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Full text of "Histoire de l'église"

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HOLY  REDEEMER  LIBRARY,  WINDSOfi 


I,  7/ 


BIBLIOTHÈQUE 

THÉOLOGIQUE 


DU  XIX"  SIECLE 


HISTOIRE    DE    L'ÉGLISE 


TOME  V 


l.MP.   F.  RAMKAUX-MAYET. 


17 

BÏBLIOTHÈQUE        f? 

THÉOLOGIQUE  '  ' 

DU   XIX^  SIÈCLE 

Rédigée  par  les  principaux  Docteurs  des  Universités  catholiques 

ENCYCLOPÉDIE,    APOLOGÉTIQUE 

INTRODUCTION   A   l'aNGIEN   ET   AU  NOUVEAU   TESTAMENT 

AKCHÉOLOGIE     BIBLIQUE,     HISTOIRE     DE     l'ÉOLISE  ,     PATHOLOGIE,     DOGMB 

HISTOIRE     DES     DOGMES,     DROIT     CANON,     LITURGIR,     PASTORALE 

MORALE,    PÉDAGOGIE,     CATÉCHÉTIQUE     ET     HOMILÉTIQUE 

HISTOIRE     DE     LA     LITTÉRATURE     THÉOLOGIQUE 

TRADUCTION   DE  L'ABBÉ   P.  BÉLET 


HISTOIRE    DE    L'EGLISE 

PAR  S.  E.  LE  CARDINAL  HERGENRŒTHER 
V 


PARIS 
LIBRAIRIE    VICTOR    PALMÉ 

(société  GÉNÉRALE  DE  LIBRAIRIE  CATHOLIQUE) 

76,  Rue  des  Snints-Pères,  76 


BRUXELLES 
SOCIÉTÉ  BELGr:  DE  LIBRAIRIE 
Rue  Treurenherçi,  S 


GENÈVE 

HENRY  TREMBLEY, '■'B'"*"": 
4,  Rue  Corraterie 


1891 

HOLY  REDEEMER  LIBRARY,  WINDSOR 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


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http://www.arcliive.org/details/histoiredelgli05herg 


bibliothKque 
THÉOLOGIQUE 


DU  XIX«  SIÈCLE. 


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HISTOIRE  DE  L'ÉGLISE, 


ot<«c 


SIXIÈME    PÉRIODE. 

De  Boniface  VIII  jusqu'au  commencement  du  XVP  siècle. 

(suite.) 


CHAPITRE    II. 

LA    SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE. 

Les    iinliersiiés    el    la    scolasticine. 

Les  universités  en  généraL 

2H .  Les  anciennes  et  célèbres  universités  réunissaient  encore 
un  grand  nombre  de  savants  de  divers  pays  et  d'âges  divers. 
Les  chaires  de  l'enseignement  public  étaient  fort  recherchées; 
souvent  même,  de  nation  à  nation,  l'on  faisait  échange  de  pro- 
fesseurs. Les  papes  continuaient  à  protéger  les  universités  et 
leur  prodiguaient  des  privilèges  :  elles  furent  grandement 
favorisées  par  les  papes  d'Avignon  Jean  XXII  et  Urbain  V.  Le 
caractère  ecclésiastique  y  était  si  fortement  empreint,  que  les 
professeurs  laïques  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris  ne  furent 

V.  —  HIST.   DE   l/ÉGLISE.  1 


2  HISTOIRE    DE    L  ÉGLISE. 

autorisés  à  se  marior  qno  depuis  l'annért  lirifî.  A  cos  anciennes 
nniversif«'\s  vinrent  s'ajontor  un  grand  nombre  de  nouvelles 
écoles,  non  senloinent  en  Italie,  en  Kspagne  et  en  France,  mais 
aussi  en  Hongrie,  en  Pologne,  en  Angleterre,  dans  les  Etals 
Scandinaves  et  snrtont  en  Allemagne,  où  à  la  fin  de  cette 
période  on  en  comptait  plus  de  quinze,  créations  d'un  zèle 
tardif  mais  ardent.  Ces  nouvelles  écoles  rivalisèrent  bientôt 
avec  les  premières  par  la  force  de  leurs  études  et  le  nombre  de 
leurs  élèves.  En  1  i'.W,  Cologne  comptait  deux  mille  étudiants, 
dont  un  grand  nombre  de  sujets  Scandinaves. 

La  durée  des  études  était  variable.  De  hnit  ans,  qu'elle  durait 
d'abord,  l'étude  de  la  théologie  fut,  au  quatorzième  siècle,  pro- 
longée jusqu'à  quatorze  années.  Le  cours  proprement  dit 
d'explication  des  Livres  saints  et  de  commentaire  sur  les  Sen- 
tences de  Pierre  Lombard  demandait  six  ans  (cinq  chez  les 
franciscains  et  les  dominicains),  jusqu'au  baccalauréat,  qui  com- 
prenait trois  degrés,  aboutissant  à  la  licence  et  au  doctorat.  Ces 
trois  degrés  du  baccalauréat  étaient  celui  dos  biblici  ordi?io.rh\ 
celui  des  commentateurs  des  Sentences,  et  enfin  celui  des  ôac- 
calaurei  formati.  Les  frais  de  promotion,  diminués  déjà  par 
Clément  V,  furent  encore  réduits  par  Benoît  XI [.  C'est  sur  le 
modèle  de  Paris  que  s'organisèrent  la  plupart  des  autres  uni- 
versités nouvelles,  notamment  celles  de  Prague  (1348),  de 
Vienne  (136.%),  d'IIeidelberg  (1387),  de  Cologne  (1388),  d'Erfurt 
(1392),  etc.  Vers  la  fin  de  cette  période,  elles  se  développèrent 
avec  plus  d'indépendance. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SUR  LE    N"  2H  . 

Jean  XXII  ol  Urbain  V,  pour  les  universités  :  Christophe,  II,  p.  3  et 
siiiv.,  2!»!i  et  suiv.;  Schwab,  Gorson,  p.  18.  Professeurs  célibataires  de 
MH'dccino  :  Thurol,  de  l'Organisation,  etc.,  Paris,  1850,  p.  31  ;  Schwab, 
I>.  62,  n.  6.  Nouvelles  d'Oxford  au  quatorzième  siècle,  dans  Henry 
Auslcy,  iMuniniHula  academica,  or  Docunienls  illustrât,  of  academieal 
life  and  sind,  al  Oxford,  London,  1808,  2  vol.  —  Fabroni,  Hisl.  Ac. 
Pisau.,  Pise,  I71M-I79Ö,  t.  III-IV  ;  Wenzel  Toraeck,  Gesch.  der  Prager 
Univ.,  Prag.,  1840;  Kink,  Gesch.  der  Univers.,  Vienne,  1864;  Aschbach, 
(Ji'sch.  der  Uiuv.  Wien,  im  I  Jahrb.,  Vienn»\  180.");  Franz  llautz,  Gesell, 
der  Iniv.  Heidelberg,  ed.  von  Reirhiin-Meldegg.,  Mannlioim,  1862; 
Kosegarlcn,  (iesrh.  der  Univ.  Grt'if-;walde,  (Jreifswald.  I8.i(j,  deux  par- 
ties; J.-F.  von  Fa!k<'Ti<!t('iii,  Givilalis  Eifio'tens,  llistoria,  Erfurt,  17i)2, 


J.A   SCIENCE,    L  ART   ET    LA    VIK    RELIGIEUSE.  .5 

[I.  274-2S(>;  Kanipscliult,  die  Univ.  Krfurl  und  ihr  Verhalten  zum 
Humanismus,  Trêves,  18Ö8-1860,  deux  parties;  Heinzelmann,  Aus  dei" 
Hlüthezeit  der  Erfurter  L'niv.,  Erfurt,  t87ü;  Vischer,  Gesch.  der  Univ. 
Basel.,  Bàle,  1862;  Hagenbach,  die  Theol.  Schule  Basel.,  de  i480  à  1849, 
Bâle,  1860;  Käthen,  zur  Gesch.  der  Kieler  Univ.  und  Chronik  der  Univ. 
zu  Kiel.,  Kiel,  1862;  Knodt,  Hist.  Univ.  Mogunt.  Sur  Tubingue,  cf.  /*' 
Catholique,  mai  et  juin  1876,  surtout  p.  642  et  suiv.;  Janssen,  A.-A.-O., 
I.  I,  p.  167  et  suiv.;  Annerstedt,  Upsala  Universitets  Historia,  1. 1  (1477- 
1654),  Stockolm,  1878, 

L'université  de  Paris. 

212.  Ce  fut  précisément  l'ancienne  «  reine  des  univer- 
sités »  qui  déchut  de  sa  première  hauteur.  Déjà  en  1317, 
Jean  XXli  lui  reprochait  de  conférer  à  la  légère  le  titre 
de  docteur,  de  sacrifier  les  grandes  questions  à  des  subtilités 
d'école,  de  donner  la  préférence  à  des  opinions  philosophiques 
faiblement  appuyées,  d'être  inconstante  dans  le  choix  de  ses 
livres,  et  autres  abus  qui  se  retrouvaient  ailleurs  dans  la 
même  proportion.  On  s'attardait  à  résoudre  des  problèmes 
minutieux,  à  multiplier  les  définitions,  les  distinctions,  les 
vaines  formules;  on  cherchait  à  surprendre  par  la  pénétration 
plutôt  qu'à  instruire,  persuadé  qu'on  était  plus  habile  que  les 
grands  maîtres  de  la  précédente  période.  L'opinion  exagérée 
qu'avaient  d'eux-mêmes  plusieurs  savants  d'université,  opinion 
qui  se  manifestait  contre  le  Saint-Siège  et  contribua  beaucoup 
à  le  déconsidérer  (sur  ce  point  l'université  de  Toulouse  est  la 
seule  qui  ait  formellement  résisté  à  celle  de  Paris);  les  con- 
naissances superficielles  d'un  grand  nombre  d'auditeurs,  qui 
prétendaient,  avec  une  instruction  insuffisante,  parcourir  la 
carrière  académique  ;  les  troubles  et  les  guerres  incessantes  ;  lu 
goût  dominant  de  la  dispute  et  de  la  nouveauté,  qui  faisait 
sacrifier  le  savoir  solide  au  désir  de  faire  triompher  des  vues 
personnelles,  toutes  ces  causes  amenèrent  la  décadence  des 
éludes.  Il  devenait  chaque  jour  plus  difficile  de  former  de  vrais 
savants,  unissant  aux  aptitudes  requises  l'amour  de  la  vérité, 
la  pureté  des  mœurs  des  anciens  grands  docteurs,  et  capables 
de  transmettre  des  choses  durables  à  la  postérité. 

A  Paris  cependant,  aussi  bien  qu'ailleurs,  le  nombre  des 
écoliers  s'était  multiplié;  les  anciens  droits  étaient  maintenus 
avec  une  jalousie  ombrageuse,  notamment  le  droit,  révoltant  à 


i  HISTOIRE   DE    l/ÉGLISE. 

bcanooiip  d'égards,  de  suspendre  les  leçons  et  les  prédications 
jusqu'à  ce  qu'on  eût  obtenu  le  redressement  de  ses  griefs,  droit 
qui  excita  plus  d'une  fois  le  mécontentement  général.  C'est  en 
t  i82  seulement  que  Louis  XI  obtint  du  Saint-Siège  l'abolition 
de  ce  privilège;  cependant  il  y  eut  encore  en  ti99  une  inter- 
ruption de  ce  genre.  Les  rois  acquirent  insensiblement  une 
grande  influence  sur  l'université;  ils  tentèrent  de  plus  en  plus 
de  se  l'assujettir  et  de  la  dépouiller  de  son  caractère  interna- 
tional. Leur  empire  finit  par  s'étendre  jusque  sur  la  doctrine, 
et  la  cour  ne  demeura  pas  étrangère  à  la  vieille  querelle  des 
réalistes  et  des  nominalistes. 

OUVnAGES   A    CONSULTER    ET    IIEMAKQÜES    CRITIQUES    SLR    LE   N°   212. 

lîlàme  de  Jean  XXII  :  Rayu.,  an.  1317,  n.  15.  Multiplication  des 
collèges:  Schwab,  p.  66.  Cessations,  ib.,  p.  6li.  tlude  de  la  théologie, 
ibid.,  p.  75  et  suiv.  L'université  de  Cologne  aussi  eut,  en  1425,  à  se 
justifier  de  diverses  accusations  concernant  des  propositions  philoso- 
phiques et  l'abandon  de  l'ancienne  méthode  d'enseignement.  Du  Plessis 
d'Arg.,  I,  II,  p.  220-223.  Sur  les  scolastiques  de  ce  temps,  cf.  Tiede- 
mann,  Geist,  der  specul.  phil.,  V,  p.  125  et  suiv.;  Ritter,  Gesch.  der 
christl.  phil.,  4  vol.;  Ueberweg,  Gesch.  der  philos,  der  patrist.  und 
scholast.  Zeit.,  p.  210  et  suiv.;  Stœckl,  II,  p.  052  et  suiv. 

Le  réalisme  et  le  nominalisme. 

213.  Après  que  le  réalisme  eut  régné  sans  conteste  à  Paris,  lo 
nominalisme  y  obtint  insensiblement  la  prépondérance.  Il  trouva 
un  puissant  promoteur  dans  le  célèbre  Guillaume  Durand  de 
Saint-Pourçain,  professeur  à  Paris,  plus  tard  évêqiie  d'Annecy 
et  de  Meaux  (mort  en  1333;.  Guillaume,  très  favorable  aux 
sfotistes,  blâmait  l'autorité  excessive  qu'on  attachait  aux  pro- 
positions d'Aristote,  essayait  d'acquérir  une  connaissance  plus 
e.\acte  do  la  nature,  combattait  le  réaliste  Noël  Hervé  (Natalis, 
mort  en  1323),  et  soutenait  souvent  des  propositions  rejetées 
comme  téméraires. 

Plus  grande  encore  fut  l'influence  exercée  par  Guillaume 
()ccam,  professeur  à  Paris,  provincial  des  franciscains  d'Angle- 
terre, et  enfin  théologien  à  la  cour  de  Louis  de  Bavière  (§  21), 
mort  à  Munich  eu  1347.  Il  travailla  en  faveur  de  la  liberté 
d'enseignement,  abandonna  sur  plusieurs  points  la  doctrine 
scoliste,   (jui  dominait   dans  son  ordre,  et  combattit  les  réa- 


LA    SCIENCE,    L  ART    KT    LA    VIK    KKLIGIEUSK.  .» 

listes  avec  tant  de  violence,  que  les  uouiinalistes,  dont  il 
soutenait  la  cause,  furent  appelés  occamistes  (ou  terministes). 
L'universel,  selon  Occaiu,  n'est  qu'une  fiction,  une  représenta- 
tion do  l'esprit;  les  pensées  ne  sont  (jue  les  signes  des  choses. 
Occam  rétrécissait  le  cercle  des  vérités  que  la  raison  peut  con- 
naître, ne  voyait  qu'arbitraire  dans  les  lois  de  Dieu,  établissait 
toute  une  série  de  propositions  singulièrement  hardies,  et  pré- 
parait les  voies  au  scepticisme,  qui  allait  être  représenté  par 
Nicolas  d'Autricuria,  lequel  fut  obligé,  en  1348,  de  se  rétracter 
à  Paris  par  ordre  du  pape. 

Les  deux  dominicains  Armand  de  Bellevue  {de  BcUo  Visu, 
mort  en  i3-i0)  et  Robert  llolcoth,  à  Oxford  (mort  en  1349), 
adoptèrent  le  système  d'Uccam,  mais  sans  partager  toutes  ses 
opinions.  Le  dernier  ne  voyait  de  péché  mortel  que  dans  le 
rejet  de  la  grâce;  il  n'y  comprenait  pas  les  péchés  commis  dans 
l'emportement  de  la  passion,  et  croyait  que  Dieu  peut  mentir  à 
sa  créature.  Cette  doctrine  fut  censurée  à  Paris.  On  condamna 
encore  dans  la  suite  diverses  propositions  tirées  des  écrits 
d'Occam  :  celle-ci,  par  exemple,  que  Dieu  peut  commander  à  la 
créature  de  le  haïr,  et  que  la  créature  obtient  alors  par  la  haine 
plus  de  mérite  que  par  l'amour,  et  autres  assertions  téméraires, 
m'es  la  plupart  de  la  passion  des  subtilités. 

Dieu  que  la  faculté  des  arts  se  tut  prononcée  contre  Occam 
en  1339  et  1340,  le  recteur  de  la  Sorbonne,  Jean  Buridan,  ne 
laissa  pas  d'embrasser  ses  doctrines  (1350). 

Le  nominalisme  trouva  plus  tard  d'habiles  défenseurs  dans 
Pierre  d'Ailly  et  Gerson  (mort  en  1429).  Gerson  le  croyait  plus 
compatible  avec  la  doctrine  de  l'Église,  tout  en  essayant  de 
conciUer  les  difTérents  systèmes.  11  admettait  que  l'universel  a 
dans  les  choses  particulières  un  substratum  réel,  et  que  sa 
forme  constitutive  est  dans  le  travail  abstractif  de  l'esprit.  Il 
tâchait  de  justifier,  par  l'Écriture  et  l'enseignement  de  l'Église, 
ce  qu'il  y  avait  de  solide  dans  les  doctrines  réalistes,  et  d'éUmi- 
ner  de  chaque  théorie  les  parties  exclusives  et  pouvant  conduire 
à  la  négation  de  la  foi. 

Au  reste,  nominalistes  et  réalistes,  thomistes  aussi  bien  que 
scotistes,  en  étaient  venus  à  reléguer  au  second  plan  les  diver- 
gences accessoires  des  deux  systèmes;  on  voyait  des  réalistes 
accepter  des  propositions  nominalistes,  et  réciproquement.  Tous 


6  HrSTOIRK  DE   l'ÉGLISE. 

deux  aussi,  le  nomitialisme  et  le  réalisme,  tombaient  souvent 
flans  les  extrêmes  :  le  premier,  dans  le  scepticisme,  le  matéria- 
lisme ou  le  sensualisme;  le  second,  dans  l'idéalisme  mystique. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE   N»   213. 

Durandus  à  S.  Porciano  (doctor  resolutissimus),  Corn,  in  librus  IV 
Senl.  Ses  thèses  incriminées,  dans  du  PIcssis  d'Arg.,  I,  i,  p.  330-332. 
Entre  autres  :  «  1°  Scientia  Dei  est  causa  creaturarurii  per  nioduni  di- 
rigentis,  voluntas  autem  causa  per  modum  inclinaiitis  et  indiicentis. 
Neutra  autem  est  immediata  causa.  Poteutia  vero  est  causa  rerum  sicut 
exsequens  et  immédiate  movens,  contre  In  cause  communis.  2"  Tota 
coguitio,  quam  habet  Deus  de  futuris  contiiigentibus,  est  per  eorum 
causam.    3°   Potentia   creandi    potest  a   Deo   communicari  creatur*. 
4°  Deus  non  agit  immédiate  in  omni  actione  creaturte.  »  5"  Touchant 
le  Sacrement  de  l'autel,  il  favorisait  les  vues  de  Jean  de  Paris  :  «  Deus 
posset  facere  quod,  rémanente  substantia  panis  et  vini,  corpus  et  san- 
guis  Christi  essent  in  hoc  sacramento.  »  (Contre  cette  opinion  :  Tho- 
mas d'Argentina,  in  I.  IV,  d.  ii,  q.  i  ;  Pierre  Oriol,  «  doctor  facundus  », 
mort  en  1322,  Com.  in  Sent.,  Rome,  1596-1605;  Bassolis  et  autres).  6°  Il 
lui  parait  vraisemblable  «  quod  in  sacramentis  non  est  aliqua  virtus 
causativa  gratife,  characteris  vel  cujuscumque  dispositionis  s.  ornatus 
existentis  in  anirno,  sed  sunt  causa  sine  qua  non  confertur  gralia. 
Recipiens  (nisi  ponat  obicem)  recipit  gratiam,  non  a  sacramento,  sed  a 
Deo.  7°  Character  (in  sacram.)  non  est  aliqua  natura  absoluta,  sed  est 
sola  relatio  rationis,  per  quam  ex  institutione  vel  pactione  divina  depu- 
tatur  aliquis  ad  sacras  actiones.  8°  Matrimonilim  non  est  saciamentum 
stricte  et  proprie  dictum  sicut  alia  sacramenta  N.  L.  (sed  largo  modo). 
!l"  Ordu,  qui  est  sacramentum,  est  solum  sacerdotium,  comprehendendo 
sub  sacerdotio   episcopatum,  qui  est  sacerdotium  completum  et  per- 
l'ectum...  Cteteri  ordines  qua-dam  sacramentalia.    10°  Multi   habitus 
scientia;  et  actus  sunt  in  nobis  certioie«  et  notiores  fide  et  actu  ejus 
extensive  et  intensive.  11°  Fides  divinilus  infusa  etiam  in  hsereticis 
reperitur,  quia  accjuisitus  habitus  per  quemvis  contrarium  actum  non 
illico  destruitur.  »  Uervieus  Nalalis,  0.  Pr.  et  général  de  son  ordre, 
recteur  de   l'université   de   Paris.,  Com.  in  lib.  IV  Sent.,  quodlibela 
majora  i\ ,  minora  xxiv.  Guill.  Uccam,  appelé  «  doctor  singularis,  invin- 
cibilis,  venerabilis  iuceptor  »,  composa  :  «  Quœstioncs  super  IV  libros 
Sent.;  Centiluquium   theologicum,  theologiam  speculativam  sub  100 
conclusionibiis  complectens  »,  éd.  Lyou,  1495  et  suiv.  Comp.  Schwab, 
p.  274-288;  Nicol.  d'Autriciiria,  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  355-360;  Den- 
zinger,  Encbir.,  p.  183  et  .seq.,  n.  457  et  seq.;  Robert  Holcoth,  du 
PlHssis  d'Arg.,  p.  340-342;  Jean  Buridan,  0pp.,  éd.  Oxon.,  1637,  1640; 
RuI.,  Ilist.  Univ.  Par.,  IV,  257  et  .seq.;  Stœckl,  II,  p.  973  et  suiv.  —  Vita 


LA    SCIENCE,    L  AKT    KT    l.X    VIE    RKLW.lErSE.  7 

Potri  de  Alliaco,  ap.  v.  d.  Hardi,  I.  viii.  p.  4i9  et  seq.;  Com  in  libr.  IV 
Sent,  el  Tiaclal.,  fd.  Argent.,  I4'J0  et  seq.,  Par.,  l.öUO,  111-4°.  Comp. 
Denzinger,  v.  d,  relig.  Erkenulnisz,  1,  p.  142  etsuiv.;  Gersou.,  Centi- 
logiuni  de  conceptibus.  —  Cenlil.  de  causa  finali,  de  inodis  sig^nili- 
candi,  bO  proposit.  de  concordia  metaphysicse  cum  logica,  0pp.  IV, 
7'.).'J-830,  de  Siraplif.  cordis,  III,  i'68;  Schwab,  p.  291  et  suiv. 

Édit  du   roi  contre   les   nominalistes.  —  Le   réalisme   en 
Allemagne. 

21  i.  Quand  les  uominalistes  de  Paris  commencèreut  à  s'enhar- 
dir, des  mesures  furent  prises  contre  eux  (1465  et  1466),  cou- 
foniiément  aux  anciens  décrets  de  1452,  et  leurs  collèges  furent 
soumis  à  la  visite.  En  1473,  dans  une  apologie  des  nominalistes 
remise  à  Louis  \1  et  conçue  dans  l'esprit  de  Gerson,  on  com- 
battait cette  opinion  que  le  réalisme  est  plus  conforme  à  la  foi 
que  le  nominalisme.  Cependant  le  roi  publia  contre  les  nomi- 
nalistes IUI  édit  qui  rcoommandait  l'étude  d'Aristote,  d'Albert  le 
(irand,  de  saint  Thomas  et  autres  réalistes.  Tout  à  coup,  en 
1481,  la  lecture  des  livres  uominalistes,  jusque-là  interdite,  fut 
de  nouveau  autorisée,  et  le  nominalisme  obtint  dès  lors  à 
Paris  la  prépondérance. 

L'Allemagne,  au  contraire,  inclinait  surtout  vers  le  réalisme. 
A  Llàle,  il  était  représenté  par  Ileynlin  de  Stein,  qui  avait 
également  travaillé  à  Paris,  à  Tubingue  et  à  Berne,  et  qui  était 
le  centre  d'un  cercle  important  de  savants,  dont  Guillaume 
Textoris,  Jean  Mathias  de  Gengenbach,  etc.,  faisaient  partie. 
Ileynlin  se  retira  chez  les  chartreux  en  1487,  édita  des  Pères 
de  l'Église  et  des  classiques,  et  composa,  sur  le  sacrifice  de  la 
messe,  un  ouvrage  qui  eut  une  grande  vogue. 

A  Fribourg,  le  triomphe  du  réalisme  fut  assuré  en  1489  par 
Georges  Nordhofer,  habile  exégète,  et  par  le  savant  chartreux 
Grégoire  Reisch,  qui  enseignait  aussi  la  cosmographie,  les 
mathématiques  et  l'hébreu,  et  publia  en  1496,  sous  le  titre  de 
la  Perle  de  la  philosophie,  la  première  encyclopédie  philoso- 
phique. Reisch  se  rattachait  à  Vincent  de  Beauvais  (Spéculum 
tuiiurale);  à  Conrad  de  Meygcnberg,  prèlre  de  Ratisbonne 
(Livre  de  la  jiature],  et  à  Pierre  d'Ailly  (l'Image  du  monde]. 
Son  ouvrage  fut  souvent  réimprimé.  Le  réaUsme  fut  soutenu 
par  les  théologiens  les  plus  renommés  de  l'Allemagne,  et  ceux 


8  HISTOIRE  DÛ  l'Église. 

mêmes  qui  comptaient  parmi  les  nomiualistes  essayaient  de 
concilier  les  deux  théories,  comme  Marsile  d'Inghen,  qui  de 
l'université  de  Paris  s'était  rendu  à  Heidelberg  (mort  en  1396), 
et  après  lui  Gabriel  Biel  de  Spire,  professeur  à  Tubingue 
depuis  I  i84  et  auteur  d'importants  travaux  d'économie  popu- 
laire. Biel  (mort  en  li95)  passe  pour  le  dernier  nominaliste  de 
valeur,  mais  il  demeura  étranger  aux  vues  étroites  de  son 
école. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    214. 

Mesures  contre  les  nominalistes,  1465  et  1466  :  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii, 
p.  2Ö5  et  seq.  Discussions  au  sujet  de  Pierre  de  Rivo,  ibid.,  p.  258  et 
seq.,  281-284.  On  demandait  si  la  doctrine  d'Aristote  sur  les  futurs 
contingents  était  compatible  avec  la  foi,  ibid.,  p.  273.  Apologie  du 
nominalisme,  1473,  ibid.,  p.  286-288.  Édil  royal,  ib.,  I,  i,  p.  134;  Bul., 
V,  708.  Licence  de  1481  :  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  202-304.  Comp. 
Kleutgen,  Philos,  der  Vorzeit,  I,  p.  328  et  suiv.  Réalistes  allemands, 
dans  Janssen,  1,  p.  93  et  suiv.;  Marsile  d'Inghe.n,  Natal.  Alex.,  sœc. 
XIV,  c.  y,  n.  6,  15,  p.  297  et  seq.;  Gabriel  Biel,  Collectorium  ex  Occamo, 
in  lib.  IV  Sent.,  Tub.,  1502,  t.  Il;  Brix.,  1374,  II,  t.  IV;  Serm.  de 
temp.,  Tub.,  1300,  in-4°.  Cf.  Trithem.,  de  Script,  eccl.,  c.  903;  Lin- 
semann, Thcol.  Quartalschr.,  1803,  p.  195  et  suiv.,  499  et  suiv. 

Théologiens   des   ordres   religieux.    —    Les  franciscains ,    les 
dominicains,  les  augustins,  les  carmes. 

215.  C'étaient  toujours  les  dominicains  et  les  franciscains 
qui  cultivaient  de  préférence  la  théologie  et  la  philosophie  sco- 
lastiques.  Chez  les  franciscains,  le  scotiste  François  Mayron, 
fameux  par  ses  abstractions,  mort  en  1325,  à  Plaisance,  et 
Jean-Antoine  .\ndrese  d'Aragon  {doctnr  dulcifhms,  mort  en 
1320),  disciple  do  Scot,  furent  particulièrement  célèbres.  May- 
ron, surnommé  le  Maître  des  abstractions,  doctor  acutus,  illumi- 
natus,  scandalisa  les  doctes,  non  seulement  en  accusant  Aristole 
d'être  un  mauvais  métaphysicien,  mais  en  émettant  des  propo- 
sitions hasardées  sur  la  question  de  savoir  si  Dieu  est  l'auteur 
du  péché.  Il  fut  suivi  par  l'anglais  Thomas  Bradwardin,  profes- 
.seur  et  chancelier  à  Oxfurd,  puis  archevêque  de  Cantorbéry, 
mort  en  1319,  auteur  d'un  grand  ouvrage  où  il  apparaît 
comme  le  précurseur  de  la  théorie  de  Wiclef  sur  la  prédestina- 
tion '. 

'  L'ouvrage  le  plus  considérable  de  Bradwardin  est  un  long  traité  inli- 


LA    SCIENCE,    L  AH  1    ET    LA    ME    HELIGIEUSK.  'J 

Un  meilleur  souvenir  se  ratlaclie  à  la  mémoire  dus  confrères 
de  Mayron ,  Pierre  Oriol ,  à  la  fin  archevêque  d'Aix ,  mort 
en  132:2  {doctor  facwidus)  ;  Jean  Bassolis  (doctor  ordbialhsl- 
mus),  et  ses  contemporains  Âlvare  Pelage  (1340)  et  Jean  de 
Capistran  (mort  en  1456).  Parmi  les  dominicains  nous  remar- 
quons :  Pierre  Paludanus  (mort  en  1342),  Jean  de  Monténégro, 
le  cardinal  Jean  de  Turrecremala  (mort  en  1468),  saint  Autonin 
de  Florence,  Jean  Capréolus  (1413),  Henri  Kalteisen  (mort  en 
1463). 

Les  augustins  possédaient  des  maîtres  renommés  dans  Gilles 
de  Rome  (mort  en  1316)  et  Thomas  de  Strasbourg  (1357).  Un 
autre  personnage  fort  célèbre  de  son  temps  était  le  général  de 
l'ordre,  Grégoire  de  Rimini,  mort  à  Vienne  en  1358,  surnommé 
le  «  bourreau  des  enfants  »,  à  cause  de  son  opinion  rigide  sur 
le  sort  des  enfants  morts  sans  baptême;  qualification  injuste, 
car  il  n'entendait  point  combattre  l'opinion  plus  modérée. 

L'ordre  avait  aussi  des  théologiens  estimés  dans  Augustin 
Triomphe  (1328)  et  Alphonse  Vargas,  qui  devint  archevêque 
de  Se  ville,  mort  en  1366.  Parmi  les  carmes,  il  faut  nommer 
surtout  les  deux  Anglais  Jean  de  Baccone  (Bacondorpius,  vers 
1340)  et  Thomas  Netter  de  Waiden  (Waldensis),  auteur  de  nom- 
breux ouvrages  (la  plupart  inédits),  provincial  de  son  ordre, 
confesseur  et  secrétaire  intime  de  Uenri  V,  théologien  très  versé 
dans  les  Pères,  solide  et  pénétrant,  autant  qu'habile  polémiste. 
Il  mourut  à  Rouen,  en  1431. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE    N°   215. 

François  Mayron  (Mayronis),  in  lib.  Sent.  Sur  la  question  :  «  Utrum 
Deus  sit  causa  effectiva  peccati  »,  in  lib.  I,  d.  xlui,  q.  rv,  p.  loO;  du 

lulé  de  la  Cause  de  Dieu  contre  Pelage.  Il  y  enseigne  que  la  volonté  de 
Dieu  est  toujours  efficace,  parce  qu'autrement  Dieu  ne  serait  ni  bienheu- 
reux ni  tout-puissant;  que,  quand  Dieu  veut  qu'une  chose  soit,  il  est 
nécessaire  qu'elle  arrive  ;  qu'en  Dieu  il  n'y  a  point  de  volonté  condition- 
nelle; que  c'est  Dieu  qui  opère  en  ses  créatures  le  bien  et  le  mal,  même 
le  péché;  que  tout  ce  qui  est,  tout  ce  qui  arrive,  est  l'effet  d'une  néces- 
sité antécédente,  imposée  par  la  volonté  divine,  qui  ne  peut  être  ni 
empêchée  ni  détournée;  que  toutes  les  actions  de  Jésus-Christ,  d'Adam 
innocent  et  de  toute  sa  postérité  ont  été  soumises  à  celte  nécessité;  que 
la  prédestination  aux  supplices  éternels  précède  tout  démérite,  et  que  la 
réprobation  n'est  pas  la  suite  des  péchés  ;  que  la  nécessité  de  contrainte 
est  opposée  à  la  liberté,  mais  que  la  nécessité  spontanée  ne  lui  est  point 
opposée,  et  que  tout  acte  de  la  volonté  est  libre,  pourvu  qu'il  soit  volon- 
taire. (Note  du  traducteur.) 


10  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

riessis,  1,  I,  p.  322  et  seq.;  Thomas  Bradwardin,  doclor  profniidus,  lib. 
de  Causa  Dei,  éd.  Savilius,  Lotid.,  161.^.  Cf.  Lechier,  de  Thoma  Brad- 
ward.,  Lips.,  1862;  du  Plessis  d'Arg.,  p.  323-330  (üb.  I,  c.  xxxiv  :  «  Dens 
aliquo  modo  vult  peccata,  ut  peccata  sunt  »  ;  lib.  III,  c.  xxvii  :  «  Omnia 
quse  evenieut,  evenieut  a  volunlate  divina).  L'erreur  «  de  autecedeule 
necessitate  volunlatibus  imposila  per  divinam  prseveiitionem  »  fut 
renouvelée  en  1380  par  Guillaume  de  Funlfrède,  docteur  de  Paris.  Du 
Plessis  d'Arg.,  1,  ii ,  p.  59,  60.  Autres  théologiens  :  Natal.  Alex., 
saîc.  XIV,  c.  V,  art.  2  et  seq.,  t.  XV,  p.  279  et  seq.,  art.  5,  n.  2  et  sctj., 
p.  291  et  seq.;  Werner,  Gesch.  der  apol.  u.  polcm.  Lit.,  t.  IIL 

Mesures    contre   les    erz^eurs.   —  Pic    de  la    Mirandole.  — 
Raimond  de  Sébonde.  —  Renaissance  du  thomisme. 

21«.  Devant  les  nombreux  abus  qu'on  faisait  de  la  méthode 
scolastifjne,  et  qui  se  révélaient  par  de  vains  sophismes,  par  des 
thèses  équivoques,  téméraires  et  scandaleuses,  par  des  artifices 
de  langage  et  des  jeux  de  mots,  plusieurs  esprits  sérieux,  tels 
(jue  Nicolas  de  Clémange  (mort  en  1440),  Pierre  d'AilJy,  Gerson, 
Nicolas  de  Cusa,  d'une  instruction  si  variée,  insistaient  pour 
qu'on  revînt  à  la  Ihéologie  purement  positive,  surtout  à  l'Ecri- 
ture sainte,  sans  délaisser  complètement  l'étude  de  la  théologie 
systématique.  Un  antre  moyen  qui  restreignit  les  écarts  et 
favorisa  l'exactitude  théologique,  ce  fut  la  censure  précise  que 
les  universités,  les  conciles  et  les  papes  faisaient  des  diverses 
propositions.  Les  propositions  mêmes  qui  pouvaient  encore 
s'entendre  dans  nu  bon  sens,  furent  interdites  quand  elles 
offraient  un  sens  captieux  et  offeusaut,  bien  que  leurs  auteurs, 
quand  ils  se  soumettaient  au  jugement  de  l'Église,  fussent 
maintenus  dans  leurs  places.  Il  en  fut  ainsi  à  Home  au  sujet  du 
comte  I^ic  de  la  Mirandole,  génie  merveilleux  qui,  à  l'âge  de 
vingt-quatre  ans,  établit  (luatre-vingt-dix  thèses  philosophiques 
et  théologiques.  Ces  thèses,  quoique  déférées  à  Innocent  VIII, 
puis  interdites,  n'empêchèrent  pas  l'auteur,  qui  soumit  toutes 
ses  vues  au  Saint-Siège,  de  recevoir  un  bref  élogieux  qui  sau- 
vait son  lionneur  (liu:^). 

L'e.xemple  de  Kaimond  de  Sébonde,  médecin  et  juriste  espa- 
gnol, puis  clerc  et  professeur  à  Touhjuse  (vers  J430),  servit  de 
leçon  à  plusicms.  Marchant  sur  les  traces  d'Alahi  de  l'isle,  Rai- 
mond essaya,  en  vue  des  nombreux  incrédules  de  son  pays, 
d'e.xplifpier  le  dogme  au  peuple  sous  une  forme  intelligible;  il 


LA    SCIENCE,    l'aH  r    ET    LA    VIE    UELIGIEUSE.  I  I 

exécuta  aussi  d'importants  travaux  sur  la  morale.  Mais  son 
génie  spéculatif  l'engagea  dans  une  foule  d'assertions  dange- 
reuses et  inconciliables  avec  la  doctrine  révélée,  à  lacjuelle  il 
était  du  reste  fermement  attaché. 

On  fit  davantage  encore  en  revenant  au  premier  maître  de 
la  scolastique.  En  Italie,  où  les  frères  prêcheurs  tenaient  à-leius 
anciens  principes,  de  même  qu'en  Allemagne,  on  retourna  à 
saint  Thomas,  dont  les  ouvrages,  depuis  1470  jusqu'en  1500, 
furent  réimprimés  plus  de  deux  cent  seize  fois.  L'abbé  Jean 
Trilhèuie  (si  l'on  en  croit  le  témoignage  de  Wimpfeling,  en 
1507)  croyait  que  le  plus  grand  bonheur  de  son  siècle  était 
d'avoir  répudié,  dans  l'enseignement  de  la  théologie,  les  stériles 
et  funestes  artifices  de  langage,  une  érudition  sans  consistance, 
et  replacé  l'Ange  de  l'école  sur  le  chandeher. 

OUVIUGES   A   CONSULTKa    ET  REMARQUKS   CRITIQUES   SUR    LE    N"    210. 

Nicol.  de  Cleniangis  (Vita,  ap.  v.  d.  Hardt.,  I,  ii,  p.  1\),  de  Studio 
theo!.;  d'Acheiy,  Spicil.,  I,  473-480.  Autres  ouvrages  :  v.  d.  Hardt  et 
Lydius,  Lugd.  Batav.,  1613,  in-4°;  Petrus  de  Alliaco,  Recommendatio 
S.  Scripturee;  Gerson.,  de  Hei'onii.  theol.  (0pp.  I,  120-12i);  Lectiones 
du«  contra  vanam  curiositatem  (ib.,  p.  86-106);  ep.  ii  ad  student.  in 
Coll.  Navarr.;  NLcol.  Cusan.,  de  Doctalgnorantia,  0pp.,  éd.  Basil.,  1565 
et  seq.  —  Henri  Cornel.  Agrippa,  de  Vanit.  scientiarum,  I,  97,  se  plaint 
de  la  décadence  de  la  scolastique.  Plusieurs  propositions  téméraires 
sont  censurées  dans  du  Plessis  d'Arg.,  p.  ex.,  I,  i,  p.  343  et  seq.,  celles 
du  cistercien  Jean  de  Mirecourt,  exclu  en  1347  de  l'université  de  Paris  : 
«  2°  Christus  potuit  dixisse  faisum.  4°  Deus  facit  quod  aliquis  peccat,  et 
hoc  vult  voluntate  beneplaciti.  9°  Peccatum  magis  est  bonuin  quam 
raalum.  23°  Peccatum  post  longam  consuetudinem  est  minus.  30°  Deus 
est  causa  peccati,  ut  peccatum  est,  et  mali,  in  quantum  malum  est  »  ; 
ib.,  p.  370,  celles  du  licencié  Simon,  eu  1351  :  «  1°  Hsec  propositio  est 
possibilis  :  Jesus  non  est  Deus  (sciljcet  potest  humanitatem,  ut  assu- 
mere,  sic  deponere).  2°  Jesus  potest  esse  et  non  esse  Jesus  »;  ib.,  p. 
381  et  seq.,  celles  du  scotiste  Louis,  Paris,  1362  :  «  Non  est  inconve- 
niens  quod  aliquid  sit  Deus  secundum  suum  esse  reole  et  tamen  non  sit 
Deus  secundum  suum  esse  formule.  Peccatum  esse  perfecta  voluntas 
Dei  non  potest  immédiate  noUe,  et  in  alio  :  quod  peccatum  non  est 
immédiate  odibile  a  perfecta  voluntate  »  ;  p.  387,  celles  de  Jean  de 
Calore,  nommé  recteur  à  Paris  en  1371  (Bul.,  IV,  377),  1363  :  «  l"  Sum- 
mus  legislator  Deus,  ipse  dignus  est  infinitis  perfectionibus,  quas  nec 
habuit,  nec  habet,  nec  habere  potest.  2°  Intinitœ  perfectiones  siuml  in 
legislatoris  essentia  sunt  dignitas  ad  inlinitas  alias  »  ;  celles  de  Jean 


1:2  UISTOIKK    DL    l'église. 

Militis,  li77  (ib.,  1,  ii,  p.  290)  :  «  Tribus  proprielalibus,  qiiarurn  milla 
est  Deus,  très  personte  constituuutiir  >•  (projt.  scaudalosa,  piarum  aii- 
rium  olfensiva,  l'alsa  et  iu  fide  catbol.  erronea).  De  deux  proposilions 
de  Henri  Blanqueville,  0.  S.  F.,  celle-ci,  de  1493  :  «  Homo  factus  est 
Deus  »,  fut  tpialifiée  «  de  proprietate  serinonis  proposilio  falsa  et  erro- 
nea, non  praîdicanda,  nisi  eo  sensu  :  Factum  est  quod  bomo  sit  Deus  »  ; 
l'autre  :  «  Christus  incepit  esse  »,  fut  appelée  <•  de  rigorc  sermonis  falsa, 
scandalosa  et  hœretica,  non  doccnda  nisi  cum  addito  limitante  ipsum 
esse  ad  esse  humanum  »  (p.  331).  —  Parmi  les  conclusions  de  Pic  (ib., 
1,  11,  p.  320-323)  se  trouvent  celles-ci  :  «  1"  Christus  non  veraciter  et 
quantum  ad  realem  pncsentiam  descendit  ad  inferos,  ut  ponit  Thomas 
et  communis  via,  sed  solum  quoad  etïectuui.  2"  Peccatum  mortale  est 
in  se  maluni  timlum...  l'eccalo  mortuli  liiiiti  temporis  non  debelur 
pœna  inünita  secundum  tempus,  sed  finita  tantum.  '6°  NuUa  est  scien- 
tia,  quaï  nos  magis  certificet  de  divinitate  Christi  quam  Magia  et 
Cabala.  12"  Im  proprie  magis  de  Deo  dici  quod  sit  intelligens,  quam  de 
angelo,  quod  sit  anima  rationalis.  13°  Anima  nihil  actu  et  distincte 
intelligit  nisi  se  ipsam.  »  Bref  d'Alex.  VI,  Omnium  cotholicorum,  18  juin 
1493  (ib.,  p.  321);  Raimund.  Sab.,  Lib.  creaturarum,  seu  Theologia 
naturalis  (Extrait  :  Viola  animée,  seu  de  Natura  hominis),  Argent., 
1496 —  in  compend.  redacta  a  Comenio,  Amsl.,  1659,  Solisb.,  1852; 
Matzke,  die  Natiirl.  Theol.  des  Raimund  v.  Sabunde,  Berl.,  1846;  F. 
Nitzscb,  Qii;psliones  Raiiimndiana',  Ztscbr.  f.  bist.  Theologie,  18.ï9,  lil  ; 
Hultler,  die  Relig.-Pbiios.  des  R.  v.  Sab.,  Augsb.,  1831;  Denzinger, 
Rel.-Erkenntn.,  I,  p.  3d4;  Stœckl,  II,  p.  1035  et  suiv.  —  Trithem., 
ap.  J.  Wimpfeling,  de  Arte  impressoria,  p.  20.' 

L.eH    oon(rov«Ts«'N    lliéolofflqucs. 

L'Immaculée   Conception   de    Marie.  —  Théorie    scotiste    de 
l'acceptation. 

iJI7.  Outre  les  conlroversus  déjà  ineiitiomiées  sur  les  droits 
du  pape  et  du  concile,  sur  la  position  des  moines  à  l'égard  du 
clergé  séculier,  sur  le  réalisme  et  le  nominalisme,  plusieurs 
autres  furent  continuées  ou  entamées  pour  la  première  fois.  Le 
débat  sur  l'humacnlée  Conception  fut  vivement  agité  entre  les 
thomistes  et  les  scotistes.  Les  premiers,  les  maciilistes,  furent 
plus  d'une  fois  censurés  nominativement  par  l'université  de 
Paris  dès  13H7.  Après  (|ue  cette  pieuse  opinion  eut  été  adoptée 
par  le  concile  de  Jiàle  en  1430,  elle  fut  encore  soutenue  avec 
plus  d'ardeur  en  l'rance  et  en  Allemagne  par  les  conciles  proviu- 


LA    SCICNCR,    l'art   ET    LA   VIE   RELIGIEUSE.  \3 

ciaux  (par  exemple,  à  Avignon,  en  1if>7,  sons  le  cardinal  Alain), 
par  les  congrégations  religieuses  et  les  universités.  Plusieurs 
de  celles-ci  obligèrent  leurs  membres  à  s'engager  par  serment 
à  la  défendre  :  celle  do  Paris  le  fit  en  1496;  celle  de  Cologne, 
en  1-499.  Sixte  IV  condamna  en  1483  cette  assertion  de  quelques 
frères  prêcheurs,  que  la  doctrine  de  l'immaculée  Conception 
était  hérétique  et  que  c'était  un  péché  mortel  de  célébrer  cette 
fête;  mais  il  défendit  aussi,  sous  peine  d'excommunication, 
d'accuser  les  maciUistes  d'hérésie'.  Il  accorda  du  reste  de 
grandes  indulgences  à  ceux  qui  assisteraient  à  l'office  de  la 
fête  approuvé  par  lui,  et  montra  en  général  beaucoup  de  bien- 
veillance aux  immacuUstes,  Cette  fête  devint  générale  et  de 
plus  en  plus  brillante. 

Les  scotistes  soutenaient  en  outre  résolument  leur  théorie 
de  l'acceptation,  quils  appliquaient  au  mérite  surnaturel  de 
l'homme,  comme  le  Mineur  Jean  de  Ripa  et  plusieurs  autres. 
On  eut  beaucoup  de  peine  à  calmer  un  peu  la  controverse 
relative  au  sang  de  Jésus-Christ  séparé  de  son  corps  sur  la 
croix  (§  j.^8).  D'autre  part,  on  censura  les  propositions  sui- 
vantes, enseignées  par  Pierre  Oliva  et  ses  partisans,  et  con- 
damnées au  concile  de  Vienne  :  que  le  coup  de  lance  que  Jésus 
reçut  an  côté  avait  précédé  sa  mort;  que  le  récit  de  saint  Jean 
est  inexact  ;  que  l'àme  raisonnable  n'est  pas  la  forme  du  corps 
humain  ;  qu'il  est  douteux  si  les  enfants,  en  recevant  le  bap- 
tême, reçoivent,  avec  la  remise  de  la  faute,  la  grâce  et  les  ver- 
tus. On  disputait  aussi  si  ceux-là  satisfont  au  précepte  ecclésias- 
tique de  la  communion  pascale,  qui  ne  communient  pas  le  jour 
même  de  Pâques  :  Eugène  IV  (1440)  décida  qu'on  y  satisfait  en 
communiant  la  semaine  sainte  ou  l'octave  de  Pâques.  Oh  dis- 
cutait également,  à  propos  de  différentes  espèces  de  contrats  et 
d'affaires  de  négoce,  s'ils  étaient  usuraires  et  illicites. 

OUVRAGES  A  CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE  N«  217. 

Vers   1330,  Jean  Bacon  (Ord.  Carm.),  qui  combattait  Pierre  Oriol, 

^  Assertiones  eorum  qui  affirmare  praesumerent  credentes  aut  propug- 
nanles  Dei  Genitricem  ab  originalis  peccati  macula  in  sua  conceptionö 
prseservalam  fuisse,  propterea  alicujns  baeresis  labe  pollufos  fore,  vel 
niorlaliter  peccare,  aut  bujusmodi  officium  Concepfionis  célébrantes,  seu 
hujusmodi  sermoues  audientes,  alicujus  peccati  realum  incurrere,  dani- 
nannus  nt  falsas,  erroneas,  et  a  veritate  penitus  aliénas.     (Cit.  du  Irad.J 


I  ;,  HISIOIKK    Mi   L  hGLISE. 

SDUlcnail,  ainsi  qu'Alvare  Pelage  (0.  S.  F.),  que  Jésus-Christ  seul 
avait  été  affranchi  du  péché  originel.  Jean  de  Monçon  (Montesono), 
0.  Pr.,  1387,  ayant  prétendu,  avec  d'antres,  qu'il  était  contraire  à  la 
loi  d'enseigner  que  quelqu'un  d'autre  que  Jésus-Clirist  avait  été  exempt 
dii  péché  originel,  et  notamment  que  Marie  eût  été  conçue  sans  ce 
péché,  l'université  de  Paris  déclara  ces  propositions  hérétiques  et 
scandaleuses,  et  défendit  de  les  enseigner.  La  même  chose  fut  décidée 
en  1388.  Les  dominicains  en  appelèrent  à  Avignon  ;  Jean  de  Monçon  y 
alla  lui-même,  mais  il  prit  la  fuite  et  fut  exilé.  Lii  autre  dominicain, 
qui  traitait  d'hérétique  la  doctrine  de  rimmaciilée  Conception,  Jean 
Thomas,  se  rétracta  le  21  mars  1388.  Du  Plessis  d'Arg.,  1,  u,  p.  GO-132, 
132-135.  De  même,  en  1389,  le  dominicain  Richard  Maria  fut  censuré, 
ainsi  que  plusieurs  frères  de  son  ordre,  pour  avoir  combattu  le  juge- 
ment porté  contre  Monçon,  ib.,  p.  135-147.  Le  sermon  d'un  dominicain 
anii-maut  que  Marie  avait  été  conçue  avec  le  péché  originel  fut  con- 
damné en  1457,  ibid.,  p.  252.  Trithème  raconte  qu'un  dominicain  de 
Pforzheim,  ayant  prêché  en  1478  contre  la  pieuse  opinion,  mourut 
frappé  d'apoplexie  ;  qu'un  autre,  Wigand,  ayant  attaqué  à  Francfort 
son  livre  «  de  Laudibus  S.  Annse  »,  1494,  n'avait  trouvé  aucun  écho 
(p.  290,  331  et  seq.).  Depuis  que  la  Faculté  théologique  de  Paris  (3  mars 
1 49())  eut  rendu  son  décret  «  de  Defendenda  Immac.  Concept.  »  (ibid., 
p.  333,  33Ö),  en  quoi  elle  fut  suivie  en  1499  par  celle  de  Cologne  (ibid., 
III,  n,  p.  1,  2),  les  censures  et  les  mesures  de  rigueur  s'accumulèrent 
contre  les  dominicains  récalcitrants  :  en  1497,  Jean  "Verri  et  Jean  Alu- 
tarii  en  furent  atteints  (ibid.,  I,  ii,  p.  336-339).  A  Berne,  en  1509, 
quatre  frères  prêcheurs  furent  brûlés  pour  avoir  essayé  d'expliquer 
par  de  faux  miracles  leur  doctrine  contre  l'Immaculée  Conception 
(ibid.,  p.  348  et  seq.).  Parmi  les  Mineurs,  on  ne  cite  que  Jean  Grillot, 
lequel  fut  obligé,  en  1495,  de  rétracter  ses  sermons  contre  la  pieuse 
opinion  (ib.,  p.  332).  Sixti  IV  const.,  1471,  1483,  c.  i,  n;  1.  III,  tit.  xii, 
in  X  vagg.  com.;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  n,  )).  28't  et  seq.;  Denzinger,  die 
Lehre  von  der  unbell.  Einpt'.,  2''  éd.,  Wiirzb.,  1855,  p.  30  et  suiv.  — 
Jean  de  lUpa  enseignait,  1330  :  «  lidem  et  charitatem  non  esse  pro- 
priam  causam  seu  rationem  meriti,  sed  hanc  esse  divinam  acceptatio- 
nem,  ita  ut  boni  actus  ex  lide  et  charitate  tantum  requirantur  ut  con- 
ditio sine  quo,  in  présent!  statu,  non  autem  necessarie  ad  immorlaleni 
gloriam  adipisccndam.  »  Vers  1350,  le  Mineur  allemand  de  Valenchi- 
nis  enseignait  la  même  chose,  et  prétendait  que  la  dillèrence  du  péché 
véniel  et  du  péché  mortel  provient,  non  de  la  nature  intime  du  péché, 
mais  de  la  miséricorde  de  Dieu,  qui  a  égard  à  la  faiblesse  humaine; 
de  même  (iuillaume  de  Fonlfrèdc,  docteur  de  Paris,  1360,  et  Pierif 
Plaoul.  1  U)9.  Du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  332-334,  369.  —  Conc.  de 
Vienne,  r.  i:  Clem.,  de  Summa  Trin.,  1,  i;  Corp,  jur.  can.,  éd.  Richlei', 


LA    SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIE    KELTOIEUSE.  !•> 

II,  p.  1057  et  seq.;  Bul.,  Hist.  Univ.  Par.,  t.  III,  p.  535-541  ;  Héfelé, 
VI,  p.  475-479.  —  Eng.  IV,  const.,  8  jnillet  1440,  Bull.  Rom.,  éd.  vet., 
I,  p.  359.  —  Assertiones  Pragensinm  dootorum  de  venditione  censuum 
et  reditnnm.  1420  :  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  219.  Snr  la  bulle  de 
Martin  V  Rcgimini  {c.  i,  de  Empt.  et  Vend.,  III,  v,  in  X  vagg.  com.); 
Facult.  theol.  Paris,  sententia  in  certis  quibusdam  pactis  et  conventis 
de  annuo  proventu  pecuniae  an  fœnus  sit  (du  Plessis  d'Arg.,  loc.  cit., 
p.  323). 

Controverse  sur  le  tyrannicide. 

218.  La  lutte  fut  surtout  ardente  entre  les  partisans  et  les 
adversaires  du  meurtre  des  tyrans.  Après  l'assassinat  de  Louis, 
duc  d'Orléans,  accompli  par  ordre  de  Jean,  duc  de  Bourgogne 
(23  novembre  1 407),  le  franciscain  Jean  Petit  {Parvits)  soutint 
le  8  mars  1408  la  thèse  suivante  :  «  Il  est  permis  à  tout  sujet  de 
tuer  ou  de  faire  tuer  un  vassal  criminel  ou  un  tyran  infidèlo.  » 
Gerson,  qui  s'était  lui-même  prononcé  autrefois  pour  le  droit 
de  résistance  à  un  tyran,  et  même  pour  le  tyrannicide,  en 
s'appuyant  de  Cicéron,  se  déclara  résolument  contre  cette  doc- 
trine (U13),  en  invoquant  Jean  de  Salisbury  et  saint  Thomas. 
Après  de  longues  délibérations,  les  évêques,  l'inquisiteur  et 
l'université  de  Paris  (1414)  condamnèrent  les  assertions  de 
Petit;  de  son  côté,  le  duc  de  Bourgogne  en  appela  au  Saint- 
Siège.  Le  concile  de  Constance  (XV  session,  du  6  juillet  1415) 
condamna  cette  proposition  :  «  Tout  tyran  peut  être  mis  à  mort 
par  son  vassal  ou  sujet,  soit  par  ruse,  soit  par  de  secrètes  em- 
bûches, nonobstant  tout  serment  ou  convention  quelconque,  et 
sans  attendre  l'ordre  d'aucun  juge.  » 

La  condamnation  nominale  des  neuf  propositions  de  Petit, 
mort  sur  ces  entrefaites,  condamnation  désirée  par  beaucoup 
de  Français,  combattue  par  d'autres,  notamment  par  les  ordres 
mendiants  dans  un  avis  collectif,  n'eut  pas  lieu,  et  le  jugement 
qui  venait  d'être  rendu  laissait  encore  place  à  de  nouvelles  con- 
troverses, celle-ci  entre  autres,  si,  après  la  sentence  rendue  par 
un  juge  compétent,  l'on  pouvait  se  défaire  d'un  tyran  sans 
ruse,  sans  rupture  de  serment  et  de  convention.  Le  concile,  qui 
ne  voulait  encourager  ni  les  passions  des  sujets  opprimés  ni  la 
tyrannie  des  souverains,  ne  s'expliqua  pas  davantage,  bien  que 
l'enquête  poursuivie  contre  le  dominicain  Jean  de  Falkenberg 
lui  eu  fournît  de  nombreiises  occasions.  Jean,  dans  un  pam- 


iÜ  HISTOIRE    DE   L  EGM.SE. 

plilet  composé  à  l'instigation  de  l'ordre  Toutonique  contre  le  roi 
de  Pologne,  avait  soutenu  qu'il  était  permis  de  le  tuer,  lui  et 
tous  les  Polonais.  11  fut  enfermé  à  Constance,  et  son  livre  con- 
damné au  feu.  Les  députés  des  nations,  chargés  d'informer 
contre  lui,  tombèrent  d'accord  ;  quant  au  jugement,  il  ne  fut 
point  confirmé  dans  une  session  solennelle  du  concile,  malgré 
la  demande  qui  en  fut  faite  à  la  fin  de  l'assemblée,  au  nom  des 
envoyés  de  Pologne  et  de  Lithuanie. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    218. 

Seutentia  Fac.  theol,  Paris,  de  9  assertionibus  Joh.  Parvi.  —  Senten- 
lia  Episc.  et  Inquis.  adv.  Joh.  Parv.,  1413  (ib.,  I,  H,  p.  184-192); 
Gerson.  0pp.  V,  p.  15-42;  Schwab,  p.  430  et  suiv.;  Héfelé,  Vil,  p.  176 
et  suiv.  Ajoutez-y  les  «  Decem  Considerationes  principibus  et  dominis 
utilissimœ  »,  0pp.  IV,  622  et  seq.;  Schwab,  p.  426  et  suiv.;  0pp.  IV, 
6Ö7-680;  Schwab,  p.  499  et  suiv.,  609  et  suiv.,  615  et  suiv.  —  Joh. 
Saresb.,  Polycr.,  III,  xiv,  xv;  IV,  i;  VIII,  xvii  et  seq.;  S.  Thoin.,  Sum., 
28-2*,  q.  XLU,  art.  2,  ad  3;  q.  lxix,  a.  4  ;  de  Regim.  princ,  i,  i  et  seq., 
6,  16;  Natal.  Alex.,  saec.  XV,  c.  u,  a.  4,  n.  3,  4,  t.  XVII,  184  et  seq.  ; 
Schwab,  p.  612  et  suiv.;  Héfelé,  p.  178  et  suiv.;  Conc.  Const.,  sess.  XV 
et  XVI;  Mansi,  XXVII,  765;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  186-192,  215  et 
seq.;  Schwab,  p.  622,  633  et  suiv.,  646;  Héfelé,  p.  181,  343,  367  et 
suiv.;  mon  ouvrage  :  K.  Kirche,  p.  475-485. 

La  mystique. 

La  mystique  en   général.    —  Gerson   et   la    mystique.    — 
Ruysbroek.  —  Dernières  années  de  Gerson. 

219.  La  mystique,  qui  se  cultivait  surtout  dans  les  monas- 
tères, loin  du  tumulte  du  monde,  essayait  de  satisfaire  aux 
besoins  du  cœur,  en  rendant  la  théologie  plus  intime  et  plus 
vivante.  Ses  progrès  étaient  en  proportion  de  la  décadence  de 
la  .scolaslique  ;  mais  quand  elle  cessa  de  s'appuyer  sur  celle-ci, 
elle  tomba  dans  le  vague  et  dans  l'obscur,  et,  destituée  d'une 
base  solide,  s'égara  souvent  dans  un  faux  mysticisme,  il  ne  fal- 
lait point  qu'elle  sortît  du  terrain  de  la  foi  et  de  la  réalité,  que 
lu  pensée  de  Dieu  lui  eidevàt  le  sentiment  de  la  personnalit«' 
liumaine,  (pi'elle  renonçât  à  la  précision  des  idées,  ni  surtout  à 
l'esprit  de  pénitence  et  d'humilité.  Les  papes,  les  évêques,  les 
in(juisit(îurs ,  les  univer.sitès,  travaillèrent  à  écarter  les  faux 
principes,  (l'e.st  ainsi,  par  e.\emple.  que  la  proposition  .suivanti' 


LA    SCIEKCE,   l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  d" 

fut  plus  d'une  fois  censurée  :  «  11  faut  faire  toutes  choses  par 
pur  amour  de  Dieu  et  sans  espoir  d'une  récompense  éternelle, 
ce  qui  serait  un  péché  mortel  ;  »  de  même  que  celle-ci  : 
«  S'exercer  aux  actes  de  vertu  est  le  fait  d'un  homme  impar- 
fait, car  le  parfait  trouve  son  bonheur  en  lui-même;  la  vraie 
perfection  dispense  de  l'obéissance  ecclésiastique.  » 

Jean  Charlier  de  Gerson  essaya,  en  se  rattachant  étroite- 
ment aux  victorins  et  à  saint  Bonaventure,  qu'il  tenait  en  par- 
ticulière estime,  de  donner  à  la  mystique  une  base  solide  et 
vraiment  scientifique,  de  la  présenter  comme  une  sorte  de  phi- 
losophie pratique  de  la  vie,  philosophie  supérieure  et  qui  ab- 
sorbe l'homme  tout  entier.  Elle  consiste  à  acquérir  la  connais- 
sance de  Dieu  par  les  expériences  de  la  vie  intime  et  à  s'unir 
directement  à  Dieu  par  l'exercice  de  la  charité.  La  mystique, 
aux  yeux  de  Gerson,  est  l'art  d'aimer,  c'est  la  vraie  piété  ;  elle 
s'appuie  sur  la  considération  de  la  beauté  divine  et  sur  la  con- 
naissance de  notre  propre  faiblesse  :  c'est  ce  qu'on  nomme  la 
prière. 

La  mystique  se  divise  en  spéculative  et  en  pratique;  elle 
suppose  la  psychologie  et  a  pour  objet  le  bien,  de  même  que  la 
scolastique  a  pour  objet  le  vrai.  Gerson  indiquait  certains 
moyens  pratiques  de  rendre  la  mystique  de  plus  en  plus  par- 
faite, et  il  blâmait  les  ouvrages  mystiques  où  l'on  s'écartait  des 
doctrines  des  saints  docteurs  et  des  décisions  de  l'Église,  notam- 
ment celui  qui  lui  fut  communiqué  par  un  chartreux  et  qui 
avait  pour  titre  :  de  la  Parure  des  noces  spirituelles,  composé 
par  le  prieur  des  chanoines  réguliers  de  Griinthal,  près  de 
Bruxelles,  Jean  Ruysbroek  {doctor  extaticus),  mort  en  1381,  et 
que  son  confrère  Guillaume  Jordaens  traduisit  en  latin  pour 
aider  à  sa  propagation.  Il  y  reprenait  surtout  les  propositions 
suivantes  :  «  L'âme  arrivée  au  degré  de  la  parfaite  contem- 
plation, non  seulement  voit  Dieu  par  cette  lum-ère  qui  est 
l'essence  divine,  mais  elle  est  elle-même  la  lumière  divine; 
elle  perd  son  être  propre,  pour  devenir  conforme  à  l'être  divin 
et  s'absorber  en  lui  »,  etc. 

Jean  de  Schœnhofen,  disciple  de  Ruysbroek,  essaya  de  jus- 
tifier son  maître,  que  plusieurs  vénéraient  comme  1'  «  organe 
du  Saint-Esprit  »  ;  mais  il  ne  put  convaincre  Gerson,  lequel, 
sans  vouloir  nier  que  le  langage  du  maître  fût  susceptible  d'un 

V.  —  HIST.  DE  l'église.  2 


18  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

sens  juste,  trouvait  les  expressions  incorrectes  et  fautives.  Son 
apolof^iste  avait  raison  en  ce  sens  tjuo  Ruysliroek  combattait 
résolument  la  secte  du  libre  esprit  et  soutenait  que  la  nature 
créée  ne  peut  jamais  être  absorbée  dans  la  nature  incréée. 

Gerson  profitait  aussi  de  toutes  les  occasions,  par  exemple,  de 
ses  sermons  sur  les  souffrances  du  Sauveur  et  des  drames  de  la 
Passion,  fréquents  à  cette  époque,  pour  répandre  l'esprit  de  la 
vraie  piété.  l*ersécuté  par  Jean,  duc  de  Bourgogne,  il  se  réfugia 
en  Bavière  et  y  composa,  sur  le  modèle  de  Boëce  et  de  Jean  de 
Tambacho,  dominicain  exilé  (mort  en  1373),  les  quatre  livres 
de  la  Consolation  de  la  théologie,  afin  de  s'animer  lui-même  et 
d'animer  les  autres  à  conserver  cette  égalité  d'esprit  qu'enseigne 
le  christianisme.  Après  la  mort  du  duc  (10  septembre  1419), 
Gerson  se  rendit  à  Lyon,  où  il  vécut  dans  la  retraite  et  dans  la 
société  des  chartreux,  tout  entier  aux  exercices  de  la  piété  et  à 
l'instruction  religieuse  des  enfants.  Il  expliqua  le  Cantique  des 
cantiques,  composa  d'autres  écrits,  et  mourut  en  grande  répu- 
tation de  sainteté  (12  juillet  i429j. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  219. 

Outre  les  ouvrages  cités,  V,  g  317,  voy.  Chr.  Schmidt,  Essai  sur  les 
mystiques  du  quatorzième  siècle,  Strassb.,  1830,  et  Études  sur  le 
mysticisme  allemand,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques,  Par.,  1847.  Die  Gottesfreunde  im  XIV  lahrh., 
léna,  1854  et  suiv.  (Beitr.  zur  theol.  Wiss.  v.  Reusz  u.  Cunitz  V);  iNikol. 
V.  Basel,  Leben  u.  ausgewaehlte  Schriften,  Vienne,  1866;  Galle,  Geistl. 
Stimmen  aus  d.  M.-A.,  Halle,  1841  ;  Bœhringer,  K.-G.  in  Biograph.,  II 
abth.,  m,  iv;  Pfeiffer,  Deutsche  Mystiker  des  XIV  lahrh.,  Leipzig,  1845 
et  suiv.;  W.  Wackernagel,  Gesch.  der  deutschen  Lit.,  H,  m,  Bâle,  1853; 
llamberger,  Stimmen  aus  dem  Heiliglhum  der  christl.  Mystik.,  Stuttg., 
1837;  Lasson  in  Ueberweg's  Gesch.  der  christl.  Philos.  (1868),  III, 
p.  2t7  ;  Preger,  Vorstudien  zur  Gesch.  der  deutschen  Mystiker  (Ztschr. 
für  histor.  Theo!.,  1869). — Greith  (évoque),  die  Deutsche  Mystik  im 
Predigerorden,  Frib.,  1861;  Gœrres,  Einl.  zu  Heinr.  Suso's  Leben  u. 
Schriften  von  Diepenbrock,  p.  xxv  et  suiv.;  Denzinger,  Vier  Bücher  von 
der  relig.  Erkenntnisz,  Würzb.,  1856,  I,  p.  328  et  suiv.  —  Gerson 
(doetor  chrislianissimus),  Considerationes  de  tlieol.  mystica,  Opp.  III, 
301-422;  Trarl.  de  elucidatione  scholaslica  mysticoc  theologiœ,  ib., 
p.  422-428;  Hundeshagen,  Ztschr.  f.  bist.  Tlieol.,  1834,  t.  IV,  i,  p.  79 
et  suiv.;  Liebner,  dans  les  Studien  und  Kritiken,  1835,  II,  p.  277  et 
suiv.;  Engelhardt,  de  Gersone  mystico  (Erlanger  Progr.,  1822-1824); 


LA    SCIKNCIC,    l'art  ET    LA    VIE   RELIGIEUSE.  d9 

Jourdain,  Doctrina  Joli.  Gers,  de  theol.  myst.,  Par.,  1837;  Schmidt, 
Essai  sur  J.  Gerson,  Strassb.,  1839;  Ttiomassy,  Jean  Gerson,  Par,, 
1843;  Schwab,  Gerson,  p.  325-375.  —  Rusbrochii  Opera  (Spéculum 
salulis  a-lerntC  —  Summa  tolius  vitae  spii'itualis  —  In  tabernaculum 
Moysis,  etc.),  latine,  per  Surium,  Colon.,  1355,  1692.  Autres  ouvrages 
de  lui  :  Arnswald,  Vier  Schriften  von  Job.  Rusbr.  in  niederdeutscher 
Sprache,  Hannov.,  1848;  Weiteres  in  flœmisclier  Sprache  edirt  von 
Prof.  David  von  Lœven,  Werken.  Gent,  1858;  Dat  boec  van  VII  Trap- 
pen in  den  graet  der  gheesteliken  Minnen.  Dat  boec  van  VII  sloten., 
etc.,  1862;  Engelhardt,  Hugo  v.  St.  Victor  und  Job.  Ruysbroeck, 
Erlangen,  1838;  Chr.  Shmidt,  Étude  sur  Jean  Rusbr.,  Strassb.,  1863; 
Stœckl,  11,  p.  1137  et  suiv.  Contre  le  livre  de  Ornatu  spiritualium  nup- 
tiaruni  :  Gerson,  Ep.  ad  fratrem  Bartholom.,  0pp.  I,  59-63.  Contre 
Gerson  :  Libellus  fratris  Job.  de  Schœnovia,  ib.,  p.  63-78.  Réponse  de 
Gerson,  1408,  Ep.  contra  defensionem,  ib.,  p.  78-82;  du  Plessis  d'Arg., 
I,  11,  p.  152;  Natal.  Alex.,  sœc.  XIV,  c.  v,  a.  6,  n.  3,  t.  XV,  p.  294  et 
seq.;  Schwab,  p.  357  et  suiv.;  Werner,  III,  p.  501  et  suiv.  Gerson,  sur 
la  Passion,  Ami  de  la  religion,  26  mars  1853,  p.  741-746;  Joh.  de 
Tambacho,  0.  S.  D.,  Spéculum  patientiœ  de  consolatione  theologi*, 
éd.  Par.,  1493;  Gerson,  de  Consolatione  theologiae  libri  IV,  0pp.  I, 
129-184;  Schwab,  Gerson,  p.  758  et  suiv. 

La  «  Théologie  allemande  ».  —  Sociétés   de  mystiques.  — 
Tauler,  Suso,  etc. 

220.  En  Allemagne,  les  doctrines  de  maître  Eckhart  (t.  IV, 
p.  220)  gardèrent  encore  longtemps  leur  influence;  quelques- 
uns,  comme  l'auteur  allemand  inconnu  d'un  système  de 
mysticisme,  essayaient  de  se  rapprocher  de  la  doctrine  de 
l'Église.  La  «  Théologie  allemande  »,  composée  probablement 
dans  la  maison  des  chevaliers  Teutoniques  de  Francfort,  entre 
1380  et  1430,  si  vantée  plus  tard  par  Luther,  suivait  un 
panthéisme  plus  pratique  qne  logique,  fondé  snr  l'idée  du 
bien.  Nous  y  trouvons,  présentées  sous  une  forme  singulière, 
les  propositions  suivantes  :  «  Dieu  est  tout  et  tout  le  reste  n'est 
rien;  l'être  fini  est  le  rien,  le  péché,  en  tant  qu'il  existe  par 
soi,  qu'il  est  individuel  et  lié  à  notre  volonté  propre.  La  vie 
chrétienne  commence  par  le  dépouillement  de  la  volonté 
propre,  en  demeurant  dans  un  état  passif  dans  lequel  on  laisse 
tout  faire  à  Dieu.  L'homme  devient  un  avec  Dieu  par  l'amonr, 
cet  amour  en  vertu  duqtiel  Dieu  n'aime  en  nous  que  lui- 
même.  »  Comme  les  vues  principales  de  l'auteur  sont  erronées, 


20  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

plus  d'une  pensée  pieuse  et  édifiante  empruntée  aux  anciens 
mystiques  y  apparaît  sous  un  jour  aijsoluiuent  équivoque. 

Déjà  du  temps  de  Louis  de  Bavière  et  pendant  l'interdit,  on 
voyait  des  ecclésiastiques  et  des  laïques  se  réunir  pour  entrete- 
nir et  vivifier  la  vie  religieuse  parmi  le  peuple,  combattre  les 
tendances  de  la  secte  du  libre  esprit  et  propager  des  écrits 
édifiants.  Ces  réunions  mystiques,  encouragées  par  les  domini- 
cains, s'étendirent  du  nord-ouest,  en  suivant  le  cours  du  Rhin, 
jusqu'en  Bavière  et  en  Suisse,  et  s'appelèrent  «  l'Alliance  des 
vrais  amis  de  Dieu  ».  Il  est  regrettable  que  leurs  membres, 
qui  pouvaient  entretenir  dans  beaucoup  d'âmes  la  vie  reli- 
gieuse, n'aient  pas  toujours  su  éviter  les  allures  périlleuses 
des  sectaires. 

On  répandait  alors  les  écrits  d'un  Bâlois  surnommé  l'Ami 
de  Dieu  ;  le  livre  des  Neuf  Rochers,  composé  par  le  Stras- 
bourgeois  Rulman  Merswin,  que  l'augustin  Jean  de  Schaftol- 
shein,  vicaire  général  de  Strasbourg,  traduisit  en  latin  —  c'était 
une  peinture  animée  des  vices  religieux  de  cette  époque  —  mais 
surtout  les  écrits  des  deux  dominicains  Jean  Tauler  (né  en 
1290,  religieux  depuis  1308,  prédicateur  ardent  et  aimé  du 
peuple,  mort  en  1361)  et  Henri  Suso  ou  Seuse  (de  Berg), 
surnommé  Amandus  (né  en  1300,  mort  en  1365).  Brûlants  de 
charité,  intéressants  dans  leur  exposé,  mais  non  entièrement 
affranchis  des  idées  de  maître  Eckhart,  ni  par  conséquent 
d'expressions  incorrectes,  ces  deux  hommes  ont  rendu  à  plu- 
sieurs d'éminents  services  et  relevé  la  mystique  allemande,  qui 
se  transplanta  jusque  dans  la  haute  Italie.  Henri  de  Nœrdlingen  ; 
Conrad,  abbé  de  Kaisersheim;  beaucoup  de  chevaliers  de  Saint- 
Juan  et  de  prêtres,  des  religieuses  en  grand  nombre,  mais  sur- 
tout les  nonnes  d'ljnterliii(h:;n  près  de  Colmar,  d'Adelhausen  à 
Fribourg-en-Brisgau ,  d'Engelthal  et  de  Marie  Medingen,  et 
parmi  elles  les  sœurs  Marguerite  et  Christine  Ebner,  cette  der- 
nière par  ses  écrits  (morte  en  135r)),  entretenaient  un  commerce 
littéraire  très  actif  sur  des  objets  de  la  vie  intérieure.  Otton 
de  Passau,  lecteur  chez  les  carmes  déchaussés  de  Bâle,  com- 
posa en  {"i^V*  les  vinr/t-rpiatre  Anciens ;\q  laïque  Hermann  de 
Fritzlar  écrivit,  dans  un  stylo  pieusement  naïf,  ses  Vies  des 
Saints,  et  Ludolphe  do  Saxe,  d'abord  dominicain,  chartreux 
dopuis  1330,  rédigea  son  excellente  Vie  de  Jésus-Christ. 


LA    SCIEWCE,    l'art   ET   LA    VIE    RELIGIEUSE.  21 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES   SUR   LE   N"   220. 

L'auteur  anonyme  de  la  Méthode  d'enseignement  du  mysticisme, 
dans  Greith,  loc.  cit.,  p.  96-203.  La  «  Théologie  allemande  »,  éditée  en 
partie  par  Martin  Luther,  qui  la  tenait  pour  l'œuvre  de  Tauler,  1516;  puis 
par  Grell,  Berlin,  1817,  1818;  par  Krüger,  Lemgo,  1822;  par  Detzer, 
Ed.,  1827;  par  Troxier,  St.-Gall,  1837;  le  mieux  par  Fr.  Pfeiffer,  Stuttg., 
1851,  Leipzig,  1858.  Voy.  Lisco,  die  Heilslehrc  der  Theologie  dlsch., 
Stuttg.,  1857  ;  Reit'enrath,  die  Deutsche  Theologie  des  Frankfurter  Got- 
tesfreundes, Halle,  1863  ;  Staudenmaier,  Philos,  des  Christenthums,  I, 
p.  654  et  suiv.;  Stœckl,  II,  p.  1149.  Cet  ouvrage  est  autre  que  celui  de 
Berthold  de  Chiemsee  (VII,  §  365),  sous  le  même  titre.  Preger  (Revue 
de  théol.  histor.,  en  ail.,  1869,  p.  137  et  suiv.)  a  donné  des  raisons 
importantes  en  faveur  du  sentiment  selon  lequel  le  célèbre  Oberlan- 
dais  l'Ami  de  Dieu  serait  né  en  1317.  A.  Lutolf  (Annales  de  l'histoire 
suisse,  en  allem.,  I,  p.  1-46,  Zurich,  1870),  et  Denifle  (Feuilles  histo- 
riq.  politiq.,  1875,  t.  LXXV,  p.  25  et  suiv.)  ont  prouvé  que  l'Ami  de 
Dieu  était  le  fils  d'un  riche  marchand,  et  non  pas  ce  Nicolas  de  Bâle 
qui  fut  exécuté  en  1409,  car  il  vécut  jusqu'en  1420.  On  a  de  lui  treize 
écrits,  dont  quatre  inédits  :  ainsi,  le  Livre  des  cinq  hommes  (1377), 
Exhortations  et  Prières  pendant  la  grande  mort  (1350),  Histoire  de  la 
conversion  de  Tauler.  Voy.  Bœhmer,  dans  le  Damaris  de  Giesebrecht, 
1865,  p.  148  et  suiv.  Nicolas  de  Laufen  était  le  secrétaire  de  Rulmann 
Merswin  (mort  en  1382);  il  entra  plus  tard  dans  les  ordres  et  résida 
chez  les  Johannites  du  Grunen-Wœrth,  à  Strasbourg.  Le  livre  «  des  Neuf 
Rochers  »,  attribué  autrefois  à  H.  Suso,  est  de  Merswin.  La  pi'opagation 
de  la  mystique  allemande  dans  la  haute  Italie  est  attestée  par  une 
lettre  du  dominicain  Venturino,  de  Bologne,  à  Egenolf,  de  Strasbourg, 
1336  (Quetif,  I,  678).  —  Florentii  Radewijns,  Tractatulus  devotus  de 
exstirpatione  vitiorum  et  passionum  et  acquisitione  v.  virtutum,  seu  de 
spiritualibus  exercitiis,  éd.  H.  Nolte,  Frib.,  1862.  Jean  Tauler,  «  doctor 
subtilis  et  illuminatus  »,  0pp.  kit.,  éd.  Surius,  Colon.,  1548.  «  Mediilla 
animse  »  et  quelques  œuvres  partielles  ont  été  éditées  à  part.  Méditations 
sur  la  vie  pauvre  de  Jésus-Christ  ;  la  meilleure  édition  est  de  Schlosser, 
Frankf.,  1833.  Sermons,  3  vol.,  Frankf.,  1826;  Pischon,  Denkmseler 
der  deutschen  Sprache,  Berl.,  1840,  II,  p.  270  et  suiv.;  Schmidt,  in 
Herzogs  Real-Encyklopsedie ,  XV,  p.  485  et  suiv.;  Henricus  Suso 
(Seuse),  Amandus,  0pp.,  éd.  Aug.  Vind.,  1482,  1512  et  seq.;  Colon., 
1553.  Sa  vie  et  ses  écrits,  par  Diepenbrock,  Ratisbonne,  1837  et  suiv.; 
Geistliche  Bliithen  von  Suso,  Bonn,  1834;  Patris  Amandi  Horologium 
sapientiœ,  Colon.,  1856;  Schmidt,  der  Mystiker  H.  Suso,  Theol.  Stu- 
dien u.  Kritiken,  1843,  IV;  Heinr.  Amandus  Leben  und  Scriften, 
Vienne,  1863  et  suiv.;  Bœhmer,  Damaris,  1865,  p.  291  et  suiv.;  Freib. 


22  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

Diœcesanarchiv,  1868,  l.  III  ;  Stœckl,  II,  p.  112!)  et  suiv.;  Briefe  Suso's, 
éd.  von  Preger,  Munich,  1872.  Controverses  entre  lui  et  R.  Kœhler  à 
Weimar,  dans  Ztschr.  f.  deutsch.  Alterth.,  N.  F.,  t.  XIX,  p.  346  et 
suiv.;  XX,  p.  373  et  suiv.;  XXI,  p.  89  et  suiv.;  Denifle,  0.  Pr.,  Heinrich 
Seuse's  Schriften,  Munich,  1876,  t.  1,  abth.  I,  Autres  ouvrages,  voyez 
§  205.  Otton  de  Passau,  lecteur  chez  les  carmes  déchaussés  de  Bâle, 
composa  en  1386  le  livre  «  les  24  Anciens  »,  Augsb.,  1480.  Hermann  v. 
Fritzlars  Heiligenleben,  ed.  Pfeiffer,  Deutsche  Mystiker,  I,  Leipzig, 
1846.  Voy.  Gervinus,  Gesch.  der  poet.  Nationalliteratur  der  Deutschen, 
II,  p.  138  et  suiv.  Lutlolphe  de  Saxe  a  composé  une  Vie  de  Jésus-Christ 
d'après  les  quatre  Évangiles  et  les  Pères,  puis  une  «  Enarratio  »  sur  les 
Psaumes.  Voyez  encore  le  Buochlin  von  der  Tochter  Sion,  ed.  D. 
Schade,  Berlin,  1849. 

Saints  personnages  des  deux  sexes. 

221.  En  pratique,  la  mystique  était  alors  représentée  sous 
sa  forme  la  plus  noble  par  une  multitude  de  saintes  femmes, 
telles  qu'Ângèle  de  Foligno,  morte  en  1309,  qui  retraça  dans 
sa  Théologie  de  la  croix  le  tableau  de  ses  luttes  et  de  ses 
souffrances;  Catberine  de  Sienne,  morte  en  1380,  qui  a  laissé 
des  lettres,  des  dialogues  et  des  révélations,  et  déployé  un 
courage  viril  pour  la  défense  du  Saint-Siège  si  souvent 
opprimé,  tout  en  blâmant  hardiment  les  vices  de  la  cour  de 
Rome;  Brigitte  de  Suède,  veuve  depuis  134i,  morte  en  1373, 
renommée  pour  des  révélations  qu'elle  aurait  reçues  de  Jésus- 
Christ  même,  et  qui  ont  été  admises  par  d'excellents  théolo- 
giens; sa  fille  Catherine  de  Suède,  morte  en  1381,  au  couvent 
de  Wadstena;  Catherine  de  Bologne,  morte  en  1463,  connue 
aussi  pour  ses  révélations;  Cathermc  de  Gênes,  de  la  famille 
des  Fieschi,  auteur  de  traités  et  de  dialogues  mystiques 
(morte  en  1474);  Lidwine  de  Schiedam,  née  en  1380,  morte  en 
1433,  qui,  dans  un  corps  cruellement  affligé  et  presque  entiè- 
rement détruit,  mais  qui  reprit  sa  forme  intacte  quelques 
instants  seulement  avant  sa  mort,  expiait  les  péchés  de  l'Église. 

Parmi  les  hommes,  nous  nommerons  surtout  :  Laurent 
.luslinien,  Jean  Dominici  (§  107),  saint  Bernardin  de  Sienne 
(§  207)  et  les  frères  de  la  Vie  commune  (§  203),  notamment  le 
second  supérieur  Florent,  puis  Thomas  Hœraerken,  surnommé 
à  Kempis,  prêtre  et  sous-prieur  des  augustins  au  mont  Agnès, 


LA    SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIR   RELIGIEUSE.  23 

près  de  Zwoll,  mort  en  1471,  et  enfin  le  pieux  chartreux  Denis, 
mort  en  1471. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N«   221. 

Angela  Fulgin.  :  Acta  SS.,  4  jun.  Cathar.  Sen.  (cf.  §  42),  canonisée 
en  1461  :  Cliavin  de  Malan,  Histoire  de  sainte  Catherine  de  Sienne  (en 
franc,  et  en  allem.,  Ratisb.,  1847);  Luigi  iMontella,  Vita  di  S.  Cat.  da 
Siena,  Napoli  1854  ;  Alf.  Capecelatro  (Orat.),  Storia  di  S.  Cat.  da  Siena  e 
del  Papato,  del  suo  tempo,  Nap.,  18Ö6,  2  vol.,  Fir.,  1859;  en  allem., 
Würzb.,  1873;  Alcuni  miracoli  di  S.  Cat.  da  Siena  secondo  che  sono 
narrati  da  un  anonimo  suo  contemporaneo,  Siena,  1862;  Hase,  Kath.  v. 
Siena,  ein  Heiligenbild,  Leipzig,  1804  (protestant  et  rationaliste).  Bri- 
gilla  Suec,  ou  plutôt  Birgitta  de  Birger  :  voy.  Fred.  Hammerich,  S'* 
Birgitta,  en  allem.,  par  Michclseu,  Gotha,  1872  ;  Acta  SS.,  t.  IV.  Oct., 
p.  368-360.  Sa  canonisation,  déjà  introduite  sous  Urbain  VI,  fut  accom« 
plie  en  1391  par  Boniface  IX.  En  141.T,  les  ambassadeurs  suédois  en 
demandèrent  à  Constance  la  conürmation.  Jean  XXIII  l'accorda  le  2  fé- 
vrier 1413.  Elle  donna  lieu  à  des  doutes  et  provoqua  un  nouvel  examen 
de  ses  Révélations,  qu'elle  avait  elle-même  déjà  remises  à  Urbain  V. 
Gerson  composa  dans  le  mois  d'août  son  <c  de  Probatione  spirituum  », 
0pp.  I,  37-43.  Plus  tard  (1419),  Martin  V  renouvela  à  Florence  sa  cano- 
nisation. Aucun  des  décrets  de  canonisation,  bien  qu'ils  mentionnent 
les  visions  et  révélations  dont  elle  fut  favorisée,  n'avait  approuvé  les 
Révélations,  telles  qu'on  les  possédait  par  écrit  (éd.  Antwerp.,  1611  ; 
Colon.,  1628;  Monach.,  1680;  en  suédois  :  Heliga  Brittigitâs  Uppen- 
barchoen.  Stock.,  1861).  Vers  1433,  quelques  moines  du  couvent  de 
Wadstena,  fondé  par  la  sainte,  adressèrent  au  concile  de  Bâle  divers 
documents,  à  l'occasion  des  Révélations,  combattues  par  plusieurs  et 
adoptées  par  d'autres.  A  Bâle,  les  opinions  étaient  partagées.  Jean  de 
TuiTecremata  soutint  les  123  passages  attaqués,  ainsi  que  l'ensemble 
(Mansi,  XXX,  698-814);  mais  le  concile  n'alla  pas  plus  loin.  En  1446, 
plusieurs  Suédois  ürent  accréditer  à  Rome  l'apologie  du  livre  par  Tur- 
recremata;  il  fut  reconnu  qu'il  pouvait  servir  à  l'édification,  mais  qu'on 
n'était  pas  obligé  de  l'admettre  «  de  fide  ».  Bened.  XIV,  de  Canonis.  SS., 
lib.  II,  c.  XXXII  ;  III,  c.  lui;  Schwab,  p.  364-367;  Héfelé,  Vil,  p.  80  et 
suiv.,  539  et  suiv.  Cathar.  Suec,  morte  en  1381,  canon,  en  1474  : 
Acta  SS.,  20  mart.  Cathar.  Bonon.,  morte  le  9  mars  1463,  canon,  en 
1712  :  Revelationes  S.  Cath.  Bon.  (écritesen  1438),  éd.  Bon.,  1511,  1536; 
Venet.,  1583.  Cathar.  Januens.  :  Martyrol.,  22  mart.;  Marabotti,  Vita 
Cath.,  jan.  1551  (morte  le  14  sept.  1510).  Lidwina,  morte  en  1433  :  Acta 
SS.,  14  avril;  Schmœger,  das  Leben  der  gottseligen  Anna  Katharina 
Emmerich,  l,  p.  165  et  suiv.  —  Laurent.  Justinian.  (Vita,  par  Bern. 
Giustiniani,  ambassadeur  vénitien  auprès  de  Sixte  IV;  Acta  SS.,  die 


24  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

8  jan.)  0pp.,  éd.  Basil.,  1560;  Venet.,  1606,  1751  ;  Colun.,  1616.  Ber- 
nardin. Sen.  :  Wadding,  Annal.  Min.,  t.  IV,  V  ;  Florent.  Radew.,  Trac- 
latulus  dévolus,  etc.  (§  220);  Thoin.  a  Kempis,  Opuscula  (Soliloquia  — 
Hortulus  rosarum  —  Valus  liliorum  —  Hospitale  pauperum  —  de  Soli- 
tudine  et  Silentio  —  Hymni  et  Cantica  —  Vitae  beatorum),  éd.  Henr. 
Sommalius,  S.  J.,  Antw.,  1600-1607,  1615;  Colon.,  1728,  1757;  éd. 
Kraus,  Trev.,  1868,  Sur  le  livre  de  l'Imitation  de  Jésus-Christ,  imprimé 
plusieurs  centaines  de  fois  et  traduit  en  sept  langues  (Weigl,  Ratisb., 
1837),  voy.  V,  §  356.  Ouvrages  à  consulter  sur  la  controverse  :  voyez 
encore  Fabric,  Bibl.  med.  et  inf.  latin.,  s.  h.  v.;  du  Pin,  de  Auct.  libri 
de  Imit.  Christi,  in  0pp.  Gers.,  1,  121;  Amort,  Scutum  Kempense, 
appendice  à  son  édition,  Colon.,  1757,  et  Deductio  critica,  Aug.  Vin- 
del.,  1761  ;  Schrœck,  K.-G.,  t.  XXXIV,  p.  313  et  suiv.;  Gregory,  Mémoire 
sur  le  véritable  auteur  de  l'Imit.  de  J.-Chr.,  revu  par  le  comte  Lanjui- 
nais.  Par.,  1827,  trad.  par  Weigl,  Sulzb.,  1832  ;  Silbert,  Gersen,  Gerson 
u.  Kempis,  welcher  ist  Verfasser?  Vienne,  1828  ;  Gregory,  Bist,  du 
livre  de  l'Ini.  de  J.-Chr.  et  son  véritable  auteur,  Paris,  1842  et  seq., 
2  vol.;  Baehring,  Thomas  v.  Kempen,  Berlin,  1849;  Malou,  Recherches 
bist,  et  critiq.  sur  le  véritable  auteur  de  l'Im.,  Paris  et  Tournay,  1858 
et  suiv.;  Tub.  Theol.  Quartalschr.,  1859,  p.  319  et  suiv.;  Mooren,  Nach- 
richten über  Thomas  v.  K.,  Crefeld,  1855;  Nolte,  zur  Gesch.  des 
Büchleins  V.  d.  Nachfolge  Christi  (Scheiner  u.  Hieusle's  Th.  Ztschr., 
Vienne,  1855,  VII,  h.  1,  2);  F.-X.  Kraus,  dans  Augsb.  Allg.  Ztg.,  1872, 
n°  201  ;  Dionys.  Carthus.,  Comment,  in  libr.  sacros,  Colon.,  1530  et 
seq.;  Com.  in  Dion.  Areopag.,  Colon.,  1536;  Acta  SS.,  12  niartii, 
p.  245  et  seq. 

Morale  et  droit  eanou. 

222.  La  morale  doit  d'importants  services  aux  auteurs  sui- 
vants :  Jean  Gerson,  saint  Antonin  de  Florence,  un  franciscain 
du  quatorzième  siècle  connu  sous  le  nom  d'Astesanus,  auteur 
d'une  casuistique  fort  en  vogue  et  intitulée  Swnma  Astesana; 
le  dominicain  Barthélémy  de  Saint-Concordio,  à  Pise,  mort  en 
1317,  autour  d'un  ouvrage  analogue  (Siimma  Pisanella, 
Bartholina),  dont  le  franciscain  Angélus,  mort  on  1495,  a 
extrait  la  Summa  Angelica,  où  les  cas  sont  rangés  dans  l'ordre 
alphabéti(]ue.  L'ordre  des  Mineurs  surtout  a  fourni  beaucoup 
de  casuistes,  entre  autres  Jean-Baptiste  Trovamalo  {Summa 
Rosella),  Jean-Baptiste  Salvis,  Pacifico,  etc.  Pierre  Schott, 
chanoine  de  Strasbourg,  mort  en  1499,  composa  différentes 
Questions  sur  la  conscience. 


LA    SCIENCE,    L  ART   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  2o 

Dans  le  droit  canon  même,  la  casuistique  occupait  le  premier 
rang;  on  attachait  une  grande  importance  aux  ouvrages  prati- 
ques et  détaillés  où  des  sujets  choisis  étaient  traités  à  part. 
Un  des  auteurs  saillants  fut  Jean  Andreae,  mort  en  4348, 
professeur  renommé  de  Bologne;  il  travailla  sur  l'histoire  de 
la  littérature  juridique,  expliqua  en  particulier  les  décrétales  de 
Boniface  VIII,  et  composa  divers  ouvrages  estimés.  Son  école 
produisit  :  Azo  de  Ramaughis,  son  fils  Bonincontrus ,  son 
disciple  Jean  Calderinus  (mort  eu  i36o),  Paul  de  Liazariis 
(mort  en  1356).  On  comptait  encore  parmi  les  canonistes  de 
marque  :  Pierre  Bertrand!,  professeur  des  deux  droits  avant 
son  épiscopat,  mort  en  1331;  Albérie  de  Rosate;  Bartole  de 
Sassoferrato,  mort  vers  1359  ;  Boniface  de  Mantoue,  professeur 
à  Avignon  en  1352;  Jean  de  Lignano,  k  Bologne,  mort  en  1383; 
Baldus  de  Ubaldis,  mort  à  Pavie  en  1400;  Nicolas  Eymeric, 
dominicain  et  inquisiteur  espagnol  (vers  1393);  Pierre  de  Ancho- 
rano,  inorten  1416  ;  son  disciple  Antoine  Butrio,  mort  en  1408; 
Jean  d'Imola,  mort  en  1436;  Nicolas  de  Tudeschis,  archevêque  de 
Palermo,  mort  en  1443;  les  cardinaux  Zabarella  et  Turrecre- 
mata;  André  de  Barbatia,  mort  en  1479;  Alexandre  Tartagnus, 
mort  en  1477,  disciple  de  Jean  d'Anagni,  mort  en  1457. 

L'Italie  continuait  de  fournir  la  plupart  des  canonistes.  Eu 
Allemagne,  Henri  d'Odendorp,  de  Cologne,  recteur  de  l'univer- 
sité de  Vienne  en  1385,  écrivit  sur  quelques  parties  du  Corpus 
juris  canonici;  il  en  fut  de  même  de  plusieurs  autres  profes- 
seurs de  droit  canon,  dont  un  grand  nombre  déjà  apparte- 
naient à  la  classe  des  laïques. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N"    222. 

Jean  Gerson,  Definitiones  terminoruin  ad  theologiam  moralem  per- 
tinentium;  St.  Antonin,  Summa  theologica.  Cf.  Natal.  Alex.,  ssec.  XV, 
c.  V,  a.  4,  t.  XVII,  p.  337-339  ;  Summa  Pisanella,  éd.  1473.  Canonistes  : 
Natal.  Alex.,  t.  XV,  p.  289  et  seq.,  sœc.  XIV,  c.  iv,  art.  't;  t.  XVII, 
p.  339  et  seq.,  saec.  XV,  c.  iv,  a.  3,  a.  2,  p.  331  ;  Schulte,  Lehrb.  d. 
K.-R.,  2«  éd.  (1868),  p.  73  et  suiv.,  84  et  suiv.;  Lederer,  der  span. 
Card.  Joh.  v.  Turrecremata,  Frib.,  1879.  Sur  Odendorp,  Aschbach, 
Gesch.  d.  "Wiener  Univ.,  p.  113  ;  comp.  p.  430. 


26  HISTOIRE  üE  l'Église. 

Li'hunianisme. 

Les  études  classiques. 

223.  Le  réveil  des  études  classiques  introduisit  dans  le  monde 
une  sorte  de  puissance  nouvelle,  en  relevant  l'éclat  de  la  faculté 
des  arts  et  en  menaçant  de  supplanter  bientôt  la  scolastique  et 
la  mystique.  La  seconde  moitié  du  quinzième  siècle  s'appelle 
le  temps  de  la  Renaissance,  de  la  restauration  des  sciences  et 
des  arts,  du  renouvellement  des  études  classiques  et  de  l'esprit 
antique.  Cet  essor  est  souvent  attribué  aux  Grecs  fugitifs  de 
Constanlinople  :  la  vérité  est  que  les  études  classiques  n'avaient 
jamais  été  complètement  interrompues;  du  moins  on  lisait,  on 
employait  beaucoup  les  classiques  latins,  ainsi  qu'on  le  voit 
par  Alcuin,  Jean  Scot  Érigène,  llroswitha,  Gerbert,  Abailard, 
Jean  de  Salisbury,  Raimond  Lulle,  Roger  Bacon;  par  les 
hynmcs,  les  chants,  les  distiques  imités  des  anciens  poètes 
romains  ;  par  les  traductions  des  ouvrages  d'Aristote,  de  Jean 
Damascène  et  d'autres  Pères.  Seulement  ces  études  n'étaient 
pas  autrefois  cultivées  dans  une  si  large  mesure  que  depuis; 
la  scolastique  se  souciait  moins  de  l'élégance  que  de  la  pré- 
cision du  langage,  moins  de  la  forme  que  du  fond.  Une  fois 
le  système  trouvé,  il  était  plus  facile  et  plus  avantageux  de 
s'occuper  de  la  délicatesse  du  style,  de  la  rondeur  des  périodes, 
qui,  dans  la  science,  viennent  au  second  rang  et  non  pas  au 
premier.  Le  moyen  âge,  du  reste,  avec  ses  nationalités  encore 
jeunes  et  vigoureuses,  sentait  moins  le  besoin  d'une  littérature 
classique  :  il  avait  sa  poésie  populaire,  ses  institutions  accom- 
modées au  génie  de  l'époque.  Mais  (juand  l'esprit  chrétien  se 
fut  affaibli  chez  un  grand  nombre,  on  songea  à  combler  les 
lacunes,  en  faisant  un  usage  plus  complet  des  œuvres  des 
Grecs  et  des  Romains  et  en  les  exploitant  dans  de  plus  vastes 
proportions.  Si  l'on  avait  par  trop  négligé  les  études  philolo- 
giques, surtout  dans  les  universités,  on  tomba  bientôt  dans 
l'autre  extrême  :  on  les  exalta  outre  mesure,  on  déprécia  les 
travaux  sérieux  des  premiers  Ages  du  christianisme,  on 
remplaça  la  connaissance  des  idées  par  la  comiaissance  de  la 
lettre.  Ces  deux  tendances,  du  reste,  devaient  se  produire,  pour 
arriver  enfin  k  se  concilier  entre  elles,  à  se  compléter  mutuelle- 
ment et  à  s'imprégner  l'une  l'autre  do  leur  esprit. 


LA    SCIEWCE,    l'art   ET   LA    VIE   HELIGIEUSE.  27 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°   223. 

Tiraboschi,  Sloiùa  délia  letteralura  ital.,  Modeiia,  1772  et  seq.,  t.  V, 
VI.  —  Mœhler  sur  Erhard  (Gesch.  des  Wiederaufblühens  der  wissen- 
chaftl.  Bildung,  Magdeburg,  1827-1832,  3  vol.),  dans  les  Giesz.  lahr- 
büchern  für  Theo!.,  1,  p.  173  et  suiv.;  Mœhler-Gams,  III,  p.  121  et 
suiv,;  Stœckl,  t.  III.  —  Meiners,  Lebensbeschreibungen  berühmter 
Maenner  aus  der  Zeit  des  Aufblühens  d.  Wiss.,  Zürich,  1796  et  suiv., 
3  vol.;  lagemann,  Gesch.  d,  freien  Künste  u.  Wissensch.  in  Italien, 
th.  III,  abth.  II,  III  ;  Heeren,  Gesch.  d.  classischen  Literatur  im  Mittel- 
alter (Hist.  Werke,  th.  IV,  V);  Voigt,  die  Wiederbelebung  des  classis- 
chen Alterthums  oder  lahr.  des  Humanismus,  Berlin,  1859;  Schrceder, 
das  Wiederaufblühen  der  classischen  Studien  in  Deutschland,  Halle, 
1864. 

Les  humanistes  en  France  et  en  Italie.  —  Dante.  —  Pétrarque. 
—  Boccace.  —  Chrysoloras.  —  Traductions. 

as^.  Dès  le  quatorzième  siècle,  en  France  comme  en  Italie, 
on  constate  un  redoublement  d'ardeur  pour  les  études  clas- 
siques. En  France,  Charles  V  et  les  princes  firent  traduire  en 
leur  langue  beaucoup  d'ouvrages  d'Aristote,  de  Cicéron,  de 
Sénèque,  de  Tite-Live,  d'Ovide,  etc.,  et  Nicolas  "de  Clémange 
fut  un  excellent  représentant  de  la  culture  classique.  En  Italie, 
Dante  Alighieri,  qui  revêtait  la  théologie  de  saint  Thomas  de 
la  brillante  parure  de  Virgile,  ouvrit  une  voie  où  plusieurs 
allaient  entrer  à  sa  suite.  Non  seulement  il  créa,  dans  les  trois 
parties  de  sa  Divine  Comédie,  une  langue  poétique  avec  le 
dialecte  de  Florence  et  fournit  un  chef-d'œuvre  de  poésie 
chrétienne  qui  excita  l'admiration  générale;  il  encouragea 
encore,  par  ses  lettres  et  ses  opuscules,  l'étude  des  anciens 
auteurs  latins,  et  travailla  pendant  son  exil  (1301-1321)  à  la 
répandre  en  diverses  localités  d'Italie. 

A  côté  de  Dante  se  place  François  Pétrarque,  mort  en  1374, 
lecteur  assidu  de  Cicéron  et  de  Virgile;  il  établit  des  biblio- 
thèques classiques,  et  apprit  encore,  dans  les  dernières  années 
de  sa  vie,  la  langue  grecque  auprès  du  moine  Barlaara; 
il  possédait  Homère  dans  une  traduction  faite  par  Léonce 
Pilate.  Il  doit  la  réputation  de  poète  dont  il  jouit  maintenant  à 
ses  magnifiques  poésies  itaUeimes,  tandis  qu'il  était  surtout 
célèbre  auprès  de  ses  contemporains  par  son  épopée  latine  sur 
la  seconde  guerre  punique.  Un  de  ses  plus  fameux  disciples 


28  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

fut  Jean  de  Ravenne,  qui  résida  à  Padoue  et  à  Florence,  et 
passait  pour  un  des  premiers  grammairiens. 

Ce  que  Pétrarque  avait  fait  pour  la  littérature  latine,  Jean  Boc- 
cace,  né  en  1313  à  Florence,  mort  en  1375,  le  fit  pour  la  langue 
grecque.  Initié  à  cette  langue  par  Léonce  Pilate,  il  obtint  en 
1350  qu'une  chaire  de  littérature  grecque  serait  érigée  à  Flo- 
rence pour  ce  savant,  transcrivit  lui-même  les  principaux  ou- 
vrages des  auteurs  helléniques,  et  composa,  pour  en  faciliter 
l'étude,  une  sorte  de  mythologie  grecque  et  romaine  réduite  en 
système.  Dans  la  langue  italienne,  il  fut  le  premier  prosateur  par- 
fait; son  Décaméron  est  une  satire  mordante,  farcie  d'obscénités. 

La  propagation  de  la  littérature  hellénique  fut  ensuite  favo- 
risée par  plusieurs  Grecs  fixés  en  Italie  ,  entre  autres  par 
Manuel  Chrysoloras,  qui  y  était  venu  d'abord  pour  une  ambas- 
sade, et  s'y  fixa  à  partir  de  1395.  il  enseigna  le  grec  à  Rome,  à 
Florence,  à  Venise  et  à  Milan,  accompagna  à  Constance  le  car- 
dinal Zabarella,  et  y  mourut  le  15  avril  1415.  Il  avait  une  foule 
de  disciples  remarquables,  entre  autres  le  camaldule  Ambroise 
Traversari,  Léonard  Bruni  d'Arezzo  (1369-1444),  Poggio  Brac- 
ciolini  l'Aîné  (1380-1460),  François  Fileifo  de  Tolentino  (^398- 
^48l),  Strozzl  (1372-1462).  On  traduisit  en  latin  non  seulement 
les  ouvrages  des  Pères  de  l'Église,  mais  encore  les  discours  de 
Démosthène  et  autres  ouvrages  grecs.  De  son  côté,  Démétrius 
Cydonius  (mort  après  1384)  traduisit  des  ouvrages  latins  en 
grec,  et  se  familiarisa  à  Milan  avec  la  théologie  des  Occiden- 
taux. 

OUVRAGES    A    CONSULTER    SL'R   LE   N°    224. 

Témoignages  sur  les  études  classiques  en  France,  dans  Schwab, 
(icrson,  p.  70  et  suiv.  De  Dante  (§  11),  Opère  minori  con  illustrazioni 
e  notedi  PiclroFraticelli,  Fir.,  1854,  puis  1857  et  suiv.  (avccCanzonierc, 
Rinne  sacre,  Poesie  latine,  de  Vulgari  Eloquio,  de  Monarchia,  de  Aqua 
et  Terra,  Convitto,  Epistolae  latina").  Voyez  encore,  sur  le  caractère  sou- 
vent attaqué  de  Dante,  W.  Bergmann,  les  Prétendues  Maîtresses  de 
Dante,  1870;  Allg.  Zeit.  Beil.,  du  11  fév.  1870.  —  Hettinger,  Grundidee 
und  Charakter  der  gœttlichen  Komœdie,  Bonn,  187ß.  De  Pétrarque  : 
Africa;  Epistola?;  Opp.,  ed.  Basil.,  1434,  1.^81,  Lugd.,  1601,  2  vol.  m-[°; 
Sonnetti,  canzoni,  trioutl,  en  allem.,  par  Fœrster,  2*=  éd.,  Leipzig,  1833. 
Carlo  Homussi,  Petrarca  a  Milano  (13Ö3-1368),  Milano,  1874.  De  Boc- 
cace  :  de  Genealogia  deorum,  libri  XV,  Basil.,  1532,  in-f"  ;  Decamc- 
rone,  en  allem.,  par  Witte,  3<=  éd.,  Leipzig,  18o9,  5  vol.  Les  Grecs  en 


LA    SCIENCE,    l'art   ET  LA   VIE   RELIGIEUSE.  2*) 

Italie  :  Tiraboschi,  t.  VI,  p.  346  et  seq.  —  Fabric,  Bibl.  gr.,  éd.  Harl., 
XI,  409  et  seq.;  Migne,  PP.  gr..  t.  CLVI,  p.  9  et  seq.;  Demetr.  Cydon., 
Fabric.-Harless,  Bibl.  gr.,  XI,  398  et  seq.;  Migne,  t.  CUV,  p.  825  et  seq. 

Éclat  des  études  classiques  en  Italie. 

225.  Bientôt,  en  Italie,  l'étude  de  la  littérature  classique 
devenait  une  affaire  nationale  :  on  fonda  des  bibliothèques,  on 
déterra  ou  l'on  acquit  de  vieux  manuscrits  ;  les  princes  et  les 
cités  rivalisaient  pour  attirer  auprès  d'eux  les  plus  illustres  sa- 
vants et  pour  les  compter  au  nombre  de  leurs  amis.  Cosme  et 
Laurent  de  Médicis,  savants  eux-mêmes,  érigèrent  des  biblio- 
thèques et  fondèrent  l'Académie  de  Platon.  A  côté  de  Florence, 
Rome  était  déjà  sous  Eugène  IV  un  célèbre  foyer  des  Muses  ; 
elle  le  fut  encore  davantage  sous  Nicolas  V.  Celui-ci  manda  à 
Rome  Nicolas  Perotti,  Théodore  Gaza,  puis  François  Filelfo, 
Grégoire  Tiphernas,  Candide  Decembrio,  etc.,  fit  traduire  la 
plupart  des  écrits  d'Aristote  et  donner  des  leçons  sur  les  clas- 
siques. Déjà  au  concile  de  Florence,  plusieurs  Itahens  prouvè- 
rent que  la  langue  grecque  leur  était  familière  ;  déjà  avant  la 
prise  de  Constantinople,  Jean  Argyropule  (mort  en  1486)  était 
allé  à  Florence,  et  plus  tard  à  Rome,  où  il  avait  donné  des 
leçons  publiques  sur  Thucydide. 

Une  incroyable  ardeur  éclatait  dans  tous  les  domaines  de  la 
science,  même  en  mathématiques  et  en  astronomie  :  déjà 
Nicolas  de  Cusa  en  était  venu  à  soutenir  le  mouvement  de  la 
terre  autour  du  soleil.  Les  études  prirent  un  nouvel  essor 
lorsqu'un  grand  nombre  de  Grecs  vinrent  se  fixer  en  Italie,  ap- 
portant avec  eux  des  manuscrits  précieux.  Ils  furent  partout 
accueillis  avec  empressement.  On  remarquait  parmi  eux  Cons- 
tantin Lascaris,  qui  se  réfugia  en  Italie  en  1454,  enseigna  à 
Milan ,  à  Naples  et  à  Messine,  et  composa  une  grammaire 
grecque  (mort  vers  1493),  tandis  que  son  fils  Jean  (mort  en 
1.535),  ambassadeur  de  Florence  auprès  du  sultan,  achetait  de 
précieux  manuscrits  grecs;  le  cardinal  Bessarion,  qui  traduisit 
Aristote,  tout  en  lui  préférant  Platon,  et  fut  remarquable  comme 
théologien  et  comme  instigateur  de  toute  entreprise  savante. 

La  philosophie  platonicienne  avait  alors  pour  principal  or- 
gane Georges  Gémiste  Pléthon,  mort  en  1455,  auquel  se  ratta- 
cha Marsile  Fiein,  chanoine  de  Florence,  mort  en  1499.  Firin 


30  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

écrivit  une  élég-auto  apologie  du  christianisme  et  un  grand 
ouvrage  sur  l'immortalité  de  l'âme;  mais  il  poussait  trop  loin 
le  culte  de  Platon.  Les  platoniciens  comptaient  aussi  parmi 
eux  le  savant  Pic  de  la  Miiandole  (mort  en  1494.).  On  vit  repa- 
raître l'ancienne  querelle  des  platoniciens  et  des  aristotéliciens  ; 
des  académies  d'Aristote  furent  érigées  en  face  des  académies 
de  Platon,  surtout  par  Georges  de  Trébizonde  (mort  en  1486) 
et  Théodore  Gaza,  lequel  fut  combattu  par  Michel  Apostolius, 
et  défendu  par  Andronic  Caliisti  et  Bessarion. 

Bientôt  les  écoles  philologiques  et  philosophiques  de  l'Italie 
furent  fréquentées  par  des  hommes  de  tous  pays,  et  ses  savants 
exercèrent  une  hifluence  prépondérante.  Tel  fut,  entre  autres, 
Ange  Politien  (mort  en  1494),  disciple  d'Argyropule  et  de 
Marsile  Ficin ,  renommé  comme  philosophe  et  humaniste , 
connue  traducteur  et  poète.  De  nombreux  poèmes  furent  com- 
posés en  italien  et  en  latin  :  les  plus  remarquables  étaient  ceux 
du  Napolitain  Jean  Sannazar,  né  en  J458,  mort  en  1530, 
auteur  du  de  Partu  Virginis ,  d'épigrammes,  d'élégies, 
d'églogues,  de  sonnets,  etc. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  SUR   LE    N»   22Ö. 

Boerner,  de  Doctis  Hominibus.  Grsecis  literarum  grœc.  in  Ilalia 
instauratoribus,  Lips.,  17ol;  Sieveking,  Gesch.  der  Platon.  Akademie 
zu  Florenz,  Gœttingen,  1812;  Roscoe,  Lorenz  von  Medici,  trad.  de 
l'anglais,  Vienne,  1817;  Reumont,  Lorenzo  de'  Medici,  Leipzig,  1874, 
2  vol.;  Slœckl,  III,  p.  136  et  suiv.;  Job.  Argyrojju!.,  Migne,  t.  CLXl, 
p.  1  et  seq.;  Gemist.  Pletbo,  Migne,  t.  CLX,  p.  773  et  seq.;  Gasz,  Gen- 
nade  et  Plétbon,  Breslau,  1844;  Constantin  Lascaris  et  son  lils  Jean, 
Migne,  t.  CLXI,  p.  007  et  seq.;  Bessarion,  ib.,  p.  \  et  seq.  Controverse 
sur  Platon  et  Aristote  :  du  Plessis  d'Arg.,  1,  i,  p.  133  et  seq.;  Georges  de 
Trébizonde  et  Théodore  Gaza,  Migne,  t.  CLXl,  p.  74;i  et  seq.,  977  et 
seq.  AngeM  Poliliani  Opp.,  ed.  Rasil.,  15;i4,  in-f";  Bonafous,  de  Angeli 
Politiani  vita  et  operibus,  Par.,  1846;  Marsil.  Ficin.,  de  Relig.  christ, 
et  de  Fidci  pietate—  Tbeologia;  PlatoniccP  de  ininiorlabtate  animorum 
libri  XVIIl,  Opp.,  ed.  Paris.,  1641 ,  in-f»,  I  ;  Dreydorf,  das  System  des 
Joh.  Picus  Mirand.,  Marb.,  1858. 

L'imprimerie. 

22C.  L'Allemagne  fut  bientôt  en  mesure  de  rivaliser  avec 
l'Italie.  Pnissannnent  relevée  .sons  le  rapport  de  la  moralité  et 
de  la  civilisation  par  les  encouragements  et  les  réformes  de 


LA   SCIEXCE,    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  31 

Nicolas  de  Cusa  et  par  les  excellentes  écoles  des  frères  de  la 
Vie  commune,  elle  rendit  aux  antres  nations  d'immortels  ser- 
vices par  l'invention  de  l'imprimerie  (vers  1440).  Cet  «  art 
merveilleux  »,  que  les  Allemands,  dès  1462,  propagèrent 
dans  tous  les  autres  pays,  hâtait  en  le  généralisant  le  mou- 
vement civilisateur  et  favorisait  les  relations  littéraires;  on  le 
regardait  moins  comme  une  branche  de  l'industrie  que  comme 
un  instrument  de  propagande  chrétienne  :  aussi  le  clergé 
l'appuyait-il  de  tout  son  pouvoir  et  accordait  même  des  in- 
dulgences à  ceux  qui  le  répandaient.  Dès  1467,  une  première 
imprimerie  était  établie  à  Rome  par  les  deux  Allemands  Pan- 
narz  et  Sweinheim,  qui  avaient  donné  en  1465,  au  couvent  de 
Subiaco,  la  première  édition  de  Lactance.  On  eut  bientôt,  grâce 
surtout  à  la  protection  de  Sixte  IV,  de  nombreux  ouvrages  im- 
primés sous  mille  formes  diverses;  jusqu'en  1500,  Rome  seule 
imprima  9-25  ouvrages. 

Ainsi  se  trouvait  écarté  le  principal  obstacle  des  études,  la 
disette  des  livres  et  le  travail  pénible  de  leur  transcription.  On 
éprouvait  partout  le  désir  de  s'instruire,  de  fonder  des  établis- 
sements d'instruction ,  d'améliorer  les  hautes  et  moyennes 
écoles  ;  partout  on  rivalisait  d'ardeur  pour  les  travaux  scienti- 
fiques et  artistiques.  L'Italie  faisait  de  la  nouvelle  invention  le 
plus  bel  usage  :  ses  imprimeries,  celles  de  Venise  surtout,  four- 
nissaient d^excellentes  éditions  de  classiques  et  de  Pères  de 
l'Église,  d'orateurs,  de  poètes,  de  philosophes,  de  théologiens. 
L'Allemagne  ne  demeurait  pas  en  arrière  :  plusieurs  villes, 
telles  qu'Augsbonrg,  Nuremberg,  Cologne,  comptaient  plus 
de  vingt  imprimeries.  Dans  la  librairie  allemande,  le  com- 
merce des  manuscrits,  depuis  longtemps  pratiqué,  surtout  dans 
les  grandes  villes,,  où  l'on  avait  déjà  satisfait  aux  besoins  du 
peuple,  se  continua  dans  de  plus  larges  proportions.  L'art  de 
la  lecture  se  propagea  rapidement  dans  la  classe  populaire. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SDR    LE    N°    226. 

Janssen,  Gesch.  des  deutschen  Volkes,  I,  p.  5  et  suiv,,  13  et  suiv., 
227  ;  surtout  p.  72  et  suiv.,  81,  89,  98,  106,  124. 

L'humanisme  en  Allemagne. 

2'27.  Beaucoup  d'Allemands,  surtout  de  Westphaliens,  avaient 


32  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

reçu,  à  Deventer  et  plus  loin  encore,  en  Italie,  une  bonne  édu- 
cation classique  :  nous  nommerons  surtout  Maurice  de  Spiegel- 
berg et  Rodolphe  de  Langen,  qui  entretenaient  de  loin  (entre 
1460  et  U70)  une  correspondance  littéraire  active  avec  leurs 
amis  d'Allemagne.  Tous  deux,  le  premier  comme  prévôt  d'Em- 
merich,  le  second  comme  prévôt  de  la  cathédrale  de  Münster, 
consacrèrent  leurs  riches  revenus  à  l'amélioration  des  écoles. 
Sous  ce  dernier,  le  premier  poète  latin  qui  écrivit  avec  goût  en 
Allemagne,  l'école  de  la  cathédrale  de  Münster  atteignit  à  une 
grande  célébrité  ;  il  en  fut  de  même,  sous  le  premier,  de  l'école 
de  la  collégiale  d'Emmerich  :  elle  fut  longtemps  dirigée  par 
Alexandre  Hégius  (mort  en  1498,  à  Deventer),  qui  avait  été 
formé  à  Deventer  et  employé  au  gymnase  de  Wesel,  dans  le 
Bas-Rhin  (1469-1474).  Cet  homme  exempt  de  prétentions  s'est 
acquis  de  grands  mérites  par  la  correction  des  livres  et  des 
méthodes  d'enseignement;  il  avait  pour  principe  que  toute 
érudition  est  funeste  quand  elle  s'obtient  au  détriment  de  la 
piété.  Lui,  ainsi  que  d'autres  savants,  fut  beaucoup  redevable 
au  Frison  Rodolphe  Agricola  (né  en  1445,  mort  en  1485),  qui 
résida  tour  à  tour  en  Italie,  à  Heidelberg  et  à  Worms,  auprès  de 
l'évècjue  Dalberg.  Versé  dans  la  plupart  des  sciences,  célébré 
comme  un  second  Virgile  pour  sa  latinité  classique,  il  était 
profondément  religieux,  et  mourut  sous  l'habit  de  Saint-Fran- 
çois. 

L'institut  de  Deventer  possédait  encore  Antoine  Liber  et  le 
Westphalicn  Louis  Dringenberg.  Ce  dernier  releva  l'école  de 
Schlettstadt,  où  l'on  enseignait  l'histoire  du  pays  et  les  clas- 
siques. Cette  école  produisit  Crato  Ilofmann  et  Jacques  Wimp- 
feling  (né  en  1450).  Wimpfeling,  souvent  acerbe  et  emporté 
dans  son  langage,  mais  désintéressé  et  toujours  disposé  au 
bien,  disait  avec  justice  que  la  vraie  réforme  de  l'Église  et  de 
l'État  devait  commencer  par  une  meilleure  éducation  de  la 
jeunesse  ;  il  rendit  tant  de  services  comme  auteur  pédagogique, 
qu'il  fut  surnommé  l'éducaleur  do  l'Allemagne. 

Le  Westphalien  Jacques  llorlenius  éleva  considérablement  le 
niveau  des  écoles  dans  la  petite  ville  de  Frankenberg  (Hesse); 
on  ne  doit  pas  de  moindres  serviros  à  ses  deux  compatriotes 
Conrad  (looienius  et  Timanus  Cumener.  Adam  Polken  donna 
dès   1496  des  leçons  de  grec  à   Xanten  qui  était  en  relation 


LA   SCIENCE,    l'art   ET  LA   VIE  RELIGIEUSE.  33 

avec  Wesel,  et  il  enseigna  plus  tard  à  Cologne,  dans  une  des 
onze  écoles  latines  annexées  aux  collégiales  de  cette  ville.  Il 
vivait  là  auprès  de  son  parent  Jean  Potken,  prévôt  de  Saint- 
Géréon,  excellent  orientaliste,  connu  pour  avoir  fait  imprimer 
en  Europe  le  premier  livre  éthiopien. 

A  l'université  de  Cologne,  la  philologie  grecque  et  orientale 
était  représentée  depuis  1484  par  l'Italien  Guillaume  Raimond 
Mithridates.  En  1487,  André  Cantor,  de  Grœningen,  s'appliquait 
à  améhorer  l'étude  de  la  langue  latine;  en  1491,  Jean  Césaire, 
de  Juliers,  celle  de  la  langue  grecque.  A  Erfurt,  les  études  clas- 
siques avaient  été  introduites  par  Jacques  Pubhcius,  de  Flo- 
rence, et  par  Pierre  Luder;  ce  dernier  les  enseigna  aussi  à 
Heidelberg.  La  faculté  des  arts  d'Ingolstadt  fut  surtout  rede- 
vable de  sa  réputation  à  Conrad  Celtes,  de  Franconie,  qui, 
après  avoir  enseigné  à  Leipzig,  à  Erfurt  et  à  Rostock,  redevint 
simple  étudiant  en  Italie,  professa  ensuite  à  Vienne  (1497),  et 
mourut  en  1508;  puis  à  son  disciple  Jacques  Locher,  surnommé 
Philomusos.  Depuis  1457  déjà,  on  expliquait  les  classiques  grecs 
à  l'université  de  Vienne,  alors  très  florissante. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE    N"  227. 

Hagen,  Literar.  Verliseltnisse  Deutschlands  im  Ref.-Zeitalter,  Erlan- 
gen, 1841,  t.  1;  Cornelius,  die  Mùnster'schen  Humanisten,  Münster, 
1851  ;  Tresliug,  Vita  et  Mérita  Rud.  Agricolœ,  Grœning.,  1830;  Ritter, 
Gesch.  der  Philos,,  IX,  p.  201  et  suiv.;  Raumer,  Gesch.  der  Psedagogik, 
II,  p.  261  et  suiv.;  Janssen,  I,  p.  49  et  suiv.  Sur  Hegius,  Butzbabch's 
Wauderbüchlein,  ed.  Regensb.,  1869,  p.  148  et  suiv.;  Erhard,  Gesch. 
des  W'iederaufblühens,  I,  p.  411  et  suiv.;  Janssen,  I,  p.  51  et  suiv.; 
Klüpfel,  de  Vita  et  Scriptis  Conradi  Gelt.,  Frib.,  1813-1829,  XII,  Partie.; 
Wiskowatoff,  Jacob  Wimpfeling,  Berlin,  1867;  B.  Schwarz,  J.  Winipf., 
Gotha,  1875;  Hist.-pol.  Bl.,  t.  LXI,  p.  593-613;  t.  XLIX  (1862),  p.  280- 
293.  Sur  Pierre  Luder,  Wattenbach,  dans  Mone,  Ztschr.  lur  die  Gesch. 
des  Oberrheins,  t.  XXII  ;  Dillenburger,  Gesch.  des  Gymnasiums  zu  Em- 
merich., ibid.,  1846;  Hsehle,  der  schwaebische  Humanist  Jacob  Locher 
(1471-1528),  Programm.,  Ehingen,  1873  et  suiv. 

Sociétés  savantes  en  Allemagne. 

228.  L'Allemagne  vit  aussi  un  grand  nombre  de  corporations 
savantes  se  former  dans  son  sein.  En  1491,  Conrad  Celtes  insti- 
tua à  Mayence  une  «  Société  littéraire  rhénane  »,  qui  réunissait 
V.  —  msT.  DE  l'église.  3 


34  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

des  savants  de  toute  espèce.  Présidée  par  le  prince-archevêque 
Dalberg,  elle  comptait  parmi  ses  membres  le  juriste  Ulrich 
Zasius,  Jacques  Wimpfeling,  les  patriciens  Pirkheimer  de  Nu- 
remberg et  Conrad  Peutinger  d'Augsbourg,  Henri  Bebel  de 
Tubingue,  Jean  de  Trittenheim  (Trithemius),  né  en  4462,  etc.  : 
tous  ces  hommes  correspondaient  entre  eux  et  s'appuyaient 
mutuellement  dans  leurs  entreprises.  Celtes  fonda  plus  tard,  à 
Vienne,  la  a  Société  du  Danube  ».  En  i502,  Aide  Manuce  établit 
à  Venise  une  société  savante  qui  devait  être  un  centre  de  ral- 
Hement  pour  les  érudits  d'Allemagne  et  ceux  d'Italie.  Trithème, 
abbé  des  bénédictins  de  Sponheim  (1483-1503),  qui  n'était  étran- 
ger à  aucune  science,  institua  une  académie  dans  son  couvent. 
A  l'entendre,  les  classiques  étaient  le  moyen  le  plus  efficace  pour 
cultiver  les  forces  de  l'esprit  et  pour  faire  avancer  les  sciences 
chrétiennes,  surtout  l'étude  de  la  Bible  et  des  saints  Pères. 

Les  établissements  scientifiques,  puissamment  encouragés 
par  les  autorités  municipales,  obtinrent  bientôt  de  riches  biblio- 
thèques et  de  nombreux  legs.  Les  études  savantes  florissaient 
surtout  à  Nuremberg  et  à  Augsbourg.  A  Nuremberg,  dès 
4471,  les  mathématiques  et  la  physique  prirent  un  grand  essor, 
grâce  à  Jean  MuUer  Regiomontanus  (mort  en  4476),  élève  de 
l'astronome  Georges  de  Puerbach,  à  Vienne  (mort  en  4464), 
puis  au  cosmographe  et  navigateur  iMartin  Behaim,  comme  au 
généreux  conseiller  Bernard  Walther.  Les  belles-lettres  étaient 
également  cultivées  avec  ardeur,  surtout  par  Jean  et  Willibald 
Pirkheimer,  par  le  prévôt  Jean  Kresz  et  par  Jean  Cochlée.  A 
Augsbourg,  Conrad  Peutinger  (né  en  4465);  à  Strasbourg, 
Geiler  de  Kaisorsberg,  les  chanoines  Thomas  Wolf  et  Pierre 
Schott,  Jérôme  Gebweiler  et  Beatus  Rhenanus,  appelés  de 
Schlettstadt,  s'adonnaient  à  l'érudition. 

Des  femmes  mêmes,  comme  Marguerite  de  Staffel,  dans  le 
Rheingau  (morte  en  1471),  s'appliquaient  à  la  lecture  et  à  l'imi- 
tation des  classiques.  Jean  Reuchlin  fut  de  tous  celui  qui  exerça 
la  plus  grande  influence  sur  les  savants  d'Allemagne.  Né  à 
Pforzheim  en  4455,  initié  à  la  langue  grecque  par  des  Grecs  de 
naissance  résidant  à  Paris,  il  professa  à  Bâle,  publia  un  diction- 
naire latin  {Breviloquus),  apprit  l'hébreu  auprès  de  Jean  Wes- 
sel,  se  perfectionna  dans  le  grec  sous  la  direction  d'Andronic 
Contoblacas,  se  rendit  à  Orléans  en  4479,  à  Poitiers  en  4480, 


LA   SCIENCE,    l'art  ET  LA   VIE  RELIGIEUSE.  35 

pour  étudier  les  deux  droits,  enseigna  dans  ces  deux  villes  le 
grec  et  le  latin,  et  composa  une  grannmaire  grecque  pour 
l'usage  de  ses  auditeurs.  Promu  docteur  en  l'un  et  l'autre  droit 
à  Tubingue,  il  remplit  les  fonctions  de  juriste  auprès  du  pieux 
Eberhard,  comte  de  Wurtemberg,  l'accompagna  dans  ses 
voyages  en  Italie,  devint  son  ambassadeur  à  Vienne,  et  fut 
ensuite  pendant  onze  ans  juge  de  l'Alliance  de  Souabe,  mais 
toujours  protecteur  des  sciences.  Plus  tard  encore,  il  rentra 
dans  l'enseignement  et  professa  à  Tubingue  (mort  en  d522). 
Le  nombre  des  humanistes  célèbres  se  multipliait  rapidement. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE  N°   228. 

Aschhach,  die  frühei-en  Wanderjahre  des  C.  Celtes  und  die  von  ihm 
errichteten  gelehrten  Sodalitœten  (Sitz. -Berichte  der  Wiener  Akade- 
mie, Philos. -hist.  Gl.,  t.  LX,  p.  75  et  suiv..  Vienne,  1868);  Heerwagen, 
zur  Gesch.  der  Nürnberger  Gelehrtenschulen  von  1 483-1 S26,  Pro- 
gramm., Nürnb.,  1861;  Binder,  Charitas  Pirkheimer,  Frib.,  1873; 
Herberger,  Conr.  Peutinger  (Jahresbericht  des  hist.  Vereins  für  Schwa- 
ben und  Neub.,  1849  et  1830);  Otto,  Joh.  Cochlseus  der  Humanist., 
Breslau,  1874;  Rœhrig,  die  Schule  zu  Schlettstadt  (Illgens  Ztschr. 
für  hist.  Theol.,  Leipzig,  1834,  IV,  n.  2,  p.  199  et  suiv.);  Horawitz, 
Beatus  Rhenanus,  Sitz. -Berichte  der  Wiener  Akademie  der  Wissensch., 
Philos.-hist.  GL,  1870-1872;  Geiger,  Beziehungen  zwischen  Deutsch- 
land und  Italien  zur  Zeit  des  Humanismus  (Müllers  Ztschr.  für  deutsche 
Culturgesch.,  Hannover,  1875);  Fiedler,  Peurbach  und  Regiomontanus, 
Leobschütz,  1870;  Ziegler,  Regiomontanus,  Dresde,  1874;  MayerhofT, 
Reuchlin  und  seine  Zeit,  Berlin,  1830;  Lamey,  Joh.  Reuchlin,  Pforz- 
heim, 1833;  L.  Geiger,  Joh.  Reuchlin,  Leipzig,  1871.  De  Reuchlin  : 
Rudimenta  linguse  hebraicœ,  Pforzheim,  commencement  de  1306;  de 
Accentibus  et  Orthograph.  linguae  hebr.,  1306;  de  Verbo  mirifico 
libri  III,  Tubing.,  1514  et  seq.;  de  Arte  cabbal.,  Hag.,  1517. 

Ërasxne.  —  L'humanisme  en  France,  en  Angleterre  et  en 
Espagne. 

229.  Plus  illustre  encore  fut  Dé.siré  Érasme,  né  à  Rotterdam 
en  1467.  Sa  renommée  s'étendait  dans  tous  les  pays.  Après 
avoir  achevé  ses  études  chez  les  frères  de  la  .Vie  commune,  il 
s'appropria  par  la  lecture  le  style  de  Cicéron,  publia  des  édi- 
tions de  classiques  et  de  saints  Pères,  écrivit  avec  élégance 
plusieurs  ouvrages  latins,  et  acquit  une  haute  célébrité  par  ses 
bons  mots,  par  ses  satires  contre  les  moines  et  les  abus  qui 


36  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

régnaient  dans  l'Kglise,  par  sa  culture  classique,  par  les  rela- 
tions qu'il  noua  pendant  ses  voyages  en  Angleterre,  en  France 
et  en  Italie,  avec  les  principaux  savants  de  son  siècle.  En  1496, 
il  groupa  autour  de  lui,  à  Cologne,  un  cercle  d'humanistes, 
entre  autres  Barthélémy  de  Cologne,  poète  et  philosophe,  et 
Urtuin  Gratins  de  Deventer,  qui  donna  des  cours  sur  les  anciens 
classiques  et  les  grammairiens  latins.  Il  fit  de  même  en  d'autres 
villes,  notamment  à  Venise  et  à  Padoue,  et  fut  honoré  par 
un  grand  nomhre  de  princes. 

Quoique  prêtre  depuis  1492,  Érasme  avait  des  mœurs  toutes 
mondaines  et  souvent  frivoles;  il  éclipsa  tous  ses  contempo- 
rains par  sa  réputation  de  savant.  Il  inspira  le  goût  des  belles- 
lettres  à  un  grand  nombre  de  Français,  d'Anglais  et  d'Espagnols, 
qui  y  étaient  demeurés  jusque-là  étrangers. 

En  France,  le  grec  ne  fut  enseigné  que  plus  tard  ;  il  le  fut 
notamment  par  quelques  Grecs  établis  dans  les  universités,  tels 
que  Grégoire  Tiphernas,  Jérôme,  Andronic  Castillus,  mais 
surtout  par  Jérôme  Alexandre  (1489).  Le  latin  était  beaucoup 
plus  cultivé.  En  Angleterre,  les  belles-lettres  eurent  pour  pro- 
moteurs quelques  jeunes  hommes  qui  avaient  étudié  en  Italie. 
L'introduction  de  la  langue  grecque  trouva  d'abord  de  l'oppo- 
sition à  l'université  d'Oxford,  où  les  partis  des  «  Grecs  »  et  des 
«  Troyens  »  se  combattaient  avec  acharnement  ;  les  premiers 
finirent  par  l'emporter.  Vers  la  fin  de  notre  période,  l'Angle- 
terre possédait  dans  le  chancelier  Thomas  Vlorus,  dans  Fisher, 
évêque  de  Rochester,  dans  Jean  Colet,  professeur  de  théologie 
et  doyen  de  Saint-Paul,  des  humanistes  distingués. 

En  Espagne  aussi,  dans  les  dix  dernières  années  du  quin- 
zième siècle,  la  littérature  grecque  avait  ses  représentants. 
Deux  chaires  fiu'ont  instituées  à  l'université  de  Valence  pour  la 
littérature  grecque,  et  six  pour  la  littérature  latine.  L'Espagnol 
Louis  Vives  (mort  en  1540),  philologue  éminent,  formait  avec 
Érasme  et  le  Français  Guillaume  Budée  un  glorieux  triumvirat. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQCFvS   CRITIQUES    SUR    LE    N°    229. 

Erasnii  CoUoquia,  Adagia,  Ciceronianus,  Moria;  encomium,  Enchiri- 
dion  inititis  cliristiani,  Hatio  verse  theologiœ,  Matrimonii  christiani 
inslitiitio,  Eoclesiastes,  Epistolaf,  Nov.  Test,  grœce,  versio,  annotalio- 
nes,  paraphrasis  Nov.  Test.,  souvent  réimprimé  à  part,  éd.  Basil., 
1Ö40  cl  seq.;  Lugd.  Bal.,  1702  et  seq.,  10  in-f;  Berol.,  1778-1780,  iii-S", 


LA    SCIENCE,    l'AKT   ET    LA    VIE    RELIGIEUSE.  37 

3  tomes.  Müller,  Erasmus  v.  H.,  Hamb.,  1828;  Richard,  E  ras  m  us  v.  R., 
Leipzig,  1870.  De  Louis  Vives  :  Commentaire  sur  S.  Augustin,  du  Civ. 
Dei;  de  Causis  corruptarum  artium,  Antw.,  1531  ;  0pp.,  éd.  Basil., 
1555;  Valenc,  1782.  De  Guill.  Budée  :  de  Transita  hellenismi  ad 
christianismum.  On  disait  qu'Érasme  se  distinguait  «  dicendi  copia  »; 
Budée,  «  ingénie  »  ;  Vives,  «  judicio  ».  De  Thomas  Morus,  l'ouvrage  : 
De  optimo  reipublica?  statu  deque  nova  insula  Utopia.  Voy.  Rudhardt, 
Thomas  Morus,  Nürnb.,  1829;  Thommes,  Thom.  Morus,  Lordkanzler 
von  England,  Augsb.,  1847  ;  Henke,  das  hœusliche  Leben  des  Thom, 
Morus,  dans  Sybels  bist.  Ztschr.,  1869,  t.  XXI,  p.  6o  et  suiv. 

S»itaafion  de  l'hanianisnie  vis-à-vis  de  la  (héolog'ic  et  de  l'Eglise. 

Attitude  bienveillante    de   l'Église    et    des   théologiens 
en  face  de  l'humanisme. 

230.  La  nouvelle  direction  n'était  pas  en  elle-même  hostile  à 
la  théologie  ni  à  l'Église,  elle  leur  était  au  contraire  favorable  : 
aussi  fut-elle  appuyée  des  papes,  des  évêques  et  des  théolo- 
giens. A  Cologne,  elle  fut  puissamment  soutenue  par  Henri 
Mangold,  prévôt  et  professeur  de  théologie  scolastique;  à 
Ingolstadt,  par  le  célèbre  théologien  Jean  Eck;  à  Heidelberg, 
par  les  professeurs  de  théologie  et  par  le  curateur  évêque 
D.ilberg,  qui  fonda  la  première  chaire  de  httérature  grecque; 
par  Reuchlin,  qui  y  enseignait  l'hébreu  en  1498,  et  forma 
une  riche  bibliothèque. 

En  Italie,  en  Espagne  et  ailleurs,  le  clergé  contribuait  à  la 
fois  à  répandre  l'humanisme  et  à  établir  des  imprimeries.  Cer- 
tainement il  les  soutenait  à  bon  droit.  Les  humanistes  rendi- 
rent plus  d'un  service  à  la  théologie,  ne  fût-ce  qu'en  rajeunis- 
sant sou  style.  Le  Romain  Paul  Cortésius,  protonotaire  aposto- 
lique (mort  en  1510),  composa  en  quatre  livres  une  Dogmatique 
dans  le  style  de  Cicéron  et  de  Lactance,  un  Abrégé  succinct 
des  principales  vérités  de  la  foi,  et  des  Theologumena  ;  le  Véni- 
tien Jérôme  Donat,  un  traité  de  la  procession  du  Saint-Esprit, 
excellent  et  bien  écrit,  qu'il  dédia  à  Léon  X.  Le  beau  langage 
fut  également  cultivé  par  Laurent  Valla,  professeur  à  Rome  et 
à  Naples  (mort  en  1465),  qui  écrivit  de  courtes  mais  superfi- 
cielles remarques  sur  le  Nouveau  Testament.  La  théologie  pro- 
fita aussi  des  traités  d'Érasme  et  de  Reuchlin  sur  l'éloquence  de 
la  chaire,  des  ressources  que  l'on  rencontrait  alors  pour  l'étude 


38  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

de  la  langue  hébraïque,  des  travaux  entrepris  sur  le  texte  de 
la  Bible  et  des  Pères  de  l'Église,  de  la  naissance  de  la  critique 
historique.  Ajoutez  que  la  plupart  des  premiers  grands  huma- 
nistes se  montrèrent  fidèles  à  l'Église  et  à  sa  doctrine,  recon- 
naissants de  l'appui  qu'ils  recevaient  des  papes  et  des  évêques. 
L'action  simultanée  de  la  culture  humaniste  et  de  la  culture 
scolastique  pouvait  être  fort  utile  à  la  science  religieuse,  aider 
à  combler  plus  d'une  lacune  et  à  exploiter,  dans  de  plus  larges 
proportions  qu'autrefois,  l'antiquité  au  profit  de  la  vérité  reli- 
gieuse. C'était  là  du  reste  l'intention  des  meilleurs  humanistes, 
et  ce  but  fut  réellement  atteint  à  bien  des  égards. 

Écarts  des  humanistes. 

231.  Les  humanistes  malheureusement,  surtout  les  laïques, 
exagérèrent  l'importance  des  études  classiques;  dédaignant  les 
lois  sévères  de  la  logique  et  la  méthode  rigoureuse  qui  distin- 
guait l'ancienne  scolastique,  ils  tournèrent  celle-ci  en  ridi- 
cule, surtout  à  cause  de  ses  barbarismes.  Imitateurs  serviles 
des  anciens,  leurs  idées,  leurs  mœurs  s'imprégnèrent  peu  à 
peu  de  l'esprit  païen  ;  ils  se  complurent  dans  les  obscénités 
d'Ovide,  qu'ils  surpassèrent  souvent  dans  leurs  propres  écrits, 
et  fondèrent  une  littérature  profondément  immorale.  Le  style 
courait  risque  de  perdre  toute  empreinte  chrétienne,  et  la 
mythologie  était  en  voie  de  tout  supplanter.  Les  dogmes  du 
christianisme  furent  dénaturés,  conspués  quelquefois;  le  scepti- 
cisme, l'épicurisme,  l'incrédulité,  firent  invasion.  Plusieurs 
humanistes  élevaient  Platon  au-dessus  des  Apôtres,  et  les  néo- 
péripatéticiens  n'étaient  pas  eux-mêmes  à  l'abri  de  l'erreur  et 
de  la  passion  du  doute. 

Pierre  Pomponat,  professeur  à  Padoue  et  à  Bologne  (mort 
en  1526),  disait  ouvertement  que  les  dogmes  de  l'immortalité 
de  l'àme  et  de  la  Providence  étaient  plus  que  douteux  au  point 
de  vue  philosophique,  mais  qu'on  pouvait  les  admettre  au  point 
de  vue  thcologique.  Cette  assertion  fut  condamnée  par  le  cin- 
quième concile  de  Latran  (huitième  session).  Déjà  les  prédica- 
teurs en  étaient  venus  à  citer  en  chaire  les  classiques  au  lieu 
de  l'Ecriture  et  des  Pères  ;  déjà  l'éducation  de  la  jeunesse  était 
empoisonnée  par  l'esprit  sans  frein  et  lascif  des  humanistes  va- 
niteux et  avides  do  gloire.  Quant  à  la  morale,  elle  était  ravalée 


LA    SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  39 

au  niveau  des  païens,  de  Platon,  d'Aristote,  de  Cicéron  et  de 
Sénèque.  La  politique  était  complètement  séparée  de  la  mo- 
rale; on  en  faisait  une  science  impie,  toute  d'égoïsme  et  d'inté- 
rêt. Elle  était  représentée,  sous  une  forme  séduisante,  par 
Machiavel,  le  célèbre  historien  de  Florence  (mort  en  1530). 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES  CRITIQUES  SUR  LES  N^^  230-231. 

J.-F.  Bianco,  die  alte  Univ.  Cœlu,  t.  I,  Cologue,  1835;  Ennen,  Gesch. 
der  Stadt  Cœlu,  3  vol.,  Cologne  et  Neusz,  18G9;  Wiedemann,  Joh.  Eck, 
Ralisb.,  1863;  Zapf,  Joli.  v.  Dalberg,  Augsb.,  1796;  Nachtrag,  Zurich, 
1798;  Falk,  Wissenschaft  und  Kunst  am  Mittelrhein  um  1450  (Hist.- 
pol.  Bl.,  1873,  t.  LXXVI,  p.  329  et  suiv.).  Paulus  Cortesius,  in  Senten- 
tias,  qui  in  hoc  opere  theologiam  cum  eloquentia  conjunxit,  Rom., 
1512;  Bas.,  1513.  Comp.  Jageniann,  Gesch.  der  freien  Künste,  III,  in, 
p.  219  et  suiv.;  Hiei'on.  Donati,  lib.  de  Process.  Sp.  S.;  Mai,  Vett.  Scr. 
N.  Coll.,  VII,  n,  p.  1  et  seq.;  Laur.  Valla,  Annotationes  in  N.  T.,  ed. 
Erasmus,  Par.,  1305  et  seq.;  Revius,  Amsl.,  1631  ;  Elegantiarum  la- 
tinae  liuguœ  libri  VI,  et  Dialect.  libri  III  (injuste  contre  la  scolastique); 
de  Sammo  Bono  (morale  sur  une  base  païenne).  Sur  l'esprit  d'un  grand 
nombre  d'humanistes  :  Reumont,  Gesch.  der  Stadt  Rom,  III,  j,  p.  321, 
330;  Gregorovius,  VII,  p.  533  et  suiv.  II  faut  ranger  dans  la  httérature 
immorale  le  Roman  français  de  la  Rose,  fondé  sur  des  réminiscences 
classiques  (Schwab ,  Gerson,  p.  697  et  suiv.);  les  précoces  effusions 
erotiques  d'.Enéas  Sylvius  (Ép.,  I,  113);  le  dialogue  de  Valla  «  de  Luxu- 
ria »;  l'Hermaphrodite,  d'Antonio  BeccadeUi,  écrit  sous  Eugène  IV, 
condamné  par  ce  pape,  par  Bernardin  de  Sienne,  par  Robert  de  Lecce, 
par  Albert  da  Sarteano  (Friedrich ,  Jean  Wessel ,  p.  36  et  suiv.); 
sans  parler  des  «  Facéties  »  de  Poggio,  répandues  en  vingt-six  édi- 
tions et  en  trois  traductions  italiennes  avant  1500  (Voigt,  le  Réla- 
bhssement  de  Tantiquité  classique,  IV,  p.  223,  en  allem.);  les  écrits  de 
PorceUo  de  Pandoni,  de  Filelfo  (de  Jocis  et  Seriis  —  Convivia  Mediolanen- 
sia  —  Satyrœ)  et  de  Leonardo  Bruni,  de  Boccace,  etc.  Pomponatii  lib. 
de  Immortahtate  animée,  Bonon.,  1316.  Cf.  Erasmi  lib.  XXVI,  ep.  xxxiv; 
Conc.  Hard.,  IX,  1719  et  seq.;  Stœckl,  III,  p.  202  et  suiv.;  le  Catholique 
de  Mayence  (febr.  1861);  N.  Macchiavelli  Discorsi  sopra  la  prima  Décade 
di  Livio  —  il  Principe  =  Storie  Fiorentine,  0pp.,  8  vol.,  Italia,  1873. 
Ont  écrit  contre  lui  :  Possevinus,  S.  J.,  Judicium  de  Macchiavello  ; 
Ribadeneira,  S.  J.,  de  Principe  christiano,  adv.  Macchiav.  ceterosque 
hujus  saec.  politicos,  Antw.,  1603;  Bozius  Thom,,  mort  en  1610,  Lib. 
un.  contra  Macchiav.,  Coloniae,  1601.  Cf.  Artaud,  Machiavel,  son  génie 
et  ses  erreurs.  Par.,  1833,  2  vol.;  Émue  Feuerlein,  zur  Machiaveili- 
Frage,  dans  Sybels  hist.  Ztschr.,  1868,  t.  XIX,  p.  1  et  suiv. 


40  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Lutte   des    humanistes   et    des   théologiens.    —   Controverse 
de  Reuchlin. 

232.  Aussi  la  lutte  ne  tarda  pas  à  éclater  entre  les  théologiens 
de  l'ancienne  école  et  les  nouveaux  savants,  d'autant  plus  que 
les  nominalistes,  redevenus  plus  puissants,  se  montraient,  con- 
trairement aux  réalistes,  hostiles  à  l'humanisme,  et  que  les 
poètes  sortis  de  la  nouvelle  école,  dirigés  dans  une  grande 
partie  de  l'Allemagne  par  le  chanoine  Mutian,  à  Gotha,  acca- 
blaient de  sarcasmes  et  d'injures  tous  les  scolastiques  sans 
distinction.  Jacques  Locher,  d'Ehingen  [Philomusos),  publia, 
en  1506,  à  Nuremberg,  un  pamphlet  contre  les  scolastiques  ; 
Wimpfeling  écrivit  également  contre  eux,  à  l'instigation  de 
Geiler.  L'université  de  Cologne,  strictement  scolastique,  diri- 
gée le  plus  souvent  par  des  dominicains,  résista  aux  change- 
ments que  de  Langen,  prévôt  de  la  cathédrale,  avait  en  vue; 
celui-ci  fut  obligé  d'en  appeler  aux  savants  d'Italie  pour  pou- 
voir introduire  de  meilleurs  livres  scolaires. 

A  Bâle  aussi,  quand  il  y  parut  pour  la  première  fois, 
Reuchlin  souleva  contre  lui  les  théologiens  et  les  philosophes. 
Il  y  avait  du  reste  des  exagérations  de  part  et  d'autre  ;  chacune 
des  deux  écoles,  l'ancienne  comme  la  nouvelle,  voulait  dominer 
sans  partage.  En  1488,  le  jeune  humaniste  Hermann  de  Busche 
(né  en  1468)  entrait  en  dispute  avec  les  théologiens  de  Cologne. 
Plus  tard,  la  question  des  juifs  excita  une  grande  rumeur,  et 
en  1.^10,  on  prit  des  mesures  contre  leur  attitude  insolente; 
il  s'agissait  surtout  d'éliminer  ceux  de  leurs  livres  qui  étaient 
hostiles  aux  chrétiens  et  de  les  soumettre  à  un  examen.  Reuch- 
lin, qui  exagérait  la  valeur  des  rabbins,  prit  la  défense  des  Uvres 
juifs,  tandis  que  les  dominicains  de  Cologne,  surtout  J.  Hogs- 
traten,  puis  en  l.*S04  Pfefferkorn,  juif  baptisé,  demandaient 
qu'on  brûlât  tous  les  livres  des  rabbins  et  combattaient  le  senti- 
ment de  Reuchlin. 

La  lutte  se  poursuivit  dans  de  nombreux  écrits  :  le  Miroir 
des  yeux,  publié  en  1511  par  l'irritable  Reuchlin  et  hautement 
vanté  par  les  juifs,  fut  réprouvé  par  les  théologiens  de  Cologne, 
de  Louvain  et  de  Paris.  Ces  théologiens  n'obéis-saient  point  à 
un  fanatisme  aveugle  et  à  des  motifs  inavouables  ;  ils  s'inspi- 
raient de  leur  zèle  pour  la  religion  et  pour  le  bien  général. 


LA    SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIE    RELIGIEUSE.  41 

L'humaniste  Ortuin  Gratins  soutenait  lui-même  en  partie  la 
cause  des  dominicains.  Ces  disputes  firent  bientôt  oublier  la 
querelle  des  juifs  ;  la  lutte  était  tout  entière  entre  les  huma- 
nistes et  les  théologiens. 

En  ioi4,  l'évèque  de  Spire,  commissaire  du  pape,  se  prononça 
en  faveur  de  Reuchlin  ;  le  Saint-Siège,  malgré  toutes  les 
sollicitations,  ne  modifia  pas  jusqu'en  1519  le  jugement  pro- 
noncé. On  voulait  épargner  Reuchlin,  parce  qu'il  aurait  fallu 
condamner  différents  endroits  de  ses  écrits,  si  l'on  avait  voulu 
porter  un  jugement  complet  et  définitif. 

Cette  victoire  remportée  sur  les  dominicains,  les  humanistes 
l'exploitèrent  à  leur  façon  et  répandirent  contre  leurs  adver- 
saires une  multitude  d'écrits  malicieux,  surtout  les  Lettres 
d'hommes  obscurs,  rédigées  sous  une  forme  mordante  et  sati- 
rique (1516).  Dans  ces  lettres,  Ulrich  de  Hütten,  homme  aussi 
immoral  que  plein  de  talents,  Crotus  Rubeanus,  etc.,  se  déchaî- 
naient contre  les  moines  et  contre  l'autorité  du  pape. 

Quand  cet  écrit  scandaleux,  qu'on  attribua  à  Ortuin  Gratins 
pour  se  venger  de  lui,  eut  été  condamné  à  Rome  (15  mai  1517), 
une  seconde  série  de  lettres  fut  publiée  dans  le  même  esprit. 
C'était  là  un  puissant  appui  donné  aux  nouveautés  dogmatiques 
qui  commençaient  à  se  faire  jour. 

OUVRAGES   A    COiNSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE   N"    232. 

Zarncke,  Seb.  Brants  NarrenschiflF. ,  Leipzig,  1864,  XX;  Vischer, 
Gesch.  der  Univ.  Basel.,  ibid.,  1860,  p.  139.  Écrits  de  controverse  : 
Continentur  in  hoc  opusculo  a  Jac.  Locher  Philomuso  facili  syntaxi 
concinnato  vitiosa  sterilis  Musae  ad  Musam  roscida  lepiditate  preeditam 
comparatio,  currus  sacra?  theologiae  triumphalis  ex  Vet.  et  Nov.  Test, 
ornatus,  elogia  quatuor  doctorum  Ecclesiee  cum  epigrammatibus  et 
duabus  prpefationibus.  Dans  le  sens  opposé  :  Contra  turpem  libellum 
Philomusi  defensio  Ibeologiee  scholasticse.  Contre  Beuchlin  :  Pfeffer- 
korn, de  Judaica  Confessione,  Colon.,  1Ö08;  de  abolendis  Scriptis  Ju- 
daeorum  ;  —  de  Ratione  celebrandi  Pascha  apud  Judœos;  Hogstraten, 
0.  Pr.,  Destructio  cabbalae  seu  cabbalisticse  perfidiae  adv.  Reuchl., 
Antw.,  1518;  Contra  Dialog,  de  causa  Reuchl.  et  Apol.  c.  Reuchl.,  v. 
d.  Hardt,  Hist.  lit.  Reform.,  part.  II,  Francof.,  1717.  Reuchlin  :  Oculare 
Spéculum  pro  libris  Judœorum  non  cremandis.  Contre  cet  ouvrage,  les 
universités  de  Cologne  et  de  Paris,  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  349-351  ; 
ibid.,  p.  351  et  seq.  La  décision  de  l'évèque  de  Spire,  24  avril  1514. 
(Hütten)  Triumphus  Capnionis  (Reuchlin),  1519.  Epistolse  obscurorum 


42  HISTOIRE  DE  l'ÉGUSE. 

virorum,  lib.  I,  Hagen.,  15i6;  I,  II,  Basil.,  1317;  cd.  Milnch.,  Lips., 
1827;  Rotermund,  Hann.,  1830;  Bœcking,  Lips.,  1858.  Gratius  :  La- 
mentationes  obscurorum  virorum,  éd.  Bœckiug,  Lips.,  1863;  Weislin- 
ger,  Iluttenus  declaratus,  c'est-à-dire,  renseignements  véridiques  sur 
l'édition  des  «  Epistol.  obscur,  viror.  »,  Constance,  1730;  Mohnike, 
Ztschr.  für  bist.  Theol.,  1843,  III;  Ulrici  Hutt.  0pp.,  éd.  Boecking, 
Lips.,  1839  et  seq.;  Dav.  Strausz,  Ulrich  v.  Hütten,  Leipzig,  1858 
et  suiv.,  3  vol.  Sur  Crotus  Rubeanus,  voy.  Dœllinger,  die  Reformation, 
I,  p.  138  et  suiv.;  Rsesz,  Convertiten  seit  der  Reform.,  I,  p.  95  et 
suiv.  Sur  l'ensemble,  voy.  Janssen,  II,  p.  37  et  suiv. 

liCS   études    hisloriffiics. 

Travaux  historiques. 

233.  L'humanisme  et  l'invention  de  l'imprimerie  contribuè- 
rent puissamment  à  propager  et  à  vivifier  les  études  histo- 
riques. D'excellentes  chroniques  continuaient  d'être  rédigées 
dans  les  monastères  et  dans  les  villes,  principalement  en  Alle- 
magne, en  Italie  et  en  Angleterre,  par  les  bénédictins  (Ranulph 
Hygdeu,  mort  en  1363,  et  ses  continuateurs,  puis  Thomas  Wal- 
singham),  les  dominicains  et  les  carmes;  eu  France,  par  les 
moines  de  Saint-Denis,  par  Jean  Froissart,  par  Robert  Gaguin 
(mort  eu  1503),  général  des  tertiaires,  etc.  11  faut  signaler 
surtout  la  Chronique  universelle  de  Henri  d'Herford  (mort  en 
1370),  qui  s'étend  jusqu'en  1355. 

En  Italie,  la  Chronique  florentine  de  Villani  fut  jugée  digne 
d'être  comparée  à  un  travail  d'Hérodote.  Saint  Antonin,  arche- 
vêque de  Florence;  iEnéas  Sylvius  Piccolomiui,  secrétaire 
d'Eugène  IV;  Flavius  Blondus  (mort  en  1458);  le  cardinal 
Jacques  Amaunali,  de  Pavie  (mort  eu  1479);  Bembo;  Bernardin 
Corius,  de  Milau;  Poggio  Bracciolino,  de  Florence;  Laurent 
Valla,  critique  renommé;  les  historiens  Platina,  Guichardiu  et 
Machiavel,  non  irréprochables,  mais  habiles,  ont  également 
bien  mérité  de  l'histoire. 

L'Allemagne  pouvait  citer  comme  promoteurs  des  travaux 
historiques  .\lbcrt  de  Strasbourg,  Théodoric  de  Niem,  Nicolas 
de  Cusa,  Gobelin  Persona  et  une  foule  d'humauistes.  Philippe, 
comte  palatin,  initié  aux  sciences,  s'efforça  de  les  favoriser 
à  l'université  d'Ueidelberg.  Il  décida  Rodolphe  Agricola  à  com- 


LA   SCIENCE,    l'art  ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  43 

poser  une  histoire  du  monde,  et  il  encouragea  l'abbé  Jean  Tri- 
thème  de  Sponheim  à  établir  une  imprimerie  spéciale  pour 
publier  les  sources  de  l'histoire  de  l'Allemagne.  Trithème  aussi 
a  rendu  de  grands  services  aux  études  historiques.  Non  content 
d'avoir  donné,  dans  son  ouvrage  sur  les  auteurs  ecclésias- 
tiques, enrichi  plus  tard  de  onze  cent  cinquante- cinq  articles 
(1508-1513)  par  son  disciple  Jean  Butzbach,  prieur  de  Laach, 
aidé  de  Jacques  Sibert,  le  premier  dictionnaire  universel  à 
l'usage  des  savants,  on  lui  doit  le  catalogue  des  hommes  illustres 
de  l'Allemagne,  et  ses  Annales  d'Hirsau  sont  une  excellente  col- 
lection de  sources,  malgré  quelques  erreurs  partielles.  Dans  les 
dernières  années  de  sa  vie,  il  chargeait  encore  le  moine  Paul 
Lang  de  recueillir  des  matériaux  pour  une  grande  histoire 
d'Allemagne.  En  1500,  lorsque  Geiler  fit  venir  de  Bàle  à  Stras- 
bourg Sébastien  Brant  en  qualité  de  conseiller- syndic  et  décida 
Jacques  Wimpfeling  à  passer  plusieurs  années  dans  cette  ville, 
ces  deux  hommes  formèrent  une  société  pour  l'avancement  des 
études  historiques  dans  leur  pays.  Wimpfeling  composa  une 
histoire  des  évoques  de  Strasbourg  et  un  abrégé  de  l'histoire 
d'Allemagne.  A  Nuremberg,  Hartmann  Schedel;  à  Augsbourg, 
le  bénédictin  Sigmoud  Meisteriin  et  Conrad  Peutinger  ;  à  Col- 
mar,  le  chanoine  Sébastien  Murrho;  à  Cologne,  le  prieur  des 
chartreux  Werner  Rolewinck  (mort  en  1502) ,  qui  s'occupa 
aussi  de  commentaires  sur  l'Écriture  sainte  et  de  l'éducation  du 
peuple;  à  Hambourg,  le  chanoine  Albert  Crantz,  travaillèrent 
également  avec  succès. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  233. 

Ci-dessus,  §  1  et  suiv.;  Janssen,  I,  p.  87  et  suiv.,  98,  116  et  suiv.; 
Horawitz,  Nationale  Geschichtschreibiing  im  XVI  Jahrh.,  dans  Sybels 
hist.  Ztschr.,  1877,  t.  XXV,  p.  66  et  suiv.;  Natal.  Alex.,  sfec.  XIV, 
c.  V,  art.  3,  n.  12  ;  art.  6,  n.  4  et  seq.;  t.  XV,  p.  288,  293  et  seq.;  ssic. 
XV,  c.  IV,  art,  6,  t.  XVII,  p.  341  et  seq.  Essai  critique  de  Laur.  Valla, 
de  ementita  Const.  M.  donatione,  in  0pp.,  Basil.,  1540,  1543  et  seq. 

Les  études  biblîqaes. 

Progrès  de  l'exégèse  biblique.  —  Nicolas  de  Lyre.  —  Testat. 
—  La  première  Polyglotte. 

234.  Depuis  longtemps  les  Latins  surpassaient  les  Grecs  par 


44  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

le  nombre  de  leurs  travaux;  ils  arrivèrent  insensiblement 
à  une  étude  plus  approfondie  de  la  Bible  et  surtout  à  une 
recherche  plus  exacte  du  sens  littéral,  en  limitant  l'interpré- 
tation allégorique  et  morale.  L'université  de  Paris,  du  temps  de 
Gerson,  condamna  la  proposition  suivante  :  «  Le  sens  littéral 
de  l'Ecriture  n'est  pas  toujours  vrai.  »  Elle  maintint  l'explica- 
tion donnée  par  l'Église  aux  passages  messianiques,  et  con- 
damna en  1497  cette  assertion  que  le  verset  7  du  psaume  xxi 
ne  se  rapporte  à  Jésus- Christ  que  dans  le  sens  allégorique  et 
non  dans  le  sens  naturel. 

Quelques  savants  continuaient  de  se  livrer  à  d'utiles  travaux 
sur  l'Écriture  sainte.  Le  dominicain  Conrad  d'Halberstadt 
(1300-1320)  publia  une  concordance  abrégée  et  corrigée  de  la 
Bible,  qui  fut  ensuite  revue  par  Jean  de  Raguse  et  Jean  de 
Ségovie.  Les  commentaires  de  juifs  espagnols  sur  l'Ancien 
Testament,  les  chaires  de  langues  orientales  instituées  par 
Clément  V  (1311),  les  travaux  de  quelques  juifs  convertis,  fami- 
liers avec  les  langues,  fournirent  de  grandes  ressources  pour 
l'explication  de  l'Écriture  d'après  le  texte  original. 

Une  grande  célébrité  s'attache  au  nom  de  Nicolas  de  Lyre, 
juif  converti,  franciscain,  professeur  de  théologie  à  Paris,  pro- 
vincial de  son  ordre  dans  la  Bourgogne  (mort  en  1341).  Il  com- 
posa, sous  le  titre  de  Postille,  des  éclaircissements  sur  le  texte 
de  la  Bible,  qui  passèrent  dans  d'autres  gloses  de  l'Écriture. 
"Versé  dans  la  langue  hébraïque,  il  utilisait  les  commentaires 
des  rabbins,  et  s'efforçait  d'expliquer  le  texte  dans  le  sens 
grammatical  et  historique.  Presque  tous  les  exégètes  qui  sont 
venus  après  lui,  l'ont  mis  à  profit.  Les  plus  éminents  d'entre 
eux  sont  des  Espagnols.  Salomon  Lé  vi,  rabbin  converti,  qui 
échangea  son  nom  contre  celui  de  Paul  de  Burgos,  dont  il 
devint  évêque  (141o-li35),  augmenta  et  corrigea  la  Postille  de 
Nicolas  de  Lyre,  tandis  que  Matthieu  Döring,  franciscain  de 
Saxe,  publiait  une  Réplique  pour  défendre  son  confrère. 

Paul  eut  pour  successeur  sur  le  siège  épiscopal  de  Burgos 
son  fils  Alphonse,  également  instruit  (1435-14f)6).  Un  autre 
exégète  fameux  fut  Alphonse  Tostat,  docteur  de  Salamanque, 
honoré  par  Eugène  IV  d'un  canonicat  et  de  la  dignité  de  scolas- 
tique,  évêque  d'Avila  en  1449  (mort  en  1455).  11  écrivit  des 
commentaires  sur  le  Pentateuque,  sur  d'autres  livres  historiques 


LA   SCIENCE,    i/aRT  ET  LA   VIE  RELIGIEUSE.  i3 

(le  rAncien  Testament  et  sur  saint  Matthieu.  On  admire  en 
lui,  avec  une  érudition  étendue,  une  réfutation  solide  des 
objections  qui  avaient  cours  alors  parmi  les  juifs  d'Espagne. 
Xi  menés  les  fit  imprimer  à  ses  frais  en  1502.  On  reprochait 
cependant  au  savant  exégéte  de  suivre  les  Grecs  en  ce  qui 
regarde  l'anticipation  de  la  dernière  Cène  du  Sauveur;  déplacer 
la  mort  de  Jésus-Christ  au  3  avril;  d'enseigner  que,  s'il  n'y  a 
point  de  péché  irrémissible,  Dieu  cependant  n'absout  pas  de  la 
peine  ou  do  la  dette,  et  que  personne  ne  peut  en  absoudre  ; 
d'être  favorable,  dans  quelques  endroits,  aux  doctrines  de  Bàle 
sur  le  pape  et  le  concile. 

L'augustin  Jacques  Ferez,  de  Valence  (mort  en  1491),  com- 
posa des  commentaires  sur  les  Psaumes,  sur  le  Cantique  des 
cantiques  et  contre  les  juifs.  D'autres  fournirent  des  travaux 
analogues.  Le  cardinal  Ximénès  fit  préparer  par  une  société  de 
savants,  entre  autres  par  Antoine  de  Lérija(mort  en  1552),  sur 
un  plan  grandiose,  la  première  Bible  polyglotte  (Complutensis), 
en  six  volumes  in-folio,  contenant  les  textes  latins  et  grecs, 
hébreux  et  arabes,  et  autres  textes  orientaux,  avec  des  diction- 
naires et  des  grammaires  :  œuvre  vraiment  admirable  pour 
cette  époque. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE   N°  234. 

Sur  le  sens  littéral  de  l'Écriture  :  Gerson,  de  Sensu  lit.  S.  Script., 
t.  1;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  209,  cf.  p.  183,  c.  i;  ibid.,  p.  336,  le 
décret  du  15  avril  1597  sur  le  ps.  xxi,  7;  Conrad  de  Halberstadt,  etc.; 
A.  Sixtus  Sen.,  Biblioth.  sancta,  lib.  IV;  Vossius,  de  Hist.  lat.,  III,  xi; 
Nicolaus  Lyranus  (doctor  planus  et  subtilis,  ou  Posliilator)  :  Postillse 
perpétuée  in  Biblia,  Hom.,  1471,  t.  V  et  seq.,  et  Colon.,  Venet.,  No- 
rimb.,  1492,  éd.  Feuardent,  et  al.  Lugd.,  1590.  On  disait  de  lui  :  «  Si 
Lyra  non  lyrasset,  Lutherus  non  saltasset  ;  »  ce  que  les  Allemands  tra- 
duisaient ainsi  ;  «  Si  Lyre  n'avait  pas  joué  de  la  lyre,  Luther  n'aurait 
pas  moins  été  en  fête  »  ;  ou  :  «  Si  Lyre  n'avait  pas  joué  de  la  lyre, 
Luther  n'eût  pas  été  d'humeur  à  danser.  »  Luther  sur  lui  :  Walch,  I, 
p.  340  et  suiv.  Voyez  encore  le  Catholique,  1859,  p.  934  et  suiv.  Pau- 
lus Burgeusis,  Additiones  et  Emendationes  ad  Postillas,  1429;  le  con- 
traire dans  Matlh.  Döring  :  «  Replicœ  defensivse  postillse  ab  impugna- 
tionibus  Domini  Burgensis  »,  ou  «  Correctorium  corruptorii  Burgen- 
sis  ».  — Alphons.  Testatus,  Comment.,  Venet.,  1502  et  seq.,  13  vol.; 
Venet.,  1728  et  seq.,  24  vol.  Son  épitaphe  :  «  Hic  Stupor  est  mundi, 
qui  scibile  discutit  onine.  »  Plaintes  contre  lui  :  Rayn.,  an.  1443, 
n.  24;  Spondan.,  an.   1447;  du  Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  240-242.  Voy. 


46  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Janus,  p.  403,  et  Anti-Janus,  p.  169,  n.  47.  Sur  la  Polyglotte  d'Alcala, 
voy.  l'introduction  à  l'Écriture  sainte,  Bibiia  sacra,  V.  T,  multiplici 
lingua  nunc  primum  impressum,  t,  I-V  ;  N.  T.,  t.  VI,  Compluti,  1514- 
1517  et  seq.;  Flécliier,  Hist.  du  card.  Ximénès,  Par.,  1643,  t.  II,  en 
allem,  par  Fritz,  Würzb.,  1828;  J.  de  Marsolier,  Hist.  du  ministère  du 
card.  Ximénès,  Toul,  1694;  Héfelé,  der  Card.  Ximenes,  Tüb.,  1844, 
p.  120-158. 

Orientalistes   en   Italie   et  en   Allemagne.  —  Érasme  et  Le 
Fèvre  d'Ëtaples. 

235.  De  même  que  l'Espagne,  l'Italie  possédait  au  quin- 
zième siècle  d'excellents  orientalistes,  comme  Pierre  Rossi 
de  Sienne,  Jacques  Philippe  de  Bergame,  Jean  Pic  de  la  Miran- 
dole,  Manetti,  Giavozzo,  Palmieri,  puis  Tesio  Ambrogio,  qui 
obtint  de  Léon  X  la  chaire  des  langues  orientales  à  Bologne. 
Augustin  Giustiniani  travailla  à  une  polyglotte  sur  le  Psau- 
tier ;  dès  i477  une  Bible  hébraïque  était  imprimée  en  Italie. 
Le  dominicain  Thomas  de  Yio,  surnommé  Cajétan,  cardinal 
en  1517,  donna  sur  la  Bible  de  riches  commentaires,  mais 
défigurés  par  une  foule  de  fautes  et  d'opinions  singulières. 
Les  Postules  abondaient  partout  :  celle  du  dominicain  Nicolas 
de  Gorram  était  fort  en  vogue  dans  le  quatorzième  siècle;  il 
en  fut  de  même  au  quinzième,  en  Allemagne,  de  celles  des 
professeurs  de  Vienne  Henri  de  Hesse,  Nicolas  do  Dinkelsbühl 
(mort  en  1433),  et  de  Thomas  Hasselbach  (mort  en  14-6-i).  Chez 
les  Allemands,  l'étude  de  l'hébreu  fut  particulièrement  activée 
par  Renchlin  ;  mais  déjà  de  son  temps  et  en  partie  avant  lui, 
elle  était  cultivée  par  le  dominicain  Pierre  Schwarz,  qui  publia 
en  14.77  une  introduction  grammaticale  à  cette  langue;  par 
Rud.  Agricola,  qui  traduisit  les  Psaumes  sur  le  texte  primitif; 
par  Grégoire  Reisch,  à  Fribourg,  Summenhart  et  Paul  Scrip- 
toris,  à  Tubingue  ;  par  Conrad  Pélican. 

En  1505,  le  savant  théologien  Eck,  disciple  de  Reisch  pour 
l'hébreu,  appela  comme  professeur  d'hébreu  à  Ingolstadt  Jean 
Bœschenstein,  qui  s'y  était  formé  indépendamment  de  ReuchUn 
et  de  Pélican.  On  étudiait  également  l'hébreu  à  Mayence,  à 
Cologne,  à  Xanten,  à  Colmar  et  ailleurs.  Cependant  le  diction- 
naire et  la  grammaire  de  Reuchlin  surpassaient  tous  les  tra- 
vaux antérieurs. 

Les  œuvres  d'Érasme,  formé  sur  les  classiques,  mais  trop 


LA   SCIENCE,   l'art  ET  LA  VIE  RELIGIEUSE.  -i? 

peu  familiarisé  avec  le  dogme,  servirent  aussi  à  l'étude  de  la 
Bible.  Érasme  s'occupa  d'une  nouvelle  édition  du  texte  grec  du 
Nouveau  Testament,  qui  parut  pour  la  première  fois  en  1516. 
Cette  édition,  combinée  avec  celle  d'Alcala  (Complutensis),  a 
servi  de  modèle  au  texte  reçu.  Érasme  y  joignit  aussi  des 
remarques  et  une  paraphrase,  en  mettant  à  profit  les  exégètes 
grecs. 

En  France,  Jacques  Le  Fèvre  d'Étaples  {Faber  Stapulensis, 
mort  en  1537)  contribua  aussi  à  ramener  les  esprits  à  une 
étude  plus  exacte  de  la  Bible.  Ses  commentaires  sur  le  Psautier 
et  sur  le  Nouveau  Testament  n'étaient  pas  sans  valeur,  mais 
sa  critique  hardie  lui  attira  plus  d'une  censure.  Il  doit  la 
meilleure  part  de  sa  gloire  à  une  traduction  française  de  la 
Bible  (achevée  seulement  en  1523). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"  23Ö. 

Tiraboschi,  VF,  p.  590  et  seq.;  VII,  i,  p.  1067;  Cajétan,  Com.  in  V.  et 
N.  T.,  éd.  Fi-ancof.,  1639  et  seq.,  5  vol.;  Natal.  Alex.,  S£ec.  XVI,  c.  v, 
art.  2,  n.  2,  t.  XVII,  p.  363  et  seq.  Éditions  italiennes  de  la  Bible  :  Psal- 
terium  hebraicum,  Bonon.,  1477;  Biblia  hebr.  intégra  Soncini,  1488  et 
seq.;  ed.  Brix.,  1494,  in-4°  (utilisée  par  Luther).  En  1317,  commencent 
les  belles  éditions  de  la  Bible  par  David  Bromberg,  à  Venise,  avec  le 
concours  du  juif  Félix  de  Prato  :  éd.  Ven.,  1517,  1521,  1528;  Biblia 
rabbinica,  1518,  4  vol.  in-f°,  2^  éd.,  par  Jacques  ben  Cbajim,  1323; 
Mcolaus  de  Gorram,  Postilla  in  Psalter,  et  Job,  in  Pauli  Epp.,  in 
Matth.  et  Job.;  Natal.  Alex.,  t.  XV,  p.  291,  saec.  XIV,  c.  vi,  art.  4,  n.  8 
(plusieurs  manuscrits  dans  les  couvents  d'Allemagne,  notamment  les 
manuscrits  du  chapitre  de  Saint-Florian,  p.  4,  7,  15,  etc.);  Henric.  ab 
Hassia  jun.,  Com.  in  Genes.;  Nicol.  de  Dinkelsbühl,  0pp.,  éd.  Argent., 
1316;  Aschbach,  Gesch.  der  "Wiener  Univ.,  p.  430  ;  Thomas  de  Hassel- 
bach, Janssen,  I,  p.  79.  Études  hébraïques  en  Allemagne  :  Mœhler- 
Gams,  m,  p.  21  et  suiv.;  Geiger,  das  Studium  der  hebr.  Sprache  in 
Deutschland  vom  Ende  des  XV  bis  zur  Mitte  des  XVI  Jahrb.,  Breslau, 
1870.  Grammaires  hébraïques  par  des  dominicains,  avant  Reuchlin  : 
Schellhorn,  Amœnitat.  liter.,  XIII,  206  ;  Wachler,  Hdb.  des  Gesch.  der 
Lit.,  Frkf.,  1823,  II,  p.  212.  Érasme,  ses  travaux  bibliques  :  N.  T.,  Basil., 
1516  (dédié  à  Léon  X),  2»  ed.,  1519;  Paraphrasis  N.  T.,  1522.  Faber 
Stapul.  :  Psalterium  quinluplex,  Paris.,  1509;  Com.  in  Epp.  Pauli, 
Par.,  1512;  in  IV  Evang.,  Meld.,  1322;  la  Bible,  Antw.,  1330.  Cf.  Ri- 
chard Simon,  Hist.  crit.  des  principaux  commentaires  du  N.  T.;  Ro- 
senmüller, Hist.  Interpret.  libr.  sacr.  in  Eccl.  christ.,  2a  ed.,  Lips.,  1814, 
3  vol.;  Meyer,  Gesch.  der  Schrifterklœrung,  Gœtt.,  1802  et  suiv.,  5  vol. 


4^8  HISTOIRE  DB   l'ÉGUSE. 

Traductions  de  la  Bible  en  langue  vulgaire. 

236.  A  la  fin  de  cette  période,  la  plupart  des  nations  chré- 
tiennes possédaient  des  traductions  en  langue  vulgaire  des 
principaux  livres  de  la  Bible.  Ces  traductions,  l'Église  ne  les 
défendait  point  aux  fidèles,  quand  les  intérêts  de  la  foi  et  le 
progrès  régulier  du  peuple  n'exigeaient  pas  de  restrictions. 
Ce  qui  n'avait  pas  été  possible  jusqu'alors  à  la  plupart  des 
particuliers,  le  devint  par  l'invention  de  l'imprimerie.  Alors 
la  Bible  fut  lue  avec  avidité,  même  des  ignorants  et  des 
femmes,  et  les  Bibles  imprimées  trouvèrent  un  rapide  écoule- 
ment. Beaucoup  d'enfants  lisaient  les  Évangiles  et  autres  livres 
de  la  Bible,  et  les  apprenaient  par  cœur  ;  on  fondait  des  bourses 
pour  ceux  qui  se  destinaient  à  l'étudier  pendant  plusieurs 
années.  Mais  on  avait  soin,  comme  dans  la  Bible  de  Cologne 
(1470-1480),  de  recommander  aux  fidèles  de  lire  ce  livre  sacré 
avec  humilité  et  dévotion,  de  ne  pas  juger  ce  qu'ils  n'enten- 
daient point,  et  de  tout  interpréter  dans  le  sens  de  l'JÈglise. 
D'autres  fois,  comme  dans  la  Bible  de  Lübeck  de  1494,  on 
ajoutait  aux  passages  obscurs  des  remarques  tirées  de  Nicolas 
de  Lyre. 

Après  la  Bible  de  Fust  publiée  à  Mayence  de  1451  à  1455, 
depuis  1460  à  1517,  par  conséquent  avant  Luther,  l'Allemagne 
possédait  quatorze  Bibles  complètes  traduites  en  haut  allemand 
et  cinq  en  bas  allemand.  En  Italie,  une  Bible  populaire  fut  im- 
primée en  1471,  par  Malermi,  et  fut  suivie  de  plusieurs  autres  : 
de  sorte  qu'avant  1550  il  y  avait  en  Italie  trente-six  éditions  de 
la  Bible  complète  et  trente-cinq  éditions  de  parties  détachées, 
principalement  du  Psautier  et  du  Nouveau  Testament.  L'intel- 
ligence de  la  Vulgate  latine  y  était  fort  répandue.  En  France, 
on  compte  neuf  éditions  jusqu'en  1524.  Une  Bible  espagnole 
parut  dès  l'an  1478  à  Valence. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N"   236. 

Principes  pour  les  traductions  de  la  Bible  :  Malou,  de  la  Lecture  de  la 
Bible  en  langue  vulgaire,  Louv.,  1846;  en  allem.,  Ratisb.,  1848,  2  vol. 
Leur  nombre  :  Le  Long,  Bibliollieca  sacra  in  binos  syllabos  distincta, 
Faris.,  1723,  in-t'°,  2  l.;  Hain,  Hepertorium  bibliogra])li.,  Sluttg.,  1820 
el  seq.,  n.  .3129-3143;  Keusz,  Gescli.  der  hl.  Scrift  des  N.  T.,  4«  éd., 
Braunschw.,  1864,  p.  440  et  suiv.;  Janssen,  I,  p.  44  et  suiv.;  Panzer, 


LA    SCIENCE;    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  49 

làt.  Nachrichten  von  der  allerœltesten  gedruckten  deutschen  Bibel, 
Nürnb.,  1774;  Gesch.  der  rœm-kath,  deutschen  Bibel,  Nürnb.,  1781; 
Kehrein,  zur  Gesch.  der  deutschen  Bibelübersetzung  vor  Luther, 
Stuttg.,  1851;  Alzog,  die  deutschen  Plenarien,  Friboui'g,  1874,  p.  6ö 
et  suiv.  Bibles  italiennes  :  voy.  Biblioteca  degli  autori  greci  e  lat.  vol- 
garizzati  di  J.  M.  Paitoni,  t.  V.;  Civiltà  cattolica,  4  maggio  1861,  sér. 
rv,  vol.  X,  p.  266.  Sur  la  France  :  Manuel  du  libraire  ;  Pérennès,  Dict. 
de  bibl.  cath..  Par.,  1858,  t.  I  ;  Mœhler-Gams,  III,  p.  57,  n.  2. 

La  prédication  et  l'instruction  da  peuple. 
La  prédication. 

237.  Nous  trouvons  dans  tous  les  États  chrétiens  d'excellents 
prédicateurs,  dont  un  grand  nombre,  comme  Vincent  Ferrier 
(mort  en  14-19),  dominicain  espagnol,  se  faisaient  entendre  chez 
différentes  nations.  En  Italie  nous  remarquons  surtout  :  l'ermite 
de  Saint- Augustin  Simon  de  Cassia  (mort  en  1348),  saint  Ber- 
nardin de  Sienne  et  ses  confrères  Albert  de  Sarteano  (depuis 
1415  franciscain  de  l'étroite  observance)  et  Jean  de  Capistran 
(né  en  1380,  mort  en  1430),  le  Mineur  François  de  Platea  (mort 
en  1400),  également  célèbre  comme  canoniste,  les  dominicains 
Venturino  de  Bergame  (vers  1333)  et  Jérôme  Savonarole,  puis 
Gabriel  Barletta  (1470),  Antoine  de  Verceil  (1480),  Bernardin 
de  Bustis,  Michel  de  Milan,  Bobert  Caracciolo;  en  France  : 
Nicolas  de  Clémange,  Jean  Gerson,  le  Mineur  Olivier  Maillard. 

L'Allemagne  comptait  parmi  ses  principaux  orateurs  de  la 
chaire  :  les  frères  prêcheurs  Nicolas  de  Strasbourg,  Jean 
ïauler,  Henri  Suso  (Seuse),  et  plus  tard  Heynlin  de  Stein,  à 
Berne;  le  franciscain  Pelbart  (1490).  A  Mayence  prêchaient 
avec  beaucoup  de  succès  Ange  de  Brunswick  (mort  en  1481), 
Jean  de  Lauteren,  Gabriel  Biel,  l'évéque  auxiliaire  Sifrid,  de 
l'ordre  des  Prêcheurs  ;  à  Oppenheim  (149Ö),  Jean  Godefroy 
d'Odernheim,  auteur  de  nombreux  sermons  et  d'une  traduction 
allemande  de  la  Cité  de  Dieu  de  saint  Augustin  ;  à  Passau,  le 
chanoine  et  docteur  Paul  Wann.  Beaucoup  de  nouvelles  charges 
de  prédicateur  furent  établies;  les  sermons  tant  du  matin  que 
du  soir  étaient  assidûment  fréquentés,  et  dans  beaucoup  de 
diocèses  d'Allemagne,  à  la  fin  de  cette  période,  il  y  avait  plutôt 
excès  que  manque  de  prédication. 

C'était  un  orateur  singulièrement  original  que  Jean  Geiler 
V.  —  msT.  DE  l'église.  4 


50  msTOiRE  DE  l'église. 

de  Kaisersberg,  né  en  1445,  qui,  après  avoir  professé  à  Bâle 
et  à  Fribourg,  prêché  à  Wurzbourg,  passa  ensuite  trente-six 
ans  à  Strasbourg,  et  mourut  en  1510.  On  vantait  principalement 
les  sermons  qu'il  prononça  contre  les  vices  et  les  défauts  des 
différent  états,  à  propos  d'un  poème  à  la  fois  didactique,  reli- 
gieux et  satirique,  qui  parut  en  1494  et  qui  devint  bientôt  popu- 
laire, —  la  Nef  des  fous,  —  par  Sébastien  Brant  de  Strasbourg 
(né  en  4457,  professeur  des  deux  droits  à  Bàle  en  1489).  Geiler, 
comme  la  plupart  des  autres  prédicateurs,  écrivait  en  latin  le 
canevas  de  ses  sermons  et  prêchait  dans  la  langue  du  peuple. 
On  continuait  de  publier  des  traités  sur  la  prédication  et  des 
recueils  de  sermons.  Nous  en  devons  aux  dominicains  Jean  de 
Geminiano  (1310),  Jean  de  Fribourg,  Jean  Herolt;  aux  francis- 
cains Henri  ilerp  et  Jean  Meder,  à  l'augustin  Gottschalk  Hol- 
len, à  Deuys  le  Chartreux,  au  curé  de  Bàle  Jean  Ulric  Surgant, 
au  curé  d'Ulm  Ulric  Krafft,  aux  chanoines  Paul  Wann  et  Michel 
Lochmayer,  à  Gabriel  Biel,  etc.  Déjà  quelques-uns,  comme,  par 
exemple,  Gerson,  récitaient  VAve  Maria  à  la  un  de  l'exorde. 

ODVKAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  237. 

Heller,  Vincenz  Ferrer.,  Berl.,  1830.  Sur  Simon  de  Cassia  :  Trithemius, 
dans  Natal.  Alex.,  sœc.  XIV,  cap.  v,  art.  4,  n.  3,  t.  XV,  289.  Capistran, 
Armand  Hermann,  0.  S.  F.,  Capistranus  triumphans,  Colon.,  1700,  en 
allem.,  Munich,  1844;  Bonner  Ztschr.,  li.  xxi,  xxii.  P.  Savonarola, 
Triumphus  cruels,  Flor.,  1497,  iu-4°  ;  in  Orat.  Domin.  expositio  qua- 
druplex, Paris.,  1517,  etc.  (§  168).  Barletta,  Serm.  quadrag.,  etc., 
Venet.,  1577,  t.  11;  Ammon,  Gesch.  der  Homiletik,  I,  p.  353  et  suiv.; 
Daniel,  Theol.  Controversen,  p.  73  e.t  suiv.,  80  ;  Mœhler-Gams,  111,  p.  71 
et  suiv.;  Kerker,  dans  Tüb.  theol.  Quartalschr.,  1861  et  1862,  t.  XLIll, 
p.  373  et  suiv.;  t.  XLIV,  p.  267  et  suiv.  Sur  les  prédicateurs  français, 
voy.  Schwab,  Gerson,  p.  376  et  suiv.  Sermons  de  Nicolas  de  Strasbourg, 
dans  Moue,  Anzeiger  für  die  Kunde  der  deutschen  Vorzeit,  1838, 
p.  271  et  suiv.;  lloümann  de  Fallersleben,  Altteusche  Blsetter,  II, 
p.  165  et  suiv.;  Pfeilfer,  die  Mystiker  des  XIV  Jahrb.,  Leipzig,  1845, 
t.  1  ;  Job.  Taulers  Predigteu  in  die  jetzige  Schriftsprache  übertragen, 
von  Schlosser,  Fraukf.,  1825,  2  thle.,  d'après  l'édition  de  J.  Arnd  et  J. 
Spener,  od.  de  Kunze  et  Biesentbal,  Berlin,  1841,  3  thle.;  Schrœckh, 
K.-G.,  t.  XXXUI,  p.  482  et  suiv.  Sur  les  prédicateurs  de  Mayence  : 
Eysengrein,  Catai.  testiuni  veritatis,  Diling.,  1565,  in-fo,  172  et  seq.; 
Falk,  dans  les  Hist.-pol.  Bl.,  t.  LXXVI,  p.  329  et  suiv.  De  Paul  Wann, 
nombreux  manuscrits  dans  les  couvents  (par  exemple,  les  manuscrits  de 


LA    SCIEIÎCE,    L  ART   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  51 

la  bibliothèque  du  chapitre  de  Saiat-Florian,  Linz,  1871,  p.  45,  6ö,  93 
et  suiv.,  101,  133).  —  J.-B.  Rhenanus,  Joh.  Geileri  Vita,  ap.  Ricgger, 
Amœuit.  lit.,  Frib.,  Ulm,  1775,  fasc.  I,  56  et  seq.;  Ammon,  Geilers  v. 
K.  Leben,  Lehren  und  Predigten,  Erlangen,  1826.  —  Hist.-pol.  Bl., 
1861  et  suiv.,  t.  XLVllI,  p.  037  et  suiv.,  721  et  suiv.,  949  et  suiv.; 
t.  XLIX,  p.  33  et  suiv.,  390  et  suiv.  Sun  testament  édité  par  Rœhrig, 
dans  Niedners  Ztschr.,  1848,  p.  572  et  suiv.  Dacheux,  la  Prédication 
avant  la  Réforme,  dans  la  Revue  cathol.  de  l'Alsace,  1863,  p.  1-9,  58-67. 
et  Geiler  de  Kaysersberg,  ibid.,  1863-1870,  en  12  articles.  Ses  sermons  : 
Weltspiegel,  d.  i.  Predigten  über  Sebastian  Brants  NarrenschiiT,  Bàle, 
1574,  et  souvent  (.Narrenschilf,  éd.  Fr.  Zarncke,  Leipzig,  1834;  éd. 
Simrock,  Berhn,  1872;  K.  Gœdecke,  Leipzig,  1872;  lat.,  Navicula  sive 
Spéculum  fatuorum  a  Jac.  OtherocoU.,  Argent.,  1510,  in-4°,  en  allem., 
ibid.,  1520).  Joh.  de  Geminiano,  0.  Pr.,  Summa  de  similitudinibus 
rerum,  recommandé  par  saint  Antonin,  Chron.,  part.  III,  c.  xxiu, 
§  11;  Natal.  Alex.,  saec.  XIV,  cap.  v,  art.  1,  n.  2,  t.  XV,  p.  270;  Joh. 
Fnburg.,  Summa  praedicatorum  et  confessorum,  Lugd.,  1318;  Jean 
Herolt,  Discipulus  de  eruditioue  tidelium.  Argent.,  1490.  Autres  :  Jans- 
sen, I,  p,  30;  Nicol.  de  Nyse,  Gemma  prsedicantium,  Basil.,  1308.  Ave 
Maria  chez  les  prédicateurs  :  Schwab,  Gerson,  p.  401. 

Livres  d'instruction  et  d'édification. 

238.  Plusieurs  conciles  (par  exemple,  le  concile  de  Tortosa 
en  1429,  can.  vi)  recommandèrent  aux  évêques  de  faire  com- 
poser, à  l'usage  de  la  classe  inculte,  des  abrégés  de  la  religion 
chrétienne  méthodiquement  distribués.  Gerson  écrivit  en  latin, 
pour  les  prêtres  et  les  ignorants,  un  opuscule  en  trois  livres, 
où  il  traitait  de  la  foi  et  des  commandements,  de  la  confession 
et  de  l'art  de  bien  mourir  ;  cet  opuscule,  traduit  en  français,  fut 
aussi  traduit  en  allemand  (par  Geiler).  Le  Miroir  des  chrétiens, 
par  Théodoric  Kœlde,  de  Münster,  imprimé  en  1470,  était  à  la 
fois  un  catéchisme  et  un  livre  de  prières.  Etienne  Lanzkrana, 
à  Vienne  (mort  en  1477),  composa  le  Chemin  du  ciel;  Jean 
Wolff,  chapelain  à  Francfort-sur-le-Mein,  rédigea  un  livre  de 
confession  pour  les  enfants  et  les  adultes  (1478).  Les  Pléniers, 
qui  contenaient,  outre  les  épitres  et  les  évangiles  de  l'année,  les 
prières  de  la  messe  et  différentes  instructions;  les  Bibles  des 
pauvres,  les  catéchismes  simples,  les  catéchismes  illustrés  pour 
l'instruction  du  peuple,  les  explications  des  articles  du  Symbole 
(comme  celle  qui  fut  imprimée  à  Ulm  en  1483),  les  miroirs  des 


52  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

pénitents,  les  livres  de  prières  et  d'édification  de  toute  espèce, 
tels  que  la  Consolation  des  âmes,  souvent  réimprimée  (1474- 
1491)  ;  le  Jardinet  des  âmes,  répandu  en  latin  et  en  allemand; 
le  Trésor  ou  Écrin  du  vrai  salut  (1491),  tous  ces  ouvrages 
étaient  fort  nombreux. 

De  même  qu'on  publiait  à  l'usage  des  prêtres  moins  instruits 
des  manuels  [Maiiuale  sacerdolum,  de  Surgant,  1503),  des 
instructions  particulières  pour  le  confessionnal  (de  Guillaume 
de  Cajoco  (1369),  des  dominicains  Jean  de  Fribourg  et  Jean 
Nider  (mort  en  1438),  du  franciscain  Barthélémy  de  Chaimis, 
vers  1478,  etc.),  ou  composait  aussi  pour  le  peuple,  depuis  la 
propagation  de  l'imprimerie,  une  multitude  de  livres  sur  la  foi, 
sur  la  pénitence  et  la  réception  des  sacrements.  Le  livre  de 
l'Imitation  de  Jésus-Christ  fut  souvent  édité  en  langue  vul- 
gaire; le  Guide  des  âmes,  le  Jardinet  des  âmes,  le  Combat 
spirituel  (1503),  d'Ulrich  Kraift,  étaient  extraordinairement  ré- 
pandus. On  recommandait  aux  familles  d'élever  chrétiennement 
leurs  enfants,  ainsi  que  le  faisait  Sébastien  Brant,  mort  eu 
1521.  En  Italie,  Mapliée  Végius  composa  à  Rome  (1457)  six 
livres  sur  l'éducation  de  la  jeunesse;  eu  Allemagne,  Wimp- 
feling  était  renommé  comme  pédagogue.  Les  Allemands  pos- 
sédaient vers  1470  un  grand  nombre  d'écoles  populaires  libres 
pour  les  deux  sexes  ;  les  maîtres  étaient  honorés,  la  discipline 
était  généralement  très  sévère. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES  SUR   LE   N"    238. 

Exhortations  au  clergé  concernant  l'instruction  du  peuple  :  Couc. 
Mogunt.,  1310,  c.  i;  Vaurensc,  1368,  c.  i  ;  Basil.,  1433,  sess.  XV;  Revue 
cath.  de  l'Alsace,  1863,  p.  6  et  seq.;  Tübinger  Quartalschrift,  1861, 
p.  373  et  suiv.;  Gerson,  Opusc.  tripartitum  de  prœceptis  Decalogi,  de 
confessioue  et  de  arte  moriendi,  0pp.  1,  425  et  seq.;  Schwab,  p.  683  et 
suiv.;  Theodorich  Kœlde,  «  Kresten-Spiegel  ».  Voy.  Nordholi',  dans 
Picks  Monatschrift  für  rheinisch-westphsel.  Geschichtsforschung  Jahrg., 
I  h.,  1  et  suiv.,  Bonn,  1875;  Binterim,  Deutsche  Conc,  VII,  p.  564; 
Trithem.,  de  Script,  eccl.,  n.  950;  Fabric,  Bibl.  eccl.,  II,  228;  Mœh- 
ler-Gams,  III,  p.  80  et  suiv.;  Hasak,  der  christl.  Glaube  des  deutschen 
Volkes  beim  Schlüsse  d.  M.,  Ratisb.,  1868;  Brück,  der  relig.  Unter- 
richt für  Jugend  u.  Volk  in  Deutschland  in  d.  zweiten  Haelfte  d.  XV 
Jahrb.  (A.  d.  Kath.),  Mayence,  1876;  Moufang,  die  Mainzer  Katechismen 
von  Eründung  der  Buchdruckerkunst  bis  zum  Ende  des  XVIII  Jahrb., 
Mayence,  1877.  —  Die  «  Hyraelstrasz  »,  édit.  d'Augsb.  de  1484  (voy. 


LA   SCIENtE,    L  ART   ET    LA    VIE    RELIGIEUSE.  53 

Hasak,  p.  268  et  suiv,).  J.  Woltï,  «  Vor  die  anhebenden  Kynder  und 
ander  zu  Lichten  »,  Francf.-sur-le-M.,  1478.  Pléniers  d'Augsbourg, 
1480;*d'ürach,  iiSl  ;  de  Strasbourg,  1483  et  suiv,  :  Alzog,  die  deutschen 
Plenarien  im  XV  und  zu  Anfang  des  XVI  Jahrb.,  Frib.,  i874;  Hist.-pol. 
Rl.,  1876,  I,  p.  n  et  suiv.;  Geffcken,  der  Bilderkatechismus  des  XV 
Jahrb.  nach  Cod.  Heidelb.  438  mitgetbeill,  Leipzig,  1855,  in-4°.  Cf. 
Augsb.  Allg.  Z.,  14  juillet  1857,  Beil.,  n.  19ö;  G.  Heyder,  die  Darstel- 
lungen der  Biblia  pauperum  in  den  Handschriften  des  XIV  Jahrb., 
Vienne,  i863  ;  Biblia  pauperum,  avec  éclaircissements  par  Laib  et 
Schwarz,  Zurich,  1867;  Huland,  zur  Gesch.  der  bildheben  Darstellung 
als  Unterrichtsmittel  (Chiliaueum,  1862,  I).  Guillaume  de  Cajoco 
(Cayeux,  Picardie,  vers  136!(),  Summa  confessorum  (en  plusieurs  ma- 
nuscrits, par  exemple,  celui  de  Saint-Florian,  p.  67).  Jean  de  Fribourg 
(Eccard,  I,  523),  de  lustructione  confessorum  (ibid.,  p.  51,  58];  Barthol, 
de  Chaimis,  Interrogatorium  seuConfessionale,  llogunt.,  1478;  Modus 
contitendi.  Argent.,  1508;  Tract,  perutilis  de  administr.  sacram.,  ib., 
1499  ;  Manipulus  curatorum,  par  maître  Guido  de  Monte  Rotheri  (Busse, 
il,  p.  280.  Saint-Florian,  Cod.  XI,  92,  112,  132,  p.  40,  52,  63).  Jean 
Nider,  Prseceptorium  divinœ  legis.  Argent.,  1473;  Explicatio  Decalogi; 
Manuale  confessorum  (plusieurs  manuscrits ,  par  exemple ,  celui  de 
Saint-Florian,  p.  68,  132,  326).  Herold,  Discipulus  de  erudilione  fîde- 
liuni.  Argent.,  1490;  J.-Ij.  Surgant,  Manuale  curatorum,  Arg.,  1506. 
Henri  d'Erp,  0.  S.  F.,  mort  en  1478  à  Malines,  Spéculum  aureum, 
Mog.,  1474.  Le  «  Dormi  secure  »  parut  en  1484;  la  «  Summa  rudium  »,  en 
1487,  à  Reuthngen.  Jean  de  Bromyard,  0.  Pr.,  mort  en  1410,  Dictiona- 
rius  pauperis.  Par.,  1498.  Plaintes  à  ce  sujet  dans  Wimpfeling,  Kliipfel, 
Vita  Conr.  Celtis.  Frib.,  I,  172.  Plusieurs  éditions  dans  Panzer,  Annal, 
typograph.,  t.  V,  H  ;  Hain,  Repertor.  bibliogr.,  t.  IV.  Les  manuscrits 
de  livres  de  prières  et  de  légendes  des  saints  sont  très  nombreux  (par 
exemple,  les  manuscrits  de  Saint-Florian,  p.  57,  79,  85,  88,  91  et  suiv., 
118  et  suiv.,  143  et  ailleurs.  —  «  Der  Selen-fürer,  ein  nutzberlich  buch 
füryeglichen  christenmenschen  zum  frumen  leben  und  seligen  ster- 
ben. )>  Mayence,  chez  P.  Scheffer,  1498  (47  feuilles  in-4oj.  —  B.  Schwarz, 
J.  Wimpfeling,  der  Altvater  des  deutschen  Schulwesens,  Gotha,  1875; 
Janssen,  I,  p.  20  et  suiv.  Maphœus  Vegius,  Bibl.  PP.,  Lugdun.,  t.  XXVI. 

Le  culte  et  Part  relig-ieax. 

Le  Service  divin.  —  Les  fêtes.  —  Le  jubilé.  —  Les  indulgences. 
—  La  bulle  sur  l'Eucharistie. 

239.  Le  service  divin  ne  subit  aucun  changement  essentiel; 
il  se  célébrait  avec  beaucoup  d'éclat.  On  recommandait  d'y 
assister  dans  les  églises  paroissiales.  Les  conciles  insistaient  sur 


54  msTOiRE  DE  l'église. 

le  respect  de  la  sainte  Hostie  et  la  génuflexion  au  moment  de 
l'élévation;  ils  recommandaient  d'accompagner  solennellement, 
avec  des  cierges  et  au  son  des  cloches,  le  saint  viatique,  défen- 
daient de  baptiser  dans  les  maisons,  et  veillaient  à  ce  que  les 
fonctions  religieuses  fussent  dignement  remplies.  Dans  plusieurs 
villes  épiscopales,  le  peuple  demeura  attaché  à  l'église  cathé- 
drale et  à  son  baptistère,  au  moins  pour  quelques  cérémonies 
particulières,  même  après  qu'on  eut  érigé  plusieurs  paroisses. 
Souvent  les  ecclésiastiques  de  la  cathédrale  exerçaient  leurs 
fonctions  dans  les  paroisses  à  tour  de  rôle  (hebdomadiers, 
dogmani,  mansionaires),  et  l'un  d'eux  devait  y  être  toujours 
présent. 

Les  offrandes  en  argent  et  en  cire  ;  les  processions,  surtout 
avec  des  reliques,  étaient  très  fréquentes.  Les  dévotions 
favorites  étaient  le  rosaire  et  les  stations  du  Chemin  de  la 
croix,  représentées  par  des  tableaux  figuratifs  qui  touchaient 
le  cœur  en  même  temps  qu'ils  parlaient  aux  yeux.  L'usage 
d'annoncer  X Angélus  au  son  de  la  cloche  fut  presque  partout 
introduit.  La  solennité  de  la  Fête-Dieu,  avec  procession  du 
saint  Sacrement;  celles  de  la  Sainte-Trinité  (prescrite  par 
Jean  XXIf),  de  la  Visitation,  2  juillet  (Urbain  V,  4369  et  XLIII" 
session  de  Bâle),  et  de  l'Immaculée  Conception  devinrent  géné- 
rales. Au  quinzième  siècle,  on  y  joignit  la  fête  des  Sept- 
Douleurs  de  Marie.  La  fête  du  Rosaire  n'était  célébrée  que 
dans  l'ordre  de  Saint-Dominique,  On  solennisait  aussi  les  fêtes 
des  apôtres,  celles  des  patrons  et  des  saints  populaires.  A  Rome, 
on  institua  la  fête  de  Sainte-Marie-des-Neiges  (5  août). 

Boniface  VIII  avait  établi  le  jubilé  en  l'an  1300;  Clément  VI 
(t343)  décida  qu'il  aurait  lieu  tous  les  cinquante  ans;  puis 
Urbain  VI  (1389),  tous  les  trente-trois  ans.  Déjà  Boniface  IX 
accordait  l'indulgence  du  jubilé  à  d'autres  diocèses  que  celui  de 
Rome;  Paul  II,  en  1470,  statua  que  le  jubilé  serait  célébré  tous 
les  vingt-cinq  ans,  et  Sixte  IV  confirma  cette  mesure  en  1473, 
Sous  Alexandre  VI,  on  y  ajouta  l'ouverture  solennelle  de  la 
porte  sacrée  le  jour  de  Noël  de  l'année  précédente  et  sa  ferme- 
ture à  la  fin,  pour  indiquer  le  commencement  et  l'expiration 
du  temps  où  l'on  pouvait  gagner  l'indulgence.  Les  concessions 
d'indulgences  étaient  fréquentes  ;  ceux  qui  les  annonçaient, 
comme  ceux  qui  recueillaient  les  aumônes  (questeurs),  dépas- 


LA   SCIENCE,   L  ART   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  55 

saient  souvent  leurs  attributions,  et  obligeaient  les  supérieurs  à 
intervenir  pour  combattre  leurs  assertions  exagérées,  comme, 
par  exemple,  lorsqu'ils  disaient  qu'en  gagnant  une  indulgence 
on  délivrait  immédiatement  du  purgatoire  les  âmes  auxquelles 
elle  s'appliquait  ;  ce  qui  n'était  nullement  justifié  par  les  bulles 
des  papes,  ainsi  que  la  Faculté  de  Paris  le  faisait  remarquer  en 
1482.  Au  quatorzième  siècle  déjà  avait  paru  la  bulle  sur  l'Eu- 
charistie, publiée  le  jeudi  saint  ;  elle  contenait  les  censures  ré- 
servées aux  papes.  Telle  qu'elle  était  conçue  sous  Urbain  V,  elle 
comprenait  sept  cas;  sous  Martin  V,  dix.  Plus  tard  ce  nombre 
fut  encore  augmenté.  Elle  satisfaisait  à  des  besoins  religieux 
profondément  ressentis,  ainsi  qu'aux  exigences  de  la  société 
chrétienne  en  général. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES   SDR   LK   N°   239. 

Sur  l'assistance  à  la  messe  paroissiale  les  dimanches  et  fêtes  :  Con- 
ciles de  Marciac,  1326,  c.  xxvi;  de  Bénévent,  1331,  c.  viir;  1378,  c.lxviii; 
de  Prague,  1349,  c.  xxxii,  etc.  Sur  le  respect  dû  à  l'Eucharistie  :  Conciles 
de  Salzbourg,  1418,  c.  x;  de  Tortosa,  1429,  c.  vu.  Paroisses  des  villes  : 
Ordinarium  Eccl.  Parmens.,  p.  71-73,  75,  77.  Oblations,  ib.,  p.  23,  64, 
73,  7o,  80  et  seq.,  188.  Processions,  ib.,  p.  37,  73,  137  et  seq.;  Concile 
de  Bénévent,  1378,  c.  xxxv.  Ave  Maria  annoncé  par  les  cloches,  1309, 
en  Hongrie  :  Héfelé,  VI,  p.  428.  Jours  de  fête  :  Conciles  de  Marciac, 
1326,  c.  xu;  de  Londres,  1328;  Bonif.  VIII,  c.  i;  Antiquorum  V,  9  in  X 
vagg.  com.;  Clem.  VI,  const.  Unirjenitus,  c.  ii,  h.  t.;  Bonif.  l.X,  Magn. 
Chron.  Belg.,  ap.  Pistor.,  III,  363;  Paul  II,  c.  m,  Etsi  Dominici,  h.  t., 
in  X  vagg.  com.  Sixt.  IV,  c.  iv,  h.  t.;  Bened.  XIV,  const.  Nemo  vestrum, 
1749  :  Bull.  M.,  XVIII,  147.  Sur  les  «  qusestores  eleemosynarum  »  :  Con- 
ciles de  Trêves,  1310,  c.  lxxxv  (contre  les  indulgences,  les  quêteurs  non 
autorisés);  de  Ravenne,  1311,  c.  xiu  (défense  de  prêcher);  de  Marciac, 
1326,  c.  XLi  (défense  demporter  des  reliques  avec  eux  et  d'outrepasser 
dans  leurs  sermons  les  bornes  prescrites);  d'Alcala,  1347,  c.  m.  Boni- 
face  IX,  en  1390,  réprima  les  abus  commis  par  les  quêteurs  :  Rayn.,  h. 
a.,  n.  1,2.  Le  concile  de  Cologne  de  1423  ordonna,  c.  vi,  de  n'admettre 
pour  quêteurs  que  ceux  qui  seraient  dans  les  ordres  majeurs  ;  celui 
de  Trêves,  vers  le  même  temps,  renouvela  le  décret  de  Clément  V  (c.  ii, 
lib.  V,  tit.  IX,  in  Clem.).  Le  concile  de  Paris  de  1429,  c.  xxvn,  s'éleva 
contre  les  abus  commis  par  les  quêteurs  ;  dans  le  même  temps,  celui 
de  Tortosa,  c.  xvi,  frappa  d'excommunication  et  d'une  suspense  de 
trois  ans  les  quêteurs  qui  prêcheraient  ou  quêteraient  sans  la  permis- 
sion de  l'évoque.  Censure  de  la  Faculté  théologique  de  Paris,  de 
Indulg.  :  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  306.  De  même  en  1518,  ib.,  p.  333 


56  HISTOIRE   DE   L  ÉGLISE. 

etseq.  —Walter,  K.-R.,  §  \9i,  p.  346,  n.  13;  Hist-pol.  Bl.,  t.  XXI, 
p.  37-82  ;  Hausmann,  Gescb.  der  paepstl.  Reservalfcelle,  Munich,  1868, 
p.  95  et  suiv.;  mon  ouvrage  :  Kath.  Kirche,  p,  770  et  suiv.  Bulle  de 
Paul  II,  c.  m,  Etsi  Dominici,  V,  ix,  de  Pœnit.  et  Remiss.,  in  X  vagg. 
corn.;  de  Jules  II,  const.  xxv,  Consueverunt,  iSH  :  Bull.  M.,  I,  507. 

La  poésie.  —  La  musique. 

240.  L'art  continuait  de  rehausser  le  culte  chrétien.  La  poésie, 
en  dehors  des  chefs-d'œuvre  des  Italiens,  fut  moins  féconde 
jusqu'à  la  fin  de  cette  période  qu'elle  ne  l'avait  été  précédem- 
ment, bien  que  l'on  composât  encore  une  foule  de  chants  spi- 
rituels et  profanes,  et  que  l'on  traduisît  dans  l'idiome  du  peuple 
quantité  d'hymnes  religieuses. 

En  Allemagne,  le  bénédictin  Hermann  (ou  Jean)  de  Salz- 
bourg,  au  quatorzième  siècle,  et  le  prêtre  Henri  de  Laufenberg, 
au  quinzième,  agirent  en  faveur  des  cantiques  spirituels;  on 
composa  des  chants  religieux  à  opposer  aux  hussites,  et  de  1470 
à  lois  parurent  plus  de  trente  recueils  de  chants  allemands. 
L'usage  de  chanter  des  cantiques  allemands  pendant  l'office 
solennel  existait  déjà  vers  la  fin  du  quinzième  siècle.  Les 
drames  religieux,  à  partir  de  1450,  devinrent  plus  brillants  et 
plus  artistiques  ;  ils  avaient  pour  sujets  habituels  Jésus-Christ 
et  sa  mère,  l'Antéchrist  et  la  fin  du  monde.  Un  grand  nombre 
de  personnes  y  prenaient  part. 

Dans  le  midi  de  la  France,  à  Aix,  les  processions  de  la  Fête- 
Dieu  du  roi  René  (né  en  1409)  étaient  particulièrement  renom- 
mées ;  elles  étaient  aussi  fort  populaires  en  Espagne.  On  repré- 
sentait en  outre  les  mystères  de  Noël  et  de  la  Passion,  les 
mystères  des  vierges  sages  et  des  vierges  folles,  les  mystères 
de  sainte  Catherine  et  d'autres  saints. 

Quant  à  la  musique,  le  chant  grégorien  se  conservait  en 
Italie.  Depuis  Urbain  V  et  Grégoire  XI,  qui,  d'Avignon,  emme- 
nèrent avec  eux  leurs  chantres,  Belges  pour  la  plupart,  la 
chapelle  pontificale  fut  dirigée  par  des  contrapontistes  belges, 
dont  plusieurs  composèrent  aussi  des  messes.  On  exécutait 
souvent  des  airs  tout  à  fait  profanes,  qui  nuisaient  à  la  gravité 
de  l'office  divin  ;  mais  on  n'était  pas  encore  scandalisé  à  celte 
époque  d'entendre  éclater  sous  les  voûtes  des  églises  les  mêmes 
mélodies  que  le  peuple  chantait  dans  les  fêtes  profanes.  C'est 


LA   SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  57 

dans  l'Allemagne  du  sud  et  du  centre,  puis  dans  les  Pays-Bas, 
que  la  musique  était  le  plus  cultivée.  Jacques  Obrecht,  né  dans 
le  pays  rhénan  (mort  en  1507),  qui  vécut  quelque  temps  à  Flo- 
rence, auprès  de  Laurent  de  Médicis,  où  Henri  Isaac  (1475-1480) 
était  maître  de  chapelle  à  l'église  de  Saint-Jean  et  donnait  des 
leçons  de  musique  à  la  cour,  exerçait  ces  fonctions  à  la  cha- 
pelle de  l'empereur  Maximilian  en  même  temps  que  Josquin 
du  Pré  [Jodocus  Pratensis,  mort  en  1521),  un  disciple  du  célèbre 
Jean  Okenheim  de  Flandre,  de  qui  plusieurs  écoles  de  musique 
se  réclamaient.  Étaient  également  célèbres  comme  composi- 
teurs :  Louis  Senfl,  de  Zurich,  disciple  de  Henri  Isaac;  Henri 
Fiuck,  maître  de  chapelle  à  Cracovie  en  1492  ;  Etienne  Mahu  et 
Arnold  de  Brück,  doyen  de  Laibach. 

L'orgue  fut  perfectionné  par  l'invention  de  la  pédale  (avant 
1470),  la  diminution  de  la  dimension  des  touches  et  l'augmen- 
tation de  lenr  nombre  ;  il  le  fut  surtout  par  des  maîtres  alle- 
mands, qui  travaillèrent  aussi  en  d'autres  pays  comme  facteurs 
d'orgues  et  organistes  renommés.  A  Rome,  Antoine  dagl'Or- 
gani  (mort  en  1498)  jouissait  comme  organiste  d'une  grande 
réputation.  Les  meilleures  orgues  furent  construites  en  Alle- 
magne par  Henri  Cranz,  vers  1499. 

Les  règles  de  l'art  musical  furent  exposées  par  les  carmes 
Jean  d'Erfurt  et  Jean  Goodenbach,  lequel  fut  le  maître  de 
Franchin  Gafor,  chef  des  musiciens  théoriciens  d'Italie  (vers 
1500).  Jean  Tinctoris  (Teinturier),  maître  de  chapelle  de  Ferdi- 
nand, roi  de  Naples,  écrivit  sur  le  contrepoint,  les  tons  et  l'ori- 
gine de  la  musique.  Le  bénédictin  Adam  de  Fulda  (1490),  le 
prêtre  d'Amberg  Sébastien  Virdung,  Jacques  Zabern  à  Mayence, 
Jacques  Faber  de  Stablon,  Michel  Neinsbeck  et  Jean  Cochlée  de 
Nuremberg  étaient  renommés  comme  compositeurs  de  musique. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SCR   LE   N°    240. 

Livre  de  chant  d'Oeglin,  Au^sbourg,  1512;  GeflFken,  Hamburg,  und 
niedersœchsische  Gesangbücher  des  XVI  Jahrh.,  Hambourg,  1837;  Hoff- 
mann de  Fallersleben,  Schlesische  Volkslieder,  1842;  Haxthausen, 
Geist).  Volkslieder,  1830;  Ditfurth,  Frœnk.  Volkslieder,  1832;  Fr. 
Horael,  Geistl.  Volkslieder,  Leipzig,  1867;  Kehrein,  Kirchenlieder, 
Wurzbourg,  1839  et  suiv.,  3  vol.;  Meister,  das  kath.  geistl.  Kirchenlied 
mit  den  Melodien,  Frib.,  1862;  Janssen,  I,  p.  215  et  suiv.  Des  chants 
allemands  pendant  l'office  divin  sont  mentionnés  par  le  concile  de 
Schwerin,  1492  :  Hartzheim,  V,  633.  Drames  religieux,  surtout  :  Plaintes 


58  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

de  Marie,  mystères  de  Noël  et  de  la  Passion,  le  mystère  des  dix  vierges 
(exécuté  en  1322  à  Eisenach),  de  sainte  Catherine,  etc.  Voy.  ci-dessus, 
V«  période,  §  380,  t.  IV,  p.  388-389;  Janssen,  I,  p.  224  et  suiv.  Proces- 
sions de  la  Fête-Dieu  du  roi  René,  mort  en  1480  :  Kreiten,  S.  J.,  dans 
Laacher  Stimmen,  1874,  cahier  VII,  p.  84  et  suiv.  Clédat,  Étude  sur 
le  mystère  de  sainte  Agnès  (Biblioth.  des  écoles  françaises  d'Athènes 
et  de  Rome,  Paris,  1877,  fasc.  1,  p.  271  et  seq.).  —  Janssen,  I,  p.  195 
et  suiv,,  206  et  suiv.;  F.-X.  Kraus,  Kirchen-Gesch.,  I,  p.  417,  §  124. 

L'architecture. 

241.  On  continuait  de  travailler  aux  grandes  cathédrales 
précédemment  commencées  et  de  construire  de  splendides 
églises,  surtout  en  Allemagne,  en  France,  en  Espagne,  en 
Italie  ;  on  s'imposait  encore  à  cette  fin  de  grands  sacrifices  dans 
toutes  les  classes  de  la  société.  Comme  ou  ne  pouvait  atteindre 
à  l'unité,  éviter  les  méprises  et  les  dépenses  excessives,  qu'en 
soumettant  les  ouvriers  à  une  éducation  uniforme,  dans  des 
corporations  étroitement  reliées  entre  elles,  et  par  le  concours 
simultané  de  toutes  les  forces,  deux  grandes  associations  de 
tailleurs  de  pierre  se  formèrent  en  Allemagne,  l'une  à  Ratis- 
bonne  en  4459,  l'autre  à  Spire  en  1464.  En  vertu  d'un  statut 
rédigé  en  commun,  tous  les  ateliers  de  maçons  se  placèrent 
sous  la  direction  des  quatre  grands  ateliers  de  Strasbourg, 
de  Cologne,  de  Berne  et  de  Vienne,  et  confièrent  à  l'architecte 
de  la  cathédrale  de  Strasbourg  l'office  de  premier  juge. 

Mais  les  monastères  aussi  continuaient  encore  d'avoir  des 
écoles  d'architecture.  Des  architectes  allemands  furent,  en  1490, 
mandés  de  Strasbourg  à  Milan  pour  continuer  la  construction 
du  dôme,  comme  en  1450  d'autres  avaient  été  appelés  do  Co- 
logne à  Burgos.  A  l'apogée  du  gothique  commença  d'ailleurs 
sa  décadence  :  on  exagéra  les  résultats  atteints  par  le  dégage- 
ment des  voûtes  ;  on  tourna  tous  les  travaux  vers  l'ornementa- 
tion, au  préjudice  de  l'unité  organique  ;  on  imagina  toute  sorte 
de  figures  fantastiques  et  folâtres  ;  néanmoins  l'architecture  de 
la  tour  était  toujours  grandiose. 

En  Italie,  le  plus  grand  architecte  fut  Bramante,  qui,  sous 
Jules  II,  mit  la  première  main  à  la  construction  de  la  grande 
église  de  Saint-Pierre,  continuée  ensuite  par  Giocondo,  Raphaël 
d'Urbino  et  Antoine  de  Saint-Gall.  Brunelleschi  éleva  en  1431 
la  voûte  de  la  coupole  du  dôme  do  Florence.  André  Orcagna 


LA   SCIE'NCE,    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  59 

(1389),  Julien  da  Majano,  Michelozzo  Michelozzi  (vers  1440), 
étaient  des  célébrités  de  cette  ville.  L'antiquité  classique  y 
exerçait  son  influence  prépondérante.  La  sculpture,  qui  avait 
déjà  produit  d'excellents  ouvrages  en  statues  d'anges  et  de 
saints,  en  monuments  funèbres  et  en  meubles  d'église,  déploya 
à  Florence  sa  plus  sublime  floraison.  Là  travaillaient  Nicolas 
et  André  de  Pise;  Ghiberti  de  Florence  (mort  en  14.55),  dont 
les  portes  de  bronze  du  baptistère  excitaient  l'admiration  de 
Michel- Ange;  son  disciple  Luca  délia  Robbia  (mort  en  1481), 
qui  fit  des  reliefs  et  des  figures  en  terre  cuite,  puis  les  colora 
et  les  vitrifia  au  feu,  afin  de  les  protéger  par  le  vernis  contre 
l'air  et  les  intempéries;  enfin,  Donato  ou  Donatello  (mort  en 
1466),  à  qui  l'on  rendait  cet  hommage  d'avoir  ressuscité  par 
la  plastique  la  beauté  des  chefs-d'œuvre  de  la  Grèce  :  un  grand 
nombre  de  sculpteurs  renommés  sortirent  de  son  atelier. 

Après  Giotto  (mort  en  1336)  et  Orcagna  Piedro  Tedesco  (1386- 
1400),  Nicolas  d'Arezzo  avait  travaillé  plus  tard  au  dôme  de 
Florence.  En  Allemagne  et  en  France,  les  églises  et  leurs  por- 
tails furent  ornés  d'excellentes  statues  ou  reliefs.  On  recouvrait 
de  peintures  un  grand  nombre  de  statues  de  bois  ou  de  pierre, 
et  sur  les  tableaux  on  mettait  des  ornements  plastiques.  A  côté 
des  travaux  en  pierre,  on  en  voyait  d'autres  coulés  en  bronze, 
sculptés  en  ivoire  ou  en  bois,  ces  derniers  surtout  aux  chaires 
et  aux  stalles  du  chœur.  C'était  une  œuvre  magnifique  que  le 
tombeau  de  saint  Sébalde  à  Nuremberg,  par  Pierre  Vischer 
(mort  en  1530),  dont  l'école  a  produit  le  monument  grandiose 
de  l'empereur  Maximilien  à  Inspruck. 

On  doit  à  l'ami  de  Vischer,  Adam  Kraft,  la  meilleure  repré- 
sentation de  l'histoire  de  la  Passion  qui  existe  sur  pierre,  ainsi 
que  le  magnifique  tabernacle  de  saint  Laurent  ;  il  n'a  été  sur- 
passé que  par  celui  d'Ulm,  construit  par  maître  de  Weingarten. 
Tilmann  Rieraeuschneider  a  fait  à  Wurzbourg  le  tombeau  de 
Henri  II  et  à  Bamberg  celui  de  son  épouse  Cunégonde,  ainsi 
que  d'autres  travaux  remarquables.  Veit  Stosz  (né  en  1447), 
qui  travailla  à  Nuremberg  et  à  Cracovie,  joignait  à  la  sculp- 
ture sur  pierre  et  sur  bois  la  peinture,  la  gravure,  la  méca- 
nique et  l'architecture.  Comme  à  Nuremberg  et  à  Florence,  il 
y  avait  aussi  d'excellents  orfèvres  à  Augsbourg,  à  Ratisbonne  et 
à  Mayence. 


60  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

OUVRAGES    A   CONSULTER   SUR   LE   N»   241. 

Vasari  (architecte  florentin,  mort  en  1495),  le  Vite  de'  pittori, 
architetti  e  scultori  ital.,  Fir.,  1550,  in-4°;  Milano,  1808,  7  t.,  en 
allem.;  Stuttgart,  1832  et  suiv.  Séreux  d'Agincourt,  Hist.  de  l'art 
par  les  monuments.  Par.  et  Strasb.,  1823,  6  t.  in-f»  (en  allem., 
Berlin,  1840  et  suiv,);  le  Moyen  Age  monumental  et  archéologique, 
Par.,  1841;  A.-F.  Rio,  de  l'Art  chrét.,  2«  éd.,  Par.,  1861-67,  4  vol.; 
Laib  et  Schwarz  (IV,  §  113);  Boisseréo,  Denkmale  der  Baukunst 
am  Niederrhein,  Munich,  1833,  1842;  Puttrich,  Denkmale  der  Bau- 
kunst im  Mittelalter  in  Sachsen,  Leipzig,  1836-1843;  Wiegemann, 
ueber  der  Ursprung  des  Spitzbogens,  Düsseid.,  1842;  A.  Reichensper- 
ger,  Die  christlich-germanische  Baukunst,  Trêves,  1845;  Rettberg, 
Nürnbergs  Kunslleben,  Stuttg.,  1854;  Falk,  die  Kunstthœtigkeit  in 
Mainz  von  Willigis'  Zeit  bis  zum  Schlüsse  des  Mittelalters,  Mayence, 
1869;  Allihn,  die  Bauhütte  des  ausgehenden  Mittelalters  (Grenzboten, 
Leipzig,  1875,  n.  42-44);  Janner,  die  Bauhütten  des  deutschen  Mittelal- 
ters, Leipzig,  1876;  Janssen,  I,  p.  134  et  suiv.  —  Schnaase  (II,  §  256); 
Sighart,  Gesch.  der  bildenden  Künste  im  Kœnigreich  Bayern,  Munich, 
1862  ;  Dursch,  Aesthelik  der  christ),  bildenden  Kunst  des  Mittelalters 
in  Deutschland,  Tüb.,  1854;  Springer,  Bilder  aus  der  neueren  Kunst- 
gesch.,  Bonn,  1867  ;  Otte,  Hdb.  der  kirchl.  Kunstarchœologie,  Leipzig, 
1868;  Neumaier,  Gesch.  der  christl.  Kunst,  Schaffliouse,  1855,  2  vol.; 
Janssen,  I,  p.  150  et  suiv. 

La  peinture,  la  sculpture  et  la  gravure. 

242.  Comme  les  arts  plastiques,  la  peinture  se  détachait  de 
plus  en  plus  de  l'architecture  et  raffinait  ses  formes,  soit  par  une 
fidèle  imitation  de  la  nature,  comme  dans  le  Nord,  soit  à  la 
manière  idéaliste  des  anciens,  comme  en  Italie.  Des  écoles  im- 
portantes de  peinture  s'établirent  à  Pise,  à  Sienne  et  à  Flo- 
rence, puis  à  Venise,  Vérone,  Milan,  Bologne,  Ancône,  Rome 
et  Naples.  Des  fresques  magnifiques  décoraient  les  églises.  Le 
pieux  dominicain  Jean  Angelico  de  Fiésole  (mort  en  4465), 
qui  unissait  à  une  piété  profonde  un  vif  enthousiasme  et  porta 
la  peinture  religieuse  à  son  plus  haut  degré  ;  plusieurs  fran- 
ciscains de  rOmbrie;  Pierre  Pérugin,  maître  de  l'immortel 
Raphaël  Sanzio  d'Urbin  (1483-1520);  Léonard  de  Vinci  (né 
en  1452);  Michel-Ange  (né  en  1474),  à  la  fois  grand  architecte, 
grand  sculpteur  et  grand  peintre,  élevèrent  l'art  italien  à  un 
rare  degré  de  perfection.  Ilumbert  (mort  eu  1432)  et  Jean  van 


LA   SCIENCE,    LART  ET   LA   VIE  RELIGIEUSE.  61 

Eyck  (mort  en  1440)  illustrèrent  l'école  flamande.  Ils  em- 
ployèrent la  peinture  à  l'huile  dans  les  ouvrages  exceptionnels, 
introduisirent  l'étude  de  la  nature  dans  l'art,  et  formèrent  d'ha- 
biles disciples,  comme  Koger  van  der  Weyden  l'Ancien  (mort  en 
1464.),  et  plusieurs  Italiens,  surtout  Antonelli  de  Messine,  qui 
transporta  à  Venise  le  goût  des  tableaux  de  son  pays.  Ils  influè- 
rent aussi  sur  le  Florentin  ûomenico  Ghirlandajo  (1451-1495). 

Luc  iMoser  de  Weil  et  Frédéric  Ilerlen  de  Noerdlingen  répan- 
dirent la  peinture  hollandaise  dans  la  haute  Allemagne.  Cepen- 
dant la  principale  inlluence  demeura  à  l'école  de  Cologne, 
qu'Etienne  Lochner  de  Constance  (mort  en  1451)  avait  portée 
au  dernier  degré  de  perfection.  C'est  à  Cologne  que  le  Franco- 
nien Haus  Memling  et  le  Souabe  Martin  Schongauer  reçurent 
leur  première  instruction.  Ce  dernier,  qui  travaillait  à  Colmar 
et  était  en  relation  avec  Pierre  Pérugin,  donna  la  première 
impulsion  à  une  foule  d'artistes,  comme  Barthélémy  Zeitbloom 
d'Ulm,  Ilans  iJurgkmaier  d'Augsbourg,  Hans  Holbein  l'Ancien 
et  Albert  Durer  de  Nuremberg.  Celui-ci  fut,  avec  Holbeiu  le 
Jeune,  un  des  peintres  les  plus  féconds.  Nuremberg,  Cologne, 
Vienne,  le  Tyrol,  la  Souabe,  la  Westphalie,  et  pendant  quelque 
temps  aussi  la  Bohème  (depuis  Charles  IV)  possédaient  des 
maîtres  capables. 

Les  vastes  murailles  ayant  été  supprimées  dans  les  églises 
gothiques,  la  peinture  murale  n'y  trouva  plus  qu'une  apphca- 
tion  restreinte,  tandis  que  la  peinture  sur  toile  et  surtout  la 
peinture  sur  verre  aux  fenêtres  des  églises  prirent  un  grand 
essor.  Elle  était  cultivée  par  les  religieux  comme  par  les 
particuliers,  par  des  maîtres  réunis  en  association  avec  les 
peintres.  On  remarquait  surtout  parmi  eux  Veit  Hirsch vogel, 
à  Nuremberg  (né  en  1451),  et  Hans  Wild,  à  Ulm  (vers  1480). 
Le  dominicain  Jacques  Griesinger  d'Ulm  (mort  en  1491)  se  fit 
à  Bologne  un  renom  considérable  en  fixant  les  couleurs  sur  le 
verre  au  moyen  de  la  cuisson,  et  il  y  forma  une  école  d'artistes. 
La  peinture  en  miniature,  surtout  dans  les  missels  et  les  hvres 
de  prières,  fut  pratiquée  par  les  religieux,  mais  aussi  par  les 
laïques,  à  Paris,  à  Nuremberg,  à  Augsbourg,  à  Ratisbonne,  à 
Prague  et  dans  les  Pays-Bas. 

Un  grand  nombre  d'ornements  et  de  tapis  de  cette  époque 
étaient  des  œuvres  d'art  accomplies.  Les  gravures  sur  bois  et 


62  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

sur  cuivre  aidèrent  aussi  au  progrès  de  l'art.  Les  images 
religieuses  étaieut  fort  répandues  et  se  rencontraient  dans  la 
plupart  des  familles.  On  composa  des  livres  en  images,  et  les 
sculptures  sur  bois  multiplièrent  les  compositions  des  peintres. 
Albert  Durer  perfectionna  l'art  de  la  sculpture  sur  bois,  notam- 
ment dans  ses  feuilles  de  la  Passion  ;  lui  et  Martin  Schongauer 
perfectionnèrent  la  gravure  sur  cuivre.  C'est  ainsi  que  l'art 
concourait  souvent  à  l'instruction  du  peuple  en  lui  procurant 
de  féconds  sujets  d'édification.  Les  danses  des  morts,  répandues 
sous  diverses  formes,  rappelaient  le  sérieux  de  la  vie  et  le 
devoir  d'une  vigilance  énergique. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N»   242. 

Crove  et  Lavalcaselle,  Gesch.  der  ital.  Malerei,  I-V,  traduit  par  Jor- 
dan, Leipzig,  1869  et  suiv.;  Hotho  (II,  §  255);  Waagen,  Hdb.  der  deuts- 
chen und  niederländischen  Malerschulen,  Stuttg.,  1862;  Gessert  (V, 
§  377  et  suiv.);  Lasteyrie,  Hist.  de  la  peinture  sur  verre,  Paris,  1853  et 
suiv.;  Wackernagel,  die  deutsche  Glasmalerei,  Leipzig,  1855;  W. 
Schmidt,  Martin  Schongauer,  et  Lutthardt,  Albrecht  Dürer  (les  deux 
ouvrages  à  Leipzig,  1875);  Janssen,  1,  p.  100  et  suiv.;  ibid.,  p.  174  et 
suiv.,  sculpture  sur  bois  et  gravure  sur  cuivre.  — Maszmann,  Liter, 
der  Todtentœnze,  Leipzig,  1840;  Schnaase,  Mittheilungen  der  k.  k. 
Centralcommission,  1861,  VI,  p.  221  et  suiv.;  Peignot,  Recherches  sur 
les  danses  des  morts,  Paris,  1826;  Langlois,  Essai  sur  les  danses  des 
morts,  Rouen,  1852;  Jubinal,  la  Danse  des  morts,  Paris,  1862;  Douce, 
the  Dance  of  death,  Lond.,  1833.  On  en  voit  de  pareilles  dans  le  tran- 
sept de  Klingenthal,  près  de  Bàle  ;  puis  à  Strasbourg,  Lübeck,  Berlin, 
Straubing,  etc. 

Là»  vie  rclig-icuse  el  morale. 

Crimes  et  abus. 

2-43.  L'afTaiblissement  de  l'autorité  ecclésiastique  replongea 
plus  d'une  fois  le  peuple  chrétien  dans  l'ancienne  barbarie, 
et  il  devint  très  difficile  de  mettre  un  frein  aux  pas.sions  qui 
éclataient  quelquefois  avec  une  rare  violence.  En  face  du 
pouvoir  civil,  souvent  trop  faible  pour  empêcher  les  grands 
crimes,  le  droit  du  plus  fort  prévalut  de  nouveau,  et  de  la 
noblesse  dégénérée  naquit  une  chevalerie  de  brigands.  Les 
droits  de  la  justice  furent  méconnus  :  au  milieu  des  guerres 
privées  on  voyait  souvent  des  villages  livrés  aux  flammes,  des 
femmes  déshonorées,  des  enfants  mis  à  mort.  Les  tribunaux 


LA    SCIENCE,   l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  63 

vehmiqnes  de  Westphalie  n'arrêtèrent  les  crimes  que  pendant 
une  courte  période  et  dans  une  sphère  restreinte,  et  ils  ne 
tardèrent  pas  à  dégénérer. 

L'impudicité  était  fort  répandue  dans  un  grand  nombre  de 
pays,  même  en  France.  Les  vices  contre  nature,  la  cupidité, 
l'usure,  faisaient  de  nombreuses  victimes.  Des  bandes  de  bri- 
gands parcouraient  les  campagnes  en  y  semant  l'incendie,  et 
ajoutaient  aux  calamités  de  la  peste  et  de  la  guerre  des  cala- 
mités nouvelles.  Le  peuple,  cruellement  opprimé  par  la  no- 
blesse, se  vengeait  de  temps  en  temps  par  des  voies  de  fait.  Le 
servage  existait  encore  çà  et  là.  Inconnu  à  Rome,  il  fut  aboli 
à  Florence  en  1269  et  en  1297  par  la  législation,  tandis  qu'à 
Venise,  quoique  fort  adouci,  il  ne  disparut  qu'au  seizième 
siècle. 

En  Allemagne,  la  classe  des  paysans  était  généralement 
vigoureuse  et  hardie  ;  elle  portait  les  armes,  participait  à  la 
vie  publique,  et  souvent  n'était  pas  moins  insolente  que  la 
riche  bourgeoisie  des  cités.  Si  la  misère  fut  plus  d'une  fois 
une  cause  de  crimes  parmi  les  classes  indigentes,  la  richesse 
des  citoyens,  en  Italie,  en  Allemagne,  en  France,  provoqua 
souvent  des  luttes  sanglantes  et  des  actes  de  cruauté. 

L'Église  dut  intervenir  contre  les  marchands  qui  employaient 
de  faux  poids  et  de  fausses  mesures,  contre  les  parures  exces- 
sives et  les  costumes  indécents  des  femmes,  contre  l'omis- 
sion des  ofüces  aux  jours  de  dimanche,  contre  la  violation  du 
jeûne,  contre  les  autorités  civiles  qui  prétendaient  interdire 
la  réception  des  sacrements  aux  criminels  condamnés.  Elle  se 
plaignait  de  la  réception  peu  fréquente  du  Sacrement  de  l'autel, 
du  nombre  croissant  des  mariages  clandestins,  qu'elle  com- 
battait en  recommandant  la  publication  des  bancs  et  la  béné- 
diction du  mariage  par  le  prêtre.  Il  lui  fallait  lutter  aussi 
contre  la  persistance  des  anciens  abus,  qui  se  révélaient  sur- 
tout dans  les  divertissements,  dans  les  foires  des  dimanches  et 
des  fêtes,  dans  la  célébration  de  la  fête  des  Fous,  dans  l'emploi 
des  églises  pour  les  publications  et  les  actes  de  l'autorité  civile, 
dans  les  danses,  les  marchés,  les  cris  des  femmes  pleureuses 
qui  troublaient  l'office  des  funérailles,  et  enfin  dans  la  propa- 
gation de  prières  superstitieuses  pour  combattre  la  peste  et 
autres  calamités. 


(ii  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

OUVRAGES  A  CONSULTER    ET  REMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE  N">   243. 

Wachsmuth,  Europ.  Sittengeschichte,  Leipzig,  1837,  t.  IV;  D.  Fran- 
klin, das  Reichshofgericht  im  Mittelalter,  Weimar,  1869,  2  vol.  Sur  le 
duel,  voy.  Janssen,  1,  p.  4ö0  et  suiv.jConc.  Wirceh.,  1452;  Hartzheim, 
V,  422.  Sur  les  cours  vehmiques,  Wœchler,  Beitraîge  zur  teutschen 
Gesch.,  Tüh.,  1845,  p.  113,  117  et  suiv.;  Zœpil,  111,  p.  432,  443  et  suiv., 
avec  indication  des  ouvrages  à  consulter.  Sur  le  mépris  des  censures  : 
le  cardinal  Mcolas  de  Cusa  à  Pie  II,  23  avril  1460,  dans  Nie.  de  Cusa  (en 
allem.),  II,  p.  193etsuiv.  Surl'impudicité  :  Gerson,  Sex'm.c.  luxur,,  0pp. 
111,  iJ21  et  seq.;  Concile  de  Paris,  1429,  c.  xxiii;  Conc.  Wirceh.,  cit.  Sur 
l'usure  :  Conc.  Vienn.  (Clem.,  c.  i,  1.  V,  tit.  V);  Conciles  de  Mayence, 
1310,  c.  cxxxiii,  cxxxiv;  de  Bologne,  1317,  c.  xv;  de  Salamanque,  1335, 
c.  xiv;  de  Bénévent,  1378,  c.  vui-xi;  de  Salzbourg,  1386,  c.  xm,  etc.; 
Janssen,  I,  p.  376  et  suiv.  Servage  en  Italie  :  Archivio  storico  italiano, 
t.  IV,  p.  16;  Miscellanea  di  storia  ital.,  t.  I,  Torino,  1802,  n.  9;  Vinc. 
Lazari,  del  Trallico  e  délie  Condizioni  degli  schiavi  in  Venezia;  Civiltà 
cattohca,  5  dec.  1863,  p.  596  et  seq.  Cessation  du  servage  et  condition  des 
paysans  en  Allemagne  :  Janssen,  I,  p.  269  et  suiv.,  300  et  suiv.  Contre  les 
taux  poids  et  les  fausses  mesures  :  Concile  de  Londres,  1430,  etc.  Contre 
le  luxe  des  habits  chez  les  clercs  :  Concile  du  Salzbourg,  1418,  c.  xxxiv; 
Geiler,  Sermones  et  varii  Tract.,  Argent.,  1518,  in-f°,  26,  h;  Jœger, 
Ulms  Verfassungsleben,  Stuttg.,  1831,  p.  509;  Janssen,  I,  p.  366  et 
suiv.;  Schwab,  Gerson,  p.  38  et  suiv.  Solennité  du  dimanche  négligée  : 
Conciles  de  Valladolid,  1322,  c.  iv  ;  de  Sens,  1485,  c.  iv;  Determinatio 
Fac.  Paris,  super  observatione  dieruni  dominicalium,  du  Plessis  d'Arg., 
I,  u,  p.  226-228.  Abus  des  jours  de  dimanche  :  Concile  de  Maghfeld, 
1332;  Héfelé,  VI,  p.  555.  Divertissements  mondains  et  foires  les  di- 
manches et  fêtes  :  Nicol.  de  Clemang.,  de  Nov.  Celebritat.  non  insti- 
tuendis,  p.  143  et  seq.;  Schwab,  p.  389.  Rupture  du  jeûne  :  Conciles 
de  Salamanque,  1335,  c.  vu;  de  Prague,  1349,  c.  XLii,  etc.  Les  grands 
du  monde  ne  permettaient  pas  aux  condamnés  à  mort  de  recevoir  les 
sacrements.  Le  contraire  :  Conciles  de  Nougarot,  13*15,  c.  m;  de 
Prague,  1322,  etc.  Réception  rare  des  sacrements  :  Concile  de  Tolède, 
1339,  c.  v.  Fête  des  Fous  :  voy.  ci-dessus,  V,  §  382.  Les  églises  em- 
ployées à  des  affaires  profanes  :  Conciles  de  Trêves,  1310,  c.  lxiv  ;  de 
Ravenne,  1311,  c.  xii  ;  de  Valladolid,  1322,  c.  xvii  ;  de  Marciac,  1326, 
c.  XLvi  ;  de  Torp  (York),  1367,  c.  i;  Ordinarium  Eccl.  Parmens.,  1417, 
éd.  Parm.,  1866,  p.  22;  Concile  d'Aranda,  1473,  c.  xix.  Femmes  pleu- 
reuses :  Concile  de  Marciac,  1326,  c.  xxni.  Prière  superstitieuse  contre 
la  peste,  1492,  condamnée  par  la  Faculté  théologique  de  Paris  :  du 
Plessis  d'Arg.,  1,  n,  p.  324. 


LA    SCIENCE,    LART  ET  LA  VIE   RELIGIEUSE.  6a 

La  superstition. 

244.  La  superstition,  sous  les  formes  les  plus  diverses,  avait 
pris  une  grande  recrudescence.  Les  astrologues,  les  aruspices, 
les  devins,  hantaient  la  cour  des  grands  comme  la  chaumière 
du  laboureur.  Les  croisades,  les  relations  avec  les  Arabes  de 
l'Espagne  introduisirent  les  amulettes,  les  talismans,  la  croyance 
à  la  vertu  des  pierres  fines,  la  magie,  l'astrologie,  l'alchimie  et 
la  nécromancie,  dont  les  Juifs  et  les  Sarrasins  s'occupaient, 
tout  en  cultivant  des  arts  plus  élevés.  C'était  une  opinion  fort 
répandue  que  les  hommes  peuvent  entrer  en  rapport  avec  les 
esprits  malins  et  produire  avec  leur  concours  des  effets  mer- 
veilleux, surnaturels.  On  parlait  de  pactes,  de  commerces  in- 
fâmes avec  les  démons,  de  sorciers  et  de  maîtres  sorciers.  Les 
Templiers,  et  d'autres  encore  furent  accusés  de  sortilège  et 
mis  à  la  torture.  Les  conciles  interdirent  souvent  la  magie 
et  autres  genres  de  superstitions.  Le  Corpus  juris  canonici 
ne  s'était  que  peu  occupé  de  cet  objet,  et  Alexandre  IV  avait 
défendu  aux  inquisiteurs  de  sévir  contre  ceux  qu'on  accusait 
de  sorcellerie.  Jean  XXII  publia  une  bulle  spéciale  contre  Tal- 
chimie,  mais  il  décida  que  les  inquisiteurs  n'interviendraient 
que  lorsque  l'hérésie  serait  en  jeu. 

La  magie  passait  généralement  pour  un  crime  mixte.  Les 
autorités  civiles  s'en  occupèrent  de  bonne  heure  et  firent  inter- 
venir la  torture  dans  leurs  procès.  Gerson  et  la  plupart  des 
théologiens  de  Paris,  tout  en  reconnaissant  qu'il  fallait  donner 
une  origine  purement  naturelle  à  des  choses  qu'on  attribuait 
à  l'influence  des  esprits  pervers,  admettaient  cependant  que 
l'action  du  démon  peut  s'exercer  sous  des  formes  multiples, 
et  ils  condamnaient  cette  opinion  que  ce  n'est  pas  une  idolâtrie 
d'entrer  en  rapport  avec  Satan,  de  promettre  quelque  chose 
aux  démons,  etc. 

En  1398,  la  Faculté  de  théologie  s'expliqua  longuement  sur 
plusieurs  questions  de  ce  genre,  approuva  en  1431  la  condam- 
nation de  Jeanne  d'Arc,  prise  par  les  Anglais  et  considérée 
comme  sorcière,  rejeta  en  1466  les  livres  de  magie  d'Arnold 
Desmarets,  et  en  1493  les  écrits  de  Simon  Phares  sur  l'astro- 
logie. En  1459,  à  Arras,  un  grand  nombre  d'hommes  et  de 
femmes  furent  mis  à  uiort  pour  cause  de  sorcellerie;  il  est 

V.  —  HIST.  DE  l'église.  5 


C6  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

vrai  que  plusieurs  étaient  coupables  des  crimes  les  plus  graves. 
La  superstition,  malgré  tous  les  sarcasmes  de  Pétrarque  et 
autres,  trouvait  un  aliment  dans  la  folie,  dans  l'esprit  de  cupi- 
dité et  de  vengeance,  dans  les  préjugés  mêmes  des  juristes  et 
des  médecins. 

Le  célèbre  juriste  Bartolo  était  d'avis  en  4350  qu'il  fallait 
brûler  les  sorciers  et  les  magiciens.  D'anciennes  lois  (celle  même 
du  Lévitique,  xx,  27)  furent  remises  en  vigueur.  On  arrachait 
des  aveux  par  la  torture.  11  est  certain  que  l'intention  seule 
d'entrer  en  rapport  avec  Satan  était  punissable  et  que  de  là  à 
séduire  les  autres  il  n'y  avait  pas  loin.  Si  la  magie  cachait  sou- 
vent des  crimes,  il  est  indubitable  que  beaucoup  d'innocents 
étaient  sacrifiés.  Un  grand  nombre  de  procès  eurent  lieu  chez 
les  Grecs  schismatiques  eux-mêmes  depuis  1338. 

Toute  la  société  chrétienne  d'alors  avait  foi  dans  la  magie. 
Sixte  IV  blâma  comme  téméraires  ceux  qui  demandaient  des 
réponses  aux  démons,  et  Innocent  VI 11  autorisa  en  1484  plu- 
sieurs inquisiteurs  d'Allemagne  (Jacques  Sprenger,  etc.)  à 
procéder  contre  eux  :  son  but  était  de  faire  en  sorte  que  les 
tribunaux  ecclésiastiques  fussent  chargés  de  celte  affaire,  afin 
de  procéder  par  la  douceur  et  la  persuasion.  Telle  fut  l'origine, 
en  Allemagne,  du  livre,  rédigé  par  G.  Sprenger,  le  Marteau  des 
sorcières,  dont  on  fit  un  grand  abus.  Alexandre  VI,  Léon  X  et 
son  successeur  s'occupèrent  encore  de  ces  désordres,  qui  ré- 
gnaient surtout  dans  la  haute  Italie  et  en  Allemagne.  Trithème, 
qui  s'appliquait  aussi  aux  sciences  naturelles  et  était  lui-même 
décrié  comme  sorcier,  combattit  dans  un  ouvrage  les  magi- 
ciens, les  astrologues  et  les  alchimistes.  Ulric  Molitor  de  Cons- 
tance, docteur  de  Padoue,  écrivit  contre  la  croyance  aux  sor- 
ciers un  livre  adressé  à  l'archiduc  Sigismond;  mais  il  n'eut 
point  de  succès  auprès  des  princes  ni  dans  les  universités.  Par 
jalousie  contre  les  inquisiteurs  du  pape,  les  juges  séculiers 
mettaient  un  soin  particulier  à  rechercher  le  crime  de  magie. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N»   244, 

Ciruelo,  Reprovacion  de  las  superslitiones,  y  hechizerias,  Alcala  de 
Henares,  1347;  J.-B.  Thiers,  Traité  des  superstitions  qui  regardent  les 
sacrements,  4"  éd.,  Avignon,  1777;  Pellicia,  de  Superstit.  christ,  med. 
œvi  diss.  VII  (Polilia  ckrist,,  éd.  Colon.,  t.  II)  ;  Hauber,  Bibl.,  Acta  et 
Scripta  magica,  Lemgo,  1739-45;  Horst,  Dœmonologie,  Frankf.,  1818, 


LA   SCIENCE,    l'art  ET   LA  VIE  RELIGIEUSE.  67 

und  Zauberbibliothek.,  Mayence,  1821-1826,  Gpaities;  Soldan,  Gesch. 
der  Hexeiijjruccsse,  Stuttgart,  1843;  Wœclitcr,  Beitr.   zur  Gesch.  des 
deutsclien   Strafrechts,  Tiib.,   1845;  Haas,   die    Hexenprocesse,   Tüb., 
1863  ;  Bonner  Ztschr.  für  Philos,  und  kath.  ïhcol.,  1844,  h.  i,  p.  71  et 
suiv.;  Hist.-pol.  Bl.,  1861,  t.   XLVII,   p.  890  et  suiv.  Amulettes   de 
l'Orient  mentionnées  par  Jacques  do  Vitry,  Hist.  Hier.,  c.  Lxxm,  Lxxxix. 
Décrets  des  conciles  de  Trêves,  1310,  c.  lxxix;  de  Mayence,   h.  a., 
c.  cxxxvi;  de  Valladolid,  1322,  c.  xxiv;  de  Salamanque,  1335,  c.  xv;  de 
Prague,  1349,  c.  lvi  ;  de  Magdebourg,  1390,  c.  xlv,  etc.  Alex.  IV,  c.  viii, 
§  4,  de  Hser.,  V,  2  in  6  ;  Job.  XXH,  const.  xni  Super,  12  août  1325;  Eyme- 
ric,  Direct.  Inquis.,  part.  H,  q.  xliii,  n,  9  ;  Vinc.  Petra,  Com.  in  Const. 
apost.,  IV,  45  et  seq.;  Const.  un.,  V,  vi,  in  X  vagg.  com.  Enquête  sur  la 
magie  :  Reiffenstuel,  in  lib.  V  Décret.,  tit.  XXI,  n.  18;  Scbmalzgrueber, 
in  h.  1.,  n.  51 .  Livres  de  droit  anglais  et  décrets  des  parlements  français, 
dans  Friedberg,  de  Fin.,  etc.,  p.  93,  n.  3,  5,  8  et  suiv.  Gerson,  sur  la 
magie;  Schwab,  p.  717  et  suiv.;  Determinatio  Parisiis  facta  per  Facult. 
theol.  super  quibusdam  superslitionibus  noviter  exorlis,  19  sept.  1308; 
du  Plessis  d'Arg.,  I,  n,  p.  154-157.  Il  est  dit  ici  sur  l'art.  1  :  «  Quod 
per  artes  magicas  et  maleficia  et  invocationes  nefarias  quaei'ere  fami- 
liaritates,   amicitias    et   auxilia   dœmonum  non  sit   idololatria.   »  La 
censure  :  «  Error.  Quoniam  dœmon  adversarius  et  pertinax  et  impla- 
cabilis  Dei  et  hominis  judicatur,  nec  est  honoris  vel  dominii   cujus- 
cunque  vere  seu  participative  vel  aptitudinaliter  susceptivus,  ut  aliœ 
créature  rationales  non  damnalse,  nec  in  signo  ad  placitum  instituto, 
ut  sunt  imagines  et  templa,  Deus  in  ipsis  honoratur.  »  Ib.,  p.  229  et 
seq.,  ex  Bulœo,  V,  394,  Judicium  Paris,  de  Jana  puella,  cui  magica  ars 
imponebatur.  Ib.,  p.  256,  Judicium  26  oct.  1466,  p.  324-331  ;  Judicium 
de  Simone  Pharees,  p.  418,  c.  n.  Crimes  à  Arras,  d'après  Monstrelel, 
Chron.  du  roi  Charles  VH,  vol.  III,  p.  84,  an.  1439,  1460  ;  Jacob.  Mayer, 
Ann.  Flandr.,  lib.  XVI,  an.  1459.  En  Allemagne,  le  Miroir  des  Saxons, 
liv.  II,  t.  XIII,  §  7,  iniligeait  la  peine  de  mort  à  ceux  qui  étaient  en 
relation  avec  des  magiciens.  Voy.  Landrecht  des  Schwabenspiegels, 
§  174.  Ordonnance  de  Charles  V,  art.  109.  Sur  le  nombre  prodigieux 
des  sorcières  en  Allemagne,  voy.  Spee,  S.  J.,  Cautio  criminalis,  dub. 
XI,  XV  ;  Thomasius,  de  Ohg.  ac  Progressu  processus  Inquis.  contra  sagas, 
Hal.,    1712,   in-4°;  Cauz,   de  Cultibus  magicis,  Vindob.,  1767,  in-4o. 
Médecins  superstitieux  :  Gerson,   0pp.  I,  203-210.  Enquêtes  chez  les 
Grecs  :  Acta  Patriarchatus  Constantinopolitani,  éd.  Müller  etMiklosich, 
t.  I,  doc.  79,  80,  85  et  seq.,  134,  137,  153,  228,  292,  305,  331  ;  t.  H, 
doc.  377,  etc.  Mon  ouvrage  Kath.  Kirche,  p.  608-616;  Sixtus  IV,  c.  ii, 
de  Malef.  et  Incantat.,  V,  xii,  in  libro  Sept.;  Innoc.  VIH,  const.  Sum- 
mis  desiderantes,  Bull.,  éd.  Taur.,  V,  296  et  seq.,  c.  iv,  loc.  cit.,  in 
Sept.;  Gœrres,  Mystik,  IV,  ii,  p.  651  et  suiv.;  Alex.  VI,  c.  i,  loc.  cit.,  in 
Sept.;  Leo  X,  const.  Honestis  petentium,  loc.  cit.,  c.  vi,  Bullar.,  p.  499; 
Hadr.  VI,  1322,  ad  Inquis.  Com.  Sept.,  loc.  cit.,  c.  ui;  Hard.,  IX,  1907- 


C8  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

1910.  M  Malleus  maleficarum  in  très  partes  divisas,  in  quibus  concur- 
renlia  ad  maleficia  et  modus  denique  procedendi  ac  puniendi  malefi- 
cos  abunde  continetur,  prsecipue  autem  omnibus  inquisitoribus  et 
divini  verbi  concionatoribus  utilis  cl  necessarius.  »  La  première  im- 
pression est  probablement  de  Cologne,  1489,  in-4°;  vint  ensuite 
Francf.,  i580,  in-4°.  Le  livre  de  U.  Molitor,  de  Lamiis  pythonicis  mu- 
lieribus,  Colon.,  1489,  se  trouve  aussi  en  appendice  dans  l'édition  de 
Francfort  du  Marteau  des  sorcières.  Ce  livre  fut  approuvé  par  l'univer- 
sité de  Cologne,  et  le  roi  Maximilien  le  recommanda  aux  inquisiteurs. 
Bruxelles,  6  nov.  1486.  Sur  Tritbème,  voy.  Janssen,  I,  p.  87. 

Les  beaux  côtés  de  cette  période. 

245.  Malgré  tous  ces  vices,  on  remarquait  toujours  beaucoup 
de  zèle  pour  la  réforme  des  mœurs,  un  grand  esprit  de  foi, 
une  résistance  vigoureuse  contre  le  mal,  jointe  à  l'emploi  de 
tous  les  moyens  propres  à  le  combattre.  On  voyait  encore 
parmi  le  peuple  des  mœurs  saines  qui  réagissaient  contre 
le  despotisme  croissant,  une  humeur  joyeuse,  un  caractère 
enjoué,  que  l'Église  tolérait  tant  qu'ils  n'avaient  rien  de 
contraire  à  la  foi  et  à  la  morale;  une  grande  liberté  d'allures 
et  de  langage  régnait  en  Allemagne,  en  France,  en  Italie,  et 
principalement  à  Rome.  Il  était  permis  de  ridiculiser  les  folies 
des  grands  eux-mêmes  et  de  mettre  le  vice  au  pilori  ;  la  satire 
pénétrait  jusque  dans  l'enceinte  des  églises.  La  vertu  chré- 
tienne répandait  encore  les  plus  suaves  parfums,  et  l'on  ren- 
contrait quantité  de  saints  personnages  parmi  les  évoques  et 
les  prêtres  (§  197),  non  seulement  dans  les  cloîtres  (§  206,  22t), 
mais  encore  chez  les  personnes  du  monde.  EIzéar  de  Sabran, 
comte  d'Ariano  et  prévôt  royal  de  Naples  sous  le  roi  Robert, 
montra,  sous  l'armure  de  chevalier  et  dans  les  splendeurs  de  la 
cour,  les  vertus  d'un  ermite  ;  il  vécut,  avec  sa  femme  Delphine, 
dans  une  chasteté  inviolable,  et  quand  il  mourut  (1323),  il 
jouissait  de  l'estime  universelle.  Il  fut  canonisé  par  son  parent 
Urbain  V,  dont  il  avait  été  le  bienfaiteur  durant  sa  jeunesse. 

En  Suisse,  Nicolas  de  Flue  fut  le  modèle  de  ses  compatriotes, 
comme  père  de  famille,  soldat  et  juge,  comme  négociateur  du 
traité  do  Stanz  (1481).  Saint  Roch,  de  Montpellier,  fut  pour  la 
France  et  l'Italie  un  ange  de  charité,  et  on  l'invoqua  plus  tard 
contre  la  peste.  En  Pologne,  Casimir,  issu  de  race  royale,  fut, 
avec  le  saint  prêtre  Jean  de  Kenty,  un  modèle  de  la  jeunesse. 


LA    SCIENCE,    l'art   ET   LA   VIE   RELIGIEUSE.  00 

Parmi  les  femmes,  Françoise  Romaine  se  signala  par  son  amour 
du  prochain,  et  l'héroïque  Jeanne  d'Arc  (la  Pucelle  d'Orléans), 
s'immola  pour  sa  patrie.  Brûlée  le  30  mai  1431  comme  sorcière, 
elle  fut  réhabilitée  par  Calixte  III,  après  la  révision  de  son  pro- 
cès, et  hautement  vénérée  de  la  postérité. 

Ou  voyait  des  exemples  touchants  de  pénitence  et  de  mortifi- 
cation, surtout  à  la  suite  de  certains  sermons  particulièrement 
émouvants,  qui  furent  prêches  pendant  la  peste  noire  de  1348 
et  autres  épidémies,  et  qui  provoquèrent  des  processions  de 
flagellants  inspirées  par  l'esprit  de  pénitence,  mais  souvent  ré- 
préhensibles.  La  vie  chrétienne  continuait  de  régner  dans  les 
familles,  d'où  n'étaient  exclus  ni  les  ouvriers  ni  les  domestiques. 

De  nombreux  établissements  de  bienfaisance,  des  confréries, 
des  hôpitaux,  surgissaient  sous  la  protection  spéciale  de  l'Église. 
Clément  V  défendit  de  conférer  ces  établissements  à  des  ecclé- 
siastiques à  titre  de  bénéfices.  Pour  soulager  le  peuple,  qui  avait 
tant  à  souflrir  de  l'usure,  on  établit,  dans  le  quinzième  siècle, 
les  monts-de -piété,  d'abord  à  Orviéto  et  à  Pérouse  (1450-1460), 
et  l'Église  les  encouragea.  Non  seulement  les  pasteurs  de 
l'Église  recommandaient  chaudement  les  œuvres  de  miséri- 
corde corporelle  et  spirituelle,  mais  ils  les  pratiquaient  eux- 
mêmes,  ainsi  que  les  fidèles,  souvent  d'une  manière  éclatante. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N"   243. 

Hasak  (§  238);  Mœhler-Gams,  III,  p.  36-52.  Elzéar  de  Sabran  : 
Baluz.,  I,  38Ö  ;  Rose,  Études  sur  le  XIV«  siècle,  p.  379;  Christophe, 
Papstth.  im  XIV  Jahrh.,  II,  p.  253,  286  et  suiv.;  Nikol.  v.  der  Flue,  J.  v. 
Müller,  Gesch.  der  Schw.  Eidgen,  t.  VI;  Widmer,  das  Gœttliche  in  der 
irdischen  Entwicklung,  nachgewiesen  im  Leben  d.  hl.  Nik.  v.  d.  Flue, 
I.ucerne,  1819;  Businger,  Bruder  Klaus  u.  sein  Zeitalter,  Leipzig, 
1827  ;  Gœrres,  Gott  in  der  Geschichte,  Munich,  1836,  h.  i;  Ming,  der  sei. 
Bruder  Nik.  v.  d.  Flue,  Lucerne,  1861  et  suiv.,  2  vol.  —  Guido  Gœrres, 
die  Jungfrau  von  Orleans,  Ratisb.,  1834,  37;  Quicherat,  Procès  de  con- 
damnation et  de  réhabilitation  de  Jeanne  d'Arc,  Paris,  1841-49,  5  vol. 
(recueil  important  de  sources),  et  Aperçus  nouveaux  sur  l'hist.  de 
Jeanne  d'Arc,  Paris,  1850;  Strasz,  Jeanne  d'Arc,  Berlin,  1862;  Hase, 
die  Jungfrau  von  Orleans,  Leipzig,  1861  ;  A.  Desjardins,  Vie  de  Jeanne 
d'Arc,  Paris,  1854;  Sickel,  Jeanne  d'Arc,  dans  Sybels  hist.  Ztschr., 
1860,  IV,  p.  273  et  suiv.;  Vallet  de  Viriville,  Hist.  de  Charles  VII  (1403- 
1461),  Paris,  1863,  et  Procès  de  Jeanne  d'Arc,  Paris,  1867;  Wallon, 
Jeanne  d'Arc,  Paris,  1860,  2  vol.,  2«  éd.,  1867;  Semmig,  die  Jungfrau 
von  Orleans,  Deutsche  Jahrb.,  1863,  t.  LX;  Robville,  A.  de  Lamartine, 


70  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

tous  deux,  Jeanne  d'Arc,  Paris,  d863;  Villiaumé,  Hist.  de  Jeanne 
d'Arc;  Michelet,  2«  éd.,  ibid.,  eod.  an.;  Eyssel,  Jeanne  d'Arc,  Ratisb., 
1864;  A.  Dantier,  Jeanne  d'Arc  (Correspondant,  23  mai  1876).  Sur  les 
établissements  de  bienfaisance  :  Ratzinger,  p.  286  et  suiv.;  ordonnance 
de  Clément  V;  Conc.  Vienn.,  c.  ix,  x  (Clem.,  c.  i,  n,  lib.  III,  tit. 
XIV).  Montes  pietatis  :  Leo  X,  const.  Inter  muUiplices,  Bull.,  I,  553; 
Bened.  XIV,  de  Syn.  diœc,  X,  v,  1  ;  Devoti,  Inst.  jur.  can.,  t.  II, 
lib.  II,  tit.  XVI,  §  16,  n.  1  ;  Ratzinger,  p.  291  et  suiv. 


CHA.PITRE  III. 

l'église  en  face  des  lnfidèles,   des   schismatiques  et  des 

hérétiques. 

Rapports  de  l'Eglise  avec  les  juifs  et  les  niahoniétans. 

Les  juifs.  —  L'Inquisition  politique  en  Espagne.  —  Les  Sar- 
rasins. 

246.  L'Église  maintenait  en  face  des  infidèles  son  ancienne 
législation.  Les  juifs,  qui  avaient  singulièrement  amélioré 
leur  bien-être,  soulevaient  de  violentes  réclamations  par  leurs 
pratiques  usuraires.  De  là  les  persécutions  qui  éclatèrent  à 
diverses  reprises,  en  France  (1320),  à  Francfort  (1347)  et 
ailleurs  encore,  quand  la  peste  noire  étendit  ses  ravages.  On 
renouvela  contre  eux  les  anciennes  ordonnances,  mais  elles 
furent  souvent  éludées.  Les  papes  et  les  conciles  prirent  la 
défense  de  ceux  qui  étaient  illégalement  persécutés,  interdirent 
de  les  baptiser  par  force,  et  protégèrent  les  convertis.  En  1412, 
l'antipape  Benoît  XIII  fit  tenir  une  grande  conférence  reli- 
gieuse, dans  laquelle  le  rabbin  Joseph  Albo,  auteur  du  livre 
des  Dogmes  fondamentaux  (Sepher  d'Ikarim),  défendit  la  reli- 
gion juive  contre  Jérôme  de  Sainte-Foi,  juif  converti  et 
médecin  de  Benoît.  En  1415,  il  publia  une  longue  bulle,  dans 
laquelle,  ayant  égard  aux  nombreuses  conversions  qui  s'étaient 
produites  en  Aragon,  il  décidait  que  les  juifs  assisteraient 
trois  fois  par  an  à  des  conférences  données  par  de  bons  prédica- 
teurs chrétiens  sur  l'avènement  du  Messie,  sur  les  égarements 
et  le  sort  malheureux  de  leur  peuple. 

Le  concile  de  Bàle,  dans  sa  XIX*  session  (7  septembre  4434), 


l'église  en  face  des  SCH1SMATIQÜES  ET  DES  UÉKÉTIQUES.       71 

ordonna  que  des  prédicateurs  d'élite  seraient  établis  dans  les 
localités  qui  renfermaient  une  population  juive  considérable,  et 
qu'on  forcerait  les  juifs  d'assister  à  leurs  instructions.  11  renou- 
vela en  même  temps  les  ordonnances  de  Benoît  sur  le  costume 
particulier  que  devraient  porter  les  juifs  et  sur  leur  exclusion 
de  tous  les  emplois.  Ceux  qui,  après  avoir  reçu  le  baptême, 
retourneraient  aux  usages  juifs,  devaient  être  livrés  aux 
inquisiteurs.  Isaac  Abubab,  vers  1490,  se  signala  parmi  les 
moralistes  juifs  (Menorath  ha  Maor).  Entre  les  accusations  qui 
pesaient  alors  sur  les  juifs  d'Espagne,  figurait  celle  de 
conspirer  avec  les  Sarrasins  :  de  là  vient  qu'en  1492  ou  les 
somma  d'opter  entre  la  réception  du  baptême  et  l'émigration. 
Cent  soixante  mille  familles  juives  quittèrent  l'Espagne  et 
allèrent  se  fixer  en  Portugal,  d'où  elles  furent  chassées  en  1496, 
pour  des  raisons  absolument  semblables. 

Il  y  avait  dans  la  Péninsule  beaucoup  de  Juifs  et  de  Sarra- 
sins qui  se  faisaient  baptiser,  mais  qui  combattaient  en  secret 
le  christianisme.  L'Inquisition,  qui  allait  se  transformer  bien- 
tôt en  institution  civile,  était  particulièrement  dirigée  contre 
eux.  Sixte  IV  confirma  cette  institution  en  1478  ;  mais  en 
1482  il  se  plaignait  déjà  de  la  manière  dont  elle  fonctionnait. 
En  1483  on  recevait  à  Rome  des  appels  contre  les  inquisi- 
teurs espagnols.  Les  grands  inquisiteurs,  Thomas  de  Tor- 
quemada  (1483-1498)  et  Didace  Deze  (1498-1506),  s'appuyaient 
principalement  sur  l'autorité  civile,  qui,  devant  les  menaces 
continuelles  des  «  néochrétiens  »,  trouvait  dans  cette  insti- 
tution, nullement  impopulaire,  le  meilleur  moyen  d'atteindre 
son  but.  Le  Saint-Siège,  depuis  Clément  V,  mitigea  beaucoup 
la  procédure  des  inquisiteurs  contre  les  hérétiques,  princi- 
palement en  soumettant  les  sentences  de  condamnation  au 
grand  inquisiteur  et  à  l'évêque  ;  il  offrait  souvent  un  asile  aux 
persécutés ,  et  prenait  des  mesures  sévères  contre  les  faux 
accusateurs  et  les  faux  témoins, 

La  plupart  des  inquisiteurs  étaient,  de  l'aveu  de  leurs  propres 
adversaires,  des  hommes  intègres  et  fidèles  à  leurs  devoirs. 
Lorsque  Grenade,  dernière  ville  occupée  par  les  Maures,  fut 
prise  en  1492,  on  permit  aux  Maures  de  conserver  leur  culte; 
mais,  une  conjuration  ayant  été  plus  tard  découverte,  on  les 
somma  également  (1498)  de  se  convertir  ou  d'émigrer;   le 


72  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

décret  fut  rigoureusement  exécuté  en  1501.  Plusieurs  Sarrasins 
se  firent  baptiser;  mais,  comme  ils  n'étaient  chrétiens  que  de 
nom,. ils  n'en  devinrent  que  plus  dangereux.  Les  relations  des 
chrétiens  avec  les  Sarrasins  étaient  également  hostiles,  et  les 
conversions  parmi  ceux-ci  plus  rares  encore  que  parmi  les 
juifs.  Il  fut  sévèrement  interdit  aux  chrétiens  de  livrer  des 
armes  aux  mahométans. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  246. 

Desping,  die  Juden  im  Mittelalter,  Stuttg.,  1834;  Jost,  Gesch.  der 
Israeliten,  Berlin,  1825  etsuiv.,  part.  IV  et  suiv.;  Wiener,  Regesten  zur 
Gesch.  der  Juden  in  Deutschland  waehrend  des  Mittelalters,  Hannov., 
1832,  2  vol.;  Grœsze,  der  Tannhœuser  und  der  ewige  Jude,  2«  éd., 
Dresde,  1861.  Mesures  contre  les  juifs  :  Conciles  de  Valladolid,  1322, 
c.  XXI  ;  de  Prague,  1349,  cl;  de  Lavaur,  1368,  c.  cxii-cxv;  de  Palencia, 
1388,  c.  V,  VI  ;  de  Salzbourg,  1418,  c.  xxxiii.  Bulle  de  Benoit  XIII,  Etsi 
doctoris  gentium,  dans  Dœllinger,  Materialien,  II,  p.  393-403.  Conc. 
Basil.,  sess.  XIX;  Mansi,  XXIX,  98  et  seq.;  Héfelé,  VU,  p.  589.  Contre 
ceux  qui  embrassaient  le  judaïsme  :  INicol.  IV,  const.  iv,  an.  1288. 
Greg.  XI,  const.  u,  an.  1372;  V.  Petra,  Com.  in  Const.  apost.,  t.  III, 
p.  253  et  seq.;  t.  IV,  p.  153.  —  Leo,  Weltgesch.,  II,  p.  431  ;  Ranke, 
Paepste,  I,  p.  242  et  suiv.;  Menzel,  Neuere  Gesch.  der  Deutschen,  IV, 
p.  197;  Balmès,  der  Katholicism.  verglichen  mit  dem  Protestant.,, 
cap.  xxxvi,  p.  177  et  suiv.;  Hist.-pol.  Bl.,  1840,  t.  VI,  p.  482  et  suiv.; 
Héfelé,  Ximénès,  p.  241  et  suiv.  Sur  le  caractère  des  inquisiteurs  : 
Buckle,  Gesch.  der  Civilisation  in  England,  t.  1,  sect.  I,  Leipzig  und 
Heidelb.,  1860,  p.  160.  Voy.  mon  ouvrage  Kath.  Kirche,  p.  600  et 
suiv.,  607  et  suiv.  Sur  Pierre  d'Arbues,  Civiltà  cattolica,  an.  1867, 
sér.  VI,  vol.  XI,  p.  273,  385  et  seq.  Inquisition  modérée  par  les  papes  : 
Clem.  V,  in  Conc.  Vienn.,  c.  xiii,  xiv  (Clem.,  c.  i,  ii,  lib.  V,  tit.  III); 
Héfelé,  Vi,  p.  482;  Leo  X,  const.  Intel leximus,  1518,  Bull.  Rom.,  III, 
p.  465  et  seq.  —  J.  de  Marsolier,  E.  Fléchier,  etc.  (ci-dessus,  §  234). 
—  Joh.  XXII,  1317,  c.  Copiosus,  tit.  VIII  in  X  vagg.  Joh.;  Urban.  V,  in 
Bulla  Cœnœ.  Cf.  Bened.  XIV,  de  S.  D.,  XIII,  xx,  1  et  seq.;  Phillips,  K.- 
R.,  II,  p.  431,  ^  100.  —  Nicol.  V,  const.  Olim,  Bull.  M.,  1,  364;  Haus- 
mann, Gesch.  der  paepstl.  Reservatfaelle,  p.  143  et  suiv. 

nouvelles  découvertes.  —  Les  peuples  païens  de  rJifrlquc 
et  de  rAmérique. 

Découverte  des    îles  Canaries  et  des  côtes  occidentales  de 
l'Afrique.  —  Commerce  des  esclaves. 

247.  Plusieurs  fois  déjà  les  princes  temporels  s'étaient  fait 
concéder  par  le  Saint-Siège,  moyennant  un  tribut  annuel,  les 
pays  qu'ils  avaient  arrachés  aux  infidèles  ou  nouvellement 


l'église  en  face  des  SCfflSMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       73 

découverts.  Vers  1344,  Louis  do  la  Cerda,  prince  de  Castille,  se 
fit  donner  par  Clément  VI,  contre  une  redevance,  avec  le  titre 
de  prince  de  Fortunia,  les  îles  Canaries,  découvertes  par  des 
marchands  castillans  et  portugais,  avec  l'obligation  d'y  pro- 
pager le  christianisme,  d'y  ériger  des  églises  et  des  couvents, 
Le  pape  y  consentit,  à  cette  condition  que  d'autres  princes 
chrétiens  n'auraient  pas  encore  acquis  de  droit  sur  ces  îles. 
Quoique  les  rois  de  Castille  et  de  Portugal  eussent  renoncé  à 
leurs  prétentions,  Louis  ne  fut  pas  en  mesure  d'en  prendre 
possession. 

Plus  tard,  les  Portugais  découvrirent  les  côtes  occidentales 
de  l'Afrique  (1419-4484).  Eugène  IV,  eu  1443,  leur  accorda  tous 
les  pays  qu'ils  découvriraient,  depuis  le  cap  Noun  jusqu'à 
la  terre  ferme  des  Indes.  Cotte  mesure  fut  approuvée  par  Nico- 
las V,  sous  la  condition  qu'ils  y  introduiraient  le  christia- 
nisme. Bientôt  de  graves  discordes  éclatèrent  entre  les  Por- 
tugais et  les  Espagnols  engagés  dans  cette  entreprise.  La 
servitude  personnelle ,  qui  régnait  d'une  manière  absolue 
parmi  les  Maures  de  la  Péninsule,  avait  fini  par  passer  dans 
les  idées  et  les  mœurs  des  Portugais  et  des  Espagnols,  au  milieu 
de  leurs  guerres  réciproques.  Aussi,  dans  leurs  expéditions  en 
Afrique,  en  vinrent-ils  au  trafic  des  esclaves.  Les  lois  permet- 
taient de  réduire  quelqu'un  en  esclavage  par  le  droit  de  la 
guerre,  et  en  suite  d'une  condamnation  judiciaire,  laquelle 
avait  presque  toujours  lieu  pour  cause  de  rébellion,  de  rechute 
dans  l'idolâtrie,  d'anthropophagie.  On  pouvait  tomber  aussi  en 
la  puissance  de  quelqu'un  par  la  naissance,  par  contrat  de 
vente  ou  d'achat. 

Les  Portugais  étaient  souvent  menacés  par  des  corsaires 
d'Afrique,  qui  entraînaient  des  multitudes  d'hommes  en  escla- 
vage :  de  là  des  représailles.  Bientôt  aussi  l'on  vit  des  conqué- 
rants, des  marchands  même,  faire  la  chasse  aux  nègres,  afin  de 
pouvoir  les  revendre  avec  profit;  et  déjà  en  1341  les  Portugais 
traînaient  après  eux  des  hommes  enlevés  des  îles  Canaries. 
En  1393,  des  marchands  d'Andalousie  et  de  Biscaye  emme- 
naient de  l'île  Lancerote  le  souverain  et  sa  femme,  avec  cent 
cinquante  de  leurs  sujets. 

Le  Normand  Jean  de  Béthencourt,  qui  reçut  de  la  Castille  l'in- 
vestiture des  îles  Canaries,  s'y  rendit  de  Cadix  vers  1402,  cons- 


74  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

truisit  un  fort  à  Lancerote,  puis  retourna  en  Espagne  pour 
se  procurer  en  abondance  des  ressources  en  armes,  en  hommes 
et  en  vivres.  Le  capitaine  Berlin  de  Berneval,  qu'il  chargea  de  le 
remplacer  pendant  son  absence,  fit  conduire  en  Espagne  trente 
insulaires  à  titre  d'esclaves.  Après  son  retour,  d'autres  esclaves 
en  plus  grand  nombre  furent  saisis  à  la  suite  de  combats  entre 
les  indigènes  et  les  troupes  françaises ,  d'autant  plus  qu'on 
venait  de  s'emparer  sur  ces  entrefaites  de  plusieurs  autres  îles. 
Béthencourt  y  laissa  plus  tard  son  neveu,  et  se  fit  envoyer  en 
France  de  copieux  revenus. 

Alors  les  plaintes  affluèrent  à  la  cour  d'Espagne.  Les  évêques, 
surtout  le  franciscain  Mengo,  s'élevèrent  avec  force  contre  ces 
abus,  et  déclarèrent  que  ni  avant  ni  après  leur  conversion  il 
n'était  permis  de  réduire  les  habitants  des  îles  en  esclavage. 
Jean  II  n'ayant  rien  obtenu  par  ses  lettres,  Petro  Barba  de 
Campos  arriva  avec  trois  vaisseaux  pour  déposer  le  jeune 
Béthencourt. 

Cependant  le  commerce  des  esclaves  allait  son  train,  princi- 
palement sous  le  nouveau  gouverneur  Ilernando  Peraza,  qui 
subjugua  Gomera  en  1443.  Palma  fut  soumise  en  1493,  Téné- 
riil'e  en  4496.  Le  trafic  des  esclaves  continua.  Cependant  il  fut 
souvent  convenu  dans  les  traités  de  paix  que  les  indigènes 
jusque-là  traités  en  esclaves  recouvreraient  la  liberté.  Eu- 
gène IV  insista  pour  qu'on  adoucît  les  lourds  impôts  qui 
pesaient  sur  les  habitants,  prit  des  mesures  pour  leur  envoyer 
des  maîtres  qui  leur  enseigneraient  les  arts  et  les  travaux 
manuels,  et  protesta  contre  les  atteintes  portées  à  leur  hberté. 
Son  exemple  fut  suivi  par  ses  successeurs.  Ne  pouvant  modifier 
le  droit  de  la  guerre  ni  abolir  l'esclavage,  force  leur  était  de 
restreindre  leur  protection  à  ceux  qui  étaient  encore  en  liberté. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N*   247. 

Juan  Nufiez  de  la  Pefia,  Conquista  y  anliquitades  de  las  islas  de  la 
Gran  Canaria,  1.  I,  c.  vu,  xii-xvi;  Cordeyro,  Ilisloria  insulana  das  ililas 
a  Portugal  sugeytas  no  Oceano,  c.  m;  d'Avezac,  les  Isles  d'Afrique;  G. 
Gravier,  le  Canarien,  livre  de  la  conquête  et  conversion  des  Canaries 
(1402-1422),  par  Jean  de  Béthencourt,  Par.,  1875;  Hist.  de  la  première 
découverte  et  conquête  des  Canaries,  Paris,  1630;  K.  Ritter,  Gesch.  der 
Erdkunde,  éd.  Daniel,  p.  244  ;  Lütolf,  zur  Entdeckung  und  Christia- 
nisiru-ng  der  westafr.  Inseln  (Tüb.  Quartalschr.,  1877,  11,  p.  319  et 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.     75 

suiv.).  Décrets  des  papes  :  Rayn.,  an.  d344,  n.  4  et  seq.;  1369,  n.  14; 
1434,  n.  21  ;  I43C,  n.  25,  26  ;  1443,  n.  10;  1454,  n.  8  (cf.  Bull.,  III,  m, 
p.  70);  an.  1462,  n.  12;  1476,  a.  21  et  seq.  Voyez  mon  ouvrage  Kath. 
Kirche,  p.  344-349.  —  Hüne,  Darstellung  aller  Verœnderungen  des 
Negerhandels,  Goett.,  1820,  part.  I;  Copley,  a  History  of  sclavery  and  its 
abolition,  Lond.,  1844;  Cochin,  l'Abolition  de  l'esclavage,  Paris,  1862, 
t.  I;  Bandinel,  der  african.  Sclavenhandel,  trad.  par  J.  Hecbsel,  p.  12; 
Humboldt,  Krit.  Untersuchungen,  II,  p.  217;  J.  Margraf,  Kirche  und 
Sclaverei  seit  der  Entdeckung  Amerikas,  Tûb.,  1865;  Civiltà  cattolica, 
1865-1866,  VI,  I  vol.,  i-vii,  p.  427  et  seq.,  662  et  seq.,  etc.  Lois  en 
faveur  de  l'esclavage,  d'après  le  Code  Justinien,  dans  les  Siete  Par- 
tidas  d'Alphonse  X  de  Castille,  1258,  part.  IV,  et  dans  les  Ordenaçoens 
do  rey  Alfonso  V  de  Portugal,  1446,  lib.  IV,  tit.  LXXXI;  A.  Helps,  the 
Spanish  conquist.,  vol.  I,  part.  III,  c.  i,  p.  201,  Lond.,  1855  et  seq. 

Conversions  en  Afrique.  —  Influence  de  l'Église. 

248.  Le  Portugal  eut  bientôt  en  Afrique  d'immenses  posses- 
sions, d'où  il  ramenait  à  la  fois  de  l'or  et  des  esclaves.  En  4445, 
l'infant  Henri  défendit,  dans  l'intérêt  de  la  conversion  des 
nègres,  de  leur  faire  violence  ;  il  essaya  d'établir  avec  eux  des 
relations  commerciales,  de  conclure  des  traités,  qui  se  multi- 
plièrent à  partir  de  1469.  La  traite  des  nègres  diminua  sensi- 
blement. Alphonse  V  et  Jean  II  travaillèrent  à  leur  conver- 
sion, et  envoyèrent  au  Congo  d'habiles  missionnaires.  En  1491, 
oay  comptait  déjà  de  nombreux  chrétiens;  on  se  mit  à  bâtir 
des  églises.  Emmanuel  y  dépêcha  des  messagers  de  la  foi  à 
diverses  reprises  (1504,  1510,  d512);  un  prince  du  Congo  fut 
élevé  à  Lisbonne,  et  le  roi,  déjà  baptisé,  envoya  à  Rome  une 
députatiou.  En  1533,  Jean  III  de  Portugal  annonçait  au  pape 
que  tout  le  Congo  était  cathohque.  Aucun  esclave  ne  fut  plus 
enlevé  de  ce  pays,  et  il  fut  en  général  sévèrement  défendu  de 
réduire  des  chrétiens  en  esclavage.  Les  missionnaires  se  mon- 
trèrent toujours  les  plus  zélés  défenseurs  de  la  liberté  des 
indigènes. 

Mais  en  d'autres  contrées,  notamment  au  Sénégal,  on  conti- 
nuait d'exploiter  et  de  vendre  un  grand  nombre  d'esclaves  ; 
ce  trafic  consistait  ordinairement  à  échanger  avec  des  nègres 
un  cheval  contre  neuf  à  dix-sept  hommes.  Comme  l'Espagne  et 
le  Portugal  étaient  alors  fort  dépeuplés  par  l'expulsion  des 
Maures,  et  que  les  bras  manquaient  au  travail  —  car  beaucoup 


76  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

d'habitants  émigraient  aussi  par  esprit  d'aventure  —  on  se  pro- 
cura des  esclaves  africains  à  un  haut  prix  :  les  marchands  s'ins- 
piraient de  l'amour  du  lucre  ;  le  gouvernement,  de  la  politique. 
La  religion  seule  pouvait  adoucir  le  sort  des  esclaves,  procurer 
leur  conversion  et  avec  elle  souvent  leur  affranchissement,  ou 
du  moins  y  contribuer  par  ses  encouragements,  protéger  et  dé- 
fendre les  convertis,  garantir  par  ses  censures  ceux  qui  n'étaient 
pas  encore  esclaves.  Elle  concourut  à  l'amélioration  des  lois,  et 
inspira  souvent  à  des  hommes  cruels  des  sentiments  d'huma- 
nité. En  face  de  ces  peuples  entièrement  sauvages,  qui  ne  con- 
naissaient aucun  droit  des  gens,  qui  avaient  eux-mêmes  des 
esclaves,  qui  enlevaient  et  mettaient  à  mort  des  chrétiens,  les 
princes  chrétiens  se  croyaient  autorisés  à  faire  la  conquête  du 
pays,  afin  de  les  morahser  en  les  subjuguant,  et  d'extirper  les 
crimes  énormes,  les  massacres  dont  ils  se  rendaient  coupables. 
Mais,  afin  de  prévenir  de  nouvelles  guerres  entre  les  princes 
chrétiens,  et  d'assurer  aux  rois  de  Portugal  le  fruit  des  entre- 
prises qu'ils  faisaient  au  prix  de  tant  de  sacrifices  et  de  dé- 
penses, Nicolas  V  défendit  de  faire  voile  vers  les  îles  et  les  côtes 
découvertes  par  le  Portugal ,  à  quiconque  n'en  aurait  pas 
obtenu  la  permission  du  roi;  il  fallait  payer  un  tribut,  et  s'y 
rendre  avec  des  vaisseaux  et  des  matelots  portugais.  A  la  suite 
de  cet  induit,  Jean  II  de  Portugal  obtint  d'Edouard  IV,  roi 
d'Angleterre,  que  les  marchands  anglais  demeureraient  éloi- 
gnés des  côtes  occupées  par  les  Portugais. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N*"   248. 

André  Alvarez  de  Almada,  Relaçao  o  Descripçao  de  Guiné,  Lisb., 
1730;  Relazioni  del  Reanie  di  Congo,  traite  dagli  scritti  di  Odoardo 
Lopez  portughese,  per  F.  Pigafetta,  Roma,  1590;  Barros,  da  Asia,  dec. 
I,  lib.  II,  c.  a.  —  Rayn.,  an.  1484,  n.  82;  1490,  n.  24;  1491,  n.  6; 
1510,  n.  37;  1316,  n.  104;  1533,  n.  ult.;  Osorius,  de  Rebus  gest. 
Emman.  II,  Reg.  Lusit.,  1.  III,  c.  vin  ;  Molina,  Tr.  de  justitia  et  jure, 
t.  II,  tr.  II,  disp.  xxxiv,  n.  8,  p.  71  :  «  Ex  hoc  regno  (Congo),  cum 
omnes  christiani  sunt,  nuUum  asportatur  mancipium,  neque  propter 
delicta  serviluli  subjiciuntur,  sed  aliis  pœnis  a  suo  rege  puniuntur.  » 
Sur  reflet  de  l'induit  de  Nicolas  V,  1454  :  Hackluil,  Hist.  Navigation., 
V,  II,  p.  2;  Thomassin,  part.  III,  1.  I,  c.  xxxii. 

Circumnavigation  de  l'Afrique. 

249.  Après  des  efforts  persévérants,  le  Portugal  atteignit  sou 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.     77 

but;  il  trouva  sur  mer  une  voie  directe  pour  gagner  les  Indes 
orientales,  au  lieu  de  passer  par  l'Egypte,  et  pour  faire  le  tour 
de  l'Afrique  par  la  voie  de  mer.  On  avait  d'abord  découvert  l'île 
de  Porto-Santo  (1-408),  et  de  là  l'île  déserte  de  Madère  (1419); 
en  1-Ul,  l'on  découvrit  le  cap  Blanc,  et,  en  IMo,  le  cap  Vert. 
Vers  148-4,  Diego  Cano  pénétra  jusqu'au  Congo,  puis  jusqu'au 
cap  Saint-Augustin.  En  1487,  Barthélémy  Diaz  atteignit  réelle- 
ment le  cap  de  Bonne-Espérance  :  c'est  le  nom  que  le  roi  Jean  II 
voulut  qu'on  lui  donnât,  au  lieu  de  cap  des  Tempêtes,  comme 
l'avait  appelé  celui  qui  en  fit  la  déconverte.  De  là  on  apprit  aussi 
à  connaître  la  côte  orientale  de  l'Afrique,  et  l'on  entama  des  né- 
gociations avec  l'Ethiopie.  Vasco  de  Gama  entreprit  alors  (1497) 
son  heureux  voyage  jusqu'aux  Indes  orientales,  et  bientôt  de 
nouvelles  flottes  y  abordèrent.  François  Almeida  fut  nommé 
vice-roi  (1507),  et  après  lui  Alphonse  Albuquerque  (mort  en 
4515),  qui  fit  de  Goa  le  centre  de  la  nouvelle  domination  dans 
les  Indes  orientales,  et  étendit  plus  loin  le  commerce  portugais  : 
nouvelle  sphère  ouverte  à  l'activité  des  missionnaires  chrétiens. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR  LE  N°  249. 

J.-P.  Maflfei,  S.  J.,  Histor.  indic.  libri  XVI,  Antw.,  1605,  1.  I-V;  Col- 
lecçao  de  monumentos  iuedilos  para  a  historia  das  conquistas  dos  Por- 
tuguezes  em  Africa,  Asia  e  America  (dirigée  par  R.-J.  Telner),  t.  II, 
part.  I,  Lisboa,  1860;  t.  III,  1862.  Ose.  Peschel,  Gesch.  des  Zeitalters  der 
Entdeckungen,  Sluttg.,  1838.  Sur  les  travaux  scientifiques  des  Portu- 
gais relatifs  à  l'Amérique,  voy.  Brucker,  dans  les  Études  relig.,  hist.  et 
littér.,  mars  1878. 

Découverte  de  l'Amérique. 

250.  On  avait  fait  le  tour  de  l'Afrique;  on  allait  maintenant 
découvrir  l'Amérique.  Le  Génois  Christophe  Colomb,  né  en 
4436,  découvrit  d'abord  (12  octobre  1492)  la  petite  île  de  Gua- 
nahany  (nommée  San-Salvador),  s'avança  vers  Cuba  et  recon- 
nut Haïti,  où  il  construisit  un  fort.  Le  3  mai  1493,  il 
rentrait  heureusement  en  Espagne.  Pendant  une  seconde 
navigation  entreprise  dans  l'automne,  il  découvrit  les  îles  Ca- 
raïbes, et  fonda  une  colonie  à  la  Jamaïque.  Calomnié  à  la  cour 
d'Espagne  (1495),  il  se  justifia  pleinement  des  accusations  éle- 
vées contre  lui  (1496).  Dans  un  troisième  voyage,  commencé  le 
30  mai  1498,  il  découvrit  l'île  de  la  Trinité,  puis  la  terre  ferme 


TS  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

de  l'Amérique.  Le  grand  amiral  croyait  qu'il  était  permis  de 
réduire  en  esclavage  les  indigènes  rebelles ,  du  moins  les 
Caraïbes  des  Antilles  et  les  Haïtiens,  qui  se  repaissaient  de 
chair  humaine;  que,  s'ils  demeuraient  dans  leur  conditions au- 
vage,  ils  ne  se  laisseraient  jamais  convertir  ni  civiliser.  En 
1494  déjà,  sous  Antoine  Torrès,  douze  vaisseaux  partaient 
emmenant  des  prisonniers  caraïbes;  en  1495,  cinq  cents  d'entre 
eux  furent  conduits  à  Séville  pour  y  être  vendus. 

Cependant  ,1a  reine,  qui  avait  l'àme  sensible  et  qui  était  bien 
disposée  pour  les  Indiens,  défendit,  à  l'instigation  de  son  con- 
fesseur, l'archevêque  de  Grenade,  de  les  mettre  en  vente,  et 
exigea  qu'ils  fussent  renvoyés  avec  d'autres  Indiens  amenés 
en  Espagne.  Colomb,  qui  respectait  les  droits  naturels  des  in- 
digènes, tout  en  faisant  un  usage  excessif  du  droit  de  la  guerre 
tel  qu'il  existait  alors,  se  brouilla  sur  ce  point  avec  ses  propres 
compatriotes.  Plusieurs  d'entre  eux,  sous  la  conduite  de  Rol- 
dan,  se  séparèrent  de  lui  et  se  fixèrent  dans  le  district  de 
Xaragua,  où  ils  traitèrent  les  Indiens  comme  des  esclaves. 
Colomb  ne  parvint  à  les  soumettre  qu'en  leur  permettant  de 
garder  les  Indiens  comme  domestiques  pour  cultiver  leurs 
terres;  ils  seraient  à  la  fois  leurs  chefs  et  leurs  protecteurs.  Les 
chefs  choisiraient  les  Indiens  qui  devraient  être  envoyés  au 
dehors. 

Telle  fut  l'origine  du  système  des  commendes  ou  répartitions 
{leparlhnieiito).  La  reine  envoya  à  Ilispaniola  (Saint-Domin- 
gue) un  commissaire  chargé  de  faire  une  enquête.  En  1500, 
ce  commissaire  fit  transporter  en  Espagne  l'amiral  chargé  de 
chaînes.  Celui-ci  recouvra  la  liberté,  mais  non  pas  de  suite 
le  rang  qu'il  avait  occupé  jusque-là.  Le  roi  Ferdinand  envoya 
à  Hispaniola  le  chevalier  Nicolas  d'Ovando  avec  trente  vais- 
seaux parfaitement  équipés.  Sur  sa  demande,  Colomb  put  en- 
treprendre en  1502,  avec  quatre  vaisseaux  endommagés,  son 
quatrième  voyage,  traversé  de  bien  des  revers,  mais  couronné 
de  succès.  Peu  de  temps  après  son  retour,  il  mourut  à  Valla- 
dolid,  le  21  mai  1506,  après  n'avoir  recueilli  qu'ingratitude 
pour  ses  gigantesques  entreprises.  La  terre  même  qu'il  avait 
découverte  ne  reçut  pas  son  nom,  mais  celui  du  Florentin 
Améric  Vespuce,  qui  n'y  aborda  qu'en  1499.  Vespuce  publia 
quatre  récits  de  voyages.  Hispaniola  fut  pour  les  Espagnols  le 


l'église  en  face  des  schtsmatioues  et  des  hérétiques.     79 

point  de  départ  de  nouvelles  découvertes.  En  1500,  Vasco 
Nunez  di  lialbao  arriva  au  j^olte  de  Panama  et  fonda  la  colo- 
nie de  Sainte-Marie-l'Antique.  En  1513,  la  partie  occidentale 
de  l'Amérique  et  l'océan  Pacifique  étaient  déjà  découverts. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  230. 

Vita  Christoph.  Columbi,  Venet.,  1575  ;  Robertson,  Bist,  of  America, 
Lond.,  1772,  traduite  par  Schiller,  Leipzig,  1781,  surtout  1.  VIII;  Tou- 
roD,  Ilist.  gén.  de  l'Amérique,  t.  1,  1.  I  ;  Luigi  Bossi,  Vita  di  Cr.  Col., 
Milano,  1818  ;  Noticias  sécrétas  de  America,  por  D.  J.  Juan  y  D.  Ant.  de 
UUoa,  sacadas  a  luz  por  D.  Dav.  Barry,  Lond.,  1826  ;  Humboldt,  Krit. 
Untei'such.  über  die  Gesch.  und  Geographie  v.  Ideler,  II,  p.  186  et 
suiv.;  Wiltmann,  I,  p.  18  et  suiv.;  Junkmann,  die  Entdeckung  Ameri- 
ka's,  Kath.  Magazin,  Munster,  1846;  Cadoret,  Vie  de  Christ.  Colomb. 
Cf.  Correspondant,  t.  XLII,  p.  203;  Peschel  (§  249);  Margraf  (§  248); 
M.  G.  Canale,  Vita  e  Viaggi  di  Cr.  Col.,  Fir.,  1863  ;  Roselly  de  Lorgnes, 
la  Croix  dans  les  deux  mondes,  Paris,  1844;  le  même,  Hist.  de  Chr. 
Col.,  Paris,  1855;  l'Ambassadeur  de  Dieu  et  le  pape  Pie  IX,  Paris, 
1874;  Satan  contre  Chr.  Col.,  ou  la  prétendue  chute  du  serviteur  de 
Dieu,  Paris,  1876;  P.  Marcellin.  Civezza,  0.  M.  0.,  délia  Vita  di  Cr. 
Colombo,  trad.  dal  francese  ed  accresciuta  di  uuovi  documenti,  Prato, 
1876. 

Progrès  du  PortugaL  —  Bulle  d'Alexandre  VI. 

251.  Les  Portugais  aussi  cherchaient  depuis  longtemps  à 
conquérir  des  terres  en  Amérique.  En  1500,  Cabrai  découvrit 
le  Brésil  ;  Fernando  Magellan,  la  Patagonie,  en  1519.  Plus  tard, 
les  îles  Marianes  et  les  Philippines  furent  découvertes  pour  l'Es- 
pagne. Déjà  précédemment  la  cour  d'Espagne  avait  essayé  de 
s'entendre  avec  celle  du  Portugal,  qui  se  croyait  lésée  dans  ses 
droits;  cette  tentative  ayant  échoué,  elle  demanda  la  décision 
du  pape.  Alexandre  VI  assigna  à  la  couronne  de  Castille  les  îles 
et  les  terres  fermes  situées  dans  l'Océan  occidental,  et  à  la  cou- 
ronne portugaise,  les  îles  et  les  terres  fermes  situées  en  Afrique. 
Traçant  une  ligne  (1493;  du  pôle  nord  au  pôle  sud,  à  cent  milles 
marins  des  îles  Açores  et  des  îles  du  cap  Vert,  il  décida  que  les 
pays  situés  au  delà  de  cette  ligne  appartiendraient  à  la  Castille, 
et  les  pays  situés  en  deçà  au  Portugal.  Ce  dernier  pays  n'en 
ayant  pas  été  satisfait,  le  pape  recula  la  ligne  de  démarcation 
à  deux  cent  soixante-dix  milles  marins  dans  la  direction 
de  l'ouest  :  de  là  vient  que  le  Brésil  échut  plus  tard  au  Por- 
tugal. 


80  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Le  pape  voulait  prévenir  les  dissensions  qui  menaçaient 
d'éclater  entre  l'Espagne  et  le  Portugal,  et  assurer  la  propa- 
gation régulière  du  christianisme  dans  ces  pays.  Il  garantit 
aux  deux  royaumes,  contre  les  prétentions  des  autres  princes, 
les  acquisitions  qu'ils  avaient  faites,  en  tant  qu'elles  reposaient 
sur  des  titres  de  droit,  et  que  d'autres  princes  n'auraient  pas 
déjà  auparavant  occupé  ces  îles.  Dans  ce  temps-là,  on  ne  con- 
naissait encore  que  les  îles;  le  premier  navigateur  venu 
pouvait  occuper  celles  qui  étaient  désertes.  Sur  celles  qui 
étaient  habitées,  il  était  facile  d'acquérir  l'autorité  par  des  con- 
ventions avec  les  indigènes.  Les  colonies  étabhes  par  les  rois 
chrétiens  devaient  travailler  à  la  propagation  du  christianisme. 
Alexandre  VI  y  envoya  aussi  des  franciscains.  La  concession 
du  pape  devait  s'entendre  selon  le  droit  alors  en  vigueur.  Dans 
une  bulle  analogue,  donnée  en  1497  pour  le  Portugal  au  sujet 
de  l'Afrique  occidentale,  il  était  dit  positivement  que  les  in- 
digènes ne  seraient  assujettis  que  de  leur  plein  gré.  On  ne 
songeait  nullement  à  faire  de  tous  les  Indiens  des  esclaves  de 
l'Espagne  et  du  Portugal.  La  bulle  du  pape  eut  un  plein  suc- 
cès. Les  découvertes  des  deux  puissances  maritimes  se  pour- 
suivirent sans  qu'aucune  guerre  éclatât  entre  elles;  seulement 
la  découverte  du  continent  américain  enleva  à  la  bulle  une 
grande  partie  de  son  efficacité. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   SUR   LE    N»  251. 

Const.  Inter  cetera,  c.  i,  de  Insulis  novi  orbis,  I,  ix,  in  Sept.  Const., 
4,  Bull.,  Taur.,  V,  p.  361-364;  Rayn.,  an.  1493,  n.  19.  Cf.  Henrion, 
Hist.  gén.  des  missions,  I,  p.  333;  Civiltà  catt.,  VT,  i,  p.  662  et  seq. 
Mon  ouvrage  Kalh.  Kirche,  p.  337  et  suiv.  Bulle  pour  le  Portugal  : 
Rayn.,  an.  1497,  n.  33. 

Travaux   des   missionnaires. 

252.  Les  premiers  missionnaires  de  l'Amérique  furent  des 
bénédictins,  des  hiéronymites,  des  franciscains  et  des  domini- 
cains. Ils  trouvèrent  pour  principal  obstacle  la  cupidité  et  la 
dureté  des  Espagnols,  et  se  prononcèrent  résolument  pour  la 
liberté  des  Indiens.  Le  bénédictin  Bail,  envoyé  par  le  pape  en 
qualité  de  vicaire  apostolique,  combattit  Colomb  sur  ce  point. 
N'ayant  rien  pu  obtenir,  il  retourna  en  Espagne  (1494).  Le 
compagnon  de  Bail,  Perez  de  Marchana,  construisit  la  première 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       81 

église  d'Hispaniola.  Le  hiéronymite  Ramon  Pane  et  le  fran- 
ciscain Borgounou  déployèrent  beauconp  de  zèle.  Malheureuse- 
ment, le  cacique  Guarinox,  qu'ils  avaient  d'abord  gagné,  aposta- 
sia  par  suite  des  cruautés  des  conquérants  et  des  suggestions  de 
ses  sujets  païens.  Sous  la  conduite  d'Alonso  de  Espinal,  douze 
franciscains  arrivèrent  dans  le  pays  avec  le  chevalier  Ovando 
(1502).  Comme  le  roi  Ferdinand  était  mécontent  des  bulles  par 
lesquelles  Jules  H  érigeait  de  nouveaux  évêchés,  elles  ne  furent 
pas  exécutées.  Les  sièges  de  Saint-Domingue  et  de  la  Concep- 
tion de  la  Vega,  établis  à  Hispaniola,  et  celui  de  Porto-Rico,  dans 
l'île  de  ce  nom,  ne  furent  érigés  qu'en  1511.  Le  droit  de  patro- 
nage sur  les  sièges  qui  seraient  institués  fut  accordé  aux  rois 
d'Espagne  dès  1508. 

Les  dominicains  eurent  une  résidence  à  Hispaniola  à  partir 
de  1510.  ils  condamnèrent  l'usage  de  partager  les  Indiens 
entre  leurs  maîtres  en  qualité  d'esclaves  :  c'était,  selon  eux, 
une  violation  du  droit  naturel,  une  infraction  à  la  loi  chré- 
tienne et  le  contraire  d'une  saine  politique.  Us  prêchaient 
publiquement  contre  cet  abus.  Le  gouverneur  Ovando  avait 
apporté  avec  lui  un  décret  favorable  à  la  liberté  des  Indiens;  ce 
décret  fut  supprimé  par  un  décret  subséquent.  Les  gens  du 
gouverneur,  dépourvus  de  vivres,  croyaient  ne  pouvoir  remé- 
dier à  leur  détresse  que  par  les  bras  des  indigènes;  lui-même 
était  convaincu  qu'une  liberté  excessive  avait  fait  retomber  les 
Indiens  dans  la  barbarie  et  l'oisiveté,  qu'il  fallait  pour  les  con- 
vertir les  confier  aux  soins  des  colons  chrétiens.  Il  fut  donc 
décidé  par  une  nouvelle  ordonnance  qu'on  forcerait  les  Indiens, 
dans  l'intérêt  de  leur  conversion,  à  fréquenter  les  chrétiens, 
mais  qu'on  modérerait  leurs  travaux  et  qu'on  ne  les  traiterait 
pas  en  esclaves.  Malheureusement,  la  cupidité  entraîna  les 
Espagnols  dans  les  plus  grands  excès  d'autorité,  et  les  domi- 
nicains les  combattirent  avec  courage. 

Les  abus  ne  cessèrent  point  après  qu'Ovando  eut  été  rem- 
placé par  Diego  Colomb  :  il  fut  permis  d'employer  comme 
esclaves  domestiques  ou  dans  les  travaux  des  raines  les  Indiens 
faits  prisomiiers  à  la  guerre.  La  cour  d'Espagne  était  assiégée 
(le  tuus  côtés  par  des  prières  et  des  remontrances  contradictoi- 
res. Les  dominicains  d'Haïti  convinrent  entre  eux  d'un  certain 
nondire  de  principes,  et  menacèrent  les  Européens  qui  faisaient 

V.  —  HIST.  DE  l'église.  6 


^'2  HISTOIKK   DE    LÉGLISE. 

le  trafic  des  esclaves  du  refus  des  sacrements.  Pierre  de  Cor- 
done  et  Antoine  de  Montesino  déployèrent  une  grande  ardeur. 
Le  dernier  refusa  en  1511  de  rétracter  les  assertions  qu'il  avait 
émises  en  chaire,  et,  soutenu  par  son  ordre,  il  alla  trouver  le 
roi  d'Espagne,  tandis  que  le  franciscain  Alonso  de  Espinal 
partait  avec  lui  par  le  uième  vaisseau  pour  aller  soutenir  la 
cause  des  colons.  Le  roi  décida  (1513)  que  les  travaux  des 
Indiens  seraient  restreints  à  un  nombre  de  mois  déterminé, 
(jue  les  femmes  mariées  et  les  enfants  au-dessous  de  quatorze 
ans  seraient  affranchis;  il  prit  plusieurs  mesures  générales 
pour  protéger  les  indigènes  et  engager  les  vaillants  frères 
prêcheurs  à  ne  pas  faire  de  nouvelles  demandes.  Ceux-ci  ne  se 
laissèrent  point  effrayer.  Rodrigue  d'Albuquerque,  arrivé  dans 
les  Indes  vn  4514,  supprima  les  anciennes  commendes  et  entre- 
prit une  nouvelle  répartition.  Le  sort  des  Indiens  en  fut  sensi- 
blement aggravé. 

OUVRAGES   A    C.ONSULTEn   SUR    LE   N°    252. 

Hayn.,  an.  1493,  n,  24  el  seq.;  Solorzano,  de  Jure  indico,  t.  1,  1.  III, 
c.  VI,  n.  59;  Héfelé,  Ximénès,  p.  308;  Margraf,  p.  22;  Peschel,p.  549  et 
suiv.  Privilèges  des  rois  :  Sciloizano,  1.  IV,  c.  u ;  Herrera,  Hist.  gea.  de 
los  hechosde  los  Ca^lillano*  en  las  islas  y  tierra  firina  del  mar  Oceano, 
décad.  I,  1.  IX,  c.  XIV ;  1.  X,  c  xn  et  seq. 

Les  esclaves  nègres. 

253.  Au  heu  d'esclaves  indiens,  on  commença  de  bonne 
heure  à  emmener  de  l'Afrique  des  esclaves  nègres,  plus  vigou- 
reux et  plus  aptes  au  travail.  Le  gouvernement  autorisa 
l'importation  de  ceux  qui  étaient  nés  chez  des  maîtres  chré- 
tiens, mais  non  des  autres.  Ovando  se  plaignit  en  1503  qu'ils 
étaient  trop  nombreux  n  Haïti,  que  plusieurs  se  réfugiaient 
auprès  des  Indiens  et  les  corrompaient  encore  davantage.  On 
essaya  de  restreindre  leur  importation,  et  en  1.506  il  fut  interdit 
d'introduire  des  nègres  du  Levant  ou  des  nègres  qui  auraient 
des  Maures  pour  pères,  dépendant,  en  1510,  le  roi  Ferdinand, 
ayant  égard  à  la  constitution  débile  des  Indiens,  fit  envoyer 
de  Séville  à  Haïti  cinquante  nègres  pour  travailler  dans  les 
mines.  Comme  les  nègres  semblaient  de  meilleurs  ouvriers 
pour  la  culture  de  la  canne  à  sucre,  on  exprima  le  désir,  en 


l'églisi;  en  iack  ües  schismatiques  rt  des  hérétiques.     83 

iM\,  que  l'importation  des  nègres  »o  fit  sur  une  plus  vasto 
échelle.  Le  gouverneur  Pedrarias  y  consentit  en  1514.  Mais 
le  cardinal  Ximénès,  régent  après  la  mort  de  Ferdinand, 
défendit  rigoureusement  la  traite  des  nègres.  On  s'adressa  au 
jeune  roi  Charles,  qui,  cédant  aux  conseils  de  ses  ministres  de 
Flandre,  fit  de  nombreuses  concessions,  malgré  les  avertisse- 
ments du  régent.  Les  hiérony mites  eux-mêmes,  ainsi  que  le 
célèbre  Barthélémy  de  Las  Casas,  l'apôtre  zélé  des  droits  de 
l'humanité,  voulaient  qu'on  employât  aux  travaux  des  colonies, 
au  lieu  des  Indiens  trop  faibles  et  privés  de  leur  liberté  contrai- 
rement au  droit  naturel,  les  nègres  déjà  réduits  en  esclavage, 
tout  en  faisant  de  nombreuses  réserves.  C'est  ainsi  qu'on  arriva 
à  soumettre  la  traite  des  nègres  k  un  règlement  précis.  Parmi 
les  Indiens,  il  ne  devait  plus  être  permis  de  réduire  en  escla- 
vage que  les  Caraïbes  ou  Cannibales  (anthropophages).  Cette 
mesure  fut  confirmée  par  plusieurs  ordonnances  royales,  où  il 
était  dit  que  la  révolte,  l'idolâtrie,  les  sacrifices  humains  et 
l'anthropophagie  entraîneraient  la  peine  de  l'esclavage. 

OUVRAGES    A   CONSIJLTKR    ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N"    253. 

Llorente,  Œuvres  ilt-  B.  Las  Casas,  II,  432  et  seq.,  436;  Herrera, 
déc.  II,  I.  II,  8lfi;  .Naxarette,  Coll.  des  voyagi-^  ;  Helps,  loc.  cit.,  II, 
18-20;  Héfelé,  p.  524:  Margraf,  p.  41  et  suiv.  Ouelques-uns  ont  con- 
testé que  l.as  Casas  se  fût  prononcé  pour  l'exportation  des  nègres  ; 
Dœllinger.  Hdb.  der  K.-G..  Landshut,  1828,  II,  ii.  p.  397. 

Les  peuples  de  l'Amérique. 

254.  Les  peuples  de  l'Amérique  appartenaient  en  grande 
partie  à  la  race  mongole  et  aussi  à  la  race  caucasique;  ils  diffé- 
raient beaucoup  d'origine,  de  mœurs  et  de  coutumes.  Les  îles, 
aussi  bien  que  le  continent,  avaient,  à  différentes  époques,  reçu 
leur  population  du  dehors,  le  plus  souvent  de  l'Asie.  Beaucoup 
étaient  venus  probablement  du  nord- est  de  l'Asie,  des  environs 
du  détroit  de  Behring,  où  les  îles  Kouriles,  Aléoutiennes  et  des 
Renards  forment  une  espèce  de  pont,  et  ils  s'étaient  dirigés  vers 
la  partie  la  plus  occidentale  de  l'Amérique.  D'autres,  venus  de  la 
nier  Méditerranée,  de  la  Phenicie  et  de  l'Keypte,  étaient  allés  vers 
l'est  de  ce  continent,  ainsi  que  l'indiquent  la  légende  de  file 
Atlantide  et  beaucoup  de  monuments  antiques.  Il  se  peut  aussi 


S4  HISTOIRE    HK    I.'ÉGLISE. 

que  des  éniigralioijs  soient  venues  de  l'Inde  orientale  par  les 
îles  de  la  mer  du  Sud. 

L'histoire  primitive  de  ces  peuples  n'est  qu'un  chaos  téné- 
breux,  où  pénètrent  rarement  quelques  rayons  de  lumière; 
nous  ne  counaissinis  même  plus  tous  les  noms  de  ces  peu- 
plades; des  tribus  entières  ont  été  extirpées  avant  que  la 
science  eût  pu  porter  sur  elles  ses  investigations.  Les  Espagnols 
se  familiarisèrent  d'abord  avec  les  barbares  Indiens,  adonnés 
au  fétichisme,  puis  avec  les  Araucas  et  les  Chactas,  voués  au 
culte  des  astres,  et  avec  les  Mexicains,  plus  civilisés,  etc.  Les 
premiers  jugements  furent  très  défavorables  à  la  population  ; 
mais  les  missionnaires  ne  se  départirent  pas  de  ce  principe 
qu'il  fallait  respecter  en  eux  la  dignité  de  l'homme,  parce 
qu'ils  descendaient  du  même  premier  couple  humain  que  les 
peuples  des  autres  parties  de  l'univers  connu. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  254. 

Adelung,  Mithrid.,  III,  p.  338  ;  Malts,  Anthrop.,  I,  p.  293  ;  Hettinger, 
die  Abstam.  d.  Menschengeschl.  v.  Einem  Paare  (tirage  à  part  a.  d. 
œsterr.  Vierteljahrschr.  für  Theol.,  IV,  h.  m),  Vienne,  1863,  p.  40 
et  sniv. 

LES  SCHISMATIOUES  &  LES   HÉRÉTIQUES  DE  L'ORIENT. 

I^o  Schisme  grec  e(  IX'nion  de  Florence. 

L'empire    grec.    —    Négociations    avec    les    papes. 

255.  Le  vieux  schisme  avait  repris  de  nouvelles  forces  sous 
Andronic  II;  il  continua  dans  le  cours  du  quatorzième  siècle,  et 
avec  lui  la  polémique  des  théologiens  grecs  contre  les  théolo- 
giens latins.  Elle  fut  soutenue  par  Nil  Cabasilas,  archevêque  de 
Thessalonique  (1340);  par  Gennade,  archevêque  des  Bulgares; 
par  le  moine  Maxime  l'ianudes,  par  Siméon  de  Thessalo- 
nique, etc.,  et  aussi,  pendant  quelque  temps,  par  le  moine 
Harlaam.  La  division  intestine  croissait  chaque  jour,  et  avec 
elle  les  désastres  de  l'empire.  Les  guerres  d'Andronic  11  avec  les 
Francs,  avec  les  Tartares  et  surtout  avec  les  Turcs,  eurent  la 
plupart  une  issue  malheureuse.  Les  Francs,  qui  n'avaient  pas 
encore  renoncé  au  projet  de  recouvrer  leur  empire  de  Komanie, 
avaient  pris  d'assaut  Thessalonique  en  130G,  mais  ils  avaient  été 


l'église  KN  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  IIÉRÉTIOUES.       80 

arrêtés  dans  leurs  progrès  par  la  discorde  entre  les  Hongrois  et 
les  Vénitiens  ;  en  I32i,  les  Tartares  tuèrent  ou  emmenèrent  pri- 
sonniers un  grand  nombre  de  Grecs;  enfin,  les  Turcs  faisaient 
do  continuels  progrès.  Ajoutez  à  cela  une  guerre  civile  qui 
éclata  lorsque  l'empereur  voulut  exclure  du  trône  son  petit-fils 
Andronic  111,  qui  le  renversa  en  1328.  La  politique  seule  donna 
lieu  à  des  pourparlers  relatifs  à  l'Union,  avec  Jean  XXII,  en 
1326  et  1334,  puis  avec  Benoit  XII  (1337-1339).  Les  Grecs  ne 
voulaient  qu'une  chose,  qu'on  leur  vînt  en  aide  contre  les 
Turcs;  quant  à  l'union  religieuse,  ils  en  désiraient  tout  au  plus 
l'apparence.  Clément  VI  et  Innocent  VI  négocièrent  longtemps 
avec  .lean  V  Paléologue  (1341-1391),  et  avec  son  tuteur  et 
co  empereur  Jean  Cantacuzène,  qui  en  1355  fut  renversé  du 
trône,  juste  au  moment  où  l'on  concevait  quelques  espérances. 

Jean  Paléologue  fit  les  plus  belles  protestations  d'obéissance 
au  Saint-Siège;  mais,  comme  les  princes  d'Occident  ne  répon- 
dirent point  aux  invitations  du  pape,  les  Grecs  ne  furent  pas 
secourus;  les  Turcs  s'emparèrent  d'Andrinople  (1361),  et  en 
firent  la  résidence  de  leurs  sultans.  L'empereur  se  crut  alors 
dégagé  de  sa  promesse.  En  1364  cependant  il  envoya  encore 
des  ambassadeurs  à  Urbain  V,  abjura  le  schisme  à  Rome  en 
1369,  et  entra  avec  sa  famille  dans  la  communion  de  l'Église 
romaine.  Cette  fois  encore  les  princes  de  l'Eurcspe  demeurè- 
rent iuactifs;  les  Turcs  s'emparèrent  de  tout  l'empire,  sauf 
Con.stantinople  et  Thessalonique,  et  forcèrent  .Jean  V  en  1374 
à  conclure  un  traité  de  paix  très  humiliant  avec  le  sultan 
Amurat.  Grégoire  XI  autorisa  quatre  légats  à  recevoir  dans  la 
communion  de  l'Église  tous  ceux  qui  souscriraient  le  décret 
de  Lyon  (1274)  ;  il  exhorta  Louis,  roi  de  Hongrie,  à  prêter 
secours  aux  Grecs,  dont  la  plupart  persévéraient  dans  le 
schisme,  soit  afin  de  les  gagner  par  des  bienfaits,  soit  pour 
protéger  son  propre  pays  contre  les  Turcs. 

L'empereur  Manuel  Paléologue  (1391- 1425)  invoqua  le  secours 
de  Boniface  IX  contre  Bajazet.  Le  pape  fit  immédiatement 
prêcher  une  croisade  (1398),  et  adjura  les  princes  de  ne  point 
permettre  que  les  Grecs,  quoique  non  entièrement  soumis  à 
l'Église  romaine,  fussent  subjugués  et  foulés  aux  pieds  par 
l'ennemi  héréditaire  de  la  chrétienté.  En  1400,  Manuel  fit 
inutilement  le  voyage  de  Venise,  de  France  et  d'Angleterre  :  il 


86  HISTOIBE  DE   l'ÉuLISE. 

ne  trouva  point  de  secours.  Tamerlan  seul,  qui  en  1402  battit 
et  fit  prisonnier  le  sultan  Bajazet,  arrêta  encore  quelque  temps 
les  Turcs  dans  leur  marche  victorieuse.  En  1405,  Innocent  VII 
en  était  rédnit  à  ce  dunlourenx  aven  de  ne  pouvoir  plu? 
secourir  l'empire  grec,  rédnit  à  la  dernière  extrémité. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SUR   LIi    N»   255. 

iNil.  Cabasillas,  de  Caiisis  dissensionuni  in  Eccl.,  ap.  Salmas.,  de 
Priniatu  Papa?,  Lug<l.  Hat.,  i645,  t.  1;  Gennad.,  SOvTayixa  (inédit.  Voy. 
mon  ouvrage  Pbotius,  111,  p.  163,  n.  33,  p.  815);  Maxim.  Planud.,  ap. 
Migne,  PP.  gr.,  t.  CXLVII,  p.  967  et  seq.,  1130  et  seq.  Cf.  t.  CLXI, 
p.  309;  Bailaara  mua.,  ap.  Salmas.,  loc.  cit.,  p.  103  et  seq.;  Symeon 
Thessal.,  Migue,  t.  CLV,  p.  9  et  seq.  Guerre  d'Andronic  II  avec  les 
Francs  :  Kaya.,  an.  I30i^,  u.  28;  1306,  u.  5  ;  1312,  n.  48.  —  Joh.  XXII  : 
Raya.,  an.  1326,  n.  26  et  seq.;  1333,  a.  18  et  seq.;  1334,  n.  2  et  seq. 
Benoit  VI  :  Rayn.,  an.  1337,  n.  31  ;  1339,  n.  21  et  seq.,  36.  Clem.  VI, 
ib.,  an.  1343,  n.  12,  15  et  seq.;  1344,  n.  2;  1346,  u.  64;  1348,  n.  26. 
Innocent  VI,  ib.,  an.  1353,  n.  23  et  seq.;  1355,  n.  35;  1356,  n.  33  et 
.seq.  Urbain  V,  ib.,  an.  1364,  n.  67;  1365,  n.  22;  1366,  n.  2  et  seq.; 
1367.  n.  ."i;  1368,  n.  20;  1369,  n.  2  et  seq.;  1370,  n.  1  et  seq.  Gré- 
tîoire  XI,  ib.,  an.  1373,  n.  2;  1374,  n.  1  et  seq.;  1375.  n.  1  et  .seq. 
Bunifacf  IX,  ib.,  an.  1398,  u.  40;  1399,  n.  4.  Innucent  VII,  ib.,  au. 
1405,  11.  3  et  seq.;  Niceph.  Greg.,  Hist.,  1. 1,  p.  506  et  seq.;  t.  II,  p.  696 
et  seq.,  780,  ed.  Bonn.;  Cantacuzen.,  Bist.,  III,  87,  92  ;  IV,  9;  Pbrant- 
zei?,  p.  61,  ed.  Bt'nn.;  Cbristüjjlie,  II,  p.  5  et  suiv.,  54  et  suiv,,  165, 
246-249,  292,  306  et  suiv.;  Iléfelé,  VI,  p.  565  et  suiv.,  610;  Pichler,  I, 
p.  3;i6  et  suiv..  :i73  ot  suiv..  380.  382. 

Efforts  de  Martin  V  et  d'Eugène  IV  en  faveur  de  l'Union. 

256.  Les  Latins  avaient  gagné  à  leur  cause  quelques  Grecs  de 
mérite,  tels  que  Manuel  Calécas,  qui  entra  dans  l'ordre  de 
Saint-Dominique  et  écrivit  contre  le.s  (rrecs  quatre  livres,  cjui 
furent  traduits  en  latin  par  .Vmbroiso  ïraversari,  sur  l'ordre  de 
Martin  Y;  UémétrinsCydoniusde  Crète,  qui  séjourna  longtemps 
en  Italie  et  combattit  Maxime  Plainides  ainsi  que  Nicolas 
Cabasilas,  contre  lequel  il  défendit  saint  Thomas  d'Aquin. 
Après  que  d'innombrables  écrits  eurent  été  échangés  de  part 
et  d'autre,  les  théologiens  de  Paris  (1409)  .s'appliquèrent  aussi 
à  procurer  l'union  des  Grecs.  Il  ne  fallait  pas,  disait-on, 
repousser  la  demande  des  Grecs  tendant  à  réunir  en  un  con- 
cile universel  les  deux  parties,  mais  se  contenter  d'exiger  la 


l'église  ë>  face  des  SCmSMATIOLES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       87 

soumission  au  Saint-Siège,  tenir  compte  de  la  divergence  des 
coutumes,  chercher  enfin  un  détour  pour  amener  la  récon- 
ciliation. 

Une  ambassade  importante,  envoyée  par  l'empereur  et  le 
patriarche  de  Constantinople,  se  présenta  à  Constance  en  février 
1418,  mais  il  n'y  eut  point  de  négociations  proprement  dites. 
L'empereur  entra  ensuite  en  relation  avec  Martin  V,  qui  déploya 
une  activité  extraordinaire  en  faveur  de  l'Union  :  il  envoya  plu- 
sieurs ambassadeurs,  imposa  au  clergé  rhénan  et  au  clergé  bour- 
guignon une  taxe  au  profit  de  cette  œuvre,  et  défendit  très  sévè- 
rement l'alliance  que  même  des  princes  chrétiens  avaient  con- 
tractée avec  les  Turcs  contre  les  Grecs.  En  l'an  1422,  il  envoya  le 
Mineur  Antoine  Massanus  en  qualité  de  nonce  à  l'empereur  et  au 
patriarche,  avec  neuf  articles  concernant  l'Union.  Les  Grecs 
répondirent  qu'il  fallait  réunir,  et,  qui  plus  est,  à  Constantinople, 
un  concile  semblable  aux  sept  conciles  anciens,  quand  l'empire 
aurait  recouvré  la  paix;  le  pape  en  supporterait  les  frais. 

Le  concile  de  Sienne ,  quand  il  entendit  la  lecture  de  cette 
réponse  (8  novembre  1423),  trouva  que  l'alfaire  de  l'Union 
ne  pouvait  pas  en  ce  moment  être  poursuivit*  avec  avantage. 
L'empereur  Jean  Vil  Paléologue  (1425-1448),  qui  faisait  les 
dernières  tentatives  pour  soutenir,  avec  le  secours  des  Latins, 
son  empire  chancelant,  continua  toutefois  les  négociations;  il 
consentit  à  ce  que  le  concile  de  l'Uuion  tut  tenu  dans  une 
ville  sur  la  côte  orientale  de  l'Italie,  avec  les  patriarches  orien- 
taux et  environ  sept  cents  Grecs;  le  pape  en  couvrirait  les 
dépenses  et  enverrait  des  vaisseaux.  Un  traité  spécial  fut 
conclu  en  1430  à  ce  sujet,  ainsi  que  pour  la  sécurité  de  Cons- 
tantinople. Eugène  IV  fixa  (12  novembre  1431)  Bologne  pour 
lieu  de  la  réunion,  avertit  encore  (18  décembre)  le  roi  Sigismond 
d'envoyer  à  l'empereur  et  au  patriarche  des  ambassadeurs  pour 
les  inviter  à  expédier  des  fondés  de  pouvoir,  permit  (21  mai 
1432)  à  l'archevêque  de  Pihodes,  André,  un  savant  Grec,  d'ab- 
soudre ceux  qui  abjureraient  le  schisme,  et  essaya  d'obtenir 
7  novembre  1432)  que  les  Grecs  qui  se  rendraient  en  Italie 
tus.sent  exempts  de  taxes  et  défrayés  d'uue  partie  de  leurs  frais 
de  voyage. 

Le  fâcheux  désaccord  qui  régnait  entre  le  pape  et  l'assemblée 
de  Bâle  préparait  les  plus  graves  difficultés;  l'assemblée  de 


88  HISTOIRK    DE    l'ÉGLISE. 

Bâle  contrecarrait  les  négociations  d'Eugèiio,  bien  que  dans  le 
principe  elle  ne  voulût  rien  avoir  à  démêler  avec  les  Grecs.  Le 
26  janvier  1433,  elle  leur  envoya  une  invitation  et  résolut  de 
leur  dépêcher  une  ambassade.  Snr  la  fin  de  l'été,  elle  délégua 
à  Byzance  Antoine,  évêque  de  Suse,  et  Albert  de  Crispis , 
provincial  dos  augustins;  ceux-ci  négocièrent  en  secret,  et  le 
délégué  du  pape,  Christophe  Garatoni ,  ne  fut  pas  même 
informé  de  leur  présence.  En  1434,  des  envoyés  grecs  arri- 
vèrent à  Bâle  et  furent  reçus  avec  solennité,  mais  ils  ne 
voulurent  pas  reconnaître  Bàle  pour  le  concile  de  l'Union.  Le 
pape,  à  celte  époque,  inclinait  à  accepter  Constantinople,  mais 
les  Bâlois  s'y  refusèrent. 

Une  nouvelle  ambassade  des  Bâlois  à  Constantinople  (1435) 
n'eut  aucun  résultat  :  les  Grecs  ne  tenaient  pas  à  une  ville 
de  l'empire  grec,  mais  à  une  ville  maritime  avantageuse- 
ment située.  Les  négociations  durèrent  encore  longtemps; 
c'était  un  va-et-vient  continuel  d'ambassadeurs  ;  à  Bàle , 
des  divisions  éclatèrent.  Eugène  IV,  que  n'effrayait  aucun 
sacrifice,  loua  des  vaisseaux  à  Venise  (1437),  s'occupa  de  ren- 
forcer par  des  troupes  les  ressources  militaires  des  Grecs,  et 
convoqua  de  concert  avec  eux  le  concile  à  Ferrare.  Le  pape  et 
les  Bâlois  envoyèrent  chacun  de  leur  côté  des  flottes  à  Constan- 
linnple,  pour  emmener  l'empereur,  le  patriarche  elles  autres 
Grecs.  Les  Grecs  se  prononcèrent  en  faveur  du  pape,  mirent  à 
la  voile  vers  la  fin  de  novembre  1437,  et,  le  8  février  1438, 
abordèrent  à  Venise,  où  ils  furent  reçus  avec  les  plus  grands 
honneurs. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  236. 

Manuel  Calec,  Migiic,  t.  CLII,  p.  9  et  seq.;  Demetr.  Cydon.,  Migne, 
t.  CLTV,  p.  82Ö  et  seq.;  Gersou,  Sermo  coram  rege  Francia?  nomiiir 
Univ.  Paris,  pro  pace  Eccl.  et  unione  Grœcorura,  0pp.  II,  141-153; 
Schwab,  Gerson,  p.  258-262.  Ambassadeurs  grecs  à  Constance  :  v.  d. 
Hardt,  IV,  205  ;  Marlene,  Tlies.,  Il,  1661;  HœOer,  Gescbichtschreiber 
der  husit.  Bewegung,  11,  p.  171  ;  Pichler,  I,  p.  383;  Héfelô,  VII,  p.  342 
et  suiv.  —  Rayn.,  an.  1420,  n.  27  ;  1421,  n.  16;  1422,  n.  2  et  seq.;  Cec- 
coni  (§  121),  doc.  ii,  m,  p.  V  et  seq.  Envoi  d'Antoine  Massanus  :  Rayn., 
an  1422,  n.  8  cl  seq.  Aôyo;  toû  lepotiovâxou  'AvTwvtoy  MadCTavïi,  dans  Dimi- 
iracopulus,  'Jaiopîa  xoù  <Txt(7[xaTo;  tÏ);  XaTivtx-îi;  "ExxXTidîaç  ànà  tyji;  ôp8o5ô$oy 
ê),Xir)vixïii;,  Lips.,  1867,  p.  101,  102;  "ATroXoyîo,  |j.à)>Xov  5è  àviip^yidiç  toû 
TtavayiiuTâTOv  Ttotipiâp/ov   'lüxri^iq)  Trpè;  Ta  8 '  xE^àXata,    ib.,    p.    102,    103;    Joh. 


l'église  en  face  des  SCinSMAIIQrKS  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       89 

Palœolog.  ad  Martin.  V,  i4  nov,  1422;  Monum.  Vindobon.,  1857,  p.  24- 
26;  Ceccoiii,  doc.  jv,  p.  XIV  et  seq.  Conc.  Sen.  :  Cecconi,  doc.  v; 
Mansi,  XXVIll,  1062-1070;  Zhishman,  die  Unionsverbandlungen  zw. 
der  orient,  n.  rœm.  Kircbe  seit  Anf.  des  XY  Jabrb.  bis  zum  Concil  von 
Ferrara,  Vienne,  1838;  Picbler,  I,  p.  383  et  suiv.;  Héfelé,  VII,  p.  396 
et  suiv.  —  Eug.  IV,  1431  et  seq.  :  Cecconi,  doc.  vu,  ix  et  seq.,  xiv  et 
seq.,  XL  et  seq.;  Rayn.,  an.  1433,  n.  28;  1434,  n.  17  et  seq.;  Mansi, 
XXIX,  92  et  seq.;  XXX,  833,  864;  XXXI,  116;  Monum.  Vindob.,  p.  296; 
Zhisbman,  p.  59  et  suiv.,  101  et  suiv.;  Picbler,  I,  p.  383  et  suiv.; 
Héfelé,  VU,  p.  583  et  suiv.,  640  et  suiv.;  Frommann,  Krit.  Beitrsege  z. 
Gesch.  der  Florentiner  Einigung,  Halle,  1872,  suiiout  p.  139  et  suiv. 
Sur  les  sacrifices  d'Eugène  en  faveur  de  l'Union,  Job.  Plusaden.,  pro 
Concilio  Flor.,ap.  Allât.,  Grœc.  ortbod.,  I,  613. 

Dix-septième  concile  général  de  Ferrare-Florence. 

257.  Un  grand  nombre  d'évêques  étaient  déjà  arrivés  à 
Ferrare.  Le  8  janvier  1438,  le  cardinal  Albergati  ût  l'ouverture 
du  concile  au  nom  du  pape,  nomma  ses  officiers,  et  tint  le 
10  janvier  une  première  session,  qui  prononça  la  légitimité  de 
la  translation  du  concile  de  Bàle  à  Ferrare.  Le  pape  Eugène  IV 
arriva  le  24  janvier;  il  fit  publier  dans  la  seconde  session, 
le  15  février,  en  présence  de  soixante-douze  évèques,  d'un 
grand  nombre  de  prêtres  et  de  docteurs,  une  bulle  qui  inter- 
disait, sous  peine  des  censures  ecclésiastiques,  la  continuation 
de  l'assemblée  de  Bàle.  Le  28  février,  l'empereur  Jean  Paléo- 
logue  se  mit  avec  sa  suite  en  route  pour  Ferrare  ;  il  y  entra 
le  A  mars,  et  fut  salué  affectueusement  par  le  pape  et  les  cardi- 
naux. Le  7  mars,  le  patriarche  Joseph  arriva  avec  son  clergé. 

Le  pape,  sur  les  questions  de  forme,  se  montra  extrêmement 
accommodant,  malgré  toutes  les  difficultés  de  cérémonial  sou- 
levées par  les  Grecs.  L'empereur  demanda  que  tous  les  princes 
d'Occident  assistassent  au  concile  en  personne  ou  par  des  délé- 
gués; mais  les  nombreuses  guerres  d'Europe  ne  le  permettaient 
pas.  On  convint  que  l'ouverture  des  débats  aurait  lieu  le  8  avril, 
et  que  le  pape  enverrait  aux  princes  d'Occident  de  nouvelles 
lettres  d'invitation  et  des  nonces. 

L'Orient  n'était  pas  uniquement  représenté  par  l'empereur  et 
le  patriarche  de  Constantinople,  mais  encore  par  des  plénipoten- 
tiaires des  autres  patriarches  :  Alexandrie  l'était  par  Antoine, 
archevêque  d'Héraclée,  et  par  Grégoire  Mammas,  protosyncelle 


90  HISTOIRE   DE   1/ ÉGLISE. 

de  Bjzance  ;  Antioche ,  par  Marc  Eugénicus ,  archevêque 
d'Éphèse,  et  Isidore,  archevêque  de  Kiew;  Jérusalem,  par 
Denys  de  Sardes,  et  après  sa  mort  par  Dosithée  de  Monem- 
basia.  Le  patriarche  Joseph,  tombé  malade  à  Ferrare,  ne  put 
assister  à  l'inauguration;  mais  il  déclara  par  écrit  qu'il  adhé- 
rait au  concile  de  l'Union. 

Ce  fut  seulement  après  qu'on  eut  lu  le  diplôme  du  patriarche 
que  l'on  donna,  du  consentenieut  d'Rugène,  lecture  en  latin  et 
en  grec  de  la  bulle  papale  d'ouverture  (9  avril).  On  nomma 
de  part  et  d'autre  une  commission  de  dix  personnes  pour  faire 
un  examen  préalable  des  points  de  dissidence  et  aviser  aux 
moyens  de  procurer  rUnion.  On  remanpiait  parmi  les  Grecs  : 
Marc  Eugénicus  d'Éphèse  et  Bessarion  de  Nicée;  parmi  les 
Latins  :  les  cardinaux  Julien  Cesarini  et  A.lbergati,  l'arche- 
vêque André  de  Rhodes,  Jean  de  Turrecremata  et  Jean  de 
Monténégro.  A  la  cathédrale,  les  Latins  occupèrent  le  côté  de 
l'évangile,  et  les  Grecs  le  côté  de  l'épître.  Au  milieu,  sur  un 
trône,  était  ouvert  le  livre  des  Évangiles.  Plusieurs  conférences 
furent  teinies  dans  l'église  des  franciscains;  le  cardinal  Cesa- 
lini  les  ouvrit  par  un  brillant  discours,  auquel  Marc  d'Éphèse  ne 
répondit  que  faiblement.  Bessarion  parla  mieux.  Les  premiers 
colloques,  ainsi  que  le  désirait  l'empereur,  ne  roulèrent  guère 
que  sur  des  généralités. 

Dans  la  troisième  conférence,  le  cardinal  Julien  énuméra  les 
principaux  points  de  dissidence  :  tMe  dogme  de  la  procession 
du  Saint-Esprit;  2°  les  azyujes;  3"  la  doctrine  du  purgatoire; 
■i"  la  primauté  du  pape.  Sur  le  ptirgatoire,  devenu  depuis  1252 
un  sujet  d'ardentes  controverses,  le  cardinal  Julien  et  Turre- 
cremata discutèrent,  en  Juin  et  en  juillet,  avec  Marc  d'Éphèse 
et  Bessarion;  les  Grecs,  sur  (^e  point,  n'étaient  pas  d'accord 
entre  eux,  et  cherchaient  à  dissimuler  leur  doctrine  sous  des 
faux-fuj'ants,  où  ils  n'échappaient  pas  toujours  aux  contradic- 
tions. L'empereur  tenait  beaucoup  n  éviter  les  grandes  opposi- 
tions sur  le  terrain  du  dogme.  On  arriva  tout  naturellement  à 
discuter  sur  l'état  des  âmes  des  morts.  Les  Grecs,  après  s'être 
longtemps  consnltés,  aboutirent  enfin,  le  17  juillet  1438,  à 
cette  déclaration  peu  satisfaisante  :  les  âmes  des  justes,  après 
la  mort,  jouissent  immédiatement  de  toute  la  béatitude  dont 
l'âme  est  susceptible;  vient  ensuite,  après  la  resorrection  génê- 


l'église  en  face  des  SCHlSMATlQLliS  ET  DES  HÉRÉTIQUES-       91 

raie,  la  glorification  du  corps,  qui  devient  brillant  comme  le 
soleil. 

OUVRAGES   A    CONSCLTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR    LE   N»  257. 

Les  Actes  complets  du  dix-septième  concile  général  ne  nous  sont 
point  parvenus;  mais  nous  possédons:  1°  l'Histoire  du  concile  jus- 
qu'au départ  des  Grecs,  par  un  Grec  (probablement  Dorothée,  arche- 
vêque de  Mytilène),  imprimée  à  Rome  eu  1577  par  ordre  de  Gré- 
goire .\lll.  Une  traduction  latine  en  fut  faite,  sur  le  désir  de  Benoît 
d'Accoltis,  archevêque  de  Ravenne,  par  Barthélémy  Abram  de  Crète, 
évèque  grec,  et  publiée  à  Rome  aussi  dès  1521  ;  mais  elle  contient  beau- 
coup de  fautes.  Une  traduction  meilleure  fut  donnée,  sous  Paul  V,  par 
Jeau  Matthieu  Caryophilus  (Conc,  éd.  Rom.,  1612).  Texte  grec  et  latin 
dans  Hard.,  I.\,  p.  1-434.  2°  Les  recueils  des  Actes,  publiés  en  1638 
par  Horace  Justiniani,  gardien  de  la  bibliothèque  vaticane,  et  conte- 
nant les  noies  d'André  de  Sainte-Croix,  patricien  romain  et  notaire 
apostolique,  qui  avait  assisté  au  concile,  puis  d'autres  documents  tirés 
des  archives  du  Vatican  et  des  bibliothèques  de  Rome  (dans  Hard.,  IX, 
p.  669-1080).  3°  La  Summa  Conciliorum,  d'Augustin  Patriciusde  Sienne, 
composée,  en  1480,  sur  le  désir  du  cardinal  Piccolomini,  très  concise 
(dans Hard., loc. cit.,  p.  1081-1198;  Hartzheim, Conc.  Germ.,V,  774-871). 
4"  L'ouvrage  souvent  suspect  et  passionné  du  prêtre  grec  Sylvestre 
Syropulos,  librement  traduit  en  latin  par  l'anglican  Robert  Creyghton 
et  publié  sous  ce  titre  :  Vera  Historia  uuionis  non  verae  inter  Grœcos 
et  Latinos,  sive  Concilii  Flor,  exactissima  narratio  grœce  scripta,  per 
Sylv.  Sguropulum  (c'est  ainsi  que  le  traducteur  rend  le  nom  de 
l'auteur).  Hag.  Com.,  1660  et  seq.,  avec  une  longue  préface,  contre 
laquelle  L.  Allât,  (in  Roberti  Creyghtoni  apparatum,  etc.  Exercitatio- 
nes,  t.  1.  Rom.,  1674;  composa  d'excellentes  remarques  critiques. 
Comp.  Héfelé,  Tïib.  Theol.  Quartalschr.,  1847,  II,  p.  187-189.  5°  An- 
dron.  Dimitracopulus,  dans  sun  ouvrage  cité  (§  256)  du  Schisme  (p.  100 
et  suiv.),  où  il  suit  Syropulos,  a  donné  quelques  documents  relatifs  aux 
préambules  de  l'histoire.  6°  Eugène  Cecconi,  chauoine  ^aujourd'hui 
archevêque)  de  Florence,  a  fait  beaucoup  plus  dans  sou  ouvrage  mal- 
heureusement inachevé  (§  121),  surtout  doc.  ci.xx  et  seq.,  Cf.xxxii  et 
seq.).  7°  Les  récits  du  Russe  schismatique  Simon  de  Susdal  ont  été 
publiés  par  Frommaun,  op.  cit.  (§  256),  p.  110  et  suiv.  Edition  à  part  ; 
'H  âyia  xa'i  olxo'JiJLcvixr)  Èv  <ï>X(op£v-ta  (Tjvooo;  O'.à  [iovayoû  ßeveoiXTivou  (P.  Nikes)  ; 
ev  'PoiiAr,,  1864.  Sur  le  Concile,  Iléfelé,  Quartalschr.,  1847  et  1848,  et 
Conc. -Gesch.,  VII,  p.  650  et  suiv.,  666  et  suiv.;  Pichler,  I,  p.  389  et 
suiv.,  ne  relève  que  quelques  détails.  La  divergence  sur  le  purgatoire 
lut  surtout  traitée  à  Constanlinople  en  1252  Tract,  cont.  error.  Graec, 
Bibh  PP..  Lupd..  XXVIL  .ï99  et  seq.;:  mais  elle  l'avait  déjà  été  sous  Gré 


92  HISTOIRE    LIE    l'ÉGI-ISE. 

goire  IX  (Werner,  III,  p.  1 13,  n.  17).  Comp.  Ai-cnd.,  de  Igné  purgatorio. 
Romae,  1637;  Allât.,  du  ulriusque  Eccl.  perpétua  in  dogmate  de  Pur- 
gatorio consensione,  Romae,  \Qoö;  B.  Loch,  das  Dogma  der  griech. 
Kirche  vom  Purgatoritim,  Ratisb.,  18'f2;  mon  ouvrage  Photius,  111. 
p.  643  etsuiv.,  821.  Bessarion  admettait  un  lieu  intermédiaire  entre 
le  ciel  et  l'enfer,  un  châtiment  dans  l'autre  monde  pour  les  âmes  non 
entièrement  purifiées,  une  douleur,  mais  point  de  feu.  Hard.,  IX,  19. 

Suite  du  concile  de  Ferrare-Florence. 

258.  L'empereur  Jean,  sous  prétexte  qu'il  fallait  attendre 
l'arrivée  des  Bâlois  et  d'autres  princes,  essaya  d'empêcher  qu'on 
n'entrât  dans  l'examen  approfondi  des  questions  théologiques, 
et  d'amener  une  union  basée  sur  de  vagues  formules.  Tout 
<intier  au  plaisir  de  la  chasse,  il  ajournait  les  discussions, 
au  grand  mécontentement  du  pape  et  des  Grecs.  Plusieurs  de 
ceux-ci,  surtout  les  adversaires  de  l'Union,  quittèrent  secrè- 
tement Ferrare,  comme  les  archevêques  d'Ephèse  et  d'Héra- 
«lée;  mais  un  ordre  de  l'empereur  les  obligea  de  revenir. 
Eugène  IV  se  plaignait  à  bon  droit  des  lenteurs  des  négocia- 
tions. 

Après  qu'on  eut  encore  résolu  quelques  objections  des 
Grecs,  on  tint,  le  8  octobre  1438,  la  première  session  générale, 
(|ui  fut  presque  entièrement  occupée  par  un  long  discours 
de  l'archevêque  Bessarion.  Le  H  octobre,  André,  archevêque 
de  Rhodes,  en  prononça  un  autre  qui  ne  fut  guère  moins 
étendu.  Vinrent  ensuite  les  discussions.  Les  orateurs  des  Grecs, 
suivant  ce  qui  avait  été  convenu,  prirent  le  rôle  d'opposants,  et 
les  Latins  défendirent  leur  Église.  Dans  la  troisième  session 
(14  octobre),  Marc  d'Ephèse  attaqua  violemment  les  Latins  à 
cause  de  l'addition  faite  au  Symbole  et  en  demanda  la  sup- 
pression, il  prétendait  prouver,  par  les  anciens  conciles  œcumé- 
niques, que  toute  addition  au  Symbole  était  interdite.  André, 
archevêque  de  Rhodes,  et  le  cardinal  Julien  lui  répondirent 
qu'un  commentaire,  un  éclaircissement  n'était  pas  proprement 
une  addition  qui  fût  défendue  ;  que  le  FiUoque  n'était  qu'un 
développement  contenu  en  germe  dans  ces  mots  ex  Pâtre;  qu«; 
les  anciens  conciles  avaient  interdit  aux  particubers  de  faire 
aucun  changement  dans  le  Symbole,  mais  qu'ils  n'avaient  pas 
défendu  toute  explication  nouvelle  de  la  foi,  souvent  né^es- 


l'église  en  face  ces  schismatiques  et  des  hérétiques.     93 

sitée  par  do  nouvelles  hérésies  ;  que  l'Église  romaine,  appuyée 
sur  renseignement  des  Pères  grecs  et  latins,  avait  eu  le  dnjit 
d'ajouter  dans  le  Symbole  de  la  foi,  en  guise  d'explication,  que 
le  Saint-Esprit  procède  du  Fils  aussi  bien  que  du  Père  ;  que  les 
Grecs  n'y  avaient  point  contredit  dans  le  principe;  qu'il  fallait 
se  diriger  non  suivant  la  lettre  des  anciens  conciles  et  des 
Pères,  mais  suivant  leur  esprit. 

Les  Grecs  persistèrent  longtemps  encore  à  soutenir  qu'il 
n'était  permis  de  faire  aucune  addition  au  Symbole,  quand 
même  cela  paraîtrait  nécessaire  pour  prévenir  une  hérésie.  Ce 
thème  fut  développé  dans  plusieurs  sessions  (IV-XV,  des  15, 
16,  20  et  25  octobre,  i",  4,  8,  11  et  15  novembre,  4  et  8  dé- 
cembre). Les  Grecs  étaient  de  mauvaise  humeur  et  songeaient 
à  rentrer  chez  eux;  mais  leur  empereur  les  retint  et  permit 
qu'on  s'occupât  d'abord  du  dogme  de  la  procession  du  Saint- 
Esprit  dans  des  conférences  composées  de  douze  théologiens 
pour  chaijue  parti. 

Sur  ces  entrefaites,  le  pape  proposa  de  transférer  le  concile 
à  Florence,  parce  que  la  peste  commençait  à  sévir  à  Ferrare, 
et  que  la  ville  de  Florenoe  avait  promis  des  avances  d'argent 
considérables,  si  le  concile  s'y  transférait.  Eugène  IV,  de  son 
côté,  privé  presque  de  tout  revenu,  voyait  venir  le  moment  où 
il  ne  pourrait  plus  fournir  aux  sept  cents  (îrecs  les  secours 
qu'il  leur  avait  promis.  Les  prélats  grecs  y  consentirent  malgré 
eux;  ils  auraient  préféré  retourner  dans  leur  pays,  mais  ils 
manquaient  d'argent  pour  partir,  et  l'empereur  les  retenait.  La 
bulle  de  translation  fut  lue  en  grec  et  en  latin  au  commence- 
ment de  janvier  1439  (seizième  session),  et  la  translation  fut 
opérée.  Le  pape  se  rendit  à  Florence  le  16  janvier;  les  Grecs  le 
suivirent  vers  la  mi-février. 

OCVRAGES  A  CONSULTER  SIR  I.E  N°  258. 

Sessions  de  Ferrare  :  Héfelé.  VII,  p.  681-696.  Translation  :  Hard.,IX, 
173  et  seq.,  888  et  seq. 

Discussions  à  Florence  sur  la  procession  du  Saint-Esprit. 

259.  Le  26  février  (dix-septième  session),  le  cardinal  Julien 
et  l'empereur  prononcèrent  des  discours  et  conférèrent  en- 
.-^emble  sur  les  négociations  pendantes.  La  grande  lutte  pu- 


'U  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE, 

blique  (dix-huitième  session)  commença  le  8  mars,  et  se  pro- 
longea pendant  cinq  autres  sessions.  Le  principal  orateur  des 
Latins  fut  le  provincial  des  dominicains  de  Lombardie,  Jean 
de  Monténégro,  dialecticien  pénétrant  et  habile  théologien. 
.Marc  d'Éphèse  soutint  la  cause  des  Grecs.  Jean  ouvrit  la  dis- 
cussion en  disant  qu'il  allait  développer  ses  vues  théologiques 
d'après  les  Pères  grecs,  notamment  sur  la  génération,  la  pro- 
cession, la  nature,  la  personne,  etc.  il  argumenta  ainsi  :  «  Selon 
les  l'ères,  le  Saint-Esprit  tient  l'être  du  Fils  :  il  procède  donc  aussi 
du  Fils.  »  Il  discuta  avec  Marc  d'Éphèse  sur  divers  pa.ssages  de 
saint  Épiphane  et  de  saint  Basile.  11  fallut  s'occuper  aussi  des  inter- 
polations faites  dans  les  ouvrages  des  Grecs;  les  Latins  avaient 
a  leur  disposition  des  manuscrits  grecs  fort  anciens.  Ambroise 
Traversari  et  le  cardinal  Julien  aidèrent  le  provincial  Jean  à 
recueillir  des  preuves  dans  les  Pères  orientaux.  Marc  défendit 
mal  sa  cause,  et  un  grau<l  nombre  de  (îrecs  furent  heureux 
d'entendre  de  la  bouche  du  provincial  Jean  cette  explication, 
nullement  nouvelle,  (juo  l(^s  Latiu.s  n'admettaient  pas  deux 
principes  ni  deux  >pirciti(»u.^,  mais  un  seul  principe  et  une 
seule  spiration  ;  que  le  Père  et  le  Fils  communiquent  l'être  au 
Saiut-t>[)rit  par  ce  (ju'ils  ont  de  commun  et  non  par  ce 
en  quoi  ils  dilierent. 

L'empereur  voulait  cpi'on  ne  prolongeât  pas  davantage 
le  débat,  mais  que  l'union  fût  tout  de  suite  opérée.  La  plu- 
part des  ecclésiastiques  grecs  y  adhérèrent,  après  qu'on  eut 
donné  lecture  d'un  passage  de  saint  Maxime  sur  la  doctrine 
des  Latins.  Les  21  ei  24  mars  1439  (vingt-ipialrième  et  vingt- 
lùuquième  session),  les  archevêques  d'Ephèse  et  d'Héraclée 
ne  parurent  point;  le  provincial  Jean  développa  avec  t)eau- 
coup  de  netteté  la  doctrine  des  Latins  et  les  preuves  à  l'appui. 
Les  Grecs  décidèrent,  dans  leurs  assemblées  particulières,  qu'ils 
examineraient  les  preuves  des  Pères  qu'on  venait  de  leur  citer; 
et  le  pape,  sur  leur  désir,  suspendit  les  sessions  publiques.  Des 
délégués  turent  désignés  de  part  et  d'autre. 

Deux  partis  existaient  chez  les  (îrecs  ;  plusieurs,  conimü 
Isidore  de  Kiew,  liessarion  de  Nicée  et  Dorothée  de  Mylilène, 
étaient  favorables  à  l'union  ;  d'autres,  comme  Marc  d'Ephèse, 
qui  allait  jusqu'à  traiter  Ifs  Latins  d'hérétiques,  et  Antoin«^ 
d'Héraclée,  y  étaient  contraires.  Les  13  et  14  avril,  Bessarioii 


l'église  EiN  FACE  DES  SCHISMAIIQIKS  Kl   DES  HÉRÉTIQUES.       ^Kt 

pronouça  dans  l'assemblée  de  ses  compatriotes  un  excellent 
discours  en  faveur  de  l'union,  et  (ieorges  Scholarius  fit  trois 
conférences  dans  le  même  sens.  Quoiqu'on  n'eût  encore  pris 
aucune  résolution,  le  nombre  des  partisans  de  l'uniun  ne 
tarda  pas  à  prédominer;  seulement,  les  (îrecs  ne  voulaient  plus 
de  discussion.  Il  fut  convenu  que  dix  hommes  seraient  choisis 
de  part  et  d'autre  pour  rédiger  la  formule  de  réunion. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N*"  239. 

Sur  les  principes  théologiques  de  Jean  de  Monténégro,  voy.  mes 
Aniraadversiones  in  Phutium  de  Spir.  Sanct.  mystagogia,  Ratisb., 
J837,  p.  169,  231  et  seq.,  242.  Voici  les  points  importants  :  1°  La 
nature  et  la  personne  sont  réellement  (xarà  xà  Ttpäyiia)  une  même  chose, 
mais  elles  durèrent  xarà  xèv  xpÔTtov  rri;  i^ijjLExépa;  voriTEw;;  2"  la  personne  se 
rorapose  de  l'essence  (ouata)  et  d'une  propriéU-  particulière  (i&îu)(jia)  ; 
3«  l'essence  est  transmise  aux  personnes,  mais  les  propriétés  (tôtùtiaxa) 
sont  incommunicables;  4°  pour  que  les  personnes  puissent  être  dis- 
tinctes, les  propriétés  hypostatiques  doivent  demeui'er  incommuni- 
cables; .T<>  dans  la  Trinité  il  n'y  a  de  distinction  possible  entre  les 
personnes  que  celle  de  l'origine  qu'une  personne  tient  d'une  autre 
(Sià  toûto,  il  TtpôdwTcôv  Ti  ècrrlv  àç'  i-céçoM).  S.  Thom.,  Sum.,  I,  q.  xxxvi, 
art.  2  :  «  Si  non  esset  Spiritus  sanctus  a  Kilio,  nullo  modo  posset  ab 
<'o  personaliter  distingui.  »  6°  Le  principe  générateur,  «  principium 
quod  générât  ",  c'est  la  personne;  ce  par  quoi  et  avec  quoi  elle 
engendre  (principium  quo,  àpyri  sr  rj;  yewà).  c'est  l'essence;  les  activi- 
tés immanentes  appartiennent  aux  personnes  ;  7"  ce  qui  est  communi- 
qué, c'est  la  nature;  ce  qui  opère,  c'est  la  personne.  Le  Père  commu- 
nique au  Fils  la  nature,  mais  non  la  paternité;  ce  n'est  pas  la  nature 
qui  engendre,  c'est  la  personne.  De  même  les  personnes  produisent 
l'Esprit,  non  pas  en  vertu  de  ce  qui  les  fait  distinctes,  mais  en  vertu 
de  ce  qui  constitue  leur  unité.  Si  l'Esprit  est  de  la  substance  du  Père, 
il  est  aussi  de  la  substance  du  Fils,  car  elle  est  commune  au  Père  et  au 
Fils.  Les  Latins  appelaient  le  Père  et  le  Fils  «  principium  »,  et  non 
X  causa  »  ;  les  Grecs  disaient  akia.  Voy.  Thom.,  Opusc;  cont.  Graec,  I, 
c.  vu;  H,  c.  ni,  IV.  Les  théologiens  de  Paris  rejetèrent  en  1413  cette 
proposition  :  «  Palerest  causa  Filii  »  (Gerson,  de  Exanî.  doct.,  p.  II, 
cons.  i;  du  Plessis  d'.\rg.,  1,  ii,  p.  2095).  Parmi  les  textes  des  Pères, 
Jean  de  Monténégro  employait  surtout  Epiph.,  Ancor.,  c.  lxxiu  ; 
Äthan.,  or.  iv  c.  Arian.;  Basil.,  c.  Eunom.,  V,  xiu  ;  III,  i,  ii.  Sur  la 
falsitication  d'un  manuscrit  de  saint  Basile  par  les  Grecs,  voy.  Joseph 
Methon.,  ApoL.  Hard.,  tX,o68;  Bessarion,  or.de  un.  Eccl.,  ib.,  p.  319- 
372;  Georg.  Scholar.,  orat.  ui,  ib.,  p.  446-350;  Héfelé,  VII,  p.  696-710. 


96  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

Nouvelles  discussions. 

260.  Les  députés  grecs  demandaient  qu'on  adoptât  la  lettre 
do  saint  Maxime,  ainsi  que  cette  formule  employée  par  lui,  par 
Taraise  et  par  d'autres  :  «  Le  Saint-Esprit  procède  du  Père  par 
le  Fils.  »  Les  Latins,  croyant  que  los  Grecs  voulaient  éluder  par 
là  la  profession  du  dogme  véritable,  admettre  deux  actions  et 
un  concours  purement  instrumental  du  Fils,  déclarèrent  de 
non  veau  (juils  ne  reconiiiissaiont  pas  deux  principes  dans  la 
Trinité,  qu'ils  croyaient  qne  le  Père  est  la  racine  et  la  source 
de  la  divinité,  et  tpie  si  le  Saint-Esprit  procède  aussi  du  Fils,  le 
Ris  le  lient  du  Père.  Les  Grecs  délibérèrent  entre  eux  ;  lo 
métropolitain  Lsidore  pré.senta  les  témoignages  des  Pères  re- 
cueillis par  Beccus.  Ils  envoyèrent  une  déclaration  aux  Latins, 
où  il  était  parlé  des  relations  du  Saint-Esprit  avec  le  Fils  en 
tormes  figures,  qui  pouvaient  également  se  rapporter  à  une 
mission  purement  temporelle  du  Saint-Esprit  par  lo  Fils;  les 
L.itins  maintinrent  que  le  Saint-Esprit  tient  l'être  du  Fils  de 
toute  éternité. 

L'empL-reur  essaya  d'obtenir  du  pape  (13  et  15  mai)  qu'au- 
cune explication  nouvelle  ne  fût  plus  exigée,  et  il  négocia 
secrètement  avec  les  partisans  de  l'union,  Bessnrion,  Isidore 
et  lo  protosyncelle  Grégoire.  Dans  une  assemblée  tenue  chez 
l'empereur  (28  mai),  la  plupart  des  Grecs  adhérèrent  aux  Pères 
latins  et  à  leur  doctrine;  seul,  Marc  d'Éphèse  s'obstina  dans  sa 
résistance.  La  formule  du  décret  fut  alors  arrêtée  de  concert 
(8  juin).  On  déclara  que  le  Saint-Esprit  est  éternellement  du 
Père  et  du  Fils  selon  sa  nature,  et  qu'il  procède  d'eux  comme 
d'un  seul  principe;  que  ces  formules  des  Pères  :  «  du  Père  et 
du  Fils  »,  a  du  Père  par  le  Fils  »,  sont  au  fond  identiques,  et 
qu'on  a  eu  raison  d'ajouter  le  Filioque  au  Symbole.  Cependant 
on  n'obligea  pas  les  Grecs  à  changer  l'ancienne  forme  de  leur 
Symbole;  il  leur  suffisait  d'admettre  le  dogme. 

OUVRAGES  A  CONSISTER  SUR  LE  N«  260. 

Exigences  des  Grecs  et  déclarations  des  Latins  :  Hard.,  p.  378  et  seq. 
Sur  ces  teiintîs  :  ^lr^■^6X,^\•^ ,  àvaê),0!^£iv,  Ttpoxeïv,  etc.,  ib.,  p.  381  ;  Mansi, 
\\\\,  975.  Sur  le  FiUoqur.  ihid.;  Héf.Hé,  p.  710-721. 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQL'ES  El'  DES  HÉRÉTIQUES.       97 
Autres   controverses. 

261.  Le  pape  Eugène  demanda  iiûmédiatement  (9  juin)  que 
l'on  s'entendît  aussi  sur  les  autres  questions  controversées.  Rela- 
tivement à  la  matière  de  l'Eucharistie,  ou  convint  sur-le-champ 
que  la  consécration  est  également  valide  avec  du  pain  fermenté 
et  du  pain  non  fermenté,  et  que  chaque  partie  garderait  son 
ancienne  coutume.  En  d'autres  points  aussi,  l'accord  fut  plus 
aisé  qu'on  ne  l'avait  cru.  Sur  ces  entrefaites  mourut  le  vieux 
patriarche  Joseph  (10  juin),  après  avoir  encore  une  fois  déclaré 
par  écrit,  le  jour  précédent,  qu'il  adhérait  pleinement  à  TEghse 
romaine  et  protesté  de  sa  soumission  au  pape.  Un  lui  lit  de 
solennelles  funérailles. 

Cependant,  hieu  des  difficultés  restaient  encore  à  vaincre,  et 
les  Grecs  menaçaient  de  nouveau  de  s'en  aller.  Us  ne  voulaient 
pas  qu'on  insérât  dans  le  décret  d'union  que  la  consécration 
a  lieu  en  vertu  des  paroles  de  l'institution  prononcées  par 
Jésus-Christ,  sous  prétexte  que  ce  serait  injurieux  pour  leur 
Église.  Les  Latins  finirent  par  céder  sur  ce  point. 

Sur  l'état  des  âmes  des  défunts,  les  Grecs  convinrent  que 
ceux  qui  n'ont  pas  fourni  en  cette  vie  une  pénitence  et  une 
satisfaction  suffisantes,  vont  après  la  mort  dans  le  purgatoire, 
où  ils  peuvent  être  secourus  par  les  prières ,  les  bonnes 
œuvres  et  les  sacrifices  des  vivants  ;  que  ceux  qui  sont  entiè- 
rement purs  arrivent  immédiatement  à  la  vision  de  Dieu,  niais 
avec  des  degrés  différents  de  béatitude;  taudis  que  ceux  qui 
meurent  en  état  de  péché  mortel  ou  seulement  de  péché  ori- 
ginel, descendent  en  enfer,  mais  souffrent  diversement. 

Le  20  juin,  les  Grecs  et  les  Latins  nommèrent  de  part  et 
d'autre  six  députés  pour  délibérer  sur  la  formule  d'union, 
eu  prenant  pour  base  le  projet  présente  par  le  pape.  On  dési- 
rait que  la  définition  fût  rendue  dès  le  29  juin,  mais  elle  fut 
différée  jusqu'au  5  juillet. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N«    261. 

Sur  les  azymes,  IV,  §  189.  Extrenia  sententia  Josephi  Patr.  :  Hard., 
IX,  41)5;  Mansi,  XXXI,  d007.  L'authenticité  est  soutenue  par  Héfelé, 
p.  723-727,  contre  Frommann,  etc.  (Voy.  aussi  Diraitracop.,  loc.  cit., 
p.  135,  136). 

v.  —  msr.  DE  l'église.  7 


98  HISTOIRK    ÜK    L'itGLISE. 

Discussions  sur  la  primauté  du  pape. 

262.  Un  point  particulièrement  difficile,  c'était  de  faire  recon- 
naître par  les  Grecs  la  primauté  du  pape,  qu'ils  rejetaient 
depuis  lonf^temps.  Ils  avaient  consenti  à  ce  que  le  pape  jouît 
de  tous  les  privilèges  qu'il  possédait  dès  l'origine  et  avant  la 
séparation,  mais  ils  n'admettaient  point  qu'il  eût  été  autorisé  à 
joindre  le  Filiorpic.  au  Symbole.  Les  théologiens  latins  démon- 
trèrent cette  prérogative  et  le  droit  divin  de  la  primauté.  Le 
2t  juin,  les  Grecs  reconnurent  les  privilèges  du  pape,  moyen- 
nant deux  restrictions  :  1°  il  ne  pourrait  point  convoquer  de 
concile  œcuménique  sans  l'agrément  de  l'empereur  et  des 
patriarches  orientaux;  2°  il  ne  recevrait  aucun  appel  des 
sentences  des  patriarches,  et  ne  citerait  point  ceux-ci  devant 
son  tribunal;  il  enverrait  tout  au  plus  des  juges  dans  les  pro- 
vinces pour  y  faire  décider  la  question. 

Eugène  IV  répondit  qu'd  entendait  maintenir  tous  les  privi- 
lèges de  son  Eglise  (22  juin).  Les  esprits  étaient  profondément 
abattus.  Isidore,  Bessarion  et  Dorothée  de  Milylène  intervinrent, 
et  les  Grecs  reconnurent  (26  juin),  conformément  au  projet  des 
Latins,  que  le  pape  est  le  pasteur  suprême,  le  représentant  de 
Jesus-Christ,  le  pasteur  et  le  docteur  de  tous  les  fidèles,  chargé 
do  régir  et  de  gouverner  l'Église  entière,  sans  préjudice  des 
privilèges  et  prérogatives  des  patriarches  orientaux. 

L'empereur  et  son  entourage  opposaient  des  difficultés  au 
projet  d'union  (28  juin);  ils  lui  reprochaient  :  1°  d'être  conçu  en 
forme  de  bulle  pontiticale,  et  de  ne  pas  mentionner  l'empereur 
et  les  patriarches;  2"  de  contenir  cette  addition  relative  atix  pri- 
vilèges du  Saint-Siège  :  «  ainsi  qu'il  est  porté  dans  la  sainte 
Écriture  et  les  maximes  des  saints  »  ;  ils  auraient  voulu  que 
l'on  dît  :  «  conformément  aux  canons  ».  Le  pape  consentit  que 
ces  mots  tussent  ajoutés  au  commencement  de  la  bulle  :  «  avec 
l'assentiment  de  l'illustre  empereur  et  des  patriarches  «.  Sur 
le  second  point,  les  Latins  ne  crurent  pas  devoir  céder. 

Le  30  juin,  les  Grecs  proposèrent  la  rédaction  suivante  : 
«  conformément  aux  canons,  aux  maximes  des  saints,  à  la 
divine  Ecriture  et  aux  actes  des  conciles  ».  La  citation  exclusive 
des  canons  courait  risque  de  déplaire  aux  Latins;  celle  de 
l'Écriture  pouvait  être  omise,  comme  étant  déjà  contenue  dans 


l'église  en  face  des  schismat[ques  fît  des  hérétiques.     99 

les  paroles  où  il  est  dit  que  le  pape  a  hérité  de  toute  la  pri- 
mauté dans  la  persouue  de  Pierre;  l'appel  aux  maximes  des 
saints  choquait  les  Grecs,  qui  ne  voulaient  voir  dans  beaucoup 
de  paroles  des  Pères  que  des  termes  de  politesse.  Quant  à  l'au- 
torité des  papes  dans  les  conciles  généraux  (surtout  à  Chalcé- 
doine),  les  Latins  y  attachaient  une  grande  importance,  comme 
on  le  voit  par  les  discours  du  provincial  des  dominicains.  Après 
que  deux  formules  eurent  été  proposées  le  1"  juillet,  on  s'arrêta 
à  celle-ci  :  «  suivant  ce  qui  est  contenu  dans  les  actes  des  conciles 
œcuméniques  et  dans  les  saints  canons  »  ;  formule  qui,  dans  l'es- 
prit des  Latins,  n'était  pas  une  restriction,  mais  une  exphcation. 
Les  Grecs  se  permirent  seulement  d'intercaler  dans  le  passage  : 
«  nonobstant  les  droits  des  patriarches  » ,  les  mots  tous  les  droits^ 
que  les  Latins,  après  quelque  résistance,  finiront  par  accepter. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SDR  LE  N°  262. 

Hard.,  IX,  408,  413  et  seq.,  417,  9(57  et  seq.,  974  et  seq.  ;  Fichier,  I, 
p.  394-396;  Héfelé,  p.  731  et  siiiv.,  737  et  suiv.;  Bauer,  Laacher  St., 
1872,  VI,  p.  537  et  suiv. 

Décret  d'union. 

263.  La  définition  du  concile  de  Florence  (XVII'  œcuménique) 
commençait  par  ces  mots  :  «  Que  les  cieux  se  réjouissent  et  que 
la  terre  tressaille  »  ;  puis  elle  célébrait  la  concorde  rétablie 
entre  l'Orient  et  l'Occident,  et  contenait  les  décrets  relatifs  à  la 
procession  du  Saint-Esprit  du  Père  et  du  Fils,  au  pain  eucha- 
ristique, à  l'état  des  âmes  après  la  mort,  à  la  primauté  du 
pape,  à  la  succession  dos  patriarches.  Le  6  juillet  1439,  elle  fut 
solennellement  publiée,  en  latin  et  en  grec,  d'après  la  rédaction 
du  savant  Ambroise  Traversari,  en  latin  par  le  cardinal  Julien, 
en  grec  par  l'archevêque  Bessarion.  Cette  rédaction  était 
conçue  selon  le  génie  des  deux  langues,  et  reproduisait  le 
travail  intellectuel  des  deux  parties. 

Les  signataires,  parmi  les  Grecs,  furent  :  l'empereur,  quatre 
représentants  des  patriarches,  seize  métropolitains,  quatre 
diacres,  les  envoyés  de  quelques  autres  princes  grecs.  Marc 
d'Éphèse  refusa  obstinément  sa  signature.  Parmi  les  Latins  : 
le  pape,  huit  cardinaux,  deux  partiarches  latins,  soixante  et 
un  archevêques  et  évêques,  quarante  abbés,  quatre  généraux 
d'ordres,  les  députés  du  duc  de  Bourgogne. 


lOO  HISTOIRE    DR    l'ÉGLISF. 

Ce  décret  était  d'une  haute  importance,  même  pour  l'Occident , 
engagé  alors  dans  de  grandes  disputes  sur  l'étendue  de  l'auto- 
rité du  pape.  Le  pape  —  disait  le  décret  —  n'est  pas  seulement 
le  chef  des  Eglises  particulières,  mais  encore  de  l'Église  uni- 
verselle; il  tient  son  pouvoir,  non  de  la  masse  des  fidèles,  mais 
inunédiatement  de  Jésus-Christ,  dont  il  est  le  vicaire;  il  n'est 
pas  seulement  le  père,  mais  aussi  le  docteur  de  tous  les  chré- 
tiens, et  tous  lui  doivent  obéissance.  Cette  définition  réjouit  tous 
les  esprits  bien  pensants  ;  elle  ne  fut  pas,  il  est  vrai,  adoptée  par 
tout  le  monde  inmiédiatement  :  la  France,  en  particulier,  refusa 
longtemps  de  reconnaître  le  concile  de  Florence;  mais  elle 
gagna  chaque  jour  du  terrain,  et  servit  de  base  an  développe- 
ment théologi(]ue  du  dogme  de  la  primauté.  C'était  un  puissant 
contrepoids  opposé  aux  efforts  du  concile  de  Bâle. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE    N°    263. 

Bull.  Rom.,  éd.  Taur.,  V,  p.  39-42,  const.  xxi  ;  Denzinger,  Enchir., 
éd.  IV,  p.  200  et  seq.;  ed.  C.  Milanesi,  dans  le  Giornale  storico  degli 
archivi  toscani  ;  Comiiléinenl  à  Archivio  storico  ital.,  Firenze,  1837, 
t.  I,  p.  210  et  seq.  Cette  addition  au  passage  sur  la  primauté  :  y.aô'  öv 
TpÔTTOv  xai  èv  toi;  TipaxTixoï;  twv  olxoufjievixwv  oyvôScov  xal  [èvj  toïç  lepoïç  xavôat 
SiaXanêàve-cai,  est  ainsi  conçue  en  latin  :  «'  Quem  ad  modum  etiam  in 
gestis  œcumenicorum  Conciliorum  et  in  sacris  canonibus  continetur.  » 
En  place  de  «  etiam  )>,  Launoy,  Pierre  de  Marca  (deConc.  Sac.  etlmp., 
111,  vin,  5),  Noël  Alexandre  {stec.  XV,  diss.  viii,  art.  5,  n.  i3;  diss.  x, 
art.  2,  n.  15,  t.  XVIIl,  p.  481,  634),  Mainibourg  (Traité  histor.  de 
l'établissement  et  des  prérogatives  de  l'Église  de  Rome,  1685,  ch.  v, 
xx),  Fébronius  (de  Statu  Eccles.,  cap.  v,  §  4,  n.  3),  le  soi-disant  Janus, 
p.  347,  et  Dœllinger  (Gazette  univ.  d'Augsbourg,  21  janv.  1870),  vou- 
laient qu'on  lût,  les  uns,  «  qucmadmodum  et  ->;  les  autres,  «  juxta 
eum  modum  qui  ».  On  prétendait  qu'Abram  de  Crète  avait  altéré  le 
texte  par  sa  traduction;  que  les  Grecs  auraient  fait  agréer  toutes  leurs 
demandes;  que  le  sens  restrictif  s'accordait  mieux  avec  le  texte  grec;  v 
qu'il  était  admis  par  Flavio  Biondo  (dec.  m,  lib.  X),  Jean  Eck,  Jean  de 
Hochesler  et  Albert  Pigbe.  Bo.ssuel  (Defens.  cler.  Gall.,  part.  11,  lib.  IV, 
cap.  XI,  t.  l,  p.  503  et  seq.)  essaya,  sous  une  forme  adoucie,  de  soute- 
nir le  sens  restrictif.  Or  il  est  prouvé  depuis  longtemps  que  Maim- 
bourg  a  tout  simplement  inventé  1'  <>  etiam  »  (A.  Vaira,  de  Praerogat.  . 
rom.  Ponlif.  a  Constantinop.  pra^sulibus  usurpata,  Patav.,  1704  et  seq.,|| 
p.  891),  et  que  luus  les  manuscrits  portonl  <■  quemadmodum  etiam  », 
ce  qui  n'est  nullement  une  falsillcation,  ainsi  que  l'avoue  Frommann  v 
lAlIg.  Zig.,  27,  28  febr.    1870.   ot  zur  Kritik   des    Flor.  Un. -Décrets, 


l'église  en  l'ACE  DES  SCHISMA  rK>l?ES  ET  IjKS  HÉRÉTIQUES.       101 

Leipzig,  1870,  p.  50  et  suiv.).  Ces  mots  se  trouvent  dans  les  manuscrits 
de  Florence  (Ccccoui,  dans  l'Armonia,  1'^''  fév.  1870j,  dans  ceux  des 
archives  de  Saint-Pierre  à  Rome,  et  Codd.  Vatic,  4037,  4128,  4136 
yCivillù  cattolica,  VII,  9  quad.  478),  l'exemplaire  de  Carlsruhe  (Gmelin, 
in  der  A.  Z.,  Beil.  du  24  août  1871),  etc.  Voy.  Fm.  Schelstrate,  Tr.  de 
sensu  et  auctor.  décret.  Consl.  Conc,  168fi,  pro'f.,  p.  iv  ;  J.  a  Bennet- 
tis,  Vindic.  pnerog.  B.  Pétri,  part.  I,  t.  I,  p.  486  et  seq.;  Ballerini,  de 
Vi  ac  Ratione  primatus,  t.  II,  p.  39-()l  ;  Gcrdil,  Animadv.  in  Comment. 
Febron.,  posit.  XI,  0pp.  XIII,  ii,  p.  M  ;  Mamachl,  Zaccaria,  Reidtel  (das 
runon.  Recht,  p.  395  et  suiv.,  n.);  Héfelé,  p.  7.ö3-7o6,  758-761;  mes 
écrits  :  Anti-Janus,  p.  118-120;  die  Irrthïuner  von  mehr  aïs  400 
Bischœfen,  Frib..  1870,  p.  35  et  suiv.;  Kath.  Kirche  und  christl.  Staat, 
p.  !K»8  et  suiv.  L'œcuménicité  du  concile  de  Florence  ne  fut  combattue 
qu'en  France,  encore  ne  le  fùl-elle  ni  universellement  ni  toujours  :  la 
principale  raison,  c'est  qu'on  ne  pouvait  concilier  le  décj-et  d'union 
avec  les  décrets  de  Bàle  et  le  système  adopté.  Charles  VU.  en  1438, 
avait  défendu  à  ses  évoques  d'y  participer;  ceux  de  Bourgogne,  les 
.seuls  qui  y  pnrurent,  reconnurent  pleinement  les  droits  du  pape.  Le 
l^f  mars  1438,  l'évèque  de  Digne  émit  des  principes  entièrement  con- 
traires à  ceux  des  Bâlois  (Cecconi,  doc.  CLXxxviir,  p.  568).  A  Bourges, 
en  1440,  Charles  Vil  déclara  aux  envoyés  du  pape  qu'il  ne  reconnaîtrait 
pas  le  concile  de  Florence.  C'était  là  une  parole  arbitraire  du  pouvoir 
civil.  Cependant  l'évèque  de  Meaux,  Pierre  de  Versailles,  ayant  proposé, 
le  10  déc.  1441,  un  nouveau  concile  général,  prononça  des  paroles 
qui  étaient  une  adhésion  à  la  doctrine  définie  à  Florence  sur  le  pape  : 
Raynald,  an.  1441,  n.  9-12.  Après  le  concordat  de  Léon  X,  l'opposition 
française  s'afl'aiblit  de  plus  en  plus,  alors  même  que  quelques  voix  se 
tirent  encore  entendre  en  ce  sens,  surtout  à  Trente  :  Pallavicini,  Hist. 
Conc.  Trid.,  lib.  XIX,  c.  xvi,  n.  9  ;  Rayn.,  an.  1563,  n.  4  et  seq.,  119. 
Cf.  Bennettis,  I,  i,  p.  320  et  seq.  Noël  Alexandre  (saec.  XV,  diss.  x, 
art.  1,  n.  1-6,  t.  XVIII,  p.  604  et  seq.)  avoue  que  les  scrupules  contre 
le  concile  de  Florence  se  sont  évanouis  depuis  que  P.  de  Marca  a 
montré  une  voie  (tout  à  fait  fausse)  pour  concilier  le  système  gallican 
avec  le  décret  d'union.  Comp.  Bossuet,  Def.  declar.,  part.  U,  lib.  IV, 
c.  X,  H'^  éd.,  Mog.,  1788,  p.  501  et  seq.  Le  sorbonuiste  Pirot  (voy.  Fou- 
cher  de  Careil,  Œuvres  de  Leibnitz,  1,  376)  déclarait,  sous  Louis  XIV, 
qu'il  ne  connaissait  point  de  catholique  français  qui  ne  reconnût  le  cou' 
cile  de  Florence  pour  œcuménique  ;  le  clergé  de  France  tenait  le  même 
langage  en  1655  :  Pey,  Autorité  des  deux  puissances,  il,  233;  Zaccaria, 
Antifebron..  c.  v.  §  4,  n.  5.  Le  16  mars  1738,  une  ordonnance  royale 
permit  d'enseigner  dans  les  écoles  que  ce  concile  était  œcuménique  : 
Bauer,  op.  cit.,  p.  5i4.  Voy.  encore  Allât.,  de  Consens.,  lib.  111,  c.  ii, 
n.  4,  p.  919-926;  mon  ouvrage,  Kath.  Kirche,  p.  970  et  suiv. 


i02  HISTOIRE    DE    l'ÉGLISE. 

Issue  des  négociations  des  Florentins  avec  les  Grecs. 

264.  Lfi  pape  adressa  encore  plusieurs  questions  aux  Grecs, 
la  plupart  sur  les  différents  rites  de  leur  liturgie.  Dorothée, 
archevêque  de  Mitylène,  donna  des  réponses  satisfaisantes, 
excepté  sur  deux  points  :  la  dissolution  du  mariage,  surtout  en 
cas  d'adultère,  et  l'élection  des  patriarches.  Eugène  IV  désirait 
que  l'élection  du  patriarche  byzantin  eût  lieu  à  Florence  même, 
ainsi  que  la  punition  du  rebelle  Marc  d'Éphèse.  Les  drecs 
répondirent  que  l'usage  était  de  faire  nommer  le  patriarche 
par  toute  l'éparchie  et  de  le  sacrer  à  Sainte -Sophie;  que  Marc 
serait  sommé  de  rendre  compte  de  sa  conduite.  Le  pape  recon- 
nut sans  difficulté  l'ancien  rite  des  Grecs,  et  son  nom  fut  inséré 
dans  leurs  diptyques.  Les  Grecs  obtinrent  aussi  différentes 
concessions  relativement  aux  évêques  des  diocèses  placés  sons 
la  domination  vénitienne. 

Le  26  août  1439,  l'empereur,  pourvu  de  nouveaux  subsides 
par  le  pape,  quitta  Florence  et  rentra  dans  ses  États  en  passant 
par  Venise.  Eugène  IV,  qui  avait  déjà  fait  face  à  tant  de  dé- 
penses, donna  à  l'empereur  des  soldats  et  deux  vaisseaux  de 
guerre  parfaitement  équipés,  lui  promit  d'autres  secours,  et 
engagea  les  princes  chrétiens  à  l'aider  dans  ce  dessein.  Il 
informa  la  chrétienté  de  l'heureux  rétablissement  de  l'union  et 
envoya  des  nonces  en  Orient.  Il  reçut  une  lettre  d'adhésion  de 
Philothée,  patriarche  d'Alexandrie,  auquel  il  avait  envoyé  le 
franciscain  Albert. 

Eugène  prolongea  encore  longtemps  le  concile  de  Florence, 
négocia  avec  quelques  autres  Orientaux,  et,  sur  un  rapport  dé- 
taillé de  Jean  de  Turrecremala,  condamna,  le  4  septembre  1439, 
les  «  vérités  dogmatiques  »  dos  Bâlois  (§  145)  et  leur  révolution 
religieuse.  Le  18  décembre,  il  nomma  cardinaux  les  métropoli- 
tains grecs  Isidore  de  Kiew  et  Bessarion,  qui  avaient  rendu 
tant  do  services  à  l'œuvre  de  l'Union;  le  23  mars  1440,  il 
condamna  l'antipape  Amédée.  L'activité  de  ce  concile  dirigé 
par  le  pape,  comparée  aux  mesquines  entreprises  des  Bàlois, 
qui  no  purent  rien  exécuter  de  sérieux,  est  une  preuve  frap- 
pante du  prestige  qui  s'attache  k  la  primauté  ecclésiastique. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N°    264. 

Hard.,   IX,  «0-«4;  Mansi,  XXXI,   I039-I0}3;  Syropul.,  p.  302   et 


l'église  en  face  des  SCHISMATIOl'KS  ET  DES  HÉUÉTIQUES.       103 

seq.;  Héfelé,  p.  756-758.  Continuation  du  concile  de  Florence  :  Hard., 
IX,  1020  et  seq.,  1 160,  1165,  1183,  1266,  1000  et  seq.;  Rayn.,  an.  1439, 
n.  29  j  1442,  n.  8.  Cf.  Pallavicini,  loc.  cit.,  VI,  xi,  11  et  seq.  La  plupart 
des  théologiens  soutiennent  que  !e  concile  était  œcuménique,  même 
après  le  départ  des  Grecs,  notamment  Habert,  L'Herrainier,  Wilasse. 
Noël  Alexandre  (loc.  cit.,  diss.  x,  art.  3i;  Rohrbacher  (Hist.  univ.  de 
l'Égl.,  t.  XXI,  p.  074) ;  Héfelé,  p.  781  et  suiv.;  Bauer,  p.  545  et  suiv. 

Les  deMiiié«'.«  do  l'I'niou  aprôs  le  concile  de  Florence. 

Vive  résistance  contre  l'Union. 

26o.  Au  del)ut  de  l'auiiée  14.40,  l'empereur  Jean  Paléologue, 
avec  les  prélats,  rentra  heureusement  dans  Constantinople. 
Le  succès  ne  répondit  pas  à  ses  efforts.  Le  fanatisme  des 
masses  était  excité  ;  les  moines  et  autres  ecclésiastiques 
demeurés  chez  eux  avaient  .semé  dans  la  foule  les  plus  forts 
préjugés  contre  l'œuvre  de  l'Union.  Les  évèques,  à  leur 
retour,  furent  accueillis  par  des  moqueries  et  des  insultes  :  on 
les  appelait  azymites,  latins,  traîtres,  apostats,  hérétiques.  Marc 
d'Éphèse,  tant  de  fois  confondu  et  humilié  à  Florence,  trouvait 
maintenant  l'occasion  de  se  poser  en  héros.  En  Italie,  il  avait 
fait  espérer  à  l'empereur  (juMl  souscrirait  la  formule  d'union, 
pourvu  qu'on  lui  épargnât  cette  honte  devant  les  Latins, 
aujourd'hui,  il  se  faisait  le  chef  de  tous  les  adversaires  de 
l'Union,  multipliait  les  lettres  et  les  livres  contre  les  décrets  de 
Florence,  et  encourageait  les  autres  à  suivre  son  exemple. 

Les  schismatiques ,  aveuglés  par  leur  haine,  se  donnaient 
libre  carrière:  mensonges,  exagérations,  procédés  vulgaires, 
on  ne  reculait  devant  rien  pour  accroître  l'animosité  contre  les 
Latins.  Les  Grecs,  disait-on,  y  compris  le  patriarche  défunt, 
avaient  été  corrompus  à  Florence;  on  les  avait  laissés  mourir 
de  faim  pour  leur  arracher  leurs  signatures;  on  avait  falsifié 
les  écrits  des  Itères  (cela  était  vrai  du  côté  des  schismatiques), 
et  condamné  les  anciens  rites  religieux  de  l'Église  d'Orient. 
Plusieurs  Grecs  réfutèrent  ces  impudentes  calomnies,  notam- 
ment Bessarion  de  Nicée;  Joseph,  évèque  de  .Mélhone  ;  Grégoire, 
protosyucelle ,  etc.  Mais  la  haine  ne  voulut  point  entendre 
raison.  L'empereur,  encore  tidèle  à  l'Union,  fit  nommer  un 
de  ses  défenseurs,  le  métropolitain  Métrophanes  de  Cyzique, 


104  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

patriarche  de  la  capitale;  mais  le  patriarche,  malgré  tout  son 
zèle,  ne  put  rien  contre  ses  fanati(jnes  adversaires. 

Déjà  Marc  d'Éphèse  et  son  parti  avaient  acquis  assez  d'in- 
fltience  pour  que  la  majori fé  des  Grecs  se  prononçât  hardi- 
ment contre  l'œuvre  de  l'Union;  les  patriaches  d'Alexan- 
drie, d'Antioche  et  de  Jérusalem  condamnèrent  le  nouveau 
patriarche  de  Byzance  et  le  concile  de  Florence,  et  chargèrent 
Arsène,  métropolitain  de  Césarée,  l'un  des  plus  ardents  à  la 
révolte,  d'exécuter  leurs  décrets  (1443).  L'empereur,  mais  sur- 
tout Métrophanes  et  les  clercs  institués  par  lui,  furent  menacés 
de  l'anathème  et  de  la  proscription  en  masse. 

En  Russie,  le  métropolitain  Isidore,  ayant  proclamé  l'union 
après  sa  rentrée,  fut  saisi  par  le  grand-duc,  s'évada  deux 
ans  après  (septembre  1443),  et  se  réfugia  à  Rome.  Plusieurs 
dignitaires  de  Byzance,  après  avoir  signé  l'acte  d'union 
(comme  Antoine  d'Héracléc) ,  retournèrent  aux  schismatiques  ; 
et,  lorsque  Métrophanes  vint  à  mourir  (1"  août  1443),  le  siège 
patriarcal  demeura  longtemps  inoccupé.  L'empereur  lui-même 
devenait  chaque  jour  plus  insouciant  :  il  semblait  que  l'aver- 
sion de  la  foule,  fanatisée  par  les  moines,  lui  imposât  le 
devoir  de  ne  pas  faire  exécuter  l'œuvre  de  l'Union.  Joignez- 
y  la  cruelle  défaite  des  chrétiens  près  de  Varna  (1444),  où 
périrent  le  cardinal  Julien  Cesarini  et  Ladislas,  roi  de  Hongrie 
et  de  Pologne.  Les  Occidentaux ,  apprenant  l'antipathie  des 
Grecs,  se  refroidirent  encore  à  leur  égard.  Le  pape  Eugène  IV, 
qui,  en  février  t444,  espérait  encore  sauver  l'empire  d'Orient 
et  faire  adopter  le  concile  de  Florence,  y  dépensa  tout  ce  qu'il 
avait  de  ressources,  tandis  {\ne  les  Grecs  demeurés  fidèles  à 
l'Union,  principalement  le  nouveau  patriarche,  le  protosyncelle 
Grégoire  III  (depuis  le  7  juillet  liiri).  faisaient  leur  possible 
pour  la  faire  accepter.  Mais  le  patriarche  n'eut  presque  point 
de  succès  dans  la  capitale,  et  se  vit  exposé  à  de  continuelles 
menaces,  de  manière  qu'il  résigna  enfin  son  siège  en  1451,  et  se 
rendit  à  Rome,  dû  il  niournt  en  odeur  de  sainteté.  Bessarion 
y  séjournait  également,  en  sa  qualité  de  cardinal. 

OUVUAGES   A    CONSULTER   SUR    LE   N"   265. 

Ducas,  p.  216;  Plusiad.,  Discepl.  pro  Conc.  Flor.,  ap.  Allât.,  Gr. 
orthod.,  I,  619  et  seq.;  Allât.,  de  Cons.,  lib.  III,  p.  939  et  seq.;  Héfelé, 
Tüb.   Oiiartalschr.,    1847,    IV,   1848,   M:   Pitzipios,    l'Église   orientale, 


l'église  en  face  des  SCHISMATiyUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       lOo 

Rome,  1855,  II,  lix;  III,  xcviii  ;  Pichler,  I,  p.  397  etsuiv.;  Frommaun, 
p.  191  et  suiv.;  Dimitracop.,  Hist.  schismatis,  Lips.,  1867,  p.  152  et, 
seq.  Plusieurs  actes  ont  été  publiés  par  Dositiiée  de  Jérusalem,  dans 
16(10;   xaxaUaYY);,    Jassy,    1694;    Töjxo;   àyaTTr,;,    ibid.,    1698;    Tojao;    x«P««> 

1705.  Écrits  des  adversaires  de  l'Union  :  Marc  d'Éphèse ,  Migne, 
PP.  gr.,  t.  CLX;  son  frère  Jean  Eugénicus  (dans  le  Codex  Monach. 
gr.,  2Ö6);  Georges  Scholarius  (Migne,  t.  CLX,  p.  249  et  seq.;  Dimitra- 
cop., p.  166-172);  Georges  Gemist.  Pléthon  (Migne,  t.  cit.);  Theo- 
phanes  le  Moine  (Dimitracop.,  p.  159);  Amyrutzes  de  Trébizonde,  plus 
tard  renégat  (Allât.,  de  Cons.,  III,  m,  8,  p.  9.35  et  seq.).  Écrits  des 
partisans  de  l'Union  :  Joseph  de  Méthone ,  Grégoire  Mammas,  Jean 
Argyropulos,  Isaac  de  Chypre,  le  moine  Hilarion,  Bessarion  de  Nicée, 
Georges  de  Trébizonde,  dans  Allât.,  Grœc.  orthod.,  t.  I,  Migne,  t.  CLIX- 
CLXl.  Sur  le  métropolitain  russe  Isidore  :  Picliler,  II,  p.  51.  Voy.  les 
lettres  d'Eugène  IV,  dans  Theiner,  Vet.  Monum.  Slavor.  méridional, 
historiam  illustrantia,  Roma?,  1863,  I,  380  et  seq.  Le  patriarche  Gré- 
goire m  :  Cuper,  Acta  SS.,  t.  I.  Aug.,  p.  190  et  seq.;  Migne,  t.  CLX, 
p.  9,  10;  Bist,  polit.  Cpl.,  an.  1391-1578,  a  Martino  Crusio  lat.  facta, 
ed.  Bonn.  1849,  p.  10;  Allât.,  de  Cons.,  111.  iv,  4,  p.  953. 

Fin  de  l'empire  grec. 

266.  Jean  Paléologue,  qui  eut  le  bonheur  de  ne  pas  survivre 
à  la  ruine  de  son  empire,  eut  pour  successeur  son  frère 
Constantin  XII  (1448-1453),  le  dernier  souverain  chrétien  de 
Constantinople.  Comme  les  Turcs  devenaient  chaque  jour  plus 
menaçants,  il  envoya  des  ambassadeurs  à  Nicolas  V,  et  essaya 
de  se  justifier  de  n'avoir  pas  publié  l'acte  d'union.  Le  pape 
l'exhorta  à  ne  pas  accroître  sa  faute  et  sa  responsabilité  en 
prolongeant  un  délai  qui  lui  ravirait  en  même  temps  toute 
l'affection  des  Occidentaux  et  exposerait  l'empire  à  subir  le  sort 
du  figuier  stérile.  Il  lui  dépêcha  le  cardinal  Isidore  de  Russie, 
qui  se  heurta  d'abord  à  de  grandes  difficultés,  puis  célébra  la 
fête  de  l'Union  dans  l'église  de  Sainte-Sophie  (12  décembre  1452), 
en  présence  de  l'empereur,  d'un  grand  nombre  de  seigneurs 
et  de  trois  cents  ecclésiastiques.  Les  fanatiques  en  devinrent 
furieux;  ils  évitèrent  l'église  de  Sainte-Sophie  comme  souillée, 
et  publièrent  hautement  qu'ils  ne  voulaient  point  du  secours 
des  Francs,  qu'ils  aimaient  mieux  devenir  Turcs  que  Latins. 
Le  moine  Gennade  (autrefois  Georges  Scholarius)  pensait  que 
la  chute  imminente  de  la  ville  n'entraînerait  pas  celle  de  l'or- 
thodoxie, que  l'Union  succomberait  sous  l'aiiathème. 


106  HISTOIRE   DK    l'ÉGLISE. 

Un  tel  peuple  était  voue  à  une  ruine  irrémédiable.  La 
colère  du  Ciel  allait  éclater  sur  la  nouvelle  Rome  si  profondé- 
ment déchue.  Le  sultan  Mahomet  II  la  bloqua  par  terre  et  par 
mer  (6  avril).  Les  vaisseaux  vénitiens  et  génois,  de  même  que 
les  soldats  amenés  par  le  cardinal  Isidore,  aidèrent  à  la  défense, 
qui  fut  conduite  avec  la  plus  grande  activité.  Mais  déjà,  le 
29  mai  1453,  la  ville  était  prise  d'assaut  par  les  Turcs,  et  l'em- 
pereur Constantin  succombait  dans  la  lutte.  C'en  était  fait  de 
l'empire  grec.  La  splendide  église  de  Sainte-Sophie  fut  trans- 
formée en  une  mosquée,  sous  les  yeux  des  Grecs  orgueilleux. 
L'Occident,  le  pape  surtout,  qui  songeait  encore  à  envoyer  une 
flotte  plus  considérable,  en  fut  profondément  affligé. 

OrVRAGES   A    CONSÜLTEH    SUR    LE    N"*    266. 

Nicol.  V,  ep.  :  Rayn.,  an.  1451,  n.  1  et  seq.;  Migne,  t.  CLX,  p.  1201 
et  seq.  F^te  de  l'Union  :  Uberlinus  Pusciilus,  dans  Ellisen,  Analec- 
ten,  Leipzig,  1857,  III,  p.  670  et  sniv.  —  Isidor.  card.,  ep.  ad  omnes 
christ.  :  Migne,  t.  CLIX,  p.  95.3  et  seq.;  Leonard.  Chiens.,  archiep. 
Milyl.,  de  Cpli  capta,  ad  Nicol.  V,  ib.,  p.  923  et  seq.;  Bist,  polit., 
p.  16-23;  Matthai'us  Camariota ,  Narralio  lamentabilis  de  Cpli  capta, 
Migne,  t.  CLX,  p.  1059  et  seq.;  Andronicns  Callistus,  Monodia  de  Cpli 
capta,  Migne,  t.  CLXI,  p.  1131  et  seq.;  Nicol.  Barbaras,  Ephemerides 
de  Cpli  an.  1453  obsessa  atque  expugnala,  ib.,  t.  CLVIII,  [i.  1067  et 
seq.;  Reussner,  Epistola«  Tiircica',  1.  III,  104,  108.  Rapport  en  français 
au  cardinal  d'Avignon  :  Buchen,  Collect,  des  Chroniques  nat.  fr. , 
t.  XXXVIll;  Marlene  et  Dur.,  Coll.  ampliss.,  t.  V;  Tagebuch  des 
Venetianei"s  Nik.  Barbaro,  éd.  Vienne,  1856;  Zinkeisen,  Gesch.  des 
Osman.  Reiches  in  Europa,  t.  II,  111  ;  Mordtmann,  Belagerung  und 
Eroberung  Cpls.  durch  die  Türken,  Stultg.,  1858. 

Domination  des  sultans  turcs. 

267.  Le  conquérant,  il mt  le  schisme  servait  merveilleuse- 
ment les  intérêts,  essaya  de  ramener  dans  la  ville  les  Grecs 
dispersés,  et  fit  nommer  patriarche  Gennade  (Georges  Schola- 
rius),  adversaire  de  l'Union.  Gennade  reçut  de  lui  l'investi- 
ture, comme  les  patriarches  la  recevaient  autrefois  des  empe- 
reurs chrétiens.  Le  patriarcat  reprit  insensiblement  son  éclat 
extérieur,  mais  il  demeura  le  jouet  du  despotisme  turc  et  des 
intrigues  de  l'ambition.  Eu  1458  déjà,  le  patriarche  se  voyait 
contraint  de  résigner.  Son  clergé  était  tellement  indocile,  que 


l'église  en  face  des  schismatiqles  et  des  hérétiques.     107 

son  successeur  Juasaph,  de  desespoir,  se  précipita  daus  uq 
puits;  il  en  fut  retiré,  mais  il  ue  tarda  pas  à  être  maltraité 
par  le  sultan  et  e.xilé.  Quand  ce  dernier  eut  aussi  renversé 
l'empire  ^rec  de  Trébizonde  (1-401),  plusieurs  familles  dis- 
tinguées allèrent  de  là  se  fixer  à  Stamboul  (c'est  ainsi  qu'on 
api)ela  dès  lors  Constantinople),  où  elles  essayèrent  d'accaparer 
le  patriarcat. 

Encore  quelque  temps,  et  le  sultan  allait  le  vendre  à  prix 
d'argent  :  la  simonie  faisait  chaque  jour  de  nouveaux  progrès, 
et  plusieurs  sujets  indignes  arrivèrent  à  la  première  dignité  de 
l'Église  grecque.  Seul  le  patriarche  Nyphon  était  exempt  de 
haine  contre  les  Latins.  Un  jour,  comme  il  conseillait  à  Joseph, 
métropolitain  de  Kiew,  d'adhérer  au  concile  de  Florence,  il  fit 
cette  remarque  que  la  colère  de  Dieu  s'était  peut-être  appesantie 
sur  les  Grecs  parce  qu'ils  avaient  rompu  l'union.  C'était  là 
l'opinion  générale  des  Latins,  l'opinion  des  Grecs  qui  se 
réfugièrent  en  Occident  et  des  Grecs  dispersés  qui  demeuraient 
fidèles  à  l'union.  De  plus,  l'absolutisme  impérial  avait  jeté 
l'empire  dans  une  décadence  profunde,  qui  amena  sa  ruine 
définitive.  Déjà  auparavant,  l'islamisme  avait  acquis  une  in- 
fluence considérable  et  supplanté  l'élément  latin. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    SUR   LE   N°   267. 

Geuuade  II,  Hist.  patriarch.  ab  an.  1454-1578,  éd.  Bonn,  1849. 
p.  78  et  seq.;  Cuper,  Acta  SS.,  loc.  cit.,  p.  192  et  seq.;  Ep.  >«yphün., 
ap.  Rayn.,  an.  1486,  n.  62  ;  Pichler,  I,  p.  403,  42.3  et  suiv.,  où  d'autres 
ouvrages  sont  indiqués. 

Les  Monochitoues. 

268.  Beaucoup  de  chrétiens  de  l'empire  grec,  à  l'exemple  des 
juifs  et  des  musulmans,  se  rattachèrent  à  la  nouvelle  secte 
mahométane  des  monochitoues  (ainsi  appelés  à  cause  de  leur 
costume  de  moines).  Le  juriste  Mahmoud  Bedreddin  en  était 
le  chef  spirituel  ;  Sun  héraut,  le  fanatique  .Mustapha,  qui  habi- 
tait sur  la  montagne  de  Stylarios,  près  du  golfe  de  Smyrne,  à 
l'est  de  Chio,  avait  gagné  à  sa  doctrine  un  grand  nombre  de  ses 
compatriotes  (1413).  La  secte  faisait  profession  de  pauvreté  et  de 
renoncement  absolu,  admettait  la  complète  communauté  des 
biens,  mais  non  celle  des  femmes,  enseignait  l'amour  des  chré- 


108  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

tiens,  qu'un  impie  seul,  disait-elle,  pouvait  ne  pas  considérer 
comme  des  hommes  craignant  Dieu  ;  vivre  avec  eux  en  commu- 
nauté de  foi  était  une  condition  du  salut.  Mustapha  envoya  des 
messagers  aux  princes  et  aux  ecclésiastiques  des  îles  grecques, 
et  s'ofîrit  à  conclure  avec  eux  une  alliance  d'amitié,  au  nom  de 
la  Divinité  qu'ils  adoraient  en  comnmn.  Ses  disciples  embras- 
saient les  chrétiens  qu'ils  rencontraient,  et  les  vénéraient 
comme  des  anges.  Des  bandes  tout  entières  de  derviches,  par- 
courant les  campagnes,  recrutèrent  pour  leur  prophète  une 
petite  armée  de  six  mille  combattants,  qui  vainquit  deux  fois 
dans  les  gorges  de  Stylarios  les  troupes  envoyées  contre  elle 
par  le  sultan  Mahomet,  et  se  renforça  continuellement  de  Turcs, 
de  juifs  et  de  chrétiens.  Mahomet  envoya  enfin  des  forces 
redoutables,  qui  se  ruèrent  sur  les  monochitones,  tuèrent  sans 
pitié  vieillards,  femmes  et  enfants,  et,  après  une  lutte  acharnée, 
occupèrent  le  dernier  sommet  de  la  montagne,  où  elles  s'empa- 
rèrent du  prophète  et  du  reste  de  ses  partisans.  Les  monochitones 
refu.sèrent,  même  au  milieu  des  supplices,  de  renier  leur  f(ji. 

Mustapha  fut  honteusement  cloué  sur  une  croix,  hissé  sur 
nn  chameau  et  promené  en  triomphe  à  travers  Éphèse.  Tous 
périrent  avec  constance.  Les  survivants  de  la  secte  prétendirei»t 
que  leur  prophète  n'était  pas  mort,  mais  qu'il  vivait  toujours 
à  Samos.  Le  sultan  lit  rechercher  partout  et  exterminer  les 
derviches,  (jui  vivaient  dans  une  extrême  pauvreté.  L'isla- 
misme repoussait  sévèrement  toute  pensée  de  fraternité  avec 
les  chrétiens. 

OUVRAGES    A    CONSfLTEH    ET    UEMAKQUES   CRITIQUES   SLR   LE    N°   268. 

niicas,  Hist.  Byzaiit..  c.  xxi  (Mipne,  l.  CLVIl,  p.  889-893).  Movoxîtwve;. 
Ce  sont  proprement  des  dorviciies  velus  d'une  seule  robe.  Ducas, 
C.  xxn,  p.  90λ  :  èv  dyyijj.aTt  (j/jvo/t-ctovo;. 

Littérature  grecque. 

269.  En  littérature,  les  Grecs  de  ce  temps  ont  surtout  fourni 
des  travaux  historiques  :  tels  sont  Nicéphore-Calliste  et  Nicé- 
phorc-Giégoras,  Théodore  Métochite  (mort  en  1332),  l'em- 
pereur Jean  Cautacuzène,  Siméon  de  Thessalonique,  Michel 
Glycas,  Georges  Codinus,  Michel  Ducas ,  Georges  Phrantza, 
Laonique  Chalcondylas.  Matthieu  lilastarès  rédigea  son  Sj/n- 


l'église  en  face  des  schismattoues  et  des  hérétiques.     100 

tagma  alphabétique  de  droit  canon  ;  Constantin  lîarméno- 
pule,  son  extrait  des  canons.  Nicolas  Cabasilas,  archevêque 
de  Thessalonique  ;  l'empereur  Manuel  II  Paléologue,  Théodore 
Méliténiota,  le  savant  moine  Théodule,  Siméon  de  Thessalo- 
nique, etc.,  traitèrent  des  sujets  dogmatiques,  moraux  et  ascé- 
tiques. Nous  avons  déjà  mentionné  les  savants  Grecs  qui,  en 
Italie  et  ailleurs,  s'occupèrent  de  philosophie,  de  philologie  et 
d'autres  sciences  (§  2:24  et  suivants). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR    LE    N°     26!). 

Niceph.  Call.,  Migne,  t.  CXLV,  p.  557  —  t.  CXLVll,  p.  448  ;  Niceph. 
Greg.,Migne,  t.  CXLVIIl,  p.  119  et  seq.— t.  CXUX,  p.  9  et  seq.;  Theod. 
Metoch.,  Hist.  Caisar.,  Lugd.  Balav.,  1618.  Cf.  Allai.,  de  Theod.,  n.  127 
(Mai,  N.  PP.  Bibl.,  VI,  ii,  p.  186  et  seq.);  JoU.  Cantacucen.,  Migne, 
t.  CLIII,  p.  17  et  seq.  —  t.  CLIV,  p.  9  et  seq.;  Symeon.  Thessal,  t.  CLV  ; 
Mich.  Glycas,  Annal.,  part.  IV,  epp.,  Migne,  t.  CLVIII;  Georg.  Codin., 
Migne,  t.  CLVII,  p.  25  et  seq.;  Michael  Oucas,  Hist.,  1341-1462,  ib., 
p.  743  et  seq.;  Georg.  Phrantza,  Migne,  t.  CLVI,  p.  637  el  seq.;  Laonic. 
Chalcond.,  Migne.  t.  CLIX  ;  Matth.  Blastaies,  t.  CXLIV,  CXLV  ;  Constan- 
tin. Harmeaop.,  t.  Ct..  Exégèles  :  Macaire  Chrysokephalus,  archev.  de 
Philadelphie,  Com.  sur  le  N.  T.,  Migne,  t.  CL,  p.  229  et  seq.;  Matth. 
Cantacuzène,  sur  le  Cantique  des  cantiques  et  le  livre  de  la  Sagesse, 
t.  CLIl;  le  moine  Job,  sur  les  Psaumes,  t.  CLVllI,  p.  1053  et  suiv.; 
Nicol.  Cabasilas,  etc.  (ci-dessus,  §  255j,  Mi^ne,  t.  CL,  p.  491  et  seq. 
Sou  principal  ouvrage  :  Trepl  t?i;  âv  Xpt(TT(I)  î;wti;,  a  été  récemment  publié 
par  Gasz  H,  Greifsw.,  1849.  Manuel  II  Paléologue,  Migne,  t.  CLVI,  p. 
309  et  seq.;  Théodore  Méliténiota,  t.  CXLIX,  p.  883  et  seq.;  Théodule, 
t.  CXLV,  p.  447  et  seq. 

LiP!«    Arméniens. 

Travaux  des  papes  et   des  frères    prêcheurs  en  faveur   des 
Arméniens.  —  Rupture  de  l'union  avec  Rome. 

270.  Un  des  principaux  soucis  des  papes  fut  d'affermir  les 
Arméniens  unis  dans  leur  fidélité  envers  l'Église  romaine,  et 
de  gagner  ceux  qui  en  étaient  encore  séparés.  Plusieurs 
conciles  ayant  été  tenus  contre  le  concile  de  Sis  (1307),  surtout 
en  vue  de  combattre  la  doctrine  des  deux  natures  en  Jésus- 
Christ,  la  célébration  distincte  des  fêtes  de  Noël  et  de  l'Epi- 
phanie, le  mélange  de  l'eau  avec  le  vin  dans  le  sacrifice  de  la 
messe,  le  concile  d'Adana  (1316)  essaya  de  les  réfuter  et  de 


i  10  HISTOIRE   DE    l'ÉULISR. 

remettre  en  vigueur  les  anciens  décrets.  Le  roi  Oscin  écrivit 
.ta  Saint-Siège.  Jean  XXII  résolut  d'établir  en  Arménie  une 
mission  permanente  de  dominicains,  avec  un  collège  où  les 
jeunes  Arméniens  seraient  initiés  au  latin  et  aux  sciences;  il 
recommanda  au  roi,  qu'il  aida  de  sommes  d'argent  considé- 
rables dans  sa  lutte  contre  les  Sarrasins,  l'ordre  des  prêcheurs, 
dirigé  par  Haimond  Stephani,  proposa  d'adopter  les  rites 
latins,  rappela  que  les  évêques  seuls  ont  le  droit  de  confirmer 
et  de  bénir  l'huile  des  infirmes,  et  recommanda  au  patriarche 
Constantin  le  dominicain  Guillaume,  iju'il  destinait  aux  Armé- 
niens de  la  Perse,  et  auquel  il  venait  de  confier  le  siège  archié- 
piscopal de  Sultanieh,  nouvellement  érigé. 

Le  confrère  de  Guillaume,  Barthélémy  le  Jeune,  de  Bologne, 
sacré  par  le  pape  évèque  de  la  province  de  Maraga,  située  entre 
l'Arménie  et  le  pays  des  Parthes,  rendit  d'éminents  services  : 
il  fonda  un  couvent  florissant,  et  gagna  beaucoup  d'ecclésias- 
tiques arméniens,  entre  autres  maître  Jean  de  Kerna,  disciple 
du  célèbre  moine  Isaïe.  Il  fonda  l'ordre  des  Unis  de  Saint-Gré- 
goire rilluminateur,  qui  fut  confirmé  par  le  pape.  Cet  ordre, 
qui  ne  se  distinguait  de  celui  de  Saint-Dominique  que  par  le 
costume,  possédait  à  Kaila  un  établissement  d'éducation  ;  il  se 
lépandit  au  loin  dans  l'Arménie  et  dans  les  pays  voisins. 
Après  la  mort  de  saint  Barthélémy  (1333),  ses  disciples,  imi- 
tateurs de  son  zèle,  mais  non  do  sa  prudence,  blessèrent  le 
peuple  en  contrariant  ses  usages  nationaux.  Quelques  fugitifs 
et  plusieurs  Latins  accusèrent  les  Arméniens  de  diverses 
erreurs  auprès  de  Benoit  XII.  Un  concile  tenu  à  Sis,  sous  le 
patriarche  Méchifar  (1342),  déclara  que  la  plupart  des  accusa- 
tions étaient  calomnieuses,  que  d'autres  n'étaient  que  les 
égarements  de  quelques  individus. 

C'est  pourquoi  Clément  VI  (1346)  envoya  deux  nonces  chargés 
d'extirper  les  erreurs  encore  subsistantes.  Les  réponses  données 
sur  diverses  (]uestions  qui  restaient  encore,  ne  le  satisfirent  pas; 
quelques  points  étaient  encore  à  discuter.  Clément  VI  veilla  aussi 
à  ce  que  les  Arméniens  fussent  secourus  par  les  princes  chré- 
tiens. Innocent  VI  chargea  Nersès,  évêque  de  Macazgert,  qui 
savait  le  latin,  d'obtenir  du  roi  et  du  patriarche  une  réponse 
satisfaisante  et  sincère  aux  (]uestions  qui  leur  avaient  été  posées 
(1353).   Survint  hientôt  un   interrègne  do  deux  ans,  puis  le 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  H]f:RihiQUES.     m 

règne  de  l'anarchie.  Urbain  V  (1365)  engagea  !es  Arméniens  à 
élire  un  nouveau  roi,  et  leur  recommanda  Léon  Lnsignan,  qui 
fut  nommé  sous  le  nom  de  Léon  VI.  Mais  en  1375  le  sultan 
d'Egypte  détruisit  le  royaume  de  la  Petite- Arménie.  Léon, 
délivré  de  sa  captivité  (1382),  .se  réfugia  en  Europe  (mort  en 
1392).  La  (irande-Arménie,  autrefois  assujettie  aux  Kurdes,  fut 
conquise  en  1391  par  Tamerlan.  Un  grand  nombru  d'Armé- 
niens se  disper.sèrent  en  difîéreiits  pays.  Les  relations  avec  le 
Saint-Siège  demeurèrent  longtemps  interrompues. 

OUVRAGES   A    CONSCLTEB    SL'R  LE    N°    270. 

Concile  de  1316  :  Galan.,  I,  474;  Mansi,  XXV,  655-670;  Héfelé,  VI, 
p.  504.  Joh.  XXII  :  Rayn.,  an.  1318,  n.  8,  15-17;  1323,  n.  7;  1330,  n.  43. 
Barthol.  Jiin.  et  l'Ordo  Uniloriim  S.  Greg.  Illum.;  Franchi  Armeni  ; 
Galan.,  I,  515  ;  Werner,  Gesch.  der  apol.  und  polem.  Lit.,  111,  p.  397  et 
suiv.;  Pichler,  II,  p.  154  et  suiv.  Benoît  XII  et  le  concile  de  Sis,  1342  : 
Bzovius,  an.  1338,  n.  21  ;  Hayn.,  an.  1341,  n.  45  et  seq.;  Mausi,  XXV, 
1183-1270  ;  Héfelé,  VI,  p.  5C9-577;  Pichler,  II,  p.  455  et  suiv.  Pour  le 
rf.stti,  Rayn.,  an.  1346,  n.  67  et  seq.:  1350,  n.  37  et  seq.;  1351,  n.  1 
et  seq..  etc.;  Pichler.  Il,  p.  456-458. 

L'Union  de  Florence. 

271.  Eugène  IV  essaya  de  rétablir  l'union  des  Armeniens,  et 
leur  adressa  à  ce  sujet  différentes  invitations.  Deux  évêques 
d'Arménie,  Jean  et  Isaïe,  écrivirent  (30  septembre  1433)  au 
concile  de  Bàle.  Isaïe,  évèque  de  Jérusalem,  répondit  à  l'invi- 
tation d'Eugène  iV  (1"  novembre  1434)  qu'il  avait  envoyé  les 
écrits  du  pape  au  patriarche.  En  1437,  le  pape  délégua  plusieurs 
franciscains  pour  préparer  l'union  de  l'Arménie.  Le  patriarche 
Constantin  Vi  (1438)  dépêcha  à  Florence  quatre  fondés  de  pou- 
voir pour  renouveler  l'ancienne  alliance  avec  Rome  ;  il  y  avait 
été  déterminé  par  le  Génois  Paul  Impériale  de  Kaffa,  en  Crimée, 
et  par  le  P.  Jacques,  envoyé  du  pape.  Les  plénipotentiaires 
arrivèrent  à  Florence  avant  le  départ  de  l'empereur  grec, 
dont  ils  sollicitèrent  l'appui.  Deux  cardinaux  s'abouchèrent 
avec  eux,  et,  le  22  novembre  1439,  le  décret  concernant  l'Union 
était  déjà  lu  en  audience  publique.  Les  Arméniens  acceptèrent 
le  Symbole  avec  le  Filioque,  la  doctrine  des  deux  natures, 
des  deux  volontés  et  des  deux  opérations  en  Jésus-Christ,  le 
concile  de  Chalcédoine,  le  décret  d'union  avec  les  Grecs  et 


112  HISTOIRE   DE   l'^GLISE. 

le  Symbole  de  saint  Athanase;  ils  reçurent  en  outre  des  ins- 
tructions sur  les  sept  sacrements  et  les  fêtes  de  l'Église. 

Comme  l'évêque  latin  de  KafTa.  ville  qui  appartenait  aux 
Génois,  avait  interdit  aux  évêques  arméniens  de  porter  les 
insignes  épiscopaux  et  de  donner  la  bénédiction,  Eugène  IV 
supprima  cette  défense  et  assura  la  juridiction  des  prélats 
arméniens  sur  leurs  compatriotes.  Les  Grecs  unis  demeurèrent, 
quoique  dispersés,  fidèles  au  décret  de  Florence,  tandis  ijue 
ceux  qui  vivaient  sous  la  domination  turque  lui  firent  une  vive 
résistance.  Le  patriarche  Constantin  mourut  avant  le  retour 
des  députés,  et  son  successeur  Joseph  III  le  suivit  peu  de  temps 
après  dans  la  tombe.  Grégoire  IX,  qui  voulait  faire  exécuter  le 
décret  d'union,  fut  déposé  et  expulsé.  Les  Turcs  établirent 
ensuite  à  Constantinople  (1461)  un  patriarche  arménien  distinct 
à  côté  de  ceux  d'Etschmiazin,  Sis,  Agthamar.  Le  patriarcat 
devint  un  objet  de  trafic  et  tomba  dans  un  profond  discrédit. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SCU  LE  N°  271. 

Lettres  de  Jean  et  d'Isaie  :  Martèiio,  Coll.,  VIII,  640;  Cecconi,  doc. 
xui;  d'Isaie  au  pape  Eugène  :  Marti-ne,  p.  loi;  Cecconi,  doe.  xl.  Cf. 
Rayn.,  an.  1434,  n.  18.  Ambassade  à  Florence,  ib.,  an.  1439,  n.  13; 
Hard.,  IX,  tOioetseq.  union  du  22  nov.  1439,  const.  xxiii,  Exultate 
Deo,  Bull.,  éd.  Taur.,  V,  44-51  ;  Hard.,  p.  434,  1163;  Mansi,  XXXI, 
1047  et  seq.;  Rayn.,  an.  1430,  n.  13  et  seq.;  Denzinger,  Enchir.,  p.  201 
et  seq.  Cf.  Wadding,  Ami.  min.,  XI,  ;in-71.  Décret  du  15  déc.  1439  : 
Rayn.,  h.  a.,  n.  17  ;  Héfelé,  Vil,  p.  788  et  suiv.;  Pichler,  II,  p.  458  et 
suiv.;  Rattinger  (V,  §261). 

Les  antres   Orientaux. 

Les  Coptes  &  les  Éîthiopiens.  —  Décret  pour  les  jacobites. 

272.  Les  Coptes,  souvent  persécutés  par  les  Sarrasins,  sur- 
toutau  commencement  du  quatorzième  siècle,  et  les  Éthiopiens, 
auxquels  Nicolas  IV  (1289)  et  Jean  XXII  (1329)  avaient  envoyé 
des  missionnaires,  déléguèrent  aussi  des  députés  à  Florence. 
Jean,  patriarche  d'Alexandrie,  répondit  aux  lettres  du  pape  en 
allant  au-devant  de  tous  ses  vœux,  et  nomma  pour  son  rempla- 
çant l'abbé  Jean,  du  couvent  de  Saint-Antoine  (12  septembre 
14-40).  De  son  côté,  l'abbé  Nicodème  de  Jérusalem,  chef  des  jaco- 
bites de  cette  ville  (14  octobre),  envoya  une  lettre  et  des  repré- 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQIES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.      113 

sentants,  et  manda  que  le  roi  d'Ethiopie  était  favorable  à 
l'Union.  Ce  dernier  choisit  pour  ambassadeurs  les  députés 
mêmes  du  patriarche  Jean  et  de  l'abbé  Nicodème. 

Le  30  août  1441,  l'abbé  André  prononça  devant  le  pape  un 
discours  où  il  l'exaltait  comme  le  chef  et  le  docteur  de  l'Église 
universelle;  deux  jours  après,  l'envoyé  de  Jérusalem  imitait  son 
exemple,  et  célébrait  la  puissance  de  l'Ethiopie  en  même  temps 
que  sa  piété.  Le  4  février  1442,  l'union  avec  les  jacobites  fut 
résolue  à  Florence  dans  une  assemblée  générale.  Le  décret  d'u- 
nion contenait  un  symbole  de  foi  très  détaillé,  un  catalogue  des 
Uvres  canoniques,  les  décrets  pour  les  Grecs  et  les  Arméniens, 
des  règlements  sur  la  forme  et  la  matière  de  l'Eucharistie  et 
sur  les  quatrièmes  noces. 

Beaucoup  de  jacobites  insérèrent  ces  décrets  dans  leurs  livres 
liturgiques.  Malheureusement,  ils  étaient  trop  éloignés  de 
Rome  et  les  Sarrasins  trop  puissants,  pour  que  ces  décrets 
portassent  beaucoup  de  fruit.  Les  dominateurs  de  l'Ethiopie 
n'étaient  guère  d'humeur  à  se  rapprocher  de  la  Rome  loin- 
taine. Ils  ne  montrèrent  un  peu  d'empressement  que  lorsque 
les  Portugais,  dans  leurs  grands  voyages  d'explorations,  com- 
mencés en  1414,  entrèrent  plus  tard  en  contact  avec  eux  sur 
les  côtes  d'Afrique.  Les  missionnaires  envoyés  en  1486  par  le 
Portugal  trouvèrent  bon  accueil,  mais  n'eurent  que  peu  de 
succès. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  272. 

Ray n.,  an.  1326,  n.  98;  1442,  n.  1-7;  Hard.,  IX,  1018  et  seq.,  1021  et 
seq.;  Bull.,  éd.  Taur.,  V,  38-6o.  Const.  xxvii,  Cantate  Domino,  ap. 
Denzinger,  Enchir..  p.  208  et  seq.:  Héfelé,  p.  793-797;  Pichler,  11, 
p.  504-509. 

Continuation  à  Rome  du  concile  de  Florence. 

'213.  Sur  ces  entrefaites,  dans  l'automne  de  1443,  Eugène  IV 
avait  transféré  le  concile  de  Florence  à  Rome  ;  il  continua  de 
réunir  les  Orientaux  avec  l'Église  romaine.  Sur  la  fin  de  la 
même  année  1443,  arriva  à  Rome  un  délégué  du  roi  de  Bos- 
nie, qui  abjura  les  erreurs  manichéennes  et  accepta  la  profes- 
sion de  foi  des  Latins.  H  se  peut  que  la  division  du  patriarcat 
des  jacobites  de  Syrie,  opérée  en  1293,  ait  décidé  le  patriarche 
de  Diarbekir  (à  l'orient),  par  jalousie  contre  son  rival    de 

V.  -—  HIST.  DE  l'église.  8 


lli  HISTOIRE    DK    L  ÉGLISE. 

Salacha  (à  l'occident),  à  céder  aux  instances  du  pape  et  de  son 
infatigable  nonce,  le  P.  Albert,  et  à  dépêcher  le  métropolitain 
Abdallah  d'Édesse,  pour  proposer  l'union  des  jacobites  qui  rési- 
daient entre  le  Tigre  et  l'FAiphrate.  Le  pape  le  reçut,  lui  et  ses 
compagnons,  avec  bienveillance,  et  nomma  une  commission 
pour  discuter  avec  eux  les  points  de  controverse.  Il  résulta  de  cet 
examen  qu'ils  étaient  entachés  de  monophj-sitisme  et  de  mono- 
thélisme,  et  niaient  comme  les  Grecs  la  procession  du  Saint- 
Esprit  du  Fils.  Sur  ce  point,  Abdallah  ou  Abdalès  accepta  sans 
hésiter  la  doctrine  de  l'Église  romaine,  et  fit  la  même  pro- 
messe au  nom  de  son  patriarche.  Il  réitéra  ses  déclarations 
dans  la  première  session  du  concile  de  Florence  tenue  à  Latran, 
le  30  septembre  1444,  et  l'union  fut  solennellement  consommée. 
Eugène  IV  publia  à  ce  sujet  un  décret  particulier. 

OCVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N">   273. 

Translation  :  Aug.  Patrie,  c,  r.xxix  ;  Hard.,  p.  1183.  Sur  le  roi  de 
Bosnie,  Bened.  Ovelar.  Vicent.  (secrétaire  du  roi  de  Chypre),  ép.  datée 
de  Rome,  f  oct.  1442  (ou  plutôt  1443),  dans  Marlene,  Vett.  mon. 
Coll.,  I,  d592,  et  lettres  d'Eugène,  dans  Raynald,  an.  1444,  n.  2;  1445, 
n.  23  et  seq.;  Hard.,  p.  1036;  Héfelé,  p.  814.  Union  des  jacobites 
syriens  :  const.  Multa  et  mirabilia,  dans  Hard.,  p.  1040  et  seq.;  Iléfelé, 
p.  814  et  suiv.;  Picbler,  II,  p.  403. 

Les  Chaldéens  et  les   Maronites. 

274.  Le  pape  envoya  ensuite  l'infatigable  André,  archevêque 
de  Rhodes,  en  Orient  et  en  Chypre,  pour  mieux  renseigner  sur 
l'œuvre  de  l'Union  les  Grecs,  les  Arméniens,  les  jacobites  et  les 
nestoriens  qui  y  résidaient,  pour  les  affermir  dans  la  foi  ou  les 
y  ramener.  Il  réussit,  après  de  nombreux  efforts  en  Chypre,  à 
gagner  le  métropolitain  nestorien  Timothée  de  Tarse,  l'évêque 
maronite  Élie,  le  clergé  et  le  peuple,  et  à  leur  faire  accepter  la 
doctriue  romaine.  Timothée  et  un  délégué  de  l'évêque  Élie  se 
rendirent  à  Rome,  et  promirent  l'obédience  dans  la  seconde  ses- 
sion du  concile  do  Latran,  continuation  de  celui  do  Florence, 
le  7  août  1445.  Le  pape  l'annonça  dans  un  décret  particulier,  et 
défendit  de  donner  désormais  le  nom  d'hérétiques  aux  Chal- 
déens et  aux  Maronites.  La  masse  des  nestoriens  persévéra 
dans  son  ancienne  erreur;  l'adhésion  à  la  primauté  du  pa[i..' 


l'église  en  face  des  schismatioues  et  des  hérétiques.     115^ 

donnée  par  le  patriarche  Jaballaha  en  1 304,  dans  une  lettre  à 
Benoît  XI,  n'eut  aucun  succès. 

Bien  meilleure  était  la  situation  avec  les  Maronites  du  Liban, 
auxquels  Eugène  IV  fit  donner  des  éclaircissements  sur  les  dé- 
crets de  l'Union  par  le  frère  mineur  Antoine  de  Troie.  Nicolas  V 
désigna  au  patriarche  l'archevêque  André  de  Chypre  comme 
l'intermédiaire  auquel  il  pouvait  s'adresser  pour  entrer  en  rela- 
tion avec  le  Saint-Siège.  Le  mineur  Grifon  travailla  avec  succès 
chez  les  Maronites  depuis  1430  jusqu'en  1476.  Le  patriarche 
Pierre  le  délégua  à  Paul  II,  qui  le  renvoya  en  1469  avec  une 
lettre  où  il  confirmait  les  pouvoirs  spirituels  et  temporels  du 
patriarche  et  lui  recommandait  l'union  avec  l'Église  romaine. 

Sixte  IV  permit  en  1475  au  vicaire  général  des  mineurs 
d'envoyer  comme  délégué  auprès  des  Maronites  un  conventuel 
muni  de  pouvoirs  particuliers.  Lorsque  le  patriarche  Simon 
Pierre  (1314)  fit  demander  à  Léon  X,  sans  lui  envoyer  aucun 
écrit,  de  confirmer  sa  nomination  et  de  lui  remettre  le  pallium, 
le  pape  renvoya  son  délégué  et  dépêcha  deux  mineurs  pour 
ramener  les  Maronites  de  quelques  erreurs.  Ils  atteignirent  leur 
but,  et  la  nation  envoya  trois  délégués  au  cinquième  concile  de 
Latran.  Le  18  juillet  1516,  Léon  X  confirma  le  patriarche,  et 
déclara  que  les  Maronites  étaient  d'accord  avec  l'Église  romaine 
dans  tout  ce  qui  intéresse  le  salut.  Lecture  fut  donnée  des 
lettres  du  patriarche  et  de  ses  évêques  dans  la  onzième  session 
du  concile  de  Latran,  le  19  décembre  1316. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N»  274'. 

Décret  Benedictus  Deus,  dans  Hard.,  p.  1041  et  seq.;  Héfelé,  p.  813  et 
suiv.;  Fichier,  11,  p.  oi4  et  suiv.  Lettres  de  Jaballaha  :  Rayn.,  an.  1304, 
n.  23,26;  Picliler,  II,  p.  427  et  suiv.  —  Wadding,  an.  1440,  n.  7; 
Rayn.,  an.  1469,  n.  28  et  seq.;  1514,  n.  88-102;  1516,  n.  7  et  seq.; 
Bonner  Ztschr,,  h.  xvi,  p.  232  et  suiv.;  h.  xvii,  p.  239  et  suiv.  Kunst- 
mann, dans  Tüb.  Theol.  Quartalschr.,  1845,  p.  40-.54;  Fichier,  II, 
p.  545  et  suiv. 

NOUVELLES  HÉRÉSIES. 

L.e  Palanihisnie. 

Les  Hésychastes. 

'21o.  Il  y  avait  depuis  longtemps  parmi  les  moines  grecs  un 
parti  de  fanatiques  adonnés  au  repos  contemplatif  (hèsychia). 


116  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISË. 

Siméon,  abbé  du  couvent  de  Xyrokerkos,  surnommé  <(  le  jeune 
théologien  »,  et  maître  de  Nicétas  Stethatos,  avait  légué  à  ses 
moines  une  instruction  écrite  sur  la  prière  et  la  méditation,  qui 
servit  plus  tard  de  règle  aux  quiétistes  ou  hésychastes  des  cou- 
vents du  mont  Athos  et  de  la  ville  impériale  grecque.  D'après 
cette  règle,  on  devait  se  retirer  dans  im  lieu  solitaire,  fermer 
les  portes,  détacher  son  cœur  de  tout  objet  temporel,  et,  le 
menton  baissé  sur  la  poitrine,  fixer  avec  toute  l'attention 
possible  ses  regards  vers  le  milieu  du  corps,  le  nombril, 
empêcher  de  son  mieux  la  respiration  par  les  narines,  et  tâcher 
de  découvrir  dans  ses  entrailles  la  place  du  cœur,  où  résident 
communément  toutes  les  facultés  de  l'àme.  On  y  trouvera 
d'abord  les  ténèbres  et  une  épaisseur  impénétrable;  mais,  si 
l'on  persévère  nuit  et  jour,  on  ressentira  bientôt  un  bien-être 
indescriptible  et  l'on  apercevra  une  lumière  d'une  merveilleuse 
clarté  :  car,  sitôt  que  l'âme  a  découvert  le  siège  du  cœur,  elle 
sait  ce  qu'elle  n'a  jamais  su,  elle  voit  l'air  qui  est  entre  le  cœur 
et  elle-même  tout  lumineux  et  transparent. 

Cette  lumière  intérieure  et  incréée  est  un  écoulement  de  la 
Divinité  ;  c'est  elle  que  les  apôtres  ont  vue  pendant  la  transfigu- 
ration sur  le  Thabor;  c'est  d'elle  que  saint  Antoine  a  été 
autrefois  illuminé. 

Ces  extravagances  trouvèrent  accès  dans  divers  couvents  à 
partir  du  onzième  siècle,  et  plusieurs  moines  perdirent  le  bon 
sens  et  la  raison.  Au  quatorzième  siècle,  deux  moines  célèbres 
du  nom  de  Grégoire,  l'un  appelé  le  Sinaïto,  l'autre  Palamas 
(de  là  le  nom  de  Palamites),  poussèrent  cette  folie  aux  der- 
nières limites  et  soulevèrent  de  grandes  contestations. 

OUVRAGES    A    CONSULTER    SUR    I.E    N"    275. 

Deraetrius  Cydon.  adv.  Greg.  Palam.,  dans  P.  Arcudii,  Opuscula 
aiirea  theoL,  Rom.,  1670;  Joh.  Cantacuz.,  Flist.,  1.  II,  c.  xxxix  cl  seq.; 
Niceph.  Gregor.,  Hist.  Byz.,  1.  XI,  x  et  seq.,  XIX,  i  et  seq.;  Leo  Allât., 
de  Eccl.  occid.  et  or.  perpel.  consens,,  I.  II,  c.  xvi,  xvii;  Petav.,  Theol. 
dogm.,  t.  I,  de  Deo,  I.  I,  c.  xii,  xiii  ;  Rechenberg,  de  Hesychastis  Exer- 
cit.,  p.  378  et  seq.  Longs  détails,  avec  emploi  de  dociunents  non  utilisés 
ailleurs  :  F.  J.  Stein,  Studien  über  die  Hesycliasten  des  XIV  Jahrb.; 
Separatabdruck  aus  der  ceslerr.  VierteJjahrschr.  für  kath.  Theol. 
(1873),  Vienne,  1874.  Sur  Siméon  le  .Feune  (6  véo;  oeô^oyo;)  :  Dimi- 
tracop.,  Bt6),io6r,xr,  èxx).r,<j.,  Lips.,  1866,  t.  I,  p.  £  '.  Pièce  de  vers  de  Nicéta'- 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQLES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       1  17 

Stethatos  en  l'honneur  de  son  maître  Siméon  :  Allât.,  de  Simeonibus, 
p.  168.  0pp.  Greg.  Palamaf,  Migne,  PP.  gr.,  t.  CL.  Gregor.  Sinait.,  ib., 
p.  1237.  Greg.  Palama?  Encomium,  par  Philothère,  Migne.  t.  CLI, 
p.  531  et  seq.:  par  NU,  ib.,  p.  659  et  seq. 

Barlaam  contre  Palamas. 

!276.  Barlaam,  moine  basilien,  originaire  de  Calabre,  instruit 
et  éloquent,  résidait  à  Constanlinople  et  à  Thessalonique  depuis 
1328,  ponr  y  poursuivre  ses  études  sur  Aristote;  il  gagna  la 
confiance  de  Jean  Cantaeuzène,  changea  souvent  de  point  de 
vue  ttiéoiogique  vis-à-vis  des  Latins,  et  se  présenta  à  la  cour 
pontificale  d'Avignon  (1336)  avec  une  mission  semi-officielle.  Sa 
principale  occupation  fut  de  combattre  le  faux  quiétisme  des 
moines  de  Thessalonique  et  de  Constantinople.  Initié  à  la  doc- 
trine des  hésychastes  par  un  de  leurs  membres  d'assez  peu  de 
talent,  il  les  traita  de  fourbes  et  d'imposteurs,  de  messaliens, 
de  contemplateurs  de  nombrils,  d'àmes  de  nombrils  (ompha- 
lopsychistes),  et  de  dithéistes,  parce  qu'ils  prétendaient  que  la 
lumière  incréée  du  Thabor  était  une  seconde  divinité. 

Grégoire  Palamas,  déjà  sévèrement  blâmé  par  le  savant 
Nicéphore  Grégoras  pour  avoir  soutenu  qu'il  voyait  la  Divinité 
des  yeux  du  corps,  persista  dans  son  sentiment  ;  il  engagea 
Barlaam  à  rester  en  paix  avec  les  moines  qui  le  partageaient, 
et  à  se  borner  à  l'étude  des  sciences  profanes,  qui  lui  procuraient 
beaucoup  de  gloire.  Barlaam,  de  son  côté,  affirmait  que  la 
lumière  du  Thabor  était  une  lumière  matérielle,  passagère, 
créée  ;  qu'il  était  impossible  de  la  considérer  comme  l'essence 
de  Dieu.  Palamas  déclara  dans  la  suite  que  cette  lumière, 
quoique  incréée  et  divine,  n'était  pas  cependant  l'essence  même 
de  Dieu  (ousia),  mais  seulement  l'énergie  de  cette  essence 
(energeia),  et  que  la  créature  participait  à  cette  énergie  seule- 
ment. 

Barlaam  répondit  que  cette  distinction  entre  l'essence  divine 
incommunicable  et  l'énergie  divine  communicable  introduisait 
un  dieu  supérieur  et  un  dieu  inférieur,  par  conséquent  le 
dithéisme.  Palamas  défendit  son  opinion  par  des  textes  des 
Pères  dénaturés  ou  mal  compris;  par  la  comparaison  du  soleil, 
dont  nous  pouvons  percevoir  les  rayons,  mais  non  saisir  le 
disque;  par  les  effets  de  la  grâce  divine,  dont  le  principe  est 


H  8  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

l'essence  divine,  laquelle  n'est  pas  commuiiicablej  comme  le 
sont  ses  effets.  Barlaam  n'admettait  pas  non  plus  cette  formule 
de  prière  des  liésychastes  :  «  Seigneur  Jésus- Christ,  ayez  pitié 
de  moi  1  »  Il  y  avait  là,  selon  lui,  une  omission  choquante.  Il 
déposa  une  plainte  contre  les  moines  auprès  du  patriarche 
Jean  XlVCalécas.  Mais  le  concile  réuni  à  Sainte-Sophie  eu  1331 
se  prononça  en  faveur  des  accusés,  et  Barlaam  fut  contraint  de 
demander  pardon.  Il  s'enfuit  dans  la  basse  Itahe,  où  il  devint 
évêque  de  Gérace  en  1342,  et  composa  encore  divers  écrits  pour 
la  défense  de  l'Église  latine  (mort  en  d348). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N"  276. 

Niceph.  Greg.,  1.  XIX,  c.  i  et  seq.;  Joh.  Cyparissiota,  Palamiticarum 
transgressionum  lib.,  Migne,  t.  CLII  ;  Stein,  p.  18  et  suiv.  Concile  de 
13il  :  Jüh.  Cantacuc,  H.,  II,  xl;  Niceph.  Greg.,  XI,  ex;  Migne,  t.  CL, 
p.  877,  891 ,  900  et  seq.  Tom.  synod.  Joh.  Pair.,  Migne,  t.  CLI,  p.  679 
et  seq.  Dosith.  Hier.,  Tôjao;  'AyâTtr,?,  Proleg.,  c.  iv,  p.  40  et  seq.  Acta 
Patriarch.  Cpl.,  ed.  Müller  et  Miklosich,  Vindob.,  I,  p  238  et  seq., 
T6|jioç  àytopiTixoc,  ap.  Dosilh.,  loc.  cit.,  p.  34-39.  Barlaami  epp.  et  opusc, 
Migne,  t.  CLI,  p.  1235  et  seq. 

Acindynus  contre  les  moines.  —  Conciles  au  sujet  de 
Palanias. 

277.  Le  moine  Grégoire  Acindynus,  ancien  ami  de  Palamas, 
continua  la  lutte  contre  les  hésychastes,  qui  devenaient  chaque 
jour  phjs  audacieux.  Selon  lui,  les  propriétés  et  les  énergies  de 
la  Divinité  ne  diffèrent  pas  réellement  de  son  essence,  et  il  n'y 
a  pas  de  lumière  incréée,  divine,  en  dehors  de  l'essence  de 
Dieu.  Acindynus  devint  suspect  comme  barlaamite,  et  l'on  fit 
valoir  contre  lui  la  décision  du  concile  tenu  contre  les  pala- 
mites.  Palamas  et  ses  sectateurs  dédaignèrent  la  défense  faite 
par  le  patriarche  de  traiter  de  vive  voix  ou  par  écrit  les  ques- 
tions controversées ,  et  ils  s'appuyèrent  sur  le  puissant  Jean 
Cantacuzène.  Mais  lorsque  celui-ci  eut  été  exilé  par  l'impéra- 
trice Anne,  ils  perdirent  leur  influence  à  la  cour;  Palamas  lui- 
même  fut  emprisonné  en  1343,  et  un  concile  fut  tenu  à  Cons- 
tantinoplo  en  1343  contre  son  ami  Isidore  Bnchiras,  nommé 
évêque  de  Monembasia,  à  l'occasion  d'une  plainte  d'Ignace, 
patriarche  d'Antioche.  Ce  concile  déposa  Isidore  et  excommunia 
Palamas  et  les  siens,  à  cause  de  leurs  doctrines  blasphéma- 


I 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.     119 

foires.  Le  patriarche  Jean  interdit  toute  relation  avec  eux,  et 
leur  reprocha  d'avoir  falsifié  son  précédent  concile. 

Cependant  les  palamites  recouvrèrent  les  bonnes  grâces  de 
l'impératrice  Anne,  obtinrent  la  déposition  du  patriarche  (1347), 
la  condamnation  de  leurs  adversaires  et  leur  propre  justifica- 
tion :  toutes  choses  qui  furent  approuvées  de  Jeau  Cantacu- 
zène,  qui  entra  alors  à  Constantinople  en  qualité  d'empereur. 
Isidore  Buchiras,  déposé,  obtint  en  1345  le  siège  patriarcal,  et 
nomma  Palamas  archevêque  de  Thessalonique.  En  vain  plusieurs 
évêques  assemblèrent  un  concile  où  ils  les  destituèrent  l'un  et 
l'autre  :  l'empereur  les  maintint  dans  leur  dignité.  Nicéphore 
(irégoras  lui-même  n'obtint  rien  auprès  de  lui,  bien  qu'il  eût 
gagné  à  sa  cause  l'impératrice  Irène.  Ceux  qui  furent  nommés 
a  des  évèchés  durent  attester  par  écrit  qu'ils  rompaient  toute 
communion  avec  les  hérétiques  ßarlaam,  Acindynus  et  leurs 
partisans.  Isidore  les  condamna  de  nouveau  dans  son  testament 
(mort  en  1350). 

Ouvrages  a  consulter  sur  le  n°  277. 

Grégoire  Acindynus  (àxîvSuvo;)  :  Niceph.  Greg.,  XII,  ii;  Cantacucen., 
Il,  xl;  Allât.,  loc.  cit.,  c.  xvi,  n.  3;  Migne,  t.  CL,  p.  875  et  seq.; 
t.  CLI,  p.  1189  et  seq.  Deux  conciles  pour  l'affaire  de  Palamas  :  Can- 
tacuc,  loc.  cit.;  Niceph.  Greg.,  XVIII,  viii;  Tom.  Joh.  Pair.,  Migne, 
t.  CL,  p.  901;  Encom.  Palam.,  p.  60i.  Troisième  concile  :  Tom.  con- 
demuat.  Pal.;  Allât.,  II,  xvi  ;  Migne,  t.  CL,  p.  880  et  seq.;  Patr.  sermo, 
ib.,  p.  894  ;  'Ava^opà  twv  àpyiepÉtov  Ttpôç  Tr,v  y.paTtarriV...  xupîav  "Avvav  t^v 
naXaioXoY-,  Migne,  t.  CLI,  p.  770  ;  Cantac,  III,  xcviii;  Dosith.,  T6(i.  'Ay., 
Proœm.  ex  descript.  D.  Nicephori  Sceuophil.  in  monte  Athos.  Qua- 
trième concile  :  Tom,  in  Act.  Patriarch.  Cpl.,  1,  p.  243  et  seq.;  Migne, 
t.  CLIl,  p.  1273.  Cinquième,  1347  :  Leo  Allât.,  loc.  cit.,  Migne,  t.  CL, 
p.  877  et  seq.;  Joh.  Cypariss.,  t.  CLlI,  p.  710.  Serment  d'obédience 
envei"s  le  patriarche  Isidore,  1349  :  Acta  Patr.  Cpl.,  I,  294,  doc.  cxxxi. 
Testament  d'Isidore,  ib.,  p.  287  et  seq. 

Triomphe  définitif  des  palamites. 

278.  L'ignorant  et  vindicatif  patriarche  Calixte  I"  (1350- 
1354),  ancien  moine  du  mont  Athos,  se  conduisit  en  véritable 
tyran  contre  les  antipalamites  :  aussi  plusieurs  évêques  se  sépa- 
rèrent-ils de  sa  communion,  et  l'empereur  eut  beaucoup  de 
peine  à  rétablir  la  paix.  Cependant,  comme  les  partisans  d'Acin- 


120  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

dynus,  qui  depuis  longtemps  agissait  on  secret,  et  ceux  du 
savant  Nicéphore  Grégoras,  allaient  en  augmentant,  l'empe- 
reur convoqua  en  1331,  aux  Biaquernes,  un  concile  où  la  doc- 
trine des  palamites  triompha  de  nouveau,  malgré  toutes  les 
résistances  et  les  objections  de  Grégoras  et  de  ses  amis.  On  y 
décida  qu'il  existe  en  Dieu  une  différence  réelle  entre  la  nature 
et  les  attributs,  et  l'on  justifia  la  doctrine  de  Palamas,  qui  fut 
désormais  complètement  identifiée  avec  la  doctrine  orthodoxe 
et  envahit  presque  toute  la  dogmatique  grecque.  Grégoras  fut 
retenu  prisonnier. 

De  nombreuses  démarches  furent  faites  auprès  de  lui,  même 
par  ses  anciens  amis,  comme  Nicolas  Cabasilas.  Il  demeura 
inébranlable,  malgré  les  rigueurs  de  sa  captivité,  et  continua 
de  travailler  à  la  réfutation  des  palamites.  Jean  Paléologue 
lui  rendit  la  liberté  en  1354;  il  prolongea  sa  lutte  contre 
Palamas  et  Jean  Cantacuzène.  Celui-ci,  après  avoir  abdiqué, 
entra  au  couvent  sous  le  nom  de  Joasaph,  et  survécut  à  Pala- 
mas, que  les  Grecs  rangèrent  dans  la  suite  parmi  les  saints 
(1368).  On  fit  encore  diverses  tentatives  pour  écarter  les  erreurs 
des  palamites,  mais  ils  s'affermirent  dans  l'empire  grec;  leurs 
adversaires  furent  persécutés  et  souvent  cuutraiuts  d'abjurer 
comme  «  partisans  de  l'hérésie  de  Barlaam  et  d'Acindynus  » . 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE   N"  278. 

Calixte  I  :  Niceph.  Greg.,  XVIII,  i;  XIX,  xxxi  et  seq.;  Acta  cit., 
p.  293  et  seq.;  MalihiEi  Mpl.  Ephes.  declar.,  ap.  Dosilh.,  loc.  cit., 
Proœm.  ante  tabulam  materiarum.  Sixième  concile,  1351  :  Niceph. 
Greg.,  VIII,  VIII  ;  XIX,  i-iv  ;  XX,  i-iii;  Cantac,  IV,  xxiii;  T6|j,o?  «tuvoS., 
ap.  Combefis,  Auctar.  novissim.,  II,  133  et  seq.;  Migne,  t.  CLI,  p.  717 
et  seq.;  Dosilh.,  Prolog-.,  c.  v,  p.  32-84;  Hard.,  Conc,  XI,  283  et  seq.; 
Stein,  p.  113  et  suiv.  Résistance  de  Niceph.  Greg.,  d'après  son  Hist., 
XXII,  I  et  seq.;  XXIll,  i  et  seq.;  XXIV,  i  et  seq.;  XXVII,  ii  et  seq.; 
XXVIII,  XLiv.  Contre  le  palaniitisme,  ep.  ad  Nicol.  Sid.  Chai'tophylac, 
soi-disant  de  l'archev.  Cyrille  de  Side,  Acta  cit.,  I,  p.  399  el  seq., 
n.  173.  Cf.  ib.,  p.  404  et  seq.,  n.  173  et  seq.  Syn.  Ephes.,  ap.  J.  Cyra- 
rissiot  (§  276)  :  Migne,  t.  CLII,  p.  738;  Demetr.  Cydon.,  op.  cit.  (§  273). 
Manuel  Calecas,  uepî  oùcrîa;  xai  èvepyetai;,  éd.  Combefis,  Auctar.  noviss., 
t.  II  ;  Coiislanlin.  Ilarmeuopul.,  Migne,  t.  CL,  p.  864  et  seq.;  Andreas 
Coloss.,  ib.,  p.  862  et  seq.  Abjurations  :  Acla  cit.,  I,  p.  346,  301  et 
seq.,  330,  368;  II,  p.  267,  293,  doc.  153,  2i3,  246,  275,  310,  314,  502, 
520.  Voyez  le  formulaire  dans  Dosilhéc,  p.  13,  17.  Dépositions  :  Acta 


l'église  en  face  des  SCUISMATIQUES  El  DES  HÉRÉTIQUES.      121 

Pair.  Constantinop.,  I,  p.  423  et  seq.,  doc.  172.  Le  moine  Philothée, 
devenu  archevôque  d'Héraclée,  1334,  au  lieu  du  patriarche  Calixte, 
dut  lui  céder  sa  place  ;  mais  il  reçut  de  nouveau,  pour  la  seconde  fois, 
le  patriarcat  après  la  mort  de  celui-ci.  Il  écrivit  treize  à  quatorze  cha- 
pitres dogmatiques,  une  confession  de  foi,  et  Xôyoi  àvTippYjTtxoî  iß'  contre 
Grégoras  (Migne,  t.  CLI,  p.  773  et  suiv.).  En  1368,  il  condamna  dans  un 
concile  Prochorus  Cydonius,  moine  du  mont  Athos  et  partisan  des  bar- 
laamites,  Lb.,  p.  ü93  et  seq.;  Dosith.,  cap.  vu,  p.  93-114;  il  composa 
l'office  de  la  fête  de  saint  Palamas  (Allât.,  Graec.  orth.,  t.  I,  append., 
dissert.  II,  de  libr.  Eccl.  graec.  Le  patriarche  Hilp  écrivit  le  panégy- 
rique de  Palamas.  La  propagation  du  palamitisme  était  en  outre 
favorisée  par  le  moine  Marc  (adv.  Bari,  et  Acindyn.),  Siméon  de  Thes- 
salonique  (adv.  Hier.),  Joseph  Bryennius  (de  Transfig.  Dom.),  le 
diacre  Damascène  de  Thessalonique  (serm.  de  Transüg.),  Calixte 
Angelicudès  (de  Spirit.  parlicipatione),  Marc  d'Éphèse,  etc.  En  Occi- 
dent, on  ne  trouve  que  de  rares  vestiges  des  dogmes  palamitiques, 
par  exemple,  chez  Gilbert  de  la  Porree  et  chez  Jean  de  Brescain,  dont 
la  proposition  suivante  fut  rejetée  par  le  légat  Odon  et  Tuniversité  de 
Paris  :  «  Creatam  lucem  infinitam  et  immensam  esse  ».  Thèse  :  «  Cla- 
ritatem  aeternam  esse  empyreum  cœlum  » ,  dans  Aug.  Steuchus, 
Cosmop.,  cap.  i,  p.  10.  Jean  de  Varennes,  diocèse  de  Reims,  disait 
vers  1396  :  «  In  transfiguratione  Christi  très  apostoli  ita  clare  viderunt 
diviuam  essentiam,  sicut  nunc  vident  in  patria.  »  Du  Plessis  d'Arg.,  I, 
1,  p.  323;  1,  II,  p.  154. 

Wiclef  et  son   hérésie. 

Jean  Wiclef. 

279.  Les  éléments  de  la  fausse  philosophie  et  de  la  fausse 
théologie,  tels  qu'ils  apparaissent  dans  les  vaudois,  les  apoca- 
lyptiques, Guillaume  Occam,  Marsile  de  Padoue,  etc.,  se  concen- 
trèrent dans  la  secte  fondée  par  l'Anglais  Jean  Wiclef,  transition 
des  anciennes  hérésies  à  une  tendance  hérétique  nouvelle  et 
plus  générale,  le  protestantisme. 

J.  Wiclef  naquit  en  1324.,  au  village  de  Wiclef  (qui  lui  a  donné 
son  nom),  dans  le  comté  d'York;  il  étudia  la  philosophie,  la 
théologie  et  les  deux  droits  à  Oxford,  où  enseignait  le  célèbre 
Thomas  Bradwardin,  non  exempt  de  grandes  erreurs.  Il  avait 
lu  surtout  Aristote  et  saint  Augustin,  et  avait  acquis,  du  moins 
dans  sa  jeunesse,  la  réputation  d'un  homme  irréprochable  dans 


122  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

ses  mœurs,  d'une  grande  piété,  d'une  pénétration  remarquable 
et  de  beaucoup  de  savoir.  Membre  de  l'université  d'Oxford,  il 
entra  pour  la  première  fois  vers  1360  dans  la  lutte  que  cette 
université  soutenait  contre  les  ordres  mendiants.  Nature  pas- 
sionnée, Wiclef,  à  l'exemple  de  Guillaume  de  Saint-Amour,  de 
.lean  Poilly  et  de  Richard  d'Armagh,  traitait  les  moines  men- 
diants de  pharisiens  et  de  docteurs  de  la  loi  {Matth.,  xxin,  4). 
Entrer  dans  un  ordre  de  mendiants,  disait-il,  c'est  renoncer  au 
royaume  de  Dieu. 

Lorsque  l'archevêque  de  Cantorbéry  Islep  eut  fondé  à  Ox- 
ford, en  13f)I,  un  collège  (Canterbury-IIall)  pourvu  d'un  supé- 
rieur et  de  dix  écoliers,  dont  sept  devaient  être  des  clercs 
séculiers  et  trois  des  clercs  réguliers,  il  y  eut  bientôt  des  frois- 
sements entre  Jes  deux  parties.  Les  réguliers  furent  expulsés, 
puis  rétablis  par  ordre  du  nouvel  archevêque,  Simon  Langham, 
•  [ui  destitua  Wiclef  de  sa  charge  de  supérieur.  Wiclef  entama 
un  procès  auprès  de  la  curie  pontificale  d'Avignon,  obtint  sur 
ces  entrefaites  d'autres  bénéfices  et  surtout  la  faveur  de  la  cour. 
Urbain  V  (1305)  ayant  réclamé  d'Edouard  111  le  tribut  annuel 
de  1,000  marcs,  qui  n'était  plus  acquitté  depuis  trente-trois  ans, 
le  parlement  déclara  (1366)  que  Jean  sans  Terre  n'avait  pu 
contracter  cette  obligation  sans  le  consentement  des  États,  que 
le  roi  actuel  d'Angleterre  ne  pouvait  pas  accéder  à  une 
demande  qui  blessait  l'indépendance  de  l'Angleterre  et  était 
contraire  au  serment  d'Edouard.  Cette  décision  fut  expressé- 
ment soutenue  par  Wiclef  contre  un  religieux  mendiant;  il 
prétendit  que  le  pouvoir  civil  avait  le  droit  de  retirer  au  clergé 
les  biens  temporels  dont  celui-ci  abusait. 

Wiclef,  favorisé  par  le  duc  de  Lancastre,  devint  aumônier  du 
roi.  Cependant  il  perdit  en  1370  le  procès  qu'il  avait  entamé 
à  la  curie  d'Avignon,  et  sou  représentant,  Richard,  sommé  d'y 
comparaître,  ne  s'était  pas  présenté.  Le  collège  fut  donné  aux 
réguliers  avec  l'approbation  du  roi.  En  1372,  Wiclef  reçut  le 
grade  de  docteur  en  tbéologie  et  fut  nommé  professeur.  Une 
nouvelle  plainte  fut  élevée  contre  le  Saint-Siège  relativement 
à  la  collation  des  bénéfices  en  Angleterre;  des  négociations 
entamées  à  Bruges  en  1374  entre  l'ambassade  du  roi,  dont 
Wiclef  faisait  partie,  et  les  envoyés  de  Grégoire  XI,  se  termi- 
nèrent par  un  accord,  qui  n'apaisa  pas  le  mécontentement  de 


l'église  ex  face  des  SCHlS3IATlgUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       1:23 

l'Angleterre.  Wiclef  s'efforça  de  l'accroître,  et  entra  de  plus  en 
plus  avant  dans  les  bonnes  grâces  de  la  cour. 

Cet  homme,  de  mœurs  si  austères,  ajouta  à  son  professorat, 
en  1375,  la  riche  paroisse  de  Lutterworth,  et  se  servit  de  ses  deux 
chaires  de  professeur  et  de  curé  pour  déclamer  contre  les  ordres 
mendiants,  le  clergé  et  la  hiérarchie,  mais  surtout  contre  le  pape; 
il  apparaissait  avec  la  double  auréole  de  docteur  évangélique  et 
d'apologiste  fervent  des  intérêts  de  l'État.  11  envoya  bientôt  au 
dehors  ses  prédicateurs  ambulants,  les  «  pauvres  prêtres  », 
chargés  de  répandre  ses  idées  dans  la  masse  du  peuple.  Déjà 
Wiclef,  rendu  plus  audacieux  par  les  égards  de  la  cour  et  la 
faveur  du  peuple,  en  était  venu,  dans  un  sermon,  à  traiter  le 
pape  de  prêtre  orgueilleux  et  mondain  de  Rome,  de  damnable 
oxacleur  et  même  d'Antéchrist. 

OUVRAGES  A  CONSCLTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE   N°  279. 

Thom.  Walsingham,  0.  S.  B.,  à  Saint- Alban,  vers  1440,  Historia 
Anglica  major  (Camden,  Scr.  rer,  Augl.,  Lond.,  1574,  Francof.,  1602 
et  seq.,  ed.  H.  Th.  Riley,  Loud.,  1863,  2  vol.,  in  Rer.  brit.  med.  sev. 
Scr.);  Henric.  a  Knyglhon  (chanoine  de  Leicester  en  ce  temps-là),  de 
Eventibus  Angliae  usque  ad  an.  1395;  Twisden,  Script,  hist.  angl.,  II, 
2644  et  seq.,  Lond.,  1652  et  seq.;  Fasciculi  zizaniorum  Mag.  J.  Wyclef 
cum  tritico,  par  Thomas  Netter  of  Waiden,  provincial  des  carmes  anglais 
et  confesseur  de  Henri  V,  éd.  Phidey,  in  Rer.  bdt.  med.  aev.  Script., 
plein  de  notices  et  d'opuscules  émanés  de  l'hérétique  et  de  ses  adver- 
saires. Writings  of  John  Wicliff,  Lond.,  1836.  The  Life  and  Opinions  of 
John  de  Wycliffe,  par  Robert  Vaughan,  éd.  II,  Lond.,  1831,  8  vol., 
2  avec  de  nombreux  documents  et  un  catalogue  des  écrits  de  Wal- 
singham, t.  II,  p.  380-392.  Des  ouvrages  de  Wiclef  (celui  qui  est  intitulé  : 
«  des  Derniers  Temps  de  l'Église»,  est  contestable),  le  principal  était  le 
«  Trialogue  »,  imprimé  à  Bàle,  1525;  à  Francfort  et  à  Leipzig,  1373;  puis 
le  «  Wicket  »  (Petite  Porte),  Nuremberg,  1546;  Oxford,  1612;  le  traité 
de  Officio  pastorali,  composé  avant  1378,  édité  par  Lechler,  d'après  un 
manuscrit  de  Vienne,  Lips.,  1863.  Élaborations  par  des  protestants  : 
Lewis,  Hist.  of  the  life  and  sufferings  of  J.  Wicliff,  Lond.,  1720,  Oxf., 
1S36,  et  Rob.  Vaughan,  loc.  cit.;  Gronemann,  Diatribe  in  J.  W.  refor- 
mationis  prodromi  vitam,  ingenium  et  scripta,  Trajecti,  1837;  E.  A. 
Lewald,  die  Theol.  Doctrin  Wycliffe's,  dans  Niedners  Ztschr.  f.  hist. 
Theol.,  1846,  1847;  Oscar  Jœger,  J.  Wycliffe  und  seine  Bedeutung  für 
die  Reformation,  Halle,  1854.  Gotth.  Lechler  est  celui  qui  a  le  plus  fait 
liour  l'histoire  de  Wiclef  :  l"  Wie.  und  die LoUarden,  dans  Niedners 


l'24  HISTOIRE    DE    l'ÉGLISE. 

Ztschr.,  18b3  et  suiv.;  2»  W.  als  Vorleeufer  der  Reform.  (leçon  d'inau- 
guration), Leipzig,  18Ö8;  3°  Joli.  v.  Wiclif  und  die  Vorgesch.  der 
Reform.,  Leipz.,  1873,  2  vol.  Voy.  encore  Weber,  Gesch.  der  akath. 
Kirchen  und  Seelen  in  Groszbrit.,  Leipz.,  1845,  t.  Ij  Neander,  K.-G., 
II,  p.  747  et  suiv.;  Bœhringer,  K.-G.  in  Biograph.,  II,  iv,  livrais.  1 
(1856)j  Pauli,  Gesch.  Engl.,  t.  IV,  Gotha,  18.^5.  Auteurs  catholiques  : 
voy.  du  Plessis  d'Arg.,  1,  ii,  p.  1  et  seq.  (énumération  des  sources» 
anciennement  connues);  P.  M.  Grassi,  de  Ortu  ac  Progressu  haer.  J. 
Wicl.,  Vicent.,1707,  in-f°;  Lingard,  Hist.  d'Anglet.,  IV,  p.  167  etsuiv.; 
Staudenmaier,  Philos,  des  Christenth.,  I,  p.  667  et  suiv.;  Schwab,  Ger- 
son,  p.  .^27-346;  Héfelé,  VI,  p.  810  et  suiv.  (1867);  Hœfler,  Anna  v. 
Luxemburg,  Vienne,  1871. 

Informations  sur  la  doctrine  de  Wiclef. 

"ISO.  Devuut  un  tel  langage,  l'épiscopat  d'Angleterre  ne  pou- 
vait rester  muet.  Sur  la  demande  de  l'évêque  de  Londres 
Guillaume  Courtney,  Wiclef  fut  cité  devant  un  tribunal  ecclésias- 
tique, le  19  février  1377.  Il  se  présenta  escorté  des  gens  d'armes 
du  duc  de  Lancastre  et  du  grand  maréchal  Percy.  L'attitude 
insolente  du  duc  envers  l'évêque,  soutenu  cette  fois  par  le 
peuple,  empêcha  de  tenir  séance.  Le  faible  archevêque  do  Can- 
torbéry  se  contenta  d'imposer  silence  à  Wiclef  et  aux  siens. 
Cette  mesure  fut  inutile. 

Les  adversaires  de  Wiclef,  surtout  les  religieux  mendiants 
qu'il  accusait  d'hérésie,  envoyèrent  au  pape  dix-neuf  proposi- 
tions extraites  de  ses  écrits  et  de  ses  sermons.  Le  22  mai  1377, 
Grégoire  XI  publia  plusieurs  bulles  où  il  blâmait  la  négligence 
des  évêques  d'Angleterre,  prescrivait  une  enquête  minutieuse 
sur  Wiclef,  ordonnait  son  emprisonnement,  et,  en  cas  d'impossi- 
bilité, décidait  qu'il  aurait  à  comparaître  devant  le  Saint-Siège 
dans  l'espace  de  trois  mois;  il  relevait  l'analogie  de  ses  erreurs 
avec  celles  de  Marsile  et  les  dangers  qu'elles  faisaient  courir  à 
l'État. 

Les  bulles  arrivèrent  en  Angleterre  tandis  qu'Edouard  III  se 
mourait  (21  juin).  Leduc  de  Lancastre  fut  chargé  de  la  régence 
pendant  la  minorité  de  Richard  II.  Les  évêques  ne  pouvaient 
donc  pas  songer  à  faire  emprisonner  Wiclef,  d'autant  plus  que 
celui-ci  fut  consulté  par  les  chefs  de  l'Etat  et  par  le  parlement 
sur  la  question  de  savoir  si  l'on  pouvait  défendre  d'exporter 
de  l'argent  hors  du  royaume,  même  contre  la  menace  des  cen- 


l'église  ex  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       12n 

sures.  Wiclef  n'hésita  pas  à  répondre  affirmativement;  il  essaya 
aussi  de  se  créer  de  nouveaux  partisans  en  juslifiant.  sous  le 
voile  de  l'anonyme,  les  dix-neuf  propositions. 

Le  primat  et  l'évêque  de  Londres  chargèrent  le  chancelier 
d'Oxford  (18  décembre)  d'entendre  les  personnes  les  plus  qua- 
lifiées sur  les  doctrines  de  Wiclef,  et  de  l'inviter  à  comparaître 
devant  leur  assemblée  dans  l'espace  de  trente  jours.  Wiclef  se 
présenta  k  Lambeth  au  comnencement  de  1378.  Sous  la  pres- 
sion exercée  par  la  mère  du  roi  et  l'affluence  de  plusieurs 
citoyens  imbus  des  idées  de  Wiclef,  les  évéques  se  déclarèrent 
satisfaits  des  explications  mitigées  et  le  plus  souvent  sophis- 
tiques qu'il  donna  de  ses  propositions,  et  ils  le  congédièrent  en 
lui  ordonnant  de  ne  plus  parler  de  cette  affaire.  Tant  de  lâcheté 
de  la  part  des  prélats  révolta  les  théologiens  orthodoxes,  et  ne 
fit  qu'enhardir  l'audacieux  novateur  à  propager  davantage  ses 
pernicieuses  doctrines  par  une  série  de  thèses  nouvelles. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°   280. 

Grégoire  XI,  bulles  :  Rayn.,  an.  1377,  n.  4;  Mansi,  XXVI,  562-567; 
du  Plessis  d'Arg.,  loc.  cit.,  p.  2  et  seq.;  Gronemann,  p.  129  et  seq. 
Avis  de  Wiclef:  Fascicul.  zizan.,  p.  258,  271.  Ses  explications,  ib., 
p.  245  et  seq.;  Walsingham,  p.  357;  Vaughan,  t.  i,  app.,  n.  16;  Gro- 
nem.,  p.  125-128,  136-146;  Schwab,  p.  533-535;  Héfelé,  p.  816  et  suiv. 
Nouvelles  thèses  -.  Walsingham,  p.  363  et  seq. 

Audace  croissante  de  Wiclef. 

281.  Par  surcroît  de  malheur,  cette  même  année  1378  vit 
éclater  le  grand  schisme,  que  Wiclef  considérait  comme  l'inévi- 
table résultat  de  la  corruption  de  l'Église.  Il  redoubla  d'ardeur 
contre  la  papauté,  et  commença  (1380),  sans  counaisance  du 
grec  ni  de  l'hébreu,  sa  traduction  anglaise  de  la  Bible,  calquée 
sur  la  Vulgate,  saint  Jérôme,  Nicolas  de  Lyre,  etc.  Il  rejeta  les 
livres  deutérocanoniques,  et  déclara  que  la  Bible  était  l'unique 
source  de  la  doctrine  chrétienne.  Elle  était,  selon  lui,  intelligible 
à  tout  le  monde,  et  le  clergé  était  grandement  coupable  de  tenir 
fermée  la  .sainte  Écriture.  Il  opposait  à  l'autorité  de  l'Église 
l'Kcriture  et  le  témoignage  intérieur  que  chacun  trouve  dans  sa 
propre  inteUigence.  Il  faisait  de  la  prédication  de  la  parole  divine 
la  principale  fonction  du  ministère  sacerdotal,  supérieure  même 
au  culte  eucharistique. 


126  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

En  1381  déjà,  Wiclef  attaquait  dans  ses  thèses  et  ses  discours 
la  doctrine  de  l'Église  sur  l'Eucharistie,  notamment  la  trans- 
substantiation, qu'il  disait  contraire  à  l'Écriture;  il  n'énonçait  pas 
clairement  sa  doctrine  :  suivant  lui,  le  pain  et  le  vin  n'étaient 
que  les  symboles  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ,  dont 
l'efTet  est  de  mettre  les  pieux  fidèles  en  union  réelle  avec  le 
Rédempteur.  Il  adoptait  les  idées  de  Bérenger,  où  il  croyait 
retrouver  l'ancienne  doctrine  de  l'Église. 

Le  chancelier  de  l'université  d'Oxford,  Guillaume  Berton, 
défendit  d'enseigner  dans  les  écoles  les  propositions  de  Wiclef 
sur  l'Eucharistie,  et  son  décret  fut  signé  par  douze  professeurs 
et  docteurs,  parmi  lesquels  huit  religieux.  Wiclef  déclara  que 
l'interdit  du  chancelier  n'était  pas  valide,  et  en  appela  au  roi. 
Il  publia  aussi,  le  10  mai  1381,  une  apologie  et  une  exposition 
populaire  de  sa  doctrine  sur  l'Eucharistie.  Ses  prédicateurs 
ambulants  soulevèrent  le  peuple,  et  eurent  certainement  une 
grande  part  à  la  révolte  des  paysans  qui  éclata  pendant  l'été. 
Jack  Straw  et  John  Bail,  deux  prêtres  vagabonds,  prêchaient  la 
liberté  et  l'égalité  universelles.  D'effroyables  tumultes  éclatè- 
rent; la  mère  du  roi  fut  maltraitée,  le  primat  assassiné;  des 
pillages  innombrables  furent  commis,  et  l'on  eut  beaucoup  de 
peine  à  étouffer  l'insurrection. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N»   281. 

Jusqu'en  i3d6,  le  Psautier  seul  avait  été  traduit  en  anglais.  Wiclef, 
soutenu  par  Psicoias  d'Hereford,  John  Purvey,  etc.,  n'acceptait  de 
l'Ancien  Testament  que  les  vingt-deux  livres  du  canon  hébreu  :  Vau- 
ghan,  II,  p.  50.  De  cette  traduction,  le  Nouveau  Testament  fut  im- 
primé à  Londres  en  1731,  tSlO,  t84i,  1848;  la  Bible  entière  ne  le  fut 
qu'en  dSöO,  à  Oxford  (4  vol.  in-4°).  D'après  Vaughan,  malgré  les  lois 
sévères  qui  défendaient  de  posséder  des  bibles  et  des  écrits  de  Wiclef, 
il  y  avait  au  seizième  siècle  178  exemplaires  de  ces  bibles.  Douze 
thèses  sur  l'Eucharistie  :  Thom.  Walsingham,  p.  283  et  seq.;  Hist. 
Univ.  Oxon.,  p.  188;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  7-9;  Gieseler,  K.-G., 
Il,  m,  p.  297,  1"^  édit.;  Schwab,  p.  539-541.  Décret  du  chancelier 
d'Oxford  :  Fascicul.  zizan.,  p.  110-113;  Mansi,  XXVI,  718  et  seq.;  du 
Plessis  d'Arg.,  loc.  cit.,  p.  11-14.  Ripostes  de  Wiclef  ;  Fascicul.  zizan., 
p.  115-132;  Vaughan,  II,  lxiv  et  seq.  Insurrection  de  paysans,  1381  : 
Walsingh.,  I,  p.  453  et  seq.;  t.  II,  p.  1  et  seq.;  Pauli,  p.  236  et  suiv.; 
du  Plessis  d'Arg.,  p.  12  et  suiv. 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       127 
Condamnation  et  mort  de  Wiclef. 

282.  L'évèque  de  Londres,  Guillaume  Courtney,  venait  d'être 
nommé  archevêque  de  Cantorbéry.  En  mai  1382,  il  réunit  à 
Londres  un  concile  provincial,  où  furent  condamnées  vingt- 
quatre  propositions  tirées  des  écrits  de  \Mclef  et  des  sermons  de 
ses  partisans,  les  unes  comme  erronées  (quatorze),  les  autres 
comme  hérétiques.  L'archevêque  ordonna  la  publication  solen- 
nelle des  décrets  du  concile,  et  Ht  rendre  desédits  royaux  contre 
les  prédicateurs  non  approuvés  et  contre  les  membres  de  l'uni- 
versité d'Oxford  imbus  des  idées  de  Wiclef.  Ces  derniers  résis- 
tèrent en  invoquant  les  franchises  de  l'université,  et  implorèrent 
le  secours  du  duc  de  Lancastre,  qui  les  repoussa.  Plusieurs  des 
accusés  finirent  par  se  soumettre  à  larchevèque. 

Wiclef  lui-même,  après  la  tenue  d'un  second  concile  (novembre 
1382),  fut  écarté  de  l'enseignement  et  exclu  de  l'université.  Il 
se  retira  dans  sa  paroisse  de  Lutterworth,  prêcha  souvent,  et 
composa  son  principal  ouvrage,  le  Trialogue,  en  quatre  livres, 
où  il  faisait  converser  la  Vérité,  le  Mensonge  et  la  Prudence 
(Aletheia,  Pseudis,  Phroiiesis),  et  développait  longuement  son 
système.  Frappé  d'apoplexie  le  28  décembre  1384,  au  moment 
de  la  consécration  de  la  messe  célébrée  par  son  chapelain  Jean 
Purney,  qui  partageait  ses  sentiments,  il  perdit  la  parole  et 
presque  tout  mouvement  ;  quelques  jours  après,  ce  n'était  plus 
qu'un  cadavre  (31  décembre).  Il  ne  s'était  pas  rétracté,  et,  loin 
de  se  rendre  à  Rome,  où  il  avait  été  mandé,  il  avait  continué  de 
défendre  et  de  propager  ses  doctrines. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  282. 

Concile  du  tremblement  de  terre  (ainsi  nommé  parce  qu'un  trem- 
blement de  terre  avait  eu  lieu  à  Londres  et  dans  les  alentours),  tenu 
en  1382  :  Walsingh.,  t.  II,  p.  ö8  et  seq.;  Fascicul.  zizan.,  p.  277  et 
seq.;  Mansi,  p.  69ö  et  seq.;  du  Plessis  d'Arg.,  p.  14  et  suiv.;  Héfelé, 
p.  821  et  suiv.  Autres  négociations  :  Fascic.  zizan.,  p.  275  et  seq.,  299 
.  et  seq.,  329  et  seq.;  Walsingb.,  Il,  p.  HO  et  seq.,  119  et  seq.;  Mansi, 
p.  704  et  seq.;  Héfelé,  p.  822-8:il. 

Système  de  "Wiclel. 
283.  Le  système  de  Wiclef  est  un  grossier  réalisme  panthéiste, 


128  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

mêlé  de  fatalisme  et  de  prédestiiiatianisme.  Voici  sa  doctrine  : 
i**  Tout  (chaque  créature)  est  Dieu.  Tout  être  est  partout,  puisque 
tout  être  est  Dieu  ;  tout  ce  que  nous  concevons  en  Dieu,  est  Dieu 
lui-même.  2°  Comme  l'idée  est  Dieu,  la  mesure  de  l'idée  est 
nécessairement  la  mesure  de  l'esprit  divin,  du  pouvoir  divin. 
Dieu  ne  peut  donc  pas  créer  d'autres  êtres  que  ceux  qu'il  a  créés 
en  effet  (Abailard).  3°  Tout,  y  compris  l'opération  divine,  est  sou- 
mis à  une  nécessité  absolue.  Le  mal  lui-même  se  produit  néces- 
sairement, et  la  liberté  de  Dieu  consiste  à  vouloir  le  nécessaire. 
L'idée  éternelle  détermine  nécessairement  la  volonté  divine,  et 
la  volonté  divine  détermine  avec  la  môme  nécessité  la  volonté 
créée.  Dans  tout  être  doué  d'activité,  c'est  Dieu  qui  nécessite 
chacun  des  actes  qu'il  produit.  4°  Quelques-uns  sont  prédestinés 
à  la  gloire,  d'autres  à  la  réprobation  {prœsciii,  connus  d'avance] . 
Les  desseins  de  Dieu  doivent  nécessairement  s'accomplir;  le 
futur  arrivera  parce  que  Dieu  le  connaît.  La  prière  d'un  non- 
prédestiné  n'a  pas  de  valeur,  et  le  péché  auquel  Dieu  nécessite 
un  prédestiné  ne  lui  nuit  point.  5"  La  rédemption  opérée  par 
Jésus-Christ  était  nécessaire.  Jésus-Christ  est  l'humanité,  et 
l'humanité  "est  Jésus-Christ  tout  entier.  L'homme  est  composé 
d'un  corps,  d'une  âme  et  d'un  esprit;  Jésus-Christ  possède  le 
corps  humain,  l'àme  humaine  et  le  Verbe  divin.  Chaque  partie, 
de  même  que  toutes  les  parties  réunies,  forme  le  Christ  tout 
entier.  6°  L'Église  étant  la  société  des  prédestinés,  on  ne  peut 
excommunier  ni  canoniser  personne  sans  une  révélation  divine 
particulière.  T  II  y  a  dans  le  monde  un  principe  diabolique,  qui 
a  créé  les  établissements  scientifiques  (y  compris  les  univer- 
sités) et  les  ordres  religieux  ;  soutenir  ces  derniers  est  un 
péché;  les  saints  qui  les  ont  fondés,  ont  eu  tort  et  sont  dam- 
nés, à  moins  qu'ils  ne  se  soient  repentis.  8°  La  Bible,  et 
non  la  Tradition,  est  l'unique  source  de  la  foi.  9°  Les  indul- 
gences sont  contraires  au  décret  éternel  de  Dieu;  y  croire 
est  une  folie.  10°  Il  n'est  pas  permis  à  l'Église  de  posséder 
des  biens  temporels;  l'empereur  Constantin  et  le  pape  Syl- 
vestre, en  lui  en  donnant,  se  sont  fourvoyés;  les  princes  tem- 
porels ont  le  droit  et  le  devoir  de  les  lui  enlever.  11°  Un 
supérieur  spirituel  ou  temporel  n'a  aucun  pouvoir  quand 
il  est  en  état  de  péché  mortel.  12°  L'Église  romaine  est  la 
synagogue  de  Satan;  le  pape  n'est  pas  le  vicaire  immédiat 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hékétiques.    129 

de  Jésus-Christ  et  des  apôtres,  mais  l'Antéchrist,  l'abomina- 
tion de  la  désolation.  La  nomination  du  pape  par  les  cardinaux 
est  d'invention  diabolique.  13"  Dans  l'ancienne  Église,  la  hié- 
rarchie n'avait  que  deux  degrés,  les  prêtres  et  les  diacres; 
tous  les  autres  ordres  ont  été  inventés  dans  la  suite  pour  la 
ruine  de  l'Église.  IA°  Les  prêtres  et  les  diacres  peuvent  prê- 
cher sans  la  permission  du  pape  ou  de  l'évoque;  ils  pèchent 
gravement  quand  ils  négligent  de  le  faire  pour  cause  d'excom- 
munication; nul  prélat  ne  peut  excommunier  quelqu'un,  à 
moins  de  savoir  qu'il  est  excommunié  de  Dieu.  15"  La  nature 
du  pain  et  du  vin  subsiste  dans  l'Eucharistie,  môme  quand 
Jésus- Christ  y  est  moralement  présent.  Rien  dans  l'Évangile 
n'autorise  à  admettre  que  Jésus- Christ  a  institué  la  messe. 
Hj"  Toute  confession  extérieure  est  superflue  et  inutile  pour 
celui  qui  a  la  contrition  intérieure.  17°  L'extrême- onction  ne 
peut  être  prouvée  par  l'Écriture  sainte  {Jacq.,  v,  14).  18"  Il 
est  défendu  de  sanctionner  des  contrats  humains  par  le  ser- 
ment. 19°  La  confirmation,  l'ordination  des  clercs,  la  consécra- 
tion des  églises,  ont  été  réservées  au  pape  et  aux  évêques 
par  cupidité  et  ambition.  20°  Les  décrétales  des  papes  sont 
apocryphes;  elles  conduisent  à  l'apostasie;  les  étudier  est 
folie. 

OUVRAGES  A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°    283. 

Wicl.,  Trial.,  éd.  Francof.  et  Lips.,  17Ö3,  in-*".  Art.  damnali,  ap. 
Denzinger,  Enchir.,  p.  186  et  seq.;  Werner,  Gesch.  der  apol.  u.  pol. 
Lit.,  III,  p.  571  et  suiv.;  Schwab,  p.  542  et  suiv.  Cette  proposition  de 
Wicief  :  «(  Divinitas  et  humanitas  unus  sunt  Christus  »,  les  docteurs  de 
Paris,  Jean  de  Basilia  et  Thoraas  de  Cracovie,  l'avaient  d'abord 
énoncée  sous  cette  forme  :  «  Personani  Filii  cum  huniana  natura  sic 
intime  copulari,  ut  per  hujusmodi  unioneni  quoddara  tertium  consti- 
tualur.  >' 

Les  'wicléfistes.  —  Mesures  contre  eux. 

284.  La  mort  du  fondateur  n'entraina  pas  celle  de  la  secte; 
elle  se  multiplia  au  contraire  par  le  zèle  des  prédicateurs 
ambulants  qui  répandaient  leurs  bibles  et  leurs  brochures  et 
prêchaient  contre  l'Église  et  le  clergé  dans  le  sens  de  Wicief.  ils 
se  disaient  les  docteurs  de  la  vérité  évangéhque,  et  traitaient 
V.  —  msT.  de  l'église.  9 


130  HISTOIRE   DE  L*ÉGLISE. 

leurs  adversaires  de  faux  docteurs  et  d'ennemis  de  la  loi  de 
Dieu.  Eux  et  leurs  partisans  se  nommaient  lollhards.  Beaucoup 
d'entre  eux  étaient  des  partisans  farouches  du  désordre.  A  leur 
tête  se  trouvait  Nicolas  Hereford,  docteur  en  théologie  d'Oxford  ; 
venaient  ensuite  John  d'Aston,  curé  du  diocèse  de  Worcester; 
John  Fiirney,  ami  intime  et  chapelain  de  Wiclef  ;  John  Parker, 
Robert  Swinderly,  Guillaume  Smith,  Richard  Waytstach,  etc. 
Les  principaux  centres  des  wicléfistes  étaient  les  diocèses  de 
Londres  et  de  Lincoln,  puis  Worcester  et  Salisbury.  Une  ordon- 
nance royale  de  1388  prescrivit  de  livrer  les  écrits  wicléfistes  ; 
mais  elle  n'eut  que  peu  de  succès.  La  négligence  avec  laquelle 
un  grand  nombre  de  clercs  s'acquittaient  de  l'office  de  la  prédi- 
cation, tourna  au  profit  des  sectaires.  A  Leicester,  en  1389, 
plusieurs  ecclésiastiques  furent  soumis  à  une  enquête,  et  la 
ville  demeura  en  interdit  jusqu'à  ce  qu'ils  se  fussent  présentés. 
L'évoque  de  Worcester  supprima  leurs  prédications  et  défen- 
dit d'aller  les  entendre.  En  1394,  ils  adressèrent  au  parlement 
une  requête  où  ils  se  prononçaient  contre  les  mœurs  profanes 
de  l'Église,  contre  le  prétendu  sacerdoce  de  Rome,  la  loi  du  céli- 
bat, le  vœu  de  chasteté,  le  «  miracle  des  autels  qui  aboutissait  à 
l'idolâtrie  »,  les  exorcismes,  les  bénédictions,  les  sacramentaux, 
les  pèlerinages,  les  oblations,  la  confession  auriculaire,  la  peine 
de  mort,  etc. 

Dans  le  même  temps,  l'assemblée  du  clergé  (convocation) 
présenta  une  supplique  pour  le  maintien  de  la  foi  catholique 
contre  la  secte  impie  des  lollhards,  et  rendit  leurs  démarches 
infructueuses.  Le  primat  Courtney,  mais  surtout  son  succes- 
seur Thomas,  comte  d'Arundel,  déployèrent  beaucoup  de  zèle. 
Ce  dernier,  dans  un  concile  tenu  en  139G,  condamna  dix-huit 
propositions  wicléfistes,  et  chargea  plusieurs  théologiens,  no- 
tamment le  franciscain  Guillaume  Wordford,  de  justifier  en 
détail  les  points  de  cette  condamnation.  Malheureusement,  le 
roi  Richard  II  ne  donnait  aux  évêques  qu'un  faible  concours; 
il  alla  môme  en  1397  jusqu'à  exiler  le  primat,  sous  prétexte  de 
complicité  dans  une  conjuration.  Cependant  Thomas  fut  rétabli 
en  1399  (§  194). 

Le  nouveau  roi  Henri  IV,  de  concert  avec  le  parlement  (1400), 
prit  contre  la  secte  les  mesures  les  plus  rigoureuses.  Le  19  fé- 
vrier 1401 ,  Guillaume  Sawtre,  chapelain  déposé,  qui  avait  abjuré 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.    131 

ses  erreurs  pour  y  retomber  bientôt  après,  fut  condamné 
comme  hérétique,  dégradé  et  livré  au  feu.  Il  passa  pour  le 
premier  martyr  des  loUhards.  D'autres  se  rétractèrent.  En 
1-408  et  en  1409,  le  primat  ordonna  des  visites  périodiques  dans 
les  collèges  et  chez  les  écoliers  de  l'université  d'Oxford,  où  l'on 
continuait  de  remarquer  des  éléments  wicléfîstes  ;  il  défendit 
de  prêcher  sans  la  permission  de  l'évêque  diocésain,  de  lire  les 
écrits  de  Wiclef,  de  se  servir  de  sa  traduction  de  la  Bible,  et  de 
discuter  sur  les  propositions  décidées  par  l'Église  ;  il  édicta  des 
peines  contre  ceux  qui  contreviendraient  à  cette  défense.  L'uni- 
versité d'Oxford  remit  en  1412  au  primat  un  recueil  de  deux 
cent  soixante-sept  propositions,  les  unes  hérétiques,  les  autres 
fausses  ;  à  Rome,  le  concile  de  Jean  XXIII  condamna  plusieurs 
propositions  de  Wiclef  et  interdit  ses  écrits.  Le  concile  de  Cons- 
tance s'en  occupa  dans  sa  cinquième  session;  le  4  mai  1415 
(huitième  session),  il  en  approuva  la  censure,  ordonna  de  brûler 
tous  les  écrits  de  cet  hérésiarque  et  d'exhumer  son  cadavre  de 
la  terre  sainte.  Cette  dernière  mesure  fut  exécutée  en  1428  par 
Robert  Flemyng,  évèque  de  Lincoln.  La  condamnation  des 
quarante-cinq  articles  de  Wiclef  fut  confirmée  par  Martin  V 
en  1418. 

OUVRAGES  A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N»  284. 

Doctores  evangelicae  doctrinœ,  dans  Knyglhon,  Hist.  Angl.  Scr., 
Lond.,  1601  et  seq.,  III,  2661.  On  attribue  différentes  étymologies  aux 
termes  de  Lolhardi,  Lollardi  :  1°  <(  hypocritae,  gyrovagi,  Deura  laudan- 
tes  »,  dans  l'Hennegau  et  le  Brabant.  Voy.  Hosceraius  (1.348),  de  Gest. 
Episc.  Leod.,  I,  c.  xxxi,  an.  1309;  Rayn.,  an.  1318,  n.  40.  2°  Le 
Gauthier  mentionné  comme  chef  des  fraticelles  dans  Trithème, 
Chron.  Hirs.,  p.  155,  an.  1328,  et  saisi  près  de  Cologne,  s'appelle,  dans 
Genebrard,  Chron.,  an.  131.5,  p.  692,  Gauthier  Lollhard  (du  Plessis 
d'Arg.,  I,  I,  p.  282).  3"  Plusieurs  font  dériver  ce  nom  du  latin  lolliunt 
(ivraie)  =  vertigineux.  En  Angleterre,  Henri  Kromper,  cistercien,  qui 
en  1382  prononça  des  discours  contre  les  wiclélistes,  les  appelait  : 
«  haereticos  LoUardos  »  (Lewis,  Wiclif,  append.,  362);  le  chroniqueur 
Kneygthon  dit  :  «  Sicque  a  vulgo  Wiclef  discipuli  et  Wiclyviani  sive  Lol- 
lardi vocali  sunt.  )>  En  1387,  dans  un  mandement,  Henri,  évèque  de 
Worcester  (Wilkins,  Conc.  M.  Britt.,  III,  202),  emploie  ofliciellement 
le  terme  de  loUard  pour  celui  de  wicléiiste  ;  de  même  que  d'autres 
après  lui  (Lechler,  dans  la  Revue  de  Niedner,  1853,  III,  p.  491-493). 
Une  poésie  des  loUards,  le  Récit  du  laboureur,  consignée  par  écrit  vers 


132  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

1384  (the  Plowmans  Taie),  autrefois  attribuée  à  Chaucer  (né  en  i3Ü0, 
rnort  en  1400),  qui  traduisit  le  Roman  de  la  Rose  (satire  contre  les 
ordres  mendiants)  et  attaqua  l'Kglise  dans  ses  «  Canterbury  Taies  », 
est  imitée  d'une  ancienne  pièce  de  vers,  «  Visions  of  Piers  Plouh- 
man  »,  composée  en  1350,  avant  les  travaux  littéraires  de  Wiclef,  pro- 
bablement par  le  prêtre  Robert  Langland  (Lechler,  p.  505  et  suiv.). 
Sur  les  prédicateurs  de  la  secte,  dont  l'un,  Philippe  Reppington,  se 
rétracta  eu  1382,  fut  connu  comme  son  adversaire  et  comme  évèque 
de  Lincoln  (depuis  1405],  voy.  du  Piessis  d'Arg.,  p.  13  et  suiv.  Pro- 
cessus contra  Lollardos  :  Wilkins,  ill,  204,  208,  210,  228  et  seq.,  248. 
Représentations  au  parlement  en  douze  conclusions,  avec  raisons  à 
l'appui  et  corollaires  :  Wilkins,  111,  221-223;  Lechler,  p.  501  et  suiv. 
Supplique  de  la  convocation  du  clergé  :  Wilkins,  111,  223.  Conc.  de 
1390,  ib.,  p.  229;  Mansi,  XXVI,  811  et  seq.;  du  Piessis  d'Arg.,  p.  225; 
Héfelé,  p.  840  cl  suiv.  Articuli  Job.  Wicl.  Angli  impugnati  a  Will. 
Woodfordo,  dans  Ort.  Gratins,  Colon.,  1335;  Brown,  Fascicul.  rer. 
expet.  et  fug.,  Lond.,  1690,  II,  190  et  seq.  Troubles  de  1397-1400  : 
Pauli,  JV,  p.  603  et  suiv.;  Lingard,  IV,  p.  274  et  suiv.  Conciles  de 
1401  et  1410  :  Mansi,  XXVI,  937-956,  1U31-1048;  Héfelé,  p.  844  et 
suiv.,  847;  Wilkins,  111,  315  et  seq.;  du  Piessis  d'Arg.,  p.  23  et  suiv. 
Les  267  articles  de  \Mclei,  ib.,  p.  34-47,  d'après  Wilkins,  III,  339  et 
seq.  Concile  de  Jean  XXllI  :  Rayn.,  an,  1413,  u.  1  et  seq.;  du  Piessis 
d'Arg.,  p.  30  et  seq.;  Héfelé,  VII,  p.  18;  Conc.  de  Const.,  sess.  V,  VI, 
ibid.,  VII,  p.  105,  116  et  suiv.  Exhumation  du  cadavre  de  Wiclef  : 
Werner,  III,  p.  568;  Lechler,  p.  538.  Art.  45  a  Martino  V  damn.  : 
const.  hiter  cunctas,  ap.  Mansi,  XXVIl,  1210  et  seq.;  du  Piessis  d'Arg., 
p.  49  et  seq.;  Héfelé,  VU,  p.  346  et  suiv. 

Principal  soutien  des  vricléfistes. 

;285.  Un  des  principaux  soutiens  des  wiclélistes  était  John 
Oldcastle  (Uldcasteli),  lord  de  Cobliam,  qui  fut  longtemps  en 
grande  faveur  auprès  de  Henri  iV.  11  assistait  à  leurs  sermons, 
acceptait  leurs  doctrines  et  les  défendait.  Son  cliapelain  fut  en 
1410  cité  devant  l'arciievèque  pour  rendre  compte  de  sa  con- 
duite; en  1413,  un  livre  hérétique  qui  se  trouvait  en  sa  posses- 
sion fut  brûlé,  et  le  clergé  invita  le  primat  à  procéder  contre 
lui.  Henri  V  (depuis  1413),  après  avoir  vainement  essayé  de  le 
ramener  par  la  douceur,  lui  adressa  de  vives  réprimandes.  Lord 
Cobham  s'éloigna  secrètement  de  la  cour,  et  se  retrancha  dans 
une  forteresse  située  dans  le  Kent.  Il  fut  excommunié  et  invité 
de  iiuuveau  a  comparailre,  sinon  le  pouvoir  civil  procéderait 


l'église  en  face  des  SClIISMATlnlES  ET  DES  HÉB^TIOIES.       i^^ 

contre  lui.  Il  s'obstina  dans  son  erreur,  appela  le  pape  tête  de 
l'Antéchrist,  dont  les  prélats  étaient  les  membres  et  les  moines 
la  queue.  Il  fut  condamné,  s'enfuit  de  la  Tour,  et  organisa  une 
conjuration. 

Le  roi  (il  janvier  14.14)  mit  sa  capture  à  un  prix  de  mille 
marcs,  surprit  les  insurgés  et  les  dispersa.  Cette  fois  encore 
lord  Cobham  parvint  à  s'échapper.  Beaucoup  de  ses  complices 
furent  mis  à  mort,  et  les  lois  contre  les  lollhards  aggravées. 
Cobham  fomenta  bientôt  une  nouvelle  conspiration  (1416).  Mais 
il  fut  saisi  en  1417,  condamné  par  les  lords,  pendu  pour  crime  de 
haute  trahison  et  brûlé  comme  hérétique.  Lui  aussi  fut  un  des 
martyrs  des  lollhards  ;  plusieurs  autres  furent  encore  brûlés 
jusqu'en  1431.  Leurs  grandes  prédications  publiques  cessèrent, 
et  ils  ne  tinrent  plus  de  conventicules  que  dans  le  cercle  étroit 
de  quelques  familles. 

L'archevêque  Henri  (1414-1442)  essaya  d'agir  sur  eux  par 
la  persuasion.  Le  moine  Scillius  prêcha  dans  Londres  contre 
l'usage  de  la  Bible  en  langue  vulgaire,  et  le  franciscain  Guil- 
laume Butler  écrivit  des  livres  dans  le  même  sens;  Guillaume 
Lindwood  tint  en  1417  des  conférences  en  anglais  et  en  latin 
contre  ces  sectaires,  qui  allaient  toujours  plus  loin  et  s'éga- 
raient dans  des  théories  communistes;  Thomas  Waldensis 
(§  215)  composa  contre  la  secte  un  excellent  traité  dogmatique 
(vers  1422),  et  plusieurs  autres  théologiens  la  réfutèrent  en 
détail. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE    N">   285. 

Concile  contre  Oldcaslle  :  du  Plessis  d'Arg.,  p.  31-34;  Héfelé,  VH, 
p.  24  et  suiv.  Henri,  archevêque  de  Cantorbéry  :  Harpsfeld,  Hist. 
Wiclif.,  p.  719;  d'Argentré,  p.  24.  Sur  Butler,  etc.,  Usher,  Hist. 
dogni.  controv.  de  Script,  vern.,  1690,  in-4°,  p.  193.  Sur  W,  Lind- 
wood,  Wilkins,  III,  389  ;  Thomas  Waldensis  (mort  le  3  nov.  1431,  à 
Rouen),  Doctrinale  antiquitatum  fidei  Eccl.  cath.,  composé  vers 
1422,  éd.  Paris.,  1521,  1523,  t.  U,  Hl  ;  Salmant.,  1556;  le  tout,  Venet., 
1731,  t.  111,  in-fo.  L'ouvrage  a  six  livres  :  1  De  Deo  et  Christo;  II  de 
Corpore  Chi-isti  ;  III  de  Monachatu;  IV  de  Mendicantibus  et  Bonis 
monasteriorum  ;  V  de  Sacramentis;  VI  de  Sacramenlalibus.  En  1323, 
la  Sorbonne  déclara  qu'il  était  utile  et  méritait  d'être  publié,  «  quan- 
doquidem  ad  enervandas  Lutheranas  calurauias  atque  hœreses  pluri- 
mum  conducit.  »  Lechler,  p.  359  et  suiv.,  571.  D'autres  adversaires  du 


134  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

wicléfisme  furent  les  dominicains  Guillaume  Jordan  (Apologia  fralr. 
Mcndicant.,  adv.  Utred.  Bold,  mon.,  Eccard  et  Quetif,  I,  695),  Ro- 
dolphe Srode  (Positiones  et  18  Argumenta  contra  Wicl.  haeret.),  Jean 
Bromiard,  Roger  Dinnock  ;  les  mineurs  Joh.  Tissington  et  W.  Wood- 
ford;  les  carmes  Jean  Kiningham,  Richard  Lawingham,  Pierre  Sto- 
ckes, Thomas  Lombe,  Jean  Marray;  Etienne  Patrington,  évèque  de 
Saint-David;  les  auguslins  Thom.  Ushburn,  Thom.  Winterton;  les 
bénédictins  Boltonius  Uthretus ,  Nicol.  Radcliff;  les  chanceliers 
d'Oxford  Berton  et  Alington  ;  Robert  Waldeby,  archevêque  d'York. 

Les  hérétiques  de  la  Dohénic.  —  Jean  Hus. 

Situation  de  la  Bohême.  —  Égarement  religieux  parmi  les 

Tchèques. 

286.  La  doctrine  de  Wiclef  trouva  dans  la  Bohême  un  sol 
admirablement  préparé.  Dans  ce  pays,  la  culture  savante  était 
surtout  représentée  par  des  Allemands,  auxquels  les  Tchèques, 
qui  formaient  le  parti  strictement  national,  faisaient  souvent 
opposition.  Plusieurs  affirmaient  qu'il  y  avait  eu  des  Vaudois 
dans  le  pays,  que  leur  chef  lui-même,  Valdo,  avait  trouvé  un 
refuge  en  Bohême.  Un  concile  tenu  à  Prague  en  1301  combattit 
les  progrès  de  l'hérésie,  les  mariages  secrets  et  certains  vices 
grossiers.  Le  peuple  était  encore  très  rude,  ignorant  et  vicieux. 
Des  factions  se  formèrent  après  l'assassinat  de  Venceslas  III 
(1306);  Rodolphe,  fils  d'Albert,  mourut  bientôt,  et  Henri  de 
Carinthie  ne  put  s'afTermir.  Un  parti  s'adressa  à  Henri  Vil 
d'Allemagne,  dont  le  fils  Jean  (25  juillet  1310)  était  fiancé  à 
Elisabeth ,  seconde  sœur  de  Venceslas ,  et  avait  reçu  en  fief 
l'investiture  de  la  Bohême. 

Ce  prince  chevaleresque,  infatigable  et  souvent  occupé  hors 
du  pays,  aveugle  depuis  1340,  fit  beaucoup  pour  la  Bohême.  Il 
obtint  que  Prague  (1344)  fût  séparé  do  l'Allemagne  sous  le  rap- 
port ecclésiastique  et  érigé  en  archevêché.  Son  fils,  l'empereur 
Charles  IV,  fit  encore  davantage  pour  sa  chère  Bohême.  Pour 
hâter  les  progrès  de  la  civilisation,  il  fonda  en  1348  funiver- 
sité  de  Prague  et  en  confia  la  plupart  des  chaires  à  des  docteurs 
de  Paris.  Il  fut  secondé  par  l'excellent  archevêque  Arnest  de 
Pardubic,  qui  tint  en  1349  un  concile  provincial  et  collectionna 
les  ordonnances  ecclésiastiques  alors  en  vigueur.  Plusieurs 


l'église  KN  fach  des  Sr.HISMATIQl'ES  ET  HKS  IIKRfîTIQt  ES.       135 

autres  conciles  furent  tenus  dans  le  même  esprit.  Cette  ten- 
tative de  Charles  IV  de  fonder  une  université  nouvelle  était 
plus  que  hasardée,  car  les  écoles  préparatoires  des  couvents  de 
Bohème  étaient  insuffisantes,  il  y  avait  trop  de  différence  entre 
elles  et  l'université  de  Paris,  et  le  mépris  profond  que  les  doc- 
teurs parisiens  affectaient  pour  les  moines  rendait  impossible 
une  action  commune  profitable  :  c'était  poser  une  cause  de 
froissements  permanents  et  donner  un  grand  scandale  au 
peuple. 

Ajoutez  que  les  idées  de  réforme  répandues  à  Paris  avaient 
passé  à  Prague  et  étaient  développées  dans  des  discours  cap- 
tieux devant  une  jeunesse  inexpérimentée.  11  y  avait  à  l'univer- 
sité de  Prague,  outre  la  nation  bohémienne,  les  nations  saxonne, 
bavaroise  et  polonaise.  Les  trois  dernières  marchaient  ordinai- 
rement de  concert  et  offusquaient  le  sentiment  national  tchèque. 
Tandis  que  les  Allemands  étaient  nominalistes  en  philosophie, 
les  Bohémiens,  par  esprit  d'opposition,  professaient  le  réalisme. 
Les  scolastiques  eurent  bientôt  pour  adversaires  les  mystiques, 
dont  plusieurs  embrassèrent  les  erreurs  des  apocalyptiques  et 
des  frères  apostoliques. 

Les  mystiques  comptaient  dans  leurs  rangs  Jean  MiUc, 
chanoine  de  Kremsier,  qui  était  en  grand  crédit  auprès  de 
Charles  IV  et  l'accompagnait  souvent  dans  ses  voyages.  Depuis 
1363,  il  se  consacra  activement  à  la  prédication.  Il  avait  em- 
prunté aux  franciscains  Spirituels  l'idée  d'un  règne  de  l'Anté- 
christ, dont  il  annonçait  l'avènement  pour  l'année  1366;  il 
fonda  une  association  de  piétistes,  dans  laquelle  il  prêchait  aux 
laïques  la  communion  quotidienne,  combattait  comme  un 
péché  l'étude  des  sciences  générales,  excitait  la  haine  du  peuple 
contre  toute  espèce  d'étude  et  contre  l'usure,  et  se  jetait  dans 
les  idées  les  plus  extravagantes.  Vanté  outre  mesure  pour  la 
sévérité  de  ses  prédications  de  morale,  il  passait  pour  avoir 
converti  beaucoup  de  femmes  perdues  de  mœurs.  Suspect  de 
doctrines  hétérodoxes ,  il  fut  cité  devant  la  curie  romaine,  et 
mourut  à  Avignon  pendant  le  cours  de  l'enquête  (1374). 

Son  disciple,  Mathias  de  .Jannow,  un  peu  moins  fougueux 
que  lui,  fut  plutôt  écrivain  que  prédicateur;  il  mettait  la  Bible 
au-dessus  de  tout,  combattait  comme  des  manifestations  de 
l'Antéchrist  des  abus  réels  ou  imaginaires,  recommandait  de 


I3fi  HISTOIRE   DE   L'ÉGLISr:. 

préférer  les  choses  intérieures  aux  choses  extérieures.  x\falgré 
tous  les  soins  qu'il  prenait  pour  se  contenir,  il  causa  plus  d'un 
scandale.  Il  mourut  en  1395,  après  avoir  fait  une  rétractation 
partielle  (1389).  Plus  réfléchis  en  même  temps  que  plus  adon- 
nés aux  choses  pratiques  étaient  Conrad  de  Walthausen,  augus- 
tin  autrichien,  prêtre  depuis  1345,  curé  de  Leitmeritz  depuis 
1360,  et  plus  tard  de  l'église  de  Teyn  à  Prague  (mort  en  1369); 
Jean,  prédicateur  des  Allemands  à  Saint-Gall,  dans  la  Vieille- 
Ville  de  Prague,  lequel  s'occupa  aussi  de  la  constitution  et  de 
la  hiérarchie  de  l'État,  afin  d'instruire  les  citoyens  de  leurs 
devoirs.  Il  eut  pour  disciple  le  laïque  Thomas  Stitny,  auteur  de 
nombreux  ouvrages  populaires  d'édification  et  adonné  au  mys- 
ticisme. Le  clergé,  richement  doté,  eut  encore  pour  adversaires 
une  foule  de  réformateurs,  notamment  des  visionnaires  qui 
annonçaient  l'Antéchrist  et  ne  faisaient  qu'accroître  la  fermen- 
tation des  esprits  et  le  goût  des  disputes. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES   SUR  LE   N"   286. 

Guericke,  II,  p.  266;  Hœfler,  Prager  Concilien,  1862,  p.  xvui,  xxvni 
et  suiv.,  2-8;  Héfelé,  VI,  p.  342,  394  et  suiv.,  6d0;  Tomek,  Gesch. 
der  Stadt  Prag.,  ibid.,  1856,  I,  p.  403,  521  et  suiv.;  Monum.  Univ. 
Prag.,  t.  I,  part.  I,  p.  223  et  seq.;  Palacky,  Gesch.  Bœhmens,  III,  i, 
p.  40  et  suiv.,  161  et  suiv.  Le  mCme  (trad.  Jordan.),  Vorleeufer  des 
Husitenthums ,  Leipzig,  1846;  Hagemann,  Der  erste  dogmat.  Streit 
an  der  Univ.  Prag.  (Tüb.  Quartalschr.,  1859);  Krummel,  Gesch.  der 
Bœhin.  Reformation  im  XV  Jahrb.,  Gotha,  1866,  surtout  p.  50  et  suiv.; 
Neander,  K.-G.,  II,  p.  767  et  suiv.;  Czerwenka,  Gesch.  der  evangel. 
Kirche  in  Bœhmen,  1869,  p.  40  et  suiv.  —  Bist. -pol.  BI.,  1860,  t.  XLV, 
p.  969  et  suiv.,  1053  et  suiv.;  t.  XLVI,  p.  1  et  suiv.,  97  et  suiv.;  Wer- 
ner, III,  p.  622  et  suiv.;  Schwab,  Gerson,  p.  546  et  suiv.  Sur  Milic, 
Balbini  Miscell.,  IIb.  IV,  part.  II,  p.  44-64;  Palacky,  III,  i,  p.  164  et 
suiv.  Sa  citation  et  sa  mort  :  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  393.  Les  traités 
de  Sacerdotum  et  Monachorum  abominatione  et  desolatione  in  EccI. 
Chr.;  de  Myslerio  iniquitatis  ;  de  Revelatione  Christi  et  Antichrist], 
sont  probablement  de  Math,  de  Jannow  :  Gieseler,  K.-G.,  II,  ni,  p. 
285  ;  Schwab,  p.  547.  Voyez  sur  lui  Palacky,  loc.  cit.,  p.  173  et  suiv. 
Des  Regula?.  V.  et  N.  T.  de  Jannow,  on  trouve  des  fragments  dans  les 
Œuvres  de  Hus,  Ilist.  et  Monum.  J.  Hus  et  Hier.  Prag.,  Norimb., 
1598,  1. 1,  p.  451,  462  et  seq.,  385  et  seq.,  409  et  seq.  Sur  cette  idée 
que  l'Antéchrist  était  déjà  né,  qu'il  avait  séduit  les  universités  et 
inspiré  les  moines,   Mathias   Par.  Bohemus,  1380,  lib.  de  Antichr.; 


l'église  en  face  des  SCHISMATIyLES  ET  1>ES  HÉRÉTIQUES.       137 

Bul.,Hist.  Univ.  Par.,  t.  IV,  p.  584;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  60. 
Conrad  de  Welthausen  :  Palacky,  p.  161-164.  Postules  et  discours  :  Cod. 
S.  Florian.,  XI,  334  et  seq.;  Hdschr.  der  Bibliothek  v.  St.-Florian, 
Linz,  1871,  p.  136.  —  J.  Wenzig,  Studien  über  Ritter  Thomas  v. 
Stitné  (Stittny),  Leipzig,  18o6.  Sur  les  visionnaires  :  Henri  de  Hesse, 
Liber  ad  vera  Telesfori  eremitse  vaticinia,  Pcz,  Thés.,  I,  ii,  p.  o05. 

L'épiscopat  de  Bohême.  —  Controverses  sur  l'Eucharistie. 

■287.  L'excellent  archevêque  Arnest  était  mort  en  1364. 
Son  successeur,  Jean  Ocellus  de  WJassim,  nommé  plus  tard  car- 
dinal par  Urbain  VI,  célébra  en  4365  et  dans  les  années  sui- 
vantes plusieurs  conciles  pour  combattre  l'immoralité  et  le 
luxe  des  clercs.  Charles  IV  avait  encore  comprimé  d'une  main 
ferme  et  prudente  la  discorde  qui  menaçait  d'éclater  parmi  les 
clercs  ;  malheureusement,  son  fils  et  successeur  Venoeslas,  sans 
être  dépourvu  de  talent,  était  colère,  paresseux  et  nullement  à 
la  hauteur  des  difficultés  de  l'époque  ;  il  était  de  plus  entière- 
ment asservi  à  une  noblesse  entreprenante  et  avide  des  biens 
ecclésiastiques. 

Le  grand  schisme  éclata  en  1378.  L'archevêque  Jean  II, 
neveu  du  précédent  archevêque,  et  légat  du  pape  pour  quelques 
diocèses  allemands  limitrophes,  publia  en  1381  plusieurs  statuts 
synodaux,  se  prononça  énergiquement  pour  le  bon  droit  d'Ur- 
bain VI,  et  régla  la  vie  des  clercs  et  des  moines.  En  1384, 
Mathias  de  Chrochowa  en  Poméranie  (communément  appelé  de 
Cracovie)  fut  nommé  orateur  synodal,  et  dépeignit  les  vices  du 
clergé  de  Bohême.  C'était  alors  une  question  fort  agitée  de 
savoir  s'il  valait  mieux  que  les  clercs  et  les  laïques,  convain- 
cus de  leur  indignité,  s'abstinssent  complètement  de  l'Eucha- 
ristie ou  qu'ils  reçussent  la  communion.  Mathias  de  Jannow 
s'était  déclaré  pour  la  communion  quotidienne  des  laïques.  En 
1388,  il  fut  décidé  que  les  laïques  seraient  admis  tous  les  mois 
à  la  communion.  En  1389,  Mathias  de  Jannow  fut  obligé  de 
reconnaître  qu'il  avait  enseigné  une  foule  d'erreurs,  principa- 
lement sur  le  culte  des  images. 

L'abîme  qui  séparait  le  clergé  sécuher  et  le  clergé  régulier 
allait  s'élargissant  chaque  jour.  L'archevêque  Jean  II  finit  par 
s'adonner  à  un  ascétisme  rigoureux  ;  mais  il  ne  put  arrêter  la 
corruption,  qui  faisait  sans  cesse  de  nouveaux  progrès.  A  l'uni- 


138  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

versité,  on  disputait  avec  ardeur  sur  le  Sacrement  de  l'autel, 
notamment  sur  l'adoration  de  l'hostie  consacrée.  Jean  Mentzin- 
ger,  d'Ulm,  soutint  à  ce  sujet  des  thèses  pleines  de  témérité; 
d'autres  enseignèrent  de  nouvelles  erreurs.  Le  prêtre  Jacques 
soutint  que  l'intercession  de  la  sainte  Vierge  et  des  saints  était 
inutile,  que  chacun  pouvait  communier  quand  il  lui  plaisait. 
Ajoutez  que  depuis  le  mariage  d'Anne,  sœur  de  Venceslas,  avec 
Richard  II,  roi  d'Angleterre  (138t),  des  relations  très  actives 
s'étaient  établies  entre  les  universités  d'Oxford  et  de  Prague, 
et  en  1385  déjà,  des  ouvrages  wicléfistes  se  répandaient  en 
Bohême,  d'abord  des  ouvrages  philosophiques  et  pratiques, 
puis  des  ouvrages  sur  la  théologie.  C'était  là,  au  milieu  des 
querelles  qui  divisaient  les  écoles  théologiques ,  un  nouvel 
et  très  dangereux  ferment  jeté  dans  la  querelle  entre  le  clergé 
séculier  et  les  ordres  religieux. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE   N°   287. 

Conciles  :  Hœfler,  Conc.  Prag.,  p.  8  et  suiv.,  i4  et  suiv.,  25  et  suiv.; 
Mansi,  XXVI,  690  et  seq.;  Héfelé,  VI,  p.  621  et  suiv.,  627,  809  et  suiv. 
Il  est  douteux  si  le  livre  de  Squaloribus  Rom.  Curiaf^  appartient  à 
Mathias  de  Cracovie  :  car  il  mentionne  Martin  V  et  le  concile  de  Cons- 
tance, et  Mathias  mourut  en  1410.  Quelques-uns  croient  qu'on  y  a 
fait  plus  tard  des  additions.  Voici  les  thèses  de  Jean  Menlzinger  : 
«  1"»  Corpus  Christi  non  est  Deus;  2°  Ilumanitas  Christi  non  est  homo 
nec  res  per  se  existens  ;  3°  Christus  non  est  compositus  ex  deitate  et 
huraanitate  ;  4°  Nulla  creatura  est  adoranda  adoratione,  qua  Deus 
débet  adorari  ;  5°  Hostia  consecrata  non  est  Deus.  »  Ouvrages  de  Wiclef 
en  Bohême  :  Hist.  et  Monum.  J.  Hus,  p.  108;  Prior  Dolens,  in  Anti- 
Wiclefo,  Pez,  Thés.,  IV,  ir,  p.  138,  184,  383;  Héfelé,  Vn,  p.  29  et 
suiv. 

Jean  Hus.  —  Discussions  sur  la  doctrine  de  Wiclef. 

288.  Le  mouvement  de  la  Bohême  ne  tarda  pas  à  être  dirigé 
par  Jean  Hus  (en  bohémien  :  oie],  né  en  1369,  d'une  famille 
de  paysans  de  H  usinée.  Après  avoir  achevé  ses  études  à 
Prague,  IIus  devint  bachelier  en  philosophie  (1392)  et  en  théo- 
logie (1394),  maître  es  arts  libéraux  (1396),  qu'il  professa 
ensuite  (1398),  puis  doyen  des  arts  libéraux  (1401).  En  1402,  il 
fut  nommé  prédicateur  de  la  chapelle  de  Bethlehem  et  recteur 
de  l'université.  Intègre  de  mœurs,  versé  dans  la  dialectique, 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQiUES  El  DES  HÉRÉTIQUES.       139 

orateur,  mais  médiocre  dans  la  spéculation,  maigre  et  livide, 
fanatique  dans  ses  discours,  où  éclataient  sa  connaissance  de  la 
Bible,  ses  études  philosophiques  et  théologiques,  mais  surtout 
son  zèle  passionné  contre  les  vices  du  clergé,  Hus  était  profon- 
dément dévoué  à  sa  nation  et  épris  des  idées  de  Wiclef,  qui 
répondaient  à  sa  tournure  d'esprit  et  trouvaient  chaque  jour 
plus  d'écho  dans  son  entourage. 

Après  la  mort  du  faible  archevêque  Wolfram  de  Skworec 
(2  mai  1402),  le  siège  de  Prague  demeura  longtemps  vacant. 
Sur  les  instances  du  chapitre  de  la  cathédrale,  la  majorité  des 
membres  de  l'université  décida,  le  28  mai  1403,  qu'il  serait 
interdit  à  qui  que  ce  fût  de  soutenir  et  d'enseigner  les  quarante- 
cinq  propositions  de  Wiclef  qu'on  lui  avait  soumises.  Stanislas 
de  Zuaim  osa  seul  en  prendre  la  défense;  Nicolas  de  Leitoraysl 
et  Hus  se  bornèrent  à  dire  qu'elles  n'étaient  pas  exactement 
extraites  des  écrits  de  Wiclef. 

La  réputation  de  Hus,  à  cette  époque,  était  encore  intacte. 
Peu  de  temps  après,  l'archevêque  Sbinko  (Zbynek)  le  nomma 
prédicateur  synodal,  et  la  reine  Sophie  le  choisit  pour  confes- 
seur. L'archevêque  approuva  un  de  ses  ouvrages  où  il  démon- 
trait que  tout  le  sang  de  Jésus-Christ  avait  été  glorifié.  Même 
après  que  Sbinko,  sur  l'invitation  d'Innocent  VII  (1405),  eut 
commencé  de  combattre  avec  force  les  wicléfistes,  surtout  parce 
qu'ils  enseignaient  que  la  substance  du  pain  et  du  vin  demeure 
dans  l'Eucharistie,  Hus  ne  perdit  pas  sa  confiance  :  car  il  ne 
suivait  pas  en  cela  la  doctrine  de  Wiclef,  comme  faisaient  plu- 
sieurs de  ses  collègues  (Stanislas  de  Znaïm,  Etienne  de  Palecz). 
En  revanche,  les  sermons  de  Hus  contre  les  droits  d'étole  et  le 
cumul  des  bénéfices,  depuis  l'été  de  1407,  produisirent  une  vive 
sensation.  Le  18  mai  1408,  l'université  condamna  de  nouveau 
les  quarante-cinq  propositions  de  Wiclef,  parce  que  maître 
Mathias  de  Knyn  avait  derechef  soutenu  que  la  substance  du 
pain  et  du  vin  demeure  dans  l'Eucharistie,  et  ne  s'était  rétracté 
devant  l'archevêque  qu'après  une  longue  résistance. 

La  nation  bohémienne  n'accepta  le  décret  (20  mai)  que  sous 
une  clause  qui  ménageait  les  dissidents  :  savoir,  qu'on  ne 
devait  pas  enseigner  ces  articles  dans  leur  sens  hérétique  ou 
ofTensant,  ce  qui  supposait  qu'ils  présentaient  un  sens  bon  et 
catholique.  On  défendit  aux  étudiants  de  lire   les  livres  de 


liO  HiSToïKE  DE  l'Église. 

Wiclef.  Ce  ne  fut  que  plus  tard,  lorsqu'on  répandit  une  déclara- 
tion de  l'université  d'Oxford  très  favorable  à  Wiclef,  mais  apo- 
cryphe, comme  il  fut  constaté  dans  la  suite,  que  Hus  se  déclara 
ouvertement  pour  Wiclef.  Il  fut  suivi  par  Jérôme  de  Prague, 
qui  depuis  1399  avait  visité  un  grand  nombre  d'universités  et 
de  villes  et  avait  été  persécuté  à  Oxford  pour  propagation  d'er- 
reurs. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°    288. 

Pierre  de  MIadenowicz  (mort  en  1441,  utraquiste),  Epistolse  qua;- 
dam  piissima;  et  eruditissima?  J.  Hus,  imprimées  avec  une  préface  de 
Luther,  Vitenb.,  1537;  puis  aussi  0pp.  Husii  s.  Hist.  et  Monumenta 
J.  Hus  et  Hier.  Prag.,  Norimb.,  1558,  1715,  t.  II;  J.  Cochlaius,  Hist. 
Hussitarum,  Mog.,  1549;  ^neas  Sylv.,  Hist.  Bohem.,  c.  xxxv  ;  du 
Plessis  d'Arg.,  I,  n,  p.  158  et  seq.;  Documenta  M.  J.  Hus,  éd.  Palacky, 
Pr.,  1869;  Mistra  Jana  Husi ,  sebrane  spisy  ceske  (Mag.  Joh.  Hus 
Gesammelte  Schriften  in  bœhmischer  Sprache,  zuerst  edirt  von  K.  J. 
Erben,  Prag.,  1865  et  suiv.);  Hœfler,  Geschichtschreiber  der  hus. 
Bewegung  in  Rœhmen  (von  der  k.  k.  Akad.  d.  Wiss.  in  Wien  Scr.  rer. 
Austr.  herausgegeben),  Vienne,  1856  et  suiv.,  .3  vol.;  Palacky,  Gesch. 
V.  Bcehmen,  t.  in,  abth.  ii,  m  ;  Lehmann,  Stud.  u.  Kritiken,  1837,  I, 
p.  132  et  suiv.;  Hist.-pol.  Bl.,  t.  XXXI,  p.  350  et  suiv.;  t.  XXXIX,  p.  699 
et  suiv.;  t.  XLI,  p.  529  et  suiv.;  Helfert,  Hus  u.  Hier.  Prag.,  1853; 
Schwab,  Gerson,  p.  549  et  suiv.;  Hœfler,  Mag.  Joh.  Hus,  Prag.,  1864; 
E.  Bonnechose,  Reformuteurs  avant  la  réformation  du  XVI^  siècle, 
Jean  Hus,  3^  éd.,  Par.,  1860;  Tosti,  Gesch.  des  Conc.  von  Constanz, 
en  allem.,  Schalfhouse,  1860,  p.  110  et  suiv.;  Henke,  J.  Hus  und  die 
Synode  von  Constanz,  Berlin,  1869;  Héfelé,  Conc.-Gesch.,  VH  (1869), 
p.  28  et  suiv.;  Berger,  J.  Hus  und  Kœnig  Sigismund,  Augsb.,  1871  ; 
Krummel  (§  286).  Néander ,  Krummel,  etc.,  ont  cru  que  Hus  s'était 
borné  à  développer  les  tendances  réformatrices  qui  existaient  déjà  en 
Bohème,  que  ses  rapports  avec  Wiclef  furent  purement  extérieurs  et 
n'eurent  pas  d'influence  décisive  sur  la  direction  de  son  esprit.  Le 
contraire  dans  Schwab,  p.  551  ;  Werner,  III,  p.  624;  Ila^tler,  Mag.  J. 
Hus,  p.  147,  und  Geschichtschreiber  der  hus.  Bewegung,  III,  p.  90.  — 
Université  de  Prague,  1403,  Documenta  M.  J.  Hus,  éd.  Palacky,  p.  327 
et  seq.;  Chron.  Univ.  Prag.,  dans  Hœfler,  Geschichtschrciber,  I,  p.  17, 
196,  et  Conc.  Prag.,  p.  43  et  seq.;  du  Plessis  d'Arg.,  loc.  cit.,  p.  25  et 
seq.;  Schwab,  p.  551  ;  Hus,  de  Omni  Sanguine  Christi  gloriflcato, 
0pp.  I,  191-202.  Stanislas  de  Znaim,  Hus  0pp.,  I,  334,  al.  330,  b. 
Math.  Knyn,  Doc,  éd.  Palacky,  p.  338  et  seq.  Négociations  de  1408  : 
du  Plessis  d'Arg.,  p.  28;  Hœiler,  Geschichtschr.,  H,  p.   138,  193;  III, 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQLES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       141 

35;  Conc.  Prag.,  p.  53;  J.  Hus,  p.  177  et  suiv.,  189  et  suiv.;  Palacky, 
Gesch.  V.  Bœhmen,  III,  i,  p.  221  et  suiv.  Sur  Jérôme  :  Doc,  éd.  Pala- 
cky, p.  336.  A  Pans,  le  chancelier  l'invita  en  1406  à  se  rétracter,  parce 
qu'il  avait  dit  dans  une  dispute  :  «  Deus  nihil  poterat  annihilare  »;  sur 
quoi  il  prit  la  fuite  :  du  Plessis  d'Arg.,  1,  u,  p.  193. 

Hus  est  suspendu  de  son  ofiice  de  prédicateur.  —  Nouvelle 
organisation  de  l'université  de  Prague. 

289.  En  juin  14U8,  l'archevêque  ordonna  de  remettre  tous 
les  livres  de  Wiclef  à  la  chancellerie  de  l'archevêché,  et  cita 
quelques-uns  des  partisans  les  plus  déclarés  de  Ihérésiarque 
anglais.  Un  grand  nombre  de  docteurs  et  d'étudiants,  Hus 
lui-même,  portèrent  les  livres  de  Wiclef,  ou  du  moins  quelques- 
uns,  à  la  chancellerie;  d'autres  en  appelèrent  au  pape  Gré- 
goire XII,  et  protestèrent  contre  l'ordre  mal  compris  de  l'arche- 
vêque d'enseigner  eu  chaire  qu "après  la  consécration  il  n'y  a 
dans  l'hostie  que  le  corps,  dans  le  calice  que  le  sang  de  Jésus- 
Christ.  Ils  voyaient  là  une  négation  de  la  concomitance.  Bientôt 
après,  sur  les  plaintes  de  quelques  ecclésiastiques,  Hus  fut 
invité  à  rendre  compte  de  ses  sermons  provocateurs.  U  se 
défendit  d'un  ton  arrogant  et  avec  des  arguments  sophistiques. 
La  prédication  lui  fut  interdite. 

Alors  ses  partisans  firent  valoir  et  mirent  en  pratique  cette 
assertion  de  Wiclef,  qu'un  prêtre  ou  un  diacre  peut  annoncer  la 
parole  de  Dieu  sans  la  permission  du  pape  ou  de  l'évêque, 
Quelques-uns  le  permettaient  même  aux  laïques.  Les  Tchèques 
se  rapprochaient  de  plus  en  plus  de  la  doctrine  de  Wiclef,  com- 
battue par  les  Allemands,  et  songeaient  sérieusement  à  détruire 
la  prépondérance  des  autres  nations. 

Ce  fut  pour  eux  une  bonne  fortune  que  le  roi  Venceslas,  pour 
des  considérations  politiques,  se  détacha  de  l'obédience  de  Gré- 
goire Xil  (octobre  1408)  et  promit  d'envoyer  des  délégués  au 
concile  de  Pise  ;  en  quoi  il  fut  contredit  par  l'archevêque  et  les 
Allemands,  mais  soutenu  par  les  Tchèques.  Venceslas,  après 
avoir  d'abord  repoussé  la  proposition  qui  lui  en  avait  été  faite 
par  Hus  et  ses  amis,  pubha  le  18  janvier  1409  un  édit  par  lequel 
U  accordait  à  la  nation  bohémienne  trois  voix  au  heu  d'une 
seule,  tandis  qu'il  n'en  accordait  qu'une  seule  à  la  Bavière,  à  la 
Saxe  et  à  la  Pologne  réunies.  C'était  le  bouleversement  complet 


142  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

de  l'ancien  ordre  de  choses.  Les  nations,  ainsi  restreintes  dans 
leurs  droits,  réclamèrent  en  vain  ;  des  milliers  d'étudiants 
quittèrent  Prague,  accompagnés  de  leurs  maîtres,  fondèrent 
l'université  de  Leipzig  et  en  renforcèrent  d'autres  (Cracovie, 
Ingolstadt,  Erfurt).  L'université  de  Prague,  devenue  purement 
bohémienne,  se  trouva  singulièrement  réduite.  Ilus  et  ses 
amis  défendirent  l'édit  du  roi  par  des  sophismes.  Un  antre  édit 
survint  bientôt  qui  interdisait  à  tous  les  sujets  de  reconnaître 
le  pape  Grégoire  XI L 

Hus,  nommé  recteur  pour  la  seconde  fois,  devint  plus  auda- 
cieux que  jamais  et  brava  l'archevêque,  brouillé  avec  le  roi  à 
cause  de  son  attachement  à  Grégoire  XII.  Hus  et  son  parti 
reconnurent  Alexandre  V,  qui  avait  été  nommé  à  Pise,  et 
obtinrent  de  lui  la  nomination  du  docteur  Henri  Crumhart 
comme  juge  d'instruction  contre  l'archevêque,  à  qui  l'on 
interdit  toute  procédure  contre  les  appelants.  Sbinko  (2  sep- 
tembre 14.09)  passa  dans  le  camp  d'Alexandre,  et  l'appel  des 
hussites  n'eut  plus  de  suite;  l'archevêque  fut  établi  juge  de 
ses  accusateurs,  chargé  (20  décembre)  de  prendre  des  mesures 
contre  la  propagation  des  erreurs  wicléfistes  et  de  défendre  la 
prédication  dans  les  petites  chapelles  et  les  cimetières. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N"    289. 

Décret  de  l'archev.  en  juin  1408  et  opposition  qu'il  rencontre  : 
Hœller,  Conc.  Prag.,  p.  60,  5Ü  et  seq.;  Geschichtschr.,  I,  p.  290;  II, 
p.  143  et  suiv.;  111,  p.  29  et  suiv.;  Palacky,  loc.  cit.,  p.  223;  Docuni., 
p.  188  et  seq.,  332  et  seq.,  402,  453  et  seq.  —  Hœfler,  M.  .1.  Hus, 
p.  197  et  suiv.,  216  et  suiv.;  Palacky,  Gesch.  Bœhmens,  III,  vi,  p.  227, 
230  et  suiv.;  Doc,  p.  347  ;  Héfelé,  VI,  p.  796  et  suiv.;  VII,  p.  39  et 
suiv.  Décrets  d'Alexandre  V  :  Doc,  éd.  Palacky,  p.  189,  389,  402  et 
seq.,  372  et  seq.;  Hœfler,  Conc.  Prag.,  p.  62  ;  Gescliichtschr.,  111,  p.  33 
et  suiv.;  Rayn.,  an.  1409,  n.  89  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  160. 

Appel  de  Hus  au  pape  de  Pise.  —  Tumulte  à  Prague.  — 
Condamnation  de  Hus  et  sa  résistance. 

290.  Les  bulles  d'Alexandre  V  arrivèrent  à  Prague  en 
mars  1410,  et  l'archevêque  se  disposait  à  les  faire  exécuter. 
Hus  et  l'université  s'y  opposèrent,  notamment  à  l'ordre  (du 
10  juin)  de  brûler  les  écrits  de  Wiclef  ;  on  décida  le  roi  à  l'in- 
terdire comme  un  déshonneur  pour  la  bohème.  Hus,  malgré 


L*ÉGLISE  EN  FACE  DES  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.      143 

la  défense  qui  lui  en  fut  faite,  prêcha  avec  violence  dans  la 
chapelle  de  Bethlehem  et  déposa  un  appel  à  Jean  XXI H  (25  juin), 
en  le  priant  de  charger  le  cardinal  Colonna  de  l'enquête  et  de 
l'information  contre  l'archevêque.  Cependant  l'archevêque  ne 
renonça  pas  à  son  dessein  :  il  fit  brûler  (16  juillet)  les  écrits  de 
Wiclef  qu'il  avait  confisqués  (environ  deux  cents  volumes),  et 
lança  l'excommunication  contre  Hus  et  ses  amis.  Une  rumeur 
presque  générale  s'ensuivit  dans  Prague. 

Les  partisans  de  Hus  maltraitèrent  les  ecclésiastiques,  hurlè- 
rent en  public  des  chansons  dérisoires  et  provocantes  contre 
l'archevêque,  et  tinrent  dans  l'université  même  des  conférences 
sur  Wiclef.  Jérôme  de  Prague  emprisonna  deux  moines  et  en 
précipita  un  troisième  dans  la  Moldau.  Non  seulement  le  roi 
laissa  impunis  une  foule  d'actes  de  violence  ;  il  força  encore  les 
conseillers  de  l'archevêque  de  fournir  un  dédommagement 
pour  les  livres  brûlés,  dont  plusieurs  avaient  des  reliures  de 
prix.  Hus,  qui  avait  transcrit  de  sa  main  le  Trialogue  de  Wiclef 
et  l'avait  traduit  en  bohémien,  se  montrait  violent  et  fana- 
tique. 

La  commission  pontificale  établie  à  Bologne  décida,  sur  l'avis 
de  l'université  de  cette  ville,  que  les  écrits  de  Wiclef  ne  seraient 
pas  livrés  au  feu  ;  mais  elle  n'en  approuva  pas  le  contenu. 
Après  de  nouveaux  renseignements  arrivés  à  Prague,  le  cardi- 
nal Colonna  fut  chargé  de  terminer  celte  affaire.  Il  invita  Hus 
à  comparaître  à  Bologne;  et,  comme  l'hérésiarque  ne  s'y  ren- 
dit point,  il  lança  contre  lui  l'excommunication,  malgré  les 
démarches  du  roi,  de  la  noblesse  et  de  l'université,  pour  faire 
retirer  la  citation.  Jean  XXIIl,  qui  n'avait  encore  rien  décidé, 
remit  l'affaire  à  une  nouvelle  commission  de  neuf  cardinaux, 
dont  les  travaux  traînèrent  en  longueur.  Le  cardinal  Bran- 
caccio,  chargé  ensuite  de  conclure  ce  débat,  confirma  le  juge- 
ment de  Colonna,  en  le  renforçant  par  cette  déclaration  que 
Hus  était  excommunié  comme  hérétique  et  l'interdit  jeté  sur  le 
lieu  de  son  séjour.  L'archevêque  renouvela  (15  mars  1411) 
l'excommunication  fulminée  contre  lui  et  ses  amis,  se  prononça 
également  contre  le  gouverneur  de  Prague,  et  frappa  la  ville 
d'interdit.  Hus  continua  de  prêcher,  et  en  appela  à  un  concile 
général. 


144  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Ouvrages  a  consulter  sur  le  n°  290. 

Doc,  éd.  Palacky,  p.  Iß,  36,  189  et  seq.,  387  et  seq,  397  et  seq.,  42Ö 
et  seq.;  Hœfller,  Geschichtschr.,  I,  p.  21,  188  et  suiv.,  291  et  suiv.;  II, 
p.  187;  J.  Hus,  p.  299  et  suiv.;  Palacky,  Gesch.  v.  Bœhmen,  III,  i,  p. 
252  et  suiv.,  263  et  suiv.;  Héfelé,  VII,  p.  41-45. 

Justification  de  Hus. 

291.  La  position  de  l'archevêque  s'était  tellement  aggravée, 
qu'Use  montra  prêt,  en  juillet  14.11,  à  entrer  dans  un  accommo- 
dement ménagé  par  le  roi  Venceslas  :  il  devait  faire  amende 
honorable  devant  le  roi,  et  mander  au  pape  qu'il  n'y  avait  en 
Bohême  aucune  hérésie,  qu'il  fallait  retirer  l'excommunication 
et  l'interdit,  que  Hus  lui-môme  se  justifierait  devant  l'univer- 
sité. De  son  côté,  Hus  déclara  (1"  septembre  1411)  qu'on  lui 
avait  à  tort  imputé  de  fausses  doctrines,  qu'il  était  pleinement 
orthodoxe,  qu'il  n'était  pas  cause  de  l'expulsion  des  Allemands 
de  Prague,  qu'il  était  encore  prêt  à  répondre  à  toutes  les  accu- 
sations, et,  s'il  était  convaincu,  à  endurer  le  supplice  du  feu, 
pourvu  que  ses  accusateurs,  s'ils  venaient  à  succomber,  subis- 
sent la  même  peine.  Il  écrivit  aux  cardinaux  du  pape  de  Pise 
que  l'archevêque  le  persécutait  uniquement  parce  qu'il  avait 
travaillé  en  faveur  de  l'abdication  de  Grégoire  XII  et  de  la 
reconnaissance  du  concile  de  Pise.  Innocemment  persécuté,  il 
implorait  donc  leur  protection  et  demandait  qu'on  l'exemptât 
de  comparaître  en  personne. 

Dans  le  temps  même  où  il  récompensait  si  mal  l'archevêque 
de  ses  lâches  concessions,  Hus  déclamait  dans  ses  traités  contre 
l'ordre  de  brûler  les  livres  hérétiques,  contre  la  défense  qui  lui 
avait  été  faite  de  prêcher,  défense  suscitée  par  la  jalousie  de 
l'Antéchrist,  contre  les  censures  lancées  sur  Wiclef  ;  il  contes- 
tait l'autorité  de  la  Tradition,  le  pouvoir  des  souverains  en  état 
de  péché  mortel,  etc. 

L'archevêque  Sbinko  (revenu  sans  doute  à  des  idées  plus 
saines)  n'envoya  pas  au  pape  la  lettre  qu'il  avait  promise;  il  se 
plaignit  au  roi  que  la  convention  ne  fût  pas  observée,  et  alla 
solliciter  à  Presbourg  le  secours  du  roi  Sigismond.  Il  y  mourut 
le  28  septembre  141 1 .  Son  successeur  Albic,  médecin  de  Vences- 
las, entré  veuf  dans  l'état  ecclésiastique,  jouissait,  par  la  pureté 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.     161 

et  la  guerre  continua  avec  un  redoublement  de  frénésie.  Les 
hussites  étaient  souvent  divisés  entre  eux.  Les  modérés  ou 
calixtins,  qui  ne  réclamaient  que  l'usage  du  calice  et  conser- 
vaient les  rites  ordinaires  de  l'Église,  mais  en  omettant  la 
pompe  extérieure,  qui  leur  semblait  superflue,  avaient  contre 
eux  les  fanatiques  taborites,  dirigés  par  Zisca.  Ces  derniers, 
après  la  mort  de  Zisca  (1424),  formèrent  différents  partis  :  les 
uns  choisirent  pour  chef  le  moine  apostat  Procope  le  Grand  (ou 
Holy  le  Tondu),  et  gardèrent  le  nom  de  taborites;  les  autres  se 
nommèrent  orphanites  ou  orphelins ,  parce  qu'ils  trouvaient 
que  Zisca  ne  pouvait  être  remplacé  et  que  nul  n'était  digne 
de  lui  succéder;  ils  avaient  cependant  un  chef  dans  Procope  le 
Petit  ou  Procupec.  Venaient  ensuite  les  horébites ,  nommés 
ainsi  d'une  montagne  qu'ils  appelaient  Horeb;  ils  furent 
d'abord  dirigés  par  Hynco  Crussina,  et  ensuite  par  le  Morave 
Bedrzich, 

Ces  partis  étaient  principalement  divisés  entre  eux  sous  le 
rapport  politique;  en  matière  religieuse,  ils  se  rattachaient 
aussi  aux  taborites.  Ils  rejetaient  tous  les  usages  ecclésias- 
tiques, parce  que  Jésus-Christ  et  les  apôtres  n'avaient  donné 
aucune  prescription  à  ce  sujet,  qu'ils  étaient  inutiles  et  cor- 
rupteurs; ils  buvaient  le  vin  consacré  dans  n'importe  quelle 
coupe,  se  servaient,  au  lieu  d'hosties  rondes,  d'hosties  brisées 
et  découpées  de  diverses  manières.  Le  parti  politique  des  pra- 
guistes,  sous  le  prince  Sigismond  Corybut  de  Lithuanie,  adhé- 
rait aux  calixtins,  et  se  tenait  passablement  éloigné  des  tabo- 
rites républicains.  Les  taborites  se  combattaient  vivement 
entre  eux,  dès  qu'ils  n'étaient  pas  engagés  dans  quelque  expé- 
dition miUtaire. 

OUVRAGES  A    C0.N3ULTEB    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LES    N°"   300-301  . 

iEneas  Sylv.,  Hisl.  Bohem.,  c.  xlviii;  Trithem.,  Chrou.  Hirs.,  II, 
358;  Parai,  ad  Chron.  ürsperg.,  p.  295;  Cochlœus,  Hist.  Hus.,  lib.  V, 
p.  183;  Theobald,  Husitenkrieg,  3<^  édit.,  1750,  3  vol.;  Bezold,  K. 
Sigismund  und  die  Reichskriege  gegen  die  Husiten,  1423-1428, 
Munich,  1873.  Les  quatre  articles  de  Prague  furent  envoyés  à  l'univer- 
âilé  de  Paris  par  l'évèque  de  Tournay  :  du  Plessis  d'Arg.,  loc.  cit., 
p.  172-474. 


V.  —  HIST.  DE  l'Église.  11 


162  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Les  Picards  et  autres  sectaires. 

302.  Comme  une  exagération  en  amène  souvent  une  autre, 
les  utraquistes  eurent  pour  contre-partie  les  Picards,  suivant 
lesquels  il  ne  fallait  rendre  aucun  culte  à  l'Eucharistie,  parce 
que  Jésus-Christ  n'y  était  pas  présent,  qu'elle  ne  contenait  que 
du  pain  et  du  vin.  Cette  opinion  fut  acceptée  par  pins  de 
quatre  cents  taborites.  Ils  brisèrent  les  calices  et  les  osten- 
soirs, et  traitèrent  d'idolâtres  ceux  qui  s'agenouillent  devant 
l'Eucharistie.  Chassés  du  mont  Thabor,  ils  continuèrent  ailleurs 
leurs  extravagances.  Ils  en  vinrent  au  point  que  beaucoup  se 
dépouillèrent  de  leurs  habits,  se  présentèrent  cyniquement  en 
public  et  commirent  les  plus  graves  désordres,  surtout  des  in- 
cestes. On  los  appelait  adamites.  Dans  le  principe,  ils  couraient 
comme  des  sauvages  à  travers  les  bois,  et  ils  finirent  par  se 
fixer  au  village  de  Kerkot.  Zisca  alla  les  surprendre,  en  fit 
brûler  cinquante  qui  avaient  refusé  d'abjurer  leurs  erreurs, 
avec  tous  leurs  prêtres.  Une  secte  analogue  aux  adamites  était 
celle  des  fossariens  ou  mineurs,  découverts  beaucoup  plus  tard 
(ioOi)  à  Gurricke,  village  de  Bohême,  par  Lorenz  Glatz,  de 
Rotenhausen  :  ils  se  réunissaient  la  nuit  dans  des  cavernes  et 
des  grottes,  commettaient  toute  sorte  de  débauches,  mépri- 
saient les  églises  et  les  sacrements;  ils  firent  des  prosélytes 
même  dans  les  hautes  classes  de  la  société.  Ils  aimèrent  mieux 
émigrer  que  d'abjurer  leur  hérésie  ;  leurs  partisans  les  consi- 
déraient comme  des  martyrs.  Le  peuple  était  persuadé  qu'ils 
agissaient  sous  l'inspiration  de  Satan. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  302. 

Laurentius,  de  Gest.  et  Var.  Accid.  regni  Bohem.,  dans  Hœfler, 
Geschichtschr.,  1  (18Ö6),  p.  414,  4Si  ;  Mn.  Sylv.,  Hist.  Bohem.,  c.  xli  ; 
Joli.  Nider,  0.  Pr.,  Formicar.,  lib.  111,  c.  i  et  seq.;  Joh.  Tritheni., 
Chron.  Hirs.,  t.  Il,  p.  319;  Chron.  Sponhem.,  p.  413;  du  Plessis 
d'Arg.,  I,  II,  p.  216-219  (de  Adamitis),  p.  342  et  suiv.  (de  Fossariis). 

Guerres  hussites.  —  Négociations  avec  le  concile  de  Bâle. 

303.  Les  hussites,  devenus  la  terreur  de  leurs  voisins,  furent 
plusieurs  fois  vainqueurs  des  troupes  levées  contre  eux  (1420, 
li21,  1427,  1431).  Ils  mirent  à  contribution  la  Bavière,  la 
Franconio  et  la  Saxe,  et  y  commirent  d'effroyables  ravages; 


l'église  en  face  des  SCfflSMATIQüES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.      163 

l'Église  catholique,  en  Bohême  et  en  Allemagne,  parut  plus 
d'une  fois  exposée  à  une  ruine  irrémédiable.  Le  cardinal  Cesa- 
rini  alla  lui-même  en  Bohême  au  mois  de  juillet  1431.  Dans 
un  mémoire  daté  du  21  juillet,  les  hussites  maintinrent  leurs 
articles  précédemment  rejetés  par  Sigismond  ;  mais  ils  expri- 
mèrent le  désir  d'être  entendus  par  le  concile  de  Bâle,  qui  les 
invita  en  effet  à  se  présenter  (octobre  t431).  Deux  religieux 
délégués  par  les  Bâlois  trouvèrent  à  Prague  le  chef  des  prédica- 
teurs calixtins,  Jean  Rokycana,  favorablement  disposé  pour 
le  concile  et  prêt  à  se  réconcilier  avec  l'Église,  si  l'usage  du 
calice  était  accordé  aux  laïques.  Les  taborites,  au  contraire, 
adressèrent  aux  Allemands  dans  le  sens  opposé  un  manifeste 
violent,  auquel  le  concile  ne  fit  qu'une  courte  réponse.  Les 
négociations  avec  les  calixtins,  qui  demandaient  des  saufs- 
conduits  et  voulaient  se  justifier  librement,  se  prolongèrent 
pendant  l'année  1432.  Dans  la  quatrième  session  (20  juin),  le 
concile  promit  aux  Bohémiens  une  entière  sécurité  ;  ils  seraient 
libres  de  défendre  leurs  quatre  articles,  de  discuter  avec  les 
membres  du  concile,  de  célébrer  leur  culte  dans  leurs  demeures, 
d'exercer  à  Bâle  la  juridiction  sur  leurs  compatriotes,  et  ils  ren- 
treraient chez  eux  avec  une  pleine  liberté. 

Le  17  juillet,  des  prières  furent  prescrites  pour  le  retour  des 
hussites.  Il  restait  encore  plusieurs  difficultés  relativement  à 
l'armistice  et  aux  saufs -conduits.  Cependant  deux  délégués 
bohémiens  se  présentèrent  à  Bâle  dès  le  10  octobre;  le  4  jan- 
vier 1433,  arrivèrent  sept  laïques  et  huit  ecclésiastiques  avec 
une  suite  nombreuse,  en  tout  trois  cents  personnes.  Dans  ce 
nombre  se  trouvaient  Jean  Rokycana,  Procope  Holy,  le  chef 
des  taborites,  et  Ulric  de  Znaïm,  prêtre  des  orphelins.  Tous 
les  partis  hussites  avaient  leurs  représentants.  Ils  furent  traités 
avec  tous  les  égards  et  les  ménagements  possibles. 

Dans  la  congrégation  du  10  janvier,  le  cardinal  Julien  Cesa- 
rini  adressa  aux  Bohémiens  une  allocution  affectueuse,  à  la- 
quelle Rokycana  répondit  en  termes  obligeants.  Les  hussites 
essayèrent  ensuite,  dans  de  longues  dissertations,  de  défendre 
leurs  quatre  articles.  Rokycana  parla  avec  modération  de  la 
communion  sous  les  deux  espèces,  et  lorphanite  Llric,  sur  la 
liberté  de  la  prédication  ;  Nicolas  Biscupek,  évêque  des  tabo- 
rites, traita,  en  se  permettant  de  violentes  sorties,  de  l'obliga- 


464  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

tion  de  punir  légalement  les  péchés  mortels,  et  l'Anglais  Pierre 
Payne,  de  la  défense  qu'il  fallait  faire  au  clergé  de  posséder 
aucun  bien  temporel.  Au  premier  Jean  de  Raguse  répondit 
par  un  long  discours,  qui  fut  continué  pendant  plusieurs  jours 
et  souvent  interrompu;  au  second,  Henri  Kalteisen,  professeur 
de  théologie  à  Cologne  ;  au  troisième,  Gilles  Charher,  doyen 
de  Cambrai  ;  au  quatrième,  Jean  de  Polemar  (Palomar),  archi- 
diacre de  Barcelone. 

Les  orateurs  des  hussites  répliquèrent  ;  mais  on  s'aperçut 
bientôt  qu'on  allait  s'engager  dans  des  disputes  interminables, 
et,  le  11  mars  1434,  des  commissions  nommées  par  les  deux 
parties  furent  chargées  de  négocier  la  paix.  Le  19  mars,  ces 
commissions  furent  réduites  à  quatre  personnes  de  part  et 
d'autre.  On  continua  en  même  temps  les  dissertations  sur  les 
sujets  entamés,  en  y  joignant  plusieurs  autres  questions.  Les 
Bohémiens  étaient  impatients,  désunis  entre  eux,  principale- 
ment sur  les  questions  que  leur  avait  posées  le  cardinal  Julien 
Cesarini.  Ils  partirent  le  14  avril  avec  des  délégués  du  concile, 
chargés  de  négocier  en  Bohême  avec  les  représentants  de  la 
nation. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N*>   303. 

Monum.  Concil.,  éd.  Vindob.,  p.  118,  135  et  seq.,  153  et  seq.,  170  et 
seq.,  197,  217,  227  et  seq.;  Mansi,  XXIX,  233  et  seq.,  40G,  416  et  seq., 
641  ;  XXX,  145, 179  et  seq.  Le  discours  de  Rokycana  :  Mansi,  XXX,  269- 
30Ö  ;  celui  de  Jean  de  Raguse  :  Canis.-Basnage,  L.  A.,  IV,  45i  et  seq.; 
Mansi,  XXIX,  699-808;  celui  d'Ulrich  de  Znaim,  Migne,  XXX,  306-337; 
Henri  Khalteisen,  0.  Pr.,  de  Liliera  Prœdicatione,  ib.,  XXIX,  791-1004. 
Gilles  Gharlier  contre  Biscupek,  dont  le  discours  est  inédit  :  de  Corri- 
gendis  Publicis  Peccatoribus ,  ib.,  p.  868-971;  Job.  de  Polemar, 
p.  1165-1168;  Palacky,  III,  m,  p.  65  et  suiv.;  Héfelé,  Vil,  p.  465  et 
suiv.,  479  et  suiv.,  492  et  suiv.,  500  et  suiv. 

Les  Gompactats  d'Iglau. 

304.  Les  délégués  de  Bàle  obtinrent  difficilement  les  saufs- 
conduits  dont  ils  avaient  besoin ,  et,  après  leur  arrivée  à 
Prague,  il  leur  fallut  entendre  toutes  les  injures  que  l'on  pro- 
férait impunément  contre  le  concile.  A  la  diète  do  Prague,  qui 
s'ouvrit  le  12  juin  1483,  après  de  nombreuses  explications  sur 
la  forme  qu'il  convenait  de  donner  aux  quatre  articles,  ils 
n'obtinrent  qu'une  seule  chose  :  c'est  que  trois  délégués  de 


l'église  en  face  des  SCHISMATiyVES  ET  DES  HéRÉTlQUES.       16o 

Bohême  pourraient  accompagner  à  Bâle  (le  11  juillet)  les  délé- 
gués du  concile.  Là,  les  avis  étaient  fort  partagés  sur  les  con- 
cessions qu'il  convenait  de  faire  aux  hussites;  mais  les  hommes 
les  plus  influents  se  prononcèrent  pour  la  concession  du  calice 
aux  laïques,  et,  le  1 1  septembre,  il  fut  décidé  qu'une  seconde 
députation  serait  envoyée  à  Prague.  Cette  députation  témoigna 
à  la  diète  de  Prague  (novembre)  la  plus  grande  condescen- 
dance, et  rédigea  en  quelques  articles  une  convention  qui  ne 
fut  acceptée  que  par  une  partie  des  hussites  ;  les  autres  la  reje- 
tèrent et  continuèrent  la  guerre. 

Le  parti  modéré  de  la  noblesse,  auquel  appartenaient  les 
savants  de  Prague  et  trois  villes,  avait  contre  lui  le  parti 
démocratique  des  taborites  et  des  orphelins,  qui  comprenait  la 
plupart  des  villes  et  peu  de  barons.  Le  premier  parti  réussit, 
le  6  mai  1434,  à  prendre  d'assaut  la  ville  neuve  de  Prague, 
dévouée  aux  démocrates.  La  ville  de  Pilsen  fut  débloquée  par 
le  secours  que  lui  procura  Jean  de  Polemar.  Dans  la  bataille 
de  Lipan  (30  mai),  l'armée  des  taborites  et  des  orphelins  fut 
presque  entièrement  anéantie  ;  les  deux  Procope  succom- 
bèrent, et  le  matériel  de  guerre  tomba  aux  mains  des  vain- 
queurs. A  la  diète  du  24  juin,  une  paix  générale  fut  conclue 
entre  tous  les  utraquistes,  et  un  armistice  d'un  an  avec  le  parti 
catholique  royal.  De  nouvelles  négociations  furent  entamées  à 
Ratisbonne  (août  1434)  avec  le  roi  Sigismond  et  avec  les  Bâlois; 
en  octobre,  la  diète  de  Bohème  posa  ses  conditions,  dont  plu- 
sieurs allaient  fort  loin.  Bientôt  le  reste  des  taborites,  renforcés 
de  plusieurs  orphelins  (tandis  que  d'autres  se  fondirent  avec 
les  calixtins),  recommença  la  guerre,  et  les  calixtins  eux-mêmes 
se  montrèrent  plus  violents  que  jamais.  Du  mois  de  juillet  1435 
au  mois  de  janvier  1436,  il  fut  question  d'une  nouvelle  ambas- 
sade des  Bâlois  à  Brunn,  et  d'une  autre  à  Stahlweissenbourg, 
en  présence  de  Sigismond.  Enfin  les  articles  concertés  {com- 
pactats)  furent  publiés  (juillet  1436)  à  Iglau,  où  l'empereur  se 
rendit  en  personne,  et  ratifiés  par  le  concile  de  Bâle  le  15  jan- 
vier 1437. 

Les  quatre  articles  des  hussites  avaient  été  ainsi  transfor- 
més :  1°  L'usage  de  la  communion  sous  une  seule  espèce 
{sub  unà),  introduit  par  l'Église  pour  de  bonnes  raisons  et  irré- 
préhensible, peut  être  changé  par  l'Église.  La  communion 


166  HISTOIRE  DE  l'ÉGUSE. 

SOUS  les  deux  espèces  est  accordée  aux  Bohémiens  et  aux 
Moraves  (^ui,  du  reste,  se  soumettent  à  la  foi  et  aux  rites  de 
l'Église  universelle,  en  vertu  de  l'autorité  de  Jésus-Christ  et  de 
l'Église;  mais  les  prêtres  doivent  avertir  le  peuple  que  la  com- 
munion sous  une  seule  espèce  est  également  bonne  et  que 
Jésus-Christ  est  présent  sous  Tune  et  l'autre.  Il  est  défendu  de 
médire  des  utraquistes.  2°  La  parole  de  Dieu  sera  librement 
prêchée,  mais  par  ceux-là  seuls  qui  auront  l'approbation  des 
supérieurs  ecclésiastiques  et  sans  préjudice  de  l'autorité  de 
l'Église.  3°  Les  péchés  mortels  doivent  être  extirpés  et  punis, 
non  par  les  particuliers,  mais  par  l'autorité  établie  et  seu- 
lement d'après  les  lois  divines  et  ecclésiastiques.  i°  Les  prêtres 
doivent  administrer  et  employer  leurs  biens  conformément  aux 
canons,  mais  ils  ne  peuvent  en  être  dépouillés  sans  sacrilège. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE   N»  304. 

Liber  de  legationibus  Conc.  Basil,  pro  reductione  Bohemorum,  par 
Gilles  Charlier,  Monum.  cit.,  p.  361-700.  Dr  Thomas  Ebendorfer  d'Has- 
selbach,  prof,  à  Vienne,  Diarium,  ib.,  p.  736-741.  Avis,  p.  723-731. 
Joh.  de  Turonis,  secrétaire  des  députés  du  concile  :  Registrum  ; 
Héfelé,  VII,  p.  542-547,  568-581,  605-626. 

Autres  événements  en  Bohême. 

305.  Dans  l'espoir  d'aboutir  à  quelque  résultat,  les  Bâlois 
avaient  montré  aux  Bohémiens  la  plus  grande  condescen- 
dance :  ils  leur  avaient  permis  ce  que  le  concile  de  Constance 
leur  avait  refusé.  Plus  ils  affectaient  de  hauteur  à  l'égard  du 
pape,  plus  les  Bàlois  faisaient  preuve  d'égards  et  de  patience 
envers  les  hussites,  qui  poussaient  loin  leurs  prétentions,  et 
dès  le  début  dépassèrent  les  compactais.  Ils  ne  gagnèrent  du 
reste  que  les  calixtins  modérés  ;  les  taborites  rejetèrent  toutes 
les  propositions.  Plusieurs  utraquistes  s'offusquèrent  de  ce  que 
Rokycana  ne  fût  pas  confirmé  comme  archevê(iue  de  Prague. 
Cependant  le  nombre  de  ses  adversaires  s'était  multiplié,  et  ils 
avaient  élevé  des  plaintes  contre  lui.  Comme  l'empereur  se 
disposait  à  sévir,  il  se  réfugia  chez  un  gentilhomme. 

Un  décret  rendu  à  Bâle  dans  la  trentième  session  (23  dé- 
cembre li37)  traita  de  la  communion  sous  les  deux  espèces, 
mais  ne  résolut  point  les  autres  questions  controversées.  Après 


l'église  en  face  des  SCHISMATiyUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       167 

la  mort  de  Sigismond,  la  confusion  s'accrut  en  Bohême.  Les 
catholiques  et  les  calixlins  modérés  lui  donnèrent  pour  suc- 
cesseur le  mari  de  sa  ûlle,  Albert  d'Autriche  ;  les  taborites  et 
le  parti  de  Rokycana  (les  utraquistes  fanatiques)  choisirent  le 
prince  Casimir  de  Pologne,  âgé  de  treize  ans.  Albert,  peu  de 
temps  après  son  couronnement  à  Prague  (janvier  1438),  fut 
impliqué  dans  la  guerre  avec  le  parti  polonais,  et  les  tentatives 
d'accommodement  faites  à  Breslau  n'eurent  aucun  succès. 

Après  la  mort  d'Albert  (2-i  octobre  1439),  le  pays  se  vit  en 
proie  à  tous  les  désordres.  Les  catholiques  essayèrent  de  réta- 
blir l'unité  religieuse  dans  le  pays,  même  dans  les  usages  plu- 
sieurs fois  changés.  Les  calixtins  n'observèrent  les  compactais 
qu'autant  qu'ils  leur  étaient  favorables;  ils  les  interprétèrent 
très  largement,  et  fmirent  par  les  enfreindre  de  plus  en  plus  :  de 
là  vient  que  les  papes  eux-mêmes  se  crurent  dispensés  de  les 
observer.  Une  tendance  hérétique  dominait  depuis  longtemps 
parmi  les  Bohémiens  exaltés,  et  l'on  continuait  d'honorer  llus 
comme  un  saint  et  un  martyr,  même  après  qu'on  eut  cessé  de 
suivre  ses  doctrines  :  on  vénérait  sou  image,  on  composait  des 
prières  et  des  liturgies  en  son  honneur,  on  soleunisait  l'anni- 
versaire de  sa  mort  comme  un  jour  de  fête. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°  305. 

Basil.,  sess.  XXX  :  Mansi,  XXIX,  138  et  seq.;  Hard.,  VIII,  124i;  IX, 
11.31  ;  Palacky,  III,  m,  p.  289  et  suiv.;  Héfelé,  p.  637  et  suiv.  Cullc  de 
Hiis  en  Bohême  :  Mansi,  XXVII,  786;  Monuni.  hist.  Univ.  Prag.,  t.  III, 
p.  148,  150;  Missale  hussit.,  de  1491,  dans  Sacken,  die  Ambraser 
Sammlung,  Vienne,  1853,  II,  p.  200  et  suiv. 

Les  légats  du  Saint-Siège  en  Bohême. 

30G.  Le  cardinal  Carvajal,  délégué  en  Bohême  par  Eugène  IV 
en  1444,  ne  put  obtenir  qu'on  y  observât  les  compactais. 
Nicolas  V  l'envoya  de  nouveau  (1448)  à  Prague,  où  il 
travailla  énergiquement  contre  les  partisans  de  Rokycana; 
il  y  dépêcha  (1451)  Jean  de  Capistran,  qui  ne  put  pénétrer 
dans  Prague  et  fut  en  butte  à  mille  tracasseries.  Il  parvint 
cependant,  sur  les  frontières  de  la  Bohême,  en  Moravie  et  en 
Silésie,  à  réconcilier  beaucoup  d'hussites  avec  l'Église.  ^Enéas 
Sylvius,  évêque  de  Sienne,  arriva  ensuite  à  Tabor,  et  eut  plu- 
sieurs conférences  avec  les  hussites  et  le  gouverneur  Georges 


168  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Podiebrad.  Il  y  trouva  une  population  pauvre,  sauvage,  mais 
bonne  encore,  qui  mettait  Zisca  presque  au-dessus  de  Jésus- 
Christ.  A  cette  objection  que  Rome  avait  violé  les  compactais, 
il  répondit  que  les  Bohémiens  avaient  commencé  eux-mêmes 
par  les  abolir  absolument.  Il  discuta  aussi,  mais  sans  succès, 
avec  plusieurs  prêtres  hussites. 

Nicolas  de  Cusa,  qui  déjà  précédemment  avait  réfuté  l'erreur 
concernant  la  communion  des  laïques  sous  les  deux  espèces, 
rencontra  à  Ratisbonne  en  4452  des  députés  de  Bohême,  qui 
le  prièrent  d'intervenir  comme  médiateur  de  la  paix.  Il  adressa 
donc  aux  hussites,  en  qualité  de  légat  du  pape,  plusieurs  écrits, 
qui  n'eurent  aucun  résultat.  En  1465,  en  présence  de  Georges 
Podiebrad,  élevé  au  trône,  et  qui  régnait  dans  le  sens  des 
calixtins;  en  présence  d'une  foule  de  barons  et  de  députés,  eut 
lieu  un  colloque  entre  les  utraquistes,  représentés  par  Roky- 
cana,  et  les  subunistes,  représentés  par  Hilaire,  doyen  de  la 
cathédrale  de  Prague.  On  y  traita  de  la  rupture  des  compactais 
de  Bâle  et  de  leur  véritable  sens,  du  mépris  de  l'autorité  ecclé- 
siastique, de  l'anabaptisme,  de  la  confirmation  donnée  par  de 
simples  prêtres,  des  ordinations  secrètes,  de  l'omission  du  bré- 
viaire, de  la  valeur  du  sacrifice  et  de  l'efficacité  du  sacrement 
dans  la  communion,  de  la  célébration  de  la  messe  en  langue 
vulgaire,  de  la  confusion  qui  régnait  entre  l'ordre  et  la  juridic- 
tion. On  ne  s'entendit  point. 

Podiebrad,  qui  s'était  emparé  de  Tabor  et  avait  opprimé 
les  taborites,  fut  excommunié  par  Paul  II,  et  les  dissensions 
continuèrent.  Une  bataille  sanglante  fut  livrée  près  de  Taussen 
(1467.)  Les  principaux  appuis  do  Tutraquisme,  Podiebrad  et 
Rokycana,  moururent  en  1471.  La  Bohême  obtint  de  nouveau 
un  roi  catholique  en  la  personne  de  Ladislas  de  Pologne,  qui, 
en  1485,  assura  la  tranquillité  civile  par  la  pacification  reli- 
gieuse de  Kuttenberg. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N«  306. 

Carvajal  :  Jac.  card.  Piccolomini,  Comment.,  lib.  VI,  VII;  lib.  II, 
ep.xLvn.  Jean  Capistran  :  Wadding,  Ann.  min.,  t.  IV,  IX-XII;  ActaSS., 
3  oct.,  p.  334  et  seq.;  yEneas  Sylv.,  ep.  cxxx  à  Carvajal,  Orat.  habita 
coram  Calixto  III,  1435,  de  Compactatis  Bobemorum  (Pli  P.  M.  II, 
Orat.,  éd.  Mansi,  I,  352);  Nicolas  de  Cusa,  Concord.  cath.,  lib.  II,  xxvi, 
ep.  u-vii.  —  Diix,  Nikol.  v.  Cusa,  I,  p.  143  et  suiv.,  154  et  suiv.j  II, 


l'église  en  face  des  SCHISMATIOrES  ET  PFS  HÉRÉTIQUES.       169 

p.  76  et  suiv.  Colloque  religieux  de  U65,  Disputatio  Capitul.  Prag, 
cum  Rokycana  :  Basnage,  Lect.  ant.,  IV,  753-776;  Guerricke,  K.-G., 
Il,  p.  290. 

Les  frères  bohémiens  et  les  frères  moraves. 

307.  La  portion  des  hussites  qui  était  de  plus  en  plus  refoulée, 
donna  naissance  à  la  secte  particulière  des  frères  de  Bohême  et 
de  Moravie  (l'Unité  des  frères),  dont  le  dogme  fondamental  était 
la  définition  de  l'Église  telle  que  la  donnaient  les  hussites.  Ils 
aboutirent  peu  à  peu  à  rejeter  plusieurs  doctrines  do  l'Église, 
la  transsubstantiation,  la  prière  pour  les  morts,  etc.  Cette 
société  fut  établie  vers  1450,  alors  que  plusieurs  sectes  exis- 
taient déjà  en  Bohême,  par  Pierre  de  Chelcic  et  Grégoire, 
neveu  de  Rokycana.  Cependant  elle  voulut  avoir  pour  pre- 
mier évèque  un  prêtre  qui  avait  été,  en  1434,  ordonné  dans 
l'Église  romaine  par  un  évêque  vaudois.  En  1457,  elle  reçut  un 
établissement  à  Brunwald,  dans  le  domaine  royal  de  Senften- 
berg,  et  déjà  en  1461  elle  était  persécutée  pour  sa  doctrine  de 
l'Eucharistie,  différente  de  celle  des  utraquistes.  Elle  maintint 
le  célibat  du  clergé  jusqu'en  1570.  Mais  elle  avait  subi  sur  bien 
des  points  l'influence  du  luthéranisme,  et  les  théories  des  luthé- 
riens et  des  calvinistes  sur  la  cène  supplantèrent  l'ancienne 
croyance  touchant  le  dogme  de  la  présence  réelle.  Elle  n'accepta 
pas  la  doctrine  de  Luther  sur  la  justification,  bien  que  cette 
doctrine  eût  déjà  précédemment  des  sectateurs  dans  son  sein. 
En  1604,  elle  passa  tout  entière  au  calvinisme.  Elle  admettait 
aussi  dans  le  principe  les  sept  sacrements.  L'anabaptisme  y 
régna  quelque  temps,  et  fut  ensuite  aboli . 

0Ü\TIAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N°   307. 

Bossuet,  Histoire  des  variations  des  Églises  protestantes,  livre  II, 
§  168  et  suiv.;  Lochner,  Entstehung  und  erste  Schicksale  der  Brüder- 
gemeinde in  Bœhmen  und  Msehren,  Nürnb.,  1832  ;  A,  Ginbely,  Gesch. 
der  Bœhm.  Brüder.  —  Bœhmen  u.  Maehren  im  Z.-A.;  der  Reform, 
Prague,  1857  et  suiv.,  2  vol.  Comp.  Hist.-pol.  Bl.,  t.  XLII,  p.  371  et 
suiv. 

Petites  sectes  et  hérétiques  isolés. 

La  secte  du  Libre-Esprit  et  autres  hérésies  analogues. 
308. 11  existait  toujours  des  hommes  frivoles  pour  la  plupart, 


170  HISTOIRE   DE    l/ÉGLISE. 

qui  se  moquaient  de  la  religion  :  tels  furent  les  averroïstes,  qui 
comptaient  dans  leur  sein  plusieurs  savants  de  l'Italie,  surtout 
dans  l'université  de  Padoue.  De  ce  nombre  étaient  aussi  les 
frères  et  les  sœurs  du  Libre-Esprit.  On  les  rencontrait  sur  le 
Rhin,  dans  d'autres  provinces  d'Allemagne  et  en  Belgique. 
Le  laïque  (xilles  Cantoris  et  le  carme  Guillaume  de  Hildenissen 
{\M\)  en  faisaient  partie.  Dieu,  disaient-ils,  est  aussi  présent 
dans  la  pierre,  en  enfer,  que  dans  l'Eucharistie  ;  l'enfer  dispa- 
raîtra un  jour;  c'est  Dieu  qui  opère  toutes  choses.  L'homme 
extérieur  ne  peut  souiller  l'homme  intérieur.  Tous  seront 
sauvés  :  les  juifs,  les  païens,  les  démons  même.  Il  n'y  a  pas  de 
loi  pour  les  parfaits. 

Il  fallut  également  procéder  contre  une  foule  de  béguines  et 
de  bégards,  qui  faisaient  semblant  de  renoncer  à  leurs  erreurs 
et  y  retombaient  dans  la  suite. 

Vers  1356,  Bcrthold  de  Rohrbach  enseignait  que  l'homme 
peut,  dès  celte  vie,  atteindre  à  une  telle  perfection  qu'il  n'a 
plus  besoin  de  prier  ni  déjeuner;  le  péché  n'existe  plus  pour 
lui;  la  prière  vocale  n'est  ni  utile  ni  nécessaire,  et  dans  un 
homme  pieux  tout  aliment  et  toute  boisson  peuvent  produire  le 
même  effet  que  l'Eucharistie  ;  un  laïque  ignorant,  poussé  par 
l'Esprit  de  Dieu,  peut  être  plus  utile  à  lui-même  et  à  autrui  que 
le  prêtre  le  plus  savant;  il  mérite  plus  de  créance  et  de  sou- 
mission que  l'Évangile  et  les  docteurs  de  l'Église;  Jésus-Christ, 
sur  la  croix,  s'est  senti  délaissé  au  point  de  douter  si  son  âme 
était  sauvée  ou  damnée;  dans  sa  douleur,  il  a  maudit  la  terre 
et  Marie  sa  mère. 

Berthold  avait  rétracté  ses  erreurs  à  Wurzbourg;  quand  il 
voulut  les  produire  de  nouveau  à  Spire,  il  fut  saisi  et  livré  aux 
flammes.  En  1373,  (Irégoire  XI  .s'éleva  contre  les  turlupins,  qui 
surgissaient  dans  le  nord  de  la  France  en  même  temps  que  les 
vaudois.  Partout  l'Inquisition  procédait  contre  les  sectaires,  qui 
se  montraient  tantôt  dans  un  lieu,  tantôt  dans  un  autre;  elle 
parvint  le  plus  souvent  à  les  faire  disparaître. 

OUVRAGES   A  CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°  308. 

Pétrarque,  sur  les  averroïsles;  Renan,  Averroos  et  l'Averroïsme, 
ch.  UK  Les  erreurs  d'Amalaire  furent  renouvelées  dans  un  livre  de 
Thomas  Apulus,  qui  se  donnait  pour  l'envoyé  du  Saint-Esprit  (1388): 
Pul.,  Hist.  de  l'univ.  de  Paris,  IV,  p.   634;  du  Plcssis  d'Arg.,  I,  u, 


l'église  en  tage  des  schismatiques  et  i>es  hérétiques.     171 

p.  131.  Procès  de  Pierre  d'Ailly  contre  Guillaume  d'Hindenissen,  ibid., 
p.  201-209.  Un  chef  des  béghards  catalans,  le  prôtre  Bonanatus,  qui 
avait  précédemment  abjuré,  fut  livré  au  bras  séculier  sous  Benoît  XII 
(1336),  ibid.,  I,  i,  p.  336,  d'après  Eymeric,  Direct.  Inquis.,  part.  Il, 
p.  266.  Berthold  de  Rohrbach  :  Job.  Naucler,  Chron.,  H,  401;  Tri- 
Iheni.,  Chronic.  Hirs.,  Il,  231  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  376  et  seq.; 
Remhng,  Évéques  de  Spire,  I,  p.  622.  Turlupins,  Greg.  XI  :  Natal. 
Alex.,  sœc.  XIV,  c.  ni,  art.  19,  t.  XV,  p.  201  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i, 
p.  392  et  suiv. 

Les  apocalyptiques. 

309.  Les  wilhelmites  et  les  joachites  avaient  aussi  leurs 
partisans.  En  Espagne,  Martin  Gondisalvus  se  faisait  passer 
pour  le  frère  de  l'archange  Michel,  lequel  avait  obtenu  dans  le 
ciel  la  place  perdue  par  Lucifer  ;  il  était,  disait-il,  la  vérité 
première,  l'échelle  du  ciel,  le  vainqueur  de  l'Antéchrist.  Nicolas 
de  Calabre,  qui  vivait  aussi  en  Espagne,  assurait  que  Martin  était 
le  Fils  éternellement  vivant  de  Dieu,  et  qu'au  jour  du  jugement 
il  rachèterait  tous  les  damnés;  il  prêchait  l'incarnation  du 
Saint-Esprit,  et  prétendait  que  le  corps  humain  avait  été  créé 
par  le  Fils,  l'àme  par  le  Père,  l'esprit  par  le  Saint-Esprit.  Il  fut 
condamné  en  1356  par  l'Inquisition,  et  livré  au  bras  séculier. 

Longtemps  auparavant,  Arnold  de  Villeneuve,  médecin  de 
Catalogne,  familier  avec  la  théologie  et  auteur  de  plusieurs 
erreurs  sur  la  personne  de  .Jésus-Christ,  enseignait  que  dans  le 
Christ  la  nature  humaine  égalait  la  nature  divine  ;  il  faisait  une 
affreuse  peinture  de  la  corruption  de  la  chrétienté  par  la  ruse 
du  démon,  et  plaçait  l'avènement  de  l'Antéchrist  entre  les 
années  1300  et  1400,  vers  1335  ou  1376.  Il  s'appuyait  principa- 
lement sur  une  révélation  ou  prophétie  qui  aurait  été,  en  1192, 
remise  par  des  anges,  sur  deux  tablettes  d'argent,  à  Cyrille, 
général  des  carmes  ;  il  élevait  cette  prophétie  au-dessus  de 
toute  l'Écriture  sainte.  Cette  prophétie  était  un  discours,  conçu 
en  termes  obscurs,  sur  les  péchés  monstrueux  du  clergé,  avec 
l'annonce  d'un  châtiment  effroyable,  qui  allait  bientôt  éclater. 
Dans  la  messe,  disait-il,  on  honore  Dieu,  non  en  effet,  mais  en 
paroles  ;  la  messe  est  moins  agréable  au  Seigneur  que  n'importe 
quelle  pratique  de  miséricorde;  le  peuple  chrétien  tout  entier 
est  conduit  en  enfer  par  ses  chefs  ;  sa  foi  n'est  que  la  foi  des 
démons. 


172  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

L'ouvrage  d'Arnold  sur  l'Antéchrist  fut  condamné  en  1303 
par  l'évêque  et  l'université  de  Paris.  Après  sa  mort,  Clément  V 
fit  examiner  ses  livres,  et,  en  1317,  plusieurs  furent  interdits 
par  l'Inquisition  d'Aragon.  A  Avignon,  un  franciscain  de 
France,  Jean  de  Rochetaillée  {de  Rupe  scissa)  fut  condamné  à 
l'emprisonnement  à  cause  de  ses  prédications  menaçantes 
contre  la  noblesse  et  le  clergé,  auxquelles  il  mêlait  plusieurs 
idées  empruntées  à  Oliva,  et  pour  avoir  annoncé  une  ère  nou- 
velle, inaugurée  par  l'ordre  de  Saint-François.  Sous  Clément  VI, 
Barthélémy  Janovézius,  dans  l'île  de  Majorque,  publia  un  écrit 
où  il  émettait  les  propositions  les  plus  hardies,  qu'il  fut  obligé 
d'abjurer  (1361.)  L'Antéchrist  devait  paraître  à  la  Pentecôte  de 
1360  :  alors  le  sacrifice  de  l'Église  cesserait  ainsi  que  tous  les 
sacrements;  les  chrétiens  se  déclareraient  en  masse  pour  l'An- 
téchrist, et  l'Église,  à  la  fin,  ne  serait  plus  composée  que  d'in- 
croyants convertis.  Le  spectacle  de  la  corruption  qui  régnait 
en  tant  de  lieux,  éveillait  dans  plusieurs  le  désir  d'une  grande 
rénovation,  d'un  pape  qui  ressemblât  vraiment  à  un  ange  ;  à 
d'autres,  il  donnait  le  pressentiment  lugubre  de  la  fin  prochaine 
de  l'univers.  Dans  une  telle  époque,  les  projets  aventureux  de 
réforme,  les  espérances  fanatiques  d'un  meilleur  avenir  de- 
vaient abonder. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE  N"  309. 

Martin  Gondisalvus  et  Nicol.  de  Calabre  :  Franc.  Diago,  0.  Pr.,  Hisl. 
prov.  Arag.,  lib.  I,  c.  xxiv;  Eymeric,  in  Direct.;  du  Plessis  d'Arg., 
loc.  cit.,  p.  376.  Ai'nold  de  Villeneuve  écrivit  :  de  Speculatione  Anti- 
christi  ;  de  Humilitate  et  Patientia  Jesu  Christi  ;  de  Fine  raundi;  Infor- 
matio  Beguinorum;  de  Charitate  ;  Apologia,  etc.  Sur  lui  :  Eymeric., 
part.  II,  q.  xxvin  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  267  et  seq.  Joli,  de  Rupe- 
scissa  :  Froissart,  Hist.,  liv.  II,  c.  ccxi,  p.  221  ;  Trithem.,  loc.  cit.,  II, 
p.  225;  du  Plessis  d'Arg.,  loc.  cit.,  p.  343,  374.  Barthol.  Janovézius  : 
Eymeric,  part.  I,  q.  xi,  §  10,  p.  266;  du  Plessis  d'Arg.,  p.  380.  Sur 
l'opposition  prophétique,  voy.  Dœllinger,  dans  Histor.  Taschenbuch, 
Leipzig,  1871,  p.  279  et  suiv. 

Les  flagellants. 

310.  La  secte  des  IlagcUants,  qui  subsistait  toujours,  fut  con- 
damnée par  Clément  VI  en  1349.  Plusieurs  soutenaient  qu'on  ne 
pouvait  gagner  la  vie  éternelle  qu'au  prix  de  son  propre  sang, 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.     173 

que  le  baptême  de  sang  était  nécessaire,  que  la  hiérarchie  avait 
perdu  son  pouvoir,  que  l'Eucharistie  était  sans  valeur.  Les  fla- 
gellations publiques,  accompagnées  de  chants  particuliers,  pro- 
duisaient une  vive  impression.  L'université  de  Paris  condamna 
elle-même  les  flagellants,  qui  parcouraient  la  France,  l'Italie  et 
rAllemagne,  se  livraient  souvent  à  de  grossières  débauches, 
répandaient  de  fausses  doctrines  avec  une  prétendue  lettre 
reçue  d'un  ange,  et  se  donnaient  mutuellement  l'absolution. 

Mais  tous  les  flagellants  n'étaient  pas  de  cette  espèce,  et  saint 
Vincent  Ferrier  favorisait  les  processions  de  flagellants  entre- 
prises dans  un  véritable  esprit  de  piété.  En  Italie,  en  1399,  les 
pénitents  blancs  (Albati),  conduits  par  un  prêtre,  parcouraient 
les  campagnes  et  se  dirigeaient  vers  Rome  pour  le  grand 
jubilé.  Beniface  IX  fit  saisir  près  de  Viterbe  leurs  chefs  spiri- 
tuels et  disperser  la  foule.  Cependant,  comme  ils  parurent 
inoffensifs  et  qu'ils  entretenaient  l'esprit  religieux,  il  leur  rendit 
la  liberté  ;  il  ne  renouvela  sa  défense  que  lorsque  des  abus  se 
produisirent.  Vers  1392,  l'inquisiteur  maître  iMartin  découvrit 
parmi  les  paysans  du  diocèse  de  Wurzbourg  des  flagellants  qui 
professaient  les  erreurs  des  fraticelles;  ils  se  convertirent,  et 
promirent  pour  pénitence  de  s'engager  dans  la  guerre  contre 
les  Turcs.  Les  chorisantes  ou  processions  dansantes  offraient 
quelque  chose  d'analogue. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  ET    REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N°    3iO. 

Cf.  V,  §  366.  Contin.  Guillelm.  de  Nangis,  Spic,  XI,  8H;  Albert. 
Argentin.,  in  Ciiron.,  ap.  Urstis.,  III,  Hist.  Germ.,  p.  II,  p.  49;  Hist. 
Pap.  Aven.,  p.  96,  éd.  Bouquet.:  Massœus,  in  Chron.,  p.  249;  Gobelin., 
Pers,  Cosmodr.,  act.  VI,  p.  241  ;  Henric.  Rebdorf.,  Annal.,  p.  439,  éd. 
Freher;  Trithem.,  Chron.  Hirsaug.,  II,  207;  Rayn.,  an.  1339,  n.  20; 
Conrad  de  Lichtenau,  abbé  d'Ursperg,  Rer.  mirabil.  Paralip.,  p.  284; 
Albert  Cranz,  Metrop.,  lib.  I,  p.  250;  Compilât,  chronolog.,  éd.  Pistor., 
p.  744,  697;  Bul.,  IV,  314  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  361-368;  Gerson., 
Tract,  c.  sect.  Flagellant,,  0pp.  II,  660,  éd.  du  Pin.  lis  prétendaient 
que  les  flagellations  avaient  plus  de  prix  que  les  sacrements,  que 
c'était  l'acte  le  plus  important  du  culte.  Sur  les  pénitents  blancs  à 
Rome,  voy.  Reumont,  II,  p.  1086  et  suiv.  Flagellants  à  Wurzbourg  : 
Trithem.,  I.  c,  p.  296;  du  Plessis  d'Arg.,  1,  ii,  p.  152;  Schneegans,  die 
Geiszler,  namenthch  die  groszen  Geiszlerf.  in  Straszburg,  1349,  en 
allem,  par  Tischendorf,  Leipzig,  1840;  Mayer-Merian,  Basel  im  XIV 
Jahrb.,  p.  191;  Closener,  Elsaesz.  Chron.,  éd.  Hegel,  Leipzig,  1870,  I, 


174  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

p.  105  et  suiv.  Chorisantes  :  voy.  Hecker,  die  Tanzwulh  —  eine  Volks- 
krankheit des  M. -A.,  Berlin,  1832. 

Les  Amis  de  Dieu. 

311.  En  Allemagne,  les  Amis  de  Dieu,  sectateurs  d'un  faux 
mysticisme,  étaient  déjà  dangereux  par  cela  seul  qu'ils  for- 
maient une  association  secrète.  Ils  professaient  le  quiétisme, 
cherchaient  partout  des  visions,  changeaient  les  dogmes  en 
symboles,  tenaient  pour  iudifTérentes  l'observation  des  comman- 
dements de  l'Église,  les  œuvres  de  mortification,  les  cérémonies, 
et  demandaient  la  réforme  de  l'Église  corrompue  par  les 
richesses.  Ils  n'admettaient  point  de  différence  entre  les  clercs 
et  les  laïques,  et  obéissaient  à  des  chefs  inconnus.  Plusieurs 
prêchaient  la  pénitence  et  annonçaient  le  jugement  de  Dieu 
prêt  à  éclater.  Nicolas  de  Bàle  fut  pris  en  Autriche  avec  deux 
de  ses  compagnons,  et  brûlé  à  Vienne  en  qualité  de  bégard 
(1409).  Son  disciple,  Martin  de  iMayence,  bénédictin  de  l'abbaye 
de  Reichenau,  avait  déjà  été  brûlé  à  Cologne  (1393),  parce  qu'il 
obéissait  aveuglément  au  laïque  Nicolas,  comme  à  un  représen- 
tant de  Dieu.  Leurs  partisans  méprisaient  les  censures  de 
l'Église,  s'adonnaient  à  des  visions  fantastiques,  qu'ils  affir- 
maient avec  force,  et  se  disaient  en  commerce  intime  avec  Dieu. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LE    N*   311. 

Voy.  ci-dessus,  §  220.  Joli.  Nider,  Formicarius,  Argent.,  1517,  in-4", 
f.  40,  a.;  Schmidt,  Nik.  v.  Basel,  p.  66  et  suiv.;  Tauler,  p.  237;  Denzin- 
ger,  Vier  Bücher  von  der  relig.  Erkenntnisz,  I,  p.  330  et  suiv. 

Les  hérésies  en  Angleterre. 

312.  De  nombreuses  et  graves  erreurs  se  répandaient  aussi 
en  Angleterre.  Le  primat  Simon  Langham  les  résuma  (1368) 
dans  un  écrit  qui  fut  envoyé  au  chancelier  d'Oxford  :  1°  Le 
baptême  n'est  pas  nécessaire  pour  le  salut  éternel.  2"  On  peut 
opérer  son  salut  par  ses  propres  forces  naturelles.  3"  Rien  n'est 
mauvais  en  soi;  une  chose  ne  le  devient  que  parce  qu'elle  est 
défendue.  A°  Tout  honune,  même  l'incroyant,  voit  Dieu  face  à 
face  avant  de  mourir;  il  est  libre  alors  de  se  tourner  vers  lui  ou 
de  s'en  détourner  :  de  son  choix  dépend  son  salut  ou  sa  damna- 
lion.  5°  Le  péché  commis  pendant  cette  vision  est  inguérissable 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.    175 

et  irrémissible  ;  Jésus-Christ,  dans  sa  Passion,  n'a  pas  pu  satis- 
faire pour  ce  péclié.  0°  On  ne  peut  perdre  l'héritage  céleste 
pour  aucun  péché  commis  hors  de  cette  vision,  de  même  qu'un 
enfant  n'est  pas  privé  de  l'héritage  paternel  pour  avoir  péché 
par  ignorance.  7"  Les  damnés  qui  sont  en  enfer,  peuvent  être 
réhabilités  et  parvenir  au  ciel.  8"  Jésus-Christ,  Marie  et  tous  les 
bienheureux  sont  encore  maintenant  mortels;  tous,  excepté 
Jésus-Christ,  sont  assujettis  au  péché.  9"  Dieu  ne  saurait  ré- 
duire quoi  que  ce  soit  au  néant.  10"  11  ne  peut  punir  personne 
directement,  parce  qu'il  ne  peut  être  un  bourreau. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SUR   LE   N°   312. 

Conc.  Angl.,  Il,  613,  an.  1368;  Natal.  Alex.,  sœc.  XIV,  c.  m,  art.  21, 
t.  XV,  p.  213  et  seq.;  du  Plessis  d'Arg.,  1,  i,  p.  387-389. 

Hérésies  en  d'autres  pays. 

313.  Sous  le  pape  Urbain  V,  plusieurs  frères  mineurs  furent 
censurés  pour  avoir  soutenu  cette  opinion  extravagante  (uni- 
quement appuyée  sur  Jean,  xix,  26)  que  l'évangéliste  saint 
Jean  était  véritablement  fils  de  la  sainte  Vierge.  Deux  autres 
frères  mineurs,  Jean  de  Latone  et  Pierre  de  Bonageta,  préten- 
daient que  l'hostie  consacrée,  si  elle  tombe  dans  la  boue  ou  dans 
un  lieu  indécent,  si  elle  est  rongée  par  les  souris  ou  d'autres 
animaux,  redevient,  par  nn  changement  de  substance,  du  pain 
ordinaire;  que  le  corps  de  Jésus-Christ  retourne  dans  le  ciel 
quand  l'hostie  est  broyée  avec  les  dents  ;  que  ce  corps,  en  un 
mot,  ne  descend  pas  dans  la  partie  inférieure  du  corps  humain. 
Cette  doctrine  fut  condamnée  par  le  pape  Urbain  II  (1372). 

L'Espagnol  Pierre  Seiplanes,  curé  près  de  Valence,  prétendit, 
vers  1389,  qu'il  fallait  reconnaître  la  Trinité  dans  l'Eucharistie, 
et  dans  Jésus-Christ  trois  natures  :  la  nature  humaine,  la  nature 
spirituelle  et  la  nature  divine.  Le  dominicain  Eymeric  écrivit 
contre  lui.  Il  se  produisit  aussi  quelques  erreurs  sur  la  Trinité, 
soit  dans  les  écoles  monastiques  d'Angleterre  (131i),  soit  à 
Paris,  dans  les  thèses  de  Jean  Guion  (1318).  Les  assertions 
erronées  étaient  souvent  le  fruit  de  l'ignorance,  de  la  simpli- 
cité, d'une  dévotion  mal  entendue,  de  la  précipitation.  Le 
cistercien  Tolomeo  de  Lucques,  qui  prêchait  à  Mantoue  (1504), 
pensait  que  Jésus-Christ  n'a  pas  été  conçu  dans  le  sein  de  la 


176  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

sainte  Vierge,  mais  daus  le  voisinage  de  son  cœur,  au  moyen 
de  trois  gouttelettes  de  sang.  Les  inquisiteurs  voulaient  le  con- 
damner pour  ce  chef;  mais  Jean-Baptiste  de  Mantoue  l'excusa, 
et  écrivit  une  dissertation  spécialej^sur  ce  sujet. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°  313. 

Erreur  concernant  l'évangélisle  saint  Jean  :  Bal.,  Cent.,  VI,  p.  481,  ex 
Girardo  Ridder,  in  Lacryma  Eccl.  Script.,  0.  Pr.,  p.  712,  c.  ii,  §  25, 
an.  1376;  Eymeric,  Disput.,  MS.  Paris.,  2847,  in-f»,  104,  ap.  du  Plessis 
d'Arg.,  I,  n,  p.  153.  Jean  de  Lalone  et  Pierre  de  Bonageta  :  Eymeric, 
Direct.,  p.  I,  p.  44;  Rayn.,  an.  1372,  n.  11  ;  Natal.  Alex.,  1.  c,  c.  iir, 
art.  ly,  n.  1,  p.  201  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  390;  Denzinger,  Enchir., 
p.  185,  n.  471  et  seq.  —  Eymericus,  de  Duplici  natura  in  Christo  et  de 
tribus  in  Deo  personis  :  Script.  0.  FF.  Pr.,  1,  711,  c.  i,  §  15;  du  Plessis 
d'Arg.,  I,  Ti,  p.  151  et  seq.;  ibid.,  I,  i,  p.  283  et  suiv.  Articuli  de  Trini- 
tate  an.  1314  Oxonii  damnati,  p.  293  et  seq.  Articuli  revocati  fr.  Joh. 
Guidon.,  0.  min.,  an.  1318,  ibid.,  I,  ii,  p.  154.  Censures  de  proposi- 
tions sur  la  morale,  1396,  contre  Jean  de  Varennes,  p.  323  :  Censures 
de  1490,  p.  340  et  seq.;  Censui-es  de  1498,  contre  Jean  Vitrarius.  —Jean 
Mantoue,  de  Vero  Christi  conceptionis  loco  per  Scripturas  :  Bul.,  Cent., 
VIII,  641  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  347. 

Écarts  de  quelques  réguliers. 

314.  Quelques  ermites  de  Saint- Augustin  furent  entraînés 
par  leurs  théories  d'école  dans  différentes  erreurs.  A  Paris,  le 
théologien  Gui,  religieux  de  cet  ordre,  dut  rétracter  les  propo- 
sitions suivantes  (1354)  :  1"  La  charité  qu'on  perd  une  fois  n'a 
jamais  été  une  vraie  charité.  2°  Celui  qui  est  prédestiné  ne  peut 
acquérir  aucun  mérite,  ni  faire  aucun  acte  méritoire,  quand 
même  il  se  trouve  dans  la  charité.  3°  L'homme  mérite  la  vie 
éternelle  de  condigno;  la  lui  refuser  serait  une  injustice,  et  Dieu 
se  ferait  injure  à  lui-même.  4°  Le  péché  existerait  quand  même 
il  n'y  aurait  point  de  libre  arbitre.  5°  Le  mérite  vient  tellement 
de  Dieu,  que  rien  ne  provient  de  la  volonté  humaine,  6°  Dieu 
peut  forcer  la  volonté  au  bien  de  telle  sorte  qu'il  ne  reste  plus 
aucun  pouvoir  pour  faire  le  contraire.  7°  Il  peut  y  avoir  plu- 
sieurs unités  qui  ne  font  pas  un  nombre.  8°  Aucune  créature 
raisonnable  n'est  en  elle-même  que  parce  que  Dieu  est  son  être 
à  elle-même,  et  dans  toute  créature  le  non-être  est  plus  essen- 
tiel que  l'être.  9°  Une  chose  peut  être  sans  le  temps,  soit  pour 
le  mérite,  soit  pour  le  péché. 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.      445 

de  ses  mœurs  et  par  sa  prudence,  d'une  grande  réputation.  Eu 
mai  1412,  il  reçut  le  palliumdes  mains  d'un  légat  de  Jean  XXI II, 
en  même  temps  qu'une  bulle  publiait  la  croisade  contre  Ladis- 
las  de  Naples,  avec  indulgence  pour  ceux  qui  y  coopéreraient 
par  des  subsides  ou  en  personne. 

Hus  et  les  siens  se  déchaînèrent  contre  la  bulle,  et  traitèrent 
le  pape  d'Antéchrist  vivant.  En  vain  l'archevêque  et  la  faculté 
de  théologie  firent  des  représentations  et  défendirent  la  bulle  : 
Hus,  Jérôme  et  leurs  amis  insultèrent  les  prédicateurs  de  l'in- 
dulgence, soulevèrent  le  peuple  contre  eux,  brûlèrent  les  exem- 
plaires de  la  bulle  et  la  tournèrent  en  dérision,  répandirent  des 
pamphlets  haineux  contre  le  pape  et  les  évêques.  Hus  publia 
deux  écrits  sur  les  indulgences  et  contre  la  bulle  du  pape,  sou- 
tint contre  celle-ci  une  thèse  virulente,  dans  laquelle  Jérôme  le 
surpassait  encore.  Le  roi  Venceslas  menaça  de  mort  quiconque 
continuerait  d'insulter  le  pape,  et  le  conseil  de  la  ville  de  Prague 
fit  saisir  et  condamner  à  mort  comme  insurgés  trois  jeunes 
hommes  qui  avaient  injurié  les  prédicateurs  à  l'église  (10  juil- 
let 1412.) 

Hus,  accompagné  de  plusieurs  étudiants,  réclama  vainement 
leur  mise  en  liberté  :  le  jugement  fut  exécuté.  Les  trois  suppli- 
ciés furent  solennellement  inhumés  dans  la  chapelle  de  Beth- 
lehem comme  des  martyrs  hussites.  Plusieurs  collègues  notables 
de  Hus,  Etienne  de  Palecz,  André  de  Broda,  Stanislas  et  Pierre 
de  Znaim,  se  déclarèrent  alors  les  ennemis  de  Hus  et  de  Wiclef, 
et  le  nombre  des  théologiens  qui  combattirent  ces  hérétiques  se 
multiplia.  Le  premier  fut  Etienne  de  Dola,  prieur  des  chartreux 
de  Moravie.  Le  roi  Venceslas,  sans  vouloir  interdire  la  libre  pré- 
dication ni  sévir  contre  Hus,  menaça  de  l'exil  ceux  qui  soutien- 
draient les  quarante-cinq  propositions  de  Wiclef,  et  ordonna 
que  les  six  articles  dressés  par  la  faculté  de  théologie  contre  les 
wicléfistes  seraient  respectés  de  chacun. 

Les  curés  de  Prague  se  plaignirent  au  pape  par  l'organe  de 
leur  agent  Michel  de  Deutschbrod  (nommé  de  Cansis),  et  dans 
l'été  de  1412  parut  une  bulle  qui  confirmait  l'excommunication 
contre  Hus  et  l'interdit  jeté  sur  le  lieu  de  son  séjour,  invitait 
les  fidèles  à  le  livrer  à  l'archevêque  de  Prague  ou  à  l'évêque  de 
Leitomysl,  et  à  détruire  la  chapelle  de  Bethlehem.  Les  curés 
de  Prague  observèrent  scrupuleusement  l'interdit.  Etienne  de 

V.  —  HIST.  DE  l'église.  10 


146  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Palecz  prêcha  publiquement  contre  Hus,  qui  ne  cessait  d'en 
appeler  à  Jésus- Christ  et  essayait  d'ameuter  la  noblesse  contre 
l'interdit.  Les  catholiques  et  les  hussites  prenaient  une  attitude 
de  plus  en  plus  décidée.  En  décembre  1412,  sur  un  ordre  du 
roi,  Hus  quitta  la  capitale  de  la  Bohême,  et  le  service  divin  fut 
de  nouveau  célébré.  Cependant  son  disciple  Hawlik  fut  autorisé 
à  le  remplacer  dans  la  chapelle  de  Bethlehem. 

OUVRAGES    A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N**    "29i  . 

Accommodement  en  14H,  explications  et  lettres  de  Hus  :  Palacky, 
Doc,  p.  434-443,  18  et  seq.;  Gesch.  Bœhmens,  III,  i,  p.  208;  llœtler, 
Gescliichtschr.,  I,  p.  164  et  suiv.,  294  et  suiv.  Écrits  de  Hus  :  de  Libris 
hœreticorum  legendis,  0pp.  I,  102  et  seq.;  Actus  pro  defensione  fidei 
J.  Wicleü  de  Trinitate,  ib.,  p.  105  et  seq.;  Replica  contra  Auglum 
Simonem  Stokes,  p.  108  et  seq.;  Defensio  quorunidam  articulorum  J. 
Wiclefi,  p.  112  et  seq.  Autres,  ib.,  p.  118-128.  Comp.  Schwab,  p.  554- 
559.  Derniers  jours  de  Sbinko  :  Doc,  p.  443;  Palacky,  p.  270  et  suiv. 
Hus  contre  les  indulgences  et  Je  pape  :  Quœstio  de  indulgentiis,  et 
Contra  bullam  Papse,  0pp.  1,  171  et  seq.,  184  et  seq.;  Schwab,  p.  563 
et  suiv.  Les  premiers  martyrs  hussites  :  Palacky,  p.  273-280;  Hœller, 
Geschieh tschr.,  II,  p.  201  ;  IH,  p.  230  et  suiv.  Plusieurs  des  collègues 
de  Hus  l'abandonnent  :  Hus,  0pp.  I,  324  et  seq.,  330  b,  334  a,  360  b, 
394  b,  398  et  seq.;  Palacky,  Gesch.  des  Husitenthums  und  Prof.  llœtler, 
p.  145.  Traité  de  Stanislas  de  Znaïm  :  Cod.  Monac,  lat.,  5835,  in-f°,  114 
et  seq.;  Schwab  ,  p.  576  et  suiv.  Mag.  Paulus,  curé  de  Dola ,  près 
d'Olmütz,  de  Auctorit.  Rom.  Eccles.,  1417,  également  inédit;  Etienne 
de  Dola,  Medulla  Iritici,  s.  Antiwiclefus,  Pez,  Thcs.  anecd.,  IV,  ii, 
p.  151-360;  Antihusus,  Dialogus  volatilis  inter  aucam  (ocam  =  Hus) 
et  passerem,  —  ep.  ad  Husitas,  ib.,  p.  363-760  ;  Bibl.  ascet.,  IV,  p.  87- 
110.  André  de  Ratisbonne,  0.  S.  A.,  Dialog,  de  Husitis;  Hœfler, 
Geschichlschr.,  1,  p.  556-596;  Anon.,  de  Ilusitis,  ib.,  p.  621-632.  Les 
six  articles  :  Doc,  p.  455  et  seq.;  Palacky,  III,  i,  p.  280-283;  Hœfler, 
Conc  Prag.,  p.  72.  Actes  de  l'université  de  Prague,  d'après  Cochlée, 
dans  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  160-163.  Plaintes  des  curés  de  Prague  : 
Hœfler,  Geschichtschr.,  II,  p.  204  ;  Conc.  Prag.,  p.  73.  Bulle  d'excom- 
munication :  Doc,  p.  401  et  seq.;  Palacky,  p.  285  et  suiv.;  Hœfler, 
Geschichtschr.,  I,  p.  26  et  suiv.;  III,  p.  50  et  suiv.  Hus  la  combat:  Doc, 
p.  22  et  seq.,  31  et  seq.,  464  et  seq.;  Hus,  Opp.  I,  22;  Héfelé, 
p.  49-52. 

Autres  travaux  de  Jean  Hus. 
292.  L'archevêque  Albic  donna  sa  démission,  et  se  contenta  de 


l'église  en  face  des  schismatiques  et  des  hérétiques.    147 

la  prévôté  de  Wysherad  et  de  l'archevêché  de  Césarée  in  partions. 
Le  Westphalieii  Conrad  de  Vechte,  jusque-là  évêque  d'Olmiitz, 
obtint  le  siège  de  Prague.  11  réunit,  en  février  1413,  un  grand 
synode  pour  apaiser  les  discordes  religieuses.  Hus  y  fut  repré- 
senté par  Sun  ami,  le  jurisconsulte  Jean  de  Jesenic.  La  faculté  de 
théologie  résuma  les  hérésies  des  novateurs  sur  les  sacrements 
et  les  coutumes  ecclésiastiques,  sur  la  hiérarchie  et  la  sainte 
Écriture,  et  proposa  qu'on  agît  sévèrement  (même  par  l'exil) 
contre  ceux  qui  résisteraient  à  la  doctrine  de  l'Église.  Hus  et 
les  siens  demandèrent  qu'on  leur  permît  de  se  justifier  person- 
nellement devant  le  synode,  et  que,  s'ils  y  parvenaient,  on 
livrât  leurs  adversaires  au  feu,  afin  de  purger  la  Bohême  de 
tout  soupçon  d'hérésie. 

L'archevêque  de  Leitomysl  voulait  qu'on  établît  à  l'université 
un  vice- chancelier  pourvu  d'une  autorité  suffisante,  qu'on 
surveillât  la  prédication,  que  les  hussites  en  fussent  exclus  et 
que  l'on  confisquât  leurs  livres.  Il  y  eut  encore  d'autres  proposi- 
tions et  contre-propositions,  mais  le  synode  n'aboutit  à  aucun 
résultat. 

Une  commission  étabUe  par  Venceslas  essaya,  mais  en  vain, 
d'amener  une  conciliation  favorable  aux  hussites.  Comme  elle 
n'avait  point  de  principes,  les  professeurs  de  théologie  s'en  sépa- 
rèrent. Venceslas,  favorable  aux  hussites,  exila  ces  professeurs 
comme  étant  les  auteurs  de  la  discorde.  Le  roi  prit  même  des 
mesures  tyranniques  contre  les  antihussites,  surtout  contre  les 
Allemands.  Hus,  pendant  ce  temps-là,  vivait  retiré  dans  les  châ- 
teaux de  quelques  familles  nobles,  où  il  composa  des  ouvrages 
en  bohémien  et  en  latin,  sa  Postille  et  son  principal  traité  dog- 
mati(jue  sur  l'Église.  Il  écrivit  de  nombreuses  lettres  à  ses  amis, 
prêcha  dans  les  villages,  en  pleine  campagne,  partout,  en  un 
mot,  où  il  trouvait  des  auditeurs,  et  attaqua,  dans  un  langage 
extrêmement  acerbe,  la  hiérarchie  et  les  dogmes  de  l'Église. 
Son  exil  de  Prague  ne  servit  qu'à  mieux  propager  son  hérésie 
en  Bohême.  Jérôme  de  Prague  l'introduisit  en  Moravie  et  en 
Pologne;  l'université  de  Prague  inclina  dans  ce  sens  et  la 
défendit  contre  les  théologiens  de  Vienne.  L'interdiction  des 
livres  de  Wiclef  (février  1413),  portée  par  Jean  XXIll  au  concile 
de  Rome,  n'eut  aucun  résultat,  et  le  danger  devenait  chaque 
jour  plus  menaçant.  Sigismond,  roi  de  Germanie  et  des  Ro- 


148  HISTOIRE   DE   l/ÉGLISE. 

mains  en  même  temps  que  successeur  au  trône  de  Veneslas 
privé  d'enfants,  songea  sérieusement  aux  moyens  d'y  remédier, 
et  les  universités  étrangères  en  firent  l'objet  de  leur  examen. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SDR    LE    N°   292. 

Synode  de  1413  :  Doc,  p.  52  et  seq.,  47öet  seq.;  Hœfler,  Conc.  Prag., 
p.  73-1 H  ;  Geschichtschr.,  III,  p.  51  et  siiiv.;  Palacky,  III,  i,  p.  290  et 
suiv.;  Cochiseus,  Hisl.  Hus.,  lib.  I,  p.  29-36.  Commission  établie  par 
Venceslas  :  Doc,  p.  507-511;  Hœfler,  Geschichtschr.,  I,  p.  28  et  suiv.; 
Palacky,  p.  294  et  suiv.;  J.  Hus,  Tr.  de  Eccl.,  0pp.  1,  196-2.55.  Comp. 
Schwab,  p.  567  et  suiv.  Autres  écrits  :  de  Abolendis  Sectis,  de  Pernicie 
humanarum  traditionum,  0pp.  I,  472  et  seq.,  nov.  ed.,  I,  593,  595. 
Trois  lettres  à  ceux  de  Prague  :  0pp.  I,  75,  119,  124;  mieux  Doc, 
p.  34-43.  Onze  lettres  dans  Hœfler,  Geschichtschr.,  II,  p.  214-229; 
Doc,  p.  43-51,  54-63.  Die  Prager  Univ.  gegen  Mag.  Sybart  v.  Wien  : 
Hœfler,  II,  p.  203  ;  Doc,  p.  506,  512  ;  Palacky,  III,  i,  p.  263,  301. 

Doctrine  de  Hus. 

293.  Sans  adopter  la  spéculation  panthéiste  de  Wiclef,  Hus  fit, 
de  la  doctrine  de  la  prédestination,  le  centre  de  sa  dogmatique. 
Selon  lui,  la  véritable  Église  est  un  corps  mystique  qui  se  com- 
po.se  uniquement  de  prédestinés.  Ces  justes,  appelés  de  toute 
éternité  à  la  béatitude,  ne  peuvent  être  pour  toujours  sépa- 
rés de  ce  corps.  Quant  aux  prévus  (prœsciti),  ils  n'ont  jamais 
été  des  membres  de  ce  corps;  ils  n'en  sont  que  les  humeurs 
impures.  Comme  il  est  impossible  qu'un  prédestiné  périsse  et 
que  nulle  puissance  ne  peut  le  séparer  de  l'Église,  personne  ne 
peut  être  exclu  du  salut  ni  retranché  de  l'Église  par  l'excom- 
munication. On  ne  peut  savoir  sans  une  révélation  particulière 
si  quelqu'un  est  prédestiné  :  aucun  laïque  n'est  donc  obligé  de 
croire  que  son  supérieur  ecclésiastique  est  membre  de  l'Église. 
Le  pape  et  les  cardinaux  peuvent  sans  doute  appartenir  à  la 
vraie  ÉgUse,  mais  non  en  qualité  de  chefs.  Jésus-Christ  seul 
est  le  chef  de  l'Église,  le  roc  sur  lequel  elle  est  bâtie  {Matth., 
XVI,  18). 

On  ne  saurait  prouver  que  Jésus-Christ  a  établi  un  chef 
visible.  La  papauté  n'a  pas  d'autre  origine  que  la  faveur  des 
empereurs  et  la  force.  Les  bulles  du  pape  ne  méritent  créance 
qu'autant  qu'elles  sont  conformes  à  l'Écriture  :  c'est  pourquoi 
chacun  a  le  droit  de  les  examiner.  Le  pape  trompe  les  autres 


L  ÉGLISE  EN  EACE  J>ES  SCHISMATIOIES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.      149 

par  amour  du  lucre,  et  se  trompe  lui-même  par  ignorance.  Les 
clefs  du  royaume  des  cieux  remises  à  Pierre,  et  par  lui  à  toute 
l'Église,  ne  figurent  que  le  pouvoir  de  prêcher,  d'avertir  et  de 
remettre  les  péchés;  mais  aucun  prêtre  ne  doit  lier  ou  délier  au 
delà  de  ce  qu'a  fait  Dieu  lui-même,  dont  il  n'a  qu'à  exécuter  la 
sentence.  De  plus,  à  parler  rigoureusement,  la  contrition  seule 
est  nécessaire  pour  la  rémission  des  péchés.  Le  Siège  aposto- 
lique, c'est  proprement  la  vie  apostolique,  qui  rend  apte  à  ensei- 
gner et  à  juger  selon  la  loi  de  Dieu.  L'obéissance  à  l'Église  est 
contraire  à  l'Écriture  et  une  pure  invention  de  la  hiérarchie. 
Un  prêtre  qui  se  sent  innocent,  ne  doit  point,  malgré  la  défense 
du  pape  et  de  l'évêque,  cesser  de  prêcher,  et  n'a  pas  à  se  soucier 
de  l'excommunication.  Tout  supérieur  temporel  et  spirituel  en 
état  de  péché  mortel  est  privé  de  son  autorité  et  doit  résigner 
sa  charge. 

Hus  croyait  fonder  ainsi  une  constitution  ecclésiastique  qui 
répondrait  mieux  à  l'Évangile  que  la  constitution  établie,  et  il 
considérait  comme  sa  mission  de  créer  un  peuple  qui  serait 
gouverné  dans  la  concorde  par  la  loi  divine  et  ne  reconnaîtrait 
pour  chef  que  Jésus-Çhrist.  Il  soutenait  que  les  évêques  et  les 
prêtres  étaient  égaux  entre  eux,  que  la  division  en  diocèses 
n'était  que  l'œuvre  de  la  cupidité.  Chaque  évêque,  chaque 
prêtre  devait,  comme  les  apôtres,  avoir  le  droit  de  prêcher  par 
toute  la  terre;  l'ordination  seule  les  y  autorisait.  Cependant, 
ajoutait-il,  tous  ceux  qui  ont  reçu  les  ordres  n'ont  pas  reçu  le 
Saint-Esprit;  le  clergé  de  l'Éghse  régnante  ne  l'a  pas,  parce  qu'il 
ne  prêche  point  l'Évangile  au  peuple  dans  la  pauvreté  et  la 
patience  :  sa  prédication  n'est  qu'une  usurpation.  La  mission 
invisible  et  divine,  qui  se  reconnaît  non  à  des  signes  et  à  des 
miracles,  mais  par  l'attrait  du  Saint-Esprit  imprimé  dans  le 
cœur,  par  l'imitation  de  Jésus-Christ  dans  une  vie  vertueuse, 
vaut  beaucoup  mieux  que  la  mission  visible  et  humaine.  Pour 
gouverner  l'Église  militante,  qui  a  pour  chefs  la  divinité  et 
l'humanité  du  Christ,  ainsi  que  les  supérieurs  particuliers,  la 
Bible  suffit  ;  elle  est,  du  reste,  renforcée  par  les  saints  de  Dieu, 
qui  sont  une  seconde  et  vivante  Écriture. 

Le  magistère  infaillible  de  l'Église  est  un  objet  d'horreur 
pour  Jean  Hus  ;  dans  le  doute,  il  s'en  rapporte  uniquement  à 
rillumiûalion  divine;  il  accorde  l'infaillibilité  à  chaque  ûdèle, 


450  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

même  aux  laïques.  Les  prédestinés,  selon  lui,  ne  peuvent  tom- 
ber dans  l'erreur  {Jean,  x,  28);  quant  aux  réprouvés,  le  Saint- 
Esprit  ne  réside  pas  en  eux  ;  ils  n'ont  aucune  autorité,  aucune 
intelligence  de  l'Écriture  ;  ils  n'ont  pas  la  même  nature  que  les 
autres. 

La  véritable  Église,  c'est  l'Église  invisible,  l'Église  des  pré- 
destinés; comparée  avec  elle,  l'Église  visible  ne  mérite  pas 
même  le  nom  d'Église.  Hus,  il  est  vrai,  reconnaît  les  docteurs 
de  l'Église  et  leur  attribue  une  certaine  autorité  ;  mais  ils  sont 
également  soumis  à  l'interprétation  individuelle,  comme  l'Écri- 
ture, et  leur  parole  est  soumise  à  l'appréciation  du  jugement 
privé.  En  morale,  Hus  n'admettait  point  de  milieu  entre  les  actes 
méritoires  et  les  actes  coupables  ;  il  insistait  beaucoup  sur  les 
bonnes  œuvres.  Sa  théorie  de  la  justification  s'écarte  sensible- 
ment de  celle  de  Luther.  Partout  il  caresse  l'orgueil  des 
masses,  qu'il  constitue  juges  des  autorités  temporelles  et  spiri- 
tuelles ;  il  excite  au  mépris  du  clergé  et  des  moines,  et  pense 
à  les  persécuter.  Sa  doctrine  n'est  pas  seulement  hérétique; 
elle  est  encore  souverainement  dangereuse  sous  le  rapport 
politique  et  absolument  révolutionnaire. 

OUVRAGES  A  CONSULTER    ET  REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE  N»  293. 

EiTores  J.  Hus  a  Gersonio  cancell.  et  aliis  Mag.  Paris,  notati  :  du 
Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  164  et  seq.;  Cappenberg,  Utrum  Husii  doctrina 
fuerit  haeretica,  Monast.,  1834;  J.  B.  Friedrich,  die  Lehre  des  J.  Hus, 
Ratisbonne,  1862;  Schwab,  p.  567  et  suiv.,  580  et  suiv.;  Lechler, 
(Joh.  V.  "VVicl.,  Leipz.,  1873,  t.  II,  p.  246)  convient  également  avec 
Friedrich  que  Wiclef  enseignait,  sur  la  justification,  non  la  doctrine 
luthérienne,  mais  la  doctrine  catholique.  Il  en  faut  dire  autant  de 
Hus. 

Hus  à  Constance.  —  Son  interrogatoire. 

294..  Les  rois  Sigismond  et  Venceslas  conseillèrent  à  Hus, 
en  lui  promettant  un  sauf-conduit,  de  se  rendre  au  concile 
général  de  Constance,  pour  dissiper  les  bruits  fâcheux  répan- 
dus sur  sa  doctrine  et  relever  la  réputation  de  son  pays.  Malgré 
la  résistance  de  ses  amis,  il  se  crut  obligé,  par  son  appel  per- 
sonnel et  par  les  déclarations  qu'il  avait  faites,  de  se  rendre  à 
cet  avis.  11  espérait  que  ce  concile  réformateur  approuverait  sa 
doctrine,  s'il  lui  était  donné  de  la  développer  dans  de  libres 


l/ÉGLISE  EN  FACE  DES  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES,       loi 

et  publiques  conférences.  Il  revint  à  Prague  au  moment  où 
l'archevêque  Conrad  avait  convoqué  un  synode  diocésain.  Il 
déclara  dans  des  affiches  placardées  aux  murs  et  rédigées  en 
latin,  en  allemand  et  en  bohémien,  qu'il  était  prêt  à  rendre 
compte  de  sa  foi  devant  l'archevêque  et  son  synode,  comme 
aussi  devant  le  concile  de  Constance.  Dans  le  placard  latin,  il 
promettait  de  prouver  son  innocence  «  d'après  les  décrets  et  les 
canons  des  saints  Pères  »,  et,  dans  le  placard  allemand,  «  selon 
l'ordre  de  l'Écriture  sainte  ».  Dans  le  texte  bohémien,  il  ne 
disait  ni  l'un  ni  l'autre.  L'archevêque  déclara  qu'il  n'avait 
constaté  dans  Hus  aucune  erreur,  qu'il  devait  se  justifier 
auprès  du  pape. 

Hus  remercia  (1"  septembre  1414)  le  roi  Sigismond  de  sa 
faveur,  promit  d'aller  à  Constance  sous  la  protection  d'un  sauf- 
conduit,  et  demanda  qu'il  lui  fût  permis  d'y  confesser  publi- 
quement sa  foi,  pour  laquelle  il  était  prêt,  au  besoin,  à  endurer 
la  mort.  Puis  il  répondit  aux  accusations  écrites  que  ses  adver- 
saires devaient  faire  valoir  à  Constance,  et  qui  lui  furent  remises 
par  un  de  ses  amis,  afin  de  se  mieux  préparer  pour  les  discus- 
sions de  Constance.  Trois  chevaliers  bohémiens  lui  furent  ad- 
joints pour  le  protéger  dans  son  voyage,  sans  parler  des  nom- 
breux amis  qui  l'escortèrent  de  Prague  (11  octobre).  Il  fut  bien 
accueilli,  surtout  à  Nuremberg  et  à  Biberach.  Les  voyageurs 
arrivèrent  à  Constance  le  3  novembre  1414.  Hus  alla  résider 
chez  une  veuve,  et  chargea  le  lendemain  deux  de  ses  cheva-  " 
liers  d'annoncer  sou  arrivée  à  Jean  XXIII.  Le  pape  les  reçut 
amicalement,  suspendit  l'excommunication  et  l'interdit  encou- 
rus par  Hus,  et  chacun  fut  hbre  de  converser  avec  lui  ;  mais 
on  lui  défendit  de  prêcher  et  de  célébrer.  Pour  éviter  le  scan- 
dale, il  devait  s'abstenir  d'assister  aux  solennités  religieuses. 

L'examen  de  son  affaire  fut  ajourné  jusqu'à  l'arrivée  de 
Sigismond.  Sur  ces  entrefaites,  Etienne  de  Palecz  et  Michel  de 
Causis  ayant  déposé  leur  plainte,  Hus  fut  mandé  devant  le  pape 
et  les  cardinaux  (28  novembre).  L'un  de  ceux-ci  lui  représenta 
que,  de  graves  accusations  ayant  été  produites  contre  lui,  on 
désirait  apprendre  de  sa  propre  bouche  ce  qu'il  en  était.  — 
J'aimerais  mieux  mourir,  répondit  Hus,  que  de  me  savoir  cou- 
pable d'une  seule  erreur;  si  l'on  me  convainc  de  quelqu'une, 
je  suis  prêt  à  me  rétracter  et  à  faire  pénitence.  On  fut  satisfait 


152  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

de  cette  réponse.  L'interrogatoire  sur  la  doctrine  de  l'Eucha- 
ristie ne  révéla  rien  qui  lui  fût  défavorable.  Cependant,  comme 
il  disait  journellement  la  messe,  malgré  la  défense  qu'on  lui 
avait  faite,  et  qu'il  adressait  des  allocutions  aux  personnes 
curieuses  de  l'entendre,  ce  que  l'évêque  de  Constance  ne  pou- 
vait pas  tolérer,  il  fut  enfermé,  d'abord  dans  la  demeure  du 
chantre  de  la  cathédrale,  puis  au  couvent  des  dominicains 
(6  décembre),  où  il  se  plaignit  de  l'insalubrité  de  sa  prison.  On 
lui  donna  bientôt  une  chambre  plus  saine,  et  on  lui  procura 
les  soins  des  médecins  de  Jean  XXIII. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N"  294. 

Hœfler,  Geschichtsclir.,  I,  p.  115  etsuiv.,  162  et  suiv.  ;  II,  p.  262  et 
suiv.;  III,  p.  73  ;  Docum.,  p.  66  et  seq.,  237  et  seq.,  531  et  seq.;  Pa- 
lacky,  m,  I,  p.  314  et  suiv.;  Héfelé,  VII,  p.  60-66. 

Intervention  de  la  noblesse  de  Bohême  en  faveur  de  Hua. 

295.  L'examen  des  griefs,  obstination  dans  la  désobéissance, 
justification  des  articles  de  Wiclef  et  doctrines  propagées  par 
Hus  lui-même,  fut  confié  par  Jean  XXIII  à  Jean,  patriarche 
latin  de  Constantinople  (un  Français),  à  l'évêque  Jean  de 
Lübeck  et  à  un  évêque  itaUen.  Ils  entendirent  un  grand  nombre 
de  savants  et  de  moines  tant  allemands  que  bohémiens.  Hus, 
pendant  cet  intervalle,  fut  libre  d'écrire  quantité  de  lettres  et 
de  traités  religieux,  de  répondre  aux  articles  de  ses  adver- 
saires, surtout  d'Etienne  de  Palecz  et  du  chancelier  Gerson.  Le 
chevalier  Chlum,  qui  l'accompagnait,  avait  déposé  une  protes- 
tation contre  son  emprisonnement  ;  quant  au  sauf-conduit  reçu 
de  Sigismond  le  18  octobre,  il  ne  l'avait  montré  à  Constance 
qu'après  l'incarcération  de  Hus.  Sigismond  lui-même  fut  mé- 
content de  cette  incarcération;  mais  il  déclara  (1"  janvier  1415) 
qu'il  ne  voulait  pas  empêcher  le  concile  de  procéder  selon  le 
droit  commun  contre  les  personnes  accusées  d'hérésie.  Après 
la  fuite  de  Jean  XXIII,  Hus  fut  confié  à  la  garde  de  l'évêque  de 
Constance  (22  mars),  qui  le  fit  transférer  au  château  de  Gottlie- 
ben.  Le  6  avril,  le  concile  établit  une  commission  présidée  par 
les  cardinaux  d'Ailly  et  Pilastre,  pour  examiner  la  doctrine  de 
Hus  et  de  ses  partisans;  le  17  avril,  on  nomma  de  nouveaux 
commissaires,  investis  de  pouvoirs  plus  étendus.  Après  la  déci- 


l'église  en  face  des  SCHISMATIOUES  ET  DES  HÉRÉllQUES.       153 

sion  portée  contre  Wiclef  (4  mai),  la  condamnation  de  ses  par- 
tisans de  Bohème  était  aisée  à  prévoir.  La  noblesse  de  Bohême 
et  de  Pologne  se  plaignit  do  l'offense  infligée  à  la  Bohème,  de 
la  dure  captivité  de  Hus  et  de  l'ajournement  de  la  sentence; 
elle  demanda  qu'il  fût  interrogé  publiquement  et  qu'on  le 
traitât  avec  égards,  en  considération  du  sauf-conduit  de  Sigis- 
mond.  La  haine,  le  défaut  de  charité  lui  paraissaient  l'unique 
source  des  accusations  élevées  contre  Hus,  et  elle  invoquait 
pour  lui  des  témoignages  favorables, 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR  LE  N"  295. 

Ray».,  an.  1414,  n.  10  et  seq.;  Doc,  p.  83  et  seq.,  97,  199,  232  et 
seq.,  266  et  seq.,  356  et  seq.,  612;  Hœfler,  Geschichtschr.,  I,  p.  140  et 
suiv.,  113,  133  et  suiv.;  Schwab,  p.  581  et  suiv.;  Héfelé,  p.  70  et  suiv., 
93,  103,  109,  124,  132  et  suiv,,  142  et  suiv.,  147  et  suiv. 

Condamnation  de  Hus.  —  Sa  mort. 

296.  Au  commencement  de  juin  1415,  Hus  fut  amené  de 
Gottlieben  au  couvent  des  franciscains  de  Constance,  où  plu- 
sieurs congrégations  générales  furent  tenues  à  son  sujet.  On 
lut  des  extraits  d'écrits  qu'il  reconnaissait  comme  siens,  en 
même  temps  que  les  dépositions  des  témoins,  11  donna  dans 
plusieurs  passages  des  explications  sophistiques,  ou  protesta 
qu'il  n'avait  jamais  enseigné  telles  propositions.  Il  défendit 
ouvertement,  comme  n'étant  pas  du  moins  hérétiques,  plu- 
sieurs articles  de  Wiclef,  soutint  qu'aucun  Bohémien  n'était 
entaché  d'hérésie,  et  il  n'épargna  pas  les  injures.  Son  dessein 
était  de  discuter  avec  le  concile.  11  se  trouva  que  plusieurs 
passages  étaient  encore  plus  violents  dans  ses  livres  que  dans 
les  propositions  qu'on  en  avait  extraites,  et  Sigismond  lui- 
même  reconnut  qu'une  seule  des  erreurs  avouées  par  lui 
suffirait  pour  le  faire  condamner. 

Après  son  troisième  interrogatoire  (8  juin),  les  cardinaux, 
Sigismond  et  diverses  personnes  firent  plusieurs  tentatives 
pour  amener  à  une  rétractation  cet  hérétique  fanatiquement 
passionné  pour  sa  doctrine  et  pour  l'honneur  de  la  Bohème. 
On  lui  proposa  quelques  formules  d'abjuration  très  mitigées  ; 
mais  il  persista  à  soutenir  qu'il  ne  se  sentait  point  coupable 
d'erreur,  qu'on  ne  l'avait  encore  convaincu   d'aucune    par 


loi  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

l'Écriture  sainte,  qu'il  ne  pouvait  pas  condamner  la  vérité  et 
prêter  un  faux  serment.  Lorsque  la  commission  synodale,  afin 
de  l'impressionner  davantage,  eut  condamné  ses  ouvrages  au 
fou  (24  juin),  II us  les  compara  à  ceux  do  Jérémie  (Jérém., 
xxxvi,  23)  et  autres  livres  sacrés  qui  avaient  eu  le  même  sort; 
il  se  déchaîna  contre  la  malice  de  l'Antéchrist  et  contre  le  con- 
cile, cet  asile  de  tontes  les  corruptions.  D'autres  tentatives 
d'accommodement  ne  purent  vaincre  son  étonnante  obstina- 
tion. C'est  pourquoi,  après  la  lecture  de  ses  erreurs  faite  dans 
la  quinzième  session  (6  juillet  1415),  après  une  nouvelle  et 
inutile  exhortation,  il  fut  condamné  comme  hérétique,  déposé 
de  la  dignité  sacerdotale,  dégradé  et  abandonné  au  bras  sécu- 
lier. Sigismond  le  livra  à  Louis,  comte  palatin,  et  celui-ci  au 
bailli  de  Constance. 

Conduit  au  bûcher  pour  y  subir  le  châtiment  des  hérétiques, 
Hus  le  supporta  avec  beaucoup  de  calme  et  de  fermeté.  La  peine 
du  feu,  réclamée  par  la  jurisprudence  de  ce  temps,  fut  appli- 
i[uée  dans  toute  sa  rigueur.  Hus  lui-même  l'avait  demandée. 
Ce  qui  lui  valut  cette  mort  tragique,  ce  ne  fut  point  son  zèle 
pour  les  réformes  :  d'autres  contemporains  en  avaient  montré 
autant  et  n'en  avaient  pas  souffert;  ce  furent  les  erreurs  sou- 
verainement funestes  dont  il  était  convaincu.  On  ne  saurait 
l'absoudre  d'obstination  et  d'orgueil  national,  d'inconséquence 
et  de  fanatisme.  Il  n'est  pas  du  tout  exact  qu'on  ait  violé  son 
sauf-conduit,  simple  passeport  destiné  à  le  mettre  à  l'abri  des 
vexations  étrangères,  mais  non  à  le  soustraire  au  juge  ordi- 
naire et  à  sa  sentence;  et  c'est  bien  à  tort  qu'on  a  attribué 
au  concile  do  Constance  cette  parole,  qui  ne  se  trouve  dans 
aucun  de  ses  décrets  approuvés  :  On  ne  doit  point  de  foi  à  un 
hérétique. 

OnVUAGES  A  CONSULTER  SUll  LE  .N"  296. 

Doc,  p.  iOi  et  seq.,  276  et  seq.,  28b  et  seq.,  209  et  seq.,  314  et 
seq.,  Ö57;  Hœller,  Geschichtschreiber,  I,  p.  210  et  suiv.,  244  et  suiv., 
287  et  suiv.,  327;  II,  p.  306  et  suiv.;  Mansi,  XXVII,  747  et  seq.;  Hard., 
VIII,  402  et  seq.;  ^n.  Sylv.,  Hist.  Boh.,  c.  xxxvi  ;  Ulrich  de  Reichen- 
thal (§  94),  f.  2141  a.;  iléfclé,  Vil,  p.  149-173,  184  et  suiv.  Sur  le  sauf- 
conduit,  voy.  Pignalclli,  Consult.  canon.,  t.  V,  cons.  Lxvn,  n.  66-73, 
p.  1688  et  seq.,  ed.  Venet.,  1688;  Natal.  Alex.,  sœc.  XV,  diss.  vu, 
t.  XVIII,  p.  402  et  seq.;  Hœflcr,  dans  Hist.-pol.  Blœttern,  t.  IV,  p.  422 


l'église  en  face  des  SCHISMATKiLKS  ET  UES  HÉRÉTIQUES.       155 

et  suiv.,  et  t.  XLI  (1858),  p.  329  et  suiv.;  Héfelé,  p.  218-227;  Berger, 
p.  179  et  suiv.;  Brück,  Lehrb.,  p.  51  o  et  suiv.  Contre  cette  assertion 
de  Gieseler,  Hisl.  eccl.,  II,  ii,  p.  418,  que  le  concile  aurait  dit  :  «  Nullam 
lidem  haeretico  esse  servandam  »,  voy.  Hist.  Conc.  Trid.,  Xli,  xv,  8  ; 
Hœfler,  dans  Hist.-pol.  Bl.,  t.  IV,  p.  421  et  suiv.;  Héfelé,  VII,  p.  227  et 
suiv. 

Procès  et  mort  de  Jérôme  de  Prague. 

297.  Une  destinée  semblable  à  celle  de  Hus  était  réservée  à 
son  ami  Jérôme  de  Prague,  qui  le  surpassait  encore  par  son 
éloquence,  non  moins  que  par  son  ardeur  inconsidérée.  Sans 
y  être  appelé,  .Jérôme  s'était  rendu  à  Constance  dès  le  4  avril 
I41.S.  Effrayé  par  l'emprisonnement  de  Hus,  il  demanda  un 
sauf-conduit  qui  assurât  la  liberté  de  sa  défense.  Le  concile 
agréa  sa  demande  et  accorda  le  sauf-conduit,  mais  en  déclarant 
qu'il  avait  pour  objet  de  le  protéger  contre  d'injustes  violences, 
et  non  contre  le  bras  de  la  justice  (11  et  17  avril).  Jérôme,  ne  se 
croyant  pas  suffisamment  en  sûreté,  essaya,  avec  le  concours 
de  ses  amis,  de  retourner  en  Bohème  ;  mais,  au  mois  d'avril 
encore,  il  fut  emprisonné  à  Hirschau,  dans  le  Haut-Palatinat, 
pour  outrages  envers  le  concile,  et  le  23  ramené  à  Constance 
chargé  de  chaînes.  Interrogé  sur  la  cause  de  sa  fuite,  il  essaya 
de  se  justifier  en  alléguant  l'insuffisance  du  sauf- conduit;  il 
prétendit  n'avoir  pas  eu  connaissance  de  sa  citation  devant  le 
concile. 

Questionné  ensuite  sur  l'Eucharistie,  il  s'exprima  en  termes 
équivoques  et  sans  contester  la  transsubstantiation.  Pour  échap- 
per à  la  prison,  il  consentit  à  se  rétracter  dans  une  congréga- 
tion générale  tenue  le  11  septembre,  puis  dans  la  dix-neuvième 
session  solennelle  (23  septembre).  Il  avait,  disait-il,  trouvé  juste 
la  sentence  prononcée  contre  Hus,  lorsqu'il  eut  acquis  la  convic- 
tion que  Hus  enseignait  réellement  les  propositions  qu'on  lui 
imputait.  Il  anathématisa  les  quarante-cinq  articles  de  Wiclef 
et  les  trente  de  Hus.  Il  fut  désormais  traité  avec  plus  de  dou- 
ceur, mais  non  remis  en  liberté  :  car  plusieurs  Bohémiens  et 
Allemands  contestaient  la  sincérité  de  sa  soumission,  et  quelques 
carmes  de  Prague  produisirent  contre  lui  de  nouvelles  accusa- 
tions. Les  juges  mêmes  de  l'enquête,  s'étant  prononcés  pour  son 
élargissement,  furent  suspectés  d'avoir  été  corrompus  par  le 
roi  Yenceslas  et  par  les  Bohémiens. 


156  HISTOIRE    DE   L  EGLISE. 

Jean,  patriarche  de  Coiistantiiiople,  et  le  docteiu'  Nicolas  de 
Dinkelsbilhl  furent  chargés  d'entendre  les  témoins  qui  dépose- 
raient contre  lui.  Ils  firent  leur  rapport  le  27  avril  et  le  9  mai 
1416,  et  produisirent  plusieurs  graves  accusations.  Jérôme 
refusa  obstinément  de  s'expUquer  devant  les  commissaires,  et 
voulut  paraître  devant  le  concile  même.  Ou  l'y  autorisa  le 
23  mai  1416,  jour  anniversaire  de  son  emprisonnement;  mais, 
au  lieu  de  lui  permettre,  ainsi  qu'il  le  voulait,  de  se  justifier 
dans  une  longue  apologie ,  on  le  somma  de  répondre  aux 
chefs  d'accusation.  Il  en  nia  plusieurs  et  en  atténua  quelques 
autres;  puis  il  parla  longuement  pour  sa  justification,  déclara 
que  Hus  était  un  homme  saint  et  juste,  qu'il  avait  eu  tort  de 
se  rétracter  et  ne  l'avait  fait  que  par  crainte.  11  se  permit  aussi 
des  sorties  contre  les  papes  et  les  cardinaux.  On  essaya  inutile- 
ment de  le  ramener  à  une  plus  grande  réserve.  Ses  déclara- 
tions non  rétractées  contenaient  son  propre  jugement.  Le 
30  mai  1416  (vingt  et  unième  session),  il  fut  condamné  comme 
hérétique  opiniâtre  et  relaps,  ethvré  au  bras  séculier.  Il  mourut 
avec  la  même  fermeté  que  IIus. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    SUR   LE   N°   297. 

Du  Plessis  d'Arg.,  1,  n,  p.  194-197  ;  Héfelé,  VII,  p.  106  et  suiv.,  109, 
114,  133,  231,  234  et  suiv.,  252  et  suiv.,  254  et  suiv.,  271  et  suiv.; 
ibid.,  p.  280  et  suiv.,  la  lettre  d'un  témoin  oculaire,  Poggio  de  Flo- 
rence à  Léonard  d'Arezzo. 

Les  HiissKcs  eu  Bohême  et  en  lloravie. 

Introduction  à  Prague  de  la  communion  sous  les  deux 

espèces. 

298.  Peu  de  temps  après  le  départ  de  Hus  pour  Constance, 
son  ancien  condisciple  Jacobellus  (Jacques  de  Mies),  curé  de 
Saint-Michel  et  professeur  de  philosophie  à  Prague,  encouragé 
par  d'autres  théologiens,  avait  émis  cette  proposition,  que,  pour 
participer  complètement  à  l'Eucharistie  il  fallait  communier 
sous  les  deux  espèces,  que  l'usage  du  calice  appartenait  aussi 
bien  aux  laïques  qu'aux  ecclésia.stiqucs.  Et  aussitôt  quelques 
curés  commencèrent  de  leur  propre  chef  à  distribuer  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces,  et  abolirent  le  précepte  de  la 
recevoir  à  jeun.  On  s'éleva  bientôt  contre  les  prêtres  qui  com- 


l'ÉGLTSE  en  face  des  Sr.HISMATIQlES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       157 

battaient  cette  nouveauté  ;  des  bouteilles  contenant  le  vin  con- 
sacré circulaient  partout,  et  servaient  de  signe  de  ralliement 
aux  partisans  de  Hus. 

Le  16  mai  1415,  l'évèque  de  Leitomysl  s'en  plaignit  à 
('onstance,  et,  le  15  juin  (treizième  session),  le  concile  publia 
un  décret  qui  maintenait  la  pratique  de  l'Église  et  frappait  de 
censures  ceux  qui  donnaient  et  ceux  qui  recevaient  la  commu- 
nion sous  les  deux  espèces  {si/ô  u traque,  «  utraquistes  »).  Hus, 
consulté  à  ce  sujet  par  le  chevalier  Chlum,  n'avait  pas  voulu 
déclarer  d'abord  qu'on  pouvait,  de  sa  propre  autorité,  intro- 
duire l'emploi  du  calice  pour  les  laïques  ;  il  désirait  au  con- 
traire que  l'on  demandât  celte  concession  au  pape.  Cette  inno- 
vation, du  reste,  lui  semblait  conforme  à  l'ancienne  pratique 
de  l'Église,  et,  le  21  juin,  il  engagea  son  disciple  Hawlik  à  ne 
pas  résister  à  Jacobellus  et  à  ne  pas  justifier  une  coutume  que 
la  négligence  avait  laissé  s''introduire  dans  l'Église;  il  engagea 
même  un  prêtre  à  donner  la  communion  sous  les  deux  espèces. 
Plusieurs  écrits  de  controverse  furent  publiés  sur  ce  sujet,  et 
les  utraquistes  allèrent  jusqu'à  soutenir  que  Jésus-Christ  n'était 
pas  entièrement  présent  sous  chaque  espèce  :  il  y  avait  donc  à  la 
fois  témérité  et  hérésie.  Le  décret  du  concile  fut  très  mal  reçu 
en  Bohême.  L'archevêque  Conrad  et  le  roi  Venceslas  inter- 
dirent ,  il  est  vrai ,  l'usage  du  calice ,  mais  il  continua  à  la 
campagne,  où  la  communion  avait  lieu  souvent  en  plein  air; 
à  Prague  même,  la  défense  ne  fut  pas  longtemps  observée. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  298. 

Conc.  Const.,  sess.  XIII  ;  Mansi,  XXVII,  726-728;  Hard.,  VIII,  380  et 
seq.;  Denzinger,  Enciiir.,  p.  199  et  suiv.,  n.  585  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I, 
II,  p.  165-172.  Écrits  de  controverse  sur  le  calice  des  laïques  :  Werner, 
m,  p.  643  et  suiv.;  Dr.  Andreas  Broda,  cap.  xiv  ;  v.  d.  Hardt,  Conc. 
Const.,  111,  392  et  seq.  Réplique  de  Jacobellus,  ib.,  p.  416  et  seq.; 
Maurice  de  Prague,  ib.,  p.  826  et  seq.;  Mansi,  XXVIII,  432  et  seq.,  447 
et  seq.;  Gerson,  Tr.  contra  heeres.,  de  communione  laicorura  sub 
utraque  specie,  1417,  0pp.  I,  457-467;  Mansi,  loc.  cit.,  p.  424  et  seq. 
Voy.  Schwab,  p.  604  et  suiv.;  Pétri  de  PuIca,  Tract,  in  materia  Husit., 
Cod.  Monac,  lat.,  5835,  in-f«,  1-61  ;  Schwab,  p.  603,  n.  3. 

Désordres  et  excès  en  Bohême. 

299.  La  nouvelle  du  supplice  du  fameux  Hus,  considéré 


158  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

comme  un  outrage  à  la  nation  bohémienne,  changea  le  mécon- 
tentement en  un  effroyable  tumulte.  A  Prague,  les  maisons 
des  prêtres  antihussites  furent  saccagées  ou  détruites,  beau- 
coup d'ecclésiastiques  maltraités  et  mis  à  mort  ;  le  palais  archié- 
piscopal fut  assiégé,  et  l'archevêque  eut  beaucoup  de  peine  à 
se  dérober  à  la  mort  par  la  fuite.  A  la  campagne,  beaucoup  de 
barons  chassèrent  les  curés  et  séquestrèrent  les  biens  de 
l'évêque  de  Leitomysl.  Partout  on  essayait  d'introduire  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces.  Le  roi  demeurait  spectateur  tran- 
quille de  toutes  ces  scènes  et  injuriait  le  concile;  la  reine  et 
beaucoup  de  dames  de  qualité  s'enthousiasmaient  pour  Hus,  «  le 
martyr  ».  En  septembre  1415,  la  noblesse  hussite,  réunie  pour 
la  diète  de  Prague,  adressa  au  concile  une  lettre  pleine  de  vio- 
lences, où  elle  qualifiait  de  fils  du  diable  quiconque  parlerait  de 
l'hérésie  des  Bohémiens.  Elle  décida  de  plus  qu'elle  protégerait 
la  lil)re  prédication  de  la  parole  de  Dieu,  braverait  les  excom- 
munications injustes,  n'obéirait  aux  évêqucs  que  lorsqu'ils 
auraient  pour  eux  l'Écriture  sainte,  et  qu'elle  suivrait  en  tout 
les  décisions  de  l'université  do  Prague  (dont  elle  faisait  ainsi  la 
suprême  autorité  ecclésiastique). 

L'alliance  catholique,  fondée  au  mois  d'octobre,  ne  comptait 
que  quatorze  barons;  et,  comme  elle  n'était  que  faiblement 
soutenue  par  le  roi  et  par  l'archevêque,  elle  n'eut  que  peu  de 
succès.  L'évêque  de  Leitomysl,  qui  arriva  en  Bohême  en  qua- 
lité de  légat,  se  vit  partout  honni  et  persécuté;  plusieurs 
membres  du  clergé  catholique  furent  expulsés  ;  le  chapitre  de 
la  cathédrale  de  Prague,  demeuré  seul  inébranlable,  lança 
l'interdit  sur  la  ville.  L'écrit  des  hussites,  muni  du  sceau  de 
quatre  cent  cinquante-deux  barons  de  Bohême  et  de  Moravie, 
arriva  à  Constance  le  jour  de  Noël;  le  concile  résolut  (20  février 
1416)  d'inviter  los  signataires  à  comparaître  dans  l'espace  de 
cinquante  jours,  comme  suspects  d'hérésie.  Ils  ne  se  présen- 
tèrent point,  et  furent  déclarés  opiniâtres  (juin). 

Le  1"  juillet,  Henri  de  Latzenbock,  l'un  des  trois  chevaliers 
qui  avaient  accompagné  Uns,  abjura  ses  erreurs  On  essaya  de 
nouveau  dans  le  courant  de  septembre  d'inviter  les  Bohémiens 
rebelles,  et  l'on  chargea  le  patriarche  de  Constantinople  de 
s'occuper  de  cette  affaire.  En  décembre  1416,  le  concile  pria  le 
roi  Sigismund  de  combattre  les  désordres  sans  nombre  qui 


l'ÉGMSK  en  face  des  SCUISMATIQUES  ET  DES  HÈRÈTIOUES.       159 

agitaient  la  Bohême,  et  devant  lesquels  Venceslas  demeurait 
dans  une  complète  inaction.  On  continuait  de  persécuter  les 
religieux,  de  piller  les  couvents,  de  mépriser  les  censures,  de 
donner  publiquement  la  communion  sous  les  deux  espèces;  les 
portraits  de  Hus  et  de  Jérôme  étaient  honorés  dans  les  églises 
à  l'égal  des  images  des  saints,  Venceslas  favorisait  la  secte; 
l'université  de  Prague,  en  1  il 7,  entra  complètement  dans  ses 
vues,  et  se  mit  à  la  tête  de  ceux  qui  réclamaient  l'usage  du 
calice,  de  sorte  que  le  concile  de  Constance  défendit  de  la  fré- 
quenter et  annula  ses  actes.  Après  l'élection  de  Martin  V,  le 
concile  publia  en  vingt-six  articles  des  prescriptions  sur  la 
manière  d'étoutîer  l'hérésie  hussite,  et  le  pape  lança  contre 
elle,  le  22  février  1418,  une  longue  bulle  contenant  trente-neuf 
questions,  que  l'on  devait  adresser  à  toute  personne  suspecte. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LE   N»   299. 

V.  d.  Hardt,  Conc.  Const.,  IV,  49o,  .")ö9,  607  et  seq.;  II,  423,  1408. 
Comp.  Palacky,  Gesch.  Bœhmens,  III,  i,  p.  369  et  suiv.;  Mansi, 
XXVII,  832  et  seq.,  TSC  et  seq.  (ibid.,  les  Prescriptions  du  concile  de 
Constance  en  24  articles,  p.  H96  et  seq.);  Hœfler,  Geschieh tschr.,  II, 
p.  240  et  suiv.  Martin  V,  const.  Inter  cunctas,  ap.  Mansi,  loc.  cit., 
p.  1204-1213;  Denzinger,  p.  186-196;  Héfelé,  p.  249  et  suiv.,  283  et 
suiv.,  288,  299,  313  et  suiv.,  344  et  suiv. 

Révolution  hussite. 

300.  Le  roi  Venceslas  dut  trembler  lui-même  devant  les 
hussites.  Leur  chef,  Nicolas  de  Husinecz,  lui  demanda  avec 
insolence  de  lui  livrer  plusieurs  églises.  Venceslas  ajourna  la 
réponse,  menaça  Nicolas  de  la  corde,  et  le  bannit  de  Prague. 
Et  tandis  que  Nicolas  fomentait  l'insurrection  à  la  campagne, 
le  chambellan  Jean  Zisca  de  Trocnow  se  mettait  à  la  tête  des 
sectaires  de  Prague.  Dans  l'été  de  1419,  Nicolas  prépara  sur  le 
mont  Elardstein,  que  les  hussites  appelaient  le  Thabor,  une 
grande  assemblée  de  quarante  mille  personnes,  qui  reçurent 
toutes  la  communion  du  calice.  Cette  horde  allait  se  ruer  immé- 
diatement sur  Prague,  lorsque  le  prêtre  Venceslas  Kuranda  dé- 
joua le  plan  de  Nicolas.  Quelques-uns  cependant  poursuivirent 
leur  dessein,  et  sévirent  contre  les  fonctionnaires  et  les  moines. 
Dans  une  procession  publique,  pendant  laquelle  on  portait  le 
calice,  quelqu'un  jeta  de  la  maison  de  ville  une  pierre  qui  blessa 


160  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

un  ecclésiastique  hussite  ;  les  insurgés,  excités  par  Zisca,  enva- 
hissent la  maison  de  ville  et  précipitent  des  fenêtres  plusieurs 
conseillers,  que  la  populace  reçut  avec  des  piques  et  tua  d'une 
manière  barbare.  Les  églises  furent  pillées,  un  grand  nombre 
de  prêtres  et  de  moines  expulsés.  Le  roi  Venceslas  était  plein 
de  colère,  d'inquiétude  et  de  ressentiment;  mais  il  ne  prit 
aucune  résolution  sérieuse.  Il  mourut  bientôt  après  (16  août 
1419)  d'une  apoplexie. 

Les  quatre  demandes  des  hussites.  —  Leurs  divisions. 

;j01.  Comme  le  roi  Sigisraond,  frère  et  héritier  de  Venceslas, 
combattait  les  Turcs  en  Hongrie,  la  reine  veuve  Sophie  prit  la 
régence;  mais  elle  n'était  pas  à  la  hauteur  de  sa  tâche,  car  la 
révolte  prenait  chaque  jour  de  nouvelles  proportions.  Ce  ne  fut 
qu'au  mois  de  décembre  1419  que  Sigisraond  arriva  à  ßrünn, 
pour  recevoir  l'hommage  des  Bohémiens  et  des  Moraves.  Les 
délégués  de  Prague  s'excusèrent  des  attentats  commis  dans  la 
ville,  et  Sigisraond  s'apaisa.  Au  lieu  de  réduire  dans  Prague 
même  les  rebelles  par  une  attitude  énergique  et  vigoureuse,  et 
de  se  mettre  promptement  en  possession  de  tout  le  royaume,  il 
se  contenta  d'envoyer  des  ordres  sévères  contre  les  hussites,  et 
se  rendit  à  Breslau  pour  punir  quelques  insurgés.  Les  hussites 
se  fortifièrent  en  attendant,  construisirent  des  forteresses,  et 
recommencèrent  la  lutte  contre  les  troupes  royales.  Comme  ces 
fanatiques  ne  reculaient  devant  rien,  ils  remportèrent  plusieurs 
victoires  sous  la  conduite  de  leur  vaillant  général  Zisca,  et  se 
hvrèrent  sur  les  catholiques  à  des  cruautés  révoltantes.  Des 
villes  et  des  villages  entiers  devinrent  la  proie  des  flammes  ; 
des  milliers  de  personnes  périrent  par  le  fer  et  le  feu. 

DifTérentes  négociations  furent  entamées  ;  les  rebelles  pro- 
mirent de  se  soumettre,  si  le  roi  leur  accordait  les  quatre 
articles  :  1"  il  serait  permis  aux  prêtres  hussites  de  prêcher 
sans  entrave  dans  toute  la  Bohême;  2°  tout  chrétien  serait 
libre  de  communier  sous  les  deux  espèces;  3°  les  prêtres  s'obli- 
geraient à  ne  posséder  aucun  bien  et  à  vivre  dans  la  pauvreté, 
à  l'exemple  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres;  4"  tout  péché  mortel 
—  et  on  y  comprenait  l'ivrognerie,  le  vol  et  l'acceptation  des 
honoraires  de  messes  —  serait  défendu  aux  clercs  et  aux 
laïques,  et  puni  par  l'autorité  civile.  Le  roi  rejeta  ces  demandes, 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQUES  Et  DES  HÉRÉTIQUES,      ill 

Plusieurs  prédicateurs  des  ordres  mendiants  allaient  si  loin 
dans  leur  zèle  pour  la  réforme,  que  non  seulement  ils  atta- 
quaient la  curie  romaine,  mais  répandaient  encore  des  opi- 
nions hérétiques,  notamment  le  carme  Thomas  Connecte,  sous 
Eugène  IV;  il  trouva  beaucoup  d'écho  en  France  et  en  Italie, 
et  finit  par  être  brûlé  comme  hérétique.  En  divers  pays,  on 
traçait  des  peintures  malignes  et  souvent  exagérées  de  la 
corruption  qui  avait  envahi  l'Église  ;  quelques-uns  y  mêlaient 
des  rêveries  apocalyptiques,  comme  le  Suisse  Pamphile  Gen- 
genbach,  et,  dans  une  moindre  proportion,  Berthold,  évêque  de 
Chiemsée,  d'ailleurs  théologien  instruit,  en  son  ouvrage  :  le 
Fardeau  de  r Église. 

OUVRAGES  A  CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE   N°   314. 

Revocalio  Fr.  Guidonis,  16  mai  i3o4;  Natal.  Alex.,  t.  XV,  p.  197, 
cap.  m,  art.  16,  n.  2  ;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  i,  p.  373.  Cette  assertion  de 
Bérenger,  cistercien  espagnol  :  «  Quae  spe  mercedis  (seternse)  liunt, 
peccata  esse  »,  fut  condamnée  par  l'inquisiteur  Raselli,  0.  Pr.,  et  par 
l'archevêque  de  Tarragone,  0.  S.  F.;  Eymeric,  Direct.  Inquis.,  part. 
II,  q.  XI,  p.  266  ;  Natal.  Alex.,  loc.  cit.,  p.  199,  art.  17,  n.  5  ;  du  Pies- 
sis  d'Arg.,  I,  I,  p.  376.  Cf.  Trid.,  sess.  VI,  c.  xxxi,  de  Juslif.  Sur  la 
perfection  dans  le  sens  des  bégards,  qui  appartenaient  à  la  secte  du 
Libre-Esprit  :  Conc.  Vienn.,  c.  vi  (Clem.,  c.  m,  lib.  V,  lit.  IIIj.  Sur  Tho- 
mas Connecte,  voy.  Cosm.  de  Villers,  Biblioth.  Carme!.,  Aurelian., 
1572,  II,  814;  Gœdecke,  Pamphilus  Gengenbach,  Hanovre,  1856.  De 
Berthold  de  Chiemsée  (cf.  VII,  §  365)  :  Onus  Ecclesiœ,  c.  an.  1519. 

Jean  "Wesel. 

31.^.  Jean  Wesel  (appelé  ainsi  de  son  lieu  natal,  Oberwesel, 
sur  le  Rhin,  proprement  Ruchrath  ou  Richrat),  fut  professeur 
de  théologie  à  Erfurt,  prédicateur  à  Mayence  et  à  Worms;  il 
attaqua  violemment  la  hiérarchie.  Il  niait  la  valeur  des  indul- 
gences et  du  jeune,  et  enseignait  des  erreurs  sur  la  prédestina- 
tion et  la  grâce.  On  lui  imputait  surtout  les  propositions 
suivantes  :  1°  Jésus-Christ  seul  peut  interpréter  l'Évangile; 
toutes  les  autres  explications  sont  fausses  et  à  rejeter  :  on  ne 
doit  croire  qu'à  l'Écriture.  2°  Les  prédestinés  sont  inscrits  de 
toute  éternité  au  Uvre  de  vie;  nulle  excommunication  ne  les  en 
peut  effacer,  ni  la  hiérarchie  ni  les  indulgences  n'y  peuvent  rien. 
3°  Les  commandements  de  l'Éghse  n'obligent  point  sous  peine 
V.  — -  msT.  DE  l'église.  12 


178  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

do  péché;  les  prélats  ne  peuvent  faire  aucune  loi.  4°  Jésus-Christ 
ne  veut  point  d'autre  prière  que  le  Pater  ?ioster:  il  ne  demande 
ni  fêtes  solennelles,  ni  jeûnes,  ni  pèlerinages.  5°  Le  corps  de 
Jésus-Christ  peut  être  présent  dans  l'Eucharistie  même  sans 
changement  de  la  suhstance  du  pain.  6°  La  forme  allongée  de 
la  messe,  diflférente  de  la  forme  simple  des  apôtres,  est  devenue 
une  chose  vraiment  onéreuse.  7°  On  ne  doit  pas  se  soucier  du 
pape  ni  des  conciles. 

L'archevêque  de  Mayence,  Dietrich  d'isenbourg,  lui  fit  son 
procès  (1479)  sur  une  plainte  déposée  par  les  dominicains  de 
cette  ville,  et  l'ou  interrogea  aussi  les  universités  de  Cologne  et 
d'Heidelberg.  Wesel  fut  contraint  de  se  rétracter,  et  mourut  vers 
1481,  au  couvent  dos  augustins  de  Mayence.  Le  chartreux  Jean 
de  Mayence  écrivit  contre  lui. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  315. 

J.  Wesel,  contre  les  indulgences,  et  de  Auctoritate,  Officio  et  Potes- 
tale  pastorum  Ecclesise;  Walch,  Monuni.  medii  cevi,  fasc.  I,  p.  IH  et 
seq.,  fasc.  II;  Paradoxa,  dans  Fascicul.  rer.  expetend.,  t.  I,  p.  325. 
Actes  de  son  procès  :  du  Plessis  d'Arg.,  I,  n,  p.  291-298.  Comp.  Tri- 
theui.,  Ciiron.  Sponh.,  0pp.  hist.,  éd.  Freher,  II,  391  ;  Serrar.,  Rer. 
Mogiint.  lib.  V,  Mog.,  UîOi,  p.  144  et  suiv.,  877. 

Jean  Wessel. 

316.  Jean  Wessol  (fils  d'Hermann  ou  Gansfort),  né  à  Grœnin- 
gen  en  1419  ou  1420,  élevé  chez  les  clercs  de  la  Vie  commune, 
étudia  la  théologie  à  Cologne,  lut  les  ouvrages  do  Rupert  de 
Deulz,  s'adonna  aux  éludes  classiques  et  à  l'hébreu,  enseigna 
et  disputa  à  Cologne,  Louvain,  Paris,  Ileid<ïlberg,  stgourna  à 
Rome  en  1470  et  1471,  puis  de  nouveau  à  Paris.  Amoureux  de 
singularités,  il  fut  d'abord  réaliste,  puis  nominalisfe,  changea 
souvent  de  point  do  vue,  et  essaya  ensuite  de  concilier  ses 
diverses  opinions.  Ses  admirateurs  l'appelaient  «  la  lumière  du 
monde  »;  ses  adversaires,  «  le  maître  des  contradictions  ».  Après 
avoir  longtemps  erré,  il  mourut  en  1489  dans  sa  ville  natale, 
laissant  de  nombreux  écrits,  dont  plusieurs  sont  perdus  et 
qut'l(]ues-uns  paraissent  interpolés.  On  l'a  rangé  plus  tard 
parmi  les  précurseurs  de  Luther.  Cependant  il  admettait  l'uni- 
versalité de  la  chute  originelle  (sauf  pour  Marie),  le  libre 
arbitre,  la  doctrine  de  l'Église  sur  la  justification,  les  sept 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.      179 

sacrements,  le  culte  de  Marie,  le  purgatoire.  Dieu  seul,  disait-il, 
a  le  pouvoir  propre  de  remettre  les  péchés;  l'Église  ne  le  peut 
qu'en  vertu  de  la  puissance  qu'elle  a  reçue  de  lui;  la  contrition 
parfaite  délivre  du  péché  avant  la  confession,  et  autres  doc- 
trines que  des  théologiens  catholiques  pouvaient  soutenir. 

Plusieurs  des  propositions  qu'on  lui  attrihue,  sont  équivoques  ; 
d'autres  ont  été  mal  interprétées  ou  entendues  dans  un  trop 
large  sens,  comme  lorsqu'il  parle  du  sacerdoce  universel  et  de  la 
dignité  de  l'Écriture  sainte.  On  ne  saurait  le  considérer  comme 
un  véritable  hérétique,  bien  qu'il  se  soit  exprimé  maintes  fois 
d'une  façon  inexacte  et  contradictoire.  Ses  éditeurs  (partisans 
de  Luther  et  de  Calvin)  ont  souvent  falsifié  ses  ouvrages.  La 
plupart  de  ses  écrits  conservés  sont  ascétiques.  Il  admettait 
probablement  les  théories  de  Constance  et  de  Bàle  sur  le  pape. 
La  hiérarchie,  l'état  religieux,  les  indulgences,  le  culte  des 
saints  et  des  reliques,  furent  aussi  combattus  par  Nicolas 
Rusz  à  Rostock. 

OüVBAGES  A  CONSULTER  ET  REUABQÜES   CRITIQUES   SUR  LE   N°    310. 

BuL,  Hist.  Un.  Par.,  V,  918;  Farrago  Wesseli,  plus  tard  cum  prœfal. 
Lulheri,  Vileb.,  1322.  Longs  détails  dans  J.  Friedrich,  Joh.  Wessel,  Ein 
Bild  aus  der  K.-G.  des  XV  Jahrb.,  Katisbonue,  1862.  Ibid.,  p.  117  elsuiv., 
Catalogue  de  ses  écrits,  tels  que  :  Tract,  de  oratione,  cumDominicae  Oratio- 
nis  explanatione  ;  —  de  Cohibendis  Cogitalionibus  et  de  Modo  consti- 
luendarum  meditationum  ;  —  Exempla  scalœ  meditationis  fralribus 
montis  D.  Agnetis  dedicata  ;  —  de  Causis  Incarnationis  ;  —  de  Magni- 
ludine  Passionis  ;  —  de  Sacramento  Eucharistiae  (0pp.,  éd.  Gron., 
1614,  p.  1-703);  Farrago  rerum  theolog.  (p.  711-831);  Epistolaî,  princi- 
palement sur  le  purgatoire  et  les  indulgencos.  Ses  écrits  en  faveur  des 
noniinalistes  semblent  perdus,  ainsi  que  de  Triduo  Christi  in  sepulcro, 
pour  Paul  de  Burgos  contre  Middelbourg,  les  Libelli  practici  in  medic; 
le  Liber  notularum  de  Scripturi.s  sacris,  etc.;  de  Dignitate  et  Poteslate 
Eccl.;  de  Futuro  Saîculo.  En  1328  déjà,  Jean  Faber  assurait  que 
Luther  et  Wessel  différaient  entre  eux  sur  31  points;  Ullmann  (Refor- 
matoren vor  der  Reformation,  !,  p.  637  et  suiv.  Anm.)  n"a  pu  réfuter 
cette  assertion,  bien  que  Luther  (lo22j  invoquât  son  témoignage 
(Œuvres,  voy.  ed.Walch,  th.  xiv,  p.  220  et  suiv.).  Cf.  nœUinger,  Reform., 
m,  p.  4,  n.  2. — Nie.  Rusz,  de  Triplici  Funiculo.  L'ouvrage  de  Flacius 
lUyricus,  cité  au  «  Catalogus  testium  veritatis  »,  a  été  retrouvé  par 
Jules  Wiggers  et  publié  dans  iNiedners  Ztschr.  f.  bist.  Tbeol.,  1830,  II, 
p.  171  et  suiv. 


l80  HISTOIRE    DE   l/ÉGLISE. 

Jean  Pupper  de  Goch. 

317.  Un  autre  Hollandais,  .Jean  Piipper  de  Goch,  prieur  d'un 
couvent  de  nonnes  à  Malines  (mort  en  1475),  était  un  ennemi 
passionné  de  la  scolastique.  Il  se  crut  appelé  à  ramener  le  chris- 
tianisme à  sa  pureté  primitive.  Voici  les  propositions  qu'il 
enseignait  :  1°  11  n'y  a  de  vraies  que  les  doctrines  tirées  des 
Écritures  canoniques  et  prouvées  par  elles.  2°  Le  christianisme, 
dénaturé  d'abord  par  son  alliance  avec  la  loi  mosaïque,  l'a  été 
ensuite  en  ce  qu'on  a  fait  consister  la  perfection  chrétienne  dans 
la  foi  sans  les  œuvres  ;  3°  par  l'influence  du  pélagianisme,  qui 
a  déclaré  le  secours  surnaturel  superflu  ;  A°  par  l'obligation 
d'un  vœu  qu'on  a  prétendu  nécessaire  à  la  perfection  évangé- 
lique.  A  la  prétendue  erreur  pélagienne  des  thomistes,  il  opposa 
neuf  conclusions  sur  la  liberté  de  la  religion  chrétienne,  semant 
ainsi  le  germe  d'une  foule  d'autres  erreurs. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  317. 

J.  Pupper,  de  Libertate  christiana,  éd.  Grapheus,  Anlwerp.,  1521, 
in-4";  de  quatuor  erroribus  Dialogus,  Walch,  loc.  cit.,  fascic.  IV,  p.  73 
et  seq.  Cf.  I^raef.,  part.  XIII  et  seq.;  Ullmann,  die  Reformatoren,  t.  I. 

Ruiss'wick.  —  Symptômes  de  nouvelles   révoltes   contre    la 
foi  et  l'Église. 

318.  Un  troisième  Hollandais,  Hermann  Ruisswick,  alla  beau- 
coup plus  loin  et  tomba  même  dans  l'incrédulité.  Il  admet- 
i^\  une  matière  éternelle  comme  Dieu,  niait  que  les  anges  eus- 
sent été  créés  par  Dieu,  rejetait  l'enfer  et  l'immortahté  del'àme, 
traitait  Jésus-Christ  de  séducteur,  d'insensé  et  de  fanatique, 
déclarait  que  la  foi  chétienne  et  la  Ihble  n'étaient  que  des 
fables.  Saisi  et  condamné  à  abjurer,  il  continua  de  répandre  ses 
erreurs,  fut  saisi  une  seconde  fois  et  brûlé  à  la  Haye  en  1512. 
Déjà  se  répandait  partout  une  licence  effrénée,  qui  tournait 
toutes  les  choses  saintes  en  dérision.  A  Paris,  en  1503,  le  jour 
de  la  fête  de  saint  Louis,  le  nommé  Hénion  Picard  arracha 
dans  la  Sainte-Chapelle  l'hostie  consacrée  des  mains  du  prêtre, 
la  broya  et  la  foula  aux  pieds.  Jeté  en  prison,  il  subit  la 
peine  du  feu  sans  témoigner  aucun  repentir.  En  1507,  le 
fameux  astrologue  et  magicien  George  Sabellicus  se  préten- 
dait capable  de  faire  les  mêmes  miracles  que  Jésus-Christ.  Le 


l'église  en  face  des  SCHISMATIQUES  ET  DES  HÉRÉTIQUES.       181 

chevalier  Franz  de  Sickingen  le  reçut  à  Kreuznach  et  le 
nomma  maître  d'école.  Jean  Trithème  prenait  ce  magicien 
noir  pour  un  dangereux  et  méprisable  imposteur. 

Partout  se  révélaient  les  symptômes  les  plus  alarmants.  Un 
autre  et  fâcheux  pronostic  pour  la  société  chrétienne,  c'étaient 
les  insurrections  des  paysans,  tels  que  les  loUhards  d'Angle- 
terre; ils  se  déchaînèrent  en  Savoie  et  en  France,  au  quator- 
zième siècle,  puis  en  Allemagne,  à  la  fm  du  quinzième  siècle  :  — 
ils  étaient  les  avant-conreurs  d'une  époque  révolutionnaire  qui 
menaçait  de  tout  renverser.  Vers  1470,  Jean  Bœhm,  de  Niklas- 
hausen,  en  vertu  d'une  prétendue  mission  qu'il  aurait  reçue  de 
la  Mère  de  Dieu,  prêchait  contre  l'avarice,  l'orgueil  et  l'immo- 
raUté  du  clergé,  contre  les  dîmes  et  autres  redevances  tempo- 
relles, contre  la  pluralité  des  bénéfices,  et  demandait  que  les 
droits  de  chasse,  de  pêche,  d'affouage,  etc.,  fussent  partagés 
entre  les  riches  et  les  pauvres.  Des  milliers  de  personnes  allaient 
l'entendre,  jusqu'à  ce  que  Rudolphe,  évêque  de  Wurzbourg,  eût 
ordonné  de  le  mettre  à  mort.  La  semence  qui  avait  été  jetée  allait 
lever  plus  tard  en  bien  des  endroits;  la  misère,  la  haine  contre 
les  riches  et  surtout  contre  le  clergé  soulevèrent  les  couches 
inférieures  de  la  société. 

OIVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N»  318. 

Bern,  a  Luxemb.,  Prateol.;  Spondan.,  an.  1312,  n.  37,  p.  868;  du 
Plessis  d'Arg.,  1,  ii,  p.  342.  llémon  Picard,  1303;  Massœus,  Chron., 
p.  270;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  347.  Même  chose,  1491  et  1496,  ib., 
p.  323  et  seq.,  d'après  Massseus,  p.  268.  George  Sabellicus,  1307,  ib., 
p.  348,  d'après  Trithem.,  ep.  ad  Job.  Vird.,  lib.  II,  ep.  xlvui.  Depuis 
1363,  on  mandait  de  Savoie  que  des  actes  de  pillage  et  de  violence 
contre  les  nobles,  des  mauvais  traitements  infligés  aux  femmes  et 
aux  enfants,  avaient  été  commis  sous  la  direction  de  Jacques  Bon- 
homme :  dans  Massœus,  Chron.,  p.  230;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii, 
p.  133  (ex  Paralip.  ad  Chron.  Ursperg.,  p.  284;  Hob.  Gaguin,  lib. 
IX).  L'Allemagne  vit  surgir  la  «  Ligue  du  soulier  »  (Liga  sotularia)- 
L'alliance  des  paysans  du  village  d'Untergrumbach,  au  diocèse  de 
Spire  (1503),  fut  particulièrement  menaçante  :  elle  réclamait  la  sup- 
pression des  autorités,  des  impôts  et  des  dîmes;  la  liberté  de  pâtu- 
rage, de  chasse  et  de  pèche;  obligeait  ses  membres,  qui  avaient 
pour  devise  les  noms  de  Marie  et  de  Jean,  à  prier  journellement 
pour  le  triomphe  de  leur  cause.  Elle  s'empara  de  Bruchsal,  et  vou- 
lut partager  les  biens  des  couvents  et  des  églises.  L'empereur  Ma.v- 


182  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

milien  fit  prendre  des  mesures  contre  eux.  Append.  ad  Chron.  Urs- 
perg.;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  346  ;  Janssen,  II,  397  et  suiv.  Jean  de 
Niklashausen  :  Trithem.,  Chron.  Hirs.,  II,  p.  486;  du  Plessis  d'Arg., 
p.  288-290  ;  Barack,  Hans  Bœhm  und  die  Wallfahrt  nach  Niklashau- 
sen im  J.  1476  (Archiv  des  hist,  Vereins  v.  Uuterfr.,  t.  XIV,  Würzb., 
1858);  Ludewig,  Geschichtschr.  von  dem  Bischoffthum  Würzburg, 
p.  852-855. 


TROISIEME  EPOQUE. 

LES  TEMPS  MODERNES. 

SEPTIÈME    PÉRIODE. 

De  la  fin  du  quinzième  siècle  au  traité  de  Westphalie  (1648). 


INTRODUCTION. 

DIFFÉRENCE  ENTRE  LES  TEMPS  MODERNES  ET  LE  .MOYEN  AGE. 

Si  nous  jetons  un  regard  sur  les  travaux  de  l'Église  parmi 
les  peuples  germains  et  slaves,  et  si  nous  comparons  le  com- 
mencement et  la  fin  de  sou  activité  au  moyen  âge,  nous 
verrons  des  hordes  sauvages  et  indisciplinées  se  plier  à  un 
ordre  social  régulier  et  plus  parfait;  nous  constaterons  dans 
les  intelligences  un  progrès  gigantesque,  une  transformation, 
un  renouvellement  complet  de  l'humanité  européenne  dans 
toutes  les  conditions  de  la  vie,  accompli  sous  la  conduite  et 
l'éducation  de  l'Église.  Le  sol  avait  été  cultivé,  les  marais 
desséchés,  les  forêts  défrichées,  les  ténèbres  avaient  disparu 
partout  dans  le  monde  physique  et  naturel. 

Même  phénomène  sur  le  terrain  moral  et  intellectuel  :  les 
esprits  avaient  été  éclairés,  les  cœurs  ennoblis;  on  avait  fait  la 
guerre  à  l'ignorance,  à  l'erreur,  au  vice;  la  vie  des  peuples 
s'était  fortifiée  et  embellie.  L'Europe  entière  était  convertie  à 
la  doctrine  de  Jésus  Christ.  Le  nouveau  monde ,  avec  ses 
tribus  innombrables  de  peuples  jusque  là  inconnus,  s'ouvrait 
aux  missionnaires  de  la  croix,  et  le  théâtre  de  l'activité  de 
l'Église  prenait  des  proportions  inespérées.  Les  différentes  con- 
trées de  l'Europe  étaient  parfaitement  cultivées,  la  population 


184  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

s'était  accrue,  le  commerce  et  Tindustrie  étaient  florissants, 
les  États  bien  constitués,  les  arts  et  les  sciences  faisaient 
chaque  jour  de  nouvelles  conquêtes,  leurs  résultats  devenaient 
à  la  fois  plus  complets  et  plus  brillants. 

L'esclavage,  sauf  quelques  rares  vestiges,  avait  disparu  ;  le 
mariage  était  sanctifié,  la  vie  de  famille  constituée.  Prêtres  et 
chevaliers,  bourgeois  et  laboureurs,  tous  les  états  s'étaient  déve- 
loppés et  affermis.  Comme  les  familles,  les  corporations,  les 
communes  s'étaient  régularisées,  et  l'individu  se  sentait  fort 
au  sein  de  la  masse.  Tout  se  rapportait  à  la  religion,  tout 
recevait  d'elle  son  élan  et  sa  direction.  Les  peuples  eux-mêmes 
formaient  une  vaste  famille  sous  un  chef  unique  qui  leur 
servait  de  père,  gouvernait  selon  la  loi  de  Jésus-Christ,  et 
d'une  main  puissante  encore  écartait  les  désordres.  Un  déve- 
loppement pacifique,  poursuivi  sur  la  base  des  résultats  obte- 
nus, devait  donner  les  plus  beaux  et  les  plus  magnifiques 
résultats. 

Malheureusement,  ce  progrès  pacifique  et  normal  ne  fut 
pas  accordé  aux  peuples  européens;  il  fut  au  contraire  entravé 
par  leur  propre  faute.  La  vie  même  recelait  des  germes  de 
mort;  de  nouvelles  luttes,  de  nouveaux  orages  se  préparaient 
alors  que  les  précédents  n'étaient  pas  encore  complètement 
apaisés,  et  ils  allaient  devenir  plus  graves,  plus  féconds  en 
résultats  que  la  plupart  de  ceux  qui  avaient  éclaté  jusque-là. 
Déjà  avant  la  fin  du  moyen  âge,  des  phénomènes  étranges 
annonçaient  une  nouvelle  ère  de  tempêtes.  Le  principe 
d'autorité  était  ébranlé;  le  chef  suprême  de  la  chrétienté  avait 
baissé  dans  l'estime  générale  ;  les  princes  et  les  peuples,  les 
grands  et  les  petits  n'obéissaient  qu'à  leur  égoïsme,  et  les 
diverses  tendances  nationales  menaçaient  l'unité  religieuse. 

Sans  doute,  les  peuples  chrétiens  étaient  encore  unis  par  des 
liens  indissolubles,  et  les  destinées  d'une  nation  influaient  plus 
ou  moins  sur  les  destinées  d'une  autre  nation;  mais  le  nœud 
((ui  les  rattachait  était  purement  humain,  extérieur,  artificiel, 
(tétait,  par-dessus  tout,  les  avantages  et  les  inconvénients  ter- 
restres, les  progrès  de  l'activité  matérielle,  le  désir  de  multiplier 
les  relations  et  de  favoriser  le  commerce,  qui  produisaient  entre 
les  peuples  ces  rapprochements  plus  intimes,  mais  non  plus 
sincères. 


vif   PÉRIODE.    —    INTRODUCTION.  185 

Parmi  les  changements  survenus,  nous  remarquons  l'établis- 
sement des  postes,  introduites  en  France  sous  Louis  XI,  en 
Allemagne  par  Maximilien  I";  l'invention  de  la  poudre  à  canon, 
qui  allait  détruire  l'ancienne  chevalerie  et  transformer  l'art  de 
la  guerre  ;  la  création  des  troupes  soldées  et  permanentes , 
nouveau  fardeau  pour  les  peuples;  la  découverte  de  pays 
inconnus,  qui  développa  la  navigation  et  le  commerce,  comme 
aussi  la  passion  du  lucre  et  le  goût  des  aventures;  l'invention 
(le  l'imprimerie,  qui  fut  tour  à  tour  l'instrument  du  bien  et 
l'instrument  du  mal,  et  permit  de  répandre  partout,  en  un 
clin  d'œil,  les  idées  qui  agitaient  les  contemporains. 

L'ancienne  littérature  classique,  avec  son  esprit  païen  et  sa 
passion  de  liberté  ;  les  poésies  et  les  romans  immoraux,  les 
satires  mordantes  des  anciens  et  des  modernes,  les  placards 
insurrectionnels,  les  leçons,  les  dissertations  des  agitateurs 
politiques  et  religieux,  se  répandaient  aussi  rapidement,  plus 
rapidement  même  parmi  les  différents  peuples,  que  les  livres 
d'édification  et  d'enseignement  religieux.  .Mécoutcnt  de  l'ordre 
actuel,  amoureux  de  nouveautés,  on  abusait  depuis  longtemps 
des  mots  de  réforme  et  de  uberté;  on  convoitait  le  bien  d'au- 
trui,  surtout  les  riches  domaines  d'un  clergé  qui  n'était  plus 
seul  maintenant  en  possession  du  savoir ,  et  qui,  démoralisé 
dans  plusieurs  contrées,  était  tombé  dans  l'avilissement.  L'es- 
prit de  révolte  contre  les  papes  et  les  évèques,  et  bientôt  contre 
toute  autorité;  l'attitude  effrontée  de  plusieurs  humanistes  en 
face  de  la  philosophie  et  de  la  théologie  anciennes  ;  l'établissement 
de  l'absolutisme  gouvernemental  en  Angleterre,  en  France,  en 
Espagne  et  en  Portugal  ;  l'affaiblissement  de  l'autorité  royale 
en  Allemagne,  en  Pologne,  en  Hongrie  et  en  Scandinavie  : 
—  c'étaient  là  autant  de  symptômes  de  la  corruption  qui  ger- 
mait dans  la  société,  les  indices  d'une  révolution  imminente,  en 
même  temps  qu'un  levier  redoutable  pour  toute  hérésie 
nouvelle  qui  éclaterait . 

Il  semblait,  d'une  part,  que  l'engouement  de  la  nouveauté 
allait  renverser  partout  les  choses  anciennes  et  traditionnelles; 
et,  d'autre  part,  une  stagnation  dangereuse  arrêtait  le  mouve- 
ment, et  il  fallait  pour  en  sortir  de  vigoureux  efforts.  L'art  et 
la  science  menaçaient  de  plus  en  plus  de  déserter  la  religion 
pour  retourner  au  paganisme  classique.  L'hostilité  de  l'État 


i86  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

contre  l'Église,  de  la  politique  contre  la  morale  religieuse,  de 
la  vie  publique  contre  les  idées  de  l'Eglise,  se  révélait  partout, 
quoique  dans  des  degrés  divers  et  dans  une  mesure  difTérente, 
et  posait  les  fondements  d'un  âge  révolutionjiaire  qui  tendait  au 
bouleversement. 

Là  réside  la  difTérence  essentielle,  le  trait  caractéristique  qui 
sépare  l'histoire  moderne  de  l'histoire  du  moyen  âge.  Les 
conséquences  furent  d'une  portée  incalculable. 

Une  transformation  complète  commence  avec  la  grande 
hérésie  d'Occident,  le  protestantisme,  qui  renfermait  en  germe 
la  négation  de  toute  tradition  religieuse,  la  répudiation  radi- 
cale de  tous  les  principes  du  catholicisme,  puis  aussi  le  germe 
des  révolutions  politiques  et  sociales,  dont  les  conséquences 
dernières  ne  devaient  se  développer  que  progressivement. 

L'unité  rehgieuse  fut  remplacée  par  la  multiplicité  des  sectes; 
la  liberté  protégée  par  l'ordre  fit  place  tantôt  à  une  anarchie 
effrénée,  tantôt  à  un  despotisme  politique  qui  méconnut  toute 
liberté  de  conscience.  Une  multitude  d'ennemis  nouveaux, 
publics  ou  secrets,  s'élevèrent  contre  l'ancienne  Église  :  beau- 
coup de  ses  créations,  de  ses  plus  splendides  cathédrales,  de 
ses  richesses  artistiques,  furent  brutalement  anéanties,  et,  après 
des  déprédations  inouïes,  on  lui  fit  à  elle-même  les  plus  graves 
blessures.  L'Église  fut  à  la  hauteur  des  nouvelles  attaques,  qui 
souvent  dépassèrent  les  anciennes;  elle  continua  de  se  répandre 
au  milieu  des  plus  rudes  persécutions,  reconquit  par  les  armes 
spirituelles  des  provinces  perdues,  remporta  de  nouveaux  et 
brillants  triomphes  sur  le  paganisme  ressuscité  et  sur  l'hérésie 
devenue  toute-puissante,  tandis  qu'elle  s'appliquait  à  relever 
chez  elle  ce  qui  était  abattu,  à  corriger  ce  qui  était  défectueux, 
et  produisait  de  nouveaux  fruits  avec  une  sève  qui  ne  taris- 
sait jamais. 

Le  protestantisme,  si  redoutable  dans  son  origine,  perdit 
chaque  jour  de  sa  force  au  dedans  comme  au  dehors,  et  finit 
par  n'avoir  plus  aucune  consistance.  Beaucoup  de  ses  plus 
vaillants  champions  vinrent  S(i  réfugier  dans  l'arche  de 
salut  ;  et  bientôt,  devant  la  mobilité  incessante  des  opinions 
humaines,  la  répudiation  des  ancieimes  doctrines,  on  vit  se 
dessiner  deux  (/rancis  partis  :  celui  des  croyants  et  celui  des 
incroyants.  Quiconque  ne  veut  pas  appartenir  à  ces  derniers, 


vil'   PÉRIODE.    —   INTR0DLCT1ÜN.  187 

est  logiquement  amené  dans  le  sein  de  la  véritable  Église. 
L'inconséquence,  l'aveuglement  spirituel,  l'attachement  à  des 
préjugés  invétérés,  la  préférence  donnée  à  des  choses  acces- 
soires, peuvent  seuls  l'arrêter  dans  cette  démarche,  et  faire  de 
lui  un  allié  de  l'incrédulité,  qui  jamais  ne  se  repose. 

Ouvrages.  A.  Auteurs  protestants  :  Schriften  und  Lebensbes- 
chreibungen der  Reformatoren  und  ihrer  Schüler,  z.  B.  Leben 
und  ausgeweehlte  Schriften  der  Begründer  der  reform.  Kirche,  Elber- 
feld,  i837  et  suiv.,  10  voL  —  Der  luther.  Kirche,  ibid.,  1861  et  suiv., 
8  vol.  Lœscher,  Vollstsendige  Reformalions-Acta  (1517  et  suiv.),  Leip- 
zig, 1720  et  suiv.,  3  vol.  in-4°.  L.  W.  Tentzel,  Hist.  Bericht  v.  Anfang 
u.  Fortgang  der  Ref.  Luth.,  Leipzig,  1718,  2  parties.  Kapp,  Nachlese 
zur  Reform. -Gesch.  nützl.  Urkunden,  Leipzig,  1727  et  suiv.,  4  vol. 
Strubel,  Miscellanea,  Nürnb.,  1778  et  suiv.,  6  livraisons,  et  Beitraege 
zur  Literatur,  1784  et  suiv.,  2  et  ö  vol.  Wagenseil,  Beitr.  z.  Gesch.  der 
Reform.,  Leipzig,  1829.  Foerstemann,  Archiv  für  Gesch.  der  Reform., 
Halle,  1831  et  suiv.,  et  Neues  Urkundenbuch,  Hamb.,  1842.  Seide- 
mann, die  Reform. -Zeit  in  Sachsen,  Dresde,  1846  et  suiv.,  2  pet.  vol. 
Johannsen,  die  Entwicklung  des  prot.  Geistes,  eine  Sammhmg  der 
wichtigsten  Documente  vom  Wormser  Edict  bis  zur  Speierer  Protestat., 
Copenhague,  1830.  Neudecker,  Urkunden  aus  der  Reform.-Zeit,  Cas- 
sel,  1836  et  suiv.,  et  Actenstücke,  Nürnb.,  1838.  Chr.  Scheueis,  Brief- 
buch, Beitr.  z.  Gesch.  d.  Reform.,  publié  par  Fr.  v.  Roden  et  Knaak, 
Potsdam,  1867-72,  2  vol.  Spalatini,  Annal,  reform,  (jusqu'en  1543),  ed. 
Cyprian,  Lips.,  1718.  Sleidanus  (mort  en  1556),  Comment,  de  statu 
relig.  et  reipubl.  Carolo  V  Cses.,  Argentor.,  15ö5,  1556  et  souvent. 
Contin.  usque  ad  an.  1364,  Londorpius,  Francof.,  1619,  3  t.  in-4'>, 
annot.  ülustr.  a  Chr.  Car.  am  Ende,  ibid.,  1783,  3  part.  Sculteti, 
Annal,  (jusqu'en  1530),  Francof.,  1717.  Frid.  Myconius  (mort  en  1546), 
Hist.  Reform.  (1318-1542),  aus  des  Autors  Autogr.  mitgetheilt  und 
erlseutert  von  E.-S.  Cyprian,  réimprimé  à  Leipzig,  1718.  V.  d. 
Hardt,  Hist.  liter.  reform.,  Francof.  et  Lips.,  1717  et  seq.,  avec  Scul- 
teti Annal.  Hortleder,  Handlungen  und  Ausschreib,  von  den  Ursachen 
des  deutschen  Krieges  (jusqu'en  1553),  Frankf.,  1617  et  suiv.,  2  vol. 
in-f°.  Seckendorf  (mort  en  1692),  Comment,  hist.  et  apolog.  de  Luthe- 
i-anismo,  Francof.  et  Lips.,  1688,  1692,  in-f°,  contre  Maimbourg  (jus- 
qu'en 1346).  J.  Basnage,  Hist.  de  la  religion  des  ÉgUses  réformées, 
Rotterd.,  1690,  2  t.  in-12;  la  Haye,  1723,  2  t.  in-4°,  contre  Bossuet, 
Hist.  des  variât.  Dan.  Gerdesii  (mort  en  1763),  Introductio  in  hist. 
Evang.  renov.,  Groening.,  1744-32,  4  t.  Hottinger,  Helvet.  K.-G., 
Zürich,  1708  et  suiv.,  4  vol.  in-4°.  BuUinger,  Ref.-Gesch.  (jusqu'en 
1536),  éd.  Hottinger,  Frauenfeld,  1838-40,  3  vol.  Ruchat,  Hist.  de  la 


188  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

Réf.  de  la  Suisse,  Genève,  1727  et  seq.,  6  t.  in-12.  Beausobre,  Hist.  de  la 
Réf.  (jusqu'en  1530),  Berlin,  1785,  3  t.  D.  Winzenberger,  Wahrhaft. 
Gesch.  V.  1500-1583,  Dresde,  1583,  in-4°.  De  Thou,  Hist.  sui  temporis 
(1543-1607),  Francof.,  1625,  4  t.  in-f°,  et  souvent.  Salig  (mort  en  1719), 
Vollst.  Historie  der  Augsb.  Confession  (1517-1562),  Halle,  1733-35,  4 
part,  en  3  vol.  Planck,  Gesch.  der  Entstehung,  Verfenderung  und  Bildung 
des  prot.  Lehrbegrilïs  bis  zur  Concordienformel,  Leipzig,  1791-1800, 
6  vol.  Marheineke,  Gesch.  der  deutschen  Ref.  bis  1535,  2  vol.,  1817, 
1831  et  suiv.  (extrait  d'après  Seckendorf).  Woltmann,  Gesch.  der 
Reform,  in  Deutschland,  Altona,  1801,  1817,  3  part.  Carl  Adolph 
Menzel  (mort  en  1855),  Neuere  Gesch.  der  Deutschen  von  der  Reform, 
bis  zur  Bundesacte,  Breslau,  1826  et  suiv.,  12  vol.;  2«  éd.,  1854  et 
suiv.,  6  vol.  (plus  impartial  et  plus  objectif  que  d'autres  protestants). 
L.  Ranke,  Deutsche  Gesch.  im  Zeitalter  der  Reform.,  Berlin,  1839  et 
suiv.,  5  vol.,  en  4  édit.  Sa^mmtl.  Werke,  Leipzig,  1867  et  suiv.,  t.  I-VI 
(voy.  sur  lui  Hist. -pol.  Bl.,  t.  IV,  p.  540  et  suiv.,  654  et  suiv.;  Wiener 
Jahrbücher,  1841,  t.  XCHI-XCVI).  Hœuser,  Gesch.  des  Zeitalters  der 
Reform.,  ed.  v.  Oncken,  Berlin,  1868.  Hagenbach,  Vorles.  über  das 
Wesen  und  die  Gesch.  der  Reform.,  Leipzig,  1834-1843,  6  vol.  Hagen, 
Deutschlands  lit.  u.  relig.  Verf.  im  Reformationszeitalter,  Erlangen, 
1841  et  suiv.,  3  vol.  Dorner,  Gesch.  d.  prot.  Theol.  bes.  in  Deutsch- 
land, Munich,  1867.  Schenkel,  das  Wesen  des  Protestantismus,  Schatf- 
house,  1844-51,  3  vol.  Merle  d'Aubigné,  Histoire  de  la  réforme  du 
seizième  siècle,  Paris,  1835  et  suiv.;  édit.  allem.,  par  Elberfeld,  5  vol. 
Robertson,  Hist.  of  the  emp.  Charles  V,  Lond.,  1769,  3  t.  in-4'>  ;  en 
allem.,  Renier,  Braun.schweig,  1792-94,  3  vol.  J.-G.  Eichhorn,  Gesch. 
der  drei  letzten  Jahrhunderte,  Hanovre,  1817  et  suiv.,  6  vol.  Heeren 
u.  Uckert,  Europ.  Staatengesch.  J.  Matth.  Schrœckh,  Christi.  K.-G. 
seit  der  Reform.,  Leipzig,  1804  et  suiv.,  10  parties. 

B.  Auteurs  catholiques  :  Job.  Cochlaeus  (mort  en  1552),  Com.  de  actis 
et  scriplis  Lulberi,  Mogunt.,  1549  (Cf.  M.  de  Weldige-Cremer,  de  Job. 
Cocbl.  vita  et  scripti^,  Monast.,  1865).  Surius,  0.  Carth.  (mort  en  1578), 
Chronicon  ab  an.  1506  usquc  ad  1566,  Colon.,  1567,  continué  jusqu'en 
1573  (contre  SIeidan).  Siméon  Fontaine,  Hist.  cath.  de  notre  temps 
touchant  l'état  delà  religion  chrét.,  contre  l'Hist.  de  S.  SIeidan,  Antw., 
1558.  Roveri  Ponlani  (carme  à  Bruxelles),  Vera  Narratio  rerum  ab  an. 
1500  usque  ad  an.  1559  in  republ.  christ,  memorabiliuin,  Colon.,  1559, 
in-f».  Ulenberg  (protestant,  puis  catholique,  mort  eu  1597,  curé  de 
Cologne),  Vitœ  btcresiai'charum  Luthcri,  Melanchthonis,  Majoi'is,  lUy- 
rici,  Osiandri,  et  Causœ  graves  et  justa;  cur  catholicis  in  communione 
veteris  ejusquc  veri  cbristianismi  coustanter...  perniancndum  sit. 
Colon.,   1589.  Ces  deux  ouvrages  en  allemand  ])ar  Kerp,  Mayeucc, 


VII''   PÉRIODE.    —   INTRODUCTION.  IHW 

1833,  1836.  Kilian  Leib  (prieur  des  chanoines  de  Saint-Augustin,  ù 
Rebdorf,  mort  en  iööS),  Hist.  «ui  temporis,  V"  part.,  jusqu'en  1.Ö23,  éd. 
d'Arétin,  Beilr.  z.  Gesch.  u.  Literatur,  t.  VII  et  VIII;  IP  part.,  1524- 
i548,  éd.  Dœllinger,  Materialien  zur  Gesch.  des  XV  und  XVI  Jahrb.,  Ra- 
tisbonne,  1863,  t.  II,  p.  44.t  et  suiv.  Paul.  Jovius,  Hist.  sui  temp.,  1498 
et  seq.,  1521-1Ö27,  Flor.,  1548,  lööO  et  seq.  Guicciardini  iVI,  1) 
Adriani,  Istoria  dei  suoi  tempi  (1 536-1  ö73j,  Fir.,  1583;  Venezia,  1587, 
3  vol.  in-4°.  Marco  Quazzo,  Hist.  di  tutti  i  fatti  degni  della  memoria 
nel  mondo  successi  dal  1524  sino  all'  an.  1549.  In  Venezia,  1540,  in-8°; 
1549,  ia-8".  Guil.  Paradini  Burgundi  (mort  après  1581),  Mémorise  nos- 
trae  libri  IV  (1515-1544),  Lugd.,  1548  et  seq.  Rayn.,  Annal,  eccl.,  an. 
1517  et  seq.  Bossuet,  Hisl.  des  variations  des  Églises  prot.,  Paris,  1688, 
2  t.  in4°;  1734,  4  t.;  nouvelle  édit.  des  Œuvres  de  Bossuet,  Paris,  1836, 
t.  V,  VI,  avec  la  Défense  contre  Jurieu  et  Basnage  (en  allem,  par  Mayer, 
Munich,  1825,  4  vol.).  Maimbourg,  S.  J.,  Hist.  du  Luthéranisme,  Paris, 
1680,  et  Hist.  du  Calvinisme,  Paris,  1682.  Varillas,  Hist.  des  révolu- 
tions arrivées  dans  l'Europe  en  matière  de  religion,  2^  édit.,  Amst., 
1689  et  seq.,  6  vol.  Jean  Machault,  S.  J.,  Notatioaes  in  Thuani  hist. 
libr.  auctore  J.  B.  Gallo  J.  C,  Ingolst.,  1624,  in-4°.  Ign.  Schmidt, 
Gesch.  der  Deutschen,  Ulm  et  Vienne,  1775  et  suiv.,  part.  V-XI.  Herrn, 
i.  Schmitt,  Versuch  einer  philos.-hist.  Darstellung  der  Reform., 
Sulzb.,  1828.  Hortig,  Hdb.  der  K.-G.,  continué  par  J.  Dœllinger, 
Landshut,  1828,  II,  2.  Kaspar  Ritfel,  Christi.  K.-G.  seit  der  groszen 
Glaubens  und  Kirchenspaltung,  Muyence,  1841  et  suiv.,  3  vol.  Boost 
die  Reform,  in  Deutschland,  Ralisbonue,  1843  (E.  v.  Jarke).  Studien 
und  Skizzen  zur  Gesch.  der  Reform.,  Schaü'house,  1846.  Jcerg,  Deuts- 
chland in  den  Revolutionsperioden,  1522-1526,  aus  diplomatischen 
Correspondeuzen,  Frib.,  1851.  Fr.  v.  Buchholz,  Ferdinand  I",  Vienne 
1832  et  suiv.,  9  vol.  Ilurter,  Ferdinand  II,  Schaffhouse,  1830  et  suiv. 
Werner,  Gesch.  der  kath.  Theol.  in  Deutschland,  Munich,  1866.  Cesare 
Cantù,  Hist.  univ.,  trad.  allem.,  Schaffhouse,  1857,  t.  IX,  X.  Huo-o 
Lsemmer  a  donné  comme  protestant  :  «  Vortrident.  kath.  Theolof^ie 
des  Reformationszeitalters  »  (Berlin,  1858),  fourni  après  sa  conversion 
de  nombreux  matériaux  puisés  aux  sources,  dans  les  Analecta  Romana, 
SchaÖ'house,  1861  ;  dans  les  Monumenta  Vaticana  HE.  sœc.  XVI,  Frib., 
1861,  et  dan?  les  Beiträgen  zur  K.-G.  des  XVI  u.  XVII  Jahrh,  Frib.,  1863, 
Dœllinger,  dans  les  Materialien,  1. 1,  Ratisbonne,  1862,  aus  span.  Archi- 
ven Documente  von  Carl  V  und  Philipp  H;  puis  t.  II,  1863,  dieAnnalen 
des  Kilian  Leib  :  tous  deux  sout  remplis  de  fautes  d'impression.  Dans 
son  grand  ouvrage  :  La  Reformation,  son  développement  intérieur  et 
ses  résultats,  Ratisbonne,  1846  et  suiv.,  3  vol.  ^Paris,Gaume),  il  a  longue- 
ment reproduit  les  témoignages  de  Luther  et  de  plusieurs  luthériens. 


190  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Introduction.  —  Ritter,  K.-fi.,  VI,  A.  II,  p.  142  et  suiv.  Mœhler, 
Abhdlg.  über  den  Zustand  der  Kirche  im  XV  und  zu  Anfang  des  XVI 
Jahrb.,  Ges.  Sehr.,  II,  p.  1-33.  Grœne,  Zustand  der  Kirche  Deuts- 
chlands vor  der  Reform.,  Tab.  Quartalschr.,  1862,  I,  p.  84-138.  Tira- 
boschi  (VI,  §  223),  t.  XII  et  seq.  Janssen  (VI,  §  186).  —  H.-A.  Erhard 
et  K.  Hagen  (VI,  §§  223,  227).  Ranke,  Rœm.  Paepste,  I,  p.  33  et  suiv. 


CHAPITRE    PREMIER. 

LE    PROTESTANTISME. 

Orijjfiue  et  foriiiatiou  première  du  proteslantisnie. — llouvement 
relig'ienx  produit  en  ^^lleniagfne  par  LiUther. 

Luther  et  ses  premiers  agissements. 

1.  Martin  Luther,  né  le  10  novembre  1-483,  à  Eisleben,  était 
le  fils  d'un  mineur.  Destiné  par  sou  père  à  l'étude  du  droit,  il 
s'y  prépara  à  Magdebourg  et  à  Eisenach,  étudia  dès  1501  à 
l'université  d'Erfurt  la  dialecfitpie  et  la  philologie  latine,  et 
obtint  en  1505  le  grade  de  docteur.  11  fit  ensuite  des  cours  sur 
la  physique  et  la  morale  dWristote.  Dans  un  moment  de  subite 
frayeur  et  sous  l'empire  d'une  crainte  violente  de  la  mort  — 
un  do  ses  amis  venait  d'être  frappé  de  la  f(Midre  à  ses  côtés  — 
il  fit  vœu  d'embrasser  l'état  religieux,  et  entra,  contre  le  gré  de 
son  père,  au  couvent  des  ermites  de  Saint-Augustin  d'Erfurt. 
Vu  sa  qualité  de  docteur,  le  vicaire  provincial,  Jean  rie  Staupilz, 
l'affranchit  prématurément  des  occupations  humiliantes,  des 
ouvrages  manuels  des  novices,  et  Luther  fit  profession  avant  le 
terme  voulu.  Ordonné  prêtre  en  mai  1507,  il  étudia  l'Écriture 
sainte  en  se  servant  des  commentaires  de  Nicolas  de  Lyre  et 
des  œuvres  de  saint  Augustin.  Son  supérieur  l'y  encourageait. 
En  1508  déjà,  sur  la  proposition  du  même  Staupitz,  Frédéric, 
prince  électeur  de  Saxe,  le  nommait  professeur  de  dialectique 
et  de  morale  à  l'université  qui  venait  d'être  érigée  à  Witten- 
berg; l'année  suivante  (1509),  Luther  était  employé  à  rensei- 
gnement de  la  théologie,  pour  laquelle  il  montrait  plus  d'incli- 
nation, il  s'adonnait  aussi  à  la  prédication. 


LE    PROTKSTANTISME.  101 

Luthor  fit  en  1510  le  voyage  de  Rome  pour  y  régler  des 
affaires  de  son  ordre,  visita  avec  piété  les  sanctuaires  de  la 
ville,  mais  fut  scandalisé,  dit-on,  de  l'incrédulité  de  plusieurs 
ecclésiastiques.  La  vérité  est  qu'il  n'eut  point  de  relations  in- 
times avec  le  clergé  de  Rome,  et  cette  accusation  ne  reposait 
que  sur  des  rumeurs.  L'orgueilleux  augustin,  le  professeur  de 
Wittenberg,  se  sentit  blessé  d'avoir  passé  inaperçu  dans  la 
grande  ville.  Promu  docteur  en  théologie  (par  Carlstadt)  après 
son  retour  (octobre  lai 2),  il  se  mit  à  expliquer  le  Psautier,  les 
Épîtres  aux  Galates  et  aux  Romains.  Il  édita  en  1516  la 
Théologie  allemande  (VI,  §  220),  ce  «  magnifique  et  inappré- 
ciable opuscule  »,  vers  lequel  il  se  sentait  attiré,  moins  par  le 
mysticisme  panthéiste  que  par  les  conséquences  qu'il  en 
tirait  relativement  k  l'absence  de  libre  arbitre  dans  l'homme 
et  à  l'efficacité  unique  de  la  volonté  divine. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES  CRITIQUES  SUR  LE  N"  1. 

M.  Lutheri  0pp.  lat.,  Viteb.,  loî^o  et  seq.,  7  vol.;  -Jen.,  1556-58,  4  vol. 
in-f".  Œuvres  de  Luther,  en  allem.,  Wittenb.,  1539  et  suiv.,  12  vol.  in-f°; 
léna,  1553  et  suiv.,  8  vol.  in-f".  Ajoutez  deux  volumes  de  suppléments, 
par  Aurifaber,  Eisleben,  1564  et  suiv.  Édition  d'Altenbourg des  ouvrages 
allemands,  par  Sagittarius,  1661-1664,  10  vol.  Volume  de  supplément 
pour  toutes  les  anciennes  éditions  (par  Zeidier),  Halle,  1702.  Édition  de 
Leipzig,  1729-1740  et  suiv.,  22  vol.  Édition  de  Halle,  par  J-G.  Walch, 
1704-1752,  24  part,  in-4",  dont  les  parties  XV-XVH  renferment 
des  documents  pour  la  Réforme  (ces  deux  dernières  éditions  ne  don- 
nent le?  ouvrages  latins  qu'en  traduction  allemande).  Œuvres  de  Luther 
publiées  dans  les  deux  langues  originales,  éd.  Plochmann  et  Irmischer, 
Erlang,  et  Frankf.,  1826-1836,  67  vol.  in-8°  (comp.  Irmischer,  Kurze 
Gesch.  der  Gesammtausgabe  von  L.  W.  Ztschr.  für  Protest,  und  K., 
18.50,  I).  L'édition  de  Francfort  des  Œuvres  allemandes  de  Luther,  par 
Heyder  et  Zimmer,  revue  par  Irmischer,  Enders  et  autres,  a  donné,  t. 
I-XX,  les  écrits  homilétiques,  1826  et  suiv.,  2'"  éd.  corrigée;  t.  XXI- 
XXXII,  les  écrits  catéchétiques  ;  t.  XXXIH-LII,  les  éci'its  exégétiques:  t. 
LIII-LXVII,  les  autres  ouvrages  en  allemand,  avec  des  tables.  L'édition 
entière,  avec  les  ouvrages  latins,  comprend  105  vol.  On  a  fait  de  nom- 
breuses éditions  des  ouvrages  séparés  (souvent  expurgés).  Luthers 
Briefe.  Sendschreiben  und  Bedenken,  éd.  de  Wette,  Berlin,  1825-28,  5 
pari.  Supplément,  par  le  Dr.  Burkhardt,  Leipzig,  1866. — Mélanchthon, 
Ilist.  de  vita  et  actis  Lutheri,  Vitemb.,  1546;  Vratisl.,  1817  (très  défec- 
tueuse). Matthésius  (depuis  1845  prédicateur  dans  le  Joachimsthal,  mort 


192  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

en  <564),  Historien  von  des  ehrw.  Lutheri  Anfang,  Lehren,  etc.,  Nürn- 
berg, 1565.  M.  Anton  Lauterbacbs,  diacre  à  W'ittenb.,  Tagebuch  auf  das 
Jahr  1538  aus  der  Handschrift  herausgegeben  von  J.-K.  Seidemann, 
Dresde,  1872.  J.-A.  Fabricius,  CentifoHum  Luth.,  seu  Notitia  Ht.  scrip- 
toruffii  de  Luthero  editorum,  Hamb.,  1728.  Keil,  Merkwürdige  Leben- 
sumsteede  Luthers,  Leipzig,  1764,  4  part.  Uckert,  Luthers  Leben,  Gotha, 
1817,  2  voL  Spieker,  Gesch.  Luthers,  Berlin,  1818  (t.  1,  jusqu'à  1521). 
Ledderhose,  Luther  nach  seinem  iimeren  und  œuszeren  Leben,  Spire, 
1836.  Plizer,  Leben  Luthers,  Stuttg.,  1836  (complètement  idéahsé). 
Stang,  Leben  Luthers,  1838.  .laeckel,  Leben  und  Wirken  Luthers  im 
Lichte  unserer  Zeit,  Leipzig,  1840  et  suiv.  Maurer,  Luthers  Leben, 
Dresde,  1842.  Jürgens,  Luther  v.  s.  Geburt  bis  zum  Ablaszstreit,  Leipzig, 
1846,4  vol.  Schenkel,  die  Reformatoren  (Luther,  Zwingle,  etc.),  Wiesb., 
1856.  Vogel,  Bibliotheca  biographica  Lutherana,  Lips.,  1851  (instruc- 
tif). Neudecker,  Ratzenbcrgers  (mort  en  1558)  handschriftl.  Gesch. 
iiber  Luther,  léna,  1850  ;  de  Sybel,  Neuere  Erscheinungen  der  Luther- 
liter., dans  son  liist.  Ztschr.,  1872  ,  t.  XXVH.  J.  Kœsllin,  M.  Luther,  Sein 
Leben  u.  s,  Schriften,  Elberfeld,  1875,  2  vol.  Auteurs  catholiques  :  voy. 
Cochlœus,  Ulenberg  (ci-dessus,  B);  Pallavicini,  Ilist.  Conc.  Trid.,  lib.  I, 
c.  IV,  n.  2;  J.  Gœrres,  Luthers  Werk  und  Luthers  Werke  (Catholique, 
1827).  Luther.  Ein  Versuch  zur  Lcesung  eines  psycholog.  Problems 
(Hist.-pol.  Bl.,  1838  et  suiv.,  t.  11,  p.  249-271,  313-329;  t.  IH,  p.  193- 
204,  275-285).  Audin,  Hist.  de  la  vie,  des  écrits  et  des  doctrines  de 
Martin  Luther,  Par.,  1839,  2  vol.,  2«  éd.,  1841  ;  en  allem.,  Augsb.,  1843. 
DœUinger,  Luther.  Eine  Skizze  (tirage  à  part  du  Freib.  Kirchen-Lexi- 
kon, t.  VI,  p.  651  et  suiv.),  Frib.,  1831,  et  son  ouvrage  :  die  Ref. 
(Regensb.,  1848),  t.  Hl,  p.  9  et  suiv.  Janssen,  II,  p.  67  et  suiv.  Les 
registres  d'Erfurt  portent  :  «  Martinus  Luder  ex  Mansfeldt.  »  Uckert, 
op.  cit.,  p.  67.  —  Voyez  encore  Kampschulte  (VI,  §  211).  Pasig, 
Job.  VI,  Bischof,  v.  Meiszen,  Leipzig,  1867.  Sur  Staupitz,  voy.  J.-F. 
Knake,  Job.  Staupitii  Opp.,  quöe  reperiri  potuerunt,  Potsd.,  1867  (du 
même,  les  Traités  de  l'amour  de  Dieu  et  de  la  véritable  foi  chrétienne, 
le  Petit  Livre  du  Christ,  1315). 

Théorie  de  Luther  sur  la  justification. 

2.  Déjà  Luther  s'était  écarté  de  l'enseignement  général  de 
l'Église  sur  le  point  important  de  la  justificatiou  de  l'homme. 
En  151  G,  la  doctrine  qu'il  enseignait  et  qui  contenait  en  germe 
toute  la  théorie  qu'il  allait  échafauder  dans  la  suite,  avait  donné 
déjà  occasion  de  parler  d'une  théologie  nouvelle  et  erronée. 
Dans  son  état  d'abattement  et  d'inquiétude,  fruit  d'un  ascétisme 


LE    PKOTESTANTISME.  193 

stérile  et  d'un  esprit  violemment  surexcité,  dans  son  découra- 
gement voisin  du  désespoir  et  qui  allait  le  précipiter  dans  la 
manie  de  dénaturer  des  pensées  et  des  sentiments  vrais  en  soi, 
il  crut  qu'il  ne  trouverait  de  repos  que  dans  une  doctrine  selon 
laquelle  tous  les  efforts  de  l'homme  (devenu  entièrement  mau- 
vais par  le  péché  originel)  pour  atteindre  à  la  sainteté  étaient 
en  pure  perte,  qne  Dieu  justifie  l'homme  par  la  justice  de 
Jésus-Christ,  que  cette  justice  couvre  nos  péchés,  et  que  nous 
nous  l'approprions  par  la  foi. 

Ainsi  disparaissent  toutes  les  angoisses  de  la  conscience;  on 
ne  demande  plus  à  l'homme  que  de  s'avouer  coupable  et  de  se 
confier  en  Dieu.  Voilà  ce  que  Luther  croyait  avoir  clairement 
aperçu  dans  les  Épîtres  de  l'apôtre  saint  Paul.  C'était  là,  selon 
lui,  ce  que  signifiait  l'abolition  de  l'ancienne  loi.  11  se  plongeait 
de  plus  en  plus  dans  cette  doctrine,  qui  semblait  lui  offrir  la 
solution  de  toutes  les  énigmes  de  la  vie  religieuse.  Il  n'en 
démêlait  pas  encore  nettement  les  conséquences,  mais  il  y 
voyait  la  pierre  de  touche  de  tous  les  dogmes  et  de  toutes  les 
institutions  de  l'Église,  et  il  arriva  successivement  à  rejeter 
comme  contraire  à  l'Écriture  tout  ce  qui  ne  cadrait  pas  avec 
son  imputation  de  la  justice  {justitia  impiUata).  Il  débuta  en 
attaquant  la  doctrine  et  l'usage  des  Indulgences. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SUR   LE   N°    2. 

Dœllingev,  dans  son  Esquisse  et  Réformation,  III,  p.  9  etsuiv.,  31 
et  suiv.,  173  et  suiv.  Comp.  Kattenbusch,  Luthers  Lehre  vom  unfreien 
"Willen  und  von  der  Prädestination  nach  ihren  Entstehungsgründen, 
Goettingue,  1876. 

Publication  des  indulgences  sous  Léon  X.  —  J.  Tetzel. 

3.  Le  pape  Léon  X,  désireux  d'achever  l'église  de  Saint- 
Pierre  à  Rome,  dont  Jules  II  avait  posé  la  première  pierre 
en  1506,  publia  en  lol-4,  conformément  à  l'usage  traditionnel, 
une  indulgence  accompagnée  de  plusieurs  faveurs  spirituelles. 
La  bulle,  promulguée  en  1515  et  1516  dans  les  différents  pays, 
était  absolument  conçue  dans  les  formes  accoutumées.  Albert, 
archevêque  de  Mayence  et  de  Magdebourg,  et  en  même  temps 
évêque  d'Halberstadt,  fut  nommé  premier  commissaire  pour  une 
partie  considérable  de  l'Allemagne;  il  chargea  plusieurs  sous- 

V.  —  UIST.  DE   l'église.  13 


194  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

commissaires,  entre  antres  le  savant  dominicain  Jean  Tetzel, 
(le  publier  l'indulgence,  et  il  leur  donna,  ainsi  qu'aux  confes- 
seurs, des  instructions  précises.  Il  n'est  nullement  prouvé  que 
ces  instructions  aient  été  dépassées,  ni  que  Tetzel  et  ses  com- 
pagnons de  l'ordre  des  frères  prêcheurs,  si  calomniés  alors, 
se  soient  rendus  coupables  des  excès  dont  la  haine  de  parti  les 
a  accusés.  Leurs  sermons,  qui  nous  sont  parvenus,  et  les  autres 
témoignages  les  justifient  complètement. 

11  est  vrai  que  la  publication  des  indulgences  avait  déjà  ren- 
contré plus  d'une  opposition,  mais  la  résistance  venait  le  plus 
souvent  de  l'égoïsme,  elle  ne  s'attaquait  point  à  la  doctrine  de 
l'Église;  tout  récemment  encore  des  indulgences  avaient  été 
demandées  et  accordées  en  Allemagne  dans  des  circonstances 
beaucoup  moins  importantes,  sans  qu'il  en  fût  résulté  aucun 
scandale;  du  reste,  il  n'avait  jamais  été  défendu  de  s'élever 
contre  les  malversations  de  prédicateurs  isolés.  Mais  les  domi- 
nicains étaient  alors  jalousés  par  d'autres  ordres  et  souvent 
attaqués  devant  la  multitude  :  ces  ordres  supportaient  avec 
peine  de  se  voir  privés  des  indulgences  qu'ils  avaient  eues 
autrefois;  les  augustins  surtout,  dont  le  couvent  de  Witten- 
berg, encore  inachevé,  pouvait  en  souffrir,  étaient,  pour  des 
opinions  d'école  et  comme  amis  des  humanistes,  hostiles  aux 
frères  prêcheurs  et  aux  sermons  que  ceux-ci  faisaient  sur  les 
indulgences.  Plusieurs  princes  et  évêques  les  voyaient  égale- 
ment de  mauvais  œil, 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    3. 

Bulle  de  Léon  X  :  v.  d.  Hardi,  Hist.  lit.  réf.,  Francof.,  llil,  t.  IV, 
p.  4.  Cf.  Pallavic,  loc.  cit.,  1,  c.  ii,  n.  6.  Sur  l'archevêque  Albert, 
voy.  Hennés,  Albrecht  von  Brandenburg,  Erzb.  von  Mainz  und  Mag- 
deb.,  Mainz,  1838  ;  J.  May,  der  Churfürst,  Card.  u.  Erzb.  Albrecht  II 
mit  82  Urkunden  und  Beilagen,  Munich,  1866.  L'archevêque  a  été 
célébré  dans  une  pièce  de  vers  par  George  Sabinus,  gendre  de 
Mélcinchthon  ;  Hulten,  ép.  à  Jules  Ptlug,  du  23  août  1318,  l'appelait  son 
protecteur  et  celui  de  Reuchlin,  «  decus  principum  ».  Albert  choisit 
lui-même  les  dominicains  pour  prêcher  l'indulgence  :  Pallavic,  I,  ni, 
6-8.  L'instructio  sumraaria  pro  subcommissariis,  pœnitentiariis  et 
confessoribus,  dans  Lœscher,  Beform. -Urk.,  I,  p.  388;  II,  p.  232,  292. 
Œuvres  de  Luther,  éd.  Walch,  XV,  p.  371  et  suiv.  Nous  avons  trois 
biographies  de  Tetzel  par  des  protestants  :  1'  celle  de  Gottfried  Hecht, 


LE   PROTESTANTISME.  195 

Disputatio  de  vita  Joh.  Tetzelii  nundinatoris  sacri,  Vitemb.,  1707;  Vita 
Joh.  Tetzelii  quœst.  s.,  ib.,  1717;  2°  celle  de  Jak.  Vogel,  prédicant  près 
de  Leipzig  :  Leben  des  pœpstl.  Ablaszpredigers  oder  Ablaszkrœmers  J. 
T.,  Leipzig,  1717  et  1727  ;  3"  celle  de  Fr.  Gottl.  Hofmann  (c'est-à-dire, 
Christophe  Schreiber),  Leipzig,  18i4.  Du  côté  des  catholiques,  Tetzel 
n'a  presque  pas  été  défendu  ;  on  a  presque  toujours  admis  sans  exa- 
men les  renseignements  fournis  sur  lui  par  les  protestants,  notamment 
par  Ritter  dans  son  Histoire  de  l'Église,  II,  p.  139  (6'=  éd.).  Ce  prédi- 
cateur tant  calomnié  na  été  défendu  que  dans  les  «  Lettres  familières 
de  deux  catholiques  sur  la  querelle  des  indulgences  du  docteur  Martin 
Luther  contre  le  docteur  J.  Tetzel  »  (Francfort-sur-Ie-Mein,  1817,  en 
allem.).  Il  a  été  justifié  à  l'aide  de  documents  par  Val.  Grœne,  Tetzel 
und  Luther  oder  Lehensgesch.  und  Rechtfertigung  des  Ablaszpredi- 
gers imd  Inquisitors  D.  J.  Tetzel,  Soest  imd  Olpe,  1833  (2«  éd.,  1860). 
Voy.  ibid.,  p.  231  et  suiv.,  1"=  éd.,  les  documents  du  conseil  de  Halle, 
du  12,  et  de  l'augustin  .Jean  Pals,  du  14  déc.  1317,  en  faveur  de  Tetzel. 
Voy.  encore  p.  90  et  suiv.,  176  et  suiv.  Vers  1300,  les  princes  électeurs 
s'étaient  prononcés  contre  le  mode  habituel  de  publier  des  indul- 
gences ;  il  devint  l'objet  des  «  Gravamina  imperii  ».  Maximilien  I""", 
dans  sa  réponse,  avait  négligé  ce  point  (Pallavic,  I,  ii,  7).  Le  produit 
des  indulgences  devait,  d'après  le  décret  de  1310,  demeurer  en  Alle- 
magne, et  l'empereur  s'employa  dans  ce  but.  L'évèque  Jean  de  Meissen 
refusa  l'entrée  de  son  diocèse  aux  prédicateurs  d'indulgences;  il  en  fut 
de  même  à  Constance.  Sur  les  objections  admissibles  contre  les  indul- 
gences, voy.  Pallavicini,  loc.  cit.,  n.  8,  9.  Ce  mode  d'annoncer  les  in- 
dulgences n'avait  pas  été  attaqué  précédemment.  Jean  XXII,  en  1319, 
avait  accordé  une  indulgence  de  quarante  jours  pour  la  construction 
du  pont  de  Dresde  ;  Martin  V  (1426),  une  indulgence  pour  le  pont  de 
Sobernheim;  en  1491,  les  princes  de  Saxe,  à  défaut  d'autres  res- 
sources, avaient  obtenu  pour  vingt  ans  une  indulgence  en  faveur  de  la 
chapelle  et  du  pont  de  l'Elbe,  près  de  Torgau  (Grœne,  p.  234-237)  ; 
Jules  II  l'avait  renouvelée  ;  le  même  pape,  en  1304,  avait  publié  une 
indulgence  en  faveur  des  chevaliers  allemands  de  Prusse,  serrés  de 
près  par  les  Russes  et  les  Tartares.  Tetzel,  qui  avait  déjà  prêché  avec 
succès  à  Zwickau,  pour  le  jubilé  prescrit  en  1300  par  Alexandre  VI, 
l'annonça  en  Prusse,  dans  le  Brandebourg  et  en  Silésie.  De  mars  à 
juillet  1310,  il  prêcha  à  Annaberg,  sur  la  demande  spéciale  du  duc 
George,  l'indulgence  approuvée  pour  Torgau.  Quant  à  l'électeur  Fré- 
déric, il  ne  permit  la  publication  de  la  nouvelle  indulgence  de  Léon  X 
qu'après  que  l'empereur  l'y  eut  invité  par  ordonnance  du  27  août  1317 
(Lœscher,  I,  p.  388).  Sur  la  jalousie  des  augustins  :  Pallavic,  I,  iv.  1  ; 
Serrar.,  Rer.  Mogunt.,  lib.  V,  p.  883  ;  Grœne,  p.  28  et  suiv. 


196  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

Thèses  de  Luther  contre  les  indulgences. 

4.  Le  P.  Telzel,  qui  avait  prêché  avec  beaucoup  de  zèle  et 
de  succès  dans  le  territoire  de  Magdebourg,  d'Halberstadt,  de 
Brandebourg  et  de  Leipzig,  se  rendit  dans  le  voisinage  de 
Wittenberg,  à  Jiiterbogk,  où  il  attira  un  grand  concours  de 
peuple,  tandis  que  les  églises  de  Wittenberg,  notamment  celle 
de  Tous-les-Saints,  si  fréquentée  jadis,  semblaient  demeurer 
vides.  Luther  et  ses  amis,  après  s'être  concertés  dans  la  pré- 
vôté de  Kemberg  avec  le  prévôt  Ziegelhain  et  d'autres,  imagi- 
nèrent un  moyen  qui,  en  affaiblissant  le  crédit  des  dominicains, 
devait  arrêter  pour  longtemps  le  succès  de  la  prédication  des 
indulgences,  empêcher  d'en  percevoir  les  aumônes  à  Witten- 
berg, plaire  au  prince  électeur  de  Saxe,  contenter  la  jalousie 
de  beaucoup  d'établissements  et  de  monastères,  et  intéresser  le 
monde  savant  adonné  aux  études  humanistes.  Ce  moyen  fut  la 
rédaction  de  quatre-vingt-quinze  thèses  sur  les  indulgences, 
qui  devaient  être  publiquement  soutenues  par  Luther,  leur 
auteur,  contre  les  prédicateurs  d'indulgences. 

Le  samedi  31  octobre,  veille  de  la  Toussaint,  Luther  les 
afficha  lui-même,  en  allemand  et  en  latin,  à  l'église  du  château 
et  de  l'université  de  Wittenberg,  et  les  fit  répandre  dans  les 
alentours.  Plusieurs,  sous  une  apparence  d'orthodoxie,  étaient 
très  captieuses  ;  d'autres  montraient  plus  clairement  que 
Luther  s'écartait  de  la  doctrine  catholique.  Les  attaques  contre 
le  pape  et  contre  les  indulgences  étaient  voilées,  mais  propres 
à  séduire  une  multitude  facilement  irritable.  Ses  propositions, 
souvent  burlesques  et  dérisoires,  se  contredisaient  entre  elles. 
Les  protestations  d'attachement  à  l'Eglise  étaient  là  pour  sauver 
les  apparences. 

Quelque  motif  rpie  pussent  avoir  les  amis  de  Luther  pour 
l'enhardir  dans  ses  attaques  contre  les  prédicateurs  des  indul- 
gences, il  est  certain  qu'en  agissant  ainsi  Luther  obéissait 
complètement  à  sa  manière  de  voir.  La  doctrine  de  l'Eglise  sur 
les  indulgences  était  incompatible  avec  ses  idées  sur  la  satis- 
fa'tion  do  Jésus-Christ  imputée  à  tous  les  hommes,  sur  la 
valeur  des  bonnes  œuvres,  sur  le  mérite  et  sur  la  foi.  Déjà, 
dans  ses  sermons,  il  s'était  escrimé  contre  les  commissaires  des 
indulgences;  déjà  il  avait  attaqué  la  théologie  scolastique,  ainsi 


LE   PROTESTANTISME.  197 

qu'«  Aristote  »,  et  rompu  avec  la  tradition  de  l'Église  au  point 
de  déclarer  que  la  Bible  seule  suffisait. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°  4. 

Les  95  thèses  de  Luther,  en  quatre  sections,  dont  les  trois  premières 
contiennent  chacune  25  propositions  et  la  dernière  20,  étaient  impri- 
mées sur  une  feuille  grand  in-folio,  à  deux  colonnes.  Texte  dans 
Lcescher,  Reform. -Acta,  I,  p.  367  et  suiv.;  L.  W.,  éd.  Walch,  XVIII, 
p.  255  et  suiv.,  d'après  l'original  de  Berlin,  dans  Ranke,  Ssemmll. 
W.,  VI,  p.  80-85.  Critique  des  thèses,  dans  Riffel,  I,  p.  32  et  suiv.; 
2«  éd.,  p.  65  et  suiv.;  Pallavic,  I,  iv,  n.  3-10.  On  était  surtout  scanda- 
lisé des  propositions  suivantes  :  Les  indulgences  ne  remettent  pas 
d'autres  peines  que  celles  qui  sont  imposées  par  l'Église  (th.  v,  xx, 
xxxiv)  ;  le  trésor  d'où  elles  sont  tirées,  ce  ne  sont  pas  les  mérites  de 
Jésus-Christ  et  des  saints  (th.  lviii)  ;  pour  les  défunts,  il  n'y  a  pas  d'in- 
dulgences (th.  VIII,  xui);  on  ignore  si  toutes  les  âmes  veulent  sortir  du 
purgatoire  (th.  xxix)  ;  la  peine  du  péché  et  la  vraie  pénitence  consistent 
à  se  haïr  soi-même  (odium  sui,  th.  iv)  ;  le  pape,  en  remettant  la  dette, 
se  borne  à  déclarer  qu'elle  est  remise  par  Dieu  même  (th.  vi,  xxxvin)  ; 
les  âmes  du  purgatoire,  sous  l'empire  d'une  crainte  voisine  du  déses- 
poir, incertaines  de  leur  salut,  peuvent  augmenter  leur  charité  et  leur 
mérite  (th.  xv,  xvi,  xviii,  xix).  Voy.  d'autres  déclarations  de  Luther 
dans  Lcescher,  I,  p.  340  et  suiv.,  700  et  suiv.,  761,  807,  834;  Riffel,  I, 
p.  42;  Grœne,  p.  31-47. 

Polémique  sur  les  indulgences. 

5.  Luther,  en  affichant  ses  thèses  audacieuses,  était  loin 
d'être  rassuré  :  il  les  envoya,  avec  des  dédicaces,  à  l'archevêque 
de  Mayence  et  à  l'évêque  de  Brandebourg,  Jérôme  Scultetus. 
Personne  ne  se  trouva  à  la  conférence  qu'il  avait  annoncée. 
Tetzel  se  rendit  à  Francfort-sur-l'Oder,  auprès  de  son  bien- 
aimé  maître  Conrad  Wimpina,  pour  y  prendre  les  degrés 
théologiipics  et  se  trouver  à  la  hauteur  de  Luther.  Il  y  soutint, 
avec  beaucoup  de  force  et  de  pénétration,  cent  six  antithèses 
sur  la  pénitence  et  les  indulgences.  Pendant  le  carême  de  1518, 
Luther  publia,  surtout  en  vue  du  peuple,  une  nouvelle  disser- 
tation —  vingt  articles  sur  les  indulgences  et  la  grâce  —  où 
il  montrait  plus  de  calme  et  de  modération,  flattait  les  huma- 
nistes, et  rejetait  la  division  de  la  pénitence  en  trois  parties, 
contrition,  confession  et  satisfaction,  adoptée  par  Tetzel.  Celui-ci 
eu  écrivit  une  savante  réfutation,  et  soutint  en  outre  cinquante 


198  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

thèses  sur  le  pouvoir  du  pape,  afin  d'amener  sou  adversaire  à 
déclarer  s'il  reconnaissait  encore,  oui  ou  non,  l'autorité  du 
Saint-Siège.  Luther  n'entra  point  dans  cette  voie;  il  se  con- 
tenta de  faire  une  réponse  acerbe  et  injurieuse  à  la  réfutation 
de  Tetzel  sur  les  indulgences  et  sur  la  grâce. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N"    5. 

Luther  à  Albert  de  Mayence,  31  oct.  1517  :  Lœscher,  I,  p,  473; 
Grœne,  p.  62  et  suiv.  Sa  réponse  :  Œuv,  de  Luther,  éd.  Walch,  XV, 
p.  1640.  Luther  à  Jérôme  Scultetus,  22  mai  1518  :  Lœscher,  II,  p.  173. 
Autres  démarches  de  Tetzel  :  Grœne,  p.  71  et  suiv.  Les  106  antithèses 
de  Tetzel  :  Lœscher,  I,  p.  484  et  suiv.  Cf.  Riffel,  I,  p.  36  et  suiv.; 
2=  éd.,  p.  71  et  suiv.;  Grœne,  p.  81-88.  Plusieurs,  croyant  Tetzel  inca- 
pable, attribuèrent  les  antithèses  à  G.  Wirapina  (Œuv.  de  Luth., 
XVII,  p.  28  ;  Lœscher,  II,  p.  207  ;  I,  p.  484)  ;  mais  elles  sont  certaine- 
ment de  lui  (Grœne,  p.  74-81).  Sur  Wimpina,  né  à  Buchen,  inhumé 
au  couvent  d'Amorbach  en  1531,  voy.  Mittermüller  (Catholique,  1869, 
I,  p.  641-682;  II,  p.  129-163).  Tetzel  fut  combattu  par  im  jeune  fran- 
ciscain, Jean  Knipstrow  (mort  en  1336  surintendant  général  de  Rü- 
gen et  de  la  Poméranie  antérieure),  et  par  le  cistercien  Christian 
Kelelholdt,  de  Poméranie  (mort  en  1523  pasteur  «  primarius  »  de 
Stralsund).  —  Sermon  de  Luther  en  vingt  articles  sur  les  indulgences 
et  la  grâce  :  Lœscher,  I,  p.  469-473;  Grœne,  p.  212-216.  —  «  Voilegung, 
gemacht  von  Br.  Joh.  Tetzel,  Predigerordens,  Ketzermeister,  wider 
einen  vermessenen  Sermon  von  20  irrigen  Artikeln,  pœpstl.  Ablasz 
und  Gnade  belangend  »  :  Lœscher,  I,  p.  484-503;  Grœne,  p.  216-230. 
—  Cinquante  thèses  sur  le  pouvoir  du  pape  :  Lœscher,  I,  p.  504  et 
suiv.;  Grœne,  p.  104-114;  Riffel,  I,  p.  71  et  suiv.  Luther  :  «  Freiheit 
des  Sermons,  pa?.pstl.  Ablasz  und  Gnade  belangend,  wider  die  Vorle- 
gung, so  zur  Schmach  sein  und  desselben  Sermons  erdichtet.  »  Lœs- 
cher, I,  p.  526  et  suiv.  Cf.  Grœne,  p.  115  el  suiv. 

Premiers  Succès  de  Luther. 

6.  Les  propositions  hardies  de  Luther  avaient  produit  une 
immense  rumeur;  dans  l'espace  de  deux  mois,  elles  avaient 
parcouru  toute  l'Europe.  Plusieurs  croyaient  qu'il  ne  s'atta- 
quait qu'à  des  abus.  Laurent  de  Bibra,  évêque  de  Würzbourg, 
intervint  pour  lui  auprès  de  son  prince  électeur,  et  son  propre 
évêque  lui  conseilla  faiblement  d'éviter  toute  attaque  contre 
l'Egli-so.  L'archevè(]ue  de  Mayence  lui  manda  qu'il  n'avait  pas 
encore  eu  le  loisir  de  lire  ses  écrits,  qu'il  en  abandonnait  le 


LE    PROTESTANTISME.  199 

jugement  à  une  autorité  plus  élevée,  et  déplorait  que  des  doc- 
teurs en  renom  se  disputassent  entre  eux  sur  le  pouvoir  du 
pape,  le  libre  arbitre,  etc. 

Les  humanistes  applaudirent  le  professeur  de  Wittenberg, 
et  la  plupart  de  ses  collègues  adoptèrent  ses  sentiments.  Les 
augustins  s'enorgueillissaient  d'un  confrère  devenu  si  promp- 
tement  célèbre  ;  quelques-uns  seulement,  comme  le  prieur  Con- 
rad Ileld,  craignaient  que  leur  ordre  ne  devînt  bientôt  sus- 
pect d'hérésie.  Luther  avouait  lui-même  qu'il  n'avait  pas  su  ce 
que  c'était  qu'une  indulgence  ;  on  pouvait  en  dire  autant,  à  plus 
forte  raison,  d'un  grand  nombre  de  ses  contemporains  étran- 
gers à  la  théologie.  A  Wittenberg,  presque  tout  le  monde  pre- 
nait parti  pour  le  héros  du  jour,  qui  semblait  répandre  sur  la 
ville  un  nouvel  éclat.  Huit  cents  exemplaires  des  thèses  de 
Tetzel  furent  publiquement  livrées  aux  flammes,  tandis  que 
celles  de  Luther  ne  furent  point  brûlées  par  Tetzel,  malgré  le 
bruit  qui  s'en  répandit  dans  la  foule.  Les  témoignages  d'appro- 
bation qui  arrivaient  de  toutes  parts  à  l'augustin  de  Saxe,  ne 
pouvaient  que  l'animer  à  de  nouvelles  tentatives. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    6. 

Erasm.,  Epistol.  lib.  XVIIl,  p.  736;  Surius,  an.  1517;  Pallavic,  I, 
V,  i.  Luther  contre  Hans  Worst  :  Pfaff,  p.  29;  Lœscher,  I,  p.  840. 
Œuvres  de  Luther,  th.  xvii,  p.  1704.  Sur  Conrad  Held,  Œuvres,  éd. 
léna,  V,  p.  53.  Luther  à  Jodok  Trautweiter,  9  mai  1518  :  Lœscher,  II, 
p.  64.  Sur  Sébastien  Küchenmeister,  Lie.  à  Vittenberg.  Luther  avoue 
son  ignorance  concernant  les  indulgences,  et  Janssen  prouve  qu'avant 
lui  cette  doctrine  était  parfaitement  enseignée  en  Allemagne  (Ges- 
chichte des  deutschen  Volkes,  I,  p.  36  et  suiv.)  dans  l'ouvrage  «  Wi- 
der Hans  Worst  »  :  Walch,  XVII,  p.  1704.  Les  thèses  de  Tetzel  livrées 
au  feu  :  Grœne,  p.  122-128. 

Opposition  des  théologiens  contre  Luther. 

7.  Après  Tetzel,  d'autres  théologiens  entrèrent  dans  la  lice 
pour  combattre  les  nouveautés  de  Luther.  Sylvestre  Prierias 
(Mazzoli),  dominicain  de  Rome  et  maître  du  palais  apostolique, 
lui  prouva,  avec  beaucoup  de  netteté,  que  l'Église  avait  depuis 
longtemps,  par  l'organe  du  pape,  décidé  la  question  des  indul- 
gences, et  que  la  solution  du  Saint-Siège  était  obligatoire  pour 
tout  catholique  ;  puis  le  célèbre  docteur  .Jean  Eck,  vice-chancelier 


200  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

l'université  d'Ingolstadt  et  chanoine  d'Eichstaedt,  prouva  par  ses 
remarques  sur  les  thèses  de  Luther  {obelisci)  que  celles-ci  se 
rapprochaient  des  doctrines  de  Hus.  Quoiqu'il  ne  les  destinât 
pas  à  la  publicité,  les  remarques  de  J.  Eck  ne  .tardèrent  pas  à 
se  répandre.  Vinrent  ensuite  Jérôme  Emser  de  Dresde,  et 
Jacques  Hogstraten,  dominicain  de  Cologne,  dont  l'ardeur 
outrée  contre  les  humanistes  nuisit  souvent  à  la  cause  catho- 
lique. 

Mais  que  pouvaient  les  meilleures  réfutations  contre  un 
homme  tel  que  Luther,  qui  croyait  avoir  trouvé  sa  doctrine 
dans  l'Évangile  ?  Il  s'était  retranché  derrière  un  rempart  inex- 
pugnable aux  assauts  de  la  science  :  sa  doctrine  était  de  Dieu  ; 
ses  adversaires  n'étaient  que  des  hommes  ignorants  et  mépri- 
sables. Il  répondit  à  Prierias  d'un  ton  amer  et  sardonique,  mais 
sans  vouloir  entrer  dans  le  fond  du  débat  ;  au  lieu  d'autorités, 
il  demandait  des  raisons;  les  papes,  les  conciles  étaient  sujets 
à  l'erreur;  l'Écriture  sainte  seule  était  infaillible.  Sa  réponse 
au  docteur  Eck  n'était  qu'un  torrent  de  basses  injures;  les 
contradictions  y  abondaient,  et  Luther  s'y  écartait  sensiblement 
de  la  doctrine  catholi(]ue.  A  Hogstraten  il  reprocha  son  igno- 
rance et  son  esprit  do  rancune. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET  REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N°   7. 

Dialogus  R.  Fr.  Sylv.  Prieriatis,  0.  Pr.,  S.  Theol.  Prof,  sacrique 
Palat.  mag.,  in  praesumptuosas  M.  Lutheri  conclusiones  de  potestate 
Papœ  :  Lœscher,  II,  p.  d2etsuiv.  Érasme,  ép.  cccxlix,  et  d'autres  préten- 
dent que  cet  écrit  est  funeste  à  l'Église  catholique,  plat  et  maladroit. 
Mais  Érasme  et  les  humanistes  en  général  étaient  peu  familiers  avec  la 
théologie  catholique  ;  les  autres  théologiens  contemporains  ensei- 
gnaient la  môme  doctrine  (Sleidan.,  Com.  de  statu  relig.,  lib.  Il, 
p.  55),  et  Luther  se  sentit  principalement  atteint  par  cet  écrit:  0pp.,  éd. 
Jen.,  I,  p.  60.  Cf.  Pallav.,  1,  vi,  3.  Joh.  Eck  Obelisci  :  Lœscher,  II,  p.  64 
et  suiv.  Luther  lui-môme  (de  Wette,  Lettres  de  Luther,  I,  p.  59)  appe- 
lait Eck  «  insignis  vereque  ingeniosœ  crudilionis  et  eruditi  ingenii 
homo  »;  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  2  :  «  vir  doctrina  et  eloquentia  prijepol- 
lens  ».  Voy.  Meuser  dans  le  Kath.  Ztschr.  für  Wissensch.  und  Kunst, 
Jahrg.  III,  Cœln,  1846;  Wiedemann,  Dr.  Joh.  Eck,  Vienne,  1865. — 
Emser,  voy.  i;  15.  De  J.  Hogstraten,  voy.  l'ouvrage  ultérieur  :  Cum  D. 
Augustino  colloquia  contra  enormes  atque  pcrversos  M.  Lutheri  erro- 
res,  Colon.,  1522.  Cf.  Erasmus,  Epist.  lib.  XII,  p.  403  ;  v.  d,  Hardt, 
Hist.  lit.  Ref.,  II,  13  ;  Ltemmer,  die  Vortridentin.  kath.  Theologen  des 


LE   PROTESTANTISME.  201 

Reformationszeitalters,  Berlin,  1838,  p.  i  et  suiv.  L'opiniâtreté  de 
Luther  est  attestée  par  ses  lettres  à  Jean  Lang,  11  nov.  1317  ;  àSpala- 
tin,  21  août  1318  :  Lœscher,  I,  p.  838;  II,  p.  621.  Noms  injurieux  don- 
nés à  SCS  adversaires  :  Œuvres,  éd.  Walch,  t.  XIII,  p.  12;  t.  XVllI, 
p.  328.  Responsio  Lutheri  ad  Prieratis  Dialogum  :  Lœscher,  II,  p.  400  ; 
Œuvres  de  Luther,  éd.  d'Altenb.,  I,  p.  68  et  suiv.  Asterisci,  contre  Eck  : 
Lœscher,  II,  p.  333  et  suiv.,  680  et  suiv.  Contre  Hogstraten  :  Lœscher, 
II,  p.  323;  Luth.  0pp.  lat.,  éd.  Jen.,  t.  I.  Comp.  Riffel,  I,  p.  73  et 


suiv. 


Controverse  de  Heidelberg. 


8.  Une  réunion  des  auguslins  eut  lieu  à  Heidelberg,  en 
avril  1518.  Luther  y  fut  invité  et  chargé  de  présider  les 
débats.  Ses  assertions  y  furent  largement  soutenues  :  le  libre 
arbitre,  depuis  la  chute  originelle,  n'existe  plus  que  de  nom  ; 
l'homme,  même  en  faisant  ce  qui  dépend  de  lui,  commet  un 
péché  mortel;  le  bien  qu'il  fait,  c'est  Dieu  seul  qui  l'opère  en 
lui  ;  lui-même  en  est  incapable,  car  il  reste  absolument  passif. 
Luther  se  déchaînait  surtout  contre  le  pélagianisme,  et  tomba 
dans  l'autre  extrême,  en  s'appuyant  de  saint  Augustin ,  qu'il 
dépassa  de  beaucoup.  Pelage  exaltait  et  surfaisait  le  hbre 
arbitre;  Luther  le  supprimait  radicalement.  Pelage  accordait 
à  la  nature  humaine,  avant  comme  après  la  chute  d'Adam, 
la  possibilité  de  mériter  sans  le  secours  d'une  grâce  surna- 
turelle; Luther  la  croyait  incapable  d'aucune  espèce  de  bien. 

Dans  cette  discussion,  Luther  gagna  Martin  Bucer,  Jean 
Brenz  et  Erhard  Schnepf.  Son  collègue  André  Bodenstein  (sur- 
nommé Carlostadt,  du  lieu  de  sa  naissance)  se  rapprocha  de  plus 
en  plus  de  lui,  et  composa  pour  le  soutenir  des  écrits  de  contro- 
verse, dirigés  surtout  contre  Eck.  Bienlôt  la  dispute  ne  roula 
plus  seulement  sur  les  indulgences;  la  foi  catholique  tout 
entière  fut  mise  en  péril,  et  l'autorité  ecclésiastique  dut  inter- 
venir. 

OUVRAGES  A   CONSCLTER   SUR   LE    N°     8. 

Lœscher,  II,  p.  46  et  suiv.  ;  Œuvres  de  Luther,  éd.  Walch,  th.  xvin, 
p.  66  et  suiv.;  Pallavic.,  I,  vu,  3;  Guericke,  K.-G.,  III,  p.  30;  de  Carlo- 
stadt, 370  couclusionesapologeticae,  et  (contre  l'apologie  des  «  Obelisci  » 
par  Eck)  Defensio  adv.  J.  Eckii  monomachiam  ;  Lœscher,  th.  ii. 


202  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Attitude  du  Saint-Siège. 

9.  Rome  avait,  dès  le  début,  compris  la  gravité  de  la  situa- 
tion. Déjà,  le  3  février  1518,  le  pape  Léon  X  chargeait  le  général 
intérimaire  des  ermites  de  Saint- Augustin,  Gabriel  de  Venise, 
de  chercher,  par  des  lettres  et  des  négociations,  à  calmer  le 
moine  saxon,  et  à  éteindre  une  flamme  qui  pouvait  aisément 
devenir  un  dangereux  incendie.  La  congrégation  saxonne  de 
l'ordre  soutint  qu'elle  était  indépendante  du  général  qui  rési- 
dait à  Rome,  et  que  celui-ci  avait  besoin,  pour  intervenir  chez 
elle,  d'une  autorisation  particulière  du  pape.  Gabriel  s'adressa 
au  vicaire  provincial,  Staupitz,  lequel,  étant  favorable  à  Luther, 
se  montra  fort  négligent. 

Cependant  Luther  (22  mai)  écrivit  à  son  évêque  diocésain  et 
lui  transmit  ses  Résolutions  sur  les  indulgences;  puis  à  Staupitz 
(30  mai),  à  qui  il  envoya  pour  le  pape  une  lettre  modeste  et 
flatteuse  :  il  y  demandait  une  enquête  et  un  jugement,  assurant 
que  la  voix  du  pape  serait  pour  lui  la  voix  de  Jésus-Christ; 
mais  il  accusait  en  même  temps  les  commissaires  des  indul- 
gences d'avarice  et  d'erreur,  et  disait  qu'en  s'élevant  contre 
eux  il  n'avait  voulu  que  révoquer  en  doute  leurs  afßrmations. 
Le  pape,  qui  avait  aussi  invité  le  prince  électeur  de  Saxe  à 
mettre  un  terme  aux  menées  de  Luther,  institua  une  commis- 
sion pour  régler  cette  affaire.  La  commission  envoya  au  pro- 
fesseur de  Wittenberg  l'assignation  qui  lui  était  faite,  sous  la 
date  du  7  août  1518,  de  se  présenter  à  Rome  dans  l'intervalle  de 
soixante  jours  ou  de  se  rétracter.  L'empereur  Maximilien,  qui 
se  rendait  parfaitement  compte  du  danger  qui  menaçait  l'Église 
et  l'empire,  invita  le  pape  (5  août)  à  prendre  des  mesures 
sévères  pour  empêcher  que  des  opinions,  des  extravagances 
humaines  prissent  la  place  des  vérités  révélées. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    9. 

Contre  l'opinion  de  Bandello  et  autres,  que  Léon  X  avait  traité 
l'affaire  comme  une  querelle  de  moines  sans  importance  (Lœscher,  II, 
iv;  Pallavic,  I,  vi,  4),  voy.  Breslauer  Ztschr.  f.  Theol.,  1832,  I,  p.  26 
et  suiv.;  II,  p.  H  et  suiv.;  Ritter,  K.-G.,  il,  p.  162;  Ranke,  Rœm. 
Pœpsle,  1,  p.  86.  —  Lettre  à  Gabriel  de  Venise  :  Bembo,  ep.  xvi  d.  d. 
18  févr.  1.Ï18.  Œuvres  de  Lutber,  éd.  Wulcb,  tli.  xv,  p.  518.  Lettre 
de  Lutber  à  Scultetus:  Lœscber,  11,  p.  173,  avec  les  Resolutiones  dispu- 


LE    PROTESTANTISME.  203 

tationum  de  virtute  indulgentiarum,  resol.  69  :  «  Auctoritati  papali  in 
omnibus  cum  reverentia  credendum  est.  Qui  enim  polestati  resistit, 
resistit  Dei  ordinationi.  »  Lettre  au  pape  :  0pp.  Lutheri,  éd.  Jen.,  1579, 
I,  p.  74;  Lœscher,  II,  p.  176;  Le  Plat,  Monura.  ad  conc.  Trident.,  Lo- 
van.,  1782,  vol.  II,  p.  1-3.  On  y  lit  :  «  Beatissime  Pater,  prostratum 
me  pedibus  Tuoe  Beatitudinis  offero  cum  omnibus  quœ  sum  et  habeo. 
Vivitica,  occide,  vuca,  revoca,  approba,  reproba,  ut  placuerit.  Vocem 
tuara  vocem  Christi  in  te  prœsidentis  et  loquentis  agnoscam.  Si  mor- 
tem merui,  mori  non  recusabo.  »  Cf.  Bossuet,  Hist.  des  var.,  livre  I, 
^  20.  Invitation  de  Luther  et  sa  réception  :  Pallavic,  I,  vi,  7  (ibid., 
n.  6);  il  se  plaint  que  le  pape  se  soit  adressé  trop  tard  à  Frédéric;  il 
lui  écrit  le  23  août  :  0pp.  Luth.,  I,  p.  180;  Le  Plat,  loc.  cit.,  p.  5,  6). 
Maximilien  à  Léon  X,  5  août:  Rayn.,  an.  1518,  n.  90;  Goldast,  Coll. 
Const.  imper.,  II,  p.  140.  Œuvres  de  Luther,  part.  XV,  p.  534,  éd. 
d'Altenbourg,  I,  p.  113  ;  Pallavic.,  loc.  cit.,  n.  45  ;  Le  Plat,  p.  4,  5. 

Luther  à  Augsbourg  devant  le  cardinal  Cajétan. 

10.  L'intervention  du  Saint-Siège  remplit  d'effroi  les  amis  de 
Luther.  Cédait-il,  les  dominicains  détestés  l'emporteraient, 
l'université  de  Wittenberg  et  ses  partisans  perdraient  leur 
crédit;  s'il  résistait,  il  s'exposait  aux  censures  que  la  loi  infli- 
geait à  l'hérésie,  et  la  gloire  de  Wittenberg  courait  risque  de 
s'éclipser.  On  songea  surtout  à  lui  procurer  un  interrogatoire 
en  Allemagne.  Frédéric,  prince  électeur  de  Saxe,  fut  prié,  par 
l'entremise  de  Spalatin,  prédicateur  de  la  cour  et  ami  de 
Luther,  d'interposer  sa  médiation.  Il  consentit  à  demander  au 
pape  de  charger  de  l'enquête  l'évêque  de  Würzbourg,  ou 
celui  de  Freisingen,  ou  quelque  université  non  suspecte.  L'effet 
de  cette  démarche  fut  que  Léon  X  remit  l'affaire  (23  août)  au 
cardinal  légat  Thomas  de  Vio,  de  Gaëte  (Cajétan),  théologien 
renommé,  qui  se  trouvait  déjà  en  Allemagne. 

Le  pape  en  informa  le  prince  électeur,  en  l'exhortant  à  ne 
point  s'intéresser  pour  l'accusé  et  à  faire  en  sorte  qu'il  parût 
devant  le  légat,  afm  qu'on  ne  pût  pas  dire  un  jour  que  la  plus 
détestable  des  hérésies  s'était  propagée  par  la  faveur  d'une 
maison  si  puissante  et  si  célèbre.  Luther,  pourvu  d'un  sauf- 
conduit,  recommandé  par  son  souverain  au  conseil  et  aux 
liommes  les  plus  notables  d'Augsbourg,  entra  dans  cette  ville 
après  la  clôture  de  la  diète,  le  départ  de  l'empereur  et  de  Fré- 
déric (7  octobre  1518). 


204  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Lorsque  Luther  parut  avec  Staupitz  en  présence  du  cardinal 
(12  octobre),  celui-ci  se  montra  très  affectueux  et  accommo- 
dant; mais  il  ne  trouva  en  Luther  aucune  disposition  à  se 
rétracter.  De  nouveaux  pourparlers  n'eurent  d'autre  résultat 
que  cette  déclaration  faite  par  Luther  devant  témoins  :  qu'il 
fallait  considérer  comme  non  avenu  ce  qu'il  avait  dit  ou  fait 
contre  l'Église  romaine.  Luther  finit  par  sortir  clandestinement 
d'Augsbourg,  où  il  laissa  un  acte  rédigé  devant  un  notaire 
et  des  témoins,  par  lequel  il  «  appelait  du  pape  mal  informé  au 
pape  mieux  informé  »,  puis  une  lettre  d'excuses  au  cardinal 
M8  octobre).  Il  avait  invoqué  le  jugement  d'universités  impar- 
tiales et  suspecté  le  cardinal  en  qualité  de  thomiste  ;  il  avait 
fait  montre  tantôt  de  soumission,  tantôt  de  bravade  envers  le 
Saint-Siège,  et  attesté  en  fin  de  compte  qu'il  persistait  opiniâ- 
trement dans  ses  doctrines  hérétiques. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE   N°    10, 

Intercession  de  l'électeur  de  Saxe  et  de  l'université  de  Vittenberg 
(celle-ci,  du  2S  septembre,  fut  en  retard  et  n'eut  point  d'effet)  : 
Lœscher,  H,  p.  384,  437,  443,  445;  Lutb.  0pp.,  éd.  Jen.,  t.  1,  p.  183, 
ep.  Lvi;  Œuvres,  éd.  Walch,  th.  xv,  p.  ö44  et  suiv.;  th.  xvii,  p.  173; 
Pallavic,  I,  vu,  1,  2;  ix,  3;  Le  Plal,  p.  6-8,  9  et  seq.  Voyage  de  Luther 
à  Augsbourg  :  Œuvr,,  part.  XVII,  p.  20i  ;  Fallavic,  I,  ix,  1,  2;  Uckert, 
p.  109.  Relativement  aux  négociations  de  Cajétan  avec  Luther,  le 
secrétaire  de,  celui-ci,  J.-B.  Flavius,  assure  :  «  Satis  legato  fuisse,  si 
Lutherus  scripto  aftirmaret  so  subdere  doctrina?,  quam  Ecclesia  Rom. 
fidèles  docuerat,  nulla  imposita  cxpressa  palinodia.  »  (Pallavic,  I,  vu, 
5,  ne  décide  pas  la  question.)  Celte  rétractation  que  fit  Luther  devant 
un  notaire  et  quatre  conseillers  impériaux  :  «  Je,  frère  Martin  Luther, 
de  l'ordre  des  augustins,  atteste  que  je  suis  et  honore  la  sainte  Église 
romaine  dans  toutes  mes  paroles  et  actions.  Dans  le  cas  où  je  dirais 
quelque  chose  d'autre  ou  de  contraire,  je  veux  qu'il  soit  tenu  pour  non 
avenu  »,  se  trouve  dans  l'édition  latine  d'iéna,  t.  I,  f.  286,  f.  162,  2; 
■elle  est  supprimée  dans  l'édition  allemande  d'iéna  et  dans  l'édition 
d'Altenbourg,  I,  f.  121.  Ce  que  Luther  accordait  là  était  peu  de  chose, 
et  cependant  il  trouva  bientôt  que  c'était  trop.  Quand  ce  moine  nia 
qu'il  L'ùl  enseigné  quelque  chose  de  contraire  à  l'Église  romaine,  le 
légat  lui  rappela  deux  de  ses  thèses  :  1°  Le  trésor  de  l'Église  ne  ren- 
ferme pas  les  mérites  de  Jésus-Christ  et  de  ses  saints;  2"  pour  recevoir 
les  effets  d'un  sacrement,  il  faut  admettre  avec  une  ferme  confiance 
qu'on  les  j-eçoit  :  la   première  est  contraire  à  la  bulle  Unigenitus,  de 


LE    PROTESTANTISME.  20o 

Clément  VI;  la  seconde,  à  l'iicriture.  Tandis  que,  par  la  première,  Luther 
rejetait  l'autorité  du  pape,  il  essayait  de  prouver  la  seconde  par  des 
textes  de  la  Bible  ;  il  confondait  la  foi  avec  l'espérance,  et  la  certitude 
universelle  du  jugement  sur  la  rétribution  divine  en  général  avec  la 
certitude  spéciale  qui  est  en  nous.  Comme  il  semblait  aboutir  à  une 
discussion  savante,  le  légat  interrompit  le  débat  par  de  paternels 
avertissements.  Le  13  octobre,  Luther  parut  de  nouveau  devant  le 
cardinal,  essaya,  par  une  contestation  dont  il  donna  lecture,  de  sous- 
traire l'affaire  aux  mains  du  pape  et  de  la  soumettre  aux  universités 
(Lœscher,  II,  p.  463),  proposa  d'exposer  par  écrit  ses  vues  sur  les 
indulgences  et  sur  la  foi,  ce  qu'il  fit  le  lendemain.  Le  légat  ne  pouvait 
qu'insister  pour  qu'il  se  soumit  ;  il  lui  fit  sentir  en  quelques  mots  la 
faiblesse  des  nouveaux  arguments  par  lesquels  il  essayait  d'interpré- 
ter dans  sou  sens  la  bulle  de  Clément  VI,  et  finit  par  lui  ordonner  de 
ne  plus  paraître  devant  lui  avant  qu'il  eût  changé  de  sentiment.  Ainsi 
se  terminèrent  les  conférences  verbales.  Cajétan  essaya  encore,  par 
l'entremise  de  Staupitz  et  de  W.  Link,  d'agir  sur  cet  hérétique  opi- 
niâtre, lequel  ne  donna  que  temporairement  une  rétractation  par- 
tielle. L'  «  Appellalio  a  legato  ad  Papam  et  a  Papa  non  bene  infor- 
mato  ad  melius  informandum  »,  rédigée  devant  notaire,  était  datée  du 
16  octobre  (Le  Plat,  II,  p.  11-16  ;  0pp.  Luth.,  I,  p.  193).  Le  17  octobre, 
Luther  écrivit  au  cardinal,  vanta  son  affabilité,  demanda  pardon  des 
discours  violents  qu'il  avait  prononcés  contre  le  pape,  promit  de  ne 
plus  parler  des  indulgences,  si  on  imposait  silence  à  ses  adversaires; 
mais  il  refusa,  comme  contraire  à  sa  conscience,  toute  rétractation, 
jusqu'à  ce  que  l'Église  eût  prononcé,  afficha  son  mépris  pour  saint 
Thomas  et  la  scolastique  (Le  Plat,  II,  p.  16-18;  Luth.  0pp.  I,  p,  192). 
Cajétan  ne  pouvait  pas  se  tenir  pour  satisfait,  d'autant  que  Luther 
n'avait  pas  attaqué  seulement  les  indulgences,  mais  encore  d'autres 
doctrines  de  l'Eglise,  et  que  le  silence  n'eût  contribué  qu'à  multiplier 
les  erreurs  et  à  dénaturer  le  dogme.  Staupitz,  qui  n'avait  pas  de 
sauf-conduit,  sortit  d'Augsbourg  sans  prendre  congé  du  cardinal  ; 
Luther  eu  fit  autant,  mais  il  lui  adressa  ses  adieux  dans  une  lettre  du 
18  octobre  (Le  Plat,  loc.  cit.,  p.  18  et  suiv.;  Op.  Luth.,  I,  192).  Il 
essaya  de  justifier  «a  conduite,  appela  de  lui,  comme  d'un  juge 
suspect,  et  du  pape  mal  renseigné  au  pape  mieux  informé  (Pallav.,  I, 
c.  IX,  n.  5  et  suiv.;  c.  x,  n.  1-7).  Selon  quelques  récits,  Cajétan  avait  pris 
des  mesures  pour  s'emparer  du  moine  récalcitrant,  et  il  y  serait  par- 
venu, si  le  bourgmestre  d'Augsbourg,  Langermantel,  n'eût  fait  évader 
Luther  par  une  porte  dérobée.  Voy.  Ranke,  Deutsche  Gesch.  im  Zeital- 
ter der  Reform.,  2'=  éd.,  I,  p.  39.o. 


206  HISTOIRE  DE  L*ÉGLISE. 

Le  prince  électeur  Frédéric  favorable  à  Luther. 

11.  Le  cardinal,  mécontent  du  départ  soudain  de  Luther, 
représenta  au  prince  électeur  de  Saxe  les  dangers  de  la  nou- 
velle hérésie,  le  pria  d'envoyer  Luther  à  Rome  ou  de  le  bannir 
de  ses  États,  et  en  tout  cas  de  lui  retirer  sa  protection.  Fré- 
déric, consulté  par  Staupitz  et  Spalatin,  envoya  à  Luther  la 
lettre  du  légat.  Luther  répondit  à  son  seigneur  en  l'accablant 
de  louanges,  le  demanda  pour  arbitre,  et  exalta  son  zèle  pour 
la  cause  de  Dieu.  11  l'adjura  de  ne  pas  permettre  qu'un  homme 
injustement  persécuté  par  les  dominicains  parce  qu'il  était  plus 
savant  qu'eux,  devînt  le  jouet  de  ses  ennemis  furibonds.  Les 
professeurs  de  l'université  de  Wittenberg  intervinrent  aussi, 
quoique  timidement  et  sous  condition  ,  en  faveur  de  leur 
collègue. 

Travaillé  de  divers  côtés  et  devenu  méfiant  à  l'égard  du  car- 
dinal, Frédéric  lui  répondit  qu'il  avait  rempli  sa  promesse  en 
envoyant  Luther  à  Augsbourg  ;  il  avait  espéré  que  le  cardinal 
l'instruirait  et  le  déciderait  à  se  rétracter;  du  reste,  ajoutait-il, 
la  doctrine  de  Luther  était  approuvée  de  beaucoup  de  savants, 
et  il  ne  pouvait  pas  priver  son  université  d'un  homme  si  instruit, 
tant  qu'il  ne  serait  pas  établi  par  des  preuves  ou  par  le  juge- 
ment des  universités  invoqué  par  lui  qu'il  était  réellement 
punissable.  Luther,  de  son  côté,  essaya  d'échapper  à  la  con- 
damnation dont  il  était  menacé  à  Rome,  par  un  appel  au 
futur  concile  général,  qu'il  mettait  au-dessus  du  pape  (28  no- 
vembre 1518). 

OUVRAGES   A    CONSULTER    SUR   LE   N°    \i. 

Cajétan  à  l'électeur  Frédéric,  25  oct.;  Luther  au  même,  19  nov. 
1518  :  Le  Plat,  p.  19-21,  26-36;  Pallav.,  I,  xi,  n.  1-9;  Œuvres  de  Lullier, 
th.  XV,  p.  195.  Intercession  des  Vittenbcrgeois  auprès  de  Frédéric, 
23  nov.  :  Le  Plat,  II,  p.  36  et  suiv.;  Luth.  0pp.  I,  202.  Appel  de  Luther, 
du  28  nov.  :  Lœscher,  11,  p.  bOO  et  suiv.;  Le  Plat,  p.  37-42;  Pallav.,  [, 
XII,  1.  Frédéric  à  Cajétan,  d.  d.  Altenbourg,  8  déc.  1Ö18  :  Le  Plat, 
p.  42  et  seq.;  0pp.  Luth.,  l,  p.  197. 

Bulle  sur  les  indulgences.  —  Mission  de  Miltiz. 

12.  Cependant ,  des  conseils  plus  modérés  encore  avaient 
prévalu  à  Rome.  Une  bulle  publiée  le  9  novembre  traitait  de 


LE    PROTESTANTISME.  ^07 

l'utilité  (les  indulgences  pour  les  vivants  et  pour  les  morts, 
développait  les  principes  dogmatiques  sur  lesquels  elles  s'ap- 
puient, et  frappait  d'excommunication  leurs  adversaires.  Elle 
devait  enlever  à  chacun  tout  prétexte  d'ignorer  la  doctrine  de 
l'Église  romaine.  Le  nom  de  Luther  n'y  figurait  point.  Elle 
parvint  à  Linz  au  cardinal  Cajétan,  mais  elle  n'y  fut  publiée 
que  le  13  décembre.  Elle  manqua  une  partie  de  ses  effets,  parce 
que  l'on  connaissait  déjà  l'appel  de  Luther,  parce  que  les  nom- 
breux partisans  du  hardi  novateur  exerçaient  leur  influence, 
et  aussi  parce  qu'elle  se  bornait  à  justifier  les  indulgences,  que 
plusieurs  considéraient  comme  un  moyen  de  fournir  des  res- 
sources aux  papes  et  aux  dominicains.  On  attribua  la  décision 
de  Léon  X  à  la  pression  exercée  par  les  frères  prêcheurs  ;  on 
prétendit  qu'elle  était  partiale  et  qu'elle  avait  été  arrachée  par 
la  force. 

Le  pape  dépêcha  en  outre  son  caraérier  Charles  de  Miltiz, 
Saxon  d'origine,  dont  le  père  était  bailli  à  Meissen  et  à  Pirna, 
pour  tâcher  de  gagner  le  prince  électeur  Frédéric,  à  qui  il  fit 
remettre  la  rose  d'or  bénite ,  en  le  priant  d'apaiser  la  dispute 
et  d'entamer  de  nouvelles  négociations.  Les  manières  affables 
et  engageantes  de  Miltiz ,  sa  connaissance  des  affaires  alle- 
mandes, la  faveur  que  lui  témoignait  la  cour  de  Saxe,  sem- 
blaient le  rendre  éminemment  propre  à  cette  mission;  mais 
son  défaut  de  fermeté  et  de  réserve,  son  excessive  condescen- 
dance, ses  allées  et  venues  incessantes,  affaiblirent  son  crédit 
et  accrurent  l'audace  de  Luther. 

Frédéric  de  Saxe  se  comporta  avec  beaucoup  de  réserve  en 
présence  de  l'envoyé  du  pape.  Devenu  vicaire  de  l'empire  après 
la  mort  de  l'empereur  Maximilien ,  il  déploya  une  grande 
ardeur  pour  les  intérêts  de  son  pays  et  de  son  université. 
Luther  s'aboucha  avec  Miltiz  à  Altenbourg  (janvier  1319);  il 
rejeta  toute  la  faute  sur  le  pape,  sur  l'archevêque  de  Mayence 
et  sur  Tetzel.  La  seule  concession  à  laquelle  il  se  prêta,  fut  de 
laisser  tomber  la  dispute,  si  ses  adversaires  se  taisaient  ;  mais 
il  refusa  de  se  rétracter.  Il  voulut  ensuite  écrire  au  pape  une 
lettre  pleine  d'humilité,  expliquer  au  peuple  dans  un  écrit 
l'obéissance  qui  est  due  à  l'Éguse  romaine,  les  commandements 
de  l'Église,  les  indulgences  et  le  culte  des  saints  ;  il  demanda 
en  outre  à  se  justifier  devant  un  évèque  d'Allemagne. 


208  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Le  3  mars  4519,  Luther  essaya,  dans  une  lettre  pleine  de 
docilité  adressée  à  Léon  X,  d'excuser  sa  conduite  antérieure, 
assurant  qu'il  n'avait  jamais  eu  l'intention  d'attaquer  l'autorité 
du  Saint-Siège,  qui  surpasse,  à  l'exception  de  Jésus-Christ, 
tout  ce  qui  est  au  ciel  et  sur  la  terre.  Il  avouait  que,  dans  sa 
brutale  rudesse,  il  était  allé  trop  loin  contre  l'Église  romaine, 
et  promettait  d'engager  le  peuple,  dans  un  écrit,  à  rendre  à 
cette  Église  le  respect  qui  lui  est  dû.  Mais  les  lignes  suivantes, 
qu'il  écrivit  quelques  jours  après  à  Spalatin,  montrent  combien 
il  avait  peu  à  cœur  le  respect  envers  le  Saint-Siège  :  «Je  ne 
sais  si  le  pape  est  lui-même  l'Antéchrist  ou  s'il  n'est  que  son 
apôtre.  » 

OUVRAGES    A   CONSULTER    SUR   LE   N°    12. 

Consl.  Cum  postquam,  ap.  Le  Plat,  II,  p.  21-25  ;  0pp.  Luth.,  I,  203; 
Lœscher,  II,  p.  493  et  siiiv.;  Walch,  L.  W.,  th.  xv,  p.  736  et  suiv. 
Dispositions  au  sujet  do  la  bulle  :  Pallav.,  I,  12,  n.  3-9.  —  Tetzel, 
Nülzl.  Urkunden  zur  Ref.-Gesch.,  I,  p.  53,  56  et  suiv.,  62  et  suiv.,  71  et 
suiv.,  84  et  suiv.,  109,  374  et  suiv.;  Kapp,  Nachlese,  111,  p.  238;  Lœs- 
cher, III,  p.  9  ;  de  Wette,  I,  p.  191  et  suiv.;  Seidemann,  Miltiz,  p.  6; 
Grœne,  p.  154-163;  Pallav.,  1,  c  xu,  n.  10;  c.  xni,  n.  1  et  seq.;  c.  xiv, 
n.  1  et  seq.  Lettre  de  Luther,  du  3  mars  1519  :  Lœscher,  III,  p.  92; 
Opp.   I,  210  ;  Le  Plat,  II,  p.  44,  45. 

Mort  de  Tetzel.  —  Bravades  de  Luther. 

13.  Miltiz  se  conduisit  avec  beaucoup  de  dureté  envers  le 
dominicain  Tetzel,  alors  malade.  Après  l'avoir  mandé  à  Alton- 
bourg,  il  alla  le  trouver  à  Leipzig,  où  il  lui  donna  deux  fois 
audience,  ainsi  qu'à  son  provincial  Hermann  Rab.  Tetzel,  qui 
avait  défendu  les  intérêts  du  Saint-Siège,  se  voyait  injustement 
persécuté  et  calomnié.  Consumé  de  chagrin,  plus  affligé  du 
sort  de  l'Allemagne  que  de  ses  propres  souffrances,  Tetzel 
était  profondément  attristé  que  Miltiz  prêtât  l'oreille  aux  bruits 
répandus  sur  son  compte  et  le  considérât  en  quelque  sorte 
comme  l'auteur  de  tout  le  mal.  Luther  lui-même,  en  qui  la 
conscience  semblait  se  réveiller,  écrivit  une  lettre  de  consolation 
à  ce  vieillard,  devenu  la  raillerie  des  enfants.  Dans  ce  novateur 
fougueux,  il  y  avait  lutte  entre  l'intelligence  et  la  conscience  : 
tantôt  c'était  le  respect  de  l'autorité  de  l'Église,  non  encore 
étouffé  en  lui  ;  tantôt  la  logique  inexorable  de  son  système  qui 


LE   PROTESTANTISME.  200 

l'emportait.  Il  avait  souvent  l'esprit  perplexe,  égaré,  et  ce  n'était 
qu'après  avoir  longtemps  combattu  avec  lui-même  qu'il  so 
mettait  au-dessus  de  l'idée  qu'il  faut  obéir  à  l'Église  de  Jésus- 
Christ.  Des  circonstances  extérieures  bâtèrent  l'arrivée  de 
cette  phase  psychologique,  notamment  le  colloque  de  Leipzig, 
résultat  de  la  polémique  entre  Eck  et  Carlostadt,  puis  la  condam- 
nation de  sa  doctrine  par  plusieurs  universités.  A  dater  de  là, 
il  en  vint  à  rejeter  ouvertement  toute  autorité  ecclésiastique. 
Tetzel,  au  contraire,  y  demeura  fidèle.  Lorsque  Luther  exprima 
à  Leipzig  le  regret  de  ne  pas  y  voir  aussi  l'inquisiteur,  celui-ci 
était  déjà  au  lit  de  la  mort  (il  mourut  en  juillet  ou  en  août  1519). 

OUVRAGES    A   CONSULTER   SUR  LE   N°    13. 

Lettre  de  Herrn.  Rab,  3  janv.  1519;  Telzel,  II,  p.  106  et  suiv.  ; 
Lettre  de  Luther,  0pp.  I,  éd.  Jen.,  prsef.;  Lœsclier,  III,  p.  963  ;  de 
Wette,  I,  p.  336;  Grœne,  p.  165-175. 

La  dispute  de  Leipzig. 

14.  Les  évêques  de  Brandebourg  et  de  Mersebourg  s'étaient 
opposés  à  une  dissertation  scientifique  demandée  par  le  docteur 
Eck  et  acceptée  par  Luther  et  par  Carlostadt  après  de  nombreuses 
hésitations  ;  mais  le  duc  George  de  Saxe,  en  sa  qualité  de 
souverain,  garantit  la  sécurité  des  combattants  et  leur  donna 
à  Pleiszenbourg  une  salle  pour  tenir  leur  conférence.  Des 
arbitres  furent  nommés  pour  fixer  la  forme  de  la  dissertation, 
et  des  notaires  pour  la  consigner  par  écrit.  Après  de  longs 
pourparlers,  les  universités  d'Erfurt  et  de  Paris  furent  choisies 
pour  arbitres  du  débat.  Les  propositions  que  l'on  devait  discuter 
furent  imprimées  et  répandues  par  les  deux  parties.  Beaucoup 
de  savants,  comme  si  le  sort  de  l'Église  avait  dû  se  décider  là, 
accoururent  à  la  dispute  de  Leipzig,  qui  dura  du  27  juin  au 
15  juillet  1519. 

Eck  discuta  d'abord  victorieusement  contre  Carlostadt  sur  le 
libre  arbitre  et  sur  la  part  qui  lui  revient  dans  les  bonnes 
œuvres.  Carlostadt  se  laissa  arracher  un  aveu  qui  dépassait  les 
hmites  de  son  système  :  il  reconnut  qu'il  y  a  dans  le  libre 
arbitre  une  activité  qui  consiste  à  adhérer  à  la  grâce;  et  c'est 
de  quoi  ni  lui  ni  Luther  ne  voulaient  d'ailleurs  convenir. 
Lorsque  Luther  apprit  la  défaite  de  Carlostadt,  il  résolut  de  se 

V.  —  HIST.  DE   l'église.  14 


210  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

mesurer  lui-même  avec  Eck  sur  un  autre  sujet  :  la  primauté 
du  pape.  Relativement  à  cette  question,  il  rejetait  les  commen- 
taires des  Pères  sur  l'Écriture,  les  décrets  de  Constance  et 
l'infaillibilité  des  conciles  généraux,  bien  que,  d'après  les  con- 
ventions arrêtées,  ils  dussent  être  tenus  comme  hors  de  doute. 
Quand  on  lui  reprocha  d'être  partisan  de  l'hérésie  bohémienne, 
Luther  tomba  dans  un  violent  accès  de  colère,  vociféra  en  latin 
et  en  allemand,  et  chercha  tous  les  faux- fuyants  imaginables. 
Cette  fois  le  monde  entier  put  se  convaincre  de  ses  sentiments 
hérétiques. 

Le  duc  George,  stupéfait  et  hors  de  lui-même,  s'écria  en 
branlant  la  tête  et  les  poings  sur  la  hanche  :  «  C'est  l'effet  de  la 
rage.  » 

Suite  de  la  controverse  de  Leipzig. 

15.  On  disserta  encore  sur  les  points  suivants  :  i°  si  les  âmes 
du  Purgatoire  sont  assurées  de  leur  salut,  si  elles  méritent 
encore  et  peuvent  satisfaire  pour  elles-mêmes;  2°  si  les 
indulgences  sont  utiles;  3°  si  la  pénitence  doit  commencer  par 
la  crainte  ou  par  la  charité;  4°  si  un  simple  prêtre  peut  ab- 
soudre seulement  du  péché  et  non  de  la  peine.  Le  14  juillet, 
Carlostadt  poursuivit  la  discussion  sur  le  libre  arbitre;  et,  bien 
qu'il  émit  des  propositions  tout  à  fait  insoutenables,  il  montra 
plus  d'habileté  que  la  première  fois.  Quant  à  Luther,  il  n'at- 
tendit pas  la  fin  de  cette  discussion,  qui  durait  depuis  dix-sept 
jours  à  Leipzig  et  occupait  plusieurs  heures  de  la  journée  :  il 
n'était  pas  content  de  l'accueil  qu'il  avait  reçu  dans  la  ville,  ni 
surtout  du  résultat  obtenu  et  des  honneurs  qu'on  rendait  à  son 
adversaire. 

Comme  il  fallait  encore  envoyer  les  actes  aux  deux  univer- 
sités choisies  pour  arbitres,  les  deux  parties,  après  la  clôture 
des  conférences,  retournèrent  chez  elles.  Ces  disputes  eurent 
au  moins  l'avantage  d'affermir  dans  la  foi  catholique  le  duc 
George,  la  ville  et  l'université  de  Leipzig,  et  de  mieux  dessiner 
la  position  des  deux  parties.  Pendant  que  les  deux  universités 
faisaient  attendre  leur  jugement  —  on  ne  connaît  point  celui 
d'Erfurt,  et  celui  de  Paris  n'arriva  qu'on  1521  —  les  univer- 
sités de  Cologne  (30  août)  et  de  Lonvain  (5  novembre  1510) 
censurèrent  les  assertions  hérétiques  de  l'augustin  de  Witten- 


LE    PROTESTANTISME.  211 

berg,  ce  qui  ne  fit  qu'accroître  sa  fureur.  Les  Wittenbergeois 
essayèrent  de  regagner  le  terrain  perdu  en  publiant  sur  les 
points  de  controverses  déjà  discutés  à  Leipzig  des  récits  où  ils 
présentaient  naturellement  la  question  sous  un  jour  qui  leur 
était  favorable.  De  nouveaux  écrits  de  controverse  furent 
publiés,  du  côté  des  catholiques,  par  Jérôme  Emser,  secrétaire 
privé  du  duc  George  ;  du  côté  de  Luther ,  par  Philippe 
Schwarzerd  (Mélanchthou),  qui,  à  la  suite  d'une  dispute  dont 
l'éclat  et  la  publicité  ne  firent  que  répandre  davantage  la  nou- 
velle doctrine,  se  rattacha  à  elle  et  devint  un  de  ses  plus 
notables  représentants. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LES    N^^  14-15. 

Actes,  dans  Lœscher,  III,  p.  203  et  suiv.;  Walch,  L.  W.,  th.  xv, 
p.  954,  992  et  suiv.;  Cochlœus,  de  Act.  Luth.,  an.  1519;  Bzov.,  ad  h. 
a.,  n.  22-30;  Pallav.,  I,  xiv,  8  et  seq.,  c.  xv-xvn;  Seidemann,  die 
Leipziger  Disput,  nach  bisher  unbenutzten  Quellen,  Dresde,  1843; 
Riffel,  I,  p.  80-94  (2'=  éd.,  p.  134  et  suiv.);  Wiedemann,  Dr.  E.  Eck, 
p.  75  et  suiv.;  Catholique,  1872,  II,  p.  297  et  suiv.,  531  et  suiv.; 
Albert,  Aus  welchem  Grunde  disputirte  J.  Eck  gegen  M.  Luther  in 
Leipzig?  (Zlschr.  f.  bist.  Theol.,  1873,  III)  —  (très  partial,  appuyé  sur 
les  dires  de  Luther  et  des  siens);  Janssen,  II,  p.  83  et  suiv.  —  Contra 
la  thèse  :  «  Nostrum  liberum  arbitrium  in  actibus  bonis  nihil  operari, 
sed  eos  in  se  recipere  tamquam  potenliam  mère  patientem  »,  Eck  allé- 
guait l'Ecclésiastique,  xv,  14-18,  la  parabole  des  talents,  saint  Am- 
broise  et  autres  Pères,  et  réfutait  ces  faux-fuyants  que  les  textes  ne 
parlent  pas  «  de  homine  lapso  »,  que  les  objections  ne  répondaient 
pas  directement  aux  thèses,  ainsi  que  les  arguments  adverses,  ces 
derniers  surtout,  par  des  textes  de  la  Bible  qui  font  ressortir  le  con- 
cours de  l'homme  (Si  gratia  mecum  operatur,  ergo  non  ipsa  sola 
operatur;  si  ego  a  Deo  adjuvor,  ergo  simul  operor  pro  mea  parte  : 
quicumque  enim  adjuvatur,  oportet  aliquid  de  suo  conférât)  et  attri- 
buent l'œuvre  tout  entière  à  Dieu  (ajoutez  :  «  Quamquam  totum  opus 
Dei  sit,  non  tamen  totaliter,  quemadmodum  totum  pomum  efiicitur  a 
sole,  sed  non  a  sole  totaliter  et  sine  plantœ  efficientia.  »  Cf.  Pallav.,  I, 
xvu,  2)  ;  il  admettait  le  concours  des  deux  opérations  divine  et 
humaine.  Carlostadt  ne  l'emporta  sur  Eck  qu'au  sujet  d'une  remarque 
critique  relative  à  la  lettre  à  Démétriade,  attribuée  à  saint  Jérôme. 
Eck  croyait,  avec  Érasme,  que  c'était  une  œuvre  pélagienne.  Sur 
toutes  les  grandes  questions  il  fut  battu  par  son  éminent  adversaire 
(fiuericke,  III,  p,  38);  ajoutez  qu'u  était  inquiet  et  servilement 
attaché   à  ses  livres  et  cahiers.  Contre  cette  thèse  de  Luther,  13  ; 


212  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

«    Rom.    Ecclesiam    esso    omnibus    aliis    superiorem    probatur    ex 
frigidissimis  Rom.    Pontificum   decretis    citra    quadringenlos    annos 
natis ,    quibus    adversantur    historiée    approbatee    mille    ac    centum 
annorum,    textus    Scripturse    divinae    et    decretum    Nicseni    Concilii 
omnium  sacratissimi   »,   Eck  citait  les   textes    de  l'Écriture    et   des 
Pères  en   faveur  de  la   primauté.   Luther  rejetait   l'exégèse   patris- 
tique,  soutenait  que  Jésus-Christ,  par  le  mot  «  petra  »  (Matth.,  xvi, 
18),  entendait    sa  personne,  et  il   invoquait  le  c.  m,  d.   99  :  «  Ne 
primae  sedis   episcopus  (in   Africa)  appelletur  summus  sacerdos  vel 
princeps  sacei'dotum.  »  Quant  à  cette  addition  :  «  Ne  etiam  Rom. 
episcopus  dicatur  episcopus  universalis  »,  elle  n'est  pas  du  concile 
d'Afrique,  mais  de  Gralien,  qui  la  donne  comme  l'abrégé  des  canons 
suivants,  iv  et  vi,  de  Pelage  II  et  de  Grégoire  I";  et  c'est  là  ce  qu'ou- 
blièrent à  la  fois  Eck  et  Luther.  Eck  expliqua  correctement  les  pas- 
sages des  deux  papes  :  «  Recusatum  ab  illis  Pontiücibus  titulum,  quasi 
videbatur  significare,  solum  episcopum  et  Patriarcham  Rom.   potiri 
dignitate  ac  jurisdictione  episcopali  ac  patriarchali.  »  Voyez  ci-dessus, 
II,  §  225.  A  cette  objection  de  Luther  que  personne  ne  pouvait  être 
assez  insensé  pour  douter  que  l'évûque  de  Rome  fût  seul  évoque,  Eck 
répondit  :  «  Le  fait  d'une  pareille  folie  est  attesté  par  Occam,  Alvarus, 
Turrecremata;  les  papes  avaient  clairement  indiqué  la  raison  qui  leur 
faisait  rejeter  le  titre  d'  «  universel  »,  bien  qu'il  put  leur  revenir  en 
toute  justice  et  qu'on  les  eût  déjà  appelés  ainsi.  La  formule  «  Episco- 
pus Ecclesiee  universalis  »  était   préférable.   Lorsque  Luther  voulut 
conclure  de  la  citation  du  concile  de  Chalcédoine  que  la  primauté 
n'émanait  que  du  droit  civil,  Eck  le  nia  résolument,  et  il  prouva  qu'elle 
était  supposée  par  tous  les  conciles.  11  invoqua  le  c.  xi  Décret.,  c.  ii, 
q.  6,  de  Grégoire  IV,  passage  adopté  par  les  deux  partis  comme  un 
témoignage  de  Grégoire  1"'.  On  discuta  aussi  sur  le  concile  de  Nicée  et 
principalement  sur  celui  de  Constance.  Comme  on  opposait  à  Luther 
(n.  7,  9,  10,  13)  les  articles  de  Hus  qui  y  furent  condamnés,  il  chercha 
mille  échappatoires  :  a)  il  était  fort  possible  que  les  actes  eussent  été 
altérés  par  un  imposteur  ;  6)  les  doctrines  de  Hus  étaient  interdites, 
mais  non  toutes  condamnées  comme  hérétiques  ;  c)  les  conciles  pou- 
vaient aussi  se  tromper,  surtout  dans  les  choses  qui  ne  regardent  pas 
la  foi  ;  d)  plusieurs  des  articles  de  Hus  étaient  vraiment  catholiques, 
tels  que  les  articles  1-4  ;  e)au  concile  de  Constance,  c'étaient  les  adula- 
teurs du  pape  qui  avaient  eu  la  prépondérance   (!).  Eck  répondit  : 
l«  Si  les  conciles  œcuméniques  sont  sujets  à  l'erreur,  tous  les  articles 
de  foi  sont  incertains  ;  2°  aucun  concile  n'est  moins  suspect  de  flatterie 
envers  les  popes  que  celui  de  Constance,  lequel  a  du   reste  condamné 
Hus  alors  qu'il  n'y  avait  point  de  pape;  3°  les  articles  condamnés  sont 
positivement  contraires  à  la  foi.  Dans  la  controverse  sur  la  thèse  xiii 


LE    PROTESTANTISME.  213 

de  Carlostadt  :  «  Liberum  arbitrium,  opérande  quod  in  se  est,  non  posse 
anferre  impedimenta  gratise  »,  et  sur  la  thèse  ii  de  Eck  :  «  Quamvis  pec- 
cata  venialia  sint  quotidiana,  tarnen  negamus,  justum  peccare  semper 
in  quolibet  opère  bono,  etiam  bene  merendo  »,  Carlostadt  traite  cette 
dernière  proposition  de  présomptueuse,  impie  et  hérétique,  et  il 
invoque  l'Eccles,,  vu,  21.  Eck  répondit  qu'il  y  avait  là  «  fallacia  ab 
universaülate  suppositorum  ad  universalitatem  temporum;  peccare 
quidem  omnem  justum,  sed  non  omni  tempore  ».  Cf.  Pallav.,  I,  xv, 
10,  il.  —  Luther  à  Spalatin  (Lœscher,  III,  p.  233  et  suiv.)  :  «  Interim 
tarnen  ille  (Eck)  placet,  triumphal  et  régnât,  sed  donec  edideriraus 
nos  nostra.  Nam  quia  maie  disputatum  est,  edam  resolutiones  denuo. 
Lipsienses  sane  nos  neque  salutarunt  neque  visitarunt,  ac  veluti  hostes 
invisissimos  habuerunt;  illum  comitabantur,  adhaerebant,  conviva- 
bantur,  invitabant,  denique  tunica  donaverunt  et  schamlotum  addi- 
derunt,  cum  ipso  spaciatum  equitaverunt,  breviter  quidquid  potue- 
runt,  in  nostram  injuriam  tentaverunt.  »  Sur  le  résultat,  voy.  aussi 
Pallav.,  I,  XVI,  18;  xvii,  6.  Censura  Univ.  Colon,  et  Lovan.  :  du  Plessis 
d'Arg.,  I,  II,  p.  358-361  ;  Le  Plat,  II,  p.  45-50.  Lettre  du  cardinal  de 
Tortosa  à  l'université  de  Louvain,  4  déc.  1519  :  Luth.  Op.  I,  465;  Le 
Plat,  H,  p.  50,  51.  Écrits  de  controverse  sur  cette  dispute  :  Pallav.,  I, 
XVII,  n.  1  et  seq.;  Wiedemann,  Eck,  p.  139  et  suiv.  Pamphlets  contre 
Eck  :  1"  Eccius  dedolatus,  par  Willibald  Pirkheimer,  encore  partisan 
de  Luther;  2°  Canonicorum  indoctorum  (le  frère  Adelmann)  Respon- 
sio  ad  Eccium,  par  Œcolampade  :  Lœscher,  III,  p.  935  et  suiv.;  Walch, 
Œuvres  de  Luther,  th.  xv,  p.  1513  et  suiv.  —  Jérôme  Emser  (Lie.  jur. 
can.),  fort  versé  dans  la  théologie  classique  et  orientale,  écrivit  :  «  De 
disputatione  Lipsiensi,  quantum  ad  Bohemos  obiter  deflexa  est  »  (août 
1519);  Luther  l'attaqua  dans«  Responsio  ad. EgocerotemEmserianum  », 
et  Emser  répliqua  par  :  «  A  venalione  Lutherana  .,f]gocerotis  assertio  » 
(nov.  1519)  :  Luth.,  Opp,  I,  éd.  Jen.;  Lœscher,  t.  IV.  Emser  composa  en 
outre  une  biographie  de  saint  Bennon  de  Meiszen,  les  écrits  «  de  Cauone 
Missae  »  et  «  Assertio  Missse  »,  uû  écrit  sur  l'interdiction  de  la  traduction 
de  la  Bible  par  Luther  (Leipzig,  1523),  et  une  traduction  allemande  du 
Nouveau  Testament  (Dresde,  1527). 

Mélanchthon. 

16.  Mélanchthon,  parent  du  savant  Reuchlin,  fils  d'un 
armurier,  était  né  à  Bretten,  dans  le  Palatinat  du  Rhin,  le  16 
février  1497.  Il  fit  ses  premières  études  à  Pforzheim,  et  publia 
à  Heidelberg,  en  1513,  une  grammaire  grecque.  Docteur  depuis 
151 4,  il  s'était  fait  un  nom  célèbre  parmi  les  humanistes, 
surtout  par  ses  leçons  sur  Aristote  et  autres  classiques.  Appelé 


2li  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISR. 

à  Wittenberg  comme  professeur  de  littérature  grecque,  il 
remplit  cette  charge  jusqu'en  1524,  et  fut  ensuite,  quoique 
marié  depuis  1520,  nommé  professeur  de  théologie.  Il  n'avait 
ni  la  franchise,  ni  la  rudesse,  ni  l'âpreté  de  Luther;  il  était 
plus  poli,  plus  souple,  plus  dissimulé,  et  avec  cela  plus  calme 
et  plus  prudent.  Il  rédigea  sur  la  dispute  de  Leipzig  un  rapport 
succinct  et  non  exempt  de  partialité,  puis  différents  autres 
écrits  favorables  aux  idées  nouvelles. 

Le  bon  sens  de  la  multitude  était  égaré  :  plusieurs  se  figu- 
raient que  les  actes  de  la  dispute  devaient  contenir  tout  ce  qui 
pouvait  être  dit  pour  la  défense  de  l'Église,  et  ils  se  scandali- 
saient quand  toutes  les  preuves  de  Eck  n'étaient  pas  également 
solides.  Luther,  de  son  côté,  oubUa  bientôt  la  défaite  de 
Leipzig,  et  son  audace  ne  fit  que  s'accroître  :  c'est  pourquoi  il 
renonça  à  l'idée  d'établir  une  distinction  entre  l'Église  romaine 
comme  épouse  de  Jésus-Christ  et  la  curie  romaine  avec  les 
mauvais  fruits  qu'elle  portait.  Déjà  le  siège  pontifical  lui 
apparaissait  comme  la  chaire  de  l'Antéchrist  vivant,  la  papauté 
comme  une  institution  maudite  de  Dieu,  et  toute  l'ancienne 
Église  comme  la  Synagogue  do  Satan,  vouée  à  la  corruption  et 
remplie  de  toute  sorte  d'impiétés. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N**   16. 

Ph.  Melanchlhonis  0pp.,  éd.  Basil.,  1541  et  seq.,  ö  t.  in-f",  rec. 
Peucer,  Viteb.,  1362  et  seq.,  4  t.  ia-f°  ;  Corp.  Reform.,  ed.  Bret- 
sclmeider,  t.  I-X  ;  Melanchllx.  0pp.,  éd.  Hal.,  1834-58,  26  vol.  in-4°  ; 
Camerarius,  de  Ph.  Mel.  ortu,  totius  vitœ  curric.  et  morte  narratio, 
Lips.,  1566;  éd.  Augusti,  Vratisb.,  1817.  Camerarius  a  évidemment 
falsifié  les  lettres  de  Mélanchthon  ;  elles  ont  passé  telles  quelles  de 
son  édition  dans  le  Corpus  Reform,  de  Bretschneider  (de  Druffel  e*' 
Vf.  Mayer  dans  les  Sitzungsberichten  der  Manch.  Akad.  d.  Wiss. 
bist.  CL,  1877,  h.  IV,  p.  491  et  suiv.;  V,  p.  596  et  suiv.).  —  Matthes, 
Phil.  Mel.,  sein  Leben  und  Wirken,  Altenb.,  1846,  2^  édit,;  Galle, 
Charakteristik  Mel.  als  Theol.  u.  s.  Lehrbegriffs,  Halle,  1846;  Heppe, 
Mel.,  2«  éd.,  Marburg,  1860;  Maurer,  Mel.,  Leipzig,  1860;  Pressel,  Mel., 
Stultg.,  1859;  Planck,  Mel.,  prieceptor  Germaniœ,  Nœrdl.,  1860;  C. 
Schmidt,  Mel.  Leben  u.  ausgew.  Schriften,  Elberfeld,  1861.  —  Dœllin- 
ger,  Ref.,  I,  p.  349  et  suiv.;  III,  p.  274  et  suiv.  Luther,  selon  Aurifa- 
ber,  aurait  écrit  sur  la  table  :  «  Res  et  verba  Philippus,  verba  sine  re 
Erasmus,  res  sine  verbis  Lutherus,  nec  rem  nec  verba  Carlostadius.  » 
Mélanchthon  passe  pour  «  le  principe  féminin  à  côté  du  principe  mas- 


LE   PROTESTANTISME.  213 

culin  dans  la  procréation  de  la  Réforme  »  (Guericke,  III,  p.  39  et 
suiv.).  Le  premier  grand  ouvrage  de  Mélanchthon  sur  la  Réforme  fut 
l'écrit  pseudonyme  intitulé  (Didymi  Paventini)  Oratio  pro  M.  Luthero 
Theol.,  de  févr.  1521  (0pp.  Mel.,  I,  286  et  seq.,  ed.  Bretschn.). 

Audace  croissante  de  Luther. 

17.  Tout  contribuait  à  rendre  de  plus  en  plus  hardi  et 
téméraire  l'hérésiarque  encore  timide  dans  le  principe  :  l'aver- 
sion contre  Rome,  alors  très  répandue  en  Allemagne;  l'inac- 
tion et  la  versatilité  de  la  plupart  des  évêques  allemands;  la 
popularité  dont  lui,  Carlostadt  et  Mélanchthon  jouissaient,  et 
qui  dès  le  commencement  de  1520  attira  quinze  cents 
étudiants  à  Wittenberg;  les  témoignages  d'assentiment  et 
d'admiration  qui  lui  arrivaient  de  tous  les  pays;  la  vogue 
prodigieuse  de  ses  écrits  ;  les  excitations  et  les  encouragements 
des  hussites  de  Bohème,  avec  lesquels  il  entama  une  corres- 
pondance épistolaire;  les  offres  de  protection  et  d'asile  que  lui 
firent  Franz  de  Sickingen  et  d'autres  chevaliers;  les  dispo- 
sitions bienveillantes  de  son  prince  électeur,  qui  continua 
d'exercer  la  plus  grande  influence  même  après  l'élection 
(28  juin  1519)  et  pendant  le  séjour  de  Charles-Quint  en  Espagne, 
et  qui  fut  encore  encouragé  dans  la  protection  qu'il  accordait  au 
novateur  par  une  lettre  d'Érasme,  dont  l'opinion  prévalait  alors 
sur  celle  de  toute  une  université  ;  l'attitude  peu  digne  de 
Charles  de  Miltiz,  qui  prenait  devant  Luther  la  posture  d'un 
suppliant. 

Dans  son  arrogance,  Luther  vomissait  des  torrents  d'injures 
contre  les  facultés  théologiques  qui  le  censuraient  ;  contre  les 
franciscains,  qui,  après  avoir,  dans  leur  chapitre  de  Jüterbogk, 
recueilli  quatorze  erreurs  contenues  dans  ses  écrits  et  les  avoir 
remises  à  l'évêque  de  Brandebourg  (commencement  do  1519), 
perdirent  bientôt  courage  et  négligèrent  cette  affaire  ;  contre  le 
docteur  Eck,  qui  commenta  à  son  tour  ces  quatorze  articles.  Lu- 
ther poussa  l'effronterie  jusqu'à  remettre  au  camérierdu  pape 
son  écrit  de  la  Liberté  d'un  chrétien ,  avec  une  lettre  pour  le 
souverain  pontife  (du  1 1  octobre,  al.  6  avril  1 520),  où  il  épanchait 
son  venin  contre  Rome  et  contre  ceux  qu'il  qualifiait  d'adula- 
teurs du  pape,  s'apitoyait  sur  la  personne  du  pape,  «  cet  agneau 
au  miUeu  des  loups  » ,  déchargeait  sa  haine  contre  Cajétan  et 


216  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

Eck  avec  l'étalage  d'un  orgueil  effréné.  Il  engageait  le  pape  à 
descendre  de  son  siège  pour  vivre  d'une  petite  prébende  ou  de 
son  patrimoine;  il  ne  faisait  entrevoir  sa  soumission  que  pour 
le  cas  où  on  ne  lui  demanderait  plus  de  changer  de  doctrine  et 
où  l'on  ne  lui  tracerait  pas  de  règle  pour  l'explication  de  l'Écri- 
ture sainte.  Tout  autre  ambassadeur  eût  refusé  de  se  charger 
d'un  écrit  aussi  grossièrement  offensant;  Miltiz,  homme  sans 
tact,  accepta  cette  mission. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    17. 

Correspondance  de  Luther  avec  les  hussites  :  Lœscher,  III,  p.  699  et 
suiv.;  Riffel,  I,  p.  88  et  suiv.;  2«  éd.,  p.  151  et  suiv.  Lettres  du  prince 
électeur  de  Saxe  :  Walch,  Œuv.  de  Luth.,  t.  XV,  p.  337,  1665; 
lettre  à  Beit  Dietleben,  à  Rome,  1"  avril  1520,  0pp.  Luth.,  II,  255  j  Le 
Plat,  II,  p.  31-53  ;  Erasm.  ep.,  p.  317,  325.  Érasme,  qui,  par  la  forme 
et  le  fond  de  ses  écrits,  notamment  par  ses  mordantes  satires  et  l'esprit 
de  doute  qu'il  éveillait,  préparait  les  voies  à  Luther,  approuva  ici  (dès 
1518j  sa  première  démarche  (voy.  Hess,  Érasme,  sa  vie  et  ses  écrits, 
Zurich,  1790,  II,  p.  17,  en  allem.);  en  1519,  il  répondit  amicalement  à 
la  lettre  flatteuse  de  Luther,  et  se  borna  à  lui  recommander  la  modé- 
ration ;  il  loua  son  Commentaire  sur  les  Psaumes,  déjà  farci  de  doc- 
trines hétérodoxes.  A  l'occasion  de  sa  dédicace  de  Suétone,  il  engagea 
le  prince  électeur  à  ne  s'associer  à  aucune  mesure  de  violence  contre 
Luther,  et  s'exprima  sur  lui  en  termes  très  favorables  (Extrait,  dans 
Seckendorf,  Hist.  Reform.,  Il,  111.  Voy.  Lœscher,  III,  p.  114).  Il  crut 
longtemps  que  tout  le  crime  de  cet  auguslin  était  de  s'être  attaqué  à 
la  couronne  du  pape  et  aux  ventres  des  moines.  Il  ne  changea  d'opi- 
nion que  dans  la  suite.  Voy.  Dœllinger,  Ref.,  I,  p.  1  et  suiv.;  Vita 
Erasmi,  par  lui-même  et  par  Beatus  Rhenanus,  Er.  0pp.,  éd.  Clerici, 
t.  I;  de  Burigny,  Vie  d'Érasme,  Paris,  1757  (en  allem.,  par  H.  P.  K. 
Henke,  Halle,  1782,  2  vol.);  A.  Müller,  Leben  d.  Erasmus,  Hamb., 
1828  ;  Pallav.,  I,  xxiii,  n.  4  et  seq.;  Janssen,  II,  p.  1  et  suiv.  Attitude  de 
Miltiz  :  Lœscher,  II,  p.  552-560  ;  III,  p.  820-847;  Walch,  L.  W,  t.  XV, 
p.  808  et  suiv.;  Pallav.,  I,  xviii,  1  ;  Riffel,  1,  p.  123  et  suiv.  Luther 
contre  les  universités  de  Cologne  et  de  Louvain  :  Walch,  loc.  cit., 
p.  1598  et  suiv.  Les  quatorze  erreurs  l'ecueillies  par  les  franciscains, 
dans  Lœscher,  III,  p.  114  et  suiv.  Troisième  lettre  de  Luther  au  pape  : 
Walch,  loc.  cit.,  p.  934  et  suiv.;  de  Weite,  I,  p.  497  et  suiv.;  Luth. 
0pp.  I,  p.  432  ;  Le  Plat,  II,  p.  53-59.  Luther  antidata  la  lettre  et  la  mit 
avant  la  publication  de  la  bulle  d'excommunication.  Voy.  Pallav.,  I, 
xvni,  n.  1-3;  Riffel,  I,  p.  151  et  suiv.;  2«  éd.,  p.  221  et  suiv. 


LE  PROTESTANTISME.  217 

Écrits  de  Luther. 

18.  En  vain  le  docteur  Eck  avait  appelé  l'attention  de  l'électeur 
de  Saxe  sur  les  nombreuses  et  grossières  erreurs  de  Luther  :  en 
janvier  1 520  il  partit  pour  Rome,  afin  d'y  exposer  la  situation  de 
l'Allemagne  et  de  solliciter  une  condamnation  qu'on  ne  pouvait 
plus  guère  ajourner.  Luther  lui-même  la  considérait  comme  iné- 
vitable, et  ce  fut  pour  en  atténuer  les  effets  qu'il  composa  son 
«  discours  sur  l'excommunication  »,  entièrement  conforme  aux 
idées  de  Hus.  Tandis  qu'à  Rome  on  extrayait  les  plus  graves 
erreurs  contenues  dans  ses  écrits,  avec  le  concours  des  meilleurs 
théologiens  (Pierre  d'Accoltis,  évèque  d'Ancône,  Cajétan,  Jaco- 
vacci,  Gilles  de  Viterbe,  etc.),  Luther  rédigeait  deux  livres  dans 
lesquels  il  dépassait  tout  ce  qu'il  avait  écrit  jusque-là,  et  s'effor- 
çait de  ruiner  de  fond  en  comble  tout  l'enseignement  de  l'Église 
sur  les  sacrements,  le  sacrifice  de  la  messe,  les  vœux  solennels 
et  la  primauté  :  c'étaient  ses  écrits  sur  la  messe,  puis  son  traité 
de  la  Réformation  de  l'État  chrétien  (juin  1520),  adressé  à  l'em- 
pereur (avant  son  couronnement,  22  octobre  1520,  et  demeuré 
sans  réponse)  et  à  la  noblesse  de  la  nation  allemande. 

Venait  ensuite  l'infâme  pamphlet  de  la  Captivité  de  Babylone, 
où  il  renversait  toute  la  hiérarchie  de  l'Église,  niait  surtout  le 
sacerdoce  extérieur,  exaltait  outre  mesure  le  sacerdoce  général 
de  tous  les  fidèles,  exhortait  l'empereur  à  dépouiller  le  pape  de 
son  autorité  temporelle  et  spirituelle,  à  supprimer  les  subsides 
qu'on  envoyait  à  Rome,  le  célibat  du  clergé,  les  préceptes  du 
jeune  et  de  l'abstinence,  les  messes  pour  les  défunts  et  les  jours 
de  fête.  Aucun  pape,  aucun  évêque,  aucun  homme  au  monde, 
disait  ce  nouveau  fléau  de  la  terre,  n'a  le  droit  d'établir  une 
seule  syllabe  contre  un  chrétien,  à  moins  que  celui-ci  n'y  con- 
sente ;  tout  ce  qui  se  fait  autrement,  se  fait  dans  un  esprit  de 
tyrannie  ;  il  faut  détruire  et  transformer  la  plupart  des  livres 
les  plus  en  vogue  et  presque  tout  l'édifice  extérieur  de  l'ÉgUse. 
Les  précédents  hérétiques  avaient  déjà  émis  les  diverses  propo- 
sitions que  Luther  prétendait  avoir  tirées  de  la  Bible,  son  seul 
guide  :  aussi  étaient-ils  considérés  par  les  siens  comme  les  pré- 
curseurs de  la  Réforme. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"   18. 

Lettre  de  Eck  à  Frédéric  :  Walch,  loc.  cit.,  p.  1333  et  suiv.  Élection 


218  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

de  Charles-Quint  :  Robert  Rosier,  die  Kaiserwahl  Caris  V,  Vienne,  1868. 
Lettre  de  Luther  à  l'empereur,  du  30  août,  selon  Brant  ;  du  15  janvier 
1520,  selon  de  Wette  (de  Wette,  I,  p.  392,  482).  Burkhardt,  M.  L. 
Briefwechsel,  p.  25;  Walch,  loc.  cit.,  p.  1636.  Comp.  Riffel,  I,  p.  103 
et  suiv.  Le  même,  dans  Pallav.,  I,  xxvi,  1,  dit  que  la  lettre  citée  de 
Luther  a  été  révoquée  en  doute,  mais  elle  est  certainement  authen- 
tique. Voy.  Lsemmer,  Mon.  Vatic,  append.,  I,  p.  442.  —  Luth.,  de 
Captivitate  babylonica,  0pp.  I,  in-f°,  288,  a.  Flaccius  lUyricus  (Catalo- 
gus  testium  veritatis)  et  les  suivants  ont  recherché  les  précurseurs  de 
Luther  :  G.  Arnold,  Hist.  et  Descriptio  theol.  myst.,  Francof.,  1702, 
p.  306  ;  Flathe,  Gesch.  der  Vorlœufer  der  Reformatoren. 

Luther  condamné  par  Léon  X. 

19.  Sur  ces  entrefaites,  la  bulle  pontificale  avait  été  publiée  le 
46  mai  (en  réalité  le  15  juin).  Elle  condamnait  quarante  et 
une  propositions  de  Luther,  ordonnait  de  brûler  ses  livres  et 
lançait  contre  lui  l'anathème,  s'il  ne  se  rétractait  dans  l'espace 
de  soixante  jours.  Le  pape  l'adjurait,  lui  et  ses  partisans,  par  le 
sang  du  Rédempteur,  de  ne  pas  attenter  davantage  à  la  vérité 
de  la  foi  et  à  la  paix  de  l'Église  ;  il  rappelait  les  ménagements 
dont  ils  avaient  été  l'objet,  les  informations  exactes  qui  avaient 
eu  lieu,  et  le  devoir  imprescriptible  qui  obligeait  le  chef  de 
l'Église  à  combattre  ces  funestes  doctrines.  Les  propositions 
condamnées  roulaient  sur  le  péché  et  ses  suites,  sur  la  contri- 
tion et  la  pénitence,  sur  le  purgatoire  et  les  indulgences,  sur 
les  sacrements  en  général  et  l'Eucharistie  en  particulier,  sur  la 
primauté,  les  conciles,  l'excommunication,  la  punition  des  héré- 
tiques, la  guerre  contre  les  Turcs.  Ces  quarante  et  une  proposi- 
tions, qui  étaient  loin  de  contenir  toutes  les  erreurs  que  Luther 
débitait  déjà  à  cette  époque,  étaient  les  unes  manifestement 
hérétiques,  les  autres  scandaleuses  au  suprême  degré  ;  toutes 
jaillissaient  du  système  du  novateur,  qui  chaque  jour  se  déve- 
loppait avec  plus  de  clarté.  Luther  ne  s'atlaquait  point  à  quelque 
article  isolé  de  la  foi  ;  il  renversait  l'édifice  entier  du  dogme 
catholique,  afin  d'en  ériger  un  nouveau  sur  ses  débris. 

Ouvrages  a  consulter  sur  le  n°  19. 

Const.  Exsurge  Domine,  dans  Rayn.,  an.  1520,  n.  51  et  seq.;  Ilard., 
Conc,  IX,  1895  et  seq.;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  n,  p.  361-364;  Le  Plat,  II, 
p.  60-72  ;  Bull.  Rom.,  éd.  Taur.,  V,  748  et  seq.;  Denzinger,  Enchir., 


LE   PROTESTANTISME.  210 

doc.  80,  n.  625  et  seq.  Cf.  Pallav.,  I,  xx,  n.  3-6;  Bossuet,  loc.  cit.,  I, 
§  24  et  seq. 

Système  de  Luther. 

20.  Le  système  de  Luther  était  un  mélange  de  mysticisme 
religieux  et  panthéiste.  1°  Tout,  selon  lui,  est  soumis  à  une 
nécessité  divine  inéluctable;  les  actes  de  l'homme  ne  sont  au 
fond  que  des  actes  de  Dieu  ;  l'homme  n'a  aucune  Uberté,  non 
seulement  dans  l'état  de  nature  déchue,  mais  encore  dans  l'état 
de  justification;  Taccomplissement  des  commandements  de  Dieu 
lui  est  impossible;  le  péché  ne  peut  être  effacé  en  lui,  même 
après  la  rédemption  ;  il  se  mêle  à  toute  espèce  de  bien,  et  le 
juste  lui-même  pèche  dans  chaque  bonne  œuvre  qu'il  fait. 

2"  L'état  heureux  où  se  trouvait  Adam  était  un  état  naturel, 
ou  plutôt  essentiel  à  sa  nature;  l'homme,  en  perdant  cet  état,  a 
perdu  une  partie  intégrante  de  son  être  et  a  reçu  une  nature 
opposée.  L'homme  déchu,  devenu  radicalement  mauvais,  ne 
peut  que  faillir  en  faisant  usage  de  ses  forces.  Tous  les  péchés 
sont  des  manifestations,  des  fruits  du  péché  originel.  Toutes  les 
actions  des  païens  sont  des  péchés. 

3°  Quand  le  pécheur  est  ébranlé  par  la  prédication  de  la  loi 
que  chacun  de  nous  a  conscience  de  ne  pas  accomplir,  et  qu'il 
est  proche  du  désespoir,  l'Évangile  lui  est  annoncé,  et  il  reçoit 
la  consolation  que  Jésus- Christ  a  effacé  les  péchés  du  monde. 
Plein  de  terreur  et  de  crainte,  il  s'approprie  les  mérites  du 
Sauveur  par  la  foi,  qui  seule  justifie,  et  Dieu  le  déclare  juste  en 
vue  de  ces  mérites,  bien  qu'il  ne  le  soit  pas  en  réalité;  dans 
cette  renaissance,  œuvre  de  Dieu  seul,  l'homme  est  purement 
passif.  Aussi  nul  homme  ne  peut  s'attribuer  aucun  mérite,  et 
cependant  chaque  fidèle  est  assuré  de  son  salut.  La  foi  qui 
justifie  n'est  pas  cette  foi  qu'anime  la  charité,  comme  le  veu- 
lent les  catholiques;  c'est  la  confiance  en  Jésus-Christ,  dont 
les  mérites  nous  justifient,  quelque  grands  péchés  que  nous 
commettions. 

4"*  Et  puisque  la  foi  seule  justifie,  les  sacrements  ne  peuvent 
plus  être  le  canal,  la  condition  de  la  grâce  justifiante;  ils  sont 
simplement  des  signes  attestant  notre  foi  en  la  promesse  que 
Dieu  nous  a  pardonné  nos  péchés  en  vue  de  Jésus-Christ  et 
nous  a  adoptés  pour  enfants,  à  moins  qu'ils  ne  soient  peut-être 


220  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

d'invention  humaine.  Ils  opèrent  en  proportion  de  la  foi  de 
celui  qui  les  reçoit;  ils  n'ont  point  de  valeur  objective.  Ainsi 
disparait  la  différence  essentielle  entre  les  sacrements  de  la  loi 
ancienne  et  les  sacrements  de  la  loi  nouvelle. 

5°  Luther  rejette  tous  les  sacrements,  à  l'exception  de  trois 
tout  au  plus  (et  ces  trois  ne  sont  pas  indispensables)  :  il  ne  reste 
donc  que  le  Baptême,  qui  est  le  sceau,  la  cédule  de  la  rémission 
des  péchés;  l'Eucharistie,  sur  laquelle  Luther  a  successive- 
ment émis  différentes  doctrines,  mais  en  rejetant  toujours  la 
transsubstantiation  et  le  sacrifice  de  la  messe;  la  Pénitence, 
dont  les  parties  constitutives  se  réduisent  à  la  terreur  de  la 
conscience  et  à  la  foi.  Quant  à  l'absolution,  elle  n'est  qu'une 
simple  déclaration  que  les  péchés  sont  remis  :  tout  chrétien 
peut  la  donner. 

6**  L'état  ecclésiastique  et  la  hiérarchie,  surtout  la  primauté 
du  pape,  ne  sont  pas  seulement  superflus,  mais  condamnables  ; 
tous  les  chrétiens  ont  le  même  pouvoir  sacerdotal,  la  même 
autorité  sur  la  parole  divine  et  les  sacrements.  Les  conciles 
eux-mêmes  n'ont  aucun  pouvoir,  aucun  caractère  obligatoire; 
Hus  a  été  injustement  condamné  à  Constance;  les  excommuni- 
cations n'ont  aucun  effet  sur  la  vie  religieuse,  on  doit  plutôt  les 
souhaiter  que  les  craindre. 

T  Comme  toutes  les  œuvres  extérieures,  les  pratiques  de 
pénitence,  les  vœux,  les  indulgences,  n'ont  aucune  vertu- 
Luther  blâmait  vivement  tout  ce  qui  se  faisait  dans  la  chré- 
tienté, y  compris  la  répression  des  hérétiques  et  la  guerre 
contre  les  Turcs,  qui  était  une  résistance  à  la  visite  de  Dieu. 

S"  Le  purgatoire,  dont  il  n'avait  pas  d'abord  contesté  l'exis- 
tence, fut  rejeté,  parce  qu'on  ne  pouvait  l'établir  par  les  Écritures 
canoniques  et  qu'il  dérogeait  à  l'œuvre  de  Jésus- Christ,  qui 
seul  délivre  les  âmes  humaines  sans  le  concours  de  l'homme. 
ij  9'  L'idée  de  la  communion  des  saints  est  une  idée  oiseuse, 
stérile.  Luther  recommande  l'imitation  des  saints,  mais  défend 
de  les  invoquer,  parce  que  Jésus-Christ  est  l'unique  Médiateur. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°   20. 

Mœhler,  Symbolique,  1830;  6«  éd.,  1843,  B.  I;  Hilger,  Symbol. 
Theol.,  Bonn,  1841  ;  Slaudenmaier,  Philos,  d.  Christenlh.,  I,  p.  684  et 
suiv.;  Stœckl,  Gesch.  der  Philos,  des  Mittelalters,  III,  p.  477  et  suiv.; 
Riffel,  I,  p.  28  et  suiv.,  2«^  6d,  —  Vorreiter,  Luthers  Ringen  mit  den 


hE   PROTESTANTISME.  22l 

anlichristl.  Principien  der  Revol.,  Halle,  1861  ;  Luthardt,  die  Ethik 
Luthers  in  ihren  Grundzügen,  Leipzig,  18ü7.  —  1)  Pi'op.  a  Leone  X 
damn.,  2-4,  32,  36;  Luth.,  de  Servo  Arhitrio,  Opp.  III,  170,  ed.  Jen.; 
in  Gen.  c.  xix.  OEuv.  de  Luther,  éd.  Wittenb.,  Ill,  p.  162  ;  VI,  p.  oOO- 
502,  476;  Dœilinger,  Ref.,  III,  p.  22  et  suiv.  —  2)  Luth.,  in  Gen. 
c.  in,  Opp.  I,  83;  ed.  Jen.,  VI;  ed.  Wittenb.,  1580,  p.  37  et  seq.;  Dœi- 
linger, Ref.,  III,  p.  18  et  suiv.,  30  et  suiv.,  112  et  suiv.  Sur  la  «  foi 
spéciale  »  comme  confiance  et  certitude  de  l'état  de  grâce,  ibid.,  p.  62 
et  suiv.  Cette  proposition  :  «  Opera  nihil  sunt  coram  Deo  aut  omnia 
sunt  cequalia,  quantum  ad  meritum  atlinet  »,  fut  qualifiée  par  la 
Sorbonne  de  «  prop.  falsa,  sacris  eloquiis  adversa  atque  errori  Jovi- 
nianistarum  conformis  ».  Celle-ci  :  «  Liberum  arbitrium,  dum  facit 
quod  in  se  est,  peccat  mortahter  »,  de  «  prop.  scandalosa,  impia,  in 
fide  et  moribus  erronea  »   (du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,   p.  368,  373). 

3)  Contre  la  loi  et  iMoise,  sur  Gai.  c.  iv,  éd.  d'Altenb.,  VI,  f.  735,  b; 
Propos  de  table,  éd.  Eisleben,  f.  168,  a.  Contre  la  «  foi  formée  », 
Explication  de  l'Épitre  aux  Galates,  f.  143;  Dœilinger,  III,  p.  44  et 
suiv.,  116  et  suiv.  En  1321,  Luther  alla  jusqu'à  dire  :  «  Esto  peccator 
et  pecca  fortiler,  sed  fortius  fide  et  gaude  in  Christo  (Epist.  Luth., 
a  Job.  Aurifabro  collectée,  Jen.,  1336,  t.  I,  p.  343  ;  de  Wette,  II,  p.  37). 

4)  Prop.  1  a  Leone  X  damn.  :  Walch,  L.  W.,  th.  xix,  p.  1180.  Sur  cette 
assertion  (de  Captiv.  babylon.),  que  l'invention  des  sacrements  était 
récente,  les  théologiens  de  Paris  firent  cette  remarque  :  «  Prop. 
innuens  recenter  ab  hominibus  esse  sacramenta  inventa  et  non  a 
Christo  instituta,  est  temeraria,  impia  et  manifeste  hœretica.  »  Cette 
proposition,  que  toute  l'efficacité  des  sacrements  résulte  de  la  foi,  fut 
qualifiée  :  «  propos,  efficaciœ  sacramentorum  novee  legis  impie  deroga- 
toria  et  hseretica  »  ;  et  la  proposition  affirmant  que  la  confirmation  et 
l'extrème-onction  n'ont  pas  été  instituées  par  Jésus-Christ,  fut  appelée 
proposition  hérétique,  imitée  des  albigeois,  des  wicléfites  et  des 
héracléonites  (du  Plessis  d'Argent.,  I,  ii,  p.  366  et  suiv.).  Sur  le 
mariage,  voy.  ibid.,  p,  368,  n.  13-13).  Luther  demandait  en  outre  que 
«  chacun  gardât  sa  liberté  à  l'égard  de  tous  les  sacrements  ;  qu'on  laissât 
en  repos  celui  qui  ne  voulait  pas  se  faire  baptiser;  que  celui  qui  ne 
voulait  pas  recevoir  le  sacrement  était  libre  ;  que  qui  refusait  de  se 
confesser  était  libre,  même  à  l'égard  de  Dieu  »  (Abhdlg.  von  "der 
Beichte,  Altenb.,  1"  éd.,  p.  792.  Cf.  Dœilinger,  III,  p.  136  et  suiv.). 
5)  Il  n'attaque  pas  le  baptême  des  enfants,  sous  prétexte  que  la  foi  de 
leurs  parrains  leur  est  imputée;  mais  il  ne  dit  rien  du  cas  où  les 
parrains  seraient  incrédules  ou  hypocrites.  Suivant  lui,  la  seule  prépara- 
tion nécessaire  à  -l'Eucharistie,  c'est  la  foi,  et  non  la  confession  et  la 
prière  (prop.  13  damn.  Cf.  Determin.  Paris.,  loc.  cit.,  p.  371).  11 
se  prononça  plusieurs  fois  pour  la  communion  sous  les  deux  espèces 


222  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

(prop.  16),  bien  que  son  système  ne  l'y  obligeât  pas  :  car  la  foi  peut 
aussi  bien  être  vivifiée  par  une  seule  espèce  que  par  deux,  et  même 
sans  aucune.  D'où  vient  qu'il  disait  plus  tard  (1523),  dans  son  règle- 
ment de  la  messe  ■  «  Si  un  concile  permettait  ou  défendait  les  deux 
espèces,  nous  n'en  accepterions  qu'une  seule,  afin  de  braver  le  concile, 
ou  nous  n'en  accepterions  aucune,  et  nous  maudirions  ceux  qui  pren- 
draient les  deux  en  vertu  de  cet  ordre.  »  (Édit.  allem,  de  Wittenb., 
VII,  f.  367,  b).  Il  n'était  pas  non  plus  nécessaire  qu'après  avoir  rejeté  la 
transsubstantiation,  Luther  acceptât  encore  une  présence  réelle  de 
Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie  (impanation  ou  consubstantiation)  ;  il 
n'y  arriva  que  dans  ses  démêlés  avec  d'autres  partis.  Il  rejetait  le 
sacrifice  de  la  messe  comme  un  trafic  diabolique,  et  il  souhaitait  que 
Dieu  donnât  à  tous  les  pieux  chrétiens  un  cœur  tel,  qu'en  entendant  lo 
mot  «  messe  »,  ils  fussent  efi"rayés  et  se  signassent  comme  devant 
une  abomination  satanique  (Walch,  t.  XX,  p.  1384.  Voy.  t.  XVI, 
p.  2202;  XIX,  p.  1576).  Il  aimerait  mieux,  disait-il  (t.  XXII,  p.  1236) 
avoir  été  un  Ttopvoêouxôi;,  que  d'avoir  blasphémé  le  Christ  en  disant  la 
messe  pendant  quinze  ans.  L'Écriture,  selon  lui,  ne  permettait  pas  de 
considérer  la  messe  comme  un  sacrifice,  de  l'oûrir  pour  les  défunts, 
les  pécheurs,  etc.;  les  prêtres  qui  disaient  la  messe  étaient  des  ido- 
lâtres. (Cf.  Determ.  Paris.,  p.  367  et  seq.)  Sur  la  pénitence,  prop. 
damn.  5-14  :  Dœllinger,  Ref.,  III,  p.  67-78.  La  Sorbonne  condamna 
de  la  Captivité  de  Babylone  les  propositions,  n.  18  :  «  Periculosum, 
imo  falsum  est  opinari  pœnitentiam  esse  secundam  tabulam  post  nau- 
fragium  »  (prop.  temeraria,  erronea  ac  fatue  asserta,  ac  B.  Hieronymo 
illam  ponenti  injuriosa);  n.  19  :  «  Qui  sponte  confessus  seu  correp- 
tus  veniam  petierit  et  emendaverit  coram  quovis  privatim  fratre, 
non  dubito  a  peecatis  suis  iUuni  esse  absolutum  »  (prop.  innuens 
laicos  tam  viros  quam  mulieres  polestatem  clavium  habere  est  falsa, 
sacramentis  ordinis  et  pœnitentiee  contumeliosa  et  ha^retica,  cum 
errore  conveniens  Waldensium  et  Quintillianorum).  Luther  disait  : 
«  Il  n'est  pas  au  pouvoir  du  pape,  de  l'évèque,  du  prêtre,  ni  d'aucun 
homme  sur  la  terre,  de  remettre  les  péchés  ;  cela  dépend  uniquement 
de  la  parole  de  Jésus-Christ  et  de  la  foi  individuelle.  Les  clefs  ont  été 
données  non  à  saint  Pierre,  mais  à  vous  et  à  moi.  Quand  je  prêchais 
la  rémission  des  péchés,  je  prêchais  le  véritable  Évangile,  car  voici 
l'abrégé  de  l'Évangile  :  Qui  croit  en  Jésus-Christ,  ses  péchés  doivent 
lui  être  remis,  de  telle  sorte  qu'un  prêtre  chrétien  ne  saurait  ouvrir  la 
«  gueule  n  sans  prononcer  une  absolution.  C'est  ainsi  que  fait  Jésus- 
Christ  dans  l'Évangile  quand  il  dit  :  «  Pax  vobis.  »  (Éd.  Wittenb., 
VII,  3,  f.;  VI,  137.  Voy.  aussi  VII,  355  ;  XX,  60).  Les  clefs  sont  données 
à  la  communauté  intégrale  de  tous  les  chrétiens  et  d'un  chacun,  et 
cela  non  pas  seulement  en  vertu  d'un  pouvoir  (spécial),  mais  aussi 


« 


LE   PROTESTANTISME.  223 

selon  l'usage  cl  de  toutes  les  manières  possibles  (ibid.,  VII,  355).  L'ab- 
solution papiste  est  une  œuvre  diabolique  (ibid.,  VIII,  389  et  suiv.). 
Cependant  il  ne  voulait  pas  abolir  la  confession  privée.  De  Captiv. 
babyl.,  II,  292  :  «  Occulta  autem  coufessio,  quse  modo  celebratur,  etsi 
probari  ex  Scriplura  non  possit,  miro  taraen  modo  placet  et  utilis, 
imo  necessaria  est,  imo  gaudeo  eam  esse  in  Ecclesia  Cbristi.  Cf.  art. 
Schmalcald.,  p.  III,  c.  vni.  Le  maintien  de  la  confession,  comme  une 
œuvre  purement  extérieure,  qui  ne  procure  aucun  changement  dans 
l'état  du  pécheur,  contraire  à  la  liberté  chrétienne  et  souverainement 
onéreuse,  était  une  inconséquence  :  aussi  ne  put-elle  se  maintenir 
parmi  les  luthériens.  Dans  son  traité  sur  la  confession  (éd.  d'Altenb.,  I, 
p.  804  et  suiv.),  le  réformateur  dit  que  l'on  doit  se  confesser  au  prêtre, 
non  en  tant  que  prêtre,  mais  comme  à  un  frère  et  à  un  chrétien 
ordinaire.  De  là  à  rejeter  les  trois  parties  qu'on  avait  admises  de 
tout  temps  dans  la  confession,  il  n'y  avait  qu'un  pas  :  la  contrition 
lui  semblait  faire  de  l'homme  un  hypocrite,  un  pécheur  (prop.  6, 
damnât.,  sur  quoi  la  Sorbonne  disait  :  «  Prop.  falsa,  vise  ad  pœniten- 
tiam  impeditiva,  S.  Scripturis  et  doctrinœ  Sanctorum  difforniis  »);  la 
confession  au  prêtre,  inutile  ;  la  satisfaction,  une  diminution  des 
mérites  de  Jésus-Christ.  6)  Cette  proposition  :  «  Sacramentum  Ordi- 
nis  Ecclesia  Christi  ignorât  »,  fut  qualifiée  par  la  Sorbonne  «  hseretica, 
error  Pauperum  de  Lugduno,  Albigensium  et  Wiclefistarum.  »  Et 
celles-ci  :  «  Omnes  christiani  habent  eamdem  potestatem  in  verbo  et 
Sacramento  quocumque  —  Claves  Ecclesise  sunt  omnibus  communes 
—  Omnes  christiani  sunt  sacerdotes  »  :  Quaelibet  harum  trium 
propos,  est  ordinis  hierarchici  destructiva  et  hseretica  (p.  367).  II 
parle  de  l'ordination  en  termes  bassement  grossiers  et  injurieux  : 
Luth.,  de  Instituendis  Ministris  Eccles.,  0pp.  Il,  385,  2<=  édit. 
d'Altenb.,  p.  492-315.  Voy.  ibid.,  I,  p.  523.  Sur  les  conciles,  prop. 
29,  30,  damn.  :  Determ.  Paris.,  p.  372  et  seq.  Le  nom  de  concile, 
écrivait  Luther  en  1524  (Epp.,  ed  Aurif.,  Il,  243),  m'est  aussi  suspect  et 
odieux  que  celui  de  «  libre  arbitre  ».  11  blâme  tous  les  conciles  en 
particulier,  et  il  dit  que  c'est  une  folie  honteuse  et  daranable  de 
«  les  honorer  comme  s'ils  avaient  le  Saint-Esprit  ».  (Walch,  t.  XI, 
p.  1891  ;  t.  XIX,  p.  1034.)  Il  reproche  au  IV«  concile  de  Latran 
cette  proposition  :  <(  Divinam  essentiam  nec  generari  nec  gene- 
rare  »  ;  et  au  concile  de  Vienne  celle-ci  :  «  Animam  esse  formam  sub- 
stantialem  corporis  humani  ».  Voyez  là-contre  Determ.  Paris.,  p.  368  et 
seq.  Voyez  encore  Wittenb.  deutsche  Ausg.,  VI,  f.  244,  a;  Dœllinger, 
III,  p.  193.  Sur  les  excommunications,  prop.  23,  24,  damn.  7)  Sur  les 
vœux,  Determ.  Par.,  p.  368,  372;  prop.  41,  damn.;  sur  les  indul- 
gences, prop.  17-22,  damn.  Punition  des  hérétiques  :  prop.  33. 
Guerre   contre  les  Turcs  :  prop.    34.    Cf.  Pallav.,  I,  xxv,  12.  8)  Le 


224  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Purgatoire,  prop.  37-40,  damn.  Les  articles  de  Schmalcalde  (p.  II,  c.  il, 
§  9)  l'appellent  déjà  uue  invention  diabolique.  Voy.  Mœhler,  Symbo- 
lique, §  52,  p.  430  et  suiv.,  2«  éd. 

Publication   de  la  bulle  d'excommunication.   —  Elle  est 
tournée  en  dérision  et  livrée  aux  flammes. 

21 .  Le  docteur  Eck  fut  associé  aux  légats  du  pape,  Aléandre 
et  Caraccioli,  pour  exécuter  la  bulle  d'excommunication.  Plu- 
sieurs virent  en  cela  un  manque  d'égards  pour  les  évêques 
d'Allemagne  et  la  satisfaction  d'une  vengeance  personnelle, 
d'autant  plus  qu'on  reprochait  au  vice-chancelier  d'Ingolstadt 
d'avoir,  de  son  propre  chef,  étendu  la  bulle  à  différents  parti- 
sans de  Luther.  En  plusieurs  endroits  la  publication  de  la  bulle 
rencontra  des  difficultés  :  elle  fut  injuriée  à  Erfurt,  à  Torgau  et 
à  Leipzig  ;  à  Naumbourg,  elle  ne  fut  pas  publiée,  mais  bien  à 
Cologne,  Mayence,  Meissen,  Brandebourg,  Mersebourg,  Hal- 
berstadt, Eichstœdt  et  Freisingue.  L'électeur  de  Saxe  aurait 
voulu  demeurer  neutre;  mais,  cédant  aux  conseils  d'Érasme, 
dont  la  conduite  était  singulièrement  équivoque,  il  s'intéresssa 
vivement  à  son  professeur,  et  soutint,  contrairement  à  tous  les 
principes  de  l'Église,  qu'il  fallait  encore  une  fois  confier  l'examen 
de  cette  affaire  à  des  juges  impartiaux  et  commencer  par  réfu- 
ter la  doctrine  de  Luther  au  moyen  de  l'Écriture  sainte. 

Le  débauché  Ulric  de  Hütten  renvoya  la  bulle  à  Rome  avec 
un  commentaire  malicieux  et  satirique.  Luther  lui-même  l'envi- 
sageait comme  un  factum  fabriqué  en  Allemagne  ;  il  se  répandit 
de  nouveau  en  grossières  injures  contre  le  pape,  qu'il  qualifia 
d'hérétique  endurci,  d'apostat  damné,  d'ennemi  et  d'oppresseur 
de  la  sainte  Écriture,  de  traître,  de  blasphémateur,  de  contemp- 
teur de  l'Église  chrétienne;  il  en  appela  de  nouveau  au  concile 
général  (17  novembre  1520),  et  rédigea  contre  la  Bulle  de 
l'Antéchrist  un  pamphet  où  il  dépassait  toutes  les  bornes.  Le 
JO  décembre,  devant  les  portes  de  Wittenberg,  il  brûla  solen- 
nellement, avec  la  bulle  du  pape,  le  recueil  des  canons  de 
l'Église  et  plusieurs  écrits  de  ses  adversaires.  11  déclara  publi- 
quement qu'il  ne  s'agissait  de  rien  moins  désormais  que  d'abolir 
toutes  les  institutions  et  toutes  les  lois  de  l'Église,  de  créer  une 
nouvelle  théologie  et  une  Église  nouvelle.  «  Puisque  tu  as 
affligé  le  Saint  du  Seigneur  (Martin  Luther),  »  s'écria-t-il,  «  sois 
affligée  toi-même  et  dévorée  par  le  feu  éternel.  » 


LE   PROTESTANTISME.  525 

Luther,  après  avoir  annoncé  cet  autodafé  dans  un  placard,  s'en 
réjouit  comme  d'un  véritable  triomphe.  Ses  collègues  et  les  étu- 
diants de  Wittenberg  l'applaudissaient  ;  le  prince  électeur  et  le 
conseil  de  la  ville,  qui  déjà  s'était  signalé  (1512)  par  son  opposi- 
tion à  l'Église,  fermaient  les  yeux.  Les  luthériens  renouvelèrent 
les  mêmes  scènes  en  différents  endroits.  Cependant  le  docteur 
Juste  Jonas  continua  d'expliquer,  même  à  Wittenberg,  les  dé- 
crétales  des  papes;  là  comme  ailleurs,  on  manquait  d'esprit  de 
suite  et  de  principes  immuables.  Luther  exhortait  ses  auditeurs 
à  se  garder  de  la  tyrannie  du  pape,  qu'il  était  urgent,  disait-il, 
de  brûler  avec  toutes  ses  doctrines.  La  société  de  Luther  était  le 
royaume  de  Dieu;  la  papauté,  l'empire  de  Satan.  Nulle  paix 
n'était  donc  plus  possible,  et  les  choses  semblaient  parvenues  au 
point  où  Luther  devait  succomber  comme  un  hérétique  digne 
de  malédiction,  ou  l'ÈgUse  catholique  périr  tout  entière. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°   21. 

Pallav.,  I,  XX,  2  et  seq.,  édit  de  Frisingue,  10  janv.  1521  ;  du  Plessis 
d'Arg.,  [,  II,  p.  364;  Le  Plat,  II,  p.  83  et  seq.;  Riffel,  I,  p.  235  et  suiv. 
Attitude  de  l'électeur  Frédéric  :  Pallav.,  T,  xxiii,  8;  Heinr.  v.  Zütphen, 
Kurze  Erzœhlung  der  Handlung  in  Cœln,  Walch,  L.  W.,  th.  xv, 
p.  1919  et  suiv.;  Job.  Sleidan,  Ref.-Gesch.,  übers,  v.  J.-S.  Semler,  II, 
p.  125.  Lettre  du  pape  à  Frédéric  et  à  l'université  de  Wittenberg  : 
0pp.  Lutb.,  II,  256;  Le  Plat,  II,  p.  72-74;  Pallav.,  I,  xxn,  1,  2.  Lettre 
de  Eck.  aux  Wittenbergeois,  d.  d.  Leipzig,  3  oct.  1520  :  0pp.  Lutb., 
éd.  Jen.,  t.  II,  p.  469;  Le  Plat,  II,  p.  74.  Le  5  novembre  1520, 
Érasme  avait  déclaré  à  l'électeur  de  Saxe  que  l'on  combattait  la  doc- 
trine de  Lutber  pour  des  motifs  inavouables,  scandaleux  pour  tous 
les  gens  de  bien  ;  que  le  mieux  était  de  faire  arranger  cette  affaire 
par  des  hommes  prudents  et  non  suspects  (v.  d.  Hardt,  Hist.  litt. 
Reform.,  I,  104  et  seq.).  Sur  la  demande  de  Spalatin,  il  disait  encore 
dans  un  écrit  spécial  :  «  Les  plus  pieux  et  les  meilleurs  bommes  ont 
pris  de  la  mauvaise  bumeur,  non  par  les  doctrines  de  Luther,  mais 
par  les  rudesses  et  les  inconvenances  de  la  bulle;  deux  universités 
l'ont  condamné,  mais  non  réfuté;  le  pape  est  plus  soucieux  de  son 
honneur  que  de  celui  du  Christ;  on  ne  doit  pas  procéder  contre  les 
savants  par  la  violence  (Burscheri,  Spic,  XV,  p.  23).  Érasme  redemanda 
cet  écrit,  de  peur;qu'il  ne  fût  livré  à  l'impression  ;  mais  il  l'était  déjà 
deux  mois  après,  à  son  grand  regret  (Dœllinger,  Reform.,  I,  p.  5). 
Cet  humaniste  sans  caractère  n'entendait  pas  se  brouiller  avec  le  pape, 
etil  écrivait  à  Rome  :  «  Lutherum  non  novi  nec  libros  ejusumquam 
legi,  nisi  forte  decem  aut  duodecim  pagellas.  »  Léon  X,  dans  une 

V.  —  HIST.  DE  L  EGLISE.  15 


226  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

lettre  qu'il  lui  écrivit  le  10  janv.  1521  (Laetnmer,  Monura.  Vatic,  n.  1, 
p.  3  et  3uiv.),  lui  marqua  sa  joie  des  sentiments  qu'il  exprimait,  tout 
en  manifestant  son  désir  que  d'autres  ne  fussent  pas  induits  en  erreur 
à  ce  sujet  et  qu'il  déployât  son  talent  contre  des  doctrines  impies. 
Frédéric  de  Saxe  aux  nonces  Caracciolo  et  Aléandre,  7  nov.  1520  :  Le 
Plat,  II,  p.  75,  76.  Ulrich  de  Hütten  (mort  en  1523)  contre  la  bulle  : 
Walch,  th.  XV,  p.  1675  et  suiv.;  0pp.  Hulten,  éd.  Münch,  p.  IV,  p.  7 
et  seq.,  Berol.,  1821.  Cf.  Meiners,  Lebensbeschreib.  beriihmter  Mœn- 
ner,  Zurich,  1796  et  suiv.,  3  vol.;  Panzer,  Ulrich  v.  Hütten  in  liter. 
Beziehung.,  Nürnbei'g,  1798;  Magenseil,  U.  v.  H.,  ibid.,  1823;  Ferd. 
Meyer,  Huttens  letzte  Lebenstage,  Leipzig,  1872  (mensonger);  Meiszlin- 
ger  et  Strauss  (ci-dessus,  VI,  §  232);  Hist.-pol.  BL,  t.  IV,  p.  257-273. 
Luther  contre  la  bulle,  qu'il  attribue  à  Eck  :  0pp.  II,  p.  469,  éd.  Jen.; 
Bossuet,  Hist.  des  var.,  1,  §  24  et  seq.;  Riffel,  I,  p.  170  et  suiv.  (2''  éd., 
p.  242  et  suiv.).  Appel  du  17  nov.  :  0pp.  II,  257;  Le  Plat,  II, 
p.  77-79  ;  Walch,  th.  xv,  p.  1909  et  suiv.;  Sarpi,  I,  §  14.  Luther  contre 
la  bulle  de  l'Antéchrist  :  Walch,  loc.  cit.,  p.  1723  et  suiv.  Elle  est  livrée 
aux  flammes  :  ibid.,  p.  1925  ;  de  Wette,  1,  p.  322  et  suiv.;  Pallavic, 
I,  XXII,  3-5  ;  xxiii,  11-14.  Luther  disait  dans  sa  missive  à  la  commune 
chrétienne  delà  ville  d'Esslingen,  1323  (Altenb.,  2°  éd.,  p.  362)  :  «  La 
doctrine  du  Christ  et  la  doctrine  du  pape  sont  opposées  comme  le 
jour  et  la  nuit,  comme  la  vie  et  la  mort.  » 

La  diète  de  AVornis  (1591).  —  Luther  à  la  H'artbourg-  et  à 
^iVlltenherg. 

La  diète  de  'Worms. 

22.  Le  nouvel  empereur  Charles-Quint,  peu  familier  encore 
avec  les  querelles  religieuses  de  l'Allemagne,  mais  élevé  clans  la 
foi  catholique  et  soumis  à  ses  enseignements,  avait  permis  aux 
nonces  du  pape  de  brûler  les  écrits  de  Luther,  mais  il  avait 
ajourné  à  la  diète  qui  devait  se  tenir  à  Worms  la  publication 
d'un  édit  contre  l'hérésiarque.  Parmi  les  princes,  la  plupart 
des  ecclésiastiques,  ainsi  que  Joachim  1"  de  Brandebourg,  se 
prononçaient  pour  des  mesures  sévères;  d'autres  étaient  inti- 
midés par  les  applaudissements  que  le  fougueux  novateur 
recueillait  dans  la  noblesse,  dans  le  clergé  et  parmi  les  philo- 
logues. Frédéric  de  Saxe  et  Louis,  comte  palatin  du  Rhin,  furent 
d'abord  les  seuls  qui  prirent  son  parti.  Charles-Quint  se  pro- 
posait d'appeler  Luther  à  Worms  ;  mais  le  légat  du  pape,  Jérôme 
Aléandre,  savant  renommé,  s'y  opposa,  parce  qu'il  n'était  pas 


LE  PROTESTANTISME.  227 

permis  au  pouvoir  civil  de  remettre  en  question  ce  qui  avait 
été  décidé  par  le  pape,  et  il  demanda  qu'on  fit  exécuter  les 
prescriptions  de  la  bulle  d'excommunication. 

Un  nouveau  décret,  en  date  du  3  janvier  1521,  déclarait  que 
Luther  et  ses  partisans,  ayant  laissé  passer  le  terme  qu'on  leur 
avait  fixé,  avaient  encouru  de  fait  l'excommunication.  L'empe- 
reur, dans  le  principe  seulement,  se  désista  de  son  dessein, 
Aléandre  essaya  de  convaincre  les  princes,  entourés  partout  de 
luthériens,  qu'il  ne  s'agissait  point  ici,  ainsi  qu'on  le  faisait 
accroire  communément,  de  questions  théologiques  accessoires 
ni  des  intérêts  de  la  cour  de  Rome.  Le  13  février  1521  (mercredi 
des  Cendres),  dans  une  réunion  où  tous  les  princes  se  rencon- 
trèrent, à  l'exception  de  l'électeur  de  Saxe,  absent  au  commen- 
cement, mais  qui  eut  soin  de  se  faire  tout  rapporter  exacte- 
mient  par  écrit,  Aléandre  fit  sur  eux  une  impression  profonde. 
Dans  un  éloquent  discours,  qui  dura  trois  heures,  il  leur  prouva 
que  la  nouvelle  secte  était  éminemment  funeste  et  condam- 
nable, qu'il  fallait  la  combattre  avec  vigueur  et  que  le  meilleur 
moyen  était  la  mise  au  ban  de  l'empire,  que  cette  mesure  ne 
pouvait  pas  être  plus  dangereuse  qu'une  lâche  indifférence  et 
des  ménagements  intempestifs. 

Les  partisans  de  l'hérésiarque  mirent  tout  en  œuvre  pour 
neutraliser  l'influence  d'Aléandre  par  de  nouveaux  artifices. 
Frédéric  de  Saxe  ayant  fait  remarquer  qu'il  était  douteux  si 
tous  les  livres  publiés  sous  le  nom  de  Luther  émanaient  de 
lui,  qu'il  était  nécessaire  de  l'entendre  lui-même,  l'empereur 
céda,  en  ce  sens  qu'il  manda  Luther  à  Worms  en  lui  accordant 
un  sauf- conduit.  Plusieurs  États  présentèrent  cent  un  griefs 
sur  des  matières  religieuses,  et  le  duc  George  douze  plaintes 
relatives  à  la  conduite  du  clergé,  en  demandant  la  convocation 
d'un  concile  général.  Les  amis  de  Luther  s'élevaient  partout 
d'un  air  audacieux,  distribuaient  son  portrait  entouré  d'une 
auréole,  et  répandaient  une  multitude  de  pamphlets,  qui  péné- 
trèrent jusqu'à  Rome.  On  les  offrait  à  vendre  aux  portes  des 
églises,  souvent  entourés  de  représentations  obscènes,  aux- 
quelles Luc  Kranach  prêtait  sa  main  d'artiste.  Luther  continuait 
d'être  le  héros  du  jour,  alors  même  que  des  hommes  religieux 
et  clairvoyants,  comme  le  franciscain  Thomas  Murner,  à  Stras- 
bourg, déploraient  la  folie  et  l'aveuglement  de  la  foule. 


228  HISTOIRE  DE  l'église. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE   N*  22. 

Sur  Charles-Quint  :  Pallav.,  I,  xxni,  1  et  seq.;  Cochlseus,  Comment., 
éd.  Mogunl.,  p.  26;  Robertson,  Gesch.  K.  Carls  V,  en  allem.,  Kemp. 
et  Braunschw.,  1792  et  suiv.,  3  vol.;  Raumer,  Gesch.  Europa's  seit  d. 
Ende  des  15  Jahrh.,  I,  p.  580  et  suiv.;  Lang,  Correspondenz  K. 
Caris  V,  aus  d.  k.  Biblioth.  u.  der  Bibl.  de  Bourgogne  zu  Brüssel 
mitgeth.,  Leipzig,  1844  et  suiv.,  6  vol.;  Heim,  Briefe  an  Carl  V  (1530- 
1532),  aus  dem  span.  Archiv  zu  Simancas,  Berlin,  1848;  Autobiographie 
Carls  in  portugies.  Uebers.  wieder  durch  Kervin  de  Lettenhove  in 
Brüssel  aufgefunden,  en  allem,  par  Warnkœnig,  Brüssel,  1862;  Mau- 
renbrecher, Carl  V  und  die  deutschen  Protestanten,  Düsseid.,  1865 
(Caractéristique,  Hist.-pol.  Bl.,  t.  LX;  Bonner  theol.  Lit.-Bl,,  1866, 
p.  817-824).  Jérôme  Aleandre  (mort  en  1542)  :  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  1,  2, 
c.  XXIV  et  seq.  Le  card.  Campeggio  lui  écrit  le  15  janv.  1521  :  Laem- 
mer,  Mon.  Vat.,  n.  2,  p.  4  ;  Friedrich,  der  Reichstag  zu  Worms  nach 
Briefen  v.  Aleander  (Abhandl.  der  k.  k.  Akad.  d.;  Wiss.  Histor.  BL, 
t.  XI,  abth.  III,  an.  1870)  ;  Janssen,  II,  p.  138  et  suiv.  Bulle  Decet  Ro- 
manum  Pontificem  :  Bull.  Rom.,  V,  761  et  seq.;  Le  Plat,  II,  p.  79-83. 
Discours  d'Aléandre  :  Pallav.,  loc.  cit.,  xxv,  n.  7  et  seq.;  Le  Plat,  II, 
p.  84  et  seq.  Comp.  Tüb.  Quartalschr.,  1841,  p.  648  et  suiv.  Autres 
négociations  :  Pallav.,  I,  xxvi,  1  et  seq.  Invitation  à  Luther,  du  6  mars 
1521  :  Goldast,  Const.  imp.,  II,  142;  Le  Plat,  II,  p.  97,  98.  Grava- 
mina  :  Walch,  th.  xv,  p.  2058  et  suiv.;  Goldast,  I,  456  et  seq.;  Georgii, 
Imperatorum  nat.  germ.  gravamina  ad  Sedem  Rom.,  Francof.  et 
Lips.,  1725.  — Satires  et  Pasquinades  du  temps  de  la  Réforme,  éd. 
Oscar  Schade,  Hanovre,  1856-1858,  3  vol.;  Gœdeke,  Grundrisz  der 
Geschichte  der  deutschen  Dichtung,  t.  I  ;  Kuezynski,  Thesaur.  libell. 
bist.  ref.  illustr.,  Lips.,  1870;  Baur,  Deutschi,  in  den  Jahren  1517- 
152Ö,  Ulm,  1872.  Contre  les  luthériens  :  Dr  Thomas  Murner,  0.  S.  F., 
Gedicht  vom  groszen  lutherischen  Narren,  éd.  H.  Kurz,  Zurich,  1848. 
Comp.  Vilmar,  Geschichte  der  deutschen  Nationalliteratur,  p.  377; 
W.  Roehrich,  Th.  Murner,  der  Barfuszermœnch  (Niedners  Ztschr.  f. 
bist.  Theol.,  1848,  IV,  p.  587  et  suiv.). 

Luther  à  'Worms. 

23.  Luther,  quoique  dissuadé  par  plusieurs  de  ses  amis, 
résolut  de  se  reudre  à  Worms.  Il  pouvait  se  présenter  en  apolo- 
giste de  sa  doctrine  devant  les  princes  et  devant  la  noblesse, 
où  il  comptait  beaucoup  d'amis;  il  pouvait  même  accroître  son 
crédit  et  le  nombre  de  ses  adhérents,  sans  avoir  rien  à  craindre 
pour  sa  sûreté.  Il  était  allié  avec  beaucoup  de  chevaliers,  les  uns 


LE   PROTESTANTISME.  229 

complètement  irréligieux,  les  autres  révolutionnaires,  notam- 
ment l'aventurier  Franz  de  Sickingen  et  Sylvestre  de  Schaum- 
bourg,  dont  la  protection,  disait-il  volontiers,  lui  était  superflue, 
mais  qu'il  ne  voulait  point  rejeter,  puisqu'elle  lui  était  envoyée 
par  Jésus-Christ,  son  unique  refuge.  Accompagné  de  cent 
chevaliers,  applaudi  par  un  peuple  avide  de  nouveautés  ou 
emporté  par  une  admiration  aveugle,  Luther  partit  pour 
Worms  presque  en  triomphateur.  Il  y  arriva  le  16  avril  1521,  et 
alla  résider  dans  le  voisinage  de  son  souverain  Frédéric.  Ses 
partisans  déployèrent  une  grande  hardiesse  afin  d'intimider 
leurs  adversaires.  Ils  propagèrent,  avec  des  pasquinades  contre 
Rome,  des  lettres  menaçantes  contre  l'empereur  et  les  princes, 
dans  le  cas  où  Luther  éprouverait  quelque  désagrément. 

Le  17  avril,  Luther  parut  pour  la  première  fois  devant  la 
diète.  L'official  de  Trêves  lui  demanda,  au  nom  de  l'assemblée» 
s'il  reconnaissait  comme  siens  les  écrits  (à  peu  près  vingt-cinq) 
qui  se  trouvaient  devant  lui,  et  s'il  persistait  à  soutenir  ce  qu'ils 
renfermaient.  Luther  répondit  affirmativement  sur  la  première 
question;  sur  la  seconde,  il  demanda  du  temps  pour  réfléchir. 
Quoique  cette  demande  ne  parût  pas  fondée,  car  il  devait  être 
prêt  à  répondre,  on  lui  accorda  un  jour  de  délai.  II  n'avait  que 
deux  partis  à  prendre  :  ou  rétracter  un  système  avec  lequel  il 
s'était  complètement  identifié  et  sacrifier  sa  popularité,  ou  se 
laisser  traiter  d'hérétique  opiniâtre.  Il  prit  ce  dernier  parti  dès 
qu'il  ne  lui  resta  plus  d'autre  alternative.  Il  déclara  le  18  avril 
que  ses  écrits  se  divisaient  en  trois  classes  :  1°  ceux  qui  trai- 
taient de  religion  —  et  ceux-là,  il  y  tenait  ;  2"  ceux  qui  étaient 
dirigés  contre  les  papes  et  leurs  décrets  —  les  rétracter,  ce 
serait  fournir  de  nouvelles  armes  à  un  bourreau  (ici  il  injuria 
violemment  le  pape,  et  l'empereur  le  rappela  à  l'ordre)  ;  3**  ceux 
qu'il  avait  écrits  contre  ses  ennemis  —  il  ne  pouvait  pas  davan- 
tage les  rétracter,  parce  que  ses  adversaires  provoquaient  ses 
emportements  et  qu'il  s'agissait  non  de  sa  sainteté,  mais  de  sa 
doctrine  :  eu  un  mot,  il  ne  se  rétracterait  que  s'il  était  convaincu 
par  des  témoignages  de  l'Écriture  sainte  ou  par  des  preuves 
publiques,  claires  et  lucides.  II  ne  reconnaissait  pas  l'autorité 
du  pape  et  des  conciles  généraux,  ces  derniers  étant  tombés 
dans  des  contradictions  et  des  erreurs;  sa  conscience  était  cap- 
tive de  la  parole  divine,  et  il  priait  Dieu  de  lui  venir  en  aide. 


230  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

Ouvrages  a  consdlteb  et  remarques  critiques  sur  le  n<*  23. 

Hub.  Leodii,  Lib.  de  reb.  gest.  et  calamit.  obilu  Fr.  de  Sickingen' 
Freher,  t.  III,  p.  296  ;  Meiners  Lebensbeschr.  (ci-dessus,  §  21)  ;  Histor.- 
pol.  BI.,  1839,  t.  IV,  p.  321  et  suiv.,  46Ö  et  suiv.,  513  et  suiv.,  S77  et 
suiv.,  669  et  suiv.,  723  et  suiv.  Luther,  sur  la  protection  des  cheva 
liers  :  de  Wette,  I,  p.  448.  Thomas  Munzer  reproche  à  Luther,  en 
1 524,  de  s'être  glorifié  de  la  protection  des  chevaliers  en  se  rendant  à 
Worms,  de  leur  avoir  promis  des  couvents  et  des  collégiales  (Strobel, 
Leben  Th.  Münzers,  p.  166;  Menzel,  Neuere  Gesch.  der  Deutschen,  I, 
p.  94  et  suiv.).  Sur  les  négociations  :  Cochlaeus,  loc.  cit.,  p.  25  et  seq.; 
Rayn.,  an.  1521;  Pallav.,  I,  xxvi,  8;  c.  xxvii,  n.  2  et  seq.;  Acta 
Lutheri  in  Comitiis  Worraat.,  ed.  Policarius,  Viteb.,  1546;  Luth. 
Opp.  lat.,  Jen.,  II,  p.  436  et  seq.;  Œuvres  allem.,  éd.  léna,  I,  p.  432- 
463  ;  Riflfel,  I,  p.  224  et  suiv.,  2«  éd.;  Friedrich,  loc.  cit.  —  Forschun- 
gen zur  deutschen  Gesch.,  VIII,  p.  21-44;  Otto,  das  Colloquium  des 
Cochlœus  mit  Luther  zu  Worms  (Oesterr.  Vierteljahrschr.  f.  Theol., 
1806,  1);  Hennés,  Luthers  Aufenthalt  in  Worms,  Mayence,  1868; 
Boye,  L.  zu  Worms,  Halle,  1824;  Tutzschmann,  L.  zu  W.,  Darmst., 
1860;  Janssen,  II,  p.  161  et  suiv. 

Gharles-Quint  et  Luther. 

24.  Charles-Quint,  sur  qui  l'extérieur  grossier  et  replet  de  ce 
moine  superbe  et  nullement  ascétique  avait  fait  une  impression 
défavorable,  dit  cette  parole  :  «  Cet  homme  ne  fera  jamais  de 
moi  un  hérétique  »  ;  il  interrompit  le  colloque  avec  indignation, 
et  déclara  par  écrit  aux  princes  (19  avril)  qu'il  était  sur  le  point 
de  procéder  contre  ce  moine  rebelle  à  la  croyance  générale  des 
chrétiens  et  aux  saints  conciles,  et  de  le  traiter  comme  un  héré- 
tique notoire;  qu'au  lieu  de  l'entendre  encore,  il  le  renverrait 
après  une  sévère  mouition;  que,  du  reste,  il  lui  maintiendrait 
un  sauf-conduit  jusqu'à  ce  qu'il  fût  rentré  dans  son  pays.  La 
plupart  des  princes  approuvèrent  l'empereur.  Mais  l'archevêque 
de  Mayence,  intimidé  par  des  lettres  menaçantes,  et  quelques 
autres,  qui  croyaient  qu'une  nouvelle  entrevue  changerait  les 
sentiments  de  Luther,  obtinrent  un  sursis  de  trois  jours,  puis 
un  second  de  deux  jours.  Cependant  Charles-Quint  ne  permit 
que  des  entrevues  privées. 

Richard  de  Greifenclau,  archevêque  de  Trêves,  son  officiai  Eck 
cl  Jean  Cochlée,  doyen  des  chanoines  de  Francfort,  essayèrent 
inutilemeut  d'amener  l'hérésiarque  à  reconnaître  les  conciles 


LE    PROTESTANTISME.  231 

généraux,  à  se  soumettre  au  jugement  de  l'Église  ou  à  celui  de 
l'empereur,  à  retirer  ses  plus  choquantes  propositions.  Tant 
d'efforts  et  de  prières  ne  firent  qu'accroître  la  haute  opinion 
que  Luther  avait  de  lui-même,  et  il  répondit  enfin  par  ces  paroles 
de  Gamaliel,  qu'un  mahométan  ou  tout  sectaire  aurait  pu  éga- 
lement invoquer  :  «  Si  l'ouvrage  est  de  main  d'homme,  il 
tombera;  s'il  est  de  Dieu,  il  subsistera.  »  L'empereur,  informé 
de  tout,  ainsi  que  de  la  conduite  scandaleuse  du  moine,  lui  fit 
ordonner  le  25  avril  de  quitter  Worms  dès  le  lendemain,  et  pro- 
longea son  sauf-conduit  pendant  vingt  et  un  jours,  avec  défense 
de  prêcher  en  route  et  d'assembler  le  peuple. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET  REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N°   24. 

Charles-Quint  sur  Luther  :  Pallav.,  I,  xxyi,  7.  Sa  lettre  aux  princes  : 
Walch,  th.  XV,  p.  2233  ;  Goldast,  II,  142  ;  Le  Plat,  II,  p.  H5;  Cochl., 
de  Act.  et  Script.  Luth.,  p.  32  et  seq.;  Pallav.,  loc.  cit.,  c.  xxvii,  n.  4. 
Luther  invoque  le  texte  des  Actes,  v,  38  et  suiv.  :  ibid.,  n.  5-8  ;  Riffel, 
I,  p.  283  et  suiv.  Cette  conclusion  du  discoiirs  de  Luther  :  «  J'en  suis 
venu  là,  je  ne  puis  faire  autrement  »,  a  été  ajoutée  après  coup,  ainsi 
que  l'a  prouvé  Burkhardt,  Studien  und  Kritiken,  1869,  h.  III. 

Départ  de  Luther.  —  Sa  prétendue  captivité.  —   Ëdit  de 
Worms.  —  Le  ban  de  l'empire.  —  Ses  effets. 

25.  Le  26  avril,  Luther  sortit  de  Worms,  escorté  de  vingt 
chevaliers  de  son  parti.  Deux  jours  après,  il  renvoya  l'escorte 
impériale  avec  le  sauf-conduit  et  une  lettre  de  justification  à 
l'empereur.  Son  intention  était  de  n'être  pas  soupçonné,  à  la 
suite  de  ce  qu'il  se  proposait  de  faire,  d'avoir  déshonoré  et 
blessé  l'escorte  impériale,  puis  de  jeter  le  discrédit  sur  ses 
adversaires  par  sa  prétendue  captivité,  il  avait  été  convenu,  en 
eflet,  entre  lui  et  l'électeur  Frédéric,  que  pendant  son  retour  il 
serait  attaqué  sur  le  territoire  de  Salzungen,  en  Thuringe,  par 
quelques  chevaliers  déguisés,  enlevé  de  son  chariot,  mis  sur  un 
cheval,  et,  déguisé  en  chevalier,  conduit  à  la  Wartbourg,  près 
d'Eisenach.  Il  y  résida  en  effet  durant  une  année,  entouré  de 
tous  les  soins,  sous  le  nom  de  chevalier  Joerg,  et  il  évita  ainsi 
les  premières  conséquences  du  ban  de  l'empire.  Cette  comédie 
avait  été  secrètement  concertée,  mais  la  vérité  fut  bientôt 
connue  de  tout  le  monde,  ce  qui  n'empêcha  pas  les  luthériens 
de  s'écrier  que  l'illustre  docteur  avait  été,  au  mépris  du  sauf- 


532  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

conduit,  emmené  par  la  force  :  de  là  de  nouvelles  plaintes 
contre  le  pape. 

Sur  ces  entrefaites  (25  et  26  mai),  le  ban  de  l'empire  (daté 
du  8),  rédigé  par  Aléandre,  avait  été  publié  à  Worms.  Il  portait 
que  le  moine  opiniâtre  devait  être  traité  comme  un  hérétique 
notoire,  défendait  de  le  favoriser,  de  le  recevoir  et  de  le 
défendre;  chacun  devait,  au  contraire,  tâcher  de  s'emparer  de 
sa  personne  et  le  livrer  à  l'empereur,  parce  qu'il  avait  encouru 
le  ban  de  l'empire  ;  ses  complices  et  fauteurs  étaient  frappés  de 
la  même  peine.  Il  ordonnait  de  détruire  ses  livres  et  de  punir 
ceux  qui  les  vendraient.  Le  tribunal  impérial  de  Nurenberg 
était  chargé  de  veiller  à  l'exécution  du  décret.  Cet  édit  sévère 
valut  à  l'empereur  les  remerciements  de  plusieurs  princes, 
entre  autres  de  Joachim  1"  de  Brandebourg,  dont  le  zèle  reli- 
gieux avait  été  loué  par  le  pape  Léon  X. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE    N°  25. 

De  Wette,  U,  p.  3,  7,  89  ;  Pallav.,  I,  xxviii,  1-4  ;  Riffel,  I,  p.  213  et 
suiv.  (2«  éd.,  p.  290  et  suiv.).  —  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  5-8  ;  Le  Plat,  H, 
p.  116-127.  — Léon  X  à  Joachim  1°''  de  Brandebourg  et  à  George  de 
Saxe,  16  mars  1521  ;  Lœmmer,  M.  V.,  n.  4,  5,  p.  5  et  suiv. 

Révolte  des  luthériens  contre  l'édit  de  Worms. 

26.  Charles-Quint,  dont  la  conduite  fut  hautement  approuvée 
du  Saint-Siège,  se  rendit,  après  la  clôture  de  la  diète,  dans  les 
Pays-Bas  et  de  là  en  Espagne.  Les  troubles  de  la  Péninsule, 
une  longue  guerre  avec  la  France  l'absorbèrent  tellement,  que 
l'Allemagne  parut  abandonnée  à  elle-même.  L'empire,  divisé, 
sans  argent  et  sans  pouvoir  exécutif,  avait  à  sa  tête  le  frère  de 
Charles-Quint,  Ferdinand,  âgé  de  dix-huit  ans,  qui  avait  été  élevé 
en  Espagne  et  avait  reçu  l'Autriche  en  partage  ;  puis  les  princes 
électeurs  de  Saxe  et  du  Palatinat,  enclins  au  luthéranisme. 
Peu  de  temps  après  le  départ  de  Charles,  les  luthériens  com- 
mencèrent à  se  déchaîner  avec  fureur  contre  l'édit  qu'ils 
détestaient,  essayèrent  d'intimider  plusieurs  princes  et  do 
fanatiser  la  multitude  en  lui  faisant  croire  que  Luther,  ce 
véritable  Allemand,  ce  grand  prédicateur,  cet  ami  du  peuple, 
avait  été  condamné  illégalement  et  sans  être  entendu. 

A.lphonse  Valdezj  ce  pénétrant  Espagnol,  ne  s'était  pas  trompé 


I 


LE  PROTESTANTISME.  233 

lorsqu'il  avait  dit  que  c'était  là  le  commencement  et  non  la  fin 
d'une  grande  tragédie.  L'édit  de  Worms  ne  fut  exécuté  que 
dans  les  États  de  l'empereur,  de  son  frère  Ferdinand,  du  prince 
électeur  de  Brandebourg,  du  duc  George  de  Saxe,  du  duc  de 
Bavière  et  de  quelques  princes  ecclésiastiques.  Plusieurs  sei- 
gneurs se  méfiaient  de  leurs  propres  sujets;  d'autres  étaient 
insouciants;  d'autres  enfin  réclamaient  contre  l'édit,  sous  pré- 
texte de  préserver  l'Allemagne  de  la  tyrannie  de  Rome  ;  déjà 
même  quelques-uns  s'élevaient  contre  l'empereur.  Le  cardinal 
de  Medicis  essaya,  par  l'entremise  du  légat  A.léandre,  d'avertir 
l'empereur  de  la  violation  de  son  édit  et  des  conséquences 
qu'entraînerait  l'impunité  de  l'injure  infligée  aux  deux  pre- 
mières puissances. 

Léon  X  mourut  peu  de  temps  après  (1"  décembre  1524), 
hautement  célébré  comme  l'ami  et  le  protecteur  des  arts  et  des 
sciences,  souvent  blâmé  à  outrance  par  ceux  qui  méconnais- 
saient les  difficultés  de  sa  position  comme  pape.  11  ne  fut  jamais 
infidèle  aux  devoirs  de  sa  charge  suprême,  et,  en  punissant  des 
vassaux  parjures,  il  ramena  sous  la  domination  immédiate  du 
Saint-Siège  Fermo,  Pérouse  et  antres  territoires. 

Léon  X  eut  pour  successeur  Adrien  VI,  ancien  précepteur  de 
Charles- Quint  et  archevêque  de  Torlose,  renommé  pour  son 
érudition  et  la  pureté  de  ses  mœurs.  Hollandais  de  naissance, 
il  appartenait  à  la  nation  allemande.  Il  s'appUqua  avec  zèle  à  la 
réforme  de  la  cour  romaine;  mais  il  n'était  pas  donné  au  pape, 
quels  que  fussent  son  dévouement  et  sa  sainteté,  de  conjurer 
l'orage  une  fois  soulevé  par  Luther,  dont  la  doctrine  était 
partout  répandue. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES  SUR   LE  N'   26. 

Pallav.,  II,  I,  1  et  seq.  Lettre  de  Léon  X  à  l'empereur,  à  son 
confesseur,  etc.  :  Laemmer,  Mon.  Vatic,  p.  7  et  suiv.,  n.  6  et  seq.  — 
Alphons.  Valdez,  ep.  ad  Petr.  Mart.  le  card.  de  Medicis  à  Aléandre  :  Pal- 
lav., 11,  I,  6.  Sur  Léon  X,  VI,  §  173  ;  Ranke,  Rœm.  Paepste,  I,  p.  89  et 
suiv.;  111,  p.  263.  Le  pape  Adrien  :  Hœfler,  Wahl  und  Thronbes- 
teigung des  letzten  deutschen  Papstes  Adr.  VI,  Vienne,  1872.  Hadria- 
nus  Florentins,  né  à  Utrecht,  1439,  professeur  à  Louvain  et  auteur 
théologique  (Comment,  in  libros  Sent.,  etc.  Cf.  Syntagma  theol. 
Adriani  VI,  éd.  Reussens,  Lovan.,  1862.  Cf.  Anecd.  de  vita  et  script. 
Hadr.  VI,  ib.),  mais  élevé  dans  les  doctrines  des  humanistes  (Licet 


234  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

scbolasticis  disciplinis  faveret,  satis  tarnen  aequus  in  bonas  litteras. 
Erasm.,  ap.  Burmann,  Analecla  hist.  de  Hadr.  VI,  Traj.,  1727,  in-4o. 
Voy.  la  correspondance  d'Adrien  avec  Érasme,  trad.  du  latin  en  allem., 
Francf.,  1840).  Il  avait  soutenu,  comme  docteur  privé,  que  «  plusieurs 
papes  avaient  été  hérétiques  »;  mais  il  n'a  jamais,  comme  pape,  rien 
affirmé  de  pareil.  Ses  livres  ne  furent  pas  revisés  pour  une  nouvelle 
impression  :  Gotti,  Vera  Eccl.,  t.  I,  c.  ii,  §  1,  n.  6.  Sur  ses  réformes, 
Rayn.,  an.  1523,  n.  117;  Pallav.,  1.  II,  c.  ii-iv.  Cf.  Launoji  0pp.,  V,  i, 
1.  IV,  ep.  L,  II,  p.  562;  Moroni,  Diz.  t.  I,  p.  104-107;  Ranke,  R.  P.,  I, 
p.  90-92  ;  III,  p.  238,  241  ;  Gachard,  Correspondance  de  Charles-Quint 
et  d'Adr.  VI,  Bruxell.,  1859  (Lettres  de  1516-1523). 

Partisans  de  Luther. 

27.  Les  progrès  de  la  nouvelle  doctrine  ne  furent  arrêtés  ni 
par  les  sentences  des  universités  de  Paris  (15  avril  1521)  et 
d'Oxford,  ni  par  les  réfutations  de  quelques  personnages  mar- 
quants, ni  par  la  retraite  dans  laquelle  le  novateur  se  déroba 
assez  longtemps  aux  regards  de  la  foule.  L'évangile  de  Luther 
offrait  à  la  portion  ignorante  et  immorale  des  moines  et  des 
clercs  un  excellent  prétexte  pour  échapper  à  leurs  vœux  et  à 
la  loi  du  célibat;  aux  seigneurs,  dont  la  plupart  étaient  criblés 
de  dettes,  il  montrait  dans  la  confiscation  des  biens  d'Église  un 
excellent  moyen  de  sortir  d'embarras,  et  dans  la  spoliation  des 
principautés  episcopales  une  ressource  pour  étendre  et  arrondir 
leurs  domaines;  les  villes  impériales  ne  visaient  qu'à  s'affran- 
chir entièrement  de  la  juridiction  épiscopale  et  monacale  ;  la 
chevalerie  appauvrie  jetait  un  regard  avide  sur  les  petites  fon- 
dations religieuses  et  sur  les  couvents.  Enfin,  la  tempête  qui 
venait  d'être  soulevée  promettait  des  avantages  aux  philolo- 
gues de  l'école  d'Érasme  et  de  Mélanchthon,  d'ailleurs  hostiles 
aux  évêques  et  au  clergé;  leur  influence  augmenterait  aussi,  si 
on  élevait  sur  le  fondement  de  l'étude  de  la  parole  biblique  une 
ÉgUse  qu'ils  auraient  concouru  à  fonder,  si  leur  prédicateur 
favori  rompait  avec  toutes  les  anciennes  traditions,  et  si  la 
libellé  de  la  science  prévalait  sur  toute  autorité  extérieure. 

Le  «  réformateur  »  était  de  plus  encensé  par  la  génération 
grandissante,  par  la  jeunesse  qui  venait  d'entrer  dans  la  vie 
publique,  et  qui  voyait  en  lui  le  représentant  de  la  civili- 
sation et  du  progrès,  le  précurseur  d'une  ère  nouvelle  pleine 


LE   PROTESTANTISME.  235 

de  vigueur  et  do  vie,  d'où  toutes  les  vieilleries  surannées  dispa- 
raîtraient sans  retour.  Le  peuple  voyait  dans  ce  moine  simple 
et  pauvre,  mais  éloquent  et  actif,  qui  se  dressait  en  face  des  pré- 
lats opulents  et  fastueux,  la  plupart  très  désœuvrés,  un  pro- 
phète envoyé  de  Dieu,  un  troisième  Élie.  Peu  familier  encore 
avec  les  hyperboles  et  les  pompeuses  déclamations  des  rhéteurs, 
le  peuple  prenait  toutes  ses  paroles  au  pied  de  la  lettre,  d'autant 
plus  que  Luther  semblait  tout  emprunter  à  la  Bible,  qu'il  en 
appelait  sans  cesse  à  Jésus-Christ  et  à  l'Évangile,  et  sacrifiait 
sa  personne  tout  entière  à  sa  doctrine.  Le  vulgaire  se  familia- 
risait avec  les  idées  consolantes  qu'on  lui  avait  malicieusement 
cachées  jusque-là  et  qu'on  lui  prêchait  aujourd'hui  avec  tant 
de  force;  il  s'accoutumait  aux  calomnies  effroyables  lancées 
contre  l'Église  dominante  et  surtout  contre  la  papauté,  qu'on 
accusait,  depuis  le  concile  de  Bâle,  de  repousser  toutes  les 
réformes,  d'être  l'auteur  de  tous  les  maux  dont  on  souffrait. 

Le  spirituel  et  le  temporel  flottaient  pêle-mêle  dans  l'imagi- 
nation de  la  foule;  la  nouvelle  liberté  chrétienne  promettait 
l'abolition  de  toutes  les  charges,  corvées,  cens,  dîmes,  taxes, 
contributions,  et  finalement  la  suppression  de  toute  autorité. 
Les  écrits  de  Luther  caressaient  toutes  les  faiblesses  du  carac- 
tère national  des  Allemands  :  farcis  de  sentences  et  d'images 
bibliques,  remplis  de  bons  mots  et  de  remarques  populaires, 
tour  à  tour  graves  et  frivoles,  ils  pouvaient  se  lire  dans  les 
cabarets  aussi  bien  que  dans  la  chaire.  Ils  flattaient  la  multi- 
tude. 

La  justification  obtenue  sans  préparation  aucune,  par  la 
simple  imputation  des  mérites  de  Jésus-Christ;  la  certitude  de 
l'état  de  grâce  et  de  salut  acquise  par  un  simple  acte  de  foi, 
les  bonnes  œuvres  inutiles  au  salut  et  sans  influence  sur  la 
justice,  l'Écriture  sainte  devenue  intelligible  à  tous  et  présentée 
comme  l'unique  règle  de  la  croyance,  les  droits  des  chrétiens 
inaliénables,  ces  idées  trouvaient  partout  de  l'écho.  Les  anciens 
disciples  du  «  réformateur  » ,  des  maîtres  d'école,  des  manœuvres, 
des  paysans,  se  flattaient  de  comprendre  la  Bible  et  d'être  en 
pleine  possession  de  la  vérité,  tandis  qu'ils  la  refusaient  à 
toutes  les  autorités  de  l'ancienne  Éghse.  Au  lieu  de  s'affaiblir, 
le  nombre  dos  partisans  du  «  réformateur  »  croissait  de  jour  en 
jour. 


236  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"   27. 

La  faculté  de  théologie  de  Paris,  à  laquelle  le  syndic  Noël  Beda 
avait  présenté,  le  2  mai  i520,  la  lettre  de  l'électeur  de  Saxe  sur  l'af- 
faire de  Luther,  donna  contre  elle  une  détermination,  le  i5  avril  1521  : 
Bzov.,  an.  1522,  n.  21;  du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  365-374;  II,  i,  p. 
i-iv;  Le  Plat,  II,  p.  98  et  suiv.  Elle  rappelle  au  début  que  Luther 
renouvelle  les  anciennes  hérésies;  qu'il  reproduit  la  doctrine  de 
Montanus  et  de  Manès,  celle  des  manichéens  sur  le  libre  arbitre,  celle 
des  hussites  concernant  la  contrition  et  ses  effets,  celle  des  wicléfites 
sur  la  confession,  celle  des  béghards  sur  les  commandements,  celle 
des  cathares  sur  la  punition  des  hérétiques,  celle  des  vaudois  et  des 
bohémiens  sur  l'immunité  ecclésiastique  et  les  conseils  évangéliques, 
celle  des  ébionites  sur  l'observation  des  prescriptions  légales.  Elle 
prouve  que  Luther  enseigne  des  erreurs  intolérables  sur  les  sacre- 
ments, les  péchés,  les  peines  du  purgatoire,  les  conciles  généraux; 
qu'il  blasphème  la  philosophie,  le  pouvoir  ecclésiastique  et  les  indul- 
gences ;  que  le  livre  de  la  Captivité  de  Babylone  est  comparable  au 
Coran.  De  ce  dernier  écrit,  elle  produisit,  sous  neuf  titres,  24  proposi- 
tions (de  sacramentis  19,  de  constitutionibus  Ecclesiae  l,de  operum 
œqualitate  1,  de  votis  2,  de  divina  essentia  et  corporis  forma  hu- 
mani  1),  qu'elle  qualifia,  puis  d'autres  propositions  tirées  d'autres 
livres,  sous  19  titres  (de  conceptione  B.  V.  M.  1,  de  contritione  et  iis 
quae  eam  prœcedunt  10,  de  confessione  7,  de  absolutione  4,  de  satis- 
factione  7,  de  accedentibus  ad  Eucharistiam  2,  de  certitudine  charita- 
tis  habitœ  2,  de  peccatis  7,  de  praeceptis  6.  de  consiliis  evangelicis  4, 
de  Purgatorio  9,  de  conciliis  generalibus  4,  de  spe  1,  de  pœna  hsere- 
ticorum  1,  de  observatione  et  cessatione  legalium  1,  de  hello  contra 
Turcas  1 ,  de  immunitatibus  1 ,  de  libero  arbitrio  5,  de  philosophia  et 
theologia  scholastica  7),  puis  une  foule  d'autres.  Joignez-y,  d'après 
une  proposition  contre  Denys,  de  Cœl.  hierarch.,  81  propositions. 
La  thèse  m,  in  tit.  XIX  :  «  Theologia  scholastica  est  falsa  Scrip- 
turaî  et  sacramentoruni  intelligentia  et  exulem  nobis  facit  veram  et 
sinceram  theologiam  »,  est  qualifiée  :  «  prop.  falsa,  temeraria  et  su- 
perbe asserta,  ac  sacrœ  doctrinœ  inimica.  »  —  Judicium  academiœ 
Oxon.  adv.  Luther.,  1521,  ib.,  I,  ni,  p.  380,  381.  —  Henri  VIII  d'An- 
gleterre (ci-dessous,  §  34)  ;  Jean  Fisher,  évèque  de  Rochester,  Asser- 
tionis  Lutheranœ  confutatio,  1523.  Cf.  Laemmer,  Vorlrid.  kath.  Theol., 
p.  14  et  suiv.  La  Responsio  Rossei  ad  convicia  M.  Lutheri  congesta  in 
Henric.  Reg.  Angl.  est  attribuée  par  quelques-uns  à  Thomas  Morus. 
Jacques  Hogslraten,  Colloquiorum  libri  VI,  Colon.,  1522;  Epitome  de 
fide  et  oper..  Col.,  1524.  Cochlée,  Consideratio  super  articulis  Lu- 
theri, Ingolst.,  1546,  etc.  Jérôme  Emser,  Missee    christianorum  con- 


LE  PROTESTANtISMË.  23t 

Ira  Luth,  missandi  formulam,  ap.  Dresd.,  i524.  Réponse  (1525)  au 
sujet  do  l'horreur  que  Luther  éprouvait  pour  la  messe  basse.  — 
Erasm.  Epist.,  1.  XVin,  p.  593;  L  XIX,  p.  602,  604,  683,  596;  1,  XXI, 
p.  771  ;  0pp.  IIL  1,  éd.  Lugd.,  p. -766,  818  et  seq.,  824,  846;  Crotus 
Hubeanus,  Apologia  privatim  ad  quemdam  amicum  conscripta,  Lips., 
1531  ;  Ulmann,  Franz  v.  Sickingen,  Leipzig,  1872. 

Dispositions  intérieures  de  Luther.  —  Ses  travaux  à  la 
Wartbourg. 

28.  Luther,  quoique  tourmenté  de  souffrances  physiques, 
bourrelé  de  remords  et  agité  de  tentations  diverses,  ne  changea 
pas  de  dispositions  pendant  son  séjour  à  la  Wartbourg,  son 
«  Palmos  »,  comme  il  l'appelait.  Ces  questions  inquiètes  qu'il  se 
posait  à  lui-même  :  suis-je  seul  sage  ou  ne  suis-je  pas  plutôt 
dans  l'erreur?  suis-je  appelé  et  autorisé  à  renverser  l'ancienne 
doctrine  de  l'Église?  il  les  envisageait  comme  des  tentations  du 
diable,  et  les  bannissait  de  son  esprit  par  la  variété  des  distrac- 
tions. 11  s'affermissait  de  plus  en  plus  dans  sa  théorie,  dans  sa 
haine  contre  l'ancienne  Église,  qu'il  lui  semblait  plus  utile, 
plus  nécessaire  de  combattre  que  les  vices  les  plus  grossiers. 
Il  commença  sa  traduction  allemande  de  la  Bible,  qu'il  accom- 
moda de  tout  point  à  son  système,  composa  divers  écrits  contre 
le  théorogien  catholique  Latome  et  l'université  de  Louvain; 
contre  Albert,  archevêque  de  Mayence;  contre  les  vœux  monas- 
tiques et  les  messes  privées.  Dans  ce  dernier  écrit,  il  assurait 
n'être  arrivé  qu'après  de  longs  combats  avec  sa  conscience  à 
considérer  le  pape  comme  l'Antéchrist,  les  évêques  comme  ses 
apôtres,  les  universités  comme  ses  maisons  de  débauche.  Après 
avoir  écarté  tous  les  doutes  que  lui  suggérait  «  son  cœur 
souvent  agité  »,  il  se  prononça  nettement  pour  l'abolition  du 
célibat  et  des  vœux  monastiques,  tant  pour  lui-même  que  pour 
les  autres,  car  ils  lui  étaient  depuis  longtemps  à  charge. 

OUVRAGES   A   CONSULTE«   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE   N°   28. 

Dœllinger,  Réforme,  III,  p.  252  et  suiv.;  Luther,  Eine  Skisse  (Freib, 
K.-Lex.,  VI,  p,  659  et  suiv.);  U.  Wilzschell,  Luthers  Aufenthalt  auf 
der  Wartburg,  Vienne,  1875.  En  1522,  Luther  écrivait  à  Harmuth  de 
Kromenberg  (Aurifaber,  epist.  ii,  p.  106)  que  Dieu  devrait  plutôt 
laisser  croupir  tous  les  gens  dans  la  boue  et  l'ordure  du  péché  que  de 
les  laisser  vivre  dans  le  papisme  et  aveuglés  sur  la  vraie  doctrine. 
Dans  son  «  Apologie  et  Réponse  au  cri  de  mort  des  papistes  »  (1523), 


238  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE 

on  lit  :  «Oh!  il  est  beaucoup  plus  nécessaire  maintenant  de  prêcher 
contre  la  subtile,  sainte  et  habile  séduction  du  monde  par  le  peuple 
tonsuré,  que  de  prêcher  contre  les  pécheurs  publics,  les  païens  et  les 
Turcs,  les  brigands  et  les  assassins,  les  voleurs  et  les  adultères.  »  Voy. 
Dœllinger,  I,  p.  281.  Sur  les  écrits  :  Contre  l'idole  de  Halle  (l'archev. 
Albert),  des  Vœux  monastiques  (dédié  à  son  père),  de  l'Abus  des 
messes  (dédié  aux  augusUus  de  Wittenberg),  voy.  Walch,  th.  xix, 
p.  1304  et  suiv.,  1800  et  suiv.;  th.  xvm,  p.  1204  et  suiv.;  Riflfel,  I, 
p.  329  et  suiv.,  2«  éd. 

Troubles  à  Wittenberg. 

29.  Ces  enseignements  allaient  bientôt  porter  lenrs  fruits. 
Vers  la  fin  de  1521,  les  augustins  de  Wittenberg  et  d'Erfurt 
rompirent  tous  leurs  liens  monastiques,  déclarèrent  que  leurs 
vœux  étaient  invalides,  abolirent  la  messe,  et  donnèrent  la 
communion  sous  les  deux  espèces.  Le  prince  électeur  Frédéric 
en  fut  d'abord  mécontent;  il  questionna  cinq  de  ses  docteurs,  et 
se  déclara  satisfait  après  que  Carlostadt,  Mélanchthon  et  Jonas 
eurent  approuvé  la  résolution  des  augustins;  il  demanda  seule- 
ment que  la  liturgie  fût  célébrée  selon  l'ancien  rite  dans  la 
principale  église;  il  en  fut  ainsi  pendant  deux  ans — jusqu'à  ce 
que  Wittenberg  fût  complètement  «  luthéranisé  ».  —  Carlostadt 
alla  bientôt  plus  loin  encore  :  à  Noël,  en  1521,  il  célébra  la 
messe  en  langue  allemande,  omit  plusieurs  cérémonies,  et  donna 
la  communion  à  qui  la  voulut,  même  sans  confession  préalable. 

Barthélémy  Bernhardi,  de  Feldkirch,  dans  le  Vorarlberg,  curé 
de  Kemberg,  se  maria  en  1521  ;  soumis  à  un  interrogatoire,  il 
se  justifia  par  les  arguments  ordinaires  des  ennemis  du  célibat. 
Carlostadt,  ayant  pris  femme  aussi,  essaya  de  prouver  par  l'Écri- 
ture la  nécessité  de  la  clérogamie.  H  disait  aussi  que  la  volonté 
de  Dieu,  déclarée  par  saint  Paul,  était  que  personne  ne  devait 
faire  vœu  de  chasteté  avant  soixante  ans.  On  vit  reparaître  les 
briseurs  d'images.  Il  y  avait  encore  à  Wittenberg  quantité 
d'ecclésiastiques  ennemis  des  nouveautés,  qui  célébraient  le 
culte  divin  selon  l'ancien  rite.  Carlostadt  et  le  moine  Gabriel 
Didyme  (Jumeau),  à  la  tète  d'une  bande  d'écoliers  et  de  paysans, 
pénétrèrent  dans  les  églises  et  dans  les  couvents,  arrachèrent  les 
tableaux  des  saints,  renversèrent  les  autels,  brisèrent  les  con- 
fessionnaux et  commirent  d'affreux  désordres, 


LE   PROTESTANTISME.  239 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SDR   LE   N"   29. 

Pallavic,  II,  vin,  18;  Luthers  W.,  th.  xv,  p.  2332  et  suiv.;  Bern- 
hardi,  Apologia  pro  uxore  ducta,  th.  xviii,  p.  2334  et  suiv.;  Cailosladt, 
Axiomata.  —  Klingenbeil,  sur  le  mariage  des  prêtres,  1528,  avec  pré- 
face de  Luther  :  Walch,  part.  XIV,  p.  253.  J.-G.  Wolter,  Prima  Gloria 
clerogamicB  restitutœ  Luthero  vindicata,  Neost.,  ad  0.,  1767,  in-i». 
(George,  duc  de  Saxe,  fit  jeter  en  prison  le  curé  Jacques  Seidler,  qui 
s'était  marié.  11  y  mourut.) 

Les  anabaptistes. 

30.  Les  fruits  de  la  nouvelle  doctrine  furent  encore  plus 
visibles  parmi  les  anabaptistes.  Usant  des  mêmes  droits  que 
Luther  avait  fait  valoir  jusque-là  pour  renverser  les  institu- 
tions de  l'Église,  les  anabaptistes  attaquèrent  dans  le  voisinage 
de  Wittenberg  le  baptême  des  enfants,  et  jetèrent  Mélanchthon, 
qui  ne  s'y  attendait  pas,  dans  un  étrange  embarras.  Le  princi- 
pal centre  des  anabaptistes  était  Zwickau,  où  uu  fabricant  de 
drap,  Nicolas  Storck,  avait  réuni  autour  de  lui  douze  apôtres 
et  soixante- dix  disciples,  et  se  donnait  pour  prophète.  Marc 
Thomas,  Marc  Stubner,  Martin  Cellarius  et  Thomas  Münzer, 
prédicateur  à  l'église  de  Sainte- Catherine,  entrèrent  dans  son 
parti.  Les  anabaptistes  rejetaient  le  baptême  des  enfants,  parce 
que  la  foi  était  nécessaire  pour  recevoir  le  baptême  {Marc,  xvi, 
16)  ;  ils  se  disaient  en  commerce  intime  avec  le  Ciel,  et  se  propo- 
saient de  fonder  «  un  hbre  royaume  de  Dieu  »,  fallùt-il  recourir 
à  la  révolte  et  à  l'extirpation  du  clergé.  Ils  rejetaient  la  doc- 
trine de  Luther  sur  la  justification  par  la  foi. 

Chassés  de  Zwickau  vers  la  fin  de  l'année  lo21,  ils  se  reti- 
rèrent à  Wittenberg,  où  ils  accrurent  encore  la  confusion.  Ils 
trouvèrent  de  la  vogue.  Dédaigneux  de  la  science,  ils  se  glori- 
fiaient de  posséder  le  Saint-Esprit,  qui  révèle  aux  petits  ce 
qu'il  cache  aux  grands  de  la  terre.  Ils  avaient  des  extases,  des 
visions,  des  rêves  prophétiques;  ils  prêchaient  la  libre  répu- 
blique du  Christ,  où  il  n'y  aurait  aucune  autorité  spirituelle  ni 
temporelle;  chacun  y  vivrait  selon  la  loi  qui  habite  en  lui,  dans 
une  parfaite  communauté  de  biens.  Plusieurs  de  ces  égarés  se 
hv raient  à  d'infâmes  débordements.  Carlostadt  se  laissa  entiè- 
rement gagner  par  eux,  de  même  que  le  moine  Didyme, 
qui  conseillait  aux  parents  de  détourner  leurs  enfants  de  l'étude. 


240  mstoiRE  DE  l'église. 

Carlostadt,  comme  l'avait  déjà  fait  Luther  à  plusieurs  reprises, 
déclarait  la  guerre  à  toutes  les  sciences,  et  courait  lui-même 
dans  les  échoppes  des  artisans  pour  apprendre  d'eux  l'interpré- 
tation de  l'Ecriture,  parce  que  l'étude  ne  les  avait  pas  rendus, 
comme  les  savants,  incapables  de  la  comprendre. 

Les  étudiants  prenaient  la  fuite  ou  étaient  rappelés  par  leurs 
souverains;  l'université  semblait  à  la  veille  d'une  dissolution. 
Mélanchthon,  incapable  de  réfuter  les  objections  des  anabap- 
tistes, se  demandait  avec  inquiétude  si  leur  doctrine  ne  serait 
pas  fondée  sur  la  Bible,  et  si  par  conséquent  on  n'était  pas 
obUgé  de  l'admettre.  Luther,  à  qui,  dans  son  embarras,  il 
demanda  conseil,  écrivit  une  instruction  (janvier  1522)  sur  la 
manière  d'éprouver  les  esprits  ;  mais  cela  ne  servit  de  rien,  et 
déjà  il  était  à  craindre  que  l'autorité  civile,  ainsi  que  le  propo- 
sait George,  duc  de  Saxe,  ne  fît  exécuter  les  décrets  impériaux 
contre  les  novateurs. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES  CRITIQUES  SUR  LE  N«  30. 

Walch,  L.  W.,  th.  xvi,  p.  199  et  suiv.;  Riffel,  I,  p.  479  et  suiv. 
(2«  éd.,  p.  581-632);  G.  Th.  Strobel,  Leben,  Schriften  und  Lehren  Th. 
Münzers,  Nürnb.,  et  Altdorf,  1795,  et  Beitr.  zur  Lit.  d.  16  Jahrh., 
t.  II,  st.  i;  L.  V.  Baczko,  Thomas  Münzer,  dessen  Charakter  und 
Schiksale,  Halle  et  Leipzig,  1872;  Hast,  Gesch.  der  Wiedertœufer., 
Münster,  1835;  Seidemann,  Thom.  Münzer,  Dresde,  1842  ;  L.  Kœhler, 
Thom.  Münzer  und  seine  Genossen,  Leipzig,  1846;  Hist.-pol.  Bl., 
1841,  t.  VII,  p.  236-256,  310-320.  A  Zwickau,  Nicolas  Storck  et  ses 
compagnons  furent  surtout  combattus  par  Nie.  Hausmann,  né  à 
Fribourg  en  1479,  curé  à  Schneeberg  en  1519,  à  Zwickau  depuis  le 
mois  de  mai  1521,  à  Anhalt  en  1532,  mort  en  1538  à  Fribourg,  pro- 
fondément regretté  de  Luther  («  quod  nos  docemus,  vivit  ille.  »)  Sur 
les  anabaptistes,  Mélanchthon  écrivait  au  prince  électeur  :  «  Quibus 
ego  quomodo  commovear  non  facile  dixerim...  De  quibus  judicare 
praeter  Martinum  nemo  facile  posset.  »  Luther  sur  la  science  :  Walch, 
th.  XI,  p.  459,  2308  ;  th.  viii,  p.  2044;  th.  ix,  p.  599  ;  th.  vu,  p.  2160. 
Voy.  Germania,  22  juillet  1873.  Sur  l'épreuve  des  esprits,  ibid.,  th.  xv, 
Anh.,  p.  221. 

Retour  de  Luther  à  Wittenberg. 

31.  Luther  quitta  la  Wartbourg  secrètement  et  contre  le 
gré  de  son  souverain  (3  mars  1522),  et  se  rendit  à  Wittenberg. 
Il  s'excusa  auprès  de  Frédéric,  qui  ne  laissait  pas  de  lui  être 


LE  PROTESTANTISME.  24.1 

favorable,  en  disant  qu'il  ne  fallait  pas  mesurer  les  œuvres  de 
Dieu  d'après  les  idées  des  hommes  ;  qu'étant  poussé  par  l'esprit 
de  Dieu,  il  était  sous  une  protection  plus  haute  que  celle  du 
prince;  qu'il  était  obligé  de  combattre  la  mauvaise  semence 
répandue  par  le  diable  à  Wittenberg.  Il  essaya  en  outre  de 
calmer  ce  prince  par  de  plus  douces  paroles.  Depuis  le  9  mars, 
il  prêcha  à  Wittenberg  pendant  une  semaine  entière,  «  en 
donnant  sur  le  nez  aux  esprits  exaltés  »  ;  il  rétablit  en  paroles 
la  confession,  l'élévation  de  l'hostie  et  la  communion,  toléra 
d'autres  pratiques  et  essaya  de  renouveler  la  Uturgie.  Son 
dessein,  en  s'élevant  contre  les  désordres,  était  d'empêcher  le 
discrédit  de  sa  doctrine,  de  relever  son  autorité  dogmatique  et 
de  lui  préparer  de  nouveaux  triomphes  par  ses  talents  d'ora- 
teur. 

Son  œuvre  avait  pris  d'abord  un  mouvement  rapide;  il 
voulait  maintenant  ralentir  sa  marche  et  ménager  davantage 
les  choses  extérieures.  11  n'ignorait  point  qu'il  lui  suffisait  de 
sauver  sa  théorie  de  la  justification,  pour  que  tout  ce  qui  ne 
cadrait  pas  avec  elle  tombât  bientôt  de  soi-même.  Il  allait 
jusqu'à  menacer,  si  l'on  continuait  d'agir  aussi  violemment 
qu'on  avait  fait  jusque-là,  de  rétracter  tout  ce  qu'il  avait  dit  et 
enseigné  jusque-là,  et  d'abandonner  les  rebelles  à  leur  destinée. 
Il  attribuait  toutes  les  menées  des  co-réformateurs  qui  lui  résis- 
taient à  la  jalousie  du  diable,  qui  travaillait  à  déshonorer  le 
nouvel  Évangile.  L'autorité  qu'il  s'attribuait  à  lui-même,  il  ne 
voulait  l'accorder  à  personne.  Aussi  Carlostadt,  qui  avait  été 
jusqu'alors  son  meilleur  auxiliaire  en  conseils  et  en  actes, 
que  lui-même  avait  vanté  comme  un  théologien  d'un  incom- 
parable jugement,  dut  céder  à  sa  colère  :  on  lui  défendit  de 
prêcher,  on  le  chassa  de  Wittenberg  (1522),  et  l'on  interdit 
l'impression  de  ses  ouvrages.  Luther  le  traitait  d'homme 
infâme,  incrédule  et  souillé  de  tous  les  vices,  et  le  persécuta 
partout. 

Lorsque  Carlostadt  se  fut  chargé  de  la  paroisse  d'Urlamunde, 
le  réformateur  s'y  rendit  au  nom  du  prince  électeur  pour  com- 
battre «  sa  mauvaise  administration  »,  et  parvint  à  le  faire 
chasser  des  terres  du  prince  électeur  ;  il  continua  de  poursuivre 
de  sa  haine  son  ancien  ami  absent,  par  cette  raison  surtout 
que  Carlostadt  contestait  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans 
V.  —  msT.  DE  l'église.  16 


24^  HISTOIRE  DE  l'ÉGUSE. 

l'Eucharistie,  et  prétendait  qu'en  prononçant  ces  paroles  : 
«  Ceci  est  mon  corps  »,  Jésus-Christ  n'avait  pas  désigné  le 
pain,  mais  son  propre  corps. 

Munzel,  qui  abusait  de  sa  chaire  d'Alstadt  pour  débiter  des 
sermons  insurrectionnels,  fut  également  expulsé.  Déjà  l'auda- 
cieux réformateur  disposait  de  la  puissance  de  son  souverain, 
et  ce  fut  grâce  à  elle  qu'il  vainquit  les  autres  réformateurs. 
Lorsque  l'ancien  protecteur  de  Luther,  Staupitz,  se  détacha 
de  lui  et  entra  chez  les  bénédictins  de  Salzbourg,  Luther  le 
traita  d'aliéné,  et  vit  dans  sa  mort  prématurée  (1524)  une  puni- 
tion de  Dieu. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    31. 

De  Wette,  L.  W.,  II,  p.  137  et  suiv.;  Walch,  th.  xv,  p.  2378  ;  Pallav., 
II,  viii,  17;  Dœliiuger,  Luther  (Freib.  K.-Lex.,  VI,  p.  661).  Doctrines 
de  Carlostadt  :  Walch,  part.  XX,  p.  138;  Pallavic,  II,  xii,  1.  Dans  léna, 
à  l'Ours  noir,  Luther  et  Carlostadt  discutèrent  de  la  façon  la  plus  bru- 
tale sur  l'Eucharistie.  Luther  dit  à  Carlostadt  en  pailant  :  «  Puissé-je  te 
voir  sur  la  roue  !  »  A  quoi  Carlostadt  répondit  :  «  Puisses-tu  te  rompre 
le  cou  avant  d'arriver  chez  toi  !  »  (OKuvr.  de  Luth.,    éd.   Yittenb., 
part.  IX,  p.  208  et  suiv.;  Walch,  part.  XV,  p.  2423.  Carlostadt  arriva  à 
Strasbourg  en  1524,  et  provoqua  Bucer  et  Capito  à  une  dispute.  Le 
15  décembre  1524,  Luther  avertit  les  Strasbourgeois  de  se  mettre  en 
garde  contre  lui.  Bucer  et  Capito  essayèrent  d'intervenir.  Carlostadt 
publia  iï  Belle  son  écrit  contre  l'usage  antichrétien  du  pain  et  du  calice 
du  Seigneur  (Walch,  part.  XX,  p.  138)  et  autres  traités  contre  Luther; 
participa  à  la  guerre  des  paysans,  s'humilia  en  1525  devant  Luther,  se 
lit  marchand  dans  la  contrée  de  Vittenberg,  fut  de  nouveau  contraint 
en  1528  de  quitter  la  Saxe,  repartit  pour  la  Suisse,  et  mourut  de  la 
peste,  professeur  et  prédicateur  à  Bàle,  1541.  J.-C.  Füszli,  Andreas 
Bodensteins,  sonst  Carlstadts  Lebeusgesch.,  Frankf.  et  Leipzig,  1776j 
Kœhler,  Lebensbeschreibungen   deutscher  Gelehrter  und    Künstler, 
Leipzig,  1792,  1,  p.  1-101  ;  II,  p.  239-268;  Gœbel,  Andr.  Bodensteins 
Abendmahlslehre  (Stud.  u.  Kritiken,  1842,  II);  Jœger,  Andr.  Bodenstein 
V.  Carlstadt,  Stuttg.,  1850.  Depuis  1519,  Jean  de  Stauplitz  s'éloigna  de 
plus  en  plus  de  Luther  ;  il  se  rendit  à  Salzbourg,  sortit,  par  l'entremise 
du  cardinal  archevêque   Matthieu   Lang,    de  l'ordre  des   augustins, 
moyennant  dispense  du  pape,  entra  chez  les  bénédictins,  et  devint 
abbé  de  Saint- Pierre  (1522).  il  écrivait  alors  :  «  La  doctrine  de  Luther 
est  vantée  par  ceux  qui  visitent  assidûment  les  maisons  de  débauche  ; 
ses  nouveaux  écrits  ont  causé  de  graiiçls  spm^JaJljÇf^  »  Lutheri  üpp-,  ed.. 


LE   PROTESTANTISME.  24.3 

Aiirifaber,  II,  f.  76.  II  mourut  le  28  déc.  1524.  Voy.  Grimm,  in  lUgens 
Ztschr.  f.  hist.  theol.,  VII,  74-79  ;  Dœllinger,  Ref.,  I,  p.  153-155. 

Autres  travaux  littéraires  du  réformateur. 

32.  Les  excès  qui  accompagnaient  le  nouvel  Évangile  de 
Luther,  ne  nuisirent  pas  plus  à  la  cause  de  Luther  que  les 
désordres  des  radicaux  extrêmes  ne  nuisent  de  nos  jours  à  la 
cause  des  libéraux  modérés.  L'éloquence  populaire  de  Luther, 
son  autorité,  la  puissance  de  son  souverain,  ses  nouveaux 
travaux  littéraires,  maintinrent  la  cohésion  de  son  parti.  Son 
ami  Mélanchthon  avait  rédigé  pour  les  écoliers  et  les  savants 
des  Lieux  théologiques,  entièrement  conformes  à  son  esprit; 
ils  furent  souvent  réimprimés  dans  la  suite,  et  modifiés  par 
Mélanchthon  lui-même.  Les  pensées  du  réformateur  sur  le  libre 
arbitre,  sur  la  prédestination  absolue,  etc.,  furent  recueillies, 
mais  non  au  complet.  Dépourvues  de  profondeur  et  de  solidité, 
elles  étaient  rédigées  dans  un  beau  langage.  Les  dogmes  de  la 
Trinité  et  de  l'Incarnation  ne  figurèrent  que  dans  les  dernières 
éditions,  d'après  un  extrait  des  six  premiers  conciles.  Luther 
disait  lui-même  que  cet  ouvrage  était  ce  qui  avait  été  de  mieux 
écrit  depuis  le  temps  des  apôtres.  Il  déployait  une  grande 
activité  littéraire  :  tantôt  réservé  et  temporisateur,  tantôt  em- 
porté au  delà  de  toutes  les  bornes,  au  gré  de  son  humeur. 

Luther  injuriait  tous  ses  adversaires  en  théologie.  Faire  vœu 
de  pauvreté  et  de  chasteté  perpétuelle,  disait-il,  c'est  vouloir 
blasphémer  toute  sa  vie;  il  voulait  que  les  vœux  monastiques 
fussent  supprimés  par  l'autorité,  et  les  couvents  détruits.  Il  se 
surpassa  lui-même  par  les  blasphèmes  honteux  qu'il  vomit 
contre  le  vénérable  canon  de  la  messe,  étabU,  quant  à  sa 
substance,  depuis  le  sixième  siècle.  Il  en  publia  une  traduction 
allemande,  accompagnée  de  remarques  satiriques. 

Bientôt  la  pensée  lui  vint  de  faire  supprimer  la  messe;,  après 
avoir  si  vertement  blâmé  Carlostadt  pt>nr  ce  fait.  Aux  cha- 
noines de  Wittenberg  qui  lui  faisaient  opposition  il  disait  : 
Vous  voulez  former  des  «  factions  »  et  des«  sectes  ».  Il  déchaîna" 
ses  partisans  contre  les  «  frocards  diseurs  de  messes  »,  cl  finit 
par  supprimer  formellement  le  canon  de  la  messe,  en  conser- 
vant toutefois  l'élévation  (novembre  1525).  11  rejetait  complè- 
tement l'antiquité  chrétienne,  où  la  théorie  de  la  justification, 


244  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

ainsi  qu'il  l'avouait  lui-même,  était  ignorée,  et  dont  il  ne 
connaissait  que  très  imparfaitement  les  témoignages  et  les 
instructions;  il  sentait  confusément  qu'elle  était  incompatible 
avec  son  système.  Le  Nouveau  Testament  était  son  grand  arse- 
nal, car  il  ne  donne  que  peu  de  renseignemeuts  sur  les  pre- 
mières institutions  de  l'Église,  et  ces  renseignements  vagues, 
Luther  pouvait  aisément  les  tourner  dans  le  sens  de  ses  opi- 
nions. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REiMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N°    32. 

Phil.  Melanchthonis  Hypotyposes  theologicse,  seu  Loci  communes 
rerum  theologicarum,  Vileb.,  d521,  dans  v.  d.  Hardt,  Hist.  lit.  Ref., 
IV,  p.  30-77,  éd.  Augusli,  Lips.,  1841.  A  ce  sujet,  Luther,  de  Servo 
Arbitrio  ;  contre  :  J.  Eck,  Enchii'idion  locorum  communium.  Sur  les 
variations  :  Strobel,  Lit.-Gesch.  von  Phil.  Melanchth.  Loci  theologici, 
Altdoif  et  Nurenb.,  1776.  Cette  proposition,  condamnée  par  le  concile 
de  Trente  (sess.  VI,  de  Justif.,  can.  vi)  :  «  Comme  la  vocation  de  Paul, 
l'adultère  de  David  et  la  trahison  de  Judas  sont  l'œuvre  de  Dieu  »,  Mé- 
lanchthon  l'enseignait  ici  et  dans  son  Commentaire  sur  l'Épitre  aux 
Romains  ;  le  passage  fut  supprimé  dans  les  éditions  ultérieures.  Sur  la 
polémique  subséquente  de  Luther,  voy.  Riffel,  I,  p.  179  et  suiv.,  433  et 
suiv.  Courts  discours  de  clôture  sur  les  vœux  et  la  vie  ecclésiastique 
des  couvents  :  Walch,  part.  XIX,  p.  797. 

Traduction  de  la  Bible  par  Luther. 

33.  Aussi  son  principal  travail  fut  la  traduction  allemande  du 
Nouveau  Testament,  publiée  en  1522,  avec  la  Postille  qui  s'y 
rattache  (1524).  Sa  Bible  était  son  œuvre  favorite.  C'était  lui,  à 
l'entendre,  qui  le  premier  avait  tiré  la  Bible  de  dessous  le 
boisseau,  vanterie  qui  lui  fut  vivement  reprochée  par  Zwingle 
et  par  d'autres  encore.  Il  habitua  le  peuple  à  s'occuper  de 
théologie,  en  enseignant  que  l'Écriture  était  claire,  facile  à 
comprendre  et  suffisante. 

Les  anciennes  traductions  furent  vouées  à  l'oubli ,  parce  qu'il 
fallait,  en  se  les  procurant,  acheter  l'Ancien  Testament  avec  le 
Nouveau,  et  que  la  version  de  Luther  était  plus  claire  et  meil- 
leure sous  le  rapport  de  la  langue,  sinon  sous  le  rapport  exégé- 
tique  et  théologique. 

Cette  traduction,  conçue  tout  entière  selon  le  système  de 
Luther  et  en  vue  de  répandre  sa  théorie  de  la  justification,  était 


1 


LE   PROTESTANTISME.  24o 

souvent  accommodée  à  sa  doctrine  par  des  altérations  et  des 
intercalations  arbitraires.  Ce  qui  ne  pouvait  être  atteint  par 
l'artifice  de  la  traduction,  était  complété  par  des  gloses  margi- 
nales, que  la  plupart  des  lecteurs  confondaient  avec  le  texte, 
puis  par  des  interprétations  destinées  à  mettre  la  Bible  d'accord 
avec  le  système.  Après  le  Nouveau  Testament,  Luther  com- 
mença la  traduction  de  l'Ancien,  qu'il  termina  en  1534.  En  face 
de  la  version  de  Luther,  les  traductions  catholiques  (celles 
d'Emser,  de  J.  Dietenberg,  de  J.  Eck),  ne  purent  se  soute- 
nir. Les  traductions  et  les  commentaires  du  réformateur 
aidèrent  puissamment  à  sa  cause,  en  même  temps  qu'ils 
augmentèrent  son  courage  et  sa  confiance  en  lui-même.  Les 
imperfections,  même  grossières,  de  sa  version,  souvent  relevées 
dans  la  suite,  ne  purent  affaiblir  chez  ses  partisans  l'autorité 
d'une  œuvre  qui  passait  en  quelque  sorte  pour  inspirée. 

OL'VRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N"    33. 

Contre  les  vanteries  de  Luther,  Zwingle  en  appelait  au  témoignage 
de  L.  Valla,  Reuchlin,  Pellican,  Érasme,  etc.  La  traduction  du  Nou- 
veau Testament  (faite  sur  la  seconde  édition  du  texte  grec  d'Érasme) 
révèle  des  intercalations  dans  le  texte,  arbitraires  et  destructives  du  sens, 
comme  l'épithète  «  seule  »  et  l'adverbe  «  uniquement  »,  par  exemple, 
dans  Rom.,  m,  20  :  «  Par  la  loi  on  n'obtient  que  la  connaissance  du 
péché  »;  ibid.,  iv,  15  :  «  La  loi  n'opère  que  la  colère  »  ;  m,  28:  «L'homme 
est  justifié  sans  les  œuvres  de  la  loi,  par  la  foi  «  seule  ».  Ce  dernier 
point,  justement  blâmé  de  toutes  parts,  Luther  le  justifia  dans  une 
lettre  à  Link  (Walch,  part.  XXI,  p.  314  et  suiv.,  éd.  d'Altenb.,  v,  fol. 
269,  6  ;  rapport  et  réponse  à  deux  questions,  par  le  truchement)  :  «  Si 
votre  nouveau  papiste  se  tourmente  inutilement  à  cause  de  ce  mot 
«  sola  »,  dites-lui  simplement  :  Docteur  Martin  Luther  le  veut  ainsi, 
et  il  dit  :  Papiste  et  âne  sont  une  même  chose  Sic  volo,  sic  jubeo;  stat 
pro  ratione  voluntas.  Nous  ne  voulons  être  ni  les  écoliers  ni  les 
disciples  des  papistes,  mais  leurs  maîtres  et  leurs  juges  ;  nous  voulons 
aussi  une  bonne  fois  nous  pavaner  et  nous  gaudir  en  face  de  ces  têtes 
d'ânes,  et  de  même  que  Paul  se  glorifie  en  face  de  ses  saints  insensés,  je 
veux,  moi  aussi,  me  glorifier  vis-à-vis  de  mes  ânes.  »  Et  il  ajoute 
(Walch,  loc.  cit.,  p.  327)  :  «  Je  regrette  de  n'avoir  pas  mis  :  »<  Aucun, 
aucune  »,  —  u  sans  aucune  œuvre  i' aucune  loi  »,  ce  qui  dirait  la  chose 
nettement  et  clairement.  Ainsi,  je  veux  que  cela  reste  dans  mon  Nouveau 
Testament,  et,  dussent  tous  ces  ânes  de  papistes  en  devenir  fous,  ils  ne 
l'en  feront  pas  sortir.  »  Luther  alla  jusqu'à  commettre  des  falsifica- 


246  HISTOIRE  DE  L'ÉGLISE. 

tions  palpables,  Rom.,  m,  25  et  suiv.;  il  supprima  dans  sa  traduction 
allemande  tout  ce  qui  contrariait  sa  doctrine.  Il  dit  :  «  Celui  (le 
Christ)  que  Dieu  a  proposé  comme  siège  de  grâce  (gr.,  iXacTi^piov,  lat., 
propitiationem)  par  la  foi  dans  son  sang,  afin  de  montrer  la  jus- 
tice qui  vient  à  ses  yeux,  eU  evSei^-.v  tyi;  SixatotnivYiç  aÙToû  (ad  ostensionem 
justitiae  suœ),  en  remettant  les  péchés  qui  étaient  demeurés  jusque-là 
sous  la  patience  divine,  Stà  röv  uàpEffiv  twv  TipoYîyovÔTwv  à[i.apTri[iâTa)v  (prop- 
ter  remissionem  prsecedentium  delictorum).  »  Parmi  ses  notes  margi- 
nales, la  suivante  sur  ce  passage,  Rom.,  viii,  i  :  «  11  n'y  a  rien  de  dam- 
nable  en  ceux  qui  croient  en  Jésus-Christ  »,  est  surtout  remarquable  • 
«  Quoique  le  péché  l'ègne  encore  dans  la  chair,  il  ne  damne  pas  »  (à 
cause  de  la  justice  imputée).  Luther  fait  de  l'exégèse  arbitraire  quand 
il  dit  :  «  Observer  les  commandements,  c'est  «  ci'oire  »  (Walch,  part. 
VIII,  p.  2106,  II,  32).  Dans  Gen.,  xxxvi,  24,  il  traduit  «  d'une  façon 
très  malheureuse  »,  selon  la  remarque  de  Gésénius  et  de  Wette,  le 
mot  Jémim  par  «  mulet  »,  au  lieu  de  «  source,  fontaine  »  (aquae  ca- 
lidae).  Voy.  Dœllinger,  Reform.,  IIl,  p.  139  et  suiv.,  156  et  suiv. — 
Versions  catholiques  de  la  Bible  :  a)  par  Jérôme  Emser  (Dresde,  1527), 
qui,  dans  sa  critique  de  la  traduction  de  Luther,  lui  reproche  1,400 
fautes,  tandis  que  Luther  l'accuse  de  lui  avoir  fait  de  nombreux  em- 
prunts ;  b)  par  Jean  Dietenberger,  qui  en  1534  publia  à  Mayence  toute 
la  Bible  en  allemand  ;  lui  aussi  se  servit  de  Luther;  c)  par  Jean  Eck 
(1537),  meilleur  théologien  que  styliste;  il  traduisit  lui-même  l'Ancien 
Testament  et  emprunta  le  Nouveau  à  Emser  ;  d)  par  K.  Ulenberg  (Co- 
logne, 1630). 

Controverse  de  Luther  avec  Henri  VIII. 

34.  Outre  le  duc  George  de  Saxe,  Luther  avait  pour  prin- 
cipal adversaire  parmi  les  princes  Henri  YIIl,  roi  d'Angleterre. 
Blessé  des  emportements  du  réformateur,  Henri  VllI  invita 
(mai  1521)  l'empereur  et  l'électeur  palatin  à  l'exterminer  de  la 
terre,  lui  et  sa  doctrine,  et  il  interdit  sous  les  peines  les  plus 
graves  de  propager  ses  idées  dans  son  royaume.  Et  comme  il 
s'était  lui-même  adonné  autrefois  aux  études  théologiques,  il 
entra  en  dispute  avec  Luther  en  qualité  de  théologien;  il  releva 
(dans  une  apologie  des  sept  sacrements)  ses  contradictions, 
notamment  dans  la  Captivité  de  Babylone.  11  fit  présenter  son 
ouvrage  à  Léon  X,  dont  il  attendait  et  reçut  un  titre  honori- 
fique pareil  à  celui  qu'avaient  obtenu  les  rois  de  France  et 
d'Espagne,  le  titre  de  <(  défenseur  de  la  foi  »,  defensor  fidei^ 
que  ses  successeurs  ont  continué  de  porter.  Cet  ouvrage, 


LE  PROTESTANTISME.  247 

qu'on  a  beaucoup  surfait  de  son  temps,  était  conçu  dans  une 
forme  populaire,  et  faisait  habilement  ressortir  les  contradic- 
tions de  Luther  sur  la  confession,  les  iiidulgeuces  et  la  pri- 
mauté. 

Luther  répondit  en  1522  avec  sa  malice  et  sa  grossièreté 
habituelle  :  la  grossièreté  chez  lui  était  devenue  classique.  Ces 
procédés  indignèrent  tellement  Henri  VIII,  qu'il  usa  de  son 
influence  politique  contre  le  moine  saxon.  Luther  se  montra 
bassement  hypocrite ,  lorsque,  Henri  étant  sur  le  point  de 
rompre  avec  Rome  à  cause  de  son  divorce,  il  lui  adressa  une 
lettre  excessivement  flatteuse,  dans  l'espoir  de  le  gagner  à  son 
Évangile  (1328).  Nun  seulement  il  s'excusa  de  sa  violence,  mais 
il  offrit  encore  de  se  rétracter.  Le  roi,  profondément  blessé,  pro- 
fita de  ces  aveux  pour  le  clouer  au  pilori,  et  Luther  redoubla  de 
fureur  et  de  rage. 

OüVBAGES  A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE  N»  34. 

Lettres  de  Henri  VllI  contre  Luther  :  Walch,  th.  xix,  p.  133  et 
suiv.;  Kapp,  Nachlese,  II,  p.  458  ;  Cvprian,  Nützliche  Urkunden,  II, 
p.  4.')8;Assertio  Septem  sacramcntorum  adv.  M.  Lutherum,  Lond.,  1321, 
in-4°;  réimprimé  à  Anvers,  1322,  in-4°,  sans  indication  de  lieu,  1323, 
en  allem,  par  II.  Eniser,  1322  ;  voy.  ^Yalch,  loc.  cit.,  p.  158  ;  Planck, 
Gesch.  d.  prot.  Lehrbegr.,  II,  p.  98.  Pallavicini,  11,  i,  8,  prouve  que 
le  titre  de  «  Défenseur  de  la  foi  »  fut  donné  non  par  Clément  VII, 
mais  par  Léon  X.  Cf.  bulle  du  H  oct.  1311,  dans  Rymer,  Fœd.,  XIII, 
73C;  Conc.  M.  Brit.,  lil,  603;  Gerdes,  Mon.,  IV,  178.  Bulle  de  confir- 
mation, par  Clément  VII,  du  5  mars  1523,  dans  Rymer,  XIV,  13.  Conc. 
M.  Brit.,  III,  702  ;  Gieseler,  III,  ii,  p.  3,  n.  4.  Luth.,  Contra  regcm  Angl., 
1322,  in-4°,  0pp.  lat.,  éd.  Jen.,  Il,  316.  L'«  Ecclésiaste  de  Wittenberg  par 
la  grâce  de  Dieu»  appelle  son  adversaire  un  âne  couronné,  un  grediu 
iiell'é,  un  idiot,  le  rebut  de  tous  les  porcs  et  de  tous  les  ânes,  un  blas- 
phémateur, Henri  l'imbécile,  une  gueule  arrogante  de  roi,  «  qui  frotte 
de  son...  ordure  la  couronne  du  Christ  mon  roi,  dont  je  possède  la 
doctrine  ».  Lettre  de  Henri  à  l'électeur  de  Saxe,  22  janv.  1323  : 
Cyprian,  Epist.  clar.  vir.,  ex  biblioth.  Goth.  autogr.,  p.  9,  dans 
Gerdes,  loc.  cit.,  p.  119.  Réponse  de  l'électeur  :  Cyprian,  Nützl.  Urkun- 
den, II,  p.  276.  Henri  contre  Luther  :  de  Wette,  III,  p.  23  et  suiv.; 
Walch,  th.  XIX,  p.  468  et  suiv.,  312  et  suiv.;  Riiiel,  I,  p.  333  (2"=  éd., 
p.  446  et  suiv.). 

Controverse  de  Luther  avec  Éraszae. 

35.  Plus  importante  encore  fut  la  dispute  de  Luther  avec 


248  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Érasme.  Cet  humaniste  ardent,  cet  adversaire  ironique  des 
moines,  avait  longtemps  servi  les  intérêts  de  Luther,  puis  il 
était  devenu  hésitant.  En  1524  enfin,  il  résolut  d'attaquer  la 
doctrine  du  réformateur  sur  le  libre  arbitre.  Comme  les  catho- 
liques le  tenaient  pour  un  luthérien  et  les  luthériens  pour  un 
lâche  qui  n'osait  se  déclarer  ouvertement  en  leur  faveur, 
Érasme  choisit  dans  la  nouvelle  doctrine  le  sujet  qui  était  le 
plus  antipathique  à  son  esprit  ;  il  pouvait,  en  le  traitant,  com- 
battre un  dogme  fondamental  des  novateurs,  sans  paraître  se 
faire  l'écho  servile  des  vieux  préjugés  et  l'apologiste  vénal  de 
la  curie  romaine  ;  il  n'avait  besoin  que  de  preuves  scripturaires 
et  rationnelles.  Sa  polémique  était  exempte  de  personnalités; 
ses  arguments  en  faveur  du  libre  arbitre  étaient  souvent 
excellents  ;  sa  critique  des  preuves  bibliques  de  Luther,  écra- 
sante. 

Luther,  qui  avait  autrefois  si  fort  exalté  Érasme,  lui  répondit 
dans  les  termes  les  plus  virulents  en  son  traité  du  Serf 
Arbitre.  Il  trouva  moyen  de  tourner  en  sens  contraire  les  textes 
les  plus  précis  et  les  plus  clairs  de  la  Bible,  n'accorda  à  la 
raison  aucune  valeur  dans  les  choses  de  la  foi,  distingua  entre 
la  volonté  secrète  et  la  volonté  manifeste  de  Dieu,  compara 
l'homme  après  sa  chute  à  une  bûche,  à  une  statue  de  sel,  et 
traita  son  adversaire  d'incrédule,  de  sceptique  et  d'épicurien. 
Érasme,  dans  un  second  écrit,  prit  aussi  un  ton  plus  amer. 
Luther,  dont  il  découvrait  les  lacunes  scientifiques,  jugea  à 
propos  de  céder  et  de  reconnaître  qu'il  avait  été  trop  loin.  A 
une  lettre  d'excuses  et  de  flatteries,  Érasme  répondit  en  dépei- 
gnant les  procédés  orgueilleux  do  Luther  et  les  funestes  résul- 
tats de  ses  œuvres.  Il  rompit  toute  relation  avec  lui,  mais  il 
continua  son  commerce  épistolaire  avec  Mélanchthon. 

Ouvrages  a  consulter  sur  le  n*  35. 

Erasm.,  de  Libero  Arbitrio  diatribe,  1524  :  Walch,  th.  xyni,  p.  19, 
62;  Esch,  sur  Érasme,  in  Raumers  hist.  Taschenbuch,  1843;  Dœllin- 
ger,  I,  p.  7  et  suiv.;  Riffel,  II,  p.  251  et  suiv.;  Kerker,  Erasm.  u.  s. 
theol.  Standpunkt  (Tüb.  theol.  Quarlalschr.,  1859,  p.  529  et  suiv.). 
Luth.,  de  Servo  Arbitrio  ad  Erasm.,  1525  :  Walch,  th.  xviii,  p.  20-50. 
0pp.  lat.,  éd.  Viteb.,  1546,  t.  Il;  Dœllinger,  III,  p.  25  et  suiv.;  Erasmi 
Hyperaspites  diatr.  adv.  Servum  Arbitrium  Lutheri,  libri  II,  0pp.,  éd. 
Clçrici,  X,  1249  et  seq.;  Walch,  loc.  cit.,  p.  100-154,  1944-2486  ;  Riffel, 


LE  PROTESTANTISME.  249 

II,  p.  250  etsuiv.;  Erasmi  Epist.,  XXI,  xxmii,  éd.  Clerici.  Sur  Érasme  voy. 
encore  Robert  B.  Drummond,  Erasmus,  his  life  and  character,  Lond., 
1873,  2  vol.;  Durond  de  Laur.,  Érasme  précurseur  et  initiateur  de 
l'esprit  moderne,  Par.,  1872,  2  vol.;  Stœhelin,  Erasmus'  Stellung  zur 
Reformation,  Bâle,  1873;  Woker,  de  Erasmi  Rot.  studiis  irenicis, 
Paderb.,  1872. 

Les  diètes  de  IVnrenberg-  en  1599  et  159-1. 

Adrien  VI.  Ses  efforts  auprès  de  la  diète  de  Nurenberg. 

36.  Le  sultan  Soliman  venait  de  conquérir  Belgrade  et 
menaçait  la  Hongrie,  lorsqu'une  nouvelle  diète  s'ouvrit  à 
Nurenberg  (152-2).  Le  pape  Adrien  VI  y  envoya  le  nonce 
François  Chieregati,  tant  pour  appuyer  les  Hongrois  que  pour 
presser  l'exécution  de  l'édit  de  Worms.  Après  avoir,  dans  son 
bref  (9  septembre  1522),  tracé  aux  princes  de  l'empire  le  récit 
des  faits,  qu'ils  n'ignoraient  pas,  il  leur  représenta  qu'on  sacri- 
fierait en  vain  ses  richesses  et  sa  vie  pour  vaincre  ses  ennemis 
du  dehors,  si  on  tolérait  dans  l'intérieur  du  pays  le  poison  de  si 
funestes  doctrines,  et  si,  contrairement  à  l'exemple  des  vaillants 
et  pieux  ancêtres,  on  le  favorisait,  au  mépris  des  lois  et  de 
l'honneur.  Outre  cet  écrit,  Chieregati  communiqua  franche- 
ment aux  États  les  instructions  particulières  dont  il  était  muni  : 
le  pape  y  déclarait  que  les  malheurs  actuels  lui  semblaient  un 
châtiment  des  crimes  de  la  chrétienté,  principalement  de  ses 
pasteurs  et  de  ses  chefs  ;  il  avouait  qu'il  y  avait  aussi  des  abus 
à  Rome,  que  lui-même  avait  commencé  à  réformer  la  curie 
pontificale  et  qu'il  était  prêt  à  travailler  de  toutes  ses  forces  à 
corriger  le  mal;  il  assurait  de  plus  que  les  concordats  seraient 
observés  et  qu'il  veillerait  aux  intérêts  de  l'Allemagne  ;  il  invi- 
tait les  princes  à  indiquer  les  moyens  d'apaiser  les  troubles  et 
de  supprimer  les  abus,  et  il  chargeait  le  nonce  de  rechercher 
des  hommes  pieux  et  savants  auxquels  il  pourrait  venir  en  aide. 
Adrien  manifestait  la  plus  ferme  volonté  de  faire  tout  ce  qui 
était  en  lui  pour  améliorer  la  situation  religieuse.  Il  essaya 
dans  deux  lettres  particulières,  écrites  d'un  ton  grave  mais 
paternel,  d'ouvrir  les  yeux  au  prince  électeur  Frédéric.  Il 
écrivit  également  à  plusieurs  États. 


250  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

OUVRAGES  A   COfjSÜtTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"   36. 

,  Raynald.,  an.  1522  ;  Pallav.,  II,  vu,  1  et  seq.;  Walch,  L.  W.,  th.  xv, 
p.  2516  et  suiv.;  Menzel,  I,  p.  105  et  suiv.;  Riffel,  I,  p.  378  et  suiv. 
Bref  à  l'électeur  de  Saxe  du  5  oct.  1522  :  0pp.  Luth,  lat..  Il,  330  ;  Le 
Plat,  II,  p.  127  et  seq.  Instructions  pour  le  légat  :  Rayn.,  loc.  cit., 
n.  65  ;  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  4-6  ;  Le  Plat,  II,  p.  144  et  seq.  Voici  les 
remarques  que  Pallavicini,  loc.  cit.,  n.  9-14,  fait  sur  ces  instructions  : 
1"^  Adrien  ne  connaissait  pas  autrefois  la  curie  romaine;  de  l'Espagne, 
où  il  appmt  le  9  février  sa  nomination,  qui  avait  eu  lieu  à  Rome  le 
6  janv.  1522,  il  n'arriva  à  Rome  que  le  8  juillet.  2°  Il  ajoutait  trop  de 
foi  aux  mauvaises  rumeurs,  aux  satires,  ainsi  qu'aux  flatteurs  qui, 
pour  le  louer,  dépréciaient  le  dernier  pontificat.  3°  Léon  X  fut  plus 
heureux  qu'Adrien  dans  le  choix  d'hommes  capables,  et  la  corruption 
de  la  curie  n'était  pas  telle  qu'on  le  prétendait.  4»  La  prudence  lit 
défaut  dans  les  brefs  et  les  instructions  d'Adi'ien,  car  il  était  à  prévoir 
que  les  ennemis  du  Saint-Siège  y  verraient  un  aveu  complet  de  leurs 
accusations,  souvent  mal  fondées.  Il  eût  mieux  valu  les  réfuter  sim- 
plement par  les  actes  de  sa  propre  vie,  sans  condamner  ni  encenser 
les  papes  antérieurs.  Il  était  de  plus  imprudent  de  consulter  «  tout  le 
monde  »  sur  les  moyens  d'écarter  les  troubles  religieux  et  de  prévenir 
soi-même  les  propositions.  Tous  n'avaient  pas  une  foi  pure,  la  môme 
prudence  et  sincérité.  Chacun  tenait  pour  le  meilleur  remède  ce  qui 
répondait  le  mieux  à  ses  propres  passions.  Les  goûts  et  les  intérêts 
étaient  trop  différents.  Les  instructions  communiquées  donnèrent  lieu  ' 
à  des  prétentions  exagérées,  auxquelles  il  était  impossible  de  satisfaii'e.  ' 
Sur  Luther,  Adrien,  n'étant  encore  que  cardinal,  avait  écrit  :  «  Qui 
sane  tam  rudes  et  palpabiles  haereses  mihi  prœ  se  ferre  videtur,  ut  ne 
discipulus  quidem  theologiaî  ac  prima  ejus  limina  ingressus  ita  labi 
poluisset  »  (Burmann,  Analecta  hist.  de  Hadr.  VI,  Traj.,  1727,  p.  447). 
Lettre  de  Charles  et  des  États  de  l'empire  sur  les  «  gravamina  impe- 
rii  »  :  Goldast,  I,  447  ;  Le  Plat,  II,  p.  128-130.  Lettres  et  Instructions 
d'Adrien,  de  nov.  1522  :  Le  Plat,  II,  p.  140-153;  Bull.  Rom.,  t.  I, 
p.  626  et  seq.;  Roscovany,  Mon.  cath.,  III,  p.  59-66. 

Négociations  de  Nureuberg. 

37.  Malheureusement,  la  plupart  des  États  ne  montraient 
que  faiblesse,  insouciance  ou  mépris  déclaré  pour  le  pape. 
Les  esprits  enclins  au  luthéranisme  considéraient  les  aveux  du 
pape  sur  le  besoin  d'une  réforme  comme  un  triomphe  pour 
leur  cause  et  une  justification  du  retard  apporté  à  l'exécution 
de  redit  de  Worms;  plusieurs  même  s'affermirent  dans  leur 


LE  PROTESTANTISME.  2ol 

haine  de  la  papauté,  malgré  les  excellentes  qualités  et  les 
bonnes  intentions  d'Adrien,  qu'ils  ne  pouvaient  nier.  Tous  ne 
cherchaient  que  leurs  propres  intérêts.  La  réponse  au  pape 
était  passablement  froide  :  On  n'aurait  pu  exécuter  l'édit 
de  Worms  sans  provoquer  une  révolte  parmi  le  peuple;  il 
fallait  satisfaire  aux  exigences  des  États  séculiers  de  l'empire 
(les  101  griefs),  et  réunir  dans  une  ville  allemande  un  concile 
libre  et  général  pour  examiner  ces  exigences  et  vider  les 
controverses  religieuses  ;  en  attendant,  on  veillerait  à  ce  que 
Luther  et  ses  amis  n'écrivissent  et  ne  fissent  rien  imprimer 
qui  fût  de  nature  à  exciter  le  populaire,  et  l'on  ne  s'opposerait 
pas  à  ce  que  les  évêques  procédassent  par  des  peines  purement 
canoniques  contre  les  clercs  mariés,  qu'on  ne  pouvait  punir 
d'après  les  lois  civiles. 

Beaucoup  des  griefs  qu'on  alléguait  étaient  souverainement 
injustes;  on  oubliait  complètement  que  les  papes  avaient 
envoyé  aux  Allemands  pour  les  guerres  contre  les  Turcs  des 
sommes  beaucoup  plus  considérables  que  les  annates,  dont  on 
se  plaignait  si  fort,  et  qui  étaient  du  reste  garanties  par  les 
concordats  de  Vienne.  Le  nonce  déclara  que  cette  réponse  était 
insuffisante  et  qu'il  ne  pouvait  l'accepter,  à  moins  qu'elle  ne 
fût  corrigée  sur  plusieurs  points,  renforcée  et  expliquée  avec 
plus  de  détails.  La  raison  pour  laquelle  on  n'avait  pas  exécuté 
l'édit  de  Worms  lui  semblait  inadmissible,  car  on  ne  doit  point 
tolérer  le  mal  sous  prétexte  d'en  tirer  quelque  bien  ;  l'indul- 
gence dont  on  avait  usé  jusque-là,  n'avait  fait  qu'aggraver  la 
situation.  Tous  les  griefs  qu'on  pourrait  imaginer  contre 
Rome,  quelque  fondés  qu'ils  fussent,  n'excuseraient  jamais 
l'hérésie  et  l'abandon  de  la  foi  ;  la  proposition  d'un  concile  ne 
déplairait  pas  au  pape,  si  l'on  s'abstenait  de  tout  langage  sus- 
pect, si  l'on  ne  prétendait  pas  accorder  aux  laïques  les  mêmes 
droits  qu'aux  clercs,  introduire  une  liberté  que  l'Église  ne 
pouvait  approuver,  et  abolir  la  primauté. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SDR  LE   N°     37. 

Pallav.,  Il,  vui,  1-15  :  Responsa  principum  —  Replicatio  legati  — 
Duplicatio  principum  —  Gravamina,  cap.  lxxvii;  Le  Plat,  II,  p.  133  et 
seq.,  164  et  seq. 


252  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Ëdit  publié  par  les  Etats. 

38.  A  ces  remarques,  les  États  ne  firent  aucune  réponse  ;  ils 
se  contentèrent  à  la  fin  (6  mars  1523)  de  publier,  au  nom  de 
l'empereur,  un  édit  où  ils  ne  rétractaient  rien  de  leur  réponse, 
mais  donnaient  quelques  éclaircissements  dans  le  sens  du 
nonce,  sans  céder  pour  le  principal.  11  fut  résolu  que  les 
prédicateurs  expliqueraient  l'Écriture  d'après  l'interprétation 
reçue  et  approuvée  par  l'Église.  Le  tout  était  pâle  et  incolore. 
Révolté  de  cette  façon  d'agir,  le  nonce  quitta  Nurenberg  avant 
qu'on  eût  pu  lui  remettre  le  mémoire  aux  cent  un  griefs. 

Ce  décret  fut  tantôt  interprété  par  Lutber  comme  favorable 
à  sa  cause,  tantôt  violemment  attaqué.  Le  discours  de  Chie- 
regati  sur  les  secours  à  fournir  contre  les  Turcs,  discours  si 
plein  de  dignité  et  de  mesure,  fut  bientôt  traduit  en  allemand 
par  les  luthériens  et  répandu  dans  le  public  avec  commentaire 
injurieux  envers  le  pape  et  son  légat,  et  avec  des  altérations 
perfides.  Sur  ces  mots  :  a  La  Hongrie  une  fois  perdue,  l'Alle- 
magne tombera  bientôt  aux  mains  des  Turcs  »,  ils  ajoutèrent 
cette  glose  marginale  :  «  Nous  aimons  mieux  servir  les  Turcs 
que  vous,  la  dernière  et  la  plus  grande  horreur,  l'ennemi  de 
Dieu.  »  Le  schisme  religieux  allait  bientôt  amener  le  schisme 
politique  ;  la  trahison  de  l'Église,  la  trahison  de  la  patrie. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SDR   LE   N«»    38. 

Décret  des  États  de  l'empire,  du  6  mars  1523  :  Goldast,  II,  loO;  Le 
Plat,  II,  p.  207-211  ;  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  16. 

Dernières  démarches  d'Adrien  VI. 

39.  Profondément  affligé  de  la  mauvaise  issue  de  la  diète  de 
l'empire,  Adrien  VI  s'en  plaignit  d'un  ton  paternel  au  prince 
électeur  de  Saxe,  ainsi  qu'à  d'autres  princes  et  à  des  villes. 
Frédéric  essaya  de  se  justifier,  rappela  que  Luther  était  tou- 
jours disposé  à  rendre  compte  de  ses  actes  (1),  pria  le  pape  de 
ne  point  ajouter  foi  à  des  bruits  calomnieux,  et  protesta  qu'il 
entendait  demeurer  enfant  soumis  de  l'Église  (février  4523). 
Le  pape  voyait  ses  meilleurs  desseins  avorter  et  l'inutilité  de 
ses  efforts  pour  défendre  l'île  de  Rhodes  contre  les  Turcs 
(25  décembre  1522).  Sa  sévérité  et  son  économie,  mais  surtout 


LE  PROTESTANTISME.  253 

l'éloigiiement  do  fonctionnaires  superflus,  lui  avaient  suscité 
dans  Rome  même  de  nombreux  ennemis,  qui  se  réjouirent 
hautement  de  sa  mort  prématurée  (14-  septembre  1323).  Il 
s'était  entouré  de  pieux  personnages  (saint  Cajétan  de  Thienne 
et  Carafa),  et  ne  laissa  que  très  peu  d'argent.  Il  avait  limité  les 
indulgences,  canonisé  Antonin  de  Florence  et  Bennon,  évêque 
de  Meissen  (3  mai  1523).  A  l'occasion  de  la  levée  des  ossements 
de  ce  dernier,  Luther  publia  un  odieux  pamphlet  «  contre  la 
nouvelle  idole  et  le  vieux  diable  qui  doit  être  exalté  à  Meissen  ». 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET    REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE   N°   39. 

Rayn.,  an.  1523,  n.  73-86  ;  Pallav.,  II,  vni,  20,  21.  Le  bref  menaçant 
«  Satis  et  plus  quam  satis  »  (Le  Plat,  II,  p.  131-139)  parut  comme  un 
projet  de  Cochlée  (Catholiq.,  1873,  p.  237  et  suiv.).  Pallavicini  dit 
d'Adrien  :  «  C'était  un  prêtre  excellent,  un  pape  médiocre,  et  pour  le 
peuple,  qui  juge  de  tout  par  le  succès,  moins  que  médiocre,  estimé 
des  cardinaux  outre  mesure  quand  on  l'éleva  au  pontificat,  et  détesté 
de  la  cour  au  delà  de  toute  imagination  pendant  son  gouvernement.  » 
On  afficha  sur  la  porte  de  son  médecin  cette  inscription  :  «  Liberatori 
patriae  S.  P.  Q.  R.  »  Il  fut  inhumé  à  Santa-Maria  dell'  Anima,  et  ses 
amis  lui  firent  cette  épitaphe  :  «  Ici  repose  Adrien  VI,  qui  tenait  pour 
le  plus  grand  malheur  de  régner.  »  —  Pamphlet  de  Luther  à  l'occa- 
sion de  l'exhumation  des  ossements  de  S.  Bennon  :  Walch,  Cüuvr.  de 
Luth.,  part.  XV,  p.  2794  et  suiv. 

Clément  VII  et  la  nouvelle  diète  de  Nureuherg. 

40.  Le  19  novembre  1523,  Adrien  VI  eut  pour  successeur, 
sous  le  nom  de  Clément  VII,  le  cardinal  Jules  de  Médicis, 
parent  de  Léon  X.  En  butte  à  de  nombreuses  calomnies,  Clé- 
ment VU  avait  eu  peu  d'influence  sous  le  précédent  pape,  mais 
il  n'avait  pas  tardé  à  être  justifié.  Jeune  encore  et  vigoureux, 
initié  aux  études  classiques,  il  était  plein  de  loyauté,  de  pru- 
dence et  de  réserve.  Sa  sage  lenteur  fit  croire  à  plusieurs  qu'il 
agissait  plutôt  par  astuce  et  tromperie  que  par  une  conviction 
fondée  sur  un  sérieux  examen.  Il  donna  toute  son  attention 
aux  désordres  de  l'Allemagne.  Clément  VII  n'ignorait  pas 
combien  étaient  suspectes  les  conditions  sous  lesquelles  on 
avait  demandé  un  concile ,  combien  Luther  était  peu  disposé 
à  s'y  soumettre,  quels  obstacles  enfln  les  guerres  d'alors  oppo- 
saient à  sa  réunion . 


254  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE.    ' 

Il  envoya  à  la  nouvelle  diète  de  Nufenberg  (1524.)  le  car- 
dinal Laurent  Campeggio  en  qualité  de  légat.  Campeggio  ne 
devait  considérer  les  cent  griefs  des  princes  temporels  que 
comme  une  écriture  privée^,  presser  l'exécution  de  l'édit  de 
Worms  et  aviser  aux  moyens  de  réformer  le  clergé.  Pendant 
son  voyage,  surtout  à  Augsbourg  et  à  Nurenberg,  le  légat 
put  constater  les  dispositions  fâcheuses  qui  dominaient  contre 
le  Saint-Siège.  Frédéric  de  Saxe,  qu'il  espérait  gagner  par 
la  force  de  ses  arguments  comme  par  le  bref  affectueux 
qu'il  était  chargé  de  lui  remettre,  ne  parut  pas  à  la  diète; 
il  en  fut  de  même  de  plusieurs  autres  princes,  et  la  plupart 
de  ceux  qui  s'y  rencontrèrent  étaient  contraires  au  légat. 
Tandis  que  celui-ci  insistait  pour  qu'on  maintînt  résolu- 
ment l'unité  religieuse,  les  princes  cherchaient  à  exploiter  la 
querelle  religieuse  à  leur  profit,  à  vendre  simoniaquement  au 
pape  la  restauration  de  son  autorité  en  Allemagne,  moyennant 
l'abandon  de  ses  droits  et  de  ses  revenus,  et  à  lui  arracher  les 
plus  énormes  concessions. 

Le  légat  déclara  que  le  Saint-Siège  ne  pouvait  considérer  les 
griefs  qui  lui  avaient  été  présentés  que  comme  un  document 
privé,  comme  l'œuvre  de  ses  ennemis,  lesquels  n'avaient 
aucun  égard  à  la  justice  et  à  l'équité;  qu'il  lui  était  impossible 
de  faire  droit  à  toutes  les  exigences,  ne  fût-ce  que  pour 
l'exemple  qui  serait  donné  à  d'autres  pays,  quand  même  il 
s'agirait  de  la  perte  de  toute  l'Allemagne  ;  que  du  reste  il  n'y 
avait  rien  à  attendre  do  ceux  qui  voulaient  se  faire  payer  pour 
ne  point  déserter  la  foi.  Il  était  faux  que  les  évèques  et  le  pape 
n'eussent  en  vue  que  leur  propre  avantage;  mais  il  en  serait 
ainsi,  s'ils  trafiquaient  honteusement  de  leurs  droits  pour  obte- 
nir la  faveur  des  princes. 

Les  États  persistèrent  dans  leur  sentiment,  et  n'entrèrent  point 
dans  les  projets  de  réforme  du  légat.  Comme  un  rescrit  impé- 
rial pressait  l'exécution  de  l'édit  de  Worms,  la  diète  décréta  ce 
qui  suit  (18  avril  lo24)  :  4"  Chacun  des  États  de  l'empire  cher- 
chera «  autant  que  possible  »  à  exécuter  l'édit,  et  chaque  auto- 
rité s'opposera  de  toutes  ses  forces  à  la  propagation  de  nouveaux 
écrits  injurieux  à  l'Église  catholique;  2°  on  demandera  au  pape 
de  réunir  un  libre  concile  en  Allemagne  ;  3°  une  nouvelle  diète 
(11  novembre)  sera  tenue  à  Spire,  où  l'on  discutera,  d'après 


LE  PROTESTANTISME.  2SÖ 

l'avis  d'hommes  savants  et  expérimentés,  sur  les  cent  griefs 
contre  Rome  ;  4°  ces  hommes  examineront  avec  soin  les  noU'- 
velles  controverses  rehgieuses,  parcourront  les  écrits  de 
Luther,  en  feront  un  triage,  et  décideront  ce  qu'il  sera  permis 
de  prêcher  et  d'écrire  jusqu'à  la  réunion  du  concile. 

OUVRAGES   A   CONSULTEa   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N°   40. 

Pallav.,  II,  II,  1  et  seq.;  ix,  n.  2  ;  Ranke,  Rœm.  Pœpste,  I,  p.  ■127; 
ibid.,  III,  p.  264  et  suiv.  Beil.,  Relation  de  l'ambassadeur  vénitien  : 
«  Uom  prudente  e  savio,  ma  lungo  a  risolversi  e  di  qua  vien  le  sue 
operazioni  varie.  Discoi're  bene,  vede  tutto,  ma  è  molto  timido,  uomo 
giusto  e  uom  di  Dio.  »  Précédemment  (1517)  Marco  Zorzi  ne  faisait  plus 
grand  cas  de  lui,  et  Marco  Minio  l'appelait  (1320)  «  uom  di  maneggio, 
cbe  ha  gran  poter  col  Papa  »  (Léon  X).  Ranke,  III,  p.  235  et  suiv.,  23  et 
suiv.;  I,  p.  98.  Clément  à  l'électeur  de  Saxe,  7  déc.  1523  :  Pallav.,  II, 
x;  Le  Plat,  II,  p.  2H  ;  à  l'empereur  pour  l'exécution  de  l'édit  de 
Worms,  17  janvier  1524  :  RajTiald.,  h.  a.,  n.  2  ;  Le  Plat,  II,  p.  212, 
213  ;  Pallav.,  Il,  x,  9  et  seq.;  Raynald.,  an.  1524,  n.  8  et  seq.  Recez  de 
la  diète  de  l'empire,  18  avril,  dans  Lünig,  Reichsarchiv.,  P.  gen. 
Cont.,  t.  I,  p.  445  ;  Walch,  L.  W.,  th.  xv,  p.  2674  ;  Koch,  Reichstags- 
abschiede, p.  258;  Goldast,  II,  152  ;  Le  Plat,  H,  p.  217-221, 

Le  décret  de  Nurenberg. 

41.  Ce  décret  révèle  une  duplicité,  une  équivoque  également 
blessantes  pour  toutes  les  parties,  ainsi  que  l'écrivit  Clément  VII 
à  l'empereur.  Le  quatrième  article  supprimait  le  premier  :  car, 
si  l'édit  de  Worms  devait  être  exécuté,  on  ne  pouvait  pas  sou- 
mettre à  un  nouvel  examen  la  doctrine  de  Luther,  manifeste- 
ment hérétique;  l'autorité  de  l'empereur  était  encore  plus 
sacrifiée  que  celle  du  pape. 

Le  cardinal,  à  qui  l'on  avait  auparavant  communiqué  le 
décret,  approuva  le  premier  article,  accepta  le  second  ;  mais  il 
rejeta  résolument  le  quatrième,  parce  qu'il  n'était  pas  permis 
de  remettre  en  question  des  doctrines  décidées  par  l'Église, 
parce  qu'une  diète  ne  pouvait  se  prononcer  sur  ces  contro- 
verses religieuses,  parce  que  la  délibération,  l'examen  ne  pou- 
vaient pas  èlre  confiés  à  des  hommes  dont  la  plupart  étaient 
étrangers  à  la  doctrine  de  l'Église  et  enclins  à  l'hérésie,  ou  plu- 
tôt qui  eu  étaient  déjà  venus  à  ne  plus  favoriser  qu'elle;  parce 
que  ceux  qui  méprisaient  l'autorité  du  pape  et  de  l'empereur 


256  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

ne  seraient  guère  d'humeur  à  accepter  une  décision  émanée  de 
docteurs  particuliers;  parce  que,  si  on  les  laissait  tous  se  pro- 
noncer sans  faire  un  choix,  on  n'arriverait  à  aucun  résultat,  et 
que  si  l'on  faisait  un  choix,  ceux  qui  n'y  seraient  pas  compris 
pourraient  aisément  rejeter  le  décret  comme  illégitime  et 
injuste;  parce  que  les  autres  nations  ne  souscriraient  jamais  à 
une  décision  dogmatique  rendue  par  les  seuls  Allemands,  et 
qu'on  n'aboutirait  ainsi  qu'à  accroître  les  dissentiments  reli- 
gieux. Quant  à  la  réforme  du  clergé,  elle  ne  demandait  point 
de  nouvelles  lois  :  il  suffisait  d'observer  les  anciennes,  et  le  légat 
était  prêt  à  les  faire  exécuter.  Relativement  aux  griefs,  les 
États  pouvaient  en  conférer  par  leurs  agents  avec  le  pape,  qui 
accorderait  ce  qui  était  équitable.  Après  avoir  annoncé  son 
départ,  le  cardinal  déclara  qu'il  n'avait  approuvé  que  ce  qui 
était  contenu  dans  son  explication;  qu'il  n'acceptait  pas  la 
phrase  où  il  était  dit  qu'on  s'était  entendu  avec  lui  sur  le  con- 
cile. 

OUVRAGES   A  CONSULTER   SUR   LE   N"»    41. 

Clément  VII  à  Charles-Quint,  il  mai:  Rayn.,  an.  1524,  n.  15  et  seq.; 
Le  Plat,  II,  p.  223-225  ;  à  Henri  VIII  et  François  I"  de  France  :  Le 
Plat,  II,  p.  222-226.  Remontrances  de  Campeggio  :  Pallav.,  loc.  cit., 
c.  X,  n.  19-21. 

Délibérations  à  Rome.  Mesures  de  l'empereur. 

42.  Clément  VII  soumit  à  une  congrégation  les  quatre  ques- 
tions suivantes  :  1°  Que  faut-il  faire  pour  procurer  l'exécution 
de  l'édit  de  Worms  ?  2°  comment  peut-on  combattre  les  délibé- 
rations religieuses  de  Spire?  3**  que  répondre  à  la  demande 
d'un  concile  et  aux  cent  griefs?  4°  faut-il  continuer  les  négo- 
ciations avec  Frédéric  de  Saxe?  On  s'abstint  de  prendre  contre 
ce  dernier  des  mesures  précises;  quant  au  concile,  il  fut 
répondu  :  Le  pape  désire  lui-même  assembler  un  concile 
pour  rétablir  l'ordre  dans  l'Église;  mais  il  faut  y  préluder  par 
le  rétablissement  de  la  paix  entre  les  princes  chrétiens  :  on  peut 
continuer  les  négociations.  Relativement  aux  griefs,  le  cin- 
quième concile  de  Latran  en  avait  éliminé  un  grand  nombre,  et 
le  pape  s'en  tenait  rigoureusement  à  ce  concile.  Pour  le  reste, 
une  congrégation  spéciale  était  instituée,  et  elle  achèverait  ses 


LE  PROTESTANTISME.  257 

travaux  avant  même  la  réunion  du  concile.  Sur  les  deux  pre- 
miers points,  il  fallait,  par  de  sérieuses  représentations,  éclairer 
l'empereur,  les  princes  orthodoxes  de  l'empire, les  rois  de  Portu- 
gal et  d'xlngleterre,  qui  pouvaient  exercer  une  influence  consi- 
dérable, et  les  encourager  à  des  mesures  opportunes.  Les  deux 
rois  s'employèrent  effectivement  en  faveur  de  l'édit  de  Worms, 
et  Charles-Quint  ordonna,  sous  peine  de  lèse-majesté  impériale 
et  du  ban  de  l'empire,  d'observer  ponctuellement  l'édit  contre 
Luther,  ce  second  Mahomet  ;  il  interdit  l'assemblée  de  Spire, 
blâma  les  décrets  qui  avaient  été  rendus,  et  promit  d'engager 
le  pape  à  réunir  un  concile  général. 

Le  pape  manda  aux  princes  que  l'orage  qui  menaçait  actuel- 
lement l'autorité  ecclésiastique  se  tournerait  bientôt  contre 
l'autorité  civile,  qu'il  saurait  au  besoin  remplir  son  devoir  sans 
leur  concours,  mais  qu'eux  se  repentiraient  un  jour  de  le  lui 
avoir  refusé.  Les  princes  consentirent  à  ce  qu'il  n'y  eût  pas  de 
conférences  religieuses  à  Spire,  mais  ils  opposèrent  à  l'exécu- 
tion de  l'édit  de  Worms  des  difficultés  invincibles.  Luther,  éga- 
lement mécontent  de  la  diète  de  Nurenberg,  fut  pris  d'un  vio- 
lent accès  de  colère  en  voyant  le  peu  d'approbation  qu'on  don- 
nait à  son  œuvre. 

Ouvrages  a  consulter  sur  le  n°  42. 

Pallav.,  II,  X,  n.  23-30;  Rayu.,  an.  1324,  n.  21  et  seq.;  Sarpi,  I, 
§  31  ;  Le  Plat,  Mon.,  II,  p.  237-239. 

Travaux  de  Campeggio. 

43.  Cependant  Campeggio  accomplit  en  Allemagne  beaucoup 
de  choses  importantes.  Il  réunit  à  Ratisbonne  ceux  des  princes 
qui  étaient  franchement  catholiques  :  l'archiduc  Ferdinand,  les 
ducs  de  Bavière,  l'archevêque  de  Salzbourg,  l'évêque  de  Trente, 
administrateur  de  Ratisbonne,  auxquels  se  joignirent  les  pro- 
curateurs de  neuf  évèques.  Il  déhbéra  avec  eux  sur  les  moyens 
les  plus  opportuns  de  maintenir  l'ancienne  croyance,  attestant 
ainsi  publiquement  qu'une  grande  portion  de  l'Allemagne  était 
encore  catholique  et  fidèle  au  pape. 

Une  ligue  cathohque  fut  conclue  le  5  juin  1524.  Ses  membres 
prirent  l'engagement  d'exécuter  l'édit  de  Worms,  d'empêcher 
l'aboUtion  des  anciennes  coutumes  rehgieuses,  de  défendre  à 
V.  —  msT.  DE  l'église.  17 


258  HISTOIRE   UE    l'église. 

leurs  sujets  de  fréquenter  l'université  de  Wittenberg,  et  d'ex- 
clure les  récalcitrants  de  tous  les  emplois.  On  interdit  le 
mariage  des  prêtres,  on  publia  des  lois  pour  la  correction  des 
mœurs  du  clergé,  on  allégea  les  contributions  pécuniaires  des 
laïques,  en  abaissant  notamment  les  frais  de  sépulture.  Dans  le 
nord  de  l'Allemagne,  à  Dessau,  les  catholiques  tinrent  une 
réunion  semblable  ;  à  Vienne  aussi,  dans  le  courant  de  l'au- 
tomne et  de  l'hiver,  le  cardinal  légat  s'employa  activement 
pour  les  intérêts  de  l'Église.  Quinze  prédicants  luthériens  furent 
chassés  de  Prague,  et  cet  exemple  fut  suivi  dans  d'autres  loca- 
lités. Déjà  une  sourde  fermentation  se  remarquait  parmi  le 
peuple,  et  les  princes  favorables  à  la  nouvelle  doctrine  for- 
geaient des  plans  contre  l'empereur  ;  déjà  l'on  parlait  à  haute 
voix,  tantôt  d'élire  un  nouveau  souverain,  tantôt  de  séparer 
Charles-Quint  du  pape,  à  cause  de  l'inclination  de  celui-ci  pour 
la  France,  afin  de  l'attirer  dans  le  parti  des  sectaires.  La  guerre 
avec  la  France  paralysait  la  puissance  impériale  et  servait 
puissamment  la  cause  des  novateurs. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR   LE    N°   43. 

Pallav.,  II,  XI,  \  et  seq.;  Cliiliaii  Leib,  Chron.,  dans  Dœllinger, 
Beitr.,  Il,  p.  447  et  suiv.  Édit,  dans  Goldast,  Const.  imper.,  III,  487; 
Le  Plat,  II,  p.  226-237.  Lettres  du  légat,  22  août,  23  sept.,  15  oct., 
il  nov.,  7  et  29  déc.  1524,  dans  Laimnier,  Mon.  Vat.,  n.  H  et  seq., 
p.  H  et  suiv. 


L.e»i   guerres  de   paysans.  llaria{>:c    de   Luther.    Son    règ'Icnicnt 
ecclésias(if|ue. 


Insurrections   de  paysans. 


I 


44.  Plusieurs  fois  déjà  depuis  les  dernières  années  du  quin- 
zième siècle,  les  paysans  s'étaient  attroupés  dans  ditférentes 
contrées  de  l'AUemagno  et  en  d'autres  pays  pour  forcer  les 
souverains  d'alléger  leurs  charges.  On  étouffait  ces  insurrec- 
tions, on  punissait  sévèrement  leurs  autours;  mais  on  ne  son- 
geait pas  à  en  écarter  les  causes,  fondées  pour  la  plupart.  Les 
éléments  de  lagitation  subsistaient  donc,  et  les  écrits  de  Luther 
les  iüu^menfaicnt  si-nsiblement.  Ce  n'étiit  pas  sans  complai- 
sance que  Luther  écrivait  à  Link  en  1522  :   «  Le  peuple  est 


LE   PROTESTANTISME.  239 

partout  sôiilovi';  on  lui  a  donné  îles  yeux  :  il  ne  peut  ni  ne  veut 
se  laisser  opprimer  par  la  violence;  »  et  il  disait  en  1323  :  «  Il 
ne  doit  pas  y  avoir  d'autorité  parmi  les  chrétiens,  mais  chacun 
est  en  même  temps  sdumis  à  son  semblable.  »  Cependant  la 
prudence  lui  commanda  de  ne  pas  se  prononcer  pour  les  che- 
valiers, quand  ceux-ci  commencèrent  à  attaquer  les  princes  et 
firent  le  siège  de  Trêves,  sous  la  conduite  de  Franz  de  Sic- 
kingen.  Le  Palatinat  et  la  Hesse  vinrent  au  secours  de  la 
ville,  et,  le  7  mai  1323,  Sickingeu  mourait  des  blessures  qu'il 
avait  reçues  en  défendant  sa  forteresse  de  Landstuhl. 

Cependant  Luther  reprochait  souvent  aux  princes  temporels, 
et  principalement  aux  princes  ecclésiastiques,  la  dureté  de  leur 
gouvernement  ;  il  parlait  d'une  insurrection  imminente  contre 
les  seigneurs  ecclésiastiques,  traitait  d'  «  aimables  enfants  »  de 
Dieu  ceux  qui  contribuaient  au  renversement  du  douvoir  épis- 
copal,  et  faisait  de  la  «  liberté  chrétienne  »  la  devise  univer- 
selle. Les  paysans  opprimés,  travaillés  par  des  meneurs  et  des 
astrologues,  se  flattaient  que  le  nouvel  Évangile  les  affranchi- 
rait détinitivement  de  la  servitude  et  de  l'oppression;  ils  cher- 
chaient à  appuyer  leurs  droits  sur  «  la  parole  de  Dieu  »,  et  se 
croyaient  autorisés  à  les  revendiquer  au  besoin  par  la  force,  en 
vertu  de  «  la  liberté  évangélique  ».  Les  princes  d'emeurés 
fidèles  à  l'ancienne  Église  étaient  dépeints  par  les  prédicants 
luthériens  comme  des  persécuteurs  de  l'Évangile,  des  tyrans, 
des  saugsues  ;  ces  prédicants,  la  plupart  des  moines  échappés 
de  leurs  couvents,  fanatisaient  les  paysans,  et  quand  ils 
étaient  expulsés  par  les  souverains,  les  campagnards  aveuglés 
croyaient  qu'on  voulait  leur  ravir  le  pur  Évangile,  pour  les 
empêcher  de  connaître  leurs  droits. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET    REMARQUES    CRITIQUES    SUR  LE   N°  44. 

Luther  sur  les  princes  et  les  autorités  temporelles,  édit.  d'Altenb., 
1,  p.  170  ;  11,  p.  771  ;  sur  les  prédicants  :  de  Wette,  11,  p.  173  et  suiv.; 
lettre  du  28  mars  1522;  Hilïel ,  1,  p.  508  et  suiv.;  Erasm.,  ep.  ad 
Petrum  Barbirium,  1523;  0pp.,  éd.  Lugd.,  111,  I  p.,  766  et  ailleurs 
(voy.  Dœllinger,  Ref.,  1,  p.  8  et  suiv.)  sur  les  fruits  du  nouvel  Évan- 
gile. Kilian  Leib  dit  de  la  haine  qu'on  portait  au  clergé,  an.  1225 
(Dœlliiigor,  Matériaux,  11,  p.  467)  :  «  Fiebat  ut  sacerdotes  non  luthe- 
rani  et  monachi  popularibus  plus  quam  Judaei  invisi  et  abominabiles 
fièrent.  » 


260  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Insurrections  dans  la  Souabe,  la  Franconie,  la  Thuringe,  etc. 

43.  En  1324.  déjà,  des  insurrections  de  paysans  éclatèrent  en 
différents  endroits,  et  l'année  suivante  l'incendie  s'étendit  dans 
la  Souabe,  la  Franconie,  la  Thuringe,  la  Saxe  et  les  pays  du 
Rhin.  Réunis  en  grandes  troupes,  soutenus  par  quelques  che- 
valiers, aiguillonnés  par  des  meneurs  qui  agissaient  en  secret, 
les  paysans  saccageaient  les  couvents  et  les  châteaux,  les 
réduisaient  en  cendres,  et  se  livraient  à  d'atroces  barbaries. 
Thomas  Münzer,  prédicateur  à  Mulhouse  depuis  son  expulsion 
d' Altstadt,  proclamait  dans  la  Thuringe  l'égalité  naturelle  de 
tous  les  hommes,  l'abolition  des  autorités,  l'établissement  d'un 
royaume  nouveau,  où  il  n'y  aurait  que  des  justes. 

Des  paysans  mêmes  se  permettaient  de  prêcher,  puisque 
chacun  était  libre  d'annoncer  la  parole  de  Dieu.  On  répandait 
de  toutes  parts  des  pamphlets,  des  manifestes  séditieux;  dans 
la  Souabe  notamment  on  propagea  douze  articles  où  il  était  dit 
dans  la  préface  :  L'Évangile  est  outragé  par  un  grand  nombre 
d'ennemis  du  christianisme,  comme  s'il  était  responsable  de 
tous  les  attroupements;  or  ces  articles  ont  été  précisément 
dressés  parce  qu'on  veut  entendre  l'Évangile  et  y  conformer 
sa  conduite.  Et  voici  ce  qu'on  réclamait  :  1**  le  droit  pour 
chaque  commune  d'instituer  et  de  destituer  ses  prédicateurs  ; 
2°  l'abolition  des  dhues  sur  le  bétail  ;  3"  l'emploi  des  dîmes  sur 
le  blé  pour  solder  de  nouveaux  prédicateurs  et  entretenir  des 
établissements  utiles;  4°  la  cessation  de  la  tyrannie  avec 
laquelle  on  traitait  comme  des  serfs  les  paysans  que  Jésus- 
Christ  a  rachetés  de  son  sang  ;  S"  le  droit  de  chasse,  de  pêche, 
l'usage  du  bois  de  chauffage  et  de  construction;  G"  la  compen- 
sation du  dommage  causé  dans  les  champs  par  la  chasse;  7"  la 
réduction  à  l'ancien  pied  des  contributions,  corvées,  taxes,  etc. 

Les  paysans  déclarèrent  qu'ils  étaient  prêts  à  rejeter  ces 
articles,  si  on  leur  prouvait  «  par  l'Écriture  sainte  »  qu'ils 
étaient  injustes  dans  leur  ensemble  ou  dans  quelque  partie;  à 
renoncer  même  aux  concessions  qu'on  leur  avait  déjà  faites,  si 
l'on  prouvait  qu'elles  n'étaient  pas  fondées  sur  l'Écriture;  ils  se 
réservaient  en  revanche  de  réclamer  encore  tout  ce  qu'ils  trou- 
veraient conforme  à  la  Bible.  Le  Bible  devenait  donc  le  code  de 
la  urisprudeuce  civile,  et  elle  devait  également  suffire  sur  le 


LE   PROTESTANTISME.  261 

terrain  politique  et  social.  Les  idées  de  Luther  transpiraient 
partout.  C'étaient  elles  aussi  qui  faisaient  la  base  de  trente  autres 
articles,  rédigés  la  plupart  avec  des  textes  tirés  de  ses  livres,  et 
dans  lesquels  (art.  28)  on  jurait  haine  à  tuus  les  ennemis  de 
Luther. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    4Ö. 

Leib  (Dœllinger,  Matériaux,  II,  p.  446  et  suiv.),  sur  les  troubles  de 
i'62i  daos  le  comté  de  Stuhlingen,  à  roccasion  de  lourds  impôts;  à 
l'abbaye  de  Reichenau,  à  propos  de  l'expulsion  d'un  prédicant;  en 
juillet,  près  de  Forchhelm,  territoire  de  Bamberg,  au  sujet  de  la 
chasse  et  des  dîmes  ;  dans  le  territoire  d'Eichsteett,  près  de  Dollen- 
sleiu  ;  puis  (ibid.,  p.  469j  sur  la  révolte  des  paysans  et  des  bourgeois 
contre  l'abbé  de  Kempten,  qui  fut  cerné  dans  la  forteresse  de  Lie- 
benthau  et  obligé  de  se  rendre,  tandis  qu'on  saccageait  le  couvent  ; 
sur  le  lac  de  Constance  et  dans  l'Allgau  (commencement  de  1525), 
Mag.  Lorenz  Fries  (die  Gesch.  des  Bauernkriegs  in  Ostfranken,  ed.  im 
Auftrage  des  bist.  Vereins  von  Unterfranken  von  Schaeffler  und  lleii- 
ner,  Würzb.,  1876  et  suiv.,  1,  Lief.,  p.  9  et  suiv.),  sur  la  révolte  des 
paysans  dans  le  Wurtemberg  (depuis  mars  1525).  Münzer  (cf.  §  30),  en 
réponse  à  l'avertissement  que  Luther  avait  adressé  à  la  commune  de 
Mulhouse  (1524),  écrivait  :  «  Pamphlet  provoqué  en  haut  lieu  et  réponse 
à  la  masse  de  chair  dépourvue  d'esprit  qui  vit  doucement  à  Witten- 
berg. »  Les  douze  articles  des  paysans  (Walch,  part.  XVI,  p.  24) 
auraient  eu  pour  auteur,  selon  quelques-uns  (Cornelius),  Christophe 
Schappelen,  prédicant  à  Memmingen,  né  à  Saint-Gall,  un  des  prési- 
dents du  colloque  de  Zurich  en  1Ö23,  menacé  de  mort  en  1525  ;  selon 
d'autres  (Strobel,  Beitr.,  II,  p.  76;  Guericke,  III,  p.  66  et  suiv.,  n.  5), 
Jean  Heugling,  chapelain  à  Ueberlingen  ;  selon  d'autres  (Zimmer- 
mann), Th.  Münzer;  selon  d'autres  (Joerg),  Fuchstein;  selon  d'autres, 
Balth.  Hubmaier  (voy.  Alfred  Stern,  die  12  Artikel  der  Bauern  und 
einige  andere  Aktenstücke  aus  der  Bewegung  von  1525,  Leipzig, 
1868).  Fr.  Ludw.  Baumann  (die  Oberschwaebischen  Bauern  im  Maerz 
1025  und  die  zwcelf  Artikel,  Kempten,  1871)  en  attribue  enfin  la 
rédaction  définitive  au  prédicant  Schappeler.  «  Le  noble  Helferich,  le 
chevalier  Heinz  et  Karsthanns  et  leurs  partisans  ont  juré  d'observer 
fidèlement  et  ponctuellement  les  30  articles  »,  in  0pp.  Hütten,  ed. 
Münch,  V,  451  et  seq.;  Falkenslein,  Vollstaend.  Gesch.  des  Herzogth, 
Bayern,  Munich,  1763,  III,  p.  .521  et  suiv.  Hütten  composa,  sous  le 
titre  de  «  Karsthanns  »,  un  dialogue  entre  un  paysan  et  Franz  de 
Sickingen,  qui  remua  tout  particulièrement  les  paysans. 


2C2  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Médiation  de   Luther. 

i6.  Les  paysans  envoyèrent  ces  douze  articles  à  Luther  pour 
solliciter  son  approbation.  11  en  fut  embarrassé  :  les  approuver, 
c'était  enhardir  les  bandes  armées  dans  leur  révolte,  et  s'aliéner 
les  princes  et  la  noblesse;  les  repousser,  c'était  perdre  son 
crédit  et  la  faveur  de  la  multitude.  Il  résolut  donc  d'adresser 
des  conseils  aux  deux  parties,  aux  princes  et  aux  seigneurs, 
aussi  bien  qu'aux  paysans,  et  de  les  «  exhorter  à  la  paix  » 
(mai  1525).  Aux  premiers  il  représenta  leurs  défauts,  les 
accusa  d'être  la  cause  de  la  révolte,  et  les  menaça  d'une  ruine 
prochaine  s'ils  ne  se  corrigeaient  point,  s'ils  continuaient  de 
rançouner  le  peuple  et  de  le  tailler  à  merci.  Il  accumula  en 
même  temps  les  accusations  les  plus  outiées  contre  les  évêques 
les  moins  tyranniques  et  contre  les  princes  qui  s'opposaient  à 
l'introduction  de  sa  doctrine  dans  leurs  États.  Les  paysans  déjà 
en  armes,  il  les  exhorta  à  la  patience,  leur  rappela  que  l'Écri- 
ture défend  de  se  rendre  justice  à  soi-même,  tout  en  tolérant 
des  choses  qui  devaient  plutôt  les  affermir  dans  leurs  desseins 
que  les  effrayer;  il  les  traita  avec  beaucoup  plus  de  ménage- 
inetits  que  les  grands  seigneurs.  Du  reste,  ajouta-t-il,  les  deux 
parties  ont  tort  :  si  elles  ne  s'unissent  pas  dans  la  concorde, 
Dieu  se  servira  d'un  gamin  pour  fouetter  l'autre  gamin.  Il  faut 
faire  vider  la  querelle  par  des  arbitres. 

11  semblait  alors  que  les  desthiées  de  l'Allemagne  fussent 
tout  entières  entre  les  mains  de  Luther.  Mais  ses  exhortations 
furent  en  pure  perte,  car  les  paysans  avaient  déjà  fait  trop  de 
progrès.  De  grandes  masses  de  peuple  s'étaient  d'abord  soule- 
vées sur  le  lac  de  Constance  et  dans  l'AUgau,  et  avaient  pillé  et 
détruit  les  couvents.  La  ligue  de  Souabe  entama  des  négocia- 
tions, tout  en  se  préparant  elle-même  au  combat.  Les  paysans 
ne  cessaient  de  répéter  (juils  ne  voulaient  (]ue  défendre  l'Évan- 
gile, le  mettre  à  exécution  et  soutenir  les  droits  de  Dieu.  Dans 
quelques  endroits,  ils  se  prêtèrent  à  des  négociations  ;  ailleurs 
ils  les  rejetèrent.  Eu  avril  1525,  plusieurs  de  leurs  bandes 
furent  battues  par  George  de  Truchsess,  général  de  la  ligue. 
Déjà  l'insurrection  menaçait  un  grand  nombre  de  principautés 
ecclésiasti(jues,  telles  que  Eichsta?t  et  Wui  zbourg. 

Au  mois  de  mai,  la  révolte  s'étendit  sur  de  vastes  territoires, 


LE    PROTESTANTISME.  263 

et  plusieurs  villes  s'y  associèrent.  Des  hordes  de  paysans,  fortes 
de  dix  à  vingt  mille  hommes,  promenaient  partout  le  pillage  et 
la  dévastation.  Un  grand  nombre  de  chevaliers,  comme  Goetz 
de  Berliciiingen,  se  joignirent  à  eux.  A  Weinsberg,  plusieurs 
de  ceux-ci  sni)irent  une  mort  cruelle  :  on  les  obligea  de  se 
précipiter  en  pleine  campagne  sur  des  piques  dressées  devant 
eux.  Le  prince  évêque  de  Würzbourg,  Conrad  III  de  Thungen, 
ne  garda  que  le  château  de  Marienberg,  défendu  par  Sébastien 
de  Hotenhau.  Bamberg,  la  Thuringe,  l'Alsace  et  le  Palatinat 
du  Rhin  furent  également  ravagés.  Tout  semblait  voué  à  la 
destruction.  Les  armées  des  princes  contenaient  une  foule  de 
fantassins  inhabiles  aux  armes,  et  il  leur  fallait  éparpiller  leurs 
forces,  tandis  que  les  insurgés  se  bornaient  à  quelques  attaques 
partielles,  qui  leur  promettaient  un  riche  butin.  Encore  quelque 
temps,  et  il  était  à  craindre  que  l'Allemagne  ne  fût  plus  qu'un 
monceau  de  ruines. 

Défaite  des  paysans. 

47.  Comme  les  princes  temporels  se  voyaient  aussi  menacés 
que  les  princes  ecclésiastiques,  ils  déployèrent  toutes  les  res- 
sources dont  ils  pouvaient  disposer  et  exercèrent  de  sévères 
représailles.  Antoine,  duc  de  Lorraine,  étouffa  la  rébellion  en 
Alsace,  surprit  à  Lüpstein  six  mille  paysans  qu'il  fit  mettre  à 
mort,  força  (17  mai)  dans  Saverne  le  principal  corps  d'armée  à 
se  rendre;  et,  comme  les  paysans  désarmés  défilaient  en  chan- 
tant un  vivat  à  Luther,  il  commanda  à  ses  lansquenets  de 
massacrer  la  plupart  d'entre  eux.  Tandis  qu'il  revenait  sur  ses 
pas,  il  défit  de  nouvelles  bandes  près  de  Scheerweiler  (20  mai). 

De  son  côté,  George  de  Truchsess,  après  avoir  battu  les 
insurgés  près  de  Bebelingen,  dans  le  Wurtemberg  (t7  mai), 
s'était  emparé  de  Weinsberg,  qu'il  fit  livrer  aux  flammes  avec 
plusieurs  autres  villages  d'alentour.  Louis,  électeur  du  Pala- 
tinat, purgea  d'abord  le  diocèse  de  Spire  des  rebelles,  puis, 
s'unissant  à  l'armée  de  Souabe,  rétablit  l'ordre  dans  la  Fran- 
conie,  où  vingt-six  couvents  et  deux  cents  châteaux  avaient 
été  détruits.  Les  paysans  furent  vaincus  près  de  Kœnigshofen  et 
d' Ingolstadt,  et  un  grand  nombre  mis  ä  mort.  Tant  de  sang  ré- 
pandu amena  enfin  quelque  repos.  Les  ducs  de  Bavière,  dont  le 
territoire  avait  eu  le  moins  à  souffrir  de  la  guerre  de?  paysans, 


264  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

pacifièrent  le  diocèse  de  Salzbourg.  Le  45  mai,  près  de  Fran- 
kerihausen,  de  nombreuses  bandes  de  paysans  furent  anéanties 
par  les  ducs  George  de  Saxe  et  Henri  de  Brunswick,  et  par 
Philippe,  landgrave  de  Hesse. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LES  N°*  46-47, 

Walch,  L.  W,,  th.  xvi,  p.  5  et  suiv.,  60;  th.  xxi,  p.  149  et  suiv.; 
Dœlliuger,  dans  Freib.  K.-Lex.,  VI,  p.  665.  —  Leib,  Chron.,  an.  i525; 
DœUinger,  Beitr.,  II,  p.  462  et  suiv.;  Lor.  Fries,  in  der  angef.  Gesch. 
Briefe  des  Nuntius  Rorarius  und  des  Card.  Campeggio  an  Sadolet,  7  et 
14  febr.,  5  aug.  1525  ;  Lœmnier,  Monum.  Vat.,  p.  20-23,  n.  17  et  seq.; 
Pétri  Gnodalii,  Seditio  repentina  vulgi  an.  1525  exorta,  Basil.,  1580 
(se  trouve  aussi  dans  S.  Schard,  Scr.  Rer.  Germ.,  t.  III)  ;  Peter  Haarer 
(Crinitus),  Wahrhaftige  Beschreibung  des  Bauernkriegs,  Frankf., 
1625,  dans  J.-H.-D.  Gœbel,  Beitr.  zur  Staatsgesch.,  Lemgo,  1767,  lat., 
ap.  Fréher,  Scr.  Rer.  Germ.,  III,  194;  G.-L.  Waldau,  Beitr.  zur  Gesch. 
des  Bauernkr.,  Nürnb.,  1790;  Materiahen  zur  Gesch.  des  Bauern- 
kriegs, Chemnitz,  1792-94,  3  st.;  G.  Sartoi'ius,  Versuch  einer  Gesch. 
des  Bauernkr.,  Berhn,  1795  (ibid.,  p.  393,  les  anciens  ouvrages);  F. -F. 
Oechsle,  Beitr.  zur  Gesch.  des  Bauernkr.,  Heilbronn,  1830;  Waclis- 
muLh,  der  Deutsche  Bauernkr.,  Leipzig,  1834  ;  II.  Schreiber,  Taschen- 
buch für  Gesch.  und  Alterth.  in  Süddeutschland,  Frib.,  1839,  p.  233 
et  suiv.;  II.  W.  Bensen,  Gesch.  der  Bauernkr.  in  Ostfranken,  Erlan- 
gen, 1840;  W.  Zimmermann,  AUg.  Gesch.  des  groszen  Bauernkr., 
Stuttg.,  1841  et  suiv.,  2  part.  (2«  éd.,  1856);  Schreiber,  der  Deutsche 
Bauernkr.,  Frib.,  1864;  Ranke,  Deutsche  Gesch.  im  Z.-A.  der  Ref., 
II,  p.  182-224.  —  Mone,  Quellen  für  die  badische  Landesgesch.,  Carls- 
ruhe, 1848  et  suiv.,  t.  II,  4  ;  Riffel,  I,  p.  412-479  (2°  éd.,  p.  508-581); 
Jœrg,  Deutschi,  in  der  Rev. -Periode,  1522-1526,  Frib.,  1857;  Corne- 
lius, Studien  zur  Gesch.  d.  Bauernkr.,  Munich,  1862  ;  Friedrich,  Astro- 
logie und  Raformation  oder  die  Astrologen  als  Prediger  der  Ref.  und 
Urheber  des  Bauernkr.,  Munich,  1864;  Kraus,  zur  Gesch.  des  deuts- 
chen Bauernkr.  (Nass.  Annalen,  XII,  1873);  Falk,  Luther  und  der  j 
Bauernaufruhr  im  Rheingau  (Catholique,  juillet  1877).  Voy.  encore 
Hisfor.-polit.  Bl.,  1840,  t.  VI  :  Ursachen  des  Bauernkr.,  p.  351-357; 
Ausbruch  und  Charakter  desselben,  p.  449-409  ;  Verthcidigungsan- 
stalten,  p.  527-544.  Manifeste  und  Verfassungsentwürfe  der  Bauern, 
p.  641-604;  1841,  t.  VII  :  Geschichtslügen  über  den  Bauernkr.,  p.  301- 
375,  t.  VIII  ;  Folgen  des  Bauernkr.,  p.  28-36. 

Luther  et  Mélauchthon  contre  les  paysans  vaincus. 

48.  Les  premières  défaites  des  paysans  étaient  à  peine  con- 


LE   PROTESTANTISME.  56o 

nues,  que  Luther,  dans  un  écrit  «  contre  les  paysans  brigands 
et  assassins  »,  engageait  les  princes  à  les  écraser  sans  pitié  ni 
merci,  à  les  abattre  comme  des  bètes  fauves  et  des  chiens 
furieux,  à  les  étrangler  ou  tuer  de  quelque  autre  manière  : 
ils  pourraient  ainsi  plus  facilement  gagner  le  ciel  que  d'autres 
par  la  prière.  Plusieurs  étaient  révoltés  de  ce  défaut  de  com- 
passion pour  des  gens  qui  lui  étaient  attachés  et  qu'il  avait 
séduits  par  ses  doctrines,  de  ce  conseil  sanguinaire  qui  ne  fut 
que  trop  exactement  suivi,  des  encouragements  qu'il  donnait  à 
des  souverains  déjà  enclins  à  la  sévérité,  contrairement  au  lan- 
gage, qu'il  avait  tenu  autrefois.  Mais  Luther  avait  à  cœur  de 
faire  passer  ses  adversaires  pour  des  rebelles;  il  engagea  même 
l'autorité  à  sévir  contre  ceux  qui  s'apitoyaient  sur  les  paysans, 
et  revendiqua  l'honneur  d'avoir  fait  massacrer  ces  malheureux, 
en  disant  qu'il  avait  parlé  sur  l'ordre  de  Dieu. 

Quant  àMélanchthon,  que  Louis,  comte  du  Palatinat  rhénan, 
avait  consulté  sur  les  douze  articles  des  paysans,  dans  le  désir 
d'éviter  l'effusion  du  sang  et  de  rétablir  un  ordre  de  choses 
régulier,  il  répondit  qu'un  peuple  aussi  mal  élevé  que  les 
Allemands  avait  encore  trop  de  libertés,  que  ce  que  l'autorité 
faisait  était  bien  fait  et  que  tous  ses  décrets  devaient  être 
agréés  du  peuple.  C'est  ainsi  que  les  nouveaux  réformateurs 
de  l'Église  se  faisaient  les  champions  du  despotisme  et  de 
l'asservissement.  Ils  n'étaient  plus  les  hommes  du  peuple,  mais 
les  serviteurs  des  princes. 

OUVRAGES   A   CONSCLTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   I.E   N°   48. 

Luther  contre  les  paysans  pillards  et  assassins  :  Walch,  th.  xvi,  p.  91 
et  suiv.j  Hislor. -polit.  BI.,  1841,  t.  Vil,  p.  170-192.  Érasme  aussi  (Hy- 
perasp.,  I,  1032)  reprochait  à  Luther  sa  complicité  dans  la  guerre  des 
paysans.  Tlieobald  Billican  {Apologia  de  commento  revocationis  in 
religione,  Worraat.,  1339,  B.  7  :  «  Agricolas  libertatis  falsee  spécula 
illectabat,  classicum  canentibus  lis  qui  numinis  coelestis  adulterato 
verbo  simplicitati  hominum  imponebant  (Dœllinger,  Reform.,  I,  149. 
Voy.  Eck,  dans  Wiedemann,  J.  Eck,  p.  41).  Kilian  Leib,  qui  appelait 
Luther  «  superbus  Jéroboam,  homo  a  daemone  missus  »  (p.  446,  462  et 
seq.),  disait  des  paysans  :  «  Misere  a  noxiœ  libertatis  consultore,  pes- 
simo  Luthero,  delusi  sunt  crudelitcr  »  (p.  447);  et  plus  loin  (p.  490)  • 
«  Edidit...  L,  libellum,  quo  testabatur  iniquissimus  nebulo  tumultuan- 
tes   rusticos  juste  trucidatos,  qui  eos  nefandis  dogmatibus  noiiam 


266  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

libertatem  desiderare,  ac  per  id  inobedientiara  dominorum  etmajorita- 
tis  odium,  sacrilegia,  sacrorum  contemptum  et  in  summa  malura 
omne  docuerat,  hoc  ipso  hospitis  sui  Satana?,  magistri  sui,  dœmonis 
artes  et  ingenium  referens  egregie,  qui  primo  omnes  adhibet  vires... 
ut  misères  mortales  peccatis  oneret...  el  voti  compos  effectus  agit,  ut 
illaqueatos  in  desperalionis  praecipitium  cogat  et  damnationis  suse 
faciat  habeatque  participes.  »  Selon  la  remarque  de  Sébastien  Frank, 
mort  en  1ö4d  (Dœllinger,  Reform.,  t.  I,  p.  187  et  suiv.),  l'opinion 
que  Luther  avait  d'abord  séduit  les  paysans,  puis  excité  à  les  anéantir, 
était  si  répandue,  qu'en  plusieurs  endroits  où  sa  doctrine  était  prè- 
chée,  on  avait  coutume  de  dire,  quand  on  entendait  sonner  pour  la 
prédication  :  «  On  sonne  la  cloche  du  meurtre.  »  Du  reste,  Luther 
disait  lui-même  :  «  Moi,  Martin  Luther,  j'ai  tué  tous  les  paysans  dans 
une  insurrection;  j'ai  commandé  de  les  tuer.  Tout  leur  sang  est  sur 
ma  tète,  mais  je  le  renvoie  à  Dieu  Notre-Seigucur,  qui  m'a  ordonné 
de  parler  ainsi.  »  (Propos  de  table,  éd.  d'Eisleb.,  f.  276,  b  ;  éd.  de 
Francfort,  f.  196,  «. 

Victimes  de  la  guerre  des  paysans. 

49.  Les  paysans  n'avaient  succombé  que  par  le  manque  de 
bons  chefs  et  de  grosse  artillerie.  Leur  défaite  sauva,  cette  fois 
encore,  les  trônes  chancelants.  Les  princes  demandèrent  aux 
fondations  rehgienses  des  dédommagements  considérables 
pour  les  dépenses  qu'ils  avaient  faites  à  la  guerre,  bien  qu'ils 
n'eussent  fourni  que  des  secours  tardifs  et  qu'ils  eussent  aussi 
combattu  pour  leur  propre  cause.  On  usa  surtrtut  de  sévérité 
envers  les  anabaptistes,  dont  les  débris  s'étaient  réfugiés  eu 
Silésie,  en  Moravie,  en  Pologne,  en  Suède,  dans  les  Pays-Bas 
et  en  Suisse.  Beaucoup  furent  mis  à  mort,  entre  autres  leur 
chef  Thomas  iMüuzer,  qui,  après  avoir  régné  en  maître  à 
Mulhouse  et  introduit  la  communauté  des  biens,  avait  été  battu 
à  Frunketdiausen  et  fait  pri.soiinier.  Il  abjura  ses  erreurs  avant 
de  mcturir,  revint  à  l'Église  catholique,  exhorta  les  princes  à  la 
justice,  le  peuple  à  la  patience  et  à  la  soumission.  Le  nombre 
de  ceux  qui  périrent  dans  la  guerre  des  paysans  fut  estimé  à 
cinquante  mille,  dont  vingt  mille  pour  l'Alsace  seule,  autant 
pour  la  Franconie  et  la  Souabe,  six  mille  pour  le  Wurtemberg. 


LE    PROTESTANTISME.  267 

OUVRAGES    A    CONSLLTEK    SUR    LE    S°    49. 

Leib,  ad  ann.  Iö2ö,  loc.  cit.,  p.  498.  Voy.  les  ouvrages  cités  §  30,  sur 
Münzer,  et  §  40  et  suiv. 

Mariage   de   Luther. 

50.  Au  milieu  de  la  guerre  atroce  des  paysans,  tandis  qu'il 
faisait  de  la  polémique,  Luther,  qui  avait  déposé  le  costume 
religieux  en  décembre  lo24.,  venait  d'atteindre  sa  quarantième 
aimée.  Il  épousa  Catherine  de  Bora  (13  juin  1525),  que  ßernard 
Koppe  lui  avait  amenée  du  couvent  de  Nimptschen,  tumultuai- 
remeiit  supprimé.  Ce  mariage  arriva  si  soudainement  et  fut 
célébré  avec  une  si  étonnante  précipitation,  que  les  plus  chauds 
partisans  de  Luther  en  furent  eux-mêmes  surpris  et  décon- 
certés. Le  3  juin,  il  avait  exhorté  rarchevèijue  de  Mayence 
«  à  prendre  femme  »,  et  s'était  excusé  de  tlifférer  s^n  propre 
mariage  par  la  crainte  de  «  n^^  être  pas  propre  ».  Dix  jours 
plus  tard,  il  se  mariait  secrètement ,  et  quinze  jours  après  il 
célébrait  ses  noces.  Il  voulait,  disait-il,  donner  à  l'archevêque 
«  un  exemple  fortifiant  »,  et,  en  épousant  une  nonne,  rendre 
témoignage  à  sou  Évangile  diffamé  par  Müuzer  et  les  paysans, 
attester  le  mépris  qu'il  faisait  de  ses  ennemis,  accomplir  un 
ancien  désir  de  sou  père,  fermer  la  bouche  à  ceux  qui  avaient 
médit  de  lui  à  propos  de  Catherine.  Il  alléguait  encore  diffé- 
rentes raisons,  celle-ci  entre  autres,  que,  pendant  qu'il  songeait 
à  tout  autre  chose,  le  Seigneur  l'avait,  d'une  façon  toute  miracu- 
leuse, lancé  daus  le  mariage  avec  une  nonne,  et  qu'il  lui  fallait 
maintenant  être  injurié  et  maudit  pour  cette  œuvre  divine  (il  y 
avait  donc  des  œuvres  méritoires).  Il  se  glorifiait  comme  d'un 
triomphe  de  ce  que  lui  et  son  élue  avaient  rompu  leurs  anciens 
\  œux  et  noué  un  mariage  déclaré  nul  par  les  vieilles  lois  civiles 
et  ecclésiastiques.  Il  sentait  néanmoins  qu'il  avait  baissé  dans 
l'estime  pubhque,  et  il  essayait  vainement  d'étouffer  cette 
impression  pénible  par  des  propos  amers  et  grossiers  ou  par 
de  frivoles  plaisanteries.  Au  sentiment  douloureux  de  sou 
discrédit  se  joignirent  les  chagrins  que  lui  causa  l'humeur 
impériense  de  sa  femme,  et  l'on  allait  répétant  ce  mot  sarcas- 
tique  d'Erasme  :  «  Plusieurs  s'imaginent  que  l'entreprise  de 
Luther  est  une  tragédie;  c'est  plutôt  une  comédie,  car  tout  y 
finit  par  le  mariage.  » 


268  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°   50. 

Lettres  de  Luther  à  l'archevêque  de  Mayence ,  à  Rühe),  Spalatin, 
Amsdorf  :  de  Wette,  II,  p.  673  et  suiv,;  III,  p.  2,  12.  Ses  déclara- 
tions sur  «  Ksethe  »  :  Walch,  part.  XXIV,  p.  loO  ;  sur  le  mariage,  èdit. 
allemande  d'Iéna,  II,  f.  147  et  suiv.,  152,  136  (là-dessus  le  duc  George, 
1326,  dans  Walch,  part.  XIX,  p.  616.  Voy.  Walch,  part.  XXII,  p.  1726). 
DœUinger,  Ref.,  II,  p.  427  et  suiv.,  623  et  suiv.;  Histor.-pol.  Bl.,  t.  XI, 
p.  410-433  ;  Melanchth.,  Ep.  ad  Camerar.,  Lips.,  1569,  p.  33;  Engel- 
hard, Lucifer  Witebergensis,  oder  der  Morgenstern,  d.  i.  vollstaendiger 
Lebenslauf  der  Katharina  von  Bora,  Landshut,  1749,  2  vol.;  Walch, 
Kathar.  v.  Bora,  Halle,  1751,  2  vol.;  Lessing,  Rettung  des  Simon  Lem- 
nius  —  lettres  VII,  viii  (V.  W.  zur  Lit.  u.  Theol.  Carlsruher  Ausg.,  th.  iv, 
p.  29-37);  Beste,  Kathar.  v.  Bora,  Halle,  1843;  Meurer,  Katharina 
Luther,  Dresde,  1834.  Voy.  encore  Surius,  an.  1323;  DœUinger,  Lu- 
ther, p.  664-667. 

Nouveaux  règlements  religieux. 

51 .  Le  zèle  de  ses  partisans  contre  l'ancienne  Église  s'était 
refroidi  :  Luther  essaya  de  le  réchauffer.  Au  nouvel  au  de  1526, 
il  leur  rappela  qu'on  n'avait  pas  encore,  à  beaucoup  près,  assez 
injurié,  décrié,  ridiculisé  par  des  chansons  et  des  vers,  broyé 
la  papauté;  qu'il  fallait  de  nouveau  employer  contre  elle  l'écri- 
ture, les  vers,  la  rime  et  la  peinture. 

Il  s'appliqua  à  recouvrer  par  la  flatterie  les  bonnes  grâces 
de  George,  duc  de  Saxe,  qu'il  avait  autrefois  gravement 
offensé;  mais  George,  indigné  de  sa  conduite,  lui  reprocha 
ses  funestes  doctrines  et  les  conséquences  morales  qu'elles 
entraînaient.  Luther  s'était  borné  jusque-là  h.  renverser  l'an- 
cien ordre  de  choses  et  n'avait  encore  rien  édifié;  il  s'adressa 
(1526)  au  nouvel  électeur  Jean,  surnommé  «  le  Constant  »,  qui 
avait  succédé  à  son  frère  Frédéric  le  Sage  (.^  mai  1525),  pour  le 
prier  de  régler  de  nouveau  les  affaires  religieuses  de  la  Saxe, 
attendu  qu'il  ne  pouvait  rien  faire  de  sérieux  sans  le  concours 
du  souverain  et  que  lo  désordre  était  devenu  intolérable.  L'ordi- 
nation d'un  évêque  était  devenue  nécessaire,  et,  dès  le  mois 
de  mai  1525,  Rorarius  avait  été  ordonné  à  Wittenberg  selon  le 
rite  nouveau.  Sur  la  proposition  du  réformateur,  le  prince 
électeur  fit  entreprendre  une  visite  des  églises,  pour  y  établir 
la  nouvelle  organisation. 

Au  lieu  d'une  constitution  démocratique,  de   communes 


LE    PROTESTANTISME.  269 

isolées,  où  la  majorité  instituait  ot  destituait  à  son  gré  les 
prédicateurs,  on  adopta  dès  lors  un  gouvernement  ecclé- 
siastique placé  sous  la  tutelle  des  souverains,  afin  d'arrêter 
l'arbitraire  dos  individus  et  de  récompenser  les  princes  des 
services  rendus  à  la  nouvelle  doctrine.  On  plaça  donc  les  com- 
munes religieuses  sous  l'autorité  des  juristes,  qui  furent  sou- 
vent en  désaccord  avec  le  réformateur  et  plus  tard  détestés  par 
lui.  Jusque-là,  Luther  avait  été  consulté  en  toutes  choses,  et 
c'était  lui  qui  avait  proposé  les  prédicateurs. 

De  la  messe  on  avait  conservé  le  nom  et  la  plupart  des  céré- 
monies (y  compris  l'élévation);  cependant  on  omettait  le  canon 
et  tout  ce  qui  rappelait  l'idée  de  sacrifice  ;  on  avait  supprimé 
les  messes  basses,  et  tout  se  faisait  en  langue  allemande.  Les 
chants,  la  lecture  de  la  Bible  et  la  prédication  étaient  l'essentiel 
du  culte.  Comme  visiteurs  furent  nommés  deux  juristes  et 
deux  théologiens;  Mélanchthon  était  de  ces  derniers.  Ils  accom- 
plirent leur  mission  en  1527  et  1528,  donnèrent  des  prescrip- 
tions sur  la  doctrine  et  sur  le  culte,  prirent  des  mesures  pour 
supprimer  les  fondations  ecclésiastiques,  pour  ériger  des  écoles 
et  des  paroisses,  et  ils  chargèrent  les  autorités  civiles  de  punir 
les  récalcitrants. 

En  1527,  Mélanchthon  composa  son  opuscule  sur  la  visite, 
pour  enseigner  aux  curés  ce  qu'ils  devaient  prêcher.  Luther, 
qui  avait  écrit  dès  1523  une  Postille  à  l'usage  des  prédicateurs, 
déclara  dans  sa  préface  sur  l'ouvrage  de  Mélanchthon,  sans 
doute  pour  atténuer  la  contradiction  qui  existait  entre  ce  qu'il 
avait  fait  autrefois  en  supprimant  toutes  les  lois,  toutes  les 
institutions  obligatoires  de  l'Église,  et  le  règlement  ecclésias- 
tique qu'on  imposait  maintenant,  il  déclara  que  ce  règlement 
n'était  pas  strictement  obligatoire,  car  on  ne  voulait  pas  renou- 
veler les  décrétales  des  papes,  mais  qu'il  fallait  le  considérer 
comme  «  une  histoire,  un  témoignage  et  une  confession  de  la 
foi  ». 

Les  curés  et  les  communes  ne  s'y  trompèrent  pas  :  ils  com- 
prirent que  cette  «  histoire  »,  ce  «  témoignage  »  les  obligeraient 
rigoureusement,  tant  que  TEsprit-Saint  n'y  aurait  rien  changé 
par  l'organe  des  réformateurs  :  car  le  prince  électeur,  en  sa 
qualité  de  souverain  chrétien,  devait  veiller  à  ce  que  l'inégalité 
dans  le  culte  et  la  doctrine  ne  produisissent  point  des  discordes, 


270  HISTOIRE  DK  l'égus?:. 

des  attroupements  et  des  insurrections.  Voilà  où  l'on  aboutissait 
avec  la  «  liberté  cbrétieniie  »  :  on  retirait  aux  communes  le 
droit  d'instituer  et  de  destituer  les  prédicateurs.  C'est  ainsi 
encore  que  furcut  composés  plus  tard,  pour  les  besoins  de 
renseignement,  le  Grand  et  le  Petit  Catéchisme  de  Luther 
(1529),  qui  acquirent  l'autorité  d'un  Symbole.  On  confia  la 
surveillance  des  curés  et  la  décision  des  affaires  matrimoniales 
à  des  surintendants,  qui  furent  présidés  dans  la  suite  par  les 
consistoires  (1542).  C'était,  en  un  mot,  l'autorité  civile  qui  était 
chargée  du  gouvernement  de  l'Église. 

OUVRAGES   A   CONSULTEB   SUR   LE    N°    Ö1. 

Lettre  de  Luther  à  l'électeur  Jean,  22  nov.  t526  :  de  Wette,  III, 
p.  t3ö.  Comp,  ibid.,  p.  160,  219;  II,  p.  493  ;  K.-Fr.  Jagemann,  Lebens- 
beschreibung Joh.  des  St.uidhaftcn  und  Job.  Friedr.,  Halle,  1736; 
Riftel,  11,  p.  1  et  suiv.;  Richter,  die  Evangel.  Kirchenordnungen  des 
16  Jahrh.,  Urkunden  und  Regesten,  Weimar,  1846,  2  vol.  Instruction 
des  visiteurs  aux  curés  (lat.  1527),  avec  une  préface  de  Luther,  Wit- 
tenb.,  1Ö28,  in-4'' ;  en  lat.  et  en  allem.,  éd.  de  Strobel,  Altdorf,  1777, 
avec  une  introduction  et  des  remarques  historiques  par  Weber, 
Schhichtern,  1844.  Comp.  Riffel,  II,  p.  32-61.  Catéchisme  de  Luther, 
dans  Hase,  Libri  synibol.  Eccl.  evang.,  p.  361  et  seq.;  en  allem., 
dans  Kœthe,  die  Symbolischen  Biïcher  der  ev.-luth.  K.,  p.  254  et  suiv.; 
Augusti,  Hist.-krit.  Einleit.  in  die  beiden  Haupt-Katechismen,  Elber- 
feld,  1824;  Wolch,  th.  x,  p.  2  et  suiv.  Consistoires  :  Richter,  Gesch. 
der  evangel.  Kirchenverfassung,  p.  82  et  suiv. 

La   Réforme   en  Prusse,  dans   la  Hesse,  à  Ânspach  et  dans 
beaucoup  de  villes  impériales. 

52.  Lorsque  Albert  de  Brandebourg,  grand  maître  de  l'ordre 
Teutonique,  eut  embrassé  et  introduit  en  Prusse  la  nouvelle 
doctrine,  le  landgrave  Philippe  de  Hesse  se  déclara  ouverte- 
ment en  sa  faveur.  Dans  une  assemblée  tenue  à  Hambourg  sous 
sa  présidence  (octobre  1526),  on  discuta  la  question  si  l'on  con- 
serverait l'ancienne  croyance  ou  si  l'on  adopterait  la  nouvelle. 
Comme  on  avait  arrêté  d'avance  qu'on  n'emprunterait  ses 
preuves  qu'à  la  Bilile,  on  montrait  par  cela  même  qu'on 
enteudait  favoriser  le  luthéranisme.  Les  luthériens  étaient 
représeutés  par  un  prédicateur  de  la  cour,  Adam  Kralft  (il 
mourut  en  1558);  par  un  franciscain  apostat,  François  Lambert 


LE    PROTESTANTISME.  271 

d'Avignon  (il  moutnt  en  1530),  et  par  Erhard  Schnepf  (il 
monrnt  en  I008).  Les  représentants  des  catholiqnes,  Jean 
Sperber,  curé  de  Waklan,  et  Nicolas  Ferber,  gardien  des 
franciscains,  se  retirèrent. 

Lambert  parla  avec  feu  en  faveur  d'un  règlement  synodal 
sur  une  base  démocratique.  Ce  règlement,  dans  sa  substance, 
plaisait  au  landgrave;  mais  en  1528  il  était  déjà  remplacé  par  lo 
règlement  saxon.  Après  un  nouveau  synode  tenu  à  Marbourg 
en  1527,  les  prêtres  catholiques  furent  chassés  du  pays,  les 
couvents  évacués,  et  leurs  biens  assignés  à  l'université  de 
Marbourg  et  à  d'autres  établissements.  Le  landgrave  en  reçut 
sa  part. 

Sur  le  territoire  d'Anspach ,  le  margrave  George  abolit  la 
religion  catholique  (1528).  Déjà  beaucoup  de  villes  de  l'em- 
pire s'étaient  insurgées  contre  l'ancienne  Église,  notamment 
Nurenberg,  Francfort-sur- le-Mein,  Ulm,  Schwabisch-Hall, 
Strasbourg,  Brème,  Magdebourg;  déjà  les  magistrats  de  ces 
villes,  imitant  les  souverains,  se  faisaient  les  maîtres  des 
consciences;  déjà  la  corpi »ration  de  Luther  de  persécutée  deve- 
nait persécutrice  ;  l'autorité  de  l'Église  avait  fait  place  à  l'au- 
torité des  réformateurs,  qui  s'étaient  eux-mêmes  appelés.  La 
situation  extérieure  offrait  le  plus  lamentable  spectacle.  Un 
grand  nombre  de  prédicateurs  n'étaient  que  des  manœuvres 
ignorants  et  souvent  immoraux  :  ils  tombèrent  dans  le  mépris, 
et  le  peuple  ne  voulut  plus  d'ecclésiastiques.  Beaucoup  de  ces 
derniers  dépérissaient  avec  leurs  familles  dans  une  affreuse 
misère. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  52. 

Sur  la  Prusse,  ci-dessous,  §  125.  Sur  la  Hesse,  etc.,  L.-A.  Salig,  His- 
torie der  Augsburger  Confession,  th.  i,  p.  658  etsuiv.;  J.-M.  Sclirœckh, 
Allg.  Biographie,  th.  vin,  p.  288  et  suiv.;  de  Rommel,  Kurze  Gesch. 
der  Hessen-Cassel'schen  K.-Verbess.,  Cassel  u.  Marh.,  1817;  Hassen- 
kamp,  Hess.  K.-G.  seit  der  Ref.,  Marb.,  1853,  et  Franz  Lambert, 
Elberfeld,  1860;  Raum,  Franz  Lambert,  Straszb.,  1840;  Hartmann, 
Erhard  Schnepf,  Reformator  in  Schwaben,  Nassau,  Hessen  und  Thü- 
ringen, Tübingen,  1870;  Riffel,  H,  p.  77-126.  Sur  George  d'Anspach, 
Leib,  Chron.,  an.  1527,  p.  514  et  suiv.;  an.  1530,  p.  538;  Dœlhnger, 
Ref.,  I,  p.  223;  Fiedler,  Pastoralztg.  v.  Torgau,  1842,  ann.  4;  die 
Einführung  der  Ref.  im  Erzstifte  Magdeburg;  Kirchhofer,  zur  Ref.- 


272  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

Gesch.  V.  Ulm  (Niedners  Ztschr.  f.  List,  theol.,  1849,  III,  p.  44o  et 
suiv.,  et  plusieurs  dissertations  semblables).  Prédicateurs  ignorants  : 
Capito,  1S33;  Centuria  epistol.  ad  Schwebelium,  Biponti,  1597, 
p.  170  ;  Polit,  eccl.,  dans  Grosch,  Verlheidigung  wider  Arnold,  p.  497; 
Gallus,  Brandenburgische  Gesch.,  III,  p.  14ü.  Prédicateurs  immoraux  : 
Luther,  Epp.,  éd.  Âurif.,  II,  101  ;  Dœlhnger,  III,  p.  229  et  suiv.;  II, 
p.  295  et  suiv.;  Wizei,  Jean  Eberlin,  Henri  Satrapitan,  dans  Dœllinger, 
F,  p.  105  et  suiv.,  208  et  suiv.,  210  et  suiv.  Sur  le  mépris  des  ecclésias- 
tiques :  Luther,  Postille  domestique  ;  Walch,  part.  XIII,  p.  39,  1816, 
éd.  d'Altenb.,  IX,  f.  963,  964;  Dœllinger,  Ref.,  I,  p.  299  et  suiv.; 
Mélanchthon,  Drakonites,  George  iMajor,  Musculus  et  plusieurs  autres, 
dans  Dœllinger,  1,  p.  463  et  suiv.;  Bucer,  ibid.,  II,  p.  26  et  suiv.  Leur 
pauvreté  et  leur  misère  :  Luther  à  l'électeur  Jean,  22  nov.  1526  et 
3  févr.  1527;  de  Wette,  III,  p.  135,  160.  Explication  du  premier  livre 
de  Moïse  :  Walch,  part.  II,  p.  1811  ;  Dœllinger,  I,  p.  317-325. 

Les    événements   depnis   1&91>   jusqu'en    I530. 

Ligue  de  Torgau.  Diète  de  Spire  en  1526. 

53.  Effrayés  de  l'apostasie  d'un  grand  nombre  de  seigneurs, 
de  la  guerre  des  paysans  et  de  ses  suites,  les  princes  catho- 
liques, notamment  Albert  de  Mayence,  George  de  Saxe,  Henri 
de  Brunswick,  1  evêque  de  Strasbourg,  cherchèrent  à  resserrer 
les  liens  qui  les  unissaient,  et  conjurèrent  l'empereur  de 
détourner  les  périls  imminents.  De  leur  côté,  les  princes  luthé- 
riens formèrent,  le  A  mai  1526,  la  ligue  de  Torgau  (ou  de 
Gotha),  par  laquelle  ils  se  promettaient  assistance  mutuelle, 
si  on  venait  à  leur  défendre  d'introduire  la  nouvelle  doctrine. 
Philippe  de  Hesse,  l'âme  de  cette  ligue,  avait  soutenu  contre 
Th.  Münzer  que  la  religion  ne  pourrait  pas  être  un  motif 
de  se  révolter  contre  l'autorité  légitime;  et  cependant  la  ligue 
formée  par  lui  n'était  au  fond  qu'une  conspiration  contre 
l'empereur,  alors  victorieux.  11  y  avait  ainsi  en  Allemagne 
un  camp  catholique  et  un  camp  luthérien.  La  ligue  créée  par 
le  prince  électeur  de  Saxe  et  le  landgrave  de  Hesse  fut  adoptée 
par  le  duc  de  Brunswick-Lunebourg,  Henri  de  Mecklenbourg, 
par  les  ducs  de  Celle  et  de  Grabenhagen ,  par  ^yolfgang , 
prince  d'Anhalt,  par  les  comtes  Gebhardt  et  Albert  de  Manns- 
feld  et  par  la  ville  de  Magdebourg.  Nurenberg  refusa,  parce 
que  la  religion  ne  doit  pas  s'appuyer  sur  le  bras  des 
hommes. 


LE   PROTESTANTISME.  273 

Les  suites  de  la  ligue  de  Torgau  se  révélèrent  à  la  diète  qui 
s'ouvrit  à  Spire  en  juin  1526  :  les  États  luthériens,  exploitant 
les  embarras  de  l'empereur  et  de  son  frère,  s'y  montrèrent 
pleins  de  bravade.  Déjà  Jean  de  Saxe  et  Philippe  de  Hesse  se 
disposaient  à  quitter  l'assemblée,  et  une  guerre  religieuse  sem- 
blait imminente.  Cependant  l'archiduc  Ferdinand  et  Richard  de 
Trêves  apaisèrent  les  esprits  et  firent  rendre  un  décret  (27  août) 
portant  qu'on  fournirait  des  secours  pour  la  guerre  contre  les 
Turcs,  qu'un  concile  général  ou  du  moins  national  et  allemand 
serait  réuni  dans  l'espace  d'une  année  ;  quant  à  l'édit  de  Worms, 
chaque  État  ferait  ce  dont  il  pourrait  répondre  devant  Dieu  et 
devant  l'empereur.  C'en  était  donc  fait  de  cet  édit  :  chaque  sou- 
verain avait  le  droit  de  régler  les  affaires  de  la  religion  selon 
son  bon  plaisir  (principe  du  territorialisme  et  droit  de  réforma- 
tiou).  Le  secours  contre  les  Turcs  arriva  trop  tard.  Le  29  août 
1526,  près  de  Mohacz,  Louis,  roi  de  Hongrie  et  de  Bohême, 
était  pleinement  battu  par  le  sultan  Soliman  et  perdait  la  vie 
pendant  sa  fuite  à  travers  les  marais  de  Hongrie.  Ofen  (Bude) 
se  rendit  aux  Turcs^  qui  se  retirèrent  vers  la  fin  de  l'année. 
L'archiduc  Ferdinand  hérita  de  la  couronne  de  Hongrie  en  sa 
qualité  de  beau-frère  de  Louis  et  par  suite  de  contrats  de  fa- 
mille ;  mais  il  eut  à  se  défendre  contre  le  woywode  de  Tran- 
sylvanie, Jean  de  Zapolya,  soutenu  par  les  Turcs. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°   53. 

Sieidan.,  op,  cit.,  lib.  VI;  Walch,  th.  xvi,  p.  214;  Kapp,  Nachlese, 
th.  II,  p.  680  ;  Kilian  Leib,  loc.  cit.,  p.  499  et  suiv.;  J.-J.  Müller,  Histo- 
rie von  der  evaugel.  Staende  Protestation  und  Appellation  wider  und 
von  dem  ReichstagsaLschied  zu  Speyer,  1329,  Jena,  1704,  in-4°  ;  Gue- 
ricke,  K.-G.,  TU,  p.  99,  n.  2,  9^  éd.;  Maurenbrecher,  Carl  V  und  die 
deutschen  Protestanten,  p.  83. 

L'imposture  de  Pack. 

54.  Déjà  les  princes  luthériens  méditaient  une  incursion 
dans  les  provinces  catholiques,  dont  les  souverains  passaient 
pour  avoir  conspiré  entre  eux  la  ruine  du  nouvel  évangile. 
Utton  de  Pack,  conseiller  de  la  chancellerie  de  George,  duc  de 
Saxe,  persuada  au  landgrave  de  Hesse  qu'une  alliance  avait 
été  formée  entre  son  maitre,  l'archiduc  Ferdinand,  et  quelques 
Y.  —  HisT.  DE  l'Église.  Ijj 


274  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

évêques,  en  vue  d'expulser  les  princes  luthériens  et  de  partager 
leurs  territoires  ;  et,  pour  confirmer  son  dire,  il  montra  une 
copie  de  documents  et  promit  de  livrer  l'original  pour  la  somme 
de  4,000  florins  (1528).  Aussitôt  le  landgrave  Philippe  et  l'élec- 
teur de  Saxe  se  préparèrent  à  la  guerre,  et  personne  ne  savait 
pourquoi.  La  lumière  ne  se  fit  que  lorsque  Philippe  en  écrivit 
au  duc  George,  son  beau-père.  Otton  de  Pack  ne  put  rien 
démontrer,  et  Philippe  dut  reconnaître  qu'il  avait  été  dupe. 
Mélanchthon  n'avait  pas  tardé  à  deviner  l'imposture.  Cependant 
Luther  profita  de  la  circonstance  pour  répandre  sa  bile  contre 
le  duc  et  le  rendre  suspect  de  mille  manières.  Le  landgrave 
Philippe  exigea  un  dédommagement  de  ses  préparatifs 
militaires  (demanda  même  200,000  florins)  à  des  princes 
ecclésiastiques  qui  n'avaient  rien  à  démêler  dans  cette  affaire, 
tels  que  l'archevêque  de  Mayence  et  les  évêques  de  Würzbourg 
et  de  Bamberg  :  40,000  florins  furent  arrachés  à  l'évêque  de 
Würzbourg,  et  20,000  à  celui  de  Bamberg,  tant  les  princes 
catholiques  étaient  alors  impuissants  et  découragés. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET  REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    54. 

Walch,  L.  W.,  th.  xvi,  p.  44S  et  suiv.,  506;  th.  xix,  p.  642.  Sorite  de 
Luther  ;  Le  duc  George  est  l'ennemi  de  ma  doctrine,  par  conséquent 
il  se  décliaîno  contre  la  parole  de  Dieu  ;  je  dois  donc  croire  qu'il  se 
déchaîne  contre  Dieu  même  et  contre  son  Christ.  S'il  se  déchaîne 
contre  Dieu  même,  je  dois  croire  secrètement  qu'il  est  possédé  du 
démon  ;  s'il  est  possédé  du  démon,  je  dois  croire  secrètement  qu'il 
trame  les  plus  noirs  desseins,  etc.  —  Kilian  Leib,  an.  1628,  p.  520- 
522;  Rilfel,  I,  p.  371-376,  n.  l,  t.  Il,  p.  356  et  suiv.—  Seidemann, 
Theol.  Briefwechsel  zwischen  Landgraf  Philipp  v.  Hessen  und  Herzog 
Georg  von  Sachsen,  1535  et  suiv.  (iNiedners  Ztschr.  f.  histor.  Iheol., 
1849,  II,  p.  175  et  suiv.). 

Clément  VII   et  l'empereur. 

55.  Une  chose  particulièrement  douloureuse  aux  catholiques 
fut  la  mésintelligence  qui  éclata  entre  le  pape  et  l'empereur. 
Clément  VII  s'était  déjà  employé  comme  cardinal  pour  les  inté- 
rêts de  Charles-Quint  ;  il  lui  avait  rendu  d'importants  services 
et  avait  longtemps  soutenu  sa  cause.  Mais  les  devoirs  de  sa 
charge  ne  lui  permettaient  point  d'approuver  la  guerre  contre 


LE    PROTESTANTISME.  275 

la  France,  et  il  était  teuu  de  veiller  à  l'indépendance  du  Saint- 
Siège  comme  à  la  liberté  de  l'Italie.  L'orgueil  et  la  cupidité 
des  Espagnols,  leur  domination  sur  Naples  et  sur  beaucoup 
d'autres  parties  de  l'Italie,  avaient  profondément  blessé  les  Ita- 
liens, qui  joignaient  à  une  culture  délicate  le  vif  sentiment  du 
bien  général  ;  cette  domination,  en  s'étendant  de  plus  en  plus, 
exposait  la  Péninsule  à  tomber  sous  la  servitude  des  agents  de 
l'Espagne.  A  Rome,  on  craignait  d'être  accablé  du  côté  du  nord 
et  du  sud  par  la  prépondérance  de  l'empereur  ;  le  pape  avait 
plus  d'une  fois  constaté  son  manque  d'égards,  le  mépris  de  ses 
conseils  ;  l'empereur  protégeait  son  vassal  de  Ferrare  contre  le 
Saint-Siège.  Enfin,  les  armes  françaises  étaient  victorieuses  en 
Italie,  Milan  conquis  (1524),  les  États  de  l'Église  menacés  :  le 
pape ,  après  de  vaines  tentatives  pour  garder  la  neutralité , 
conclut  avec  François  1"  une  alliance  dans  un  moment  où  par 
malheur  l'étoile  de  ce  prince  commençait  déjà  à  pâlir. 

François  I"  fut  vaincu  près  de  Pavie,  fait  prisonnier  par  les 
Impériaux  (22  février  1525),  conduit  en  Espagne  et  obligé  de 
consentir  à  un  traité  fort  onéreux  pour  recouvrer  sa  liberté.  Il 
déclara  plus  tard  que  le  contrat  qu'on  lui  avait  fait  signer  était 
nul  (14  juin  1526),  et  il  recommença  la  lutte;  soutenu  en  Italie 
par  de  nombreux  amis  :  Sforza,  duc  de  .Milan,  dont  l'empereur 
revendiquait  les  domaines;  Venise,  Florence,  la  Suisse,  l'An- 
gleterre et  le  pape  s'allièrent  pour  rétablir  l'indépendance 
de  l'Italie.  Le  pape  avait  prié  l'empereur  de  rendre  la  paix 
au  monde,  au  roi  de  France  la  liberté,  et  de  reconnaître  le  duc 
de  Sforza  ;  il  avait  ensuite  délié  François  I"  du  serment  qui  lui 
avait  été  arraché,  tout  en  ne  lui  accordant  que  le  passage,  à 
travers  ses  États,  des  approvisionnements  et  d'une  partie  de  ses 
troupes  déjà  presque  désarmées,  toutes  choses  que  les  Français 
auraient  pu  obtenir  eux-mêmes  par  la  force. 

Le  pape  avait  beaucoup  à  se  plaindre  de  lempereur,  qui 
avait  repoussé  les  conditions  arrêtées  avec  ses  ministres,  déposé 
le  duc  de  Milan,  rendu  en  Espagne  et  à  Naples  plusieurs  lois 
contraires  à  la  juridiction  ecclésiastique,  dédaigné  ses  conseils 
et  ses  ambassadeurs  ;  il  était  mécontent  aussi  de  la  manière 
dont  l'empereur  avait  demandé  la  réunion  d'un  concile,  auquel 
il  en  avait  appelé  pour  de  prétendues  injures  dont  il  avait  été 
l'objet  :  il  semblait  y  chercher  un  moyen  d'affaiblir  l'autorité 


276  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

du  Saint-Siège.  Une  correspondance  très  vive  fnt  échangée  de 
part  et  d'antre  (juin -octobre  1526);  Charles-Quint  essaya  même 
d'aigrir  les  cardinaux  contre  le  pape  et  de  les  décider  à  convo- 
quer le  concile. 

Le  cardinal  Pompée  Colonna  recruta  dans  les  États  de  l'Église 
des  troupes  pour  l'empereur,  fit  avancer  jusque  devant  les 
murs  de  Rome  le  général  de  Charles-Quint,  Hugues  de  Mon- 
cada,  dont  les  troupes  pillèrent  la  cité  léonine  et  obligèrent  le 
pape  à  se  réfugier  au  château  Saint-Ange.  Un  armistice  fut 
conclu,  d'après  lequel  le  pape  s'engagea  à  rappeler  ses  troupes 
de  la  haute  Itahe  et  à  pardonner  à  celles  de  Colonna.  La  pre- 
mière condition  fut  exécutée;  mais  les  Impériaux,  n'ayant  pas 
rempli  les  engagements  du  traité  et  s'étant  rendus  coupables  do 
nouveaux  crimes,  furent  déclarés  coupables  de  lèse-majesté, 
et  Pompée  fut  destitué  du  cardinalat.  Il  refusa  de  se  soumettre, 
et  en  appela  à  un  concile  général. 

Le  sac    de    Rome. 

56.  François  Guignon,  général  des  frères  mineurs,  délégué  à 
Charles-Quint,  revint  avec  des  propositions  de  paix  que  le  pape 
accepta;  mais  les  ministres  de  l'empereur  y  ajoutèrent  des  clauses 
fort  onéreuses,  qui  empêchèrent  la  conclusion  de  la  paix.  Clément 
VII  convint  avec  le  vice-roi  deiNaplesd'un  armistice,  qui  lui  était 
très  défavorable.  Lorsqu'il  fit  demander  au  duc  Charles  de 
Bourbon,  entré  au  service  de  l'empereur,  et  à  d'autres  chefs 
d'armée,  si  cela  suffisait  ou  s'il  devait  aussi  conclure  l'accord 
avec  eux,  ils  déclarèrent  que  la  convention  passée  était  sufli- 
sante.  Le  pape  s'autorisa  de  cette  réponse. 

Cependant  l'armée  impériale  qui  se  trouvait  dans  la  haute 
Italie  sous  la  conduite  de  Charles  de  Bourbon  et  de  George  de 
Fruusdberg,  était  demeurée  longtemps  sans  solde  :  réduite  à 
une  grande  détresse,  elle  avait  soif  du  riche  butin  qui  l'atten- 
dait à  Rome.  Après  avoir  obtenu  le  passage  du  duc  de  Ferrare, 
elle  marcha  contre  la  ville  éternelle  et  en  demanda  la  reddition. 
Rome  refusa  d'ouvrir  ses  portes,  fut  prise  le  6  mai  1527  et 
livrée  à  un  all'reux  pillage  :  les  églises  furent  profanées,  les 
religieuses  déshonorées,  de  nombreux  chefs-d'œuvre  anéantis, 
les  habitants  pillés  et  assassinés.  Il  se  passa  dans  Rome  des  scènes 


LE   PROTESTANTISME.  277 

qu'on  n'avait  pas  vues  dans  les  temps  de  Ileiiri  IV  et  de 
Henri  V.  Les  luthériens,  parmi  les  lansquenets  allemands,  dont 
un  grand  nombre  servaient  aussi  dans  l'armée  française,  insultè- 
rent le  pape  et  les  cardinaux,  et  commirent,  avec  les  vases  et  les 
ornements  sacrés,  de  grossières  parodies.  Ces  horreurs  durèrent 
plus  de  quinze  jours,  après  quoi  beaucoup  moururent  de  mala- 
dies. Le  duc  de  Bourbon,  qui  aurait  pu  prévenir  ces  odieuses 
saturnales,  était  tombé  pendant  qu'on  dressait  les  échelles  pour 
l'escalade.  Le  pape  et  les  cardinaux,  réfugiés  au  château  Saint- 
Ange,  durent  enfin  se  mettre  à  la  merci  des  Impériaux. 

Protestation  de  Charles-Quint  contre  la  prise  de  Rome. 

57.  Lorsque  Charles-Quint  apprit  en  Espagne  ce  qui  s'était 
passé,  il  fit  prendre  le  deuil  à  la  cour  et  protesta  dans  un  écrit 
que  Rome  avait  été  envahie  à  son  insu  et  contre  son  gré  ;  il  fit 
la  même  déclaration  à  d'autres  cours,  révoltées  de  ces  attentats. 
Clément  VII  n'en  fut  pas  moins  obligé,  avant  son  élargissement, 
de  payer  aux  soldats  impériaux  l'arriéré  de  leur  solde,  outre 
d'immenses  sommes  d'argent,  de  livrer  en  gage  deux  de 
ses  parents  et  plusieurs  forteresses.  Les  Colonna,  indignés 
de  la  conduite  des  Impériaux,  se  réconcihèrent  avec  le  pape. 
Pompée  Colonna  et  le  cardinal  Farnèse,  délégués  auprès  de 
l'empereur,  ne  négligèrent  rien  pour  rétablir  la  paix.  Elle  fut 
conclue  d'abord  provisoirement  en  octobre  et  en  novembre  1527, 
puis  d'une  manière  définitive  à  Barcelone,  au  mois  de  juin  1529. 
L'empereur  témoigna  son  horreur  des  abominations  commises 
contre  Rome  et  contre  le  pape,  protesta  qu'il  n'y  avait  eu 
aucune  part,  qu'il  vénérait  toujours  le  pape  comme  son  père  et 
le  vicaire  de  Jésus- Christ  :  c'est  pourquoi  il  avait  donné  des 
ordres  pour  qu'il  fût  rétabli  dans  tous  ses  droits  spirituels  et 
temporels. 

Le  pape  et  les  cardinaux  furent  invités  à  réunir  selon  les 
formes  légales  et  dans  un  lieu  convenable,  en  observant  tout 
ce  que  requérait  le  droit,  un  concile  général,  pour  traiter  do 
la  pacification  de  la  chrétienteté,  de  la  guerre  contre  les  Turcs 
et  de  l'hérésie  luthérienne  ;  l'empereur,  de  son  côté,  ferait  tout 
ce  qui  était  en  lui  pour  faciliter  la  réunion  du  concile  et  récon- 
cilier les  princes.  Charles- Quint  s'appliqua  à  réparer  de  son 
mieux  ce  qui  s'était  passé  :  il  se  réconcilia  avec  François  I"  par 


278  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

le  traité  de  Cambrai  (août  1529);  puis,  traversant  Gênes  et 
Plaisance,  il  se  rendit  à  Bologne,  où  il  reçut  de  Clément  VII  la 
couronne  impériale  (24  février  1530),  le  trentième  anniversaire 
de  sa  naissance.  11  entretint  longtemps  avec  lui  les  relations  les 
plus  amicales.  Clément  VII,  irréprochable  de  sa  personne,  fut 
souvent  en  politique  hésitant  et  malheureux  ;  Charles-Quint, 
qui  le  fut  aussi,  avait  révolté  beaucoup  de  pays  catholiques, 
tout  en  n'obtenant  que  des  succès  éphémères. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES  CRITIQUES  SUR  LES  N"^  00-56-57. 

Correspondance  du  pape  et  de  Charles-Quint,  1525-1527  :  Fascicule 
rer.  expet.,  Lond.,  1690,  II,  p.  683  ;  Rayn,,  an.  1526,  n.  1  et  seq.,  22  et 
seq.,67etseq.;an.  1527  etseq.;  Goldast,  Polit,  imp., part.  XXII, pag.  990 
et  seq.;  Le  Plat,  II,  p.  240-290.  Instruction  pour  le  cardinal  Alex.  Far- 
nèse,  dans  Ranke,   Rœm.  Pœpste,  Berlin,  1836,  III,  p.  2Ä1-261,  uti- 
lisée en  partie  par  Pallav.,  II,  xiii,  1  ;  Giberto  Datario  a  D.  Michèle 
de  Silva  e  al  Vescovo  di  Veroli,  dans  Lettere  de'  principi,  I,  192,  197. 
Demandes  de  Charles  aux  cardinaux,  au  sujet  de  la  convocation  du 
concile,  le  6  oct.  1529  :  Rayn.,  h.  an.,  n.  45  ;  Le  Plat,  II,  p.  290-294. 
Documents  publics  de  Rome,  du  12  déc,  ibid.,  p.  294,  295.  Le  cardi- 
nal  Wolsey  au   cardinal  Rodolphe   sur  l'emprisonnement  du  pape, 
12  juillet  1527  :  Lœmmer,  Monum.  Vatic,  n.  20,  p.  23.  Traité  entre 
l'Angleterre  et  la  France  «  de  non  admittendo  Concilio  a  Papa  captivo 
indicendo  »,  18  aug.  1527  :  Le  Plat,  II,  p.  296-301.  Sac  de  Rome,  écrit 
en  1527  par  Jacques  Bonaparte,  témoin  oculaire;  traduction  de  l'ita- 
lien parNapol.-L.  Bonaparte,  Florence,  1830  (d'après  Ranke,  Deutsche 
Gesch.  im  Z.-A.  der  Reform.,  II,  p.  351   et  suiv.,  IV,  elle  n'émanerait 
pas  de  Bonaparte,  mais  probablement  de  S.  Guicciardini).  Autres  té- 
moins  oculaires,    dans   Buder,  Sammlungen,   I,  p.   546,  551.  Kilian 
Leib,  Annal.,  an.  1524-1527  (Dœllinger,  Beitr.,  II,  pag.  448-462,  498- 
513);  Guicciardini,  lib.  XVI,  XVII;  Pallav.,  II,  xui,  1  et  seq.,  c.  xiv, 
n.  1-16;  Raumer,  Gesch.  Europas  seit  Fnde  des  XV  Jahrb.,  Leipzig, 
1832  et  suiv.;  I,  p.  303  et  suiv.,  324  et  suiv.;  Ranke,  Rœm.  Paîpste,  I, 
pag.  99  et  suiv.,  103  et  suiv,;  Rey,  Hist.  de  la  captivité  de  François  I", 
Paris,  1837;  Cantù,  Storia  univ.,  lib.  XV,  c,  vi.  Sur  la  politique  reli- 
gieuse de  Charles-Quint,  Histor.-polit.  Bl.,  1861,  t.  XLVIII,  p.  964-976 
(contre  Droysen);  Pallav,,  liv.  II,  c.  xvi;  liv.  III,  c.  ii.  Campeggio  an 
Sanga,  18  sept.  1528  :  Lœmmer,  Mon.  Vat,,  p.  24,  n.  21,  Réponse  de 
Charles,  le  jour  du  couronnement  à  Bologne,  aux  articles  du  pape  : 
Le  Plat,  II,  p.  322  et  seq. 


LE   PROTESTANTISME.  279 

Diète  de  Spire  (1529). 

58.  Cependant  une  diète  annoncée  pour  le  2  février  1529, 
mais  ouverte  seulement  le  15  mars,  fut  tenue  à  Spire.  Elle 
devait  s'occuper  de  la  guerre  contre  les  Turcs,  qui  avaient 
envahi  inopinément  la  Hongrie.  Vienne,  contre  laquelle  ils 
allaient  bientôt  s'avancer,  ne  dut  son  salut  qu'à  l'héroïsme  de 
sa  garnison  et  de  ses  habitants.  La  diète  devait  s'occuper  aussi 
des  troubles  religieux  qui  n'étaient  pas  encore  apaisés,  des  dé- 
penses pour  l'entretien  de  l'empire  et  de  la  Chambre  de  l'empire. 

On  se  disputa  dès  le  début  sur  les  questions  qu'il  fallait 
d'abord  entamer  :  les  États  luthériens,  qui  avaient  amené  leurs 
prédicateurs  et  célébraient  leur  culte  séparément,  voulaient 
qu'on  traitât  d'abord  la  question  religieuse,  parce  qu'il  fallait 
avant  tout  que  chacun  d'eux  sût  ce  qu'il  avait  à  attendre  de 
son  voisin;  les  États  catholiques,  que  le  comte  Jean  Thomas  de 
la  Mirandole,  envoyé  par  le  pape,  exhorta  à  fournir  contre  les 
Turcs  et  pour  le  rétablissement  de  l'unité  religieuse  une  cotisa- 
tion mesurée  sur  les  faibles  ressources  dont  on  disposait  alors, 
cédèrent  sur  ce  point.  Mais,  comme  ils  formaient  la  majorité,  ils 
ajoutèrent  qu'il  fallait,  conformément  aux  propositions  de  l'em- 
pereur, prier  ce  prince  de  procurer  la  réunion  d'un  concile 
général,  ou  du  moins  d'un  concile  national,  dans  l'espace 
d'un  an,  et  de  s'y  présenter.  En  attendant,  les  États  qui  avaient 
observé  l'édit  de  Worms,  continueraient  de  l'observer  et  de  le 
faire  observer  ;  ceux  dans  les  territoires  desquels  la  nouvelle 
doctrine  était  déjà  introduite,  pourraient  garder  jusqu'au  pro- 
chain concile  les  nouveautés  qu'on  ne  pouvait  abolir  sans  danger 
et  sans  soulèvement  ;  mais,  en  attendant,  ils  empêcheraient  de 
toutes  leurs  forces  qu'on  ne  fît  aucune  innovation.  On  s'abs- 
tiendrait surtout  de  prêcher  publiquement  contre  le  Sacrement 
de  l'autel  et  d'abolir  la  messe  ;  dans  les  lieux  où  elle  aurait  été 
abolie,  on  n'empêcherait  personne  de  la  célébrer  ou  d'y  assister  ; 
onprècheraitl'Évangile  d'après  l'interprétation  des  Pères  adoptée 
par  i'ÉgUse,  sans  toucher  aux  points  controversés  ;  on  main- 
tiendrait la  paix,  et  personne  ne  serait  violenté  àcause  de  sa  foi; 
on  publierait  enfin  un  nouvel  édit  contre  les  anabaptistes  et 
autres  partis  extrêmes,  coupables  de  différents  crimes.  Ce  décret 
de  la  majorité,  rendu  le  13  avril  1529,  était,  de  la  part  des 


280  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

catholiques,  une  grande  concession  :  ils  ne  demandaient  que  la 
tolérance  de  leur  culte. 

OUVRAGES   A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE   N"*  58. 

Walch,  th.  XVI,  p.  265  et  suiv.,  328-429;  Koch,  p.  293;  Pallav.,  II, 
xviii;  Sarpi,  II,  §  39;  Goldast,  Coll.,  III,  494;  Le  Plat,  II,  p.  301-321 
(décret  du  13  avril  1529);  Kiliau  Leib,  an.  1529,  p.  525  et  suiv.  (ibid., 
p.  515  et  suiv.,  sur  les  menées  des  anabaptistes.  Ils  brûlèrent  à 
Vienne,  comme  anabaptiste  et  criminel,  Balth.  Hubmaier,  appelé 
Friedberg,  curé  d'Ingolstadl,  prédicateur  à  Ratisbonne,  auteur  de 
l'expulsion  des  Juifs  de  cette  ville,  puis  occupé  à  Waldsliut;  Eytelbans 
Langermantel,  d'Augsbourg,  fut  décapité  à  Weissenhorn.) 

Les  protestants. 

59.  Les  novateurs  cependant  ne  furent  pas  satisfaits,  et  le 
19  avril  ils  déposèrent  contre  ce  décret  une  protestation  formelle: 
de  là  leur  nom  de  protestants.  \°  Les  matières  de  religion, 
disaient- ils,  ne  se  décident  pas  à  la  majorité  des  voix  ;  2°  on  ne 
devait  point  permettre  que  deux  sortes  de  messes  fussent  célé- 
brées dans  une  même  paroisse,  car  on  en  conclurait  que  leurs 
prédicateurs  avaient  tort  ;  2°  la  messe,  selon  l'Écriture  sainte, 
était  une  idolâtrie  :  on  ne  saurait  donc  la  permettre.  Cette  pro- 
testation ayant  été  rejetéo,  ils  rédigèrent  un  appel  en  forme, 
dans  lequel  ils  soumettaient  tous  leurs  griefs,  passés  et  futurs, 
à  l'empereur,  au  prochain  concile,  à  tout  juge  chrétien  intelli- 
gent et  impartial. 

Cet  instrument  fut  rédigé  au  nom  de  l'électeur  de  Saxo,  du 
landgrave  de  liesse,  d'Ernest,  duc  de  Lunebourg,  auxquels 
s'associèrent  en  outre  deux  princes  et  quatorze  villes.  Une  am- 
bassade fut  envoyée  à  l'empercnr,  alors  en  Italie.  L'empereur  se 
montra  très  offensé  de  leur  protestation  :  les  États  luthériens 
(13  octobre),  dit-il,  avaient  toute  raison  de  se  soumettre  au  décret; 
pas  plus  (jueles  protestants,  l'empereur  et  les  États  catholiques 
ne  voulaient  agir  contre  leur  conscience  et  le  salut  de  leurs  âmes; 
comme  eux,  ils  demandaient  un  concile  pour  procurer  la  gloire 
de  Dieu  et  le  bien  général  ;  mais,  en  attendant,  les  protestants 
devaient  se  conformer  aux  décisions  de  la  diète.  Les  délégués 
protestèrent  également  contre  cette  déclaration.  Charles-Quint 
songeait  à  les  faire  emprisonner  ;  l'un  d'eux,  ayant  voulu  lui 


LE    PROTESTANTISME.  281 

offrir  le  Catéchisme  de  Luther,  allait  être  saisi,  lorsqu'il  prit  la 
fuite.  Le  21  janvier  1530,  Charles-Quint  indiqua  une  nouvelle 
diète,  qui  se  tiendrait  à  Augsbourg  en  sa  présence.  Les  États 
devaient  s'y  trouver  aussi,  mais  n'y  apporter  aucun  sentiment 
de  colère  ni  d'aigreur. 

OUVRAGES  A    CONSULTER    SUR   LE   N°    59. 

J.-J.  Müller  (§  33);  A.  Jung,  Gesch.  des  Reichstages  zu  Sp.,  Straszb., 
1830;  J.-A.-H.  Tittmann,  die  Protestation  der  evangel.  Sttendc  im  J. 
1529,  Leipzig,  1829;  J.-L.-G.  Johannsen,  die  Entwickelung  des  protest. 
Geistes  bis  1529,  Copenhague,  1830;  Sleidauus,  Histor.,  lib.  VIII. 
Réponse  de  Charles  aux  envoyés  des  protestants  :  Bzovius,  an.  1529, 
n.  48;  Pallav.,  II,  xviii,  7.  Indiction  de  la  diète  d'Augsbourg  pour 
le  21  janv.  1530  :  Goldast,  III,  307;  Le  Plat,  II,  p.  321. 

L'AGITATION  RELIGIEUSE  EN  SUISSE  ET  SES  CONSÉQUENCES. 

Zwing'le  et  son  système. 

Situation  de  la   Suisse. 

60.  La  situation  de  la  Suisse  était  généralement  la  même 
que  celle  de  l'Allemagne.  A  Bâle,  l'humanisme  était  florissant, 
grâce  surtout  à  Érasme  (1516).  Beaucoup  d'individus  suspects 
sous  le  rapport  politique  et  religieux  y  avaient  trouvé  un  asile,  et 
jouissaient  parmi  les  confédérés  d'une  pleine  liberté  d'action.  On 
veillait  avec  un  soin  jaloux  sur  les  anciens  droits  du  peuple  et 
sur  les  nombreuses  restrictions  apportées  à  la  juridiction  ecclé- 
siastique, principalement  sur  celles  qui  étaient  coi^tenues  dans 
les  Letti^es  des  curés  de  1370  et  renouvelées  par  le  traité  de 
Stanz  de  1481.  Beaucoup  de  cantons  avaient  des  démêlés  avec 
les  évêques,  placés  la  plupart  sous  des  métropolitains  étrangers 
(Constance  et  Coire  dépendaient  de  Mayence  ;  Bàle  et  Lausanne, 
de  Besançon;  Corne,  d'Aquilée);  Sion  ne  fut  déclaré  exempt  que 
sous  Léon  X.  Beaucoup  de  chapitres  et  de  collégiales  avaient  pris 
des  mœurs  mondaines  ;  trop  souvent  les  ecclésiastiques  ne  son- 
geaient qu'aux  richesses  et  aux  commodités  de  la  vie  :  de  nom- 
breux abus  s'étaient  introduits.  L'évêque  de  Bâle,  Christophe 
Uttenheim,  essaya  d'y  remédier  dans  un  synode  tenu  en  1503. 
Plusieurs  prêtres  recommandables  rendaient  encore  de  grands 
services,  et  quelques-uns  faisaient  de  la  mystique  leur  occupa- 
tion favorite.  Un  livre  de  piété,  Plenariumy  rédigé  par  un 


282  HISTOIRE   DE   L'ÉGLISE. 

chartreux,  à  l'usage  du  peuple,  et  comprenant  la  messe  en 
langue  allemande,  avec  des  prières,  des  méditations  et  des 
chants,  tenait  dignement  sa  place  à  côté  des  meilleurs  travaux 
des  mystiques. 

Ouvrages  a  consulter  sor  le  n"  60. 

Egid  Tschudi  (Landamman  à  Claris,  mort  en  1572),  Chron.  helvet., 
éd.  Iselin.,  Bas.,  1734,  2  t.  in-f.,  de  1000-1470  —  handschriftlich 
aus  Archiven  und  seltenen  Drucken  bis  1370;  J.  Fuchs,  Eg.  Tschudi's 
Leben  und  Schriften,  St. -Call,  1805,  2  part.;  Reformationschronik 
des  Carthseusers  Georg.,  Basel,  1849;  Salat,  Chronika  und  Beschrei- 
bung V.  Anf.  des  neuen  Unglaubens  bis  Ende,  1534,  MS.  in-f».;  Archiv 
f.  Schweiz.  Ref.-Gesch.,  éd.  du  Schw.  Piusverein,  Soleure,  1868  et 
suiv.,  Frib.,  1872,  I-II  ;  J.-E.  Fuesziin,  Beilr.  zur  Erlaeuterung  der  Ref.- 
Gesch.  des  Schweizerlandes,  Zurich,  1741  et  suiv.,  5  vol.;  Hottinger, 
Helvet.  K.-G.,  Zurich,  1708  et  suiv.,  4  vol.  in-4»;  Simler,  Sammlung 
alter  und  neuer  Urkunden,  Zurich,  1767;  J.  de  Müller,  Gesch.  der 
schweizerischen  Eidgenossenschaft,  II,  v,  p.  344  et  suiv.;  J.  Basnage, 
Bist,  de  la  rel.  des  Églises  réf.,  Rotterd.,  1690,  2  t.  ;  la  Haye,  1725,  2 
t.  in^";  Ruchat,  Hist.  de  la  réf.  de  la  Suisse,  Gen.,  1727  et  seq.,  6  vol.; 
V.  Arx,  Gesch.  des  Cantons  St.  Callun,  1811;  L.  Wirz  et  Melch. 
Kircbhofer,  Helvet.  K.-C,  Zurich,  1808-1819,  Spart,  en  4  vol.  — Riffel, 
t.  ni,  Mayence,  1847. 

Zwingle. 

61.  En  Suisse,  les  innovations  religieuses  eurent  pour  promo- 
teur Ulric  (Iluiderich)  Zwiiigle,  né  à  Wildhaus,  dans  le  comté 
de  Toggenljourg,  le  l"  janvier  1484,  d'une  famille  aisée  de  la 
campagne.  Il  fit  ses  études  à  Berne  et  à  Bâle,  sa  philosophie  à 
Vienne  ;  il  acheva  de  se  perfectionner  dans  la  théologie  à  Bâle, 
sous  Thomas  Wattenbach,  fut  ordonné  prêtre  en  1505,  et  reçut 
à  Glaris,  en  1506,  son  premier  emploi  ecclésiastique.  Le  légat 
du  pape,  dont  l'attention  avait  été  appelée  sur  lui,  pourvut  à 
son  entretien  pendant  une  année,  afin  de  lui  permettre  de 
compléter  ses  études.  Initié  à  la  littérature  classique  comme  à 
la  littérature  religieuse,  Zwingle  avait  une  intelligence  lucide 
et  ne  manquait  pas  d'éloquence;  mais  il  n'avait  aucun  talent 
pour  la  spéculation,  aucune  profondeur  dans  l'esprit,  point  de 
connaissances  solides;  il  était  de  plus  ambitieux  et  plein  de 
confiance  en  lui-môme.  Il  jouissait  d'une  santé  robuste.  Il 
apprit  l'hébreu,  et  s'adonna  à  l'étude  de  la  Bible,  des  Pères  et 


LE   PROTESTANTISME.  283 

des  belles-lettres.  En  1516,  il  devint  curé  d'Einsiedeln ,  lieu 
fameux  de  pèlerinage,  et,  quoique  sa  réputation  fût  gravement 
entamée,  il  s'y  fit  un  renom  comme  prédicateur.  Déjà  à  cette 
époque  il  attaquait  le  culte  de  la  sainte  Vierge  et  les  pèleri- 
nages. 

Nommé  prédicateur  de  la  principale  église  de  Zurich,  en 
décembre  1518,  Zwingle  se  déchaîna  violemment  contre  les 
abus  de  la  hiérarchie,  qu'il  avait,  disait-il,  appris  à  connaître 
pendant  deux  séjours  qu'il  avait  faits  à  Rome  (comme  aumônier 
militaire,  1511  et  1515).  Il  expliquait  en  chaire  des  livres  en- 
tiers de  l'Écriture,  qui  était  son  unique  autorité,  et  adoptait 
entièrement  le  point  de  vue  de  Luther,  bien  qu'il  prétendît 
n'être  pas  son  disciple,  mais  son  rival,  assurant  qu'en  1516 
déjà,  avant  que  le  nom  de  Taugustin  Wittenbergeois  fût  connu 
en  Suisse,  il  ne  suivait  que  la  Bible.  Plus  il  était  indulgent  à 
lui-même  sur  le  rapport  des  mœurs,  plus  il  tonnait  contre 
l'immorahté  du  clergé  ;  il  le  fit  surtout  dans  un  sermon  pro- 
noncé le  premier  jour  de  l'année  1519,  sur  la  réforme  de 
l'Église;  il  prouva,  en  parlant  de  l'Église  et  du  pape,  qu'il  était 
incapable  d'apprécier  sainement  l'histoire.  Déjà  on  l'entendait 
énoncer  dans  ses  discours  une  foule  d'assertions  téméraires 
sur  le  culte  des  saints,  l'ornementation  des  égUses,  le  sacer- 
doce, les  vœux,  etc. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE    N°  61. 

Huld.  Zwinglii  0pp.,  éd.  Gualther,  Tigur.,  1545,  1381,  4  t.  in-f°.;  éd. 
Schüler  et  Schulthess,  ib.,  1829-42,  8  part,  en  11  vu!.;  édit.  allem., 
Zurich,  1828  et  suiv.  Oswald.  Myconius,  de  Vita  et  Obitu  Zwinglii  ep., 
imprimé  en  tête  des  4  livres  Œcolampadii  et  Zwinglii  epist.,  Basil., 
1536,  in-f°;  1592,  in-4°;  Miscellanea  Tigurina,  Zurich,  1722-24,  3  vol.; 
Rotermundt,  Leben  des  Reformators  U.  Zwingli,  Brème,  1818;  Hess, 
Lebensbeschreibung  Zwingli's,  Zurich,  1811;  Hess,  Vie  de  Zwingle, 
Paris,  1840;  Gotlingen,  Zwingli's  Leben,  Zurich,  1843.  Leben  und 
ausgewaehlte  Schriften  der  Begründer  der  réf.  Kirche ,  eingeleitet 
von  Hagenbach,  Elberfeld,  1857  et  suiv.,  16  vol.;  Moerikofer,  Ulr. 
Zwingli  nach  urkundlichen  Quellen,  Leipzig,  1864,  ImmoraUté  de 
Zwingle  :  Zwingl.  ep.  xviii,  p.  54,  éd.  Tur.  Cf.  Riffel,  HI,  p.  13  et  suiv. 


284  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Z'wingle  prêche  contre  les  indulgences  et  demande  le 
mariage  des  prêtres. 

62.  Ce  fut  également  la  prédication  des  indulgences  sous 
Léon  X  qui  fournit  à  Zwingle  l'occasion  de  dévoiler  publique- 
ment ses  erreurs.  En  Suisse,  le  commissariat  des  indulgences 
était  confié  au  frère  mineur  François  Lichelto,  excellent  théo- 
logien, qui  nomma  pour  sous-commissaire  son  collègue  Ber- 
nard Samson  de  Milan.  Hugues,  évêque  de  Constance,  interdit 
la  chaire  aux  prédicateurs  d'indulgences,  et  le  conseil  do  Zurich 
les  repoussa.  Zwingle,  sans  pouvoir  convaincre  d'abus  les 
commissaires,  ne  laissa  pas  de  prêcher  contre  les  indulgences, 
et  fut  vivement  applaudi  à  Zurich.  En  1520,  le  grand  conseil 
ordonna  à  tous  les  prédicateurs  de  n'enseigner  que  ce  qui 
pouvait  se  prouver  par  l'Écriture.  Jusque-là,  il  n'y  eut  pas 
d'autre  innovation. 

Zwingle  ne  fit  aucun  cas  de  l'invitation  qu'il  reçut  de  rendre 
compte  au  pape  de  sa  doctrine.  En  1522,  il  présenta,  avec  quel- 
ques-uns de  ses  collègues,  une  demande  à  l'évèque  de  Constance, 
pour  que  rien  ne  fût  décidé  contre  la  prédication  du  pur  Évan- 
gile et  pour  qu'il  fût  permis  aux  prêtres  de  se  marier.  Zwingle 
et  les  siens  avouaient  sans  détour  «  la  vie  honteuse  et  déshono- 
rante »  qu'ils  avaient  menée  jusque-là  avec  des  femmes,  et 
déclaraient,  en  s'appnyant  de  saint  Paul  (1  Cor.,  vu,  9),  que  la 
continence  leur  était  impossible.  L'évèque  n'entra  pas  dans  leurs 
vues;  il  se  plaignit  au  conseil  et  au  chapitre  de  la  collégiale  de 
Zurich  des  nouveautés  qui  coiimiençaient  à  se  faire  jour. 
Zwingle  rejetait  en  matière  de  foi  tout  ce  qu'il  appelait  autorité 
humaine,  tradition,  conciles,  décrets  des  papes  :  c'était  là,  à 
l'entendre,  une  tyrannie  dogmatique,  et  le  célibat  une  inven- 
tion du  diable  ;  il  insistait  sur  le  mariage  des  prêtres,  deman- 
dait la  communion  sous  les  deux  espèces,  combattait  la  pri- 
mauté et  la  plupart  des  institutions  ecclésiastiques.  Adrien  VI, 
par  la  lettre  atrectueuse  qu'il  lui  écrivit  (23  janvier  1523),  ne  fit 
aucune  impression  sur  ce  prêtre  esclave  de  ses  passions. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  62. 

Pallav.,  I,  XIX,  2;  II,  xii,  4,  5.  Zwinglii  Supplicatio  et  Apologelicus, 
Aichetiiles  appellatus,  0pp.  t.  I,  III;  ep.  ad  Helvet.,  ap.  Sleidan., 
1.  111,  lin.;  Hillcl,  III,  p.  37  et  suiv. 


LE   PROTESTANTISME.  285 

Colloque  religieux  de  Zurich. 

63.  Zwingle  décida  le  gouvernement  cantonal,  qui  lui  était 
favorable,  à  indiquer  pour  le  29  janvier  1523  un  colloque  reli- 
gieux à  Zurich.  L  evêque  de  Constance  y  fut  invité.  Zwingle 
établit  soixante-sept  thèses  où  il  essayait  de  démontrer  que  la 
Bible  était  l'unique  règle  de  la  foi,  qu'il  fallait  rejeter  toute 
espèce  de  tradition,  que  Jésus-Christ  était  l'unique  chef  de 
l'Église,  l'Église  la  société  de  tous  les  élus,  que  l'autorité  du 
pape  et  des  évoques  avait  sa  source  dans  l'usurpation  et  dans 
l'orgueil;  il  contestait  à  la  messe  le  caractère  de  sacrifice, 
rejetait  l'intercession  des  saints,  le  purgatoire,  l'absolution 
donnée  par  le  prêtre,  les  œuvres  satisfactoires,  le  célibat  et  les 
vœux  monastiques. 

Parmi  les  catholiques,  un  seul  parut  au  colloque  :  Jean  Faber 
(Heigerhn),  vicaire  général  de  Constance;  il  avait  pour  mission, 
au  lieu  de  disenter  avec  les  novateurs,  de  se  borner  à  protester 
contre  une  entreprise  qui  empiétait  sur  les  conciles.  On  lui 
répondit  que  chacun,  étant  chargé  de  son  salut,  avait  le  droit 
de  chercher  librement  la  vérité.  Cependant  Faber  entra  en  dis- 
cussion avec  Zwingle  sur  plusieurs  propositions  de  celui-ci.  Les 
magistrats,  entièrement  favorables  à  Zwingle,  lui  décernèrent 
la  victoire.  Des  écrits  de  controverse  furent  encore  échangés 
plus  tard  sur  les  conférences  du  colloque.  Une  nouvelle  réunion 
eut  lieu  dans  l'automne  de  la  même  année;  les  évèques  de 
Constance,  de  Bàle  et  de  Coire  ne  se  rendirent  point  à  l'invita- 
tion qu'ils  reçurent,  mais  ils  se  firent  représenter.  Zwingle  et 
les  siens  virent  dans  cette  abstention  un  nouveau  triomphe  pour 
leur  cause. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE   N°  63. 

Œuvres  de  Zwingle,  I,  p.  169  et  suiv.;  Riffel,  p.  46  et  suiv.  Sur  le 
premier  colloque  religieux  de  Zurich  :  1«  Erh.  Hegerwald,  Handlung 
der  Versammlung  der  lœblichen  Stadt  Ziirich  den  29  Jenner  1523, 
Zurich,  1523,  in-4<';  2°  Joh.  Faber,  Eine  wahrlich  Unterrichtung,  wie  es 
zu  Ziirich  den  29  Jenner  1523  ergangen  sei;  3°  «  le  Gyrenruphen  », 
par  plusieurs  jeunes  citoyens  de  la  ville.  L'histoire  de  la  seconde  dis- 
cussion, à  laquelle  participa  Conrad  Hofmann,  chanoine  de  Baumgar- 
ten,  comme  représentant  des  catholiques,  a  été  publiée  par  Louis 
Hetzer, 


286  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Réforme  de  Z-w^ingle  à  Zurich. 

64.  Encouragé  par  le  conseil,  soutenu  par  ses  confrères  Léon 
Juda,  Engelliardt  et  L.  Hetzer,  Zwingle  poursuivit  activement 
son  plan  de  réforme  :  il  fulmina  contre  la  messe  et  les  images 
des  saints,  obtint  du  conseil  l'abolition  des  processions,  l'en- 
fouissement des  reliques  dans  le  lieu  ordinaire  des  sépultures, 
la  suppression  de  l'extrême-onction  et  des  cérémonies  reli- 
gieuses, l'établissement  d'une  censure,  qui,  entre  les  mains  de 
Zwingle,  de  son  ami  Utinger  et  de  deux  conseillers,  n'autorisa 
que  les  livres  conformes  aux  vues  du  réformateur* 

En  15-24,  yintroductio7ï  à  la  doctrine  évangélique,  de  Zwingle, 
fut  mise  à  la  disposition  de  tous  les  curés.  Les  prêtres  se  mariè- 
rent ;  Zwingle  épousa  la  veuve  Anna  Reinhardt,  avec  laquelle 
il  entretenait  depuis  bien  des  années  un  commerce  criminel. 

Le  réformateur,  pénétrant  dans  les  églises  avec  des  paysans, 
des  maçons,  des  charpentiers,  faisait  briser  les  autels,  les  ta- 
bleaux, les  orgues  môme.  Le  chant  ecclésiastique  fut  supprimé, 
et  le  culte  divin  réduit  à  une  simplicité,  à  une  monotonie  ridicule  : 
sur  une  table  ordinaire,  on  voyait  des  corbeilles  de  pain,  des 
verres  et  du  vin.  La  Bible,  dont  on  citait  souvent  les  textes  en 
hébreu,  en  grec,  en  latin,  puis  en  allemand,  était  la  seule 
chose  qui  eût  de  la  vie.  Léon  Juda  traduisit,  pour  les  besoins 
de  la  nouvelle  secte,  la  version  du  Nouveau  Testament  de 
Lutber  (1525),  «  dans  le  dialecte  et  selon  l'opinion  suisse»; 
plus  tard  (1526-1529),  avec  l'aide  de  Gaspard  Grossmann,  il 
traduisit  l'Ancien  Testament  de  l'hébreu.  Le  tout  parut  à 
Zurich  en  1531.  Ceux  des  membres  catholiques  du  conseil  qui 
résistèrent  anx  innovations,  furent  expulsés  par  la  majorité 
zwinglienne,  et  on  ne  leur  permit  pas  même  de  conserver 
l'ancien  culte.  Le  canton  de  Zurich  fut  bientôt  entièrement 
réformé  selon  l'esprit  de  Zwingle. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N'  64. 

Œuvres  de  Zwingle,  I,  p.  541  et  suiv.;  II,  i,  p.  426  et  suiv.;  II,  ii, 
p.  233  et  suiv.;  Itill'el,  III,  p.  40,  139  et  suiv.,  145  et  suiv.;  Tichler,  de 
Indole  sacrorum  emendationis  a  Zwinglio  inslilutai  rite  dijudicanda, 
Trajecti,  1827;  Richter,  die  Evangel.  Kirchenordiiungeu,  1,  p.  134  et 
suiv.;  Leo  Judae  (mort  en  1542).  Comp.  Lebensbeschreibung  von 
seinem  Sohne  Johannes,  1574;  Miscell.,  Tigur.,  III,  i.  Traduction  de 


LE   PROTESTANTISME.  287 

la  Bible,  appelée  Bible  de  Froscliauer,  parce  qu'elle  fui  imprimée 
chez  le  libraire  de  ce  nom,  à  Zurich.  11  publia  aussi,  en  1534,  un 
Catéchisme,  dont  il  parut  un  extrait  en  1541. 

Négociations  avec  d'autres  cantons.  Zvàngle  et  les  ana- 
baptistes. 

65.  Dans  les  autres  cantons  de  la  Suisse,  les  nouveautés  de 
Zurich  trouvèrent  d'abord  peu  de  crédit.  A  Lucerne,  canton 
limitrophe,  une  assemblée  tenue  en  4524  défendit  de  faire  des 
changements  dans  la  doctrine  et  dans  le  culte.  D'autres  cantons 
(Schaffhouse  s'y  refusa)  s'unirent  entre  eux  et  envoyèrent  des 
délégués  à  Zurich  pour  conjurer  leurs  frères  de  ne  pas  rejeter 
étourdiment  leur  ancienne  croyance,  et  ils  les  invitèrent  à  déli- 
bérer avec  eux  sur  les  moyens  d'abolir  les  abus  religieux.  Mais 
le  conseil  de  Zurich,  qui  était  également  demeuré  sourd  aux 
avertissements  de  l'évêque  de  Constance,  trouvait  dans  la  doc- 
trine de  Zwingle  un  moyen  infaillible  d'augmenter  ses  revenus 
et  d'accroître  sou  influence  dans  la  confédération  ;  il  était  trop 
enorgueilli  des  droits  épiscopaux  que  lui  assignait  le  réforma- 
teur, pour  ne  pas  persévérer  dans  ses  innovations  et  appuyer 
Zwingle. 

Déjà  les  anabaptistes  s'étaient  répandus  dans  la  Suisse  et 
avaient  recruté  des  partisans  à  Saint- Gall  et  à  Zurich.  Zwingle 
discuta  avec  eux  en  1525  dans  des  colloques  religieux.  Les 
anabaptistes  gardèrent  leurs  opinions,  bien  que  le  conseil  se 
fût  prononcé  pour  son  réformateur.  Zwingle  ne  les  combattait 
pas  tant  par  des  arguments  que  par  la  puissance  matérielle 
dont  il  disposait  :  car  le  gouvernement  défendit  sous  peine  de 
mort  de  réitérer  le  baptême,  fit  noyer  Félix  Manz,  qui  s'opinià- 
trait  dans  cette  doctrine  (1526),  et  frapper  de  verges  son  compa- 
gnon Blaurockj  de  Coire,  un  moine  apostat. 

Un  fervent  auxiliaire  de  Zwingle,  Louis  Hetzer,  de  Thurgovie, 
qui  rejetait  le  baptême  des  enfants,  quitta  Zurich  et  n'y  revint 
qu'en  1526,  après  avoir  soumisses  vues  au  maître.  Cet  homme, 
qui  avait  pris  successivement  douze  femmes,  fut  publiquement 
décapité  à  Constance  comme  adultère  et  apologiste  de  l'adultère, 
qu'il  disait  conforme  à  la  volonté  de  Dieu. 


288  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    SUR   LE    N°    Gb. 

Egli,  die  Züricher  Wiedertœiifer  zur  Ref.-Zeit,  nach  den  Quellen 
des  Stadiarchivs,  Zurich,  1878.  Sur  L.  Hetzer,  Museum  helvet..  Vi, 
cxi-cxv;  Dœllinger,  Ref.,  I,  p.  197  et  suiv. 

Les  réformateurs  à  Bâle,  à   Berne  et  en   d'autres  cantons. 

66.  A  Bâle,  la  nouvelle  doctrine  avait  pour  champion  Jean 
CEcolampade  (llausschein),  né  à  Wenisberg  en  1482.  (Ecolam- 
pade  avait  étudié  les  deux  droits  à  Bologne,  la  théologie  à 
Heidelberg,  et  s'était  lié  d'amitié  avec  Erasme;  il  fut  nommé, 
en  d515,  curé  de  Bàle,  où  le  libraire  Froben  avait  de  bonne 
heure  répandu  les  écrits  de  Luther.  Déjà  l'invocation  des  saints, 
la  messe  et  le  purgatoire  y  avaient  été  attaqués  en  chaire  par 
le  curé  Wolfgang  Capito  (Knœpflein),  ami  de  Zwingle,  qui  de- 
vint en  152Ü  le  conseiller  de  l'archevêque  mal  conseillé  de 
Mayence,  en  1523  prédicateur  et  prévôt  de  Saint-Thomas  à 
Strasbourg.  Là  Capito  jeta  son  masque  d'hypocrite  :  il  avait 
fait  croire  à  Rome  qu'il  soutenait  la  cause  du  pape,  et  se 
déclara  en  faveur  de  Zwingle;  cependant  il  essaya  bientôt  de 
concilier  les  doctrines.  Il  trouva  un  imitateur  dans  le  curé 
Reublin. 

En  1518,  (Ecolampade  fut  appelé  à  Augsboug  comme  prédi- 
cateur de  la  cathédrale,  abdiqua  pour  cause  de  santé,  et  résida 
au  couvent  d'Altmunster  jusqu'à  ce  qu'il  en  fût  expulsé  pour  ses 
opinions  hérétiques.  Il  devint  ensuite  le  prédicateur  du  château 
de  Franz  de  Sickingen,  et  de  nouveau  curé  de  Bàle,  en  même 
temps  que  professeur  do  théologie.  Il  entra  en  relations  intimes 
avec  Zwingle,  soutint  en  1524  la  théorie  de  Luther  sur  la  jus- 
tification, se  déchaîna  contre  les  doctrines  et  les  usages  catho- 
liques, et  finit  (1528)  par  épouser  une  veuve  du  nom  de  Rosen- 
blatt,  qui  devint  plus  tard  la  femme  du  réformateur  Capito, 
puis  de  Bucer. 

CEcolampade  eut  pour  auxiliaire  le  gentilhomme  Guillaume 
Farel,  expulsé  de  France  en  1523,  et  plus  tard  (1529)  les  pro- 
fesseurs Sébastien  Münster  et  Simon  Grynceus.  Il  eut  d'abord 
contre  lui  le  gouvernement  et  l'université;  mais  ses  partisans 
obtinrent  le  libre  exercice  de  leur  culte  (1527),  et,  marchant 
toujours  plus  en  avant,  arrivèrent  (février  1529)  à  étouffer  com- 


LE   PROTKSTANTISME.  589 

plètenient  par  la  force  ouverte  la  religion  catholique.  Ils  brisè- 
rent les  autels  et  les  tableaux,  et  commirent  des  attentats  si 
révoltants,  qu'Érasme  sortit  de  Bâte  indigné  et  se  rendit  à 
Fribourg-en-Brisgau.  Les  membres  catholiques  du  grand  con- 
seil furent  expulsés,  et  la  doctrine  de  Zwingle  y  domina  aussi. 

Ouvrages  a  consulter  sdr  le  n°  66. 

Hesz,  Lebensbeschreibung  des  Dr  J.  OEkolarap.,  Zurich,  1793.  Du 
même,  Ursprung,  Gang  und  Folgen  der  durch  Zwingli  bewirkten 
Reform.,  ibid.,  1820;  J.  Herzog,  Leben  Joh.  Œk,  Bàle,  1843,  2  part.; 
Burckhardt,  die  ReL  in  Basel,  Bàle,  1818;  Hagenbach,  Joh.  Œkol. 
und  Oswald  Myconius,  Elberf.,  18ö9;  (Ecolampadii  et  Zwinglii  epist. 
lib.  IV,  Basil.,  1533;  Histor.-pol.  BL,  1844,  t.  XIH,  p.  703-746,  810-836; 
t.  XIV,  p.  129-147,  273-291,  377-392.  Sur  Capito  (mort  en  1342), 
Baum,  Capito  und  Bucer,  Elberf.,  1860;  DœlUnger,  Réf.,  II,  p.  8-16; 
Ancillon,  Vie  de  Farel,  Amst.,  1691;  Kirchhofer,  Leben  Wilh.  Farels, 
Zurich,  1831;  Ch.  Schmidt,  Études  sur  Farel,  Slrasb.,  1834;  Ch. 
Chenevière,  Farel,  Froment,  Viret,  réf.,  Genève,  1833;  Ruchat  (§  60), 
I,  p.  379  et  seq.;  Doellinger,  I,  p.  560. 

La  Réforme   à  Schaffhouse,  Glaris,   Berne,  etc. 

67.  II  en  fut  de  même  en  d'autres  endroits  :  d'abord  à  Mul- 
house, près  de  Bàle  (1 528);  puis  à  Appenzell  (Rhodes-Extérieures), 
à  Schaffhouse  et  à  Glaris  (1528).  Berne  hésita  longtemps  entre 
l'ancienne  et  la  nouvelle  doctrine  ;  elle  essaya  d'abolir  les  abus 
existants,  ce  qui  n'était  pas  servir  la  cause  des  novateurs.  Ce- 
pendant Zwingle  y  comptait  aussi  des  partisans;  il  apprit  à 
François  Kolb,  un  chartreux  apostat,  qui  avait  lui-même  pour 
protecteur  N.  Manuel,  poète  et  peintre  influent,  la  manière 
d'avancer  progressivement. 

Berthold  Haller,  disciple  de  Mélanchthon,  et  originaire  de 
Souabe,  prêcha  en  1522  la  nouvelle  doctrine,  à  laquelle  Jean  Hal- 
ler,  curé  d'Amsoldingen,  marié  depuis  1521,  et  un  grand  nombre 
de  caricatures  et  de  libelles  diffamatoires,  avaient  déjà  préparé 
les  voies.  Il  obtint  en  1520  l'autorisation  de  cesser  la  célébration 
de  la  sainte  messe,  et  en  1528,  après  une  conférence  religieuse,  il 
décida  les  Bernois  à  accepter  la  doctrine  de  Zwingle  :  elle  futim- 
posée  dans  tout  le  canton  par  la  force  brutale.  Les  couvents  furent 
supprimes,  la  messe  et  les  images  abolies;  les  prêtres  se  mariè- 
rent. Joachim  de  Watt  (  Vadianus)  prêcha  à  Saint-Gall  et  entraîna  le 
V.  —  HisT.  DE  l'Église.  ly 


290  HISTOIRE   DE   L  ÉGLISE. 

conseil  dans  le  parti  des  innovations.  Dans  le  canton  des  Gri- 
sons, le  nombre  des  zwingliens  allait  croissant;  Solenre  et 
d'autres  hésitaient.  Les  cantons  où  s'était  conservée  la  simpli- 
cité des  anciennes  mœurs,  Schwytz,  Uri,  Unterwald,  Zug  et  Fri- 
bourg,  gardèrent  leur  vieille  croyance. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  07. 

Joh.  Keszlers  Sabbata,  Chronik  der  Jahre  1523-t539,  l""  part,,  1Ö23- 
1525;  il«  part.,  1526-1539,  éd.  E.  Gœtszinger.  —  Mittheilungen  zur 
vaterlaend.  Gesch.,  St-Gallen,  1866-1868;  KiUan  Leibs  Chronik,  loc. 
cit.,  p.  518  et  suiv.;  C.-L.  v.  Haller,  Gesch.  der  kirchlichen  Revolution 
oder  prutest.  Hef.  des  Cantons  Bern,  Lucerue,  1836;  Slierlein,  Reform, 
im  Canton  Bern,  ibid.,  1827;  M.  Kirchhofer,  Berlh.  Halter  oder  die 
Ref.  in  Bern,  Zurich,  1828;  Pestalozzi,  B.  Haller,  Elberf.,  1861;  de 
Stürler,  Quellen  zur  Gesch.  der  Ref.  in  Bern  (Archiv,  des  bist.  Vereins 
Bern,  1855-1858);  Grüneisen,  Nikol.  Manuel,  Stuttg.,  1837;  Presset, 
J.  Vadian  (moi't  en  1551),  Elberf.,  1861;  Ernst  Gœtszinger,  Joh.  von 
Watt  als  Geschichtschreiber  1873  und  J.  v.  Walt,  Deutsche  histor. 
Schriften,  1  vol.,  St-Gall,  1875;  J.  Strickler,  Aclensammlung  zur 
schweizer.  Reformationsgeschichle,  1521-1532,  Zurich,  1878,  t.  I; 
Riflel,  HI,  p.  203  et  suiv. 

La  dispute   de  Bade  et  ses  suites. 

68.  Déjà  précédemment  les  cantons  catholiques  avaient  de- 
mandé une  conférence  à  laquelle  serait  invité  le  célèbre  Eck 
d'ingolstadt;  des  négociations  avaient  été,  depuis  1524,  entamées 
à  ce  sujet.  Après  de  nombreuses  difficultés,  la  conférence  se 
réunit  à  Bade  au  mois  de  mai  1526.  Zwingle  refusa  d'y  prendre 
part,  et  fut  remplacé  par  (^colampade ,  son  Mélanchthon, 
Berthold  Malier  et  autres  prédicants;  les  catholiques  furent  re- 
présentés par  Eck,  Jean  Faber  et  Muraer,  par  les  délégués  de 
douze  cantons,  par  ceux  de  l'archiduc  Ferdinand,  des  ducs  de 
Bavière,  des  évéques  de  Constance,  Bàle,  Lausanne  et  Coire, 
de  l'abbé  de  Saint-liali,  et  plusieurs  autres  personnes. 

Les  thèses  de  Eck  roulaient  sur  l'Eucharistie,  la  messe,  le 
purgatoire,  le  culte  des  saints  et  des  images,  la  distinction  entre 
le  baptême  de  Jésus-Christ  et  le  baptême  de  saint  Jean.  On 
nomma  quatre  présidents  et  deux  notaires,  et  l'on  arrêta  les 
points  qui  feraient  l'objet  du  débat.  Pendantdix-huit  jours.  Eck, 
ce  valeureux  champion  de  l'iîlglisc  catholique,  discuta  avec  (E- 


LE    PROTESTANTISME.  291 

colampade  et  Jacques  Immeli  de  Bàle,  Ulrich  StuJer  de  Saiut- 
Gall,  llaller  de  Berne  et  plusieurs  autres.  A  la  fin  des  confé- 
rences (8  juin),  la  plupart  des  assistants,  quelques-uns  même 
de  ceux  qui  avaient  été  jusque-là  imbus  d'idées  zwingliennes, 
se  prononcèrent  pour  les  thèses  de  Eck  ;  la  minorité,  presque 
entièrement  composée  de  prédicants  zwingliens,  les  rejeta. 

Les  députés  des  cantons  assignèrent  la  victoire  à  Eck,  inter- 
dirent tout  changement  dans  la  religion,  défendirent  d'impri- 
mer et  de  vendre  les  écrits  de  Zwingle  et  de  Luther.  Cette  con- 
troverse eut  sur  les  États  catholiques  d'excellents  effets.  Quant 
à  ceux  qui  étaient  enlacés  dans  les  liens  de  l'hérésie,  ils  ne  de- 
vinrent que  plus  aigres;  ils  essayèrent  d'atténuer  les  résultats 
de  la  conférence  par  des  écrits,  de  nouveaux  colloques  religieux, 
et  surtout  par  la  violence.  L'animosité  des  deux  partis  allait 
croissant;  à  Lucerne  et  à  Schwytz,  on  condamna  à  mort  quel- 
ques hérétiques  qui  profanaient  les  autels  et  insultaient  le  saint 
Sacrement,  tandis  qu'à  Zurich  on  suppliciait  les  ennemis  de  la 
réforme. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  68. 

Riffel,  III,  p.  547-536;  Th.  Wiedemann,  Dr  J.  v.  Eck  auf  der  Dispu- 
tation zu  Baden  (Œsterr.  Vierteljahrsschr.  f.  Theol.,  1862,  1,  p. 
63-113),  et  Jean  Eck,  p.  213  et  suiv.,  avec  citation  de  nombreux  ou- 
vrages. 

Guerre  helvétique^  Mort  de  Zwingle  et  d'Œcolampade. 

69.  En  1527,  Zurich  avait  contracté  avec  Constance,  où 
Ambroise  Blaarer  (Blaurer)  travaillait  pour  la  réforme,  une 
alliance  où  il  était  question,  entre  autres  choses,  des  mesures  à 
prendre  pour  assurer  les  conquêtes  que  l'on  ferait  à  l'avenir. 
Bàle,  Berne  et  plusieurs  autres  pays  y  entrèrent  en  1528.  Cette 
alliance  décida  les  cantons  catholiques  à  s'unir  entre  eux  et 
avec  le  roi  Ferdinand  (^1529)  pour  la  défense  de  leur  foi  :  ils 
formèrent  l'alliance  du  Valais.  La  Suisse  était  à  la  veille  d'une 
guerre  intestine.  Plusieurs  villes  essayèrent  d'interposer  leur 
médiation.  En  juin  1529,  le  bailli  de  Glaris,  Hans  Obli,  procura 
une  paix  avantageuse  aux  cantons  réformés.  Mais  des  disputes 
éclatèrent  bientôt  sur  l'interprétation  du  contrat.  Zurich  et  ses 
alliés  travaillaient  par  tous  les  moyens  à  répandre  la  nouvelle 
doctrine.  On  chassa  l'abbe  de  Saint-Gall  et  ses  moines,  et  l'on 


292  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

finit  par  couper  les  vivres  aux  cantons  catholiques.  De  part 
et  d'autre  on  se  prépara  de  nouveau  à  la  guerre. 

Les  cantons  catholiques,  unis  entre  eux,  prévinrent  leurs 
adversaires  et  remportèrent  une  victoire  près  de  Cappel  (11  oc- 
tobre 1531).  Zwingle,  qui  avait  pris  part  à  la  lutte,  tomba  sur 
le  champ  de  bataille,  et  son  cadavre  fut  brûlé  par  les  catho- 
liques. Cependant  les  vaincus  furent  traités  as'ec  une  modéra- 
tion qui  nuisit  bien  des  fois  aux  intérêts  politiques  et  religieux 
des  catholiques.  Bientôt  après,  Œcolampade  mourut  à  Bàle 
(23  novembre).  Les  chefs  de  la  réforme  helvétique  eurent  des 
successeurs  :  Zwingle  fut  remplacé  à  Zurich  par  Henri  ßullin- 
ger  ;  Œcolampade  le  fut  à  Bâle  par  Oswald  Myconius.  La  doc- 
trine de  Zwingle  se  soutint;  mais  les  cantons  catholiques,  en- 
couragés par  les  papes,  demeuraient  fidèles  à  leur  ancienne 
croyance. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N°    69, 

Riffel,  m,  p.  568  et  suiv.;  Salât,  Chronik  (Archiv,  f.  Schweiz.  Ref.- 
Gesch.,  I,  p.  203  el  suiv.);  Kilian  Leib,  an.  1531,  p.  560-564.  11  est  par- 
faitement établi,  par  les  archives  concernant  l'histoire  de  la  réforme 
en  Suisse,  t.  I  et  II,  par  la  chronique  de  Salât  et  par  les  documents, 
que  les  papes  n'ont  pas  excité  les  cantons  catholiques  5  la  guerre 
religieuse  de  1531.  Voy.  Feuill.  hist.  et  politiq.,  1872,  t.  LX.X,  p.  394  et 
suiv.  Sur  les  efforts  des  papes  en  faveur  de  la  Suisse,  voy.  Pallav.,  Il, 
1,  7;  XII,  IV,  5.  Luther  apprit  avec  plaisir  la  nouvelle  de  la  mort  des 
deux  réformateurs  suisses;  il  regretta  seulement  que  les  catholiques 
n'eussent  pas  profité  de  leur  victoire  pour  étouffer  le  zwinglianisme  : 
s'ils  l'avaient  fait,  «  leur  victoire  »,  disait-il,  «  serait  presque  un  bon- 
heur et  digne  d'une  grande  gloire.  »  Il  croyait  sérieusement  pouvoir 
révoquer  en  doute  le  salut  de  Zwingle  :  Riffel,  p.  676  et  suiv.  —  Hesz, 
Lebensgesch.  M. -H.  BuUingers,  Zurich,  1828  et  suiv.,  2  vol.  (inachevé); 
M.  Kirchhofer,  Oswald  Myconius,  Antistes  der  Basler  Kirche,  Zurich, 
1813. 

Système  de  Z^vingle. 

70.  Le  système  doctrinal  de  Zwingle,  esprit  moins  original 
mais  plus  rationaliste  que  Luther,  et  ennemi  de  tout  mystère, 
est  un  mélange  de  panthéisme  et  de  fatalisme;  il  offre  de  nom- 
breuses analogies  avec  les  doctrines  des  manichéens  et  de 
Wiclef.  Selon  Zwingle,  il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  Dieu,  Dieu  est 
l'être  de  toutes  choses.  Toute  force  est  incréée  ou  créée  :  incréée, 


LE   PROTESTANTISME.  293 

cette  force  est  Dieu  même;  créée,  elle  est  de  Dien,  c'est  une 
émanation  divine,  une  manifestation  de  la  force  universelle 
dans  un  nouvel  individu.  L'expression  de  «  créature  libre  »  est 
une  contradiction  :  la  liberté,  comme  puissance  personnelle,  est 
inconciliable  avec  la  toute-puissance  et  la  sagesse  divines.  Vou- 
loir être  libre,  c'est  vouloir  être  son  propre  Dieu,  c'est  marclier 
au  polythéisme.  La  Providence  divine  est  conforme  à  la  néces- 
sité des  événements. 

Si  Dieu  est  tout  être,  il  est  aussi  tout  activité;  l'homme  est  à 
l'égard  de  lui  ce  que  l'instrument  est  dans  la  main  de  l'artiste. 
Dieu  fait  aussi  le  mal.  Que  si  l'on  demande  comment  Dieu  peut 
alors  punir  le  mal,  il  faut  répondre  :  Il  suffit  en  soi  que  Dieu 
ait  fait  l'homme  de  telle  sorte  que  le  péché  soit  le  fruit  de  sa  vie 
corporelle  :  alors  il  demeure  vrai  que  celui  qui  est  placé  sous 
une  loi  pèche  en  la  transgressant,  même  quand  il  est  forcé  de 
la  transgresser;  quant  à  Dieu,  pour  qui  il  n'y  a  point  de  loi,  il 
ne  pèche  pas,  et  sa  sainteté  subsiste  même  quand  il  force 
l'homme  à  pécher.  Il  révèle  également  sa  justice  en  choisissant 
quelques  hommes  pour  la  manifester  en  eux.  Dieu  enfin  est 
toujours  dirigé  par  les  vues  les  plus  pures,  et  c'est  pourquoi  la 
fin  justifie  les  moyens. 

Zwingle  ne  connaît  pas  de  réponse  plus  satisfaisante.  Il 
trouve  dans  l'amour  de  soi  (philautie)  la  racine  de  tout  mal. 
Satan,  ayant  remarqué  l'esprit  entreprenant  qui  se  faisait  jour 
dans  Eve  et  son  inexpérience  en  toute  espèce  de  ruses,  lui 
enseigna  les  moyens  de  tromper  son  mari  :  de  là  le  premier 
péché.  Adam  pécha  par  égoïsme,  et  de  ce  péché  sont  sorties 
toutes  les  misères  de  l'homme.  Or,  comme  les  mêmes  causes 
produisent  les  mêmes  eifets,  tous  les  hommes,  depuis  la  chute 
d'Adam,  naissent  avec  l'égoïsme.  Le  péché  d'origine  est  une 
disposition  naturelle,  un  penchant,  une  inclination  au  péché, 
une  maladie  inhérente  à  la  nature,  une  prépondérance  de  la 
sensualité,  exempte  de  faute,  et  que  le  baptême  même  ne  peut 
enlever.  Comme  tout  est  de  Dieu,  tout  retourne  à  lui  et  se 
résout  dans  l'être  universel.  Zwingle  croit  expliquer  par  là  le 
dogme  de  l'immortalité,  justifier  en  partie  la  métempsycose 
selon  Pythagore  et  l'idée  stoïcienne  d'un  Dieu  qui  serait  l'àme 
du  monde.  Les  païens  les  plus  illustres,  Socrate,  Caton,  etc., 
sont  intimement  unis  avec  Jésus-Christ. 


294  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Points  de  contact  et  de  divergence  entre  ZAvingle  et  Luther. 
Théorie  de  la  Cène. 

7d .  Zwingle  cro3'ait  avec  Luther  :  1  °  que  la  Bible  est  la  source 
suprême  de  la  foi,  que  chacun  peut  l'interpréter  à  son  gré,  et 
que  Dieu  en  découvre  le  sens  à  ceux  qui  le  lui  demandent  par 
d'instantes  prières  ;  2°  comme  lui,  il  niait  le  libre  arbitre  et  sou- 
tenait l'impuissance  do  l'homme  pour  toute  sorte  de  bien  ;  3°  il 
faisait  Dieu  l'auteur  du  mal,  et  dans  un  degré  plus  élevé  encore 
que  Luther;  4"  il  professait  l'inutilité  des  bonnes  œuvres  et  la 
justification  par  la  foi  seule;  5"  il  rejetait  les  indulgences,  les 
vœux,  le  purgatoire,  la  hiérarchie  et  le  sacerdoce,  et  6°  voyait 
dans  les  sacrements  des  symboles  de  la  grâce  que  chacun  pos- 
sède déjà.  Zwingle  développe  cette  pensée  avec  plus  de  logique 
que  Luther.  Pour  lui,  les  sacrements  sont  avant  tout  des 'céré- 
monies par  lesquelles  l'homme  atteste  qu'il  est  disciple  de  Jésus- 
Christ,  membre  de  l'Église;  ils  n'ont  en  soi  aucune  valeur,  ils 
ne  sont  pas  même  un  gage  de  la  bienveillance  divine,  parce 
que  celui-là  n'a  pas  de  foi  qui  a  besoin  de  l'attester  par  de 
pareils  moyens.  Ceux  qui  les  reçoivent,  témoignent  à  l'Eglise 
qu'ils  ont  la  foi,  plutôt  qu'ils  n'y  puisent  des  forces. 

Le  baptême  est  un  signe  d'initiation;  l'Eucharistie,  un 
simple  mémorial  de  la  mort  expiatoire  de  Jésus-Christ,  de  sa 
passion  et  de  ses  travaux.  C'est  dans  la  doctrine  de  l'Eucharistie 
que  Zwingle  s'écarte  le  plus  de  Luther  :  il  nie  toute  présence 
réelle  de  Jésus-Christ,  et  interprète  les  paroles  de  l'institution 
dans  un  sens  figuré.  Selon  lui,  le  mot  est  a  le  sens  de  sigtiifie. 
Une  révélation  qu'il  avait  eue  en  songe,  lui  avait  signalé  ce  pas- 
sage :  «  (l'agneau)  Il  est  la  Pàque  du  Seigneur  »  [Exod.,  xn,  il)  ; 
mais,  quand  il  s'était  réveillé,  il  n'avait  pas  lu  ce  qui  est  dit  plus 
loin  (vers.  27),  que  c'est  là  une  figure  employée  pour  :  «  l'agneau 
est  le  sacrifice  du  passage  du  Seigneur  ».  Tandis  que  Zwingle 
prenait  es^  dans  un  sens  impropre,  üEcolampade  entendait  le  mot 
corps  dans  un  sens  métaphorique  :  corps  était  pris  pour  «  signe 
de  mon  corps  ».  Zwingle  comparait  l'Eucharistie  à  l'anneau 
que  l'époux  remet  à  son  épouse  au  moment  de  s'absenter;  il  y 
voyait  un  simple  mémorial,  dans  lequel  Jésus-Christ,  présent 
aux  siens  par  la  vertu  céleste,  les  console  par  la  méditation  et 
les  alTermit  par^la  foi. 


LE    PROTESTANTISME.  295 

Sur  ce  point,  la  difréience  entre  Zwingle  et  Luther  était  trop 
grande  pour  qu'ils  pussent  s'entendre.  Une  lutte  devait  éclater, 
qui  révélerait  de  plus  en  plus  le  désaccord  des  nouveaux  réfor- 
mateurs et  les  résultats  de  la  libre  interprétation  des  saintes 
Écritures. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SDR  LES    N°*  70   ET   7t. 

Zwingt.  Commentar.  de  vera  et  falsa  religione  (dédiés  au  roi 
François  I«'),  Tiguri,  152Ö;  Expositio  fidei  ad  regem  Gall.,  Juli., 
1531;  Le  Plat,  II,  723-749;  Append.,  ib.,  p.  7.o0-761  ;  Fidei  ratio 
ad  Carol.  Imper.,  Tig.,  1530;  Christ,  fidei  brevis  et  clara  expositio  ad 
reg.  christ.  Franc.  I,  éd.  Bullinger,  Tig.,  1336;  Zwingl.  0pp.  IV, 
42-78,  de  Providentia,  0pp.  I  (principaux  passages,  de  Provid., 
c.  ni,  vi),  de  Peccato  orig.  declar.,  0pp.  II,  H7.  «  Uslegeu  und  gründ 
der  Scbluszreden  oder  Artikel  >>,  quasi  farrago  omnium  opinionum 
quae  hodie  controvertuntur,  Opp.  t.  VII;  Augusti,  Corp.  libr.  symbol. 
qui  in  Eccl.  Reformat,  publicam  aucloritatem  obtinuerunt,  Elberf,, 
1827;  Niemeyer,  CoUectio  confessionnm  in  Eccl.  reform,  publ.,  Ups,, 
1840;  Hagenbach,  Gesch.  der  ersten  Basler  Confession,  Bàle,  1827; 
Hahn,  Zwingl'is  Lehren  von  der  Vorsehung,  von  dem  Wesen  nod  der 
Bestimmung  des  Menschen  (Studien  und  Kritiken,  1837,  IV);  Zeller, 
das  Theol.  System.  Zw.,  Tüb.,  t853;  Schweizer,  die  Prot.  Centraldog- 
raen,  Zurich,  1854;  Sigwart,  Ulr.  Zwingli,  d^n'  Charakter  seiner  Theol., 
Stuttg.,  1853;  Hundeshagen,  zur  Charakteristik  Zwingl'is  (Studien  u. 
Kritiken,  1862,  IV);  Spœrri,  Zwingli'sche  Studien,  Zurich,  1866.  — 
Mœhler,  Symbolique,  §  9;  RitTel,  IH,  p.  54-102;  Zwingt.  Opp.  III, 
591  et  seq. 

Luther  et  Zwing-le.  Querelle  des   sacranientaires. 

Doctrine  de  Luther  sur  la  présence  réelle. 

72.  Luther,  conformément  à  sa  théorie  de  la  justification,  n'a- 
vait d'abord  attaché  que  peu  d'importance  à  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  dans  le  sacrement  de  l'autel,  destiné  à  exercer 
la  foi  et  à  la  fortifier.  Il  fut  tenté  quelque  temps  d'admettre  que 
dans  l'Eucharistie  il  n'y  a  que  du  pain  et  du  vin  :  c'est  ainsi, 
croyait-il,  qu'il  donnerait  «  au  papisme  la  plus  forte  gour- 
made  ».  Cependant  sa  dispute  avec  Carlostadt  (§31)  l'avait  amené 
à  soutenir  définitivement  que  les  passages  de  la  Bible  ne  peu- 
vent s'entendre  que  d'une  présence  effective,  d'une  commu- 
nication essentielle  du  corps  de  Jésus-Christ.  Cet  homme,  qui 


296  HISTOIRE   DE   L  ÉGLISE. 

savait  interpréter  à  sa  fantaisie  les  textes  les  plus  clairs  de  la 
Bible,  trouvait  qu'ici  le  texte  était  «  trop  impérieux  »  et  «  le 
retenait  captif  » . 

La  conduite  de  Zwingle  et  de  ses  partisans  l'affermit  encore 
davantage  dans  sa  conviction.  Persuadé  qu'il  était  choisi  de 
Dieu  pour  restaurer  la  véritable  doctrine  chrétienne,  qu'il  était 
particulièrement  favorisé  de  sa  grâce,  son  orgueil  souffrait  des 
atteintes  portées  à  sa  gloire  ;  il  voyait  avec  peine  que  d'autres 
s'immisçassent  dans  une  œuvre  qu'il  considérait  comme  dévolue 
à  lui  seul,  on  plutôt  il  voyait  tourner  contre  lui  les  armes  que 
lui-même  avait  forgées  :  l'interprétation  arbitraire,  isolée  de 
toute  tradition,  de  quelques  textes  de  l'Écriture;  il  dut  bientôt 
reconnaître  que  sur  ce  terrain  la  dispute  n'aurait  point  de  fin. 
Ses  propres  affirmations,  sa  théorie  générale  des  sacrements, 
qui  ne  semblait  point  justifier  une  exception  en  faveur  de  l'Eu- 
charistie, étaient  alléguées  contre  lui,  et  il  finit  par  n'avoir  plus 
d'autre  ressource  que  d'invoquer  les  Pères  et  la  tradition  ecclé- 
siastique, qu'il  avait  jusque-là  si  fort  méprisés. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LE   N»    72. 

Dœilinger,  I.ulher  Skizze,  p.  663  et  suiv.;  Lutlier,  Œuvres,  éd. 
Walch,  part.  XV,  p.  2448.  Voy.  ibid.,  part.  XIX,  p.  79;  part.  XX, 
p.  2078  et  sniv.,  186  et  suiv.  Anciennes  déclarations  de  Luther  sur 
les  Pères,  dans  Dœilinger,  Réf.,  I,  p.  448  et  suiv.;  Weislinger,  Frisz 
Vogel  oder  stirb,  Slrasb.,  1726,  p.  300,  314,  et  ailletu's. 

Controverse  des  théologiens.  Polémique  de  Luther.  Théorie 
de  l'impanation  et  de  l'ubiquité. 

73.  Les  idées  de  Carlostadt  sur  l'Eucharistie,  généralement 
adoptées  par  Zwingle,  trouvèrent  de  l'écho  dans  plusieurs  villes 
allemandes.  A  Ulm,  la  doctrine  de  Zwingle  eut  pour  organe  le 
prédicant  Conrad  Sam,  qui  en  1520  s'était  enrôlé  sous  la 
bannière  de  Luther.  Cet  exemple  fut  bientôt  suivi  par  les 
prédicants  wurtembergeois.  A  Strasbourg,  ce  rendez-vous  de 
tous  les  hérétiques  possibles.  Capiton  était  tout  à  fait  dans  les 
idées  de  Zwingle,  tandis  que  l'artificieux  Martin  Bucer,  le 
«  diplomate  des  réformateurs  »,  se  posait  en  conciliateur.  A 
Augsbourg,  Wittenberg  et  Zurich  se  disputaient  la  prédomi- 
nance. Jean  Brenz ,  prédicant  à  Schwabisch-Hall ,  Erhard 
Schaepf  et  autres  prédicants  de  Souabe,  dans  un  écrit  collectif 


LE    PROTESTANTISME.  297 

(le  Syngramma  de  Souabe),  qui  fut  combattu  par  CEcolampade 
{Antisynr/ramma) y  se  prononoèreut  pour  la  pure  doctrine  de 
Luther.  Théobald  Gerlacher  (Billicanus),  prédicant  et  réforma- 
teur à  Nœrdliiigen,  soutenait  aussi  (1526)  le  sens  littéral  des 
paroles  de  l'institution  ;  il  fut  combattu  par  Zwingle  et  par 
OEcolampade.  Le  savant  Willibald  Firkheimer,  à  Nurenberg,  et 
Urbain  Regius  (mort  en  1541)  écrivirent  aussi  contre  les 
Suisses. 

Les  emportements  de  Luther  attisèrent  encore  le  feu  de  la 
dispute.  11  traita  Zwingle  et  les  siens  de  serviteurs  de  Satan,  de 
sacramentaires  qu'il  fallait  extirper;  c'étaient  des  cœurs  endia- 
blés, perendiablés,  superendiablés,  des  gueules  de  mensonge, 
pour  qui  nul  chrétien  ne  devait  prier.  Faible  dans  le  détail  de 
sa  polémique,  Luther  était  plus  heureux  quand  il  se  plaçait  sur 
le  terrain  de  l'ancienne  Église.  Mais,  comme  il  avait  rejeté  la 
consécration  et  la  transsubstantiation  des  catholiques,  afin  de 
n'être  pas  obligé  d'admettre  un  sacerdoce  et  pour  abolir  le  sacri- 
fice, il  se  vit  contraint,  par  les  objections  de  Zwingle,  d'imagi- 
ner un  autre  moyen,  qui  laissait  place  à  la  présence  réelle  :  il 
aboutit  ainsi  à  la  doctrine  de  la  cousubstantiation  ou  de  l'impa- 
nation,  suivant  laquelle  on  recevait  le  corps  de  Jésus-Christ  dans 
le  pain,  sans  le  pain  et  avec  le  pain;  il  admettait  une  extension 
formelle  du  corps  de  Jésus-Christ  dans  l'infini  (ubiquité),  et 
croyait  qu'il  est  partout  littéralement  présent,  même  dans 
chaque  aliment.  Mais  il  disait  aussi  que  le  corps  de  Jésus-Christ 
n'est  uni  à  la  substance  du  pain  qu'au  moment  de  la  commu- 
nion. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES  CRITIQUES    SUR   LE   N°  73. 

Conrad  Sam  :  voy.  Schmid  et  Pfister,  Denkwürdigkeiten  der  Würt- 
temb.  und  Schwab.  Ref.-Gesch.,  Tüb.,  1817,  II,  p.  102  et  suiv. 
Capito  et  Bucer  :  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  Ü  et  suiv.,  21-24.  Sur 
Augsbourg,  ibid.,  p.  576.  Kilian  Leib,  an.  Iö28,  p.  517,  disait  :  «  Apud 
quos  (Augustanos),  cum  Luthericolae  essent,  toi  fere  bsereses  quot 
plateae  erant.  «  Jean  Brenz  .  voy.  Hartmann  et  Jaeger,  Job.  Brenz  > 
Dœllinger,  II,  p.  351;  Cammerer,  Job.  Brenz,  Stuttg.,  1840;  Vaibin- 
ger,  J.  Brenz,  ibid.,  1841  ;  Syngramma  suevicum  super  verbis  Coenae 
(contre  CJEkolampade,  De  genuina  verborum  Domini  :  Hoc  est  corpus 
meum,  expositione  liber,  1525j;  Œcolampadii  Àntisyugramma,  1526; 
Théobald  Billican,  prédicant  à  Ncerdlingue,  de  Verbis  Cœnœ  Domini 


298  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

et  opinionum  varietate  ad  Urbannm  Rhegiura  epist.;  Dœllinger,  I, 
p.  i42  et  suiv.;  Willibald  Pirkheimer,  De  vera  Christi  carne  et  vero 
ejus  sanguine  ad  Job.  Œcolarap,  responsio,  0pp.,  éd.  Goldast,  Fran- 
cof.,  1610.  Cf.  Hagen,  Deutsch],  lit.  u.  relig.  Verhaeltnisse  im  Ref.- 
Zeitalter  mit  besonderer  Rücksicht  auf  W,  Pirkheimer,  Erlang.,  1841, 
t.  I;  Dœllinger,  Réforme,  I,  p.  161  et  suiv.;  ibid.,  p.  533;  sa  lettre  à 
Kilian  Leib  sur  le  retour  de  celui-ci  à  Él'glise  catholique.  La  sœur  de 
Kilian,  Charitas,  abbesse  de  Sainte-Claire,  fut  toujours  catholique  : 
voy.  Histor.-pol.  Bl.,  t.  XHI,  p.  513-539;  HœOer  ,  Charitas  Pirkh., 
Bamb.,  1852;  W.  Loose,  Aus  dem  Leben  der  Charitas  Pirkh.,  Dresde, 
1870.  Luther  se  prononça  contre  les  zwingliens  dans  la  préface  de 
l'édition  allemande  du  Syngramma  par  Agricola;  dans  un  écrit  aux 
chrétiens  de  Reutlingen,  «  contre  les  prophètes  célestes  »  (Walch,  part. 
XX,  p.  186  et  suiv.);  dans  un  sermon  sur  le  sacrement  du  corps  et  du 
sang  de  Jésus-Christ  contre  les  fanatiques  (ibid.,  p.  915  et  suiv.);  puis 
en  1527,  en  disant  que  «  les  paroles  du  Christ  :  Ceci  est  mon  [corps^ 
subsistent  toujours  contre  les  fanatiques  »  (ibid.,  p.  950  et  suiv.), 
ainsi  que  dans  la  «  Grande  Confession  sur  la  cène  du  Christ  »  (ibid., 
p.  1118  et  suiv.)  Voy.  encore  Walch,  th.  xvii,  p.  1907.  —  Ajoutez  th. 
XX,  p.  1010.  Cf.  Bellarm.,  de  Christo,  III,  i;  Rettberg,  Occam  und 
Luther  Studien  und  Kritiken,  1839,  I,  p.  69  et  suiv.  Dans  le  sens 
opposé,  Franz  Lambert,  de  Symbolo  fœderis  numquam  rumpendi, 
quam  communionem  vocant,  confessio  (s.  L),  1530. 

Argumentation  de  Z'wingle.  Luther  invoque   le  témoignage 
de  l'ancienne   Église. 

7i.  Zwingle,  qui  appelait  les  luthériens  des  «  mangeurs  de 
la  chair  de  Dieu  »,  raisonnait  ainsi  :  r  Si  l'on  veut  s'en  tenir 
au  sens  httéral,  il  ne  reste  qu'à  recevoir  la  doctrine  catholique 
de  la  transsubstantiation.  2°  H  est  inadmissible  qu'on  puisse 
remplacer  les  termes  de  l'Kcriture  par  ces  autres  termes  :  Dans 
ce  pain  l'on  mange  mon  corps.  3°  Luther  aussi  a  recours  à  une 
figure  quand  il  dit  :  Ceci  contient  mon  corps;  ou  :  Ce  pain  est 
uni  à  mon  corps.  Or  la  métonymie  de  Zwingle  était-elle  moins 
recevable  que  la  synecdoche  de  Luther?  4°  Le  docteur  witten- 
bergeois,  avec  sa  doctrine  de  l'ubiquité,  tombe  dans  un  mono- 
physitisme  à  rebours  et  contredit  le  dogme  des  deux  natures. 
5°  Il  agit  à  l'égard  des  Suisses  comme  le  pape  à  l'égard  des 
Wittenbergeois  :  il  condamne,  il  anathématise,  il  engage  l'au- 
torité à  sévir,  il  blesse  toute  charité  chrétienne.  Les  deux  par- 
tis s'aperçurent  bientôt  qu'ils  ne  feraient  rien  avec  la  Bible,  et 


LE   PROTEST ANTISMIÎ.  509 

ils  revinrent  à  l'antiquité  chrétienne;  plus  tard  (1532),  Luther 
s'appuya  ouvertement  sur  les  a  livres  et  écritures  des  bien- 
aimés  Pères  »,  sur  le  consentement  de  la  sainte  Église  chré- 
tienne, dans  latjuelle  Jésus-Christ  réside  tous  les  jours  {Matth., 
xxvni,  20),  et  qui  est  la  colonne  et  le  fondement  de  la  vérité 
(I  Tim.,  III,  15). 

OUVRAGES  A  CONSULTEH  SUR  LE  N°  74. 

Zw.,  Klare  Unterrichtung  vom  Nachtmahl  Christi,  Œuvres,  II,  p. 
426  et  suiv.;  Amica  Exegesis,  i.e.,  Expositio  Euchar.  negot.  ad  M.  Luth., 
III,  4(59;  Fründlich  verghmpfung  und  ableinung  über  die  predig  des 
tretfentUcheu  M.  Luth,  wider  die  Schwa?rnier,  II,  p.  {  et  suiv.,  et  II, 
sect.  II,  p.  29.  ÖEcolamp.,  Justum  responsum  in  Liith.  exposit.  de 
Sacramento,  1526.  Luther  à  Albert  de  Prusse,  1532  :  Walch,  th.  xx, 
p.  2089;  de  Wette,  IV,  p.  354. 

Tentatives  de  conciliation. 

75.  Ces  dissentiments  déplaisaient  fort  aux  princes  et  aux 
villes  protestantes  :  ils  désiraient  une  alliance  étroite  avec  les 
villes  du  sud  de  l'Allemagne,  favorables  à  Zwingle;  mais  cette 
alliance,  les  luthériens  rigoureux  la  tenaient,  d'après  le  lan- 
gage de  leur  maître,  pour  antichrétienne  et  illicite.  Jean,  élec- 
teur de  Saxe,  suivit  en  tout  le  conseil  de  ses  théologiens  par- 
tisans du  luthéranisme;  ceux-ci  dressèrent  les  dix-sept  articles 
de  Schwabach  ou  de  Torgau,  où  la  doctrine  de  Luther  sur 
l'Eucharistie  faisait  un  vif  contraste  avec  celle  de  Zwingle.  Ces 
articles,  qui  furent  signés,  posaient  les  conditions  sous  lesquelles 
on  pouvait  contracter  alliance  avec  les  zwingliens. 

Cependant  le  landgrave  Philippe  de  Hesse,  qui  inclinait  au 
fond  vers  le  zwinglianisme,  voulut  tenter  une  union  plus 
étroite  entre  les  deux  partis,  au  moyen  d'une  conférence  per- 
sonnelle à  laquelle  il  les  invita  à  Marbourg  pour  le  i"  octobre 
1529.  Le  haut  pays  y  envoya  Zwingle,  OËcolampade,  puis 
Bucer  et  Gaspard  Hedio  de  Strasbourg  (ce  dernier,  disciple  de 
Capiton  et  eutièrement  dominé  par  Bucer);  l'autre  parti  fut 
représenté  par  Luther,  Mélanchthon,  Jonas,  Osiandre,  Etienne 
Agricola  et  Jean  Brenz.  Zwingle  y  montra  plus  de  condescen- 
dance que  Luther:  celui-ci  ne  voulait  pas  même  reconnaître  les 
zwingliens  pour  des  frères  et  leur  donner  la  main,  et  il  dissua- 


300  HISTOIRE    DE   l'ÉGUSE. 

dait  son  prince  électeur  de  toute  alliance  avec  les  zwingliens, 
qu'il  traitait  d'abominables.  Quant  à  son  dogme  de  la  consubs- 
tantiation,  Luther  l'éclaircissait  par  l'exemple  suivant  :  Le  corps 
de  Jésus-Christ  est  dans  le  pain  comme  l'épée  dans  le  fourreau  ; 
les  paroles  de  Jésus-Christ  sont  un  discours  abrégé,  comme 
lorsque  l'on  parle  d'une  épée  et  que  l'on  a  également  en  vue  le 
fourreau. 

Les  deux  partis  s'attribuèrent  la  victoire.  Les  zwingliens 
étaient  blessés  de  l'attitude  présomptueuse  de  Luther.  Cepen- 
dant, afin  de  ne  pas  clore  l'assemblée  sans  avoir  produit  aucun 
résultat,  on  dressa  quinze  articles  de  foi  et  d'union,  sur  les- 
quels on  était  plus  ou  moins  d'accord,  et  on  les  souscrivit  (30  oc- 
tobre). Ces  articles  traitaient  de  la  Trinité,  de  la  Rédemption, 
de  la  foi  et  de  la  justification,  de  l'autorité  (contre  les  anabap- 
tistes). L'article  13  portait  :  On  appelle  Tradition  des  règle- 
ments humains  portés  sur  des  ol)jets  spirituels  ou  ecclésias- 
tiques; quand  elle  n'est  pas  contraire  à  la  parole  de  Dieu,  on 
est  libre  de  l'observer  ou  de  la  négliger;  l'article  14  ap- 
prouve le  baptême  des  enfants;  l'article  15  dit  qu'on  doit  user 
de  l'Eucharistie.  Bien  (ju'on  ne  fût  pas  tombé  d'accord  sur 
la  doctrine,  chacun  devait  témoigner  aux  autres  de  la  charité 
chrétienne,  tant  que  la  conscience  pouvait  le  souffrir,  et  de- 
mander à  Dieu  par  de  ferventes  prières  la  véritable  intelligence. 
Jusque-là  aucun  accord  n'était  possible.  Luther,  qui  se  scanda- 
lisait de  la  théorie  de  Zwingle  sur  le  péché  originel,  ne  voulut 
pas  faire  d'autre  concession,  et  persista  à  considérer  la  doctrine 
de  Zwingle  comme  hérétique.  Mélanchthon,  qui  lui  était  entiè- 
rement asservi,  n'était  pas  moins,  en  paroles,  contraire  aux 
zwingliens;  il  éprouvait  des  remords  de  conscience,  disait-il, 
pour  avoir  protesté  à  Spire  contre  l'article  dirigé  contre  les 
sacramentaires,  et  il  s'avouait  coupable  d'avoir  contribué  à 
répandre  ce  funeste  poison,  cette  doctrine  impie  de  Zwingle. 
De  leur  côté,  ceux  du  haut  pays  rejetaient  les  articles  de  Tor- 
gau  ou  do  Schwabach  (16  octobre).  Et  c'est  ainsi  que,  malgré 
tous  les  essais  d'union  tentés  par  la  politique,  la  nouvelle 
Eglise  demeurait  dès  le  principe  divisée  en  Église  allemande- 
luthérienne  et  en  Eglise  suisse-zwinglienne  réformée.  Non  seu- 
lement Philippe  de  liesse  s'était  étruitement  allié  avec  la  Saxe 
électorale,  Strasbourg,  Ulm  et  Nurenberg;  il  travaillait  aussi 


LE  PROTESTANTISME.  301 

avec  persévérance,  par  l'entremise  fies  Zurichois,  à  conclure 
avec  la  France  une  alliance  qui  était  une  trahison  envers  l'Em- 
pire. 

OUVRAGES   A  CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE   N°   75. 

Articles  de  Toi'gau  :  RilFel,  II,  p.  375  et  suiv.  Sur  Hédio,  Dœllinger, 
Réf.,  II,  p.  16  et  suiv.  :  Colloque  religieux  de  Marbourg  Pallav.,  III,  i,  2; 
Schmitt,  das  Religionsgesprœch  zu  M.  Marburg,  1846.  Les  15  articles 
de  foi  et  d'union  ont  été  publiés  par  H.  ïleppe  (dans  la  Revue  de 
théologie  historique  de  Niedner,  1848,  I,  p.  3-7),  d'après  le  manuscrit 
original  trouvé  aux  archives  de  Cassel.  Voyez  encore  B.-E.  Lœscher, 
llist.  motuum  zw.  den  Ev.  Luther,  und  Reformirten,  I  th.,  cap.  ii, 
p.  25  et  suiv.;  Selneker  et  Chemnitz  ,  Bist.  d.  Sacranientenstreits , 
Leipzig,  1591;  Lud.  Lavater,  Hist.  de  origine  et  progressu  contro- 
versiœ  sacramentarise  de  Cœna  Dom.  ab  an.  1323  ad  an.  1563 
deducta,  Tiguri,  1564,  1572;  R.  Hospiniani,  Hist.  sacramentaria,  Tig., 
1598,  2  vol.;  Planck,  Gesch.  der  Entstehung,  der  Versenderung  und 
der  Bildung  unseres  protest.  Lehrbegriffs,  II,  p.  204  et  suiv.,  471  et 
suiv.;  III,  I,  p,  376  et  suiv.;  Gesch  der  prot.  Theol.,  I,  p.  6  et  suiv.; 
II,  I,  p.  89  et  suiv.,  211  et  suiv.;  II,  ii,  p.  7  et  suiv.;  III,  p.  150,  274, 
732  et  suiv.;  Dieckhotï,  Das  ev.  Abendmahl  im  Ref.-Zeitalter,  Gcet- 
tingue,  1854. 

PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION  RELIGIEUSE  EN  ALLEMAGNE. 

La  diète  d^Aug'sbourg:  de  1530. 

Ouverture  de  la  diète  d'Augsbourg. 

76.  Au  lieu  de  se  rendre  à  la  diète  d'Augsbourg  dans  le  cou- 
rant d'avril,  Charles-Quint  n'y  arriva  que  le  15  juin  1530.  Il 
était  accompagné  du  cardinal  Campeggio,  à  qui  le  pape  avait 
donné  des  instructions  précises  sur  les  moyens  d'étouffer  la 
nouvelle  doctrine.  On  était  à  la  veille  de  la  Fête-Dieu,  que  l'em- 
pereur se  disposait  à  célébrer  avec  une  grande  pompe.  Les 
princes  protestants  refusèrent  de  participer  à  ce  «  rite  supersti- 
tieux »,  à  cette  exhibition  théâtrale  du  «  demi  »  Sacrement; 
seul  le  prince  électeur  de  Saxe,  par  égard  pour  sa  position, 
surmonta  ses  scrupules,  et  porta  l'épée  de  l'empire  devant 
Çharles-Quint.  Pendant  l'office  solennel  (20  juin),  le  nonce  Vin- 
cent Pimpinella  prêcha  sur  le  besoin  de  la  concorde  pour  com- 
battre les  Turcs  et  sur  l'unité  de  foi,  condition  nécessaire  de  la 


302  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

concorde.  Après  l'oiiverlure  do  l;i  diète,  le  cardinal  légat  pro- 
nonça un  disconrs  sévère  snr  l'objet  des  délibérations.  L'empe- 
reur convint  qu'il  fallait  d'abord  traiter  la  question  religieuse, 
et  il  invita  les  Etats  protestants  à  s'expliquer  sur  les  croyances 
comme  snr  les  abns  qui  les  offusquaient.  Ils  le  firent  d'après 
un  écrit  de  Mélanchthon  rédigé  sur  les  articles  de  Torgau  et 
connu  sous  le  nom  de  Confession  d'Augsbourg,  approuvée  par 
Luther  lui-même. 

Les  vingt  et  un  premiers  articles,  relatifs  à  la  doctrine  chré- 
tienne, atténuaient  sen^iblement  les  déclarations  trop  cho- 
quantes de  Luther;  seulement  ils  étaient  incomplets  et  man- 
quaient de  précision  dogmatique.  Les  sept  derniers  exposaient 
les  abus  supprimés  par  les  protestants,  et  avaient  trait  à  la 
communion  sous  les  deux  espèces,  au  mariage  des  prêtres, 
aux  vœux  monastiques,  aux  messes  basses,  à  la  confession 
détaillée,  à  la  distinction  des  aUments  et  au  pouvoir  épiscopal. 
Cette  confession  fut  signée  par  Jean  de  Saxe,  Philippe  de  Hesse, 
Ernest  de  Brunswick-Lunebourg,  Wolfgang  d' Anhalt,  George 
de  Brandebourg,  les  villes  de  iNurenberg  et  de  ReutUngen. 
L'empereur  ne  voulut  la  recevoir  que  par  écrit;  mais  les  pro- 
testants obtinrent  qu'elle  fût  lue  publiquement  le  25  juin,  en 
présence  de  l'empereur  et  de  la  diète.  A  cette  question  de 
Charles-Quint,  s'il  y  avait  encore  d'autres  points  sur  lesquels  ils 
s'écartaient  de  la  foi  catholique,  ils  répondirent  qu'il  était 
inutile  de  présenter  d'autres  articles;  alors  l'empereur  leur  lit 
savoir  qu'il  examinerait  cette  importante  affaire  et  leur  com. 
muniquerait  sa  décision.  Les  protestants  le  remercièrent  d'a- 
voir bien  voulu  les  entendre,  et  lui  remirent  la  Confession  en 
allemand  et  en  latin. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES  SUR  LE   N°   76. 

Instructions  de  Campeggio  :  Ranke,  Pajpste,  lit,  p.  266  et  suiv.j 
Maurenbrecher,  Cari  V,  Anh.,  p.  3-21,  Dans  rindignalion  soulevée 
par  ce  «  document  qui  respirait  la  fureur  »  (Hanlie,  I,  p.  Hl  et  suiv.), 
"on  a  complètement  perdu  de  vue  les  violences  accomi>lies  par  les 
protestants,  la  législation  en  vigueur  à  cette  époque,  la  douceur  vai- 
nement employée  pendant  un  si  long  temps  et  qui  précéda  le  décret 
d'exercer  la  riguciu'  et  de  la  recommander.  Campeggio  donna  des 
instructions  à  plusi<'urs  princes  dans  le  sens  dn  Mémorial,  et  fut  bien 
accueilli  à  Munich.  Lettres  des  i  3  et  20  mai,  cl  du  14  juin  1530:  Ltemmer, 


LE   PROTESTANTISME.  303 

Mon.  Vatic,  p.  34  et  suiv.,  n.  30  et  siiiv.  Sur  la  Fête-Dieu  à  Augsbonrg  : 
Campeggio,  16  juiu,  ibid.,  p.  39  et  suiv.,  n.  33;  Kilian  Leib,  p.  541 
et  suiv.;  Fullav.,  111,  m,  n.  2  et  seq.,  7  et  seq.  Les  théologiens  de 
l'électeur  de  Saxe  déclarèrent  que  le  port  du  glaive  de  l'Empire  était 
une  fonction  civile,  et  rappelèrent  l'exemple  d'Elisée,  qui  permit  au 
Syrien  Naaman  de  Uécbir  le  genou  devant  l'idole  de  son  roi,  s'il 
l'appuyait  de  son  bras  (IV  Rois,  v,  18).  Proposition  impériale  du 
20  juin  et  résolution  après  le  discoux's  du  légat  :  Goldast,  I,  504,  508  ; 
Le  Plat,  11,  p.  3-23-331.  La  Confession  d'Augsbourg  fut  déjà  imprimée 
avec  des  changements  pendant  la  diète  de  l'Empire,  à  l'insu  de  Mélanch- 
thon  :  de  là  vient  qu'en  1530  celui-ci  en  donna  une  édition  allemande 
et  latine;  plus  tard  il  modifia  lui-même  le  texte  en  faveur  des  calvi- 
nistes, surtout  l'article  10  sur  la  cène  :  on  distinguait  donc  la  «  Con- 
fessio  Aug.  variata  »  et  la  «  Confessio  iuvariata  ».  La  même  dans 
Hase,  Libri  symbol.  Eccl.  evang.,  Lips.,  1837;  en  allem,  dans  Kœthe, 
die  Symbol.  Rücher  der  ev.-lutber.  Kirche,  Leipzig,  1830,  p.  14  et 
suiv.  Voy.  Bossuet,  Hist.  des  variât,,  111,  §  7;  Le  Plat,  II,  p.  332  et 
seq.;  Kœllner,  Symbolik,  Hamb.,  1837,  p.  150  et  suiv.;  Rudelbach, 
Hist.-krit.  Einleitung  in  die  Augsb.  Conf.,  Leipzig,  1841;  L.  Pastor, 
die  Kirchl.  Reunionsbestrebungen  weehrend  der  Regierung  Caris  V, 
Frib.,  1879,  p.  17  et  suiv. 

Réfutation  de  la  Confession  d'Augsbourg. 

77.  Dans  une  conférence  ménagée  par  l'empereur  avec  les 
États  catholiques  (-26  juin),  le  duc  George  de  Saxe  et  l'électeur 
de  Brandebourg,  ainsi  que  quelques  théologiens,  demandèrent 
que  l'édit  de  Worms  fût  exécuté  dans  toute  sa  rigueur;  mais  la 
plupart,  surtout  les  princes  ecclésiastiques,  qui  avaient  été 
heureusement  impressionnés  par  la  forme  bienveillante  de  la 
Confession,  s'y  opposèrent.  Il  fut  convenu  que  la  Confession 
serait  réfutée  par  les  théologiens,  qu'un  donnerait  lecture  de  la 
réfutation,  et  qu'un  laisserait  à  l'empereur  le  soin  de  décider 
s'il  fallait  agir  avec  douceur  ou  sévérité,  ou  ordonner  que  les 
choses  restassent  sur  l'ancien  pied  jusqu'à  la  réunion  d'un 
concile  général.  Le  27  juin,  la  Confession  fut  remise  à  vingt 
théologiens  catholiques,  auxquels  on  recommanda  de  la  réfuter 
avec  la  plus  grande  modération. 

Ces  théologiens,  ayant  à  leur  tête  Eck,  reconnurent  que  tout 
cela  n'était  qu'hypocrisie;  ils  prouvèrent  que  la  Confession  con- 
tenait de  nombreuses  erreurs,  que  la  doctrine  protestante  y 
fourmillait  de  contradictions,  et  que  les  protestants  enseignaient 


304  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

en  outre  quantité  de  nouvelles  hérésies.  Le  18  juillet,  Eck 
remit  la  réfutation  à  l'empereur  avec  neuf  suppléments.  Les 
princes  catholiques  et  l'empereur  lui-même  la  trouvèrent  trop 
amère  et  trop  violente  ;  ils  demandèrent  qu'on  s'abstînt  d'énu- 
mérer  les  contradictions  de  Luther  et  autres  erreurs,  et  que  le 
ton  de  la  rédaction  fût  adouci.  Les  théologiens  parcoururent 
alors  la  Confession  article  par  article,  indiquèrent  ce  qui  était 
d'accord  avec  la  croyance  catholique  et  ce  qui  s'en  écartait; 
mais  il  leur  fallut  encore,  ici  même,  accepter  des  tempéraments. 
La  réfutation  ainsi  transformée  fut  lue  publiquement  le  3  août, 
comme  l'avait  été  la  Confession.  L'empereur  invita  les  protes- 
tants à  déposer  tout  esprit  de  discorde  et  à  rentrer  dans  l'unité 
de  l'Église  :  sinon  il  serait  obligé,  en  sa  qualité  de  souverain, 
d'agir  selon  sa  conscience. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES    SUR  LE   N°  77. 

Lettres  de  Campeggio  des  16  et  26  juin,  29  juillet,  10  et  20  août, 
24  sept.,  6  cet.  :  Lcemmer,  p.  39  et  suiv.,  n.  34-39.  Lettre  de  Charles- 
Quint  du  8  juillet  :  Dœilinger,  Beitr.,  I,  p.  7  et  suiv  ;  Kilian  Leib  (ici  té- 
moin oculaire,  avec  renseignements  fournis  sur  les  théologiens  cathol.), 
p.  542  et  suiv.;  Pallav.,  III,  m,  12  et  seq.;  iv,  1-7;  Th.  Wiedemann, 
Eck  auf  d.  Reichstage  zu  Augsb.  (OEsterr.  Vierteljahrschr.  f.  Theol., 
1862,  IV,  p.  533  et  suiv.),  et  Jean  Eck,  p.  271  et  suiv.;  Walch,  th.  xvi, 
p.  1219  et  suiv.;  th.  xiv,  p.  542  et  suiv.  Lettres  de  Mélanchthou  : 
Corp.  reform.,  II,  141  et  seq.,  175  et  seq.,  183  et  seq.,  193  et  seq., 
241  et  seq.;  Fœrstemann,  Urkundenbuch  zur  Gesch.  des  Reichstags  zu 
Augsb.,  Halle,  1834  et  suiv.,  2  vol.;  Cœlestini,  Ilist.  comiliorum  Aug. 
célébrât.,  Francof.  ad  Viad. ,  1577,  1597;  Chytraeus,  Historie  der 
Augsb.  Confession,  Rostock,  1576;  Cyprian,  eod.  tit.,  tiotha,  1730. 
Ouvrages  sous  le  même  titre,  par  Salig  (Halle,  1733  et  suiv.,  III  th.), 
PfafT  (Stuttg.,  1830)  ;  Kikenscher  (Nùrnb.,  1830)  ;  M.  Flacius,  Gesch.  des 
Reichstags  zu  Augsb.,  Leipzig,  1530;  Menzel,  I,  p.  335  et  suiv.;  Lœm- 
mer,  die  Vortrid.  kath.  Theol.,  p.  39  et  suiv.  La  réfutation,  avec  la 
Confession  d'Augsbourg  en  latin  et  en  allemand,  se  trouve  dans  le 
Catholique,  1828,  1829,  éd.  Kieser,  die  Augsb.  Conf.  aus  Orig.-Ausg. 
und  ihre  Widerlegung  aus  dem  aechten  Manuscripte  gezogen,  Regensb., 
1845.  Réponse  imperiale  du  3  août  :  Le  Plat,  II,  p.  337  et  seq.  Sur 
les  prétendues  déclarations  des  princes  catholiques  et  du  docteur  Eck, 
voy.  Binlerim  ,  der  Reichstag  v.  Augsb.,  1530,  Düsseid.,  1844,  et 
Œsterr.  Vierteijahrsschr.,  loc.  cit.,  p.  535,  n.  2,  p.  540  et  suiv.;  Pas- 
tor, p.  43  et  suiv. 


LE   PROTESTANTISME.  305 

Négociations  sur  les  points  divergents. 

78.  Les  protestants  se  montrèrent  fort  mécontents,  et  deman- 
dèrent une  copie  de  la  réfutation  pour  y  répondre.  L'empereur 
ne  voulut  plus  accepter  de  discussions  par  écrit,  et  la  scission 
s'accentua  de  plus  en  plus.  Philippe  de  Hesse  quitta  secrètement 
Augsbourg  (6  août).  Enfin,  l'empereur  institua  une  commission 
de  quatorze  membres,  comprenant  deux  princes,  deux  juristes 
et  trois  théologiens  pris  dans  chacun  des  partis,  pour  débattre 
les  articles  controversés  et  essayer  d'amener  une  conciliation. 
Les  théologiens  catholiques  étaient  Eck,  Wimpina  et  Cochlée; 
les  théologiens  protestants  :  Alelanchthon,  Brenz  et  Schnepf. 

La  conférence  s'ouvrit  le  10  août;  elle  reprit  un  à  un  les 
articles  de  la  Confession.  Les  articles  1  et  3  (Trinité  et  In- 
carnation) furent  reconnus  pour  orthodoxes;  l'article  5,  où 
il  était  dit  que  Dieu  a  institué  l'office  de  la  prédication  et  les 
sacrements  comme  des  moyens  d'obtenir  la  foi  qui  justifie  ; 
puis  l'article  8,  sur  l'efficacité  des  sacrements  administrés  par 
les  pécheurs;  l'article  9,  sur  la  nécessité  générale  du  baptême, 
même  pour  les  enfants,  demeurèrent  également  intacts.  Sur  le 
péché  originel  (art.  2),  Mélanchthon  convint  qu'il  est  remis 
par  le  baptême  quant  à  la  dette  ;  qu'il  ne  reste  que  la  concu- 
piscence, laquelle,  avant  le  consentement,  n'est  pas  un  vrai 
péché.  Sur  la  justification  (art.  4),  il  renonça  au  sola  ßdes  (la 
foi  seule),  et  accepta  la  formule  de  Eck,  suivant  laquelle 
l'homme  est  justifié  par  la  foi  et  par  la  grâce.  Sur  les  bonnes 
œuvres  (art.  6),  on  convint  qu'il  faut  pratiquer  celles  que  Dieu 
prescrit  ;  qu'aucune  œuvre  n'est  en  soi  méritoire,  mais  seule- 
ment quand  elle  est  accomplie  avec  la  grâce  de  Dieu.  Cependant 
le  mérite  des  œuvres  continuait  d'offusquer  les  protestants. 

Sur  l'Église  (art.  7),  il  fut  admis  que  l'Église  militante  ne 
contient  pas  seulement  des  saints,  mais  encore  des  pécheurs  et 
ceux  qui  seront  damnés  un  jour.  Cette  définition  de  l'Église, 
comme  société  réunissant  les  hommes  saints  et  pieux,  ayant  été 
critiquée,  les  protestants  consentirent  à  admettre  que  l'Église 
militante  renferme  aussi  des  méchants  et  des  pécheurs.  Ils 
acceptèrent  aussi,  sur  l'article  10,  de  l'Eucharistie,  cette 
addition  que  Jésus-Christ  y  est  vraiment  et  essentiellement  pré- 
sent. L'article  11,  portant  que  l'on  devait  conserver  la  confes- 
y.  —  uisi .  DE  l'église.  20 


306  HISTOIRE    DE   LÏiGLISE. 

sion  privée,  mais  qu'il  n'est  pas  nécessaire  d'éiiiimérer  tons 
les  péchés,  fut  renvoyé  à  l'autre  section.  Sur  les  trois  parties 
(le  la  confession  (art.  12),  les  protestants  cédèrent  anssi,  mais 
ils  refusèrent  d'admettre  que  la  satisfaction  fût  nécessaire  pour 
la  remise  de  la  peine.  Sur  le  libre  arbitre  (art.  18),  on  tomba 
d'accord  qne  la  volonté  de  l'homme  est  libre,  mais  qu'il  ne 
pent  être  jnstifié  sans  la  grâce  de  Dieu.  On  convint  également 
(art.  20)  que  les  bonnes  œuvres  sont  nécessaires  au  salut  et 
agréables  ù  Dieu,  quand  elles  proviennent  de  la  foi  et  de  la 
grâce;  les  protestants  ne  voulurent  pas  reconnaître  leur  mé- 
rite, ils  avouèrent  aussi  (art.  21)  que  les  saints  intercèdent  pour 
nous  auprès  de  Dieu,  et  qu'on  peut  célébrer  leur  mémoire  à 
certains  jours  déterminés;  mais  ils  lévoqnèrent  eu  doute  s'il 
était  permis  de  les  invoquer.  On  était  d'accord  sur  quinze  des 
vingt  et  un  premiers  articles;  sur  trois  on  ne  l'était  que  par- 
tiellement; trois  autres  furent  renvoyés  à  la  seconde  section. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE    N°    78. 

La  première  commission  établie  par  l'empereur  comprenait,  du 
côté  des  calhûliques  :  Henri,  duc  de  Brunswick,  et,  après  son  départ, 
George  de  Saxe  et  Christophe  de  Stadion,  prince  évèque  d'Augsbourg; 
les  chanceliers  Bernard  llagcn,  de  Cologne,  et  Jérôme  Vehus,  au  ser- 
vice du  margrave  de  Bade;  du  côté  des  protestants  :  Jean-Frédéric, 
fils  de  l'électeur  de  Saxe,  le  margrave  Geoi'ge  d'Anspach,  le  Dr 
George  Brück,  chancelier  de  l'électeur  de  S;ixe,  et  le  Dr  Sébastien 
Haller,  chancelier  du  margrave.  Sur  l'article  2  :  «  Docent  quod  post 
lapsum  Adae  omnes  homines  secundum  naturam  propagati  nascunlur 
cum  peccato,  hoc  est,  sine  metu  Dei,  sine  iiducia  erga  Deum  et  cum 
coticupiscenlia  »,  wobei  l-etztere  das  einzig  Positive  war,  sagten  die 
kath.  Theologen  :  «  Üeclaralio  arliculi  est  omniiio  rejicienda,  cum  sit 
cuilibet  christiano  manifestum  esse  sine  metu  Dei,  sine  üducia  erga 
Deum,  esse  potius  culpam  actualem,  quam  noxam  infanlis  recens  nati, 
qui  usu  rationis  adhuc  non  pollet.  »  Voici  l'explication  qu'en  donna 
l'Apologie  de  la  Confession,  11,  §  2  :  «  flic  locus  testatur  nos  non 
solum  actus,  sed  et  poleiitium  seu  doua  efliciendi  timorem  et  llduciam 
erga  Deum  adimere  propagatis  secundum  carnalem  naturam.  »  Eck 
se  prononça  contre  cette  doctrine,  que  la  concupiscence  est  en  soi 
un  péché,  et  il  lit  partager  son  sentiment  à  Mélanchthon.  Sur  l'ar- 
ticle 4  :  «  Docent  quod  homines  non  possint  justificari  propriis 
viiibus,  merilis  aut  opcribus,  sed  gratis  justifîcentur  propter  Christum 
per  üdem,  cum  credunt  se  in  gratiam  recipi  et  peccata  remitti  propter 


LK    PROTESTANTISME.  307 

Christum,  qui  sua  morte  pro  nostris  peccalis  satisfecit  »,  Eck  prouva 
que  l'iîomme  est  «  formellement  »justifié  par  la  foi  et  la  grâce,  et 
«  instrumentalement  »  par  la  parole  et  les  sacrements.  Mélanchthon 
accepta  cette  doctrine.  Voici  ce  qu'il  dit  dans  lApologie,  art.  4,  §  26  : 
«  Sola  fide  iu  Christum,  non  per  dilectionem,  non  proi>ter  dileclioiiem 
aut  opéra  consequimur  remissionem  peccatorum,  etsi  dilectio  sequitur 
fidem.  »  L'article  10  porte  :  «  De  Cœna  Domini  docent  quod  corpus  et 
sanguis  Christi  vere  adsint  et  distribuantur  vescentibus  in  cœna,  et 
improbant  secus  docentes.  »  La  Variatu  disait  :  «  quod  cum  pane  et 
vino  vere  exhibeantur  corpus  et  sanguis  Christi  vescentibus  in  cœna 
Domini.  » 

79.  Quant  à  la  communion  sous  les  deux  espèces  (art.  22),  Mé- 
lanchthon accorda  que  Jésus-Christ  est  tout  entier  sous  chaque 
espèce,  qu'il  ne  faut  pas  condamner  les  laïques  qui  commu- 
nient sous  la  seule  espèce  du  pain.  Eck  fit  pressentir  que  la 
communion  du  calice  serait  concédée  aux  conditions  établies  par 
le  concile  de  Bàle  pour  les  Bohémiens.  Sur  le  célibat,  aucun 
accord  n'intervint  :  Mélanchthon  ne  voulut  ni  accepter  comme 
une  grâce  le  mariage  des  prêtres,  que  l'on  proposait  d'accorder 
sous  certaines  réserves,  ni  abandonner  cette  affaire  à  la  déci- 
sion d'un  futur  concile.  On  ne  s'entendit  pas  davantage  sur  le 
sacrifice  de  la  messe.  Au  sujet  des  couvents  encore  existants, 
du  jeune,  des  cérémonies,  de  la  confession  privée,  Mélanchthon 
fit  de  nombreuses  concessions  ;  il  voulait  même  adopter  la  juri- 
dicti(>n  épiscopale,  et  consentir  à  ce  que  les  curés  et  les  prédica- 
teurs fussent  soumis  aux  évêques  et  tenus  de  respecter  leurs 
censures. 

Dans  une  lettre  au  cardinal  légat,  auquel  il  avait  précédem- 
ment rendu  visite,  il  se  déclarait  prêt  à  reconnaître  l'autorité 
du  pape,  mais  uniquement  au  point  de  vue  du  droit  humain. 
Ces  deux  concessions  excitèrent  la  colère  de  Nurenberg  et 
d'autres  villes.  Luther  lui-même,  qui  était  constamment  en 
commerce  épistolaire  avec  Mélanchthon,  et  qui  s'était  rendu  à 
Cobourg  pour  être  plus  rapproché  de  la  conférence,  répugnait 
à  toute  concession,  surtout  en  ce  qui  regardait  les  messes 
basses,  le  canon,  l'autorité  des  évêques  et  du  pape.  Tout 
accord  dans  la  doctrine  lui  semblait  impossible,  si  le  pape 
n'abdiquait  pas  la  papauté  ;  il  croyait  que  les  rusés  catholiques 
leur  avaient  tendu  un  piège  qu'il  fallait  éviter.  En  fait,  les  vues 


308  HISTOIRE    DE   l/ÉGUSE. 

fondamentales  des  deux  partis  offraient  trop  de  divergences,  et 
il  ne  servait  à  rien  d'atténuer  los  oppositions  et  de  les  passer 
sons  silence.  Un  accord  passager  n'eût  été  qu'nn  palliatif  :  tant 
qne  l'autorité  de  l'Église  infaillible  n'était  pas  reconnue,  il 
n'aurait  pas  eu  d'etfct  sur  les  masses.  Mélanchthon  encourut 
les  plus  amers  reproches,  et  fut  accusé  d'avoir  trahi  son  parti. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N°    79. 

Spieker,  Mélanchthon  auf  dem  Reichstage  zu  Augsb.,  Zlschr.  f.  iiisl. 
Theol.,  t84.T,  Ï,  p.  ii8  et  suiv.;  Wiedemann,  Eck,  p.  277  et  suiv.  Sur 
l'audience  donnée  à  Mélanchthon  par  Canipeggio,  rapport  du  ce  der- 
nier du  29  juillet  Wj'SO  :  Lsemmer,  Mon.  Vat.,  p.  48;  Kilian  Leih, 
p.  öiä.  Mélanchthon  à  Canipeggio,  G  juillet  :  Rayn,,  an.  iliW,  n.  S3  ; 
Pallav.,  m,  m,  4;  Cœleslin.,  Hist.  (§  77),  éd.  1597,  III,  18  ;  Melancht., 
ep.  ad  Canierar.,  p.  i48-töl  ;  Corp.  Ref.,  II,  IG9.  Malhes  (Melancht., 
Altenb.,  1841,  p.  131)  croit  que  Mélanchthon  a  joué  une  indigne 
comédie  avec  le  cardinal.  Voy.  Riffel,  II,  p.  403;  Dœllinger,  Reform., 
I,  360  et  suiv.  Mélanchthon  (28  août)  sur  les  Nurenbergeois  (Walch, 
th.  XVI,  p.  1755);  le  1«''  sept.,  il  écrivait  à  Luther  (ibid.,  p.  1793)  : 
('  Vous  ne  comprendrez  jamais  combien  je  suis  détesté  des  iNurenber- 
geois  et  je  ne  sais  de  combien  d'autres,  à  cause  de  la  juridiction  qui 
a  été  rendue  aux  évèques.  C'est  ainsi  que  les  nôtres  ne  combattent 
que  pour  la  domination,  et  non  pour  l'Évangile.  »  Brenz,  qui  est  rare- 
ment sincère,  écrivait  le  11  septembre  à  Isenmann  :  <(  Non  est  timen- 
dum  ut  adversarii  nosira  media  acceptent.  Si  enim  (|uis  diligenter  rem 
consideret,  ita  proposuimus,  ut  videamur  aiiquid  concessisse,  cum  re 
ipsa  nihil  plane  concesserimus,  idque  ipsi  probe  intelligant.  »  (Corp. 
Ref.,  II,  362.)  Lettre  de  Luther  dans  de  Wetlo,  IV,  p.  70,  145  et  suiv., 
156.  Comp.  Riü'el,  II,  p.  421  et  suiv. 

Apologie  de  la  Confession  d'Augsbourg. 

80,  Ces  négociations  laborieuses,  conduites  avec  esprit  de  paix, 
ji"at)(Milireiit  duiuwï  aucun  rcsuitat.  Eck  avait  fait  son  rapport 
le  21  auùt;  iVlelan(;hlhon  donna  le  sien  le  22.  On  institua  ensuite 
une  autre  commission  moins  considérable,  composée  de  part  et 
d'autre  d'un  théologien  et  de  deux  juristes  :  Eck  et  les  chance- 
liers de  Cologne  et  de  Bade  représentaient  les  catholiques; 
iVlélanchlhon,  les  chanceliers  de  la  Saxe  électorale  et  de  Brande- 
bourg-Ansbach,  les  prolestants.  La  conuuission  délibéra  du 
24  au  30  août.  Les  deux  théologiens  se  renfermèrent  rigoureu- 


}.E  Pi;OTi;siA.M(SMi:.  309 

st'ineiit  (liiKs  les  [joints  (jui  avaient  été  débattus  jn.si|u*aiürs. 
Cette  fois  eiicoro,  on  ne  put  s'entendre  sur  le  ci'diliat  ni  snr  le 
sacrifice  de  la  messe,  et  les  deux  partis  en  appelèrcMit  à  un  con- 
cile. Le  7  se[)tembre,  Charles-Quint  déclara  aux  Etats  qu'il 
s'offrait  à  procurer  la  convocation  d'un  concile  général;  seu- 
lement les  protestants,  qui  avaient  introduit  des  nouveautés 
Mlégales,  devraient,  en  attendant,  s'en  tenir  à  la  religion  de 
l'empereur  et  de  la  majt)rité  des  princes,  s'expliquer  à  ce  sujet 
avant  le  15  avril  prochain,  ne  rien  faire  imprimer  de  nouveau 
sur  leurs  territoires  en  matière  dogmatique,  s'abstenir  de  toute 
innovation,  ne  point  faire  obstacle  aux  partisans  de  l'ancienne 
croyance  ni  attirer  dans  leur  secte  des  sujets  étrangers,  s'unir 
aux  cathorKiues  contre  les  anabaptistes  et  les  adversaires  de  la 
divinité  de  l'Eucharistie  (les  zwingliens),  restituer  enfin  au 
clergé  les  biens  qui  lui  avaient  été  ravis. 

Joachim  1"  de  Brandebourg  leur  déclara  au  nom  de  l'empe- 
reur (jne  celui-ci  ne  pouvait  pas  admettre  que  leur  Confession 
fut  fondée  sur  l'Évangile,  une  la  conduite  des  États  prétendus 
évangéliques  était  contraire  aux  livres  sacrés.  Les  protestants 
rejetèrent  toutes  ces  propositions,  en  appelèrent  à  la  parole  de 
Dieii,  et  déclarèrent  ne  pouvoir  se  soumettre  à  la  majorité. 
Toutes  les  négociations  privées  demeurèrent  sans  effet.  Pour 
démontrer  que  leur  Confession  reposait  sur  la  parole  de  Dieu, 
ils  remirent  aux  catholiques  Y  Apologie  de  la  Confession 
(TAufjsbourrj,  rédigée  par  .Mélanchthon  pendant  les  négocia- 
tions. Plusieurs  points  de  doctrine  y  étaient  mieux  éclaircis  et 
elle  faisait  de  nombreuses  concessions.  Cette  Apologie,  qui 
reçut  également  plus  tard  l'autorité  d'un  symbole  parmi  les 
protestants,  l'empereur  refusa  de  l'accepter,  et  il  décida,  dans 
le  recez  de  la  diète  du  18  novembre,  qu'avant  la  réunion  du 
concile  tout  rentrerait  dans  le  précédent  état  :  il  se  croyait 
obligé,  disait-il,  d'user  de  son  pouvoir  pour  protéger  l'ancienne 
croyance. 

OUVRAGES    A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   .N"   80. 

Voyez  les  ouvrages  sur  le  §  77.  Déclaration  impériale  du  7  sept.  : 
Pallavic,  III,  iv,  7;  Le  Plat,  II,  467  et  seq.  Discours  de  Joachim  I" 
de  Brandebourg  :  Kilian  Leib,  p.  548,  .oö3  et  suiv.;  Menzel,  I,  p.  40Ü. 
Son   éloge   dans  Campeggio,   24  sept.   1.530,  et  Aléandre,   28  jauv. 


^\0  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

I.J32  ;  F>spmmer,  p.  F>8,  98,  n.  38,  73.  Disi)osilions  des  États  protestants  : 
Menzel,  I,  380;  Feuill.  liist.  et  polit.,  t.  LX,  p.  213  et  suiv.  I/Apologie 
de  la  Confession  d'Augsbourg,  dans  Hase,  Libr.  Symb.,  Lips.,  1837; 
première  édit.,  avril  1531,  en  allem,  par  Juste  Jonas  et  Mélaachttion, 
lin  de  la  même  année.  Sur  sa  sopbistique,  Dœllinger,  Reform.,  III,  p. 
277-283.  Négociations  à  son  sujet,  ibid.,  p.  296et  suiv.  L'article  13  de  la 
Confession  d'Augsbourg  portait  que  les  sacrements  sont  institués,  «  non 
modo  ut  sint  notée  professionis  inter  horaines,  sed  magis  ut  sint  signa 
et  testimonia  voluntatis  Dei  erga  nos  ad  excitandam  et  contirmandum 
tidem  in  his,  qui  utuntur,  proposita  »  ;  et  elle  ajoutait  :  «  Itaque  uten- 
dum  est  sacramentis  ila  ut  lides  accédât,  qui«  credat  promissionibus 
quaî  per  sacramenta  exliibentur  et  ostenduntur.  »  L'Apologie  accor- 
dait davantage  quand  elle  délinissait  les  sacrements  :  «  ritusqui  habent 
mandatum  Dei  et  quibus  addita  est  promissio  gratiœ  »,  et  qu'elle  par- 
lait d'une  «  annexa  ceremoniœ  gratia  ».  Dans  la  suite,  plusieurs 
lutliériens  admirent  de  nouveau  tacitement  Vopus  operatum,  tout  en 
rejetant  l'expression  :  Mœhler,  Symbolique,  §  28,  p.  232  et  suiv. 
Décret  du  23  et  du  24  sept.  :  Le  Plat,  II,  472  et  seq.  Décret  de  la  diète  : 
Pallav.,  loc.  cit.,  n.  8;  Leib,  p.  5Ö2-538  ;  Koch,  p.  306  et  suiv.;  Rayu., 
an.  1530,  n.  124  et  seq.;  Le  Plat,  II,  p.  479-501 . 

Confession  des  quatre  villes  et  de  Z-wingle. 

81.  Les  quatre  villes  zwinglieniies,  Strasbourg,  Constance, 
Memmingen  et  Lindau,  repoussées  par  les  luthériens,  avaient 
remis  à  l'empereur  leur  Confession  particulière.  Une  réfutation 
en  fut  faite  par  Eck  et  Faber  sur  l'ordre  do  l'empereur,  et  l'on 
en  donna  lecture  en  présence  des  États  de  l'empire  (17  octobre), 
en  les  invitant,  eux  aussi,  à  rentrer  dans  l'ancienne  Église. 
Cette  Confession  {Confessio  Tetrapolitana)  ne  fut  plus  l'objet 
d'aucun  pourparler.  Plus  tard,  les  quatre  villes  adoptèrent, 
pour  des  raisons  politiques,  la  Confession  d'Augsbourg. 
Zwingle  avait  également  présenté  une  Confession.  Eck  la 
réfuta,  et  publia  de  nouveau  son  recueil  de  quatre  cent  quatre 
propositions  hérétiques,  sur  lesquelles  il  proposa  de  discuter 
avec  les  théologiens  protestants.  Ceux-ci  refusèrent,  mais  ne 
s'épargnèrent  pas  les  ripostes  malveillantes. 

Les  réclamations  des  États  protestants  sur  l'abolition  du 
canon  de  la  messe  et  du  célibat,  sur  la  communion  des  laïques 
sous  les  deux  espèces,  sur  les  biens  ecclésiastiques  confisqués, 
et  sur  la  tenue  d'un  concile  pour  concilier  les  autres  diver- 


LE    PROTESTANTISME.  311 

gences,  avaient  été  remises  par  l'empereur  au  légat  Campeg- 
gio,  qui  les  avait  communiquées  au  pape.  On  résolut  de  ne  pas 
les  approuver ,  parce  qu'elles  renfermaient  de  nombreuses 
erreurs  et  seraient  funestes  à  la  religion,  mais  tout  en  remer- 
ciant l'empereur  de  son  zèle  pour  ramener  les  dissidents. 
Relativement  au  concile,  sur  lequel  des  négociations  furent 
immédiatement  entamées,  Charles-Quint  déclara  au  légat  dès 
le  9  août  qu'il  le  croyait  plus  nécessaire  pour  les  catholiques 
que  pour  les  hérétiques. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    81. 

Confes?io  Tetrapolitana  :  Le  Plat,  II,  441-467;  Angusti,  Corp.  libr. 
symbol.  Ecci.  réf.,  Lips.,  1846,  p.  327  et  seq.  Sur  les  infidélités  à  la 
doctrine  de  Mélanchlhon  :  Dœliinger,  Réf.,  III,  p.  295  et  suiv.;  ad 
Carol.  Irap.  lldei  H.  Zwinglii  ratio,  0pp.  IV,  p.  II;  Le  Plat,  II,  p.  691- 
700.  Ep.  ad  Gcrtnan.  principes,  7  aiig.  :  Le  Plat,  II,  p.  70Ü  723.  — 
Cf.  Eckii  Repnlsio  articulorum  Zwinglii  —  Sub  D.  Jesu  et  Mariaî  pro- 
teclione  articulos  404  partim  ad  disputationes  Lipsiens.,  Bad.  et  Bern, 
attinentes,  partim  vero  ex  scriptis  pacem  Ecclesiae  perlurbaotiuni 
extractos  coram  D.  Ceesare  Carolo  V,  R.  J.  S.  A.  ac  proceribus  imperii 
J.  Eclvius...  ofl'ert  se  disputaturum.  Ingolsl.,  t530,  in-4°  fi8  feuillets) 
Cf.  Encomium  Eccii  auctore  Puntano  Seveiio,  Trajecti,  loSO.  Propo- 
sitiones  de  vino,  venere  et  balneo,  et  Eccii  dedolati  ad  Ca^?.  Maj. 
magistralis  oratio,  8  feuillets.  Cf.  Œsterr.  Vierteljahrsschr.,  loc.  cit., 
p.  558-564.  Décisiou  de  Rome  sur  les  demandes  des  prolestants  : 
Pallav.,  III,  IV,  1  et  seq.  Rapport  de  Campeggio  sur  sou  entrevue  avec 
l'empereur,  le  10  août  :  Lœmmer,  p.  50. 

Les  negfociations  depuis  1^30  jusqiiVn  1539. 

Attitude  hostile  des  protestants  envers  l'empereur.  Alliance 
de  Smalkalde.  Détresse  et  concessions  de  l'empereur. 

82.  Les  ordres  de  l'empereur  trouvèrent  parmi  les  États 
luthériens  une  si  violente  opposition,  qu'ils  étaient  prêts  à  se 
révolter  ouvertement,  surtout  après  que  Luther  et  Mélanchthon 
eurent  déclaré  (]u'il  était  permis  de  défendre  par  les  armes 
«  l'Evangile  »  contre  les  «  papistes  ».  Ils  ne  voulaient  à  aucun 
prix  restituer  les  biens  enlevés  à  l'Église,  ni  enrayer  le  mouve- 
ment ;  leur  dessein  était  d'empêcher  la  procédure  du  tribunal 
de  l'empire,  d'entraver  surtout  la  nomination  du  frère  de  l'em- 


'\\-2  HISTOIHK    I>E    L  ÉGLISE. 

jmrour  comme  roi  des  Romains,  adivemfîiit  poursuivie  par 
celui-ci,  ou  de  ne  l'admettre  que  sous  de  grandes  concessions. 
Ils  en  délibérèrent  à  Smalkalde  dès  le  mois  de  décembre  1530, 
et  posèrent  leurs  conditions  dans  ce  sens.  Le  29  mars  4531, 
dans  la  même  ville,  ils  conclurent  pour  six  ans  une  alliance 
offensive  et  défensive,  soit  entre  eux,  soit  avec  les  villes  impé- 
riales zwing-liennes,  espérant  profiter  des  embarras  de  l'empe- 
reur. Charlei=-Quint  avait  quitté  Augsbourg-  avec  son  frère  ; 
traversant  le  Wurtendjerg,  il  était  allé  à  Cologne,  et  avait  pro- 
clamé, avec  l'assentiment  de  la  plupart  des  princes  électeurs, 
son  frère  roi  des  Romains  (12  janvier  1531).  L'électeur  de  Saxe 
était  absent;  il  refusa  son  adbésion.  Les  princes  catholiques 
n'étaient  pas  préparés,  et  la  puissance  de  l'empereur  était  trop 
faible  pour  appuyer  le  décret  de  la  diète  ;  le  danger  grandissait 
du  côté  des  Turcs.  Charles,  plutôt  bienveillant  de  sa  nature, 
réfléchi  et  temporisateur,  se  vit  contraint  à  d'humiliantes  con- 
cessions :  il  recevait  de  Constantinople  les  nouvelles  les  plus 
alarmantes. 

Soliman  organisait  quatre  armées  pour  envahir  simultané- 
ment Naples,  l'Autriche  et  d'autres  Etats  de  Ferdinand.  L'em- 
pereur demanda  secours  à  tous  les  princes,  même  aux  alliés 
de  Smalkalde,  qui  soulevaient  la  Bavière  contre  l'élection  de 
Ferdinand  à  la  royauté  et  nouaient  de  dangereuses  relatituis 
avec  le  Danemark,  la  France  et  l'Angleterre.  Les  confédérés 
de  Smalkalde,  qui  voyaient  dans  le  sultan  un  excellent  auxi- 
liaire, profitèrent  de  la  guerre  turque  pour  braver  l'empereur. 
Ils  lui  répondirent  qu'ils  ne  pouvaient  s'engager  à  rien  tant 
qu'ils  n'auraient  pas  obtenu  des  garanties  pour  leur  religion, 
et  ils  persistèrent  dans  leur  insolence.  Déjà  ils  ne  se  conten- 
taient plus  de  la  Confession  d'Augsbourg  en  ce  qui  regardait 
les  prétendus  abus.  Pour  eux,  le  point  important  dans  la  ques- 
tion religieuse  était  de  conserver  les  biens  enlevés  à  l'Église. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LE   N°   82. 

Sur  l'usage  des  armes  pour  défendre  la  nouvelle  doctrine,  Avertis- 
sement de  Luther  à  ses  chers  Allemands.  —  Contre  l'assassin  de 
Dresde  —  part.  XVI,  p.  19Ö0-2O62  ;  Propos  dn  table,  éd.  léna,  1GÜ3, 
f.  iS2.  Stahl  (Philosophie  du  droit,  II,  n,  §  l.'ü),  3''  éd.)  ne  rapporte 
que  les  précédentes  paroles  du  réloriuateur,  si  fertiles  en  contradic- 


LE    l'nOTESTANTlSME.  .' j  I  3 

lions.  Wiilch,  paît.  \,  [>.  G49:  Ih.  xvi,  |..  279,  024;  Sleidaii.,  lih.  Vlll, 
p.  27;  .XVI,  p.  27;  lîossuet,  Hist.  des  variai.,  iiv.  IV,  i  et  seq.;  K.-A. 
.Menzel,  Neuere  Gesch.  d.  Datschen,  I,  p.  422  et  suiv.;  Ranke,  R. 
Psepste,  I,  p.  113.  Sur  la  nominalion  de  Ferdinand  comme  roi  de? 
Romains,  voyez  encore  Leib,  p.  559  et  suiv. 

Première  pacification  religieuse  de  Nurenberg. 

83.  Enfin,  Charles-Quint  leur  fit  déclarer  qu'il  se  proposait 
d'établir  par  son  autorité  impériale  une  pai.x  en  vertu  de 
la(juello  aucun  des  Etats  de  l'empire  ne  pourrait  plus  attaquer, 
ve.xer,  endommager  un  autre  État  pour  cause  de  relig-ioii  ou 
pour  tout  autre  motif,  jusqu'au  futur  concile  ou  à  la  pro- 
chaine diète.  A  ceu.x  qui  ne  parurent  pas  encore  satisfaits,  il 
accorda  la  suspension  des  procès  entamés  devant  le  tribunal  de 
l'empire  à  l'occasion  des  biens  enlevés  à  l'Église.  C'était  sup- 
primer, ou  peu  s'en  fallait,  le  dernier  recez  de  la  diète,  et 
reconnaître  indirectement  l'existence  du  protestantisme.  Les 
négociations  des  confédérés  de  Smalkalde  avec  l'étranger,  avec 
la  France  surtout  ;  l'adhésion  donnée  à  celles-ci  par  les  ducs 
de  Bavière  (24  octobre  1531,  à  Saalfeld),  aigris  de  la  nomina- 
tion de  Ferdinand  comme  roi  des  Romains  :  telles  sont  les 
causes  qui  avaient  amené  l'empereur  à  cette  conde.scendance. 
La  première  paix  religieuse  fut  conclue  à  Nurenberg,  le  25 
juillet  1532,  sur  la  base  des  négociations  conduites  à  Francfort. 
Les  procès  furent  suspendus  et  l'état  actuel  des  choses  provi- 
soirement reconnu;  les  zwingliens  en  demeurèrent  exclus,  ce 
qui  satisfit  d'abord  pleinement  les  princes  luthériens.  Les  con- 
cessions de  l'empereur  furent  vivement  criti(juées;  mais  il  pou- 
vait alléguer  la  nécessité.  Les  secours  promis  contre  Soliman 
affluèrent  de  toutes  parts.  Soliman  II,  peu  d»?  temps  après  son 
entrée  en  Hongrie,  vit  bientôt  ses  projets  anéantis  par  les  me- 
sures qui  avaient  été  prises,  par  une  foule  de  désastres  et  par 
les  défaites  de  son  avant -garde  :  il  résolut  de  rebrousser  che- 
min. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE    N°    83. 

Goldast,  H,  p.  172;  Le  Plat,  II,  503  et  seq.;  Sarpi,  I,  §  46;  Pallav., 
III,  c.  i\.  LeUres  d'Aléandre  et  de  Campeggio,  lo31-1332  :  Lœmmer, 
Mon.  vatic,  p.  86  et  suiv.,  120  et  suiv.,  143  et  saiv.;  Mémoire  remis  à 
l'empereur,  ibid.,  p.  123-127.  Guerre  des  Turcs  :  Kiiian  Leib,  i>.  560  et 
buiv,,  076  et  suiv. 


31  i  HISTOIKE    DE    l'ÉGLISE. 


Négociations  à  propos  du  concile. 

84.  De  longues  négociations  furent  poursuivies  entre  le  pape 
et  l'empereur  au  sujet  du  concile.  Mais  les  protestants,  en 
demandant  une  pareille  assemblée,  ne  cherchaient-ils  pas  à 
gagner  du  temps  et  à  différer  le  rétablissement  de  l'ordre  dans 
l'Église?  ne  demandaient-ils  pas  un  concile  absolument  con- 
traire aux  lois  de  l'Église,  dans  lequel  les  laïques  même  héré- 
tiques auraient  droit  de  suffrage,  quelque  chose  d'analogue 
aux  assemblées  de  Bàle  et  de  Pise?  se  soumettraieut-ils  à  un 
nouveau  concile,  après  que  leurs  chefs  avaient  formellement 
rejeté  tous  les  conciles  anciens,  où  leurs  erreurs  avaient  déjà 
été  condamnées?  l'empereur  lui-même  n'y  chercherait-il  pas, 
comme  il  avait  fait  autrefois,  des  armes  contre  le  pape?  les 
autres  princes  chrétiens  y  consentiraient-ils?  et  pourrait-on  si 
facilement  surmonter  les  difficultés  de  temps  et  de  lieu? 

C'étaient  là  des  questions  dont  Rome  s'occupait  sérieusement 
depuis  1330.  Clément  VII  (31  juillet  1330)  avait  autorisé  l'em- 
pereur à  promettre  en  son  nom  la  réunion  d'un  concile,  sous 
cette  réserve,  posée  par  l'empereur  lui-même,  que  les  hérétiques 
quitteraient  la  voie  où  ils  étaient  entrés  et  promettraient 
d'obéir  au  concile.  Il  maintint  cette  condition  même  après  que 
l'empereur  eut  déclaré  (pi'elle  était  irréalisable.  A  la  suite  de 
nombreuses  négociations,  le  pape  et  l'empereur  se  donnèrent 
rendez-vous  à  Bologne  en  1533.  L'affaire  fut  derechef  débattue, 
et  des  nonces  furent  envoyés  aux  princes  et  surtout  aux  États 
d'Allemagne  pour  concerter  de  nouveaux  accommodements. 

Voici  les  points  qui  leur  fiu'eut  soumis  :  1°  Le  concile  sera  célé- 
bré à  la  manière  des  précédents  conciles  œcuméniques;  2"  tous 
ses  membres  promettront  de  se  conformer  à  ce  qui  y  sera  résolu  ; 
3°  ceux  qui  seront  empêchés  d'y  prendre  part,  enverront  des  dé- 
légués; 4"  en  attendant,  il  ne  sera  rien  innové  dans  les  choses 
de  la  foi  ;  3"  un  lieu  convenable  sera  choisi  :  le  pape  proposait 
Mantoue,  Plaisance  ou  Bologne,  situées  près  de  l'Allemagne 
et  commodes  ptjur  les  autres  nations;  C  si  un  prince  s'abste- 
nait sans  motif  légitime,  le  concile  ne  serait  pas  dissous,  et  si 
quelqu'un  des  princes  \oulait  l'empêcher,  les  autres  se  range- 
raient du  coté  du  pape;  7"  après  une  réponse  favorable,  le 


LE   PROTESTANTISME.  3  LS 

pape  convoquerait  le  concile  six  mois  après,  et  l'ouvrirait  au 
bout  d'un  an. 

Les  nonces  s'adressèrent  d'abord  au  roi  Ferdinand,  puis  à 
Jean-Frédéric,  électeur  de  Saxe,  qui  avait  succédé  à  son  père  le 
10  août  loS'â;  ils  eurent  avec  lui  une  conférence  à  Weimar  le 
2  juin  1333.  Après  quelques  hésitations,  ce  prince  déclara  qu'il 
voulait  consulter  d'abord  les  autres  princes  protestants.  Ces 
princes  se  réunirent  à  Smalkalde,  et  donnèrent  une  réponse 
négative  :  ils  ne  pouvaient  en  aucune  sorte,  disaient-ils, 
accepter  les  deux  premières  conditions;  l'Écriture  sainte 
(d'après  la  traduction  de  Luther?)  devait  être  l'unique  règle 
du  concile,  et  ils  demandaient  qu'il  se  réunit  en  Allemagne. 
Clément  Vil  et  les  cardinaux  ne  perdirent  point  courage,  et 
tournèrent  leurs  vues  ailleurs. 

Le  pape  mourut  sur  ces  entrefaites  (23  septembre  1534);  il 
eut  pour  successeur  (13  octobre)  le  cardinal  Alexandre  Far- 
nèse,  Paul  111,  qui  avait  dt-jà  travaillé  précédemment  en  faveur 
du  concile;  il  continua  avec  la  même  activité  après  son  élec- 
tion. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  84. 

Rayn.,  an.  1530,  n.  175  et  seq.;  lo31,  n.  6;  1533,  n.  3  et  seq.,  6,  8; 
Pallav.,  m,  5,  n.  1  et  seq.  —  c.  xiii,  incl.;  Le  Plat,  II,  501  et  seq., 
510  et  seq.;  Kilian  Leib,  p.  582  et  suiv.;  Lcemmer,  M.  V.,  p.  G3  et 
suiv.,  n.  45  (explications  confidentielles  sur  le  concile  —  Gampeggio 
au  pape,  13  nov.  1530)  ;  p.  70,  n.  48  (autres  colloques  avec  l'empereur 
à  ce  sujet,  Cologne,  20  déc.  1530);  p.  71  et  suiv.,  n.  50  (d.  d.  Gand, 
13  juin  1531)  ;  p.  87  et  suiv.,  n.  65  (Aléaudre  sur  les  conditions  du 
concile);  p.  123  et  suiv.,  n.  9ß  (Mémoire  de  Gampeggio,  juin  1532),' 
p.  128  et  suiv.,  142  (Aléandre  sur  le  concile  national);  p.  189  et 
suiv.,  255  et  suiv.,  n.  140,  168  (Morone  sur  le  concile  général).  Walch, 
th.  XVI,  p.  2263,  2281;  de  Wette,  IV,  p.  454;  K.-A.  Menzel,  II,  p.  17 
et  suiv.;  Pastor,  p.  71  et  suiv. 

Progrès  du  luthéranisme. 

85.  L'empereur  était  retourné  d'Italie  en  Espagne.  Ses  entre- 
prises contre  Tunis,  cette  ville  de  pirates,  et  la  nouvelle  guerrequi 
venait  d'éclater  contre  la  France,  eurent  pour  effet  d'abandonner 
de  nouveau  pour  longtemps  l'Allemagne  à  son  propre  sort  et  de 
laisser  un  libre  cours  à  la  nouvelle  doctrine.  En  4532,  le  luthéra- 


316  HISTOÏKK   DE    l'ÉGLISE. 

uisme  fut intruduit en  Poinérn nu»; on  1533, à .1  uliers; ciii53i,  clans 
le  Wurtemberg'',  où  le  duc  Ulric,  mis  au  lias  de  l'empire,  fut 
rétabli  par  Philippe  de  Hesse  au  moyen  de  la  force  armée  et 
reconnu  par  le  roi  Ferdinand  dans  le  traité  de  Kadan.  Le  luthé- 
ranisme était  représenté  par  l'augustin  Jean  Monlel,  Conrad 
Sam,  Schnepf.  Brenz  et  Ambroise  Blaurer,  Ferdinand  fut 
reconnu  roi  des  Romains  par  la  Saxe  et  ensuite  par  la  Bavière  ; 
mais  il  dut  interdire  au  tribunal  de  l'empire,  au  nom  de  l'em- 
pereur, de  recevoir  des  plaintes  contre  les  protestants,  qui  con- 
tinuaient de  confisquer  les  biens  de  l'Église.  Une  conférence 
ménagée  à  Leipzig,  les  29  et  30  avril  1534.,  par  le  prince  électeur 
de  Mayence  et  Geiu'ge,  duc  de  Saxe,  n'avait  donné  aucun 
résultat.  Comme  on  attachait  un  sens  différent  aux  expressions 
les  plus  communes,  celle  de  «  grâce  »,  par  exemple,  toutes  les 
tentatives  de  rapprochement  éclKJuaient  devant  cet  obstacle.  A 
Anbalt,  le  prince  George,  prévôt  de  la  catliédrale  de  Magde- 
bourg;  en  Poméranie,  la  diôfe  de  Treptow  (1534),  avaient 
assuré  la  prédominance  du  luthéranisme. 

En  1535,  les  princes  protestants  renouvelèrent  pour  dix  ans 
le  traité  conclu  à  Smalkalde  en  1531 ,  et  gagnèrent  de  nouveaux 
adhérents  :  Ulric,  duc  de  Wurtemberg  ;  Barnim  et  Philippe, 
ducs  de  Poméranie;  Rupert,  comte  palatin  de  Deux-Ponts; 
Guillaume,  comte  de  Nassau  ;  les  villes  de  Francfort-sur-le- 
Mein,  Kempten,  Hambourg,  etc.  Comme  plusieurs  de  ces 
villes  étaient  zwingliennes,  l'habile  Bucer,  tjui  négocia  d'abord 
avec  Melanchtlion  à  Cassel,  depuis  avec  Luther  à  Wittenberg, 
procura  dans  le  mois  de  mai  1536  une  réunion  (la  Concorde  de 
Wittenberg),  qui  abandonna,  en  apparence  seulement,  la  doc- 
trine de  Zwingle  sur  l'Eucharistie.  Quand  Luther  eut  déclaré 
qu'il  s'en  tenait  aux  paroles  de  l'institution,  sans  s'enquérir 
comment  il  fallait  interpréter  l'acte  lui-même;  quand  il  eut 
conseillé,  dans  le  cas  où  l'on  ne  s'entendrait  point  öbsolument, 
de  garder  l'amitié  et  la  charité,  les  Suisses  acceptèrent  aussi  la 
convention  (1538). 

OUVRAGES   A   CONSUI-TEU    KT   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE   N"  85. 

Ritrei,  II,  p.  664  el  suiv.;  Ltjib,  an.  Iö3i,  p.  584  et  suiv.  Lettres  de 
Vei'gcrius,  in;ii  el  juillel  1534,  tliins  Lcenimer,  [>.  KiS  cl  suiv.  luslruo- 
tiuns  de  l'crdiiiand,  1534  :  Dœllinger,  Ueilr.,  1,  p.  0  el  suiv.;  Scluuidt 


LE   PROTESTANTISME.  317 

et  Pfister,  DeriUw.  der  WïuUemb.  Ref.-Gosch.,  Tüb.,  1817;  L.-F.  Hayd, 
Herzog  Ulrich  von  Würllemberg,  Tüb.,  1841,  2  vol.;  Schiiurrer, 
Krlaeuteriing  der  Würltemb.  Ref.  und  Gelebrten-Gesch.,  Tüb.,  1789; 
Hartmann,  Gesch.  d.  Ref.  in  Würtlemb.,  Stuttg.,  183ö;  Keim, 
Schw'teb.  Ref.-Gesch.,  Tüb.,  1833,  ii.  Ambros.  Rlaarer,  der  Schwceb. 
Reformator,  Stutig.,  18tiO;  Th.  Presset,  Ambros.  Blaarers  Leben  u. 
Schriften,  Stutig.,  1861.  Sur  la  conférence  de  Leipzig,  1ö3i,  Corp. 
Ref.,  II,  723;  Dœllinger,  Réf.,  III,  p.  299,  300;  Pastor,  p.  137  et  suiv.— 
Seckendorf,  Com.  bist,  et  apol.  de  Luther,  HI,  132;  Walch,  th.  xvii, 
p.  2326  et  suiv.;  Guericke,  III,  §  77,  p.  120-129.  La  doctrine  de  l'Eu- 
charislie  fut  ainsi  formulée,  d'après  S.  Irénée  :  «  Eucharistiam  con- 
slare  duabus  rebus,  terrena  et  cœlesti,  cum  pane  et  vino  vere  et 
substantialiter  adesse,  exhiber!  et  sumi  corpus  et  sanguinem  Christi 
—  sacramcnlidi  unione  (au  lieu  de  «transsubstantiation  »)  panem  esse 
corpus  Christi,  hoc  est,  porrecto  pane  simul  adesse  et  vere  exhiberi 
corpus  Christi.  »  Cf.  Melanchth.  0pp.,  éd.  Bretschn.,  III,  p.  73; 
Walch,  loc.  cit.,  p.  2öi-3.  Lettre  de  Luther  aux  Suisses,  1'"'  déc.  1337, 
sog.  Friedensbrief  :  de  Wette,  V,  p.  83  et  suiv.;  Walch,  loc.  cit., 
p.  2068.  Voy.  Rillel,  II,  p.  463  et  suiv. 

Travaux  de  Paul  III  en  faveur  du   concile.  Articles   de 
Smalkalde. 

86.  Le  pape  Panl  Ml,  qui  avait  fait  via  excellent  choix  de  cardi- 
naux,nomma  une  commission  pour  la  réformede  la  cour  romaine 
et  donna  tous  ses  soins  à  l'airaiie  du  concile. En  1535,  il  envoya  en 
Allemagne  le  nonce  Pierre-Paul  Vergerio,  pour  négocier  de  nou- 
veau avec  le  roi  Ferdinand  et  les  princes  de  l'empire.  Vergerio  fut 
honorablement  reçu  des  princes  catholiquesetdequelques  princes 
protestants.  Malheureusement  pour  les  catholiques,  l'électeur  de 
JBrandebourg,  Joachim  I",  mourut  dès  l'année  1535.  Son  fils, 
Joachim  II,  gagné  à  la  doctrine  de  Luther  par  sa  mère,  une 
princesse  danoise,  favorisa  les  luthériens  et  se  déclara  plus  tard 
ouvertement  en  leur  faveur  (1539).  Les  Smaikaldiens,  fiers  de 
leurs  succès,  et  comptant  sur  l'appui  de  la  France  et  de  l'An- 
gleterre, ne  voulurent  plus  entendre  parler  de  concile  ;  certains 
de  la  vérité  de  leur  doctrine  par  l'Écriture  sainte,  ils  préten- 
dirent n'en  avoir  pas  besoin,  et  accusèrent  les  catholiques  de 
n'en  pas  parler  sérieusement.  Un  concile  dirigé  par  le  pape 
n'était  pas,  selon  eux,  un  concile  libre  :  il  valait  mieux  que 
les  princes  choisi.ssent  des  hommes  capables  et  impartiaux,  qui 
prononceraient  selon  la  parole  de  Dieu  (décembre  1535). 


318  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Vergerio,  revenu  d'Allemagne,  fut  envoyé  à  l'empereur,  qui 
lui-même  arriva  à  Rome  en  avril  1536  et  eut  de  longs  entretiens 
avec  Paul  III.  Le  2  juin,  le  pape  annonça  que  le  concile  s'ou- 
vrirait à  Mantoue  en  mai  1537.  Les  catholiques  reçurent  la 
bulle  avec  joie  ;  les  protestants  soulevèrent  de  nombreuses 
difficultés.  En  février  1537,  sur  l'avis  du  prince  électeur  de 
Mayence,  le  nonce  Pierre  Vorst,  accompagné  du  vice-chancelier 
de  l'empire, M.  Held,  se  rendit  à  Smalkalde,  où  les  princes  pro- 
testants s'étaient  réunis.  Dans  cette  assemblée,  la  fureur  contre 
le  pape,  qui  allait  convoquer  le  concile  si  souvent  réclamé,  ne 
connut  plus  do  bornes  ;  les  princes,  embarrassés  des  promesses 
qu'ils  avaient  faites,  étaient  singulièrement  aigris.  Leurs  théo- 
logiens, convaincus  qu'ils  y  seraient  condamnés,  jetaient  feu  et 
flamme,  Luther  surtout,  qui  avait  voué  tous  les  conciles  au 
diable,  et  qui  traitait  le  pape  de  Satan  incarné. 

C'est  dans  cet  esprit  ipie  furent  rédigésles  articles  (vingt-trois) 
de  Smalkalde,  diamétralement  contraires  à  la  Confession  d'Augs- 
bourg.  Lo  purgatoire  y  était  qualifié  de  fantasmagorie  du 
diable  ;  le  pape,  d'Antéchrist,  do  menteur  et  d'assassin  ;  la  messe, 
le  culte  des  saints,  etc.,  indignement  blasphémés  :  ce  qui 
n'empêcha  pas  les  luthériens  d'accorder  à  ces  articles  la  valeur 
d'un  Symbole.  Mélanchthon,  chargé  d'écrire  sur  l'autorité  des 
évêques  et  du  pape,  aboutit  à  cotte  conclusion  que  la  primauté 
pontificale  devait  être  conservée,  non  en  vertu  du  droit  divin,  mais 
en  vertu  du  droit  humain.  Cette  décision  déplut  à  l'assemblée 
surexcitée.  Luther,  qui  voyait  déjà  sa  doctrine  adoptée  par  un 
grand  nombre  de  royaumes  et  de  provinces,  la  rejeta,  et,  en 
sortant  de  Smalkalde,  le  nouveau  dictateur  religieux  dit  aux 
prédicants  (jiii  l'accompagnaient  :  «  0^*^  i^i^u  nous  remplisse 
de  haine  contre  le  pape  !  »  La  haine  du  pape,  voilà  ce  qu'il  a 
laissé  aux  siens  comme  gage  sacré  de  son  amour  1 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    86, 

Rayn.,  an.  1535,  n.  26  et  seq.;  Le  Plat,  II,  p.  518  et  seq.,  534  et  seq. 
(ibid.,  p.  535-554,  propositions  de  Faber  pour  la  préparation  du  con- 
cile; et  p.  551-560,  sa  lettre  au  nonce  Morone,  de  1536,  de  Nccessitate 
concilii)  ;  Lfrninier,  Mon.  Val.,  p.  146  et  suiv.,  177  et  suiv.  Bulle  de 
convocation  de  Paul  Ifl  :  Hayn.,  an.  1536,  n.  35;  Sarpi,  1,  §  15; 
Pallav.,  III,  XIX  ;  Le  Plat,  II,  p.  526-530.  Le  pape,  aux  rois  de  Dane- 
niarck  et  de  Pologne  :  Hayn.,  an.  1536,  n.  41.  4L';  an.  15:i7,  n.  20;  Lo 


r.F,  pnoTF.sTA.NTisMi:.  3  ni 

Plat,  II,  p.  r)60  et  soq.,  "»84.  Mémoire  de  François  I"  sur  le  concile  de 
1Ö3Ö  :  Le  Plat,  II,  p.  520  et  suiv.  Sur  Joachim  I"'  et  Joacliim  II  de 
Brandebourg  :  Rillel,  II,  p.  682-703;  Hist.-pol.  Bl.,  1851,  t.  XXVIII, 
p.  29!  el  suiv.;  Ad.  Müller,  Gesch.  der  Ref.  in  der  Mark  Brandenburg, 
Berlin,  1839;  Spieker.  Gesch.  der  Einführung  der  Ref.  in  der  Mark 
Brandenburg,  Berlin,  1839  ot  siiiv.,  3  part.  —  Walch,  th.  xvi,  p.  2290 
et  suiv.,  2305  et  suiv.;  Melanchtli.  Opp.,  ed.  Bretscha.,  II,  962  et  seq.; 
Pallav.,  lil).  IV,  c.  i  et  seq.  Discours  de  l'ambassadeur  de  France  aux 
princes  de  Smalkalde,  déc.153."»  :  Le  Plat,  II,  p.  804-810.  Charles-Quint  à 
Jean-Fr.  de  Saxe,  7  juill.  1Ö36  :  Le  Plat,  II,  p.  330  et  suiv.  Réponse 
des  princes  protestants,  9  sept.,  ibid.,  p.  532.  Récusation  du  concile 
par  les  princes  protestants,  5  mars  1537,  ibid.,  p.  575-583;  Pallav., 
IV,  u;  Sarpi,  I,  i;  55.  — Art.  Schmalkaldici,  ap.  Hase,  loc.  cit.,  p.  298 
et  seq.;  Kœthe,  p.  216  et  suiv.,  éd.  Marheinecke,  Berol.,  1817.  Cf. 
Plitt,  de  Aucloritate  articul.  Schmalkald.  symbolica.  Erlang.,  1802; 
Sander,  GeschichtI.  Einleitung  zu  den  Schmalkald.  Artikeln  (Jahrb.  f. 
deutsche  Theol.,  1875,  III);  Menzel,  II,  p.  98;  Dœllinger,  Luther, 
p.  669  et  suiv.;  Melanchth.,  de  Potestate  et  Primatu  Papse  tract.,  Opp., 
ed.  Bretschn.,  III,  271  et  seq.  (il  forme  sans  cela  l'appendice  des  «  arti- 
culi,  qui  dicuntur  Schmalkaldici  »). 

Obstacles  au  concile. 

87.  Le  concile  ne  fut  pas  encore  assemblé,  soit  à  cause  de  la 
guerre  qui  venait  d'éclater  de  nouveau  entre  Charles-Quint  et  la 
France,  soit  à  cause  de  la  résistance  du  duc  de  Mantoue  et  des 
dangers  qui  menaçaient  cette  ville.  Paul  II!  était  affligé  des 
obstacles  que  rencontrait  la  détermination  du  lieu  :  le  territoire 
impérial  déplaisait  aux  Français,  les  États  de  l'Église  aux 
Allemands  ;  Venise  élevait  aussi  des  difficultés.  Le  pape  ajourna 
donc  le  concile  (^20  mai  1537)  jusqu'en  novembre,  et  fit  niander 
à  l'empereur  et  à  son  frère  ce  qui  suit  :  Comme  l'espoir  de 
voir  les  protestants  participer  au  concile  s'est  évanoui,  les 
autres  parties  intéressées  ne  doivent  plus  trouver  mauvais  qu'il 
se  réunisse  en  Italie;  si  l'on  choisissait  une  ville  dans  les  États 
de  l'Église,  le  pape  renoncerait  à  sa  souveraineté  pendant 
la  durée  du  concile.  Ferdinand  exposa  au  nonce  ses  scrupules 
au  sujet  de  Bologne  et  de  Plaisance,  et  proposa  Trente.  Sur  ces 
entrefaites,  le  pape  obtint  de  la  république  de  Venise  la  conces- 
sion de  la  ville  de  Vicence  pour  la  célébration  du  concile,  ctioisit 
pour  le  présider  trois  cardinaux  éminenls,  et  en  fixa  l'ouverture 


320  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

ail  F''  mai  1538.  Il  essaya  de  récoiicilior  les  monarques,  alla 
lui-même  dans  cette  fin  à  Nice  au  printemps  de  1538,  et  obtint 
un  armistice  de  dix  ans.  Cependant  il  lui  fallut  encore  ajourner 
le  concile. 

Conformément  à  la  convention  verbale  arrêtée  entre  le  pape 
et  l'empereur,  le  cardinal  Aléandre  fut  envoyé  en  Allemagne, 
où  la  situation  des  catholiques  empirait  de  jour  en  jour.Le  vice- 
chancelior  Mathias  lleld  ménagea  (10  juin  1538)  la  conclusion 
à  Nurenberg  d'une  alliance  défensive  —  la  Sainte-Alliance 
entre  les  princes  catholiques.  Do  leur  côté,  les  princes  protes- 
tants (février  1539)  se  réunirent  à  Francfort,  car  le  landgrave 
Philippe  avait  intercepté  quelques  lettres  du  chef  do  l'alliance 
catholique,  le  duc  de  Brunswick.  L'empereur  fit  entamer  des 
négociations  avec  ces  princes,  et  ses  délégués  conclurent  avec 
eux,  pour  seize  mois,  un  armistice  qui  fut  vivement  blâmé  par 
le  cardinal  Aléandre. 

Luther  raviva  la  haine  contre  l'ancienne  Église,  et  les  catho- 
liques subirent  de  grandes  pertes.  George,  duc  de  Saxe,  mou- 
rut eu  1539;  son  frère  et  successeur  Henri,  ardent  luthérien, 
appela  immédiatement  des  prédicateurs  du  luthéranisme,  no- 
tamment l'ex-franciscain  Frédéric  Myconius  de  Lichtenfels 
(il  mourut  en  4546),  qui,  depuis  1524  déjà,  travaillait  à 
le  répandre  à  (iotha.  Malgn''  la  résistance  du  peuple,  le 
nouveau  duc  introduisit  le  luthéranisme  à  Meissen,  et  les 
évèques  de  Meissen  et  de  Mersebourg,  ainsi  (]ue  l'université 
de  Leipzig,  n'obtinrent  pas  mêoie  la  tolérance  du  culte  catholi- 
que. Luther  triomphait  de  la  mort  du  duc  George,  qu'il  détes- 
tait cordialement,  ainsi  que  de  l'introduction  de  sa  doctrine 
dans  le  Brandebourg.  Cette  doctrine,  Mathias,  évoque  de 
Jagow,  l'y  propageait  depuis  1528.  Joachim  II  (1535-1.571) 
l'accepta  ouvertement,  à  l'exemple  de  sa  mère  et  de  son  frère, 
le  margrave  George  de  Neumark.  Le  cardinal  Bernard  Klesl, 
prince  évéque  de  Trente,  qui  avait  beaucoup  de  crédit  auprès 
de  Ferdinand,  mourut  également.  D'autres  épreuves  non  moins 
cruelles  furent  réservées  aux  catholiques  :  ainsi  l'évêque  de 
Schwerin  (dans  le  Mcicklembonrg),  prince  Magnus,  l'abbesse 
Anne  <le  Stulberg  (à  (jiiediiiibourg)  et  la  duchesse  Elisabeth  de 
Calenberg  adhérèrent  à  la  nouvelle  doctrine  et  l'impo.sèrent  à 
leurs  sujets. 


LE   PROTESTANTISME.  321 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    87. 

Pallav.,  IV,  c.  iii-viii;  Rayn.,  an.  1537,  n.  6  et  seq.;  Le  Plat,  II, 
p.  Ö61  el  seq.,  ö84  et  seq.,  617  et  seq.  Rapport  de  la  nonciature, 
du  11  mai  1537  :  Dœilinger,  Beitr.,  I,  p.  Ij.  Autres  dans  La?ninier, 
p.  188  et  suiv.  —  Horlleder,  Ilandl.  u.  .\usschreibungen,  th.  i,  liv.  I, 
cap.  xxv-sxix,  xxxn;  Walcb ,  th.  xvi  ,  p.  2426  et  suiv.,  th.  xvii, 
p.  396  et  suiv.;  Rillel,  H,  p.  523-326.  Lettres  d'AIéandre  et  d'autres, 
en  1539  :  Lienimer,  p.  206  et  suiv.;  Hotl'mann,  Ausführl.  Ref.-IIistorie 
der  Stadl  und  L'niversitset  Leipzig,  Leipzig,  1739;  Leo,  Gesch.  der 
Ref.  in  Leipzig  und  Dresden,  Leipzig,  1834;  de  Langenau,  Moritz, 
Herzog  u.  Cht",  zu  Sachsen,  Leipzig,  1841,  2  vol.;  Hasse,  Abr.  der 
ujeiszii.-albertiu.-saechs.  K. -Gesch.,  Leipzig,  1847;  Müller,  Spieker 
(§  86j  et  U.  de  MiUiler,  Gesch.  der  ev.  K.-Verf.  in  der  Mark  lirandenb., 
Weimar,  1346;  Kiliel,  p.  674  et  suiv.  Sur  les  mérites  du  duc  George 
de  Saxe,  voy.  Feuill.  bist,  et  poht.,  1860,  t.  XL  VI,  livrais.  4-6. 
George  provoqua  les  visites  d'églises  que  i'évêque  Adolphe  de  Merse- 
bourg  (depuis  1514),  et  Jean  IX  de  Scbleinitz,  évèque  de  Meissen, 
lirent  dans  son  pays  vers  1522;  il  appela  à  sa  cour  des  savants  catho- 
liques, tels  que  Emser,  Cochlée,  le  converti  Wizel,  Pierre  Sylvius, 
Augustin  Alvald,  0.  S.  l.,  Amnicola,  abbé  cistercien.  Les  sermons 
d'Alexis  Chrosner  de  Coiditz  (Colditius).  que  celui-ci  publia  dans  la 
suite  à  Wittenberg,  ne  furent  pas  prononcés  tels  quels  à  la  cour  du 
duc,  mais  remaniés  dans  le  sens  de  Luther,  comme  Seidemann  l'avoue 
dans  ses  éclaircissements.  Sur  le  prédicateur  de  la  cour  du  duc  Henri, 
Jacques  Schenk,  réformateur  de  Fribourg,  voy.  Dœilinger,  Réforme,  II, 
p.  130  et  suiv. 

Préparatifs  d'un  nouveau  colloque. 

88.  Le  parti  protestant,  qui  rejetait  toutes  les  décisions  du  tri- 
bunal de  l'empire  comme  émanées  de  juges  hétérodoxes,  avait 
obtenu  la  suspension  des  procès  entamés  devant  ce  tribunal  et 
l'apaisement  du  désaccord  religieux  au  moyen  de  colloques 
depuis  si  longtemps  désirés.  Ce  dernier  moyen  fut  approuvé  de 
l'empereur,  qui,  malgré  l'opposition  du  cardinal  légat,  con- 
vaincu de  son  inutilité,  annonça  qu'une  nouvelle  conférence 
religieuse  aurait  lieu  à  Spire.  Plusieurs  la  trouvaient  d'autant 
plus  opportune,  que  le  pape,  le  31  mai  1539,  avait  dû  ajourner 
encore  une  fois  le  concile.  Une  maladie  contagieuse  ayant  éclaté 
à  Spire,  il  fut  décidé  que  la  conférence  aurait  lieu  à  Haguenau, 
en  juin  1540  ;  mais  elle  ne  fut  réellament  ouverte  qu'à  Worms 

V.  —  HIST.  DE  l'église.  21 


322  HISTOIRE   DK    l'ÉGLISE. 

(novembre).  Le  pape,  sur  la  demande  de  l'empereur,  y  envoya 
l'évèque  de  Feltre,  Thomas  Campeggio,  qui,  après  le  discours 
d'ouverture  du  chevalier  Granvelle,  prononça  une  allocution 
appropriée  à  la  circonstance.  Cette  assemblée  devait  servir  de 
préparation  à  la  réunion  que  la  prochaine  diète  deRatisbonne  se 
proposait  de  réaliser.  La  politique,  alliée  à  la  théologie,  essayait 
d'amener  une  conciliation  artificielle  et  apparente. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  88. 

Documents  dans  Rayn,,  an.  1539,  n.  5  et  seq.,  23  et  seq.;  Le  Plat, 
II,  p.  (Î22-64-7-,  Dœllinger,  Beitr.,  I,  p.  16  et  suiv.;  Lœmmer,  p.  202  et 
suiv.,  262  et  suiv.;  Pallav.,  IV,  c.  xi  et  seq.;  Leib,  an.  1540,  p.  607. 
Proposition  du  roi  Ferdinand  aux  États,  du  12  juin  1540:  Raynald,  h. 
ana.,  n.  40  et  seq.  Réponse  des  États  catholiques,  ibid.,  n.  45  et  seq.  Les 
deux  docLinients  dans  Le  Plat,  II,  p.  050-657.  Cf.  Sarpi,  I,  §  64.  Avis  de 
Cochlée  du  17  juin,  et  autres  actes  jusqu'en  décembre  1540  :  Le  Plat, 
II,  p.  657-690. 

Le   sciui-luthéranisnie  et  le  preniiei'  intériiu. 

Le  semi-luthéranisme. 

89.  Plusieurs  théologiens  catholiques  se  rapprochaient  à 
cette  époque  de  la  doctrine  de  Luther  sur  la  Justification, 
notamment  Albert  Pigghe,  qui  voyait  dans  le  péché  originel 
le  péché  d'A.dam  imputé  à  chaque  enfant,  mais  sans  culpabi- 
lité inhérente,  et  opposait  imputation  à  imputation  ;  Jean 
Gropper,  chanoine  de  Cologne,  qui  accepta  cette  théorie  et 
l'enseigna  d'abord  clans  son  Enchiridion.  Selon  cette  doctrine 
(semi-luthéranisme),  il  y  a  dans  l'homme  une  double  justice  : 
la  justice  simplement  imputée,  qu'on  acquiert  par  un  acte  de 
foi  spécial  et  qui  justifie  réellement  devant  Dieu  ;  la  justice 
inhérente,  qui  réside  dans  l'homme,  mais  qui  est  défectueuse 
et  toujours  insuffisante.  A  la  première  se  rapportaient  les 
textes  de  l'Ecriture  allégués  par  les  luthériens;  à  la  seconde,  les 
textes  allégués  par  les  catholiques. 

Gropper  avoue  que  cette  distinction  était  inconnue  des  scolas- 
tiques  ;  on  en  voit  tout  au  plus  quelques  vestiges  dans  Cajétan. 
La  plupart  des  théologiens  catholiques  la  trouvaient  insoutena- 
ble. Gropper  la  fit  accepter  non  seulement  à  plusieurs  savants 
d'Allemagne,  y  compris  Jules  de  Pflug,  mais  encore  au  cardi- 


LE    PROTESTANTISME.  323 

nal  Contareni,  qui  rédigea  à  Ratlsbonue,  sous  son  influence,  un 
traité  de  la  justification  (mai  1541),  qui  se  répandit  en  Italie  et 
fut  même  approuvé  des  cardinaux  Réginald  Polus  et  Jean 
Morone.  Ce  fut  aussi  à  Gropper  que  le  général  des  augustins, 
Jérôme  Seripando,  emprunta  dans  la  suite,  à  Trente  (été  de 
1546),  son  plan  d'une  théorie  de  la  justification,  qui  fut  approuvé 
seulement  par  trois  de  ses  confrères,  par  un  servite  et  par  un 
Espagnol.  Mais  d'ailleurs  le  projet  fut  énergiquement  repoussé, 
et  il  fallut  le  remanier  de  fond  en  comble. 

Les  théologiens  plus  pénétrants  s'aperçurent  bientôt  que 
cette  doctrine  n'était  qu'un  luthéranisme  déguisé,  basé  sur 
cette  erreur  fondamentale  que  l'homme  ne  peut  jamais,  malgré 
tous  les  secours  de  la  grâce,  arriver  à  une  justice  réelle  et 
valable  aux  yeux  de  Dieu  ;  qu'il  a  besoin  par  conséquent  d'une 
justice  étrangère  parfaite,  qui  lui  est  simplement  imputée.  En 
1544,  la  faculté  de  Paris  fit  au  général  Seripando  des  remon- 
trances au  sujet  de  plusieurs  augustins  qui  inclinaient  aux  doc- 
trines protestantes. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES    SUR   LE    N»   89. 

Cf.  Vega,  de  Justiticat.,  p.  159,  éd.  Colon.;  Ruard.  Tapper, 
Explicat.  articul.  Fac.  Lovan.,  II,  42;  Stapleton,  de  Justif.,  p.  237; 
Dœllinger,  Réf.,  111,  p.  313.  Albert  Pigghe  (Pighiusj,  mort  en  1543  à 
Utrecht,  Controversiarum  prœcipuarum  m  coniitiis  Ratisbon.  Iracta- 
tarum  explicatio,  Colon.,  1542;  Controv.  II  de  fide  et  justif.  Cf.  Linse- 
manu,  A.  Pighius  u.  s.  theol.  Standpunkt  (Tüb.  theol.  Quartaischr., 
1866,  IV).  Son  disciple,  Jean  Gropper,  né  en  1502,  enseigna  la  même 
doctrine  que  lui  dans  son  Enchiridion,  qui  était  annexé  comme 
manuel  populaire  de  la  religion  aux  canons  du  concile  provincial  de 
Cologne,  et  plus  clairement  dans  ÏAntididagma  de  1 544.  Possevin  dit 
de  ÏEnchiridion  (Apparat,  sac,  f.  890)  :  «  Certe  in  modo  loquendi  doc- 
trinam  Melanclithonis  et  Buceri  valde  redolet.  »  Dans  l'Index  de  Soto- 
major,  le  chapitre  tout  entier  de  la  justiiication  est  signalé  comme 
répréhensible.  Les  théologiens  de  Louvain  blâmèrent  également  la 
réunpression  de  sun  Antididngma,  faite  dans  celte  ville.  Voy.  Dœllin- 
ger, III,  p.  308-3H  ;  Jansen,  de  Juho  Püug,  Berol.,  1858.  Le  Traité  de 
la  juslitication,  par  Contareni  (mort  en  1542j,  fut  encore  approuvé  de 
la  Sorbonne  en  1571  ;  mais  il  fut  supprimé  en  1589,  par  ordre  de  l'in- 
quisiteur Marco  Medici,  de  Venise.  Lui-même  eut  à  s'expliquer  sur  le 
reproche  d'enseigner  des  doctrines  hérétiques  ;  il  parvint  à  se  justifier. 
Epist.  Poli,  III,  213;  Rayn.,  an.  1541,  n.  38;  Ranke,  R.  Paepste,  I, 


324  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

p.  4Ö1-155,  200.  Sur  le  cardinal  Poliis,  Poli  Epist.,  cd.  Quirini,  III,  xxv, 
28 ;  IV,  IÖ2.  La  lenlative  que  lit  Quirini  pour  présenter  la  doctrine  de 
Contareni  comme  catholique,  fut  combattue  par  Kiesling,  Epistola  de 
Conlareno  ad  Quirinum,  Jen.,  1749.  Le  cardinal  Moroue  lit  plusieurs 
fois  réimprimer  dans  son  diocèse  de  Modène  le  livre  del  ßenelicio  di 
Cristo  (voy.  §  202),  et  sous  Paul  IV  il  fut  accusé  de  s'être  exprimé 
d"une  façon  incorrecte  sur  la  justification.  Schelhornii  Amœnilat.  liter., 
XII,  568;  Dœllinger,  III,  p.  312;  G. -F.  Sclopis,  le  card.  Jean  Morone, 
Paris,  1869;  Pastor,  p.  167  et  suiv.  Seripand  à  Trente  :  Pallav.,  VIII, 
XI,  4-7.  Carafa  écrivit  contre  lui  :  Bromato,  Vita  di  Paolo  IV,  t.  II, 
p.  131.  Lettres  de  la  Sorbonne  à  Seripand,  2  mai  et  août  1544  :  du 
Plessis  d'Arg.,  1. 1,  append.,  p.  xiii.  Déjà  en  1523,  l'augustin  Arnold  de 
Bornosto  (Bornossio)  avait  émis  des  propositions  luthériennes  sur  la 
satisfaction  et  le  purgatoire;  il  dut  les  rétracter  sur  l'ordre  de  la  Sor- 
bonne (il)id.,  t.  1,  part.  II,  p.  403  et  seq.;  t.  III,  p.  I,  p.  xx).  La  même 
chose  arriva  ù  Jean  Bernard,  au  sujet  de  propositions  sur  les  comman- 
dements de  l'Église,  le  jeûne,  etc.  En  1543,  il  fut  accusé  d'avoir  débile 
des  sermons  hérétiques,  comme  en  1545  son  confrère  Léger  Grimault 
(ibid.,  11,  I,  p.  136;  1. 1,  app.,  p.  xxxvii);  en  1537,  Hardicius  et  Morielus 
(ibid.,  t.  I,  app.,  p.  x)  ;  en  1540,  J.-an  Bareuton  ;  en  1541,  Morelet 
(t.  II,  I,  p.  131-133). 

Philippe  de  Hesse  et  Bucer.  Disputes  de  "Worms  et  de 
Ratisbonne. 

90.  Bucer  jouissait  alors  d'un  très  grand  crédit  auprès  de 
Philippe  de  liesse,  le  plus  influent  des  princes  de  l'alliance  de 
Smalkalde;  il  espérait,  grâce  à  lui,  propager  la  réforme  dans 
les  parties  encore  catholiques  de  l'A-Uemague,  et  améliorer  aussi 
la  situation  religieuse  des  protestants.  On  pouvait,  suivant  lui, 
par  la  perspective  d'une  paix  allemande  et  d'une  réforme  géné- 
rale de  l'Église,  i)ar  do  grandes  concessions  relativement  à  la 
constitution  de  l'Église  et  au  culte,  faire  adopter  des  catholiques 
la  théorie  de  la  justification,  qui  trouvait  un  si  facile  accès, 
d'aul.uit  plus  que  Gropper  faisait  la  moitié  du  chemin.  Le  dessein 
de  Philippe  était  de  gagner  les  évèques  allemands  par  une  sage 
condescendance.  Lui  aussi  comprenait  que  si  la  théorie  protes- 
tante de  la  justilication  était  adoptée,  elle  amènerait  le  triomphe 
complet  du  protestantisme  parmi  les  catholiques,  et  que  ceux-ci 
donneraient  pleinement  dans  le  piège.  11  prit  ses  mesures  en 
conséquence. 

Au  colloque  do  Worms,  Eck  et  Mélanchthon  discutèrent  en 


LE    PROTESTANTISME.  32o 

prenant  pour  base  la  Confession  d'Auf^sbonrg,  ce  (jui  pro- 
mettait peu  (Je  succès.  En  décembre  1540,  on  traita  de  la  justi- 
fication et  du  péché  originel.  Eck  rédigea  une  formule  qui  fut 
à  la  fois  rejetée  par  les  protestants  décidés  et  par  les  délégués 
de  Brandebourg,  de  Clèves  et  du  Palatinat.  Gropper  essaya  d'in- 
tervenir en  prétendant  qu'où  s'était  mal  entendu  jusque-là, 
qu'on  n'avait  disenté  que  sur  des  mots.  Mélanchthon  n'eut  pas 
de  peine  à  le  réfuter.  Déjà  les  protestants  espéraient  qne  les 
savants  de  Cologne  adhéreraient  à  leur  doctrine  de  la  justifica- 
tion. La  cûntrovers(!  traîna  en  longueur.  Eck  et  Mélanchthon 
dissertèrent  pendant  trois  jours  sur  la  culpabilité  des  premiers 
mouvements  de  la  concupiscence  et  sur  l'impossibihlé  d'accom 
plir  les  préceptes  divins.  Granvelle  interrompit  entîn  les  négc 
ciations  et  les  Iran.sféi'a  à  Hatisbonne  (5  avril  15il). 

Philippe  provoqua  à  Worms  une  autre  conférence  entre  Buccr 
et  Capiton  d'une  part,  Gropper  et  Gérard  Veltwick,  secrétaire  de 
l'empereur,  d'autre  part;  il  en  résulta  un  écrit  qui  présentait  la 
foi  sous  un  faux  jour  et  tout  à  fait  dans  le  sens  de  Bucer  et  de 
Gropper. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SLR   LE    N"    90. 

Avis  de  Bucer  au  landgrave  Philippe,  28  mai  J539:  Neudeckers 
Urkunden,  Cassel,  1836,  p.  353;  Dœllinger,  II,  p.  42  et  suiv.;  III, 
p.  314  et  suiv.;  Rœder,  de  Colloquio  Wormatiensi,  an.  Io40,  intt^r 
Protest,  et  Pontiticios  Theologos  cœpto,  sed  non  consumniato,  disquis., 
ex  MS.  Ebneriano  facta,  Norimb.,  174»-.  Négociations  :  Corp.  Reform., 
III,  xxxu,  XLU,  1229;  Walch,  part.  XVH,  p.  4:)3  et  suiv.;  Melanchth. 
0pp.,  éd.  Bretschn.,  t.  IV,  p.  1  et  seq.;  Rayii.,  an.  1340,  n.  15-24, 
b4  et  seq.  Rapport  des  nonces  :  Lseramer,  p.  269  et  suiv.,  301  et  suiv. 
Autres  actes  :  Dœllinger,  BeiU\,  I,  p.  29  et  suiv.,  32  et  suiv.,  u.  8,  9. 
Proposition  de  Philippe  à  Bucer  :  Buchhoiz,  Gesch.  Ferd.  I,  t.  IV, 
p.  360;  Dœllinger,  Réf.,  III,  p.  315  et  suiv. 

Colloque  de  Ratisbonne. 

9i.  A  la  diète  qui  allait  s'ouvrir  à  Ratisbonne,  et  à  laquelle 
le  pape  envoya  le  cardinal  Contareni  et  le  nonce  Morone,  se 
rattachait  naturellement  la  continuation  du  cûllo(ine  religieux. 
L'empereur  y  nomma,  pour  les  catholiques,  Eck,  Jules  Pflug  et 
Gropper;  pour  les  protestants,  Mélanchthon,  Bucer  et  Pistorius 
de  iNidda;  pour  présidents,  son  chancelier  de  Granvelle,  Fré- 
déric du  Palatinat  et  plusieurs  coüseiliers  de  princes.  L'empe- 


320  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

reur  chargea  le  cardinal  légat  de  transmettre  ses  propositions  à 
la  diète  (le  cardinal  fit  an  moins  adopter  cette  clause  :  «  sans 
préjudice  du  recez  d'Augsbourg  »),  de  même  que  l'écrit  qui  lui 
fut  remis  par  Gropper,  Bucer  et  Veltwick.  Contareni  et  Morone 
l'examinèrent,  et  demandèrent  des  corrections  en  plus  de 
vingt  endroits;  Gropper  y  consentit.  Contareni  se  montra  satis- 
fait des  changements,  mais  ne  voulut  point  donner  d'appro- 
bation officielle. 

Morone  éprouvait  une  aversion  invincible  pour  cette  ma- 
nœuvre artificieuse,  ijue  Eck  avait  pénétrée  dès  le  début.  Lors- 
qu'on donna  lecture  do  l'écrit,  il  sembla  d'abord  que  le  succès 
serait  favorable.  L'article  sur  le  pape  fut  retiré;  sur  la  réserve 
et  l'adoration  de  l'Eucharistie,  sur  la  transsubstariitiation,  l'on 
ne  parvint  pas  à  s'entendre  ;  par  contre,  on  se  rapprocha  d'assez 
près  sur  la  foi,  la  justification,  les  œuvres  et  le  baptême  ;  mais 
ici,  la  position  de  Mélanchthon  était  aisée  :  car  Eck,  souvent  ma- 
lade et  empêché,  était  de  plus  conlrecairé  par  Gropper,  ainsi 
que  par  Pflug,  entièrement  sons  la  dépendance  de  Gropper. 

Mélanchthon  invoquait  surtout  cet  argument  :  Si  nous 
sommes  justes  à  cause  de  Jésus-Christ,  ce  n'est  pas  à  cause  de 
nos  vertus  ;  si  nous  le  sommes  à  cause  de  nos  vertus,  ce  n'est 
pas  à  cause  de  Jésus-Christ.  Il  ne  cessait  de  faire  ressortir  ce 
qu'il  y  avait  de  consolant  dans  cette  doctrine,  et  ne  voulait  pas 
approfondir  les  réponses  des  catholiques.  Diverses  formules 
furent  successivement  dressées  :  l'une  d'elles,  proposée  par  le 
légat  et  favorable  à  la  manière  de  voir  de  Gropper,  fut  rejetée 
par  les  protestants;  une  autre,  rédigée  par  Mélanchthon,  fut 
repoussée  par  les  catholiques;  celle  des  catholiques,  enfin,  le  fut 
par  les  théologiens  protestants.  Une  nouvelle  formule  fut  établie 
sur  la  base  du  chapitre  (de  Bucer  et  Gropper)  contenu  dans  le 
projet  d'accommodement  de  l'empereur.  Par  cette  formule, 
chaque  parti  crut  avoir  contenté  ou  surpris  l'autre  parti,  sans 
être  lui-même  entièrement  satisfait;  cependant  elle  était  plus 
favorable  aux  protestants  qu'aux  catholiques;  elle  déplut  à  la 
fois  et  aux  luthériens  rigides  et  au  Saint-Siège.  Les  principales 
doctrines  protestantes  —  la  foi  spéciale,  la  certitude  immé- 
diate de  l'état  de  grâce,  la  justice  imputée  —  étaient  entre- 
mêlées à  l'enseignement  calholiipie,  presque  sans  transition,  et 
dissimulées  sous  des  expressions  équivoques. 


LE   PROTESTANTISME.  327 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE    N"    91. 

Instruct.  pour  Contar.,  du28janv.  1541  :  Quirini,  Epist.  Poli,  III,  286. 
Cf.  Pallav.,lV,  xiu  et  seq.,  du  13  juin;  Lœmmer,  p.  376  et  suiv.,  n.  221. 
Discours  de  Eck  (li  avril)  sur  l'Eucharistie,  ex  éd.  Antwerp.,  1541  : 
Le  Plat,  111,  p.  1-8.  Proposition  de  l'empereur  et  les  23  articles  :  Gol- 
dast,  II,  p.  182  et  seq.;  Raynald,  an.  1341,  n.  6  et  seq.;  Le  Plat,  III, 
p.  8-44.  Explications  des  États  protestants  :  Goldast,  II,  p.  200  et  seq.; 
Rayn.,  loc.  cit.,  n.  12  et  seq.;  Le  Plat,  III,  p.  44  et  seq.  Cf.  Neudecker, 
Merkw.  Actenstiicke,  p.  249  et  sniv,,  276  et  suiv.;  Acta  in  conventu 
Ratisb.,  éd.  Melanchth.,  Viteb.,  1341;  Melancht.  0pp.,  éd.  Bretschn., 
IV,  119  et  seq.;  Corp.  Ref.,  IV,  303  et  seq.;  Walch,  part.  XVII,  p.  693 
et  suiv.,  725  et  suiv.;  Ztschr.  f.  bist.  Theol.,  1836,  II;  Dœllinger,  III, 
p.  318-322;  Hergang  des  Relig.-Gesprœchs  zu  Regensb.,  Berl.,  1838. 
Rapports  de  la  nonciature,  dans  Lœmnier,  p.  338  et  suiv.;  Riffel,  II, 
p.  349  et  suiv.;  II.  Schisfer,  De  libri  Ratisbon.  origine  atque  bist. 
Comment,  bist.,  Bonner  Dissertation,  1870;  Tb.  Brieger,  De  formulai 
Concordiœ  Ratisbon.  origine  atque  indole  ;  Hall. ,  Habilitations- 
schr.,  1870. 

Premier  intérim  de  Ratisbonne. 

92.  Mais  on  ue  s'accorda  point  sur  l'Église,  l'Eucharistie,  la 
satisfaction,  la  confession,  le  pape  et  les  conciles.  Sur  ces  ar- 
ticles, Gropper  rendit  plus  de  services  à  la  cause  catholique; 
armé  des  textes  des  Pères,  il  fit  une  si  vive  opposition  aux  pro- 
testants, que  ceux-ci  s'estimèrent  heureux  de  voir  échouer,  au 
moins  pour  cette  fois,  les  tentatives  de  conciliation.  Les  luthé- 
riens, qui  avaient  été  appuyés  par  Amsdorf,  envoyé  de  l'électeur 
de  Saxe  et  ennemi  de  tout  tempérament,  et  qui  réclamaient 
l'abolition  du  culte  des  saints,  des  vœux  monastiques,  des  in- 
dulgences, du  célibat,  etc.,  toutes  choses  que  les  théologiens 
catholiques  repoussèrent  énergiquement,  n'avaient  pas  obtenu 
tout  ce  qu'ils  voulaient.  Les  principes  admis  de  part  et  d'autre 
rendaient  l'union  impossible;  elle  aurait  déjà  politiquement 
échoué  par  cela  seul  qu'une  grande  partie  des  princes  et  la 
France  étaient  jaloux  de  la  puissance  que  l'empereur  aurait 
retirée  de  l'unité  religieuse  de  l'Allemagne, 

Contareni  comprenait  parfaitement  que  quand  même  les 
théologiens  se  seraient  entendus,  l'hérésie  n'eût  pas  encore  été 
abolie,  car  elle  favorisait  la  cupidité  et  l'ambition  des  princes. 


D28  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Il  n'y  avait  que  des  évèquos,  tles  théologiens,  des  prédicateurs 
capables  —  et  leur  nombre  était  encore  trop  faible  à  cette  époque 
— qui  pussent  venir  en  aide  aux  Allemands.  Quant  à  l'empereur, 
qui  projetait  une  nouvelle  expédition  en  Afrique  pour  protéger 
l'Espagne,  il  voulait  que  chacun  se  consolât  dans  l'espoir  d'un 
concile;  en  attendant,  il  ordonnait  solennellement  que  l'on  recon- 
nût les  doctrines  sur  lesquelles  on  était  d'accord  en  apparence. 
L'empereur  communiqua  donc  aux  États  les  négociations 
du  congrès  et  les  propositions  faites  aux  évêques  par  le  légat 
pour  le  rétablissement  de  la  discipline  parmi  le  clergé;  ildéclara 
que  le  cardinal,  malgré  sa  protestation,  avait  adhéré  aux  arti- 
cles convenus.  Plusieurs  villes  catholiques  se  montraient  favo- 
rables à  ces  articles,  mais  ils  avaient  contre  eux  les  princes  et 
les  évêques.  Cependant  ceux-ci  proposèrent  de  confirmer  les 
précédents  édits,  de  réunir  un  concile  œcuménique,  ou  du 
moins  un  concile  national  allemand.  Les  protestants  désap- 
prouvèrent les  réformes  disciplinaires  du  légat,  demandèrent 
le  retrait  des  édits  rendus  contre  eux,  se  prononcèrent  contre 
un  concile  qui  serait  dirigé  par  le  pape  et  par  ses  favoris, 
essayèrent  de  restreindre  encore  davantage  les  articles  concer- 
tés, d'affaiblir  les  raisons  que  le  légat  opposait  à  un  concile 
national,  en  disant  qu'un  tel  concile  ne  pouvait  pas  trancher 
des  questions  dogmatiques  et  pouvait  aisément  engendrer  des 
divisions. 

Enfin  (28  juin  io41),  l'empereur  publia  un  formulaire  exces- 
sivement modéré,  qui,  avec  les  articles  convenus,  prit  le  nom 
d'interùn  de  Ratisbonne.  D'après  cet  iiitetim,  les  deux  partis 
devaient  s'en  tenir  auxdits  articles  jusqu'au  prochain  concile, 
soit  œcuménique,  soit  national  allemand,  ou  jusqu'à  la  pro- 
chaine diète,  à  laquelle  l'empereur  promettait  d'obtenir  la 
participation  d'un  légat  du  pape  ;  ils  observeraient  exactement 
et  dans  tous  les  points  la  paix  de  Nnrenberg  (1532),  et  s'abs- 
tiendraient de  détruire  les  couvents  ;  les  catholiques,  de  leur 
coté,  se  conformeraient  aux  prescriptions  disciplinaires  du 
légat.  On  tempéra  le  décret  d'Augsbourg  et  Ton  suspendit  tous 
les  procès  entamés  devant  le  tribunal  de  l'empire,  quand  il  y 
avait  doute  s'ils  étaient  compris  ou  non  dans  la  paix  de  Nuren- 
bcrg. 
Les  prolestants  ne  furent  pas  encore  contents,  et  ils  exigèrent 


LE   PROTESTANTISMIÎ.  329 

davantage,  harlcs- Quint,  afin  de  se  procurer  des  ressources 
pour  la  guerre,  céda  eu  partie,  et  il  accorda  de  plus  aux  États 
luthériens  le  droit  de  réformer  (supprimer)  les  couvents  situés 
sur  leurs  territoires,  sans  parler  de  quelques  autres  concessions 
(déclaration  du  29  juillet). 

Cependant  aucun  des  partis  n'accepta  les  articles  de  la  con- 
vention. Il  fut  heureux  pour  les  catholiques,  à  qui  l'intérim  de 
Ratisbonne  eût  été  souverainement  dangereux,  que  Luther  et 
son  électeur  refusassent  toute  concession  :  ce  refus  fit  complè- 
tement échouer  les  artifices  de  Bucer  et  du  landgrave  Philippe. 
Charles-Quint,  dont  l'unique  intérêt  était  alors  d'étouffer  les 
divisions  religieuses,  consentit  même  à  envoyer  à  Wittenberg 
une  ambassade  solennelle,  composée  des  princes  d' Anhalt  et  de 
Schulenbourg,  et  d'un  théologien  (protestant),  Alésius.  Mais 
Luther  poussa  l'audace  jusqu'à  exiger  des  théologiens  catho- 
hques  l'aveu  public  qu'ils  avaient  jusque-là  enseigné  l'erreur, 
et  qu'ils  rétractaient  formellement  leur  doctrine  sur  la  justifi- 
cation. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE  iN°  92. 

Autres  documents  :  Le  Plat,  III,  p.  89  et  seq.;  Pallav.,  IV,  xv.  Reces- 
sus  Ratisbon.:  Rayn.,  h.  an.,  n.  34;  Le  Plat,  III,  p.  124  et  seq.;  Sarpi, 
I,  ^  63;  Koch,  p.  428  et  suiv.;  Walch,  part.  XVII,  p.  962  et  suiv. 
Déclaration  du  recez  :  Walch,  loc.  cit.,  p.  999  et  suiv.;  Dœllinger, 
Beitr.,  I,  p.  36-38,  n.  10;  Wiedemann,  J.  Eck,  p.  292  et  suiv.;  Bieck, 
Das  dreifache  Interim,  Leipzig,  1721.  Le  peuple,  plaisantant  sur  les 
noms  des  conférenciers,  fit  ce  jeu  de  mot  :  «  Ils  labourent  (Pflug), 
hersent  (Eck),  creusent  (Gropper),  peignent  (Mélanchthon?),  bros- 
sent (Bucer),  cuisent  (Pistorius),  et  n'aboutissent  à  rien.  »  Mélanch- 
thon, dans  une  lettre  à  Veit  Dietrich,  du  4  nov.  1541  (Corp.  Reform., 
IV,  693),  montrait  beaucoup  de  colère  contre  les  «  architecti 
labyrinthi  Ratisbonnensis  »;  il  attribuait  au  landgrave  Philippe  (ibid., 
p.  116,  lettre  du  9  mars)  «  quamdam  ingenii  pravitatem  Alcibia- 
deam  ».  Mais  il  était  encore  plus  courroucé  contre  Bucer  (ib.,  p.  409 
et  seq.,  435;  III,  973;  de  Wette,  V,  p.  14).  Dans  l'Hist.  Convent. 
Ratisb.  (ib.,  p.  330,  332),  il  est  dit  :  «  Farrago  illa  neutri  parti  satisfa- 
ciebat,  et  quia  novas  quasdam  sententias  continebat  et  quod  pleraque 
erant  obscura,  impropria  el  flexiloqua.  »  Luther  disait  que  le  diable 
avait  dirigé  cette  affaire,  que  depuis  le  commencement  de  l'Évangile 
aucun  écrit  plus  infâme  n'avait  paru  contre  son  parti.  Il  traitait  Bucer 
d'hypocrite,  que  Dieu  confondait  maintenant.  Le  terme  de  «  justilication 


330  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

par  la  foi  vivante  et  efficace  »,  il  l'appelait  un  «  misérable  rapiéçage  » 
(Corp.  Reform.,  IV,  237;  de  Wette,  V,  p.  3Ö3,  383,  388).  L'électeur  de 
Saxe  protesta  énergiquement,  et  la  dispute  ne  fit  que  s'envenimer. 
Eck  rejeta  ce  factum  et  le  l'éfuta  ;  Gropper  et  Ptlug  essayèrent  de  se 
justifier  dans  une  apologie  (Pallav.,  IV,  xv,  3-13;  Le  Plat,  III,  p.  109 
et  suiv.).  D'après  le  récit  de  Morone,  14  avril  1841  (Laemmer,  p.  369  et 
seq.,  n.  217),  le  cardinal  de  Mayence  aurait  dit  :  «  L'empereur  croit 
tenir  le  landgrave  dans  ses  mains,  et  il  ne  presse  qu'une  anguille;  les 
luthériens  n'entendent  point  se  réunir  à  nous,  mais  nous  attirer  à 
eux.  »  Sur  l'attitude  des  princes,  voy.  Ranke,  les  Papes  romains,  I, 
p.  164  et  suiv.;  Menzel,  II,  p.  205.  Sur  les  autres  travaux  de  Gropper, 
voy.  Cruciger,  dans  Corpus  Ref.,  IV,  306.  Sur  Contareni,  Pallav.,  IV, 
XIV,  13;  Le  Plat,  III,  p.  91  et  seq.,  93  et  seq.,  101  et  seq.;  Brieger, 
Gasparo  Contareni  u.  das  Regensb.  Relig.-Gespr<Ech  d.  J.,  1541,  Gotha, 
1870;  Pastor,  p.  184  et  suiv.,  218  et  suiv. 

Eies  événements  depuis  1541  jusqu'en  15-16. 

Polygamie  du  landgrave  de  Hesse. 

93.  Autant  les  progrès  du  protestantisme  étaient  brillants  au 
dehors,  autant  la  situation  intérieure  de  la  nouvelle  Eglise  était 
embarrassée.  Luther  lui-même  se  plaignait  amèrement  de 
l'immoralité  qui  régnait  parmi  ses  partisans  :  elle  dépassait,  de 
son  propre  aveu,  ce  qui  s'était  vu  «  sous  la  papauté  ».  L'ivro- 
gnerie, la  débauche,  la  grossièreté ,  une  licence  effrénée, 
avaient  envahi  toutes  les  conditions,  sans  excepter  les  princes. 
La  polygamie  même  était  eu  honueur  :  le  landgrave  de  Hesse,  qui 
vivait  en  état  permanent  d'adultère,  songeait  à  contracter  un 
second  mariage,  afin,  disait-il,  d'apaiser  les  remords  de  sa 
conscience,  qui  ne  voulaient  point  céder  devant  la  foi  qui  seule 
justifie.  Il  s'adressa  au  complaisant  Bucer,  et  lui  remit,  pour 
Luther  et  Mélauchthon,  une  lettre  où  il  demandait  leur  avis  et 
leur  approbation  pour  le  projet  qu'il  méditait. 

Marié  depuis  seize  ans  avec  Christine,  fille  de  George,  duc 
de  Saxe,  qui  lui  avait  donné  huit  enfants  encore  vivants,  il 
désirait  contracter  un  second  mariage  avec  Marguerite  de  la 
Sahl ,  dame  d'honneur  de  sa  sœur  Elisabeth.  Sa  forte 
constitution,  disait-il,  ses  nombreuses  abseuces  exigées  par  les 
diètes  impériales  et  provinciales,  où  il  fallait  faire  bonne  chère, 
ne  lui  pcrmeltaient  pas  de  demeurer  seul,  et  il  ne  pouvait 
emmener  avec  lui  son  épouse  avec  sa  cour.  Cette  demande  jeta 


LE    PROTESTANTISME.  331 

dans  un  grand  embarras  les  apôtres  de  la  nouvelle  doctrine, 
d'autant  plus  que  Philippe,  qui  avait  été  jusque-là  leur  plus 
zélé  protecteur,  menaçait  de  déserter  leur  cause.  Ils  se  décidèrent 
enfin  à  lui  accorder  une  dispense  telle  que  le  pape  n'en  avait 
jamais  donné.  En  suite  d'une  «  consultation  de  conscience  » 
(1539),  signée  de  Luther,  Mélaiichthon,  Bncer  et  cinq  théolo- 
giens hessois,  suivie  d'un  avis  de  Mélanchthon,  ils  permirent 
au  landgrave  d'épouser,  «  pour  le  salut  de  son  corps  et  de  son 
âme  et  pour  la  gloire  de  Dieu  »,  la  seconde  femme  qu'il  con- 
voitait; mais  le  mariage  devait  être  célébré  devant  un  petit 
nombre  de  témoins  et  demeurer  secret. 

Le  4  mai  1540,  le  mariage  fut  célébré  par  le  prédicateur  de 
la  cour  de  Hesse,  Denys  Mélandre,  qui  lui-même  avait  pris  trois 
femmes.  Melanchthun,  présent  à  la  cérémonie,  prononça  une 
allocution  dans  laquelle  il  exhorta  Son  Altesse  le  landgrave,  en 
reconnaissance  de  l'induit  qu'on  lui  avait  fait  d'une  seconde 
femme,  à  mieux  soigner  les  curés  évangéliques  et  les  maîtres 
d'école,  à  s'abstenir  désormais  de  tout  adultère  ,  fornication 
et  paillardise,  et  à  tenir  l'induit  absolument  secret. 

Luther,  comprenant  qu'un  tel  acte  était  injustifiable,  ne 
voulut  ni  refuser  son  consentement,  ni  convenir  qu'il  «  s'était 
trompé  et  avait  commis  une  folie  »  ;  mais  il  se  tranquillisa  bientôt, 
et  résista  à  Henri,  duc  de  Brunswick,  à  cause  de  son  commerce 
criminel  avec  Eve  de  Trotta.  Mélanchthon  en  fut  si  chagriné 
qu'il  tomba  malade,  car  l'affiiire  ne  tarda  pas  à  être  divulguée; 
mais  il  essaya  de  cacher  son  dépit,  «  afin  de  braver  le  diable  et 
les  papistes  ».  Quant  au  landgrave  Philippe,  rassuré  désormais 
parla  permission  des  réformateurs, il  vécut  tranquillement  avec 
ses  deux  femmes,  qui  lui  donnèrent  l'une  et  l'autre  une  nou- 
velle postérité  :  la  margrave,  deux  nouveaux  fils  et  une  fille  ; 
la  «  femme  suppléante  »,  six  fils  (les  comtes  de  Diez).  Il  avait 
donc  en  tout  dix-sept  enfants  «  issus  de  mariages».  Bucer  com- 
posa, sous  le  nom  d'Ulric  Neobulus,  une  justification  de  la  poly- 
gamie, bien  que  le  Code  criminel  de  Charles- Quint  punît  ce 
crime  de  la  peine  capitale. 

OUVRAGES   A   CONSCLTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES   SUR  LE    N°    93. 

Dans  rititerpvétation  du  o«  livre  de  Moïse  (Walch,  part.  III,  p.  2277), 
Luther  assure  que  ses  évangéliques  sont  sept  fois  pires  qu'ils  étaient 


332  HISTOIKE  DE   l'ÉGLISE. 

SOUS  le  papisme  ;  il  reproche  aux  Allemands  leur  ingralilude  envers 
lui,  leur  plus  grand  bienfaiteui",  et  envers  l'Évangile,  et  il  appelle  la 
Saxe,  qu'il  avait  réformée,  le  plus  damné  des  pays  (Walch,  part.  Vlll, 
p.  ion  et  suiv.)  En  1531,  il  essayait  de  s'en  consoler  en  disant  que 
l'immoralité  n'était  qu'un  fait  passager  accidentel  (Runhardt,  Beitrieg., 
I,  p.  138);  mais  il  avouait  de  nouveau  en  1538  qu'il  n'eût  pas  com- 
mencé son  oeuvre,  s'il  eut  prévu  ces  conséquences  (Walch,  part.  VIII, 
p.  564).  Il  rejette  une  grande  part  de  la  faute  sur  les  prédicants 
(Walch,  part.  "VI,  p.  3294;  Mathes.,  Vie  de  Luther,  en  allem.,  p.  118, 
i21).  Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  sa  mauvaise  humeur  sur  ce 
point  s'accrut  encore  sensiblement.  Voyez  les  preuves  complètes  dans 
Dœllinger,  Reform.,  t.  I  [passim);  t  II,  p.  426-452.  Sur  l'ivrognerie, 
Walch,  part.  V,  p.  1576;  part.  X,  p.  2666;  part.  XIX,  p.  164.  Secken- 
dorf,  de  Luth.,  lib.  III,  p.  277  et  seq.;  Ilasscncamp,  Hess.,  K.-C,  im 
Zeitalter  der  Ref.,  Marb.,  1852,  t.  I;  Menzel,  II,  p.  191;  Schmitt, 
Versuch  einer  philos.-hist.  Darstell.,  p.  429  et  suiv.;  Riffel,  II,  p.  332 
et  suiv.;  Hist.-pol.  Bl.,  t.  VII  (18il),  p.  751  et  suiv.;  das  Grabmal  der 
Margar.  v.  d.  Saal  (morte  en  1566),  t.  XIV,  xvi  ;  Bt.  XVIII,  p.  224  et 
suiv.;  t.  XX,  p.  93  et  suiv.  Le  ^<  conseil  de  conscience  »,  la  lettre  de 
Luther  à  Philippe,  le  votum  et  l'allocution  de  Mélanchthon  à  la 
<■<■  femme  annexée  »,  ont  été  publiés  en  entier  d'après  les  originaux  des 
archives  de  Cassel  par  lleppe  (Documents  supplémentaires  sur  l'his- 
toire du  double  mariage  du  landgrave  Philippe  de  Hesse,  dans  la 
Revue  de  théologie  historique,  de  Niedner,  1852,  t.  II,  p.  262-283), 
avec  cet  aveu  que  les  théologiens  de  cour  éliminèrent  ainsi  tous  les 
éléments  moraux  du  mariage.  Autrefois,  ces  documents  avaient  été 
publiés  en  partie  par  Bossuet,  Hist.  des  var.,  I,  p.  362  et  seq.,  trad. 
par  Mayer,  I,  p.  286-310;  Ulcnberg,  Gesch.  d.  luth.  Ref.,  II,  p.  468- 
484  (cf.  Rœsz,  Couvert.,  Il,  p.  550  et  suiv.);  de  Wette,  V,  p.  237;  VI 
(de  Seidemann,  Berl.,  1856),  p.  239  et  suiv.,  273  et  suiv.  Jean  Lenig, 
chartreux  apostat  et  curé  à  Melsungeii,  qui  maltraitait  sa  femme  et 
qui,  après  sa  mort,  épousa  à  70  ans  une  servante  de  Marguerite  et 
mourut  en  1565  (voy.  Dœllinger,  t.  II,  p.  211  et  suiv.),  avait,  comme 
conseiller  de  conscience  de  la  «  femme  annexée  »,  essayé  de  la  tran- 
quilliser sur  ses  scrupules  de  conscience,  dans  un  écrit  qu'il  lui  avait 
adressé  avant  son  mariage.  Biicer  fil  l'apologie  de  la  polygamie,  qu'on 
blAmait  avec  beaucoup  de  sévérité  (Cod.  Carol.  crim.,  CGC,  art.  121). 
Voy.  Doîllinger,  II,  p.  43  et  suiv.  Jugement  de  Mélanchthon  :  voy.  Corp. 
Reform.,  II,  520  et  seq.  11  est  établi  depuis  longtemps  que  le  prétendu 
double  mariage  du  comte  de  Gleichen,  lequel  aurait  eu  lieu  avec  l'ap- 
probiilioii  du  i)ape,  est  une  invention  :  Placid.  Muth,  0.  S.  B.,  Disquis. 
hist.  cri  t.  ni  bigauiiam  com.  do  Gleichen.,  Erfordi,  1788  3  Stapf,  Pasto- 


LE    PROTESTANTISME.  333 

raluutorriclit  über  die  Ehe.,  ,^«  éd.,  p.  337-340;  L.-J.  liesse,  Archiv, 
für  stechsische  Gesch.,  von  Wachsmiith  und  Weder,  Leipzig,  18C3  et 
suiv.,  t.  I-Ul  ;  Wegele,  dans  Sybel,  Hist.  Ztschr.,  1864,  XI,  p.  534. 

Violences  des  protestants.  —  Troubles  de  Cologne. 

94.  Les  attentais  des  protestants  devenaient  de  plus  en  plus 
nombreux  et  violents.  Le  chapitre  venait  de  nommer  à  l'évèché 
vacant  de  Naumbourg-Zeiz  le  prévôt  de  la  cathédrale,  Jules  de 
Pflng.  Jean-Frédéric  de  Saxe  y  intronisa  par  la  force  le  prédi- 
cant  luthérien  Nicolas  Amsdorf,  nommé  par  lui;  il  l'institua 
en  1542,  en  lui  assignant  les  revenus  d'un  curé,  tandis  que  lui- 
même  faisait  administrer  le  temporel  par  ses  agents.  Luther 
(20  janvier  1542),  pour  attester  sa  dictature  absolue  en  matière 
religieuse  et  insulter  les  catholiques,  «  ordonna  »  évèque 
Armsdorf,  sans  aucun  rite  religieux,  et  se  justifia  dans  un 
écrit  particulier.  La  même  année,  Henri,  duc  de  Brunswick- 
Wolfenbuttel,  fut  attaqué  par  les  chefs  de  l'alliance  de  Smalkalde, 
obligé  de  se  réfugier  en  Bavière  et  dépouillé  de  ses  États,  où  le 
luthéranisme  fut  introduit  par  la  force.  Hildesheim,  où  la  nou- 
velle doctrine,  était  encore  peu  répandue  en  io3l,  fut  traité  de 
la  même  façon  par  les  protestants,  et  peu  s'en  fallut  que  l'élec- 
torat  de  Cologne  ne  tombât  tout  entier  entre  leurs  mains. 

L'archevêque  Hermann,  comte  de  Wied  (depuis  1515),  qui 
avait  jadis  combattu  la  nouvelle  doctrine  et  préparé  dans  un 
concile  provincial  de  Cologne  (1536)  les  voies  à  une  réforme 
salutaire  du  clergé,  était  trop  amoureux  des  plaisirs  et  d'un 
esprit  trop  borné  pour  n'être  pas  bientôt  circonvenu  par  le 
nouvel  Évangile  et  dominé  par  l'influence  de  l'astucieux  Bucer. 
11  manda  celui-ci  à  Buschhoven,  près  de  Bonn,  et  le  fit  conférer 
avec  le  coadjuteur  Nopelius  et  le  chanoine  Gropper  (1541).  Le 
chapitre  de  la  cathédrale  ayant  réclamé,  l'archevêque  congédia 
Bucer;  mais  il  le  rappela  bientôt  après,  le  chargea,  en  décem- 
bre 1542,  de  faire,  au  couvent  des  franciscains,  des  conférences 
publiques  sur  les  Épitres  de  saint  Paul,  et  lit  répandre  un  écrit 
où  Bucer  se  justifiait.  11  fut  ensuite  personnellement  appuyé 
par  Mélanchthon,  K.  Hedio  de  Strasbourg,  Pistorius,  etc.  Déjà 
des  communes  protestantes  se  formaient  à  Bonn,  à  Andernach, 
à  Linz,  etc.  Bucer  et  Mélanchthon  esquissèrent  un  plan  complet 
de  réforme,  qui  souleva,  comme  l'écrit  de  Bucer,  les  réclama- 


334  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

tions  du  chapitre,  de  l'université  et  du  clergé.  Le  pape  et  l'em- 
pereur encouragèrent  les  catholiques  à  résister  énergiquement 
aux  nouveautés,  et  le  conseil  de  Cologne  les  rejeta. 

Charles-Quint  décida  entin  l'archevêque  à  congédier  ses 
réformateurs.  Mais  quand  on  vit  que  sa  condescendance  n'était 
qu'hypocrisie,  les  états,  le  chapitre,  l'université  et  les  magis- 
trats en  appelèrent  au  pape  et  à  l'empereur  (18  novembre  1544). 
L'appel  fut  accepté  de  part  et  d'autre.  Charles-Quint  prit  (juin 
1545)  le  clergé  sous  sa  protection,  et  menaça  du  ban  de  l'empire 
quiconque  attenterait  sur  lui.  il  invita  aussi  l'archevêque  à 
rendre  compte  de  ses  actes  dans  l'espace  d'un  mois.  Paul  III, 
de  son  côté,  le  somma  de  se  présenter  devant  lui  dans  le  terme 
de  soixante  jours.  L'archevêque,  n'ayantpas  comparu,  futfrappé 
de  l'excommunication  (16  avril  1546),  dépouillé  de  ses  dignités 
et  de  ses  fonctions  ;  ses  sujets  furent  déliés  de  leur  serment  de 
fidélité. 

Hermann  essaya  de  se  faire  recevoir  dans  l'alliance  de 
Smalkalde;  mais,  comme  il  inclinait  vers  la  doctrine  de  Zwingle, 
il  n'obtint  que  des  promesses,  il  se  retira  plus  lard  dans  son 
comté  de  Neuwied,  où  il  mourut  en  1552,  âgé  de  soixante-seize 
ans. 

Cologne,  où  se  trouvait  alors  le  bienheureux  Pierre  Canisi us, 
demeura  fidèle  à  la  foi  catholique.  D'autres  princes  ecclésias- 
tiques étaient  également  suspects  :  tel  François  de  Waldeck, 
qui  occupait  les  évêchés  de  Münster,  Osnabrück  et  Minden,  et 
fut  enfin  obligé  d'abdiquer.  D'autres  étaient  singulièrement 
menacés  :  tel  l'évêque  de  Mersebourg.  Chaque  jour  on  voyait 
quelques  villes  embrasser  la  nouvelle  doctrine  :  Halberstadt, 
Halle,  etc.,  dans  le  sud  même  de  l'Allemagne,  jusque  dans  la 
Bavière  et  dans  les  États  du  roi  Ferdinand,  lequel  négocia  en 
Bohême  avec  les  utraquistes,  fut  obligé  de  combattre  en 
Autriche  les  tendances  protestantes  des  Etats,  et  vit  surgir  dans 
le  Tyrol  plusieurs  prédicateurs  de  l'hérésie.  Les  partisans  de 
Luther  s'élevaient  avec  audace  ponrétouller  l'ancienne  Église. 
Dans  le  sud  de  l'Allemagne,  une  grande  partie  de  la  noblesse 
avait  accepté  les  nouveautés,  'et  benucoup  de  ses  membres 
avaient  demandé  des  réformateurs  à  Luther,  notamment  le 
comte  de  Werthheim  (dès  1522),  qtii  obtint  Michel  Hœfer.  Tout 
ce  qui  s'était  passé  jusque-là  ne  pouvait  (j n'accroître  la  con- 


LE    PROTESTANTISME.  335 

fiance  et  la  hardiesse  des  luthériens.  En  1543,  on  vit  le  duc 
même  du  palatinat  deNeubourg,  Henri,  appeler  Osiandrepour 
réformer  son  pays. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    94. 

Walcli,  Ih.  XVII,  p.  122  el  suiv.,  8i  et  suiv.;  Dœllinger,  Réf.,  II, 
p.  117  et  suiv.;  Lepsius,  Wahl  und  Einführung  des  Nikol.  v.  Amsdorf, 
Nordhausen,  1835;  A.  Jansen,  Julius  Ptlug,  dans  Opel,  Neue  Mitthei- 
lungen des  chursœchs.  Vereins,  t.  X,  éd.  1,  2,  Nordhausen,  1864.  Sur 
la  protestantisation  du  Brunswick,  voy.  Kilian  Leib,  an  1542,  p.  608; 
Rehtnieyer,  Braunschw.  K. -Historie,  II;  Giesz,  Joh.  Bugenhagen,  der 
Ref.  Braunschw.,  Leipzig,  1829;  Lensz,  Gescb.  des  ev.  Bekenntn.  im 
Herzoglh.  Braunschw.,  Wolfenbüttel,  1830;  Schegel,  K.-u.  Ref.-Gesch. 
Norddeutschl.,  bes.  der  hannov.  Staaten,  Hanovre,  1828  et  suiv.,  2 
vol.;  Baring,  Gesch.  der  Ref.  in  der  Stadt  Hannover,  Hanovre,  1842  ; 
Hildesheimer  theol.  Monatsschr.,  1851,  oct.  et  nov.;  Riffel,  II,  p.  708 
et  suiv.,  sur  Hildesheim.  Voy.  encore  Reifenberg,  Hist.  S.  J.  ad  Rhen. 
infer.,  I,  251  et  seq.;  Lünkel,  die  Annahme  des  ev.  Gl. -Bekenntn.  v. 
d.  Stadt  Hildesheim,  Hildesheim,  1842;  Hist.-pol.  ßl.,  t.  IX,  p.  316- 
318,  724-728;  t.  X.  —  Rel. -Gesch.  der  cceln.  Kirche  unter  dem  Abfall 
der  zwei  Erzbischœfe  Herm.  v.  Wied  u.  Gebhard  v.  Truchsesz, 
Cologne,  1764;  Deckers,  Herm.  v.  Wied,  Cologne,  1840;  card.  Pacca, 
über  die  Verdienste  des  Clerus,  der  Univ.  und  des  Magistrats  von 
Cœln  um  die  kath.  K.  im  16.  Jahrb.,  trad.  de  l'ital.,  Augsb.,  1840; 
Ennen,  Gesch.  der  Reform,  im  Bereich  der  alten  Erzdiœcese  Cœln, 
Neusz,  1849;  Flor.  Riesz,  S.  J.,  der  sei.  Petrus  Canisius,  Frib.,  1863, 
p.  43-67;  G.  Drouven.  die  Reformation  in  der  Cœlnischen  K. -Provinz 
zur  Zeit  des  Erzbischofs  Hermann  V,  Cologne  et  Neusz,  1876.  Le  légat 
du'pape  trouvait  déjà,  le  25  novembre  1531,  que  Hermann  de  Wied 
penchait  vers  l'hérésie  (Laemmer,  Mon.  Vat.,  p.  89  et  seq.;  cf.  ibid., 
Morone,  21  mai  1340,  p.  268);  Morone,  le  23  février  1342.  Sur  l'appel 
de  Bucer  et  lettre  à  l'archevêque,  le  28  février  (ibid.,  p.  417  et  seq.). 
L'écrit  de  Bucer,  intitulé  :  «  Ce  qu'on  enseigne  maintenant  à  Bonn  au 
nom  du  saint  Évangile  de  Noire-Seigneur  Jésus-Christ  »,  fut  réfuté 
par  l'Antididagma  f«  Rectification  chrétienne  et  catholique  »)  de 
Gropper  (ci-dessus,  §  89).  Le  livre  de  Bucer,  «  de  Reformatione  insti- 
tuenda  ».fut  envoyé  par  les  théologiens  de  Cologne,  en  1345,  à  la 
faculté  de  Paris.  Du  Plessis  d'Arg.,  t.  I,  append.,  p.  xv.  —  Karaps- 
chulte,  Einführung  des  Prolest,  in  Weslphalen,  Paderb.,  1866,  sur- 
tout p.  144  et  suiv.;  Fraustadt,  die  Einführung  der  Ref.  im  Hochstifte 
Merseburg,  Leipzig,  1844.  Moi'one  écrivait  de  Spire,  le  10  nov.  1342, 
au  cardinal  Farnèse  (Laemmer,  p.  403  et  suiv.,  n.  233),  que  l'évêque 


336  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE.' 

de  Mersebourg  était  sérieusement  menacé  par  Philippe  dans  ses  droits 
temporels  et  dans  son  existence.  Plus  tard,  en  1544,  George  d'Anhalt 
embrassa  le  luthéranisme,  et  le  prévôt  de  la  cathédrale  en  fit  autant 
en  1530;  il  fut  élu  évèque  de  Mersebourg  par  le  chapitre  imbu  de 
luthéranisme,  et  ordonné  par  Luther;  mais  il  dut,  en  1550,  céder  la 
place  à  l'évèque  catholique  Helding  (mort  en  1561),  et  il  mourut  en 
15C3  dans  son  pays  natal  (Dœllinger,  II,  p.  125).  Cependant  ce  bénéfice 
échut  définitivement  à  la  Saxe  électorale.  Franke,  Gesch.  der  Halls- 
chen  Hef.,  1841;  Apfelstedt,  Einführ,  der  Ref.  Luthers  in  den 
Schwarzburger  Landen,  Sondersh.,  1841.  Sur  Franc,  de  Waldeck,  voy. 
Lit.  Rundschau,  1877,  p.  296.  Lo  protestantisme  en  Bavière  :  Hist.- 
pol.  Bl.,  1842,  t.  IX,  p.  14-29,  dans  Oesterr.,  Hist.-pol.  Bl.,  t.  VI, 
p.  577-609;  Beda  Weber,  Tirol  u.  die  Ref.,  Innsbr.,  1841.  Utraquistes 
en  Bohème.  Morone  sur  les  négociations  du  roi  Ferdinand  avec  lui  : 
Lsemmer,  Mon.  V.,  p.  180  et  suiv.,  193,  n.  136,  137,  144.  Mich. 
Hœfer  :  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  78. 

Négociations  de  1542  et  1543. 

95.  Charles-Qiiint,  en  quittant  Ratishonne,  se  rendit  en 
Italie,  accompagné  du  cardinal  Contarcni  ;  il  se  rencontra  à 
Lucques  avec  le  pape,  et  conféra  quatre  fois  avec  lui  sur  les 
obstacles  i\m  s'opposaient  au  concile  et  à  la  paix  avec  la  France; 
puis  il  entreprit  sa  seconde  et  malheureuse  expédition  contre 
Tunis  et  Alger  (novembre  154.1).  Le  pape  négocia  avec  le  roi 
Ferdinand  au  sujet  de  Vmterim,  dont  il  désirait  la  suppression  ; 
au  sujet  de  la  diète  qui  devait  se  tenir  à  Spire,  et  à  laquelle  il 
envoya  le  nonce  Morone;  au  sujet  du  concile,  pour  lequel  les 
Allemands  demandaient  une  ville  d'Allemagne.  A  cette 
demande  on  objecta  :  1"  que  le  pape,  désireux  d'y  assister  lui- 
même,  était  trop  âgé  pour  entreprendre  un  si  long  voyage  ; 
2°  que  le  lieu  où  la  lutte  avait  éclaté  était  le  moins  propice 
pour  une  discussion  pacifique,  et  qu'enfui  la  situation  de  l'Alle- 
magne n'était  pas  de  nature  à  inspirer  confiance  aux  autres 
nations. 

L'électeur  de  Mayence  et  d'autres  Allemands  avaient  égale- 
ment dissuadé  le  pape  de  réunir  le  concile  en  Allemagne,  parce 
qu'il  y  faudrait  faire  de  trop  grandes  concessions.  Morone 
arriva  à  Spire  en  février  1542.  Il  avait  aussi  pour  mission  d'y 
affermir  l'alliance  catholique,  à  laquelle  le  pape  vint  en  aide 
par  une    somme  d'argent   considérable.  Il  négocia    sur  les 


LE   PROTESTANTISME.  337 

subsides  à  fournir  pour  la  guerre  contre  les  Turcs,  sur  la 
réforme  du  clergé  et  le  lieu  du  concile.  On  proposait  mainte- 
nant Cambrai  ou  Trente.  Les  luthériens  montrèrent  peu  d'ar- 
deur contre  les  Turcs,  repoussèrent  Trente  comme  lieu  du 
concile,  profitèrent  de  la  diète  pour  faire  approuver  leurs 
violences  contre  Naumburg  et  le  Brunswick  et  supprimer 
complètement  les  procès  entamés  devant  le  tribunal  de  l'em- 
pire. 

Sur  ces  entrefaites,  la  guerre  menaçait  d'éclater  de  nouveau 
entre  la  France  et  l'empereur.  Le  pape  dépêcha  à  François  P"" 
le  cardinal  Sadolet;  à  l'empereur,  Morone,  qui  venait  d'être  élu 
cardinal,  et  qu'il  destinait,  avec  Polus  et  Parisius  (16  octobre 
1542),  à  présider  le  concile  de  Trente.  Paul  111  n'avait  rien 
négligé  pour  réunir  un  concile,  et  il  n'obtenait  aucun  résultat. 
11  fit  également  tous  ses  efforts  pour  rétablir  la  paix;  mais  son 
entrevue  avec  l'empereur  près  de  Padoue  (1543)  ne  put  arrêter 
la  lutte,  et  Charles -Quint  se  montra  bientôt  offensé  de  la  neu- 
tralité du  pape,  quoiqu'elle  lui  fut  commandée  par  sa  position. 
Paul  III  envoya  de  nouveau  le  cardinal  Farnèse  aux  deux 
princes  belligérants. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    9Ö. 

Pallav.,  lib.  IV,  c.  xv,  n.  14  et  seq.;  lib.  V,  c.  i-iv;  Raya.,  an.  1Ö41, 
11.  25  et  seq.;  1542,  n.  2  et  seq.,  16  et  seq.;  an.  1543,  n.  17  ;  Le  Plat, 
IH,  p.  127  et  seq.,  195  et  seq.;  Lsemmer,  Mon.  Vat.,  p.  391  et  suiv., 
377,  388,  398-428. 

Diète  de  Spire  en  1544.  —  Diète  de  Worms  en  1545.  — 
Deuxième  colloque  de  Ratisbonne. 

96.  Au  commencement  de  1 544,  une  nouvelle  et  nombreuse 
diète  fut  tenue  à  Spire  ;  les  luthériens  s'y  montrèrent  d'autant 
plus  arrogants,  qu'ils  voyaient  l'empereur  plus  enclin  à  la  condes- 
cendance. En  retour  des  secours  eu  armes  qu'ils  prumirent,  ils 
obtinrent  de  grandes  concessions  religieuses,  et  la  position  des 
catholiques  en  fut  encore  aggravée.  11  fut  question  de  réunir 
un  concile  national,  ou  du  moins  une  diète  de  l'empire,  où  l'on 
devait  apporter  de  toutes  parts  des  projets  de  réforme.  L'empe- 
reur dépassa  de  beaucoup  les  Umites  de  son  pouvoir,  et  le  pape 
se  plaignit  amèrement  de  sa  conduite  (-24  août;.  Cependant  le  roi 
de  France,  François  1",  qui  voyait  les  princes  protestants  s'élever 
v.  —  HisT.  DE  l'Église.  22 


338  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

aussi  contre  lui,  fut  contraint  de  signerlapaixdeCrespy  (18  sep- 
tembre 1544).  Paul  m  prescrivit,  à  cette  occasion,  des  fêtes  d'ac- 
tions de  grâces,  et  annonça  (19  novembre)  l'ouverture  du  concile 
de  Trente  pour  le  1 5  mars  1545.  Dans  ce  même  mois  de  mars,  les 
États  protestants,  se  voyant  soutenus  par  Frédéric  II  du  Palatinat, 
se  prononcèrent,  avec  la  diète  de  Worms,  ouverte  par  le  roi  Ferdi- 
nand, contre  le  concile  de  Trente,  parce  qu'il  serait  dirigé  par  le 
pape,  dépourvu  de  liberté,  irrégulier.  Ils  répondirent  par  un 
écrit  rédigé  par  Mélanchthon,  sur  l'ordre  du  prince  électeur,  con- 
cernant les  motifs  de  leur  abstention,  puis  par  un  traité  de  Lu- 
ther, aussi  violent  que  trivial,  intitulé  :  la  Papauté  fondée  par  le 
diable,  orné  d'une  misérable  caricature.  Ils  repoussèrent  toute 
tentative  de  conciliation  avec  les  catho]iques,et  prétendirent  que 
les  catholiques  devaient  se  borner  à  leur  soumettre  leurs  projets 
de  réforme.  L'empereur,  sans  égard  pour  le  concile  de  Trente, 
consentit  à  préparer,  pour  le  mois  de  janvier  1546,  un  nouveau 
colloque  qui  se  tiendrait  à  Ratisbonne.  Le  pape  et  les  évêques 
assemblés  à  Trente  en  furent  mécontents,  et  c'est  pourquoi  la 
première  session  d'ouverture  fut  tenue  le  13  décembre  1545,  et 
la  seconde  fut  fixée  au  7  janvier  1546. 

Les  Allemands  ne  paraissaient  pas  se  soucier  le  moins  du 
monde  du  concile;  ils  ne  songeaient  qu'à  leur  colloque  reli- 
gieux, que  les  protestants  eux-mêmes  considéraient  comme 
un  moindre  mal.  Le  colloque  commença  le  27  janvier.  Les 
protestants  George  Major,  Pistorius,  Schnepf,  Frecht,  avaient 
pour  antagonistes  le  savant  dominicain  Malvenda,  confesseur 
de  Charles-Quint  ;  Éberhardt  Billik,  carme  de  Cologne  ;  Jean 
Hofmeister,  provincial  des  augustins,et  J.Cochlée.La  présidence 
était  occupée  par  Maurice,  évêque  d'Eichstaett,  et  par  le  comte 
Frédéric  de  Furstenberg. 

Comme  les  catholiques  refusaient  d'admettre  la  convention 
conclue  cinq  ans  auparavant  sur  la  justification,  qu'ils  traitaient 
d'œuvre  de  parti,  et  que  les  protestants  eux-mêmes  n'en  étaient 
pas  satisfaits,  ils  espéraient  l'emporter  par  ce  moyen,  ainsi  que 
par  la  concession  du  mariage  des  prêtres  et  de  l'usage  du  calice 
aux  laïques,  réclamée  par  le  landgrave  Philippe.  Les  questions 
relatives  à  la  conversion,  à  la  foi,  à  la  justification  et  aux  bonnes 
œuvres,  furent  traitées  au  grand  complet.  On  ne  visait  pas  à 
se  rapprocher,  mais  à  s'entendre  sur  la  question  dogmatique. 


.       LE   PROTESTANTISME.  339 

Les  princes  protestants  n'attendaient  plus  qu'une  occasion 
propice  pour  rompre  les  négociations  ;  ils  la  trouvèrent  dans 
une  décision  de  l'empereur,  qui  associait  à  la  présidence  l'évêque 
Jules  Pflug,  à  côté  des  autres  déjà  nommés,  et  ordonnait  de 
garder  le  secret  et  de  discuter  de  vive  voix  plutôt  que  par  écrit. 
L'électeur  de  Saxe  et  le  landgrave  Philippe  rappelèrent  leurs 
théologiens,  et  la  conférence  fut  dissoute.  L'empereur  ayant 
blâmé  les  théologiens  protestants  de  s'être  éloignés  de  leur 
propre  chef  et  sans  motifs  valables,  George  Major  répliqua  que 
des  chrétiens  ne  pouvaient  pas  se  commettre  plus  longtemps 
avec  des  ennemis  de  Dieu,  des  hérétiques  (d'après  Tit.,  m,  10) . 
Les  Strasbourgeois  voulaient  qu'on  proposât  un  autre  colloque 
sous  une  forme  nouvelle  ;  les  Wittenbergeois,  ne  sachant  plus 
où  ils  en  étaient,  déclarèrent  qu'il  n'y  avait  rien  à  attendre 
d'une  nouvelle  conférence  ;  que  cependant,  dans  l'état  où  se 
trouvaient  les  affaires  ecclésiastiques,  il  était  désirable  qu'on 
s'entendît  avec  l'empereur  et  les  évêques  pour  rétablir  l'ordre 
dans  le  domaine  religieux.  Les  Wittenbergeois  avaient  perdu, 
sur  ces  entrefaites,  le  chef  auquel  ils  avaient  obéi  jusque-là. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET    REMARQUES    CRITIQUES  SUR   LE   N«  96. 

Rayn.,  an.  1544,  n.  3  et  seq.;  Le  Plat,  III,  p.  208  et  seq.;  Kei-vyn  de 
Lettenhove,  Aufzeichnungen  Carls  V,  p.  85  et  suiv.;  Ranke,  Deutsche 
Gesch.,  IV,  p.  307;  Riffel,  II,  p.  736  et  suiv.  Rref  à  Charles,  du 
24  août: Rayn.,  an.  1544,  n.  7;  Le  Plat,  III,  p.  237  et  seq.;  Roscovany, 
Monum.,  III,  p.  74-84;  Pallav,,  V,  vi  ;  Sarpi,  I,  §  73.  Autres  lettres  du 
pape  :  Rayn.,  loc.  cit.,  n.  8;  Le  Plat,  p.  247  et  seq.  Paix  avec  la 
France  :  Rayn.,  loc.  cit.,  n.  24;  Pallav  ,  V,  vu;  Le  Plat,  III,  249.  Con- 
vocation du  concile  de  Trente  :  Raynald.,  au.  1545,  n.  38;  Le 
Plat,  p.  255  et  seq.;  Pallav.,  V,  \m.  Paul  III  au  roi  Ferdinand  sur  la 
diète  de  Worms,  12  mars  1545  :  Raynald.,  loc.  cit.,  n.  17;  Le  Plat, 
III,  p.  261  et  seq.  Parmi  les  princes  protestants,  Joachim  II  de  Brande- 
bourg avait  continué  de  négocier  extérieurement  avec  les  légats  du 
pape  (Lsemmer,  p.  108,  200  et  suiv.,  n.  150,  151),  et  en  1544  il  avait 
même  demandé  au  cardinal  Farnèse  que  le  pape  retirât  au  roi  de 
France  le  titre  de  roi  très  chrétien  (Dœlliuger,  Beitr.,  I,  p.  38  et 
suiv.).  Frédéric  du  Palatinat,  qui  succéda  à  son  frère  Louis  en  1544, 
se  révéla  bientôt  comme  un  partisan  de  la  nouvelle  doctrine.  Kil. 
Leib,  an.  1544,  p.  609;  Riffel,  II,  p.  721  et  suiv.;  Blaul,  D.  Ref.-Wes. 
in  de  Pfalz,  Spire,  1846;  Mélanchthon  :  «  Causas  quare  et  amplexi  sint 
et  retinendam  ducant  doctrinam...  (Conf.  Aug.)  et  quare  iniquis  judi- 


340  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

cibus  collectis  in  synodo  Trid.,  ut  vocant,  non  sit  assentiendum.  » 
Witeb.,1546,  in-4°,0pp.  t.  IV,  p.  772.  Pamphlet  de  Luther  dans  Walch, 
th.  xvn,  p.  1278  et  suiv.  Cf.  Menzel,  II,  p.  352.  L'abbé  Prechtl  l'a 
fait  réimprimer  avec  des  remarques  :  Seitenstück  zur  Weisheit  Dr 
Martin  Luthers  zur  Jubelfeier  der  luther.  Reform,  Sulzbach,  1817; 
III*  éd.,  1818.  Projet  de  reforme  par  Bucer  :  Corp.  Ref.,  V,  694  et 
seq.;  par  Méianchthon,  ib.,  V,  607  et  seq.;  Walch,  th.  xvn ,  p.  1422 
et  suiv.  Commencement  du  concile  de  Trente  :  Pallav.,  V,  xvii.  Recez 
de  Worms  :  Rayn.,  an.  1545,  n.  22;  Le  Plat,  III,  p.  283  et  seq.;  Sarpi, 
II,  §  22.  Acta  coUoquii  Ratisbon.  Ultimi  verissima  ratio,  Ingoist., 
1546,  in-4°  (imprimé  par  ordre  impérial).  Rapports  de  George  Major 
(Wittenb.,  1546,  in-4'')  et  de  Bucer,  dans  Hortleder,  th.  i,  cap.  xl, 
XLi;  Walch,  th.  xvn,  p.  1529;  Menzel,  II,  p.  395;  Riffel,  II,  p.  742 
et  suiv.;  Dœllinger,  Réf.,  HI,  p.  322-333;  Pastor,  p.  305  et  suiv 


MORT  DE  LUTHER.  -  SON  CARACTERE. 
Tristes  expériences  du  réformateur  de  Wittenberg. 

97.  Luther  passa  les  derniers  jours  de  sa  vie  dans  des  dispo- 
sitions d'àme  fort  diverses.  En  1542,  il  était  devenu  si  fier  de 
ses  succès,  que,  dans  une  lettre  datée  du  7  mai,  il  exigeait  de 
tous  les  fonctionnaires  et  de  tous  les  nobles  de  Meissen  qui 
avaient  embrassé  sa  doctrine  et  en  avaient  fourni  la  preuve  en 
recevant  la  cène  sous  les  deux  espèces,  non  seulement  qu'ils 
fissent  pénitence,  mais  qu'ils  approuvassent  sans  restriction 
tout  ce  que  lui  et  ses  collègues  avaient  fait  jusque- là  et  feraient 
encore  à  l'avenir.  Mais  les  princes  et  les  fonctionnaires,  tout  en 
lui  laissant  la  liberté  d'enseigner  ce  qu'il  voulait  et  d'étendre 
la  division,  ne  lui  permettaient  pas  d'intervenir  dans  la  gestion 
des  biens  ecclésiastiques,  ni  dans  les  questions  relatives  à  leur 
gouvernement  temporel. 

Luther  déplorait  la  détresse  où  languissaient  les  prédicateurs, 
malgré  tant  de  biens  ecclésiastiques  confisqués.  Toutes  les 
affaires  de  l'Église  étaient  réglées  par  la  bureaucratie.  Les 
juristes,  avec  lesquels  il  eut  des  discussions  particulières  sur  la 
validité  des  fiançailles,  considéraient  les  enfants  des  clercs  comme 
illégitimes  et  incapables  d'hériter:  il  lesaccabla  de  ses  plus  amers 
sarcasmes.  Il  y  avait  aussi  de  grandes  discussions  parmi  ses 
partisans,  et  jusque  dans  son  entourage  immédiat,  avec  lequel 


LE   PROTESTANTISME.  341 

il  fut  lui-même  en  dispute.  Dès  1537,  il  s'était  brouillé  avec 
son  ancien  familier  Agricola  et  le  poursuivait  partout  ;  il  interdit 
ses  écrits  et  l'empêcha  de  se  placer  nulle  part.  Agricola  s'étant 
rendu  à  Wittenberg  à  cause  de  lui,  Luther,  qui  allait  mourir 
cette  même  année,  le  repoussa  impitoyablement  et  ne  voulut 
pas  même  le  voir.  A  l'égard  de  ses  collègues,  il  se  montrait 
soupçonneux,  et  Mélanchthon  lui-même  se  plaignait  de  l'escla- 
vage qu'il  était  obligé  de  subir  ;  les  tempéraments  apportés  à 
la  doctrine  de  la  justification,  le  penchant  de  son  ami  pour  les 
idées  de  Zwingle  sur  la  cène,  blessaient  vivement  le  réforma- 
teur. Cruciger  écrivait  à  Tite  Dietrich  :  «  Il  n'en  est  guère- 
parmi  nous  qui  puissent  éviter  d'encourir  la  mauvaise  humeur 
de  Luther  et  d'être  par  lui  publiquement  fustigés.  » 

Luther  s'indignait  aussi  de  la  licence  qui  régnait  parmi  les 
étudiants  et  la  population  de  Wittenberg;  elle  lui  était  devenue  si 
insupportable,  que,  dans  l'été  de  1545,  il  écrivait  à  sa  «  Kétha  »: 
«  Sortons  de  cette  Sodome  !  Je  veux  errer  à  l'aventure  et  plutôt 
manger  le  pain  de  la  mendicité  que  d'empoisonner  mes  pauvres 
vieux  derniers  jours  par  le  spectacle  des  désordres  de  Witten- 
berg.»Il  ne  fallut  rien  moins  que  l'intervention  du  prince  électeur 
pour  le  faire  rentrer  dans  cette  ville,  qu'il  avait  convertie  et  que 
maintenant  il  détestait  si  fort.  De  quelque  côté  qu'il  se  tournât, 
il  ne  trouvait  qu'amertume  et  désenchantement.  L'Éghse 
catholique  était  encore  debout,  malgré  toutes  les  pertes  qu'il 
lui  avait  infligées  ;  le  parti  religieux  de  la  Suisse  se  propageait 
de  plus  en  plus  en  Allemagne,  et  sa  propre  Église  n'était  pas 
soumise  à  sa  direction.  Les  fruits  de  la  nouvelle  doctrine 
l'empoisonnaient  lui-même  ;  il  avouait  que  son  moral  avait  dé- 
cUné,  qu'il  n'était  pas  exemptde  doutes,  d'angoisses  et  de  remords 
de  conscience  :  sa  foi  n'avait  pas  jeté  d'assez  profondes  racines. 

OÜVEAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE    N°   97. 

Nouvelle  édition  du  Journal  de  Lauterbach  (§  1),  éd.  Dresde  ;  Menzel, 
II,  p.  427  et  suiv.;  Dœllinger,  Réf.,  I,  p.  334  et  suiv.,  224  et  suiv., 
278  et  suiv.,  306  et  suiv.;  [II,  p.  270,  307,  244  et  suiv.,  372  et  suiv.; 
Hist.-pol.  BL,  t.  LX,  p.  131.  Sur  la  querelle  avec  les  juristes,  voy. 
Walch,  th.  xxn,  p.  1049,  2158  et  suiv.;  Kœhler,  Luther  und  die 
Juristen,  Gotha,  1873.  Lettres  à  l'électeur  Jean  Frédéric,  18  janv.  1349; 
à  Mélanchthon,  6  févr.  1Ö46  (de  Wette,  V,   p.  422,  713,  721,  783); 


342  fflSTOiRE  DE  l'Église. 

Corp.  Reform.,  V,  310,  314;  Propos  de  table,  éd.  d'EisIeb..  in-f,  5b7, 
559,  561  et  seq.,  566,  571.  Luther  s'exprimait  avec  beaucoup  de  sévé- 
rité, en  1537,  contre  les  adoucissements  que  Mélanchthon  avait 
apportés  à  sa  doctrine;  celui-ci  gémissait  sur  la  «  Servituten!  pœne 
deformem  »(Corp.  Ref.,  VI,  889),  et  appelait  Luther  un  Hercule  ou  un 
Philoctète  en  fureur  (ibid.,  V,  310).  Quand  Major  partit  en  1545  pour 
le  colloque  de  Ratisbonne ,  il  trouva  dans  le  cabinet  d'étude  de 
Luther  ces  mots  écrits  de  sa  main  :  «  Nostri  professores  examinaudi 
sunt  de  cœna  Domini  »  ;  ils  s'appliquaient  à  Mélanchthon  et  à  ses 
amis.  Voyez  encore  la  lettre  de  Cruciger  à  Veit  Dietrich  (Corp. 
Reform.,  III,  398).  Sur  l'immoralité  à  Wittenberg  :  Œuvres  de  Luther, 
éd.  d'Altenb.,  VIII,  p.  343;  Walch,  th.  xi,  p.  3096;  th.  xii,  p.  789, 
895,  1227;  de  Wette,  II,  p.  271;  V,  p.  615,  722,  753  (lettre  à 
Catherine,  de  1545),  p.  43  (lettre  à  J.  Jonas,  18  juin  1543).  Sur  les 
vices  régnants  :  Walch,  th.  xiii,  p.  19,  2193.  Doutes  de  Luther  :  Mathe- 
sius,  12''  sermon,  p.  131,  «. 

Continuation  de  la  polémique  de  Luther. 

98.  Luther  continua  sa  polémique  avec  un  redoublement  de 
véhémence.  Parvenu  à  l'âge  de  soixante  ans,  il  disait  qu'il  ren- 
drait au  tribunal  de  Jésus- Christ  ce  témoignage  d'à  voir  condamné 
et  évité  avec  tout  le  sérieux  possible  les  visionnaires  ennemis 
du  Sacrement  :  Carlostadt,  Zwingle,  Œcolampade,  Stenkfeld 
(Schwenkfeld),  ainsi  que  leurs  disciples  de  Zurich  et  d'ailleurs, 
avec  leur  abominable  hérésie.  Dans  soixante-seize  thèses  de  son 
écrit  co7itre  les  trejite-deiix  articles  des  théologiens  de  Louvam, 
il  attaqua  violemment  les  dogmes  de  la  foi  catholique  qu'il 
rejetait,  et  plutôt  que  d'écrire  (comme  on  le  lui  demandait)  un 
livre  sur  la  discipline  de  l'Église,  il  composa  sa  Papauté  fondée 
par  le  diable,  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  une  imagination 
échauffée  par  des  boissons  spiritueuses.  La  caricature  que  Luc 
Kranach  avait  faite  de  la  papauté,  ne  lui  suffisait  point  :  il  n'y 
avait  pas  encore  là  assez  de  figures  de  diables.  Mécontent 
lui-même  de  son  propre  ouvrage,  où  la  fureur  atteint  cepen- 
dant aux  extrêmes  limites  de  la  folie,  il  voulut  écrire  une 
dernière  fois  contre  le  pape;  mais  il  en  fut  empêché  par  les 
douleurs  de  la  pierre,  qu'il  souhaitait  au  pape  et  aux  cardinaux. 
Tout  lui  semblait  permis  quand  il  s'agissait  de  berner,  d'inju- 
rier le  Saint-Siège. 

Pour  donner  à  sa  rage  un  plus  libre  cours,  Luther  se  dé- 


LE   PROTESTANTISME.  343 

chaîna  aussi  contre  les  juifs.  Il  invita  formellement  les  chrétiens 
à  réduire  en  cendres  leurs  synagogues,  à  leur  enlever  tous  leurs 
livres,  la  Bible  même,  à  leur  interdire  tout  culte  religieux  sous 
peine  de  mort,  à  les  maltraiter  et  à  les  expulser.  Dès  le  début 
de  son  livre  Sckejn  Hamphoras,  il  traite  les  juifs  de  jeunes 
diables  condamnés  à  l'enfer,  et  il  entre  dans  des  descriptions 
tellement  grossières,  que  ses  partisans  se  sont  efforcés  plus 
tard  de  les  faire  disparaître.  Dans  beaucoup  de  ses  propos  de 
table  qui  ont  été  recueillis,  il  montre  un  grand  attrait  pour  les 
plaisanteries  obscènes,  les  altérations  malicieuses,  les  injures 
arrogantes,  tandis  qu'il  s'efforce  ailleurs,  en  suivant  la  Bible, 
de  prendre  un  ton  grave  et  onctueux.  Beaucoup  trouvaient, 
avec  Érasme,  qu'il  y  avait  en  lui  deux  personnes  :  un  orateur 
populaire,  éloquent  et  enthousiaste;  un  bouffon  effronté  et 
ridicule. 

ODVBAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES  CRITIQUES  SUR  LE  N°  98. 

Articuli  Lovanienses  hœresira  Lutheri  damnantes  :  Rayn.,  an.  1544, 
n.  35;  Le  Plat,  III,  p.  2o0  et  seq.  Confirraatio Caesarea,  14  mars  1545, 
ib.,  p.  262  et  seq.  Luther  contre  les  théologiens  de  Louvain,  1545, 
éd.  Erl.,  t.  LXV,  p.  169  etsuiv.  On  demande  à  Luther  un  ouvrage  sur 
la  discipline  ecclésiastique  :  de  Wette,  V,  p,  701.  «  La  Papauté  fondée 
par  le  diable,  »  éd.  Erlang.,  t.  XXVI.  Cfr  Dœllinger,  t.  I,  p.  348. 
Sur  le  pape  et  la  caricature  de  Luc  Kranach,  voy.  de  Wette,  V 
p.  742  et  suiv.,  745,  763.  On  connaît  ce  mot  de  Luther  :  Nos  hic 
persuasi  sumus  ad  Papatum  decipiendum  omnia  licere  »  (à  Jean 
Lange,  1520  :  de  Wette,  I,  p.  478),  et  cette  prophétie  trouvée  dans 
une  lettre  après  son  départ  de  Smalkalde  (ibid.,  V,  p.  57),  répétée 
peu  de  temps  avant  sa  mort  et  gravée  plus  tard  sur  des  médailles 
jubilaires  :  «  Pestis  eram  vivens,  moriens  tua  mors  ero,  Papa.  »  Voyez 
la  lettre  du  10  janvier  1527  (de  Wette,  III,  p.  154).  Polémique  contre  les 
juifs  :  Walch,  th.  xx,  p.  2529;  de  Wette,  V,  p.  610  ;  ibid.,  p.  784,  à 
Kétha,  du  1<=''  février  1546  ;  Quand  les  principales  affaires  seront 
écrites,  il  travaillera,  dit-il,  à  expulser  les  juifs.  Cf.  Dœllinger,  Luther, 
loc.  cit.,  p.  671  et  suiv. 

Contradictions  de  Luther  au  sujet   de  sa  mission. 

99 .  Les  contradictions  abondaient  également  dans  sa  vie  et 
dans  sa  doctrine;  elles  éclataient  surtout  quand  il  s'agissait  de 
prouver  l'origine  divine  de  sa  mission  et  de  sa  vocation.  Il 


34-4  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

changea  quatorze  fois  d'opinion  dans  l'espace  de  vingt-quatre 
ans.  En  1521,  il  avait  la  confiance,  disait-il,  sans  en  être  sûr 
pourtant,  d'avoir  commencé  sa  mission  au  nom  de  Dieu,  mais 
il  n'aimerait  pas  à  en  rendre  compte  au  tribunal  de  Dieu.  Peu 
de  temps  après,  il  exigea  de  ceux  qui  voulaient  annoncer  la 
parole  divine  une  mission  particulière.  En  1522,  il  croyait 
qu'une  telle  mission  n'était  pas  nécessaire  pour  prêcher  et 
enseigner  ,  tandis  (ju'il  affirmait  dans  ses  sermons  contre 
Carlostadt  qu'il  fallait  être  appelé  à  l'office  de  la  prédication,  que 
quiconque  prêchait  sans  y  être  appelé  ne  pourrait  résister  au 
diable  et  serait  précipité  en  enfer  :  c'est  pourquoi  il  voulait 
tenir  une  seringue  devant  le  nez  du  diable,  afin  que  le  monde 
lui-même  lui  devînt  trop  étroit,  car  il  savait  bien  que«  le  conseil 
de  Wittenberg  »  l'avait  appelé  à  prêcher  malgré  sa  résistance. 

Quelques  semaines  après,  ce  n'était  plus  le  conseil  de  Witten- 
berg, mais  Jésus-Christ  même,  qui  l'avait  appelé  à  prêcher  ;  et  il 
se  réjouissait  qu'on  lui  eût  enlevé  le  titre  de  docteur  et  tous  les 
autres  masques  papistes.  La  même  année  encore,  il  traitait  de 
menteurs  et  de  diables  ceux  qui  volaient  du  ciel  dans  l'Église 
et  se  prétendaient  appelés  de  Dieu  sans  intermédiaire,  et  il 
alléguait  de  nouveau  la  vocation  qu'il  avait  reçue  de  la  commune 
de  Wittenberg. 

En  1523,  il  crut  une  première  fois  qu'une  vocation  divine 
n'était  pas  nécessaire  pour  prêcher,  et  une  seconde  fois,  que 
cette  vocation  devait  être  conférée  par  la  commune. 

11  en  était  encore  là  en  1530,  mais  il  invoquait  de  nouveau 
son  doctorat.  C'était  souvent  pour  lui  une  source  de  consolation, 
bien  qu'il  ne  l'eût  reçu  que  pour  l'enseignement  scientifique  et 
à  la  condition  qu'il  s'en  tiendrait  à  la  doctrine  de  l'Église  et  à 
l'Écriture  interprétée  par  elle.  Si  je  n'étais  pas  docteur  de  la 
sainte  Écriture,  disait-il,  je  ne  pourrais  rien  contre  les  évêques 
ni  contre  le  diable.  En  1531,  il  ne  reconnaissait  plus  à  la 
commune  le  pouvoir  de  décerner  la  mission  de  prédicateur  ;  il 
disait  que  celui  qui  avait  été  une  fois  nommé  curé  par  la 
commune,  pouvait  désormais  établir  des  prédicateurs  de  son 
propre  chef,  et  que  la  commune  entière  ne  pouvait  pas  l'en 
empêcher.  En  1532,  il  essaya  de  concilier  la  mission  de  la 
commune  avec  celle  du  curé  ;  puis  il  en  appela  derechef  à  son 
doctorat  académique,  où  il  avait  vu  autrefois  le  caractère  de  la 


LE  PROTESTANTISME.  345 

Bête.  Sans  ce  titre  il  ne  croyait  avoir  aucune  vocation  sur  la- 
quelle il  put  s'appuyer  avec  sécurité. 

En  1538,  son  doctorat  n'était  plus  le  fondement  de  sa  voca- 
tion, mais  seulement  un  pouvoir  qui  l'autorisait  sans  le  papisme 
à  prêcher  partout  où  il  serait  régulièrement  appelé,  après  qu'il 
se  serait  acquitté  de  ses  autres  fonctions  ;  le  doctorat  ne  suffisait 
pas  en  soi,  il  devait  être  complété  par  une  vocation  régulière, 
émanée  des  princes  et  des  autorités  temporelles.  Enfm,  il  en 
revint  à  soutenir  que  la  vocation  régulière  appartenait  aux 
évêques  comme  successeurs  des  apôtres  et  durerait  jusqu'à  la 
fin  du  monde,  bien  qu'il  eût,  dans  le  principe,  refusé  aux 
évêques  le  droit  d'ordonner  ou  d'appeler  à  la  prédication. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N°  99. 

J.  Faber,  de  Antilogiis  Lutheri  (cf.  Rayn.,  an.  I.ö3i,  n.  57);  George 
Wizel,  Retectio  Lutheristni,  éd.  1538.  Voy.  aussi  Dœllinger,  Réf.,  I, 
p.  112;  J.  Cochlée,  Lutherus  septiceps  ubique  sibi  et  suis  scriptis  con- 
trarius, Lips.,  1529;  Par.,  1364;  Gaspard  Querhammer,  1533  (Dœllin- 
ger, Réf.,  I,  p.  331,  n.  214);  Frint,  Theol.  Ztschr.,  1812  et  suiv.; 
Hist.-pol.  El.,  t.  VI,  p.  366;  t.  XI,  p.  413.  Le  12  mai  1531,  Luther 
disait,  après  avoir  délibéré  avec  Mélanchthon  :  «  Defînimus  baptis- 
mum  conditionalem  simpliciter  toUendum  esse  de  Ecclesia  )>  ;  mais  le 
lendemain  :  a  Conditionalem  baptismum  non  possum  damnare  • 
(de  Wette,  IV,  p.  254,  256).  Changement  d'opinion  sur  sa  mission  : 
Dœllinger,  Réf.,  III,  p.  205-215.  Déclarations  de  1521  et  1522  dans 
Walch,  th.  xvin,  p.  1351;  th.  xx,  p.  63  et  suiv.  (cf.  0pp.  lat.,  Jan., 
II,  553);  th.  XV,  p.  2379;  th.  xi,  p.  2548,  et  th.  xx,  p.  2074  et  suiv.; 
de  1523-1330,  Walch.,  th.  ix,  p.  703;  x,  p.  1802;  v,  p.  1061  et  suiv. 
Autres  paroles  :  Walch,  th.  x,  p.  1895;  xx,  p.  2074  et  suiv.,  2080; 
0pp.  lat.,  Jen.,  IV,  96  ;  VIII,  842. 

Contradictions  de  Luther  sur  la  nécessité  d'accréditer  sa 
vocation  par  des  miracles. 

100.  Le  langage  de  Luther  sur  la  confirmation  de  sa  doctrine 
par  des  miracles  n'était  pas  moins  contradictoire.  Avec  les 
théologiens  catholiques,  il  enseignait  que  celui  qui  s'attribue 
une  mission  extraordinaire,  doit,  comme  les  apôtres,  attester  sa 
vocation  par  des  signes  et  des  miracles.  Ce  qu'il  exigeait  des 
sacrameutaircs  et  autres  hérétiques,  les  cathoUques  l'exigèrent 


V 


346  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

de  lui,  et  il  commença  par  sentir  qu'ils  avaient  réellement  autant 
de  droit,  plus  de  droit  même,  de  réclamer  de  lui  une  pareille 
légitimation.  Il  disait  dans  un  sermon  :  «  Si  la  nécessité  l'exi- 
geait, si  les  catholiques  voulaient  inquiéter  et  persécuter 
l'Evangile,  il  faudrait  vraiment  nous  y  mettre  et  produire 
aussi  des  signes,  plutôt  que  de  laisser  injurier  et  asservir  nous 
et  l'Évangile.  Je  crois  pourtant  que  cela  ne  sera  pas  nécessaire 
et  qu'on  n'en  viendra  pas  là.  »  Mais  bientôt  il  repoussa  hardi- 
ment ces  sortes  d'exigences  :  il  voulait,  disait-il,  traiter  les 
papistes  comme  Jésus- Christ  avait  traité  les  juifs  {Matth.,  xii, 
39),  en  ne  leur  faisant  voir  aucun  signe;  il  avait  même  prié 
Dieu  de  n'opérer  par  lui  et  pour  lui  aucun  miracle,  afin  qu'il 
ne  s'enorgueillît  point.  Moi  et  les  miens,  disait-il  en  1538,  nous 
n'avons  pas  besoin  de  miracles,  car  nous  possédons  les  pro- 
phéties relatives  à  l'Antéchrist  et  à  son  royaume,  et  nous  pou- 
vons prédire  avec  sûreté  la  suite  entière  des  destinées  du 
papisme  et  sa  ruine. 

Quelquefois  cependant  Luther  ne  dédaignait  pas  de  signaler 
quelques  miracles,  comme  1°  l'absolution  donnée  par  la  bouche 
des  prédicants  luthériens,  par  qui  Dieu  enlève  chaque  jour 
leur  proie  à  l'enfer,  au  péché  et  à  la  loi  ;  2*  l'évasion  de  beau- 
coup de  nonnes  de  leurs  couvents  bien  gardés,  évasion  accom- 
plie par  la  vertu  de  l'Évangile  et  mal  jugée  par  les  impies; 
3°  des  phénomènes  étranges  dans  l'ordre  naturel,  comme  les 
étoiles  filantes,  les  feux  follets,  les  orages,  les  avortements; 
4°  la  propagation  étonnante  de  la  nouvelle  doctrine,  l'accueil 
favorable  qui  lui  était  fait  et  la  discorde  qu'elle  avait  suscitée 
dans  le  monde.  11  ne  songeait  pas  que  la  même  chose  était 
arrivée  à  beaucoup  d'erreurs  que  le  monde  avait  longtemps 
applaudies,  même  aux  plus  grossières  hérésies  ;  qu'on  pouvait 
trouver  le  secret  des  applaudissements  qu'il  recevait,  dans  la 
situation  morale,  déplorée  par  lui-même,  de  la  nouvelle  com- 
munauté; que  ses  adversaires,  les  Zwinglions  et  autres 
«  bandes  »,  pouvaient  présenter  les  mêmes  résultats;  que 
beaucoup  de  ses  partisans  l'avaient  abandonné,  et  qu'il  repro- 
chait lui-même  aux  Allemands  leur  amour  des  innovations. 
5"  Luther  invoquait  aussi  l'intervention  merveilleuse  do 
Dieu  en  sa  faveur  :  il  avait  été  sauvé  de  tous  les  dangers  et 
avait  déjoué  les  desseins  des  papistes  contre  lui.  Convaincu  de 


LE   PROTESTANTISME.  347 

ses  hautes  capacités  pour  l'enseignement  et  de  la  sublimité  de 
sa  vocation,  et  néanmoins  rempli  de  soupçons  continuels  et 
persuadé  que  la  majeure  partie  des  hommes  était  sous  l'empire 
du  diable,  il  se  figurait  toujours  que  ses  adversaires  conspi- 
raient contre  sa  vie.  Il  disait  souvent  qu'il  avait  bu  du  poison 
sans  en  avoir  rien  souffert,  et  il  attribuait  à  un  empoisonne- 
ment les  suites  naturelles  d'un  souper  trop  copieux;  les  chaires, 
les  sièges  sur  lesquels  il  avait  prêché,  il  les  croyait  empoisonnés, 
et  il  se  glorifiait  d'en  être  toujours  sorti  sain  et  sauf.  Enfin, 
6°  pour  avoir  aussi  sa  prophétie,  il  s'appuyait  sur  une  pré- 
tendue prédiction  de  «  saint  Jean  Hus  »,  selon  laquelle,  au  bout 
decentans,  l'oie  serait  suivie  d'un  cygne  qu'on  ne  pourrait  tuer. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N"   100. 

Walch,  th.  m,  p.  1075;  ix,  p.  1009,  1295;  xi,  p.  1907;  vi,  p.  125; 
vui,  p.  579;  XX,  p.  2519.  Miracles  et  prophéties  en  faveur  de  la  nouvelle 
doctrine  :  Walch,  th.  vi,  p.  295;  xix,  p.  2097,  2119  et  suiv.;  Colloq. 
Rebenst.,  I,  107.  Sur  la  question,  voy.  aussi  Hieron.  Welleri  (mort 
en  1572)  Opera,  ed.  ups.,  1702,  I,  830;  111,  178;  Joh.  Fincelius,  Wun- 
derzeichen  v.  J.,  1517-1556,  Nurnb.,  1556;  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  192, 
421.  Prétendue  prophétie  de  Hus  :  Walch,  th.  xvi,  p.  2061.  Luther 
écrivait  des  Allemands  (Œuvr.,  part.  XX,  p.  957)  :  «  Voici  les  com- 
pagnons que  nous  sommes,  nous  autres  Allemands  :  une  chose  est-elle 
nouvelle,  nous  tombons  sur  elle  et  nous  nous  y  attachons  comme  des 
fous,  et  si  quelqu'un  veut  s'y  opposer,  nous  devenons  encore  plus 
enragés  ;  si  personne  ne  nous  contrarie,  nous  nous  en  lassons  bientôt  et 
courons  à  autre  chose.  » 


Caractère  de  Luther. 

101.  D'une  humeur  hautaine  et  impérieuse,  le  réformateur 
ne  souffrait  point  de  contradiction;  le  sentiment  de  son  élo- 
quence et  de  sa  supériorité  intellectuelle  lui  donnait  une  con- 
fiance sans  bornes,  surtout  dans  la  chaleur  de  ses  nombreuses 
controverses.  Mais  dès  qu'il  était  abandonné  à  lui-même,  cette 
confiance  factice  disparaissait  devant  les  angoisses  de  sa  cons- 
cience bourrelée.  Il  essayait  de  les  surmonter  en  se  figurant 
que  c'était  le  diable  qui  lui  suggérait  de  tels  reproches  pour  le 
tromper  et  le  jeter  dans  le  désespoir.  Il  voyait  partout  le  démon 


348  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

s'attaquer  personnellement  à  lui,  et  il  y  cherchait  une  diversion 
en  se  déchaînant  contre  la  papauté. 

Dominé  par  des  pensées  de  sorcellerie  et  autres  superstitions, 
il  traitait  ses  adversaires  sans  aucun  ménagement  et  poussait 
la  calomnie  jusqu'à  étonner  ses  contemporains;  il  n'y  avait 
guère  que  ses  admirateurs  aveugles  qui  se  consolassent  par 
l'idée  qu'un  tel  génie  n'avait  d'autre  règle  que  lui-même,  et 
qu'il  fallait  lui  pardonner  ce  qu'on  aurait  blâmé  dans  les  autres. 
Il  prouva  d'une  façon  étonnante  l'empire  qu'exerçaient  sur  lui  ses 
instincts  naturels  :  il  aimait  «  le  vin,  les  femmes  et  le  chant  » 
outre  mesure.  Impétueux  et  colère,  il  n'épargnait  personne  ;  il 
fallait  que  tout  lui  fût  assujetti,  jusqu'à  sa  chère  Ecriture,  qu'il 
exaltait  si  fort.  Son  enthousiasme  pour  elle  ne  l'empêchait  pas 
de  la  maltraiter  souvent  d'une  façon  horrible,  comme  dans 
l'Épître  de  saint  Jacques,  qu'il  rejeta  constamment,  tandis  que 
Mélanchthon  et  d'autres  cherchaient  à  l'appliquer  dans  leur 
sens  —  dans  ses  traductions,  dans  ses  commentaires,  dans  ses 
procédés  artificiels  d'interprétation  —  et  enfin  dans  les  endroits 
où  il  exalte  le  Christ  comme  le  maître  et  le  seigneur  de  l'Écri- 
ture, qu'il  faut  placer  au-dessus  de  toutes  les  paroles  de  la 
Bible.  S'il  était  plus  franc  et  plus  désintéressé  que  les  autres 
réformateurs,  infatigable  au  travail,  éloquent  et  spirituel,  orné 
d'une  foule  de  talents;  s'il  a  rendu  service  à  la  langue  alle- 
mande par  quelques-uns  de  ses  sermons  et  par  ses  cantiques, 
il  faut  avouer  aussi  que  ses  nombreuses  contradictions,  le 
défaut  d'empire  sur  lui-même,  de  réflexion,  de  charité  et 
d'humilité,  le  rendaient  peu  propre  à  devenir  le  réformateur 
de  l'Église. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    101. 

Riffel,  1,  p.  164  et  suiv.,  310,  315  et  suiv.,  371;  Dœllinger,  III. 
p.  243  et  suiv.  Foi  au  diable  et  aux  sorciers  :  Walch,  th.  xi,  p.  412  et 
suiv.,  441,  1295;  xxi,  p.  1487;  xxii,  p.  1098.  1027,  1155,  1208;  Dœl- 
linger, Réf.,  III,  p.  256  et  siiiv.,  265,  n.  195.  Luther  sur  la  magie  : 
Hist.-pol.  m.,  1861,  t.  XLVII,  p.  890-918.  Injures  contre  la  papauté: 
Colloquia,  éd.  Fœrstemann,  III,  p.  102  et  suiv.,  116,  121,  136;  IV, 
p.  62;  Walch,  th.  xxii,  p.  1237.  Grossièreté  de  langage  :  Bullingcr, 
1543  et  1545  (dans  Dœllinger,  III,  p.  262  et  suiv.);  de  Wette,  11,  p.  49; 
IV,   p.  271,  276    (Érasme,    Capito,   rélecteur  Jean    Frédéric).  Sur 


LE   PROTESTANTISME.  349 

'Épitre  de  saint  Jacques,  Walch,  th.  xiv,  p.  104,  «  epistola  stra- 
minea  »  ;  Doellinger,  ill,  p.  306-358.  Comment  il  traite  la  Bible  :  Opp. 
lat.,  ep.  Witeb.,  I,  387,  et  ci-dessus,  §  33.  Substitution  de  sa  propre 
autorité  à  celle  de  l'Eglise  :  de  Wette,  II,  107,  139,  178.  Sur  le  boire 
et  le  manger  :  Luther  à  Jérôme  Weiler,  6  nov.  1530  (de  Wette,  IV, 
p.  188);  à  Kétha,  2  juill.  1540  (Buvckhardt,  Dr  M.-L.  Briefwechsel, 
Leips.,  1866,  p.  357)  ;  à  la  môme,  29  juill.  1534  et  6  févr.  1546  (de 
Wette,  IV,  p.  553;  V,  p.  786.  Voy.  encore  ibid.,  p.  780,  784,792); 
Walch,  th.  XI,  p.  730;  xxn ,  p.  133;  DœUinger,  Réf.,  III,  p.  240. 
Passages  sur  l'instinct  naturel,  dans  Walch,  th.  m,  p.  64;  vi,  p.  2750; 
xvni,  p.  2148;  xix,  p.  904;  xxii,  p.  1700.  Lettre  à  des  nonnes,  du 
6  août  1524  :  de  Wette,  II,  p.  535;  Dœllinger,  II,  p.  428  et  suiv.; 
Jarcke ,  ueber  Luthers  Eherecht;  Bist. -pol.  Bl.,  t.  XI,  p.  410-435; 
Studien  und  Skizzen  zur  Gesch.  der  Ref.,  Schaffhouse,  1846,  p,  83 
et  suiv.  Exagération  des  services  rendus  par  Luther  à  la  langue 
allemande  :  voy.  S.  Hasack  (VI,  §  238),  p.  584  ;  Lindemann,  dans  Bonner 
theol.  Liter.-Bl.,  1869,  p.  292.  Voy.  encore  en  général  Pallav.,  VI, 
X,  2;  (DoUer)  Luth.  kath.  Monument.,  Frankf. ,  1817;  Gœrres , 
Luthers  Werk  und  Luthers  Werke  (Catholique,  1827);  das  Luthermo- 
nument zu  Worms,  Mayence,  1868,  p.  169  et  suiv.;  Raumer,  Gesch. 
Europa's  seit  Ende  des  15  Jahrb.,  I,  p.  524  et  suiv. 

Derniers  jours  de  Luther. 

102.  Aveuglé  par  son  orgueil,  Luther  se  vantait  encore  en 
écrivant  son  testament  d'être  «  le  notaire  de  Dieu  et  le  témoin 
de  son  Évangile  »,  et  il  se  croyait  assez  d'autorité  pour  qu'on 
eût  confiance  en  lui  seul.  Le  17  janvier  154Ü,  il  se  complaisait 
dans  cette  béatitude  du  Psalmiste  :  a  Heureux  l'homme  qui  n'a 
point  été  dans  le  conseil  des  sacrameutaires,  qui  n'a  jamais 
marché  dans  les  voies  des  Zwingliens  et  ne  s'est  pas  assis  dans 
la  chaire  de  ceux  de  Zurich  1  »  Le  19  janvier,  il  s'exerçait  à 
écrire  «  contre  les  ânes  de  Paris  et  de  Louvain  ».  Le  16  février 
il  maudissait  les  juristes  comme  des  sycophantes,  des  sophistes 
et  la  peste  de  l'humanité.  A  Eisleben,  où  il  était  allé  pour  apla- 
nir un  différend  entre  les  comtes  de  Mansfeld  à  propos  de  mines 
de  cuivre,  il  sentit  sa  faiblesse  et  comprit  que  sa  tin  était 
proche.  Elle  arriva  en  effet  le  18  février  1546,  sans  qu'il  se  fût 
ahté.  Taudis  que  ses  membres  se  raidissaient  déjà  dans  les 
affres  de  la  mort,  il  donna  ce  conseil  à  ceux  qui  l'entouraient  : 
«  Priez  pour  Notre-Seigneur  Dieu  et  pour  son  Évangile,  afm 


350  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

que  tout  aille  bien,  car  le  concile  de  Trente  et  ce  malheureux 
pape  sont  furieux  contre  lui.  » 

Maudit  des  catholiques,  ses  partisans  relevèrent  jusqu'aux 
nues;  ils  le  glorifièrent  par  des  médailles,  des  discours,  des 
poésies,  et  même,  en  1760,  par  une  épopée.  Le  culte  du  réfor- 
mateur marcha  de  pair  avec  la  haine  du  pape  et  s'étendit 
jusqu'à  ses  reliques.  L'étranger,  qui  ne  connaissait  guère 
que  les  ouvrages  latins  de  Luther,  s'étonna  de  l'apothéose 
décernée  à  un  homme  qui  n'était  remarquable  ni  par 
son  érudition,  ni  par  l'entrainement  de  son  éloquence,  ni 
par  sa  pénétration,  et  qui  n'avait  pas  même  de  suite  dans  ses 
pensées.  Mais  sa  force  était  dans  ses  écrits  allemands,  composés 
en  vue  de  sa  nation  ;  ils  lui  procurèrent  les  plus  grands  succès, 
et  ce  désir  d'Érasme  s'accomplit  d'une  façon  que  lui-même  ne 
prévoyait  guère  :  ((  Puisse  la  médecine  amère  et  forte  que 
Luther  a  donnée  au  monde,  contribuer  à  ramener  la  santé  dans 
la  vie  de  l'Église!  » 

OUVRAGES   A   CONSDLTEn   ET    REMARQUES  CRITIQUES   SUR   LE   N*    i02. 

Testament  de  Luther  :  Seckendorf,  1.  111,  p.  651.  Sa  un  :  de  Wette, 
V,  p.  778,  785;  J.-G.  Walter,  Ergœnzte  und  Verbesserte  Nachrichten 
von  den  letzten  Thaten  des  sei.  Dr  M.  Luther,  léna,  1749-1756,  II 
part.;  Mœhuike,  Luthers  Lebensende,  Stralsund,  1817  (avec  de  nom- 
breux témoignages  et  discours  funèbres);  Keil,  Luthers  Lebensum- 
stände, III,  p.  267;  Pasig,  Luthers  letzte  Lebenstage,  Tod  und  Begrœb- 
nisz,  Leipzig,  1846;  Dœllinger,  Luther  (Skizze),  p.  673;  Reform.,  I, 
p.  337-348;  III,  p.  274.  Sur  le  culte  de  Luther  :  J.  Mathesius,  Luthers 
Leben  in  17  Predigten  dargestellt,  nouv.  éd.,  Berlin,  1855;  R.-E. 
Fœrstemann,  Denkmale,  dem  Dr  Luther  von  seinen  Zeitgenossen 
errichtet,  Nœrdl.,  1846.  Ce  culte  est  attesté:  1»  par  l'habitude  cons- 
tante des  théologiens  ultérieurs  d'invoquer  l'autorité  de  Luther  dans 
les  controverses;  2°  par  les  quahtications  qu'on  lui  donnait  de  «  cher 
homme  de  Dieu  »,  de  «  Divus  »  Dr  Martinus  Luth.,  de  Theander  Luthe- 
rus  (comme  Cyriaque  Spongenberg,  né  en  1528,  surintendant  à  Mansfeld 
en  1553,  réfugié  à  Strasbourg  en  1575,  mort  en  1604  (DœlHnger, 
Reform.,  II,  p.  270  et  suiv.);  3°  par  la  vénération  accordée  aux  objets 
laissés  par  lui  ou  qui  le  rappelaient,  surtout  à  la  Wartbourg,  près 
d'Eisenach,  et  à  Cobourg,  dans  les  chambrettes  de  Luther;  on  alla 
même  jusqu'à  faire  des  pèlerinages  ä  ses  reliques  ;  4"  par  les  médailles 
gravées  à  son  sujet.   Voyez   l'ouvrage  :  das  Güldene   und  Silberne 


LE  PROTESTANTISME.  3ol 

Ehrengedfcchtnisz  des  Theuren  Gotteslchrers  D.  M.  Lutheri,  in  wel- 
chem dessen  Leben,  Tod,  Familie  und  Reliquien  —  umstaendlicli 
beschrieben  und  —  aus  mehr  als  200  Medaillen  oder  Schaumünzen 
und  Bildnissen  von  rarer  Guriositset,  mit  auserlesenen  Anmerkungen 
crkla-rl  durch  Christian  Junker  Dresdensem  ,  Hochfürstl.  saechs. 
Henneberg,  gesammten  historiographum.  Frankf.  u.  Leipz.,  1706 
(il  y  a  là,  en  effet,  quantité  de  choses  curieuses).  La  «  Luthériade  » 
parut  à  Aurich,  en  1760  et  suiv.,  chez  Jean  Gottlob  Luschky,  en  deux 
parties  (p.  183,  192)  et  douze  chants.  Commencement  :  «  Lenk, 
Dichtkunst,  meinen  Kiel,  mit  lehrerfüllten  Bildern  — Der  Waltung 
groszes  Werk  der  Nachwelt  abzuschildern  —  Wie  Gott  durch  seinen 
Knecht  zum  Trost  der  Seligkeit  —  Der  Kirchen  Heiligthum  von  Mens- 
chentand befreit,  u.  s.  f.  »  Ainsi  s'accomplit  cette  prophétie  du  réfor- 
mateur :  «  Adorabunt  stercora  nostra  et  pro  balsamo  habebunt.  » 
Erasm.  Episl.,  p.  601  et  seq. 

Succès  de  l'empereur  contre  les  alliés  de  Smalkalde. 

i03.  Charles-Quint  était  aigri  de  l'insuccès  de  ses  efforts  pour 
amener  une  conciliation  avec  les  princes  protestants,  et  blessé 
des  outrages  infligés  à  l'autorité  impériale.  Débarrassé  de  ses 
ennemis  du  dehors  par  uq  armistice  avec  les  Turcs  et  par  la 
paix  conclue  avec  la  France,  il  prit  une  attitude  menaçante 
contre  l'alliance  de  Smalkalde.  Appuyé  de  la  Bavière,  des 
princes  catholiques  et  des  princes  luthériens  qui  ne  faisaient 
point  partie  de  l'alliance,  il  déclara  à  ceux  qui  le  questionnaient 
sur  ses  préparatifs,  que  les  esprits  dociles  ressentiraient  la 
faveur  impériale,  mais  qu'il  allait  faire  sentir  sa  puissance 
aux  rebelles. 

L'électeur  de  Saxe  et  le  landgrave  Philippe  s'étant  dirigés 
vers  le  sud  à  la  tète  de  quarante  mille  hommes,  l'empereur  les 
mit  au  ban  de  l'empire  comme  des  perturbateurs  de  la  paix  et 
des  rebelles  (20  juillet  154-0),  résolu  à  défendre  par  les  armes 
l'honneur  de  l'empire  ou  à  succomber  comme  empereur.  Le 
pape,  avec  qui  il  avait  conclu  une  alliance,  lui  envoya  de 
l'argent  et  des  troupes  pour  six  mois  et  lui  fit  différentes 
concessions.  Paul  lll  s'associa  à  la  guerre  déclarée  par  l'empe- 
reur et  invita  les  catholiques  à  lui  prêter  secours.  Les  alliés  de 
Smalkalde  essayèrent  en  vain  de  barrer  la  route  aux  armées 
impériales  qui  s'avançaient  contre  eux  :  ils  manquaient  de  bons 
généraux  et  négligèrent  les  occasions  favorables.  Sébastien 


332  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Schsertlin  deßurtenbach,  qui  occupait  Füssen,  fut  rappelé  pour 
défendre  la  ville  d'Augsbourg.  Après  que  l'empereur  eut  sensi- 
blement renforcé  son  armée  à  Ratisbonne,  à  Landshut  et  à 
Ingolstadt,  et  pris  plusieurs  villes  sur  le  Danube,  les  alliés 
n'osèrent  point  lui  livrer  bataille. 

Maurice,  duc  de  Saxe,  d'accord  avec  l'empereur,  qui  lui  avait 
promis  la  dignité  électorale,  s'éleva  contre  le  prince  électeur; 
avec  le  roi  Ferdinand,  il  envahit  la  Saxe  électorale;  mais  ils 
n'auraient  pu  s'y  maintenir,  si  Charles-Quint  lui-même  ne  fût 
venu  à  leur  secours.  Le  24  avril  1547,  l'empereur  défit  le 
prince  électeur  à  Lochau,  près  de  Mühlberg  sur  l'Elbe,  le  fit 
prisonnier,  et,  après  l'avoir  condamné  à  mort  comme  traître  à 
l'empire,  lui  fit  grâce  en  l'obligeant  à  renoncer  à  sa  dignité 
d'électeur  et  en  le  condamnant  à  subir  le  genre  de  captivité 
qu'il  plairait  à  l'empereur  de  lui  infliger,  Maurice,  son  cousin, 
devint  prince  électeur  et  obtint  la  plupart  de  ses  possessions. 
Philippe  de  Hesse  conserva  ses  États  en  demandant,  à  Halle, 
pardon  à  l'empereur  ;  mais  il  demeura  sous  sa  tutelle. 

Charles-Quint  était  alors  au  comble  de  sa  gloire.  La  même 
année  vit  mourir  ses  deux  rivaux,  les  rois  de  France  et  d'An- 
gleterre. Cependant  il  ne  tira  pas  d'autres  avantages  de  sa 
victoire  et  ne  changea  rien  à  la  constitution  de  l'empire  ;  il  ne 
punit  point  les  États  catholiques  qui  ne  l'avaient  pas  assisté,  et 
il  ne  força  point  les  protestants  à  rentrer  dans  le  giron  de 
l'Église.  11  lui  suffisait  d'avoir  divisé  leur  puissance,  rétabli 
Jules  de  Pflug  dans  son  évêché  de  Naumbourg,  restauré  le 
catholicisme  dans  l'archevêché  de  Cologne.  Son  dessein  était 
de  conclure  une  paix  agréable  aux  protestants,  d'autant  plus 
qu'il  était  mécontent  du  pape,  qui  avait  hésité  à  prolonger 
l'alliance  au  delà  des  six  mois  convenus. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    103. 

Rayn.,  an.  1546,  n.  94  et  seq.;  Pallav.,  VIII,  1  et  seq.;  Le  Plat,  III, 
434-436,  437-446;  Sarpi,  lib.  II,  §  72;  Walch,  th.  xvii,  p.  1832  et 
suiv.;  Kervyn  de  Letlenliove,  Aufzeichnungen  K.  Caris  V,  Leipzig,  1862; 
Dœllinger,  Beilr.,  I,  p.  40-53;  Hortleder,  t.  Il,  liv.  III,  p.  618  et  suiv. 
Décret  impérial,  d.  d.  Ratisb.,  20  juill.  1546,  et  décr.  de  déc.  contre  le 
duc  de  Wurtemberg  :  Rayn.,  an.  1546,  n.  109,  116;  Le  Plat,  III, 
459-465,  470  et  seq.  Lettre  de  félicitation  du  pape,  22  janv.  et  30  mai 


LE   PROTESTANTISME.  353 

1547  :  Rayn.,  an.  Iö47,  n.  98,  101  ;  Le  Plat,  III,  503  et  seq.,  644  et 
seq.;  Camerarii  Com,  belli  Smalkald.  gr.  scr.,  Freher,  t.  III,  p.  557; 
Hahn,  Gesch.  des  schmalkaldischen  Krieges,  Leipz.,  1837;  don  Luis 
de  Avila  y  Zuniga,  Gesch.  des  schmalkald.  Krieges,  de  l'espagnol, 
Berlin,  1853;  Jahn,  Gesch.  des  schmalkald.  Krieges,  Leipz.,  1857; 
Th.  Herberger,  Seb.  ScherUin  v.  Burtenbach  und  seine  an  die  Stadt 
Augsburg  geschriebenen  Briefe,  Augsb.,  1852;  Leben  und  Thaten  des 
H.  Seb.  Schertlin  v.  Burtenb.  Durch  ihn  selbst  beschrieben,  ed.  von 
Ottmar  F. -H.  Schœnhuth,  Münster,  1858;  de  Langenn,  Moritz,  Churf. 
V.  Sachsen  u.  seine  Zeit,  Leipzig,  1841,  2  vol.;  Cornélius,  zur  Erlaeu- 
terung  der  Pohtik  des  Chursiirsten  Moritz  von  Sachsen  (Münch.  Bist. 
Jahrbuch  1866,  p.  259  et  suiv.);  W.  Wenck,  die  Wittenberger  Capi- 
tulation von  1547  (Sybels  bist.  Ztschr.,  1868,  t.  XX,  p.  53  et  suiv.); 
Maurenbrecher,  zur  Beurtheilung  des  Moritz  v.  S.,  (ibid.,  p.  271  et 
suiv.);  K.-A.  Menzel,  II,  p.  451  et  suiv.;  III,  p.  1  et  suiv.;  Riffel,  II, 
p.  733  et  suiv. 

Mésintelligence  entre  l'empereur  et  le  pape. 

104.  Paul  III,  de  son  côté,  avait  de  nombreux  griefs  contre 
l'empereur.  1°  Charles-Quint  voulait  prononcer  en  maître  sur 
les  questions  même  religieuses;  il  cherchait  à  empêcher  à 
Trente  les  débats  sur  la  justification,  et  quand  le  décret  eut  été 
rendu,  il  le  combattit;  il  protesta  avec  menaces  contre  la  trans- 
lation du  concile  prononcée  parla  majorité  des  prélats  (il  mars 
1547).  'i"  Il  élevait  des  prétentions  exagérées  au  sujet  des  sub- 
sides qu'il  réclamait  sur  les  biens  ecclésiastiques  en  Espagne; 
le  gouvernement  même  de  Madrid  les  désapprouva  et  conseilla 
de  les  abaisser.  3°  11  refusa  de  reconnaître,  malgré  les  preuves 
qui  en  avaient  été  tant  de  fois  fournies,  la  suzeraineté  du 
Saint-Siège  sur  Parme  et  Plaisance,  et  chargea  son  gouver- 
neur de  Milan,  Fernand  Gonzague,  constamment  hostile  à  la 
famille  du  pape,  de  ne  point  laisser  de  repos  à  Pierre-Louis 
Farnèse,  qui  fut  ensuite  tué  (10  septembre),  non  sans  la  parti- 
cipation de  Gonzague.  4°  Il  mit  la  main  sur  d'autres  territoires 
italiens,  et  menaça  de  sa  toute-puissance  l'autonomie  de  l'Italie 
entière.  5°  Il  conclut  des  traités  avec  les  protestants,  leur  fit  des 
concessions  funestes  aux  intérêts  des  catholiques.  6°  Il  agit  de 
son  propre  chef  contre  l'alliance  formée  avec  le  pape,  sans 
même  consulter  son  allié  ou  son  nonce. 

Aussi,  quand  les  six  mois  furent  écoulés,  le  pape,  offensé  par 

T.  —  HIST.  DE  l'église.  23 


354  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

le  sans-façon  et  les  menaces  de  l'empereur,  ne  voulut  pas 
renouveler  une  alliance  qui  lui  avait  suscité  tant  de  difficultés 
du  côté  de  la  France  et  de  Venise,  d'autant  plus  que  l'armée 
qu'il  avait  fournie,  les  dépenses  du  concile  et  quantité  de  sub- 
sides avaient  épuisé  ses  ressources,  et  que  l'imminence  d'une 
nouvelle  guerre  entre  l'empereur  et  la  France  lui  commandait 
de  garder  la  neutralité.  En  faisant  cela,  il  ne  violait  aucun 
traité,  il  ne  retirait  aucune  de  ses  précédentes  concessions  ;  il 
en  faisait  même  de  nouvelles,  et  ne  négligeait  rien  pour  empê- 
cher au  moins  le  conflit  de  s'étendre.  En  février  1547,  le  nonce 
Bertano  était  en  mesure  de  justifier  par  de  bonnes  raisons  le 
pape  devant  le  monarque  en  courroux  ;  et  ces  raisons,  l'empereur 
fut  incapable  de  les  réfuter,  malgré  la  violence  de  ses  plaintes. 
Do  meilleures  relations  s'établirent  plus  tard  entre  Charles- 
Quint  et  Paul  m  ;  mais  le  pape  dut  regretter  amèrement  que 
les  succès  de  l'empereur  lui  fussent  moins  avantageux  qu'aux 
protestants  qu'il  avait  combattus,  après  les  sacrifices  considé- 
rables qu'il  s'était  imposés. 

OUVRAGES    A    CONSULTER    SUR   LE   N"    104. 

Pallav.,  VIII,  V,  8;  IX,  m,  i  et  seq.;  X,  c.  vi  et  seq.;  Rayn.,  an. 
1547,  n.  57  et  seq.;  Le  Plat,  III,  609  et  seq.,  658  et  seq.,  699  et  seq.; 
Dœllinger,  Beitr.,  I,  p.  40  et  suiv,,  53  et  suiv.,  H2  et  suiv.;  Mauren- 
brecher,  Cari  V,  p.  113  et  suiv.,  133  et  suiv.;  Anh.,  V,  p.  86  et  suiv.; 
Gachard,  Trois  Années  de  Charles-Quint  (1543-1546),  d'après  les 
dépèches  de  l'ambassadeur  vénitien,  Brux.,  1865  ;  mon  ouvrage,  Kath. 
Kirche,  p.  218-221  ;  Drulfel,  Kaiser  Cari  V  und  die  Rœm.  Curie,  1544- 
1546,  1  abth.,  Münch.,  1877. 

2e  Intérim  (d'Augsbourg).  —  3e  Intérim  (de  Leipzig). 

105.  Le  i"  septembre  1547,  Charles-Quint  ouvrit  une  nou- 
velle diète  à  Augsbourg,  dans  l'espoir  d'obtenir  des  princes 
protestants,  alors  humiliés,  l'accord  qu'il  n'avait  pu  réaliser 
autrefois,  malgré  leur  refus  de  prendre  part  au  concile.  Une 
nouvelle  formule  de  réunion  fut  dressée  par  Jules,  évêque  de 
Naumbourg  ;  par  Michel  Holding,  coadjuteur  de  Mayence,  et 
Jean  Agricola,  prédicateur  à  la  cour  de  Brandebourg.  On 
l'appela  Vintérhn  d'Augsbourg,  parce  qu'elle  devait  être  provi- 
soirement appliquée  pour  les  deux  parties  jusqu'à  la  fin  du 


l.E    PROTESTANTISME.  355 

concile  général.  Les  points  dogmatiques  furent  rédigés  dans 
le  sens  catholique,  mais  en  termes  plus  mitigés  et  quelquefois 
très  vagues.  On  permit  expressément  aux  protestants  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces  et  le  mariage  de  leurs  ecclé- 
siastiques, et  on  les  autorisa  tacitement  à  retenir  les  biens 
d'Église  confisqués.  La  formule  fut  publiée  le  15  mai  1548  dans 
l'assemblée  des  villes  de  l'empire,  puis  insérée  dans  le  recez  de 
la  diète.  On  soumit  aussi  aux  évêques  présents  un  projet  de 
réforme. 

Comme  toutes  les  demi-mesures,  le  nouvel  intérim  n'attei- 
gnit pas  son  but  et  suscita  une  infinité  de  difficultés.  Les 
nonces  du  pape  l'avaient  déjà  désapprouvé,  et  Rome  le  com- 
battit pour  une  foule  de  raisons  ;  la  population,  tant  catholique 
que  protestante,  y  était  contraire.  C'était  une  œuvre  avortée.  11 
fut  vivement  attaqué  dans  plusieurs  écrits  ;  des  princes  même 
et  un  grand  nombre  de  villes,  notamment  Magdebourg,  protes- 
tèrent publiquement.  Agricola  fut  traité  de  fauteur  d'idolâtrie 
et  de  propagateur  du  papisme. 

Le  nouveau  prince  électeur,  Maurice  de  Saxe,  qui  tâchait  de 
suivre  une  voie  intermédiaire,  présenta  l'intérim  à  ses  États  et 
à  ses  théologiens,  avec  le  désir  que  son  acceptation  ne  rencon- 
trât point  de  difficultés  inutiles  et  qu'il  fût  reçu  autant  que  la 
conscience  pouvait  le  permettre. 

Parmi  les  théologiens,  Mélanchthon  était  le  plus  influent.  Il 
voyait  dans  la  guerre  de  Smalkalde  et  dans  Yintérim  un  châti- 
ment que  Dieu  infligeait  aux  péchés  des  princes,  des  prédi- 
cateurs et  des  fidèles  luthériens;  mais,  du  reste,  toujours  enclin 
à  la  condescendance,  il  était  favorable  à  l'acceptation.  Distin- 
guant entre  les  articles  essentiels  et  les  articles  non  essentiels, 
il  assura  qu'on  pouvait  accepter  ceux-ci  {adiaphora,  indiffé- 
rents), en  raison  de  l'obéissance  due  à  l'empereur,  de  même  que 
les  cérémonies  et  les  coutumes  ;  et  quant  aux  articles  «  essen- 
tiels »,  on  trouva  moyen  de  sortir  d'embarras  par  des  modifi- 
cations. Sur  lajustification,  l'on  fit  remarquer  que  Dieu  n'opère 
pas  avec  nous  comme  avec  une  pure  machine,  bien  que  nous 
soyons  justifiés  par  les  seuls  mérites  de  Jésus-Christ;  que  les 
œuvres  commandées  de  Dieu  sont  bonnes  et  nécessaires,  et  les 
trois  vertus  théologales  requises  pour  le  salut. On  devait  accepter 
la  confirmation  et  l'extrême-onction,  la  Fête-Dieu,  l'abstinence 


356  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

des  derniers  jours  de  la  semaine,  la  messe  selon  l'ancien  rite, 
mais  avec  des  cantiques  en  allemand;  la  juridiction  épisco- 
pale,  si  les  évoques  acceptaient  les  autres  points. 

Cet  avis  de  Mélanchthon  et  de  ses  amis  (Eber,  Bugenhagen, 
George  Major,  Pfefringer)fut  approuvé  par  la  diète  provinciale 
de  Leipzig  en  décembre  1548,  et  reçut  le  nom  d'intérim  (3")  de 
Leipzig.  Du  vivant  de  Luther,  on  n'eût  pas  fait,  à  coup  sûr,  de 
si  grandes  concessions.  Cet  acte  toutefois  ne  laissa  pas  d'être 
vivement  critiqué  par  beaucoup  de  prédicants  luthériens,  même 
en  Saxe,  et  il  amena  une  séparation  entre  les  luthériens  rigides 
et  les  luthériens  modérés.  Cependant  Vintérim  fut  exécuté  dans 
beaucoup  de  territoires  protestants. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N°    105. 

Proposition  impériale  et  déclarations  des  princes  et  des  villes  à 
Augsbourg,  sept.  1547,  dans  B.  Sastrowens,  Herkommen,  Geburt  und 
Lebenslauf,  éd.  de  Mohnike,  II,  p.  100-151.  Autres  actes,  ibid.,  p.  151- 
166.  Propositions  de  l'empereur  à  Rome  et  réponse  :  Rayn.,  an.  1548, 
n.  45;  Le  Plat,  IV,  p.  18  et  seq.;  Pallav.,  X,  16.  Intérim  et  projet 
de  réforme  :  Rayn.,  an.  1548,  n.  59,  61;  Le  Plat,  IV,  p.  32  et  seq.; 
Goldast,  Const.  imp.,  I,  518;  II,  326  et  seq.;  Pallav.,  X,  xvii;  XI,  n; 
Sarpi,  üb.  III,  §  21.  Décret  des  légats  du  pape  et  autres  actes  :  Mar- 
lene, Coll.,  VIII,  1263;  Le  Plat,  IV,  p.  121  et  seq.  Rapports  de  Rome 
dans  Dœllinger,  Beitr.,  1,  p.  155  et  suiv.;  Bieck,  das  dreifache  Inte- 
rim, Leipzig,  1721,  p.  13  et  suiv.,  166  et  suiv.;  J.-A.  Schmidt,  Hist. 
interiraistica,  Ilelmst.,  1730;  A.  Dürr,  Formula  reformationis  a  Carolo 
V  in  comitiis  Aug.  1548,  Statibus  Eccles.  oblata  cum  comment.,  Mog., 
1782;  Scbrœckh,  K.-G.  seit  der  Reform.,  I,  p.  674-692;  A.  Müller, 
Formula  sacrorum  emendandorum  in  comitiis  August,  an.  1548  a 
Julio  Pflugio  proposita,  Lips.,  1803;  Pastor,  p.  351  et  suiv.,  406  et 
suiv.  Mélanchthon  sur  l'intérim  :  Corp.  Ref.,  VI,  325,  537,  625;  Dœl- 
linger, Réf.,  i,  p.  364-366.  De  même,  Bucer,  Calvin.  Epist.,  p.  45,  232; 
Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  52  et  suiv. —  Bieck,  p.  132  et  suiv.,  361  et  suiv., 
Expositio  eorum  quœ  Theologi  Viteberg.  de  rebus  ad  religionem  per- 
tinentibus  monuerint,  Viteb.,  1549,  in-4°;  Friedberg,  Agenda,  wie  es 
in  des  Churfürsten  zu  Sachsen  Landen  in  den  Kirchen  gehalten  wird. 
Ein  Beilrag  zur  Gesch.  des  Interim,  Halle,  1861).  (Le  Rituel  fut  con- 
certé en  mai  154'J,  sur  la  base  de  l'intérim  de  Leipzig,  mais  non 
publié.) 

Les  protestants  représentés  à  Trente. 

106.  Lorsque  le  pape  Jules  III,  en  1550,  transféra  de  nouveau 


LE    PROTESTANTISME.  357 

le  concile  de  Bologne  à  Trente  et  invita  Maurice  de  Saxe  et 
les  autres  princes  protestants  à  y  envoyer  des  représentants , 
Charles-Quint  assembla  dans  le  même  but  une  nouvelle  diète  à 
Augsbourg.  Les  protestants  renouvelèrent  leurs  précédentes 
demandes  :  ils  exigèrent  que  leurs  théologiens  eussent  voix 
délibérative,  que  la  présidence  fût  enlevée  au  pape,  que  ce  qui 
avait  été  fait  jusque-là  à  Trente  fût  annulé. 

Plusieurs  États  protestants  se  décidèrent  enfin  à  envoyer  à 
Trente  des  délégués  et  des  théologiens.  Le  concile  leur  accorda 
un  sauf-conduit  (XIII*  session,  11  octobre  1551).  En  1551,  l'on 
vit  arriver  aussi,  avec  le  prince  électeur  de  Cologne,  des  délé- 
gués de  Brandebourg,  dont  l'un,  le  juriste  Christophe  Strasius, 
promit  dans  un  discours  l'obéissance  au  nom  de  son  souverain. 
En  1552,  survinrent  les  délégués  du  duc  de  Wurtemberg  et 
de  plusieurs  villes.  Le  sauf-conduit  des  protestants  fut  renou- 
velé (XV  session,  25  janvier  1552).  L'électeur  de  Saxe  envoya 
également  une  députation. 

Les  théologiens  de  Wittenberg  se  mirent  en  route,  ayant  à 
leur  tête  Mélanchthon,  qui  du  reste  avait  rédigé  une  nouvelle 
confession  de  foi  très  accentuée.  Il  avait  l'ordre  de  se  rendre  à 
Trente  par  Nurenberg. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  106. 

Pallav.,  XI,  XI  et  seq.;  XII,  c.  ix,  n.  1  et  seq.;  cap.  xv,  n.  2;  Rayn., 
an.  1530,  n.  12  et  seq.;  1551,  n.  1  et  seq.  Recess.  August.,  13  febr. 
1551  :  Goldast,  Const.  imper.,  II,  340;  Le  Plat,  IV,  p.  170-210.  Autres 
documents  :  Le  Plat,  IV,  p.  214  et  seq.,  260  et  seq.,  264  et  seq.,  360 
et  seq.,  417  et  seq.;  Mélanchthon.,  Confessio  doctrinse  Saxonicarum 
Ecclesiarum  scripta  1551,  ut  Synodo  Trid.  exhiberetur,  0pp.  I,  121  et 
seq.;  Syntagma  eorum  quae  nom.  duc.  Virtemb.,  in  Syn.  Trid.  per 
legatos  ejus  acta  sunt,  Basil.,  1552.  Cf.  Le  Plat,  IV,  p.  542  et  seq.; 
Pastor,  p.  418  et  suiv. 

Trahison  de  Maurice  de  Saxe. 

107.  Ces  belles  dispositions  des  protestants  n'étaient  qu'une 
comédie  arrangée  par  l'astucieux  Maurice  de  Saxe  pour  mieux 
tromper  l'empereur.  Dès  le  5  octobre  1551,  il  avait  formé 
une  alliance  secrète  avec  Henri  II,  roi  de  France,  qui  lui  avait 
promis  des  secours  en  argent  et  un  envoi  de  troupes  en  Aile- 


358  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

magne,  s'il  obtenait  en  retour  les  évêchés  de  Metz,  de  Toul,  de 
Verdun  et  de  Cambrai.  On  lui  promettait  l'expectative  pour  la 
prochaine  élection  qui  aurait  lieu  en  Allemagne.  Maurice,  étant 
chargé  d'exécuter  le  ban  de  l'empire  sur  la  ville  de  Magdebourg 
(depuis  septembre  1550),  pouvait  faire  ses  préparatifs  sans 
éveiller  de  soupçons.  A  Maurice,  qui  n'hésitait  pas  à  trahir 
Charles- Quint,  son  bienfaiteur,  et  à  déserter  la  cause  de  l'em- 
pire d'Allemagne,  se  joignirent  le  landgrave  Guillaume,  l'aîné 
des  fils  de  Philippe  de  Hesse,  Albert,  margrave  de  Brande- 
bourg, et  .Jean  Albert,  duc  de  Mecklembourg.  Maurice  tenait  à 
regagner  la  confiance  de  ses  coreligionnaires,  à  déhvrer  ses 
parents  retenus  prisonniers  par  l'empereur,  et  à  se  montrer  le 
champion  de  la  cause  luthérienne.  En  mars  1552,  il  sortit  de  la 
Thuringe,  s'avança  vers  le  sud  et  s'empara  d'Augsbourg, 
tandis  que  les  Français  occupaient  les  villes  épiscopales  qui 
leur  étaient  assurées.  Sous  prétexte  que  Charles-Quint  se  pro- 
posait de  soumettre  les  États  d'Allemagne  à  une  servitude  into- 
lérable et  héréditaire,  il  parut  dans  le  Tyrol,  avant  que  l'armis- 
tice proposé  par  le  roi  Ferdinand  eût  été  conclu,  s'empara 
de  l'ermitage  d'Ehrenbourg,  et  força  l'empereur  malade  à 
Inspruck  de  se  réfugier  à  Villach,  dans  la  Carinthie  (mai 
1552). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    107. 

Traité  de  Maurice  avec  la  France,  dans  Lünig,  Reichsarchiv,  part, 
spéc,  et  Recueil  des  traités  de  paix,  II,  258.  Lettre  écrite  de  Villach 
'par  Charles-Quint  au  roi  Philippe,  le  9  juin  1552:  Dœllinger,  Beitr., 
I,  p.  200  et  suiv.;  Schrœckh,  K.-G.  seit  der  Reform.,  I,  p.  704;  K.-A. 
Menzel,  III,  p.  411  et  suiv.;  Scherer,  der  Raub  der  drei  Bisthümer 
Metz,  Toul  und  Verdun  (Raumers  hist.  Taschenbuch  N.  F.,  Jahrg.  3); 
Schmidt,  N.  Gesch.  d.  Deutschen,  VI,  p.  273;  Buchholz,  K.  Ferdi- 
nand I,  t.  VI,p.  477;  VII,  p.  23  et  suiv.;  Cornelius  a.,  op.  cit.,  p.  281. 

Traité  de  Passau. 

108.  Les  troupes  impériales  étaient  alors  disséminées  et  hors 
d'état  de  poursuivre  avec  succès  la  guerre  contre  les  rebelles  et 
contre  la  Franco.  L'empereur,  comprenant  qu'il  n'était  plus  do 
force  à  calmer  les  dissentiments,  chargea  son  frère  Ferdinand 
d'entamer  des  négociations  de  paix,  qui  aboutirent  au  traité  do 
Passau  (30  juillet  1552).  1"  Le  landgrave  Philippe  devait  être 


LE   PROTESTANTISME.  359 

mis  sur-lo-champ  en  liberté  (l'empereur  avait  déjà  élargi  le 
prince  électeur).  2°  Dans  l'espace  de  six  mois  une  diète  serait 
tenue  pour  aviser  aux  moyens  de  vider  la  querelle  religieuse, 
soit  par  un  concile  général,  soit  par  un  concile  national,  soit 
par  la  diète  elle-même.  3°  Des  hommes  prudents,  pacifiques  et 
craignant  Dieu,  choisis  dans  les  deux  partis,  délibéreraient  sur 
les  moyens  les  plus  opportuns  de  rétablir  la  paix,  et  soumet- 
traient leur  avis  à  la  diète.  4."  En  attendant,  ni  l'empereur 
ni  aucun  État  de  l'empire  n'attenterait  à  la  liberté  de  conscience 
par  aucune  mesure  coercitive.  5°  Les  Etats  de  la  Confession 
d'Augsbourg  ne  susciteraient  aucune  difficulté  à  leurs  co-Êtats 
de  l'ancienne  Église,  tant  ecclésiastiques  que  laïques,  mais  les 
laisseraient  dans  la  paisible  possession  de  leurs  droits  et  de 
leurs  territoires.  6°  La  chambre  impériale  rendrait  justice  à  cha- 
cun sans  distinction  de  culte,  et  par  conséquent  les  protestants  et 
les  catholiques  y  seraient  représentés  en  nombre  égal.  7°  Si  les 
parties  ne  parvenaient  pas  à  s'entendre  sur  les  questions  reli- 
gieuses, le  présent  contrat  ne  demeurerait  pas  moins  en 
vigueur  jusqu'à  une  entente  définitive.  8°  Les  princes  licen- 
cieront leurs  troupes  et  observeront  la  paix  ;  la  prochaine  diète 
prononcera  sur  les  plaintes  qui  pourront  s'élever.  Maurice, 
électeur  de  Saxe,  fournira  un  contingent  de  10,000  hommes 
pour  assister  le  roi  Ferdinand  en  Hongrie. 

Ces  articles,  au  nombre  de  trente-six,  furent  signés  le  2  août 
par  Ferdinand  et  par  les  princes.  L'empereur  résista  de  toutes 
ses  forces  à  un  accord  aussi  désavantageux,  mais  il  ne  put  s'y 
soustraire. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  108. 

T.  Reichsarchiv,  P.  gen.,  p.  HO  et  seq.;  Ilortleder,  th.  ii,  buch  V, 
cap.  XIV.  Corp.  jur.  publ.  academ.  germ.,  éd.  Struve,  Jen.,  1734, 
p.  144-168;  Goldast,  Const.  imp.,  I,  566;  Le  Plat,  IV,  547-562;  Rayn., 
an.  1532,  u.  32;  Pallav.,  XIII,  c.  v;  Lehmann,  de  Pace  religionis  acta 
publ.  et  orig.,  d.  i.  Reichshandl.  und  Protok.  des  Rehgieusfriedens, 
Frankf.,  1631,  iu-4°,  1707-1709;  Supplem.  Discours  de  l'ambassadeur 
de  France  à  Passau,  3  juin  1552  :  Dœllinger,  Beitr.,  I,  p.  196-199. 
Charles-Quint  est  peu  favorable  au  traité  ;  Maurenbrecher,  p.  308  et 
suiv.,  311  et  suiv. 


360  HISTOIRE  DE    L'ÉGLISE. 


Convention  de  Naumbourg.  —  Paix  religieuse  d'Augsbourg. 

109.  Il  fallut  ajourner  pour  longtemps  la  diète  qu'on  venait 
d'indiquer,  soit  à  cause  de  la  guerre,  fort  onéreuse,  que  l'em- 
pereur soutenait  avec  la  France,  et  dans  laquelle  il  ne  put 
reconquérir  les  trois  évêchés;  soit  à  cause  des  troubles  excités 
en  Allemagne  par  le  margrave  de  Brandebourg-Culmbach.  Ce- 
margrave  continua  de  piller  les  évêchés  et  les  abbayes,  jusqu'à 
ce  que  l'électeur  Maurice  l'eût  complètement  défait  près  de 
Sievershausen  (9  juillet  1553).  Maurice  lui-même  mourut  après 
la  bataille.  Albert  essuya  encore  deux  défaites,  fut  mis  au  ban 
de  l'empire,  et  se  réfugia  en  France. 

La  question  religieuse  continuait  d'occuper  les  esprits.  Une 
assemblée  de  théologiens  hessois  et  saxons  tenue  à  Naumbourg 
(mai  1554)  fit  la  déclaration  suivante  :  Comme  il  ne  peut  plus 
être  question  de  rentrer  sous  l'autorité  des  évêques,  chaque 
souverain  devra,  pour  la  gloire  de  Dieu,  pourvoir  par  des  con- 
sistoires au  gouvernement  ecclésiastique.  Enfin,  le  roi  Ferdi- 
nand convoqua,  au  nom  de  l'empereur,  une  diète  qui  se  tint  à 
Augsbourg  en  février  1555.  Sur  sa  demande,  le  cardinal 
Morone  y  fut  délégué  par  le  pape,  puis  rappelé  à  la  mort  de 
Jules  III  (23  mars).  Le  nonce  Delphin  et  Lipomano,  évêque  de 
Vérone,  nonce  destiné  pour  la  Pologne,  s'employèrent  active- 
ment auprès  de  Ferdinand  pour  qu'on  ne  fît  rien  de  préjudi- 
ciable à  la  foi  catholique;  mais  ils  quittèrent  bientôt  Augsbourg, 
pour  n'être  pas  témoins  des  autres  négociations,  qui  allaient 
encore  se  poursuivre  pendant  longtemps. 

Les  États  catholiques  étaient  découragés  :  ils  partageaient  le 
sentiment  de  Ferdinand,  que  les  dissensions  religieuses,  au 
moins  pour  le  moment,  ne  pouvaient  être  aplanies  ni  par  des 
colloques  ni  par  un  concile,  et  qu'il  ne  restait  qu'à  prendre  des 
mesures  pour  maintenir  l'ordre  et  la  paix  dans  l'empire. 

On  aboutit  donc,  le  25  septembre  1555,  à  la  paix  rehgieuso 
d'Augsbourg,  rédigée  en  vingt-deux  paragraphes,  et  dont  voici 
la  substance  :  1°  Aucun  Etat  de  l'empire  ne  forcera  un  autre  Etat 
ni  un  sujet  de  cet  État  de  changer  de  religion ,  ou  ne  le  vexera  pour 
ce  motif;  la  paix  et  la  concorde  seront  maintenues  entre  les  deux 
parties.  2°  Cette  paix  ue  comprend  que  les  catholiques  et  les 


LE   PROTESTANTISME.  361 

adhérents  à  la  Confession  d'Augsbourg  (et  non  les  Zwingliens, 
etc.).  3°  Un  dignitaire  ecclésiastique  qui  passera  à  la  Confession 
d'Augsbourg,  perdra  sa  dignité  religieuse,  avec  les  emplois 
et  les  revenus  qui  y  sont  attachés,  mais  sans  préjudice  de  son 
honneur  et  de  sa  fortune  particulière.  (Les  protestants  s'éle- 
vèrent contre  cette  restriction  religieuse.)  i"  Les  partisans  de 
la  Confession  d'Augsbourg  demeurent  en  possession  des  biens 
ecclésiastiques  confisqués  depuis  le  commencement  de  la  ré- 
forme, d'après  l'état  où  les  choses  se  trouvaient  en  i  5.55  ;  mais 
à  l'avenir  aucune  partie  ne  pourra  plus  rien  enlever  à  l'autre. 
5°  La  juridiction  ecclésiastique  de  la  hiérarchie  catholique  de- 
meurera suspendue  dans  les  États  de  la  Confession  d'Augsbourg 
jusqu'à  la  conclusion  d'un  accord  rehgieux,  que  la  prochaine 
diète  de  Ratisbonne  s'efforcera  de  rétablir.  6°  Les  conflits  qui 
surviendront  entre  les  deux  parties  sur  les  droits  et  les  biens, 
seront  vidés  à  l'amiable  par  des  arbitres  ;  aucun  État  ne  devra 
protéger  ses  sujets  contre  l'autorité  de  ces  derniers.  7°  Il  est 
permis  à  chacun  de  choisir  une  des  deux  religions  reconnues, 
et  de  se  rendre,  pour  la  pratiquer,  dans  un  pays  étranger, 
sans  perte  de  son  honneur,  de  ses  droits  et  de  ses  biens,  et  sans 
préjudice  des  droits  du  seigneur  sur  ses  serfs.  8"  Cette  paix 
sera  en  vigueur  à  perpétuité  ;  elle  s'étendra  aussi  aux  cheva- 
liers libres  et  aux  villes  de  l'empire.  Toutes  les  dispositions 
antérieures  qui  y  sont  contraires,  demeurent  abrogées.  9°  Le 
tribunal  de  l'empire  se  conformera  rigoureusement  à  ce  traité  : 
toute  infraction  sera  punie  par  la  mise  au  ban  de  l'empire. 
40°  Le  serment  peut  être  prêté  au  nom  de  Dieu  et  de  son  saint 
Évangile. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N"  109. 

Schmidt,  N.  Gesch.  der  Deutschen,  VI,  p.  273.  —  Corp.  Ref.,  VIII, 
282;  Neudecker,  Neue  Beitr.,  I,  p.  102;  K.-A.  Menzel,  III,  p.  ö30-ö36> 
o73.  Nonces  du  pape  à  Augsb.  :  Pallav.,  XIII,  x,  i;  xiii,  2.  Leurs  lettres 
dans  Maurenbrecher,  Anh.,  p.  177  et  suiv.  —  Pallav.,  XIII,  xiii,  ö  et 
seq.;  Sarpi,  Üb.  V,  §  17;  Goldast,  I,  574;  Le  Plat,  IV,  565  et  seq.; 
T.  Reichsarchiv,  P.  gen.,  p.  131  et  seq.;  Pacis  compositio  inter  prin- 
cipes et  ordines  R.  J.  catholicos  et  protestantes  in  comitiis  Aug. 
an.  13Ö5  édita  et  illustrata  a  J.  C.'cath.,  DiUng.,  1629  (en  allem.,  avec 
plusieurs  dissertation?,  Abhandl.  Frankf.,  1629,  in-4»);  Struve,  Corp. 
jur.  acad.,  p.  169-214;  K.-A.  Menzel,  Ill,|p.  568  et  suiv.;  Riffel,  II,  p. 


3^2  HISTOIRE   DE   L  EGLISE. 

751-760;  Phillips,  K.-R.,   III,  p.  441    et  suiv.;  mon  ouvrage,  Kath. 
Kirche,p.  718-721. 

Abdication  de  Charles- Quint.  —  Sa  mort. 

410.  Les  protestants  n'avaient  voulu  accorder  la  tolérance 
aux  catholiques  dans  leurs  territoires  qu'à  la  condition  que 
ceux-ci  s'abstiendraient  d'exercer  publiquement  leur  culte  et 
leurs  cérémonies,  tandis  que  les  protestants  pourraient  prati- 
quer librement  leur  religion  dans  les  pays  catholiques.  Ces 
conditions,  qui  étaient  toutes  à  leur  désavantage,  les  catho- 
liques ne  pouvaient  les  accepter.  Les  protestants  deman- 
daient en  outre  qu'il  fût  loisible  à  leurs  partisans  de  pratiquer 
librement  leur  religion  dans  les  pays  catholiques,  ou  du  moins 
dans  les  pays  ecclésiastiques  :  les  catholiques  devaient  encore 
s'y  opposer.  Cependant  les  protestants  obtinrent  du  roi  Ferdi- 
nand, après  la  clôture  de  la  diète,  une  déclaration  particulière 
en  faveur  du  libre  exercice  du  culte  par  leurs  coreligionnaires 
qui  habitaient  dans  les  territoires  ecclésiastiques;  mais  elle  ne 
fut  jamais  considérée  comme  valable  par  les  catholiques.  Cette 
paix  religieuse,  en  somme,  si  avantageuse  qu'elle  parût  pour 
la  tranquillité  extérieure,  contenait  le  germe  d'une  foule  de 
complications  nouvelles;  elle  compromettait  l'existence  des 
catholiques  en  pays  protestants  et  conduisait  à  une  foule  de 
luttes  partielles,  sans  pouvoir  prévenir  la  guerre  de  Trente  ans, 
qui  allait  éclater  plus  tard. 

Le  pape  Paul  IV,  qui  avait  engagé  (6  septembre)  l'empereur 
à  détourner  son  frère  de  toute  concession  funeste,  protesta 
résolument  contre  la  paix;  il  la  déclara  invalide,  et  fut  sur  le 
point  de  délier  ceux  qui  avaient  pu  y  prêter  serment.  Il  agis- 
sait ainsi  d'après  le  point  de  vue  juridique  où  il  se  plaçait, 
et  dans  la  conviction  qu'il  n'était  pas  encore  nécessaire  de 
s'écarter  des  principes  de  droit  qu'il  partageait  avec  l'empe- 
reur, et  nullement  parce  qu'il  désirait  précipiter  l'Allemagne 
dans  une  guerre  civile.  Quant  à  l'empereur,  il  ne  voulut 
en  aucune  façon  se  mêler  de  cette  affaire,  et  rejeta  toute  la 
responsabilité  sur  son  frère,  qui  était  du  reste  muni  de  pou- 
voirs illimités.  La  paix  était  le  fruit  de  la  trahison  de  l'électeur 
de  Saxe  et  le  point  do  départ  de  la  guerre  effroyable  de  Treute 
ans. 


LE    PROTESTANTISME.  363 

Charles-Quint,  préoccupé  de  ce  mot  d'un  de  ses  officiers  :  que 
(t  l'homme  devait,  avant  de  mourir,  se  réserver  un  peu  de 
temps  entre  le  monde  et  la  mort  »,  renonça  en  1556,  après  de 
touchants  adieux,  à  toutes  ses  couronnes,  et  mourut  en  1558, 
au  couvent  des  hiéronymites  de  Saint-Just,  dans  l'Estrama- 
dure.  11  laissa  en  mourant  la  mémoire  d'un  fils  dévoué  de 
l'Église,  malgré  tous  ses  égarements  ;  d'un  homme  pénétrant, 
bien  doué,  instruit;  d'un  capitaine  expérimenté,  d'un  souverain 
supérieur  de  beaucoup  à  la  plupart  des  princes  de  son  temps 
par  sa  modération,  son  honorabilité,  son  zèle  pour  le  bien 
général. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SOR   LE    N°  110. 

Sur  les  exigences  des  protestants  :  Lehmann,  Acta  publica,  th.  i, 
p.  37,  éd.  1707;  Menzel,  III,  p.  572;  V,  p.  49  et  suiv.;  Phillips,  p.  445 
etsuiv.,  §  140.  Là-dessus,  Tractât,  de  autonomia,  d.  i.  von  Freistel- 
lung mebrer  Religion  und  Glauben,  Munich,  1386,  III  part.  Paul  IV 
contre  la  paix  religieuse  :  Bzov.,  an.  1555,  n.  36;  Rayn.,  h.  an.,  n. 
22  et  seq.,  51,  134;  Pallav.,  XIII,  xiv,  d;  Le  Plat,  IV,  569  et  seq.; 
Maurenbrecher,  Anh.  X,  xin,  p.  183;  Pastor,  p.  461  et  suiv.  — 
Gachard,  Lettres  sur  la  retraite  et  la  mort  de  Charles-Quint  au  monas- 
tère de  Yuste.  Du  même,  Analectes  belgiques,  I,  70  et  seq.  La  Vie 
monastique  de  Charles-Quint  {d'après  des  notes  que  le  chanoine  Gonza- 
lez trouva  dans  les  archives  de  Ferdinand  VII),  éditées  parl'Anglais  Stir- 
ling.  Vie  monastique  de  Charles-Quint,  trad.  de  l'anglais  par  Lindau 
Dresde,  1853;  par  Kaiser,  Leipzig,  1853;  Prescott ,  Klosterleben  Carls 
V,  traduit  de  l'anglais,  Leipzig,  1837;  Raumex',  Gesch.  Europa's,  I, 
p.  381  et  suiv.;  Ranke,  Deutsche  Gesch.,  V,  p.  358  et  suiv.,  366,  392; 
Mœhler-Gams,  m,  p.  152-154. 

Philippe  II  succède  à  Charles-Quint. 

111.  Dans  les  pays  espagnols,  Charles-Quint  eut  pour  succes- 
seur son  fils  Phihppe  II,  entièrement  dévoué  à  la  foi  catho- 
lique; en  Allemagne  et  dans  l'empire,  après  de  longues  négo- 
ciation.«!, son  frère,  le  roi  Ferdinand.  C'était  une  grave  offense 
pour  le  pape  que  Charles-Quint  eût  abdiqué  entre  les  mains  des 
princes  électeurs  au  lieu  d'abdiquer  entre  les  siennes;  que  le 
roi  Ferdinand  prît  immédiatement  le  titre  «  d'empereur  élu  des 
Romains  »,  sans  même  consulter  le  Saint-Siège.  C'est  pourquoi 
Paul  IV  ne  reçut  l'embassadeur  de  Ferdinand  que  comme  une 


364  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

personne  privée,  et  soumit  à  ce  sujet  quatre  questions  à  une 
congrégation  de  cardinaux.  Sa  décision  fut  que  l'abdication 
était  invalide,  que  le  pape  devait  prendre  des  mesures  pour 
empêcher  que  l'empire  ne  fût  dévolu  à  quelqu'un  qui  serait 
incapable  de  protéger  l'Église,  que  les  princes  électeurs  héré- 
tiques étaient  déchus  de  leur  dignité. 

Cette  décision  était  de  tout  point  conforme  à  l'ancienne  juris- 
prudence, et  c'était  la  première  fois  que  les  Allemands  allaient 
l'attaquer.  En  vain  Gropper,  qui  se  trouvait  alors  à  Rome, 
conseillait  la  modération  :  le  pape  persévéra  dans  ses  vues,  et 
quand  Charles- Quint  eut  rendu  le  dernier  soupir,  il  considéra 
l'empire  comme  vacant  pour  cause  de  mort.  Plusieurs  blâmè- 
rent Paul  IV  de  s'en  tenir  rigoureusement  à  l'ancien  droit.  Son 
successeur,  Pie  IV,  accueillit  immédiatement  les  ambassadeurs 
de  Ferdinand,  et  déclara  qu'il  n'entendait  pas  vider  la  question 
par  les  voies  du  droit.  Ferdinand  lui  en  exprima  sa  reconnais- 
sance. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N°    \\\. 

Négociations  de  1551  sur  la  succession  à  l'empire  :  Dcellinger,  Beitr., 
I,  p.  168  et  suiv.  Négociations  à  Rome  sur  l'empire  de  Ferdinand  : 
Pallav.,  m,  IX,  2  et  seq.;  XIV,  vi,  5  et  seq.;  c.  xi,  n.  1  j  c.  xii,  n.  1  ; 
Rayn.,  an.  1558,  n.  7,  10;  1559,  n.  42;  Bromato,  Vita  di  Paolo  IV, 
t.  II,  p.  431  ;  Ranke,  Deutsche  Gesch.,  V,  p.  413  et  suiv.,  420-422;  mon 
ouvrage  cité,  p.  221  et  suiv. 

CONTINUATION  DE  LA  RÉFORME  EN  SUISSE.  -  LE  CALVINISME. 
Rapports  entre  la  Suisse   allemande  et  la  Suisse  française. 

112.  En  Suisse,  après  les  deux  victoires  remportées  par  les 
catholiques  le  11  et  le  24  octobre  1531,  les  Zurichois  et  les  Ber- 
nois ensuite  avaient  obtenu  la  paix,  à  cette  condition  qu'aucun 
canton  n'en  inquiéterait  un  autre  pour  cause  de  religion  et  que 
le  culte  catholique  serait  de  nouveau  librement  exercé  dans  les 
bailliages  communs.  A  Glaris  et  Appenzell,  l'ancienne  croyance 
fut  en  partie  restaurée;  elle  le  fut  complètement  à  Bremgarten, 
Mellingen  et  Rapperschwyl.  L'abbé  de  Saint-Gall  recouvra  son 
abbaye,  bien  (|uc  la  ville  demeurât  réformée.  Mais  à  Zurich,  à 
Berne,  à  Bâle  et  à  Schaffouse,  les  partisans  de  l'ancienne  Église 
tentèrent  vainement  de  rentrer  en  possession  de  leurs  droits. 


LE  PROTEST ANTISxME.  365 

Les  réformateurs  suisses  ßuliiuger,  Myconius,  Farci,  Gross- 
manii,  Léon  Judai,  Grynseus,  établirent  dans  des  confessions  de 
foi  les  dogmes  de  leur  nouvelle  Église,  sans  négliger  les 
moyens  d'accommodement  avec  les  luthériens  d'Allemagne.  Ils 
trouvèrent  beaucoup  d'écho,  même  auprès  de  Mélanchthon,  qui 
les  accueillit  d'abord  avec  réserve,  tant  qu'il  continua  d'être  tout 
entier  sous  la  domination  de  Luther. 

Luther,  après  la  Concorde  de  Wittenberg  (août  1543),  s'éleva 
de  nouveau  contre  les  Zwingliens,  à  propos  de  l'envoi  d'une 
traduction  de  la  Bible  faite  par  Léon  Judœ.  Il  les  menaça  du 
châtiment  qui  avait  frappé  leur  maître,  et  se  détacha  bientôt  de 
l'alliance.  Les  Bernois  s'étaient  alliés  avec  la  France  et  avaient 
fait  la  guerre  au  duc  de  Savoie,  dont  les  Genevois  se  plaignaient. 
Us  lui  enlevèrent  Lausanne,  Yverdun,  Morgues  et  Vevey.  Le 
culte  catholique  fut  sur-le-champ  aboli  partout,  la  nouvelle 
doctrine  imposée  par  la  force,  et  les  récalcitrants  expulsés. 
Guillaume  Farel,  qui  en  1520  déjà  avait  propagé  la  nouvelle 
doctrine  à  Neufchâtel,  travailla  avec  ardeur  à  la  répandre  dans 
Genève;  il  fut  expulsé,  revint  en  1534,  et  réussit  en  1535  à  y 
introduire  les  nouveautés.  Viret  et  Fromment  lui  prêtaient  un 
actif  concours.  Sans  l'intervention  violente  de  Berne,  sans  les 
dissentiments  des  Genevois  avec  le  prince  évêque  et  avec  la 
Savoie,  la  Suisse  française  aurait  conservé  son  antique 
croyance.  Genève  fut  placée  sous  la  dépendance  de  Berne,  et 
tomba,  sous  le  rapport  politique,  comme  sous  le  rapport  moral, 
dans  une  profonde  décadence. 

OUVRAGES   A  CONSULTER    ETT   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    112. 

Ouvrages  à  consulter,  ci-dessus,  §  60  et  suiv.  La  1'^  Confession  helvé- 
tique, appelée  ainsi  à  cause  de  son  autorité,  fut  rédigée  (1536)  en 
28  articles  par  Bulliuger,  Myconius,  Grynaeiis,  etc.  Quelques-uns  l'ap- 
pellent «(  Basileensis  posterior  »  (Basil.  II) ,  à  cause  du  lieu  de  sa 
rédaction.  La  première  Confession  de  Bâle,  appelée  aussi  de  Mulhouse, 
parce  que  le  conseil  de  cette  ville  la  publia  avec  son  sceau  en  1537  et 
1530,  fut  composée  de  1532  à  1534,  d'après  le  projet  d'QEcolampade 
(Hagenbach,  Hist.  critiq.  de  la  première  Confession  de  Bàle,  Bâle, 
1827,  p.  213-217),  par  0.  Myconius  en  12  articles  (éd.  Basil.,  1534),  et 
revue  en  1561.  Corp.  et  Syntagma  Confess.  tid.,  Genev.,  1612,  I,  p.  72 
et  seq.;  quelques-uns  en  font  la  III«  Confession  helvétique.  La  seconde 
Confession  helvétique,  par  Bullinger,  est  de  1564;  Bèze  la  traduisit  en 


366  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

français,  et  elle  fut  adoptée  dans  la  plupart  des  pays  réformés.  Cf. 
Niemeyer,  Coll.  Confess.  in  Eccl.  reform,  publicatarum,  Lips.,  1840. 
Guerre  de  Berne  et  de  Genève  contre  la  Savoie  :  Leib,  an.  1536,  p.  604  et 
suiv.  Sur  W.  Farel,  Erasm.  ep.  ad  oflic.  A.  Ep.  Besunt.,  Ep.  lib.  XVIII, 
xxx;  Cari  Schmidt,  W.  Farel  und  P.  Viret,  Elberf.,  1860;  Kirchhofer, 
Farels  Leben,  Zürich,  1831;  J.  Cart,  Pierre  Viret,  le  réformateur  Vau- 
dois,  Genève,  1863.  Le  rôle  de  Berne  et  de  Fribourg  dans  l'introduc- 
tion du  protest,  à  Genève  (Archiv,  für  Schweiz.  Reform. -Gesch.,  I, 
p.  811  et  suiv.).  Hist.  de  M.  Vuarin  et  du  rétablissement  du  catholi- 
cisme à  Genève,  par  M.  l'abbé  Martin  et  M.  l'abbé  Fleury,  Paris,  1862; 
Kampschulte  (ci-dessous,  §  113),  I,  p.  26,  206  et  suiv. 

Jean  Calvin. 

113.  Le  plus  important  réformateur  de  la  Suisse,  ou  plutôt  le 
chef  du  protestantisme  français,  fut  Jean  Chauvin  (Calvin),  né 
à  Noyon,  en  Picardie,  le  10  juillet  1509.  Destiné  par  son  père  à 
l'état  ecclésiastique,  il  étudia  la  philosophie  et  la  théologie  à 
Paris,  et  ses  talents  lui  valurent  plusieurs  bénéfices,  qui  lui 
furent  concédés  à  titre  de  secours.  Plus  tard,  sur  le  désir  de  son 
père,  il  alla  étudier  le  droit  à  Orléans  et  à  Bourges,  sans  renon- 
cer complètement  cà  la  théologie.  A  Bourges,  un  philologue 
allemand,  Melchior  Volmar,  l'initia  à  la  théorie  de  Luther  sur 
la  justification.  En  1533,  il  se  constitua  dans  Paris  l'apologiste 
de  la  nouvelle  doctrine,  et  fit  si  bien  que  son  ami  Nicolas  Kop, 
recteur  de  l'université,  émit  lui-même  dans  un  discours  une 
foule  d'assertions  en  faveur  de  la  réforme  luthérienne.  Une 
enquête  eut  lieu,  et  Calvin,  malgré  la  bienveillance  de  Margue- 
rite de  Valois,  vit  sa  liberté  compromise.  Il  erra  quelque  temps 
à  travers  la  France  (1534),  puis  se  rendit  à  Bâle,  où  il  publia 
son  principal  ouvrage,  V Institution  chrétienne,  accompagné 
d'une  dédicace  au  roi  de  France  François  I"  (1 535-1 53G). 

Très  habile  à  tourner  les  textes  de  la  Bible  dans  le  sens  de 
ses  idées,  Calvin  n'était  pas,  comme  Luther,  ennemi  de  la  spé- 
culation ;  il  la  reconnaissait  même  dans  les  ouvrages  des  Pères  et 
des  scolastiques,  utilisait  les  philosophes  et  les  classiques  grecs, 
et  faisait  preuve  d'éloquence  et  de  sagacité.  Moins  original  que 
Luther,  il  suivait  une  méthode  plus  systématique  et  plus 
scientifique.  Quant  à  ses  adversaires,  il  déversait  sur  eux  les 
mêmes  outrages  que  le  réformateur  de  Wittenberg.  Son  livre 
eut  encore  plus  d'influence  que  les  Loci  communes  de  Mélanch- 


LE   PROTESTANTISME.  367 

thon,  et  surpassa  de  beaucoup  les  écrits  de  Zwingle.  Ce  fut  égale- 
ment auprès  des  peuples  latins  que  Calvin  eut  le  plus  de  succès. 
il  résida  quelque  temps  à  la  cour  de  Ferrare,  où  la  duchesse 
Renée,  princesse  française,  se  montrait  extrêmement  favorable 
aux  nouveautés,  à  cause  de  la  mésintelligence  qui  existait  entre 
elle  et  le  pape. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE  N°    113. 

Joh.  Calvini  Epist.  et  Resp.,  Genev.,  1576  et  seq.,  cum  vita  Calv.  — 
0pp.,  éd.  Genev.,  1556-1617  et  seq.,  t.  XII;  Amst.,  1671,  t.  IX  et  seq.; 
Corp.  Ref.,  vol.  XXIX  et  seq.,  ed.  Baum,  Cunitz  et  Reuss,  Brunsv., 
1863;  Calvini,  Bezae  aliorumque  Literae  quaedam  ex  autogr.  in  bibl. 
Goth.,  éd.  Bretschn.,  Lips.,  1835;  Œuvres  françaises  de  J.  Calvin, 
précédées  de  sa  vie,  par  Th.  de  Bèze,  Paris  (imprimées  d'abord  à 
Genève,  1564);  Bolzec,  Hist.  de  la  vie  de  C,  Paris,  1577;  S.  Basnage, 
Hist.  des  Égl.  réf.,  Rotterd.,  1721  ;  Henry,  Leben  Calvins,  Hamb.,  1835 
et  suiv.,  4  vol.;  Weber,  Gescliichtl.  Darstellung  des  Calvinismus, 
Heidelb.,  1836;  Hundeshagen,  der  Conûict  des  Zwingl.,  Luth,  und 
Calvinismus  in  der  Bernischen  Landeskirche,  Berne,  1843;  Stœhelin, 
Joh.  Calvins  Leben  und  ausgewaehlte  Schriften,  Elberfeld,  1861  et 
suiv.,  2  vol.;  Hist.  de  la  reform,  en  Eui'ope  au  temps  de  Calvin,  t.  II, 
Paris,  1863;  J.-B.-G.  Galiffe,  Quelques  Pages  d'histoire  exacte  sur  les 
procès  crim.  intentés  à  Genève  en  1547  pour  haute  trahison,  contre 
N.  Ami  Perrin,  Genève,  1862,  et  Nouvelles  Pages  d'histoire  exacte  sur 
le  procès  de  Pierre  Ameaux  (1546),  ibid.,  1863.  Forschungen  aus  den 
Genfer  Rathsprotokollen  :  voy.  Augsb.  Allg.  Zeit.,  Beil.  v.  23  Aug., 
1866.  Viguet  et  Tissot,  Calvin  d'après  Calvin,  Genève,  1864;  Hermin- 
jard.  Correspondance  des  réformateurs,  1516  et  suiv.,  Genève,  1866 
et  suiv.  Auteurs  catholiques  :  Maimbourg,  Hist.  du  calvinisme,  Paris, 
1682,  in-S»;  Audin,  Hist.  de  la  vie,  des  ouvrages  et  des  doctrines  de 
Calvin,  Par.,  1841,  2  vol.,  en  allem.,  Augsb.,  1843;  Kampschulte, 
Calvin,  seine  Kirche  und  sein  Staat  in  Genf.,  Leipzig,  1869,  t.  I.  Sur 
cet  ouvrage  :  Héfelé,  dans  Bonner  Iheol.  Lit.-BL,  1869,  p.  662  et 
suiv.  —  Calvini  Institutio  (plus  tard  Institutiones)  religionis  chris- 
tiange,  Basil.,  1536;  Argent.,  1539,  1543;  Genev.,  1550,  1558;  éd. 
Tholuck,  Berol.,  1834;  éd.  Baum,  Cunitz  et  Reuss,  Brunsv.,  1869. 
Dans  le  principe,  l'ouvrage  avait  six  chapitres;  plus  tard  il  eut  4  livres  : 
i°  Connaissance  de  Dieu  Créateur;  2°  Connaissance  de  Dieu  Rédemp- 
teur; 3  la  Grâce  de  Jésus-Christ;  4°  les  Moyens  extérieurs  du  salut. 
Paul  Thurius  fit  sur  cet  ouvrage  le  distique  suivant  :  «  Prseter  aposto- 
licas  post  Christi  tempora  Chartas,  Huic  peperere  libro  sspcula  nulla 
parem.  »  Calvin  lui-môme  le  modifia  souvent.  Gerdes,  de   J.  Calv. 


368  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Instit.  rel.  chr.  hist.  lit.,  dans  les  Miscellanea  Groning.,  II  P.,  b; 
Strobel,  Lit. -Gesch.  der  Insüt.  Calvins,  INürnb.,  1776.  Albert  Pighe 
ayant  écrit  contre  la  doctrine  de  Calvin  sur  la  prédestination,  celui-ci 
composa  son  «  De  aeterna  Dei  praedestinatione  »  et  <■<■  De  libero  arbi- 
trio  »,  et  il  traita  son  adversaire,  mort  sur  ces  entrefaites,  de  «  cbien 
furieux  ».  Quant  à  ses  autres  adversaires,  il  les  qualifiait  de  «  ser- 
pents »,  de  «  bêtes  furibondes  »,  de  «  gibiers  de  potence  »,  de  «  chiens 
impurs  »,  de  «  calomniateurs  »,  de  «  bavards  »,  d'  «  aliénés  »,  etc. 

Travaux  de  Calvin  à  Genève.  —  Son  expulsion  et  son  retour. 

114.  En  1536,  sur  la  prière  de  Farel,  Calvin  alla  se  fixer  à 
Genève,  devint  prédicant  et  professeur,  et  acquit  bientôt  une 
prodigieuse  influence.  Il  força  les  autorités  et  le  peuple  d'abju- 
rer la  papauté,  introduisit  une  discipline  sévère  et  régna  en 
véritable  tyran.  Beaucoup  de  citoyens  s'en  indignèrent.  De  leur 
côté,  les  Bernois  et  leurs  partisans  étaient  mécontents  de  ce 
que  Calvin  et  Farel  refusaient  d'adopter  le  règlement  ecclésias- 
tique de  Berne,  abolissaient  toutes  les  fêtes,  donnaient  la  com- 
munion avec  du  pain  fermenté,  supprimaient  dans  les  églises 
les  fonts  baptismaux,  etc. 

Un  synode  tenu  à  Lausanne  se  prononça  en  faveur  des  Ber- 
nois. Ainsi  se  forma  contre  Calvin  un  parti  (les  articulants),  qui 
le  chassa  de  Genève  (à  Pâques,  1538),  lui,  son  compagnon  Farel 
et  Courault,  augustin  apostat. 

Le  cardinal  Sadolet,  évêque  de  Carpentras,  essaya  vainement, 
dans  un  sévère  monitoire,  de  ramener  les  Genevois  à  l'ancienne 
Église  ;  Calvin,  qui  séjournait  en  Allemagne,  où  il  se  familia- 
risa avec  la  réforme  de  ce  pays,  et  devint  ensuite  prédicant  à 
Strasbourg,  lui  fit  une  réponse  qui  excita  l'admiration  de  ses 
partisans.  Dans  l'automne  de  1540,  Calvin  épousa  Idelette  de 
Buren,  veuve  d'un  anabaptiste,  se  mit  à  la  tète  d'une  Église 
française  réformée,  et  composa  plusieurs  écrits. 

Comme  Genève,  depuis  son  exil,  se  trouvait  dans  un  grand 
désordre,  qu'un  changement  avait  eu  lieu  dans  l'administration, 
ses  partisans  et  ceux  de  Guillaume  Farel  (les  guillelmins)  ga- 
gnaient de  plus  en  plus  de  terrain.  Ils  firent  rendre  un  décret  qui 
le  rappelait,  lui  et  les  siens  (20  octobre  1540).  Calvin  souleva  des 
difficultés,  se  fit  prier  et  supplier  de  rentrer,  et  posa  enfin  de.^ 
conditions  qui  lui  accordaient  un  pouvoir  presque  illimité  en 


LK   PROTESTANTISME.  369 

matière  ecclésiastique  et  civile.  En  septembre  1541,  il  revenait 
triomphant.  Viret  fut  également  rappelé  de  Lausanne,  et  Farel 
de  Neufchâtel;  mais  ils  n'eurent  plus  désormais  qu'un  rôle 
secondaire. 

OUVRAGES  A.  CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES  SUR  I,E   N"    i  1 4. 

Ouvrages  à  consulter,  comme  au  n"  M  3.  Contre  la  lettre  de  Sadolct 
(0pp.,  éd.  Mogunt.,  1607,  p.  484  et  seq.),  Calvin  écrivit  :  Responsio  ad 
Sadol.  Ep.  (0pp.,  éd.  Baum,  V,  385  et  seq.).  Tandis  que  Marguerite  de 
France  le  félicitait  des  services  x'endus  à  ce  pays,  il  s'ell'orçait,  dans  ua 
écrit  pseudonyme,  sous  le  masque  d'un  patriote  allemand,  d'exciter  le 
sentiment  national  des  Allemands  contre  le  Saint-Siège.  «  Cousilium 
admodum  paternum  Pauli  III  Pont.  Rom.  datum  Imperatori...  et  Eu- 
sebii  Pamphili  ejusdera  consilii  pia  et  salutaris  explicatio,  0pp.  V, 
461  et  seq. 

Organisation  des  affaires  religieuses  à  Genève. 

H5.  Dès  le  mois  de  novembre,  les  autorités  et  le  peuple  accep- 
taient le  «  règlement  ecclésiastique  »  et  le  «  tribunal  des  mœurs  » , 
par  lesquels  Calvin  se  proposait  d'ordonner  toute  la  vie  domes- 
tique et  sociale  selon  les  prescriptions  de  l'Évangile.  Le  «  règle- 
ment ecclésiastique»  devint  la  loi  fondamentale  de  la  république 
de  Genève  (2  janvier  lo42).  Les  prédicants  obtinrent  des  pri- 
vilèges presque  aussi  étendus  que  ceux  dont  jouissait  autre- 
fois le  clergé  catholique.  La  surveillance  était  exercée  par 
l'assemblée  générale  (congrégation)  de  tous  les  prédicants 
(ministres  de  la  parole  de  Dieu),  naturellement  sous  la  direction 
de  Calvin.  Le  consistoire,  qui  venait  d'être  établi,  se  composait 
de  six  ecclésiastiques  et  de  douze  laïques  ;  il  était  à  la  fois 
chargé  de  l'inspection  religieuse  et  civile  et  de  l'administration 
de  la  justice.  Le  manque  de  respect  envers  celte  autorité  était 
puni  comme  «  une  rébellion  contre  Dieu  et  la  sainte  réforma- 
tion ». 

Cette  inquisition  redoutable  surveillait  les  mœurs  des  citoyens 
et  leur  assistance  à  l'église,  punissait  leurs  délits,  parmi  lesquels 
figuraient  la  danse,  la  fréquentation  des  spectacles  et  des  caba- 
rets (à  l'e.vception  de  cinq  cabarets  privilégiés,  tenus  par  de 
bous  calvinistes);  elle  épiait  jusqu'aux  conversations  particu- 
lières, et  fulminait  l'excommunication,  qui  se  terminait  par  le 

Y.  —  HIST.  DE   L'ÉGUSE.  24 


370  HISTOIRE  DE  L'ÉGLISE. 

bannissement.  Les  prédicants  faisaient  des  visites  régulières 
dans  les  maisons,  et  prenaient  des  renseignements  sur  les  plus 
futiles  objets.  La  prison  était  dure,  les  cbâtiments  inbumains  : 
on  alla  jusqu'à  inventer  de  nouveaux  instruments  de  torture. 
Calvin  imagina  aussi  une  nouvelle  espèce  de  confession. 
Avant  de  se  présenter  pour  la  cène,  qu'on  recevait  quatre  fois 
dans  l'année,  les  communiants  devaient  paraître  devant  lui  : 
ceux  qui  avaient  besoin  d'instruction,  en  recevaient  ;  ceux  qui 
avaient  besoin  d'avertissements  particuliers,  étaient  avertis  ; 
ceux  qui  avaient  des  angoisses  de  conscience,  étaient  consolés. 
La  prédication  et  les  catéchèses  formaient  le  noyau  du  culte 
religieux  ;  on  y  joignit  le  chant  des  psaumes  avec  des  prières. 
Les  images,  les  ornements  étaient  interdits  dans  les  églises  :  on 
conserva  la  nudité  glaciale  du  culte  zwinglien. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  113. 

Ordonnances  ecclés.  de  l'Eglise  de  Genève,  dans  Richter,  die 
Ev.  K. -Ordnungen  des  16  Jahrh.,  1,  p.  342  et  sniv,;  Bonner  Monats- 
schrift für  die  ev.  K.  Jahrg.,  1846.  Cf.  Kampschulle,  I,  p.  395,  442  et 
suiv.  Formule  d'excommunication  de  Calvin,  dans  Kober,  der  Kirchen- 
bann, p.  16.  Audin,  Leben  Calvins.  D.  Augs.,  II,  p.  31.  Sur  la  confes- 
sion :  Kanipschulte,  i,  p.  460.  —  Mignet,  Einführung  der  Hcform. 
und  die  Verfassung  des  Calvinismus  zu  Genf.,  trad.  du  français  par 
Stolz,  Leipzig,  1843. 

Tyrannie  de  Calvin. 

116.  Le  dictateur  de  Genève  ne  supportait  aucune  espèce  de 
contradiction  :  sa  parole  était  une  autorité  infaillible.  Ses  ad- 
versaires, les  libertins,  comme  il  les  appelait,  l'accusaient  d'op- 
primer les  consciences  et  d'introduire  un  nouveau  papisme.  Il 
les  écrasa  soit  par  la  puissance  de  son  crédit  et  de  sa  parole, 
soit  par  les  mesures  coercitives  du  pouvoir  civil.  Il  essaya  de 
rendre  suspect  et  d'anéantir  le  parti  national,  qui  lui  était 
contraire,  et  de  créer  dans  Genève,  surtout  parmi  les  nombreux 
émigrés  de  France,  un  parti  qui  lui  fût  entièrement  dévoué.  Il 
percevait  d'immenses  revenus,  déployait  une  activité  infati- 
gable, prêchait,  écrivait,  dirigeait  les  actes  de  la  justice, 
organisait  des  procès  contre  les  sorciers,  les  «  propagateurs  de 
la  peste  »  et  les  hérétiques  :  en  un  mot,  il  agissait  partout  avec 
une  autorité  absolue. 


LE    PROTESTANTISME.  371 

Sébastien  Castellio,  prédicant  célèbre  et  traducteur  de  la 
Bible,  ayant  combattu  sa  doctrine  de  la  prédestination,  fut 
destitué  et  exilé;  le  médecin  Jérôme  Bolsec  fut  congédié; 
le  conseiller  Anieaux,  jeté  en  prison;  Jacques  Gruet  (1548), 
misa  mort  pour  avoir  traité  le  réformateur  de  «  chien  »  et  son 
consistoire  de  «  tyrannie  »,  et  pour  avoir  écrit  des  lettres  commi- 
natoires. Gentilis,  condamné  à  mort  pour  avoir  accusé  Calvin 
d'erreur  sur  la  Trinité,  ne  sauva  sa  vie  qu'en  demandant  solen- 
nellement pardon  ;  il  fut  plus  tard  décapité  à  Berne  comme 
hérétique  (1566). 

Michel  Servet,  médecin  espagnol,  qui  avait  combattu  dans 
un  écrit  le  dogme  de  la  Trinité,  fut,  pendant  son  passage  à  Ge- 
nève (1553),  condamné  par  Calvin  comme  hérétique  et  brûlé 
vif.  Calvin  écrivit  un  traité  spécial  pour  justifier  la  peine  de 
mort  contre  les  hérétiques.  Mélanchthon  lui  souhaita  de  réussir 
avec  son  procédé,  et  développa  les  mêmes  sentiments  dans  une 
consultation.  C'était  là  l'opinion  qui  dominait  parmi  les  réfor- 
mateurs. 

Calvin  exhorta  le  régent  d'Angleterre  à  extirper  par  le 
glaive  quiconque  combattrait  l'organisation  protestante  des 
affaires  ecclésiastiques,  notamment  les  catholiques;  et  cesdispo- 
positions  n'étaient  pas  chez  lui  le  résultat  d'un  emportement 
passager:  c'était  le  fruit  d'une  colère  sourde  et  réfléchie.  Les 
châtiments  cruels  trouvaient  toujours  en  lui  un  promoteur  et 
un  apologiste.  Il  était  inexorable  envers  quiconque  osait  le 
contredire  et  le  blâmer.  Plusieurs,  tels  que  Le  Fèvre,  furent  jetés 
en  prison,  simplement  pour  avoir  dansé  dans  une  noce.  Son 
beau-fils  Perrin,  ayant  menacé  Calvin,  dut  se  réfugier  en  France, 
et  il  fut  brûlé  en  effigie  à  Genève. 

A  la  campagne  comme  dans  la  ville  de  Genève,  le  nouvel 
Évangile  fut  introduit  par  la  force  ;  le  peuple,  quand  il  s'y  op- 
posait ou  faisait  résistance  aux  prédicants  souvent  immoraux, 
subissait  les  plus  cruelles  vexations.  Les  autorités  ne  toléraient 
aucune  parole,  aucun  emblème  catholique  ;  l'abstinence  de  chair 
le  vendredi  fut  punie  de  la  prison,  et  l'on  contraignit  une  foule 
de  paysans  d'assister  aux  sermons  calvinistes. 

OUVRAGES    A    CONSUr.TER    ET    REMARQUES    CRITIQeES   SUR   LE    N°    H 6. 

Libertins  (libertini),  ou  égrenés  :  Calv.  aux  ministres  de  l'Église  de 


372  HISTOIRE   DB   l'ÉGUSE. 

Neufchâtcl  contre  la  secte  fanatique  et  furieuse  des  Libertins,  Gen., 
löii-,  in-80;  Mœhly,  Sebast.  Castellio,  Bâle,  1862.  Sur  Bolsec, 
Anieaux,  Gniet,  voy,  Galitie  (§  113).  Le  Calabrais  Jean-Val.  Gentilis, 
d'abord  trithéiste,  puis  arien,  avait  proposé  dans  ses  tbèses  que  celui 
qui  dans  le  débat  public  serait  trouvé  hérétique,  fût  puni  de  la  peine 
de  mort.  Bened.  Aretin.,  Hist.  de  supplicio  Val.  Gentilis;  Guéricke,  III, 
p.  435,  n.  2.  De  Genève,  Gentilis  se  rendit  en  France  et  en  Pologne, 
puis  de  nouveau  en  Suisse  après  la  mort  de  Calvin;  il  fut  décapité 
le  9  septembre  1566.  L'ouvrage  de  Michel  Servet  :  de  Erroribus  Trini- 
tatis  libri  Vil,  1531,  est  mentionné  par  Aléandre  en  lo32(Lœmmer,  Mon. 
Vat.,  p.  109  etseq.,  n.  84).  En  1531,  à  Strasbourg,  Bucer  affermait  en 
chaire  que  Servet  était  digne  de  la  mort  la  plus  honteuse.  Servet  ensei- 
gnait ceci  :  L'homme  Jésus  est  le  Fils  de  Dieu,  car  Dieu,  dans  la  géné- 
ration extraordinaire  qui  a  eu  lieu  par  l'entremise  de  Marie,  a  pris  la 
place  du  père;  il  a  l'eçn  la  plénitude  de  la  divinité  coparlagée,  mais  sans 
union  hypostatique  des  deux  natures.  11  écrivit  en  outre:  Dial.  deTrin. 
lib.  VII,  et  Christianismi  restitutio.  Cf.  Schrœckh,  V,  p.  492  ot  suiv.,  513. 
G.-L.-B.  Pïinjer,  de  Mich.  Serveti  doctrina,  Jenae,  187fi,  et  Brunne- 
mann.  Mich.  Servelus  Actenniaîszige  Darstellung  des  1553  in  Genf  gegen 
ihn  geführten  Criminalprocesses,  Berlin,  1865;  Calvin,  Fidelis  Exposi- 
tio  errorum  M.  Serveti  et  brevis  eorum  refutatio,  ubi  docetur  jure 
gladii  coercendos  esse  haîreticos,  löo4;  Calv.  Opusc,  p.  686  et  seq. 
De  même  Th.  Beza,  De  htereticis  a  civili  magistratu  puniendis,  eod. 
an.  Schrœckh,  V,  p.  189.  Ce  dernier  demandait  aussi  que  les  antitri- 
nitaires,  quand  même  ils  se  rétracteraient,  fussent  mis  à  mort.  Crenii 
Animadvers.,  XI,  90.  Mélanchthon,  qui  réclamait  aussi  des  peines  cor- 
porelles contre  les  catholiques  (Corp.  Reform.,  IX,  77),  adressa  des 
éloges  à  Calvin  (Epp.  Calvin.,  n.  187.  Voyez  son  avis,  Consilia  et  Judicia 
theoL,  éd.  Pezel,  II,  204).  Cf.  Menzel,  II,  p.  8  et  suiv.;  Dœllinger, 
Kirche  und  Kirchen,  p.  69  et  suiv.  Calvin  au  duc  de  Somerset  : 
Epist.,  éd.  Genev.,  1579,  p.  40.  Sur  d'autres,  voy.  Galiffe  (§  113); 
T.  Gaberel,  Hist.  de  l'Égl.  de  Genève  depuis  le  commencement  de  la 
réf.,  Genève,  1858-62,  3  vol.  Sur  les  procédés  dans  les  communes 
rurales,  Kampschulte,  I,  p.  448. 

L'Académie  de  Calvin.  —  «  Consensus  Tigurinus.  m  —  Mort  de 
Calvin   et  de  Farel. 

117.  Comme  sa  renommée  de  théologien  protestant  lui  atti- 
rait une  foule  do  disciples,  qu'il  voulait  faire  prévaloir  son  sys- 
tème et  le  répandre  au  loin,  Calvin  établit  à  Genève,  en  1558, 
une  académie  pour  renseignement  do  la  philosophie  et  delà 
théologie,  dos  langues  grecque  et  hébraïque.  Do  nombreux 


LI-    rROTKSTANTISME.  373 

disciples,  Jon  nés  gens  et  hommes  falls,  affluèrent  à  Genève,  non 
seulement  de  la  Suisse  et  de  la  France,  mais  encore  de  l'Alle- 
magne, de  l'Angleterre  et  de  l'Ecosse,  pour  se  former  à  l'école 
du  réformateur  et  aller  fonder  ensuite  dans  leur  patrie  des 
communes  réformées  analogues  aux  siennes.  Calvin  répandit 
avec  profusion  los  semences  de  la  révolte,  en  déniant  toute 
autorité  aux  princes  qui  résistaient  à  l'Évangile  et  en  approu- 
vant la  rébellion  contre  eux.  11  fut  longtemps  en  dispute  avec 
les  théologiens  de  Zurich,  qui  continuaient  d'avoir  à  leur  tête 
Henri  Bullinger  (mort  en  to75)  ;  mais,  en  1549,  il  s'entendit  avec 
eux  par  calcul  politique,  et  signa  le  Co7isensiis  de  Zurich.  Quelque 
rigide  qu'il  fût  dans  ses  opinions,  il  ne  laissa  pas  de  se  montrer 
accommodant  dès  que  l'unité  politique  et  religieuse  de  la  Suisse 
lui  parut  d'une  nécessité  urgente.  Il  se  contenta  également,  à 
propos  de  l'Eucharistie,  de  rejeter  à  la  fois  la  doctrine  catho- 
lique et  la  doctrine  luthérienne  ;  mais  cela  ne  l'empêcha  pas 
dans  la  suite  (à  Worms,  1557)  de  faire  remettre  par  son  disciple 
Bèze  une  confession  de  foi  où  l'Eucharistie  était  présentée  dans 
le  sens  de  Luther.  La  haine  commune  de  l'ÉgUse  catholique 
fut  toujours  l'unique  mobile  des  accommodements,  purement 
extérieurs,  du  reste,  qui  intervenaient  entre  les  partis.  Après  une 
vie  remplie  de  travaux,  Calvin  mourut  le  27  mai  1564.  L'année 
suivante,  son  collègue  Guillaume  Farel  expirait  également  à 
Neufchâtel. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N"    117. 

Calvin,  sur  l'autorité  et  lobéissance  qui  lui  est  due  :  Inst.,  IV,  xx, 
XXX,  XXXI,  plus  fort.  Com.  in  Daniel.,  c.  vi.  Cf.  Camden,  Annal.,  p.  II, 
an.  1Ö71.  Consentement  de  Zurich  aux  26  art.,  dans  .Niemeyer,  p.  191- 
217;  éd.  pr.,  1351,  cum  Calv.  ep.  ad  Tigurin.,  0pp.  VIII,  6i8  et  seq. 
Il  est  dit  sur  la  cène  :  «  Non  minus  absurdum  judicamus,  Christum 
sub  pane  locare  vel  cum  pane  copulare,  quam  panem  transsubstantiare 
in  corpus  ejus.  »  Polémique  à  ce  sujet  avec  Westphal,  Ileszhusius  et 
autres  luthériens,  surtout «n  13b6.  Explication  k  Worms,  1337  :  Corp. 
Reform.,  IX,  333  ;  Beza,  l'Histoire  de  la  vie  et  de  la  mort  de  J.  Calvin, 
1364;  Sta?helin,  Jean  Calvin,  vie  et  écrits  (part.  IV,  «le  père  et  le  fonda- 
teur de  la  réfor.  relig.,  »  1863);  Roget,  l'Eglise  et  l'État  à  Genève  du 
vivant  de  Calvin,  Genève,  1867;  Henry,  Vie  de  Jean  Calvin,  t.  III  (en 
allem.).  La  3«  fête  séculaire  de  la  mort  de  Calvin  fut  misérable  :  on  ne 
voulait  plus  le  recounuilre  pour  le,  héros,  le  saint  des  Français  et  des 


374  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Suisses,  ni  justifier  ses  cruautés.  Voy.  sur  cette  solennité  la  Gazette  uni- 
verselle d'Augsbourg,  n.  154,  du  2  juin  1864.  En  1862,  le  dernier  des- 
cendant de  Calvin  rentrait  à  Noyon  dans  le  giron  de  l'Église  catholique. 

Théodore  de  Bèze. 

i  18.  Théodore  de  Bèze,  disciple  et  biographe  de  Calvin,  naquit 
à  Vézelay,  en  Bourgogne  (1519),  d'une  famille  noble,  et  étudia 
les  belles  lettres  à  Orléans.  De  bonne  heure  il  composa  des 
poésies  obscènes  et  vécut  dans  le  débordement.  Licencié  en 
l'un  et  l'autre  droit  en  1539,  il  résida  à  Genève  dès  1547, 
fut  ensuite  professeur  d'hébreu  à  Lausanne,  puis  de  nouveau 
prédicant  et  professeur  à  Genève,  dans  l'Académie  do  Calvin. 
Bèze  était  appelé  à  continuer  l'œuvre  de  son  maître.  Semblable 
à  Calvin  par  son  humeur  farouche,  il  avait  cependant  plus  d'a- 
ménité dans  le  caractère,  et  il  donna  au  nouveau  vsystème  plus 
de  vogue  que  n'avait  fait  le  maître  lui-même.  Spirituel,  éloquent, 
d'une  présence  d'esprit  remarquable,  il  possédait  de  grandes 
connaissances  en  linguistique.  Il  composa  une  multitude  de 
commentaires  sur  la  Bible  et  d'ouvrages  sur  le  dogme,  tra- 
duisit plusieur.«*  parties  de  l'Ecriture  sainte,  et  défendit  l'idée  de 
Calvin  dans  différents  traités  :  par  exemple,  sa  théorie  de  l'Eu- 
charistie contre  le  luthérien  Tileman  lleszhusius.  Ses  ouvrages 
tant  latins  que  français  avaient  beaucoup  de  vogue  parmi  les 
calvinistes.  Bèze  mourut  en  1605. 

OUVRAGES   A   CGNSULTKR    SUU   LE   iN°    118, 

Fajus,  de  Vita  et  Obitu  Th.  Bezae,  Genev.,  1606;  Schrœckh,  K.-G. 
seitder'l\ef.,  II,  p.  205,  271  et  suiv.;  III,  p.  125;  V,  p.  94,  106,  119, 
141  222.  Schlosser,  Leben  des  Th.  Beza  und  des  Petrus  Martyr  Vcr- 
milli,  Heidelberg,  1809;  Baum,  Th.  Beza  nach  hdschr.  Quellen  dar- 
gestellt, Leipzig,  1843  et  suiv.,  2  vol.  Contre  lleszhusius,  Rpetoçayta  sive 
Cyclops,  dial.  de  vera  communicatione  corporis  et  sanguinis  D.  Trac- 
tai, theol.,  I,  239  et  seq. 

Dogmatique  de  Calvin. 

119.  Calvin  avait  eu  pour  prédécesseurs  Luther  et  Zwingle  ; 
mais  il  les  surpassa  l'un  et  l'autre  par  la  rigueur  de  sa  logique. 
Dans  sa  principale  théorie,  celle  de  la  nécessité  absolue  et  de  la 
prédestination  absolue,  il  se  rattache  à  Wiclef.  Tout  ce  qui 
arrive,  arrive  iiüCC»sairomeut.  A  propos  de  l'état  originel,  il 


Li:    PROTESTANTISJIF..  37o 

conçoit  riionimo,  comme  Luther,  destitué  de  force  surnaturelle, 
mais  cepenilaut  doué  du  libre  arbitre,  qui  lui  permet,  s'il  le 
veut,  d'acquérir  la  vie  éternelle.  Quant  à  savoir  comment  le 
libre  arbitre  se  peut  concilier  avec  la  prédestination  absolue,  ni 
Calvin  ni  aucun  de  ses  successeurs  ne  l'a  indiqué.  Calvin  sépara 
rigoureusement  ces  deux  dogmes,  et,  contrairement  à  Luther, 
il  conciliaitla  liberté  avec  la  nécessité  intérieure,  mais  non  avec 
la  coaction  extérieure.  Ainsi  l'homme  tombe  parce  que  la  Pro- 
vidence divine  l'a  ordonné,  et  cependant  il  pèche  librement, 
parce  qu'il  ne  subit  pas  de  contrainte  extérieure,  mais  seule- 
ment une  nécessité  intérieure.  C'est  Dieu  qui  porte  et  excite  au 
péché,  parce  que  c'est  lui  (jui  agit,  opère  et  crée  en  toutes  choses. 

Celte  proposition,  bientôt  délaissée  par  Luther  et  Mélanchthon, 
que  Dieu  est  l'auteur  du  mal,  fut  maintenue  par  Calvin  et  Bèze, 
en  ce  sens  que  Dieu  crée  une  partie  des  hommes  afin  de  pou- 
voir par  eux  opérer  le  mal.  La  nécessité  qui  supprime  toute 
Uberté  et  qui  résulte  d'un  décret  de  Dieu,  ils  ne  la  confon- 
daient pas  avec  le  fatalisme  stoïcien  ;  ils  prétendaient  au 
contraire  que  la  doctrine  suivant  laquelle  rien  ne  se  fait  sans 
un  décret  de  Dieu  était  éminemment  consolante,  pratiquement 
utile  et  nécessaire  en  théorie  ;  ils  parlaient  d'une  volonté  secrète 
de  Dieu,  volonté  juste,  quand  même  nous  ne  la  comprenons  pas. 
En  cela,  disaient-ils,  il  faut  distinguer  le  motif  de  Dieu  et  le 
motif  du  pécheur,  et  appliquer  la  sainteté  du  but  à  la  sainteté 
des  moyens. 

Dieu  voulant  manifester  à  la  fois  sa  justice  et  sa  miséricorde, 
il  doit  y  avoir  des  pécheurs  et  des  élus.  Adam  était  condamné 
à  pécher  ;  mais  il  était  punissable,  parce  qu'il  pécha  avec  une 
délectation  intérieure,  avec  spontanéité,  et  qu'il  ne  voulut  pas 
se  soustraire  au  péché.  «  La  prédestination  est  un  dessein  éter- 
nel par  lequel  Dieu  prononce  sur  la  destinée  de  chaque  homme, 
car  tous  ne  sont  pas  réservés  au  même  sort  :  las  uns  sont  pré- 
destinés d'avance  à  la  vie  éternelle;  les  autres,  à  la  damnation.  » 
Dieu  slnsinue  dans  les  esprits  des  réprouvés,  afin  de  les  rendre 
plus  inexcusables.  Les  élus,  au  contraire,  sont  créés  pour  servir 
d'instruments  à  la  miséricorde  de  Dieu  ;  la  grâce  divine,  qui  est 
irrésistible,  domine  en  eux.  Calvin  croyait  avoir  emprunté  cette 
doctrine  à  saint  Paul  et  à  saint  Augustin. 


376  HISTOIRE  DE  L*ÉGLISE. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  119. 

Cf.  Petav.,  Dogm.  theol.,  t.  I,  lib.  X,  c.  vi-xv.  Doctrine  de  la  pré- 
destination; Instit.,  I,  XV,  8;  xvi,  8;  xvii,  3;  III,  xxiii,  4  et  seq.;  xxi,  5; 
Beza  Aphorism.,  22.  Abstersio  calumniarum,  quibus  aspersus  est  J. 
Calvinus  a  Til.  Heszhus.,  1561. 

120.  Sur  lo  péché  originel,  Calvin  vacillait  dans  son  langage  : 
tantôt  il  disait  qu'il  a  détruit  dans  l'homme  Timage  de  Dieu, 
tantôt  qu'il  l'a  seulement  obscurcie  et  défigurée.  Il  admettait 
que  la  raison  et  la  volonté  constituent  la  différence  de  l'homme 
et  de  l'animal  ;  il  les  faisait  également  valoir  dans  le  domaine 
purement  civil,  mais  il  hésitait  souvent  sur  le  terrain  religieux 
et  moral.  Leä  bonnes  œuvres  des  païens,  suivant  lui,  étaient  des 
œuvres  purement  extérieures,  hypocrites,  coupables.  La  con- 
cupiscence et  la  justification,  il  les  concevait  îi  la  manière  de 
Luther.  Il  attribuait  aux  élus  la  parfaite  certitude  de  leur  féli- 
cité éternelle.  Il  envisageait  la  foi  qui  justifie  comme  l'organe 
par  lequel  Jésus-Christ  est  offert  à  Dieu  pour  la  sanctification 
de  l'homme  :  tel  qu'un  vase  de  terre  qui  renferme  un  trésor, 
mais  qui  est  en  soi  sans  valeur. 

Sur  les  bonnes  œuvres,  Calvin  s'exprimait  avec  plus  de  mo- 
dération que  Luther  :  il  croyait  qu'elles  ne  sont  pas  parfaitement 
pures  chez  les  fidèles,  qu'elles  sont  souillées  dans  une  certaine 
mesure.  Il  considérait  les  sacrements  comme  d'utiles  auxiliaires 
de  la  foi;  mais,  contrairement  aux  catholiques  et  aux  luthériens, 
il  voulait  que  leur  vertu  sanctifiante  fût  rigoureusement  séparée 
des  signes  sensibles;  cette  vertu  n'était  pas  unie  aux  éléments 
matériels.  Chacun  recevait  ces  éléments,  mais  non  la  nourriture 
divine  (la  grâce). 

Dans  le  Baptême,  les  réprouvés  ne  sont  lavés  qu'extérieure- 
ment, et  dans  l'Eucharistie  ils  ne  reçoivent  que  du  pain  et  du 
vin.  Calvin  n'admettait  que  ces  deux  sacrements  ;  il  rejetait  la 
Pénitence,  qui,  suivant  lui,  consistait  simplement  à  dépouiller 
lo  vieil  homme  et  à  revêtir  l'homme  nouveau.  Sur  l'Eucharistie, 
il  cherchait  un  moyen  terme  entre  les  luthériens  et  les  zwin- 
gliens,  rejetait  à  la  fois  la  transsubstantiation  et  la  consubs- 
tantiation.  Le  corps  de  Jésus-Christ,  disait-il,  est  réellement 
présent,  et  les  fidèles  y  participent  en  ce  sens  qu'au  moment 
où  ils  reçoivent  les  éléments  sensibles,  lesquels  demeurent  à 


LE   PROTESTANTISME.  377 

tous  égards  co  qu'ils  étaient,  une  vertu  qui  découle  du  ciel, 
où  le  corps  de  Jésus  (rélénieut  divin)  réside  exclusivement,  est 
ofTerte  aux  fidèles  (aux  prédestinés). 

Sur  l'Église,  Calvin  partageait  les  vues  de  Luther,  mais  il 
maintenait  le  corps  enseignant  ordinaire.  L'Église  invisible  des 
prédestinés  doit  reluire  dans  l'Église  visible  ;  le  ministère  spiri- 
tuel doit  être  exercé  par  les  pasteurs,  les  anciens  et  les  diacres. 
La  vocation  divine  apparaît  comme  venant  de  Dieu,  (piand  elle 
est  décernée  par  la  commune  ;  l'imposition  des  mains  doit  être 
faite  par  le  conseil  des  anciens  {presbyterium).  L'Église,  indé- 
pendante de  l'État,  est  organisée  en  communes  réglées  d'après 
lo  régime  républicain  ;  les  synodes  sont  le  lien  de  l'unité. 
L'origine  divine  de  l'Écriture  sainte  doit  être  attestée  par  le 
témoignage  que  le  Saint-Esprit  rend  dans  le  cœur  de  l'homme. 
La  Bible  doit  être  la  loi  souveraine  des  prédicateurs,  des  synodes 
et  des  autorités. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  120. 

Sur  le  péché  originel  :  Inst.,  I,  xv,  4;  II,  ii,  12;  iit,  6;  III,  ii,  12; 
XXIX,  2.  Ses  maximes,  dans  Strausz,  Doctrine  dogmatique,  1,  §  9,  p.  95. 
Fides  justificans  el  opéra  bona  :  Inst.,  111,  xi,  7;  xiv,  H  ;  de  Ni:!cessit. 
reform.  Eccl.,  Opusc,  p.  430.  Sacrements  :  Inst.,  IV,  c.  ix,  17.  Église  et 
Bible  :  IV,  i,  2;  I,  vu,  .3.  Cf.  Mœhler,  Symb.,  liv.  I,  §  3  et  suiv.,  8, 
31,  31  ;  Staudenmaier,  Philos,  des  Christenth.,  I,  p.  698-709;  Hepp, 
die  Dogmalik  der  evangel.-ref.  Kirche,  Elberfeld,  1866;  Lobstcin,  die 
Ethik  Calvins  in  ihren  Grundzügen,  Strasbourg,  1877. 

PROPAGATION  DU  PROTESTANTISME  DANS  LES  DIFFÉRENTS  PAYS. 

En    AUeniag'ae. 

Les  métropoles  du  protestantisme  allemand. 

121.  Plusieurs  grandes  villes  d'Allemagne  étaient  devenues 
les  foyers  intellectuels  de  la  nouvelle  doctrine.  Après  Witten- 
berg, ce  fut  Strasbourg  (1524)  qui  servit  de  lien  entre 
l'Allemagne  et  la  France.  Là  travaillaient  Capito  (mort  en  1542), 
qui  en  1528 avait  rejeté  le  baptême  des  enfants;  Bucer,  Hedio  et 
Nicolas  Gerliel  de  Pforzheim,  lequel  représentait  la  théorie 
rigoureuse  de  Luther  sur  la  justification  contre  iMatth.  Zell 
(Schwenkfeldien)  et  contre  le  chanoine  Velsch  de  Saint-Thomas; 


378  HISTOIRK   DE   l'É0F-16E. 

Engelbrccht,  ancien  coadjulour  de  Spire,  alors  curé  de  Saint- 
Etienne,  et  plusieurs  antres  qui  nu  firent  que  passer. 

La  troisième  métropole  étaitNurenberg,centrodu  mouvement 
dans  le  sud-est  de  rAllemagne.  André  Osiandro,  professeur  de 
langue  hébraïque  en  1520,  y  enseignait  depuis  1522,  à  Saint- 
Laurent,  les  doctrines  de  Luther,  Dominique  Schleupner,  pré- 
dicant  à  Saint-Sébald,  se  joignit  à  lui  ;  puis,  en  1523,  le  domi- 
nicain apostat  Thomas  Venatorius,  pasteur  au  nouvel  hôpital  ; 
le  recteur  Léon  Uardt  Culmann  ;  en  1525,  Wenceslas  Link, 
ancien  augustin  et  ami  de  Luther;  en  1528,  André  Altham- 
mer,  diacre  de  Saint-Sébald.  Les  prévôts  George  Besler  et 
Hector  Poemer,  l'abbé  de  Saint-Gilles,  le  prieur  des  chartreux 
et  celui  des  augustins  prirent  aussi  une  pari  très  active  à 
l'introduction  de  la  nouvelle  doctrine,  dont  les  prédicateurs 
eurent  bientôt  de  nombreuses  disputes. 

Une  quatrième  métropole  était  Magdebourg:  Nicolas  d'Anis- 
dorf,  né  en  1483,  professeur  de  théologie  à  Wittenberg  depuis 
1511,  s'y  employa  pendant  dix-huit  ans,  à  partir  de  1524,  <à 
l'œuvre  de  la  réforme.  C'est  là  aussi  que  se  réunirent  plus  tard 
les  luthériens  les  plus  hardis  et  les  plus  entreprenants.  Ham- 
bourg fut  réformée  jusqu'en  1529,  par  Jean  Bugenhager,  qui 
travailla  aussi  à  Brunswick,  à  Lübeck,  à  Heidelsheim  et  en 
Poméranie,  puis  par  le  franciscain  apostat  Etienne  Kempen. 

Francfort-sur- le-Mein  eut  pour  apôtre  le  dominicain  Denys 
Melander,  qui,  après  avoir  apostasie  à  Ulm,  y  vécut  depuis  1534 
dans  une  grande  immoralité,  et  devint  ensuite  prédicateur  de 
la  cour  de  liesse  (mort  en  1561).  A  Erfurt,  Luther  prêcha  à 
diverses  reprises  avec  de  grands  applaudissements  ;  en  1521, 
sur  les  instances  du  prieur  des  augustins  .1.  Lange,  le  culte 
catholique  y  avait  été  aboli,  et  nul  prêtre  n'usait  plus  paraître 
dans  les  rues  avec  son  costume  ecclésiastique.  Just  Ménius,  de 
Fukle,  devint,  en  1.525,  pasteur  luthérien  à  Saint-Thomas, mais 
fut  contraint  d'abdicjuer.  11  alla  poiu-suivre  en  Saxe  l'œuvre  de 
la  réforme,  devint  surintendant  d'Eisenach,  puis  de  Gotha  en 
1546.  Il  passait  pour  le  principal  réformateur  de  la  Thuringe 
(mort  à  Leipsig  en  1558). 

A  l'université  d'Erfurt,  le  médecin  Henri  Eberwein  (Euricius 
Cordus)  faisait  des  leçons  sur  la  doctrine  de  Luther,  et  la  plu- 
part des  professeurs  étaient  en  rapport  avec  le  réformateur  de 


I,E    PROTESTANTISME.  379 

"Wittenberg.  Cepninlaiit  le  maître  de  Luther,  Jodok  Trutvelter, 
qui  retourna  bientôt  de  Wittenberg  à  Erfurt,  mourut  dans  la 
foi  catholique  (1510).  Dans  celte  même  ville,  l'augustiu  Barth. 
Arnoldi  fut  également,  jusqu'en  1526,  le  défenseur  invariable 
de  l'ancienne  doctrine  de  l'Église.  Il  en  fut  de  même  de  Jean 
Lupus  et  de  Maternus  Pistorius,  l'iui  des  fondateurs  de  l'école 
des  humanistes  d'Erfurt.  Quant  à  George  Forchheim  et  à  Jean 
Culsheimer,  ils  suivaient,  ainsi  que  l'augustiu  Lange  (mort  en 
1547),  la  doctrine  de  Luther. 

OLVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LE    N"     12t. 

Dœllinger,  Réforme,  11,  p.  3  et  suiv.,  81  et  siiiv.,  1  lit  et  suiv.,  114; 
1,  p.  215  et  suiv.;  Bugenhagen,  ibid.,  II,  p.  140  et  suiv.;  K.-A.  Tr. 
Vogt,  Joli.  Bugenhagen  Ponicranus,  Elberf.,  1867  ;  Denys  Melander, 
Dœllinger,  II,  p.  210  et  suiv.;  iMenius  G.-L.  Schmidt,  Justus  Meniiis, 
Gotha,  1867,  2  vol.  Cf.  Kampschulte  dans  Bonner,  Ihcol.  Lil.-Bl.,  1869, 
p.  533  et  suiv. 

Lattes  dans  les  universités  allemandes.  —  Les  expectants. 

122.  Dans  les  universités  allemandes,  dont  beaucoup  furent 
précipitées  par  le  protestantisme  dans  une  profonde  déca- 
dence ,  la  lutte  religieuse  fut  généralement  conduite  avec 
beaucoup  de  vivacité  :  telles  furent  Erfurt,  Bàle  (protestantisées 
parla  force  en  1529);  Leipzig,  qui  était  un  des  boulevards  du 
catholicisme  sous  le  duc  George,  fut  réformé  après  sa  mort, 
et  déclina  bientôt.  L'université  de  Rostock  (tombée  après  1518), 
celle  de  Francfort-sur-l'Oder  (près  de  se  dissoudre  en  1526), 
se  laissèrent  envahir  presque  sans  résistance  par  la  nouvelle 
doctrine.  A  Tubingue,  le  duc  protestautisa  l'université  en  1535, 
avec  le  concours  dos  zwinglieiis  Grunaeus  et  Blaurer,  bien  que 
beaucoup  de  professeurs  fussent  encore  catholiques  de  cœur. 
La  nouvelle  université  de  Marbourg  fut  bientôt  dans  la  plus 
triste  décadence;  celle  de  Giessen,  créée  en  1607,  n'eut  pas 
d'importance.  Helmstaedt,  fondée  en  1574,  était  déjà  près 
de  crouler  en  1602. 

Wittenberg  etiéna  étaient  agitées  par  de  violentes  querelles; 
Heidelberg,  divisée  jusqu'en  1557,  fut  protestantisée  par  le 
prince  électeur  Otton  IIenri,puis  scindée  par  les  luttes  du  luthé- 
ranisme et  du  calvinisme;  Fribourg,  au  contraire,  qui  était 


380  HISTOIRE   DE  l'ÉGUSE. 

demeurée  catholique,  s'agrandit.  Le  fameux  juriste  Ulric  Zasius, 
né  à  Constance  en  14GI,  d'abord  admirateur  de  Luther  et  dès 
1521  révolté  de  sa  conduite,  se  familiarisa  plus  tard  avec  la 
théologie  catholique;  il  se  félicitait  en  1534  de  l'état  florissant  de 
l'université  de  Fribourg,  où  affluaient  un  grand  nombre  de 
professeurs  et  d'étudiants,  pour  se  soustraire  à  l'impiété  qui 
régnait  à  Tubingue.  On  y  vit  arriver  Louis  Ber,  professeur 
renommé  à  Bàle,  qui  avait  été  formé  à  Paris  ;  puis  le  célèbre 
Henri  Loriti  Glareanus,  chargé  d'enseigner  la  poésie,  et  Jean 
Gaudens  Anhauser,  de  Neutlingue,  professeur  à  Tubingue 
jusqu'en  1534  (plus  tard  à  Vienne). 

La  plupart  des  facultés  de  droit  ne  se  rattachèrent  que  partiel- 
lement à  l'œuvre  de  Luther  :  si  elle  offrait  de  grands  avantages  à 
leur  profession,  si  elle  favorisait  la  bureaucratie,  ces  hommes  ne 
pouvaient  s'accommuderd'nup;irti  d'où  les  formes  et  la  légalité 
étaient  absentes.  Cependant  un  grand  nombre  de  savants  dé- 
ployaient leurs  voiles  au  vent  qui  soufflait  alors  :  Christophe 
Hogendorphin,  syndic  do  Lunebourg  en  1537,  surintendant 
en  1540;  Jacques  Mycellius,  professeur  à  Heidelberg,  qui  com- 
mença en  1532  à  soutenir  les  innovations  qu'il  avait  jusque-là 
combattues;  Jacques  Diller,  autrefois  prieur  des  augustins, 
prédicant  luthérien  à  Spire  en  1528,  prédicateur  de  la  cour  de 
Nenburg  en  1548,  mort  à  Heidelberg  en  1570,  protestant  en 
public  et  catholique  en  secret. 

Beaucoup  même  de  ceux  qui  entrèrent  dans  le  mouvement 
religieux  et  moururent  dans  la  nouvelle  corporation,  aimaient 
à  se  persuader  que  la  séparation  n'était  pas  durable,  qu'on 
pouvait  être  à  la  fois  protestant  et  membre  de  l'Église  catho- 
lique, que  cet  état  ne  durerait  que  jusqu'à  ce  qu'un  accord  fût 
arrêté  par  un  concile  formé  des  doux  partis  ou  par  un  autre 
moyen  :  ces  hommes-là  se  nommaient  les  expectants.  Mais,  en 
présence  des  dispositid^is  qui  animaient  les  princes  luthé- 
riens, de  telles  espérances  ne  pouvaient  se  réaliser. 

OUVRAGES   A    CONrilt.TER    SUR    LE    N"    122. 

Dœllingcr,  Héf.,  I,  p.  468-if<2,  :;;j7-y82.  Plaintes  sur  Erfurt  par 
lléliusCoban.  Hesse,  ibid.,  p.  2IG-2I9  ;  sur  Marbonrg,  p.  219-221  ;  II, 
p.  20'f  et  suiv.  Sur  Ulrich  Zasius,  ibid.,  I,  p.  174-182;  Sliuzing, 
Ulrich  Zasius,  Bùle,    1857;  Janssen,  Gesch.  d,  duuLcheu  Vulkcb,  1, 


LE   PROTESTANTISMK.  ;'.Sl 

p.  91-93.  Ludwig  Ber  :  Dœllinger,  I,  p.  560-oß2.  Glareaiius  et  Anliaii- 
ser,  ibid.,  p.  182-186,  56k  Silualion  tics  facullös  de  juristes,  I,  p.  034  et 
suiv.,  Ö68.  Dilier,  liegendorpliin,  Myceilius  et  autres,  ibid.,  I,  p.  öä4- 
556,  567.  Kxspeclaates,  ibid.,  I,  p.  51  1  et  suiv.;  Pastor,  p.  107  et  suiv. 

Vieux  théologiens  dévoués  à  l'Ëglise.  —  Les  réformateurs 
dans  quelques  provinces  et  localités. 

123.  Parmi  les  anciens  et  savants  théologiens  catholiques,  il 
s'en  trouva  fort  peu  qui  embrassèrent  la  nouvelle  doctrine.  On 
cite  parmi  les  fidèles  soutiens  de  la  foi  catholique  les  noms 
suivants  :  en  Alsace,  Jean  Wimpfelin{^(mort  en  1528),  zélé  pour 
la  réforme  des  mœurs;  Othner  Luscinius  (rossignol),  disciple 
de  Geilerde  kaisersherg ;  Beatus  Khenanus  (mort  en  1547), dis- 
ciple de  Wimpfeling,  et  qui,  avec  l'aide  de  son  maître,  conserva  à 
l'Eglise  l'école  de  Schletstadt;  dans  le  Wurtemberg,  le  prémontré 
Jacques  Nelin,  professeur  d'hébreu  depuis  1538  à  Ingolstadt; 
le  prévôt  Amhroise  Widmann,  qui  alla  à  Noltenbourg;  Arm- 
bruster,  recteur  de  Tubingue,  qui  alla  à  Wurzbourg;  Gallus 
Jean  MuUer,  qui  alla  à  Inspruck;  Plantsch  (mort  en  1533), 
Pierre  Brun;  en  Franconie  :  Conrad  Wimpina  (mort  en  1531); 
Kiliau  Leib,  prieur  des  chanoines  augustins  de  Rebdorf(mort 
en  1553),  à  Rostock;  Jean  PaulU,  surnommé  Arsène,  prieur 
des  Frères  de  la  vie  commune,  honmie  de  grand  mérite  et 
inébranlable  à  toutes  les  attaques  (mort  en  1577);  Marquard 
Behr,  prieur  de  la  chartreuse  de  Marienehe,  près  de  Rostock 
(mort  en  1553),  fidèlement  dévoué  à  l'Église. 

Entre  les  anciens  théologiens  qui  résistèrent  à  l'Église,  nous 
nommerons  d'abord  Urbain  Régius,  professeur  à  Ingolstadt 
en  1510,  vicaire  général  de  Constance  en  1519  :  il  prêcha  à 
Augsbourg  la  doctrine  de  Luther  avec  un  cortège  de  partisans 
armés;  puisa  Hall,  dans  le  Tyrol;  nommé  prédicateur  en  1524 
par  le  magistrat  d'Augsbourg,  il  organisa  en  1530,  sur  l'ordre 
du  duc  Ernest,  la  nouvelle  Éghse  de  Lunebourg,  et  y  mourut 
avec  la  qualité  de  surintendant  (1541  j. 

La  plupart  des  prédicants  luthériens  étaient  des  moines 
évadés  :  nous  citerons  l'augustiu  Gaspard  Gutel,  qui  en  1522 
prononça  à  Arnstadt  le  premier  sermon  luthérien,  alla  à  Zwi- 
ckau en  1.^23,  et  travailla  longtemps  à  Eislelien  (mort  en  1541); 
sou  collègue  Michel  Styfel,  qui  en  1 522  s'échappa  du  couvent 


382  HISTOIUK   DE   l/ÉGLISE. 

d'Esslingcn,  prêcha  chez  le  comte  Albert  de  Mansfeld,  puis  en 
Autriche,  d'où  il  s'enfuit  et  so  réfugia  auprès  de  Luther;  il 
devint  curé  de  Lochau,  et,  après  des  vicissitudes  diverses,  après 
avoir  professé  les  mathématiques,  mourut  à  léna  en  t5C7,  etc. 

Parmi  les  premiers  propagateurs  du  hithéranismo,  on  re- 
marquait Eberhard  Weidensée,  ancien  prévôt  et  lecteur  à  l'école 
du  couvent  d'Halborsladt,  pasteur  à  Magdebourg  en  1524, 
chassé  par  son  collègue  Grau  topf,  qui  était  favorable  aux  ana- 
baptistes et  avait  soulevé  le  peuple  contre  lui  ;  il  travailla 
dans  l'intérêt  de  la  réforme  dans  le  Schleswig-Holstein, et  mou- 
rut en  1547,  surintendant  à  Goslar. 

Le  comté  de  Nassau  avait  eu  pour  réformateur  Érasme  Sar- 
cérius,qui,  aprèsavoir  été  employé  à  Lübeck,  Rostock,  Vienne, 
Gratz,  puis  de  nouveau  à  Lübeck,  fut  recteur  à  Siegen  en 
1536,  devint  en  1539  surintendant  de  tout  le  comté,  retourna 
plus  tard  en  Saxe  et  à  Mansfeld,  et  mourut  à  Marbourg  en 
1559. 

Dans  la  ville  impériale  de  Nordhausen,  à  Ilfeldet  Walkenreid, 
la  nouvelle  doctrine  fut  introduite  dès  1524  par  Jean  Spangcn- 
itcrg.  A  Halle,  Juslus  Jouas  fut  appelé  (1541)  en  qualité  do 
réformateur,  et  prit  pour  auxiliaire  le  batailleur  André  Poach. 
En  1545,  il  fit  de  vifs  reproches  au  conseil,  qui  refusait  d'expul- 
ser les  ecclésiastiques  et  les  moines  demeurés  fidèles  à  l'ancienne 
Eglise.  En  1546,  le  duc  Maurice  le  fit  expulser  pour  outrages 
à  la  personne  de  l'empereur  ;  après  son  retour  (1550),  il  lui 
fut  défondu  de  prêchera  Halle.  En  1551,  il  devint  prédicateur 
à  la  cour  de  Cobourg,  et,  bourrelé  de  remords,  mourut  en  1555 
surintendant  d'Eichsfeld. L'ami  de  Luther,  Spalatin,  deverni  en 
1525  surintendant  d'Altenbourg,  dégoûté  de  son  emploi  dès 
1528,  fut  tourmenté  plus  tard  par  une  mélancolie  qui  allait 
jus(ju'à  l'aliénation  mentale,  et  qui  en  1544  le  précipita  dans  la 
tombe. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    I.F.   N°    123. 

Wimpfcling  et  Liiscinius  :  Dœllinger,  Héf.,  I,  p.  546-551.  Beatus 
Rhenanus,  ibid.,  p.  515  et  suiv.;  Horawilz,  Rcalus  Rheii.,  Vienne, 
1872;  des  H.  Rhen.  Tlicptigkeit.,  Vienne,  1873.  Théologiens  de  Wùr- 
tonilicrg  :  Doillinger,  I,  p.  503  et  suiv.  Wimpina,  ibid.,  I,  p.  580. 
Kilian  l.cib  :  voy.  Wiiizl).  kalli.  VVochenschi'.,  1855,  n.  50,  ]).  785  et 
suiv.  Jean  Aisénius  :  Dœllinger,  1,  p.  578-580.  Alarquard  Dehr  :  voy. 


LE    PROTESTANTISME.  'Mi 

Lisch,  dans  Jalirb.  fur  Mecklenb.  Gesch.,  Schwerin,  ^SfiO,  ainiAe  2.)% 
p.  383.  —  Urljain  llcgins,  «  Summe  chrisll.  Lehre  »,  Augsb.,  1">27  : 
Deutsche  Bücher  und  Schriften,  Nürnb.,  1562;  Dœllinger,  IL  p.  S8- 
63;  Uhlhorn,  Urban  Reg.,  Elberf.,  1861.  Gaspard  Gütel  :  Dœllinger,  U, 
p.  66-68.  Michel  Styfel  :  voy.  E.-J.  Cosack,  dans  Neue  Preusz.  Prov.- 
ni.,  III,  conlinué  par  K.  v.  Hasenkamp,  Kœnigsb.,  1861,  t.  VII,  VIII. 
Eberhard  Weidensee  :  DoiUiiiger,  II,  p.  72  et  suiv.  Érasme  Sarcérius  : 
voy.  Engelhardt,  dans  Niedner's  Ztschr.  f.  bist.  TheoL,  1850,  I,  p.  70 
et  suiv.;  Dœllinger,  II,  p.  179  et  suiv.  Spangenberg  :  Dœllinger,  II, 
p.  268  et  suiv.  Juslus  Jonas  à  Halle,  ibid.,  p.  114-117.  Spalatin  :  voy. 
Jnl.  Wagner,  Spalatin  und  die  Ref.  zu  Altenburg,  Altenburg,  1830; 
Chr.  Schlegel,  Hi.-.L  vita?  Georgii  Spalatini,  Jenae,  1693;  Dœllinger,  II, 
p.  117  et  suiv. 

Disciples  de  Luther. 

124.  Luther  compta  parmi  ses  principaux  disciples  :  1"  Antoine 
(lorvin,  cistercien  apo.stat,  qni  conconrnt  à  l'érection  de  l'uni- 
versité de  Marbourg,  propagea  le  luthéranisme  à  Goslar  et  à 
Nordheim,  et  devint  enfin  surintendant  général  à  Calenberg 
(mort  en  1553)  ;  2°  Érasme  Alher,  qni  étudia  sous  Luther  en 
1520,  enseigna  en  1525  à  l'école  d'Ursel,  répandit  la  nou- 
velle doctrine  dans  le  petit  pays  de  Dreicheicn,  dans  le  comté  do 
Katzenellenbogen  et  dans  le  Mittelmark,  et  fut  ensuite  pré- 
dicant  à  Neubrandebuurg,  auteur  de  cantiques  religieux  et 
d'écrits  sarcastisques,  mal  famé,  dissipateur  et  perdu  de  mœurs 
(mort  en  1555);  3"  Jean  Drach  (Draconitès),  de  Carlstadt  en  Fran- 
conie  :  il  étudia  à  Erfurt,  puisa  Wittenberg,  prêcha  la  réforme  à 
Miltenberg  en  1522,  et  pénétra  dans  l'évêché  de  Vurzbourg,  où 
Luther  comptait  déjà  des  partisans.  Deux  chanoines  de  Nen- 
Munster  s'y  étaient  mariés,  et  furent  emprisonnés  par 
l'évêque  Conrad  IlL  Promu  docteur  en  théologie  à  Wit- 
tenberg en  1523,  il  devint  curé  de  Walters-Hausen  en  Thn- 
ringe  (jusqu'en  1528),  prêcha  k  Eisnach  et  à  Marbourg  (jus- 
qu'en 1547),  redevint  professeur  et  surintendant  à  Rostock,  et 
retourna  à  Wittenberg (1560,  mort  en  1566).  4°  Gaspard  Aquila 
d'Augsbourg,  curé  de  .lengen,  près  de  Landsberg  :  enseignait 
déjà  en  1518  diverses  propositions  de  Luther,  assista  en  1520 
aux  leçons  de  celui-ci  à  Wittenberg,  devint  prédicateur  à 
l'église  du  château  de  cette  ville  et  professeur  d'hébreu,  fut 
curé  à  Salfeld  en   1527,  soutint  de  nombreuses  controverses, 


384  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

réforma  Hennegau,  accepta  la  charge  de  surintendant  à 
Smalkalde,  la  perdit  eu  1552,  et  retourna  à  Salfeld  (mort  en 
1560).  5°  Jean  Éberlin  de  Gunzbonrg,  franciscain  à  Tubingue  et 
à  Ulm  :  il  prêcha  la  nouvelle  doctrine  dans  cette  dernière  ville, 
résida  à  Bâle  et  à  Rheinfeld,  puis  auprès  de  François  de  Sicken- 
gen,  alla  à  Wittenberg  en  1522,  se  maria  à  Erfurt,  devint  pré- 
dicant  à  Wertheim  en  1525,  et  mourut  en  1526.  Tandis  qu'il 
dépeij^nait  sous  de  vives  couleurs  l'incrédulité  de  son  parti,  il 
donnait  lui-même  beaucoup  dans  la  déloyauté  et  l'hypocrisie. 
C'était  là,  du  reste,  le  caractère  de  la  plupart  des  réformateurs 
sortis  de  l'école  de  Wittenberg. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    SUR    I.E   N"    t24. 

Sur  Antoine  Corvin ,  voy.  Dœllinger,  II,  p.  63-66;  sur  Érasme 
Alber,  ibid.,  p.  68-72,  et  Creccellius,  dans  Archiv,  für  Lit.-Gesclx.,  VI, 
h.  1.  (Il  no  faut  pas  le  confondre  avec  Matth.  Alber,  réformateur  à 
Reullingue  :  voy.  J.  HarUnann,  Matth.  Alber,  Tiib.,  186.3.)  Sur  Jean 
Dracli,  Do^llinger,  II,  p.  20.Ï-2I0;  sur  Gaspard  Aquila,  ibid.,  p.  132- 
134;  sur  Jean  Éberlin,  Slrobcl's  Lit.  Museum,  1,  p.  365  et  suiv.;  Hist.- 
pol.  m.,  t.  VIII,  p.  347-351. 

lue  protestaii(i»>nie  en  Prusse  et  en    Silésie,  en    Polog'ne   el    en 

llon{>;rie. 

Le  protestantisme  en  Prusse. 

125.  Le  prince  Albert  de  Brandebourg,  grand  maître  de 
l'ordre  Teutonique  depuis  1511,  avait  refusé  au  roi  de  I*ologne 
l'hommage  et  les  devoirs  du  vassal  :  il  fut  attaqué  en  1519.  Léon  X 
essaya  d'iutervenir,  et  Charles-Quint  méuagea  un  armistice  de 
quatre  ans.  Pour  se  rendre  indépendant  do  la  Pologne,  Albert 
gagna  l'Allemagne  on  1522,  et  ne  tarda  pas  à  s'éprendre  de  la 
doctrine  do  Luther,qu'Osiandre  lui  avait  enseignée  àNurenberg. 
Luther  lui  conseilla  de  supprimer  la  règle  de  l'ordre,  et  de  gou- 
verner la  Prusse  comme  une  principauté  temporelle.  Son  con- 
seiller Frédéric  de  Heidek  était  favorable  aux  nouveautés.  Les 
prédicants  luthériens  Jean  Brissmann  et  Pierre  Amandus  arri- 
vèrent en  Pru.sse. 

Bientôt  les  moines  et  les  nonnes  furent  chassés  de  leurs  cou- 
vents, les  imagos  et  les  autels  détruits  dans  chaque  église. 


I 


LE    PROTESTANTISME.  385 

L'évêquedu  Samlaud,  Jean-George  Polenz,  coiicoiirntà  la  pro- 
pagation du  luthéranisme.  Le  faible  roi  de  Pologne  conclut  la 
paix  à  Cracovie  en  1525,  et  reconnut  Albert  comme  duc  héritier 
de  la  Prusse  orientale,  sous  la  haute  suzeraineté  du  roi.  Ses  États 
donnèrent  leur  assentiment;  l'évèque  du  Samland,  demeuré 
seul,  renonça  à  son  pouvoir  temporel.  Le  nouveau  duc  épousa 
Dorothée,  princesse  danoise,  et  se  justifia  de  cet  acte  dans  un 
écrit  d'une  grande  platitude.  Il  brava  tout  ensemble  et  les  cen- 
sures du  pape  et  le  ban  de  l'empire,  et  les  protestations  de 
l'ordre  indignement  spolié,  dont  la  plupart  des  commanderies 
allemandes  demeurèrent  fidèles  à  la  règle  et  transportèrent 
le  siège  du  grand  maître  à  Mergentheim. 

En  1526,  une  nouvelle  liturgie  et  un  règlement  ecclésiastique 
nouveau,  en  langue  polonaise,  furent  introduits.  Jean  Seclu- 
sianus  prêcha  à  Kœnigsberg.  En  1530,  Albert  adopta  la  Confes- 
sion d'Augsbourg,  et  fonda,  pour  servir  de  pépinière  au  pro- 
testantisme dans  le  nord- est  et  de  colonie  à  Wittenberg,  l'uni- 
versité de  Kœnigsberg  (1530).  Le  gendre  de  Mélanchthon,  Sabi- 
nus,  en  fut  le  recteur  sa  vie  durant  ;  il  eut  beaucoup  à  souffrir  de 
la  discorde  des  professeurs  et  des  débordements  des  étudiants. 
Elle  devint  le  théâtre  des  luttes  les  plus  désastreuses.  L'appro- 
bation du  roi  de  Pologne  dut  remplacer  celle  du  pape  et  de 
l'empereur- 

A  la  mort  d'Albert  (1568) ,  le  luthéranisme  était  partout 
affermi  dans  le  pays,  mais  déchiré  par  une  foule  de  querelles 
intestines.  Les  deux  évêchés  de  la  Poméranie  et  du  Samland, 
pourvus  de  nouveau  en  1567  sur  la  demande  des  États,  furent 
supprimés  en  1587  et  remplacés  par  des  consistoires.  Après  la 
mort  du  duc  Albert-Frédéric,  tombé  en  démence  (1618),  la 
Prusse  échut  à  l'électeur  de  Brandebourg. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SDR   LE   N°  125. 

Pétri  Bembi  Epist.  Leonis  X  nomine  scriptae,  IIb.  I,  ep.  xxii;  üb.  Il, 
ep.  xxn;  Campeggio,  epp.  an.  1524;  Lsemmer,  Monum.  Vat.,  p.  H  et 
suiv.;  Simon  Grünau  de  Danzig,  0.  Prsed.,  Chron.,  dans  le  recueil  : 
die  Preusz.  Gesch. -Scbreiber  des  16  u.  17  Jahrb.,  Leipzig,  1877, 
livrais.  III;  F. -S.  Bock,  Leben  Albrechts  von  Preuszen ,  Kœnigsb., 
174:);  D.-H.  Ârnoldt,  Kurzgefaszte  Kirchengesch.  vom  Kœnigr.  Preus- 
zen, Kœnigsberg,  1769,  p.  249  et  suiv.;  Faber,  Luthers  Briefe  an 
V. —  BIST.  DE  l'Église.  25 


38G  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Herzog  Albrecht  und  Melanchth.  Briefe  an  H.  A.  (tons  deux  à 
Kœnigsb.,  1817).  Le  même  :  lieber  das  Verliaillnisz  des  Deutschordens 
z.  rœm.  Stuhle,  dans  Schuberts  Abhdlgn.  der  deutschen  Gesellsch., 
Kœnigsbg.,  1830,  I;  Nicolovius,  die  Hischœll.  Würde  in  l'reuszen, 
Kœnigsb.,  1834;  Tœppen,  die  Gründung  der  Un.  Kœnigsberg  und  das 
Leben  des  Sabinus,  1844.  Cf.  Dœllinger,  Réf.,  I,  p.  480-482.  Alt- 
preuszisches  Kirchenbuch  nebst  einer  bist.  Einleit.,  Kœnigsb.,  1861; 
Voigt,  Corresp.  Albr.  v.  Preuszen,  Kœnigsb.,  1841.  Le  même,  Gesch. 
Preuszens ,  Kœnigsb.,  1839,  t.  IX,  p.  68ö  et  suiv.,  et  lettre  au  P. 
Augustin  Theiner  (contre  son  assertion  qu'Albert  était  rentré  dans  le 
giron  de  l'Éghse  catholique,  1846),  Kœnigsb.,  1846.  Cf.  Riffel,  II, 
p.  147  et  suiv.;  Raesz,  Convertiten,  II,  p.  584-595.  —  Nouveaux  rensei- 
gnements puisés  aux  sources  sur  le  réformateur  Albert  de  Brème 
(Catholique,  1876,  p.  172  et  suiv.j. 

Le  protestantisme  en  Silésie. 

126.  Dans  la  Silésie,  qui,  après  avoir  été  polonaise  jusqu'en 
H63,  fut  gouvernée  par  ses  propres  ducs,  dont  la  plupart 
reconnurent  dans  ia  suite  la  suprématie  de  la  Bohême,  les  agi- 
tations des  hussites  et  l'engourdissement  do  la  vie  religieuse 
avaient  préparé  les  voies  à  la  nouvelle  doctrine.  Jean  V,  évoque 
de  Breslau  (1506-1520),  était  en  relation  avec  les  Wittenbergeois 
et  mérita  même  les  éloges  de  Luther.  L'augustin  Melchior  lloft- 
mann,  envoyé  par  Luther  lui-même,  prêcha  dès  1518  dans 
la  principauté  de  Jauer,  au  château  du  seigneur  de  Zedlitz,  et, 
à  partir  de  1521,  au  château  de  Jean  de  Rcichonberg,  ami  de 
Mélanchthon  ;  à  Freistadt,  dont  les  magistrats  s'emparèrent  de 
l'église  paroissiale  (1524),  et  installèrent  le  prédicant  Nicolas 
Sander. 

Dans  le  duché  de  Liegnitz,  la  nouvelle  doctrine  fut  annoncée 
par  Fabien  Eckel  et  Sébastien  Schubart,  appuyés  par  le  duc 
Frédéric  IL  En  i:)23,  celui-ci  appela  le  luthérien  Valentin 
Krautwald  à  l'église  de  Saint-Jean,  enleva  en  1524  au  clergé 
catholique  les  contributions  paroissiales,  prescrivit  la  «  prédica- 
tion évangélique  »,  et  fit  distribuer  la  communion  sous  les  deux 
espèces.  Les  franciscains  furent  chassés;  les  catholiques,  violem- 
ment opprimés. 

Le  conseil  municipal  de  Breslau  manda  des  prédicants  luthé- 
riens, notamment  Jean  Hess  de  Nurenberg,  laissa  la  populace 
insulter  impunément  et  pubhquemeiit  le  culte  catholique,  s'em- 


1,E   PROTESTANTISME.  387 

para  d'un  grand  nombre  d'églises  et  de  couvents,  dont  il  con- 
fisqua les  biens,  et  traça  à  tous  les  ecclésiastiques  des  règles  sur 
la  prédication.  Seul  entre  les  prêtres  catholiques  qui  restaient 
encore,  le  docteur  Sporn  de  Saint-Albert  combattit  ouvertement 
l'ingérence  des  magistrats  :  il  fut  expulsé  avec  plusieurs 
moines. 

Les  édits  du  roi  Ferdinand  et  les  représentations  de  Sigis- 
mond  de  Pologne  n'eurent  pas  plus  de  succès  que  les  démarches 
du  pape  Adrien  VI  et  de  Jacques,  évêque  de  Salza,  esprit  faible 
quoique  bien  pensant  (1520-1539).  D'autres  villes  suivirent 
l'exemple  de  Breslau.  Il  est  vrai  que  le  roi  Ferdinand  se  fit 
rendre  hommage  dans  cette  ville  (1527),  et  publia  des  ordon- 
nances pour  protéger  les  catholiques  ;  mais  elles  ne  furent  pas 
exécutées,  et  le  monarque,  absorbé  par  la  guerre  contre  les 
Turcs,  ne  put  les  faire  prévaloir.  Les  évèques,  chargés  du  com- 
mandement supérieur  des  troupes  locales,  étaient  sans  éner- 
gie ou  même  favorables  à  la  nouvelle  doctrine  :  tel  Balthasar  de 
Pomnitz  (1539-1562),  dont  la  nomination  combla  de  joie  les 
protestants.  L'apostasie  faisait  chaque  jour  de  nouveaux  progrès 
parmi  le  clergé.  Quelques-uns  seulement,  comme  le  docteur 
Colo,  Senitz  et  Kupferschmidt,  préférèrent  l'exil  à  la  rupture  de 
leurs  vœux  sacerdotaux. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    126. 

J.  Ehrenkron,  Schlesische  Iv. -Historie,  Freist.,  1713,  part.  I,  cap.  y 
et  suiv.;  part.  Il;  Heasel,  Protest.  K. -Historie  der  Gemeinden  in 
Schlesien,  Leipzig  et  Liegnitz,  1764;  A.-G.  Rosenberg,  Schles.  Ref.- 
Gescii.,  Breslau,  1767;  G.  Fuchs,  Materialien  z.  ev.  Relig. -Gesch., 
Breslau,  1773;  K.-A.  Menzel,  i\'.  Gesch.  der  Deutschen,  III,  p.  91  et 
suiv.;  V,  p.  238  et  suiv.,  422  et  suiv.;  VI,  p.  140  et  suiv.,  220  et  suiv. 
Auteurs  catholiques  :  Fibiger  (maître  et  prélat  ad  S.  Mathiam,  à 
Breslau),  das  in  Schlesien  gewaltthœtig  eingerissene  Lutherthum.,  Bres- 
lau, 1712-33,3  part.,  in-4°  (le  même  a  utilisé  le  manuscrit  intitulé  : 
«  Schlesische  Religionsaclen  »,  par  Buckisch,  secrétaire  du  roi  àBrieg., 
conseiller  et  historien  royal,  en  7  volumes  in-folio).  Gœrlich,  Gesch. 
der  Praemonstrat.-Abtei  z.  hl.  Vincenz,  Breslau,  1636  et  suiv.,  th.  i, 
p.  loi  et  suiv.;  Bach,  Urkundl.  Gesch.  d.  Grafschaft  Glatz,  Breslau, 
1841  ;  Buchmann,  Antimosler  oder  Beitr.  zu  einer  gerechten  Würdi- 
gung der  Lage  der  schles.  Protestanten  unter  œsterr.  Herrschaft, 
Spire,  1843;  Dceliiuger,  Réf.,  I,  p.  226  et  suiv. 


388  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

Le  protestantisme  en  Pologne. 

127.  Quelques  jeunes  gens  qui  avaient  étudié  à  Wittenberg, 
ainsi  que  des  frères  bohémiens  et  moraves  émigrés,  essayèrent 
de  propager  le  luthéranisme  en  Pologne.  Le  roi  Sigismond  I" 
(1501-1548)  était  un  fervent  catholique.  La  diète  de  Thorn  in- 
terdit, sous  peine  de  confiscation  des  biens  et  de  bannissement, 
de  conserver  les  écrits  de  Luther.  L'archevêque  de  Gnesen,  Jean 
Laski  (mort  en  1531),  et  André  Krzyki,  chevalier  de  la  reine 
Bona  et  évêque  de  Przemysl,  en  1524,  défendirent  vaillamment 
la  foi  catholique,  et  une  commission  spéciale  fut  établie  pour 
rechercher  les  ouvrages  des  hérétiques. 

Le  protestantisme  fut  introduit  à  l'université  de  Cracovie  par 
Martin  Glossa,  et  à  Posen  par  Jean  Séclusianus,  auteur  de  la 
première  traduction  complète  de  la  Bible  en  l^olonais.  Le  moine 
Jacques  Knade  prêchait  la  doctrine  de  Luther  à  Danzig  dès 
4518,  et  en  1528  beaucoup  d'habitants  voulaient  la  faire  adopter. 
Knade  fut  obligé  de  prendre  la  fuite,  et  plusieurs  luthériens 
furent  mis  à  mort.  A  la  fin  cependant,  le  roi  se  vit  obligé  de 
tolérer  la  nouvelle  doctrine  à  Danzig,  d'où  elle  se  répandit  à 
Elbing  et  à  Thorn.  Un  décret  rendu  en  1534  portait  que  des 
places  seraient  refusées  aux  Polonais  qui  auraient  étudié  à  Wit- 
tenberg ;  mais  il  souffrit  de  nombreuses  exceptions,  et  beaucoup 
de  gentilshommes  favorisèrent  les  nouveautés. 

Sous  le  roi  Sigismond-Auguste,  beau«)up  moins  résolu  que 
son  prédécesseur  (1548-1572),  on  vit  en  Pologne,  à  côté  des 
luthériens  et  des  frères  bohémiens,  des  zwingliens,  des  calvi- 
nistes et  des  sociniens.  Les  calvinistes  furent  appuyés  par  le 
confesseur  de  la  reine  Bona,  le  franciscain  Lismanin,  par  Jean 
de  Lasco  et  Radziwill,  prince  lithuanien,  qui,  à  l'exemple  des 
luthériens,  suivis  en  cela  par  les  catholiques,  fit  traduire  dans 
le  sens  de  ce  parti  la  Bible  en  polonais  (1563).  On  déployait 
alors  une  grande  activité  littéraire,  d'autant  plus  que  la  litté- 
rature polonaise  était  parvenue  à  son  plus  haut  degré  de  splen- 
deur. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES   SUR  LE  N°  127. 

M.  Lubienski,  Hist.  réf.  Polonicce,  PVeist.,  1688;  Jura  el  Libertates  dis- 
sidentiuin  in  rcgno  Polon.,  Berol.,  1707,  in-f;  die  Schicksale  der  poln. 


LE    PROTESTANTISME.  389 

Dissidenten,  Hamb.,  1768-70,  3  part.;  Friese,  Beitr.  z.  Ref.-Gesch,, 
in  Polen  u.  Litth.,  part.  II,  t.  1  et  II,  Breslau,  1786;  Ostrowski  (IV, 
§  248),  t.  III;  Lochner,  Facta  et  Rationes  earnm  familiarum  chr.  in 
Polonia,  quœ  ab  Eccl.  cath.  aliénas  fuerunt  usque  ad  Consens.  Sendo- 
mir.  tempora  (Acta  Societ.  Jablonov.  nova,  Lips.,  1832,  t.  IV,  fasc.  2); 
C.-N.  Krasinski,  Historical  sketch  of  the  rise,  progress  and  décline  of 
the  reform  in  Pol.,  Lond.,  183."j,  vol.  I;  en  allein.,  par  Lindau,  Leipzig, 
1841  ;  Lukaszewicz,  Nachrichten  über  die  Dissidenten  in  der  Stadt 
Posen  u.  d.  Ref.  in  Groszpolen  im  16  u.  17  Jahrh.  dtsch. ,  von 
Balitzki,  Darmst.,  1843;  Gesch.  der  ref.  Kirche  in  Litthauen,  Leipzig, 
1848,  t.  I;  Fischer,  Versuch  einer  Gesch.  der  Ref.  in  Polen.,  Grœtz, 
18.ÏO  ;  Bartels,  Joh.  v.  Lasco,  Elberf.,  1860.  Mandat  de  l'évèque  d'Erm- 
land  contre  le  luthéranisme,  20  janv.  1524  :  Le  Plat,  Mon.,  II,  p.  214- 
217.  Paul  111  au  roi  de  Pologne  :  Rayn.,  an.  1548,  n.  82;  Le  Plat, 
IV,  p.  101  et  seq.  Statuts  diocésains  de  Jean  Laski  et  Stanislas  Kani- 
kowski,  réunis  en  cinq  livres,  éd.  Wenzyk,  Cracovie,  1636.  Anciennes 
traductions  polonaises  de  la  Bible  depuis  le  XIV^  siècle  :  Lelong,  Bibl. 
sacra  in  binos  syllabos  distincla,  Par.,  1723,  in-f°.,  sect.  III;  Bibl.  Polon., 
p.  439  et  seq.  Jean  Séclusianus  rédigea  sa  version  de  la  Bible  dans  le 
sens  de  Luther  (1551 -1552).  Chez  les  catholiques,  le  Nouveau  Testament 
fut  publié  en  polonais  pour  la  première  fois  à  Cracovie,  en  1556,  et 
en  1561  on  y  donna  une  traduction  complète  de  la  Bible.  La  traduc- 
tion classique  de  Jacques  Wujek,  S.  J.,  avec  explication  des  plus  dif- 
ficiles passages,  parut  de  1593  à  1599,  La  littérature  polonaise  est 
indiquée  dans  la  Bibliographie  de  Ciampi,  professeur  à  Varsovie,  et 
dans  l'Histoire  de  la  littérature  par  Wiszniewki.  Voy.  Saggio  délia 
letteratura  polacca,  dans  la  Civiltà  cattol.,  19  avril  1856,  page  146. 
Parmi  les  savants,  nous  remarquons,  après  Copernic,  les  deux  Bielski, 
l'historien  Gronicki,  Stanislas  Hosius,  Sarnucki,  l'évèque  Martin  Kro- 
mer  (Eichhorn,  der  Erml.  bischof.  M.  Kromer,  Braunsb.,  1868);  parmi 
les  poètes  latins,  Janicki  et  Sarbiewski,  S.  J.  (Sarbeivius)  ;  parmi  les 
poètes  polonais,  Llonowicz  (Ovidius  Sarmat.),  Zomorowicz,  Jean 
Rochanowski,  Sumonowicz,  etc. 

Diète  de  Pétrikau.  —  Paix  de  Varsovie. 

128.  En  1556  déjà  les  délégués  protestants  demandaient  à  la 
diète  de  Pétrikau  qu'il  fut  célébré,  sous  la  présidence  du  roi,  un 
concile  national  où  tout  se  déciderait  d'après  l'Écriture  sainte  ; 
une  discussion  aurait  lieu  entre  les  évêques  catholiques  et  les 
théologiens  protestants,  parmi  lesquels  figureraient  Mélanch- 
thon,  Calvin,  Bèze,  etc. ,  et  l'on  dresserait  un  symbole.  Sigismond 
entra  dans  ces  vues,  et  pria  le  pape  d'approuver  la  célébration 


390  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

d'un  concile,  l'emploi  de  la  liturgie  en  langue  vulgaire,  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces,  le  mariage  des  prêtres  et  la  sup- 
pression des  annales.  Le  pape,  comme  on  devait  s'y  attendre, 
répondit  par  un  refus,  et  les  ajourna  au  concile  général.  Il 
dépêcha  en  Pologne,  en  qualité  de  nonce  (loo6-1557),  Louis 
Lipomanno,  évêque  de  Vérone,  pour  adjurer  le  roi  et  les  prélats 
de  ne  point  s'écarter  de  la  foi  de  leurs  ancêtres  et  de  traiter 
avec  douceur  ceux  qui  abandonneraient  l'hérésie. 

La  noblesse  polonaise,  qui  régnait  arbitrairement  dans  ses 
domaines,  inclinait  fortement  vers  la  libre  pensée  et  favorisait 
toutes  les  erreurs  imaginables,  malgré  l'horreur  qu'elles  ins- 
piraient au  peuple.  Seuls,  les  esprits  clairvoyants  comprenaient 
les  malheurs  qui  menaçaient  le  royaume,  notamment  du  côté 
des  sectaires,  qui  se  querellaient  entre  eux  et  se  persécutaient 
les  uns  les  autres.  Il  est  vrai  que  les  réformés,  les  luthériens 
et  les  frères  de  Bohême,  réunis  en  1570  dans  un  synode  géné- 
ral tenu  à  Sandomir,  rédigèrent  en  commun  une  formule  de 
foi;  mais  elle  était  beaucoup  trop  vague  pour  produire  un  véri- 
table accord.  Fortifiés  au  dehors,  les  partis  hérétiques  obtinrent, 
après  la  mort  de  Sigismond-Auguste  (1373),  la  paix  religieuse 
de  Varsovie,  qui  accordait  les  mêmes  droits  civils  aux  catho- 
liques et  aux  non  catholiques  (dissidents),  et  obligeait  les  deux 
parties  à  une  paix  perpétuelle.  Le  nouveau  souverain,  Henri 
de  Valois,  fut  contraint  de  jurer  cette  convention. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET    REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N»    128. 

Demandes  des  protestants  en  1555  :  Raynald.,  h.  an.,  n.  58  et  seq.; 
î,e  Plat,  IV,  p.  567  et  seq.  Paul  IV  à  l'épiscopat  et  au  roi  :  Rayn., 
an.  1558,  n.  16-19;  1559,  n.  27-29.  Pie  IV,  ib.,  an.  156),  n.  5-8; 
1563,  n.  185-187;  Jablonski,  Hist.  Consensus  Sendomir.,  cui  subjicitur 
ipse  Consensus,  Berol.,  HS^in-i";  Augusti.Corp.  libr.  symbol.,  p.  254  et 
seq.;  Pax  dissidentium,  1573;  Nova  Acta  hist.  ceci.,  VII,  726;  liicbhorn, 
II,  p.  483  et  suiv.;  Ranke,  Rœm.  Pocpste,  H,  p.  79,  366  et  suiv.,  370  et 
suiv.;  Rcimann,  der  Kampf  Roms  gegen  die  relig.  Freiheit  in  Polen, 
1573  und  1574,  dans  Sybels  Hist.  Ztsclir.,  1864,  XII,  p.  379  et  suiv. 
—  Cette  dissertation  a  besoin  d'être  rectiflée. 

Défections  dans  l'épiscopat.  —  Le  cardinal  Hosius. 

129.  Sous  le  roi  Etienne  Bathory  (1.^)70-1586),  qui  assura  aux 
villes  protestantes  de  Danzig,  Thorn,  Elbiiig,  la  Uberté  qui  leur 


LE    PROTESTANTISME.  391 

avait  déjà  été  auparavant  garantie,  les  dissidents  prirent  de 
nouvelles  forces,  bien  que  ce  prince  fût  lui-même  catholique, 
d'autant  plus  que  l'archevêque  Jacques  Uchanski  (mort  en 
1581)  usait  à  leur  égard  d'une  extrême  faiblesse,  les  favorisait 
même  et  se  montrait  hostile  au  Saint-Siège,  tandis  qu'un 
grand  nombre  d'évêques  manquaient  d'énergie.  Cependant,  ici 
même,  les  vaillants  champions  ne  firent  pas  défaut  à  la  cause 
catholique,  outre  les  légats  du  pape,  le  cardinal  Bolognetto  et 
surtout  Jean-François  Commendone  (mort  en  to84),  qui  s'appli- 
qua avec  succès  à  faire  recevoir  en  Pologne  les  décrets  de 
Trente  et  à  rétabhr  l'ordre  réguUer  dans  les  affaires  religieuses 
(1563-1566).  Stanislas  Ilosius,  évêque  d'Ermeland,  déploya  une 
grande  activité  et  devint  la  colonne  de  l'Eglise  de  Pologne. 
Non  seulement  il  releva  le  catholicisme  dans  son  diocèse,  il 
convertit  encore  une  foule  d'apostats.  En  1551,  au  synode  de 
Pétrikau,  il  avait  dressé  une  profession  de  foi,  opposée  à  celle 
d'Augsbourg,  et  qui  fut  en  peu  de  temps  universellement 
répandue.  En  1557,  il  combattit  dans  un  dialogue  le  mariage 
des  prêtres,  l'usage  du  calice  pour  les  laïques  et  la  liturgie  en 
langue  vulgaire;  en  ioo8,  il  s'élevait  contre  J.  Brenz,  décidait 
le  primat  JDziergowski  à  prendre  des  mesures  énergiques,  fon- 
dait en  1569  le  lycée  de  Braunsberg  et  un  collège  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus,  et  procurait  à  cet  ordre,  qui  avait  été  si 
dignement  représenté  par  Pierre  Canisius  (1558),  l'entrée  dans 
ce  pays.  Hosius  mourut  en  1579,  comblé  de  mérites  et  revêtu 
de  la  dignité  de  cardinal. 

On  vit  bientôt  surgir  à  Pultuk,  à  Posen  et  à  Wilna  (1570),  des 
collèges  de  jésuites  qui  obtinrent  de  grands  succès.  Le  roi 
Sigismond  III  (1587-1632)  les  soutint  avec  persévérance,  en 
même  temps  qu'il  encouragea  la  noblesse  catholique.  Ils  furent 
également  favorisés  par  plusieurs  évêques  éminents,  tels  que 
Stanislas  Karnkowski  (mort  en  1603  primat  de  Gnesen),  remar- 
quable par  son  érudition,  sa  vertu  et  son  zèle  pastoral.  Mais 
plus  ils  ramenaient  de  dissidents  et  répandaient  la  foi  catho- 
lique, plus  ils  excitaient  la  fureur  des  hérétiques,  qui  les 
poursuivaient  des  plus  odieuses  calomnies.  Le  jésuite  Jacques 
Wujek  (mort  en  1597)  était  célèbre  comme  prédicateur,  polé- 
miste et  traducteur  de  la  Bible;  cependant  il  fut  encore  sur- 
passé dans  l'éloquence  de  la  chaire  par  son  collègue  Pierre 


392  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Skarga  (mort  en  1612),  qui  fut  lui-même  dignement  remplacé 
dans  la  chaire  royale  de  Varsovie  par  le  dominicain  Fabien 
Birkowski  (mort  en  1636). 

Martin  Bialobrzeski,  évêque  suffragant  de  Cracovie  (mort  en 
1585),  se  fit  remarquer  par  son  Grand  Catéchisme  et  par  des 
homélies  populaires.  Tout  cela  aigrissait  les  hérétiques;  les 
mesures  sévères  de  Sigismond  III  les  poussèrent  jusqu'à  des 
tentatives  de  révolte  et  à  des  alliances  avec  l'étranger,  qui 
cherchait  à  entretenir  le  mécontentement.  Le  généreux  Ladis- 
las  IV  (1632-1648)  essaya  vainement  de  calmer  les  esprits,  et  le 
colloque  religieux  de  Thorn  (août-novembre  1645)  demeura 
sans  résultat. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET  REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE  N"*  i29. 

Graziani,  Vita  del  cardin.  Commendone  (ci-dessous,  §  156).  Pallav., 
XII,  vu;  XV,  ii-vi,  viiij  XXIV,  xiu;  Rayn.,  an.  1564.  Stanislai  Hosii  0pp., 
cd.  Col.,  1584,  t.  II  (Confessio  fidei  —  Verse  chr.  cath.  doctrinae  solida 
propugnatio  contra  Brentium,  etc.);  Conslit.  synodal,  diœc.  Warmiens., 
Briinsb.,  1612,  in-4°.  Stanislaus  Rescius ,  Slan.  Hosii  card.  et  ep. 
Warm,  vita,  Rom.,  1687;  Bzov.,  an.  1568,  n.  33.  Eichhorn,  der  Erml. 
Bischof  und  Card.  Hosius,  Mayence,  1854,  2  vol.;  Flor.  Riesz,  der  sei. 
Petnis  Canisius,  p.  259  et  suiv.  On  a  de  Karnkowsky  :  des  statuts  dio- 
césains, des  sermons  en  polonais  et  des  dissertations  sur  la  Rédemp- 
tion (1597)  et  sur  l'Eucharistie;  de  J.  Wujek  (Vangroviecensis),  en 
polonais,  la  «  Postula  major  et  minor  »,  le  traité  «  de  Missa  et  de  Deitate 
Verbi  divini  contra  Consensum  Sendom.  »,  la  «  Vita  et  doctrina  Salva- 
toris  ex  IV  Evangeliis,  »  le  traité  «  de  Eccles.  cath.  »,  et  des  hymnes; 
du  P.  Skarga  :  des  sermons  (nouv.  éd.,  Leipzig,  1843),  un  extrait  de 
Baronius,  Rocyne  dzieje  koscielne,  Krak.,  1603,  in-f°,  continué  de  1198 
à  1645  par  Kwiatkiewicz,  Kalisz,  1695,  in-f*»;  Vie  des  saints,  libri  III, 
Dissert.  de  Eucharistia,  et  un  traité  en  polonais  sur  la  réunion  de  l'Église 
latine  et  de  TÉglise  grecqse  :  Bäcker,  Bibliolh.  des  écrivains  de  la 
Comp,  de  Jésus,  Liège,  1861,  VI,  p.  646  et  seq.  De  Birkowski  :  deux 
séries  de  sermons  pour  les  dimanches  et  fêtes;  de  M.  Bialobrzeski,  la 
«  Postilla  orthodoxa  »,  1581,  t.  II  (traduite  en  allemand  peu  de  temps 
après),  et  le  Catéchisme  en  polonais.  DeclaratioThoruniensis  :  Augusti, 
loc.  cit.,  p.  411  et  seq. 

Le  protestantisme  en  Livonie  et  en  Courlande. 

130. 11  arriva  en  Livonie  et  en  Courlande  ce  qui  était  advenu  en 
Prusse.  La  Livonie  était  gouvernée  par  le  commandeur  Walter 


LE    PROTESTANTISME.  393 

de  Plettenburt^'  et  indépendante  de  l'ordre  Teutonique  depuis 
1521.  Walter,  dès  1523,  se  servit  de  la  croyance  luthérienne,  déjà 
répandue  dans  les  villes  de  Riga,  Dorpat  et  Revel,  et  à  laquelle 
inclinaient  plusieurs  autres  villes  et  une  grande  partie  de  ses 
chevaliers,  pour  se  soustraire  à  l'influence  de  l'archevêque  de 
Riga  et  des  évêques.  La  liberté  religieuse  accordée  aux  protes- 
tants se  changea  pour  eux  en  domination  absolue,  lorsque 
Guillaume,  margrave  de  Brandebourg  et  frère  d'Albert,  duc  de 
Prusse,  fut  devenu  archevêque  de  Riga  (1539,  mort  en  1563). 
En  Courlande,  le  commandeur  Gotthard  Kettler  adhéra  à  la 
Confession  d'Augsbourg,  accepta  à  titre  de  duché  héréditaire 
son  territoire  en  fief  de  la  Pologne,  à  laquelle  il  céda  une  partie 
du  pays  (au  delà  de  la  Duna).  Le  dernier  évêque  de  la  contrée, 
Jean  de  Mœnnighausen,  vendit  eu  1559  son  évéché  au  roi  de 
Danemark,  partit  pour  l'Allemagne  et  s'y  maria. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  130. 

C.-L.  Tetsch,  Kurlœnd.  K.-G.,  Riga,  1767-70,3  part.  Extrait  dans 
les  Acta  bist.  eccJ.,  t.  VIII,  649  et  seq.;  X,  865,  721,  et  Acta  H.  E. 
nostri  teraporis,  II,  456,  711  et  seq.;  Gadebusch,  LieÜ.  Jabrbücber, 
tb.  I,  Riga,  1770;  Scblœzer  et  Gebbardi,  Gescb.  v.  Littb.,  Lieu.  u. 
Kurland,  Halle,  1785,  in-4°  ;  Heinrieb  v.  Jannau,  Gescb.  v.  Lietl.  c. 
Estbland,  Riga,  1792-97,  2  vol.,  part.  I,  p.  393  et  suiv.,  Arcbiv.  für  die 
Gescb.  V.  Liefl.,  Estbl.  u.  Kurl.,  fortges.  v.  Scbirren,  Reval,  1861, 
t.  VIII,  p.  1  et  suiv.;  Abb.  v.  Tb.  Ilaller  u.  Mittb.  v.  Breverns,  p.  47  et 
suiv.;  Scbirren,  Quellen  z.  Gescb.  d.  Untergangs  der  livl.  Selbstaen- 
digkeit,  Reval,  1861  et  suiv.,  2  vol.;  Reimann,  das  Verbalten  des 
Reiebs  gegen  Livland,  1359-61  (Sybels  Hist.  Ztscbr.,  1876,  II);  Biene- 
manu,  Briefe  u.  Urkunden  z.  Gescb.  Livl.,  1558-1362,  Riga,  3  vol. 
(V,  1876). 

Le  protestantisme  en  Hongrie. 

131.  La  doctrine  de  Luther  fut  importée  en  Hongrie  par  des 
indigènes  qui  avaient  étudié  à  Wittenberg.  En  1525,  la  diète 
de  Pesth  publia  contre  elle  de  sévères  règlements;  mais  rien  ne 
put  entraver  sa  propagation,  d'autant  plus  que  le  clergé,  dégé- 
néré, avait  beaucoup  baissé  dans  l'estime  publique  ;  que  beau- 
coup de  gentilshommes,  sous  le  prétexte  de  l'Évangile, 
essayaient  d'accaparer  les  biens  d'Église;  enfin,  l'occupation 
d'une  partie  du  pays  par  les  Turcs  favorisa  singulièrement, 


394  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

depuis  1526,  la  propagation  de  l'erreur.  Cinq  villes  libres  de  la 
haute  Hongrie  se  prononcèrent  publiquement  pour  le  luthéra- 
ranisme.  La  Hongrie  reçut  des  rois  de  deux  côtés  opposés  : 
Fcnlinand  d'Autriche  avait  contre  lui  Jean  de  Zapolya;  l'un  et 
l'autre  gaspillèrent  leurs  forces  dans  des  guerres  civiles,  et  ne 
firent  aucune  résistance  à  la  noblesse  avide  de  pillage,  qui 
s'emparait  des  biens  des  évêques  apostats. 

Aux  luthériens  se  joignirent  bientôt  les  zwingliens  et  les 
calvinistes.  Matthieu  Devay,  d'abord  luthérien,  zwinglien 
depuis  1543,  réunit  en  1545,  à  Erdœd,  dans  le  comté  de 
Szatmar,  un  synude  où  parurent  vingt- neuf  prédioants.  Les 
cinq  villes  libres  luthériennes  de  la  haute  Hongrie  acceptèrent 
à  Éperies  la  Confession  d'Augsbourg  en  seize  articles.  En  vain 
la  diète  de  Presbourg  (1548)  prescrivit  l'abolition  des  hérésies  : 
le  palatin  Thomas  Radasdy,  élu  en  1544,  demeura  le  protecteur 
des  protestants,  qui  ne  s'affaiblirent  que  par  leurs  querelles 
intestines.  Le  calvinisme  obtint  insensiblement  la  prépondé- 
rance sur  le  luthéranisme. 

En  1563,  le  synode  de  Tarczal  accepta  la  Confession  de  foi  de 
Bèze  et  prescrivit  renseigiieniont  de  la  doctrine  rigoureuse  de 
la  prédestination.  En  1570,  un  autre  synode  tenu  à  Czenger  se 
prononça  énergiquement  contre  les  luthériens.  Ceux-ci,  dans 
un  synode  réuni  à  Bartfa  en  1594,  exposèrent  les  points  de 
doctrine  qui  les  séparaient  des  calvinistes,  et  déclarèrent  que  les 
écrits  de  Luther  étaient  la  règle  selon  laquelle  il  fallait  décider 
toutes  les  controverses  religieuses.  La  division  des  partis  ra- 
mena plusieurs  égarés  dans  le  sein  de  l'Église,  et  le  clergé 
s'auiuia  d'une  nouvelle  ardeur. 

Le  primat  de  Gran,  Nicolas  Olahus  (mort  en  1569),  fit  exécu- 
ter l'édit  de  restitution  du  10  avril  1560,  qiii  ordonnait  la  reddi- 
tion des  biens  ecclésiastiques  usurpés  par  les  laïques  et  le  rappel 
des  jésuites  à  Tyrnau  (1561j.  Persécutés  par  les  protestants, 
chassés  après  avoir  vu  leur  collège  livré  aux  flammes  (1569), 
ce  no  fut  qu'à  partir  de  1586  que  les  jésuites  purent  se  remettre 
sérieusement  à  l'œuvre.  Beaucoup  de  gentilshommes  rentrèrent 
dans  le  giron  de  l'Eglise.  Ce  retour,  favorisé  par  le  roi  Ferdi- 
nand, se  ralentit  sous  son  (ils  Maximilicn  II  (1564-1576).  Ro- 
dolphe II  remit  en  vigueur  les  lois  favorables  aux  catholiques. 
Les  protestants  s'allièrent  au  prince  de  Transylvanie,  se  sou- 


LE    PROTESTANTISME.  395 

lovèrent  avec  fureur,  et  obtinrent  par  la  paix  de  Vienne  (1606) 
le  libre  exercice  de  leur  religion. 

L'expulsion  des  jésuites,  qu'ils  réclamaient  tumultuairement, 
fut  empêchée  par  une  remarquable  apologie  due  à  un  membre 
distingué  de  cet  ordre,  Pierre  Pazmann,  né  en  1570,  qui  avait 
passé  du  calvinisme  dans  le  sein  de  l'Église  (1583).  Pazmann 
devint  primat  en  1616,  cardinal  en  1629,  et  mourut  en  1637, 
honoré  des  catholiques  hongrois  comme  leur  plus  grand  bien- 
faiteur :  il  avait  fondé  beaucoup  d'écoles  et  de  séminaires, 
rétabli  la  discipline  et  l'autorité  du  clergé,  et  il  fut  à  la  fois 
grand  orateur  et  grand  théologien.  Pins  d'une  fois  encore  les 
protestants  recoururent  aux  armes,  et  ne  se  contentèrent  pas 
des  concessions  du  traité  de  Linz  (1645),  bien  qu'elles  eussent 
été  acceptées  par  la  diète. 

OÜVBAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    X°    131. 

(Lehmann)  J.  Burii  Ilist.  diplom.  de  statu  relig.  evang.  in  Hungaria, 
1710,  in-f;  (P.-C.  Debrecen)  Hist.  eccl.  reform,  in  Hungaria  et  Trans- 
sylvania  access.  locupl.,  a  F. -A.  Lampe,  Traj.  ad  Rhen.,  1728  ;  J. 
Ribini  (prédicant  k  Presbourg),  Memorabilia  Aug.  Gonfess.  in  reguo 
Hung.  a  Ferdin.  1  usque  ad  Carolum  VJ,  2  vol.,  Posen,  1787-1789; 
G.-B.  de  Patronis,  Reform.  Hung.  in  D.  Gerdesii  Serin,  antiq.,  VH,  i, 
p.  13.3  et  seq.,  p.  Il,  p.  346;  Joh.  Szeberinyi,  Corp.  maxime  memorab. 
synodorum  Evaug.  Aug.  Conf.  in  Hungaria,  Pestini,  1848;  Tekusch, 
Kurze  Gesch.  der  ev.-luth.  Kirche  in  Ungarn,  Gœtt.,  1794;  Engel- 
hardt,  Iv.-G.,  IV,  p.  217;  Mailalh,  Gesch.  Ungarns,  III,  p.  193  et  suiv.; 
IV,  p.  259  et  suiv.;  die  Religionswirren  in  Ungarn,  Regensb.,  1845, 
t.  I;  Buchholz,  Gesch.  K.  Ferdinands  I,  Vienne,  1832.  —  Brefs  de 
Pie  IV  à  l'archevêque  Nicol.  de  Gran  :  Rayn.,  an.  1360,  n.  9,  66; 
Socher,  Hist.  Provinc.  Austr.  Societ.  Jesu,  Vienn.,  1740.  Sur  la  réac- 
tion cathohque  :  Ranke.  Papste,  1,  p.  465  et  suiv.  Le  livre  de  Paz- 
man  :  Hodoegus  Jgazsùgra  vez'  erlo  Kalaus,  Preszb.,  1613,  1623,  en 
hongrois,  était  spirituel,  savant  et  d'un  fort  bon  style  ;  il  eut  sur  les 
compatriotes  de  l'auteur  un  effet  irrésistible.  A  la  diète  de  1623,  les 
catholiques  eurent  la  majorité.  Le  converti  Esterhazy,  désiré  par  la 
cuur,  devint  Palatin. 

Le  protestantisme  en  Transylvanie 

13-2.  Dès  1521,  la  doctrine  de  Luther  fut  répandue  en 
Transylvanie  par  des  marchands  d'Hermannstadt  revenus  de 
Leipzig.  Elle  fut  interdite  en  1523  par  des  lois  sévères,  et  les 


39G  uiSTOiRE  DE  l'Église. 

livres  de  Wittenberg  furent  livrés  aux  flammes.  Cependant 
une  école  luthérienne  s'établit  à  llermannstadt  en  1524,  et  la 
noblesse  s'empara  des  biens  du  clergé.  A  partir  de  1526,  les 
luthériens  redoublèrent  d'audace;  les  religieux  et  les  plus 
décidés  d'entre  les  catholiques  furent  chassés  d'Hermannstadt 
en  1529.  A  Cronstadt,  le  prédicant  Jean  Honter  agissait  par  ses 
sermons  et  par  ses  écrits;  en  1534,  il  y  dominait  en  maître 
absolu.  La  messe  fut  abolie,  et  l'usage  du  calice  pour  les  laïques 
introduit  dans  une  grande  partie  du  pays. 

En  1544,  au  synode  de  Medwisch,  toute  la  nation  saxonne  se 
prononça  pour  la  Confession  d'Augsbourg.  Les  Magyares  du 
pays  embrassèrent  le  calvinisme.  En  1556,  la  diète  de  Klausen- 
bourg  —  imitant  ce  qu'avait  fait  la  Paix  de  religion  d'Augs- 
bourg —  établit  la  liberté  illimitée  du  culte.  Les  biens  d'Église 
furent  confisqués  pour  la  défense  du  pays,  à  l'exception  de 
deux  couvents,  que  l'on  convertit  en  gymnases  luthériens.  En 
d564,  à  Enyed,  les  calvinistes  ou  réformés  furent  reconnus 
sans  restriction  et  reçurent  un  surintendant  particulier.  Vinrent 
ensuite  les  unitaires  (sociniens),  qui  avaient  dans  George 
Blandrata  et  François  Davidis  de  zélés  promoteurs.  Ils  furent 
reconnus  en  1571  et  reçurent  un  surintendant.  On  voyait  aussi 
des  anabaptistes. 

Des  luttes  ardentes  ne  tardèrent  pas  à  éclater.  Les  réformés, 
puis  les  luthériens,  formaient  la  majorité  de  la  population;  les 
Valaqucs  grecs  l'emportaient  eux-mêmes  en  nombre  sur  les 
catholiques.  Gaspard  llellai,  prédicant  luthérien  à  Klausen- 
bourg,  publia  (1562)  une  traduction  de  la  Bible  d'après  la 
Vulgate  et  Luther;  une  autre  traduction,  d'après  le  texte  ori- 
ginal, fut  publiée  par  Gaspard  Caroly,  prédicant  à  Gœnz 
(1589);  son  travail  fut  corrigé  par  Abraham  Molnar,  prédi- 
cant des  réformés.  Comme  les  frères  bohémiens,  les  unitaires 
se  plaignaient  des  divisions  qui  déchiraient  le  pays  et  de 
rab.sence  de  toute  vraie  piété. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N°   132. 

Tcutscb,  Aus  dem  saechs.  Leben,  vornehmlich  Herraannstadts,  am 
Ende  des  15  Jahrh.  (Archiv,  fur  siebenbürg.  Gesch. -Kunde.  N.  F., 
t.  XIV,  1877,  I);  G.  Haner,  Hist.  eccl.  Transsylv.,  Fraucof.,  10114; 
Debrecen  (§  131);  Pclri  liud,  Hist.  Antitrinilar.  m   Transsylv.,  Lugd 


J.H    PROTESTANTISME .  397 

Bat.,  1781 .  —  De  falsa  et  vera  uniiis  Dei  Patris,  Filii  el  Spir.  S.  cogni- 
lione,  auctorilnis  ministris  ccclcsiaruin  consentientium  in  Sarmatia  et 
Transsylv.,  éd.  1507  (par  les  unitaires)  :  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  069  et 
suiv. 

Le  protcstaiitisnie  en  Scandinavie. 

La  Suède  sous  Gustave  Wasa. 

133.  La  Suède  avait  essayé,  sons  l'administrateur  du  royaume 
Sten  Sture  le  Jeune,  de  secouer  le  joug  du  Danemark;  mais  ce 
prince  périt  dans  une  bataille  en  1519,  et  Christian  II,  roi  de 
Danemark,  rétablit  son  autorité.  Malheureusement,  il  sema  de 
nombreux  germes  de  discorde  et  de  haine,  en  faisant  subir, 
après  son  couronnement  à  Stockholm,  une  mort  cruelle  à 
beaucoup  de  grands  persüiinages  de  Suède  (novembre  1520] . 

Le  fils  d'une  de  ces  victimes,  Gustave  Wasa,  remis  au  roi  en 
qualité  d'otage,  s'enfuit  à  Lübeck,  où  il  trouva  un  accueil  favo- 
rable, obtint  des  secours,  et  se  familiarisa  en  même  temps  avec 
la  doctrine  de  Luther,  singulièrement  propice  à  ses  desseins.  Il 
retourna  en  Suède,  vainquit  les  Danois,  fut  d'abord  administra- 
teur du  royaume,  puis  en  1523  élevé  à  la  royauté. 

Désireux  de  transformer  la  Suède  en  monarchie  héréditaire, 
de  briser  la  puissance  du  clergé  et  de  la  noblesse,  de  fortifier 
celle  de  la  couronne  par  les  grandes  richesses  de  l'Église, 
Gustave  Wasa  procéda  avec  une  prudente  lenteur  à  la  révo- 
lution religieuse  qu'il  méditait,  car  l'attachement  du  peuple 
à  son  ancienne  religion  lui  présentait  de  grandes  difficultés. 
Deux  frères,  originaires  de  Néricke,  en  Suède,  et  formés  à 
Wittenberg,  Olof  et  Laurent  Peterson,  devinrent  l'objet  de  ses 
faveurs  :  l'un  fut  nommé  prédicateur  de  la  cour  de  Stockholm  ; 
l'autre,  professeur  à  Upsal.  Gustave  les  avertit  d'user  de  beau- 
coup de  modération  dans  ce  qu'ils  entreprendraient  contre 
l'ancien  ordre  ecclésiastique,  d'autant  plus  que  leur  vie  était 
souvent  en  danger.  Us  gagnèrent  quelques  adhérents,  entre 
autres  Laurent  Anderson,  archidiacre  de  Strengenaes,  dont  le 
roi  Gustave  fit  son  chancelier. 

Leurs  progrès  furent  d'abord  peu  rapides  au  sein  d'une 
population  foncièrement  cathoHque.  Le  roi,  dans  ses  lettres  au 
pape  Adrien  VI  et  à  son  légat  Magnus  Gothus,  feignait  encore 
d'être  attaché  à  l'Église  au  moment  où  il  accompUssait  déjà 


398  HisroiUE  i.e  l'église. 

d'importantes  innovations.  Jean  Brüske,  évêquedoLinkœpring, 
et  Pierre  Jacobson,  évoque  de  Westcraes,  ainsi  que  les  domini- 
cains, opposèrent  au  roi  une  vive  résistance.  Les  dominicains 
lurent  expulsés  du  royaume. 

Le  roi  provoqua  à  Upsal  un  colloque  religieux,  dans  lequel 
Olof  Peterson  soutint  la  nouvelle  doctrine  contre  le  professeur 
Pierre  Galle  ;  Gustave  décerna  la  victoire  au  premier,  parce 
qu'il  n'avait  tiré  ses  preuves  que  de  la  parole  de  Dien.  Il  persé- 
cuta les  évoques  et  les  moines,  prit  dos  mesures  pour  introduire 
le  luthéranisme  à  l'université  d'Upsal,  et  protégea  Olof  Peterson, 
qui  se  maria.  Il  procéda  ensuite  à  la  confiscation  des  biens 
d'Église,  chargea  son  université  de  le  justifier,  et  profita  d'un 
soulèvement  populaire  pour  .se  débarrasser  des  évèques  qui 
l'incommodaient,  en  les  accusant  de  haute  trahison.  L'arche- 
vêque d'Upsal  et  l'évêque  deWesteraes  furent  mis  à  mort  (février 
1527).  Gustave  semait  partout  la  crainte  et  l'épouvante.  Beau- 
coup d'ecclésiastiques  apostasièrent,  séduits  en  partie  par  les 
charmes  de  la  nouvelle  liberté.  Les  religieuses  de  Wadstena 
montrèrent  parmi  les  pins  rudes  épreuves  un  courage  héroïque. 

Diète  de  Westeraes.  —  Astuce  de  Gustave  Wasa. 

134.  Gustave  exposa  ses  plans  de  réforme  à  la  diète  de  Wes- 
teraes (1527).  Les  deux  partis  se  combattirent  avec  vivacité,  et  la 
majorité  rejeta  les  propositions  du  roi.  Alors  Gustave  fit  sem- 
blant do  vouloir  abdiquer  la  couronne,  sous  prétexte  qu'il  ne 
pouvait  plus  régner  dans  l'état  actuel  des  affaires,  et  il  réclama 
les  biens  personnels  qu'il  avait  consacrés  au  service  de  l'État.  11 
s'ensuivit  une  grande  émotion,  car  on  redoutait  l'anarchie.  Ses 
partisans  essayèrent  de  gagner  les  bourgeois  et  les  paysans,  en 
agitant  devant  eux  le  spectre  menaçant  de  la  tyrannie  danoise. 
La  noblesse  fut  contrainte  de  céder. 

Des  délégués  de  tous  les  États  conjurèrent  le  roi  de  ne  point 
abdiquer,  s'engagèrent  à  étouffer  tout  mouvement  insurrec- 
tionnel, consentirent  à  ce  que  le  roi  confisquât  les  biens  des 
évoques,  des  chapitres,  des  cathédrales  et  des  couvents,  fixât 
le  traitement  des  évèques,  instituât  et  destituât  les  clercs.  La 
noblesse  fut  autorisée  à  reprendre  les  biens  (jue  ses  ancêtres 
avaient  donnés  à  l'Église  depuis  1453.  Le  clergé  fut  soumis  aux 


LE    l'ROTESTANTlS.AIi:.  .'}•)*.) 

resfri<>ti(Mis  les  plus  déshonorantes  et  profondément  humilié; 
beaucoup  de  couvents  furent  à  l'instant  supprimés. 

Lo  roi  exif^ea  que  la  pure  parole  de  Dieu  fût  désormais 
annoncée  à  tous  ses  sujets  d'après  la  doctrine  de  Luther.  La 
population  suédoise  devint,  eu  matière  relif?ieuse,  entièrement 
dijpendante  du  roi  et  séparée  de  l'unité  ecclésiastique  ;  le  célibat 
des  prêtres  fut  aboli,  et  la  liturgie  célébrée  eu  langue  vulgaire. 
Le  synode  d'Œrebro,  en  1529. consomma  l'œuvre  de  la  réforme. 
Ou  conserva  cependant,  en  considération  du  peuple,  non  seule- 
ment la  constitution  épiscopale,  mais  encore  la  plupart  des  rites 
extérieurs  de  l'Eglise,  y  compris  les  images  et  les  ornements  ; 
mais  le  roi  accapara  les  objets  les  plus  précieux  des  églises. 

Une  censure  sévère  et  des  peines  graves  devaient  rendre 
impossible  le  rétablissement  de  l'aucienne  Église.  Le  .siège 
archiépiscopal  d'Upsal  fut  donné  en  1531  k  Laurent  Peterson, 
ministre  docile  de  ce  roi  despote.  Cependant  Anderson  et  Olof 
Peterson  trempèrent  plus  tard  dans  une  conjuration  contre  le 
roi,  furent  condamnés  à  mort  (1540),  et  ne  rachetèrent  leur  vie 
que  moyennant  de  grosses  sommes  d'argent.  En  1552,  Ander- 
son mourut,  délaissé  et  méprisé,  cà  Stiengeuces,  là  môme  où  il 
avait  commencé  sa  révolte  contre  l'Église  catholique.  Le  roi, 
qui  avait  fait  accepter  en  1544  la  transmission  du  trône  à  sa 
descendance  masculine,  et  qui  était  vraiment  le  chef  de  l'Église 
de  son  pays,  demeura  jusqu'à  la  lin  de  ses  jours  (30  septembre 
1560),  parmi  de  nombreuses  révoltes  qu'il  étouffa  dans  le  sang, 
fidèle  au  luthéranisme.  La  corruption  des  mœurs  était  si  grande 
dans  le  pays,  que  le  roi,  ainsi  que  son  archevêque  d'Upsal, 
disaient,  dans  leurs  décrets  de  1544  et  1558,  que  les  calamités 
publiques  étaient  une  punition  d'en  haut,  et  ils  exhortaient 
leurs  sujets  à  se  faire  une  plus  juste  idée  de  la  liberté  évangé- 
lique. 

Éric  XIV. 

135.  Éric,  l'un  des  quatre  fds  de  Gustave,  fut  élevé  à  la 
royauté  ;  les  autres,  d'après  le  testament  de  leur  père,  reçurent 
des  domaines  particuliers.  Déjà  la  doctrine  de  Calvin  commen- 
çait à  pénétrer  dans  le  pays,  au  grand  regret  des  luthériens, 
qui  y  dominaient.  Éric  fut  gagné  au  calvinisme  par  un  de  ses 
maîtres,  le  Français  Denys  Beurrée,  ami  de  Calvin  et  de  Bèze,  et 


400  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

il  le  professa  bientôt  publiquement.  Des  conflits  sanglants  écla- 
tèrent entre  calvinistes  et  Iiilhérions;  ceux-ci,  déjà  prépondé- 
rants, remportèrent  la  victoire  sous  la  'conduite  de  Jean  Oseg, 
évêque  de  Westera?s.  Éric  XIV,  détesté  pour  sa  tyrannie,  fut 
renversé  du  trône  en  septembre  1568,  à  la  suite  des  mesures 
qu'il  avait  prises  pour  introduire  le  calvinisme  ;  jeté  en  prison, 
il  y  mourut  empoisonné  (25  février  1577).  La  noblesse,  qui 
avait  fini  par  retirer  du  changement  de  religion  plus  de  profit 
encore  que  la  royauté,  menaçait  déjà  le  pays  de  nouvelles  et 
redoutables  révolutions. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LES  N"^  133-135. 

Baaz,  Invenlarium  eccl.  Sueco-Gotliorum.,  Linkœp.,  1642,  in-4'' ; 
C.  Tibnrlii  Range,  Suecia  orthodoxa,  Altstettin,  1688,  in-4";  Messc- 
nius,  Scaadia  illustrata,  Stockholm,  1700,  8  t.,  in-f";  Olaus  Pétri 
Chron.  Suec.  (Swenske  Krœnica) ,  éd.  Kiemming,  Stockh.,  1860; 
Handlingar  rœrande  Sveriges  historia  :  Konung  Gustaf  I  Registra- 
tur, 1521-1524,  Stockh.,  1861  ;  Schimmeier,  Lebensbeschreibung  der 
drei  schwcd.  Reformatoren,  Lübeck,  1783,  in-4";  Fr.  Hubs,  Gesch.  v; 
Schweden,  Halle,  1805-1814,  5  vol.,  surtout  t.  Il,  p.  Ol  et  suiv.; 
Gejer  (IV,  §  233),  t.  II;  Vertot,  HisL  des  révolution?  de  Suède,  Par., 
1768,  II,  162  et  seq.;  Rœmer,  de  Gustavo  I  rer.  sacr.  in  Suecia  ssec. 
16  instauratore,  Utraject.,  1840;  Thyselius,  Einführung  der  Ref.  in 
Schweden  (Hist.-theol.  Ztschr.,  1846,  11);  Dcellinger,  die  Reform.,  II, 
p.  452,  678  et  suiv.;  Kirche  u.  Kirchen,  p.  103. 

Tentatives  de  Jean  III  pour  restaurer  le  catholicisme. 

J3Ü.  Jean  m  (1568-1592),  le  frère  cadet  d'Éric,  avait  développé 
les  riches  qualités  de  son  esprit  et  de  son  cœur  dans  de  sérieuses 
études  et  parmi  de  rudes  épreuves.  Marié  depuis  1562  à  la 
princesse  polonaise  Catherine,  sœur  du  roi  Sigismond-Auguste, 
il  lui  avait  assuré  le  plein  exercice  de  sa  religion.  Catherine 
avait  amené  avec  elle  des  prêtres  catholiques,  notamment  Jean 
Herbst  et  Joseph  Albert.  Jean  III  avait  été  jeté  en  prison  par 
son  frère  Éric,  et  sa  femme  y  avait  mis  au  monde  le  prince 
Sigismond,  qui  fut  plus  tard  roi  de  Pologne  (1587);  il  avait 
étudié  les  Pères  de  l'Église  avec  les  deux  prêtres  de  sa  femme, 
et  s'était  de  plus  en  plus  convaincu  de  la  vérité  de  la  religion 
catholique.  Depuis  (ju'il  était  monté  sur  le  trône,  il  travaillait 
avec  beaucoup  de  prudence  à  son  rétablissement.  Il  s'efforça  de 


I 


LE   PROTESTANTISME.  401 

sauver  le  peu  qui  restait  encore  de  couvents  et  d'institutions 
ecclésiastiques,  publia  treize  articles  concernant  la  réforme  du 
clergé  luthérien  profondément  déchu,  introduisit  un  nouveau 
rituel,  rédigé  en  partie  par  lui-même  et  en  partie  par 
l'archevêque  Laurent  en  1571 ,  pour  favoriser  le  retour  à 
l'Lglise  catholique;  il  y  parlait  de  saint  Anschar,  apôtre  du 
pays,  et  de  l'étude  des  saints  Pères. 

Après  la  mort  des  luthériens  rigides,  il  plaça  sur  les  sièges 
épiscopaux  des  hommes  plus  modérés,  donna  celui  d'Upsal  à 
Laurent  Peterson  Gothus,  qui  se  fit  sacrer  selon  le  rite  catho- 
lique et  contracta  avec  le  roi  un  accord  sagement  combiné. 
Depuis  qu'il  avait  conversé  avec  le  spirituel  jésuite  Warszewicki 
(1574),  envoyé  par  la  reine  de  Pologne,  Jean  avançait  d'un  pas 
plus  rapide.  Il  dépeignit,  dans  un  synode,  la  décadence  de 
l'Église  nationale,  et  trouva  de  bonnes  dispositions  dans  un 
grand  nombre  d'ecclésiastiques. 

En  1576,  parut  une  liturgie  composée  par  le  roi,  aidé  du 
chancelier  Pierre  Fecht;  elle  fut  presque  généralement  accep- 
tée. Seul,  le  plus  jeune  des  frères  du  roi,  le  duc  Charles  de 
Sudermanie,  déjà  rattaché  au  parti  rigide  des  luthériens  pour 
des  intérêts  politiques,  s'y  opposa  en  invoquant  le  testament  de 
son  père  et  les  lois  du  royaume.  Sur  ces  entrefaites,  le  jésuite 
Laurent  Nicolai  arriva  de  Belgique  à  Stockholm,  et  obtint  une 
chaire  de  professeur  de  théologie  ;  on  le  fit  passer  à  tort  pour 
l'auteur  de  la  liturgie.  En  1577,  il  eut  de  violentes  disputes 
avec  les  professeurs  luthériens  Pierre  Jone  et  Olof  Luth,  prin- 
cipalement sur  l'Église  et  le  sacrifice  de  la  messe.  11  en  sortit 
victorieux.  Déjà  plusieurs  luthériens  commençaient  à  mieux 
apprécier  la  foi  catholique,  et  le  Catéchisme  de  Pierre  Canisius, 
propagé  par  le  P.  Herbst,  eut  une  grande  part  dans  ce  résultat. 

OUVRAGES  A   CONSUMER    SDR  LE  N°    136. 

A.  Theiner,  Schweden  u.  s.  Stellung  zum  hl.  Stuhl  unter  Joh.  III 
Sigism.  III  u.  Carl.  IX,  nach  geheimen  Staatspapieren,  Augsb.,  1838 
etsuiv.,2  part.;  Hist.-pol.  Bl.,  1838,  t.  II,  p.  33-51.  La  liturgie  de 
1576,  dans  Munter,  Magazin  f.  K.-G.  u.  K.-R.  des  Nordens,  II,  i,  p.  19 
et  suiv.,  41  et  suiv.  Cf.  Theiner,  I,  p.  415  et  suiv. 


v.  —  HisT.  DE  l'Église.  26 


402  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Nonciature  de  Possevin  en  Suède. 

137.  Encouragé  par  ses  précédents  succès,  Jean  III  envoya  à 
Rome  le  chancelier  Pierre  Fecht  et  le  savant  Pontus  de  la  Gardie, 
pour  concerter  avec  Grégoire  XIII  les  moyens  de  réconcilier  la 
Suède  avec  l'Église  catholique.  Fecht  mourut  en  mer;  son 
compagnon  arriva  à  Rome.  En  1577,  Grégoire  XIII  envoya  en 
Suède,  en  qualité  de  nonce,  le  savant  et  pieux  jésuite  Antoine 
Possevin,  et  Jean  III  eut  avec  lui  de  longs  entretiens.  En  1578, 
le  roi  abjura  le  protestantisme  et  souscrivit  à  la  profession  de 
foi  du  concile  de  Trente.  Cependant  la  congrégation  instituée 
à  Rome  rejeta  plusieurs  des  douze  conditions  exigées  par  le 
roi.  Une  dispute  s'engagea  en  Suède,  à  l'instigation  des  théolo- 
giens allemands  luthériens,  pour  et  contre  la  liturgie  :  de  là  le 
parti  des  philoliturges  et  le  parti  des  misoliturges. 

La  vie  du  roi  fut  souvent  en  danger  :  car  son  frère  Charles, 
qui  aspirait  lui-même  à  la  couronne,  avait  pendant  son  séjour 
en  Allemagne  attiré  les  princes  protestants  dans  son  parti,  et  sa 
femme  Marie  favorisait  puissamment  la  cause  du  luthéranisme 
en  Suède.  Les  traîtres  qui  entouraient  Pontus  de  la  Gardie  et 
Jacques  Typolius,  décidèrent  le  roi,  peu  énergique  d'ailleurs,  à 
maintenir  ses  exigences  vis-à-vis  de  Rome;  Rome  ne  céda 
point,  parce  que  cet  exemple  eût  été  dangereux  pour  d'autres 
pays,  et  que,  dans  de  telles  conditions,  le  catholicisme  n'aurait 
pu  vivre  en  Suède  d'une  vie  véritable.  Possevin  rentra  en  1579, 
sans  avoir  obtenu  les  concessions  désirées.  Le  roi  renouvela  sa 
demande  ;  mais  bientôt  son  ardeur  pour  la  cause  catholique  se 
ralentit.  Intimidé  de  toutes  parts,  il  tremblait  devant  les  insur- 
rections et  craignait  de  perdre  son  trône  :  à  dater  de  là,  il  ne  fit 
plus  aucune  démarche  pour  réunir  la  Suède  à  l'Église  catho- 
lique. Ces  espérances  s'évanouirent  de  plus  en  plus  à  la  mort 
de  la  reine  Catherine,  zélée  pour  le  catholicisme  (16  septembre 
1583).  Jean  contracta  dans  la  suite  un  second  mariage  avec 
Guneila  Rjelke,  qui  fut  un  des  principaux  soutiens  du  luthéra- 
nisme. Guneila  et  le  théologien  de  Rostock,  Chytrée,  exercèrent 
sur  lui  une  grande  influence;  mais  ils  ne  purent  le  décider  à 
renoncer  à  sa  liturgie. 


LE    PROTESTANTISME.  4f03 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR  LE  N"    137. 

Dorigny,  Vie  du  P.  Possevin,  Paris,  1712,  p.  166-252;  Theiner,  I, 
p.  449  et  suiv.,  504  et  suiv.;  Ranke,  Rœm.  Pœpste,  II,  p.  81  et  suiv.; 
Rüh.s,  II,  p.  223  et  suiv.  —  Judicium  prœdicatorum  Holmensium  de 
publicata  liturgia,  ap.  Baaz,  Invent.,  p.  393. 

Le  roi  Slgismond. 

138.  A  la  mort  de  Jean  III  (1592),  son  fils  Sigismond,  déjà 
roi  de  Pologne,  était  absent.  Son  oncle,  le  duc  Charles,  admi- 
nistrateur provisoire  du  royaume,  profita  de  cet  intervalle  pour 
l'évincer  du  trône.  Sigismond  avait  rejeté  autrefois  la  demande 
qu'on  lui  avait  faite  de  jurer  la  Confession  d'Augsbourg,  et 
offensé  par  là  les  nombreux  protestants.  Charles  réunit  à  Upsal 
une  diète  et  un  synode  national,  qui  repoussa  le  rituel  et  la 
liturgie  de  Jean  III  (mars  1593),  prescrivit  à  tous  la  Confession 
d'Augsbourg,  et  la  fit  jurer  à  quiconque  remplissait  une  charge 
publique.  Il  y  fut  déclaré  qu'aucune  secte,  papiste,  calviniste 
ou  autre,  ne  serait  tolérée  dans  le  pays;  qu'on  s'en  tiendrait 
uniquement  à  la  seule  et  véritable  foi  luthérienne.  Les  évêques, 
dans  leur  lâcheté,  témoignèrent  en  termes  ridicules  leur  regret 
d'avoir  accepté  la  liturgie  condamnée;  l'archevêché  d'Upsal  fut 
donné  à  un  luthérien  fanatique,  Abraham  Angermann. 

Déjà  le  duc  Charles  donnait  à  entendre  que  son  neveu  devait 
être  exclu  du  trône,  s'il  n'acceptait  pas  les  décrets.  Le  méconten- 
tement contre  ce  roi  juste  et  généreux  avait  déjà  fait  de  grands 
progrès,  quand  il  arriva  en  Suède  (juillet  1593)  pour  prendre 
possession  du  trône  paternel.  11  était  accompagné  du  nonce  du 
pape,  Malaspina.  A  Danzig,  il  fut  salué  par  un  autre  délégué  du 
Saint-Siège,  Barthélémy  Powsinsky,  qui  lui  remit  une  somme 
d'argent  pour  ses  frais  de  voyage  et  lui  donna  différents  con- 
seils. La  puissance  royale  était  déjà  considérablement  affaiblie 
par  les  concessions  précédentes  de  Sigismond.  Les  vues  du  roi 
se  bornaieut  à  accorder  quelques  libertés  aux  catholiques,  sans 
toucher  à  la  constitution  protestante.  Les  prédicants  luthé- 
riens, qui  excitaient  le  peuple  de  mille  manières,  essayèrent  de 
s'y  opposer;  on  alla  jusqu'à  refuser  au  roi  l'exercice  pubhc  du 
culte  catholique.  Un  des  plus  fougueux  était  le  prédicant  de 
Stockholm,  Éric  Schepper.  C'est,  disait-il,  un  crime  abominable 


404  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

que  d'enterrer  solennellement  un  catholique  polonais,  et  il 
lança  l'interdit  sur  la  capitale. 

Devant  la  fourberie  de  son  oncle  et  le  fanatisme  des  luthé- 
riens, Sigismoud  ne  pouvait  rien  faire  d'important;  malgré 
toute  sa  condescendance  et  sa  loyauté,  il  fut  incapable  de  pré- 
venir une  révolte.  Avant  de  repartir,  il  régla  le  gouvernement 
de  l'État,  qu'il  remit  en  commun  à  son  oncle  et  aux  juges  du 
royaume,  confirma  toutes  les  prérogatives  de  la  religion  natio- 
nale, augmenta  les  revenus  des  évêques  et  des  prédicants,  et 
agrandit  leur  autorité  (16  mars  1594).  Les  prédicants  se  moquè- 
rent du  roi  et  l'accusèrent  de  superstition  pour  avoir  fait  le  lave- 
ment des  pieds  le  jeudi  saint  (bien  qu'il  se  trouve  dans  l'Évan- 
gile), et  ils  punirent  par  l'excommunication  et  la  perte  de  leurs 
aumônes  les  pauvres  qui  s'étaient  prêtés  à  cette  cérémonie. 

Diète  de  Suderkœping.  —  Ses  suites. 

139.  Sigismond  parti,  le  duc  Charles  continua  ses  intrigues 
pendant  dix  ans  (1594-1704),  jusqu'à  ce  qu'il  eût  définitivement 
enlevé  le  trône  à  Sigismond.  La  diète  de  Suderkœping  (1 59.5) 
fit  un  crime  au  roi  d'avoir  accordé  aux  catholiques  le  libre 
exercice  de  leur  culte  et  une  part  dans  les  fonctions  de  l'État. 
Elle  décida  que  tous  les  non  luthériens  seraient  contraints 
d'émigrer,  qu'on  enlèverait  au  roi  le  droit  de  nommer  aux 
emplois  pour  le  conférer  au  duc  Charles,  qu'on  défendrait 
tout  appel  au  roi  tant  qu'il  résiderait  hors  du  pays. 

Ces  décrets  de  haute  trahison  furent  exécutés  sans  merci  ;  le 
couvent  de  Wadstena  fut  complètement  supprimé  et  détruit,  et 
la  partie  du  peuple  qui  se  montra  revèche  fut  forcée  par  la 
violence  à  se  soumettre.  En  1595,  une  fête  d'actions  de  grâces 
fut  célébrée  «  pour  le  maintien  de  la  vraie  religion  contre  les 
entreprises  et  les  manœuvres  des  jésuites  ».  L'archevêque 
Angermann  «  fit  une  visite  des  églises  qui  n'avait  pas  eu  sa 
pareille  »,  dit  Ranke.  Quiconqiie  ne  fréquentait  pas  l'église 
luthérienne,  était  frappé  de  verges;  l'archevêque  emmenait 
avec  lui  quelques  vigoureux  disciples,  chargés  d'administrer 
la  correction  sous  ses  yeux.  Les  autels  des  saints  furent  mis  en 
pièces,  les  reli(iues  dispersées;  les  cérémonies,  qu'on  tenait 
encore  pour  indifférentes  en  1593,  furent  en  1597  supprimées 


LE   PROTESTANTISME.  405 

en  beaucoup  d'endroits.  La  tyrannie  était  d'autant  plus  raffinée, 
qu'elle  contrariait  davantage  les  penchants  du  peuple  et  la 
volonté  du  roi.  Déjà  le  duc  Charles,  qui  se  comportait  en  roi, 
avait  fait  rendre  un  décret  statuant  qu'aucune  ordonnance 
royale  ne  serait  valable  avant  d'être  approuvée  par  le  gouver- 
nement suédois. 

Sigismond  détrôné  par  le  duc  Charles. 

140.  Cependant  il  y  avait  encore  un  parti  dévoué  à  la  cause 
du  roi.  Le  gouverneur  Flemming,  gouverneur  de  Finlande, 
continuait  de  défendre  son  drapeau.  Beaucoup  de  seigneurs, 
qui  avaient  cherché  en  lui  une  barrière  contre  l'arbitraire  de 
Charles,  furent  expulsés;  mais  leurs  partisans  demeurèrent 
dans  le  pays.  Le  bas  peuple  était  mécontent  de  l'abolition  de 
toutes  les  cérémonies,  et  considérait  les  calamités  publiques 
comme  un  châtiment  du  Ciel.  Indigné  de  ces  attentats,  Sigis- 
mond III  aborda  pour  la  seconde  fois  (été  de  1598)  dans  son 
royaume  héréditaire,  et  débarqua  à  Calmar  avec  cinq  mille 
hommes  seulement.  D'autres  troupes  étaient  déjà  arrivées,  et 
une  bande  de  Finlandais  s'avançait  vers  Upland.  Charles  se  mit 
à  la  tète  de  son  armée  et  marcha  contre  le  roi.  Sigismond  rem- 
porta de  nombreux  avantages  :  il  aurait  pu  écraser  le  perfide 
duc  avec  tous  ses  partisans  ;  mais  il  suspendit  le  massacre  et  ne 
recueillit  qu'ingratitude.  Charles  ne  tarda  pas  à  obtenir  la  pré- 
pondérance ;  le  roi  dut  promettre  qu'il  se  soumettrait  à  la  déci- 
sion de  la  diète,  et  il  s'embarqua  pour  Danzig.  A  Jonkœping 
(janvier  1599),  Charles  l'accusa  de  vouloir  ramener  les  Suédois 
aux  erreurs  de  l'Antéchrist. 

Les  États  assemblés  à  Stockholm  (mai)  déclarèrent  qu'ils  refu- 
seraient l'obéissance  au  roi,  s'il  n'approuvait  pas  toutes  leurs 
demandes,  entre  autres  celle  de  faire  élever  en  Suède,  dans  le 
protestantisme,  son  fils  Ladislas  par  le  duc  Charles. 

Tous  les  partisans  de  Sigismond  périrent  dans  de  cruels 
supplices.  En  1600  enfin,  à  la  diète  de  Linkœping,  Charles  et 
les  États  déclarèrent  Sigismond  et  sa  descendance  déchus  du 
trône  pour  avoir  apostasie  la  vraie  doctrine.  Neuf  conseillers 
royaux  payèrent  de  leur  tète  leur  fidélité  au  roi.  En  1604,  la 
diète  do  Nordkœpiug  renouvela  les  calomnies  et  les  injures 


-406  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

précédemment  débitées  contre  Sigismond,  et  proclama  roi  le 
duc  Charles  (IX),  qui  s'affermit  sur  le  trône  par  la  violence  et 
alla  jusqu'à  entamer  une  guerre  contre  son  neveu  de  Pologne. 
Le  fils  de  Charles  IX,  Gustave- Adolphe  (1611-1632),  hérita  de 
son  ambition  et  de  sa  passion  guerrière;  sa  fille  unique  et  son 
héritière,  Christine,  renonça  au  trône  au  bout  de  quelque  temps 
(1654),  et  se  convertit  au  catholicisme. 

OUVRAGES    A   CONSULTER     ET    REMARQUES     CRITIQUES    SUR     LES    N°*     138-140. 

Concile  de  1593  :  Munter,  Archiv,  II,  i,  p.  69  et  suiv.;  Messenius,  op. 
cit.;  Ranke,  II,  p.  374  et  suiv.,  383  et  suiv.;  Theiner,  II,  p.  45  et  suiv.; 
Riihs,  II,  p.  298  et  suiv.;  III,  p.  1  et  suiv.;  Gejer,  II,  p.  305  et  suiv. 
l,c  manifeste  énumère  les  crimes  du  duc  Charles  contre  le  roi  Sigis- 
mond :  «  Ausa  illustrissimi  principis  D.  Caroli  Sudermanniaî  ducis 
adversus  serenissimum  et  potentissimum  D.  Sigismundum  III  Regem 
Sueciœ  et  Poloniae  suscepta,  scripta  et  publicata  ex  mandato  S.  Reg. 
Majestatis  proprio  »,  Dant.,  1598.  —  Cf.  Piacesii ,  Chronic.  gest.  in 
Europa  singul.,  p.  159,  Sion,  1841,  n.  107  et  suiv.,  p.  969  et  suiv. 
Abrah.  Cronholm,  Sveriges  Historia  under  Gustaf  II,  Ad.  Regering., 
Stockholm,  1861. 

Le  protestantisme  en  Danemark. 

141.  Le  protestantisme  fut  introduit  en  Danemark  par  les 
mêmes  procédés  qu'en  Suède.  Là  aussi,  la  noblesse  et  le  clergé 
étaient  riches  et  très  puissants.  Ils  nommaient  ordinairement 
le  roi  par  des  capitulations  électorales  qui  restreignaient  sou 
autorité.  Christian  II  (1513-1523)  trouva  dans  le  protestantisme 
un  moyen  d'affaiblir  l'aristocratie  laïque  et  surtout  l'aristocratie 
ecclésiastique.  En  1520,  il  remit  au  docteur  Martin,  qu'il  avait 
demandé  à  Luther,  une  église  à  Copenhague,  sans  se  soucier 
de  la  résistance  des  États,  défendit  aux  ecclésiastiques  non 
mariés  d'acheter  des  biens,  et  fit  exécuter  l'archevêque  de  Lund. 
Outrés  de  ses  vexations  insupportables,  les  prélats  et  les  barons 
se  concertèrent  pour  précipiter  sa  ruine.  Ils  prononcèrent  sa 
déposition,  parce  qu'il  régnait  en  tyran  et  voulait  introduire  un 
culte  nouveau.  Le  peuple  danois  était  si  loin  de  songer  à  un 
changement  de  religion,  que  le  nouveau  roi  Frédéric,  duc  de 
Schleswig  et  Holstein,  oncle  de  Christian,  dut  s'obliger  par  ser- 
ment, quand  il  fut  couronné,  à  maintenir  la  religion  catho- 


hV.    PROTESTANTISME.  407 

liqne,  à  interdire  la  prédication  aux  disciples  de  Luther  et  à  les 
traiter  coiiimo  des  hérétiques. 

Frédéric  n'osa  pas  avouer  encore  qu'il  était  lui-même  luthé- 
rien (23  mars  1523),  et  il  trompa  les  évêques.  Mais  il  se  montra 
bientôt  le  protecteur  des  luthériens,  favorisa  le  prédicant 
Hans  Tausan,  et  en  1526  se  déclara  formellement  luthérien. 
Interrogé  sur  ce  sujet  par  les  États  réunis  à  la  diète  d'Odensée 
(1527),  Frédéric  s'excusa  en  disant  (}u'il  n'avait  pas  promis  de  to- 
lérer les  abus  de  l'ancienne  Église  ;  il  fit  même  adopter  un  décret 
suivant  lequel  les  deux  religions  subsisteraient  l'une  à  côté  de 
l'autre  jusqu'au  prochain  concile  général;  les  luthériens  joui- 
raient des  mêmes  droits  civils  que  les  catholiques,  le  mariage 
serait  permis  aux  ecclésiastiques,  la  demande  du  pallium  à 
Rome  supprimée,  et  la  confirmation  des  évêques  confiée  au  roi. 
Les  hens  avec  le  Saint-Siège  étaient  rompus;  les  évêques, 
mondains  et  insouciants,  ne  firent  aucune  résistance  au  pro- 
grès des  innovations. 

Cependant,  comme  ce  progrès  laissait  encore  à  désirer,  Frédé- 
ric provoqua  à  Copenhague  (1529)  un  colloque  religieux,  auquel, 
sur  la  demande  des  évêques,  les  chefs  de  l'Allemagne  catho- 
lique, Eck  et  Cochlée,  furent  aussi  invités.  Ils  n'arrivèrent 
point,  mais  seulement  Stagefyr,  théologien  de  Cologne,  peu 
versé  dans  la  langue  danoise.  Cette  raison,  jointe  à  celle-ci 
que  les  luthériens  ne  voulaient  point  discuter  en  latin,  qu'ils 
ne  reconnaissaient  ni  Pères  de  l'Église  ni  conciles,  mais  seu- 
lement l'Écriture  sainte,  fit  que  le  colloque  n'eut  pas  lieu. 
Les  griefs  réciproques  furent  remis  par  écrit  au  roi  et  à  la 
diète. 

Les  luthériens  avaient  en  outre  dressé  une  confession  de  foi 
en  quarante-trois  articles.  Le  roi  déclara  que  la  doctrine  de 
Luther  était  l'expression  de  la  vérité  divine.  A  dater  de  là,  les 
catholiques  furent  honnis  et  persécutés  ;  quand  ils  ne  cédaient 
pas,  on  les  expulsait  violemment  de  leurs  possessions.  Les 
fonctionnaires  royaux  s'étaient  vite  accommodés  à  la  nouvelle 
doctrine,  dont  les  partisans  l'emportèrent  à  la  diète  de  1530.  La 
ville  de  Malmoë  fut  la  première  qui  abolit  l'ancien  culte.  Le 
nouvel  évêque  de  Roskild  fut  obligé  de  payer  au  roi  six  mille 
florins  d'or  pour  sa  confirmation.  Les  excès  des  briseurs 
d'images,  l'invasion  de  Christian  II  déposé  et  la  guerre  civile 


408  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

qui  en  résulta,  furent  les  seuls  motifs  qui  décidèrent  le  roi  à 
user  encore  de  quelques  ménagements  envers  les  catholiques. 

Christian  III.  —  Abolition  définitive  du  catholicisme. 

142.  Frédéric  mort,  le«  évêques  protestèrent  contre  l'éléva- 
tion de  l'aîné  de  ses  fils,  Christian  III,  ami  personnel  de  Luther, 
et  qui  avait  déjà  protestantisé  le  Holstein.  Mais  Christian  III 
sut  attirer  dans  son  parti  les  États  laïques  du  royaume,  et  fit 
saisir  en  un  seul  jour  tous  les  évêques  du  pays.  Luther  lui 
écrivit  pour  le  féliciter  d'avoir  «  extirpé  »  les  évêques,  et  assura 
qu'il  s'emploierait  de  son  mieux  pour  qu'on  en  fît  autant  par- 
tout où  il  se  pourrait.  Frédéric  ne  rendit  aux  évêques  leur 
liberté  et  leurs  biens  patrimoniaux  que  lorsqu'ils  eurent  rési- 
gné et  promis  de  ne  point  faire  obstacle  à  la  nouvelle  doctrine. 
L'évêque  de  Roskikl,  Rœnnow,  fut  le  seul  qui  refusa  d'acheter 
la  liberté  à  ce  prix  :  il  mourut  en  prison  (1544).  Tous  les  prêtres 
qui  repoussèrent  la  doctrine  de  Luther,  furent  destitués;  les 
moines  et  les  nonnes  furent  chassés  de  leurs  couvents.  Le 
collègue  de  Luther,  Jean  Bugenhagen  [Pomeranus],  fut  mandé 
de  Wittenberg  en  1537  pour  consommer  l'œuvre  de  la  réforme. 
11  couronna  le  roi  et  dressa  un  nouveau  règlement  ecclésîas- 
ti(]ue,  qui  mettait  la  religion  entièrement  aux  mains  du  souve- 
rain; ce  règlement  fut  approuvé  en  1539  par  la  diète  d'Odensée. 

Aux  évêques,  dont  les  biens  furent  partagés  entre  le  roi  et  la 
noblesse,  on  substitua  sept  surintendants,  qui  furent  consacrés 
par  Bugenhagen  et  prirent  bientôt  eux-mêmes  le  titre 
d'«  évêques  ».  Ce  qui  subsistait  encore  des  droits  des  catho- 
liques, fut  anéanti  en  154G,  k  la  diète  de  Copenhague  :  on  inter- 
dit aux  prêtres  catholiques,  sous  peine  de  mort,  de  résider  dans 
le  pays;  on  priva  les  catholiques  du  droit  d'hériter  et  on  les 
exclut  de  tout  emploi.  Bugenhagen,  qui  aimait  à  se  faire  appe- 
ler «  l'apotre  du  Nord  »,  quitta  le  Danemark  eu  4539,  emportant 
avec  lui  de  grandes  sonwues  d'argent  (mort  en  1558). 

Parmi  les  théologiens  danois  se  trouvait  le  plus  célèbre  des 
disciples  de  Mélanchthon,  Nicolas  Ueniming,  professeur  do 
théologie  à  Copenhague.  Lui  aussi  fut  obligé  de  céder  au  des- 
potisme du  roi  en  matière  dogmatique,  et  de  rétracter  sa 
doctrine  sur  l'Eucharistie  (1575).  En  15G2,  il  s'apitoyait  sur  la 


LE    PROTESTANTISME.  409 

situation  désespérée  de  la  jeune  Église  danoise.  En  1594,  les 
conseillers  du  royaume,  investis  de  la  régence,  déploraient  la 
décadence  des  écoles.  La  noblesse  avait  le  monopole  de  tous  les 
avantages  politi(]ues  ;  les  bourgeois  et  les  paysans  ployaient  sous 
des  charges  de  toute  nature.  Les  tentatives  de  Christian  IV 
(1588-1648)  pour  les  soulager  échouèrent  devant  la  résistance 
do  la  noblesse,  dont  la  force  surpassait  la  sienne. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR    LES    N°^    141-142. 

Conr.  Aslack,  Or.  de  religionis  per  Lulh.  reformatai  orig.  et  pro- 
gressa, Hafn.,  1621,  m-4°;  en  allem.,  ibid.,  1622.  Erich  Paiitopidan. 
(IV,  §  225),  t.  III.  1747,  u.  Ref.-Gesch.  der  dœnischen  Kirche,  Lübeck, 
1734,  p.  1  et  suiv.,  155  et  suiv.;  Ilolberg,  Daen.  u.  norwegische  Staats- 
historie, Copenhague,  1731,  p.  127  et  suiv.;  Munter,  Danske  Ref 
Historie,  2  vol.,  et  K.-G.  von  Dœnem.  u.  Norw.,  Leipzig,  1834,  t.  III; 
Dahlmann,  Gesch.  v.  Dœnem.,  Hamb.,  1841  et  suiv.,  3  vol.  (ibid.,  111, 
p.  356  et  suiv.  Sur  la  déposition  de  Christian  III,  documents  dans 
Ludewig,  Reliquiœ  manuscript.,  Francof.  et  Lips.,  1723,  V,  321); 
Eugelstoft,  Reformantes  et  Catholici  tempore,  quo  sacra  emendata 
sunt,  in  Dania  concertantes,  Hafn.,  1836;  Allen,  Gesch.  des  Kœni- 
greichs  Deenem.,  übersetzt  von  Falk,  1846;  Behermann,  Leben  des 
Joh.  Bugenhagen,  Berlin,  1850.  —  Quelques  notices  dans  K.  Leib, 
Ann.,  an.  1535  et  1537,  p.  600-602,  605;  dans  les  rapports  de  la  non- 
ciature, 1530-1542;  Lsemmer,  Mon.  Vat.,  p.  35  et  suiv.,  49  et  suiv., 
61,  86,  415  et  suiv.;  DoïUinger,  Réf.,  II,  p.  670  et  suiv.  Sur  Nicol. 
Hemming,  voy.  Dsenische  Biblioth.,  I,  p.  72  et  suiv.;  Lackmann,  Hist. 
ordin.  Eccl.  regni  Dan.,  p.  68  ;  Dœllinger,  II,  p.  672-675,  et  über  die 
Zustœnde  des  Landes  dens.  Kirche  u.  Kirchen,  p.  97  et  suiv.  — 
Kai-up,  Gesch.  der  kath.  Kirche  in  Deenem.,  trad.  du  danois,  Mimster, 
1863;  Mœhler-Gams,  IH,  p.  192. 

Le  protestantisme  en  Norwège  et  en  Islande. 

143.  Dans  la  Norwège,  qui  était  unie  au  Danemark,  le  luthé- 
ranisme eut  pour  apôtre  Olof,  archevêque  de  Drontheim,  qui 
fut  obligé,  en  sa  qualité  de  partisan  de  Christian  il,  de  s'enfuir 
dans  les  Pays-Bas.  Christian  III  imposa  à  la  population  récalci- 
trante le  double  joug  de  la  nouvelle  religion  danoise  et  de  la 
noblesse;  les  ecclésiastiques  durent  opter  entre  l'apostasie  et 
l'exil.  En  1541,  le  riche  tombeau  de  saint  Olaf  à  Drontheim 
fut  pillé  de  fond  eu  comble,  et  la  magnifique  cathédrale  complè- 


4.10  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

tement  saccagée;  l'archevêché  et  les  évêchés  subsistèrent  de 
nom  sous  le  régime  luthérien. 

L'île  d'Islande  résista  longtemps,  elle  aussi,  contre  ce  double 
joug;  mais,  après  que  le  vaillant  évêque  d'IIolum,  Jean  Aresen, 
eut  été  décapité,  la  résistance  s'affaiblit,  et,  à  partir  de  1551,  les 
nouveautés  furent  définitivement  introduites. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  143. 

Torfœus,  Hist.  Norweg.,  p.  I,  1,  II,  c.  xix;  Gebhardi,  Gesch.  v. 
Dœnem.  in  d.  Allg.  Welthistorie,  th.  xxxiii ,  Halle,  1770,  p.  156  et 
suiv.;  llarboe,  Reform,  in  Island  (Hist.  Abhdlg.  der  Gesellsch.  der 
Wissensch.in  Copenhagen,  Altona,  1796,  t.  VI  et  VU);  L.-Chr.  Müller, 
Beitr.  z.  K.-G.  Islands  (Medners  Ztschr.  für  hist.  Theol.,  1850,  III, 
p.  384-389;  zur  früheren  Geschichte  das.,  p.  378-384). 

LE  PROTESTANTISME  EN  ANGLETERRE. 
Le  protestantisme  souk  Henri  Till. 

Mariage  de  Henri  VIII. 

14-4.  En  Angleterre,  les  mœurs  adultères  du  roi  Henri  VIII, 
le  plus  intrépide  des  adversaires  de  Luther,  aboutirent  à  un 
schisme  qui  finit  par  prendre  les  proportions  d'une  hérésie.  Ce 
prince  voluptueux  et  tyrannique  arriva,  par  la  violation  de  la 
sainteté  du  mariage,  à  rompre  avec  les  institutions  de  l'Éghse, 
A  quatorze  ans,  c'est-à-dire,  à  un  âge  où  il  pouvait  licite- 
ment se  marier,  il  avait  épousé  (1509)  la  veuve  de  son  frère 
défunt  Arthur,  Catherine  d'Aragon,  tante  de  Charles-Quint, 
moyennant  dispense  du  pape  .Iules  II.  Le  mariage  de  Catherine 
avec  Arthur  n'avait  pas  été  consommé.  Catherine,  mariée  à 
Henri  VIII,  lui  donna  dans  une  période  de  dix-sept  ans  trois 
fils  et  deux  filles  ;  de  tous  ces  enfants,  la  princesse  Marie  fut  la 
seule  qui  survécut.  En  1527,  Henri  VllI  se  lassa  de  son  épouse, 
pieuse  et  spirituelle,  mais  un  peu  plus  âgée  que  lui,  et  désira 
s'unir  à  une  dame  de  la  cour,  Anne  de  Boleyn.  Il  lui  fallait 
un  prétexte  pour  rompre  son  mariage  :  il  prétendit  qu'il  était 
nul  ;  que  la  dispense  de  Jules  II  avait  été  donnée  sur  de  fausses 
allégations  ;  (ju'à  Rome  même  on  avait  douté  autrefois  si  le 
pape  pouvait  permettre  le  mariage  avec  la  veuve  du  frère, 
parce  (ju'uii  tel  mariage  était  défendu  sous  l'ancienne  loi  (1)  et 

(1)  Lévitique,  xviu,  16;  xx,  31, 


LE   PROTESTANTISME.  Mi 

que  saint  Jean- Baptiste  l'avait  interdit  à  Ilérode  (1).  Il  oubliait 
qu'il  s'agissait  pour  Ilérode  de  la  femme  de  son  frère  Philippe 
encore  vivant,  que  le  mariage  de  lévirat  était  même  prescrit 
sous  l'Ancien  Testament  (2),  que  Judas  donna  à  son  fils  Onan 
la  veuve  de  lier  pour  épouse  (3). 

Henri  VIII,  simulant  des  scrupules  de  conscience  au  sujet  de 
l'invalidité  de  son  alliance,  consulta  son  entourage,  principale- 
ment Thomas  Wolsey,  qui,  sorti  d'une  condition  inférieure,  était 
devenu  chancelier  du  royaume,  archevêque  d'York  et  cardinal,  et 
se  montrait  en  tout  l'instrument  docile  du  roi.  Cette  question  fort 
simple,  Wolsey  essaya  de  l'obscurcir,  et  s'appliqua  à  gagner  les 
théologiens  anglais.  Le  roi,  de  son  côté,  s'adressa  au  pape 
Clément  VII  pour  faire  prononcer  la  nullité  de  son  union,  et  de- 
manda les  cardinaux  Wolsey  et  Campeggio  pour  juges  délégués. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET    REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N"   144. 

Ouvrages  protestants  :  Herbert  of  Cherbury,  the  Life  and  Raigne 
of  king  Henry  Ihe  Eighith,  Lond.,  1649;  G.  Burnet  (évêq.  de  Salis- 
bury,  mort  en  1713),  the  History  of  the  réf.  of  de  Church  of  Engl., 
Lond.,  1679  et  seq.,  2  t.  in-f°,  Oxon.,  1816;  en  allem.,  Braunschweig. 
1763,  1770,  2  vol.;  Henry  Soames ,  the  History  of  the  réf.  of  the 
Church  of  Engl.,  vol.  I  et  H;  Henri  VIII,  Lond.,  1825  et  seq.,  in-S»; 
Hume,  Hist.  of  Great-Britain  ,  Lond.,  1754  et  seq.,  4  t.  in-4°;  John 
Strype,  Ecclesiastical  Memorials  relating  chiefly  to  Religion  and  the 
Reform...  under  king  Henry  VIII,  king  Edward  VI,  and  queen  Mary, 
Lond.,  1721,  3  vol.  in-f°;  A.-W.  Bœhme,  Acht  Bücher  von  der  Ref. 
der  Kirche  in  England,  AUona,  1734;  Dahlmann,  Gesch.  der  engl. 
Revolution,  Leipzig,  1848;  Gumpach,  Erlaeuterungen  und  Berichti- 
gungen 2u  Dahlmanns  Gesch.  u.  Trennung  der  engl.  K.  v.  Rom, 
Darmst. ,  1845;  Stseudlin ,  K.-G.  v.  Groszbrit. ,  Gœttingue,  1849; 
Ranke,  Engl.  Gesch.  vornehml.  im  16  u.  17  Jahrb.,  Berhn,  1839  et 
suiv.,  6  vol.  fvoy.  Œuvr.,  t.  XIV-XXI),  surtout  t.  III  et  suiv.;  Mau- 
renbrecher, England  im  Reformationszeitalter,  Düsseldorf,  1866. 
Auteurs  catholiques  :  Vera  et  sincera  Hisloria  schismatis  Anglorum  a 
Nicol.  Sandero,  auct.  per  Ed.  Richtonum ,  castigatius  ed.  a  R.  P. 
Ribadeneira,  Colon.,  1628;  Job.  Lingard,  Gesch.  v.  England,  Irad. 
par  Salis,  t.  VI  et  suiv.;  Boost,  Gesch.  der  Reform,  u.  Revol.  in 
England,  Augsb.,  1843;  Audin,  Hist.  de  Henri  VIII  et  du  schisme 
d'Angleterre,  Paris,    1850,  2  vol.;  Cobbet  (converti,  qui  écrivit  encore 

(1)  Marc,  VI,  18. 

(2)  Deuter.,  xxv,  ö.  —  MaUhieu,  xxii,  24. 

(3)  Genèse,  xxsviii,  i-8. 


412  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

protestant),  Briefe  über  die  Ref.  in  Engl.  u.  Id.,  Mayence,  1862; 
Thommes,  Gesch.  v.  England  zur  Zeit  der  Tudors,  Mayence,  1866, 
2  vol.  Quelques  lettres  de  Henri  VIII,  de  1509-1522,  dans  Mai,  Spie. 
Rom.,  VII,  praef.,  p.  xlii  et  seq.  Lettre  de  Wolsey  à  l'agent  de  l'Angle- 
terre à  Rome,  5  déc.  1527  :  Buruet,  I,  appeud.,  p.  9. 

Négociations  des  juges  délégués. 

145.  Clément  VII,  déjà  informé  par  Charles-Quint  de  ce  qui 
se  passait,  était  prêt  à  faire  toutes  les  concessions  possibles  à 
un  prince  qui  avait  jusque-là  bien  mérité  du  Saint-Siège.  La 
congrégation  convoquée  par  lui  trouva  les  motifs  de  nullité 
insoutenables,  et  inopportune  l'enquête  en  Angleterre.  Les 
envoyés  de  Henri  essayèrent  d'affaiblir  cette  dernière  considé- 
ration en  citant  plusieurs  exemples  et  en  invoquant  les  dispo- 
sitions de  la  reine,  qui  peut-être  entrerait  dans  un  couvent;  ils 
essayèrent  aussi  de  prouver  que  la  dispense  de  Jules  II  avait 
été  obtenue  subrepticement.  Le  pape  délégua  donc  (février 
1528),  pour  établir  une  enquête,  les  deux  cardinaux  demandés. 
Le  cardinal  Campeggio  devait  tenter  une  réconciliation  entre 
les  deux  époux,  et,  s'il  échouait,  engager  la  reine  à  entrer  dans 
un  monastère,  afin  de  mettre  sa  vie  en  sûreté  ;  si  l'un  et  l'autre 
moyen  échouaient,  il  tâcherait  de  gagner  du  temps  et  s'abstien- 
drait de  juger  le  différend. 

Campeggio,  que  le  roi  de  France  essaya  pendant  son  voyage 
de  disposer  en  faveur  de  Henri,  arriva  à  Londres  en  octobre 
■1528.  Il  s'y  heurta  à  de  sérieuses  difficultés.  Le  roi  semblait 
parfaitement  convaincu  de  la  nullité  de  son  mariage,  et  les 
tentatives  de  réconciliation  furent  en  pure  perte.  Catherine 
elle-même  ne  se  souciait  point  d'entrer  dans  un  couvent;  elle 
demanda  une  décision  juridique,  et  voulut  être  assistée  par  des 
jurisconsultes.  Le  roi  le  lui  accorda.  Wolsey  avertit  d'avance  le 
cardinal  italien  que  si  la  volonté  du  roi  ne  s'accomplissait  pas, 
l'Angleterre  apostasierait.  Il  eut  bientôt  à  regretter  d'avoir 
poussé  si  loin  cette  affaire.  (In  mariage  du  roi  avec  une  prin- 
cesse de  France  aurait  été  favorable  à  sa  politi(iiie;  un  scandale 
à  la  cour  lui  donnait  des  inquiétudes. 

Catherine  trouva  dans  l'évêque  do  Iloche.slor  un  ?^nvat)t  et 
habile  défunseur;  elle  repoussa  toute  espèce  de  tribunal  établi 
en  Angleterre.  Wolsey  était  l'instrument  du  roi,  et  Campeggio 


LE    l'KOTESTANTlSME.  -413 

dépendait  de  lui  comme  ('ivr(|iie  de  Salisbury.  Catherine  ne 
voulait  point  d'autre  juge  que  le  pape;  les  délégués  de  l'empe- 
reur à  Rome  et  ceux  de  son  frère  exprimaient  le  même  désir; 
Campeggio  enfin  demandait  que  le  pape  se  réservât  la  décision. 
Le  Saint-Siège  se  la  réserva  en  effet  par  un  décret  en  date 
du  19  juillet  1520.  Dans  le  mois  d'octobre,  Henri  assurait  encore 
au  cardinal  Campeggio  qu'il  demeurerait  toujours  un  flls  dévoué 
de  l'Église;  mais  il  s'irrita  contre  Wolsey,  qui  perdait  de  plus 
eu  plus  ses  bonnes  grâces  et  se  vit  déjà  privé  de  quelques-unes 
de  ses  places. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"    145. 

Pallav.,  Hist.  Conc.  Trid..  1.  II,  c.  xv,  n.  1-16;  c.  xvii,  n.  1-6,  Lettres 
de  Campeggio,  d 'cet.  1528  au  7  oct.  1529  :  Lsemmer,  Mon.  Vat.,  p.  24- 
34,  n.  21-29.  Décret  de  Rome  du  19  juillet  1529  :  Burnet,  1,  p.  49.  La 
déclaration  de  nullité  par  le  Saint-Siège  mentionnée  dans  Guicciardini 
et  Sarpi,  et  dont  le  légat  ne  devait  faire  usage  que  dans  des  cas  déter- 
minés, est  une  invention  (Pallav.,  loc.  cit.,  c.  xv,  n.  17).  Il  en  est  de 
môme  des  récits  de  Knigth  et  de  Grégoire  Casali  (Burnet,  I,  app., 
p.  18):  ils  ne  reposent  que  sur  les  dires  de  quelques  courtisans. 

L'affaire  de  Henri  VIII  devant  le  Saint-Siège. 

146.  Clément  VII  avait  chargé  le  doyen  de  la  Rote  de  l'examen 
de  cette  affaire  ;  il  espérait  toujours  que  le  temps  calmerait  la 
passion  de  Henri  et  lui  rendrait  la  réflexion.  Le  roi  de  France 
essaya  vainement  d'agir  dans  ce  sens  sur  l'esprit  du  roi  d'An- 
gleterre. Celui-ci,  impatient  des  délais  de  Rome,  voulut  de 
nouveau  envoyer  des  députés  anglais,  et  se  plaignit  amèrement 
quand  on  eut  repoussé  sa  demande.  Sur  le  conseil  de  Thomas 
Cranmer,  chapelain  domestique  de  la  famille  de  Boleyn,  la  ques- 
tion du  mariage  fut  soumise  aux  universités,  sur  lesquelles  on 
agit  par  la  corruption  et  la  ruse.  Des  avis  favorables  arrivèrent 
de  Cambridge,  d'Oxford  et  de  plusieurs  universités  de  France  ; 
mais  la  plupart,  même  les  universités  allemandes,  se  pronon- 
cèrent contre  le  divorce.  Quelques  universités  de  France  et 
d'Italie  répondirent  que  le  divorce  n'était  admissible  que  si  le 
mariage  de  Catherine  avec  Arthur  avait  été  consommé. 

A  Rome,  le  22  décembre  1530,  il  fut  décidé  en  consistoire 
que  la  Rote  continuerait  son  information,  puis  qu'elle  présen- 


414  histoire.de  l'église. 

terait  les  actes  à  la  décision  du  Saint-Siège;  quant  à  Henri,  il 
devait  s'abstenir  de  toute  tentative  de  mariage.  Dans  un  autre 
consistoire,  tetui  le  29  mars  1531,  il  fut  donné  lecture  d'une 
lettre  pressante  adressée  par  l'empereur  au  pape  en  faveur  de 
sa  tante.  La  reine  Catherine  se  plaignait  des  lenteurs  de  la 
procédure,  tandis  que  la  cour  de  France  les  favorisait  et 
demandait  que  Henri  VI H  eût  le  temps  d'envoyer  ses  procura- 
teurs à  Rome.  Et  comme  le  Saint-Siège  ne  fléchissait  pas, 
Henri  VIII  supprima  les  annales  (1532).  Anne  de  Boleyn,  près 
d'accoucher,  reprochait  vivement  à  ce  prince  d'avoir  abusé 
d'elle  en  lui  promettant  la  couronne.  Le  roi  résolut  alors  de 
l'épouser  secrètement  dans  sa  chapelle  (25  janvier  1533,  selon 
d'autres  14  novembre  1532). 

Peu  de  temps  après,  Henri  VIII  nomma  Cranmer,  qui  avait 
fait  entrer  beaucoup  de  théologiens  anglais  dans  les  plans  du 
roi,  archevêque  de  Cantorbéry.  Cranmer  sut  par  trom- 
perie obtenir  l'approbation  du  pape,  et  prononça,  lors  de 
sa  consécration,  le  serment  accoutumé,  bien  qu'il  eût  été  en 
Allemagne  gagné  à  la  doctrine  de  Luther  et  qu'il  fût  déjà 
secrètement  marié  à  la  nièce  d'Osiandre.  Tout  cela  ne  l'empê- 
cha point  de  déclarer,  devant  témoins,  qu'il  entendait,  par  lo 
serment  qu'il  allait  prêter,  ne  s'obliger  à  rien  d'incompatible 
avec  les  réformes  que  le  roi  avait  en  vue  dans  les  choses  de  la 
religion.  Déjà  cet  hypocrite  raffiné  avait  tout  mis  en  œuvre 
pour  séparer  son  pays  de  Rome.  Le  roi  fit  mettre  le  clergé  en 
accusation  pour  s'être  soumis  à  la  juridiction  du  cardinal 
Wolsey,  contrairement  à  un  statut  de  1364;  mais  il  lui  fit 
entrevoir  son  pardon,  s'il  reconnaissait  la  suprême  juridiction 
du  roi  en  matière  religieuse.  Lo  clergé  y  consentit,  moyennant 
cette  clause  :  «  Autant  que  la  loi  de  Jésus-Christ  le  permet.  » 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N«   146. 

Pallav.,  m,  XIV,  3  et  seq.;  Campeggio,  1530  et  1531,  dans  Laemmer, 
p.  ()6  et  suiv.,  75,  n.  46,  54.  Henri  VllI  demanda  aux  universités  :  «  An 
divino  et  nalurali  jure  prohibilum  sit  ne  frater  uxorem  fratris  etiam 
defuncti  ducat  in  uxorem,  an  Pontiticis  dispensatio  Jocum  habeat?  » 
Cambridge  fut  de  l'avis  du  roi;  Oxford  le  combattit  dans  le  principe. 
Lorsqu'un  grand  nombre  d'universités  de  France  —  celle  d'Orléans, 
le  5  avril  1530;  celle  d'Angers,  le  7   mai;  les  canonistes  de  Paris, 


].K   PROTESTANTISME.  415 

le  23  mai;  l'université  de  Bourges,  le  10  juin;  les  thi^ologiens  de  Paris, 
le  2  juillet;  Toulouse,  le  17  septembre  1530  —  se  furent  prononcées  en 
faveur  de  Henri  (du  Plessis  d'Arg.,  t.  If,  part.  I,  p.  98-100),  plusieurs 
sans  doute  après  do  longues  controverses  et  contre  l'avis  de  plusieurs 
membres  incorruptibles  (ibid.,  t.  II,  part.  II,  p.  99-101),  ceux  d'Oxford 
donnèrent  enfin  un  avis  favorable  ;  mais  la  Faculté  des  arts  et  un  grand 
nombre  de  juristes  se  prononcèrent  contre  eux  (ib.,  t.  I,  append.,  p.  vi 
et  seq.).  Cf.  Hist.  Univ.  Oxon.,  auct.  Wood,  t.  1,  p.  234  et  seq.;  Burnet, 
Angl.,  III,  app.,  p.  23,  51  ;  Conc.  M.  Brit.,  III,  726.  Sur  d'autres  univer- 
sités, voy.  Burnet,  I,  app.,  p.  53;  Rymer,  Fœdera,  XIV,  391.  La  plu- 
part placent  le  mariage  de  Henri  en  janvier  1333;  d'autres  (comme  Gie- 
seler,  t.  III,  n,  p.  8),  au  16  ou  14  nov.  1332.  On  a  de  Cranmer  une  bio- 
graphie tout  à  fait  partiale,  par  Strype  :  Memorials  of  the  most  Rev. 
Father  in  God  Th.  Cranmer,  Lond.,  1694  et  seq.  Cf.  Burnet,  I,  p.  70. 

Crantner  prononce  le  divorce  de  Henri  'Vm.  —  Décision 

du  pape. 

147.  En  avril  1533,  Cranmer  pria  le  roi  de  faire  décider 
l'affaire  de  son  mariage.  Henri  répondit  qu'il  y  était  prêt,  mais 
en  ajoutant  qu'il  ne  se  croyait  soumis  à  aucune  loi  émanée 
d'une  puissance  humaine.  La  reine  Catherine,  invitée  par  le 
nouveau  primat,  n'ayant  point  comparu,  Cranmer  prononça 
l'invalidité  du  mariage  de  Henri,  pria  le  roi  d'accepter  cette 
sentence  avec  soumission,  et  déclara  la  légitimité  de  son  union 
avec  Anne  de  Boleyn,  «  en  vertu  de  sa  puissance  spirituelle  et 
juridique,  émanée  des  apôtres  ». 

François  I",  allié  avec  Henri,  essaya  encore  d'agir  à  Rome 
en  sa  faveur  :  il  fit  représenter  au  pape  que  s'il  cassait  la  sen- 
tence rendue  en  Angleterre,  ce  royaume  se  soustrairait  tout 
entier  à  son  obéissance,  et  que  Henri  ne  laisserait  pas  de  faire 
sa  volonté.  Rome  observa  rigoureusement  toutes  les  formes  de 
la  procédure,  mais  avec  prudence  et  modération.  Dans  un  con- 
sistoire tenu  le  11  juillet  1533,  Clément  VII  rendit  deux  juge- 
ments :  1°  Henri,  par  son  opiniâtreté,  avait  encouru  les  cen- 
sures, en  ce  que,  contrairement  à  la  défense  du  pape,  il  avait 
congédié  sa  femme  et  en  avait  épousé  une  autre;  cependant  les 
censures  ne  sortiraient  leur  effet  qu'au  mois  d'octobre,  afin  que 
le  roi  eût  le  temps  de  rentrer  en  lui-même;  2"  la  reine,  injuste- 
ment renvoyée,  devait  être  rétablie  dans  ses  honneurs  et  ses 
droits. 


il6  HISTOIRE    DE    l'ÉGUSE. 

Le  roi,  déjà  trop  asservi  à  sa  passion  et  enveloppé  dans  les 
lacets  de  Cranmer,  s'obstina  dans  sa  révolte,  célébra  publique- 
ment ses  noces,  donna  à  sa  concnbine  les  honneurs  royaux  et 
les  enleva  à  Catherine,  qui  ne  devait  plus  s'appeler  désor- 
mais que  la  veuve  du  prince  Arthur.  Il  enleva  même  à  sa  fille 
légitime  iMarie  le  titre  de  «  princesse  de  Galles  » .  Cependant  il 
envoya  encore  des  députés  au  pape,  qui  se  trouvait  à  Marseille; 
ces  députés,  n'ayant  pas  obtenu  ce  qu'ils  demandaient,  appe- 
lèrent avec  menaces  du  pape  au  concile.  Le  roi  de  France  tenta 
vainement  de  ramener  ce  prince  égaré  par  la  passion.  Le 
23  mars  1534,  le  pape  déclara  solennellement  la  validité  du 
mariage  de  Henri  et  de  Catherine.  Malgré  toute  la  lenteur  qu'il 
avait  mise  à  rendre  son  jugement,  quelques-uns  ne  craignirent 
pas  de  l'accuser  de  précipitation,  et  peu  de  temps  après  parais- 
sait un  écrit  de  Henri  VIH  qui  lui  refusait  l'obéissance.  Cathe- 
rine mourut  au  bout  de  vingt  et  un  mois  (1536). 

Le  Saint-Siège,  prenant  en  considération  le  péril  des  âmes 
de  tant  de  catholiques,  attendit  longtemps  avant  de  recourir 
aux  censures.  Paul  TU  diiréra  jusqu'au  17  décembre  1538  la 
publication  de  la  bulle,  datée  du  30  auùt  1535  :  il  y  avait  long- 
temps que  le  roi  ne  laissait  plus  aucun  espoir  de  retour.  S'au- 
torisant  à  la  fois  du  droit  divin  et  du  droit  humain,  le  pape  dé- 
clara que  Henri  VHI,  qui  avait  autrefois  reconnu  la  puissance 
du  pape  dans  toute  son  étendue,  était  excommunié,  déchu  de 
ses  États  et  de  la  dignité  royale. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE   N°    147. 

Pallav.,  m,  XIV,  4-8;  c.  xv,  1-3;  Kilian  Lcib,  an.  1535,  p.  002-604; 
Rayn.,  an.  1533  et  seq.;  Paul.  III,  const.  Ejus  qui  immobilis  et  Cum 
Redemptor,  Bull.  Rom.,  éd.  Luxerab.,  1742,  t.  I,  p.  707,711  et  seq.; 
Roscovany,  Mon.,  III,  67-74;  Spondan.,  an.  1535,  n.  15;  an.  1538, 
n.  14.  Voy.  mon  ouvrage  :  Katliol.  Kirclie  u.  christ! .  Staat,  p.  673-675. 
Ranke  (Hist.  d'Anglet.,  p.  131-147)  avoue  lui-même  que  Henri  VIII 
reconnaissait  autrefois  l'autorité  du  pape. 

Rupture  complète  de  Henri  VIII  avec  Rome.    -   Serment  de 
suprématie  et  de  succession. 

148.  Henri  VHI  avait  définitivement  rompu  avec  le  pape  et 
interdit  toute  relation  avec  Rome;  il  s'était  déclaré  lui-même 


LE    PROTESTANTISME.  417 

chef  suprême  de  l'Eglise  anglicane  et  la  source  de  toute  autorité 
spirituelle.  On  devait  appeler  du  tribunal  de  l'archevêque  de 
Cantorbéry  à  la  chancellerie  royale  ;  le  primat  confirmerait  les 
évêques  et  accorderait  les  dispenses.  Au  lieu  des  oraisons  pour 
le  pape,  ou  inséra  dans  les  livres  d'Église  une  prière  pour 
demander  d'être  délivré  de  sa  tyrannie.  Le  parlement  docile 
approuva  tous  ces  actes,  et  le  clergé,  qui  avait  beaucoup  décliné, 
ne  fit  aucune  résistance.  Henri  «anda  à  beaucoup  de  princes  ce 
qu'il  venait  d'accomplir  ;  les  protestants  approuvèrent  naturel- 
lement sa  conduite  contre  Rome,  mais  non  les  raisons  qu'il  fit 
valoir  et  ses  demi- mesures  :  car  il  demeurait  hostile  à  la  doc- 
trine de  Luther,  contrairement  aux  vœux  de  Cranmer,  et 
continuait  de  faire  supplicier  ses  adhérents.  Tous  les  fonction- 
naires, les  ecclésiastiques,  les  religieux  d'Angleterre,  furent 
tenus  de  jurer,  sous  peine  de  haute  trahison,  qu'ils  recon- 
naissaient le  roi  pour  chef  suprême  de  l'Église  (serment  de 
suprématie).  Cette  adhésion  devait  être  annoncée  dans  les 
chaires  et  dans  les  écoles. 

En  1535,  Henri  VIII  choisit  pour  exercer  la  suprématie  ecclé- 
siastique en  son  nom  le  laïque  Crorawell,  ancien  secrétaire  du 
cardinal  Wolsey  (qu'il  avait  surtout  contribué  à  renverser); 
puis  il  le  nomma  chancelier  de  la  Chambre  du  Trésor,  sous  le 
titre  de  vicaire  général  du  roi  et  de  vice-régent,  avec  préémi- 
nence sur  tous  les  lords  ecclésiastiques  et  laïques.  Toute  la 
juridiction  ecclésiastique  fut  suspendue  pour  un  temps  indéter- 
miné. Quiconque  voulait  l'obtenir  de  nouveau,  devait  en  faire  la 
demande  et  reconnaître,  en  prêtant  le  serment  de  suprématie, 
que  la  royauté  était  la  source  de  toute  puissance  spirituelle.  Le 
roi  accordait  alors  la  demande,  mais  sous  une  forme  toujours 
révocable.  Lorsque  Anne  de  ßoleyu  mit  au  monde  (avant  le 
temps  qui  aurait  dû  s'écouler  depuis  leur  mariage)  une  fllle 
du  nom  d'Elisabeth,  les  sujets  du  roi  furent  également  obligés 
de  promettre  par  serment  qu'ils  reconnaissaient  Elisabeth  pour 
l'héritière  légitime  du  trône  (serment  de  succession). 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N°    148. 

En   1Ö34,   la  question  suivante   fut  posée  à  l'université  d'Oxford  : 

«  An  Runiauus  Pontifex  habeat  majorem  aliquam  jurisdictionem  sibi 

a  Deo  collatam  in  S.  Scriptura  in  hoc  regno  Angliae,  quam  alius  quivis 

externus  episcopus?  »  Les  théologiens  se  décidèrent  enfin  à  répondre 

V.  —  HiST.  DE  l'Église.  27 


418  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

dans  le  sens  du  roi,  négativement  :  Wood,  Hist.  Univ.  Oxon.,  I,  258, 
c.  ii;  du  Plessis  d'Arg.,  t.  I,  app.,  p.  xxxvi.  Autres  détails  dans 
Ryiner,  Fœd.  Hag.  Comit.,  1741,  t.  VI,  p.  II,  p.  163  et  seq.,  194  et 
seq.;  Burnet,  I,  "2d  f  et  seq.,  Ti'6  ot  seq.,  311  et  seq.,  365  et  seq.; 
Strype,  loc.  cit.,  p.  184  et  seq.,  211;  app.,  p.  49,  136  et  seq.;  R. 
Toyras,  Hist.  de  l'Angleterre,  à  la  Haye,  1724,  in-4°,  t.  V;  Scbœll, 
dans  Herzogs  Healoncyklop.,  I,  p.  323  et  suiv.;  N.  Sander,  1.  I,  p.  49 
et  seq.  Sur  Thomas  Cromwell  :  Pauk,  dans  Sybels  hist.  Ztschr.,  1869, 
t.  XXI,  p.  52  et  suiv. 

Pillage  des  églises  et  des  couvents. 

149.  La  première  entreprise  du  roi  fut  la  confiscation  des 
biens  d'Église  et  la  suppression  des  couvents.  On  visita  ces 
derniers,  dans  le  but  d'y  trouver  des  raisons  pour  les  abolir.  Un 
acte  du  parlement,  daté  du  4  mars  1536,  assigna  au  roi  tous  les 
monastères  dont  les  revenus  nets  ne  dépassaient  pas  annuelle- 
ment 200  livres,  et  il  ne  laissa  une  pension  qu'à  leurs  supé- 
rieurs. Trois  cent  soixante-seize  monastères  furent  immédia- 
tement supprimés,  pour  «  complaire  à  Dieu  et  procurer  la 
gloire  du  royaume  ».  On  commença  par  los  couvents  de 
moindre  importance,  sous  prétexte  que  la  discipline  y  était 
moins  bien  observée  que  dans  les  grands. 

Ces  mesures  de  rigueur  provoquèrent  dans  la  partie  nord  du 
pays  de  nombreuses  insurrections  ;  on  en  profita  pour  détruire 
le  reste  des  couvents,  accusés  d'être  des  foyers  de  révolte.  Les 
commissaires  royaux  déployaient  un  sans-façon  odieux  et  bru- 
tal :  de  splendides  œuvres  d'art,  de  riches  bibliothèques  furent 
anéanties;  on  n'épargna  pas  même  les  monuments  de  saint 
Augustin,  l'apôtre  do  l'Angleterre,  et  de  Thomas  Decket,  dont 
la  sainteté  môme  fut  poursuivie  en  justice;  on  dispersa  au  vent 
la  cendre  des  saints,  et  l'on  osa  porter  la  main  jusque  sur  lo 
tombeau  du  roi  Alfred.  Les  biens  confisqués,  quand  ils  n'étaient 
pas  accaparés  par  les  Visiteurs,  étaient  distribués  et  gaspillés 
par  le  roi,  tandis  que  la  misère  gagnait  parmi  le  peuple.  Cepen- 
dant, afin  de  faire  quelques  sacrilices  à  la  foule  mécontente, 
Henri  fonda  six  évêchés  nouveaux  et  quatorze  églises  cathé- 
drales et  collégiales. 

Oi;VU.\GES   A    CONSULTER    SUR    LE   N°    149. 

Burnet,  I,  p.  416  cl  seq.,  437  et  seq.;  Rymer,  p.  194  et  seq.j  Lin- 


LE   PROTESTANTISME.  419 

gard,  VI,  p.  255  et  suiv.;  Cobbet,  p.  180  et  suiv.;  (Nicéron)  la  Conver- 
sion de  l'Angleterre  au  christianisme  comparée  avec  sa  prétendue 
réform.,  Par.,  1729,  p.  268  et  seq.;  Spclnian,  the  Ilistory  and  Fate  of 
Sacrilège,  etc.,  Lond.,  1698,  nouv.  éd.,  1846;  Hist.-pol.  Blaetter,  t.  XX, 
p.  351  et  suiv. 

Thomas  Morue  et  l'évêque  Fisher. 

150.  Henri  VIII  sévissait  véritablement  avec  fureur  contre  tons 
les  adversaires  de  sa  suprématie  religieuse.  Le  confesseur  de  la 
reine  Catherine,  Forest,  qui  avait  attaqué  celte  suprématie  dans 
un  écrit,  fut  condamné  au  feu.  Un  grand  nombre  d'ecclésiastiques 
et  de  laïques  subirent  la  mort  pour  le  même  motif,  entre  autres 
les  deux  hommes  les  plus  distingués  de  l'Angleterre,  le  chance- 
lier Thomas  Morus  et  Jean  Fisher,  évêque  de  Rochester.  Le 
premier  avait  acquis,  par  sa  vertu  et  sa  science,  la  charge  de 
grand  chancelier  ;  il  était  aussi  célèbre  comme  jurisconsulte 
que  comme  humaniste,  et  avait  de  plus  un  cœur  dévoué,  loyal 
et  plein  de  franchise.  Il  déclara  au  roi  qu'il  n'entendait  point 
perdre  l'éternité  pour  vingt  années  au  plus  qu'il  lui  restait  à 
vivre;  il  montra  dans  sa  prison  une  fermeté  d'âme  vraiment 
sublime,  et  il  affronta  l'échafaud  avec  un  courage  intrépide 
(16  juillet  1335). 

Fisher  avait  été,  lui  aussi,  l'ami  du  roi,  et  Henri  VIII  avouait 
qu'aucun  prince  ne  pouvait  se  vanter  d'avoir  un  pareil  sujet. 
Théologien  éminent,  pasteur  zélé,  il  refusa,  à  l'exemple  do 
Morus,  d'approuver  le  divorce  du  roi  et  de  reconnaître  la  nou- 
velle suprématie  :  de  là  un  emprisonnement  qui  dura  treize 
mois  et  pendant  lequel  Paul  III  l'éleva  à  la  dignité  de  cardinal. 
Il  endura  le  martyre  avec  un  courage  héroïque,  Henri  VIII  se 
vengea  cruellement  du  cardinal  Reginald  Poole  (Polus),  qui 
s'était  élevé  avec  force  contre  son  despotisme  et  avait  trouvé 
un  sur  asile  sur  le  cmtinent.  Sa  mère  et  deux  de  ses  proches 
furent  mis  à  mort  sur  des  griefs  non  démontrés,  et  la  tête  du 
cardinal  mise  au  prix  de  30,000  ducats.  Paul  III,  dans  une  allo- 
cution prononcée  devant  les  cardinaux  le  23  octobre  1338, 
dépeignit  les  crimes  de  Henri  VII l  et  fulmina  contre  lui 
l'excommunication  et  l'interdit  (27  décembre).  En  1539,  il 
envoya  le  cardinal  Polus  à  Charles-ljuint  et  à  François  1*%  pour 
délibérer  avec  eux  sur  les  moyens  de  ramener  l'Angleterre  à  la 


420  HISTOIRE   DE   l'ÉGUSE. 

foi  catholique.  Le  principal  instrument  du  despotisme  royal, 
Thomas  Cromwell,  n'échappa  point  lui-même  au  sort  qu'il 
avait  préparé  à  d'autres  :  accusé  d'hérésie  et  de  trahison,  il  fut 
exécuté  en  1540,  malgré  toutes  ses  démarches  rampantes  et 
hypocrites. 

OUVRAGES    A    CONSULTER    SUR   LE   N°    1Ö0. 

Thom.  Mori  0pp.,  éd.  Lovan.,  Jo66;  Kudhart,  Thomas  Morus, 
Nürnb.,  1829,  surtout  p.  273  et  suiv.,  433  et  suiv.;  2»  éd.,  1852;  W.-J. 
Walter,  Sir  Th.  Moore,  London,  1840  ;  Thoranies,  Th.  Morus,  Augs- 
bourg,  1847;  Lingard,  VI,  p.  241-245;  Ranke,  Engl.  Gesch.,  t.  I  (1860), 
p.  199  et  suiv.;  L.-Th.  Henke,  Das  hœusl.  Leben  des  Th.  Morus  (Sybcis 
hist.  Ztschr.,  1869,  t.  XXI,  p.  65  et  suiv.)  —  Kerker,  John  Fisher, 
bischof  von  Rochester,  Tübingue,  1860.  Voy.  Pallav.,  III,  xvii,  4; 
Lœmmer,  Mon.  Vat.,  p.  33,  u.  die  vortrident.  kath.  Theol.,  p.  14  et 
suiv.;  Reginaldi  PoliEpist.,  éd.  Quirini,  Brescia,  1744-1757;  L.  Becca- 
delli,  Vita  del  card.  Polo,  1727,  et  Mouura.  di  varia  letter.,  Bologna, 
1797;  New  Séries  des  Lives  of  the  archbishops  of  Canterbury,  Lond., 
1869,3  vol.  Voir  là-dessus  Reumont,  dans  Bonner  theol.  Lit.-Bl.,  1870, 
n.  25  et  26,-  Pallav.,  IV,  iv,  4-7;  vu,  1-3.  Instruction  pour  Polus , 
de  1539  :  Lœmmer,  Mon.  VaL.,  p.  201  et  suiv.,  n.  152.  Sort  de  Crom- 
well :  Rymer,  loc.  cit.,  p.  60;  Burnet,  I,  629  et  seq.,  661  et  seq. 

Fureur  de  Henri  VIII  contre  ses  femmes. 

151.  Les  femmes  de  Henri  Vlll  fnrent  également  victimes 
de  son  caprice  royal.  Anne  de  lioleyn,  suspecte  d'infidélité,  fut 
accusée  d'adultère,  d'inceste  et  de  haute  trahison;  Cranmer  la 
.sépara  du  roi,  et  déclara  invalide,  «  au  nom  de  Jésus-Christ  et 
pour  la  gloire  de  Dieu  »,  ce  même  mariage  qu'il  avait  précé- 
demment confirmé  «  en  vertu  de  l'autorité  apostolique  »,  Le 
jour  même  où  Anne  fut  décapitée  (tu  mai  1530),  Henri  prenait 
une  troisième  femme,  Jeanne  Seymour,  qui  mourut  le  24  octo- 
bre 1537,  après  la  naissance  du  prince  Edouard  (VI).  Il  en  prit 
une  quatrième,  Anne  de  Clèves,  qui  n'eut  pas  l'avantage  de  lui 
plaire.  Cette  fois  encore,  l'archevêque  dut  prononcer  la  sépara- 
tion des  épou.x,  sous  prétexte  que  le  roi  avait  été  trompé  par 
la  peinture  exagérée  des  charmes  de  sa  femme.  xMélanchthon 
écrivait  à  ce  propos  (1540):  «  Le  tyran  d'Angleterre  a  tué 
Cromwell  et  il  médite  de  seséparerdelahlledeJ uliers;  combien 
est  vrai  ce  passage  d'une  tragédie  que  le  meurtre  d'un  tyran 


LE   PROTESTANTISME.  421 

est  pour  le  Ciel  le  plus  agréable  des  sacrifices!  Dieu  veuille  donc 
inspirer  à  un  homme  de  cœur  une  pareille  résolution!  » 

La  cinquième  femme  de  Henri,  Cattierine  Howard,  fut  accusée 
d'avoir  mené  une  vie  légère  avant  son  mariage,  et  mise  à  mort 
comme  adultère.  La  sixième,  Catherine  Parr,  survécut  seule  à 
ce  furieux  ;  il  est  vrai  qu'elle  était  sur  le  point  d'être  brûlée 
comme  hérétique.  Parmi  les  personnes  immolées  par  Henri,  on 
comptait  deux  reines,  douze  ducs  et  comtes,  cent  soixante- 
quatre  gentilshommes,  deux  cardinaux  archevêques,  dix-huit 
évê(jnes,  treize  abbés,  cinq  cents  prieurs  et  moines,  trente-huit 
docteurs  eu  théologie  et  dans  les  deux  droits. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SUR    LE    N°    loi. 

rUirnet,  I,  4ö3  et  seq.,  510  et  seq.,  .ö47  et  seq.,  56.3  et  seq.,  598  et 
seq.;  Strvpe,  p.  279  et  seq.,  351  et  seq.;  Thommes,  loc.  cit.,  p.  722; 
Le  Grand,  Hist.  du  divorce  de  Henri  VIII,  t.  I,  p.  141.  —  Melanchth., 
ep,  ad  Vit.  Theod.  (Corp.  Reform.,  111",  1075).  Cf.  Dœllinger,  Réf.,  I, 
p.  332,  n.  6. 

Le  schisme  angl  can. 

152.  Sur  la  doctrine  de  l'Église,  Henri  ne  voulut  opérer  au- 
cun changement,  et  les  relations  passagèrement  nouées  avec 
des  théologiens  d'Allemagne  demeurèrent  sans  résultat.  Loin 
de  consentir  à  la  suppression  du  célibat,  il  voulut  que  sa  trans- 
gression fût  punie  comme  un  acte  de  félonie  ;  l'archevêque 
essaya  vainement  de  s'y  opposer.  Cranmer,  inquiet  pour  sa 
sûreté,  se  hâta  d'envoyer  sa  femme  et  ses  enfants  en  Allemagne. 
La  plupart  des  rites,  l'eau  bénite  même  et  le  culte  des  saiuts 
furent  maintenus  ;  les  reliques,  au  contraire,  furent  dispersées, 
et  l'on  permit  à  ceux  qui  ne  savaient  pas  lire  de  remplacer  les 
livres  par  des  images.  Là  lecture  de  la  Bible  ne  fut  permise 
qu'aux  classes  élevées  ;  la  traduction  de  Tyndall  fut  défendue  et 
plusieurs  fêtes  abolies. 

La  transsubstantiation,  la  communion  sous  une  seule  espèce, 
les  messes  pour  les  défunts,  la  confession  auriculaire,  les  vœux 
et  le  célibat,  le  roi  les  fit  confirmer  en  1539  par  le  parlement, 
sous  la  forme  de  six  articles,  dont  le  rejet  entraînait  la  peine 
capitale.  Les  catholiques  furent  mis  à  mort;  les  luthériens  et 
les  calvinistes,  brûles  comme  hérétiques.  Cranmer  s'inclina  de. 


422  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

vant  l'orthodoxie  royale,  et  ne  rougit  point  de  condamner  des 
hommes  pour  les  mêmes  doctrines  auxquelles  il  adhérait  en 
secret  et  qu'il  professa  ouvertement  dès  qu'il  le  put  sans  danger. 
En  1543,  il  fit  répandre  partout  le  livre  du  roi  ou  «  la  Doctrine 
et  la  Science  nécessaires  à  tout  chrétien  »,  dans  lequel  le  dogme 
catholique  de  l'Eucharistie  était  enseigné  selon  toute  sa  rigueur. 
Les  universités  d'Oxford  et  de  Cambridge,  qui  depuis  1521  déjà 
comptaient  plusieurs  savants  épris  des  nouveautés,  devaient 
plier  devant  la  volonté  du  roi.  Henri  VII 1  mourut  enfin  le 
28  janvier  1547,  après  un  règne  de  trente-huit  ans,  non  moins 
funeste  au  pays  sous  !e  rapport  moral  que  sous  le  rapport  éco- 
nomique. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE    N"    152. 

Burnet,  I,  604  et  seq.,  733,  740  et  seq.;  Strype,  p.  356  et  seq., 
800  et  seq.;  Lingard ,  VI,  p.  311  et  suiv.  W.  Tyndall  traduisit  le 
Pentateuque  et  le  Nouveau  Testament  en  anglais.  Cochlée  s'opposa  à 
l'impression,  qui  devait  d'abord  se  faire  à  Cologne  (voy.  son  Com.  de 
act.  et  script.  Luth.,  au.  1526,  p.  132).  Le  Nouveau  Testament  parut 
à  Anvers  en  1526,  fut  souvent  réimprimé,  et  importé  en  Angleterre 
par  des  marchands  allemands.  Gerdcs,  Hist.  Ref.,  111,  107;  IV,  205. 
Selon  Vox  :  Comment,  rer.  in  Europa  gest.,  Basil.,  1559,  p.  138, 
Culhbert  Tonstall ,  évoque  de  Londres,  acheta  la  première  édition 
alin  de  la  détruire,  et  fournit  ainsi  à  Tyndall  les  moyens  d'en 
procurer  une  seconde  et  meilleure  édition.  Les  universités  d'Angle- 
terre inclineront  souvent  au  protestantisme.  Wood,  I,  247,  250; 
Gerdes,  IV,  181  et  seq.,  187.  Cf.  307  et  seq.;  Fox,  loc,  cit.,  p.  127  et 
seq.;  Burnet,  I,  xvui.  Le  collège  Cardinal  (plus  tard  collège  du  Christ), 
fondé  par  Wolsey,  devint,  en  1526,  le  principal  foyer  du  luthéranisme  à 
Oxford.  John.  Frylh,  ainsi  que  Wilh.  Tyndall,  d'Oxford,  fut  expulsé; 
mais  il  ne  fut  que  plus  à  son  aise  pour  envoyer  ses  écrits  de  l'étranger. 
Us  lurent  interdits  en  1526,  1520,  1531.  Conc.  AI.  Brit.,  111,  707,  719; 
Gerdes,  Mou.,  IV,  134,  139;  Fox,  Act.s  and  Monuments  of  the  Church, 
Lond.,  1583,  2  vol.  iu-f»,  II,  234. 

Le  prolcstandsiiic  sous  Edoiiaril  VI. 

Edouard  VI.  —  L'Angleterre  devient  protestante. 

153.  Henri  VI II,  ainsi  qu'il  l'avait  décidé  par  testament,  eut 
pour  successeur  son  fils  Edouard  VI,  issu  de  Jeanne  Seymour 
L't  à  peine  âgé  de  dix  ans.  Sa  minorité  fut  exploitée  au  profit 


LE   PROTESTANTISME.  i23 

fie  nouvelles  révolutions  religieuses.  Son  onde  maternel,  le 
comte  Seymour,  fut  nommé  régent  et  prolecteur  du  royaume, 
avec  le  titre  de  duc  de  Somerset.  Partisan  zélé  de  la  réforme, 
il  avait  de  bonne  heure  inspiré  au  jeune  Edouard  une  aversion 
profonde  pour  l'Église  catholique.  Cranmer  fit  renouveler  sa 
juridiction  par  le  roi,  et  ne  tarda  pas,  lui  et  les  siens,  à  jeter 
le  masque  du  catholicisme.  Martin  Bucer  et  Paul  Fagius  (1549), 
mandés  de  Strasbourg,  reçurent  des  chaires  de  professeurs  à 
Cambridge,  mais  ne  tardèrent  pas  à  mourir  (Fagius  en  1549, 
Bucor  en  février  1551).  Vinrent  ensuite  d'Italie  à  Oxford,  Ber- 
nardin Ochino,  qui  y  demeura  peu  de  temps,  et  Pierre  Martyr.  On 
envoya  aux  prédicateurs  et  aux  évêques  un  recueil  d'homélies 
composé  par  Cranmer,  et  destiné  à  préparer  les  voie.'^  à  la  nou- 
velle doctrine.  11  fut  bientôt  suivi  d'un  nouveau  Catéchisme. 
Gardiner,  évèciuo  de  Westminster,  résista  et  fut  emprisonné. 
Nul  n'avait  le  droit  de  prêcher  sans  la  permission  expresse  du 
roi. 

Le  parlement  enleva  aux  chapitres  le  droit  d'élection,  abolit 
les  six  articles  de  Henri  YIII,  et  par  conséquent  le  célibat,  le 
sacrifice  de  la  messe  et  la  communion  sous  une  seule  espèce  ; 
il  assigna  à  la  couronne  une  grande  partie  des  biens  ecclésias- 
tiques, et  prit  dos  mesures  impitoyables  contre  les  mendiants, 
devenus  fort  nombreux  depuis  la  suppression  des  couvents. 
Cranmer  abolit  l'ancienne  liturgie  et  la  remplaça  par  une  nou- 
velle. 11  composa,  «  sous  l'inspiration  du  Saint-Esprit»,  le  Livre 
des  communes  prières  et  de  l'administi'ation  des  sacrements 
{Book  of  common  pray er).  (Quiconque  le  repoussait  on  le  tour- 
nait en  tlérision,  était  puni  de  lourdes  amendes  et  de  la 
prison.  La  langue  nationale  devint  la  langue  exclusive  du 
culte  ;  les  ornements  du  service  divin,  devenus  iiuitiles,  les 
chapelles  particulières  furent  accaparés  par  le  fisc. 

Le  peuple  essaya,  par  plusieurs  émeutes,  d'empêcher  ces 
innovations  violentes  ;  mais  le  gouvernement  ne  craignit  pas 
d'appeler  de  l'étranger  des  troupes  mercenaires  [tour  <(  l'éta- 
blissement de  l'ÉgUse  établie  par  la  loi  »;  les  évêques  qui  résis- 
tèrent encore,  furent  emprisonnés  et  destitués.  La  princesse 
Marie,  fille  de  Henri  et  de  Catherine,  toujours  catholique,  fut 
inutilement  mise  à  la  torture  pour  être  amenée  à  changer  de 
religiiui,  cl  ^^.n\  premier  chapelain  fut  enfermé.  Cranmer^  devenu 


424  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

le  chef  d'une  nouvelle  inquisition,  aida  le  duc  régent  à  faire  mon- 
ter son  frère  sur  l'échafaud.  Bientôt  Somerset  lui-même  fut  accusé 
de  trahison  et  décapité.  Dudley;,  comte  de  Norwick,  puis  duc  de 
Northumberland,  devint  son  successeur  dans  le  protectorat. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES  SUR   J.E   N°    153. 

Burnet,  p.  II,  t.  I,  p.  1  et  seq.;  Strype,  Hist.  Memorials,  London, 
i721,  vol.  II,  p.  1  et  seq.;  H.  Soames  (§  144),  vol.  III,  p.  1  et  seq.;  Rapin 
Thoyras,  t.  VI,  p.  ^  et  seq.;  Hundeshagen,  Epistola;  aliquot  ineditic 
Buceri,  Calvini,  etc.,  ad  bist.  Eccl.  britan.,  Bern.,  i844.  Sur  Bucer,  voy. 
Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  52.  Paul  Fagius,  né  en  1504  à  Rheinzabern, 
dans  le  Palatinat  ;  4537,  pasteur  à  Isny,  en  Souabe;  1542,  successeur 
de  Capitoà  Strasbourg.  Cf.  Sleidan.,  1.  XVIII,  p.  559;  1.  XXI,  p.  655, 
672.  Sur  Ochino  et  Pierre  Martyr,  §  202.  Décrets  du  parlement,  dans 
Lingard,  Vil,  p.  2t  et  seq. 

Les  quarante -deux  articles.  —  Nouveau  code  religieux. 

154.  Un  désordre  irrémédiable  régnait  dans  les  affaires  reli- 
gieuses. Les  ecclésiastiques  ne  sachant  plus  ce  qu'ils  devaient 
faire,  croire  et  prêcher,  le  conseil  de  régence  chargea  l'arche- 
vêque Cranmer  de  confectionner  un  nouveau  Symbole,  qui 
devait,  une  fois  approuvé  par  le  roi,  être  l'unique  critérium  de 
l'orthodoxie.  En  1552,  Cranmer  rédigea,  de  concert  avec  Ridley, 
évoque  de  Londres,  une  Confession  de  foi  en  quarante-deux 
articles  —  mélange  d'idées  catholiques ,  luthériennes,  zwin- 
gliennes  et  calvinistes  ;  —  elle  était  basée  sur  ce  principe  com- 
mun à  tous  les  protestants,  que  la  Bible  est  l'unique  règle  de  la 
foi.  On  déclara  valides  les  Symboles  des  Apôtres,  de  Nicéo  et  do 
saint  Athanase;  on  adopta,  en  évitant  les  expressions  trop 
précises,  les  dogmes  catholiques  du  péché  originel  et  du  libre 
arbitre,  mais  on  maintint  rigoureusement  la  justification  par 
la  foi  seule  ;  on  ne  reconnut  que  les  sacrements  du  Baptême  et 
de  l'Eucharistie,  ce  dernier  dans  le  sens  des  calvinistes;  le  roi 
fut  proclamé  chef  suprême  de  l'Église  anglicane. 

Edouard  VI  et  la  plupart  des  ecclésiasliques  souscrivirent  à  la 
nouvelle  Confession.  La  liturgie,  purgée  de  tous  les  «  restes  de 
papisme»,  fut  introduite  par  la  force.  Une  commission,  présidée 
par  Cranmer,  fut  chargée  d'élaborer  un  code  de  lois  ecclésiasti- 
ques à  la  place  du  recueil  des  décrétalos.    Elle  cuinmença  sa 


LE  PROTESTANTISME.  ^^o 

((  réforme  des  lois  do  l'Église  »  par  une  exposition  de  la  foi,  et 
prononça  la  peine  de  mort  et  la  confiscation  des  biens  contre 
quiconque  renierait  la  foi  chrétienne,  soutiendrait  la  trans- 
substantiation, la  primauté  du  pape  et  autres  doctrines  réprou- 
vées; elle  fixa  la  procédure  à  suivre  contre  les  hérétiques,  la 
cérémonie  de  l'abjuration  de  l'hérésie  et  de  la  tradition  des 
hérétiques  opiniâtres  au  bras  séculier,  insulta  à  la  mendicité; 
on  condamna  l'adultère  à  la  prison  ou  à  l'exil  à  perpétuité.  Le 
divorce  fut  permis  pour  cause  de  cruauté,  d'humeur  insuppor- 
table et  d'absence  de  plusieurs  années. 

Ce  code  de  lois  si  effrayant  pour  les  catholiques  ne  fut  pas 
réellement  imposé,  parce  que  Edouard  VI  mourut  avant  sa  pubU- 
cation,  âgé  de  seize  ans  seulement  (6  juillet  15.53). 

Comme  Henri  VIII  n'avait  point  de  descendant  mâle,  et  que 
Marie,  issue  de  son  premier  mariage,  ainsi  qu'Elisabeth,  issue 
du  second,  avaient  été  déclarées  bâtardes  par  Cranmer,  le  roi 
Edouard,  pendant  sa  maladie,  avait  consenti,  dans  son  testa- 
ment, sur  les  instances  du  duc  de  Northumberland,  à  ce  que  la 
belle-fille  de  celui-ci,  Jane  Grey,  petite-fille  de  Marie,  sœur  de 
Henri  VIII ,  fût  l'héritière  légitime  du  trône.  (Marie  avait 
épousé  en  secondes  noces  Charles  Brandon,  dont  elle  avait  eu 
une  fille,  qui  épousa  Henri  Grey,  père  de  Jane.) 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES    SUR  LE  N°   loi. 

Art.  Craumer  dans  Burnet,  II,  209  et  seq.;  Salig,  Gesch.  der  Augsb. 
Genf.,  II,  p.  456.  Cf.  Schrœckh  ,  K.-G.  seit  der  Ref.,  II,  p.  613  el 
suiv.;  Lingard,  VII,  p.  106  et  suiv.;  Reformatio  legum  ecclesiast., 
Lond.,  1640;  Gerdes,  p.  383-391;  Mon.  antiq.,  n.  43,  p.  230  et  seq.; 
Burnet,  II,  477  et  seq.;  Sclirœckh,  p.  618  et  suiv.  Calvin  avait  déjà 
précédemment  engagé  le  protecteur  Somerset  à  extirper  par  le  glaive 
les  partisans  de  l'Anléchrist  de  Rome.  Calvini  Kpist.,  éd.  Genev.,  1376, 
p.  67;  Dœllinger,  Kirche  u  Kirchen,  p.  69. 

Les  protestants  sons  le  règ-ne  de  Marie. 

Rétablissement  du  «  statu  quo  »  de    Henri  VIII. 

155.  Après  la  mort  d'Edouard,  le  duc  de  Northumberland, 
désireux  de  procurer  la  couronne  royale  à  sa  famille,  fit  pro- 
clamer reine  Jane  Grey,  épouse  de  son  fils  Gilfred.  Le  règne 
de  Jane  ne  dura  que  neuf  jours.  L'héritière  légitime  du 
trône,  Marie,  qui  avait  pour  elle  l'opinion  publique  et  l'opposi- 


426  HISTOIRE  DE  l'ÉGLTSE. 

tion  de  beaucoup  do  seigneurs  contre  le  testament  arraché  au 
faible  Edouard,  s'avança  avec  une  armée  et  fit  son  entrée  royale 
dans  Londres.  Le  duc  prolecteur  fut  incarcéré,  et,  après  une 
nouvelle  révolte,  mis  à  mort  avec  son  fils  et  Jane  Grey.  La 
reine,  qui  était  une  fervente  catholique,  s'efforça  de  faire 
rentrer  l'Angleterre  dans  l'unité  de  l'Église  ;  elle  trouva  surtout 
de  l'opposition  chez  ceux  qui  avaient  profilé  des  biens  enlevés 
à  l'Église  et  auprès  des  évêques  protestants  institués  par  Cran- 
mer.  Cbarles-Quint  lui  conseilla  d'agir  avec  beaucoup  de 
modération  et  de  prudence.  Marie  n'adopta  pas  le  titre  de  chef 
suprême  de  l'Église  anglicane  ;  elle  fit  invalider  par  le  parle- 
ment le  mariagede  Henri  VIII  avec  Anne  de  Boleyn,  réintégra  les 
évêques  (Jardiner,  Banner,  Tonstall,  etc.,  déposés  sous  Edouard, 
et  s'efforça  de  ramener  les  choses  au  point  où  elles  étaient  suus 
Henri  VlII;elleenjoigintà  l'infidèle  archevêque Cranmer  de  quit- 
ter son  palais,  mesure  excessivement  douce  (|uand  on  songe  à 
la  conduite  de  Cranmer  envers  la  mère  de  Marie  et  à  la  part  qu'il 
avait  eue  dans  l'élévation  de  Jane.  S'il  fut  emprisonné  dans 
la  Tour  par  ordre  du  coiiKeil  royal,  ce  fut  seulement  après  qu'il 
eut  attaqué  dans  un  écrit  violent  le  sacrifice  de  la  messe  comme 
une  invention  diabolique. 

Los  affaires  ayant  été  ramenées,  avec  l'approbation  du  pre- 
mier parlement,  au  point  où  elles  étaient  quand  Edouard  VI 
monta  sur  le  trône,  les  clercs  mariés  perdirent  leurs  bénéfices, 
l'Église  recouvra  les  l)ieiis  confisqués  par  la  couronne,  les  dî- 
mes et  antres  redevances.  L'évêque  Gardiner  consacra  des  pré- 
lats avec  la  permission  secrète  du  pape,  afin  de  remplacer  suc- 
ces.'^iv(iment  les  évè(jues  protestants.  Les  novateurs,  (jui  avaient 
démêlé  les  intentions  de  la  reine,  provoquèrent  une  rébellion, 
qni  fut  étouffée  par  les  armes.  Marie,  afin  de  se  procurer  un 
solide  appui,  épousa  le  prince  Philippe,  héritier  de  la  couronne 
d'Espagne;  il  arriva  en  Angleterre  le  19  juillet  15,14.  Pour 
apaiser  la  résistance  des  possesseurs  de  biens  eodésiastiijues, 
on  demanda  à  Jules  11!  et  l'on  obtint  une  bulle  par  laquelle 
l'Église  renonçait  aux  biens  (jni  lui  avaient  été  ravis  sous  les 
deux  derniers  gouvernements. 

Slüid.ui.,  1.  XXV,  p.  80Ö  et  ?G(I.;  |{uruet,  IV,  p.  o'j'ô  et  seq.;  Slrype^ 


I.K    PROTESTANTISME.  427 

III,  p.   I   et  seq.;   Soames,   IV,  p.  i   et  seq.;  Riyn.,  an.    I.oo3  et  seq.; 
I.ingard,  VII,  p.  158  et  siiiv.;  Cobbet,  p.  259  et  suiv.,  282. 

Restauration    du    catholicisme.  —  Sévérité    de    Marie.  —    Sa 

mort. 

156.  Dès  le  o  août  15.^3,  Jiile.s  III  avait  désigné  pour  son 
légat  en  Angleterre  le  cardinal  Régiiiald  Polns,  qui  résidait  en 
Italie  et  commençait  à  mieux  espérer  de  son  pays.  Mais  aupa- 
ravant, il  délégua  secrètement  l'habile  François  Commendon, 
chargé  de  prendre  une  connaissance  exacte  de  l'état  des  affai- 
res. Son  arrivée  causa  une  grande  joie  à  la  reine,  toujours 
entourée  de  nombreux  hérétiques.  Polus  rentra  eu  Angleterre 
(novembre  1554)  après  l'ouverture  du  second  parlement  et  le 
retrait  des  édits  dont  il  avait  été  autrefois  l'objet.  On  lui  fit  une 
réception  des  plus  solennelles.  La  réconciliation  de  l'Angleterre 
avec  l'Église  catholique  fut  adoptée  dans  les  deux  chambres  à 
la  presque  unanimité.  Le  cardinal  leva  l'excommunication  qui 
pesait  sur  le  royaume,  confirma  les  évèchés  fondés  pendant  le 
schisme,  ainsi  que  les  hôpitaux,  les  écoles,  les  mariages  con- 
tractés dans  les  degrés  défendus,  l'abandon  aux  possesseurs 
actuels  des  biens  de  l'Eglise  aliénés  ;  il  s'occupa  d'établir  des 
évèques  catholiques  et  de  restaurer  le  culte  religieux. 

Le  21  juin  1555,  des  ambassadeurs  anglais  se  présentèrent  à 
Rome,  où  une  grande  fête  d'actions  de  grâces  avait  déjà  été 
célébrée  (14  décembre  1554),  pt^ur  demander  pardon  au  Saint- 
Père  des  vingt  années  d'égarement  où  avait  vécu  l'Angleterre. 
Le  cardinal  Polus,  chargé  de  l'administration  de  l'archevêché 
de  Cantorbéry,  s'appliqua  surtout  à  former  un  clergé  capable 
et  instruit  et  à  établir  par  des  moyens  pacifiques  le  règne 
complet  du  catholicisme. 

La  reine,  maladive  et  impatiente,  n'entrait  pas  toujours  dans 
ses  vues  de  sage  discrétion  ;  cependant  elle  le  pressa  de  demeu- 
rer dans  le  pays,  lorsque  Paul  IV,  moins  prudent  que  son  pré- 
décesseur, voulut,  peut-être  par  méfiance,  le  rappeler  et  mettre 
à  sa  place  le  confesseur  de  la  reine,  Guillaume  Poet,  franciscain 
de  l'étroite  observance,  promu  au  cardinalat.  Marie,  après  avoir 
d'abord  régné  avec  mansuétude,  commença  à  traiter  avec- 
beaucoup  de  sévérité  les  non-catholiques  ;  elle  remit  en  vi- 
gueur les  anciennes  lois  contre  les  hérétiques,  d'autant  plus 


■428  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

que  plusieurs  conjurations  avaient  été  tramées  contre  elle 
(Wyat,  SufTolk,  etc.),  que  les  prédicateurs  protestants,  Ridley 
lui-même,  évêque  de  Londres,  l'attaquaient  ouvertement  en 
chaire  et  dans  les  écrits  qu'ils  propageaient.  On  compta  près  de 
deux  cent  soixante-dix-neuf  suppliciés. 

Cependant,  si  l'on  compare  le  gouvernement  de  Marie  avec 
les  deux  précédents  et  avec  celui  qui  lui  succéda,  elle  ne  mérite 
nullement  le  nom  de  «  Sanglante  »,  que  lui  ont  donné  les  protes- 
tants. Les  soulèvements  politiques  étaient  l'œuvre  de  l'hérésie, 
et  la  plupart  des  victimes,  d'infâmes  criminels,  notamment  le 
vénal  Cranmer,  qui,  condamné  à  mort  en  1556,  puhlia  une 
rétractation  lâche  et  hypocrite,  puis  la  rétracta  quand  il  s'aperçut 
qu'elle  lui  était  inutile  ;  le  traître  Latimer,  évêque  de  Worchester; 
Ridley,  de  Londres,  convaincu  de  haute  trahison  ;  plusieurs 
prédicants  réformés,  qui  avaient  soufflé  le  feu  de  la  révolte,  et 
dont  les  six  plus  coupables  moururent  sur  l'échafaud  en  janvier 
1555. 

L'Espagnol  Alphonse  de  Castro,  confesseur  du  roi  Philippe, 
blâma  publiquement  ces  mesures  de  rigueur,  et  pendant  quatre 
semaines  les  condamnations  furent  suspendues.  11  fut  ensuite 
prescrit  à  toutes  les  autorités  d'engager  ceux  qui  étaient  accu- 
sés d'hérésie  à  se  convertir  ;  puis,  en  cas  de  résistance,  de  les 
conduire  aux  supérieurs  ecclésiastiques  pour  les  faire  instruire, 
et,  seulement  après,  d'agir  conformément  aux  lois.  La  reine 
Marie  mourut  d'hydropisio,  le  15  novembre  1558  ;  seize  heures 
plus  tard,  le  cardinal  Polus  expirait.  Cette  douloureuse  nouvelle 
parvint  à  Rome  au  moment  où  l'on  célébrait  les  funérailles  de 
Cliai-les-(Jiiint  (2:2  décembre).  L'Angleterre  était  à  la  veille  d'iuje 
nouvelle  révolution  religieuse. 

OUVRAGES   A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°   i56. 

Pallav,,  XIII,  c.  vii-ix,  xii,  xiii;  Conc.  M.  Brilan.,  IV,  H2  et  seq.; 
Graziani,  la  Vie  du  card.  Commendon,  Irad.  par  M.  Fléchier,  4«  éd., 
Lyon,  1702,  p.  61  et  seq.;  Reformatio  Augliai  ex  decretis  Reginaldi 
Poli  Sedis  Ap.  legati,  10  febr.  1356;  Labbé,  XIV,  1733;  Le  Plat,  Mon., 
IV,  p.  070  et  seq.;  Rayn.,  an.  13ö6,  n.  28.  Attitude  de  Paul  IV  :  Pallav., 
XIV,  0.  H,  n.  3  et  seq.;  Rayn.,  an.  1538,  n.  3  et  seq.;  Ranke,  Rœm. 
Pœpste,  I,  p.  309  et  suiv.  Ce  dernier  apprécie  le  malheureux  Cranmer 
(Ilist.  d'Anglet.,  I,  p.  20i  et  suiv.)  comme  l'a  fait  dernièrement  un 
critique  de  la  Gazette    universelle   d'Augsbourg  (Supplem.,   il   déc. 


LF.    l'KOTESTANTlSME.  429 

i860)  :  «  II  était  de  ces  natures  qui  ont  besoin  de  se  sentir  appuyées 
par  l'autorité  souveraine  pour  être  en  état  de  poursuivre  leur  opinion. 
Autant  elles  paraissent  entreprenantes  et  courageuses,  autant  elles 
deviennent  souples  et  flexibles  quand  cette  faveur  leur  fait  défaut. 
Elles  ne  brillent  point  par  la  grandeur  morale,  mais  elles  sont  émi- 
nemment propres,  dans  les  circonstances  critiques,  à  sauver,  pour  des 
temps  meilleurs,  l'allaire  qu'ils  ont  entreprise.  »  —  Impossible  de 
dire  à  un  homme,  avec  plus  de  ménagements,  qu'il  manque  de  carac- 
tère. —  Pallav.,  XIV,  VIII,  1  ;  Rayn.,  an.  1558,  n.  3  et  seq.,  10  ;  Rurnet, 
p.  872  et  seq.;  Strype,  p.  464  et  seq. 

LES  PROTESTANTS  SOUS  LE  RÈGNE  D'ELISABETH. 
Attitude  religieuse  d'Elisabeth. 

157.  Les  intérêts  personnels  d'Elisabeth,  la  seule  qui  restât 
des  filles  de  Henri  VIII,  étaient  d'accord  avecceuxdu  protestan- 
tisme. Fille  d'Anne  de  Boleyn  et  née  du  vivant  de  Catherine, 
les  catholiques  la  considéraient  comme  illégitime.  La  véritable 
souveraine,  selon  eux,  c'était  Marie  Stuart  d'Ecosse,  descen- 
dante de  Marguerite,  sœur  de  Henri  VIII  et  femme  de  Jacques 
IV,  roi  d'Ecosse.  Mais  comme  elle  était  mariée  à  François,  dau- 
phin de  France,  et  que  la  domination  soit  de  la  France,  soit  de 
l'Ecosse,  était  intolérable  à  l'orgueil  national  des  Anglais,  Elisa- 
beth, qui  avait  simulé  le  catholicisme  sous  la  reine  Marie,  tout 
en  méritant  les  faveurs  du  parti  protestant,  fit  aisément  re- 
connaître par  la  majeure  partie  du  peuple  anglais  ses  préten- 
tions au  trône.  Son  père,  dans  son  testament,  l'avait  préférée  à 
ses  autres  parents. 

Elisabeth  parut  d'abord  hésiter  entre  les  deux  religions  ;  elle 
se  fit  couronner  selon  le  rite  des  catholiques,  et  jura  même  de 
maintenir  leur  religion.  Elle  fit  annoncer  au  pape  Paul  IV  son 
élévation  au  trône  et  négocier  un  mariage  avec  Philippe  II 
d'Espagne.  Paul  IV,  à  qui  la  cour  de  France  avait  demandé  de 
sauvegarder  les  droits  de  Marie  Stuart,  répondit  à  Elisabeth  que 
l'illégitimité  de  sa  naissance  ne  permettait  pas  d'établir  son  droit 
d'une  manière  absolue  et  indubitable  ;  que  Marie  aussi  revendi- 
quait la  couronne  d'Angleterre;  que  si  Elisabeth  voulait  remettre 
l'affaire  à  sa  décision,  elle  devait  faire  toutes  les  concessions 
compatibles  avec  la  justice.  Cette  réponse  olTusqua  l'orgueilleuse 
princesse  au  suprême  degré  ;  mais  elle  n'aurait  pas  laissé  sans 


430  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

cela  de  se  prononcer  pour  le  protestantisme  :  sa  conduite  tout 
entière  et  le  caractère  des  personnes  qui  l'entouraient,  ne  per- 
mettent pas  d'en  douter.  Son  unique  dessein  était,  avant  d'être 
bien  affermie  sur  le  trône,  de  ne  pas  rompre  ouvertement  avec 
les  catholiques  et  avec  le  pape,  et  de  procéder  avec  lenteur 
dans  l'exécution  de  ses  plans. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N°    157. 

Rayn.,  an.  1538,  n.  M  et  seq.;  an.  1559,  n.  i  et  seq.;  Pallav.,  XIV, 
vin,  2;  Ranke,  Rœm.  Pwpste,  I,  p.  310  et  suiv.;  Engl.  Gesch.,  I, 
p.  222  et  suiv.;  Nares,  Ménioirs  of  Burgleigh,  II,  XLin;  J.  Strype, 
Annals  of  the  Reformation  and  Establisbement  of  religion  under  the 
reign  of  queen  Elizabeth,  2«  éd.,  3  vol.,  Lond.,  1727-1737  (1558-1588); 
Brief  Annals  of  tbe  Church  and  State  under  the  reign  of  queen  Eliza- 
beth,, Lond.,  1738,  2«  éd.  (1589-1603);  Biirnet,  loc.  cit.,  p.  880  et  seq.; 
H.  Soames,  Elizabethan  religions  History,  Lond.,  1839. 

L'Angleterre  redevient  protestante.  —  Les  trente-neuf 
articles  de  l'Église  anglicane. 

158.  Les  protestants  emprisonnés  furent  innnédiatement 
élargis,  les  exilés  furent  rappelés  et  beaucoup  entrèrent  dans  le 
parlement.  Sur  le  conseil  du  plus  intime  de  ses  conseillers, 
Ceci!,  Elisabeth  lança,  le  27  décembre  1558,  une  proclamation 
qnidéfendaitauxecclésiastiquesde  prêcher  jusqu'à  ce  qu'elle  eût 
rendu,  de  concert  avec  le  parlement,  des  décrets  à  ce  sujet.  Cecil 
était  parveim  à  faire  adopter  le  plan  de  la  reine  par  la  majorité 
du  parlement,  et  cette  même  assemblée,  qui  s'était  ouverte  (25 
janvier  1559)  par  un  oftice  catholique  solennel  et  un  sermon 
réformé,  supprimait  peu  de  temps  après  les  lois  édictées  sons 
Marie  et  rétaMissait  la  plupart  des  lois  rendnes  sous  Edouard  VI. 

La  majorité,  dans  le  principe,  ne  fut  que  de  troix  voix.  On 
décida  la  revision  du  Livre  de  prières,  on  rappela  l'ambassadeur 
de  Rome  et  l'on  rompit  toute  relation  avec  le  Saint-Siège.  La 
suprématie  de  la  reine  fut  reconnue,  avec  l'obligation  d'un  ser- 
ment qui  devait  être  prêté  sous  peine  de  destitution  et  de  con- 
fiscation des  biens  :  c'était  exclure  les  catholiques  de  tous  les 
emplois.  Admettre  l'autorité  du  pape,  s'opposer  à  la  reine  en 
(]U(ii  que  ce  fût  sur  les  matières  religieuses,  passait  pour  un 
crimo  do  hante  trahison.  Il  y  eut  encore  de  la  résistance  parmi 
les  premiers  prélats  et  dans  les  universités.  Une  conférence 


],E    IMiOlKSlAiNll.SMK.  431 

piihliqiio,  présidée  par  lu  garde  des  sceaux,  et  qu'on  avait  déjà 
soumise  à  plusieurs  rèu;lemeuts  funestes  aux  catholiques,  fut 
inteirouipue  ;  les  callioliques  qui  s'y  étaient  rendus,  furent 
punis  de  Tameiide  et  de  la  prison  ;  les  prêtres  qui  avaient 
refusé  le  serinent  de  suprématie,  remplacés  par  des  prédi- 
cants  réformés. 

La  reine  nomma  archevêque  de  Canturbéry  Matthieu  Parker, 
qui  fut  sacré  le  17  décembre  1559  par  l'évêque  protestant  Bar- 
low,  assisté  de  trois  autres  prélats  semblables, et  qui  dut  lui-même 
en  consacrer  d'autres.  La  majeure  partie  du  bas  clergé  se  sou- 
mit, presque  toujours  dans  le  dessein  de  garder  ses  bénéfices 
et  aussi  dans  l'espérance  illusoire  d'un  prochain  revirement. 
Des  neuf  mille  quatre  cents  béuéficiers,  il  n'y  en  eut  guère  que 
soixante  qui  préférèrent  perdre  leur  place  plutôt  que  d'aposta- 
sier.  Au  dehors,  une  foule  de  choses  demeuraient  encore  catho- 
liques :  on  avait  maintenu  la  hiérarchie  avec  ses  privilèges,  les 
ornements  d'églisf^,  l'abstinence  de  chair  (conservée  pour  des 
raisons  éconoini(|ues),  etc.  Presque  la  moitié  de  la  nation  était 
encore  catholifjue  de  cœur,  et  cependant  le  gouvernement  no 
rencontra  nulle  part  une  résistance  sérieuse. 

Les  mesures  pour  étouffer  l'ancienne  croyance  devenaient 
chaque  jour  plus  sévères  :  en  1562,  il  fut  décidé  que  tous  les 
membres  de  la  Chambre  des  communes,  les  maîtres  privés 
et  publics,  tous  les  avocats  et  les  ecclesiastifjues  prêteraient  le 
serment  de  suprématie  ;  tous  ceux  qui  blâmeraient  le  culte  in- 
troduit, tous  les  réniteiits  {récusantes)  souffriraient  la  peine 
des  criminels  de  lèse-majesté.  Cette  mesure,  imparfaitement 
e.Kécutée  dans  le  principe,  le  fut  plus  tard  avec  une  extrême 
rigueur.  Les  quarante-deux  articles  publiés  sous  Edouard  VI 
furent  revisés  et  réduits  à  trente-neuf.  On  laissa  une  foule  de 
choses  indécises;  mais  on  rejeta  expressément  la  primauté  du 
pape,  le  sacrifice  de  la  messe,  «  cette  invention  sacrilège  », 
la  transsubstantiation,  le  purgatoire,  l'invocation  des  saints,  le 
culte  des  images,  les  indulgences.  Quiconque  agirait  ou  écri- 
rait contre  les  trente-neuf  articles,  élevés  à  la  dignité  de  Sym- 
bole, devait  être  puni  comme  hérétique. 

()UVR.\GES   A   CONSULTER  ET   REMARQUES' CRITIQUES   SUR   LE   N°    158. 

The  Life  aud  Acts  of  Mallh.  Parker,  Lond.,  M\\,  in-f°.  Le  P.  Cou- 


432  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

rayer,  chanoine  régulier  de  Sainte-Geneviève,  à  Paris,  se  prononça 
pour  la  validité  des  ordinations  anglicanes  (Dissertât,  sur  la  validité 
des  ordinations  des  Anglais,  1723,  et  Défense  de  la  Dissert.,  etc.,  1724). 
Mais  la  plupart  des  théologiens  catholiques  considéraient  comme  inva- 
lides les  ordinations  de  la  haute  Église  faites  par  M.  Parker,  tels  que 
Nie,  Sander,  de  Schismate  anglicano;  Harding  (contre  lewell,  évêque 
anglic.  de  Chichester);  Stapleton  (Fortresse  of  the  fait);  Hardouin 
(Dissert,  du  P.  C,  Par.,  1724).  De  nos  jours,  ont  écrit  sur  la  validité 
des  ordinations  anglicanes,  après  Pusey  :  Lee  (the  Validity  of  thc 
Holy  Orders  of  the  Ghurch  of  England,  London,  1869),  et  Bailley 
(Ordinum  sacroruin  in  Eccl.  Angl.  Defensio,  Lond.,  1870);  contre 
elle  :  Raynal,  0.  S.  B.  (the  Ordinal  of  king  Edward  VI,  its  History, 
Theology  et  Lilurgy,  Lond.,  1870);  can.  Estcourt  (the  Question  of 
anglican,  ordination  discussed,  Lond.,  1873).  Comp.  Bellesheim,  dans 
Archiv  f.  kath.  K.-R.,  1874,  t.  XXXI,  p.  3-34;  W.  Bender,  War  Parker 
ein  giltig  geweihter  Bischof?  Würzb.,  1877.  Voici  les  principales 
raisons  contre  la  validité  :  1°  Il  n'est  pas  certain  que,  par  la  consécra- 
tion de  Barlow,  Parker  ait  été  validenient  ordonné  évèque;  2°  les  ordi- 
nants  n'avaient  pas  l'intention  requise,  l'infeention  de  faire  ce  que  fait 
l'Église  ;  3"  la  formule  d'ordination  de  l'Église  anglicane  sous 
Edouard  VI  ne  mentionnait  nullement  le  pouvoir  épiscopal,  et  elle 
avait  subi  des  modilications  si  essentielles,  que  l'assemblée  du  clergé 
de  1062  crut  nécessaire  de  l'éliminer.  —  Augusti,  Corp.  libror. 
symbol  ,  p.  126-142,  en  allem.,  dans  Bonner  Ztschr.,  N.-F.  Jahrg.; 
5  liviais.,  1,  p.  196-208.  Freib.  Zlschr.,  t.  XU,  p.  250  et  suiv.  Cf. 
Burnet,  p.  933  et  seq.;  Strype,  p.  323  et  seq. 

Les  non-coniormistes. 

-159.  Les  mesures  du  gouvernement  avaient  pour  adver- 
saires, outre  les  catholiques,  les  puritains,  ou  partisans  rigides 
de  Calvin,  qui  trouvaient  trop  d'éléments  papistes  dans  l'Eglise 
anglicane  réformée  et  se  scandalisaient  de  la  constitution  épis- 
copule.  On  les  appelait  non -conformistes.  La  liturgie,  la  hié- 
rarchie épiscopale  sentaient  par  trop  le  papisme  ;  la  chape,  la 
barrette  et  autres  objets  extérieurs  incpiiétaient  leur  con- 
science. La  plupart  détestaient  le  serment  de  suprématie  ; 
quelques-uns  cependant  croyaient  pouvoir  l'accepter,  parce 
qu'il  excluait  toute  puissance  étrangère,  nommément  celle  du 
pape,  et  parce  qu'il  y  était  dit  (jnc  le  pouvoir  royal  était  investi 
de  la  suprême  puissance  sur  toutes  les  personnes  ecclésias- 
tiques et  civiles  nées  dans  le  royaume.  Ils  étaient  plus  difficiles 


LE   PROTESTANTISME.  433 

en  matière  de  rites.  En  1568,  ils  tinrent  une  assemblée  secrète 
et  résolurent  de  se  séparer  de  la  haute  Église  épiscopale,  à 
laquelle  ils  essayèrent  d'opposer  une  constitution  presbyté- 
rienne plus  populaire.  Beaucoup  d'entre  eux  turent  saisis,  mais 
relâchés  bientôt  après.  Plus  tard,  ces  non-conformistes  eurent 
également  beaucoup  à  souffrir. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  159. 

Dan.  Neal,  the  History  ol"  tlie  Puritans  or  Prot.  Non-Conformistes, 
2«  éd.,  Lond.,  1723-38,  4  vol.;  a  new  édition  revised  by  Joshua  Tou- 
lin,  Lond.,  1797,  ö  vol.  (traduction  allemande,  Halle,  1762,  th.  i); 
Heylin,  Hist.  des  presbytériens,  p.  233  et  seq.;  Chebus,  die  Dissenters 
in  England  (Mcdners  ZtscUr.  f.  histor.  ïheol.,  1848,  I,  p.  87  et  suiv.); 
Weingarten,  die  Revolutionskirchen,  Leipzig,  1868;  Lingard,  ViU, 
p.  134  et  suiv. 

Persécution  des  catholiques. 

160.  Jusqu'en  1570 ,  le  sort  des  catholiques  d'Angleterre 
était  encore  presque  supportable ,  et  Pie  IV  n'avait  pas 
encore  renoncé  à  l'espoir  de  gagner  l'orgueilleuse  souveraine. 
11  essaya  d'entamer  des  négociations  par  l'entremise  de  l'abbé 
Parapaglia.  Mais  depuis  que  la  reine  d'Ecosse,  xMarie  Stuart, 
serrée  de  près  par  ses  sujets  rebelles,  se  fut  réfugiée  en  Angle- 
terre, où.  Elisabeth,  après  lui  avoir  promis  un  asile,  ne  lui  ré- 
servait qu'une  prison  (1508)  ;  depuis  que  plusieurs  geutils- 
hommes  catholiques  eurent  fomenté  une  émeute  en  faveur  de 
la  captive,  qu'ils  considéraient  comme  leur  légitime  souve- 
raine, Elisabeth  redoubla  de  colère  et  de  sévérité  contre  les 
catholiques  :  tous  furent  considérés  comme  des  complices  de 
l'émeute  et  des  ennemis  de  l'État,  quoique  beaucoup  eussent 
combattu  sous  ses  drapeaux.  Supposé,  du  reste,  que  tous  les 
catholiques  se  fussent  déclarés  contre  Éhsabeth,  ils  n'auraient 
fait  que  ce  que  les  protestants  d'Ecosse  avaient  entrepris  eux- 
mêmes  contre  leur  reine.  Elisabeth  avait  constamment  excité 
contre  les  rois  de  France  et  d'Espagne  leurs  sujets  réformés  : 
ce  ne  pouvait  pas  être  un  crime  inouï  que  de  lui  rendre 
maintenant  la  pareille. 

Des  centaines  de  catholiques  furent  mis  à  mort,  et  la  capti- 
vité de  Marie  Stuart  devint  plus  étroite.  A  la  suite  de  ces  vio- 
v.  —  HiST.  UE  l'église.  28 


434  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

lences,  le  pape  Pie  V,  conformément  à  l'avis  de  Philippe  11,  au 
conseil  que  quelques  évèques  anglais  et  les  théologiens  de  Lou- 
vain  lui  avaient  donné  en  15G3,  Pie  V,  se  référant  aux  prin- 
cipes de  droit  alors  en  vigueur,  prononça  solennellement  l'excom- 
munication et  la  déposition  d'Elisabeth  (25  février  1570).  A 
Rome,  on  espérait  encore  que  l'infortunée  reine  Marie  Stuart 
serait  délivrée,  et,  pour  atteindre  ce  but,  Pie  V  était  prêt  à  tous 
les  sacrifices  ;  il  invoqua  le  secours  de  l'Espagne  et  d'autres 
puissances  :  une  guerre  contre  Elisabeth  eût  été,  dans  ce  cas, 
parfaitement  justifiée.  Qu'il  ait  soudoyé  quelqu'un  pour  l'as- 
sassiner, c'est  là  une  calomnie  insoutenable.  Il  recommanda  au 
roi  d'Espagne  un  envoyé  de  la  prisonnière,  et  s'en  remit  tout 
entier  à  ce  prince  de  l'œuvre  de  sa  délivrance.  L'entreprise, 
dirigée  par  le  duc  de  Norfolk,  fut  déjouée  ;  l'Espagne  ajourna 
ses  secours,  et,  à  dater  de  1571,  Elisabeth  redoubla  encore  de 
sévérité. 

OUVRAGES   A  CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE   N"    160. 

Pie  IV,  ap.  Rayn.,  an.  1S60,  n.  42  et  seq.;  d561,  n.  51  ;  Le  Plat,  IV, 
623  et  seq.  Que  Pie  IV  ait  oü'ert  à  la  reine  d'approuver  le  «  Livre  des 
communes  prières  »,  si  elle  et  son  royaume  reconnaissaient  la  supré- 
matie du  Saint-Siège,  c'est  là  une  pure  invention  :  Esteourt,  loc.  cit., 
p.  354  et  seq.  En  faveur  des  droits  de  Marie  sur  l'Angleterre,  Joh. 
Leslaîus,  op.  Roffensis,  de  Titulo  et  Jure  serenissimœ  principis  Mariai 
Scolorum  regiuœ,  quo  regni  Angliae  successionem  sibi  juste  vindicat, 
Khemis,  1581.  Sur  l'auteur,  voy.  Theiner,  Annal,  eccl.,  an.  1574, 
n.  10,  c.  IV.  Demandes  au  pape  relativement  à  l'excommunication 
d'Elisabeth  :  Pallav.,  XXI,  vu,  4  et  seq.;  Spondan.,  an.  1569,  n.  8  et 
seq.;  Bzov.,  h.  an.,  n.  30.  Const.  de  Pie  V  Reg7ians  in  excelsis  :  Bull. 
Rom.,  t.  IV,  p.  m,  p.  98;  al.,  t.  H,  p.  324;  éd.  Taur.,  VII,  810  et  seq.; 
Roscovany,  Mon.,  III,  p.  85-87,  n.  438.  Voyez  mon  ouvrage  Kath. 
Kirche,  p.  678  et  suiv.,  où  j'apprécie  l'accusation  contre  Pie  V,  em- 
pruntée sans  raison  suffisante  à  Gachard,  Correspondance  de  Phi- 
lippe II,  t.  II,  p.  180  et  suiv. 

Nouveaux  bills  contre  les  catholiques. 

161.  En  1571,  quatre  nouveaux  bills  furent  présentés  au  par- 
lement contre  les  partisans  do  Marie  Stuart  et  contre  les  catho- 
liques. Trois  furent  adoptés.  D'après  ces  bills,  serait  coupable 
de  haute  trahison  quiconque  attaquerait  ou  seulement  révo- 


LE   PROTESTANTISME«  435 

querait  en  doute  les  droits  d'Elisabeth  à  la  couronne  d'Angle- 
terre, l'appellerait  hérétique,  schismatique,  tyran.  Un  menaça 
aussi  des  châtiments  réservés  à  ceux  qui  trahissent  la  patrie 
ceux  qui  recevraient  de  Rome  une  bulle,  un  bref,  un  rescrit, 
une  dispense,  etc.,  ou  qui  s'en  serviraient  pour  recevoir  ou 
donner  des  absolutions  et  des  dispenses.  Pour  maintenir  la  su- 
prématie royale  eu  matière  religieuse,  on  institua  un  tribunal 
particulier,  la  haute  cour  de  commission,  qui  fut  investie  de 
pouvoirs  inquisitoriaux  exceptionnels  et  affranchie  des  formes 
ordinaires  de  la  justice.  Les  agents  pénétraient  dans  les  mai- 
sous,  épiaient  les  discours,  saisissaient  les  papiers,  et  pouvaient 
enlacer  dans  leurs  ülets  quiconque  leur  déplaisait. 

Le  refus  d'assister  aux  offices  de  la  haute  Église  entraînait 
d'énormes  amendes,  des  châtiments  corporels  et  une  prison  sé- 
vère. Les  amendes  seules  dépassaient  les  ressources  d'un  grand 
nombre  de  catholiques,  dont  plusieurs  périrent  misérablement 
dans  les  prisons.  Cependant  cette  législation  tyrannique  parut 
encore  trop  douce,  et  les  édits  sanguinaires  furent  renforcés  en 
1581  :  toute  fonction  sacerdotale,  absolution,  célébration  de  la 
messe,  ordinations,  asile  même  accordé  aux  prêtres  catholiques, 
furent  menacés  de  la  peine  de  mort.  Les  places  de  professeurs  et 
de  précepteurs  ne  devaient  être  accordées  qu'avec  l'agrément  des 
autorités  protestantes.  Des  espions  attitrés  du  gouvernement 
tendaient  des  embûches  aux  catholiques,  se  donnaient  pour  les 
hommes  de  confiance  de  la  reine  Marie  toujours  prisonnière, 
tâchaient  d'impliquer  les  cathoUques  crédules  dans  des  conspi- 
rations, afin  de  les  dénoncer  ensuite  ;  ou  bien  ils  leur  arra- 
chaient quelques  paroles  de  mécontentement  contre  la  tyrannie 
régnante,  afin  de  les  faire  punir.  Les  prisons  de  tous  les  comtés 
regorgèrent  bientôt  de  catholiques.  La  ruine  de  l'ancienne 
Église,  surtout  par  la  disette  de  prêtres,  semblait  inévitable. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE   N°   161. 

Lingard,  t.  VII,  p.  3ö6  et  suiv.;  VIll,  p.  7ö  et  suiv.,  437  et  suiv.; 
Ranke,  Papes  romains,  II,  p.  160  et  suiv.  —  J.  de  Thou  (lib.  VIII,  1Ö80, 
p.  Ö41,  traduct.  tVauç.j  parle  aussi  des  espions  sous  Elisabeth.  Châti- 
ments rigoureux  inlligés  à  ceux  qui  professaient  d'autres  doctrines  : 
Eduard  Coxe,  institut.,  III,  5. 


436  HISTOIRE  DE  LÉGLISE. 

Séminaires  de   Douai  et  de  Rome.  —  Héroïsme  des  mission- 
naires catholiques.  —  Supplice  de  Marie  Stuart. 

162.  Pour  remédier  à  la  pénurie  des  prêtres,  le  zélé  docteur 
Guillaume  Allen,  ancien  supérieur  de  Maria-Hall  à  Oxford,  fixé 
à  Douai  en  Belgique,  plus  tard  cardinal  et  protecteur  de  la  na- 
tion anglaise  à  Rome  (1587-1594),  établit  à  Douai,  en  1568,  un 
séminaire  pour  les  Anglais.  Le  pape  Grégoire  XIII  lui  fit  en- 
voyer d'abondants  subsides,  et  renforça  cet  établissenienl  en 
instituant  à  Rome,  en  1579,  le  collège  anglais.  Les  élèves  de  ce 
collège  s'obligeaient  à  retourner  en  Angleterre  pour  y  annon- 
cer la  foi,  et  à  se  conformer  à  l'exemple  des  missionnaires  en- 
voyés autrefois  par  saint  Grégoire  le  Grand.  Les  ministres 
anglais  persécutèrent  ces  deux  établissements  par  tous  les 
moyens  imaginables,  et  demandèrent  au  gouverneur  espagnol 
la  suppression  du  séminaire  de  Douai.  Celui-ci  le  promit,  à 
condition  que  les  ports  de  l'Angleterre  seraient  fermés  aux  re- 
belles des  Pays-Bas. 

Les  princes  de  Guise  accueillirent  les  expulsés,  et  le  sémi- 
naire de  Douai,  transféré  à  Reims,  continua  de  prospérer.  Les 
lois  contre  le  clergé  catholique  furent  exécutées  avec  une 
cruauté  inouïe.  Cependant  rien  ne  put  ébranler  le  courage 
surnaturel  des  missionnaires.  En  1580,  deux  jésuites  anglais, 
Persons  et  Campian,  retournèrent  dans  leur  patrie,  et  parcou- 
rurent les  provinces  avec  courage  et  prudence,  parmi  des  dan- 
gers et  des  persécutions  incessantes  :  l'un,  les  provinces  du 
Nord  ;  l'autre,  les  provinces  du  Sud.  Changeant  de  costume  et 
de  nom,  ils  portaient  les  consolations  du  Ciel  dans  une  foule  do 
familles  catholiques,  célébraient  les  saints  mystères  en  secret 
et  dans  un  appareil  qui  rappelait  les  premiers  âges  du  chris- 
tianisme. Des  écrits  cathohques,  composés  avec  habileté  et 
élégance,  parurent  et  produisirent  une  profonde  impression. 
La  véritable  Église  remporta,  au  sein  même  de  la  persécution, 
de  nouveaux  triomphes. 

Le  magnanime  Campian  souffrit  le  martyre,  de  même  que 
Cuthbert  Maine,  noble  prêtre  de  Cornouailles.  Il  y  eut  encore 
quantité  d'autres  victimes,  accusées,  la  plupart,  d'avoir  parti- 
cipé à  des  conjurations  dont  elles  ignoraient  l'existence.  D'hor- 


LE   PROTESTANTISME.  437 

ribles  instruments  de  torture  furent  mis  en  usage  ;  et,  dans  les 
dernières  années  de  cette  femme  tyrannii]ue,  orgueilleuse  et 
despote,  lu  persécution  devint  de  plus  en  plus  acharnée.  Les 
catholiques  anglais  avaient  constamment  de  nouveaux  mar- 
tyrs. 

Enfin,  le  sort  de  l'infortunée  Marie  Stuart  fut  également  fixé. 
Après  une  captivité  de  dix-neuf  ans,  parvenue  seulement  à  sa 
quarante-cinquième  année,  elle  fut  exécutée  le  18  février  1587, 
comme  une  criminelle,  surtout  pour  des  raisons  politiques  fon- 
dées sur  des  documents  dont  on  n'avait  que  des  copies  sans 
autorité.  Cette  procédure  révoltante  contre  une  tête  couronnée, 
à  qui  l'on  n'accorda  pas  même  un  prêtre  catholique  avant  la 
dernière  heure  qui  lui  restait  à  vivre  (la  reine  n'avait  reçu 
qu'une  hostie  consacrée  par  le  pape),  souleva  la  chrétienté 
catholique  et  mûrit  enfin  les  projets  de  l'Espagne. 

Philippe  II,  mari  de  la  précédente  reine  Marie,  fit  valoir  ses 
prétentions  sur  l'Angleterre.  Mais  la  position  insulaire  de  ce 
pays,  le  dévouement  de  la  nation,  y  compris  les  catholiques,  et 
jusqu'aux  perturbations  de  la  nature,  favorisèrent  l'astucieuse 
Elisabeth,  et  c'en  fut  fait  de  l'Armada  espagnole  (1388).  De 
nouvelles  entreprises  furent,  il  est  vrai,  concertées,  mais  non 
accomphes,  et  des  jours  prospères  revinrent  pour  Élisahieth. 
Nulle  trêve  à  son  despotisme  ;  elle  se  targuait  de  respecter  la 
liberté  de  conscience,  et  elle  persécutait  les  catholiques  comme 
coupables  de  haute  trahison,  sans  prêter  l'oreille  à  ceux  qui 
entraient  en  lice  pour  défendre  leur  cause.  Douée  de  hautes 
qualités  intellectuelles,  mais  d'un  caractère  bassement  tyran- 
nique,  rien  moins  que  pure  et  vierge  dans  sa  vie  privée,  Elisa- 
beth demeura  jusqu'à  sa  fin  (4  avril  !603)  l'ennemie  irrécon- 
ciliable des  catholiques,  qui,  après  la  mort  de  l'évêque  de 
Lincoln  (1381),  n'eurent  plus  aucun  évêque  et  n'obtinrent 
un  archiprêtre  qu'en  1398. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   EX   REMARQUES    CRITIQUES   SUR    LE   N»  162. 

Camden,  Rer.  brit.,  I,  315;  Sacchiui,  Hist.  Suc,  Jesu,  p.  IV,  lib.  VI, 
c.  VI  ;  lib.  VII,  c.  x-xxx;  Edm.  Campiani  Vila  et  Martyrium,  Ingoist., 
1584;  Concertaliü  Ecclesiœ  catbol.  in  Aiiglia.,  Aug.  Trevir,,  1588, 
in-4''  (par  Bridgevater);  Spondan.,  an.  1581,  n.  13  et  seq.;  Challoner, 
Denkwürdigkeiten  der  Missionspriesler  u.  and.  Katholiken,  die  in 
Engl,  ihrer  Ueligiun  wegen  den  Tod  erlitten  haben,  1377-1684,  trad. 


438  HISTOIRE   DE   L'ÉGLISE. 

de  l'anglais,  Paderborn,  1852,  2  vol.;  Hist.-pol.  Bl.,  1838,  t.  I,  p.  457- 
469;  1839,  t.  [II,  p.  696-702;  Héfelé ,  Ximénès ,  p.  89-101  (Isab. 
d'Espagne  et  Élisab.  d'Angl.),  —  Natal.  Alex.,  Hist.  saîc.  XV  et  XVI, 
c.  XII,  art.  6,  t.  XVII,  p.  601  ;  Caussin,  S.  J.,  Aulse  sanctae,  t.  II;  Lin- 
gard,  VIII,  p.  220  et  suiv.  Autres  ouvrages  ci-dessous,  §  170.  Déjà  en 
1572,  l'évêque  de  Londres  disait  dans  une  lettre  à  lord  Burgley  que 
la  sécurité  du  royaume  exigeait  qu'on  abattît  la  tête  de  Marie.  EUis, 
Lotters,  II  ser.,  t.  III,  p.  25.  Plans  politiques  contre  Elisabeth  :  Ranke, 
Paepste,  II,  p.  85,  161  et  suiv.,  168  et  suiv.;  Laemmer,  Analecta 
Romana,  p.  49  et  suiv.,  n.  9.  —  Letters  from  sir  Robert  Cecil  to  sir 
G.  Carew,  edited  by  J.  Maclean,  Camden  Society,  n,  88,  an.  1864. 
Les  théologiens  protestants  professaient  pour  Elisabeth  une  sorte  de 
culte  idolâtre.  "William  Tooker,  chapelain  de  la  cour,  essaya  de 
prouver  dans  un  écrit  qu'elle  avait  le  don  miraculeux  de  guérir  le 
goitre  et  les  écrouelles.  («  Charisma  seu  donum  sanationis  seu  expli- 
catio  totius  quaestionis  de  mirabilium  sanitatum  gratia,  in  qua  prœ- 
cipue  agitur  de  solemni  et  sacra  curatione  strumae,  cui  reges  Angliœ 
rite  inaugurali  diviuitus  medicati  sunt  et  quam  serenissima  Eliza- 
betha...  ex  cœlesti  gratia  sibi  concessa  applicatione  manuum  suarum 
et  contacta  morbidarum  partium  non  sine  religiosis  ceremoniis  et 
precibus  cum  admirabili  et  felici  successu  in  dies  sanal.  »  Londini, 
1597);  et  il  voulait  prouver  par  ces  miracles  la  légitimité  de  cette 
<(  très  sainte  princesse  ».  Voy.  Hist.-pol.  Bl.,  1841,  t.  VIII,  p.  355  et 
suiv.  Un  poêle  de  la  cour,  Jammy  Thompson,  célébra  les  «  gloires  » 
de  son  «  règne  virginal  »,  tandis  que  Witaker,  ecclésiastique  protes- 
tant, d'accord  avec  beaucoup  de  contemporains,  lui  imputait  les  plus 
grossiers  débordements;  un  grand  nombre  la  considéraient  comme 
la  femme  la  plus  impie  dont  l'histoire  fasse  mention,  sans  excepter 
Jézabel  elle-même  (Cobbett,  dans  la  Iraduct.,  IV°  éd.,  p.  414).  De 
nos  jours,  des  chercheurs  protestants  avouent  que  l'immoralité  d'Eli- 
sabeth n'est  plus  une  question,  et  qu'il  faut  plutôt  attribuer  ses  succès 
au  ministre  Cecil  qu'à  elle-même.  Maurenbrechei',  Engl,  im  Revolu- 
tionszeitaller, Düsseldorf,  1866,  p.  91  et  suiv.;  Ranke,  Engl.  (Jesch,,  I 
et  suiv.  La  délégation  de  l'archiprêtre  par  le  carduial  protecteur  date 
du  7  mars  1 598  ;  Rome  trouva  la  nomination  d'un  évêque  inoppor- 
tune. Mejer,  Propag.,  II,  p.  37,  39  et  suiv. 

L>es  protestants  sons  Jacqncs  ler  et  Charles  1er, 

Jacques  I^r.  —  La  conjuration  des  poudres.  —  Le  serment  de 

fidélité. 

163.  Le  üls  de  Marie  Stuart,  Jacques  VI,  roi  d'Ecosse,  monta 


LE    PROTESTANTISME.  439 

sur  1g  trône  d'Angleterre  sous  le  nom  de  Jacques  I",  et  réunit 
sous  son  sceptre  les  trois  royaumes  britanniques.  Tous  les  partis 
religieux  fondaient  sur  lui  de  grandes  espérances  :  les  puritains, 
parce  qu'il  avait  été  élevé  dans  leur  religion;  les  épiscopaux, 
parce  que  leur  système  s'adaptait  mieux  au  principe  monar- 
chique ;  les  catholiques,  parce  que  sa  mère  avait  été  une  catho- 
lique fervente  et  qu'en  Ecosse  il  avait  usé  de  tolérance  envers 
l'ancienne  Église.  A  Rome  aussi  l'on  attendait  beaucoup  de  son 
élévation  au  trône.  Déjà  précédemment  Clément  VIII  lui  avait 
mandé  qu'il  priait  pour  lui,  pour  ce  fils  d'une  mère  vertueuse, 
lui  souhaitait  toutes  les  prospérités  temporelles  et  spirituelles,  et 
il  espérait  encore  le  voir  catholique.  Jacques  permit  à  son  am- 
bassadeur à  Paris  d'entretenir  des  relations  avec  le  nonce,  qui 
lui  montra  une  lettre  du  cardinal  Aldobrandini,  où  celui-ci  enga- 
geait les  cathohques  d'Angleterre,  au  nom  du  pape,  à  obéir  à 
leur  roi  et  à  prier  pour  lui. 

Le  roi  promit  de  ne  pas  inquiéter  les  catholiques  paisibles,  et 
il  les  laissa  en  effet  jouir  quelque  temps  d'un  peu  de  repos.  On 
recommença  de  célébrer  la  messe  dans  le  nord  de  l'Angleterre, 
et  beaucoup  d'Anglais  se  montrèrent  de  nouveau  catholiques. 
Par  malheur,  le  mouvement  protestant  et  surtout  le  zèle  du 
roi  pour  la  constitution  épiscopale,  que  les  puritains  traitaient 
de  papisme,  entraînèrent  Jacques  I".  Pour  se  purger  du  soup- 
çon de  papisme,  Jacques  renforça  les  lois  contre  les  catholiques 
(1604),  fit  percevoir  sans  merci  les  amendes  au  profit  de  ses 
favoris  d'Ecosse,  et  prononça  plusieurs  sentences  de  mort.  Dans 
cet  état  de  choses,  il  était  naturel  que  quelques  uns  se  laissas- 
sent entraîner  dans  des  complots  et  des  conspirations. 

Robert  Katesby  forma,  avec  quelques  complices,  le  dessein  de 
faire  sauter  en  l'air  (novembre  1605)  le  palais  du  parlement, 
avec  le  roi,  les  lords  et  les  communes.  Le  plan  fut  éventé,  et 
plusieurs  des  conjurés  mis  à  mort.  On  essaya  de  faire  passer 
les  jésuites  pour  les  instigateurs  du  complot.  Le  P.  Garnet,  qui 
n'avait  connu  la  conjuration  que  par  le  confessionnal  et  qui  avait 
fait  pour  l'empêcher  tout  ce  qu'il  avait  pu  sans  violer  le  secret 
de  la  confession,  fut  condamné  à  mort  comme  complice,  après 
une  procédure  absolument  privée  de  formes  et  différentes  tor- 
tures. 

Le  niLine  sort  atteignit  d'autres  missionnaires.  11  fut  prescrit 


440  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

qu'une  fête  annuelle  serait  célébrée  le  5  novembre,  jour  de  la 
découverte  de  la  conspiration  des  poudres,  et  une  prière  fut 
insérée  dans  la  liturgie  contre  les  ennemis  cruels  et  sangui- 
naires de  l'État.  Ou  redoubla  de  rigueur  envers  les  catholiques; 
on  leur  imposa  le  sermeut  de  fidélité,  qui  n'était  au  fond  que  le 
serment  de  suprématie  et  (]iii  de  plus  était  injurieux  à  la  foi 
catholique.  On  donna  à  entendre  que  cet  attentat  était  le  fruit 
de  la  doctrine  cathoFuiue  ou  d'un  ordre  spécial  du  pape,  et  l'on 
demanda  que  l'opinion  suivant  laquelle  l'Église  peut,  dans 
certains  cas,  déposer  les  souverains,  opinion  soutenue  par  les 
théologiens  les  plus  autorisés,  fût  condamnée  comme  hérétique  : 
c'était  empiéter  sur  la  doctrine  de  l'Église,  et  nul  catholique 
n'avait  le  droit  de  le  faire.  Ceux  qui  prêteraient  le  serment,  ne 
devaient  être  soumis  qu'aux  peines  établies  par  la  loi  ;  les 
autres,  y  compris  les  femmes,  seraient  condamnés  à  la  prison 
perpétuelle,  perdraient  leurs  biens,  et  seraient  traités  comme 
des  excommuniés  (4606). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    103. 

Hanke,  Rœtn.  Pœpstc,  t.  II,  p.  479  et  suiv.;  Histoire  d'Angleterre, 
t.  1,  p.  531  et  suiv.;  Lueminer,  Analecta  Rom.,  p.  53;  Lingard,  IX, 
p.  35  et  suiv.,  55  et  suiv.;  Crétineau-Joly,  Hist.  de  la  Comp,  de  Jésus, 
t.  III,  p.  83  et  seq.;  Riffel,  Gesch.  der  Aushebung  des  Jesuitenordens, 
2«  éd.,  p.  30C-3H  ;  N.-J.  Morris,  S.  J.,  the  Condition  of  Calh.  ander 
James  I.  Father  Gerards  Narrative  of  the  Gumpoweder  Plot.,  Lond., 
1871  ;  en  allem.,  par  Hollmann,  Frib.,  1872.  Voy.  Laacher  Monatsschr., 
1872,  II,  p.  165  et  suiv.  Souvenir  liturgique  du  5  novembre:  Daniel. 
Cod.  liturg.,  III,  DÖ5;  Juram.  fidel.,  ap.  Rapin  Toyras,  Hist.  de  l'An- 
gleterre, t.  VII,  Hb.  XVIII,  an.  1606. 

Paul  V  et  le  serment  de  fidélité. 

164.  Plusieurs  catholiques  so  demandaient  s'il  était  permis  do 
prêter  le  serment  de  fidélif»^  Le  pape  Paul  V  déclara  que  ce 
serment  contenait  une  foule  de  choses  contraires  à  la  foi,  et  que 
personne  Jie  pouvait  le  prêter  sans  préjudice  de  son  salut;  il 
exprima  l'espoir  que  les  catholiques,  éprouvés  jusqu'alors  au  fou 
do  la  persécution,  souffriraient  les  dernières  extrémités  plutôt 
(jue  d'offenser  la  majesté  divine.  Paul  V  nu  pouvait  pas  admnltre 
non  plus  que  les  actes  des  papes  du  moyen  âge  eusseut  été 


LE   PROTESTANTISME.  Ail 

impies  et  injustes,  ni  laisser  qualifier  d'hérétiques  des  opinions 
tliéologitjues  généralement  enseignées  dans  les  écoles  ecclésias- 
tiques.Plusieurs  catholiquesémigrèrent  et  perdirent  leur  fortune; 
d'autres  firent  le  sacrifice  de  leur  liberté  et  même  de  leur  vie. 
Le  roi  Jacques,  qui  se  piquait  aussi  de  théologie,  essaya 
de  justifier  la  formule  de  serment  contre  les  théologiens  catho- 
liques Bellarmin,  Suarez  et  Duperrou.  Il  en  résulta  une  dispute 
littéraire.  Jacques  connaissait  et  estimait  les  Pères  de  l'Église,  et 
il  était  modéré  à  l'égard  des  catholiques  dans  ses  conversatious 
privées.  Les  catholiques  de  Londres,  nombreux  encore  malgré 
toutes  leurs  pertes,  avaient  pour  centre  religieux  la  chapelle  de 
l'ambassadeur  d'Espagne.  Des  amendes  qu'on  leur  imposait,  le 
roi  percevait  annuellement  36,000  livres  sterling.  Quand  son  fils 
Charles  épousa  la  princesse  cathoUque  Henriette  de  France,  il  fit 
par  écrit  diverses  concessions  aux  catholiques,  rendit  la  hberté 
à  plusieurs  des  leurs  qui  gémissaient  dans  les  prisons,  et  adoucit 
sensiblement  leur  sort,  malgré  la  résistance  du  clergé  et  du 
parlement  anglais.  Jacques  maintint  rigoureusement  son  sys- 
tème épiscopal  et  sa  suprématie  religieuse  :  «  Je  fais  ce  qu'il  me 
plaît,  »  disait-il,  «  la  loi  aussi  bien  que  l'Évangile.  » 

OUVRAGES    A    CONSULTE«    ET    REMARQUES    CRITIQUES    SUR  LE    N°    164. 

Paul  V,  1"  oct.  1606  et  23  août  1607  ;  Wilkins,  Conc.  M.  Brit.,  IV, 
430,  Lond.,  1737;  du  Plessis  d'Arg.,  III,  ii,  p.  172-174;  Roscovaiiy, 
Monum.,  I,  197  et  seq.  Cf.  Gosselin  (V,  §  149),  II,  p.  282-288,  et  mon 
ouvrage  cité,  où  j'examine,  entre  autres  choses,  l'accusation  empruntée 
aux  Notices  et  Extraits  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  nationale, 
Paris,  1804,  t.  VII,  p.  311.  Voyez  encore  Ranke,  Hist.  d'Angl.,  I, 
p.  544  et  suiv.  Bossuet  lui-même  (Defens.  Déclarât,  cleri  Gall,,  part.  I, 
lib.  IV,  cap.  xxui,  p.  387)  n'osait  justifier  le  serment.  Jacques,  son 
Apologia  pro  juramento  tidelitatis,  dans  ses  0pp.,  Lond.,  1619,  p.  237 
et  seq.,  Lips.,  1689;  Bellarmin.,  Respons.  ad  Apol.  pro  jur.  fidel., 
0pp.,  VII,  640;  Suarez,  Defensio  fidei  cath.,  Colon.,  1614.  Autres 
ouvrages  dans  Dupin,  Hist.  eccl.  du  XVIP  siècle,  t.  IV,  p.  622  ;  Bianchi 
(V,  §  1),  t.  II,  lib.  VI,  §  11,  n.  8  et  seq.,  p.  640;  Werner,  Franz  Suarez, 
I,  p.  97,  n.  1.  Aveux  privés  de  .Jacques  :  J.  Forster,  Hist.  Essays,  Lond., 
1838,  I,  227;  Ranke,  Pœpste,  II,  p.  481  et  suiv.,  487.  Le  mariage  di-. 
Charles  P'  avec  une  princesse  catholique  donna  lieu  à  de  longues 
négociations,  auxquelles  le  Saint-Siège  lui-même  prit  une  part  active  : 
Ranke,   p.  483  et  suiv.,  507  et  suiv.  Divers  documents  dans  Kunst- 


442  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

mann,  die  Gemischten  Ehen.,  Ralisb.,  1839,  p.  195-205.  Cf.  p.  143  et 
suiv.,  n.  162. 

Règne  malheureux  de  Charles  1er. 

165.  Sous  Charles  I"  (1625-1649),  caractère  vacillant  et  sans 
énergie,  un  sort  meilleur  parut  d'abord  réservé  aux  catholi- 
ques. Des  agents  du  pape  allèrent  à  Londres,  et  des  délégués 
de  l'Angleterre  à  Rome.  La  reine  avait  de  l'influence  sur  son 
mari,  qui  se  complaisait  dans  plusieurs  coutumes  catholiques. 
L'agent  de  Rome,  Cuneo,  discuta  avec  le  roi  sur  une  modiflca- 
tion  à  introduire  dans  le  serment  de  fidélité,  et  déclara  que  la 
seule  formule  acceptable  était  celle  qui  ne  prescrivait  que 
l'obéissance  temporelle.  Charles  I"  trouvait  des  difficultés,  soit 
dans  les  dispositions  du  parlement,  soit  dans  la  haute  idée  qu'il 
se  faisait  des  droits  de  la  royauté  :  il  rejeta  les  propositions  de 
Cuneo,  et  Rome  persista  à  réprouver  le  serment  de  fidélité. 
L'Angleterre,  du  reste,  avait  reçu  de  Grégoire  XV  un  vicaire 
apostolique,  d'abord  Guillaume  Bisliop  (1623-1625),  évoque  de 
Chalcédoine,  puis  Richard  Smith. 

A  Rome,  en  1630,  la  Propagande  s'occupa  du  rétablissement 
de  la  hiérarchie  catholique  en  Angleterre.  Ce  projet  échoua. 
Non  seulement  la  plupart  des  conditions  établies  dans  le  contrat 
de  mariage  du  roi  ne  furent  pas  exécutées,  mais  il  se  produisit 
une  foule  d'autres  complications  singulièrement  préjudiciables 
aux  catholiques.  Le  roi,  entouré  de  conseillers  à  courte  vue, 
fut  bientôt  le  jouet  de  partis  fanatiques.  Les  épiscopaux  se  firent 
les  organes  de  l'absolutisme  royal,  et  les  presbytériens,  les 
champions  de  la  souveraineté  populaire  et  de  la  liberté  civile. 
Chez  ces  derniers,  les  tendances  républicaines  s'accentuèrent 
de  plus  en  plus  sous  le  masijue  de  la  religion,  et  menacèrent  à 
la  fois  la  monarchie  et  la  hiérarchie.  Do  leur  côté,  les  puritains 
ou  les  «saints»  apparurent  armés  de  textes  de  la  Bible,  et  outre- 
passèrent bientôt  toute  mesure.  Charles,  ainsi  que  son  père, 
craignant  d'enflammer  le  fanatisme  des  puritains  en  se  mon- 
trant équitable  envers  lescatholiijues,  se  laissaitentraîneràdes 
demi-mesures,  à  do  fausses  combinaisons,  qui  avaient  toujours 
un  effet  contraire  à  ses  desseins. 

L'opinion  publique  était  travaillée  contre  sa  femme  catho- 
lique, contre  sou  ministre,  le  duc  de  Duckingham,  et  contre 


LE   PROTESTANTISME.  443 

Laud,  archevêque  de  Caiitorbéry,  épiscopal  rigide.  Les  parle- 
ments, où  les  puritains  furent  bientôt  en  majorité,  combattaient 
le  gouvernement  et  se  plaignaient  du  papisme  {No  Popery  !) 
Le  roi,  tant  pour  apaiser  le  parlement  que  pour  sortir  de  ses 
embarras  financiers,  donna  son  adhésion  à  toutes  les  mesures 
vexatoires  proposées  contre  les  catholiques  :  les  «  récusants  » 
furent  de  nouveau  frappés  d'amendes,  emprisonnés  et  même 
exécutés.  Les  prêtres  catholiques  émigrés  qui  rentreraient  dans 
le  pays,  devaient  être  punis  de  mort.  On  enleva  leurs  enfants  à 
beaucoup  de  familles  catholiques,  pour  les  faire  élever  dans  le 
protestantisme.  Les  partisans  de  l'ancienne  Église  furent  mis 
hors  la  loi. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET    REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE   N°    163. 

Rapports  de  Cuneo,  dans  Ranke,  Engl.  Gesch.,  II,  p.  206  et  suiv.  j 
Anhang,  p.  26-32.  Voy.  son  Rœm.  Pcepsle,  II,  p.  572  et  suiv.  Sur  le 
rejet  constant  du  serment  de  fidéUté  et  sur  la  déclaration  projetée 
sous  Innocent  X  (1648),  mais  non  publiée,  voyez  mon  ouvrage  cité, 
p.  692  et  suiv.  Vicaires  apostoliques  en  Angleterre  :  Mejer,  Propag.,  Il, 
p.  43  ;  Pie  IX,  const.  Universalis  Ecclesix,  29  sept.  iSöO  (Acta  Pli  IX, 
vol.  I,  p.  236  et  seq.).  Délibération  de  la  Propagande  de  1630  :  Läm- 
mer, Analecta  Rom.,  p.  37;  Rinuccini  (archev.  de  Fermo),  Nunziatura 
in  Irlanda  ncgii  anni  1645,  an.  1649,  public,  su'  MSS.  originali, 
Firenzi;,  1844;  —  Hradshaw,  the  English  Puritane,  Lond.,  1603  ;  lat.  : 
Piiritanismus  anglicus,  Francof.,  1610;  Dan.  Neal  (§  139),  surtout  II, 
393  et  seq.;  Schrœckh,  K.-G.  seit  d.  Ref.,  V,  p.  24  et  suiv.,  41  et  suiv.; 
VIII,  p.  410  et  suiv.;  Chebus  (§  139),  p.  96-lld. 

Révolution  d'Angleterre. 

166.  Charles  commit  une  faute  politique  (1636)  en  voulant 
Imposer  aux  presbytériens  d'Ecosse  la  constitution  épiscopale  et 
la  liturgie  de  l'Angleterre,  en  restreignant  leurs  prédications  et 
leurs  exercices  de  piété.  Il  en  résulta  une  révolution.  Le  roi 
réunit  de  nouveau  un  parlement  à  Londres,  pour  se  procurer 
des  ressources  pécuniaires.  Mais  ici  encore  il  trouva  de  la  résis- 
tance, et  il  lui  fallut  dissoudre  l'assemblée.  Les  Écossais  enva- 
hirent l'Angleterre  et  s'allièrent  avec  les  puritains.  Les  con- 
seillers du  roi  ne  sachant  quel  parti  prendre  et  l'argent  faisant 
absolument  défaut,  Charles  convoqua  un  nouveau  parlement 
(1640),  qui  allait  lui  devenir  funeste.  Dans  ce  «  Long  Parlement  » 


444  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

(1640-1649),  la  Chambre  des  communes  commença  ses  délibéra- 
tions par  des  plaintes  sur  les  intrigues  papales,  résolut  de  faire 
une  épuration  dans  la  haute  Église,  et  rendit  à  plusieurs  ecclé- 
siastiques non-conformistes  les  places  qu'on  leur  avait  ravies. 
Il  mit  ensuite  en  accusation  lord  StrafTord,  le  plus  capable  des 
ministres  du  roi,  et  le  fit  exécuter.  L'archevêque  Laud  fut  en- 
fermé dans  la  Tour. 

Charles  cédait  partout,  et  commettait  les  plus  graves  impru- 
dences par  excès  de  précipitation.  Il  s'enfuit  de  Londresà  York, 
et,  en  1642,  le  parlement  lui  enleva  le  pouvoir  législatif .  Il  y  eut 
encore  des  négociations  entre  les  deux  partis,  mais  de  part  et 
d'autre  on  recrutait  des  troupes.  Les  catholiques,  durement 
opprimés,  soutenaient  la  cause  du  roi  Charles  ;  suspect  de  pa- 
pisme, il  refusa  d'abord  d'accepter  leurs  services,  et  finit  par  y 
consentir,  tout  en  continuant  de  faire  supplicier  leurs  prêtres. 
Il  avait  encore  pour  lui  la  majeure  partie  de  la  noblesse,  tandis 
que  le  parlement  était  soutenu  par  la  bourgeoisie,  ennemie  de 
tout  monopole.  Les  prédicants  presbytériens  excitaient  parmi 
leurs  troupes  le  plus  effroyable  fanatisme.  On  enleva  à  chaque 
catholique  les  deux  tiers  de  sa  fortune,  pour  couvrir  les  frais  de 
la  guerre  contre  le  roi  ;  la  tète  de  tout  prêtre  catholique  fut 
mise  à  prix,  sous  prétexte  que  le  roi  avait  tramé  un  complot 
papiste  (1643).  Les  épiscopaux,  persécutés  par  les  deux  partis, 
subirent  les  puritains,  qui  prévalaient  dans  l'armée  comme  au 
sein  du  parlement,  supprimèrent  complètement  la  liturgie  et 
le  régime  épiscopal,  et  introduisirent  partout  la  constitution 
presbytérienne. 

OUVRAGES    A   CONSI.'LTER    SUR   LE    N°    166. 

Ed.  Clarendon,  Hisl.  de  la  rébellion  et  des  guerres  civiles  d'Angle- 
terre, à  la  Haye,  1704,  6  vol.;  Rapin  Thoyras,  t.  VI,  p.  261  et  seq., 
399  et  seq.,  461  et  seq.;  t.  VIII,  p.  1  et  seq.;  F.  Förster,  Historical 
and  Biographical  Fssays,  Lond.,  1858,  vol.  I,  the  Débats  on  the  grand 
Remonstrance,  1641  ;  Lingard,  t.  IX  et  X. 

Exécution  du  roi. 

167.  Mais  bientôt  les  presbytériens  virent  se  dresser  contre 
eux  une  secte  plus  radicale  encore  :  les  indépcnrlanls  rejetèrent 
le  système  synodal  et  les  prosbytéries,  demandèrent  la  tolérance 


LE    PROTESTANTISME.  445 

générale  et  la  suppression  des  prédicants,  car  quiconque  était 
saisi  par  le  Saint-Esprit  devait  prêcher.  Ils  se  nommaient  aussi 
congrégationalistes  et  Brownistes(de  Robert  Brown,  leur  chef). 
On  vit  en  effet  des  soldats,  des  marchands,  des  femmes,  escalader 
les  chaires.  Ces  fanatiques  avaient  à  leur  tète  les  premiers 
généraux  des  troupes  du  parlement,  Fairfax  et  Olivier  Crom- 
well,  qui  aspiraient  à  la  dictature;  ils  remportèrent  plusieurs 
victoires  sur  les  troupes  royales.  Le  30  janvier  1647,  le  roi  fut 
emmené  captif  à  Ilolby. 

Des  mains  du  parlement  il  tomba  dans  celles  des  indépendants, 
qui  avaient  supplanté  les  presbytériens,  et  finalement  dans 
celles  d'un  troisième  parti  qui  s'était  formé  au  sein  de  l'armée, 
les  Levellers  (ni voleurs  ou  rationalistes). 

Les  Levellers  professaient  la  liberté  absolue  en  matière  reli- 
gieuse, et  la  souveraineté  populaire,  et  cherchaient  à  prouver 
par  la  Bible  que  Dieu  a  tous  les  rois  en  abomination.  Les  partis 
extrêmes  se  supplantaient  mutuellement.  Bientôt  la  mise  en 
accusation  du  roi  fut  décrétée;  la  chambre  haute  résista,  la 
chambre  basse  se  déclara  investie  de  l'autorité  suprême.  Les 
presbytériens  récalcitrants  furent  expulsés  du  parlement  ;  les 
autres  (le  rumpfparlement)  mirent  le  roi  en  aceusation,  pour 
avoir  pris  les  armes  contre  le  parlement  souverain.  Une  cour 
de  justice  dirigée  par  Cromwell  le  condamna  à  mort  en  invo- 
quant la  Bible,  et,  le  30  janvier  1549,  la  tète  du  roi  tombait  sous 
la  hache  du  bourreau.  La  royauté  fut  déclarée  abolie  en  Angle- 
terre, et  la  république  proclamée.  L'Angleterre  venait  de  tra- 
verser toutes  les  phases  de  la  révolution  ecclésiastique  et  poli- 
tique. 

OUVRAGES   A   CONSUMER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE   N°   167. 

J.  Waddington,  Congregational  History,  1567-1700,  dans  Relation  to 
contempor.  events,  Lond.,  1874;  Weingarten  (§  159),  p.  20  et  suiv. 
Des  Leveliers  (on  leur  doit  l'ouvrage  :  the  Leveller  or  tho  Principles 
and  Maximes  concerning  Government  and  Religion,  Lond.,  1658), 
sortit  la  secte  de  la  o^  monarchie  de  Vennec,  suivant  laquelle  il  ne 
fallait  reconnaître  d'autre  roi  que  le  Christ,  ni  remettre  le  glaive  dans 
le  fourreau  avant  que  la  royauté,  cette  autre  Babylone,  lût  extirpée. 
Voyez  encore  Sanford,  Sludies  and  Illustrations  of  the  great  rébellion, 
Lond.,  1858.  Le  meurtre  royal  fut  justifié  par  J.  Milton,  Defensio  pro 
populo  anglicano  contra  Salraasii  defensionem  regiam  pro  Garolo  I, 


446  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Lond.,   i651,   et  Philippi  Respousio  ad  Apolog.  anonym,  pro  rege, 
Lond.,  1652. 

Le  prolcstantisnie  en  Ecosse. 
Les  protestants  écossais.  —  Jean  Knox. 

168.  L'Ecosse  fut  le  premier  des  royaumes  britanniques  où  la 
nouvelle  doctrine  trouva  de  nombreux  représentants.  Elle  y  fut 
prêchée  sous  le  roi  Jacques  V  (1524-1542)  par  Patrice  Hamilton, 
qui  l'avait  étudiée  à  sa  source,  à  Wittenberg  et  à  Marbourg. 
L'arcbevêque  de  Saint-André  (métropole  depuis  1471),  Jacques 
Beaton,  après  une  procédure  régulière,  le  fit  livrer  comme 
hérétique  au  pouvoir  séculier,  qui  le  punit  de  la  peine  du  feu 
(1528).  Comme  il  avait  joui  d'un  grand  crédit  en  sa  qualité 
d'abbé  de  Ferme  et  montré  beaucoup  de  courage  pendant  son 
supplice,  le  nombre  de  ses  partisans  secrets  se  multiplia.  On  vit 
surgir  une  multitude  de  prédicants  réformateurs,  entre  autres 
le  bénédictin  Henri  Forest  (qui  fut  également  brûlé),  et  le  con- 
fesseur de  Jacques  V,  Alexandre  Seton,  qui  se  réfugia  sur  le 
continent.  Les  plus  belles  perspectives  s'ouvrirent  devant  les 
novateurs,  car  une  portion  notable  du  clergé  était  fort  dégé- 
nérée depuis  la  confiscation  des  biens  d'Église  par  la  couroinie 
et  la  noblesse,  et  le  peuple  grandissait  dans  une  profonde 
ignorance. 

Les  écrits  sarcastiques  répandus  contre  le  clergé  étaient 
recherchés  avec  passion,  et  les  prêtres  indignes  étaient  bafoués 
comme  de  faux  prophètes.  Les  protestants  se  multipliaient, 
favorisés  par  la  noblesse  en  haine  des  prélats  opulents  et  de  la 
royauté,  alliée  avec  eux.  ici  encore  les  biens  ecclésiastiques  ser- 
virent de  prétexte  à  beaucoup  de  gentilshommes  appauvris,  pour 
faire  opposition  à  l'Égiise.  L'archevêque  Jacques  eut  pour  suc- 
cesseur son  neveu  David  Beaton,  encore  beaucoup  plus  zélé  que 
lui,  et  qui  fut  aussi  pronm  au  cardinalat.  (Juand  le  roi  Jacques  V 
vint  à  mourir  (1542),  sa  fille  et  son  héritière  Marie  Stuart  n'était 
âgée  que  de  huit  jours;  la  régence  tomba  aux  mains  du  comte 
d'Arran,  Jac(jues  Hamilton,  très  faible  de  caractère,  mais  dé- 
voué aux  protestants.  Le  parti  catholique,  très  puissant  encore, 
dirigé  par  le  vaillant  cardinal  archevêque,  ne  voulut  point  d'un 
protestant  pour  administrer  le  royaume.  Hamilton,  pour  se 


LE    rROTKSTANTISMF.  Ail 

maintenir,  rentra  dans  le  giron  de  l'Eglise  catholique  (1543),  et 
s'unit  au  cardinal  pour  combattre  les  hérétiques. 

L'un  des  réformateurs ,  George  Wishart,  ayant  été  mis  à 
mort,  les  protestants  conspirèrent  contre  l'archevêque;  ils  l'as- 
saillirent dans  son  château  comme  ennemi  opiniâtre  de  Jésus- 
Christ  et  de  l'Évangile,  au  dire  de  Melvil,  disciple  du  supplicié, 
l'assassinèrent  avec  barbarie,  et  restèrent  en  possession  de  son 
château  (i546).  Cent  quarante  gentilshommes  se  mirent  de 
leur  parti,  et  la  mer  leur  apporta  d'Angleterre  des  res- 
sonrces  en  argent  et  en  vivres.  Le  régent  fit  le  siège  du  châ- 
teau, entra  en  négociations  avec  les  meurtriers,  et,  quand  elles 
eurent  échoué,  les  força  enfin  de  se  rendre,  avec  le  secours 
d'une  flotte  française.  Cependant  ils  furent  libres  de  s'en 
retourner.  Parmi  eux  se  trouvait  le  prédicant  Jean  Knox, 
réformateur  écossais,  né  en  151.^,  dégradé  par  le  cardinal  pour 
ses  doctrines  hérétiques,  puis  aumônier  militaire  des  re- 
belles :  cet  adversaire  fanatique  de  l'ancienne  Église  fut  con- 
damné en  France  à  deux  années  de  galères.  En  1549,  il  arriva 
en  Angleterre,  où  il  prêcha  souvent  en  présence  d'Edouard  VI 
et  de  ses  conseillers  secrets  ;  en  1553,  il  se  rendit  à  Genève,  et 
se  lia  avec  Calvin  d'une  étroite  amitié. 

Rébellion  eu  Ecosse. 

469.  L'alliance  intime  qui  existait  entre  la  France  et  l'Ecosse, 
valut  à  celle-ci  une  guerre  très  funeste,  mais  très  favorable  à 
la  propagation  du  calvinisme.  La  reine  mère,  Marie  de  Guise, 
n'hésita  pas  à  s'allier  aux  calvinistes  pour  renverser  le  régent 
d'Arran,  qui  se  décida  à  lui  laisser  la  régence  (1554).  La 
reine  usa  de  grands  ménagements  envers  les  novateurs  et 
même  envers  les  étrangers  persécutés  dans  leur  pays.  Mandé  par 
ses  amis,  Knox  retourna  en  Ecosse  (1555),  et  travailla  de  toutes 
ses  forces  à  son  œuvre  de  réformation.  11  donna  à  plusieurs 
gentilshommes  la  communion  selon  le  rite  de  Genève,  et  prê- 
cha contre  le  gouvernement  papiste  des  femmes.  Assister  à  la 
messe  était,  selon  lui,  un  péché  mortel.  En  1556  cependant,  il 
repartit  pour  Genève,  où  une  chaire  lui  était  offerte. 

Le  clergé,  ranimé  par  son  départ,  l'accusa  d'hérésie  et  le  fit 
brûler  en  effigie  à  Edimbourg.  La  reine  mère  se  contenta  de 


AAH  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

condamner  à  mort  quelques  fanatiques,  qui  pillaient  les 
églises  et  renversaient  les  autels  do  la  façon  la  plus  barbare. 
Les  calvinistes  demeurèrent  en  correspondance  avec  Knox,qui 
résida  à  Genève  de  1556  à  1559,  et  y  fit  retentir  son  «  pre- 
mier coup  de  trompette  contre  le  gouvernement  satanique  des 
femmes  ».  A  partir  de  1557,  ils  prirent  une  attitude  de  plus  en 
plus  menaçante  ;  Knox  prêchait  ouvertement  la  révolution 
contre  «  l'idôlatrie  »  et  contre  l'autorité,  qui  la  soutenait.  Les 
lords  protestants  formèrent  entre  eux  une  alliance  (la  «  con- 
grégation du  Seigneur  »)  pour  résister  aux  catholiques,  qu^'ils 
appelaient  la  «  congrégation  de  Satan  »  ;  ils  s'engagèrent  à 
défendre  leur  religion  jusqu'à  la  mort  et  à  se  procurer  des  pré- 
dicateurs vraiment  évangéliques.  L'archevêque  Hamilton  ayant 
fait  brûler,  en  1558,  un  prêtre  apostat,  Walter  Milne,  ils 
demandèrent  à  la  régente  et  au  parlement  la  liberté  absolue  do 
religion,  et  menacèrent  de  se  révolter. 

Lorsque  Knox  fut  revenu  de  Genève,  les  églises  et  les  cou- 
vents furent  profanés  et  livrés  au  pillage,  plusieurs  détruits  de 
la  façon  la  plus  barbare,  y  compris  la  superbe  cathédrale  de 
Saint-André.  On  en  vint  à  une  guerre  ouverte.  Les  rebelles  no 
se  contentèrent  même  pas  du  traité  de  1559,  qui  accordait  aux 
protestants  le  libre  exercice  de  leur  culte  :  ils  entendaient 
régner  seuls  sur  les  ruines  du  catholicisme.  Ils  refusèrent 
l'obéissance  à  la  régente,  qui  reçut  des  troupes  de  France,  tan- 
dis que  les  rebelles  furent  appuyés  par  Elisabeth  d'Angle- 
terre. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LES    N°«    168-169. 

Bradshaw  (§  i65);  Heylin,  Hist  of  the  Presbyterians,  Oxford,  1670, 
p.  130  et  seq.,  163  et  seq.;  the  History  of  Ihe  leformation  of  religion 
wilLiri  rcaltn  of  Scollanci  togetiier  with  tlic  Life  of  John  Knox  Uie 
author,  Edinb.,  1732;  Gilbert  Stuart,  Ilist.  of  reform  of  Scotland, 
Lond.,  1780,  in-i»,  Altenb.,  1786;  Robertson,  Ilisl.  of  Scotland.,  Bas., 
1791,  2  t.;  en  allem.,  Braunschw.,  2  thle  ;  Calderwood,  the  True 
Hislory  of  Ihe  Churdi  of  Scotland,  Lond.,  1768;  Th'M'Cric,  the  Life  of 
J.  Knox,  Edinb.,  1811,  2  vol.  (et  souvent  extrait  par  Planck,  Goetting., 
1817);  Cook,  Hist.  of  Ihe  Church  of  Scotland  from  the  reform., 
Edinb.,  1815,  t.  III;  Niemeyer,  Leben  d.  J.  Knox  u.  der  beiden 
Marien,  Leipzig,  1824;  Weber,  John  Knox  und  die  schottische  Kirche 
(Studien  u.   Kritiken,   1842,   h.  IV)  ;  Kudloil',   Gesch.   der  Reform,  in 


LE    PROTESTANTISME.  449 

Schottland,  Berlin,  1847  et  suiv.,  2  part.  ;  Kœslin,  die  Schottische 
Kirche,  Hanib.,  1852;  Brandes,  John  Knox,  der  Keformator  Schotll., 
Ëlberf.,  1862;  Lingard,  Gesch.  v.  Engl.,  Vil,  p.  303  et  suiv.,  311  et 
suiv.;  Confessio  scotica,  dans  Augusti,  Corp.  liLr.  symbol.,  p.  143  et 
seq.  Extrait  dans  Weber,  J.  Knox,  p.  886  et  suiv.;  Livre  de  discipline 
de  Knox,  ibid.,  p.  892  et  suiv.  (Weber,  Gesch.  der  Kirchen  u.  Secten 
V.  Groszbrit.,  Leipzig,  1843  et  suiv.,  2  vol.). 

Oppression  du  catholicisme.  —  Marie  Stuart  en  Ecosse. 

170.  La  régente  Marie  de   Guise  mourut  au  milieu  de  ce 
désordre  (1560).  l'lusieurs  catholiques  s'unirent  aux  rebelles 
pour  demander  l'éloignement  des  troupes  françaises.  La  jeune 
reine  Marie  Stuart  et  son  époux  François  IJ,  roi  de  France,  se 
virent  donc  obligés  de  conclure  avec  la  congrégation  la  paix 
d'Edimbourg,  qui  sanctionnait  la  victoire  de  la  noblesse  insur- 
gée. Toutes  les  exigences  politiques  furent  approuvées,  et  la 
question  religieuse  renvoyée  au  prochain  parlement.  Au  lieu 
de  l'attendre,  les  calvinistes  introduisirent  partout  leur  nou- 
velle   organisation  ecclésiastique,  nommèrent   des  surinten- 
dants et  des  prédicateurs,  de  sorte  que  le  parlement,  où  ils 
étaient,  du  reste,  en  majorité,  n'avait  plus  qu'à  confirmer  leurs 
actes.  En  15G0  encore,  le  parlenioat  prononça  l'aboUtion  de  la 
religion  catholique,  défendit  la  célébration  ou  l'audition  de  la 
messe  sous  peine  de  confiscation  des  biens,  et,  en  cas  de  réci- 
dive, de  l'exil  et  de  la  mort  ;  il  adopta  une  confession  de  foi 
calviniste,  —  la  confession  écossaise.  La  constitution  devait 
être  presbytérienne  ;  cependant  on   laissa  encore  provisoire- 
ment aux  évêques  leurs  revenus  et  leurs  sièges  dans  le  parle- 
ment, afin  d'obtenir  plus  facilement  l'adhésion  de  la  reine. 

Peu  de  temps  après,  Marie  Stuart,  devenue  veuve  par  la 
mort  de  François  II,  céda  aux  instances  des  catholiques  et  des 
protestants,  et  retourna  dans  son  royaume  héréditaire.  Déjà 
avant  son  arrivée,  le  conseil  de  régence  avait  fait  détruire  tous 
les  monuments  de  l'ancienne  religion.  Marie  Stuart  osa  se 
confier  aux  protestants,  et  promit  de  suivre  surtout  leurs  con- 
seils dans  la  conduite  du  gouvernement.  Mais  Knox  était 
beaucoup  plus  puissant  que  la  reine  ;  elle  ne  pouvait  assister  à 
la  messe  sans  exposer  ses  jours,  et  le  peuple  menaçait  de  lapi- 
der son  chapelain.  Knox  vomit  du  haut  de  la  chaire  les  propos 

V.  —  HIST.  DE  l'église.  «29 


4o0  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

les  plus  injurieux  contre  la  souveraine  catholique,  et  quand 
elle  fit  son  entrée  à  Edimbourg,  on  joua  une  comédie  qui  tour- 
nait sa  croyance  en  dérision.  Plus  tard,  sa  chapelle  fut  forcée 
et  pillée  durant  son  absence.  Elle  n'était  pas  même  maîtresse 
dans  son  propre  palais. 

Abdication  et  fuite  de  Marie  Stuart. 

171.  Les  premiers  actes  de  la  jeune  veuve  furent  marqués 
au  coin  de  la  modération  et  de  la  prudence  ;  sa  vue  seule  atti- 
rait les  cœurs  ;  mais  on  interprétait  mal,  on  blâmait  vivement 
ses  meilleures  actions.  La  foule  égarée  ne  voyait  en  elle  qu'une 
servante  du  diable.  Seule  au  milieu  d'un  peuple  hostile,  elle 
résolut ,  avec  l'approbation  des  hommes  les  plus  capables , 
d'épouser  son  parent,  lord  Henri  üarnley,  dont  la  famille  pas- 
sait pour  très  catholique.  Aussitôt  Knox  compara  les  deux 
époux  à  Jézabel  et  Acliab;  son  demi-frère  Jacques,  nommé  par 
elle  comte  de  Murray,  se  révolta  ;  les  lords  protestants  s'allièrent 
à  Elisabeth  d'Angleterre,  qui  poursuivait  de  son  implacable 
haine  sa  belle  et  spirituelle  rivale.  Déjà  l'on  en  était  venu  à  vou- 
loir défendre  à  la  reine  d'avoir  une  chapelle  catholique  dans 
son  propre  palais.  Cependant,  quand  elle  demanda  secours  dans 
une  proclamation  où  elle  assurait  à  tous  le  libre  exercice  du 
culte,  elle  obtint  la  victoire.  Le  mariage  fut  conclu  en  15C4.  On 
reprocha  à  Marie  d'avoir,  sans  consulter  le  parlement,  doimé  à 
son  mari  le  titre  de  roi.  Ce  dernier,  au  surplus,  ne  se  montra 
pas  à  la  hauteur  de  sa  situation,  et  s'irrita  de  ce  que  Marie 
ne  lui  abandonnait  pas  le  gouvernement  d'une  manière  défiui- 
tivo;  puis  il  s'aigrit  contre  Kizzio,  secrétaire  de  la  reine,  qu'il 
fit  arrêter  dans  les  appartements  de  Marie  et  assassiner  (mars 
inC6). 

A  la  suite  d'une  conjuration  ourdie  par  les  plus  puissants 
d'entre  les  barons,  ayant  à  leur  tête  le  comte  Bothwell,  on  fit 
sauter  en  l'air  Darnley  avec  sa  maison  de  campagne  (février 
15Ü7).  La  rumeur  pnl>li(iue  désigna  le  comte  Buthwell  comme 
l'assassin,  bien  qu'il  fût  justifié  de  ce  reproche  par  vingt-quatre 
membres  considérables  de  la  noblesse.  La  malveillance  répandit 
aussi  le  bruit  que  la  reine  avait  préparé,  ou  du  moins  auto- 
risé ce  meurtre,  et  la  foule  y  ajouta  foi,  bien  qu'il  fût  impos- 


LE   PROTESTANTISME.  451 

sible  de  le  démontrer.  Knox  n'hésita  pas  à  traiter  la  reine 
catiioliquc  d'adultère  et  de  meurtrière.  Marie  Stuart  courait 
déjà  les  plus  extrêmes  dangers,  liothwell  s'empara  de  Marie  et 
la  retint  prisonnière  jusqu'à  ce  qu'elle  lui  eût  donné  sa  main, 
ce  qui  ne  servit  qu'à  contirmer  les  soupçons  répandus  contre 
elle  et  à  la  conduire  à  sa  perte. 

Une  nouvelle  insurrection  éclata,  dirigée  par  l'ambitieux 
comte  de  Murray.  Botliwell  s'évada  ;  la  reine  fut  prise  et  con- 
trainte d'abdiquer  la  couronne  en  faveur  de  son  fils  Jacques, 
âge  de  treize  mois  seulement.  Murray  fut  chargé  de  la  régence. 
Marie  s»  vit  alors  accusée  de  meurtre  et  d'adultère.  Après 
son  évasion  de  la  prison  et  la  défaite  de  ses  partisans  près  de 
Longside  (iot)8),  elle  se  réfugia  en  Angleterre,  y  révoqua  son 
abdication  et  se  jeta  dans  les  bras  de  la  reine  Éhsabeth,  sou 
ennemie  mortelle,  qui  lui  réservait  le  supplice  de  l'échafaud. 

Affermissement  de  la  constitution  presbytérienne.  —  Impuis- 
sance de  la  royauté. 

17:2.  La  chute  de  la  reine  consomma  l'étabhssement  de  la 
reformation  en  Ecosse.  Le  parlement  déclara  que  l'Église  pro- 
testante élait  la  seule  véritable  EgUse,  et  voulut  que  chaque 
souverain  s'obhgeàt  par  serment  à  la  professer.  La  noblesse 
garda  les  biens  d'Eghse,  dont  elle  s'était  emparée.  Le  Livre 
de  discipline  de  Knox  devint  obligatoire.  La  constitution  ecclé- 
siastique fut  presbytérienne  et  démocratique.  La  communauté 
des  saints  élisait  les  anciens,  et  c'était  geuéralemeut  le  prin- 
cipe de  la  souveraineté  du  peuple  qui  prévalait.  Un  invoqua 
contre  toutes  les  autorites  ecclésiastiques  les  passages  de  l'An- 
cien Testament  relatifs  à  l'idolâtrie,  et  l'on  revendiqua,  au  nom 
de  l'Evangile,  le  droit  et  le  devoir  de  les  punir  de  ce  crime, 
même  par  la  mort,  comme  les  Israélites  avaient  fait  autrefois 
des  Lhananéens. 

Knox,  cet  ennemi  implacable  du  sacrifice  de  la  messe,  mou- 
rut en  1572,  et  fut  remplacé  par  Andre  Melvil,  aussi  radical 
que  lui.  A  celte  époque,  une  assemblée  tenue  à  Leith  s'etant 
prononcée  pour  le  maintien  des  titres  d'archevêque  et  d'évèque, 
l'asseiriblee  générale  de  Perth  protesta  contre  cette  demande. 
Le  jeune  roi  Jacques  VI,  monté  sur  le  trône  en  1578,  se  sentit 
impuissant.  En  1581,  l'assemblée  générale  obligea  les  évèques 


452  HISTOIRE    DE    l'ÉGUSE. 

à  abdiquer  leurs  fonctions,  et  les  menaça  de  rexcoramunication 
s'ils  continuaient  de  les  exercer.  En  1582,  le  roi  fut  saisi  par 
une  horde  de  fanatiques,  et  les  prédicants  excommunièrent 
tous  ceux  qui  désapprouvaient  cet  acte,  y  compris  l'archevêque 
protestant  de  Saint-André,  qui  combattait  ces  mouvements 
insurrectionnels.  Ils  furent  renforcés  par  la  noblesse,  qui  se 
trouvait  en  possession  des  biens  ecclésiastiques,  et  par  des 
troupes  envoyées  d'Angleterre.  Le  jeune  roi  essaya  de  faire 
reconnaître  le  système  épiscopal,  et  obtint  un  décret  favorable 
du  parlement  (1584);  cependant  le  système  presbytérien  était 
déjà  pratiqué  par  un  trop  grand  nombre,  et,  en  1592,  le  par- 
lement lui  accorda  la  préférence.  Lorsque  Jacques  prescrivit 
des  prières  au  sujet  de  la  condamnation  de  sa  mère  en  Angle- 
terre, la  plupart  des  prédicants  y  firent  opposition,  et  le  roi 
fut  obligé  de  céder.  La  puissance  royale  en  Ecosse  n'était  plus 
qu'une  ombre. 

Jacques  I^',  roi  d'Angleterre. 

173.  Jacques  VI,  devenu,  en  1603,  héritier  de  la  couronne 
d'Angleterre,  essaya  vainement,  par  la  ruse  et  la  violence,  de 
combattre  le  presbytérianisme  écossais.  11  fit  ordonner  pour 
l'Ecosse  treize  évèques,  qu'il  nomma  d'abord  présidents  des 
synodes  et  des  presbytérics,  et  à  qui  il  restitua  plusieurs  biens 
épiscopaux,  qui  étaient  échus  à  la  couronne.  Il  fit  condamner 
comme  traîtres  quelques  ecclésiastiques  presbytériens  récalci- 
trants, et  essaya  d'en  gagner  d'autres  en  leur  livrant  les  biens 
des  catholiques  «  récusants  !).  Il  obtint  aussi  l'assentiment  par- 
tiel du  parlement.  Cependant  les  prédicants  presbytériens  et  la 
niasse  du  peuple  qui  les  suivait,  n'entrèrent  point  dans  les  vues 
du  roi.  Jacques  se  rendit  en  Ecosse  en  1617,  donna  des  chapitres 
à  ses  évoques,  ordonna  de  recevoir  la  communion  non  assis 
mais  cà  genoux,  de  la  distribuer  dans  les  maisons  aux  personnes 
mortellement  malades,  de  célébrer  selon  le  rite  anglican  Noël, 
le  Vendredi  saint,  l'Ascension  et  la  Pentecôte.  Mais  il  ne  fut  pas 
obéi,  et  ses  évéques  encore  moins. 

Révolte  contre  Charles  1er, 
174.  L'bumeur  indocile  et  rebelle  des  Écossais  se  révéla  de 


LE    PROTESTANTISME.  453 

nouveau  sous  Charles  I"',  qui  tenta  vainement  d'introduire 
dans  le  pays  la  constitution  ecclésiastique  et  la  liturgie  angli- 
cane. On  se  révolta  ouvertement,  et  la  guerre  civile  fut  déchaî- 
née. Les  ordonnances  du  roi  furent  rejetées  comme  culte  de 
Baal  et  asservissement  de  l'Esprit  divin.  En  1638,  le  couvent  de 
presbytériens  décréta  l'indépendance  de  l'Église  écossaise, 
rejeta  l'épiscopat,  la  liturgie  anglicane  et  les  droits  du  roi  sur 
l'Église,  excommunia  les  évèques,  et  rétablit  l'ordre  de  choses 
du  premier  gouvernement  de  Jacques  (1639). 

Le  parlement  d'Ecosse  accepta  ces  résolutions,  mais  Charles  I" 
refusa  de  les  approuver.  Les  rebelles  d'Ecosse  s'unirent  étroite- 
ment avec  ceux  d'Angleterre  :  les  uns  (le  covenant)  voulaient 
affranchir  l'Église  écossaise;  les  autres,  réformer  l'Église  an- 
glicane. Lorsque  le  roi  Charles  s'enfuit  en  Ecosse  après  avoir 
perdu  la  bataille  de  Naseby  (1645),  les  Écossais  se  déclarèrent 
prêts  à  le  so\itenir,  s'il  acceptait  leur  presbytérianisme.  Il  refusa, 
parce  qu'il  voyait  dans  cette  concession  la  perte  de  la  royauté  : 
alors  ses  sujets  rebelles  le  livrèrent  au  parlement  anglais  pour 
la  somme  de  400,000  livres.  Les  Écossais  avaient  aussi  la  pré- 
dominance en  Angleterre,  mais  elle  fut  détruite  par  Cromwell 
en  1648.  Charles  II  se  vit,  il  est  vrai,  appelé  à  la  royauté;  mais 
il  lui  fallut  se  réfugier  en  France.  Malgré  tous  les  obstacles, 
l'Église  catholique  se  maintenait  en  Ecosse  ;  elle  recevait  du 
collège  de  Rome  des  prêtres  pleins  de  zèle,  qui  conservaient 
au  moins  la  semence  de  la  foi  pour  des  temps  meilleurs. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LES   N°*    170    à    174. 

W.  de  Schütz,  Maria  Stuart,  Mainz,  1S.39,  Cf.  Hist.-pol.  BL,  t.  I, 
p.  4.57  et  suiv.;  t.  III,  p.  096  etsuiv.;  Robertson,  t.  I,  p.  272  et  seq.; 
Liugard,  VII,  p.  338  et  suiv.;  VIII,  p.  i  et  suiv.;  J.-M.  Dargaud,  Hist. 
de  Marie  Stuart,  2*^  éd.,  Par.,  1858;  Wiesener,  Marie  Stuart  et  le  Comte 
de  Bothwell ,  Paris,  1863;  Mignet,  Hist.  of  Mary,  Queen  of  Scots, 
Lond.,  1863  ;  Chantelauze,  Marie  Stuart,  dans  le  Correspondant,  1873, 
et  M.  St.,  son  procès  et  son  exécution,  Paris,  1876;  K.  de  Wizleben, 
Pro  et  contra  Maria  Stuart  und  ihr  Verhœltnisz  zu  Bothwell,  Zurich, 
1877;  Recueil  des  dépêches,  rapports,  instructions  et  mémoires  des 
ambassadeurs  de  France  en  Angleterre  et  en  Ecosse  pendant  le 
XVI»  siècle,  conservés  aux  archives  du  royaume  et  publiés  sous  la 
directinn  de  M.  Ch.  Porton  Couper,  Paris,  t.  I  et  II  (surtout  rapports 
de  1568  et  1569);  Fraser  Tybler,  History  of  Scotland,  t.  VI;  Lingard, 


454  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

VII,  p.  338  et  suiv.;  VIII,  p.  i  et  suiv.;  Th.  Opitz,  Maria  Stuart,  Fri- 
bourg,  1879. 

Le  proiestanlisnie  en  Irlande. 

Les  Irlandais  sous  Henri  VIII,  Edouard  VI  et  Marie.—  Lutte 
sous  le  règne  d'Elisabeth.  —  Persécution  des  catholiques. 

175.  L'Irlande,  sans  être  définitivement  subjuguée  par  les 
Anglais,  était  soumise  à  une  dure  oppression.  Le  parlement 
d'Irlande  ne  se  composait  que  de  colons  anglais,  qui  décidaient 
du  sort  de  l'île.  De  là  vient  que  la  suprématie  de  Henri  VIII 
fut  reconnue  par  le  parlement,  et  acceptée  par  Brow^n,  arche- 
vêque de  Dublin.  Mais  dans  l'intérieur  du  pays,  le  clergé  et  le 
peuple  gardèrent  les  anciennes  institutions.  Les  prédicants 
d'Angleterre,  leur  liturgie,  ne  trouvèrent  point  d'écho.  L'éta- 
blissement de  l'Irlande  en  royaume,  en  1542,  ne  changea  rien 
à  cet  ordre  de  choses  ;  la  nationalité  irlandaise  se  confondait 
avec  la  foi  catholique.  Les  réformes  d'Edouard  VI  ne  furent 
partiellement  exécutées  que  sur  les  côtes  orientales;  les  Irlan- 
dais demeurèrent  en  repos  sous  la  reine  Marie.  Mais,  l'ambi- 
tieuse Elisabeth  ayant  essayé  de  conquérir  l'île  tout  entière  et 
d'y  implanter  le  protestantisme,  il  s'ensuivit  des  guerres 
longues  et  sanglantes,  dans  lesquelles  les  Irlandais  défendirent 
à  la  fois  leur  indépendance  nationale  et  leur  religion.  Ils 
finirent  cependant  (1602)  par  succomber  à  la  prépondérance 
de  leurs  ennemis,  plus  versés  dans  l'art  de  la  guerre  et  pour- 
vus de  ressources  plus  abondantes. 

A  mesure  que  les  conquérants  anglais  avançaient  dans  le 
pays,  ils  y  introduisaient  l'Église  d'Angleterre  et  instituaient 
des  évêques  anglicans  ;  toutefois  ils  ne  firent  que  peu  de  pro- 
sélytes. Les  évêques  catholiques  furent  déposés,  beaucoup  mis 
à  mort,  et  les  couvents  supprimés.  Les  papes,  Grégoire  XIII 
surtout,  veillaient  constamment  à  y  nommer  de  nouveaux 
évêques.  Un  grand  nombre  d'indigènes  préférèrent  quitter  leur 
patrie  plutôt  que  d'accepter  la  religion  de  leurs  oppresseurs  ; 
mais  plusieurs  y  retournèrent  ensuite  par  petites  bandes,  afin 
do  défendre  leurs  compatriotes.  Tel  fut  le  jeune  Oeraldin,  qui 
après  son  retour  (1579)  remporta  plusieurs  avantages,  mais 
succomba  bientôt  dans  une  bataille.  Les  Anglais  n'en  devinrent 
que  plus  cruels. 


LE    PROTESTANTISME.  455 

Le  gouverneur  lord  Grey  ne  laissa  après  lui,  dans  une  foule 
de  localités,  que  des  cadavres  et  des  ruines.  On  voulait  extirper 
jusqu'au  dernier  des  Irlandais,  et  quiconque  se  signalait  dans 
cette  œuvre  de  destruction  recevait  de  grands  domaines  dans 
ce  malheureux  pays.  Pour  le  réduire  sous  la  domination  an- 
glaise, on  se  voyait  contraint  de  travailler  à  sa  ruine  :  l'incen- 
die, l'assassinat,  la  famine,  devaient  garantir  la  tranquillité  des 
conquérants. 

Détresse  croissante  de  l'Irlande. 

170.  Lorsque  Jacques  I",  qui  descendait  des  anciens  rois 
d'Irlande,  monta  sur  le  trône  d'Angleterre,  le  pauvre  peuple 
irlandais  espéra  recouvrer  la  liberté  de  religion,  et  envoya  pour 
cela  une  députation  au  roi.  Jacques  I"  la  reçut  avec  dureté,  et 
n'excepta  de  son  amnistie  que  les  papistes  et  les  assassins  ;  il  fit 
emprisonner  pour  longtemps  un  grand  nombre  de  députés, 
mettre  à  exécution  les  lois  pénales  contre  les  «  récusants  »  et 
interdire  le  culte  catholique.  En  1605,  les  prêtres  catholiques 
reçurent  l'ordre  d'évacuer  le  pays  sous  peine  de  mort.  Les  indi- 
gènes se  virent  de  plus  en  plus  chassés  de  leurs  domaines  ;  des 
comtés  tout  entiers  furent  confisqués,  et  deux  millions  de  jour- 
naux de  terre  assignés  à  des  colons  anglais  :  la  détresse  du 
peuple  allait  croissant. 

Charles  I"  n'apporta  aucun  remède  à  ces  abus.  Le  gouver- 
neur, lord  Strafford,  n'employait  ses  talents  qu'à  opprimer  les 
Irlandais,  et  il  continua  ce  système  de  déprédation.  Cependant 
les  Irlandais  fournirent  des  subsides  au  roi,  serré  de  près  par 
les  Écossais  et  les  Anglais,  dans  l'unique  espoir  qu'il  serait  fait 
droit  à  leurs  légitimes  réclamations.  Les  «  grâces  »  qu'on  leur 
octroya  eu  1628,  ne  furent  pas  exécutées,  car  les  conseillers  du 
roi  avaient  l'art  de  tout  déjouer.  On  excitait  le  peuple  à  la 
révolte,  afin  de  pouvoir  l'écraser.  Poussée  à  bout,  la  nation  se 
souleva  d'abord  dans  la  province  d'Ulster,  «  pour  défendre 
Dieu,  le  roi  et  la  patrie».  En  mai  1642,  l'assemblée  nationale 
de  Kilkenny  proclama  la  guerre  pour  soutenir  la  religion  de 
l'Irlande,  secouer  le  joug  du  parlement  anglais,  assurer  le 
niaiiilicn  des  «  grâces  »  obtenues  en  1628  et  l'expulsiou  des 
étrangers. 


456  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Un  synode  national  déclara  la  guerre  sainte  et  légitime.  Les 
Irlandais  avaient  alors  toute  raison  de  faire  ressortir  la  justice 
de  leur  cause  en  face  des  Écossais  rebelles  et  des  Anglais.  La 
guerre  fut  conduite  avec  aniinosité,  et  quelque  temps  aussi 
avec  succès  pour  l'Irlande  ;  un  grand  nombre  de  protestants 
succombèrent.  Les  Anglais  ayant  mis  à  mort  quelques  indi- 
gènes inoffensifs,  les  indigènes  usèrent  de  représailles.  Le  suc- 
cesseur de  Strafford,  le  duc  d'Ormond,  conclut  un  armistice 
(1643)  ;  mais  la  paix  fut  compromise  par  Charles,  qui  refusa  la 
liberté  de  religion,  par  crainte  des  zélateurs  anglais  et  écossais. 
Pendant  la  lutte,  plusieurs  prêtres  arrivèrent  de  nouveau  dans 
le  pays,  notamment  Rinuccini,  archevêque  de  Fermo,  envoyé 
par  le  pape. 

Crom^vell  en  Irlande. 

177.  Lorsque  le  roi  Charles  fut  pris  par  les  rebelles  d'Ecosse 
et  d'Angleterre,  l'Irlande  catholique  se  prépara  à  lui  venir  en 
aide  ;  mais  elle  expia  rudement  ce  généreux  sacrifice  quand  la 
tête  du  roi  fut  tombée.  Les  républicains  anglais  se  mirent  eu 
marche,  et  Cromwell  ravagea  l'île  par  le  fer  et  le  feu  pour  en 
faire  un  désert.  Mais  rien  ne  se  peut  comparer  à  la  tyrannie 
qu'exercèrent  les  troupes  républicaines  en  matière  religieuse  : 
elles  reçurent  l'ordre  de  traiter  les  Irlandais  comme  Josué  avait 
fait  des  Chananéens.  Cinq  millions  d'acres  de  territoire  furent 
confisqués  et  livrés  soit  aux  soldats,  soit  aux  capitalistes  qui 
contribuaient  à  la  guerre,  et  la  plupart  des  anciennes  familles 
d'Irlande  se  virent  ainsi  dépouillées  de  leur  fortune  ;  les  apostats 
seuls  purent  sauver  leurs  biens.  L'inhumanité  ne  s'arrêta  pas 
là  :  20,000  Irlandais  fureu?  vendus  comme  esclaves  en  Amé- 
rique ;  on  résolut  de  concentrer  tous  les  indigènes  dans  la  pro- 
vince de  Connaugth,  et  c'est  ce  qui  eut  lieu  sans  exception  pour 
tous  les  anciens  propriétaires  des  biens  confisqués.  «  En  enfer 
ou  à  Connaugth  1  »  s'écriaient  les  fanatiques  républicains  de 
Cromwell.  Recevoir  un  prêtre  catholique  passait  pour  un  crime 
de  haute  trahison,  et  sa  tête  était  mise  à  prix  pour  cinq  livres, 
exactement  comme  celle  d'un  loup.  En  1633,  l'île  presque  tout 
entière  était  conquise,  ravagée  et  bouleversée. 


LE    PROTESTANTISME.  457 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LES   N"'  ilo    à   177. 

Hegwisch,  Uftbersicht  der  irischen  Gesch.  zur  richtigen  Einsicht  in 
die  Ursachen  der  Rebellion  v.  1798,  Allona,  180G  (sans  valeur);  Mac 
Geoghean,  Histoire  de  l'Irlande,  Paris,  1782;  Gordon,  Hist.  d'Irlande, 
Paris.  1808,  vol.  I  ;  Warner,  Hist.  of  rébellion  and  civil-war  in 
Ireland,  Lond.,  1768  (surtout  p.  294-299.  Ce  protestant  élève  à  12,000 
le  nombre  de  ses  coreligionnaires  assassinés  par  les  catholiques, 
tandis  que  Henke  le  porte  à  200,000  et  Kurz  à  400,000).  Mémoires  du 
capitaine  Rock  sur  les  rapports  de  l'État,  de  l'Église  et  du  peuple  eu 
Irlande,  éd.  Thomas  Moore,  trad.  de  l'anglais,  Breslau,  18"25;  Th. 
Moore,  Hist.  of  Ireland,  t.  III,  en  allem,  par  Klee,  Mayence,  1835; 
O'Connell,  Mémoire  of  Ire).,  en  allem,  par  Willmann,  Rcgensb.,  184.3; 
Lingard,  X,  p.  128  et  suiv.,  392  et  suiv.;  Leo,  Universalgesch.,  III, 
p.  624  et  suiv.;  Dœilinger,  dans  Hortig  K.-G.  Forts.,  Landsh.,  1828, 
p.  641-644;  Ranke,  Rœm.  Psppste,  II,  p.  85-87;  Engl.  Gesch.,  III, 
p.  337  (l'archevêque  de  Fermo  en  Irland)  ;  Tüb.  Iheol.  Quartalschr., 
1840,  p.  349  et  suiv.;  Beitr.  zur  Gesch.  Irlands,  dans  Hist. -pol.  Bl., 
t.  XII,  p.  109-120,  226-235;  Brewer  and  W.  Bullen,  Calendar  of  thc 
Carew  Manuscripts  preserved  in  the  archiépiscopal  library  ai  Lambeth, 
vol.  I,  1510-1574;  vol.  II,  1575-1588  ;  vol.  IH,  1589-1600,  Lond.,  1867- 
1869.  Cf.  Reinhold  Pauli,  dans  Sybels  hist.  Ztsch.,  t.  XXII,  p.  250  et 
suiv.  —  Voy.  encore  Belling,  Vindiciœ  catholicorum  Hibernorum, 
Par.,  1650;  Beaumont,  l'Irlande  sociale,  politique  et  religieuse,  Paris, 
1863,  2  vol.,  7«^  éd. 

t^e  protestautisuic  en  France. 

Fauteurs  du  protestantisme.  —  Mesures  contre  les  novateurs. 

178.  En  France,  une  foule  de  personnes  influentes  furent 
longtemps  favorables  au  protestantisme  :  la  sœur  de  François  I", 
Marguerite  de  Valoi.s,  femme  de  Henri  d'Albret,  roi  de  Navarre  ; 
la  duchesse  d'Étampes,  maîtresse  du  roi;  le  ministre  Guillaume 
du  Bellay,  et  peut-être  son  frère  l'évêque  de  Paris,  ainsi  que 
plusieurs  seigneurs,  inclinaient  vers  la  nouvelle  doctrine.  Lo 
con.seiller  du  roi,  Louis  Berquin,  traduisit  en  français  les  écrits 
d'Érasme,  de  Carlostadt  et  de  Mélanchthon  ;  le  savant  Jacques 
Le  Fèvre  d'Étaples,  professeur  de  théologie,  lisait  également 
les  écrits  de  Luther,  et  il  donna  une  traduction  des  quatre 
Evangiles  avec  des  remarques  conformes  aux  idées  luthériennes 
(1523).  Vers  le  même  temps,  il  se  forma,  sous  le  patronage  do 


458  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

l'évêque  de  Meaux ,  Guillaume  Briconnet,  une  petite  commu- 
nauté luthérienne,  dans  laquelle  Le  Fèvre,  Farel  et  Jean  Le 
Clerc  faisaient  des  conférences.  L'esprit  de  révolte  contre  le 
Saint-Siège,  depuis  longtemps  entretenu,  l'influence  des  satires 
composées  par  des  humanistes,  la  fréquence  des  relations  avec 
l'Allemagne,  surtout  avec  Strasbourg,  les  traces  que  les  anciens 
sectaires,  principalement  les  vaudois,  avaient  laissées  dans  le 
pays,  la  politique  hésitante  et  arbitraire  de  la  cour,  tout  cela 
favorisait  les  novateurs. 

D'autre  part,  la  cause  catholique  était  résolument  défendue 
par  la  reine  mère  Louise  de  Savoie,  par  le  chancelier  et  car- 
dinal Diiprat,  par  le  cardinal  de  Tournon,  par  le  parlement  et 
l'université  de  Paris.  En  1521,  le  parlement  défendit  de  publier 
des  écrits  sur  les  matières  religieuses  sans  l'approbation  de  la 
faculté  de  Paris,  et  fixa  les  peines  qui  atteindraient  les  con- 
traventions. Le  roi  approuva  cette  mesure.  Les  écrits  de  Luther 
ou  en  faveur  de  Luther,  notamment  ceux  qui  demandaient  le 
mariage  des  prêtres,  déjà  réprouvés  par  un  concile  de  Sens, 
furent  condamnés  et  livrés  au  feu.  Depuis  1523,  la  faculté 
de  théologie  de  Paris  censura  tantôt  des  propositions  isolées, 
tantôt  des  livres  et  des  traductions  de  J.  Le  Fèvre,  ßerquin, 
Mélanchthon,  etc.,  puis  une  multitude  de  pasquinades  et  de 
pamphlets  dirigés  contre  les  censures  qu'elle  avait  faites  des 
écrits  de  Luther. 

A  la  demande  de  la  reine  mère,  la  faculté  de  théologie  donna 
en  1523  son  avis  sur  la  question  de  savoir  quels  étaient  les 
meilleurs  moyens  d'arrêter  les  progrès  de  l'hérésie.  Sur  la  pro- 
position du  syndic  Bède,  elle  déclara  qu'il  fallait  interdire 
tous  les  écrits  des  novateurs,  les  faire  confisquer  par  les  évè- 
quesde  tous  les  diocèses,  procéder  sévèrement  contre  leurs  défen- 
seurs, maintenir  les  lois  existantes,  faire  un  devoir  aux  théolo- 
giens et  aux  prédicatonrs  de  déployer  tout  leur  zèle,  de  ne  pas 
entraver,  mais  d'appuyer  les  travaux  de  l'université.  La  faculté 
recommanda  vivement  à  ses  membres  de  maintenir  la  pureté 
de  la  foi. 

La  communauté  luthérienne  de  Meaux,  pour  laquelle  on  avait 
déjà  traduit  en  français  les  Épitres  et  les  Évangiles  dans  le  sens 
du  protestantisme  (la  Sorbonne  y  découvrit  quarante-huit 
erreurs),  fut  complètement  dissoute.  Parmi  ses  membres,  les  uns 


I 


LE   PROTESTANTISME.  459 

furent  punis,  les  autres  prirent  la  fuite.  L'évêque,  sur  qui 
pesaient  de  nombreuses  accusations,  ne  put  se  sauver  que  par 
une  justification  humiliante,  une  multitude  de  livres  furent 
soumis  au  jugement  de  la  faculté,  qui  déployait  une  ardeur 
infatigable.  Quand  François  I"  fut  revenu  de  sa  captivité  (1526), 
on  redoubla  encore  de  vigueur,  car  la  tranquillité  avait  été 
gravement  compromise  :  on  avait  mis  en  pièces  des  tableaux 
de  Jésus-Christ  et  des  saints,  et  répandu  de  nouveaux  pamphlets 
contre  la  foi  catholique.  Plusieurs  parlements  montrèrent  beau- 
coup de  zèle  ;  les  évèques  recommencèrent  à  célébrer  des 
synodes  pour  réformer  les  mœurs  du  clergé,  notamment  à 
Sens  et  à  Bourges  en  1528.  Les  partisans  de  la  nouvelle  doc- 
trine, quoique  souvent  poursuivis,  trouvaient  toujours  des 
protecteurs,  principalement  dans  la  reine  Marguerite,  qui  eu 
attira  plusieurs  à  sa  cour  ;  et  comme  François  l""  s'était  allié 
avec  les  princes  protestants  d'Allemagne,  ils  ne  désespéraient 
pas  de  devenir  un  jour  victorieux. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°    178. 

a)  Serrani  (prédicant  réformé  à  Genève,  mort  en  1398),  Comment,  do 
statu  religionis  et  reipubl.  in  regno  Gall.,  Genev.,  1372  et  seq.,  3  t., 
4«  éd.,  1577;  Hist.  ecclés.  des  Églises  réformées  au  royaume  do 
France  (jusqu'en  1363,  attribué  à  Théod.  de  Bèze),  Anvers,  1380, 
3  vol.;  Franc.  Thuanus  (de  Thou,  mort  eu  1617),  Hist.  sui  temporis 
(1543-1607),  Lond.,  1733,  7  vol.  in-f°.;  (De  la  Planche),  Hist.  de  l'Estat 
de  France,  tant  de  la  république  que  de  la  religion,  1376,  in-S»; 
Gerdes.,  Hist.  ev.  sœc.  XVI  renov.,  t.  IV,  Grœning.,  1752;  Belcarii 
episc.  Metens.  Commeutar.  rer.  gallic.  ab  an.  1361-1567,  Op.  pos- 
Ihura.,  Lugd.,  1623;  Davila,  Storia  délie  guerre  civili  di  Francia, 
1359-159.'=!,  Venez.,  1630,  Par.,  1644;  en  allem,  par  Reith,  Leipzig, 
1792  et  suiv.,  3  vol.;  Maimbourg,  S.  J.,  Hist.  du  calvinisme,  Par., 
1682;  Fleury,  Hist.  ecclés.,  t.  XLII  ;  Bordes,  Supplément  au  traité  de 
Tbomassin,  hist.  et  dogm.,  etc.,  Par.,  1703,  2  vol.;  Mézeray,  Abrégé 
chronolog.  de  fhist.  de  France,  Par.,  1717,  3  vol.;  Mémoires  de 
Coudé,  ü\i  Recueil  pour  servir  à  l'hist.  de  France  sous  François  II  et 
Charles  IX,  nouvelle  édit.,  Paris,  1741,  6  vol.  in-4°;  Berthier,  Hist.  de 
l'Église  gallicane,  Paris,  1749,  in-4°,  t.  XVIII;  Lacretelle,  Hist.  de 
France  pendant  les  guerres  de  religion,  Paris,  1815  et  seq.,  4  vol.; 
Petitot,  Collection  complète  des  mémoires  relatifs  à  l'histoire  de 
France,  Par.,  1821  et  suiv.  (Mémoires  de  Castelnau,  Gaspard  de  Saulx, 
Sully,  Richelieu,  de  Tavannes,  etc.);  Capeügue,  Hist.  de  la.  Réforme, 


460  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

de  la  Ligue  et  du  règne  de  Henri  IV,  Par.,  1834,  4  vol.;  Sismondi, 
Précis  de  l'hist.  des  Fi'ançais,  Bruxell.,  1839,  2  vol.;  Hist.  des  Français, 
Aix-la-Chapelle,  1838;  Peignot,  Livre  des  singularités,  Dijon,  1841; 
Lambert,  Hist.  des  guerres  de  relig.  en  Provence;  Bulletin  de  la 
Société  acad.  du  Var,  Toulon,  1869. 

6)  Schmidt,  Gesch.  Frankreichs,  Hamb.,  1835  et  suiv.,  t.  II  et  III; 
Barthold,  Deutschl.  u.  die  Hugenotten,  Brème,  1848,  2  vol.;  Soldan, 
Gesch.  des  Protest,  in  Frankreich  bis  zum  Tode  Carls  IX,  Leipzig,  1855, 
2  vol.;  Polenz,  Gesch.  des  franz.  Calvinismus  bis  1789,  Gotha,  1857- 
1864,  4  vol.;  Ranke,  Franzœs.  Gesch.,  vornehml.  im  16  u.  17  Jahrb., 
Stuttg.,  1852,  5  vol.  ;  Sœmmtl.  W.,  t.  VIII-XIII,  3«  éd.,  Stuttgart,  1877, 
t.  I.  —  Frankreich  u.  die  Reformation  (CathoHque,  1842,  avril-juin); 
Boost,  Gesch.  der  Ref.  in  Frankreich,  Augsb.,  1844. 

Henke,  Franzœs.  Frauen  aus  der  Reformationszeit  (Sybels  hist. 
Ztschr.,  1871,  t.  XXV,  p.  118  et  suiv.).  Marguerite  de  Valois  écrivit  des 
nouvelles  indécentes  et  un  livre  intitulé  :  Miroir  de  l'âme  chrétienne. 
L.  Lalanne,  Mémoires  de  Marguer.  de  Valois,  suivis  des  anecdotes 
inédites,  Par. ,  1858.  Elle  était  en  rt^lation  avec  Érasme  et  Berquin  ;  ce 
dernier  traduisit  plusieurs  écrits  d'Érasme  et  des  réformateurs  alle- 
mands, ainsi  que  l'ouvrage  de  Luther  sur  les  vœux  monastiques, 
censuré  par  la  Sorbonne  (du  Plessis  d'Argent.,  III,  i,  p.  xi-xm,  40-46  ; 
I,  u,  p.  404  et  seq.).  Comme  il  refusa  de  se  rétracter,  il  fut  empri- 
sonné en  1523,  puis  délivré  par  François  I«^  Il  fut  bientôt  soumis  à 
une  nouvelle  enquête  et  brûlé  comme  hérétique,  le  21  avril  1529. 
Jacques  Le  Fèvre  d'Étaples  (VI,  235)  publia  un  commentaire  in  Epist. 
Paul.,  Par.,  1512,  avec  le  texte  de  la  Vulgate;  donna  une  version 
revisée  sur  le  texte  grec  original,  et,  dans  son  commentaire  sur  les 
quatre  Évangiles  (Meaux,  1522),  il  corrigea  l'ancienne  version  latine. 
En  1523,  la  Sorbonne  censura  son  «  Exposition  »  (loc.  cit.,  III,  i,  p.  x, 
xi),  et  en  1544,  elle  mit  plusieurs  de  ses  livres  à  l'index  (ibid.,  II,  i, 
p.  143);  il  fut  expulsé  de  son  .sein  dès  1525.  Sa  captivité  honorable 
auprès  de  Gérard,  évêq.  de  Saint-Paul,  est  mentionnée  par  Âléandre, 
le  30  déc.  1531  (Lœmmer,  Monum.  Vat.,  p.  95,  n.  69).  Il  résida  long- 
temps auprès  de  la  reine  de  Navarre,  et  mourut  en  1536  (Revue  de 
théolog.  Iiistor.,  1852,  1  et  II).  Les  Épîtres  et  les  Évangiles  qui  étaient 
en  usage  dans  le  diocèse  de  Meaux  sous  l'évêque  Guil.  Briconnet, 
d'abord  favorable  aux  nouveautés,  furent  censurés  par  la  Sorbonne 
le  6  nov.  1525  (du  Plessis  d'Argent.,  III,  i,  p.  35-40).  Décret  du  parle- 
ment des  22  mars  et  13  juin  1521,  5  et  12  août  1523  (ibid.,  p.  IV. 
Cf.  I,  u,  p.  406,  407).  En  lri21,  deux  écrits  sur  le  mariage  des  prêtres 
furent  interdits  par  le  parlement  et  par  le  concile  de  Sens  (ibid.,  III, 
1,  p.  V;  I,  n,  p.  381.  Recueil  des  actes  concernant  les  affaires  du 
clergé  de  France,  Paris,  1716,  I,  p.  365).  A  la  Sorbonne,  on  discuta 


LE    PROTESTANTISME.  461 

la   question  si  le   pape  pouvait   permettre   le  mariage  à  des  prî-tres 
légitimement  ordonnés;  la   majorité   se  prononça  pour   la  négative 
(du  Plessis    d'Arg.,  t.  I,  append.,  p.  iv).  On  a  de  la  Sorbonne    des 
censures  portées  contre  quelques  thèses  sur  la  sainte  Vierge,  le  culte 
des  saints,  le  canon  de  la  messe,  l'oftice  des  morts,  etc.,  1523  (ibid.,  I, 
II,  p.  374-379;  III,  i,  p.  xv-xx)  ;  contre  des  propositions  émises  à  Lyon 
dans  un  sermon  par  le  dominicain  Mesgret,  1524  (ibid.,  III,  i,  p.  7-13); 
contre  un  sermon  prêché  au   Havre  touchant  le  jeune  et  le  célibat 
(ibid.,  p.  15-17);  contre  trente  et  une  thèses  concernant  la  messe,  le 
rite  et  la  foi  (p.  18-30),  1525;  contre  Jacques  Pouent,  qui  niait  le  pur- 
gatoire, la  primauté,  etc.  (p.  30-34);  contre  les  écrits  de  Mélanchthon 
(III,  I,  p.  XIII  et  seq.;  I,  ii,  p.  407-416);  contre  le  pamphlet  «  Murman  » 
(opposé  à   la  «   Determinatio  contra  Lutherum  »),  dont   trente-cinq 
propositions  furent  censurées,  et  contre  lesquelles  le  parlement  lui- 
même  lança  un  décret  en  mars  1524  (III,  i,  p.  7-9);  en  1526,  contre 
Érasme  (ibid.,  p.  47-77);  en  1531,  contre  Etienne  Le  Court,  curé  de 
Condé,  diocèse  de  Séez  (ibid.,  p.  93-98):  contre  Jean  Morand,  chanoine 
d'.\miens   (II,   i,  p.    102-109).  Avis  de   la  faculté  «   de  Exstirpationc 
hreresis  Lutheranee  (III,  i,  p.  xx,  3-5).  Apologia  Natalis  Bedœ  adversus 
clandestinos  Lutheranos,    seu  resp.  adv.   sui   et  operis  in  Fabri  et 
Erasmi  errata  criminatores,  1525;  et  écrits  contre  lui,  lettres  de  lui  et 
d'Érasme,  loc.  cit.,  III,  ii,  p.  2-80. 

Négociations  avec  les  protestants  d'Allemagne.  —  Mesures 
sévères  du  roi. 

•179.  L'astucieux  Bucer  essaya  en  I53i  de  donner  au  protes- 
tantisme les  dehors  de  l'Église  catholique,  et  assura  hypocrite- 
ment au  cardinal  du  Prat  que  les  partisans  de  la  Confession 
d'Augsbourg  étaient  tout  disposés  à  se  soumettre  au  jugement 
de  l'Église,  à  répudier  dans  leurs  doctrines  et  leurs  usages  ce  qui 
était  contraire  à  l'enseignement  des  Pères  de  l'Église.  Mélanch- 
thon lui-même  envoya  à  Paris  un  mémoire  où  il  dissimulait  de 
sou  mieux  l'abîme  qui  séparait  la  nouvelle  religion  de  l'an- 
cienne, et  essayait  de  prouver  qu'il  était  facile  de  s'entendre  : 
les  catholiques  accepteraient  la  doctrine  de  Luther  sur  la  justi- 
tification,  et  les  luthériens  adopteraient  toutes  les  institutions 
hiérarchiques  et  liturgiques  de  l'ancienne  Église.  Déjà  il  était 
question  de  réunir  un  colloque  reUgieux. 

En  1.^35,  François  I"  invita  Mélanchthon  à  se  rendre  auprès 
de  lui.  Mélanchthon  répondit  que  sou  souverain  ne  lui  permet- 
tait pas  de  faire  le  voyage  de  France;  il  proposa  de  conférer  en 


462  HÎSTOÎRE  DR   l'ÉGLISK. 

Allemagne,  et  demanda  à  la  cour  d'y  envoyer  douze  docteurs 
de  Sorbonne.  La  Sorbonne  refusa,  parce  qu'il  n'était  pas  per- 
mis de  discuter  avec  des  hérétiques  ;  elle  consentit  cependant  à 
ce  que  les  Allemands  envoyassent  leurs  articles  et  soumissent 
leurs  doutes  pour  recevoir  des  éclaircissements. 

Les  douze  articles  envoyés  par  Mélanchthon  et  ses  amis 
n'offraient  pas  une  base  suffisante  pour  les  négociations,  qui 
devaient  avoir  lieu  par  écrit,  car  ils  contenaient  une  foule 
d'erreurs  et  d'inexactitudes.  On  les  réfuta  en  détail,  et  l'on 
décida  qu'on  demanderait  simplement  aux  protestants  s'ils 
acceptaient  la  doctrine  de  l'Église  et  des  Pères.  Toutes  ces 
démarches  n'eurent  aucun  résultat,  non  plus  que  la  dédicace 
du  premier  ouvrage  de  Calvin  à  François  I",  à  qui  Zwinglo 
s'était  également  adressé.  Le  moyen,  en  effet,  de  gagner  défini- 
tivement ce  prince  au  protestantisme  et  de  lui  persuader  que  les 
théologiens  catholiques  ne  tenaient  à  la  messe,  au  purgatoire, 
à  la  primauté  du  pape,  que  par  des  intérêts  humains  ! 

Cependant  la  politique  française  devenait  chaque  jour  plus 
hésitante,  et  les  protestants  en  profitaient.  Dans  l'automne  de 
4534,  un  pamphlet  populaire,  imprimé  en  Suisse,  contre  l'Église 
catholique  et  la  personiie  du  roi,  fut  répandu  dans  toute  la 
France  et  affiché  de  nuit  aux  portes  des  appartements  du  roi  : 
de  là  une  grande  commotion,  et  une  justice  sévère  exercée  contre 
les  novateurs;  six  fnrent  mis  à  mort.  Mais  on  eut  soin  de  s'excu- 
ser auprès  des  princes  protestantsd'Allemagne,  en  disant  qu'on 
n'avait  fait  que  punir  des  traîtres,  pour  qui  la  religion  était  un 
simple  prétexte. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N°    170. 

Buceri  Defensio  adversus  axionia  catholicuni,  id  est,  crimiualionem 
R.  P.  Roberli  (Cenaiis),  ep.  Abrincensis  (Avranches),  Argeutor.,  io34. 
Cf.  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  37  et  suiv.  Senteutise  Phil.  Melanchthoais, 
M.  Buceri,  C.  Hedionis  et  aliorum  in  Germania  theologorum  de  pace 
Ecclesiœ,  ad  viruni  nobilem  Guill.  Bollaiuni  Langaîum(ed.  Par.,  1007); 
Paul.  Coloniesiiis,  Claronim  virorum  cpislolaî,  Lond.,  1fi87;  Corres- 
pondance de  Mélanchlbon  et  du  roi  François  !<=■■,  dans  Le  Plat,  Mon.,  II, 
762-770,  523,  801-803;  Actes  de  la  faculté  de  théologie  de  Paris, 
des  20,  22,  26  juillet  1335,  ib..  II,  p.  776-799.  Cf.  du  Plessis  d'Arg., 
I,  II,  p.  381-401  ;  II,  I,  p.  120  et  seq.;  Corp.  Ref.,  II,  776,  785;  X,  139; 
Fleury,  lil).  CX.XXV,  n.  72  et  seq.;  üb.  CXXXVI,  n.  43  et  seq.;  Dœllin- 


I.F.   PROTRSTANTISME.  463 

ger,  Réf.,  II,  p.  47;  III,  p.  282  et  stiiv.  Zwick  à  Constance  et  d'autres 
protestants  furent  prüfondcnicnt  blessés  des  concessions  fuites  aux 
Français  par  Hucer  et  Mélanclithon.  Holtingcr  ,  II.  Ecci.  sœc.  XVI , 
t.  III,  p.  671,  t>63;  Dœllinger,  II,  p.  40  et  suiv.  ;  Prot.  Schma?.lischrif- 
ten;  Gardes.,  Hist.  Evang.  renov.,  t.  VI,  p.  oO. 

Mouvements  protestants. 

180.  Les  vaudois  du  Dauphiné  et  de  la  Provence,  alliés  à 
ceux  de  la  Suisse,  du  Piémont  et  du  marquisat  de  Saluées,  se 
rattachèrent  en  1530  aux  réformateurs  de  Suisse  et  de  Stras- 
bourg. Chassés  du  comtat  Venaissin,  qui  appartenait  au  pape,  ils 
se  vengèrent  par  des  actes  de  brutalité,  principalement  sur  les 
églises,  les  images  des  saints  et  les  prêtres.  Le  parlement  d'Aix 
décréta,  pour  les  effrayer,  la  destruction  du  bourg  de  Mérindot 
et  l'exécution  de  dix-neuf  personnes.  Le  roi  leur  donna  d'abord 
un  délai  de  plusieurs  mois,  et  ensuite  un  terme  plus  long,  pour 
abjurer  leurs  erreurs.  Le  cardinal  Sadolet,  évêque  de  Carpen- 
tras,  ayant  intercédé  en  leur  faveur,  et  le  président  de  Chassanée 
incliné  à  la  mansuétude,  on  ne  fit  rien  contre  eux.  Ils  proutèrent 
de  ce  temps  pour  s'armer  et  chercher  dn  secours  auprès  des 
Suisses.  Ils  pillèrent  les  églises  et  les  profanèrent. 

Le  roi,  à  la  suite  des  plaintes  qui  lui  arrivèrent,  ordonna 
aux  troupes  qui  se  trouvaient  dans  les  provinces  voisines,  de 
se  mettre  à  la  disposition  du  président  Oppède,  à  qui  le  vice- 
légat  d'Avignon  envoya  également  des  soldats.  Oppède  usa 
(1545)  d'une  répression  sanglante,  barbare  même,  à  tel  point 
que  François  I",  de  son  lit  «le  mort  (1547),  ordonna  une  enquête, 
qui  aboutit  à  la  condamnation  à  mort  de  l'avocat  général 
Guérin,  reconnu  le  plus  coupable.  On  continua  de  harceler  les 
protestants,  sans  ponvoir  empêcher  que  de  nouveaux  écrits  et 
de  nouveaux  prédicants  continuassent  d'arriver  en  France,  de 
Genève,  de  Bàle  et  de  Strasbourg.  Les  calvinistes  eurent 
bientôt  supplanté  les  luthériens.  Pierre  Le  Clerc  fonda  à  Paris 
la  première  communauté  calviniste;  d'autres  s'étabUrent  à 
Lyon,  Orléans,  Angers  et  Rouen.  Les  calvinistes  de  France 
reçurent  le  nom  de  huguenots. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR  LE   N*  180. 

En  1517,  Claude  Seyssel,  archevêque  de  Turin,  écrivit  contre  les 


464  HisTOiHK  dp:  l'église. 

vaudois  (éd.  Paris,  1520).  Bucer  et  Œcolampade,  à  qui  les  hérétiques 
s'étaient  adressés  en  1330,  les  félicitèrent,  mais  demandèrent  de  nom- 
breux changements.  Quelques  ecclésiastiques  vaudois  empêchèrent 
la  réunion.  En  1536,  ils  étaient  en  relation  avec  Farel,  et  tinrent  un 
synode  à  Genève.  Ils  se  rapprochèrent  de  plus  en  plus  des  calvinistes. 
Natal.  Alex.,  sœc.  XI  et  XII,  diss.  II,  c.  iv,  a.  13,  §  8;  du  Plessis 
d'Arg.,  I,  I,  p.  105-107  ;  Rachat,  Hist.  de  la  Réf.  en  Suisse,  t.  III, 
livre  VII.  La  procédure  en  Provence  :  Berthier,  Hist.  de  l'Église  gall., 
Par.,  1749,  t.  XVIII,  p.  14  et  seq.,  383  et  seq.;  du  Plessis,  Hist.  de 
l'Église  de  Meaux,  Par.,  1731,  4,  1,  326  et  seq.  Sadolet,  humaniste 
célèbre,  fut  souvent  suspecté  d'hétérodoxie.  En  1534,  les  théologiens 
de  Paris  refusèrent  d'approuver  son  Commentaire  sur  l'Épitre  aux 
Romains  (du  Plessis  d'Arg.,  t.  I,  app.,  p.  viii,  c.  ii  ;  t.  II,  p.  I,  p.  119). 
Sur  le  nom  de  huguenots,  voy.  Daniel,  Hist.  de  France,  éd.  Griffet,  X,  54. 
Uuelqnes-uns  le  font  dériver  de  «  Eigenossen  «  (Confédérés,  Suisses; 
Hugenots  =  Eignots);  d'autres,  du  terme  provincial  français  c  Hugo  » 
ou  «  Hugenot  »,  =  fantôme  de  nuit,  suivant  une  tradition  populaire 
relative  au  roi  Hugues  Capet,  et  d'après  cette  idée  que  les  calvi- 
nistes tenaient  ordinairement  de  nuit  leurs  assemblées;  d'autreseniln, 
d'une  monnaie  de  division  décriée  du  temps  de  ce  roi  et  appelée 
«  hugenot  ». 

Les  événements  sous  Henri  II. 

d81.  Sous  Henri  II  (1547-1559)  nous  retrouvons  la  même 
politique  :  au  dehors,  protéger  les  protestants  et  s'en  servir 
pour  agrandir  le  royaume  au  détriment  de  l'Allemagne  ;  au 
dedans,  les  réprimer  par  des  règlements  et  des  peines  sévères. 
Par  l'édit  de  Chàteaubriant  (1551),  Henri  H  réunit  les  tribu- 
naux de  l'inquisition  épiscopale  à  la  commission  du  parlement 
chargée  de  l'encpiête,  afin  d'obtenir  une  plus  grande  unilé 
politique.  Les  sentences  pénales  furent  prononcées  par  les  tri- 
bunaux civils,  parce  que  les  tribunaux  ecclésiastiques  ne  pou- 
vaient pas  infliger  la  peine  de  mort.  Ces  derniers  jugeaient  de 
l'hérésie.  Le  dominicain  Matthieu  Ori  fut  confirmé  en  qualité 
do  grand  inquisiteur,  avec  la  faculté  d'établir  dos  sous-com- 
missaires. La  faculté  de  théologie  de  Paris,  qui  n'avait  cessé  de 
combattre  les  erreurs,  et  qui,  en  1542,  avait  rappelé  en  vingt- 
si.\  articles,  souvent  renouvelés  depuis,  les  principes  de  l'Église, 
notamment  l'obéissance  que  tous  les  chréticn,s  doivent  au  pape, 
reçut,  par  un  bref  de  Jules  III  (6  février  1551),  le  droit  d'expulser 


LE    PROTESTANTISME.  465 

ses  membres  hérétiques,  sans  suivre  les  formalités  rigoureuses 
de  la  procédure.  Le  roi  et  le  parlement  lui  reconnurent  ce  pri- 
vilège et  le  firent  souvent  exécuter. 

L'édit  royal  fut  attaqué  par  Charles  du  Moulin  dans  un  écrit 
violent  qui  fut  censuré  en  1552.  Tandis  que  les  universités  de 
Paris  et  de  Reims  continuaient  à  condamner  les  écrits  et  les 
assertions  hérétiques,  les  évéques  faisaient  très  peu  pour  corri- 
ger le  clergé  :  les  décrets  du  concile  provincial  de  Narbonne  ne 
furent  pas  exécutés  (décembre  1551).  11  y  avait  toujours  des 
prêtres  apostats,  et  des  évéques  même  menaçaient  de  prévari- 
quer.  Jacques  Spifame,  évèque  deNevers,  passa  aux  calvinistes, 
qui  devinrent  chaque  jour  plus  audacieux.  Eu  mai  1559,  An- 
toine de  Chautieu,  prédicant  réformé  de  Paris,  tint  dans  cette 
ville  un  synode  général  pour  abolir  les  divergences  qui  exis- 
taient entre  les  dilférentes  communautés.  Les  membres  de 
cette  assemblée  convinrent  d'une  confession  de  foi  calviniste,  et 
adoptèrent  la  constitution  presbytérienne  des  Suisses.  Ils  re- 
çurent aussi  la  sévère  constitution  religieuse  de  Calvin,  et 
établirent  la  peine  de  mort  coulrc  les  hérétiques,  saus  songer  à 
l'usage  qu'en  pourraient  faire  les  catholiques.  Henri  II  mourut 
peu  de  temps  après  (juillet  1559),  d'une  blessure  reçue  dans  un 
tournoi. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"  181. 

Décret.  Sorbon.  coût.  Calviuist.,  du  10  mars,  publié  le  31  juillet 
1548  :  Rayn.,  h.  an.,  n.  79j  Le  Plat,  IV,  p.  111  et  seq.  Articuli  contra 
Lutheri  errores  a  Fac.  theol.  Par.  déclarât!  :  du  Plessis  d'Arg.,  1,  ii, 
p.  413-410;  II,  I,  p.  323,  327;  11,  ii,  p.  294.  Le  bref  de  Jules  III  pour  • 
la  Sorbonne  (ib.,  I,  app.,  p.  xviii;  II,  i,  p.  206)  fut  reconnu  par 
Henri  II,  le  28  août  löo2  (ibid.,  Il,  i,  p.  206  et  seq.),  et  enregistré 
par  le  parlement,  le  23  décembre  (Bul.,  Hist.  Univ.  Paris.,  VI,  465). 
Le  bvre  de  Charles  du  Moulin,  Commentarius  ad  ediclum  llenrici  II, 
contra  parvas  datas  et  abusus  Car.  Rom.,  fut  déféré  à  la  Sorbonne 
par  le  procureur  général;  voici  le  jugement  qu'elle  rendit  le  9  mai 
1552  :  «  Hic  liber  est  loti  orbi  cbristiano  perniciosus,  scaudalosus, 
seditiosus,  schismaticus,  impius,  blasphemus  in  sanctos ,  conformis 
haeresibus  Waldens.,  WicL,  llus.  et  Lutberanorum,  et  maxime  conspi- 
rans  erronbus  Marsilii  Patavini...  citissime  comprimeudus  »  (ib.,  II,  i, 
p.  2U5  et  seq.j.  Plusieurs  membres  furent  expulsés,  en  premier  lieu 
le  carme  GuiUuume  Gastel,  qui  avait  participé  à  la  cène  luthérienne 
v.  —  fflST.  DE  l'Église.  30 


466  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

(ibid.,  p.  208).  Synode  calviniste  :  Rayn.,  an.  1559,  n.  13;  Bertliier, 
loc.  cit.,  p.  460  et  seq.;  Bordes,  Supplément  au  traité  de  Thomassin, 
Par.,  1703,  in-4°,  p.  108-12G.  Henri  II  contre  les  hérétiques  :  Rayn., 
an,  1559,  n.  H,  12.  Sur  les  progrès  de  l'hérésie  :  Alberi,  Relazioni 
Venete,  ser.  I,  vol.  III,  p.  425  et  seq. 

Puissance  oroissaute  des  calvinistes.— Conjuration  d'Amboise. 

182.  Les  huguenots  devinrent  encore  plus  puissants  sous  les 
deux  faibles  règnes  de  François  II  (1559-1560)  et  de  Charles  IX, 
fils  de  Henri  II  (1560-1574).  Déjà  précédemment  ils  avaient  osé 
tenir  des  réunions  sur  les  places  publiques  de  Paris,  chanter 
des  psaumes  et  afficher  leur  mépris  des  lois,  de  sorte  que  Henri  II 
avait  rendu  de  très  sévères  édits  et  purgé  lui-même  le  parle- 
ment des  calvinistes  les  plus  ardents.  La  reine  Catherine  de 
Médicis  essaya  de  maintenir  son  autorité  par  une  politique  de 
bascule.  Elle  était  ambitieuse,  intrigante,  dépourvue  de  sen- 
timents religieux.  Les  princes  de  Bourbon,  par  rivalité  contre 
la  famille    régnante  et  contre  les  puissants  ducs   de  Guise, 
rigoureusement  catholiques,  se  faisaient  les  protecteurs  et  les 
adhérents  du  calvinisme.  C'étaient  :  Antoine  de  Vendôme,  roi 
de  Navarre,  et  ses  frères,  dont  le  plus  actif  était  le  prince  Louis 
de  Coudé.  Veuaientensuiteleconnétable  de  Montmorency,  l'ami- 
ral de  Coligny,  qui  devint  le  véritable  chef  du  parti,  son  frère 
d'Andelot  et  le  cardinal  Odet  de  Châtillon,  évèque  de  Beauvais. 
La  jeunesse  de  François  II,   l'attitude  hésitante  de  sa  mère, 
l'aigreur  de  ses  partisans  contre  la  peine  de  mort  que  l'on  con- 
tinuait d'infliger  aux  protestants,  donnèrent  lieu  à  une  conju- 
ration en  vue  de  s'emparer  de  la  personne  du  roi  et  de  trans- 
férer le  gouvernement  des  Guises  au   prince  de  Coudé.  Les 
conjurés  demandèrent  d'abord  l'avis  de  leurs  théologiens  et  de 
leurs  jurisconsultes  :  ceux-ci  approuvèrent  l'entreprise,  pourvu 
qu'un  prince  du  sang  se  mît  à  leur  tête. 

Le  complot  fut  découvert;  la  conjuration  d'Amboise  échoua 
(1560),  et  plusieurs  conjurés  furent  mis  à  mort,  François,  duc  de 
Guise,  reçut  la  dignité  de  lieutenant  général  de  France  et  le 
titre  de  sauveur  de  la  patrie.  Son  frère,  le  cardinal  Charles  de 
Lorraine,  ainsi  que  le  cardinal  François  de  ïournon,  établi  pre- 
mier censeur  de  la  foi  en  France,  furent  nommés  par  Pie  IV 
légats  en  France  pour  la  réforme  des  mœurs.  Le  pape  écrivit 


LE    PROTESTANTISME.  467 

au  roi,  à  Antoine  do  Bourbon  et  à  sa  femme.  Ceux-ci,  dans 
leurs  réponses,  feignirent  d'être  inviolablement  attachés  à  la 
foi  catholique,  tout  en  continuant  de  favoriser  le  calvinisme, 
qui  pénétra  aussi  dans  les  domaines  pontificaux  d'Avignon  et 
du  Venaissin. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SDR   LE   N**    i82. 

Belcaire,  lib.  XXIX,  n.  22  et  seq.;  du  Tillet,  Chron.,  an.  1560; 
Alberi,  Vita  di  Cater.  d.  Med.,  Firenze,  1838;  Reumont,  die  Jugend 
der  Kath.  de  Med.,  Berlin,  1834;  de  Thou,  lib.  XXIII,  p.  68  et  seq.; 
lib.  XXIV,  p.  732  et  seq.;  Pallav.,  lib.  XIV,  cap.  xii,  n.  9  et  seq.; 
Rayn.,  an.  1360,  n.  27  ;  ibid.,  n.  28;  l'avis  des  théologiens  protestants 
(cf.  Bossuet,  Hist.  des  variât.,  liv.  X,  c.  xxni),  Erlasse  Pius'  IV  : 
Rayn.,  h.  a.,  n.  30  et  seq.,  36  et  seq.  Lettres  d'Antoine  de  Navarre  et 
de  sa  femme  au  pape,  ib.,  n.  39. 

Nouveaux  édits.  —  Deuxième  conjuration  de  Condé.  —  Les 
calvinistes  favorisés  par  la  cour. 

183.  Les  édits  du  12  mars  et  du  7  mai  1560,  où  il  n'était  pas 
encore  question  d'établir  une  inquisition  sévère  telle  que  la 
souhaitaient  les  Guises,  confiaient  aux  évêques  l'examen  de 
l'hérésie,  et  proclamaient  une  amnistie  générale  pour  ceux  qui 
avaient  violé  les  lois  eu  matière  religieuse,  à  l'exception  des 
rebelles  et  des  prédicants.  Ces  édits  étaient  faibles  et  peu 
propres  à  intimider  les  rebelles.  Au  mois  d'août,  les  notables 
tinrent  à  Fontainebleau  une  assemblée  à  laquelle  l'amiral  de 
Coligny  remit  une  supplique  pour  la  suppression  des  lois  contre 
les  calvinistes  et  pour  le  libre  exercice  de  leur  culte  ;  elle  était 
appuyée  de  deux  évêques.  Les  Guises  la  combattirent  résolu- 
ment. Cependant  on  obtint  la  suspension  de  toute  procédure 
juridique  contre  les  huguenots,  hormis  ceux  qui  se  réuniraient 
en  armes.  11  fut  question  de  réunir  un  concile  national  pour 
abolir  les  abus,  et  l'on  convoqua  à  Meaux  pour  le  mois  de 
décembre  une  assemblée  des  trois  états,  qui  fut  ensuite  trans- 
férée à  Orléans. 

Le  prince  de  Condé  se  laissa  entraîner  dans  une  nouvelle  con- 
juration et  essaya  de  s'emparer  de  la  ville  de  Lyon.  Il  fut  jeté 
en  prison  et  cité  en  justice.  L'exécution  de  la  sentence  de  mort 
prononcée  contre  lui  ne  fut  empêchée  que  par  la  mort  pré- 


468  HISTOIKE    DE   l/ÉGLISE. 

maturée  du  roi  François  II  (5  décembre  1560),  auquel  succéda, 
sous  la  régence  de  la  reine  mère,  son  frère  Charles  IX,  à  peine 
âgé  de  onze  ans.  Cette  femme  artificieuse,  qui  visait  à  se  rendre 
agréable  et  nécessaire  aux  deux  partis,  se  compromit  avec  l'un 
et  l'autre,  précipita  la  France  dans  des  guerres  de  religion 
affreuses,  et  attira  sur  son  fils  les  malédictions  du  peuple.  Les 
partis  se  succédaient  à  la  cour.  Le  connétable  de  Montmorency 
se  rattacha  au  duc  de  Guise  ;  il  forma  avec  lui  et  avec  le  maré- 
chal de  Saint-André  un  triumvirat  qui  devint  la  base  de  la 
Ligue  catholique.  Antoine  de  Navarre  entra  alors  dans  leur 
parti.  De  son  côté,  la  reine  mère  se  rapprocha  du  prince  gracié, 
de  Condé  et  des  Châtillon ,  et  favorisa  les  sectaires ,  qui  ne 
comptaient  guère  en  Franco  qu'un  demi-million  de  partisans, 
mais  qui  semblaient  beaucoup  plus  forts,  à  cause  des  familles 
nobles  qui  en  faisaient  partie  et  des  agitations  qu'ils  soulevaient 
dans  le  pays.  Les  troubles  continuaient  à  Paris  et  dans  les  pro- 
vinces. 

OUVRAGES   A   CONSULTER  SUR   LE  N°    183. 

Pallav.,  loc.  cit.,  n.  12  et  seq.;  c.  xvi,  n.  1  et  seq.;  üb.  XV,  c.  i; 
c.  XI,  n.  i  ;  c.  XIV,  n.  i  ;  Rayn.,  an  1560,  n.  31,  48  et  seq.,  80,  82  et 
seq.;  de  Thon,  IIb.  XXV,  p.  760  et  seq.;  Bossuet,  liv.  X,  §  25-34; 
Bordes,  loc.  cit.,  p.  28-151  ;  Daniel,  Hist.  de  France,  éd.  Griffet,  X,  46 
et  seq. 

Colloque  religieux  de  Poissy 

184.  En  juillet  1561 ,  parut  un  nouvel  édit  qui  amnistiait 
le  passé,  défendait  les  assemblées  des  hérétiques,  et  se  bornait 
à  prononcer  l'exil,  au  lieu  de  la  peine  de  mort,  contre  les  sec- 
taires opiniâtres.  Les  huguenots  continuaient  de  tenir  leurs 
assemblées  ;  la  reine  mère  les  laissa  faire,  les  favorisa  même  et 
vanta  leur  piété.  Elle  conseilla  au  pape  d'abolir  les  images,  les 
exorcismes,  la  confession  privée,  etd'accorder  la  communion  sous 
les  deux  espèces,  etc.  Le  chancelier  Michel  de  l'IIospital  était  sus- 
pect dans  sa  foi  et  inclinait  vers  la  liberté  générale  de  religion  ; 
Jean  (Juintanus,  professeur  de  droit  canon  à  Paris,  le  combattit 
dans  une  longue  dissertation.  La  facnlié  de  théologie  était 
opposée  à  un  concile  national  ainsi  qu'à  un  colloque  projeté  par 
la  reine.  Pie  IV  envoya  en  France,  pour  l'empêcher,  le  cardinal 


LE   PROTESTANTISME.  469 

Hippolyte  d'Esté  ;  mais  il  était  trop  tard  :  il  eut  lieu  à  Poissy, 
en  septembre  1561,  en  présence  du  jeune  roi,  de  sa  mère,  du 
cardinal  de  Lorraine  et  de  cinq  autres  cardinaux,  de  nombreux 
évêques,  fonctionnaires  et  savants. 

Les  protestants  étaient  représentés  par  vingt- deux  députés 
de  leurs  communes  et  douze  prédicants,  ayant  à  leur  tête 
Bèze  et  Pierre  Martyr.  Parmi  les  catholiques,  on  distinguait  le 
cardinal  de  Guise,  le  général  des  jésuites  Lainez,  Claude  Santés 
et  Claude  d'Espencé.  D'après  le  règlement  de  Catherine,  Bèze 
récita  une  prière  d'une  voix  pathétique,  puis  il  développa,  avec  la 
doctrine  sur  l'Église,  surtout  celle  sur  l'Eucharistie  :  il  scanda- 
lisâtes catholiques  en  affirmant  que  le  corpsde. Jésus-Christ  était 
aussi  éloigné  des  espèces  que  le  ciel  l'est  de  la  terre.  Le  cardinal 
de  Guise  lui  répondit  avec  beaucoup  de  soUdité.  On  examina  de 
même  les  autres  dogmes  du  calvinisme.  Lainez  défendit  vigou- 
reusement la  doctrine  catholique.  On  ne  s'accorda  sur  aucun 
point,  et  l'on  finit  par  remettre  les  négociations  à  un  comité  de 
dix  docteurs  choisis  en  nombre  égal  dans  chaque  parti,  ce  qui 
n'aboutit  pas  davantage.  La  conférence  se  sépara  le  25  no- 
vembre, sans  avoir  donné  aucun  résultat.  Les  calvinistes,  qui 
avaient  présenté  au  roi  une  confession  de  foi,  s'attribuèrent  la 
victoire,  et  devinrent  plus  insolents  que  jamais. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N®    184. 

Sur  Mich.  del'Hospital,  voy.  Rayn.,  an.  1560,  n.47;  1S61,  n.90;  1562, 
n.  1.30;  Le  Plat,  V,  4.33,  513  (lettre  apologétique  à  Pie  IV,  du  30  juillet 
1Ö62,  et  réponse  du  pape,  27  sept.);  Taillandier,  Vie  de  M.  L'Ospital, 
Paris,  1S61  ;  Marie,  Essai  sur  la  vie  et  les  ouvrages  du  chancelier  Mich. 
de  l'Hospital,  Rennes,  1868.  Discours  de  Jean  Quintanus  :  Rayn.,  an. 
1561,  n.  82.  Déclarations  de  la  faculté  théologique  de  Paris  :  du  Plessis 
d'Arg.,  II,  1,  p.  292-294.  —  Bossuet,  liv.  IX,  §  90  et  suiv.;  Pallav.,  XV, 
XIV,  n.  2  et  seq.;  Rayn.,  an.  1561,  n.  89-99;  de  Thou,  lib.  XXVUI,  t.  II, 
p.  41  et  seq.;  J.  Basnage,  Hist.  de  l'Église,  t.  II,  liv.  XXVI,  c.  vu,  p. 
1551  et  seq.;  Daniel,  X,  127  et  seq.;  Anquetil,  Esprit  de  la  Ligue,  Paris, 
1771,  I,  p.  86  et  seq.;  Klipffel,  le  Colloque  de  Poissy,  Paris,  1867. 
Claude  d'Espencé  fut  souvent  blâmé  par  la  Sorbonne,  notamment  en 
1543,  pour  avoir  favorisé  des  hérésies  sur  le  culte  des  saints  et  des 
images;  en  1553,  sa  «  Paraphrase  ou  Méditations  sur  l'Oraison  domi- 
nicale »  et  sa  a  Consolation  en  adversité  »  furent  censurées  ;  il  fut  de 
nouveau  cité  le  18  février  1357,  et  promit  de  se  soumettre.  Du  Plessis 


470  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

d'Arg.,  II,  I,  p.  332,  134,  137,  138,  220  et  seq.,  187.  La  Confessio  gal- 
lica,  dans  Augusti,  Corp.  libr,  symb.  Eccl.  réf.,  p.  110  et  seq. 

Ëdit   de  tolérance  et   cruautés   des   calvinistes.  —  Premièi'e 
guerre  de  religion. 

185.  Le  17  jantier  1562,  la  reine  publia  un  éditde  tolérance, 
par  lequel  elle  accordait  aux  protestants  la  liberté  de  religion 
hors  des  villes  et  sans  armes,  défendait  tout  acte  violent,  toute 
attaque  contre  les  institutions  catholiques,  toute  levée  d'impôts, 
toute  attaque  clandestine,  et  prescrivait  de  restituer  aux  catho- 
liques les  églises  et  les  biens  qui  leur  avaient  été  enlevés.  Le 
parlement  refusa  de  l'enregistrer,  et  la  Sorbonne  le  repoussa. 
11  fut  cependant  exécuté.  Les  calvinistes  en  furent  mécontents 
et  redoublèrent  d'audace  ;  ils  tuèrent  plusieurs  prêtres  dans  les 
faubourgs  de  Paris,  et  commirent  contre  les  catholiques,  surtout 
dans  le  midi  de  la  France,  les  plus  révoltants  excès.  Ils  violèrent 
les  tombeaux,  renversèrent  les  églises,  profanèrent  le  saint 
Sacrement,  forcèrent  les  catholiques  d'assister  à  leurs  prédica- 
tions, mutilèrent  et  assassinèrent  des  prêtres  et  des  laïques, 
tout  cela  avec  l'approbation  de  leurs  consistoires  et  de  leurs 
prédicants. 

Ces  événements  disaient  assez  aux  catholiques  ce  qu'ils 
avaient  à  attendre  de  leur  inaction  :  les  novateurs  ne  voulaient 
point  de  tolérance,  mais  l'extirpation  du  catholicisme.  De  là, 
dans  Paris,  une  réaction  sérieuse  à  partir  de  1562.  Les  esprits 
hésitants  se  demandaient  eux-mêmes  :  Que  signifie  une  telle 
religion?  Où  Jésus- Christ  a-t-il  commandé  de  piller  son  pro- 
chain, de  verser  son  sang  ?  Le  l*"^  mars  15G2,  à  Vassy  en  Cham- 
pagne, la  suite  du  duc  de  Guise  se  prit  de  querelle  avec  les 
huguenots  assemblés  dans  une  grange.  Le  duc,  accouru  pour 
rétablir  la  paix,  fut  blessé  d'un  coup  de  pierre,  et  ses  gens, 
surexcités,  tuèrent  près  de  soixante  calvinistes.  Ce  fut  là  l'occa- 
sion d'une  guerre  civile  religieuse.  Le  prince  de  Condé,  encou- 
ragé par  l'ambassadeur  anglais  Throckmorton, réunit  une  armée 
et  s'empara  de  plusieurs  villes.  A  Toulouse,  où  se  trouvaient 
trente  mille  Iniguenots,  on  se  battit  au  mois  de  mai  durant 
plusieurs  jours  ;  quatre  mille  hommes  succombèrent,  et  deux 
cents  maisons  furent  détruites  par  les  flammes  ;  les  catholiques 
finirent  par  l'emporter.  Comme  dans  le   Béarn,   où  régnait 


LE   PROTESTANTISME.  471 

Jeanne  d'Albret,  les  calvinistes  dominaient  en  Normandie,  et 
excitaient  leurs  soldats  aux  cruautés  les  plus  inhumaines. 

Le  Dauphiné  était  ravagé  par  François  de  Beaumont,  baron 
des  Adrets,  qui  obligea  ses  fils  à  se  baigner  dans  le  sang  des 
catholiques;  beaucoup  furent,  par  ses  ordres,  précipités  du  haut 
des  tours  et  des  rochers,  et  reçus  au  bout  des  hallebardes  de  ses 
soldats.  Les  huguenots  firent  même  venir  des  troupes  d'Alle- 
magne, et  livrèrent  le  Havre-de- Grâce  à  la  reine  d'Angleterre. 
Cette  fois,  comme  on  devait  s'y  attendre,  les  cathohques  révo- 
quèrent 1  edit  de  tolérance,  et  déclarèrent  les  calvinistes  coupables 
de  haute  trahison. 

Paris  se  mit  en  état  de  repousser  les  attaques  de  Coudé, 
chassa  les  protestants,  et  prit  une  attitude  franchement  catholi- 
que. L'université,  le  parlement,  la  magistrature,  les  avocats  et 
les  militaires  signèrent  une  profession  de  foi  catholique.  Fran- 
çois de  Guise  avait  ramené  dans  sa  capitale  le  jeune  roi  et  sa 
mère.  Plusieurs  villes,  telles  que  Rouen,  furent  prises  d'assaut 
par  les  catholiques,  et,  le  19  décembre  1362,  les  rebelles  essuyè- 
rent près  de  Dreux  une  entière  défaite.  Louis  de  Condé  fut  fait 
prisonnier,  et  Coligny  se  retira  dans  Orléans.  Le  duc  de  Guise 
mit  le  siège  devant  cette  ville,  et  fut  traîtreusement  tué  d'une 
balle  empoisonnée  par  Poltrot,  gentilhomme  calviniste  (18  fé- 
vrier 1563).  Poltrot  fut  exécuté  dans  la  suite,  mais  inscrit  au 
martyrologe  de  Genève  et  honoré  comme  un  martyr. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°   185. 

De  Thou,  lib.  XXIX,  vu,  t.  Il,  69  et  seq.,  ed.  Francof.,  1614;  Rayu., 
an.  1562,  n.  128  et  seq.,  132  et  seq.;  Nouv.  Collect,  des  Mémoires, 
Paris,  1866,  VI,  614;  Daniel,  p.  396  et  seq.;  Bossnet,  liv.  X,  §  32  et 
seq.;  du  Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  317  et  seq.;  Graziani  Epist.,  lib.  IV, 
ep.  XIII  ;  Mai,  Spic.  Rom.,  VIII;  Anquetil,  I,  162  et  seq.;  Bordes,  p.  171 
et  seq.;  Rayn.,  an.  1561,  n.  103  et  seq.;  1562,  n.  139  et  seq.,  158  et 
seq..  175;  Vaissette,  Hist.  du  Languedoc,  Paris,  1743,  t.  V,  p.  189,213; 
Ménard,  Hist.  de  Nismes,  Paris,  1753,  p.  245  et  seq.;  Lacretelle  (§  178); 
Poyedavant,  Hist.  des  troubles  du  Béarn,  Paris,  1820,  H,  424;  Picot, 
Essai  bist,  sur  l'intluence  de  la  rel.  en  France  pendant  le  XVII«  siècle, 
Brux.,  1824,  t.  i,  p.  12  et  seq.;  Hermann,  Frankr.  Rel.  u.  Bürger- 
kriege im  XVI  Jabrh.,  Leipzig,  1828;  Sismondi,  Hisl.  des  Français, 
Aix-la-Chapello,  1838,  XIII,  xxxr.  Catholique,  t.  LXXXIV,  p.  124  et 
suiv.,  aunée  1863,  1,  p.  227-248,  317-336.  Actos  de  violence  approuvés 


472  HISTOIRE   DE   L 'ÉGLISE. 

par  les  prédicants  et  les  synodes  calvinistes  ;  voy.  Aymon,  Synodes 
nationaux  de  l'Église  réformée  de  France,  la  Haye,  1710,  in-4°,  t.  I 
p.  43,  45;  Bossuet,  X,  §  47;  Bianchi ,  délia  Potestà  e  Polizià  délia 
Chiesa,  t.  1, 1. 1,  §  6,  p.  49  et  seq.  Mon  ouvrage  cité,  p.  487.  Bèze  écri- 
vait, le  30  déc.  1561,  à  Calvin  î  «  Qui  hostibus  armatis  pepercerant, 
idolis  et  panaceo  illi  Deo  (au  Dieu  sous  l'espèce  du  pain)  parcere  non 
potuerunt,  frustra  reclamantibus,  quibus  ista  non  placebant.  »  Baum, 
Th.  de  Bèze,  II  anh.,  p.  150.  Sa  lettre  aux  Églises  de  France,  25  mars 
1562,  ibid.,  p.  172.  Hist.  ecclés.,  liv.  III,  550,  254,  270,  313.  Cf.  Bauer, 
die  liugenottcnkriege ,  ein  Werk  der  Toleranz  (Laacher  Stimmen, 
1876,  livrais.  VlI-X,  p.  143  et  sniv.).  Zèle  des  catholiques  et  leur  vic- 
toire :  Rayn.,  an.  1562,  n.  163,  174  et  seq.;  1563,  n.  23  et  seq.;  Pal- 
lav.,  XIX,  X,  3  ;  Le  Plat,  V,  677  et  seq.  Souscription  du  Formulaire  de 
foi  :  du  Plessis  d'Arg.,  loc.  cit.,  p.  317  et  seq.,  337-329.  Réaction 
catholique  :  Ranke,  les  Pontifes  romains,  II,  p.  61  et  suiv,  «  Massacre 
de  Vassy  »  :  Voix  de  Laach,  1872,  II,  p.  570  et  suiv.  Assassinat  du  duc 
de  Guise  :  Rajm.,  an.  1563,  n.  50  et  seq.;  Baguenault  de  Puchesse,  les 
Ducs  François  et  Henri  de  Guise,  d'après  de  nouveaux  documents, 
Paris,  1877.  L'assassin  Poltrot  de  Méré,  grand  écuyer  de  l'amiral  de 
Coligny,  déclara  dans  les  tortures  qu'il  avait  pour  complices  l'amiral  et 
Bèze.  Coligny  essaya,  trois  ans  après,  de  se  purger  par  serment  de 
cette  accusation  (Lacretalle,  Hist.,  liv.  IX,  p.  163). 

Traité  d' Amboise.  —  Deuxième  guerre  de  religion.  —  Nouvelle 
paix  religieuse.  —  Retrait  des  concessions. 

186.  Les  catholiques,  malgré  leurs  victoires,  avaient  fait  des 
pertes  considérables.  François  de  Guise  était  leur  plus  vaillant 
champion  et  leur  meilleur  capitaine.  Antoine  de  Navarre,  qui 
avait  été  délaissé  par  sa  femme  franchement  hérétique,  suc- 
comba devant  Rouen  à  une  blessure  mortelle.  Beaucoup  de 
reliques  de  saints  (saint  Irénée,  saint  Hilaire,  sainte  Rade- 
gonde,  etc.)  furent  bmlées  et  jetées  au  vent;  beaucoup  de 
cathédrales  brûlées,  un  grand  nombre  de  prêtres  distingués 
furent  assassinés,  et  rien  n'indique  que  tant  de  crimes  aient 
été  réprimés.  La  régente  Catherine  rendit  même  la  liberté  à 
Coudé  captif,  publia  une  amnistie  contre  laquelle  l'université 
et  le  parlement  firent  d'inutiles  protestations,  et  conclut  en 
riG.l  la  paix  d'Amboise,  qui  assurait  la  liberté  du  culte  à  la 
haute  noblesse  de  la  confession  réformée,  tant  pour  elle  que 
pour  ses  sujets,  ainsi  qu'à  toutes  les  villes  où  ce  culte  était  pré- 


LE   PROTESTANTISME.  473 

cédemrnent  établi,  leur  donnait  une  église  dans  chaque  bail- 
liage, à  l'exception  de  Paris,  et  renouvelait,  sauf  de  légères 
restrictions,  l'édit  de  janvier  1562.  Cependant  ni  Coligny  ni  les 
prédicants  calvinistes,  qui  exigeaient  beaucoup  plus ,  ni  les 
catholiques,  n'en  furent  satisfaits  :  les  catholiques  savaient  par 
expérience  ce  que  leur  réservaient  les  huguenots. 

Catherine  se  rapprocha  de  plus  on  plus  des  catholiques,  essaya 
de  s'entendre  avec  l'Espagne,  et  ne  dissimula  pas  désormais  aux 
hugnenots  l'aversion  qu'ils  lui  inspiraient.  Ceux-ci  travaillèrent 
à  s'organiser,  se  plaignirent  qu'on  tramait  contre  eux  de 
nouveaux  complots,  recueillirent  de  grandes  sommes  d'argent, 
et  formèrent  pour  ainsi  dire  un  État  dans  l'État. 

Le  prince  de  Condé  était  blessé  du  peu  de  crédit  qu'on  lui 
accordait,  ce  qu'il  n'avait  que  trop  mérité  ;  Coligny  n'avait 
déposé  les  armes  que  malgré  lui.  En  1567,  ils  formèrent  un 
nouveau  plan  pour  s'emparer  à  Monceaux  du  jeune  roi  et  de  sa 
cour;  le  complot  fut  découvert  à  temps.  Montmorency,  à  la  tête 
de  6,000  Suisses,  ramena  le  roi  à  Paris  à  travers  les  rebelles  en 
armes,  A  dater  de  ce  jour,  Charles  IX  conçut  un  dégoût  insur- 
montable pour  les  calvinistes,  et  ce  dégoût  s'accrut  encore  par 
les  scènes  sanglantes  de  Nimes  (29  septembre  1567).  Cette  nou- 
velle guerre  de  religion  dura  plusieurs  mois.  Les  catholiques 
vainquirent  près  de  Saint-Denis,  mais  ils  perdirent  dans  la 
mêlée  le  vaillant  connétable  de  Montmorency  et  ne  purent  tirer 
parti  de  leur  victoire,  parce  que  leurs  adversaires  reçurent  des 
renforts  de  l'électeur  du  Palatinat. 

Les  catholiques  conclurent  pour  la  seconde  fois  à  Longju- 
meau  (23  mars  1568)  une  paix  qui  renouvelait  l'édit  de  janvier 
1562  sans  les  clauses  restrictives.  Mais  les  huguenots  refusèrent 
de  livrer  les  forteresses  désignées,  en  construisirent  de  nou- 
velles, s'emparèrent  des  villes  catholiques,  dont  ils  maltraitèrent 
indignement  les  habitants,  et  nouèrent  des  alliances  avec  les 
protestants  d'Allemagne,  des  Pays-Bas  et  d'Angleterre. 

Ces  excès  décidèrent  Charles  IX  à  révoquer  en  1568  tous  les 
avantages  qui  avaient  été  accordés  aux  calvinistes  ;  il  leur 
retira  leurs  emplois,  publia  de  sévères  ordonnances  contre  les 
renégats  du  catholicisme,  interdit  le  culte  calviniste  sous  peine 
de  mort  et  de  conûscation  des  biens.  Un  décret  du  parlement 
exigea  de  tous  ceux  qui  sollicitaient  des  places  dans  l'adminis- 


'iT-i  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

tration  de  la  justice  la  profession  de  la  foi  catholique,  et  écarta 
les  magistrats  calvinistes.  On  prescrivit  à  la  noblesse  une  for- 
mule de  serment  par  laquelle  elle  s'obligeait  à  ne  contracter 
aucune  alliance  à  l'insu  du  roi.  Le  chancelier  Michel  de  l'Hospital 
fut  congédié.  Il  semblait  qu'on  fût  alors  sérieusement  résolu  à 
extirper  cette  secte  qui  compromettait  la  sécurité  de  l'État.  Le 
pape  autorisa  en  faveur  de  la  cause  catholique  une  aliénation 
de  biens  ecclésiastiques,  qui  amena  un  million  et  demi  de  livres 
dans  les  caisses  du  gouvernement. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR   LE   N"  186. 

Destructioa  des  reliques  :  Rayn.,  an.  1562,  a.  159-161.  Pi-otestatioa 
de  l'université  de  Paris  contre  l'amnistie  :  du- Plessis  d'Arg.,  loc.  cit., 
p.  335.  —  Pallav.,  XX,  x,  1;  Sarpi,  Vil,  §  82-87;  Rayn.,  an.  1563, 
n.  54  et  seq.,  74  et  seq.;  Le  Plat,  Mon.,  VI,  p.  6  et  seq.  (avec  d'autres 
pièces);  (de  Bèze)  Hist.  ecclés.,  t.  VI,  p.  283;  de  Thou,  lib.  XXXIV,  235 
et  seq.;  XXXV,  241.  —  Kluckhohn,  zur  Gesch.  des  angeblichen  Bünd- 
nisses von  Rayonne  (1565),  nebst  einem  Originalbericht  über  die  Ur- 
sachen des  zweiten  Religionskrieges  in  Frankreich  (Abhdlgn.  der 
bayer.  Akad.  d.  Wiss.,  III  cL,  t.  XI,  abth.  i).  Sur  la  Michelade  do 
Nîmes,  29  sept.  1567,  où  400  cathoHques  perdirent  la  vie  :  Ménard, 
Histoire  de  la  ville  de  Nîmes,  t.  X,  p.  16.  —  (Bèzg)  Hist.  ecclés., 
liv.  VII,  p.  337  et  seq.;  de  ïhou,  lib.  XXXVI,  p.  243  et  seq.;  XLII,  p.  465 
et  seq.;  Commentarii  de  statu  religionis  et  reipubl.  in  regno  Galiiaî, 
4«  édit.,  1577,  lib.  VH,  t.  IH,  p.  22  et  seq.,  84  et  seq.;  lib.  VIH,  p.  132 
et  seq.,  139,  145,  181  ;  du  Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  402-40i;  Catena, 
Vita  di  Pio  V,  p.  79.  Cf.  Ranke,  Paepste,  II,  p.  64. 

Troisième  guerre  de  religion.  —  Rétablissement  de  la  liberté 

des  cultes. 

187.  Il  en  résulta  nue  troisième  guerre,  qui  fut  encore  con- 
duite avec  plus  d'acharnement.  Briquomaut,  chef  des  hugue- 
nots, portait  un  collier  d'oreilles  enlevées  à  des  prêtres  massa- 
crés. Les  protestants  reçurent  des  renforts  de  leurs  alliés  ;  les 
catholiques  obtinrent  de  l'Espagne  et  de  Pie  V  de  l'argent  et 
des  troupes.  Les  huguenots  furent  de  nouveau  battus  près  de 
Jarnac  (13  mars  loC«.)),  et  le  prince  de  Condé  fut  tué  d'un  coup 
de  feu.  Alors  Gaspard  de  (A)ligny  se  mit  ouvertement  à  la  tête 
des  calvinistes,  dont  les  principaux  chefs  étaient  Henri  de 
Navarre,  ûls  d'Antoine  et  de  Jeanne  d'AIbret,  et  Henri,  fils  de 


LE   PROTESTANTISME.  i7S 

Condé.  Coligny  recruta  une  nouvelle  armée,  qui  fut  renforcée 
par  Henri  de  Navarre,  âgé  de  seize  ans.  Cependant  les  ^calvinistes 
perdirent  la  bataille  de  Moncontour  (3  octobre),  d'où  ils  ne 
sauvèrent  que  6,000  hommes. 

Désormais  c'en  eût  été  fait  des  calvinistes,  si  les  intrigues 
des  factions  et  la  faiblesse  de  la  cour  n'avaient  pas  empêché  les 
catholiques  de  tirer  parti  de  leur  victoire,  si  l'on  n'avait  pas 
gaspillé  son  temps  et  ses  forces  dans  des  sièges  interminables. 
Le  roi  enviait  à  son  frère  Henri,  duc  d'Anjou,  qui  avait  com- 
mandé les  catholiques  avec  Henri,  duc  de  Guise  (fils  de  François, 
assassiné),  les  honneurs  de  la  victoire,  et  son  entourage  l'affer- 
mit dans  cette  crainte  qu'avec  l'honneur  la  puissance  lui  échap- 
perait des  mains. 

Le  parti  franchement  catholique,  dirigé  par  le  duc  d'Anjou, 
rencontra  pour  adversaire  le  parti  calviniste  de  la  cour,  qui  par 
le  traité  de  Saint-Germain-en-Laye  (août  1370)  accorda  aux 
réformés  de  toute  la  France,  Paris  excepté,  le  libre  exercice  du 
culte,  l'accès  à  toutes  les  fonctions  de  l'État  et  quatre  places  de 
sûreté  qu'ils  occuperaient.  Au  lieu  d'étouffer  l'insurrection,  la 
cour,  toujours  hésitante,  l'encourageait;  elle  admettait  au 
partage  de  la  souveraineté  un  parti  acharné  à  sa  perte  et  odieux 
aux  catholiques  rigides,  qui  ne  pouvaient  oublier  les  atrocités 
commises  par  les  huguenots  et  couvaient  leur  ressentiment  : 
elle  perdit  toute  autorité  auprès  des  deux  partis.  En  1569.  on 
s'était  allié  avec  l'Espagne  pour  renverser  ÉUsabeth  ;  en  1570, 
on  essayait,  en  s'alliant  avec  Elisabeth,  d'anéantir  la  domina- 
tion espagnole  dans  les  Pays-Bas.  Cette  politique,  trop  hâtive, 
trop  peu  réfléchie,  n'offrait  aucune  chance  de  durée.  Une  explo- 
sion violente  allait  éclater. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SlR   LE   N°    187. 

De  Thou,  lib.  XLIV,  p.  546  et  seq.,  568  et  seq.;  XL  VIT,  p.  660  et  seq.; 
Comment.,  lib.  IX,  p.  204  et  seq.,  313  et  seq.;  Ménard,  loc.  cit.,  IV, 
preuves,  6,  V,  9  et  seq.;  Vaissette,  V,  214  et  seq.;  Anquetil,  I,  132  et 
seq.;  Bordes,  p.  173  et  seq.;  Desjardins,  Charles  IX,  Deux  Années  de 
règne  (1570-lo72),  Douai,  1873.  Le  prolestant  Fauriel  (Essai  sur  les 
événements  qui  ont  précédé  et  amené  la  Saint-Barthélémy,  1838, 
p.  36)  avait  tort  de  dire  que  la  paix  de  1570  était  un  moyen  perfide 
pour  endormir  et  tromper  les  protestants.  Le  contraire  est  attesté  par 
la  Correspondance  du  roi  Charles  et  du  sieur  de  Mandelöl,  publiée  par 


476  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

M.  Paulin  Paris,  1830;  par  la  Correspondance  politique  de  Bertrand 
de  Salignac  de  la  Mothe-Fénelon  (ambassadeur  de  France  à  Londres, 
(J568  à  1573),  publiée  par  M.  Feulet,  Paris  et  Londres,  1838-40,  t.  VII; 
par  les  rapports  d'Alvise  Contarini  et  Sigism.  Cavalli,  dans  Alberi, 
Relaz.  Ven.,  ser.  I,  vol.  IV,  p.  249-232,  32o. 

La  Saint-Barthélémy. 

188.  Tout  était  réconcilié  en  apparence.  Coligny,  mis  au  baa 
du  royaume  par  le  parlement  de  Paris  le  13  septembre  1569, 
fut,  ainsi  que  d'autres  chefs  calvinistes,  mandé  à  la  cour.  Coli- 
gny  essaya  de  gagner  la  faveur  de  Charles  IX  et  de  lui  rendre 
sa  mère  odieuse.  A  partir  de  1571,  il  acquit  une  grande  in- 
fluence ;  il  s'occupa  de  faire  la  guerre  contre  l'Espagne,  de  fournir 
des  seconrs  aux  Pays-Bas  insurgés,  de  contracter  une  alliance 
avec  Elisabeth  d'Angleterre,  et  d'éloigner  les  Guises  de  la  cour. 
Litt  paix  au  dedans  devait  être  scellée  par  le  mariage  du  calvi- 
niste Henri  de  Navarre  avec  Marguerite  de  Valois,  sœur  de 
Charles  IX,  bien  que  Pie  V  eût  refusé  de  donner  une  dispense 
et  que  Grégoire  XIII  n'y  consentît  que  sous  des  conditions  qui 
ne  furent  pas  observées.  Le  mariage  eut  lieu  à  Paris  le  18  août 
1572;  beaucoup  de  gentilshommes  calvinistes  s'y  rendirent 
avec  des  gens  armés. 

Coligny  était  sur  le  point  d'écarter  complètement  la  reine 
mère  de  la  gestion  des  affaires,  et  d'impliquer  le  jeune  roi  dans 
la  guerre  contre  l'Espagne.  Catherine  do  Médicis,  nullement 
embarrassée  dans  le  choix  des  moyens,  résolut  de  se  défaire,  par 
un  meurtre,  de  l'amiral,  qui  déjà  prenait  un  ton  menaçant. 
Quand  cet  attentat,  qui  porta  l'irritation  des  huguenots  à  son 
comble,  eut  échoué  ('22  août),  elle  médita  de  consommer,  avec 
l'aide  des  catholiques  depuis  longtemps  indignés,  la  perte  des  ré- 
formés qui  .se  trouvaient  à  Paris,  et,  autant  que  possible,  de  ceux 
qui  étaient  dans  les  provinces.  De  là  cette  fameuse  nuit  de  la 
Saint-Barthélémy  (24  août  1572),  qui  ne  fut  que  la  conséquence 
d'une  résolution  subite  de  la  reine  Catherine,  et  non  un  acte  de 
viol«Mice  préparé  de  longue  main  et  sur  un  plan  tracé  d'avance. 

A  Paris,  il  n'y  eut  de  victimes  que  Coligny  et  environ  un 
millier  de  calvinistes  ;  beaucoup  de  catholiques  perdirent  aussi 
la  vie.  Dans  les  provinces,  les  ordres  d'assassin;ijtne  furent  point 
exécutés  partout,  et  beaucoup  d'ecclésiastiques  sauvèrent  la  vie 


I 


1,K    PROTF.STANTISME.  4-77 

à  de  nombreux  calvinistes  ;  lo  chiffre  des  morts  n'alla  guère  au 
delà  d'un  millier.  Cliarles  IX  était  entré  dans  ce  plan  à  l'insti- 
gation de  sa  mère,  parce  qu'il  redoutait  une  nouvelle  guerre 
civile  et  qu'il  croyait  sa  vie  en  danger.  Beaucoup  avaient  voulu 
venger  la  mort  de  leurs  proches  sur  les  huguenots;  d'autres,  se 
défaire  de  leurs  ennemis  sans  distinction  de  religion  ;  d'autres, 
effrayés  par  les  précédents  méfaits  des  calvinistes,  avaient 
cru  à  une  conspiration  contre  les  catholiques  :  ce  fut  le  motif 
que  le  roi  fit  valoir  le  lendemain  devant  le  parlement  pour 
justifier  l'assassinat.  On  manda  aux  cours  étrangères  qu'une 
conjuration  avait  été  découverte  contre  la  vie  du  roi  et  de  sa 
famille,  et  qu'on  l'avait  prévenue  par  le  meurtre  des  conjurés. 
La  cour  d'Angleterre,  alliée  avec  la  France  depuis  le  29  avril, 
n'avait  aucun  doute  à  cet  égard.  Grégoire  Xlll,  plein  de  con- 
fiance dans  le  récit  de  l'ambassadeur  français,  fit  célébrer  à 
Rome  une  fête  d'actions  de  grâces,  à  cause  de  la  délivrance  de 
la  famille  ro)  aie  et  de  la  conservation  de  la  religion  catholique 
en  France.  Mais  il  fut  profondément  affligé  du  sang  répandu  et 
de  ce  que  les  formes  juridiques  n'avaient  pas  été  observées 
contre  les  conjurés.  Quant  à  l'attentat  lui-même,  ni  le  Saint- 
Siège  ni  la  religion  n'y  eurent  aucune  part.  Il  est  certain  que 
les  protestants  de  France,  dont  les  crimes  n'étaient  ni  moins 
nombreux  ni  moins  révoltants,  si  l'on  regarde  au  nombre  et  à 
la  puissance,  n'ont  en  cela  rien  à  reprocher  aux  catholiques 
français.  Les  luthériens  d'Allemagne  considérèrent  ce  massacre 
comme  un  juste  châtiment  infligé  de  Dieu  aux  hérétiques 
calvinistes. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"  188. 

Sur  Coligny,  voy.  Michie!,  Relaz.  Ven.,  loc.  cit.,  p.  284,  28ö;  Lin- 
gard,  Gesch.  Engl.,  VI II,  p.  432  et  suiv.;  Poyedavant,  1,  232;  Bague- 
nault,  l'Amiral  de  Coligny  (Correspondant,  25  févr.  1876j.  Négocia- 
tions au  sujet  du  mariage  de  Henri  IV  avec  Marguerite  de  Valois, 
déclaré  nul  (plus  tard,  le  15  déc.  1599):  Mémoires  de  Marguerite  de 
Valois,  éd.  par  M.  Jul.  Lalanne,  1838;  Alberi,  loc.  cit.;  Theiner,  Annal, 
eccl.  contin.,  t.  I;  Mantissa,  doc.  XI,  XV.  —  Davila,  lib.  V,  p.  267.  — 
Collection  compl.  des  Mémoires,  XX,  148  et  seq.,  154,  160;  XXXVII,  22  ; 
Mémoires  de  Tavannes,  t.  VIII,  sér.  I  de  la  Nouv.  Coll.  des  Mémoires, 
par  MM.  Michaud  et  Poujoulat,  Paris,  1836  et  seq.;  Alberi,  Relaz.  Ven., 
p.  289  et  seq.;  Vib  di  Cat.  di  xMed.,  p.  120  et  seq.  —  K.  Curtlis,  die 


478  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

Bartholomœusnacht,  Leipzig,  1814;  Lacretelle,  Hist.  de  France,  II, 
p.  320  et  seq.;  Audiu,  Hist.  de  la  Saint- Barthélémy,  Paris,  1826  ;  Cape- 
figue,  Hist.  de  la  Réf.  et  de  la  Ligue,  cli.  xxxviii-xLiv;Ludw.  Wsechter, 
die  Pariser  bluthochzeit,  Leipzig,  1828;  W.  v.  Schütz,  die  Aufgehellte 
Bartholomaeusnacht,   Leipzig,  1845  ;  Soldau,  Frankr.   u.   die  Barth. - 
Nacht  (Raumers  hist.  Taschenb.,   1854);   Cantù,  Storia  un.,  hv.  XV, 
c.  XXIV,  éd.  Tor.,  VIII;  Gandy,  la  Saint-Barthélemy,  dans  la  Revue  des 
questions   historiques,    1866  (et  d'après   lui,  Civiltà  catt.,    ser.   VI, 
vol.  Vlll,  p.  679  et  seq.;  vol.  IX,  p.  267  et  seq.,  662  et  seq.;  vol.  X, 
p.  268  et  seq.;  vol.   XI,  p.  14  et  seq.,  648  et  seq.).  Cf.  Germania, 
21  cet.  1874,  Beil.  Le  protestant  Lucas  Geizkofler,  originaire  du  Tyrol, 
présent  à  Paris  en  1372,  alors  âgé  de  vingt-deux  ans  et  étudiant  eu 
droit,  rapporte  plusieurs  rumeurs  qui  circulaient  alors  dans  les  sphères 
protestantes,  par  exemple,  que  la  tête  de  Coligny  avait  été  envoyée  «  à 
Rome  »;  il  porte  le  chiffre  des  victimes  parisiennes  «  au  delà  de  10,000, 
jeunes  gens  et  vieillards,  hommes  et  femmes  »  ;  et  il  ajoute  qu'un  très 
grand  nombre  de  catholiques   périrent   eux-mêmes   victimes   de   la 
cupidité,  de  l'envie  et  de  la  haine;  que  son  chef  de  maison,  l'ecclésias- 
tique Blandis,  protégea  ses  locataires,  non  toutefois  sans  qu'ils  fussent 
obligés  d'ouvrir  leur  escarcelle,  x  qui  n'était  pas  trop  garnie  ».  (A. 
Wolf,  Lucas  Geizkofler  et  son  autobiographie,  en  allem.,  Vienne,  1873.) 
Sur  le  nombre  des  victimes,  les  renseignements  varient  entre  1,000, 
2,000,  4,000  (Alzog.,  H,  p.  240),  30,000  (autant  de  réformés  —  Schrœ- 
ckh,  Hist.  eccl.  dep.  la  Réforme,  II,  p.  304),  et  50,000  (Ranke,  Papes 
romains,  II,  p.  67).  Popelinière,  qui  n'est  pas  suspect,  élève  le  chiil'rc 
des  victimes  de  Paris  à  1 ,000.  D'après  un  document  de  l'hôtel  de  ville, 
déjà  cité  par  Caveirac,  1,100  cadavres  furent  repêchés  dans  la  Seine 
(Gandy,  loc.  cit.,  livrais.  II,  p.  330).  —  Michiel  (Relaz.,  p.  291)  parle  de 
2,000.  C'est  le  chilfre  adopté  par  Papirio,  Masson,  ïavannes,  de  Thou, 
etc.  Diverses  estimations  dans  Lingard,  VHI,  p.  437.  Le  généreux  Hen- 
nuyer,  évêque  de  Lisieux,  protégea  hardiment  les  huguenots,  dont  la 
plupart  rentrèrent  dans   le   sein  de  l'Église.    M.  de  Formeville ,  les 
Huguenots  et  la  Saint-Barthélemy  à  Lisieux,  1840.  Recherches  histo- 
riques sur  Jean  Le  Hennuyer,  par  M.  A.,  Bordeaux,  1842,  1844.  Dans 
les  provinces,  beaucoup  de  gouverneurs,  comme   celui  de  Bayonne, 
l'efusèrent  également  d'exécuter  les  oi'dres  sanguinaires.  Voyez  encore 
de  Thou,  lib.  L,  p.  754  et  seq.;  LI,  p.  788  ;  LH,  p.  805  et  seq.  Les  crimes 
des  calvinistes  français  sont  franchement  reconnus  par  Th.  H.  Buckle, 
Gesch.  der  CiviUsation  in  England,  en  allem,  par  A.  Rüge,  I,  ii,  p.  8, 
n.  16.  Dans  leurs  rapports  à  l'électeur  de  Saxe,  les  théologiens  luthé- 
riens reconnaissaient  le  caractère  politique  de  cet  événement:  K.-A. 
Menzel,  N.  Gesch.  d.  Deutschen,  V,  p.  40.  Déclarations  de  la  cour  d'An- 
gleterre :  Coouper,  Recueil  des  dépèches,  Paris,  1840,  V,  12(»,  138,  161 


LE    PROTESTANTISME.  47*J 

et  seq.;  Theincr,  Annal,  eccl.,  h.  an.,  n.  47,  p.  46  (ibid.,  p.  46  et  ?oq.; 
Mantissa,  p.  328-331,  336.  Rapports  du  nonce  Salviati).  Grégoire  XIII, 
dans  Brantôme,  Vie  de  M.  l'amiral  de  Chastillon  :  0pp.,  VIII,  éd.  la 
Haye,  1740;  Paris,  1822,  III,  283.  Muret,  Orat.  xxn,  p.  177,  éd. 
Ruhnken.  Voy.  mon  ouvrage  Kalh.  Kirche,  p.  654-656. 

Quatrième  guerre  de   religion.  —  Mort  de  Charles  IX.  — 
Henri  III.  —  Nouvelle  paix  religieuse. 

189.  La  nuit  de  la  Saint-Barthélémy  avait  affaibli  les  hugue- 
nots, elle  ne  les  avait  point  extirpés.  L'opinion  publique,  qui 
oublie  aisément  le  passé,  leur  devint  favorable  dès  qu'ils  paru- 
rent persécutés.  Une  quatrième  guerre  de  religion  éclata  en 
4573.  Henri,  duc  d'Anjou,  poursuivit  eu  vain  pendant  six  mois 
le  siège  de  la  Rochelle.  Quand  le  duc  eut  été  élu  roi  de  Pologne, 
une  paix  fut  conclue  (ou  plutôt  un  armistice),  qui  accordait  le 
libre  exercice  de  la  religion  à  la  haute  noblesse  et  à  plusieurs 
villes.  Parmi  les  catholiques,  les  divisions  précédentes  sem- 
blaient se  propager  de  plus  en  plus.  A  côté  des  huguenots  et 
des  catholiques  rigides,  s'était  formé  le  parti  des  politiques 
(libéraux  modérés),  qui,  peu  soucieux  des  intérêts  de  la  religion, 
se  posait  constamment  en  médiateur,  à  l'exemple  de  l'ancien 
chancelier  de  l'Hospital,  du  jeune  Montmorency,  du  maréchal 
de  Cossé,  etc.  François,  duc  d'Alençon,  le  plus  jeune  des  fils 
de  Henri  H,  se  joignit  à  eux  et  inclina  vers  l'alliance  des  calvi- 
nistes. 

Charles  IX  mourut  le  30  mai  1574,  laissant  à  son  frère 
Henri,  duc  d'Anjou  et  roi  de  Pologne,  un  royaume  entièrement 
bouleversé.  Henri  rentra  en  France  et  régna  sous  le  nom 
de  Henri  HI,  sans  vigueur  et  sans  résolution,  énervé  par  la 
paresse  et  la  débauche.  En  1576,  une  nouvelle  levée  de  bou- 
cliers procura  aux  calvinistes  la  paix  singulièrement  avanta- 
geuse de  Beaulieu,  qui  leur  accordait,  avec  l'amnistie,  la  liberté 
religieuse  dans  tout  le  royaume  (excepté  à  la  cour  et  dans 
Paris),  l'entrée  au  parlement,  une  pleine  égahté  civile,  huit 
uouvelles  places  de  sûreté,  et  la  légitimation  des  enfants  des 
prêtres  et  des  moines  apostats. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  SUR   LE   N°    189. 

Commentar.,  p.  IV,  in-f»,  84  et  seq.,  107  et  seq.,  139  et  seq.;  p.  V, 


480  HISTOIRE    DE   l'ÉGLÏSE. 

in-t'°,  {  et  seq.;  de  Thou,  lib.  LUI,  p.  838  et  seq.;  lib.  LV,  p.  9U;  LVI, 
p.  927  et  seq.;  LVII,  p.  989  et  seq.;  t.  H,  lib.  LVIII-LXII. 

La  Ligue.  —  Cinquième  et  sixième  guerre  de  religion. 

-190.  La  force  et  l'audace  croissantes  des  huguenots,  les  con- 
cessions qu'ils  avaient  obtenues,  provoquèrent  une  réaction.  Les 
catholiques  formèrent  entre  eux  «  l'alliance  sacrée  »,  la  Ligue 
pour  le  maintien  de  la  religion  catholique,  du  roi  et  de  l'État. 
Elle  avait  à  sa  tête  le  chevaleresque  Henri,  duc  de  Guise. 
Henri  III  et  sa  mère,  qui  vivaient  dans  un  continuel  désaccord, 
se  sentant  trop  faibles  pour  étouffer  la  Ligue,  prirent  un  détour  : 
le  roi  se  déclara  lui-même  le  chef  de  la  Ligue.  Les  états  réunis 
à  Blois  en  1577  supprimèrent  l'édit  de  1576,  et  déclarèrent  la 
religion  catholique  la  seule  religion  de  l'État. 

Une  cinquième  guerre  de  religion  éclate,  mais  se  termine 
bientôt  par  l'édit  pacifique  de  Poitiers  (septembre  1577).  Cet 
édit,  tout  en  accordant  la  tolérance  aux  protestants,  leur  défon- 
dait le  culte  pubhc.  L'université  et  d'autres  corporations  s'étaient 
résolument  prononcées  contre  la  lii)erté  de  religion  réclamée 
par  les  calvinistes.  La  reine  mère  fit  encore  des  concessions 
plus  étendues  à  Henri  de  Navarre  par  la  paix  de  Nérac  (1579). 
Cependant  une  sixième  guerre  s'alluma  en  1580,  et  fut  terminée 
le  26  novembre  par  le  paix  de  Fleix.  Sous  Henri  de  Navarre  et 
le  jeune  Condé,  les  huguenots,  appuyés  par  les  princes  protes- 
tants, accaparèrent  à  peu  près  toute  l'autorité  et  combattirent 
la  Ligue,  qui  se  rattacha  à  l'Espagne. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   SUR   LE   N°    190. 

De  Thou,  lib.  LXIII,  p.  164  et  seq.;  Mézeray,  III,  406,  éd.  Paris,  168S; 
Goulard,  Mémoires  de  la  Ligue,  Amst.,  1758,  h\-i°,  6  vol.;  Anquetil, 
Esprit  de  la  Ligue  (15ö9-ib98),  Paris,  i767,  in-S",  3  vol.;  Sisraondi, 
XIII,  4ö4;  Ranke,  Paîpste,  II,  p.  143-147;  Schneemann,  Laacher 
Monatsschrift,  1872,  VI,  p.  504  et  suiv.  — De  Thou,  lib.  LXIV,  p.  207  et 
seq.;  Anquetil,  II,  105  et  seq.;  Vaisselle,  V,  310  et  seq.;  Bordes, 
p,  228  et  seq.;  Ayraon,  Synodes  nationaux  des  Églises  réf.,  I,  98  et 
seq.,  134;  Raumer,  Gesch.  Europa's  seit  Ende  des  XV  Jahrb.,  t.  II, 
p.  283  et  suiv. 


I.K    PROTESTANTISME.  481 

Nouvelles  irrésolutions  du  roi.  —  La  Ligue  et  le  Saint-Siège. 

191.  Henri  III  se  trouvant  sans  enfant  lorsque  le  dernier  de 
ses  frères,  François  d'Alençon  (duc  d'Anjou  depuis  1573)  vint  à 
mourir  (1384),  Henri  de  Navarre  revendiqua  le  trône.  La 
crainte  de  recevoir  pour  roi  un  calviniste  mit  en  grand  émoi  les 
catholiques  de  France.  Le  duc  de  Guise  décida  le  cardinal  de 
Bourbon,  oncle  de  Henri  de  Navarre,  à  se  déclarer,  dans  un 
manifeste  daté  de  Péronne  (31  mars  1385),  premier  prince  du 
sang  avec  l'expectative  du  trône,  et  chef  de  la  Ligue.  Plusieurs 
désiraient  pour  roi  le  duc  de  Guise.  Henri  111,  souvent  accusé 
d'être  le  fauteur  de  l'hérésie,  engagea  Henri  de  Navarre  à  se 
faire  catholique  et  à  l'assister  dans  la  défense  de  leurs  communs 
droits.  Mais,  intimidé  de  nouveau  par  les  ligueurs,  il  conclut 
avec  eux  le  traité  de  Nemours,  par  lequel  il  leur  concédait  de 
l'argent  et  des  places  de  sûreté,  enlevait  leurs  privilèges  aux 
calvinistes,  et  ordonnait  d'émigrer  à  ceux  qui  refuseraient  de 
rentrer  dans  le  giron  de  l'Église. 

La  Ligue  se  donna  mille  peines  pour  obtenir  du  pape  une 
bulle  qui  approuvât  sa  conduite.  Grégoire  XHl,  malgré  son 
désir  de  maintenir  la  foi  catholique  et  de  favoriser  les  Guises, 
ne  put  s'y  résoudre.  Sixte-Quint,  insensible  aux  sollicitations  de 
l'Espagne,  repoussa  la  demande  des  ligueurs  et  les  blâma  de 
s'être  armés  contre  la  volonté  du  roi;  seulement,  dans  l'intérêt 
du  catholicisme  eu  France,  il  publia  une  constitution  (9  sep- 
tembre 1583)  où  il  excommuniait  le  roi  de  Navarre  et  le  prince 
de  Coudé  comme  hérétiques,  et  déclarait,  d'après  l'ancien  droit, 
égalemeut  reçu  eu  France,  qu'ils  étaient  exclus  de  la  succes- 
sion au  trône.  Les  bourgeois,  le  parlement  et  l'université  de 
Paris  professaient  alors  les  mêmes  idées.  Ce  ne  fut  que  plus 
tard,  et  quand  la  situation  fut  changée,  qu'on  prétendit  que  le 
décret  de  l'université  avait  été  arraché  par  la  force  et  qu'il  était 
sans  valeur.  Peu  d'évêques  (sept)  signèrent  une  contre-déclara- 
tion. Henri  de  Navarre  se  justifia  par  écrit,  fit  afücher  dans 
Rome  une  proclamation,  et  en  appela  au  parlement,  qui  interdit 
à  sou  point  de  vue  la  publication  de  la  bulle. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET    REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE    N°    l'JI. 

Déclaration   des  causes   qui  ont  mû  le  cardinal  de  Bourbon  et  les 
V.  —  HIST.  DE  l'église.  31 


482  HISTOIRE  üE   l'Église. 

paiii<>,  seigneurs,  villes,...  de  s'opposer  à  ceux  qui  veulent  subvertir  la 
religion  de  l'État,  Rheims,  1583,  in-8°;  Ranke,  Rœm.  Paepste,  II, 
p.  148  (cet  auteur  mentionne,  n.  1,  un  mémoire  envoyé  de  Rome  en 
Espagne  sur  l'élévation  d'un  Guise  au  trône  :  «  délia  Inclinazione  de' 
Cattolici  verso  la  casa  di  Ghisa  e  del  servitio  che  riceverà  la  christianità 
etil  re  cattolico  délia  successione  di  uno  di  questi  principi,  »  n.  2.  Dis- 
paccio  Veneto,  1«' déc.  1584,  attribué  au  cardinal  d'Esté).  Daniel,  XI, 
196-199;  Anquetil,  II,  203.  En  ce  qui  concerne  les  papes,  on  ne  trouve, 
à  partir  de  Grégoire  XIII,  relativement  à  la  question  de  succession  en 
France,  que  la  lettre  un  peu  exagérée  peut-être  de  Claude  Matthieu  au 
duc  de  Nevers,  du  11  février  1588  (Capefigue,  Réforme,  IV,  173;  Ranke, 
loc.  cit.,  p.  149  et  suiv.).  Sur  Sixte-Quint,  voy.  Maffei,  Hist.  ab  excessu 
Greg.  XIII,  lib.  I,  p.  10;  Tempesti,  Vita  di  Sisto  V,  Venezia,  1754,  I, 
m,  283,  320;  Iliibuer,  Sixte-Quint,  Paris,  1870,  vol.  II,  p.  370  et  suiv. 
—  Constit.  Ab  immensa  aetemi  Régis,  Bull.  M.,  Luxemb.,  1727,  II, 
163,  appond.;  Spondan.,  an.  1585,  n.  17.  Cf.  Gosselin,  II,  351  et  seq.; 
Bianehi,  t.  Il,  lib.  VI,  §  10,  n.  6,  p.  395  et  seq.;  mon  ouvrage  cité, 
p.  676-678.  Sur  l'opinion  dominante  à  Paris,  voy.  Spondan,,  loc.  cit., 
n.  7;  an.  1589,  n.  111  ;  1590,  n.  3,  9;  Crétineau-.Ioly,  Hist.  de  la  Comp, 
de  Jésus,  II,  411  et  seq.  Sur  le  décret  de  la  Sorbonne,  déclarations 
ultérieures  dans  du  Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  482  et  seq.,  530;  11,  ii, 
p.  293  et  seq.  Contre-déclaration  :  Spondan.,  an.  1591,  n.  8;  Blanchi, 
loc.  cit.,  n.  4,  5,  p.  591-394.  Sur  la  Ligue  en  général  :  Schneemann, 
dans  Laacher  Monatsschrift,  1872,  VI,  p.  304  et  suiv. 

Derniers  temps  de  Henri  III.  — Ses  crimes  et  son  assassinat. 

I9"2.  Les  huguenots  remportèrent  sous  Henri  de  Navarre  la 
victoire  de  Contras  (20  octobre  1587)  ;  mais  les  Guises  obtinrent 
aussi  des  avantages  :  ils  prirent  Toul,  Lyon,  Bourges,  Orléans, 
sans  tirer  l'épée,  et  battirent  les  troupes  allemandes  qui 
venaient  au  secours  de  leurs  ennemis.  Le  roi  se  montra  sans 
caractère  :  il  négocia  d'abord  avec  les  huguenots,  puis  avec  la 
Ligue,  à  laquelle  il  se  rattacha  définitivement,  et  dénia  aux 
princes  protestants,  dans  son  édit  de  Rouen  (19  juillet  1588),  le 
droit  de  succéder  au  trône.  En  octobre  de  la  même  année,  les 
états  lie  Blois  érigèrent  l'édit  en  loi  fondamentale  du  royaume  ;  le 
roi  fut  obligé  de  promettre  qu'il  sacrifierait  sa  vie  au  besoin  pour 
l'extirpation  de  l'hérésie,  chaque  sujet  devait  déclarer,  en  guise 
de  serment,  qu'il  ne  reconnaîtrait  jamais  pour  roi  un  hérétique 
LU  un  fauteur  de  l'hérésie.  Mais  les  catholiques  curent  bientôt 


LE   PROTESTANTISME.  i8,'3 

lieu  de  douter  de  la  sincérité  du  roi  :  divisé  avec  lui-même, 
hésitant,  irrésolu,  fatigué  de  la  puissance  de  la  Ligue,  il  fit 
assassinera  Blois,  en  1588,  Henri,  duc  de  Guise,  et  son  frère 
Louis,  le  cardinal  archevêque  de  Lyon.  Le  troisième  frère,  le  duc 
Charles  de  Mayenne,  échappa  ;  il  se  mit  à  la  tête  de  la  Ligue, 
qui  se  rattacha  étroitement  à  l'Espagne  et  dénonça  l'obéissauce 
au  roi. 

Le  duc  de  Guise,  caractère  chevaleresque,  avait  été  l'idole  des 
catholiques  :  raison  de  plus  pour  leur  faire  détester  la  lâcheté  du 
roi.  Sixte-Quint,  qui  aimait  et  admirait  ce  second  Judas  Mac- 
chabée, demanda  compte  au  roi  surtout  de  l'assassinat  du  cardi- 
nal, et  un  moniteire  pontifical  fut  publié  le  23  juin  1589.  La 
Sorbonne  se  prononça  pour  le  refus  d'obéissance  à  Henri  III 
(7  janvier),  et  la  ville  de  Paris  se  prépara  à  une  résistance 
énergique.  Henri  s'allia  dès  lors  ouvertement  avec  Henri  de 
Navarre  et  fit  avec  lui  le  siège  de  la  capitale.  Au  commence- 
ment d'août  1589,  il  était  assassiné  par  un  jeune  dominicain 
fanatique,  Jacques  Clément. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES   SUR  LE    N°    192. 

Édit  d'union  de  Rouen  et  assemblée  de  Blois  :  du  Plessis  d'Arg.,  II, 

I,  p.  494  et  seq.;  Gosselin,  II,  350-352.  Hésitations  de  Henri  HI  :  Sau- 
vigay,  Hist.  de  Henri  III,  Paris,  1778,  in-8°;  Ranke,  Rœmische  Psepste, 

II,  p.  150  et  suiv.,  169  et  suiv.  Sixte-Quint,  sur  les  frères  Guise,  ibid., 
p.  169;  Tempesti,  Vita  di  Sisto  V,  t.  I,  p.  346  et  seq.;  t.  II,  p.  137. 
Avis  de  la  faculté  théologique  de  Paris,  dans  les  Additions  au  journal 
de  Henri  III,  t.  I,  p.  317;  Ranke,  p.  188.  Plus  tard,  le  1"  févr.  1717, 
il  fut  déclaré  :  «  Facultatem  décréta  praetensa  pro  suis  non  agnoscere 
nec  uraquam  agnovisse,  »  qu'elle  n'avait  pas  été  libre  de  1588  à  1590. 
Du  Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  484  et  seq.,  493  et  seq.;  J.  Boucher,  De  justa 
Henrici  111  abdioatione,  1588;  H.  Grotius,  Append.  de  Anlichr.,  p.  59, 
Amst.,  1641,  remarque  que  le  livre  n'est  pas  tiré  de  Mariana  et  Can- 
tarelli,  mais  de  Junius  Brutus. 

Henri  IV  et  sa  conversion. 

193.  Avec  Henri  III  expirait  la  branche  des  Valois,  qui  régnaient 
depuis  1328.  Henri  de  Navarre  prit  désormais  le  titre  de  roi  de 
France.  Issu  de  la  maison  de  Bourbon,  il  descendait  du  qua- 
trième fils  de  Louis  IX,  le  comte  Robert  de  Clermont,  qui  avait 
épousé  l'héritière  de  Bourbon,  Beatrix  de  Bourgogne,  et  avait 


48i  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

eu  d'elle  le  prince  Louis,  devenu  duc  de  Bourbon  en  1327. 
Comme  Henri  IV  était  calviniste  et  excommunié,  il  ne  fut  point 
reconnu  par  l'Espagne  ni  par  la  Ligue,  Celle-ci  combattit  sous 
le  nom  du  cardinal  de  BourlK^n,  qu'elle  nomma  Charles  X  (mort 
le  8  mai  1590);  mais  le  cardinal  ne  fut  pas  reconnu  par  le 
Saint-Siège,  qui  ne  s'occupait  qu'à  écarter  du  trône  un  prince 
hérétique. 

La  crainte  de  la  prépondérance  espagnole  et  les  bonnes  qua- 
lités du  nouveau  souverain  décidèrent  beaucoup  de  catholiques 
de  France  à  le  reconnaître.  Venise  travaillait  dans  ce  sens  ;  le 
pape  Sixte-Quint  comptait  toujours  qu'il  rentrerait  dans  le  sein 
de  l'Église. 

(rrégoire  XIV  se  prononça  contre  le  roi  protestant  et  renou- 
vela la  déclaration  de  son  prédécesseur  ;  Philippe  II  envoya  des 
troupes  à  la  Ligue,  et  les  IMémontais  envahirent  la  France. 
Henri  IV  fut  vainqueur  et  se  déroba  à  la  poursuite  des  catho- 
liques. Clément  VIII  usa  de  prudence  et  de  discrétion.  Le  roi  se 
persuada  de  plus  en  plus  qu'il  n'arriverait  jamais,  comme  cal- 
viniste, à  posséder  la  France  en  paix,  et  chaque  jour  il  se  fami- 
liarisait davantage  avec  l'idée  de  sa  conversion.  Son  ami  et  mi- 
nistre Sully  le  poussait  dans  cette  voie.  Enfin,  le  25  juillet  1593, 
il  fit  à  Saint-Denis  sa  profession  de  foi  catholique  et  reçut  l'abso- 
lution de  l'archevêque  de  Bourges,  sous  réserve  de  l'approbation 
du  pape  ;  celle-ci  arriva  deux  ans  après.  Le  22  mai  1 59i,  Henri  IV, 
au  mili-eu  des  acclamations  du  peuple,  entrait  dans  Paris,  occupé 
jusque-là  par  la  Ligue  et  le  comité  des  Seize.  La  Sorbonne 
elle-même  prêta  le  serment  de  fidélité  (22  avril),  et  établit  cette 
fois  de  tout  autres  principes  qu'en  1589.  La  Ligue  fut  dissoute,  et 
la  tranquillité  parut  assurée  en  France  jusqu'en  1596.  Henri  IV 
avait  promis  au  peuple  de  restaurer  la  catholicisme  dans  le 
Béarn,  d'introduire  le  concile  de  Trente,  de  faire  exactement 
observer  le  concordat,  et  d'élever  l'héritier  du  trône  dans  la  foi 
catholique.  Il  vint  aussi  plus  d'une  fois  au  secours  du  Saint- 
Siège. 

OUVRAGES  A   CONSULTER    SUR   LE   N°    193. 

.lournal  de  Ifcnry  IV;  Collection,  t.  XLVI  et  seq.;  Anquetil,  II,  266  et 
seq.;  III,  2  et  seq.;  Bordes,  p.  240  et  seq.;  P.  Féret,  Henri  IV  et 
l'Église  cath.,   Paris,   1875;  Dussieux,   Lettres  intimes  de  Henri  IV, 


LE    PROTESTANTISME.  185 

Paris,  1876;  A.  Franklin,  Journal  du  siège  de  Paris  en  1590,  Paris, 
1876;  Recueil  de  lettres  missives  de  Henri  IV,  t.  I-VIII,  t.  IX,  Suppl., 
par  Guadet,  Paris,  1870.  Grégoire  XIV  contre  Henri  :  Spondan., 
an.  1591,  n.  4;  Ranke,  Paepste,  II,  p.  222-225.  Voy.  ibid.,  p.  172  et 
suiv.,  215  et  suiv.  Sur  l'absolution  de  Henri  IV  :  de  Thou,  t.  VII,  1. 
CVII,  CXIII,  p.  32  et  seq.,  473-476,  est  inexact.  Defensio  Decl.  Cleri  Gall., 
p.  I,  lib.  III,  c.  xxviii,  p.  335,  éd.  Mog.  Plus  exacts  :  les  Ambassades 
du  card.  Duperron,  t.  I.  —  Ranke,  II,  p.  238  et  suiv.,  244  et  suiv.; 
Lœmnier,  Analecla  Rom.,  1861,  p.  151  et  suiv.;  Arlaud,  Hist.  des 
souv.  Pont.,  t.  V,  p.  45  et  seq.;  Stœhelin,  der  Uebertritt  Kœnig  Hein- 
richs IV  zur  rœm.-kath.  Kirche,  Râle,  1856;  Poirson,  Hist.  du  règne 
de  Henri  IV.  Sur  lui,  Villemain,  Ami  de  la  religion,  3  sept.  1857, 
n.  1202.  Serment  de  fidélité  de  la  Sorbonne:  du  Plessis  d'Argentré, 
II,  I,  p.  505-508. 

L'édit  de  Nantes. 

494.  Les  calvinistes,  très  mécontents  du  retour  du  roi  dans  le 
sein  de  l'Église,  se  révoltèrent  de  nouveau  et  tâchèrent  de 
vendre  leur  soumission  aussi  chèrement  que  possible.  Henri  IV, 
pour  les  apaiser,  publia  l'édit  de  Nantes  (13  avril  1598),  qui  leur 
permettait,  sauf  de  légères  restrictions,  de  séjourner  dans  le 
royaume  et  d'y  célébrer  leur  culte,  d'occuper  des  fonctions 
publiques,  de  fonder  des  écoles  et  des  établissements.  Ils  devaient 
rétablir  le  culte  catholique  là  où  il  avait  été  supprimé,  obser- 
ver au  moins  extérieurement  les  fêtes  catholiques,  se  conformer 
aux  lois  ecclésiastiques  sur  le  mariage,  renoncer  à  toute  intri- 
gue et  à  toute  alliance  avec  l'étranger  ;  ils  auraient  des  cham- 
bres particulières  aux  parlements  de  Grenoble  et  de  Bordeaux, 
et  tiendraient  librement  leurs  synodes.  Leurs  universités  de 
Saumur,  Sedan,  Montpellier  et  Montauban  furent  confirmées  ; 
on  leur  donna  des  places  de  sûreté  pour  huit  ans,  et  l'on  autorisa 
des  subsides  en  argent  pour  les  faire  occuper  et  pour  subvenir 
aux  besoins  du  culte.  Il  fallut  user  des  plus  grandes  rigueurs 
pour  faire  enregistrer  l'édit  au  parlement  de  Paris  (25  février 
1599),  et  encore  ne  le  fut-il  qu'avec  des  restrictions. 

Les  calvinistes,  à  leur  tour,  furent  longtemps  avant  de  se 
montrer  satisfaits  de  ces  concessions  ;  ils  ne  firent  rétablir  le 
culte  catholique  ni  dans  le  Béaru  ni  dans  leurs  places  de  sûreté, 
se  montrèrent  intolérants  envers  les  cathohques,  et  outragèrent 
surtout  le  Sacrement  de  l'autel  :  par  exemple,  Philippe  Duplessis 


486  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Mornay  (4599),  dans  un  ouvrage  que  l'évêque  Duperron 
réfuta  en  1600  dans  une  dispute  publique.  Dans  leur  synode  de 
Gap  (1603),  ils  établirent  comme  articles  de  foi  (31)  que  le  pape 
est  le  véritable  Antéchrist,  essayèrent  de  présenter  les  doctrines 
catholiques  comme  dangereuses  à  l'État,  en  dissimulant  en 
faveur  de  la  puissance  royale  leurs  anciennes  doctrines.  Leur 
nombre  était  toujours  considérable  :  ils  comptaient  760  districts 
ecclésiastiques  et  4,000  gentilshommes. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES  SUR  LE   N"    194. 

Picot,  Eaeai  histor.,  éd.  Rruxell.,  1824,  t.  I,  p.  4i0  et  seq.;  Benoist 
(prédicant  calvin.),  llist.  de  l'édit  de  Nantes,  app.,  p.  92  et  seq.; 
Daniel,  XII,  307  et  seq.,  388;  Vaissette,  V,  494;  Ranke,  Franzœs. 
Gesch.,  Il,  p.  420  etsuiv.;  Segretain,  Sixte-Quint  et  Henri  IV,  Paris,  1861, 
p.  420;  Négociations  diplom.  et  politiques  du  président  Jeannin,  1598- 
1620,  Orléans,  1873;  Phil.  Duplessis-Mornay ,  de  l'Institution,  Usage 
et  Doctrine  du  saint  Sacrement  de  l'Euchar.  en  Église  ancienne,  com- 
ment et  quand  et  par  quels  degrés  la  Messe  s'est  introduite  en  sa 
place.  Jugement  de  la  Sorbonne  sur  cet  ouvrage,  juin  1599  :  du  Plessis 
d'Arg.,II,  I,  p.  535-537,  et  Duperron,  Traité  sur  l'Euchar.,  Œuvres,  1. 1, 
Paris,  1620,  in-f».  Synode  de  Gap  :  Aymon,  Synodes  nat.  des  Églises 
réformées  de  France,  t.  1,  258.  Cf.  p.  272;  II,  p.  106  et  seq.;  Bianchi, 
t.  I,  lib.  1,  §  6,  p.  49  et  seq.;  mon  ouvrage  cité,  p.  488,  n.  7.  Passages 
des  synodes  sur  le  catholicisme,  l'ecueillis  dans  Brück,  Lehi'b.,  2«  éd., 
p.  622  et  suiv.;  Anm.,  Organisation  des  huguenots  depuis  1598;  Ben- 
tivoglio,  Rclazioni,  Venezia,  1636^  p.  194  et  seq.;  Milano,  1806,  p.  235 
et  seq.;  Badoer,  Uelaz.  di  Francia,  1605,  dans  Ranke,  II,  p.  426. 

Troubles  excités  par  les  calvinistes.  —  Ils  sont  réprimés 
par  Richelieu. 

195.  Lorsque  Henri  IV  fut  assassiné  par  Ravaillac,  le  14  mai 
1610,  son  fils  et  successeur  Louis  XIII  (1610-1643)  n'avait  que 
neuf  ans.  Sa  mère,  Marie  de  Médicis,  se  chargea  de  la  régence, 
mais  elle  fut  au-dessous  de  sa  tâche.  Elle  confirma  l'édit  do 
Nantes  et  approuva  les  places  de  sûreté  pour  cinq  autres 
années.  Cependant  les  désordres  ne  faisaient  que  s'accroître. 
Les  huguenots  refusaient  de  remplir  les  conditions  de  l'édit  do 
Nantes  favorables  aux  catholiques,  et  devenaient  chaque  jour 
plus  exigeants.  Ils  se  soulevèrent  dans  le  Languedoc  en  1615, 
à  la  Rochelle  on  1621,  supprimèrent  Le  culte  catholique  en 


I,K    PROTESTANTISME.  487 

divers  endroits,  démolirent  les  cathédrales  reconstruites  par  les 
catholiques,  formèrent  des  alliances  avec  les  princes  étrangers, 
se  formalisèrent  même  du  mariage  du  jeune  roi  avec  une 
infante  espagnole,  et  s'insurgèrent  contre  la  paix  de  Montpellier, 
consentie  en  leur  faveur  (1622). 

Cependant  les  conversions  au  catholicisme  se  multipliaient, 
et  le  gouvernement  acquit  la  conviction  qu'il  était  impossible 
de  gouverner  avec  un  parti  qui  prétendait  former  un  État  dans 
l'État.  Depuis  1621,  il  s'efforça  de  restreindre  la  puissance  des 
réformés,  et  fit  surveiller  les  assemblées  des  huguenots  par 
des  commissaires  (1622).  Le  ministre  et  cardinal  de  Richelieu 
(1624-1642)  combattit  leurs  empiétements  avec  énergie.  Riche- 
lieu, dans  les  affaires  de  religion,  n'agissait  que  par  des  rues 
politiques,  bien  qu'il  eût  autrefois,  notamment  comme  évèque 
de  Luçon,  prêché  avec  zèle  et  écrit  des  traités  de  théologie.  Il 
essaya  de  supprimer  les  huguenots  en  tant  que  parti  politique. 
Après  avoir,  en  1625,  vaincu  les  rebelles,  qui  déjà  recrutaient 
des  mercenaires,  enlevaient  les  caisses  royales,  concluaient  des 
alliances  avec  l'étranger  et  profitaient  de  tous  les  embarras  de 
la  cour,  il  usa  de  modération  et  de  douceur,  et  laissa  subsister 
l'édit  de  Nantes. 

En  1627,  les  huguenots,  alliés  avec  l'Angleterre,  se  soule- 
vèrent de  nouveau.  Le  roi  était  dangereusement  malade,  le 
trésor  passablement  épuisé,  le  ministre  aux  prises  avec  divers 
partis,  et  lord  Buckingham  arrivait  au  secours  des  rebelles  avec 
une  flotte  anglaise.  Richelieu  révéla  dans  le  danger  la  vigueur 
de  son  génie.  Il  força  les  Anglais  à  rebrousser  chemin,  mit  les 
chefs  des  huguenots  au  ban  du  royaume  après  de  vains  pour- 
parlers, et  commença  le  siège  de  la  Rochelle,  leur  principal 
boulevard.  La  ville,  malgré  les  deux  flottes  envoyées  à  sou 
secours  par  les  Anglais,  fut  obligée  de  se  rendre  (22  octobre 
1628).  Ainsi  fut  brisée  la  puissance  des  calvinistes,  qui  en  tom- 
bant ferma  l'ère  des  guerres  civiles.  Les  citadelles  et  les  places 
de  sûreté  furent  démoUes,  et  le  culte  catholique  introduit  même 
dans  les  localités  protestantes;  ceux  qui  se  soumirent,  furent 
traités  avec  douceur  et  ménagement  ;  on  alla  jusqu'à  rendre 
aux  chefs  leurs  dignités  et  leurs  biens.  L  edit  de  grâce  de 
Mmes  (1629)  maintint  l'édit  de  Nantes.  Richelieu,  on  .trénéral, 
traita  les  protestants  vaincus  d'une  façon  incomparablement 


488  HISTOIRE   DE    L  EGLISE. 

plus  généreuse  qu'Elisabeth  et  ses  successeurs  ne  traitèrent  les 
catholiques  irlandais. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE    N"    193. 

Le  Vassor,  Hist.  de  Louis  XIll,  Amst.,  1737,  18  vol.  in-12;  Aubery, 
Hist.  du  card.  duc  de  Richelieu,  Paris,  1630,  2  vol.;  d'Avrigny, 
Mémoires  chronol.  et  dogin.,  Nismes,  1781,  I,  173  et  seq.;  Ménard,  V, 
440  et  seq.;  F.-E.  de  Mézeray,  Hist.  de  la  mère  et  du  fils,  c'est-à-dire, 
de  Marie  de  Médicis,  femme  du  Grand  Henry  et  mère  de  Louis  XIII, 
Amst.,  1730,  2  vol.;  Aumel,  Lettres,  Instructions,  Dipl.  et  Papiers 
d'État  du  card.  de  Richelieu,  Paris,  1833  et  seq.;  Malingre,  Hist.  des 
derniers  troubles  arrivif'S  eu  France,  p.  789;  Picot,  p.  426  et  seq., 
522  et  seq.;  Topin,  Louis  Xlli  et  Richelieu  (Correspondant,  1873), 
Paris,  1876;  Kerviler,  la  Presse  politique  sous  Richelieu  (Correspon- 
dant, 10  mars  1876);  Fr.  Raumer,  Gesch.  Europa's  seit  dem  Ende  des 
XV  Jahrb.,  IV,  p.  43  et  suiv.;  Ranke,  Rœmische  Psepste,  II,  p.  473  et 
suiv.,  310  et  suiv.,  323  et  suiv. 

I^e  pro((\<»lanti.<«iue  dans  les  Pays-Oa$i. 

Domination  de  Charles-Quint  dans  les  Pays-Bas.  —  Mécon- 
tentement sous  Philippe  II. 

196.  Les  Pays-lUis,  par  l'étendue  de  leur  commerce,  par  leurs 
richesses,  par  les  idées  libérales  qui  y  dominaient  et  par  l'in- 
fluence des  bumaiiistes.  offraient  un  terrain  propice  aux  protes- 
tants. Charles-Qniut  y  fit  publier  l'édit  de  Worms,  nomma  deux 
inquisiteurs  (4522),  et  fit  agir  les  autorités  contre  les  partisans 
de  Luther,  dont  les  ang-ustins  d'Anvers  faisaient  partie.  Henri 
Voes  et  Jean  Esch  furent  brûlés  comme  hérétiques  (1523).  On 
vit  bientôt  paraître  aussi  dans  les  provinces  du  Nord  des  ana- 
baptistes, qui  se  propagèrent  très  rapidement.  De  là  vient  que 
les  lois  impériales  redoublaient  de  sévérité  d'année  en  année. 
iMarguerito  de  Parme,  sœur  de  Charles,  essaya,  en  sa  qualité 
de  gouvernante,  de  tempérer  une  foule  de  mesures. 

Une  traduction  hollandaise  de  la  Bible  selon  les  principes  de 
Luther,  par  Jacques  Liesveld,  parut  en  1525  et  se  répandit  en 
secret.  Cependant,  tant  (jue  régna  Charles-Quint,  les  novateurs 
n'arrivèrent  jamais  à  former  des  communautés  réelles,  et  ils  ne 
trouvèrent  que  peu  d'écho  auprès  des  autorités  des  villes. 
Lorsque  l'empereur  confia  à  son  fils  Philippe  II  (1555)  les  dix- 


LE    PROTESTANTISME.  480 

sept  provinces  des  Pays-Bas,  la  tranquillité  régnait  encore  au 
dehors.  Mais  plusieurs  ambitieux,  ainsi  que  la  petite  noblesse, 
obérée  de  dettes,  ne  tardèrent  pas  à  se  servir  de  la  nouvelle 
doctrine  pour  soulever  la  multitude  contre  le  roi  :  ils  représen- 
tèrent ses  ordonnances  comme  funestes  aux  libertés  de  la 
nation,  se  plaignirent  des  fonctionnaires  et  des  troupes  espa- 
gnoles (jui  occupaient  le  pays,  du  ministre  le  cardinal  Gran- 
velle,  (le  l'intolérance  religieuse  du  gouvernement.  A  dater  de 
45o9,  le  roi,  moins  aimé  que  son  père,  ne  parut  plus  dans  le 
pays. 

Philippe  II  n'était  rien  moins  qu'un  tyran  maladroit.  Il  cédait 
volontiers  en  matière  politique;  mais  il  tenait  rigoureusement 
à  tout  ce  qui  pouvait  servir  à  la  conservation  de  la  foi  catho- 
lique, notamment  à  la  procédure  contre  les  hérétiques  et  aux 
droits  de  l'épiscopat.  Comme  il  n'y  avait  dans  les  dix-sept  pro- 
vinces que  quatre  évêchés,  placés  sous  des  métropoles  étran- 
gères (Cologne,  Trêves  et  Reims),  il  obtint  de  Paul  IV  en  1559 
l'érection  de  trois  archevêchés  (Malines,  Cambrai  et  Utrecht)  et 
de  quatorze  évêchés  nouveaux.  Les  dotations  furent  fournies 
par  des  abbayes  et  des  prieurés,  par  des  particuliers  et  par  le 
roi.  La  tâche  principale  des  évêques  devait  être  de  réformer  la 
discipline. 

Les  nobles  et  le  clergé  se  plaignirent  de  la  violation  de  leurs 
droits  :  ces  plaintes,  dans  la  bouche  de  plusieurs,  ne  servaient 
qu'à  déguiser  leur  apostasie.  L'ambitieux  Guillaume  de  Nassau- 
Orange,  gouverneur  de  Hollande  et  d'autres  provinces,  aspirait 
depuis  longtemps  à  devenir  gouverneur  général  et  ne  rêvait 
que  conspirations;  il  sut  entretenir  l'aigreur  croissante  de  la 
multitude.  Après  la  mort  d'Anne  d'ßgmont  (1561),  il  épousa  en 
secondes  noces  la  fille  de  Maurice,  prince  électeur  de  Saxe,  afin 
d'avoir  plus  d'influence  sur  l'Allemagne  et  d'y  trouver  de 
l'appui.  Il  trompa  ouvertement  le  roi  lorsqu'il  lui  promit  que 
sa  femme  vivrait  en  catholique  ;  lui-même  était  sans  foi  et  sans 
religion,  habitué  à  dissimuler  ses  sentiments  et  à  soulever  le 
peuple.  Il  en  était  de  même  de  Lamoral  comte  d'Egmont  et  du 
comte  de  Horn,  dont  les  desseins  ambitieux  étaient  un  péril 
pour  le  roi.  Ils  essayèrent  d'abord  de  renverser  le  ministre  car- 
dinal Granvelle,  qui  devint  archevêque  de  Malines. 


490  HISTOIRE   DE   l'ÉGLKE. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE    N°    196. 

F.  Stradœ,  S.  J.,  Hist.  belgicœ  duse  décades,  2  tomi,  Rom.,  1640-1647 
et  souvent  (ouvrage  classique);  Hist.  délia  guerra  di  Fiandra  descritta 
dal  Card.  Bentivoglio  (jusqu'en  1609),  Colon.,  1623,  in-4°;  Henne, 
Hist.  du  règne  de  Chades-Quint  en  Belgique,  Bruxell,,  1858  et  seq.; 
Th.  Juste,  Hist.  de  la  révolution  des  Pays-Bas  sous  Pliil.  H,  Brux.  et 
Leips.,  p.  1,  1855,  2  vol.;  p.  II,  1863;  les  Pays-Bas  au  XVI'^  siècle,  Vie  de 
Marnix  de  Sainte-Aldegonde  (1538-1598),  Brux.  et  Paris,  1858;  Gachard, 
Correspond,  de  Piiil.  II  sur  les  allaires  des  Pays-Bas,  Brux.,  1848,  vol. 
I;  1854,  vol.  II;  1859,  vol.  HI;  Holzwarth,  der  Abfall  der  Niederlande, 
i  vol.  (1539-1566),  Schaffhouse,  1865.  —  Ponti  Heuteri,  Reruni  belgi- 
carum  libri  XV,  Amst.,  1590;  Gerh.  Brandt,  Historie  der  Reformation 
en  andere  kerkelyke  Geschiedenissen  in  en  Omtrent  de  Nederlanden, 
Amst.  et  Rot.,  1671,  1704,  t.  IV.  Extrait  :  Hist.  abrégée  de  la  reform, 
des  Pays-Bas,  trad.  du  hollandais,  Amst.,  1730,  t.  III;  Meteren, 
Niederleend.  Historien  v.  Anf.  des  Krieges  an  bis  z.  J.  1611,  éditée  en 
hollandais,  puis  en  allemand,  Arnheim,  1612  et  suiv.  Continuation  : 
Meteranus  novus,  Amst.,  1640;  Hoofts,  Nederland.  Historien  (1555- 
1587),  Amst.,  1703,  in-f«;  Gerdes.,  Hist.  reform.,  t.  III,  p.  1  et  seq.; 
Wagenaar,  Allg.  Gesch.  der  verein.  Niederlande,  Leipzig,  1758,  t.  III; 
Van  der  Vynkt,  Hist.  des  troubles  des  Pays-Bas  sous  Phil.  Il,  éd.  par 
J.  Tarte,  Brux.,  1822,  2  vol.;  H.  Leo,  Zwœlf  Bücher  iiiederleend. 
Gesch.,  Halle,  1835,  2  part.,  et  Lehrb.  der  Univ.-Gesch.,  III,  p.  320  et 
suiv.;  Prescott,  Gesch.  d.  Reg.  Philipps  II ,  trad.  de  l'anglais  par 
Scherer,  Leipzig,  1857;  J.-L.  Motley,  der  Abfall  der  Niederl.,  Dresde, 
1857  et  suiv.,  3  vol.  (peu  solide);  M.  Koch,  Ueber  die  Empœrung  und 
den  Abfall  der  Niederlande  von  Spanien,  Leipzig,  1860;  Nugens,  Gesch. 
des  niederl.  Aufruhrs,  1865-1870,  4  vol.  Autres  ouvrages  dans  Sybels 
hist.  Ztschr.,  1859,  t.  II,  p.  180-192. 

Sur  le  n"  196  en  particulier  :  Gachard,  Analectes  belg.,  Brux.,  1830, 
vol.  I;  Carl  V  à  .Marie  de  Hongrie,  1531.  Sur  l'attitude  de  Philippe  : 
Raïike,  Rœm.  Pœpste,  H,  p.  54;  Holzwarth,  op.  cit.,  I,  p.  18  et  suiv., 
27  et  suiv.;  Hist. -pol.  Bl.,  1840,  t.  VI,  p.  193  et  suiv.,  269  et  suiv. 
Const.  de  Paul  IV  Super  universas  orbis  Ecclesias,  14  mai  1559  :  Bull. 
Rom.,  VI,  559  et  seq.;  Rayn.,  an.  1559,  n.  34,  35.  Précédemment  il 
n'y  avait  que  les  évêchés  d'Utrecht,  Arras,  Cambrai  et  Tournay.  II 
avait  déjà  été  question  sous  Charles-Quint  d'augmenter  le  nombre  des 
diocèses  :  Holzwarth,  I,  p.  68  et  suiv.,  417,  n.  1-4.  —  Papiers  d'État  du 
card.  de  Granvelle,  Paris,  1841  et  seq.,  3  t.  10-4°;  Holzwarth,  I,  p.  34-37; 
Grocn  van  Prinsterer,  Archives  ou  Correspond,  inéd.  de  la  maison 
d'Orange-Nassau,  I"  série,  1835;  Gâchait,  Correspondance  de  Guil- 
laume le  Taciturne,  Bruxelles,  1850. 


LE    PROTESTANTISME.  491 

Les  gueux. 

197.  Les  mécontents  virent  dans  l'augmentation  des  évêchés 
une  mesure  offensante  pour  les  États,  attentatoire  aux  fran- 
chises du  pays  et  aux  droits  des  anciennes  fondations,  et  servant 
de  prélude  à  l'établissement  de  l'Inquisition  espagnole  :  ils  sou- 
levèrent contre  elle  un  grand  nombre  de  villes ,  comme 
Anvers,  et  essayèrent  par  mille  moyens  de  s'y  opposer.  Phi- 
lippe II  s'était  borné  à  maintenir  les  lois  religieuses  et  l'Inqui- 
sition établie  par  Charles-Quint;  il  ne  les  avait  pas  changées,  et 
cependant  elles  soulevèrent  de  vives  réclamations.  Depuis  1563, 
Marguerite  de  Parme  se  tourna  également  contre  le  cardinal  ;  et 
quand  celui-ci  dut  résigner  sa  charge  en  1564,  elle  tomba  de 
plus  en  plus  dans  les  filets  des  conspirateurs,  dont  les  relations 
avec  l'étranger,  surtout  avec  le  frère  de  Guillaume  d'Orange, 
Louis  de  Nassau,  qui  avait  embrassé  le  calvinisme  à  Genève, 
étaient  notoires.  En  mars  1566,  plusieurs  gentilshommes  for" 
nièrent  une  alliance  appelée  compromis,  soi-disant  pour  dé- 
fendre les  droits  du  pays,  mais  au  fond  dans  des  vues  complé- 
ment révolutionnaires.  Ils  gagnèrent  de  nouveaux  adhérents 
et  marchèrent  par  troupes  nombreuses  contre  Bruxelles,  pour 
leur  requête  à  la  gouvernante.  Le  comte  de  Berlaimont  les 
ayant  appelés  un  ramassis  de  mendiants,  de  gueux,  ils  adoptè- 
rent ce  nom  de  «  gueux  ». 

Bientôt  on  vit  affluer  une  multitude  de  prédicants  calvi- 
nistes, et,  en  1566  déjà,  les  égUses  et  les  images  étaient  dé- 
truites avec  une  véritable  frénésie.  Les  attentats  inouïs  qui  se 
commirent  alors,  ouvrirent  les  yeux  à  plusieurs  catholiques  qui 
s'étaient  jetés  dans  le  mouvement.  La  gouvernante,  jusque-là 
timide  et  irrésolue,  reprit  le  dessus  et  défit  les  insurgés.  Le 
culte  catholique  fut  restauré,  et  l'on  obligea  les  fonctionnaires 
et  les  vassaux  à  s'engager  par  serment  à  le  maintenir.  Guil- 
laume d'Orange  s'enfuit  en  Allemagne  ;  le  comte  d'Egmont  alla 
auprès  du  roi  d'Espagne.  En  1567,  le  calme  semblait  rétabli. 
L'apparition  personnelle  du  roi,  une  attitude  à  la  fois  ferme  et 
modérée  de  la  part  du  gouvernement  auraient,  dans  l'état  de 
faiblesse  où  se  trouvait  encore  l'hérésie,  prévenu  bien  des  cala- 
mités. 


492  HISTOIRE   DE   L  EGLISE. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR   LE    N°    197. 

Holzwarth,  F,  p.  78  et  suiv.,  344  et  suiv.;  t.  II,  pe  ggot.  (1566-1572), 
ScbaÖh.,1871,  p.  1  et  suiv. 

Le  duc  d'Albe.  —  Révolte  contre  l'Espagne. 

198.  Mais  Philippe  II,  nature  inflexible,  envoya  d'Italie  dans 
les  Pays-Bas  le  duc  d'Albe.  avec  une  armée  de  10,000  hommes, 
formée  de  ses  meilleures  troupes,  tant  pour  punir  les  attentats 
perpétrés  que  pour  en  empêcher  le  retour,  fermement  résola 
ou  à  maintenir  la  religion  catholique  dans  ces  provinces,  ou  à 
perdre  celles-ci  s'il  le  fallait.  Le  duc,  qui  cachait  une  âme  de 
fer  sous  l'enveloppe  d'un  soldat,  procéda  rigoureusement  selon 
le  droit  de  la  guerre,  et  fit  incarcérer  les  comtes  d'Egmont  et  de 
Horn,  comme  complices  des  troubles  précédents.  Marguerite  de 
Parme,  se  sentant  blessée,  demanda  et  obtint  son  congé,  et 
Albe  devint  gouverneur  général.  Il  régna  par  les  arrestations 
et  les  supplices  ;  Egmont  et  Horn  montèrent  sur  l'échafaud  le 
0  juin  J568,  et  d'autres  les  suivirent.  Les  maisons  des  con- 
damnés furent  démolies,  leurs  biens  confisqués.  Le  pays  était 
entièrement  sous  le  régime  militaire. 

La  sévérité  du  duc,  même  dans  la  perception  de  nouveaux 
impôts,  accrut  la  haine  des  Néerlandais.  Guillaume  et  Louis 
d'Orange  fireut  d'Allemagne  et  de  France  des  invasions  en 
Hollande,  tandis  que  d'autres  (les  gueux  do  mer)  parcouraient 
la  mer  en  pirates,  et,  en  1572,  s'emparaient  de  la  ville  de  Brielle, 
avec  le  secours  de  l'Angleterre.  Plusieurs  villes  du  Nord  embras- 
sèrent leur  cause  et  recdiinurent  pour  chef  Guillaume  d'Orange, 
qui  portait  le  titre  de  gouverneur  royal.  La  liberté  de  religion 
fut,  il  est  vrai,  accordée  à  tous  les  partis;  mais  les  prêtres 
calboliques  et  les  moines  furent  affreusement  maltraités  et  mis 
à  mort.  Tel  fut,  notamment,  le  sort  que  les  soldats  de  Guillaume 
firent  subir  à  Gorkum  dans  l'été  do  1572  à  dix-neuf  ecclésias- 
tiques. Bientôt  les  provinces  du  Sud  s'unirent  à  la  Hollande  et  à 
la  Zélande  pour  repousser  les  garnisons  espagnoles  et  suppri- 
mer les  édits  de  religion.  La  révolte  gagnait  du  terrain.  Leduc 
d'Albe  battit  rennemi  chaque  fois  qu'il  le  rencontra  en  pleine 
campagne  ;  mais  il  trouva  la  plus  sérieuse  résistance  dans  les 
villes  de  Zélande  et  de  Hollande,  où  le  protestantisme  comptait 


LE    PROTESTANTISME.  493 

le  plus  d'adhérents.  Cepoiidaut  Harlem  fut  obligé  do  se 
rendre.  Uuo  députatioa  partit  pour  l'Espague  et  fut  bien 
accueillie  du  roi,  qui  résolut  de  remplacer  le  trop  sévère  Albe 
par  un  gouverneur  moins  rigide. 

OUVRAGES   k   CONSULTER   SUR   LE   N°  d98. 

Cavalli,  Dispaccio  di  Spagna,  7  août  1567;  Ranke,  Rœm.  Paepste,  IF, 
p.  57  et  suiv.,  69  et  suiv,;  Leo,  Univ. -Gesch.,  III,  p.  374  et  suiv.;  Nie- 
derlsendische  Gesch.,  II,  p.  510  et  suiv.;  Th.  Juste,  le  Comte  dEgmont 
et  le  Comte  de  Bornes,  Brux.,  1862.  Martyrs  de  1572,  canonisés 
en  1867  :  Theatrumcrudelitatumhcereticorum  nostri  temporis,  Antw., 
1588,  p.  58  ;  Histoire  des  martyrs  de  Gorkum  (par  Wilh,  Estius),  en  al- 
lem., Warendorf,  1867. 

Guillaume  d'Orange.  —  Pacification  de  Gand.  —  Séparation 
de  la  Belgique  et  de  la  Hollande. 

199.  Le  successeur  d'Albe,  Louis  Requesens  (1572-1576), 
était  moins  belliqueux  et  plus  modéré.  Il  aurait  peut-être  réta- 
bli la  tranquillité,  si  Guillaume  d'Orange,  qui  aspirait  lui-même 
à  gouverner,  n'eût  empêché  toute  réconciliation  avec  le  roi, 
qu'il  injuriait  de  la  façon  la  plus  indigne.  Il  travaillait  de  plus 
en  plus  à  assurer  la  prépondérance  du  calvinisme  en  Hollande. 
Après  la  mort  de  Requesens,  le  conseil  d'État  prit  les  rênes  du 
gouvernement  ;  mais  il  manquait  de  force  et  d'unité.  Les  sol- 
dats espagnols,  mal  payés,  se  révoltèrent  et  saccagèrent  Anvers. 
Alors  les  provinces  du  Sud  et  du  Nord  se  promirent  assistance 
mutuelle  par  la  pacification  de  Gand,  et  prirent  elles-mêmes  le 
gouvernement  en  main.  Le  nouveau  gouverneur  envoyé  par 
le  roi,  don  Juan  d'Autriche,  fils  naturel  de  Charles-Quint,  ne 
fut  reconnu  qu'après  avoir  accepté  la  pacification  de  Gand  et 
congédié  les  troupes  espagnoles.  De  son  côté,  Guillaume 
d'Orange  menaçait  le  Midi  ;  mais  les  provinces  wallones  et  la 
noblesse  catholique  s'opposèrent  à  l'invasion  du  protestantisme, 
et  servirent  d'appui  à  don  Juan,  Si  encUn  qu'il  fût  à  la  modé- 
ration, ainsi  qu'il  le  montra  dans  son  «  édit  perpétuel  »  du 
17  février  1577,  don  Juan  ne  fut  pas  moins  obligé  de  lutter 
incessamment  contre  la  révolte.  Il  conserva  Luxembourg,  occupa 
Namur,  soumit  quelques  localités,  soit  par  les  armes,  soit  par 
des  traités. 

L'évêque  d'Arras,  M.  Moulart,  essaya  de  réconcilier  déûniti- 


494  HiSTOiMi;  DE  l'église. 

vement  les  rebelles  avec  le  roi.  Le  successeur  de  don  Juan 
(mort  en  1578),  Alexandre  Farnèse,  duc  de  Parme,  poursuivit 
avec  succès  la  guerre  contre  les  provinces  du  Nord  et  les  négo- 
ciations avec  les  provinces  du  Sud;  il  ramena  celles-ci  (la  Bel- 
gique) sous  l'obéissance  du  roi,  moyennant  des  restrictions,  que 
ce  prince  fut  obligé  d'accepter.  Il  obtint  que  de  nouvelles  troupes 
espagnoles  reviendraient  dans  le  pays,  et  acquit  les  villes  de 
Dunkerque,  Bruges,  Ypres  et  Gand,  Bruxelles,  Malines  et 
Anvers.  La  Belgique  redevint  de  plus  en  plus  un  pays  franche- 
ment catholique. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  3UR  LE  N°  199. 

Holzwarth,  t.  11,  sect.  11(1572-1584);  Gachard,  Corresp.  de  Phil.  II 
sur  les  affaires  des  Pays-Bas,  t.  IV,  Brux.,  1861,  et  Actes  des  états 
généraux  des  Pays-Bas,  1576-1383,  t.  I,  Brux.,  h.  a.;  Blaes,  Mémoires 
anon.  sur  les  troubles  des  P.-B.,  et  Mém.  de  Pontus  Payen,  t.  II; 
Nuijens,  la  Pacification  de  Gand,  1576  (Revue  générale,  juillet  et  août 
1876);  Jacobs,  les  Catholiques  belges  sous  D.  Juan  d'Autriche  (ibid., 
mars  1877);  Blaes,  Mém.  sur  Em.  de  Lalaing,  baron  de  Montigny, 
Brux.,  1862;  Ranke,  II,  p.  71-7.3,  8,3,  98-110. 

La  république  hollandaise. 

200.  La  Hollande  (le  Nord),  différait  de  la  Belgique  aussi  bien 
sous  le  rapport  politique  que  sous  le  rapport  religieux.  Guil- 
laume continuait  de  régner  en  Hollande,  bien  que  l'archiduc 
Mathias,  puis  François,  duc  d'Anjou,  eussent  été  proclamés 
gouverneurs  par  les  partis  de  la  noblesse.  La  réunion  de  la 
Hollande,  de  la  Zélande,  de  la  Frise,  de  Gueldre  et  de  Zutphen, 
en  4.579,  posa  les  bases  de  la  république  hollandaise.  A  ces 
cinq  provinces  se  joignirent,  en  1580,  Over-Yssel,  et,  en  1594, 
Groningue.  Le  tout  reçut  le  nom  de  Hollande. 

Le  20  décembre  1581,  contrairement  à  ses  anciennes  pro- 
messes, Guillaume  interdisait  l'exercice  public  du  culte  catho- 
lique, et,  en  1580,  mourait  le  premier  et  dernier  archevêque 
d'Utrecht,  Frédéric  Schenk  de  Trautenberg.  Deux  successeurs 
nommés  par  l'Espagne  n'occupèrent  pas  leur  siège. 

En  1583,  Grégoire  XllI  nomma  un  vicaire  apostolique  pour 
la  mission  hollandaise,  dont  la  haute  inspection  fut  confiée  au 
nonce  de  Bruxelles  en  1597.  Le  vicaire  Su.sboldd  Wosracr  fut 


LE   PROTESTANTISME.  495 

exilé,  et  mourut  à  Cologne  en  1614.  Guillaume  d'Orange,  tué 
d'un  coup  de  feu  par  le  Bourguignon  Balthasar  Gérard,  eut 
pour  successeur  son  fils  Maurice.  La  guerre  continua  jusqu'à 
l'armistice  de  1C09,  qui  fut  conclu  pour  douze  années.  Ce  terme 
écoulé  (1621),  elle  éclata  de  nouveau;  mais  Maurice  d'Orange, 
malade  depuis  1622,  la  conduisit  avec  moins  de  vigueur.  11 
mourut  le  23  avril  1625,  et  fut  remplacé  par  son  frère  Frédéric- 
Henri. 

En  1625,  Richelieu  s'étant  servi  de  la  flotte  des  Pays-Bas 
contre  les  huguenots,  le  synode  d'Over-Yssel  obtint,  en  1626, 
le  rappel  des  vaisseaux.  Il  y  eut  encore  des  combats  entre  la 
Hollande  et  l'Espagne,  jusqu'à  ce  que  celle-ci  eût  reconnu,  par 
le  traité  de  Munster  (30  janvier  1648),  l'indépendance  des  pro- 
vinces du  Nord.  Le  fanatisme  et  l'intolérance  des  protestants  de 
Hollande  firent  peser  sur  les  catholiques  du  pays  (les  deux  cin- 
quièmes) un  joug  insupportable.  Le  calvinisme,  qui  avait  déjà 
laissé  son  empreinte  dans  la  confession  belge  de  1562,  reçut  des 
synodes  de  Dordrecht,  en  1574  et  1618,  une  forme  plus  arrêtée, 
et  fut,  à  dater  de  1575,  expressément  soutenu  par  la  nouvelle 
université  de  Leyde. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR    LE   N°  200. 

Guillaume  d'Orange  manque  de  parole  aux  catholiques  :  Stoupe, 
la  Religion  des  Hollandais,  1672,  p.  12;  A.  Arnauld,  Œuvres,  XIV, 
509;  Dœllinger,  Kirche  u.  Kirchen,  p.  64,  n.  1.  Situation  des  catho- 
liques :  Bentivoglio,  Relat.,  p.  163  et  seq.;  Q.  Mejer,  Propaganda,  II, 
p.  81  et  suiv.  Le  second  vicaire  apostolique,  Philippe  Roven  dArden- 
sal,  archevêque  de  Philippi  depuis  1629,  mourut  également  en  exil 
(1"  oct.  1651).  —  Confessio  belgica,  1562.  Augusti,  Corp.  libr.  syrabol. 
Eccl.  réf.,  p.  170  et  seq.;  Synod.  Dordracena,  ci-dessous,  §  226;  Wage- 
mann,  die  Stiftung  der  Umversitaet  Leyden  (Jahrbücher  für  deutsche 
TheoL,  1875,  1);  Schotel,  de  Académie  te  Leiden  in  de  16,  17,  en  18, 
eeuw.,  Haarlem,  1875. 

Prog-rè»>  du  protestanüsuie  en  Espag'ne  et  en  Italie. 

Les  protestants  d'Espagne. 

201.  Quelques  partisans  de  Luther  et  de  Calvin  se  mon- 
trèrent dans  la  péninsule  pyrénéenne  et  dans  la  péninsule 
apenniue,  mais  leurs  idées  trouvèrent  généralement  peu  de 


496  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

crédit.  En  revanche,  le  mépris  do  l'autorité  ecclésiastique,  la 
liberté  chrétienne  hautement  proclamée,  la  fermentation  géné- 
rale des  esprits,  conduisirent  à  de  nombreux  égarements,  dont 
quelques-uns,  plus  graves  encore  que  ceux  du  protestantisme, 
aboutirent  jusqu'à  l'athéisme  absolu.  Les  ouvrages  de  Luther 
et  des  autres  réformateurs  étaient  sans  doute  interdits,  mais 
on  hsait  avec  d'autant  plus  d'avidité  les  divers  écrits  des  huma- 
nistes, dangereux  pour  la  foi,  principalement  ceux  d'Érasme. 
C'était  Érasme  qu'invoquaient  en  Espagne  ceux  qui  ne  vou- 
laient point  nommer  Luther,  et  ils  le  faisaient  avec  d'autant 
plus  de  hardiesse  que  Rome,  pour  prévenir  de  plus  grands 
excès,  s'était  abstenue  de  le  condamner.  L'université  de  Paris 
fut  la  première  qui  le  proscrivit. 

François  Enzinas  (Dryander)  composa  uue  traduction  protes- 
tante de  la  Bible  à  Tusage  des  Espagnols.  Emprisonné  pendant 
quelque  temps  à  Bruxelles,  il  recouvra  la  liberté  en  1548,  et  se 
rendit  à  Bàle,  d'où  il  fut  bientôt  contraint  de  sortir  pour  avoir 
blâmé  l'ignorance  qui  régnait  dans  cette  ville.  Un  autre  Espa- 
gnol, Jean  Diaz,  fut  l'auditeur  de  Calvin  à  Genève,  et  résida  à 
Strasbourg.  René-Gonzalve  Montan,  ancien  dominicain,  puis 
calviniste,  vivait  également  à  l'étranger,  de  même  que  Michel 
Servet,  qui  rejetait  expressément  le  dogme  do  la  Trinité. 

Vers  1558-1560,  l'Espagne  elle-même  parut  sérieusement 
menacée  par  l'hérésie,  et  Paul  IV  se  donna  toutes  les  peines  du 
monde  pour  la  combattre.  Cependant  lactivité  prodigieuse 
déployée  par  d'illustres  théologiens  de  ce  pays  et  par  l'Inquisi- 
tion empêcha  les  succès  du  protestantisme.  Les  plus  hauts  digni- 
taires de  l'Église  étaient  eux-mêmes  justiciables  de  ce  dernier 
tribunal  :  ainsi  Barthélémy  Carranza,  archevêque  de  Tolède,  de 
l'ordre  des  dominicains,  fut  soumis  à  une  enquête  d'abord  en 
Espagne,  de  1559  à  1567,  puis  à  Kome,  de  1567  à  1576  ;  mais 
on  ne  put  le  convaincre  d'aucune  hérésie. 

OUVRAGES   A    CONSULTEn    ET    HEMAllyCES    CRITIQUES   SUR   LE   N°   201. 

Lecture  d'Érasme  en  Espagne  :  Aleander  à  Sanga,  30  déc.  153!  ; 
Lspmmer,  Mon.  Vat.,  p.  94,  n.  69.  Commerce  épistolaire  d'Érasme 
avec  l'EspagriH  :  lleifferich,  dans  Niedners  Ztschr.  für  hist.  Theol., 
1859;  Gonsalvo  de  Illescas,  Historia  Pontifical  y  catolica,  Madrid, 
1552;  Schrœckh,  K.  seit  der  Ref.,  Il,  p.  792  et  suiv.;  Th.  M'Crie,  Gesch. 


LE    PROIKSIANTISME.  197 

der  Ausbreitung  und  Cnterdnickiirig  d.  lU-f.  in  Spanien,  trad.  de 
l'anglais  par  Plieninger,  Sliiltg.,  183^;  Fraucisca  llernandez  u.  Fray 
Fr.  Ortiz.  Anfsengc  ref.  Bewegungen  in  Spanien  unter  Carl  V,  par  E. 
Bœhmer,  Leipzig,  1865  ;  Ad.  de  Castro,  Hist.  de  los  protestantes  espa- 
fioles  y  de  su  persecucion  por  Felipe  II,  Cadiz,  1851  (en  allem,  par 
Herz,  Frankf. ,  186ß),  œuvre  très  peu  scientifique.  Voy.  Sybels  hist. 
Ztschr.,  XV,  p.  451  ;  Bœhmer,  Hibliotheca  Wiffeniana,  ou  Spanish  Re- 
formers, Strasb.,  1874.  Sur  Franc.  Enzinas  (ou  Duchesne),  voy.  Ochs, 
Gesch.  der  Stadt  und  Laudsch.,  Bâle,  VI,  p.  203  ;  Dœllinger,  Réf.,  I, 
p.  563;  Canipanus,  dans  l'éd.  de  ses  Mémoires,  Bruxell.,  1862  et  seq. 
(écrits  après  son  évasion  de  la  prison,  1545).  Sur  Servede  (ou  Servet), 
né  en  1499  à  Villeneuve,  en  Aragon,  juriste,  philosophe,  théologien  et 
médecin  (depuis  1536),  voy.  ci-dessus,  §  M 6.  Sur  les  dangers  qui  mena- 
çaient le  catholicisme  en  Espagne  dans  les  premiers  temps  du  règne 
de  Philippe,  voy.  Raynald.,  an.  1559,  n.  15  et  seq.;  1560,  n.  22.  Sur 
Barthél.  Carranza,  auteur  de  la  Summa  Conciliorum,  Rom.,  1546,  et 
d'autres  ouvrages,  parmi  lesquels  ses  Commentarios  sobre  el  Catecismo 
crestiano,  que  les  censeurs  de  Trente  épargnèrent  en  1563,  étaient  le 
principal  objet  de  l'accusation  élevée  contre  lui  :  v.  Rayn.,  an.  1559, 
n.  20;  1560,  n.  22  et  seq.;  1563,  n.  137  et  seq.;  Pallav.,  Hist.  Conc. 
Trid.,  XXI,  vu,  7;  Llorente,  Hist.  critique  de  l'Inquisition  d'Espagne, 
t.  III,  p.  184-315. 

Les  protestants  en  Italie. 

202.  Eu  Italie,  Jean  Valdez,  .secrétaire  du  vice-roi  do  Naples, 
se  fit  le  propagateur  des  nouvelles  doctrines.  Le  livre  du  Bien- 
fait de  Jésus-Christ,  attribué  à  .\onio  Paleario,  émanait,  dit-on, 
de  son  disciple,  un  moine  de  San-Severino.  Ce  livre,  revu  par 
Flaminio,  réimprimé  à  diverses  reprises  et  en  différentes 
langues,  fut  condamné  à  la  fois  par  la  Sorbonne  et  par  l'in- 
quisition. A  Naples ,  plusieurs  femmes,  et  pendant  quelque 
temps  Victoria  Colonna ,  ainsi  que  beaucoup  de  maîtres 
d'école,  embrassèrent  ces  doctrines.  Les  nouveautés  trouvèrent 
également  de  l'écho  à  Turin,  où  quelques  augustins  soutenaient 
les  propositions  de  Luther  ;  à  Pavie,  nù  le  libraire  Calvi  répan- 
dait ses  écrits  ;  à  Venise,  où  l'on  imprimait  quelques  traductions 
de  ses  livres  et  les  Loci  de  Mélanchthon  ;  à  Ferrare,  où  la  du- 
chesse Renée  (qui  mourut  en  France  en  1575)  favorisait  les  sec- 
taires ;  à  Florence,  où  Antoine  Brncioli  (expulsé  en  1522,  arrêté 
en  1529  et  chassé  une  seconde  fois)  travaillait  à  une  traduction 
de  la  Bible,  sans  parler  d'autres  villes.  Mais  si  le  protestantisme 

v.  —  HIST.  DE  L'ÉliUSE.  32 


498  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

njmptait  des  partisans  en  Italie,  il  en  était  très  peu  qui  accep- 
tassent toutes  les  propositions  du  réformateur. 

Flaminio  développait  des  idées  protestantes,  mais  il  recon- 
naissait l'autorité  du  pape;  Jean-B.  Folengo  mourut  dans  l'or- 
dre des  bénédictins  ;  Antoine  dei  Pagliarici,de  Sienne  (mort  en 
1568),  Carneschi  de  Florence,  J.-B.  Rotto  de  Bologne,  Isidore 
Clario,  Antoine  de  Voiterra,  n'adhéraient  que  partiellement  à  la 
réforme.  Ceux  qui  se  rattachaient  à  la  nouvelle  doctrine,  froi- 
dement accueillie,  furent  obligés  de  quitter  l'Italie  :  ainsi  l'an- 
cien nonce,  Pierre-Paul  Vergerius,  suspect  d'hérésie  depuis 
1541  ;  il  se  réfugia  en  Suisse  en  1549,  dans  le  Wurtemberg  en 
1553  (et  mourut  à  Tubingue  en  1565)  ;  Bernardin  Ochino,  fran- 
ciscain, puis  capucin,  qui  se  maria  à  Genève  et  devint  profes- 
seur à  Oxford  ;  Pierre- Martyr  Vermigli,  qui  s'enfuit  k  Zurich, 
puis  à  Oxford  et  à  Strasbourg,  et  résida  de  nouveau  à  Zurich 
en  1556  ;  Philippe  Valentino,  qui  se  rendit  à  Trente  ;  Castelvetri, 
en  Allemagne;  Cello  Secundo  Curione,  en  Suisse. 

Les  académies  de  Naples  et  de  Modène,  imbues  de  l'esprit 
protestant,  ne  tardèrent  pas  à  se  dissoudre.  Beaucoup  d'Italiens 
protestants  tombèrent  dans  l'athéisme,  notamment  Jules-César 
Vanini,  qui  fut  brûlé  à  Toulouse  en  1629  comme  ennemi  de 
Dieu  et  de  toute  religion  ;  Côme  Kuggerio,  de  Florence,  qui 
mourut  à  Paris  en  1615.  Ce  qu'on  enseignait  de  Dieu  et  du 
diable  était,  selon  lui,  de  pures  inventions,  etc. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES  SUR   LE  N"   202. 

Beccadelli,  Moiium.  di  varia  letterat.,  Bologna,  1797,  t.  I,  et  Vita 
del  card.  Conlareni,  Brescia,  1746;  Albèri,  Relazioni  Venete,  t.  II; 
Gardes.,  Spécimen  Italiai  reform.,  Lugd.  Bat.,  1765,  in-4<';  Schrœckh, 
K.-G.  seit  der  Ref.,  il,  p.  769  et  suiv.;  Tti.  M'Crie,  Gesch.  des  Fort- 
schritls  und  der  Unterdrückung  der  Ref.  in  Italien.,  trad.  par  PVied- 
rich,  Leipzig,  1829;  Ranke,  Rœm.  I'ajpste,  I,  p.  137  et  suiv.,  208  et 
suiv.;  Stern,  Alfonso  e  Juan  Valdez,  Fragments  d'hist.  de  la  reform, 
en  Espagne  et  en  Italie,  thèse  présentée  à  la  Faculté  de  théol.  prot. 
de  Strasbourg,  Slrasb.,  1869;  A.  Theiner,  dell'  Introduzione  del  pro- 
tcslantesimo  in  Italia  teiitata,  Konia  e  iNapoli,  1830;  G.  Cantù,  gli 
Eretici  d'  Raiia,  3  vol.,  Toriiio,  1865-66,  et  il  Cardinal  Morone  (Memo- 
rio  del  R.  Lstituto  l.onibaido,  ser.  111,  X''  vol.).  Sur  l'ouvrage  suivant, 
attribué  par  Schclhorn,  Gerdes,  etc.,  à  M.  Paleario  :  del  Beneficio  di 
Gl  islo,  Vf)'.  Young,  the  Life  and  Times  of  Aonio  Paleario,  or  a  History 


LE    l'HOTKSTANTISME.  i99 

oflhe  Ital.  l\(>formprs,  t.ond.,  ISfiO;  Bonnet,  Aonio  Palt-ario,  Paris, 
1863,  en  allem.,  Hamb.,  1863;  Benrath ,  ueber  den  Verfasser  der 
Schrift  V.  d.  W.  Chr.  (Zlschr.  f.  K.-G.,  1.  I,  livrais.  4).  La  Iraduclion 
française  (du  Bénétice  de  J.-C.  crucifié  envers  les  chréliens,  Lyon, 
1545),  en  fut  interdite  le  1"  mars  1546  à  Paris  :  du  Plessis  d'Argentré, 
t.  I,  app.,  p.  XVII,  c.  i;  t.  Il,  p.  I,  p.  141.  Édition  allemande  :  "  von 
der  Wohlthat  Christi  »,  Leipzig,  1805.  Sur  Vergerins,  voy.  Pallav.,  VI, 
xtn,  3;  Lap.mmer,  Mon.  Vat.,  p.  310  et  sniv.,  345,  357  et  suiv.;  Sixt 
Paul  Vergerius,  Braunschw.,  1835.  Sur  B.  Ochino  Boverio,  Annali  de 
frati  minori  Capuc,  I,  375;  Gratiani,  Vita  di  Commendone,  éd.  en 
franc.,  p.  143  ;  Rayn.,  an.  1564,  n.  48;  Schrœckh,  il,  p.  608  et  suiv., 
780  et  suiv.;  Benrath,  Bern.  Ochino  v.  Siena,  Leipzig,  1875.  Snr  Pierre- 
Martyr  Vermigli,  Schrœckh,  11,  p.  268  et  suiv.;  C.  Schmidt,  Petrus 
Mart.  Verm.,  Elberf.,  1858.  On  a  de  Vanini  ;  Amphitheatrum  Provi- 
dentias et  Dialogi  de  natura  (les  théologiens  de  Paris  s'élevèrent 
contre  ce  dernier,  l«'  oct.  1616  :  du  Plessis  d'Arg.,  H,  ii,  p.  99).    - 

De  Dozninis.  —  Paul  Sarpi. 

203.  On  connaît  davantage  Marc-Antoine  de  Dominis,  né  en 
1566,  évêque  de  Segri  et  archevêque  de  Spalatro  eu  Dalmatie 
<lc[juis  1602  ;  Paul  Sarpi,  servite  vénitien,  qui  entretenait  avec 
lui  une  correspondance  active.  Le  premier,  accusé  de  nouveau- 
tés antireligieuses,  se  rendit  à  Londres,  fit  une  profession  de 
foi  anglicane,  et  obtint  par  ses  écrits  un  grand  renom  parmi 
les  protestants,  surtout  partout  par  son  livre  de  la  République 
ecclésiastique,  où  il  combattait  les  dogmes  catholiques,  particu- 
lièrement la  primauté  du  pape,  le  .sacrifice  de  la  messe,  le  pur- 
gatoire, la  confession  et  les  sacrements  ;  il  professait  l'égalité  de 
tous  les  apôtres  et  évéques,  soutenait  diverses  propositions  de 
Hus,  et  exploitait  la  Bible  et  l'histoire  de  TÉglise  en  faveur 
des  doctrines  protestantes.  Cet  ouvrage,  qui  avait  des  appa- 
rences d'érudition,  fut  censuré  en  détail  par  Tuniversité  de 
Paris  en  1617,  par  celle  de  Cologne  eu  1618. 

Nier  la  constitution  monarchique  de  l'Église  et  sa  juridiction 
extérieure,  combattre  les  vues  du  moyeu  âge  sur  les  relations 
mutuelles  des  deux  puis.sances ,  prétendre  que  la  véritable 
Eglise  s'était  complètement  obscurcie,  rejeter  les  conciles  œcu- 
méniques tenus  en  Occident;  affirmer  qu'il  appartient  aux  laï- 
ques aussi  bien  qu'aux  prélats  de  prononcer  sur  les  questions 
de  foi,  qu'une  décision  dogmatique  doit  s'appuyer  sur  le  con- 


500  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

sentement  de  tons  les  membres  de  l'Église  :  tout  cela  souriait  h 
un  assez  grand  nombre  d'hommes  d'Etat  et  de  théologiens 
français;  aussi  consultaient-ils  assidûment  l'ouvrage  de  Dominis. 
Le  fameux  apostat  regretta  phis  tard  de  l'avoir  écrit,  et  se  rendit 
à  Rome,  en  162-2,  pour  y  faire  pénitence.  11  n'était  ni  luthérien 
ni  calviniste,  encore  moins  catholique  :  bouffi  d'orgueil  et  d'am- 
bition, son  dessein  était  d'introduire  un  nouveau  système  de  doc- 
trine. Peu  de  temps  après,  il  fut  soumis  à  une  nouvelle 
enquête  pour  des  propositions  hérétiques,  et  mourut  à  Rome 
sur  ces  entrefaites  (1624). 

Son  ami  Paul  Sarpi,  de  l'ordre  des  servîtes,  usa  de  plus  de 
précautions  pour  introduire  le  protestantisme  en  Italie,  et,  s'il  ne 
l'embrassa  pas  lui-même,  ce  fnt  pour  mieux  combattre  le  pape. 
Des  Bibles  protestantes  forent,  par  ses  soins,  répandues  dans 
Venise  à  profusion.  La  meilleure  traduction  de  l'Écriture  sainte, 
sous  le  rapport  de  la  langue,  fut  donnée,  en  1601,  par  son  ami 
Jean  Diodati  de  Lucques,  prédicant  et  professeur  k  Genève, 
mort  en  1649. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    Sl'U   LE    N»    203. 

Supplem.  ad  Natal.  Alex.  Flist.  Eccl.,  t.  II,  diss.  v,  §  21,  p.  542  et 
se«{.;  Fleury,  Cont.,  liv.  CXC,  n.  144  et  suiv.;  liv.  CXCI ,  n.  6; 
Schrœckh,  III,  p.  443  et  suiv.  Censure  du  livre  de  Republica  christ, 
libri  IV,  Lond.,  1617,  par  la  faculté  de  Paris  (du  Plessis  d'Arg.,  I,  ii, 
p.  103-109);  par  celle  de  Cologne  (ib.,  III,  n,  p.  191-230).  Voy.  aussi 
Catholica>,  hiérarchise  assertio ,  in  qua  B.  Pétri  et  Rom.  Sedis  pri- 
matus  defenditur ,  auclore  D.  Leonardo  Mario ,  in  Colon.  Acad. 
theol.  piof.,  Colon.,  1618;  Coelfeleau,  Pro  sacra  monarchia  Eccl.  cath. 
libri  IV.  (liibl.  Pontif.,  cd.  Roccaberti,  t.  XVII,  p.  II);  Hist.-pol.  Bl., 
t.  X.\1V,  p.  537-Ö54;  Bauer,  dans  les  Laacher  Stimnien,  1873,  I, 
p.  26-32.  —  Opère  del  P.  Paolo  dell' 0.  de' Servi,  Mirandola,  1677; 
Helnist.,  1763,  avec  biographie  par  le  P.FuIgenzio.  Vie  abrégée  de  Fra 
Paolo,  par  Courraycr,  av;int  l'Hist.  du  Conc.  de  Trente,  t.  I.  Biographie 
de  Franc.  Grisalini,  en  allem.,  Ulm,  1761;  Le  Bret,  Staatsgesch,  von 
Ventîdig,  part.  Il,  p.  114  cl  suiv.;  du  même,  Magazin,  Ulm,  1771,  I, 
p.  426  et  suiv.;  II,  p.  235  et  suiv.,  etc.;  MiUinelli,  Storia  arcana  III 
Fia  Paolo  Sarpi,  Lottere  ed.  Polidori,  Fir.,  1863,  surtout  Civiltà  catto- 
Iic;i,  qu.  315,  an.  1867,  Sept.,  p.  53  et  seq.;  Ranke,  Pœpste,  II,  p.  334- 
337,  III,  p.  363,  307.  -  Schrœckh,  V,  p.  113;  Civiltà  cattolica,  1853, 
ser.  H,  vol.  IV,  p.  554. 


LIi    PROTKSTAN.TISME.  501 

Unitaires  et  sfociniens. 

204.  Ea  Italie,  la  vogue  était  surtout  aux  doctrines  rationa- 
listes et  antitrinitairos.  Le  trithéisme,  puis  l'arianisme,  avaient 
pour  représentants  (jentilis  de  Calabre,  ainsi  que  d'autres,  qui 
se  réfugièrent  en  Pologne,  y  fondèrent  des  communes  uni- 
taires et  des  imprimeries.  Eu  Transylvanie,  ils  avaient  pour 
organe  le  médecin  piémontais  Blandrata.  Ils  traitaient  l'adora- 
tion du  Christ  d'idolâtrie,  parce  que  Jésus-Christ  était  simple- 
ment un  homme  que  Dieu  avait  orné  de  ses  dons  les  plus  pré- 
cieux. Lelio  Socin,  descendant  d'une  famille  noble  de  Sienne, 
né  en  1525,  était  timide  et  soc.  D'abord  juriste,  puis  théologien, 
il  séjourna  en  Allemagne  et  en  Suisse  depuis  1547,  entra  en 
relation  avec  Mélaiichthon  et  autres,  résida  à  Wittenberg  de 
1548  à  1551,  puis  se  rendit  en  Pologne  et  finalement  en  Suisse. 
Plus  d'une  fois  il  éveilla  dans  Calvin  et  autres  réformateurs  des 
soupçons  d'hétérodoxie  ;  mais  il  dissimula  ses  vues  jusqu'à  sa 
mort,  survenue  à  Zurich  en  1562.  Le  fils  de  son  frère,  Fauste 
Socin,  né  à  Sienne  en  1539,  hérita  de  ses  écrits.  Il  s'appliqua  à 
développer  les  idées  de  son  oncle,  fut  pendant  douze  ans  au 
service  de  lu  cour  de  Florence,  et  en  1574  quitta  pour  jamais 
l'Italie,  où  il  ne  se  croyait  pas  en  sûreté.  Il  étudia  pendant  trois 
ans  la  théologie  à  Bàle,  et  alla  ensuite  en  Transylvanie  et  en 
Pologne.  Là  il  voulut  se  faire  recevoir  (1579)  parmi  les  uni- 
taires, mais  il  rencontra  des  difticultés.  En  1580,  il  fut  rejeté 
par  le  synode  de  Rakow,  parce  qu'il  ne  croyait  pas  le  baptême 
nécessaire  et  enseignait  encore  d'autres  erreurs.  Devenu  éga- 
lement suspect  sous  le  rapport  politique,  il  dut  quitter  Cracovie, 
et  trouva  im  asile  chez  des  gentilshommes  polonais.  Il  finit 
cependant  ])ar  se  créer  de  notnbreux  partisans,  gagna  même 
la  majeure  partie  des  unitaires,  auxquels  il  donna  un  corps  pré- 
cis de  doctrine.  Il  mourut  en  1004,  laissant  de  nombreux  écrits, 
principalement  un  catéchisme  que  d'autres  corrigèrent  et  aug- 
mentèrent dans  la  suite.  Les  sociniens,  à  qui  il  a  donné  son 
nom,  eurent  de  nombreux  écrivains  non  dépourvus  d'habileté. 

Doctrine  des  sociniens. 

205.  Les  sociniens  maintenaient  le  principe  fondameiital  du 


502  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

protestantisme  sur  l'autorité  de  la  Bible  ;  mais  les  rationalistes 
le  modifièrent.  L'homme,  selon  eux,  arrive  de  lui-même  à  la 
distinction  du  bien  et  du  mal  ;  mais  l'idée  de  Dieu  et  des  ctioses 
divines,  il  ne  l'acquiert  que  par  l'enseignement  extérieur  ;  la 
ressemblance  de  l'homme  avec  Dieu  consiste  dans  la  mission 
qu'il  a  de  régner  sur  les  animaux.  Les  sociniens  séparaient  la 
morale  de  la  religion  et  relevaient  bien  au-dessus  de  celle-ci. 
Ils  voulaient,  à  la  vérité,  que  l'homme  se  soumît  à  l'enseigne- 
ment de  l'Écriture,  mais  c'était  la  raison  qui  devait  en  fournir 
l'intelligence;  tout  ce  qui  lui  est  contraire  n'est  point  une 
doctrine  révélée,  et  la  raison  doit  éliminer  tuutce  qui  repose  sur 
une  simple  accommodation;  aucune  tradition,  aucune  autorité 
extérieure  ne  doit  le  contredire. 

L'inspiration,  aux  yeux  des  sociniens,  consiste  simplement 
en  ce  que  Dieu  a  fait  en  sorte  que  les  livres  saints  ne  fussent 
écrits  que  par  des  hommes  sages,  honorables,  bien  instruits, 
vertueux,  quoique  çà  et  là  susceptibles  de  se  tromper.  Pour 
mieux  sauvegarder  la  liberté  humaine,  les  sociniens  limitaient 
la  proscience  divine,  et  ils  enseignaient  (pie  Dieu  se  laisse  le 
plus  souvent  déterminer  par  les  actions  de  rhonime.  Selon  eux, 
le  père  de  Jésus-Christ  est  seul  vraiment  Dieu,  l'unité  de  la 
personne  est  inséparable  de  l'unité  dénature;  Jésus-Christ  est 
un  homme  conçu  du  Saint-Esprit,  surnaturellement  engendré 
et  investi  d'une  grandi;  puissance  ;  il  est  fils  de  Dieu  et  il  porto 
lui-même  le  nom  de  Dieu,  parce  (ju'il  tient  du  Dieu  unique  sa 
sublime  puissance  et  participe  en  quelque  sorte  de  .sa  divinité. 
Avant  de  commencer  son  ministère,  il  fut  admis  dans  le  ciel 
pour  y  recevoir  les  messages  qu'il  devait  transmettre  à  l'hu- 
manité. La  rédemption  accomplie,  .son  obéissance  lui  valut 
d'être  élevé  aux  honneurs  divins.  L'adoration  lui  est  donc  due 
à  ce  titre;  mais  elle  est  moindre  que  celle  (jui  revient  au  Dieu 
suprême,  et  elle  doit  se  rapporter  ä  lui. 

Le  Saint-Esprit  n'est  qu'une  vertu,  une  opération  de  Dieu  ; 
ce  n'est  pas  une  personne.  Il  n'y  a  pas  proprement  de  péché 
originel.  Le  pé<^hé  d'Ailam  n'a  préjudicié  (pi'à  lui  seul  ;  il  n'y  a 
qu'une  certaine  dette,  la  mort  surtout,  qui  ait  été  transmise  à 
ges  descendants.  En  si»i,  Adam  a  été  créé  mortel  ;  cependant  il 
ne  serait  pas  mort,  s'il  avait  continué  d'obéir  à  Dieu.  La 
rédemption  consiste  dans  une  législation  plus  épurée  et  [)lus 


I.V.    l'ROIESTANIISME.  503 

paifaite,  dans  la  perspective  d'une  vie  future,  confirmée  par  la 
résurrection  de  Jésus-Christ  et  promise  dans  la  nouvelle  alliance 
aux  pécheurs  repentants  et  aux  observateurs  des  prescriptions 
morales. 

La  satisfaction  et  l'imputation  des  mérites  de  Jésus-Christ  sont 
rejetées  par  les  sociniens  comme  funestes  à  la  vie  morale  ;  ils 
ne  reconnaissent  que  la  rémission  des  péchés  par  Jéeus-Christ. 
L'homme  commence  par  ses  seules  forces  naturelles  les  efforts 
qu'il  fait  dans  l'ordre  moral.  Tout  homme,  s'il  n'est  corrompu 
par  sou  entourage,  peut  vivre  sans  péché,  parce  que  l'Évangile 
lui  offre  la  récoui pense  la  plus  attrayante  en  retour  de  ses 
vertus. 

La  justification  est  une  sentence  par  laquelle  Dieu  nous 
absout  dans  sa  miséricorde,  quand  nous  croyons  à  Jésus-Christ 
et  observons  ses  commandements.  Jésus-Christ  continue  dans 
le  ciel  de  s'intéresser  à  nous  en  détournant  le  courroux  de 
Dieu  ;  c'est  là  seulement  qu'il  exerce  ses  fonctions  de  grand  pon- 
tife. Toute  grâce  ici-bas  n'est  qu'une  grâce  externe,  conçue  à 
la  manière  des  pélagiens.  Les  sacrements  sont  des  cérémonies  pu- 
rement extérieures;  le  baptême  est  un  rite  d'initiation  à  la  société 
chrétienne,  il  n'avait  pour  objet  dans  l'origine  que  de  signifier 
aux  juifs  et  aux  païens  grossiers  la  purification  intérieure.  Si 
on  l'a  maintenu,  c'est  parce  qu'on  a  mal  compris  le  précepte 
de  Jésus-Christ,  qui  en  soi  n'était  que  temporaire.  Il  n'est  pas 
absolument  nécessaire  aux  enfants,  mais  sou  usage  n'est  pas 
condamnable.  Sa  véritable  valeur  réside  dans  la  profession  pu 
bliquede  la  foi  chrétienne.  La  cène,  au  contraire,  a  été  instituée 
pour  toujours,  mais  elle  ne  sert  qu'à  annoncer  la  mort  du  Sau- 
veur ;  c'est  une  cérémonie  commémorative  de  Jésus-Christ.  Les 
sociniens  rejettent  complètement  la  prédestination  et  les  peines 
de  l'enfer  ;  ils  prétendent  que  les  damnés  seront  anéantis. 

Comparaison  des  luthériens  et  des  sociniens. 

206.  Le  socinianisme  et  le  luthéranisme  sont  deux  extrêmes, 
dont  l'un  s'est  emparé  de  l'élément  humain,  l'autre  de  l'élément 
divin,  qui  constituent  l'unité  du  christianisme  et  que  le  catholi- 
cisme groupe  dans  un  tout  harmonieux.  Dans  le  luthéranisme, 
l'élément   humain  en  Jesus  Christ  est  absorbe  par   l'élément 


504  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

divin  (ubiquité);  dans  le  socinianisme,  l'élément  divin  est 
absorbé  par  l'élément  humain.  Pour  Luther,  Jésus-Christ  n'est 
qu'un  réconciliateur;  pour  Socin,  qu'un  législateur  et  un  type 
de  morale  ;  l'un  exagère  le  péché  originel,  l'autre  le  supprime  ; 
selon  le  premier,  l'homme  est  purement  passif  dans  l'ouvrage 
du  salut  ;  selon  le  second,  il  est  seul  actif.  Luther  ne  parle  que 
de  la  grâce,  Socin  que  de  la  loi  et  des  commandements  ;  Luther 
affaiblit  la  raison,  Socin  lui  érige  un  trône  ;  Luther  prétend 
que  l'Écriture  est  accessible  et  suffisante  à  chacun  ;  Socin  pré- 
tend qu'elle  est  obscure.  Tous  deux  ambitionnent  de  restaurer 
le  christianisme  primitif,  considèrent  la  Bible  comme  rniii(|ue 
règle  de  la  foi,  ne  voient  le  christianisme  que  sous  un  seul 
aspect  et  par  son  côté  pratique. 

Le  socinianisme  ne  s'est  entièrement  dépouillé^iue  plus 
tard  de  ses  parties  supernaturalistes,  pour  passer  au  rationa- 
lisme; il  a  pris,  sous  les  successeurs  de  Luther,  une  grande 
extension.  Le  génie  hérétique  de  l'Italien  Socin  a  supplanté 
dans  sa  patrie,  après  moins  de  trois  siècles,  «  riionimedc 
Dieu  des  Allemaiiils  ))  ;  on  était  loin  de  pressentir  ce  résultat, 
lorsijue  Ernest  Soner  ut  les  siens  répandaient  les  dogmes  de 
S(jcin  à  l'université  d'Altdorf  :  c'est  en  1  Gl 5  seulement  ([u'ils 
furent  découverts  et  soumis  à  l'examen.  A  cette  époque,  de 
pareilles  doctrines  inspiraient  encore  une  horreur  univer- 
selle. 

Réaction  en  Pologne  contre  les  sociniens. 

207.  En  Pologne  même,  une  réaction  éclata  (1038)  contre 
les  sociniens  à  l'occasion  d'un  altentat  qu'ils  avaient  commis 
contre  tui  crucifix.  Leur  école  de  Rakow  fut  supprimée;  on  leur 
enleva  leur  imprimerie,  on  bannit  leurs  docteurs  et  l'on  ferma 
leurs  églises.  En  1058,  la  diète  de  Varsovie  décréta  leur  expul- 
sion et  la  j)eine  de  mort  contre  ceux  qui  enireraient  dans  la 
secte.  Leurs  alliances  politiques  avec  la  Suède  leuravaient  attiré 
la  haine  générale.  Les  sociniens  étaient  nombreux  en  Hol- 
lande, en  Angleterre,  en  Suisse,  en  Prusse,  dans  le  Palatinat 
rhénan;  dans  la  Transylvanie,  on  en  comptait  45,000.  Leurs 
communes  rencontraient  pres(jue  partout  une  vive  résistance. 
En  Hollande,  on  ne  tolérait  (|ue  des  sociniens  isolés,  et  non  des 
communes  entières. 


LK    l'UOrKSTA>TISME.  505 

OrVHAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES    SLR   LES   N"^   204  A  207. 

Maiinbüurg,  Hist.  de  l'arianisme,  Paris,  1622;  Lamy,  Ilist.  du  soci- 
niauisnic,  Paris,  1723;  Sara.  Friedr.  Lauterbach,  Ariano-Socinianis- 
nius  ülini  in  Pulunia,  ou  Eheoi.  poln.-arian.  Socioiauisinus,  Fraucf.  et 
Leipzig,  172Ö;  Fr.  S.  Bock,  liist.  Antitiiuitariorum,  maxime  Socinian., 
Regiomout.,  1774-1784,  t.  H;  Trechsel,  die  Protest.  Anlitriuitarier  ver 
Faustus  Socinus,  Heidelb.,  1839,  1844,  2  voL;  Fock,  der  Socinianismus, 
Kiel,  1847;  Wallace,  Antitriuit.  Biography,  Lond.,  18ö0.  On  a  publié 
de  Lélius  Socin  :  Dial.  iuter  Calvinum  et  Vaticannm,  Mini  Celsi 
Senens.  de  hsereticis  capitali  supplicio  non  afficiendis,  dissert,  de 
sacramentis  ad  Tigurioos  et  Genevenses;  de  Fauste  :  de  S.  Scripturœ 
auctoritate,  lecliones  sacrœ,  christ,  religionis  brevissima  institutio, 
praelectiones  theol.  de  statu  primi  hominis  disput.,  tract,  de  justiüca- 
lione,  de  baplismo  aquœ,  disput.  de  Vita  Fausti  Sociui  in  Bibliotheca 
fratrum  Polonor.,  vol.  I,  Irenopoli  (Amst.),  1656,  8  vol.  in-f».  Cf. 
Schrœckh,  V,  p.  520  et  suiv.;  Catech.  Racov.,  an.  1609,  éd.  Œder, 
Fraucof.,  1739.  Autre  Catéchisme  par  Osterod,  prédicant  socinien  à 
Buscow,  près  de  Dantzig  (mort  en  1611).  AiiCres  auteurs  sociniens  :  K. 
Jonas  Schlichting,  prédicant  à  Rakow  (Confessio  tidei  christ,  édita 
nomine  Ecclesiarum  Polon.,  s.  1.,  1642,  nov.  1651);  Jean-Louis  Wolzo- 
gen.  mort  en  1661,  Exégèse  et  Dogmatique;  Jean  Krell  (de  Vera  Relig., 
Cracov.,  1630,  etc.);  A.  Wissowatzi,  mort  en  1678  (Religio  naturalis, 
168Ö,  Amst.,  1703);  Valentin  Schmalz,  mort  en  1622  (de  Divin,  chr., 
Racov.,  1608);  Daniel  Brennius,  mort  en  1633  (0pp.  theol.,  Amst., 
1666);  Daniel  Zwicken,  mort  eu  1678,  comme  l'autre,  à  Amsterdam 
(Irenicuni  Irenicoruni.  1658),  eic.  Voyez  encore  Schrœckh,  V,  p.  521 
et  suiv.,  625  et  suiv.  (sui-  Soneri;  IX,  p.  428  et  suiv. 

Jordan  Bruno. 

208.  Uu  aiitro  liérétique  italien  fut  .lordan  Bruno,  de  Nola, 
né  en  1550.  Sorti  en  1580  de  l'ordre  des  dominicains,  il  se  ren- 
dit à  (iènes  et  à  Genève,  enseigna  à  Paris  en  1582;  il  gagna 
l'Angleterre,  où  il  fut  entretenu  par  Elisabeth,  qu'il  célébra 
dans  son  Chant  du  cygne.  Il  alla  plus  tard  en  Allemagne  et  à 
Venise.  Emmené  à  Rome  en  1598,  il  fut,  sur  la  demande  de  l'Es- 
pagne, brûlé  comme  hérétique  en  février  1600. 11  n'avait  d'abord 
coîubattu  que  quelfjucs  dogmes  catholiques  et  la  philosophie 
d'Arislote  ;  puis  il  s'était  approprie  les  idées  de  Raymond  Lulle, 
avait  bientôt  dédaigné  toute  religion  positive  et  ouvertemeT.t 
enseigné  le  panthéisme.  Malgré  toute  la  richesse  de  ses  facuMés 


506  HISTOIRE   DE   l'ÉGLÏSE. 

et  l'immensité  de  ses  productions  dans  plusieurs  domaines  de 
la  science,  il  ne  fut  pas  moins  un  ennemi  de  Dieu,  divisé  avec 
lui-même,  inquiet,  insolent;  avant  d'expirer,  il  repoussa 
encore  le  crucifix  d'un  air  farouche.  Ses  écrits,  imprimés  en 
difTérents  pays,  répandirent  la  haine  de  la  religion,  la  frivolité, 
les  idées  du  panthéisme,  et  séduisirent  une  foule  de  savants. 

OUVRAGES    A   CONSULTER    ET  REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE    N°  208. 

Opère  di  Giordano  Bruno,  éd.  Ad.  Wagner,  Lips.,  1829,  2  vol.;  Jord. 
Bruni  Nolani  scripta,  quœ  latine  confecit,  omnia  coll.  A.  Fr.  Gfrœrcr, 
Stullg.,  1834,  fasc.  1-5,  surtout  de  Monade,  Numero  et  Figm-a  iib., 
Francof.,  i'6'Ji,  1614;  Giord.  Bruno,  par  M.  Christian  Bartholomès, 
Paris,  1847  et  suiv.,  2  vol.; Clemens,  Giord.  Bruno,  Bonn,  1847.  Cf.  Hist.- 
pol.  Bl.,  t.  XX,  p.  13-26;  t.  XII,  p.  505-532.  Voy.  H.  Jakobi,  ueber  die 
Lehre  des  Spinoza,  Sœmmtl.  W.,  IV,  p.  261-306;  Ranke,  Kœm.  Pœpslc. 
I,  p.  489  et  suiv, 

Causes  de  la  propagation  du  protestantisme. 

209.  Les  causes  de  1'  «  origine  »  du  protestantisme  sont  les 
mêmes  que  celles  des  précédentes  hérésies  :  l'orgueil  et  la  pas- 
sion. Les  causes  de  ses  progrès  .se  trouvent  dans  la  situation 
politique,  religieuse  et  littéraire,  dans  les  circonstances  de 
lieux  et  de  personnes.  Tout  favorisait  la  nouvelle  doctrine  : 
i"  l'abandon  de  l'Église  par  les  gouvernements  temporels; 
2°  la  haine  souvent  alimentée  contre  Rome  et  la  hiérarchie; 
3"  les  déclamations  hahituclles  contre  les  ahus  ;  4"  le  penchant 
d'une  foule  de  mécontents  pour  toute  espèce  de  nouveautés  ; 
5°  les  idées  décevantes  d'affranchissement  de  la  pensée,  de 
liberté  chrétienne,  d'almlition  des  abus,  de  sacerdoce  uni- 
versel ;  6°  les  passions  humaines  soulevées  et  entretenues  par 
les  réformateurs  :  l'orgueil  de  l'homme,  qui  voulait  atteindre  à 
la  vérité  religieuse  par  la  Bible  seule,  sans  aucun  intermédiaire 
ecclésiasti(juo  ;  la  cupidité,  qui  s'enrichissait  des  biens  de 
l'Eglise;  les  convoitises  de  la  chair,  qui  se  remuaient  dans  la 
portion  immorale  du  clergé,  tant  séculier  (jue  régulier  ;  7"  le 
désir  de  répudier  ce  (lu'il  y  avait  de  gênant  et  de  pénible  dans 
la  vie  religieu.se  (le  jeune,  la  confession,  v,\c.);  8°  les  restes  des 
anciennes  hérésies  (vaudois,  wicléfites,  hussites),  qui  offraient 
de  nombreux  points  d'appui  à   l'hérésie  nouvelle;  9°  la  lutte 


LE   PROTESTANTISME.  507 

scientifique  entre  les  iiumanistes  et  les  scolastifjiies  ;  10"  l'in- 
soiiciaiice  de  l'épiscopat,  la  corruption  et  l'ignorance  du  clergé 
dans  plusieurs  régions  de  l'Allemagne,  de  la  France,  de  la 
Scandinavie  et  de  la  Suisse;  il"  l'influence  personnelle  des  ré- 
formateurs et  les  moyens  qu'ils  employèrent  :  dans  le  principe, 
les  apparences  d'un  attachement  sévère  à  la  vraie  foi  ;  plus  tard, 
les  altérations  qu'ils  firent  dans  la  doctrine  catholique,  les  pein- 
tures odieuses  de  la  tyrannie  des  papes,  l'invocation  perpé- 
tuelle de  la  Bible,  la  confiance  dans  leurs  nouvelles  assertions, 
les  sermons  et  les  écrits  où  l'on  exploitait  les  côtés  faibles  du 
caractère  du  peuple,  l'éloquence  populaire  des  chefs  de  la  ré- 
forme; 12°  les  divers  intérêts  matériels  qui  trouvaient  aisément 
à  se  satisfaire,  l'ambition  et  les  embarras  politiques,  surtout  la 
jalousie  que  la  France  portait  à  la  puissante  maison  de  Habs- 
bourg; 13"  joignez-y  quehjues  maladresses  commises  par  les 
représentants  de  l'ancienne  Eglise  ;  14°  l'amour-propre  flatté 
par  les  nouvelles  institutions  :  l'adoption  de  la  coupe  pour  les 
laïques  et  de  la  langue  populaire  dans  la  liturgie;  la  lecture 
universelle  de  la  Bible;  les  doctrines  attrayantes  sur  la  justifi- 
cation par  la  foi  seule,  sur  l'absence  du  libre  arbitre,  sur  la 
certitude  du  salut,  la  nullité  des  vœux  monastiques;  le  célibat 
et  les  bonnes  œuvres  qualifiés  d'inutiles  et  même  de  funestes; 
15°  mais  surtout  les  actes  de  violence  exercés  par  des  princes 
et  des  villes  qui,  après  avoir  expulsé  les  prêtres  catholiques, 
obligeaient  d'assister  aux  prédications  protestantes,  et  atti- 
rèrent peu  à  peu  les  descendants  mêmes  de  ceux  qui  avaient 
fait  une  vive  résistance  aux  nouveautés. 

En  plusieurs  endroits,  on  détournait  brutalement  le  peuple 
de  son  ancienne  Église.  A  la  violence  se  mêlait  la  ruse  :  on 
garda  longtemps  encore  le  rite  catholique,  et  l'on  maintint  tout 
ce  qui  frappait  les  yeux,  par  exemple,  dans  le  Brandebourg,  le 
Danemark  et  la  Suède. 

Il  ne  manquait  point,  parmi  les  apôtres  de  la  nouvelle  reli- 
gion, d'hommes  bassement  hypocrites,  qui,  selon  les  circons- 
tances, faisaient  des  sermons  catholiques  et  des  sermons  pro- 
testants. Le  protestantisme,  contrairement  à  ce  qui  s'était  vu 
dans  les  premiers  siècles  chrétiens,  fut  surtout  propagé  par  la 
puis.'^ance  temporelle  et  non  par  le  martyre  —  les  prétendus 
martyrs  protestants  n'ont  rien  de  commun  avec  les  martyrs  de 


508  iiisioiuE  ME  l'église. 

la  primitive  Église.  —  De  là  vient  que  les  nouvelles  Églises  ré- 
formées furent  complètement  asservies  au  pouvoir  civil  et  tom- 
bèrent dans  un  état  désespéré. 

OUVHAGES    A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE   N°    209. 

Marr,  die  Ursachen  der  schnellen  Verbreitung  der  Reform., 
Mayence,  1834;  MœhlerGams,  Hist.  de  l'Égl.,  III,  p.  157  et  suiv.  Sur 
i)  voy.  VI,  §  178  et  suiv.  Sur  2)  VII,  27.  8«,  98,  194.  Erasni.  Ep.,  I, 
xn,  p.  134  :  «  Odium  Romani  nominis  penitus  infixum  esse  muUarum 
genlinm  aniniis  opinor.  »  Lettre  de  Valdcs,  1521,  à  Pierre  d'Anghiera. 
Voy.  aussi  VI,  g  187.  Sur  3)  —  6)  voy.  ci-dessus,  §  27.  Martin.  Bucer, 
de  Regno  Christi,  Basil.,  1557,  p.  35  :  «  Maxinia  horura  pars  visa  est 
ea  modo  ex  Evangelio  petiisse,  primum  ut  Antichrist!  Romani  et 
pseudoepiscoporum  tyrannidem  a  se  depellcrent,  deinde  ut  jugnm 
qualiscunque  disciplinée,  pœnitentice  et  religionis  univers«,  qua?  in 
Papatu  reliqua  fuit,  abjicerent,  proque  carnis  sute  arbilrio  ac  libidine 
instituèrent  agerentque  omnia...  Nee  pauci  eoruni  qualemcunique 
Evangelii  prœdicationcm  eo  tantum  receperunt,  ut  in  opes  invaderent 
ccclesiasticas.  »  Mclaiichthon,  Epilome  rénovât.  Eccl.  doctr.,  A.  A.  ö; 
A.  7  :  «  Multos  ex  plebe  videnius  Luthero  favere  tam([uani  liberlatis 
auctori,  pertsesos  morum  veterum.  Professores  quosdaai  anibitio  aul 
spes  qufestus  invitât  ad  docendura  novae  doctrinœ  genus...  Hi  se  valde 
pios  esse  putant,  ubi  in  sacerdotes  fortiter  debacchati  sunt  aut  contra 
ijioi'em  carnes  ederunt...  Et  quidam  pseudolutherani  profanis  et  sedi- 
tiosis  clamoribus,  diun  gralificantur  niullitudini  alioqui  cupidae  nova- 
rum  rerum,  passim  seditioues  excitant.  »  (Dœllinger,  Rc'f.,  II,  p.  54; 
III,  p.  301  et  suiv.;  ibid.,  mêmes  témoignages  par  Jean  Éberlin,  1523 
et  suiv.;  George  Wicel.,  1533;  Dudith,  I,  p.  200  et  suiv.,  35  et  suiv., 
55  et  suiv.;  il,  p.  687);  Melchior  Ambach,  Klage  Jesu  Chr.  über  die 
.vermeintlichen  Evangelischen,  Francf.-sur-le-M.,  1551,  B.  2,  0.  3 
(üfrilinger,  II,  p.  80  et  suiv.).  7)  Voyez  ci-dessus  §  17,  180;  Vi,  279  et 
suiv.,  ;{|8.  8)  Cf.  VI,  §  232;  Georg.  Wicci.,  Epist.,  lib.  iV,  Lips.,  1537, 
b.  4;  iJuiUinger,  1,  p.  18  et  suiv.  :  «  .■Mtraxit  me...  plausus  ille  orbis 
maximus,  pellexit  pra'.properus  eruditorum  assensus,  incitavit  novitas, 
calcar  ad  id  ingens  erant  Erasmi  vigiliœ.  »  9)  Apostats,  voy.  §  121  et 
suiv.,  125,  178  et  suiv.  Sur  la  décadence  du  clergé,  voyez  aussi  les 
rapports  de  la  noiiciature  dans  Lajmmer,  Mon.  Vat.,  et  ailleurs.  Kt) 
C.-A.  Menzel,  Neuere  Gesch.  der  Deutscheu,!  ,  p.  84.  11)  Raumer, 
Gesell.  Europa's  s.  d.  Ende  des  15  Jahrb.,  I,  p.  .180;  Schiller,  Gesch. 
des  30  ja'lir.  Krieges,  liv.  1,  (lommenc;  lîeithier,  Hist.  de  l'Église 
gall.,  XVIII,  371.  12)  Sur  B.  Aliltiz,  ci-dessus,  ^  12  et  suiv.  13)  Alesius, 
1552,  Expos.  Ep.  ad.  Tit.,  Lips.,  1552,  A,  4,  5;  Brentius,  hom.  in  Luc, 


IM    l'hOTESTAMlSMK.  509 

t.  V,  Opp.,  p.  'J37;  Com.  in  Malth.,  p.  73,  in  Rom.,  VII,  606;  Dœllin- 
ger,  II,  p.  32't,  351).  14)  G.  Wicelius,  de  Moribus  licPieticoruni,  1537; 
J.  Crolus  Rubeanus,  Apologia  privatim  ad  quemdam  amicum  scripta, 
Lips.,  1531,  B.  4,  a.;  Dœllinger,  I,  p.  121  et  suiv.,  141  et  suiv.  Chro- 
nique de  Worms,  par  Wilk;  llist.-pol.  Blsetter,  t.  LXXV,  p.  325-340; 
Heidelb.  Mskr.,  dans  Lehmann,  Hess.  Archiv.  (Falk)  Bilder  aus  der 
kiirpfa»lz.  Reform.  (Catholique,  1876,  I,  p.  50-75).  —  K.-A.  Menzel, 
II.  p.  2;  TU,  p.  91  et  suiv.  Martyrs  protestants,  voy.  §  196;  Volkert  und 
Brock,  die  Miirlyrer  der  Evangel.  K.,  Erlangen,  1845;  Rudclbach, 
Christi.  Biographien,  I,  p.  4. 

CONSTITUTION  INTÉRIEURE  DU  PROTESTANTISME. 
Lics  Égflises  nationales  lathertenncs  en  S'encra!. 

Mélanchthon  et  ses  adversaires.  —  Les  Églises  protestantes. 

210.  Après  la  mort  de  Luther,  IVIélauchthon  devint  le  chef  des 
luthériens  allemands,  mais  il  n'eut  pas  cà  beaucoup  près  le 
même  crédit  que  Luther.  Son  penchant  pour  les  doctrines  cal- 
vinistes, sou  aversion  pour  les  dogmes  rigoureusement  luthé- 
riens ne  demeurèrent  pas  longtemps  secrets,  et  lui  suscitèrent 
de  nombreux  combats.  Dès  1548,  la  mort  lui  enlevait  Gaspard 
Cruciger,  associé  à  ses  vues.  En  1558,  l'université  d'Iéna  fut 
fondée  pour  maintenir  l'orthodoxie  luthérienne  contre  Witten- 
berg et  la  branche  aînée  de  Saxe.  Le  duc  de  Gotha,  Jean-Fré- 
déric, était  surtout  hostile  à  la  branche  cadette,  à  cause  de  la 
perte  qu'il  venait  de  faire  de  la  dignité  électorale.  Les  luthériens 
rigides  se  séparèrent  des  mélanchtonieus  (philippistes),  quand 
Mélanchthon  eut  modifié  l'article  10  de  la  Confession  d'Augs- 
bourg  en  faveur  des  calvinistes,  et  que  Brenz  (mort  en  1570) 
eut  établi  à  Wittenberg  la  théorie  de  l'ubiquité  du  corps  de 
Jésus-Christ,  comme  le  seul  principe  dogmatique  universelle- 
ment valable. 

Des  controverses  dogmatiques  éclatèrent  de  toutes  parts. 
Mélanchthon,  assailli  de  divers  côtés,  passa  les  dernières  années 
de  sa  vie  dans  la  tristesse.  Eu  1558,  dans  une  lettre  à  Philippe 
de  Hesse,  il  traita  ses  adversaires  luthériens  de  chiens  sangui- 
naires, d'idolâtres  et  de  sophistes.  11  mourut  le  19  avril  1560, 
âgé  de  soixante- trois  aus,  le  cœur  brisé  de  douleur  et  témoin 
des   fruits  empoisonnés  que  produisaient  les  nouvelles  doc- 


510  HISTOIRE    DE    l-'ÉGLISE. 

trines.  II  devenait  chaque  jour  pins  manifeste  que  le  principe 
formel  du  protestantisme,  l'autorité  exclusive  de  la  Bible,  était 
impuissant  à  décider  les  controverses  dogmatiques  ;  qu'on  ne 
pouvait  point  se  passer  de  l'ancienne  tradition;  que  l'incertitude, 
l'inconstance  régnaient  dans  les  dogmes  même  les  plus  impor- 
tants; que  l'immoralité,  enfin,  gagnait  de  jour  en  jour.  Les 
opinions  divergentes  furent  vivement  combattues  ;  on  main- 
tint les  anciennes  lois  contre  les  hérétiques,  et,  à  la  fin,  ce 
furent  les  gouvernements,  au  lieu  des  papes  et  des  conciles, 
qui  portèrent  les  décisions.  Une  agitation  révolutionnaire  se 
révéla  dès  le  principe  au  sein  des  nouvelles  Églises,  et  les 
princes  civils  essayèrent  de  l'étouffer. 

Cette  autorité  (}ue  les  souverains  exerçaient  sur  les  Églises 
territoriales,  substituées  à  l'unique  et  grande  Église  catho- 
lique, on  essaya  peu  à  peu  de  la  justifier,  soit  par  des  textes 
de  la  Bible,  soit  par  de  nouvelles  théories.  Les  uns  préten- 
dirent que  la  souveraineté  ecclésiastique  avait  été  dévolue  aux 
princes  par  la  paix  d'Augsbourg,  en  qualité  de  premiers  évo- 
ques (système  épiscopal)  ;  les  autres,  qu'elle  leur  appartenait 
déjà  en  vertu  de  leur  souveraineté  temporelle,  et  qu'ils  ne  fai- 
saient qu'en  reprendre  possession  (système  territorial)  ;  d'autres 
enfin,  mais  beaucoup  plus  tard,  que  ce  pouvoir  leur  avait  été 
conféré  d'une  manière  révocable  par  les  communes  (système 
collégial).  Et  c'est  ainsi  que  le  césaro-papisme,  cette  tyraimie 
inconnue  de  l'ancienne  Église  chrétienne,  atteignit  son  plus 
haut  période. 

Chez  les  calvinistes,  la  notion  de  l'indépendance  religieuse  se 
maintint  beaucoup  mieux  que  parmi  les  luthériens,  sans  être 
cependant  appliquée  partout  dans  toute  son  étendue.  Les 
livres  symboliques  devaient  remédier  au  défaut  de  précision 
dans  la  doctrine;  malhenrensement,  ils  n'avaient  (ju'une  auto- 
rité humaine  ;  on  pouvait  les  rejeter  en  alléguant  qu'ils  étaient 
contraires  à  l'Écriture,  ou  les  interpréter  d'une  façon  arbitraire. 
L'un  et  l'autre  furent  faits  dans  de  vastes  proportions.  Les 
prédicateurs  de  la  campagne,  la  plupart  ignorants,  firent  peu 
de  résistance  ;  mais^  dans  les  universités  et  dans  le  cercle  des 
surintendants,  les  controverses  furent  d'autant  plus  nom- 
breuses. 


LE    l'RüTKSTAiNTlSMK.  511 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET  REMARQUES   CRITIQUES    SIR   LE    N°  210. 

En  1527,  Aquila  reprochait  déjà  à  Mélanchthon  d'être  redevenu 
papiste  sur  la  doclriue  de  la  pénitence  (dorp.  Reform.,  IV,  9ö9); 
depuis  1533,  il  fut  attaqué  par  Cordatus,  Amsdorf  et  Strigel;  après  sa 
mort,  A.  Musculus  voulait  qu'on  le  brûlât  avec  ses  écrits  comme  héré- 
tique. Dœllinger,  Réf.,  III,  p,  302,  304  et  suiv.;  Il,  p.  398  et  suiv. 
Autres  détails  sur  M.,  ibid.,  I,  p.  407  et  suiv.;  cf.  p.  280  et  suiv., 
384  et  suiv.  Cruciger,  ibid.,  II,  p.  146-152.  Brenz,  sur  l'ubiquité,  ibid., 
II,  p.  363-365.  Voy.  encore  les  ouvrages  cités  sur  le  §  16.  —  Gieseler, 
K.-G.,  III,  11,  Ho  et  suiv.  (Onno  Klopp)  Studien  über  Kath.  u.  Protest. 
u.  Gevissensfreiheitin  Deutschld,  Schafl'house,  1857.  Auteurs  cathol.  : 
Balmès,  der  Protest,  verglichen  mit  dem  Kathol.,  trad.  de  l'espag., 
Ratisb.,  1845  et  suiv.,  3  vol.;  Perrone,  der  Protest,  u.  die  Glaubensre- 
gel., trad.  de  l'italien,  Ratisb.,  1856,  3  vol.;  Nicolas,  ueber  das  Berhaelt- 
nisz  des  Protest,  u.  sœranill.  Hœresien,  zum  Socialisraus,  Mayence  et 
Paderborn,  1853;  Dœllinger,  Kirche  u.  Kirchen,  Munich,  1861,  p.  93 
et  suiv.,  190  et  suiv.,  386  et  suiv.;  Robelot ,  de  l'InÜuence  de  la 
réforme  de  Luther  sur  la  croyance  religieuse,  Paris,  1823,  en  allem, 
par  Raesz  u.  VVeisz,  Mayence,  1823,  contre  Villers,  Essai  sur  l'esprit  et 
lintl.  de  la  réf.  de  Luther,  Paris,  1822;  (Kerz)  ueber  den  Geist  und 
die  Folgen  der  Ref.,  Mayence,  1821  ;  Kuhn,  die  formalen  Principien  des 
Kath.  u.  Prot.  (Tüb.  Quartalschr.,  1858);  Bossuet,  Hist.  des  variations 
(passim).  Sur  la  Tradiliou  :  Lessing,  Axiomata  wider  den  Pastor  Gœtze, 
Voy.  OEuvr.,  éd.  Lachmaun,  X,  133-251  ;  Bucer,  A^oL,  dans  Hottinger. 
H.  E.  soec.  XVI,  t.  III,  p.  671,  683.  Divergences  des  opinions  : 
Mélanchth.,  dans  le  Corp.  Ref.,  II,  917  et  seq.,  977,  978;  III,  65  ;  Dœl- 
linger, III,  p.  303.  Immoralité  chez  les  protestants:  Gerbel,  prof,  à 
Strasbourg,  1560;  H.  Eobani  Hessi  Epist.  tertius  libell.,  éd.  Camerar., 
Lips.,  1561,  n.  3  ;  Melchior  Specker,  Von  der  herrlichen  Zukunft  Jesu 
Christi,  Strasb.,  1555  et  suiv.,  p.  78,  86;  Nikol.  Florus,  1578,  1583; 
ürban  Regius,  Eberh.  VVeideusee,  dans  Dœllinger,  II,  p.  57,  61  et  suiv., 
73.  Persécution  des  dissidents  et  exécutions  d'hérétiques  :  Arnold, 
K. -Historie,  II,  p.  643;  Strobel,  Miscell.,  I,  p.  170;  Heeusser,  Gesch  der 
rheiu.  Pfalz,  II,  p.  45  et  suiv.;  Dœllinger,  Kirche  u.  Kirchen,  p.  81  ; 
Hist. -pol.  Bl.,  t.  III,  p.  528-548.  Mouvement  révolutionnaire,  ibid., 
t.  IX,  p.  737-770;  mon  ouvrage  cité,  490  et  suiv.  Despotisme  en  matière 
ecclésiastique  :  Dœllinger,  Kirche,  p.  53  et  suiv.;  Reform.,  III,  p.  226  et 
suiv.;  Il,  p.  481  et  suiv.  (Jean  Wigand,  de  Bonis  et  Malis  Germ.,  ap. 
Petr.  Brubach,  1566,  p.  34,  82,  91  et  seq.),  550-552  (Jean  Wirth)_ 
Mélanchthon  fondait  le  pouvoir  des  princes  temporels  en  matière 
ecclésiastique  sur  la  convention  de  Naumburg,  1554,  d'après  leps.  xxui 
7  :  »<  AttoUile  portas,  principes,  vestras  »,  et  Isai.,  xux,  23  :  «  Reges 


.M2  iiisroiUE  DJi  l'église. 

mitritii  »,  selon  la  Vulgate  (Canierar.,  Vita  Melanchlh.,  éd.  Slrobel, 
p.  319.  Voy.  Unschuldige  Nachrichten  von  1714,  p.  541-bb^;  K.-A. 
Menzel,  III,  p.  S30  et  suiv.).  Le  gouvernement  ecclésiastique  des  princes 
est  mentionné  dans  l'Apologie  de  la  Confession  d'Augsbourg,  art.  9; 
dans  le  préambule  de  la  Formule  de  concorde;  dans  la  Confession 
écossaise,  c.  xxiv;  dans  la  Confession  belge,  c.  xxxvi;  dans  la  Confes- 
sion anglicane,  c.  xxxvii  ;  dans  la  Confession  de  la  Marche,  etc.  Capito, 
dans  sa  «  Responsio  de  Missa,  matrimonio  et  jure  magislratus  in  reli- 
gionem  »,  Argentor.,  1340,  in-f°,  198  et  seq.  (adressée  au  comte 
palatin  Rupert,  au  nom  des  prédicauls  de  Strasbourg),  disait  hardi- 
ment: «  Jésus-Christ  a  doué  les  princes  de  la  sagesse  du  gouvernement 
et  les  a  établis  chefs  de  son  Église  sur  la  terre  ;  les  princes  ont  le  droit 
do  diriger  et  de  punir  les  prédicateurs,  de  déterminer  la  forme  du 
service  divin;  de  supprimer  les  anciens  usages  et  d'introduire  la 
nouvelle  doctrine.  »  (Cf.  Dœilinger,  Reform.,  II,  p.  i*2  et  suiv.)  Autres 
détails  ci-dessous,  VIII,  §  189.  En  faveur  d'une  plus  grande  liberté 
ecclésiastique,  d'après  cette  maxime  de  Calvin  :  «  Ecclesia  est  sui 
juris  »,  voy.  l'anglican  Beveridge  dans  la  préface  de  son  Synodicon, 
seu  Pandecte  canonum,  Oxon.,  1672,  in-f°,  p.  I  et  seq.  Livres  symbo- 
liques des  luthériens,  éd.  Hase,  Lips.,  1837;  des  réformés,  éd.  Au- 
gusti,  Elberf.,  d827;  Niemeyer,  Lips.,  1840.  Les  articles  de  la  visita- 
tien  de  l'électeur  de  Sa.xe  se  plaignent  des  prédicateurs  ignorants, 
1557.  Voy.  encore  Hist.-pol.  Bl.,  t.  VI,  p.  596  et  suiv.;  t.  X,  p.  209  et 
suiv.,  529  et  suiv.  Gieseler,  op.  cit.,  p.  352  et  suiv.;  Walter,  K.-R., 
§§  38-42,  13«=  éd. 

QUERELLES  THÈOLOGIQUES. 
1°  Parmi    le»>    luthériens. 

L'antinomisme. 

211.  La  querelle  autinomiste  fut  soulevée  par  Jean  Agricola, 
né  à  Eisleben  en  1492.  Cet  ami  de  Luther  essaya  d'abord  do 
présenter  la-  loi,  rÉvaiigile  et  la  pénitence  dans  un  ordre  dilFé- 
rciil  de  celui  qu'avait  étal)U  Luther.  Sa  pensée,  que  lui-même 
no  débrouillait  que  confusément,  était  celle-ci  :  Avec  le  dua- 
lisme trop  mécanique  de  Luther,  on  n'aboutira  jamais  à  une 
véritable  pénitence  ,  la  prédication  de  la  loi  ne  peut  engendrer 
dans  le  pécheur  ()u'une  stérile  frayeur,  dénuée  de  vertu 
sanctiliante  ;  l'Évangile,  conçu  comme  une  simple  promesse, 
une  cons(tlation,  ne  [»eut  qu'étouffer  le  véritable  esprit  de  péni- 
tence; il  faut,  au  contraire,  se  servir  de  l'Evangile  pour  pré- 


LE   PROTESTANTISME.  '       513 

cher  la  pénitence,  car  l'Évangile  enseigne  la  passion  et  la  mort 
du  Seigneur. 

En  1527,  Agricola  combattit  cette  idée  de  Mélanchtlion  qu'en 
prêchant  la  pénitence,  il  fallait  recourir  à  la  Loi  pour  exciter 
une  crainte  salutaire  de  Dieu,  et  il  enseigna  dans  son  Caté- 
chisme que  la  vraie  pénitence  ne  vient  que  de  l'Évangile. 
Luther,  à  cette  époque,  envisageait  cette  dispute  comme  une 
pure  logomachie.  Cependant  Agricola  continua  de  travailler  à 
Eisleben;  en  1536,  il  retourna  à  Wittenberg  en  qualité  de  pro- 
fesseur, et  y  renouvela  la  controverse  en  1537.  Il  s'accommo- 
dait mal  de  cette  doctrine  de  Luther,  que  la  «  Loi  mosaïque  » 
comprend  toute  la  partie  morale  de  la  religion,  à  l'exclusion  de 
l'Évangile.  Lui  aussi  il  croyait  que  k  Loi  mosaïque,  en  tant 
qu'elle  excite  la  crainte  et  fait  entendre  des  menaces,  est  abo- 
lie, même  dans  ses  préceptes  moraux,  y  compris  les  dix  comman- 
dements ;  mais  il  n'écartait  point  tout  élément  moral,  puisque 
la  charité  doit  aussi  régner  sous  l'Évangile.  Lui  aussi  rejetait 
les  œuvres  des  catholiques  et  conservait  le  dogme  luthérien  de 
la  justification,  mais  non  toutefois  sans  se  contredire. 

Luther  l'attaqua  cette  fois  avec  beaucoup  de  violence  et  déna- 
tura complètement  la  question  ;  il  fit  semblant  de  croire 
qu'Agricola  (Grrikel,  comme  il  l'appelait)  ne  voulait  qu'élimi- 
ner la  loi  morale  et  ouvrir  la  porte  à  tous  les  péchés.  Mélanch- 
thon  n'était  pas  moins  déloyal.  Tandis  que  Luther  attribuait  la 
crainte  à  la  Loi  et  la  consolation  à  l'Évangile,  Agricola  pensait 
que  l'une  et  l'autre  devaient  se  trouver  dans  l'Évangile  ; 
Luther,  lui,  ne  voyait  dans  l'Évangile  qu'une  prédication  con- 
solante, qui  donnait  la  certitude  du  salut  ;  Agricola  y  trouvait, 
en  outre,  des  prescriptions  morales,  surtout  dans  la  vie  et  la 
mort  de  Jésus-Christ. 

On  avait  tort  d'accuser  Agricola  d'antinomisme.  Il  se  défen- 
dit vainement  contre  les  reproches  de  Luther,  qui  écrivit  six 
dissertations  contre  lui  (1538-1540).  Ses  écrits  furent  interdits 
et  lui-même  fut  menacé  dans  sa  liberté.  Il  fit  une  rétractation 
absolument  telle  que  le  demandait  Luther;  mais  Luther  ne  fut 
point  encore  apaisé  :  il  continua  de  le  dépeindre  comme  un 
réprouvé,  un  homme  satanique,  et  alla  jusqu'à  lui  reprocher  sa 
patience  dans  les  mauvais  traitements  qu'il  endurait.  Agricola 
avoua  lui-même,  dans  une  supplique  au  prince  électeur  (mars 
v. — msT.  DE  l'église.  33 


514  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

1540),  qu'il  avait  rampé  devant  Luther  comme  un  pauvre  petit 
chien.  Il  devint  prédicant  à  Berlin  en  1540.  Quand  il  arriva 
en  1545  à  Wittenberg-,  avec  une  lettre  du  prince  électeur  de 
Brandebourg,  Luther,  qui  savait  parfaitement,  quand  il  le 
voulait,  rendre  la  vraie  pensée  d'Agricola  (il  mourut  en  15G6), 
se  montra  irréconciliable. 

Luther,  en  1545,  distinguait  deux  classes  d'hommes  :  ceux 
qui  ne  connaissent  pas  encore  leurs  péchés  et  n'ont  aucune 
frayeur  de  la  colère  de  Dieu,  ceux  qui  sont  efîrayés  et  craintifs  ; 
aux  premiers,  disait-il,  il  nefaut  prêcher  que  la  loi,  aux  seconds 
que  l'Évangile  ;  les  antinomistes,  qui  confondaient  l'une  et 
l'autre,  comme  si  on  devait  d'abord  prêcher  la  grâce  et  seule- 
ment après  etlraycr  par  la  colère,  ne  savaient  pas  ce  que  c'était 
que  colère,  grâce,  pénitence,  consolation.  Il  donnait  au  terme 
d'antinomisto  des  sens  très  divers;  il  appelait  ainsi  :  1°  ceux 
qui  enseignent  qu'on  ne  doit  pas  punir  les  péchés  ni  effrayer 
les  gens  par  la  Loi  (Luther,  dans  le  principe,  l'enseignait  lui. 
même,  ainsi  que  Jacques  Schenk  à  Fribourg,  Tilemann  Krage 
à  Hildesheim,  le  pasteur  Stiefel,  ancien  ami  de  Luther,  qui  se 
justifia  dans  un  écrit  en  1501)  ;  2°  ceux  qui  ne  voulaient  point 
tolérer  les  semonces  ou  discours  contenant  des  injures  per- 
sonnelles et  que  les  prédicants  luthériens  donnaient  d'ordi- 
naire pour  des  sermons  sur  la  Loi  ;  3°  toutes  les  classes 
d'hommes  qui  lui  déplaisaient,  même  les  partisans  de  la  doc- 
trine calviniste  sur  l'inamissibilité  de  la  justification,  de  la 
foi  et  de  la  grâce  (teile  que  l'enseignait  Thomas  Naogeorgus, 
pasteur  à  Kahla,  et  le  pasteur  Aureus,  déposé  en  1535  et  exé- 
cuté plus  tard  comme  adultère). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"   211. 

Walcli,  Einl.  in  die  Rel.  Streitigkeiten  der  luth.  K,,  léna,  1733; 
Planck,  Gesch.  der  prot.  theol.  Lit.  bis  z.  Concord. -Formel,  Nurenb., 
1S48;  Heppe,  Gesch.  des  deutschen  Protest.,  Iööl-lö81,  Leipzig,  1832, 
4  vol.;  Dorner,  Gesch.  der  j)rot.  Theologie,  Munich,  1867;  Hasse,  K.- 
G.,  éd.  Kœhler,  t.  III;  Gieseler,  K.-G.,  III,  ii,  p.  187  et  suiv,;  Frank, 
Gesch.  d.  prot.  Dogm.,  Leipzig,  1862,  th.  i. 

Schrœckh,  K.-G.  seit  der  Keform.,  IV,  p.  530  et  suiv.;  Klwert,  de 
Antinomia  Agricolse,  Tur.,  1837;  Nitzsch,  neher  Gesetz,  Evang.  u.  s. 
f.  (deutsche  Ztschr.,  18Ö1,  n.  10);  Dœllinger,  Réf.,  111,  p.  372-397. 
Contre  les  18  propositions  d'Agricola,  Positiones  inter  fratrcs  sparsse 


LE    PROTESTANTISME.  515 

Luthers  disputationes  :  »Walch,  L.-W.,  th.  xx,  p.  2014  et  suiv.; 
Mélanchth.,  Epp.,  t.  I,  p.  91ö.  Cependant  Luther  montre  une  intelli- 
gence plus  exacte  de  la  situation,  quand  il  dit  d'Agricola  :  «  Si  ipse 
pœnitentiam  ex  amore  justitiae  vult  prœdicare,  tune  tantum  justis 
prsedicet.  »  (Colloquia,  éd.  Rebenstock,  II,  47.)  Le  contraire  dans  un 
sermon  de  1545  :  Walch,  th.  xix,  p.  1794  et  suiv.  Sur  l'opposition  entre 
la  Loi  et  l'Évangile,  selon  Luther,  voy.  Com.  in  Gai.,  1535,  Francof., 
1543,  in-f»,  267  et  seq.;  Dœllinger,  III,  p.  34-51. 

212.  Mélanchthon  lui-même,  surtout  après  sa  mort,  fut  accusé 
d'antinomisme,  après  l'avoir  tant  de  fois  combattu.  Il  disait,  en 
effet,  dans  sa  Confession  d'Aug-sbourg  corrigée  par  lui,  que 
l'Évangile  punit  le  péché  et  prêche  la  pénitence.  Cette  doctrine 
fut  adoptée  par  les  mélanchthoniens  Crucifer  le  Jeune,  Paul 
Krell,  Pezel,  Hemming  de  Copenhague,  et  combattue  par  Wi- 
gand,  Judex  et  autres  luthériens  rigides.  Alors  on  défmit 
l'antinomisme  une  doctrine  qui  ravit  à  la  loi  son  objet  pro- 
pre et  admet  que  l'Évangile  est,  dans  le  sens  rigoureux  du 
mot,  une  prédication  de  la  pénitence. 

Wigand  et  les  siens  soutenaient  que  l'Évangile  était  une  pro- 
messe delà  grâce,  simple  et  sans  conditions;  qu'il  ne  fallait  pas 
mêler  la  Loi  et  l'Évangile.  Abdias  Prsetorius,  de  Francfort- 
sur-l'Oder,  attaqua  vivement  cette  distinction;  il  trouvait  à  la 
fois  dans  l'Évangile  la  Loi  et  l'exhortation  à  la  pénitence.  Les 
théologiens  de  Mansfeld  l'appelaient  antinomiste.  André  Mus- 
culus lui  reprocha  de  faire  de  Jésus-Christ  un  nouveau  Moïse 
et  d'enlever  toute  sécurité  à  la  conscience.  Quant  à  Musculus  et 
à  ses  partisans  de  la  Marche,  ils  faisaient  partie  de  cette  classe 
d'antinomistes  qui  (selon  Praetorius)  disaient  que  les  fidèles  sont 
affranchis  de  la  loi,  que  le  Décalogue  ne  regarde  que  les  impies; 
ils  rejetaient  Moïse  et  le  traitaient  de  prédicateur  du  diable. 

Cette  sorte  d'antinomisme,  qu'adoptait  également  Antoine 
Otton,  à  Nordhausen,  s'appuyait  sur  l'Épitre  aux  Galates  inter- 
prétée par  Luther,  et  donnait  lieu  à  de  violentes  sorties  contre 
Mélanchthon.  On  était  d'accord  pour  assigner  à  la  Loi  un  double 
usage  et  une  double  fin  :  1°  une  fin  politique,  consistant  à 
maintenir  la  discipline  dans  la  société  ;  2°  une  fin  théologique, 
consistant  à  amener  l'incrédnle  à  la  connaissance  de  ses  péchés 
et  à  l'effrayer  par  les  jugements  de  Dieu.  Mélanchthon  lui 
attribuait  une  troisième  fin  (de  là  le  nom  de  tertianistes)  :  celui 


516  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

qui  était  régénéré  avait  besoin  qu'on  lui  prêchât  la  Loi,  à  cause 
du  vieil  Adam  qu'il  continuait  de  porter  en  lui.  Cette  théorie, 
qui  prévalut  bientôt,  surtout  dans  la  formule  de  Concorde,  fut 
combattue  par  Otton  et  ses  partisans  (eux  aussi  étaient  traités 
d'antinomistes).  Le  troisième  usage,  disaient-ils,  ne  peut  être 
distingué  de  l'usage  politique  ;  la  Loi  ne  doit  pas  pénétrer 
dans  la  conscience,  où  l'Évangile  règne  seul  avec  son  esprit  de 
liberté.  Cependant,  comme  la  formule  de  Concorde  résolvait 
négativement  la  question  si  lÉvangile,  pris  dans  le  sens  rigou- 
reux, prêchait  la  pénitence,  elle  fut  vivement  combattue  par 
les  théologiens  de  Nurenberg  et  de  Magdebourg. 

OUVBAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  212. 

Sur  Mélanchlhou  :  Uœllinger,  II,  p.  293  et  suiv.  Controverse  entre 
Abdias  Prtetorius  (pliilippisle)et  Andi'é  Musculus  (antiphilippisle),  ibid., 
II,  p.  394  et  suiv.;  Ch.  W.  Spieker,  Lebensgesch.  des  Andreas  Muscu- 
lus, Geueralsuperintendent  der  Mark  Brandenb.,  Francf.-sur-l'Oder, 
1838.  Sur  le  troisième  usage  de  la  Loi,  voy.  les  lettres  de  Néaudre  et 
de  A.  Otton  à  Flacius,  dans  Dœllinger,  III,  Anh.,  p.  3-12. 

Controverse  d'Osiandre. 

213.  André  Osiandre,  né  eu  1488,  professeur  d'hébreu  à 
Nurenberg  en  1520,  s'éleva  en  1531  contre  le  passage  du  règle- 
ment ecclésiastique  do  cette  ville  où  il  est  dit  que  la  Loi  se  rap- 
porte au  vieil  homme  et  l'Évangile  à  l'homme  nouveau. 
Effrayé  des  tristes  résultats  que  les  nouvelles  doctrines  produi- 
saient sur  le  terrain  de  la  morale,  il  croyait  qu'il  valait  mieux 
admettre  le  contraire.  Depuis  1533,  il  prêcha  également  contre 
l'absolution  générale  qui  avait  remplacé  l'ancienne  confession. 
11  fut  constamment  en  dispute  avec  ses  collègues,  dont  il  s'écar- 
tait aussi  à  propos  de  l'Eucharistie.  Il  maintenait  l'élévation 
comme  symbole  extérieur  de  la  foi  en  la  présence  réelle,  défen- 
dait la  transsubstantiation,  et  cherchait  à  se  rapprocher  des 
catholiques. 

Osiandre  quitta  Nurenberg  en  1547,  se  rendit  en  Prusse,  et 
obtint  en  1549  une  chaire  de  professeur  à  Kœnigsberg.ll  trouva 
dans  le  duc  Albert  un  zélé  partisan  quand  il  se  mit  à  enseigner 
des  doctrines  conformes  aux  vues  d'Agricola.  La  théorie  de  la 
justification,  différente  sur  plusieurs  points  de  la  doctrine  de 


LE   PROTESTANTISME.  517 

Luther,  acquit  une  grande  importance.il  l'avait  déjà  développée 
vers  lo2-4.  Voici  cette  théorie  :  1°  il  ne  faut  pas  confondre  la 
rédemption  ou  la  satisfaction  avec  la  justification  ;  2"  cette  der- 
nière consiste  essentiellement  dans  l'entrée  de  Dieu  en  nous, 
dans  la  demeure  de  la  Trinité  dans  l'homme,  dont  le  premier 
Adam  avait  déjà  joui  ;  3"  c'est  l'humanité  de  Jésus-Christ  qui 
nous  a  procuré  la  satisfaction  ;  elle  est  la  condition  de  cette 
demeure  de  Dieu  en  nous  ;  4°  cette  demeure,  cette  justice 
de  l'homme,  Jésus-Christ  l'opère,  non  par  sa  nature  humaine, 
mais  par  sa  nature  divine  ;  5°  cette  habitation  est  produite  en 
nous  par  la  foi. 

Osiandre  avait  également  conservé  la  théorie  luthérienne  de 
l'impanation.  Selon  lui,  quand  nous  avons  été  rachetés  par 
Jésus-Christ  et  que  nous  croyons  à  la  parole  qui  nous  annonce 
la  félicité  promise,  le  Père  répand  en  nous  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit,  et  nous  tient  désormais  pour  justes,  parce  que  le  Christ, 
le  Saint-Esprit  et  le  Père  habitent  désormais  en  nous,  et  nous 
apportent  la  justice  de  Dieu,  qui  est  Dieu  lui-même.  C'est  ainsi 
que  la  justice  divine  nous  est  imputée  comme  si  elle  était  nôtre, 
et,  afin  qu'elle  nous  soit  imputée  de  plein  droit,  elle  nous  est 
donnée  en  propre  pour  toute  l'éternité.  Cette  habitation  est  le 
résultat  de  la  foi. 

Ces  doctrines  produisirent  à  Kœnigsberg  et  ailleurs  une 
grande  sensation  ;  la  plupart  des  théologiens  étaient  contre 
Osiandre,  mais  ils  furent  loin  de  s'entendre  lorsqu'un  ordre  du 
duc  les  obhgea  de  s'expliquer  sur  la  nature  de  la  justice  qui 
s'obtient  par  la  foi.  Ainsi  naquit  la  controverse  osiandrienne, 
qui  fut  poussée  avec  une  sorte  de  fureur.  Mœrlin  était  le  prin- 
cipal adversaire  d'Osiandre.  Albert  demanda  l'avis  des  théolo- 
giens étrangers  (1551);  Brenz,  dans  le  Wurtemberg,  se  pro- 
nonça pour  Osiandre,  mais  il  eut  de  violentes  disputes  avec 
Mélanchthon  ;  Flacius  composa  plusieurs  écrits  contre  lui.  Le 
margrave  Jean  de  Brandebourg- Kustrin  envoya  (1552)  au  duc 
Albert  la  décision  rendue  par  une  assemblée  de  ses  théologiens, 
lesquels  se  plaignaient  que  le  duc  eût  permis  à  Osiandre,  «  ce 
gros  porc  sauvage,  d'arracher  les  ceps  de  la  vigne  du  Sei- 
gneur». Les  Kœnigsbergeois  disaient  au  peuple  que,  pendant 
qu'Osiandre  faisait  bonne  chère  à  table,  le  diable  écrivait  pour 
lui  sur  son  pupitre  ;  Mœrlin  le  traita  d'Antéchrist. 


Kl  8  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Osiandre  mourut  en  octobre  1552  ;  mais  la  querelle  continua 
avec  ses  partisans.  Albert  demeura  fidèle  à  sa  doctrine,  et  peu 
s'en  fallut  qu'elle  ne  donnât  lieu  à  des  émeutes.  Le  duc  consulta 
des  théologiens  étrangers,  fit  tenir  des  synodes,  et  se  montra 
faible  et  timoré.  L'avis  des  frères  de  Bohême  fut  contraire  aux 
deux  partis.  Mœrlin  et  Venetus  (1566)  finirent  par  l'emporter, 
et  furent  nommés  évêques  régionaux.  En  1567,  le  Corpus  doc- 
trinse  de  Prusse  condamna  l'osiandrisme  et  fut  imposé  à  tous 
les  prédicants.  Après  la  mort  de  Mœrlin  (1571-1573),  le  fana- 
tique Heszhusius  continua  la  persécution  contre  les  osiandriens, 
quoique  ceux-ci  eussent  depuis  longtemps  modifié  leurs  doc- 
trines. En  1601,  l'on    décapitait    Fimk,  partisan  d'Osiandrc. 

François  Stàncar,  professeur  de  théologie  à  Kœnigsberg, 
tomba  dans  l'extrême  opposé.  Jésus-Christ,  disait-il,  ne  peut 
être  appelé  notre  justice  que  selon  sa  nature  humaine,  et  non 
selon  sa  nature  divine,  parce  que  c'est  uniquement  selon  la 
première  qu'il  est  notre  Sauveur,  qu'il  a  répandu  son  sang,  et 
qu'il  nous  a  affranchis  de  la  Loi  en  l'accomplissant.  Staucar 
obligé  de  résigner  ses  fonctions,  alla  à  Francfort,  puis  en  Polo- 
gne, où  il  trouva  également  de  nombreux  adversaires  de  ses 
vues  nestoriennes.  Il  fut  réfuté  par  Calvin  en  1560,  et  mourut 
en  1574. 

Heszhusius  fut  destitué  pour  avoir  enseigné  que  Jésus-Christ 
doit  être  adoré  non  seulcuient  au  concret,  mais  encore  dans  sa 
chair  considérée  abstractivement.  Il  l'avait  déjà  été  pour  d'autres 
motifs  à  Goslar  en  1556,  à  Rostock  on  1557,  à  Heidelberg,  à  Brème, 
à  Magdebourg.  L'ex-évêque  do  Samland  mourut  professeur  à 
Heluistadt,  en  1588.  La  môme  destitution  échut  fréquemment  à 
d'autres  professeurs.  Simon  Musseus  (mort  en  1576)  n'était  pas 
demeuré  plus  de  trois  ans  dans  une  seule  des  quatorze  places 
qu'il  occupa  ;  il  fut  dix  fois  déposé  et  chassé,  le  plus  sou- 
vent pour  son  intolérance  et  son  humeur  disputeuse.  Jean 
Wigand,  si  ingrat  envers  Heszhusius,  autrefois  professeur 
à  léna  (mort  en  1587),  devint  en  1575évêque  de  Poméranie. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR    I.E   N°    213. 

Wilkon,  Oslanders  Leben,  Lehre  und  Scbriflen,  Stralsund,  i830- 
1844;  Ilfcbcrlc,  Os.  Lehre  (Studien  und  Kritiken,  1844);  Ritschi,  die 
Rechtfertigungslehre  des  Oslander  (Jahrbücher  für  deutsche  Theol. 


LE    PROTESTANTISME.  519 

V.  Dorner  u.  Liebner,  II,  livrais.  4);  Mœller,  Dr.  Andreas  Osiander, 
Elberfeld,  1870;  Schrœckh,  IV,  p.  572-587;  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  81- 
95,  100  et  suiv.,  3oÜ;  111,  p.  397-437.  Sur  Joachim  Mœrlin,  ibid.,  II, 
p.  453  et  suiv;  HeszUusius,  ibid.,  II,  p.  458-474;  Simon  Musaeus,  II, 
p.  286-290;  Wiggei-s,  Tilem.  Heszhus.  et  Jean  Drakonites,  Rostock, 
1854;  Wilkens,  T.  Heszhus.,  ein  Sireittheologe  der  luth.  Kirche, 
Leipzig,  1860;  Franc.  Stancarus,  Schrœckh,  IV,  p.  58 i  et  suiv.;  Walch, 
IV,  p.  171  et  suiv.;  Dorner,  Christo!.,  II,  p.  589  et  suiv.  André  Mus- 
culus, depuis  1545  prof,  à  Francfort-sur-l'Oder,  discuta  en  1552  avec 
Stancarus,  et  soutint  que  Jésus-Christ  était  mort  selon  les  deux 
natures;  il  fut  également  attaqué  par  Mélanchthon  :  Dœllinger,  II, 
p.  393. 

Controverses  kargiennes. 

2U.  George  Karg,  né  en  1512,  professeur  à  Wittenberg  en 
1538,  prédicant  à  (Ettingen  en  1539,  plus  tard  à  Schwabach 
et  à  Ansbach,  eut  de  nombreuses  disputes  avec  ses  collègues. 
Jésus-Christ,  disait-il,  est  lui-même,  eu  tant  qu'homme,  assu- 
jetti à  la  Loi  :  par  conséquent,  sa  soumission  à  la  Loi,  sa  passion 
volontairement  acceptée,  ne  sauraient  être  considérées  comme 
l'objet  d'une  imputation  pour  les  hommes  ;  nulle  part  l'Écri- 
ture n'enseigne  l'imputation  de  la  justice  de  Jésus-Christ  ;  on 
peut  bien  souffrir,  mais  non  être  pieux  pour  autrui.  Karg  n'ad- 
mettait pas  que  la  justice  du  Sauveur  fût  la  cause  formelle  de 
notre  justification,  parce  qu'elle  n'est  qu'excitante.  Il  fut  com- 
battu en  1569  par  Ketymann,  prédicant  à  Ansbach,  ensuite 
par  lleszhusius  et  par  d'autres. 

Paul  Éber  et  d'autres  théologiens  de  Wittenberg  discutèrent 
vainement  avec  lui.  Comme  tous  les  théologiens  luthériens  et 
les  princes  protestants  le  tenaient  pour  hérétique,  il  fut  obligé 
de  se  rétracter  (1570)  et  de  promettre  qu'il  se  conformerait  de 
tout  point  aux  idées  de  Luther  et  de  Philippe.  Il  se  passa  un 
long  temps  avant  que  les  vues  de  Karg  trouvassent  désormais 
des  partisans  auprès  des  luthériens;  mais  elles  furent  adoptées 
par  des  calvinistes,  ainsi  que  par  Piscator  et  Ursinus,  l'auteur 
du  Catéchisme  d'Ileidelberg.  Déjà  en  1563,  Karg  avait  eu  une 
controverse  sur  la  cène,  pour  avoir,  dans  son  Catéchisme 
d'Ansbach,  résolu  négativement  cette  question  :  Le  corps  do 
Jésus-Christ  n'entre-t-il  pas  aussi  dans  l'estomac   quand  on 


520  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

fait  la  communion  spirituelle?  Le  doyen  Tettelbach  voulait 
qu'on  répondit  affirmativement. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"   214. 

Dœllinger,  III,  p.  b64  et  suiv.;  Anh.,  p,  i5  et  suiv.;  Schrœckh,  V, 
p.  3o8  ;  Sixt,  Dr.  Paul  Éber,  Heidelberg,  1843,  et  Paul  Éber,  ein  Stück 
Wittenberger  Lebens,  1532-1569,  Ansbach,  1857.  Selon  Luther,  il  y 
eut  échange  formel  de  rôle  entre  Jésus-Christ  et  le  pécheur,  en  ce  que 
Jésus-Christ  fit  et  souffrit  tout  ce  que  le  pécheur  aurait  dû  faire  et 
souffrir;  il  est  même  devenu  pécheur  par  nous  (par  pure  imputation), 
et  a  souffert  les  peines  des  damnés  (Dœllinger,  III,  p.  80  et  seq.).  Karg 
combattit  résolument  cette  substitution  de  rôles  et  cette  sorte  d'impu- 
tation. Autres  luthériens  sur  ce  point  (voy.  ibid.,  p.  555-568).  Contro- 
verse de  Karg  sur  la  cène  :  Lang,  Hist.  de  Baireuth,  t.  III,  p.  360  (en 
allem.). 

Controverse  sepinienne. 

215.  Jean  ^pinus,  pasteur  depuis  1529,  surintendant  à  Ham- 
bourg en  1532,  mort  en  4553,  enseigna  ce  qui  suit,  à  partir  de 
45M  :  L'âme  de  Jésus-Christ,  après  le  supplice  de  la  croix,  est 
vraiment  desceaduo  en  enfer  et  a  souffert  les  tourments  des 
damnés  :  c'est  là  une  partie  de  son  œuvre  do  rédemption.  Les 
prédicants  et  bientôt  le  peuple  se  divisèrent  en  deux  partis  : 
l'un  prétendait  que  la  rédemption  de  Jésus-Christ  finissait  à 
sa  mort  (consummatistes),  l'autre  voulait  que  Jésus-Christ  eût 
souffert  en  enfer  (iufcrnalistos,  aepinistes).  Le  magistrat  imposa 
aux  prédicants  une  formule  d'enseignement,  et  consultales théo- 
logiens do  Wittenberg.  Mélanchthon,  dans  son  avis,  évita  do 
s'expUquer  sur  cette  question  et  se  contenta  d'exhorter  à  la 
paix.  Le  magistrat  chassa  de  la  ville  les  adversaires  d'^Epinus, 
et  permit  à  celui-ci  de  répandre  sa  doctrine,  qui  trouvait 
encore  quelques  représentants,  même  au  dehors  ;  mais  beau- 
coup la  traitaient  d'hérétique. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°   215. 

Grève,  Memoria  /Epini  iustaurata,  Ilamb.,  1736,  p.  95  et  suiv.; 
Beil.,  XI,  p.  181  ;  Planck,  Gesch.  des  prot.  Lehrbogriffs,  V,  i,  p.  252  et 
suiv.;  Franck,  Theol.  d.  Concordienformel,  111,  p.  497  et  suiv.;  Dœl- 
linger, Réf.,  II,  p.  485  et  suiv. 


LE  PROTESTANTISME.  521 

Controverse  adiaphoriste. 

216.  La  controverse  adiaphoriste  se  rattachait  à  V intérim  de 
Leipzig  (en  1348).  Mathias  Flacius ,  surnommé  lUyricus, 
parce  qu'il  était  né  dans  l'illyrie  vénitienne,  était  venu  à  Wit- 
tenberg en  1341,  à  l'âge  de  vingt  et  un  ans.  Introduit  auprès 
de  Luther  par  le  diacre  Bachofen,  il  devint  son  ami  et  celui  do 
Méianchthon,  et  fut  nommé  professeur  d'hébreu  en  1344.  Il 
était  violent  et  passionné,  et  avait  des  accès  de  mélancolie  qui 
allaient  quelquefois  jusqu'au  désespoir  ;  il  reprochait  à  Mé- 
ianchthon et  à  ses  collègues  de  sacrifier  lâchement  la  vérité  en 
essayant,  par  leur  condescendance  sur  la  question  de  Vinterim, 
d'accorder  Jésus-Christ  avec  Déliai,  et  il  sortit  furieux  de  Wit- 
tenberg. Après  des  pourparlers  avec  les  luthériens  résolus  du 
Nord,  il  se  fixa  à  Magdebourg,  auprès  de  Nicolas  Amsdorf,  de 
Gallus  et  autres  gens  du  même  bord. 

A  Magdebourg,  dont  les  bourgeois  bravaient  audacieusement 
l'empereur  aussi  bien  que  le  pape,  Flacius  attaqua  sans  ména- 
gements, dans  une  foule  d'écrits,  Vi?iierim  d'Augsbourg  et  les 
théologiens  de  Wittenberg,  qui  étaient  en  train,  disait-il,  de  re- 
tourner au  papisme.  Méianchthon  profita  de  toutes  les  occasions 
pour  lui  faire  sentir  le  poids  de  sa  colère.  Les  princes  et  les 
villes  essayèrent  vainement  d'intervenir  entre  les  antiinteri- 
mistes  (les  flacieus),  et  les  interimistes  (les  philippistes).  Il  en 
résulta  plutôt  de  nouvelles  querelles.  Flacius,  devenu  célèbre 
par  ses  Centuries,  fut  appelé  à  léna,  où  lui  et  ses  sectateurs 
(dès  1337)  prirent  une  attitude  décidée.  Déposé  et  banni  ainsi 
que  ses  partisans  en  1361,  il  se  rendit  auprès  de  Gallus  à 
Ratisbonne,  à  Anvers  en  1366,  puis  à  Francfort- sur-le- M  ein, 
et  enfin  à  Strasbourg  en  1367;  il  mourut  à  Francfort  en  1575, 
comme  un  fauve  qui  périt  dans  les  tortures  de  la  rage. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES  SUR   LE   N°  216. 

Schrœckh,  I,  p.  692-695;  IV,  p.  544-547;  Planck,  I,  p.  86  et  suiv.; 
Dœllinger,  II,  p.  224-255;  cf.  p.  143  ot  suiv.  La  controverse  fut 
renouvelée  dans  de  plus  larges  proportions  au  temps  des  piétistes. 
Voyez  ci-dessous,  VUI,  §  230. 


522  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Le  majorisme. 

217.  Luther  avait  refusé  aux  bonnes  œuvres  toute  espèce  de 
mérite  auprès  de  Dieu  ;  Mélanchthon,  en  d535,  déclarait  que  la 
nouvelle  obéissance  consistait  dans  les  bonnes  œuvres  et 
qu'elles  étaient  nécessaires  au  salut.  L'intérim  de  Leipzig  et 
celui  d'Augsbourg  avaient  adopté  la  même  doctrine.  L'un  des 
auteurs  de  Vinterim  de  Leipzig  était  George  Major,  profes- 
seur à  Wittenberg,  puis  surintendant  (1552)  au  comté  de 
Mansfeld.  En  1551,  Nicolas  Amsdorf  l'attaqua  comme  adiapho- 
riste,  et  l'accusa  de  nier  la  doctrine  de  la  justification.  Dans 
cette  longue  controverse,  Major  fut  suspecté  de  papisme  par 
Flacius  et  Gallus,  par  les  gens  d'Iéna  et  autres  luthériens. 
AmsdorfT  alla  jusqu'à  soutenir  que  les  bonnes  œuvres  sont  pré- 
judiciables au  salut;  Major  maintint  que  personne  ne  se  sau- 
vait par  de  mauvaises  œuvres  et  sans  en  pratiquer  de  bonnes, 
tout  en  essayant  de  mettre  cette  proposition  en  harmonie  avec 
la  doctrine  de  Luther  sur  la  justification.  Le  tumulte  contre  le 
majorisme  devint  de  plus  en  plus  fort  :  Major  dut  quitter  le 
pays  de  Mansfeld,  et,  malgré  toutes  ses  concessions,  il  fut  traité 
sans  pitié. 

Just  Ménius  s'intéressa  au  persécuté,  et  assura  qu'il  ne  voyait 
aucune  hérésie  dans  ce  qu'il  enseignait,  Âmsdorf  et  ses  amis 
déchaînèrent  sur  lui  leur  colère;  il  fut  suspendu  en  155G,  et 
une  commission  de  théologiens  établie  à  Eisenach  l'obUgea  de 
se  rétracter,  bien  (}u'il  eût  confondu  ses  adversaires  (mort  en 
d558).  Le  colloque  d'Altenbourg,  qui  fut  ufi  simple  échange 
d'écritures  entre  les  théologiens  de  l'électeur  de  Saxe  et  ceux 
du  duc  Jean-GuillauQie,  n'eut  point  de  résultat.  Major  lui-même 
mourut  à  Gotha  en  1574,  dans  une  grande  pauvreté. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   RKMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE   N°   217. 

Schrœckh,  IV,  p.  548-552;  Dœllingcr,  II,  p.  162-179;  III,  p.  493-555. 
Doctrine  de  Luther  sur  les  bonnes  œuvres,  voyez  ibid.,  p.  90-105.  A 
celte  controverse  se  rattachent  également  les  lettres  d'Abdias  Praito- 
rius  à  Joachim  II  de  Brandebourg,  et  d'Alésius  à  Just  Ménius,  données 
là  môme  en  supplément,  III,  iv,  p.  13-15.  Sur  Ménius,  voy.  II,  p.  176. 
Lutte  dans  le  comté  de  Mansfeld,  où  un  concile  tenu  en  1554,  sous 
Sarcérius,  condamna  le  majorisme  et  déposa  Etienne  Agricola,  ibid.; 


LE   PROTESTANTISME.  523 

II,  p.  271.  Colloque  d'AItenbourg,  ibid.,  III,  p.  533  et  suiv.  :  Acta 

Collüi|iiii  Altenburg.,   Lips.,  1370,    in-f°;  Lœber,  ad  Hist.  CoUoquii 
Allenburg.  Animadvers.,  Altenb.,  1776,  in-4°. 


Le  synergiszne. 

218.  La  question,  si  l'homme  coopère  avec  Dieu  dans  l'œuvre 
de  sa  conversion,  suscita  la  querelle  synergiste.  Luther,  et 
avant  lui  Mélanclithon,  avaient  répondu  négativement.  Mé- 
lanchthon  modifia  bientôt  son  sentiment,  ainsi  qu'on  le  voit 
déjà  par  la  Confession  d'Augsbourg.  L'édition  de  lo3o  de  ses 
Lieux  théologiques  contenait  cette  assertion,  souvent  attaquée 
dans  la  suite,  que  trois  causes  concourent  à  l'œuvre  de  la  con- 
version :  la  parule,  le  Saint-Esprit  et  la  volonté  de  l'homme, 
lequel,  loin  de  rester  oisif,  résiste  à  sa  propre  faiblesse.  Cette 
nécessité  du  concours  de  l'homme  (synergisme)  avait  également 
passé  dans  Yinterim  de  Leipzig.  Mélanchthon  savait  bien  que 
Luther  avait  soutenu  le  contraire  jusqu'à  sa  mort:  c'est  pour- 
quoi il  ne  voulut  poiut  à  Worms  (1557)  condamner  la  doctrine 
qui  niait  le  libre  arbitre, 

Jean  Pfefünger,  professeur  à  Leipzig  depuis  4549,  soutint 
dans  une  dispute  (1550)  la  nécessité  du  concours  de  l'homme 
dans  sa  conversion,  et  développa  cette  doctrine  dans  un  écrit 
particulier  (1555).  De  là  un  grand  scandale  parmi  les  luthériens 
rigides.  Amsdorf  et  Flacius  écrivirent  contre  PfefTinger  et  contre 
la  «  très  savante  et  impie  bande  de  Leipzig  »,  qu'ils  traitèrent 
de  «chrétiens  renégats»  et  de  «mameluks.»  Amsdorf  reprocha 
à  PfefTinger  de  renouveler  la  sophistique  impie  desscolastiques. 
Jean  Stolz,  prédicant  à  la  cour  de  Weimar,  et  Flacius  à  léna, 
le  combattirent  avec  les  écrits  de  Luther  ;  Flacius  lui  opposa 
deux  dissertations,  où  il  enseignait  avec  Luther  que  la  volonté 
de  l'homme  est  impuissante  pour  toute  espèce  de  bien,  que  la 
conversion  est  un  acte  do  la  toute-puissance  divine  sur  la  résis- 
tance de  la  volonté  humaine. 

Tandis  que  Flacius  combattait  comme  synergistes  les  théolo- 
giens de  Wittenberg  et  de  Leipzig,  son  collègue  Yictorin 
Strigel,  autrefois  adversaire  décidé  des  mélanchthoniens,  se 
levait  à  léna  même  pour  défendre  le  synergisme.  Un  ci.l- 
loque  entre  lui  et  Flacius,  tenu  par  ordre  et  en  présence  du 


524  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

duc  Jean-Frédéric,  à  Gotha,  aboutit  à  de  nouvelles  et  violentes 
accusations.  Alors  parut,  à  la  fin  de  1558,1e  Livre  de  réfutation^ 
composé  par  Stœffel,  Musaeus  et  Max  Mœrlin,  revu  par  Flacius, 
Sarcérius,  Aurifaber,  etc.,  et  destiné  à  flétrir,  au  nom  des  ducs  de 
Saxe,  toutes  les  nouvelles  erreurs  qui  se  montreraient  dans  le 
protestantisme.  Le  synergisme  y  était  traité  d'«  opinion  impie 
des  adiaphoristes  » . 

Ce  livre,  qui  devait  être  lu  dans  toutes  les  chaires,  fit  éclater 
la  lutte  à  léna.  Strigel  et  le  prédicant  Hugel  protestèrent 
contre  la  Réfutation,  et  furent  enfermés  dans  la  forteresse  de 
Grimmenstein  ;  en  1559,  quand,  grâce  à  l'intervention  de  plu- 
sieurs princes,  ils  furent  renvoyés  à  léna,  ils  durent  promettre 
d'y  garder  le  silence  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  purgés  des  plaintes 
élevées  contre  eux.  Flacius,  encouragé  par  l'arrivée  de  Judex 
et  de  Wigand,  soutint  une  dispute  publique  à  Weimar  en  août 
4560.  Elle  n'eut  aucun  résultat.  Flacius  n'admettait  point  les 
arguments  philosophiques  ;  tout  devait  se  décider  par  l'autorité 
de  Luther,  que  Strigel  n'osa  point  attaquer.  Flacius  représen- 
tait le  luthéranisme  extrême:  il  allait  jusqu'à  soutenir  que  le 
péché  originel  est  la  vraie  substance  de  l'homme.  Les  luthé- 
riens rigides  persécutaient  à  outrance  tous  les  synergistes. 

Mesures  contre  les  luthériens. 

219.  En  ce  moment,  le  duc,  conseillé  par  son  chancelier 
Brück  le  Jeune,  prit  une  autre  attitude.  Afin  de  déjouer  à  jamais 
les  tentatives  des  prédicauts  luthériens  pour  arrivera  la  domi- 
nation, il  établit  un  consistoire  composé  mi-partie  de  juristes  et 
mi-partie  de  fonctionnaires,  auquel  il  soumit  les  théologiens 
mêmes  d'Iéna.  Le  surintendant  d'Iéna  fut  déposé.  Les  flaciens 
résistèrent,  et  défendirent  l'indépendance  de  leur  ministère  con- 
tre la  cour  et  son  consistoire  :  ils  furent  destitués  et  expulsés. 
Les  synergistes  triomphaient  maintenant  à  léna  comme  à  Wit- 
tenberg et  à  Leipzig. 

Le  prince  électeur  de  Saxe,  voulant  purger  son  pays  des  fla- 
ciens, les  envoya  devant  le  tribunal  de  Pfefflnger,  au  consis- 
toire de  Leipzig.  Pfeffinger  se  vengea  des  injures  qu'il  avait 
reçues.  Strigel,  malgré  sa  victoire,  perdit  son  poste  à  léna.  il 
fut  appelé  à  Leipzig,  où  Pfeffinger,  comme  surintendant,  le 


LE    PROTESTANTISME.  525 

protégea  jusqu'à  ce  qu'il  fut  obligé  de  quitter  la  ville  (1567),  à 
cause  de  ses  doctrines  calvinistes  sur  la  cène.  Cependant  les 
adversaires  du  syuergisme  continuaient  d'être  les  plus  nom- 
breux, et  se  plaignaient  hautement  des  atteintes  portées  au 
protestantisme.  En  lo(j7,  aprus  la  prise  de  Gotha,  le  duc  Jean- 
Frédéric  H  ,fut  emprisonné,  et  ses  domaines  échurent  à  son 
frère,  le  duc  Jean-Guillaume,  qui  se  hâta  de  rendre  aux  flaciens 
leur  pouvoir.  Les  synergistes  furent  remplacés  par  leurs 
adversaires,  tels  que  Wigand  et  Irénée. 

Pour  terminer  les  controverses  théologiques  entre  la  Saxe 
électorale  et  la  Saxe  grand-ducale,  l'électeur  Auguste  et  le  duc 
Jean-Guillaume  (1568)  ménagèrent  le  colloque  religieux  d'Al- 
tenbourg,  qui  dura  quatre  mois  et  n'eut  point  de  suites.  Les 
flaciens  étaient  représentés  par  Wigand  ;  les  mélanchthoniens, 
par  Paul  Éber,  professeur  à  Wittenberg  (mort  en  1569).  Lorsque 
le  prince  électeur  Auguste  se  chargea  de  la  régence  dans  les 
duchés  (1573)  après  la  mort  de  Jean-Guillaume,  les  flaciens,  qui 
dominaient  à  léna,  furent  persécutés  ;  Wigand,  Heszhusius, 
etc.,  neuf  surintendants  et  cent  deux  curés  furent  déposés. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LES  N'*  218-219. 

Schrœckh,  IV,  p.  332-572;  Dœilinger,  II,  p.  119  et  suiv.,  320-328; 
m,  p.  437-493  ;  Otto,  de  Victorino  Strigelio  libérions  meatis  in  Eccl. 
Luth,  vindice,  Jen.,  1843;  W.  Preger,  M.  Flac.  lUyricus  u.  s.  Z., 
Berlin,  1839-61.  Sur  Wigand  :  Dœilinger,  II,  p.  476  et  suiv.;  sur  Paul 
Éber,  ibid.,  p.  153  et  suiv.;  sur  l'antitlacien  Christophe  Lasius,  p.  262 
et  suiv.   Cf.  encore  Planck,  IV,  p.  553  et  suiv. 

Différence  des  flaciens  et  des  luthériens. 

220.  Les  flaciens  (appelés  aussi  substantiaUstes,  par  opposi- 
tion aux  accidentaires  ou  synergistes),  très  nombreux  encore 
et  épars  dans  différents  pays,  ne  partageaient  pas  tous  la  doc- 
trine du  maître  sur  le  péché  originel.  La  formule  de  Concorde 
était  dans  son  ensemble  contraire  à  la  doctrine  de  Luther  sur  le 
péché  originel  considéré  comme  substance  de  l'homme.  Sur  le 
synergisme,  tout  en  rejetant  la  doctrine  de  Luther  touchant  la 
nécessité  absolue  de  toutes  les  actions  humaines,  elle  soutenait 
qu'il  ne  reste  pas  dans  la  nature  de  l'homme  la  moindre  étincelle 
de  force  spirituelle,  que  l'homme  est  entièrement  mort  pour  le 


526  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

bien,  qu'il  ne  peut  coopérer  à  sa  conversion,  et  qu'en  fait  de 
résistance  il  est  pire  qu'une  pierre  ou  une  bûche  ;  tout  ce  qui 
dépend  de  lui,  c'est  de  vouloir  ou  de  ne  vouloir  pas  aller  à 
l'église  et  entendre  la  parole  de  Dieu.  Mais  la  formule  tombe  ici 
dans  une  contradiction  :  d'une  part,  elle  déclare  que  l'homme 
est  obligé  de  rejeter  l'Évangile  comme  une  fable,  tant  que  Dieu 
ne  le  convertit  pas,  et,  d'autre  part,  elle  lui  impute  à  faute 
sa  non-conversion,  quand  il  n'accepte  pas  la  parole  de  Dieu  dans 
un  esprit  de  foi . 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE   N°   220. 

0.  Schmid  ,.  des  Flacius  Erbsündeslreit  (Ztschr.  für  hist.  Tlieol., 
i849,  I,  p.  3  et  suiv.;  Il,  p.  2d8  et  suiv.);  Dœllinger,  II,  p.  272  et  suiv. 
(Accidentaires  et  Subslantialistes  dans  le  pays  de  Mansfeld).  Le  subs- 
tantialisme ,  également  soutenu  par  Christophe  Irénée  à  Weimar 
(ibid..  H,  p.  290-294),  et  nié  par  Wigand,  fut  défendu,  à  l'aide  des 
écrits  de  Luther,  par  Cyriaque  Spangenberg  (ibid.,  p.  277  et  suiv.). 
En  1576,  le  synode  d'Eisleben  condamna  le   substantialisme  (p.  286). 

Le  cryptocalvinisme. 

221.  Le  calvinisme  secret  (cryptocalvinisme)  fut  vivement 
combattu  par  les  luthériens,  surtout  dans  la  personne  des  phiUp- 
pistos.  A  Marbourg,  l'habile  André  Ilypérius  d'Ypres  (15-42- 
doO-i)  gagna  un  grand  nombre  de  Suisses  et  réussit  à  frayer  les 
voies  aux  idées  calvinistes.  A  Leipzig  parut,  en  45GO,  un  recueil 
pour  la  justification  des  philippistes  ;  il  contenait,  il  est  vrai,  les 
plus  importants  écrits  de  Mélanchthon,  mais  non  les  articles  de 
Schmalkalde  en  faveur  des  réformés.  Quelques-uns  en  attribuè- 
rent la  publication  à  Mélanchthon;  d'autres,  h  son  gendre  Gas- 
pard Peucer,  professeur  de  médecine  à  Wittenberg.  11  souleva 
de  nombreuses  objections.  A  Brème,  le  prédicateur  de  la  cathé- 
drale, Albert  Hardenberg,  ayant  refusé  de  souscrire  à  la  doc- 
trine de  l'ubiquité,  fut  suspecté  de  cryptocalvinisme  et  expulsé 
en  1.%1  par  ses  collègues  Musseus,  lleszhusius  et  Timann,  ce 
qui  mit  en  mouvement  tout  le  cercle  de  la  Saxe-Inférieure.  Les 
partisans  d'Albert  furent  excommuniés  et  interdits.  Les  contro- 
verses se  terminèrent  en  1562  par  l'introduction  du  calvinisme  à 
Brème.  Comme  ces  bouleversements  étaient  attribués  aux  que- 
relles des  théologiens,  les  princes  protestants  se  réunirent  eux- 


LE   PROTESTANTISME.  527 

mêmes  à  Naumbourg  (23  janvier  1561),  pour  essayer  de  conci- 
lier les  opinions. 

Auguste,  prince  électeur  de  Saxe,  crut  que  le  meilleur  moyen 
d'opérer  l'union,  était  de  remettre  en  vigueur,  sans  aucun 
changeraont,  la  Confession  d'\ugsbourg.  Pour  empêcher  qu'on 
ne  médît  de  la  discorde  intérieure,  il  invita  à  la  réunion  les 
États  protestants,  qui  délibéreraient  en  même  temps  sur  la  con- 
duite à  tenir  à  l'égard  du  concile  de  Trente  ;  quant  aux  théo- 
logiens, ils  devaient  rester  chez  eux,  parce  qu'ils  ne  faisaient 
qu'accroître  le  mal.  Frédéric,  prince  électeur  du  Palatinat,  imbu 
de  calvinisme,  ne  voulut  pas  signer  le  dixième  article  de  la  Con- 
fession d'après  le  texte  allemand,  mais  d'après  le  texte  latin.  Ce 
texte  latin  portait  :  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  sont  vrai- 
ment présents  [vere  adsimt)  ;  le  texte  allemand  :  le  vrai  corps  et 
le  vrai  sang  sont  vraiment  «  présents  sous  l'espèce  du  pain  et 
du  vin  ».  Ce  dernier  texte  lui  semblait  trop  papiste.  On  céda, 
parce  qu'autrement  la  plupart  des  États  de  la  haute  Allema- 
gne se  seraient  séparés.  Tous  les  princes  protestants  se  rendi- 
rent à  l'assemblée,  soit  en  personne,  soit  par  des  délégués.  On 
y  vit  aussi  beaucoup  de  comtes. 

On  discuta  sur  les  dilîérentes  éditions  de  la  Confession 
d'Augsbourg,  et  l'œuvre  de  l'union  fut  laborieuse.  Les  théo- 
logiens d'iéna  exigèrent,  dans  une  requête  spéciale,  qu'on 
assemblât  en  outre  un  synode  particulier  pour  extirper  l'ivraie, 
et  menacèrent  de  la  colère  de  Dieu  en  cas  de  refus.  Cette  colère 
s'était  déjà  révélée  par  des  tonnerres  affreux  et  par  des  têtes  de 
Turcs  qu'on  remarquait  sur  les  poires.  Leur  demande  ne  fut  pas 
adoptée.  On  convint  enfin  d'accepter  l'édition  de  la  Confession 
imprimée  à  Wittenberg  en  1531,  de  la  publier  de  nouveau  pour 
servir  de  règle,  avec  une  préface  dont  la  rédaction  fut  confiée 
aux  princes  électeurs  de  Saxe  et  du  Palatinat.  Quand  la  préface, 
qui  admettait  aussi  l'édition  modifiée  de  15i0,  fut  achevée,  les 
ducs  .Jean- Frédéric  de  Saxe  et  Ulric  de  Mecklenbourg  et  quel- 
ques délégués  la  rejetèrent ,  parce  qu'elle  ne  condamnait 
point  en  termes  formels  les  erreurs  opposées  à  la  doctrine  de 
Luther,  surtout  celles  des  sacramentaires. 

Jean- Frédéric,  conseillé  par  Max  .Mferlin  et  Jean  Stœffel, 
demeura  inébraidable,  et  partit  incontinent  de  Naumbourg 
(3  février).  Les  autres  États  signèrent,  mais  les  affaires  n'en 


528  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

furent  guère  plus  avancées.  Beaucoup  de  ceux  qui  avaient 
souscrit,  expliquèrent  ou  modifièrent  plus  tard  la  préface  dans 
le  sens  de  Luther,  tandis  que  dans  le  Palatinat  Frédéric  111 
prescrivait  la  doctrine  calviniste,  organisait  un  assaut  contre 
les  images,  et  introduisait  la  fraction  du  pain.  En  1563,  il 
chargea  les  professeurs  Zacharie  Ursinus  et  Gaspard  Olévian  de 
rédiger  le  Catéchisme  de  Heidelberg,  où  la  messe  catholique 
était  traitée  d'idolâtrie  (demande  quatre- vingtième). 

La  Hesse  électorale  elle-même  ne  put  se  préserver  du  crypto- 
calvinisme. Les  plus  fougueux  d'entre  les  luthériens,  Wigand  et 
Heszhusms,  furent  expulsés  d'Iéna  (1573),  et  les  philippistes 
de  Wittenberg  redoublèrent  d'audace.  En  157-i,  le  prince  élec- 
teur Auguste  s'aperçut  qu'un  grand  nombre  de  ses  professeurs 
et  prédicants  étaient  infectés  de  calvinisme.  Il  fit  amener  les 
suspects  à  Pleissenbourg.  (Quelques-uns  recouvrèrent  bientôt  la 
liberté,  mais  seulement  après  avoir  souscrit  les  quatre  articles 
dressés  à  Torgau  sur  la  cène.  Ceux  qui  refusèrent,  durent 
évacuer  le  pays.  Stœssel  et  George  Krakov  moururent  en  pri- 
son ;  Peucer  ne  recouvra  la  liberté  qu'au  bout  de  douze  ans. 
Leurs  remplaçants  encoururent  bientôt  le  même  soupçon  de 
philippisme,  et  les  luthériens  n'eurent  point  de  cesse  qu'ils  ne 
fussent  entièrement  victorieux. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET    REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE    N°   221. 

André  Hypérius,  mort  en  1364  :  Dœllinger,  II,  p.  213  et  suiv.;  Hyperii 
Mcthodi  theol.  libri  très,  Basil.,  1568,  avec  son  éloge  funèbre,  par 
Wigand  Orth.,  Corpus  doctrinse  christ.  (Saxonicum  [ou  Philippicum]), 
Lips.,  1560;  Schrœckh,  IV,  p.  47Ö;  Walch,  Bibl.  theoL,  H,  388  et  seq.; 
Heppe,  Gesch.  d.  Prot.,  I,  p.  366  et  suiv.,  408  et  suiv.;  Kluckhohn, 
Friedrich  111  v.  d.  Pfalz  (Münch.  bist.  Jahrb.,  1866,  p.  468  et  suiv., 
482  et  suiv.,  301);  Peuceri,  Bist,  carcerum  et  liberationis  div.,  ed. 
Pezel,  Tig.,  1603;  Frimel,  Viteberga  a  Calvino  devastata  et  divinitus 
liberata,  d.  i.  Bericht,  wie  der  sacram.  Teufel  in  Sachsenland  einge- 
drungen, Witteub.,  1646,  ui-i°. 

Controverse  sur  l'inamissibilité  de  la  foi  et  de  la  grâce. 

222.  Une  autre  question  divisait  les  luthériens  et  les  calvi- 
nistes :  les  calvinistes  prétendaient  que  la  foi  qui  justifie,  accor- 
dée de  Dieu  une  fois  pour  toutes,  est  un  don  inamissible  j  les 


LE   PROTESTANTISME.  529 

plus  grands  crimes  ne  sauraient  le  ravir,  et  l'homme  est  infail- 
liblement assuré  de  son  salut.  Les  luthériens  croyaient  au  con- 
traire que  la  foi  et  la  grâce  peuvent  se  perdre  ;  que  l'homme 
coupable  de  grands  péchés  n'a  que  la  fui  générale,  historique  ; 
il  a  perdu  la  foi  spéciale  qui  justifie,  et  il  faut  qu'elle  lui  soit  de 
nouveau  accordée.  Sur  ce  point,  les  philippistes  étaient  d'accord 
avec  les  luthériens  et  se  trouvaient  ainsi  séparés  des  calvi- 
nistes. On  s'appuyait  sur  l'article  12  de  la  Confession  d'Augs- 
bourg,  condamnant  cette  proposition  des  anabaptistes,  que  ceux 
qui  sont  une  fois  justifiés  ne  peuvent  plus  perdre  le  Saint- 
Esprit.  Ce  fut  là  l'objet  d'une  discussion  à  Strasbourg  entre  le 
surintendant  Marbach  et  le  calviniste  Zanchi  (1561).  Les  théo- 
logiens de  Marbourg,  d'Heidelberg  et  de  Zurich  se  prononcèrent 
pour  Marbach  ;  ceux  de  Tubingue  et  la  plupart  des  luthériens 
furent  d'un  autre  avis.  A  l'instigation  du  conseil  de  Strasbourg, 
Zanchi  donna,  en  4363,  une  adhésion  équivoque  à  un  formu- 
laire de  concorde  rédigé  surtout  dans  le  sens  luthérien,  mais  il 
dut  quitter  la  ville  et  se  rendit  à  Chiavenna.  Le  luthéranisme 
avait  acquis  la  prépondérance.  Au  colloque  de  Montbéliard, 
en  présence  du  duc  de  Wurtemberg,  Bèze  défendit  avec 
beaucoup  de  fermeté ,  contre  Jacques  Andrese ,  l'inamissi- 
bilité  de  la  foi  dans  les  élus.  C'était  élever  un  nouveau  mur 
de  séparation  entre  le  luthéranisme  et  le  calvinisme.  Beau- 
coup de  luthériens  considéraient  celui-ci  comme  plus  dan- 
gereux que  le  papisme  même. 

OUVRAGES  A  CONSULIEK  EX   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE    N"  222. 

Dœllinger,  III,  p.  574-591.  Opiuion  de  Luther,  ibid.,  p.  115,  117.  Con- 
troverse entre  Aquila  et  le  calvinisant  Thomas  iNaogeorgus  de  Kahla, 
ibid..  Il,  p.  134,  136.  Sur  Etienne  Proetorius,  ibid.,  p.  528,  529.  Col- 
loque de  Montbéliard,  en  mars  1586  :  Acta  Colioq.  Montisbelligard., 
Tubing.,  1587.  Contre  Bèze,  Kesponsio  ad  acta  Coll.,  Genev.,  1587- 
88,  en  allem.,  Heidelb.,  1588  (Bèze  conteste  la  fidélité  des  Actes).  A. 
Schweizer,  Gesch.  der  réf.  Centraldogmen,  I,  p.  oOl  et  suiv. 

Le  Livre  de  Torgau  et  de  Bergen. 

223.  Pour  procurer  enfin  aux  partisans  de  la  Confession  d'Augs- 
bourg  l'unité  si  désirable  de  doctrine,  le  prince  électeur  Auguste 
convoqua  (1576)  les  plus  fameux  théologiens  à  Torgau,  afin  d'y 
V.  —  fflST.  DE  l'église.  34 


530  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

rédiger,  au  moyen  des  formules  de  concorde  déjà  existantes, 
une  formule  nouvelle  qui  put  être  généralement  admise. 
Comme  l'existence  du  protestantisme  semblait  compromise,  on 
crut  qu'il  fallait  se  montrer  plus  coulant  sur  les  questions  de 
dogme.  Jacques  Andreae,  chancelier  de  Tubingue,  s'était  déjà 
mis  en  relation  avec  le  prince  électeur.  David  Chytrée,  profes- 
seur à  Rostock,  et  Martin  Chemnitz,  surintendant  de  Bruns- 
wick, furent  appelés.  Dix-huit  théologiens  délibérèrent  à  Tor- 
gan  sur  le  libre  arbitre  et  autres  questions,  et  il  en  résulta  le 
Livre  de  Tnrrjau,  rédigé  surtout  d'après  les  doctrines  des  mé- 
lanchthoniens.  Il  accorde  au  libre  arbitre  la  faculté  de  résister 
au  Saint-Esprit  qui  veut  agir  on  lui,,  mais  il  ne  reconnaît  qu'à 
la  grâce  le  pouvoir  de  changer  la  volonté,  sans  cependant 
exclure  le  concours  (synergie)  de  la  volonté  humaine. 

Le  Livre  fut  envoyé  à  tous  les  États  luthériens  d'Allemagne 
et  de  Prusse,  avec  prière  d'y  faire  leurs  observations.  Vingt- 
cinq  avis  furent  exprimés,  les  uns  courts  et  approbateurs,  les 
autres  plus  développés  et  en  partie  contradictoires.  Ce  fut  l'occa- 
sion d'une  nouvelle  revision  du  Livre,  à  laquelle  travaillèrent 
d'abord  Chemnitz,  Andreae  et  Selnekker,  puis  Musculus  (mort 
en  158i),  Chytrée  et  Kœriier.  Cependant  Chytrée  n'eut  aucune 
influence,  et  il  ne  souscrivit  qu'avec  dépit  la  revision  connue 
sous  le  nom  de  Livre  de  Bergen.  On  y  avait  omis  ou  modifié 
sur  plusieurs  points  les  passages  favorables  au  synergisme  ;  la 
majeure  partie  était  conçue  dans  le  pur  luthéranisme,  et  il  y 
régnait  beaucoup  d'obscurité.  Ce  fut  Andreae  qui  eut  la  princi- 
pale part  dans  ce  travail  (Formw/e  de  concorde,  28  mai  1577).  II 
se  composait  de  deux  parties  :  1"  d'un  extrait  de  la  vraie  doc- 
trine ;  2"  d'une  exposition  détaillée  {solida  declaratio). 

Ce  nouveau  livre  symbolique,  quoique  conçu  dans  l'esprit  du 
«  cher  homme  de  Dieu  » ,  ou  plutôt  pour  cette  raison  même,  no 
fut  point  accepté  partout.  L'électeur  du  Palatinat,  le  comte  pala- 
tin Richard  et  le  landgrave  (Juillaume  de  liesse  exprimèrent  par 
écrit  leur  désapprubatiou;  les  théulogiens  de  Poméranie,  de  Ros- 
tock, d'Ilelinstaidt  et  de  Nureuberg  exposèrent  leurs  griefs  ;  les 
calvinistes  étaient  exaspérés.  Peu  à  peu  cependant  la  formule  de 
concorde  fut  acceptée  par  la  plupart  des  États  luthériens.  Dans 
la  Saxe  électorale,  elle  fut  présentée  aux  États  provinciaux  à 
Dresde  comme  livre  de  concorde^  avec  les  anciens  symboles 


LE   PROTESTANTISME.  531 

généraux,  la  Confession  non  revue  d'Augsbourg,  son  apologie, 
les  articles  de  SnialkaUle,  les  Catéchismes  de  Luther.  La  sous- 
cription du  25  juin  1580  lui  donna  l'autorité  d'un  symbole. 

L'adoption  de  ce  code  dogmatique  par  une  multitude  de 
princes  et  de  villes  (51)  porta  un  coup  terrible  aux  mélanch- 
thoniens.  Ils  essayèrent  en  1586  d'exploiter  à  leur  profit  le 
changement  de  souverain,  et  sous  Christian  !•"■  ils  relevèrent  la 
tète,  appuyés  qu'ils  étaient  par  le  chancelier  Nicolas  Crell,  ami 
des  libres  penseurs  et  ministre  presque  tout-puissant,  qui  tra- 
vaillait secrètement  à  la  réunion  des  luthériens  et  des  calvi- 
nistes. Les  controverses  en  chaire  furent  défendues,  et  les  plus 
importants  emplois  confiés  aux  philippistes. 

Un  publia  une  édition  de  la  Bible  dont  les  introductions  et  les 
notes  exposaient  la  doctrine  de  Calvin,  réfutaient  la  formule 
de  concorde,  interdisaient  la  sonnerie  pendant  la  cène  et  les 
exorcismes  dans  le  baptême.  Quant  au  mécontentement  des 
luthériens,  le  chancelier  n'en  avait  cure;  il  semblait  que  la  Saxe 
électorale  allait  devenir  calviniste.  Christian  I"  mourut  en  1591, 
et  Frédéric-Guillaume  I",  duc  de  Saxe-Altenbourg,  zélé  luthé- 
rien, fut  nommé  tuteur  de  Christian  II.  La  veille  de  l'inhuma- 
tion de  Christian  I'',  Crell  fut  saisi,  de  même  que  Steinbach  et 
Salmuth,  prédicateurs  de  la  cour  de  Dresde,  et  Pirius,  surinten- 
dant de  Wittenberg.  On  élargit  ces  derniers  après  qu'ils  eurent 
signé  l'aveu  de  leurs  péchés  calvinistes  ;  Crell  eut  la  tète  tran- 
chée après  une  captivité  de  huit  ans. 

A  Dresde  et  à  Leipzig,  la  populace  luthérienne  déchaînait  sa 
fureur  sur  les  maisons  et  les  cadavres  des  calvinistes  ;  tous  les 
réformés  se  virent  expulsés  de  Leipzig  à  la  suite  d'une  insur- 
rection (14  et  15  mai  1592).  Le  luthéranisme  fut  restauré  avec 
toute  la  sévérité  possible,  et  l'on  fit  vivement  ressortir  dans  les 
'(  articles  de  la  Visitation  de  Torgau  »  sou  opposition  au  calvi- 
nisme. En  Silésie  aussi,  surtout  à  Breslau  et  à  Liegnitz,  des 
prédicants  et  des  docteurs  furent  congédiés  comme  calvi- 
nistes déguisés  :  car  le  peuple  luthérien  les  détestait  à  l'égal  des 
hérétiques.  Les  quelques  conversions  au  calvinisme  n'avaient 
lieu  que  dans  les  classes  élevées.  Les  dénonciations  étaient  à 
l'ordre  du  jour,  et  pratiquées  surtout  par  Samuel  Huber, 
expulsé  de  Berne  et  converti  au  luthéranisme.  Quant  à  la  for- 
mule de  concorde,  elle  subit  encore  pendant  longtemps  de  nom- 


532  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

breux  assauts.  Dans  le  Holstein,  elle  fut  attaquée  par  le  surin- 
tendant Paul  d'Eitzen. 


OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°  223. 

Colloque  religieux  de  Maulbronn,  avril  1364,  entre  Palatins  et  Wur- 
tembergeois  (Brenz)  :  Epitome  colloquii  Maulbron.  inter  theol.  Heidel- 
bergenses  et  Würtenb.  de  cœna  Domini  et  majestate  Christi,  1364; 
Wahrhaftiger  und  gründl.  Bericht  v.  d.  Gesprsech...  gestellt  durch  die 
Würt.  Theol.,  Francf.,  1564.  Contre  :  Epitome  coli,  Maulbr.  cum  resp. 
Palatinor.  ad  Epit.  Würt.,  Hcidelb.,  1565;  Duplik.,  Tüb.,  1565,  in-4°; 
Klunzinger,  das  Relig.-Gespr.  zu  M.  actenmœszig  dargestellt  und 
kritisch  beleuchtet  (iNiedners  Ztschr.  für  bist.  Theol.,  1849,  I,  p.  166 
et  suiv.). — Projet  de  Jacques  Andreœ  en  5  articles  pour  rétablir  l'unité 
parmi  les  luthériens,  en  1368.  —  Déclaration  des  Églises  de  Souabe  et 
de  Wurtemberg,  en  1373.  Elle  donna  lieu,  après  des  changements 
opérés  par  Chemnitz  et  Chytrée,  à  la  «  Concorde  de  Souabe-Saxe  » 
(1573).  —  Formule  de  Maulbronn,  19  janvier  1576  (Hutter,  Concord. 
conc,  p.  303  et  seq.;  Planck,  Vi,  p.  428  et  suiv.),  dont  la  substance  a 
passé  dans  le  Livre  de  Torgau,  lequel  fut  approuvé  par  une  nouvelle 
assemblée  tenue  à  Maulbronn,  le  13  sept.  1376;  Kœlhier,  Symbol,  d. 
luth.  K.-G.,  p.  323  et  suiv.;  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  502  et  suiv.;  III,  p.  472 
et  suiv.  Sur  Nicol.  Selnekker  de  Uersbruck,  mort  en  1392  à  Leipzig  : 
Dœllinger,  II,  p.  331-350.  Sur  les  travaux  de  Jacq.  Andreœ,  ibid.,  II, 
p.  379-392;  sur  David  Chytrée,  ibid.,  II,  p.  300-510.  —  Formula 
Concord.,  dans  Hase,  Libri  symbol.,  p.  570-830.  Cf.  Proleg.,  p.  cxxxiv 
et  seq.  Contre  :  Ilospinian.,  Concordia  discors,  Tigur.,  1608.  Réponse 
de  Hutter,  Concordia  Concors,  Viteb.,  1614,  in-f«,  Lips.,  1690,  in-4°; 
Anton,  Gesch.  der  Concordienformel,  Leipzig,  1779,  2  vol.;  Menzel,  IV, 
p.  308;  V,  p.  184  et  suiv.;  Gœschel,  die  Concordienformel  nach  ihrer 
Geschichte,  Lehre  u.  Bedeutung,  Leipzig,  1858;  Frank,  Theol.  d.  Con- 
cordienformel, Erlang.,  1858.  Opposition  en  Hesse  par  Barth.  Meyer, 
mort  en  1600,  et  le  landgrave  Guillaume  :  Dœllinger,  II,  p.  223  et  suiv,; 
en  Poméranie,  ibid.,  III,  p.  367  et  suiv,,  479  et  suiv.;  à  Nurenberg  et 
Anhalt,  ibid.,  p.  481  et  suiv.;  dans  le  Holstein,  par  Paul  d'Eitzen,  ibid,, 
II,  j).  487-490.  Johannsen,  Schleswig-Holsteins  Stellung  zur  Concordien- 
formel (N.  Ztschr.  f.  bist.  Theol.,  1850,  IV,  p.  638  et  suiv.)  u.  Pfalzgraf 
Job.  Casimir  u.  s.  Kampf  gegen  die  Concordienformel  (Ztschr.  für  bist. 
Theol.,  1861,  p.  419-476).  —Blum,  Leichenpredigt  über  Dr.  Crell,  Leip- 
zig, 1601.  Contre  :  Antwort  und  wahrhaftiger  Gegenbrief  auf  die  Lei- 
chenpredigt Blums,  1 605  ;  Engeicken,  Hist.  Nicolai  Crellii,  Rostock,  1 727; 
Schroeckh,  IV,  p.  649  et  suiv.;  Menzel,  V,  p.  176;  Hasse,  über  die  kir- 
chengeschichtl,  Bedeutung  des  CreU'schen  Processes  (Niedners  Ztschr. 


LE    TROTESTANTISME.  533 

f.  bist.  Theol.,  1848,  II,  p.  31o  et  suiv.);  Calinich,  Kampf  u.  Untergang 
des  Melanchthonismus  in  Cliursachsen,  Leipzig,  1866;  Kluckhohn,  der 
Sturz  der  Kryptocalvinisten  in  Sachsen  (Sybels  bist.  Ztschr.,  1867, 
t.  XVIII,  p.  77-127);  A.-V.  Richard,  Der  churfürsll,  ssechs.  Kanzler  Nik, 
Grell,  Dresde,  1859.  —  Quatre  articles  de  la  «  Visitation  de  Torgau  »,  1 592, 
sur  «  falsa  et  erronea  doctrina  calvinistarnm  »  (Herzog,  RealencycL, 
XVI,  p.  144).  Jacques  Andrese  avait  mis  les  calvinistes  au  même  rang 
que  les  ariens  et  les  mahométans,  et  Philippe  Nicolai,  à  Hambourg  (mort 
en  1608),  déclara,  dans  son  Histoire  du  règne  de  Jésus-Christ  (Nurenb., 
1628,  p.  594),  que  la  papauté  valait  mieux  que  le  calvinisme.  Dœllin- 
ger,  II,  p.  382,  497. 

Galixte  et  les  syncrétistes. 

224.  Il  y  avait  encore  des  théologiens  qui  essayaient  de  con- 
cilier les  divergences.  Tel  fut  en  particulier  George  Calixte,  né 
en  1586  à  Meelby  dans  le  Schleswig,  enrichi  par  ses  études  et 
ses  voyages  de  connaissances  variées.  Professeur  à  Helmstœdt, 
il  y  combattit  en  IGll,  dans  des  disputes,  la  doctrine  de  Luther 
sur  l'ubiquité  du  corps  de  Jésus-Christ  et  sur  la  communication 
des  propriétés  des  deux  natures,  telle  que  l'exposait  la  formule 
de  concorde  ;  il  la  trouvait  entachée  d'eutychianisme  :  de  là 
vient  que  quelques-uns  le  suspectèrent  de  calvinisme.  11  sou- 
tint ensuite  (1619),  dans  son  Extrait  de  la  théologie,  qu'on  pou- 
vait dire  en  un  certain  sens  que  Dieu  est  improprement  et  par 
accident  l'auteur  du  péché,  et  il  négligea  plusieurs  antithèses 
contre  les  calvinistes  et  les  catholiques.  Il  fit  encore  plus  de 
bruit  par  la  préface  de  son  édition  de  Vincent  de  Lérins  (1629), 
où  il  semblait  mettre  la  Tradition  à  côté  de  la  Bible,  et  par 
son  Extrait  de  la  théologie  morale  (1634),  avec  une  digression 
{de  Arte  nova)  où  l'on  trouvait  des  essais  d'accommodement 
entre  les  calvinistes  et  les  catholiques  ;  il  disait  en  outre  que 
plusieurs  points  de  controverse  entre  les  cathoUques  et  les  pro- 
testants ne  regardaient  pas  le  fond  et  l'essence  de  la  foi,  et  que 
les  catholiques  pieux  pouvaient  se  sauver.  On  appelait  cela  le 
mélange  de  la  foi,  syncrétisme. 

Le  collègue  de  Calixte,  Conrad  Hornejus,  émit  des  opinions 
semblables  dans  des  conférences.  Ces  deux  hommes  ne  furent 
pas  beaucoup  inquiétés  dans  le  principe  ;  mais  en  1639  Statins 
Buscher,  prédicant  dans  le  Hanovre,  essaya  d'établir  que 
Calixte  et  ses  amis  s'étaient  écarles  de  la  doctrine  des  symboles 


b34  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

qu'ils  avaient  jurés,  puisqu'ils  acceptaient  avec  la  Bible  les 
anciennes  ordonnances  de  l'Église,  qu'ils  plaçaient  la  raison  et 
la  philosophie  presque  au-dessus  de  l'Écriture,  soutenaient 
enfin  des  doctrines  fausses  et  suspectes,  telles  que  celles-ci  : 
1°  le  péché  originel  n'est  pas  toute  la  nature  de  l'homme,  mais 
un  simple  accident,  la  perte  de  la  justice  surnaturelle  ;  2°  on 
peut,  avec  le  secours  de  la  nature,  connaître  en  partie  Dieu  et 
ses  actes,  distinguer  le  bien  du  mal,  pratiquer  l'un  et  s'abstenir 
de  l'autre  ;  3°  les  enfants,  avant  d'avoir  atteint  l'âge  de  raison, 
ne  commettent  point  de  véritables  péchés  ;  4°  dans  la  doctrine 
de  la  justification  par  la  foi,  Calixte  supprime  le  mot  «  seule  », 
et  semble  adm(3tlre  quo  les  bonnes  œuvres  méritent  la  vie  éter- 
nelle et  nous  affermissent  dans  notre  vocation;  5°  l'ÉgHse 
luthérienne  a  conservé  la  substance  de  l'ancienne  religion,  et 
les  membres  de  tous  les  partis  religieux  chrétiens  doivent  par- 
venir à  la  même  félicité,  quand  ils  s'appuient  sur  la  même  foi 
au  Fils  de  Dieu,  sur  la  môme  confiance  en  ses  mérites  et  en  sa 
mort,  sur  la  même  espérance  dans  la  vie  éternelle  ;  6°  si  le  pape 
consentait  à  supprimer  quelques  abus,  Calixte  était  disposé  à 
lui  reconnaître,  selon  le  droit  humain,  la  première  place  dans 
l'Église;  7°  la  cène  ou  la  m-esse  peut,  dans  un  sens  large, 
s'appeler  un  sacrifice.  Calixte  entendait  réunir  toutes  les  con- 
fessions au  moyen  de  ce  qu'il  appelait  les  «  articles  fondamen- 
taux »,  le  symbole  des  apôtres  et  l'enseignement  des  cinq 
premiers  siècles  du  christianisme. 

Il  était  soutenu  par  son  gouvernement  et  par  l'université 
d'Helmstsedt.  Le  livre  de  Buscher  fut  interdit  à  Hanovre  ; 
Calixte  et  Horncjus  se  justifièrent  dans  un  écrit  particulier 
(Lunobourg,  16-41).  En  16-43,  Ilornejus  soutint  dans  une  dis- 
pute la  nécessité  des  bonnes  œuvres  pour  le  salut,  —  doctrine 
détestée  dos  luthériens  depuis  le  temps  de  Major,  —  et  la  que- 
relle ne  fit  que  s'envenimer.  Un  disciple  de  Cahxte  ayant 
avancé  cette  proposition  (1645),  que  la  Trinité  n'était  pas  aussi 
clairement  révélée  dans  l'Ancien  Testament  qu'elle  l'a  été  dans 
le  Nouveau,  il  fut  accusé  d'erreurs  judaïques  et  ariennes. 

La  colère  des  luthériens  s'accrut  encore  lorsque  Calixte , 
appelé  par  le  roi  de  Pologne  au  colloque  religieux  de  Thorn, 
conversa  amicalement  avec  les  calvinistes,  —  contre  lesquels  il 
écrivit,  du  reste,  plusieurs  livres,  —  et  qu'un  certain  nombre 


LE    PROTESTANTISME.  535 

de  ses  partisans  se  convertirent  au  catholicisme.  Il  fut  attaqué 
par  Jacques  Weiler  à'  Dresde,  par  Abraham  Calov  à  Dantzig 
(à  Wittenberg  depuis  4630),  par  Jean  Hulsemann  à  Leipzig,  par 
Werner,  Scharpf,  etc.  Saiomon  Glass  et  Jean  Musseus  se  posè- 
rent en  médiateurs.  On  publia  contre  lui  un  nouvel  ouvrage 
symbolique,  «  le  Consentement  renouvelé  de  la  vraie  foi  luthé- 
rienne ».  Cependant  Calixte  mourut  en  paix  en  1636,  honoré 
et  soutenu  par  Hermann  Conring  et  par  la  plupart  de  ses  col- 
lègues. Les  mouvements  qu'il  avait  excités,  durèrent  jusqu'à  la 
fin  du  dix-septième  siècle.  L'université  d'Eichstaedt  se  maintint 
dans  les  principes  de  tolérance  déjà  suivis  pieusement  par  le 
péripatéticien  Cornéhus  Martini  et  Jean  Casélius  (de  là  leur  nom 
de  caséliens  ou  simplicistes),  et  protégés  par  la  cour  de  Bruns- 
wick. Dans  cette  controverse  du  syncrétisme,  on  discutait  con- 
tinuellement sur  le  péché  originel,  les  bonnes  œuvres,  la 
justification,  la  cène  et  l'Église.  L'idée  que  les  trois  grandes 
fractions  formaient  l'unique  Église  catholique  et  qu'on  pouvait 
se  sauver  dans  chacune  d'elles,  reparut  encore  à  plusieurs  re- 
prises. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N°   224. 

A.  Calov,  Hist.  syncretistica,  1682  (confisquée  en  Saxe);  MoUer,  . 
Cimbria  lit.,  III,  121-210;  Schrœckh,  IV,  p.  688-710;  Henke,  Calixts 
Briefwechsel,  Halle,  1833.  (Continuations,  léna,  1835,  et  Marburg,  1840.) 
Le  même,  die  Univ.  Helmstœdt  im  16  Jahrb.  oder  G.  Calixt  u.  s. 
Zeit,  Halle,  1833  et  suiv.,  2  vol.;  Gasz,  Georg  Calixt  u.  d.  Syncretis- 
mus,  Breslau,  1846,  u.  Gesch.  der  prot.  Dogm.,  Berlin,  1857,  2  vol.; 
Schraid,  Gesch.  d.  synkr.  Streit,  in  d.  Zeit  des  G.  Calixt,  Erlangen, 
1846;  Dowding,  the  Life  and  Corresp.  of  Cal.  — Oxf.,  1863.  Statiug 
Buscher,  Crypto-Fapismus  novœ  theolog.  Heimst.,  Hamburgi,  1639, 
in-4°.  La  formule  de  concorde  ne  fut  pas  adoptée  dans  le  Brunswick 
mais  remplacé  ]jar  le  «  Corpus  doctrinal  Juliuni  »,  recueil  de  symboles 
composé  par  Chemnitz,  d'après  le  travail  préliminaire  de  1569  fait  sou^ 
le  duc  Julius  pour  ses  provinces.  Elle  accepta  le  «  Corpus  doctrinae  Wilhel- 
minum  >i  pour  le  pays  de  Lunebourg;  l'ouvrage  d'Urbain  Régius  :  For- 
mulée quœdam  caute  et  extra  scandalum  loquendi  de  prsecipuis  christ 
doctrinae locis,  de  1535.  —  Consensus  repetitœ  fidei  vore  lutheranae,  de 
1655,  en  88  articles.  Ajoutez  :  Calov,  Harmonia  Calixtino-hœretica, 
1655;  Syst.  locor.  theolog.,  2  vol.,  h.  a.  Sur  la  philosophie  à  Helms 
taîdt,  voy.  Denzinger,  von  der  rehg.  Lrkenntnisz,  I,  p.  133  et  suiv. 


536  msToiRE  DE  l'église. 

CONTBOVERSES  THÉOLOGIQUES  PARMI  LES  CALVINISTES. 

Les  supralapsaires  et  les  infralapsaires.  —  Les  arminiens  et 
les  gomaristes.  —  Les  remontrants. 

225.  Parmi  les  calvinistes  des  Pays-Bas,  la  doctrine  de  Calvin 
sur  la  prédestination  suscita  une  violente  dispute.  Deux  partis 
étaient  en  présence  :  les  supralapsaires  soutenaient  que  la 
prédestination  au  ciel  ou  à  l'enfer  avait  eu  lieu  avant  la  chute  ; 
les  infralapsaires  soutenaient  qu'elle  avait  eu  lieu  après. 
Jacques  Harraensen  ou  Arminius,  né  en  1560  dans  la  Hollande 
méridionale,  après  avoir  achevé  ses  études  à  Genève  sous  Bèze, 
puisa  Paris  et  à  Padoue,  avait  adopté  des  opinions  moins  rigides 
sur  la  liberté  et  l'élection  de  la  grâce.  Il  fut  chargé,  comme 
prédicateur,  de  réfuter  les  calvinistes  moins  rigides  et  infra- 
lapsaires ;  mais  il  se  montra  encore  plus  résolu  à  condamner  ce 
qu'il  était  chargé  de  défendre.  Professeur  de  théologie  à  Leyde 
depuis  1603,  il  trouva  dès  le  début  un  adversaire  passionné 
dans  son  collègue  François  Gomar,  qui  s'offusquait  de  la  plus 
légère  apparence  de  contradiction  avec  Calvin,  et  l'accusa  do 
semi-pélagianismc.  Arminius^  de  son  côté,  essaya  de  prouver 
que  la  doctrine  de  Gomar  faisait  Dieu  auteur  du  péché  et  qu'elle 
était  manichéenne.  Depuis  1604,  la  controverse  fut  ardemment 
soutenue  par  des  disputes  et  des  écrits.  Gomar  avait  pour  lui 
la  majorité  des  prédicants  et  du  peuple  ;  Arminius  était  appuyé 
par  les  infralapsaires  et  surtout  par  les  hauts  fonctionnaires  de 
l'État. 

Arminius  demanda  à  se  justifier  dans  un  synode  contre  ses 
calomniateurs.  On  lui  accorda  provisoirement  de  .soutenir  une 
discussion  contre  son  adversaire  devant  une  députation  des 
états  (1608).  Le  rapport  de  cette  commission  fut  favorable  à 
Arminius,  et  l'on  recommanda  aux  deux  parties  de  garder  le 
silence.  Les  gomaristes,  mécontents,  contestèrent  à  l'État  le 
droit  de  s'immiscer  dans  les  querelles  religieuses.  La  fermenta- 
tion augmentait.  Arminius,  il  est  vrai,  mourut  en  1609  ;  mais 
ses  principes  lui  survécurent,  et  trouvèrent  d'habiles  et  coura- 
geux organes  dans  Jean  Uytenbogart ,  Conrad  Vorstius  et 
Simon  Épiscopius.  Lorsque  ceux-ci  furent  accusés  auprès  des 
états  de  troubler  la  paix  du  pays  et  de  professer  des  doctrines 


LE   PROTESTANTISME.  537 

hétérodoxes,  ils  leur  présentèrent  en  1610  une  justification  en 
cinq  articles,  appelée  remontrance  :  de  là  le  nom  de  remontrants 
donné  aux  arminiens. 

Voici  les  cinq  articles  :  iMe  conseil  de  Dieu  est  conditionnel, 
il  ne  sauve  que  ceux  qui  croient  ;  2°  Jésus-Christ  est  mort  pour 
tous  les  hommes,  mais  les  fidèles  seuls  jouissent  des  fruits  de  sa 
mort  ;  3°  l'homme  peut  accepter  la  grâce  ou  la  refuser,  mais  la 
grâce  seule  peut  le  conduire  à  la  grâce  ;  A°  la  grâce  n'opère 
point  d'une  manière  irrésistible,  ni  avant,  ni  pendant,  ni  après 
la  conversion  ;  5°  les  fidèles  ont  sans  doute  le  pouvoir  de  per- 
sévérer, mais  on  ne  peut  pas  soutenir  d'une  manière  absolue 
l'inamissibilité  de  la  foi.  —  Les  gomaristes  présentèrent  une 
contre-remontrance  dans  le  sens  de  la  doctrine  rigide  de  Calvin  : 
de  là  leur  nom  de  contre-remontrants.  Dans  plusieurs  localités, 
à  Alkmaar,  à  Utrecht,  des  collisions  éclatèrent  entre  les  deux 
partis  dès  l'année  1610. 

Lutte  entre  les  deux  partis.  —  Synode  de  Oordrecht. 

226.  Les  colloques  religieux  provoqués  par  les  états 
(en  1611  à  la  Haye  et  en  1613  à  Delft)  demeurèrent  sans  résul- 
tat. En  1611,  Conrad  Vurstius  perdit  sa  place  de  professeur, 
mais  reçut  une  pension.  Gomar  avait  précédemment  renoncé  à 
sa  charge  et  quitté  le  pays.  Comme  les  états  gardèrent  la  neu- 
tralité, les  places  de  professeurs  furent  données  au  remontrant 
Épiscopius  et  au  contre- remontrant  Jean  Polyandre.  Les  goma- 
ristes, favorisés  par  Jacques  I"  d'Angleterre,  se  mirent  (depuis 
1613)  au-dessus  des  ordonnances,  et  commencèrent  à  fonder 
des  communautés  particulières.  Les  arminiens  comptaient  parmi 
les  leurs  deux  hommes  distingués  :  Jean  d'Olden-Barneveldt, 
avocat  général  dès  1586,  plus  tard  pensionnaire  conseiller  de 
Hollande,  et  Hugues  Grotius  (de  Groot),  avocat  fiscal  de  Hollande 
et  syndic  de  Rotterdam,  teus  deux  tolérants  et  indifféren- 
tistes. 

Les  remontrants,  depuis  1611,  n'étaient  pas  seulement  tolé- 
rés, mais  encore  ouvertement  favorisés.  Cependant  le  gouver- 
neur et  général  Maurice  d'Orange,  avide  du  souverain  pouvoir, 
so  rattacha  de  plus  en  plus,  pour  des  raisons  purement  poli- 
tiques, aux  contre- remontrants^,  et  fréquenta  leurs  églises  à 


538  HISTOIRE    DE  l'ÉGLISE. 

partir  de  1617.  Les  arminiens  et  Olden-Barneveldt  étaient  de 
francs  républicains  ;  on  les  appelait  aussi  les  gueux  politiques, 
et  les  gomaristes,  les  gueux  de  Genève  ou  de  Slyk.  Le  synode 
était  réclamé  de  toutes  parts  :  le  prince  Maurice  le  convoqua  à 
Dordrecht  pour  le  11  novembre  1618,  bien  que  plusieurs  États 
y  fussent  opposés.  Olden-Barneveldt  fut  condamné  à  mort; 
Hoogerbetts,  syndic  de  Leyde,  et  Hugues  Grotius,  à  la  prison 
perpétuelle,  mais  ce  dernier  s'évada  plus  tard  par  les  ruses  de 
sa  femme;  Hoogerbetts  ne  recouvra  la  liberté  qu'en  1626; 
Olden-Barneveldt  fut  exécuté.  Maurice,  à  la  tête  de  ses  soldats, 
changea  les  collèges  de  magistrats. 

Les  arminiens,  dont  les  chefs  furent  accusés  d'être  partisans 
des  Espagnols  et  papistes,  s'affaiblirent,  et,  du  reste,  ils  étaient 
déjà  condamnés  d'avance  par  le  parti  dominant  des  calvinistes. 
Le  synode  de  Dordrecht  (novembre  1618-mai  1619)  comptait 
vingt-huit  théologiens  étrangers,  tant  de  l'Angleterre  que  de 
l'Ecosse  et  du  Palatinat.  Les  remontrants  no  furent  pas  admis 
comme  membres  du  synode,  mais  seulement  comme  accusés. 
Le  prédicant  Jean  Bogermann,  de  Leuwarden,  qui  fut 
d'abord  président,  justifia,  comme  le  faisait  Calvin,  la  peine  de 
mort  contre  les  hérétiques.  Dans  la  vingt-deuxième  session, 
Épiscopius  déclara  qu'il  était  prêt  à  accepter  une  conférence  ; 
mais  sa  proposition,  tout  équitable  qu'elle  était  au  point  de  vue 
protestant,  ne  fut  pas  même  écoutée.  Il  demandait  que  les  opi- 
nions des  deux  parties  fussent  appréciées  non  seulement  d'après 
les  symboles  réformés,  mais  encore  d'après  la  Bible.  L'autorité 
do  Calvin  passait  pour  infaillible.  On  disait  aussi  que  Jésus- 
Christ  demeurait  avec  l'Église  jusqu'à  la  lin  du  monde,  et 
cependant  qu'il  l'avait  quittée  depuis  plus  de  mille  ans. 

Ce  fut  seulement  dans  la  cinquante- septième  session  que  l'on 
condamna  «  l'hérésie  d'Arminius  »  et  qu'on  opposa  cinq  arti- 
cles nouveaux  aux  cinq  articles  des  remontrants.  Selon  ces 
articles,  l'élection  dépend  tout  entière  du  bon  plaisir  de  Dieu, 
qui  n'a  aucun  égard  au  bien  qui  peut  se  trouver  dans  l'homme; 
la  mort  de  Jésus-Christ  n'est  efficace  que  dans  les  élus  ;  le  hbre 
arbitre  de  l'homme  n'a  aucune  part  à  la  conversion  de  ceux 
qui  sont  appelés.  Tous  ceux  qui  sont  appelés,  Dieu  les  affran- 
chit complètement,  mémo  en  ce  monde,  du  joug  du  péché  ;  s'ils 
tombent  dans  des  fautes  grossières,  Dieu  ne  leur  retire  pas 


LE    PROTESTANTISME.  539 

entièrement  le  Saint-Esprit,  à  cause  de  son  dessein  éternel  ;  il 
ne  leur  permet  pas  de  commettre  des  péchés  qui  soient  à  la 
mort  ou  contre  l'Esprit-Saint. 

Les  arminiens  furent  déclarés  hérétiques  ;  deux  cents  per- 
dirent leurs  places,  quatre-vingts  furent  exilés,  quarante  pas- 
sèrent aux  gomaristes  et  quelques-uns  au  catholicisme.  Beau- 
coup allèrent  dans  le  Brabant,  comme  Uytenbogart  et  Épiscopius  ; 
d'autres,  dans  le  Schleswig,  où  ils  bâtirent  Friedrickstadt .  Il  y 
avait  parmi  ceux  qui  furent  déposés  et  expulsés  beaucoup  de 
savants  de  marque  :  Épiscopius,  qui  continua  de  combattre  par 
la  plume  ;  Gérard-Jean  Voss,  Gaspard  Barlseus,  Pierre  Bertius. 
Les  décrets  de  Dord recht  furent  reçus  dans  les  Pays-Bas,  en 
Suisse  et  en  France,  mais  non  en  Angleterre  (excepté  par  les 
presbytériens)  et  dans  l'électorat  de  Brandebourg,  où  Jean 
Sigismond,  en  1614,  avait  passé  au  calvinisme,  ainsi  que  le 
landgrave  de  Hesse  dix  ans  auparavant.  Chez  les  calvinistes 
allemands,  la  doctrine  mitigée  du  Catéchisme  de  Heidelberg 
sur  la  prédestination  prévalut. 

Doctrine  des  arminiens.  —  Les  collégiens. 

227.  Voici  les  prhicipaux  arguments  que  les  arminiens  fai- 
saient valoir  :  La  théorie  rigide  de  la  prédestination  fait  Dieu 
auteur  du  mal  ;  elle  anéantit  et  rend  inexplicable  la  mort  expia- 
toire de  Jésus-Christ  ;  la  prévision  se  change  en  destin.  Le  libre 
arbitre  appartient  tellement  à  l'homme,  qu'il  ne  peut  jamais  le 
perdre  ;  le  péché  d'Adam  était  un  acte  libre,  qui  a  entraîné  la 
perte  de  la  vraie  justice  et  une  infinité  de  maux  temporels; 
mais  il  n'a  pas  ravi  à  l'homme  tout  pouvoir  d'opérer  le  bien;  la 
rédemption  a  été  universelle,  et  chacun  reçoit  des  grâces  suffi- 
santes, de  sorte  que  celui  qui  ne  se  relève  pas  de  la  chute  en 
porte  lui-même  la  peine. 

La  raison  de  l'efficacité  de  la  grâce,  les  arminiens  la  trou- 
vaient dans  l'homme,  et  niaient  qu'on  ne  put  pas  y  résister  ; 
ils  enseignaient  que  toute  œuvre  vraiment  bonne  doit  com- 
mencer, se  continuer  et  se  consommer  dans  la  grâce.  La  foi 
qui  sauve  {fides  salvifica) ,  selon  eux,  est  celle  qui  opère 
par  la  charité;  et  ils  désignaient  comme  des  actes  de  Dieu 
l'élection,  l'adoption,  la  justification,  la  sanctification  et  le  sceau 


540  HISTOIRE  DE   l'ÉGLÏSE. 

du  Saint-Esprit.  Parmi  les  sacrements,  dont  ils  se  faisaient  des 
idées  obscures,  ils  n'en  admettaient  que  deux.  Sur  la  cène,  ils 
adoptaient  les  vues  de  Zwingle. 

D'autres,  tels  que  Limborch,  soulevèrent  le  subordinatio- 
nisme  sur  le  dogme  de  la  Trinité  et  admirent  une  foule 
d'idées  sociniennes.  Les  collégiens  (leurs  assemblées  s'appe- 
laient collèges)  rejetaient  toute  doctrine  positive,  admettaient 
la  liberté  absolue  d'enseigner  et  de  prêcher,  défendaient  d'ac- 
cepter des  emplois,  de  prendre  du  service  militaire  et  de  prêter 
serment.  Dans  les  Pays-Bas,  une  conjuration  ourdie  par  les  fils 
d'Olden-Barneveldt  ayant  été  découverte,  on  renouvela  la  persé- 
cution contre  eux  (1623).  Après  la  mort  du  prince  Maurice 
(1625),  leur  position  s'améliora,  et,  en  1636,  ils  obtinrent  la 
liberté  de  religion,  excepté  dans  la  ville  de  Dordrecht.  Sous  le 
prince  Frédéric,  beaucoup,  tels  que  G.-J.  Voss  et  Barlaeus, 
retournèrent  en  Hollande. 

OUVRAGES   A  CONSULTER  ET  REMARQUES  CRITIQUES  SUR   LES   N""  225-227. 

Walch,  Hist.  u.  theol.  Einleit.  in  die  Streitigkeiten ,  sonderlich 
auszer  der  lutherischen  Kirche,  3"=  éd.,  léna,  1733  et  suiv.,  5  vol.; 
Schweizer,  die  protest.  Central-Dogmen  innerhalb  der  ref.  Kirche, 
Zurich,  1854,  2  vol.,  surtout  II,  p.  43  et  suiv.,J)5,  181  et  suiv.;  Hagen- 
bach, Dogmengesch.,  3*^  éd.,  p.  o8U;  Ref.  Dogm.,  II,  p.  123  et  suiv.; 
Dorner,  Gesch.  der  protest.  Theol.,  p.  404  et  suiv.;  Leo,  Univ. -Gesch., 
IV,  p.  12  et  suiv.;  H.-C.  Rogge,  Casper  Janszoon  Coolhses,  de  voor- 
looper  van  Arminius,  et  Wiarda,  Huibert  Duifhuis,  de  prediker  v.  S. 
Jacob  (tous  deux,  Arast.,  1858).  —  Regenberg,  Hisl.  der  Remonstran- 
ten,  en  allem.,  Lemgo,  1781  ;  Luden,  Hugo  Grotius  nach  Schicks,  und 
Schriften,  Berlin,  1805;  L.  Clarus  (Vœlk,  Conv.),Hugo  Grot.  Rückkehr 
z,  kalh.  Glauben,  du  hollandais,  par  Broere,  éd.  Schulte,  Trêves, 
1871;  Van  Prinsterer,  Maurice  et  Barneveldt,  étude  bist.,  Utrecht, 
1875;  Th.  Wenzelburger,  .loh.  Oldenbarneveld  und  sein  Procesz  (Sybels 
hisl.  Ztschr.,  1876,  II),  —  Acta  Synodi  nat.  Dordrac.  hab.,  Lugd. 
Batav.,  1C20  et  seq.,  Han.,  1620,  in-4»;  Acta  et  Scripta  Syn.  Dordrac. 
Remon.'^trantium ,  Harderw.,  1620;  Augusti ,  Corp.  libr.  symbol., 
p.  198-240;  Halesii,  Hist.  Conc.  Dordraccni,  ed.  Moshera,  Hamb.,  1824; 
Graf,  Beitr  z.  Gesch.  der  Synode  v.  Dordrecht,  Râle,  1825;  Heppe, 
Hist.  syn.  nat.  Dordr.  s.  lit.  delegator.  ad  Landgr.  Maurit.  (Illgens 
hist.  Ztschr.,  1853,  p.  226  et  suiv,);  Schweizer,  Dordr.  Synode  und 
Apok.  (Ztschr.  f.  hist,  Theol.,  1854,  IV).  Ouvrages  d'Épiscopius  :  Con- 
fessio  seu  Declaratio   sententiae  pastorum,   qui   in  fœderato   Belgio 


LE   PROTESTANTISME.  5il 

Reraonstrantes  vocanlur,  1622;  Responsio  ad  duas  Pétri  Wading. 
epist.;  —  Antidotum  seu  Genuina  Declaratio  sententiœ  Syn.  Dordracen. 
Examen  censurœ  (de  sa  Confession);  —  Institut,  theol.,  resté  inachevé 
après  sa  mort,  1643;  — Hist.  vitae  S.  Episcopii  scripta  a  Phil.  Lim- 
borch,  Amstel.,  1701.  —  Schrœckh,  V,  p.  330  et  suiv.;  Grégoire, 
Hist.  des  sectes  relig.,  V,  328;  Rues,  Gegenwart.  Zustand  der  Menno- 
niten  und  CoUegianten,  léna,  1743;  Fliedner,  Collectenreise  nach 
Holland,  Essen,  1831,  1,  p.  186  et  suiv. 

Les  partis  calvinistes  en  Angleterre  et  en  France. 

228.  Les  calvinistes  d'Angleterre  se  partageaient  en  épisco- 
paux  et  en  presbytériens.  De  ces  derniers  sont  sortis  les 
puritains  et  autres  sectaires  fanatiques.  La  controverse  sur  les 
droits  des  évoques  donna  lieu  à  des  ouvrages  sérieux.  Il  y  eut 
aussi,  après  le  synode  de  Dordrecht,  ce  qu'on  appelait  les  lati- 
tudinaires,  qui,  <à  l'exemple  des  remontrants  de  Hollande,  pro- 
fessaient des  opinions  plus  larges  sur  l'élection  de  la  grâce,  et, 
bientôt  après,  sur  d'autres  dogmes.  Ils  eurent  d'abord  pour 
organes  Jean  Haies  (mort  en  1656),  qui  avait  assisté  au  synode 
de  Dordrecht,  et  Guillaume  ChilJingworth  (mort  en  1644),  qui 
essayait  de  limiter  autant  que  possible  le  nombre  des  articles 
de  foi,  surtout  dans  son  ouvrage  :  la  Religion  protestante  sûr 
moi/en  d'arriver  au  salut  (1638). 

En  France  aussi ,  quelques-uns  répudiaient  les  principes 
rigides  de  Calvin,  entre  autres  Cameron  (mort  en  1625),  et  son 
disciple  Amyraut,  professeur  à  Saumur  (mort  eu  1664).  Le 
collègue  de  celui-ci,  Josué  de  la  Place  (mort  en  1665),  croyait 
que  le  péché  d'Adam  ne  pouvait  être  imputé  à  faute  à  ses  des- 
cendants que  par  l'intervention  du  péché  actuel  ;  il  fut  con- 
damné par  le  synode  de  Charenton  (1642).  Le  Blanc,  professeur 
à  Sedan  (mort  en  1675),  suivait  à  peu  près  la  même  direction 
que  George  Calixte  ;  les  ditférences  qui  séparaient  les  calvi- 
nistes et  les  luthériens  lui  semblaient  insignifiantes,  parce 
qu'elles  ne  touchaient  à  aucun  article  essentiel  et  fondamental. 
Les  synodes  réformés  condamnèrent  également  cette  assertion 
de  Claude  Pajon,  professeur  à  Saumur  (mort  en  1685),  que  le 
Saint-Esprit  n'opère  pas  d'une  manière  immédiate  et  surnatu- 
relle, mais  seulement  d'une  façon  indirecte,  par  les  images 
les  raisons  qu'il  présente  à  l'esprit  et  au  cœur.   Isaac  de  la 


542  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Peyrère  (Peyrerius),  né  en  1594,  fit  grande  sensation  quand  il 
soutint  cette  thèse  qu'il  y  avait  eu  des  hommes  avant  Adam 
(préadamites),  qu'Adam  n'était  que  l'ancêtre  des  Juifs,  et  que 
ceux-ci  avaient  seuls  hérité  du  péché.  On  lui  reprochait  aussi  ses 
explications  arbitraires  de  la  Bible.  Il  mourut  dans  le  sein  du 
catholicisme  (1676). 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N"  228. 

Épiscopaliens  et  puritains,  ouvrages,  §§  159,  165.  —  A  Brief  Account 
of  the  new  sect  of  Latitudinarians,  Lond.,  1662;  Jurieu,  la  Religion  du 
Latitudinaire,  Rotterd.,  1698;  Utr.,  1697;  Bury,  Latitudinarius  oiiho- 
doxus,  1697.  —  Jean  Cameron  de  Glasgow,  mort  en  1625  à  Montau- 
ban.  Cf.  Baur,  Theol.  .lahrb.,  1853,  II,  p.  174  et  suiv.  Sur  Amyraut, 
Synode  de  Charenlon,  1644;  Aynion,  Synod.  réf.,  II,  663,  680.  Il  éten- 
dit le  «  Decretum  universale  et  hypotlieticum  »  aux  païens,  et  distin- 
guait entre  la  grâce  résislible  et  la  grâce  irrésistible.  Contre  sa  doc- 
trine :  «  Formula  consensus  Ecclesiae  helveticœ  >>,  1675  (Augusti,  loc. 
cit.,  p.  443  et  seq.),  par  Turretin  et  Heidegger.  A.  Schweizer,  dans 
Bauers  Theol.  Jahrb.,  1853;  über  den  Pajonismus  in  Gesch.  der  Cen- 
traldogmen,  1,  u,  p.  564  et  suiv.,  576  et  suiv.  Isaac  de  la  Peyrùre,  Praîa- 
damitee  s.  Exercitatio  super  vv.  12-14  cap.  v  Ep.  ad  Rom.,  1653.  Sys- 
tema  theol.  ex  Praîadamitarum  hypolhesi.  Par.,  1655.  Cf.  du  Plessis 
d'Arg.,  III.  n,  p.  279;  Natal.  Alex.,  H.  E.,  Suppl.,  II,  535.  Zœckler, 
dans  Ztschr.  für  luth.  Theol.  u.  K.,  1878,  I;  Niceron,  Nachr.  von  be- 
rühmten Gelehrten,  Halle,  1771,  XXIH,  p.  91  et  suiv.;  Jugler,  Bibl. 
bist.  lit.  sel.,  III,  i,  XH;  Walch,  Einl.  in  die  Streitigk.  auszerhalb  der 
lutli.  Kirche,  t.  HI. 

PETITES  SECTES  PROTESTANTES. 
Les  anabaptistes  à  Munster. 

229.  Jusqu'en  4530,  divers  essais  furent  vainement  tentés 
pour  introduire  la  doctrine  de  Luther  on  Westphalie.  L'autorité 
croissante  de  l'alliance  do  Smalkalde  rendit  les  novateurs  plus 
audacieux,  et  ils  acquirent  insensiblement  de  l'influence  à  Min- 
den, Herford,  Lemfe^),  Soest,  Lippstadt,  puis  aussi  à  Munster. 
Dans  cette  dernière  ville,  Bernard  Rottmann,  chapelain  de  Saint- 
Maurice,  prêcha  d'abord  (en  1532)  la  nouvelle  doctrine  avec 
une  véhémence  fanatique,  excitant  le  peuple  à  détruire  sans 
pitié  les  autels  et  les  images  des  saints.  Il  eut  bientôt  gagné  lo 
magistrat  et  l'appui  du  margrave  de  liesse.  Le  14  février  1533, 


LE   PROTESTANTISME.  543 

la  nouvelle  doctrine  obtenait  la  liberté  d'enseignement  et  les 
protestants  recevaient  six  églises  ;  les  catholiques  conservèrent 
les  autres,  ainsi  que  la  cathédrale. 

Déjà  en  1532,  les  anabaptistes  de  la  Frise  orientale,  où  Mel- 
chior Hoffmann,  de  Souabe,  déployait  une  grande  activité, 
avaient  essayé  de  s'y  créer  des  partisans.  Rottmann,  chef  des 
luthériens,  les  avait  combattus  et  repoussés  ;  mais  bientôt  il  se 
posa  lui-même  en  adversaire  du  baptême  des  enfants,  et  trouva 
de  l'écho  chez  quelques  prédicants.  Il  était  défendu ,  il  est 
vrai,  de  discuter  sur  le  baptême  et  la  cène  (août  1533);  mais  le 
conseil  de  la  ville  était  trop  faible  pour  résister  aux  anabap- 
tistes, qui  affluaient  en  grand  nombre  et  auxquels  il  défendait  de 
prêcher.  Les  anabaptistes,  devenus  de  plus  en  plus  fanatiques, 
voulaient  qu'on  étouffât  tout  ce  qui  tient  de  l'homme,  mépri- 
saient les  sacrements  et  tout  l'ordre  ecclésiastique,  renouve- 
laient d'après  l'Apocalypse  les  rêveries  des  millénaires,  et 
s'adonnaient  à  un  spiritualisme  montaniste  et  visionnaire.  Le 
magistrat  fit  venir  deux  prédicants  pour  lutter  soit  contre  les 
catholiques  soutenus  par  le  prédicateur  de  la  cathédrale,  le 
docteur  Mumpert,  envoyé  par  l'archevêque  François  de  Wal- 
deck  ;  soit  contre  les  anabaptistes,  qui  se  multipliaient  de  plus 
en  plus  et  recevaient  constamment  de  nouveaux  renforts  do  la 
Hollande.  Les  anabaptistes  ne  tardèrent  pas  à  l'emporter. 

Les  trois  apôtres  envoyés  par  Jean  Matthiesen,  chef  de  la 
secte  en  Hollande,  prêchèrent  sur  l'avènement  du  règne  millé- 
naire de  Jésus-Christ  et  sur  la  chute  prochaine  de  toute  tyrannie. 
Ils  produisirent  un  profond  ébranlement.  Vint  ensuite  (1534-) 
Jean  Bockelson,  tailleur  de  Leyde  (surnommé  Jean  de  Leyde), 
et  enfin  le  prophète  Matthiesen  lui-même.  Le  conseil  d'État 
n'était  plus  de  force  à  maîtriser  le  mouvement.  Cinq  cents 
anabaptistes  s'emparèrent  de  la  place  du  Marché,  obtinrent  la 
liberté  absolue  de  religion,  et  s'en  servirent  pour  étouffer  les 
autres  partis.  Le  bourgmestre  Tilbek  se  fit  baptiser,  et  se  prêta 
à  une  nouvelle  organisation  de  la  magistrature. 

Le  25  avril,  on  décréta  l'expulsion  de  tous  ceux  qui  refuse- 
raient le  nouveau  baptême.  Les  églises,  les  bibliothèques,  les 
couvents,  furent  détruits  ;  la  communauté  des  biens  fut  intro- 
duite. Jean  de  Leyde,  s'autorisant  de  la  révélation  divine,  abolit 
la  magistrature,  établit  douze  juges,  usurpa,  avec  le  titre  de 


544  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

roi,  le  gouvernement  de  la  forteresse  de  Sion,  ainsi  qu'il  appe- 
lait Munster,  et  régna  en  maître  absolu.  II  introduisit  la  poly- 
gamie et  prit  lui-même  dix-sept  femmes.  Il  annonça  dans  un 
manifeste  sa  prochaine  expédition  militaire  pour  châtier  et 
soumettre  tous  les  royaumes  de  la  terre.  Déjà  il  distribuait  les 
pays  environnants  à  ses  affidés. 

La  confusion  atteignit  les  dernières  limites.  Le  prince 
évêque,  qui  assiégeait  la  ville  avec  ses  troupes  et  avec  celles 
que  plusieurs  princes  lui  avaient  envoyées,  trouva  une  sérieuse 
résistance.  Matthiesen  perdit  la  vie  dans  une  sortie.  Il  ne  fallut 
pas  moins  de  dix-huit  mois  aux  assiégeants  pour  s'emparer  de 
la  ville  (25  juin  1535).  Jean  de  Leydc,  son  chancelier  Krechting 
et  son  bourreau  KnipperdoUing  furent  mis  à  mort  (23  janvier 
4536),  après  avoir  subi  tous  les  ;iffronts,  et  leurs  cadavres 
furent  suspendus  à  la  tour  Saint-Lambert  dans  des  cages  de  fer. 
D'autres  exécutions  succédèrent.  La  ruine  des  anabaptistes 
consomma  celle  du  protestantisme  à  Munster,  où  il  ne  réussit 
plus  à  s'implanter  dans  la  suite. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR    LE   N°  229, 

Herrn,  a  Kerssenbrock,  Anabaptistar.  furoris  hist.  narratio,  1564- 
1573;  Menken,  Scr  Germ.,  t.  III,  trad.,  Francf.  (Munster),  1771,  ia-4»; 
Kilian  Leib,  Annal.,  an.  1535,  p.  590  et  suiv.  Jugement  de  la  faculté  de 
Cologne,  en  1532,  sur  les  doctrines  de  Bernh.  Rottmann  :  du  Plessis 
d'Arg.,  III,  H,  p.  82-86;  Ilist.-pol.  Bl.,  t.  IX,  p.  99-108,  119-152,  203- 
214,  337-360;  t.  X,  p.  626  et  suiv.;  Cornelius,  die  Münst.  Humanisten 
und  ihr  Verhseltnisz  zur  Ref.,  Munster,  1851;  le  même,  Gesch.  der 
Wiedertaeufer,  ibid.,  1853;  Gesch.  des  Münst.  Aufrurhs,  Leipzig,  1855 
et  suiv.;  die  Niederhend.  Wiedertaeufer  wadirend  der  Belagerung  von 
Münster,  1534-1535  (Abhandl.  der  Münchener  Akad.,  1870,  t.  1, 
abth.  II,  p.  .50  et  suiv.);  Kampschulte,  Einführung  des  Protest,  in 
Westphalen,  Paderb.,  1866;  Rifrcl,  II,  ji.  580-664.  Vuy.  encore  Joch- 
raus,  Gesch.  der  Kirchenref.  zu  Münster  und  ihres  Unterganges  durch 
die  Wiedertaeufer,  Munster,  1825;  Hast,  Gesch.  der  Wiedertäufer, 
ibid.,  1836;  Erbkam,  Gesch.  der  protesl.  Seelen  im  Z.-A.  der  Ref., 
Hamb.,1848;  Füsser,  Gesch.  der  Wiedert.,  Munster,  1852,  1866;  Hase, 
Neue  Propheten,  abth.  II,  hvrais.  ui;  das  Reich  der  Wiedert.,  Leipzig, 
1861. 


LE   PROTESTANTIS  ME.  545 


Les  anabaptistes  en  d'autres  pays. 

230.  La  secte  étouffée  à  Munster  n'était  pas  définitivement 
détruite;  les  anabaptistes,  continuant  d'agir  en  secret,  se  pro- 
pagèrent de  la  Hollande  et  de  la  Livonie  dans  le  Tyrol.  Mais, 
poursuivis  partout  et  sans  espoir  de  réaliser  leur  règne  de 
mille  ans,  ils  devinrent  insensiblement  plus  modestes  et  plus 
réservés.  Leur  pensée  favorite  était  que  les  communautés 
chrétiennes  devaient  vivre  sans  loi,  sans  autorité  et  même  sans 
Bible  :  la  Bible,  Dieu  l'a  gravée  lui-même  dans  le  cœur  des 
hommes  ;  point  de  mariages,  point  do  guerres,  point  d'hosti- 
lités, mais  une  liberté  absolue.  La  cène  était  le  symbole  de 
l'amour  du  prochain.  Les  anabaptistes  détestaient  la  doctrine 
de  Luther  sur  la  justification.  Quelques-uns  rejetaient  aussi  le 
péché  originel  et  la  divinité  de  Jésus-Christ  ;  d'autres  ensei- 
gnaient la  restauration  de  toutes  choses  et  la  conversion  finale 
des  démons  ;  d'autres  étaient  antinomistes  ;  beaucoup,  enfin, 
croyaient  permise  la  pluralité  des  femmes.  Chaque  individu 
pouvait  être  prophète  et  docteur,  quand  Dieu  l'inspirait.  Ils 
détestaient  les  rites  extérieurs,  et  considéraient  la  Bible,  dans 
sa  forme  actuelle,  comme  falsifiée. 

Ils  avaient  pour  chefs  Dietrich  Battenbourg,  autrefois  bourg- 
mestre à  Stenwyk  on  Hollande,  et  Menno  Simonis,  ancien  curé 
catholique  à  Wittmaarsum,  dans  la  Frise,  anabaptiste  depuis 
1536.  Le  premier  enseignait  que  le  règne  des  élus  était  déjà 
arrivé  ;  il  essayait  de  l'imposer  par  l'incendie,  le  pillage  et  le 
meurtre,  et  permettait  la  pluralité  des  femmes.  Ses  disciples 
étaient  un  ramassis  de  gens  sans  aveu  ,  qui  ne  reculaient 
devant  aucun  crime.  Ils  se  traînèrent  pendant  trente  ans,  sous 
différents  chefs,  dans  les  provinces  du  nord-ouest,  jusqu'à  ce 
qu'ils  furent  exterminés. 

Menno  Simonis,  qui  rejetait  avec  Dietrich  le  baptême  des 
enfants,  se  sépara  de  lui  sur  les  autres  points,  et  essaya  de  ré- 
gler avec  beaucoup  de  réserve  les  relations  sociales  de  la  secte, 
îl  interdit  le  serment  et  le  port  des  armes,  et  recommanda 
expressément  l'obéissance  à  l'autorité.  Fondateur  de  nom- 
breuses communautés  (mort  en  1561),  il  donna  à  ses  partisans, 
appelés  aussi  baptistes,  le  nom  de  menuonites.  Ils  croyaient  à 

V.  —  HIST.    DE   l'église.  3o 


546  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

un  mal  héréditaire,  mais  sans  transmission  de  faute,  ainsi  qu'à 
la  satisfaction  de  Jésus-Christ.  La  foi  qui  sauve,  selon  eux, 
c'est  la  foi  qui  opère  par  la  charité.  Ils  concevaient  l'Église 
comme  une  société  de  justes  et  de  régénérés,  condamnaient  le 
divorce,  excepté  en  cas  d'adultère,  ainsi  que  la  guerre,  les 
procès  et  le  serment.  Ils  ne  recunnaissaient  que  deux  sacre- 
ments et  maintenaient  l'excommunication  :  de  là  leur  sépara- 
tion en  délicats  (flamingiens)  et  en  grossiers  (waterlœnder). 

Les  prédicateurs  étaient  confirmés  par  les  anciens  au  moyen 
de  l'imposition  des  mains,  et  sévèrement  astreints  à  respecter  la 
Bible.  Us  niaient  qu'ils  descendissent  des  anciens  anabaptistes. 
Dans  les  Pays-Bas,  où  ils  se  divisèrent  en  calvinistes  et  en  armi- 
niens au  sujet  de  l'élection  de  la  grâce,  ils  obtinrent  la  tolérance 
en  1578,  et  plus  tard  en  Angleterre,  dans  le  Holstein,  en  Prusse, 
dans  d'autres  pays  de  l'Allemagne  et  dans  le  midi  de  la  Russie. 
Comme  les  chefs  du  parti  se  nommaient  Galénus  et  Apostool, 
ils  reçurent  le  nom  de  galéuistes  (favorables  aux  remontrants) 
et  d'apostoliens  (1664).  Vers  1620,  à  Rhynsbourg,  les  collégiens 
s'unirent  aux  galénistes.  Le  nom  de  collège  s'appliquait  à  leurs 
assemblées  religieuses,  qui,  après  l'expulsion  des  prédicants 
arminiens,  furent  présidées  par  les  frères  Kotte(§  227). 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR   LE   N°   230. 

Jean  de  Kripp,  eiii  Beitrag  zur  Gesch.  der  Wiedertœufer  in  Tirol, 
Innsbruck,  i857;  Wiggers,  die  Taufgesinnten  in  der  Pfalz  (Niednors 
Ztschr.,  1848,  II,  p.  499  et  suiv.).  —  Opera  Mennonis,  Amst.,  1646;  H. 
Sehyn,  Hist.  cliristianorum  qui  Mennonitoe  appellantur,  Amst.,  1723,  et 
Hist.  Monuonit.  plenior  deductio,  ibid.,  1729;  Stark,  Gesell,  der  Taufe 
und  der  Taufgesinnten,  Leipzig,  1789;  Hunzinger,  das  Religions  und 
Schulwesen  der  Menuoniten,  Spire,  1831  ;  Mœhler,  Symbolique,  üb. 
II,  cap.  1,  p.  439  et  suiv. 

Les  sohwenkieldiens. 

231 .  Un  conseiller  aulique  du  duc  Frédéric  II  de  Liegnitz,  le 
chanoiue  Gaspard  Schwenkfeld,  né  en  1490  à  Ossig  en  Silésio, 
se  posa  en  réformateur  de  son  pays,  et  fut  d'abord  plein  d'en- 
thousiasme pour  Luther.  Mais  il  ne  tarda  pas,  ainsi  que  le  pré- 
dicant  V.  Krautwald,  à  abandonner  beaucoup  de  ses  proposi- 
tions :  il  le  trouvait  trop  esclave  de  la  lettre  morte,  l'accusait 


LE   PROTESTANTISME.  547 

d'extirper  le  bon  grain  avec  l'ivraie,  de  faire  trop  de  boulever- 
sements, de  résister  à  la  vraie  connaissance  que  le  Saint-Esprit 
donne  de  Jésus-Christ,  et  d'employer  des  moyens  tyranniques 
pour  asservir  les  hommes  à  sa  doctrine.  Le  trait  caractéris- 
tique do  la  doctrine  de  Schwenkfeld  était  le  respect  de  la  piété 
intérieure,  à  côté  de  laquelle  toute  l'org-anisation  externe  de 
l'Église  lui  semblait  accessoire  et  indifférente.  11  n'admettait 
pas  que  la  justification,  l'œuvre  du  salut,  fût  produite  en  nous 
par  la  prédication  extérieure,  parce  que  la  foi  ne  vient  pas  du 
dehors,  de  la  parole  ou  de  l'ouïe,  mais  de  la  parole  intérieure, 
qui  précède  tout  ministère  externe  ;  c'est  la  grâce  prévenante 
qui  fait  de  notre  âme  une  demeure  digne  du  Verbe  divin. 

Il  ajoutait  que  l'audition  extérieure  de  la  parole,  sans  la 
grâce  et  la  foi,  n'était  pas  exempte  de  péché  ;  que  toute  prédica- 
tion était  inutile  aux  cœurs  incrédules  et  non  régénérés,  parce 
que  les  âmes  éclairées  reçoivent  seules  la  parole.  La  Bible,  le 
ministère  de  la  parole,  ne  regardent  que  l'enseignement  de  la 
chair  ;  or  l'homme  nouveau  se  compose  de  chair  et  d'esprit. 
Dieu  agit  sur  la  chair  par  la  parole  littérale,  la  prédication  et 
les  symboles  ;  sur  l'esprit,  par  la  parole  de  l'esprit  et  de  la  vie, 
où  Jésus-Christ  nous  révèle  les  trésors  des  biens  célestes.  Pour 
que  l'homme  puisse  entendre  la  parole  avec  esprit  de  foi,  il 
faut  qu'il  soit  prévenu  de  la  grâce  :  alors  l'audition  de  la  parole 
extérieure  devient  féconde.  C'est  de  ce  point  de  vue  que 
Schwenkfeld  attaquait  la  théorie  de  Luther  sur  la  justification 
par  la  foi  seule,  sur  l'impossibilité  d'observer  les  commande- 
ments de  Dieu,  sur  le  libre  arbitre  et  l'imputation  de  la  justice 
de  Jésus-Christ.  La  doctrine  luthérienne  de  la  justification  lui 
semblait  conduire  à  l'impiété  et  à  l'immoralité  ;  cependant  il 
croyait  aussi  que  nos  meilleures  actions  ne  sont  devant  Dieu 
que  des  péchés. 

Sur  les  sacrements,  Schwenkfeld  développait  avec  logique 
l'opinion  primitive  de  Luther,  niait  le  rapport  essentiel  du 
signe  extérieur  avec  la  grâce,  n'attachait  au  signe  qu'une  cer- 
taine valeur  symboHque,  distinguait  même  le  baptême  exté- 
rieur de  l'eau,  qu'il  ne  croyait  pas  nécessaire,  du  baptême  inté- 
rieur de  l'esprit,  et  rejetait,  par  conséquent,  le  baptême  des 
enfants.  Dans  l'Eucharistie,  il  ne  voyait  que  l'expression  de 
cette  vérité  que  Jésus-Christ  nourrit  notre  âme  de  son  corps  et 


548  HISTOIRE   DE  l'ÉGLISE. 

de  son  sang,  de  la  même  manière  que  le  pain  et  le  vin  nourris- 
sent notre  corps.  Jésus-Christ  (selon  Jeaji,  vi,  51)  a  simple- 
ment voulu  dire  :  Mon  corps  est  le  pain  de  vie.  Il  n'admettait 
pas  de  présence  réelle,  pas  même  au  moment  de  la  commu- 
nion; mais  seulement  une  manducation  spirituelle,  qui  remet 
les  péchés  et  rend  participant  de  la  nature  divine.  L'Eucha- 
ristie elle-même  était  une  pure  cérémonie. 

Sehwonkfeld  avait  une  façon  particulière  de  concevoir  l'hu- 
manité déifiée  de  Jésus-Christ,  et  ce  n'était  pas  sans  raison 
qu'on  l'accusait  d'eutychianisme.  Tout  en  maintenant  exté- 
rieurement l'union  hypostatique,  il  croyait  à  l'unité  de  nature 
en  Jésus-uhrist,  et  cette  unité  supprimait  l'humanité  réelle. 
La  chair  de  Jésus-Christ,  disait-il,  est  sans  doute  une  chair 
humaine,  mais  elle  diflere  essentiellement  do  celle  des  autres 
hommes  :  ce  n'est  point  une  chair  créée,  soumise  au  péché, 
mais  une  substance  précieuse,  remplie  de  la  grâce  et  sortie  de 
Dieu  dès  l'origine  ;  elle  n'est  pas  de  la  première  création. 
Après  la  résurrection,  la  nature  hnniaine  en  Jésus-Christ  est 
devenue  une  chair  divine  ;  elle  a  été  complètement  divinisée 
par  Dieu  le  Saint-Esprit,  transfigurée;  elle  n'est  pas  autre 
chose  que  Dieu  môme.  Jésus-Christ,  même  dans  son  humanité, 
ne  doit  pas  s'appeler  une  créature;  il  a  souffert  aussi  en  tant 
que  Dieu;  le  Christ  tout  entier  est  sorti  de  Marie,  mais  le 
Saint-Esprit  a  opéré  en  elle.  La  première  création  était  incom- 
plète ;  la  ressemblance  divine  n'était  qu'ébauchée  dans  Adam  ; 
il  était  charnel,  et  ne  répondait  pas  à  son  idéal.  Jésus-Christ 
seul  a  consommé  la  première  création  dans  une  seconde  nati- 
vité ;  il  a  transformé  l'homme  terrestre  en  homme  céleste. 
L'Église  ne  renferme  que  des  prédestinés  ;  elle  embrasse  tous 
ceux  qui  ont  été  régénérés  dans  la  vérité,  à  quelque  secte 
qu'ils  appartiennent. 

Séjour  de  Sohwenkfeld  dans  différentes  villes. 

232.  Dès  1527,  Schwenkfeld  essaya  dans  Wittenberg,  où  il 
était  allé  sur  la  demande  de  son  duc,  do  gagner  Luther  lui- 
même  à  sa  doctrine  de  la  justification  et  de  la  cène.  Il  échoua, 
comme  il  devait  s'y  attendre. 

A  son  retour,  lui  et  Krautwald  trouvèrent  de  nombreux 


LE   PROTESTANTISME.  f)i9 

adhérents  en  Silésie.  Ses  airs  de  piété,  ses  tendances  spiritua- 
listes,  lui  valurent  aussi  les  bonnes  grâces  de  beaucoup  de  sei- 
gneurs. Cependant  il  n'en  fut  pas  moins  contraint,  persécuté 
qu'il  était  par  les  prédicants  luthériens,  surtout  pour  sa  doc- 
trine do  la  cène,  d'émigrer  en  1528. 

Il  se  rendit  en  Souabe,  séjourna  à  Augsbourg,  à  Ulm  et  à 
Tubingue,  puis  se  fixa  à  Strasbourg.  Il  fut  d'abord  en  bonnes 
relations  avec  Capito,  Bucer  et  Zell  ;  mais  quand  le  nombre  de 
ses  adhérents  se  multiplia  et  qu'ils  se  séparèrent  des  autres,  les 
réformateurs  s'élevèrent  contre  lui.  Bucer  l'accusa,  dans  un 
synode  convoqué  à  son  sujet  (1533).  Chassé  par  le  magistrat 
sans  égard  pour  ses  nombreux  disciples,  il  alla  dans  le  Wur- 
temberg, où  il  trouva  de  nouveaux  adversaires.  Bucer,  dans 
ses  lettres,  le  dépeignit  comme  un  séducteur  du  peuple.  Cepen- 
dant, dans  une  conférence  tenue  à  Tubingue  en  mai  1535- 
entre  Bucer,  Blaurer,  Frecht, d'une  part;  Schwenkfeld  et  Held 
de  Tiefenau,  d'autre  part,  un  accord  fut  conclu  par  lequel  les 
deux  parties  promettaient  de  se  pardonner  mutuellement  et  de 
ne  plus  s'injurier  à  l'avenir. 

Mais  quand  Schwenkfeld  se  mit  à  débiter  sa  doctrine  sur 
l'humanité  du  Christ,  tout  le  monde  se  souleva  de  nouveau 
contre  lui  et  contre  son  erreur  «  blasphématoire  de  Jésus-Christ  », 
surtout  l'assemblée  des  théologiens  luthériens  de  Smalkalde 
(i540).  Luther,  Mélanchthon,  Brenz,  Schnepf,  Jean  Vadian, 
et  parmi  les  cathohques,  Cochlée,  écrivirent  contre  lui.  Ses  ou- 
vrages furent  interdits  et  lui-même  partout  persécuté,  de  sorte 
qu'il  lui  fut  impossible  de  séjourner  longtemps  dans  aucun 
endroit.  Il  répondait  toujours  aux  ripostes  de  ses  adversaires, 
montrait  beaucoup  plus  de  calme  et  de  modération  dans  la 
polémique  que  les  autres  réformateurs,  était  plus  logique  dans 
ses  idées,  mais  non  moins  exempt  de  contradictions. 

Schwenkfeld  mourut  à  Ulm,  le  10  décembre  1561.  Les  parti- 
sans qu'il  s'était  créés,  lui  demeurèrent  fidèles  même  après 
sa  mort  et  se  maintinrent  ;  aujourd'hui  encore,  on  trouve  des 
schwenkfeldiens  en  Silésie  et  dans  l'Amérique  du  Nord.  Les 
plus  actifs  parmi  eux  étaient  Jean  Bader,  qui  introduisit  sa 
doctrine  à  Landau  en  1543  (mort  en  1545),  et  Aggée  Albada,  de 
kl  Frise  occidentale,  qui  croyait  avoir  reconnu  dans  Scbwenk- 
feld  l'Élie  du  Saint-Esprit. 


S50  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Ouvrages  a  consulter  et  remarques  critiques  sur  les  n°»  231-232. 

Les  écrits  et  les  lettres  de  Schwenkfeld  ont  été  signalés  par  r4.-G.-Fr. 
Walch,  Bibl.  theol.,  Vil,  66  et  seq.,  et  A.  Kœpke,  Hist.  Nachrichten 
vom  saechs.  Edelmann  Hrn.  Kaspar  Schwenkfeld  von  Ossig,  Prenzlau, 
1744,  in-8°.  En  grande  partie,  ils  ont  été  édités  de  1564  à  1570  et  suiv., 
4  vol.;  puis  en  1592,  4  vol.  in-4°.  Lettres  de  Schwenkfeld  (s.  1.),  1697, 
in-8"».  —  Courte  Notice  biographique  de  Schwenkfeld  et  le  Départ 
d'Ossig,  1697.  L.-A.  Salig,  Hist,  der  Augsb.  Confess.,  th.  m,  p.  951; 
die  wesentlichen  Lehren  des  Hrn.  Kaspar  v.  Schwenkfeld,  Breslau, 
1776;  Rosenberg,  Schles.  Reform. -Gesch.,  p.  412;  Schrœckh,  IV, 
p.  513-530;  Wachler,  Leben  und  Wirken  Kasp.  Schwenkf.  waehrend 
seines  Aufenthalts  in  Schlesien  (Streits  Schlesische  Prov.-Bloetter, 
1833,  I,  p.  119  et  suiv.);  K.-A.  Menzel,  N.  Gesch.  der  Deutschen,  I, 
p.  469-478;  Kadelbach,  Ausführl.  Gesch.  Kasp.  Schwenkf.,  Laub.,  1861. 
Auteurs  catholiques  :  Carl  Xaver  Argent,  S.  J.,  Zusatz  der  übrigen  Irr- 
thümer,  welche  die  Schwenkfelder  in  Schlesien  verschwiegen,  Neisse, 
1722;  Ritter,  K.-G.,  VI,  2«  éd.,  p.  210-213;  Dœllinger,  Réf.,  I,  p.  204, 
229-274.  Sur  Bader  et  Albada,  ibid.,  p.  275-278. 


Renaissance  des  anciennes  hérésies.  —  Les  -wreigéliens. 

233.  Il  était  à  présumer  que  tous  les  partisans  du  protestan- 
tisme ne  se  contenteraient  pas  des  dogmes  des  réformateurs, 
mais  que  plusieurs  les  dépasseraient  de  beaucoup,  en  vertu  même 
du  principe  formel  du  protestantisme.  Otton  Brunfels  se  posa 
dans  Strasbourg  en  critique  de  la  Bible,  et  supprima  les  quatre 
Évangiles,  parce  qu'ils  présentaient  des  contradictions  inso- 
bibies.  François  Lambert  soutint  cette  thèse  hardie  et  incom- 
mode pour  les  autres  réformateurs,  que  l'Église  avait  complète- 
ment disparu  depuis  quatorze  siècles,  peu  de  temps  après  l'ère 
des  apôtres  ;  qu'elle  s'était  égarée  dans  les  mensonges  des 
hommes,  et  qu'elle  était  tombée  dans  un  entier  aveuglement  ; 
que  la  vraie  foi  était  restée  totalement  bannie  jusqu'à  ce  que 
Dieu  eût  fait  luire  dans  les  ténèbres  les  premiers  rayons  du 
soleil  qui  s'était  levé  à  Wittenberg. 

Jean  Denk  (mort  en  1528)  fut  accnsé  de  plusieurs  erreurs, 
notamment  de  professer  la  doctrine  d'Origène  snr  la  fin  des 
peines  de  l'enfer.  L.  Hetzer,  anabaptiste  et  polygame,  ressus- 
cita l'arianisme,  et  prétendit  que  Jésus-Christ  était  de  beaucoup 
inférieur  au  Père.  Jean  Campanus,  de  Juliors,  professait  aussi 


LE    PROTESTANTISME.  Kol 

des  erreurs  ariennes  sur  le  Verbe,  et  contestait  la  personnalité 
du  Saint-Esprit,  qu'il  tenait  simplement  pour  une  opération  du 
Père  et  du  Fils.  Pour  cela  il  fut  emprisonné  pendant  vingt-cinq 
ans  (mort  vers  1578-1580). 

En  France,  Jean  Bodin  était  déiste  et  antitrinitaire.il  y  eut  un 
moment  où  il  sembla  que  toutes  les  hérésies  de  l'antiquité 
allaient  reparaître,  non  seulement  les  sectes  antitrinitaires, 
mais  aussi  les  sectes  judaïques.  Les  sabbatiens  rétablirent  la 
circoncision  et  le  culte  judaïque.  Le  faux  mysticisme  ressuscita, 
notamment  sous  la  forme  que  lui  avait  donnée  autrefois  Sébas- 
tien Frank  (mort  vers  1545),  lequel  n'accordait  aucune  valeur 
objective  à  la  parole  extérieure,  à  la  Bible  et  au  dogme  de 
l'Église,  en  dehors  de  la  parole  intérieure.  Valentin  Weigel, 
né  en  1533,  mort  en  1588,  pasteur  dans  l'Erzgebirge  de  Saxe, 
ne  s'était  pas  écarté  au  dehors  de  l'orthodoxie  protestante  ;  mais, 
après  sa  mort,  ses  écrits  et  les  doctrines  de  ses  partisans  le 
firent  condamner  comme  hérétique. 

Maître  Eckart,  la  «  Théologie  allemande  »,  Tauler,  Car- 
lostadt,  Mùnzer,  Schwenkfeld,  exercèrent  sur  lui  une  grande 
influence.  Il  empruntait  ses  vues  spéculatives  aux  écrits  du 
Pseudo-Aréopagite  et  à  ceux  de  Théophraste  Paracelse,  qui 
essayait  de  fondre  la  théologie  avec  la  physique  et  la  chimie,  et 
qui  mourut  à  Salzbourg  dans  le  catholicisme  (1541).  On  peut 
résumer  ainsi  la  théorie  fondamentale  de  Paracelse,  médecin 
suisse  :  L'opération  de  Dieu  dans  la  nature  est  analogue  à  son 
opération  dans  le  royaume  de  la  grâce.  La  chimie  donne  la 
solution  des  changements  qui  se  produisent  non  seulement 
dans  les  corps,  mais  encore  dans  le  monde  des  esprits.  C'est 
avec  elle  qu'il  faut  chercher  l'élixir  de  la  vie  et  la  pierre  philo- 
sophale.  Ce  théosophe  alchimiste,  qui  avait  nom  Philippe- 
Théophraste  Bombaste  de  Hohenheim,  et  s'appelait  dans  ses 
écrits  Auréole-Théophraste  Paracelse,  ce  charlatan  orgueilleux, 
adopta  la  trichotomie  platonicienne,  et  s'en  servit  pour  décrire 
une  triple  connaissance  et  une  triple  vie.  A  l'esprit  issu  de  Dieu 
il  attribuait  la  force  de  tout  connaître  en  Dieu. 

V.  Weigel  admettait  aussi  la  trichotomie;  il  croyait  à  une 
lumière  interne  qui  suffisait  seule  pour  connaître  la  révéla- 
tion extérieure  de  Dieu  consignée  dans  la  Bible  et  donnait 
une  connaissance  vraiment  religieuse,  tandis  que  toutes  les 


K52  HISTOIRE  DE  l'ÉGLÏSK 

autres  choses  ne  servaient  qu'à  troubler  l'esprit.  De  même  que 
nous  devons  tout  apprendre,  nous  devons  pouvoir  tout  devenir; 
et  comme  notre  devenir  procède  de  l'être,  nous  devons  être  dès 
l'origine  tout  ce  que  nous  pouvons  être.  L'esprit  vient  de  Dieu  ; 
la  création  de  l'homme  est  un  acte  nécessaire  de  la  sagesse 
divine.  Dieu,  dans  tout  ce  qu'il  fait,  ne  crée  que  soi;  il  se 
connaît,  il  s'aime  dans  ses  créatures.  La  chute  originelle  a  eu 
lieu  dans  le  monde  des  esprits ,  et  a  produit  cette  vie  cos- 
mique. Tout  dans  Weigel  rappelle  les  doctrines  panthéistes  et 
gnostiques.  Il  conçoit  Jésus-Christ  comme  descendu  du  ciel  avec 
sa  chair  et  son  sang. 

Les  partisans  de  Weigel,  le  chantre  Christophe  Weickert 
(éditeur  de  ses  œuvres),  Ézéchiel  Meth  et  Isaïe  Stiefel,  qui 
allaient  jusqu'à  se  faire  passer  pour  Jésus-Christ,  eurent  bien 
des  persécutions  à  endurer.  Les  écrits  de  Weigel  furent  interdits 
dans  la  Saxe  électorale  (1624)  ;  mais  les  weigéliens  se  main- 
tinrent en  secret. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  ET  REMARQUES   CRITIQUES   SUR    LE    N°  233. 

Otto  Brunsfelsius,  Verbuni  Dei  multo  magis  expedit  audire  qaara 
Missam  (s.  1.)  :  Dœllinger,  II,  p.  30.  La  Sorbonne  condamna  en  1530 
son  Liber  Pandectarum  V.  et  N.  T.,  et  on  tira  14  propositions  :  du 
Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  85  ot  suiv.  —  Francisci  Lamberli  Aven.  Com- 
ment, in  Cantica  Cant.,  s.  1.,  f.  44;  Comment,  de  prophetia  et  unguis 
(condamnés  à  Paris  en  1542-1543,  ib.,  II,  i,  p.  135)  :  Dœllinger,  p.  18. 
On  reprocbait  à  Jean  Denk  (Dcell.,  I,  p.  192  et  suiv.)  :  1°  d'admetU'e 
l'apocatastase  et  la  fin  des  supplices  de  l'onfer;  2°  de  professer  les 
dogmes  des  anabaptistes  ;  3°  de  soutenir  le  libre  arbitre  ;  4°  de  rejeter 
l'imputation  de  l'obéissance  active  de  Jésus-Cbrist.  Sur  Hetzer,  voy. 
Dœllinger,  I,p.  197  et  suiv.;  Thom.  Blaarer,  Wie  L.  Hetzer  zu  Costentz 
mil  dem  Scbwert  geriebt  usz  disem  zyt  abgescbeyden  ist,  Strasb., 
1529.  Sur  d'autres  et  Campanus,  voy.  Trecbsel,  die  Protest.  Antitrini- 
tarier,  I»' livre,  p.  26-34;  de  Gubrauer,  die  Ileptaplomeros  des  Bodin, 
Berlin,  1841  ;  ed.  Noack,  Schwerin,  1857.  Paul  Éber  traite  des  sabba- 
tiens(1555),  Wider  die  verfluchte  Lehreder  Karlstadter,  p.  6  et  suiv.: 
Dœllinger,  II,  p.  69.  Ibid.,  I,  p.  187  et  suiv.,  sur  Sébastien  Frank,  qui 
vécut  à  Nnrenberg  jusqu'en  1530,  à  Ulm  jusqu'en  1539,  erra  ensuite 
en  diverB  endroits,  d'abord  fervent  luthérien,  puis  éclectique,  souvent 
accusé  do  doctrines  anabaptistes  (mort  en  1543).  Agrippa  de  Nettes- 
heim  (mort  en  1535),  de  Occulta  Philosophia  —  de  Vanitate  scientia- 
rum,  Opp.,  Lugd.,  1600,  2  t.,  cabaliste  et  magicien.    Philippe-Théo- 


LE   PROTESTANTISME.  ?)53 

phraste  Bombaste  Paracelse  de  Hohenheim,  surnommé  dans  ses 
écrits  «  Aureolus  Theophrastus  Paracelsus  »,  0pp.,  éd.  Basil,,  1589  et 
seq.,  5  vol.  in-4°;  Rixner  et  Siber,  Leben  und  Lehren  berühmter  Phy- 
siker, 1829,  I;  Preusz,  die  Theo),  des  Paracelsus,  Berlin,  1839  ;  Denzin- 
ger,  von  der  relig.  Erkenntnisz,  I,  p.  390-395.  Ouvrages  de  Val.  Wei- 
gel  :  1"  Kirchen  oder  Hauspostille;  2°  Principaltractat  von  der  Gelas- 
«enheit;  3»  der  Güldene  Griff,  d.  i.  Anleitung,  alle  Dinge  ohne  Irrthum 
zu  erkennen,  Neusz.,  1607;4°  Dialogus  de  christianismo,  1614;  5°  Stu- 
dium universale,  ed.  Lips.,  1700;  6°  Kurzer  Weg  alle  Dinge  zu  erken- 
nen; 7°  das  Büchlein  vom  Leben  Christi;  8°  das  Büchlein  vom  Gebete, 
etc.  Theologia  Weigelii,  Neustadt,  1618;  Ritter,  Gesch.  der  Philoso- 
phie, X,  p.  77  et  suiv.;  Staudenmaier,  Philos,  des  Christenth.,  I,  p.  723 
et  suiv.;  Denzinger,  loc.  cit.,  p.  416-424;  Hagenbach,  Gesch.  des  Ref.- 
Zeitalters,  III,  p.  337;  L.  Pertz,  Ztschr.  für  bist.  Theol.,  1857,  I  et 
suiv.;  1859,  I;  1860,  p.  258  et  suiv.;  Kromayer,  de  Weigelianismo, 
Rosœ-Crucianismo  et  Paracelso,  Lips.,  1669;  H.  Schmid,  Gesch.  des 
Pietismus,  Noerdl.,  1863  ;  Opel,  Val.  "Weigel,  Leipzig,  1864;  Schrœckh, 
IV,  p.  674  et  suiv.;  Walch,  Einl.,  IV,  p.  1024  et  suiv.;  Gieseler,  Lehrb, 
der  K.-G.,  III,  n,  p.  433  et  suiv. 

Theosophie  de  Bœhme. 

23.4.  Les  idées  de  Théophraste  Paracelse  et  de  Weigel,  notam- 
ment le  panthéisme  tliéosophique,  imprégné  de  dualisme, 
furent  développées  par  Jacques  Bœhme,  cordonnier  de  Gœrlitz 
(mort  en  1624),  homme  de  talent,  et  dont  les  écrits  lui  valurent 
dans  la  suite  une  grande  influence.  Il  croyait  avoir  reçu  dès  sa 
jeunesse  des  révélations  supérieures,  une  doctrine  secrète  ren- 
fermée dans  les  limites  du  christianisme,  et  qui  n'appartenait 
qu'à  quelques  élus.  Il  essayait  d'expliquer  sa  mystique  par  les 
figures,  les  couleurs,  les  phénomènes  de  la  physique  et  de  la 
chimie.  Il  trouva  de  nombreux  disciples,  dont  les  principaux 
furent,  en  Silésie,  Abraham  de  Frankenborg  (son  biographe) 
et  le  médecin  Balthasar  AValther  ;  il  en  eut  aussi  en  Hollande 
et  en  Angleterre. 

En  Allemagne,  les  partisans  de  Bœhme  eurent  différents 
combats  à  soutenir.  La  propagation  des  doctrines  de  Bœhme, 
souvent  présentées  sous  des  figures  obscures,  donna  heu  à  la 
légende  d'une  société  secrète  qui  se  trouvait  en  possession  des 
mystères  de  la  nature  et  de  la  pierre  philosophale,  et  qui  était 
dirigée  par  un  chef  inconnu,  Rose-Croix,  dont  ils  prirent  le 


554.  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE, 

nom.  La  superstition  régnante  favorisa  cette  opinion,  que  pro- 
pagèrent deux  écrits  anonymes  (1614).  Beaucoup  sollicitaient 
vainement  leur  admission  dans  cet  «  ordre  secret»,  qui  n'existait 
que  dans  les  imaginations,  et  dont  Jean-Valentiu  Andréas 
(mort  en  1654)  s'était  déjà  moqué  dans  sa  jeunesse.  Il  se  forma 
réellement  dans  la  suite  quelques  sociétés  particulières,  qu'en- 
tourait le  prestige  de  l'inconnu  et  du  mystérieux.  Les  idées  de 
Paracelse  et  de  Bœhme  influèrent  encore  pendant  longtemps 
sur  les  philosophes  et  les  naturalistes,  par  exemple,  sur  le  mé- 
decin anglais  Robert  Flud  (de  Fluctibus,  mort  en  1637),  «  le 
père  de  la  philosophie  du  feu  » . 

OÜVBAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LK    N°  234. 

J.  Bœhme's  Werke,  ed.  Gichtel,  Amst.,  1682,  2  vul.  in-4o;  1730, 
6  vol.,  par  Scheibler  ;  Leipzig,  1831  el  suiv.;  Stultg.,  1835,  4  vol. 
Baur,  Christi.  Gnosis,p.  557  et  suiv.;  Wuller,  Jak.  Bœhme's  Leben  und 
Lehre,  Stuttg.,  1830;  Hauiberger,  J.  Bœhme's  Leben  und  Lehre,  Mu- 
nich, 1844;  le  même,  par  Lechner,  Gœrlitz,  1857;  par  Peip,  Hamb., 
1862;  Frz.  Baader,  Vorles.  über  Bœhme's  Lehren,  Ges.  Sehr.,  par 
Hoffmann,  t.  IV,  abth.  ii;  Denzinger,  op.  cit.,  p.  424-434;  Stauden- 
maier,  I,  p.  726-740;  Theosophia  practica,  Gichteis  Briefe  und  Leben, 
3°  éd.,  Leyde,  1722,  7  vol.;  Harlesz,  dans  Hengstenbergs  Evang.  K.- 
Zeitung, 1831,  n.  77  et  suiv.;  J.-G.  Beinbeck,  Nachrichten  von 
Gichteis  Lebenslauf  u.  Lehren,  Berlin,  1732.  J.-G.  Gichtel,  disciple 
de  Bœhme  (mort  en  1610),  a  donné  naissance  aux  frères  des  anges 
(selon  Matlh.,  xxii,  30),  qui  se  vantaient  d'être  détachés  de  toutes 
les  choses  de  la  terre.  Sur  les  Rose-Croix,  voy.  Héfelé,  dans  le  Diction, 
encycl.  de  lathéol.  cathol.,  sous  ce  mot,  t.  IX,  p.  393-403,  avec  indica- 
tion des  ouvrages.  Allg.  und  Generalreformation  der  ganzen  weiten 
Welt  beneben  der  Fama  fraternitalis  oder  (Entdeckung  der)  Brüder- 
schaft des  hochlœbh  Ordens  des  Rosenkreuzes  an  die  Haeupter,  Stœnde 
und  Gelehrten  Europse,  imprimé  à  Cassel  par  Guill.  Wessel  (1614,  réim- 
primé à  Berlin,  1781,  sous  la  fausse  indication  :  Ratisbonne,  1681;  puis 
à  Francfort-sur-le-Mein,  1827).  En  1615  :  Confessio  oder  Bekandnusz 
der  Societoit  u.  Bruderschaft  R.-C.  —  (Jean  Andreon)  Chyinische 
Hochzeit  Christiani  Roscnkreuz,  1616.  Du  Plessis  d'Arg.,  III,  n,  p.  190, 
cite  :  Themis  aurea,  h.e.,  de  Legibus  fraternitatis  Roseœ  Crucis  tract., 
auctore  Mich.  Mairo  (A.-Nicol.  Hoffmann);  Mercure  français,  t.  IX, 
p.  371  ;  Galass,  S.  J.,  Malvasia  Cent.,  XVI,  etc.  —  Herder,  dans  le 
Teutschcn'Mercur,  mars  1782,  p.  228  et  suiv.  Autobiographie  d'Andréœ, 
Irad.  du  latin  par  Seybold,   Wint«rlhur,  1799;  Hoszbach,  Joh.  Val. 


LE    PROTESTANTISME.  5o5 

Andresp.  n.  seine  Zeit,  Berlin,  1819;  Chr.  v.  Murr,  ueber  den  wahren 
Uiipruiig  d.  Rosenkr.-u.  des  Freim. -Ordens,  Sulzb.,  1803;  Buhle, 
Ursprung  u.  die  vormaligen  Schicksale  der  Orden  der  R.-Kr.  u. 
Freim.,  1804;  Nikolai,  Bemerkungen  über  den  Ursprung  u.  die  Gesch. 
d.  Ros.  u.  Freim.,  1800;  Sigwart,  Gesch.  der  Philos.,  II,  p.  51  et  suiv., 
449  et  suiv.;  Guhrauer  in  der  Ztschr.  f.  bist.  Theol.,  1852,  II;  Hochhut, 
Weigelianer  u.  Rosenkreuzer,  ibid.,  1863,  II;  1864,  III;  Roberti  de 
Fluctibus  Opp.,  ed.  Oppenheim  et  Goude,  1617,  5  t.  in-f". 

Incrédules  divers. 

235.  II  ne  faut  pas  s'étonner  si  toutes  les  aberrations  imagi- 
nables de  l'esprit,  toutes  les  erreurs  possibles  se  rattachaient 
au  grand  mouvement  des  esprits  provoqué  par  l'humanisme, 
devenu  en  partie  païen,  et  par  l'arbitraire  des  réformateurs 
religieux.  Parmi  les  humanistes  du  seizième  siècle,  plusieurs 
étaient  devenus  complètomeut  incrédules  et  athées  —  nous  en 
avons  un  exemple  dans  Casimir  Leszczinski,  qui  fut  exécuté  à 
Varsovie  en  1589,  pour  avoir  nié  l'existence  de  Dieu  et  la  Pro- 
vidence ;  —  d'autres  étaient  panthéistes,  dualistes  ou  sceptiques. 
Crotus  Ruboamus  avait  appelé  la  messe  une  comédie  ;  les 
reliques,  des  ossements  de  coracite;  le  chant  des  psaumes, 
des  hurlements  de  chiens.  Mutian  Rufus,  chanoine  d'Erfurt, 
après  s'être  engraissé  des  biens  de  l'Église,  se  moquait  d'elle  et 
disait  ouvertement  :  «  Il  n'y  a  qu'un  Dieu  et  une  déesse,  sous 
des  noms  et  des  formes  différentes  :  Jupiter,  le  Soleil,  Apollon, 
Moïse,  Jésus- Christ  ;  Pruserpine,  Tellus,  Maria.  Mais  gardez- 
vous  de  propager  cela;  il  faut  le  tenir  secret,  comme  les  mystères 
d'Eleusis.  Mutian  n'était  que  le  représentant  d'une  théorie  qui 
trouvait  de  l'écho  chez  beaucoup  d'humanistes  et  ruinait  de 
plus  en  plus  la  foi. 

En  Angleterre,  Henri  Nicolas  (Niclas)_,  disciple  de  l'anabaptiste 
David  George,  disait  en  1575  que  l'essence  de  la  religion  consiste 
dans  le  sentiment  de  l'amour  divin,  que  tout  lo  reste  est  inutile  ; 
que  la  persévérance  dans  la  piété  amène  la  surabondance  de 
la  grâce.  Ses  partisans  se  nommaient  «  Enfants  de  l'amour  » 
ou  ((  familistes  ». 

Le  calviniste  Halket,  persuadé  que  l'esprit  du  Messie  était 
descendu  sur  lui,  envoya  deux  disciples  annoncer  à  travers  les 
rues  de  Londres  que  Jésus-Christ  allait  apparaître  avec  le  crible  ; 


356  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

il  espérait  encore  sur  l'échafaud  que  Jésus-Christ  viendrait  le 
délivrer  (1591). 

Dans  les  Pays-Bas,  le  peintre  David  Joris,  de  Delft,  se  ratta- 
chait aux  apocalyptiques  du  moyen  âge,  et  interprétait  la  Tri- 
nité dans  le  sens  des  anlitrinitaires  ;  il  en  faisait  trois  périodes 
du  monde,  dont  la  dernière  commençait  avec  lui. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N«  233. 

D.  Slrausz,  Ulrich  v.  Hütten,  Leipzig,  1858,  I,  p.  47  etsuiv.;  Erbkam, 
Gesch.  der  prot.  Secten  im  Zeitalter  der  Ref.,  Hamb.,  1848;  Stow, 
Annal.,  an.  1591;  Füller,  Church-hist.,  liv.  IX,  p.  113;  G.  Brandt, 
Bist,  abrég.  de  la  réf.,  I,  p.  46. 

TRAVAUX  DE  THÉOLOGIE. 
L'exégèse. 

236.  Les  protestants  fournissaient  encore  peu  de  travaux  sur 
la  critique  biblique  ;  ils  s'en  tenaient  aux  éditions  en  vogue, 
surtout  à  celle  d'Érasme.  Leurs  explications  de  la  Bible  étaient 
limitées  par  la  répudiation  qu'ils  faisaient  de  l'autorité  de 
l'Église  et  de  la  Tradition,  par  leurs  conceptions  arbitraires  et 
par  les  bornes  étroites  de  leur  propre  dogmatique.  Tout  en  ne 
cessant  d'invoquer  l'Écriture,  ils  y  introduisaient  leurs  idées 
préconçues.  D'après  le  règlement  d'études  dressé  par  Mélanch- 
thon  en  1340,  on  devait  commencer  par  i'Épître  aux  Romains, 
et,  dans  cette  Épître,  par  les  passages  sur  la  justilkation,  la  loi  et 
l'Évangile  ;  continuer  par  I'Épître  aux  Galates  avec  le  commen- 
taire de  Luther,  et  I'Épître  aux  Colos.siens  avec  les  éclaircisse- 
ments de  Mélanchthon  :  c'est  alors  seulement  qu'on  devait 
aborder  l'Évangile,  en  ayant  toujours  soin  de  l'accommoder  aux 
dogmes  protestants  et  do  les  y  faire  cadrer. 

Mélanchthon  essaya  de  fonder  une  école  d'éxégètes  ;  il 
travailla  avec  beaucoup  d'ardeur  sur  I'Épître  aux  Romains,  et 
essaya  même  d'interpréter  en  faveur  de  la  nouvelle  doctrine 
I'Épître  de  saint  Jacques,  rejetée  par  Luther.  11  y  avait  toujours 
do  grandes  divergences  sur  la  manière  d'interpréterun  seul  et 
même  passage,  par  exemple,  sur  l'institution  del'Phicharistie.En 
l'absence  d'études  préalables,  de  calme  dans  les  esprits,  de  matu- 
rité dans  les  travaux  qu'on  se  hâtait  de  jeter  dans  le  public,  on  ne 


LE    PROTESTANTISME.  557 

trouvait  point  de  commentateurs  éminents  de  l'Écriture.  Luther 
ne  donnait  guère  que  des  ouvrages  dogmatiques  incomplets 
dans  la  forme  et  pleins  de  fautes  sous  le  rapport  de  la  langue. 
Les  commentaires  ■  de  Calvin  étaient  plus  agréables,  plus 
savants,  mais  non  moins  artificiels  et  arbitraires;  c'étaient  le 
plus  souvent  des  leçons  et  des  parénèses.  Chacun  ne  s'attachait 
qu'à  ses  opinions  dogmatiques  favorites.  Bèze  fut  l'exégète  le 
plus  spirituel  et  le  plus  pénétrant  des  calvinistes.  On  adoptait 
dans  toute  sa  rigueur  la  théorie  de  l'inspiration.  La  formule 
du  co7isentement  helvétique  étendait  l'inspiration  à  tous  les 
mots  et  jusqu'aux  points  voyelles  de  l'hébreu.  Cette  manière  de 
voir,  le  cercle  restreint  des  idées  dogmatiques,  l'horreur  de 
toute  philosophie,  rendaient  la  plupart  des  commentaires  pro- 
testants forcés,  illogiques,  impraticables.  Mélanchthon  seul  et 
son  école,  puis  les  juristes,  qui  développaient  le  droit  naturel, 
tenaient  un  plus  grand  compte  des  doits  de  la  raison. 

0ÜVRAGB3   A   CONSULTER   ET    REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE   N'°    236. 

Mauvais  état  des  études  d'exégèse  :  Dœllinger,  Réf.,  I,  p.  454  et 
suiv.  Règlement  d'études  par  Mélaiichthon  :  Corp.  Ref.,  II,  457  et  seq.; 
Dœllinger,  III,  p.  298.  Le  même  sur  l'Épître  de^saint  Jacques,  ibid., 
p.  286  et  suiv.  Le  réformateur  d'Ansbach,  Andréas  Althammer,  avait, 
dans  une  lettre  latine,  déclaré  cette  épitre  apocryphe,  en  i535,  cette 
lettre  fut  publiée  eu  allemand  à  Wittenberg.  Pendant  la  querelle  sur 
l'intérim  de  1.Ö47,  la  questiou  fut  remise  sur  le  tapis  à  propos  du 
sacrement  d'extrème-onction,  en  faveur  duquel  on  invoquait  cette 
épître.  Cependant  la  plupart  des  protestants  la  rejetèrent  en  i548; 
plus  tard  ils  se  montrèrent  hésitants,  et  se  tirèrent  d'affaire  par 
diiférents  artilices  d'exégèse.  Dœllinger,  III,  p.  357-363.  Sur  Calvin, 
voy.Escher,  de  Calvino  N.  T.  interprète,  Utraj.,  1840.  Ses  commen- 
taires ont  été  propagés  depuis  1831  par  Tholuck  en  deux  éditions  ; 
voy  Tholucks  Lit.  Anzeiger,  1831,  n.  41  et  suiv.  Là-dessus  Fritzsche, 
ueber  die  Verdienste  Thol.  in  der  Schrifterkiœrung,  Halle,  1831, 
p.  109.  Inspiration,  dans  la  Formula  consensus  helvetica,  can.  ii; 
Mélanchthon  et  les  néo-aristotéliciens  :  Brucker,  Hist.  philos.,  IV,  i, 
p.  238  et  seq.;  Denzinger,  Rel.  Erkenutn.,  I,  p.  130  et  suiv. 


558  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Principaux  exégëtes  protestants. 

237.  La  plupart  des  théologiens  de  marque  cultivaient 
l'exégèse.  Luther  avait  écrit  d'excellentes  choses  sur  quelques 
parties  de  la  Genèse ,  des  Psaumes  et  de  l'Épître  aux  Galates, 
bien  qu'il  les  eût  gâtées  par  ses  discours  violents,  injurieux,  et 
par  le  ton  grossier  de  ses  remarques.  Mélanchthon ,  par  sa 
connaissance  de  l'hébreu  et  ses  comparaisons  entre  l'Ancien  et 
le  Nouveau  Testament,  avait  provoqué  une  foule  d'explications 
excellentes.  M.  Flacius  essaya,  dans  sa  Clef  de  l'Ecriture 
sainte  et  dans  sa  courte  glose  sur  le  Nouveau  Testament,  de 
fonder  une  exégèse  scientifique.  François  Wolfgang,  dans  son 
Herméneutique,  et  surtout  le  classique  Salomon  Glassins,  dans 
sa  Philologie  sacrée,  continuèrent  ces  efforts.  V.  Strigel,  Camé- 
rarius,  Brenz,  Bugenhagcn,  GEcolampado,  ne  se  distinguèrent 
que  dans  certaines  parties.  Wolfgang  Musculus  (mort  en  1563), 
Martin  Chemnitz  et  David  Chytrée  étaient  les  plus  renommés, 
quoique  leurs  commentaires  eussent  surtout  un  caractère 
polémique;  ils  s'en  tenaient  strictement  aux  livres  symboliques 
(analogie  de  la  foi),  et  s'élevaient  avec  force  contre  ce  qui, 
contredisait  ou  semblait  contredire  la  Bible. 

Trois  traductions  nouvelles  de  l'Écriture  parurent  en  latin 
chez  les  protestants  :  r  celle  de  Sébastien  Münster  (Bâle,  1534 
et  1546);  2"  celle  de  Léon  Judœ  (Zurich,  1543),  achevée  par 
Bibliander;  3°  celle  de  Sébastien  Castellio  (Bâle,  1551),  re- 
nommée pour  son  style  classique,  mais  vivement  blâmée 
parce  qu'elle  présentait  les  idées  de  la  Bible  dans  le  style  des 
anciens  écrivains  de  Rome,  ce  qui  la  fit  traiter  d'œuvre  sata- 
nique.  Bèze  lui  opposa  sa  propre  traduction,  où  il  s'appliquait 
à  restituer  à  la  Bible,  autant  que  possible,  sa  couleur  orientale. 

La  partie  Unguistique  de  l'exégèse  de  l'Ancien  Testament 
fut  cultivée,  après  Conrad  Pélican,  par  Buxtorf  l'Aîné  et  Bux- 
torf  le  Jeune,  professeurs  des  langues  orientales  à  Bâle.  L'aîné 
(mort  en  1629)  commença  un  lexique  chaldaïque,  talmudique 
et  rabbinique,  que  son  fils  (mort  eu  1664)  acheva  en  1640. 
Tous  les  deux  se  servaient  du  Talmud  et  de  la  littérature  rabbi- 
nique. Thomas  Erpenius  (mort  en  1624),  et  son  disciple 
Jacques  Golius  (mort  en  1667),  encore  plus  capable  que  lui, 


LE    PROTESTANTISME.  559 

favorisèrent  l'étude  de  l'arabe  par  leurs  grammaires,  leurs 
lexiques  et  autres  travaux. 

Samuel  Bochart  (mort  en  1667)  s'occupa  de  la  géographie 
et  de  la  zoologie  bibliques.  Hugues  Grotius,  aussi  célèbre 
comme  philologue  que  comme  juriste,  montra,  dans  ses  A?i7io- 
tatioiis  sur  la  Bible  une  grande  connaissance  des  langues, 
jointe  à  beaucoup  d'impartialité;  il  n'y  tenait  aucun  compte  dos 
dogmes  calvinistes,  tandis  que  Coccejus  (Koch)  à  Leyde  (mort 
en  1669)  essayait  de  maintenir  le  calvinisme  modéré. 

Une  violente  dispute  éclata  sur  l'origine  des  accents  et  des 
points  voyelles  hébraïques,  surtout  entre  Jean  Buxtorf  et 
Louis  Capellus  ;  puis  une  autre,  du  temps  de  Henri  Estienne, 
sur  la  grécité  du  Nouveau  Testament. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES  CRITIQUES    SUR  LE  N"  237. 

Critici  sacri,  s.  cl.  virorum  iu  Biblia  annotât.,  Lond.,  1660,  9  t. 
in-f,  nov.  ed.,Francof.,  1678  et  seq.,  Utraj.,  1684  et  seq.;  Chr.  Starke, 
Synops.  bibl.  exeg.,  Leipzig,  1741  et  suiv.,  6  vol.  in-4'';  ttosenmuller, 
Hdb.  für  die  Lit.  der  bibl,  Kritik  u.  Exeg.,  Gœtlingue,  1797  et  suiv. 
Bèze  accusa  M.  Fiacius  d'avoir  pillé  ses  ouvrages  :  Calv.  Epist.,  p.  129^ 
Dœllinger,  II,  p.  259  et  suiv.,  n.  61.  François  Wolfgang,  professeur  à 
Wittenberg,  combattu  par  le  socinieu  Valentin  Schmalz,  écrivit  Trac- 
tât, theol.,  Viteb.,  1619;Glassii  Philologia  sacra,  imprimée  d"abord  en 
1625,  et  souvent  depuis,  éd.  Olearii,  1705,  éd.  Dathe,  1776.  Sur  S. 
Castellio,  voy.  Dœllinger,  II,  p.  684  et  suiv.  Ouvrages  de  Buxtorf, 
Athense  Rauricae,  p.  447  et  seq.,  454;  de  H.  Grotius,  Annotât,  ad.  V. 
T.,  Par.,  1644;  éd.  Dœderlein,  Hal.,  1775  et  seq.,  3  t.  in-i";  Annot. 
in  N.  T.,  Amst.,  1641  et  seq.,  2  t.;  éd.  Wiudheim.,  Haï.,  1769,  2  t. 
in-4°;  Broere,  Grot.  Rückkehr  z.  kath.  Kirche,  trad.  par  Clarus, 
Trêves,  1871.  —  Hoszbach,  Spener  und  seine  Zeit,  2^  éd.,  par  Schwe- 
der, Berlin,  1853,  surtout  p.  185. 

La  dogmatique,—  La  mystique. 

238.  La  dogmatique,  que  l'on  venait  de  reconstruire  avec  la 
Bible  en  rejetant  les  Pères  de  l'Église,  les  scolastiques  et  la  philo- 
sophie d'Aristote,  même  la  raison,  était  eu  somme  dans  un  état 
très  défectueux.  D'ailleurs,  l'autorité  de  Luther  l'emportait  aux 
yeux  de  beaucoup  sur  l'Écriture  elle-même.  Les  études  histo- 
riques étaient  en  pleine  décadence.  Les  Byputyposes  de  Mélanch- 
thon  furent  longtemps,  avec  la  Confession  d'Awjsbourg  et  son 


560  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Apologie,  le  manuel  dogmatique  des  luthériens,  comme  les 
Institutions  de  Calvin  celui  des  réformés.  La  polémique  des 
deux  partis  entre  eux  et  avec  les  «  papistes  »  dominait  tout, 
aussi  bien  chez  les  réformateurs  que  chez  leurs  descendants. 
Bucer  seul,  et  les  théologiens  qui  visaient  comme  lui  à  conci- 
lier les  doctrines,  faisaient  exception. 

Cependant  les  Hypotyposes  de  Mélanchthon  furent  supplan- 
tées par  les  travaux  dogmatiques  des  nouveaux  luthériens 
Martin  Chemnitz,  Jean  Gerhard  (professeur  à  léna,  mort  en 
1637),  et  Léonhard  Hutter  (mort  en  1616);  ceux-ci  adoptèrent 
la  méthode  des  scolastiques,  —  sans  remonter  aux  principaux 
d'entre  eux,  —  et  contribuèrent  beaucoup  à  refouler  le  calvi- 
nisme hors  des  écoles  des  Étals  luthériens.  Ils  détestaient  sur- 
tout les  bonnes  œuvres,  les  lois  humaines,  les  indulgences,  le 
culte  des  saints,  les  preuves  tirées  de  la  raison.  Cependant  on 
remarquait  chez  eux  un  edort  vers  l'esprit  de  système,  notam- 
ment dans  Jean-Àndré  Quenstadt  (né  en  1617,  mort  en  1688, 
professeur  de  théologie  à  Wittenberg). 

Quelques  théologiens  protestants  cultivaient  aussi  la  mys- 
tique, par  exemple,  Jean  Gerhard  (mort  en  1637),  dans  son 
École  de  la  piété.  Jean  Arndt,  surintendant  général  à  Lune- 
bourg  (mort  en  1621  à  CeUe),  donna  en  1605  ses  quatre  livres 
du  Vrai  Christianisme,  qui,  malgré  les  erreurs  dangereuses 
que  l'on  crut  y  apercevoir,  devinrent  populaires;  ils  offraient 
évidemment  peu  de  sécurité  sous  le  rapport  dogmatique.  Henri 
Müller,  à  Rostock  (mort  en  1675),  et  Christian  Scriver,  de  Ruds- 
bourg  (mort  eu  1693),  appartiennent  encore  aux  meilleurs 
mystiques,  tandis  que  chez  une  foule  d'autres  on  remarque  je 
ne  sais  quoi  de  maladif  et  de  déraisonnable. 

OUVRAGES   A  CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N*  238. 

Autorité  dogmatique  de  Luther  :  Dœllinger,  Réf.,  I,  p.  459-462; 
II,  p.  121  etsuiv.,  197,  352.  Opposition  à  la  philosophie  et  à  l'usage  de 
la  raison,  ibid.,  I,  p.  443  el  suiv.  Cf.  Strausz,  Glaubenslehre,  §  21, 
t.],  p.  311  et  suiv.;  Marteusen,  Christi.  Dogm.,  2"  éd.,  1853,  §43, 
p.  108.  Aversion  pour  l'étude  des  Pères  :  Dœllinger,  I,  p.  452  et  suiv. 
Répudiation  de  l'autorité  de  saint  Augustin,  ibid.,  111,  p.  363-373. 
Décadence  des  études  historiques,  ibid.,  1,  p.  489  etsuiv.;  M.  Chem- 
nitz, Loci  theologici,  ed.  Polyc.  Leyser,  Francof.,  1591,  3  t.  in-4°; 
éd.  V.  Viteb.,  1690;  plus  célèbre  encore  son  Examen  ConcTrid.,  1565 


LE    PROTESTANTISME.  561 

et  seq.;  ed.  Preuss,  Berol.,  1861  et  seq.;  Lentz,  Chemnitz,  ein  Lebens- 
bild, Gotha,  1860;  J.  Gerhardi  Loci  Iheol.  com.  cum  pro  adslruenda 
tum  pro  desiruenda  quoi'umvis  conliddiccntium  falsit.,  Jen.,  1610-20, 
9  t .;  ed.  Cotta,  Tub.,  1762-81,  20  t.  iu-i°;  Indices  adjecit  Müller, 
1788  et  seq.,  2  t.  in-4o,  2"  éd.  ,  1767  et  seq.;  ed.  Preuss,  Berol.,  1863 
et  seq.;  L.  Hulteri  Compend.  iocor.  theol.  jussu  et  auctor.  Christiani  II, 
Viteb.,  1610  (Hase,  Hulterus  redivivus,  10°  éd.,  Leipzig,  1862.  II  prend 
pour  base  le  Gompendium  de  Hulter  et  y  ajoute  des  notes  substan- 
tielles). Quenstadt,  Tlieologia  didactico-polemica,  seu  systema  theol., 
Viteb.,  1685,  1696;  Lips.,  1702,  1713.  —  Job.  Arndt,  vom  wahren 
Christenthum,  ed.  Krummacher,  Leipzig,  1847,  vom  evang.  Bücher- 
verein, Berlin,  1847;  Niedner,  K.-G.,  1,  p.  7o9.  Apologie  Arndts,  par  le 
médecin  Melchior  Breier,  mort  en  1627,  à  Hambourg;  Mysterium 
iniquitalis  pseudoevangelicœ,  Goslar,  1621.  Cf.  Dœllinger,  II,  p.  635  et 
suiv.;  de  Heinrich  Müller  :  Geistl.  Liebeskusz  —  GeisLl.  Erquickungs- 
stunden;  de  Scriver  :  Geistl.  Seelenschatz  —  Gottholds  zufœllige  An- 
dachten. 

L'homilétique  et  la  catéchétique. 

239.  Il  était  dans  la  nature  du  protestantisme  que  les  homélies 
et  les  catéchismes  fussent  cultivés  par  lui  avec  un  soin  parti- 
culier. Tandis  que  Luther,  en  sa  qualité  d'orateur  énergique 
et  populaire,  s'appliquait  à  rédiger  pour  le  peuple  des  com- 
mentaires pratiques,  sans  grand  souci  de  la  méthode  et  de 
l'ordre,  afin  d'offrir  à  ses  prédicateurs,  souvent  peu  doués,  des 
sujets  d'instruction  pour  les  fidèles,  Mélanchthon  procédait  avec 
plus  de  méthode:  il  composa  des  sermons  destinés  à  servir  de 
modèles  aux  prédicateurs,  expliqua  aux  étudiants  hongrois  de 
Wittenberg,  dans  des  conférences  latines,  les  évangiles  du 
dimanche,  et  donna  des  leçons  sur  l'éloquence  de  la  chaire. 
George  Major  se  signala  surtout  dans  l'homilétique.  Cepen- 
dant la  plupart  des  prédicants  s'en  tenaient  à  la  méthode 
commode  de  Luther,  et  prononçaient  souvent  des  discours 
pleins  d'injures  et  d'ol.jurgations. 

Pour  la  catéchétique,  on  se  servait  de  l'Explication  des  dix 
commandements,  dn  Pater,  etc.,  donnée  par  Luther,  puis  de 
son  grand  et  de  son  petit  Catéchisme  (1529).  Léon  Judse  écrivit 
un  grand  et  un  petit  Catéchisme  à  l'usage  des  réformés;  Bullin- 
ger  et  Calvin  composèrent  des  traités  de  catéchisme.  Dans  le 
Palatinat,  sous  Frédéric  III  (qui  passa  au  calvinisme  en  1559) 
V.  —  msT.  DE  l'église.  36 


562  HISTOIRE  DE  l'Église. 

le  Catéchisme  de  Heidelberg  fat  remanié  et  obtint  une  grande 
vogue.  Le  calvinisme,  après  avoir  disparu  en  1.576,  y  redevint 
victorieux  en  1383.  Les  calvinistes  allemands  y  demeuraient 
fermement  attachés. 

OUVRAGES   A   CONSULTEH    SUR    LE   N°   239. 

Postilla  Melanclitli.  (extrait  de  cours  donnés  en  latin  aux  Hongrois), 
éd.  Christ.  Pezel,  Heidelb.,  lo94,  4  vol.  in-8°;  Melanchth.,  de  Rhelorica 
libri  III,  lol9;  Eschenburg,  Versuch  einer  Gesch.  der  oeffentl.  Rel.- 
Vortrœge,  1783;  Paniel,  Pragrn.  Gesch.  der  christl.  Beredsamkeit, 
1839  et  suiv.;  Lentz,  Gesch.  der  Horaii.,  1839  (les  trois  tout  à  fait  insuf- 
fisants); Heidelberger  Katechism.;  Augusti,  Corp.  libr.  symb.,  p.  535- 
577;  Ammon,  Gesch.  der  prakt.  Theol.,  1804;  Palmer,  die  evang. 
Katechetik,  1841  ;  Nitzsch,  Ges.  W.  über  prakt.  Theol.,  II,  i,  4,  1848. 

Le  culle  et  la  dl8ci|eliue. 

La  prédication  et  autres  actes  du  culte.—  Le  chant  ecclésias- 
tique. 

240.  Le  centre  du  culte  protestant  était  la  prédication  au  lieu 
du  sacrifice.  On  y  rattachait  la  prière  et  le  chant.  En  1531,  à 
Francfort,  les  princes  luthériens  avaient  renoncé  à  l'uniformité 
dans  les  actes  du  culte.  Parmi  les  prédicants  on  remarquait 
surtout,  outre  les  réformateurs,  Spalatin,  Brenz,  Bugenhagen 
et  Chemnitz.  Beaucoup  s'égaraient  dans  de  fastidieuses  et 
ingrates  polémiques,  et  produisaient  rarement  une  impression 
profonde.  Us  avaient  souvent  à  se  plaindre  que  la  prédication  et 
la  communion  fussent  négligées;  la  communion  des  laïques 
sous  les  deux  espèces  n'était  plus  un  attrait. 

Pour  l'administration  de  la  cène  et  du  baptême,  de  même  que 
pour  d'autres  usages,  on  adopta  la  langue  du  pays,  afin 
d'exciter  le  peuple  à  y  prendre  une  part  plus  active.  Luther 
corrigea  lui-même  les  défauts  de  son  Agenda  de  1526,  et  il 
n'entendait  pas  qu'on  dût  toujours  s'y  conformer.  Divers 
changements  furent  introduits,  et  dans  plusieurs  provinces  on 
conserva  longtemps  encore  des  restes  du  rituel  catholique.  Le 
culte  des  luthériens  ne  fut  jamais  aussi  vide  que  celui  des 
zwingliens  et  des  calvinistes  :  on  y  conserva  jusqu'aux  exor- 
cismos  du  baptême,  et  quand  le  chancelier  Crell  essaya  de  les 
abolir  dans  la  Saxo  électorale,  il  provoqua  une  insurrection 


LE   PROTESTANTISME.  563 

populaire  à  Zeitz  et  à  Dresde.  Les  luthériens  gardèrent  l'autel, 
le  crucifix  et  le  luminaire. 

Dans  le  principe,  les  réformateurs  se  montraient  hostiles  à 
tonte  espèce  d'œuvre  d'art;  beaucoup  de  chefs-d'œuvre  ma- 
gnifiques furent  détruits,  gaspillés  et  convertis  en  argent,  sur- 
tout à  Ulm  et  à  Nurenberg.  Cependant,  après  les  actes  de 
vandalisme  exercés  par  Carlostadt  contre  les  images,  Luther 
parut  plus  favorable  aux  beaux-arts;  il  honora  les  peintres 
Albert  Dürer  et  Luc  Kranach,  réduits  à  se  mouvoir  dans  un 
cercle  d'idées  fort  étroit,  puisqu'on  rejetait  absolument  le  culte 
de  Marie  et  des  saints  et  qu'on  avait  diminué  le  nombre  des 
fêtes  religieuses,  dont  le  vendredi  saint  était  la  plus  importante. 

Luther  aimait  par-dessus  tout  le  chant  d'Église  ;  il  composa 
lui-même  quelques  cantiques  et  remania  d'anciennes  hymnes 
latines  et  allemandes;  il  choisissait  de  préférence  les  anciennes 
mélodies  du  plain-chaut.  Il  fut  imité  en  cela  par  Walter, 
Selnekker  et  Bark.  Paul  Spératiis  (mort  en  15o4)  vantait  sur- 
tout, dans  les  cantiques  de  Luther,  leur  parfaite  adaptation  au 
sujet,  contestée  par  Hetzer.  Les  plus  remarquables  auteurs  de 
poésies  religieuses  étaient  Ph.  Nicolai  (1608),  Jean  Hermann 
(1640),  Simon  Darch  à  Kœnigsberg  (1650),  mais  surtout  Paul 
Gerhard,  de  la  Hesse  électorale  (né  en  1607),  diacre  de  Saint- 
Nicolas  do  Berlin  (mort  en  1676),  à  Luben,  dans  la  Lusace;  Jean 
Ercard,  de  Berlin  (mort  en  1617),  fut  un  excellent  harmoniste. 

OUVRAGES  A    CONSULTER   SUR    LE   N°   240. 

Décret  de  Francf.  en  1531  :  Schrœckh,  I,  p.  oiO;  Bibl.  Agendorum, 
éd.  de  Kœnig,  Cell.,  1726,  ia-4°;  Kiiefoth,  die  Urspriingl.  Gottesdien- 
stordnungen in  der  luth.  Kirche,  Rostock,  1847;  Funck,  Geist  und  Form 
des  von  Luther  angeordneten  Cultus,  Berlin,  1819;  Herrn.  Jakoby,  die 
Liturgik  der  Reformatoren,  1  vol.,  Gotha,  1871;  Grüneisen,  de  Pro- 
test, artibus  haud  infesto,  Stuttg.,  1839,  in-4°;  Gieseler,  K.-G.,  III, 
II,  p.  390  et  suiv.  Sur  les  prédicants  :  Dœllinger,  I,  p.  463  et  suiv.;  II. 
p.  700  et  suiv.  Plaintes  sur  la  négligence  de  la  cène  et  du  baptême, 
ibid.,  I,  p.  331  et  suiv.,  92  et  suiv.;  II,  p.  28,  426.  Sur  le  gaspillage 
des  œuvres  d'art,  voy.  Baader,  Beitr.  zur  Kunstgesch.  Nürnbergs,  I, 
p.  38,  91  et  suiv.;  II,  p.  23-25, •  Haszler,  Ulms  Kunstgesch.  im  Mittel- 
alter, Stuttgart,  1864,  p.  116;  Springer,  Bilder  aus  der  neueren 
Kunstgesch.,  Bonn,  1867,  p.  179;  Van  Eye,  Leben  und  Wirken  Albrecht 
Dürers,  Noerdl.,  1869,  p.  487.  Luther  sur  la  musique  :  Walch,  th.  x, 


o6i  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

p.  1723;  Winterfeld,  Dr.  M.  Luthers  geistl.  Lieder  nebst  den  waehrend 
seines  Lebens  dazu  gebroeiichlichen  Singweisen,  Leipzig,  1841.  Contre  : 
Meister,  das  Kalb.  Kircbenlicd  und  seine  Singweise,  Frib.,  1862,  2  voL, 
surlouL  l,  p.  29  et  suiv.  Sur  Spératus  et  Hetzer  :  Dœllinger,  I,  p.  201  ; 
Cosack,  Paul  Spératus,  Braunscbw.,  1801  ;  Erdmann,  Paul  Spératus, 
Deutsche  Ztschr.  für  christl.  "Wiss.  von  Hollenberg,  1861,  p.  261  et 
suiv.,  292  et  suiv.  ;  Paul  Gerhardts  geistl.  Lieder,  Stuttgart,  1843,  ed. 
Wackernagel,  ibid.,  18öö;  Trepte,  Paul  Gerhardt,  Deutsch,  1828; 
Roth,  Paul  Gerhardt,  Leipzig,  1829;  A.  Wildenhalin,  Paul  Gerhardts 
Kirchengeschichtlichcs  Lebensbild,  II  part.,  4"  éd.,  Bâle,  1877;  Koch, 
Gesch.  des  KirchenUedes,  Stuttgart,  1866,  3«  éd.;  Ph.  Wackernagel, 
das  Deutsche  Kirchenlied  von  Luther  bis  Herrn,  und  Blaurer,  Stutt- 
gart, 18il  ;  Palmer,  Evangelische  Hymnologie,  Stuttgart,  1865. 

La  discipline  ecclésiastique. 

24.1 .  Les  théologiens,  tels  que  Sarcérius,  regrettaient  amè- 
rement l'absence  d'une  discipline  ecclésiastique  stable  et  pré- 
cise. Le  Vittenbergeois  Gaspard  Lyser  consulta  Calvin  sur  la 
manière  d'établir  une  discipline  et  un  système  d'excommuni- 
cation ;  mais  Brenz  et  la  plupart  des  prédicants  étaient  oppo- 
sés à  cette  réforme,  et  dans  les  communes  les  partisans  de  «  la 
liberté  ecclésiasti(]ue  »  firent  résistance.  On  employait  comme 
moyens  do  discipline  :  les  reproches,  les  amendes,  l'exclusion 
de  la  cène  et  des  fonctions  de  parrain,  l'excommunication,  le 
refus  de  la  sépulture  ecclésiastique  ;  les  autorités  civiles  y 
ajoutaient  la  prison,  l'exil  et  la  peine  de  mort.  La  discipline 
était  plus  sévère  chez  les  calvinistes  ;  elle  était  surveillée  par 
les  presbytères  et  les  synodes.  L'excommunication  était  sou- 
vent prononcée  avec  des  formules  de  malédiction  effroyables, 
surtout  en  Ecosse  et  en  France.  En  Allemagneaussil'on  procé- 
dait avec  beaucoup  de  rudesse  et  de  cruauté,  surtout  à  Weimar, 
à  iéna  et  à  Brunswick.  Dans  cette  dernière  ville,  Henning 
Brabant,  chef  de  la  bourgeoisie,  ayant  renversé  l'aristocratie 
et  introduit  la  souveraineté  populaire,  voulut  secouer  le  joug 
des  prédicants  ;  ceux-ci  le  frappèrent  d'excommunication  et 
excitèrent  tellement  le  peuple  contre  lui,  qu'il  se  vit  complè- 
tement délaissé.  U  fut  emprisonné,  mis  à  la  torture  et  exécuté 
après  les  plus  afl'reux  tourments  (1604).  Partout  où  ils  l'empor- 
taient, les  prédicants  se  vengeaient  de  leurs  adversaires  d'une 
façon  impit(»yable. 


JJ:   protesta  iNTISME.  n6o 

OUVRAGES  A    CONSULTER   ET  REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°  241. 

Dès  1533,  A.  Osiandre  se  montra  favorable  au  rétablissement  de 
la  confession  ecclésiastique,  et  Paul  Rephun,  curé  à  Œlsnitz,  repré- 
senta vivement  aux  réformateurs  la  nécessité  de  revenir  à  l'excommu- 
uication  (Dialogue  sur  l'abrégé  de  la  foi  chrétienne)  :  Dœllinger,  II, 
p.  83  et  suiv.,  203.  Sarcérius,  ibid.,  p.  180  et  suiv.;  Gaspard  Lyser, 
p.  371.  Cf.  Kober,  der  Kirchenbann,  Tüb.,  1857,  p.  10  et  suiv.;  Zeller, 
dasTheol.  System  Zwingli's,  Tüb.,  1853,  p.  16  et  suiv.,  30  et  suiv. 
Cruauté  chez  les  prolestants  :  Hist.-pol.  Bl.,  t.  III,  p.  528-545;  t.  VII, 
p.  319.  —  Strombeck,  Hemming  Brabant,  Braunschw.,  1829;  K.-A. 
Menzel,  V,  p.  229  et  suiv. 

Effets  du  protestantisme. 

Fruits  pernicieux  de  la  nouvelle  doctrine. 

242.  Les  résultats  de  la  léformation  ne  justifièrent  nullement 
les  espérances  qu'elle  avait  fait  concevoir,  et  la  nouvelle  doc- 
trine ne  tarda  pas  à  montrer  les  fruits  pernicieux  qu'elle  devait 
produire.  Si  l'on  demeura  quelque  temps  indifférent  en  pré- 
sence des  passions  violemment  surexcitées,  des  moyens 
étranges  de  polémique,  des  bouleversements  de  toute  espèce  , 
dans  l'espoir  que  ces  inconvénients  passagers  seraient  bientôt 
contre-balancés  par  les  avantages,|on  s'aperçut  de  plus  en  plus 
que  c'était  là  une  amère  déception.  La  vie  morale  et  religieuse, 
au  lieu  de  s'améliorer,  allait  eu  déclinant,  de  l'aveu  même  des 
réformateurs  et  de  leurs  disciples  ;  on  méprisait  la  prière  et 
l'ofûce  divin,  le  baptême  et  la  cène,  les  œuvres  de  bienfaisance, 
l'honnêteté  des  mœurs  ;  les  vices  les  plus  révoltants,  l'impu- 
dicité,  l'ivrognerie,  les  jurements  et  les  blasphèmes  se  multi- 
pliaient. On  avait  voulu  secouer  d'ignobles  chaînes,  et  l'ou  était 
tombé  dans  un  plus  dur  esclavage  ;  on  travaillait  à  supprimer 
la  parole  de  l'homme  et  à  faire  régner  la  pure  parole  de  Dieu, 
et  c'était  pour  jurer  sur  l'autorité  de  Luther  et  de  Calvin  ;  on 
désirait  un  clergé  plus  capable,  plus  moral,  plus  considéré,  et 
l'on  n'avait  qu'une  tourbe  de  prédicants  immoraux,  ignares, 
méprisés  et  batailleurs  ;  on  prétendait  faire  refleurir  les  écoles 
publiques,  et  elles  tombaient  de  plus  en  plus  dans  la  barbarie, 
et  le  nombre  des  étudiants  diminuait  ;  on  réclamait  la  liberté 
d'enseignement,  et  l'on  avait  la  censure  la  plus  impitoyable  et  la 


5G6  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

plus  arbilmire  ;  on  voulait  supprimer  la  persécution  des  héré- 
tiques, et  l'on  continuait  de  les  vexer  avec  aggravation  de  peines 
et  sans  motif. 

En  place  des  consolations  que  devait  procurer  le  nouvel  Évan- 
gile, une  crainte  de  la  mort,  inouïe  jusque-là,  s'emparait  des 
esprits  ;  le  suicide  et  autres  forfaits  se  multipliaient;  le  désor- 
dre et  la  confusion  faisaient  d'effroyables  progrès  ;  la  supersti- 
tion réclamait  incessamment  de  nouvelles  victimes.  On  parlait 
beaucoup  de  la  Bible,  et  on  la  lisait  fort  peu.  Le  désordre  était 
si  grand,  que  Luther,  Mélanchthon  et  la  plupart  des  théolo- 
giens ne  pouvaient  l'expliquer  que  par  l'approche  du  dernier 
jugement.  On  continuait  de  croire  que  le  pape  était  l'Anté- 
christ, on  avait  horreur  de  tout  ce  qui  tenait  au  catholicisme, 
et  l'on  s'enfonçait  de  plus  en  plus  dans  la  division  et  le  schisme. 

Les  dernières  tentatives  de  conciliation  entre  luthériens  et 
calvinistes  échouèrent,  comme  avaient  échoué  les  premières. 
La  discorde  engendrait  la  discorde,  et  il  en  résulta  peu  à  peu 
une  confusion  telle,  que,  malgré  le  triomphe  momentané  des 
doctrines  positives  des  réformateurs,  ces  doctrines  ne  devaient 
pas  tarder  à  être  sacrifiées.  En  présence  du  mécontentement 
de  la  foule  et  des  prédicants,  elles  l'auraient  été  depuis  long- 
temps sans  l'intervention  violente  des  pouvoirs  civils.  Le  peu- 
ple, si  rudement  opprimé,  regrettait,  quand  ses  souvenirs 
n'étaient  pas  encore  effacés,  les  vieux  temps  du  cathohcisme, 
et  surtout  le  sacrifice  de  la  messe. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR    LE    N°   242. 

Dœllinger,  dans  son  ouvrage  sur  la  Réformation,  fournit  d'abon- 
dants témoignages  sur  les  suites  funestes  de  la  réforme.  Voyez  sur- 
tout le  coup  d'œil  rétrospectif,  II,  p.  693  et  suiv.  Divers  témoignages 
sur  la  décadence  religieuse  et  morale  :  I,  p.  30  et  suiv.,  45  et  suiv., 
76  et  suiv.,  167  et  suiv.,  226  et  suiv.,  292  et  suiv.,  331  et  suiv.;  II, 
p.  55  et  suiv.,  78  et  suiv.,  93  et  suiv.,  207  et  suiv.,  269  et  suiv.,  328  et 
suiv.,  427  et  suiv.  Spalatin,  Mathésius,  Aquila,  Bugenhagen,  Cyr. 
Spangcnberg,  Jacques  Andréaî,  II,  p.  H3  et  suiv.,  127  et  suiv.,  135  et 
suiv.,  14.'i  et  suiv.,  278  et  suiv.,  375  et  suiv.,  640  et  suiv.  Malédictions 
et  blasph^'uies  :  Paul  d'Eitzen,  Elhica  christ.,  Viteb.,  1571,  I,  103, 
117;  Dœllinger,  II,  p.  487;  cf.  ibid.,  p.  404  et  suiv.,  640  et  suiv. 
Adultère,  polygamie,  divorce,  ibid.,  p.  441  et  suiv.,  640  et  suiv. 
Impudicité,  goiufrerie,  ivrognerie,  ibid.,  p.  56,  61-63,  73,  433  et  suiv 


LE    PROTESTANTISME.  o67 

Surla  servitude  régnante  :  Mélanchthon,  Jean  Forster,  Mennius,  Flacius, 
ibid.,  I,  p.  368  et  suiv.;  II,  p.  i  53,  177,  250  et  suiv.  Cf.  I,  p.  42  et  suiv., 
ilSetsuiv.  Le  «jurare  in  verbaLutherivelCalvini)>,ibid.,I,p.  109. Sur 
les  prédicants  :  Mélanchthon,  Draconites,  G.  Major,  Schnepf,  Cruciger, 
Hypérius,  Musculus,  I,  p.  463  et  suiv.,  468  (cf.  p.  100  et  suiv.,  209  et 
suiv.,  296  et  suiv.,  317,  413  et  suiv.,  469);  II,  p.  150,  221,  408  et  suiv. 
Décadence  des  études,  I,  p.  408  et  suiv.,  434  et  suiv.,  483  et  suiv.;  II, 
p.  55  et  suiv.  Sur  l'Angleterre  :  Dœllinger,  Kirche  und  Kirchen,  p.  209. 
Censures  rigoureuses  et  persécutions  :  Dœllinger,  Reform.,  I,  p.  495 
et  suiv.,  388  et  suiv.;  II,  p.  111.  Voy.  ci-dessus,  §  210.  Crainte  exa- 
gérée de  la  mort  :  Dœllinger,  I,  p.  64  et  suiv.,  334  et  suiv.  Suicide  et 
autres  crimes  :  H,  p.  656  et  suiv.,  692  et  suiv.  (p.  370  et  suiv.,  les 
deux  Bidembach).  Superstition,  magie  et  diablerie  :  Dœllinger,  II, 
p.  413,  644,  ci-dessus,  §  101.  Le  prédicaut  Naogeorgus,  en  1562, 
accusa  trois  femmes  d'Eslingen  de  sorcellerie  et  les  lit  mettre  à  la 
torture  :  Dœllinger,  II,  p.  137.  Des  prêtres  catholiques  furent  taxés  de 
magiciens  et  d'alliés  du  diable,  comme  Joachim  Niebuhr,  à  Rostock  : 
Sehrœder,  Mecklenb.  K.-Hist.,  I,  p.  225;  DœlUnger,  II,  p.  418.  Autres, 
ibid.,  p.  419  et  suiv.  Musculus,  sur  le  diable,  p.  424  et  suiv.;  K.-A. 
Menzel,  t.  V.  (1855),  p.  90.  La  Bible  était  peu  lue,  d'après  Hypérius  et 
Brenz  :  Dœllinger,  II,  p.  220,  357.  Sur  l'approche  du  dernier  jugement  : 
Luther  (Ep.,ed.  Ranner,  p.  325),  Mélanchthon  (Corp. Ref.,  VUl,  265  et 
seq.,  301,  330);  Chr.  Lasius,  mort  en  1572;  Barthol.  Gernhard,  mort 
en  1600;  Phil.  Nicolai,  mort  en  1608;  Chr.  Barbarossa,  mort  en  1623; 
Math.  Dresser,  en  1560  prof,  à  Erfurt,  en  1574  à  Leipzig;  Gaspard 
Hofmann,  prof,  à  Fraucfort-sur-l'Oder  :  Dœllinger,  I,  p.  307  et  suiv., 
401  et  suiv.;  II,  p.  266,  300  et  suiv.,  497  et  suiv.,  499  et  suiv.,  612 
614  et  suiv.  Le  Pape  et  l'Antéchrist,  d'après  Flacius  (Dœllinger,  II, 
p.  257);  d'après  le  synode  de  Gap,  1603,  art.  Conf.  31  (Aymon,  Synodes 
nationaux,  1,258,  272),  et  d'après  l'ouvrage  calviniste  de  l'Élection  de 
Dieu,  censuré  parla  Sorbonncen  1553(du  Plessis  d'Arg.,  II, i, p.  164,  1. 1, 
app.,  p.  xix).  Ce  fut  précisément  à  cause  de  la  confusion  et  de 
l'anarchie  si  vivement  déplorées  par  Jacques  Andrése,  Eusèbe  Ménius 
(1562)  et  OttonCasman  (en  1594  recteur  à  Stade)  (Dœllinger,  H,  p.  379  et 
suiv.,  607,  621),  que  Basile  Munner,  conseiller  de  la  Saxe  et  professeur 
des  deux  droits  à  léna,  demandait  que  les  princes  s'en  tinssent  rigou- 
reusement à  la  doctrine  de  Luther  et  punissent  quiconque  s'en  écarte- 
rait, puis  aussi  qu'on  n'abandonnât  point  l'affaire  aux  théologiens  qui 
aspiraient  vers  une  nouvelle  papauté  :  Dœllinger,  II,  p.  631  et  suiv. 
Les  vœux  du  peuple  de  Wurtemberg  pour  le  rétablissement  de  la 
messe  sont  attestés  par  Jean  Brenz  lui-même,  ibid.,  p.  355  et  suiv., 
699.  Pour  le  reste,  voy.  Janssen,  II,  p.  414  et  suiv.;  Planck,  Prot. 
Lehrbegr.,  t.  IV- VI  ;  Gasz,  Gesch.  d.  prot.  Dogm.,  Berlin,   I,  8541,  etc., 


aG8  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

§  21  ! .  Le  terme  de  «  réformé  »  fut  employé  en  loSO  dans  les  formules 
de  concorde  et  plus  tard  encore  pour  tout  ce  qui  s'écartait  de  l'an- 
cienne Église,  par  opposition  au  luthéranisme;  mais  de  1584  à  1014, 
à  Nassau,  à  Brème,  à  Anhalt,  dans  la  Hesse,  le  Brandebourg  et  le 
Palatinat,  on  y  joignit  dans  le  principe  le  mot  «  appelé  ».  En  138Ö, 
Jacques  Andréœ  fit  recevoir  dans  le  Wurtemberg  le  mot  «  Jnthérien  », 
par  opposition  à  «  réformé  ;  »  au  XVIl^  siècle,  il  était  admis  sans  con- 
teste. Voy.  Heppe,  Ursprung  und  Gesch.  der  Bezeichnungen  «  refor- 
mirte  »  und  «  lutherische  Kirche  »,  Gotha,  1859. 


CHAPITRE  II. 

LE   CATHOLICISME.    —   LA    RÉACTION    CATHOLIQUE    CONTRE   LES 
NOVATEURS. 

CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES. 

243.  Le  protestantisme  avait  fait  à  la  religion  catholique, 
dans  presque  toute  l'Europe,  les  plus  graves  blessures  ■•  l'an- 
cienne foi  semblait  éteinte,  le  Saint-Siège  privé  de  toute  auto- 
rité, l'épiscopat  de  plus  en  plus  amoindri.  L'Église,  autrefois  si 
puissante  et  si  respectée,  était  vouée  au  mépris,  affaiblie  par 
de  nombreuses  désertions,  défigurée  par  une  multitude  d'abus, 
menacée  dans  son  existence.  Cependant  elle  se  releva  bientôt 
avec  un  redoublement  de  force  et  d'énergie.  A  la  réformation 
protestante  elle  opposa  une  réforme  catholique,  dressa  contre 
le  protestantisme  une  barrière  qu'il  ne  devait  plus  franchir,  et 
reconquit  même  plusieurs  places  qu'elle  avait  perdues.  Elle 
reprit  sa  beauté  et  sa  vigueur,  et  révéla  sa  fécondité  par  la  mul- 
titude de  ses  saints,  de  ses  missionnaires,  de  ses  savants  et  de 
ses  artistes.  Réunie  dans  un  grand  concile  général,  elle  exposa 
avec  plus  de  clarté  et  de  précision  les  dogmes  qu'on  attaquait, 
et  introduisit  une  discipline  morale  qui  allait  bientôt  s'étendre 
au  loin.  L'arbre  qui  semblait  mort  à  plusieurs,  se  dépouilla  de 
ses  branches  desséchées,  porta  de  nouvelles  fleurs  et  produisit 
des  fruits  d'une  parfaite  maturité.  De  nouveaux  et  grandioses 
établissements,  des  congrégations  religieuses  parurent  ;  uue 
science  strictement  catholique  naquit,  escortée  de  l'art  reli- 
gieux, et  raiicienne  Église  recruta  dans  dos  contrées  étran- 


LR   CATHOLICISME.  569 

p;ères  nu  si  grand  nombre  do  membres  nouveaux,  que  le  chif- 
fra de  ceux  qu'elle  avait  perdus  fut  largement  compensé. 

Des  pasteurs  pleins  de  zèle  se  plièrent  avec  charité  et  dévoue- 
ment aux  pénibles  devoirs  de  leur  ministère,  et  l'on  vit  surgir 
toute  une  génération  de  prêtres  pieux  et  capables.  Les  monar- 
ques demeurés  catholiques,  effrayés  de  la  grandeur  du  péril 
qui  les  menaçait  eux-mêmes,  ou  enflammés  d'amour  pour  la 
foi  dans  laquelle  ils  étaient  nés,  joignirent  de  nouveau  leurs 
efforts  aux  efforts  de  l'Église.  Le  contre  de  ces  luttes,  de  ces 
victoires  grandioses,  fut  le  Siège  de  Saint-Pierre,  qui  avait 
repris  dans  les  États  de  l'Église  une  position  solide,  un  poin* 
d'appui  matériel  inébranlable,  que  les  guerres  entre  l'Espagne 
et  la  France  ne  firent  qu'affermir  au  lieu  de  l'ébranler.  Les 
papes,  prenant  résolument  en  main  l'œuvre  de  la  réformation, 
se  créèrent  des  auxiliaires,  des  instruments  nouveaux  pour  le 
gouvernement  ecclésiastique  ;  ils  soutinrent  les  enfants  de 
l'Église  sur  les  points  les  plus  menacés,  choisirent  pour  cardi- 
naux et  pour  prélats  les  hommes  les  plus  méritants,  et  recon- 
quirent dans  l'esprit  des  peuples  cette  autorité  vénérable  qui 
avait  été  longtemps  obscurcie,  mais  qui  ne  pouvait  disparaître. 
Bientôt  le  monde  catholique  présenta  en  face  du  protestantisme 
morcelé  et  indécis  le  sublime  spectacle  de  l'unité  merveilleuse- 
ment raffermie,  de  celte  unité  qui  n'a  été  promise  qu'à  elle 
seule  et  qu'elle  saura  conserver. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N»    243. 

Ranke,  die  Rœm.  Pœpsle  im  16  und  17  Jahrb.,  t.  I,  p.  43,  45,  56 
el  siiiv.;  Kerker,  die  kirchl.  Reform,  in  Italien  unmittelbar  vor  dem 
Trid.  (Tüb.  theol.  Quartalschr.,  1859,  p.  3-56).  Sur  les  souverains 
catholiques  :  Pallav.,  Hist.  Conc.  Trid.,  lib.  I,  c.  viii,  n.  14,  15. 

TRAVAUX  DES  PAPES  ET  DU  CONCILE  DE  TRENTE. 

Paul  III  et  la  première  période  du  concile  de  Trente. 

Travaux  de    Paul    III    pour   la    réforme. 

244.  Déjà  Léon  X,  Adrien  VI  et  Clément  VII  s'étaient  effor- 
cés de  combattre  le  progrès  des  nouveautés  et  de  préparer  les 
vuies  aux  améliorations  réclamées  de  toutes  parts,  soit  par 
leurs  nombreuses  lettres  et  leurs  ambassadeurs,  soit  en  élevant 


570  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

aux  dignités  de  la  cour  romaine  des  hommes  distingués,  soit 
par  leur  économie  et  par  des  réformes  partielles  introduites  dans 
la  cour  de  Rome.  Il  était  réservé  à  Paul  III  d'exécuter  cette 
vigoureuse  réaction.  Il  confia  à  un  choix  de  cardinaux  et  de 
prélats,  tels  que  Contarini,  Sadolet,  Polus,  CarafTa,  Fregoso, 
archevêque  de  Salerne,  Gibert,  évêque  de  Vérone,  Alexandre 
et  Cortese,  le  soin  d'élaborer  un  projet  de  décrets  de  réforme. 
Il  aimait  la  franchise  du  langage.  Il  nomma  des  commissaires 
spéciaux  pour  renouveler  la  Chambre  apostolique,  la  Chancel- 
lerie, la  Pénitencerie  et  la  Rote,  publia  différentes  bulles  pour 
abolir  des  abus,  enrichit  l'Église  d'ordres  nouveaux  et  pros- 
pères, essaya,  comme  ses  devanciers,  de  réconcilier  entre  eux 
les  princes  chrétiens  et  de  les  unir  contre  les  Turcs. 

En  présence  des  productions  innombrables  de  la  presse,  il 
étabht  en  1543  une  censure  rigoureuse  des  hvres,  et,  à  l'exem- 
ple des  universités  de  Paris  et  de  Louvain,  il  fit  composer  des 
catalogues  de  livres  défendus  [indices  libroruin  prohibitorum.) 
Sur  la  proposition  des  cardinaux  Caraffa  et  Jean  Alvarez  de 
TolèdedeBurgos,ilrestaura(1542)riiiquisition  ouïe  saint  Office 
sous  une  forme  nouvelle,  et  l'érigea  en  tribunal  suprême  de  la 
foi.  Les  six  cardinaux  qui  le  dirigeaient,  avaient  le  droit  d'en- 
voyer des  ecclésiastiques  dans  tous  les  lieux  où  ils  le  jugeraient 
nécessaire,  de  prononcer  sur  les  appels  qui  seraient  faits  contre 
leur  procédure,  de  connaître  des  choses  de  la  foi  ;  d'exécuter,  en 
un  mot,  tout  ce  qui  paraîtrait  nécessaire  pour  prévenir  et  étouf- 
fer les  hérésies. 

Le  cardinal  C  araffa  déploya  beaucoup  de  zèle  en  faveur  de 
cette  institution.  vSuccessivement  établi  à  Venise,  à  Milan,  à 
Naplcs  et  en  Toscane,  il  s'opposa  à  la  propagation  des  nou- 
veautés en  Italie,  et  procéda  avec  une  grande  impartialité,  sans 
acception  de  personnes  et  sans  corruption.  Paul  III  fit  encore 
davantage  par  l'ardeur  infatigable  avec  laquelle  il  travailla  à 
la  réunion  du  concile  de  Trente,  et  il  eut  le  bonheur,  après 
avoir  surmonté  une  infinité  d'obstacles,  de  survivre  à  son 
ouverture. 

OUVRAGES    A   CONSUMER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE   N°  244. 

Onufrio  Panv.,  Platina  restitutua  cum  addit.  a  Sixte  IV  ad  Pium  IV, 
Venel.,  1562,  in-4'';  A.  du  Chesne,  Hist.  des  papes,  Pari»,  1646,  in-f", 
continuée  par  Fr.  du  Chesne,  Paris,  1658,  ia-f°,t.  II  (jusqu'à  Paul  V); 


LE    CATHOLICISME.  571 

Ranke,  I,  p.  132  et  siiiv.,  146  et  suiv.  ;  Cam.  Trasmondo  Frangipane, 
Momorie  sulla  vita  e  i  fatti  del  card.  Aless.  Farnese,  Opera  postuma, 
Roma,  1876.  Lo  Gonsiliuin  delectorum  cardinalium  ac  aliorum  prae- 
latoruni  de  emeiidanda  Ecclesia,  1537,  dans  Mansi,  Conc.  Suppl.,  V, 
537;  Le  Plat,  .Mon.  ad  bist.  Conc.  Trid.,  II,  596  et  seq.  Cf.  du  Plessis 
d'Arg.,  1. 1,  app.,  p.  xxxvi  et  seq.  Se  trouve  aussi  dans  Durand,  Tr.  de 
modo  Concil.,  éd.  Par.,  1671.  Il  est  faux  que  Paul  IV  ait  rais  plus  tard 
à  l'index  l'avis  qu'il  avait  rédigé  comme  cardina'  Carafïa  ;  la  seule  chose 
qui  fut  mise  à  l'index,  c'est  l'édition  strasbourgeoise  de  1538,  par 
J.  Sturm,  avec  les  i-emarques  insultantes  de  celui-ci  et  de  Luther.  Ben- 
nettis,  Vindic.  privil.  B.  Pétri,  p.  II,  t.  V,  app.  Vlll,  p.  737-741  ;  Zac- 
caria,  Antifebronio,  I  p.  lxxxu  et  seq.;  Natal.  Alex.,  H.  E.,  saec.  XVI, 
c.  i,art.  16.  Lettres  deConlarini  àPaul  III:, Le  Plat,  loc  cit.,  p.  605;  Roc- 
caberti,Bibl.Pontif.,  XIII,  178.  Réformes  dans  la  Curie  :Rayn.,  an.  1540, 
Ann,  t.  XXI,  p.  146.  Bulle  Licet  ab  initio,  21  juillet  1542,  sur  l'Inquisi- 
tion :  Bull.,  éd.  Coquelines,  IV,  I,  p.  211  ;  éd.  Taur.,  VI,  344;Carrac- 
ciolo,  Vita  di  Paolo  IV,  MS.,  c.  viii;  Ranke,  Rœm.  Paipste,  I,  p.  205- 
208.  Index  libror.  probibit.  :  Bromato,  VII,  9.  L'impulsion  fut  donnée 
par  les  théologiens  de  Louvain,  qui  en  1540  déjà  avaient  publié  uu 
premier  Index  ;  ils  l'agrandirent  en  1545  :  «  Librorum,  quos  ad  Caes. 
Maj.  jussum  Theologi  Lovan.  diligenter  examinâtes  censuerunt  inter- 
dicendos, Index (noiiv.  éd.,  1550)  :  Du  Plessis  d'Arg.,  I,app.,  p.  xxxvit. 
Le  Catalogue  des  livres  censurés  par  la  Sorbonne  en  1542  et  1543  con- 
tient 65  numéros  (ib.,  II,  i,  p.  134-136);  vint  ensuite,  par  ordre  alphabé- 
tique, un  Index  des  ouvrages  censurés  de  1544  à  1551,  avec  une 
préface  (p.  164-178).  En  Italie,  Jean  de  la  Casa,  ami  de  la  maison 
Carafa,  fit  imprimer  à  Venise,  en  1548,  le  premier  Index  (70  numéros). 
Il  en  parut  de  plus  étendus,  à  Florence,  eu  1552  ;  à  Milan,  en  1554;  le 
premier  qui  ait  eu  la  forme  actuelle  est  de  Rome,  1559  :  Ranke,  I, 
p.  211.  Sur  l'Index  de  Paul  IV,  de  1557,  voy.  Phillips,  K.-G.,  VI,  §  324, 
p. 607.  II  fut  corrigé  en  1559,  et  en  1664  divisé  en  plusieurs  rubriques. 
Nouvel  Index  de  Benoît  XIV,  23  déc.  1757;  de  Grégoire  XVI,  1841. 

Le  concile  de  Trente  (XIXe  concile  œcuménique).  —  Les  trois 
premières  sessions. 

245.  Le  dix-neuvième  concile  œcuménique  eut  à  lutter,  dès 
son  ouverture,  contre  de  nombreuses  difficultés  avant  de  pouvoir 
atteindre  son  but  :  «  l'honneur  et  la  gloire  de  Dieu,  l'accrois- 
semont  et  l'exaltation  do  la  foi  et  de  la  religion  chrétienne,  l'ex- 
tirpation des  hérésies,  la  paix  et  l'union  de  l'Église,  la  réforma- 
lion  du  clergé  et  du  peuple  chrétien,  l'huinihatiou  et  l'extinc- 


57  i  HISTOIRE  DE   l'Église. 

tion  des  ennemis  du  nom  chrétien.  »  La  session  solennelle 
d'ouverture  fut  présidée  par  les  cardinaux  del  Monte,  Cervinus 
ot  Pûlus.  On  y  vit  aussi  le  cardinal  Madrucci,  prince-évêque  de 
Trente,  quatre  archevêques,  vingt  évêques,  cinq  généraux 
d'ordres,  et  les  envoyés  du  roi  Ferdinand.  Après  la  première 
session  (43  décembre  15-45),  les  prélats  envoyés  par  le  pape 
remplirent  les  fonctions  synodales.  L'habile  Angelo  Massarelli 
fut  nommé  secrétaire  du  concile. 

Relativement  à  l'ordre  des  affaires,  il  fut  décidé  que  les  ma- 
tières à  traiter  seraient  préparées  par  des  théologiens  et  des 
canonistes  dans  des  réunions  préliminaires,  examinées  ensuite 
par  les  évêques'  dans  des  congrégations  générales,  et  les  décrets 
rendus  publics  en  session  solennelle.  Conformément  à  ce  qui 
s'était  fait  dans  les  anciens  conciles,  le  vote  aurait  lieu  par 
têtes  et  non  par  nations  ;  les  généraux  d'ordres  n'auraient 
qu'une  voix  pour  l'ordre  tout  entier,  et  trois  abbés  ensemble 
n'en  auraient  également  qu'une.  Les  matières  furent  présen- 
tées à  l'assemblée  par  les  légats  présidents.  Quelques-uns 
demandèrent  qu'on  s'occupât  d'abord  des  questions  dogmati- 
ques; d'autres,  de  la  réforme  de  la  discipline.  On  adopta  la  pro- 
position de  Thomas,  évêque  de  Feltre,  suivant  laquelle  ces 
deux  matières  seraient  traitées  simultanément  ;  dans  les  mêmes 
sessions  les  décrets  disciplinaires  succéderaient  régulièrement 
aux  décrets  dogmatiques.  On  s'occupa  du  genre  do  vie  des 
Pères  et  de  leur  entretien,  pour  lequel  le  pape  s'imposa  de 
grands  sacrifices. 

La  nomiriation  du  protecteur  du  concile  fut  laissée  au  prince- 
évêque  de  Trente,  qui  désigna  Sigismond,  comte  d'Arco.  Plu- 
sieurs questions  de  forme,  le  titre  môme  du  concile,  les  droits 
dos  délégués  des  évêques,  l'admission  des  réguliers,  etc.,  four- 
nirent matière  à  délibération,  attendu  que  l'empereur  et  la 
France  avaient  exprimé  le  désir,  par  égard  pour  les  protestants, 
qu'on  procédât  avec  beaucoup  de  lenteur.  On  se  contenta  donc, 
dans  la  deuxième  session  (7  janvier  1546),  do  lire  les  constitu- 
tions du  papo,  et  do  publier  le  décret  relatif  au  genre  de  vie  des 
Pères  du  concile  et  les  autres  choses  qu'on  devait  observer 
pondant  le  concile.  Le  concile  comptait  maintenant  quarante- 
trois  membres,  entre  autres  les  archevêques  Élaiis  Magnus 
d'Upsal  et  Robert  d'Armagh.  Comme  on  attendait  encore  beau- 


LE   CATHOLICISME.  573 

coup  d'autres  prélats  et  qu'on  ue  voulait  pas  rendre  d'impor- 
tants décrets  avant  l'arrivée  d'un  plus  grand  nombre  de 
Pères,  la  troisième  session  (4  février)  fut  employée  à  faire  jurer 
solennellement  par  les  Pères  le  Symbole  de  l'Église,  à  le  publier, 
et  à  fixer  la  session  suivante. 

OÜVILVGES   A   CONSULTEK   ET   REMARQCES   CRITIQUES   SLR   LE   N°   245. 

Travaux  de  Paul  III  en  faveur  du  concile  de  Trente,  ci-dessus,  §§  84, 
86-88,  95,  96,  104.  Pallav.,  Hist.  Conc.Trid.,  l.IIl,c.  xvu,  surtout  n.  3, 
Rayn.,  a.  1534,  n.  2.  Pallavicini,  S.  J.,puis  cardinal,  a  écrit  Istoria  del 
S.  Concilio  di  Trento,  Roma,  in-f°,  1656;  1664,  3  t.;  illustr.  con 
annotazioni  da  Fr.  A.  Zaccaria,  Roma,  1833,  4  vol.  L'ouvrage  est 
dirigé  contre  le  livre  de  Paolo  Suave  (Paolo  Sarpi,  servite)  Istoria  de 
Concilio  di  Trento,  Londra,  1619  (l'édition  de  Sarpi  fut  surveillée  par 
M. -A.  de  Dominis,  §  203) .  LeCourrayer  en  donna  une  traduction  fran- 
çaise avec  des  notes,  Arasterd.,  1736,  1751,  2  t.  in-4'>;  éd.  Ancelot  de 
la  Houssaie,  Amst.,  1699;  en  allem.,  par  Winterer,  Wergenth.,  1840  et 
suiv.,  4  vol.  Sarpi  traduit  Sleidan  en  plusieurs  endroits  et  écrit  avec 
beaucoup  d'amertume  (Ranke,  Papes  romains,  III,  p.  272-275).  Com- 
pléments dans  Rayn.,  an.  1345  et  seq.;  Stoz,  Relat.  hist.  de  gest.  Conc. 
Trid.,  Diling.,  1695;  Martène  et  Durand,  Collect,  ampliss..  Par.,  1733, 
in-f°,  t.  VIII,  p.  1022-1445,  éd.  cur.  J.  Samuelfy,  Magdeb.,  1743(FilhoI, 
archevêque  d'Aix,  membre  du  concile  sous  Paul  III  et  Jules  III,  ex- 
trait des  délibérations).  Ph.  Labbe,  Concil.,  1672,  t.  XIV  (documents 
publiés  par  les  théologiens  de  Louvain  en  1567).  P.  Puteanus,  Instruc- 
tions et  Missives  des  roys  de  France...  concernant  le  Concile  de  Trente, 
Par.,  1613,  in-4°  (ne  contient  que  les  pièces  relatives  à  la  France). 
J.-D.  Mansi,  Miscellan.,  Baluz,  nov.  edit.,  Luc,  1762,  in-f°,  t.  III,  p.  432- 
519  ;  t.  IV,  p.  192-464  (lettre  de  Charles  Visconti,  évèque  de  Vinlimille, 
à  S.  Charles  Borromée,  et  lettre  de  Mutius  Calinus,  archevêque  deZara, 
au  cax'dinal  Cornari).  Le  Plat,  Monum.  pour  servir  à  l'hist.  du  Conc.  de 
Trente,  1781,  in-f°,  t.  VI;  éd.  lat.  :  Monum.  ad  hist.  Conc.  Trid.  potiss. 
illustrand.  ampliss.  coUectio,  Lovanii,  1781  et  seq.,  7  t.  in-4''  (t.  I, 
discours  prononcés  au  Concile  de  Trente,  d'après  Labbe,  Martène,  Ray- 
nald,  etc.;  t.  II,  documents  pour  servir  à  l'histoire  du  Concile,  de  1518- 
1540;  t.  111,  documents  de  1541  à  1548  ;  t.  IV,  autres,  de  1548-1561  ;  t. 
V,  documents  de  1562  et  1563  ;  t.  VI,  documents  de  1563  et  1564,  avec 
les  apologies  de  Pierre  Fontidonius  et  Gasp.  Cardilius  ;  t.  VII,  pièces 
concernant  la  réception  du  Conçue  dans  les  Pays-Bas  et  en  France);  puis 
journal  de  Laurent  du  Pré  (Pratanus),  chanoine  de  Tournay,  d'après  un 
manuscrit  de  Polling,  extrait  des  actes  par  A.  Massarelli  et  Curten- 
brosch   d'après  Martène,  et  CoUectio  actorum  et  décret.  deMcol.  Psal- 


574  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

mœus,  abbé  de  Prémontré,  puisévèquede  Verdun,  édité  pour  la  première 
fois  parCliarles-Louis  Hugon,  0.  S.  B.,  Slivag.,  i725.  Antiq.  mon.  (Ac- 
cessiones  novae  ad  H.  E,.  Francof.  ad  M.,  1744,  in-f",  215-476),  la  Clo- 
ect.  ex  gest.Conc.  Trid.,  de  l'arche.  Bartéhlemy.  des  Martyrs,  0pp.,  ed 
Rom.,  1735,  t.  II,  p.  423-850,  et  les  journaux  de  Torellus  Phola,  cha- 
noine deFiesole,  et  de  J.-B.  Ficler,  0.  Pr.  D'autres  matériaux  ont  été 
fournis  par  les  Monumenti  di  varia  letteratura  tratti  dai  MSS.  di  Msgr 
Lodovico  Beccadelli,  de  Bologne,  arch.  de  Ragnse,  membre  du  concile 
sous  Pie  IV  (ed  Bologna,  1804,  t.,  111).  Autres  ouvrages  dignes  de  men- 
tion :  Lettres  et  Mémoires  de  François  de  Vargas,  de  Pierre  de  Mal- 
venda  et  de  quelques  évêques  d'Espagne  touchant  le  Conc.  de  Tren- 
te avec  des  remarques  par  M.  Le  Vassor,  Amst.,  1699;  Instructions 
et  Lettres  des  Rois  très  chrétiens..  Par.,  1654  (c'cstl'ouvrage  deDupuy 
ou  Puteanus  mentionné  ci-dessus);  Notice  des  actes  orig.  du 
Conc.  de  Trente,  dans  la  Chronique  relig.,  I,  41,  Paris,  1819. ;G.  J.- 
Planckii  Anecdota  ad  hist.  Conc.  Trid.,  26;  Gœttinger  Programm,  1791- 
l818.0ndoit  à  Mendham:  Mémoires  of  the  Council  of  Tr.,  Loud., 
1834  et  Acta  et  Décréta  Conc.  Trid.,  ab  an.  1562,  a  Gabr_ 
Paleotto  (sous  Pie  V  archev.  de  Bologne)  descripta,  Lond.,  1842.  Ont 
paru  plus  tard  :  chan.  Giov.  Finazzi  ;  del  ;P.  Alberto  Mazzoleni  e  de' 
suoiMSS.  intorno  al  Concilio  di  Trento,  Lucca,  1862,  tip.  Landi.  Depuis 
1870  les  publications  relatives  à  l'histoire  du  Concile  se  sont  multipliées  ; 
telles  sont:  Th.  Sickel,  Actenstücke  aus  œsterr.  Archiven  zur  Gesch.  des 
Concils  von  Tr.  (dritte  Epoche),  Vienne,  1871,  in-f";  GenerosoCalenzio, 
Documenti  inedili  e  Nuovi  Lavori  lett.  sul  Concilio  di  Trento,  Roma, 
1874;  L.  Magnier,  Étude  histor.  sur  le  Concile  de  Trente,  Paris,  1874 
(I  part.,  1545-1552);  La^mmer,  Meletematum  Rom.  Mantissa,  Ratisb., 
1875;  Dœllinger,  Ungedruckte  Berichte  und  Tagebücher  zur  Gesch. 
des  Concils  von  Tr,,  Noerdlingen,  1876,  2  sections.  L'édition  des  Actes 
par  A.  Massarelli,  etc.  (Acta  genuina  SS.  Conc.  œc.  Trid.  ab  Ang.  Mas- 
sarello  Ep.  Thelesino  conscripta...  nunc  prinium  integre  édita  ab  Aug. 
Theiner.  Accedunt  acta  ejusdem  Conc.  a  card.  Gabr.  Paleotto  digesta, 
secundis  curis  expolitiora,  Zagrabii  et  Lips.,  1875,  2  vol.  in-4'>),  n'a 
nullement  répondu  à  l'attente  des  savants:  on  y  remarque  des  omis- 
sions arbitraires,  faites  quelquefois  par  esprit  de  parti,  sans  parler  des 
autresdéfauts (V.Archiv,  für  kath.K.-H.,  1876, t. XXXV,  p.  189etsuiv.). 
Les  anciens  ouvrages  de  Salig,  Vollständige  Gesch.  des  Trid.  Conçus, 
Halle,  1741  et  suiv.,  3  vol.  in-4'';  de  Wessenberg,  die  groszen  Kirchen- 
versammlungen, t. III,  IV  (voy.surlui  le  Catholique,  maiet  déc.  1841);- 
de  Gœschl.Gcschichtl.  Darstell,  des  Concilszu  Trient,  Regensb.,  1840; 
de  Hiitjes,  Gesch.  desConcils  von  Trient,  Munster,  1846,  sonlsurpassés 
par  les  nouveaux,  bien  que  le  jugement  de  Biischar  sur  les  contro- 
veiscs  de  Sarpi  et  de  Pallavicini,  Tubing.,  1843  et  suiv.,  2,  part,  con- 


LE  CATHOLICISME.  575 

serve  encore  à  bien  des  égards  sa  valeur  critique.  Voyez  aussi  Werner, 
Gesch.  der  apol.  und  polem.  Lit.,  IV,  p.  368-379.  Éditions  des  décrets  : 
Canones  et  Décréta  Conc.  Trid.,  1567,  in-4°,  éd.  Gallemart,  Colon., 
1618,  1619,  1700  et  seq.  (avec  notes);  éd.  Jod.  Le  Plat,  Lovan.,  1779, 
in-40;  éd.  stereotypa,  Lips.,  1842,  Lugd.,  1836;  éd.  Smets,  lat.  et 
germ.,  Bielefeld,  1847;  cum  declar.  Congr.  Conc,  éd.  Richter,  Lips., 
1853.  Sur  les  éditions,  consult.  Phillips,  iV,  p.  463  .et  suiv.  Parmi  les 
ouvrages  écrits  en  sens  contraire  par  des  protestants,  le  plus  considé- 
rable est  l'Examen  Conc.  Trid.,  Francof.  ad  M.,  1707,  4.  t.  in-f". 
Sur  la  première  session  et  le  blâme  injuste  contenu  dans  le  discours 
del'évèque  de  Bitonto,  voy.  Pallav.,  V,  xvn,  i8.  L'ordre  des  affaires 
consigné  dans  A.  Massarelli  a  été  souvent  édité,  notamment  par 
Friedrich,  Documenta  ad  iliustrand.  Conc.  Vatic.Nœrdlingen,  1871, 
I,  p.  265-276  ;  puis  s.  t.  «  Geschœftsordnung  des  Conçus  von  Trient 
aus  einer  Handschrift  des  valic.  Archivs  vollst,  edirt  »,  en  lat.  et  en 
allem.,  Vienne,  1871,  par  E.  Cecconi,  Gesch.  der  allgem.  Kirchenver- 
sammlung im  Vat.,  t.  I,  urk.  ly,  p.  80-104.  Mais  ce  n'est  là  qu'un 
«  ordo  servatus  »,  et  non  un«  ordo  absolute  prsescriptus  ».  Autres 
négociations  :  Pallav.,  VI,  i  et  seq.  L'évêque  de  Fiesole  voulait  qu'on 
ajoutât  au  titre  de  concile,  d'après  ce  qui  s'était  fait  à  Constance  et  à 
Bâle,  ces  mots  :  «  Universalem  Ecclesiam  repreesentans  »  ;  mais  le 
général  des  servîtes  et  Pighinus  tirent  remarquer  que  le  titre  qu'on  y 
avait  alors  employé  était  une  nouveauté,  et  que  «  sacra  universalis  et 
œcumenica  Synodus  »  était  suftisant.  Le  légat  del  Monte  ajouta  que 
ce  titre  offusquerait  encore  davantage  les  protestants  ;  que  le  concile 
de  Bâle,  schismatique  à  la  un,  ne  pouvait  pas  servir  d'exemple;  à 
Constance,  la  formule  avait  une  valeur  particulière,  à  cause  des  trois 
obédiences.  Les  évoques  se  déclarèrent  satisfaits.  Plus  tard,  cepen- 
dant, l'auteur  de  la  proposition,  appuyé  par  des  membres  nouvelle- 
ment arx'ivés,  essaya  encore  de  faire  passer  sa  demande  et  de  protester 
contre  ces  paroles  :  «  prœsidentibus  legatis  ».  La  question  du  titre  fut 
encore  plus  d'une  fois  agitée,  mais  la  proposition  ne  fut  pas  admise. 
Pallav.,  lib.  VI,  c.  ii,  n.  8-10;  c.  v,  n.  4;  c.  vi,  n.  2  et  seq.;  c.  ix,  n.  3; 
c.  XI,  n.  1;  cap.  xii,  1;  c.  xvi,  4;  lib.  Vil,  c.  xm,  2;  VIII,  ivm, 
3.  Cf.  XV,  XIX,  15;  XXI,  xii,  4.  Stoz,  loc.  cit.,  sect.  II,  n.  51-55;  Psal- 
mœus,  Collect,  act.  in  sacr.  ant.  monum.,  éd.  Stivag.,  1725,  in-f",  221. 
Dans  le  principe  on  n'accorda  pas  voix  décisive  aux  procureurs  des 
évêques,  notamment  aux  représentants  de  l'évêque  d'Augsbourg  et  de 
l'archevêque  de  Trêves.  Le  4  décembre  1545,  Paul  III  permit  aux 
évêques  allemands,  à  raison  des  dangers  de  leur  position,  de  voter  par 
l'organe  de  leurs  procureurs.  Pie  V  révoqua  cette  faveur  en  1562,  parce 
qu'il  voulait  obliger  les  évêques  à  se  présenter  en  pei*sonne;  les  pro- 
cureurs ne  devaient  plus  être  admis  que  «  ad  excusandos  absentes  ». 


576  HisTüiRE  DE  l'Église. 

Rayn.,  an.  1562,  n.  126.  La  demande  «  ut  procuratores  episcoporum 
absentium  cum  sufFragioadmiUantur  »  ,fut  renouvelée  en  1563  par  les 
ambassadeurs  et  l'alFaire  examinée  par  les  jurisconsultes  :  ib.,  1S63, 
n.  6o,  92,  93;  Pallav.,  XXI,  i;  XXIV,  viii,  13  et  seq.,  II^  et  III«  session  : 
Pallav.,  VI,  V,  1  et  seq.,  c.  vni,  ix;  Theiner,  Acta,  I,  p.  27  et  seq., 
37  et  seq.,  49  et  seq. 

Quatrième  session. 

246.  Sur  la  proposition  du  cardinal  del  Monte,  on  commença 
par  examiner  les  sources  do  la  révélation.  Les  questions  sui- 
vantes, relatives  à  l'I^lcriture  sainte,  furent  posées  aux  théolo- 
giens :  V  faut-il  accepter  au  même  titre  tous  les  livres  des 
deux  Testaments  et  les  appeler  canoniques?  2°  faut-il  le  faire 
en  procédant  à  un  nouvel  examen?  3"  faut-il  les  diviser  en 
livres  concernant  la  foi  et  en  livres  concernant  l'édiflcation  ? 
Le  général  des  augustins,  Séripand,  se  prononça  affirmati- 
vement sur  le  troisième  point  et  présenta  une  dissertation  dans 
ce  sens  ;  Il  ne  trouva  pas  d'écho.  La  première  question  fut  réso- 
lue affirmativement  d'une  commune  voix  ;  sur  la  seconde,  les 
opinions  se  partagèrent  d'abord,  puis  on  décida  de  faire  un 
examen  privé  qui  ne  serait  pas  joint  aux  actes,  et  une  com- 
mission spéciale  fut  établie  à  cette  fin.  On  traita  aussi  des  abus 
qui  se  commettaient  relativement  à  l'Lcriture  ;  ce  sujet,  comme 
celui  de  la  tradition,  donna  lieu  à  do  longues  délibérations. 

Après  l'achèvement  des  travaux  préUminaires  et  la  réception 
solennelle  de  l'envoyé  de  l'empereur,  François  de  Tolède  (15 
mars),  eut  lieu  la  première  session  décisive  (quatrième),  où 
furent  publiés  les  décrets  sur  les  livres  canoniques,  sur  leurs 
éditions  et  leur  usage  (8  avril.)  Le  canon  des  saintes  Écritures 
fut  dressé  d'après  les  conciles  d'Afrique,  et  l'anathème  pro- 
noncé contre  quiconque  n'accepterait  pas  ces  livres  dans  toutes 
leurs  parties,  tels  qu'ils  se  trouvent  dans  la  Vulgate  latine.  Le 
concile  déclara  également  qu'il  fallait  respecter  les  traditions 
relatives  à  la  foi  et  aux  mœurs.  Il  décida  que  l'ancienne  Vul- 
gate serait  considérée  comme  authentique  dans  les  sermons, 
les  leçons  et  les  dissertations  ;  qu'on  no  pouvait  jamais  inter- 
préter l'Écriture  sainte  contre  le  sens  de  l'Église  ou  le  con- 
sentement unanime  dos  Pères,  mais  qu'on  publierait  une 
édition  corrigée  de  la  Vulgate  ;  qu'il  était  défendu  de  faire  servir 


LE  CATHOLICISME.  577 

l'Écriture  à  des  fins  superstitieuses  et  à  des  plaisanteries  indé- 
centes ;  qu'on  devait  punir  les  imprimeurs  qui  reproduiraient 
et  propageraient,  sans  l'autorisation  épiscopale,  des  livres  sur 
la  religion  et  sans  nom  d'auteur. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°   246. 

Pallav.,  VI,  XI,  11.  4-H  ;  c.  xn,  u.  2  el  seq.;  c.  xui  et  seq.;  Theinex", 
I,  p.  49  et  seq.  Cerviuo,  Polus,  Madrucci,  consentaient  à  ce  qu'on  exa- 
minât les  livres  saints  en  vue  de  réfuter  les  hérétiques,  parce  que  cet 
examen  servirait  ù  condrmer  la  vérité  et  à  instruire  les  tidèles;  la 
réfutation  des  hérésies,  d'après  S.  Thomas,  est  un  devoir  pour  les 
théologiens  et  conforme  à  l'exemple  des  Pères.  A  cette  demande 
Catharin  opposa  les  difficultés  suivantes  :  1°  la  diiférence  des  ver- 
sions; 2°  la  multitude  des  fautes  d'impression;  3°  l'arbitraire  dans  les 
interprétations  ;  4°  l'impression  d'exemplaires  falsitiés,  accompagnés 
de  faux  commentaii'es ;  5°  l'abus  des  traductions  en  langue  vulgaire. 
Contre  le  premier  inconvénient,  la  déclaration  de  la  Vulgate  comme 
texte  authentique  parut  le  remède  le  plus  efficace;  contre  le  second 
et  le  quatrième,  la  préparation  d'une  édition  romaine  correcte  qui 
servirait  de  modèle;  contre  le  troisième,  la  recommandation  de  suivre 
l'interprétation  de  l'Église,  avec  défense  de  s'écarter  du  <■<■  sentiment 
commun  des  Pères  »  ;  puis,  en  général,  la  censure  des  livres  de  théo- 
logie. Plusieurs,  surtout  les  Espagnols,  voulaient  qu'on  interdit  com- 
plètement les  traductions  en  langue  vulgaire.  L'autorité  de  l'ancienne 
Vulgate,  comme  traduction  garantie  par  l'Église  quant  à  sa  substance, 
était  généralement  admise.  Déjà,  vers  1330,  la  faculté  théologique  de 
Paris  avait  défendu  d'interpréter  la  Bible  d'après  le  grec  et  l'hébreu 
sans  sa  permission,  et  de  se  servir,  contre  la  Vulgate,  du  texte  primi- 
tif comme  d'une  autorité .  Du  Plessis  d'Arg.,  II,  i,  p.  101-102.  Spiritus 
Roterus,  0.  Pr.  (Eccard,  Script.  Ord.  Prsed.,  II,  188)  écrivit  une  disser- 
tation célèbre  «  de  non  vertenda  Scriptura  sacra  in  linguam  vulga- 
rem )),  dédiée  à  Henri  II  (lo48);  elle  fut  rééditée  en  1661  par  ordre  du 
clergé  de  France.  Voy.  encore  Stanisl.  Ilosius,  lib.  III,  deAuctor,  Script, 
sacr.,  p.  247;  du  Perron,  lib.  VI,  c.  vi,  Respons.  ad  Reg.  Angl.; 
Bellarm.,  de  Verbo  Dei,  II,  xv;  Bened.  XIV,  de  Syn.  diœc,  VI,  x. 
Dans  ses  mesures  relatives  à  la  tradition,  le  concile  s'en  tint  exclusi- 
vement à  saint  Irénée,  à  Tertullien  et  à  Vincent  de  Lérins.  Voy.  encore 
Alzog,  Explicatio  cath.  systemalis  de  Interpret,  lit.  sacr.,  Monast., 
183Ö;  Friedlieb,  Schrift,  Tradition  und  kirchl.  Schriftauslegung, 
Breslau,  1834. 

247.  Les  légats  de  Trente  présentèrent  à  Rome  leurs  projets 
y.  — HisT.  DE  l'église.  37 


578  HISTOIRE  DE   L  EGLISE. 

fie  réforme.  Paul  III  so  montra  satisfait  de  leur  franchise;  il 
leur  rappela  seulement  que  la  discussion  des  points  de  disci- 
pline ne  devait  pas  faire  relég-uor  au  second  plan  les  questions 
dogmatiques;  qu'en  parlant  des  obstacles  «jiie  la  curie  de  Rome 
opposait  à  la  juridiction  des  évê;jues,  il  ne  fallait  pas  taire  les 
difficultés  suscitées  par  les  princes  temporels;  (jue  le  concile  ne 
devait  rien  décider  sans  l'assentiment  du  pape,  puisqu'on  ne 
devait  pas  réformer  la  curie  de  Home  sans  avoir  entendu  le 
concile. 

L'empereur  persistait  à  vouloir  (ju'on  ajournât  les  questions 
dogmatiques  ;  mais  les  légats  firent  remarquer  qu'il  convenait 
par-dessus  tout  de  protéger  la  foi,  et  non  pas  seulement  de  cor- 
riger les  mœurs  des  catholiques  ;  que  c'étaient  justement  les 
décrets  disciplinaires  qui  réclainaieut  la  présence  d'un  plus 
grand  nombre  d'évêques  appartenant  à  tous  les  pays.  Ils  char- 
gèrent les  théologiens  d'examiner  la  question  du  péché  origi- 
nel, dont  les  protestants  s'étaient  encore  peu  occupés.  Les  par- 
tisans de  l'empereur,  les  Espagnols  surtout,  tâchèrent  de  traî- 
ner l'afTaire  en  longueur  en  présentant  une  multitude  de  pro- 
jets, notamment  sur  la  définition  de  l'Immaculée  Conception  de 
Marie.  Cependant  on  discuta  aussi  sur  des  décrets  de  réforme 
relatifs  à  la  prédication  et  aux  leçons  publiques.  Il  y  eut  sur  ce 
point  une  grande  divergence  de  vues,  et  les  légats  eurent 
toutes  les  peines  imaginables  pour  maintenir  l'ordre  dans  les 
congrégations. 

Ici  encore,  ainsi  qu'il  était  naturel, —  car  les  évêques  sont 
aussi  des  hommes,  —  les  sorties  violentes  ne  firent  pas  défaut. 
L'évêque  de  Fiesole  scandalisa  tellement  par  ses  discours 
contre  les  restrictions  apportées  au  pouvoir  des  évèques  par  les 
réguliers  et  par  le  pape,  qu'il  fut  obligé  de  faire  amende  hono- 
rable. Le  cardinal  Polus  le  réfuta  avec  calme,  mais  d'une  façon 
péremptoire.  L'Espagnol  Pacheco  mit  en  avant  cette  question 
souvent  agitée  depuis,  si  le  devoir  de  la  résidence  pour  les  évê- 
ques est  de  droit  divin  ou  de  droit  humain.  On  eut  beaucoup 
de  peine  à  faire  ajourner  ce  débat. 

Sur  l'Immaculée  Conception,  qui  s'enseignait  dans  la  plupart 
des  écoles,  il  fut  décidé  (ju'on  ne  porterait  point  de  décision 
expresse,  mais  qu'on  laisserait  la  question  dans  l'état  où  elle  sn 
trouvait  sous  Sixte  lY  ;  qu'on  n'entrerait  pas  dans  les  coutru- 


LE   CATHOLICISME.  579 

verses  agitées  par  les  catholiques,  et  que  l'on  s'abstiendrait  de 
condamner  l'opinion  contraire.  Cependant  les  Pères  se  pronon- 
cèrent pour  la  pieuse  opinion,  et  lui  donnèrent  une  nouvelle 
force  en  ajoutant  à  leur  décret  que  «  l'intention  du  concile 
n'était  pas  de  comprendre  la  bienheureuse  et  immaculée  Vierge 
Marie  »  dans  sa  décision  sur  le  péché  originel  :  c'était  dire  assez 
clairement,  dans  l'état  actuel  des  choses,  que  la  grâce  divine 
avait  préservé  Marie  du  péché  originel. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°   247. 

Discussions  du  8  avril  au  17  juin  1546  :  Pallav.,  VII,  c.  ii-vni; 
Rayn.,  h.  an.;  Le  Plat,  III,  p.  403  et  seq.;  Theiner,  I,  p.  80  et  seq. 

Cinquième  session. 

24.8.Lei7juin  (cinquième session), fut  publié  ledécret^ogmati- 
qucsur  le  péché  originel  et  le  premier  décret  sur  la  réformation.  Le 
décret  dogmatique  portait,  en  cinq  anathématismes,  qu'Adam 
par  le  premier  péché  a  perdu  la  justice  originelle,  qu'il  a  encouru 
la  colère  de  Dieu  et  la  mort,  qu'il  a  été  affaibli  dans  son  corps 
et  dans  son  àme;  que  ce  péché  a  préjudicié  non  seulement  à 
lui,  mais  à  ses  descendants;  qu'il  leur  a  communiqué  non  seu- 
lement la  peine,  mais  encore  la  faute  ;  que  le  péché  originel  se 
transmet  à  tous  les  hommes,  non  par  imitation,  mais  par  la 
génération  ;  qu'il  ne  peut  être  effacé  que  par  les  mérites  de  Jésus- 
Christ,  qui  nous  sont  appliqués  dans  le  baptême,  nécessaire  à 
tous,  même  aux  enfants  nouveau-nés  ;  qu'il  supprime  tout  ce 
qui  est  du  péché,  sauf  la  concupiscence,  qui  s'appelle  le  péché 
parce  qu'elle  est  un  e^3t  du  péché  et  porte  au  péché.  A  ces  ana- 
thématismes, qui  opposaient  aux  hésitations  des  protestants 
l'ancienne  doctrine  de  l'Église  souvent  dans  les  propres  termes 
de  saint  Augustin,  était  jointe  l'exception  relative  à  la  sainte 
Vierge. 

Le  décret  de  réforme  prescrivait  d'établir  des  chaires  de  théo- 
logie dans  les  églises  cathédrales  et  collégiales,  ainsi  que  dans 
les  monastères  où  il  n'en  existait  pas  encore,  fallùt-il  suppri- 
mer des  charges  ;  puis  la  nomination  d'au  moins  un  maître  de 
grammaire  dans  les  églises  pauvres,  pour  distribuerl'enseigne- 
ment  préparatoire  aux  jeunes  candidats  du  sacerdoce;  il  recom- 


580  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

mandait  aux  évêques  de  vaquer  à  la  prédication,  et  de  choisir 
des  hommes  capables  pour  annoncer  la  parole  de  Dieu  les  jours 
de  dimanche  et  de  fête.  Les  régnliers  devaient  s'abstenir  de 
prêcher  dans  les  églises  de  leurs  couvents  sans  la  permission  de 
leurs  supérieurs,  et  ailleurs  sans  celle  de  l'évèque.  L'évêque 
retirerait  l'autorisation  aux  prédicateurs  qui  donneraient  du 
scandale  et  propageraient  des  erreurs,  et  il  procéderait  contre 
eux  ;  il  pourrait  aussi,  en  cas  de  besoin,  procéder  comme  délé- 
gué du  Saint-Siège  (à  l'égard  des  exempts).  Le  concile  interdit 
également  la  prédication  aux  collecteurs  d'aumônes,  afin  de 
prévenir  les  scandales.  Quatre  cardinaux,  neuf  archevêques, 
huit  évêques,  deux  abbés,  trois  généraux  d'ordres  et  beaucoup 
d'autres  théologiens  assistaient  à  cette  cinquième  session. 

OUVRAGES   A   CONSULTEIl    ET   RI-MARQUES    CRITIQUES   SUR   LE    N°  248. 

Dans  le  débal  sur  la  doctrine  du  péclié  originel ,  cinq  questions 
furent  agitées  :  \°  De  natura  peccnli  orùjinalis.  Le  dominicain  Pelargus 
déclara  que  le  péclié  originel  consiste  dans  la  «  privation  de  la  jus- 
tice originelle  en  laquelle  Adam  avait  été  «  constitué  ».  C'est  le  mot 
qu'on  employa  dans  la  suite  pour  éviter  la  controverse  scolastique 
(I,  p.  976,  §  348).  Pallav.,  VII,  ix,  \.  Les  théologiens  exposèrent  en 
outre,  d'après  saint  Thomas,  que  la  «  forme  du  péché  originel  »  réside 
dans  la  perte  du  vrai  rapport  de  nos  forces  supérieures  à  Dieu  et  à  la 
grâce,  et  sa  «  matière  »  dans  la  rébellion  des  forces  inférieures  contre 
les  forces  supérieures.  La  doctrine  de  saint  Thomas  fut  principalement 
développée  par  l'évèque  dominicain  B.  Eredia  (Pallav.,  VII,  vin, 
3-Ö.)  L'archevêque  de  Sassari,  les  évêques  de  Syracuse  et  de  Cana- 
ria,  etc.,  réfutèrent  cette  opinion  que  la  concupiscence  est  le  péché 
originel.  Dans  cette  proposition  :  Adam  a  été  détérioré  en  son  corps  et 
en  sou  âme,  on  elfaça  ces  mots  :  c  nuUa  etiam  animai  parte  illsesa  », 
atin  que  les  sens  ne  parussent  pas  y  être  compris.  II.  De  modo  propa- 
gationis  in  poster  os.  Voy.  là-dessus  l'évèque  Fouseca  et  Ange  Paschal. 
Ce  dernier  rappelait  les  erreurs  de  Zwingle  (Pallav.,  loc.  cit.,n.  5,6). 
III.  De  allatis  ah  eo  dctrimentis.  Berlanus,  loc.  cit.,  n.  7.  IV.  De 
ipsius  remedio.  Tous  déclarèrent  que  le  baptême  est  l'unique  remède; 
qu'il  comprend  la  passion  et  la  mort  du  Christ,  ainsi  que  la  grâce. 
Quelques-uns  voulaient  (ju'on  citât  encore  spécialement  la  foi  ;  mais 
cela  déplut  à  la  majorité.  V.  De  hujus  remedii  ef'ßcacitate.  On  prouve 
par  l'idée  de  régénération,  de  vraie  rémission,  que  le  baptême  remet 
tout.  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  8  et  seq.  Dans  ce  passage  :  «  Per  baptismuni 
non  solum  reatum  originalis  peccati  remitti,  sed  etiam  tolli  totum  id, 


LE   CATUOLICISME.  Î)8I 

quod  verani  et  propriam  rationem  peccati  habet,  »  quelques-uns  esti- 
mèrent que  le  second  membre  était  inutile.  Séripand  proposa  : 
«  Omnera  rationem  peccati  tolli  «,•  révoque  de  Cavi  :  «  Tolli  omnia  pec- 
cata  «;  mais  ils  ne  trouvèrent  point  d'écho.  On  disputa  davantage  sur 
ces  mots  ;  «  In  renalis  nihil  Deum  odisse.  »  Cf.  ib.,  c.  ix,  n.  1-6;  c.  x, 
n.  C;  ibid.,  c.  vu,  n.  1-4;  xi-x.xiii;  c.  xm,  n.  2.  Sur  l'Immaculée  Con- 
ception: discours  du  P.  Lainez,  S.  J.,  du  25  mai  1546.  Proposition  con- 
cernant celte  addition  ;  a  De  B.  V.  S.  Synodus  nihil  definire  intendit, 
quumvis  pie  credatur ,  ipsam  absque  peccato  original!  conceptam 
fuisse.  »  Plusieurs  y  adhérèrent;  seuls  les  dominicains  tirent  opposi- 
tion: ils  la  prenaient  pour  une  définition  tacite,  et  pensaient  qu'elle 
llétrissait  indirectement  leur  opinion  comme  «  impie  ».  La  proposition 
fut  généralement  acceptée  sans  le  «  quamvis  »,  etc.  Quelques-uns 
voulaient  qu'on  imposât  un  silence  absolu  aux  dominicains;  d'autres 
ne  le  réclamaient  que  pour  leurs  prédications  publiques;  les  uns 
demandaient  que  la  «  pieuse  »  opinion  fût  déclarée  telle  sans  restric- 
tion; d'auLres  seulement  «  magis  pia  ».  Dans  les  discussions  on 
invoqua  la  fête  ecclésiastique,  le  consentement  des  universités  et  des 
ordres  religieux  (sauf  les  dominicains).  En  1521,  la  Sorbonne  avait 
déclaré  cette  proposition  de  Luther  :  «  Contradictoria  hujus  proposi- 
tionis,  B.  Virgo  est  concerta  sine  peccifo  originali,  non  est  reprobata  » 
—  «  prop.  falsa,  ignoranter  et  impie  contra  honorem  immaculata?  Vir- 
ginis  asserta  »,  et,  en  1543,  elle  avait  flétri  comme  «  hérétique  et  inju- 
rieuse à  Marie  »  cette  doctrine  prêchée  par  le  dominicain  Antoine 
Marchand  :  «  Propositio  innuens ,  B.  Virginem  indiguisse  erepliva 
redemptione  ».  Du  Flessis  d'Arg.,  I,  ii,  p.  309;  II,  i,  p.  138.  Sur  la 
V^  session,  Pallav.,  Vil,  xiu,  1  et  seq.;  Le  Plat,  111,  p.  426  et  seq.  Sur 
le  décret  concernant  les  sermons  des  réguliers,  l'évèque  de  Fiesole 
(son  discours.  Le  Plat,  111,  405  et  seq.j  proposa  cette  clause  :  «  Fiat 
absque  prcejudicio  universalis  auctoritalis  hujus  S.  Synodi.  »  Par 
diplôme  du  7  juin  15i6,  le  pape  avait  supprimé  les  privilèges  con- 
traires .à  ces  lois  et  approuvé  les  décrets  de  réforme  qui  allaient  être 
sanctionnés.  Pallav.,  loc.  cit.,  n.  3,  4. 

Sixième  session. 

249.  On  délibéra  ensuite  sur  le  dogme  de  la  justification  et  sur 
la  question  disciplinaire  de  la  résidence  des  évêques.  Les  mêmes 
sujets  étaient  alors  débattus  à  Rome  par  des  théologiens  et  des 
canonistes,  la  plupart  dominicains  et  augustins.  Le  parti  de 
l'empereur  travaillait  de  toutes  ses  forces  à  empêcher  les  dis- 
sensions dogmatiques,  taudis  que  les  Français,  et  dans  la  suite 


582  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

plusieurs  autres  ambassadeurs,  suscitaient  des  querelles  de 
préséance.  Le  voisinage  du  théâtre  de  la  guerre  donnait  des 
inquiétudes  à  une  foule  d'évèques,  et  déjà  les  légats  avaient 
demandé  à  Paul  III  de  suspendre  ou  de  transférer  le  concile  ; 
mais  le  pape  ne  crut  pas  devoir  se  rendre  encore  à  leurs  repré- 
sentations. Il  ne  manqua  pas  non  plus  de  scènes  orageuses, 
comme  dans  les  disputes  de  l'évêque  de  Cavi  avec  Denys,  évêque 
de  Chiron.  Le  légat  del  Monte,  au  milieu  de  tous  ses  travaux, 
était  très  préoccupé.  Polus  se  rendit  à  Padoue  pour  cause  de 
santé  ;  Cervinus  se  trouvait  à  Roveredo  auprès  d'Ottavio  Far- 
nèse,  également  souffrant.  11  fallut  ajourner  la  session  annon- 
cée p  ur  la  fin  de  juillet. 

Beaucoup  d'évêques  manifestaient  l'intention  de  quitter 
Trente.  La  France,  dans  le  cas  où  le  concile  serait  transféré, 
proposait  Avignon  et  ne  voulait  point  entendre  parler  d'une 
ville  située  sur  le  territoire  de  l'empereur.  Charles  Quint  était 
d'avis  que  l'on  continuât  le  concile  à  Trente,  mais  qu'on  s'abstînt 
provisoirement  de  définir  la  justification.  Les  théologiens  et  les 
Pères  avaient  mis  beaucoup  d'ardeur  à  discuter  cette  question, 
et,  comme  elle  était  mûre,  on  ne  tint  pas  compte  de  la  résistance 
du  parti  impérial.  Le  13  janvier  1547  eut  lieu  la  sixième  session, 
qui  fut  d'uneimportance  capitale  :  on  y  publia  le  décret  de  la  jus- 
tification, chef-d'œuvre  de  théologie,  comprenant  seize  chapitres 
et  trente-trois  canons,  avec  un  décret  de  réforme  en  cinq  cha- 
pitres. 11  fut  promulgué  en  présence  de  dix  archevêques  et  de 
(}uarante-cinq  évoques. 

Doctrine  du  concile  de  Trente  sur  la  justification. 

250.  La  vérité  catholique  y  était  clairement  formulée,  soit 
contre  les  erreurs  pélagiennes,  soit  contre  les  erreurs  protes- 
tantes. La  loi  et  la  nature  ne  sauraient  justifier  l'homme;  cette 
œuvre  n'appartient  qu'à  Jésus-Christ.  Ceux-là  sont  justifiés  et 
sauvés  qui  sont  rendus  participants  des  mérites  de  la  passion 
de  Jésus-Christ.  La  Justification  est  le  passage  de  l'état  où 
l'homme  est  né,  comme  enfant  d'Adam,  à  l'état  de  grâce  et 
d'adoption  divine;  elle  a  lieu  sous  le  Nouveau  Testament  par  le 
baptême  ou  le  désir  sincère  du  baptême.  La  justiticatioii  com- 
mence dans  les  .adultes  avec  la  vocation  divine,  par  la  grâce 


LK    CATllOhlCISME.  o83 

prévenante  et  sans  aucun  mérite  de  Ttiomme  ;  mais  l'homme 
doit  y  consentir  et  y  coopérer,  comme  il  peut  la  repousser;  dans 
cette  action,  il  n'est  pas  inactif,  mais  il  ne  peut  rien  sans  la 
grâce. 

La  justification  ne  consiste  pas  seulement  dans  la  rémissi(m 
dos  péchés,  mais  encore  dans  la  sanctification,  dans  la  rénova- 
tion de  l'homme  intérieur  ;  elle  ne  nous  est  pas  seulement 
imputée,  elle  réside  en  nous.  Avec  la  rémission  des  péchés, 
l'homme  reçoit  ea  même  temps  les  trois  vertus  théologales.  Il 
est  justifié  en  vertu  des  mérites  de  la  passion  de  Jésus-Christ, 
dont  la  charité  est  répandue  dans  son  coeur  par  le  Saint-Esprit, 
qui  réside  en  lui.  Devenu  ainsi  l'ami  de  Dieu,  il  marche  de 
vertu  en  vertu  et  se  renouvelle  de  jour  en  jour.  En  observant 
les  commandements  de  Dieu  et  de  l'Église,  il  avance  dans  la 
justice  qu'il  a  obtenue  par  la  grâce  de  Dieu.  La  foi  est  le  com- 
mencement et  la  racine  de  la  justification  ;  la  grâce  peut  se 
perdre  sans  que  la  foi  périsse.  La  vie  éternelle  est  à  la  fois  une 
grâce  et  une  récompense. 

Le  concile  traite,  d'après  saint  Augustin  et  saint  Thomas,  les 
questions  spéciales  qui  regardent  la  foi  et  les  œuvres,  la  possi- 
biUté  et  la  iiéi^.essité  d'observer  les  commandements  de  Dieu,  la 
perte  de  la  grâce  et  sa  recouvrance,  le  mérite  et  la  persévérance 
dans  le  bien. 

Dans  le  décret  sur  la  réforme,  le  concile  recommande  aux 
évèques  et  aux  pasteurs,  sous  peine  de  châtiments  graves, 
d'observer  la  résidence.  Il  assigne  aux  évoques  le  droit  de 
punir  les  fautes  des  réguliers  commises  hors  du  couvent,  pres- 
crit la  visite  épiscopale,  défend  d'exercer  les  fonctions  d'évêque 
dans  un  diocèse  étranger  sans  la  permission  de  l'ordinaire. 
Conformément  au  décret  du  concile,  Paul  III,  dans  une  ordon- 
nance spéciale  du  18  février  15i7,  obligea  également  les  évèques 
à  la  résidence. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LES   N"'   249-250. 

Discussions  entre  la  V«  et  la  Vl°  session:  Pallav.,  VIU,  cap.  i-xviii; 
Le  Plat,  m,  430  et  seq.  Voici  ce  qu'elles  offrirent  de  plus  intéressant  : 
I.  Sur  la  notion  de  justification,  comme  «  passage  (translation)  de 
l'état  d'ennemi  à  l'état  d'ami  do  Dieu  et  de  fils  ».  Tous  furent 
d'accord  le  28  juillet  (c.   iv).  II.  Sur  \ü<  causes  (c.  \ni),  on  Unit  égale- 


584  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

nioiiL  [lar  établir  uii  accord  complet.  Comme  «  cause  formelle  »,  on 
désigna  «  la  charité  ou  la  grâce  infuse  dans  l'âme  ».  Seul  le  servile 
Wazocchi  suivit  cette  opinion  attribuée  à  Lombard  (V,  §  322)  et  aban- 
donnée par  l'école  :  «  Gratiam  non  esse  rem  nobis  intimam,  sedextimam 
S.  Spiritus  nobis  assistentis  prœsentiam.  »  Il  croyait,  de  même  que  le  do- 
minicain Grégoire  de  Sienne  et  Grégoire  Perfectus  de  Padoue,  0.  S.A.,  un 
confrère  de  ce  dernier,  que  la  liberté  n'était  que  la  «  cause  récipiente  » 
et  non  «  active  ».  Cette  opinion  fut  combattue  comme  non  catholique. 
III.  Le  sens  de  cette  proposition  :  «  Hominem  justificari  per  tidem  », 
fut  ainsi  expliqué  :  la  foi  n'est  pas  «  intégra  ac  proxima  causa  », 
mais  «  prima  praeparatio  primaque  radix  necessaria  ad  omnes  actiones 
proxime  utiles  ad  consequendam  justitiam  »;  l'homme  est  justifié  par 
la  foi,  mais  non  par  elle  seule;  il  l'est  par  la  foi  pénétrée  de  la  charité 
et  de  la  grâce,  par  la  foi  accompagnée  de  la  pénitence  et  du  baptême. 
Seuls,  les  quatre  théologiens  nommés  et  le  dominicain  Jean  d'Udine 
pensaient  que  l'homme  est  justitié  «  per  fidem,  quatenus  ipse  fiden- 
tissinie  credit,  a  se  per  Jesum  Christum  mérita  peccatorum  veniam 
obtineri  ».  IV  Quant  aux  rapports  des  œuvres  antécédentes  et  des 
œuvres  subséquentes,  puis  des  sacrements  en  général,  avec  la  justifica- 
tion, la  plupart  enseignaient  que  les  œuvres  antécédentes  et  prépara- 
toires la  méritent  seulement  «  ex  condigno  »,  et  que  les  œuvres  des 
justifiés  accomplies  avec  la  grâce  ont  un  mérite  «  de  condigno  ».  Seu- 
lement, ces  quatre  théologiens  affaiblissaient,  dans  le  sens  des  réfor- 
mateurs, l'importance  du  mérite.  Les  évêques  d'Agde,de  I3itonto  et  de 
Sinigaglia,  puisCatharin,  Jajus,  Salmeron  et  Lainez,  s'exprimèrent  en 
termes  excellents;  la  dissertation  de  Lainez,  reçue  avec  applaudisse- 
ments, fut  insérée  dans  les  actes.  Le  décret  de  la  justification,  après 
qu'on  eut  rejeté  le  projet  de  Seripando  (voy.  ci-dessus,  §  89),  fut  plu- 
sieurs fois  remanié,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  satisfait  à  toutes  les  objec- 
tions; il  fut  en  outre  examiné  à  Rome.  La  foi  spéciale  des  luthériens 
fut  unanimement  rejetée.  On  négocia  longtemps  sur  la  certitude  de 
la  grâce  obtenue  par  la  foi.  Si  Catharin  s'opposait  à  ce  qu'on  adoptât 
dans  le  décret  le  cas  d'une  révélation  particulière,  ce  fut  uniquement 
parce  qu'il  n'im[)liquait  qu'une  «  foi  particulière  et  privée  ».  L'arche- 
vêque d'Armagh  demandait  que,  dans  les  explications  sur  la  prépara- 
tion à  la  justification,  la  conversion  de  l'incrédule  parvenu  à  l'usage 
de  raison  commençât  par  l'espérance  et  non  par  la  crainte.  La  charité 
n'était  pas  mentionnée  dans  le  premier  projet;  mais  l'archevêque  de 
Sassari,  l'évêque  Lipomanno,  IJonavcnture  Pie  et  Jajus,  appuyés 
de  vingt-trois  autres,  demandèrent  qu'en  en  fît  mention.  Cependant 
le  M  diligere  »  du  c.  vr  fut  entendu  de  l'acte  et  non  de  l'aptitude. 
Paul  m  sur  la  résidence  des  cardinaux  :  Pallav.,  IX,  i,  .3. 


LE   CATHOLICISME.  585 

Septième  session.  —  Décret  de  la  huitième  session  pour  la 
translation. 

251.  Le  concile  traita  ensuite  de  la  doctrine  des  sacrements, 
d'abord  eu  général,  puis  en  particulier.  Cette  doctrine  ayant  été 
élucidée  en  détail  par  Pierre  Lombard,  saint  Thomas  et  les 
scolastiques,  comme  par  l'Instruction  d'Eugène  IV,  on  ne  crut 
pas  nécessaire  de  joindre  aux  anathématismes  des  décrets  qui 
e.\primeraient  la  doctrine  de  l'Église.  Presque  tous  les  jours,  le 
matin,  les  théologiens  se  réunissaient  chez  Cervinus,  et  les  cano- 
nistes  chez  del  Monte;  le  soir  on  tenait  les  congrégations. Le  3  mai, 
dans  la  septième  session,  treize  canons,  précédés  d'un  préam- 
bule, furent  publiés  sur  les  sacrements  en  général,  quatorze  sur 
le  baptême,  trois  sur  la  confirmation,  outre  un  décret  de  ré- 
forme en  quinze  chapitres.  Ce  décret  concernait  les  qualités  des 
évêques,  le  cumul  des  charges  épiscopales  et  ecclésiastiques,  la 
visite  des  diocèses,  la  réparation  des  églises,  l'autorité  des 
chapitres  pendant  la  vacance  du  siège  épiscopal,  lacoUatiou  des 
ordres,  l'approbation  des  candidats,  le  soin  des  hôpitaux,  les 
affaires  juridiques  des  clercs. 

La  huitième  session  était  indiquée  pour  le21  avril.  Mais  une  épi- 
démie éclata  à  Trente  sur  ces  entrefaites;  le  général  des  francis- 
cains, un  évèqne  et  plusieurs  autres  moururent  rapidement  ;  le 
pays  d'alentour  ne  voulut  plus  avoir  de  relations  avec  Trente.  Le 
5  mars,  les  cardinaux  présidents  consultèrent  Rome  sur  ce 
qu'ils  devraient  faire  si  l'épidémie  continuait.  Les  médecins 
ayant  constaté  des  symptômes  de  peste,  et  douze  évêques 
étant  partis,  dont  plusieurs  sans  avoir  consulté  les  légats, 
ceux-ci  résolurent  de  faire  usage  des  pouvoirs  qu'ils  avaient 
de  transférer  le  concile.  Après  les  discussions  sur  l'Eucharistie, 
ils  interrogèrent  les  Pères  (9  mars).  La  grande  majorité  se 
prononça  pour  une  prompte  clôture,  et,  dansla  huitième  session 
(M  mars),  après  la  lecture  des  pleins  pouvoirs  accordés  aux 
légats  par  le  pape,  il  fut  décidé,  malgré  la  résistance  de  quinze 
prélats  entièrement  dévoués  à  l'empereur,  que  le  concile  serait 
transféré  à  Bologne. 


586  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET    REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE    N°   231  . 

Pallav.,  IX,  cap.  vu,  u.  1  et  seq.;  cap.  viii,  n.  1  et  seq.;  cap.  xii,  n.  1 
et  seq.;  cap.  xv.  Dans  les  congrégations,  on  discuta  :  1°  sur  le  ministre 
de  la  confirmation  et  sur  la  délégation  des  prêtres  pour  la  conférer; 
2°  sur  la  question  si  l'on  pouvait  dire  avec  Luther  J520)  que  les  sacre- 
ments ont  été  institués  immédiatement  après  la  chute  d'Adam,  ce  qui 
paraissait  acceptable  à  quelques  théologiens  sous  un  certain  point  do 
vue;  3°  sur  l'opinion  de  Cajetan  touchant  le  moyen  de  sauver  les 
enfants  des  fidèles  qui  meurent  dans  le  sein  maternel,  en  leur  donnant 
une  bénédiction  au  nom  de  la  Trinité,  opinion  reçue  par  Seripando, 
mais  qui  n'agréait  pas  aux  Pères,  bien  qu'ils  ne  voulussent  pas  se  pro- 
noncer. —  Translation  à  Bologne  :  Pallav.,  IX,  xui,  n.  4  et  seq.,  c.  xiv, 
xv;  Le  Plat,  III,  p.  584  et  seq. 

Neuvième  et  dixième  sessions. 

252.  Le  12  mars,  les  légats  partirent  pour  Bologne,  et  avec 
eux  la  majorité  des  Pères  ;  ceux  qui  étaient  attachés  à  l'empe- 
reur demeurèrent  à  Trente,  mais  sans  faire  aucun  acte  syno- 
dal, afin  d'éviter  un  schisme.  Paul  III,  dans  un  ctmsistoire 
(23  mars),  approuva  la  ré.solution  de  la  majorité  de  Trente  (les 
dcuxtiers),  tout  en  faisant  savoir  aux  légats  qu'il  lui  eût  été 
plus  agréable  que  le  concile  se  terminât  à  Trente.  Tandis  que 
les  légats  justifiaient  leur  conduite,  l'empereur  demandait  le 
retour  du  concile  à  Trente.  Le  pape  déclara  qu'il  ne  s'y  oppo- 
sait point,  mais  qu'il  ne  voulait  pas  non  plus  attenter  à  la 
liberté  des  Pères.  Ceux-ci,  invoquant  la  légitimité  du  décret  de 
translation,  invitèrent  la  minorité  demeurée  à  Trente  à  les 
rejoindre.  Charlos-Quiiit  trouvait  que  l'épidémie,  qui  du  reste  ne 
tarda  pas  à  disparaître,  était  un  simple  prétexte,  la  translation 
une  olfense  à  son  autorité,  une  imprudence  vis-à-vis  des  pro- 
testants et  un  inconvénient  pour  l'Eglise.  Il  ordonna  aux 
évoques  do  ses  États  qui  étaient  demeurés  à  Trente  de  n'en 
point  sortir. 

A  Bologne,  les  congrégations,  composées  souvent  de  soixante 
à  soixante-dix  théologiens  de  toutes  les  nations,  s'occupèrent 
de  la  Pénitence  et  de  rEuoh;iristiu.  Pierre  Ganisius  se  joignit  à 
eux  en  mai  1547.  La  plupart  des  décrets  qui  furent  promulgués 
dans  la  suite,  avaient  déjà  été  préparés  à  Bologne.  Comme  il 


LE   CATHOLICISME.  387 

ij*y  avait  guère  dans  cette  ville  que  des  prélats  italiens,  Paul  III 
dciiiaiida  qu'on  ne  rendît  plus  de  nouveaux  décrets. 

Dans  la  neuvième  session  (21  avril),  à  laquelle  assistaient,  outre 
les  légats,  six  archevêques,  vingt-huit  évoques  et  quatre  généraux 
d'ordres,  la  prorogation  fut  résolue,  et  le  décret  qui  la  concer- 
nait fut  lu  une  seconde  fois  dans  ladixième  session  (2  juin).  Les 
théologiens  et  les  canonistes  continuèrent  leurs  travaux  ;  les 
princes  électeurs  de  Cologne  et  de  Trêves,  ainsi  que  l'évêque  de 
Laybach,  envoyèrent  des  délégués.  Paul  III  chargea  le  cardinal 
Sfondrato  de  négocier  avec  l'empereur  ;  quant  à  lui,  il  désirait 
que  la  translation  se  fît  à  Ferrarc,  placée  sous  l'autorité  de 
l'empereur  ;  mais  il  ne  put  dissiper  les  soupçons  de  Charles- 
Quint.  Au  mois  d'août  1547,  un  député  arriva  à  Bologne  avec 
plusieurs  évèques  de  la  France,  qui  semblaient  vouloir  se  rappro- 
cher du  concile,  tandis  que  Charles  faisait  rappeler  le  procura- 
teur de  Trêves.  Du  Portugal  arriva  l'évêque  d'Oporto.  D'autre 
part,  le  cardinal  Madrucci  se  rendit  à  Rome  (novembre  15-47), 
comme  délégué  de  l'empereur,  pour  agir  dans  son  sens.  Rome 
décida  une  seconde  fois  que  les  Pères  assemblés  à  Bologne 
agiraient  en  toute  liberté. 

Suspension  du  concile. 

253.  Le  19  décembre  1547,  le  cardinal  président  exposa  au 
concile  les  raisons  des  deux  parties  :  d'un  côté,  le  désir  de 
l'empereur  et  de  son  frère,  et  l'espoir,  déjà  très  affaibli,  il  est 
vrai,  de  ramener  les  protestants  ;  de  l'autre  côté,  la  dignité  du 
concile,  qui  souffrirait  d'une  condescendance  à  l'égard  des  pères 
opiniâtres.  Ce  qu'on  disait  des  protestants  ne  pouvait  pas  peser 
d'un  grand  poids  dans  la  balance,  car  ils  n'avaient  pas  obéi 
aux  décrets  rendus  jusque-là,  et  ne  s'étaient  pas  expliqués  sur 
le  «  synode  chrétien  »  qu'ils  demandaient,  ou  plutôt  ils  en 
avaient  parlé  en  termes  suspects.  Parmi  les  vingt-huit  évèques, 
six  seulement  et  six  généraux  d'ordres  se  prononcèrent  pour 
le  retour  à  Trente.  A  une  protestation  de  Charles-Quint  (janvier 
1348)  les  pères  et  le  pape  répondirent  avec  dignité,  et  l'envoyé 
do  l'empereur  sortit  de  Rome  (13  février).  Paul  III  manda 
auprès  de  sa  personne  trois  évèques  de  Bologne  et  trois  de 
Trente,  pour  qu'ils  exphquassent  les  motifs  de  leur  conduite. 


588  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Les  évoques  espagnols  demeurés  à  Trente  répondirent  (23  mars) 
par  une  foule  d'excuses  et  de  faux-fuyants.  Les  négociations  se 
poursuivirent  sans  résultat,  jusqu'à  ce  que  le  pape  prononça 
la  suspension  du  concile  de  Bologne  (septembre  1549).  Les 
Pères  devaient  être  congédiés,  et,  en  attendant,  les  évoques 
prépareraient  à  Rome  les  décrets  sur  la  réforme. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LES  N°^  252-253, 

Pallav.,  IX,  XVII,  1  et  seq.,  c.  xviii-xx;  lib.  X,  c.  ii,  n.  2  et  seq.; 
c.  iv-xvii;  lib.  XI,  c.  r,  n.  Autres  détails  ci-dessus,  §  104. 

Mort  de  Paul  III. 

254.  Paul  III  avait  fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  dans 
les  conjonctures  présentes.  Comme  chef  de  l'Eglise,  sa  conduite 
respire  la  noblesse  et  la  grandeur.  Il  exhortait  les  membres  du 
concile  à  discuter  sans  ménagements,  s'énonçait  eu  latin  et  en 
italien  dans  un  style  tout  classique,  imposait  aux  ambassadeurs 
laïques  et  maintenait  résolument  les  droits  de  son  siège.  Il  eut 
le  défaut  de  trop  favoriser  sa  famille,  la  maison  Farnèse,  en 
l'élevant  aux  honneurs.  Bien  qu'à  cette  époque  un  pape  qui 
n'aurait  rien  fait  pour  les  siens  eût  été  suspect,  cette  faiblesse 
lui  fit  passer  bien  des  heures  amères.  Paul  lll,  homme  d'esprit 
et  d'une  prudence  consommée,  était  aussi  aimé  que  sa  famille, 
devenue  puissante  par  lui,  était  détestée.  Il  mourut  le  iO  no- 
vembre 1549,  âgé  de  quatre-vingt-deux  ans.  Il  venait  encore 
tout  récemment  de  retirer  à  ses  neveux  les  duchés  de  Parme 
et  de  Plaisance,  en  déclarant  qu'ils  feraient  retour  à  l'Eglise. 
Quand  ses  devoirs  ecclésiastiques  étaient  en  jeu,  il  ne  cédait 
jamais,  môme  en  face  de  ses  proches. 

OUVR.VGES   A   CONSULTER   SUR   LE    N°   254. 

Pallav.,  XI,  VI,  n.  1-4.  (Quirini),  Imago  opliini  Pontificis  expressa  in 
geslis  Pauli  III,  Brix.,  1745;  Rauke,  Rœm.  Paepste,  I,  p.  237  et  suiv., 
268  et  suiv. 

Jules  III  et  la  seconde  prrloilc  du  conctic  de  Trcnlc. 
Jules  III. 

255.  Paul  III  eut  pour  successeur,  en  février  1550,  le  car- 


LE   CATHOLICISME.  589 

dinal  légat  Jules  del  Monte,  qui  prit  le  nom  de  Jules  III,  en 
souvenir  de  Jules  II.  qui  avait  élevé  son  oncle  an  cardinalat  et 
dont  ilavaitété  lecamérier.  Bien  que  Charles-Quint  luifùthosti- 
le  pour  avoir  transféré  le  concile  à  Bologne,  il  se  réjouit  cepen- 
dant de  sa  nomination.  Il  trouva  dans  le  nouveau  pape  un  allié 
fidMe,  qui  s'imposa  pour  lui  de  grands  sacrifices  et  en  essuya 
bien  des  déceptions.  Comme  cardinal,  Jules  passait  pour  être 
emporté  et  colère  ;  devenu  pape,  il  fit  preuve  de  beaucoup  de 
calme  et  do  douceur,  et  se  montra  très  généreux,  même  envers 
ses  plus  grands  ennemis.  Il  aimait  à  construire  des  édifices  et 
favorisait  ses  parents,  sans  toutefois  dépasser  les  bornes  et  sans 
commettre  d'injustice.  11  rendit  Parme  aux  Farnèse  et  leur 
témoigna  beaucoup  de  bienveillance,  jusqu'au  moment  où  leur 
hostilité  contre  l'empereur  et  leurs  violences  sur  le  territoire 
pontifical  lui  imposèrent  une  autre  attitude.  11  souffrait  cruelle- 
ment de  la  goutte,  et  nuisit  à  sa  santé  par  une  diète  trop  sévère; 
mais  il  ne  perdit  rien  de  son  affabilité  et  de  sa  patience. 

La  conversion  de  l'Angleterre  et  la  continuation  du  concile 
œcuménique  de  Trente  furent  les  deux  grands  objets  du  pon- 
tificat de  Jules  III,  11  négocia  avec  Charles-Quint,  et,  persuadé 
que  Trente  était  le  lieu  le  plus  convenable  pour  le  concile,  il 
tâcha  d'obtenir  l'assentiment  de  la  France.  Il  fit  travailler  à 
une  bulle  relative  à  la  correction  des  mœurs,  convoqua  les 
cardinaux  Cervinus,  Polus  et  Morone,  et  publia  enfin  sa  bulle 
pour  la  continuation  du  concile  de  Trente.  Le  4  mars  1551,  il 
nomma  présidents  :  le  cardinal  Marcel  Crescendo,  l'archevêque 
Sébastien  Pighinus  et  Louis  Lipomaniio,  évêque  de  Vérone. 

Ouvrages  a  consulter  sur  le  n°  233. 

Pallav.,  XI,  VI,  6;  vu,  \  et  seq.;  c.  vni-xi;  lib.  XIII,  c.  i,  ii;  c.  x, 
n.  7,  8;  Le  Plat,  IV,  136  et  seq.;  A.  Massarelli,  dans  Dœllinger,  Ungedr. 
Berichte,  I,  p.  239  et  suiv.;  Rauke,  I,  p.  269-276. 

Sessions  Xle.  —  XVIe  du  concile  de  Trente. 

256.  Le  cardinal  légat  arriva  à  Trente  le  29  avril  1551  ;  il  n'y 
trouva  que  le  prince  évêque  et  treize  évêques  des  États  de 
l'empereur.  Le  pape  en  envoya  quatre-vingt-quatre  qui  rési- 
daient à  Rome.  Le  1"  mai  (onzième  session),  les  déhbérations 
furent  ajournées  au  1*' septembre,  à  cause  du  petit  nombre  des 


590  HISTOIRE    DE   l'ÉGLISE. 

prélats  et  parce  qu'on  attendait  les  Allemands  :  les  archevêques 
de  Mayence  et  de  Trêves  arrivèrent  en  août,  tandis  que  celui  de 
Cologne  faisait  louer  un  appartement.  Le  l*'  septembre 
(douzième  session),  on  renvoya  de  nouveau  au  12  octobre  la 
promulgation  des  décrets  sur  l'Eucharistie,  et  l'on  fixa  les  cas 
qui  exemptaient  les  évêques  de  la  résidence.  On  attendit  vaine- 
ment l'arrivée  des  Français.  Henri  II,  mécontent  do  l'alliance 
du  pape  avec  l'empereur  et  aigri  au  sujet  de  Parme,  refusait 
d'envoyer  des  évêques.  L'ambassadeur  de  France,  Amyot, 
ayant  fait  lecture  aux  «  Pères  de  l'assemblée  de  Trente  » 
d'une  lettre  où  le  mot  «  concile  »  était  soigneusement  évité 
les  évêques  avisèrent  aux  moyens  de  sauvegarder  leur  dignité 
et  leurs  droits.  Ils  écrivirent  au  roi  pour  se  plaindre  de  sa  con- 
duite, et  le  pressèrent  vivement  de  prendre  part  au  concile. 

Les  théologiens  du  pape,  Lainez  et  Salmeron;  le  théologien, 
de  l'empereur,  Jean  Arza,  puis  les  docteurs  du  clergé  séculier 
s'occupèrent  activement  dans  les  congrégations  du  dogme  do 
l'Eucharistie  ;  ils  recueillirent  les  passages  de  l'Écriture,  des 
Pères,  des  coaciles,  des  papes,  et  même  des  hérétiiiues.  Si 
quelquesopinionsparticulièresse  firent  jour,  ily  eut  bientôt  ac- 
cord unanime  sur  la  question  principale.  Seulement,  par  égard 
pour  les  protestants  qu'on  attendait  encore,  on  suspendit  les 
délibérations  touchant  la  communion  sous  les  deux  espèces  et 
les  questions  qui  s'y  rattachaient,  et  l'on  adopta  sur  ce  sujet  un 
décret  particulier. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N»  256. 

Rayii.,  an.  1551;  Pallav.,  XI,  c.  xiv-xvii;  XII,  c.  i  et  seq.  Écrit  du 
concile  snr  la  conduite  de  la  cour  de  France,  dans  Franc,  de  Vargas, 
Pétri  de  Malvenda  et  aliorum  de  Conc.  Trid.  epistolœ  et  observaliones, 
Brunsvic,  1704,  p.  106;  Roscovany,  Mon.,  I,  p.  157-163,  n.  170.  Cf. 
Le  Plat,  IV,  236  et  seq. 

Décrets  des  XlIIe,  XI Ve  et  XVe  sessions. 

257.  Les  décrets  suivants  furent  publiés  dans  la  treizième 
session  (Il  octobre  1551)  :  T  huit  chapitres  d'instructions  sur 
rEncharistie  ;  2°  onze  canons  contre  ceux  qui  niaient  la  pré- 
sence réelle  de  Jésus-Christ,  la  transsubstantiation,  la  doctrine 
de  l'Église  sur  l'Eucharistie  en  général,  et  contre  différentes 


LE    CATHOLICISME.  591 

erreurs  des  pioleslauts;  3°  un  décret  de  réforme  en  huit 
chapitres  sur  la  surveillance  et  la  juridiction  épiscopales;  4"  un 
décret  sur  l'ajournement  de  quatre  articles  touchant  l'Eucha- 
ristie ;  5°  un  sauf-conduit  pour  les  protestants. 

On  prépara  ensuite  les  matériaux  sur  la  Pénitence  et  l'Ex- 
trême-Onction ,  et  l'on  puhlia  dans  la  quatorzième  session 
(25  novembre)  les  décrets  dogmatiques  qui  s'y  rapportaient, 
avec  un  décret  de  réforme  en  quatorze  chapitres. 

Sur  ces  entrefaites,  des  délégués  des  villes  et  des  princes  pro- 
testants étaient  arrivés,  entre  autres  Jean  Sleidan  de  Stras- 
bourg; d'autres  étaient  attendus.  Si  peu  rassurante  que  fût 
leur  attitude,  et  malgré  leurs  exigences  désagréables  —  (ils  de- 
mandaient notamment  que  le  pape  fût  soumis  au  concile,  eux 
qui  avaient  rejeté  les  décrets  de  Constance  et  de  Bàle),  —  on 
résolut  cependant,  non  seulement  de  prolonger  leur  sauf-con- 
duit, mais  encore  d'ajourner  les  délibérations.  Cette  mesure 
fut  prise  dans  la  quinzième  session  (25  janvier  1552). 

Outre  les  trois  légats  et  le  cardinal  Madrucci,  il  y  avait  à 
Trente  soixante-dix-huit  évêques,  venus  de  la  p'upart  des  États 
de  l'empereur  (vingt-cinq  espagnols,  huit  allemands,  quatre 
siciliens,  etc.).  Des  bruits  de  guerre  amenèrent  le  départ  des 
archevêques  du  Rhin,  et  l'on  apprit  bientôt  que  Maurice  de 
Saxe  avait  trahi  l'empereur.  Alors  beaucoup  d'évêques  par- 
tirent en  toute  hâte.  Sur  la  demande  qui  lui  en  fut  faite, 
Jules  \\\  résolut  de  suspendre  le  concile  (25  avril),  et  il  le  ût 
dans  la  seizième  session  (28  avril).  Douze  évêques  espagnols 
furent  les  seuls  qui  s'y  opposèrent.  Le  concile  devait  être  con- 
tinué après  un  laps  de  deux  ans,  mais  dix  ans  allaient  se  passer 
avant  qu'il  pût  reprendre  ses  travaux. 

OUVRAGES  A  CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES  SUR   LE    N»  237. 

Parmi  les  controverses  sur  l'Euchajistie  il  faut  citer  :  i°  cette  opi- 
nion de  Melchior  Garnis  et  autres  théologiens,  que  sa  réception  sous 
les  deux  espèces  procure  plus  de  grâce  que  sous  une  seule.  Le  cardinal 
Madrucci  croyait  opportune  la  concession  du  calice  pour  l'Allemagne, 
mais  il  convenait  avec  les  cardinaux  légats  qu'il  ne  fallait  rien  décider 
sur  ce  point.  Tous  admettaient  que  le  Christ  est  tout  entier  sous 
chaque  espèce,  et  la  plupart  rejetaient  le  sentiment  de  Canus.  Cepen- 
dant on  résolut  de  laisser  dans  le  décret  la  question  indécise.  2°  Sur 


592  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

la  nécessité  de  se  confesser  avant  de  recevoir  la  communion,  Canus  et 
autres  étaient  d'avis  qu'il  fallait  condamner  le  sentiment  conti'aire  de 
Cajetan,  mais  non  comme  hérétique.  Réginaid  de  Gênes,  Ord.  Praed., 
et  l'Espagnol  Fr.  Villarva,  Ord.  Hieron.,  soutinrent  aussi  que  la  con- 
fession n'est  pas  absolument  nécessaire.  Le  procureur  de  l'évêque 
d'Augsbourg,  Martin  Olave,  croyait  qu'on  devait  exiger  la  confession, 
mais  non  comme  nécessaire.  Ambroise  Pelargus  proposa  d'ajouter  : 
c<  Prœmittendam  confessionem,  habita  confessoris  copia  »  ;  ce  senti- 
ment fut  appuyé  par  Madrucci  et  autres,  et  généralement  adopté.  3°  Sur 
le  canon  m,  «  sub  qualibet  specie  non  contineri  totum  Christum  », 
un  prélatespagnol  proposa  cette  addition  :  «  Facta  separalione  »,  attendu 
que  tous  ne  conviennent  pas  que  Jésus-Christ  soit  contenu  sous  chaque 
particule  avant  la  division  de  l'hostie,  «  £ub  qualibet  particula  hostise 
integrae  »  ;  elle  fut  acceptée,  parce  qu'on  ne  voulait  pas  se  prononcer 
sur  des  questions  d'école  :  Pallav.,  XII,  c.  ii,  n.  0-15.  Discussions  des 
sessions  XIII-XVI  :  Pallav.,  XII,  c.  viu-xv;  XIII,  c.  i-iu;  Le  Plat,  IV, 
p.  264  et  seq.,  471  et  seq.,  544  cl  seq.  Les  raisons  des  protestants  furent 
réfutées  par  Albert  Pighe,  Apologia  indicti  a  Paulo  III  Rom.  Pont. 
Concilii  adv.  Lutheranœ  confœderationis  i-ationes  plerasque.  Colon., 
IÖ38,  et  par  Gaspard  Cardilius  (extraits  dans  Rayn.,  an.  1561,  n.  56 
et  seq.j  1564,  n.  13  et  seq.). 


Marcel  II  et  Paul  IV. 

â58.  A  Jules  m  succéda,  au  mois  d'avril  4555,  le  cardinal 
Marcel  Cerviiins,  quoique  le  parti  impérial  lui  eût  donné 
l'exclusion  pour  n'avoir  pas  voulu,  comme  légat  de  Trente,  se 
plier  à  ses  volontés.  11  prit  le  nom  de  Marcel.  Le  nouveau  pon- 
tife, par  ses  diverses  qualités,  éveillait  les  plus  belles  espé- 
rances. Sa  conduite  était  noble  et  irréprochable.  Il  défendit  à 
ses  proches  l'accès  de  sa  cour,  introduisit  des  économies,  ré- 
forma le  service  divin  et  le  chant  ecclésiastique,  et  garda  la 
neutralité  dans  les  affaires  politiques.  Malheureusement,  il 
mourut  le  vingt-unième  jour  après  son  élection  (30  avril  4555). 

L'Espagne  essaya  d'exclure  d'une  nouvelle  élection  le  cardi- 
nal Jean- Pierre  Caraffa,  fondateur  do  l'ordre  des  théatins, 
parce  (]u'on  le  considérait  comme  trop  sévère  et  ennemi  de  la 
domination  espagnole  à  Naples.  Il  fut  élu  cependant  (23  mai 
1555),  et  prit  le  nom  de  Paul  IV.  Ce  choix  témoignait  que  les 
cardinaux  avaient  sérieusement  à  cœur  la  réforme  de  l'Eglise. 


LE    CATHOLICISME.  593 

Paul  IV  comptait  déjà  soixante-dix-nenf  ans,  mais  ses  yeux 
enfoncés  dans  leur  orbite  avaient  encore  tout  le  feu  de  la 
jeunesse  ;  il  était  grand  et  maigre,  marchait  d'un  pas  rapide 
et  semblait  tout  nerfs.  Comme  il  n'avait  pas  brigué  la  faveur 
des  cardinaux,  ce  lui  était  une  raison  de  plus  de  voir  dans  son 
élection  l'œuvre  immédiate  de  la  Providence.  Empêché  par  sa 
famille,  à  l'âge  do  quinze  ans,  d'entrer  dans  l'ordre  de  Saint- 
Dominique,  il  avait  fondé  l'ordre  des  théatins  et  s'était  voué  à 
des  pratiques  sévères.  Versé  dans  les  affaires,  éloquent,  plein 
d'ardeur,  familier  avec  le  grec  comme  avec  le  latin,  initié  au 
droit,  il  était  partout  en  haute  vénération.  Mais  il  s'attachait 
peu  aux  règles,  et  souvent  son  zèle  obéissait  à  la  surexcitation 
du  moment.  Profondément  convaincu  de  la  sublimité  de  sa 
charge  et  de  l'étendue  de  ses  devoirs  :  «  Nous  promettons 
et  nous  jurons  »,  disait-il  dans  sa  première  bulle,  «de  veiller 
sérieusement  à  ce  que  la  réforme  soit  opérée  dans  l'Église  uni- 
verselle et  dans  la  cour  de  Rome.  » 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N"    258. 

Seripando  à  l'évêque  de  Fiesole  :  Lettere  diprincipi,  III,  162.  Cf.  141. 
Pietro  Polidoro,  Vita  di  Marcello  II,  Roma,  1744;  Pallav.,  XIII,  c.  xi; 
Rayn.,  an.  1555,  —  A.  Carraccioli,  Coll.  hist.  de  vita  Pauli  IV,  Colon., 
1612,  in-4°;  F.  Magii,  Disquis.  de  Pauli  IV  inculpala  vita,  Neap.,  1672. 
Cf.  Bromalo,  Storia  di  Paolo  IV,  Roma,  1748,  2  vol.  in-4°  (nombreux 
matériaux);  Pallav.,  XIII,  xi,  8  et  seq.;  Ranke,  1,  p.  279,  281  et  suiv., 
302  et  suiv.;  Reumont,  III,  ii,  p.  513  et  suiv.  Sur  plusieurs  parties  de 
la  vie  de  Paul  IV,  voy.  W.  H.  Prescott,  History  of  the  Reign  of  Phil. 
the  Second  King  of  Spain,  New-York  and  Lond.,  1857,  2  vol. 

Travatix  de  Paul  IV  pour  la  réforme.  — Son  népotisme.—  Sa 
politique.  —  Sa  lutte  contre  Philippe  d'Espagne.  —  Il  éloigne 
ses  proches. 

259.  Paul  IV  signala  le  jour  de  son  couronnement  par  des 
prescriptions  relatives  aux  ordres  religieux.  11  envoya  en  Es- 
pagne deux  moines  du  xMont-Cassin  pour  y  rétablir  la  discipline 
monastique,  et  institua  une  congrégation  pour  travailler  à  une 
réforme  générale.  Les  trois  classes  de  cette  congrégation  com- 
prenaient chacune  huit  cardinaux,  quinze  prélats  et  cinquante 
savants.  Les  articles  qui  devaient  y  être  discutés,  furent  d'abord 

V.— HIST.  DEL 'ÉGLISE.  38 


394  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

envoyés  aux  universités,  et  l'affaire  fut  conduite  avec  beaucoup 
de  zèle.  Contre  l'hérésie;  qui  avait  trouvé  accès  dans  plusieurs 
de  pays  catholiques,  Paul  IV  déploya  une  grande  vigueur, 
notamment  dans  sa  bulle  du  7  août  1355,  où  il  édictait  des 
peines  sévères  contre  ceux  qui  rejetteraient  le  dogme  de  la 
Trinité,  la  virginité  de  Marie  et  autres  dogmes.  Il  fit  grâce 
aux  Romains  de  difTérentes  taxes  et  leur  procura  du  blé  ;  le 
peuple  lui  marqua  sa  reconnaissance  en  lui  érigeant  une 
statue. 

Mais  ce  pape,  d'ailleurs  si  magnanime,  s'attira  bientôt  le 
blâme  par  les  faveurs  qu'il  accorda  à  ses  proches,  et  par  sa 
politique  contre  la  suprématie  espagnole.  Le  fils  de  son  frère, 
Charles,  fut,  à  l'âge  de  trente-huit  ans,  nommé  cardinal  et 
légat  de  Bologne  ;  un  autre  neveu  devint  duc  de  Palliano;  un 
troisième,  marquis  de  Montebello.  Cependant  il  n'avantagea 
ses  neveux  qu'autant  qu'ils  lui  parurent  favoriser  de  préférence 
sa  politique.  Il  était  hostile  à  la  maison  espagnole-autrichienne, 
et  surtout  à  la  paix  religieuse  d'Augsbourg  de  1305,  que  Fer- 
dinand excusait  par  la  nécessité  et  en  dos  termes  offensants.  Le 
poids  de  la  domination  espagnole  en  Italie,  le  sentiment  national 
italien,  les  affronts  personnels  reçus  de  Charles-Quint,  qui  ne 
l'avait  pas  laissé  prendre  possession  de  son  archevêché  de 
Naples,  les  violences  exercées  dans  le  sud  du  royaume,  qui 
était  un  fief  du  Saint-Siège,  décidèrent  le  pape  à  se  rapprocher 
de  la  France  :  de  là,  une  alliance  conclue  avec  elle;  puis,  quand 
de  nouvelles  mésintelligences  eurent  éclaté,  une  guerre  avec 
Philippe  II  comme.roi  de  Naples.  Le  duc  d'Albe  envahit  les  États 
de  l'Église  en  septembre  155(5  et  s'empara  de  plusieurs  villes. 
Cependant  la  guerre  fut  de  peu  de  durée  ;  le  duc  la  conduisit 
avec  beaucoup  de  réserve,  et  elle  se  termina  par  une  paix  avan- 
tageuse au  pape,  qui  recouvra  tous  ses  domaines. 

Paul  I V  roconnut.le  roi  Philippe  pour  son  flls,  et  renonça  à  toute 
alliance  avec  ses  ennemis.  Le  duc  d'Albe  demanda  lui-même  son 
absolution  à  Rome  et  montra  une  grande  docilité.  Le  vaillant 
général  avouait  que  jamais  figure  d'homme  ne  lui  avait  autant 
imposé  que  celle  du  pape.  Les  désagréments  qu'il  eut  à  essuyer 
de  la  part  de  ses  proches,  la  politique  hostile  à  la  sienne  qu'ils 
voulurent  adopter,  décidèrent  Paul  IV  à  rompre  résolument 
avec  eux  ;  il  en  vint  môme  jusqu'à  les  déposer  de  leurs  charges 


LE   CATHOLICISME.  595 

(27  février  1559)  et  à  les  bannir  de  Rome,  en  déclarant  publi- 
quement qu'ils  l'avaient  trompé. 

OUVRAGES   A   CONSULTEB    SUR   LE    N"  259. 

Bromato,  lib.  IX,  c.  ii,  §  il,  t.  II,  p.  224,  289;  Le  Plat,  IV,  p.  567  et 
seq.;  Ranke,  I,  p.  28i,  283;  Const.  Quwn  quorumdam,  7  août  i5o5; 
Bull.  Rom.,  éd.  Coquelines,  IV,  i,  p.  322.  Voy.  mon  ouvrage,  Kath. 
K.,  p.  768  et  suiv.  — Pallav,,  XIII,  xu,  6;  xiv,  i  et  seq.;  xv,  u.  1-6; 
c.  xvj,  u.  4;  c.  XX ;  XIV,  c.  i  et  seq.;  c.  vn;  Rajn.,  an.  1559,  n.  30,  31  ; 
Ranke,  1,  p.  283-284,  288  et  suiv.,  291  et  suiv.,  307. 

Nouvelles  réformes. 

260.  Le  pape,  malgré  son  grand  âge,  poursuivit  ses  plans  de 
réforme  avec  une  nouvelle  ardeur  ;  il  semblait  y  avoir  con- 
centré tonte  sa  vie.  Il  introduisit  une  discipline  plus  sévère  dans 
les  églises  de  Rome,  écarta  les  tableaux  indécents,  chassa  de  la 
ville  et  de  la  campagne  les  moines  corrompus,  et  fut  représenté 
dans  une  médaille  sous  l'image  du  Sauveur  purifiant  le  temple, 
armé  d'un  fouet.  U  prêchait  lui-même,  et  engageait  les  car- 
dinaux, dont  les  plus  influents  étaient  alors  Carpi  et  Camillo, 
à  suivre  son  exemple.  Pas  un  jour  ne  se  passait  sans  qu'il  abolît 
un  abus  et  prît  quelque  bonne  mesure.  11  veillait  soigneuse- 
ment à  ce  que  les  bénéfices  ne  fussent  donnés  qu'à  des  hommes 
méritants,  rejetait  les  résignations  qui  lui  paraissaient  suspectes, 
et  rendit  plusieurs  ordonnances  que  le  concile  de  Trente  s'ap- 
propria dans  la  suite.  Il  essaya  à  deux  reprises,  en  1556  et  1559, 
de  préparer  à  Rome  la  continuation  de  ce  concile.  11  présidait 
régulièrement  l'Inquisition,  réprimait  les  brigues  des  ambitieux 
qui  aspiraient  aux  évêchés  ou  au  souverain  pontificat.  Il  ins- 
titua pour  les  Étals  de  l'Église  la  congrégation  du  bon  gou- 
vernement, fit  examiner  toutes  les  plaintes  et  diminuer  les 
impôts. 

Maintenir  la  liberté  et  l'immunité  de  l'Eglise,  surtout  en 
Espagne,  rétablir  la  pleine  autorité  du  Saint-Siège,  écarter 
l'hérésie,  contre  laquelle  il  renouvela  les  anciennes  censures 
(|5  février  1559),  c'était  là  l'objet  de  ses  constants  efTorts.  11 
alla  jusqu'à  faire  saisir  des  catdinaux  suspects  d'hérésie,  tels 
que  Jean  Morone,  qui  fut  reconnu  innorent  sous  son  succes- 
seur. 


596  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Visité  enfin  par  la  maladie  qui  devait  l'enlever,  Paul  IV 
assembla  autour  de  lui  les  cardinaux,  leur  parla  en  termes 
émouvants,  recommanda  son  âme  à  leurs  prières  et  le  Saint- 
Siège  à  leur  sollicitude.  Après  avoir  une  dernière  fois  recueilli 
ses  forces,  il  s'affaissa  sur  lui-même  et  rendit  le  dernier  soupir, 
le  18  août  1559,  âgé  de  quatre-vingt-quatre  ans.  Paul  IV  était 
un  grand  pape;  mais  le  peuple,  ne  se  souvenant  que  de  ce  qu'il 
avait  souffert  sous  son  règne,  notammentpendant  la  guerre  avec 
Naples,  outragea  et  abattit  sa  statue,  saccagea  la  maison  de 
l'Inquisition  et  le  principal  couvent  des  dominicains.  Douze 
jours  s'écoulèrent  avant  que  le  calme  fût  complètement  rétabli 
dans  Rome. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   SUR   LE   N°    260. 

Mocenigo  (ambass.  vénitien),  Relazione,  1360.  Propositions  pour  le 
card.  Caraffa  :  Rayn.,  an.  1358,  n.  3  (ibid.,  n.  23,  bulle  Cum  secun- 
dum).  Eorffls  pour  la  continuation  du  concile  :  Pallav.,  XIII,  xvii,  1; 
Rayuald,  an.  1559,  n.  11.  Congrégation  del  buon  governo  ;  Rayn.,  loc. 
cit.,  n.  32.  Const.  Cum  ex  Apostolatii$  officio,  13  févr.  1359:  Rayn., 
loc.  cit.,  n.  14.  Mou  ouvrage  cité,  p.  763  et  suiv.  Révocation  de  la 
permission  de  lire  des  livres  défendus  :  Rayn.,  an.  1538,  n.  21  ;  const. 
Quia  in  futurum,  21  dôc.  1538.  Mort  dePauI  IV  :  Rayn.,  an.  1539,  n.  33 
et  seq. 

Pie  IV  et  la  3e  période  du  concile  de  Trente. 

Pie  IV  et  Charles  Borromée.  —  Travaux  en  vue  du  concile. 

261.  Le  26  décembre  1559,  le  cardinal  Jean-Angelo  de  Médi- 
cis,  né  en  1499,  ancien  juriste,  ami  des  sciences,  doux  et  bien- 
faisant, montait  sur  le  trône  pontifical  sous  le  nom  de  Pie  IV. 
11  passait  pour  favorable  à  l'Autriche,  et  il  ne  tarda  pas  à 
s'entendre  avec  Ferdinand  1".  Il  intenta  un  procès  aux  parents 
de  son  prédécesseur,  et  les  obligea  de  dédommager  ceux  à  qui 
ils  avaient  porté  préjudice.  Lui  aussi  voulait  la  réforme  reli- 
gieuse, mais  d'une  façon  moins  brusque  que  son  prédécesseur. 
Très  actif  et  entreprenant  de  sa  personne,  il  n'accorda  aux 
siens  qu'une  médiocre  influence.  La  promotion  au  cardinalat 
de  son  excellent  neveu  Charles  Borromée  fut  un  grand  bon- 
heur pour  l'EgUse. 


LE   CATHOLICISME.  597 

Charles  no  considéra  pas  sa  position  comme  un  privilège  qui 
rélevait  au-dessus  des  autres,  mais  comme  une  tâche  à  laquelle 
il  devait  s'appliquer  avec  ardeur,  modestie  et  persévérance.  Le 
pape  possédait  en  son  neveu  un  ministre  pieux,  qui  donnait 
continuellement  des  audiences  et  examinait  avec  soin  toutes  les 
affaires.  Charles  s'entoura  d'un  collège  de  huit  docteurs,  d'où 
sortit  plus  tard  la  sacrée  Consulte.  Pie  IV  embellit  Rome,  pro- 
tégea les  savants,  étendit  sa  sollicitude  à  tous  les  intérêts  de  la 
chrétienté,  et  envoya  les  hommes  les  plus  capables  en  légation 
dans  les  pays  étrangers.  Il  songeait  en  outre  à  continuer  le 
concile  de  Trente,  ainsi  qu''il  Tannonçaaux  cardinaux  en  1560. 
Plusieurs  monarques  étaient  favorables  à  ce  dessein  :  l'empereur 
Ferdinand  le  recommanda;  Philippe  d'Espagne,  la  cour  de 
France  l'approuvèrent  ;  mais  celle-ci  ne  voulait  point  qu'il  se 
réunit  à  Trente,  qui  semblait  au  pape  le  lieu  le  plus  favorable. 
Pie  IV  envoya  donc  ses  nonces  aux  différents  princes  catho- 
liques, ainsi  qu'aux  princes  protestants. 

ODVRAGES  A   CONSULTER   SDR  LE  N"   261. 

Pallav.,  XIV,  X,  3-6;  xv,  5-17;  Rayn.,  an.  1559,  n.  37-40;  1560, 
n.  1  et  seq.;  1561,  n.  78  et  seq.;  Le  Plat,  IV,  p.  612  et  seq.;  Ranke,  I, 
p.  319;  Reumont,  III,  ii,  p.  534  et  suiv.  —  Giussano,  Vita  di  S.  Carlo 
B.,  en  allemand  par  Klitsche,  Augsb.,  1836  et  suiv.,  3  vol.;  Godeau, 
Vie  de  S.  Charles  Bor.,  Par.,  1747;  Touron,  la  Vie  etl'Esprit  de  S.  Ch. 
B.,  Par.,  1751;  Sauer,  der  hl.  Carl  Borr.,  Augsb.,  1824;  Dieringer, 
der  hl,  Carl  Borr.  und  die  Kirchenverbesserung  seiner  Zeit,  Cologne, 
1846;  Ranke,  I,  p.  321;  Pallav.,  XIV,  xii,  3  et  seq.,  15-18;  c.  xm; 
Rayn.,  an.  1560,  n.  3;  1361,  n.  67  et  seq.,  74;  Le  Plat,  IV,  p.  617  et 
seq. 

Dispositions  de  l'Allemagne.  —  Colloque  de  Worms.  — 
Attitude  de  l'empereur  Ferdinand. 

262.  En  Allemagne,  on  avait  cru  d'abord  que  la  paix  reli- 
gieuse d'Augsbourg  rendrait  le  concile  superflu,  mais  on  vit 
bientôt  qu'elle  ne  suffirait  point  pour  assurer  le  repos  et  la 
tranquillité  du  royaume.  La  diète  de  Ratisbonne,  tenue  à  la  fin 
de  1536,  avait,  par  recez  du  13  mars  1557,  indiqué  un  nouveau 
colloque  religieux  qui  aurait  lieu  à  Worms,  dans  le  courant 
d'août.  Il  fut  présidé  par  Jules  Pflug,  évèque  deJNaumbourg. 


598  HiSTOiuE  DE  l'Église. 

Les  catholiques  y  étaient  représentés  par  Michel,  évêque  de 
Merseboiirg;  Delfius,  coadjuteur  de  Strasbourg;  Pierre  Cani- 
sius,  Staphyluset  deux  théologiens  de  Louvain  ;  les  protestants, 
par  Mélanchthon,  Schnepf,  Brenz,  Runge,  Karg,  Pistorius.  On 
y  traita  de  l'Écriture  sainte  en  tant  que  règle  de  la  foi  et  du 
péché  originel. 

On  n'alla  pas  plus  loin,  car  la  division  éclata  ouvertement 
entre  les  théologiens  d'Iéna  et  ceux  de  Wittenberg  au  sujet  de 
la  condamnation  des  sectaires  qui  s'écartaient  do  la  Confession 
d'Augsbourg  :  les  premiers,  après  avoir  exposé  l'état  des 
choses,  quittèrent  Wurms  ;  ceux  qui  y  demeurèrent,  ne  pou- 
vaient plus  être  considérés  comme  les  représentants  de  tout  le 
protestantisme.  Le  parti  protestant  avait  compté  sur  une  vic- 
toire ;  il  ne  trouva  qu'une  défaite  morale.  Mélanchthon  n'osa 
point  rejeter  la  doctrine  de  Flacius  sur  le  défaut  de  libre  arbitre 
dans  l'homme,  puisque  Luther  l'avait  lui-même  enseignée.  On 
s'en  tint  donc  à  la  paix  religieuse  de  1555,  que  Ferdinand  con- 
firma de  nouveau  à  Augsbourg  (mars  1559). 

Ce  prince  toléra  en  Autriche  la  communion  des  laïques  sous 
les  deux  espèces,  bien  qu'on  ne  put  la  justifier  par  une  conces- 
sion du  pape,  mais  seulement  par  les  discours  do  quelques 
nonces,  (jui  n'impli(juaient  pas  un  refus  péremptoire.  Sur  le 
concile,  Ferdinand  conseilla  au  pape  do  procurer  d'abord  une 
paix  générale  entre  les  princes  catholiques,  d'obtenir  l'assistance 
de  leurs  délégués,  de  s'y  rendre  en  personne,  de  ne  pas  le  con- 
voquer à  Trente,  mais  dans  une  plus  grande  ville  d'Allemagne, 
à  Cologne,  à  Ratisbonne  ou  à  Constance  ;  de  le  faire  célébrer 
non  comme  la  continuation  de  celui  de  Trente,  mais  comme  un 
concile  nouveau,  ce  qui  serait  plus  glorieux  au  Saint-Siège,  plus 
agréable  à  différents  princes  catholiques,  ainsi  qu'aux  protes- 
tants, qui  s'étaient  plaints  do  la  façon  dont  on  avait  procédé  à 
Trente. Comme  la  convocation  nouvelle  du  concile  offrait  des  dif- 
ficultés, que  l'issue  en  était  incertaine,  et  qu'à  prendre  les  choses 
au  mieux,  sa  réunion  était  encore  lointaine,  le  pape  devait 
aviser  à  dos  mesures  qui  en  tiendraient  lieu,  relâcher  quelque 
chose  do  la  rigueur  des  lois  ecclésiastiiiues,  permettre  le 
mariage  aux  clercs,  et  aux  laïques  la  communion  sous  les  deux 
espèces.  Il  y  avait  encore  bien  des  hésitations  :  tantôt  les 
princes  consentaient  au  concile,  tantôt  ils  s'y  opposaient  ;  ce 


1,K    CATIIOUCISMK.  500 

que  les  uns  voulaient,  les  autres  le  repoussaient.  Ferdinand, 
toutefois,  ainsi  que  les  rois  d'Espagne  et  de  Portugal,  les 
Suisses  et  les  Vénitiens  finirent  par  s'en  rapporter  au 
pape. 

OUVRAGES   A  CONSULTER   SUR  LE   N»   262. 

Pallav.,  XIV,  VI,  i  et  seq.,  xiii,  10-18;  Rayn.,  an.  1556,  1557,  1555; 
Sarpi,  V,  §  35;  Goldast,  Const.  imp.,  III,  567  et  seq.;  Le  Plat,  IV, 
600  et  seq.;  Dœllinger,  Réf.,  II,  p.  127,  362  et  saiv.,  455;  III,  p.  441, 
Flor.  Riesz,  der  sel.  Petrus  Canisius,  p.  190  et  suiv.,  201-227;  Hart- 
mann, Erhard  Schnepf,  Tiib.,  1870.  —  Rayn.,  an.  1560,  n.  2  et  seq., 
53  et  seq.;  Le  Plat,  IV,  p.  615  et  seq.,  629  et  seq.;  Pallav.,  XIV,  xiv, 
4  et  seq.,  c.  xvi  ;  Rayn.,  loc.  cit.,  n.  64  et  seq. 

Nouvelle  convocation  du  concile.  —  Travaux  des  nonces.  — 
Préparatifs  du  concile. 

263.  Le  20  novembre  1560,  parut  la  bulle  d'indiction,  qui 
prescrivait  l'ouverture  du  concile  à  Trente  pour  la  fête  de  Pâques 
de  1561.  Sans  dire  expressément  qu'il  serait  une  continuation 
du  précédent,  elle  rappelait  tout  ce  qui  s'y  était  passé,  et  l'on 
donnait  clairement  à  entendre  que  ce  serait  le  même  concile. 
En  France,  où  l'on  espérait  encore  que  les  questions  déjà 
résolues  seraient  soumises  à  un  nouvel  examen,  on  fut  mécon- 
tent du  passage  de  la  bulle  où  il  était  dit  qu'on  reprendrait  le 
concile,  ((  toute  suspension  levée  » . 

En  Allemagne,  les  nonces  Delphinus  et  Commendone  ne 
ménageaient  pas  leur  peine  :  sur  la  demande  de  l'empereur, 
ils  se  rendirent  en  janvier  1561  à  l'assemblée  des  princes  pro- 
testants de  Naumbourg.  Ces  princes  se  montrèrent  fort  arro- 
gants :  ils  déclarèrent  qu'ils  ne  reconnaissaient  point  le  pape  ni 
les  év'êques  qui  lui  prêtaient  serment,  et  ils  renouvelèrent  leurs 
anciennes  prétentions.  Dans  uu  décret  daté  du  27  février  1561, 
ils  déclarèrent  qu'en  matière  religieuse,  les  protestants  alle- 
mands étaient  unis  entre  eux  sur  la  base  de  la  Confession 
dWugsbourg,  quüls  ne  différaient  que  sur  des  points  acces- 
soires. Les  nonces  se  rendirent  encore  en  personne  dans 
différentes  cours,  mais  on  ne  leur  répondit  le  plus  souvent  que 
par   des    échappatoires.   De  leur  côté ,   beaucoup  d'évèques 


600  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 

s'excusèrent  sur  leur  âge,  leur  état  maladif  et  la  crainte  d'être 
maltraités  par  les  protestants. 

Le  pape  nomma  premier  président  du  concile  le  cardinal  de 
Mantoue,  Hercule  Gonzague,  auquel  il  adjoignit  les  cardinaux 
Stanislas  Hosius,  évoque  d'Ermland;  Jérôme  Seripando,  arche- 
vêque de  Salorne  ;  Louis  Simonetta,  de  Milan,  et  Marc  Siticus, 
d'Âltemps  A  partir  du  16  avril  4561,  les  légats  firent  à  Trente 
les  préparatifs  nécessaires,  et  Massarelli  fut  encore  une  fois 
nommé  secrétaire.  Le  premier  évêque  qui  arriva  à  Trente,  fut 
Nicolas  Sfondrate,  de  Crémone  (plus  tard  Grégoire  XIV).  Quand 
/es  légats  firent  leur  entrée,  il  n'y  avait  encore  que  neuf 
évêques;  mais  d'autres  arrivèrent  bientôt,  tels  que  l'archevêque 
de  Braga  en  Portugal,  et  Thomas  Godwel,  évêque  de  Saint- 
Asaph  en  Angleterre.  Le  pape  mit  des  sommes  considérables  à 
la  disposition  des  évêques  pauvres,  déclara  dans  une  bulle  que 
le  droit  d'élire  le  pape  appartiendrait  exclusivement  aux  cardi- 
naux, quand  même  le  Saint-Siège  viendrait  à  vaquer  pendant 
le  concile,  que  les  prélats  personnellement  présents  auraient 
seuls  voix  délibérative. 

OUVRAGES   A  CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE   N°    2G3. 

Const.  Ad  Ecclcsix  regimen,  etc.  :  Rayn.,  an.  lößO,  n.  68  et  seq.; 
Pallav.,  XIV,  c.  xvii  ;  Le  Plat,  IV,  663  et  seq.,  697  et  seq.  Opposition 
des  Français  contx'e  ces  mots  :  «  sublata  suspensione  »  :  Pallav,,  XV,  i; 
Rayn.,  loc.  cil.,  n.  73;  Thccligkeit  der  Nuntien,  ib.,  n.  78;  an.  1361, 
n.  18  et  seq.,  36  et  seq.;  Paliav.,  XV,  c.  ii-x;  Le  Plat,  IV,  674  et  seq., 
717  et  seq.;  K.-A.  Menzel,  IV,  p.  215  et  suiv.;  Rob.  Calinicli,  der 
Naumburger  Fiirstentag  1361,  Beitrag  zur  Gescb.  des  Luthertb.  und 
des  Melancbtb.  ans  den  Quellen  des  kgl.  Ilauptstaatsarcbivs  zu  Dres- 
den, Gotha,  1870.  Les  légats  à  Trente  :  Pallav.,  XV,  xi;  Rayn.,  an.  1561, 
n.  1  et  seq.  Constitution  sur  l'élection  du  pape,  19  nov.  1561  :  Rayn., 
loc.  cit.,  n.  8  et  seq.  Cf.  an.  1562,  n.  103;  Pallav.,  XV,  xtii;  Le  Plat, 
IV,  722.  Sur  le  droit  de  voter  réclamé  pour  les  seuls  membres  pré- 
sents, 15  déc.  1361  :  Raynald.,  h.  a.,  n.  11;  Le  Plat,  IV,  733  et  seq.; 
Pallav.,  XV,  xm,  2;  XVIII,  xvii,  1. 

XVIIe-XXe  sessions. 

264.  La  première  congrégation  générale  fut  tenue  le  15  jan- 
vier 1562  ;  elle  fut  suivie,  le  18,  de  la  dix-septième  session,  où 


I 


LE    CATHOLICISME.  601 

l'on  annonça  l'ouverture  du  concile  et  la  fin  de  sa  suspension  ; 
l'on  indiqua  le  jour  de  la  prochaine  session.  Outre  les  cardi- 
naux, on  comptait  alors  cent  six  évêques,  quatre  abbés  mitres 
et  quatre  généraux  d'ordres.  Les  Espagnols  voulaient,  contrai- 
rement à  d'autres,  qu'il  fût  expressément  déclaré  que  le  concile 
était  la  continuation  du  précédent,  et  ils  rejetaient  comme  nou- 
veaux, inutiles  et  inopportuns,  ces  mots:  «sur  la  proposition  des 
légats  ».  Cette  demande  fut  repoussée.  On  discuta  ensuite  sur 
l'index  des  livres  défendus  et  sur  un  nouveau  sauf-conduit 
pour  les  protestants.  Les  délégués  de  l'empereur  Ferdinand  et 
du  roi  de  Portugal  furent  reçus  par  le  concile.  Les  premiers 
firent  des  propositions  qui  ne  purent  être  acceptées  qu'en  par- 
tie. Bientôt  les  diplomates  suscitèrent  des  difficultés  aux  légats 
par  des  querelles  de  préséance  et  des  demandes  souvent  contra 
dictoires. 

Dans  la  dix-huitième  session  (26  février),  après  la  lecture  des 
lettres  du  pape,  on  se  borna  à  publier  un  décret  sur  la  rédac- 
tion d'un  catalogue  des  livres  défendus,  et  un  sauf-conduit 
pour  les  protestants  ;  il  fut  rédigé  avec  beaucoup  de  ménage- 
ments et  de  prudence  (4  mars).  La  discussion  des  douze  articles 
de  réforme  amena  de  nouveau  en  discussion  la  question  de  sa- 
voirsi  la  résidence  des  évêques  est  de  droit  humain  ou  de  droit 
divin.  Elle  fut  vivement  débattue.  Les  légats  essayèrent  de  la 
faire  ajourner  jusqu'à  ce  que  le  calme  fût  rétabli,  car  la  vota- 
tion  ne  donna  point  de  résultat  décisif.  Au  mois  de  mars,  arri- 
vèrent les  délégués  de  l'Espagne,  du  duc  de  Florence  et  de  la 
Suisse  catholique  ;  en  avril,  ceux  de  Venise  et  un  de  France;  le 
1"  mai,  les  députés  du  duc  de  Bavière. 

Dans  la  dix-neuvième  session  (14  mai),  puis  dans  la  ving- 
tième (4  juin),  il  fallut  encore  se  borner  à  rendre  un  décret  de 
prorogation.  Les  princes  mettaient  partout  des  entraves  au 
concile  :  l'Espagne  demandait  que  Ton  déclarât  que  le  concile 
était  la  continuation  du  précédent  ;  la  France  voulait  au  con- 
traire qu'il  fût  considéré  comme  un  concile  nouveau,  et  ses 
députés  proposèrent  de  le  transférer  à  \Yorms,  à  Spire  ou  à 
Constance,  de  renouveler  les  décrets  de  Constance  sur  l'auto- 
rité du  concile,  et  d'ajourner  les  décrets  dogmatiques.  L'un 
d'eux  prononça,  le  26  mai,  un  discours  offensant.  L'empereur, 
de  son  côté,  présenta  un  nouveau  projet  de  réforme. 


602  HISTOIRE   DE    l'ÉGLISE. 


OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N°  264. 

Rayn.,  an.  1562,  n.  4  et  seq.;  Pallav.,  XV,  16  et  seq.;  XVI,  1  et  seq.; 
Baini,  Vita  di  Palestrina,  I,  199  ;  Ranke,  1,  p.  341.  Controverse  sur  la 
continuation  :  Rayn.,  an.  1561,  n.  6,  47;  Pallav.,  XV,  xv,  4  et  seq.; 
c.  XX,  n.  6  et  seq.;  XVI,  c.  vi,  n.  3  et  seq.;  c.  vu,  n.  3  et  seq.;  XVII, 
XIII,  2.  Dispute  sur  la  formule  «  proponentibus  legatis  »  :  Rayn., 
an.  1562,  n.  60;  1563,  n.  68  et  seq.,  87;  Pallav,,  VI,  xii,  1;  XV,  xvi; 
XVII,  vi;  XX,  viii,  I,  XII,  XIV,  XV ;  XXI,  v,  x;  XXII,  c.  ii,  v,  vui,  xii. 
Objet  de  la  réforme,  ibid.,  XVI,  i  et  seq.  Sous  Jules  III,  le  théologien 
espagnol  Torrès  avait  rédigé  un  livre,  dédié  à  Seripando  sur  l'obligation 
de  la  résidence  de  droit  divin.  Des  écrits  furent  échangés  entre  lui  et 
Ambroise  Catharin,  qui  soutenait  le  droit  humain.  Cette  question  fut 
discutée  le  7  avril  1562  ;  soixante-sept  membres  demandèrent  une 
définition  sur  la  résidence;  trente-huit  s'y  opposèrent;  trente-trois 
tinrent  une  position  mitoyenne.  Selon  Massarelli  :  «  Pro  parle  negante 
aut  simpliciter  aut  cum  aliquo  additamento  aut  re  in  SS.  D.  N. 
reposita  unus  supra  70.  »  Le  roi  Philippe  II  lui-même  ne  voulait  point 
de  la  définition,  et  le  pape  n'était  pas  satisfait  qu'on  lui  abandonnât 
cette  affaire.  On  résolut  enfin  de  l'ajourner  jusqu'au  moment  où  l'on 
traiterait  du  sacrement  de  l'ordre  (Pallav.,  XVI,  iv,  11-15;  XVII,  i, 
2-4).  Les  prélats  sustentés  par  le  Saint-Siège  n'éprouvèrent  pas  le 
moindre  inconvénient  pour  s'élre  librement  expliqués:  Baluz.,  Miscell., 
IV,  194;  Câlin,  ad  card.  Moron.,  8  oct.  1561;  Rayn.,  an.  1562,  n.  41, 
119,  120  et  seq.;  1563,  n.  13  et  seq.  Autres  matériaux  :  Marlene,  Coll., 
t.  I;  Diario  del  Torelli,  p.  258  et  seq.;  Monum.  di  varia  letter.,  t.  Il, 
p.  14,  15.  Lettres  de  B.  Foscarari  de  Modène,  de  Beccadclli  à  celui-ci 
et  à  Morone.  Beccadelli  était  pour  la  définition,  de  même  que  Pierre 
Soto  :  Rayn.,  an.  1563,  n.  71.  Sur  le  reste,  v.  Pallav.,  XVIII,  xui-xvi  ; 
XiX,  c.  IV  et  seq.,  xiv  et  seq.  Les  projets  de  réforme  de  Ferdinand 
existent  en  différents  extraits,  dans  Sarpi,  lib.  VI,  p.  325;  en  latin,  dans 
Rayn.,  an.  1562,  n.  59;  cf.  n.  62,  et  Goldast;  avec  plus  de  détails 
dans  Barthélémy  des  Martyrs,  puis  dans  Schelhoru,  d'après  les  papiers 
de  Staphylus;  Le  Plat,  t.  V,  p.  232  et  seq.,  260  et  seq.,  les  donne  tous 
avec  la  réponse;  ils  ne  concordent  pas  très  bien  ensemble  :  Ranke,  I, 
p.  327  et  suiv.  Ils  demandent  :  la  réforme  de  la  curie,  la  restriction  à 
26  du  nombre  des  cardinaux,  la  suppression  des  exemptions  et  du 
célibat,  l'adoucissement  du  précepte  du  jeûne,  l'adoption  des  décrets 
réformateurs  de  Constance  et  la  préparation  des  matériaux  par  des 
députations  choisies  dans  les  diverses  nations;  la  correction  des  bré- 
viaires, des  missels,  des  légendes  et  des  postules  ;  le  chant  ecclésias- 
tique en  allemand,  la  concession  du  calice  aux  laïques,  de  meilleurs 


LE    CATHOLICISME.  G03 

catéchismes,  la  réforme  des  couvents,  etc.  Voyez  les  34  articles  de 
réforme  proposés  par  les  Français,  avec  réponse,  dans  Rayn.,  an.  lo62, 
n.  86-88;  Le  Plat,  V,  p.  631  et  seq. 

XXIe  session. 

265.  Les  légats,  qui  étaient  constamment  en  relations  épis- 
tolaires  avec  le  cardinal  Borromée,  soumirent  aux  théologiens 
cinq  articles  sur  la  communion.  Depuis  le  10  juin  1562,  ces 
théologiens  tinrent  journellement  deux  assemblées,  dans 
lesquelles  Salmeron  parlait  le  premier  comme  théologien  du 
pape.  Tous  étaient  d'accord  sur  les  questions  dogmatiques, 
mais  non  sur  le  point  de  savoir  s'il  fallait  maintenant  accorder 
aux  laïques  la  communion  sous  les  deux  espèces,  comme  le 
voulaient  les  envoyés  de  l'empereur  et  de  la  Bavière. 

Le  décret  relatif  à  la  communion  sous  les  deux  espèces  fut 
puidié  le  16  juillet,  dans  la  vingt  et  unième  session.  11  portait  que 
les  laïques  et  les  prêtres  qui  ne  célèbrent  point  ne  sont  obligés 
par  aucun  précepte  divin  de  communier  sous  les  deux  espèces; 
que  l'Église,  dans  la  dispensation  des  sacrements,  a  toujours 
été  autorisée  à  changer,  sans  toucher  à  leur  substance,  ce 
qu'elle  a  jugé  le  plus  opportun,  selon  la  diversité  des  temps, 
des  lieux  et  des  conjonctures  :  c'est  pourquoi  elle  s'est  déter- 
minée, par  de  justes  et  fortes  raisons,  à  approuver  la  commu- 
nion sous  une  seule  espèce,  et  elle  en  a  fait  une  loi  qu'il  n'est 
pas  permis  de  rejeter  ni  de  changer  arbitrairement  sans  l'auto- 
rité de  l'Église  ;  que  sous  une  seule  espèce  on  reçoit  Jésus- 
Christ  tout  entier  et  l'on  ne  perd  aucune  des  grâces  nécessaires 
au  salut  ;  que  les  petits  enfants  ne  sont  pas  tenus  à  la  commu- 
nion sacramentelle. 

Les  erreurs  contraires  furent  réprouvées  dans  quatre  canons. 
Le  décret  de  réformation,  en  neuf  chapitres,  traitait  de  la  colla- 
tion des  ordres  et  des  qualités  qu'ils  requièrent,  des  distribu- 
tions journalières  qui  doivent  être  faites  aux  membres  du 
chapitre  présents  au  chœur,  de  l'établissement  de  nouvelles 
paroisses  et  de  la  nomination  de  leurs  titulaires,  de  la  suppres- 
sion des  collecteurs  d'aumônes,  que  le  pape  demandait  égale- 
ment. Le  concile  comptait  toujours  sur  l'arrivée  des  prélats 
français,  et  il  donna  à  entendre  qu'ils  arriveraient  ayant  à  leur 
tète  le  cardinal  de  Lorraine  :  c'est  pourquoi  le  concile  ralentit 


604  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

sa  marche.  Cependant,  à  partir  du  19  juillet,  il  chargea  les 
théologiens  d'examiner  treize  articles  sur  le  sacrifice  de  la 
messe. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N«  265. 

Sur  la  communion  «  sub  utraque  »  :  Pallav.,  XVII,  i  et  seq.;  c.  vi- 
vni;  c.  xi;  Rayn.,  an.  1562,  n.  49  et  seq.,  67  et  seq.,  73  et  seq.;    Le 
Plat,  V,  p.  4o5  et  seq.,  463  et  seq.   Voy.  encore  Pallav.,  XVII,  i,  xn 
XIV ;  XVIII,  m,  vi,  vu. 

XXIIe  session. 

266.  Après  de  longues  délibérations  et  de  nombreuses  diffi- 
cultés vaincues,  la  vingt-deuxième  session  s'ouvrit  enfin  le 
i7  septembre.  La  doctrine  touchant  le  sacrifice  de  la  messe  fut 
exposée  en  neuf  chapitres  et  en  autant  de  canons,  et  acceptée. 
On  y  traitait  de  l'institution  et  de  la  nature  du  sacrifice,  des 
messes  en  l'honneur  des  saints,  des  cérémonies,  des  messes 
privées,  de  la  langue  liturgique  et  de  la  nécessité  d'expliquer 
les  rites  au  peuple  fidèle.  Il  fut  défini  que  la  sainte  messe  est  un 
vrai  sacrifice;  que  Jésus-Christ,  en  prononçant  ces  paroles  : 
«  Faites  ceci  en  mémoire  de  moi,  »  a  établi  ses  apôtres  prêtres 
de  la  nouvelle  alliance  ;  que  la  messe  est  un  sacrifice  expiatoire 
pour  les  vivants  et  pour  les  morts  et  ne  déroge  point  au  sacri- 
fice de  la  croix  ;  qu'il  n'est  pas  défendu  de  l'olTrir  en  l'honneur 
des  saints  ;  que  le  canon  ne  contient  aucune  erreur.  Le  concile 
condamne  ceux  qui  rejettent  le  rite  de  l'Église,  le  mélange  de 
l'eau  dans  le  calice,  l'usage  de  la  langue  latine,  la  récitation  à 
voix  basse  des  paroles  de  la  consécration  et  les  messes  privées. 

Un  autre  décret  recommandait  aux  évoques  d'abolir  dans  la 
célébration  de  la  messe  les  abus  qui  s'y  étaient  glissés  par  irré- 
vérence, avarice  et  superstition  ;  de  bannir  toute  sorte  de 
musique  non  religieuse,  les  occupations  séculières,  les  entre- 
tiens vains  et  profanes;  d'engager  les  prêtres  à  célébrer  en 
temps  voulu,  selon  le  véritable  rite  et  avec  dévotion;  d'exhorter 
le  peuple  à  fréquenter  l'église  paroissiale  les  jours  de  dimanche 
et  de  fête.  Un  troisième  décret  sur  la  réformation  (onze  cha- 
pitres) renouvela  les  canons  relatifs  à  la  vie  honnête  des 
clercs,  fixa  les  conditions  requises  pour  les  emplois  ecclé- 
siastiques, et   prit  encore  d'autres  dispositions.  Un  dernier 


LE    CATHOLICISME,  605 

décret  renvoya  à  la  décision  du  papo  l'affaire  de  la  communion 
sons  les  deux  espèces,  qui  n'avait  pu  être  résolue  par  une  vota- 
tion  décisive.  Plus  tard,  sur  l'avis  du  cardinal  Borromée,  Vïo  IV 
l'accorda,  par  un  induit,  par  manière  d'essai  et  sous  certaines 
conditions,  pour  l'Autriche,  la  Bavière,  Mayence,  Trêves, 
Brunswick  et  Naumbourg.  Mais  les  fervents  catholiques  s'en 
souciaient  médiocrement  et  elle  ne  satisfit  point  les  hérétiques. 
Elle  fut  supprimée  dans  la  suite. 

OUVRAGES  A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°  266. 

Rayn.,  an.  1562,  n.  89  et  seq.,  97  et  seq.;  Pallav.,  XVIII,  i  et  seq.; 
c.  vin,  II.  On  agita  surtout  cette  question  :  «  An  Christus  seipsum 
obtulerit  sacriiicium  ia  cœna,  an  solum  in  cruce?  »  Quatre  opinions 
furent  émises  :  I.  Jésus-Christ  s'est  offert  pour  nous  pendant  la  cène; 
elle  fait  partie  de  ses  souffrances;  de  même  que  les  souffrances  qui 
ont  précédé  le  crucifiement  ne  dérogent  pas  aux  mérites  de  sa  mort, 
de  même  le  sacrifice  eucharistique  ne  déroge  pas  au  sacrifice  de  la 
croix.  Plus  de  40  Pères  soutinrent  que  Jésus-Christ  s'est  offert  dans 
l'Eucharistie,  notamment  Madrucci,  Lainez,  François  Zamora,  0.  S.  F. 
Obs.  Gen.,  et  beaucoup  d'évèques.  II.  Jésus-Christ  a  offert  pendant  la 
cène  un  sacrifice,  mais  seulement  un  sacrifice  de  louange  et  d'actions 
de  grâces,  et  non  un  sacrifice  expiatoire  :  c'était  l'avis  des  archevêques 
de  Grenade,  de  Prague,  etc.  III.  Il  fallait,  selon  d'autres,  dire  :  «  Chris- 
tum se  Patri  obtulisse  in  cœna  »  ;  et  non  pas  ;  «  hac  vel  illa  ratione 
id  peractum  »,  puisque  l'Écriture  n'est  pas  explicite  sur  ce  point. 
IV.  D'autres  enfin  cherchaient  à  concilier  les  deux  premiers  senti- 
ments, mais  ils  ne  s'entendaient  point.  La  plupart  finirent  par  embras- 
ser le  premier,  même  ses  précédents  adversaires.  Le  décret  «  de 
observandis  et  evitand.  in  célébrât.  Miss.  »  ne  fut  attaqué  dans  la 
séance  que  par  un  prélat;  le  décret  «  de  la  réforme  »  fut  écarté  par 
cinq  voix  :  Pallav.,  XVIII,  vi,  1-19;  ix,  3.  Décret,  super  petitione  cali- 
cis  :  Pallav.,  XVII,  m,  1  et  seq.;  c.  v,  vi,  viii;  Rayn.,  an.  Ib62,  n.  6o- 
84;  Le  Plat,  V,  p.  494  et  seq.  Concession  de  Pie  IV  :  Pallav.,  XXIV, 
xii,  8;  Rayn.,  an.  iö62,  n.  8o  ;  Dieringer,  Cari  Borromeo,  p.  172  et 
suiv.;  Buchholtz,  Gesch.  K.  Ferdinands  I,  VIII,  p.  660. 

Situation  difficile  du  concile. 

267.  Dix  mois  s'écoulèrent  avant  la  session  suivante,  qui 
avait  été  d'abord  indiquée  pour  le  12  novembre  1562.  Toutes  les 
anciennes  difficultés  avaient  reparu  :  la   France   demandait 


606  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

qu'on  s'abstînt  de  rendre  de  nouveaux  décrets  jusqu'à  l'arrivée 
du  cardinal  de  Guise  et  des  évêques  français  ;  l'envoyé  de  l'em- 
pereur insistait  pour  l'adoption  de  ses  projets  de  réforme,  dont 
une  partie  seulement  était  acceptable.  Les  débats  sur  l'ordina- 
tion des  prêtres  éveillèrent  parmi  les  Pères  d'anciennes  contro- 
verses et  en  suscitèrent  de  nouvelles,  notamment  sur  le  droit 
divin  par  rapport  à  la  résidence  des  évêques  et  à  leur  préémi- 
nence sur  les  prêtres ,  puis  sur  les  relations  des  évêques  avec  le 
pape  ;  à  propos  de  ces  disputes  on  vit  reparaître  plusieurs  des 
idées  émises  à  Constance  et  à  Bàle.  Un  grand  nombre  d'évê- 
ques  espéraient  trouver  dans  les  Français,  qui  se  plaisaient  à 
contester  la  constitution  monarchique  de  l'Église  et  les  droits 
de  la  primauté,  des  alliés  contre  les  prélats  italiens,  dévoués  au 
Saint-Siège. 

Le  13  novembre  enfin,  le  cardinal  de  Lorraine  arriva  avec 
quatorze  évêques  français,  trois  abbés  et  dix-huit  théologiens. 
Bien  qu'il  eût  assuré  les  légats  de  sa  soumission  au  Saint- 
Siège,  ses  plans  de  réforme  éveillèrent  des  craintes  sérieuses. 
De  toutes  parts  les  difficultés  s'accumulaient  contre  le  concile  : 
car  un  très  grand  nombre  d'évêques  se  rattachaient  entière- 
ment aux  délégués  de  leurs  princes,  et  la  discorde  régnait 
entre  les  Espagnols  et  les  Français.  Les  influences  étrangères 
devenaient  si  pressantes,  que  Rome  redoutait  les  dernières 
extrémités.  Le  concile,  réuni  pour  remédier  aux  abus,  semblait 
devenir  une  occasion  de  conflits  et  de  schisme,  et  les  légats  en 
étaient  réduits  à  faire  des  efforts  extraordinaires  pour  conser- 
ver encore  leur  indépendance. 

En  février  1563,  tout  paraissait  encore  dans  la  plus  grande 
confusion.  La  tâche  qu'on  s'était  imposée  de  terminer  heureu- 
sement le  concile  avec  les  plus  grands  princes  catholiques,  sem- 
blait insoluble,  et  cependant  Pie  IV  l'essaya  encore.  Le  cardinal 
de  Mantoue,  premier  président,  mourut  le  2  mars,  au  grand 
regret  de  tout  le  concile,  et  bientôt  après  (1 7  mars)  le  cardinal 
Seripando.  Le  pape  les  remplaça  par  les  cardinaux  Morone  et 
Navagero,  deux  hommes  distingués  et  tels  qu'il  les  fallait, 
notamment  en  face  des  ambassadeurs  qui  réclamaient  pour 
leurs  cours  des  privilèges  très  étendus. 


LE   CATHOLICISME.  607 

OUVRAGES  A   CUPiSÜLTBR   SUR   LE   N"   267. 

Déclaration  du  cardinal  Carpi,  janv.  1563,  dans  Jérôme  Soranzo  : 
Ranke,  I,  p.  330.  Le  cardinal  de  Mantoue  à  Pie  IV,  15  janv.,  ibid., 
p.  330,  n.  2.  Cf.  Pallav.,  XIX,  xii,  4;  XX,  vi,  vu;  Rayn.,  an.  1563, 
n.  59,  60;  Le  Plat,  V,  774  et  seq.  Mendoza,  dans  Dœllinger,  Ungedr. 
Berichte,  II,  p.  91  et  seq. 

Morone  et  l'empereur  Ferdinand. 

268.  Morone  comprit  que  l'on  devait  commencer  par  écarter  les 
obstacles  du  côté  de  l'empereur  Ferdinand.  11  alla  le  trouver  le 
46  avril  à  Innsbruck.  Ferdinand  se  montra  fort  indisposé  envers 
le  concile:  il  était  convaincu  qu'il  n'y  avait  point  de  liberté  à 
Trente  et  que  Rome  ne  voulait  point  de  réformes.  Morone  lui 
représenta  que  bon  nombre  n'avaient  pu  adhérer  à  tous  les  arti- 
cles de  son  projet  de  réforme,  mais  que  les  meilleurs  avaient 
été  débattus  et  acceptés  ;  que  si  les  princes  donnaient  des  ins- 
tructions à  leurs  envoyés,  le  pape  devait  le  faire  aussi  ;  que 
Pie  iV  s'était  imposé  de  grands  sacrifices  pour  la  réforme  de 
l'Église,  mais  qu'il  était  obligé  de  sauvegarder  les  droits  de 
son  siège  ;  les  projets  des  princes  continueraient  d'être  présen- 
tés au  concile,  et  l'on  accorderait  même  à  leurs  envoyés  une 
sorte  d'initiative. 

Ferdinand  renonça  à  plusieurs  de  ses  demandes  ;  un  accord 
intervint,  et  plusieurs  obstacles  furent  insensiblement  levés.  On 
le  devait  surtout  à  l'intelligent  Morone,  au  pieux  Charles  Bor- 
romée  et  aux  sentiments  catholiques  de  Philippe  II  d'Espagne, 
qui  ût  inviter  les  évèques  de  ses  États  à  s'unir  étroitement  au 
Saint-Siège.  Le  cardinal  de  Lorraine  ût  aussi  beaucoup  de  con- 
cessions. 

Pie  IV,  dans  une  lettre  pleine  de  dignité,  avait  donné  à  Fer- 
dinand une  foule  d'éclaircissements  :  il  avait,  entre  autres,  réfuté 
l'assertion  de  ce  prince,  qu'il  y  avait  deux  conciles,  i'uü  à 
Rome,  l'autre  à  Trente.  Les  membres  unis  entre  eux  et  le  chef 
avec  ses  conseillers  ne  formaient  pas  deux,  mais  un  seul  con- 
cile ;  la  nature  des  choses,  la  dignité  même  du  concile  deman- 
daient qu'il  instruisît  ses  légats  de  ses  dispositions  ;  si  le  pape 
se  rendait  à  Trente,  on  dirait  que  ce  serait  pour  attenter  a  la 


608  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

liberté  du  concile  ;  il  soulèverait  à  la  fois  la  colère  des  protes- 
tants du  voisinage  et  les  plaintes  de  l'Italie,  où  sa  présence 
était  nécessaire.  Il  désapprouvait  les  disputes  des  Pères  sur  des 
questions  inutiles,  et  il  essayait  autant  que  possible  de  s'y 
opposer  par  ses  légats. 

OUVRAGES    A   CONSULTER   SUR   LE    N«    268. 

Relat.  soramaria  del  card.  Morone  sopra  la  legatione  sua,  dans  la 
Bibl.  Altieri,  VII,  F.  3,  citée  par  Ranke,  I,  p.  34  et  sniv.;  Sickel, 
p.  485  et  suiv.;  Pallav.,  XX,  c.  xiii-xv,  xvu,  7;  Rayn.,  an.  1562,  n.  93; 
an.  1563,  n.  6  et  seq.;  Le  Plat,  V,  775  et  seq.;  VI,  1  et  seq. 

L'autorité  du  pape  et  l'autorité  des  évêques. 

269.  Les  Français  et  un  grand  nombre  d'Espagnols  avaient 
fort  à  cœur  de  voir  déclarer  par  le  concile  que  les  évêques 
sont  de  droit  divin  et  immédiateaiont  institués  par  Jésus- 
Christ,  afin  d'en  tirer  des  conséquences  en  faveur  de  l'autorité 
épiscopale,  au  détriment  do  l'autorité  du  pape.  Très  peu  faisaient 
la  distinction  du  pouvoir  d'ordre  et  du  pouvoir  de  juridiction  ; 
et  cependant  il  était  nécessaire  de  les  séparer  exactement,  ainsi 
que  le  prouva  l'évêque  de  Rimini,  et  surtout  Lainez. 

Plusieurs  prélats  révélèrent  un  esprit  passionné  qui  dut  causer 
d'amers  regrets.  Les  Français,  et  ceux  des  Espagnols  qui 
s'étaient  alliés  avec  eux,  n'obtinrent  pas  ce  qu'ils  désiraient. 
Plusieurs  trouvaient  indécent  de  traiter  des  droits  des  évêques 
et  de  négliger  ceux  du  pape.  Le  cardinal  de  Lorraine,  qui 
partageait  cet  avis,  proposa,  le  4  décembre  1562,  un  canon  sur 
l'ordre  (8),  qui  prononçait  l'anathème  contre  ceux  qui  diraient  : 
1°  que  Pierre  n'est  pas  le  chef  suprême  des  apôtres  en  vertu  de 
l'institution  de  Jésus-Christ  et  son  premier  vicaire  ;  2°  qu'il 
n'est  pas  besoin,  pour  gouverner  l'Église,  d'un  grand  pontife, 
successeur  de  Pierre  et  égal  à  lui  en  puissance  ;  3°  que  les 
successeurs  de  Pierre  à  Rome  n'ont  pastoujours  eu  la  primauté. 
Rome  trouva  ce  canon  insuffisant,  notamment  après  la  défini- 
tion de  Florence,  laquelle  faisait  désirer  un  supplément  sur  le 
pleins  pouvoirs  dn  pape  pour  le  gouvernement  de  «  toute  » 
l'Église. 

Mais  les  Français,  entichés  de  leur  théorie  de  la  supériorité 


LE   CATHOLICISME.  609 

du  concile  sur  le  pape,  ne  voulurent  point  l'accepter.  Les  légats 
déclarèrent  qu'ils  sacrifieraient  plutôt  leur  vie  que  de  laisser 
attaquer  la  prééminence  du  pape. 

Rome  rappela  à  cette  occasion  que  le  quatorzième  concile 
œcuménique  avait  déjà  proclamé  la  primauté  du  pape  sur  toute 
l'Église  ;  elle  recueillit  différents  moyens  de  preuves,  et  demanda 
que,  si  l'on  voulait  traiter  de  l'autorité  du  pape,  on  ne  le  fit  pas 
en  des  termes  plus  faibles  ou  plus  couverts  que  ceux  de  Flo- 
rence :  il  valait  mieux  no  rien  décider  du  tout.  On  s'arrêta  à  ce 
parti,  car  on  redoutait  de  la  part  des  Français  un  concile 
national  schismatique,  bien  que  les  Espagnols,  les  Portugais  et 
les  Allemands  fussent  d'accord  avec  les  Italiens  pour  défendre 
les  prérogatives  du  pape,  et  qu'en  général  les  plus  célèbres 
théologiens  du  concile  se  prononçassent  résolument  en  sa 
faveur. 

Le  savant  dominicain  Pierre  Soto  manda  de  son  lit  de  mort 
(10  avril  4563)  que  sa  croyance  était  que  le  pape  est  au-dessus 
de  tous  les  conciles  et  ne  peut  être  jugé  par  eux;  il  désirait 
que  son  opinion  fût  dogmatiquement  définie,  attendu  que  la 
doctrine  contraire  ne  pouvait  engendrer  que  la  désobéissance, 
es  disputes  et  le  schisme.  Son  vœu  favori  ne  devait  s'accomplir 
que  trois  cent  sept  ans  plus  tard.  La  sage  modération  du  Saint- 
Siège  toléra,  ici  comme  sur  d'autres  points,  une  contradiction 
qui  alla  s'affaiblissant  de  plus  en  plus:  quelque  fondés  et 
incontestables  que  fussent  ses  propres  droits,  il  aimait  mieux 
qu'ils  no  fussent  pas  reconnus,  que  d'exposer  un  pays  déchiré 
par  tant  de  divisions  et  souvent  mal  gouverné  au  péril  do 
s'enfoncer  encore  plus  avant  dans  une  opposition  illégale.  Vu 
l'état  des  études  théologiques  d'alors,  le  triomphe  qu'on 
pouvait  déjà  espérer  semblait  au  pape  et  à  son  vertueux  neveu 
trop  chèrement  acheté.  Le  système  pontifical  fut  indirectement 
fortifié:  car  le  concile,  dans  plusieurs  de  ses  décrets,  reconnut 
l'autorité  souveraine  du  Saint-Siège,  et  à  la  fin  tous  les  Pères, 
un  seul  excepté,  demandèrent  la  confirmation  par  le  souverain 
pontife. 

OUTRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N"   269. 

Pallav.,  Appar.  ad  Conc.  Trid.,  c.   x,  n.  3;  VII,  iv,  3;  vi,  3;  VIII, 
iviii,  1  et  seq.;  IX,  ii,  4;  XVI,  i,  13;  viii,    14;  XVII,  xiii,    2  et  seq.; 
V.  —  HIST.  DE  l'église.  39 


610  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE, 

XVIII,  iir,  10;  XIV,  5;  xv,  3  et  seq.;  xvf,  12;  XIX,  v,  5  et  seq.;  c.  vi, 
13-lo;  XXI,  IV,  12  et  seq.;  viii,  1  ;  c.  xi,  xii;  Rayn.,  an.  1562,  n.  104 
et  seq.,  121  et  seq.,  1563.  Laiinoji  Reg.  Navarr.  Gymn.  Hist.,  p.  I, 
c.  vi;  Civiltà  cattol.,  VI,  xii,  n.  423  (2  nov.  1867),  p.  273  et  seq.; 
Bauer,  S.-J.,  clans  les  Laacher  Stimmen,  1872,  XI,  p.  404-407.  Mon 
ouvrage  cité,  Kathol.  Kirche,  p.  882-895,  901-908.  La  théorie  des 
Français  était  pour  l'institution  immédiate  des  évêques  par  Jésus- 
Christ  fVI,  §  72).  En  novembre  1524,  la  Sorbonne  condamna  cette 
thèse  de  Louis  Gombont,  0.  Pr.  :  «  Petro  demto  nec  episcopus  quis- 
quam  immédiate  est  institutus  »  (du  Plessis  d'Arg.,  III,  i,  p.  5). 
Mais  à  Trente  le  sentiment  contraire  fut  résolument  soutenu,  notam- 
ment par  André  Cainutius,  de  Milan,  26  sept.  1562  :  «  Suramus  Pon- 
tifex  habet  immédiate  polestateni  a  Deo ,  illi  (Episcopi)  médiate 
(Theiner,  Acta,  II,  p.  142);  par  Lainez  (Pallav.,  XVIII,  xv)  et  autres. 
Voy.  J.-ß.  Andries,  Alphonsi  Salmeronis  doctrina  de  jurisdiclionis 
episcopalis  origine  ac  ralionc,  Mogunt.,  1871.  Décrets  du  pape  et 
lettres  de  S.  Ch.  Borromée  :  Rayn.,  an.  1563,  n.  3-12,  35  et  seq., 
38  et  seq.,  67  et  seq.;  Pallav.,  XVIII,  xiir,  3;  XX,  viii.  Pierre  Soto  et 
son  explication  :  Rayn.,  h.  an.,  n.  71.  Gaspard  Cardilius  à  S.  Ch. 
Borromée,  ib.,  an.  1564,  n.  14  :  «  Spiritus  sanctus,  qui  synodum 
moderatur  et  Ponlificem  maximum  in  his  quai  sunt  lidei,  labi  aut 
errare  non  sinit.  »  La  Potestas  suprema  seu  summa  Rom.  Pontificis, 
dans  Conc.  Trid.,  sess.  XIV,  c.  vu,  de  Cas.  roserv.  Cf.  sess.  VII,  de 
réf.,  proœm.;  sess.  XXV,  de  Ref.,  c.  xxi,  decr.  ull. 

XXIIIe  session. 

270.  Dès  le  mois  de  septembre  1562,  on  avait  remis  aux 
théologiens  neuf  articles  sur  le  sacrement  de  l'ordre,  avec  les 
propositions  des  hérétiques  contre  ce  sacrement,  contre  les 
degrés  de  la  hiérarchie  et  le  sacerdoce  du  Nouveau  Testament. 
Ces  (juestioiis  furent  agitées  eu  présence  des  envoyés  de  trois 
patriarches,  de  dix-huit  archevêques,  de  cent  quarante-six 
évéques,  de  deux  abbés,  de  cinq  généraux  d'ordres  et  de 
quatre-vingt-quatre  théologiens.  On  remarquait  parmi  ces 
derniers  Salmeroii,Süto  et  le  Portugais  Melchior  Cornélius.  Le 
"■2  octobre,  la  délibération  futenlamée  devant  les  évéques,  etsou- 
leva  d'ardentes  discussions.  Peu  à  peu  les  Espagnols  devinrent 
plus  modérés,  et  cuusoulirent  à  admettre  sur  la  résidence  un 
«i  !cret  moins  accentué,  mais  qui  n'excluait  pas  leur  sentiment. 

Ou   arriva  ainsi,  le    15  juillet  1563,    à  la   vingt- troisième 


LE   CATHOLICISME.  611 

session.  Le  décret  sur  le  sacrement  de  l'ordre  y  fut  publié  en 
quatre  chapitres  et  huit  canons.  Le  décret  énonçait  les  rapports 
du  sacrifice  et  du  sacerdoce,  déduisait  de  l'institution  du 
sacrifice  de  la  nouvelle  alliance  la  nécessité  d'un  sacerdoce 
visible  à  la  place  do  l'ancien  sacerdoce  lévitique,  traitait  do 
ses  pouvoirs  relativement  au  sacrifice  et  à  la  rémission  des 
péchés,  et  marquait  les  différents  degrés  qui  servent  de  prépa- 
ration à  l'ordre.  Le  concile  exposa  la  nature  sacramentelle  de 
l'ordre  et  son  caractère  indélébile,  les  divers  degrés  de  la 
hiérarchie,  la  prééminence  des  évêques  sur  les  prêtres. 

Contre  les  protestants  il  déclara  (jue  le  consentement  du  pou- 
voir civil  ou  du  peuple  n'était  pas  nécessaire  ;  que  les  ministres 
établis  par  le  pouvoir  temporel  ou  par  le  peuple  étaient  au 
contraire  des  voleurs  et  non  des  pasteurs,  tandis  que  l'appro- 
bation décernée  par  le  pape,  que  les  novateurs  qualifiaient 
d'invention  humaine,  faisait  des  évêques  de  vrais  et  légitimes 
pasteurs.  Endisantqu'il  y  a  une  hiérarchie  établie  «  par  l'ordre 
de  Dieu  »,  composée  d'évêques,  de  prêtres  et  de  ministres,  le 
concile  éludait  cette  controverse  :  si  les  évêques  tiennent  leurs 
pouvoirs  de  Jésus-Christ  d'une  manière  directe  ou  indirecte. 
Il  évita  de  même,  dans  le  décret  de  réformation  (dix-huit 
chapitres),  de  vider  cette  controverse,  en  disant  que,  selon  l'ordre 
de  Dieu,  les  pasteurs  doivent  connaître  leur  troupeau,  et  qu'ils 
ne  peuvent  le  connaître  qu'en  résidant  :  —  ce  qui  pouvait  faire 
conclure  que  le  devoir  de  la  résidence  n'émane  qu'indirecte- 
ment du  droit  divin.  On  détermina  les  causes  qui  justifieraient 
une  absence  et  la  manière  d'agir  dans  ces  sortes  de  cas  ;  on 
traita  du  lieu,  du  temps,  des  conditions  de  l'ordination,  de 
l'approbation  des  confesseurs,  mais  surtout  de  l'importante 
question  de  l'établissement  des  séminaires,  qui  comprenait  en 
lui  seul  les  plus  grandes  réformes. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE   N°   270. 

Délibérations  «  de  Ordine  »  :  Pallav,,  XVIH,  ïii,  \  et  seq.;  c.  xiv, 
n.  1  et  seq.;  XX[,  xi,  1-4  (sur  le  terme  «  divina  ordinatione  )^j  :  Rayn., 
an.  1562,  n.  89  et  seq.  Six  évêques  refusèrent  leur  assentiment  aux 
décrets  dogmatiques  du  15  juillet;  quelques  Espagnols  voulaient  qu'on 
précisât  davantage  les  canons  vi  et  viii  :  Pallav.,  XXI,  iii,  4. 


612  HISTOIRE  DE   l'ÉGLISE. 

Difficultés  du  côté  des  souverains. 

271.  Les  Espagnols  mettaient  tout  en  œuvre  pour  prolonger 
le  concile,  tandis  que  la  France  et  l'empereur  désiraient  sa  fin. 
Jusque-là  les  princes  temporels  avaient  demandé  à  plusieurs 
reprises  qu'on  opérât  de  grandes  et  larges  réformes  dans  l'état 
ecclésiastique,  comme  si  c'eût  été  la  cause  de  tous  les  maux. 
Ces  instances  devaient  offenser  les  Pères  et  embarrasser  les 
légats.  Cette  fois,  d'après  un  avis  reçu  de  Rome,  les  légats 
retournèrent   la   question  :   ils    proposèrent  de   réformer  les 
princes  temporels,  et  de  prendre  des  mesures  pour  sauvegarder 
les  droits  de  l'Église  si  souvent  méconnus.  Cette  proposition 
produisit  son  effet  :  elle  assura  le  libre  mouvement  du  concile 
et  permit  de  le   terminer   d'une    manière  satisfaisante.  Les 
représentants  de  l'empereur  ayant  réclamé  contre  cette  pro- 
position ,   le   cardinal   Morone    s'étoniia  que  l'empereur ,   si 
enthousiaste  pour  la  réforme  universelle,  prétendît  tout  à  coup 
en  exempter  les  princes  temporels.  Quand  les  légats  avaient 
consulté  le  pape,  qui  n'était  pas  seulement  leur  chef,   mais 
encore  celui  de  toute  l'Église,  on  avait  réclamé  ;  aujourd'hui, 
le  pape  laissait  au  concile  la  hberté  de  tout  conclure  sans  même 
le  consulter.   Ils  ajoutèrent  qu'ils  aimeraient  mieux  solliciter 
leur  rappel  que  de  se  rendre  à  une  demande  aussi  inconve- 
nante ;  que  le  décret  sur  la  résidence  des  évêques  deviendrait 
inutile,  si  les  obstacles,  du  côté  des  princes  continuaient  à  sub- 
sister. Ce  chapitre  est  le  seul  qui  fut  provisoirement  ajourné, 
ce  qui  déplut  à  plusieurs  évèques. 

Une  autre  source  de  difficultés,  c'étaient  les  exemptions  des 
chapitres,  surtout  en  Espagne,  où  les  franchises  considérables 
dont  ils  jouissaient  avaient  été  fort  restreintes  par  les  évêques 
appuyés  du  gouvernement,  et  devaient  l'être  encore  davantage, 
si  un  accord  ne  fût  intervenu  ;  puis,  la  pluralité  des  bénéfices, 
très  fréquente  en  Allemagne  surtout,  et  qui  nécessitait  le 
renouvellement  des  anciens  canons  de  l'Église,  sans  exclure 
complètement  les  exceptions  légitimes.  Le  concile  fut  obligé, 
pour  s'affranchir  des  exigences  onéreuses  des  cours,  de  surseoir 
ci  la  réformation  des  princes,  tant  les  idées  de  l'État  moderne 
avaient  déjà  d'empire.  La  position  des  évêques  à  l'égard  des 


LE   CATHOLICISME.  613 

métropolitains,  objet  de  fréquentes  discussions,  ne  fut  réglée 
que  sur  quelques  points. 

OUVRAGES  A   CONSULTER   SUR   LE   N«   271. 

Rayn.,  an.  1563,  n.  138,  153  et  seq.,  159,  162,  174;  Pallav.,  XXII,  i, 
1;  c.  II,  m,  V  et  seq.,  ix;  XXIII,  c.  i,  m,  vi.  Projet  sur  la  réforme  des 
cours  :  Huchholtz,  Gesch.  der  reg.  Ferdin.  I,  tom.  IX,  p.  703;  Ros- 
covany,  Mon.,  I,  p.  167-171,  n.  174.  Sur  les  chapitres  espagnols  : 
Pallav.,  XXII,  c.  i;  XXIII,  c.  vu,  n.  14  et  seq.;  Ranke,  I,  p.  341-343. 
Pluralité  des  bénéfices  :  Pallav.,  XXIII,  m,  14  et  seq. 

XXIVe  session. 

272.  Le  sacrement  de  mariage  fut  désormais  le  principal 
objet  des  délibérations.  La  France  avait  proposé  d'annuler  et 
les  mariages  clandestins  et  les  mariages  conclus  sans  le  consen- 
tement des  parents.  Sur  le  premier  point,  le  concile,  après  mûr 
examen,  lui  donna  satisfaction;  sur  le  second,  il  rejeta  sa 
demande.  Le  11  novembre  1563  (vingt- quatrième  session),  le 
concile  sanctionna  le  décret  sur  le  mariage,  son  origine,  sa 
nature,  son  caractère  sacramentel,  outre  douze  canons  qui 
condamnent  la  polygamie  et  la  doctrine  de  ceux  qui  préten- 
daient que  les  degrés  de  consanguinité  et  d'affinité  contenus 
dans  le  Lévitique  sont  les  seuls  qui  empêchent  de  contrac- 
ter mariage,  la  doctrine  de  ceux  qui  niaient  que  l'Église  est 
exempte  d'erreurs  quand  elle  détermine  les  empêchements 
dirimants  du  mariage ,  et  enfin  les  erreurs  concernant  le 
divorce  et  la  juridiction  de  l'Église  sur  les  affaires  du  mariage. 
Les  Vénitiens  ayant  demandé  qu'on  usât  d'égards  envers  les 
Grecs,  qui,  en  cas  d'adultère,  rompaient  le  lien  du  mariage,  le 
concile  se  borna  à  condamner  ceux  qui  prétendent  que  l'Église 
se  trompe  quand  elle  interdit  dans  ce  cas  la  dissolution  du 
mariage  et  ne  permet  que  la  séparation  des  époux. 

Contre  les  protestants,  le  concile  s'appliqua  surtout  à  établir 
que  la  profession  religieuse  et  la  réception  des  ordres  majeurs 
produisent  un  empêchement  diriraant  du  mariage,  et  à  relever 
la  prééminence  des  vierges  sur  les  gens  mariés.  Le  décret  do 
réformation  portait  que  le  mariage  aurait  lieu  en  présence  du 
curé  et  de  deux  témoins  ;  que  les  mariages  conclus  autrement, 


G 14  HISTOIRE  DE  l'ÉGUSE. 

après  la  publication  valable  de  ce  décret,  seraient  nuls.  Les  pro- 
clamations des  bans,  déjà  prescrites  autrefois  par  des  conciles 
particuliers,  furent  rendues  universellement  obligatoires,  mais 
les  évêques  reçurent  le  droit  d'en  dispenser;  les  empêchements 
de  parenté  spirituelle,  d'honnêteté  publique,  d'affinité  et  de  rapt 
furent  restreints;  on  porta  des  règlements  sur  les  dispenses  de 
mariage,  sur  les  temps  interdits  et  sur  les  mariages  des  vaga- 
bonds; on  établit  des  peines  contre  le  concubinage,  et  l'ondé- 
fenditaux  maîtres ,  sous  peine  d'excommunication ,  d'entra  verla 
liberté  de  leurs  subordonnés  pour  la  conclusion  des  mariages. 

Un  décret  général  de  réformation  en  vingt  et  un  chapitres 
concernait  l'élection  des  cardinaux  et  jdes  évêques;  les  conciles 
provinciaux,  qui  devaient  se  célébrer  tous  les  trois  ans;  les 
synodes  diocésains,  qui  devaient  être  annuels;  la  visite  épisco- 
pale,  l'office  de  la  prédication  et  l'instruction  de  la  jeunesse,  la 
fréquentation  de  l'église  paroissiale,  les  affaires  criminelles  et 
les  droits  des  évêques,  l'obligation  pour  les  curés  d'expli(juer 
exactement  au  peuple  les  sacrements  et  la  liturgie,  l'institution 
d'un  pénitencier  dans  chaque  cathédrale,  les  pénitences  pu- 
bliques à  infliger  aux  pécheurs  pubhcs. 

D'autres  prescriptions  regardaient  les  privilèges  particuliers, 
les  qualités  et  les  devoirs  des  chanoines  ;  l'amélioration  des 
bénéfices  pauvres,  grands  et  petits,  l'administration  des  évêchés 
et  des  paroisses  vacantes.  Pour  établir  l'uniformité,  l'on  décida 
que  les  chapitres  nommeraient  des  vicaires  capitulaires  dans 
l'espace  de  huit  jours  à  partir  de  la  vacance  du  siège  épiscopal. 
Les  expectatives,  les  mandats  de  provision  pour  les  bénéfices 
furent  supprimés;  on  traça  des  règles  sur  la  procédure  ecclé- 
siastique, et  enfin  l'on  dunnaà  ces  paroles  :  «  sur  la  proposition 
dos  légats  »,  une  explication  qui  satisfit  tout  le  monde.  Il  y  eut 
encore  dans  la  session  même  des  débats  au  sujet  des  décrets  de 
réformation.  La  futuresession  fut  fixée  au  9  décembre. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N°    272. 

Rayn.,  an.  1563,  n.  19  et  seq.,  136  et  seq.,  150  et  seq.,  193-197; 
Pallav.,  XIX,  XVI  ;  XX,  i  et  seq.;  XXII,  i  et  seq.,  vin;  XXIII,  v.  Le  10  sep- 
tembre 1563,  il  régnait  quatre  opinions  concernant  les  mariages 
mixtes  :  1°  l'Église  n'a  pas  le  pouvoir  d'annuler  les  mariages  clandes- 
tins; 2"  elle  a  ce  pouvoir  et  elle  doit  maintenaut  en  faire  usage;  3"  elle 


LE    CATHOLICISME.  Gl 5 

l'a,  en  eflfet,  mais  elle  ne  doit  pas  en  user  présentement  ;  4*  il  ne  faut 
point  rendre  de  décret  à  cet  égard.  La  seconde  opinion  finit  par  l'em- 
porter. Sur  les  égards  envers  les  Grecs  touchant  l'adultère,  voy.  Ray- 
nald,  an.  d563,n.  152. 

XXVe  session. 

273.  Cette  fois,  la  session  ne  fut  point  ajournée,  mais  avancée. 
On  désirait  de  plus  en  plus  de  voir  arriver  la  fln  du  concile: 
les  évoques  étaient  depuis  longtemps  absents  de  leurs  diocèses, 
le  climat  était  défavorable,  on  craignait  la  guerre  du  côté  des 
protestants,  le  pape  enfin  avait  de  lourdes  dépenses  à  suppor- 
ter; Pie  IV,  alors  malade,  souhaitait  de  survivre  à  l'assemblée; 
le  cardinal  de  Lorraine,  les  légats,  l'empereur,  la  plupart  des 
princes  et  des  évoques  demandaient  la  clôture.  Les  Espagnols 
seuls,  qui  réclamaient  encore  d'autres  réformes,  firent  des  ob- 
jections, mais  ils  finirent  par  se  résigner.  Les  orateurs  des 
congrégations  visèrent  à  la  brièveté,  tous  les  travaux  mar- 
chèrent avec  plus  de  promptitude,  et  c'est  ainsi  que  la  vingt- 
cinquième  et  dernière  session  put  être  célébrée  les  3  et  4  dé- 
cembre 1563. 

Le  3  décembre,  on  avait  publié  :  1°  le  décret  sur  le  purga- 
toire, qui  énonçait  son  existence  et  déclarait  que  les  fidèles  qui 
sont  sur  la  terre  peuvent  alléger  les  souffrances  des  défunts;  il 
maintenait  la  vraie  doctrine,  recommandait  d'éviter  à  ce  sujet 
les  questions  inutiles  et  d'accomplir  les  dernières  volontés  des 
défunts  ;  2°  le  décret  sur  l'invocation  des  saints,  sur  leur  culte, 
sur  leurs  reliques,  sur  les  saintes  images  et  les  abus  qu'on 
doit  éviter  à  cet  égard  ;  3"  un  décret  en  vingt-deux  chapi- 
tres sur  la  réformation  des  monastères,  réglant  le  temps  de  la 
profession,  la  clôture,  les  pouvoirs  des  supérieurs  d'ordres  et 
leurs  relations  avec  les  évêques;  -4°  un  décret  sur  la  réformation 
générale  en  vingt  et  un  chapitres,  donnant  des  prescriptions 
sur  le  genre  de  vie  des  cardinaux  et  des  évêques,  sur  l'usage 
imprudent  des  censures  et  la  juridiction  ecclésiastique,  sur  la 
réduction  des  fondations,  etc.;  il  ordonnait  de  publier  les 
décrets  du  concile  dans  le  synode  provincial,  défendait  le  duel, 
exhortait  les  princes  chrétiens  à  exécuter  avec  soin  les  décrets 
du  concile,  réservait  enfin  les  droits  dr.  pape,  ce  qui  ne  fut 
désapprouvé  que  par  deux  Pères  :  l'un,  parce  qu'on  devait 


616  HISTOIRE    DE    l'ÉGLISE. 

iiaturellomeiit  s'y  attendre;  l'autre,  parce  qu'il  aurait,  désiré 
une  meilleur  rédaction.  Enfin,  la  continuation  de  la  session  fut 
décrétée  pour  le  jour  suivant. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES    CRITIQUES    SUR   LE  N°   273. 

Désir  de  voir  la  fin  du  concile  :  Pallav.,  XXIV,  i,  1  et  seq.  Sur  le 
décret  de  Regul.  et  Monial.,  quelques-uns  demandèrent  qu'on  fixât 
l'âge  de  l'entrée  et  de  la  profession  à  18  ans;  mais  l'archevêque  de 
Prague  fit  ressortir  l'importance  de  l'éducation  dans  les  couvents,  et 
le  cardinal  de  Grenade  rappela  que  les  filles  pouvaient  se  marier  dès 
l'âge  de  12  ans.  On  établit  l'âge  de  16  ans  pour  la  profession.  Les 
canons  xx  et  xxi  furent  l'un  et  l'autre  désapprouvés  par  deux  Pères  : 
ibid.,  c.  VI,  2;  vu,  2. 

Derniers  décrets  du  concile  de  Trente. 

274.  Les  théologiens  les  plus  expérimentés  rédigèrent  aussi, 
d'après  d'anciens  matériaux,  un  décret  sur  les  indulgences,  qui 
fut  discuté  en  assemblée  générale,  et  solennellement  publié  le 
4  décembre.  Il  rappelait  le  pouvoir  qui  appartient  à  l'Église 
d'accorder  des  indulgences,  parlait  de  leur  utilité,  condamnait 
les  doctrines  opposées,  recommandait  d'en  faire  un  usage 
modéré  et  d'y  éviter  tous  les  abus. 

Un  second  décret  sur  le  choix  des  aliments,  sur  les  jours  de 
fête  et  de  jeûne,  ordonnait  que  tous  se  conformassent  sur 
ce  point  à  l'Église  romaine,  mère  et  maîtresse  de  toutes  les 
Églises.  Un  troisième  abandonnait  au  Saint-Siège  la  confection 
et  la  publication  d'un  missel  et  d'un  bréviaire  corrigés,  d'un 
catéchisme  et  d'un  catalogue  des  livres  défendus.  Un  quatrième 
déclarait  que  par  la  place  assignée  aux  ambassadeurs  dans  les 
séances  il  n'avait  été  fait  aucun  préjudice  à  personne.  Un 
cinquième  engageait  les  princes  à  recevoir  et  à  faire  exécuter 
les  décrets  du  concile,  ajoutant  que  si  leur  exécution  soulevait 
quelque  difficulté,  le  concile  s'en  remettait  au  pape  du  soin  de 
les  aplanir,  quand  même  il  faudrait  assembler  un  concile  géné- 
ral (comme  l'Espagne  le  souhaitait).  Un  sixième  déclara  obliga- 
toires tous  les  décrets  portés  dans  les  sessions  tenues  sous  Paul 
III  et  Jules  III,  et  l'on  en  donna  lecture.  Puis  on  demanda  aux 
Pères  s'ils  désiraient  qu'on  terminât  le  concile  et  qu'on 
chargeât  les  légats  de  solliciter  la  confirmation  du  pape.  Ils 


LE    CATHOLICISME.  617 

répondirent  affirmativement,  et  le  cardinal  Morone  annonça  la 
clôture.  Le  cardinal  de  Lorraine  prononça  des  acclamations  en 
l'honneur  de  Pie  IV  et  de  ses  prédécesseurs,  de  l'empereur  et 
de  tous  les  princes  qui  avaient  favorisé  et  soutenu  le  concile, 
des  légats,  des  ambassadeurs  et  des  Pères.  Avant  le  départ,  les 
membres  du  concile  (252)  y  apposèrent  leurs  signatures; 
c'étaient  :  quatre  cardinaux  légats,  deux  cardinaux,  trois  pa- 
triarches, vingt-cinq  archevêques,  cent  soixante-huit  évêques, 
sept  généraux  d'ordres,  sept  abbés,  trente-neuf  procurateurs, 
et  à  la  suite  la  plupart  des  ambassadeurs. 

OUVIUGES  À   CONSULTES   SUR   LB  N*»   274. 

Sur  le  décret  des  indulgences,  voy.Pallav.,  loc.  cit.,  cap.  viii,  n.  1. 
Le  décret  «  de  recipiendis  etobservandis  decretis  Concilii  »,  fut  rédigé 
par  les  cardinaux  de  Guise  et  Madrucci,  et  par  les  Espagnols  Antoine 
Augustin  et  Didace  Covarruvias:  ibid.,  n.  6.  Voy.  n.  13,  sur  les  sous- 
criptions avec  ces  mots  :  «  Subscripsi  deüniendo  »,  que  les  procura- 
teurs n'avaient  pas  le  droit  d'ajouter. 

Fin  du  concile.   —  Son  importance   et  son  exécution.  — 
Travaux  de  Pie  IV.  —  Sa  mort. 

275.  Cette  œuvre  grandiose  était  donc  enfin  terminée.  Jamais 
concile  n'avait  résolu  un  si  grand  nombre  de  questions  et  ren- 
contré de  plus  sérieux  obstacles.  Cependant  les  faiblesses  de  ses 
membres  ne  nuisirent  point  à  sa'dignité,  et,  malgré  les  luttes 
des  théologiens  et  des  évêques,  l'ancienne  foi  catholique,  pro- 
tégée par  le  Saint-Esprit,  brilla  de  tout  son  éclat.  «  Le  concile, 
dit  Ranke,  «si impétueusement  réclamé,  si  longtemps  ajourné, 
divisé,  deux  fois  dissous,  ébranlé  par  tant  d'orages  soulevés 
par  le  monde,  assailli  de  nouveaux  dangers  lors  de  sa  troisième 
réunion,  se  termina  dans  la  concorde  universelle  du  monde 
catholique.  On  comprend  donc  l'émotion  et  la  joie  qui  s'empa- 
rèrent des  prélats,  quand  ils  se  réunirent  le  4  décembre  pour 
la  dernière  fois.  Ceux  mêmes  qui  s'étaient  jusque-là  combattus, 
se  félicitaient  mutuellement,  et  l'on  voyait  des  larmes  aux  yeux 
de  beaucoup  de  ces  vieillards.  Le  catholicisme  se  dressa  désor- 
mais devant  le  monde  protestant  avec  une  force  doublée  et 
rajeunie.  » 


618  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Le  concile,  assurément,  ne  pouvait  pas  satisfaire  à  toutes  les 
exigences;  parmi  les  projets  de  réforme  qui  lui  furent  pré- 
sentés, plusieurs  étaient  exclusifs,  exagérés,  inspirés  par  des 
Intérêts  privés,  nuisibles  même.  Quant  aux  réformes  résolues 
par  l'Église,  elles  révélèrent  leur  énergie  partout  où  elles 
furent  appliquées.  Un  premier  résultat  du  concile  fut  d'imposer 
silence  à  l'esprit  révolutionnaire  qui  s'agitait  au  sein  de  l'Eglise; 
l'autorité  du  Saint-Siège  en  sortit  saine  et  sauve;  la  chrétienté 
catholique  attesta  d'une  manière  brillante  la  richesse  du  savoir 
théologique  dans  les  difîérents  pays,  la  majesté  de  l'Église  si 
calomniée  jusque-là,  et  la  puissance  invincible  de  la  foi.  Le  IS 
décembre.  Pie  IV  annonça  aux  cardinaux  la  clôture  du  concile 
et  ordonna  des  fêtes  d'actions  de  grâces.  Tandis  que  Ravagero 
retournait  dans  son  diocèse  de  Vérone,  Hosius  en  Pologne, 
Morone  et  Simonetta  portaient  à  Rome  les  actes  du  concile. 
Quelques  fonctionnaires  de  la  cour  romaine  étaient  d'avis  que 
le  pape  ne  devait  pas  accepter  tous  les  décrets;  mais  il  les  con- 
firma tous  sans  exception ,  d'abord  en  consistoire  (30  dé- 
cembre), puis  dans  une  bulle  solennelle  datée  du  26  janvier 
4564  et  signée  de  vingt-six  cardinaux.  Il  établit,  pour  les  faire 
exécuter,  une  commission  de  huit  cardinaux,  parmi  lesquels 
son  neveu  Borromée  fut  le  plus  actif  ;  il  envoya  des  nonces  et  des 
lettres  aux  princes  et  aux  évêjuos,  prescrivit  partout  la  confes 
sion  de  foi  tirée  des  décrets  de  Trente,  et  publia  uneconstitution 
sur  la  lecture  des  livres  défendus,  dont  il  fit  drosser  un  cata- 
logue. Il  accorda  la  communion  sous  les  deux  espèces  à  plu- 
sieurs provinces  d'Allemagne,  mais  refusa  obstinément  le 
mariage  des  prêtres. 

A  Rome,  Pie  IV  institua  le  séminaire  romain,  qu'il  confia 
aux  jésuites,  et  il  fut  le  premier  qui  mit  la  main  à  l'œuvre 
pour  exécuter  les  réformes  arrêtées  à  Trente.  Sébastien,  roi  de 
Portugal,  remercia  le  pape  d'avoir  confirmé  le  concile,  et  il  en 
prescrivit  l'observation  dans  ses  États.  La  république  do  Venise, 
le  duc  de  Savoie  et  les  autres  princes  italiens  l'acceptèrent 
sans  condition;  Philippe  II  d'Espagne  y  souscrivit  avec  cotte 
clause  :  «  sans  préjudice  des  droits  de  la  royauté  » .  Commen- 
donnc  le  fit  reconnaître  en  Pologne.  Dès  156-4,  plusieurs 
conciles  provinciaux,  ainsi  que  des  princes  catholiques,  pu- 
blièrent les  décrets  ;  l'empereur  Maximilien  II  ne  le  fit  pour 


LE    CATHOLICISME.  619 

rAUemagne  qu'en  15G6.  La  France  n'accepta  sans  réserve  que 
les  dôcrets  dogmatiques;  la  cour  rejeta  les  décrets  sur  la 
discipline  ;  les  évèques  seuls  essayèrent  peu  à  peu  de  les  intro- 
duire dans  la  pratique.  Pie  IV  rendit  encore  plusieurs  ordon- 
nances salutaires,  surtout  contre  les  abus  qui  se  commettaient 
dans  la  nomination  aux  évêchés  et  dans  l'aliénation  des  biens 
d'Église.  Son  neveu  Borromée,  nommé  par  lui  grand  pénitencier, 
devint  ensuite  archevêque  de  Milan,  et  tint  des  conciles  provin- 
ciaux pour  exécuter  les  décrets  de  Trente.  Puis  il  alla  de  nou- 
veau à  Rome  pour  assister  son  oncle  qui  se  mourait.  Pie  IV 
s'endormit  dans  le  Seigneur  le  9  décembre  1565,  âgé  de 
soixante-six  ans. 

Ouvrages  a  consulter  et  remarques  critiques  sur  le  n°  275. 

Ranke,  Rœm.  Pœpste,  I,  p.  345,  377.  Pie  IV  et  le  Concile  :  Pallav., 
XXIV,  IX,  1-10  ;  Rayn.,  an.  1564,  n.  1  et  seq.;  ibid.,  n.  3  :  «  Et  quaravis 
aliqui  essent  in  Curia,  qui  niagis  quai  sua  sunt  quam  qua^.  Christi 
quaerentes  incommoda  et  detnmenla  aliqua  ex  instaurata  Ecclesise 
disciplina  sibi  limèrent.  Pins  tarnen,  divina  tantum  gloria  sibi  ob 
oculos  proposita,  onuieiu  quœstus  privatique  commodi  rationem  obtri- 
vit.  »  Voy.  la  Constitution  «  lîenedictus  Deus  »  dans  les  éditions  du  con- 
cile. Sur  la  commission  des  cardinaux  et  l'envoi  des  nonces  :  Rayn., 
an.  1564,  n.  4-7.  Professio  fidei  Conc.  Trid.,  dans  Denzinger,  Enchir., 
4«:  éd.,  p.  292-294,  n.  82:  du  Plessis  d'Arg.,  III,  n,  p.  104.  Voy.  Claras, 
Das  Trident.  Glaubensbekenntnisz,  Schalïhouse,  1865  et  suiv.,  2  vol. 
Sur  la  lecture  des  livres  défendus  :  Rayn.,  an.  1564,  n.  52,  53.  Consti- 
tut.  94,  Dominici  gregis,  avec  les  dix  Règles  de  l'Index  :  Bull.,  éd. 
Taur.,  VII,  281;  Conc.  Trid.,  éd.  richter,  p.  612  et  seq.;  Phillips, 
K.-R.,  VI,  §  32i,  p.  608;  Ilist.-pol.  El.,  t.  XXXVII  (1856);  VI,  p.  561- 
591.  Rejet  de  la  clérogamie  :  Rayn.,  loc.  cit.,  n.  38  et  seq.;  an.  1565, 
n.  1  et  seq.;  Le  Plat,  VI,  p.  336.  Séminaire  romain  :  Rayn.,  an.  1564, 
u.  53.  Reconnaissance  du  concile  en  Portugal  :  Le  Plat,  loc.  cit., 
p.  332j  Pallav.,  XXIV,  ix,  15;  à  Venise  et  dans  les  États  italiens  :  ib., 
c.  X,  n.  1;  Rayn.,  an.  1564,  n.  50  et  seq.;  en  Pologne  :  Pallav.,  loe. 
cit.,  c.  xiii,  n.  1-3;  en  Espagne  et  dans  ses  provinces  :  ib.,  c.  xn, 
n.  1-3.  Sur  les  Pays-Bas  :  Le  Plat,  Vil,  p.  1  et  seq.  Conciles  d'Augs- 
bourg,  1567;  de  Salzbourg,  1569:  Pallav.,  loc.  cit.,  c.  xn,  n.  11.  Difti- 
cullés  en  France  :  Pallav.,  c.  x,  1  ;  c.  ii,  n.  2  et  seq.;  Rayn.,  an.  1564, 
n.  12.  Documents  dans  Le  Plat,  VI,  p.  320,  323;  VII,  p.  225  et  seq.  La 
France  s'otTusquait  1°  qu'on  n'ait  pas  accepté  l'empêchement  du 
mariage  <*  par  défaut  de  cuuseutemeul  des  parents  »;  2"  que  le  concile 


620  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

eût  établi  des  peines  pécuniaires  et  la  prison  ;  3»  que  les  décrets  su  le 
duel,  l'adultère  et  le  concubinage  empiétassent  sur  la  juridiction 
civile;  4*  que  le  jugement  des  évêques  fût  exclusivement  réservé  au 
Saint-Siège;  5°  qu'on  eût  déclaré  la  continuation  du  concile;  6°  qu'on 
eût  violé  les  libertés  gallicanes;  7°  aigri  les  calvinistes;  8"  interdit  les 
commendes  de  bénéfices  réguliers,  etc.  Voy.  Durand  de  Maillane, 
Diction,  de  droit  canon,  IV,  639.  La  Sorbonne,  15  nov.  1588,  se  pro- 
nonça pour  la  reconnaissance  absolue  du  concile  :  du  Plessis  d'Arg.,  I, 
app.,  p.  XXIV.  11  est  reçu  au  concile  de  Reims,  1564:  Hard.,  Conc,  X, 
529.  Autres,  dans  Gibert,  Corp.  jur.  can.,  t.  I,  Proleg.,  p.  155-157.  — 
Décrets  de  Pie  IV  et  travaux  de  S.  Ch.  Borromée  :  Rayn.,  an.  1565, 
n.  21  et  seq.  Mort  du  pape  :  ib.,  n.  27  ;  Leonardi,  de  Laudibus  Pii  IV. 
Pad.,  1565. 

Lies  trois  grands  successeurs  de  Pie  W. 

Saint  Pie  V.  —  Son   caractère.  —   Travaux  pour  la  réforme 
de  Rome  et  de  l'Italie. 

276.  Pie  IV  eut  pour  successeur,  grâce  surtout  à  l'intorven- 
tion  de  saint  Charles  Borromée,  le  cardinal  d'Alexandrie,  Michel 
Ghislerio  (8  janvier  1566),  né  en  4504,  à  Boscho,  près  de 
Milan,  dominicain  depuis  l'âge  de  quatorze  ans,  chef  de  l'Inqui- 
sition sous  Paul  IV,  irréprochable  dans  ses  mœurs  et  zélé  pour 
la  réforme  générale  de  l'Église.  11  prit  le  nom  de  Pie  V. 
Philippe  II  d'Espagne  remercia  Charles  Borromée  et  lui  exprima 
toute  la  joie  que  lui  causait  l'élection  d'un  si  digne  pontife. 
Quand  Pie  V  apprit  que  les  Romains  étaient  mécontents  de  sa 
nomination  :  «  Eh  bien  1  »  dit-il,  «  ils  me  regretteront  d'autant 
plu  saprès  ma  mort.  »  Devenu  pape,  il  ne  changea  rien  à  son 
ancien  genre  de  vie  :  il  se  levait  de  bonne  heure,  prenait  peu 
de  repos,  et  observait  un  jeune  austère.  Sans  la  prière,  le  poids 
de  la  tiare  lui  eût  été  insupportable  :  les  exercices  de  piété 
étaient  sa  récréation.  Il  fut  dès  son  vivant  considéré  comme  un 
saint,  et  le  peuple  se  sentait  ému  en  le  voyant  dans  les  proces- 
sions et  dans  les  solennités  religieuses.  Il  était  bienveillant, 
affable,  généreux  de  caractère,  constant  dans  ses  jugements, 
juste,  pénétré  du  sentiment  de  sa  haute  mission,  humble  et 
charitable.  Le  régime  de  la  cour  pontificale  fut  extraordinaire- 
ment  simplifié. 

Pie  V  avait  personnellement  peu  de  besoins,  et  il  disait  sou- 


LE   CATHOLICISME.  621 

vent  que  celui  qui  veut  gouverner  les  autres  doit  commencer 
par  se  gouverner  lui-même.  S'il  créa  cardinal  son  neveu 
Bonelli,  ce  fut  uniquement  parce  qu'on  lui  présenta  cette 
nomination  comme  nécessaire  pour  entretenir  des  rapports 
confidentiels  avec  les  princes;  il  le  dota  avec  modération,  et  il 
n'éleva  jamais  ses  autres  parents  au-dessus  d'une  condition 
moyenne.  Il  donnait  audience  à  tous,  et  veillait:  à  ce  que  la 
justice  fût  rendue  avec  impartialité  ;  chaque  dernier  mercredi 
du  mois,  il  tenait  avec  les  cardinaux  une  séance  publique,  où 
chacun  pouvait  présenter  ses  plaintes  sur  les  tribunaux.  11 
abolit  dans  Rome  les  combats  d'animaux  comme  un  divertisse- 
ment peu  chrétien,  chassa  de  la  ville  les  femmes  perdues  de 
mœurs  ou  les  força  de  résider  dans  des  quartiers  éloignés, 
punit  sévèrement  les  profanateurs  du  dimanche  et  les  blasphé- 
mateurs ,  obligea  les  autorités  religieuses  et  civiles  à  faire 
observer  les  lois  ecclésiastiques  dans  les  États  de  l'Église.  La 
ville  de  Rome  prit  bientôt  un  tout  autre  aspect,  et  sembla  rede- 
venir la  cité  des  saints.  Saint  Philippe  de  Néri  développa  le 
goût  de  la  vraie  et  solide  piété,  et  de  saints  prêtres  exercèrent 
partout  une  salutaire  influence. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SDR  LE  N"  276. 

Glussiani,  Vita  Car.  Bor.,  p.  62.  Lettre  au  cai'dinal  Henri  de  Portu- 
gal, 26  févr.  1566;  Ripamonli,  Hist.  urbis  MedioL,  lib.  XII,  p.  854; 
Ttieiner,  Annal,  eccl.  post  Baron,  et  Raynald.  contin.,  t.  I;  Calena, 
Vita  di  Pio  V,  Roma,  1586,  in-4°  ;  Bzovius,  Plus  V,  Rom.,  1672  et  seq., 
Gabutii,  de  Vita  Pii  V,  Rom.,  1605;  BoUand.,  Acta  SS.,  t.  1  Maii; 
p.  616;  MaflFei,  Vita  di  S.  Pio  V,  1712,  in-4'»;  Chiapponi,  Acta  cano- 
nisât. Pii  V,  Roma,  1720;  Falloux,  Vie  de  S.  Pie  V  (en  franc,  et  eu 
allem.),  1870;  Ranke,  Rœm.  Paepsle,  I,  p.  350  et  suiv.  Opinion  de  Paul 
Tiepolo,  ibid.,  p.  361;  de  Curiano,  1571,  ibid.,  III,  p.  307-30'J.  Décret 
contre  les  combats  de  taureaux,  const.  De  sainte  gregis,  lib.  sept.,  c. 
un.,  V,  18. 

Ëtat  de  l'Italie.  —  Saint  Charles  Borromée. 

277.  L'Itahe  entière  présenta  bientôt  le  même  spectacle. 
C'est  là  que  les  décrets  de  Trente  furent  le  mieux  exécutés.  Le 
pape  y  trouvait  partout  l'obéissance  la  plus  ponctuelle.  Côme, 
duc  de  Florence,  nommé  par  lui  grand-duc  de  Toscane,  et 


622  HISTOIRE   J)E   l'église. 

entièrement  dévoué  à  sa  personne  ;  Ottavio  aFrnèse  de  Parme, 
rivalisaient  entre  eux  pour  prévenir  ses  justes  désirs.  Les 
Vénitiens,  si  peu  souples  de  leur  nature,  lui  cédèrent  plus  qu'à 
tout  antre  pape.  Sur  le  territoire  de  la  républicpie,  révêijue 
de  Vérone,  J.  Matteo  Giberti,  agissait  comme  réformateur  de 
l'Église,  et  offrait  au  monde  catholique  un  modèle  d'excellentes 
institutions  ecclésiastiques. 

Charles  Borromée,  qui  voulait  toujours  avoir  son  portrait 
devant  les  yeux,  exerça  plus  d'influence  encore  en  sa  qualité  de 
réformateur,  d'abord  à  Rome,  puis  dans  son  vaste  diocèse  de 
Milan,  qu'il  parcourut  dans  tons  les  sens  et  jusque  dans  les 
vallons  les  plus  reculés.  Il  soignait  les  malades  et  les  pauvres, 
entendait  les  confessions,  prêchait  en  personne,  et  fut  pendant 
la  peste  un  ange  de  consolation  parmi  les  siens.  11  érigea  un 
excellent  séminaire,  donna  à  son  clergé  de  bonnes  instructions 
pratiques,  célébra  six  conciles  provinciaux,  qui  servirent  de 
modèle  à  plusieurs  autres,  fonda  le  collège  helvétique  pour  la 
Suisse  infestée  d'hérésies ,  appliqua  tous  ses  revenus  à  des 
œuvres  de  piété  et  de  bienfaisance,  recommanda  l'attachement 
au  Saint-Siège,  et  mourut  à  l'âge  de  quarante-sept  ans,  comblé 
de  bénédictions  (1584). 

Beaucoup  d'évêques  d'Italie  rivalisaient  avec  lui,  adminis- 
traient parfaitement  leurs  diocèses,  et  formaient  un  clergé 
remarquable.  A  Naples  aussi,  le  pape  chargea  l'évoque  de 
Strengoli,  Thomas  Orsino  da  Foligno,  de  faire  la  visite  des 
églises. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N®  277, 

Pétri  Franc.  Zini,  Boni  pastoris  exemplum  ac  spécimen,  ex  Joli. 
M.illh.  Giberto  Ep.  expressum,  1536;  Glussian.,  Sailer,  Dieringer,  etc. 
(§  2GI)j  Ranke,  I,  p.  322,  365;  Car.  Borom.,  Acta  Eccl.  Mediol.  addita 
\II  provinc.  Synodo,  Bergami,  1738  et  seq.,  2  vol. 

Catéchisme  des  curés.  —  Correction  des  livres  liturgiques.  — 
Discipline  monastique  et  résidence  des  évêques.  —  Mesures 
salutaires. 

278.  L'exécution  des  décrets  de  Trente  et  la  splendeur  de 
la  religion  calholiquo  étaient  les  deux  grands  objets  de  la 
sollicitude  du  saint  Père.  En  d566,  il  publia  le  Catéchisme  du 


LE    CATHOLICISME.  623 

concile  de  Trente,  rédigé  par  plusieurs  domiiiicaius  et  spéciale- 
ment destiné  aux  curés.  Eu  1568,  il  introduisit  le  bréviaire 
romain  corrigé,  abolit  tous  les  bréviaires  qui  n'étaient  pas 
expressément  autorisés  par  le  Saint-Siège  ou  qui  n'étaient  pas 
usités  depuis  plus  de  deux  cents  ans,  et  ut  publier  un  nouveau 
missel.  Les  couvents  furent  sévèrement  réformés,  la  clôture  des 
religieuses  réglée  ;  on  confirma  les  privilèges  des  réguliers, 
mais  on  les  obligea  de  demander  la  permission  de  l'évéque  pour 
entendre  les  confessions. 

Contre  les  archevêques  et  les  évoques  qui  n'ubsorvaient  pas 
la  résidence,  le  pape  chargea  son  auditeur  général  de  procéder 
sans  autre  formalité  et  de  lui  présenter  des  rapports,  afin  de 
déposer  les  récalcitrants.  Il  recommanda  aussi,  sous  des  peines 
graves,  en  annulant  toutes  les  anciennes  dispenses,  la  résidence 
aux  curés  et  la  récitation  exacte  du  bréviaire.  11  publia  et  con- 
firma, le  19  janvier  1566,  unedécisi<jn  prise  en  conclave  par  les 
cardinaux,  que  partout  désormais  les  droits  de  présentation  et 
de  nomination  aux  évèchés  et  aux  benétices  consistoriaux  ne 
seraient  approuvés  qu'avec  l'assentiment  des  deux  tiers  des 
cardinaux  ;  cette  disposition,  malheureusement,  ne  put  préva- 
loir dans  la  pratique.  11  révoqua,  pour  cause  d'abus,  un  privi- 
lège accordé  au  duc  de  Mantoue.  11  ül  publier  en  la  renforçant, 
malgré  le  mécontentement  des  princes,  la  bulle  la  cœna  Dummi 
(tome  V,  §  239,  —  YP  période,  —  ch.  u),  qui  devait  demeurer 
en  vigueur  jusqu'à  ce  qu'un  nouveau  décret  eût  été  rendu  par  le 
Saint-Siège  ;  il  renouvela  cette  prescription  du  quatrième  concile 
de  Latran,  qu'un  médecin  ne  pourrait  pas  visiter  pendant  plus 
de  trois  jours  un  malade  qui  ne  recevrait  point  les  sacrements. 
Il  défendit  qu'aucun  domaine  du  Saint-Siège  fût  donné  désor- 
mais en  fief,  déclara  que  ceux  qui  conseilleraient  de  le  faire 
encourraient  l'excommunication,  et  il  fit  signer  la  bulle  par 
tous  les  cardinaux,  il  restreignit  les  indulgences  et  les  dispenses, 
abolit  une  foule  d'abus,  et  réforma  la  Péniteucerie. 

OUVRAGES  A   CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N°   278. 

Catechismus  Rom,  ad  parochos,  ex  decreto  Conc.  Trid,  ad  edil 
princip.  Maïuitianam  an.  4  366,  éd.  Eiitter,  Vralisb.,  1837  ;  Rom.,  184Ö. 
Ce  Catéchi;;me  lut  rédigé  par  le  dominicaiu  François  Forerius,  aidé 
par  Leonardo  Mariui,  archevêque  de  Lanciauo,  et  Gilles  Fuscarius,  de 


624  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

Modène.  Cf.  Antonin.  Reginald.,  Ord.  Pr.,  de  Catechismi  Rom.  aucto- 
ritate,  in  Natal.  Alex.  H.  Ec,  Suppl.,  t.  I,  p.  346  et  seq.,  ed.  Bing., 
1790.  —  Const.  Quod  u  Nobis,  9  juillet  1568,  dans  les  éditions  du  Bré- 
viaire; const.  Quo  primum,  14  juillet  1570,  dans  les  éditions  du  Missel 
romain.  —  Sui'  la  clôture  des  religieuses:  const.  Pastoralis,  1566.  Appro- 
bation des  réguliers  par  l'évêque  :  const.  Romani,  &  août  1571  :  Bull. 
Rom.,  IV,  111,  p.  177.  Résidence  et  devoirs  des  pasteurs  :  const.  Cum 
alias,  10  juin  1506,  et  Cupientes,  8  juillet  1566:  Bull.,  IV,  n,  p.  303; 
IV,  III,  p.  24.  Collation  du  droit  de  nomination  et  de  présentation  : 
const.  IV,  Pro  debHo  justitiae,  19  jauv.  l.o66  :  Bull.,  éd.  Taur.,  VII, 
p.  427  et  suiv.  Retrait  du  privilège  pour  Mantoue  :  Riganti,  in  reg.  I 
Cancell.  ap.,  t.  I,  p.  211,  n.  33.  Bulla  In  cœna  Domiiii  :  Hausmann 
(VI,  227),  p.  95  et  suiv.,  101.  Sous  Paul  III,  elle  avait  17  cas;  sous  le 
successeur  de  Pie  V,  21.  Remise  en  vigueur  du  IV  concile  de  Latran, 
c.  XXII,  de  Pœnit.  et  Remiss.,  in  const.  Sup7'a  gregem  dominicum  ; 
Bull.  Rom.,  IV,  II,  p.  281  (rappelé  par  Benoit  XIII,  1725). 
Contre  l'aliénation  des  domaines  pontificaux  :  const.  Admonet  nos, 
29  mars  1567  :Bull.,  II,  236.  Réforme  delaPénitencerie  :  const.  cxxviii. 
In  omnibus,  18  mai  1569,  et  cxxix,  Ut  bo7ius  Pastor,  eod.  d  :  Bull.,  éd. 
Taur.,  VII,  746,  750;  Phillips,  K.-R.,  VI,  §.315,  p.  520. 

Influence  de  Pie  V  sur  les  États  catholiques.  —  Victoire  sur 
les  Turcs.  —  Mort  de  Pie  V. 

279.  Le  pontificat  de  Pie  V  fut  l'ère  culminante  de  la  restau- 
ration religieuse.  Les  États  catholiques  comprenaient  combien 
ils  avaient  besoin  d'être  soutenus  par  l'Église  et  unis  entre  eux. 
Pie  V  réalisa  ce  que  Pie  II  avait  inutilement  tenté  :  une  expédi- 
tion contre  les  Turcs,  qui  dominaient  alors  sur  la  Méditerranée 
et  dans  ses  îles,  et  menaçaient  l'Italie.  Chassés  de  Malte  eu  1565, 
non  sans  difficulté,  ils  se  disposaient  maintenant  à  attaquer 
Chypre  avec  des  forces  redoutables.  Pie  V  représenta  vivement 
aux  princes  catholiques  le  danger  qui  les  menaçait,  et  proposa 
aux  Vénitiens  et  aux  Espagnols  de  s'allier  contre  les  Turcs.  Il 
aplanit  toutes  les  difficultés,  fournit  lui-même  des  vaisseaux  et 
des  soldats,  mit  à  la  tête  de  ses  troupes  le  vaillant  Marc-Antoine 
Colonna,  et  fit  nommer  don  Juan  d'Autriche  général  en  chef 
(11  juin  1570).  Ce  fut  lui  qui  procura  l'heureuse  bataille  de 
Lépante  (7  octobre  1571),  dont  il  avait  prévu  le  succès.  11 
appuya  par  des  secours  en  argent  l'infortunée  Marie  Stuart, 
reine  d'Ecosse,  et  plus  tard  s'intéressa  vivement  à  sa  délivrance  ; 


LE   CATHOLICISME.  625 

il  envoya  à  Charles  IX  des  troupes  contre  les  huguenots,  et 
il  aida  PhiUppo  II  dans  les  Pays-Bas. 

Pie  V,  malgré  toute  l'activité  qu'il  déployait  au  dehors,  rem- 
plissait avec  éclat  les  fonctions  rehgieuses,  et  il  exerçait  lui- même 
dans  les  hôpitaux  les  œuvres  de  miséricorde.  Quand  il  sentit  que 
sa  fin  était  proche,  il  visita  encore  une  fois  les  sept  églises,  afin 
de  prendre  congé  d'elles  avant  de  commencer  le  voyage  de 
l'éternité  ;  il  baisa  trois  fois  les  derniers  degrés  de  la  Scala 
satila,  et  mourut  saintement,  comme  il  avait  vécu  (1"  mai 
1572).  II  fut  béatifié  par  Clément  X,  cent  ans  après  sa  mort 
(1672),  puis  canonisé  par  Clément  XI. 

OUVRAGES  A   CONSULTER    SUR  LE    N°    279. 

Attaque  de  Soliman  contre  les  Maltais,  et  victoire  de  ceux-ci  avec 
l'aide  de  Pie  V  :  Rayn.,  an.  1565,  n.  t ,  8  et  seq.,  13;  Alb.  Guglielmotli, 
0.  Pr.,  Marc  Antonio  Colonna  alla  battaglia  dlLepanto,  Firenze,  1862; 
la  Guerra  dei  pirati  e  la  Marina  pontificia  dal  1500  al  1560,  Fir.,  1876, 
2  vol.  (du  môme,)  Storia  délia  marina  pontiticia  nel  medio  evo,  728- 
1499);  G.-B.  Carinci,  Lettere  di  Onorato  Gaetani,  capitan  generale 
délia  l'anteria  pontiticia  nella  battaglia  di  Lepanto.,  Roma,  1870; 
Rayn.,  an.  1571. 

Grégoire  XIII. 

280.  A.  Pie  V  succéda  Hugues  Buoncompagni,  de  Bologne, 
juriste  renommé.  Marié  d'abord,  il  était  entré  dans  la  cléricature, 
avait  été  envoyé  à  Trente  (1 555)  par  les  abréviateurs  de  la  chancel- 
lerie pontificale,  nommé  cardinal  (1565)  et  légat  en  Espagne  par 
Pie  IV.  Il  était  alors  âgé  de  soixante-et-onze  ans,  et  prit  le  nom 
de  Grégoire  XIII.  S'il  avait  eu  autrefois  la  réputation  d'aimer 
les  plaisirs  et  de  s'adonner  aux  affaires  du  siècle,  il  suivit 
cependant  la  voie  des  réformes  ouverte  par  ses  prédécesseurs 
et  continua  leurs  entreprises  grandioses.  Il  était  de  plus  irré- 
prochable dans  ses  mœurs  et  d'un  noble  caractère.  Il  nomma 
le  fils  qu'il  avait  eu  de  son  mariage,  Giacomo,  châtelain  du  fort 
Saint- Ange  et  gonfalonier  de  l'Église  ;  mais  il  ne  l'éleva  pas 
plus  haut  et  sut  le  contenir  dans  ses  limites,  tandis  que  Venise 
le  reçut  parmi  sa  noblesse  et  que  le  roi  d'Espagne  lui  envoya 
des  distinctions.  Il  nomma  cardinaux  deux  de  ses  neveux 
méritants,  et  défendit  à  uu  troisième  de  paraître  devant  lui. 

V.—  HIST.   DE  l'église.  40 


626  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

Son  frère  se  plaignait  que  l'élévation  de  Hugues  lai  fût  plus 
nuisible  qu'utile. 

Grégoire  aimait  le  faste,  mais  seulement  pour  relever  la 
splendeur  de  l'Église  et  la  magnificence  des  temples.  Son  prin- 
cipal effort  était  d'établir  un  enseignement  irréprochable  sous 
le  rapport  de  l'orthodoxie,  do  favoriser  la  science  catholique  et 
de  confier  les  charges  de  l'Église  aux  hommes  les  plus  capables 
dans  tous  les  pays  :  aussi  avait-il  des  listes  particulières,  et  à 
chaque  proposition  qui  lui  était  faite,  il  prouvait  qu'il  était  bien 
renseigné.  Il  fit  adopter  les  décrets  de  Trente  aux  cantons 
catholiques  de  la  Suisse,  publia  plusieurs  ordonnances  salu- 
taires, institua  une  congrégation  particulière  pour  les  affaires 
des  évêques,  et  organisa  avec  soin  la  congrégation  de  l'Index, 
établie  par  Pie  V. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  SUR  LE  N°  280. 

Ciappi,  Compend.  délie  attioni  e  s.  vita  di  Greg.  XIII,  Roma,  1591, 
1596,  in-40;  MafTei,  degli  Annali  di  Greg.  XIII,  P.  M.,  Roma,  1742, 
2  vol.  in-4'' ;  Ranke,  Rœm.  Paepste,  I,  p.  419-442.  Congreg.  super 
negoliis  episcoporum  :  Phillips,  K.-R.,  VI,  §  328,  p.  039  et  suiv.  Con- 
greg. Indicis  const.  Ut  pestiferarum,  1572  :  Analecta  juris  pontificii, 
n.  39,  col.  2256;  Phillips,  §  324,  p.  608  et  suiv. 

Grégoire  XIII  augmente  et  améliore  les  établissements  d'ins- 
truction ecclésiastique.  —  Correction  du  calendrier.  — 
Édition  du  «  Corpus  juris  canonici  ».  —  Institution  des  non- 
ciatures. 

281.  Grégoire  XIII  déploya  une  activité  prodigieuse  pour 
créer  de  bons  établissements  d'instruction  et  pour  en  assurer  le 
succès.  On  lui  doit  la  fondation  du  magnifique  collège  romain, 
dirigé  par  les  jésuites;  on  y  compte  vingt  salles  de  cours  et 
trois  cent  soixante  cellules  pour  les  scolastiques.  Quand  on  en 
fit  l'ouverture,  des  discours  furent  prononcés  en  cinquante 
langues.  Il  releva  avec  une  royale  magnificence  le  collège  ger- 
manique fondé  par  saint  Ignace,  approuvé  et  doté  par  Jules  III, 
mais  laissé  sans  revenus  par  Paul  IV  ;  il  lui  donna  le  palais  de 
Saint-Apollinaire,  le  couvent  do  Saint-Sabas  avec  les  revenus 
de  Saiut-Étieujie  sur  le  mont  Céiius,  et  lui  assigna  10,000  scudi 
sur  la  Chambre  apostolique.  On  peut  donc  le  considérer  comme 
le  vrai  fondateur  de  cet  établissement,  d'où  sortirent  un  pape 
(Grégoire  XV),  vingt-huit  cardinaux,  six  princes  électeurs, 


LE   CATHOLICISME.  ü27 

quarante  archevêques,  deux  cents  quatre-vingts  évoques, 
cent  six  évèques  in  partibus,  quarante-six  abbés  et  généraux 
d'ordres,  et  onze  martyrs. 

Le  13  avril  1580,  Grégoire  XIII  réunit  au  collège  germanique 
le  collège  hongrois  fondé  par  lui  en  1577.  Il  trouva  également 
des  ressources  pour  doter  des  collèges  à  l'usage  des  Anglais  et 
des  Irlandais,  des  Grecs,  des  Maronites  et  des  Juifs.  Il  soutint 
de  sa  cassette  les  séminaires  de  Vienne  et  de  Gratz,  et  releva  le 
séminaire  romain.  Sa  générosité  en  faveur  des  établissements 
d'instruction  s'étendait  bien  au  delà  des  limites  de  ses  États. 

Grégoire  XIII  a  rendu  d'importants  services  par  la  correction 
du  calendrier  qui  a  reçu  son  nom.  Depuis  325,  l'ancien  calen- 
drier Julien  était  en  retard  de  dix  jours.  Il  avait  été  souvent 
question  de  le  corriger  depuis  le  concile  de  Constance,  et  le 
concile  de  Trente  avait  exprimé  le  désir  que  cette  œuvre  fût 
entreprise  :  le  besoin  s'en  faisait  vivement  sentir.  Le  Calabrais 
Luigi  Lilio,  médecin  et  astronome,  avait  indiqué  une  méthode 
simple  pour  remédier  à  cet  inconvénient. 

En  1577,  Grégoire  XIII  institua  une  commission  et  demanda 
l'avis  d'un  grand  nombre  d'universités  sur  un  projet  émis  en  1581, 
auquel  avaient  principalement  travaillé  le  jésuite  Christophe 
Clavius,  de  Bamberg,  et  le  savant  cardinal  Guillaume  Sirlet. 
Quand  les  cours  catholiques  eurent  approuvé  le  calendrier 
revisé,  le  pape  le  fit  solennellement  connaître  en  1582.  On 
retrancha  dix  jours  à  partir  du  4  octobre,  et  l'on  passa  immé- 
diatement au  15  octobre.  Chaque  quatrième  année  serait  bis- 
sextile. Sur  quatre  cents  ans,  les  dernières  années  des  trois 
premiers  siècles  ne  seraient  pas  bissextiles,  mais  seulement  celle 
du  quatrième  siècle,  dont  le  millésime  est  divisible  par  quatre. 

Quelques  savants,  même  à  l'université  de  Paris,  résistèrent 
quelque  temps  ;  les  protestants  rejetèrent  la  correction  du  pape 
jusqu'en  1752  et  même  quelques  uns  jusqu'en  1775;  les  Grecs 
et  les  Russes  schismatiques,  persuadés  qu'elle  portait  atteinte  au 
premier  concile  de  Nicée  et  àla  célébration  de  la  Pàque,  l'ont  re- 
poussée jusqu'au  temps  présent.  Grégoire  XIII  rendit  d'au- 
tres services  en  donnant  une  édition  corrigée  du  recueil 
du  droit  canon  (1582),  auquel  il  avait  lui-même  travaillé 
sous  son  prédécesseur ,  comme  l'un  des  savants  choisis 
pour  cet  objet  [correc tores  romani),  puis  en   fondant    des 


628  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

nonciatures  permanentes,  d'abord  à  Vienne  (1581),  à  Cologne 
(1582),  puis  à  Lucerne,  Bruxelles,  Madrid,  etc. 

OUVRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N°   281. 

Cordara,  S.  J.,  Hist.  Coll.  Germ.  et  Hung.,  Rom.,  d770,  in^".  Col- 
lège germanique  à  Rome  :  Bist. -pol.  El.,  t.  IX  (1842),  p.  236  et  suiv.; 
t.  XXVI  (1850),  p.  529  et  suiv.  Pierre  d'Ailly  fut  occupé  à  Constance, 
en  1417,  de  la  correction  du  calendrier  (Mansi,  XXVIII,  370-381; 
Héfelé,  Conc,  VII,  p.  306);  puis  Sixte  IV,  qui  manda  à  Rome  dans  ce 
but  l'astronome  Jean  Müller  Regiomontauus  (1473),  lequel  y  mourut 
l'année  suivante  (Janssen,  Hist.  du  peuple  allem.,  I,  p.  112,  en  allem.), 
et  enfin  Léon  X.  En  1513,  au  cinquième  concile  de  Latran,  l'évêque 
de  Fossombrone  en  lit  ressortir  la  nécessité,  et  Richard  Cervino,  père 
de  Marcel  II,  y  travailla  sous  ce  pape  (Vita  di  Marcello  II,  scritta  di 
propria  mano  dal  Sgr.  Aless.  Cerv.  auo  fratello,  Alban,,  n.  157; 
Ranke,  III,  p.  296).  Grégoire  XIII,  const.  Inter  gravissimas,  13  févr. 
1582;  Lunig,  Spicil.  eccl.,  I,  522;  Clavius,  de  Kalendario  Greg., 
Romae,  1603;  Mogunt.,  1612;  0pp.  matbem.,  t.  V;  Ideler,  Hdb.  der 
Chronol.,  II,  p.  303  et  suiv.,  32o  ;  Héfelé,  Conc,  I,  p.  318  et  suiv.;  F. 
Kaltenbrunner,  Vorgeschichte  der  Greg.  Kalenderreform,  Vienne,  1876, 
und  die  Polemik  über  die  Greg.  Kalenderreform,  Vienne,  1878. 
Déclaration  de  quelques  docteurs  de  Paris,  1582  ;  du  Plessis  d'Arg., 
II,  I,  p.  453-459.  Sur  les  Grecs,  voy.  ci-dessous,  §  336.  Sur  les  correc- 
teurs romains  :  Phillips,  K.-R.,  IV,  §  181,  p.  195  et  suiv.;  §  187, 
p.  344  et  suiv.;  §  189,  p.  373.  Nonciatures,  ibid.,  VI,  §  338,  p.  740. 

Protection  aocordée  .aux  hommes  de  mérite.  —  Insuccès  po- 
litiques. 

282.  Grégoire  XIII  avait  groupé  autour  de  lui  des  hommes 
distingués  et  d'une  orthodoxie  à  toute  épreuve  :  c'étaient  le 
datairo  Contarelli,  les  prélats  Frumento  et  Corniglia,  François 
de  Tolède,  prédicateur  intrépide.  Il  fut  moins  heureux 
dans  ses  entreprises  politiques.  Il  ne  parvint  pas  à  réunir  les 
princes  dans  une  démarche  commune  contre  Elisabeth  et  contre 
les  Turcs.  Venise  fit  la  paix  avec  ces  derniers,  et  l'Espagne 
conclut  un  armistice.  Les  finances  pontificales  furent  boulever- 
sées par  des  œuvres  grandioses  en  faveur  de  l'Église;  par  les 
subsides  considérables  que  le  pape  envoya  à  l'empereur,  à 
Charles  IX,  roi  de  France,  et  aux  chevaliers  de  Malte;  par  la 
générosité  incomparable  de  Grégoire,  qui  employa  deux  mil- 


LE   CATHOLICISME.  629 

lions  de  scudi,  uniquement  pour  venir  on  aide  à  des  étudiants 
pauvres. 

A  la  fin  de  son  règne,  si  heureux  d'ailleurs  pour  les  États  de 
l'Église,  grâce  à  la  suppression  des  privilèges  et  des  inféoda- 
tions,  il  y  eut  un  grand  mécontentement,  provoqué  surtout  par 
la  noblesse  indigène,  qui  réclamait  ses  anciennes  prérogatives. 
Grégoire,  déjà  affaibli  et  fatigué  de  la  vie,  élevait  avant  de 
mourir  ses  regards  vers  le  ciel  et  s'écriait  dans  l'impatience  de 
ses  désirs  :  «  Vous  vous  lèverez.  Seigneur,  et  vous  aurez  pitié 
de  Sion.  »  Il  fut  effectivement  réservé  à  son  successeur  de 
rétablir  l'ordre  et  la  prospérité  dans  les  États  de  l'Église,  sans 
renoncer  à  ses  grandes  entreprises  religieuses. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    SUR    LE    N"    282. 

Baron.  Possevin.,  ap.  Ciacconi,  Vilee  Rom.  Pont,,  IV,  37  ;  Ranke,  I, 
p.  420-437;  III,  p.  331  et  suiv. 

Sixte-Quint.  —  Services  rendus    aux  États  de  l'Église. 

283.  Ce  successeur,  sorti  de  la  plus  basse  condition,  fut  Félix 
Peretti,  cardinal  de  Montalto,  né  le  18  décembre  1521,  dans  la 
Marche  d'Ancône.  Dénué  de  toutes  ressources,  il  fut  élevé  dans 
un  couvent  de  franciscains,  et  monta  de  degré  en  degré,  grâce 
à  ses  travaux,  à  son  application  et  à  son  activité.  Il  devint 
vicaire  général  de  son  ordre  sous  Pie  V,  cardinal  et  évêque  de 
Sainte- Agathe  en  1570,  puis  évêque  de  Ferme.  Il  avait  vécu 
dans  la  retraite,  l'économie  et  le  travail,  édité  les  œuvres  de 
saint  Ambroise  en  1580,  et  montré  beaucoup  d'énergie  et  d'em- 
pire sur  lui-même.  Il  prit  le  nom  de  Sixte  V,  en  souvenir  de 
Sixte  IV,  qui  avait  appartenu  à  son  ordre. 

Les  premiers  objets  de  sa  sollicitude  furent  le  rétablissement 
de  l'ordre  dans  les  États  de  l'Église,  l'extirpation  des  bandits,  qui 
avaient  pris  une  grande  influence  dans  les  derniers  temps  do 
son  prédécesseur  ;  l'administration  sévère  de  la  justice.  Sixte 
Quint,  né  pour  le  commandement,  réussit  dans  une  année  à 
faire  des  États  de  l'Église  le  pays  le  plus  sur  de  lEurope  à  cette 
époque.  Il  établit  un  ordre  précis  dans  l'administration  ;  plein  de 
douceur  et  de  ménagements  dans  ses  lois  générales,  il  était 
inexorable  quand  il  s'agissait  de  les  faire  exécuter.  Les  sciences, 


630  HISTOIRE   DE   l'ÉGLISE. 

ruinbellissement  de  Rome  furent  aussi  l'objet  de  ses  soins 
particuliers  :  il  fonda  à  Bologne  le  collège  de  Moatalto,  destiné 
à  recevoir  cinquante  écoliers  de  la  Marche  d'Ancône  ;  il  agrandit 
la  bibliothèque  du  Vatican,  et  fit  construire  un  édifice  magni- 
fique pour  la  disposer  dans  un  meilleur  ordre  ;  il  établit  une 
nouvelle  et  vaste  imprimerie,  pour  publier  des  éditions  amélio- 
rées des  conciles  et  des  Pères  de  l'Église. 

Ouatre  obélisques,  qui  gisaient  depuis  des  siècles  parmi  les 
décombres,  l'un  amené  d'Egypte  à  Rome  par  Caligula,  et  haut 
de  cent  vingt-quatre  pieds  (aujourd'hui  devant  l'église  Saint- 
Pierre),  furent  érigés.  Saint-Pierre  vit  achever  sa  coupole,  uni- 
que dans  le  monde.  Toutes  les  entreprises  architecturales  de  ce 
pape  furent  des  œuvres  prodigieuses  ;  les  antiquités  païennes 
furent  adaptées  aux  idées  chrétiennes.  Plusieurs  de  ses  construc- 
tions furent  appliquées  à  des  œuvres  do  bienfaisance  et  d'utilité 
générale  ;  par  exemple,  ses  aqueducs  {y aqua  felice,  sur  le  Quiri- 
nal,  qui  alimente  vingt-sept  fontaines),  l'escalier  commencé 
par  lui  sur  la  place  d'Espagne,  de  nouvelles  rues  et  des  quar- 
tiers nouveaux  (viaFelice,  borgoFelice),  l'hôpital  du  Pont-Sixte 
pour  deux  mille  personnes. 

Sixte-Quint  encouragea  puissamment  l'agriculture  et  l'indus- 
trie; ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  faire  de  grandes  économies  dans 
les  finances,  d'augmenter  les  revenus  del'ßtat  et  de  remplir  ses 
coffres.  En  avril  1586,  il  avait  déj<i  amassé  près  d'un  million  do 
thalers  d'or  ;  en  novembre  1587,  il  en  avait  deux  ;  en  avril  1588, 
trois.  Il  déposa  chacun  de  ces  millions  au  château  Saint- Ange, 
et  recommanda  à  ses  successeurs  de  les  employer  consciencieu- 
sement et  dans  des  circonstances  déterminées,  notamment  dans 
les  calamités  générales. 

OUVHAGES   A  CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR  LE   N°  283. 

Robardi,  Sixti  V  Gesta  quinquennalia,  Roinge,  1590,  in-i*  ;  Greg. 
Leti,  Vitadi  Sisto  V, Losunna,  1669,  2 1.,  puis  3 1.  ;  en  français,  Par.,  1702, 
2  t.  (il  lit  usage  d'un  très  mauvais  manuscrit  :  Detti  et  Fatti  di  papo 
Sisto  V,  de  la  biblioth.  Corsini.,  et  ne  montra  aucune  critique).  Ouvrage 
beaucoup  plus  solide  :  C.Tempesti,  0.  S.  Fr.,  Storia  délia  vita  e  geste 
di  Sisto  V,  lloni,  17Jö,  2  t.  iu-i-",  F.orontz,  Sixtus  V  und  seine  Zeit 
(il  suit  Leti  trop  de  près).  On  trouve  de  nombreux  matériaux  dans 
Ranke,  I,  p.  437-481  ;  il  renvoie  à  Vita  Sixti  V  ipsius  manu  emendata 
(MS.  bibl.  Allieri,  R.  III,  p.  327)  c.  1587,  et  aux  Memorie  autogr.  de  la 


LE    CATHOLICISME.  631 

bibl.  Chigi,  n.  111,  70  (ibid.,  111,  p.  324),;  à  une  biographie  latine, 
Sixtus  V,  Pont.  Mas:.,  dans  la  bibl.  Altieri,  80  feuillets  (ibid.,  p.  328  et 
saiv.)  ;  aui  Memorie  (bien  écrits)  del  pontificato  di  Sisto  V,  Alt.  XIV, 
a.  IV  f.  480  feuillets  (voy.  333  et  suiv.).  Guido  Gualterius  de  Sangeno, 
Vita  Sixti  V,  bibl.  Alt.  (p.  334  et  suiv.);  Galesini,  Vita  Siiti  V,  Valic, 
5438,  et  Vita  anon.,  Vat.  5563  (ibid.,  p.  336  et  suiv.).  On  doit  une 
excellente  monographie  au  baron  de  Hubner  :  Sixte-Quint,  Paris,  1870, 
3  vol.;  en  allem.,  Leipzig,  <871.  Voy.  encore  Feuil.  hist.  et  polit., 
t.  IX,  p.  235  et  suiv.,  293  et  suiv.  Sur  sa  sévérité,  voy.  Ranke,  I, 
p.  446-449;  sur  les  relations  des  État  de  l'Église,  ibid.,  p.  378  et  suiv.; 
sur  ses  constructions,  p.  475  et  suiv.;  sur  ses  économies,  p.  460-469. 
Const.  Ad  clavum,'2.[  avril  1586  :  Bull.,  éd.  Coquelines,IV,  iv,  p.  206. 

Relations  de  Sixte-Quint  avec  les  Etats  voisins,  avec  ses 
compatriotes  et  ses  proches.  —  Nouvelle  édition  des  Sep- 
tante. —  Lois  ecclésiastiques.  —  Mort  de  Sixte-Quint. 

284.  Sixte-Quint  établit  de  bonnes  relations  avec  les  États  du 
voisinage,  respecta  les  prérogatives  légitimes,  et  fut  appuyé 
dans  les  mesures  qu'il  prit  à  cet  égard.  La  Toscane  et  Venise 
étaient  pacifiées  ;  l'Espagne  lui  était  entièrement  dévouée.  II 
dressa  des  plans  gigantesques,  principalement  pour  la  destruc- 
tion de  l'empire  des  Turcs,  la  conquête  de  l'Egypte  et  de  la 
Palestine,  sans  oublier  sa  propre  patrie.  Il  rendit  aux  Anconi- 
tains  leurs  anciens  privilèges,  institua  à  Macerata  une  cour  de 
justice  pour  toute  la  province,  érigea  Montalto  en  évèché  et 
Fermo  en  métropole,  nomma  cardinal  son  neveu  Montalto, 
et  conféra  à  son  frère  Michel  la  dignité  de  marquis,  sans  toute- 
fois leur  laisser  une  trop  grande  influence.  Il  accordait  volon- 
tiers des  privilèges,  mais  sans  blesser  la  justice. 

Après  avoir  donné  des  lois  à  ses  provinces,  il  en  édicta  pour 
l'Église  elle-même  :  il  éleva  le  nombre  des  cardinaux  à  soixante- 
dix,  dont  six  évêques,  cinquante  prêtres  et  quatorze  diacres,  et 
traça  des  règles  précises  pour  éliminer  les  indignes,  mais  sur- 
tout pour  prévenir  le  népotisme. 

Sixte-Quint  réorganisa  les  autorités  pontificales,  établit  une 
congrégation  pour  les  affaires  des  réguliers,  et  fonda  de  nou- 
velles congrégations,  dont  il  régla  Tordre  des  affaires.  Outre 
l'Inquisition  et  la  congrégation  de  l'index,  il  institua  les  con- 
grégations du  Consistoire  et  des  Rites,  détermina  la  compétence 


632  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

(le  la  congrégation  da  Concile  (de  Trente),  déjà  agrandie  par 
Pie  V,  et  il  établit  des  autorités  dans  les  États  de  l'Église.  Il  fit 
préparer  d'après  un  manuscrit  du  Vatican  une  édition  corrigée 
des  Septante,  qui  fut  terminée  en  1587.  Elle  servit  en  même 
temps  de  travail  préparatoire  pour  la  correction  de  la  Vulgate, 
à  laquelleSixte-Quint  mit  personnellement  la  main,  non  pas  tou- 
jours d'une  manière  heureuse.  Il  promulgua  des  ordonnances 
sévères  contre  l'avortement,  contre  le  mariage  des  eunuques 
et  des  hermaphrodites,  contre  la  collation  des  ordres  sacrés  aux 
criminels  et  aux  débiteurs  ;  il  exigea  des  évêques  qu'ils  fissent 
le  voyage  de  Rome  et  rendissent  compte  de  leur  administration 
à  des  époques  déternjinées  ;  il  donna  des  prescriptions  détaillées 
sur  une  foule  de  questions  ecclésiastiques.  Ce  remarquable  pon- 
tificat ne  dura  que  cinq  ans.  Sixte-Quint  mouriitle  27  août  1590, 
auQuirinal,  au  moment  où  un  oragesedéchaînait  sur  cet  édifice. 
Ses  taxes  onéreuses  et  la  réapparition  des  bandits  avaient  aigri 
le  peuple  ;  la  statue  qui  lui  avait  été  érigée,  fut  abattue  à  la 
suite  d'une  émeute,  et  il  fut  décidé  au  Capitule  qu'aucune  statue 
ne  serait  plus  élevée  de  son  vivant  à  aucun  souverain. 

OUVRAGES  A  CONSULTER  ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LE   N''  284, 

Ranke,  I,  p.  458;  II,  p.  198-215.  Gonst.  sur  les  cardinaux,  Postquam 
verusille,  3  déc.  1586,  et  RolUjiosa  sunctorum,  1587  :  Bull.  M.,  IV,  iv, 
p.  279,  296;  Phillips,  VI,  §  285,  p.  227  et  suiv.  Organisation  des  con- 
grégations :  const.  Immensa  œterni,  H  fév.  1588;  Bull.  R.,  loc.  cit., 
p.  392  et  seq.;  l'hillips,  §  319,  p.  561  et  suiv.;  Ranke,  I,  p.  450; 
Hübner,  II,  p.  45  et  suiv.  L'édition  des  LXX  (1587)  eut  pour  collabora- 
teurs les  cardinaux  Caraffa,  Fulvio  Orsini,  Canon.  Later.,  Lœlius  (plus 
tard  évoque  de  Narni),  A.  Agellius ,  R.  Bellarmin ,  Pierre  Morin, 
l'Espagnol  Valverde,  l'Anglais  Allen,  Antoine  Aquinas  (plus  tard  archevê- 
que de  Tarcnte);  l'édition  de  la  Vulgate  :  les  cardinaux  Caralfa  et  Sirlctï 
Marian  Victorius,  évèque  de  Reate,  B.  Paulin,  0.  Pr.,  Emmanuel  Sa  S. 
J.  — Ungherelii,  CoUatio  Vulgat.  lat.  edit  correctionum  per  SixtumV, 
Greg.  XIV  et  Clem.  VIII,  prœstitarum,  dans  les  Annali  délie  scienze 
religiöse,  1837,  vol.  IV,  n.  10-12;  Kaulen,  Gesch.  der  Vulgatu,  p. 
444  et  suiv.  —  Lois  ecclésiastiques  :  const.  Effrenatam,  1548;  Quwn 
fréquenter,  1587  (Conc.  Trid.,  éd.  Richter,  p.  555  et  seq.)';  Quum  de 
omnibus,  ooi.  1588  (Bull.  Rom.,  IV,  iv  ;  Romanicn  Po7iti f ex,  XWl  Kal. 
Jan.,  1585  (ib.,  p.  173):  Phillips,  II,  §82,  S.  206,  et  suiv.  Mort  du 
pape  ;  Ranke,  II,  p.  217. 


LE   CATHOLICISME.  633 

Les  papcM  depuis  150O  Jusqu'en  1655. 

Urbain  VII.  ^  Grégoire  XIV.  —  Innocent  IX.  —  Clément  VIII 

285.  Les  trois  papes  suivants  ne  régnèrent  que  fort  peu  de 
temps.  1"  Urbain  VII,  l'ancien  cardinal  J.-B.  Castagna,  réputé 
très  favorable  à  l'Espagne,  mourut  avant  son  couronnement. 
2"  Grégoire  XIV,  ci-devant  cardinal  Sfondrate,  fut  élu  le  5 
décembre  1590,  après  de  longs  débats  dans  le  conclave  :  cœur 
noble  et  virginal,  il  prit  une  foule  de  mesures  salutaires,  mais 
ne  régna  que  dix  mois  et  dix  jours.  3°  Innocent  IX,  Jean- 
Antoine  Fachinetto,  déjà  âgé  et  infirme,  ne  régna  que  cinq 
mois.  On  nomma  ensuite  (20  janvier  1592),  quoique  le  cardinal 
Santonio  di  Sanseverinoeùt  d'abord  plus  de  chances,  le  cardinal 
Hippolyle  Aldobrandini,  qui  monta  sur  le  siège  de  Pierre  sous 
le  nom  de  Clément  VHI.  NéàFanoen  1535,  dans  le  pays  de  Flo- 
rence, il  avait  été  membre  de  la  Rote,  cardinal  sous  Sixte-Quint 
et  légat  en  Pologne.  Dans  trois  conclaves,  l'Espagne  avait 
demandé  son  exclusion,  parce  que  son  frère,  étant  au  service  du 
pape,  avait  déplu  à  cette  cour. 

Clément  VIII  déploya  une  activité  exceptionnelle  :  le  matin  il 
tenait  des  séances,  l'après-midi  il  donnait  des  audiences  ;  il 
revoyait  lui-même  toutes  les  expéditions  et  il  était  infatigable  au 
travail.  Sa  vie  était  exemplaire;  il  avait  pour  confesseur  le 
pieux  Baronius.  Lui  aussi  publia  divers  règlements  pour  amé- 
liorer la  discipline  ;  il  défendit  la  confession  par  lettres  et  par 
tierces  personnes,  revisa  le  bréviaire,  fit  publier  une  nouvelle 
édition  delà  Vulgate(  1592),  corrigée  par  une  commission,  etsup- 
prima  cellede  Sixte-Quint.  Il  choisit  pour  cardinaux  les  hommes 
les  plus  distingués,  Daronius,  Bellarmin,  Tolet,  Ossat,  Duper- 
ron,  et  s'adonna  tout  entier  à  ses  hautes  fonctions,  dont  l'idée 
inspirait  tous  ses  actes  et  toutes  ses  démarches.  Ce  ne  fut 
que  dans  les  derniers  temps  et  dans  un  âge  avancé  qu'il 
confia  un  grand  nombre  d'affaires  à  son  neveu,  le  cardinal 
Pierre  Aldobrandini. 

On  remarque  parmi  les  événements  importants  de  son  pon- 
tificat :  1°  la  réconciliation  du  roi  de  France,  Henri  IV,  avec  le 
Saint-Siège  (1595)  ;  2°  la  négociation  de  la  paix  entre  l'Espa- 
gne et  la  France  à  Vervins  (2  mai  1598),  et  plus  tard  entre  la 


C3i  HISTOIRE  DE  l'ÉGLISE. 

France  et  la  Savoie,  où  le  pape  joua  de  nouveau  un  rôle  poli- 
tique important  ;  3°  le  recouvrement  du  fief  de  Ferrare,  qui 
devait  faire  retour  au  Saint-Siège  après  la  mort  d'Alphonse  II, 
duc  d'Esté  ;  A"  l'exécution  de  la  fameuse  Béatrice  Cenci  et  de  ses 
complices,  pour  cause  de  parricide  (11  septembre  1599);  5"  l'éta- 
blissement d'une  congrégation  particulière  pour  les  contro- 
verses sur  la  grâce  ;  6°  la  célébration  du  grand  jubilé  (1600), 
qui  amena  dans  Rome  trois  millions  de  pèlerins. 

OUVRAGES   A    CONSULTER    ET    REMARQUES    CRITIQUES   SUR   LE   N°   285. 

Tria  Gonclavia  seu  hist.  narrationes  de  Urbano  VII,  Greg.  XIV,  etc., 
Francof,  1617 ,  in-4°  ;  L.  Arrigho,  Vita  Urbani  VII,  Bonon.,  1614  ;  Ranke, 
II,  p.  217-226.  Urbain  VII  et  Innocent  IX  avaient  assisté  au  concile 
de  Trente,  et  avaient  été  très  vantés  par  les  légats  (Pallav.,  XI,  ii,  11). 
Grégoire  XIV,  en  1591,  délégua  pour  la  revision  de  la  Vulgate  les  car- 
dinaux Colonna(rainé);  Aug.Valerio,  de  Vérone  ;  Rovère,  de  Sarnano, 
et  onze  consulteurs,  parmi  lesquels  Rellarmin,  Tolet,  Ange  Rocca,  0. 
S.  A;  Barthél.  Miranda,  maître  du  sacré  palais.  Plus  tard,  à  Zagorolo, 
les  cardinaux  Colonna  et  Allen,  avec  huit  consulteurs,  se  chargèrent 
seuls  de  l'entreprise.  Le  travail  achevé  fut  revu  une  dernière  fois  par 
Tolet.  Innocent  IX  ne  put  exécuter  en  personne  son  noble  dessein.  Il 
nomma  deux  cardinaux  ;  Philippe  Sega  de  Bologne,  évêquo  de  Plai- 
sance, et  Antoine  Fachinetto,  son  neveu  (Ranke,  II,  p.  234-236).  Sur 
l'édition  de  la  Vulgate,  voy.  Kaulen,  op.  cit.,  p.  406  et  suiv.  Défense 
de  la  confession  par  écrit:  Bull.  M.,  éd.  Cherubini,  III,  123.  Autres  dé- 
tails dans  Wadding,  Vita  Clem.  VIII,  Rom.,  1723  ;  Joh.  Palat.,  Gesta 
Pontif.,IV.  445  et  seq.  Const.  dans  le  Bull.  M.  Rom.,  III,  p.  1-170.  Sur 
les  négociations  de  paix  entre  la  France  et  l'Espagne,  et  entre  la  France 
et  la  Savoie  :  Mémoires  d'Aiigouiême,  chezDidot,  1756,  t.  I.  p.  131-363; 
Ranke,  II,  p.  306-308  ;  recouvrement  de  Ferrare  :  Ranke,  II,  p.  256-279. 
Béatrice  Cenci  :  A.  Torrigiani,  Clem.  VIII,  e  il  Processo  criminale  délia 
B,  Cenci  Fir.,  1872,  A.  Bertolotti  Francesso  Cenci  e  la  sua  famiglia, 
Fir.,  1877.  Sur  la  Congreg.  deAuxihis,  ci-dessous,  §  394. 

Léon  XI.  -  Paul  V. 

286.  Clément  VIII  mort  (5  mars  1605),  il  fut  question  de  lui 
donner  pour  successeur  le  savant  et  pieux  lîaronius  ;  mais  l'Es- 
pagne y  fit  opposition.  Le  nouvel  élu,  le  cardinal  Alexandre- 
Octavion  Médicis,  parent  do  la  reine  de  France,  ne  régna  que 
vingt-six  jours,  sous  le  nom  de  Léon  XI.  Le  sentiment  de  sa 


LE    CATIIOLICISMK.  635 

dignité  et  dos  embarras  qui  l'entouraient  brisa  ce  qui  lui  res- 
tait de  forces.  Le  16  mai  1605,  le  Romain  Camille  Borghèse 
était  élu.  Tour  à  tour  avocat,  vice-légat  à  Bologne,  auditeur  de 
la  Chambre,  vicaire  dn  papo,  légat  en  Espagne,  Borghèse 
s'était  signalé  par  son  habileté  dans  les  affaires  et  sa  connais- 
sance du  droit,  non  moins  que  par  sa  piété.  Paul  V,  c'est  le 
nom  qu'il  prit,  avait  une  démarche  majestueuse,  parlait  peu, 
agissait  beaucoup,  et  montrait  un  grand  zèle  pour  la  correction 
des  mœurs  du  clergé.  Sous  son  règne,  la  magnifique  église  de 
Saint-Pierre  fut  achevée,  la  bibliothèque  du  Vatican  enrichie,  la 
ville  de  Rome  et  plusieurs  églises  embelUes,  l'adoration  perpé- 
tuelle du  Saint-Sacrement  introduite,  ou  plutôt  les  prières  des 
Quarante  Heures,  déjà  réglées  en  1592  sous  Clément  VllI, 
furent  réorganisées.  11  supprima  plusieurs  privilèges  dos  régu- 
liers, notamment  par  rapport  à  l'Inquisition,  prit  des  mesures 
rolativoment  aux  procédures  de  la  Rote  et  au  vicaire  do  la  ville 
de  Rome,  et  s'occupa  activement  des  missions. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR  LE  N°   286. 

Hier.  Beraabei  ;Orat.,  Vita  naronii,  Ronise,  1651  ;  R.  Alberici  (Or.) 
de  Vita  et  scriplis  Baron.,  Rom.,  1759;  Ranke,  Rœm  Pœpste,  II,  p. 
312,  notices  sur  les  sources  :  Laemmer,  Z.-K.-G.,  p.  17,  Analecta  Rom. 
p.  47et  suiv.,  65  et  suiv.;  139  et  suiv.,  Bzovii  Vita  Pauli  V,  Roma,  1625 
etseq.  ;  .Moroni, Diz.  t.  LI  p.  133  seq.  sur  Paul  V.  Bullar.;  ed.Gherubini,  t. 
III,  p.  1D8  et  seq.,  Cont.,  t.  X,  p.  175.  Sui"  le  Vénitien  Mucenigo,  1612  ; 
Rauke,  III;  p.  368  et  suiv.  Sur  les  prières  des  Quarante  Heures  à 
Rome,  voy.  Clem.  VIII,  const.  Graves,  25  nov.  1592  :  Bull.,  ed,  Taur., 
IX,  p.  644-646.  Contre  les  privilèges  des  réguliers,  const.  26,  Romanus 
Pontifex,  de  PaulV  :  Bull.  Rom.,  III,  m,  p.  238.  Sur  la  procédure,  const, 
13'J  Universi  agri,  ib.,  V,  iv,  p.  23.  De  vicario  urbis.  Const.  Altitudo 
1605,  Bull.,  III,  p.  208. 

Luttes  de  Paul  V  avec  Venise. 

287.  Un  grave  démêlé  s'éleva  entre  PaulV  et  la  république  de 
Venise.  Outre  différentes  contestations  relatives  aux  frontières 
de  Ferrare,aux  dîmes  du  rlergé  et  aux  exemptions  des  bénéfices, 
une  autre  querelle  éclata  dans  Toccasion  que  voici  :  la  république 
de  Venise,  au  mépris  do  l'immunité  ecclésiastique,  qui  était  en 
vigueur  daus  son  propre  territoire,  avait  incarcéré  deux  clercs 


636  HISTOIRE   T)E    l'ÉGUSE. 

sans  en  informer  le  pape,  et  elle  laissait  subsister  deux  lois  hos- 
tiles à  l'Église.  Ces  lois  mettaient  de  grands  obstacles  à  l'éta- 
blissement de  nouveaux  hôpitaux  et  couvents,  à  la  construc- 
tion des  églises,  à  la  création  de  nouveaux  ordres,  à  la  forma- 
tion des  confréries,  et  défendaient  à  l'Église  d'acquérir  des 
biens-fonds  sans  l'agrément  du  pouvoir  civil. 

Paul  V  réclama,  par  l'ambassadeur  de  Venise  et  par  son 
nonce,  le  retrait  de  ces  lois  et  l'élargissement  des  deux  ecclésias- 
tiques. Il  rencontra  une  résistancesi  opiniâtre  que  le  17avril  1606 
il  lança  un  monitoire  où  il  menaçait  le  doge  et  le  sénat  de  l'ex- 
communication et  le  pays  de  l'interdit.  Le  doge  (6  mai)  traita  le 
monitoire  d'empiétement  injuste  sur  l'autorité  civile  et  les 
franchises  de  la  république,  défendit  sous  peine  de  mort  de  le 
publier  et  d'observer  l'interdit,  et  il  essaya  parla  force  de  faire 
continuer  l'office  divin.  La  plupart  des  ecclésiastiques  cédè- 
rent ;  mais  les  jésuites,  les  capucins,  les  théatins  et  les  mini- 
mes se  soumirent  au  pape  et  durent  quitter  le  territoire  de 
Venise.  Bellarmin,  Baronius  et  Fagnan  soutinrent  la  cause  du 
Saint-Siège  ;  Paul  Sarpi,  esprit  venimeux  et  rancunier,  se  fit 
le  défenseur  de  la  république. 

Les  protestants  répandaient  leurs  Bibles  dans  Venise  et  entre- 
tenaient l'animosité  contre  lo  pape.  Tandis  que  la  cour  d'Espa- 
gne offrait  au  pape  des  troupes  milanaises  contre  l'arrogante 
république,  Henri  IV,  roi  de  France,  essayait  de  concilier  les 
deux  parties  :  il  négocia  simultanément  avec  Rome  et  Venise, 
et  fit  si  bien,  que  Paul  V  donna,  le  22  mars  1607,  plein  pouvoir 
de  lever  les  censures,  si  Venise  acceptait  les  conditions  arrê- 
tées. Les  ecclésiastiques  piisonniers  furent  remis  au  cardinal  de 
Joyeuse  (21  avril),  les  décrets  contre  l'interdit  levés,  les  deux 
lois  suspendues  et  les  Vénitiens  absous.  Il  n'y  avait  plus  de  dif- 
ficultés que  pour  la  réintégration  des  jésuites  ;  mais  leur  géné- 
ral, Aquaviva,  demanda  lui-même  que  la  paix  ne  fût  pas  subor- 
donnée au  rétablissement  de  l'ordre  dans  Venise.  Les  autres 
religieux  exilés  furent  libres  de  rentrer  dans  Venise  ;  mais  les 
jésuites,  à  cause  de  leur  obéissance  rigoureuse  au  pape,  durent 
attendre  jusqu'en  1657. 

OUVRAGES   A   CONSULTER    ET   REMARQUES   CRITIQUES   SUR   LK   N°    287. 

Sandi,  Hist.  civ.  Venel.,  III,  1104  et  seq.;  Novaës,  Vitae  Pontif.,  ÏX, 


LE   CATHOLICISME.  637 

p.  92  et  seq.;  Muratori,  Annali  d'Italia,  aa.  1606;  Natal.  Alex.,  H.  E., 
Suppl.,  t.  II,  9  et  seq.  ;  Daru,  Hist  de  la  républ.  de  Venise,  Paris,  1821 , 
IV,  170  et  seq.  258et  seq.;IArtaud,  Hist.  des  souver.  pont.,  V,  250-234; 
Ranke,  II,  p.  354;  III,  p.  281.  Mon  ouvrage  :  Kath.  Kirche,  p.  721-725. 
Moniloire  de  Paul  V  :  Bull.,  X,  p.  173;  Hoscovany,  Monum.,  III,  p.  87-90, 
n.  440;  Prosper  Fagnan.,  de  Juslitia  et  Validitate  censurarum  Pauli  V 
in  rempubl.  Venet.,  Roma;,  1607.  Cf.  Blanchi,  t.  II,  lib.  VI,  §  1 1,  n.  1 
el  seq.,  p.  610  et  seq.  On  a  de  P.  Sarpi  :  Istoria  particolarc  délie  cose 
passate  tra  il  Soramo  Pontefiee  Paolo  V  e  la  sereniisima  Rep.  di  Vene- 
zia,  Lione  (fîinevra),  1634.  Sur  son  avis,  voy.  Laimmer,  Z.-K.-G.,  p.  49. 
Sur  cette  plainte  que  Sarpi  pensa  être  assassiné  par  des  ultramontains, 
voy.  Civillà  cattolica,  n.  426,  du  21  déc.  1867,  p.  649  et  seq.  Sur  les 
jésuites  à  Venise,  Crélineau-Joly,  IIist.de  la  Comp,  de  Jésus,  III,  p.  137 
el  seq.,  141  et  seq.  ;  Busz,  jdie  Gesellschaft  Jesu,  p.  973.  Les  documents 
publiés  par  Cappelletti,  prêtre  de  Venise  (i  Gesuiti  e  la  Rep.  de  Venezia, 
documenti  diplomatici,  Venezia,  1873),  attestent  simplement  l'obéis- 
sance à  l'ordre  du  pape  et  ne  sont  pas  d'accord  avec  les  réflexions  de 
l'éditeur  pour  le  reste:  voy.  Raccolta  degli  scritti  uscitifuori  in  istampa 
e  scritti  a  mano  nella  causa  del  P.  Paolo  V  co'  Signori  Ven.,  Goira, 
1607,  in-4°;  E.  Cornet,  Paolo  V  e  la  Rep.  Veneta,  giornale  dal  22. 
octobre  1603  al  9  giugno  1607,  Vieuna,  1858. 

Grégoire  XV.  —  Règlement  sur  l'élection  du  pape.  —  La  Pro- 
pagande. —  Secours  fournis  à  l'empereur. 

288.  A.  Paul  V  (mort  le  18  janvier  1621),  succéda  (9  février) 
le  cardinal  Alexandre  Luduvisi,  de  Bologne,  archevêque  de 
Milan,  qui  s'était  élevé  graduellement  aux  différents  emplois 
ecclésiastiques.  Grégoire  XV  était  de  petite  stature,  circonspect, 
courbé  par  les  ans  et  maladif;  mais  il  avait  un  zèle  ardent  pour 
les  .intérêts  religieux.  Son  neveu  Ludovico,  qui  supporta  en 
grande  partie  les  frais  de  construction  de  la  belle  église  de 
Saint  Ignace,  révéla  dans  la  conduite  des  affaires  de  l'intelli- 
gence et  de  la  hardiesse.  Grégoire  XV  publia  des  ordonnances 
sur  l'élection  des  papes  :  il  décida  qu'elle  pouvait  se  faire  p  ir 
scrutin,  par  accession,  par  compromis,  par  acclamation  ou  par 
quasi-inspiration. 

Dans  le  premier  cas  (le  plus  commun),  les  suffrages  ne 
devaient  pas  être  donnés  de  vive  voix,  mais  par  écrit,  aûn  que 
chaque  cardinal  fût  plus  libre  d'agir  selon  sa  conscience.  Il  éta- 
blit en  outre  la  grande  congrégation  pour  la  Propagation  de  la 


638  HISTOIRE   DE    l/ÉGLISE. 

foi  (Propagande)  qui  devait  être  le  premier  établissement  chargé 
de  travailler  à  la  conversion  des  infidèles  et  au  retour  des  dissi- 
dents. Déjà  Grégoire  XIII  et  Clément  VIII  en  avaient  fait  les 
préparatifs,  et  le  célèbre  prédicateur  Jérôme  de  Narni,  de  l'or- 
dre des  capucins,  avait  travaillé  pour  cette  œuvre.  Le  pape  et 
son  neveu  lui  consacrèrent  des  sommes  importantes.  Il  mit  des 
sommes  considérables  à  la  disposition  de  l'ompereur  Ferdi- 
nand II,  et  quand  les  troupes  impériales  se  furent  emparées  de 
Heidelberg  (1622),  il  reçut  en  retour  une  partie  de  la  bibliothè- 
que du  prince  électeur  du  Palatinat.  Elle  fut  réunie  à  la  biblio- 
thèque du  Vatican.  Dans  la  querelle  entre  l'ALutriche,  l'Espa- 
gne et  la  France,  relative  à  la  Valteline,  dans  le  canton  des  Gri- 
sons, le  pape  prononça  en  arbitre.  11  se  montra  très  reconnais- 
sant envers  l'ordre  des  jésuites,  à  qui  il  devait  son  éducation  ; 
il  canonisa  son  fondateur  saint  Ignace,  ainsi  que  saint  Fran- 
çois Xavier.  En  1622,  il  érigea  Paris  en  métropole. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR    LE    N"  288. 

Ranke,  II,  p.  454-456.  Sur  l'élection  du  pape,  constitutions  JEterni 
Patris  et  Decet  Romanicm  Pontificem,  I62i  :  Bull.  Rom.,  XII,  619  et  seq.  ; 
Phillips,  K.-R.,  V,  §  255,  p.  846  et  suiv.  ;  Cingoli,  Ceremoniale  ritus 
elect.  Rom.  Pont.,  Rom.,  1621  ;  Lunadoro.  Relaz.  délia  Corte  di  Roma, 
ediz.  V,  Rom.,  1824;  Kopatsch,  Erledigung  und  Wiederbesetzung  des 
apost.  Slulhes,  Innsbr.,  1843.  Sur  la  Propagande,  conslilutious  Inscru- 
tabili,  1622  Romanum decet.  Cum  inter  multiplices{ïin\l.  Rom.,  V,  v,  p, 
26,  28,  78)  ;  Apostolatiis  officium,  1623  (ib.,  p.  112);  Cumnuper,  eod.  an. 
(Bull.  Propag.  Rom.  1839,  t.  I,  p.  26-30),  Phillips,  VI,  §  338  p.  662  et 
suiv.  Sur  les  travaux  préparatoires,  Coquelines,  Prœf.  ad  Maffei  Annal. 
Greg.  XIII,  P.  V.,  Fr.  Hicrothei  Epitomc  bist.  rer.  Franc,  p  362;  Cerri, 
État  présent  de  l'Égl.  rom.,  p.  289;  Ranke,  II,  p.  456  etsuiv.  ;  Fabric, 
Lux  salutar.  Ev,,  p.  566  et  seq.;  Bayer,  Bist,  congr.  card.  de  prop. 
lide.,  Regiomont.,  1670,  in-4°  Q.  Mejer,  die  Propaganda.,  2  vol.,  Gœtt., 
1852- —  A.  Theiner,  Schenkung  der  heidelberger  Bihl  durch  Ma.xim. 
1,  an  P.  Gregor  XV,  Munich,  1844.  L'Instruction  à  Léon  AUatius, 
qui  alla  chercher  la  bibliothèque  pour  l'emporter  à  Rome,  a  été  réim- 
primée par  Quade  (1622),  Baumgarteu  et  Gerdes  (enlat.);  mais  cette 
traduction  faite  sur  l'original  italien,  est  tout  à  fait  dénaturée  et  fautive 
(Rai)ke,  III,  p.  393  et  suiv.)  Décision  au  sujet  de  la  Valteline  et  auto- 
rité du  pape,  ibid.,  II,  p.  582  et  suiv.  Elévation  de  Paris  à  la  dignité 
de  métropole  : const.  84,  Universi,  20  oct.  1621.  Bull.,  éd.  Taur.,  XII, 
750. 


LE  CATHOLICISME.  G39 


Urbain  VIII. 


289.  Grégoire  XV  eut  pour  successeur  en  1623  le  cardinal 
Maffeo  Barberini,  qui  prit  le  nom  d'Urbain  VIII  (1623-164i). 
Né  à  Florence,  en  1568,  très  instruit  et  ami  des  sciences, 
Urbain  VIII  se  montra  également  habile  dans  toute  sorte 
d'all'aires.  Ses  talents  poétiques  sont  attestés  par  un  recueil 
d'excellentes  hymnes  religieuses,  par  des  vers  et  autres  tra- 
vaux qu'il  composait  dans  ses  heures  de  loisir.  Le  bréviaire 
romain  fut  corrigé  sous  son  règne  et  avec  sa  coopération  per- 
sonnelle, ot  introduit  dans  toute  l'Église  en  1643.  Il  agrandit 
les  pouvoirs  de  la  congrégation  pour  la  Propagation  de  la  foi, 
instituée  par  son  prédécesseur;  construisit  pour  elle  (1627)  un 
édifice  spécial,  avec  un  grand  séminaire  (appelé  collegium 
urbanum)  et  une  imprimerie  pour  les  missionnaires.  Il  publia 
des  ordonnances  sur  les  procès  de  canonisation  dans  la  congré- 
gation des  Rites,  et  donna  une  grande  attention  aux  questions 
liturgiques.  Il  publia  en  1627  la  bulle  In  cœ?ia  Domini,  dans  la 
forme  qu'elle  a  conservée  en  substance  jusqu'à  nos  jours,  sup- 
prima plusieurs  jours  de  fête  (1642),  et  restreignit  leur  nombre 
à  trente-huit,  non  compris  les  dimanches;  donna  aux  cardi- 
naux le  titre  d'Ëminence  (1630),  que  possédaient  déjà  les  princes 
électeurs  ecclésiastiques  et  le  grand  maître  de  l'ordre  de  Saint- 
Jean.  Dans  le  principe,  cependant,  il  les  consultait  rarement. 

Après lextinction  de  la  maison  de  la  Rovere  (1631),  il  réunit 
le  duché  d'Urbino  aux  État^  de  l'église,  dans  lesquels  il  ût  de 
très  nombreuses  améliorations  comme  souverain  temporel,  en 
construisant  des  forteresses  (Castelfratico),  en  fortifiant  le  châ- 
teau Saint-Ange,  en  établissant  une  fabrique  d'armes  à  Tivoli, 
eu  érigeant  la  ville  de  Civlta-Vecchia  en  port  franc.  Il  n'ap- 
prouvait pas  la  politique  espagnole-autrichienne,  et  tâcha  de 
garder  la  neutraUté  dans  les  grandes  guerres  de  son  temps, 
tuut  en  appuyant  l'empereur  lorsque  les  intérêts  religieux 
étaient  gravement  menacés.  Quand  les  Portugais,  en  1640, 
secouèrent  le  joug  de  l'Espagne  et  élevèrent  sur  leur  trône  le 
duc  Jean  de  Bragance,  le  pape  se  trouva  dans  une  situation 
difficile  :  car  l'Espagne  était  très  influente  en  Italie,  l'issue  de 
l'événement  incertaine,  et  dans  le  sacré  collège  les  opinions 


640  HISTOIRE    DE    l'ÉGLISE. 

étaient  partagées  sur  la  question  de  savoir  s'il  fallait  reconnaî- 
tre le  nouveau  roi.  C'était  reconnaître  indirectement  Jean  IV 
que  reconnaître  les  évêques  nommés  par  lui  ;  c'est  pourquoi  le 
pape  s'abstint.  On  ne  blâmait  dans  Urbain  VIII  qu'un  trop 
grand  empressement  à  favoriser  sa  famille,  qui  allait  pour  cette 
raison  se  trouver  dans  une  position  difficile  sous  les  pontificats 
suivants. 

OUTRAGES   A   CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUR   LE   N"  289. 

Délia  Viiadi  P.  Urbano  VIII,  par  Andréa  Nicoletti,  MS.  in-f°,  8  vol. 
Extraits  dans  Rauko,  III,  p.  433-441.  Situation  de  la  Vénétie,  ibid.  p. 
423-427,  428-431  ;  Vila  auctore  L.  Wadding,  Roma,  1628  ;  Strozzi, 
Storia  délia  fam.  Barberiui,  Roma,  1640;  Reumont  Beitr.  zur  ital.  Gesch. 
V,  p.  117  et  suiv.  Bulles,  au  BuUar.,  éd.  Chérubin,  t.  IV  et  v.  Const. 
Immortalis  Dei  Filius,  1"  aoiit  1627:  Bull.  Propag.,  1,  65  et  seq.;  Phil- 
lips, VI,  p.  666  et  suiv.  Sur  la  béatification  et  la  canonisation,  const. 
Sanctissimus,  1625  ;  Post  modum  vero,  eod.  an.  ;  Cœlestis  Ilierusalem, 
1634;  Sacrosancti,  1642  :  Bull.  Rom.,  V,  v,  p.  318,  387;  VI,  i,  p.  412  et 
seq.;  VI,  ii,  p.  321.  Const.  Pastoralis,  i^"  avril  1627:  ib.,  VI,  I,  p.  40; 
mon  ouvrage, p.  770-820;  ibid.,  p.  712  et  suiv.  sur  l'attitude  d'Urbain 
pendant  la  guerre  de  Trente  ans  ;  sur  le  titre  Éniinence  :  Phillips,  VI, 
§  21)1,  p.  281.  Mesures  dans  les  États  de  l'Église,  Ranke,  I^,  p.  537  et 
suiv.;  Simonin,  Sylvse  Urbanianse,  Antw.,  1637. 

Innocent  X. 

290.  Le  16  septembre  1644,  lecardinalJeanPamfili,do  Rome, 
était  exalté  sous  le  nomd'InnocentX.  Il  fit  instituer  une  enquête 
sévère  contre  les  parents  de  son  prédécesseur,  à  cause  des 
nombreuses  plaintes  élevées  contre  eux  et  du  vide  qu'il  trouva 
dans  le  trésor  pontifical.  Ils  se  réfugièrent  en  Franco,  et  obtin- 
rent, par  l'entremise  de  la  cour,  que  le  procès  serait  abandonné, 
qu'ils  rentreraient  dans  leurs  fonctions  et  dans  leurs  biens. 
Innocent  X,  irréprochable  dans  ses  mœurs,  travaillait  sans 
relâche,  malgré  ses  soixante-douze  ans.  Seulement  il  accorda, 
lui  aussi,  trop  d'influence  ä  ses  proches  dans  les  affaires  du 
gouvernement,  surtout  à  la  veuve  de  son  frère,  Olympie  Mal- 
dachini,  de  Viterbe,  versée  dans  les  affaires  d'État  et  à  laquelle 
il  a\ait  d'anciennes  obligations,  d'autant  plus  qu'elle  avait 
apporté  à  sa  maison  une  fortune  considérable.  Si  pur  que  fût 
le  pape  dans  ses  mœurs,  et  malgré  la  bonne  renommée  do  sa 


LE   CATHOLICISME.  641 

belle-sœur,  l'influence  de  celle-ci  ne  laissa  pas  d'indisposer  les 
esprits  et  d'engendrer  des  querelles  do  famille. 

Innocent  X,  du  reste,  avait  fort  à  cœur  le  bon  ordre  et  la 
tranquillité  de  Rome,  la  sécurité  des  personnes  et  des  proprié- 
tés, la  protection  dos  faibles  contre  les  puissants.  Le  duc  de 
Parme  ayant  confisqué  les  biens  d'un  grand  nombre  de  veuves 
et  d'orphelins  et  fait  assassiner  l'évèque  de  Castro,  le  pape 
procéda  énergiquement  contre  lui  ;  Castro  fut  pris  et  rasé,  le 
siège  épiscopal  transféré  à  Aquapendente  et  le  duc  obligé  de 
souscrire  à  un  accommodement  conclu  par  l'entremise  de 
l'Espagne,  qui  l'obligea  de  réparer  une  partie  de  ses  fautes. 
Innocent  X  montra  dans  cette  affaire  de  la  vigueur,  de  la 
prudence  et  de  la  fermeté.  Il  maintint  rigoureusement  les 
droits  de  l'Église  et  la  pureté  de  la  foi.  Seulement,  il  était 
inconstant  dans  ses  faveurs,  et  les  tristes  expériences  du  passé 
l'avaient  rendu  soupçonneux  dans  sa  dernière  vieillesse.  Il 
mourut  le  5  janvier  1655,  âgé  de  quatre-vingt-trois  ans. 

OUVRAGES   A    CONSULTER   ET   REMARQUES   CRITIQUES    SUB   LE   N"   290. 

Rossteuscher,  Hist,  lanoc.  X,  Vitenb,  1674,  in-4"  (ouvrage  médiocre.) 
Natal.  Alex.,  H.  EccI,  Suppl.,  t.  II,  p.  34  etseq.,  e.  Bing.,  1791  ;  Ranke, 
III,  p.  38-49,  451-456.  Lavita  di  Donna  Olimpia  Maldachini  L.  1666,  par 
Gualdi,  d'après  Gregoino  Leli,  parut  en  français  en  1770,  el  fut  tra- 
duite en  allemand  en  1783  ;  elle  a  été  utilisée  par  Schrœckh  et  autres  : 
ce  n'est  qu'un  roman  insignifiant   (Ranke,  III,  p.  450  et  suiv.) 


FIN    DU    TOME   CINQUIÈME. 


V.  — -  HIST.  DE  l'Église.  41 


TABLE   DES    MATIÈRES. 


SIXIEME  PÉRIODE. 
De  Boniiaoe  VIII  jusqu'au  commencement  du  XVIe   siècle. 

(SDITE.) 

CHAPITRE  II. 

LA   SCIENCE,   l'aBT  ET  LA  VIE  RELIGIEUSE. 

Les  universités  et  la  scolastique.  —  Les  universités  en  général    .    .  l 

L'université  de  Paris 3 

Le  réalisme  et  le  nominalisme 4 

Édit  du  roi  contre  les  nominalistes.  —  Le  réalisme  en  Allemagne.  7 
Théologiens  des  ordres  religieux.  —  Les  franciscains,  les  domini- 
cains, les  augustins,  les  carmes 8 

Mesures  contre  les  erreurs.  -  Pic  de  la  Mirandole .  -  Raimond  de 

yébonde.  —  Renaissance  du  thomisme 10 

Les   controverses    théologiques.   —  L'Immaculée   Conception    de 

Marie.  —  Théorie  scotiste  de  l'acceptation 12 

Controverse  sur  le  tyrannicide 15 

La  mystique.  —  La  mystique  en  général.  —  Gerson  et  la  mystique. 

—  Ruysbroek.  —  Dernières  années  de  Gerson 16 

La  «  Théologie  allemande  ».  —  Sociétés  de  mystiques.  —  Tauler, 

Suao,  etc jg 

Saints  personnages  des  deux  sexes 22 

Morale  et  droit  canon _  ai 

L'humanisme.  —  Les  études  classiques 26 

Les  humanistes  en  France  et  en  Italie.  —  Dante.  —  Pétrarque.  — 

Boccace.  —  Chrysoloras.  —  Traductions 27 

Éclat  des  études  classiques  en  Italie 29 

L'imprimerie 3q 

L'humanisme  en  Allemagne 31 

Sociétés  savantes  en  Allemagne 33 

Erasme.  —  L'humanisme  en  France,  en  Angleterre  et  en  Espagne.  35 
Situation  de  l'humanisme  vis-à-vis  de  la  théologie  et  de  l'Église.— 
Attitude  bienveülante  de  l'Église  et  des  théologiens  en  face  de 

l'humanisme o^ 

Ecarts  des  humanistes .    _  3g 

Lutte  des  humanistes  et  des  théologiens.— Controverse  de  Reuchlin  40 

Les  études  historiques.  —  Travaux  historiques 4â 


644  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Les  éludes  bibliques.  —  Progrès  de  l'exégèse  biblique.  —  Nicolas 

de  Lyre.  —  Tostat.  —  La  première  Polyglotte 43 

Orientalistes   en   Italie  et  en  Allemagne.  —  Érasme  et  Le  Fèvre 

d'Étaples 46 

Traductions  de  la  Bible  en  langue  vulgaire 48 

La  prédication  et  l'instruction  du  peuple.  —  La  prédication     ...  49 

Livres  d'instruction  et  d'édification 51 

Le  culte  et  l'art  religieux.  —  Le  service  divin.  —  Les  fêtes.  —  Le 

jubilé.  —  Les  indulgences.  —  La  bulle  sur  l'Eucharistie.     ...  53 

La  poésie.  —  La  musique. 56 

L'architecture 58 

La  peinture,  la  sculpture  et  la  gravure 60 

La  vie  religieuse  et  morale.       Crimes  et  abus 62 

La  superstition 65 

Les  beaux  côtés  de  cette  période 68 

CHAPITRE  III. 

l'église   en  face   des  infidèles,  des  sghismatiques   et  des 
hérétiques. 

Rapports  de  l'Église  avec  les  juifs  et  les  mahométans.  —  Les  juifs.  — 

L'Inquisition  politique  en   Espagne.  —  Les  Sarrasins 70 

Nouvelles  découvertes.  —  Les  peuples  païens  de  l'Afrique  et  do 
l'Amérique.  —  Découverte  des  îles  Canaries  et  ues  côtes  occiden- 
tales de  l'Afrique.  —  Commerce  des  esclaves 72 

Conversions  en  Afrique.  —  Influence  de  l'Église 75 

Circumnavigation  de  l'Afrique 76 

Découverte  de  l'Amérique 77 

Progrès  du  Portugal.  —  Bulle  d'Alexandre  VI •    .  79 

Travaux  des  missionnaires 80 

Les  esclaves  nègres 82 

Les  peuples  de  l'Amérique 83 

Lei  schismatiques  et  les  hérétiques  de  l'Orient. 

Le  Schisme  grec  et  l'Union  de  Florence.  —  L'empire  grec.  —  Négo- 
ciations avec  les  papes 84 

Elïorts  de  Martin  V  et  d'Eugène  IV  en  faveur  de  l'Union    ....  86 

Dix-septième  concile  général  de  Ferrare-Florenco 89 

Suite  du  concile  de  Ferrare-Florence 92 

Discussions  à  Florence  sur  la  procession  du  Saint-Esprit 93 

Nouvelles  discussions 98 

Autres  controverses 97 

Discussions  sur  la  primauté  du  pape 98 

Décret  d'union 99 

ssue  des  négociations  des  Florentins  avec  lea  Grecs 102 

Les  destinées  de  l'Union  après  le  concile  de  Florence.  —  Vive  résis- 
tance contre  l'Union 103 


TABLE   DES   MATIÈRES.  64S 

Fin  de  l'empire  grec lOö 

Domination  des  sultans  turcs 106 

Les  Monocbitones 107 

Littérature  grecque 108 

Les  Arméniens.  —  Travaux  des  papes  et  des  frères  prêcheurs  en 

faveur  des  Arméniens.  —  Rupture  de  l'union  avec  Rome.    .    .    .  lOQ 

L'Union  de  Florence 111 

Les  autres  Orientaux.  —  Les  Coptes  et  les  Éthiopiens.  —  Décret 

pour  les  jacobites 112 

Continuation  à  Rome  du  concile  do  Florence 113 

Les  Chaldéens  et  les  Maronites 114 

Nouvelles  hérésies. 

Le  Palamitisme.  —  Les  Hésychastes Ho 

Barlaam  contre  Palamas 117 

Acindynus  contre  les  moines.  —  Conciles  au  sujet  de  Palamas.    .  118 

Triomphe  définitif  des  palamites 119 

Wiclef  et  son  hérésie.  —  Jean  Wiclef 121 

Informations  sur  la  doctrine  de  Wiclef -    .  124 

Audace  croissante  de  Wiclef 125 

Condamnation  et  mort  de  Wiclef 127 

Système  de  Wiclef 127 

Les  wicléfistes.  —  Mesures  contre  eux 129 

Principal  soutien  des!  wicléflstes 132 

Les'  hérétiques   de    la   Bohême.  —  Jean  Hus.  —  Situation  de  la 

Bohême.  —  Égarement  religieux  parmi  les  Tchèques 134 

L'épiscopat  de  Bohême.  —  Controverses  sur  l'Eucharistie    ....  137 

Jean  Hus.  —  Discussions  sur  la  doctrine  de  Wiclef 138 

Hus  est  suspendu  de  son  office  de  prédicateur.  —  Nouvelle  organi- 
sation de  l'université  de  Prague 141 

Appel  de  Hus  au  pape  de  Pise.  —  Tumulte  à  Prague.  —  Condam- 
nation de  Hus  et  sa  résistance 142 

Justification  de  Hus 144 

Autres  travaux  de  Jean  Hus 146 

Doctrine  de  Hus ......  148 

Hus  à  Constance.  —  Son  interrogatoire 130 

Intervention  de  la  noblesse  de  Bohême  en  faveur  de  Hus    ....  152 

Condamnation  de  Hus.  —  Sa  morf^ 133 

Procès  et  mort  de  Jérôme  de  Prague 133 

Les  Hussites  en  Bohême  et  en  Moravie.  —  Introduction  à  Prague  de 

la  communion  sous  les  deux  espèces 156 

Désordres  et  excès  en  Bohême 157 

Révolution  hussite 159 

Les  quatre  demandes  des  hussites.  —  Leurs  divisions 160 

Les  Picards  et  autres  sectaires 162 

Guerres  hussites.  —  Négociations  avec  le  concile  de  Bûle   ....  162 

Les  compactats  d'Iglau 164 


646  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Antres  éyénements  en  Bohême ...  166 

Les  légats  du  Saint-Siège  en  Bohême 167 

Les  frères  bohémiens  et  les  frères  moraves 169 

Petites  sectes  et  hérétiques  isolés.  —  La  secte  du  Libre-Esprit  et 

autres  hérésies  analogues 169 

Les  apocalyptiques 171 

Les  flagellants 172 

Les  Amis  de  Dieu 174 

Les  hérésies  en  Angleterre 174 

Hérésies  en  d'autres  pays 175 

Écarts  de  quelques  réguliers 176 

Jean  Wesel 177 

Jean  Wessel 178 

Jean  Pupper  de  Goch 180 

Ruisswick.  —  Symptômes  de  nouvelles  révoltes  contre  la  foi  et 

l'Église 180 


TROISIEME  EPOQUE. 

LES  TEMPS   MODERNES. 

SEPTIÈME  PÉRIODE. 
De  la  fin  du  quinzième  siècle  au  traité  de  Westphalie  (1648). 

INTRODUCTION. 

DIFEÉRENCE  ENTRE   LES   TEMPS   MODERNES   ET  LE   MOYEN  AGE. 

CHAPITRE  PREMIER. 

LE   PROTESTANTISME. 

Origine  et  formation  première  du  protestantisme.  —  Mouvement 
religieux  produit  en  Allemagne  par  Luther.  —  Luther  et  ses  pre- 
miers agissements iOO 

Théorie  dô  Luther  sur  la  justification 192 

Publication  des  indulgences  sous  Léon  X.  —  J.  Tetzel 193 

Thèses  de  Luther  contre  les  indulgences 196 

Polémique  sur  les  indulgences 197 

Premiers  succès  de  Luther 198 

Opposition  des  théologiens  contre  Luther 199 

Controverse  de  Heidelberg 201 

Attitude  du  Saint-Siège 202 

Luther  à  Augsbourg  devant  le  cardinal  Cajétan 203 

Le  prince  électeur  Frédéric  favorable  h  Luther 206 

Bulle  sur  les  indulgences.  —  Mission  de  Miltiz 206 

Mort  de  Tetzel.  —  Bravades  de  Luther 208 

La  dispute  de  Leipzig 209 


TADLE   DES   MATIÈRES.  647 

Suite  de  la  controverse  de  Leipzig 210 

Mélanchthon 213 

Audace  croissante  de  Luther 215 

Écrits  de  Luther 217 

Luther  condamné  par  Léon  X 218 

Système  de  Luther 219 

Publication  de  la  bulle  d'excommunication.  —  Elle  est  tournée  en 

dérision  et  livrée  aux  flammes 224 

La  diète  de  Worms  (1521).  —  Luther  à  la  Wartbourg  et  à  "Witten- 
berg. —  La  diète  de  Worms 226 

Luther  à  Worms 228 

Charles-Quint  et  Luther 230 

Départ  de  Luther.  —  Sa  prétendue  captivité,  —  Édit  de  Worms.  — 

Le  ban  de  l'empire.  —  Ses  effets 231 

Révolte  des  luthériens  contre  l'édit  de  Worms 232 

Partisans  de  Luther • 234 

Dispositions  intérieures  de  Luther.  —  Ses  travaux  à  la  Wartbourg.  237 

Troubles  à  Wittenberg.    .     • 238 

Les  anabaptistes 239 

Retour  de  Luther  à  Wittenberg 210 

Autres  travaux  littéraires  du  réformateur 243 

Traduction  de  la  Bible  par  Luther 244 

Controverse  de  Luther  avec  Henri  VIII 246 

Controverse  de  Luther  avec  Érasme 247 

Les  diètes  de  Nurenberg  en  1322  et  1524.  —  Adrien  VI.  Ses  efforts 

auprès  de  la  diète  de  Nurenberg 249 

Négociations  de  Nurenberg 230 

Édit  publié  par  les  États 232 

Dernières  démarches  d'Adrien  VI 232 

Clément  VII  et  la  nouvelle  diète  de  Nurenberg 233 

Le  décret  de  Nurenberg • 255 

Délibérations  à  Rome.  —  Mesures  de  l'empereur 256 

Travaux  de  Campeggio 257 

Les  guerres  de  paysans.  —  Mariage  de  Luther.  —  Son  règlement 

ecclésiastique.  —  Insurrections  de  paysans 239 

Insurrections  dans  la  Souabe,  la  Franconie,  la  Thuringe,  etc  .    .     .  260 

Médiation  de  Luther 262 

Défaite  des  paysans 263 

Luther  et  Mélanchthon  contre  les  paysans  vaincus 264 

Victimes  de  la  guerre  des  paysans 266 

Mariage  de  Luther 267 

Nouveaux  règlements  religieux.     .    • 268 

La  réforme  en  Prusse,  dans  la  Hesse,  à  Anspach  et  dans  beaucoup 

de  villes  impériales 270 

Les  événements  depuis  1326  jusqu'en  1530.  —  Ligue  de  Torgau.  — 

Diète  de  Spire  en  1526 272 

L'imposture 'de  Pack 273 


C48  TABLE    DES   MAI  1ÈRE  S. 

Clément  VII  et  l'empereur ,    .     .  271 

Le  sac  de  Rome 276 

Protestation  de  Charles-Quint  contre  la  prise  de  Rome 277 

Diète  de  Spire  (1329) 279 

Les  protestants  .     .    .    .    , 280 

L'agitation  religieuse  en  Suisse  et  ses  conséquence*. 

Zwingle  et  son  système.  —Situation  de  la  Suisse 281 

Zwingle.    ..." 282 

Zwinple  prêche  contre  les  indulgences  et  demande  le  mariage  des 

prôtres 284 

Colloque  religieux  de  Zurich 283 

Réforme  de  Zwingle  à  Zurich 286 

Négociations  avec  d'autres  cantons.  —  Zwingle  et  les  anabaptistes.  287 

Les  réformateurs  à  Bûle,  à  Berne  et  en  d'autres  cantons 388 

La  Réforme  à  Schaffouse,  Glaris,  Berne,   etc 289 

La  dispute  de  Bade  et  ses  suites 290 

Guerre  heWétique.  —  Mort  de  Zwingle  et  d'Œcolampade 291 

Système  de  Zwingle ,     .  292 

Points  de   contact   et  de  divergence  entre  Zwingle   et  Luther.  — 

Théorie  de  la  Cène 29 

Luther  et  Zwingle.  —  Querelle  des  sacramentaires.  —  Doctrine  de 

Luther  sur  la  présence  réelle 293 

Controverse  des  théologiens.  —  Polémique  de  Luther.  —  Théorie  de 

l'impanation  et  de  l'ubiquité 296 

Argumentation  de  Zwingle.  —   Luther  invoque  le   témoignage    de 

l'ancienne  Église 298 

Tentatives  de  conciliation 299 

Progrès  de  la  révolution  religieuse  en  Allemagne. 

La  diète  d'Augsbourg  de  1530.  —Ouverture  de  la  diète  d'Augsbourg  301 

Réfutation  de  la  Confession  d'Augsbourg 303 

Négociations  sur  les  points  divergents 303 

Apologie  de  la  Confession  d'Augsbourg 308 

Confession  des  quatre  villes  et  de  Zwingle  . 310 

Les  négociations  depuis  1330  jusqu'en  1339.  —  Attitude  hostile  des 
protestants  envers  l'empereur.  —  Alliance  de  Smalkalde.  —  Dé- 
tresse et  concessions  de  l'empereur - 311 

Première  pacification  religieuse  de  Nurenberg 313 

Négociations  h  propos  du  concile 31  i 

Progrès  du  luthéranisme 313 

Travaux  de  Paul  III  eu  faveur  du  concile.  —  Articles  de  Smalkalde.  3t7 

Obstacles  au  concile 319 

Préparatifs  d'un  nouveau  colloque 321 

Le  semi-lulhé  anisme  et  le  premier  intérim.  —  Le  semi-luthéranisme  322 

Philippe  de  liesse  et  Bucer.  —  Disputes  de  "Worms  et  de  Ratisbonne  324 

Colloque  de  Ratisbonne 323 

Premier  intérim  de  Ratisbonne 327 


TABLE    DES   MATIÈRES.»  649 

Les  événements  depuis  1541  jusqu'en  1546.  »—  Polygamie  du  land- 
grave de  Hesse 330 

Violences  des  protestants.  —  Troubles  de  Cologne 333 

Négociations  de  154-2  et  1513 " 336 

Diète  de  Spire  en  1554.  —  Diète  de  Worms  en  1515.  —  Deuxième 

colloque  de  Ratisbonne • 337 

Mort  de  Luther.  —  Son  caractère. 

Tristes  expériences  du  réformateur  de  Wittenberg 340 

Continuation  de  la  polémique  de  Luther 342 

Contradictions  de  Luther  au  sujet  de  sa  mission 343 

Contradictions  de  Luther  sur  la  nécessité    d'accréditer  sa  vocation 

par  des  miracles , 345 

Caractère  de  Luther 347 

Derniers  jours  de  Luther 349 

Succès  de  l'empereur  contre  les  alliés  de  Smalkalde 351 

Mésintelligence  entre  l'empereur  et  le  pape 353 

2«  Intérim  (d'Augsbourg).  — 3«  Intérim  (de  Leipzig) 354 

Les  protestants  représentés  à  Trente 356 

Trahison  de  Maurice  de  Saxe 357 

Traité  de  Passau 358 

Convention  de  Naurabourg.  —  Paix  religieuse  d'Augsbourg   .    .     .  360 

Abdication  de  Charles-Quint.  —  Sa  mort 362 

Philippe  II  succède  à  Charles-Quint 363 

Co7itinuation  de  la  re'forme  en  Suisse.  —  Le  calvinisme. 

Rapports  entre  la  Suisse  allemande  et  la  Suisse  française  .    .     ,    .  364 

Jean  Calvin '. 366 

Travaux  de  Calvin  à  Genève.  -  Son  expulsion  et  son  retour    .     .     .  368 

Organisation  des  affaires  religieuses  à  Genève 369 

Tyrannie  de  Calvin 370 

L'Académie   de  Calvin.  —    »   Consensus  Tigurinus.   »  —  Mort  de 

Calvin  et  de  Farel 372 

Théodore  de  Bèze 730 

Dogmatique  de  Calvin 374 

Propagation  du  protestantisme  dans  les  différents  pays. 

'En  Allemagne.  —  Les  métropoles  du  protestantisme  allemand    .    .  377 

Luttes  dans  les  universités  allemandes.  —  Les  expectants  ....  379 
Vieux  théologiens  dévoués   à  l'Église.  —  Lea   réformateurs    dons 

quelques  provinces  et  localités , 381 

Disciples  de  Luther 383 

Le  protestantisme  en   Prusse  et  en  Siîésie,  en  Pologne  et  en  Hon- 
grie. —  Le  protestantisme  en  Prusse   .     .     .     .     • 384 

Le  protestantisme  en  Silésie 386 

Le  protestantisme  en  Pologne 388 

Diète  de  Pétrikau.  —  Paix  de  Varsovie.     ...         389 

Défections  dans  l'épiacopat.  —  Le  cardinal  Hosius 'dQ4 


630  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Le  protestantisme  en  Livonie  et  en  Courlande 392 

Le  protestantisme  en  Hongrie 393 

Le  protestantisme  en  Transylvanie 393 

Le  protestantisme  en  Scandinavie.  —  La  Suède  sous  Gustave  Wasa.  397 

Diète  de  Westerses.  —  Astuce  de  Gustave  Wasa 398 

Éric  XIV 399 

Tentatives  de  Jean  III  pour  restaurer  le  catholicisme 400 

Nonciature  de  Possevin  en  Suède. 402 

Le   roi  Sigismond 403 

Diète  de  Suderkoeping.  —  Ses  suites 404 

Sigismond  détrôné  par  le  duc  Charles 40S 

Le  protestantisme  en  Danemark 406- 

Christian  III.  —  Abolition  définitive  du  catholicisme 408 

Le  protestantisme  en  Norwège  et  en  Islande 409 

Le  protestantisme  en  A7igleterre 

Le  protestantisme  sous  Henri  VIII.  —  Mariage  de  Henri  VIII.     .    .  410 

Négociations  des  juges  délégués 412 

L'aifaire  de  Henri  VIII  devant  le  Saint-Siège.     .     • 413 

Cranmer  prononce  le  divorce  de  Henri  VIII.  —  Décision  du  pape.  415 
Rupture  complète  de  Henri  VIII  avec  Rome.  —  Serment  de  supré- 
matie et  de  succession 416 

Pillage  des  églises  et  des  couvents 418 

Thomas  Morus  et  l'évoque  Fisher 419 

Fureur  de  Henri  VIII  contre  ses  femmes 420 

Le  schisme  anglican 421 

Le  protestantisme  sous  Edouard  VI.  —  Edouard  VI.  —  L'Angleterre 

devient  protestante 422 

Les  quarante-deux  articles.  —  Nouveau  code  religieux 424 

Les  protestants  suus  le  règne  de  Marie.  —  Rétablissement  du  «  statu 

quo  »  de  Henri   VIII 425 

Restauration  du  catholicisme.  —  Sévérité  de  Marie.  —  Sa  mort.    .  427 

Les  protestants  sous  le  règne  d'Elisabeth 

Attitude   religieuse  d'Elisabeth 429 

L'Angleterre  redevient  protestante.  —  Les  trente-neuf  articles  de 

l'Église  anglicane 430 

Les  non- conformistes 432 

Persécution   des  catholiques 433 

Nouveaux  bills  contre  les  catholiques 434 

Séminaires  de  Douai  et  de  Rome.  —  Héroïsme  des  missionnaires 

catholiques.  —  Supplice  de  Marie  Stuart 436 

Les  protestants  sous  Jacques  h^  et  Charles  l'r.  —  Jacques  I".  —  La 

conjuration  des  poudres.  —  Le  serment  de  fidélité 438 

Paul  V  et  le  serment  de  fidélité 440 

Règne  malheureux  de  Charles  I" 442 

Révolution  d'Angleterre 443 

Exécution  du  roi 444 


TABLE    DES   MATIÈRES.  651 

Le  protestantiâme  en  Ecosse.  —  Les  protestants  écossais.  —  Jean 

Knoi U6 

Rébellion  en  Ecosse 447 

Oppression  du  catholicisme.  —  Marie  Stuart  en  Ecosse 449 

Abdication  et  fuite  de  Marie  Stuart 450 

Affermissement  de  la  constitution  presbytérienne.  —  Impuissance 

de  la  royauté 451 

Jacques  I",  roi  d'Angleterre 432 

Révolte  contre  Charles  I" 452 

Le  protestantisme  en  Irlande.  —  Les  Irlandais  sous  Henri  VIII, 
Edouard  VI  et  Marie.  —  Lutte  sous  le  règne  d'Elisabeth.  —  Per- 
sécution des  catholiques 434 

Détresse  croissante  de  l'Irlande 453 

Cromwell  en  Irlande 436 

Le  protestantisme  en  France.  —  Fauteurs  du  protestantisme.  — 

Mesures  contre  les  novateurs 457 

Négociations  avec  les  protestants  d'Allemagne.  —  Mesures  sévères 

du  roi 461 

Mouvements  protestants 463 

Les  événements  sous  Henri  II 464 

Puissance  croissante  des  calvinistes.  —  Conjuration  d'Amboise  .     .  466 
Nouveaux  édils.  —  Deuxième  conjuration  de  Condé.  —  Les  calvi- 
nistes favorisés  par  la  cour 467 

Colloque  religieux  de  Poissy 468 

Édit  de  tolérance  et  cruautés  des  calvinistes.  —  Première  guerre 

de  religion 470 

Traité  d'Amboise.  —  Deuxième  guerre  de   religion.  —  Nouvelle 

paix  religieuse.  —  Retrait  des  concessions 472 

Tnoisième  guerre  de  religion.  —  Rétablissement  de  la  liberté  des 

cultes 474 

La  Saint-Barthélémy 476 

Quatrième  guerre  de  religion.  —  Mort  de  Charles  IX.  —  Henri  III. 

—  Nouvelle  paix  religieuse 479 

La  ligue.  —  Cinquième  et  sixième  guerres  de  religion 480 

Nouvelles  irrésolutions  du  roi.  —  La  Ligue  et  le  Saint-Siège.     .     .  481 

Derniers  temps  de  Henri  III.  —  Ses  crimes  et  son  assassinat.     .     .  482 

Henri  IV  et  sa  conversion 483 

L'édit  de   Nantes 485 

Troubles    excités    par  les    calvinistes.    —   Ils    sont   réprimés  par 

Richelieu 486 

Le  protestantisme  dans  les  Pays-Bas.  —  Domination  de  Charles- 
Quint  dans  les  Pays-Bas.  —  Mécontentement  sous  Philippe  II.     .  488 

Les  gueux 491 

Le  duc  d'Albe.  —  Révolte  contre  l'Espagne 492 

Guillaume  d'Orange.  —  Pacification   de  Gaud.  —  Séparation  de  la 

Belgique  et  de  la  Hollande 493 

La  répubhque  hollandaise 494 


65'2  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Progrès  du  protestantisme  en  Espagne  et  en  Italie.  —  Les  protes- 
tants d'Espagne 493 

Les  protestants  en  Italie ' 497 

De  Dominis,  —  Paul  Sarpi 499 

Unitaires  et  sociniens 501 

Doctrine  des  sociniens 501 

Comparaison  des  luthériens  et  des  sociniens 503 

Réaction  en  Pologne  contre  les  sociniens 504 

Jordan  Bruno 503 

Causes  de  la  propagation  du  protestantisme 506 

Constitution  intérieure  du  protestantisme. 
Les  Églises  nationales  luthériennes  en  général.  —  Mélanchthon  et 

ses  adversaires.  —  Les  Églises  protestantes 509 

Querelles  théologiques. 

1"  Parmi  les  luthériens.  —  L'antinomisme 512 

Controverse  d'Osiandre 510 

Controverses  kargieuues 519 

Controverse  sepinienne 520 

Controverse  adiaphoriste 521 

Le  majorisme 522 

Le  synergisme 523 

Mesures  contre  les  luthériens 524 

DilTérence  des  flaciens  et  des  luthériens 525 

Le  cryptocalvinisme 526 

Controverse  sur  l'inamissibilité  de  la  foi  et  de  la  grâce 528 

Le  Livre  de  Torgau  et  de  Bergen 529 

Calixte  et  les  syncrétistes 533 

Controverses  théologiques  parmi  les  calvinistes. 

Les  supralapsaires  et  les  infralapsaires.  —  Les  arminiens  et  les 

gomarisles.  —  Les  remontrants hS6 

Lutte  entre  les  deux  partis.  —  Synode  de  Dordrecht 537 

Doctrine  des  arminiens.  —  Les  collégiens 539 

Les  partis  calvinistes  en  Angleterre  et  en  France 341 

Petites  sectes,  protestantes. 

Les  anabaptistes   à  Munster 542 

Les  anabaptistes  en  d'autres  pays 545. 

Les  schwenkfeldiens 540 

Séjour  de  Schwenkfeld  dans  différentes  villes 54B 

Renaissance  des  anciennes  hérésies.  —  Les  weigéliens 550 

Theosophie  de  Bœhme ö53 

Incrédules  divers 555 

Travaux  de  théologie. 

L'exégèse *S6 

Principaux  exégètes  protestants •    ...  558 


TABLE   DES   MATIÈRES.  653 

La  dogmatique.  —  La  mystique 339 

L'homilétique  et  la  caléchiitique 361 

Le  culte  et  la  discipline.  —  La  prédication  et  autres  actes  du  culte. 

—  Le  chant  ecclésiastique ,    .     .    .  56-2 

La  discipline  ecclésiastique 364 

EfiFets  du  protestantisme.  —  Fruits  pernicieux  de  la  nouvelle  doc- 
trine    365 

CHAPITRE  IL 

LE  CATHOLICISME.  —  LA  RÉACTION  CATHOLIQUE  CONTEE  LES  NOVATEURS. 

Considérations  générales j    •     •    368 

Travaux  des  papes  et  du  concile  de  Trente. 
Paul  III  et  la  première  période  du  concile  de  Trente.  —  Travaux  de 

Paul  III  pour  la  réforme 369 

Le  concile  de  Trente  (XIX'  concile  œcuménique).  —  Les  trois  pre- 
mières sessions 571 

Quatrième  session 576 

Cinquième  session 579 

Sixième  session 381 

Doctrine  du  concile  de  Trente  sur  la  justification 382 

Septième  session.— Décret  de  la  huitième  session  pour  la  translation.    383 

Neuvième  et  dixième  sessions .     .    586 

Suspension  du  concile 387 

Mort  de  Paul  III 588 

Jules  III  et  la  seconde  période  du  concile  de  Trente.  — Jules  III    .    588 

Sessions  XI*.  —  XVl'^  du  concile  de  Trente 389 

Décrets  des  XIIP,  XIV'  et  XV=  sessions 390 

Marcel  II  et  Paul  IV 592 

Travaux  de  Paul  IV  pour  la  réforme.  Son  népotisme.  Sa  politique. 
Sa  lutte  contre  Philippe  d'Espagne.  Il  éloigne  ses  proches    .     .    593 

Nouvelles  réformes , 395 

Pie  IV  et  la  troisième  période  du  concile  de  Trente.  —  Pie   IV  et 

Charles  Borromée.  —  Travaux  en  vue  du  Concile 596 

Dispositions  de  l'Allemagne.  —  Colloque  de  Worms.  —  Attitude  de 

l'empereur  Ferdinand .    597 

Nouvelle  convocation  du  concile.  —  Travaux  des  nonces.  —  Pré- 
paratifs du  concile 399 

XVII'-XX«  sessions 600 

XXI«  session 603 

XXIIe  session 604 

Situation  difficile  du  concile 605 

Morone  et  l'empereur  Ferdinand ö07 

L'autorité  du  pape  et  l'autorité  des  évêques 608 

XXIII»  session 610 

Difficultés  du  coté  des  souverains 612 

XXIV«  session 613 


654  TABLE   DES   MATIÈRES. 

XXV«  session 615 

Derniers  décrets  du  concile  de  Trente 616 

Fin  du  concile.  —  Son  importance  et  son  exécution.  —  Travaux  de 

Pie  IV.  —  Sa  mort 617 

Les  trois  grands  successeurs  de   Pie  IV.  —  Saint  Pie  V.  —  Son 
caractère.  -  •  Travaux  pour  la  réforme  de  Rome  et  de  l'Italie  .     .    628 

État  de  l'Italie.  —  Saint  Charles  Borromée 621 

Catéchisme  des  curés.—  Correction  des  livres  liturgiques.—  Disci- 
pline monastique  et  résidence  des  évoques.  —  Mesures  salutaires.    622 
Influence  de   Pie  V  sur  les  États  catholiques.  —  Victoire  sur  les 

Turcs.  —  Mort  de  Pie  V 624 

Grégoire  XIII 62a 

Grégoire  XIII  augmente  et  améliore  les  établissements  d'instruction 
ecclésiastique.  —  Correction  du  calendrier.  —  Édition  du  «Corpus 

juris  canonici  ».  —  Institution  des  nonciatures 626 

Protection  accordée  aux  hommes  de  mérite.—  Insuccès  politiques.    628 

Sixte-Quint.  —  Services  rendus  aux  États  de  l'Église 629 

Relations  de  Sixte-Quint  avec  les  États  voisins,  avec  ses  compa- 
triotes et  ses  proches.  —  Nouvelle  édition  des  Septante.  —  Lois 

ecclésiastiques.  —  Mort  de  Sixte-Quint 631 

Les  papes  depuis  1590  jusqu'en  1635.  —  Urbain  VIL  —  Grégoire  XIV. 

Innocent  IX.  —  Clément  VIII 633 

Léon  XI.  —  Paul  V 634 

Luttes  de  Paul  V  avec  Venise 635 

Grégoire  XV.  —  Règlement  sur  l'élection  du  pape.  —  La  Propa- 
gande. —  Secours  fournis  à  l'empereur 637 

Urbain  VIII 639 

Innocent  X 640 


FIN  DE  LA   TABLE. 


BESANCON.  —  IMP.  F.  RAilEAUX-.MAYET. 


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