dans le cœur des
hommes ; point de mariages, point do guerres, point d'hosti-
lités, mais une liberté absolue. La cène était le symbole de
l'amour du prochain. Les anabaptistes détestaient la doctrine
de Luther sur la justification. Quelques-uns rejetaient aussi le
péché originel et la divinité de Jésus-Christ ; d'autres ensei-
gnaient la restauration de toutes choses et la conversion finale
des démons ; d'autres étaient antinomistes ; beaucoup, enfin,
croyaient permise la pluralité des femmes. Chaque individu
pouvait être prophète et docteur, quand Dieu l'inspirait. Ils
détestaient les rites extérieurs, et considéraient la Bible, dans
sa forme actuelle, comme falsifiée.
Ils avaient pour chefs Dietrich Battenbourg, autrefois bourg-
mestre à Stenwyk on Hollande, et Menno Simonis, ancien curé
catholique à Wittmaarsum, dans la Frise, anabaptiste depuis
1536. Le premier enseignait que le règne des élus était déjà
arrivé ; il essayait de l'imposer par l'incendie, le pillage et le
meurtre, et permettait la pluralité des femmes. Ses disciples
étaient un ramassis de gens sans aveu , qui ne reculaient
devant aucun crime. Ils se traînèrent pendant trente ans, sous
différents chefs, dans les provinces du nord-ouest, jusqu'à ce
qu'ils furent exterminés.
Menno Simonis, qui rejetait avec Dietrich le baptême des
enfants, se sépara de lui sur les autres points, et essaya de ré-
gler avec beaucoup de réserve les relations sociales de la secte,
îl interdit le serment et le port des armes, et recommanda
expressément l'obéissance à l'autorité. Fondateur de nom-
breuses communautés (mort en 1561), il donna à ses partisans,
appelés aussi baptistes, le nom de menuonites. Ils croyaient à
V. — HIST. DE l'église. 3o
546 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
un mal héréditaire, mais sans transmission de faute, ainsi qu'à
la satisfaction de Jésus-Christ. La foi qui sauve, selon eux,
c'est la foi qui opère par la charité. Ils concevaient l'Église
comme une société de justes et de régénérés, condamnaient le
divorce, excepté en cas d'adultère, ainsi que la guerre, les
procès et le serment. Ils ne recunnaissaient que deux sacre-
ments et maintenaient l'excommunication : de là leur sépara-
tion en délicats (flamingiens) et en grossiers (waterlœnder).
Les prédicateurs étaient confirmés par les anciens au moyen
de l'imposition des mains, et sévèrement astreints à respecter la
Bible. Us niaient qu'ils descendissent des anciens anabaptistes.
Dans les Pays-Bas, où ils se divisèrent en calvinistes et en armi-
niens au sujet de l'élection de la grâce, ils obtinrent la tolérance
en 1578, et plus tard en Angleterre, dans le Holstein, en Prusse,
dans d'autres pays de l'Allemagne et dans le midi de la Russie.
Comme les chefs du parti se nommaient Galénus et Apostool,
ils reçurent le nom de galéuistes (favorables aux remontrants)
et d'apostoliens (1664). Vers 1620, à Rhynsbourg, les collégiens
s'unirent aux galénistes. Le nom de collège s'appliquait à leurs
assemblées religieuses, qui, après l'expulsion des prédicants
arminiens, furent présidées par les frères Kotte(§ 227).
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 230.
Jean de Kripp, eiii Beitrag zur Gesch. der Wiedertœufer in Tirol,
Innsbruck, i857; Wiggers, die Taufgesinnten in der Pfalz (Niednors
Ztschr., 1848, II, p. 499 et suiv.). — Opera Mennonis, Amst., 1646; H.
Sehyn, Hist. cliristianorum qui Mennonitoe appellantur, Amst., 1723, et
Hist. Monuonit. plenior deductio, ibid., 1729; Stark, Gesell, der Taufe
und der Taufgesinnten, Leipzig, 1789; Hunzinger, das Religions und
Schulwesen der Menuoniten, Spire, 1831 ; Mœhler, Symbolique, üb.
II, cap. 1, p. 439 et suiv.
Les sohwenkieldiens.
231 . Un conseiller aulique du duc Frédéric II de Liegnitz, le
chanoiue Gaspard Schwenkfeld, né en 1490 à Ossig en Silésio,
se posa en réformateur de son pays, et fut d'abord plein d'en-
thousiasme pour Luther. Mais il ne tarda pas, ainsi que le pré-
dicant V. Krautwald, à abandonner beaucoup de ses proposi-
tions : il le trouvait trop esclave de la lettre morte, l'accusait
LE PROTESTANTISME. 547
d'extirper le bon grain avec l'ivraie, de faire trop de boulever-
sements, de résister à la vraie connaissance que le Saint-Esprit
donne de Jésus-Christ, et d'employer des moyens tyranniques
pour asservir les hommes à sa doctrine. Le trait caractéris-
tique do la doctrine de Schwenkfeld était le respect de la piété
intérieure, à côté de laquelle toute l'org-anisation externe de
l'Église lui semblait accessoire et indifférente. 11 n'admettait
pas que la justification, l'œuvre du salut, fût produite en nous
par la prédication extérieure, parce que la foi ne vient pas du
dehors, de la parole ou de l'ouïe, mais de la parole intérieure,
qui précède tout ministère externe ; c'est la grâce prévenante
qui fait de notre âme une demeure digne du Verbe divin.
Il ajoutait que l'audition extérieure de la parole, sans la
grâce et la foi, n'était pas exempte de péché ; que toute prédica-
tion était inutile aux cœurs incrédules et non régénérés, parce
que les âmes éclairées reçoivent seules la parole. La Bible, le
ministère de la parole, ne regardent que l'enseignement de la
chair ; or l'homme nouveau se compose de chair et d'esprit.
Dieu agit sur la chair par la parole littérale, la prédication et
les symboles ; sur l'esprit, par la parole de l'esprit et de la vie,
où Jésus-Christ nous révèle les trésors des biens célestes. Pour
que l'homme puisse entendre la parole avec esprit de foi, il
faut qu'il soit prévenu de la grâce : alors l'audition de la parole
extérieure devient féconde. C'est de ce point de vue que
Schwenkfeld attaquait la théorie de Luther sur la justification
par la foi seule, sur l'impossibilité d'observer les commande-
ments de Dieu, sur le libre arbitre et l'imputation de la justice
de Jésus-Christ. La doctrine luthérienne de la justification lui
semblait conduire à l'impiété et à l'immoralité ; cependant il
croyait aussi que nos meilleures actions ne sont devant Dieu
que des péchés.
Sur les sacrements, Schwenkfeld développait avec logique
l'opinion primitive de Luther, niait le rapport essentiel du
signe extérieur avec la grâce, n'attachait au signe qu'une cer-
taine valeur symboHque, distinguait même le baptême exté-
rieur de l'eau, qu'il ne croyait pas nécessaire, du baptême inté-
rieur de l'esprit, et rejetait, par conséquent, le baptême des
enfants. Dans l'Eucharistie, il ne voyait que l'expression de
cette vérité que Jésus-Christ nourrit notre âme de son corps et
548 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
de son sang, de la même manière que le pain et le vin nourris-
sent notre corps. Jésus-Christ (selon Jeaji, vi, 51) a simple-
ment voulu dire : Mon corps est le pain de vie. Il n'admettait
pas de présence réelle, pas même au moment de la commu-
nion; mais seulement une manducation spirituelle, qui remet
les péchés et rend participant de la nature divine. L'Eucha-
ristie elle-même était une pure cérémonie.
Sehwonkfeld avait une façon particulière de concevoir l'hu-
manité déifiée de Jésus-Christ, et ce n'était pas sans raison
qu'on l'accusait d'eutychianisme. Tout en maintenant exté-
rieurement l'union hypostatique, il croyait à l'unité de nature
en Jésus-uhrist, et cette unité supprimait l'humanité réelle.
La chair de Jésus-Christ, disait-il, est sans doute une chair
humaine, mais elle diflere essentiellement do celle des autres
hommes : ce n'est point une chair créée, soumise au péché,
mais une substance précieuse, remplie de la grâce et sortie de
Dieu dès l'origine ; elle n'est pas de la première création.
Après la résurrection, la nature hnniaine en Jésus-Christ est
devenue une chair divine ; elle a été complètement divinisée
par Dieu le Saint-Esprit, transfigurée; elle n'est pas autre
chose que Dieu môme. Jésus-Christ, même dans son humanité,
ne doit pas s'appeler une créature; il a souffert aussi en tant
que Dieu; le Christ tout entier est sorti de Marie, mais le
Saint-Esprit a opéré en elle. La première création était incom-
plète ; la ressemblance divine n'était qu'ébauchée dans Adam ;
il était charnel, et ne répondait pas à son idéal. Jésus-Christ
seul a consommé la première création dans une seconde nati-
vité ; il a transformé l'homme terrestre en homme céleste.
L'Église ne renferme que des prédestinés ; elle embrasse tous
ceux qui ont été régénérés dans la vérité, à quelque secte
qu'ils appartiennent.
Séjour de Sohwenkfeld dans différentes villes.
232. Dès 1527, Schwenkfeld essaya dans Wittenberg, où il
était allé sur la demande de son duc, do gagner Luther lui-
même à sa doctrine de la justification et de la cène. Il échoua,
comme il devait s'y attendre.
A son retour, lui et Krautwald trouvèrent de nombreux
LE PROTESTANTISME. f)i9
adhérents en Silésie. Ses airs de piété, ses tendances spiritua-
listes, lui valurent aussi les bonnes grâces de beaucoup de sei-
gneurs. Cependant il n'en fut pas moins contraint, persécuté
qu'il était par les prédicants luthériens, surtout pour sa doc-
trine do la cène, d'émigrer en 1528.
Il se rendit en Souabe, séjourna à Augsbourg, à Ulm et à
Tubingue, puis se fixa à Strasbourg. Il fut d'abord en bonnes
relations avec Capito, Bucer et Zell ; mais quand le nombre de
ses adhérents se multiplia et qu'ils se séparèrent des autres, les
réformateurs s'élevèrent contre lui. Bucer l'accusa, dans un
synode convoqué à son sujet (1533). Chassé par le magistrat
sans égard pour ses nombreux disciples, il alla dans le Wur-
temberg, où il trouva de nouveaux adversaires. Bucer, dans
ses lettres, le dépeignit comme un séducteur du peuple. Cepen-
dant, dans une conférence tenue à Tubingue en mai 1535-
entre Bucer, Blaurer, Frecht, d'une part; Schwenkfeld et Held
de Tiefenau, d'autre part, un accord fut conclu par lequel les
deux parties promettaient de se pardonner mutuellement et de
ne plus s'injurier à l'avenir.
Mais quand Schwenkfeld se mit à débiter sa doctrine sur
l'humanité du Christ, tout le monde se souleva de nouveau
contre lui et contre son erreur « blasphématoire de Jésus-Christ »,
surtout l'assemblée des théologiens luthériens de Smalkalde
(i540). Luther, Mélanchthon, Brenz, Schnepf, Jean Vadian,
et parmi les cathohques, Cochlée, écrivirent contre lui. Ses ou-
vrages furent interdits et lui-même partout persécuté, de sorte
qu'il lui fut impossible de séjourner longtemps dans aucun
endroit. Il répondait toujours aux ripostes de ses adversaires,
montrait beaucoup plus de calme et de modération dans la
polémique que les autres réformateurs, était plus logique dans
ses idées, mais non moins exempt de contradictions.
Schwenkfeld mourut à Ulm, le 10 décembre 1561. Les parti-
sans qu'il s'était créés, lui demeurèrent fidèles même après
sa mort et se maintinrent ; aujourd'hui encore, on trouve des
schwenkfeldiens en Silésie et dans l'Amérique du Nord. Les
plus actifs parmi eux étaient Jean Bader, qui introduisit sa
doctrine à Landau en 1543 (mort en 1545), et Aggée Albada, de
kl Frise occidentale, qui croyait avoir reconnu dans Scbwenk-
feld l'Élie du Saint-Esprit.
S50 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Ouvrages a consulter et remarques critiques sur les n°» 231-232.
Les écrits et les lettres de Schwenkfeld ont été signalés par r4.-G.-Fr.
Walch, Bibl. theol., Vil, 66 et seq., et A. Kœpke, Hist. Nachrichten
vom saechs. Edelmann Hrn. Kaspar Schwenkfeld von Ossig, Prenzlau,
1744, in-8°. En grande partie, ils ont été édités de 1564 à 1570 et suiv.,
4 vol.; puis en 1592, 4 vol. in-4°. Lettres de Schwenkfeld (s. 1.), 1697,
in-8"». — Courte Notice biographique de Schwenkfeld et le Départ
d'Ossig, 1697. L.-A. Salig, Hist, der Augsb. Confess., th. m, p. 951;
die wesentlichen Lehren des Hrn. Kaspar v. Schwenkfeld, Breslau,
1776; Rosenberg, Schles. Reform. -Gesch., p. 412; Schrœckh, IV,
p. 513-530; Wachler, Leben und Wirken Kasp. Schwenkf. waehrend
seines Aufenthalts in Schlesien (Streits Schlesische Prov.-Bloetter,
1833, I, p. 119 et suiv.); K.-A. Menzel, N. Gesch. der Deutschen, I,
p. 469-478; Kadelbach, Ausführl. Gesch. Kasp. Schwenkf., Laub., 1861.
Auteurs catholiques : Carl Xaver Argent, S. J., Zusatz der übrigen Irr-
thümer, welche die Schwenkfelder in Schlesien verschwiegen, Neisse,
1722; Ritter, K.-G., VI, 2« éd., p. 210-213; Dœllinger, Réf., I, p. 204,
229-274. Sur Bader et Albada, ibid., p. 275-278.
Renaissance des anciennes hérésies. — Les -wreigéliens.
233. Il était à présumer que tous les partisans du protestan-
tisme ne se contenteraient pas des dogmes des réformateurs,
mais que plusieurs les dépasseraient de beaucoup, en vertu même
du principe formel du protestantisme. Otton Brunfels se posa
dans Strasbourg en critique de la Bible, et supprima les quatre
Évangiles, parce qu'ils présentaient des contradictions inso-
bibies. François Lambert soutint cette thèse hardie et incom-
mode pour les autres réformateurs, que l'Église avait complète-
ment disparu depuis quatorze siècles, peu de temps après l'ère
des apôtres ; qu'elle s'était égarée dans les mensonges des
hommes, et qu'elle était tombée dans un entier aveuglement ;
que la vraie foi était restée totalement bannie jusqu'à ce que
Dieu eût fait luire dans les ténèbres les premiers rayons du
soleil qui s'était levé à Wittenberg.
Jean Denk (mort en 1528) fut accnsé de plusieurs erreurs,
notamment de professer la doctrine d'Origène snr la fin des
peines de l'enfer. L. Hetzer, anabaptiste et polygame, ressus-
cita l'arianisme, et prétendit que Jésus-Christ était de beaucoup
inférieur au Père. Jean Campanus, de Juliors, professait aussi
LE PROTESTANTISME. Kol
des erreurs ariennes sur le Verbe, et contestait la personnalité
du Saint-Esprit, qu'il tenait simplement pour une opération du
Père et du Fils. Pour cela il fut emprisonné pendant vingt-cinq
ans (mort vers 1578-1580).
En France, Jean Bodin était déiste et antitrinitaire.il y eut un
moment où il sembla que toutes les hérésies de l'antiquité
allaient reparaître, non seulement les sectes antitrinitaires,
mais aussi les sectes judaïques. Les sabbatiens rétablirent la
circoncision et le culte judaïque. Le faux mysticisme ressuscita,
notamment sous la forme que lui avait donnée autrefois Sébas-
tien Frank (mort vers 1545), lequel n'accordait aucune valeur
objective à la parole extérieure, à la Bible et au dogme de
l'Église, en dehors de la parole intérieure. Valentin Weigel,
né en 1533, mort en 1588, pasteur dans l'Erzgebirge de Saxe,
ne s'était pas écarté au dehors de l'orthodoxie protestante ; mais,
après sa mort, ses écrits et les doctrines de ses partisans le
firent condamner comme hérétique.
Maître Eckart, la « Théologie allemande », Tauler, Car-
lostadt, Mùnzer, Schwenkfeld, exercèrent sur lui une grande
influence. Il empruntait ses vues spéculatives aux écrits du
Pseudo-Aréopagite et à ceux de Théophraste Paracelse, qui
essayait de fondre la théologie avec la physique et la chimie, et
qui mourut à Salzbourg dans le catholicisme (1541). On peut
résumer ainsi la théorie fondamentale de Paracelse, médecin
suisse : L'opération de Dieu dans la nature est analogue à son
opération dans le royaume de la grâce. La chimie donne la
solution des changements qui se produisent non seulement
dans les corps, mais encore dans le monde des esprits. C'est
avec elle qu'il faut chercher l'élixir de la vie et la pierre philo-
sophale. Ce théosophe alchimiste, qui avait nom Philippe-
Théophraste Bombaste de Hohenheim, et s'appelait dans ses
écrits Auréole-Théophraste Paracelse, ce charlatan orgueilleux,
adopta la trichotomie platonicienne, et s'en servit pour décrire
une triple connaissance et une triple vie. A l'esprit issu de Dieu
il attribuait la force de tout connaître en Dieu.
V. Weigel admettait aussi la trichotomie; il croyait à une
lumière interne qui suffisait seule pour connaître la révéla-
tion extérieure de Dieu consignée dans la Bible et donnait
une connaissance vraiment religieuse, tandis que toutes les
K52 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSK
autres choses ne servaient qu'à troubler l'esprit. De même que
nous devons tout apprendre, nous devons pouvoir tout devenir;
et comme notre devenir procède de l'être, nous devons être dès
l'origine tout ce que nous pouvons être. L'esprit vient de Dieu ;
la création de l'homme est un acte nécessaire de la sagesse
divine. Dieu, dans tout ce qu'il fait, ne crée que soi; il se
connaît, il s'aime dans ses créatures. La chute originelle a eu
lieu dans le monde des esprits , et a produit cette vie cos-
mique. Tout dans Weigel rappelle les doctrines panthéistes et
gnostiques. Il conçoit Jésus-Christ comme descendu du ciel avec
sa chair et son sang.
Les partisans de Weigel, le chantre Christophe Weickert
(éditeur de ses œuvres), Ézéchiel Meth et Isaïe Stiefel, qui
allaient jusqu'à se faire passer pour Jésus-Christ, eurent bien
des persécutions à endurer. Les écrits de Weigel furent interdits
dans la Saxe électorale (1624) ; mais les weigéliens se main-
tinrent en secret.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 233.
Otto Brunsfelsius, Verbuni Dei multo magis expedit audire qaara
Missam (s. 1.) : Dœllinger, II, p. 30. La Sorbonne condamna en 1530
son Liber Pandectarum V. et N. T., et on tira 14 propositions : du
Plessis d'Arg., II, i, p. 85 ot suiv. — Francisci Lamberli Aven. Com-
ment, in Cantica Cant., s. 1., f. 44; Comment, de prophetia et unguis
(condamnés à Paris en 1542-1543, ib., II, i, p. 135) : Dœllinger, p. 18.
On reprocbait à Jean Denk (Dcell., I, p. 192 et suiv.) : 1° d'admetU'e
l'apocatastase et la fin des supplices de l'onfer; 2° de professer les
dogmes des anabaptistes ; 3° de soutenir le libre arbitre ; 4° de rejeter
l'imputation de l'obéissance active de Jésus-Cbrist. Sur Hetzer, voy.
Dœllinger, I,p. 197 et suiv.; Thom. Blaarer, Wie L. Hetzer zu Costentz
mil dem Scbwert geriebt usz disem zyt abgescbeyden ist, Strasb.,
1529. Sur d'autres et Campanus, voy. Trecbsel, die Protest. Antitrini-
tarier, I»' livre, p. 26-34; de Gubrauer, die Ileptaplomeros des Bodin,
Berlin, 1841 ; ed. Noack, Schwerin, 1857. Paul Éber traite des sabba-
tiens(1555), Wider die verfluchte Lehreder Karlstadter, p. 6 et suiv.:
Dœllinger, II, p. 69. Ibid., I, p. 187 et suiv., sur Sébastien Frank, qui
vécut à Nnrenberg jusqu'en 1530, à Ulm jusqu'en 1539, erra ensuite
en diverB endroits, d'abord fervent luthérien, puis éclectique, souvent
accusé do doctrines anabaptistes (mort en 1543). Agrippa de Nettes-
heim (mort en 1535), de Occulta Philosophia — de Vanitate scientia-
rum, Opp., Lugd., 1600, 2 t., cabaliste et magicien. Philippe-Théo-
LE PROTESTANTISME. ?)53
phraste Bombaste Paracelse de Hohenheim, surnommé dans ses
écrits « Aureolus Theophrastus Paracelsus », 0pp., éd. Basil,, 1589 et
seq., 5 vol. in-4°; Rixner et Siber, Leben und Lehren berühmter Phy-
siker, 1829, I; Preusz, die Theo), des Paracelsus, Berlin, 1839 ; Denzin-
ger, von der relig. Erkenntnisz, I, p. 390-395. Ouvrages de Val. Wei-
gel : 1" Kirchen oder Hauspostille; 2° Principaltractat von der Gelas-
«enheit; 3» der Güldene Griff, d. i. Anleitung, alle Dinge ohne Irrthum
zu erkennen, Neusz., 1607;4° Dialogus de christianismo, 1614; 5° Stu-
dium universale, ed. Lips., 1700; 6° Kurzer Weg alle Dinge zu erken-
nen; 7° das Büchlein vom Leben Christi; 8° das Büchlein vom Gebete,
etc. Theologia Weigelii, Neustadt, 1618; Ritter, Gesch. der Philoso-
phie, X, p. 77 et suiv.; Staudenmaier, Philos, des Christenth., I, p. 723
et suiv.; Denzinger, loc. cit., p. 416-424; Hagenbach, Gesch. des Ref.-
Zeitalters, III, p. 337; L. Pertz, Ztschr. für bist. Theol., 1857, I et
suiv.; 1859, I; 1860, p. 258 et suiv.; Kromayer, de Weigelianismo,
Rosœ-Crucianismo et Paracelso, Lips., 1669; H. Schmid, Gesch. des
Pietismus, Noerdl., 1863 ; Opel, Val. "Weigel, Leipzig, 1864; Schrœckh,
IV, p. 674 et suiv.; Walch, Einl., IV, p. 1024 et suiv.; Gieseler, Lehrb,
der K.-G., III, n, p. 433 et suiv.
Theosophie de Bœhme.
23.4. Les idées de Théophraste Paracelse et de Weigel, notam-
ment le panthéisme tliéosophique, imprégné de dualisme,
furent développées par Jacques Bœhme, cordonnier de Gœrlitz
(mort en 1624), homme de talent, et dont les écrits lui valurent
dans la suite une grande influence. Il croyait avoir reçu dès sa
jeunesse des révélations supérieures, une doctrine secrète ren-
fermée dans les limites du christianisme, et qui n'appartenait
qu'à quelques élus. Il essayait d'expliquer sa mystique par les
figures, les couleurs, les phénomènes de la physique et de la
chimie. Il trouva de nombreux disciples, dont les principaux
furent, en Silésie, Abraham de Frankenborg (son biographe)
et le médecin Balthasar AValther ; il en eut aussi en Hollande
et en Angleterre.
En Allemagne, les partisans de Bœhme eurent différents
combats à soutenir. La propagation des doctrines de Bœhme,
souvent présentées sous des figures obscures, donna heu à la
légende d'une société secrète qui se trouvait en possession des
mystères de la nature et de la pierre philosophale, et qui était
dirigée par un chef inconnu, Rose-Croix, dont ils prirent le
554. HISTOIRE DE l'ÉGLISE,
nom. La superstition régnante favorisa cette opinion, que pro-
pagèrent deux écrits anonymes (1614). Beaucoup sollicitaient
vainement leur admission dans cet « ordre secret», qui n'existait
que dans les imaginations, et dont Jean-Valentiu Andréas
(mort en 1654) s'était déjà moqué dans sa jeunesse. Il se forma
réellement dans la suite quelques sociétés particulières, qu'en-
tourait le prestige de l'inconnu et du mystérieux. Les idées de
Paracelse et de Bœhme influèrent encore pendant longtemps
sur les philosophes et les naturalistes, par exemple, sur le mé-
decin anglais Robert Flud (de Fluctibus, mort en 1637), « le
père de la philosophie du feu » .
OÜVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LK N° 234.
J. Bœhme's Werke, ed. Gichtel, Amst., 1682, 2 vul. in-4o; 1730,
6 vol., par Scheibler ; Leipzig, 1831 el suiv.; Stultg., 1835, 4 vol.
Baur, Christi. Gnosis,p. 557 et suiv.; Wuller, Jak. Bœhme's Leben und
Lehre, Stuttg., 1830; Hauiberger, J. Bœhme's Leben und Lehre, Mu-
nich, 1844; le même, par Lechner, Gœrlitz, 1857; par Peip, Hamb.,
1862; Frz. Baader, Vorles. über Bœhme's Lehren, Ges. Sehr., par
Hoffmann, t. IV, abth. ii; Denzinger, op. cit., p. 424-434; Stauden-
maier, I, p. 726-740; Theosophia practica, Gichteis Briefe und Leben,
3° éd., Leyde, 1722, 7 vol.; Harlesz, dans Hengstenbergs Evang. K.-
Zeitung, 1831, n. 77 et suiv.; J.-G. Beinbeck, Nachrichten von
Gichteis Lebenslauf u. Lehren, Berlin, 1732. J.-G. Gichtel, disciple
de Bœhme (mort en 1610), a donné naissance aux frères des anges
(selon Matlh., xxii, 30), qui se vantaient d'être détachés de toutes
les choses de la terre. Sur les Rose-Croix, voy. Héfelé, dans le Diction,
encycl. de lathéol. cathol., sous ce mot, t. IX, p. 393-403, avec indica-
tion des ouvrages. Allg. und Generalreformation der ganzen weiten
Welt beneben der Fama fraternitalis oder (Entdeckung der) Brüder-
schaft des hochlœbh Ordens des Rosenkreuzes an die Haeupter, Stœnde
und Gelehrten Europse, imprimé à Cassel par Guill. Wessel (1614, réim-
primé à Berlin, 1781, sous la fausse indication : Ratisbonne, 1681; puis
à Francfort-sur-le-Mein, 1827). En 1615 : Confessio oder Bekandnusz
der Societoit u. Bruderschaft R.-C. — (Jean Andreon) Chyinische
Hochzeit Christiani Roscnkreuz, 1616. Du Plessis d'Arg., III, n, p. 190,
cite : Themis aurea, h.e., de Legibus fraternitatis Roseœ Crucis tract.,
auctore Mich. Mairo (A.-Nicol. Hoffmann); Mercure français, t. IX,
p. 371 ; Galass, S. J., Malvasia Cent., XVI, etc. — Herder, dans le
Teutschcn'Mercur, mars 1782, p. 228 et suiv. Autobiographie d'Andréœ,
Irad. du latin par Seybold, Wint«rlhur, 1799; Hoszbach, Joh. Val.
LE PROTESTANTISME. 5o5
Andresp. n. seine Zeit, Berlin, 1819; Chr. v. Murr, ueber den wahren
Uiipruiig d. Rosenkr.-u. des Freim. -Ordens, Sulzb., 1803; Buhle,
Ursprung u. die vormaligen Schicksale der Orden der R.-Kr. u.
Freim., 1804; Nikolai, Bemerkungen über den Ursprung u. die Gesch.
d. Ros. u. Freim., 1800; Sigwart, Gesch. der Philos., II, p. 51 et suiv.,
449 et suiv.; Guhrauer in der Ztschr. f. bist. Theol., 1852, II; Hochhut,
Weigelianer u. Rosenkreuzer, ibid., 1863, II; 1864, III; Roberti de
Fluctibus Opp., ed. Oppenheim et Goude, 1617, 5 t. in-f".
Incrédules divers.
235. II ne faut pas s'étonner si toutes les aberrations imagi-
nables de l'esprit, toutes les erreurs possibles se rattachaient
au grand mouvement des esprits provoqué par l'humanisme,
devenu en partie païen, et par l'arbitraire des réformateurs
religieux. Parmi les humanistes du seizième siècle, plusieurs
étaient devenus complètomeut incrédules et athées — nous en
avons un exemple dans Casimir Leszczinski, qui fut exécuté à
Varsovie en 1589, pour avoir nié l'existence de Dieu et la Pro-
vidence ; — d'autres étaient panthéistes, dualistes ou sceptiques.
Crotus Ruboamus avait appelé la messe une comédie ; les
reliques, des ossements de coracite; le chant des psaumes,
des hurlements de chiens. Mutian Rufus, chanoine d'Erfurt,
après s'être engraissé des biens de l'Église, se moquait d'elle et
disait ouvertement : « Il n'y a qu'un Dieu et une déesse, sous
des noms et des formes différentes : Jupiter, le Soleil, Apollon,
Moïse, Jésus- Christ ; Pruserpine, Tellus, Maria. Mais gardez-
vous de propager cela; il faut le tenir secret, comme les mystères
d'Eleusis. Mutian n'était que le représentant d'une théorie qui
trouvait de l'écho chez beaucoup d'humanistes et ruinait de
plus en plus la foi.
En Angleterre, Henri Nicolas (Niclas)_, disciple de l'anabaptiste
David George, disait en 1575 que l'essence de la religion consiste
dans le sentiment de l'amour divin, que tout lo reste est inutile ;
que la persévérance dans la piété amène la surabondance de
la grâce. Ses partisans se nommaient « Enfants de l'amour »
ou (( familistes ».
Le calviniste Halket, persuadé que l'esprit du Messie était
descendu sur lui, envoya deux disciples annoncer à travers les
rues de Londres que Jésus-Christ allait apparaître avec le crible ;
356 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
il espérait encore sur l'échafaud que Jésus-Christ viendrait le
délivrer (1591).
Dans les Pays-Bas, le peintre David Joris, de Delft, se ratta-
chait aux apocalyptiques du moyen âge, et interprétait la Tri-
nité dans le sens des anlitrinitaires ; il en faisait trois périodes
du monde, dont la dernière commençait avec lui.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N« 233.
D. Slrausz, Ulrich v. Hütten, Leipzig, 1858, I, p. 47 etsuiv.; Erbkam,
Gesch. der prot. Secten im Zeitalter der Ref., Hamb., 1848; Stow,
Annal., an. 1591; Füller, Church-hist., liv. IX, p. 113; G. Brandt,
Bist, abrég. de la réf., I, p. 46.
TRAVAUX DE THÉOLOGIE.
L'exégèse.
236. Les protestants fournissaient encore peu de travaux sur
la critique biblique ; ils s'en tenaient aux éditions en vogue,
surtout à celle d'Érasme. Leurs explications de la Bible étaient
limitées par la répudiation qu'ils faisaient de l'autorité de
l'Église et de la Tradition, par leurs conceptions arbitraires et
par les bornes étroites de leur propre dogmatique. Tout en ne
cessant d'invoquer l'Écriture, ils y introduisaient leurs idées
préconçues. D'après le règlement d'études dressé par Mélanch-
thon en 1340, on devait commencer par i'Épître aux Romains,
et, dans cette Épître, par les passages sur la justilkation, la loi et
l'Évangile ; continuer par I'Épître aux Galates avec le commen-
taire de Luther, et I'Épître aux Colos.siens avec les éclaircisse-
ments de Mélanchthon : c'est alors seulement qu'on devait
aborder l'Évangile, en ayant toujours soin de l'accommoder aux
dogmes protestants et do les y faire cadrer.
Mélanchthon essaya de fonder une école d'éxégètes ; il
travailla avec beaucoup d'ardeur sur I'Épître aux Romains, et
essaya même d'interpréter en faveur de la nouvelle doctrine
I'Épître de saint Jacques, rejetée par Luther. 11 y avait toujours
do grandes divergences sur la manière d'interpréterun seul et
même passage, par exemple, sur l'institution del'Phicharistie.En
l'absence d'études préalables, de calme dans les esprits, de matu-
rité dans les travaux qu'on se hâtait de jeter dans le public, on ne
LE PROTESTANTISME. 557
trouvait point de commentateurs éminents de l'Écriture. Luther
ne donnait guère que des ouvrages dogmatiques incomplets
dans la forme et pleins de fautes sous le rapport de la langue.
Les commentaires ■ de Calvin étaient plus agréables, plus
savants, mais non moins artificiels et arbitraires; c'étaient le
plus souvent des leçons et des parénèses. Chacun ne s'attachait
qu'à ses opinions dogmatiques favorites. Bèze fut l'exégète le
plus spirituel et le plus pénétrant des calvinistes. On adoptait
dans toute sa rigueur la théorie de l'inspiration. La formule
du co7isentement helvétique étendait l'inspiration à tous les
mots et jusqu'aux points voyelles de l'hébreu. Cette manière de
voir, le cercle restreint des idées dogmatiques, l'horreur de
toute philosophie, rendaient la plupart des commentaires pro-
testants forcés, illogiques, impraticables. Mélanchthon seul et
son école, puis les juristes, qui développaient le droit naturel,
tenaient un plus grand compte des doits de la raison.
0ÜVRAGB3 A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N'° 236.
Mauvais état des études d'exégèse : Dœllinger, Réf., I, p. 454 et
suiv. Règlement d'études par Mélaiichthon : Corp. Ref., II, 457 et seq.;
Dœllinger, III, p. 298. Le même sur l'Épître de^saint Jacques, ibid.,
p. 286 et suiv. Le réformateur d'Ansbach, Andréas Althammer, avait,
dans une lettre latine, déclaré cette épitre apocryphe, en i535, cette
lettre fut publiée eu allemand à Wittenberg. Pendant la querelle sur
l'intérim de 1.Ö47, la questiou fut remise sur le tapis à propos du
sacrement d'extrème-onction, en faveur duquel on invoquait cette
épître. Cependant la plupart des protestants la rejetèrent en i548;
plus tard ils se montrèrent hésitants, et se tirèrent d'affaire par
diiférents artilices d'exégèse. Dœllinger, III, p. 357-363. Sur Calvin,
voy.Escher, de Calvino N. T. interprète, Utraj., 1840. Ses commen-
taires ont été propagés depuis 1831 par Tholuck en deux éditions ;
voy Tholucks Lit. Anzeiger, 1831, n. 41 et suiv. Là-dessus Fritzsche,
ueber die Verdienste Thol. in der Schrifterkiœrung, Halle, 1831,
p. 109. Inspiration, dans la Formula consensus helvetica, can. ii;
Mélanchthon et les néo-aristotéliciens : Brucker, Hist. philos., IV, i,
p. 238 et seq.; Denzinger, Rel. Erkenutn., I, p. 130 et suiv.
558 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Principaux exégëtes protestants.
237. La plupart des théologiens de marque cultivaient
l'exégèse. Luther avait écrit d'excellentes choses sur quelques
parties de la Genèse , des Psaumes et de l'Épître aux Galates,
bien qu'il les eût gâtées par ses discours violents, injurieux, et
par le ton grossier de ses remarques. Mélanchthon , par sa
connaissance de l'hébreu et ses comparaisons entre l'Ancien et
le Nouveau Testament, avait provoqué une foule d'explications
excellentes. M. Flacius essaya, dans sa Clef de l'Ecriture
sainte et dans sa courte glose sur le Nouveau Testament, de
fonder une exégèse scientifique. François Wolfgang, dans son
Herméneutique, et surtout le classique Salomon Glassins, dans
sa Philologie sacrée, continuèrent ces efforts. V. Strigel, Camé-
rarius, Brenz, Bugenhagcn, GEcolampado, ne se distinguèrent
que dans certaines parties. Wolfgang Musculus (mort en 1563),
Martin Chemnitz et David Chytrée étaient les plus renommés,
quoique leurs commentaires eussent surtout un caractère
polémique; ils s'en tenaient strictement aux livres symboliques
(analogie de la foi), et s'élevaient avec force contre ce qui,
contredisait ou semblait contredire la Bible.
Trois traductions nouvelles de l'Écriture parurent en latin
chez les protestants : r celle de Sébastien Münster (Bâle, 1534
et 1546); 2" celle de Léon Judœ (Zurich, 1543), achevée par
Bibliander; 3° celle de Sébastien Castellio (Bâle, 1551), re-
nommée pour son style classique, mais vivement blâmée
parce qu'elle présentait les idées de la Bible dans le style des
anciens écrivains de Rome, ce qui la fit traiter d'œuvre sata-
nique. Bèze lui opposa sa propre traduction, où il s'appliquait
à restituer à la Bible, autant que possible, sa couleur orientale.
La partie Unguistique de l'exégèse de l'Ancien Testament
fut cultivée, après Conrad Pélican, par Buxtorf l'Aîné et Bux-
torf le Jeune, professeurs des langues orientales à Bâle. L'aîné
(mort en 1629) commença un lexique chaldaïque, talmudique
et rabbinique, que son fils (mort eu 1664) acheva en 1640.
Tous les deux se servaient du Talmud et de la littérature rabbi-
nique. Thomas Erpenius (mort en 1624), et son disciple
Jacques Golius (mort en 1667), encore plus capable que lui,
LE PROTESTANTISME. 559
favorisèrent l'étude de l'arabe par leurs grammaires, leurs
lexiques et autres travaux.
Samuel Bochart (mort en 1667) s'occupa de la géographie
et de la zoologie bibliques. Hugues Grotius, aussi célèbre
comme philologue que comme juriste, montra, dans ses A?i7io-
tatioiis sur la Bible une grande connaissance des langues,
jointe à beaucoup d'impartialité; il n'y tenait aucun compte dos
dogmes calvinistes, tandis que Coccejus (Koch) à Leyde (mort
en 1669) essayait de maintenir le calvinisme modéré.
Une violente dispute éclata sur l'origine des accents et des
points voyelles hébraïques, surtout entre Jean Buxtorf et
Louis Capellus ; puis une autre, du temps de Henri Estienne,
sur la grécité du Nouveau Testament.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 237.
Critici sacri, s. cl. virorum iu Biblia annotât., Lond., 1660, 9 t.
in-f, nov. ed.,Francof., 1678 et seq., Utraj., 1684 et seq.; Chr. Starke,
Synops. bibl. exeg., Leipzig, 1741 et suiv., 6 vol. in-4''; ttosenmuller,
Hdb. für die Lit. der bibl, Kritik u. Exeg., Gœtlingue, 1797 et suiv.
Bèze accusa M. Fiacius d'avoir pillé ses ouvrages : Calv. Epist., p. 129^
Dœllinger, II, p. 259 et suiv., n. 61. François Wolfgang, professeur à
Wittenberg, combattu par le socinieu Valentin Schmalz, écrivit Trac-
tât, theol., Viteb., 1619;Glassii Philologia sacra, imprimée d"abord en
1625, et souvent depuis, éd. Olearii, 1705, éd. Dathe, 1776. Sur S.
Castellio, voy. Dœllinger, II, p. 684 et suiv. Ouvrages de Buxtorf,
Athense Rauricae, p. 447 et seq., 454; de H. Grotius, Annotât, ad. V.
T., Par., 1644; éd. Dœderlein, Hal., 1775 et seq., 3 t. in-i"; Annot.
in N. T., Amst., 1641 et seq., 2 t.; éd. Wiudheim., Haï., 1769, 2 t.
in-4°; Broere, Grot. Rückkehr z. kath. Kirche, trad. par Clarus,
Trêves, 1871. — Hoszbach, Spener und seine Zeit, 2^ éd., par Schwe-
der, Berlin, 1853, surtout p. 185.
La dogmatique,— La mystique.
238. La dogmatique, que l'on venait de reconstruire avec la
Bible en rejetant les Pères de l'Église, les scolastiques et la philo-
sophie d'Aristote, même la raison, était eu somme dans un état
très défectueux. D'ailleurs, l'autorité de Luther l'emportait aux
yeux de beaucoup sur l'Écriture elle-même. Les études histo-
riques étaient en pleine décadence. Les Byputyposes de Mélanch-
thon furent longtemps, avec la Confession d'Awjsbourg et son
560 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Apologie, le manuel dogmatique des luthériens, comme les
Institutions de Calvin celui des réformés. La polémique des
deux partis entre eux et avec les « papistes » dominait tout,
aussi bien chez les réformateurs que chez leurs descendants.
Bucer seul, et les théologiens qui visaient comme lui à conci-
lier les doctrines, faisaient exception.
Cependant les Hypotyposes de Mélanchthon furent supplan-
tées par les travaux dogmatiques des nouveaux luthériens
Martin Chemnitz, Jean Gerhard (professeur à léna, mort en
1637), et Léonhard Hutter (mort en 1616); ceux-ci adoptèrent
la méthode des scolastiques, — sans remonter aux principaux
d'entre eux, — et contribuèrent beaucoup à refouler le calvi-
nisme hors des écoles des Étals luthériens. Ils détestaient sur-
tout les bonnes œuvres, les lois humaines, les indulgences, le
culte des saints, les preuves tirées de la raison. Cependant on
remarquait chez eux un edort vers l'esprit de système, notam-
ment dans Jean-Àndré Quenstadt (né en 1617, mort en 1688,
professeur de théologie à Wittenberg).
Quelques théologiens protestants cultivaient aussi la mys-
tique, par exemple, Jean Gerhard (mort en 1637), dans son
École de la piété. Jean Arndt, surintendant général à Lune-
bourg (mort en 1621 à CeUe), donna en 1605 ses quatre livres
du Vrai Christianisme, qui, malgré les erreurs dangereuses
que l'on crut y apercevoir, devinrent populaires; ils offraient
évidemment peu de sécurité sous le rapport dogmatique. Henri
Müller, à Rostock (mort en 1675), et Christian Scriver, de Ruds-
bourg (mort eu 1693), appartiennent encore aux meilleurs
mystiques, tandis que chez une foule d'autres on remarque je
ne sais quoi de maladif et de déraisonnable.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* 238.
Autorité dogmatique de Luther : Dœllinger, Réf., I, p. 459-462;
II, p. 121 etsuiv., 197, 352. Opposition à la philosophie et à l'usage de
la raison, ibid., I, p. 443 el suiv. Cf. Strausz, Glaubenslehre, § 21,
t.], p. 311 et suiv.; Marteusen, Christi. Dogm., 2" éd., 1853, §43,
p. 108. Aversion pour l'étude des Pères : Dœllinger, I, p. 452 et suiv.
Répudiation de l'autorité de saint Augustin, ibid., 111, p. 363-373.
Décadence des études historiques, ibid., 1, p. 489 etsuiv.; M. Chem-
nitz, Loci theologici, ed. Polyc. Leyser, Francof., 1591, 3 t. in-4°;
éd. V. Viteb., 1690; plus célèbre encore son Examen ConcTrid., 1565
LE PROTESTANTISME. 561
et seq.; ed. Preuss, Berol., 1861 et seq.; Lentz, Chemnitz, ein Lebens-
bild, Gotha, 1860; J. Gerhardi Loci Iheol. com. cum pro adslruenda
tum pro desiruenda quoi'umvis conliddiccntium falsit., Jen., 1610-20,
9 t .; ed. Cotta, Tub., 1762-81, 20 t. iu-i°; Indices adjecit Müller,
1788 et seq., 2 t. in-4o, 2" éd. , 1767 et seq.; ed. Preuss, Berol., 1863
et seq.; L. Hulteri Compend. iocor. theol. jussu et auctor. Christiani II,
Viteb., 1610 (Hase, Hulterus redivivus, 10° éd., Leipzig, 1862. II prend
pour base le Gompendium de Hulter et y ajoute des notes substan-
tielles). Quenstadt, Tlieologia didactico-polemica, seu systema theol.,
Viteb., 1685, 1696; Lips., 1702, 1713. — Job. Arndt, vom wahren
Christenthum, ed. Krummacher, Leipzig, 1847, vom evang. Bücher-
verein, Berlin, 1847; Niedner, K.-G., 1, p. 7o9. Apologie Arndts, par le
médecin Melchior Breier, mort en 1627, à Hambourg; Mysterium
iniquitalis pseudoevangelicœ, Goslar, 1621. Cf. Dœllinger, II, p. 635 et
suiv.; de Heinrich Müller : Geistl. Liebeskusz — GeisLl. Erquickungs-
stunden; de Scriver : Geistl. Seelenschatz — Gottholds zufœllige An-
dachten.
L'homilétique et la catéchétique.
239. Il était dans la nature du protestantisme que les homélies
et les catéchismes fussent cultivés par lui avec un soin parti-
culier. Tandis que Luther, en sa qualité d'orateur énergique
et populaire, s'appliquait à rédiger pour le peuple des com-
mentaires pratiques, sans grand souci de la méthode et de
l'ordre, afin d'offrir à ses prédicateurs, souvent peu doués, des
sujets d'instruction pour les fidèles, Mélanchthon procédait avec
plus de méthode: il composa des sermons destinés à servir de
modèles aux prédicateurs, expliqua aux étudiants hongrois de
Wittenberg, dans des conférences latines, les évangiles du
dimanche, et donna des leçons sur l'éloquence de la chaire.
George Major se signala surtout dans l'homilétique. Cepen-
dant la plupart des prédicants s'en tenaient à la méthode
commode de Luther, et prononçaient souvent des discours
pleins d'injures et d'ol.jurgations.
Pour la catéchétique, on se servait de l'Explication des dix
commandements, dn Pater, etc., donnée par Luther, puis de
son grand et de son petit Catéchisme (1529). Léon Judse écrivit
un grand et un petit Catéchisme à l'usage des réformés; Bullin-
ger et Calvin composèrent des traités de catéchisme. Dans le
Palatinat, sous Frédéric III (qui passa au calvinisme en 1559)
V. — msT. DE l'église. 36
562 HISTOIRE DE l'Église.
le Catéchisme de Heidelberg fat remanié et obtint une grande
vogue. Le calvinisme, après avoir disparu en 1.576, y redevint
victorieux en 1383. Les calvinistes allemands y demeuraient
fermement attachés.
OUVRAGES A CONSULTEH SUR LE N° 239.
Postilla Melanclitli. (extrait de cours donnés en latin aux Hongrois),
éd. Christ. Pezel, Heidelb., lo94, 4 vol. in-8°; Melanchth., de Rhelorica
libri III, lol9; Eschenburg, Versuch einer Gesch. der oeffentl. Rel.-
Vortrœge, 1783; Paniel, Pragrn. Gesch. der christl. Beredsamkeit,
1839 et suiv.; Lentz, Gesch. der Horaii., 1839 (les trois tout à fait insuf-
fisants); Heidelberger Katechism.; Augusti, Corp. libr. symb., p. 535-
577; Ammon, Gesch. der prakt. Theol., 1804; Palmer, die evang.
Katechetik, 1841 ; Nitzsch, Ges. W. über prakt. Theol., II, i, 4, 1848.
Le culle et la dl8ci|eliue.
La prédication et autres actes du culte.— Le chant ecclésias-
tique.
240. Le centre du culte protestant était la prédication au lieu
du sacrifice. On y rattachait la prière et le chant. En 1531, à
Francfort, les princes luthériens avaient renoncé à l'uniformité
dans les actes du culte. Parmi les prédicants on remarquait
surtout, outre les réformateurs, Spalatin, Brenz, Bugenhagen
et Chemnitz. Beaucoup s'égaraient dans de fastidieuses et
ingrates polémiques, et produisaient rarement une impression
profonde. Us avaient souvent à se plaindre que la prédication et
la communion fussent négligées; la communion des laïques
sous les deux espèces n'était plus un attrait.
Pour l'administration de la cène et du baptême, de même que
pour d'autres usages, on adopta la langue du pays, afin
d'exciter le peuple à y prendre une part plus active. Luther
corrigea lui-même les défauts de son Agenda de 1526, et il
n'entendait pas qu'on dût toujours s'y conformer. Divers
changements furent introduits, et dans plusieurs provinces on
conserva longtemps encore des restes du rituel catholique. Le
culte des luthériens ne fut jamais aussi vide que celui des
zwingliens et des calvinistes : on y conserva jusqu'aux exor-
cismos du baptême, et quand le chancelier Crell essaya de les
abolir dans la Saxo électorale, il provoqua une insurrection
LE PROTESTANTISME. 563
populaire à Zeitz et à Dresde. Les luthériens gardèrent l'autel,
le crucifix et le luminaire.
Dans le principe, les réformateurs se montraient hostiles à
tonte espèce d'œuvre d'art; beaucoup de chefs-d'œuvre ma-
gnifiques furent détruits, gaspillés et convertis en argent, sur-
tout à Ulm et à Nurenberg. Cependant, après les actes de
vandalisme exercés par Carlostadt contre les images, Luther
parut plus favorable aux beaux-arts; il honora les peintres
Albert Dürer et Luc Kranach, réduits à se mouvoir dans un
cercle d'idées fort étroit, puisqu'on rejetait absolument le culte
de Marie et des saints et qu'on avait diminué le nombre des
fêtes religieuses, dont le vendredi saint était la plus importante.
Luther aimait par-dessus tout le chant d'Église ; il composa
lui-même quelques cantiques et remania d'anciennes hymnes
latines et allemandes; il choisissait de préférence les anciennes
mélodies du plain-chaut. Il fut imité en cela par Walter,
Selnekker et Bark. Paul Spératiis (mort en 15o4) vantait sur-
tout, dans les cantiques de Luther, leur parfaite adaptation au
sujet, contestée par Hetzer. Les plus remarquables auteurs de
poésies religieuses étaient Ph. Nicolai (1608), Jean Hermann
(1640), Simon Darch à Kœnigsberg (1650), mais surtout Paul
Gerhard, de la Hesse électorale (né en 1607), diacre de Saint-
Nicolas do Berlin (mort en 1676), à Luben, dans la Lusace; Jean
Ercard, de Berlin (mort en 1617), fut un excellent harmoniste.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 240.
Décret de Francf. en 1531 : Schrœckh, I, p. oiO; Bibl. Agendorum,
éd. de Kœnig, Cell., 1726, ia-4°; Kiiefoth, die Urspriingl. Gottesdien-
stordnungen in der luth. Kirche, Rostock, 1847; Funck, Geist und Form
des von Luther angeordneten Cultus, Berlin, 1819; Herrn. Jakoby, die
Liturgik der Reformatoren, 1 vol., Gotha, 1871; Grüneisen, de Pro-
test, artibus haud infesto, Stuttg., 1839, in-4°; Gieseler, K.-G., III,
II, p. 390 et suiv. Sur les prédicants : Dœllinger, I, p. 463 et suiv.; II.
p. 700 et suiv. Plaintes sur la négligence de la cène et du baptême,
ibid., I, p. 331 et suiv., 92 et suiv.; II, p. 28, 426. Sur le gaspillage
des œuvres d'art, voy. Baader, Beitr. zur Kunstgesch. Nürnbergs, I,
p. 38, 91 et suiv.; II, p. 23-25, • Haszler, Ulms Kunstgesch. im Mittel-
alter, Stuttgart, 1864, p. 116; Springer, Bilder aus der neueren
Kunstgesch., Bonn, 1867, p. 179; Van Eye, Leben und Wirken Albrecht
Dürers, Noerdl., 1869, p. 487. Luther sur la musique : Walch, th. x,
o6i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
p. 1723; Winterfeld, Dr. M. Luthers geistl. Lieder nebst den waehrend
seines Lebens dazu gebroeiichlichen Singweisen, Leipzig, 1841. Contre :
Meister, das Kalb. Kircbenlicd und seine Singweise, Frib., 1862, 2 voL,
surlouL l, p. 29 et suiv. Sur Spératus et Hetzer : Dœllinger, I, p. 201 ;
Cosack, Paul Spératus, Braunscbw., 1801 ; Erdmann, Paul Spératus,
Deutsche Ztschr. für christl. "Wiss. von Hollenberg, 1861, p. 261 et
suiv., 292 et suiv. ; Paul Gerhardts geistl. Lieder, Stuttgart, 1843, ed.
Wackernagel, ibid., 18öö; Trepte, Paul Gerhardt, Deutsch, 1828;
Roth, Paul Gerhardt, Leipzig, 1829; A. Wildenhalin, Paul Gerhardts
Kirchengeschichtlichcs Lebensbild, II part., 4" éd., Bâle, 1877; Koch,
Gesch. des KirchenUedes, Stuttgart, 1866, 3« éd.; Ph. Wackernagel,
das Deutsche Kirchenlied von Luther bis Herrn, und Blaurer, Stutt-
gart, 18il ; Palmer, Evangelische Hymnologie, Stuttgart, 1865.
La discipline ecclésiastique.
24.1 . Les théologiens, tels que Sarcérius, regrettaient amè-
rement l'absence d'une discipline ecclésiastique stable et pré-
cise. Le Vittenbergeois Gaspard Lyser consulta Calvin sur la
manière d'établir une discipline et un système d'excommuni-
cation ; mais Brenz et la plupart des prédicants étaient oppo-
sés à cette réforme, et dans les communes les partisans de « la
liberté ecclésiasti(]ue » firent résistance. On employait comme
moyens do discipline : les reproches, les amendes, l'exclusion
de la cène et des fonctions de parrain, l'excommunication, le
refus de la sépulture ecclésiastique ; les autorités civiles y
ajoutaient la prison, l'exil et la peine de mort. La discipline
était plus sévère chez les calvinistes ; elle était surveillée par
les presbytères et les synodes. L'excommunication était sou-
vent prononcée avec des formules de malédiction effroyables,
surtout en Ecosse et en France. En Allemagneaussil'on procé-
dait avec beaucoup de rudesse et de cruauté, surtout à Weimar,
à iéna et à Brunswick. Dans cette dernière ville, Henning
Brabant, chef de la bourgeoisie, ayant renversé l'aristocratie
et introduit la souveraineté populaire, voulut secouer le joug
des prédicants ; ceux-ci le frappèrent d'excommunication et
excitèrent tellement le peuple contre lui, qu'il se vit complè-
tement délaissé. U fut emprisonné, mis à la torture et exécuté
après les plus afl'reux tourments (1604). Partout où ils l'empor-
taient, les prédicants se vengeaient de leurs adversaires d'une
façon impit(»yable.
JJ: protesta iNTISME. n6o
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 241.
Dès 1533, A. Osiandre se montra favorable au rétablissement de
la confession ecclésiastique, et Paul Rephun, curé à Œlsnitz, repré-
senta vivement aux réformateurs la nécessité de revenir à l'excommu-
uication (Dialogue sur l'abrégé de la foi chrétienne) : Dœllinger, II,
p. 83 et suiv., 203. Sarcérius, ibid., p. 180 et suiv.; Gaspard Lyser,
p. 371. Cf. Kober, der Kirchenbann, Tüb., 1857, p. 10 et suiv.; Zeller,
dasTheol. System Zwingli's, Tüb., 1853, p. 16 et suiv., 30 et suiv.
Cruauté chez les prolestants : Hist.-pol. Bl., t. III, p. 528-545; t. VII,
p. 319. — Strombeck, Hemming Brabant, Braunschw., 1829; K.-A.
Menzel, V, p. 229 et suiv.
Effets du protestantisme.
Fruits pernicieux de la nouvelle doctrine.
242. Les résultats de la léformation ne justifièrent nullement
les espérances qu'elle avait fait concevoir, et la nouvelle doc-
trine ne tarda pas à montrer les fruits pernicieux qu'elle devait
produire. Si l'on demeura quelque temps indifférent en pré-
sence des passions violemment surexcitées, des moyens
étranges de polémique, des bouleversements de toute espèce ,
dans l'espoir que ces inconvénients passagers seraient bientôt
contre-balancés par les avantages,|on s'aperçut de plus en plus
que c'était là une amère déception. La vie morale et religieuse,
au lieu de s'améliorer, allait eu déclinant, de l'aveu même des
réformateurs et de leurs disciples ; on méprisait la prière et
l'ofûce divin, le baptême et la cène, les œuvres de bienfaisance,
l'honnêteté des mœurs ; les vices les plus révoltants, l'impu-
dicité, l'ivrognerie, les jurements et les blasphèmes se multi-
pliaient. On avait voulu secouer d'ignobles chaînes, et l'ou était
tombé dans un plus dur esclavage ; on travaillait à supprimer
la parole de l'homme et à faire régner la pure parole de Dieu,
et c'était pour jurer sur l'autorité de Luther et de Calvin ; on
désirait un clergé plus capable, plus moral, plus considéré, et
l'on n'avait qu'une tourbe de prédicants immoraux, ignares,
méprisés et batailleurs ; on prétendait faire refleurir les écoles
publiques, et elles tombaient de plus en plus dans la barbarie,
et le nombre des étudiants diminuait ; on réclamait la liberté
d'enseignement, et l'on avait la censure la plus impitoyable et la
5G6 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
plus arbilmire ; on voulait supprimer la persécution des héré-
tiques, et l'on continuait de les vexer avec aggravation de peines
et sans motif.
En place des consolations que devait procurer le nouvel Évan-
gile, une crainte de la mort, inouïe jusque-là, s'emparait des
esprits ; le suicide et autres forfaits se multipliaient; le désor-
dre et la confusion faisaient d'effroyables progrès ; la supersti-
tion réclamait incessamment de nouvelles victimes. On parlait
beaucoup de la Bible, et on la lisait fort peu. Le désordre était
si grand, que Luther, Mélanchthon et la plupart des théolo-
giens ne pouvaient l'expliquer que par l'approche du dernier
jugement. On continuait de croire que le pape était l'Anté-
christ, on avait horreur de tout ce qui tenait au catholicisme,
et l'on s'enfonçait de plus en plus dans la division et le schisme.
Les dernières tentatives de conciliation entre luthériens et
calvinistes échouèrent, comme avaient échoué les premières.
La discorde engendrait la discorde, et il en résulta peu à peu
une confusion telle, que, malgré le triomphe momentané des
doctrines positives des réformateurs, ces doctrines ne devaient
pas tarder à être sacrifiées. En présence du mécontentement
de la foule et des prédicants, elles l'auraient été depuis long-
temps sans l'intervention violente des pouvoirs civils. Le peu-
ple, si rudement opprimé, regrettait, quand ses souvenirs
n'étaient pas encore effacés, les vieux temps du cathohcisme,
et surtout le sacrifice de la messe.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 242.
Dœllinger, dans son ouvrage sur la Réformation, fournit d'abon-
dants témoignages sur les suites funestes de la réforme. Voyez sur-
tout le coup d'œil rétrospectif, II, p. 693 et suiv. Divers témoignages
sur la décadence religieuse et morale : I, p. 30 et suiv., 45 et suiv.,
76 et suiv., 167 et suiv., 226 et suiv., 292 et suiv., 331 et suiv.; II,
p. 55 et suiv., 78 et suiv., 93 et suiv., 207 et suiv., 269 et suiv., 328 et
suiv., 427 et suiv. Spalatin, Mathésius, Aquila, Bugenhagen, Cyr.
Spangcnberg, Jacques Andréaî, II, p. H3 et suiv., 127 et suiv., 135 et
suiv., 14.'i et suiv., 278 et suiv., 375 et suiv., 640 et suiv. Malédictions
et blasph^'uies : Paul d'Eitzen, Elhica christ., Viteb., 1571, I, 103,
117; Dœllinger, II, p. 487; cf. ibid., p. 404 et suiv., 640 et suiv.
Adultère, polygamie, divorce, ibid., p. 441 et suiv., 640 et suiv.
Impudicité, goiufrerie, ivrognerie, ibid., p. 56, 61-63, 73, 433 et suiv
LE PROTESTANTISME. o67
Surla servitude régnante : Mélanchthon, Jean Forster, Mennius, Flacius,
ibid., I, p. 368 et suiv.; II, p. i 53, 177, 250 et suiv. Cf. I, p. 42 et suiv.,
ilSetsuiv. Le «jurare in verbaLutherivelCalvini)>,ibid.,I,p. 109. Sur
les prédicants : Mélanchthon, Draconites, G. Major, Schnepf, Cruciger,
Hypérius, Musculus, I, p. 463 et suiv., 468 (cf. p. 100 et suiv., 209 et
suiv., 296 et suiv., 317, 413 et suiv., 469); II, p. 150, 221, 408 et suiv.
Décadence des études, I, p. 408 et suiv., 434 et suiv., 483 et suiv.; II,
p. 55 et suiv. Sur l'Angleterre : Dœllinger, Kirche und Kirchen, p. 209.
Censures rigoureuses et persécutions : Dœllinger, Reform., I, p. 495
et suiv., 388 et suiv.; II, p. 111. Voy. ci-dessus, § 210. Crainte exa-
gérée de la mort : Dœllinger, I, p. 64 et suiv., 334 et suiv. Suicide et
autres crimes : H, p. 656 et suiv., 692 et suiv. (p. 370 et suiv., les
deux Bidembach). Superstition, magie et diablerie : Dœllinger, II,
p. 413, 644, ci-dessus, § 101. Le prédicaut Naogeorgus, en 1562,
accusa trois femmes d'Eslingen de sorcellerie et les lit mettre à la
torture : Dœllinger, II, p. 137. Des prêtres catholiques furent taxés de
magiciens et d'alliés du diable, comme Joachim Niebuhr, à Rostock :
Sehrœder, Mecklenb. K.-Hist., I, p. 225; DœlUnger, II, p. 418. Autres,
ibid., p. 419 et suiv. Musculus, sur le diable, p. 424 et suiv.; K.-A.
Menzel, t. V. (1855), p. 90. La Bible était peu lue, d'après Hypérius et
Brenz : Dœllinger, II, p. 220, 357. Sur l'approche du dernier jugement :
Luther (Ep.,ed. Ranner, p. 325), Mélanchthon (Corp. Ref., VUl, 265 et
seq., 301, 330); Chr. Lasius, mort en 1572; Barthol. Gernhard, mort
en 1600; Phil. Nicolai, mort en 1608; Chr. Barbarossa, mort en 1623;
Math. Dresser, en 1560 prof, à Erfurt, en 1574 à Leipzig; Gaspard
Hofmann, prof, à Fraucfort-sur-l'Oder : Dœllinger, I, p. 307 et suiv.,
401 et suiv.; II, p. 266, 300 et suiv., 497 et suiv., 499 et suiv., 612
614 et suiv. Le Pape et l'Antéchrist, d'après Flacius (Dœllinger, II,
p. 257); d'après le synode de Gap, 1603, art. Conf. 31 (Aymon, Synodes
nationaux, 1,258, 272), et d'après l'ouvrage calviniste de l'Élection de
Dieu, censuré parla Sorbonncen 1553(du Plessis d'Arg., II, i, p. 164, 1. 1,
app., p. xix). Ce fut précisément à cause de la confusion et de
l'anarchie si vivement déplorées par Jacques Andrése, Eusèbe Ménius
(1562) et OttonCasman (en 1594 recteur à Stade) (Dœllinger, H, p. 379 et
suiv., 607, 621), que Basile Munner, conseiller de la Saxe et professeur
des deux droits à léna, demandait que les princes s'en tinssent rigou-
reusement à la doctrine de Luther et punissent quiconque s'en écarte-
rait, puis aussi qu'on n'abandonnât point l'affaire aux théologiens qui
aspiraient vers une nouvelle papauté : Dœllinger, II, p. 631 et suiv.
Les vœux du peuple de Wurtemberg pour le rétablissement de la
messe sont attestés par Jean Brenz lui-même, ibid., p. 355 et suiv.,
699. Pour le reste, voy. Janssen, II, p. 414 et suiv.; Planck, Prot.
Lehrbegr., t. IV- VI ; Gasz, Gesch. d. prot. Dogm., Berlin, I, 8541, etc.,
aG8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
§ 21 ! . Le terme de « réformé » fut employé en loSO dans les formules
de concorde et plus tard encore pour tout ce qui s'écartait de l'an-
cienne Église, par opposition au luthéranisme; mais de 1584 à 1014,
à Nassau, à Brème, à Anhalt, dans la Hesse, le Brandebourg et le
Palatinat, on y joignit dans le principe le mot « appelé ». En 138Ö,
Jacques Andréœ fit recevoir dans le Wurtemberg le mot « Jnthérien »,
par opposition à « réformé ; » au XVIl^ siècle, il était admis sans con-
teste. Voy. Heppe, Ursprung und Gesch. der Bezeichnungen « refor-
mirte » und « lutherische Kirche », Gotha, 1859.
CHAPITRE II.
LE CATHOLICISME. — LA RÉACTION CATHOLIQUE CONTRE LES
NOVATEURS.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
243. Le protestantisme avait fait à la religion catholique,
dans presque toute l'Europe, les plus graves blessures ■• l'an-
cienne foi semblait éteinte, le Saint-Siège privé de toute auto-
rité, l'épiscopat de plus en plus amoindri. L'Église, autrefois si
puissante et si respectée, était vouée au mépris, affaiblie par
de nombreuses désertions, défigurée par une multitude d'abus,
menacée dans son existence. Cependant elle se releva bientôt
avec un redoublement de force et d'énergie. A la réformation
protestante elle opposa une réforme catholique, dressa contre
le protestantisme une barrière qu'il ne devait plus franchir, et
reconquit même plusieurs places qu'elle avait perdues. Elle
reprit sa beauté et sa vigueur, et révéla sa fécondité par la mul-
titude de ses saints, de ses missionnaires, de ses savants et de
ses artistes. Réunie dans un grand concile général, elle exposa
avec plus de clarté et de précision les dogmes qu'on attaquait,
et introduisit une discipline morale qui allait bientôt s'étendre
au loin. L'arbre qui semblait mort à plusieurs, se dépouilla de
ses branches desséchées, porta de nouvelles fleurs et produisit
des fruits d'une parfaite maturité. De nouveaux et grandioses
établissements, des congrégations religieuses parurent ; uue
science strictement catholique naquit, escortée de l'art reli-
gieux, et raiicienne Église recruta dans dos contrées étran-
LR CATHOLICISME. 569
p;ères nu si grand nombre do membres nouveaux, que le chif-
fra de ceux qu'elle avait perdus fut largement compensé.
Des pasteurs pleins de zèle se plièrent avec charité et dévoue-
ment aux pénibles devoirs de leur ministère, et l'on vit surgir
toute une génération de prêtres pieux et capables. Les monar-
ques demeurés catholiques, effrayés de la grandeur du péril
qui les menaçait eux-mêmes, ou enflammés d'amour pour la
foi dans laquelle ils étaient nés, joignirent de nouveau leurs
efforts aux efforts de l'Église. Le contre de ces luttes, de ces
victoires grandioses, fut le Siège de Saint-Pierre, qui avait
repris dans les États de l'Église une position solide, un poin*
d'appui matériel inébranlable, que les guerres entre l'Espagne
et la France ne firent qu'affermir au lieu de l'ébranler. Les
papes, prenant résolument en main l'œuvre de la réformation,
se créèrent des auxiliaires, des instruments nouveaux pour le
gouvernement ecclésiastique ; ils soutinrent les enfants de
l'Église sur les points les plus menacés, choisirent pour cardi-
naux et pour prélats les hommes les plus méritants, et recon-
quirent dans l'esprit des peuples cette autorité vénérable qui
avait été longtemps obscurcie, mais qui ne pouvait disparaître.
Bientôt le monde catholique présenta en face du protestantisme
morcelé et indécis le sublime spectacle de l'unité merveilleuse-
ment raffermie, de celte unité qui n'a été promise qu'à elle
seule et qu'elle saura conserver.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 243.
Ranke, die Rœm. Pœpsle im 16 und 17 Jahrb., t. I, p. 43, 45, 56
el siiiv.; Kerker, die kirchl. Reform, in Italien unmittelbar vor dem
Trid. (Tüb. theol. Quartalschr., 1859, p. 3-56). Sur les souverains
catholiques : Pallav., Hist. Conc. Trid., lib. I, c. viii, n. 14, 15.
TRAVAUX DES PAPES ET DU CONCILE DE TRENTE.
Paul III et la première période du concile de Trente.
Travaux de Paul III pour la réforme.
244. Déjà Léon X, Adrien VI et Clément VII s'étaient effor-
cés de combattre le progrès des nouveautés et de préparer les
vuies aux améliorations réclamées de toutes parts, soit par
leurs nombreuses lettres et leurs ambassadeurs, soit en élevant
570 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
aux dignités de la cour romaine des hommes distingués, soit
par leur économie et par des réformes partielles introduites dans
la cour de Rome. Il était réservé à Paul III d'exécuter cette
vigoureuse réaction. Il confia à un choix de cardinaux et de
prélats, tels que Contarini, Sadolet, Polus, CarafTa, Fregoso,
archevêque de Salerne, Gibert, évêque de Vérone, Alexandre
et Cortese, le soin d'élaborer un projet de décrets de réforme.
Il aimait la franchise du langage. Il nomma des commissaires
spéciaux pour renouveler la Chambre apostolique, la Chancel-
lerie, la Pénitencerie et la Rote, publia différentes bulles pour
abolir des abus, enrichit l'Église d'ordres nouveaux et pros-
pères, essaya, comme ses devanciers, de réconcilier entre eux
les princes chrétiens et de les unir contre les Turcs.
En présence des productions innombrables de la presse, il
étabht en 1543 une censure rigoureuse des hvres, et, à l'exem-
ple des universités de Paris et de Louvain, il fit composer des
catalogues de livres défendus [indices libroruin prohibitorum.)
Sur la proposition des cardinaux Caraffa et Jean Alvarez de
TolèdedeBurgos,ilrestaura(1542)riiiquisition ouïe saint Office
sous une forme nouvelle, et l'érigea en tribunal suprême de la
foi. Les six cardinaux qui le dirigeaient, avaient le droit d'en-
voyer des ecclésiastiques dans tous les lieux où ils le jugeraient
nécessaire, de prononcer sur les appels qui seraient faits contre
leur procédure, de connaître des choses de la foi ; d'exécuter, en
un mot, tout ce qui paraîtrait nécessaire pour prévenir et étouf-
fer les hérésies.
Le cardinal C araffa déploya beaucoup de zèle en faveur de
cette institution. vSuccessivement établi à Venise, à Milan, à
Naplcs et en Toscane, il s'opposa à la propagation des nou-
veautés en Italie, et procéda avec une grande impartialité, sans
acception de personnes et sans corruption. Paul III fit encore
davantage par l'ardeur infatigable avec laquelle il travailla à
la réunion du concile de Trente, et il eut le bonheur, après
avoir surmonté une infinité d'obstacles, de survivre à son
ouverture.
OUVRAGES A CONSUMER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 244.
Onufrio Panv., Platina restitutua cum addit. a Sixte IV ad Pium IV,
Venel., 1562, in-4''; A. du Chesne, Hist. des papes, Pari», 1646, in-f",
continuée par Fr. du Chesne, Paris, 1658, ia-f°,t. II (jusqu'à Paul V);
LE CATHOLICISME. 571
Ranke, I, p. 132 et siiiv., 146 et suiv. ; Cam. Trasmondo Frangipane,
Momorie sulla vita e i fatti del card. Aless. Farnese, Opera postuma,
Roma, 1876. Lo Gonsiliuin delectorum cardinalium ac aliorum prae-
latoruni de emeiidanda Ecclesia, 1537, dans Mansi, Conc. Suppl., V,
537; Le Plat, .Mon. ad bist. Conc. Trid., II, 596 et seq. Cf. du Plessis
d'Arg., 1. 1, app., p. xxxvi et seq. Se trouve aussi dans Durand, Tr. de
modo Concil., éd. Par., 1671. Il est faux que Paul IV ait rais plus tard
à l'index l'avis qu'il avait rédigé comme cardina' Carafïa ; la seule chose
qui fut mise à l'index, c'est l'édition strasbourgeoise de 1538, par
J. Sturm, avec les i-emarques insultantes de celui-ci et de Luther. Ben-
nettis, Vindic. privil. B. Pétri, p. II, t. V, app. Vlll, p. 737-741 ; Zac-
caria, Antifebronio, I p. lxxxu et seq.; Natal. Alex., H. E., saec. XVI,
c. i,art. 16. Lettres deConlarini àPaul III:, Le Plat, loc cit., p. 605; Roc-
caberti,Bibl.Pontif., XIII, 178. Réformes dans la Curie :Rayn., an. 1540,
Ann, t. XXI, p. 146. Bulle Licet ab initio, 21 juillet 1542, sur l'Inquisi-
tion : Bull., éd. Coquelines, IV, I, p. 211 ; éd. Taur., VI, 344;Carrac-
ciolo, Vita di Paolo IV, MS., c. viii; Ranke, Rœm. Paipste, I, p. 205-
208. Index libror. probibit. : Bromato, VII, 9. L'impulsion fut donnée
par les théologiens de Louvain, qui en 1540 déjà avaient publié uu
premier Index ; ils l'agrandirent en 1545 : « Librorum, quos ad Caes.
Maj. jussum Theologi Lovan. diligenter examinâtes censuerunt inter-
dicendos, Index (noiiv. éd., 1550) : Du Plessis d'Arg., I,app., p. xxxvit.
Le Catalogue des livres censurés par la Sorbonne en 1542 et 1543 con-
tient 65 numéros (ib., II, i, p. 134-136); vint ensuite, par ordre alphabé-
tique, un Index des ouvrages censurés de 1544 à 1551, avec une
préface (p. 164-178). En Italie, Jean de la Casa, ami de la maison
Carafa, fit imprimer à Venise, en 1548, le premier Index (70 numéros).
Il en parut de plus étendus, à Florence, eu 1552 ; à Milan, en 1554; le
premier qui ait eu la forme actuelle est de Rome, 1559 : Ranke, I,
p. 211. Sur l'Index de Paul IV, de 1557, voy. Phillips, K.-G., VI, § 324,
p. 607. II fut corrigé en 1559, et en 1664 divisé en plusieurs rubriques.
Nouvel Index de Benoît XIV, 23 déc. 1757; de Grégoire XVI, 1841.
Le concile de Trente (XIXe concile œcuménique). — Les trois
premières sessions.
245. Le dix-neuvième concile œcuménique eut à lutter, dès
son ouverture, contre de nombreuses difficultés avant de pouvoir
atteindre son but : « l'honneur et la gloire de Dieu, l'accrois-
semont et l'exaltation do la foi et de la religion chrétienne, l'ex-
tirpation des hérésies, la paix et l'union de l'Église, la réforma-
lion du clergé et du peuple chrétien, l'huinihatiou et l'extinc-
57 i HISTOIRE DE l'Église.
tion des ennemis du nom chrétien. » La session solennelle
d'ouverture fut présidée par les cardinaux del Monte, Cervinus
ot Pûlus. On y vit aussi le cardinal Madrucci, prince-évêque de
Trente, quatre archevêques, vingt évêques, cinq généraux
d'ordres, et les envoyés du roi Ferdinand. Après la première
session (43 décembre 15-45), les prélats envoyés par le pape
remplirent les fonctions synodales. L'habile Angelo Massarelli
fut nommé secrétaire du concile.
Relativement à l'ordre des affaires, il fut décidé que les ma-
tières à traiter seraient préparées par des théologiens et des
canonistes dans des réunions préliminaires, examinées ensuite
par les évêques' dans des congrégations générales, et les décrets
rendus publics en session solennelle. Conformément à ce qui
s'était fait dans les anciens conciles, le vote aurait lieu par
têtes et non par nations ; les généraux d'ordres n'auraient
qu'une voix pour l'ordre tout entier, et trois abbés ensemble
n'en auraient également qu'une. Les matières furent présen-
tées à l'assemblée par les légats présidents. Quelques-uns
demandèrent qu'on s'occupât d'abord des questions dogmati-
ques; d'autres, de la réforme de la discipline. On adopta la pro-
position de Thomas, évêque de Feltre, suivant laquelle ces
deux matières seraient traitées simultanément ; dans les mêmes
sessions les décrets disciplinaires succéderaient régulièrement
aux décrets dogmatiques. On s'occupa du genre do vie des
Pères et de leur entretien, pour lequel le pape s'imposa de
grands sacrifices.
La nomiriation du protecteur du concile fut laissée au prince-
évêque de Trente, qui désigna Sigismond, comte d'Arco. Plu-
sieurs questions de forme, le titre môme du concile, les droits
dos délégués des évêques, l'admission des réguliers, etc., four-
nirent matière à délibération, attendu que l'empereur et la
France avaient exprimé le désir, par égard pour les protestants,
qu'on procédât avec beaucoup de lenteur. On se contenta donc,
dans la deuxième session (7 janvier 1546), do lire les constitu-
tions du papo, et do publier le décret relatif au genre de vie des
Pères du concile et les autres choses qu'on devait observer
pondant le concile. Le concile comptait maintenant quarante-
trois membres, entre autres les archevêques Élaiis Magnus
d'Upsal et Robert d'Armagh. Comme on attendait encore beau-
LE CATHOLICISME. 573
coup d'autres prélats et qu'on ue voulait pas rendre d'impor-
tants décrets avant l'arrivée d'un plus grand nombre de
Pères, la troisième session (4 février) fut employée à faire jurer
solennellement par les Pères le Symbole de l'Église, à le publier,
et à fixer la session suivante.
OÜVILVGES A CONSULTEK ET REMARQCES CRITIQUES SLR LE N° 245.
Travaux de Paul III en faveur du concile de Trente, ci-dessus, §§ 84,
86-88, 95, 96, 104. Pallav., Hist. Conc.Trid., l.IIl,c. xvu, surtout n. 3,
Rayn., a. 1534, n. 2. Pallavicini, S. J.,puis cardinal, a écrit Istoria del
S. Concilio di Trento, Roma, in-f°, 1656; 1664, 3 t.; illustr. con
annotazioni da Fr. A. Zaccaria, Roma, 1833, 4 vol. L'ouvrage est
dirigé contre le livre de Paolo Suave (Paolo Sarpi, servite) Istoria de
Concilio di Trento, Londra, 1619 (l'édition de Sarpi fut surveillée par
M. -A. de Dominis, § 203) . LeCourrayer en donna une traduction fran-
çaise avec des notes, Arasterd., 1736, 1751, 2 t. in-4'>; éd. Ancelot de
la Houssaie, Amst., 1699; en allem., par Winterer, Wergenth., 1840 et
suiv., 4 vol. Sarpi traduit Sleidan en plusieurs endroits et écrit avec
beaucoup d'amertume (Ranke, Papes romains, III, p. 272-275). Com-
pléments dans Rayn., an. 1345 et seq.; Stoz, Relat. hist. de gest. Conc.
Trid., Diling., 1695; Martène et Durand, Collect, ampliss.. Par., 1733,
in-f°, t. VIII, p. 1022-1445, éd. cur. J. Samuelfy, Magdeb., 1743(FilhoI,
archevêque d'Aix, membre du concile sous Paul III et Jules III, ex-
trait des délibérations). Ph. Labbe, Concil., 1672, t. XIV (documents
publiés par les théologiens de Louvain en 1567). P. Puteanus, Instruc-
tions et Missives des roys de France... concernant le Concile de Trente,
Par., 1613, in-4° (ne contient que les pièces relatives à la France).
J.-D. Mansi, Miscellan., Baluz, nov. edit., Luc, 1762, in-f°, t. III, p. 432-
519 ; t. IV, p. 192-464 (lettre de Charles Visconti, évèque de Vinlimille,
à S. Charles Borromée, et lettre de Mutius Calinus, archevêque deZara,
au cax'dinal Cornari). Le Plat, Monum. pour servir à l'hist. du Conc. de
Trente, 1781, in-f°, t. VI; éd. lat. : Monum. ad hist. Conc. Trid. potiss.
illustrand. ampliss. coUectio, Lovanii, 1781 et seq., 7 t. in-4'' (t. I,
discours prononcés au Concile de Trente, d'après Labbe, Martène, Ray-
nald, etc.; t. II, documents pour servir à l'histoire du Concile, de 1518-
1540; t. 111, documents de 1541 à 1548 ; t. IV, autres, de 1548-1561 ; t.
V, documents de 1562 et 1563 ; t. VI, documents de 1563 et 1564, avec
les apologies de Pierre Fontidonius et Gasp. Cardilius ; t. VII, pièces
concernant la réception du Conçue dans les Pays-Bas et en France); puis
journal de Laurent du Pré (Pratanus), chanoine de Tournay, d'après un
manuscrit de Polling, extrait des actes par A. Massarelli et Curten-
brosch d'après Martène, et CoUectio actorum et décret. deMcol. Psal-
574 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
mœus, abbé de Prémontré, puisévèquede Verdun, édité pour la première
fois parCliarles-Louis Hugon, 0. S. B., Slivag., i725. Antiq. mon. (Ac-
cessiones novae ad H. E,. Francof. ad M., 1744, in-f", 215-476), la Clo-
ect. ex gest.Conc. Trid., de l'arche. Bartéhlemy. des Martyrs, 0pp., ed
Rom., 1735, t. II, p. 423-850, et les journaux de Torellus Phola, cha-
noine deFiesole, et de J.-B. Ficler, 0. Pr. D'autres matériaux ont été
fournis par les Monumenti di varia letteratura tratti dai MSS. di Msgr
Lodovico Beccadelli, de Bologne, arch. de Ragnse, membre du concile
sous Pie IV (ed Bologna, 1804, t., 111). Autres ouvrages dignes de men-
tion : Lettres et Mémoires de François de Vargas, de Pierre de Mal-
venda et de quelques évêques d'Espagne touchant le Conc. de Tren-
te avec des remarques par M. Le Vassor, Amst., 1699; Instructions
et Lettres des Rois très chrétiens.. Par., 1654 (c'cstl'ouvrage deDupuy
ou Puteanus mentionné ci-dessus); Notice des actes orig. du
Conc. de Trente, dans la Chronique relig., I, 41, Paris, 1819. ;G. J.-
Planckii Anecdota ad hist. Conc. Trid., 26; Gœttinger Programm, 1791-
l818.0ndoit à Mendham: Mémoires of the Council of Tr., Loud.,
1834 et Acta et Décréta Conc. Trid., ab an. 1562, a Gabr_
Paleotto (sous Pie V archev. de Bologne) descripta, Lond., 1842. Ont
paru plus tard : chan. Giov. Finazzi ; del ;P. Alberto Mazzoleni e de'
suoiMSS. intorno al Concilio di Trento, Lucca, 1862, tip. Landi. Depuis
1870 les publications relatives à l'histoire du Concile se sont multipliées ;
telles sont: Th. Sickel, Actenstücke aus œsterr. Archiven zur Gesch. des
Concils von Tr. (dritte Epoche), Vienne, 1871, in-f"; GenerosoCalenzio,
Documenti inedili e Nuovi Lavori lett. sul Concilio di Trento, Roma,
1874; L. Magnier, Étude histor. sur le Concile de Trente, Paris, 1874
(I part., 1545-1552); La^mmer, Meletematum Rom. Mantissa, Ratisb.,
1875; Dœllinger, Ungedruckte Berichte und Tagebücher zur Gesch.
des Concils von Tr,, Noerdlingen, 1876, 2 sections. L'édition des Actes
par A. Massarelli, etc. (Acta genuina SS. Conc. œc. Trid. ab Ang. Mas-
sarello Ep. Thelesino conscripta... nunc prinium integre édita ab Aug.
Theiner. Accedunt acta ejusdem Conc. a card. Gabr. Paleotto digesta,
secundis curis expolitiora, Zagrabii et Lips., 1875, 2 vol. in-4'>), n'a
nullement répondu à l'attente des savants: on y remarque des omis-
sions arbitraires, faites quelquefois par esprit de parti, sans parler des
autresdéfauts (V.Archiv, für kath.K.-H., 1876, t. XXXV, p. 189etsuiv.).
Les anciens ouvrages de Salig, Vollständige Gesch. des Trid. Conçus,
Halle, 1741 et suiv., 3 vol. in-4''; de Wessenberg, die groszen Kirchen-
versammlungen, t. III, IV (voy.surlui le Catholique, maiet déc. 1841);-
de Gœschl.Gcschichtl. Darstell, des Concilszu Trient, Regensb., 1840;
de Hiitjes, Gesch. desConcils von Trient, Munster, 1846, sonlsurpassés
par les nouveaux, bien que le jugement de Biischar sur les contro-
veiscs de Sarpi et de Pallavicini, Tubing., 1843 et suiv., 2, part, con-
LE CATHOLICISME. 575
serve encore à bien des égards sa valeur critique. Voyez aussi Werner,
Gesch. der apol. und polem. Lit., IV, p. 368-379. Éditions des décrets :
Canones et Décréta Conc. Trid., 1567, in-4°, éd. Gallemart, Colon.,
1618, 1619, 1700 et seq. (avec notes); éd. Jod. Le Plat, Lovan., 1779,
in-40; éd. stereotypa, Lips., 1842, Lugd., 1836; éd. Smets, lat. et
germ., Bielefeld, 1847; cum declar. Congr. Conc, éd. Richter, Lips.,
1853. Sur les éditions, consult. Phillips, iV, p. 463 .et suiv. Parmi les
ouvrages écrits en sens contraire par des protestants, le plus considé-
rable est l'Examen Conc. Trid., Francof. ad M., 1707, 4. t. in-f".
Sur la première session et le blâme injuste contenu dans le discours
del'évèque de Bitonto, voy. Pallav., V, xvn, i8. L'ordre des affaires
consigné dans A. Massarelli a été souvent édité, notamment par
Friedrich, Documenta ad iliustrand. Conc. Vatic.Nœrdlingen, 1871,
I, p. 265-276 ; puis s. t. « Geschœftsordnung des Conçus von Trient
aus einer Handschrift des valic. Archivs vollst, edirt », en lat. et en
allem., Vienne, 1871, par E. Cecconi, Gesch. der allgem. Kirchenver-
sammlung im Vat., t. I, urk. ly, p. 80-104. Mais ce n'est là qu'un
« ordo servatus », et non un« ordo absolute prsescriptus ». Autres
négociations : Pallav., VI, i et seq. L'évêque de Fiesole voulait qu'on
ajoutât au titre de concile, d'après ce qui s'était fait à Constance et à
Bâle, ces mots : « Universalem Ecclesiam repreesentans » ; mais le
général des servîtes et Pighinus tirent remarquer que le titre qu'on y
avait alors employé était une nouveauté, et que « sacra universalis et
œcumenica Synodus » était suftisant. Le légat del Monte ajouta que
ce titre offusquerait encore davantage les protestants ; que le concile
de Bâle, schismatique à la un, ne pouvait pas servir d'exemple; à
Constance, la formule avait une valeur particulière, à cause des trois
obédiences. Les évoques se déclarèrent satisfaits. Plus tard, cepen-
dant, l'auteur de la proposition, appuyé par des membres nouvelle-
ment arx'ivés, essaya encore de faire passer sa demande et de protester
contre ces paroles : « prœsidentibus legatis ». La question du titre fut
encore plus d'une fois agitée, mais la proposition ne fut pas admise.
Pallav., lib. VI, c. ii, n. 8-10; c. v, n. 4; c. vi, n. 2 et seq.; c. ix, n. 3;
c. XI, n. 1; cap. xii, 1; c. xvi, 4; lib. Vil, c. xm, 2; VIII, ivm,
3. Cf. XV, XIX, 15; XXI, xii, 4. Stoz, loc. cit., sect. II, n. 51-55; Psal-
mœus, Collect, act. in sacr. ant. monum., éd. Stivag., 1725, in-f", 221.
Dans le principe on n'accorda pas voix décisive aux procureurs des
évêques, notamment aux représentants de l'évêque d'Augsbourg et de
l'archevêque de Trêves. Le 4 décembre 1545, Paul III permit aux
évêques allemands, à raison des dangers de leur position, de voter par
l'organe de leurs procureurs. Pie V révoqua cette faveur en 1562, parce
qu'il voulait obliger les évêques à se présenter en pei*sonne; les pro-
cureurs ne devaient plus être admis que « ad excusandos absentes ».
576 HisTüiRE DE l'Église.
Rayn., an. 1562, n. 126. La demande « ut procuratores episcoporum
absentium cum sufFragioadmiUantur » ,fut renouvelée en 1563 par les
ambassadeurs et l'alFaire examinée par les jurisconsultes : ib., 1S63,
n. 6o, 92, 93; Pallav., XXI, i; XXIV, viii, 13 et seq., II^ et III« session :
Pallav., VI, V, 1 et seq., c. vni, ix; Theiner, Acta, I, p. 27 et seq.,
37 et seq., 49 et seq.
Quatrième session.
246. Sur la proposition du cardinal del Monte, on commença
par examiner les sources do la révélation. Les questions sui-
vantes, relatives à l'I^lcriture sainte, furent posées aux théolo-
giens : V faut-il accepter au même titre tous les livres des
deux Testaments et les appeler canoniques? 2° faut-il le faire
en procédant à un nouvel examen? 3" faut-il les diviser en
livres concernant la foi et en livres concernant l'édiflcation ?
Le général des augustins, Séripand, se prononça affirmati-
vement sur le troisième point et présenta une dissertation dans
ce sens ; Il ne trouva pas d'écho. La première question fut réso-
lue affirmativement d'une commune voix ; sur la seconde, les
opinions se partagèrent d'abord, puis on décida de faire un
examen privé qui ne serait pas joint aux actes, et une com-
mission spéciale fut établie à cette fin. On traita aussi des abus
qui se commettaient relativement à l'Lcriture ; ce sujet, comme
celui de la tradition, donna lieu à do longues délibérations.
Après l'achèvement des travaux préUminaires et la réception
solennelle de l'envoyé de l'empereur, François de Tolède (15
mars), eut lieu la première session décisive (quatrième), où
furent publiés les décrets sur les livres canoniques, sur leurs
éditions et leur usage (8 avril.) Le canon des saintes Écritures
fut dressé d'après les conciles d'Afrique, et l'anathème pro-
noncé contre quiconque n'accepterait pas ces livres dans toutes
leurs parties, tels qu'ils se trouvent dans la Vulgate latine. Le
concile déclara également qu'il fallait respecter les traditions
relatives à la foi et aux mœurs. Il décida que l'ancienne Vul-
gate serait considérée comme authentique dans les sermons,
les leçons et les dissertations ; qu'on no pouvait jamais inter-
préter l'Écriture sainte contre le sens de l'Église ou le con-
sentement unanime dos Pères, mais qu'on publierait une
édition corrigée de la Vulgate ; qu'il était défendu de faire servir
LE CATHOLICISME. 577
l'Écriture à des fins superstitieuses et à des plaisanteries indé-
centes ; qu'on devait punir les imprimeurs qui reproduiraient
et propageraient, sans l'autorisation épiscopale, des livres sur
la religion et sans nom d'auteur.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 246.
Pallav., VI, XI, 11. 4-H ; c. xn, u. 2 el seq.; c. xui et seq.; Theinex",
I, p. 49 et seq. Cerviuo, Polus, Madrucci, consentaient à ce qu'on exa-
minât les livres saints en vue de réfuter les hérétiques, parce que cet
examen servirait ù condrmer la vérité et à instruire les tidèles; la
réfutation des hérésies, d'après S. Thomas, est un devoir pour les
théologiens et conforme à l'exemple des Pères. A cette demande
Catharin opposa les difficultés suivantes : 1° la diiférence des ver-
sions; 2° la multitude des fautes d'impression; 3° l'arbitraire dans les
interprétations ; 4° l'impression d'exemplaires falsitiés, accompagnés
de faux commentaii'es ; 5° l'abus des traductions en langue vulgaire.
Contre le premier inconvénient, la déclaration de la Vulgate comme
texte authentique parut le remède le plus efficace; contre le second
et le quatrième, la préparation d'une édition romaine correcte qui
servirait de modèle; contre le troisième, la recommandation de suivre
l'interprétation de l'Église, avec défense de s'écarter du <■<■ sentiment
commun des Pères » ; puis, en général, la censure des livres de théo-
logie. Plusieurs, surtout les Espagnols, voulaient qu'on interdit com-
plètement les traductions en langue vulgaire. L'autorité de l'ancienne
Vulgate, comme traduction garantie par l'Église quant à sa substance,
était généralement admise. Déjà, vers 1330, la faculté théologique de
Paris avait défendu d'interpréter la Bible d'après le grec et l'hébreu
sans sa permission, et de se servir, contre la Vulgate, du texte primi-
tif comme d'une autorité . Du Plessis d'Arg., II, i, p. 101-102. Spiritus
Roterus, 0. Pr. (Eccard, Script. Ord. Prsed., II, 188) écrivit une disser-
tation célèbre « de non vertenda Scriptura sacra in linguam vulga-
rem )), dédiée à Henri II (lo48); elle fut rééditée en 1661 par ordre du
clergé de France. Voy. encore Stanisl. Ilosius, lib. III, deAuctor, Script,
sacr., p. 247; du Perron, lib. VI, c. vi, Respons. ad Reg. Angl.;
Bellarm., de Verbo Dei, II, xv; Bened. XIV, de Syn. diœc, VI, x.
Dans ses mesures relatives à la tradition, le concile s'en tint exclusi-
vement à saint Irénée, à Tertullien et à Vincent de Lérins. Voy. encore
Alzog, Explicatio cath. systemalis de Interpret, lit. sacr., Monast.,
183Ö; Friedlieb, Schrift, Tradition und kirchl. Schriftauslegung,
Breslau, 1834.
247. Les légats de Trente présentèrent à Rome leurs projets
y. — HisT. DE l'église. 37
578 HISTOIRE DE L EGLISE.
fie réforme. Paul III so montra satisfait de leur franchise; il
leur rappela seulement que la discussion des points de disci-
pline ne devait pas faire relég-uor au second plan les questions
dogmatiques; qu'en parlant des obstacles «jiie la curie de Rome
opposait à la juridiction des évê;jues, il ne fallait pas taire les
difficultés suscitées par les princes temporels; (jue le concile ne
devait rien décider sans l'assentiment du pape, puisqu'on ne
devait pas réformer la curie de Home sans avoir entendu le
concile.
L'empereur persistait à vouloir (ju'on ajournât les questions
dogmatiques ; mais les légats firent remarquer qu'il convenait
par-dessus tout de protéger la foi, et non pas seulement de cor-
riger les mœurs des catholiques ; que c'étaient justement les
décrets disciplinaires qui réclainaieut la présence d'un plus
grand nombre d'évêques appartenant à tous les pays. Ils char-
gèrent les théologiens d'examiner la question du péché origi-
nel, dont les protestants s'étaient encore peu occupés. Les par-
tisans de l'empereur, les Espagnols surtout, tâchèrent de traî-
ner l'afTaire en longueur en présentant une multitude de pro-
jets, notamment sur la définition de l'Immaculée Conception de
Marie. Cependant on discuta aussi sur des décrets de réforme
relatifs à la prédication et aux leçons publiques. Il y eut sur ce
point une grande divergence de vues, et les légats eurent
toutes les peines imaginables pour maintenir l'ordre dans les
congrégations.
Ici encore, ainsi qu'il était naturel, — car les évêques sont
aussi des hommes, — les sorties violentes ne firent pas défaut.
L'évêque de Fiesole scandalisa tellement par ses discours
contre les restrictions apportées au pouvoir des évèques par les
réguliers et par le pape, qu'il fut obligé de faire amende hono-
rable. Le cardinal Polus le réfuta avec calme, mais d'une façon
péremptoire. L'Espagnol Pacheco mit en avant cette question
souvent agitée depuis, si le devoir de la résidence pour les évê-
ques est de droit divin ou de droit humain. On eut beaucoup
de peine à faire ajourner ce débat.
Sur l'Immaculée Conception, qui s'enseignait dans la plupart
des écoles, il fut décidé (ju'on ne porterait point de décision
expresse, mais qu'on laisserait la question dans l'état où elle sn
trouvait sous Sixte lY ; qu'on n'entrerait pas dans les coutru-
LE CATHOLICISME. 579
verses agitées par les catholiques, et que l'on s'abstiendrait de
condamner l'opinion contraire. Cependant les Pères se pronon-
cèrent pour la pieuse opinion, et lui donnèrent une nouvelle
force en ajoutant à leur décret que « l'intention du concile
n'était pas de comprendre la bienheureuse et immaculée Vierge
Marie » dans sa décision sur le péché originel : c'était dire assez
clairement, dans l'état actuel des choses, que la grâce divine
avait préservé Marie du péché originel.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 247.
Discussions du 8 avril au 17 juin 1546 : Pallav., VII, c. ii-vni;
Rayn., h. an.; Le Plat, III, p. 403 et seq.; Theiner, I, p. 80 et seq.
Cinquième session.
24.8.Lei7juin (cinquième session), fut publié ledécret^ogmati-
qucsur le péché originel et le premier décret sur la réformation. Le
décret dogmatique portait, en cinq anathématismes, qu'Adam
par le premier péché a perdu la justice originelle, qu'il a encouru
la colère de Dieu et la mort, qu'il a été affaibli dans son corps
et dans son àme; que ce péché a préjudicié non seulement à
lui, mais à ses descendants; qu'il leur a communiqué non seu-
lement la peine, mais encore la faute ; que le péché originel se
transmet à tous les hommes, non par imitation, mais par la
génération ; qu'il ne peut être effacé que par les mérites de Jésus-
Christ, qui nous sont appliqués dans le baptême, nécessaire à
tous, même aux enfants nouveau-nés ; qu'il supprime tout ce
qui est du péché, sauf la concupiscence, qui s'appelle le péché
parce qu'elle est un e^3t du péché et porte au péché. A ces ana-
thématismes, qui opposaient aux hésitations des protestants
l'ancienne doctrine de l'Église souvent dans les propres termes
de saint Augustin, était jointe l'exception relative à la sainte
Vierge.
Le décret de réforme prescrivait d'établir des chaires de théo-
logie dans les églises cathédrales et collégiales, ainsi que dans
les monastères où il n'en existait pas encore, fallùt-il suppri-
mer des charges ; puis la nomination d'au moins un maître de
grammaire dans les églises pauvres, pour distribuerl'enseigne-
ment préparatoire aux jeunes candidats du sacerdoce; il recom-
580 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
mandait aux évêques de vaquer à la prédication, et de choisir
des hommes capables pour annoncer la parole de Dieu les jours
de dimanche et de fête. Les régnliers devaient s'abstenir de
prêcher dans les églises de leurs couvents sans la permission de
leurs supérieurs, et ailleurs sans celle de l'évèque. L'évêque
retirerait l'autorisation aux prédicateurs qui donneraient du
scandale et propageraient des erreurs, et il procéderait contre
eux ; il pourrait aussi, en cas de besoin, procéder comme délé-
gué du Saint-Siège (à l'égard des exempts). Le concile interdit
également la prédication aux collecteurs d'aumônes, afin de
prévenir les scandales. Quatre cardinaux, neuf archevêques,
huit évêques, deux abbés, trois généraux d'ordres et beaucoup
d'autres théologiens assistaient à cette cinquième session.
OUVRAGES A CONSULTEIl ET RI-MARQUES CRITIQUES SUR LE N° 248.
Dans le débal sur la doctrine du péclié originel , cinq questions
furent agitées : \° De natura peccnli orùjinalis. Le dominicain Pelargus
déclara que le péclié originel consiste dans la « privation de la jus-
tice originelle en laquelle Adam avait été « constitué ». C'est le mot
qu'on employa dans la suite pour éviter la controverse scolastique
(I, p. 976, § 348). Pallav., VII, ix, \. Les théologiens exposèrent en
outre, d'après saint Thomas, que la « forme du péché originel » réside
dans la perte du vrai rapport de nos forces supérieures à Dieu et à la
grâce, et sa « matière » dans la rébellion des forces inférieures contre
les forces supérieures. La doctrine de saint Thomas fut principalement
développée par l'évèque dominicain B. Eredia (Pallav., VII, vin,
3-Ö.) L'archevêque de Sassari, les évêques de Syracuse et de Cana-
ria, etc., réfutèrent cette opinion que la concupiscence est le péché
originel. Dans cette proposition : Adam a été détérioré en son corps et
en sou âme, on elfaça ces mots : c nuUa etiam animai parte illsesa »,
atin que les sens ne parussent pas y être compris. II. De modo propa-
gationis in poster os. Voy. là-dessus l'évèque Fouseca et Ange Paschal.
Ce dernier rappelait les erreurs de Zwingle (Pallav., loc. cit.,n. 5,6).
III. De allatis ah eo dctrimentis. Berlanus, loc. cit., n. 7. IV. De
ipsius remedio. Tous déclarèrent que le baptême est l'unique remède;
qu'il comprend la passion et la mort du Christ, ainsi que la grâce.
Quelques-uns voulaient (ju'on citât encore spécialement la foi ; mais
cela déplut à la majorité. V. De hujus remedii ef'ßcacitate. On prouve
par l'idée de régénération, de vraie rémission, que le baptême remet
tout. Pallav., loc. cit., n. 8 et seq. Dans ce passage : « Per baptismuni
non solum reatum originalis peccati remitti, sed etiam tolli totum id,
LE CATUOLICISME. Î)8I
quod verani et propriam rationem peccati habet, » quelques-uns esti-
mèrent que le second membre était inutile. Séripand proposa :
« Omnera rationem peccati tolli «,• révoque de Cavi : « Tolli omnia pec-
cata «; mais ils ne trouvèrent point d'écho. On disputa davantage sur
ces mots ; « In renalis nihil Deum odisse. » Cf. ib., c. ix, n. 1-6; c. x,
n. C; ibid., c. vu, n. 1-4; xi-x.xiii; c. xm, n. 2. Sur l'Immaculée Con-
ception: discours du P. Lainez, S. J., du 25 mai 1546. Proposition con-
cernant celte addition ; a De B. V. S. Synodus nihil definire intendit,
quumvis pie credatur , ipsam absque peccato original! conceptam
fuisse. » Plusieurs y adhérèrent; seuls les dominicains tirent opposi-
tion: ils la prenaient pour une définition tacite, et pensaient qu'elle
llétrissait indirectement leur opinion comme « impie ». La proposition
fut généralement acceptée sans le « quamvis », etc. Quelques-uns
voulaient qu'on imposât un silence absolu aux dominicains; d'autres
ne le réclamaient que pour leurs prédications publiques; les uns
demandaient que la « pieuse » opinion fût déclarée telle sans restric-
tion; d'auLres seulement « magis pia ». Dans les discussions on
invoqua la fête ecclésiastique, le consentement des universités et des
ordres religieux (sauf les dominicains). En 1521, la Sorbonne avait
déclaré cette proposition de Luther : « Contradictoria hujus proposi-
tionis, B. Virgo est concerta sine peccifo originali, non est reprobata »
— « prop. falsa, ignoranter et impie contra honorem immaculata? Vir-
ginis asserta », et, en 1543, elle avait flétri comme « hérétique et inju-
rieuse à Marie » cette doctrine prêchée par le dominicain Antoine
Marchand : « Propositio innuens , B. Virginem indiguisse erepliva
redemptione ». Du Flessis d'Arg., I, ii, p. 309; II, i, p. 138. Sur la
V^ session, Pallav., Vil, xiu, 1 et seq.; Le Plat, 111, p. 426 et seq. Sur
le décret concernant les sermons des réguliers, l'évèque de Fiesole
(son discours. Le Plat, 111, 405 et seq.j proposa cette clause : « Fiat
absque prcejudicio universalis auctoritalis hujus S. Synodi. » Par
diplôme du 7 juin 15i6, le pape avait supprimé les privilèges con-
traires .à ces lois et approuvé les décrets de réforme qui allaient être
sanctionnés. Pallav., loc. cit., n. 3, 4.
Sixième session.
249. On délibéra ensuite sur le dogme de la justification et sur
la question disciplinaire de la résidence des évêques. Les mêmes
sujets étaient alors débattus à Rome par des théologiens et des
canonistes, la plupart dominicains et augustins. Le parti de
l'empereur travaillait de toutes ses forces à empêcher les dis-
sensions dogmatiques, taudis que les Français, et dans la suite
582 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
plusieurs autres ambassadeurs, suscitaient des querelles de
préséance. Le voisinage du théâtre de la guerre donnait des
inquiétudes à une foule d'évèques, et déjà les légats avaient
demandé à Paul III de suspendre ou de transférer le concile ;
mais le pape ne crut pas devoir se rendre encore à leurs repré-
sentations. Il ne manqua pas non plus de scènes orageuses,
comme dans les disputes de l'évêque de Cavi avec Denys, évêque
de Chiron. Le légat del Monte, au milieu de tous ses travaux,
était très préoccupé. Polus se rendit à Padoue pour cause de
santé ; Cervinus se trouvait à Roveredo auprès d'Ottavio Far-
nèse, également souffrant. 11 fallut ajourner la session annon-
cée p ur la fin de juillet.
Beaucoup d'évêques manifestaient l'intention de quitter
Trente. La France, dans le cas où le concile serait transféré,
proposait Avignon et ne voulait point entendre parler d'une
ville située sur le territoire de l'empereur. Charles Quint était
d'avis que l'on continuât le concile à Trente, mais qu'on s'abstînt
provisoirement de définir la justification. Les théologiens et les
Pères avaient mis beaucoup d'ardeur à discuter cette question,
et, comme elle était mûre, on ne tint pas compte de la résistance
du parti impérial. Le 13 janvier 1547 eut lieu la sixième session,
qui fut d'uneimportance capitale : on y publia le décret de la jus-
tification, chef-d'œuvre de théologie, comprenant seize chapitres
et trente-trois canons, avec un décret de réforme en cinq cha-
pitres. 11 fut promulgué en présence de dix archevêques et de
(}uarante-cinq évoques.
Doctrine du concile de Trente sur la justification.
250. La vérité catholique y était clairement formulée, soit
contre les erreurs pélagiennes, soit contre les erreurs protes-
tantes. La loi et la nature ne sauraient justifier l'homme; cette
œuvre n'appartient qu'à Jésus-Christ. Ceux-là sont justifiés et
sauvés qui sont rendus participants des mérites de la passion
de Jésus-Christ. La Justification est le passage de l'état où
l'homme est né, comme enfant d'Adam, à l'état de grâce et
d'adoption divine; elle a lieu sous le Nouveau Testament par le
baptême ou le désir sincère du baptême. La justiticatioii com-
mence dans les .adultes avec la vocation divine, par la grâce
LK CATllOhlCISME. o83
prévenante et sans aucun mérite de Ttiomme ; mais l'homme
doit y consentir et y coopérer, comme il peut la repousser; dans
cette action, il n'est pas inactif, mais il ne peut rien sans la
grâce.
La justification ne consiste pas seulement dans la rémissi(m
dos péchés, mais encore dans la sanctification, dans la rénova-
tion de l'homme intérieur ; elle ne nous est pas seulement
imputée, elle réside en nous. Avec la rémission des péchés,
l'homme reçoit ea même temps les trois vertus théologales. Il
est justifié en vertu des mérites de la passion de Jésus-Christ,
dont la charité est répandue dans son coeur par le Saint-Esprit,
qui réside en lui. Devenu ainsi l'ami de Dieu, il marche de
vertu en vertu et se renouvelle de jour en jour. En observant
les commandements de Dieu et de l'Église, il avance dans la
justice qu'il a obtenue par la grâce de Dieu. La foi est le com-
mencement et la racine de la justification ; la grâce peut se
perdre sans que la foi périsse. La vie éternelle est à la fois une
grâce et une récompense.
Le concile traite, d'après saint Augustin et saint Thomas, les
questions spéciales qui regardent la foi et les œuvres, la possi-
biUté et la iiéi^.essité d'observer les commandements de Dieu, la
perte de la grâce et sa recouvrance, le mérite et la persévérance
dans le bien.
Dans le décret sur la réforme, le concile recommande aux
évèques et aux pasteurs, sous peine de châtiments graves,
d'observer la résidence. Il assigne aux évoques le droit de
punir les fautes des réguliers commises hors du couvent, pres-
crit la visite épiscopale, défend d'exercer les fonctions d'évêque
dans un diocèse étranger sans la permission de l'ordinaire.
Conformément au décret du concile, Paul III, dans une ordon-
nance spéciale du 18 février 15i7, obligea également les évèques
à la résidence.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"' 249-250.
Discussions entre la V« et la Vl° session: Pallav., VIU, cap. i-xviii;
Le Plat, m, 430 et seq. Voici ce qu'elles offrirent de plus intéressant :
I. Sur la notion de justification, comme « passage (translation) de
l'état d'ennemi à l'état d'ami do Dieu et de fils ». Tous furent
d'accord le 28 juillet (c. iv). II. Sur \ü< causes (c. \ni), on Unit égale-
584 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
nioiiL [lar établir uii accord complet. Comme « cause formelle », on
désigna « la charité ou la grâce infuse dans l'âme ». Seul le servile
Wazocchi suivit cette opinion attribuée à Lombard (V, § 322) et aban-
donnée par l'école : « Gratiam non esse rem nobis intimam, sedextimam
S. Spiritus nobis assistentis prœsentiam. » Il croyait, de même que le do-
minicain Grégoire de Sienne et Grégoire Perfectus de Padoue, 0. S.A., un
confrère de ce dernier, que la liberté n'était que la « cause récipiente »
et non « active ». Cette opinion fut combattue comme non catholique.
III. Le sens de cette proposition : « Hominem justificari per tidem »,
fut ainsi expliqué : la foi n'est pas « intégra ac proxima causa »,
mais « prima praeparatio primaque radix necessaria ad omnes actiones
proxime utiles ad consequendam justitiam »; l'homme est justifié par
la foi, mais non par elle seule; il l'est par la foi pénétrée de la charité
et de la grâce, par la foi accompagnée de la pénitence et du baptême.
Seuls, les quatre théologiens nommés et le dominicain Jean d'Udine
pensaient que l'homme est justitié « per fidem, quatenus ipse fiden-
tissinie credit, a se per Jesum Christum mérita peccatorum veniam
obtineri ». IV Quant aux rapports des œuvres antécédentes et des
œuvres subséquentes, puis des sacrements en général, avec la justifica-
tion, la plupart enseignaient que les œuvres antécédentes et prépara-
toires la méritent seulement « ex condigno », et que les œuvres des
justifiés accomplies avec la grâce ont un mérite « de condigno ». Seu-
lement, ces quatre théologiens affaiblissaient, dans le sens des réfor-
mateurs, l'importance du mérite. Les évêques d'Agde,de I3itonto et de
Sinigaglia, puisCatharin, Jajus, Salmeron et Lainez, s'exprimèrent en
termes excellents; la dissertation de Lainez, reçue avec applaudisse-
ments, fut insérée dans les actes. Le décret de la justification, après
qu'on eut rejeté le projet de Seripando (voy. ci-dessus, § 89), fut plu-
sieurs fois remanié, jusqu'à ce qu'on eût satisfait à toutes les objec-
tions; il fut en outre examiné à Rome. La foi spéciale des luthériens
fut unanimement rejetée. On négocia longtemps sur la certitude de
la grâce obtenue par la foi. Si Catharin s'opposait à ce qu'on adoptât
dans le décret le cas d'une révélation particulière, ce fut uniquement
parce qu'il n'im[)liquait qu'une « foi particulière et privée ». L'arche-
vêque d'Armagh demandait que, dans les explications sur la prépara-
tion à la justification, la conversion de l'incrédule parvenu à l'usage
de raison commençât par l'espérance et non par la crainte. La charité
n'était pas mentionnée dans le premier projet; mais l'archevêque de
Sassari, l'évêque Lipomanno, IJonavcnture Pie et Jajus, appuyés
de vingt-trois autres, demandèrent qu'en en fît mention. Cependant
le M diligere » du c. vr fut entendu de l'acte et non de l'aptitude.
Paul m sur la résidence des cardinaux : Pallav., IX, i, .3.
LE CATHOLICISME. 585
Septième session. — Décret de la huitième session pour la
translation.
251. Le concile traita ensuite de la doctrine des sacrements,
d'abord eu général, puis en particulier. Cette doctrine ayant été
élucidée en détail par Pierre Lombard, saint Thomas et les
scolastiques, comme par l'Instruction d'Eugène IV, on ne crut
pas nécessaire de joindre aux anathématismes des décrets qui
e.\primeraient la doctrine de l'Église. Presque tous les jours, le
matin, les théologiens se réunissaient chez Cervinus, et les cano-
nistes chez del Monte; le soir on tenait les congrégations. Le 3 mai,
dans la septième session, treize canons, précédés d'un préam-
bule, furent publiés sur les sacrements en général, quatorze sur
le baptême, trois sur la confirmation, outre un décret de ré-
forme en quinze chapitres. Ce décret concernait les qualités des
évêques, le cumul des charges épiscopales et ecclésiastiques, la
visite des diocèses, la réparation des églises, l'autorité des
chapitres pendant la vacance du siège épiscopal, lacoUatiou des
ordres, l'approbation des candidats, le soin des hôpitaux, les
affaires juridiques des clercs.
La huitième session était indiquée pour le21 avril. Mais une épi-
démie éclata à Trente sur ces entrefaites; le général des francis-
cains, un évèqne et plusieurs autres moururent rapidement ; le
pays d'alentour ne voulut plus avoir de relations avec Trente. Le
5 mars, les cardinaux présidents consultèrent Rome sur ce
qu'ils devraient faire si l'épidémie continuait. Les médecins
ayant constaté des symptômes de peste, et douze évêques
étant partis, dont plusieurs sans avoir consulté les légats,
ceux-ci résolurent de faire usage des pouvoirs qu'ils avaient
de transférer le concile. Après les discussions sur l'Eucharistie,
ils interrogèrent les Pères (9 mars). La grande majorité se
prononça pour une prompte clôture, et, dansla huitième session
(M mars), après la lecture des pleins pouvoirs accordés aux
légats par le pape, il fut décidé, malgré la résistance de quinze
prélats entièrement dévoués à l'empereur, que le concile serait
transféré à Bologne.
586 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 231 .
Pallav., IX, cap. vu, u. 1 et seq.; cap. viii, n. 1 et seq.; cap. xii, n. 1
et seq.; cap. xv. Dans les congrégations, on discuta : 1° sur le ministre
de la confirmation et sur la délégation des prêtres pour la conférer;
2° sur la question si l'on pouvait dire avec Luther J520) que les sacre-
ments ont été institués immédiatement après la chute d'Adam, ce qui
paraissait acceptable à quelques théologiens sous un certain point do
vue; 3° sur l'opinion de Cajetan touchant le moyen de sauver les
enfants des fidèles qui meurent dans le sein maternel, en leur donnant
une bénédiction au nom de la Trinité, opinion reçue par Seripando,
mais qui n'agréait pas aux Pères, bien qu'ils ne voulussent pas se pro-
noncer. — Translation à Bologne : Pallav., IX, xui, n. 4 et seq., c. xiv,
xv; Le Plat, III, p. 584 et seq.
Neuvième et dixième sessions.
252. Le 12 mars, les légats partirent pour Bologne, et avec
eux la majorité des Pères ; ceux qui étaient attachés à l'empe-
reur demeurèrent à Trente, mais sans faire aucun acte syno-
dal, afin d'éviter un schisme. Paul III, dans un ctmsistoire
(23 mars), approuva la ré.solution de la majorité de Trente (les
dcuxtiers), tout en faisant savoir aux légats qu'il lui eût été
plus agréable que le concile se terminât à Trente. Tandis que
les légats justifiaient leur conduite, l'empereur demandait le
retour du concile à Trente. Le pape déclara qu'il ne s'y oppo-
sait point, mais qu'il ne voulait pas non plus attenter à la
liberté des Pères. Ceux-ci, invoquant la légitimité du décret de
translation, invitèrent la minorité demeurée à Trente à les
rejoindre. Charlos-Quiiit trouvait que l'épidémie, qui du reste ne
tarda pas à disparaître, était un simple prétexte, la translation
une olfense à son autorité, une imprudence vis-à-vis des pro-
testants et un inconvénient pour l'Eglise. Il ordonna aux
évoques do ses États qui étaient demeurés à Trente de n'en
point sortir.
A Bologne, les congrégations, composées souvent de soixante
à soixante-dix théologiens de toutes les nations, s'occupèrent
de la Pénitence et de rEuoh;iristiu. Pierre Ganisius se joignit à
eux en mai 1547. La plupart des décrets qui furent promulgués
dans la suite, avaient déjà été préparés à Bologne. Comme il
LE CATHOLICISME. 387
ij*y avait guère dans cette ville que des prélats italiens, Paul III
dciiiaiida qu'on ne rendît plus de nouveaux décrets.
Dans la neuvième session (21 avril), à laquelle assistaient, outre
les légats, six archevêques, vingt-huit évoques et quatre généraux
d'ordres, la prorogation fut résolue, et le décret qui la concer-
nait fut lu une seconde fois dans ladixième session (2 juin). Les
théologiens et les canonistes continuèrent leurs travaux ; les
princes électeurs de Cologne et de Trêves, ainsi que l'évêque de
Laybach, envoyèrent des délégués. Paul III chargea le cardinal
Sfondrato de négocier avec l'empereur ; quant à lui, il désirait
que la translation se fît à Ferrarc, placée sous l'autorité de
l'empereur ; mais il ne put dissiper les soupçons de Charles-
Quint. Au mois d'août 1547, un député arriva à Bologne avec
plusieurs évèques de la France, qui semblaient vouloir se rappro-
cher du concile, tandis que Charles faisait rappeler le procura-
teur de Trêves. Du Portugal arriva l'évêque d'Oporto. D'autre
part, le cardinal Madrucci se rendit à Rome (novembre 15-47),
comme délégué de l'empereur, pour agir dans son sens. Rome
décida une seconde fois que les Pères assemblés à Bologne
agiraient en toute liberté.
Suspension du concile.
253. Le 19 décembre 1547, le cardinal président exposa au
concile les raisons des deux parties : d'un côté, le désir de
l'empereur et de son frère, et l'espoir, déjà très affaibli, il est
vrai, de ramener les protestants ; de l'autre côté, la dignité du
concile, qui souffrirait d'une condescendance à l'égard des pères
opiniâtres. Ce qu'on disait des protestants ne pouvait pas peser
d'un grand poids dans la balance, car ils n'avaient pas obéi
aux décrets rendus jusque-là, et ne s'étaient pas expliqués sur
le « synode chrétien » qu'ils demandaient, ou plutôt ils en
avaient parlé en termes suspects. Parmi les vingt-huit évèques,
six seulement et six généraux d'ordres se prononcèrent pour
le retour à Trente. A une protestation de Charles-Quint (janvier
1348) les pères et le pape répondirent avec dignité, et l'envoyé
do l'empereur sortit de Rome (13 février). Paul III manda
auprès de sa personne trois évèques de Bologne et trois de
Trente, pour qu'ils exphquassent les motifs de leur conduite.
588 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Les évoques espagnols demeurés à Trente répondirent (23 mars)
par une foule d'excuses et de faux-fuyants. Les négociations se
poursuivirent sans résultat, jusqu'à ce que le pape prononça
la suspension du concile de Bologne (septembre 1549). Les
Pères devaient être congédiés, et, en attendant, les évoques
prépareraient à Rome les décrets sur la réforme.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°^ 252-253,
Pallav., IX, XVII, 1 et seq., c. xviii-xx; lib. X, c. ii, n. 2 et seq.;
c. iv-xvii; lib. XI, c. r, n. Autres détails ci-dessus, § 104.
Mort de Paul III.
254. Paul III avait fait tout ce qui était en son pouvoir dans
les conjonctures présentes. Comme chef de l'Eglise, sa conduite
respire la noblesse et la grandeur. Il exhortait les membres du
concile à discuter sans ménagements, s'énonçait eu latin et en
italien dans un style tout classique, imposait aux ambassadeurs
laïques et maintenait résolument les droits de son siège. Il eut
le défaut de trop favoriser sa famille, la maison Farnèse, en
l'élevant aux honneurs. Bien qu'à cette époque un pape qui
n'aurait rien fait pour les siens eût été suspect, cette faiblesse
lui fit passer bien des heures amères. Paul lll, homme d'esprit
et d'une prudence consommée, était aussi aimé que sa famille,
devenue puissante par lui, était détestée. Il mourut le iO no-
vembre 1549, âgé de quatre-vingt-deux ans. Il venait encore
tout récemment de retirer à ses neveux les duchés de Parme
et de Plaisance, en déclarant qu'ils feraient retour à l'Eglise.
Quand ses devoirs ecclésiastiques étaient en jeu, il ne cédait
jamais, môme en face de ses proches.
OUVR.VGES A CONSULTER SUR LE N° 254.
Pallav., XI, VI, n. 1-4. (Quirini), Imago opliini Pontificis expressa in
geslis Pauli III, Brix., 1745; Rauke, Rœm. Paepste, I, p. 237 et suiv.,
268 et suiv.
Jules III et la seconde prrloilc du conctic de Trcnlc.
Jules III.
255. Paul III eut pour successeur, en février 1550, le car-
LE CATHOLICISME. 589
dinal légat Jules del Monte, qui prit le nom de Jules III, en
souvenir de Jules II. qui avait élevé son oncle an cardinalat et
dont ilavaitété lecamérier. Bien que Charles-Quint luifùthosti-
le pour avoir transféré le concile à Bologne, il se réjouit cepen-
dant de sa nomination. Il trouva dans le nouveau pape un allié
fidMe, qui s'imposa pour lui de grands sacrifices et en essuya
bien des déceptions. Comme cardinal, Jules passait pour être
emporté et colère ; devenu pape, il fit preuve de beaucoup de
calme et do douceur, et se montra très généreux, même envers
ses plus grands ennemis. Il aimait à construire des édifices et
favorisait ses parents, sans toutefois dépasser les bornes et sans
commettre d'injustice. 11 rendit Parme aux Farnèse et leur
témoigna beaucoup de bienveillance, jusqu'au moment où leur
hostilité contre l'empereur et leurs violences sur le territoire
pontifical lui imposèrent une autre attitude. 11 souffrait cruelle-
ment de la goutte, et nuisit à sa santé par une diète trop sévère;
mais il ne perdit rien de son affabilité et de sa patience.
La conversion de l'Angleterre et la continuation du concile
œcuménique de Trente furent les deux grands objets du pon-
tificat de Jules III, 11 négocia avec Charles-Quint, et, persuadé
que Trente était le lieu le plus convenable pour le concile, il
tâcha d'obtenir l'assentiment de la France. Il fit travailler à
une bulle relative à la correction des mœurs, convoqua les
cardinaux Cervinus, Polus et Morone, et publia enfin sa bulle
pour la continuation du concile de Trente. Le 4 mars 1551, il
nomma présidents : le cardinal Marcel Crescendo, l'archevêque
Sébastien Pighinus et Louis Lipomaniio, évêque de Vérone.
Ouvrages a consulter sur le n° 233.
Pallav., XI, VI, 6; vu, \ et seq.; c. vni-xi; lib. XIII, c. i, ii; c. x,
n. 7, 8; Le Plat, IV, 136 et seq.; A. Massarelli, dans Dœllinger, Ungedr.
Berichte, I, p. 239 et suiv.; Rauke, I, p. 269-276.
Sessions Xle. — XVIe du concile de Trente.
256. Le cardinal légat arriva à Trente le 29 avril 1551 ; il n'y
trouva que le prince évêque et treize évêques des États de
l'empereur. Le pape en envoya quatre-vingt-quatre qui rési-
daient à Rome. Le 1" mai (onzième session), les déhbérations
furent ajournées au 1*' septembre, à cause du petit nombre des
590 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
prélats et parce qu'on attendait les Allemands : les archevêques
de Mayence et de Trêves arrivèrent en août, tandis que celui de
Cologne faisait louer un appartement. Le l*' septembre
(douzième session), on renvoya de nouveau au 12 octobre la
promulgation des décrets sur l'Eucharistie, et l'on fixa les cas
qui exemptaient les évêques de la résidence. On attendit vaine-
ment l'arrivée des Français. Henri II, mécontent do l'alliance
du pape avec l'empereur et aigri au sujet de Parme, refusait
d'envoyer des évêques. L'ambassadeur de France, Amyot,
ayant fait lecture aux « Pères de l'assemblée de Trente »
d'une lettre où le mot « concile » était soigneusement évité
les évêques avisèrent aux moyens de sauvegarder leur dignité
et leurs droits. Ils écrivirent au roi pour se plaindre de sa con-
duite, et le pressèrent vivement de prendre part au concile.
Les théologiens du pape, Lainez et Salmeron; le théologien,
de l'empereur, Jean Arza, puis les docteurs du clergé séculier
s'occupèrent activement dans les congrégations du dogme do
l'Eucharistie ; ils recueillirent les passages de l'Écriture, des
Pères, des coaciles, des papes, et même des hérétiiiues. Si
quelquesopinionsparticulièresse firent jour, ily eut bientôt ac-
cord unanime sur la question principale. Seulement, par égard
pour les protestants qu'on attendait encore, on suspendit les
délibérations touchant la communion sous les deux espèces et
les questions qui s'y rattachaient, et l'on adopta sur ce sujet un
décret particulier.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 256.
Rayii., an. 1551; Pallav., XI, c. xiv-xvii; XII, c. i et seq. Écrit du
concile snr la conduite de la cour de France, dans Franc, de Vargas,
Pétri de Malvenda et aliorum de Conc. Trid. epistolœ et observaliones,
Brunsvic, 1704, p. 106; Roscovany, Mon., I, p. 157-163, n. 170. Cf.
Le Plat, IV, 236 et seq.
Décrets des XlIIe, XI Ve et XVe sessions.
257. Les décrets suivants furent publiés dans la treizième
session (Il octobre 1551) : T huit chapitres d'instructions sur
rEncharistie ; 2° onze canons contre ceux qui niaient la pré-
sence réelle de Jésus-Christ, la transsubstantiation, la doctrine
de l'Église sur l'Eucharistie en général, et contre différentes
LE CATHOLICISME. 591
erreurs des pioleslauts; 3° un décret de réforme en huit
chapitres sur la surveillance et la juridiction épiscopales; 4" un
décret sur l'ajournement de quatre articles touchant l'Eucha-
ristie ; 5° un sauf-conduit pour les protestants.
On prépara ensuite les matériaux sur la Pénitence et l'Ex-
trême-Onction , et l'on puhlia dans la quatorzième session
(25 novembre) les décrets dogmatiques qui s'y rapportaient,
avec un décret de réforme en quatorze chapitres.
Sur ces entrefaites, des délégués des villes et des princes pro-
testants étaient arrivés, entre autres Jean Sleidan de Stras-
bourg; d'autres étaient attendus. Si peu rassurante que fût
leur attitude, et malgré leurs exigences désagréables — (ils de-
mandaient notamment que le pape fût soumis au concile, eux
qui avaient rejeté les décrets de Constance et de Bàle), — on
résolut cependant, non seulement de prolonger leur sauf-con-
duit, mais encore d'ajourner les délibérations. Cette mesure
fut prise dans la quinzième session (25 janvier 1552).
Outre les trois légats et le cardinal Madrucci, il y avait à
Trente soixante-dix-huit évêques, venus de la p'upart des États
de l'empereur (vingt-cinq espagnols, huit allemands, quatre
siciliens, etc.). Des bruits de guerre amenèrent le départ des
archevêques du Rhin, et l'on apprit bientôt que Maurice de
Saxe avait trahi l'empereur. Alors beaucoup d'évêques par-
tirent en toute hâte. Sur la demande qui lui en fut faite,
Jules \\\ résolut de suspendre le concile (25 avril), et il le ût
dans la seizième session (28 avril). Douze évêques espagnols
furent les seuls qui s'y opposèrent. Le concile devait être con-
tinué après un laps de deux ans, mais dix ans allaient se passer
avant qu'il pût reprendre ses travaux.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N» 237.
Parmi les controverses sur l'Euchajistie il faut citer : i° cette opi-
nion de Melchior Garnis et autres théologiens, que sa réception sous
les deux espèces procure plus de grâce que sous une seule. Le cardinal
Madrucci croyait opportune la concession du calice pour l'Allemagne,
mais il convenait avec les cardinaux légats qu'il ne fallait rien décider
sur ce point. Tous admettaient que le Christ est tout entier sous
chaque espèce, et la plupart rejetaient le sentiment de Canus. Cepen-
dant on résolut de laisser dans le décret la question indécise. 2° Sur
592 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
la nécessité de se confesser avant de recevoir la communion, Canus et
autres étaient d'avis qu'il fallait condamner le sentiment conti'aire de
Cajetan, mais non comme hérétique. Réginaid de Gênes, Ord. Praed.,
et l'Espagnol Fr. Villarva, Ord. Hieron., soutinrent aussi que la con-
fession n'est pas absolument nécessaire. Le procureur de l'évêque
d'Augsbourg, Martin Olave, croyait qu'on devait exiger la confession,
mais non comme nécessaire. Ambroise Pelargus proposa d'ajouter :
c< Prœmittendam confessionem, habita confessoris copia » ; ce senti-
ment fut appuyé par Madrucci et autres, et généralement adopté. 3° Sur
le canon m, « sub qualibet specie non contineri totum Christum »,
un prélatespagnol proposa cette addition : « Facta separalione », attendu
que tous ne conviennent pas que Jésus-Christ soit contenu sous chaque
particule avant la division de l'hostie, « £ub qualibet particula hostise
integrae » ; elle fut acceptée, parce qu'on ne voulait pas se prononcer
sur des questions d'école : Pallav., XII, c. ii, n. 0-15. Discussions des
sessions XIII-XVI : Pallav., XII, c. viu-xv; XIII, c. i-iu; Le Plat, IV,
p. 264 et seq., 471 et seq., 544 cl seq. Les raisons des protestants furent
réfutées par Albert Pighe, Apologia indicti a Paulo III Rom. Pont.
Concilii adv. Lutheranœ confœderationis i-ationes plerasque. Colon.,
IÖ38, et par Gaspard Cardilius (extraits dans Rayn., an. 1561, n. 56
et seq.j 1564, n. 13 et seq.).
Marcel II et Paul IV.
â58. A Jules m succéda, au mois d'avril 4555, le cardinal
Marcel Cerviiins, quoique le parti impérial lui eût donné
l'exclusion pour n'avoir pas voulu, comme légat de Trente, se
plier à ses volontés. 11 prit le nom de Marcel. Le nouveau pon-
tife, par ses diverses qualités, éveillait les plus belles espé-
rances. Sa conduite était noble et irréprochable. Il défendit à
ses proches l'accès de sa cour, introduisit des économies, ré-
forma le service divin et le chant ecclésiastique, et garda la
neutralité dans les affaires politiques. Malheureusement, il
mourut le vingt-unième jour après son élection (30 avril 4555).
L'Espagne essaya d'exclure d'une nouvelle élection le cardi-
nal Jean- Pierre Caraffa, fondateur do l'ordre des théatins,
parce (]u'on le considérait comme trop sévère et ennemi de la
domination espagnole à Naples. Il fut élu cependant (23 mai
1555), et prit le nom de Paul IV. Ce choix témoignait que les
cardinaux avaient sérieusement à cœur la réforme de l'Eglise.
LE CATHOLICISME. 593
Paul IV comptait déjà soixante-dix-nenf ans, mais ses yeux
enfoncés dans leur orbite avaient encore tout le feu de la
jeunesse ; il était grand et maigre, marchait d'un pas rapide
et semblait tout nerfs. Comme il n'avait pas brigué la faveur
des cardinaux, ce lui était une raison de plus de voir dans son
élection l'œuvre immédiate de la Providence. Empêché par sa
famille, à l'âge do quinze ans, d'entrer dans l'ordre de Saint-
Dominique, il avait fondé l'ordre des théatins et s'était voué à
des pratiques sévères. Versé dans les affaires, éloquent, plein
d'ardeur, familier avec le grec comme avec le latin, initié au
droit, il était partout en haute vénération. Mais il s'attachait
peu aux règles, et souvent son zèle obéissait à la surexcitation
du moment. Profondément convaincu de la sublimité de sa
charge et de l'étendue de ses devoirs : « Nous promettons
et nous jurons », disait-il dans sa première bulle, «de veiller
sérieusement à ce que la réforme soit opérée dans l'Église uni-
verselle et dans la cour de Rome. »
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 258.
Seripando à l'évêque de Fiesole : Lettere diprincipi, III, 162. Cf. 141.
Pietro Polidoro, Vita di Marcello II, Roma, 1744; Pallav., XIII, c. xi;
Rayn., an. 1555, — A. Carraccioli, Coll. hist. de vita Pauli IV, Colon.,
1612, in-4°; F. Magii, Disquis. de Pauli IV inculpala vita, Neap., 1672.
Cf. Bromalo, Storia di Paolo IV, Roma, 1748, 2 vol. in-4° (nombreux
matériaux); Pallav., XIII, xi, 8 et seq.; Ranke, 1, p. 279, 281 et suiv.,
302 et suiv.; Reumont, III, ii, p. 513 et suiv. Sur plusieurs parties de
la vie de Paul IV, voy. W. H. Prescott, History of the Reign of Phil.
the Second King of Spain, New-York and Lond., 1857, 2 vol.
Travatix de Paul IV pour la réforme. — Son népotisme.— Sa
politique. — Sa lutte contre Philippe d'Espagne. — Il éloigne
ses proches.
259. Paul IV signala le jour de son couronnement par des
prescriptions relatives aux ordres religieux. 11 envoya en Es-
pagne deux moines du xMont-Cassin pour y rétablir la discipline
monastique, et institua une congrégation pour travailler à une
réforme générale. Les trois classes de cette congrégation com-
prenaient chacune huit cardinaux, quinze prélats et cinquante
savants. Les articles qui devaient y être discutés, furent d'abord
V.— HIST. DEL 'ÉGLISE. 38
394 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
envoyés aux universités, et l'affaire fut conduite avec beaucoup
de zèle. Contre l'hérésie; qui avait trouvé accès dans plusieurs
de pays catholiques, Paul IV déploya une grande vigueur,
notamment dans sa bulle du 7 août 1355, où il édictait des
peines sévères contre ceux qui rejetteraient le dogme de la
Trinité, la virginité de Marie et autres dogmes. Il fit grâce
aux Romains de difTérentes taxes et leur procura du blé ; le
peuple lui marqua sa reconnaissance en lui érigeant une
statue.
Mais ce pape, d'ailleurs si magnanime, s'attira bientôt le
blâme par les faveurs qu'il accorda à ses proches, et par sa
politique contre la suprématie espagnole. Le fils de son frère,
Charles, fut, à l'âge de trente-huit ans, nommé cardinal et
légat de Bologne ; un autre neveu devint duc de Palliano; un
troisième, marquis de Montebello. Cependant il n'avantagea
ses neveux qu'autant qu'ils lui parurent favoriser de préférence
sa politique. Il était hostile à la maison espagnole-autrichienne,
et surtout à la paix religieuse d'Augsbourg de 1305, que Fer-
dinand excusait par la nécessité et en dos termes offensants. Le
poids de la domination espagnole en Italie, le sentiment national
italien, les affronts personnels reçus de Charles-Quint, qui ne
l'avait pas laissé prendre possession de son archevêché de
Naples, les violences exercées dans le sud du royaume, qui
était un fief du Saint-Siège, décidèrent le pape à se rapprocher
de la France : de là, une alliance conclue avec elle; puis, quand
de nouvelles mésintelligences eurent éclaté, une guerre avec
Philippe II comme.roi de Naples. Le duc d'Albe envahit les États
de l'Église en septembre 155(5 et s'empara de plusieurs villes.
Cependant la guerre fut de peu de durée ; le duc la conduisit
avec beaucoup de réserve, et elle se termina par une paix avan-
tageuse au pape, qui recouvra tous ses domaines.
Paul I V roconnut.le roi Philippe pour son flls, et renonça à toute
alliance avec ses ennemis. Le duc d'Albe demanda lui-même son
absolution à Rome et montra une grande docilité. Le vaillant
général avouait que jamais figure d'homme ne lui avait autant
imposé que celle du pape. Les désagréments qu'il eut à essuyer
de la part de ses proches, la politique hostile à la sienne qu'ils
voulurent adopter, décidèrent Paul IV à rompre résolument
avec eux ; il en vint môme jusqu'à les déposer de leurs charges
LE CATHOLICISME. 595
(27 février 1559) et à les bannir de Rome, en déclarant publi-
quement qu'ils l'avaient trompé.
OUVRAGES A CONSULTEB SUR LE N" 259.
Bromato, lib. IX, c. ii, § il, t. II, p. 224, 289; Le Plat, IV, p. 567 et
seq.; Ranke, I, p. 28i, 283; Const. Quwn quorumdam, 7 août i5o5;
Bull. Rom., éd. Coquelines, IV, i, p. 322. Voy. mon ouvrage, Kath.
K., p. 768 et suiv. — Pallav,, XIII, xu, 6; xiv, i et seq.; xv, u. 1-6;
c. xvj, u. 4; c. XX ; XIV, c. i et seq.; c. vn; Rajn., an. 1559, n. 30, 31 ;
Ranke, 1, p. 283-284, 288 et suiv., 291 et suiv., 307.
Nouvelles réformes.
260. Le pape, malgré son grand âge, poursuivit ses plans de
réforme avec une nouvelle ardeur ; il semblait y avoir con-
centré tonte sa vie. Il introduisit une discipline plus sévère dans
les églises de Rome, écarta les tableaux indécents, chassa de la
ville et de la campagne les moines corrompus, et fut représenté
dans une médaille sous l'image du Sauveur purifiant le temple,
armé d'un fouet. U prêchait lui-même, et engageait les car-
dinaux, dont les plus influents étaient alors Carpi et Camillo,
à suivre son exemple. Pas un jour ne se passait sans qu'il abolît
un abus et prît quelque bonne mesure. 11 veillait soigneuse-
ment à ce que les bénéfices ne fussent donnés qu'à des hommes
méritants, rejetait les résignations qui lui paraissaient suspectes,
et rendit plusieurs ordonnances que le concile de Trente s'ap-
propria dans la suite. Il essaya à deux reprises, en 1556 et 1559,
de préparer à Rome la continuation de ce concile. 11 présidait
régulièrement l'Inquisition, réprimait les brigues des ambitieux
qui aspiraient aux évêchés ou au souverain pontificat. Il ins-
titua pour les Étals de l'Église la congrégation du bon gou-
vernement, fit examiner toutes les plaintes et diminuer les
impôts.
Maintenir la liberté et l'immunité de l'Eglise, surtout en
Espagne, rétablir la pleine autorité du Saint-Siège, écarter
l'hérésie, contre laquelle il renouvela les anciennes censures
(|5 février 1559), c'était là l'objet de ses constants efTorts. 11
alla jusqu'à faire saisir des catdinaux suspects d'hérésie, tels
que Jean Morone, qui fut reconnu innorent sous son succes-
seur.
596 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Visité enfin par la maladie qui devait l'enlever, Paul IV
assembla autour de lui les cardinaux, leur parla en termes
émouvants, recommanda son âme à leurs prières et le Saint-
Siège à leur sollicitude. Après avoir une dernière fois recueilli
ses forces, il s'affaissa sur lui-même et rendit le dernier soupir,
le 18 août 1559, âgé de quatre-vingt-quatre ans. Paul IV était
un grand pape; mais le peuple, ne se souvenant que de ce qu'il
avait souffert sous son règne, notammentpendant la guerre avec
Naples, outragea et abattit sa statue, saccagea la maison de
l'Inquisition et le principal couvent des dominicains. Douze
jours s'écoulèrent avant que le calme fût complètement rétabli
dans Rome.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 260.
Mocenigo (ambass. vénitien), Relazione, 1360. Propositions pour le
card. Caraffa : Rayn., an. 1358, n. 3 (ibid., n. 23, bulle Cum secun-
dum). Eorffls pour la continuation du concile : Pallav., XIII, xvii, 1;
Rayuald, an. 1559, n. 11. Congrégation del buon governo ; Rayn., loc.
cit., n. 32. Const. Cum ex Apostolatii$ officio, 13 févr. 1359: Rayn.,
loc. cit., n. 14. Mou ouvrage cité, p. 763 et suiv. Révocation de la
permission de lire des livres défendus : Rayn., an. 1538, n. 21 ; const.
Quia in futurum, 21 dôc. 1538. Mort dePauI IV : Rayn., an. 1539, n. 33
et seq.
Pie IV et la 3e période du concile de Trente.
Pie IV et Charles Borromée. — Travaux en vue du concile.
261. Le 26 décembre 1559, le cardinal Jean-Angelo de Médi-
cis, né en 1499, ancien juriste, ami des sciences, doux et bien-
faisant, montait sur le trône pontifical sous le nom de Pie IV.
11 passait pour favorable à l'Autriche, et il ne tarda pas à
s'entendre avec Ferdinand 1". Il intenta un procès aux parents
de son prédécesseur, et les obligea de dédommager ceux à qui
ils avaient porté préjudice. Lui aussi voulait la réforme reli-
gieuse, mais d'une façon moins brusque que son prédécesseur.
Très actif et entreprenant de sa personne, il n'accorda aux
siens qu'une médiocre influence. La promotion au cardinalat
de son excellent neveu Charles Borromée fut un grand bon-
heur pour l'EgUse.
LE CATHOLICISME. 597
Charles no considéra pas sa position comme un privilège qui
rélevait au-dessus des autres, mais comme une tâche à laquelle
il devait s'appliquer avec ardeur, modestie et persévérance. Le
pape possédait en son neveu un ministre pieux, qui donnait
continuellement des audiences et examinait avec soin toutes les
affaires. Charles s'entoura d'un collège de huit docteurs, d'où
sortit plus tard la sacrée Consulte. Pie IV embellit Rome, pro-
tégea les savants, étendit sa sollicitude à tous les intérêts de la
chrétienté, et envoya les hommes les plus capables en légation
dans les pays étrangers. Il songeait en outre à continuer le
concile de Trente, ainsi qu''il Tannonçaaux cardinaux en 1560.
Plusieurs monarques étaient favorables à ce dessein : l'empereur
Ferdinand le recommanda; Philippe d'Espagne, la cour de
France l'approuvèrent ; mais celle-ci ne voulait point qu'il se
réunit à Trente, qui semblait au pape le lieu le plus favorable.
Pie IV envoya donc ses nonces aux différents princes catho-
liques, ainsi qu'aux princes protestants.
ODVRAGES A CONSULTER SDR LE N" 261.
Pallav., XIV, X, 3-6; xv, 5-17; Rayn., an. 1559, n. 37-40; 1560,
n. 1 et seq.; 1561, n. 78 et seq.; Le Plat, IV, p. 612 et seq.; Ranke, I,
p. 319; Reumont, III, ii, p. 534 et suiv. — Giussano, Vita di S. Carlo
B., en allemand par Klitsche, Augsb., 1836 et suiv., 3 vol.; Godeau,
Vie de S. Charles Bor., Par., 1747; Touron, la Vie etl'Esprit de S. Ch.
B., Par., 1751; Sauer, der hl. Carl Borr., Augsb., 1824; Dieringer,
der hl, Carl Borr. und die Kirchenverbesserung seiner Zeit, Cologne,
1846; Ranke, I, p. 321; Pallav., XIV, xii, 3 et seq., 15-18; c. xm;
Rayn., an. 1560, n. 3; 1361, n. 67 et seq., 74; Le Plat, IV, p. 617 et
seq.
Dispositions de l'Allemagne. — Colloque de Worms. —
Attitude de l'empereur Ferdinand.
262. En Allemagne, on avait cru d'abord que la paix reli-
gieuse d'Augsbourg rendrait le concile superflu, mais on vit
bientôt qu'elle ne suffirait point pour assurer le repos et la
tranquillité du royaume. La diète de Ratisbonne, tenue à la fin
de 1536, avait, par recez du 13 mars 1557, indiqué un nouveau
colloque religieux qui aurait lieu à Worms, dans le courant
d'août. Il fut présidé par Jules Pflug, évèque deJNaumbourg.
598 HiSTOiuE DE l'Église.
Les catholiques y étaient représentés par Michel, évêque de
Merseboiirg; Delfius, coadjuteur de Strasbourg; Pierre Cani-
sius, Staphyluset deux théologiens de Louvain ; les protestants,
par Mélanchthon, Schnepf, Brenz, Runge, Karg, Pistorius. On
y traita de l'Écriture sainte en tant que règle de la foi et du
péché originel.
On n'alla pas plus loin, car la division éclata ouvertement
entre les théologiens d'Iéna et ceux de Wittenberg au sujet de
la condamnation des sectaires qui s'écartaient do la Confession
d'Augsbourg : les premiers, après avoir exposé l'état des
choses, quittèrent Wurms ; ceux qui y demeurèrent, ne pou-
vaient plus être considérés comme les représentants de tout le
protestantisme. Le parti protestant avait compté sur une vic-
toire ; il ne trouva qu'une défaite morale. Mélanchthon n'osa
point rejeter la doctrine de Flacius sur le défaut de libre arbitre
dans l'homme, puisque Luther l'avait lui-même enseignée. On
s'en tint donc à la paix religieuse de 1555, que Ferdinand con-
firma de nouveau à Augsbourg (mars 1559).
Ce prince toléra en Autriche la communion des laïques sous
les deux espèces, bien qu'on ne put la justifier par une conces-
sion du pape, mais seulement par les discours do quelques
nonces, (jui n'impli(juaient pas un refus péremptoire. Sur le
concile, Ferdinand conseilla au pape do procurer d'abord une
paix générale entre les princes catholiques, d'obtenir l'assistance
de leurs délégués, de s'y rendre en personne, de ne pas le con-
voquer à Trente, mais dans une plus grande ville d'Allemagne,
à Cologne, à Ratisbonne ou à Constance ; de le faire célébrer
non comme la continuation de celui de Trente, mais comme un
concile nouveau, ce qui serait plus glorieux au Saint-Siège, plus
agréable à différents princes catholiques, ainsi qu'aux protes-
tants, qui s'étaient plaints do la façon dont on avait procédé à
Trente. Comme la convocation nouvelle du concile offrait des dif-
ficultés, que l'issue en était incertaine, et qu'à prendre les choses
au mieux, sa réunion était encore lointaine, le pape devait
aviser à dos mesures qui en tiendraient lieu, relâcher quelque
chose do la rigueur des lois ecclésiastiiiues, permettre le
mariage aux clercs, et aux laïques la communion sous les deux
espèces. Il y avait encore bien des hésitations : tantôt les
princes consentaient au concile, tantôt ils s'y opposaient ; ce
1,K CATIIOUCISMK. 500
que les uns voulaient, les autres le repoussaient. Ferdinand,
toutefois, ainsi que les rois d'Espagne et de Portugal, les
Suisses et les Vénitiens finirent par s'en rapporter au
pape.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N» 262.
Pallav., XIV, VI, i et seq., xiii, 10-18; Rayn., an. 1556, 1557, 1555;
Sarpi, V, § 35; Goldast, Const. imp., III, 567 et seq.; Le Plat, IV,
600 et seq.; Dœllinger, Réf., II, p. 127, 362 et saiv., 455; III, p. 441,
Flor. Riesz, der sel. Petrus Canisius, p. 190 et suiv., 201-227; Hart-
mann, Erhard Schnepf, Tiib., 1870. — Rayn., an. 1560, n. 2 et seq.,
53 et seq.; Le Plat, IV, p. 615 et seq., 629 et seq.; Pallav., XIV, xiv,
4 et seq., c. xvi ; Rayn., loc. cit., n. 64 et seq.
Nouvelle convocation du concile. — Travaux des nonces. —
Préparatifs du concile.
263. Le 20 novembre 1560, parut la bulle d'indiction, qui
prescrivait l'ouverture du concile à Trente pour la fête de Pâques
de 1561. Sans dire expressément qu'il serait une continuation
du précédent, elle rappelait tout ce qui s'y était passé, et l'on
donnait clairement à entendre que ce serait le même concile.
En France, où l'on espérait encore que les questions déjà
résolues seraient soumises à un nouvel examen, on fut mécon-
tent du passage de la bulle où il était dit qu'on reprendrait le
concile, (( toute suspension levée » .
En Allemagne, les nonces Delphinus et Commendone ne
ménageaient pas leur peine : sur la demande de l'empereur,
ils se rendirent en janvier 1561 à l'assemblée des princes pro-
testants de Naumbourg. Ces princes se montrèrent fort arro-
gants : ils déclarèrent qu'ils ne reconnaissaient point le pape ni
les év'êques qui lui prêtaient serment, et ils renouvelèrent leurs
anciennes prétentions. Dans uu décret daté du 27 février 1561,
ils déclarèrent qu'en matière religieuse, les protestants alle-
mands étaient unis entre eux sur la base de la Confession
dWugsbourg, quüls ne différaient que sur des points acces-
soires. Les nonces se rendirent encore en personne dans
différentes cours, mais on ne leur répondit le plus souvent que
par des échappatoires. De leur côté , beaucoup d'évèques
600 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
s'excusèrent sur leur âge, leur état maladif et la crainte d'être
maltraités par les protestants.
Le pape nomma premier président du concile le cardinal de
Mantoue, Hercule Gonzague, auquel il adjoignit les cardinaux
Stanislas Hosius, évoque d'Ermland; Jérôme Seripando, arche-
vêque de Salorne ; Louis Simonetta, de Milan, et Marc Siticus,
d'Âltemps A partir du 16 avril 4561, les légats firent à Trente
les préparatifs nécessaires, et Massarelli fut encore une fois
nommé secrétaire. Le premier évêque qui arriva à Trente, fut
Nicolas Sfondrate, de Crémone (plus tard Grégoire XIV). Quand
/es légats firent leur entrée, il n'y avait encore que neuf
évêques; mais d'autres arrivèrent bientôt, tels que l'archevêque
de Braga en Portugal, et Thomas Godwel, évêque de Saint-
Asaph en Angleterre. Le pape mit des sommes considérables à
la disposition des évêques pauvres, déclara dans une bulle que
le droit d'élire le pape appartiendrait exclusivement aux cardi-
naux, quand même le Saint-Siège viendrait à vaquer pendant
le concile, que les prélats personnellement présents auraient
seuls voix délibérative.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 2G3.
Const. Ad Ecclcsix regimen, etc. : Rayn., an. lößO, n. 68 et seq.;
Pallav., XIV, c. xvii ; Le Plat, IV, 663 et seq., 697 et seq. Opposition
des Français contx'e ces mots : « sublata suspensione » : Pallav,, XV, i;
Rayn., loc. cil., n. 73; Thccligkeit der Nuntien, ib., n. 78; an. 1361,
n. 18 et seq., 36 et seq.; Paliav., XV, c. ii-x; Le Plat, IV, 674 et seq.,
717 et seq.; K.-A. Menzel, IV, p. 215 et suiv.; Rob. Calinicli, der
Naumburger Fiirstentag 1361, Beitrag zur Gescb. des Luthertb. und
des Melancbtb. ans den Quellen des kgl. Ilauptstaatsarcbivs zu Dres-
den, Gotha, 1870. Les légats à Trente : Pallav., XV, xi; Rayn., an. 1561,
n. 1 et seq. Constitution sur l'élection du pape, 19 nov. 1561 : Rayn.,
loc. cit., n. 8 et seq. Cf. an. 1562, n. 103; Pallav., XV, xtii; Le Plat,
IV, 722. Sur le droit de voter réclamé pour les seuls membres pré-
sents, 15 déc. 1361 : Raynald., h. a., n. 11; Le Plat, IV, 733 et seq.;
Pallav., XV, xm, 2; XVIII, xvii, 1.
XVIIe-XXe sessions.
264. La première congrégation générale fut tenue le 15 jan-
vier 1562 ; elle fut suivie, le 18, de la dix-septième session, où
I
LE CATHOLICISME. 601
l'on annonça l'ouverture du concile et la fin de sa suspension ;
l'on indiqua le jour de la prochaine session. Outre les cardi-
naux, on comptait alors cent six évêques, quatre abbés mitres
et quatre généraux d'ordres. Les Espagnols voulaient, contrai-
rement à d'autres, qu'il fût expressément déclaré que le concile
était la continuation du précédent, et ils rejetaient comme nou-
veaux, inutiles et inopportuns, ces mots: «sur la proposition des
légats ». Cette demande fut repoussée. On discuta ensuite sur
l'index des livres défendus et sur un nouveau sauf-conduit
pour les protestants. Les délégués de l'empereur Ferdinand et
du roi de Portugal furent reçus par le concile. Les premiers
firent des propositions qui ne purent être acceptées qu'en par-
tie. Bientôt les diplomates suscitèrent des difficultés aux légats
par des querelles de préséance et des demandes souvent contra
dictoires.
Dans la dix-huitième session (26 février), après la lecture des
lettres du pape, on se borna à publier un décret sur la rédac-
tion d'un catalogue des livres défendus, et un sauf-conduit
pour les protestants ; il fut rédigé avec beaucoup de ménage-
ments et de prudence (4 mars). La discussion des douze articles
de réforme amena de nouveau en discussion la question de sa-
voirsi la résidence des évêques est de droit humain ou de droit
divin. Elle fut vivement débattue. Les légats essayèrent de la
faire ajourner jusqu'à ce que le calme fût rétabli, car la vota-
tion ne donna point de résultat décisif. Au mois de mars, arri-
vèrent les délégués de l'Espagne, du duc de Florence et de la
Suisse catholique ; en avril, ceux de Venise et un de France; le
1" mai, les députés du duc de Bavière.
Dans la dix-neuvième session (14 mai), puis dans la ving-
tième (4 juin), il fallut encore se borner à rendre un décret de
prorogation. Les princes mettaient partout des entraves au
concile : l'Espagne demandait que Ton déclarât que le concile
était la continuation du précédent ; la France voulait au con-
traire qu'il fût considéré comme un concile nouveau, et ses
députés proposèrent de le transférer à \Yorms, à Spire ou à
Constance, de renouveler les décrets de Constance sur l'auto-
rité du concile, et d'ajourner les décrets dogmatiques. L'un
d'eux prononça, le 26 mai, un discours offensant. L'empereur,
de son côté, présenta un nouveau projet de réforme.
602 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 264.
Rayn., an. 1562, n. 4 et seq.; Pallav., XV, 16 et seq.; XVI, 1 et seq.;
Baini, Vita di Palestrina, I, 199 ; Ranke, 1, p. 341. Controverse sur la
continuation : Rayn., an. 1561, n. 6, 47; Pallav., XV, xv, 4 et seq.;
c. XX, n. 6 et seq.; XVI, c. vi, n. 3 et seq.; c. vu, n. 3 et seq.; XVII,
XIII, 2. Dispute sur la formule « proponentibus legatis » : Rayn.,
an. 1562, n. 60; 1563, n. 68 et seq., 87; Pallav,, VI, xii, 1; XV, xvi;
XVII, vi; XX, viii, I, XII, XIV, XV ; XXI, v, x; XXII, c. ii, v, vui, xii.
Objet de la réforme, ibid., XVI, i et seq. Sous Jules III, le théologien
espagnol Torrès avait rédigé un livre, dédié à Seripando sur l'obligation
de la résidence de droit divin. Des écrits furent échangés entre lui et
Ambroise Catharin, qui soutenait le droit humain. Cette question fut
discutée le 7 avril 1562 ; soixante-sept membres demandèrent une
définition sur la résidence; trente-huit s'y opposèrent; trente-trois
tinrent une position mitoyenne. Selon Massarelli : « Pro parle negante
aut simpliciter aut cum aliquo additamento aut re in SS. D. N.
reposita unus supra 70. » Le roi Philippe II lui-même ne voulait point
de la définition, et le pape n'était pas satisfait qu'on lui abandonnât
cette affaire. On résolut enfin de l'ajourner jusqu'au moment où l'on
traiterait du sacrement de l'ordre (Pallav., XVI, iv, 11-15; XVII, i,
2-4). Les prélats sustentés par le Saint-Siège n'éprouvèrent pas le
moindre inconvénient pour s'élre librement expliqués: Baluz., Miscell.,
IV, 194; Câlin, ad card. Moron., 8 oct. 1561; Rayn., an. 1562, n. 41,
119, 120 et seq.; 1563, n. 13 et seq. Autres matériaux : Marlene, Coll.,
t. I; Diario del Torelli, p. 258 et seq.; Monum. di varia letter., t. Il,
p. 14, 15. Lettres de B. Foscarari de Modène, de Beccadclli à celui-ci
et à Morone. Beccadelli était pour la définition, de même que Pierre
Soto : Rayn., an. 1563, n. 71. Sur le reste, v. Pallav., XVIII, xui-xvi ;
XiX, c. IV et seq., xiv et seq. Les projets de réforme de Ferdinand
existent en différents extraits, dans Sarpi, lib. VI, p. 325; en latin, dans
Rayn., an. 1562, n. 59; cf. n. 62, et Goldast; avec plus de détails
dans Barthélémy des Martyrs, puis dans Schelhoru, d'après les papiers
de Staphylus; Le Plat, t. V, p. 232 et seq., 260 et seq., les donne tous
avec la réponse; ils ne concordent pas très bien ensemble : Ranke, I,
p. 327 et suiv. Ils demandent : la réforme de la curie, la restriction à
26 du nombre des cardinaux, la suppression des exemptions et du
célibat, l'adoucissement du précepte du jeûne, l'adoption des décrets
réformateurs de Constance et la préparation des matériaux par des
députations choisies dans les diverses nations; la correction des bré-
viaires, des missels, des légendes et des postules ; le chant ecclésias-
tique en allemand, la concession du calice aux laïques, de meilleurs
LE CATHOLICISME. G03
catéchismes, la réforme des couvents, etc. Voyez les 34 articles de
réforme proposés par les Français, avec réponse, dans Rayn., an. lo62,
n. 86-88; Le Plat, V, p. 631 et seq.
XXIe session.
265. Les légats, qui étaient constamment en relations épis-
tolaires avec le cardinal Borromée, soumirent aux théologiens
cinq articles sur la communion. Depuis le 10 juin 1562, ces
théologiens tinrent journellement deux assemblées, dans
lesquelles Salmeron parlait le premier comme théologien du
pape. Tous étaient d'accord sur les questions dogmatiques,
mais non sur le point de savoir s'il fallait maintenant accorder
aux laïques la communion sous les deux espèces, comme le
voulaient les envoyés de l'empereur et de la Bavière.
Le décret relatif à la communion sous les deux espèces fut
puidié le 16 juillet, dans la vingt et unième session. 11 portait que
les laïques et les prêtres qui ne célèbrent point ne sont obligés
par aucun précepte divin de communier sous les deux espèces;
que l'Église, dans la dispensation des sacrements, a toujours
été autorisée à changer, sans toucher à leur substance, ce
qu'elle a jugé le plus opportun, selon la diversité des temps,
des lieux et des conjonctures : c'est pourquoi elle s'est déter-
minée, par de justes et fortes raisons, à approuver la commu-
nion sous une seule espèce, et elle en a fait une loi qu'il n'est
pas permis de rejeter ni de changer arbitrairement sans l'auto-
rité de l'Église ; que sous une seule espèce on reçoit Jésus-
Christ tout entier et l'on ne perd aucune des grâces nécessaires
au salut ; que les petits enfants ne sont pas tenus à la commu-
nion sacramentelle.
Les erreurs contraires furent réprouvées dans quatre canons.
Le décret de réformation, en neuf chapitres, traitait de la colla-
tion des ordres et des qualités qu'ils requièrent, des distribu-
tions journalières qui doivent être faites aux membres du
chapitre présents au chœur, de l'établissement de nouvelles
paroisses et de la nomination de leurs titulaires, de la suppres-
sion des collecteurs d'aumônes, que le pape demandait égale-
ment. Le concile comptait toujours sur l'arrivée des prélats
français, et il donna à entendre qu'ils arriveraient ayant à leur
tète le cardinal de Lorraine : c'est pourquoi le concile ralentit
604 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
sa marche. Cependant, à partir du 19 juillet, il chargea les
théologiens d'examiner treize articles sur le sacrifice de la
messe.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N« 265.
Sur la communion « sub utraque » : Pallav., XVII, i et seq.; c. vi-
vni; c. xi; Rayn., an. 1562, n. 49 et seq., 67 et seq., 73 et seq.; Le
Plat, V, p. 4o5 et seq., 463 et seq. Voy. encore Pallav., XVII, i, xn
XIV ; XVIII, m, vi, vu.
XXIIe session.
266. Après de longues délibérations et de nombreuses diffi-
cultés vaincues, la vingt-deuxième session s'ouvrit enfin le
i7 septembre. La doctrine touchant le sacrifice de la messe fut
exposée en neuf chapitres et en autant de canons, et acceptée.
On y traitait de l'institution et de la nature du sacrifice, des
messes en l'honneur des saints, des cérémonies, des messes
privées, de la langue liturgique et de la nécessité d'expliquer
les rites au peuple fidèle. Il fut défini que la sainte messe est un
vrai sacrifice; que Jésus-Christ, en prononçant ces paroles :
« Faites ceci en mémoire de moi, » a établi ses apôtres prêtres
de la nouvelle alliance ; que la messe est un sacrifice expiatoire
pour les vivants et pour les morts et ne déroge point au sacri-
fice de la croix ; qu'il n'est pas défendu de l'olTrir en l'honneur
des saints ; que le canon ne contient aucune erreur. Le concile
condamne ceux qui rejettent le rite de l'Église, le mélange de
l'eau dans le calice, l'usage de la langue latine, la récitation à
voix basse des paroles de la consécration et les messes privées.
Un autre décret recommandait aux évoques d'abolir dans la
célébration de la messe les abus qui s'y étaient glissés par irré-
vérence, avarice et superstition ; de bannir toute sorte de
musique non religieuse, les occupations séculières, les entre-
tiens vains et profanes; d'engager les prêtres à célébrer en
temps voulu, selon le véritable rite et avec dévotion; d'exhorter
le peuple à fréquenter l'église paroissiale les jours de dimanche
et de fête. Un troisième décret sur la réformation (onze cha-
pitres) renouvela les canons relatifs à la vie honnête des
clercs, fixa les conditions requises pour les emplois ecclé-
siastiques, et prit encore d'autres dispositions. Un dernier
LE CATHOLICISME, 605
décret renvoya à la décision du papo l'affaire de la communion
sons les deux espèces, qui n'avait pu être résolue par une vota-
tion décisive. Plus tard, sur l'avis du cardinal Borromée, Vïo IV
l'accorda, par un induit, par manière d'essai et sous certaines
conditions, pour l'Autriche, la Bavière, Mayence, Trêves,
Brunswick et Naumbourg. Mais les fervents catholiques s'en
souciaient médiocrement et elle ne satisfit point les hérétiques.
Elle fut supprimée dans la suite.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 266.
Rayn., an. 1562, n. 89 et seq., 97 et seq.; Pallav., XVIII, i et seq.;
c. vin, II. On agita surtout cette question : « An Christus seipsum
obtulerit sacriiicium ia cœna, an solum in cruce? » Quatre opinions
furent émises : I. Jésus-Christ s'est offert pour nous pendant la cène;
elle fait partie de ses souffrances; de même que les souffrances qui
ont précédé le crucifiement ne dérogent pas aux mérites de sa mort,
de même le sacrifice eucharistique ne déroge pas au sacrifice de la
croix. Plus de 40 Pères soutinrent que Jésus-Christ s'est offert dans
l'Eucharistie, notamment Madrucci, Lainez, François Zamora, 0. S. F.
Obs. Gen., et beaucoup d'évèques. II. Jésus-Christ a offert pendant la
cène un sacrifice, mais seulement un sacrifice de louange et d'actions
de grâces, et non un sacrifice expiatoire : c'était l'avis des archevêques
de Grenade, de Prague, etc. III. Il fallait, selon d'autres, dire : « Chris-
tum se Patri obtulisse in cœna » ; et non pas ; « hac vel illa ratione
id peractum », puisque l'Écriture n'est pas explicite sur ce point.
IV. D'autres enfin cherchaient à concilier les deux premiers senti-
ments, mais ils ne s'entendaient point. La plupart finirent par embras-
ser le premier, même ses précédents adversaires. Le décret « de
observandis et evitand. in célébrât. Miss. » ne fut attaqué dans la
séance que par un prélat; le décret « de la réforme » fut écarté par
cinq voix : Pallav., XVIII, vi, 1-19; ix, 3. Décret, super petitione cali-
cis : Pallav., XVII, m, 1 et seq.; c. v, vi, viii; Rayn., an. Ib62, n. 6o-
84; Le Plat, V, p. 494 et seq. Concession de Pie IV : Pallav., XXIV,
xii, 8; Rayn., an. iö62, n. 8o ; Dieringer, Cari Borromeo, p. 172 et
suiv.; Buchholtz, Gesch. K. Ferdinands I, VIII, p. 660.
Situation difficile du concile.
267. Dix mois s'écoulèrent avant la session suivante, qui
avait été d'abord indiquée pour le 12 novembre 1562. Toutes les
anciennes difficultés avaient reparu : la France demandait
606 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
qu'on s'abstînt de rendre de nouveaux décrets jusqu'à l'arrivée
du cardinal de Guise et des évêques français ; l'envoyé de l'em-
pereur insistait pour l'adoption de ses projets de réforme, dont
une partie seulement était acceptable. Les débats sur l'ordina-
tion des prêtres éveillèrent parmi les Pères d'anciennes contro-
verses et en suscitèrent de nouvelles, notamment sur le droit
divin par rapport à la résidence des évêques et à leur préémi-
nence sur les prêtres , puis sur les relations des évêques avec le
pape ; à propos de ces disputes on vit reparaître plusieurs des
idées émises à Constance et à Bàle. Un grand nombre d'évê-
ques espéraient trouver dans les Français, qui se plaisaient à
contester la constitution monarchique de l'Église et les droits
de la primauté, des alliés contre les prélats italiens, dévoués au
Saint-Siège.
Le 13 novembre enfin, le cardinal de Lorraine arriva avec
quatorze évêques français, trois abbés et dix-huit théologiens.
Bien qu'il eût assuré les légats de sa soumission au Saint-
Siège, ses plans de réforme éveillèrent des craintes sérieuses.
De toutes parts les difficultés s'accumulaient contre le concile :
car un très grand nombre d'évêques se rattachaient entière-
ment aux délégués de leurs princes, et la discorde régnait
entre les Espagnols et les Français. Les influences étrangères
devenaient si pressantes, que Rome redoutait les dernières
extrémités. Le concile, réuni pour remédier aux abus, semblait
devenir une occasion de conflits et de schisme, et les légats en
étaient réduits à faire des efforts extraordinaires pour conser-
ver encore leur indépendance.
En février 1563, tout paraissait encore dans la plus grande
confusion. La tâche qu'on s'était imposée de terminer heureu-
sement le concile avec les plus grands princes catholiques, sem-
blait insoluble, et cependant Pie IV l'essaya encore. Le cardinal
de Mantoue, premier président, mourut le 2 mars, au grand
regret de tout le concile, et bientôt après (1 7 mars) le cardinal
Seripando. Le pape les remplaça par les cardinaux Morone et
Navagero, deux hommes distingués et tels qu'il les fallait,
notamment en face des ambassadeurs qui réclamaient pour
leurs cours des privilèges très étendus.
LE CATHOLICISME. 607
OUVRAGES A CUPiSÜLTBR SUR LE N" 267.
Déclaration du cardinal Carpi, janv. 1563, dans Jérôme Soranzo :
Ranke, I, p. 330. Le cardinal de Mantoue à Pie IV, 15 janv., ibid.,
p. 330, n. 2. Cf. Pallav., XIX, xii, 4; XX, vi, vu; Rayn., an. 1563,
n. 59, 60; Le Plat, V, 774 et seq. Mendoza, dans Dœllinger, Ungedr.
Berichte, II, p. 91 et seq.
Morone et l'empereur Ferdinand.
268. Morone comprit que l'on devait commencer par écarter les
obstacles du côté de l'empereur Ferdinand. 11 alla le trouver le
46 avril à Innsbruck. Ferdinand se montra fort indisposé envers
le concile: il était convaincu qu'il n'y avait point de liberté à
Trente et que Rome ne voulait point de réformes. Morone lui
représenta que bon nombre n'avaient pu adhérer à tous les arti-
cles de son projet de réforme, mais que les meilleurs avaient
été débattus et acceptés ; que si les princes donnaient des ins-
tructions à leurs envoyés, le pape devait le faire aussi ; que
Pie iV s'était imposé de grands sacrifices pour la réforme de
l'Église, mais qu'il était obligé de sauvegarder les droits de
son siège ; les projets des princes continueraient d'être présen-
tés au concile, et l'on accorderait même à leurs envoyés une
sorte d'initiative.
Ferdinand renonça à plusieurs de ses demandes ; un accord
intervint, et plusieurs obstacles furent insensiblement levés. On
le devait surtout à l'intelligent Morone, au pieux Charles Bor-
romée et aux sentiments catholiques de Philippe II d'Espagne,
qui ût inviter les évèques de ses États à s'unir étroitement au
Saint-Siège. Le cardinal de Lorraine ût aussi beaucoup de con-
cessions.
Pie IV, dans une lettre pleine de dignité, avait donné à Fer-
dinand une foule d'éclaircissements : il avait, entre autres, réfuté
l'assertion de ce prince, qu'il y avait deux conciles, i'uü à
Rome, l'autre à Trente. Les membres unis entre eux et le chef
avec ses conseillers ne formaient pas deux, mais un seul con-
cile ; la nature des choses, la dignité même du concile deman-
daient qu'il instruisît ses légats de ses dispositions ; si le pape
se rendait à Trente, on dirait que ce serait pour attenter a la
608 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
liberté du concile ; il soulèverait à la fois la colère des protes-
tants du voisinage et les plaintes de l'Italie, où sa présence
était nécessaire. Il désapprouvait les disputes des Pères sur des
questions inutiles, et il essayait autant que possible de s'y
opposer par ses légats.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N« 268.
Relat. soramaria del card. Morone sopra la legatione sua, dans la
Bibl. Altieri, VII, F. 3, citée par Ranke, I, p. 34 et sniv.; Sickel,
p. 485 et suiv.; Pallav., XX, c. xiii-xv, xvu, 7; Rayn., an. 1562, n. 93;
an. 1563, n. 6 et seq.; Le Plat, V, 775 et seq.; VI, 1 et seq.
L'autorité du pape et l'autorité des évêques.
269. Les Français et un grand nombre d'Espagnols avaient
fort à cœur de voir déclarer par le concile que les évêques
sont de droit divin et immédiateaiont institués par Jésus-
Christ, afin d'en tirer des conséquences en faveur de l'autorité
épiscopale, au détriment do l'autorité du pape. Très peu faisaient
la distinction du pouvoir d'ordre et du pouvoir de juridiction ;
et cependant il était nécessaire de les séparer exactement, ainsi
que le prouva l'évêque de Rimini, et surtout Lainez.
Plusieurs prélats révélèrent un esprit passionné qui dut causer
d'amers regrets. Les Français, et ceux des Espagnols qui
s'étaient alliés avec eux, n'obtinrent pas ce qu'ils désiraient.
Plusieurs trouvaient indécent de traiter des droits des évêques
et de négliger ceux du pape. Le cardinal de Lorraine, qui
partageait cet avis, proposa, le 4 décembre 1562, un canon sur
l'ordre (8), qui prononçait l'anathème contre ceux qui diraient :
1° que Pierre n'est pas le chef suprême des apôtres en vertu de
l'institution de Jésus-Christ et son premier vicaire ; 2° qu'il
n'est pas besoin, pour gouverner l'Église, d'un grand pontife,
successeur de Pierre et égal à lui en puissance ; 3° que les
successeurs de Pierre à Rome n'ont pastoujours eu la primauté.
Rome trouva ce canon insuffisant, notamment après la défini-
tion de Florence, laquelle faisait désirer un supplément sur le
pleins pouvoirs dn pape pour le gouvernement de « toute »
l'Église.
Mais les Français, entichés de leur théorie de la supériorité
LE CATHOLICISME. 609
du concile sur le pape, ne voulurent point l'accepter. Les légats
déclarèrent qu'ils sacrifieraient plutôt leur vie que de laisser
attaquer la prééminence du pape.
Rome rappela à cette occasion que le quatorzième concile
œcuménique avait déjà proclamé la primauté du pape sur toute
l'Église ; elle recueillit différents moyens de preuves, et demanda
que, si l'on voulait traiter de l'autorité du pape, on ne le fit pas
en des termes plus faibles ou plus couverts que ceux de Flo-
rence : il valait mieux no rien décider du tout. On s'arrêta à ce
parti, car on redoutait de la part des Français un concile
national schismatique, bien que les Espagnols, les Portugais et
les Allemands fussent d'accord avec les Italiens pour défendre
les prérogatives du pape, et qu'en général les plus célèbres
théologiens du concile se prononçassent résolument en sa
faveur.
Le savant dominicain Pierre Soto manda de son lit de mort
(10 avril 4563) que sa croyance était que le pape est au-dessus
de tous les conciles et ne peut être jugé par eux; il désirait
que son opinion fût dogmatiquement définie, attendu que la
doctrine contraire ne pouvait engendrer que la désobéissance,
es disputes et le schisme. Son vœu favori ne devait s'accomplir
que trois cent sept ans plus tard. La sage modération du Saint-
Siège toléra, ici comme sur d'autres points, une contradiction
qui alla s'affaiblissant de plus en plus: quelque fondés et
incontestables que fussent ses propres droits, il aimait mieux
qu'ils no fussent pas reconnus, que d'exposer un pays déchiré
par tant de divisions et souvent mal gouverné au péril do
s'enfoncer encore plus avant dans une opposition illégale. Vu
l'état des études théologiques d'alors, le triomphe qu'on
pouvait déjà espérer semblait au pape et à son vertueux neveu
trop chèrement acheté. Le système pontifical fut indirectement
fortifié: car le concile, dans plusieurs de ses décrets, reconnut
l'autorité souveraine du Saint-Siège, et à la fin tous les Pères,
un seul excepté, demandèrent la confirmation par le souverain
pontife.
OUTRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 269.
Pallav., Appar. ad Conc. Trid., c. x, n. 3; VII, iv, 3; vi, 3; VIII,
iviii, 1 et seq.; IX, ii, 4; XVI, i, 13; viii, 14; XVII, xiii, 2 et seq.;
V. — HIST. DE l'église. 39
610 HISTOIRE DE l'ÉGLISE,
XVIII, iir, 10; XIV, 5; xv, 3 et seq.; xvf, 12; XIX, v, 5 et seq.; c. vi,
13-lo; XXI, IV, 12 et seq.; viii, 1 ; c. xi, xii; Rayn., an. 1562, n. 104
et seq., 121 et seq., 1563. Laiinoji Reg. Navarr. Gymn. Hist., p. I,
c. vi; Civiltà cattol., VI, xii, n. 423 (2 nov. 1867), p. 273 et seq.;
Bauer, S.-J., clans les Laacher Stimmen, 1872, XI, p. 404-407. Mon
ouvrage cité, Kathol. Kirche, p. 882-895, 901-908. La théorie des
Français était pour l'institution immédiate des évêques par Jésus-
Christ fVI, § 72). En novembre 1524, la Sorbonne condamna cette
thèse de Louis Gombont, 0. Pr. : « Petro demto nec episcopus quis-
quam immédiate est institutus » (du Plessis d'Arg., III, i, p. 5).
Mais à Trente le sentiment contraire fut résolument soutenu, notam-
ment par André Cainutius, de Milan, 26 sept. 1562 : « Suramus Pon-
tifex habet immédiate polestateni a Deo , illi (Episcopi) médiate
(Theiner, Acta, II, p. 142); par Lainez (Pallav., XVIII, xv) et autres.
Voy. J.-ß. Andries, Alphonsi Salmeronis doctrina de jurisdiclionis
episcopalis origine ac ralionc, Mogunt., 1871. Décrets du pape et
lettres de S. Ch. Borromée : Rayn., an. 1563, n. 3-12, 35 et seq.,
38 et seq., 67 et seq.; Pallav., XVIII, xiir, 3; XX, viii. Pierre Soto et
son explication : Rayn., h. an., n. 71. Gaspard Cardilius à S. Ch.
Borromée, ib., an. 1564, n. 14 : « Spiritus sanctus, qui synodum
moderatur et Ponlificem maximum in his quai sunt lidei, labi aut
errare non sinit. » La Potestas suprema seu summa Rom. Pontificis,
dans Conc. Trid., sess. XIV, c. vu, de Cas. roserv. Cf. sess. VII, de
réf., proœm.; sess. XXV, de Ref., c. xxi, decr. ull.
XXIIIe session.
270. Dès le mois de septembre 1562, on avait remis aux
théologiens neuf articles sur le sacrement de l'ordre, avec les
propositions des hérétiques contre ce sacrement, contre les
degrés de la hiérarchie et le sacerdoce du Nouveau Testament.
Ces (juestioiis furent agitées eu présence des envoyés de trois
patriarches, de dix-huit archevêques, de cent quarante-six
évéques, de deux abbés, de cinq généraux d'ordres et de
quatre-vingt-quatre théologiens. On remarquait parmi ces
derniers Salmeroii,Süto et le Portugais Melchior Cornélius. Le
"■2 octobre, la délibération futenlamée devant les évéques, etsou-
leva d'ardentes discussions. Peu à peu les Espagnols devinrent
plus modérés, et cuusoulirent à admettre sur la résidence un
«i !cret moins accentué, mais qui n'excluait pas leur sentiment.
Ou arriva ainsi, le 15 juillet 1563, à la vingt- troisième
LE CATHOLICISME. 611
session. Le décret sur le sacrement de l'ordre y fut publié en
quatre chapitres et huit canons. Le décret énonçait les rapports
du sacrifice et du sacerdoce, déduisait de l'institution du
sacrifice de la nouvelle alliance la nécessité d'un sacerdoce
visible à la place do l'ancien sacerdoce lévitique, traitait do
ses pouvoirs relativement au sacrifice et à la rémission des
péchés, et marquait les différents degrés qui servent de prépa-
ration à l'ordre. Le concile exposa la nature sacramentelle de
l'ordre et son caractère indélébile, les divers degrés de la
hiérarchie, la prééminence des évêques sur les prêtres.
Contre les protestants il déclara (jue le consentement du pou-
voir civil ou du peuple n'était pas nécessaire ; que les ministres
établis par le pouvoir temporel ou par le peuple étaient au
contraire des voleurs et non des pasteurs, tandis que l'appro-
bation décernée par le pape, que les novateurs qualifiaient
d'invention humaine, faisait des évêques de vrais et légitimes
pasteurs. Endisantqu'il y a une hiérarchie établie « par l'ordre
de Dieu », composée d'évêques, de prêtres et de ministres, le
concile éludait cette controverse : si les évêques tiennent leurs
pouvoirs de Jésus-Christ d'une manière directe ou indirecte.
Il évita de même, dans le décret de réformation (dix-huit
chapitres), de vider cette controverse, en disant que, selon l'ordre
de Dieu, les pasteurs doivent connaître leur troupeau, et qu'ils
ne peuvent le connaître qu'en résidant : — ce qui pouvait faire
conclure que le devoir de la résidence n'émane qu'indirecte-
ment du droit divin. On détermina les causes qui justifieraient
une absence et la manière d'agir dans ces sortes de cas ; on
traita du lieu, du temps, des conditions de l'ordination, de
l'approbation des confesseurs, mais surtout de l'importante
question de l'établissement des séminaires, qui comprenait en
lui seul les plus grandes réformes.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 270.
Délibérations « de Ordine » : Pallav,, XVIH, ïii, \ et seq.; c. xiv,
n. 1 et seq.; XX[, xi, 1-4 (sur le terme « divina ordinatione )^j : Rayn.,
an. 1562, n. 89 et seq. Six évêques refusèrent leur assentiment aux
décrets dogmatiques du 15 juillet; quelques Espagnols voulaient qu'on
précisât davantage les canons vi et viii : Pallav., XXI, iii, 4.
612 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Difficultés du côté des souverains.
271. Les Espagnols mettaient tout en œuvre pour prolonger
le concile, tandis que la France et l'empereur désiraient sa fin.
Jusque-là les princes temporels avaient demandé à plusieurs
reprises qu'on opérât de grandes et larges réformes dans l'état
ecclésiastique, comme si c'eût été la cause de tous les maux.
Ces instances devaient offenser les Pères et embarrasser les
légats. Cette fois, d'après un avis reçu de Rome, les légats
retournèrent la question : ils proposèrent de réformer les
princes temporels, et de prendre des mesures pour sauvegarder
les droits de l'Église si souvent méconnus. Cette proposition
produisit son effet : elle assura le libre mouvement du concile
et permit de le terminer d'une manière satisfaisante. Les
représentants de l'empereur ayant réclamé contre cette pro-
position , le cardinal Morone s'étoniia que l'empereur , si
enthousiaste pour la réforme universelle, prétendît tout à coup
en exempter les princes temporels. Quand les légats avaient
consulté le pape, qui n'était pas seulement leur chef, mais
encore celui de toute l'Église, on avait réclamé ; aujourd'hui,
le pape laissait au concile la hberté de tout conclure sans même
le consulter. Ils ajoutèrent qu'ils aimeraient mieux solliciter
leur rappel que de se rendre à une demande aussi inconve-
nante ; que le décret sur la résidence des évêques deviendrait
inutile, si les obstacles, du côté des princes continuaient à sub-
sister. Ce chapitre est le seul qui fut provisoirement ajourné,
ce qui déplut à plusieurs évèques.
Une autre source de difficultés, c'étaient les exemptions des
chapitres, surtout en Espagne, où les franchises considérables
dont ils jouissaient avaient été fort restreintes par les évêques
appuyés du gouvernement, et devaient l'être encore davantage,
si un accord ne fût intervenu ; puis, la pluralité des bénéfices,
très fréquente en Allemagne surtout, et qui nécessitait le
renouvellement des anciens canons de l'Église, sans exclure
complètement les exceptions légitimes. Le concile fut obligé,
pour s'affranchir des exigences onéreuses des cours, de surseoir
ci la réformation des princes, tant les idées de l'État moderne
avaient déjà d'empire. La position des évêques à l'égard des
LE CATHOLICISME. 613
métropolitains, objet de fréquentes discussions, ne fut réglée
que sur quelques points.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N« 271.
Rayn., an. 1563, n. 138, 153 et seq., 159, 162, 174; Pallav., XXII, i,
1; c. II, m, V et seq., ix; XXIII, c. i, m, vi. Projet sur la réforme des
cours : Huchholtz, Gesch. der reg. Ferdin. I, tom. IX, p. 703; Ros-
covany, Mon., I, p. 167-171, n. 174. Sur les chapitres espagnols :
Pallav., XXII, c. i; XXIII, c. vu, n. 14 et seq.; Ranke, I, p. 341-343.
Pluralité des bénéfices : Pallav., XXIII, m, 14 et seq.
XXIVe session.
272. Le sacrement de mariage fut désormais le principal
objet des délibérations. La France avait proposé d'annuler et
les mariages clandestins et les mariages conclus sans le consen-
tement des parents. Sur le premier point, le concile, après mûr
examen, lui donna satisfaction; sur le second, il rejeta sa
demande. Le 11 novembre 1563 (vingt- quatrième session), le
concile sanctionna le décret sur le mariage, son origine, sa
nature, son caractère sacramentel, outre douze canons qui
condamnent la polygamie et la doctrine de ceux qui préten-
daient que les degrés de consanguinité et d'affinité contenus
dans le Lévitique sont les seuls qui empêchent de contrac-
ter mariage, la doctrine de ceux qui niaient que l'Église est
exempte d'erreurs quand elle détermine les empêchements
dirimants du mariage , et enfin les erreurs concernant le
divorce et la juridiction de l'Église sur les affaires du mariage.
Les Vénitiens ayant demandé qu'on usât d'égards envers les
Grecs, qui, en cas d'adultère, rompaient le lien du mariage, le
concile se borna à condamner ceux qui prétendent que l'Église
se trompe quand elle interdit dans ce cas la dissolution du
mariage et ne permet que la séparation des époux.
Contre les protestants, le concile s'appliqua surtout à établir
que la profession religieuse et la réception des ordres majeurs
produisent un empêchement diriraant du mariage, et à relever
la prééminence des vierges sur les gens mariés. Le décret do
réformation portait que le mariage aurait lieu en présence du
curé et de deux témoins ; que les mariages conclus autrement,
G 14 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.
après la publication valable de ce décret, seraient nuls. Les pro-
clamations des bans, déjà prescrites autrefois par des conciles
particuliers, furent rendues universellement obligatoires, mais
les évêques reçurent le droit d'en dispenser; les empêchements
de parenté spirituelle, d'honnêteté publique, d'affinité et de rapt
furent restreints; on porta des règlements sur les dispenses de
mariage, sur les temps interdits et sur les mariages des vaga-
bonds; on établit des peines contre le concubinage, et l'ondé-
fenditaux maîtres , sous peine d'excommunication , d'entra verla
liberté de leurs subordonnés pour la conclusion des mariages.
Un décret général de réformation en vingt et un chapitres
concernait l'élection des cardinaux et jdes évêques; les conciles
provinciaux, qui devaient se célébrer tous les trois ans; les
synodes diocésains, qui devaient être annuels; la visite épisco-
pale, l'office de la prédication et l'instruction de la jeunesse, la
fréquentation de l'église paroissiale, les affaires criminelles et
les droits des évêques, l'obligation pour les curés d'expli(juer
exactement au peuple les sacrements et la liturgie, l'institution
d'un pénitencier dans chaque cathédrale, les pénitences pu-
bliques à infliger aux pécheurs pubhcs.
D'autres prescriptions regardaient les privilèges particuliers,
les qualités et les devoirs des chanoines ; l'amélioration des
bénéfices pauvres, grands et petits, l'administration des évêchés
et des paroisses vacantes. Pour établir l'uniformité, l'on décida
que les chapitres nommeraient des vicaires capitulaires dans
l'espace de huit jours à partir de la vacance du siège épiscopal.
Les expectatives, les mandats de provision pour les bénéfices
furent supprimés; on traça des règles sur la procédure ecclé-
siastique, et enfin l'on dunnaà ces paroles : « sur la proposition
dos légats », une explication qui satisfit tout le monde. Il y eut
encore dans la session même des débats au sujet des décrets de
réformation. La futuresession fut fixée au 9 décembre.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 272.
Rayn., an. 1563, n. 19 et seq., 136 et seq., 150 et seq., 193-197;
Pallav., XIX, XVI ; XX, i et seq.; XXII, i et seq., vin; XXIII, v. Le 10 sep-
tembre 1563, il régnait quatre opinions concernant les mariages
mixtes : 1° l'Église n'a pas le pouvoir d'annuler les mariages clandes-
tins; 2" elle a ce pouvoir et elle doit maintenaut en faire usage; 3" elle
LE CATHOLICISME. Gl 5
l'a, en eflfet, mais elle ne doit pas en user présentement ; 4* il ne faut
point rendre de décret à cet égard. La seconde opinion finit par l'em-
porter. Sur les égards envers les Grecs touchant l'adultère, voy. Ray-
nald, an. d563,n. 152.
XXVe session.
273. Cette fois, la session ne fut point ajournée, mais avancée.
On désirait de plus en plus de voir arriver la fln du concile:
les évoques étaient depuis longtemps absents de leurs diocèses,
le climat était défavorable, on craignait la guerre du côté des
protestants, le pape enfin avait de lourdes dépenses à suppor-
ter; Pie IV, alors malade, souhaitait de survivre à l'assemblée;
le cardinal de Lorraine, les légats, l'empereur, la plupart des
princes et des évoques demandaient la clôture. Les Espagnols
seuls, qui réclamaient encore d'autres réformes, firent des ob-
jections, mais ils finirent par se résigner. Les orateurs des
congrégations visèrent à la brièveté, tous les travaux mar-
chèrent avec plus de promptitude, et c'est ainsi que la vingt-
cinquième et dernière session put être célébrée les 3 et 4 dé-
cembre 1563.
Le 3 décembre, on avait publié : 1° le décret sur le purga-
toire, qui énonçait son existence et déclarait que les fidèles qui
sont sur la terre peuvent alléger les souffrances des défunts; il
maintenait la vraie doctrine, recommandait d'éviter à ce sujet
les questions inutiles et d'accomplir les dernières volontés des
défunts ; 2° le décret sur l'invocation des saints, sur leur culte,
sur leurs reliques, sur les saintes images et les abus qu'on
doit éviter à cet égard ; 3" un décret en vingt-deux chapi-
tres sur la réformation des monastères, réglant le temps de la
profession, la clôture, les pouvoirs des supérieurs d'ordres et
leurs relations avec les évêques; -4° un décret sur la réformation
générale en vingt et un chapitres, donnant des prescriptions
sur le genre de vie des cardinaux et des évêques, sur l'usage
imprudent des censures et la juridiction ecclésiastique, sur la
réduction des fondations, etc.; il ordonnait de publier les
décrets du concile dans le synode provincial, défendait le duel,
exhortait les princes chrétiens à exécuter avec soin les décrets
du concile, réservait enfin les droits dr. pape, ce qui ne fut
désapprouvé que par deux Pères : l'un, parce qu'on devait
616 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
iiaturellomeiit s'y attendre; l'autre, parce qu'il aurait, désiré
une meilleur rédaction. Enfin, la continuation de la session fut
décrétée pour le jour suivant.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 273.
Désir de voir la fin du concile : Pallav., XXIV, i, 1 et seq. Sur le
décret de Regul. et Monial., quelques-uns demandèrent qu'on fixât
l'âge de l'entrée et de la profession à 18 ans; mais l'archevêque de
Prague fit ressortir l'importance de l'éducation dans les couvents, et
le cardinal de Grenade rappela que les filles pouvaient se marier dès
l'âge de 12 ans. On établit l'âge de 16 ans pour la profession. Les
canons xx et xxi furent l'un et l'autre désapprouvés par deux Pères :
ibid., c. VI, 2; vu, 2.
Derniers décrets du concile de Trente.
274. Les théologiens les plus expérimentés rédigèrent aussi,
d'après d'anciens matériaux, un décret sur les indulgences, qui
fut discuté en assemblée générale, et solennellement publié le
4 décembre. Il rappelait le pouvoir qui appartient à l'Église
d'accorder des indulgences, parlait de leur utilité, condamnait
les doctrines opposées, recommandait d'en faire un usage
modéré et d'y éviter tous les abus.
Un second décret sur le choix des aliments, sur les jours de
fête et de jeûne, ordonnait que tous se conformassent sur
ce point à l'Église romaine, mère et maîtresse de toutes les
Églises. Un troisième abandonnait au Saint-Siège la confection
et la publication d'un missel et d'un bréviaire corrigés, d'un
catéchisme et d'un catalogue des livres défendus. Un quatrième
déclarait que par la place assignée aux ambassadeurs dans les
séances il n'avait été fait aucun préjudice à personne. Un
cinquième engageait les princes à recevoir et à faire exécuter
les décrets du concile, ajoutant que si leur exécution soulevait
quelque difficulté, le concile s'en remettait au pape du soin de
les aplanir, quand même il faudrait assembler un concile géné-
ral (comme l'Espagne le souhaitait). Un sixième déclara obliga-
toires tous les décrets portés dans les sessions tenues sous Paul
III et Jules III, et l'on en donna lecture. Puis on demanda aux
Pères s'ils désiraient qu'on terminât le concile et qu'on
chargeât les légats de solliciter la confirmation du pape. Ils
LE CATHOLICISME. 617
répondirent affirmativement, et le cardinal Morone annonça la
clôture. Le cardinal de Lorraine prononça des acclamations en
l'honneur de Pie IV et de ses prédécesseurs, de l'empereur et
de tous les princes qui avaient favorisé et soutenu le concile,
des légats, des ambassadeurs et des Pères. Avant le départ, les
membres du concile (252) y apposèrent leurs signatures;
c'étaient : quatre cardinaux légats, deux cardinaux, trois pa-
triarches, vingt-cinq archevêques, cent soixante-huit évêques,
sept généraux d'ordres, sept abbés, trente-neuf procurateurs,
et à la suite la plupart des ambassadeurs.
OUVIUGES À CONSULTES SUR LB N*» 274.
Sur le décret des indulgences, voy.Pallav., loc. cit., cap. viii, n. 1.
Le décret « de recipiendis etobservandis decretis Concilii », fut rédigé
par les cardinaux de Guise et Madrucci, et par les Espagnols Antoine
Augustin et Didace Covarruvias: ibid., n. 6. Voy. n. 13, sur les sous-
criptions avec ces mots : « Subscripsi deüniendo », que les procura-
teurs n'avaient pas le droit d'ajouter.
Fin du concile. — Son importance et son exécution. —
Travaux de Pie IV. — Sa mort.
275. Cette œuvre grandiose était donc enfin terminée. Jamais
concile n'avait résolu un si grand nombre de questions et ren-
contré de plus sérieux obstacles. Cependant les faiblesses de ses
membres ne nuisirent point à sa'dignité, et, malgré les luttes
des théologiens et des évêques, l'ancienne foi catholique, pro-
tégée par le Saint-Esprit, brilla de tout son éclat. « Le concile,
dit Ranke, «si impétueusement réclamé, si longtemps ajourné,
divisé, deux fois dissous, ébranlé par tant d'orages soulevés
par le monde, assailli de nouveaux dangers lors de sa troisième
réunion, se termina dans la concorde universelle du monde
catholique. On comprend donc l'émotion et la joie qui s'empa-
rèrent des prélats, quand ils se réunirent le 4 décembre pour
la dernière fois. Ceux mêmes qui s'étaient jusque-là combattus,
se félicitaient mutuellement, et l'on voyait des larmes aux yeux
de beaucoup de ces vieillards. Le catholicisme se dressa désor-
mais devant le monde protestant avec une force doublée et
rajeunie. »
618 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Le concile, assurément, ne pouvait pas satisfaire à toutes les
exigences; parmi les projets de réforme qui lui furent pré-
sentés, plusieurs étaient exclusifs, exagérés, inspirés par des
Intérêts privés, nuisibles même. Quant aux réformes résolues
par l'Église, elles révélèrent leur énergie partout où elles
furent appliquées. Un premier résultat du concile fut d'imposer
silence à l'esprit révolutionnaire qui s'agitait au sein de l'Eglise;
l'autorité du Saint-Siège en sortit saine et sauve; la chrétienté
catholique attesta d'une manière brillante la richesse du savoir
théologique dans les difîérents pays, la majesté de l'Église si
calomniée jusque-là, et la puissance invincible de la foi. Le IS
décembre. Pie IV annonça aux cardinaux la clôture du concile
et ordonna des fêtes d'actions de grâces. Tandis que Ravagero
retournait dans son diocèse de Vérone, Hosius en Pologne,
Morone et Simonetta portaient à Rome les actes du concile.
Quelques fonctionnaires de la cour romaine étaient d'avis que
le pape ne devait pas accepter tous les décrets; mais il les con-
firma tous sans exception , d'abord en consistoire (30 dé-
cembre), puis dans une bulle solennelle datée du 26 janvier
4564 et signée de vingt-six cardinaux. Il établit, pour les faire
exécuter, une commission de huit cardinaux, parmi lesquels
son neveu Borromée fut le plus actif ; il envoya des nonces et des
lettres aux princes et aux évêjuos, prescrivit partout la confes
sion de foi tirée des décrets de Trente, et publia uneconstitution
sur la lecture des livres défendus, dont il fit drosser un cata-
logue. Il accorda la communion sous les deux espèces à plu-
sieurs provinces d'Allemagne, mais refusa obstinément le
mariage des prêtres.
A Rome, Pie IV institua le séminaire romain, qu'il confia
aux jésuites, et il fut le premier qui mit la main à l'œuvre
pour exécuter les réformes arrêtées à Trente. Sébastien, roi de
Portugal, remercia le pape d'avoir confirmé le concile, et il en
prescrivit l'observation dans ses États. La république do Venise,
le duc de Savoie et les autres princes italiens l'acceptèrent
sans condition; Philippe II d'Espagne y souscrivit avec cotte
clause : « sans préjudice des droits de la royauté » . Commen-
donnc le fit reconnaître en Pologne. Dès 156-4, plusieurs
conciles provinciaux, ainsi que des princes catholiques, pu-
blièrent les décrets ; l'empereur Maximilien II ne le fit pour
LE CATHOLICISME. 619
rAUemagne qu'en 15G6. La France n'accepta sans réserve que
les dôcrets dogmatiques; la cour rejeta les décrets sur la
discipline ; les évèques seuls essayèrent peu à peu de les intro-
duire dans la pratique. Pie IV rendit encore plusieurs ordon-
nances salutaires, surtout contre les abus qui se commettaient
dans la nomination aux évêchés et dans l'aliénation des biens
d'Église. Son neveu Borromée, nommé par lui grand pénitencier,
devint ensuite archevêque de Milan, et tint des conciles provin-
ciaux pour exécuter les décrets de Trente. Puis il alla de nou-
veau à Rome pour assister son oncle qui se mourait. Pie IV
s'endormit dans le Seigneur le 9 décembre 1565, âgé de
soixante-six ans.
Ouvrages a consulter et remarques critiques sur le n° 275.
Ranke, Rœm. Pœpste, I, p. 345, 377. Pie IV et le Concile : Pallav.,
XXIV, IX, 1-10 ; Rayn., an. 1564, n. 1 et seq.; ibid., n. 3 : « Et quaravis
aliqui essent in Curia, qui niagis quai sua sunt quam qua^. Christi
quaerentes incommoda et detnmenla aliqua ex instaurata Ecclesise
disciplina sibi limèrent. Pins tarnen, divina tantum gloria sibi ob
oculos proposita, onuieiu quœstus privatique commodi rationem obtri-
vit. » Voy. la Constitution « lîenedictus Deus » dans les éditions du con-
cile. Sur la commission des cardinaux et l'envoi des nonces : Rayn.,
an. 1564, n. 4-7. Professio fidei Conc. Trid., dans Denzinger, Enchir.,
4«: éd., p. 292-294, n. 82: du Plessis d'Arg., III, n, p. 104. Voy. Claras,
Das Trident. Glaubensbekenntnisz, Schalïhouse, 1865 et suiv., 2 vol.
Sur la lecture des livres défendus : Rayn., an. 1564, n. 52, 53. Consti-
tut. 94, Dominici gregis, avec les dix Règles de l'Index : Bull., éd.
Taur., VII, 281; Conc. Trid., éd. richter, p. 612 et seq.; Phillips,
K.-R., VI, § 32i, p. 608; Ilist.-pol. El., t. XXXVII (1856); VI, p. 561-
591. Rejet de la clérogamie : Rayn., loc. cit., n. 38 et seq.; an. 1565,
n. 1 et seq.; Le Plat, VI, p. 336. Séminaire romain : Rayn., an. 1564,
u. 53. Reconnaissance du concile en Portugal : Le Plat, loc. cit.,
p. 332j Pallav., XXIV, ix, 15; à Venise et dans les États italiens : ib.,
c. X, n. 1; Rayn., an. 1564, n. 50 et seq.; en Pologne : Pallav., loe.
cit., c. xiii, n. 1-3; en Espagne et dans ses provinces : ib., c. xn,
n. 1-3. Sur les Pays-Bas : Le Plat, Vil, p. 1 et seq. Conciles d'Augs-
bourg, 1567; de Salzbourg, 1569: Pallav., loc. cit., c. xn, n. 11. Difti-
cullés en France : Pallav., c. x, 1 ; c. ii, n. 2 et seq.; Rayn., an. 1564,
n. 12. Documents dans Le Plat, VI, p. 320, 323; VII, p. 225 et seq. La
France s'otTusquait 1° qu'on n'ait pas accepté l'empêchement du
mariage <* par défaut de cuuseutemeul des parents »; 2" que le concile
620 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
eût établi des peines pécuniaires et la prison ; 3» que les décrets su le
duel, l'adultère et le concubinage empiétassent sur la juridiction
civile; 4* que le jugement des évêques fût exclusivement réservé au
Saint-Siège; 5° qu'on eût déclaré la continuation du concile; 6° qu'on
eût violé les libertés gallicanes; 7° aigri les calvinistes; 8" interdit les
commendes de bénéfices réguliers, etc. Voy. Durand de Maillane,
Diction, de droit canon, IV, 639. La Sorbonne, 15 nov. 1588, se pro-
nonça pour la reconnaissance absolue du concile : du Plessis d'Arg., I,
app., p. XXIV. 11 est reçu au concile de Reims, 1564: Hard., Conc, X,
529. Autres, dans Gibert, Corp. jur. can., t. I, Proleg., p. 155-157. —
Décrets de Pie IV et travaux de S. Ch. Borromée : Rayn., an. 1565,
n. 21 et seq. Mort du pape : ib., n. 27 ; Leonardi, de Laudibus Pii IV.
Pad., 1565.
Lies trois grands successeurs de Pie W.
Saint Pie V. — Son caractère. — Travaux pour la réforme
de Rome et de l'Italie.
276. Pie IV eut pour successeur, grâce surtout à l'intorven-
tion de saint Charles Borromée, le cardinal d'Alexandrie, Michel
Ghislerio (8 janvier 1566), né en 4504, à Boscho, près de
Milan, dominicain depuis l'âge de quatorze ans, chef de l'Inqui-
sition sous Paul IV, irréprochable dans ses mœurs et zélé pour
la réforme générale de l'Église. 11 prit le nom de Pie V.
Philippe II d'Espagne remercia Charles Borromée et lui exprima
toute la joie que lui causait l'élection d'un si digne pontife.
Quand Pie V apprit que les Romains étaient mécontents de sa
nomination : « Eh bien 1 » dit-il, « ils me regretteront d'autant
plu saprès ma mort. » Devenu pape, il ne changea rien à son
ancien genre de vie : il se levait de bonne heure, prenait peu
de repos, et observait un jeune austère. Sans la prière, le poids
de la tiare lui eût été insupportable : les exercices de piété
étaient sa récréation. Il fut dès son vivant considéré comme un
saint, et le peuple se sentait ému en le voyant dans les proces-
sions et dans les solennités religieuses. Il était bienveillant,
affable, généreux de caractère, constant dans ses jugements,
juste, pénétré du sentiment de sa haute mission, humble et
charitable. Le régime de la cour pontificale fut extraordinaire-
ment simplifié.
Pie V avait personnellement peu de besoins, et il disait sou-
LE CATHOLICISME. 621
vent que celui qui veut gouverner les autres doit commencer
par se gouverner lui-même. S'il créa cardinal son neveu
Bonelli, ce fut uniquement parce qu'on lui présenta cette
nomination comme nécessaire pour entretenir des rapports
confidentiels avec les princes; il le dota avec modération, et il
n'éleva jamais ses autres parents au-dessus d'une condition
moyenne. Il donnait audience à tous, et veillait: à ce que la
justice fût rendue avec impartialité ; chaque dernier mercredi
du mois, il tenait avec les cardinaux une séance publique, où
chacun pouvait présenter ses plaintes sur les tribunaux. 11
abolit dans Rome les combats d'animaux comme un divertisse-
ment peu chrétien, chassa de la ville les femmes perdues de
mœurs ou les força de résider dans des quartiers éloignés,
punit sévèrement les profanateurs du dimanche et les blasphé-
mateurs , obligea les autorités religieuses et civiles à faire
observer les lois ecclésiastiques dans les États de l'Église. La
ville de Rome prit bientôt un tout autre aspect, et sembla rede-
venir la cité des saints. Saint Philippe de Néri développa le
goût de la vraie et solide piété, et de saints prêtres exercèrent
partout une salutaire influence.
OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N" 276.
Glussiani, Vita Car. Bor., p. 62. Lettre au cai'dinal Henri de Portu-
gal, 26 févr. 1566; Ripamonli, Hist. urbis MedioL, lib. XII, p. 854;
Ttieiner, Annal, eccl. post Baron, et Raynald. contin., t. I; Calena,
Vita di Pio V, Roma, 1586, in-4° ; Bzovius, Plus V, Rom., 1672 et seq.,
Gabutii, de Vita Pii V, Rom., 1605; BoUand., Acta SS., t. 1 Maii;
p. 616; MaflFei, Vita di S. Pio V, 1712, in-4'»; Chiapponi, Acta cano-
nisât. Pii V, Roma, 1720; Falloux, Vie de S. Pie V (en franc, et eu
allem.), 1870; Ranke, Rœm. Paepsle, I, p. 350 et suiv. Opinion de Paul
Tiepolo, ibid., p. 361; de Curiano, 1571, ibid., III, p. 307-30'J. Décret
contre les combats de taureaux, const. De sainte gregis, lib. sept., c.
un., V, 18.
Ëtat de l'Italie. — Saint Charles Borromée.
277. L'Itahe entière présenta bientôt le même spectacle.
C'est là que les décrets de Trente furent le mieux exécutés. Le
pape y trouvait partout l'obéissance la plus ponctuelle. Côme,
duc de Florence, nommé par lui grand-duc de Toscane, et
622 HISTOIRE J)E l'église.
entièrement dévoué à sa personne ; Ottavio aFrnèse de Parme,
rivalisaient entre eux pour prévenir ses justes désirs. Les
Vénitiens, si peu souples de leur nature, lui cédèrent plus qu'à
tout antre pape. Sur le territoire de la républicpie, révêijue
de Vérone, J. Matteo Giberti, agissait comme réformateur de
l'Église, et offrait au monde catholique un modèle d'excellentes
institutions ecclésiastiques.
Charles Borromée, qui voulait toujours avoir son portrait
devant les yeux, exerça plus d'influence encore en sa qualité de
réformateur, d'abord à Rome, puis dans son vaste diocèse de
Milan, qu'il parcourut dans tons les sens et jusque dans les
vallons les plus reculés. Il soignait les malades et les pauvres,
entendait les confessions, prêchait en personne, et fut pendant
la peste un ange de consolation parmi les siens. 11 érigea un
excellent séminaire, donna à son clergé de bonnes instructions
pratiques, célébra six conciles provinciaux, qui servirent de
modèle à plusieurs autres, fonda le collège helvétique pour la
Suisse infestée d'hérésies , appliqua tous ses revenus à des
œuvres de piété et de bienfaisance, recommanda l'attachement
au Saint-Siège, et mourut à l'âge de quarante-sept ans, comblé
de bénédictions (1584).
Beaucoup d'évêques d'Italie rivalisaient avec lui, adminis-
traient parfaitement leurs diocèses, et formaient un clergé
remarquable. A Naples aussi, le pape chargea l'évoque de
Strengoli, Thomas Orsino da Foligno, de faire la visite des
églises.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N® 277,
Pétri Franc. Zini, Boni pastoris exemplum ac spécimen, ex Joli.
M.illh. Giberto Ep. expressum, 1536; Glussian., Sailer, Dieringer, etc.
(§ 2GI)j Ranke, I, p. 322, 365; Car. Borom., Acta Eccl. Mediol. addita
\II provinc. Synodo, Bergami, 1738 et seq., 2 vol.
Catéchisme des curés. — Correction des livres liturgiques. —
Discipline monastique et résidence des évêques. — Mesures
salutaires.
278. L'exécution des décrets de Trente et la splendeur de
la religion calholiquo étaient les deux grands objets de la
sollicitude du saint Père. En d566, il publia le Catéchisme du
LE CATHOLICISME. 623
concile de Trente, rédigé par plusieurs domiiiicaius et spéciale-
ment destiné aux curés. Eu 1568, il introduisit le bréviaire
romain corrigé, abolit tous les bréviaires qui n'étaient pas
expressément autorisés par le Saint-Siège ou qui n'étaient pas
usités depuis plus de deux cents ans, et ut publier un nouveau
missel. Les couvents furent sévèrement réformés, la clôture des
religieuses réglée ; on confirma les privilèges des réguliers,
mais on les obligea de demander la permission de l'évéque pour
entendre les confessions.
Contre les archevêques et les évoques qui n'ubsorvaient pas
la résidence, le pape chargea son auditeur général de procéder
sans autre formalité et de lui présenter des rapports, afin de
déposer les récalcitrants. Il recommanda aussi, sous des peines
graves, en annulant toutes les anciennes dispenses, la résidence
aux curés et la récitation exacte du bréviaire. 11 publia et con-
firma, le 19 janvier 1566, unedécisi<jn prise en conclave par les
cardinaux, que partout désormais les droits de présentation et
de nomination aux évèchés et aux benétices consistoriaux ne
seraient approuvés qu'avec l'assentiment des deux tiers des
cardinaux ; cette disposition, malheureusement, ne put préva-
loir dans la pratique. 11 révoqua, pour cause d'abus, un privi-
lège accordé au duc de Mantoue. 11 ül publier en la renforçant,
malgré le mécontentement des princes, la bulle la cœna Dummi
(tome V, § 239, — YP période, — ch. u), qui devait demeurer
en vigueur jusqu'à ce qu'un nouveau décret eût été rendu par le
Saint-Siège ; il renouvela cette prescription du quatrième concile
de Latran, qu'un médecin ne pourrait pas visiter pendant plus
de trois jours un malade qui ne recevrait point les sacrements.
Il défendit qu'aucun domaine du Saint-Siège fût donné désor-
mais en fief, déclara que ceux qui conseilleraient de le faire
encourraient l'excommunication, et il fit signer la bulle par
tous les cardinaux, il restreignit les indulgences et les dispenses,
abolit une foule d'abus, et réforma la Péniteucerie.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 278.
Catechismus Rom, ad parochos, ex decreto Conc. Trid, ad edil
princip. Maïuitianam an. 4 366, éd. Eiitter, Vralisb., 1837 ; Rom., 184Ö.
Ce Catéchi;;me lut rédigé par le dominicaiu François Forerius, aidé
par Leonardo Mariui, archevêque de Lanciauo, et Gilles Fuscarius, de
624 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Modène. Cf. Antonin. Reginald., Ord. Pr., de Catechismi Rom. aucto-
ritate, in Natal. Alex. H. Ec, Suppl., t. I, p. 346 et seq., ed. Bing.,
1790. — Const. Quod u Nobis, 9 juillet 1568, dans les éditions du Bré-
viaire; const. Quo primum, 14 juillet 1570, dans les éditions du Missel
romain. — Sui' la clôture des religieuses: const. Pastoralis, 1566. Appro-
bation des réguliers par l'évêque : const. Romani, & août 1571 : Bull.
Rom., IV, 111, p. 177. Résidence et devoirs des pasteurs : const. Cum
alias, 10 juin 1506, et Cupientes, 8 juillet 1566: Bull., IV, n, p. 303;
IV, III, p. 24. Collation du droit de nomination et de présentation :
const. IV, Pro debHo justitiae, 19 jauv. l.o66 : Bull., éd. Taur., VII,
p. 427 et suiv. Retrait du privilège pour Mantoue : Riganti, in reg. I
Cancell. ap., t. I, p. 211, n. 33. Bulla In cœna Domiiii : Hausmann
(VI, 227), p. 95 et suiv., 101. Sous Paul III, elle avait 17 cas; sous le
successeur de Pie V, 21. Remise en vigueur du IV concile de Latran,
c. XXII, de Pœnit. et Remiss., in const. Sup7'a gregem dominicum ;
Bull. Rom., IV, II, p. 281 (rappelé par Benoit XIII, 1725).
Contre l'aliénation des domaines pontificaux : const. Admonet nos,
29 mars 1567 :Bull., II, 236. Réforme delaPénitencerie : const. cxxviii.
In omnibus, 18 mai 1569, et cxxix, Ut bo7ius Pastor, eod. d : Bull., éd.
Taur., VII, 746, 750; Phillips, K.-R., VI, §.315, p. 520.
Influence de Pie V sur les États catholiques. — Victoire sur
les Turcs. — Mort de Pie V.
279. Le pontificat de Pie V fut l'ère culminante de la restau-
ration religieuse. Les États catholiques comprenaient combien
ils avaient besoin d'être soutenus par l'Église et unis entre eux.
Pie V réalisa ce que Pie II avait inutilement tenté : une expédi-
tion contre les Turcs, qui dominaient alors sur la Méditerranée
et dans ses îles, et menaçaient l'Italie. Chassés de Malte eu 1565,
non sans difficulté, ils se disposaient maintenant à attaquer
Chypre avec des forces redoutables. Pie V représenta vivement
aux princes catholiques le danger qui les menaçait, et proposa
aux Vénitiens et aux Espagnols de s'allier contre les Turcs. Il
aplanit toutes les difficultés, fournit lui-même des vaisseaux et
des soldats, mit à la tête de ses troupes le vaillant Marc-Antoine
Colonna, et fit nommer don Juan d'Autriche général en chef
(11 juin 1570). Ce fut lui qui procura l'heureuse bataille de
Lépante (7 octobre 1571), dont il avait prévu le succès. 11
appuya par des secours en argent l'infortunée Marie Stuart,
reine d'Ecosse, et plus tard s'intéressa vivement à sa délivrance ;
LE CATHOLICISME. 625
il envoya à Charles IX des troupes contre les huguenots, et
il aida PhiUppo II dans les Pays-Bas.
Pie V, malgré toute l'activité qu'il déployait au dehors, rem-
plissait avec éclat les fonctions rehgieuses, et il exerçait lui- même
dans les hôpitaux les œuvres de miséricorde. Quand il sentit que
sa fin était proche, il visita encore une fois les sept églises, afin
de prendre congé d'elles avant de commencer le voyage de
l'éternité ; il baisa trois fois les derniers degrés de la Scala
satila, et mourut saintement, comme il avait vécu (1" mai
1572). II fut béatifié par Clément X, cent ans après sa mort
(1672), puis canonisé par Clément XI.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 279.
Attaque de Soliman contre les Maltais, et victoire de ceux-ci avec
l'aide de Pie V : Rayn., an. 1565, n. t , 8 et seq., 13; Alb. Guglielmotli,
0. Pr., Marc Antonio Colonna alla battaglia dlLepanto, Firenze, 1862;
la Guerra dei pirati e la Marina pontificia dal 1500 al 1560, Fir., 1876,
2 vol. (du môme,) Storia délia marina pontiticia nel medio evo, 728-
1499); G.-B. Carinci, Lettere di Onorato Gaetani, capitan generale
délia l'anteria pontiticia nella battaglia di Lepanto., Roma, 1870;
Rayn., an. 1571.
Grégoire XIII.
280. A. Pie V succéda Hugues Buoncompagni, de Bologne,
juriste renommé. Marié d'abord, il était entré dans la cléricature,
avait été envoyé à Trente (1 555) par les abréviateurs de la chancel-
lerie pontificale, nommé cardinal (1565) et légat en Espagne par
Pie IV. Il était alors âgé de soixante-et-onze ans, et prit le nom
de Grégoire XIII. S'il avait eu autrefois la réputation d'aimer
les plaisirs et de s'adonner aux affaires du siècle, il suivit
cependant la voie des réformes ouverte par ses prédécesseurs
et continua leurs entreprises grandioses. Il était de plus irré-
prochable dans ses mœurs et d'un noble caractère. Il nomma
le fils qu'il avait eu de son mariage, Giacomo, châtelain du fort
Saint- Ange et gonfalonier de l'Église ; mais il ne l'éleva pas
plus haut et sut le contenir dans ses limites, tandis que Venise
le reçut parmi sa noblesse et que le roi d'Espagne lui envoya
des distinctions. Il nomma cardinaux deux de ses neveux
méritants, et défendit à uu troisième de paraître devant lui.
V.— HIST. DE l'église. 40
626 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
Son frère se plaignait que l'élévation de Hugues lai fût plus
nuisible qu'utile.
Grégoire aimait le faste, mais seulement pour relever la
splendeur de l'Église et la magnificence des temples. Son prin-
cipal effort était d'établir un enseignement irréprochable sous
le rapport de l'orthodoxie, do favoriser la science catholique et
de confier les charges de l'Église aux hommes les plus capables
dans tous les pays : aussi avait-il des listes particulières, et à
chaque proposition qui lui était faite, il prouvait qu'il était bien
renseigné. Il fit adopter les décrets de Trente aux cantons
catholiques de la Suisse, publia plusieurs ordonnances salu-
taires, institua une congrégation particulière pour les affaires
des évêques, et organisa avec soin la congrégation de l'Index,
établie par Pie V.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N° 280.
Ciappi, Compend. délie attioni e s. vita di Greg. XIII, Roma, 1591,
1596, in-40; MafTei, degli Annali di Greg. XIII, P. M., Roma, 1742,
2 vol. in-4'' ; Ranke, Rœm. Paepste, I, p. 419-442. Congreg. super
negoliis episcoporum : Phillips, K.-R., VI, § 328, p. 039 et suiv. Con-
greg. Indicis const. Ut pestiferarum, 1572 : Analecta juris pontificii,
n. 39, col. 2256; Phillips, § 324, p. 608 et suiv.
Grégoire XIII augmente et améliore les établissements d'ins-
truction ecclésiastique. — Correction du calendrier. —
Édition du « Corpus juris canonici ». — Institution des non-
ciatures.
281. Grégoire XIII déploya une activité prodigieuse pour
créer de bons établissements d'instruction et pour en assurer le
succès. On lui doit la fondation du magnifique collège romain,
dirigé par les jésuites; on y compte vingt salles de cours et
trois cent soixante cellules pour les scolastiques. Quand on en
fit l'ouverture, des discours furent prononcés en cinquante
langues. Il releva avec une royale magnificence le collège ger-
manique fondé par saint Ignace, approuvé et doté par Jules III,
mais laissé sans revenus par Paul IV ; il lui donna le palais de
Saint-Apollinaire, le couvent do Saint-Sabas avec les revenus
de Saiut-Étieujie sur le mont Céiius, et lui assigna 10,000 scudi
sur la Chambre apostolique. On peut donc le considérer comme
le vrai fondateur de cet établissement, d'où sortirent un pape
(Grégoire XV), vingt-huit cardinaux, six princes électeurs,
LE CATHOLICISME. ü27
quarante archevêques, deux cents quatre-vingts évoques,
cent six évèques in partibus, quarante-six abbés et généraux
d'ordres, et onze martyrs.
Le 13 avril 1580, Grégoire XIII réunit au collège germanique
le collège hongrois fondé par lui en 1577. Il trouva également
des ressources pour doter des collèges à l'usage des Anglais et
des Irlandais, des Grecs, des Maronites et des Juifs. Il soutint
de sa cassette les séminaires de Vienne et de Gratz, et releva le
séminaire romain. Sa générosité en faveur des établissements
d'instruction s'étendait bien au delà des limites de ses États.
Grégoire XIII a rendu d'importants services par la correction
du calendrier qui a reçu son nom. Depuis 325, l'ancien calen-
drier Julien était en retard de dix jours. Il avait été souvent
question de le corriger depuis le concile de Constance, et le
concile de Trente avait exprimé le désir que cette œuvre fût
entreprise : le besoin s'en faisait vivement sentir. Le Calabrais
Luigi Lilio, médecin et astronome, avait indiqué une méthode
simple pour remédier à cet inconvénient.
En 1577, Grégoire XIII institua une commission et demanda
l'avis d'un grand nombre d'universités sur un projet émis en 1581,
auquel avaient principalement travaillé le jésuite Christophe
Clavius, de Bamberg, et le savant cardinal Guillaume Sirlet.
Quand les cours catholiques eurent approuvé le calendrier
revisé, le pape le fit solennellement connaître en 1582. On
retrancha dix jours à partir du 4 octobre, et l'on passa immé-
diatement au 15 octobre. Chaque quatrième année serait bis-
sextile. Sur quatre cents ans, les dernières années des trois
premiers siècles ne seraient pas bissextiles, mais seulement celle
du quatrième siècle, dont le millésime est divisible par quatre.
Quelques savants, même à l'université de Paris, résistèrent
quelque temps ; les protestants rejetèrent la correction du pape
jusqu'en 1752 et même quelques uns jusqu'en 1775; les Grecs
et les Russes schismatiques, persuadés qu'elle portait atteinte au
premier concile de Nicée et àla célébration de la Pàque, l'ont re-
poussée jusqu'au temps présent. Grégoire XIII rendit d'au-
tres services en donnant une édition corrigée du recueil
du droit canon (1582), auquel il avait lui-même travaillé
sous son prédécesseur , comme l'un des savants choisis
pour cet objet [correc tores romani), puis en fondant des
628 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
nonciatures permanentes, d'abord à Vienne (1581), à Cologne
(1582), puis à Lucerne, Bruxelles, Madrid, etc.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 281.
Cordara, S. J., Hist. Coll. Germ. et Hung., Rom., d770, in^". Col-
lège germanique à Rome : Bist. -pol. El., t. IX (1842), p. 236 et suiv.;
t. XXVI (1850), p. 529 et suiv. Pierre d'Ailly fut occupé à Constance,
en 1417, de la correction du calendrier (Mansi, XXVIII, 370-381;
Héfelé, Conc, VII, p. 306); puis Sixte IV, qui manda à Rome dans ce
but l'astronome Jean Müller Regiomontauus (1473), lequel y mourut
l'année suivante (Janssen, Hist. du peuple allem., I, p. 112, en allem.),
et enfin Léon X. En 1513, au cinquième concile de Latran, l'évêque
de Fossombrone en lit ressortir la nécessité, et Richard Cervino, père
de Marcel II, y travailla sous ce pape (Vita di Marcello II, scritta di
propria mano dal Sgr. Aless. Cerv. auo fratello, Alban,, n. 157;
Ranke, III, p. 296). Grégoire XIII, const. Inter gravissimas, 13 févr.
1582; Lunig, Spicil. eccl., I, 522; Clavius, de Kalendario Greg.,
Romae, 1603; Mogunt., 1612; 0pp. matbem., t. V; Ideler, Hdb. der
Chronol., II, p. 303 et suiv., 32o ; Héfelé, Conc, I, p. 318 et suiv.; F.
Kaltenbrunner, Vorgeschichte der Greg. Kalenderreform, Vienne, 1876,
und die Polemik über die Greg. Kalenderreform, Vienne, 1878.
Déclaration de quelques docteurs de Paris, 1582 ; du Plessis d'Arg.,
II, I, p. 453-459. Sur les Grecs, voy. ci-dessous, § 336. Sur les correc-
teurs romains : Phillips, K.-R., IV, § 181, p. 195 et suiv.; § 187,
p. 344 et suiv.; § 189, p. 373. Nonciatures, ibid., VI, § 338, p. 740.
Protection aocordée .aux hommes de mérite. — Insuccès po-
litiques.
282. Grégoire XIII avait groupé autour de lui des hommes
distingués et d'une orthodoxie à toute épreuve : c'étaient le
datairo Contarelli, les prélats Frumento et Corniglia, François
de Tolède, prédicateur intrépide. Il fut moins heureux
dans ses entreprises politiques. Il ne parvint pas à réunir les
princes dans une démarche commune contre Elisabeth et contre
les Turcs. Venise fit la paix avec ces derniers, et l'Espagne
conclut un armistice. Les finances pontificales furent boulever-
sées par des œuvres grandioses en faveur de l'Église; par les
subsides considérables que le pape envoya à l'empereur, à
Charles IX, roi de France, et aux chevaliers de Malte; par la
générosité incomparable de Grégoire, qui employa deux mil-
LE CATHOLICISME. 629
lions de scudi, uniquement pour venir on aide à des étudiants
pauvres.
A la fin de son règne, si heureux d'ailleurs pour les États de
l'Église, grâce à la suppression des privilèges et des inféoda-
tions, il y eut un grand mécontentement, provoqué surtout par
la noblesse indigène, qui réclamait ses anciennes prérogatives.
Grégoire, déjà affaibli et fatigué de la vie, élevait avant de
mourir ses regards vers le ciel et s'écriait dans l'impatience de
ses désirs : « Vous vous lèverez. Seigneur, et vous aurez pitié
de Sion. » Il fut effectivement réservé à son successeur de
rétablir l'ordre et la prospérité dans les États de l'Église, sans
renoncer à ses grandes entreprises religieuses.
OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 282.
Baron. Possevin., ap. Ciacconi, Vilee Rom. Pont,, IV, 37 ; Ranke, I,
p. 420-437; III, p. 331 et suiv.
Sixte-Quint. — Services rendus aux États de l'Église.
283. Ce successeur, sorti de la plus basse condition, fut Félix
Peretti, cardinal de Montalto, né le 18 décembre 1521, dans la
Marche d'Ancône. Dénué de toutes ressources, il fut élevé dans
un couvent de franciscains, et monta de degré en degré, grâce
à ses travaux, à son application et à son activité. Il devint
vicaire général de son ordre sous Pie V, cardinal et évêque de
Sainte- Agathe en 1570, puis évêque de Ferme. Il avait vécu
dans la retraite, l'économie et le travail, édité les œuvres de
saint Ambroise en 1580, et montré beaucoup d'énergie et d'em-
pire sur lui-même. Il prit le nom de Sixte V, en souvenir de
Sixte IV, qui avait appartenu à son ordre.
Les premiers objets de sa sollicitude furent le rétablissement
de l'ordre dans les États de l'Église, l'extirpation des bandits, qui
avaient pris une grande influence dans les derniers temps do
son prédécesseur ; l'administration sévère de la justice. Sixte
Quint, né pour le commandement, réussit dans une année à
faire des États de l'Église le pays le plus sur de lEurope à cette
époque. Il établit un ordre précis dans l'administration ; plein de
douceur et de ménagements dans ses lois générales, il était
inexorable quand il s'agissait de les faire exécuter. Les sciences,
630 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
ruinbellissement de Rome furent aussi l'objet de ses soins
particuliers : il fonda à Bologne le collège de Moatalto, destiné
à recevoir cinquante écoliers de la Marche d'Ancône ; il agrandit
la bibliothèque du Vatican, et fit construire un édifice magni-
fique pour la disposer dans un meilleur ordre ; il établit une
nouvelle et vaste imprimerie, pour publier des éditions amélio-
rées des conciles et des Pères de l'Église.
Ouatre obélisques, qui gisaient depuis des siècles parmi les
décombres, l'un amené d'Egypte à Rome par Caligula, et haut
de cent vingt-quatre pieds (aujourd'hui devant l'église Saint-
Pierre), furent érigés. Saint-Pierre vit achever sa coupole, uni-
que dans le monde. Toutes les entreprises architecturales de ce
pape furent des œuvres prodigieuses ; les antiquités païennes
furent adaptées aux idées chrétiennes. Plusieurs de ses construc-
tions furent appliquées à des œuvres do bienfaisance et d'utilité
générale ; par exemple, ses aqueducs {y aqua felice, sur le Quiri-
nal, qui alimente vingt-sept fontaines), l'escalier commencé
par lui sur la place d'Espagne, de nouvelles rues et des quar-
tiers nouveaux (viaFelice, borgoFelice), l'hôpital du Pont-Sixte
pour deux mille personnes.
Sixte-Quint encouragea puissamment l'agriculture et l'indus-
trie; ce qui ne l'empêcha pas de faire de grandes économies dans
les finances, d'augmenter les revenus del'ßtat et de remplir ses
coffres. En avril 1586, il avait déj<i amassé près d'un million do
thalers d'or ; en novembre 1587, il en avait deux ; en avril 1588,
trois. Il déposa chacun de ces millions au château Saint- Ange,
et recommanda à ses successeurs de les employer consciencieu-
sement et dans des circonstances déterminées, notamment dans
les calamités générales.
OUVHAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 283.
Robardi, Sixti V Gesta quinquennalia, Roinge, 1590, in-i* ; Greg.
Leti, Vitadi Sisto V, Losunna, 1669, 2 1., puis 3 1. ; en français, Par., 1702,
2 t. (il lit usage d'un très mauvais manuscrit : Detti et Fatti di papo
Sisto V, de la biblioth. Corsini., et ne montra aucune critique). Ouvrage
beaucoup plus solide : C.Tempesti, 0. S. Fr., Storia délia vita e geste
di Sisto V, lloni, 17Jö, 2 t. iu-i-", F.orontz, Sixtus V und seine Zeit
(il suit Leti trop de près). On trouve de nombreux matériaux dans
Ranke, I, p. 437-481 ; il renvoie à Vita Sixti V ipsius manu emendata
(MS. bibl. Allieri, R. III, p. 327) c. 1587, et aux Memorie autogr. de la
LE CATHOLICISME. 631
bibl. Chigi, n. 111, 70 (ibid., 111, p. 324),; à une biographie latine,
Sixtus V, Pont. Mas:., dans la bibl. Altieri, 80 feuillets (ibid., p. 328 et
saiv.) ; aui Memorie (bien écrits) del pontificato di Sisto V, Alt. XIV,
a. IV f. 480 feuillets (voy. 333 et suiv.). Guido Gualterius de Sangeno,
Vita Sixti V, bibl. Alt. (p. 334 et suiv.); Galesini, Vita Siiti V, Valic,
5438, et Vita anon., Vat. 5563 (ibid., p. 336 et suiv.). On doit une
excellente monographie au baron de Hubner : Sixte-Quint, Paris, 1870,
3 vol.; en allem., Leipzig, <871. Voy. encore Feuil. hist. et polit.,
t. IX, p. 235 et suiv., 293 et suiv. Sur sa sévérité, voy. Ranke, I,
p. 446-449; sur les relations des État de l'Église, ibid., p. 378 et suiv.;
sur ses constructions, p. 475 et suiv.; sur ses économies, p. 460-469.
Const. Ad clavum,'2.[ avril 1586 : Bull., éd. Coquelines,IV, iv, p. 206.
Relations de Sixte-Quint avec les Etats voisins, avec ses
compatriotes et ses proches. — Nouvelle édition des Sep-
tante. — Lois ecclésiastiques. — Mort de Sixte-Quint.
284. Sixte-Quint établit de bonnes relations avec les États du
voisinage, respecta les prérogatives légitimes, et fut appuyé
dans les mesures qu'il prit à cet égard. La Toscane et Venise
étaient pacifiées ; l'Espagne lui était entièrement dévouée. II
dressa des plans gigantesques, principalement pour la destruc-
tion de l'empire des Turcs, la conquête de l'Egypte et de la
Palestine, sans oublier sa propre patrie. Il rendit aux Anconi-
tains leurs anciens privilèges, institua à Macerata une cour de
justice pour toute la province, érigea Montalto en évèché et
Fermo en métropole, nomma cardinal son neveu Montalto,
et conféra à son frère Michel la dignité de marquis, sans toute-
fois leur laisser une trop grande influence. Il accordait volon-
tiers des privilèges, mais sans blesser la justice.
Après avoir donné des lois à ses provinces, il en édicta pour
l'Église elle-même : il éleva le nombre des cardinaux à soixante-
dix, dont six évêques, cinquante prêtres et quatorze diacres, et
traça des règles précises pour éliminer les indignes, mais sur-
tout pour prévenir le népotisme.
Sixte-Quint réorganisa les autorités pontificales, établit une
congrégation pour les affaires des réguliers, et fonda de nou-
velles congrégations, dont il régla Tordre des affaires. Outre
l'Inquisition et la congrégation de l'index, il institua les con-
grégations du Consistoire et des Rites, détermina la compétence
632 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
(le la congrégation da Concile (de Trente), déjà agrandie par
Pie V, et il établit des autorités dans les États de l'Église. Il fit
préparer d'après un manuscrit du Vatican une édition corrigée
des Septante, qui fut terminée en 1587. Elle servit en même
temps de travail préparatoire pour la correction de la Vulgate,
à laquelleSixte-Quint mit personnellement la main, non pas tou-
jours d'une manière heureuse. Il promulgua des ordonnances
sévères contre l'avortement, contre le mariage des eunuques
et des hermaphrodites, contre la collation des ordres sacrés aux
criminels et aux débiteurs ; il exigea des évêques qu'ils fissent
le voyage de Rome et rendissent compte de leur administration
à des époques déternjinées ; il donna des prescriptions détaillées
sur une foule de questions ecclésiastiques. Ce remarquable pon-
tificat ne dura que cinq ans. Sixte-Quint mouriitle 27 août 1590,
auQuirinal, au moment où un oragesedéchaînait sur cet édifice.
Ses taxes onéreuses et la réapparition des bandits avaient aigri
le peuple ; la statue qui lui avait été érigée, fut abattue à la
suite d'une émeute, et il fut décidé au Capitule qu'aucune statue
ne serait plus élevée de son vivant à aucun souverain.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N'' 284,
Ranke, I, p. 458; II, p. 198-215. Gonst. sur les cardinaux, Postquam
verusille, 3 déc. 1586, et RolUjiosa sunctorum, 1587 : Bull. M., IV, iv,
p. 279, 296; Phillips, VI, § 285, p. 227 et suiv. Organisation des con-
grégations : const. Immensa œterni, H fév. 1588; Bull. R., loc. cit.,
p. 392 et seq.; l'hillips, § 319, p. 561 et suiv.; Ranke, I, p. 450;
Hübner, II, p. 45 et suiv. L'édition des LXX (1587) eut pour collabora-
teurs les cardinaux Caraffa, Fulvio Orsini, Canon. Later., Lœlius (plus
tard évoque de Narni), A. Agellius , R. Bellarmin , Pierre Morin,
l'Espagnol Valverde, l'Anglais Allen, Antoine Aquinas (plus tard archevê-
que de Tarcnte); l'édition de la Vulgate : les cardinaux Caralfa et Sirlctï
Marian Victorius, évèque de Reate, B. Paulin, 0. Pr., Emmanuel Sa S.
J. — Ungherelii, CoUatio Vulgat. lat. edit correctionum per SixtumV,
Greg. XIV et Clem. VIII, prœstitarum, dans les Annali délie scienze
religiöse, 1837, vol. IV, n. 10-12; Kaulen, Gesch. der Vulgatu, p.
444 et suiv. — Lois ecclésiastiques : const. Effrenatam, 1548; Quwn
fréquenter, 1587 (Conc. Trid., éd. Richter, p. 555 et seq.)'; Quum de
omnibus, ooi. 1588 (Bull. Rom., IV, iv ; Romanicn Po7iti f ex, XWl Kal.
Jan., 1585 (ib., p. 173): Phillips, II, §82, S. 206, et suiv. Mort du
pape ; Ranke, II, p. 217.
LE CATHOLICISME. 633
Les papcM depuis 150O Jusqu'en 1655.
Urbain VII. ^ Grégoire XIV. — Innocent IX. — Clément VIII
285. Les trois papes suivants ne régnèrent que fort peu de
temps. 1" Urbain VII, l'ancien cardinal J.-B. Castagna, réputé
très favorable à l'Espagne, mourut avant son couronnement.
2" Grégoire XIV, ci-devant cardinal Sfondrate, fut élu le 5
décembre 1590, après de longs débats dans le conclave : cœur
noble et virginal, il prit une foule de mesures salutaires, mais
ne régna que dix mois et dix jours. 3° Innocent IX, Jean-
Antoine Fachinetto, déjà âgé et infirme, ne régna que cinq
mois. On nomma ensuite (20 janvier 1592), quoique le cardinal
Santonio di Sanseverinoeùt d'abord plus de chances, le cardinal
Hippolyle Aldobrandini, qui monta sur le siège de Pierre sous
le nom de Clément VHI. NéàFanoen 1535, dans le pays de Flo-
rence, il avait été membre de la Rote, cardinal sous Sixte-Quint
et légat en Pologne. Dans trois conclaves, l'Espagne avait
demandé son exclusion, parce que son frère, étant au service du
pape, avait déplu à cette cour.
Clément VIII déploya une activité exceptionnelle : le matin il
tenait des séances, l'après-midi il donnait des audiences ; il
revoyait lui-même toutes les expéditions et il était infatigable au
travail. Sa vie était exemplaire; il avait pour confesseur le
pieux Baronius. Lui aussi publia divers règlements pour amé-
liorer la discipline ; il défendit la confession par lettres et par
tierces personnes, revisa le bréviaire, fit publier une nouvelle
édition delà Vulgate( 1592), corrigée par une commission, etsup-
prima cellede Sixte-Quint. Il choisit pour cardinaux les hommes
les plus distingués, Daronius, Bellarmin, Tolet, Ossat, Duper-
ron, et s'adonna tout entier à ses hautes fonctions, dont l'idée
inspirait tous ses actes et toutes ses démarches. Ce ne fut
que dans les derniers temps et dans un âge avancé qu'il
confia un grand nombre d'affaires à son neveu, le cardinal
Pierre Aldobrandini.
On remarque parmi les événements importants de son pon-
tificat : 1° la réconciliation du roi de France, Henri IV, avec le
Saint-Siège (1595) ; 2° la négociation de la paix entre l'Espa-
gne et la France à Vervins (2 mai 1598), et plus tard entre la
C3i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
France et la Savoie, où le pape joua de nouveau un rôle poli-
tique important ; 3° le recouvrement du fief de Ferrare, qui
devait faire retour au Saint-Siège après la mort d'Alphonse II,
duc d'Esté ; A" l'exécution de la fameuse Béatrice Cenci et de ses
complices, pour cause de parricide (11 septembre 1599); 5" l'éta-
blissement d'une congrégation particulière pour les contro-
verses sur la grâce ; 6° la célébration du grand jubilé (1600),
qui amena dans Rome trois millions de pèlerins.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 285.
Tria Gonclavia seu hist. narrationes de Urbano VII, Greg. XIV, etc.,
Francof, 1617 , in-4° ; L. Arrigho, Vita Urbani VII, Bonon., 1614 ; Ranke,
II, p. 217-226. Urbain VII et Innocent IX avaient assisté au concile
de Trente, et avaient été très vantés par les légats (Pallav., XI, ii, 11).
Grégoire XIV, en 1591, délégua pour la revision de la Vulgate les car-
dinaux Colonna(rainé); Aug.Valerio, de Vérone ; Rovère, de Sarnano,
et onze consulteurs, parmi lesquels Rellarmin, Tolet, Ange Rocca, 0.
S. A; Barthél. Miranda, maître du sacré palais. Plus tard, à Zagorolo,
les cardinaux Colonna et Allen, avec huit consulteurs, se chargèrent
seuls de l'entreprise. Le travail achevé fut revu une dernière fois par
Tolet. Innocent IX ne put exécuter en personne son noble dessein. Il
nomma deux cardinaux ; Philippe Sega de Bologne, évêquo de Plai-
sance, et Antoine Fachinetto, son neveu (Ranke, II, p. 234-236). Sur
l'édition de la Vulgate, voy. Kaulen, op. cit., p. 406 et suiv. Défense
de la confession par écrit: Bull. M., éd. Cherubini, III, 123. Autres dé-
tails dans Wadding, Vita Clem. VIII, Rom., 1723 ; Joh. Palat., Gesta
Pontif.,IV. 445 et seq. Const. dans le Bull. M. Rom., III, p. 1-170. Sur
les négociations de paix entre la France et l'Espagne, et entre la France
et la Savoie : Mémoires d'Aiigouiême, chezDidot, 1756, t. I. p. 131-363;
Ranke, II, p. 306-308 ; recouvrement de Ferrare : Ranke, II, p. 256-279.
Béatrice Cenci : A. Torrigiani, Clem. VIII, e il Processo criminale délia
B, Cenci Fir., 1872, A. Bertolotti Francesso Cenci e la sua famiglia,
Fir., 1877. Sur la Congreg. deAuxihis, ci-dessous, § 394.
Léon XI. - Paul V.
286. Clément VIII mort (5 mars 1605), il fut question de lui
donner pour successeur le savant et pieux lîaronius ; mais l'Es-
pagne y fit opposition. Le nouvel élu, le cardinal Alexandre-
Octavion Médicis, parent do la reine de France, ne régna que
vingt-six jours, sous le nom de Léon XI. Le sentiment de sa
LE CATIIOLICISMK. 635
dignité et dos embarras qui l'entouraient brisa ce qui lui res-
tait de forces. Le 16 mai 1605, le Romain Camille Borghèse
était élu. Tour à tour avocat, vice-légat à Bologne, auditeur de
la Chambre, vicaire dn papo, légat en Espagne, Borghèse
s'était signalé par son habileté dans les affaires et sa connais-
sance du droit, non moins que par sa piété. Paul V, c'est le
nom qu'il prit, avait une démarche majestueuse, parlait peu,
agissait beaucoup, et montrait un grand zèle pour la correction
des mœurs du clergé. Sous son règne, la magnifique église de
Saint-Pierre fut achevée, la bibliothèque du Vatican enrichie, la
ville de Rome et plusieurs églises embelUes, l'adoration perpé-
tuelle du Saint-Sacrement introduite, ou plutôt les prières des
Quarante Heures, déjà réglées en 1592 sous Clément VllI,
furent réorganisées. 11 supprima plusieurs privilèges dos régu-
liers, notamment par rapport à l'Inquisition, prit des mesures
rolativoment aux procédures de la Rote et au vicaire do la ville
de Rome, et s'occupa activement des missions.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N° 286.
Hier. Beraabei ;Orat., Vita naronii, Ronise, 1651 ; R. Alberici (Or.)
de Vita et scriplis Baron., Rom., 1759; Ranke, Rœm Pœpste, II, p.
312, notices sur les sources : Laemmer, Z.-K.-G., p. 17, Analecta Rom.
p. 47et suiv., 65 et suiv.; 139 et suiv., Bzovii Vita Pauli V, Roma, 1625
etseq. ; .Moroni, Diz. t. LI p. 133 seq. sur Paul V. Bullar.; ed.Gherubini, t.
III, p. 1D8 et seq., Cont., t. X, p. 175. Sui" le Vénitien Mucenigo, 1612 ;
Rauke, III; p. 368 et suiv. Sur les prières des Quarante Heures à
Rome, voy. Clem. VIII, const. Graves, 25 nov. 1592 : Bull., ed, Taur.,
IX, p. 644-646. Contre les privilèges des réguliers, const. 26, Romanus
Pontifex, de PaulV : Bull. Rom., III, m, p. 238. Sur la procédure, const,
13'J Universi agri, ib., V, iv, p. 23. De vicario urbis. Const. Altitudo
1605, Bull., III, p. 208.
Luttes de Paul V avec Venise.
287. Un grave démêlé s'éleva entre PaulV et la république de
Venise. Outre différentes contestations relatives aux frontières
de Ferrare,aux dîmes du rlergé et aux exemptions des bénéfices,
une autre querelle éclata dans Toccasion que voici : la république
de Venise, au mépris do l'immunité ecclésiastique, qui était en
vigueur daus son propre territoire, avait incarcéré deux clercs
636 HISTOIRE T)E l'ÉGUSE.
sans en informer le pape, et elle laissait subsister deux lois hos-
tiles à l'Église. Ces lois mettaient de grands obstacles à l'éta-
blissement de nouveaux hôpitaux et couvents, à la construc-
tion des églises, à la création de nouveaux ordres, à la forma-
tion des confréries, et défendaient à l'Église d'acquérir des
biens-fonds sans l'agrément du pouvoir civil.
Paul V réclama, par l'ambassadeur de Venise et par son
nonce, le retrait de ces lois et l'élargissement des deux ecclésias-
tiques. Il rencontra une résistancesi opiniâtre que le 17avril 1606
il lança un monitoire où il menaçait le doge et le sénat de l'ex-
communication et le pays de l'interdit. Le doge (6 mai) traita le
monitoire d'empiétement injuste sur l'autorité civile et les
franchises de la république, défendit sous peine de mort de le
publier et d'observer l'interdit, et il essaya parla force de faire
continuer l'office divin. La plupart des ecclésiastiques cédè-
rent ; mais les jésuites, les capucins, les théatins et les mini-
mes se soumirent au pape et durent quitter le territoire de
Venise. Bellarmin, Baronius et Fagnan soutinrent la cause du
Saint-Siège ; Paul Sarpi, esprit venimeux et rancunier, se fit
le défenseur de la république.
Les protestants répandaient leurs Bibles dans Venise et entre-
tenaient l'animosité contre lo pape. Tandis que la cour d'Espa-
gne offrait au pape des troupes milanaises contre l'arrogante
république, Henri IV, roi de France, essayait de concilier les
deux parties : il négocia simultanément avec Rome et Venise,
et fit si bien, que Paul V donna, le 22 mars 1607, plein pouvoir
de lever les censures, si Venise acceptait les conditions arrê-
tées. Les ecclésiastiques piisonniers furent remis au cardinal de
Joyeuse (21 avril), les décrets contre l'interdit levés, les deux
lois suspendues et les Vénitiens absous. Il n'y avait plus de dif-
ficultés que pour la réintégration des jésuites ; mais leur géné-
ral, Aquaviva, demanda lui-même que la paix ne fût pas subor-
donnée au rétablissement de l'ordre dans Venise. Les autres
religieux exilés furent libres de rentrer dans Venise ; mais les
jésuites, à cause de leur obéissance rigoureuse au pape, durent
attendre jusqu'en 1657.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LK N° 287.
Sandi, Hist. civ. Venel., III, 1104 et seq.; Novaës, Vitae Pontif., ÏX,
LE CATHOLICISME. 637
p. 92 et seq.; Muratori, Annali d'Italia, aa. 1606; Natal. Alex., H. E.,
Suppl., t. II, 9 et seq. ; Daru, Hist de la républ. de Venise, Paris, 1821 ,
IV, 170 et seq. 258et seq.;IArtaud, Hist. des souver. pont., V, 250-234;
Ranke, II, p. 354; III, p. 281. Mon ouvrage : Kath. Kirche, p. 721-725.
Moniloire de Paul V : Bull., X, p. 173; Hoscovany, Monum., III, p. 87-90,
n. 440; Prosper Fagnan., de Juslitia et Validitate censurarum Pauli V
in rempubl. Venet., Roma;, 1607. Cf. Blanchi, t. II, lib. VI, § 1 1, n. 1
el seq., p. 610 et seq. On a de P. Sarpi : Istoria particolarc délie cose
passate tra il Soramo Pontefiee Paolo V e la sereniisima Rep. di Vene-
zia, Lione (fîinevra), 1634. Sur son avis, voy. Laimmer, Z.-K.-G., p. 49.
Sur cette plainte que Sarpi pensa être assassiné par des ultramontains,
voy. Civillà cattolica, n. 426, du 21 déc. 1867, p. 649 et seq. Sur les
jésuites à Venise, Crélineau-Joly, IIist.de la Comp, de Jésus, III, p. 137
el seq., 141 et seq. ; Busz, jdie Gesellschaft Jesu, p. 973. Les documents
publiés par Cappelletti, prêtre de Venise (i Gesuiti e la Rep. de Venezia,
documenti diplomatici, Venezia, 1873), attestent simplement l'obéis-
sance à l'ordre du pape et ne sont pas d'accord avec les réflexions de
l'éditeur pour le reste: voy. Raccolta degli scritti uscitifuori in istampa
e scritti a mano nella causa del P. Paolo V co' Signori Ven., Goira,
1607, in-4°; E. Cornet, Paolo V e la Rep. Veneta, giornale dal 22.
octobre 1603 al 9 giugno 1607, Vieuna, 1858.
Grégoire XV. — Règlement sur l'élection du pape. — La Pro-
pagande. — Secours fournis à l'empereur.
288. A. Paul V (mort le 18 janvier 1621), succéda (9 février)
le cardinal Alexandre Luduvisi, de Bologne, archevêque de
Milan, qui s'était élevé graduellement aux différents emplois
ecclésiastiques. Grégoire XV était de petite stature, circonspect,
courbé par les ans et maladif; mais il avait un zèle ardent pour
les .intérêts religieux. Son neveu Ludovico, qui supporta en
grande partie les frais de construction de la belle église de
Saint Ignace, révéla dans la conduite des affaires de l'intelli-
gence et de la hardiesse. Grégoire XV publia des ordonnances
sur l'élection des papes : il décida qu'elle pouvait se faire p ir
scrutin, par accession, par compromis, par acclamation ou par
quasi-inspiration.
Dans le premier cas (le plus commun), les suffrages ne
devaient pas être donnés de vive voix, mais par écrit, aûn que
chaque cardinal fût plus libre d'agir selon sa conscience. Il éta-
blit en outre la grande congrégation pour la Propagation de la
638 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.
foi (Propagande) qui devait être le premier établissement chargé
de travailler à la conversion des infidèles et au retour des dissi-
dents. Déjà Grégoire XIII et Clément VIII en avaient fait les
préparatifs, et le célèbre prédicateur Jérôme de Narni, de l'or-
dre des capucins, avait travaillé pour cette œuvre. Le pape et
son neveu lui consacrèrent des sommes importantes. Il mit des
sommes considérables à la disposition de l'ompereur Ferdi-
nand II, et quand les troupes impériales se furent emparées de
Heidelberg (1622), il reçut en retour une partie de la bibliothè-
que du prince électeur du Palatinat. Elle fut réunie à la biblio-
thèque du Vatican. Dans la querelle entre l'ALutriche, l'Espa-
gne et la France, relative à la Valteline, dans le canton des Gri-
sons, le pape prononça en arbitre. 11 se montra très reconnais-
sant envers l'ordre des jésuites, à qui il devait son éducation ;
il canonisa son fondateur saint Ignace, ainsi que saint Fran-
çois Xavier. En 1622, il érigea Paris en métropole.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 288.
Ranke, II, p. 454-456. Sur l'élection du pape, constitutions JEterni
Patris et Decet Romanicm Pontificem, I62i : Bull. Rom., XII, 619 et seq. ;
Phillips, K.-R., V, § 255, p. 846 et suiv. ; Cingoli, Ceremoniale ritus
elect. Rom. Pont., Rom., 1621 ; Lunadoro. Relaz. délia Corte di Roma,
ediz. V, Rom., 1824; Kopatsch, Erledigung und Wiederbesetzung des
apost. Slulhes, Innsbr., 1843. Sur la Propagande, conslilutious Inscru-
tabili, 1622 Romanum decet. Cum inter multiplices{ïin\l. Rom., V, v, p,
26, 28, 78) ; Apostolatiis officium, 1623 (ib., p. 112); Cumnuper, eod. an.
(Bull. Propag. Rom. 1839, t. I, p. 26-30), Phillips, VI, § 338 p. 662 et
suiv. Sur les travaux préparatoires, Coquelines, Prœf. ad Maffei Annal.
Greg. XIII, P. V., Fr. Hicrothei Epitomc bist. rer. Franc, p 362; Cerri,
État présent de l'Égl. rom., p. 289; Ranke, II, p. 456 etsuiv. ; Fabric,
Lux salutar. Ev,, p. 566 et seq.; Bayer, Bist, congr. card. de prop.
lide., Regiomont., 1670, in-4° Q. Mejer, die Propaganda., 2 vol., Gœtt.,
1852- — A. Theiner, Schenkung der heidelberger Bihl durch Ma.xim.
1, an P. Gregor XV, Munich, 1844. L'Instruction à Léon AUatius,
qui alla chercher la bibliothèque pour l'emporter à Rome, a été réim-
primée par Quade (1622), Baumgarteu et Gerdes (enlat.); mais cette
traduction faite sur l'original italien, est tout à fait dénaturée et fautive
(Rai)ke, III, p. 393 et suiv.) Décision au sujet de la Valteline et auto-
rité du pape, ibid., II, p. 582 et suiv. Elévation de Paris à la dignité
de métropole : const. 84, Universi, 20 oct. 1621. Bull., éd. Taur., XII,
750.
LE CATHOLICISME. G39
Urbain VIII.
289. Grégoire XV eut pour successeur en 1623 le cardinal
Maffeo Barberini, qui prit le nom d'Urbain VIII (1623-164i).
Né à Florence, en 1568, très instruit et ami des sciences,
Urbain VIII se montra également habile dans toute sorte
d'all'aires. Ses talents poétiques sont attestés par un recueil
d'excellentes hymnes religieuses, par des vers et autres tra-
vaux qu'il composait dans ses heures de loisir. Le bréviaire
romain fut corrigé sous son règne et avec sa coopération per-
sonnelle, ot introduit dans toute l'Église en 1643. Il agrandit
les pouvoirs de la congrégation pour la Propagation de la foi,
instituée par son prédécesseur; construisit pour elle (1627) un
édifice spécial, avec un grand séminaire (appelé collegium
urbanum) et une imprimerie pour les missionnaires. Il publia
des ordonnances sur les procès de canonisation dans la congré-
gation des Rites, et donna une grande attention aux questions
liturgiques. Il publia en 1627 la bulle In cœ?ia Domini, dans la
forme qu'elle a conservée en substance jusqu'à nos jours, sup-
prima plusieurs jours de fête (1642), et restreignit leur nombre
à trente-huit, non compris les dimanches; donna aux cardi-
naux le titre d'Ëminence (1630), que possédaient déjà les princes
électeurs ecclésiastiques et le grand maître de l'ordre de Saint-
Jean. Dans le principe, cependant, il les consultait rarement.
Après lextinction de la maison de la Rovere (1631), il réunit
le duché d'Urbino aux État^ de l'église, dans lesquels il ût de
très nombreuses améliorations comme souverain temporel, en
construisant des forteresses (Castelfratico), en fortifiant le châ-
teau Saint-Ange, en établissant une fabrique d'armes à Tivoli,
eu érigeant la ville de Civlta-Vecchia en port franc. Il n'ap-
prouvait pas la politique espagnole-autrichienne, et tâcha de
garder la neutraUté dans les grandes guerres de son temps,
tuut en appuyant l'empereur lorsque les intérêts religieux
étaient gravement menacés. Quand les Portugais, en 1640,
secouèrent le joug de l'Espagne et élevèrent sur leur trône le
duc Jean de Bragance, le pape se trouva dans une situation
difficile : car l'Espagne était très influente en Italie, l'issue de
l'événement incertaine, et dans le sacré collège les opinions
640 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.
étaient partagées sur la question de savoir s'il fallait reconnaî-
tre le nouveau roi. C'était reconnaître indirectement Jean IV
que reconnaître les évêques nommés par lui ; c'est pourquoi le
pape s'abstint. On ne blâmait dans Urbain VIII qu'un trop
grand empressement à favoriser sa famille, qui allait pour cette
raison se trouver dans une position difficile sous les pontificats
suivants.
OUTRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 289.
Délia Viiadi P. Urbano VIII, par Andréa Nicoletti, MS. in-f°, 8 vol.
Extraits dans Rauko, III, p. 433-441. Situation de la Vénétie, ibid. p.
423-427, 428-431 ; Vila auctore L. Wadding, Roma, 1628 ; Strozzi,
Storia délia fam. Barberiui, Roma, 1640; Reumont Beitr. zur ital. Gesch.
V, p. 117 et suiv. Bulles, au BuUar., éd. Chérubin, t. IV et v. Const.
Immortalis Dei Filius, 1" aoiit 1627: Bull. Propag., 1, 65 et seq.; Phil-
lips, VI, p. 666 et suiv. Sur la béatification et la canonisation, const.
Sanctissimus, 1625 ; Post modum vero, eod. an. ; Cœlestis Ilierusalem,
1634; Sacrosancti, 1642 : Bull. Rom., V, v, p. 318, 387; VI, i, p. 412 et
seq.; VI, ii, p. 321. Const. Pastoralis, i^" avril 1627: ib., VI, I, p. 40;
mon ouvrage, p. 770-820; ibid., p. 712 et suiv. sur l'attitude d'Urbain
pendant la guerre de Trente ans ; sur le titre Éniinence : Phillips, VI,
§ 21)1, p. 281. Mesures dans les États de l'Église, Ranke, I^, p. 537 et
suiv.; Simonin, Sylvse Urbanianse, Antw., 1637.
Innocent X.
290. Le 16 septembre 1644, lecardinalJeanPamfili,do Rome,
était exalté sous le nomd'InnocentX. Il fit instituer une enquête
sévère contre les parents de son prédécesseur, à cause des
nombreuses plaintes élevées contre eux et du vide qu'il trouva
dans le trésor pontifical. Ils se réfugièrent en Franco, et obtin-
rent, par l'entremise de la cour, que le procès serait abandonné,
qu'ils rentreraient dans leurs fonctions et dans leurs biens.
Innocent X, irréprochable dans ses mœurs, travaillait sans
relâche, malgré ses soixante-douze ans. Seulement il accorda,
lui aussi, trop d'influence ä ses proches dans les affaires du
gouvernement, surtout à la veuve de son frère, Olympie Mal-
dachini, de Viterbe, versée dans les affaires d'État et à laquelle
il a\ait d'anciennes obligations, d'autant plus qu'elle avait
apporté à sa maison une fortune considérable. Si pur que fût
le pape dans ses mœurs, et malgré la bonne renommée do sa
LE CATHOLICISME. 641
belle-sœur, l'influence de celle-ci ne laissa pas d'indisposer les
esprits et d'engendrer des querelles do famille.
Innocent X, du reste, avait fort à cœur le bon ordre et la
tranquillité de Rome, la sécurité des personnes et des proprié-
tés, la protection dos faibles contre les puissants. Le duc de
Parme ayant confisqué les biens d'un grand nombre de veuves
et d'orphelins et fait assassiner l'évèque de Castro, le pape
procéda énergiquement contre lui ; Castro fut pris et rasé, le
siège épiscopal transféré à Aquapendente et le duc obligé de
souscrire à un accommodement conclu par l'entremise de
l'Espagne, qui l'obligea de réparer une partie de ses fautes.
Innocent X montra dans cette affaire de la vigueur, de la
prudence et de la fermeté. Il maintint rigoureusement les
droits de l'Église et la pureté de la foi. Seulement, il était
inconstant dans ses faveurs, et les tristes expériences du passé
l'avaient rendu soupçonneux dans sa dernière vieillesse. Il
mourut le 5 janvier 1655, âgé de quatre-vingt-trois ans.
OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUB LE N" 290.
Rossteuscher, Hist, lanoc. X, Vitenb, 1674, in-4" (ouvrage médiocre.)
Natal. Alex., H. EccI, Suppl., t. II, p. 34 etseq., e. Bing., 1791 ; Ranke,
III, p. 38-49, 451-456. Lavita di Donna Olimpia Maldachini L. 1666, par
Gualdi, d'après Gregoino Leli, parut en français en 1770, el fut tra-
duite en allemand en 1783 ; elle a été utilisée par Schrœckh et autres :
ce n'est qu'un roman insignifiant (Ranke, III, p. 450 et suiv.)
FIN DU TOME CINQUIÈME.
V. — - HIST. DE l'Église. 41
TABLE DES MATIÈRES.
SIXIEME PÉRIODE.
De Boniiaoe VIII jusqu'au commencement du XVIe siècle.
(SDITE.)
CHAPITRE II.
LA SCIENCE, l'aBT ET LA VIE RELIGIEUSE.
Les universités et la scolastique. — Les universités en général . . l
L'université de Paris 3
Le réalisme et le nominalisme 4
Édit du roi contre les nominalistes. — Le réalisme en Allemagne. 7
Théologiens des ordres religieux. — Les franciscains, les domini-
cains, les augustins, les carmes 8
Mesures contre les erreurs. - Pic de la Mirandole . - Raimond de
yébonde. — Renaissance du thomisme 10
Les controverses théologiques. — L'Immaculée Conception de
Marie. — Théorie scotiste de l'acceptation 12
Controverse sur le tyrannicide 15
La mystique. — La mystique en général. — Gerson et la mystique.
— Ruysbroek. — Dernières années de Gerson 16
La « Théologie allemande ». — Sociétés de mystiques. — Tauler,
Suao, etc jg
Saints personnages des deux sexes 22
Morale et droit canon _ ai
L'humanisme. — Les études classiques 26
Les humanistes en France et en Italie. — Dante. — Pétrarque. —
Boccace. — Chrysoloras. — Traductions 27
Éclat des études classiques en Italie 29
L'imprimerie 3q
L'humanisme en Allemagne 31
Sociétés savantes en Allemagne 33
Erasme. — L'humanisme en France, en Angleterre et en Espagne. 35
Situation de l'humanisme vis-à-vis de la théologie et de l'Église.—
Attitude bienveülante de l'Église et des théologiens en face de
l'humanisme o^
Ecarts des humanistes . _ 3g
Lutte des humanistes et des théologiens.— Controverse de Reuchlin 40
Les études historiques. — Travaux historiques 4â
644 TABLE DES MATIÈRES.
Les éludes bibliques. — Progrès de l'exégèse biblique. — Nicolas
de Lyre. — Tostat. — La première Polyglotte 43
Orientalistes en Italie et en Allemagne. — Érasme et Le Fèvre
d'Étaples 46
Traductions de la Bible en langue vulgaire 48
La prédication et l'instruction du peuple. — La prédication ... 49
Livres d'instruction et d'édification 51
Le culte et l'art religieux. — Le service divin. — Les fêtes. — Le
jubilé. — Les indulgences. — La bulle sur l'Eucharistie. ... 53
La poésie. — La musique. 56
L'architecture 58
La peinture, la sculpture et la gravure 60
La vie religieuse et morale. Crimes et abus 62
La superstition 65
Les beaux côtés de cette période 68
CHAPITRE III.
l'église en face des infidèles, des sghismatiques et des
hérétiques.
Rapports de l'Église avec les juifs et les mahométans. — Les juifs. —
L'Inquisition politique en Espagne. — Les Sarrasins 70
Nouvelles découvertes. — Les peuples païens de l'Afrique et do
l'Amérique. — Découverte des îles Canaries et ues côtes occiden-
tales de l'Afrique. — Commerce des esclaves 72
Conversions en Afrique. — Influence de l'Église 75
Circumnavigation de l'Afrique 76
Découverte de l'Amérique 77
Progrès du Portugal. — Bulle d'Alexandre VI • . 79
Travaux des missionnaires 80
Les esclaves nègres 82
Les peuples de l'Amérique 83
Lei schismatiques et les hérétiques de l'Orient.
Le Schisme grec et l'Union de Florence. — L'empire grec. — Négo-
ciations avec les papes 84
Elïorts de Martin V et d'Eugène IV en faveur de l'Union .... 86
Dix-septième concile général de Ferrare-Florenco 89
Suite du concile de Ferrare-Florence 92
Discussions à Florence sur la procession du Saint-Esprit 93
Nouvelles discussions 98
Autres controverses 97
Discussions sur la primauté du pape 98
Décret d'union 99
ssue des négociations des Florentins avec lea Grecs 102
Les destinées de l'Union après le concile de Florence. — Vive résis-
tance contre l'Union 103
TABLE DES MATIÈRES. 64S
Fin de l'empire grec lOö
Domination des sultans turcs 106
Les Monocbitones 107
Littérature grecque 108
Les Arméniens. — Travaux des papes et des frères prêcheurs en
faveur des Arméniens. — Rupture de l'union avec Rome. . . . lOQ
L'Union de Florence 111
Les autres Orientaux. — Les Coptes et les Éthiopiens. — Décret
pour les jacobites 112
Continuation à Rome du concile do Florence 113
Les Chaldéens et les Maronites 114
Nouvelles hérésies.
Le Palamitisme. — Les Hésychastes Ho
Barlaam contre Palamas 117
Acindynus contre les moines. — Conciles au sujet de Palamas. . 118
Triomphe définitif des palamites 119
Wiclef et son hérésie. — Jean Wiclef 121
Informations sur la doctrine de Wiclef - . 124
Audace croissante de Wiclef 125
Condamnation et mort de Wiclef 127
Système de Wiclef 127
Les wicléfistes. — Mesures contre eux 129
Principal soutien des! wicléflstes 132
Les' hérétiques de la Bohême. — Jean Hus. — Situation de la
Bohême. — Égarement religieux parmi les Tchèques 134
L'épiscopat de Bohême. — Controverses sur l'Eucharistie .... 137
Jean Hus. — Discussions sur la doctrine de Wiclef 138
Hus est suspendu de son office de prédicateur. — Nouvelle organi-
sation de l'université de Prague 141
Appel de Hus au pape de Pise. — Tumulte à Prague. — Condam-
nation de Hus et sa résistance 142
Justification de Hus 144
Autres travaux de Jean Hus 146
Doctrine de Hus ...... 148
Hus à Constance. — Son interrogatoire 130
Intervention de la noblesse de Bohême en faveur de Hus .... 152
Condamnation de Hus. — Sa morf^ 133
Procès et mort de Jérôme de Prague 133
Les Hussites en Bohême et en Moravie. — Introduction à Prague de
la communion sous les deux espèces 156
Désordres et excès en Bohême 157
Révolution hussite 159
Les quatre demandes des hussites. — Leurs divisions 160
Les Picards et autres sectaires 162
Guerres hussites. — Négociations avec le concile de Bûle .... 162
Les compactats d'Iglau 164
646 TABLE DES MATIÈRES.
Antres éyénements en Bohême ... 166
Les légats du Saint-Siège en Bohême 167
Les frères bohémiens et les frères moraves 169
Petites sectes et hérétiques isolés. — La secte du Libre-Esprit et
autres hérésies analogues 169
Les apocalyptiques 171
Les flagellants 172
Les Amis de Dieu 174
Les hérésies en Angleterre 174
Hérésies en d'autres pays 175
Écarts de quelques réguliers 176
Jean Wesel 177
Jean Wessel 178
Jean Pupper de Goch 180
Ruisswick. — Symptômes de nouvelles révoltes contre la foi et
l'Église 180
TROISIEME EPOQUE.
LES TEMPS MODERNES.
SEPTIÈME PÉRIODE.
De la fin du quinzième siècle au traité de Westphalie (1648).
INTRODUCTION.
DIFEÉRENCE ENTRE LES TEMPS MODERNES ET LE MOYEN AGE.
CHAPITRE PREMIER.
LE PROTESTANTISME.
Origine et formation première du protestantisme. — Mouvement
religieux produit en Allemagne par Luther. — Luther et ses pre-
miers agissements iOO
Théorie dô Luther sur la justification 192
Publication des indulgences sous Léon X. — J. Tetzel 193
Thèses de Luther contre les indulgences 196
Polémique sur les indulgences 197
Premiers succès de Luther 198
Opposition des théologiens contre Luther 199
Controverse de Heidelberg 201
Attitude du Saint-Siège 202
Luther à Augsbourg devant le cardinal Cajétan 203
Le prince électeur Frédéric favorable h Luther 206
Bulle sur les indulgences. — Mission de Miltiz 206
Mort de Tetzel. — Bravades de Luther 208
La dispute de Leipzig 209
TADLE DES MATIÈRES. 647
Suite de la controverse de Leipzig 210
Mélanchthon 213
Audace croissante de Luther 215
Écrits de Luther 217
Luther condamné par Léon X 218
Système de Luther 219
Publication de la bulle d'excommunication. — Elle est tournée en
dérision et livrée aux flammes 224
La diète de Worms (1521). — Luther à la Wartbourg et à "Witten-
berg. — La diète de Worms 226
Luther à Worms 228
Charles-Quint et Luther 230
Départ de Luther. — Sa prétendue captivité, — Édit de Worms. —
Le ban de l'empire. — Ses effets 231
Révolte des luthériens contre l'édit de Worms 232
Partisans de Luther • 234
Dispositions intérieures de Luther. — Ses travaux à la Wartbourg. 237
Troubles à Wittenberg. . • 238
Les anabaptistes 239
Retour de Luther à Wittenberg 210
Autres travaux littéraires du réformateur 243
Traduction de la Bible par Luther 244
Controverse de Luther avec Henri VIII 246
Controverse de Luther avec Érasme 247
Les diètes de Nurenberg en 1322 et 1524. — Adrien VI. Ses efforts
auprès de la diète de Nurenberg 249
Négociations de Nurenberg 230
Édit publié par les États 232
Dernières démarches d'Adrien VI 232
Clément VII et la nouvelle diète de Nurenberg 233
Le décret de Nurenberg • 255
Délibérations à Rome. — Mesures de l'empereur 256
Travaux de Campeggio 257
Les guerres de paysans. — Mariage de Luther. — Son règlement
ecclésiastique. — Insurrections de paysans 239
Insurrections dans la Souabe, la Franconie, la Thuringe, etc . . . 260
Médiation de Luther 262
Défaite des paysans 263
Luther et Mélanchthon contre les paysans vaincus 264
Victimes de la guerre des paysans 266
Mariage de Luther 267
Nouveaux règlements religieux. . • 268
La réforme en Prusse, dans la Hesse, à Anspach et dans beaucoup
de villes impériales 270
Les événements depuis 1326 jusqu'en 1530. — Ligue de Torgau. —
Diète de Spire en 1526 272
L'imposture 'de Pack 273
C48 TABLE DES MAI 1ÈRE S.
Clément VII et l'empereur , . . 271
Le sac de Rome 276
Protestation de Charles-Quint contre la prise de Rome 277
Diète de Spire (1329) 279
Les protestants . . . . , 280
L'agitation religieuse en Suisse et ses conséquence*.
Zwingle et son système. —Situation de la Suisse 281
Zwingle. ..." 282
Zwinple prêche contre les indulgences et demande le mariage des
prôtres 284
Colloque religieux de Zurich 283
Réforme de Zwingle à Zurich 286
Négociations avec d'autres cantons. — Zwingle et les anabaptistes. 287
Les réformateurs à Bûle, à Berne et en d'autres cantons 388
La Réforme à Schaffouse, Glaris, Berne, etc 289
La dispute de Bade et ses suites 290
Guerre heWétique. — Mort de Zwingle et d'Œcolampade 291
Système de Zwingle , . 292
Points de contact et de divergence entre Zwingle et Luther. —
Théorie de la Cène 29
Luther et Zwingle. — Querelle des sacramentaires. — Doctrine de
Luther sur la présence réelle 293
Controverse des théologiens. — Polémique de Luther. — Théorie de
l'impanation et de l'ubiquité 296
Argumentation de Zwingle. — Luther invoque le témoignage de
l'ancienne Église 298
Tentatives de conciliation 299
Progrès de la révolution religieuse en Allemagne.
La diète d'Augsbourg de 1530. —Ouverture de la diète d'Augsbourg 301
Réfutation de la Confession d'Augsbourg 303
Négociations sur les points divergents 303
Apologie de la Confession d'Augsbourg 308
Confession des quatre villes et de Zwingle . 310
Les négociations depuis 1330 jusqu'en 1339. — Attitude hostile des
protestants envers l'empereur. — Alliance de Smalkalde. — Dé-
tresse et concessions de l'empereur - 311
Première pacification religieuse de Nurenberg 313
Négociations h propos du concile 31 i
Progrès du luthéranisme 313
Travaux de Paul III eu faveur du concile. — Articles de Smalkalde. 3t7
Obstacles au concile 319
Préparatifs d'un nouveau colloque 321
Le semi-lulhé anisme et le premier intérim. — Le semi-luthéranisme 322
Philippe de liesse et Bucer. — Disputes de "Worms et de Ratisbonne 324
Colloque de Ratisbonne 323
Premier intérim de Ratisbonne 327
TABLE DES MATIÈRES.» 649
Les événements depuis 1541 jusqu'en 1546. »— Polygamie du land-
grave de Hesse 330
Violences des protestants. — Troubles de Cologne 333
Négociations de 154-2 et 1513 " 336
Diète de Spire en 1554. — Diète de Worms en 1515. — Deuxième
colloque de Ratisbonne • 337
Mort de Luther. — Son caractère.
Tristes expériences du réformateur de Wittenberg 340
Continuation de la polémique de Luther 342
Contradictions de Luther au sujet de sa mission 343
Contradictions de Luther sur la nécessité d'accréditer sa vocation
par des miracles , 345
Caractère de Luther 347
Derniers jours de Luther 349
Succès de l'empereur contre les alliés de Smalkalde 351
Mésintelligence entre l'empereur et le pape 353
2« Intérim (d'Augsbourg). — 3« Intérim (de Leipzig) 354
Les protestants représentés à Trente 356
Trahison de Maurice de Saxe 357
Traité de Passau 358
Convention de Naurabourg. — Paix religieuse d'Augsbourg . . . 360
Abdication de Charles-Quint. — Sa mort 362
Philippe II succède à Charles-Quint 363
Co7itinuation de la re'forme en Suisse. — Le calvinisme.
Rapports entre la Suisse allemande et la Suisse française . . , . 364
Jean Calvin '. 366
Travaux de Calvin à Genève. - Son expulsion et son retour . . . 368
Organisation des affaires religieuses à Genève 369
Tyrannie de Calvin 370
L'Académie de Calvin. — » Consensus Tigurinus. » — Mort de
Calvin et de Farel 372
Théodore de Bèze 730
Dogmatique de Calvin 374
Propagation du protestantisme dans les différents pays.
'En Allemagne. — Les métropoles du protestantisme allemand . . 377
Luttes dans les universités allemandes. — Les expectants .... 379
Vieux théologiens dévoués à l'Église. — Lea réformateurs dons
quelques provinces et localités , 381
Disciples de Luther 383
Le protestantisme en Prusse et en Siîésie, en Pologne et en Hon-
grie. — Le protestantisme en Prusse . . . . • 384
Le protestantisme en Silésie 386
Le protestantisme en Pologne 388
Diète de Pétrikau. — Paix de Varsovie. ... 389
Défections dans l'épiacopat. — Le cardinal Hosius 'dQ4
630 TABLE DES MATIÈRES.
Le protestantisme en Livonie et en Courlande 392
Le protestantisme en Hongrie 393
Le protestantisme en Transylvanie 393
Le protestantisme en Scandinavie. — La Suède sous Gustave Wasa. 397
Diète de Westerses. — Astuce de Gustave Wasa 398
Éric XIV 399
Tentatives de Jean III pour restaurer le catholicisme 400
Nonciature de Possevin en Suède. 402
Le roi Sigismond 403
Diète de Suderkoeping. — Ses suites 404
Sigismond détrôné par le duc Charles 40S
Le protestantisme en Danemark 406-
Christian III. — Abolition définitive du catholicisme 408
Le protestantisme en Norwège et en Islande 409
Le protestantisme en A7igleterre
Le protestantisme sous Henri VIII. — Mariage de Henri VIII. . . 410
Négociations des juges délégués 412
L'aifaire de Henri VIII devant le Saint-Siège. . • 413
Cranmer prononce le divorce de Henri VIII. — Décision du pape. 415
Rupture complète de Henri VIII avec Rome. — Serment de supré-
matie et de succession 416
Pillage des églises et des couvents 418
Thomas Morus et l'évoque Fisher 419
Fureur de Henri VIII contre ses femmes 420
Le schisme anglican 421
Le protestantisme sous Edouard VI. — Edouard VI. — L'Angleterre
devient protestante 422
Les quarante-deux articles. — Nouveau code religieux 424
Les protestants suus le règne de Marie. — Rétablissement du « statu
quo » de Henri VIII 425
Restauration du catholicisme. — Sévérité de Marie. — Sa mort. . 427
Les protestants sous le règne d'Elisabeth
Attitude religieuse d'Elisabeth 429
L'Angleterre redevient protestante. — Les trente-neuf articles de
l'Église anglicane 430
Les non- conformistes 432
Persécution des catholiques 433
Nouveaux bills contre les catholiques 434
Séminaires de Douai et de Rome. — Héroïsme des missionnaires
catholiques. — Supplice de Marie Stuart 436
Les protestants sous Jacques h^ et Charles l'r. — Jacques I". — La
conjuration des poudres. — Le serment de fidélité 438
Paul V et le serment de fidélité 440
Règne malheureux de Charles I" 442
Révolution d'Angleterre 443
Exécution du roi 444
TABLE DES MATIÈRES. 651
Le protestantiâme en Ecosse. — Les protestants écossais. — Jean
Knoi U6
Rébellion en Ecosse 447
Oppression du catholicisme. — Marie Stuart en Ecosse 449
Abdication et fuite de Marie Stuart 450
Affermissement de la constitution presbytérienne. — Impuissance
de la royauté 451
Jacques I", roi d'Angleterre 432
Révolte contre Charles I" 452
Le protestantisme en Irlande. — Les Irlandais sous Henri VIII,
Edouard VI et Marie. — Lutte sous le règne d'Elisabeth. — Per-
sécution des catholiques 434
Détresse croissante de l'Irlande 453
Cromwell en Irlande 436
Le protestantisme en France. — Fauteurs du protestantisme. —
Mesures contre les novateurs 457
Négociations avec les protestants d'Allemagne. — Mesures sévères
du roi 461
Mouvements protestants 463
Les événements sous Henri II 464
Puissance croissante des calvinistes. — Conjuration d'Amboise . . 466
Nouveaux édils. — Deuxième conjuration de Condé. — Les calvi-
nistes favorisés par la cour 467
Colloque religieux de Poissy 468
Édit de tolérance et cruautés des calvinistes. — Première guerre
de religion 470
Traité d'Amboise. — Deuxième guerre de religion. — Nouvelle
paix religieuse. — Retrait des concessions 472
Tnoisième guerre de religion. — Rétablissement de la liberté des
cultes 474
La Saint-Barthélémy 476
Quatrième guerre de religion. — Mort de Charles IX. — Henri III.
— Nouvelle paix religieuse 479
La ligue. — Cinquième et sixième guerres de religion 480
Nouvelles irrésolutions du roi. — La Ligue et le Saint-Siège. . . 481
Derniers temps de Henri III. — Ses crimes et son assassinat. . . 482
Henri IV et sa conversion 483
L'édit de Nantes 485
Troubles excités par les calvinistes. — Ils sont réprimés par
Richelieu 486
Le protestantisme dans les Pays-Bas. — Domination de Charles-
Quint dans les Pays-Bas. — Mécontentement sous Philippe II. . 488
Les gueux 491
Le duc d'Albe. — Révolte contre l'Espagne 492
Guillaume d'Orange. — Pacification de Gaud. — Séparation de la
Belgique et de la Hollande 493
La répubhque hollandaise 494
65'2 TABLE DES MATIÈRES.
Progrès du protestantisme en Espagne et en Italie. — Les protes-
tants d'Espagne 493
Les protestants en Italie ' 497
De Dominis, — Paul Sarpi 499
Unitaires et sociniens 501
Doctrine des sociniens 501
Comparaison des luthériens et des sociniens 503
Réaction en Pologne contre les sociniens 504
Jordan Bruno 503
Causes de la propagation du protestantisme 506
Constitution intérieure du protestantisme.
Les Églises nationales luthériennes en général. — Mélanchthon et
ses adversaires. — Les Églises protestantes 509
Querelles théologiques.
1" Parmi les luthériens. — L'antinomisme 512
Controverse d'Osiandre 510
Controverses kargieuues 519
Controverse sepinienne 520
Controverse adiaphoriste 521
Le majorisme 522
Le synergisme 523
Mesures contre les luthériens 524
DilTérence des flaciens et des luthériens 525
Le cryptocalvinisme 526
Controverse sur l'inamissibilité de la foi et de la grâce 528
Le Livre de Torgau et de Bergen 529
Calixte et les syncrétistes 533
Controverses théologiques parmi les calvinistes.
Les supralapsaires et les infralapsaires. — Les arminiens et les
gomarisles. — Les remontrants hS6
Lutte entre les deux partis. — Synode de Dordrecht 537
Doctrine des arminiens. — Les collégiens 539
Les partis calvinistes en Angleterre et en France 341
Petites sectes, protestantes.
Les anabaptistes à Munster 542
Les anabaptistes en d'autres pays 545.
Les schwenkfeldiens 540
Séjour de Schwenkfeld dans différentes villes 54B
Renaissance des anciennes hérésies. — Les weigéliens 550
Theosophie de Bœhme ö53
Incrédules divers 555
Travaux de théologie.
L'exégèse *S6
Principaux exégètes protestants • ... 558
TABLE DES MATIÈRES. 653
La dogmatique. — La mystique 339
L'homilétique et la caléchiitique 361
Le culte et la discipline. — La prédication et autres actes du culte.
— Le chant ecclésiastique , . . . 56-2
La discipline ecclésiastique 364
EfiFets du protestantisme. — Fruits pernicieux de la nouvelle doc-
trine 365
CHAPITRE IL
LE CATHOLICISME. — LA RÉACTION CATHOLIQUE CONTEE LES NOVATEURS.
Considérations générales j • • 368
Travaux des papes et du concile de Trente.
Paul III et la première période du concile de Trente. — Travaux de
Paul III pour la réforme 369
Le concile de Trente (XIX' concile œcuménique). — Les trois pre-
mières sessions 571
Quatrième session 576
Cinquième session 579
Sixième session 381
Doctrine du concile de Trente sur la justification 382
Septième session.— Décret de la huitième session pour la translation. 383
Neuvième et dixième sessions . . 586
Suspension du concile 387
Mort de Paul III 588
Jules III et la seconde période du concile de Trente. — Jules III . 588
Sessions XI*. — XVl'^ du concile de Trente 389
Décrets des XIIP, XIV' et XV= sessions 390
Marcel II et Paul IV 592
Travaux de Paul IV pour la réforme. Son népotisme. Sa politique.
Sa lutte contre Philippe d'Espagne. Il éloigne ses proches . . 593
Nouvelles réformes , 395
Pie IV et la troisième période du concile de Trente. — Pie IV et
Charles Borromée. — Travaux en vue du Concile 596
Dispositions de l'Allemagne. — Colloque de Worms. — Attitude de
l'empereur Ferdinand . 597
Nouvelle convocation du concile. — Travaux des nonces. — Pré-
paratifs du concile 399
XVII'-XX« sessions 600
XXI« session 603
XXIIe session 604
Situation difficile du concile 605
Morone et l'empereur Ferdinand ö07
L'autorité du pape et l'autorité des évêques 608
XXIII» session 610
Difficultés du coté des souverains 612
XXIV« session 613
654 TABLE DES MATIÈRES.
XXV« session 615
Derniers décrets du concile de Trente 616
Fin du concile. — Son importance et son exécution. — Travaux de
Pie IV. — Sa mort 617
Les trois grands successeurs de Pie IV. — Saint Pie V. — Son
caractère. - • Travaux pour la réforme de Rome et de l'Italie . . 628
État de l'Italie. — Saint Charles Borromée 621
Catéchisme des curés.— Correction des livres liturgiques.— Disci-
pline monastique et résidence des évoques. — Mesures salutaires. 622
Influence de Pie V sur les États catholiques. — Victoire sur les
Turcs. — Mort de Pie V 624
Grégoire XIII 62a
Grégoire XIII augmente et améliore les établissements d'instruction
ecclésiastique. — Correction du calendrier. — Édition du «Corpus
juris canonici ». — Institution des nonciatures 626
Protection accordée aux hommes de mérite.— Insuccès politiques. 628
Sixte-Quint. — Services rendus aux États de l'Église 629
Relations de Sixte-Quint avec les États voisins, avec ses compa-
triotes et ses proches. — Nouvelle édition des Septante. — Lois
ecclésiastiques. — Mort de Sixte-Quint 631
Les papes depuis 1590 jusqu'en 1635. — Urbain VIL — Grégoire XIV.
Innocent IX. — Clément VIII 633
Léon XI. — Paul V 634
Luttes de Paul V avec Venise 635
Grégoire XV. — Règlement sur l'élection du pape. — La Propa-
gande. — Secours fournis à l'empereur 637
Urbain VIII 639
Innocent X 640
FIN DE LA TABLE.
BESANCON. — IMP. F. RAilEAUX-.MAYET.
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