This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at |http : //books . google . corn/
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer r attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
À propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse ] ht tp : //books .google . corn
Qlo
HISTOIRE
DE
SAINTE -BARBE
PARIS. — IMPRIMERIE DE CH. LAHURE
Rue de Fleurus, 9
HISTOIRE
DE
I «
SAINTE-BARBE
COLLÈGE, COMMUNAUTÉ, INSTITUTION
^PAR
J.^QUICHERAT
Professeur à racole impériale des Chartes
TOME TROISIÈME
PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET C"
BOULBVARD SAINT-GERMAIN, N« 77
1864
Droih de traduction réaitvé
— X o -n
n o o 00 >
ir
o
^
{O
r-
(/^
o
(/)
"•n
^
P
^
c:
?"
O
o
X
-5
-5
t/5
=5
(/)
"f^
C/)
0)
Q_
no
3
0)
m
^1
Q_
m
m
cr
O
co
?"
Z5
n
nj-
0)
w
<
ju-
co
0)
U)
JU
o
w
(^
HISTOIRE
DE
SAINTE-BARBE.
QUATRIÈME PARTIE.
SAINTE-BARBE MODERNE.
CHAPITRE I.
Les établisseidexits dUnstruction publique à Paris après la crise révolu-
tiounaire. — M. de Linne-iu sous-directeur à Tlnstitut des Boursiers
de rE|;alité, depuis Prytanée français. — Restauration de Sainte-
Barbe sous le nom de Collège des Sciences et des Arts. -^ Société de
M. de Lanneau et de M. Miellé.
Après avoir tout détruit en matière d'enseignement^
pour être plus sûre que ce qui se referait ne ressem-
blerait pas à ce qui avait existé auparavant^ la Révo-
lution légua aux régimes qui lui succédèrent beaucoup
de lois sur le papier, des programmes magnifiques et
l'appélit qui résulte d'une privation prolongée.
3 HISTOIRE
Les Écoles centrales furent la forme sous laquelle
on essaya celle de ses conceptions qui tendait à rem-
placer Tinstruction donnée autrefois dans les collèges.
Mais les Écoles centrales eurent le malheur de se
ressentir de la politique du moment qui les vit éclore.
On mutila les projets atitérieurs, afin de détruire toute
apparence de l'oppression dont on avait tant souffert
au nom de l'Égalité et de la Souveraineté du peuple.
On se lais3a conduire par la préoccupation exclusive de
ne pas faire du corps enseignant un nouveau clergé, et
de ne pas usurper le droit des citoyens. La République
se dessaisit, par le fait, de l'éducation de la jeunesse, et
ne prit à sa charge qu'une partie de l'instruction. Le
soin de débrouiller les esprits, celui d'y faire entrer
les éléments des coiînaissances et les idées premières
en toutes choses, elle laissa cela aux particuliers, sans
se demander si les particuliers étaient capables de se
tirer d'une tâche si difficile. Ce fut assez pour elle
d'imposer la distribution des éludes et d'en gouverner
l'esprit à partir de l'âge où la raison commence à se
former. Le régime des classes fut aboli ; il y eut, à la
place^ des cours libres où l'on fut admis sans avoir
d'autres formalités à remplir que celles de l'inscription
et d'une légère rétribution que Ton payait aux pro-
, fesseurs. Ceux-ci furent nommés à l'examen par un
jury départemental. Leur unique obligation fut de s'ac-
quitter exactement de leurs leçons sous la surveillance
de l'un d'entre eux, qui était le président de l'École.
La création de cinq Écoles centrales avait été
décrétée pour Paris. 11 n'y en eut jamais que trois ;
celles du Panthéon, des Quatre-Nations et de la rue
Saint-Antoine, établies respectivement dans les ci-
DE SAINÏE-BARBE. 3
devant Abbaye de Sainte-Geneviève, Collège Mazarin
et Noviciat des Jésuites.
Outre ces établissements, la capitale posséda l'In-
stitut des Boursiers de l'Égalité (ancien collège Louis-
le-Grand), exclusivement réservé aux jeunes gens
dont l'éducation était payée soit par les fondations
anciennes, soit par le gouvernement'. Là un corps
de professeurs appartenant tous à la ci-devant Uni-
versité s'essayaient péniblement à oublier les vieux
programmes, afin de se conformer au vœu des lois.
La plupart des élèves n'apprenaient guère autre
chose que le français, l'histoire et les sciences exactes
ou naturelles* Quelques-uns seulement, qui dési-
raient acquérir la connaissance approfondie de la
littérature, suivaient les Écoles centrales. Tous, étant
pensionnaires, accomplissaient leur travail sous la
surveillance de sous- maîtres.
M. Champagne, que la Révolution avait rendu prin-
cipal de Louîs-le-Grand en 1791, garda le gouverne-
ment de la maison sous tous les régimes qui suivirent,
et se trouva en dernier lieu directeur de l'Institut des
Boursiers. C'était un homme d'un esprit très-orné et
passionné pour son état, mais dépourvu des façons qui'
imposent à la jeunesse. Il déploya une activité et un
courage à toute épreuve pour défendre l'existence de
rétablissement contre ceux qui parlaient de le détruire ;
il l'empêcha de succomber à la langueur produite en
94 par la suspension provisoire des bourses et par la
présence d'une partie des élèves sous les drapeaux.
Lorsque les circonstances lui eurent permis de le
i i Ci-dessus^ t. II, p^ 24S et suivi
4 HISTOIRE
repeupler et qu'il se trouva eu face d'une multitude
plus émancipée que celle qu'il avait connue autrefois,
il laissa voir qu'une qualité essentielle lui manquait.
Le ministre Letourneux, prévenu qu'il était néces-
saire, de mettre auprès de M. Champagne un homme
en état de le compléter, apprit en même temps que, si
quelqu'un au monde était fait pour remplir cet office,
c'était M. de Lanneau, employé comme sous-chef dans
son ministère. En conséquence, M. de Lanneau, ou,
pour parler le langage du temps, le citoyen Lanneau fut
nommé sous-directeur de l'Institut central des Boursiers
de l'Égalité le 26 vendémiaire an VI (i 7 octobre 1 797).
Nous venons de nommer le troisième fondateur de
Sainte-Barbe. Il est à propos d'indiquer par suite de
quelles vicissitudes ce célèbre instituteur rentra, à l'âge
de quarante ans, dans une carrière d'où les événements
l'avaient éloigné, après qu'il y eut été conduit d'abord
par leliasard.
Pierre-Antoine-Victor de Lanneau de Marey, fils
d'un gentilhomme du bailliage de Semur, naquit le
24 décembre 1758 au château de Bard-lès-Époisses. Il
était le neuvième de dix-huit enfants. Il fut élevé pour
•la profession des armes, d'abord au collège de La
Flèche, puis à l'École militaire de Paris. Sa famille
avait des droits héréditaires sur un canonieat à la
cathédrale de Langres. Celui des enfants à qui ce
bénéfice était destiné étant mort, le père désigna pour
le remplacer le jeune Victor, qui venait après daijs
l'ordre de naissance. Celui-ci ne se sentait aucun goût
pour l'état ecclésiastique : forcé néanmoins de céder
à une volonté inflexible, il se fit prêtre ; mais ne pou-
vant pas souffrir la vie fastueuse et inoccupée qui était
DE SAINTE-BARBE. 5
celle des nobles dans les chapitres, il tourna ses vues
ailleurs, et embrassa la profession de Tbëalin. L'ordre
utile desThéatins se consacrait à renseignement. M. de
Lanneau n'eut pas à se repentir d'avoir porté son choix
de ce côté. Les plus belles facultés pour l'éducation se
révélèrent en lui. Il se fit remarquer dans la direction
du collège de Tulle, qu'il occupait lorsque la Révolu-
tion éclata.
Quoique sorti d'ime famille où le changement de
régime ne fut pas bien reçu, il s'associa avec transport
aux nobles espérances qui furent celles du plus grand
nombre. Lorsque les ordres religieux furent supprimés,
des amis, qui voulaient voir sa sagesse et ses talents
employés au service de la patrie, le rappelèrent en
Bourgogne. 11 prêta serment à la Constitution, et fut
élu presque en même temps vicaire de l'évêque consti-
tutionnel d'Autun et membre suppléant de l'Assemblée
législative. Il n'eut pas l'occasion de remplir ce dernier
mandat, refusa celui de député à la Convention, mais
se soumit au vœu de la population d'Autun en accep-
tant les fonctions de maire. Quant au sacerdoce,
comme il l'avait subi par contrainte, il le quitta sans
regret. De l'administration de la municipalité il passa
à celle du district. Transporté un moment à la prési-
dence du tribunal criminel du département de Saône-
et-Loire, rétabli au district d'Autun à la demande
générale, il exerçait les pouvoirs redoutables d'agent
national, lorsqu'il fut accusé de modérantisme, traîné
à Paris et incarcéré au Luxembourg. Il dut son salut
à l'énergique défense que.Carnol présenta pour lui au
Comité de Salut public. C'était huit jours avant le
9 thermidor. Frappé simplement de destitution, il
6 * HISTOIRE
s'éloigna en toute hâte pour aller reprendre à Autun la
direction d'une imprimerie qu'il avait menée de front
avec les affaires publiques, car ses emplois ne furent
jamais rétribués. Bientôt il eut à se défendre devant
le parti de la réaction de ce que le gouvernement de la
Terreur n'avait pas fait tomber sa tête. Traduit au
tribunal criminel de Chalon-sur-Saône, et victorieuse-
ment acquitté, il revint à Paris, dans la pensée qu'il y
exercerait plus tranquillement sa profession d'impri-
meur; mais il n'était pas encore au bout de ses maux.
A Paris il fut dénoncé comme un homme dangereux,
confié à la garde d un garnisaire, et, pour s'être sous-
trait à cette surveillance , recherché par la police à
laquelle il n'échappa qu'en s'ensevelissant dans une
cachette. Enfin il trouva le repos dans une place qui
lui fut donnée au bureau des musées et bibliothèques
établi près le ministère de Tlntérieur.
M. de Lanneau eut pour chef de division, au mi-
nistère, le littérateur Ginguené. Dès qu'il se fut fait
connaître de cet honnête homme, il trouva en lui un
patron plein de zèle, qui s'employa à lui procurer une
place plus digne de son mérite. On le pressa un mo-
ment d'accepler la direction de l'Opéra, qui était de-
venue vacante. « Avec quelle grâce, dit un de ses
biographes, il racontait cet épisode de sa vie, et faisait
ressortir le contre-sens où la bienveillance avait en-
traîné ses protecteurs! Avec quelle gaieté il se suppo-
sait acceptant ces étranges fonctions, et composait sur
cette donnée un roman de quelques minutes^! »
1. Louis Quicherat, Notice sur P.-A.-V. de Lanneau, fonda-
teur [et chef de l'institution de Saînte-Barbe. In- 8®. Hachette,
Paris, 1830.
DE SAINTK-BARBE. 7
Le poste de sons-direcleur à rinstitut des Boursiers
s'ëtant présente sur ces entrefaites, entre la fortune
dans une sphère qui n'était pas la siejine, et une con-
dition plus modeste pour laquelle il sentit renaître
toute ;5on afîection, M. de Lanneau n'hésita point un
seul instant.
Il y a, pour ce,uxqui conduisent la jeunesse, comme
pour ceux qui commandent les armées, un don de
nature qui opère indépendamment de tout ce qu'ils
peuvent apporter dans leurs fonctions d'habileté, de
savoir, d'expérience. M. de Lanneau était doué de
cette faculté précieuse. Son geste, son regard, le tim-
bre desa voix exerçaient autour de lui un véritable
prestige. 11 suffisait qu'il fût en présence pour dissi-
per les projets de Tétourderie, et faire rentrer sous
terre les fauteurs du désordre. Dès que M. Champa-
gne se montra escorté de ce redoutable lieutenant,
il obtint la soumission de ses élèves de tout âge. Les an-
ciens abus furent réformés comme par enchatitement.
Trop de latitude laissé aux sous-maitres avait produit
presque autant de règlements qu'il y avait de quar-
tiers. Tout fut réduit à une loi uniforme. De vieux
boursiers d'ayant la Révolution, qui se prétendaient
adoptés à tout jamais par la patrie, parce qu'ils avaient
obtenu de conserver leur pension pendant leurs
études de médecine, ou parce qu'ils avaient fait les
premières campagnes de la République, se virent obli-
gés enfin de quitter la place. L'ordre et la bonne te-
nue régnèrent dans la maison; l'enseignement put
être amélioré, et Tardeur fut extrême. On regretta
dans le public qu'un établissement si bien conduit
ne fût pas accessible au plus grand nombre.
8 HISTOIRE
Il y avait à Paris beaucoup de pensionuats^ tenus
par d'anciens maîtres ès-arts, qui continuèrent à
exercer, pendant la Révolution, sans presque rien
changer à leurs habitudes d'autrefois. Plusieurs de
ces maisons étaient parfaitement dirigées, mais elles
ne renfermaient chacune qu'un petit nombre d'é-
lèves. A. cause de cela, les familles leur reprochaient
de ne pas offrir assez d'aliment à l'émulation. Les
familles, soit dit en passant, tenaient beaucoup moins
que ne l'avaient supposé les législateurs de l'an III à
la prérogative de diriger elles-mêmes les études de
leurs enfants. Beaucoup d'entre elles sentaient que
des gens occupés de leurs affaires ne peuvent pas
s'adonner à ce soin, et que, pour le jeune âge, le tra-
vail n'est fructueux qu'avec la régularité de la vie
scolastique; elles appelaient donc de tous leurs vœux
le rétablissement de ces grandes écoles, où la réunion
de beaucoup d'enfants leur semblait essentiellement
propre à échauffer le zèle et à préparer des hommes
pour le conjmerce de la vie.
A la fin de l'an VI, M. de Lanneau conçut le des-
sein de fonder une maison de ce genre. Dès son en-
trée à l'Institut des Boursiers, il eut chez lui un enfant
(le jeune Gatteaux, aujourd'hui membre de l'Acadé-
mie des Beaux-Arts) dont il avait entrepris aupara-
vant réducation particulière. Marié, déjà père de
famille et n'étant pas encore en possession du débris
qui lui revenait du bien de ses ancêtres, il ajouta
deux ou trois autres élèves à celui-là : c'était un
moyen pour lui d'augmenter ses appointements très
modiques de sous-directeur, car pour la peine qu'il
se donnait^ la République ne lui comptait que deux
DE SAINTE-BARBE. 9
mille francs par an. L'idée lui vint de faire sortir de
son petit pensionnat domestique une' nouvelle Sainte*
Barbe.
Personne n'avait oublié le nom de Sainte-Barbe,
maintenu si célèbre jusqu'à la dispersion de la Com-
munauté; mais c'est surtout à l'Institut dès Bour-
siers que ce nom était resté vivant. Ceux dont il
était la propriété subsistaient encore. Il servait à
désigner, parmi les enfants de l'Égalité, les sujets
élevés aux frais de Robert Dugast et de Simon Me-
nassier; pour M. Champagne, petit-neveu de Simon
Menassier, ce nom était un titre de famille. Aussi,
M. Champagne fut il ravi du projet de son collabora-
teur, et il le favorisa de tout son pouvoir, mais sans
consentir à se priver pour cela d'un concours dont il
sentait tout le prix. Il évoqua le souvenir de l'an-
cienne Sainte-Barbe, qui s'était développée sous des
supérieurs domiciliés au Plessis, et il fit refuser la
démission que M. de Lanneau présenta dès lors au
gouvernement.
On n'était point entreprenant en ce temps-là
comme on l'est aujourd'hui; d'ailleurs, les ressources
auraient manqué pour monter tout d'abord un grand
établissement. Si bonne opinion que M. de Lanneau
eût de son entreprise, il voulut néanmoins commen-
cer doucement et à titre d'essai. Il loua la partie de
Sainte -Barbe qui avait formé en dernier lieu le col-
lège. On se rappelle que c'était la chapelle, construite
en 1695 sur la rue des Chiens, et l'aile de bâtimenls
perpendiculaire à la rue de Reiras, laquelle s'élevait
sur le fonds primitif du docteur Jean Hubert. M. de
Lanneau fit mettre le local en état de recevoir les
iO HISTOIRE
enfants qu'il avait en pension chez lui^ avec plusieurs
autres qui lui furent présentés aussitôt qu'il eut émis
son prospectus.
Il partagea le soin de cette petite famille avec un
associé qui devait résider auprès d'elle et la surveiller
continuellement. Enfm il demanda au ministre de Tin-
térieur Tautorisation de faire suivre les leçons du Pry-
tanée français ( c'est le nom* que l'institut des Bour-
siers venait de prendre ) à ceux de ses élèves qui ne
seraient pas en âge d'aller aux Écoles centrales. En
ce point résidait le caractère tout particulier que
M. de Lanneau , de concert avec M. Champagne , en-
tendait donner à son institution. Dans la pensée de
l'un fet de l'autre, elle devait compléter le bel établis-
sement de la rue Saint-Jacques ; elle était appelée à
devenir une succursale d'élèves payants, annexée à
l'école des élèves gratuits.
Les dispositions avaient été prises de manière à pou-
voir entrer en exercice au commencement de l'an VII;
mais comme il y avait de grandes réparations à faire
aux bâtiments loués , le troupeau ne put pas être mis
pour l'épocjue indiquée dans son nouveau bercail.
' Le 25 brumaire an V!I (15 novembre 1798), Fran-
çois de Neufcbâteau, ministre de l'Intérieur pour
la seconde fois, accorda à M. de Lanneau et à son
associé, M. Miellé, l'objet de leur demande relative-
ment à la fréquentation du Prytanée par leurs élèves.
Cette faveur fut annoncée, dans la lettre d'envoi , comme
une marque de la satisfaction du gouvernement « en-
vers des citoyens qui consacraient leurs veilles à la
propagation de l'instruction publique *et de la morale
républicaine. »
DE SAINTE-BARBE. il
I^ temps comportait toujours ce langage, mais ii
ne comportait pas encore qu^un établissement d'in-
struction publique fût mis sous le patronage des saints.
M. de Lanneau, qui voulait autant que possible ressus* .
citer Sainte-Barbe et qui tenait singulièrement à la
gloire du nom , ne put pas vaincre sur ce point les
scrupules du ministre. Forcé de prendre la dénomir
nation de Collège 4es Sciences et des Arts , il y ajouta
entre parenthèses ci-deifant Sainte-Barbé ^ et peu après
Sainte- Barbe tout court.
Le 1 4 frimaire suivant , jour qui correspondait au
4 décembre 1 798 , fêle de sainte Barbe , l'entrée en
possession du collège eut lieu, moyennant que M. de
Lanneau y envoya coucher un élève, parce que
les travaux n'étaient pas encore achevés. Les autres
vinrent seulement quelques semaines après. M. Char-
tier-Desrieux , qui fut successivement sous-préfet à
Mortagne, à Saint -Pol et à Belléme, se rappelait avoir
fait ce service pendant une ou deux décades à partir
du 1®' nivôse an VU.
La maison, dès qu'elle fut en activité, s'éleva au
rang des premiers pensionnats de Paris. On y vit arriver
bientôt les fils de plusieurs membres des.deux assem-
blées et celui de Roger-Ducos , l'un des cinq direc-
teurs de la République. Cela fut d'un effet décisif dans
le public; avant la fin de la seconde année, il fallut
augmenter le local en y ajoutant le reste des bâtiments
de l'ancien collège , la partie de Sainte-Barbe qui {ivait
été vendue jadis à l'Université*.
L'aile sur la rue des Chiens, depuis l'encognure de
i . Voyez ci-dessus, tome II, p. 175.
il , HISTOIRE
la rue des Cholets jusqu'à l'ancienne chapelle, avait
été abattue; l'autre aile, sur la rue de Reims, après
avoir servi d'atelier pour l'entreprise des moulins à
.bras, allait éprouver le même sort, lorsqu'elle fut
achetée par M. Champagne en prévision du besoin
qu'en aurait bientôt son collaborateur.
M. Champagne de son chef n'avait point de for-
tune, mais il avait épousé la veuve du ministre Le-
brun, qui eut la tête tranchée en 93. Cette dame jouis-
sait d'une certaine aisance. Elle avait des enfants de
son premier mari. Le beau-père ne craignit pas de
hasarder une partie du patrimoine de sa famille adop-
tive sur les destinées d'un établissement formé par
M. de Lanneau. Il mit la maison de Sainte-Barbe en
réparation, et obtint de l'administration du Prytanée
d'y faire conduire à ses frais le trop-plein des eaux
d'Arcueil amenées dans cet établissement. Aussitôt
que les choses furent en état , on rétablit la cuisine , le
réfectoire et les salles d'études aux lieux où elles avaient
été anciennement.
Le fondateur était déjà assuré du succès futur de
son entreprise; mais il n'éprouvait qu'une médiocre
satisfaction qjiant à la manière dont il y était secondé.
Son associé, ancien lazariste, se recommandait plus
par le talent que par !a conduite. C'était un de ces
épicuriens comme le règne de Louis XV n'en produisit
que trop , un homme enclin au plaisir, et qui , dès
qu'il se vit sur le chemin de la fortune , ne songea
plus qu'à se livrer aux distractions du monde. M. de
Lanneau songeait déjà à se débarrasser de lui, lors-
qu'eut lieu le coup d'État du 18 brumaire. Bientôt
s'éventèrent les projets du nouveau gouvernement sur
DE SAINTE-BARBE. 13
le Prytanée. On parlait d'y* introduire des pension-
naires payants , puis de le scinder en quatre sections,
et la raison que Ton donnaft au ministère pour ce mor-
cellement , c'est qu'une maison d'éducation ne pou-
vait pas bien marcher lorsque le nombre des élèves
dépassait deux cents. Cela n'était pas flatteur pour le
sous-directeur qui avait si bien mis au pas les quatre
cents élèves du Prytanée.
M. de Lanneau prévit que le changement annoncé
en appellerait d'autres, et qu'au milieu des essais qui al-
laient recommencer, sa position comme fonctionnaire
public n'aurait plus de fixité : il prit le parti de consa-
crer désormais tous ses soins à son propre établisse-
ment. Ni les prières de M. Champagne, ni les regrets
des professeurs, exprimés par Luce de Lancival, qui
fit une églogue à ce sujet , ne purent le retenir. 11 de-
manda son congé, que Lucien Bonaparte, alors mi-
nistre de l'Intérieur, lui accorda dans les termes les
plus honorables. Il alla demeurer à Sainte-Barbe au
mois de janvier 1 800.
Il était temps qu'il vint chez lui. Grâce à son asso-
cié, sous Içs apparences d'une prospérité toujours
croissante , la ruine était déjà avancée. L'administra-
tion de M. Miellé, mise à jour, laissa apparaître un dé-
ficit de 54000 francs. M. de Lanneau lui offrit de
rompre à l'amiable; mais lui, qui trouvait la place
bonne et qui n'en pouvait pas être déboulé de si tôt .
d'après son contrat , fit longtemps la sourde oreille à
toutes les propositions. Pour obtenir son désistement,
il fallut lui abandonner pour des années les bénéfices
de l'entreprise naissante. On peut dire qu'il s'éloigna
par un pont d'or, et son associé n'en eut pas de re-'
14 HISTOIRE
gret ^ car il eût donné de son sang et de sa chair pour
racheter Terreur de son choix.
CHAPITRE U.
Règlement de la nouvelle Sainte-Barbe. — Caractère de la direction de
M. do Lanneau. — L'instruction aux Écoles centrales. — Change-
ments introduits dan» ces écoles. — Succès du collège des Sciences et
des Arts dans les concours. — Rupture avec le Prytanée. — Création
des lycées. — Sainte-Barbe, Ecole secondaire.
M. de Lanneau y en annonçant au public l'ouverture
de son établissement, avait promis de renouer par le
Collège des Sciences et des Arls les destinées de l'an-
cienne Sainte-Barbe*. Cette célèbre maison fut effec-
tivement son modèle. Il s'appropria ce qu'il put re-
cueillir des règles qu'on y avait jadis observées.
Plusieurs lui furent inconnues, parce qu'elles étaient
tombées en désuétude avant la Révolution ; d'autres
avaient cessé d'être applicables. Toujours est-il qu'il
imita les traits les plus importants, la hiérarchie,
Tordre du travail, la ponctualité sévère, la modestie,
la simplicité, et cet air de maison paternelle à la fa-
veur duquel se rétablit l'esprit de famille remarqué
autrefois dans la Communauté.
1 . Premier prospectus du Collège des Sciences et des Arts, 2
pages in-S^ de rimprimerie de Bertrand Quinquet, imprimeur du
Prytanée français. Le titre.est : « Collège des Sciences et des Arts,
'ci-deyant collège Sainte-Barbe, à Paris. *
DE SAIJNTE-BARBE. 15
M'imite pas qui veut. Les copies que Ton fait des
choses n'ont de valeur qu'autant qu'on y sait mettre
du sien. Nous avons dit quelle figure le restaurateur
de Sainte^Barbe avait faite au Prytanée, et l'on sait
déjà que son gouvernement sur la jeunesse était em-
preint d'une marque particulieFC. Son talent apparut
dans tout son jour lorsqu'il se mit à l'œuvre sur un
terrain à lui, et dans un temps où il y avait encore
beaucoup de liberté.
Le premier acte de sa direction fut d'écrire, sous le
titre de règlement*, un véritable De Officiis, un traité
des devoirs par lesquels il entendait enchaîner tout le
monde dans sa maison, et lui le* premier, car le cha-
pitre qui concerne le directeur n'est pas celui qui
contient les obligations les moins nombreuses. II re-
toucha plusieurs fois ce travail pour l'accommoder
aux métamorphoses incessantes dont la politique
affecta Tordre social, et par suite l'éducation publique,
dans les premières années du présent siècle. La par-
•tie dogmatique se montre surtout développée dans la
rédaction de 1806*. M. de Lanneau s'y est peint lui-
même dès les premières ligne*s*, voici comment il
débute :
tt Tout voir, tout embrasser, pénétrer, animer tout,
1 . Règlements du collège des Sciences et des Arts, ci-devant
Sainte-Barbe. Paris, Laurent aîné, imprimeur du Collège des
Sciences et des Arts (58 pages in-8*»).
2. Règlement général du Collège de Saînte-Barbej école secon-
daire du département de la Seine. Paris, imprimerie de D.
Colas, 1806 (li2 pages in- 8°). — Réimprimé en partie dans le
Recueil de Lettres de P.-A.-V. de Lanneau (publié par M. E.
de Lanneau) In-8», Paris, 1851.
d6 HISTOIRES
être partout le conseil et le modèle, posséder le dou-
ble avantage d'un caractère ferme et pliant^ d'un
jugement docile et sévère, -des vues libérales, un dés-
intéressement parfait, telles sont les qualités, tels
sont les devoirs d'un directeur de collège. »
' Tout voir, dit-il : et en effet il voyait tout. Cette
tâche, déjà difficile lorsqu'elle s'étendit à la totalité
de l'emplacement occupé par Tancienne Sainte-
Barbe, M. de Lanneau l'accomplit avec la même vi-
gilance après que son troupeau fut disséminé sur une
plus vaste superficie. Jamais l'œil du maître ne fut
plus constamment ouvert. Il ne se contentait pas des
rapports qui lui retenaient plusieurs fois par jour de
l'inspection faite par ses subordonnés. Il se chargeait
lui-même du rôle d'inspecteur, et ses tournées n'a-
vaient pas d'heure fixe. A tout moment du jour et de
la nuit, le désordre qui aurait cherché à se dérober
dans des cachettes ou à profiter des ténèbres, était
menacé de sa présence. Lorsqu'on s'y attendait le
moins, le bruit de son passe-partout se faisait enten-.
dre dans les serrures, Ja lumière de sa lanterne sourde
dessinait dans l'ombre s&n profil redouté. On le savait,
et la crainte d'être surpris dissipait les mauvais des-
seins.
Pénétrant, il l'était comme personne à l'égard de
l'enfance. Il lisait au fond des âmes, connai^ait en
peu de temps le caractère ainsi que les dispositions de
ses nouveaux élèves, et sa manière de parler ^à chacun
était conforme au jugepfient qu'il avait porté sur lui.
Comme il les savait tous par cœur, il les dépeignait
admirablement dans les rapports qu'il rendait sur leur
compte à la fin de chaque trimestre. Ces récapitu-
DE SAINTE-BARBE. 17
lations périodiques ne suffisaient point à sa sollicitude.
Une immense correspondance le tenait en communi-
cation perpétuelle avec la plupart des familles. 11 sou-
mettait aux parents ses observations et ses vues, féli-
citait ceux-ci des progrès accomplis par leurs enfants
dans la voie du bien, ou adjurait ceux-là de lui venir
.en aide , lorsque ses efforts éprouvaient de la résis-
tance; et il leur enseignait la Conduite qu'ils devaient
tenir de leur côte. ♦
Il savait animer, vivifier tout autour de lui, donner
à rémulation- une énergie incroyable, et le plus sou-
vent il lui suffisait pour cela d'une simple démonstra-
tion. Une fois que Tune de ses classes s'était laissé
battre d'une 'manière honteuse à la composition de
l'Ecole centrale, il fit tendre en noir^endant toute la
journée, le devant de la salle d'étude, de même que
l'on tend la façade d'une maison mortuaire. Un sou-
rire à l'un, un froncement de sourcils à la vue d'un
autre rappelaient aux élèves qu'il était informé dç
leur conduite de tous les moments. Quand il leur par-
lait, c'était en termes vifs, brefs et d'un effet tou-
jours certain. Il .possédait à un haut degré le talent
des allocutions qui conviennent au jeeme âge. Les
barbistes du temps du Consulat, transportés par ses
discours, les comparaient, dans leur qaïf enthou-
siasme, à ceux de l'homme étonnant cfui fascinait alors
les armées de la France, et la France elle-même, et
déjà une partie du monde. Le Directeur leur faisait
entendre sa parole régulièrement dans une assemblée
générale du collège, qui se tenait tous les mois. Ses
harangues, sans cesse rajeunies par l'expression et par
le tour, avaient pour sujet uniforme le devoir. C'é-
lu 2
18 HISTOIRE
talent de vérital>les mercuriales, nourries d'allusions à
rélat présent de la discipline et du travail dans la
maison* La louange ou le blâme y étaient 4écernés
publiquement à ceux qui s'étaient signalés, soit en
bien soit en mal, et Vambition aussi bien que la crainte
d'être nommé produisaient un effet sensible sur la
conduite de chacun.
Cette mise en scène s6 ressentant un peu trop de
répoque à laquelle «lie avait été inaugurée, M. de
Lanneau fut obligé d'y renoncer* à l'établissement de
l'Université impériale. Depuis lors, ce fut le dimanche,
à la distribution des bulletins desortie ou exeat^ qu'il
manifesta solennelTement sa puissai^ce. Tous les bul-
letins étaient sur son bureau, et les élèves de chaquQ
classe venaient clgns l'ordre alphabétique chercher le
leur. Le cabinet de la Direction avait à ce moment
la majesté d'un tribunal. Le cœur battait bien fort,
quand on se voyait en présence du juge; on atten-
dait, les yeux baissés, la sentence qui allait sortir de sa
bouche. 11 adressait à chacun une apostrophe en rapport
avec les notes de la .semaine. Si celles-ci étaient trop
mauvaises, il donnait à ses paroles un effet plus sai-
sissant en déchirant Yexeat.
Lorsqu'il s'agissait de maintenir une mesure prise
dans l'intérêt du bon ordre, il était inébranlable. Ni
les larmes des mères, ni les sollicitations des grands
n'avaient le pouvoir de l'amollir , et pour mettre en
évidence le côté raisonnable de ses dédisions, il savait
s'y prendre de telle sorte que les personnes éconduites
s'éloignaient de lui sans murmurer. À Foccasion de
l'une des premières fêtes de Pâques qui furent célé-
brées après le rétablissement du culte, il avait dit
DE SAINTE-BARBE. 10
qu'aucun élève ne sortirait avant midk Cependant le
préfet de la Seine envoie chercher son fils dès le ma-
tin. Un fonctionnaire important de la ville s'était
chargé de la c&mmission. Il prie en termes pres-
sants, il dit que M. Frochot demande cela comme un
service. Le directeur de Sainte-Barbe refuse à plu-
sieurs reprises; et comme son interlocuteur insiste
toujours, il sort avec lui dans la cour, fait sonner
la cloche qui donnait le signal des assemblées, et
quand tous les écoliers sont réunis : <c Trouvez-vous
juste, leur dît-il, que Frochot sorte, lorsque vous êtes
tous consignés jusqu'à midi? » On^deviife avec quelle
énergie fut prononcé le non qui décida la victoire du
Directeur sur l'envoyé du préfet.
Sa fermeté n'était point cette roideur compassée qui
procède comme par une impulsion mécanique. Il sa-
vait pratiquer avec un tact parfait l'art de la flexibilité ;
il la recommandait sans cesse à ses collaborateurs. H
s'étudiait à leur faire distinguer les mauvais penchants
d'avec l'étourderie à laquelle est condamnée l'enfance ;
il leur enseignait la mesure, l'attention, l'esprit de
suite, et voulait que dans la distribution des peines ils
tinssent compte du tempérament, du caractère, des
habitudes connues des délinquants. Il s'égayait de
ridée, qui s'était pro(Juite au milieu du débordement
des théories, de soumettre l'écolier à un code pénal
invariable, afin de le soustraire à l'arbitraire du maître.
« Pourquoi, disait-il, ne ferait-on pas pour le méde-
cin un code invariable de retiièdes? » Les avis, les
encouragements, lee prières mêriie lui semblaient les
moyens qu'on devait préférer, avant d'en venir aux
punitions. C'étaient les seuls dont il fît usage pour sa
20 HISTOIRE
part. Il disait awc raison qu'une autorité supérieure de
collège qui donne àe^ pensums est une autorité perdue.
Soji rôle était de sauctidbner l'application des lois,
après qu'elle avait été faite par ses ^bordonnés. Si
par hasard il ajoutait quelque chose, c'était une mar-
que à lui, suggérée par la circonstance, et qui, sans
aggraver la peine, était capable d'en faire mieux res-
sortir la légitimité. Une fois, par exemple, qu'une
bande excitée par le printemps était allée cueillir du
lilas dans un jardin fermé, à la campagne, les délin-
quants, ayant été mis pour le repas suivant au pain
et à l'abondance, trouvèrent, en se mettant à table,
chacun un brin de lilas planté pour mémoire dans sa
ration de pain. Ceux qui subissaient de pareilles puni-
tions étaient les premiers à les approuver.
11 conserva, sauf sur deux points, la gradation de
châtiments établie dans l'ancienne Sainte-Barbe. Au
désœuvrement du cachot, il substitua h salle de re-
flexion, la réclusion accompagnée d'un travail forcé
de plume ou de ipémoire. Quant à l'abolition du fouet,
il n'eut pas à la prononcer ; elle fut le fait de la Révo-
lutiod. Son expérience cependant lui avait appris
qu'il est des sujets intraitables, chez qui l'audace unie
à la bassesse de cœur défie tous les moyens que la
raison suggère. De tels enfants, qui sont une calamité
dans un collège, il les chassait de chez lui, et il lais-
sait h décider à l'autorité paternelle si la seule res-
source qui lui restât n'était pas de recourir à une hi-
deuse extrémité.
l^ar la vie qu'il menait, il ét£iit l'exemple de sa
maison. A la façon dont il avait compris ses devoirs,
il ne lui restait pas de loisir. Pour lui, jamais de di-
DE SAINTE-BARBE. 21
verdissement, pas de réunions brillantes, pas de fré-
quentation de société, pas de spectacles. La présence
de M. de Lanneaii à la première représentation de
V Hector de Luce de Lancival, avec qui il était re&té
intimement lié depuis le Prytanée, fit époque dans la
mémoire de ses élèves. Son unique distraction étail
de recevoir à sa table ses amis, bommes distingués
pour la plupart dans renseignement, dans la science
ou dans les lettres, et dont la rencontre dans un col-
lége ne pouvait causer de surprise à personne : un Ar-
nâult, un JLaromiguière, un Le vaillant, MM. Desre-
naudes, Champagne, Mahérault, Goiïaux, Gail, l'abbé
Thibault, Tabbé de Pradt, Luce de Lancival, que nous
venons de nommer.
Son désintéressement, qui fut à toute épreuve, lui
fit toujours une loi de n'accepter qu'après information
les enfants qu'on lui présentait. 11 ne suffisait pas
qu'on payât pour être ipsçrit au nombre de ses élèves ;
il fallait d'abord qu'on lui apportât de bons antécé-
dents. 11 aimait mieux les sujets d'une condition mé-
diocre que ceux qui étaient liés soit dans l'opulence,
soit avec l'éclat d'un grand nom ; il appréhendait de
la part de ceux-ci des goûls frivoles ou des prétenrions
d'un^xemple dangereux, et il appréhendait non moins
de la part de leurs parents des habitudes de condes-
cendance incompatibles avec la bonne discipline. En
général il se défiait des familles. L'expérience lui avait
appris combien celles d'un rang élevé secondent mal
les efforts de l'instituteur. Aussi, quand il lui en venait,
voulait-il prendre ses précautions vis-à-vis d'ellé§.*ll
leur montrait sa maison par ses côtés les moins
attrayants, son • règlement par les articles les plus
22 HISTOIRE
sévères. Si les gens, effrayes, ne revenaient plus, il s'en
réjouissait, comme ayant détourné par sa franchise
une occasion de malentendus et probablement une
source de désordres.
Mais la vertu pour lui ne se concentrait pas dans'
rétroite limite qui consiste à fuir les calculs de Tintérét.
Son cœur brûlait d'une charité ardente, et dès le com-
mencement il fit sortir de son administration une
source de bienfaits, d'autant plus méritoires qu'ils
restèrent le plus souvent un secret entre le bienfaiteur
et l'obligé. On peut dire que la plus grande partie de
ses bénéfices s'en allèrent en bonnes œuvres par le
nombre d'élèves gratuits ou à prix réduit qu'il entre-
tint dans sa* maison. Les aveux de la reconnaissance
ont appris cela dans la suite. Plusieurs furent exprimés
sur sa tombe. Nous répéterons un mot plein de déli-
catesse divulgué, à ce moment suprême, par l'hono-
rable M. Bellaigue, qui fut député de l'Yonne en 1830.
M. Bellaigue était élève de Sainte-Barbe en l'an XII,
lorsqu'il perdit son père, dont la profession faisait toute
la fortune. Le correspondant de la famille étant venu
exposer à M. de I^nneau la situation de l'orphelin et
l'impossibilité de le laisser dans la maison, il reçut
pour réponse cçs propres paroles : « Je vois au con-
traire l'impossibilité qu'il en sorte. »
Nous avons entendu raconter un trait pareil au sujet
de quatre frères dont le père avait fait faillite. M. de
Lanneau dit à la personne qui venait pour les retirer :
a Moi qui n'ai pas fait faillite, j'entends garder dans ma
m'aison des enfants qui y ont toujours ^onné le bon
exemple. » On ne saura jamais le nombre de ceux qui
ont donné lieu à des actions' de ce genre. Tout bon
DE SAINTE-BARBE. 23
sujet devenait pour le directeur de Sainte-Barbe un
fils d'adoption y dont il ne consentait plus à se séparer.
Aux traits qui viennent d'être esquissés, tout le
mondé a déjà reconnu un instituteur de la meilleure
• école« En effet Rollin était le maître de qui M. de
Lanneaii prenait le plus souvent conseil. Il avait tou-
jours sur son bureau le Traité des études. Il disait que
tout instituteur plus amoureux du bien que de la
nouveauté devait savoir ce livre par cœur. Une telle
parole serait peut-être vulgaire ai^jourd'hui ; elle ne
rétait pas §n un temps où la plupart des esprits avancés
répudiaient l'expérience des générations antérieures
comme inconciliable avec le progrès. En sachant dis-
cerner, dans l'héritage du passé, les choses qui avaient
fait leur temps de celles qui constituent le fonds im-
muable de la sagesse . humaine, le restaurateur de
Sainte- Barbe mérita de passer aux yeux de ses contem-
porains pour l'homme quf comprenait le mieux
l'organisation d'un collège. Cet hommage lui fut rendu
par François de Neufchâteau , par Fourcroy , par
Frochot, par Lacépède, lorsqu'ils venaient présider les
exercices publics de la maison ; par M. de Fontanes,
lorsqu'il faisait, pour son instruction de grand maître,,
une étude particulière du règlement dont nous par-
lions tout à l'heure; par l'abbé Sicard, lorsqu'il vantait
comme « un monument de la connaissance la plus
parfaite de toutes les parties qui regardent la conduite
des jeunes gensS) des instructions que M. de Lanneau
lui avait tracées sur sa demande pour l'Institut des
1. Recueil de Lettres de P.-A.-V. de Lanneau (in-8o, Paris,
4851), p. 362.
24 HISTOIRE
Sourds-Muets; par MM. Massin, Goubaux^ Guyet de
. Fernex, Jubé, Dufau, et tant d'autres instituteurs re-
nommés, qui, de même, empruntèrent d'utiles dispo-
sitions au code de Sainle-Barbe ou se guidèrent par les
conseils de son chef; enfin par le dernier oratorîen'
placé à la tête de Juilly, le vénérable P. Miel, qui, ne
sachant encore en quelles mains il remettrait cette
maison, pensa plus d'une fois à M. de Lanueau, et dit
avec l'expression du. regret : w Voilà l'homme qu'il
nous faudrait pour continuer notre œuvre. »
C'est assez anticiper sur les événemenls, Revenons
à Tan Vil qui fut le premier de l'existence de la nouvelle
Sainte-Barbe.
11 n'y avait alors ni législation ni autorité qui réglas-
sent la forme des études dans les maisons d'éducation.
Le gouvernement exhortait lea chefs de ces établisse-
ments à envoyer la partie mûre de leurs élèves aux
Écoles centrales, par conséquent à, introduire chez
* eux un ordre et des méthodes qui répondissent au
nouveau système; mais la plupart se moquaient du
nouveau système, ne voulaient entendre parler que de
l'ancien, et ne .se rendirent pas à une invitation qui
n'était pas suivie de contrainte. Une conception très-
élevée, et au fond de laquelle apparaissait l'avantage
d'une liberté immense, ne parut pas à M. de I^nneau
devoir être traitée avec ce dédain. 11 crut les Écoles
centrales capables de durer et de se perfectionner par
la pratique, si chacun se prétait à en favoriser le
développement. D'ailleurs, après une si fâcheuse in-
terruption des études, le premier des devoirs n'était-il
pas de profiter de ce qui existait pour les remettre en
activité ?
DE SAIJVTE-BARBE. 25
Les Écoles centrales, avons-nous dit, ne donnaient
pas toutes les parties de l'instruction, mais seulement
les parties supérieures de l'instruction. Par leur pro-
gramme, elles sont à comparer tout ensemble aux
hautes classes des Ivcées actuels et aux Facultés. Elles
prenaient les langues anciennes au point où l'élude de
celles-ci peut être combinée avec celle du mécanisme
de la pensée, et, dans leur enseignement, la logique
ne faisait qu'un avec les humanités. Le devoir des
professeurs était d'exposer chaque chose par son côté
rationnel : le vocabulaire par les radicaux, la gram-
maire par ses ressources comparatives, le langage par
ses procédés comme instrument de l'intelligence.
L'analyse des auteurs grecs et latins devait être un
moyen d'amener les jeunes gens à la connaissance ap-
profondie du français. Des leçons 4'éioquence, de
poésie, de grammaire générale, complétaient rensei-
gnement littéraire. Des cours de géographie et d'his-
toire, de législation, de mathématiques, de sciences
naturelles et de dessin, étaient professés simultanément
pour ouvrir aux esprits l'accès de toutes les connais-
sances utiles. Cette vaste et sérieuse instruction était
distribuée en trois étapes, dans le parcours desquelles
on pouvait s'arrêter sans inconvénient, ou négliger
telle partie pour laquelle on ne se serait pas senti de
disposition. Une bibliothèque publique, ouverte près
de chaque école, devait fournir les ressources néces-
saires pour l'étude. L'ancienne Bibliothèque de Sainte-
Geneviève, administrée par Daunou, fut, dès l'an Vy
accessible aiix élèves de l'École du Panthéon, et servie
avec l'intelligence supérieure de l'homme qui avait
tracé les programmes du nouvel enseignement.
26 HISTOIRE
Il est évident que ce système avait du bon , car il a
formé les esprits les plus puissants de notre siècle ;
mais il est évident aussi qu'il supposait une instruc-
tion préliminaire donnée à ceux qui venaient s'asseoir
sur les bancs de l'École centrale. Avant d'arriver là ,
il eut été indispensable de passer par Je degré secon-
daire inscrit dans le plan de Condorcet. C'est cette
initiation que les maîtres de pension auraient dû don*
ner/et qu'ils ne donnèrent pas. Les uns continuèrent
à exercer en pédagogues de l'ancien régime; les autres,
dès qu'ils virent quelque part des professeurs rétribués
par l'État, se débarrassèrent des leurs , et envoyèrent
aux Écoles centrales des élèves le plus souvent inca-
pables d'y profiter. Des littérateurs chargés d'un en-
seignement transcendant virent arriver à leurs cours
des jeunes gens qui savaient à peine décliner ou mettre
l'orthographe, efJ'on s'indigna que ceux-ci ne com-
prissent rien aux leçons.
Que fallait-il faire? Rétablir aux frais de la Répu-
blique le rouage qui manquait au mécanisme , et. en
même temps pourvoir par des mesures efficaces au
recrutement des élèves. Mais il n'était plus temps
d'exécuter cela. Trop de personnes étaient intéressées
à ce que les écoles républicaines succombassent sous les
plaintes inconsidérées de ceux qui leur reprochaient
de n'avoir pas remplacé les collèges. Tout l'effort des
hommes de la Révolution , réunis pour sauver ces
écoles , ne réussit qu'à remplir davantage le cadre de
l'enseignement afin d'y faire entrer les premiers prin-
cipes. Encore cela n'eut-il lieu qu'à Paris , et grâce
à M. Frochot, préfet de la Seine, investi comme
tel de la direction supérieure des Écoles de la capi-
DÉ SAINTE-BARBE. 27
taie. Par raugmentation du nombre des chaires
et de celui des matières d'enseignement dans la partie
des langues anciennes , Téchelle fut graduée de ma-
nière à rappeler le plus possible l'instruction classique
d'autrefois. Tel fut Tétat des choses depuis le com-
mencement de l'an X (année scolaire 1801-1802),
». de sorte que les trois Écoles de Paris, à la fin de leur
existence, furent à très-peu de chose près ce que sont
les gymnases, de l'Allemagne , ce qu'avaient été pour
* Jes martinets du seizième siècle les collèges de l'Uni-
versité de Paris.
Après comme avant cette réforme, M. deLanneau
s'employa avec une entière loyauté, et malgré la mau-
vaise humeur de beaucoup de personnes*, à faire sortir
de l'ordre établi tous les fruits qu'il pouvait rendre. Déjà
son séjour au Prytanée avait été marqué par une dis-
tribution de l'enseignement telle, «que les cours de
cette maison fussent d'abord un acheminement et plus
• tard un complément à ceux des Écoles centrales. Dès
1 800,1e Collège des Sciences et des Arts reçut la mpme
organisation. Il y eut sept classes, dont les élèves, sui-
vant leurs dispositions et leur mérite, furent envoyés
soit au Panthéon soit au Prytanée , ou même dans ces
deux établissements à' la fois, tandis que les autres
reçurent leur instruction à Tintérieur. Les professeurs
de la maison servirent en même temps de répétiteurs
aux élèves qui étudiaient dehors. En outre, des cours
supplémentaires, par exemple pour la- géographie ,
pour l'italien , pour l'anglais et pour l'allemand , fu-
rent communs aux sujets de toutes les catégories dans
1 . Décade philosophique de Pan IX, 4* trimestre, p. 41 7.
2a . HISTOIRE
les six classes supérieures, accouplées deux par deux
ou trois par trois.
Pour comprendre le vocabulaire scolaslique de ce
temps-1^ , il ne faut pas perdre de vue le programme
révolutionnaire, qui renfermait les études dans des
cours spéciaux. 11 y eut ainsi les cours de mathéma-
J:iques, d'hisloire, de belles-lettres, de langues an-
ciennes, de grammaire, etc. On ne connaissait plus les
noms de rhétorique et inhumanités^ lossqu'ils furent
restaurés en Tan VIII, à l'usage du Prytanée seulement.
Uhorreur des termes, anciens avait été poussée à uq
excès embarrassant pour la conversation. Au lieu de
thème et ifersion , il fallait dire traduction de français
en latin et traduction de latin en français.
Dans les cours, les années ou classes étaient distin-
guées par leur nombre ordinal, niais dans- Tordre in-
verse de celui qui était anciennement consacré, et
auquel on* revint peu après dans les lycées. La pre-
mière classe du cours, aux Écoles centrales, était celle •
des* élèves qui commençaient. Au Collège des Sciences
et des Arts, pour plus de commodité, les sept classes
ne- formèrent qu'une seule série, et furent désignées
simplement par les adjectifs ordinaux. Ce qui serait
aujourd'hui la septième, s'appelait la prenaière.
Telle est la forme sous laquelle rétablissement de
M. deLanneau commença à acquérir sa grande répu-
tation. Il fit parler de lui aux distributions des prix
de Tan IX. Jusqu'alors un seul établissement privé
s'était rendu célèbre par ses Succès aux écoles publi-
ques dont il suivait les cours. C'était la maison de
M. Lepître, qui envoyait des élèves à la fois au Pan-
tbéon et aux Quatre-îNations. Pour la première fois
DE SAINTE-BARBE. 29
ces enfants gâlés de la victoire reconnurent avec sur-
prise qu'ils avaient des rivaux. Au Panthéon les cou-
ronnes ftirent partagées entre les Lepître et les Lan-
neau avec une égalité qui excita les applaudissements
du public.
Dans une lulte encore plus solennelle , les Lepilre
furent distancés. M. Frocbot avait rétabli celte année
même l'équivalent • de l'ancien concours général de
rUniversilé, en faisant composer «ntre elles les Ecoles
centrales. Le Collège des Sciences et des Arts y rem-
porta les deux grands prix des sciences *, les deux de
grec' et trois accessits. Plusieurs couronnes au Pry-
tanée complétèrent ce brillant succès.
Une circonstance particulière augmenta l'effet du
triomphe obtenu au concours général. C'était la con-
difion du lauréat dont le nom fut proclamé le premier.
Voici ce qu'on lit à ce sujet dans \ej)làgasin encyclo-
pédique de Millin '^ :
« L'écolier à qui le premier prix de mathématiques
a été adjugé se nomme Ducros, jeune berger du dé-
partement de la Drôme*, qui au pied d'un chêne et
au milieu de ses brebis, privé de tout maître, il y a
trois ans, étudiait et dévorait les livres sans autres se-
cours que ceux d'une forte passion pour les sciences.
L'examen qu'il a soutenu à ^l'École centrale kur les
mathématiques et sur la physique a été une espèce de
1 . Élèves Ducros et Segond.
2. ÉlèvesBotti et Hello.
3. An IX, t. 111, p. 122.
4. Il y a Somme par erreur dans le Magasin encyclopédique et
dans le Moniteur du il fructidor. Joseph Ducros était né à
Marianne, hameau du Dauphiné.
30 HISTOIRE
prodige, bien honorable pour la maison à laquelle il
doit ses étonnants progrès. Un particulier a demandé
à voir le jeune Ducros, et lui a assuré une pension de
1200 livres. ».
Les succès de Tan X dépassèrent tonte mesure.
Vingt-cinq nominations, tant prix qu'accessits, échu-
rent à notre collège au seul concours général, et il
fut publié partout que la maison de Sainte-Barbe avait
retrouvé ses anciennes habitudes^
Le morcellement du Prytanée avait donné nais-
sance à quatre sections ou collèges, dont un seul resta
à Paris, les autres ayant été transportés àCompiègne,
Fontainebleau et Saint-Cyr.- Le collège de Paris fut
laissé sous la direction de M. Champagne. Il occupa
toujours Tancien local de Louis-le-Grand ; mais l'ordre
des études y éprouva tout d'abord des changements
qui en rendirent la fréquenlatioii moins commode
pour les nouveaux barbistes. L'esprit des jeunes ci-
toyens du Prytanée, devenus l'objet des gâteries du
Premier Consul, changea aussi. Ils commencèrent à
regarder du haut de leur grandeur leurs camarades de
la rue de Reims; ils les appelèrent é^rô^^j. Bientôt
s'accon)plirent des modifications plus radicales. Une
loi fut votée en 1 802 pour remplacer lés Écoles cen-
trales des départements par des- lycées, qui devaient
être établis sur le pied des anciens collèges. Si les
Écoles de Paris furent épargnées provisoirement, ce
fut à cause des nombreuses réclamations qui s'élevè-
rent en leur faveur; mais le gouvernement travailla à
les ruiner daps l'opinion en affichant sa préférence
i i Moniteur du 9 fructidor an Xi
DE SAIJVTEBARBK. 31
pour la section du Prytanée. Enfm cet établissement
prit, en 1 803, le nom de Ijcee de Paris\ et devint mie
sorte de noviciat où Pon fit passer des enfants attirés
de toutes les parties de la République pour les en-
voyer ensuite porter des habitudes uniformes dans les
autres lycées. Depuis lors, M. *de Lanneau n'y envoya
plus d'élèves. Ce que sa maison perdit à cette rupture
fut compensé par la fréquentation simultanée de toutes
les Écoles centrales, de sorte que Sainte-Barbe eut des
représentants et aux cours du Panthéon, et à ceux de
la rue Saint- Antoine, et à ceux dés Quatre -Nations.
Ces derniers venaient d'être transportés dans les bâti-
ments du Plessis, le palais des Quatre-Nations étant
devenu celui de l'Institut.
C'est en Tan X que M. de Lanneau prit résolument
pour son collège le nom de Sainte-Barbe; il y joignit
le Mrçd^ eco/e secondaire^ en vertu de la loi du 1 1 flo-
réal (1^'mai 1802), qui avait constitué les lycées. Cette
loi, la première qui limita la liberté d'enseignement,
reconnut et classa au second rang dans l'ordre hié-
rarchique, et sous la surveillance des préfets, tous les
établissements communaux ou particuliers assez im-<
portants pour qu'on y enseignât le français, le latin et
les éléments des sciences exactes. Les principes des
sciences expérimentales, la morale, la logique, la rhé-
torique (on affecta de remettre en honneur ces deiix
dernières dénominations), enfin toutes les parties su-
périeures de l'instruction classique furent l'attribut
exclusif des lycées. A. cela près, les écoles secondaires
. 1 . A partir du i "" vendémiaire an XII (24 septembre 1 803), par
arrêté du gouvernement de la République en date du 20 praiiial
an XI (10 juin 1803).
32 . HISTOIRE
étaient recommandées à la protection et aux encou-
rageo^enls du gouvernement; Celui-ci devait les ré-
coiiipenser quand elles le mériteraient, soit en leur
accordant gratuitement le local, soit en conférant des
bourses d^ns les lycées à ceux de leurs élèves qui se
distingueraient le plus, soit enfin en décernant des
gratifications à leurs directeurs.
Tout cela n'était encore qu'un acheminement à une
autre législation, car la marche à reculons devenait si
accélérée que ce qui se faisait un jour ne convenait
déjà plus quelque temps après. Partout l'arbitraire
débordait de façon à déconcerter ceux même qui
avaient la m^in au gouvernement; et pour les particu-
liers tant soit peu en évidence, toute démarche pou-
vait devenir Compromettante, si elle n'était pas cal-
culée en vue de plaire au chef de l'État. De là, des
difficultés qui allaient naître pour le directeur de
Sainte-Barbe, car le calcul n'avait jamais eu de place
dans sa conduite, ni la flatterie dans son langage,
. Un malheureux enfant, à qui la guillotine avait en-
levé son père et sa mère avant qu'il les eût pu con-
naître, fut adopté par la République, et placé en Tan IX
au Prylanée de Paris *. C'était le fils de Camille
Desmoulins et de Lucile Duplessis. Il ne lui restait
que sa grand'mère maternelle, donf il était la conso-
l^ttion et la vie. Lorsque l'on forma les lycées des dé-
partements avec des boursiers envoyés du Prytanée, le
jeune Horace Desmoulins fut désigné pour le lycée de
Bordeaux. C'était donner le coup de la mort à Mftie Du-
plessis : elle porta au ministère ses supplications et ses
1. Arrêté du Premier Consul en date du 8 vendémiaire an IX,
DE SAINTE-BARBE. 33
larmes. Fourcroy, »qui était déjà directeur de Tinstruc*
tion publique , crut qu*il serait facile d'effacer de la
liste le nom de l'enfant : son pouvoir y échoua, de
sorte que, pour -tirer la pauvre vieille dame de l'alter-
native où elle se trouvait de se séparer de son petit-
fils ou de renoncer à lui faire faire son éducation, il
n'eut pas d'autre ressource que de s'adresser à Thu-
manité de M. de Lanneau. Si malsonnant que fût alors
le nom de Desmoulins, si peu assurée que se montrât
la faveur de Fourcroy, M.- de Lanneau s'empressa de
recevoir l'orphelin au nombre de ses pensionnaires
gratuits*.
De pareils actes n'étaient pas une bonne recom-
mandation pour obtenir les avantages promis par la
loi de floréal. Aussi, lorsque le directeur de Sainte-
Barbe demanda la concession gratuite de la partie du
collège qui était -restée dans le domaine de l'État, il se
vit dans le cas des solliciteurs auxquels on juge à
propos de ne pas répondre. Cependant M. Frochot
lui-même avait transmis sa demande dans les termes
les plus expressifs", et tous les rapports du préfet n'a-
vaient cessé, depuis l'origine, de représenter sa maison
comme le modèle des Ecoles secondaires du départe-
ment. Elle était inscrite la première sur la liste de ces
écoles. Enfin, si quelqu'un avait des titres aux récom-
penses promises, n'était-ce pas l'homme dont l'éloge
était dans toutes les bouches?
En cela, comme dans tout le reste, M. de Lanneau
subit sans se plaindre les exigences du temps. N'ayant
1. 5 brumaire an XII (18 octobre 1803). '
2. Lettre da 22 pluviôse an XIII (11 février 1805).
m 3
34 HISTOIRE
qu'un but devant les yeux, il eut .pour doctrine con-
stante de chercher à faire le mieux possible en obéis-
sant aux lois établies, mais aussi en fuyant les moyens
de succès qu'il eût fallu acheter par du servilisme.
Il resta indépendant, tout en pratiquant la soumission.
Il réforma ses programmes autant de fois qu'il fallut
les réformer ; et lorsque les Écoles centrales furent sup-
primées, à la fin de l'an XII, sans attendre qu'on le
lui dît, il envoya cent élèves aux lycées Napoléon et
Charlemagne, qui remplaçaient les Ecoles du Panthéon
et de la rue Saint-Antoine. Sa maison, par l'impor-
tance, valait déjà un lycée; elle serait devenue telle s'il
avait consenti à en abandonner la' propriété. Elle
comptait plus de trois cents pensionnaires. Les projets
d'extension, qui avaient été le rêve de l'ancienne Com-
munauté, s'étaient accomplis sans le concours du gou-
vernement, par l'intelligence d'un simple particulier :
Sainte-Barbe occupait tout l'espace entre les quatre
rues de Reims, des Sept- Voies, des Chiens et des
Cholets. En six ans, elle avait fait plus que durant les
trois siècles et demi de sa première existence. Il
fallait qu'elle eût en elle un principe de vie bien puis-
sant, pour s'être ainsi développée au souffle d'un vent
peu favorable pour elle, et dont la direction changeait
à toute heure.
DE SAINTE-BARBE. 35
CHAPITRE III.
Fêtes patriotiques. — Rétablissement du culte catholique à Sainte-
Barbe. — Régime de la maison sous le Consulat. — Vaugirard
et le Lendit. — Exercices du corps. î— Ardeur de la jeunesse. — So-
lennité des distributions de prix.— Barjaud. — Élèyes couronnés à
l'Institut.
Nous réunirons dans ce chapitre et dans le suivant,
sans trop chercher à établir de lien dans le récit, quel-
ques souvenirs qui se placent entre la fondation du
Collège des Sciences et des Arts et celle de T Université
impériale-
Peu de temps après leur installation dans les bâti-
ments de Sainte-Barbe (on se rappellera que ce fut en
Fan VII, répondant à l'année scolaire 1798-1799), les
élèves de M. de Lanneau eurent le divertissement
d'une fête pafriotique qui eut lieu à l'École centrale
du Panthéon. Le 30 nivôse*, jour consacré à la com-
mémoration de la Souveraineté du peuple, toute la
jeunesse qui fréquentait les cours de l'Ecole fut réunie,
conjointement avec celle du Pry tanée, dans le cloître de
Tancienne abbaye de Sainte-Geneviève. La munici-
palité était présente, et le Directoire représenté par
un commissaire. Le professeur Mabérault prononça
un discours, qui fut suivi de la plantation d'un arbre
1. 19 janvier 1799.
36 HISTOIRE
de. la liberté. Ensuite il y eut des rondes autour de
Tarbre, et les élèves du Prytanée, qui apprenaient la
musique depuis lin an, chantèrent, de façon à mériter
les applaudissements de l'assistance, un hymne dont
Grétry avait composé la musique ^
Le 10 germinal suivant', il y eut une autre fête,
celle de la Jeunesse. Elle fut présidée pareillement par
les autorités municipales. Tous les professeurs, institu-
teurs et institutrices de ^arrondissement y avaient été
invités. Les jeunes gens et les jeunes filles de chaque
établissement désignés comme les plus accomplis par
leur caractère et par leur conduite reçurent des prix
de vertu, consistant en une couronne nouée avec des
rubans tricolores. On procéda ensuite à l'armement
des garçons qui avaient atteint Tâge de seize ans, en
conférant à chacun d'eux le sabre, symbole de leur
incorporation à la garde nationale; enfin, on délivra
des cartes civiques à tous ceux qui entraient dans leur
vingtième année.
Ces diverses distributions furent intercalées dans
une cantate composée sur le modèle du Carmen sas-
culare d'Horace. Le poète Paru y en aPvait fourni les
paroles. Elle commence par cette strophe, qui se
chantait à deux voix :
De l'hiver le courroux expire;
L'aquilon fuit devant Zephire :
Naissez, beaux jours, voici le riant germinal.
Il calme les airs qu'il épure,
Et du réveil de la nature
Son souffle caressant a donné le signal.
i. Décade philosophique^ an VII, 2« trimestre, p. 55.
2. 30 mars 1799.
DE SAINTE-BARBE. 37
Le chœur répondait à plusieurs reprises :
Salut, immortelle patrie,
Pour toi nous réservons la douceur de nos chants.
Salut, mère auguste et chérie,
Fixe un regard d'amour sur tes nouveaux enfants^
Les fêtes de ce genre approchaient de leur fin.
Elles formèrent, sous le Directoire, une partie de ce
qu'on pourrait appeler le culte officiel de Tépoque,
culte qui était complété, les jours de décadi, par la
lecture publique des lois. Conformément aux pres-
criptions de l'autorité^ les élèves du Collège des
Sciences et des Arts étaient conduits régulièrement
dans le temple décadaire du quartier pour entendre
cette lecture. Leur directeur les soumit en outre à
une pratique de tous les jours, consistant en un court
exercice sur la morale, par lequel le travail commen-
çait le matin et finissait le soir. Un texte lu tout haut
et commenté par le maître, dans chaque salle d'étude,
devenait pour les élèves un sujet d'interrogations et,
au besoin, de résumés écrits*.
Aussitôt après le 18 brumaire, les lois qui gênaient
l'exercice du culte catholique cessèrent d'être obser-
vées, et l'on parla de rétablir l'instruction chrétienne,
dans les établissements publics et privés, comme l'une
des bases essentielles de l'éducation de la jeunesse.
Les professeurs de l'ancienne Université s'associèrent
généralement à cette réclamation, en faveur de la-
quelle plaidait une partie de la presse. Le gouverne-
. 1. Moniteur du 3 et du i 4 germinal, an VII.
2. Règlements du Collège des Sciences et des Arts (an VIII),
chap. lV,tit. 2.
38 HISTOIRE
ment, pour ce qui le concernait, subordonna la Vne-
sure au rëtablissemeiU du culte catholique romain,
qui était entré dans les desseins du Premier Consul, de
sorte que c'est en 1802 seulement, après la publica-
tion du Concordat, qu'un oratoire fut établi dans
chacune des sections du Prytanée. M. de Lanneau,
plus libre dans ses allures, répondit aussi avec plus
de promptitude au vœu général. Dès que les offices
furent célébrés régulièrement dans son quartier, il
conduisit ses élèves à ceux de Saint-Benoit. Un peu
plus tard, lorsque les paroisses eurent été rétablies, il
eut à Saint-Étienne-du-Mont une chapelle particulière,
dont un aumônier attaché à son collège desservait
Tautel. Enfin, à cause du désordre inévitable qu'en-
gendraient les allées et venues à la paroisse, il de-
manda et obtint Tautorisation de faire célébrer le
culte dans sa maison. L'ancienne chapelle, bâtie en
1695, avait été affectée à d'autres usages et entière-
ment défigurée. Plutôt que de la remettre en état, il
parut plus commode d'en bâtir une nouvelle. L'em-
placement choisi fut le dessus d'une aile basse, dis-
tribuée en salles d'étude, laquelle avait été élevée dès
l'an IX, sur le vide laissé le long de la rue de Reims,
entre le bâtiment reconstruit par la ci-devant Univer-
sité et celui de Robert Dugast*. La consécration eut
lieu à la rentrée des classes de 1 807.
Le règlement du Collège imprimé l'an VIII con-
tient une disposition organique qui ne se retrouve
plus dans celui de 1806. Le premier de chaque
mois, et plus souvent, s'il était besoin, les maîtres
i. Voyez tomes I, p. 305, et II, p. d82.
DE SAINTE-BARBE. 39
se réunissaient en présence du directeur, ou des
deux directeurs tant qu'il y en eut deux. Cette
assemblée s'appelait le Conseil d instruction^ Toutes
les observations relatives aux études et à la tenue
des élèves y étaient apportées. On exposait ce qu'on
avait fait, et ce qu'il semblait qu'on pourrait faire;
on discutait les points douteux qui s'étaient pré-
sentés quant à l'interprétation ou à l'application
des lois établies; enfin on prononçait les peines
encourues pour les cas graves, dont le jugement était
expressément réservé à ce tribunal. Ce qui s'était dit
ou fait au Conseil d'instruction déterminait le tour et
le ton des mercuriales de M. de Lanneau.
Le régime de Sainte-Barbe, qui passait pour dur il
y a trente ans, l'était encore un peu plus au commen-
cement du siècle. Les élèves, par exemple, n'avaient
pas d'autre salle de toilette que la cour, et cela en toute
saison. La fontaine d'Arcueil, qui leur donnait l'eau
pour boire, la leur versait aussi pour se laver. L'hiver,
si la gelée obstruait les conduits, on leur apportait des
seaux remplis à la rivière, dont ils étaient obligés de
casser la glace pour y plonger les mains. De même, en
toute saison, ils restaient la tête nue à l'intérieur,
et aucun ne savait ce que c'était cjue porter double
habit par le froid. Les parents acceptaient cela, ne
connaissant pas encore l'art, si perfectionné aujour-
d'hui^ de détruire la force physique des enfants par
les raffinements de l'éducation première. Aussi, lors-
que l'académicien Arnault, présidant la distribution
des prix de l'an IX, félicitait ses jeunes auditeurs,
parmi lesquels était son propre fils, de ce que leurs
instituteurs « s'étudiaient à semer les fleurs sous leurs
40 HISTOIRE
pas * y n cette expression poétique ne s'appliquait
point à un régime de délices dont personne n'avait
alors l'idée; elle était un honlmage au talent déployé
par la direction pour rendre aux écoliers le séjour du
collège attrayant.
Dès 1 800, l'idée du Premier Consul fut d'assujettir la
■jeunesse des écoles au régime militaire. C'est pourquoi
on donna aux élèves du Prytanée un habillement à
peu près semblable à celui de l'ancienne école de
Brienne. Comme marque d'égalité, et comme élément
de propreté, l'uniforme plut à notre Directeur; il en
fit prendre un à ses élèves, mais qui n'était nullement
militaire par l'apparence, car il consistait en une
culotte bleue et un habit de même couleur à grands
revers, avec un gilet rouge et un chapeau rond. Sur les
boutons de l'habit était inscrit le nom du Collège des
Sciences et des Arts. Ce vêlement n'eut l'approbation
ni du gouvernement ni des familles. Il dura peu.
L'idée d'une maison de campagne semblable à celle
qui tient une si grande place dans l'histoire de la Com-
munauté, ne fit qu'un, dans l'esprit de M. de Lanneau,
avec le dessein de restaurer Sainte-Barbe. Pendant sa
société avec M. Miellé, il se procura l'usage d'un
pavillon et du vaste jardin de l'ancienne abbaye de
Port'Royal (aujourd'hui la Maternité), où il envoyait
jouer les enfants les jours de quintidi. Il loua ensuite
une maison à Gentilly, pour plus de conformité avec
la tradition de l'ancienne Sainte-Barbe^ qu'il voulait
faire revivre. Enfin il prit à bailà Vaugirard, en 1802,
i. Distribution des prix du Collège des Sciences et des Arts, ci-
devant Saiate-Barbe, an IX. — In-4''.
1
DE SAINTEBAUBE. 41
la propriété qui avait servi de maison de campagne
aux ci-devant élèves philosophes de Saint-Sulpice*.
Sainte^Barbe garda la ' jouissance de cette maison
jusqu'en 1820. Les élèves y étaient menés le jeudi.
Leur longue file, bien connue du peuple de Paris et
que nul n'eût cherché à rompre impunément, s'ache-
minait par la rue de Vaugirard. M. de Lanneau lui-
même, s'avançant dans sa sévère et belle tenue , fer-
mait la marche. Une charrette suivait, qui portait les
vivres.
Une cérémonie que le Directeur introduisit dans les
usages de Sainte-Barbe, après l'abolition des fêtes
républicaines, fut célébrée à Vaugirard plusieurs
années de suite. On l'appelait le Lendit; mais ce Lendit
n'avait de l'ancien que le nom et la saison. Le 10 juin,
de bon matin, les grands jeunes gens des cours de
mathématiques et de belles-lettres étaient envoyés en
promenade à Saint-Cloud, où ils s'approvisionnaient
de mirlitons. Tout le collège se trouvait réuni dans
l'après-midi à la maison de Vaugirard, et là commen-
çait un concours à l'instar des jeux olympiques. Des
rubans .tendus sur des pieux circonscrivaient une
arène. Des prix étaient proposés pour la course et
pour le saut. Un jury d'élèves, siégeant à côté du
Directeur, réglait l'épreuve, et proclamait les vain-
queurs. Les récompenses étaient des boîtes garnies
d'objets à l'usage des écoliers.
Cette mise en scène intéressait vivement les élèves ;
elle les excitait à se livrer pendant le cours de l'année
à des exercices du même genire, et c'est ce que voulait
1. L'abbé Gaudreau, Histoire de Vaugirard, p. iS3. ^
42 HISTOIRE
M. de Lanneau. Dans son système, les récréations
devaient être employées à se donner du mouvement.
Les jeux que Ton joue accroupi ou assis n'étaient pas
de son goût. Quand il voyait des enfants occupés de la
sorte, il imaginait des moyens pour les déranger et les
mêler bon gré mal gré aux ébats de leurs camarades
plus turbulents. De là son approbation pour le jeu de
balle, dont il donna la mesure unjour, en allongeant de
quelques minutes la récréation, pour laisser le temps de
finir une partie qui tenait tout le collège en admiration.
La natation était encore un exercice dont il faisait
le plus grand cas ; tous ses élèves l'apprenaient dans
les premiers temps du collège, et il excitait leur ému-
lation par uû prix donné à la fin de .l'année. Le
concours pour ce prix était également très-solennel.
Il consistait à parcourir sans s'arrêter l'espace entre le
Pont-National* et celui de la Concorde. Le public,
amassé sur ces ponts et sur les deux quais, était spec-
tateur.
Cette épreuve, d'abord très-applaudie, était déjà
incompatible avec les mœurs de Tan X; quant au Len-
dit avec ses prix d'agilité et de souplesse, il cessa lors
de la création de l'Université impériale. Celle-ci n'ayant
rien couché de pareil sur ses programmes, n'entendait
pas que, par la moindre chose ajoutée, on se donnât
Tapparence de vouloir faire mieux qu'elle. La gym-
nastique ne fut acceptée que vingt ans plus tard, après
que le colonel Amoros en eut réglé l'enseignement.
Les hommes qui furent écoliers sous le Directoire et
le Consulat ne sont déjà plus très-nombreux ; mais
i . Aujourd'hui Pont-Royal.
DE SAINTE-BARBE. 43
autant on en rencontrei*â, qu'on les interroge sur
l'impression qui leur reste des années de leurs études :
ils témoigneront tous de Tardeur extrême qui les
enflammait eux et leurs condisciples. Un élan de patrio-
tisme était dans les esprits; on voulait à toute force que
, la France, la première par les armes, par les sciences
et par les arts, redevînt aussi la première par les lettres;
chacun se faisait un devoir de réparer Teffet produit
par l'interruption passagère de renseignement, et l'or-
ganisation, beaucoup moins perfectionnée qu'elle n'a
été depuis, laissait une latitude salutaire à la bonne
volonté. Ces dispositions furent heureusement secon-
dées par le talent des professeurs employés dans les
écoles de l'État. Ceux des Écoles centrales furent
toujours pris dans l'élite des littérateurs ou des savants,
et ils tinrent à honneur de s^acquitter dignement de
leur mission. Pour ne parler que des maîtres dont nos
barbistes reçurent les leçons, nous trouvons dans le
nombre des littérateurs tels que Boisjolin, Domergue,
Sélis, de Saint-Ange; des humanistes tels que Binet,
Guéroult, Mahérault, GofTaux, Létendart; des natura-
listes tels que Valraont, Brongniart et Cuvier; les géo-
mètres Lacroix, Labey et Duport ; le géographe Men-
telle, et Millin, savant en toute chose, et pour maîtres
de dessin un Moreau^ un Regnault, un Bachelier. Les
cadres non moins bien remplis du Prytanée nous offrent
les noms de Laromiguière, Castel, Luce de LancivaL
L'animation que des maîtres d'un si grand mérite
introduisaient dans l'enseignement, entretenue, aug-
mentée à Sainte -Barbe par l'ascendant de M. de
Lanneau^ enfantait ces triomphes des concours au delà
desquels apparaissaient encore d'autres récompenses,
4^ HISTOIRE
Stimulant suprême de rémulation. Les services publics
souffraient delà disette de sujets instruits^ et les hom-
mes d'Etat n'abandonnaient point à la recommanda-
tion le soin de leur désigner ceux qu'il était utile d'ac-
quérir. Ils allaient eux-mêmes faire leur choix dans
les écoles. Maintes fois les examens généraux et les
distributions de prix furent pour les ministres ou leurs
délégués l'occasion de discerner des jeunes gens qu'ils
ne tardaient pas d'appeler à des emplois; de sorte
qu'après ses études faites avec succès, on était sûr de
trouver immédiatement une carrière. Voilà ce que les
vieillards racontent de cette époque, véritable âge
d'or pour ceux qui aspiraient aux professions libérales.
Les distributions de prix, qu'honoraient de leur
présence les premiers fonctionnaires de la République,
eurent encore plus de solennité qu'aujourd'hui celles
du concours général. Il n'y avait qu'une cérémonie
pour tous les concours généraux et particuliers des
Écoles centrales. Le lieu ordinaire de la séance était
le temple de l'Oratoire- Le premier lauréat couronné,
gardant sa couronne sur sa tête , proclamait les autres
récompenses; mais avant d'en venir aux proclama-
tions , on lisait les meilleures pièces de vers composées
dans les divers cours de littérature. C'est ainsi qu'on
entendit en l'an XI l'éloge du collège Sainte-Barbe,
ouvrage du jeune François Barrière, et en l'an XII une
épître d'adieu , adressée par le même élève à ses maî-
tres des Écoles centrales *. Barjaud, autre barbiste, fut
i . Mes adieux aux Écoles centrales et à mes amis de collège,
Épître par J. F. Barrière, élève du Collège Sainte-Barbe, et de
M. de Saint-Ange, professeur de belles-lettres à PÉcole centrale de
Saint-Antoine. — In-8°, Paris, impr. Panckoucke.
DE SAINTE-BARBE. 45
admis également en Tan XII à lire des fragments d'un
poème intitulé Melpomène.
Barjaud , mort depuis cin(|uante ans ^ appartient à
rhistoire. Il reçut les applaudissements de ses contem-
porains; sa fin précoce fut déplorée comme une perte
pour le pays *.
Envoyé de Montluçon à Sainte-Barbe à l'âge de
quinze ans '^ ce jeune homme se plaça aussitôt parmi
les athlètes qui fondèrent dans les concours la réputa-
tion du collège. Il s'adonna avec une égale facilité à
la musique , à la peinture , à la composition des vers;
c'est par les vers qu'il eut l'ambition de s'illustrer.
Son premier succès devant le public fut de remporter
en 1 81 1 le prix d'une joute poétique à laquelle prirent
part douze cent soixante-trois littérateurs français, la-
tins, italiens et allemands. Le sujet proposé était la
naissance du roi de Rome \ Barjaud fut le premier
dans le concours des auteurs français , et le premier
encore dans le concours des vainqueurs couronnés
pour chacune des quatre langues. Sa réputation
s'étendit par la publication de diverses odes et de
fragments d'un poème épique sur Charlemagne\
Ce dernier ouvrage n'était encore qu'à l'état d'ébauche
dans sa tête. 11 lui sembla que, pour combler le vide
i. Moniteur du 4 décembre 1818; Rabbe, Biographie des Con-
temporains; Supplément de la Biographie universelle deMichaud.
2. Entré le 25 frimaire an IX (16 décembre 1800).
3. Hommages poétiques à Leurs Majestés impériales et royales
sur la naissance du roi de Rome, recueillis et publiés par J.-J. Lucet
et Eckard. In-4% Paris, 1811.
4. Odes nationales, Paris, in-18, \ 81 2. — Le passage du r<liémen,
le Rétablissement de la Pologne, T Anniversaire de la naissance du
roi de Rome, odes suivies de fragments traduit» de Juvénal,
46 HISTOIRE
de plusieurs chants, il avait besoin de s'inspirer par le
spectacle de la guerre. En conséquence il s'engagea
en 1813, et partit pour TÂllemagne avec le grade de
sous-lieutenant au 37® ïéger. Il assista aux deux ba-
tailles de Bautzen et de Leipsick. Après la première ,
il fut décoré de la main de l'Empereur ; il fut tué à la
seconde.
Sairite-Bàrbe conserve là lettre que le préfet de la
Seine lui écrivit au sujet du poème proposé pour être
lu à la distribution des prix de l'an XII. Cette pièce est
tout entière de la main de M. Frochot. Elle est ainsi
conçue :
« J'ai reçu et j'ai lu avec intérêt votre poème de
Melpomène. Cet ouvrage annonce un vrai talent, que
l'expérience et le goût perfectionneront. Vous êtes en-
core dans l'âge où l'imagination a besoin d'un guide
éclairé pour réprimer parfois ses. écarts et pour diriger
son vol. Consultez souvent un ami sûr; vous le recon-
naîtrez à la sévérité de ses jugements, comme vous
reconnaîtrez les ennemis de vos succès à l'exagération
de leurs éloges. Polissez votre ouvrage et le repolissez,
voilà tout le secret des grands maîtres. Si vous faites
comme eux, vous parviendrez au but où tendent vos
vœux et vos efforts.
« Vous voyez , Monsieur , que je suis de vos amis ,
et c'est parce que j'ai reconnu dans votre ouvrage le
germe du talent poétique que je me* suis permis de
vous faire des observations que vous prendrez sans
doute en bonne part.
Ciaudien et Sénèque. In-i2, 1812. — Homère ou rOrigine de
rUiade et de l'Odyssée, poëme suivi de fragments d'un poëme
intitulé Charkmagncé Paris, in-18, 18H.
DE SAINTE-BARBE. 47
(c J'aurais désiré que vous eussiez pu lire à la dis-
tribution du concours votre poème en entier; mais il
m'a semblé que cela n'était guère possible. L'impa-
tience des concurrents ne saurait supporter la leclure
d'un ouvrage de longue haleine. Je vous invite donc à
en faire une analyse, dans laquelle vous insérerez les
morceaux les plus saillants. Je ne vous les indique pas,
parce que vous les connaissez aussi bien que moi.
Vous pourrez d'ailleurs consulter à cet égard M. de
Lanneau et le professeur de belles-lettres de votre
école, à qui je ferai part de mes instructions relative-
ment aux lectures qui auront lieu ^ »
Quel encouragement pour la jeunesse, lorsqu'elle
voyait ses travaux être hors du collège l'objet de cette
attejition paternelle, et que celui qui lui en donnait
la marque était le premier magistrat de la cité !
Il fut établi en 1 803 que les plus brillants lauréats
du concours général des Écoles centrales seraient pro-
clamés et récompensés de nouveau , • en même temps
que ceux du lycée de Paris et du prytanée de Sainl-
Cyr, dans la séance extraordinaire de l'Institut où le
ministre de l'Intérieur venait couronner les grands ,
prix de médecine, de peinture, de sculpture, d'ar-
chitecture et de musique. Les noms barbistes de Paris,
Feuchères, Darracq, Hello, Brunel, etc., retentirent
dans ces solennités, qui ne durèrent pa$ longtemps, du
moins pour les études classiques. La disposition de
48Q3 fut abolie lors de la création de l'Université im-
périale, et déjà, depuis 1805, elle se réduisait à pro-
clamer les deux premiers grands prix dans Tordre des
1. 22 thermidor an XII (23 août 1804).
48 HISTOIRE
sciences et des belles-lettres, remportés au concours
général des lycées de Paris. Zoé Ducros, non pas Du*
cros le berger, dont il a été question précédemment,
mais un jeune Breton de Belle-Isle, qui, en 1805, fut
pfoclamé de la sorte, à l'honneur du lycéer Impérial,
Zoé Ducros était un barbiste de la veille. Il avait dû
à ses éclatants succès dans notre collège l'avantage
de devenir boursier du gouvernement.
Le Prytanée et Sainte-Barbe eurent, indépendam-
ment de tout cela, leurs distributions particulières.
Celle de Sainte- Barbe avait lieu sous une tente dans
la grande cour du collège, ou bien dans la nef de l'é-
glise Saint-Benoit. On y faisait le rappel des succès
rapportés du dehors par les élèves de la maison, puis
on décernait les récompenses méritées à la suite des
exercices intérieurs.
Il y eut pendant plusieurs années deux prix d'excel-
lence (un pour chacune des deux sections de l'éta-
blissement),, que les sujets les plus accomplis rece-
vaient par les suffrages de leurs condisciples, et ces
suffrages étaient recueillis au scrutin. C'était, malgré
l'apparence exclusivement républicaine de la chose,
un retour aux usages d'avant la Révolution. On lit en
effet dans les Mémoires secrets de Bachaumont * qu'un
ancien élève de la Communauté de Sainte-Barbe éta-
blit dans cette maison, en 1784, un prix pour l'éco-
lier qui, au jugement de tous ses condisciples, aurait
réuni au -degré le plus éminent la science et la vertu.
Le nouvelliste ajoute que le scrutin fut ouvert pour la
première fois à la séance littéraire du 4 décem-
1 . Année i 785, 3 janvier.
DE SÂINTE-BARBE. 49
bre 1 784, présidée par le recteur de FUniversité, et
que le nom qui sortit de Fume fut celui de Jean-Bap-
tiste Perrault, vétéran de rhétorique, natif du diocèse
de Chalon-sur-Saône. Les résultats des éleclions qui
eurent lieu dans la nouvelle Sainte-Barbe nous sont
également connus. Génestal et Gatteaux furent les
élus de Tan Vill; Hoguer, et Gatteaux une seconde
fois, ceux de Fan IX.
Lorsque tout appel au jugement de la multitude
cessa d'être d'accord avec les institutions du pays,
M. de Lanneau établit, pour ses élèves les plus avancés
dans les études, un prix d'honneur qui récompensait
la meilleure composition en français, prose ou vers.
Un jury de littérateurs décernait la palme de ce con-
cours. Ce prix fut remporté par Barjaud en Tan XIL
Les noms des sujets les plus recommandés, à la
suite de tant d'épreuves différentes, étaient peints en
grandes lettres sur des tableaux d'honneur. Cette dis-
tinction parlait aux yeux de tous. Elle excitait ceux
qui en étaient l'objet à conserver leur rang, et leurs
rivaux moins heureux à en conquérir un semblable.
Comme moyen d'émulation, le directeur distribuait en-
core des médailles dans le courant de l'année. C'étaient
des pièces d'argent d'un très-grand module, sur les-
quelles étaient gravés les noms de l'impétrant et la
devise Laboris ac meriti prsemium.. Elles portaient
en légende Scientiarum ariiamque Collegium oUm
S. Barbara.
Tant de moyens d'excitation rendirent les nouveaux
barbistes d'une susceptibilité extrême sur le point
d'honneur, ce qui eut bien quelquefois ses inconvé-
^nients. On raconte qu'un jour, la fleur du cours de
III 4 .
50 HISTOIRE
Belles-Lettres convint d'une rencontre à coups de
poing avec ses rivaux de la maison Lepitre. Ce fut un
combat semblable en tout à celui des Horaces et
des Curiaces, car ils étaient trois de chaque côté, et
l'issue fut la même. Un seul barbiste restant sur. le.
terrain défit deux Lepitre qui s'étaient maintenus
sains et saufs. Un homme éminent, qui vit encore,
figurait parmi ces derniers. Nous pouvons le dire , car
c'était un valeureux champion, qui, s'il succomba au
pugilat^ demeura le plus fort au concours général
des Écoles. Deux ans de suite il remporta le prix
d'honneur.
CHAPITRE IV.
Classe de grec. — Cours de philosophie de Maugras. — Conféreuce de
Laromiguière. — Cours de littérature. — Nouveau caractère de l*en-
seignement des mathématiques. • — Professeurs distingués des classes
d'humanités et de grammaire. — Essai d'enseignement professionnel.
^- École primaire gratuite.
Parlons à présent des choses remarquables créées
à Sain te -Barbe dans la partie des études. C'est' là ce
qui releva le plus le titre d'École secondaire attribué
à rétablissement par la loi de 1 802.
. L'enseignement du grec y fut institué en Tatï IX.
Voici dans quelles circonstances :
L'ancienne Université, dans les derniers temps,
avait tellement négligé Je grec, qu'il fut impossible d'en^
DE SAINTE-BARBE. Si
placer d'abord Tétude parmi les exercices des Écoles
centrales. Les hellénistes en état de faire les cours ne
seraient pas parvenus à réunir un auditoire suffisain-
oient préparé. D'une part, les professeurs élémentaires
étaient rares; de l'autre, le peu qu'il y en avait n'é-
taient pas employés. Ni les parents ne voulaient don-
ner à leurs enfants un surcroit de travail que le
vulgaire jugeait tout à fait inutile, ni les enfants eux-
métues ne se sentaient de penchant pour une langue
qui s'écrit avec des caractères différents de ceux de
notre alphabet.
Aux yeux du régénérateur de Sainte-Barbe, la litté-
rature grecque était à la fois la plus pure source du
bon goût et la clef de toutes nos connaissances. Il
ne comprenait pas que Ton put prétendre à former
des sujets distingués pour les sciences ou pour les arts,
sans leur ouvrir les trésors de la langue dans laquelle
ont été exprimées pour la première fois toutes les belles
conceptions. Sous la République, lorsque la Républi-
que existait encore de fait, il eut à alléguer une autre
raison plus spécieuse, mais plus au goût dès hommes
qui avaient la puissance : c'est que les Français ne
pouvaient pas se dispenser de connaître (c la langue
classique des peuples républicains. » Ay^nt présenté
la chose en ces termes tandis qu'il était au Pry tanée,
il détermina M. Champagne et le Conseil d'adminis-
tration de l'établissement à créer une chaire de grec'.
La chaire de grec du Prytanée fut établie fà l'usage
non pas de tous les élèves, mais de ceux setilement
i . Archives de PEmpire, Registre de radministration du Pry-
tanée, M. 161, séance du 23 brumaire an Vil.
52 HISTOIRE
qui s'adonnaient avec succès à Tétude du latin. Plu-
sieurs de nos barbistes comptèrent parmi ces élèves
privilégiés, et Tun d'eux (un Génois, nommé Botti)
dut au grec le second prix du cours des langues an-
cieniies, qu'il obtint en l'an VIII à l'école du Pan-
théon. C'était l'année de l'apparition du grec dans les
Écoles centrales. La chaire particulière de Sainte-
Barbe fut créée à peu de temps.de là. M. de Lanneau
rétablit sur le même pied que celle du Prytanée,
lorsque cessa la communauté d'études entre sa mai-
son et cet établissement, de sorte que les succès si
remarqués de l'an IX, dont il a été question précé-
demment *, furent Tétrenne de l'enseignement du grec
transplanté ou replanté sur le sol où l'avaient fait
fructifier jadis à deux reprises les Gouvéa et les Jansé-
nistes. Les années qui suivirent répondant à ces
brillants débuts, le collège devint particulièrement
renommé à cause de ses grécisants. De là , cette
recommandation consignée dans son règlement de
1806* : a Le Collège de Sainte-Barbe a e#tant de part
au renouvellement de l'étude du grec, à l'ouverture
des écoles de la capitale, qu'il ne pourrait la négliger
sans renoncer à ce qui fait l'un des plus solides fonde-
ments de sa réputation. »
Le premier professeur de grec à Sainte-Barbe fut
M. Hamoche, ancien professeur du Collège Louîs-le^
Grand, où il resta employé jusqu'en l'an ir comme sous-
directeui^des Boursiers de l'Égalité. Il avait été désigné,
avec Garât et Mahérault, pour enseigner l'histoire dans
i . Ci-dessus, p. 29.
2. titre 8.
DE SAINTE-BARBE. 53
les Instituts provisoires projetés par la Commune de
Paris , lesquels ne fonctionnèrent jamais. N'ayant pas
pu se faire admettre aux Écoles centrales , M. Hamoche
offrit ses services à M, de Lanneau. C'était un profes-
seur instruit, exact, et qui savait se faire écouter ; mais
il s'occupait de littérature française autant et pliisque
de grec. Il publia en 1802 un Dictionnaire des rimes.
D'ailleurs sa méthode d'enseignement était celle de
l'anpienne Université , une exposition sèche et incom-
plète, une interprétation terre-à-terre des auteurs,
d'où était absente l'analyse qui met à jour toutes les
nuances et, par suite, le véritable génie du langage.
Aucun des émériles qui furent appelés à restaurer la
culture du grec dans les écoles ne sut aller plus loin.
Il en résulta que pendant longtemps cette langue ne
fut apprise que par une sorte de routine. C'est au point
que les élèves ne croyaient pas qu'il y eût de règles
certaines pour trouver le sens d'une version. Ils pro-
cédaient par tâtonnements, et s'il leur arrivait de trou-
ver juste ce que l'auteur avait voulu dire, ils regar-
daient cela comme un coup de fortune. Telle était
néanmoins l'envie d'apprendre chez quelques-uns,
qu'ils trouvaient de l'attrait à ces exercices de hasard.
C'est seulement en 1813 qu'un jeune helléniste d'in-
clination et de profession, M. Wendel-Heyl, apporta
dans notre collège les principes de la connaissance du
grec telle qu'elle s'était formée par les travaux parti-
culiers de quelques érudits au commencement de ce
siècle , et telle qu'elle commençait à se propager par
les leçons de Boissonade à la Faculté des lettres.
M. Hamoche fut professeur à Bonaparte dès la créa-
tion de ce lycée. Il y obtint la chaire de rhétorique
54 HISTOIRE
en 1810, grâce aux dëmarches actives que M. de Lan-
neau fit pour lui auprès du grand-maître de l'Uni-
versité.
Le directeur de Sainte-Barbe n^avait pas moins la
philosophie à cœur que le grec. Il est curieux de voir
ses essais successifs, pour remettre en honneur cette
partie de l'instruction.
Les lois républicaines ne- voulaient pas entendre
parler d'une autre philosophie que de là philosophie
pratique. D'après le plan tracé par elles, les règles de
la morale devaient ressortir de l'enseignement de
l'histoire et de la législation, de même que les règles
de la logique se rattacher à l'analyse des grands pen-
seurs. Afin de combler les lacunes de ce programmé
par trop incomplet, M. de Lanneau^ de concert avec
MM. Champagne et Laromiguière, combina pour les
élèves du Prytanée un enseignement gradué de lo-
gique (on disait alors art de penser) et de morale qui
conviendrait à tous les âges. Cette innovation fut mise
en pratique au commencement de l'an VII. Elle a été
expliquée par M. Champagne lui-même, dans un dis-
cours qui est un curieux monument des idées de l'é-
poque*. •
Ces cours ne durèrent que deux ans. Déjà, lorsque
M. de Lanneau quitta le Prytanée, ils étaient con-
damnés, et en Tan IX, on leur substitua une classe
unique de philosophie, placée à la fin des études. On
désigna au professeur les livres dans lesquels il devait
1 . Distribution des prix faite aux élèves du Prytanée français
par le cit. Quinette, ministre de l'intérieur, le 7 fructidor an VII
de la République française. In-8*. Paris, Bertrand Quinquet, impr.
du Prytanée français.
DE SAINTE-BARBE. 55
se renfermer,^c*est-à-dîre la logique "de Condillac et
le De Officîis de Cicéron. L'enseignement consista en
questions dictées sur des sujets propres à exercer le
jugement des élèves, et Ton faisait traiter Taflirmative
par les uns et la négative par les autres ^ C'était un
retour aussi complet que possible aux errements de
l'ancienne Université, et, il faut le dire, une satisfac-
tion donnée à l'opinion publique du moment , car
l'esprit de réaclioi} n'avait plus de frein. La presse, à
peu d'exceptions près, battait en brèche renseignement
révolutionnaire ; elle en accablait les derniers défen-
seurs par la vertu .de deux mots , devenus tout à
coup synonymes de tout ce qu'il y avait d'absurde et
de faux : idéologue et métaphysicien. Ces récrimina-
tions eurent tant de puissance , que même ce cours
si restreint qui venait d'être institué au Prytanée, ne
fut point maintenu.
La pauvre logique, presque aussitôt bannie que
rappelée, émigra dans les Écoles centrales; voici
comment :
Une question épineuse : <k Un particulier peut-il faire
une constitution? » proposée au cours de législation
de l'École des Quatre-Nations (Plessis), fut suivie de
la réponse : « Non, sans violer la souveraineté du peu-
ple'. » Cela fit du bruit. On s'en autorisa pour induire
les professeurs à rayer de leur programme la législation,
et à mettre à la place une autre matière. Ils proposè-
rent la morale. On leur fit comprendre que l'économie
politique aurait plus d'avantage'. Puis, au bout de
1. Règlement da Prytanée en date du 16 juillet 1801.
2. Fin de thermidor an X (août 1802).
3. 29 vetidémiaire an XI (22 oct. 1802).
36 HISTOIRE
•
quelques mois/ réconomie politique dut céder la
place à la logique. Pour cette dernière, c'était prendre
bord sur un navire qui déjà faisait eau de toutes parts.
Les Écoles centrales sombrèrent^ et la logique aurait
disparu avec elles (car elle ne fit pas partie d'abord
de l'enseignement des lycées), si elle n'eût pas trouvé
un refuge à Sainte-Barbe.
Ce refuge était une cbaire de philosophie didac-
tique> établie depuis la suppression du cours de légis-
lation des Écoles centrales, c'est-à-dire depuis le
commencement de l'an XI, qui répond à l'année sco-
laire 1802-1803. Il semble que notre Directeur ail
été guidé dans cette création par le souvenir, encore
vivant à Sainle-Barbe, de Jean Fernei et de l'auditoire
si nombreux que ce professeur avait atliré jadis au*
tour de sa cbaire. Le cours fut institué à l'instar deceut
du seizième siècle. On y admit la jeunesse du dehors;
des exercices annuels réunirent une assistance choisie,
devant laquelle les meilleurs élèves eurent à disserter
sur des positions rendues publiques par des affiches.
L'enseignement embrassait, outre la logique, la mo-
rale et les principes généraux de l'économie politique;
On ajouta plus tard la psychologie , la théodicée
et les éléments de la législation ; mais le cours perdit
sa publicité, et on le combina en partie avec la rhé-
torique, afin de pouvoir le représenter comme un
exercice «propre à contenir l'imagination ardente et
souvent emphatique de la jeunesse ^ » Tel était l'état
des choses en 1808. Le programme adiché pour la
1 . Rapport sur la situation de Sainte-Barbe au moment de la
création de IlJniverûté impériale.
DE SAINTE-BARBE. 87
séance publique de cette année porte encore des
questions sur toutes les matières que nous venons
d'indiquer, et le nom d'Eugène Scribe figure parmi
ceux des jeunes gens désignés pour soutenir les
thèses. Scribe eut l'occasion ^e se distinguer dans une
autre solennité du même genre, dont on trouvera plus
loin le récit. *
L'autorité toléra pendant sept ans le cours de
Sainte-Barbe. Il fut, depuis 1 805 jusqu'à la création
de la Faculté des lettres, le seul sur la matière qui
existât à Paris. Dans le commencement, il contribua
à la réputation du Collège. Sans avoir été l'objet
d'une telle vogue que le professeur se soit vu forcé,
comme Fernel, de débiter ses leçons en plein air, il
< fut néanmoins trcs-suivi , eu égard surtout aux pré-
ventions de l'époque.
Le professeur était M. Maugras, l'antagoniste mal-
heureux des philosophies étrangères, qui traîna dans
ses derniers jours le chagrin d'avoir été congédié de
la Sorbonne pour faire place à Jouffroy.
Agrégé de l'Université avant la Révolution, M. Mau-
gras passait en 1791 pour l'homme le plus capable
d'accommoder Penseignenient de la philosophie aux
besoins nouveaux de la nation. À la demande du
gouvernement , il fit au Collège de La Marche un
cours, qui fut goûté, sur les principes fondamentaux
de l'association humaine. Lorsque vint la grande
crise, il se retrancha dans les fonctions de chapelain
constitutionnel du Collège de l'Égalité, puis il déposa
l'habit ecclésiastique. Il apporta à Sainte-Barbe une
doctrine qui se fit jour dans l'Université de Paris, à la
veille de la Révolution. C'était un assemblage de pria-
58 HISTOIRE
eipes empruntés à Descartes, à Mallebranche, et sur-
tout à Condillac. L'enchaînement n'était pas rigou-
reux; la pensée dominante était de combattre les
tendances matérialistes du dix-huitième siècle, mais
sans placer ailleurs que dans la sensation Torigine des
idées. * .
M. Maugras, comme professeur, avait de la clarté,
du feu, du trait. Il savait intéresser un auditoire, et
encore mieux, Famuser par ses saillies et ses sorties
contre quiconque ne partageait pas sa manière de
voir. Sa nléthode pour faire travailler était excellente;
avec lui, les jeunes gens profitaient; mais il n'était
que professeur. Pour lui, la philosdphiè consistait à
fournir des réponses sur un questionnaire en dehors
duquel il ne concevait ni ne tolérait rien. Aussi n'eut-il
pas d'héritier de son système. Il fit des élèves sans
nombre, et pas un disciple. La part démérite qui lui
revient est de 3'être voué à remettre en honneur une
science qui, au moment où il en reprit la profession
publique, apparaissait aux yeux de la jeunesse comme
uu épouvantail.
M. Maugras conduisait de front son cours de phi-
losophie dans notre collège avec un cours d'écono-
mie politique à l'Académie de législation. Cette Aca*
demie était une école privée où l'on enseignait le
droit, car la Révolution n'avait pas voulu introduire
Faction de l'État dans l'étude approfondie des lois.
Jusqu'au moment où les Écoles de droit, rétablies en
1804, furent rattachées à l'Universit*?, l'Académie de
législation se maintint. Pendant la dernière année de
son existence (1807-1808), M. Maugras donna à
Sainte-Barbe des répétitions de droit ^ auxquelles
DE SAINTE-BARBE. Sft
furent appelés tous les étudiants qui voudraient en
profiter. Quelque chose de pareil avait déji existé
dan!^ le temps que la législation faisait partie de ren-
seignement des Écoles centrales. Jean-Baptiste Teste,
qui fut depuis ministre et qui eut une si triste fin, ré-
pétait le cours à Sainte-Barbe. Tout jeune qu'il était,
il se faisait admirer à la fois de ses élèves et des maî-
tres qui venaient l'écouter. L'étendue, de son intelli-
gence et la merveilleuse lucidité de son exposition
paraissaient quelque chose de surprenant pour son âge.
En 1805, Laromiguière entreprit, à la grande joie
de M. de Lanneaii, une conférence qui avait pour objet
de préparer les élèves au cours de M. Maiigras. C'é-
tait le général qui se faisait instructeur au service du
capitaine. Malheureusement notre professeur de phi.
losophie n'en fut satisfait qu'à moitié, parce qu'il
n'approuvait pas que Laromiguière eût transformé Con-
dillac d'une autre façon que la sienne. Aussi les con-
férences dont nous parlons eurent-elles peu de durée ;
mais elles ont laissé un souvenir ineffaçable dans la
mémoire de ceux qui les suivirent. Ils racontent en-
core, comme si c'était d'hier, l'effet de fascination
que produisait sur eux la parole de leur mattre, si
vive, si suave, si pénétrante ; et c'est avec Témotion
la plus profonde qu'ils se rappellent l'exquise sim-
plicité de ce grand philosophe (car il fut tel au moins
par Pesprit et par la vertu), oubliant son âge pour se
mettre à la portée du leur. Il n'était pas leur profes-
seur/ mais leur ami, leur conseiller, le directeur de
leurs âmes. Il s'étudiait à les instruire pour la vie où
ils étaient sur le point de faire leur entrée. Toutes ses
leçons, toutes ses conversations tendaient à cette fin.
60 HISTOIRE
Il composa pour eux son parallèle entre les plaisirs
des sens et ceux de Tintelligence, qui devint plus tard
le sujet d'une de ses plus belles leçons à la Faculté.
Il leur disait un jour : « Il y a trois choses dont la
réunion vous procurera le moyen infaillible de réussir
dans le monde : le travail, la conduite et raménilé;
puis, lorsque vous aurez réussi, il vous faudra dé-
ployer une nouvelle vertu, la modération. »
C'est à table qu'il leur tenait ce propos, car son
bonheur était d'en réunir deux ou trois le dimanche,
à son modeste déjeuner, afin de les entretenir avec
encore plus d'expansion. Quelquefois le repas était
suivi de promenadeSjj telles que Socrate ou Platon en
faisaient avec leurs disciples. Le témoin de qui nous
tenons ces détails se rappelle avoir été conduit par
Laromîguière au fameux cercle d'Auteuil^ où se réu-
nissaient auprès de Cabanis les sages de la Révolution,
les amants malheureux de la philosophie et de la
liberté : J.-M. Chénier, Andrieux, Daunou, Ginguené,
Benjamin Constant.
Le souvenir des conférences de Laromiguîère ap-
pelle celui de M. Mourre, préfet des études de ce
temps-là, qui seconda l'entreprise de l'illustre philo-
sophe.
M. Mourre fut le frère du baron Mourre, procureur
général à la Cour impériale, puis à la Cour de cassa-
tion. Il s'était consacré à l'instruction publique, après
avoir étudié la médecine. Il fit son chemin dans l'U-
niversité, devint inspecteur de l'Académie de Tou-
louse sous les Bourbons, et déploya dans l'exercice de
ses fonctions le zèle d'un partisan déclaré de l'an-
cien régime. Mais tels n'étaient pas ses principes à
DE SAINTE-BARBE. ^ 61
répoque où il fut employé à Sainte- Barbe* Tout au
contraire, le dix-huitième siècle n'avait point alors de
plus fervent disciple.
M. Mourre s'ëiait approprié avec une parfaite intel-
ligence ce qu'il y avait de bon dans les systèmes d'é-
ducation^ avant et depuis la Révolution ; lui-même
il apportait une foule d'idées et d'expédients à lui
dans la pratique de l'enseignement^ de sorte que pour
le perfectionnement des études, il ne reculait devant
aucune nouveauté.
il se distingua surtout par des leçons de littérature
aux rhétoriciens. L'une de ses inventions fut de faire
corriger par ces jeunes gens eux-mêmes les devoirs
qu'il leur donnait. Chacun devait écrire sur la com-
position d'un de ses condisciples, qui lui était sou-
mise, ses propres remarques, développées et coordon-
nées à la façon d'un article de critique. L'ordre de
mérite était assigné d'après le talent déployé dans les
deux épreuves, composition et correction. La courtoi-
sie comptait pour Tune des qualités de la seconde.
Les mêmes leçons furent employées à corriger le
mode vicieux de récitation qui régnait déjà d^uis un
temps immémorial dans les écoles^ Le professeur
exigeait que des apprentis dans l'art oratoire sussent
mettre à ce qu'ils disaient le ton et l'accent conve-
nables. Ce fut un premier essai que Sainte-Barbe vit
reprendre plus tard sur une plus grande échelle^
ainsi que nous le montrerons en son lieu. M. Mourre
était bon maître en cette partie, car il lisait et disait
à merveille. Il jugea utile de joindre à ses préceptes
l'exemple des grands acteurs de Tépoque. Plus d'une
fois il conduisit dans ce but ses élèves au Théâtre*
62 HISTOIRE
Français; et de peur qu ils ne perdissent de vue Tin-
tention du plaisir qu il leur procurait, il voulait qu'au
retour ils lui fissent des comptes rendus critiques de
la représentation.
En toute occasion il s'étudiait de la sorte à exerc^er
le jugement, en même temps qu'il éveillait l'intelli-
gence. L'annonce du cours de philosophie revenait
sans cesse dans ses entretiens. H dépeignait cette
science comme quelque chose de divin, et avec; un
enthousiasme si sincère, qu'il enflammait du désir de
la connaître tous ceux qui l'entendaient parler. La-
romiguière, qui était son ami, se fit un plaisir d'en-
treprendre des jeunes gens dont l'esprit était si bien'
préparé.
Avant les conférences de littérature par M. Mourre,
il y en eut du même genre par l'abbé de Cournand.
On disait l'abbé de Cournand comme on disait l'abbé
Delille, quoique tous les deux eussent non-seulement
renoncé à la profession ecclésiastique, mais contracté
mariage. L'un et l'autre étaient professeurs au Collège
de France dès avant la Révolution ; mais là ne se bor-
nait pas la conformité. Pendant la moitié de sa vie;;
M. de Cournand s'évertua à être le rival de Delille,
jusque-là qu il fit aussi mie traduction en vers des
Géorgiques. Lui seul méconnut son infériorité. On ra-
conte qu'à une distribution de prix de Sainte-Barbe,
le professeur qui prononçait le discours ayant fait une
allusion flatteuse au talent de Delille^ M. de Cournand
prit cela pour lui, et en remercia l'orateur. Cette foi
robuste en soi-même, dont on pourrait hiultiplier les
traits, fit souvent rire à ses dépens. Néanmoins la re-
. connaissance des services qu'il avait rendus à beaucoup
DE SAIJXTE-BARBE. 63
d'hommes de lettres, menacés par. le gouvernement
révolutionnaire, soutint tant qu'il' vécut sa réputation
de littérateur. 11 aimait fort M. de Lanneau et Sainte-
Barbe; c'est lui qui forfna la bibliothèque que possédait
autrefois le collège, et il ne dédaigna point pendant un
temps de joindre à ses titres celui de bibliothécaire de
Sainte-Barbe. Ses trois fds, Timoléou^ Périclès et Tha-
ïes j furent élevés dans notre collège. Nous aurons
plus loin l'occasion de parler de l'un d'eux.
M. Mourre eut pour les leçons qu'il donnait à nos
rhétoriciens un digne successeur en la personne de
M. Gratiane, agent de change ruiné, qui, heureuse-
qient pour lui, avait commencé par l'enseignement, et
s'était senti capable de s'y remettre sur le tard. Ses
anciens services lui valurent en 1 809 le titre de doc-
teur es lettres. L'Université, au seuil de laquelle il
voulut rester, l'envia à Sainte-Barbe. C'était un méri-
dional, pétillant d'esprit, toqjours neuf dans ses
leçons, et qui ne laissait pas l'attention des jeunes gens
se relâcher un seul instant. L'une de ses manières
de faire était renouvelée du seizième siècle. Il pro-
posait en classe le développement d'un sujet pris dans
un auteur. Les élèves^ successivement interrogés,
indiquaient, chacun selon son sentiment, les traits à
introduire, les expressions et les tours à employer;*
puis en faisant le choix de ce qui avait été suggéré de
mieux, le professeur composait une forme avec
laquelle il comparait la forme fournie par le modèle.
Quel exercice plus fructueux que celui-là pour donner
l'élan aux esprits, et pour les instruire dans l'art si
difficile de travailler ?
Le meilleur professeur peut avoir ses petits travers.
64 HISTOIRE
M. Gratiane était un élégant, plus entendu qu'il ne
convient dans sa (frofession aux choses de la toi-
lette. Il composa un cosmétique qui fit, sous le nom
d*eau de Ninon^ la fortune d'un parfumeur de Paris.
L'inventeur, dans son désintéressement, ne s'était pas
réservé d'autre profit que l'avantage d'un bon diner
par semaine. On riait de cette aventure, mais pas
devant lui, parce qu'il savait commander le respect.
Il mourut en 1813, professant toujours à Sainte- Barbe.
Un souvenir qui est resté vivant dans la mémoire des
anciens barbistes est celui d'un cours spécial, où les
principes du français étaient exposés, comparativement
avec ceux du latin. Lés jeunes gens qui ont été poussés
dans les études classiques avant d'avoir une connais-
sance suffisante de leur lailgue ne sont pas rares
aujourd'hui ; ils étaient encore plus nombreux il y a
soixante ans. C'est pour ceux-là que fut créé l'ensei-
gnement dont il s'agit^ Le directeur du collège en
réserva la partie principale pour lui-même, et il sut y
mettre tant d'attrait que les élèves de toutes les classes
demandaient comme une faveur d'être admis à ses
leçons.
Pour la répétition du cours de physique et de
chimie des Écoles centrales. Sainte- Barbe posséda un
cabinet d'instruments et un laboratoire. M. Thillaye,
de l'École de médecine, faisait les démonstrations. Les
élèves furent soumis, de même que pour la philosophie,
à répreuve des thèses publiques. Ces exercices restè-
rent attachés après l'an XIII au cours de mathématiques
spéciales, qui dès lors exista de fait, sinon par les ter-
mes, car la division factice des matières d'enseigne-
ment, qui a scindé les mathématiques en spéciales et
DE SAINTE-BARBE. 65
en élémentaires^ s'introduisit d'elle-même par la tyran-
nie des programmes d'admissions à l'École polytech-
nique. Les règlements la consacrèrent ensuite.
L'admission aux écoles spéciales devenue le souve-
rain régulateur de l'instruction secondaire ^^ns la par-
lie des sciences exactes, tel fut le premier symptôme
da mal dont les études souffrent tant aujourd'hui.
Toutefois, si l'enseignement par sa distribution visait
d'une «manière trop exclusive à l'utilité, la doc-
trine des maîtres en présence desquels était placée la
jeunesse n'exagérait pas cette tendance. Loin de là :
M. Landry, professeur du Prytanée, qui le fut en même
temps de Sainte-Barbe jusqu'à la séparation des deux
établissements, MM. Chauveau et Pommiés, qui se
partagèrent sa succession en 1803, étaient des esprits
distingués et extrêmement cultivés, à qui la pratique
de l^enseignement des sciences exactes n'avait fait
perdre ni le goût des lettres ni l'habitude de philoso-
pher. Il y avait toujours place dans leurs leçons pour
les idées générales et pour les aperçus comparatifs, de
telle sorte que les mathématiques n'apparussent à
l'esprit de leurs jeunes auditeurs que pour ce qu'elles
sont dans le vaste domaine de l'esprit humain. La
doctrine de la spécialisation prématurée des connais-
sances aurait trouvé chez tous ces professeurs de
solides adversaires, s'ils avaient vécu assez longtemps
pour l'entendre prêcher. Nous n'en voulons pour
preuve que ce passage d'un discours prononcé par
M. Landry à la distribution des prix du lycée Impérial
en 4807:
ic L'éducation publique ne forme des hommes pour
aucune profession en particulier. Ce ne sont point des
m 5
66 niSTOIRE
orateurs, des poêles, des philosophes, des savants
qu'on attend de nous. Lorsque nos élèves sortent de
nos mains, ils trouvent d'autres écoles, d'autres leçons,
d'autres études à faire, qui les disposent d'une manière
spéciale à, l'état qu'ils embrassent. Nous sommes
quittes envers les familles, quand nous pouvons leur
répondre : Vos enfants ont profité de nos soins ; ils
sont capables de réussir dans ce qu 41s entreprendront.
Nous sommes quittes envers la société, (|uand nous
pouvons lui dire : La jeunesse qui nous a été confiée
promet de bons citoyens et des hommes qui sauront
se rendre utiles. »
Puis, s'adressant aux jeunes gens eux-mêmes^
M. Landry ajoutait : « Lorsque vous aurez choisi un
état, il faudra bien, pour réussir, que vous adoptiez
un ordre de travail pour ne plus le quitter ; mais tant
que vous serez élèves, évitez toute préoccupation
exclusive. 11 y a des connaissances qu'il n'est plus
permis de n'avoir pas, et qui doivent nécessairement
faire partie de la provision que vous amassez pour la
vie. »
Ces idées étaient celles de tous les mathématiciens,
il y a cinquante ans. Lacroix, dont plusieurs de nos
barbisles reçurent les leçons pendant qu'il fut attaché
à l'École centrale des Quatre-Nations, les fit entendre
dans sa chaire, avant de les développer dans son Essai
sur renseignement. Un illustre disciple de cette grande
école, feu Poinsot, ne pensait pas autrement. Il s'ex-
prima en ce«sens,aveb sa finesse hatiituelle, dans plu-
sieurs visites dont il honora notre collège, lorsqu'une
division spéciale y fut créée pour l'étude des sciences.
Il est bon de remarquer que M. Cliauveau, qui a
DE SAINTE-BARBE. 67
été nommé tout à l'heure , était frère de Cbauveau-
Lagarde, et, de même que celuÎK^î , «ancien barbistede
la Communauté. Professeur en l'Université de Paris ,
il enseignait les mathématiques à Mazarin lors de la
fermeture de ce collège, et il les enseigna depuis à l'É-
cole centrale de Chartres. Quant à M. Pommiés , plus
jeune que M. Chauveau , il terminait ses études juste
au moment que les études cessèrent. Tous deux furent
appelés au lycée Napoléon dès 1 804 ; ils y professcyent
simultanément, tout en continuant leurs leçons à
Sainte-Barbe. Celles de M. Pommiés ne finirent que
par sa mort, arrivée en 1827.
Notre collège, forcé de subir la division ofTicielle
des études scientifiques , chercha et réussit à se dis-
tinguer par le nombre des élèves aspirants aux écoles
qu^il faisait recevoir. Dans un mémoire adressé à Four-
croy le T*" janvier 1808, M. de Lanneau exposait que,
depuis le commencement du siècle , il n'y avait pas
d'année que sa maison n'eût donné quatre i cinq et
six élèves à l'École polytechnique. En quatre ans l'É-
cole impériale de Fontainebleau en avait reçu plus de
soixante, «lesquels, ajoutait-il, le commandant m'a
dit à moi-même s'être assez distingués pour qu'aucun
ne soit sorti sans avoir un grade. » Ces résultats étaient
considérables par rapport au nombre des sujets pré-
sentés par la maison.
Les classes de latin établies dans l'intérieur du col-
lège pour le plus grand nombre des élèves , c'est-à-
^ire pour ceux qu'on n'espérait pas de voir briller
aux écoles publiques , ces classes si recommandables
par les services qu'elles rendirent aux familles, furent
confiées dès l'origine à des maîtres habilement choi^
68 HISTOIRE
sis. C'est dans le personnel des Écoles centrales et des
lycées, parmi les hommes qui avaient une longue pra-
tique de l'enseignement, que le directeur dé Sainte-
Barbe alla chercher de préférence ses professeurs.
Nommons les plus distingues :
M. Arrachard, qui avait occupé la chaire de gram-
maire générale à l'École centrale du Morbihan, et qui
obtint celle d'éloquence au lycée de Rouen en 1 805 ;
M. Mérandon, professeur de grammaire générale aussi
à l'Ecole centrale de Saône et-Loire, ancien chanoine
d'Autun , qui avait partagé la bonne et la mauvaise
fortune de M. de Lanneau en 93 et 94; MM. Manget ,
de l'École du Calvados , et Lartois , de l'École de
l'Eure*, ce dernier reçu à Sainte-Barbe sur les vives
recommandations de Fourcroy, qui n'avait pas réussi
à le placer dans un lycée; M. Millon, de l'École du
Panthéon , puis du Lycée Napoléon et enfin de la Fa-
culté des lettres, barbiste d'avant la Révolution, ex-
bibliothécaire du prince de Condé, correspondant de
Voltaire et du grand Frédéric dans sa jeunesse, très-
attaché à Sainte -Barbe, et qui protesta par ses
assiduités auprès d'elle contre les mauvais procédés de
plusieurs de ses anciens condisciples; M. Létendart,
de l'École des Quatre-Nations, puis du Lycée Napo-
léon, ancien élève de Montaigu, professeur accompli,
au sujet duquel il n'y a que deux mots à dire pour
rendre le sentiment des élèves qui passèrent sous lui :
admiration et adoration; M. Caura, professeur du Pies-
sis avant et pendant la Révolution, élève brillant de
l'ancienne Sainte-Barbe , entièrement dévoué à la nou-
velle , décoré du titre de docteur es lettres sous l'Em-
pire, et de la croix de la Légion d'honneur en 1829;
DE SAINTEBARBE. 69
M. Roux, ancien principal du collège de Chàtillon;
en-Dombes; M. Martin^ sur lequel nous nous arrête-
rons MU instant , parce qu'il fut un compagnon de la
jeunesse de M. de Lanneau, et qu'il resta toute la vie
son ami le plus intime.
Ils s'étaient connus sous l'habit de thëatin, et avaient
secondé ensemble , comme vicaires épiscopaux , l'é-
vêque constitutionnel de Saône-et-Loire. Le collège
d'Âutun, maintenu en 1793 par leur concours, fut
l'un de ceux qui eurent l'avantage, exceptionnel de
subsister jusqu'à l'établissement des Écoles centrales.
M. Martin prit domicile et racine à Saiote-Barbe dès
la fondation. N'ayant d'autre ambition que de se rendre
utile à l'ami dont il était le fidus Jlchates , il se char-
gea tour à tour des fonctions les plus diverses, selon
le besoin des circonstances. Associé d'abord à la con-
duite du collège avec le titre de sous-directeur , il fit
ensuite la classe de quatrième , puis devint préfet des
études du Grand-Collège. C'était la vertu même et
l'homme du monde le plus inoffensif. Il fallut néan-
moins le mettre à l'écart pendant quelques années, pour
le soustraire aux vengeances de la Restauration. Il
prit plus tard la surveillance du Petit-Collège , et la
conserva jusqu'à la mort de M. de Lanneau, à qui il
eut le chagrin de survivre.
Tant qu'il fut permis de croire à la durée du régime
des Ecoles secondaires, les instituteurs entendus à
leur profession s'occupèrent de former les maîtres par
qui ils seraient aidés plus tard. Us confiaient dans cette
vue la conduite des basses classes à ceux de leurs meil-
leurs élèves qui annonçaient du goût pour Tenseigne-
meùt. Aussi bien les professeurs des Écoles centrales
70 HISTOIRE
avaient la plupart institué des exercices d'interrogation,
où les auditeurs les plus avancés de leur cours rem-
plissaient à l'égard des autres l' office de moniteurs, et
ces jeunes gens étaient ceux qu'ils désignaient^ lors-
qu'on leur demandait quelqu'un pour donner des ré-
pétitions. M. de Lanneau, on le pense bien, ne fut pas
le dernier à essayer cet emploi des jeunes talents :
c'était la pratique de l'ordre religieux auquel il avait
appartenu; c'était aussi la tradition de l'ancienne Sainte-
Barbe. Dès l'an IX, il chargea de professer la géogra-
phie aux commençants un brillant lauréat dé son col-
lège , qui achevait ses études à la fois au Prytanée et
à l'École centrale du Panthéon , le jeune Hoguer, de-
puis chef de divisioq au ministère de l'Intérieur.
Varner, qui a composé, en collaboration avec Scribe
et d'autres, tant de jolies pièces qu'on joue encore ,
le Mariage de raison ^ le Plus beau jour de la vie^ le
Précepteur dans [embarras ^ etc., Varner débuta de
même que M. Hoguer. Tout chargé des palmes du
concours général de 1805, il fut préposé à l'instruc-
tion àe% premiers élémentaires ou écoliers de septième.
La conscription vint le relever de ce poste en 1808.
Ce fut un si grand chagrin pour ses élèves, que les pau-
vres enfants se cotisèrent pour lui acheter un homme.
L'un d'eux, dont le père était dans le haut commerce
de la boucherie, souscrivit pour un bœuf : passe encore
pour celui-là ; mais les autres n'avaient à offrir que
les petits sous de leurs menus plaisirs, et c'est cinq ou
six mille francs qu'il aurait fallu. Varner fut dragon.
Par les démarches actives de M. de Lanneau, il passa
dans l'administration militaire. Rendu à la vie civile
parle licenciement de la grande armée, il obtint un
DE SAINTE-BARBE. 71
emploi à lâ préfecture de la Seine. C'est alors qu'il
chercha dans la littérature une augmentation au mo-
dique traitement qui le faisait vivre. Cet homme ré-
servé , timide , qui se tenait toujours derrière les au-
tres, fit preuve de beaucoup d'initiative et de courage
lors de l'invasion du choléra en 1 832 : on s'en sou-
vient à l'Hôtel-de- Ville. Il s'était déjà révélé de la sorte
à la retraite de Moscou. Il mourut en 1854 ^ sans lais-
ser d'autre fortune à ses héritiers que la mémoire de
ses succès dramatiques et d'une vie exemplaire. La
dernière lettre qu'il écrivit fut un adieu plein de re-
connaissance pour les soins que Sainte-Barbe lui avait
donnés autrefois, et pour ceux qu'elle donnait alors
à son petit-fîls.
Revenons à l'idée de faire du collège lui-même la
pépinière de ses professeurs. Il y fallut renoncer bien-
tôt. L'Université impériale, après avoir délimité le
rôle de chacun dans l'enseignement, se réserva à elle
seule de former et de fournir le personnel. Il n'est pas
jusqu'à l'emploi de répétiteur qui ne fût soumis à tant
de formalités, que la plupart des jeunes gens qui dési-
raient auparavant s'essayer pour cet exercice n'y son-
gèrent plus.
Dans la donnée de l'enseignement mixte, qu'aujour-
d'hui l'on appelle improprewenX professionnel^ Sainte-
Barbe fit ses essais dès le temps de la République.
Elle eut en Pan XII une classe de commerce et une
classe pour le dessin d'architecture et le levé des
plans. Nous laissons à part le dessin de la figure, dont
rétude y fut organisée en l'an IX par le sculpteur
Boichot, de l'ancienne Académie royale, et dirigée en-
suite par le peintre Debret : cet exercice fit partie, à
72 HISTOIRE
toutes les époques, de l'enseignement général de la
maison. Les destinées des deux autres créations plus
spéciales ne furent pas brillantes. La classe d'archi-
tecture n'eut pas de durée ; celle de commerce se main-
tint pendant trente ans sans avoir produit de résultats
dont on puisse parler. Tout de suite se révéla Tin-
convénient qu'il y a à réunir plusieurs cultures sur un
même sol. On vit se former dans la population du
collège une caste,inférieure, que les autres appelaient
par risée \e% pas -latins y et qui ne parvint jamais à se
relever dans la considération .
C'est le seul essai d'enseignement où M. deLanneau
n'ait pas réussi. Lui, néanmoins, attribuant son peu
de succès aux conditions dans lesquelles il avait été
obligé d'opérer, persista à croire qu'il y avait place,
au-dessus de l'école primaire, pour un genre d'instruc-
tion qui ne serait pas celle du collège. Il y réfléchit
plus d'une fois, et ses méditations sur ce sujet profitè-
rent plus tard au fondateur de l'École qui est aujour-
d'hui le collège Chaptal. Nous reviendrons sur l'ori-
gine de cet établissement.
Les enfants pauvres du 12® arrondissement furent
aussi l'objet de la sollicitude du Directeur de Sainte-
Barbe. En 1803, il ouvrit en leur faveur une école
gratuite, qu'il entretint à ses frais et dont il fit une an-
nexe de son collège. Ce fut un grand bienfait, eu égard
à l'état de l'instruction primaiie, qui se trouvait pour
ainsi dire abolie au commencement du siècle actuel.
Après avoir été l'objet d'une infinité de lois, facilement
votées, mais jamais exécutées, une dernière l'avait
mise à la charge des communes, et les conmiunes l'a-
bandonnèrent à l'industrie privée. Dans les plus
DE SAINTEBARBE. 73
grandes villes, même. à Paris, il n*y eut plus que des
écoles payantes, fermées par conséquent au plus grand
nombre. On était si étranger à Tidée d'instruire la
multitude, qu'en 1 801 un citoyen du 1 0* arrondisse-
ment de Paris ayant contracté l'engagement de fournir
l'argent nécessaire à l'entretien d'une école gratuite
pendant trente ans, le maire et lès adjoints qu'il avait
choisis pour arbitres de sa fondation, au lieu d'en
faire goûter le bienfait au gros de la population, déci-
dèrent la création d'un pensionnat pour douze jeiojes "^x
filles*.
M. de Lanneau comprenait mieux que cela les be-
soins du peuple. Dans le plus fort de la Révolution, il
entretint avec une constante sollicitude l'instruction
primaire à Autun. À Paris, il ne put pas supporter la vue
du vagabondage des enfants dans les rues qui avoisi-
naient Sainte- Barbe. Sur l'emplacement de l'ancienne
église Saint-Symphoriei), dans la rue desChienis, qui
par ses démarches allait bientôt s'appeler la rue Jean-
Hubert, il loua un local où il réunit soixante petits
garçons, qu'il confia aux soins d'un ci-devant frère de
la Doctrine chrétienne. Lui-même exerça la surveil-
lance supérieure de cette école; il y allait faire les
examens et décerner les récompenses. L'ensergnement
fut distribué de manière à ne pas retenir les élèves
plus de deux ans. Une bien belle récompense était
proposée aux deux premiers parmi les sortants de
chaque année : ils étaient admis à faire leurs études
gratuitement dans le collège.
L'école gratuite de M. de Lanneau, considérée du
1 . Moniteur du 30 floréal an IX.
74. HISTOIRE
temps de TEmpire comme un modèle en son genre,
eut beaucoup de renommée dans le 12® arrondisse-
ment. On l'appela dans le peuple la Poule-qui-pondj
à cause d'une enseigne posée sur le portail par où on
y entrait, L'évêque actuel d'Orléans, Mgr Dupanloup,
a reçu là les premiers rudiments de l'instruction qui
l'a porté au rang qu'il occupe dans l'Église et dans
les lettres.
CHAPITRE V.
Hostilité contre Sainte-Barbe. — Les anciens barhistes de la rédaction
du Journal des Débats, — Banquet de l'an IX. — Banquet de 1807.
— Vers latins de Lemaire. — Diffamation dans les journaux. —
Sainte-Barbe vengée par les jeunes Vatout et Ville main. — Arrêté
ministériel en sa faveur.
On était en l'an de grâce. 1807. Il y avait près de
dix ans que Sainte- Barbe, relevée de ses ruines, j)ros-
pérait et tenait le premier rang parmi les maisons d'é-
ducation, non-seulement de Paris, mais de la France
entière, lorsque surgit une concurrence très-ardente,
très-tenace, qui devait plus tard appeler à*son aide la
fureur des passions politiques et une odieuse persé-
cution. Comme c'est ici le commencement de la lutte
qui formera le principal épisode dans l'histoire mo-
derne de notre collège, comme l'événement de 1 807
a été la semence d'où leva une moisson de douleurs
pour M. de Lanneau, et comme il est aussi la pre-
DE SAINTE*BARBE. 75
mière cause de la splendeur où se trouve porté au-
jourd'hui rétablissemeut qu'il a fondé, nous retrace-
rons les faits dans tout leur détail, en les prenant à leur
origine.
Aussitôt que le nom de Sainte-Barbe commença à
reprendre faveur^ on vit le:^ anciens élèves de la Com-
munauté témoigner à Penvi, mais avec des sentiments
divers, leur attachement pour ce nom qui était resté
cher à tous. Ceux-ct s'empressèrent de mettre leurs
enfants chez M. de Lanneau, ceux-là prirent du ser-
vice sous ses ordres; d'autres, au contraire, affec-
tèrent d'établir une ligne de démarcation entre
Tancienne Sainte-Barbe et la nouvelle. Ce dernier
sentiment fut celui des barbistes attachés à la rédaction
du Journal des Débais,
Nous avons déjà eu l'occasion de dire*que làse trou-
vèrent réunis, après la Révolution, les abbés de Féletz
et Mutin, Henri NicoUe, Duvicquet, Dussault, les bon-
nes plumes du parti monarchique, et en même temps
la fleur de la génération qu'avaient enivrée les prix
obtenus sous l'abbé Nicolle. Ces messieurs ne s'étaient
pas quittés depuis le collège ; ils avaient vécu entre
eux. Mécontents de tout ce qui se passait, ils s'étaient
consolés, ou attristés, en conversant de leur enfance,
de leurs succès, de leurs maîtres. Leur enfance avait
été la fin du bon temps; leurs succès, les plus prodi-
gieirs dont eussent jamais retenti les concours, et leurs
maîtres, des hommes comme on n'en reverrait plus.
Ils se tenaient de bonne foi pour les derniers Français
qui eussent été bien élevés, et, dans leur opinion, le
i. Tomell, p. 409,
76 HISTOIRE
nom de leur berceau s'était attaché à leur personne.
Ils étaient Sainte-Barbe.
Ce n'est pas qu'ils ignorassent que le nom de
Sainte-Barbe n'avait été qu'un nom d'emprunt pour
la Communauté. Ils avaient eu la confidence des tra-
cas de Joseph Planche, poursuivi par la vraie Sainte-
Barbe, la Sainte-Barbe propriétaire, pour acquitter les
dettes que n'avaient pas payées les derniers supérieurs
de la Sainte-Barbe locataire. Ils savaient cela dans un
détail que les actes ne peuvent plus nous apprendre;
mais ils savaient aussi dans quel profond oubli la
Révolution avait enseveli toutes les choses/ même
celles de la veille. Comme Sainte-Barbe, collège, et
Sainte-Barbe, communauté, avaient toujours été con-
fondus parle public, et qu'ils s'étaient adjugé le profit
de cette erreur, c'était pour eux un chagrin mortel
d'entendre un nouveau public dire toujours Sainte-
Barbe, et jamais le Collège des Sciences et des arts,
lorsqu'il s'agissait de l'établissement de M. deLanneau.
C'est pourquoi , grossissant leur nombre de ceux de
leurs condisciples du Plessis avec qui ils étaient restés
unis d'amitié, ils préparèrent une manifestation pour
le 4 décembre 1800.
Avant la Révolution, les anciens élèves de la Com-
munauté présents à Paris avaient coutume de se
réunir le jour de sainte Barbe, pour diner ensemble,
soit à Sainte- Barbe même, soit à la maison de Gen-
tilly. Ils se soumettaient à l'ordinaire des écoliers,
lesquels étaient régalés ce jour-là de dindon rôti, de
salade aux betteraves et de pommes cuites. Des vers
latins ou français complétaient le menu. On chantait
la gloire du collège, et Ton s'égayait par les souvenirs.
DE SAINTE-BARBE. 77
C'est cette fête de famille, interrompue depuis dix
ans, que les rédacteurs des Débats eurent l'idée de ré-
tablir, mais hors des murs de Sainte- Barbe. Us firent
seniblant d'ignorer qu'il y eût encore une Sainte-
Barbe, que le dindon traditionnel y fumât de nouveau
au diner du 4 décembre, et que les anciens, à qui il
plaisait de renouer une habitude de leur jeunesse,
eussent leur couvert mis ce jour-là, non pas à la table
des élèves, mais à celle du maître. Les personnes dont
il s'agit n'avaient qu'un dessein, constater le décès
sans résurrection de la célèbre Sainte-Barbe, et aver-
tir le public que, de cette maison, il ne restait plus
que des fils désolés et dispersés.
Le festin eut lieu chez un restaurateur, qui servit
du dindon et autre chose que du dindon, car la
compagnie comptait dans son sein plusieurs des
belles fourchettes de l'époque. Lemaire, • qui était
des invités, lut une allocution en vers latins, char-
mants, comme il savait les faire. C'était une imita-
tion du discours d'Enée dans le troisième livre de
l'Enéide. La péroraison fut le serment de renouveler,
chaque année, la même cérémonie*. Les jours suivants,
des articles écrits dans le sens que nous indiquions
tout à l'heure furent servis aux lecteurs de plusieurs
journaux*.
Loin de souffrir du désaveu imphcite qui lui avait
été infligé par le silence observé à son égard, la nou-
\ , Vers récités par N.-E. Lemaire, ancien maître de Sainte-
Barbe, à la réunion des anciens élèves de cette maison le i 3 fri-
maire, an IX (4 décembre iSOO), 4 pages in-8.
2. Journal des Débats du 15 frimaire an IX; Décade philoso-
phique de Tan IX, deuxième trimestre, p. 243.
78 HISTOIRE
velle Sainte-Barbe ne fît que croître et multiplier ; et
comme Tappel de Lemaire resta longtemps sans avoir
de suite, elle put croire que son prodigieux succès
avait désarmé la prévention. Elle goûtait donc tran-
quillement les fruits de la considération publique,
'lorsque le récit d'un nouveau banquet lui dévoila, en
1807^ tout un plan de campagne dirigé contre safe
fortune ej contre sa réputation. Cette fois, l'attaque
cessa d'être indirecte. Voici par quelles circonstances
elle fut amenée :
Parmi ceux qui fréquentaient là société des Débats^
l'un des pluâ assidus était Joseph Planche. Ce vieux
barbis^e d'avant la Révolution , que nous avons vu
se lancer dans la vie politique après la chute de Ro-
bespierre*, s'en était retiré depuis le 1 3 vendémiaire,
qui lui causa du désagrément, car il commandait ce
jour-là l'une des compagnies de la garde nationale,
qui furent si rudement menées par le général Bona-
parte. Planche travailla à se faire oublier, en repre-
nant son ancien métier d'instituteur, qu'il exerça sans
bruit; puis, en l'an VII, il se fît inscrire parmi les ci-
toyens tenant pension de jeunes gens à Paris. Son
établissement était situé rue Neuve-Sainte-Geneviève;
il acquit assez d'importance pour être porté, en 1803,
au nombre des Écoles secondaires. On dit qu'il con-
tenait alors une soixantaine d'élèves. Il y avait de
l'argent à gagner avec cela ; mais le chef, trop étran-
ger aux choses de ce monde pour être un adminis-
trateur diligent, ne sut pas profiter dé la veine. Loin
de là : ses affaires prirent une si triste tournure, qu'il
1 . Tome II, p. 409.
DE SAINTE-BARBE. 70
s'estima Irès-heureux d'accepter une place de profes-
seur, qui lui fut offerte en 1806 au lycée Napoléon.
Il céda son établissement à un autre barbiste de la
ci-devant Communauté, M. Parmentier, homme plus
entendu que lui aux calculs^ qui Favait secondé
jusqu'alors dans sa direction. Celui-ci, pour son dé- *
but, transporta l'École secondaire de la rue Neuve-
Sainte-Geneviève dans la rue des Postes, au lieu où
est aujourd'hui le collège Rollin.
M. Parmentier n'était pas seul. Il s'appelait légion;,
il menait à sa suite toute la compagnie des dissidents
hostiles à la Sainte-Barbe de Lanneau, ou, pour par-
ler plus juste, il était l'instrument de ceux-ci. Ces
messieurs l'avaient élu pour endosser leurs exploits,
pour être le fondateur d'une autre Sainte-Barbe, une
vraie Sainte-Barbe, qui serait dirigée avec leur con-
cours et sous leur inspection. Tout d'abord, ils
donnèrent à M. Parmentier un conseil dç douze
personnes, prises parmi ceux de leurs amis qui s'enten-
daient Te mieux à l'enseignement. Ce conseil devait se
réunir tous les mois, pour donner son avis sur la
marche des études et sur les améliorations à y intro-
duire. Ils l'appelèrent le sénat. MM. de Wailly, Plan-
che, ternaire en firent partie. Quant aux autres soins
de la direction, ils furent partagés entre M. Parmen-
tier et un certain abbé Lingois, docteur de l'ex-Sor-
bonne, jadis intime ami de l'abbé BadueL
L'abbé Lingois, disait-on, était «run des hommes
qui avaient le plus réfléchi sur l'éducation» » C'était
le professeur universel. I! entendait également bien la
philosophie, les mathématiques et Tart du langage. Il
était l'auteur d'un traité de géométrie. Comme gram*
80 HISTOIRE
mairien, il avait fait un rudiment qui détrônait celui
de Lhornond. Il doit aux mêmes amis, qui Font si bien
traité en son vivant, d'avoir son article dans la 5/b-
graphie universelle^. Là on raconte, comme un trait
digne d'être recueilli par la postérité, que le jour du
• supplice de Louis XVI, l'abbé Lingois commençant
sa classe, dit à ses élèves : « Mes enfants, il s'est passé
aujourd'hui un événement dont, tout jeunes que vous
êtes, vous ne verrez pas la fin. » En revanche, on a
oublié, de dire que ce grand pédagogiste avait pro-
posé de retrancher, des exercices auxquels on soumet
l'enfance, la cullure de la mémoire'; que ce docteur
imperturbable au milieu des convulsions politiques
prêta serment à la constitution civile du clergé, et
qu'il consentit à prendre la direction du Plessis, lors-
qu'on en dépouilla l'abbé Bertrand-Dupuy. Mais il
s'élait amendé depuis lors, et, par son repentir, il mé-
rita un commandement dans l'armée qu'on organisait
contre M. de Lanneau.
La marche de l'affaire fut extrêmement ténébreuse.
Beaucoup de choses se firent en petit comité, et à
l'insu de la plupart de ceux dont on s'était procuré
les noms pour faire du bruit aux oreilles du public.
Le 4 décembre 1807 eut lieu le grand banquet de
la vieille Sainte-Barbe. Il réunit onze personnes!'
Comme MM. Parmentieret Lingois y assistaient, il de-
vient manifeste par ce chiffre qu'on n'éta'it pas même
parvenu à obtenir la présence de tout le sénat; et
voilà ce qu'était l'unanimité dont on ne tarda pas à se
i . Dans le supplément, t. LXXI.
2. Bibliotheca classica latina de Lemaire, Appendix^ p. 86,
note.
DE SAINÏE-BARBE. 81
prévaloir, quand on annonça rétablissement de la rue
des Postes en le réprésentant comme le résultat d'une
association de tous les anciens barbistes, comme une
inspiration née des regrets universels dont la chère
Communauté ét^it Tobjet,
La tenue des convives fut, dit-on, pleine de réserve.
Ils burent à la prospérité de la future entreprise, dont
ils ne découvrirent entre eux que les côtés légitimes,
sans mêler aucun propos offensant pour la maison ri-
vale. Lemaire lut encore des vers latins, qui demaur
dent qu'on s'y arrête à cause du parti qu'on en tira
plus tard.
La facture est exquise, mais la composition est em-
barrassée; elle sent la contrainte. L'ancien barbiste le
prend d'abord sur un ton pompeusement comique. Il
s'adresse à ses collègues, les membres du sénat :
Salvete, o socii veteres, venerabile salve
Concilium, patres duodeni alterque senatus,
Quos de Phœbeis puerorum rébus agentes
Menstrua luaa videt : tandem solemnia nostrae
Sedibus incertis celebramus festa patronse.
Puis vient une tirade à la louange de l'abbé Lin-
gois, qui représente, dit le poète, les trois grâces de
rÉcole, la Logique, la Géométrie et la Grammaire,
qui a réduit la simplicité de Lhomond à confesser
humblement sa défaite :
Quem repetit logice, que se geome^a jactat,
Quem sibi grammatice doctorem vindicat : illum
Très etenim hae charités sibi quœque adnectere certant ;
Sed nunc grammatice tenet hune felicior omnem.
Parturlit methodum quae cuncla obstacula solvit,
ni ^ 6
82 HISTOIRE
Quse caligantes syntaxis discutit umbras,
Qua puer it rapide per prima elementa volatu... .
Se victum erubuit simplex Lhomundus, et ictu
Lsesa uovô rursum Tricoti* expalluit umbra.
C'est ensuite le tour de M. de Wailly, le traducteur
d'Horace, alors proviseur du lycéie Napoléon, dont
l'un des fils, M. Alfred de Wailly, après avoir dirigé
à son tour le même établissement et rempli les fonc-
tions d'inspecteur général de l'Université, est aujour-
d'hui lecteur de l'importante académie de Bordeaux.
Lemaire félicite M. de Wailly des trentç prix que
son lycée a obtenus au dernier concours général : en
quoi il rendait un hommage indirect à nptre Sainte-
Barbe, qui avait la plus grosse part dans cette moisson
de. trente prix.
Mais le dindon traditionnel apparatt sur la table.^
Honneur à l'oiseau sacré des barbistes, barhicolis aies
sanciissimaï Puis un développement sur cette pensée,
d'où l'auteur s'éloigne bientôt par une boutade d'un
goût douteux, que lui a inspirée la présence à Paris
du docteur Gall : « Qu'on porte au docteur le crâne
de l'oiseau, pour qu'il y cherche la bosse où se sont
formées toutes les sottises dont les Parisiens font leurs
délices y et les âneries de la grammaire de Domergue,
et les calembours de Brunet^ et les traits soi-disant co-
miques de V Homme aux trais çisages*. Mais non>
M. Gall a quelque chose de plus sérieux à faire. S'il
est venu en France, c'est certainement pour étudier
le crâne des Françaft. Il veut trouver dans la confor-
1 . Tricot était Tailteur de la grammaire qui fut détrônée par le
rudiment de Lhomond.
S. Pièce de la Gaîté^ qui faisait alors courir tout Paris.
DE SAINTE-BARBE.
mation de nos têtes le secret des exploits qui font de
nous la grande nation. » Et le poète entame là-des-
sus réloge de Napoléon. C'est la fin de la pièce.
Qui le croirait? cet ouvrage d'un esprit enjoué fut
choisi pour servir de prospectus à rétablissement de
la rue des Postes ! Il fut imprimé avec un avertisse-
ment où l'on instruisait le public qu'un grand vide
allait être comblé dans l'instruction de la jeunesse ;
que M. Parmentier allait ouvrir une nouvelle ^ainte-
Barbe, sinon dans les murs^ du moins sur la règle et
les principes de l'ancienne; et la coopération de
l'abbé Lingois ainsi que la formation du conseil des
Douze étaient annoncées en même temps ^
La brochure à peine parue, M. Cussault s'en em-
para pour en rendre compte dans le Journal des Dé-
bats, alors Journal de F Empire. Là commença à se
montrer le fiel de la haine, et la méchante intention
d'une concurrence qui se proposait de décrier ceux
dont elle usurpait le titre. Voici en quels termes le
feuilletoniste commentait les vers inoffensifs de Le-
maire :
«L'objet de cette pièce est de célébrer le rétablisse-
ment de Sainte-Barbe sous les auspices et sous la di-
rection de MM. Parmentier et Lingois. La joie que ce
rétablissement cause à tous les anciens élèves de cette
maison devoît nécessairement s'exprimer en latin, et.
ne pouvoit avoir un meilleur interprèle que M. Le-
1» Carmen in sanctœ Barharœ festuni» N. E. Lemaire ad socios
festum sanctx Barharœ solemni convivio célébrantes. 4807. Une
demi-feuille in-S**, irapr. Lenormant. Cette pièce est réimprimée,
sans TÀvertissement, dans ^Appendice à la Bibliothèque latine de
Lemaire.
84 HISTOIRE
maire : c'est dans la langue et sur les instruments de
son pays qu'une colonie longtemps dispersée doit
chanter sa réunion. Les vers latins ont sans doute peu
de faveur aujourd'hui dans le monde : la raison n'en
est que trop évidente ; à peine veut-on pardonner à un
journaliste qui en cite quelques-uns. J'espère cepen-
dant obtenir ma grâce à cause du motif qui m'anime.
Je crois aussi que quelques personnes se rappelle-
ront que les vers latins et les compositions latines
de toute espèce ont été les préludes de tant de beaux
ouvrages, qui font le charme de la nation françoise et
la gloire de sa littérature. Boileau, Racine, Voltaire
s*essayoient, en latin, à bien écrire en françois. M. Le-
maire n'avoitrien à braver en parlant latin devant des
barbistes, et sa pièce, imprimée, trouvera encore de
bons juges qui auroient été très-dignes de l'entendre,
et qui reconnoitront l'excellent latiniste, l'humaniste
distingué, dont le nom brillera toujours parmi les sou-
venirs glorieux de l'ancienne Sainte-Barbe, et dont
la voix étoit faite pour en célébrer la restauration. Si
l'on trouve dans ses vers quelques plaisanteries lé-
gères sur les personnes et sur les choses, du moins
oq n'y remarque aucune trace de cette amertume
qui auroit pu, dans une telle circonstance, animer la
verve d'un autre poète, et que peut-être on auroit
.pardonnée au zèle d'un vrai* barbiste. Nul emporte-
ment, nul trait contre ceux qui peuvent avoir spéculé
sur le nom et la réputation de cette célèbre Commu-
nauté; nulle allusion aux efforts qu'ils ont faits pour
se mettre moralement à la place de la Communauté
détruite, après s'y être mis physiquement. Le poète
a'a vu sans doute dans cette espèce d'usurpation des
DE SAINTE-BARBE. 88
pseudobarbistes qu'un hommage rendu à la gloire
d'une école fameuse, et la colère poétique a été dés-
armée*.
Quelle haine que celle pour qui Tabsence d'insinua-
tions blessantes dans un ouvrage est un motif d'en
tempérer Téloge, et comme il devient clair par là que
l'article de M. Dussault fut moralement et physique-
ment une mauvaise action !
Accusé de spéculation et d'usurpation, traduit de-
vant l'opinion publique comme un fabricant de pseudo-
barbistes, M. de Lanneau écrivit immédiatement
au proviseur du lycée Napoléon pour lui exprimer sa
surprise de ce que des vers, récités dans une cérémonie
à laquelle il avait assisté, eussent servi de prétexte à
des paroles dirigées contre sa propre considération.
M. de Wailly témoignait journellement la satisfaction
que lui causaient les élèves de Sainte- Barbe; il leur
avait fait l'honneur de venir fêter avec eux leur pa-
tronne, le 5 décembre précédent : était-il possible
• que sa présence au banquet de la rue des Postes eût
encouragé l'agression dont M. de Lanneau avait à se
plaindre ?
Cette lettre n'était pas encore arrivée à sou
adresse, que M. de Wailly, prenant les devants, écri-
vait en ces termes au Directeur de Sainte-Barbe (c'est
le titre qui est sur l'adresse) :
« J'ai lu avec peine, Monsieur, dans le Journal de
r Empire, un article dont quelques phrases semblent
dirigées contre votre établissement. Je suis entièrement
étranger à cet article, quoique mon nom s'y trouve
i , Journal île V Empire ^ n° du 27 décembre 1807.
86 HISTOIRE
cité à roccasion d'une pièce de vers latins dont rend
compte ce journal. î
«M. Parmentier, élève de la Communauté de Sainte-
Barbe, où j'ai fait mes études, a désiré que sa maison
eût uri conseil d'administration, composé d'anciens
camarades. Je n'ai pas refusé d'en faire partie^ parce
que je prends et je dois prendre un véritable intérêt et
à rinslitulion de M. Parmentier et à M* Parmenlier
lui-méilie. Mais cet intérêt ne me rendra injuste envers
aucun établissement du même genre, et encore moins
envers le voire, Monsieur, dont les élèves, ainsi que
je me plais à le reconnaître, ont par leurs succès essen-
tiellement contribué à la gloire du lycée Napoléon. Si
donc, ce que je verrais avec peine, il s'élevait quelque
difficulté entre M. Parmentier et vous, je vous prie de
me regarder comme neutre*.»
Par une autre lettre du même jour, M. de Wailly
autorisa M. de I^nneau à rendre public son
désaveu'; maïs la conduite dès choses n'était pas
dans la main de M. de Wailly, et les regrets qu'il
exprima n'empêchèrent pas les hostilités de se pour-
suivre.
Le Publiciste porta son coup après le Journal de
FEmpirej et d'une manière encore plus brutale, car
on y lisait entre autre amabilités : « Sainte-Barbe
n'existe plus; l'asyle de sa gloire antique est tombé.
Sur les débris de ses murs, d'adroits étrangers sont
d. D'après Toriginal, du 29 décembre 1807.
%, « Vous pouvez direàtoiit le inonde et même écrire que je
suis tout à fait étranger à cet article. » Cette seconde lettre, fondue
avec la première, est imprimée dans le Journal de Paris du 2 jan-
vier 1808, et dans le Publiciste du 4 janvier.
DE SAINTE-BARBE. 87
venus élever une nouvelle écc4e, qui s'enrichit du nom
de l'ancienne encore plus qu'elle ne s'en honore\j»
Ce fut ensuite le tour du Journal du soir*.
11 était impossible qu'une attaque si publique restât
ignorée de la jeunesse, qu'elle concernait aussi. Malgré
les précautions de M. de Lanneau pour tenir ses
élèves en dehors du débat, ceux-ci apprirent de quelle
provocation ils avaient été l'objet, et l'outrage infligé
à leur cher collège. Un vengeur se leva parmi eux.
Ce fut le jeune Vatout, alors élève de rhétorique. Facû
indignatio ifersum ; c'est en vers, et en vers latins,
pour se mettre au diapason des agresseurs, que cet
esprit aimable entreprit la défense d'un maître vénéré
et de la Sainte-Barbe de la rue de Reims, la seule
Sainte*Barbe, celle dont le nom reposait sur la double
légitimité d'une transmission régulière, puisqu'elle
avait été consentie par les ayants droit, et d'une pos»
session honorable, glorieuse même, puisqu'il n'y avait
qu^une voix sur la belle tenue de la maison*
Le poème de Yatout est dans la forme d'une apo-
strophe adressée par notre Sainte-Barbe à sa rivale :
Quae nova se nobis fallaci Barbara vultu
Objicit? *
Qui êtes-vous donc, dit-elle à ces hommes moroses ?
Je crois vous reconnaître :
Dum te, dôctorum patiiim venerande senatus,
Âspicio, grandes agitantem in pectore curas,
Agnosco genus ambiguum ingratosque nepotes.
i. N"" du 3adécembre 1807.
2. N°du 9 janvier 1808*
88 HISTOIRE
Et le discours continue par le ridicule déversé sur
ceux qui prétendent mort ce qui a tant de vie, par
réloge de rhomoie qui a relevé les autels de la Sainte,
par le contraste des titres qu'apporte le triste abbé
Lingoisy y compris même sa ^meuse grammaire. La
péroraison est un appel à la concorde.
Ces vers furent imprimés au commencement de
Tannée 1808*. Peu après il en parut, imprimée égale-
ment, une imitation libre en vers français, qu'un
condisciple de Vatout composa pour les dames qui
avaient des enfants à Sainte-Barbe*.
A la façon dont s'étaient exprimés les journaux dé-
voués aux dissidents, l'instruction était perdue en
France, et rien n'avait été fait depuis que la Révolution
avait tout détruit. La cause de notre collège était donc
aussi celle de la jeune génération. Aussi l'émotion de
la querelle s'étendit-elle hors des murs de Sainte-Barbe.
On vit le lycée Impérial (Louis-le-Grand) fournir à
nos barbistes un auxiliaire, dont le secours est pour
eux un de leurs titres mémorables.
Ce nouveau champion était uii élève sortant de
rhétorique, disciple bien-aimé et admiré de Luce de
Lancival,qui se faisait suppléer par lui durant ses fré-
quentes indispositions. Cet écolier hors ligne est
aujourd'hui M. Villemain. 11 sut être impartial, quoi-
1 . Carmen in quo juvenis Sanctœ-Barbarx alumnus lace&sitam
patronam défendit. 1808, Une feuille in-4°, signée à la fin : « Sic
in signum grati memorisque animi canebat J. V. (Jean. Vatout)
Sanctse-Barbarae alumnus, recensque rhetorices auditor. »
2. Défense de Sainte-Barbe par elle-même. Une feuille in-4®,
signée « P. L. P. (Pierre-Léonard Perry), élève de rhétorique de
Sainte-Barbe. » De Timprimerie de Colas.
DE SAINTE-BARBE. 89
qu'il eût «eu M. Parmentier pour maitre dans le pen-
sionnat de Planche, où il commença ses études. Avec
son fin esprit il démêla quel sentiment guidait la plupart
de ceux qui s'étaient laissé enrôler pour cette triste
campagne ; il vit de vieux écoliers qui se plaisaient à '
prolonger leur enfance, et voulaient vivre à quarante
ans sur ce qu'ils avaient £aiit à quinze :
BarbicoldB duri^, proies aeterna parentis
Defunctae, caesa redivivi a stirpe nepotes,
Quid vos barbato rursum puerascere vultu,
Quid vos ore juvat rursum vagire senili?
A ces éphèbes surannés le jeuue poète oppose ceux
de la nouvelle génération, non moins assidûment
exercés à la facture des vers latins^ et qui ne demandent
qu'à devenir des hommes :
Ergone, barbicolae veteres, quos altéra versus
Barbara protulerit iatios ; ut ciyis et ultor
Vatultus* patriam latiis défendent armis, *
Omnîa nota parum, aut genti spernenda superbae?
« Mirantesque nihil nisi quod Libitiaa sacravit, »
Nobis déesse manus, calâmes aniinumque putastis?
, Multi suât vates ; ut vos, mihi crédite, multi
Niinc pâtre Virgilio, Flacco pâtre, versificantur ; '
NuUus at, exigua contractus laude, senesoet
Perpetuum. Multos nova formavere iycaea
« Et cantare pares et respondere paratos; »
Nullus at infanti semper balbutiet ore.
1. C'est ainsi que commençait la pièce composée par Lemaire
pour le banquet de l'an IX :
Barbicolae duri (neque enlm sumus ante malorum
Immemores), 6 yo§y tautis jactata procellis
Pieridum floboles, <;tc«
2. Vatout.
90 HISTOIRE
La fin est une exhortation aux barbistes modernes
pour qu'ils continuent à venger par leurs succès la
gloire de leur maison, pour qu'ils se maintiennent au
rang où ils se sont placés dans les concours, d'où Fau-
teur se voit éloigné désormais parson âge*.
Ces vers, qui valeût bien ceux des lauréats de
1 780, firent justice de ce qu'il y avait de ridicule dans
la provocation de la rue des Postes. Mais le côté odieux
de l'affaire, l'usurpation de propriété et la calomnie,
demandait aussi répression. Après avoir fait insérer
dans le Journal de Paris^ la lettre du proviseur de
Napoléon, M. de Lanneau porta plainte au ministre de
l'Intérieur. C'était M. Crétet.
Le 1 9 janvier 1 808, un arrêté du ministre fit défense
à tout instituteur de donner à son école un autre titre
que celui qui était spécifié dans l'autorisation en vertu
de laquelle il exerçait. Le même jour Fourcroy, con-
seiller d'état, directeur général de l'Instruction publi-
que, écrivit au préfet de la Seine pour Tinviter « à faire
signifier à M. Parmentier l'ordre de cesser sur-le-
champ de donner à son pensionnat le titre de Commu-
nauté de Sainte-Barbe, le nom de maison de Sainte-
Barbe appartenant exclusivement à M. de Lannéau, vu
l'autorisation spéciale en vertu de laquelle il exerce. »
La lettre de Fourcroy se termine par une menace
qui montre combien les journaux étaient peu ménagés
à cette époque :
i. Carmen, Adolescentes discipuli queruntur suum a barbât is
discipulis inpodiParnassum, Une denfi-feuille in-8°, impr. de Fain,
signée à la fin « Canebat A. V. (Abel Villemain), Lycaei Imperialis
alumnus. »
2. N« du 2 janvier 1808*
. DE SAINTE-BARBE. 91
u Quant aux articles calomnieux insères dans les
papiers publics au sujet de cette discussion , j'ai invité
le ministre de la Police générale à réprimer Taudace
des journalistes qui osent se permettre de diffamer des
écoles ouvertes sous les auspicQs du gouvernement, et
des instituteurs avoués par lui. »
Le maire du 12"" arrondissement, qui favorisait la
maison de la rue des Postes, reçut à son tour une
verte semonce pour avoir différé d'exécuter les ordres
à lui transmis par le Préfet dès le 30 janvier 1 808. Il
chercha à s'excuser sur ce que plusieurs chefs d'école
de la circonscription étaient dans le même cas que
M. Parmentier. M. Frochot lui répondit : m 11 fallait
exécuter d'abord mon arrêté^ et ensuite me faire con-
naître les autres instituteurs auxquels pouvait s'ap- *
pliquer la mesure prise à Tégard de l'un d'eux*. »
M. de Laqneau resta donc en possession de son
titre; mais le ressentiment d'une défaite, s'ajoutant aux
aiïciens ferments de haine, rendit plus implacable
l'iniraitié des deux ou trois personnes qui avaient ourdi
le fin de cette trame. On verra comment celte inimitié
fit explosion de nouveau, lorsque les circonstances s'y
prêtèrent.
i . Lettre du 12 mars 1808.
92 HISTOIRE
CHAPITRE VI.
Création de l'Université impériale. — Sainte-Barbe, institution de l'Uni-
rewité. — • Visite de Tévéque de Casai. — Le cours de philosophie
transporté au lycée Impérial. — Solennités religieuses célébrées au
collège en 1808. — Ordre delà chapelle. — Troubles au lycée Napo-
léon. — AfFaire de Saint Marceflin. — Émigi^ations successives des
élèves de Sainte-Barbe au lycée Impérial. — Nouvelle division créée
dans Taucien collège de Reims.
L'Université impériale fut établie en principe par
* une loi du 1 mai 1 &06 ; mais cette institution ne
reçut son véritable caractère et sa portée que par le
décret organique du 17 mars 1808. Entre la concep-
tion et l'enfantement, les idées changèrent si souvent
que Fourci'oy, le rédacteur du décret, s'y reprit,
dit-on, jusqu'à ving-troîs fois pour Técrire. De ces tâ-
tonnements sortît la centralisation absolue de l'ensei-
gnement secondaire dans les mains de l'État. Une
nouvelle hiérarchie engloba la totalité des maisons
d'éducation. Les lycées gardaient le premier rang. Les
anciennes écoles secondaires formèrent deux caté-
gories : celles qu'entretenaient les communes devin-
rent les collèges^ et occupèrent le second rang ; celles
qui appartenaient aux particuliers furent les institu-
tions j et descendirent au troisième rang. Ensuite ve-
naient les pensions.
La différence entre les institutions et les pensions
consista dans le nombre du personnel et dans la force
DE SAINTE-BARBE. 93
de renseignement. A quelque degré qu'apparlinssent
les écoles, elles furent soumises à la rétribution uni-'
versitaire. C'était un prélèvement du vingtième sur
la pension payée par chaque élève , et ce tribut compta
comme partie de la dotation de TUniversité ; de sorte
que les institutions et pensions furent condamnées à
subvenir aux frais de la concurrence par laquelle
rÉtat se proposait de les combattre. D'ailleurs il resta
sous-enlendu que les élèves externes suivant les cours
d'un lycée ou d'un collège continueraient d'acquitter
la taxe instituée dès le temps des Écoles centrales, et
qu'on a désignée depuis sous.le nom de frais â! études.
C'était alors le droit d externe ou droit annuel. 11 était
distribué entre les professeurs.
Dans l'ordre des grades établis entre les niembres
d« l'Université , lés chefs d'institution furent astreints
à être bacheliers ès-lettres et ès-sciences , les maitres
de pension simplement bacheliers ès-lettres. Les uns
et les autres ne purent exercer qu'en vertu d'un di-
plôme délivré par le grand-maitre^ chef de TOniver-
sité, diplôme qui était valable seulement pour dix ans,
et à la délivrance duquel ils prêtaient un serment ainsi
conçu : w Je jure d'observer les statuts et règlements
de rÛniversité, et d'obéir au grand-mattre en tout
ce qu'il commandera pour le service de l'Empereur et
pour le bien de l'enseignement. »
M. de Lanneau fut porté sur la liste des chefs d'in-
stitution de Paris au mois de janvier 1809 ^ Par là
Sainte-Barbe perdit son titre de collège , mais seule-
1. Arrêté du 13 janvier 1809. Le diplôme dcKvré en consé-
quence est du 23 mais suivant.
9(i HISTOIRE.
meot dans la langue officielle ; rhabitude, plus forte
que les décrets, s'obstina à lui conserver ce nom sous
lequel son rétablissement avait été autorisé.
Les chefs des maisons qui étaient en exercice àu^
moment de la mise à exécution du statut reçurent sans
examen leurs diplômes de bacheliers. Par une faveur
particulière, que M. de Lanneau dut à ses longs ser-
vices comptés depuis le moment où il était entré comme,
préfet des études au collège de Tulle \ il fut fait doc-
teur ès-lettres % distinction importante en ce temps-là
et qui donnait le droit de porter une majestueuse si-
marre. Un peu plus tard on le nomma officier de l'A-
cadémie de Paris ^ Il en reçut le brevet en même temps
que Tex-constituant Dumouchel , l'un dés plus vieux
élèves de l'ancienne Sainte-Barbe, et de ceux qui furent
les amis de la nouvelle.
Aucune masure ne fut prise d'abord pour rattacher»
les établissements privés aux établissements publics.
Il avait été dit seulement que le Conseil de l'Université
discuterait la question relative aux degrés d'instruc-
tion qui siéraient attribué» à chaque école. Il résulta
de là que, pendant les deux premières années de l'exis-
tence de l'Université impériale, les institutions et pen-
sions se comportèrent comme elles avaient fait' sous
le régime de la loi de 4802. Pour ne parler que des
institutions, sur quarante-cinq qu'elles étaient à Pa-
ris , neuf seulement envoyèrent aux l)'cées la totalité •
ou partie de leurs élèves. Ce point ne, fut réglé qu*a-
près la rentrée des classes de l'an 1810 par un arrêté '
1. Le 23 juin 1785.
2. Diplôme en date du 6 octobre 1809.
3'Le25mar8i81i.
DE SAINTE-BARBE. «5
de M. de Fontanes, le grand-mattre sur lequel était
tombe le choix de ^E^lpereur^ Institutions et pen»
sions furent obligées d'envoyer tous leurs élèves à
partir delà sixième ^ soit à un lycée , soit à un collège.
Il est curieux de voir cette mesure justifiée par des ar-
rêts du Parlement*. Les institutions purent avoir des
cours inférieurs au-dessous de la sixième y et pour le
reste, des répétitions. Les répétitions , et seulement
dans les basses classes , Jurent l'unique exercice permis
dans les pensions. Il y avait déjà depuis un an un rè-
glement ' qui prescrivait aux chefs d'institution et
maîtres de pension de n^admettre chez eux en qualité
de répétiteur , précepteur ou même surveillant , au-
cun individu qui ne fût pourvu d'une* permission spé*
ciale. I3rï bureau de placement fut établi au chef-lieu
de l'Université pour surveiller plus Commodément le
mouvement du personnel dans les maisons particu-
lières d'éducation.
Sainte-Barbe, en signe d'obéissance au nouvel ar--
rêté, augmenta le contingent qu'elle fournissait au ly-
cée; mais elle garda encore chez elle la bonne moitié
de ses élèves , pour qui elle continua son enseigne-
gnement intérieur. C^était une contravention. Toutes
les fois quon lui en fit la remarque, elle répondit
1. Arrêté du 10 novembre i810.
2, « Vous n'ignorez pas, Messieurs, que dans l'ancienne Univer-
sité tous les maîtres étaient dans l'usage d'envoyer au collège leurs
- écoliers dès qu'ils étaient en cinquième, et qu'en dernier Heu les
arrêts du parlement des 6 août 1776 et 2 avril 1784 leur en
avaient fait une loi expresse^ » Circulaire aux chefs d'institutions
et maîtres de pension de la ville de Paris, 10 novembre 1810.
3; 25 novembre 1809, ^
96 HISTOIRE
que ses classes inlérieures étaient de simples classes
|>réparatoires, dont les élèves iraient au lycée aussitôt
qu'ils seraient en état d'en suivre les cours. M. de
Fontanes, tant qu'il resta grand-maître, voulut bien
se contenter de cette défaite. Il est certain que l'Uni-
versité n'y perdait (|ue les frais d'études, impôt qui ne
figurait pas au budget , et dont elle se souciait médio-
crement. La rétribution , qui avait bien plus d'impor-
tance à ses yeux, lui revenait tout entière, étant ac-
quittée par les élèves de l'intérieur aussi bien que par
ceux qui suivaient le lycée.
M. de Lanneau, étant parvenu à maintenir ses
classes au-dessus de la septième , maintint à plus
forte raison ses- cours de français et de commerce;
mais il dut renoncer à la philosophie. Le cours cessa
à la fin de l'année scolaire 1808-1809; voici dans
quelles circonstances :
La philosophie s'étant trouvée absente du plan d'é-
tudes tracé par M. de Fontanes pour la nouvelle
Université, Laromiguière réclama contre cet oubli.
Dans une lettre admirable d'esprit et d'éloquence, il
prouva qu'abandonner l'étude de la philosophie,
c'était préparer raffaiblissemént inévitable de la pen-
sée et la stérilité prochaine de la science. Ses raisons
impressionnèrent vivement les membres du ConseiL
On raconte* que dans une discussion qui eut lieu à ce
sujet, quelqu'un allégua l'exemple du cours de Sainte-
Barbe. Le chancelier de l'Université voulut voir de
ses yeux ce que c'était que ce cours.
Le chancelier de l'Université était le baron de Vil-
laret, évêquede Casai. 11 vint, tons se faire annoncer,
à l'exercitîe des thèses de 1809. C'était le jour où Ton
DE SAINTE-BARBE. 97
reçut à Paris les bulletins dé la bataille de Wagram. Le
jeune Scribe argumentait contre Laromiguière en per-
sonne. Scribe, qui se montra dès son enfance tel qu'il
ne cessa jamais d'être dans tout le cours de sa vie, un
esprit ferme et prompt à se retourner en face des
circonstances, Scribe se tira d'affaire de façon à
rendre décisive rexpérienoe qu'étail: venu faire le
prélat. Il trouva même le moyen d'introduire dans
l'un de ses raisonnements une louange fort bien
tournée pour l'hommage public que le noble visiteur
rendait à la science. M. de Yillaret témoigna la satis-
faction la plus vive : son rappoiH à l'Université fut
qu'il fs^Uait absolument transporter dans les lycées
l'enseignement de Sainte-Barbe.
Au commencement de l'année scolaire 1809-1810,
M. Maugras se trouvait inscrit comme professeur
de philosophie sur les cadres du lycée Impérial. Il
porta dans cet établissement sa méthode, son pro-
gramme et jusqu'à l'usage des thèses publiques. Son
départ ne fut pourtant point une rupture avec notre
collège. Jusqu'aux derniers temps de sa. vie, ce vieux
professeur y. fit des conférences, où il répéta ses pro-
pres leçons; cardes la première année d^ son passage
au lycée, M. de Lanneau obtint d'envoyer à sa
classe les élèves en philosophie de Sainte-Barbe, quoi-
que Sainte-Barbe fût encore dans la dépendance • du
lycée Napoléon. Nos jeunes barbistes, recevant aitysi
double façon du même maître de philosophie, devin-
rent imperturbables sur les matières du cours. Tant
que fut maintenue l'épreuve des thèses, ils en portè-
rent presque tout le poids. Vavin, dont la maison
porte le deuil encore récent, figurait à celle de 1810 ,
m 7
98 HISTOIRE
et le principal tenant de la même joute fut M. Joseph
Bernard, député du Var après 1830, aujourd'hui con-
servateur à la bibliothèque Sainte-Geneviève. La der-
nière soutenance eut lieu en 1814. M. M^tugras essaya
de remplacer cet exercice par un autre. Dans la céré-
monie de la distribution des prix de 1816 au lycée,
redevenu Collège royal de Louis-le-Grand, il fit in-
troduire la discussion d'un thème moral entre deux
de ses élèves, et c'est encore à deux barbistes, Xavier
Maugras, son neveu, et Partarrieu-Lafosse, qu il confia
les rôles. Cela ne fut pas recommencé.
Revenons à M.#le Villaret. Sa visite de 1809 ne
fut pas la première dont il honora le Collège. Avant
de se présenter comme grand dignitaire de l'Univer-
sité, il y était venu comme pontife. C'est lui qui célé-
bra le salut dans la chapelle de Sainte-Barbe, pour la
fête du 4 décembre 1808. Il avait été fort question de
ce modeste sanctuaire à propos d'un service qui y fut
célébré, le 6 juillet précédent, en l'honneur du défunt
cardinal de Belloy, archevêque de Paris. La cérémonie
fut très-belle, M. de Lanneau ayant voulu n'y rien
épargner, pour témoigner son regret d'un pasteur qui
avait été pleyi de bonté à l'égard de sa maison et de
lui-même. Il y eut jusqu'à une oraison funèbre*, laquelle,
imprimée et répandue dans le public, fut louée comme
l'qne des meilleures qu'eût inspirées la circonstance ^
«
i. Éloge fanèbre de monseigneur le cardinal de Belloy, arche-
vêque de Paris^ prononcé dans l'oratoire de la maison de Sainte-
Barbe, lors du service célébré pour Son Éminence, le samedi
6 juillet 1808, par Tabbé Siret, vicaire à Saint-Merry. — In-8*
Paris, Périsse et Compère.
â. Journal de Paris du 24 aoât i808.
DE SAINTE-BARBE. 99
C'est par Toraison funèbre que Tëvêque de Casai fut
disposé si favorablement envers Sainte-Barbe. Il 8*7
rendit sans se faire prier, sur l'invitation que lui trans*
mit un ami de la maison , autrefois prédicateur de
Louis XVI. A son arrivée au Collège, il fut harangué
en latin par deux élèves nouvellement sortis de rhé-
torique, clont Vun était Valout. Le prélat prit plaisir
^ aux paroles de ces jeunes gens , et encore plus à la
façon dont Foffice fut accompli sous ses yeux.
Il est bon de dire qu'à l'égard des cérémonies de
rÉglise, le directeur de la nouvelle Sainte-Barbe fut
un peu comme son devancier et son compatriote, le
bon principal Simon Menassier. La pompe lui plaisait.
Il régla en conséquence l'ordre de sa chapelle.
Un vertueux et respectable prêtre de l'ancien sémi-
naire de Saint^Nicolas, que Henriot a^vait arraché aux
mains des massacreurs pendant les journées de sep-
tembre, fut investi des fonctions d'aumônier. C'était
l'abbé Desmoulins, qui resta fidèle à Sainte-Barbe
jusqu'à la fin de sa vie. Afin de ménager sa santé, af-
faiblie par l'émotion du carnage où il avait manqué de
périr, on lui fit donner de l'aide d'abord par un ecclé-
siastique de la cathédrale, puis par des prêtres de la
paroisse.
Deux jeunes clercs, employés pour le service de
diacre et de sous-diacre, furent autorisés à faire dans
la maison les études qui devaient leur ouvrir le sémi<-
naire. En outre, des élèves externes, auxquels Sainte-
Barbe donnait gratuitement l'instruction, formèrent
autour de l'autel une troupe nombreuse d'acolytes,
ou bien fournirent des voix au lutrin. Le chœur fut
établi dans les règles, U y eut des chantres, un orga-
100 HISTOIRE
nîste, un maître de chapelle. L'organiste n'était rien
moins que le célèbre Miroir, de Téglise Saint-Eustache,
et le nom du maître de chapelle, M. Doineau, est
connu de tous ceux qui savent comment la musique
religieuse ressuscita en France au commencement de
ce siècle.
Dans l'office, chanté tous les dimanches en plain-
chant ou en faux-bourdon, selon la solennité du jour,
étaient intercalés des morceaux de musique, dont
M. Doineau avait dirigé l'étude. Pour les plus grandes
fêtes, la messe tout entière était exécutée en musique
et à grand orchestre.
Tel fut l'exercice du culte à Sainte-Barbe du temps
de l'Empire. Notons encore que la maison eut un
prédicateur en titre et un livre d'office à son usage.
Le livre était intitulé : Manuel chrétien des étu-
diants. Il contenait l'explication des cérémonies de
l'Eglise, et des notions sur mille choses relatives à
la religion, dont les jeunes gens de ce temps-là n'a-
vaient pas pu être instruits dans leur enfance. M. deLan-
neau suggéra l'idée de cet ouvrage, qui parut en i 805,
et le mit entre les mains de ses élèves pour qu'il leur
servît à la messe de préservatif contre les distractions.
L^abbé Siret, vicaire à Saint-Merry, puis curé de
Saint-Séverin, fut le prédicateur dont le Collège en-
tendit la parole pendant près de vingt ans. C'est lui
qui prononça l'oraison funèbre du cardinal de Belloy.
Prêtre austère, réputé janséniste, il avait -dans le di-
recteur de Sainte-Barbe une telle confiance, qu'il
prit l'habitude de concerter avec lui le sujet de ses
instructions. D'innombrables lettres, écrites par M. de
Lanneau à cette occasion, restèrent longtemps entre
DE SAINTÊ-BARBE. 101
les mains de M* Siret, qui les gardait comme un dé*
pot précieux. Elles fournirent à ce vénérable ecclé-
siastique des armes pour la défense de celui que l'es-
prit de parti se plut à dépeindre^ dans un moment,
comme un apôtre de l'impiété. Plusieurs personnes
croient entendre encore l'abbé Siret, parlant très-
haut et partout de cette correspondance, pour laquelle
il .n'avait pas assez d'admiration , et menaçant de la
faire imprimer à la honte des accusat^eurs de M. de
Lanneau. Mais nous n'en sommes encore qu'à l'an
1810. Ne nous engageons point dans le récit d'une
persécution que personne alors ne pouvait prévoir.
Les quelques barbistes qui avaient transporté, sous
le commandement de Maugras, le théâtre de leurs
exploits au lycée Impérial , furent rejoints par leurs
condisciples de toutes les autres classes en 1 81 1 , de
sorte que les rapports cessèrent entièrement avec le
lycée Napoléon. Cette scission fut jugée si nécessaire
que, pendant que M. de Lanneau travaillait à l'opérer,
elle fut prescrite par le grand-maitre de l'Université
lui-même.
La compétition du titre de Sainte-Barbe avait pro-
duit sur les enfants une émotion qu'empêcha d'abord
de se calmer leur rencontre de tous les jours avec les
élèves de M. Parmentier, car l'institution Parmentier
suivait aussi le lycée ' Napoléon. M. Parmentier ,
homme pacifique et digne instituteur, avait été, nous
l'avons dit déjà, l'instrument et non l'auteur du com-
plot de 1807. Iljs'employa de tout son pouvoir à pré-
venir les effets d'une situation difficile. La paix ne se
rétablit pas par ses efforts, parce qu'il restait la cir-
constance, devenue de notoriété publique, que deux
iO« HISTOIRE
professeurs et le proviseur du lycée Napoléon faisaient
partie an sénat de la rue des Postes. Dès lors les élèves
de M. de Lanneau virent partout de la partialité. Ils
avaient tort sans doule, mais ces messieurs n'avaient
pas non plus raison de conserver encore^ après ce qui
s'était passé, leur patronage sur la maison de M. Par-
mentier. Vainement ils alléguaient les exemples four-
nis par Tancienne Université. Ce qui avait été tout
naturel, avant rla Révolution, entre le Plessis et la
Communauté de Sainte-Barbe, ne Tétait plus, sous le
nouveau régime, entre un lycée, établissement de
l'État, et une institution, établissement particulier, fré-
quentant le même lycée. IN 'y avait-il pas d'ailleurs la
circonstance aggravante que l'institution s'était décla*
rée lennemie d'une autre institution habituée aux
mêmes classes ?
M. de Lanneau craignant de blesser M. de Wàilly
s'il proposait le divorce, la rivalité ne fit que s'aigrir.
Elle divisa bientôt la jeunesse du lycée en deux camps,
et tout devint une occasion de rixe. Dans une mêlée
qui eut lieu à l'entrée de la classe, le 1 8 décembre \ 808,
un barbiste tomba évanoui d'un mauvais coup que lui
porta un lycéen. Qu'on juge de l'esclandre qui suivit!
L'élève blessé était le neveu, d'autres disent le fils du
grand-maitre de l'Université*.
Un mot sur ce jeune homme, dont la courte
existence a été un vrai roman. Il avait nom Saint-
Marcellin. il fut le plus singulier mélange d'esprit,
de valeur héroïque et de fatuité. Après avoir versé
son sang à profusion dans les dernières guerres de
4. Biographie uniYerselle de Michaud, t. LXXX, p. 357,
DE SAINTE-BARBE. 103
rEmpire, il fît des prouesses dignes d'un paladin
pour les Bourbons, auxquels il resta attaché depuis
4814. Il a cultivé la littérature avec un certain succès
et écrit des livrets d'opéras-coniiques (celui de Wallace
entre autres), dont le nombre n'est surpassé qtfe par
celui de ses duels. Il périt de la main d'un duelliste de
profession, qu'il avait gratuitement provoqué. Ramené
mourant dans sa famille au milieu des apprêts d'un
bal, il dit à M. de Fontanes, qui lui demandait le nom
de son meurtrier : « C'est un homme qui tire bien. »
Avec ses manières aggressives, il est probable qu'il
avait poussé à bout celui de qui il reçut sa première
blessure; mais entre condisciples on ne doit pas s'as-
sommer.
La douleur de M. de Wailly et les mesures éner-
giques qui furent prises pour couper court à toute
manifestation hostile firent fermer les yeux sur ce qui
s'était passé. La paix sembla scellée entre les écoliers
par l'accident de Saint-Marcellin ; mais bientôt les
ombrages recommencèrent à l'occasion des professeurs
du sénat. De nouvelles plaintes furent portées par le
directeur de Sainte-Barbe : le proviseur du lycée Na-
poléon ne les reçut pas bien ; l'amitié que deux hommes
honorables avaient toujours professée l'un pour l'autre
s'altéra sensiblement.
Sur ces entrefaites parut Parrété qui forçait tous les
chefs d'institution et maîtres de pension d'envoyer,
dans le délai d'un mois, leurs élèves aux classes des
lycées (1 novembre 1810). Celles de Napoléon gagnè-
rent à cela bon nombre de nouveaux trouble-fétes, par-
ticulièrement les élèves de.l'abbé Liautard, qui, malgré
leur origine tant soit peu barbiste, se présentèrent en
i04 HISTOIRE
ennemis déclarés non-seulement des Lanneau, mais en-
core des Parmenlier, Nous aurons à revenir sur Tabbé
Liautard et sur son institution : qu'il suffise de dire ici
que le lycée devint un enfer, et que M. de Lanneau prit
enfiif le parti de Ja séparation. H profita de ce qu'un sup-
plément d'élèves, qu'il se proposait de fournir au lycée,
avait été désigné pour le lycée Impérial, à cause de
l'encombrement des classes à Napoléon. Il représenta
qu'il serait trop incommode pour lui d'avoir à faire
conduire les élèves d'une même classe, ceux-ci au
lycée Napoléon, ceux-là au lycée Impérial. Les har-
bistes, moins les mathématiciens, furent donc attachés
au lycée Impérial à partir du 1 **■ janvier 1811.
Les mathématiciens furent laissés à Napoléon parce
que les cours y passaient pour plus forts qu'au lycée
Impérial. C'était un fait reconnu des élèves eux-mê-
mes, qui néanmoins avaient en aversion le professeur
de spéciales, M. Dinet, l'un des barbistes chagrins
du temps jadis , l'un des membres du sénat de la rue
des Postes. Il n'en fallut pas davantage pour entrete-
nir Feffervescence dans ce coin du lycée, tandis que
l'animosité se déchaîna de plus belle entre les pen-
sionnats continuant à fréquenter les classes de latin.
L'institution Liautard et l'institution Parmentier se
montrèrent surtout hostiles Tune à l'autre. L'année
s'écoula tout entière dans le trouble, ainsi qu'elle avait
commencé. Le grand-maître de l'Université dut aviser
à un remède. D'après' les rapports des inspecteurs, il
importait que pas un seul des élèves de M. de Lai|-
neau ni un seul de M. Parmentier ne restassent au ly-
cée Napoléon. On ne voyait pas d'ailleurs d'inconvé-
nient à ce que les deux institutions, retirées du Heu de
DE SAINTE-BARBE. 105
leurs anciennes querelles, se trouvassent de nouveau
côte à côte sur les mêmes bancs. De là une décision,
notifiée à la rentrée des classes de 181 1 S pour que la
totalité des barbistes et des Parmentier suivissent dés-
ormais les classes du lycée Impérial. On s'en remit
avec raison, pour le succès des premières rencontres,
à M. de Sermandy qui venait d'être nommé à la place
de M. Champagne. C'était une main de fer. Malheur
à qui eût donné le signal ou partagé l'entraînement
du désordre sous ce redoutable proviseur. Appelé
avec la mission d'assujettir le lycée à la discipline
d'un régiment, le jour de son installation il prononça
d'une voix forte et dure l'éloge de la sévérité. Son
administration ne cessa pas un seul instant d'être
la mise en pratique de cette doctrine. Les rancunes
enfantines, contenues par une crainte salutaire, se
convertirent en émulation , et ce fut un plaisir de
voir, aux distributions de prix, l'institution de la rue
de Reims et celle de la rue des Postes se disputer les
récompenses.
L'époque où nous sommes arrivés peut passer pour
'celle de la plus grande splendeur que la maison ait
acquise sous la direction de M. de Lanneau. Elle re»
. gorgeait d'habitants, et chaque rentrée surpassait par
le nombre des nouveau-venus celle qui l'avait précé-
dée. Sainte-Barbe exerçait une véritable attraction.
Deux divisions réparties dans son grand quadrilatère
étant devenues insuffisantes pour contenir plus de
quati-e cents pensionnaires, une division de plus fut
formée en faveur du. jeune âge. Elle prit domicile en
. 1 . Le 5 octobre.
iÛ6 HISTOIRE
1 809 de l'autre côté de la rue, dans une partie du ci*
devant collège de Reims.
Nous avons prononcé bien des fois^ dans le cours
de cette histoire, le nom du collège de Reims. Le mo-
ment est venu de résumer en quelques pages les desti-
nées de cet établissement. Ce sera le principal objet
du chapitre qui suit.
CHAPITRE VII.
Origine du collège de Reims. — Sa destruction et sou rétablissement au
quinzième siècle. — Son enseignement. — Sa mauvaise administra-
tion. — Faits mémorables qui s*y sont passés. — Relations de Reims
et dç rancienne Sainte-Barbe. — Installation de la division des plus
jeunes élèves de M. de Lanneau. — M. Massin.
Un archevêque de Reims, nommé Gui de Roye, se
rendant au concile de Pise en 1409, voulut s'arrêter
dans la petite ville de Voltri, près de Gênes. Comme if
entrait, on vint le prévenir que le maréchal de sa
maison, qui Tavait devancé pour préparer les loge-
ments, était engagé dans une lutte terrible avec les
autorités du lieu. Il accourut pour mettre le holà.
Les épées étaient tirées et frappaient sans discerne-
ment. Le prélat fut atteint d'un coup mortel. Lors-
qu'on ouvrit son testament, on vit qu'il avait disposé
d'une partie considérable de ss^ fortune pour fonder
un collège à l'usage des élèves de son diocèse, qui
iraient étudier en théologie à l'Université de Paris.
DE SAINTE-BARBE. 107
Les jeunes gens qui étaient intéressés à ce legs se réu«
Dirent aussitôt afin d'en poursuivre Texécutiou. Ils se
donnèrent pour chef et représentant le célèbre Jean
Gerson. Ce docteur les constitua en communauté^ et
leur fit acquérir, en 1 41 2, le spacieux hôtel, alors aban-
donné, que les premiers ducs de Bourgogne avaient
habité sur le revers septentrional de la Montagne ^.
Le nouveau collège éprouva d'une manière cruelle
la rigueur des révolutions au début desquelles il prit
naissance. La communauté des clercs rémois, accusée
de n'être qu'une bande d'Armagnacs, fut pourchassée
et dispersée en 1418. Non-seulement les études ces-
sèrent à Reims, mais les titres de la dotation de Gui
de Roye périrent, et la plupart des fonds qui la com-
posaient furent usurpés. Les recherches auxquelles on
se Uvra vingt-cinq ans plus tard ne permirent pas de
recueillir autre chose que deux maisons situées au fau-
bourg Saint-Marceau. Charles VII, à l'instigation de
Gérard Machet, son confesseur, qui avait été l'un des
clercs enrôlés autrefois sous la conduite de Jean Ger-
son, réunit ces débris à ceux d'une autre fondation
champenoise, qui existait depuis le xiii'' siècle dans la
rue des Cordiers, sous le nom de collège de Rethel,
et ainsi se forma un second collège de Reims, moins
riche que le premier, qui se maintint depuis sous
la tutelle des archevêques de Reims *. On ne sait
pas le nombre des bourses qui y furent fondées d'a-
bord. Pour être admis à ces bourses, il fallait être
1 . Dtt Boulay, Historia Vniversitatis parisiensis, t. V, p. 202 j
Dubreul, Théâtre d«s atitiquitez de Paris, p. 528.
2. Dubreul, p. 733 ; Archives de l'Efiapîre, Titres domaniaux d«i
collège de Reims, S. 6559.
i08 HISTOIRE
clerc tonsuré, et pourvu au moins de l'instruction d'un
élève de secondé dans les autres collèges. Cela ne
prouve pas cependant qu'il n'y ait jamais eu à Reims
déclasse inférieure à la rhétorique. Guillaume Cathe-
lineau d'Angers, qui composa une grammaire pour
l'instruction du dauphin François, fils de Henri II,
s'était préparé à ce travail en professant au collège de
Reims les éléments du latin * ; mais il est certain que
le seul enseignement par lequel ait brillé cette maison
fut celui de la philosophie.
Atteint, aussi bien que Sainte-Barbe, par la ruine
qui fut la suite des guerres de religion, le collège de
Reims se releva à deux reprises, sous Henri 111 et sous
Henri IV. Il dut ces deux restaurations passagères à la
diligence de son principal, Jean Morel, ami d'Edmond
Richer et collaborateur de celui-ci dans l'entreprise
qui consista à faire renaître l'Université de ses cen-
dres*. Ce Jean Morel s^associa avec le principal du
Mans, son voisin, pour former par la réunion de leurs
deux établissements un collège de plein exercice ^ Les
basses classes se firent au Mans, Reims fournit l'ensei-
gnement supérieur, et les deux maisons furent mises
en communication par une galerie de traverse que
l'on construisit sur la rue Chartière*. Cet état de choses
1. Gulielmi Cathelinei Andini grammaticas latinx libri II ad
Delphinum. In-4°., Paris, 1554.
2. Richer, Historia Aaidemias parisiensis {Ms, de labibl. im-
périale, suppl. 1. n. 64), t. IV, 1. 1.
3. Le nom de ce collège était, en 1584, Bhemorum-Cenomàn-
num. Registre des procureurs de la nation de France, Ms. de la
bibl. Mazarine, H. 2682 a, fol. 143. Cf. Ibid. fol. 95 et 102.
4. Défenses de l'Université de Paris et du collège du Mans
DE SAINTE-BARBE. 109
cessa en 1607, et dès lors Reims tomba pour toujours
à l'état de petit collège. Pendant la minorité de
Louis XIV, Ta Compagnie des usages réformés de la
librairie, représentée par Gabriel Cramoisy et Adrien
Topinart, loua pour ses réunions la grande salle des
exercices *, qui, de même qu'à Sainte-Barbe, formait
un appendice de la chapelle. Les cours de philosophie
ne se firent plus que d'une façon très-irrégulière, et
si Santeul énumère encore des Rémois parmi la jeu-
liesse avide qui assiégeait la Sorbonne les jours d'exa-
men,
Plessaeique, et Bellovaci, Baiique Rhemensesque',
il faut entendre par cette expression, non pas les élèves
d'un collège organisé, mais des étudiants en théologie,
qui avaient leur domicile au collège de Reims. Il est
certain en effet que, malgré des fondations effectuées
en 1649, 1699 et 1756, le collège, sous Louis XIV et
sous Louis XV, ne compta jamais plus d'un boursier
à la fois : encore cette bourse unique resta-t-elle
souvent en vacance. Telle était la situation, lorsque
Reims, de même que les autres petits collèges, fut
réuni à Louis-le-Grand, après l'expulsion des Jésuites\
Généralement, le sort des anciens collèges fut d'être
mal administrés; mais il n'en est pas qui ait éprouvé
contre l'usurpation que les Jésuites veulent faire de ce collège et
de la chapelle y fondée. In-4°, 1632.
1 . Archives de l'Empire, Titres domaniaux du collège de Reims,
S. 6559.
2. Bans la pièce intitulée Victorinus vindicatus,
3. Comptes-rendus du Bureau d^administration du collège Louis-
lé 'Grand.
140 HISTOIRE
à cet égard plus de disgrâce que celui dont nous par-
lons. 11 n'eut jamais à sa tête que des hommes qui
étaient en affaires Tincapacité même, ou Timprobité j
de sorte qu'on eut beau lui donner, il ne sut rien
retenir. Il perdit successivement tous ses biens ruraux,
puis la moitié de son propre fonds, qui lui fut enlevée
par les subtils principaux du collège Coqueret*, puis
le terrain au levant de Sainte-Barbe, sur la rue des
Sept- Voies, dont le collège Fortet se rendit acquéreur
en 1 577, par suite d'une saisie décrétée pour une mi-
sérable dette de 80 livres, que Reims ne pouvait pas
acquitter*. C'est par la même incurie que les bourses
s'éteignirent Tune après l'autre; que le cadre des
officiers se réduisit d'abord à deux personnes, puis à
une seule, car lors de la réunion à Louis-le-Grand, le
principal cumulait avec son titre ceux de procureur et
de chapelain'.
On n'imagine pas les tracas que ce malheureux
établissement suscita aux archevêques de Reims. Soit
qu'on cherchât à éluder leur surveillance, soit qu'on
eût recours à eux lorsqu'on ne savait plus que faire, il
leur fallait sans cesse intervenir dans des conjonctures
désagréables. Qui pourrait dire combien de fois ils
renouvelèrent les statuts ou changèrent les inspecteurs
chargés de les représenter en cette partie ? Lorsque
Charles-Maurice Le Tellier accéda au siège de Reims,
importuné de ce que le même ouvrage était toujours
1. Voyez ci-dessus, t. I, p. 298.
2. Archives de l'Empire, Titres domaniaux du collège Fortet,
S. 6433.
3. Comptes-reiidus du Bureau d adnuoistratioii de Louis-le-
Grand.
DE SAINTE-BARBE. 111
à recommencer, il résolut de s'y employer lui-même.
Il vÎDt plusieurs fois se faire rendre les comptes : jamais
il ne parvint à obtenir une addition en règle \ Cepen*
dant la maison ëtait alors sous la gouverne du savant
et vertueux docteur Gerbais, que Bossuet et la plupart
des grands hommes de Tépoque honorèrent de leur
amitié; mais ce profond théologien se reposait des
affaires sur le procureur. Le procureur fut changé.
Gerbais, en mourant, légua une rente de 600 livres
pour le rétablissement des bourses', et néanmoins sous
son successeur tout alla de mal en pis, au point que
le cardinal de Mailly, qui fut archevêque de Reims
après Maurice Le Tellier , eut l'idée dé faire maison
nette, c'est-à-dire de chasser principal et procureur,
si les choses étaient telles qu'on les lui avait rappor-
tées* Il chargea du soin de s'en assurer le chanoine
Legendre, le même dont nous avons déjà cité le nom
à propos de l'institution du concours général'. Legen-
dre raconte sa visite en ces termes :
(c Sur les plaintes qu'on lui faisait depuis longtemps
(au cardinal de Mailly) de l'état où était le collège de
Reims à Paris, il me pria d'en faire la visite, comme
son commissaire, et d'y mettre l'ordre. C'est bien un
des plus beau^ emplacements qu'il y ait dans le pays
latin : grand air, grande cour, logements plus que
raisonnables. J'y trouvai un principal, un procureur et
point de boursiers, quoiqu'il y eût assez de bien pour
y en avoir nombre. Depuis trente-quatre ans qu'on
1 . Procès-verbal de la yisite faite par ce prélat le 2 janvier 1 684.,'
Archives de l'Université, carton n® 21 .
2. Goiijet, Mémoîys sur le Collège royal, 2* partie, p« 155.
3. Tome II, p. 344.
112 HISTOIRE
n'y avoit point fait de visite, les revenus s'en étoient
allés en réparations courantes, sans devis, sans quit-.-
tances par devant notaires, et en appointements tels
que le principal et le procureur avoient bien voulu se
les donner. Ils étoient les seuls créanciers du collège,
et créanciers d'une rente de plus de mille francs au
denier vingt. Je la mis au denier cinquante : c'éloit le
taux de ce temps-là ; Dieu sait comme ils crièrent. J'y
établis huit boursiers; et pour rendre cet établissement
solide, je fis des statuts tant de discipline quç
d'économie. Ils ont servi à policer d'autres collèges,
et le nouvel historien de la ville de Paris* a cru devoir
les insérer dans son ouvrage, pour apprendre au lec-
teur rélat moderne de ce collège.
« Le procureur et le principal, fâchés de n'être
plus les maîtres autant que, mal à propos, ils Tavoient
été jusque là, firent d'abord difficulté de se soumettre.
Leur résistance ne fut pas longue : pour peu qu'elle eût
duré, je les aurois destitués, comme ayant mal admi-
nistré le bien de cette maison depuis plus de vingt ans
qu'ils en étoient officiers. M. de Mailly avoit de la
répugnance à leur faire grâce : heureusement pour eux
une affaire plus importante le détourna de celle-là*. »
La constitution de l'abbé Legendre n'eut pas plus de
Tertu que les autres qui l'avaient précédée. Après
avoir été observée quelque temps, elle tomb^ eo
désuétude. Ainsi qu'on l'a indiqué précédemment»
il vint en dernier lieu un principal qui accapara tous
les offices de la maison.
1 . Félibien.
2. Mémoires de Louis Legendre, abbé de £lair fontaine, 1. Vil,
à l'an 1729.
DE SAINTE-BARBE. 113
Si Reims ne brilla jamais de la splendeur d'un grand
collège, il eut néanmoins sa célébrité^ et ne cessa jamais
d'être affecté à Fétude. L'opinion de Legendre sur la
beauté du lieu fut celle de tout le monde dans l'ancien
temps. Les logements étaient réputés appartements de
princes au xv® siècle. Dévastés par les émeutiersdu
parti bourguignon en 1418, on les restaura peu de
temps après pour y loger les religieuses de Poissy, qui
étaient venues chercher un refuge dans la capitale^ Si,
comme on a lieu.de le conjecturer, c'est dans cette
communauté que se retira sur ses vieux jours la célèbre
Christine de Pîsan, le collège de Reims serait le lieu
d'où cette femme poète et patriote salua de ses vers
l'avènement de Jeanne d'Arc •.
Après avoir été diminué, par la création du collège
Coqueret, de tout ce qui avait formé les communs de
l'hôtel de Bourgogne, le collège champenois resta
encore l'un des grands emplacements de l'Université.
II s'étendait de la rue des Sept- Voies àlarueChartière,
et contenait entre ses bâtiments une longue cour bor-
dée d'arbres. Les savants de la Renaissance compa-
raient cela aux jardins d'Acadème ou au Lycée
d'Athènes. Quiconque était admis à faire un cours
extraordinaire dans l'Université ambitionnait là faveur
d'obtenir la grande salle de Reims. Le corse Justiniani,
appelé en France par François 1", y donna des leçons
publiques d'hébreu et d'arabe, et l'introduction à la
grammaire de Moïse Kimahi, imprimée en 1 520 par le
i. Registres des Gens de Sainte-Geneviève, aux Archives de
PEmpire, S. i628 eti629.
2. Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc,
dite la Pucelle, t. V, p. 3.
m 8
•
il4 HISTOIRE
même orientaliste, est datée du lycée de Reims*. Sous
Charlies IX on alla y entendre Minos (Claude Mignault)
commentant le Théagène de Platon*. Là aussi furent
professés pendant très-longtemps une partie des cours
du Collège Royal (Collège de France), qui n'eut pas
d'abord de donjicile à lui. On voit cela par plusieurs
des harangues de Denis Lambin. Il est probable que
Théodore Marcile et Pierre Valens (Starck de Gro-
ningue), autres professeurs royaux qui logèrent dans
ce collège du temps de Henri IV, y firent encore des
leçons'.
Au rapport de Dubreul, le collège de Reims fut in-
cendié le 9 octobre \ 550 *. Le dégât dut être bientôt ré-
paré, car en 1 552 on y donna, en présence de Henri II
et de sa cour, la première représentation d'une tragédie
et d'une comédie de Jodelle , toutes deux en vers fran*
çais. C'était Cléopdtrecaptwe et Eugène ou la rencontre.
Le théâtre fut dressé dans la cour ; des jeunes gens de
qualité s'étaient chargés des rôles. Le roi témoigna la
satisfaction que lui causa ce plaisir nouveau, en faisant
compter à l'auteur une somme de 500 écus d'or *.
Quantité de personnages marquants ont habité celte
maison. Aux noms qui viennent d'être cités, ou qui
l'ont été auparavant dans le cours de cette histoire,
ajoutons celui du célèbre théologien Claude d'Es-
1. Chevillier, Histoire de Pimpriraerie, p. 375.
2. CL Minois de re litteraria orationes III habita in Academia
parisien&i^ p. 37.
3. Goujet, Mémoires sur le Collège royal ^ p. 162 et 189»
4. Théâtre des antiquitez de Paris, p. 738.
5. Pasquier, Recherches sur la France^ t.VII, ch. 6; Histoire
du Théâtre-Français, t. HI, p. 278.
DE SAINTE-BARBE. 115
pence \ On en trouverait bien d'autres, si on lisait les
préfaces de tous les livres de classe ou de théologie
publiés depuis que Timprimerie existe. Reims était si
bien considéré comme un botei à T usage des princes
de la science ou de renseignement , que le premier
article de l'un de ses règlements prescrivait aux pen-
sionnaires de porter respect aux personnes distinguées
qu'ils rencontreraient dans la cour*. Ce règlement est
moderne; les pensionnaires dont il parle sont ceux
des pédagogies qui eurent leur domicile dans le col-
lège. Nous en trouvons une, habituée depuis 1720 aux
classes du collège de Beauvais, qui survécut à l'Uni-
versité, et qui, après s'être maintenue pendant toute
la Révolution, se fondit dans Sainte-Barbe.
£n 1763, l'École de droit fut transférée dans les
salles basses de Reims, en attendant l'exécution du
monument projeté par Soufflot devant la façade de
l'église Sainte-Geneviève'.
On ne voit pas que Reims ait jamais eu, malgré le
voisinage, beaucoup de rapports avec Sainte-Barbe.
Pour les temps anciens un indice d'hostilité résulte de
ce fait, qu'un régent de Reims, après la mort de notre
.Martin Lemaistre, y professa publiquement le sco-
tisme, bien plus rapproché de la doctrine xéaliste que
i . Cl. Espencsei theoL Paris, Hodoiporican, seu Sylva cui titu^
lus Godo. In-4°, Paris, 1565. La préface est datée, LutetisSy ex xdi-
bus Rkemmis.
2. Imprimé en placard sans date de temps ni de lieu. II eat in-
titulé : « Règlement pour les pensicHinaires et caméristes du col-
lège de Reims. »
3. Titres domaniaux de Reims, aux Archives de l'Empire, S,
6559.
H6 HISTOIRE
des principes d'Ockam. Celait Pierre Tartarety de
Lausanne, dont l'histoire de la philosophie a conservp
le nom. Il fît plus d'un prosélyte. Toutefois, si les bar»
bistes s'en fâchèrent d'abord , ils durent passer con-v
damnation plus tard, lorsqu'ils vireiit leur Jean Major
emprunter à cet astre quelques-uns de ses «rayons*
Depuis la Renaissance , la profession littéraire ne fut
jamais telle à Reims qu'elle ait eu de quoi alarmer ses
voisins, et lorsque les deux collèges n'eurent plus d'é-
coliers qui leur appartinssent, tout motif de dissension
disparut. Sous Louis XIII, Reims fit acte de complai*
sance envers Sainte-Barbe en offrant un abri aux ma?
tériaux employés pour la reconstruction de la rue
d'Ecosse. Henri Berthould, qui faisait faire celte re-»
construction, témoigna sa gratitude par le don d'une
chasuble à la chapelle de Reims K
Voici , probablement avec des lacunes^ la suite des
principaux qui gouvernèrent le collège champenois,
depuis son rétablissement par l'annexion de Réthe).^
Thomas Gerson*, de la famille de Jean Gerson
(1446).
Pierre Marie ou Marié, vers 1460 '.
Nicole Bourgeois, recteur de l'Université en 1485, .
chanoine de la Sainte-Chapelle en 1497*.
i . Comptes du collège Sainte-Barbe, pour les aiinéeç 1635-1638.
Archives de l'empire, H. 2808*.
2. Sentence pour le collège de La Marche contre celui de Rethel.
Archives de Tempire, M. 171.
3. Procès entre Simon Dugast et Nicole Bourgeois. Ar oisives
dePEmpire, S. 6559.
4. Duboulay, Historja Vniversitatis Parisiens fs, t. V, p. 923;
procès contre Simon Dugast, I. c.
DE SAINTE-BARBE. 117
• Dominique le Cirier, vers 1520. Il est le premier
qui ait pris le titre de principal; ses prédécesseurs
seraient simplement appelés Matires du collège de
Reims *.
Jean Deruel ( 1 533-1 ^0 ). Le promoteur de T Uni-
versité requit contre lui, en 1549, |a privation des
privilèges académiques, parce que ses élèves avaient
fait dans Paris mie promenade au tambour '.
Jean Vasseur, dont le nom apparaît depuis 1554.
Il fut l'un des chefs de la résiistance contre les Jésuites,
et décida Estienne Pasquier à se charger de la défense
de l'Université *, dans le fameux procès de 1 564.
Charles Gilmer, institué par arrêt du Parlement
eti' 1 577 *. 11 fut deux fois recteur. •.
Jean Morel , auteur de l'association de son collège
avec celui du Mans, dont nous avons parlé ci-dessus.
Il vivait encore en 1 627 *.
i. Acte de 1533 aux: Archives de TEropire, S. 6560.
2. Archives de l'Université, Reg. 21, fol. 212.
3. Lettre de Pasquier à Louis de Saint-Marthe, 1. XXI.
4. Ms. de la bibl. Mazarine, H. 2682A, fol. 135 v. et 145.
5. foan, Burseti Rutheni ^ In D, Gilmeriiy primarii collegii Rhe^
mensiSy secundo rertoris, panegyricum , en tête de l'ouvrage intitulé:
Âd dominumJo^ Buchëerum^ rectorio magistrats se abdicantem^^t
Blasium Martinuni^ eidem in rectoratu succedentem, congratulatio
habita Lutetim in comitiis publicisy anno Domini 1 581 , die martii 23,
per Carolum Gilmerium^ scholm Rhemensis in Acad, Parisiensi pri-
marittm. In-8®, Paris, 1581.
6. Contrat de ladite année, par lequel il loue au libraire Ricber
a une salle basse qui souloit pardevant servir de troisième classe
âritEt collège, située sous le premier estage du vieil corps d'hoslel
dudit collège, qui est yis-a-vis du collège de Mans, joînct et con-
tigu à Palléf» iquî cbnduict à l'escalier du vieil corps d'hostel et au-
dit dbllége du Mans, avec une autre salle joigûant celle cy-dèssufe
H8 HISTOIRE
Nicolas Barrois, chanoine de Reims, nommé dans
des titres de 1 642 et 1 646 \
Jean Gerbais de i 684 à 1 699 *. C'est au collège de
Reims, en 1656, que ce docteur avait professé le
cours de philosophie, qui lui ouvrit les portes de la
Sorbonne '.
Jean-Joseph Favart, professeur de théologie au col-
lège de Navarre, mort en 1 733 *.
René Vatry, membre de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, d'abord procureur du collège, puis
principal après M. Favart. Sa santé l'ayant obligé de se
démettre de cette fonction en 1 743, il garda néanmoins
son logement dans la maison*. Sous son principalat et
sous celui de son successeur jusqu'en 1756, M. Piat,
qu'on à vu figurer précédemment parmi les Gilotins
célèbres', exerça, avec le titre de proviseur, une sorte
d'inspection permanente du collège aux lieu et place
de l'archevêque de Reims \
Ponce François Copette. C'est lui qui mit les bâti-
ments du collège dans l'état où les trouva M. de Lan-
neau. Il acheva de détruire les derniers vestiges de
l'hôtel de Bourgogne, et bouleversa les anciennes dis-
qui servoit aussi cy-devant de la seconde classe, qui est celle du
milieu soubz ledit vieil et grand corps d'hostel. » Archives de
l'Empire, S. 6559.
1 . Archives de l'Empire, S. 6559.
2. Archives de l'Empire, S. 6559 et 6560.
3. Ms. de la bibl. Mazarine, H. 2682A, fol. 91 v.
4. Archives de l'Empire, S. 6559.
5. Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
t. XXXVIII.
6. Tome 11, p. 269.
7. Archives de Pfimpire, S. 6560. *
DE SAINTE-BARBE. 119
positions. La grande porte d'entrée, qui avait été tour-
née jusque-là devant Sainte-Barbe, fut établie par sa
volonté sur la rue des Sept- Voies*. La reconstruction
qui favorisa ce déplacement eut lieu en i 745. En î 762,
M. Copette fit refaire le Sorps de logis sur la rue de
Reims '. Les travaux s'achevaient au moment de la
réunion du collège à Louis-le-Grand.
La propriété de Reims, conservée aux Boursiers de
l'Égalité, fut aliénée vers 1805, pour être convertie
en rentes , de même que le reste de la dotation du
Prytanée. Elle fut alors divisée en deux portions, au
moyen d'un mur que l'on conduisit à peu près par le
milieu de la cour. Dans la partie orientale était établi
le petit pensionnat que nous avons mentionné ci-des-
sus ; il était tenu alors par M. Gravier, successeur d'un
ancien maître-ès-arts du même nom. M. de Lanneau
prit en même temps le bâtiment et les élèves. 11 fit
disposer le local pour qu'il pût recevoir , à la rentrée
de 1 809, les basses classes de son établissement jus-
qu'à la septième.
Le lieutenant à qui revint en partie la tâche d'im-
planter la loi de Sainte* Barbe sur cette terre nou-
velle fut M. Massin, alors préfet des études. C'était
un homme d'un âge déjà mûr, ayant dans l'enseigne-
ment de longs services, qui furent récompensés à la
création de l'Université impériale par le grade de doc-
teur en la Faculté des lettres. Il avait quitté la France
depuis 1 789, pour suivre à Vienne un jeune seigneur
polonais, dont il faisait l'éducation. Il s'attacha à la
i . C'est celle qui 4onne entrée au n^ 1 8 de cette rue.
2. Mémoire manuscrit sur le collège, daté du 12 mars 1763, et
Deris de construction, auK Ardiives de TEmpire, S. 6560.
iâO HISTOIRE
personne du duc d'Enghieiiy après la dispersion ' tde
rarmée de Condé. La mort du prince le fit rentrer, ea
France, si complètement dénué de ressources, qu'il
se trouva heureux d'être agréé comnae maître d'étude!
à Sainte*Barbe. Une circpnlltance fortuite révéla sai
valeur à M. de Lanneau.
En ce temps-là, le directeur de Sainté-Barbe préâ-j
dait lui-même au repas des élèves. Les maîtres étaient
placés au bout des tables, et n'avaient pas à s'occuper de
la surveillance générale. Un jour, pendant le diner,M«de
Lanneau est appelé dehors pour une affaire pressante.
Son absence se prolonge, et les convives commenceBt
à s'émanciper. Les maîtres recommandent en vain lec
silence. Alors M. Massin se lève de table, et se plaçant
au milieu du réfectoire, il parle sur un ton 'dont l'au^^-
torilé impose sur-le-champ aux élèves. M. de Làfa-
neau, charmé d'avoir trouvé un homme qui avait dei
l'initiative et qui savait tenir la jeunesse, saisit la pre-
mière occasion de faire monter en grade son maître:
d'étude. 11 lui délégua une partie de ses pouvoirs pour^
la direction du travail et le maintien de la discipline.
Ceux qui furent écoliers en ce temps-là se sou-*
viennent de M. Massin comme d'un maître qui les
faisait obéir et travailler. Sa manière n'était pas
celle de M. de Lanneau. Il était doux et caressant,,
méticuleux dans toutes les parties de son service,
s'arrétant volontiers aux menus détails, aimant à i«*=^'
glementer, à multiplier les écritures et les proclama-;>
tions. Il n'avait pas encore fait le sacrifice de diverses)
pratiques surannées que d'autres instituteurs cher-
chaient alors, et cherchent encore aujourd'hui, à maiîi-
tenir dans l'éducation. Par exemple, il aurait été hew*;
DE SAINTÊ-BARBE. i21
KBUx de voir rétablir à Sainte-Barbe les exercices
d'apparat, pastorales récitées avec des costumes, re-
présentations théâtrales en français, en latin, en grec :
taiites choses que. le Directeur n'approuvait pas, qu'il
taxait au contraire de démonstrations trompeuses',
a où quelques élèves, préparés de loin aux dépens d'un
plius grand nombre, viennent à l'aide de compères
façonner la réputation d^me maison*. » Mais les dif-
férences d'opinions, de caractère, de conduite étaient
efiacées par la confiance sans bornes que le lieutenant
avait en son chef. M. Massin, à Sainte-Barbe, n eut
pas d'autre, ambition que de satisfaire M. de Lan-
neau, persuadé qu'en suivant aveuglément l'impul-
sion d'un tel homme, il se perfectionnerait dans l'art
de diriger la jeunesse.
-fU prit son congé aux vacances de 1810, pour.aller
fonder une institution à lui dans l'ancien couvent
des Minimes, près la plaee Royale. Le premier noyau
de cet établissement fut une dizaine d'élèves, laissés
par un maitre de pension de ses amis, qui venait de
.mourir. Personne n'ignore l'illustration del'institulion
Massin, continuée d'abord par M. Paul Barbet-Mas-
sini, gendre du fondateur, et aujourd'hui par M. Le-
SB^ç. Il n'est pas de maison qui ait plus contribué à
1^ gloire du lycée Charlemagne. .
^ Jusqu'aux derniers moments de sa longue exis-
tence*, M. Massin n'a pas cessé de citer M. de
Lanneau comme le modèle accompli de T institu-
teur, et notre collège comme la source des tra-
'i. Lettre à M. de Fontanes, du 23 mars 18i2.
'■^. M. 'Massin mourut subitement le 17 août 4849, à l'âge de
qdàtvé-vingt-qùàtre ans.
122 HISTOIRE
ditions auxquelles il était redevable des succès de
son propre établissement. Il disait aussi que M. de
Lanneau lui avait porté bonheur par les vœux pleins^
de cordialité qu'il exprima, en présidant la première
distribution de prix solennelle qui eut lieu dans la
maison Massin^en 1818. Le Directeur actuel de Sainte-
Barbe, à son avènement, trouva cet homme hono-
rable, sous la férule duquel il avait passé jadis, jouis-
sant de la considération générale, et porté par son
mérite autant que par son âge à la tète des chefs
d'institution de la capitale. Tous deux, en 1848,
unirent leurs démarches, à divers reprises, afin de
conjurer de mauvaises mesures dont furent mena-
cées tantôt les études, tantôt des personnes .recom-
mandables (du corps enseignant.
CHAPITRE YIII.
Projet d'ériger Sainte-Barbe en lycée. — Négociations à ce sujet. — Ri-
gueurs du régime universitaire. — Fin de l'Empire. — M. Mouzard,
chef oflGciel de l'institution. — Esprit de la jeunesse sous la première
Restauration et pendaiU les Cent-jours. — Persécution contre M. de
Lanneau. — M. Adam substitué à M. Mouzard.— Clôture 'de l'école
gratuite.
Napoléon avait pour son Université une sollicitude
plus que paternelle, et dans l'Université rien ne lui
était plus cher que les lycées. Ces établissements
étaient un instrument de sa politique. Sa préférence
DE SAINTE-BARBE. 123
pour eux allait au point qu'il aurait voulu tenir dedans
toute la jeunesse de TEmpire. Un jour qu'il lisait un
rapport sur Tétat des maisons d'éducation de Paris^
voyant Sainte* Barbe portée sur la liste avec le nom*
bre de cinq cents élèves, il dit : a Comment se fait-il
qu'un sioiple particulier ait tant de monde dans sa
maison? » Sa volonté fut aussitôt d'acquérir pour le
compte de FÉtat et les élèves et le maître avec eux.
M. de Fontanes reçut l'ordre de s'entendre avec M. de
Lanneau pour rindemniser de sa propriété, et pour le
retenir comme proviseur de Sainte-Barbe érigée en
lycée. Les bâtiments surannés de la rue de Reims,
jugés indignes de contenir une école du gouverne-
ment, auraient été abandonnés. L'Empereur avait en
vue l'ancienne abbaye de Saint-Martin-des-Champs,
proposée pour ^tre le lieu de la quatrième Ecole cen-
trale, lorsqu'on n'avait pas encore renoncé à fonder
une quatrième École centrale à Paris. Mais depuis ce
temps l'abbaye avait été convertie en Conservatoire
des arts et métiers. C'est l'objection que fit M. Frochot,
appelé au Tuileries pour recevoir les instructions de
l'Empereur. Il dit que l'église et les cloîtres de Saint-
Martin étaient remplis de machines, pour lesquelles on
trouverait difficilement de la place ailleurs. « Ces ma-
cfaineç, ces machines, répliqua Napoléon avec sa viva-
cité ordinaire, on peut bien les mettre dans les rez-
de-chaussées du Sénat. » Le mot à peine sorti de sa
bouche, il ne put s'empêcher de rire de la figure que
fit le préfet, et abandonnant aussitôt son idée, il dé-
signa, au lieu de l'abbaye Saint-Martin, le ci-devant
collège d'Harcburt, dans la rue de la Harpe.
M. de Lanneau reçut la notification de ce projet
124 ' HISTOIRE
avec p!us de déplaisir que de surprise. Il avait plus
d'un motif d'appréhender quelque chose comme cela.
Ses notes à instruction publique étaient excellentes';^
plus Tadministration avait montré d*exigences, plus û
avait fait d'efforts pour être toujours en règle aved
elle. Tandis que la plupart de ses confrères, obsédés)
des formalités minutieuses auxquelles ils étaient assu-
jettis, feignaient souvent de ne pas comprendre, afin
d'amener des retards, la ponctualité du directeur de
Sainte-Barbe était l'objet d'éloges continuels de 1^
part des inspecteurs, des conseillers, et du . grand-
maître avant tous les autres. C'était toujours lui qu'on
citait comme modèle aux chefs d'institution récalci-
trants. M. de Fontanes avait pris l'habitude de l'ap-
peler « l'Universitaire de l'Université. » Mais cette
bonne réputation était contrebalancée par celle d'une!
indépendance que M. de I^anneau laissait trop aper-
cevoir. Il subissait, sans le trouver de son goût, l'état
de contrainte et presque de suspicion qu'il avait a
partager avec les autres personnes de sa profession.
Chaque fois qu il eut à en dire son opinion, il s'en
plaignit, non pas comme d'une chose préjudiciable à
son intérêt, car il se trouvait dans l'une de ces veines
de prospérité qui défient toute atteinte, mais parce
que cela blessait ses principes personnels et la dignité'
de l'instituteur. De là des impressions sur son compte,-
qui l'empêchèrent d'obtenir toutes les récompenses
qu'il aurait méritées par ses services. Il sut de bonne'
heure qu'il ne devait pas comptei" sur la faveur dif
maître. Lorsqu'il crut démêler, dans l'allure qu'on
donnait au régime universitaire, l'intention formelle
db he kik'sér aux écoles privées que le trop-pleîrf
DE SAINTE-BARBE. i25
OU le . rebut des écoles de rÉlat, il eut peur de
son succès. Dans la crainte de se voir déposséder
de Tœuvre qui lui était si chère, il entra en pourpar-
I^rs a\ec un proviseur de département, qui n'aurait
pas été éloigné de se déCaire de son emploi pour
nr^ndre la direction de Sainte-Barbe.
La perspective d'érection en lycée ayant rompu
cette ouverture, la nouvelle affaire fut entamée dans
le cabinet même de M. de Fontanes. M. de Lanneau
^*en remit, pour la conduire, à l'amiti^ du comte Ma-
thieu Dumas et à la diligence de l'avocat chargé du
contentieux de Sainte- Barbe. Les préliminaires de-
mandèrent du temps, parce qu'il fallut représenter la
situation financière de la iSiaison depuis son rétablis-
sement. Pendant qu'on travaillait à ces comptes, un
personnage fameux par ses intrigues, Roux-Laborie,
vint faire accepter ses services, nous ne savons de
quelle part.. Roux-fiaborie, qu'on trouvait partout,
quoiqu'il eût été chassé déjà de bien des endroits, et
chassé avec éclat, Roux-Laborie, ami de tous les én-
n<emis de Sainte-Barbe, ne pouvait intervenir dans
une affaire de ce genre que pour en compromettre le
$uçcès. C'est ce qui eut lieu. Les choses traînèrent en
fiongueur jusqu'au moment de l'expédition de Russie,
qui Ht rentrer dans les cartons le travail commencé
pour le règlement des iiitérêts de M. de Lanneau.
\ Nous n'entendons pas dire par ce qui précède
qu'un homme artificieux, s'introduisant dans la dis-
^ji^^sion d'un marché, ait eu la puissance de contre-»
bal^^ncer la volonté de l'Empereur: mais il arriva
ççtte . fois ce dont on eut alors tant d^exeipplçs. Le
projet dont l'exécution était retardée prit des p^o-
126 HISTOIRE
portions plus vastes dans la tête de Napoléon. Au lieu
d'un lycée nouveau à Paris, il en voulut quatre,
c'est-à-dire le double de ce qu'il y avait déjà, et il
résolut 'de multiplier dans la même mesure les lycées
des départements.
Cette conception gigantesque fut annoncée dans
le décret du 15 novembre 1811, qui réglait la juri-
diction de r Université. Le législateur, sentant lui-
même qu'il n'accomplirait pas sur-le-champ un si grand
. nombre de fondations, surtout à la veille de la guerre
la plus coûteuse qu'il eût encore entreprise, se contenta
de prescrire une série de mesures qui devaient favo- •
riser plus tard Texécution de ses vues. Ces mesures
concernaient particulièrement les établissements
privés, qu'elles avaient pour but de gêner encore
davantage dans la concurrence que ceux-ci pouvaient
faire aux lycées.
Le décret fut exécuté avec u^e rigueur extrême.
Pendant quinze mois les chefs d'institution et maîtres
de' pension furent accablés de circulaires menaçantes
pour faire ceci et surtout pour ne pas faire cela. Ce
furent des prohibitions à n'en plus finir.
Défense d'admettre dans les institutions et. pensions
des élèves qui n'en suivraient pas tous les exercices*
(arrêté du 11 janvier 1812).
Défense des exercices publics et distributions de
prix dans les mêmes établissements, lorsqu'ils sont
situés dans une ville pourvue d'un lycée ou d'un
collège ; défense d'exercer les élèves à la poésie fran-
çaise (circulaire du 1 8 décembre 1 81 2j-
Défense de recevoir des élèves de quelque âge que
ce soit, pensionnaires ou demi -pensionnaires, sans en
DE SAINTE-BARBE. 127
avoir référé d'abord aux proviseurs de lycées ou pria*
cipaux de collèges (circulaire du 1 3 février 1 81 3).
Défense de s'annoncer autrement que par des
tableaux dont Tinscription, qui était tout un pro-
gramme d'études, ne pouvait être modifiée dans
aucun cas. L'administration avciit réglé pour ces ta-
bleaux jusqu'à la couleur du fond et des lettres (circu-
laire du 1 2 avril 1 81 3). Celui des institutions devait
être noir, et porter en lettres jaunes : « Université im-
périale. Institution dirigée par M. ***", où l'on enseigne
les premiers éléments de ]a langue latine et où Ton
répète l'enseignement du lycée ***. »
Cettecontraintemesquine et jalouse eut pour accom-
pagnement une pression incessante exercée en vue
d'inspirer à la jeunesse l'esprit militaire. Les victoires
de l'Empereur devinrent pftsque l'unique sujet sur
lequel il fût permis d'exercer l'imagination des élèves.
Jusque dans les plus petits pensionnats, les exercices
scolaires durent être annoncés par le son du tambour^
L'uniforme fut prescrit partout, à peine de clôture des
établissements qui ne s'y soumettraient pas\ Alors
nos barbistes prirent le chapeau à cornes et le frac
bleu à collet et parements blancs. Us marchèrent au
pas ; ils eurent caporaux et sergents, ils n'en firent pas
mieux leurs devoirs; loin de là, leurs jeunes esprits se
livrèrent un peu plus qu'il n'aurait fallu aux préoccu-
pations du jour. Bientôt les conscriptions anticipées
vinrent prendre plusieurs d'entre eux dans les classes
de rhétorique et de philosophie. Leur chef, consterné,
i . Arrêté du i 6 janvier 1 81 2.
2. Circulaires du 2 et du 30 septembre 1812.
128 HISTOIRE
se^considéra comme « un sergent-major d'études lan»;
guissantes sous le tapage d'un tambour et morcelées^*
sous les couleurs militaires*. »
Cependant Napoléon, aux prises avec la fortune,
affectait de poursuivre, au milieu des plus profond^
soucis, Taccomplissement de tous ses desseins. Lelep-^
demain de la bataille de Dresde, il reprit ceux qui-
concernaient TUniversité. Un même décret érigea en
lycées impériaux les vieilles écoles des villes hanséa-
tiques et les deux ci-devant collèges de Sorrèze et de-
Juilly*; des ordres pressants furent envoyés à Paris
pour qu'on hâtât les^préparatifs des créations décidons
depuis deux ans. Bientôt un article du Moniteur informa
le public que les maçons venaient de s'emparer des
deux collèges contigus d'Harcourt et de Justice 'j, afio:
de les convertir en un Iftée où l'on pourrait placer .
quatre cents élèves*. t
Cette nouvelle allait à l'adresse de M. de Lanneau,
qui se résigna dès lors à son changement de condition.
Il attendit, ayant sans cesse devant les yeux le moment
auquel il ne fallait plus songer à se soustraire. Mais
avant de se faire entendre pour lui, l'heure fatale sonna
pour l'Empire. Le territoire fut envahi. LesB.ourbons
revinrent à la suite des armées alliées.
Changer de gouvernement ne fut que changer d'in-
quiétude pour les hommes qui, ayant joué un rôle
dans la Révolution, ne se sentaient pas d'humeur à
renier ce qu'il plaisait aux nouveau-venus d'appeler
1. Lettres de P.-A.-V. de Lanneau, p. 37.
2. Décret du 29 août d8i3.
3. Ils occupaient l'emplacement actuel du lycée Saint-Louîs.
4. Moniteur du 4 septembre 1813.
DE SAINTE-BARBE, 129
les irîngt-cînq ans de révolte. A la violence des récri-
minations et des dénonciations qui Turent les premiers
fruits du nouveau régime, aux tendances rétrogrades
qui marquaient tous les acteis du pouvoir, le directeur
de Sainte-Barbe jugea que, s^il voulait soustraire sa mai-
son aux atteintes du parti royaliste, il était prudent de
mettre sa personne à l'écart. Déjà on tenait de cruels
propos sur son compte, déjà il était l'objet de toutes
sortes de vexations. Il crut eh voir une dans une
mesure de rigueur que prirent contre lui les bureaux
de l'Université.
L'Université impériale, violemment attaquée dans
le parti vainqueur, avait dû provisoirement son main-
tien à la difficulté de satisfaire trop de prétentions
rivales. Les subalternes, dans leur zèle, s'employèrent
dès lors à tirer parti de la sévérité de ses lois pour
tourmenter ceux dont le pouvoir n'était pas content.
Au milieu de la détresse causée par les événements,
lorscpie le collège était réduit à la moitié de ses élèves,
et que, pour l'autre moitié qu'il fallait nourrir tous les
jours, les recouvrements ne s'effectuaient pas, toutes
les caisses étant vides ou fermées, M. de Lanneau se
trouva en retard pour l'acquittement de la rétribution
universitaire. C'était la première fois que cela lui
arî*ivait. Il reçut néanmoîtis par le ministère d'un huis-
sier sommation de payer, avec menace de poursuites.
Jamais blessure n'atteignit plus profondément une âme
délicate. Il en pleura, et il mit d'autres larmes dans la
letti^ qu'il écrivit sur-le-champ au trésorier de l'Uni-
versité, C'était Delauibre, le célèbre astronome.
« Je viesps de recevoir pour la première fois, lui
disait^il, depuis trente ans «et quiôze jours' que je tta-
m 9
130 HISTOIRE
vaille dans rinstruction publique^ le papier des huis*
siers. Non, Monsieur, je ne croirai jamais que ce soit à
vous que je doive cette mortification. Vos procédés de
justice et d'humanité sont trop généralement connus^
les égards particuliers dont vous tn'avez houoré quel-
quefois me sont trop présents, pour que je ne sois pas
porté à croire qu'on a abusé de votre nom pour humi-
lier un vétéran, à qui d'ailleurs tant de fois vos plus
inexorables agents ont rendu justice sur son exactitude
à s'acquitter envers l'Université. » Et après avoir exposé
tout ce qui faisait son excuse dans le cas présent, et
prouvé qu'il s'occupait de se mettre en règle dans le
plus bref délai, il ajoutait : « Veuillez permettre que
je le renvoie à son point de départ, ce papier, comme
ne devant ni ne pouvant figurer dans les archives sans
tache de ma maison^ »
Il ne voulut pas attendre que les coups d'épingle
devinssent des coups de poignard. La combinaison
par laquelle il crut sauvegarder sa maison fut de faire
passer son titre dechef d'iostitution à quelqu'un de sa
famille. Il venait de marier l'une de ses filles avec un
jeune et brillant professeur du lycée ci-devant Impé-
rial, alors Louis-le-Grand, M. Mouzard, qui avait
remporté le prix d'honneur au grand concours de
1805, et ce gendre s'annonçait comme un digne suc-
cesseun M. de Lanneau demanda l'autorisation de lui
céder son établissement ; elle lui fut accordée en tout
honneur par M. de Fontanes, qui était resté à la tête
de l'Université. « Vos nombreux élèves, lui écrivit le
grand-maître, déposent en faveur de votre zèle et dç
i) Recueil de lettres de P.-A.-Y. de Lanneau, p. 249.
DE SAINTE-BARBE. 13!
•votre mérite* L'Université n'oubliera jamais les ser-
vices que vous avez rendus à l'enseignement', n
Ces paroles n'étaient malheureusement pas d'un
prophète, ainsi qu'on ne tardera pas à le voir.
Malgré les impatients, qui auraient voulu que d'un
coup de baguette on reftt la jeunesse telle qu'elle avaii
été avant la Révolution (car c'est toujours avant la Ré-
volution que ces chimériques esprits allaient chercher
leur idéal) y les écoliers de 1814 ressemblèrent beau*
coup à ceux de 4813. S'ils regrettèrent médiocrement
le gouvernement déchu, qui les avait un peu trop mis
en coupe réglée^ ils ne ressentirent pas non plus d'a<-
mour pour le nouveau régime. Le plus grand chan-
gement que l'on remarqua parmi eux fut un souffle
d'indépendance dont ils se montrèrent aussitôt agités.
On avait remplacé les tambours par les cloches, les co*
cardes tricolores par des cocardes blanches, les corn*
positions à la louange de l'Empereur par des compo-
rtions en l'honneur du roi, les Te Deum des victoires
par des Requiem pour les victimes de la Révolution.
On s'indigna que ces nouveautés ne produisissent pas
l'enthouâasme. La contrainte fut employée pour ob-
tenir des démonstrations, et quand celles-ci ne paru*
rent pas satisfaisantes, on accusa les maîtres : souvie-
raine injustice, car les maîtres ne pouvaient pas faire
que les enfants s'éprissent tout d'un coup pour des
choses auxquelles leur éducation première ne les avait
point préparés. On eut beau se servir de la menace;
on ne parvint point à obtenir des jeunes raisonneurs
i. Arrêté du 4 novembre 1814; lettre du 7 novembre sui-
vant.
132 HISTOIRE
de collège qu ils regardassent Napoléon comme im
monstre exécrable et les Bourbons comme des princes
envoyés du ciel; tout au contraire, on les porta à re-»
gretter la gloire dont l'Empereur avait environné la
France, et à regarder d'un mauvais œil le roi qiâ
était survenu à la faveur de nos infortunes.
Une ordonnance* ayant scindé l'Université en dix-*
sept universités locales, gouvernées chacune par^ un
conseil sous la surveillance d'un évêque, on prit cela
pour l'annonce du régime monacal qui allait revenir^
et réloignement de la jeunesse pour la Restauration
devint encore plus prononcé.
Ces dispositions furent cause que les établissements
de l'Université saluèrent avec allégresse le retour de
nie d'Elbe; et ce ne fut pas là comme dans la muU
titude, où Ton vit le découragement et la froideur
succéder aux premiers transports. Pendant toute la
durée des Cent-jours, la jeunesse des écoles resta fi-
dèle à Napoléon. Elle aurait voulu être appelée en
masse sous les drapeaux. Lorsque Carnot organisa
Tartillerie destinée à défendre la capitale, des pétitions
pour y être incorporés furent envoyées par la plupart
des lycéens qui avaient atteint l'âge de quinze ans.
Nos baibistes firent la mênie chose à l'insu de leur
chef. Celui ci ayant adressé des représentations au
ministre, pour que cette demande fût au moins sou*-
mise à l'approbation des parents ^, le patriotisme des
élèves se manifesta d'une autre façon.. Pendant l'une
1. 17 février 1815.
2. Lettres adressées le 30 mai 1815 au ministre de l'Intérieur
et au prince architrésorier de T Empire, alors grand-maître de
rUniversité. •
DE SAÎNTE-'BARBE. 133
de leups^FomeDades à Vaugirard, ils s'échappèrent tous
eiifiem})le pour aller travailler aux fortificalions qu'on
élablissait en avant des barrières^ sur la ligne du midi.
.. Grande consternation parmi ces jeunes gens, lorsque
a'^vanouit le simulacre du second Empire. La façon
dont rétranger profita de sa \ictoire ne fut pas de
nature à les consoler. Ils furent peut-être ceux qui
dirent avec le plus de douleur la France gardée par
les bajfonnettes étrangères. Inaccessibles aux sophismes
de J 'intérêt, et n'imaginant pas qu'il y eût des compen-
sations à la bonté, ils se regardèrent comme les en-
fants d'une patrie déshonorée. Les princes qui avaient
souscrit à tant d'humiliations en restèrent respon-
sables à leurs yeux; ils vouèrent au gouvernement de
laBfistauration une inimitié que contribuèrent à entre-
tenir les encouragements de la presse libérale, et les
e^cès du parti réactionnaire, et le spectacle public des
plus honteuses défections. Alors s'ouvrit une série
d*années mémorables dans l'histoire de l'instruction
publique, années où l'on vit tout à la fois les études
fleurir par l'effet d'une rare émulation, et la discipline
essuyer des échecs continuels de la part de l'esprit de
jfévolte. Parmi les lycées transformés en collèges
rpyaux, il en est peu qui n'eurent leur insurrection,
fit cela dans toute l'étendue de la France. A Paris, ces
désordres eurent surtout de l'éclat à Louis-le-Grand
et à Sainte-Barbe. Ils valurent à ces établissements la
réputation d'être des foyers de libéralisme et de bo-
napartisme, réputation moins dangereuse à soutenir
pour le collège royal qui était sous la tutelle de l'État,
que pour l'institution qui était la propriété d'un
homme déjà mal noté.
fS4 HISTOIRE
Les alarmes, commencèrent pour Sainte-Barbe aus-
sitôt que fut arboré de nouveau le drapeau blanc. La
liste d*uDe collecte patriotique, que les élèves mathé-
maticiens avaient faite entre eux dans le mois de juin,
fut trouvée au ministère de Tlntérieur. On sut qu'un
professeur de la maison, M. Saint-Omer, avait étéTin-
stîgateur de la souscription. Ce fut assez pour que la
police envoyât faire des menaces à M. de Lanneau;
On le contraignit de congédier sur-le-champ M. Saint-
Omer, homme de talent), irréprochable à tous le&
^ards, qui n'avait agi auprès de ses élèves que pour leur
6ter de la tête leur projet de s'engager dans l'artillerie.
L'Université, rétablie pendant les Cent-jours, fut
attaquée, au conunencement de la seconde Restaura-
tion, avec encore plus de violence que pendant la
première. Le gouvernement toutefois n'osa pas re*
mettre en vigueur l'ordonnance du 1 7 février 181 5. Afin
d éloigner le moment d'une décision épineuse, il prit
un moyen terme, qui consista à abolir la dignité
de grand-maitre. On institua à la place un conseil de
cinq membres, dont Royer-Collard fut le présidente
C'est à ce conseil, appelé la Commission de t instruc-
tion publique^ que Sainte-Barbe eut à rendre compte
du premier tumulte dont elle fut affligée dans les der-
niers jours de 1 84 5. Dans cette circonstance pénible,
M. de Lanneau n'eut qu'à se féliciter de son associa-
tion arec son gendre. Elle fut cause qu'ils reçurent
tous les deux des remerctments pour la manière dont
ils s'étaient employés au rétablissement de Tordre*.
f . Ordonnance da 15 août 1815,
2. Voyez ci-après, chap. XI.
DE SAINTE-BARBE. 18i
Mais un malheur domestique, en favorisant Texplosion
de la malveillance^ rendit bientôt plus difficile à ob«
tenir la justice de la Commission* M. Mouzard mourut
dans le vingt et unième mois de sa possession \
M. de Lanneau^ dont ce douloureux événement
renversait tous les calculs, se trouva dans un mortel
embarras. Son fils aine, sur lequel il comptait pour
remplacer M. Mouzard, n'était pas encore d'âge à
prendre le gouvernement de la maison « Au lieu -de
vingt-cinq ans qu'il fallait avoir^ le jeune homme n'en
avait que vingt, et son apprentissage de la profession,
interrompu par cinq ans de service militaire, n'était
pas encore terminé. Le père se vit ainsi dans la né*
cessité de reprendre d'une manière apparente la di*
rection de Sainte-Barbe. Fort des services dont il avait
reçu réloge officiel, et résolu à faire des efforts sur«-
humains de prudence afin de surmonter les difficultés
devant lesquelles il s'était effacé en 1814, il se présenta
pour exercer de nouveau, en attendant que son fils
eut atteint l'âge légal. Il essuya un refus durement
motivé sur son état civil.
La haine de partie en 1815 et années suivantes,
s'acharna sans paix ni trêve contre les hommes qui
avaient renoncé à la profession ecclésiastique. Il sem*
blait qu'aucune garantie ne leur eût été assurée par
les lois, et qu'ils dussent être les victimes d'un sacri-
fice expiatoire. Cependant la condition expresse du
Concordat avait été que l'Église accepterait toutes les
situations qui s'étaient faites depuis 1 790. Le chef de
l'Eglise, à qui appartientle pouvoir de lier et de délier,
1. Juillet 1816.
136 HISTOIRE
avait consenti; des actes innombrables, délivrés par
la chancellerie romaine, en conservaient partout Ife
témoignage. Nul n'avait le droit d'appeler la Ven-
geance sur les faits d'un passé aboli. >'
Quoi qu'il en soit, un député de la Chambre introur
vable^crul servir son pays et Thuruanité en se livrant^à
une sortie furibonde contre les hommes dont il s^agtt 1*
Il s'en prit particulièrement à ceux qui avaient éléertp-
ployés dans l'enseignement, soit au Prytanée, soit aux
Écoles centrales. H les dépeignit comme a le plus va
rebut de la société, » en adjurant le gouvernement de
les chasser jusqu'au dernier des maisons d'éducation,
où plusieurs se cachaient encore ; et le gouvernement
fît flèche de ce bois pour montrer sa vigueur, en jetant
sur le carreau un certain nombre de victimes. Le signal
une fois donné, la persécution continua par les soins
des complaisants qui ne manquaient dans aucune ad^
ministration.
M. de Lanneau avait son induit et tous les actes
qui le mettaient en règle vis-à-vis de l'Église. Cela ne
lui servit pas plus que ce qu'il avait fait pour la religion,
dans le temps que les nouveaux vengeurs de celle-ci se
cachaient à l'étranger, ou bien gardaient le silence.
Comme on affectait d'être plus royaliste que le roi,,
on alTecla aussi d'être plus catholique que le pape. Le
restaurateur de Sainte-Barbe oblint, pour toute grâce,
de choisir parmi les personnes autorisées par la loi un
successeur à M. Mbuzard, décédé. Il subit l'humilia-
tion qu'on infligerait à un instituteur déclaré déchu de
ses fonctions par indignité. 11 fallut que, lui présent
i . Séance du 31 janvier i816.
DE SAINTE^BARBE. Î%1
dans sa maison^ un étranger eût la signature et toutes
lies prérogatives du Directeur.
Un honorable professeur de Louis -le -Grand,
M. Adaniy accepta ce rôle, et le remplit pendant trois
^ns de manière à ménager un cœur dont il connaissait
loute la délicatesse. La douleur ne laissa pas d'être
grande pour le chef légitime blessé dans son honneur.
U ne fut pas moins lésé dans ses intérêts, car on pense
bien qu'il ne marchanda pas la rétribution d'un
bonmie qui dut renoncer à sa carrière pour lui rendre
service. M. Adam eut un intérêt dans les bénéfices de
la maison. Par là Sainte-Barbe se trouva grevée d'un
lourd impôt, ajouté à celui qui pesait toujours sur elle
par suite de l'association malheureuse de M. de I^n-
!neau avec M. Miellé.
: Un autre coup non moins cruel suivit cette désas-
treuse déchéance. 11 partait des mêmes mains. Grâce
aux explications sans nombre que l'Université, depuis
qu'elle existait, avait été amenée à donner au sujet de
la fameuse rétribution, on trouva des textes pour éta-
blir que ce tribut était exigible des enfants de l'école
gratuite attachée à Sainte-Barbe. Prétendre que l'État
devait bénéficier sur une œuvre de charilé, qu'était-ce
autre chose que défendre par un moyen détourné la
continuation de cette œuvre? L'établissement de la
Poule-qui-pond {\it fermé à la fin de 1816*
138 HISTOIRE
CHAPITRE IX.
Représentation de Manlîus demandée par les élèves de Sainte-Barbe. ^
Article de M. Dussault dan» les Débats, — - Censure prononcée contre
M. Adam. — Adoucissement de la Commission de Tlnstruction publi-
que. — Polémique dans les journaux. — Article d'Eugène Scribe. —
Banquet dtt 21 décembre 1816.
Nous allons raconter un événement qui fut peu de
ohose en lui-même , mais qui ^ par le parti que la
malveillance s'efforça d'en tirer, eut un retentisse-
ment énorme et des conséquences que personne n'au-
rait été dans le cas de prévoir. Il forma entre les élèves
de M. de Lanneau un lien indissoluble ; il constitua
autour de Sainte-Barbe une puissance tutélaire fondée
sur l'amour et le dévouement ; il ouvrit la source d'où
est sortie la prospérité de l'établissement actuel. C'est
bien de lui qu'on peut dire^ au point de vue des faits
dont nous rétablissons l'enchaînement :
Genus unde latinum,
Atbanique patres atque altœ mœuia Romae.
En 1 81 6, on était passionné pour la littérature autant
que pour la politique. Des vers nouveaux ou une pièce
de théâtre agitaient le public pendant des semaines
et des mois. Le Théâtre-Français eut surtout ce privi-
lège, grâce au talent extraordinaire de Talma. Le grand
artiste ayant repris dans un nouveau style le rôle de
DE SAINTE-BARBE. 43»
Manlius, qu'il avait déjà joue en 1806, on ne parla
plus que de cela à Paris. Cette vogue alluma les dé-
sirs de l'impétueuse jeunesse qui était alors casemée
dans notre collège. Elle eut la fantaisie d'assister à
une représentation de Manlius.
A la suite de plusieurs conciliabules, les élèves nom-
mèrent une députation pour aller solliciter de Talma un
spectacle composé de Manlius et d'une comédie du ré-
pertoire de Mlle Mars. C'était beaucoup demander. Les
deux célèbres acteurs n'avaient pas coutume déjouer
dans la même représentation, par la raison que chacun
d'eux faisait salle comble à lui tout seul. Mais les ap-
plaudissements désintéressés de la jeunesse avaient à
leurs yeux un prix particulier. On eut la promesse du
tragédien, qui obtint à son tour celle de Mlle Mars pour
les Fausses confidences. Le jour désigné pour la re-
présentation fut celui de la sainte Barbe , qui étant
toujours célébrée un mercredi, d'après l'ancien usage
du collège ,^ fournissait aux élèves l'occasion de cou-
cher chez leurs parents , à cause du congé du lende-
main. Cette année d'ailleurs l'usage et le calendrier
étaient d'accord : la fête tombait le mercredi même.
Ceux qui ont l'habitude des conspirations» savent
prendre leurs mesures et garder le silence. Tout ré-
cemment, deux jambons de Mayence, soustraits de
la cuisine de Sainte-Barbe, étaient sortis du collège
par les fenêtres , y étaient rentrés tout cuits , et s'é-
taient trouvés un matin , débités en tranches appétis»
santés, dans les pupitres des rhétoriciens, sans que la
Direction , ni les inspecteurs, ni le plus grand nombre
de ceux qui eurent part au festin , eussent su commaat
le coup avak pu se faire. Le secret de la représenta^
140 HISTOIREr
lion fut, de même, bien gardé. Cest la veilte sôu-
kment qu'on apprit au collège, par un ayis veau
du dehors, la partie, que les élèves avaient concertée
entre eux. :
M. de Lanneau n'aimait pas les coalitions , même
lorsqu'elles étaient formées dans un but innocent* Il
apprit celle-là avec déplaisir. Le temps lui manqua
pour la contrecarrer autrement que par un moyen
terme qu'il prit sur-le-champ, de concert avec le chef,
officiel de sa maison. Il fut décidé qu'aucun élève ne
sortirait, à moins qu'il ne fût emmené du collège par
la personne même qui répondait de lui ; et l'on spii-»
mit à tous les parents et correspondants qui se pré-
sentèrent la question de convenance quant à laisser
aller des écoliers au théâtre. Le scrupule ne portait
que sur le rassemblement qui allait avoir lieu loin de
Pœil du maîlre , car le spectacle annoncé promettait
un plaisir sérieux s'il en fut, et sans danger pour des
esprits en culture.
Les familles furent complices de cent cinquante
jeunes gens qui parurent à la représentation du 4 dé-
cembre. Ils s'étaient rangés en bon ordre sur plusieurs
banquettes du parterre. Leur tenue fut parfaite, et
digue en tout du noble divertissement qu'ils avaient
sollicité. Talma de son côté se surpassa lui-même. Il
parut se complaire à produire sur l'imagination de ses
jeunes auditeurs une de ces impressions profondes, qui
vivent longtemps dans la mémoire et qui se reprodui-
sent dans un âge avancé. 41 fut rappelé après la tra-*
gédie (chose qui n'était pas d'usage en ce tempsr-là), el
reçut de la part de l'assemblée tout entière les plus
vifs applaudissements. .
DE SÀmTEBARBE. 141
Le lendemain , plusieurs journaux , le Moniteur en
tête y racontèrent comme un événement digne de mé-
moire la solennité de la veille. Les articles publiés ne
porlaientrempreinled'aucunemalveillance.Ons'émer-
veîllait du talent déployé par Talma et par Mlle Mars,
et Ton félicitait les élèves de Sainte-Barbe d'avoir ob-
tenu une si belle représenlalion *.
Le Journal des Débats, qui s'était tu le premier
jour, parla sur un autre ton dans son numéro du
6 décembre. Sous forme d'une lettre adressée au ré-
dacteur en chef par un ancien barbistè, il lança la plii-
lippique que voici :
a Nous avons contracté, pendant vingt-cinq ans de
désordre, des habitudes ({ui seront difficiles à effacer,
et qui de temps en temps se reproduisent encore sous
un gouvernement avec lequel elles forment de singu-
liers contrastes. Cela ne doit pas nous faire désespérer
de l'avenir, quoique cela n'embellisse pas le présent;
car si les influences de la Révolution ont agi durant un
grand nombre d'années, le temps ne manquera sûre-
ment pas à celles qui doivent produire des effets plus
heureux.
a Telles sont. Monsieur, les réflexions que je faisois
hier à la Comédie françoise, où elles m'occupèrent
beaucoup plus que la tragédie de Manlius^ que l'on y
donnoit, et que le jeu de M. Talma. Je vous dirai même,
ce qui vous paroîtra bizarre, que le jeu de cet acteur
ne faisoit que m'y enfoncer davantage. Une jeunesse
nombreuse, ardente et bruyante remplissoit en partie
les rangs du parterre, et s'enivroit du plaisir d'admirer
i. Moniteur du 5 décembre 1816.
i4â HISTOIRE
et d'applaadir. Je orus d'abord que toute rAcadémie
de Paris ëtoit là ; mais j'appris aussitôt que j assistois
à un spectacle demandé. Eh ! par qui ? On me répondit
que c'étoit par les élèves delà maison deSainte^Barbe,
qui, pour célébrer la fête de leur patronne^ avoient
prié M. Talma de vouloir bien leur donner ManUus.
Quoi ! m'écriai-je, les écoliers demandent maintenant
des spectacles ! Et M. Talma lui-même ne sent pas
toute l'inconvenance d'une pareille démarche ! Mais^
ajoutai-je à part moi, pourquoi la vanité, toujours si
facile à séduire, d'un comédien repousseroit-elle ce
que n'interdit pas la sévérité des guides de la jeunesse,
ou ce que permet leur mollesse scandaleuse ? Il seroit
plaisant qu'un homme de théâtre fit la leçon aux
directeurs de l'éducation publique, et que la réforme
morale des maisons où l'on élève nos enfants sortit
d'une coulisse. Et puis je tombai dans ma rêverie,
qu'interrompoient fréquemment les applaudissements
redoublés et le fracas de MM. les barbistes; car c'est
le nom qu'ils [prennent, et que le chef avisé de la
maison a grand soin de maintenir, quoique Sainte-
Barbe ne soit plus Sainte-Barbe , comme il y paroît
bien.
« Ce n'étoit pas ainsi que jadis nous fêtions notre
patronne : nous ne demandions point des spectacles ;
nous ne nouspermettions pasd'envoyer desambassades
aux princes de la scène ; nous étions plus modestes, et
nous nous contentions de composer pour ce grand jour
et de réciter dans cette solennité quelques pièces dé
vers latins, qui valoient bien celles que l'on fabrique
aujourd'hui dans nos brillantes institutions.
ce Je rends toutefois justice à l'état de Yinslruction
DE SAINTE-BARBE. 143
proprement dite* Les ëtudes sont bonnes dans nos
collèges, et Ton m'assure que, parmi les pseudo^bar*
histes eux«mémes, il y a des élèves qnî auroient pu
faire honneur à notre ancienne et. yëritable Sainte-
Barbe. Mais que de choses à réformer encore dans
X éducation^ qu'il ne faut pas confondre avec Y instruc-
tion! En vérité, Monsieur, il faut que nous en venions
au point où des écoUers ne demanderont plus des
spectacles : ce ne sera pas encore un degré de perfec-
tion très-élevé , mais ce sera un scandale public de
moins, et un commencement de résipiscence dans les
hommes auxquels est confié le soin de conduire et de
former la jeunesse. »
L'ancien barbiste qui avait écrit cela n'était pas
difficile à reconnaître. L'épithète de pseudo-barbistes,
donnée aux élèves de M. de Lanneau, et l'insinuation
de charlatanisme dirigée contre ce respectable institu-
teur décelaient assez l'ennemi qui, neuf ansauparavant,
dans le même journal et par les mêmes moyens, avait
suscité à notre collège une querelle d'un autre genre,
M. Dussault fut réputé Fauteur de l'article, et il Tétait
emeffet.
A peine le journal fut-il distribué, que des person-
nes charitables se mirent aux champs pour faire
tomber en bonne terre la semence qu'il contenait.
Dans la journée même, M. Adam, directeur en nom
de Sainte- Barbe, fut cité à comparaître le len-
demain devant la Commission de l'Instruction pu-
blique.
M. Adam avait déjà écrit une lettre aux journaux,
dans laquelle il expliquait la conduite de la direction,
et déclarait qu'aucun des élèves n'était allé au spec-
ikk HISTOIRE
tacle, sinon par la permission de ses parents ^ Il répéta
ces exctises devant la Commission, qui ne les trouva pas
suffisantes. On lui dit qu'il aurait dû interdire toute
sortie le 4 décembre, et pour ne lavoir pas fait, on lui
infligea la peine de la censure.
Cela était déjà bien fort; mais la Commission, en-
traînée par la violence des cris d'alarme qui s'étaient
fait entendre, porta plus loin la rigueur. Elle enjoignit
à M. Adam de chasser dans le délai de quinze jours les
élèves qui avaient été les meneurs de cette partie de
plaisir, et en attendant que cette mesure fût exécutée,
elle interdit toute communication entre l'établissement
et les collèges royaux. Un arrêté en trois articles, où ces
divers points étaient spécifiés, fut rendu public par son
insertion dans le journal officiel*.
Frapper Sainte-Barbe des foudres surannées de
l'excommunication universitaire, c'était procurer une
satisfaction pleine de douceur à ceux qui demandaient
sur tous les tous le retour de l'ancien régime. Par
contre, l'indignation fut à son comble dans le parti
libéral. Une affaire de collège devint une affaire
politique. t
Soit que la Commission de l'Instruction publique
reconnût qu'elle était allée trop loin, soit qu'elle n'eût
frappé si fort que pour fermer la bouche à des amis
incommodes, une décision nouvelle modéra bientôt la
sévérité de la première. Les inspecteurs de l'Université
furent envoyés à Sainte-Barbe pour s'enquérir de la
discipline et des mœurs de l'établissement. Lorsque
i . Voir entre autres le Constitutionnel ànl décembre i816.
2. Moniteur à\x% ùiiCQmhte 1816.-
I
DE SAINTE-BAUBE. 145
ces messieurs eurent été témoins de Tordre qui régnait
et de rattachement de tous les maîtres à leur devoir,
lorsqu'ils eurent parcouru ces admirables dossiers où
l'état moral et intellectuel des élèves était consigné
dans un style saisissant^ avec la plus ponctuelle exacti-
tude et un esprit d'observation digne d*un philosopKe,
lorsqu'ils eurent considéré l'énervement inévitable
d'une autorité qui, dans un temps de trouble universel,
était contrainte de se dérober sous un prête-nom, leur
rapport fut tel que l'interdiction, prononcée d'ab^d,
fut levée sur-le-champ. Un second arrêté rejeta la faute
sur le compte des familles, et ne parla plus des élèves
dont on avait en premier lieu ordonné l'expulsion ^
Cependant une violente polémique s'était engagée
entre les journaux de l'opposition et les Débats. Le
Constilutionnel fut celui qui comiDattit avec le plus
d'énergie pour Sainte-Barbe. Il dit des choses justes,
auxquelles il ne fut pas répondu ; il commit quelques
inexactitudes relativement au régime des anciens col-
lèges, et par là il prêta le flanc à la riposte*. Le
tenant des Débats fut l'abbé de Féletz, qui prit la place
de M. Dussault, et pour cause. L'abbé de Féletz avait
étudié dans la Communauté de Sainte-Barbe à une
époque où la règle qu'on y observait lui permit d'a-
vancer des choses dont M. Dussault n'aurait point osé
faii'e honneur à son temps.
Le 5(?/iFranpa/>, plus réservé que le Constitutionnel^
s'attacha à faire ressortir la différence qu'il y avait
entre la nouvelle Sainte-Barbe, qui était une institution
i. ilfo/ïfV^wr du 15 décembre.
2. Constitutionnel àe.s 7, 12 et 14 décembre; Débats du 10 et
du 13 décembre.
m 10
146 HISTOIRE
destinée à former des citoyens, et l'ancienne, qui avait
été un séminaire^
La Gazette de France accueillit par impartialité une
lettre plaisante signée : « La moitié plus un des nou-
veaux barbîstes », qui répondait à une autre lettre de
« Un abonné, ancien élève de la Communauté de
Sainte-Barbe », insérée la veille dans la même feuille'.
Jje Journal général de Fra/zc^ publia le meilleur mor-
ceau qu'ait inspiré cette controverse'. Ce fut une lettre
d'Eugène Scribe, qui cacha sa jeunesse (il avait alors
vingt-cinq ans), et l'autorité récusable d'un vaudevil-
liste, sous le masque d'un père de famille élevé dans
Tancienne Communauté. Sainte-Barbe doit enregistrer
dans ses fastes ce témoignage du dévouement d'un fils
qu'elle a toujours trouvé auprès d'elle dans ses tribu-
lations :
H Et moi aussi. Monsieur, je suis un ancien bar-
biste. Je viens de lire la réclamation morale et classi-
que insérée dans le Journal des Débats de vendredi der-
nier, et j'ai pensé pleurer de joie en reconnaissant le
style et la manière de notre ancien professeur de troi-
sième *. C'est lui-même, j'en suis sûr! Je n'ai éprouvé
qu'un regret, c'est que son discours ne fût point écrit
en latin. Je sais bien qu'il s'en rapproche beaucoup,
et qu'on ne peut pas dire que ce soit tout à fait du
français. Enfin , je vous l'ai dit , je suis barbiste;
je tiens aux anciens usages ; et quoiqu'il y ait du bon
dans Racine et dans Voltaire, j'ai pensé, avec notre
1. N« du 10 décembre 4816.
2. Gazette de France des 6 et 7 décembre 1816.
3.-N* du 9 décembre 1816.
4. M. Dussault.
DE SAINTE-BARBE. i47
professeur, qu'on eût mieux fait de laisser Iphigënie
en vers grecs et de mettre Zaïre en vers latins. Peut-
• être alors nous eut-on permis , le jour de la sainte
Barbe, fête de notre patronne, d'aller au parterre des
Français entendre la tragédie, au lieu de la jouer
chez nous, comme nous le faisions tous les ans, ce qui
m'a toujours un peu choqué; car dès ce temps-là
même, les comédies du révérend père Ducerceau me
paraissaient moins fortes que celles de Molière*; et
notre professeur de grec qui, si je m'en souviens, fai-
sait Philoctète dans Vile de Lemnos\ se rapprochait
beaucoup plus du genre de Lacave' que de celui de
Talma. Mais jusqu'à l'heureuse époque où le théâtre,
ainsi traduit, deviendra classique^ je ne vois point
pourquoi les jeunes gens, et les barbistes en particu-
lier, se permettraient d'aller au spectacle, surtout aux
Français, applaudir Talma. Passe encore pour les Va-
riétés ou la Porte-Saint-Martin, cela ne tire point à
conséquence ; mais c^est ce que les écoliers d'à présent
ne veulent point entendre, et voilà, comme le remar-
que très-bien notre professeur, une des suites de la
Révolution.
a II faut que vous sachiez. Monsieur, que j'ai un
fils, et un fils unique, que j'ai eu la simplicité de met-
tre à Sainte-Barbe. J'avoue qu'en le voyant élever
dans l'amour de sa patrie et de son roi, en voyant son
A . Allusion à la comédie des Incommodités] de la grandeur y par
le P. Ducerceau, qui fut jouée en Tan XI dans l'institution Planche.
S. Le Philoctète de Sophocle ûtaussi partie de la représentation
de l'an XI.
3. Acteur médiocre qui remplissait les rôles de confident au
Théâtre-Français*
148 HISTOIRE
esprit et ses lumières s'accroître, sa raison se dévelop-
per, son cœur se former à toutes les vertus d'un bon
citoyen, j'avais la bonhomie d'être enchanté, et je ne
trouvais point que l'estimable chef de son collège fût
un chef si mal a\fisé. Mais, le croiriez-vous. Monsieur?
cet enfant, qui faisait mon orgueil et ma joie, était un
des spectateurs les plus bruyants deManlius! C'est
moi-même qui, sans me douter des suites de ma con-
descendance, lui avais permis d'aller passer la soirée
à se divertir avec ses camarades. Eh bien , Monsieur,
j'ai eu la douleur de voir mon fils revenir enchanté.
Toute la soirée il ne m'a parlé que de la tragédie de
Delafpsse, et il dérangeait toute ma bibliothèque pour
chercher Tile-Live et la conspiration de Venise de
Saint-Réal, et il partait de là pour établir des parallèles
entre Ssilluste et Saint- Real, entre Tite-Live et Tacite;
il comparait le discours de Rutile à celui de Calilina.
Je vous avouerai ique j'avais la faiblesse de l'écouter
avec plaisir, et de trouver que, pour un pseudo-bar-
biste jinon fils était fort instruit et fort aimable. Je me
rappelais même que nous autres , anciens barbistes,
avions beaucoup plus de pédantisme et moins d'in-
struction réelle, et j'étais fier de mon fils, lorsque le
lendemain matin, en lisant le journal, j'ai vu le tort
que nous avions eu, moi de me réjouir et mon fils de
s'amuser. Mais, ce qui va bien plus vous étonner, c'est
.l'indignation de mon fils quand j'eus lu, d'un ton
ferme et sévère, le sermon de mon ancien professeur.
Il me répondit avec chaleur, mais d'un ton respec-
tueux, qu'il ne voyait point de passe- temps plus noble
que celui, qu'on lui reprochait; que lui et ses cama-
rades avaient applaudi avec transport le premier de
DE SAINTE-BARBE. 149
. nos acteurs tragiques parce quMls n'avaient point ëté
maîtres de leur enthousiasme, et qu'ils ne croyaient
point qu'il fût défendu à leur âge d'être sensibles à ce
qui est vrai et sublime. Mais, quand j'en vins à ce qui
regarde Sainte-Barbe elle-même, il s'écria qu'il ne
souffrirait point qu'on calomniât ses maîtres et ses in- .
stituteurs, que Sainte-Barbe avait toujours été l'asile
de la morale et de la religion ; que dans ces temps de
deuil et de proscriptions qui pesaient sur la France
entière, Sainte-Barbe avait ouvert son enceinte aux
sciences éplorees, et, la première peut-être, rallumé
le flambeau de l'instruction publique; que son chef
respectable alliait à une sage fermeté des talents
qui le font estimer et des vertus qui le font chérir;
que ses anciens élèves étaient restés ses amis, qu'ils
prendraient tous sa défense et rendraient justice à la
vérité.
«Que vous dirai-je enfin, Monsieur? toutes les
personnes que j'ai interrogées m'ont répondu de même
que mon fils, ce qui me jette dans une grande incerti-
tude; car je ne puis croire que mon professeur de troi-
sième se soit trompé, ou que son intention ait été de
calomnier. Mais vous m'avouerez qu'il serait bien
triste qu'un pseudo-barbiste eût plus de bon sens, de
raison, et surtout de sincérité qu'un de ces vieux
et véritables barbistes desquels j'ai l'honneur d'être. »
Il y avait dans cet article des'faits puisés à de bonnes
sources, et qui ne furent l'objet d'aucune dénégation.
H n'y en avait pas assez. Il aurait fallu s'informer avec
plus de soin, retrouver la condamnation portée contré
là sainte maison qui, pendant l'agonie de Louis XV,
son bienfaiteur, avait joué la comédie, et tiré des feux
i50 HISTOIRE
d'artifice^; il âurak fallu exhumer de la liste de se»
élèves les noms des régicides et des prêtres qui avaient
non-seulement renoncé à leur profession, mais porté
le marteau et la hache dans les églises. Publier cela^
sans réflexion ni commentaires, eût été le moyen le
plus efficace pour dissiper cette légende menteuse
d'une ancienne école qui n'aurait produit que des ob-
servateurs scrupuleux de la vie cléricale,que de fidèles
appuis deTautel et du trône.
Les ennuis que cette affaire suscita à M. de Lan-
neau eurent leur compensation dans les marques
d'estime qui lui vinrent de tous les côtés à la fois. Â la
façon dont lui écrivirent un grand nombre de ses
élèves, qu'il avait perdus de vue depuis leur sortie du
collège, il reconnut qu'il n'avait pas formé des ingrats.
D'autres, avec qui il était resté en relation, se disputè-
rent l'honneur de lui faire accepter leurs services, et
des personnes qu'il ne connaissait pas le consolèrent
de sa disgrâce. en prenant l'engagement de lui confier
leurs enfants aussitôt qu'il serait temps de les mettre
aux études. De là le prodigieux accroissement du
collège pendant les années qui suivirent; carie nombre
des pensionnaires atteignit de nouveau, en 4819 et
1820, celui que l'Empereur avait trouvé exorbitant
en 1811. De là une surveillance qui s'organisa entre
les anciens élèves pour la défense de la réputation et
des intérêts de leur maître bien aimé.
Cent cinquante d'entre eux environ, qui étaient
présents à Paris au mois de décembre 1816, se con-
certèrent pour protester par une démonstration pu-
1. Voyez ci-dessus, t. II, p. 336.
DE SAINTE-BARBE. 151
blique contre la censure que Sainte-Barbe avait es-
suyée. Ils demandèrent une nouvelle représentation
de Manlius et des Fausses confidences. Le ministre de
la Police , averti de cela , fît défendre le spectacle.
Alors ils convinrent de se rendre tous ensemble aux
Français un jour que jouerait Talma, et cette partie
dé plaisir dut être précédée d'un repas de corps.
Le banquet eut lieu chez le restaurateur Grignon,
le 21 décembre. Il fut la contrepartie de ceux que les
barbistes de la Communauté avaient célébrés en 1 800
et 1807. On y lut des vers français, des vers latins,
même des vers grecs; mais il n'y eut pas de dindon.
C'était un oubli, d'autant plus malencontreux que
M. JoUy, l'auteur des vers grecs, les avait composés
en rhonneur du dindon. Vatout, qui était l'un des or-
donnateurs de la fête, s'excusa en disant que, si l'on
n'avait point servi cette fois le ôlassique volatile, c'était
afin que certains aristarques ne criassent pas à la per-
sonnalité.
On chanta aussi des chansons où n'était point
épargné l'adversaire à petit collet dont on venait d'es-
suyer les attaques. O destinée des choses! l'un des au-
teurs de ces malicieux couplets, M. Mure, alors avoué
diligent et compagiion de la plus joviale humeur, vient
de mourir sous Thabit austère de saint Bruno, après
avoir administré pendant trente ans les biens temporels
de la Grande-Chartreuse !
La présidence avait été déférée à M. Galteaux. Au
milieu du festin, cet ancien des anciens, le premier
élève formé à Paris par M. de Lanneau, et qui comptait
déjà vingt- sept ans d'âge, réclama le silence pour faire
entendre sa voix vénérable.
i5âî HISTOIRE
« Mes amis, dit-il , nous avions l'intention àidl^flr
ce soir au Théâtre-Français. Nous avons pensé '
une action permise il valait mieux substitue
action louable. Un de nos camarades n'a pu sr
à nous parce que des malheurs, qu'il a déjàéf
l'entrée de la carrière de la vie, lui ont fait
fortune, et l'ont placé dans la situation la
cheuse. Nous vous proposons de lui faire remet,
somme qui était destinée à nos plaisirs de la soirée. »
La proposition fut accueillie par d'unanimes ap-
plaudissements, et suivie de toasts en l'honneur de
M. de Lanneau et de Sainte -Barbe. On se sépara
en se promettant de recommencer tous les ans la
même fête *.
Cette jeunesse fut fidèle à sa parole, fidèle au pré-
cédent qui avait converti en un acte honorable une
simple rencontre de circonstance. La charité conso-
lida les réunions de la Sainte-Barbe ; bientôt il en sortit
une association qui devint une puissance dévouée au
salut du collège. Nous en reparlerons au moment
où son action se fit sentir dans nos affaires inté-
rieures.
\ . Comptes rendus de Charles du Rozoir dans le Journal gé--
néral de France du 22 décembre, et de Charles Bailleul dans le '
Journal du Commerce du 25J décembre 1816.
DE SAINTE-BARBE. ib3
CHAPITRE X.
Ketour offensif pour la possession du nom de Sainte-Barbe. — Voyage
de l'abbé Nicolle à Paris. — Association dite des anciens élèves de la
Communauté de Sainte-Barbe. — Arrêté de la Commission de Tln-
struction publique en faveur de M. de Lanneau. — Retour définitif de
l'abbé Nicolle en France. — La maison de la rue des Postes, érigée en
collège de plein exercice, prend le nom de collège Sainte-Barbe. — Ré-
clamation de M. de Lanneau repoussée par le Conseil royal. —
Consultation de six avocats. — Dualité de Sainte-Barbe. — Mécomp-
tes de Tabbé Nicolle. — Serment prononcé au banquet du 4 décem-
bre 1821.
Les convives du banquet de 1 81 6 comprirent par-
faitement que la prédilection pour la rue des Postes
avait dicté Farticte de M. Dussault; mais ils ne de-
vinèrent pas le but de Tattaque. Les chefs de la coa-
lition vaincue en 1807 avaient vu jour à tenter avec
plus de succès une répétition de la même campagne.
La guerre pour la possession du nom de Sainte- Barbe
allait recommencer.
La circonstance qui ralluma cette convoitise fut la
nouvelle d'un prochain voyage de Tabbé Nicolle en
France. L'abbé était intimement lié avec le duc de
Richelieu, alors chef du cabinet de Louis XVIII. Le
familier d'un ministre tout-puissant s'annonçait comme
uii personnage qui aurait les bras longs; d'ailleurs on
était sûr qu'il s'emploierait pour un objet non moins
cher à son cœur qu'à celui de ses amis. 11 importait
154 HISTOIRE
donc de décrier rétablissement qu'on s'apprêtait à
dépouiller.
Tel est le serpent qui se cachait sous Fherbe,
lors de ce retour offensif où les nôtres ne virent
que le fait d'une inimitié connue. Dix-huit mois
s'écoulèrent avant qu'ils comprissent de quoi il s'a*
gissait réellement. Voyons ce qui se passa dans l'in-
tervalle.
A la fin de l'histoire de la Communauté de Sainte-
Barbe^ nous avons laissé Pabbé NicoUe partant pour
la Russie* Depuis 93 il ne quitta plus ce pays. Il y
trouva de quoi exercer son talent d'instituteur et son
goût particulier pour l'éducation des jeunes gens de
noble famille. Il établit à Saint-Pétersbourg, sous le
nom à^ Institut j un pensionnat qui eut de la célébrité.
Une mission dont il fut chargé dans la Russie méri-
dionale le mit en relation avec le duc de Richelieu^
émigré comme lui, qui employait son exil à créer la
puissance d'Odessa. Le duc de Richelieu s'était jadis
rencontré avec l'abbé Nicolle sur les bancs du Plessis.
Ils renouèrent connaissance, et s'attachèrent l'un à
l'autre d'une vive amitié. Ce fut une raison pour
l'abbé de se fixer à Odessa. Il y fonda un lycée, qui
fut presque aussitôt reconnu comme établissement
impérial^ et son voyage en France eut pour objet de
recruter des professeurs dont il avait besoin.
Il arriva à Paris en 1817, aux acclamations du se'-
nat de la rue des Postes, ce qui ne donna pas à sa
présence un grand retentissement. L'âge et la con-
stante fréquentation du plus grand monde avaient
aplani les aspérités de son caractère; la forme chez
lui était exquise, mais le fond n'avait pas changé, et
DE SAINTE-BARBE. 1S5
les opinions encore moins. Ce n*est pas en Russie qu'il
avait pu apprendre à pardonner aux événements de-
vant lesquels il avait fui. Ses préventions contre tout
ce qu*il allait voir dans son pays étaient de nature à
le fourvoyer plus d'une fois, malgré ses efforts pour
être prudent.
L'idée de rétablir une nouvelle Sainte-Barbe, avec
le nom et les armes de l'ancienne, lui ayant été pré-
sentée comme si elle était venue de lui, il s'en empara
avec une sorte d'enthousiasme. II. en parla partout
comme d'un de ses vœux les plus anciens, comme de
l'une des conséquences nécessaires de la Révolution
vaincue, si bien que par la suite, faisant de sa parti-
cipation à l'entreprise une affaire de légitimité, il dit
à qui voulut l'entendre que sa retraite et sa longue
absence n'avaient pas plus aboli ses droits sur Sainte-
Barbe, que les mêmes motifs n'avaient aboli les
droits de Louis XVIII à la couronne de France.
C'était, bien entendu, l'institution de la rue des
Postes qui devait servir à la restauration projetée;
mais comme une vraie Sainte-Barbe devait avoir un
supérieur ecclésiastique, et que M. Parmentier n'était
point dans ce cas^ on se mit d'abord en mesure d'a-
cheter l'établissement. Il se forma dans ce but une
association dite des anciens élèves de la Communauté
de Sainte-Barbe, association de très-peu de personnes,
à laquelle on s'efforça de donner l'importance du
nombre en y appelant, sans condition, tout ce qu'on
put déterrer de barbistes d'avant 91 . Plusieurs per-
sonnes furent très-étonnées de recevoir, à ce titre, des
diplômes qu'elles n'avaient pas sollicités. Un hono-
rable universitaire, successivement proviseur à Ca-
156 HISTOIRE
hors, à Napoléonville, à Dijon et à Strasbourg*, au
lieu de se confondre en remercîments de l'honneijr
qui lui était fait, envoya la pièce à M. de Lanneau.
L'abbé Nicolle fut le principal bailleur de fonds; il
fut aussi le législateur de la Communauté renaissante.
Il en rédigea les règlements; il créa, en remplacement
de l'ancien sénat Parmentier, deux conseils, Tun d'ad-
minislration, l'autre d'enseignement; il choisit pour
être supérieur son ancien élève l'abbé Cottret, alors
vicaire général de. l'archevêque de Paris. Après cela
il retourna en Russie, laissant à ses amis le soin de
faire le reste..
Les arrangements définitifs ne furent pris qu'au
mois de mai 1818. Le journal des Débats l'apprit au
public par une réclame et par un prospectus annexé
au numéro où était la réclame*. L'œuvre était annon-
cée sous le titre di Association des anciens élèves de la
Communauté de Sainte-Barbe y institution établie rue
des Postes^ /^® 34. Le but, comme en 1807, était de
(c rendre à la société cette célèbre école dont le réta-
blissement était vivement désiré par un grand nom-
bre de pères de famille. » On lisait à la fin du pros-
pectus que c'était particulièrement à M. l'abbé Nicolle,
aumônier du roi (Louis XVJII lui avait conféré ce
titre pendant son séjour à Paris), directeur du lycée
Richelieu à Odessa, et l'un des derniers préfets de
Sainte-Barbe, qu'était dû le rétablissement de cette
maison, dont il resterait supérieur honoraire.
L'interminable dénomination énoncée dans le
i . M. Le Fèvre.
2. Journal des Débats du 18 mai 1818.
DE SAINTE-BARBE. V61
prospectus ne pouvait pas servir pour T usage ordi*
naire. Messieurs de la rue des Postes la simplifièrent
en se disant Nouvelle maison de Sainte-Barbe^ et
c'est comme directeur de la nouvelle tnaison de
Sainte-Barbe que Tabbé Coltret signa sa correspon-
dance. U y eut ainsi deux Sainte-Barbe à Paris. M. de
Lanneau ne tarda pas à s'en apercevoir par les notes
à payer de Tabbé Cettret qui furent prë^entées à sa
comptabilité, par les visites de parents qui vinrent
demander rue de Reims des enfants dont on n'avait
jamais entendu parler. Une réclamation^ fondée à la
fois sur les inconvénients d'une pareille confusion et
sur la décision rendue en 1808, fut envoyée par
M. Adam à la Commission de l'Instruction pu-
blique\
La Commission de Tlnstruction publique avait tou-
jours pour président Royer-Collard, qui, sans avoir de
tendresse pour notre Sainte-Barbe, n*était pas non plus
son ennemi. Nous tenons de bonne source que Tillustre
philosophe, lorsqu'il étudiait en droite passa plusieurs
années de sa jeunesse au collège de Reims, dans le
voisinage du nôtre, dont les affaires en ce temps-là ne
lui étaient point indifférentes, à cause des souvenirs
de famille qui s'attachaient pour lui à cette maison.
11 savait à quoi s'en tenir sur l'immaculée Commu-
nauté; il savait aussi ce que valait M. de Lanneau,
pour l'avoir vu opérer dans l'Université impériale.
D'ailleurs, comme, dans toutes les questions il allait
au fond des choses, il n'était pas disposé à admettre
qu'un nom de lieu fut transporté par la fantaisie de
4. Le20atûtl8l8.
488 HISTOIRE
quelqu'un à un autre lieu, non plus que sa droiture n'au-
rait favorisé Fusurpation dans un cas de concurrence.
Il déguisa sous l'apparence de là mauvaise humeur
l'acte de justice qu'il arracha à ses collègues de la
Commission ; il dicta dans le style bourru , dont il
était coutuinier, la réponse à la lettre de M. Adam.
La teneur consiste en deux points dont voici la sub-
stance : »
La Commission n'a point autorisé M. l'abbé Cottret
à dénommer son établissement Nouvelle maison
de Sainle-Barbej et elle lui mande de se restreindre au
titre à' Institution de TUnii^ersité.
La Commission vous fait observer aussi que votre
établissement ne peut pas être désigné sous la simple
dénomination de Maison de Sainte-Barbe. Ces mots,
Maison de Sainte-Barbe , ne sont pour vous qu'une
<lésignation de domicile , et non une qualification de
l'école. Vous pouvez les ajouter , non pas les substi-
tuer à \otre titre d'Institution de TUniversité *.
M. de Lanneau n'en demandait pas davantage. Il
savait la conditionne son établissement dans l'Univer-
sité : on la lui avait déjà rappelée plusieurs fois; mais
il n'était pas en son pouvoir de changer les habitudes
du public, qui depuis vingt ans appelait sa maison
Sainte-Barbe tout court, ou même Collège Sainte-^
Barbe ^ et, en supposant qu'on eût trouvé un moyen
de répression contre ceux qui s'exprimaient de la
sorte , la plupart des universitaires, et probablement
Royer-CoUard lui-même, l'auraient encourue les pre-
miers.
i. Lettre du 15 septembre 1818.
DE SAINTE-BARBE. i59
La rue dés Postes fut donc vaincue en 1 81 S, comme
elle Tavait été en 1808. Il est à croire qu'elle ne se-
rait plus revenue à la charge, si Royer-CoUard fût resté
à rinstruction publique et Tabbé Nicolle en Russie.
Mais le cours des événements fit que Royer-CoUard
abandonna la direction de l'Université pour se livrer
entièrement à la politique , et que Tabbé Nicolle eut
avec Tarcbimandrite et les popçs d'Odessa une que-
relle qui le ramena en France pour toujours. •.
On raconte que le clergé russe , jaloux de l'ascen-
dant que le directeur du lycée Richelieu avait pris
sur les mères de ses élèves, l'accusa de faire de la pro-
pagande catholique. Celui-ci courut à Saint-Péters-
bourg pour se justifier. Il ne réussit pas ; une rup-
ture s'ensuivit.
De retour à Paris en 1820, il n'eut qu'à s'élever
sur l'échelle que lui tendit le duc de Richelieu. On
lui offrit d'être évéque : il aima mieux siéger dans la
Commission de l'Instruction publique, alors transfor-
mée en Conseil royal. Bientôt une ordonnance célèbre,
rendue à sa suggestion, constitua à Paris un rectorat
dont les attributions immenses furent remises en ses
mains ^
Nous n'avons point à nous étendre ici sur l'usage
qu'il fit de sa puissance pour la direction générale de
l'enseignement. La fermeture du cours de M« Cousin
à la Faculté des lettres , la suppression de l'École
normale^ l'ancienne agrégation rétablie, mais avec
des démarcations et des sujétions qui annulaient l'in-
dépendance des professeurs, le programme des études
1. 27 février 1821.
160 HISTOIRE
ramené autant que possible à ce qu'il était en 1780,
des troubles maladroitement comprimés, et en der-
nier lieu une irritation telle que le gouvernement, pour
refréner un zèle qui le compromettait, fut obligé de
replacer, comme du temps de TEmpire, le rectorat
dans les attributions du Grand-maître, déjà rétabli
quelque temps auparavant: voilà par quels actes Tabbé
Nicolle se signala devant le public.
Sa conduite à Tégard de notre collège ne fut pas
plus* mesurée. On dirait que l'exercice du pouvoir eut
pour utilité principale, à ses yeux , rétablissement de
la contre-Sainte- Barbe, depuis si longtemps en projet,
tant il fit jouer de ressorts pour parvenir à cette fin.
En même temps qu'il prenait la supériorité active
de la maison de la rue des Postes et qu'il en faisait
passer la régie, des mains de l'abbé Cottret, démis-
sionnaire, dans celles de son propre frère, M. HeYiri
Nicolle, ci-devant libraire, il eut soin que l'ordon-
nance constitutive du rectorat dont il allait être revêtu
attribuât au recteur même la prérogative de rappor-
ter au Conseil royal toutes les affaires concernant les
collèges et les institutions *; de sorte qu'il s'exposa, de
sa libre volonté, à être le juge prépondérant des causes
où son école se trouverait partie.
Il fit encore statuer par la même ordonnance que
les maisons particulières d'éducation pourraient, à titre
de récompense, être converties en collèges de plejn
exercice, sans cesser d'appartenir à des particuliers; et
afin que l'on comprît mieux où il avait voulu en venir
par là, cette faveur, à peine inscrite dans la loi , échut
1 . Titre II, art. 8 de Tordonnance da 27 février i 821 .
DE SAINTE-BARBE. ICI
du même coup à l'institution de la rue des Postes et à
celle de l'abbé Liautard, élève, comme l'abbé Nicolle,
de l'ancienne Communauté.
La transformation fut effectuée par un arrêté du Con-
seil royal , le 28 août 1821 *. Il y eut cette singularité
que le Conseil ne prit pas sur lui de iDaptiserles deux
nouveaux collèges. Les noms qu^ils reçurent furent le
résultat d'arrangements particuliers. M. Liautard reçut
pour le sien le nom de Collège de Notre-Dame des
Champs , à cause de la rue où il était établi , et il n'en
.fut content qu'à demi; car il ne tarda pas de solliciter
et d'obtenir du Roi lui-même le nom de Stanislas^
qui était l'un de ceux que Louis XVIII avait reçus au
baptême. Quant à l'établissement de MM. Nicolle, dé-
nommé dans l'arrêté du Conseil Institution de la rue
des Postes^ connue sous le nom d^ /Association des an-
ciens élèi^es de la communauté de Sainte-Barbe ^ il de-
vint le Collège de Sainte-Barbe dans les prospectus et
dans les articles de journaux qui instruisirent le public
de son changement de condition '. 11 ne fut tel dans
PAlmanachde l'Université qu'en 1823.
Lorsque cette bombe éclata , le diplôme pour la di-
rection de notre Sainte-Barbe avait passé des mains
de M. Adam dans celles de M. de Lanneau fils. A la
vue du conflit qui s'élevait de nouveau, le père ne
voulut pas qu'un autre que lui reçût les éclaboussures.
Il crut avoir le droit de réclamer comme propriétaire
de rétablissement. 11 écrivit au Conseil royal, en rappe-
lant les deux décisions déjà rendues le 1 9 janvier 1 808
1. Moniteur du 16 septembre 1 821 .
2. Moniteur du 1 3 octobre J 821 .
m 11
162 HISTOIRE
et le 15 septembre 1818 au sujet' du nom de Sainte*
Barbe'.
Comme l'Université n'avait pas établi de distinction
entre les propriétaires et les directeurs des maisons
d'éducation; la réponse fut envoyée à M. de Lanneau
père , avec la remarque qu'elle s'adressait à son fijs
plutôt qu'à lui. Cette réponse disait que le Conseil
royal , en érigeant la maison connue sous le nom, etc. ,
en collège de plein exercice , n'avait rien voulu chan-
ger à la décision de 1 81 8 ; qu'ainsi M. de Lanneau fils
restait libre d'ajouter les mots Maison de Sainte-Barbe
au titre d'institution de l'Université, et que cette dé-
signation , opposée au titre de collège de plein exercice,
qui était celui de l'autre maison , empêcherait de con-
fondre les deux établissements \
Cuvier , le grand Cuvier , écrivit en entier de sa mam
cette lettre^ qu'on ne peut lire sans un sentiment pé-
nible , car elle contient la défense peu sincère d'une
thèse insoutenable, en même temps que l'aveu de
la faiblesse du Conseil, asservi par le tout-puissant
recteur. On s'évertue à faire comprendre, par les ter-
mes dans lesquels on s'exprime, qu'on n'a point
autorisé une usurpation , laquelle cependant on laisse
subsister. On dit qu'on se conforme à la décision
de 1818 , lorsqu'on admet la dualité de nom, et qu'au
contraire la décision de 1818 avait défendu cette
dualité. On ose prétendre qu'un déterminatif, dont la
valeur n'est connue que des gens spéciaux, suffira pour
que le public ne se trompe pas entre les deux Sainte-*
1. Lettre du 29 septembre 1821.
2. Lettre du 28 octobre 1821 .
DE SAINTE-BARBE. 163
Barbe. Que de mauvaises raisons pour un homme
consommé dans la pratique des affaires comme Tétait
Cuvier! Pourquoi faut-il que la force du caractère
n'accompagne pas toujours l'élévation du talent !
Cependant la nouyelle Sainte-Barbe/ ouverte en
grande cérémonie, faisait redire son inauguration par
toutes les trompettes de la renommée. Les amis de la
nôtre , surpris , indignés , accoururent en foule auprès
de M. de Lanneau pour lui apporter leurs conseils et
leurs offresdeservice. Des articles que plusieurs d entre
eux avaient écrits ayant été arrêtés par la censure, ils
voulaient que Ton fit du bruit, que Ton s'adressât aux
chefs de l'opposition politique, que Ton employât les
dispositions particulièrement bienveillantes du général
Foyetde Benjamin Constant. Peu s'en fallut que la ques-
tion ne fût portée à la tribune. M. de Lanneau modéra
cet emportement, il pensa que le Conseil n'avait pas dit
son dernier mot ; que les membres de ce corps émi-
nent avaient pu négliger, dans un premier examen, des
considérations auxquelles la plupart d'entre eux n'é^
talent point habitués ; qu'un intérêt commercial rési-
dait au fond du débat, et qu'en appelant leur atten-
tion de ce côté, on les amènerait peut-être à réformer
leur sentence.* Dans cette pensée, il fit appel aux lu-
mières des plus célèbres jurisconsultes du temps.
Après un examen approfondi de tous les points de
fait, de droit, de jurisprudence, Dupin aîné rédigea
une savante et judicieuse consultation, qu'il envoya à
Sainte-Barbe, comme un témoignage de sa considéra-
tion pour un établissement renommé. En terminant sa
lettre d'envoi, il salua le vénérable instituteur à qui elle
était adressée par ces paroles, empruntées à Quiuti-
164 HISTOIRE
lien : Quod majus emolumenlum rei publicœ afferre
possumusy quant si erudimus juventutem^ prsesertim
his temporibusl
Ijdi consultation, délibérée le 4 décembre 1821 , jour
de la sainte Barbe ,fut signée de MM. Dupin, Delà-
croix-Frainville, alors bâtonnier de Tordre des avo-
cats, Gairal, Hennequin, Berryer fils et Devaux
(du Cher). Trois semaines après, on en adressa uii
exemplaire imprimé à chacun des membres du Con-
seil royal, avec une lettre, imprimée également, dont
M. de Lanneau père voulut prendre encore sur lui la
responsabilité, en y apposant sa signature *.
Cette dernière circonstance procura une porte de
sortie au Conseil, fort embarrassé de ce qu'il devait
répondre. Il décida qu'il n'y avait pas lieu de déli-
bérer sur la réclamation de M. de Lanneau père, son
fils ayant seul qualité pour faire une pareille dé-
marche, et c'est à l'abbé Nicolle que fut laissé le plaisir
de notifier à son adversaire vaincu cet arrêté, monu-
ment de son propre triomphe *.
Quoique M. Nicolle offrît courtoisement au fils de
recommencer la partie d'où le père avait été écarté,
ou plutôt, parce que M. Nicolle fit cette offre, MM. de
Lanneau perdirent tout espoir. Ils virent un signe
1. Consultation pour M. de Lanneau père, fondateur et pro-
priétaire administrateur de l'Institution, Maison de Sainte-Barbe.
2 feuilles in-4°, impr. de Crapelet. — Copie de la lettre adressée
par M. de Lanneau père à M. le président du Conseil royal de
rinstruction publique, en lui envoyant la consultation relative à
Tusurpation du titre àe Sainte" Barbe par M. Henri Nicolle, di-
recteur du collège de plein exercice, rue des Postes (25 décembre
1821); demi- feuiliein-4\ ;
2. Arrêté en date du 8 janvier 1822, notifié le 12. -
DE SAINTE-BARBE. 165
menaçant dans le choix de leur compétiteur pour être
Tunique intermédiaire entre le Conseil et eux, el, se
rappelant le billet signé Richelieu, au moyen duquel
avait été clos naguère dans le sein du Conseil le débat
relatif à M. Cousin, ils ne doutèrent point qu'un sem-
blable écrit ne se trouvât encore dans la poche du rec~
teur, lorsque leur affaire reviendrait à la discussion.
Ils cessèrent donc d'invoquer la justice du Conseil.
La consultation des avocats établissait la légitimité
du recours aux tribunaux. On s'abstint après réflexion
de s'engager dans celte voie, car, le procès gagné,
comment s'en serait-on tiré avec l'administration ? Et
puis quel éclat! quelle émotion au dehors! au dedans!
Afin de ne pas porter là où il ne devait pas être porté
le drapeau sous lequel s'abritait une jeunesse déjà
trop agitée, on prit le parti de la résignation. On atten-
dit des teilips meilleurs et le jour de la justice.
Dès lors il y eut à Paris deux Sainte-Barbe, une
bonne et une mauvaise, selon ropinion des personnes;
et la prédilection elle-même ne sut pas toujours dis-
cerner l'une de l'autre par le domicile. Qu'on juge
par là à combien dé méprises donna lieu la force de
l'habitude parmi les indifférents. Les commissionnaires
et les cochers de fiacre se dirigèrent le plus souvent
vers la rue de Reims, lorsqu'ils entendirent prononcer
le nom de Sainte-Barbe. Des lettres importantes furent
relardées dans leur marche, des personnes amenées à
notre collège, lorsqu'elles se proposaient d'aller à l'au-
tre ; puis, par un revirement subit, qu'on assura être
un effet des ordres de la police, ce fut presque tou-
jours au détriment de la Sainte-Parbe de Lanneau que
les erreurs se reproduisirent.
166 HISTOIRE
On raconte de ce temps-là leis plus étranges aven-
tures. Un élève, envoyé de province à M. de Lanneau,
fut placé et enregistré dans rétablissementdeMM. Ni-
colle. En revanche, M. de Lanneau reçut la significa-
tion d'un jugement rendu contre M. Henri Nicolle
pour défaut de payement de billets endossés par lui*.
Nous n'omettrons point un fait qui fut tout aussi
piquant, quoique d'un autre genre.
L'abbé Nicolle, ayant réprimé l'essor de la philo-
sophie, s'imagina mettre désormais cette science en
brassière, s'il la forçait, dans les collèges, à s'exprimer
de nouveau en latin, selon l'usage observé avant la
Révolution; et comme, en introduisant cette utile ré-
forme, il ne voulut point passer pour un adversaire
des études philosophiques, il fit adjuger au prix du
grand concours pour la dissertation latine de philo-
sophie les mêmes avantages qu'au prix de discours
latin de la rhétorique. Il est ainsi le créateur du prix
d'honneur de philosophie. Or le premier qui rem-
porta cette récompense fut un élève de M. de Lanneau,
le jeune Edmond de Bussierre, qui a été plus tard le
baron de Bussierre, pair de France, ambassadeur à
Naples, puis membre du Conseil d'administration du
collège, seule dignité qu'il conserve aujourd'hui.
C'était bien le moins que la pauvre Institution-
Maison-Sainte- Barbe eût de temps en temps des con-
solations de ce genre. Son vainqueur l'écrasait.
Avec lui elle perdit non-seulement le prestige de son
nom, mais le principal élément de sa force^ ses classes
i. Constitutionnel des 1*% 2 et 3 août d822; Courrier français
des 2 et 3 août.
DE SAINTE-BARBE. 467
intérieures, qu'elle dut supprimer, parce que ses ex-
cuses pour les maintenir ne furent plus admises. Il ne
lui resta de son enseignement propre que le cours
de commerce et les petites classes des commençants.
Toutes les rigueurs d*un côté et toutes les faveurs de
l'autre, du scandale, des embarras pour Tadministra-
tion des deux établissements, des tracas, des chagrins
suscités à un homme digne de tous les respects, tels
furent les fruits de la compétition que Fabbé NicoUe
poursuivit si despotiquement, et Ton peut ajouter, si
inutilement, lorsque l'on considère le résultat final ;
car de tout ce qu'il avait prétendu faire, rien ne s'ac-
complit.
A l'entendre, il allait former son école à la ressem-
blance de l'ancienne Communauté : et son école fut
tout bonnement un collège privilégié, avec un chef
propriétaire, assisté d'un ecclésiastique, avec dès pro-
fesseurs salariés, appartenant à l'instruction publique.
Il devait constituer un corps enseignant d'une doc-
trine particulièrement épurée : et lorsqu'il en vint à
faire son choix, il ne tint compte que du mérite, de
Sorte qu'il prit du monde de toutes les provenances,
et que ce fut la Sainte-Barbe de la rue de Reims qui
hii fournit son professeur de philosophie. Ce profes*
seur, qui était M. Bouilïet, ne s'engagea au service de
l'abbé qu'avec l'agrément de M. de Lanneau.
Il avait promis à la Légitimité que sa maison serait
pour elle une pépinière de défenseurs r et si l'on re-
cherche les noms des sujets qu'il eut sous lui, tandis
qu'il fut supérieur, on verra que la Légitimité n'a pas
plus trouvé de défenseurs parmi eux que parmi les
sujets formés dans les autres maisons d^éducation.
168 . HISTOIRE
Il s'était flatté d'asseoir sur l'association les bases
d'un établissement impérissable : et son association,
composée de lui et de quelques amis de collège qui ne
voyaient que lui dans l'entreprise, soutenue par son
argent et par des dons bénévoles, arriva si vite au
bout de ses ressources, qu'après six ans d'exercice, la
maison était menacée de faillite, si la ville de Paris ne
Teût libérée de ses dettes et achetée pour l'exploiter à
son compte.
Ainsi, il resta de l'entreprise un collège communal,
pareil à tous les collèges communaux ; un collège qui
brilla et brille encore par les études, mais qui n'aurait
pas eu moins de succès sous un tout autre nom que
celui qu'il eut d'abord et qu'il ne garda pas; un collège
enfin pour la création duquel il n'était nécessaire ni
de changer les lois, ni de violer le droit.
M. l'abbé NicoUe eut la douleur d'assister à la ruine
de toutes ses espérances. La révolution de 1 830, pour
lui sans ménagements, le relégua dans la vie privée,
où la mort vint le trouver le 2 septembre 1835. Il
supporta l'adversité avec résignation, s'occupant, dans
le loisir forcé qui lui fut fait, de composer un livre
qu'il intitula : Plan d'éducation ou Projet d!un collège
nou^eau\ « Plan d'éducation » est de trop, car le
livre ne traite pas de ce qu'on appelle ordinairement
l'éducation; quant au projet proposé, il laisse trop
voir le regret de ce que le nouveau collée de Sainte-
Barbe, après son adoption par la ville de Paris, ait
cessé d'être une propriété particulière. Mais la distri-.
bution du travail dans les classes et tout le détail de'
1. In-8% Paris, Gosselin, 1834.
DE SAINTE-BARBE. 169
renseignement, qui forment la partie la plus considé-
rable de l'ouvrage, sont traités avec une parfaite in-
telligence. L'auteur montre là les qualités d'un excel-
lent préfet des études. 11 n'aurait jamais dû être
davantage dans le gouvernement de l'instruction.
Plaignons-le d'avoir poussé à l'excès la déférence pour
un ami, s'il est vrai, comme il le dit dans une de ses
lettres, qu'il n'accepta sa haute position qiie pour obéir
à M. de Richelieu \
Quant aux maux qu'il a faits à notre Sainte-Barbe,
qu'ils lui soient pardonnes en considération de l'effet
qu'ils ont produit. La persécution de 1821 resserra
entre les élèves de M. de Lanneau les nœuds formés
par la persécution de 1816. I^ serment d'une union
))lus étroite fut prononcé au banquet du 4 décembre.
C'est Vatout qui exprima dans le langage héroï-co-
mique, qu'il maniait avec tant de grâce, le sentiment
très-sérieux de ses camarades :
« Sainte-Barbe, dit-il, Sainte-Barbe, forte de ses
droits, fidèle aux lois qui les ont consacrés*, ne courbera
point sa tête sous le knout académique. Je vous atteste,
oiseau classique, que, par respect pour nos prédéces-
seurs, nous servons en holocauste dans nos banquets
de fête ; et toi, légume héréditaire, qui décores les
flancs de la noble victime! Je vous atteste, vieux murs
relevés par les mains de notre vénérable mentor! Je
vous atteste, muses fugitives, vous qu'il a recueillies
au milieu des orages, vous dont il a réparé les autels !
Je vous atteste, enfin, pompes solennelles des combats
littéraires où nos frères ajoutent chaque année de nou-
i . Vie de Tabbé Nicolle par Pabbé Frappai (1857), p. 164.
170 HISTOIRE
yeaux lauriers aux couronnes qui ceignirent nos jeunes
fronts ! Vous êtes nos armes, nos appuis, nos titres,
nos protecteurs au tribunal de l'opinion publique;
\ous êtes notire légitimité : nous saurons la défendre.
Les Prométhées de TEstrapade ne déroberont pas le
feu sacré que Sainte-Barbe a commis à notre garde *. »
CHAPITRE XI.
Esprit de révolte parmi les écoliers au commencement de la Restaura-
tion. — Hostilité avec l'institution Liautard. — L'abbé Liautard. —
Révolte de 1815. — Les Grecs et les Troyens. — L'abbé Eliçagaray.
— Révolte de 1817. — Révoltes de i8i9 à Louis-le-Grand et à
Sainte-Barbe. — Révolte de 1820. — La Saint-Charlemagne de 1824.
— État prospère des études. — Les maîtres de la nouvelle génération
à Sainte-Barbe.
Les mutineries d'écoliers sont de tous les temps et
de tous les lieux. Il n'y a pas de discipline qui en soit
préservée. Les maisons où le public croit qu'il n'en ar-
rive pas sont celles où Ton sait s'y prendre pour les
tenir secrètes. Peut-être a-t-on raison de chercher à les
dissimuler. Quant à les tirer de l'oubli après que les an-
nées en ont efiacé la mémoire, elles n'en valent pas la
peine. Il n^en faut pas plus parler que de la fièvre
ou des accès de goutte dont les gens ont pu souffrir
1. Compte-renda du banquet du 4 décembre 1821, dans les
Fêtes annuelles des anâens élèves de Sainte-Barbe, 1. 1, p. 60.
DE SAINTE-BARBE. 171
en leur vie. L'attention de l'histoire leur est due
cependant, si elles se présentent à une époque comme
un fait général^ si elles sont un signe du temps. Tel est
le caractère des désordres si fréquents dont furent
affligés, pendant les premières années de la Restaura-
tion, la plupart des collèges royaux et des grands pen-
sionnats. C'est pourquoi nous retournerons en arrière
pour jeter un coup d'œil sur les troubles de ce genre
qui eurent lieu à Sainte-Barbe, et sur ceux de Louis-
le-Grand, quand Sainte-Barbe les a ressentis.
Tous eurent leur aliment dans Timpétuosité d'une
jeunesse à qui les oreilles tintaient des bruits du de-
hors, qui avait vu trois gouvernements crouler sous
ses yeux en quatorze mois, et qui était travaillée des
regrets dont nous avons déjà eu l'occasion d'expli-
quer la causée Par là, ces troubles eurent le caractère
politique, ou, si l'on aime mieux, ils furent le contre-
coup des événements politiques. Lors même qu'il n'y
eut au fond que des rivalités ou des rancunes enfan-
tines, ceux qui y prenaient part crurent obéir à des
sentiments plus élevés. Ils étaient tout frémissants de
cette liberté dont le tardif apprentissage commençait
pour tout le monde ; ils brûlaient de prouver qu'ils
seraient bientôt des hommes, et des hommes capables
de relever la patrie humiliée. Quant à la violence
toujours croissante des coups de mains, elle doit être
attribuée à la présence, dans les classes, de jeunes gens
qui, ayant été retirés momentanément du collège en
1814 et 1815, furent remis plus tard aux études, et
se trouvèrent mêlés avec des condisciples plus jeunes
1. Ci-dessus, p. 133
ili HISTOIRE
qu'eux, sur lesquels leur âge leur donna de plein droit
le eommandement.
Pour prendre les choses au début, il faut mention-
ner des escapades et débandades auxquelles les bar-
bistes se livrèrent dès 1 81 4, pour tomber sur les élèves
de Tabbé Liautard. Nous avons déjà vu Thostilité
commencer entre les deux institutions. Il est d'autant
plus à propos d'y revenir que Tabbé Liautard, élève
de l'ancienne Saintè-Barbe, n'est pas un personnage
étranger à notre sujet.
Cet instituteur pouvait se dire, à bien plus juste titre
que Fabbé Nicolle, le représentant des droits et de
l'esprit de la ci-devant Communauté. Il ne quitta
Sainte-Barbe que le jour où la maison fut réduite au
régime constitutionnel, et il fit partie de la petite
escouade qui suivit MM. Formantin et Borderies
dans la rue de Montreuil*. Les patriotes du faubourg
Saint*Ântoine étant venus balayer aussi ce dernier
asile, le jeune Liautard ne songea point, après la
dispersion définitive, à aller rejoindre d'illustres pro-
tecteurs qu'il comptait dans l'émigration, il obéit aux
lois, en prenant les armes pour la défense de son pays.
C'est aux armées et dans le tumulte des sociétés po-
pulaires, en faisant son devoir et en exposant sa per-
sonne, qu'il nourrit l'implacable haine dont son édu-
cation première l'avait animé envers la Révolution.
Reçu plus tard à l'Ecole polytechnique, il en sortit
presque aussitôt pour refus du serment de haine à la
royauté; puis, sous les yeux de ses maîtres Forman-
tin et Borderies, qu'il avait retrouvés, il se prépara au
i. Ci-dessus, t. II, p. 404.
DE SAINTE-BARBE, 173
sacerdoce aussitôt que les études ecclésiastiques furent
rétablies en France. Il ouvrit son pensionnat en 1804,
sans afficher la puérile convoitise du nom de Sainte-
Barbe, lorsque ce nom était devenu la propriété d'un
autre. 11 était de ceux à qui les mots importent peu,
pourvu qu'ils obtiennent les choses. Sa volonté fut de
tenir une école de royalisme, et il y réussit avec un
succès qu'il ne fut donné d'obtenir qu'à lui seul de tout
son parti. 11 ne se compromit pas par des démonstra-
tions imprudentes. Son moyen consistaà prendre le plus
grand nombre de ses élèves dans les familles intéres-
sées au retour des Bourbons, c'est-à-dire dans les
familles de l'ancienne noblesse, et au contact de cette
jeunesse, dont l'éducation politique n'était plus à
faire, il mit des enfants du vulgaire voués d'avance à
l'état ecclésiastique. Il prépara ainsi l'alliance de l'autel
et du trône, laquelle il avouait tout haut comme le
but de ses efforts, mais sans s'expliquer sur le trône
qu'il avait en vue, de sorte que l'Empereur lui-même
trouva du bon dans l'abbé Liautard, et que, malgré
les avertissements de sa police, il se refusa toujours à
faire fermer l'établissement de cet instituteur, le plus
indocile de son Universités
Toutes ces choses ne transpirèrent qu'après le
changement de gouvernement. Aussitôt qu'elles furent
connues et comprises, la répulsion instinctive que les
élèves d§ l'abbé Liautard avaient inspirée lors de leur
arrivée au milieu de la population écolière se tourna
en inimitié de parli. C'est alors que nos barbistes.
i. Mémoires de M. l'abbé Liautard, fondateur du collège Sta-
nislas, par M. l'abbé Denys, t. I.
174 HISTOIRE
SOUS couleur de se mesurer avec des adversaires po-
litiquesy poursuivirent la veDgeance des coups de
poing qu'ils avaient reçus en 1810, et qu'ils avaient
toujours sur le cœur. Les rencontres n'ayant jamais
eu des conséquences graves, Tautorité universitaire
n'eut point à en connaitre. Il en fut autrement pour
les troubles intérieurs.
C'est la première division de Sainte-Barbe, appelée
le Grandrcollége , qui fut constamment le théâtre de
ces troubles. Le Grand-coliége occupait la totalité de
l'emplacement loué à Tancienne Communauté, c'est-
à-dire la partie du terrain tournée du côté de Louis-
le-Grand. Il contenait toutes les hautes classes depuis
la quatrième. Là gémissaient et grinçaient des dents,
après la rentrée des classes de 1815, la plupart des
grands garçons qui, quatre mois auparavant, s'é-
taient proposés pour la défense de Paris. Ils avaient
vu Paris rendu sans coup férir. Chaque jour augmen-
tait leur douleur, qhaque jour leur apprenait de nou*
veaux traits de l'insolence des alliés et de la fureur de
la réaction. La discipline dut se resserrer autour d'eux
dans la crainte de démonstrations compromettantes.
Leur courroux se tourna alors contre les maîtres qui
les gardaient si étroitement. Le supplice du maréchal
Ney, les bruits qui circulaient sur les cours prévôtales
qu'on allait rétablir, achevèrent de leur tourner la
tête. L^un des mécontents, d'un caractère énergique,
et qui exerçait déjà autour de lui l'ascendant d'un chef
de parti, qu'il fut plus tard, induisit une vingtaine de
rhétoriciens et de philosophes à protester par l'insur-
rection contre la justice prévôtale du collège.
Le 19 décembre 1815, les conjurés s'enfermèrent
DE SAINTE-BARBE. 17^
dans l'ancienne chapelle, divisée alors en plusieurs
salles d'étude, ils n'en occupaient qu'une pièce, dont
ils avaient fortement barricade la porte. La Direction
donna Tordre aux gens de service de les prendre à
revers par une cloison qui régnait sur l'un des côtés de
la salle. Il suffit de faire sauter une planche. La résis-
tance ne fut pas longue. Un projectile lancé à l'aveugle
par la brèche qui venait de s'ouvrir ayant atteint lé-
gèrement M. de T^anneau, Témotion que cela produisit
au dehors fit tomber le courage des assiégés. Us se sou*
mirent. Des expulsions furent prononcées. La Commis-
sion de l'Instruction publique en reçut la déclaration
en même temps que le rapport de ce qui s'était passe.
En ce moment on ne savait où donner de la tête à
l'Université. I^ Commission de l'Instruction publique,
investie à la fois des pouvoirs du Grand-maître et des
fonctions de l'ex-Conseil impérial, avait à statuer sur
d'autres désordres du même genre, arrivés en d'autres
lieux, et sur les dénonciations contre les personnes,
qu'elle recevait en masse. Elle travaillait sans désem-
parer à l'épuration du corps enseignant et des collèges,
destituant les professeurs et les boursiers par centaines»
Le tour de Sainte-Barbe ne vint qu'au mois de
janvier 1816. Une enquête fut ordonnée, et sur le
rapport des inspecteurs, Royer-CoUard, comme pré-
sident de la Commission, écrivit une lettre de félicita-
tion pour la promptitude avec laquelle le bon ordre
avait été rétabli. Ses compliments s'adressaient à
MM. de Lanneau et Mouzard, chefs de l'Institution, et
à M. Fayard, leur collaborateur K
i. Lettre du 23 janvier 1816.
476 HISTOIRE
Voici le nom d*un utile et modeste fonctionnaire
que bien des générations de barbistes ont connu. En-
tré au collège en 1803, M. Fayard ne prit sa retraite
définitive qu'en 1840. Sous M. de Lanneau père, il
remplissait avec un dévouement à toute épreuve rem-
ploi souvent ingrat d'inspecteur. Sa sévérité un peu
brusque souleva plus d'une fois la tempête. C'est à lui
particulièrement qu'en voulaient les révoltés de 1 81 5.
Il tint pour un titre glorieux Téloge qui lui fut dé-
cerné en cette circonstance par les chefs suprêmes de
r Université.
Tandis que ces choses se passaient en rhétorique,
l'effervescence affectait d'une manière différente les
classes placées au-dessous de la rhétorique.
L'usage s'était depuis longtemps établi que les qua*
trièmes, à leur arrivée au Grand-collège, payassent
leur aubaine par des tourments qu'ils subissaient de
la part des troisièmes. En 1815-1816, les élèves de
seconde, qui l'année précédente avaient usé de ce
droit sur les nouveau-venus, le déclarèrent aboli dans
un accès de libéralisme. Ils signifièrent aux troisièmes
de s'abstenir de tout mauvais traitement envers leurs
camarades de la classe inférieure. Cela mit l'hostilité
entre les deux classes. Elles formèrent deux camps
sous les noms de Grecs et de'Troyens. Les Grecs
étaient les élèves de seconde. Ils eurent leur Achille,
de même que leurs antagonistes eurent leur Hector, et
l'issue fut la même que sous les murs d'Ilion. Achille
rossa Hector d'une si belle manière, que celui-ci
tomba par terre sans connaissance. Achille fut renvoyé
à ses parents ; mais l'insolence du succès resta dans
les cœurs de la classe victorieuse, et Ton vit poindre
DE SAINTE-BARBE. il!
pour Fannée d'après une rhétorique encore plu^ tur-
bulente que celle qui était sur les bancs. '
Il faut savoir qu'autrefois, à Sainte-Barbe, toutes
les punitions d'un caractère enfantin cessaient en
rhétorique. C'était un principe de la politique du Di-
recteur, qui voulait, en accordant à ses élèves d'un
certain âge un privilège capable de leur inspirer le
respect d'eux-mêmes, leur faire accomplir sous ses
yeux le premier pas vers la virilité* Cette pensée
philosophique ne s'accordait pas avec le principe de
l'égalité. L'inconvénient se révéla, lorsqu'à fa fierté
qui résultait du privilège se mêla l'esprit d'insubor-
dination.
Les rhétoriciens de 1816-1817 furent en effet les
élèves les plus difficiles que M. de Lanneaii, de son
aveu, ait jamais eu à conduire. C'est d'eux que partit
l'idée de la représentation de Manlius. Ils se livrèrent
bientôt à des écarts, d'autant plus graves aux yeux
de la Commission de l'Instruction publique, qu'entre
le rapport qu'elle en reçut et les plaintes portées à^
cause de l'affaire du Théâtre-Français, son attention
avait été appelée sur un autre incident.
Parmi les créatures du nouveau régime, se faisait
remarquer un abbé Eliçagaray, homme d'une can- '
deur étonnante et nourri d'idées de l'autre siècle, qu'il
exprimait avec la sérénité de sa bonne intention. Ce
n'est pas qu'il fût toujours calme et pacifique. 11 n'é-
tait pas méridional pour rien. Il avait ses moments
de vivacité, dont plus d'un eut à souffrir autour de
lui. Il avait aussi ses accès d'enthousiasme. L'atten-
drissement chez lui touchait aux larmes, lorsqu'il ra-
contait les choses de son jeune temps, surtout les
m 12
178 HISTOIRE
fortes études d'autrefois, et l'enseignement de la phi-
losophie en latin, et les thèses aussi en latin, que l'on
soutenait depuis huit heures du matin jusqu'à cinq du
soir, tenant la riposte prête à tout venant, huvant et
mangeant sur place, usque ad exslinciionem argument
torum et dieil
Tel quel, l'abbé Eliçagaray fut trouvé bon pour être
mis à la tête de rUniversité. On le nomma coup sur
coup inspecteur général, puis membre de la Commis-
sion de rinstruction publique, et plus on le fit
monter, plus on l'exposa aux sarcasmes de l'opposi-
tion, qui avait fait de lui son souffre-douleur. Il y prê-
tait le flanc par la manie qu'il avait de pérorer à tout
propos. Or le lieu commun de ses allocutions était
l'éloge du célibat, opposé à l'état de l'homme marié,
et cela pour en venir à la conclusion que les meilleurs
instituteurs de la jeunesse étaient les ecclésiastiques.
Étant en tournée d'inspection à Louis-le-Grand, au
commencement de 1817, il tint un discours de ce
^ genre, qui excita les ricanements des élèves. L'abbé,
un peu déconcerté, interpella l'un des rieurs, qui lui
répondit par une impertinence \ C'était un barbiste.
Son compte fut bientôt réglé. M. Adam, comme agent
responsable (de la direction, le mit dehors, et adressa
des excuses au dignitaire offensé. Mais quelle impres-
sion dut emporter celui-ci , déjà indisposé envers
Sainte-Barbe, prévenu contre MM. de Lanneau , au point
d'avoir dit un jour au même M. Adam : « Moi, qui
vous estimais, je vous en veux de conserver cette fa-
mille à l'Université! » Qu'on juge de quels commen-
1. 21 janvier 4817.
De SAINTE-BARBE. i79
taires fut accompagné le récit de la scène qui s'était
passée à Louis-le-Grand !
Si pareil fait s'était produit dans un temps de calme,
on aurait vu toute la maison s'efforcer d'en détruire
l'impression par sa conduite, et les plus grands se se-
raient rendus les surveillants de la discipline. Tout au
contraire , c'est ce moment critique que les rhétori-
ciens choisirent pour exercer leur vengeance contre
l'inspecteur divisionnaire, qu'ils avaient pris en aver-
sion, à l'exemple de leurs aînés. Us le frappèrent, après
l'avoir attiré dans un guet-apens ; et parce que les
auteurs de ce bel exploit furent chassés, la classe en-
tière se mit en état de révolte ^
Les insurgés se barricadèrent dans leur dortoir,
après s'être fournis de vivres et mis en état de soute-
nir un siège. M. de Lanneau établit le blocus et manda
les parents. La porte s'oifvrit le second jour à la voix
des pères et des mères. La classe fut licenciée. On pro-
céda à une épuration sous les yeux de la Commission
de l'Instruction publique. Après que bon nombre de
turbulents furent chassés, la Commission arrêta que
le Directeur aurait à lui rendre compte tous les huit
jours de l'état de sa maison *. Ceux des rhétoriciens qui
rentrèrent au bercail sentirent heureusement la gravité
de cette mesure. Ils se comportèrent de façon à la
faire bientôt retirer, et de brillants succès au concours
général et à Loijis-le-Grand rachetèrent les désordres
de l'année.
L'année 1818 fut tranqiiille; mais f 81 9 vit naître
d. 18 mars 1817,
2. Arrêté du 1**' avril 1817.
180 HISTOIRE
une agitation qui passa des collèges royaux, où elle
se manifesta d'abord, dans presque toutes les maisons
d'éducation. LaMinen^e fut accusée d'avoir mis le feu
aux poudres.
Celte revue, rédigée pres(fue uniquement par des
académiciens et très-influente, avait ouvert une sou-
scription pour l'établissement du Champ dasile^ que
des réfugiés français se proposaient de fonder au
Texas. Les écoliers, comme bons libéraux, voulurent
apporter aussi leur offrande. Une collecte, qui s'était
organisée à Henri IV, fut arrêtée par la vigilance du
proviseur. Les élèves de Louis-le-Grand eurent plus
d'adresse. Ils recueillirent entre eux une somme de
183 francs, et la portèrent an journal, qui ^annonça^
Le proviseur, désespéré, ordonna une enquête. Le
trouble était ainsi à l'avant et à l'arrière de Sainte-
Barbe; elle en fut gagnée. •
Le 7 janvier, les plus petits du Grand-collège se bar-
ricadèrent dans leur classe. Us déchirèrent leurs ca-
hiers, renversèrent leur encre, brisèrent leurs pupi-
tres, et pour que la révolte fût dans toutes les règles,
ils publièrent un manifeste où ils juraient de vivre et
de mourir libéraux. Sommés de se rendre, ils refusè-
rent d'abord ; mais ils n'avaient pas le moyen de tenir
plus d'un jour. Au bout de ce temps, une capitula-
tion s'établit, et la conséquence fut encore l'expul-
sion des meneurs.
Cependant les choses allaient très-mal à Louis-lç-
Grand. Aux mécontents ' politiques s'était jointe la
presque totalité du Collège royal, outrée de ce qu'on
1. La Minerve de d819, t. IV, p. 493.
DE SAINTE-BARBE. iS\
n'avait pas eu le congé habituel de trois jours pour le
tiou\el an. Toutes les colères se tournèrent alors con-
tre un surveillant qui passait pour affilié aux Jésuites.
On complota de le jeter par la fenêtre. Heureusement
on n'alla pas si loin, mais il y eut de tels désordres le
15 et le 17 janvier, que la Commission de l'Instruction
publique fit fermer le collège. L'arrêté fut placardé sur
la grande porte de la rue Saint-Jacques. Les passants
purent le lire; bientôt la nouvelle fUt portée par toute
la ville ^
L'interdit fut levé au bout de deux jours, après
qu'on eut fait un grand nombre de victimes. Vu la
gravité des circonstances, l'Université enjoignit à tous
les maîtres de pension et chefs d'institution de con-
duire eux-mêmes leurs élèves au collège, et de présider,
sous Jeur responsabilité, à l'entrée ainsi qu'à la sortie
des classes.
Si cette précaution empêcha les externes de parti-
ciper à la révolte, elle n'étouffa pas le feu mal éteint
qui couvait à l'intérieur. Un nouvel éclat ne put être
réprimé que par la retraite du proviseur *. C'était
M. Taillefer, qui fut élevé à la dignité d'inspecteur
d'Académie.
La paix rétablie à Louis-le-Grand, les élèves de l'É-
cole de droit la troublèrent à leur tour. Nous n'avons
pas à parler de cette nouvelle agitation, qui eut des
causes plus sérieuses, et qui jeta l'émeute dans la rue ;
mais nous ne pouvons passer sous silence que Sainte-
Barbe, toujours sensible aux impressions du dehors,
1. Journal de Paris ^ n° du J9 janvier 1819.
2. Constitutionnel du 2 février 1819.
i82 HISTOIRE
fut entraînée en ce moment à ourdir un nouveau
complot. Cette fois, les conspirateurs furent les élèves
de seconde. La classe se barricada, suivant Tusage.
Elle' fut réduite par le moyen ingénieux dont se servit
le maréchal^Lobau lors de l'émeute de la place Ven-
dome, en 1836. M. de Lanneau envoya chercher les
pompiers. Une pompe à incendie^ dirigée sur les mu-
tins par un trou percé dans le plafond, les fit passer
de la colère au foti rire. Ils se soumirent quand ils
virent qu'ils ne pouvaient plus garder leur sérieux.
Les deux affaires de 1819 passèrent inaperçues au
milieu de la perturbation générale à laquelle l'au-
torité universitaire eut à porter remède. Il n'en fut
pas de même d'une autre révolte qui eut lieu au com-
mencement de 1820. Celle-ci vint seule en son mo-
menty qui fut celui de l'effervescence produite dans
l'opinion par les premières nouvelles de la révolution
d'Espagne; elle fut très-remarquée.
Nos barbisteiR de troisième traitaient de tyran un
maître d'études jugé irréprochable par la Direction.
Un élève ayant été renvoyé sur les plaintes de ce maî-
tre, les autres écrivirent au Directeur qu'ils voulaient
être rendus à leur famille , si la mesure prise contre
l'un d'eux n'était pas immédiatement révoquée; et ils
eurent l'insolence de demander réponse à une pareille
lettre. La réponse ne venant point, ils se barricadè-
rent. Ils firent plus. Ils démolirent une cloison, afin
de réunir deux salles ensemble, et de se procurer plus
d'espace dans leurs retranchements.
M. de Lanneau n'avait jamais vu l'insubordination
s'en prendre à son autorité. Le cas lui parut assez
grave pour rendre nécessaire l'emploi des plus grands
DE SAINTE-BARBE. 183
moyens. Il fît venir les pompiers armes de la sape,
/ordonna de percer une épaisse muraille; et entra le
premier par la.brèche. Le même accident qu'il avait
éprouvé en 1815 se reproduisit, mais avec plus de
gravité.
Comme il se présentait, une pièce de bois poussée
avec violence l'atteignit à la jambe ; il tomba. Le coup
avait été lancé avant qu'on eût pu voir qui s'avançait.
Lorsque l'on reconnut le Directeur , un cri d'ef-
froi s'échappa de toutes les bouches. Les révoltés
s'empressèrent autour de lui, l'aidèrent à se relever,
et lui demandèrent grâce en se reconnaissant vaincus
et coupables. Jamais n'apparurent les marques d'un
plus sincère repentir; mais il fallait un châtiment
exemplaire, après que le devoir avait été si outrageu-
sement méconnu. La classe fut dissoute et le Conseil
royal instruit de ce qui s'était passé. Un arrêté dé-
clara quatorze élèves expulsés de Sainte- Barbe et ex-
clus de la fréquentation de Louis-le-Grand \
Cette sédition, la plus triste de toutes, fut aussi la
dernière. Une disposition nouvelle, qui fut introduite
dans la maison, contribua sans doute à empêcher le
retour de ces scènes affligeantes. La superficie du
quadrilatère fut partagée en trois cours, de sorte que
les élèves, à partir de la sixième, formèrent trois divi-
sions, au lieu de deux. D'autre part, les bons coiiseils
produisirent plus d'effet, lorsqu'ils s'adressèrent à
une génération qui n'avait point été remuée par les
événements de 1814 et 1815. Enfin l'usurpation du
nom de Sainte-Barbe, qui mit à découvert toute l'hos-
i. 21 janvier 1820.
iBk HISTOIRE
tililé du pouvoir, impressionna vivement Fesprit des
élèves. Ils comprirent que l'existence de la maison «^
était menacée, et qu'il importait de ne. pas fournir de
nouvelles armes à la malveillance. Dans mainte occa-^
sion, on les vit régulariser spontanément leur con-
duite, se prêter avec docilité, même avec un semblant
de zèle, à des démonstrations qu'on n'avait pas pu
obtenir de leurs devanciers. Si cette circonspection se
démentit un jour par le fait de quelques-unsrd'entre
eux, il faut l'attribuer à l'imprévu d'une situation qui
eût entraîné de plus Xortes têtes.
Le proviseur choisi pour remplacer M. Taillefer à
Louis-le-Grand avait été M. Malleval, auparavant
professeur de quatrième au même collège. ^C'était un
homme parcimonieux, rustique d'apparence, infirme,
car il ne marchait qu'avec une béquille , mais juste,
vigilant, intelligent, il dut son élévation à une sévérité
proverbiale, qui cependant ne lui aliéna jamais là
jeunesse. Il fut à la tête du collège tel qu'il s'était
montré dans sa classe. Pendant cinq ans il maintint
le bon ordre; mais cette longue tranquillité fut attri-
buée par les royalistes ardents à ce qu'il transigeait
avec les principes et qu'il laissait carte blanche au
libéralisme. On l'amena à donner sa démission, sous
prétexte de santé ; et, comme- s'il eût mis l'établisse-
ment à deux doigts de sa perte, on nomipa un com-
missaire extraordinaire pour y rétablir les mœurs. Ce
réformateur fut M. Berthot, recteur de l'Académie de
Dijon, homme d'un extérieur imposant et d'une
humeur inflexible.
L'arrivée de M, Berthot, inexplicable pour les in-
ternes de Louis-le-Grand, éveilla parmi eux un sin-
DE SAINTE-BARBE. i85
^ulier soupçon. Ils s'imagiaèrent que les Jésuites
allaient rentrer en possession du collège, et que le
passage de M. Berthot n'avait d'autre fin que de pré-
parer les choses à la dévotion des Révérends Pères.
11 n'en fallut pas davantage pour replonger rétablis-
sement dans le désordre. Le mécontentement se ma-
nifesta d'abord dans la chapelle, par le silence que
gardèrent les élèves, au lieu d'accompagner le chœur,
comme c'était alors l'usage. De là, la sédition passa
dansles salles d'étude; des maîtres furent insultés, et
les sévices qui suivirent, loin de ramener le calme,
augmentèrent encore l'effervescence. Telle était la ru-
desse de la répression, qu'une bande de mutins, dont
l'expulsion avait été prononcée, furent jetés, dit-on^
dans la rue, sans qu'on eût prévenu les familles. Par
contre, une démonstration d'un genre nouveau fut
complotée entre les sujets qu'on pouvait regarder à
juste titre comme l'élite du collège. Le trait, comme
on va voir, était particulièrement cruel, allant à l'a-
dresse d'un homme bien pensant et qui avait la mission
expresse de répandre le grain de la bonne doctrine.
Les collèges royaux, comme aujourd'hui les lycées,
donnaient, le jour de la Saiot-Charlemagne, un ban-
quet aux élèves internes et externes qui avaient
obtenu les premières places dans les compositions des
quatre premiers mois. A la fête de 1824, comme les
invités entraient dans le réfectoire de Louis-le-
Grand, un mot d'ordre lancé par les lycéens parcourut
les rangs : « Faites passer qu'on ne répondra pas au
toast du proviseur. » Les barbistes, de même que les
élèves des autres institutions, recueillirent cet avis, et
le.transmirent à ceux qui marchaient derrière eux.
186 HISTOIRE
Au dessert le proviseur se lève, et de sa voix la plus
forte propose le toast accoutumé : « Au roi! » Silence
des élèves ; seuls, les professeurs présents répondent,
et encore sans ensemble; et ces quelques voix rendent
l'effet préparé encore plus saisissant. Elles sont ac-
cueillies par des rires.
Le puits de Tabime se serait ouvert devant M. Ber-
thot, qu'on n'aurait pas vu un homme plus altéré. Puis
la colère succéda à la stupeur. Il sortit de la salle hors
de lui, et, sans attendre qu'il se fut remis de son émo-
tion, il courut solliciter un arrêté par lequel tous les
élèves présents au banquet furent chassés de Louis-le-
Grand. C'était décapiter le collège. On s'en aperçut à
la fin de l'année. Cet établissement, qui était toujours
le premier par ses succès au grand concours, n'eut que
deux prix à la distribution de 1824. Ce fut M. Màu-
gras qui proclama le lendemain les prix à la distribu-
tion particulière du Collège royal. En annonçant ce
triste résultat, il ne put pas retenir sa langue. « L'an-
née a perdu son printemps, » dit-il d'un ton qui fit
comprendre à tout le monde qu'il n'approuvait pas
la rigueur déployée par M. Berlhot. Le vieux profes-
seur paya pette parole imprudente. On l'obligea, l'an-
née suivante, de donner sa démission, en le consolant
par la promesse qu'il entrerait bientôt à la Sorbonne..
Effectivement M. Millon, qui professait l'histoire de la
philosophie à la Faculté, reçut l'ordre de prendre Mau-
gras pour suppléant; mais M. Millon, dont cette con-
trainte violait le droit , profita du premier change-
ment de ministère pour évincer Maugras, de sorte que
celui-ci resta finalement immolé.
Ceux des barbistes qui furent, frappés par la loi
DE SAINTE-BARBE. 187
d'expulsion allèrent terminer leur année à Henri IV.
Leur talent profita au Collège royal qui leur avait donné
asile. Quant à la direction de Louis-le-Grand, il ne
lui suffit pas, pour se laver devant le Conseil royal,
d'avoir tranché si impitoyablement dans le vif; elle
imputa tr^- injustement aux externes l'idée du com-
plot auquel ils n'avaient fait que s'associer. Il y eut à
cette occasion contre Sainte-Barbe une recrudes-
cence de plaintes et de dénonciations, qui fut cause
que, pour empêcher cette dangereuse école d'infecter
de son souffle l'innocente jeunesse du Collège royal,
les classes de Louis-le-Grand , dédoublées d'abord en
vue d'une surveillance plus active, reçurent bientôt
à part les internes et les externes. Cette séparation fut
maintenue jusqu'en 1829.
Après le récit des jours néf^tes, il est de toute jus-
tice d'ajouter que leur retour si fréquent, loin de
nuire au travail, opéra au contraire sur les écoliers à
la façon d'un stimulant, de même que ces accès des
maladies chroniques, dans l'intervalle desquels on se
sent plus d'énergie que si l'on s'était toujours bien
porté. C'est là encore un trait caractéristique du temps,
un fait qui s'étendit à tous les établissements d'in-
struction publique. La même ardeur qui, mal em-
ployée par moments, enfanta les tempêtes, se laissa
tourner le reste du temps en une émulation salu-
taire, de telle sorte que le niveau des études, fort af-
faiblies à la fin de l'Empire, se releva partout sous le
règne de Louis XVIII.
À Sainte-Barbe, aussi bien que dans les Collèges
royaux, le mérite de cette régénération revient pour
une bonne part à la jeunesse du corps enseignant, dé-
i88 HISTOIRE
sireuse de faire ses preuves, lorsqu'on était sans cesse
à lui opposer l'ancien régime et les instituteurs de
robe longue. Une mention est due à ceux de ces
jeunes gens, devenus depuis des hommes de mérite,
qui trouvèrent dans notre collège le premier emploi
de leur talent. Ce sont des contemporains, sur lesquels
nous n'aurons pas à nous étendre beaucoup.
M. Jules Pierrot, formé à l'École normale, huma-
niste d'un goût consommé, l'un des meilleurs profes-
seurs de rhétorique de ce siècle-ci, fit, à plusieurs re-
prises, des conférences à nos rhétoriciens jusqu'en
1830. Il avait déjà passé par cet emploi lorsqu'il per-
dit la chaire de rhétorique du collège Bourbon, pour
avoir, dans le discours latin prononcé à la distribu-
tion du grand concours de 1819, représenté Mirabeau
comme le plus éloquent de nos orateurs politiques. A
la nouvelle de sa disgrâce, M. de Lanneau lui écrivit
que, puisque l'Université lui fermait sa porte, Sainte-
Barbe lui ouvrait la sienne ; qu'il y revînt, et qu'il y
trouverait encore la place qu'il avait précédemment
Qccupée. M. Pierrot accepta cette offre, et en conserva,
toute sa vie une inaltérable reconnaissance. On en
verra une preuve plus loin, par ses bons procédés
envers notre collège, lorsqu'il fut devenu proviseur de
Louis-le-Grand.
M. Desmichels, autre élève de l'ancienne École
normale, naguère recteur des académies d'Aix et de
Rouen, qui a contribué par son enseignement et par
ses livres au réveil des études historiques, entra à
Sainte-Barbe comme professeur de seconde, à la fin
de 1816.
M. Desforges, homme déjà mûr, maïs jeune par le
DE SAINTE-BARBE. 189
talent et par les idées, capliva pendant sept ans consé-
cutifs nos humanistes des classes intérieures. Il fit, de
1817 à 1823, d'abord la troisième, et ensuite la se-
conde. Ce fut son beau temps. Des infirmités précoces
éteignirent ce brillant professeur , qui termina sa car-
rière universitaire dans Tune des chaires de rhétori-
que de Louis-le-Grand.
M. Alexis de Jussieu, qui fut tour^ tour préfet de
TAin, de la Mayenne, dé la Vendée et de la Vienne,
servit Sainte-Barbe, avant de s'enrôler dans la poli-
tique.- C'était un aimable esprit, sympathique à la jeu-
nesse, sur laquelle il exerçait par sa parole une $orle de
fascination. D'excellents résultats furent produits par
un cours de littérature qu'il professa, en 1 823 et années
suivantes^devant toutes les classes d'humanités réunies.
Goubaux, instituteur recommandable au premier
chef sous son nom de Goubaux , dramaturge con-
stamment applaudi sous le pseudonyme d'Arthur
Dinaux, enseigna le grec à Sainte-Barbe pendant cinq
ans. C'était dans le temps que l'étude du grec était en-
core facultative pour les élèves ins,truits dans l'inté-
rieur de la maison, état de choses qui cessa en 1821
seulement, par suite de l'ordonnance qui mit l'examen
du baccalauréat sur le pied où il est encore aujour-
d'hui.
Tout en faisant ses leçons à nos barbistes, Gou-
baux eut l'idée de fonder un pensionnat, dont il était
loin de prévoir alors la prospérité future. L'entre-
prise, au commencement, ne lui rapporta que des
tribulations. Il aurait succombé, sans l'assistance pa-
ternelle de M. de Lanneau qui, après l'avoir aidé de
ses propres moyens, lui fit obtenir du généreux Jac-
iOO HISTOIRE
ques Laffîtte une avaâce de fonds. Goubaux a publié
ce trait de bienfaisance dans un livre qu'il fit paraître en
1 822*, et en Thonneur du directeur de Sainte- Barbe, il
donna à son établissement, relevé au moyen du secours
qu'il avait obtenu, le nom à' Institut Saint-Victor. De
la rue d'Enfer, où elle était placée d'abord, cette
maison fut transportée en 1 825 dans la circonscription
du collège BoiV'bon. Peu à peu son cbef y organisa
Vetisex^nementàxi professionnel^ auquel elle a fini par
être entièrement consacrée. La ville de Paris en fit
l'acquisition en 1845, et lui donna le nom de Collège
François 1**. C'est aujourd'hui le collège Chaptal.
Feu Philippe Le Bas , helléniste de l'école de Bois-
sonade, membre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, débuta dans l'enseignement par des
leçons de grec élémentaire, à Pusage des élèves qui
devaient suivre plus tard le cours de Goubaux. Il
quitta Sainte-Barbe aux vacances de 1 820, parce qu'il
fut appelé à Augsbourg par la reine Hortense, pour
diriger l'instruction du prince qui est aujourd'hui l'Em-
pereur des Français.
M. Hiiguet, mort des suites d'une chute en 1853,
étant professeur de troisième à Saint- Louis, homme
de beaucoup d'esprit et d'un talent supérieur pour
l'enseignement, accomplit à Sainte -Barbe la plus
grande partie de sa carrière. Il y entra en 1 81 7 comme
professeur de cinquième; depuis il fut maître de confé-
rences pour toutes les classes d'humanités.
MM. Cuvillier-Fleury, Boitard, Louis Hachette exer^
i . Esquisses des mœurs françaises à différentes époques, In-8®.
Paris, Arthus Bertrand, 4822.
DE SAINTE-BARBE. 191
cèrent simultanément l'emploi àH examinateur ^ qui
consistait à lire, pour le contrôle du travail quotidien^
les devoirs des élèves suivant les classes du Collège
royal. Il sera parlé de M. Cuvillier-Fleury dans la
suite de cette histoire. Boitard est Fauteur des Levons
de procédure cwile^ le savant regrettable dont la mort
précoce fut une si grande perte pour l'enseignement
du droit. M. Hachette, naufragé dé l'Ecole normale
qui sombra en 1822, s'est fait un nom européen par
le commerce de la librairie.
Le dernier ministre de la Justice, aujourd'hui pre-
mier vice-président du Sénat, M, Delangle, exerça à
la fois les deux emplois de professeur de septième et
d'inspecteur du Pelit-collége en 1 81 7. Philippe Dupin,
qui était son compatriote et son camarade d'en-
fance, l'exhorta à tourner ses vues du côté du barreau.
Ainsi lui fut ouvert l'accès aux dignités dont il a at-
teint le faîte.
M. Frédéric Dufour, fondateur du Courrier de TAin^
membre depuis de longues années du Conseil général
de son département; M. Jubé, élève de la maison,
chef d'une institution justement recommandée ; M. La-
motte, décédé inspecteur de l'enseignement primaire,
""à l'organisation duquel il travailla avec zèle et intelli-
gence; M. Cirodde, qui eut le renom, en son vivant,
d'un admirable professeur de mathématiques; M. Ras-
pail, dont la vocation première fut l'enseignement,
remplirent à Sainte-Barbe, entre 1816 et 1821, les
fonctions de maîtres d'étude. Le dernier était nou-
vellement sorti du séminaire d'Avignon, où il avait déjà
régenté en scolastique et en théologie. Il a laissé dans
la mémoire de ses élèves le souvenir d'un maître re-
192 HISTOIRE
douté. Quant à M. Cirodde, on Ta revu plus tard à
Sainte-Barbe; il fut l'un des professeurs qui contri-
buèrent aux preniiers succès de l'École préparatoire.
CHAPITRE XII.
Retraite de M. de Lanneau père. — Direction de M. de Lanneau fils. —
Affaire du renouvellement des diplômes des chefs d'institution. — Ré-
tablissement des séances littéraires dans les deux Sainte-Barbe, —
Chansons du A décembre. — M. Cuvillier-Fleury préfet des études. —
Tentatives de réforme en matière de récitation. — Retour de M. de
Lanneau père au Collège. — Sa mort, r — Détails sur sa personne.
Au mois de septembre 1823, M. de Lanneau dé-
posa définitivement le pouvoir, que depuis 1814 il
n'exerçait plus que sous des noms d'emprunt. En se
posant comme propriétaire-administrateur de la mai-
son dans la lutte avec «M. NicoUe, il avait trop affiché
que c'était lui qui remplissait toujours les fonctions
de Directeur. On voulait que cela finît. Les menaces
arrivaient à ses oreilles de tous les côtés et sous toutes
les formes. Il n'était question de rien moins que de
fermer l'établissement. C'est pourquoi il jugea le mo-
ment venu de se soustraire à la tendre déférence d'un
fils qui faisait tous ses efforts pour le retenir. Il prit
son exeat^ comme il disait, pour aller goûter le repos
dans son Tusculum, dans son manoir de Bard. C'était
le berceau de son enfance, un lieu animé par une po-
pulation intelligente de vignerons qui mettaient le
DE SAINTE-BARBE. 193
nom de Ijinneau et la Chaçte constitutionnelle pres-
que à régal des bonnes vendanges. Le Directeur de
Sainte-Barbe régnait sur eux d'un pouvoir incontesté.
Il n'élait plus leur seigneur, mais leur bon voisin et le
propriétaire équitable de plusieurs d'entre eux, appli-
qué constamment à civiliser et à moraliser le pays. Il
ne fit pas servir à autre fin Tautorité de maire, dont il
fut investi quelque temps sous le ministère Decazes,
Dès 1810, il avait fondé une école dans la commune,
et c'est de sa bourse que l'instituteur fut toujours rétri-
bué. Ayant semé les bienfaits, il recueillait la recon-
uaissance.
Jusque-là, M. de Lanneau s'était rendu tous les ans
à Bard pour passer ^e temps des vacances, et toujours
il était parti pour ce voyage avec la joie d'un écolier.
Ce fut un bonheur pour lui de songer que désormais
les moments de son séjour au cher village ne seraient
• *plus comptés. Quoiqu'il sentît qu'il quittait son élé-
ment, que le collège lui manquerait plus d'une fois,
il s'éloigna en se consolant et en consolant les siens
de la pensée que la distance ne l'empêcherait pas de
surveiller son œuvre, ni de s'en rapprocher aussi
souvent que le regret de la séparation deviendrait
trop vif.
M. Adolphe de Lanneau, qui lui succédait, était
déjà rompu par une longue habitude au gouverne-
ment de la maison; mais ce n'est pas sans passer par
bien des traverses qu'il avait pu s'arrêter à une car-
rière pour laquelle sa naissance l'avait désigné. Lors-
qu'il achevait ses études, en 1812, l'idée de la con-
scription , qu'on voyait devenir de plus en plus
implacable, tourmentait beaucoup sa famille. Le père
m 13
194 HISTOIRE
fit part de ses iaquiétudes au général Mathieu Dunias^
soD ancien condisci[>le et sop ami» qui iui proposa de
prendre le jeune homme avec lui, et de lui faire pas-
ser son temps de service le moins durement possible;
pour commencer y il l'attachait à sa personne en qualité
de secrétaire. C'est ainsi que M. Adolphe de Lanneau
fit la campagne de Russie, épreuve plus rude pour lui
que ne Vavait prévu son protecteur : il y eut les pieds
gelés. L'année suivante, il eotra dans rintendance mi-
litaire. Victime de la violation de la capitulation de
Dresde, il passa dix mois de captivité dans une forte*
resse de la Bohême. En 1815, âgé seulement de dix-
neuf ans^ il fut commissaire des guerres delà division
Foy sur les champs de bataille de Ligny et de Water-
loo, puis remplit les mêmes fonctions dans le fort do
Vincennes, jusqu'au jour où le général Daumesnil re-
mit son commandement. C'est lui qui rédigea la ccht-
respondance échangée avec les chefs de l'armée alliée/
lorsque ceux-ci proposèrent à riiéroïque général une
honteuse capitulation. Il fut envoyé de là à Dijon,
sous l'ordonnateur Maret. La mort de M. Mouzard
lui fit abandonner le service, pour revenir seconder
son père.
M. Adolphe de Lanneau servit d'abord à Sainte^
Barbe comme préfet des études du petit et du moyen
Collège. C'était l'époque où M. Adam était en nom
dans l'établissement. En 1819, quoiqu'il n'eût point
atteint Page requis pour obtenir le diplôme, il reçut
le conseil, auquel l'honorable M. Adam s'assoda tout
le premier, de sollicitai une dispense. U alla voir à cet
eflet Royer-CoUard, qui fut charme de ses booms far
çoiis et de sa gravité précoce. L'austère philosophe
DE SAINTE-BARBE. i95
eut ayec lui un moment d'expansion. Il lui raconta
diverses choses de son enfance; il lui demanda, entre
autres^ si Ton voyait encore son nom, qu'il se souvenait
d'avoir gravé sUr Tun des arbres du collège de Reims,
lorsqu'il y demeurait comme étudiant; puis après des
louanges, bien flatteuses de sa part, au sujet de l'ini-
tiative qu'avait prise autrefois M. deLanneaupère,etde
l'influence salutaire exercée par Sainte -Barbe sur le
rétablissement des études, il accorda au fils une au-
torisation provisoire ayant valeur de diplôme, jusqu'à
la délivrance de celui-ci. Il le congédia en Texhortant
à se marier, à prendre femme (c'est le mot dont il se
servit), afin d'acquérir plus de poids aux yeux du
inonde. On voit, parce dernier trait, toute la distance
qui ^parait Royer-CoUard de son collègue à la Com-
mission de rinstructioti publique, l'abbé Élîçagaray.
La levée de boucliers qui procura Texistence à la
Sainte-Barbe de la rue des Postes trouva M. A. de Lan-
neau muni de son diplôme. 11 ne demandait pas mieux
que d'entrer dans la lice ; mais son père jugea préféra-
ble de le tenir à couvert: il l'empêcha même d'accepter
la partie, lorsqu'elle fut offerte à lui personnellement
par l'abbé Nicolle. Celui-ci conclut de là que notre
Collège avait pris en gré son mauvais sort, et il tenta
d'obtenir une réconciliation, si elle pouvait avoir lieu
sans rien changer aux termes dans lesquels on se trou-
vait départ et d'autre. M. A. de Lanneau, mandé un
soir en Sorbonne, fut durant un long entretien l'objet
des caresses et des protestations de bienveillance du
séduisant abbé. se retira confondu de tant d'amabi-
lité et de tant de grâce.
L'abbé Nicolle avait voulu voir, el il avait vu. Le
196 HISTOIRE
fils ne lui ayant pas paru d'une pâte plus maniable
que le père, il ne recommença plus ses avances. La
guerre contre notre Sainte-Barbe continua sourde-
ment. C'est alors que se dessina en perspective le pé-
ril que M. de Lanneau père voulut détourner par sa
retraite. Mais plus Tinimitié est puérile, plus elle est
implacable. Aucun sacrifice n'était dans le cas d'as-
souvir celle à laquelle les nôtres cherchaient à se sous-
traire. Après que le rival abhorré se fut retiré de la
scène, on prépara de nouvelles vengeances. L'affaire
de la Saint-Charlemagne de 1824 en fut l'occasion.
Du V juin 1822 au 8 avril 1824, pendant vingt-
deux mois, r Université fut un corps à deux têtes. On
avait rétabli la dignité de Grand-maître en faveur de
M. Frayssinous, tout en laissant subsister l'imniense
pouvoir de l'abbé Nicolle. Il résultait de là, dans la
haute administration de l'enseignement, une lutte in-
testine que les autorités cherchaient à pallier de leur
mieux, et leur façon de prouver leur entente était de
donner en toute occasion des marques de leur dévoue-
ment à la même cause. Le refus de porter la santé du
roi dans un Collège royal, et d'autres indices qui pa-
rurent non moins alarmants, réunirent le Grand-maî-
tre et le recteur dans un sentiment commun de
répression. Une ordonnance fut sollicitée du roi
pour introduire d'urgence plusieurs réformes dans
l'instruction publique, réformes dont Tune était
l'obligation imposée aux chefs d'institution et maî-
tres de pension de faire renouveler leurs diplômes
dans le délai de dix-huit mois. Sur ce point M,
Frayssinous et M. Nicolle étaient d'accord; mais le
Grand-maître, sans prendre l'avis du recteur, voulut
DE SAINTE-BARBE. • 491
profiter de la circonstance pour augmenter Faction du
pouvoir, en assurant son unitë. Il fit mettre par la
même ordonnance le rectorat de TAcadémie de Paris
dans ses propres attributions.
L'ordonnance royale, promulguée avec cette addi-
tion, le 8 avril 1824, perça le cœur de Tabbé Nicolle.
Lui, qui avait été recteur tout-puissant, ne consentit
pas à devenir seulement la main agissante du Grand-
maitre investi du rectorat. Il donna sa démission.
Quant à la mesure concernant les diplômes, elle
était inintelligible par elle-même, car les diplômes
avaient été déjà renouvelés dans le temps où Ton avait
effacé des actes les traces du régime impérial. Un
commencement d'éclaircissement fut donné par la cir-
culaire qu'on envoya dans les Académies en même
temps que le texte de l'ordonnance, (c Des institutions
et pensions, » y était-il dit, « ayant excité des plaintes
graves, il y a lieu d'espérer que le délai accordé pour
le renouvellement des diplômes donnera le temps à
ceu^ des chefs et maîtres qui auraient des reproches à
se faire, d'extirper les abus qu'ils ont laissé s'intro-
duire, et qu'en se conformant à vos sages conseils, ils
finiront par mériter d'être autorisés à continuer leurs
fonctions. »
Ainsi on voulait avoir raison d'un certain nombre
d'instituteurs dont on n*était pas content, et les rec-
teurs avaient mission d'amener à résipiscence ces sujets
mal notés; si non, d'en débarrasser l'Université dans
le délai presci^it.
L'explication finale est dans ce qui se passa à l'égard
de Sainte-Barbe.
Les diplômes retirés aux instituteurs de l'Académie
198 . HISTOIRE
de Paris ne tardèrent pas à leur être rendus. M. A. de
Lanneaualla comme les autres pour recevoir le sien.
La pièce manquait à Tappel. L'employé chargé de la
distribution, après l'avoir cherchée inutilement, dit
qu'il fallait s'adresser à M. le vice-recteur. Demande
d'audience au vice-recteur, qui l'accorda, mais ne s'y
présenta pas. C'est avec son secrétaire que M. de Lan-
neau eut à s'expliquer.
Le secrétaire avait préparé son discours. Il dit une
infinité de choses, dont le sens se réduisait à ceci :
L'institution de Lanneau était partout renommée à
cause des bonnnes études qu'on y faisait. Son chef
actuel se montrait, pour continuer cette réputation, le
digne élève de son père ; mais il courait des bruits fâ-
cheux sur les opinions politicpies et religieuses qu'on
professait dans la maison. Quoiqu'on ne doutât point
à l'Université et à la Sorbonne que ces bruits ne fus-
sent dénués de fondement, cependant leur persistance
exigeait que Ton fît quelque chose pour détromper le
public. M. de Lanneau fermerait la bouche aux'^é-
disants, s'il allait un dimanche communier à l'église
Sainte-Geneviève.
L'église Sainte-Geneviève ou Panthéon était alors
desservie par une communauté de missionnaires. Ces
prêtres, préférés dans un certain parti à ceux des pa-
roisses, dirigeaient des exercices de piété dont on s'en-
tretenait beaucoup à Paris. Ils avaient institué des con-
férences où l'on chantaitdes cantiques en l'honneur de
la Foi et des Bourbons, avec un accent de provocation
au retour du bon vieux temps, qui alarmait les amis
de toutes les libertés. Leur religion, en un mot, était
imprégnée d'une forte teinte de politique.
DE SAINTE-BARBE. 499
M. de Lanoeau ne trouva pas honnête la proposition
du secrétaire de TÂcadémie ; Tabbé Bumier-Fontanel,
doyen de la Faculté de théologie, à qui il en fît part,
en exprima de Tindignation. Le Panthéon ne fut donc
pas témoin de Tacte à l'accomplissement duquel était
subordonnée la délivrance du diplôme. Pendant plus
d'un an, le directeur de Sainte-Barbe fut dans une an-
goisse extrême, attendant l'arrêt d'expukion qui ne
pouvait manquer de l'atteindre à l'expiration du délai
fixé par l'ordonnance. Heureusement M. Frayssinous,
de Grand-maitre qu'il était, devint dans l'intervalle
ministre des Affaires ecclésiastiques et de l'Instruction
publique*; il eut un secrétaire général^ avec lequel on
put traiter les affaires délicates.
M. Frayssinous était un ancien de l'Université im-
périale. Sous Napoléon I", il exerça les fonctions d'in-
specteur général. Dans ses tournées, il avait pris en es-
time Sainte-Barbe et Thomme dévoué qui la dirigeait.
Toutes les fois qu'il abordait M. de Lanneau, son pre-
mier mot était : « Combien d'élèves chassés cette an-
née? » Il se réjouissait qu'il y eût toujours une
réponse dans le sens de sa question, car il avait cou-*-
tume de dire que c'était à ces exécutions qu'il recon-
naissait les véritables instituteurs d'avec ceux pour qui
l'éducation n'est qu'une affaire de commerce.
Dans sa correspondance avec le directeur de Sainte-
Barbe il n'usait que de paroles obligeantes. Celui^
ayant fait un peu attendre Tun de ces rapports qui^à
tout instant étaient exigés des chefs d'institution dans
les dernières années de T Empire, M. Frayssinous lui
1. Ordonnance royale du 26 août i 824 .
200 HISTOIRE
écrivit, lorsqu'il eut reçu sou travail : « Quand on fait
les choses aussi bien^ il n'est pas étonnant qu'on y
mette plus de temps que les autres^ »
Le souvenir de ces bons procédés fit regarder
I élévation de M. Frayssinous à la dignité de Grand-
maitre comme un événement heureux pour Sainte-
Barbe. On ne s'attendit point à sa faveur, qu'il
lui eût été impossible d'accorder sans manquer à ses
engagements de parti, mais on espéra de sa justice
quelque répit aux misères qu'on endurait. Les élèves
le surent; deux rhétoriciens, Alloury et Albert Berçoet
composèrent à son intention des vers latins^ qui furent
bien reçus. C'était à l'occasion du retour du duc d'An-
gouléme après l'expédition d'Espagne. L'une des piè-
ces contenait la demande d'un congé, afin que la jeu-
nesse des écoles put aller voir les réjouissances dont la
ville fît les frais en l'honneur du prince. Le congé fut
accordé.
Lorsque M. Frayssinous, ministre, fut instruit de la
situation de M. A. de Lanneau dans TafTaire des di-
plômes, il témoigna n'avoir rien su de ce qui s'était
passé, et ne cacha pas le déplaisir que cela lui causait.
II donna des ordres pour que le diplôme fût rendu.
Ainsi s'évanouit la menace contenue dans l'ordonnance
de 1824; mais la pauvre Sainte-Barbe saigna long-
temps de cette blessure. L'acte réparateur n'avait point
eu de publicité. La malveillance en profita pour conti*-
Huer à répandre des propos sinistres. On alarmait les
1. Lettre du 16 novembre 1810.
2. Séance annuelle de llnstitulion, Maison de Saînte-Barbe,
dirigée par M. de Lanneau fils. In-8«, 1823, imprimerie de Cra-
pelet.
DE SAINTE-BARBE. 201
familles en leur représentant le peu de garantie d'une
maison qui ne subsistait que par tolérance, et que,
d*un moment à l'autre, un commissaire de police pou-
vait venir faire évacuer. La persistance de la calomnie
obligea M. A. de Lanneau de faire imprimer, pour la
rentrée de 1826, une circulaire où il instruisait de la
vérité ses amis et les parents de ses élèves*. Mais trop
peu de personnes reçurent cet avertissement, et trop
d'autres gardèrent leurs préventions.
L'état des choses resta le même jusqu'à la fin de la
Restauration. On eut constamment à souffrir des me-
nées occultes de Tennemi; seulement l'autorité supé-
rieure ne fut plus mise en jeu pour seconder ces
menées; et lorsque des agents subalternes cherchèrent
à molester la maison, sans même avoir besoin de re-
courir au ministre, elle trouva aide et confort auprès
de rhonorable M. Rousselle, chargé de la direction de
r Académie de Paris.
Cependant le Collège de la rue des Postes poussait
vivement sa concurrence, et mettait en relief par tous
les moyens de publicité les jeunes talents qu'avait
déjà développés dans son sein une culture habile. Les
élèves de MM. de Fauconpret, Poret, Rinn, Michelet,
après avoir brillé dans les concours, furent appelés à
se produire dans des solennités qu'un choix de per-
sonnages éminents, invités par labbé NicoUe, déco-
raient de leur présence. C'était la Séance littéraire
d'autrefois, renouvelée non pas seulement de l'an-
cienne Sainte-Barbe, mais aussi de la moderne, car
i . Une page imprimée sous le titre lïaviSy à la date du i^^ juil-
let j 826.
203 HISTOIRE
M. de Lanneau père avait porté dès le commencement
ces exercices sur son programme, ils avaient lieu deux
fois par an, à la Saint-Jean et à Noël. Us cessèrent
lorsque TUniversitë impériale poussa à outrance son
système d'uniformité. M. A. de Lanneau fut stimulé
par l'exemple de ses rivaux. Au risque de passer pour
un plagiaire, lorsqu'il ne faisait que retourner aux
errements paternels^ il rétablit les séances littéraires
dans sa maison.
Les Débats embouchèrent la trompette pour publier
le mérite des exercices de la rue des Postes. Les
exercices de la rue de Reims eurent à leur tour des
panégyristes dans le Constitutionnel^ dans le Globe et
dans d'autres journaux de la presse qui chantait ]a
contre - partie des Débats. Pauvre vieille rédaction
des Débats ! elle jouissait de son reste. Le plaisir
d'agacer notre Sainte-Barbe, qu'elle se donnait de-
puis vingt-cinq ans, tirait à sa fin, et elle ne s'en
doutait nullement. Elle ne prévoyait pas que la
cocarde allait changer, que l'esprit se transformerait
du même coup, que les pseudo-barbistes, devenus les
vrais et seuls barbistes^ seraient sous peu reçus à bras
ouverts et logés dans tous les coins du journal. Que
de choses incroyables recèle souvent dans son sein
l'avenir le moins éloigné I
Donc, depuis 1823 jusqu'en 1830, nos meilleurs
humanistes furent admis à faire entendre en public
des morceaux de leur composition, qui étaient im-
primés ensuite *. Dans l'auditoire qui les écoutait, il
1 . Sous le titre de Séance litténUre annuelle^ ou à' Exercice lit'
téraire annuel^ 7 broch. m-8», 1824-1829, imprimerie Crapelet.
DE SAINTE-BARBE. 203
•
n'y avait pas de ducs et pairs, mais beaucoup
d'hommes de goût, joints à de grands citoyens. L'or-
donnateur de ces fêtes fut au commencement M. Cu-
villier-Fieury, préfet des éludes du collège. Il faut
noter, comme un signe du temps, qu'une teinte de
romantisme apparut dans plusieurs des pièces compo-
sées depuis I8269 soit parce que des professeurs
introduisaient déjà dans leurs leçons l'analyse des
meilleurs morceaux de Lamartine et de Chateaubriand,
soit parce qu'il est impossible, avec le régime scolaire
de notre siècle, que la jeunesse demeure insensible
aux impressions dont le monde est affecté.
Ce serait pécher par omission que d'avoir insisté sur
la Séance littéraire de Tintérieurdu Collège et de ne rien
dire de la Séance littéraire du dehors, car on peut ainsi
appeler le régal de vers et de chansons ajouté aux
banquets annuels du 4 décembre. Celui de 1 81 6 avait
eu cet assaisonnement; la même chose, répétée aux
réunions suivantes, fixa l'usage., si bien qu'il subsiste
encore aujourd'hui, du moins quant aux chansons.
Le Collège, sa patronne, la fraternité dont il est le lien,
furent depuis l'origine le sujet intarissable de ces com-
positions, pour lesquelles les événements du jour
fournirent chaque fois la couleur, la' saveur, les traits
particuliers qui les*distinguent. De charmants esprits
ont fourni beaucoup à ce répertoire : Va tout. Scribe,
Varner, Corcellet, Gordon, Bayard, pour ne parler que
des morts; et un autre mort, dont le nom se présente
ici, c'est Adolphe Nourrit, l'un des fidèles au rendez-
vous de chaque année, qui chanta souvent ces chan-
sons de sa belle et intelligente voix.
La muse qui se produit à table a le droit d'être sans
204 HISTOIRE
façon ^ surtout quand les convives sont tous des ca-
marades* Celle de Sainte-Barbe a usé de la permis-
sion, et personne ne s'est jamais choqué de ses négli-
gences, pourvu qu'elle rendît les sentiments dont on
était animé. Or c'est ce qu'elle n'a pas une seule
fois manqué de faire, soit qu'elle le prît sur le ton
belliqueux ou moqueur, soit qu'elle se montrât sé-
rieuse ou attendrie. Par là elle est devenue la messa-
gère qui porte aux absents l'impression du jour, et
qui va réveiller en eux la mémoire de Tancienne
amitié*
Toutes les vicissitudes du collège, tous les événe-
ments heureux ou glorieux pour ses enfants ont eu
leur écho dans ces chansons. C'est la chronique du
dedans et du dehors. Le changement de fortune, et
peut-être aussi celui des mœurs, ont donné avec le
temps un tour différent à l'esprit, qui s'est porté de
plus en plus à la douceur et à l'indulgence. Depuis
des années on se contente de louer ceux qu'on
aime, sans mordre ceux qu'on n'aime pas. La plaisan-
terie, lorsqu'elle trouve sa place, est anodine et ne
s'en prend qu'aux généralités. 11 n'en fut pas ainsi du
temps de la Restauration. Les chants du banquet
étaient alors des chants de guerre et de vengeance. Ils
exprimèrent par d'incessantes railleries qu'on ne se
tenait pour battu par aucun des ennemis de l'ordre
nouveau, qu'on les narguait tous, ultras^ ventrus et
jésuites, et que, dans la lutte qui s'agitait, les anti-
ques condisciples Loyola et NicoUe n'auraient pas le
dernier. Quels éclats de rire, le jour où l'on put met-
tre en opposition M. Frayssinous, compatissant pour
Sainte-»Barbe, avec les dominateurs qui croyaient tenir
DE. SAINTE-BARBE. 205
ce ministre dans leurs chaînes^ 1 Quelle allégresse,
lorsque Tun des premiers élèves de M. de Lanneau
qui atteignît quarante ans, le vicomte Louis Le Mer-
cier, fut élu député de TOrne, avec le mandai d'aller
voter pour l'alTranchissement de la presse et contre
les envahissements de la congrégation^ l
Mais c'est assez longtemps nous éloigner du collège.
M. Cuvillier-Fleury, dont le nom a été prononcé tout
à l'heure, nous y ramènera.
M. Cuvillier-Fleury, élève de Louis-le-Grand, rem-
porta le prix d'honneur au concours général de 1 81 9.
Ce succès eut un retentissement particulier. L'admi-
nistration du Collège royal fit peindre le portrait dii
lauréat, ce qui fut l'origine d'un usage constamment
observé depuis. Le parti libéral se réjouit de voir la
première palme dans les luttes universitaires méritée
par un orphelin, dont le père avait été aide-de-camp
du général Hoche et officier dans le palais du ci- de-
vant roi de Hollande. C'est à la personne de ce prince
que s'attacha d'abord M. Fleury. Il alla le rejoindre à
Florence dans son exil, et lui servit de secrétaire pen-
dant un an. Revenu en France, il fut recommande
par M. Malleval, son ancien professeur, à M. de Lan-
neau. Nous l'avons vu employé à Sainte-Barbe comme
examinateur. Par la manière dont il s'acquitta d'une
conférence qui lui fut confiée ensuite, il montra qu'il
était fait pour un poste plus élevé. INul ne parut plus
digne au vieux Directeur, qui prenait sa retraite , de
partager avec son fils le fardeau du gouvernement.
\, Chanson de Cadet-Gassicourt au banquet de 1824, t. I,
p. 171 , des Fêtes annuelles des anciens élèves de Sainte-Barbe.
2. Strophes de James Gordon, aubanquet de 1827, ibid,^ p. 265.
206 HISTOIRE
M. Cuvillier-Fleury accéléra de toute Tardeur de sa
jeunesse l'impulsion déjà donnée, mais avec une at-
tention extrême à ne pas faire du mieux Fennemi du
bien. Il n'admit la nouveauté que dans la mesure ap-
prouvée par M. de Lanneau père, dont M. Adolphe et
lui ne cessaient d'interroger l'expérience. Par des
cours supplémentaires, auxquels il s'employa lui-
même, il tint les hautes classes incessamment occu-
pées, et il acheva d'éteindre Tesprit de révolte, les
élèves n'ayant pas le temps de songer à mal faire. Par
les Séances littéraires, il voulut que ces mêmes jeunes
gens, mis en présence d'hommes sérieux, entrevissent
le vaste champ des appUcatious où leur talent aurait à
s'exercer bientôt; et là encore le résultat ne démentit
pas son attente. Il n'eut qu'à se louer de l'intelligence
et du sentiment qui entrèrent dans les compositions.
Il aurait désiré quelque chose de plus. Choqué du
ton uniforme qui fait de la récitation des écoliers une
insupportable psalmodie, il jugeait nécessaire de les
former à l'art de bien dire: Cet enseignement fit partie
des programmes de la Renaissance. Sous Louis XIII,
Jean Grangier le prescrivait encore dans son règle-
ment du collège de Beauvais^ Comment et pourquoi
s^est^il perdu? On l'ignore, mais il est certain que le
mauvais débit de la parole dans les classes procède
de l'ancienne Université. C'est une routine entretenue
par on ne sait quel respect humain, qui, parmi les
jeunes gens, attad^e du ridicule au moindre essai
d'une intonation plus soignée.
i. De l'Estat do collège de Dormans, dit de Beaurais, fondé en
rUniversilé de Paris. lDi-4% 1638.
DE SAINTE-BARBE. 207
Pour remédier à ce mal^ Sainte-Barbe avait com-
mencéy en 1806, des essais qui furent interrompus^
toujours par cette malheureuse prétention de T Univer-
sité naissante à ne pas souffrir que l'on fît dans les
établissements particuliers autre chose que ce qu'elle
prescrivait de faire dans les établissements de l'Etat.
Du temps de la Restauration, ni les conseils, ni l'attrait
de sa faire entendre en public ne purent surmonter la
fausse honte de nos bai;bistes. Aux Séances littéraires,
il fallut que les maîtres lussent pour eux leurs compo-
sitions.
M. Cuvillier-Fleury, désolé de cela, résolut d'établir
des exercices réguliers de déclamation. Une première
tentative causa plus de dissipation qu'elle n'eut de pro-
fit. D'ailleurs elle devint un texte pour la médisance,
qui empoisonna la pure et utile in tenticHi de ce cours.
Cependant notre préfet des études ne se laissa pas dé-
courager par les obstacles. U comptait opérer sa ré-
forme par un autre moyen. Il n'en eut pas le temps. Il
fut eiAevé à Sainte*Barbe, pour aller faire, dans le pa-
lais du duc d'Orléans, l'éducation d'un prince qui lui
doit de posséder, comme consolation dans son infor-
tune^ non-seulement le goût des belles-lettres, mais
encore le talent de les cultiver.
Vers le même temps, notre collège reçut le dernier
hommage dont il ait été l'objet de la part dé Topinion
libérale. Il fut choisi par le Comité grec de Paris pour
recevoir les fils de plusieurs des fondateurs de l'indé-
pendance hellénique. M. de Lasteyrie^ président du
Comité, et le général laFayette amenèrent eux-mêmes à
M. de Lanneau sept de ces enfants, qu'on avait mis
d'abord dans de petites pensions pour les familiariser
208 HISTOIRE
avec le français. Dans le nombre figurait l'un des fils
de Tamiral Canaris, le malheureux Thémislocle, qui
périt dernièrement dans Téchauffourée de la gendar-
merie d'Athènes*.
Les Grecs furent bien accueillis dans une maison où
Ton avait salué avec enthousiasme la régénération de
leur pays. Les désastres de Pargaet d'Ipsara inspirè-
rent, en 1823 et 1824, Télève Petiljean, Tun des bons
humanistes de Sainte-Barbe *^ les honneurs de la
Séance littéraire de 1826 furent pour un Grec de
Zanthe, Napoléon Zambelly, qui y apporta un avant-
goût de ces chants nationaux, dont Fauriel allait donner
la traduction. Zambelly n'était point sous la tutelle
du Comité philhellène. Les îles Ioniennes, dont
Zanthe fait partie, jouissant de l'autonomie' sous le
protectorat anglais, n'avaient pas eu à s'engager dans
la guerre de l'indépendance. C'est le cas de rappeler
que ces îles furent à deux reprises réunies à la France,
du temps de la République et du temps de l'Empire.
Notre Collège avait eu des rapports avec elles dès Té-
poque de leur première annexion. Lorsque M. de Lan-
neau venait de rouvrir la maison, il y reçut deux jeunes
gens de la famille Bourbaky, envoyés avec d'autres,
sur l'ordre de Bonaparte, pour prendre à Paris notre
instruction et nos mœurs. Voilà où en était l'alliance
hellénique à Sainte-Barbe en 1827.
Les jeunes protégés du Comité grec furent l'objet
d'un empressement universel. Dans le grand monde
libéral, on sollicita comme une faveur la permission
i. Octobre 1862.
2. Deux pièces de vers latins, imprimées dans le livret des Scan-
ces littéraires de i823 et 4824.
DE SAINTE-BARBE. 209
de les faire sortir du collège les jours de congé. A une
représentation du Théâtre-Français, Canaris, qui avait
dix ans, ayant paru dans la loge du duc d'Orléans,
tout le parterre se leva et applaudit. Après une mala-
die que fit cet enfant, dans l'été de 1827, le séjour de
la campagne fut jugé nécessaire pour le rétablir. La-
fayette voulait à toute force Tavoir chez lui, à son
château de La Grange. M. de Lanneau, qui jugeait
plus salutaire la solitude de Bard, fut obligé , pour
l'emporter, de revendiquer son droit et celui du raisin
qui mûrit aux coteaux bourguignons. Les autres per-
sonnages de marque, dont on se rappelle la sollicitude
assidue pour la petite colonie grecque, sont le comte
Capo d'Istrias, Casimir Delavigne , Ambroise Fîrmin-
Didot, secrétaire du Comité, et Mme Récamier, qui était
attachée à l'association en qualité de dame quêteuse.
Cependant M. de Lanneau père, dont l'activité n'a-
vait pas pu se plier à la vie de campagne, en était re-
venu à passer la plus grande partie de Tannée à Paris.
11 emproyait son temps à un cours de français qu'il
faisait dans une institution de demoiselles, tenue par
sa fille aînée, Mme Dupré de Lanneau. Après le dé-
part fort regretté de M. Cuvillier-Flem y, jugeant que
quatre ans de retraite avaient assoupi lescolères, et que
sa participation aux travaux de Sainte-Barbe ne ferait
plus tirer le canon d'alarme, il tint à honneur de
remplir lui-même les fonctions de préfet des études.
Il donna à la jeunesse le touchant exemple d'un père
vétéran , qui consacre sa vieillesse au service et à la
gloire de son fils. Mais l'entreprise fut au-dessus de sa
force. Quoique d'une constitution robuste, l'inquié-
tude sous toutes ses formes n'avait point cessé de fas-
III • 14
2i0 HISTOIRE
saillir depuis quarante ans. Il se sentait miné^ et ne
voulait ni le dire ni le laisser paraître.
En deux campagnes, il acheva de s'user. Des dou-
leurs rhumatismales, qu'il contracta pendant l'automne
humide et malsain de 1829, s'aggravèrent d'un acci-
dent de poitrine. Il prit le lit en février, au milieu
des froids rigoureux de 1830. Des docteurs déjà re-
nommés, ses anciens élèves, Jules Cloquet, Andral,
Émeric Smith, Déguise, associèrent inutilement leurs
efforts à ceux de M. BafTos, médecin en titre de
la maison. Il expira le 31 mars. Ses dernières pen-
sées furent pour ce qu'il avait le plus aimé en ce
monde, ses enfants, son collège, son pays. A plusieurs
reprises, il exprima le regret de ne pas vivre assez
pour voir changer le ministère, le funeste ministère
Polignac, dont gémissaient alors tous les amis de la
liberté. Il ne prévit pas que les ministres ne tombe-
raient qu'avec la dynastie, ni qu'une révolution pro-
chaine réparerait l'injustice dont il avait été victime.
Ses obsèques furent un bel hommage rendu à ses
services et à ses vertus. Le cercueil de ce modeste
instituteur fut suivi d'une escorte aussi nombreuse
que s'il s'était agi d'un citoyen enlevé à la popularité
au milieu des triomphes de la vie politique. L'église
de Saint-Etienne du Mont ne suffit pas pour contenir
la multitude des assistants. L'abbé Siret, qui était
encore curé de Saint-Séverin , voulut associer sa pa-
roisse au deuil profond qu'il portait dans son cœur. Il
fit sonner le glas au moment où le convoi passa dans
la rue Saint-Jacques. Lorsqu'on fut arrivé au champ
du repos, mille bras se disputèrent l'honneur de por-
ter le corps jusqu'au lieu de lasépulture, et les larmes
DE SAINTE-BARBE. . 211
sufFoqùèrent la plupart de ceux qui élevèrent la voix
pour lui adresser le dernier adieu.
M. de Lanneau est inhumé au cimetière du Père-la^
Chaise, sous un mausolée de marbre qui Fut élevé' par
souscription. 11 repose là, en vue de la docte mon-
tagne où s'écoula la dernière moitié de sa vie, à côté
de Tabbé Sicard et du maréchal Lefebvre, deux
hommes illustres, qui l'avaient autrefois connu et ap^
précié.
Enlevé de ce monde lorsqu'il venait d'entrer dans
sa soixante-douzième année, il ne fut point atteint
par la décrépitude. Jusqu'à sa dernière maladie, il
conserva la plénitude de ses facultés, la noblesse de
son maintien et la beauté de son visage. Il était petit
de taille, mais bien proportionné et portant haut la
tête. Sa chevelure, rejetée en arrière, à la mode du dix-
huitième siècle, laissait voir à découvert un front ma-
gnifique; d'épais sourcils ombrageaient ses yeux noirs
et perçants, que, suivant l'occasion, il savait rendre
doux ou courroucés. Tous ses traits étaient façonnés
dans le grand, et portaient l'empreinte d'une âme
élevée. Il fut en effet de ces hommes qui, ne consid er-
rant les choses que par le côté philosophique, mettent
un assaisonnement de dignité à tout ce qu'ils font,
disent ou pensent; et c'est par là qu'il rendit si dis-
tingué son talent à conduire un grand établissement
d'instruction publique.
Comme administrateur, il lui manqua de connaître
le pouvoir de Targent, ou plutôt il ne connut de ce
pouvoir que l'avantage qu'il y trouvait de se livrer aux
mouvements de sa bienfaisance. Il éprouvait une
sorte de pudeur à s'occuper de ses affaires. « L'argent,
212 HISTOIRE
les comptes, les chiffres, disait-il, sont la partie hon-
teuse de notre état. » Il avait encore pour maxime
qu'un instituteur ne doit pas chercher à s'enrichir. Le
bon état des finances consistait pour lui à pouvoir
payer les notes lorsqu'elles étaient présentées. De
cette façon, il n'eut jamais de réserve. La mauvaise
gestion de son premier associé et le marché ruineux
par lequel il y mit fin, Tinfidélité d'agents comptables
qu'il employa au commencement de son entreprise,
les désastres de 1814 et de 1815, l'obligation qui lui
fut imposée de se pourvoir d'un prête-nom en 1816,
furent pour lui l'occasion de pertes immenses. Malgré
tout cela, il fit donner à ses frais l'instruction pri-
maire à plus de quatre cents enfants pendant treize
ans que subsista sa petite école ; il entretint à Sainte-
Barbe plus de boursiers qu'il n'y en avait eu dans la
plupart des collèges fondés de l'ancien régime; il
fournit la subsistance et souvent paya des pensions de
retraite aux maîtres et aux domestiques qui avaient
vieilli dans le service de sa maison.
Nul homme ne fut plus serviable. Il aida de ses con-
seils et de ses démarches tous ceux qui eurent besoin
de lui.* Sa sollicitude était surtout acquise à ses an-
ciens élèves. 11 les suivait d'un œil attentif apiès
leur sortie du collège; leurs succès étaient les siens,
et quand il les revoyait, c'était avec la joie d'un père
reconnaissant de ce que ses fils ont répondu à son
attente.
Les écoliers, devant qui il. avait l'attention de ne
jamais se départir de sa gravité, ne pouvaient pas
croire qu'il fût susceptible d'abandon. Us se le figu-
raient armé toujours de cette parole brève, de ces
DE SAINTE-BARBE. 2i3
regards expressifs qui les frappaient de crainte ou
les remplissaient d'exaltation. Dans son intérieur
cependant, et partout où cessait l'obligation de la
discipline, il était familier, affectueux, aimable.
Quelle que fût la condition de ses interlocuteurs, il
se mettait avec une aisance sans pareille à leur por-
tée. Sa conversation était charmante, pleine de raison
et de vivacité, d'originalité et de grâce, quelquefois
avec une pointe d'ironie, le grain de sel bourguignon,
qui chez lui n'a jamais exclu la bienveillance.
Il écrivait comme il parlait. Quelques lettres, échap-
pées au naufrage de la vaste correspondance qui occupa
une partie de .sa vie, ont été recueillies par son plus
jeune fils, M. Eugène de Lanneau*.. On dirait un mé-
lange de l'esprit du seizième siècle et de celui des
temps qui précédèrent la Révolution, mélange accom-
modé d'un style qui n'appartient qu'à l'auteur. Des
tours saccadés, des loculions hasardées, des incorrec-
tions, nulle recherche; mais du feu, de la couleur,
des traits exquis de sentiment, de beaux raisonne-
ments et de fines observations, extrêmement bien
exprimées. 11 eut pour premier maître, sous le toit
paternel, un secrétaire de Buiïon, qui lui apprit à lire
dansla prose cadencée de l'illustre écrivain. Ce maître
était toujours à parler de l'harmonie du langage. Il
racontait comme quoi M. de BufTon, lorsqu'il avait
achevé quelque chose, le lui donnait à lire tout haut,
i. Recueil de lettres de P.. A. Victor de Lanneau, fondateur et
chef de l'institution de Sainte-Barbe, précédées d'une notice bio-
graphique par M. L. Quicherat, bibliothécaire à la bibliothèque
Sainte -Geneviève. — In-8°, Paris, 1831, imprimerie de Duverger;
tiré à cent-soixante exemplaires.
2ik HISTOIRE
en se tenant à un bout de la grande galerie du châ-
teau de Monlbard, tandis que le secrétaire était à
l'autre bout, et il jugeait ainsi de l'effet musical de
son style. Cette école n'aurait point été celle de
M. de I^anneau, s'il se fût livré à la composition litté-
raire. Il était fait pour concevoir et exécuter rapide-
ment. Il était animé du souffle de l'improvisation.
Il a laissé quelques ouvrages, fruits du loisir de sa
retraite momentanée, et qui ne sont que des instru-
ments de travail : un cours gradué de grammaire
française S plusieurs dictionnaires de poche \ Sa gram-
maire en valait d'autres qui rapportèrent des millions
à leurs auteurs. Elle eut un succès dont il fut presque
honteux ; rien ne put le décider à solliciter pour elle
l'approbation de l'Université. Le petit dictionnaire
de la langue française se r^impnme encore aujour-
d'hui. Son meilleur titre littéraire est le règlement
de Sainte-Barbe, dont nous avons parlé au commen-^
cément de ce volume *.
A.U moment de sa mort, la plupart des feuilles pu-
1 . Grammaire des enfants qui passent de la lecture et de récri-
ture à l'étude du français. In-.I2, 1824, 1825, 1826. ArthusBer*
trand. «-^ Grammaire élémeotaire par deEnai>^3 et par réponses,
en faveur des commençants. Ia-12, 1834. — Grammaire fran-
çaise par demandes et par réponses, en faveur des premières
ckvsses de latin. In-12, 1824. — Cours ou leçons pratiques de
grammaire française, smyies de la syntaxe, en faveur du second
et du troisième âge. In-12, 1824.
2. Diotionnaire de poch« de )a langue française, rédigé d'après
r Académie. Gr. in^32, 1824. Baudouin frères. ^^ Dicliennaire
portatif des rimes françaises, }n-3â, 1828> Fix)meDt, — • Dictiom-
«ftire de poche latin français, im-^ty 1829, Baudouin.
3. Ci-dessus, p. 15.
DE SAINTE-BARBE. 215
bliques reudireDt hommage à ses services. C'est dans
le Lycée ^ revue spéciale pour les matières d'enseigne-
ment, que parut l'article le plus étudié\ Il est de
M. Louis Quicherat, qui le retoucha depuis pour ser--
vir d'introduction au recueil de lettres publié par
M. Eugène de Lanneau. D'autres notices, composées
d'après les souvenirs personnels de leurs auteurs,
ont trouvé leur place dans nos grands répertoires
biographiques. Citons celles d'Alphonse Rabbe dans
la Biographie portative des contemporains , de Char-
les du Rozoir dans le Supplément de la Biographie
Michaud, de M. Hoguer dans la Nouvelle biographie
Didot.
Les traits de M. de Lanneau ont été souvent repro-
duits. Un tableau du peintre Marlet, qui le représente
dans le costume des docteurs es lettres de l'Univer-
sité impériale, décore le parloir de Sainte-Barbe. Son
portrait en buste, peint par l'ordre du roi Louis-
Philippe, est placé dans les galeries de Versailles, à
côté de celui de M. de Fontanes. En 1825, ses an-
ciens élèves firent frapper en son honneur une mé-
daille due au burin de leur camarade Gatteaux. Il y a
en légende, autour de la face, ces mots : Petr. Anl.
Vict. de Lanneau discipuli memores. Le revers est
occupé par une inscription dont voici les termes :
Quod bonarum litterarum disciplinas infaustis tempo-
ribus abolitas ad erudiendam juventutem in pristinis
Sanctae Barbarœ sedibus féliciter restituit , ann.
MDCCXCVIII. C'est à ce type que sont frappées les
i. N° du 12 août 1830. L'article fut tiré à part à un grand i^om-
bre d'exemplaires j in-8®, librairie Hachette.
316 HISTOIRE
médailles d'argent et de bronze que l'on distribue
comme récompenses à Sainte-Barbe.
Son buste en marbre, sculpté par Raggi, servit de
modèle .pour une copie en ronde bosse que le bar-
biste Haudebourt, architecte de son tombeau, fit en-
trer dans la composition du cippe. Une autre copie,
en pleine sculpture, fut donnée par M. Eugène de
Lanneau au Collège, qui la conserve religieusement.
C'est le génie du lieu. Cette image vénérée est trans-
portée tous les ans dans le salon où se tient le banquet
du 4 décembre, et pour toutes les cérémonies que le
Collège accomplit hors de ses murs, on la fait égale-
ment voyager. C'est la doctrine du gouvernement bar-
biste que là où est le buste de Victor de Lanneau, là
est Sainte-Barbe : touchante tradition, qui ne fait
qu'un de l'œuvre et du fondateur, et qui enseignera
dans le temps à venir que la Sainte-Barbe moderne
est fondée sur Tamour dont une jeunesse généreuse
s^ enflamma pour un homme de bien.
DE SAINTE-BARBE. 217
CHAPITRE XIII.
Révolution de 1830. — Fugitif accueilli à Sainte-Barbe. — Orphelins de
juillet. — Sainte-Barbe rétablie dans la propriété de son nom. — Revers
et embarras financiers. — L'Association amicale. — La Société du
collège. — Âcquisilion de rétablissement par les anciens élèves. —
Souscription du Roi. — La Commission de surveillance de la Société.
— Création de l'École préparatoire. — Retraite de M. Adolphe de
Lanneau.
Lé 28 juillet 1830, pendant que la classe du malin
se faisait à Louis-le-Grand, le proviseur, M, Laborie,
alla dans toutes les salles interrompre la leçon, et pré-
venir les élèves externes que les maîtres d'étude du
collège allaient les reconduire dans leurs pensionnats
respectifs. Il n'y avait rien de bien grave, disait-il ; des
malveillants, pour alarmer, faisaient partir des boites
(en ce moment la fusillade éclatait à la place Saint-
Michel); mais comme la tranquillité n'était pas parfaite,
l'administration jugeait à propos de prévenir les in-
quiétudes que les chefs d'établissement pourraient
concevoir.
Les barbistes, rentrés chez eux, trouvèrent affichée
une proclamation de leur chef, qui les invitait au tra-
vail et leur imposait silence sur des événements qu'ils
ne devaient pas chercher à pénétrer. Des décharges
réitérées les avertirent qu'un grand combat se livrait
à peu de distance. C'était l'attaque de l'Hôtel de Ville.
Bientôt ils entendirent siffler au-dessus du collège les
218 HISTOIRE
boulets tirés de la place de Grève sur le drapeau tri-
colore, qui flottait déjà au sommet des tours Notre-
Dame. On ne put pas leur cacher plus longtemps qu'il
y avait une révolution.
Sainte-Barbe a fourni beaucoup de ceux qui prirent
part à ce grand mouvement. Le nom d'un élève ex-
terne, qui était sorti depuis peu de la classe de com-
merce, Scroupsal, figure dans la liste des morts gravée
sur la colonne de juillet. Eugène Moutardier fut blessé
grièvement sur une barricadé; plus heureux, Gode-
froi Cavaignac, Thomas, Guinard, passèrent les trois
jours sous la mitraille sans être atteints. C'est Guinard
qui planta le drapeau tricolore sur le fronton du Lou-
vre. Cadet-Gassicourt, Bernard de Rennes, Bert, Adol-
phe de Lanneau, Ganneron fournirent de beaux traits
de courage civil. Ganneron, siégeant au tribunal de
commerce, donna le signal de la résistance au coup
d'État par un jugement dont le souvenir est devenu
impérissable. M. de Lanneau, s'échappant à l'appel de
ses concitoyens pour aller prendre possession de la
mairie du XIP arrondissement, signa, pendant toute la
journée du 28 et du 29, les ordres en vertu desquels
la population du faubourg Saint-Marceau et la garde
nationale agirent de concert pour la défense des lois.
Dans la soirée du 29, Sainte-Barbe reçut un hôte
qu'elle n'attendait pas. Le curé de Saint-Etienne du
Mont, M. Olivier, qui mourut évéque d'Évreux, vint
frapper à la porte, déguisé et chargé d'un paquet qui
contenait les objets les plus précieux de son église. Il
n'avait jamais montré que de la froideur à l'égard de
la maison. Assistant au service funèbre de M. de Lan-
neau pèréy il affligea la fanûUe par son attitude. Quels
I>E SAINTE-BARBE. 219^
reproches n'eût-il pas à se faire, lorsque^ au bout de
quatre mois, il se vit obligé d'aborder le fils en sup-
pliant? Celui-ci le remercia de la préférence qu'il
avait donnée à Sainte-Barbe , et Tassura qu'il était
dans un lieu tout plein de la religion que les anciens
professaient pour l'hospitalité. Il le tint caché pen-
dant plusieurs jours dans une petite chambre sous
les toits.
Le pauvre abbé, qui était très-remuant de sa nature,
souffrît horriblement de sa réclusion* H en serait mort,
disait-il, si son hôte ne s'était pas prêté à le conduire
de nuit eu promenade sur les boulevards extérieurs.
Après que le calme fut rétabli, il n'osa dire sa première
grand'messe que sous la protection de M. de Lanneau,
siégeant au banc d œuvre avec son écharpe munici-
pale.
Le 13 février 1831 , jour du saccagement de l'arche^
véché, il revint non moins alarmé que la première fois,
et trouva encore le même accueil.
L'abbé Olivier témoigna sa reconnaissance lors du
service anniversaire du défunt Directeur, qu'il célébra
lui-même avec toutes les marques de Taflection et de
l'émotion.
Les collèges furent rouverts dès le 2 août 1 830 pour
l'achèvement des compositions de fin d'année. Sainte-
fiarbe remporta le prix d'honneur de rhétorique au
concours général*. A toutes les distributions de prix de
cette année, on sentit le frémissement de la jeunesse
exaltée par les derniers événements, et qui s'attendait*
à être bientôt appelée sur les champs de bataille. La
i. Élève Oddoul.
220 HISTOIRE
suppression des cloches, qui furent remplacées de nou- ^'^^
veau par le tambour, renseignement de Texercice des '^®'
armes introduit dans le premier moment pour les élè- ^"^
ves des hautes classes, la nouvelle des révolutions de '™"
Belgique, de Pologne, d'Italie, entretinrent pendant *P^^
plus d'un an cette fièvre, qne finit par dissiper la con- ^^
tinuation de la paix. ^pr
C'est ici le lieu de mentionner un acte de la recon- ^le
naissance publique, pour l'accomplissement duquel ''^^
on choisit plusieurs institutions, du nombre desquelles ;<fed(
fut Sainte-Barbe. Nous voulons parler de l'éducation ^^jés
donnée aux orphelins de juillet. Ces pauvres enfants ^500^
furent, dans le premier moment, l'objet d'un intérêt «se
universel. On recueillit des souscriptions à lein» profit ; arlia
là ville de Paris se chargea de les faire élever. Malheu- finj
reusement la bonne intention fut gâtée par le peu de i\
discernement avec lequel on procéda. Sans tenir ^\^
compte des antécédents , sans consulter les disposi- ians
tions ni l'aptitude, on mit en pension pour étudier, fooi
comme s'ils avaient été préparés à cela dès l'enfance, sen
des garçons de douze et quatorze ans, qui jusque là (
n'avaient fait que vagabonder dans les rues. Malgré la le
peine que les maîtres se donnèrent après eux, c'est %
tout au plus s'ils parvinrent à apprendre l'orthographe. ik
Ils perdirent au collège le temps qu'il aurait fallu em- s(
ployer à leur mettre dans la main un métier, de sorte p
qu'à l'âge où il était trop tard pour qu'ils devinssent i
des ouvriers, ils se trouvèrent sans moyens d'existence. 1
Telle est du moins la triste histoire des cinq qui furent
mis à Sainte-Barbe.
Cependant M. Gannerou, appelé au Conseil général
du département, avait ouvert les yeux de M. Odilon
DE SAINTE-BARBE. 2£l
Barrot, alors préfet delà Seine, sur rintriguecoiisoni*
mée en 1821 au détriment de MM. de Lanneau. 11 lui
avait démontré que la Ville, propriétaire du collège de
la rue des Postes, ne pouvait pas profiter plus long-
temps d'une usurpation de nom contraire à tous les
principes de Téquité et du droit. Le préfet savait déjà
une partie de l'affaire et par le bruit qu'elle avait fait
dans le public, et par Tindignation qu'il se rappelait
avoir vu témoigner à M. Labbey de Pompières, grand-
père de sa femme, Tun des députés qui s'étaient em-
ployés dans le temps pour Sainte-Barbe. D'ailleurs
le gouvernement venait de prendre vis-à-vis de la jeu-
nesse l'engagement de rompre avec les habitudes de
partialité. M. le duc de Broglie, ministre de l'Instruc-
tion publique, avait dit aux lauréats du concours géné-
ral : (c Les maîtres habiles qui président à vos travaux
et qui dirigent vos jeunes esprits, trouveront désormais
dans nos lois et dans le respect de l'administration
pour ses devoirs une garantie mieux assurée de leurs
services. »
Un mémoire tendant à ce que la maison de la rue
de Reims rentrât dans la propriété exclusive de son
nom, fut soumis par le préfet lui-même au Conseil gé-
néral, faisant fonctions de Conseil municipal. Le Con-
seil adopta à l'unanimité les conclusions de ce mémoire
par un arrêté en date du 1 Tseptembre 1 830. Le Conseil
royal de l'Instruction publique put, à son tour, sta-
tuer dans le même sens, sans avoir à se déjuger; car si
autrefois il avait érigé en collège l'institution de M. Ni-
colle, il ne lui avait pas donné le nom de Sainte-
Barbe. Dans sa séance du 6 octobre, il assura également
la propriété exclusive de ce nom à rinslilution de M. de
22i HISTOIRE
Lanneau^ Quant au collège delà rue des Postes, il fut
appelé le Collège Rollin par un acte de justice qu*on
peut regarder comme le digne pendant de Tautre, car
ce fut consacrer la mémoire du Saint de C Université^
que de l'associer à l'existence d'un de nos meilleurs
établissements d'instruction. Sainte-Barbe se félicite
d'avoir fourni pour des rivaux qu'elle estime la pensée
d'un si respectable patronage. C'est M. Delabarre, chef
de sa comptabilité et l'un de ses plus dévoués fonc-
tionnaires, qui trouva le nom de Rollin. On le fit par-
venir par l'Hôtel de Ville au ministère de l'Instruction
publique.
Les anciens barbistes, afin de témoigner leur recon-
naissance à M* Odilon Barrot, le prièrent d'agréer le
titre de citoyen dans la petite patrie à laquelle il venait
de restituer son nom. C'est le premier acte de natura-
lisation qu'ils aient décerné ; et depuis, ils n'ont renou-
velé la même faveur que deux fois, pour récompenser,
après plus de vingt ans de service, le dévouement des
deux directeurs des études, qui aujourd'hui consacrent
leurs veilles à la prospérité et à la gloire de la maison.
Le 12 octobre 1830, un banquet fut offert au
préfet pour célébrer son accession au sein de la famille
barbiste. Voici sa réponse au toast qui lui fut adressé
à la fin du repas :
« Mes amis, c'est trop apprécier un acte si simple
et si nécessaire. La maison de Sainte-Barbe^ qui a prO"
duit tant d'exemples de talent^ de vertu, de patrio-
tisme, devait, comme la France, avoir ses vicissitudes.
i . Décision signifiée par le ministre de l'Instruction publique,
le 14 octobre 1830.
DE SAINTE-BARBE. • 223
C'est une des gloires de Sainte-Barbe d'avoir soulTerl,
combattu, triompbé avec elle, et il était juste qu'elle
redevînt libre quand la France a été affranchie. J'ai
été heureux de me trouver appelé à lui rendre cette
justice, et je vous assure que j'ai eu bien besoin de
me convaincre que c'était un acte de justice, pour me
persuader que je ne cédais pas dans cette circonstance
à d'anciens souvenirs et à des affections de fa-
mille. »
Quelqu'un manquait à cette fête. C'est le fondateur
dont l'œuvre venait d'être réhabilitée. Tout le monde
le sentit et le dit ; personne ne l'exprima mieux que
son fils*. Quelques mois ajoutés à son existence lui
auraient apporté cette immense consolation. Empres-
sons-nous d'ajouter que si la joie du triomphe lui fut
refusée, il ne connut pas non plus une grande amer-
tume qui en fut Taccompagnement.
Son administration désintéressée, souvent mal servie
et trop peu prévoyante, celle de son fils également
étrangère à l'esprit d'entreprise , l'obligation où tous
les deux s'étaient trouvés de faire si longtemps la
guerre à leurs frais, tout cela avait rendu redoutable
pour l'établissement le contre-coup des commotions
extérieures. La révolution de juillet fit apparaître le
mal dans toute son étendue. Sainte- Barbe fut mise à
deux doigts de sa perte, à la fois par la crise financière
qui suivit, et par le revirement qui s'opéra dans les
esprits le lendemain même de la victoire. Les deux
grands partis qui venaient de diviser la nation ces-
n Fêtes annuelles des anciens élèves de Sainte-Barbe, t. II,
p. 9.
224 HISTOIRE
sèrent d'exister. A la place il s'en forma une infinité
d'autres, en dehors desquels resta la masse, devenue
tout d'un coup indiflerente. On ne se soucia plus des
luttes ni des services passés; l'opposition de quinze
ans fut oubliée ou^ mise au rang des souvenirs im-
portuns, et notre Collège cessa d'être un lieu où l'on
se fit gloire par opinion de placer ses enfants.
Joignez à cela une recherche de bien-être qui devint
aussitôt la préoccupation du jour, et que les familles
exigèrent des maisons d'éducation, de sorte que la
vogue fut pour celles où il y avait cuisine succulente,
salles d'étude bien chauffées, dortoirs frottés, et le
reste. Or, la pauvre Sainte-Barbe n'avait rien de tout
cela à offrir. Son défunt directeur avait toujours af-
fecté à l'égard de ces choses un superbe dédain. Elle,
se montrait aux visiteurs avec un air d'austérité qui
les faisait fuir.
Pour ces diverses raisons, elle fut délaissée inconti-
nent. Les rentrées de 1830 et 1831 furent telles, que
le nombre des élèves pensionnaires tomba à cent-cin-
quante.
M. de Lanneau, désespéré, fit part de sa douleur à
un ancien camarade que la reconnaissance avait atta-
ché par le lien de la plus étroite amitié à sa faoïille et ,
à Sainte-Barbe. C'était M. Bellaigue, nommé député
de l'Yonne aux élections de 1830.
Esprit ferme, d'une sagesse accommodée de beau-
coup de philosophie, et amoureux de Tordre dans tous
ses détails, M. Bellaigue aurait été l'associé de M. de
Lanneau père, en 1 81 4, si son goût l'avait porté à l'édu-
cation de la jeunesse. Il était fait pour administrer.
Etant sur les bancs de la rhétorique, il rendit au Coi-
D£ SAINTE-BARBE. 225
lëgè de petite services de comptabilité. Lorsqu'il fut
instruit de sa détresse, il exprima la résolution de le
sauver. Ses journées étant consacrées tout entières à
ses devoirs politiques, il prit sur son sommeil pour
l'accomplissement du nouveau mandat que sa con-
science lui imposait. Installé dès sis heures du matin
dans les bureaux de Sainte- Barbe, il dressa le bilan de
la situation.
Les créanciers étaient nombreux et pressants. Com-
ment les satisfaire? On était dans un moment de pé-
nurie; Targent ne se montrait nulle part. M. Bellaigue
eut le bon sens de compter comme une ressource Taf-
fection des anciens barbistes pour la maison. 11 lui
parut possible de former avec les plus dévoués d'entre
eux une société en commandite^ dont l'intérêt serait
de sauver Sainte-Barbe en venant au secours de soq
digne chef. L'empressement avec lequel fut accueilli
son projet prouva qu'il avait calculé juste. Les action-
naires furent fournis par V Association amicale des
anciens élèves de Sainte-Barbe^ association qui s'é-
tait formée aux banquets de la Sainte-Barbe, et qu'il
est temps de faire connaître.
Nous avons raconlé l'origine de la fête célébrée
hors du Collège, le 4 décembre de chaque année*.
Protestation politique contre l'arbitraire, puis hom-
mage public de reconnaissance envers un maître vé-
néré, en dernier lieu témoignage et lien de la fraternité
barbiste, le banquet eut lieu depuis 1816, avec la
plus grande régularité, et toujours en observant le
même cérémonial. Une allocution du président pré-
1. Ci-dessus, p. 151.
m 15
%%^ HISTOIRE
oédait }e repas. On lisait ensuite la correspondance des
camarades qui, des points du globe les plus éloigné^'i
faisaient savoir qu'ils s'associaient de cœur au plaisir
de la réunion, ou qui annonçaient, lorsqu'ils étaient
plusieurs ensemble, qu'ils fêteraient aussi la patronne
le même jour, à la même heure. Le banquet de Paris
fut ainsi répété maintes fois dans de petits cénacles à
New-York, à la Martinique, à Tîle Bourbon, surtout k
Alger, depuis la conquête. Les vers et les chansons ve-
naient au dessert. Dans rinteryalle des services, le
président portait les toasts suivants :
m À Sainle^Barbe, et au chef respectable qui a sou«
tepu la gloire de. cette institution.
(c A Qos camarades que Téloignement ou des cir-*
constances malheureuses empêchent d^assister à cette
réunion.
(( Aux succès de nos jeunes camarades, les élèves
actuels de Sainte-Barbe, et de ceux qui leur succé-
deront.
a A l'union qui anime cette fête de famille, et à
l'espoir de la voir se renouveler chaque année. «
C'est encore dans cet ordre et dans ces termes que
les santés sont portées aujourd'hui, si non que la pre-
mière est ainsi conçue ;
a A Sainte-Barbe et à la mémoire de Victor de L»an-
neau* i>
M. de Lanneau père, depuis qu'il se fut démis de
la direction du Collège, assista plusieurs fois au ban-
quet. La première fois qu'il y parut, en 1823, le pré-
sident, qui était Vatouti le fît asseoir à sa place, après
lui avoir posé, au nom de ses camarades,, une cou-
ronne sur la tête.
DE SAINTB-BARBE. jaj7
Od se rappelle qu'un acte de bienfaisance teromifi
la fête de 1816. Celles des années suivantes produisi-
rent d'autres collectes, qui furent offertes tour à tour
aux naufragés de la Méduse (il y avait dans Je nombre
le barbiste Mollien, parent de l'ancien ministre de ce
nom)^ à un vieux maître tombé dans l'indigence, à un
camarade ruiné par l'incendie de Bercy, à la mère dti
jeune médecin Mazet, mort victime de son dévoue-
ment, en allant soigner les pestiféré^ de Barcelone.
Bientôt se présenta l'idée de régulariser ces bonnes
œuvres. Plusieurs des fidèles convives du 4 décembre
avaient pris l'habitude de dîner ensemble le 4 de cha-
que mois. Dans un de ces petits comités, MIVI. Canuel,
Crapelet et Quénot développèrent le projet d'une
association charitable, dont les membres alimente-
raient par des cotisations annuelles une caisse de se-
cours. Cette caisse devait être ouverte non-seulement
aux sociétaires qui tomberaient dans l'infortune, mais
encore à tous les anciens élèves de Sainte-Barbé,
pourvu qu'ils eussent passé deux ans d'études ou fait
seulement leur rhétorique au Collège. Le projet, chau-
dement accueilli par tous ceux qui en eurent connais-
sance, fut soumis, au mois de mars 1820, à Tapproba-
tion du ministre de Thitérieur. C'est dans la réunion
mensuelle du 4 avril suivant, réunion à laquelle assis-
tait M. de Lanneau père, que les statuts furent pro-
mulgués. Aussitôt après l'on fut en mesure de recueil-
lir les souscriptions.
Ainsi prit naissance \ Associationamicale de Sainte^
Barhe^ modèle de tant d'autres du même genre. Le
seul survivant de ses trois législateurs, M. Quénot, in-
génieur civil depuis de longues années dans le dépar-
â2B HISTOIRE
tement du Lot, ignore certainement le nombre des
imitations engendrées par cette charte de Tamitié de
collège, qui parut pour la première fois revêtue despa
nom*. Les élèves de TÉcole polytechnique, ceux dp
l'École normale, ceux de TÉcole centrale, ceux d^
lycées de Paris, de beaucoup de lycées des déparle?
ments et de plusieurs grandes institutions, se sojat
constitués à Tinstar des barbistes, et lesbarbistes n'oiit;
pas été pour rien dans cette propagande. ^•
L'Association fut dirigée d*abord par un comité de
onze personnes, nommées tous les deux ans à la plur
ralité des voix. Après 1830, le nombre a été porté à
vingt; depuis 1846, il y a des membres à vie qui s*a^
joutent aux élus biennaux : ce sont ceux qui oiçkf,
exercé pendant vingt années consécutives, par consé;t
quent qui ont été réélusdix fois de suite. Le droit d'4*
lectiop appartient à tous les camarades présents au
banquet du 4 décembre, et c'est dans cette même
réunion, qui est considérée comme l'assemblée géné^
raie de l'Association, que sont lus les rapports concer^
nant l'état de la caisse et l'emploi des fonds.
Le jeu de cette institution fraternelle ne fut bien ré*
gularisé qu'en 1823. Depuis lors, le compte rendu de
ses opérations fut imprimé tous les ans dans un livret,
qui contient en outre le récit du banquet et les cou-*
plets chantés ^ Le livret (à présent, on l'appelle Anr
nuaire), augmenté successivement de matières nout
i. Circulaire et Statuts imprimes en une demi-feiiille in-4%
sous le titre de Association amicale et ae bienfaisance entre les
élèves de Sainte-Barbe (Institut/onde M, de Lanneau). Avril, 1820.
2. la oollectioii.coiiiplète forme cinq volumes in-8* (le sixième
est commencé) sous le titre de «c Fêtes annuelles des anciens
DE SAINTE-BARBE.' H^
vèHeà,^l devenu la chronique de Sainte-Barbe;mais
il ne contient pas le détail des secours distribués sur
lësTonds communs. L'Association pratique rigoureu*
sèment le précepte que la main gauche doit ignorer
te que donne la droite. Ses bienfaits restent le secret
des membres de son comité.- Nous reviendrons plus
tard sur ce point. 11 importe ici de ne point perdre
de vue les circonstances qui procurèrent le salut de
Sainte-Barbe.
' Ginquante*huii membres de l'Association amicale
répondirent à Tàppel de M. Bellaigue, et jetèrent les
bases d'une première société (8 novembre 1831).
M. de Lanneau devait être le gérant de l'entreprise,
k^ec le concours de cinq commissaires nommés tons
les ans en assemblée générale. Les noms qui sor-
tirent de la première élection furent ceux de MM. Bel-
laigue, député de l'Yonne; Ganneron, député de Pa-
ris; Leclercq, libraire; Vavin et Louveau, notaires à
Paris. Ces messieurs se mirent immédiatement à Tœu-
vre pour s'acquitter d'une infinité de choses qu'il y
avait à faire , avant que la Société pût se constituer
définitivement.
MM. Christian Dumas et Yatout, l'un aide de camp
du roi, l'autre son bibliothécaire, étaient des cin-
quante-huit qui avaient donné leur signature. Leur fa-
Hiiliarité au château leur permit d'entretenir le roi de
Cette affaire.
Le nom de Sainte-Barbe n'était pas ipdifîérent à
Louis-Philippe. Il se souvenait d'avoir été le condisci-
élèves de Sainte-Barbe. » — Imprimeries de Gauthier-Laguionie,
Crapelet, E. Duverger et Remquet, 1 823-1 Ô63.
i30 HISTOIRE
pie dés élèvesde la ci-deyatit Communauté au collège du
Plessis. Il nMgnorait pas non plus la conduite du gouver*
nement déchu à l'égard de M. de Lanneau, et il avait
une si haute idée du mérite de cet instituteur que,
dabs les premiers jours de son règne, il dit à M. Va-
tbut : « Ah ! si le maître que vous aimiez tant vivait
encore, il aurait déjà reçu la récompense de ses ser-
vices et de son dévouement à la jeunesse. Il serait
entré le premier au Conseil de l'Université. » Il voulut
faire quelque chose pour la mémoire de celui que la
mort Pavait empêché de rémunérer. Pour sa part dans
la souscription ouverte, il donna 5000 francs sur sa
cassette, qui furent offerts par convenance au nom de
la reine.
Au ministère de l'Instruction publique, envers le-
quel la maison était fort arriérée pour le payement de
la rétribution universitaire, on obtint un délai qui
eut la valeur d'une souscription. M. Beliai^ue fut le
solliciteur de cette grâce. Député opposant et rigide,
il ne se serait porté dans aucun autre cas à une démar-
che de ce genre. Lorsqu'il exposa l'objet de sa demande
à M. de Montalivet, son émotion fut si visible, que
le ministre lui dit, après l'avoir écouté : a Votre visage
en dit encore plus que vos paroles. Je sens ce que
vaut un établissement dont les malheurs touchent si
vivement les hommes qu'il a formés. Rassurez-vous
et rassurez vos amis. Sainte-Barbe ne sera pas inquiétée
par mon administration. »
Les grâces arrivant ainsi des mêmes régions qui
naguère n'envoyaient à la pauvre Sainte-Barbe que
tribulations et soucis, tout semblait marcher à une
prochaine conclusion, lorsqu'on fut arrêté par un
DE SAINTErBARBE. 23i
c^tacle inatteDdu» Deux ou trois créanciers de mau*-
vaise buinêur refusèrent d'accepter Tatermoiement
auquel les autres avaient consenti. Grande perplexité
des commissaires. Ils virent l'imminence d'une saisie,
et nul autre moyen pour parer ce coup que d'acheter
l'établissement. 'Devaient-ils engager la Société à ce
point ? Oui ; car la Société avait pour objet le salut du
Collège, et par la saisie le Collège périssait^ au détri-
ment des créanciers eux-mêmes, dont il était l'unique
gage. Mais rendre une société commerciale proprié-
taire d'une maison d'éducation était une nouveauté
devant laquelle reculaient les commissaires. Us ne se
décidèrent qu'au dernier moment. L'affaire fut con-
clue dans les couloirs de la Cbambre des députés en-
tre MM. Bellaigue et Ganneron, agissant pour leurs
camarades conjointement avec M. Leclercq. Eux trois
se rendirent acquéreurs de Sainte- Barbe, le SOdécem*
bre 1 831 , par un acte qui fut enregistré le lendemain,
à cause de l'urgence. Yavin rédigea les actes*
Rien ne fut plus désagréable que ce résultat pour les
créanciers qui s'étaient promis d'user de contrainte. Ils
prétendirent qu'il y avait eu simulation de vente, et
attaquèrent le contrat; mais le prix d'acquisition,
déposé en temps utile à la Caisse des consignations,
prouva la bonne foi des défendeurs; et comme leurs
adversaires n'eurent l'envie ni solidairement, ni auôun
d'eux en particulier, de miser au-dessus de la somme
versée, laquelle était bien supérieure à la valeur réelle
de l'établissement, ils laissèrent tomber l'instance après
un simple jugement sur référé, par lequel le président
Debelleyme déclara la vente « non-seulement régor
lière, mais morale. » Morale était bien dit^ car non-
î
232 HISTOIRE
seulement le prix du gdge, qui avait été eulevé dés
mains des créanciers, fut loyalement partagé entre euir,
mais en peu d'années tontes les dettes de Tanciennë
administration furent acquittées avec les bénéfices de
la nouvelle, bien que celle-ci n'y (ût point obligée. ''
La Société, devenue propriétaire de Sainte-Barbe,
ne fut constituée définitivement que par un acte sous
seings privés eu date du 7 septembre 1832. A parâr
de ce moment, une nouvelle comptabilité fonctionna,
et les cinq Commissaires prirent la surveillance des
intérêts du Collège. M. Adolphe de Lanneau, déli^
vré d'une gestion qui était devenue douloureuse,
put s'adonner d'un esprit plus tranquille aux autres
soins du gouvernement. Il continua d'être le Directeur
de Sainte*Barbe. Au-dessous de lui eurent lieu quel^
ques changements. Son plus jeune frère, M. Eugène de
Lanneau, l'assistait depuis deux ans, avec le titre de
sous*dïrecteur. Leur union s'était formée en vertu d\m
vœu exprimé par le père à son lit de mort ; elle firt
dissoute, et un, bientôt après, deux préfets des études
prirent sur eux les attributions du sous-directeur.
M* Pelitjean, aujourd'hui conseiller-maître à la Cour
des Comptes, fut le premier nommé à ces nouvelle^
ou, pour parler plus exactement, à ces anciennes fonc-
lions rétablies.
Par une formalité que les règlements académiques
rendaient indispensable, le diplôme en vertu duquel
l'institution était tenue dut être mis sous un nouveau
nom jusqu'à l'acquittement des sommes dues à TUni-
versité. M. Hébert, inspecteur dans la maison depuis
1810, se prêta à cette fiction en l}omme qui s'était
interposé plus d'une fois pour servir de bouclier à
DE SAINTE-BARBE. MB
^inte*Barbe et à Ici fainille de Lanneau. Le désinté*
ressèment de ce digne fonctionnaire» pendant tout Je
temps que dura la même situation, n'eut d'égal que sa
fidélité. Le surplus de son éloge est dans une lettre que
M. de jLanneau père lui écrivit à lui-même en 182i :
Et jL' écolier a sa justice. Au milieu même de certaines
dispositions guerroyantes contre ses chefs, il reconnaît
les titres à son respect, il reconnatt ]es vieux services
qui même ont gêné et réprimé ses désordres ; il apprécie
la probité de nos devoirs, le zèle qui le remplit : voilà
les litres que vous lui imposez aujourd'hui*, »
A deux reprises, en 1836 et 1837, la Société du
£oIIége appela dans son sein de nouveaux souscrip-
leurs; à deux reprises aussi elle augmenta le nombre
des membres de sa Commission de surveillance. Ceux-*
<^ furent portés à dix en 1834, et à douze en 1836*
Par suite de cette double réforme et de la retraite mo-
mentanée de deux membres, de nouveaux noms furent
ajoutés à ceux que l'on connaît déjà ; nous les donnons
avec les litres dont ils étaient alors accompagnés :
MM, Bayard, homme de lettres; Bérenger, juge de
paix du 6*" arrondissement ; Bixio, docteur en médecine;
Christian Dumas, aide de camp du Roi ; Alexandre
labrouste, avoué honoraire ; Eugène Lamy, vice-
président du tribunal civil de la Seine ; Mandrou,
marchand de draps; Agathon-Prévost, agent général
de la Caisse d'épargne ; Vatout, député.
Le travail augmentait à mesure que plus de personnes
y prenaient part, tant chacun avait pris au sérieux le
mandat de surveillance dont il était investi, et par
i.R€co6ildclettre&de P.-A.-V.deLaniîeau, p. 106. .
884 aiSTOiK£
la suite le zèle se soutint le même, sans éprouver
ni refroidissement, ni défaillance* C'est là un fait qui
mérite d'être particulièrement signalé. Il n'est pas rare
de trouver une personne capable d'un beau mouvez
ment, d'un acte de courage, d'un sacrifice une fois
fait; mais quç l'effort ou le sacrifice se prolonge, qu'on
s'y soumette pendant des années consécutives, que ce
soit une réunion d'hommes très-occupés ailleurs, char*
gés de grands devoirs et de 'grands intérêts, qui pren-
nent sur leur temps de quoi poursuivre, à travers tout
ce qu'elle a de difficile, de pénible, de scabreux,
l'œuvre de dévouement qui ne finit pas : un tel spec-
tacle ne se voit pas communément. Il a été donné par
la Commission de surveillance de Sainte-Barbe ; il est
donné encore aujourd'hui par le Conseil d'adminis*
tration, dans lequel la Commission s'est en dernieVlieu
transformée.
Afin de rendre plus sensible à tous les yeux son
origine et son but, la Société du Collège voulut que ses
affaires fussent exposées régulièrement au banquet du
4 décembre, et le rapport qui les concernerait, imprimé
dans l'Annuaire^ à côté du rapport présenté par l'Asso-
ciation amicale. On apprit de cette manière en 1 833
la réalisation de bénéfices qui permettaient déjà de
satisfaire les créanciers privilégiés', de réparer le ma-
tériel, de restaurer et de blanchir les vieux murs du
Collège, de construire de vastes salles de récréation et
de dessin, enfin de payer les intérêts échus des action-
naires. Les progrès ultérieurs de l'entreprise furent
notifiés de même, chacun à l'année qui les vit s'ac
complir.
Cependant M. Adolphe de Lanneau, retranché dans
DE SAINTE-BARBE. . 235
là direction du Collège, secondait de son mieun les
efforts de la Commission de surveillance. Il eut la
consolation de voir que Tëtat de souffrance des affaires
n'affecta en rien le travail de ses élèves» Le public eut
beau retirer sa faveur à Sainte-Barbe : Tauréole de la
sainte fut maintenue dans toute sa splendeur par la
cohorte réduite qui militait autour de son autel. Prix
d'honneur de rhétorique au concours général de
1832*, autre prix d'honneur de rhétorique en 1834',
prix d'honneur de mathématiques en 1837', et les
distributions de Louis-le-Grand attestent que, pas une
fois pendant ces aniaées d'embarras, la part de butin
rapportée par les barbistes ne fut au-dessous de la
proportion accoutumée.
« Sainte- Barbe revivra par nous et pour nous, »
avait' dit M. Bellaigue au banquet de 1831 , et par ces
paroles il entendait que l'école dont ses amis et lui
â' étaient rendus les tuteui*s appartiendrait en propre
aux fils des anciens barbistes, que ces enfants y se-
raient reçus avec j l'avantage d'une adoption sérieuse
et dont les effets ne cesseraient plus de se faire sentir
aux bien méritants, enfin que la maison, se perpé-
tuant par l'hérédité, deviendrait le lieu et le lien d'une
famille impérissable. Ce fut là Une conception noble
et sensée, qui se produisit avec un merveilleux à pro-
pos lorsque Ton commençait à parler de la liberté
d'enseignement, car elle offre l'un des modes les plus
heureux que l'on puisse introduire dans l'application
de cette liberté.
i . Élève Emile Taillefert.
2. Élève Chairles Uello, prit des nouveaux.
3. Élève Edouard Harlé. -
236 ^ HISTOIRE
MM. Bellaigùe, Ganneron, Hello^ Thieullen, Cadet-
Gassicourt^ et d'autres encore, avaient déjà rais leurs
fils sur les bancs où eux-mêmes s'étaient assis autre-
fois; leur exemple fut de plus en plus imité. Déjeu-
nes pères de famille vouèrent solennellement à Sainte-
Barbe leurs enfants, qui balbutiaient encore. Une
chanson, composée dans ce sentiment pour le fes^
lin du 4 décembre 1 833, produisit l'eflfel d'un mani-
feste. C'est un document historique qui mérite d'être
rapporté. L'auleur est Bayard, Bayard en qui le public
applaudissait un de ses vaudevillistes favoris, et que
Sainte-Barbe a chéri comme- l'un des honnêtes et fer-
mes cœurs qui se sont prodigués pour elle.
Pour ce banquet, où noire cœur s'enivre
D'une amitié qui ne vieillira pas,
J'allais partir, lorsqu'à voulu me suivre
Mon jeune fils, que j'ai pris dans mes bras :
c< Non, j'irai seul; mais un jour sur la liste
Je t'inscrirai : c'est la dette du cœur.
Oui, mon enfant, je te ferai barbiste :
Ce tiire-là te portera bonheur ! ' >
« Quand Sainte-Barbe accueillit ma jeunesse,
Que de succès ! Que son ciel était beau !
Tu lui paieras ma part dans sa tendresse
Lorsque la foule entourait son drapeau.
Pour rajeunir sa gloire qui s'attriste,
A sa couronne attachons une fleur.
Oui, mon enfant, je te ferai barbiste :
Ce titre-là doit te porter bonheur!
« Sur ses vieux murs tu trouveras peut-être
Mon nom gravé le jour de nos adieux :
Mon souvenir, qui par toi va renaître,
Protégera tes travaux et tes jeux.
DE SÀlNTE-BARBE. 237
Pauvre conscrit^ Sainte*Barbe t'assiste !
De nos foyers tu soutiendras l'honneur.
Oui, mou enfant, je te ferai barbiste :
Ce titre-là doit te porter bonheur !
« Quand Sainte-Barbe, échauffant ton génie,
Taura fait homme et remis à ta foi,
Pour t'enseigner les routes de la vie.
Mes vieux amis se souviendront dé moi.
' Ils feront tous, commis, soldat, artiste,
La courte échelle à ta jeune vigueur.
Oui, mon enfant, je te ferai barbiste :
Ce titre-là doit te porter bonheur !
« A ce banquet, où je retiens ta place.
Tous deux alors nous irons nous asseoir :
De mes chansons si la veine se glace,
Tu chanteras pour deux, j*en ai l'espoir;
Et tu mettras tes enfants sur la liste :
C'est pour nous deux une dette du cœur.
Oui, mon enfant, je te ferai barbiste :
Ce titre-là doit te porter bonheur !
Grâce à Taclive propagande qui fut faite par TAsto-
ciation^amicale, à toutes les rentrées des classes, de-
puis 1834 y le nombre des élèves nouveaux excéda
celui des élèves sortants, et les choses prirent dès
lors une tournure si favorable, que, dans le courant de
1 835, il fut possible de tenter une nouvelle entreprise.
Les bâtiments du collège de Reims, vendus sur
Sainte- Barbe en 1832, avaient été mis en location par
le nouveau propriétaire. Des visiteurs en soutane
vinrent explorer les lieux. Évidemment on projetait
d'établir une maison rivale aux portes de la sainte.
La question fut agitée aussitôt de prévenir cette con-
currence. Par quel moyen? En reprenant le vieux
238 HISTOIRE
collège, pour installer dans ses murs un institut pré-
paratoire aux écoles spéciales du gouvernement.
Les maisons de ce genre commençaient à se multi-
plier dans Paris : preuve qu'elles étaient utiles. La
Coaunission de surveillance se laissa persuader. Elle
chargea des démarches son secrétaire, M. Labrouste.
On acheta un embryon d'école préparatoire que notre
illustre mathématicien, M. Duhamel, essayait de faire
éclore à la vie dans une maison de la rue de Vaugi-
rard. Une douzaine d'élèves, qui composaient cet éta-
blissement^ vinrent s'abriter avec leur mattre sous le
drapeau de Sainte-Barbe, et dès lors fqt constitué
dans le Collège un ensemble de fortes études, pour
conduire la jeunesse à toutes les carrières, pour ré-
pondre à tous les besoins, à tous les vœux des fa-
milles.
Lorsque la résurrection fut définitivement accom-
plie, M. de Lanneau pria ses amis de le relever du
poste où, depuis qu'il avait dû renoncer à son héri-
tage, il n'était r^sté que sur leurs instances. Maire
du Xir arrondissement par l'élection (il fut continué
par les mêmes suffrages jusqu'en 1848), honoré de
l'estime et de l'affection de ses concitoyens , à la
prière desquels il avait refusé une préfecture qu'on
lui offrait, il éprouvait cependant le besoin d'établir
aux yeux du public que les malheurs de Sainle-Barbe
n'avaient point procédé de son fait. La direction de
l'Institut royal des Sourds-Muets se présenta à lui
pour fournir cette preuve. Il accepta cette place, qui
ne l'enlevait ni à ses administrés, ni à l'instruction
publique, où étaient ses goûts, ni au voisinage de sa
chère Sainte-Barbe. L'Institut des Sourds-Muets était
DE SillNTE-BARBE. 139
organisé, soqs bc^aucoup de rapports, à Tinstar d'un
hospice : il Tassujettit à la discipline des collèges. Il
éteignit les dettes, répara entièrennent le matériel, éta-
blit dix-sept bourses de plus, sans que la subvention
eût été augmentée, et enfin il «'est retiré, après vingt
ans d'administration y laissant en réserve de fortes éco-
nomies.
C est If 3 avril 1 838, dans l'assemblée générale des
actionnaires, qu'il prit sa retraite de Sainte-Barbe. Il
fut pommé en retour président de la Commission de
surveillance de la Société, et le secrétaire de la Com-
mission, M. Alexandre Labrouste, fut appelé par les
mêmes siifTrages à la direction du Collège.
CHAPITRE XIV.
M. Labrouste directeur. — - Acqulsitioa de la propriété de Sainte-Barbe.
— Constitution légale de la Société du collège. — Reconstruction
des bâtiments. — Affaire de Montaigu. — Consécration de la nouvelle
cbapelLe. — Fin des traraux.
M. Labrouste est d'une ancienne famille bordelaise.
l\ naquit à Paris^ pendant que son père s'acquittait du
mandat de député au conseil des Cinq*Cents pour le
département de la Gironde. On le mit très-jeune à
Sainte-Barbe^, où était déjà son aine et où deux autres
1. 10 juin i 806.
UO HISTOIRE
frères tinrent plus tard le rejoindre. Il fit là toutes ses
classes. T^e dernier bulletin envoyé à sa famille nous
dispensera de dire quelle fut sa conduite durant ce
premier temps d'épreuve. Pour toute observation, il
n'y a que celle courte phrase, écrite de la main
de M. de Lanneau : <c Faut-il que nous touchions au
moment de perdre la vertu et l'exemple du Collège*! »
M. Labrouste, après avoir fait son droit, acheta
une charge d'avoué à Paris. Il se comporta entre ses
confrères de manière à mériter leur considération;
Andrièux, dont il était devenu l'ami ,en suivant ses
cours, lui donna sa fille aînée en mariage.
Il était de ceux qui conservaient dans leur cœur
le culte de Victor de Lanneau et l'amour de Sainte-
Barbe. Il assista à la' représentation de JUantius en
1816, au banquet qui suivit cette représentation, et à
tous les autres banquets. Il fut de TAssociation ami-
cale, de la Société des actionnaires et du Conseil de
celle-ci. Depuis 1835, il y remplit, conjointement avec
M. Bixio, les fonctions de secrétaire, et par son assi-
duité, par son entente des affaires, par la persévé-
rance pleine de douceur Iqu'jl mettait à les conclure,
il devint aux yeux de tous un homme précieux pour
l'entreprise. Lorsque celle-ci eut besoin d'un chef uni-
que, aucun de ceux à qui il fut proposé de l'être ne
voulant accepter , il arriva à quelqu'un de dire par
plaisanterie que, puisque M. Labrouste était le plus
souvent à Sainte-Barbe quand on allait le demander
à son étude, pour la commodité de ses clients, il ferait
1. Juillet 181 4, dans le Recueil de lettres de P.-A. -Victor de
Lanneau, p. 27.
DE SAINTE-BARBE. 24i
bien de demeurer tout à fait à Sainte-Barbe. Ce niot
fît ëclore sa candidature.
Il s'en défendit d'abord énergiquement. Ses vues
étaient ailleurs. Il s'acquittait de la supjîléance d'une
des justices de paix de Paris ayee l'espoir d'être pro-
chainement nommé à ce siège; plus tard il aurait
cherché à être juge dans un tribunal de première in-
stance. Tels étaient ses projets ou plutôt ses rêves
d'avenir. Tout cela s'évanouit à la mort de son juge de
paix, dont la succession fut donnée à un autre que lui.
Alors il fut amené à composition du côté de Sainte-
Barbe. S'avouant qu'il n'était pas sans goût pour l'édu-
cation de la jeunesse, et que d'ailleurs il y avait péril,
si la personne cherchée pour prendre en main le gou-
vernail ne se trouvait pas sur-le-champ, il se laissa
métamorphoser par ses amis en directeur du Collège.
Son acceptation fut à deux conditions : d'abord
que toutes les dettes de la maison non encore ac-
quittées, même celles qui n'obligeaient pas la Société,
seraient éteintes dans le plus bref délai ; ensuite qu'il
aurait pleine puissance pour le choix de tous les
maîtres, ses collaborateurs, depuis le plus humble,
jusqu'au plus élevé en grade.
Son installation eut lieu le 8 avril 1838. C'était un
dimanche. Les membres de la Commission de surveil-
lance l'amenèrent dans la chapelle au moment de la
messe, et le firent monter dans la stalle du Directeur.
Après l'office, le comte Christian Dumas prit la parole
^ pour expliquer aux élèves l'acte important qui s'ac-
complissait sous leurs yeux. M. Labrouste prononça à
son tour une allocution, laquelle achevée, il descendit
dans son cabinet pour délivrer les bulletins de sortie.
m 16
242 HISTOIRE
Le nouY^au Directeur avait la plus haute idée de
l'œuvre dont il venait de prendre la conduite. Dans
l'association propriétaire d'un collège, il voyait le
germe d'une ^communauté impérissable, sans analogue
et sans rivale, dont la force était loin d'avoir donné sa
mesure; et la raison lui disait que pour lui, l'agent de;
cette force, le dépositaire des intérêts de cette com-
munauté, c'était un devoir de pousser au complet
développement de. l'une et de l'autre; que le moment
d'oser était venu; qu'avec des moyens qui n'étaient
plus ceux d'autrefois, il fallait faire autrement que les,
devanciers; enfin que ce n'était rien d'avoir empé-*
ché Sainte-Barbe de périr , si dans peu Sainte-Barbe
ne se montrait aux yeux du public rajeunie et trans-
-fôrmée.
Telle est la politique qu'il résolut d'inspirer à I9
Couunission de surveillance ; et, pour l'y amener dès le
début, il mit d'abord à l'ordre du jour la reconstruc-
tion du Collège.
Les édifices, dont Marmohtcl déplorait l'état de dé-
labrement en 1 790 \ n'avaient subi depuis ce temps
que des recrépîssages et pas .une réparation capitale.
Les maisons sur la rue des Sept-Voies, ajoutées par.
M. de Lanneau au périmètre de l'ancienne Sainte-
Barbe, valaient encore moins. Tout cela avait un air
de malpropreté et de misère que ne rachetait pas la
commodité des distributions, car celles-ci étaient telles
qu'on pouvait les regarder comme un obstacle à la.
discipline. Rebâtir le tout de fond en comble était donc «
devenu d'une urgente nécessité.
1. Voyeat. n, p. 380.
DE SAINTE-BARBE. 243
Mais comment rebâtir ? On n'avait pas la propriété
deFimmeuble; on n'était que locataire. Depuis qua-
rante ans, la directix)n du Collège subissait le tribut
d'un loyer énorme; depuis quarante ans, des sommes
infinies avaientété dépensées en améliorations^ en agen-
cements, en remaniements, même en constructions
nouvelles, sur le fonds d'autrui. Les propriétaires,
comme de raison, profitaient de la convenance; ils
bénéficiaient le plus possible sur une marchandise
dont on ne pouvait pas se passer, tout en jouissant
de la plus douce quiétude, parce qu'on les avait
habitués à ne s'entendre jamais rien demander. Nul
"espoir qu'ils consentissent à se charger de la recon-
struction ; et quand on leur parla de se dessaisir, ils pro-
posèrent des prix inacceptables par leur exagération.
• 11 fallut en venir à la pensée douloureuse d'émigrer,
de transporter ailleurs l'aulel de la sainte, et son culte,
et le peuple voué à son culte. Les quartiers de la rive
gauche furent explorés. On proposa tour à tour les
terrains de l'entrepôt du Gros-Caillou, et ceux de Saint-
Joseph dans la rue d'Ulm, où s'élève aujourd'hui l'É-
cole normale supérieure. Mais le Gros-Caillou était
trop éloigné des collèges royaux et de tout ; mais on
apprit que le terrain de la rue d'Ulm, miné par les ca-
tacombes, présenterait de grandes difficultés pour
bâtir dessus; mais enfin, tout en disant qu'on voulait
s'en aller, on n'avait pas du tout pris son parti de
réloignement.
' La Fortune, qui sourît aux entreprenants (on l'a
appelée dans l'espèce V étoile de Sainte-Barbe) , la
Fortune amena sur ces entrefaites un dénoûment
inattendu. Une maîtresse poutre vint à fléchir dans
244 HISTOIRE
un bâtiment sur la rue des Sept- Voies, duquel dé*
pendait la splidité de plusieurs autres. Toute cette
partie de la propriété appartenait à la veuve octogé-
naire de M. Champagne, l'ancien directeur du Pry*-
tanée. L'accident causa une alerte : la poutre avait
craqué ; des ouvriers, qui travaillaient dans la pièce
au-dessous, s'enfuirent en poussant des cris; la police^
avertie, envoya l'ordre d'étayer sur-le-champ. Quelle
occasion pour le Directeur! De sa plume d'avouéi
qu'il n'avait pas jetée au vent, il eut bientôt fait d'in*
strumenter contre Mme Champagne^
La bonne dame, assignée à fin de démolition et de
reconstruction, jura qu'elle ne reconstruirait pas/
qu'on n'avait pas le droit de l'y contraindre : delà ud
procès.
Sainte-Barbe se présenta au combat avec l'assistanoe
désfntéressée d'un de ses ^mis, M. Baroche, et d'ud
de ses fils, M. Boinvilliers : l'un et l'autre n'étaient
encore que des avocats éminents. Le procès, gagné en
première instance*, est perdu en appel, perdu en ce
que la Cour remplace par une diminution notable sur
le prix du bail l'obligation de rebâtir ; mais l'obliga-
tion de démolir est maintenue*. Mme Champagne
appréhende de nouveaux soucis; pour se soustraire à
l'exécution de l'arrêt, elle transige, et ainsi s'ouvre
pour le Collège la possibilité d'acquérir à un prix
V raisonnable tout le terrain tenu jusqu'alors en location\
i. Jugement du 19 juillet 1839, inséré dans le Mémoire distri«-
bué pour la cause d'appel, M® Pascault , avoué. — In-4*, impri-
merie de E. Duverger.
2. Arrêt rendu par la deuxième chambre, le 49 août 1839.
3. Promesse de vente sous seings privés, précédant Pacte défi- .
DE SAINTE-BARBE. 245
C'est Sâinte-Barbe qui démolira et qui rebâtira pour
son propre compte.
Restait la question d'argent, car ce n'est pas avec le
mince capital social dont on disposait alors qu'on aurait
fait face à tant de dépenses où l'on allait s'engager. Le
Directeur le sentait, et le disait plus haut que personne ;
mais il remontrait à la Commission de surveillance qu'il
était facile d'augmenter les ressources par une réforme
. de la Société. En tout état de cause, une telle réforme
lui paraissait indispensable. On n'avait pas d'existence
légale ; aucun engagement n'avait été pris à l'égard des
actionnaires; ni intérêts, ni capital ne leur étaient ga-
rantis; ils constituaient un groupe sans qualité, sans
droits, sans pouvoir. 11 était temps de donner plus de
consistance à l'entreprise : on profiterait de l'occasion
pour ouvrir la porte aux retardataires, pour recueillir
Toffrande des amis qui n'avaient pas encore contribué
et qu'on savait disposés à le faire.
La Commission étant entrée dans ces vues, des statuts
furent dressés pour une société commerciale dans la
forme de celles que l'on appelle anonymes ^ parce
qu'elles ne portent le nom d'aucun des intéressés,
société qui devait être composée exclusivement d'an-
ciens barbistes ou de parents de barbistés. Le capital
social fut porté de 230 000 francs à 520 000. Afin
d'empêcher l'envahissement de la spéculation et d'en-
tretenir l'esprit qui avait animé les premiers bailleurs
nitif passé le 8 avril 184i, entre Mme Jeanne-Adrienne Chéret,
veuve d'abord de Pierre-Marie-Henry Tondu-Lebrun, et ensuite
de Jean-François Champagne, et Mme Civilis-Victoire-Jemmapes-
Dumouriez Tondu-Lebrun, veuve de Nicolas-Hippolyte Régley,
d'une part, et la Société de Sainte -Barbe, d'autre part.
246 HISTOIRE
de fonds, il fut décidé que, jusqu'au payement iiité««
gral de's acquisitions et constructions à ûiire (c'est^àU
dire dans un terme indéfini), il n'y aurait pas de divi-
dendes distribués aux actionnaires; mais qu'aprêi
l'intérêt à cinq pour. cent soldé pour chacune des
actions émises^ l'excédant des bénéfices qui n'irait
point au fonds de réserve serait consacré par les man*^
dataires de la Société, seuls juges en celte partie, à des
améiiorations intérieures ou à la rémunération des
services rendus. La Commission de surveillance de U
première société, augmentée jusqu'au nombre de
vingt et un membres, devint Conseil d'administration-.
Ces statuts , uniques en leur genre par l'exposé qui
les précède*, sont l'ouvrage de Vavin, alors député
du onzième arrondissement de Paris, l'un des première
qui s'étaient dévoués pour le salut de Sainte-Barbe, i
L'autorisation royale étant nécessaire aux sociétés
anonymes, les statuts de la nôtre durent être soumis
au Conseil d'État. On dit que plus d'un de MM. leis
conseillers ouvrit de grands yeux en voyant une société
commerciale se constituer pour l'entretien d'une mai-
son d'éducation. Volontiers on Teùt prise pour une
congrégation enseignante. Il y eut bien des questions^
bien des objections, auxquelles ne se lassèrent pas de
répondre M.Vatout, lui-même conseiller, et M. Charles
Paravey, alors maître des requêtes. Après quelques mo-
difications introduites pour garantir les droits de l'Uni-
versité, l'acte constitutif fut dressé le 24 février 1841;'
1, Société de Sainte-B^be, société anonyme constituce par acte
notarié des 11 juin 1840 et jours suivants^ statuts. — In-4'»,impr.
de E. Duverger.
2. Sainte-fiarbe, Société autorisée par ordonnance royale en
DE SAINTE-BARBE. 247
en l'étude de M' Aubry, qui avait été auparavant Fétude
de M® Yavin. La société fut autorisée sous le nom de
Société de Sainte^Barhe par ordonnance de Louis-
Philippe, rendue le 47 mars suivant*. Deux autres or-
donnances (1 8 juin 1 843 et 20 septembre 1 845) lui
donnèrent depuis une extension nouvelle, et lui permi*
rent d'élever son capital à six cent mille francs, puis à
un miIlion^
On n'eut pas besoin d'attendre que les ressources
fassent définitivement constituées pour porter le mar*
teau sur les bâtiments dont on appréhendait la ruine.
Leur démolition fut prompte; ils n'opposèrent aucune
"résistance. Le 8 août 1 840 tout était prêt pour poser la
première pierre de la grande aile qui fait retour de
la rue des Sept-Voies sur la rue de Reims; on avait
destiné à cet usage une pierre retirée des décombres
du vieil édifice. Ce fut une cérémonie mémorable.
Une tente avait été dressée dans la cour pour exhiber
les nouveaux plans. Le Comité de l'Association ami-
cale et le Conseil d'administration de la Société étaient
présents. Après une messe de Saint-Esprit , les élèves
furent amenés, au roulement du tambour, par le
doyen de la maison, M. Fayard^ qui achevait alors sa
trente-septième année de service comme inspecteur.
Lorsqu'on eut fait cercle autour de la fouille, M. La-
brouste parla, et après lui M. Paravey , qui avait si bien
soutenu le droit de Sainte-Barbe au Conseil d'État. Le
Conseil d'administration, dont il était l'organe, n'aurait
date du 17 mars i841 : exposé, statuts, premiers souscripteurs,
4841.' — In-8°, iœpr. de£. Duverger.
1 . Bulletin des lois, Partie supplémentaire, n" 527, J). 260.
2. Çulletin des lois, P. s., n° 804, p. 377.
248 HISTOIRE
pas pu Ëdre exprimer ses sentiments par un cœur plus
pénétré. M. Paravey, Fun des anciens et brillants élèves
du Collège, Ta servi dans toutes les occasions avec luiç
affection filiale. £n terminant son allocution , il dit :
a Quand les murailles que nous allons bâtir flédn»
ront à leur tour sous le poids des années, il se trou*
vera là d'autres barbistes pour les étayer, pour les
reconstruire; car il y a quelque chose parmi nous
qui vivra plus que ces murailles : c'est Tesprit qui les
relève, et voici une pierre qui nous dit que, sous les
ruines où elle peut retomber, comme sous les ruin^^
d'où elle e3t sortie, notre Sainte-Barbe ne périra pas. »
Les discours étant terminés, le Directeur scella dans
la pierre, qui avait été creusée exprès en forme d'auge
la médaille de Victor de Lanneau, un exemplaire im»-
primé des statuts de la Société, le règlement du Collège,
le livret du dernier banquet, et une plaque de cuivre
sur laquelle est gravée Tinscription que voici :
Ad înstaurandum Sanctae Barbarae gymnasium
, anno 1430 a Johanne Huberto institutum*
et anno 1798 a Victore Delanneau restitutum féliciter
nunc vetustate collapsum
prisci fraterna societate coniposita discipuli
novis adstantibus discipulis
primarium hune lapidem
. posuere
die aug. viii annp Domini 1840.
Et quod omnes uno animo parique studio
in communem consentîunt et connituntur operam
nullius hac in tabula nomen
inscribi voluerunt.
i , D'après le système historique de Félibien, renversé ci-dessus,
t. I, p. 3, et t. Il» p. 200,
DE SAINTE-BARBE. «49
Ensuite la pierre elle-même fut scellée dans son as-
aise, aux cris de Vwe Sainte-Barbe ! mille fois répétés
. par les élèves.
Les travaux furent poussés avec une promptitude
extraordinaire, pour un temps on les architectes ne
possédaient pas encore la baguette magique qu'on
leur a fait trouver depuis. Le bouquet d'usage fut posé
le U décembre suivant au faite de TédiGce. Au mois
•d'octobre 1 841 , le soleil et les vents de la Montagne
avaient suffisamment séché les plâtres; on put entrer
en possession.
Le plan, soigneusement étudié par MM. Théodore
et Henri Labrouste, frères du Directeur, est digne de
servir de modèle à toutes les constructions du même
^enre. Les dégagements sont multipliés et commodes.
.Toutes les parties aboutissent à des points communs,
d'où la surveillance peut s'exercer sans se trahir. Les
dortoirs sont chauffés par des calqrifères; des robi-
nets y amènent l'eau pour la toilette. Ils restent éclai-
rés pendant toute la nuit. Chacun est sous la garde
d'un maître , qui couche dans une cellule élevée au«
dessus du sol, fermée sur le devant par un simple
rideau; en outre, un garçon de service a son lit près
de la porte d'entrée. Dans les quartiers, les élèves ne
sont plus placés vis-à-via les uns des autres, sur les
deux côtés d'une table. Us sont tous assis en face de la
chaire du maître, par rangs qui se tournent le dos.
Les salles donnent sur un corridor, d'où l'on a vue
dans chacune par un guichet vitré. C'est l'œil de la
police. Des choses qui échapperaient à l'attention du
maître peuvent être aperçyies par ce redoutable car-
reau. A toute minute la porte peut s'ouvrir, et la voix
Î50 HISTOIRE
de l'inspecteur en tournée , ou celle du préfet *de§
études^ se faire entendre pour dénoncer un délit.
Pendant que l'aile de la rue des Sept -Voies était ed
construction 9 Montaigu^ dont on avait fait une prison
militaire depuis le commencement du siècle (des bar-
histes en ont tàté étant élèves de TËcole polytechn-
nique, et d'autres se rappellent qu'en 4809 et 18f0
M. de Lanneau y allait rendre visite au général Ma^
rescot, son camarade de l'École militaire, emprisonné
à raison de la capitulation de Baylen), Montaigu dono
fut enlevé à sa dernière destination, et ses vieux bâti*
ments restèrent vides^ en attendant qu'on les jetât pai!^
terre. Une occasion unique s'offrit ainsi pourleCoUégi^
de prendre un accroissement dont il pressentait qu'il
aurait bientôt besoin; car en réunissant Montaigt;
à son domaine, il se fût procuré non-seulement âe
l'espace, mais encore une immense façade sur la
place du Panthéon. Le Directeur plaida chaudement
pour ce parti, assez chaudement pour y amener le
Conseil d'administration, qui n'en voulait point enten-»
dre parler d'abord. Mais à peine s'était-on décidé^
qu'il s'ébruita que le gouvernement avait jeté les yevLit
sur le terrain de Montaigu pour y transférer la biblio-
thèque Sainte-Geneviève. Sainte-Barbe se récrie j elle
se rend en corps chez les' deux ministres que cela
concernait; elle les touche en leur peignant le dom-
mage qui résultera pour elle de la construction d'une
bibliothèque qui va la masquer et l'étouffer; elle est
admise à négocier l'achat de Montaigu avec l'admi-
nistration des Travaux publics.
Le Conseil de la Société ne s'était embarqué dans
l'afTaire que sur la foi d'une certaine estimation. Le
DE SAINTE-BARBE. 25f
piix du ministre des Travaux publics étant beauëoup
plus fort, la négociation est rompue, abandonnée à
tout jamais^ malgré les supplications, . les regrets de
quelque$-uDS. Sainte-fiarbe se passera de Montaigu.
> L'administration de la Guerre, cependant^ fait imne
die se ressaisir du vieux collège abandonné. Nouvelle
alarme pour le nôtre. Va-t-on de nouveau être exposé
aux regards plongeants d'une population sinistre, où
bien aura-t-on pour voisins les fiévreux d'un hôpital
militaire? On se repent alors d'avoir repoussé la bi*
bliûthèque, voisine honnéfe, tranquille, saine, parfai*
(ement convenable pour un collège; on conçoit la
pensée audacieuse d'en ressusciter le projet, et, grâce
aux intelligences qu'on a dans les hautes régions du
pouvoir, on y réussit; et vingt-sept députés barbistes
de toutes les opinions, des mécontents contre le mi**
nistère et des opposants quand même, qui cette fois
fois changent de rôle, des radicaux non barbistes,
mais subjugues par les barbistes, forment la majorité
qui vote la loi du 7 juin 1843*, consacrant l'étroite
et perpétuelle union de Sainte-Barbe et de Sainte*
Geneviève, substituée à l'antique Montaigu.
Tout n'est pas encore fini. L'alliance avec le Gou--
veruement a été à la condition que le Gouvernement
donnerait à Sainte*Barbe Une entrée du côté du Pan*
théon. 11 faut que cette partie du traité s'exécute. Le
Directeur et le Conseil vont avoir à dépenser encore
une année en démarches, en négociations, en trans-
actions de l'espèce la plus difficile, et finalement Ton
n'en pourra sortir qu'au moyen d'une seconde loi ,
1. Promnlgaée le 19 juillet suivant.
ini HISTOIRE
par laqaelle sera modifiée la première \ Trois ou
quatre arrêtés préfectoraux, qui ont été rendus dans
rintervalle, ne sont point à compter.
Voici en deux mots ce qui eut lieu« La nouvelle
bibliothèque prenant la plus grande partie de la rue
Jean-Hubert, ainsi qu'une maison sur cette rue, qui
appartenait à Sainte-Barbe, comme dédommagement
pour celle-ci, on supprima la rue desCholels, dontoii
lui abandonna la çaoitié ; on lui permit de s'adosser
à un arrière-corps de la bibliothèque; on lui accorda
enfin la faculté de pousser Jlisque sur la place du Pan-
théon un corps de logis dans lequel serait établie son
entrée principale. Ce dernier bâtiment fut élevé en
1845 par M. Théodore Labrouste, qui en dessina la
façade de manière à la mettre en harmonie avec celle
de la bibliothèque , ouvrage de son frère, M. Henri
Labrouste. Sur une plaque de marbre noir, dans le
tympan de la porte , est gravé en lettres d'or le nom
de Samte'Barbcj et au-dessus du cintre, un écusson
porte les trois dates qui résument les destinées de l'é*
tablissement, 1 460, 1 798, 1 841 .
En 1 846 on démolit l'ancienne et la nouvelle cha-
pelle, ainsi que les bâtiments élevés par Robert Du-
gast sur le fonds de Jean Hubert. Ceux-ci , comme
on l'a déjà expliqué plusieurs fois, tombaient per-
pendiculairement à la rue de Reims, et se terminaient
par une tour pentagone, adossée au mur de pignon du
côté de Montaigu. On n'a pas oublié l'inscription que
Robert Dugast fit graver sur cette tour, lors de sa*
4. Loi du 2 juillet i84(i. Bulletin des lois, n» 1107 (5 juillet
1844).
DE SAINÏE-BARBE. 2$58
construction en 1553^ De nouveaux docmnents nous
ont depuis révélé que Torgueilleux docteur, afin
d'attirer de loin les regards sur son collège, avait fait
édifier au soûimet un campanile en charpente, qui
dominait le quartier. 11 appelait cela |^ Donjon de
Sainte-Barbe'.
Avant d'aller rejoindre dans le néant son donjon
abattu depuis près de deux siècles, la tour reçut la
visite d'un vénérable grand-oncle de trois jeunes bar-
bistes alors sur les bancs, M. Benoist de Plailly, maire
du village de ce nom, sorti de l'ancienne Communauté,
en 1 778, et l'un des premiers actionnaires de la Société
de 1 841 . Le vieillard grimpa lestement les cinq étages
de l'escalier, et montra avec émotion la chambrette
d'où, soixante-cinq ans auparavant, étant élève de
philosophie, il avait vu bâtir la coupole du Panthéon.
A la place des maisons de Robert Dugast» on con-»
struisit une galerie couverte, qui met en communica-
tion les nouvelles constructions du sud et du nord. Au
milieu est engagé un petit arc de triomphe, garni en
dedans de plaques de marbre pour inscrire les noms
glorieux du Collège.
L'année suivante vit s'élever un nouveau corps de
logis à l'ouest, sur la partie de la ci-devant rue dçs
Cholets, cédée à Sainte-Barbe. Là furent placés le par-
loir, les réfectoires, et la chapelle au premier étage.
Celle-ci est disposée avec élégance, munie d'un bas
côté et éclairée par une coupole au-dessus du sanc-
tuaire. Le talent de plusieurs barbistes a été mis. à
1. Tomel, p. 3055.
2. Archives de TEmpire, S. 6184, Rapport d'expert, du 28 no-
vembre 4683.
â54 HISTOIRE
contribution pour la décorer. M. Amaury Dûval, avec
le concours de M. Brunel, Tun de ses élèves, a cou-
vert de grandes figures peintes le tambour de la cou-
pole. On y voit Jésus-Christ entouré des petits ehfantsJ
La frise au-4^ssus est remplie par ce verset de saint
Jean : Hoc est prasceptummeurn^ utdiligatis irwicerh
sicut dilexi i^os. L'autel aura quelque jour une statue
de sainte Barbe, promise par le barbiste Dumont^
membre de llnstitut.
La stalle du Directeur est disposée à l'entrée du
chœur, du côté de Tévangile. M. Labrouste y a fait
inscrire les mots: Ego pro eis rogo.XJtx marteau de fer,*
dont elle est munie et qui sert à régler les mouve-
ments de l'assistance, est celui dont Victor de Lan-j
neau et son fils se servirent pour le même usage.
L'archevêque de Paris, Mgr AflFre, vint faire la con-
sécration le 4 décembre 1 847, assisté de deux grands
vicaires, du curé de Saint-Étienne du Mont, et de,
labbé Marcelli, alors aumônier de la maison. Il fallut
faire entrer le cortège par une fenêtre, parce qu'il n'y
avait pas encore d'escalier pour monter à la chapelle.
Moyennant de riches tentures, les apparences furent
sauvées.
Nous avons rapporté précédemment un mot c\x-
rieux, prononcé par le prélat dans la sacristie*. Ce^
n'est pas la seule marque qu'il donna de ses opinions. ".
S'entretenant avec M. Vavin, qui lui fit tout le temps j
les honneurs au nom du Conseil, il critiqua comme,
favorable à Tultramontanisme une récente ordonnance
du roi, qui reconstituait le chapitt'e de Saint-Denis*
i. Tome I, p. 1Ô6.
.DE SAINTE-BARBE. 255
Après les cérémonies d'usage et la célébratiou de
l'office, Mgr Aflfre visita rétablissement. Deux rhétori-^
ciens, Edmond Villetard et Léon Gautbiez, lui présent
tèrent une ode de leur façon, sur le rliytbme employé
par Horace pour chanter la fontaine de Banduse :
Qui nunc ingrederis limina non prius
Oii visa tuo, tç, pater optime,
Grata voce salutat
Omnis barbicolum domus.
Us déploraient ensuite le temps , heureusement
passé, où, leur ancienne chapelle étant démolie, ils
avaient eu à faire des courses continuelles pour assis-
ter aux offices ; ils rappelaient les titres historiques de
la maison à la sollicitude du pasteur; enfin, s'autorisaut
de l'exemple de Pie IX, qui venait d'octroyer la liberté
aux Romains, ils demandaient l'objet éternel des dé-
sirs de l'écolier, un jour de congé en sus de celui de
la Sainte-Barbe ^
L'archevêque accorda le congé, et dit adieu à ces
enfants, en leur promettant de venir les revoir* Mais il
ne lui fut pas donné de tenir sa promesse. Six mois
s'étaient à peine écoulés qu'il tomba, frappé à mort,
sur une barricade.
Sa mémoire est conservée d'une manière particu-
lière au Collège, non-seulement parce qu'il a consacré
la chapelle, mais parce qu'il l'a dotée des prérogatives
les plus étendues, à ce point qu'on y accomplit toutes
les cérémonies qui ont lieu dans les paroisses : ainsi
on y fait la première communion des élèves, on y
baptise^ on y marie. Pour les actes qui exigent enre-
1 . Fêtes annuelle^ de Sainte-Barbe, t. m, p; 468^
256 HISTOIRE
gistrement, on va chercher les registres de la paroisse.
A rheure qu'il est, la chapelle de Sainte-Barbe a déjà
été témoin de trois baptêmes et de cinq mariages,
baptêmes d*enfants qui n'avaient point leurs actes,
mariages entre de jeunes professeurs et des filles de
fonctionnaires de la maison.
L'abbé Marcelli, étant à Rome, avait sollicité une
grâce particulière pour l'autel qu'il desservait. Dès le
15 mars 1847, le Saint-Père accorda une indulgence
pleinière, applicable à tous les fidèles qui viendraient
prier dans la chapelle de Sainte-Barbe, pendant Toc-
tave qui précède la fête de la patronne.
Les événements de 1 848 amenèrent nécessairement
un temps d'arrêt dans les travaux de construction. On
se remit à l'œuvre en 1852, et le périmètre du collège
fut enfin complété par la construction de l'aile qui fait
face à Louis-le-Grand, sur le bout supprimé de la rue
de Reinïls. Le Directeur voulut célébrer par une fête
le jour heureux où finit pour lui un souci qu'il ne
s'attendait pas alors à voir renaître, le moment où
fut close la longue période d'activité forcée, pendant
laquelle il avait fallu, par des déménagements réitérés,
par des installations provisoires, par des baraquements,
des campements et mille étranges métamorphoses, ré-
soudre le problème difficile de rebâtir une maison tou-
jours habitée, et même de plus en plus habitée. On
n'eii serait jamais venu à bout, si l'on n'avait pas pu
disposer des bâtiments du vieux Reims, sur» la rue des
Sept-Voies, ainsi que du non moins vieil hôtel de
Marly, qui, avant de disparaître pour toujours, abrita
entre ses murs quelques dortoirs barbistes.
11 y eut donc pose de la dernière pierre le 3 décem-
icte
si
lient
'oc-
eût
On
H^
ait
ne
îte
3e
it
'?
DÇ SAINTE-BARBE. 257
bre 1 853, comme il y avait eu pose de la première le
8 août 1840. Après une distribution de récompenses
aux ouvriers du chantier, une pièce d'entablement,
enrubannée et couronnée, monta prendre sa place aux
acclaniations de tout le collège. Cette pierre porte en
inscription les mots Summi fastigia tecti^ avec la date
de Tan et du jour.
.Les travaux furent exécutés avec la plus stricte éco-
nomie. Par un rare phénomène, les dépenses ne dépas-
sèrent jamais les devis.; elles. restèrent même au-des-
sous. Mais.il faut remarquer que les architectes, les
entrepreneurs et la plupart des. fournisseurs furent bar-
bistes ou parei^tsde barbistes.
Ganôeron, qtâ ne vjt pas l'opération arriver à son
terme, avait dit, peu de temps après qu-elle fut commen-
cée : « Ce n'est pas un million seulement qu'il nous
faudrait, c'est deux. » Tout le monde sentit qu'il di-
sait vrai; mais le Directeur et les sages du Conseil
s'opposèrent à une nouvelle augmentation du fonds
social. Avec les bénéfices du CoUége, quelques prêts
d'amis obligeants, et du temps, on put faire face à toutes
les nécessités.
17
288 HISTOIRE
CHAPITRE XV.
'NouTcllc discipline. — M. GuéraH, préfet des itudes classiques. — Ré-
tablissement des classes intérieures. — Classe de philosophie. ^ Succès
de Sainte-Barbe. — Élèves fameux décédés, — Livres pour rensei-
gnement barhiste. — Conférences gratuites pour la préparation à la-
licence es lettres et à l'agrégation.
Le jour de son entrée en possession, M. Labrouste
dit aux élèves qu'il venait parmi eux uniquenieî>t pour
se rendre utile^et. que son ambition serait: salisraite,
s'il parvenait à se faire aimer. Son visage ne démen-
tait point ses paroles. Il annonçait à la jeunesse un
gouvernement paterueK L'aflectiou fut promptemént
acquise au nouveau Directeur. Après qu'on , Veut vu à
l'œuvre, le respect s'associa à l'aflection. ,
Apportant la résolution de rajeunir. la discipline et
de l'asseoir en même temps sur une base inébranlable,
ses premiers efforts tendirent à ce que les bonnes h^r
bitudes s'enracinassent promptemént, habitudes de tra-
vail, d'ordre, de propreté, de politesse, de bienveil-
lance réciproque et de constante obéissance à la loi.
Il donna à ses élèves un uniforme élégant et dégagé,
exempt de prétention à la tenue militaire, et qui les
(ît reconnaître entre tous les écoliers. Il voulait que,
signalés à l'attention du public par cet habit, ils mi^-^
sent leur amour^propre à se montrer partout discrets
et bien élevés. Il extirpa les derniers restes de la ty-
DE SAINTE-BARBE. 259
rannie exercée par*les anciens à l'égard des nouveaux,
,en désignant pour chaque nouvel arrivant un patron
de son âge, chargé de le protéger. Les exceptions et
dérogations à la règle qu'un long usage avait consa-
crées (ainsi ce qu'on appelait les priçï/eges des rhéto-
riciens, ainsi le réfectoire affranchi de surveillance le
j,ojur de la sainte Barbe), il les abolit, ne pouvant pa,s
souffrir ridée que les maîtres, pour quelque raison que
ce fût, restassent jamais désarmés devant les élèves,
ni que ce qui était le devoir à un âge ne le fût
pas à un autre. Il ne fit aucun cas des dispositions les
plus heui^euises, si la soumission n'en était pas l'ac-
compagnement ; et quand il le fallut, il ne recula pajs
devant le moyen dont l'emploi avait été la dernière
ressoui^cé de ses deux prédécesseurs : il renvoya les
insubordonnés.
Plusieurs exécutions de ce genre furent nécessaires
pour introduire lé nouveau règlement dans la classe
de rhétorique. Il ne les fit pas toutes à là fois, mais
Tune après l'autre, en mettant de l'intervalle, afin que
les jeunes ge«s eussent le temps de réfléchir et de
vehir à résipiscence. A la cinquième victime, la sou-
mission fut obtenue.
Toutefois c'est par la:p<^saasioi:i plutôt que par la
repression qu'il s'appliqua à gouverner. Il eut recours
«ifeux exhôrtatians particulières, aux proclamations €^
<;àUôcutions publiques. Avec l'accent- d'une affection
^fùcicère et; dans un langage susceptible de toucher la
Jeunesse, il fit entendre en temps utile les coosfeik de
la F^on. Il sut parler au. nom de lairerlti, de i'hon-
Beur, du patriotisme^^aa wK^m Kurtottt de la noble fi^
teriiité'doRt il était,) doni: ilest-encore le principal
260 HISTOIRE
représentant. Dire ]a gloire et les malheurs de la mab
son, les efforts de dévouement accomplis pour la sau^
ver, la dette contractée envers la grande association^
auteur de cette œuvre, par tous ceux qui en profiteni;^
rhonneur reçu par des enfants, à l'éducation, au;i
travaux, ailx succès desquels veillent, avec une soUicir
tude d'amis, des hommes illustres dans toutes J^s
carrières; faire appel à tous les sentiments que de telles
circonstances sont capables d'éveiller; et, pour aug*^
menter l'effet des paroles, de temps en temps, à d^s
heures solennelles et choisies, mettre la jeunesse en
présence de quelques-uns des patrons du Collège t voilà
les stimulants les plus efficaces dont usa notre Direc^
teur. Rien ne contribua davantage à assurer le présenJL
et à préparer l'avenir. Par là, l'esprit ancien fut conso-
lidé, tandis que la maison se formait à des allures
nouvelles.
Nous allons dire quels furent, sous le rapport des
études, les premiers fruits de ce régime. Ce sera ub
double tableau à retracer, puisque, depuis la créatioiû
d'un institut scientifique pour la préparation aux
grandes écoles de l'État, Sainte-Barbe a formé deux
gouvernements sous un même sceptre.
Il faut commencer par la division de l'enseignement
classique. Elle a pour elle l'avantage du nombre, l'ach
tiquité, les traditions; elle est à proprement parler la
mère-patrie. Pour la conduite de celle-ci, le nouveau
Directeur investit de toute l'autorilé d'un [premier
ministre un homme qu'il avait vu à l'œuvre et avec
lequel il était sûr de s'entendre, M. Guérard, qui l'as*
siste encore aujourd'hui avec la même fonction.
M. Guérard, élève brillant du collège royalde Metz,
DE SAINTE-BARBE. 261
pais de l'École normale^ entra à Sainte-Barbe comme
ndaitre de conférences eu 1831 . Excellent helléniste, il
ranima le goût du grec. La«vivacité de son esprit, sa ponc-
tualité, la façon dont il tenait les élèves, lui firent don-
ner par M.' Adolphe de Lanneau la direction du travail
an Moyen, puis au Grand-collège, emplois dont il s'ac-
quitta non moins bien que de ses conférences. 11 avait
donc fourni des gages suffisants de son mérite en 1 838,
et en le nommant préfet général des études, M. La-
brouste ne fit qup récompenser des services déjà an-
ciens.
M. Guérard était agrégé de TUniversité. Nommé
professeur suppléant au collège Saint-Louis, il lui fut
possible, pendant un temps, de mener de front ses deux
emplois; mais Toccupation devenant trop considé-
rable à Sainte-Barbe, il dut renoncer à sa chaire.
L'Université, pour le retenir, lui offrit la place de cen-
seur au collège royal de Bourges ; elle lui promit un
avancement rapide. Il aima mieux se donner à sa patrie
^tl'adoption. Son mérite s'est déployé à mesure que
la maison a pris plus d'accroissement. Le bel ordre
qui y règne est en partie son ouvrage, et la confiance
du Directeur à son égard est sans limites.
L'un des premiers soins de la nouvelle direction
fut de rétablir les classes intérieures au-dessus de la
septième. Elles avaient été la cause de la supériorité
<le Sainte-Barbe sur les autres institutions, du temps
de M. de Lanneau père, et le fils avait cherché à y re-
venir après 1830. Les lois qui les interdisaient n'é-
taient plus dignes d'une époque de modération et de
liberté. Vouloir que .tous les élèves des institutions,
même les plus nombreuses^ se rendissent en classe
262 HISTOIRE
aux collèges royaux, c^éiait surcharger les professeai^^
les mettre dans la nécessité de ne donner leur atten^
tion qu'à quelques-uns, ou de la répartir entre toua
dans une mesure insuffisante. Combien d'esprits
lents^ou légers, ou seulement mal préparés, languissetU^
sur les bancs, faute d'utie culture assidue! C'est pouc
ceux-là que le nouveau Directeur, malgré les proliibi^
t.ions toujours subsistantes, osa instituer de nouvefttt
un enseignement domestique; et la tolérance que
Sainte-Barbe avait trouvée jacUs auprès de MM. def
Fontanes et Royer-Collard, lui fut encore acquise de I»
part de MM. Villemain çt Salvandy.
Pour organiser renseignement dont il s'agit, oir
ne chercba aucune recette nouvelle. On fit appe^
à la mémoire du passé, on se ressouvint de Victcw»
de Lanneau précliant sans cesse que le but de l'édtin
cation libérale doit être d'habituer au travail l'esprit
des enfants, parce que le travail, par les efforts qu ii
exige, par la régularité qu'il impose, par l'occupation
qu'il fournit a l'intelligence, est la garantie de moralité
la plus sûre. C*est ce vieux, ce gothique précepte que
l'on chercba surtout à mettre en pratique ; et ce qu'on
faisait* à cet égard il y a soixante ans, est encore ce
qui se fait aujourd'hui.
On a^oin de ne mettre dans les classes qu'un noqn^
bre d'élèves dont le professeur puisse surveiller les pro-
grès. Il faut que tous, dans la mesure de leurs moyepsi
profitent de l'instruction qu'on leur donne; il ne faut
pas qu'aucun espère, par de la tranquilité ou par tout
' autre artifice, parvenir à se faire oublier dans son coin«
ce Guerre à la paresse » est le mot d'ordre donné par
le vigilant préfet des études; lui-même est le phis
DE SAINTE^BARBE. 263
acharné à la poursuite 'des paresseux. Il les connait
tous, ne les perd pas de vue un sejil jour^ les harcelle
sans cesse et met sa gloire à les dompter. Grâce au
ajstèené dont il a fait une applicaiion si bien enten-
dii&y la queue des\ classes, sous son commandement,
n'est pas cette masse inerte qui d'ordinaire ne passe
par les collèges jque pour y faire nombre; rémulation
est entre les derniers aussi bien cpi'entre les premiers.
Le rétablissement des classes intérieures, quoique
graduel, fut assez rapide. Au bout de trois ans, l'exer-
cice fut complet, il y eût jusqu'à une chaire de philo-
sophie. Cette dernière possède déjà son histoire : elle a
vu la' science qu'elle a pour objet tour à tour portée au
pinacle, puis humiliée et mutiléév^^l tout nouvellement
remise en. honneur; elle a flbtle au gré de Tinstabilité
des programmes ; elle a été. tenijie par {Plusieurs hommes
de mérite, mais de l'esprit le plus différent. En pre-
mier Jieu. M. Bouillet^ le vieux barbiste qui militait
d^à depuis seize ans dans l'Université : il était alors pro»
fesseur au collège Henri IV. Lorsqu'il fui nommé pro-
viseur du collège fieurbon, il proposa pour lui succé-
der à SaihterBarbe M..IIiernslieiin, un normahenqui
ne larda pas à se rendre trapiste. M.Pellissier, agrégé
de : rUùiversilç et . docteur . es lettres, vint ensuite.
Pendant un long. : voyage en Orient, il fut remplacé
par M. Waddington^Kastus, qui fit en même temps
un cours libre à la Faculté des letti^s.C'està M. Wad-
dington qu'est dû un livre remarquable sur Ramus,
dont il a été question au commencement de cette his*
toire^ Ce savant occupe aujourd'hui l'une des chaires
i. Tome I, p. 22».
Uk HISTOIRE
du gymnase protestant de Strasbourg. H. Pelliseier,
revenu depuis longtemps à s>on poste, s'est vou^ tout
entier à notre Collège. La philosophie exigée pour les
deux baccalauréats est enseignée par lui dans un
double cours, qui n'est pas moins écouté des matbe-
maticiens que des élèves de la division classique, it a
fait imprimer le résumé de ses leçons de logique %
lorsque la logique était la seule, partie de la philoso-
phie autorisée par les décrets.
Mais revenons au temps, déjà ancien, où fut inau-
guré le nouvel enseignement barbiste.
Comme le nombre des élèves allait toujours en
croissant, qu il y en eut plus de quatre cents en 184A,
cinq cent soixante*dix en 1845, six cent vingt en
1846, année à partir de lacjuelle on fut dans Tobliga-
tion d'en refuser (et cependant ils dépassent aujour-
d'hui le chiffre de douze cents), Louis-le-Grand ne
souffrit pas de la formation des classes intérieures.
Avec les sujets d'élite qu'on lui envoyait, il eut autant
de barbistes que par le passé et plus de succès au con-
cours général. Une série de moissons extraordinaires
en ce genre commença à partir de 1841 . Cette année
même, les élèves de M. Labrouste rapportèrent de la
Sorbonne, pour leur quote-part, le prix d'honneur
et six autres prix. Le préfet de la Seine, présidant Je
lendemain la distribution de Louis-le-Grand, ne put
s^empécher de féliciter Sainte- Barbe, et d'exhorter Je
collège royal à entretenir avec elle une fraternité si
avantageuse,
i. Préds d*un cours élémentaire de logique, conformcment aux
nouveaux programmes. la*12, Paris, Duraud.
DE SAINTE-BARBE. 265
Cette recommandation était ini|tile. La fraternité
fut aussi complète que possible pendant ces années
d'apaisement des passions et de tolérance universelle.
Depuis longtemps d'ailleurs, le proviseur de 1830,
M. Jules Pierrot, avait habitué les pensionnaires et les
externes de son collège à se regarder comme lesmein-
bres d'une même famille. Assez souvent, il réunissait
ie soir dans son cabinet un certain nombre des unset
des autres, qui s'étaient le plus signaléspar leur travail :
c'était pour les faire composer sous ses yeux, et tirer
ensuite de cet exercice la matière d'une belle leçon. 11
ne les congédiait qu'après qu'ils avaient soupe à sa
table.
Les internes de Louis-le-Graïld ne se plaignirent
donc jamais de l'envahissement des bancs d'honneur
par leurs voisins, ni de certaines veines de prospérité
telles pour ceux-ci, qu'il y eut des semaines où
les premiers de toutes les classes furent de Sainte-
fiarbe. Jamais un sentiment d'envie ne se fil jour;
mais il y eut quelquefois de l'étonnement, et l'on se
demanda par quel talisman Sainte-Barbe assurait ses
victoires. Si innocente que fut cette question, le Di-
recteur né voulut pas la laisser passer sans réponse. A
la première occasion, il donna publiquement à ses
élèves et aux parents de ses élèves l'explication qu'on
'demandait. « A ceux, dit-il, qui voudraient savoir par
quels procédés mystérieux vous avez obtenu vos suc-
cès, nous répondrons comme le vieux Romain dont
Pline nous a conservé la simple et victorieuse plai-
doirie. On l'accusait devant le peuple d'avoir employé
des maléfices pour se procurer des récoltes plus abon-
dantes qAe celles de ses voisins. Il se contenta de pré*
2«6 HISTOIRE^
senler au peuple sa belle famille, ses charrues eu bon^
état,. ses serviteurs vigoureux et dévoués : « HocnaiiiSy
dit-il, voilà mes sortilèges ^ »
De digues sujets, et en grand nombre, ont été (br*>
mes durant cette époque. Plusieurs sont parvenus
aujourd'hui à leur maturité, et ils honorent la grandei
patrie qui emploie leurs talents, de même qu'ils
avaient honoré la petite pairie de leur enfance.- Maisj;
par une cruelle fatalilé, ceux sur lesquels on avait
fondé le plus d'espérance, ceux, que la nature avait
peut* être le plus richement gratifiés de ses dons, et
qui s'étaient montrés les modèles de leurs promotions,
respectives, non.seulementdans l'intérieur du Collège^ .
mais aux yeux de TUniversité tout entière^ Moneourt^ .
Lamm, Lisle, Gauthiez et Barbier^Vital, ont été déjà-
retirés de ce monde. Il ^appartient à dès annales do^^
mesti(]ues, comme celles que nous écrivons, d'enre-f
gistrer la mémoire de ces jeunes gens infortunés.
Auguste Lamm, israêlite de Metz, pauvre et fier,^
eut le malheur de ne pas sentir combien de cœurs
étaient ouverts autour de lui. Après une courte expé-'
rience des difficultés auxquelles on doit s'attendre, lors-
qu'on veut s'avancer tout seul, il perdit le courage de
vivre.
Barbier- Vital fut enlevé par une maladie doulou--
reuse, lorsqu'il était encore en rhétorique. On pour-
rait refaire sur lui le livre de X Écolier ifertiieièx^ que.
les professeurs de l'ancien collège Louis-le-Grand écri-
virent à la louange du jeune Decalogne, décédé en 1 785.
i. Discours prononcé à la distribution des prix de 1847, Féte»^
annuelles de Sainte-Barbe, t. III, p. 474. .^ . ..
DE SAIT(T£^BARB£. ^«7
Barbiér-Vital se sentit mourir; il annonça s0l fin pro-»
chaîne dans sa dernière composition^ qui fnt une pièce
de vers latins sur le soleil couchant. Sainte-Barbe con-
serve sa dernière couronne, remportée au concours
général de 1850, que ses parents a^^ient envoyée pour
mietti*e sur son jcercueîl.
'Jacc|ues^Alaric Lisle mourut dix ans^ après ses étu-
des 4erminéfes, étant devenu, d'excellent écolier, ex-
cellent professeur dan& son propre 'collège. A la fin de
SCI philosophie, il fut gratifié du grand pris^ que Sainte-
Barbe décerne à l'élève qui, pendant tout le cours de
ses"* études, s'est placé hors ligne par sa conduite et
par ses succès. Lorsqu'il se leva pour aller chercher
cette récompense, tous les lauréats de la journée je-
tèrent sur lui leurs propres couronnes. Il n'y eut pas
une mère en ce moment <{ui n'eût souhaité d'avoir
un tel fili. 'A quoi ces brillants débuts devaient^ils
aboutir? Lisle se trompa sur sa vocation. Il se crut
appelé à régénérer Fart dramatique. Il s'isola du
monde, et s'enfonça dans une application stérile, qui
lui ravit sa gaieté méridionale^ et la santé, et enfin la
vie. Ses thèses pour le doctorat*, quelques articles dans
\e Moniteur ^ la chronique des banquets de la sainte
Barbe, qu'il a écrite pendant plusieurs années*, et
1. De Caii Julii Cxsaris eloquentia (dialogue à la manière de
Cîcéron, dédié à M. A. Labrouste), ln-8% Paris, Durand, 4852.
— Essai sur les théories dran>atiques de Corneille diaprés ses dis-
cours e( ses examens (dédié à M. A.. Bixio, ancien représentant du
'peuple). In-8% Paris, impr. Remquet, i 852.
2. Fêtes annuelles de Sainte- Barbe, tomes ill et IV. — Inaugu-
ration du petit coliég<p de Sainte -Barbe» Foniehay aux Roses, ii
mai 1852*
268 HISTOIRE
divers refrains de circonstance, sont les seules produc-
tions où se révèle son charmant esprit.
Le Collège a été illustré par deux frères du nom de
GauthieZy deux enfants exemplairesconquis par M. Gué-
rard sur le lycée de Metz, dont ils étaient rornement.
La pauvreté avait été leur première institutrice. Tout
chargés de palmes scolaires, ils furent admis Fun et
Tautre à l'École normale. L*aîné mourut peu de
temps après en être sorti; Joseph Gauthiez s'en
éloigna en 1852. A la vue de la révolution qui venait
de s'accomplir, il jugea que la carrière tout à fait li-
bre du médecin lui conviendrait mieux désormais que
celle du professeur, et il recommença bravement son
instruction. Il fut de ces étudiants dans lesquels les
maîtres de la science discernent leurs futurs succes-
seurs. L'agrégation de médecine s'offrait à lui dans
une perspective peu éloignée; il était attaché au ser-
vice de santé de Sainte- Barbe; l'une des filles de
M. Guérar4, son bienfaiteur, était devenuç sa compa-
gne, enOn tout lui souriait, lorsqu'il reçut de la nature
un avertissement qui ne dut pas tromper sa perspica-
cité, il sentit son bonheur et la vie lui échapper sans
proférer une plainte, en conservant jusqu'au dernier
moment. ia placidité stoïque qui avait été le caractère
de sa vertu.
Edme Moncourt est celui de ces jeunes gens qui
s'avança le plus dans la vie. Il fut amené de Sens par
M. Bellaigue,«à qui l'avaient révélé ses succès de l'école
primaire et plus encore la précocité de sa raison. Ja-
mais peut-être on ne vit un plus brillant élève. Pendant
cinq ans qu'il étudia à Sainte-Barbe, il remporta qua-
rante-neuf prix^ dont le prix d'honneur de rhétorique
DE SAINTE-BARBE. 2^9
au grand concours. Ses succès en 1 839 firent seusar-
tion dans le public. Ils intéressèrent même le Roi, qui
youlut que le jeune lauréat lui fut amené aux Tuile-
ries, et c'est le comte Christian Dumas qui fit la pré^
sentation.
Moncourt entra le premier à l'École normale, fiit
reçu le premier au concours pour l'agrégation , et
passa docteur es lettres à la faveur de tbèses remarr
quéesy sur des points de critique extrêmement déli-
cats*. Il professa dans les plus importants lycées de
nos départements, puis à la Faculté des lettres de Cler-
inonty et en dernier lieu au lycée Napoléon, dont la
chaire de seconde lui fut confiée. En même temps,
il remplissait à titre de suppléant celle de liltcrature
latine à TÉcole normale. Il succomba dans les der-
niers jours de 1861 à une brusque maladie. C'est à
Sens, où il était né, qu'il alla mourir. Toutes les au-
torités et toutes les écoles de la ville honorèrent ses
obsèques de leur assistance.
Moncourt s'était livré avec passion à l'étude du la-
tin. Il le possédait à fond; il savait l'enseigner et lé
traduire avec un égal talent. On a de lui une traduction
de Salluste, plus rigoureuse et aussi élégante qu'aux
cune autre '. Il a fait aussi, en collaboration avec son
1 . De parte satirica et comica in tragœdiis Euripidis disserta^
t4o academica{àQà\èk^. A. Labrouste, directeur de Sainte-Barbe).
In-8°, Dijon, Douillier, IBoi. — De -la méthode grammaticale de
Vaugelas (dédié à M. Bellaigue, ancien député de ITonne). In-8*»,
Paris, Joubert, 1851.
2. Collection des auteurs latins expliqués par une traduction
française j en regard, par une société de professeurs. In-12, Paris;
Dezobry et Madeleine, 1 853 (Conjuration de Catilina)| 1 856 (Guerre
de Jugurtha).
270 HISTOIRE
ancien maitre M* Guérard^ un cours gradué de granit
maire latine ^ Ce livre est classique à Sainte*-Barbe. Il
n*a pas la prétention de conduire à la connaissance dé
la langue par des voies jusqu^à présent inconuues. U
estledéveloppement de la grammaire de Lhomond; ii
«kend ou réforme^ là où les corrections étaient néces^
saires^ la doctrine du vieux rudiment^ mais en se mo^
delant sur lui, et il en conserve Theureuse simplicitéi
La mention d*uu tel ouvrage est si foncièrement dp
notre sujet, qu'on nous permettra d'y insister.
Si M. Guérard, homme essentiellement pratique^
* comprend de quel prix sont la clarté et la bi:;ièvet»
dans les livres de classe, il comprend aussi que les
conquêtes de l'érudition et les progrès de la critiqqe
doivent avoir leur place dans renseignement. C'est
pourquoi le Cours de la grammaire latine est rédigé
en partie double. A côté du rudiment des élèves, il y
a le manuel du maitre, où sont répétées les mémei
règles, avec le développement des exceptions et dès
cas particuliers qu'il peut être avantageux de signaler^
mais dans une mesure dont le professeur restera }e
juge. M
Avant la publication du Cours complet de langue
latine, M. Guérard avait déjà composé, d'après le
même système de la règle et du développement don-
i . Cours complet de grartimaire latine, théorie et exercices, par
MM. Guérard, agrégé de l'Université, préfet des études à Saintes
Barbe, chevalie/ de la Légion d'honneur ; Concourt, professeut
au lycée Napoléon, docteur es lettres- (1® Abrégé de la gram-
maire latine.de Lhomopd; 2^ Éléments de la grammaire latine
d'après Lhomond; 3* Exercices latins adaptés à la granmudrè
latine d'après Lhomond; 4** Cours de thèmes latinsf 5^ Courstle
versions latines), 9 vol. in-12, Paris, Dezobrj. ^ ^
D£ SAINTE-^ARBE. 271
nés à part, ud cours complet de langue française. Gel
ouvrage en est aujourd'hui à sa huitième édition.
La première partie, intitulée Petite grammaire des
Ecoles y est le manuel en usage dans toutes les écoles
knunicipales de Paris; il sert à Sainte^arbe pour l'en*-
seignement des basses classes. Viennent ensuite la
Grammaire élémentaire^^ enseignée jusqu'en sixième^
et la Grammaire et compléments^ y enseignée jusqu'en
quatrième. La doctrine pour ces deux dernières parties,
a été empruntée surtout de 'Port-Royal; pour la
première, M. Guerard s'est conformé autant qu'il lui
a' été possible à la grammaire de Lhomond. Lbomond '
est à ses yeux le maitre accompli de l'enfance, celui
qui a le mieux su la distribution et la forme à donner
aux choses pour les graver dans des esprits novices.
C'est pourquoi' il lient à conserver la méthode du
vieux professeur pour l'enseignement élémentaire du
français autant que pour celui du latin. On ne s'é*
tontiera point, après cela^ si Lhomond* est traité à
Sainte- Barbe comme l'un des génies du «foyer. Lors*
qu'une statue fut élevée à la mémoire de cet hoquae
modeste dans sa ville natale de Chaulnes, non-seule<-
menfc le Directeur en personne ^ assista à la cérémo-
\p Petit^gramtnaire^ des écoles, reiirennaD{,lei ^yntème complet
de la conjugaison française et 250 exercices gradués d'analyse,
d'orthographe et d'applications des règles, grammaticales , par
M. Guérard, agrégé de4' Université, préfet db^ études du collège
SMBte-Barbe. In-4 2, Dezobry. • ■
2. Grammaire élémentaire d'après Lhomond (livre de l'élève;
livré du maître : Exercices; Corrigés des cxerdce»)» In«lâ,
DeEobry .
3; <Gf amipaîre et eompléiiients (quatre parties; comme pour là
Grammaire élémentaire). In-1 2, Dezobry.
i7i HISTOIRE
nie, mais un rhétoricieo barbîste la célébra par des
vers lalins^
Tout en composant des livres pour les classes infé*
rieures, M. Guérard, à qui toutes les parties de Tin-
struction sont également familières, fait lui-même des
conférences de grec aux rbétoriciens. Bien plus, il
dirige, il anime un enseignement supérieur dont il
a doté Sainte-Barbe, et qui est presque devenu une
institution publique.
Lesaspirants au grade de licencié es lettres et à Ta-
grégation de grammaire n'ont guère d'autre ressourcée,
pour se préparer, que de suivre les cours publics.
Mais, outre que les professeurs du Collège de France
et delà Faculté ne choisissent pas leur matière en vue
des examens, combien de jeunes gens sont empêchés,
par les occupations qui les font vivre, de suivra i^s
cours publics ? Tous les maîtres d*étude sont dans ce
cas. Pour la commodité de ceux delà maison, M. Gué-
rard se prèii d'abord à leur faire un cours de grec ;
puis il admit^aux mêmes leçons les employés des éta-
blissements voisins; puis il représenta au Directeur
quelle bonne action ce serait que d'instituer des con-
férences pareilles pour chacune des matières de l'exa**
men de licence. 11 s'agissait là d'un pur sacrifice, d'une
chose d'où Sainte- Barbe ne retirerait que de^Thon"
neur, car pour être utile, il fallait que l'entreprise fût
entièrement désintéressée. La dépense qu'il y avait
à faire fut accueillie par le Conseil d'administration, sur
i . Désiré Laurent, In honorent Caroli Francisci Lhomond^ eut
statua in oppido Calnis xre conlato posita esty anno Domini
MDCCCLX^ quarto keil, jun, — In-4**, Paris, imprimerie de
Remquet.
DE SAÏNTE-BARBt;. 273
Tavis favorable du Directeur, et portée au budget du
Collège.
Les cours gratuits ou Conférences pour la prépara-
tion à la licence et à Tagrégation de grammaire fonc-
tionnent depuis 1 845 avec un succès toujours crois-
sant. Ils réunissent habituellement une quarantaine
d^auditeurs, et Ton estime qu'ils ont déjà fourni à
rUniversité près de deux cents gradués. « Suivez les
conférences de Sainte- Barbe » a dit plus d'une fois le
doyen de la Faculté des lettres aux candidats chez les-
quels Tinstruction péchait par le manque de direc-
tion. La plupart aujourd'hui n'attendent plus qu'on le
leur dise. Sur la «foi de la renommée, on vient tout
droit à Sainte-Barbe des collèges communaux, des ly-
cées et même des séminaires.
Les chaires sont occupées par des hommes dont le
nom dit ce qu'ils valent : MM. Bouchot, Achille Didier,
Celle père, Despois, Mesnard, Tournier, Vachvrot,
Vapereau. La plupart sont là depuis l'origine. L*ai-
mable et regrettable Rigault, lorsqu'il appartenait
encore à l'Université, déploya son talent dans ces
conférences. Il fît pendant trois ans des leçons de
poésie latine et dé composition française, qui sont
encore préisentes à la mémoire de ceux qui les ont
entendues.
M. Guérard partage avec M. Tournier l'enseigne^
ment du grec; il s'est réservé tout ce qui tient à la
traduction du français en grec , genre d'exercice où il
excelle.
En voilà assez sur une création dont le lieu est
Sainte-Barbe, qui vit de la substance et par l'esprit de
Sainte-Barbe, mais qui n'est pas Sainte-Barbe,
m 18
t74 • HISTOIRE
On va être ramené à celle-ci par VÉcole prépara»
toire, dont il sera question dans le chapitre suivant.
CHAPITRE XVI.
Premiers Directenn des études à FÉcole préparatoire.-^ M, Blanchet. — ^
Désordres réprimés. — Caractère de renseignement.— Contrôle iaces-
sant du travail, — Distribution des cours. — Admissions aax Écoles du
Gouveruement. — Extension de l'établissement. — La comptabilité
de Sainte-Barbe. — Économes agents-comptables. — Cérémonies aux-
quelles assiste le Collège. •
Nous avons vu la division pour renseignement des
sciences, ou École préparatoire, se former en 1835
d'une colonie étrangère, amenée par M. Duhamel *.
Le Collège y ajouta quelques*uns de ses nourris-
sons, dont Tun, le jeune Edouard Harlé, commença
à faire parler de rétablissement par le prix d'honneur
des sciences, qu'il remporta en 1837. Au bout de cinq
ans, il y avait déjà quatre-vingts élèves; quinzeen-
traient du même coup à l'École polytechnique.
Le fonctionnaire placé à la tête de l'École prépa-
ratoire porte le titre de Directeur des études. Dans les
premiers temps, cette direction changea plusieurs fois
de mains. Le savant M. Duhamel la résigna, au com-
mencement de 1 837, pour se retrancher dans rensei-
gnement des mathématiques spéciales. Elle fut donnée
i « Gi-dessus, p. 238^
DE SAIJVTE-BARBE. â7â
^aloi's à M. Gondinet; un ancien professeur dé la mai-
son, qui ne resta que jusqu'à la rentrée de 1838. Le
successeur de M. Gondinet fut M. Pages. Ce dernier
avait été désigné par MM. Sturm et Liouville comme
un homme d'un mérite tout à fait supérieur. Malheu-
reusement il était d'une santé déplorable. Il mourut au
Collège (31 niai 1841)j en exprimant le vœu que sa
place fût donnée à M. Blanchet, son camarade à TÉ-
cole polytechnique, qu'il avait fait venir pour le sup-
pléer pendant sa dernière maladie.
M. Blanchet, dont il est question ici, ne doit pas
être confondu avec le défunt éditeur des œuvres de La
Place, inspecteur-général de FUniversité dans Tordre
des sciences, que Sainte-Barbe a compté aussi au nom-
bre de ses professeurs. Ce dernier était M. Henri Blan-
.chet; l'autre est M. Alphonse Blancliet.
Formé tour à tour au collège d'Amiens et à l'École
polytechnique, M. Alphonse Blandiet annonçait une
vocation décidée pour l'enseignement. Toutefois,
avant de l'attacher définitivement à Sainte*Barbe, on
voulut l'éprouver. Pendant prèsii'un an, il s'acquitta
de la direction des études, seulement à titre provisoire
et d'abord avec le concours de M. Abel Pages, officier
d'artillerie, frère dti défunt Directeur. On traita avec
lui le 1 5 avril 1 842, lorsqu'on eut acquis l'assurance
.qu'on ne pouvait pas mieux reneobtfer.
11 était difficile en effet de faire un meilleur choix.
M. Blanchet est dans son département ce que M. Gué-
rard est dans le sien. C'est sous lui et par lui qiie
l'École préparatoire s'est placée à la tête des maisons
du même genre; la bonne discipline et les fortes
études qui font cette supériorité, on les lui dpit; il
276 HISTOIRE
]es a coiisliluées, il les tnaïntient sur \e pied où elles
sont.
Ses commencements furent laborieux, Jl arriva
dans un moment où Texlréme accroissement du nom-
bre des élèves rendait Texercice de l'autorité d'autant
plus difficile, que cell<yci n'avait point encore ses
traditions. L'établissement en était seulement à la
sixièuie année de son existeoce^ et parmi les jeunes
gens qui le peuplaient, alors comme aujourd'hui, ceux
qui avaient reçu leur éducation première dans la divi-
sion classique de Sainte-Barbe formaient une imper-
ceptible minorité, La plupart étaient d'orij^ine étran-
gère, et avant de les recevoir dans la maison, on ne
les avait pas soumis a autant d'inTormations que de-
puis on a jugé nécessaire d'en prendre à leur égard*
C'étaient de grands garçons , presque des liommes,
ayant talé de plusieurs genres de discipline ou n'en
ayant jamais connu aucune, à qui généralement la
perspective de Télat militaire donnait Tenvie de s'é-
mancîper, et que les jours de congé réunissaient au
dehors à des étudiants arfrancliis de toute contrainte.
Il n'était pas commode de mettre au pas cette mul-
titude hétérogène, A deux reprises elle se souleva; à
deux reprises, le 20 mars 1844 et le 21 janvier 1847,
Tinsurreclion ayant été complotée pour la nuit, les bâ-
timents de Reims furent dévastés au milieu des ténè-
bres, avec un 4umulte et des clameurs dignes de telles
œuvres de vandales. Chaque fois^ les patrouilles de
nuit, étonnées du vacarme qui se faisait, prévinrent la
police, qui accourut avec des détachements de garde
municipale.
En 1844, le désordre n'eut pas de cause connue, si-
■
--H
DE SAINTE-BARBE. ?77
non qu'il avait été suggéré dans des conventicules te-
nus au dehors, et dont d'autres écoles préparatoires
ressentirent également Teffet. C'était une épidémie
parmi les étudiants en mathématiques. A Sainte- Barbe,
aucune démonstration n'eut lieu contre les maîtres.
Tout se passa en saccagement. Lorsque la force armée
arriva, les révoltés se barricadèrent. Le père de l'un
d'eux, qui se trouvait être le chef du détachement,
sut avec autant de prudence que d'énergie forcer, en
peu de temps toutes les positions. Un certain nombre,
plutôt que de s'avouer vaincus, s'enfuirent de la mai-
son à la faveur de l'obscurité.
La révolte de 1 847 eut son programme, qui était
la revendication de plusieurs libertés : liberté de fu-
mer, liberté de porter à l'intérieur d'affreux et mal-
propres sarraux de toile jaune, dont l'usage s'était
introduit dans la plupart des écoles préparatoires
sous prétexte de ne pas salir ses habits avec la craie,
liberté enfin de se défaire d'un professeur qui déplaisait.
Le commissaire de police et la garde vinrent à temps
prêter leur appui à la Direction, qui allait d'un dortoir
à l'aulre sans arriver à se faire ouvrir les portes. On
Içs enfonça. Les mutins furent réduits, et dûment in-
formés qu'ils ne fumeraient pas, qu'ils déposeraient
les sarraux , que le professeur désigné, homme de
talent, qui faisait très-bien son devoir, serait main-
tenu. Comme ils promirent de passer le reste de la
nuit tranquilles, sous la surveillance de MM. Labrouste
et Blanchet, la troupe se relira. De l'autre côté de la
rue, dans la division des études classiques, il fallut
retenir les élèves, qui, réveillés par le bruit, voulaient
venir au secours de leur Directeur bien-aimé.
278 HISTOIRE
L'issue des deux révoltes fut la même. L'École fut
dissoute, un grand nombre d'exclusions prononcées
après enquête, et dans les classes promptement réor-
ganisées on n'admit de nouveau que les jeunes gens
qui donnèrent l'engagement écrit de se soumettre à là
discipline du. Collège. •
C'est à ce prix que les bons principes d'ordre; de
régularité, de soumission prirent racine sur le sol de
la Sainte-Bàrbe scientifique. Ils ont fructifié depuis.
Les élèves ont francliementadoptéresprilde la maison.
Le règlement, sans cesse perfectionné sous le rapport
de l'emploi du. temps, ne laisse plus de place même h
la pensée de mal faire. Toutes les classes«s'empressent
et frémissent, comme autant d'essaims, autour de }a
tâche qui leur est assignée, qu'il faut que chaque élève
accomplisse en vue de la carrière où son âge le presse
d'arriver. Un pouvoir sans bornes est acquis au Direc-
teur des études sur les jeunes gens qui savent que toute
son application est de préparer, d'assurer leur succès.
L'enseignement répond de la manière la plus rigou-
reuse à son objet. Il est préparatoire; il n'a point
de préférence à lui, point de système. Il suit pas à
pas les programmes proposés pour l'admission aux
grandes Écoles du gouvernement. Rien n'a été re-
tranché de ces programmes, rien n'y a été ajouté.
Les élèves se prirent un jour de passion pour la mu-
sique ; ils demandèrent à former entre eux une société
chorale. Des études, des exercices de chant leur
étaient nécessaires. On les leur accorda, à condition
qu'ils en prendraient le temps sur leurs heures de ré-
création.
Les classes n'ont pas été scindées comme dans la
DE SAINTE-BARBE. 279
division des études classiques, parce qu elles sont for-
mées chacune de sujets visant tous au même but, de
qui l'on n'exige pas qu'ils se surpassent les uns les
autres, mais que l'on force à se maintenir pendant
toute l'annëe avec la chance de réussir à l'épreuve
finale. On n'e^t pas admis dans la classe qu'on serait
incapable de suivre; on est retiré de celle où on aurait
lâché pied. De cette façon, tous marchent ensemble,
sinon du même pas, du moins sans se nuire*
Le mode d'enseignement a pour caractère particu-
lier un contrôle incessant, qui s'exerce au moyen d'in-
terrogations appelées colles dans le langage des éco-
liers, de sorte que les professeurs à qui est confié le
soin de ces interrogations sont les colleurs.
On se rappelle les récapitulations prescrites dans
l'ancienne Université pour empêcher que l'instruction
d'une semaine, d'un mois ne chassât de la mémoire
des enfants l'instruction qu'ils avaient reçue la se-
maine ou le mois d'avant. La nouvelle Université a
eu tort de ne point rétablir cette précaution salutaire;
mais les fréquentes interrogations, introduites dès l'o-
rigine à l'École polytechnique, ont passé de là dans
l'enseignement préparatoire. C'est l'origine des exa-
mens dont nous venons de parler. M. Blanchet en a
porté le système au dernier terme de la perfection.
Voici comment les choses se passent dans ces épreu-
ves à huis-clos :
Deux élèves à la fois, pas davantage, sont mis en
présence d'un examinateur. C^est le Directeur des
études lui-même qui a désigné ces élèves; il les^choisit
et les accouple à son gré, de même qu'il choisit
entre nue quinzaine de personnes Texaminateur du
280 HISTOIRE ,
jourix)ur Iclnombi'e de coitplesà examiner, de même
qu'il chiiisit encore le jour oLi il lui semble bo» que
IVpreuve ait lieu. Pas d'ordre régulier, pas Je tour de
rôle, rien de ce qui pourrait faire que les jeunes gens
fussent nûeuv préparés à un moment qu à ttn autiCf
ni plus exercé» sur un point au détriinenl du reste-
l^s questions sont consignées sur un cahier, la valeur
des réponses traduite en clnifrea, et ces cliiirreîî, addi-
tionnés tous les trois mois, donnent lieu à un classe-
ment général par muyeinies^ classement dont le ta-
bleau est afficlié [jour rinstruction des élèves et des
familles. Il est impossible d'iiuaginer uneappréclàUou
du travail plus étpritable, plus sûre, plus tuatliétnaû-
que. Ceux qu'elle concerne TaccepleiU comme la cei^
titudeméme, etils règlentleurs enbrtse»consé<|uence.
On conçoit combien d'assurance les élèves contrac-
tent à de tels exercices, combien ils s'y agueriisseot
pour leurs futurs examens, en se familiarisant avec
les diverses formes ([ue peuvent prendre les interro-
gationSy selon It^s divers professeurs. Ce n'est pas tout :
on les babitue encore a travailler ensemble, à s'inter-
roger entre eux, par une sorte d'enseignement mu-
tuel^ aussi profitable a celui qui sait qu'à celui qui ne
sait pas.
Les résultats obtenus par M. Blanchetont fait pen-
dant pktsieurs années 1 etonnemetit du public. Sans
s'informer de ce qu'était sa méthode, on en parlait
comme d'une cbose où il y avait de l'extraordinaire j
voire même du surnatureL On l'appelait culture en
serre chaude^ système d'' entraînement^ etc. : pures
eneuis qu'un ministre s'est cbargé dedissipLr» M. For-
tûul ayant envoyé faire uiie étude du régimede Sainte^
DE SAINTE-BARBE. 281
Barbe afin d'organiser mieux qu'il ne i'élait l'ensei-
gnement scientifique de ses lycées, les règlements de
l'Ecole pi éparatoîre, libéralement communiqués, sont
devenus du domaine public. On a reconnu qu'ils ne
poussent pas à l'abus des forces de la jeunesse, qu'ils
n'impliquent Vemploi d'aucun artifice, que pour tout
mystère, ils tiennent les esprits sans cesse en éveil et
en marche vers le but qu'il s'agit d'atteindre.
Les écoles spéciales, auxquelles on prépare, sont au
Douibre de sept : Ecoles Polytechnique, Normale su-
périeure (section des Sciences), des Mines (section des
élèves libres), de la Marine, Centrale des arts et ma-
nufactures , Forestière , Militaire de Saint-Cyr. Les
mathématiques étant la partie fondamentale de l'in-
struction exigée par tous les programiiies , c'est à
celte science que le plus grand nombre de chaires est
consacré. Il n'y a pas moins de huit cours distincts de
mathématiques élémentaires : trois pour trois années
de préparation à l'École de marine; deux pour les
aspirants à l'École Centrale; deux pour ceux de Saint-
Cyr, et un que suivent à la fois les candidats à l'École
Forestière et tous les élèves qui passeront l'année sui-
vante en spéciales. Les cours de mathématiques spé-
ciales sont au nombre de deux, sans compter celui du
lycée, qui est suivi par une vingtaine d'élèves.
En 1 850, on s'affranchit tout à fait de la fréquen-
tation du lycée, qui avait cessé d'être obligatoire en
vertu de la nouvelle loi sur l'enseignement. La chance
de remporter le prix d'honneur des sciences au grand
concours, que le lycée offrait aux élèves, n'était pas à
mettre en balance, dans leur calcul, avec la chance
de réussir aux examens telle que la leur offrait l'ensei^
283 HISTOIRE
gnement de la maison. L'École préparatoire n^eut donc
plus de relations au deliors. Mais^peu après, lorsque
M. Fortoul iit sa réorganisation de i'enseignemeol
scientifique dans les lycées, non content d'emprunter
le système d'études de Sainte- Barbe, il manifesta le
désir que Saiute-Barbe envoyât de nouveau de ses ma-
thématiciens à Louisi-le-Grand; et quoique cette de-
mande arrivât accompagnée d'un décret qui élevait à
250 francs le prix des frais d'études, néanmoins, afin
de conserver à Sainte-Barbe le titre à! auxiliaire dé"
vouée de t enseignement de tÈiat^ qu'elle avait reçu àix
ministre lui-même, on recomposa pour la classe de
spéciales de Louis-le-Grand un peloton 'd'élève^s bar*
bistes. Ce cours a aujourd'hui de la réputation. La
direction du Collège désigne ceux qui doivent le
suivre.
Conjointement avec les cours de mathématiques
marchent ceux de mécanique, de physique et de
chimie. 11 y a en outre des conférences, soit sur la
totalité des cours, soit sur certaines parties des études
auxquelles les programmes ne donnent que peu de
place. Enfin l'École possède un cours particulier qui
prépare sur toutes les matières du baccalauréat es-
sciences les élèves à qui le diplôme est nécessaire, et
qui ne l'ont pas encore.
Pour mener de front les conférences, les cours, les
interrogations, il faut un personnel très-nombreux.
C'est avec rélite du corps enseignant que Sainte-Barbe
a toujours rempli ses cadres. Elle a vu, dès le prin-
cipe, s'associer à son œuvre des membres de l'In-
stitut^ les professeurs les plus renommés de la Faculté
des sciences, de l'Ecole polytechnique, des lycées; et
DE SAINTE-BARBE. 283
lorsqu'un décret l'eut privée , eh 1 852 , ' du con-
cours de ces derniers*, par la promptitude avec la-
quelle elle put combler ces vides regrettables, elle
prouva qu'elle avait tous les hommes de talent pour
alliés. •
M. filanchet participe de sa personne à renseigne-
ment. II seconde le travail individuel des élèves, et de
plu& il professe la géométrie^ sa science de prédilec-
tion* H y a fait ses preuves aux yeux des connaisseurs
par un remaniement du traité de Legendre, d'où est
sorti un livre. tout nouveau, un livre qui, depuis des
années, est classique eq France, en Suisse et en Alle-
magneV Depuis quelque temps M/ Blanchet partage
les soins de son enseignement avec M. Aimé Godart,
son ancien élève, sur qui nous^ aurons bientôt à re-
venir.
Un mathématicien, dont l'étonnante précocité res-
tera l'un des faits notables de l'histoire des sciences à
notre époque, M. Joseph Bertrand, a enseigné à Sainte-
Barbe dès l'ége de vingt ans, étant déjà professeur sup-
pléant à la Faculté. L'École préparatoire l'avait eu
d'abord pour élève, élevé qui^ au dire de ses maîtres,
aurait été capable le plus souvent de professer la leçon
qu'il recevait. H fut admis le premier à l'École poly-
technique en 1 839. Il y serait entré plus tôt, s'il avait
pu obtenir une dispense d'âge : les règlements furent
inflexibles. Alors il employa ce qu'il avait de temps
i . Article i 3 du décret du 1 6 avril i 852.
.2. Éléments de Géométrie, par A. -M. legendre, avec addi-
tions et raodiûcations par M. A. Blanchet, ancien élève de l'École^
polytechnique, directeur des études mathématiques de Sainte-
JBarbe. In-8** (figures dans le texte), Paris, Didot.
184 HISTOIRE
devant lui à se faire recevoir docteur ès-sciences, et,
avant seiz^ ans accomplis, il remporta cette palme, qui
n'ëlait jamais échue à un si jeune homme. L.*asso-
ciation des barbistes lui témoigna son admiration en
lui dérërant, cette année même, la présidence du ban-
quet du 4 décembre.
La promotion de l'École polytechnique à laquelle
appartient M. Bertrand est la première qui ait mis en
renom renseignement scientifique de Sainte- Barbe.
L'École préparatoire eut non-seulement le premier
élève admis, mais encore le second (M. Camille Jac-
quot, un jeune homme accompli, qui mourut à vingt-
quatre ans), et, avec les deux premiers, six autres,
placés dans de très-bons rangs, c'est-à-dire huit can-
didats reçus, sur onze qui avaient été présentés. Le
nombre a grossi par la suite en proportion de celui
des élèves. Le plus beau succès en ce genre est celui
de Tannée 1854 : quarante-quatre barbistes figuraient
sur la liste d'admission. C'est l'usage que les con-
scrits de chaque année, le jour qu'ils étrennent leur
uniforrtie, viennent en corps rendre une visite de
remerciment au Directeur du collège. Ils sont intro-
duits par M. Blanchet. A la présentation de 1854,
M. Labrouste ne put s'empêcher de dire : «Mes en-
fants, je ne suis point orgueilleux, mais je suis tenté
vraiment de le devenir, quand je songe que je suis
le seul en France à qui il soit donné de recevoir une\
pareille visite, n
Les autres écoles du Gouvernement, celles surtout
dont les portes sont le plus étroites, ont eu de temps
eh temps à subir de semblables invasions. C'est ainsi
que l'institut scientifique de Sainte-Barbe se plaît à
DE SAINTK-BARBE. 285
rompre la monotonie des nombres qui représentent lé
produit de ses années communes.
II y eut un temps que la partie du collège de Reims
dont avaient disposé MM.de Lanneau fut trouvée spa-
cieuse pour le nombre d'étudiants qu'on avait à y
mettre. Tout d'un coup, on se sentit à l'étroit; il fallut
s'étendre à la fois au nord et au levant, sur les pro-
priétés contiguês. Aujourd'hui rétablissement occupe
la presque totalité des anciens collèges de Reims et de
Coqueret; mais son installation n'est pas définitive. Maî-
tresse de tout le terrain de Reims, et rentrée en pos-
session des maisons qui constituaient la dotation
Dugast, dans les rues du Four et d'Ecosse, Sainte*
Barbe médite des travaux qui lui procureront l'espace
dont elle a besoin pour tous ses services, en même
temps qu'ils contribueront à l'assainissement et à
l'embellissement du quartier.
Le lecteur connaît à présent les deux grandes pro-
vinces de l'empire barbiste. 11 possède le secret de leur
prospérité ; il sait qu'elles sont devenues ce qu'on les
voit être par le talent des hommes qui les dirigent. Il
faut qu'il sache qu'elles ont subsisté par la bonne
administration. Cette partie est celle où s'est' fait sentir
particulièrement l'action du Conseil représentant la
Société du collège.
Le Conseil, à travers mille difficultés que lui susci-
tait un capital social insuffisant, a comblé l'ancien dé-
ficit, acquitté les dettes de la reconnaissance, acheté
des immeubles importants, exécuté des constructions
immenses, et augmenté la bonne réputation de l'en*
treprise, à mesure qu'il a fait prendre à celle-ci une
plus grande extension. Ses moyens pour accomplir
286 . HISTOIRE
tant de belles opérations ont été son dévouement à
l*œuvre commune, Texpérience, on peut dire le ta-
lent et la science en affaires de la plupart de ses mem^
bres, enfin et surtout la régularité, Tordre rigoureux
qu'il a introduits en tout ce qui regarde le matériel et
les finances de la maison. Une comptabilité bien tenue
lui a fourni ses principales ressources. Cest M. Aga*^
thon Prévost, agent général de la Caisse d'épargne^
aujourd'hui président du Conseil, qui a organisé
cette partie du service. Elle embrasse à la fois toutes
les divisions de l'établissement, et concentre la res-
ponsabilité sur une seule personne, un fonctionnaire
remplissant les devoirs d'économe envers le Collège^
en même temps qu'il est l'agent comptable de la Se*
ciele.
Cet emploi a déjà passé par les mains de deux fitw^
laires, qui méritent qu'on parle d'eux à meilleur titre
que les procureurs de l'ancien régime, mentionnés
dans les volumes précédents.
Le premier, M. Fortuné Romet, seconda les efïbrts
tentés dès 1831 pour relever la maison. H était associa
avec M. Jubé, l'honorable chef d'institution dont nous
avons déjà prononcé le nom. Par son entremise fut
négocié d'abord un projet de fusion entre Sainte-
Barbe et l'institution Jubé, projet qui échoua. M. Ro-
met entra alors avec une part importante d'in-"
térêtdans la première Société de Saiqte-Bàrbç; puisj
quand on se forma en société anonyme, il renonça
à cette part, pour devenir économe agent-comptar
ble avec les attributions qu'on vient d'expliquer. C'est
lui qui fit souscrire, et avec une promptitude éton-
nante, les 520 000 francs d'actions émises en premier
J
DE SAINTE-BARBE. 287
lieu. Les deux administrations qui ont employé les
services de M. Romet n'ont eu qu'à se louer de lui.
C'était un homme hoanête, entreprenant, et d'une
vive imagination, qu'il savait faire tourner au profit
des affaires. Avec lui il n'y avait pas d'embarras à
redouter. En face des difficultés les plus subites, il se
montra toujours plein de ressources. Noiis en citerons
deux exemples, qui se rapportent à des événements
mémorables.
En 4838, le musée de Versailles étant encore dans
sa nouveauté, Louis-Pliilippe eut l'idée d'en faire les '
honneurs aux collèges royaux de Paris*. L'invitation
envoyée au collège Louis-le-Grand s'adressait à la
fois aux internes et aux externes, par conséquent à
Sainte-Barbe. Il devait y avoir une collation dans l'O-
rangerie, pour tenir lieu du dîner que les écoliers font
dans le milieu du jour. Il est difficile qu'un gala pour
un nombre indéterminé de convives ne laisse pas à
désirer. Notre Directeur, dans sa sollicitude pour ses
élèves, chargea Téconome de veiller à ce que rien ne
leur manquai. Un coup d'oeil jelé par M. Romet sur
les préparatifs lui fit apercevoir en effet que le service
allait pécher d'une étrange façon. 11 eut bientôt trouvé
à se mettre en mesure par une expédition qu'il exé-
cuta dans Versailles. On se mit à table. La bonne chère
et la boisson abondaient, mais le pain était rare, mais
une partie des enfants n'avaient ni assiettes, ni cou-
verts, ni verres pour boire. Qu'on juge du dérange-
ment et des réclamations que cela occasionna. Il n'y
eut de satisfaction que dans le coin où fonctionnaient
4» Le jeudi, i 2 juillet*
288 HISTOIRE
nos barbistesy pourvus par M. Rotnet de tout ce qui
manquait aux autres, lis furent assez bons camarades
pour partager avec les ëlèves de Henri IV, qu'on avait
placés près dVux. La fête finit par une visite du pa-
lais, que le Roi, enpersonne,conduisit depuis la Galerie
des batailles jusqu'à la Salle de spectacle. Là Sa Ma-
jesté harangua la jeunesse de dessus la scène, et prît
'congé d'elle.
L'autre occasion où se signala M. Romet fut la cé-
rémonie du 15 décembre 1840, pour la translation
des restes de l'Empereur. Le Directeur voulut procurer
à ceux de ses élèves qui n'étaient pas sortis le spectacle
d'un cortège auquel on peut dire que tout Paris as-
sistait. Une terrasse, située sur l'avenue de NeuîIIy,
avait été mise à sa disposition. Lés enfants furent en-
tassés dans des fiacres. Cela faisait une bien longue
file, pour un jour où il y avait tant de monde dehors;
d'ailleurs on apprit, aumoment de se mettre en route,
que la circulation des voitures était interceptée sur
toute la rive droite au-dessous des Tuileries. M. Ro-
met se fit fort de surmonter tous les obstacles. Il était
officier d'état-major de la gardis nationale. Il prit, en
unifor^me et à cheval, la tête des fiacres, les dirigea
par le Champ-de Mars, et leur fit traverser toutes les
baies de soldats, qui non-seulement ne s'opposèrent
pas, mais qui s'ouvrirent avec respect, comme si c'eût
été un corps constitué qui passât.
Encore un trait de cet ingénieux administrateur.
Lorsque la sollicitude maternelle commença à s'intro-
duire si avant dans le régime des maisons d'éducation,
et que Sainte- Barbe n'avait pas encore à se débattre
contre l'insuffisance du local, il mit une vacherie dans
DE SAINTE-BARBE. 289
l'un des rez-de-chàussée de Reims^ afin d'avoir en
abondance^ pour le déjeuner des petits enfants^ le lait
pur qu'on ne peut pas se procurer à Paris. Les bétes
étaient de choix, etl'étable d'une tenue parfaite* Plus
d'une visiteuse, subjuguée à la vue de cette partie de
l'établissement, a donné son enfant au Collège pour
l'amour du lait qu'il y prendrait le matin.
M. Romet, atteint d'une maladie mor.telle, donnai
sa démission au commencement de 1849. Le pirec-
teur, qui nomme, à toutes les places du Collège, a
encore le droit de présentation à celle-ci. 11 jeta les
yeux, pour la remplir, sur quelqu'un qui n'y pensait
guère. 11 alla chercher l'économe du lycée Saint-Louis
(alors lycée Monge), M. Frôly, homme consommé
dans sa partie, qu'il avait exercée avec talent et la
réputation d'une insigne probité dans les collèges
royaux de Colmar, de Strasbourg et de Lyon. Les
liens par lesquels l'Université s'attache ses agents comp-
table^ ne sont pas de ceux que l'on puisse tenir pour
. indissolubles. M. Frôly accepta les conditions qui lui
étaient faites .par Sainte-Barbe, et fut nommé le 1 2 fé-
vrier 1849. Ce jour est resté comme un jour heureux
pour le Collège dans la'mémoire des membres du Con-
seil qui firent la nomination. Le baron Thénard, qui
a si bien connu les affaires de l'Université, disait une
fois, moitié en riant, moitié avec regret : « Ces mes-
sieurs de Sainte-Barbe sont tout à fait sans gène. Ils
ont besoin de quelqu'un pour leur comptabilité : que
font-ils? Ils nous prennent tout bonnement le meilleur
économe de tous nos lycées. »
La complication toujours croissante des^ affaires est
cause que, depuis quelques années, on a créé un sous-
m 19
290 HISTOIRE
économe en la personne de M. Arthur JacqoiiMt, em-
ployé auparavant dans les bureaux de la Guerre.
M. Frôly en a fait son digne élève et son gendre.
• • CHAPITRE XVII.
Réyoludoii de 1S48. — Réfogiés des Taîleries à Sainte-Barbe. — École
d'administration. -«- Journées de juin« -^ L'iafttirgé Raguinard.^- La
garnison du Panthéon alimentée par le Collège. — Le général Cavai-
gnac, président du pouvoir exécutif, à la distribution des prix- —
L'anséc des trois prix d'honneur. — Décorations conférées au Durée-
teur. — Choléra de 1849. — Affaire des fusils. — Coup d'État du
4 décembre 1851.
Dans la nuit du 23 au 24 février 1 848, de rinfan*
terie et de la cavalerie prirent position sur la place du
Panthéon, à proximité de Sainte-Barbe. La journée
du lendemain vil ces troupes se fondre et disparaître,
sans laisser plus de vestiges que les autres corps qu'on
avait disséminés dans Paris. La République fut pro-
clamée^ mais le gouvernemenfde M. Labrouste reis^
le même. Le seul changement de quelque importance,
survenu dans la zone où ce fortuné monarque exer^
çait son autorité, fut que le collège Louis-le-Grand
perdit encore une fois son nom, pour prendre celui de
lycée Descaries.
Là même où une révolution se fait le moins sentir,
elle ne passe pas inaperçue. Celle de février a en à
Sainte-Barbe ses é|>isodes, qu'il ne &ut pas omettre
de raconlef .
DE ^AINTE-B ARBE. 291
Au milieu de la confusion du premier moment,
lorsque les uns couraient se cacher, que les autres se
cherchaient sans parvenir à se joindre, une dame vint
avec son enfant demander asile à Sainte-Barbe. C'é-
tait la femme de l'honorable M. Régnier, le précepteur
du comte de Paris, sorti des Tuileries en compagnie
du prince et de sa mère, et qui n'était plus revenu.
Mme Régnier^ dévorée d'inquiétude^ s^ns nouvelles,
de son mari, sans protection aucune dans le château
envahi, prit son plus jeune fils par la main, et s'échappa
ne sachant point où elle allait. Son instinct maternel
l'amena à notre Collège, où elle avait un autre fils en
pension. Elle y resta plusieurs jours. Dans sa précipi-
tation à fuir, elle n'avait rien emporté avec elle. Le
barbiste Guinard se trouva très à propos investi de
la garde des Tuileries : il fit lever courtoisement les
scellés de l'appartement de Mme Régnier, afin qu'elle
pût s'approvisionner de ce dont elle avait besoin.
Op peut avoir oublié aujourd'hui, mais on se rap-
pellera quelque jour l'école que MM. Carnot et Jean
Reynaud essayèrent d'instituer, pour fournir à l'ad-
ministration des fonctionnaires préparés comme il.
convient. L'établissement se ressentit par trop de la
pénurie du moment et de la parcimonie toute républi-
caine de ses créateurs. Il fut la pauvreté même. Le
ministre, désirant que lés élèves fussent surveillés dans
leur conduite et dirigés dans leur travail sans qu'il en
coûtât rien à l'État, avait émis le vœu qu'ils fussent
placés dans les institutions et pensions de Paris. Il
demanda même si Sainte-Barbe ne consentirait point
à ajouter à ses autres divisions un internat de ce genre.
Le Directeur, d'accord avec le Conseil de la maison,
292 HISTOIRE •
accepta d'en faire l'essai. Des sujets furent recrutés, et
Ton décida que des classes préparatoires seraient for-
mées en faveur des aspirants à la même carrière. Le
journal officiel proposa à l'imitation des autres éta-
blissements le bon exemple donné par notre Collège*.
Ce fut l'occasion pour MM. Alfred Blanche et Boula-
tignier, professeurs de la nouvelle école déjà nommés
par le gouvernement, de commencer leur cours à
Sainte-Barbe, en attendant qu'on eût remis en état
des salles qui leur avaient été destinées dans ce vieux,
sombre et maussade Plessis.
Sainte-Barbe vint encore en aide au gouvernement
provisoire pour une autre conception qui se fit jour
dans le même temps. Il s'agissait d'ouvrir un concours
solennel entre toutes les écoles primaires de Paris ; les
élèves les plus distingués auraient obtenu l'avantagée
de faire gratuitement leurs études classiques. Sur la
proposition de M. Labrouste, qui avait eu voix con-
sultative dans la discussion du projet, le Conseil
d'administration du Collège offrit de fournir quelques-
unes des récompenses promises. 11 mit à la disposi-
tion du gouvernement quatre bourses entières, pourvu
que les sujets présentés fissent preuve d'une aptitude
suffisante, et que le Directeur eût sur eux, comme sur
ses autres élèves, pleine et entière autorité*. Le minis-
tre qiccepta, trouvant la condition juste ; niais l'affaire
n'ayant pas pu avoir d'effet sur le moment, ne fiit pas
reprise après la retraite de M. Camot, bien que noire
Collège ait réitéré son offre en 1849.
1 . Moniteur du 28 avril i 848.
2. Moniteur du 26 avril i 848.
DE SAINTE-BARBE. 293
• Malgré l'agitation du dehors, le travail se soutenait
parmi les élèves, lorsqu'une douloureuse interruption
fut causée par les journées de juin. Sainte-Barbe se
trouva bloquée au milieu de l'insurrection. Tout au
tour d'elle s'élevèrent de formidables barricades, par-
ticulièrement au bout de la rue des Sept- Voies et dans
la rue Saint-Jacques, à la rencontre de la rue des Grès.
Les insurgés eurent des postes dans les boutiques du
vieux collège de Reims, dans les bâtiments inachevés
de la bibliothèque Sainte-Geneviève et dans le Pan-
théon, qui fut comme leur place d'armes. Des balles
tombaient dans la cour du Collège, d'autres péné-
traient par les fenêtres aux étages supérieurs du bâ-
timent d'entrée. Les écoliers écoutèrent, sérieux et
recueillis, le bruit de la fusillade et du canon. Il n'y
eut d'effroi que dans l'une des salles d'étude. Elle
fpt causée par la vue d'une colonne de flammes, qui
s'éleva dans la rue des Grès. C'était le feu d'un'liquide
incendiaire qui avait été répandu pour brûler une
porte de derrière de l'École de droit. On cherchait à
s'introduire dans cet édifice, mais en vain, car déjà la
garde mobile et la garde nationale débouchaient à tra-
vers les décombres des maisons abattues pour le per-
cement de la nouvelle rue Soufflot. Bientôt le Pan-
théon fut enlevé au pas de course.
M. Guérard, avec d'autres fonctionnaires de la mai-
son, était sous les armes dans les rangs de la garde
nationale. Il est reconnu, rue Soufïlot, par un prison-
nier que des gardes mobiles emmenaient pour le fu-
siller. C'était un nommé Raguinard, ouvrier ciseleur,
homme violent qui, lors des dernières élections de la
garde nationale, s'était constitué dans les clubs l'ad-
294 HISTOIRE
versaire acharné de Sainte-Barbe et de tous ceux qu'il
appelait haineusement les professeurs. Raguinard s'é-
lance vers M. Guérard, s'attache à lui, l'invoque, le-
supplie de lui sauver la vie. M. Guérard intercède ef-
fectivement; il s'emploiede tout son pouvoir pour que
le malheureux soit conduit.au quartier général du
Luxembourg. Ses efforts sont inutiles; Raguinard, ar-
raché de ses mains, est exécuté à quelques pas de
là. En le fouillant, on trouva dans sa poche une
espèce de proclamation, où il était écrit que les pre-
miers à expédier, après la victoire, seraient Guérard,
Hébert et Duranton fils : M. Guérard, préfet des
études de Sainte-Barbe; M. Hébert, alors directeur
des études à l'École normale , et M. Duranton, pro-
fesseur à rÉcole de droit. Raguinard laissait une pau-
vre vieille mère dans Tindigence. M. Guérard a pris
soin d'elle.
Au plus fort du combat engagé devant le Collège,
des cris^ dès coups de crosse de fusil se firent entendre
à la petite entrée sur la rue de Reims. Des insut^s
cherchaient à enfoncer la porte, voulant traverser la
maison pour porter secours à leurs amis. M. Labrou^e
sortit pour apaiser ces furieux. Il les harangua, monté
sur une pierre.
« Que venez-vous faire ici, leur dit-il? Non pas
tuer des enfants, je suppose, ni achever plusieurs de
vos blessés que je soigne dans mon infirmerie (l'un
d'eux mourut à Sainte^Barbe). Vous demandez le pas-
sage pour aller vous battre; mais la sortie est étroite;
vous n'avancerez que Fun après l'autre sous une grêle
de balles, à laquelle personne de vous n*échappera.
Croyez-moi, ce que vous avez de mieux à faire «st de
-— 1
DE SAINTE-BARBE. î«5
rentrer chez vous. » Puis interpellant des gens de
connaissance qu'il ^aperçut dans la foule, les uns, ou-
vriers qui travaillaient pour Sainte-fiarbe, les auti^es,
indigents qui avaient ressenti ses bienfaits, il ies ex-
horta à donner TeKemple de la retraite. La dispersion
commença à se mettre dans le rassemblement, qui,
au bout de quelques minutes, s'était complètement
écoule*
Le Panthéon et ses abords ayant été occupés mili-
tairement, des soldats couchèrent dans les vestibules
du collège. Toute cette force armée demeura comme
oubliée, tant que la tranquillité n'eut pas été rétablie
dans la ville. Aucune subsistance n'arrivait; plus
de deux mille hommes étaient là, souffrant de la faim.
Sainte-Barbe partagea avec eux ses provisions. Pen-
dant trois jours,' ils vinrent au réfectoire cent par cent.
On leur donna la soupe, le pain et le vin. Le cellier
n'aurait pas suffi, si les élèves ne s'étaient mis à l'eau
de leur propre mouvement. Les plus grands d'entre
ceux-ci s'acquittèrent du service , qui se fit avec nn
ordre parfait. Au commandement de M. Guérard, les
mobiles, si indisciplinés ailleurs, rivalisaient de doci-
lité et de bonne tenue avec les vieux soldats d'Afrique,
leurs compagnons dans cette campagne.
Tandis que le Collée était témoin de ces étranges
scènes, ses vieux enfants accomplissaient dignement
leur devoir sur tous les points où était le dangar. Lés
mêmes qui, en juillet 1830, avaient combattu poar
les lots contre un gouvernement parjure, les défen-
daient encore cette fois contre une multitude égai^ée.
Les promotions ultérieures avaient considéralilement
grossi ieur nombre. De glorieuses victimes tombèrent :
296 HISTOIRE
Masson, chef de bataillon de la 11* légion; Mermil-
liod, artilleur de la garde nationale; Dupont-Delporte,
capitaine au 7* de ligne. M. Alexandre Bixio, repré-
sentant du peuple, fut traversé d'une balle, tandis
qu'il portait des paroles de paix sur les barricades de
la rue Saint-Jacques. Sa noble femme, conduite par
le jeune barbiste Lîsle, alla chercher sous le JTeu son
corps, qu elle rapporta presque inanimé. Tout autre
eût succombé à une pareille blessure : l'énergique na-
ture de M. Bixio le sauva. Au bout de six semaines,
il était sur piedj il présidait la distribution des prix
du Collège.
Sainte- Barbe qe reverra jamais une solennité pa-
reille à celle du 11 août 1848. Douze des anciens
élèves, portant à leur boutonnière la cocarde de re-
présentant du peuple , vinrent honorer de leur pré-
sence le couronnement des jeunes lauréats de Tannée.
On voyait dans le nombre plusieurs ministres futurs
de la République ; on y voyait le chef du pouvoir exé-
cutif, le vertueux général Cavaignac, vers lequel se
dirigeaient en ce moment les bénédictions de la France
entière. Il avait habitué depuis longtemps le Collège
à être fier de lui. Ses succès dans les classes, surtout
dans celles de mathématiques, furent le prélude de
ses beaux faits d'armes en Algérie.
Cavaignac entra, prêtant l'appui de son bras au
camarade convalescent qui avait été choisi pour être
le premier dans cette fête de famille. L'émotion était
à son comble ; mais l'élan des cœurs était contenu par
la tristesse empreinte sur tous les visages. M. Bixio
voulut parler debout ; il prononça de nobles et mé-
lancoliques paroles. Cavaignac lui épargna la fatigue
DE SAIT«TE-BARBE. 297
de donner aux jeunes gens les couronnes et l'accolade.
Les succès obtenus au dehors étaient dignes d'une si
majestueuse assistance. Le Collège avait recueilli onze
prix au concours général, et cent et un au Lycée.
Tous les journaux de 1 848 ont célébré la valeur du
garde mobile Hyacinthe Martin, qui, sous une grêle de
balles, alla prendre le drapeau rouge qui ralliait tous les
efforts de l'insurrection dans la rue de Ménilmontant.
Cavaignac, à qui il fut amené, lui attacha de sa main
la croix d'honneur sur la poitrine, en lui disant : « Tu
l'as bien gagnée ! » Martin était un enfant des rués ;
il savait à peine lire. Le général le mit à Sainte-Barbe,
dans l'espoir de le faire entrer plus tard à Saint-Cyr.
Ce fut la répétition de l'épreuve tentée^avec les or-
phelins de 1830. Pour être devenu un beau jeune
homme décoré, Martin n*en fut pas plus propre à con-
tracter l'habitude du travail. Il avait passé l'âge où l'on
apprend ; les plus simples éléments des sciences ne
purent pas se loger dans sa tête. Mortifié de faire si
triste figure au Collège, tandis que dehors il recevait
des ovations partout où il se montrait, il renonça aux
études après six mois d'essai.
Les événements qui suivirent, pas plus que ceux de
juin^ et de février , n'affectèrent d'une manière sensi-
ble la conduite ni l'esprit de la jeunesse. A Sainte-
Barbe du moihs cela fut ainsi. Si l'on remarqua chez
les rhétoricîens du temps de la République des dis-
tractions qui n'eurent pas toujours les muses pour
objet, il ne se produisit aucun trouble, aucun désordre
regrettable. Le travail fut excellent, l'émulation sur-
excitée par l'accroisement continuel du nombre des
élèves, et par les succès de la maison dans toutes les
298 HISTOIRE
luttes où elle envoyait des combattante £a 4 850 elfe
remporta au concours général les trois prîJL d'hon-
neur, de mathématiques, de philosophie et de ]4ieto-
rique.
Ce fut un succès sans pareil, dont le G>nseîl d'admi-
nistration a voulu que le souvenir fût conservé par on
monument. Un tableau, exposé dans le parloir de
Sainte-Barbe, représente les trois lauréats de 4850,
Guery en uniforme de l'École polytechnique, Befin
avec les palmes de normalien sur son habit , Laohelier
avec Tuniforme de Sainte-Barbe.
La distribution intérieure où fut proclamé ce ma-
gnifique résultat eut pour président M. Devinc^^ pré-
sident du tril^unal de commerce, et pour assistants un
grand nombre d'Orientaux, sujets delà Sublime-Porte,
que le Collège compte parmi ses nourrissons ; car de
même que MM. de Lanneau avaient morigène des
Grecs , M. Labrouste a morigéné des Turcs , et un
uléma ainsi qu'un diplomate ottoman sont sortis de
ses mains. Artin-Dadian, le diplomate S l'un des
bons barlnstes qu'il y ait, est le premier de sa nation
qui emporta de Paris le diplôme de bachelier. Le feu
sultan Âbd-ul-Medjid trouva c^la si honorable qu'il
voulut avcâr une répétition de l'examen , laquelle
eut lieu en sa présence et à sa très-grande satisfaction,
car aussitôt après il envoya à M. Labrouste la décorer
tionen diamants du Nichan Iftihar. Le firman, conçu
dans les termes les plus gracîeu]!^ pour Sainte-Barbe
et pour son directeur, est daté de Stamboul la Bien-
i . Il est aujourdTiuî premier secrétaire de Fambassade ottomane
à Paris.
i
j
DE SAINTE-BARBE. «99
gardée, fin du noble mois dç Zilhidjë, an 1262 de
rbëgy^e^
Cette décoration noos amène à parler de celle de la
Légion d'honneur, que M. Labrouste reçut au nom du
président de la République, à la distribution des prix
de 1849. Ce fut une surprise. M. Lacrosse, alors mi-
nistre des Travaux publics, invité à présider la cérémo-
nie, avait pris ses mesures de concert avec son collègue
de l'Instruction publique. Jamais péroraison ne fit plus
d'effet que l'acte qui termina le discours du ministre.
Lorsqu'on vit celui-ci attacher la croix sur la poitrine .
de son vieux camarade, des cris de transport éclatè-
rent dans toute l'assemblée. Ils furent redoublés par
les paroles que prononça le Directeur .'« Mes enfants,
dit-il, je suis trop ému pour exprimer ma vive et pro-
fonde reconnaissance de l'honneur qui est fait en ma
personne à cette maison. Ce n'est point une fausse
modestie ; mais vous savez, comme moi, que ce n'est
pas à moi seul que ce ruban est donné, et que, si je
le partageais entre tous ceux qui l'ont mérité devant
moi, autour de moi, à côté de moi, il en resterait à
peine un fil à ma boutonnière. » Le président de la
République', devenu empereur, a exaucé le vœu de
M. Labrouste en accordant la même distinction à ses
deux collaborateurs, MM. Guérard et Blanchet*; et il
a exaucé le vœu de l'Université et du public en éle-
vant M. Labrouste lui-même au grade d'officier*.
La même année 1849, le choléra fit sa seconde ap-
parition à Paris. Au commencement du mois de juin,
i Bu 1 au 20 décembre i 846.
â. Décrets du 13 août 18o3 et du 13 août 1857.
3. Décret du 13 août 1861.
300 HISTOIRE
il atteignît à Saiute-B^*be deux élèves et un domesti-
que, qui moururent en quelques heures. La nouvelle
s'en répandit rapidement dans TUniversité. M. de
Falloux était alors ministre de Tlnstruction publique.
Dès qu'il sut que le fléau sévissait si cruellement dans
notre Collège, il y accourut sans se faire annoncer. Il
eut besoin d'ap"prendre qui il était à M. Labrouste, qui
ne le connaissait pas. Il lui dit qu'il avait jugé de son
devoir, lorsque de légitimes alarmes agitaient T un des
grands établissements de son ressort, de venir les cal-
mer par sa présence ; qu'il apportait ses encourage-
ments à la jeunesse de Sainte-Barbe, et qu'il espérait,
par ses eflbrts joints à ceux du Directeur, arrêter les
progrès d'un fléau dans les atteintes duquel l'état du
moral était pour beaucoup. Il parcourut ensuite les
salles (c'était pendant la classe du soir), et prononça
dans chacune des paroles qui furent très-bien accueil-
lies des élèves. Nous aimons à croire que cette visite
opportune acheva de rétablir l'état sanitaire de la
maison. On n'eut point de nouveaux cas de choléra à
enregistrer.
Sainte-Barbe, si bien traitée par les ministres de qui
elle relevait, faillit être brouillée avec celui de la
Guerre : du moins une grosse affaire lui serait surve-
nue de ce côlé, s'il n'avait tenu qu'à la Direction de
l'artillerie. Cette administration , chargée d'opérer le
désarmement de Paris, avait été informée qu'un amas
de fusils existait dans la maison. L'amas consistait
en quarante vieux fusils que le Directeur avait achetés,
afin de procurer un exercice salutaire aux plus grands
de ses élèves, à défaut d*appareils gymnastiques, pour
lesquels la place manquait. Afin d'éviter tout accident,
' ^
DE SAINTE-BARBE. 301
les baïonetles avaient été retirées et les lumières des
canons enclouées ; mais cette précaution n'empêcha
pas de considérer la possession de ces armes comme
menaçante pour la sûreté de l'Etat. Le ministre de la
Guerre, prévenu par MM. de l'artillerie , ne voulut
rien entendre de ce qu'on lui fit dire par son collègue
de l'Instruction publique; un fourgon fut envoyé avec
l'ordre d'emporter les fusils à Vincennes. Le Collège
refusa énergiquement d'ouvrir sa porte au fourgon, di-
sant qu'il ne lâcherait pas ses fusils pour plusieurs bon-
. nés raisons qu'il avait déjà exposées, et qu'il ferait
entendre de nouveau à qui de droit. De là le ministre
invoqué de nouveau, et cette fois converti, Sainte-
Barbe autorisée par. une décision toute différente delà
première à garder ses fusils*, enfin la Direction de l'ar-
tillerie si peu satisfaite que, six mois après, elle revint
à la charge, notifiant le prochain retour du redouta-
ble fourgon *. Pour la dispenser de cette peine, on lui
expédia sur-le-champ la copie de Tacte ministériel
qu'elle paraissait ne pas connaître.
Le 4 décembre 1 851 , le Directeur fit son coup d'État. .
De son autorité privée, il décida que le banquet an-
nuel des anciens barbistes n'aurait pas lieu, et il alla
écrire cela de sa main sur le registre déjà ouvert des
souscriptions. Les sages l'approuvèrent, car quelle
tournure auraient prise les conversations, lorsque la
fusillade éclatait tout autour du cénacle, lorsque la
nouvelle révolution eu train de s'accomplir avait déjà
fait des heureux et des victimes parmi les convives ac-
1. Lettre signée d*UautpouI, en date du 2 octobre 1850.
2. Lettre du 17 mars 1851.
302 HISTOIRE
coutumes du festin ? Il importait que la fraternité des
anciens ne fût point exposée à une épreuve dajjge-
reuse, parce que dans la fraternité des anciens
résident Thonneur et la vie du Collège. Celui aux
mains de qui étaient remises les destinées du Col-
lège crut faire son devoir en outre-passant son droit.
Au nom de Tamitié, il tint éloignés les uns des autres
ceux que Tamilié aurait dû réunir.
A Sainte-Barbe, il agit avec non moins de décision
et de fermeté. Il y avait de la fermentation , surtout
parmi les maîtres d'étude ; les discussions commea*
çaient. Il exigea le silence d'une manière absolue, il
dit à ces jeunes gens qu'il concevait leur émotion j que
malgré son âge , il ne serait pas celui qui leur prê-
cherait rindifférence en matière de patriotisme et
d'humanité ; mais que des familles appartenant à tous
les partis lui avaient confié leurs enfants, que toutes
les convictions politiques devaient être respectées par
ses collaborateurs, comme elles l'étaient par lui-même^
et qu'il ne souffrirait pas, à ce moment moins que ja-
.mais, que des débats irritants fussent provoqués parmi
les élèves par l'exemple des maîtres. Afin d'être plus
sûr qu'il serait obéi , il fit signer l'engagement que
chacun prit de se taire. De cette façon les temps diflS-
ciles purent être traversés sans manifestation d'aucune
crainte, sans désaveu des actes antérieurs, sans épura-
tion du personnel employé, sans ingratitude pour les
services rendus.
DE SAIRTE-BÀRBE. 303
CHAPITRE XVIII.
Fraternités barbistes. — Distributions de vivres au Collège. — La liberté
d'enseignemeat. ... Iaâ de tS50. — Sappression du certificat d^étu-
des. — La bifurcation. — Attitude de Sainte-Barbe. — Le Directeur
appelé au Conseil supérieur de TLastruction publique.
Après les événements de juin 1848, lorsque la ré-
flexion eut succédé à la stupeur du premier moment, et
qu on eut cru reconnaître dans les barricades le mauvais
conseil de la misère, le cri général fut que l'assistance
publique, sur le pied où elle s'exerçait, était démon-
trée insuffisante; qu'il devenait nécessaire, non-seule-
ment de donner -davantage, mais de tâcher que Tau-
mône fût un moyen de rapprochement entre le riche
et le pauvre; qu'on n'arriverait jamais là avec les
formes administratives ; qu'à Passocialion seule enfin
il appartenait de prévenir les demandes de secours à
coups de fusil. Alors ceux qui se sentaient en état de
soutenir l'indigence cherchèrent à se réunir dans un
but commun de charité fraternelle. Ce mouvement,
dirigé dans le douzième arrondissement par le respec-
table abbé Faudet, alors curé de Saînt-Étienne du
Mont, donna naissance à diverses sociétés de bienfai-
sance dont la forme primitive et le nom ne se sont
(îonservés qu'à Sainte -Barbe. Cela s^appelle encore,
comme en \ 848, les Fraternités j et voici en quoi les
Fraternités consistent.
304 HISTOIRE
Des familles pauvres sont choisies dans le rayon le
plus rapproché du Collège, et réparties de telle sorte
entre les élèves que chaque quartier en a une dont Tas-
sistance lui est attribuée. Un employé, qui n'a que
cela à faire et qu'on appelle \e Commissaire des paui^resy
porte les secours à domicile. Ceux-ci sont puisés a
une caisse spéciale, où viennent se réunir trois sortes
de produits : d'abord de petites collectes que les éco-
liers font entre eux chaque semaine par un prélève-
ment sur leurs menus plaisirs, puis deux quêtes géné-
rales qui ont lieu chaque année àlaSainte-Barhte et Je
jour de la première communion, enfin une légère
taxe que les règlements ont ajoutée au prix de la pen-
sion de chaque élève. Celte taxe remplace l'argent
donné ailleurs pour le cadeau' de la fêle du chef de
l'établissement, cadeau dont M. Labrouste n'a jamais
voulu entendre parler, non plus que de la fête.
Chaque Fraternité a son président, qu'elle élit elle-
même, et qui se trouve être toujours un bon sujet. Le
Directeur fait partie de la première Fraternité, sans en
être président.
Le devoir du président consiste à tenir le compte
des collectes, à visiter les pauvres de sa Fraternité en
compagnie du Commissaire, et à faire les rapports
soit au Directeur du Collège, soit aux assemblées géné-
rales qui se tiennent sous la présidence du premier
aumônier. C'est l'économe de la maison qui est le
trésorier des Fraternités. Il paye sur des mandats signés
par le Directeur.
Plus de quatre-vingts familles, secourues aujour-
d'hui par les Fraternités, reçoivent des bons de pain,
de viande, de bois, à prendre sur les fournisseurs de la
DE SAINTE-BARBE. 305
maison. C'est entre elles aussi que sont distribués les
vêtements hors d'usage, le linge et les chaussures
abandonnés par les élèves, tous objets qui sont
d'abord réunis avec soin dans un magasin appelé le
Vestiaire des pauvres.
L'intérêt des enfants pour cette bonne œuvre est
très-vif et très-soutenu. Ils disent « ma famille » pour
désigner la famille qu'ils obligent, et il est arrivé déjà
pour les gens qui en étaient dignes que le bienfait des
Fraternités leur a été continué après que leurs jeunes
protecteurs étaient sortis du collège.
Sainte-Barbe a une autre manière d'exercer en
grand la charité par la distribution qu'efle fait de ses
reliefs.
Les débris de la table ne sont pas peu de chose
dans une maison où Ton consomme journellement
dix-huit cents livres de pain, mille livres de viande,
et le reste à l'avenant. Autrefois tout ce qui ne se con-
sommait pas était vendu; mais on s'est aperçu que
ni les élèves ni les domestiques n'avaient assez de soin
pour des choses qu'ils savaient destinées à un triste
commerce. L'attention n'a plus* même besoin d'être
recommandée aujourd'hui que les restes passent direc-
tement de la cuisine entre les mains de ceux dont ils
doivent soulager la détresse. Les indigents du quartier
sont admis sur cartes à venir retirer leur portion. La
distribution a lieu tous les jours, en présence du Com-
missaire des pauvres. Des précautions ont été prises
pour que cette charité publique et à heure fixe ne prît
pas un air d'ostentation. Le sentiment dans lequel
celui qui l'a instituée entend qu'elle soit maintenue
est exprimé par ces paroles de saint Luc, qui sont tra-
in 20
366 HISTOIRE
cées en lettres de bronze sur le fourneau i Cua% facis
amâ^wiumj i^oca pauperes.
Passons à d'autres iaits d'uD intérêt plus général,
à ceux qui vont être pour nous roccasion d^lndiquer
les chaDgements survenus depuis quînse ans dans Je
régime uaiYersiUire, par suite des concessions Eûtes
tour à tour à la liberté d enseigoementetà la doctrine
de l'instruction spécialisée dès le jeune âge.
La liberté d'enseignement fut promise par la Charte
de 1830; mais pendant dix-neuf ans on ne parvint
pas à s'entendre sur le moyen de la régler* Une hÀ^
présentée par M. Guizot, rentra dans le néant après
avoir été votée par la Cliambre des députés^ en 1837;
une seconde loi^ présentée par M, Villemâin, en 4841^
fut l'acheminement à une troisikne, ouvrage du même
minière, qui, a^Mrès être sortie toute mutilée des déli-
bérations de la Chambre des pairs, fut rapportée à la
Chambre des députés, et n'arriva point à la discussion ;
une quatrième, dont M. Salvandy fut l'auteur, occupa
de nouveau la Chambre des pairs en 1 847 ; enfin les
législateurs de 1 848 libellèrent aussi leur projet, do^
les législateurs de A 849 ne voulurent plus entendre
parler.
C'est à ces derniers qu'il était réservé de conduire
à sa fin cet ouvrage fait el défait tant de fois« Rap-
portée ayec une célérité extrême et délibérée à trois
reprises, ainsi que le voulait la Constitution, la loi fut
promulguée le 1 5 mars 1850. On a dit qu'elle était un
concordat politique entre le clergé et l'Université. Il
est certain qu'elle fut votée sous l'empire de préoccu-
pations étrangères au sujet , et que les parties inté-
ressées portèrent les yeux ailleurs qu'au but qu'il
DE SAINTE-BARBE. 307
s'agissait d'aileîiKlre : le dergé se mantrant fius sou-
cieux de La latitude qui lui serait laissée dans l'eiisei-
guemeot que des conditions propres a développer une
instrufAion forte; rUuiversité, c'est-à-dire les défen-
seurs d'office de l'Université, ne cherchant qu'à ache-
ter par des concessions le silence de Tadversaire qui
déblatérait contre elle, et par-dessus tout, la majorité
de l'Assemblée, chargée du mandat des pères de fa-
niille^ comme on parlait alors, cette majorité, éperdue
et tremblante , acceptant de confiance tout ce <]ui lui
était offert pour conjurer les fantômes doxii elle éuit
assaillie.
Sainte-Barbe , depuis que s'agitait la grande ques-
tion de l'enseignement , n'était restée étrangère à
aucun des efforts tentés pour obtenir les réformes
utiles* Tour à tour elle entra dans la coalition à la-
quelle succomba l'odieuse rétribution universitaire *;
elle s'associa aux rédamations , même au procès pro-
voqués par l'augmentation des frais d'études*; elle
intervint à propos du programme trop souvent re-
manié des matières d'enseignement; mais en pré-
sence de la loi qui s'anuonça en 1 849, ce ne fut plus
dans les rangs des réformateurs qu'elle porta son dra-
peau. Quoiqu'elle n'eût qu'à gagner à cette loi, son
propre intérêt ne lui ferma pas les yeux sur celui du
1. Immolée dans la séance de la Chambre des députés du
20 joâllet 1844.
2. Portés de 60 à 1 00 francs, par une décision du Conseil royal en
date du 16 septembre 1845, qui ne fut pas publiée dans les jour-
naux officiels. — Mémoire à consulter contre celte augmaitatîon,
le 26 mai 1846; pourvoi interjeté au mois de décembre 1848;
procès commencé au mois de juin 1849.
308 HISTOIRE
pays. Elle reconnut dans ce qui se faisait beaucoup
d'inexpérience, un Irès-niince souci de la liberté dont
on parlait tant, et le germe de difficultés qui amène-
raient plus tard le repentir. C'est pourquoi elle prît
le parti 'de défendre l'Université contre l'Université
elle-même.
Cette campagne fut entreprise avec toutes les forces
de l'enseignement libre laïque, car M. Labrouste était
dès lors à la tête de l'Association des chefs d'institu-
tion du département de la Seine. Ce fut une cam-
pagne malheureuse. Le conseil directeur de l'Associa-
tion n*'obtînt pas même audience du comité de l'As-
semblée législative qui examinait la loi d'enseigne-
ment : il fallut s'adresser à l'Assemblée elle-même.
Un écrit, imprimé à la hâte et distribue au dernier
moment*, fournit quelques arguments à la. discussion
publique. Le directeur de Sainte-Barbe assistait aux
séances en prévision du caSj qui se présenta efFective-
ment, oii des députés auraient désiré de plus amples
explications sur les points touchés dans le mémoire.
Il eut beau expliquer, et ceux qui le consultaient,
eurent beau parler : il fut témoin qu'il n'y a pas à
lutter contre la force d'un torrent.
Sainte-Barbe put se consoler de sa défaite par le
profit particulier qu'elle y trouva. En consacrant
l'existence A' Écoles libres^ fondées et entretenues par
des particuliers ou par des associations, la loi de 1850
mit sous la garantie du droit commun un établisse-
ment qui, bien que toléré jusqu'alors par le pouvoir et
i . Observations des chefs d'institution et maîtres de pension du
département de la Seine sur le projet de loi (4 février \ 850) , In-8%
Paris, impr. de Maulde et Renou.
DE SAINTE-BARBE. 309
secondé par la faveur publique, avait nëaomoins
l'inConvénient de se présenter comme une exception.
Cet établissement put entrer sans crainte et sans
embarras dans la carrière nouvdle qui lui était ou-
verte. Il n'avait pas .d'apprentissage à faire pour
apprendre à marcher tout seul; l'émancipation ne lui
apparaissait pas non plus comme l'heureux moment
qui allait lui permettre de se livrer à la satisfaction de
secrets désirs. Il garda son organisation antérieure;
loin de.chercher à rompre les liens qui l'attachaient à
rUniversîté , il tint à honneur de les resserrer da-
vantage. La liberté ne lui servit qu'à combattre une
tendance funeste pour l'avenir des études, que l'on
vit se manifester aussitôt.
Lorsqu'à la vue d'une machine compliquée , on
décide qu'elle irait beaucoup mieux si elle était dé-
barrassée de telle ou telle de ses pièces, on s'expose à
porter un faux jugement : l'ordinaire , en pareille cir-
constance, est que les résultats produits par la sup-
pression qu'on a demandée sont tout différents de
ceux auxquels on s'était attendu. C'est ce qui arriva
aux apôtres de l'enseignement libre lorsqu'ils deman-
dèrent l'abolition du certificat d'études, exigé aupara^-
vant pour se présenter à l'examen du baccalauréat.
Ce certificat, établi à l'origine dans l'intention de
n'admettre aux grades que les sujets formés par l'Uni-
versité, était devenu par le fait un préservatif contre
le danger de l'instruction artificielle; et comme les
règlements lui avaient ôté déjà une partie de son ca-
ractère exclusif, puisque le certificat d'études domes-
tiques signé par le père de famille en pouvait tenir
lieu, il n'y avait plus qu'un .mot à ajouter pour l'ac-
3f0 HFISTOIRE
commoder aa principe de h nouTelle loi. Au fieu ée
cehj les eolèrea amassées depin longtemps contre k
malheureux certificat firent explosion. L'aprnîbn la
plus KE>eraIe fil cause commune arvec celle qui Vesî h
moins ; on ne roulut plus entendre parler dcr nom ni
de la chose^ et Femportement fut te), qu'avamt même
que rœuvre de lëgiislation eût été achevée, il fà}hat
qu*on vit le monstre immolé par un décret. Le- certî- •
fîcat d*études fiit supprimé en norembre f 849.
Pour qui fut le principal avantage de celte mesure?
Pour ceux des écoliers à qui 3 tarde d'avoir fini leurs
études, et ceux-là étaient alors phis nombreox qae
jamais. Déjà fiorissait le système d'éducation domes-
tique qui consiste à débarrasser la vie de ses pi'élf-
minairesy et à inspirer aux enfants, dès qu'ils sortent
des bras de leur nourrice, les goûts, les passions,
l'esprit calculateur de la maturité. Les coWêges, en
1 850, étaient pleins d^adolescents scmpirant après une
position sociale^ très-pressés par conséquent de tenir
le diplôme de bachelier, qui donne accès aux car-
rières. Ces garçons reconnurent du premier coup d'orfl
que , pour être bachelier, il ne s'agissait plus qœ
d*avoir seize ans accomplis (car une limite d'âge fiât
maintenue, au préjudice de la liberté) : du plus loin
qu'il leur fut possible, ils se préparèrent à rexameu.
Plutôt que d'écouter les leçons des professeurs, i!s
apprirent par cœur le Manuel de Taspirant au bacca-
lauréat , les réponses toutes faites aux questionnaires
des programmes , et beaucoup furent en état de se
présenter et d'être reçus , sans avoir fait ni phîloso^
phie , ni rhétorique. Alors se fortifia et s'étendit la
concurrence faite aux lycées et collèges par les mai-
DE SAIKTE-BARBE. 3H
sons de préparation, que eeux mêmes qiH les fréquen-
tent appellent, dans no dépioraUé langage, des usines
otY des fmtrs à bachot. Les ëtudes, au Keu d'être la
gymnastique qui développe les forces de Fifitell^eiiee,
menacèrent de se convertir en une corvée de la mé-
moire ccmtractant, poor fe bescûn d'un moment, des
connabsances bonnes à être onbiiées aussitôt après.
La bifurcation j qui vint ensuite, précipita les
choses dans le sens ou elles inclinaient déjà»
L'occasion de «cette nouveauté fut une démarche
faîte auprès du ministre par les chefs d'institotîon de
Paris , qui trouvaient la partie scientifique de ren-
seignement des lycées insaffisante pour les jeunes
gens qui se préparaient aux écoles spéciales du gou-
vernement. Par une circonstance bizarre, c'est le
directeur de Sainte-Barbe, c'est ràdversaire le plus
acharné de tout ce qui devait suivre, qui porta la
parole comme président de l'association formée entre
les pétitionnaires. Une commission^ nommée pool*
examiner la demande, fonctionnait dans le temps que
M. Fortoul fut porté au ministère. Les circonstances
donnèrent carrière à Fesprit d'aventure. Au lieu de
se borner à combler une lacune^ on voulut résoudre
une question difficile, depuis longtemps agitée, celle
d'un nouveau degré d'enseignement à créer en faveur
de cette partie de la jeunesse qui, en vue de certaines
carrières, poursuit les études classiques jusqu^aax hu-
manités exclusivement. On justifia l'oj^ortunité d'une
pareille création par les essais déjà tentés surune pe-
tite échelle, par les études commencées, sous le der-
nier ministère de M.Salvandy, pmir une organisation
générale en ce genre, par les demandes exprimées
312 HISTOIRE
dans divers journaux en 1848 et 1849 ; et c'est en re-
maniant tout le système des études qu'on crut attein-
dre le but qu'on se proposait. Il n'y eut qu'à choisir
dans le nombre infini des programmes rédigés depuis
le commencement du siècle. Le règlement général du
Prytanée , promulgué le 27 messidor an IX. (1 6 juil-
let 1801), parait avoir été le type sur lequel on se
modela.
Les enfants divisés à partir de l'âge de douze ans
en cwils et en militaires; les uns et .les autres instruits
d'une manière différenle, suivant celle des deux caté-
gories à laquelle ils appartiendraient; les études clas-
siques conservées pour les Civils, tandis que les Mili-
taires seraient exercés aux sciences et au français :
tel était le régime institué par le règlement de l'an IX..
Mais ce règlement ne fut pas appliqué, ou, s'il le fut,
il ne résista pas à la plus courte expérience : on n'en
voit trace ni dans les statuts postérieurs, ni dans les
palmarès d'aucune des sections du Prytanée. Il suffit
néanmoins qu'on le trouvât au Bulletin des lois, et
qu'il semblât donner raison aux partisans de la spé-
cialisation précoce des études, pour qu'on le jugeât
digne d'être ressuscité. On prit cela sans doute pour
la pensée de Napoléon P', laquelle il aurait été plus
naturel d'aller chercher dans les programmes de
l'Université impériale, et dans diverses paroles de
l'empereur qui nous restent, celles-ci par exemple :
(c J'aime les sciences mathématiques et physiques ;
chacune d'elles est une belle application partielle de
l'esprit humain; mais les lettres, c'est l'esprit humain
lui-même; c'est l'éducation de l'âme. »
Quoi qu'il en soit , l'idée de 1 801 ayant été reprise
DE SAINTE-BARBE. 3i3
en 1 852, on donna une autre forme au principe de la
division. Ce fut après la classe de quatrième, c'est-à-
dire lorsque le plus grand nombre des enfants ont at-
teint leur quatorzième année, qu'on les sépara. Ils
devinrent alors écoliers es lettres ou écoliers es scien-
ces. De peur que les esprits ne fussent rendus étran-
gers les uns aux autres, s'ils passaient trop brusque-
ment à un enseignement tout à fait distinct, les deux
catégories continuèrent de recevoir ensemble pendant
quelques temps une part commune d'instruction. En
troisième et en seconde, la classe du matin réunissait
les nourrissons de la littérature et ceux de la science ;
la classe du soir les séparait , et ils allaient chercher
des leçons spéciales sous des professeurs différents.
C'était comme un troupeau , livré pendant la première
moitié du jour à l'herbe de la prairie, qu'on aurait
ensuite partagé en deux l)andes, pour envoyer l'une
sur la friche et l'autre sur le chaume; mais, après Tan-
née de seconde, il n'y avait plus que friche et chaume :
en d'autres termes, la rhétorique et la philosophie ou
logique furent entièrement spécialisées , de sorte que
les lycées possédèrent ( et possèdent encore ) une rhé-
torique-sciences à côté de la rhétorique-lettres , et une
logique-lettres à côté de la logique-sciences.
Telle est la distribution d'études , plus nouvelle que
simple , qui prit le nom de bifurcation , par un em-
ploi figuré de ce mot. Sur bifurcation on a fait le verbe
neutre bifurquer. Les jeunes gens disent qu'ils bifur-
quent, lorsqu'ils se décident pour les sciences ou pour
les lettres. Bifurquer se prend aussi à l'actif, et Ton
entend de tendres mères dire qu'elles ont bifurqué ou
qu'elles bifurqueront leurs fils.
314 HISTOIHË
Au bout de chacune des bratoches de la bifinrcft*
tiof] a été posée 9 c<Mniiie couroimeme»t, la p^Ime de
bachelier en Tmie ou en Pautre bculte* C'est là le
prix que sont appelés à cueillir^ à la fin de leurs cornacs
respectifs , ici les logiciens es lettres, là Ies*lo gifci c aas
es sciences; mais on y accède aussi, sans être logfi^
cien d'aucune sorte, par Véchelte beaucoup pluscotnle
de la préparation mécanique, de manière que la bifiir-
cation n'est pasdevenue un remèdeà la sap^pressioii dn
certificat d^études. Elle a au contraire aggràTe ie? mal
produit par cette suppression, en ce qu'elfe' a m» an
peu plus en vue le but d'étroite utilité que le siède
demande à l'instruction , en ce qu'elle a appelé ks
enfants à se décider eux-mêmes entre deux dhrectioiis
dont l'une, offrant en perspeetîre des exercices beaur*
coup moins pénibles que l'autre, attire tout naturelle-
ment leur préférence, enfin en ce qu'elle a élaUi ecttre
des connaissances dénature essentiellement diljTéreftie
une conformité qui a été préjudiciable à Penseigne*-
ment de toutes.
Ni en 1849, ni en 1852, M. Labrouste ne parta^jea
les belles espérances qui furent ^exprimées dans ïes
rapports mis en tête des nooreanx décrets. Il soutînt
que, si le système en vigueur demandait desréformes,
ce n'était pas sur les points qu^on avait touchés; qtt on
faisait des choses qui tendaient^ à la destruction des
études, et que les hommes qui reconnaissaient te
droit de I^tat en matière d'enseignement, devaient
s'opposer de tout leur pouvoir à des mesures désas-
treuses. C*est pourquoi, au lien de se tenir à réc»! et
de se gouverner à sa guise en se renfermant cbesr lui,
ainsi qu'il en avait le droit, il resokdt de protester
DE SAINTE-BARBE. 3iS
contre les errements de ru»îverâté par la condaite
qu'il tiendrait, tout en marcbaDt ayec elte.
D'abord, pour atténaer Teffet du certificat d'éfndes
supprimé, il mit à l'index: dans sa maiscm, afvant la
classe de ^philosophie, les n^nneis du baccatancréat,, et
il déclara rayé des rôles de l^rnte-Barbe font élèire
qtti se présenterait à Texamen avant d'avoir achevé
ses études.
Quant à la biFnrcafion, il la rendit à pen prtès illu-
soire en tftmsportant à là fin du eowrs cte troisième le
choix entre les lettres ou les sciences, que les règle-
ments fixaient à la fin do coors de quatrième. Par là
en effet il devint impossible aux élèves de quitter la
filière où ils étaient engagés ; car, n'a jant pas fait la
troisième-sciences, ils sentaient qu'ils n'auraient pas
d'avantage à changer de route et à se rendre dans la
seconde-sciences, pomr laquelle ils n'étaient ^ pré^
parés.
Grâce à cet arrangement, on n'a jamais vu à Sainte-
Barbe des études communes à deux classes dans un
moment de la journée, et distinctes dans uii autre
moment; on n'y a jamais connu non plus qu'une caté-
gorie d'élèves de troisième; mais comme, à l'issue de
cette classe, il y a des jeunes gens que leur âge empe^
cheVait de se présenter aux écoles spéciales, s'ils étaient
obligés de faire leurs éludes complètes, on a établi pour
ceux-là un cours spécial de baccalauréat es sciences,
qui dure deux ans. Ce cours est fait par des professeurs
de littérature et par des professeurs de sciences, qui
restent tout le temp^ attachés à la même promotion ;
après cela viennent les études de l'École préparatoire
sous la dh^ection de M. Bïanchet; mais il n'y a abso^
316 HISTOIRE
lument que les retardaires qui profitent de cet expé-
dient. Les aspirants aux carrières scientifiques, lors-
qu'ils en ont le temps, passent par toutes les classes
jusques et y compris la logique, et il arrive presque
toujours que l'avantage est pour eux dans les études
de l'École préparatoire.
Ije directeur de Sainte-Barbe, ne voulant pas que
l'ordre observé dans sa maison fût un mystère, saisit
l'occasion de la distribution des prix de 1 854 pour noti-
fier aux parents présents à cette cérémonie 1# principes
d'après lesquels il jugeait bon de se gouverner. Peu
après, pour Tinslruction des familles qui venaient en
si grand nombre lui présenter leurs enfants, il fît im-
primer, sous la forme de règlement*, les conditions
d'études qu'il imposait à ses élèves. Cela fit du bruit.
On en parla au ministre comme d'un manifeste de
révolte, au point que le ministre chargea M. Cayx,
alors vice-recteur de l'Académie de Paris, d'aller aux
informations.
M. Cayx vint à Sainte-Barbe. On lui mit sous les
yeux le règlement imprimé ; on lui donna toutes les
explications désirables à l'appui. Lorsqu'il eut vu de
quoi il s agissait, voici ses paroles : « C'est parfait. Je
ne regrette qu'une chose, c'est que ce règlement ne
puisse pas être introduit dans les lycées. »
Les faits ayant été rétablis à leur juste valeur par
le rapport du vice-recteur, M. Fortoul n'eut pas lieu
d'être surpris. Il connaissait le sentiment de M. La-
brouste à L'égard des nouveautés mises à l'ordre du
i. Sainte-Barbe. Nouveau règlement pour les classes supé-
rieures, i5 septembre 1855. In-4*», impr. de E, Duverger.
DE SAINTE BARBE. 317
jour soit par ses prédécesseurs, soit par lui-même. En
effet, en 1833, le Directeur de Sainte- Barbe avait reçu
de l'Empereur une marque de confiance, qu'il a vue
depuis se renouveler tous les ans. Il avait été nommé
membre du Conseil supérieur de l'Instraction publi-
que*. Dès qu'il eut pris séance dans celte haute assem-
blée, il osa se déclarer opposant à des conceptions
sur la portée desquelles on se trompait ; il invoqua
contre elles le témoignage des fait$ et l'autorité de sa
longue expérience ; et toutes les fois que l'occasion
s'en présenta, il renouvela ses doléances, en même
temps que ses démonstrations; de sorte que, par sa
persévérance, il passe, auprès de quelques-uns, pour
avoir préparé le mouvement de retraite dont la mort
de M. Fortoul donna le signal.
On se rappelle ce qu'a fait M. Rouland pour réparer
l'état de souffrance où se trouvaient déjà les études lors
de son avènement au ministère. Parla séparation com-
plète de l'instruction scientifique et de l'instruction
littéraire, par la condition du baccalauréat es lettres
rétablie à l'égard des étudiants en médecine, par les
recommandations envoyées aux recteurs des divers
ressorts, un commencement de bien fut obtenu. Le
chef actuel de l'Université vient de pousser les choses
un peu plus loin dans la même voie. La loi de Sainte-
Barbe, c'est-à-dire l'enseignement partagé en deux,
seulement à partir de la classe de seconde , est pré-
sentement appliquée à tous les lycées de l'empire. La
bifurcation paraît condamnée à une fin prochaine;
mais, vaincue sous une forme, la doctrine de l'instruc-
1. Décret du 5 janvier 1853.
318 HISTOIRE
tîon prématurément spécialisée risque fort de [repa-
raître sous une autre. Ê^le est dans Tesprît du slède.
Qui sait si renseignement mixte, planté, comme il va
Fétre, sur le même sol que les études classiques, ne
favorisera pas jJus tard sa résurrection?
CHAPITRE XIX.
Sainte-Barbe des Champs. — Cérémome d'inauguration. — Referme
iSnancière dans TAMociation aiaicale. — Réconciliation «oknneLle
avec la vieille Sainte-Barbe. — Donations et fondations. — Beau trait
de désintéressement. — Première visite du cardinal Morlot. — Fêtes
séculaires de 18S8 et de 1860.
La maison de Fontenay-aux-roses, à laquelle Sainte-
Barbe doit aujourd'hui une partie de sa célébrité, fat
fondée en 1852. M. Labrouste, en s'instruisant de
Thistoire ancienne du Collège, avait été frappé de
l'entreprise du noviciat de Gentilly, tentée à la veille
delà Révolution par les supérieurs de l'ancienne Com-
munauté« Une semblable création lui apparut sur-le-
champ comme le moyen le plus heureux de préparer
le recrutenient.d'un grand établissement d'éducation^
Il y vit l'avantage de tenir l'enfance tout h fait à l'é-
cart, entre des murs qui n'eussent point un air de
prison, dans des conditions où elle contracterait tout
doucement, sans péril pour sa gaieté et avec profit
pour sa santé, les habitudes propres à constituer plus
tard un peuple homogène, docile, ami du devoir.
DE SAINTE-BARBE. 319
Fonder une petite Saiate-Barbe en ua lieu salubre
des faubourgs ou de 1a banlieue de Paris était donc
depuis longtemps au nombre de ses projets, depuis
si Jongtamps qu'il ayait p^ssé employer à cela les ter-
rains vagues de la rue d'Ulm, avant qu'il les proposât
pour y transporter tout le Collège*. C'était son idée
favorite. Après 1848, les embarras toujours crois-
sants que lui créait lexiguïté du local, l'y ramenèrent
avec plus de force que jamais. Il chercha de nouveau.
Ayant découvert que le château de Fontenay était en
vente^ il pressa le Conseil d'administration du CoUége
de seconder ses vues en décidant l'achat de cet im-
meuble. 11 eut de la peine à persuader des hoounes
jMiidents, presque tous engagés dans les ailaires pu-
bliques, qui ne les voyaient pas brillantes, et qui étaient
portés par là à mal augurer de toute entreprise particu-
lière. L'avis de la témérité l'emporta toutefois, parce
qu'il était au fond celui de la sagesse. Sur le rapport
Êivorable de M. Rigault, l'un des croyants en l'avenir
de la nouvelle fondation, le Conseil consentit ; la So-
ciété, convoquée en assemblée générale, donna à son
tour son approbation % et l'acquisition fut conclue
par un acte définitif, le 12 décembre 1851 .
Les travaux que Sainte-Barbe a fait exécuter dans
la propriété de Fontenay cmt fourni la preuve qu'elle
fut: primitivement une villa romaine ; car on a retiré
du sol des débris de poterie antique et des monnaies
du temps des Antonins. La maison de plaisance, dé-
truite à l'époque des invasions et remplacée on ne sait
i. Ci-dessus, p. 243.
2. Délibération du 28 novembre i85i.
320 HISTOIRE
par quoi pendant les siècles de barbarie^ devint , à
l'origine de la féodalité, l'un des repaires qu'avai^it
disposés pour leurs déprédations les barons de Châ-
teaufort, véritables tyrans de la campagne au sud de
Paris. Des Chàleaufort, le manoir passa aux seigneurs
de Marly.En 1286, l'un de ces derniers le donna par
testament à l'abbaye de Sainte-Geneviève, avec la plus
grande partie des terres du village. L'abbaye, depuis
le seizième siècle, se vil forcée d'aliéner pièce par
pièce ce magnifique domaine. Le château sortit de ses
mains en 1640. Il fut acheté par un conseiller au
parlement de Metz , puis passa successivement à des
gens riches de toute condition. L'abbé Le Beuf, dans
son Histoire du diocèse de Paris^^ nomme en dernier
lieu M. Brochand, fournisseur de la maison du Rot
(1754), qui pourrait bien être celui par les soins de
qui fut reconstruit Tédifice actuel. La tradition du
pays fait honneur de cet ouvrage auxécus de M® Bou-
lard , notaire au Chàtelet de Paris, qui vint après les
Brochand; mais l'acquisition de la propriété par
Boulard date seulement de 1 778, et le style du château
est celui de toutes les maisons de plaisance bâties en
plein règne de Louis XV.
Notons en passant que le nom de Boulard fit du
bruit dans Tancienne Université. Le fils Boulard,
condisciple des barbistes au Plessis, remporta en 1 770
le prix d'honneur et deux autres premiers prix au
grand concours, tergeminis distinctus honoribus. Il
succéda à son père dans le notariat, et fut l'un des
fameux bibliomanes de notre siècle.
1 . Tome IX, p.. 394,
DE SAINTE-BARBE. . 32i
11 serait fastidieux de nommer tous les propriétaires
depuis Boulard le père.
En 1 823 j un instituteur, qui s est fait remarquer
par son zèle à propager les nouvelles méthodes,
M. Morin, établit un pensionnat dans le château de
Fontenay. C'était l'annexe d'une autre maison floris*
santé qu'il avait à Paris, rue Louis-le-Grand. Dans
celle-ci les enfants étaient instruits d'après le système
Pestalozzi; dans l'autre on donnait l'enseignement
classique conforinément aux idées de M. Ordinaire,
ancien recteur de l'Académie de Besançon, qui pro«-
posait de distribuer les élèves dans les classes comme
oii fait dans les écoles mutuelles, et d'abréger T étude
des langues mortes par une gradation plus ration-
nelle des exercices. Associé de M. Morin, M. Ordinaire
finit par diriger presque entièrement la pension de
Fontenay. 11 conquit pour elle le titre d'institution,
à la suite de diverses épreuves dont M. de Vatimes-
uil, ministre de l'Instruction publique, ne dédaigna
pas d'être le juge.
A. Tinstitution Morin succéda, en 1831, l'institution
de Cournand. M. de Cournand, fils du littérateur de
ce nom , était, comme on l'a déjà dit, barbiste ( et
bon barbiste) du temps de Victor de Lanneau. Il avait
gagné beaucoup d'argent à faire des éducations par-
ticulières en Russie. De retour en^Francê, il crut qu'il
parviendrait à se former une clientèle d'élèves aussi
riches que les jeunes boyards auxquels il avait eu
affaire à Saint-Pétersbourg. Il disposa son établisse-
metit de manière à répondre à toutes les exigences
de l'éducation qu'on appelle soignée dans le monde.
Comme il voulait donner une place importante a
TU ' 21
322 . HISTOIRE
l'exercice du cheval, il fit construire un vaste man^e^ H
qui fait aujourd'hui la plus belle salle de récréation f
qu'on puisse voir. ^
L'entreprise ne réussit pas. A. la place de la gentil- !
hommière projetée par M. de Coumand, un M. Rouzée
ouvrit, sous des auspices tout aussi peu favorables,
une sorte d'école professionnelle. Finalement le do^
maine de Fontenay redevint simple maison de cam-
pagne. La spéculation commença à le dépecer. L'ha-
bitation était déjà privée d'une grande partie de ses
communs, lorsque la Société de Sainte-Barbe l'acheta.
Avec autant d'activité qu'il avait apporté de déci-
sion et de secret aux préliminaires du marché, M. La-
brouste fît mettre les lieux en état par son frère ,
M. Tlîéodore Labrouste. 11 voulait pouvoir prendre
possession au printemps de 1 852, afîu que la sérénité
des beaux jours et la vue des fleurs égayassent les
enfants à leur entrée dans leur nouvelle demeure. 11
importait d'ailleurs d'exhiber les choses avec leurs
couleurs les plus riantes, pour la consolation des fa-
milles qui voyaient dans ce déplacement un dur exil.
Toutes les dispositions furent achevées pour le mois
de maL
Une cérémonie d'installation était de rigueur. Pen-
dant que le Directeur en méditait le programme, l'ar-
chevêque de Paris vint donner la confirmation à
Sainte-Barbe. C'était alors le bon et infortuné M. Sir
bour. U entendit parler de l'événement qui se prépa-
rait« Charmé de l'accueil qu'il avait reçu au Collège,
il se proposa de lui-même pour être le président de
la fête. On lui demanda son jour; il répondit qu'il
ne pourrait avoir congé que le 12 mai*
DE SAINTE-BARBE. 323
Donc le matin du 12 mai, un train spécial du che-
min de fer emporta de Paris à toute sapeur la petite
colonie destinée à Fontenay, et les autorités de Sainte-
fiarbe, et les membres du Conseil d'administration,
et une nombreuse escorte de parents qu'on avait invî*
tés. A l'arrivée, on se dirigea vers l'église du village.
L'archevêque y était déjà rendu; il siégeait sur un
trône, ayant à côté de lui son grand vicaire, le savant
abbé Bautain, si bien placé dans une cérémonie du
genre de celle qui se préparait. L'abbé Marcelli, au-
mônier de Sainte-Barbe, monta en chaire pour expo-
ser les avantages du nouvel établissement, pour
remercier l'illustre pasteur de la bénédiction qu'il
venait ajouter à cette utile entreprise, enfin pour an-
noncer une quête de charité, qui allait marquer la
bien-venue d'une nouvelle et nombreuse famille au
milieu de la population de Fontenay.
Le prélat répondit : « C'est donc pour conserver à
ces tendres enfants la santé du cocps aussi bien que
la fraîcheur et la pureté de l'âme que vous les retirez
dans cette riante solitude ; c'est pour préserver de
toute altération ces dons des cieux qui ornent l'en-
fance ! Je ne puis que m'associer de cœur et d'inten-
tion à cette sainte pensée. J'applaudis aussi de tout
mon cœur, et je participerai à cette bonne action, à
cette pieuse aumône que vous voulez placer comme
une bénédiction aux fondements de la maison nou-
velle. »
Après l'office , qui fut célébré pontificalement , on
s'achemina en procession vers le château. Ce fut
comme la marche des Hébreux vers la terre promise ,
car la connaissance des lieux était encore le secret du
334 HISTOIRE
Directeur et de ses lieutenants. Bientôt se montra le
fronton du noble édifice, décoré de riuscription
qui annonçait sa métamorphose : Sainte-Barbe des
Champs. On entra dans la cour d*honneur. Là eut
lieu la cérémonie de la bénédiction. Ensuite M. L^t
brouste prononça une allocution , qui fut suivie de la
lecture d'une pièce de vers latins , composée pour la
circonstance. Des évéques en ce temps-là prétendaient
bannir de Tinstruction l'élude des auteurs profanes de
l'antiquité. En présentant à Mgr. Sibour le vétéran de
rhétorique*, auteur des vers qu'il allait entendre,
M. Labrouste eut soin d'ajouter que Sainte-Barbe con^
servait la religion des anciens dans le culte des lettres
grecques et latines. « Et elle fait bien , » répartit le
prélat.
Mgr, Sibour écouta avec une attention e&tréme. 11
fut sensible à un hommage payé en de bons termes à
la mémoire de son prédécesseur. Les marques de son
approbation furent continuelles pendant la lectRrqdes
strophes de la fin :
Hic, quae vides parlœta rosaria,
j£tatis hic ver innocuum puer
Producet. Hune vobis virentem
Invideo, puerî, recessum.
Nos urbe carcer dum retînet niger,
Immensa vobis arva patent, levis
Circumdat aer, lux aperto
Purior in spatio renidet.
Quid ! tota vobis artificem Deum
Natura monstràt. Riire Deus patet;
1. Emile Renan t.
DE SAÎNTE-BARBE. 325
Hic rusticos versatur înter.
Rure habitant pietas fidesque, etc.
La récompense du poète fut d'être embrassé par le
prélat.
Toutes les choses d'apparat étant terminées, la porte
qtii est au fond du vestibule fut ouverte , et l'assis
stance fut admise à visiter le parc. Les allées étaient
fraîchement sablées et vierges de pas humains ; des
corbeilles de fleurs étincelaient sur l'herbe soigneuse-
ment peignée des pelouses, et plus loin les touffes de
lîlas, au-dessus desquels les arbres séculaires arron-
dissaient leurs voûtes de verdure. Des exclamations
de surprise et de ravissement sortirent de toutes les
bouches. On commença à sentir la douceur de la
déportation dont cette belle résidence allait être
le lieu.
Un déjeûner de trois cents cinquante couverts était
dressé*dans le ci-devant manège. On s'y rendit après
la promenade. L'archevêque s'acquitta avec grâce et
bonhomie des fonctions de président. Il accorda la
parole pour les toasts, il provpqifa aux chansons. La
sonnette était posée devant lui. Il s'en servit pour
apaiser un tumulte qui eut lieu au dessert. Les enfants
ayant été introduits à sa (lemande, au milieu, des cris ,
de joie que suscita«leur entrée , chacun se leva pour
aller chercher le sien. « Asseyez-vous, dit Mgr. Sibour,
que chacun resté assis. Les petits sauront mieux trou-
ver leurs poules. » Puis, appelant à lui ceux qui n'a-
vaient personne à chercher , il se mit à découper pour
eux les pâtisseries, qu'il leur distribua avec force ca-
resses. L'illustre tragédienne Rachel était présente.
326 HISTOIRE
Touchée de ce spectacle, elle ne put pas retenir ses
larmes.
On en trouvera plus long sur cette fête dans la re-
lation imprimée de J.-A. Lisle\ Là sont les vers latins
récités devant Varchevéque, et les chansons de
M. Mongis et du même Lisle , qui furent chantées
au dessert. M. Mongis, aujourd'hui conseiller à la
cour impériale de Paris et membre du Conseil d'ad-
ministration du Collège y appartient à la grande géné-
ration des chansonniers de Sainte-Barbe. Lisle a une
autre facture; il aurait fait école en ce genre, s'il avait
vécu plus longtemps. Ses couplets sont encore chan-
tés à Fontenay ; ils sont devenus pour les enfants une
sorte d'hymne patriotique.
Le travail commença dès le lendemain, sous la di-
rection de M. Cugny , choisi parmi les anciens bar-
bistes avec la confiance qu'il ferait réussir le jeune
essaim. C'était un homme connaissant bien l'enfance ,
qu'il avait pratiquée longtemps chez M. Massin. On le
savait capable de se faire obéir et aimer. Il s'acquitta
de sa tâche avec un dévouement dont sa fin prématu-
rée donne la mesure. Il fût frappé d'apoplexie le
28 mai 1 857, à la suite de ses veilles assidues auprès
d'un élève malade, et sous le coup du chagrin que lui
causa la mort de cet enfant.
Son successeur fut M. Léon Bfiblliard , qui exerce
encore aujourd'hui. M. Molliard est l'un des jeunes
barbistes formés sous M. Labrouste. Il a passé par
l'Ecole normale et professé la rhétorique à Moulins
i. Inauguration du petit collège de Sainte-Ba\;be à Fontenay-
fiux-Roses, 12 mai 1852. In-8», inapr. de E. Duverger.
DE SAINTE-BARBE. 327
. pendant sept ans. Il était Tun des surveillants généraux
du lycée Louis-le-Grand lorsque son ancien directeur,
qui ne Tavait pas perdu de vue et qui démêlait en lui
une aptitude remarquable pour le gouvernement, lui
proposa la place vacante à Fontenay.
Le fonctionnaire placé à la tête de Sainte-Barbe
des Champs relève du Directeur et du préfet des études
de Paris. Comme c'est par ce dernier que Timpulsion
lui est transmise , il porte le titre de sous-préfet. Les
enfants confiés à ses soins sont distribués en un grand
nombre de classes , de telle sorte qu'ils ne reçoivent
pas leurs leçons plus d'une vingtaine à la fois. Un
même professeur suit ses élèves depuis la neuvième
jusqu'à la sixième. C'est là une sage disposition^ qui
préserve du trouble que les changements de méthode
jettent souvent dans les esprits novices. Le travail
consiste principalement en exercices de grammaire.
IVL Molliard ne trouve pas au-dessous de sa dignité
d'enseigner lui-même à tous ces enfants l'orthographe
d'après de certaines règles d'analogie qui ont été con-
signées dans un petit livre adusum Sanctœ-Barbarœ*^.
Depuis plusieurs années^ et bieii avant les nouvelles
mesures décrétées par l'Université, l'étude élémen-
taire et la pratique des langues vivantes ont été in-
scrites dans les programmes de la maison.
On vient à Fontenay par curiosité, pour voir l'infir-
merie du Collège, ses dortoirs, sa salle de bains; on
admire les distributions ingénieuses de ces diverses
\ . Méthode pratique et simultanée de lecture , d'écriture et
d'orthographe-, par MM. Molliard et Hinard. In-1 2, Paris, De-
zobry.
328 HISTOIRE
parties -et le luxe qui y règne. Ces choses sont lou-
vrage des deux habiles architectes à qui est due la
reconstruction de la maison de Paris. Elles répondent
au goût du jour; elles enchantent ceux qui ne jugeot
que par les yeux ; mais ce n'est pas tant de cela que
Sainte-Barbe des Champs se glorifie que du bon ordre
dont elle a ëtë un modèle depuis sa fondation. Elle
sait que, si elle mérite d'être louée, c'est parce que
tout est réglé chez elle de manière à obtenir le déve-
loppement promis par les Conditions de sérénité et
de salubrité où sont placés à la fois les esprits et
les corps ; sa récompense est dans les résultats qu'dle
a obtenus.
Le succès de l'entreprise a dépassé toutes les prévi-
sions. Quatre-vingt-trois enfants furent le premier
noyau delà colonie; leur nombre était doublé à la fin
de 1853; aujourd'hui ils sont quatre cents. On n'avait
pas encore l'approbation de la vogue, que celle du
gouvernement se manifesta d'une manière d'autant
plus flatteuse qu'elle fut indirecte. La première année
à peine écoulée, le ministre de l'Instruction publique
voulut doter l'État d'un établissement du même genre.
Il transforma le château de Vanves, qui était la pro-
priété deLouis-le-Grand, en une succursale à l'usage
des plus jeunes élèves du lycée *. Pareille fondation a
eu lieu depuis près les lycées de Versailles, de Douai,
de Toulouse, de Bordeaux. Enfin, grâce à l'exemple de
Sainte-Barbe, le temps li'est peut-être pas éloigné où la
campagne sera jugée aussi nécessaire pour cultiver l'es-
prit de la tendre enfance que pour faire pousser le blé.
1. Arrêté du 28 juin 1833.
DE SAINTE-BARBE. 3i9
L'année 1852 fut celle des essais heureux pour
Sainte-Barbe. Pendant que la maison recevait Tac-
croissement dont nous venons de parler, l'Association
amicale doublait tout d'un coup ses ressources en
modifiant un seul article de ses statuts.
Ce groupe si important dans l'organisme barbiste
n'avait pas cessé de s'étendre, surtout depuis 1 830,
sous l'impulsion intelligente des mandataires qui la
dirigeaient. Trop de noms seraient à inscrire s'il fial-
fait dire tous ceux qui travaillèrent pour le bien de
l'œuvre. La rapidité du récit ne nous permet de men-
tionner que les plus entreprenants et les plus infati-
gables : Corcellel , Dufilho, Bonnaire ; Cadet-Gassi-
courl, aussi ardent pour l'Association que pour la
cause du libéralisme; de Séligny et Ludovic Roussel,
longtemps voués aux fonctions laborieuses du secré-
tariat; Chrislofle, que le deuil d'une population d'ou-
vriers accompagnait, il y a quelques mois, à sa dernière
demeure; Eugène Du verger, lui aussi l'ami des. ou-
vriers, qui consuma sa vie à obliger ses semblables,
avec l'ambition de rester toujours le bienfaiteur in-
connu ; Alexandre Bixio.
M. Bixio entra dans le gouvernement de l'Association
amicale à la fin de 1832. Maintenu depuis lors par
une suite non interrompue de réélections, il ne cessa
pas d'être de la partie laborieuse du Comité, de celle
à qui arrive la confidence de toutes les infortunes et
qui s'occupe de les soulager. Une cessa pas non plus
de travailler à étendre le cercle de l'assistance frater-
nelle, en recrutant autant de souscripteurs qu'il pou-
vait découvrir d'anciens barbistes. Il acquit prompte-
ment l'ascendant exercé par ceux qui apportent avec
330 HISTOIRE
eux le mouvement d'où résulte la vie. Il fut coosidéré
par tous comme Fàme de l'Âssociatiou.
Jamais les demandes de secours ne furent plus fré-
quentes ni plus pressantes qu'en i 852, après les bou-
leversements causés dans un si grand nombre d'exis-
tences par quatre ans de révolution. A chaque instant
de nouvelles souffrances étaient dénoncées. Des vieil*
lards avaient été privés brusquement d'un emploi, que
leur âge leur interdisait de remplace^ • par un autre;
des enfants avaient été rendus orphelins par l'exil ou
par la mort prématurée de leur père; des camarades,
naguère dans l'opulence, se trouvaient réduits mo-
mentanément au dénùment le plus complet. Non-seu-
lement on vit bientôt le fond de la caisse, mais la
réserve des années précédentes fut entamée. Il fallut
aviser à augmenter la source d'un revenu dont l'in-
suffisance était manifeste. Alors M. Bixio proposa de
fixer un taux à la souscription annuelle, qui jusque là
avait été arbitraire. Elle fut portée à douze francs.
La réforme eut assez de succès pour que, dès la pre-
mière année, tous les secours distribués, le sage tréso-
rier de l'association, M. Àgathon Prévost, pût placer
une somme assez ronde à la Caisse d'épargne, dont
il est l'agent général. Cela fit naître la réflexion, et
bientôt le désir de posséder des rentes. Jusqu'alors on
avait vécu au jour, le jour. L'incertitude des ressources
avait souvent retenu le Comité, lorsqu'il s'était agi de
décider un bienfait qui devait se prolonger plusieurs
années de suite. Avoir éprouvé l'inconvénient de ce
système était une leçon pour y renoncer. M. Bixio
pensa que, si un certain nombre de sociétaires consen-
taient à remplacer par un versement de 240 francs
DE SAINTE-BARBE. 331
une fois payés leurs versements annuels de douze
francs, la cotisation ainsi capitalisée et inscrite en rentes
sur le grand-livre fournirait par son seul revenu une
source assurée de secours, tandis C|ue le capital, soi-
gneusement réservé, deviendrait une garantie de plus
à la perpétuité de l'œuvre. On réalisait d'ailleurs une
économie notable, en tant qu'une partie des frais de
perception allait se trouver supprimée.
En 1 854 ce nouveau mode de souscription fut in-
troduit dans les statuts, seulement comme chose facul-
tative ; car la souscription annuelle à 1 2 francs fut
maintenue. Ceux qui préférèrent la payer gardèrent
le titre ancien de souscripteurs. On décida que ceux
qui verseraient le capital de 240 francs auraient leurs
noms inscrits à perpétuité sur les annuaires de l'Asso-
ciation, avec le titre àe fondateurs . Fondateur se disait
autrefois de l'auteur d'un bienfait conféré à un établis-
sement de main-morte, lorsque ce bienfait était des-
tiné à rendre des fruits perpétuels. C'est dans cette
acception, autorisée par l'histoire du Collège, que le
mot fut rétabli. Les parents et amis des barbistes dé-
funts, la mort de ceux-ci remontàt-elle au commen-
cement du siècle, furent admis à faire porter leurs
noms sur la liste des fondateurs, en s'acquittant pour
eux 'de la condition prescrite. Enfin on ouvrit une
liste de donateurs pk)ur ceux qui, de leur vivant ou
par disposition testamentaire, voudraient ajouter aux
versements prescrits par les statuts*.
Le nombre des fondateurs, qui fut tout d'abord de
deux cent quarante, s'est augmenté d'année en année^
sans presque nuire à celui des souscripteurs. Vingt-
cinq vaillants officiers avaient joyeusement réglé leurs
332 HISTOIRE
comptes avec t* Association amicale avant de partir
pour le siège de Sëbastopfol. Cinq d'entre eux, qui
ne sont pas revenus, ont ouvert la liste des fondateurs
défunts \ Celle des fondations commëmoratîves a fait
aussi de rapides progrès, par la piété des fils, des neveux
des camarades ou des veuves. Les donations sont
arrivées également, mais non pas toutes par le chemin
découvert que leur a tracé lé nouveau statut. Certaines
âmes ne comprennent pas d'autre bienfaisance que
celle qui se cache. De là des offrandes anonymes.
En 1 855, le trésorier reçut une somme de 5780 francs,
avec cette simple suscription : « Part de l'Association
barbiste dans une bonne affaire. »
Souscriptions, fondations, donations, telles sont les
sources du revenu dont dispose depuis dix ans TAs-
sociation amicale. Elle est assez riche pour distribuer
tous les ans de douze à quinze mille francs de secours.
Son comité directeur, rajeuni par de nouvelles recrues,
veille avec un soin jaloux à ce que l'œuvre, à la faveur
de l'extension qu'elle prend sans cesse, ne dévie pas
de ses errements primitifs. Deux jeunes hommes en-
tendus autant que dévoués, MM. Eugène Besson, pro-
fesseur à Sainte-Barbe, et Antonin Bellaigue, avocat à
la Cour de cassation, sont les examinateurs scrupu-
leux des titres qui doivent motiver les secours. Toutes
les demandes ^ont l'objet d'enquêtes sérieuses; les
bienfaits de l'Association sont le résultat de véritables
jugements. On a déjà dit qu'ils doivent rester le secret
de ceux qui les dispensent : la loi le veut ainsi, et l'on
1 . Larrouy d*Orion, lieutenant-colonel au 97* ; Blanquart de
Baiileulj capitaine au 86*; Leblanc, lieutenant au 80*; Charles de
Bonnafos, lieutenant au 74*; Chéi est, aspirant de marine.
DE SAINTE-BARBE. 333
n'y a jamais manqué, quoique bien souvent on aurait
voulu pouvoir publier les efforts de constance et de
vertu au prix desquels des personnes obligées, consi-
dérant comme un prêt le don ^qu elles avaient reçu,
sont parvenues plus tard à le restituer.
Il ne faut pas omettre de dire qu'en même temps
que l'Association centupla ses forces par les moyens
qu'on vient d'indiquer, elle ouvrit son sein à la ci-
devant Communauté. Cet appel, sollicité par le direc-
teur de Saint-Barbe, qui est en même temps vice-
président à vie du comité de bienfaisance, fut une
démonstration pour établir que la vieille Sainte-Barbe
et la nouvelle s'étaient définitivement réconciliées.
M, Labrouste avait vu venir à lui à diverses reprises
des barbistes d'avant la Révolution, qui lui avaient
confié avec joie l'éducation de leurs petits-fils. ,Les
mêmes noms, qui avaient fait la gloire de la maison
sous l'abbé Baduel, retentissaient de nouveau dans les
concours; enfin les ombrages étaient si complètement
effacés que les pKits-neveux de Nicolas-Éloi Lemaire
lui-même portaient l'uniforme barbiste. Mais les
vieilles connaissances qu'on avait renouées les années
précédentes étaient rompues journellement par la
mort. Il n'en restait plus qu'une en 1853. C'est alors
que fut suggérée l'idée de consacrer l'union des deux
époques, en s'agrégeant ce vénérable débris de l'an-
cien monde.
M. Vial de Machurin, l'antique barbiste dont il s'agit,
accepta de la meilleure grâce la camaraderie qui lui
fut offerte. 11 présida le banquet du 4 décembre, et y
apporta sa chanson. C'est un aimable vieillard, un
vrai fils du dix-huitième siècle, et de ceux qui n'ont
334 HISTOIRE
pas renié leur père. Ayant tâté des verges de Tâbbé
INicoUe, il eut soin de rassurer la compagnie sur ses
senliments à l'endroit de l'ancien régime, et il décla);a
qu'on ne trouverait pas en lui le laudator iemporis
acti. Il vit encore. Avec ses quatre-vingt-onze ans il
distancerait à plus d'un égard bien des hommes qui
n*én ont pas soixante.
Les donations et fondations dont on vient de parler
s'appliquent uniquement aux besoins de la société de
secours mutuels. Il ne faut pas les confondre avec
d'autres donations et fondations qui sont faites en
faveur du Collège. L'usage de ces dernières ne fait,
pour ainsi dire, que de commencer. En 1853, M. Gar-
nier, professeur émérite, traducteur d'Hérodien, mou-
rut à Mortain^ léguant à Sainte-Barbe une somme de
120jp0 francs. La maison s'est trouvée de même in-
scrite pour une part de 20 000 francs sur le testament
d'Eugène Scribe. Lorsque le bon sens public commen-
çait à discerner le désastreux effet du morcellement
des études, M. Armand Donon, banquier, l'un des
membres du Conseil d'administration du Collège, fit
une fondation magnifique en vue de réveiller dans la
jeunesse le goût des humanités. Il plaça une sommé
de 60 000 francs, dont la rente est proposée à pei>
pétuité. comme récompense à l'élève de Sainte-Barbe
qui aura remporté au concours général le prix d'hon-
neur de rhétorique*. Le Conseil barbiste reste libre
d'allouer au lauréat tout ou partie des arrérages ac-
cumulés.
Un financier, venant avec autant de modestie que
i. Acte du 16 mars d858.
DE SAINTE-BARBE. 335
de munificence au secours des études classiques dé-
faillantes/ voilà une action qui mérite d'être enregis-
trée. Donnons-lui pour pendant un trait de générosité
auquel un élève de l'École préparatoire fut porté vers
ce temps-là par la noblesse de ses sentiments.
Cet élève, M. Aimé Godart, obtint en 1857 le prix
d'honneur des sciences. Invité au diner d'apparat où
le ministre de l'Instruction publique a coutume de
réunir les principaux lauréats, le. soir de la distribu-
tion du grand concours , il fut placé à la droite du
ministre lui-même. Par son bon esprit, par son assu*
rance modeste^ il plut à M. Roulaod, qui lui fit toutes
sortes de caresses, et lui promit de lui accorder la
première faveur qu'il demanderait.
Cette parole ne fut pas perdue pour M. Godart. Le
lendemain même, il écrivit au ministre pour lui dire
que les succès au sujet desquels il avait reçu de lui
des marques si flatteuses de satisfaction, il les devait
à M. Bianchet, directem: des études scientifiques à
Sainte-fearbe , et que ce qu'il avait à lui demander,
c'était que la croix d'honneur fût accordée à ce savant.
I^ réponse ne se fît pas attendre. Nous en repro-
duirons textuellement la teneur :
«c Vous avez eu raison , Monsieur, de compter sur
ma promesse, et je vous félicite de votre bonne inspi*
ration. Vous avez songé avant tout au directeur de vos
études, à celui qui, par ses soins, a préparé vos suc-
cès. Vous vous êtes honoré par ce sentiment si louable
de reconnaissance ; et comme M. filanchet est un
excellent professeur, et un homme des plus estima-
bles, je n'ai pas hésité, sur votre demande, à le propo-
ser pour la décoration. L'Empereur, touché de votre
336 HISTOIRE
démarche et appréciant les bons services de M. Blan-
chet, vient.de le nommer chevalier de. la iégion
d'honneur. Allez, Monsieur f embrasser votre direc-
teur, et portez-lui celte bonne nouvelle, que je suis
heureux de vous donner, n
Cette lettre arriva le soir, et un soir que M. Blan-
chet couchait à Sainte-Barbe des Champs. M.Godart,
qui avait gardé le secret de sa démarche, ne se sentit
pas de force à garder en lui pendant douze heures le
secret de la réussite. 11 court à Fontenay ; il a toute
la peine du monde à se faire ouvrir par le por-
tier, qui dormait d'un profond Sommeil; il met la
maison en alerte , et lorsqu'il aperçoit son maître,
qui s'est levé des premiers, il se jette dans ses bras,
et lui donne à lire, sans pouvoir prononcer une pa-
role, la bienheureuse lettre qu'il tenait à la main.
Cette anecdote a transpiré dans le public. Elle a
donné à quelqu'un l'occasion de dire que le jeune
lauréat avait honoré le prix d'honneur.
Ajoutons que la reconnaissance et le désintéresse-
ment, par lesquels M. Godart s'est signalé à son premier
pas dans la carrière, sont devenus dès à présent la
règle constante de sa vie. Admis à l'École des ponts
et chaussées, lorsqu'il n'avait qu'à choisir entre les
occupations qui conduisent promptement à la renom-
mée et à la fortune, il a préféré revenir à Sainte-Barbe.
Il s'est attaché par un lien indissoluble à M. Blanchet,
qu'il seconde dans l'enseignement de l'École prépa-
ratoire.
La même année 1857 vit l'accession du cardinal
Morlot au siège métropolitain de Paris. Étant arche-
vêque de Tours, le prélat s'était pris d'amitié pour le
DE SAINTE-BARBE. 337
directeur de Sainte-Barbe, avec qui îl se rencontrait
au Conseil supérieur de l'Instruction publique. Notre
Collège fut l'un des premiers établissements particu-
liers qu*il honora de sa visite. Il s'y rendit le 2 mai,
pour la cérémonie de la première communion. Il
officia en personne, et administra de ses mains le
sacrement, qui fut immédiatement suivi de la confir-
mation.
L'archevêque fut assisté ce jour-là de M. l'abbé
Darboy, l'un de ses vicaires généraux, aujourd'hui
♦ son successeur, et non moins bienveillant pour la
maison. M. Darboy était chargé de l'inspection de
l'enseignement religieux dans les lycées et collèges. A
ce litre, Sainte-Barbe lui doit une précieuse acquisi-
tion : celle de son premier aumônier actuel, M. Va-
zillier. C'est un homme d'expérience et de talent, qui
fut aumônier du lycée d'Alger; après l'avoir été de
l'un de nos régiments d'Afrique. Il donna l'absolution
[ aux niourants sur le champ de bataille d'Isly. Il sait
I parler à la jeunesse le langage qui lui convient, et la
! toucher par des comparaisons tirées du spectacle de
. tant de choses qu'il a vues. Il s'acquitte des soins de
I son ministère avec le concours de deux autres ecclé-
\ siasliques, dont l'un est spécialement attaché à la
r maison de Fontenay. A Paris, les instructions du
f carême sont faites par des prédicateurs du dehors. Des
I personnes de distinction ont sollicité la faveur de
f venir entendre, dans la chapelle du collège, MM. Frep-
! pel et Perreyve, de la Faculté de théologie, par qui
furent prêches les derniers carêmes. Autant qu'elle le
peut, Sainte-Barbe se fait un devoir de mettre en
présence de la jeunesse les orateurs de la chaire dont
m 22
[
I
338 HISTOIRE
le mérite est attesté parla voix publique. C'est d'après
le même principe qu'elle choisit les rabbins et les pas-
teurs, chargés de donner l'enseignement religieux à
ceux de ses élèves qui appartiennent au culte Israé-
lite ou à l'Église réformée.
L'année 1858 compléta le siècle qui avait vu naître
le restaurateur de Sainte-Barbe ; car c'est en 1 758, le
24 décembre, que Victor de Lanneau vint au monde.
M. Labrouste suggéra à l'administration du Collège de
célébrer cet anniversaire par une fête, où furent invi-
tés à la fois les nombreux descendants et les derniers
amis de celui qui en était le héros.
En 1860, eut lieu une autre fête séculaire. Sainte-
Barbe, éclairée sur ses véritables origines, se résigna
au sacrifice de trente ans d'antiquité, que l'histoire
retranchait de la date assignée par la légende. Accep-
tant 1460 pour l'année de sa première fondation, elle
voulut constater par un acte commémoratif que son
quatrième siècle révolu la trouvait plus vivante et plus
brillante que jamais. L'affectueuse bienveillance, dont
le Directeur était l'objet de la part du ministre de
l'Instruction publique, permit de donner à celte céré-
monie un éclat tout particulier.
M. Rouland avait exprimé plusieurs fois le désir de
rendre une visite à la maison. On le pria d'y venir le
14 décembre 1860. La façade sur la place du Pan-
théon était illuminée et tous les passages garnis de
tentures, d'arbustes et de fleurs. Un splendide festin
fut servi dans le parloir, transformé ep triclinium. Le
ministre y prit placé avec le Conseil des anciens bar-
bistes et 1 etat-major du Collège. La étaient encore
plusieurs des illustrations de Sainte-Barbe, entre autres
DE SAINTE-BARBE. 339
M. Artaud, vice-recteur de rAcadétnîe, M* Bouillet,
inspecteur, le baron Lacrosse, sénateur, M. Devinck,
le général Trochu; puis !e proviseur de Louîs-le-
Grand, et enfin les membres du Conseil des chefs
d'institution du département, invités par M, Labrouste,
leur président, afin qulls partageassent avec lui Thon-
neur d'une soirée dans laquelle renseignement de
rÉtat se faisait l'hôte de l'enseignement libre. Ces der-
nières paroles sont de M. Labrouste lui-même : il en
fit le texte d'un petit discours qu'il prononça lorsque .
le moment des toasts fut venu, discours dans lequel
il n'oublia pas d'évoquer les souvenirs au culte des-
quels le ministre d'un grand empire n'avait pas dé-
daigné de s'associer.
M. Rouland répondit : « Il y a un proverbe latin
qui dit, pectus disertos facit. Je ressens cette éloquence,
et pour le prouver, avant que j'ajoute un mot de plus,
mon cher directeur, embrassons-nous. »
Les applaudissements, on le pense bien, éclatèrent,
sans attendre le reste de Tallocution , qui fut sur le
même ton de chaleureuse cordialité. Ce fut une ho-
norable récompense, et délicatement donnée. Le mi-
nistre y ajouta encore, en proposant notre Directeur
pour le grade d'officier de la Légion d'honneur, qui
lui fut conféré le 1 5 août suivant.
Depuis la fêle séculaire de 1860, M. Labrouste a
répété plus d'une fois : «c Sainte-Barbe a reçu l'acco-
lade d'un ministre. Redoublons d'efforts pour la
mettre en état de recevoir la pareille du pouvoir qui
existera dans quatre cents ans. »
Ici sera le terme d'un récit qui s'est étendu au delà
340 HISTOIRE DE SAINTE-BARBE.
de nos prévisions. Nous espérons que sa longueur
nous sera pardonnée à cause du grand intervalle de
temps qu'il embrasse. Nous avons évité les dévelop-
pements plutôt que nous ne les avons cherchés. Notre
règle a été de n'admettre que les traits utiles pour
l'histoire de l'enseignement , sans oublier rien de ce
qui pourrait profiter plus tard aux continuateurs ou
aux émules d'une généreuse entreprise. Sainte-Barbe,
sous la forme à. laquelle les circonstances l'ont ame-
née, n'est plus seulement un produit exceptionnel de
l'amitié de collège; elle est devenue un essai réussi
de la manière dont le droit des pères de famille peut
être exercé en matière d'instruction publique. Elle est
le modèle d'un genre d'association tout nouveau ,
honorable s'il en fut, digne d'être imité par les ci-
toyens qui veulent franchement seconder l'État dans
la tâche laborieuse d'élever et d'instruire la jeunesse.
Une semblable création n'est pas destinée à périr.
Déjà nous la voyons passer des mains de ceux qui
l'ont formée dans les mains de leurs fils, et ceux-ci la
légueront à leurs descendants. C'est surtout pour les
barbistes des générations futures que nous avons écrit
ce livre, afin qu'il leur 'montre les titres dont ils au-
ront à conserver le dépôt, afin qu'ils y lisent le
devoir auquel ils seront tenus envers la mémoire de
leurs pères.
FIN.
f^ i| ^^^^tmimtmtt
pr;
loi
Oïl
Sa
ne
Pï
80
d(
DQ
Pl
à
fi.
C(
P
APPENDICE
AUX DEUXIÈME ET TROISIËHE VOLUMES.
ACTE DE LA FONDATION DE EOBEET DUGAST.
19 hovemhrc 1563.
Jesas Maria,
A tous ceulx qui ces présentes lectres verront, Anthoine Du-
prat, chevalier, baron de Thiert et de Vileaulx, seigneur de Nan-
toillet et de Precy, conseillier du roy nostre siré, gentilhomme
ordinaire de sa chambre et garde de la prevosté de Paris, salut.
Savoir faisons que, pardevant Françoys Crozon et Pasquier Vallée,
notaires du roy, nostre dict seigneur, au Ghastellet de Paris, fut
présent et comparut personnellement noble et scientificque per-
sonne, maistre Robert Dugast, docteur régent en -la Faculté de
décret en l'Université de Paris, désirant et toullant convertir,
muer et emploier son peu de bien temporel et transitoire, qu'il a
pieu à Dieu luy donner au monde, en chose stable et permanente
à la gloire et loûenge du souverain qui le luy a donné et au prouf-
fict et utillité publicque; aiant aussy, long temps a, dévotion et
certaine délibération à instituer, fonder, doter et arrester à per-
pétuité ung collège de sept boursiers en sa maison de Saincte-
Barbe, scituée en la dicte Université de Paris, telle que cy après
sera speciffié, qu'il a tousjours applicquée à usage de collège, affin
de vacquer par lesdicts boursiers à prier Dieu pour luy, ses bien-
faicteurs, et à l'estude : Pour ces causes et aultres plusieurs bonnes
et saintes à ce le mouvant, du conseil et advis de ses bons amys
342 APPENDICE.
eontinnant son ferme propos, intencion et sainct vouloir, a or^
donné, institaé, fondé, doté et arresté, comme encores ordonne,
institue, fonde, dote etarreste le dit collège, en la manière qui
s'ensuit :
En premier lieu, veult et ordonne le dict seigneur fondateur
que en sa dicte maison, de présent appellée le Collège de Saincte-
Barbe, scituée et assize an Bfont Sainct^HiDûre en lUniversité de
Paris, soient et demeurent perpétuellement instituez et fondez sept
personnes on boursiers, estans des lieulx et qualités cy après ré-
citez, pour j résider continuellement et vacquer aux prières, suf-
frages, estudes et charges à eulx respectivement ordonnez en ceste
fondation :
C'est asçavoir ung principal, comme maistre et administrateur
et conducteur du dict collège, ung procureur et ung chappellain,
que ledict fondateur veult et entend estre maistres en la Faculté
des arts et promeuz en Testât sacerdotal et ordre de prestrise,
pour dire les messes et senrice institué an dict collège; ou, s'ils
ne le sont, seront tenuz eulx y faire promouvoir dedans ung an
précisément après leur institucîon à Testât onquel ils auront esté
instituez, sans pouvoir sur ce impetrer aucune dispence. Et à
jùuike de ladiele provotioDy l'an passé, seront ipso facto dedafter
pxive» du dict estai et bosrsc, pour y instituer \mg aullre en leur
]iei&, des qaaKtez dessus dictes.
Et oultre, quatre petiz enffansy qui seront bonraîevs, Batifs et
piinz^ FuK et premier de la NeiifviUed'AiiliiiOBit,parrQisse Sainct^
NiooJas^ diocèse de Beanvais , le second^ de la parrcnsse Sainct-*
Nicolas de» AUevz-le-Roy, près Poissi^ et le» deux aultres de )»
parasse Saioct-Hilaire au Mont de Paris, et ions de Faage de dix
ans wok environ, et nez en loial mariage, pour demourer an diet
ciiUege et y vacqner à l'estude et acqaem degré de maîstnse è»
axs aiidiei collège,, dedans dix an» après^ leur insiKtacion» Et ledit
tenpft de db: ans passé , demouceront les dictes bourses vaccantes
de. ûicl^ ooBune estans declaréirs decenuaUes par le dict fcnidateur*.
Bntend tontcfibys et veidt les dicte petîtz boursiers estre advor^
tia pfti lediet maistre principal d'ieeUe privation d'après dix ans,,
ponr le«i dioiiQts coesur et occaskoad'cstBdier et employer le temps
durant ieeulx dix ans, et au demonraiit iastraicts et endoctrines
è» ara liberavlx» jusqses à ce qu'ils soient capaUes d'estre maistres
es a«s : a(llq^tl d^gré seront tcniKi eulx faice' promouvoir dedans 1«
APPENDICE. a»
di^t temps ; après lecpiel degré par eulz obtenu, seront préférez
aux régences du dict collège, s'ils en sont cappables et idojDes.
£t néant moins, où les dictz petits boursiers, ou aucuns d*eiilx,
se troaveroient estre negligens ou d'un dur esperit pour estre em»
ploiez à Testude et vaoquer aux lettres, ou de difficille nature ou
rebelles à discipline et correction ou rcfractaires, et ne peussent
estre reduictz à discipline scholasticque : en ces cas, à la rellatioii
des dictz maistre principal, procureur et chappellain, sans aultre
information, seront mb bors du dict collège, privez de leurs bour^
ses,, et autres des lieulx dessus dicts respectivement mis et insti*
tuez en leurs places par les Refoitnateurs du dict collège.
Sans le consentement desquels, néantmoins, ne pourra aucun
des dicta maistre, procureur, cbappellain ou boursiers, cedder ou
resigner leurs dicta estats on bourses, parce que le dict fondateur
a déclaré et dedare, venlt et entend la présente fondation et do-
tation estre pure, laïcalle, et telle tenue et réputée pour y estre
poorveu, ainsi que cy après est ordonné, et non auUrement, sur
peine de nullité de leur institution.
Pareillement aussi, se les dicta maistre, principal, procureur
ou chappellain ne se gouversoient en teDe décence, honnesteté et
conversation que à gens et personnes eedesiasticques appartient^
et pour estre exemplaire aux boursiers et jeunes escolfiers, on
que les dictz procureur ou chappellain voulsissent estre séditieux et
detractassent d'obéyr au dict maistre principal en honneur et révé-
rence comme supérieur au dict cc^ége, ou allassent divaguer p»r
la ville ou sujrvre les tavernes, lieux dissohits, jeux proh^Kz ou
brigues, ou aussi que le dict maistre principal en son endroict ne
se conduisoit en telle modestye et gratienseté envers enfai et les
dictz boursiers, et feust tempestatif et impétueux, ou de mauvaise
vye et conversation ou pemitieux*exei»p]e au dict collège : en ces
cas et aultres semblaUes, venlt^ ordonne et entend k dict fonda-
teur estre contre eulx et chacim d'iceulx cnlpables proceddé par
les dicts Réformateurs, sur la plaincte qui en sera faicte, à telle
punition qu'ilz verront estre à faire, de stnte que punition s*en
ensuive jusques à pHvalionr effeetuelle de leurs estala et bourses ou
aultrement, ainsi que le cas le méritera, nonobstant la perpétua*»
tî«» de leurs estata dessus ordonnes.
Yeolt aussi et ordonne que à chacun d'ieeidx maistre principal,
procureur et cbapeQain, euk bien et fammestement vivans et
344 APPENDICE/
conversans en leurs estatz et charges, soit paie et haillé chaeun
an par le dîct procureur sur les biens, rentes et heritaiges après
déclarez, la somme de cinquante livres tournois ; et à chacun deis
dictz petitz boursiers la somme de vingt-cinq livres toumoys^
pour leur vivre, alimentation et entretenement, le tout aux charges
à chacun d'eulx respectivement ordonnées et enjoinctes par ceste
fondation*
Oultre ce aura et prandra le dict principal au dict collège -trois
chambres contiguës Tune à Tautre, de telle commodité qu'il
voudra ellire, les deux pour luy et l'autre pour les dictz quatre
petitz boursiers, qui seront et demoureront soubz sa charge et
conduicte. Aussi sera tenu les instituer aux lettres et érudir et
gouverner en bonnes meurs et toute discipline scholasticque, sans
aucunement leur permettre parler autrement que latin ne discon*
tinuer leur estude, et encore de les nourrir en salle en commun
aux despens de leurs bourses dessus ordonnées.
Auront aussi les dictz procureur et chappellain et prandront au
dict collège chacun une chambre commode à leur habitation et
estât, qui leur sera baillée par ledict maistre principal à la charge
de résider par eulx aux dictes chambres, et sans qu'ils les puis-
sent bailler à aultre à louage ni nourrir ou entretenir aucuns enfr
fans en icelles en leurs charges, si ce n'estoit de l'exprès consen-
tement du dict principal.
Entend aussi et veult le dict fondateur que ledict maistre princi-
pal ne se puisse distraire de l'instruction des meurs et lectres aux
entrants du dict collège ; ains qu'il verse et vacque continuelle-
ment, et entretienne les regens nécessaires pour l'exercice de
l'érudition et discipline scholasticque, faisant les pensions accou-
tumées es collèges de l'Université de Paris.
Et à icelle fin le dict fondateur a voulu et ordonné, veult et or-
donne, que le dict maistre principal, oultre les chambres dessus
dictes, ait et tienne tout le reste de la maison et collège Saincte-
Barbe cy après ceddée à la communaulté des dictz boursiers, dont
sera tenu faire et payer par chacun an à icelle communaulté la
somme de deux cens livres tournois, payables aux quatre termes
de l'an accoustumez es mains du dict procureur, qui sera tenu
incontinant les mettre et déposer au coffre commun cy après desi-
gné. Et encores icelluy principal entretiendra le dict collège des
menues réparations accoustumées et selon les us et coustumues de
APPENDICE. 345
la yïlte de Paris ; et où ledict maistre principal seroit deffaillant à
payer et satisfaire du louage d4celle maison et collège qu'il tien-
dra, seront ses deniers à luy seulz pour sa bourse retenuz et arres-
tez jusques à ce que satisface de ce qu'il debvra au dict collège, et
autrement procedder contre luy, ainsi que sera myeulx advisé par
les dictz Reformateurs cy après nommez.
Ordonne touteffoys le dict fondateur que, où les dictz procureur
et ebappellain et chacun d'eulx auroient ou yiendroient à avoir la
tomme de six vingtz livres tournois chacun an de revenu en tem-
porel ou bénéfices, eo ipso y leurs estats et bourses soient vaccant
et conferables à aultres par ceulx qui auront la puissance, cy après
nommez et déclarez.
Gomme aussi a déclaré et déclare iceulx estatz et bourses de
procureur et chappcUain ne pouvoir estre conférez à aucun aiant
deaablable revenu de six vingtz livres tournois cliacua an en béné-
fice ou temporel, de sorte que s'il avoit collation ou institution
des dictes procuracion ou chappellenie, elle soit de faict nulle, et
le dict estât et bourses impetrables comme vaccants.
Déclare semblablement icelluy fondateur et entend les dictz per
tttz boursiers estre prins et elleuz es paroisses dessus dictes, cha-
cun en son regard, des plus pauvres d'icelles, selon la relation des
curez, vicaires et gagières ou fabriciens des églises des dictes pa-
roisses, si touteffois les dicts enfants sont aptes et ydoines à l'e^-
tude et lettres ; et sHls ne Festoient, est permis 4'en prandre des
aultres de la dicte paroisse, qui ne soient si pauvres.
Seront encore les dictz maistre principal, procureur et ebap-
pellain, et chacun d'eulx en son regard, tenuz^t astrainctz de ser-
vir en la chapelle du dict collège et dire et cellebrer, en présence
des dictz petitz boursiers et des aultres escolliers qui seront pour
le temps au dict collège et par chacune sepmaine de l'an, les mes-
ses que le dict fondateur veult et ordonne estre dictes : c'est assa-
voir le dict maistre principal au jour de dimanche, au jour et feste»
et au jour du mercredi de la ferie; le procureur au lundi des tré-
passez et au jeudi de la ferie ou dû Sainct-Sacrement ; et le ebap-
pellain au mardy de la ferie, au vendredi de la Croix et au samedi,
de Nostre-Dame avec commémoration de saincte Barbe.
Entend néantmoins le dict fondateur estre réservé au dict prin-
cipal que aux festes solennelles pourra, si bon luy semble, dire,
chanter et cellebrer les dictes messes pour la solennité du jour, et
346 APPENDICE.
encores toutes et quantes foys qu'il luy plaira, et en deeharger les
dicts procureur ou chapellttn^ sans pour ce avoir ne demander
aucun proufEct ou sallaire aultre que ce que cj dessus luy est
ordonné»
Toutes lesquelles messes et services seront iceulx maistre prin»
cipaly procureur ou chappellain tenus et astrainctz dire et conti-
Duer respectivement, selon qu'elles sont cy dessus assignées et dé-
clarées, sur peine de privation du fruict et pnmffict de leurs bourses
d'une semaine entière, pour chacune £aulte qui par eulx y sera
faicte; lequel proufict à ceste fin seraarresté et converty au pronf^
fict commun du collège, si d'aventure n'estoient indisposez par
malladie : auquel cas sera dicte la messe aux despcsis du <tict col-
lège, durant icelle malladye, sans diminution de la bourse du dict
mallade.
Ordonne aussi, veuh et entend le dict iondatevur que, vaccation
advenant des dictes maistrise ou principaulté , procui'ati<Hi et
cbappellenye par mort, dimission, privation ou aultrement en
quelque manière que ce soict, que les trois Reformateurs du dict
coUege cy après nommer ellisent une personne idoine^ cappablo et
suffisant pour le dict estai et bourse vaccant, et qu'il soit natif de
l'un des diocèses, c'est assavoir d'Évreulx, Rouen, Pans ou Att<^
tun, qualifié comme dessus est speciifié, et pareiUement nez en
loial mariage, comme les dicta boursiers, et nom à aultre ; et que
par eubc soit présenté à la Court de pariement pour estre par ^le
à leur présentation institué, et, ce faict, receu on dict collège.
Entend aussi et veult que à ceste fin les dictz maistre principal,
procureur ou chappellain, et chacun d'eulx et leurs successeurs,
soient tenus advertir les dicta Reformateurs d'icelle vaccation soit
par mort, cession, dimission ou aultrement, sitost qu'elle sera
venue k leurs congnoîssances, et le leur dénoncer pour le moins '■
dedans trois jours après, pour par eulx y estre ponrveu; et pour
ce faire se transporteront dedans ung mob prochain ensuivant les
dictes dénonciation et advertissement au dict collège pour y pomv
veoir et faire la présentation nécessaire pour l'institution aux es^
tats vaccaoïts, et, ce faict, le présenter à la dicte Coart*.
Et où les dicts trois Réformateurs seroient negligens on dekyans
de eulx assend)ler dedans le dict mois prefix, qui est de trente
jours, pour faire la dicte présentation, et ne la feroientle dictmoys
passé, pourra la dicte CÔort, se luyplaist, à la reqoeste des boiir»
APPENDICE. a47
siersy îostiiuer au dict estai lors Taceaût une personne qoaliffiée
comme dessus, sans attendre la nominatîon oo présentation des
dictz ReformateorSy attendu leur dicte negligenee oa absence.
Déclare touteffois et entend icejluy fondateur que, en l'absence
de Ton des dicts trois Réformateurs, les denx prcsens puissent pro-
cedder à faire la dicte présentation ; mais s'il y en a deux abdens,
celuy qui se trouvera présent pourra présenter reqoeste à la diète
Cour pour substituer ung de messieurs d'icelle Court au lien du
cpnseillier absent pour faire la dicte presentatioD pour ceste fois
seoJyiAment. Aussi, en Tabscnce du docteur en décret, le plus an*
cien des docteurs regens après luy sera prins pour la dicte pré-
sentation; et semblablement en l'absence du cfaancdiier, sera prins
l'oificjal de Paris, sans touteffoys tirer à conséquence pour le gé-
néral de la dicte fondation es aultres vaccations à Vadyenir.
Veult aussi et déclare que^ si c'estoit la maistriseet prittcîpauhé
qui feust vaccant, en ce cas, que l'un des procureur ou cbappel-
lain, s'ilz se trouvent cappableset suffisants par les dicts Réforma-
teurs à exercer le dict estât pour l'instruction et érudition des en-
fants et administration du dict collège, soient préférez aux aultres ;
et en cas de ^ ceste pr(»notion, en leur lieu et estât en soit ung
aultre pourveu, des qnallitez dessus dictes.
Et en exécutant quand à ce sa dicte présente fondation, vouloir
et intencion, le dict sieur Dugast, foudateury a n<nnmé et elleu,
nooune et ellist dès à présent au dict collège pour premier maistre
principal d'icelle, vénérable et discrette personne maistre Robert
Certain, prebstre du diocèse de Rouen, naguères procureur du
dict collège et à présent curé de Sainct-Hilaire; pour procureur,
comme seconde personne, Alain Mousset, clerc du diocèise de
Séès, pour teste foys seullement, et sans tirer à conséquence pour
l'advenir ; et pour ebappellaia, Nicolas le Prince, dere du diocèse
d'Évreux. £t pour les quatre petitz boursiers a nommé et elleu
Jehaa ott Robert Mraidet, lequel des deux kiy plaira, de la par-
roîsse Saind-Hikire,. et Robert Trippier, son filleul, combien
qu'il ne soit d'icelle parroisse, mais pour ceste fois et sans qu'il smt
aussi tiré à conséquence pour l'advenir; et pour les deux aultres
des parrttsaes de JNeufville et les Alleux, les nommera cy après le
dict fondateur on ledict Certain.
El après la destitutico, dimissicin ou aultre vaocatioii des dictes
bourses, seront prins aultres enffans des aages, qualités, lieux et
348 APPENDICE.
parroisses dessus dictes et ainsi <[Q'il est cy dessus ordonné, qui se-
ront instituez en la forme et manière cy après déclarée.
Ordonne dayantage et veult icelluy fondateur estre dit et celle-
bré par chacun an en l'église du dict Saint-Hilaire perpétuelle-
ment quatre obiitz anniversaires solennels de vespres, vigilles,
recommandaces, et trois haultes messes, èsquelz assisteront et se*-
ront tenus assister les dictz maistre principal, procureur, chap*
pellain et boursiers : le premier, le vingtiesme jour de mars, pour
l'âme de defunct maistre Simon Dugast, en son vivant principal du
•collège de Coqueret, oncle paternel et bienfaicteur du dict fonda-^
teur; le deuxiesme, au troisiesme jour de septembre, pour feu
Jehan Dugast, père du dict fondateur ; le troisiesme, au second
jour du moys d'octobre pour defuncte Colette Bucaille, sa mère ;
et la quatriesme pour luy mesme, qu'il veult et entend estre dit et
cellebré à tel jour qu'il deceddera de ce monde, selon la volunté
de Dieu.
Pour chacun desquelz obiitz veult et ordonne estre baillé et payé
par les dictz maistre principal, procureur, chappellain et bour-
siers du dict collège et leurs successeurs à l'ad venir aux curé ou vi-
caire et prebstres du dict Sainct-Hilaire la somme de cinquante
solz parîsis, et à l'œuvre et fabricque, ou fabriciens pour elle, la
somme de quinze solz parisis, fournissantz par eulx èsdictz obiitz
et chacun d'iceulx des choses décentes, honnestes et accoutumées :
sçavoir est, quatre torches et six poinctes pour le regard du curé
ou vicaire; pour le regard des marguilliers , aornement, pain
et vin.
Entend néantmoins le dict fondateur que les deniers qui sont et
seront deubz au dict collège soient coUigez. et receuz par le «dict
procureur, et pareillement que les sallaires et bourses qui seront
et debvront estre distribuées et payemens faictz tant ausdictz prin-
cipal, chapellain, boursiers que aultres, se fsicent et distribuent
par les mains du dict procureur qui du tout retirera quittance, et
tiendra le compte aux principal, chappellain et boursiers, lequel
sera tenu rendre chacun an deux foys, en présence des dictz Re-
formateurs, et le reliqua qui en sera deu sera mis et déposé en
ung coffre fermant à trois clefz différentes, dont le dict principal
aura l'une, le procureur l'autre et le dict chappellain l'autre, à «e
qu'ils ne le puissent ouvrir l'un sans l'autre, pour la conservation
des dictz deniers à servir aux choses nécessaires pour l'entretenu-
APPENDICE. 849
ment d'icellé fondatioa et réparation da dict collège; et sera le
dict coffre mis au lieu le plus seur et commode qu'aviseront les
dicts RefcH'mateurs. Ne- pourra touteffois le dict procureur faire
faire ou marchander pour les réparations nécessaires ou utilles ne
auUres du dict collège, sans les dictz maistre principal et chappel-
lain,et le communicquer aux dictz Reformateurs, ne pareillement
faire aucuns baulx des héritages du dict collège sans l'exprès con-
sentement et auctorité des dicts Reformateurs et d'iceulx maistre
principal et boursiers; lequel procureur ne pourra aussi faire mise
pour le dict collège, sans le consentement et advis des dictz maistre
principal et chappellain, exceddant la somme de dix livres tour-
noys, pour une foys.
Et pour rentier et parfaict acomplissement et perpétuité de
ceste présente fondation, ad ce qu'elle demeure ferme et stable à
jamais, a déclaré et déclare, veult et entend le dict fondateur que
les Reformateurs, visitateurs et spéculateurs du dict collège soient
trois ecclesiastioques : Tun conseillier du roy en sa Court de par-
lement de ceste ville de Paris, et qu'il soit docteur en décret de
l'Université de Paris, si aucuns en y a lors; et de présent a
nommé et nomme pour le premier, noble et scientificque per-
sonne monsieur maistre Baptiste Sapin, docteur en ladicte Faculté
de décret et conseillier en icelle Court. L'autre soit et sera per-
pétuellement le chancellierde rUniversité de Paria, et le troisiesme
le plus ancien docteur régent en icelle Faculté de décret. Et dès
à présent le dict fondateur a nommé et nomme doctissime per-
sonne, maistre Jehan Quintin, docteur régent en icelle Faculté;
après le décès duquel veult et entend le dict fondateur estre en
son lieu le plus ancien docteur régent d'icelle Faculté, résident et
lisant actuellement en la dicte Université.
Ausquelz sieurs Reformateurs et leurs successeurs qui se-
ront pour le temps a le dict fondateur donné et donne toute
puissance et auctorité de visiter le dict collège chacun an
deux foys, pour veoir et congnoistre ce qui y pourroit estre
defformé et dereiglé, et pour y corriger et reformer ce qu'ilz
congnoistront en conscience debvoir estre corrigé et amendé :
à sçavoir, la première visitacion au moys d'octobre, et la se-
conde au moys d'apvril; et sera faict registre de leurs dictes
visitations et ordonnances. A chacune d'icelles visitacions sera
le dict procureur tenu rendre ses comptes devant les dictz
350 APPENDICE.
sieurs trois Reform&teurs , le principai et «hapellain; après
lesquelles visitations et cbacmie d'icelles, le disner honneste et
modéré, et les dictz comptes âa dict collège renduz par ledict
procureur et par eulx 012, clox, arres^ez et signez, leur sera par
le dict procureur à chacun d'eulx baillé et distribué ung escu d*or
soUeO, le tout aux despens du ifict coUegie par manière de telle
quelle récompense, combien qu'elle semble indigne, feu leurs
labeurs, vacation et mérite, les priant eulx contenter, supportant
la ténuité d'icelle fondation et modicité du bien du dict collège.
Voulant oultre et ordonnant le dict fondateur que entre les
mains d'iceulz Reformateurs les dictz maistre principal, procu-
reur et chapellain, quand seront instituez, avant que exercer leurs
estatz et charges, facent et prestent le serment de bien et fidelle-
ment exercer leurs dictz estatz et charges, esquelz sont instituez
et sans fraulde, et défendront de tout leur pouvoir le contenu en
ladicte fondation, et s^ilz sçaventet entendent quelque chose faîcte
au préjudice d'icelle, en advertir les dictz Reformateurs.
Et pour l'exécution et entretennement d'icelle dotation, de
toutes et chacunes les choses dessus dictes et en cesie présente
fondation contenues et escriptes, le dict sieur maistre Robert
Dugast, fondateur, de son bon gré, bonne, pure, franche et libé-
rale volonté, sans aucune force, fraulde, erreur, induction, séduc-
tion, contraincte ou decepvance, luy sur ce bien advisé, conseillé,
pourveu et délibéré, si comme il disoit, recongnut et confessa et
par ces présentes recongnoist et confesse en la présente et par
devant les dictz notaires cy devant nommez et sopbzscriptz,
comme en droict jugement par devant nous, avoir ceddé, quitté,
transporté et délaissé, et par ces dictes présentes cedde, quitte,
"transporte et délaisse dès mainctenant et dès à présent du tout à
tousjours, promist et encores par ces mesmes présentes lectres
promect garantir, délivrer et deflPendre envers et contre tx)us de
tous troubles, debtes, lectres, dons, douaires et obligacions, en-
gagemens, permutations, cscbanges, ventes, cessions, transportz,
alliénations et de tous aultres empeschemens generallement quelz-
conques ausdictz maistre principal, procureur, chapellain et
boursiers du dict collège, qui sont et seront pour le temps advenir
au dict collège, nommé Sainte-Barbe, le dict maistre Robert Cer-
tain, jà nommé, principal, à ce présent, stîpullant et acceptant
pour luy et les dictz procureur, chapellain et boursiers et leurs
APPENDICE. 351
successeurs au temps advenir, les héritages cy après speciffiez et
déclarez, à icelluy sieur maistre Robert Dugast appartenans de
son yray et loial acquest, si comme il dict et afiùrme pour vérité,
c'est assavoir :
L'énoncé des biens concédés, comme dans l'amortissement de Henri II, rapporté
précédemment^ tome I, p. 372, sauf que Partide 2 est ainsi conça :
Une autre maison et jardin, les lieux, aisances et appartenances
d'icelle, que tient et où est à présent demourant Guillaume Mon-
det, marchant libraire juré en ladicte Université de Paris, scituée
et assise audict mont Sainct-Hilaire, et qui se extend jusques au
collège de Reims, à laquelle pend pour enseigne le Chauderon^
tenant au presbitère, jardin et cimetière de la dicte église, et au
collège de Karembert, d'autre part à la rue d'Ecosse, aboutis-
sant par derrière à la rue du Four et audit collège de Reims, et
d'autre bout par devant à la rue Saint-Hilaire, en la censive des
doyen, chanoynes et chappilre de Saint-Marcel lez Paris, et
chargée envers eux de douze deniers tournois de cens : à la charge
tôuteffoys, en ce regard et pour la dicte maison du Chauderon^
jardin fet lieulx seullement, de l'aisance, usage et joissance de
Jehanne Dugast, femme du dict Guillaume Mondet, parente du
dict fondateur, durant la vie d'elle seullement, en paiant chacun
an par elle à la communaulté du dict collège Saincte-Barbe la
somme de quarante-huit escuz d'or solleil , ainsi que icelluy
Mondet son mary et elle ont accoustumé faire et qu'ilz sont tenuz
parcontract ou aultrement. Mais ne pourra la dicte Jehanne trans-
porter son droit viager à quelque personne que ce soit; aultre-
ment pourront iceulx maistre principal, procureur, chapellain et
boursiers d'icelluy collège faire leur prouffict de la dicte maison
pour le dict collège.
Et le dernier article dans cette autre forme :
Oultre a donné, ceddé et délaissé pour la fondation dudit col-
lège la somme de trois cent vingt-huit livres quinze solz tournois
de rente en plusieurs et diverses parties et constitutions à icelluy
sieur ceddant, appartenant aussi de son acquest et qu'il a droict de
prendre et parcepvoir par chacun an sur les Prévost des mar-
chans et Ëschevins de la dicte ville de Paris, le tout ainsi et par la
352 APPENDICE.
manière qu'il est plus à plain contenu et déclaré es lectres de
constitucions de ce faisans mencion, pour de tous les dictz héri-
tages et choses ainsi cy dessus ceddez et transportez jouyr, user,
tenir et d'ores en avant possedder par les dictz maistre principal,
procureur, chapellain et boursiers du dict collège Saincte -Barbe
et leurs dictz successeurs on temps advenir, et en faire comme de
chose à eulx appartenant, en leur enjoignant très expressément
par icelluy sieur fondateur de d'ores en avant mettre et dépo-
ser au diot coffre commun, qui sera au dict collège, tous et cha-
cuns les deniers qui proviendront des fruictz des dictz héritages,
rentes, biens et possessions, après les choses susdictes acomplies :
de toutes lesquelles et chacune d'icelles le dict fondateur s'est
dessaisy et demis, en a vestu et saisy les dictz maistre principal,
procureur, chapellain et boursiers et leurs successeurs ou temps
advenir; et pour actuelle tradicion a mis et déposé en la présence
des -dictz notaires soubzscriptz , entre les mains du dict maistre
Robert Certain, jà nommé maistre principal, toutes et chacune
les lectres, tiltres et enseignemens que icelluy Dugast avoit par
devers luy, servans et faisans mencion des acquisitions par luy
faictes d'ipeulx héritages et rentes, que le dict fondateur veult et
ordonne estre mises et déposées au dit coffre commun ou autre
lieu seur et sauf, pour s'en ayder quand mestier sera, et dont à
ceste fin a esté faict inventaire à la requeste d'icelluy sieur
fondateur, en la présence du dict Certain, principal susdict, et. ce
par les dictz notaires pour la conservation du bien du dict col-
lège, selon la discrétion des dictz seigneurs Reformateurs, maistre
principal, procureur et chapellain d'icelluy collège.
En déclarant et disant d'abondant par le dict sieur fonda-
teur son intencion et vouUoir estre, s'il est possible et faire se
peult, de recouvrer et achapter la cinquiesme partie de la dicte
maison Saincte-Barbe, cy-dessus déclarée, affin d'avoir l'entière
totallité, et que le dict achapt et recouvrement soit faict par ma-
nière de permutation et eschange, sans aucune mutacion faire du
nom de Saincte-Barbe. Pour faire lequel recouvrement pourront
estre baillées et employez les cinquante livres tournois de renie
restant, les boursiers payés, d'iceulx trois cent vingt-huit livres
quinze solz tournois de rente ainsi deues par la dicte ville de
Paris et sur elle prins et perceuz par chacun an, et de ce qui res-
tera d'icelle rente sera satisfaict ausdictz maistre principal, pro-
APPENDICE* 353
ci)reur, chapellain et boursiers, et le reste mis et déposé an dict
coffre de communaulté, et raesmes les dictes cinquante livres tour-
nois au cas que la dicte cinquiesme partie de maison ne peust estre
recouverte des propriétaires ausquelz elle appartient, pour iceulx
deniers estre convertiz à Tentretenement de la dicte maison et
collège Saincte-Barbe et divin service de la dicte chappelle, à la
charge que, si les dictz de la ville de Paris racheptoient les dictes
rentes de trois cent vingt-huit livres quinze solz tournois ou au-
cunes dUcelles, en ce cas veult et ordonne le dict ronda|:eur les
deniers du dict racbapt incontinant et le plus tost que faire se
pourra estre emploiez en semblables rentes ou rente, ou bien en
héritage et terres bien asseurées, du conseil, advis et délibération
toutefibys des diclz sieurs Reformateurs, avec les diclz maistre
principal, procureur et chapellain, qui pour lors seront au dict
collège.
Toutes lesquelles institutions, fondations, dotacions, ordon-
nances, déclarations, cessions, transportz, ellections, privations,
substitucions, nominations, visitacions, corrections et aultres
quelconques dispositions, ainsi cy dessus déclarées et speceffîées,
le dict sieur maistre Robert Dugast, fondateur, aiant oy et en-
tendu la lecture d'icelles qui luy a esté faicte par Pun des dictz
notaires, l'autre présent, a loées, gréées, ratifBées, approuvées,
loe, grée, ratifBe, approuve, a pour bien agréables, se y est con-
senty et accordé, consent et accorde, et icelles a promis tenir
ferme et stables, perpétuellement es mains des dictz notaires, se-
lon les qualitez, modifications et spécifications dessus dictes. Et
oultre, pour plus grande stabilité, fermeté et asseurance de ceste
dicte présente fondation et contenu cy dessus, a voulu et accordé,
veult et accorde, en la présence d'iceulx notaires, que par les dictz
sieurs Reformateurs et au nom des dictz maistre principal ,
procureur, chapellain et boursiers d'icelluy collège soit présenté
requeste à la dicte court de parlement, à ce que de sa bonne
grâce et volunté luy plaise ratifier, confermer, approuver et avoir
agréable toutes et chacune les choses dessus dictes, en acceptant
aussi par elle tant l'institucion des dictz sept boursiers en icelluy
collège, que les dictz trois Reformateurs chacun en sa qualité res-
pectivement : car ainsi Ta voulu et expressément accordé le dict
sieur maistre Robert Dugast, fondateur, en passant et accor-
dant les dictes présentes; et d'abondant icelluy çieur fondateur
III 23
3»4 APPENDICE.
a aussi oeddé et transporté, cedde et transporte par ces dictes
présentes ausdictz du collège ce acceptant par ledict Certain,
maistre principal, tous et chacuns les droictz de propriété, fonds,
saisine, seigneurie, possession, noms, raisons, actions, demandes,
poursuittes et aultres choses generallement quelzconques qu'il a,
peult et poorroit avoir, prétendre, quereller, demander ores et
pour le temps advenir en et sur les dictz héritages, rentes et choses
ainsi cy dessus par luy ceddez et transportez et pour Foccasion
d'iceiilx ; et s'en est pareillement dessaisy, desmis et desvestu, des-
saisit, desmect et desvest par les dictes présentes, comme dessus,
pour ce du tout es mains des dictz notaires, comme en la nostre ■
souveraine pour le roy, nostre dict seigneur, pour, au nom et au
proufiBct d'iceux du collège et leurs successeurs an temps advenir,
vouUant, consentant et expressément accordant que par le bail
et obstancion de ces dictes présentes lectres, sans aultre procura-
tion sur ce avoir ni monstrer, les dict» maistre principal, procu-
reur, chapellain et boursiers et leurs dictz successeurs en feussent
et soient du tout saisis, vestuz, mis et receuz en bonne et suffi-
sante saisine et possession par les seigneurs ' ou dames, celluy ou
ceulx de qui est, ainsi comme appartiendra; et pour ce faire, vou-
loir, requérir, demander, consentir et accorder ce estre faict, par-
tout où besoing sera, le dict seigneur fondateur a faict, nommé,
ordonné, constitué et estably ses procureur ou procureurs gene-
raulx et certains messagiers especiaulx et irrévocables, le porteur
ou porteurs de ces dictes présentes, auquel ou ausquelz ^portant
icelles il donna et donne plain p9voir, puissance, anctorité et
mandement especial et irrévocable de ce faire, et tout ce que au
cas appartiendra et sera nécessaire.
Lesquelles présentes institucions, fondations, dotacions, ordon-
nances, déclarations, cessions, transportz, ellections, privations,
substitucions, nominations, visitacions, correcnons, dispositions
et toutes et chacunes les choses dessus dictes et en ces présentes
lectres contenues, déclarées, speciffiées et escriptes, icellny
sieur fondateur promist avoir pour bien agréables, les tenir
ferme et stables à tousjours sans jamais à nul jour aucunement y
contrevenir en quelque sorte ou manière que ce soit; ainçois ren-
dre, payer et restituer à pur, à plain et sans aucun plaid ou pro-
cès tous coustz, fraiz, mises, despens, dommaiges et interestz
qui faictz, euz, souffertz, soosteaaz et encourus seroient par def-
APPENDICE. 3S5
fault des choses dessus dictes ou d'aucunes dUcelles, non faictes,
tenues, entretenues, payées et dauement accomplies, aiosi et par
la manière comme dict est, et en ce pourchassant, poursuyvant et
requérant, soubz T obligation et ypothèque de tous et chacuns ses
aultres biens meubles et immeuble, presens et "advenir, qu'il a
pour ce du tout soubmis et soubmect à la justice, jurisdiction,
cohercition et contraincte àe nous et nos successeurs, prevostz de
Paris, et par toutes aultres courtz, justices et jurisdictions où trou-
vez seront à ses despens ; et renonça en ce faisant expressément
à toutes lectres d'estat, de grâce, reliefs, respictz, cessions, dis-
pensacions et absolutions donnez et à donner , à • tout droict
escript et non escript, canon et civil, et à toutes aultres choses
et aydes generallement quelconques à ces lectres contraires, et
au droict disant generalle renonciation non valloir.
En tesmoing de ce, nous, à la relation des dictz notaires, avons
faict mectre 1^ scel de la dicte prevosté de Paris à ces lettres,
qui passées furent doubles , l'an, mil cinq cent cinquante-six, le
jeudi dix-neufviesme jour du moys de novembre.
Signé : Vallée. Crozon.
En marge : Ce présent contrat de fondation, contenant dîx-
«ept roUes de parchemin, cestuy comprins, a esté enregistré par
moy notaire soubzsigné, Crozon.
Et plus bas : Regestrata audito procuratore générale régis, Pa-
risiis in prj'lamento, nona die decemhris anno Domini millesimo
quingentesimo quinquagesimo sexto. Du Tillet.
II
BiscouBS d'ouverture ou cours de l^gesl ducbksne
▲ SAINTE -BAEBE.
\** octobre -1557.
Leodegarii a Qucrcu oratiuncula Lutetix habita kal, octob. cum
auspicaturus esset Tima^um Ciceronis in Aiheneo Barbarano,
Quae quoridam invaluit apud Romanos éonsuetudo, audi tores,
ut nemo militiae ascriberetur, qui vel annis septemdecîm miner
esset, vel major annis quadraginta sex, eadem perinde servanda
est in exercitu minervali : ut conquisâtores jubeant tyrunculos in
356 APPENDICE.
umbraculis el otio prius velitari, quam in solem et pulverem ve-
niant, diuqne parère imperio anteqaam imperent , imperatores
vero «tate jam affectes rude donent , quod hi praeduri sint et
effœti, illi belli rudimentis immaturi. Quam ego legem non ut
voce modo, sed" vita etiam comprobarem, anno superiore cum me,
jam rudiarium et inutilem bello Vejanium sentirem, pro virili sum
conatus inter exauthoratos numerari, sequutus illud Horatianum :
Solve seoescentem matnre sanos equam^ ne
Peccet ad extremum ridendus, et ilia dacat.
Sedenim hoc consilii quod iniveram fregit Jacobus Carpentarius,
rhetorum et philosopborum hujus Academîae sine coitfroversia
princeps : qui delectum cum haberet, voluit antiquo me includerè
ludo et in eisdem secum versari castris. Cui licet illud occinerém,
ce Non eadem estaetas, non mens,:» tamen cum mea in eum litèratos-'
que omnes singulari obserrantia, tum dicendi facultate inirifica
emerito persuasit ut denno mererem. Dedi igitur nomen, et pro
more, sacramento me obstringens, feci sub illo impèratore stipen-
dia, nec hercle quasi fcrentarius, sed prœter votum primipilus.
Ubi igitur in acie, in spécula, in statione, in praesidio annum jam
integrum transmisissem, manubiarum aipplissimarum partîceps, '
de missione (velut causarius) impetranda cogitavi, praesertim cum
intelligerem nostra castra trophaeis clara,
«
Ipsa suis pollere opibus^ nihil indiga nostri,
vallo et fossa egregié muniri, commeatu affluere, armis vîgere,
militibus redundare, ducibus florere, déni que omni loco esse quami
optimo. Quibus ego de rébus ut fortunatus mihi visus sum, quod
barum pars magna feror, ita laetitia exsilii, quod spes libertatis .
erat \itaeque quietae; verum, nisi me animus fallit, nun-
quam servitio me exire licebit, et labor labori succedet, velut
unda supervenit undam. Nam cum hujus nobilissimi gymnasii
Barbarani prudentissimus moderator Robertus Certus, vir omni
virtutum génère conspicuus, audisset nostris auspicîis rem Bur-
gundianam non infeliciter processisse, mecum agere cœpit ne jam
otio etinertiaeme dederem; nondum me senem, ac si etiam sene-
scere canities testaretur, tamen senum quam juvenum industria
potius uti statuisse, quod nunquam ingenium et rerum prudentia
velox ante pilos venit, nec cornicatur inepte quem Tonga eiudlit
APPENDICE. 357
reram experientia. Itaqua ut LucuUus olim militem, ita nie afiatus
est :
I bone, quo virtus tua te'yocat;i pede faasto,
Grandia laturas meritorum prsemia ; quid stas ?
Equidem etsi constituissem nuUius posthac jurare in verba n^a-
gistri, tamen haec vox hlandissima mihi alioqui igna\issimo ani-
mes addidil, et (si vera fateri \eiini) cristas erexit. Nam si ma-
gnum hinc honorem sum adeptus, quôd Jacobus Cerpentarius,
saeculi nostri Chrysippus, ad res accisas, ad parietinas et ruinas
fulciendas opitulatorem me vocarit, quanto honorifieentius putan^
dum est quod non tam ad periculum aut bellum, quam ad parlum
jamapud Barbaranos triumphum vocer? Non enim minoris laudis
est profiteri lileras politîores de suggestu Barbarano, quam vel
Romae triumphare, \el olympionicem fieri : ut enim Divum domus
Lutetia in ter alias urbes principem locum tenet, ita Lutetianorum
gymnasiorum longe celeberrimum semper fuit Barbaranum : quod
iisdem rébus palmam consequutum est, quibus olim Athenae,
situ loci et disertorum rhetorum acutorumque phllosophorum
frequentia. Quis enim nescit scholam Barbaranam ob id equum
durateum passim vocari , quod ut ille ex utero et cavernis in-
gentibus innumeros principes fudit, ita Barbarana schola prope
infinitos dicendi disserendique principes suppeditavit ? Hinc
ab Eburonicum episcopo evocatus Jacobus Ludovicus Strebaeus ,
cujus eruditio quam fuerit multiplex, quam recondita, quam so-
lida, satis loquuntur ejus laboriosae in Ciceronem annotationes ;
hinc a duce Longovilleo assumptus Henricus Laberius, Lutetiae
(dum viveret) ornamentum et dulce jiecus; hinc a Lusitanorum
rege amplissimis praemiis ad instituendum filium accitus Antonius
Pinus, \ir non minus dicendo quam scribendo felix ; hinc a Fran-
cisco, rege Galliarum, optimo patriae et literarum parente, ad re-
gianj cathedram perducta sunt duo eloquentiae et philosophiae cla-
rissima lumîna, Bartholomaeus Latomus et Adrianus Turnebus.
Quorum uterque ut est omnibus ingenuis artibus egregie politus, .
ita utroque non minus superbit Barbarana schola quam Orpheo
Galliopea, Lino formosus Apollo. Hinc Tolosam primum, deinde
Cadurcum, postea Valentiam raptus Antonius Goveanus, de cujus .
incredibili doctrina nemo dubitat qui illius festiva epigrammata,
argutum conclusionum librum, acutam in P. Ramum disputatio-
nem, graves in jus civile commentarios viderit. Sed quid ego haec?
358 APPENDICE.
Etsi enim vobis llbet, non tamen forsan licet reliqnos andire
professores, quorum eniditissimis lectionibus schola Barba--
rana nobilitata est. Quorum ego cum tam dissimîlis sim quam vel
corvus olorum, vel pica philomelarum, futurum metud ne in eo-
mm suggestQ ita meros de me dem fusus,
Ut niger, in ripis errât dam forte Caystri,
Inter Ledseos ridetiir corvns olores :
Aat ulii mnltisona ferret sacer atthide luctts ,
Improba Cecropias offendit pica querdas.
Quod si in triviali quodam literario ludo ubi vel rbetorculi
more anserum strepunt , vel philosophastrî tricantur , literas
docerem, possem aliquo esse in numéro, ut pumilio inter pyg-
mseos. Hic vero inter palladios gigantes vix videbor pygmaeus.
Itaque nemo eorum, qui docendo dîscunt, ausus est nunquam
ad suggestum Barbaranum aspirare, quod intelligeret in musa-
rum domo non esse graculis locum. Quot enim grammalicis
et rhetoribus -hic occurres, tôt Quintilianos judicabis ; quot pbilo-
sopbiae professores hic habebîs obvios, tôt Platones agnosces; quot
gymnasiarchas, tôt Calones; quot discipulos, tôt musarum partus :
ut non abs re Atheneum ita gloriari possit, ut ille apud Ennium
Africanus ;
A sole exoriente supra MsBotida, neino
Est, qui me meritis aequiparare queat.
Quapropter ut olim bonarum artium studîosi Apolloniam, aut
Rhodum, aut Atbenas navigabant, sic earumdem rerum candidati
adr haee Barbarana umbracula velut ad Apollonii diatribam aut
Socratis platanos adcurrunt, opinantes aeris saiubritatem non
paulo magis conducere corporibus, quam authorîtatem loci, ubi
tôt beroes albis equîs triumpharînt, anîmos inflammare ad literas
capessendas. Quis enim hoc credat Miltiadis trophaea Themistoclem
dormirenon sivisse, aut Alexandri Magni statuas Julium Caesarem
ad glofiae studium excitavisse, summorum vero rhetorum et phi-
losophomm auditoria nil habere stirauîorum ? Equidem praeclafe
illud, ut caetera omnia, Cîcero :Non errore, sed natura datum no-
bis est, uft cum ea loca videamus in quibus memoria dignos vires
acceperimus multum esse versatos, magis moveamur, quàm si
quando eomm ipsorum aut facta audiamus âut scripla legamus»
Lochs enîm ipse non modo viromm memoriam afferre videtur^
APPENDICE. 359
sed etiam ipsos pseae in conspectn ponit. Et profecto ni in fer-
tilihus plantariis si fmtices aot herbae stirpitus avellantur, deci-
dno tamen semîne noyns aliquîs frutex aut herba renascitur,
sic ex hac feracissima divinorum ingeniomm Isocratea schola
cum abeunt erudili professores , eraditionis illomm rémanent
uberrima seminaria, qaibns virere et vemare non desinit.
Nec fieri potest quin tantae pulchritudinîs aspectn provocentnr
incolae, nt eorum similes esse stndeant, quorum laûdatissima in-
tuentur monimenta. Caeterum ne vetuslate collabescerct (ut mor-
talia soient) hic locus charitibus et musis sacer, eum redintegravit,
aut potius ex lapideo marmoreum reddîdit, amplîssimoqne pro-
ventu locupleta\itRobertus Gasteus, Coqueretic» domus spectatis-
simus gymnasiarcha, .
Cui det Nestoreos aetemus Juppiter annos,
Nestoreiun qnoniam pectus et ora dédit.
Quis enim buic întegerrimo seni non bene ominetur? quis non
laeia omnia precetur? quis non immorta^bus majores gratias agat
quod nobis musas, musis suum restituent musaeum ? Ad quod cum
me per suarum fortunarum et virtutis haeredem Robertum Certum
vocaverit, nolentique et diu recusanti munus hoc interpretandi
(cui me imparem fatebar) obtruscrit, debeo ei quidem quantum
nunquam soluturus sim pro tam honorifîca de me opinione.*
Quam si satis cum dignitate et laude sustinere nequeam, nolite,
obsecro, temeritati aut impudentise potius ascribere, quam obse-
quiosae humanitati. Is enim semper fui, qui in eam peccare partem
maluerim, ut parum prudens viderer, quam parum benevolus.
Quanquam si ea attentio, ea docilitas et comitas mihi nunc pra&-
stetur, qnae olim cum hic ordinem primnm ducerem, \e\ quae
proxime apud Burgnndos (qui omnes humanitads numéros erga
me expleverunt), tam magna pars gravissimi oneris, cui succum-
berem, detrahetur, ut vix sit futura difficilior perHciendi facultas
quam fuerit aggrediendi voluntas. Quam rem benignissime vos
concessuros conQdo, tum ob eam quam in me dûdnm sensistis ad
provehenda vestra studia propensitatem, tum ob loci hujus am-
plissimi dîgnitatem, cui linguis et animis favendum, tum ob Cice-
ronis (quem enarrandum suscepi) celebritatem : qui arcana qua-
dam vi sus eloquentise non secus ad se omnes allicil quam vel
magnes femun, \el Caecias nubes; qui incredibili quadam magni-
360 APPENDICE.
tadine ingenii snperiores omnesTincit, et posteris spem sai imitandi
penitus ademit ; qui, non minas gravis et sententiosus philosophas
quam vehemens et consummatus orator, nomen longius propag^a^t
qaam Romani suos fines ; qui dono quodam Providenliae genitns
existinfatur, in quo totas vires eloquentia experiretur. Quapropler
plénum insolentiae videatur si quis illiys laudes vel conetur cona-
mendare, quae per se sunt amplissimae, vel recensere, quae sunt in-
numerae, vel quovis modo demonstrare, quarum lumen oculos
mentesque praestringit. Itaque cum melius a divinissimis suis ope-
ribus quam a c^jusquam ore laudetur, omisso praeconio, ejus pra&-
clarissimum Timaeum dexlris auguriis auspicabor, si precibus a
vobis impetrarim ut vestra benevolentia nostrae velil industria;
favere.
Dixi.
III
COLLATION d'une BOCmSE VACANTE A UX ENFAIÏT »
DE LA PAEOISSE SAINT-HILA1RE.
46 février 4 570.
Venerabili et dilecto nostro domino primario collegii dive Bar-
bare, Parisiis fundati, et ceteris quorum interest, Petrus Lefehitre^
in sacratissima théologie facuUate bacchalaureus, rector seu cura-
tus parrochialis ecclesie Sancti Hilarii in monte Parisiensi, Tho-
mas Brumen^ Jacobus Pautonnies et Nicolaus SouUarty dicte parro-
chialis ecclesie matricularii, salutem. Notum vobis facimus quod,
cum ad nos presentatio ad locum et parvam bursam dicti vestri
collegii spectet et pertineat ratione nostre parrochialis ecclesie
S ncti Hilarii, juxta fundationem dicte burse: nos ad eam bursam
et locum, liberos nunc et vacantes propter absentiam continuam
Jacobi Hènuiersy illius bursarii et ultimi possessoris pacifici, Lu- •
dovicum de Harsi, sufQcientem et idoneum, harum série litte-
ranim pietatis intuitu vobis presentamus. Quocirca vos obnixe
rogamus quatenus dictum de Harsi ad dictos locum et bursam,
modo premisso vacantes, recipiatis et admittatis seu recipi et ad-
mitti faciatis, eumque fructibus, juribus et emolumentis, jtalibns
bursariis debitis, uti et gaudere pacifiée faciatis, statutis nihilomi-
nus dicti collegii inviolabiliter observatis. Datum Parisiis, sub
sigillo prefale nostre parrochialis ecclesie Sancti Hilarii ac signe
APPENDICE. 361
providi yiri magîstrî Johannis Decorbre^ public! aucthoritate apo-
stolica Yenerabiliumque Conservationis privilegiorum apostolico-
rum aime Universitatis et episcopalis Parisiensis curiarura notarii
juratiy et in registris episcopatus et préfecture Parisiensis, juxta
edictum regium, descripti et immatriculât!, Parisiis in vico Na-
cum commorantis, subsignati. Anno domini millesimo quingente-
^mo septuagesimo, die décima sexta mensis februarii, presentibus
ibidem Vincentio Canet et Hieronimo François, Noviomensis et
Ambianensis respective (Jiocesum, Parisiis commorantibus, testi-
.bus ad premissa vocatis et rogads.
jàinsi signé : De mandato dictorum dominorum curati et ma-
triculariorum parrochialis ecclesie Sancti Hilarii Parisiensis.
J. CoasYE.
IV
CERTIFICAT D^ÉTUDES POUR UN BARBISTE DU TEMPS D* ANTOINE
DE TREMBLAY.
1573-1578.
Nos subsignati, artium magistri, certificamus [dilectum] nos-
trum discretum virum magistrum Franciscnm Cathereau, dioce-
sis,..., in artibus magistrum, Parisiis [studuisse] ineisdem artibus
pet quinquennium, [videlicet] per triennium cum dimidio [a lo-
gicajlibus inclusive, ante [adeptjionem gradus magisterii, in
[famajtissimo coUegio divae Barbarie, [sub] discreto viro magis-
tro Jacobo Mario [Ambjosio, artium magistro, actu Parisiis tu m
in eisdem artibus et dicto coUegio régente; et post adeptionem
dicti gradus magisterii, studuisse et continuasse suum studium in
eisdem artibus per annum cum dimidio, frequentiindo actus et dis-
putationes dictas Facultatis artium, tam publicas, quam privatas,
et eisdem continue interessendo : hujusmodi quinquennium in-
ceptum in festo divi Remigii, prima die mensis octobris, anno
Domini millesimo quingentesimo septuagesimo tertio, functum et
revolutum eadem die, anno Domini millesimo quingentesimo sep-
tuagesimo octavo. Testibus signis nostris manualibus hic ap-
positis.
Signé : Marius et A. de T-ramblay, avec patxiphes.
Au dessous j dune autre main : Supplicuit anno . VIIII^xJ, die
prima mensis februarii. Signé : LAfnLi.
362 APPENDICE.
NOMIMÂTION DB BOURSIEB. CONTRIIRE ▲ LA FONDATION.
48 mars 1634.
Nos, Nîcolaus Leclerc^ régis ChristiaDÎssîmi îd snpremo senatu
Parisiens! consiliarîus clericus decanus, visilator et reformator
coUegii divaî BarLarœ Duncupati, in dicta Universitate Parisiensi
fundati, nnivérsis has litteras inspectiiris salutem. Notum facimas
quod ab bursam ejusdem collegii, per qnondam bonae memorias
nobilem et scientificum vinim dominum Robertum du Gast^ cum
Tiveret in dicta Universitate Parisiensi doctorem^egentem indecre*
torom facultate, nominavimus ingenuum adolescentem Jacobam
^^ric;f^/,Parisiensem,in dicta Universitate studentem, in et de le-
gitîmo matrimonio natum, parrocbia Sancti Stepbani, suffîcien-
ten>, capacem etidonevm, nominavimusacnominamus.Quapropter
ma ndamus tibi , primario ejusdem collegii divae Barbarse , nti
recipias prsedictum adolescentem ad idem ofdcium seu bursam
exercendam cum ejus juribus et perlinentiis, installesque in eodem
collegio, servatis solennitatibus ad id solitis, jure cujuslibet salvo.
Datum Farîsiis, sub sîg)Ilo nostro ac signo manuali magistriSan-
soTïi&Pasquier^ secretarii nostfi, testisqueadpremîssavocati.Anno
Domini millesîmo , sexcentesîmo trigesimo quarto, décima octava
mensis martii. Signé : Leclerg.
De mandato prxfati domini visîtatoris et reformatons. Signé :
Pasquier.
VI
ARRiTS DU CONSEIIi D'iTAT"^NCERNANT LE PROJET d'àNNEXION
DE SAINTE-BARRE AUX ÉCOLES DE DROIT.
40 man 4684.
Veu par le Roy en son Conseil l'arrest rendu en iceluy le 26* mars
dernier, par lequel S. M. voulant pour\'eoir à Testablissement des
escolles de la Faculté de droit de Paris en un lien commode, tant
pour le logement des professeurs que pour Taccez des estudians en
droit, auroit ordonné que les principaux et officiers des collèges
APPENDICE. . 363
de Boorgogâe et de Sainte-Barbe et les professeurs de ladite Fa-
culté de droit représenteroient par devant les sieurs Boucherat, de
Bezons et Bignon, conseillers ordinaires en ses conseils, les tiltres
et actes de leurs fondations et dotations anciens et Testât présent
desdits collèges, comme aussi qti'ils s'informeroient du nombre et
qualité des bourses fondées dans FUniTersilé de Paris pour les es-
tudians en droit, à Teffet de connoistre Tusage qui pourroit estre
fait desdites bourses, pour, sur l'advis desdits commissaires, estre
ordonné par S. M. ce qui appartiendroit par raison ; Fadvis des
sieurs Boucherat, de Bezons et Bignon en conséquence de leur
protez verbal de la représentation faite, tant par les professeurs
et docteurs en droit de la Faculté de Paris, que par le principal,
procureur et chapelain du collège de Sainte-Barbe, des actes et
tiltres de fondation et de Testât desdits collèges, avec la remons-
trance du principal du collège de Bourgogne, et du procez verbal
et rapport fait par M. Goujon, architecte des bastimens du roy,
en vertu de l'ordonnance des dits commissaires, concernant la vi-
site par luy faite des bastimens et lieux dépendans desdittes
escoîes de droit, collèges de Sainte -Barbe et de Bourgogne :
Sa Majesté estant en son Conseil a ordonné et ordonne que le
collège de Sainte-Barbe, avec les biens, bastimens et revenus en
dépendans, seront à tous jours unis ausdites escoUes et Faculté de
droit et sans en pouvoir jamais estre séparez, à condition toutes-
fois que le chapelain qui est à présent, et ceux qui seront nommez
après luy, continueront à faire le service porté par la fonda-
tion dudit collège aux mesmes droits, proffitz et revenus que les-
dits chapelains ont droit d'avoir, et que les professeurs de ladite
Faculté seront tenus de faire jouir les principal et procureur dudit
collège de Sainte-Barbe qui sont à présent, pendant leur vie seu-
lement, de tous les proffitz et advantages qui leur appartiennent ;
aussy de fournir aux boursiers fondez dans ledit collège le révenu
ordinaire dèsdites bourses, à la charge d'estudier conformément à
leur fondation. Ordonne S. M. que les quatre professeurs en droit
qui n'ont point de logement dans lesdites escolles de droit seront
logez dans ledit collège de Sainte-Barbe. Enjoint Sa Majesté aux-
dits Sieurs commissaires de faire exécuter le présent arrest et de
se faire représenter les estats et compte des affaires et revenus du-
dit collège de Sainte- Barbe et escole de droit pour, à leur rapport,
y estre pourveuparS. M. que de raison, et pour donner moyen de
Zbk APPENDICE.
subsister à ceux qui ne pourroient sans secours employer les an-
nées portées par Tédi.ct de S. M. pour les estudes de droit cano-
nique, civil et François. Ordonne que les places et bourses fondées
dans tous les collèges de TUniversité àe Paris pour les estudians
en droit ne puissent estre remplie^ par d'autres, et que ceux qui
ont droit d'y nommer et présenter soient tenus incessamment de
le faire en faveur de pauvres escoliers qui auront estudié ez lettres
humaines et en philosophie pour jouir desdites bourses, pendant
trois ans consécutifs seulement par ceux qui ne prendront que les
degrez de bachelier et licencié en droit, et jusques à cinq ans par
ceux qui prendront le degré de docteur ; ei seront tenus ceux qui
seront pourveus desdites bourses d'employer le temps d'estude
conformément audict édict et règlemehs desdites Facultez, sinon et
à faulte de ce faire, seront exclus desdictes bourses, auxquelles
sera incessamment pourveu par ceux qui ont droit d'y nommer
d'autres personnes estudians en droit. Et pour éviter qu'il ne se
commette à l'advenir aucun abus à cet esgard, ordonne S. M. aux
principaux desdits collèges, où sont fondées lesdites bourses desti-
nées aux estudians en droit , de se faire représenter exactement
par lesdits estudians les attestations des professeurs de la Faculté .
où ils prendront leurs leçons , et d'envoyer au Procureur général
par chacun an, à la f^sle de saint Martin, un certificat contenant le
nombre des bourses de leurs collèges destinées aux. estudians en
droit, le nom de ceux qui les remplissent et le temps de leurs es-
tudes. Et en conséquence, S. M. enjoint à son Procureur général
de tenir la main à l'exécution du présent arrest. Signé : Letellirr.
6 juin 4 682.
Sur la requeste présentée au Roy estant en son Conseil par les
principal, procureur, chapelain et boursiers du collège de Sainte-
Barbe, fondé en FUniversité de Paris, contenant que, les profes-
seurs de la Faculté de droict de ladite ville leur ayant fait signif-
fier un arrest du Conseil du dix mars 1681, portant entre autres
choses que ledit collège, avec les biens, bastimens et revenus en
deppendans, seroient à toujours unis aux escoUes et Faculté de
droit aux conditions portées par ledit arrest, les supplians auroient
fait leurs remonstrances à S. M. ainsy que les recteur, doyens et
procureurs des nations de ladite Université, sur la surprise qui
APPENDICE. 565
avoit esté faitte de la religion de S. M. en Tobtentiop dudit ar-
rest ; et en attendant que S. M. eiist la bonté de faire droict sur
lesdiles remonstrances, les supplians ont discontinué de recevoir
les revenus desdits biens et d'entretenir lesdits bastimens, quoy-
qu'ils ayent tousjours fait leurs fonctions ordinaires audit collège,
en sorte que les créanciers d'icelluy, faute de payement des arré-
rages de leur deub, ont fait saisir tous lesdits revenus et mesme
fait procéder par saisie réelle au bail judiciaire desdits bastimens,
de manière que tout est demeuré dans le désordre et dans la con-
fusion du jour de la signature dudit arrest, lequel (sauf correction)
ne pouvant se soustenir par les raisons qui ont esté amplement ex-
pliquées par lesdites remonstrances des supplians^ ont recours à la
justice ordinaire de S. M., à ce qu'il luy plust revocquer ledit ar-
rest du Conseil du dix mars 1681, avec deffenses ausdiçts profes-
seurs de droict et tous autres de s'en servir à peine de trois rail
livres d'amende et de tous despens, dommages et intérests ; veu
ladite requeste signée Delaroche, chapelain dudit collège, et Lucas,
leur advocat au Conseil, ledit arrest du Conseil du iO mars 4681,
les remonstrances des supplians et de l'Université, titres de la fon-
dation du collège du 19 novembre 1556, avec l'arrest dudit Par-
lement portant enregistrement du 9 décembre audit an, et autres
pièces y attachées ; ouy le rapport du sieur commissaire à ce dé-
puté, et tout considéré :
Le Roy estant en son Conseil a receu et reçoit les principal, pro-
cureur, chapelain et boursiers du collège S^nle-Barbe opposans à
Texécution de l'arrest du conseil d'Eslat du dixième mars 1 681 ;
ce faisant, ordonne que les fondations et autres establissemens du-
dit collège seront acquittés comme auparavant ledit arrest, et que
par les supérieurs dudit collège la discipline y sera restablie, avec
deffense aux professeurs de droit canoi|i de troubler les principal,
procureur, chapelain et boursiers dudit collège en la possession
d'icelluy, à la charge, par lesdits principal, procureur, chapelain et
boursiers d'observer les fondations et règlemens qui.seront faicts
par les supérieurs dudit collège en exécution. Signé : Bazin.
366 APPENDICE.
VII
YISITS DU COLLé&B PàE AOLLIlff.
4 9 mai ^1696.
Die 19 maii 1696, lustratum est coUegium Saactae Barbarae, in
que, iûLerrogatis primario, procuratore, ca pellano et bursariis,coin-
pertum est accepti et expensi rationes jam ab annis fere duodecim
redditas non fuisse, idque pivopter primarii negligentiam, qui per
annos complu res redit uum collegii quaestor fuit. Qua de re audi-
tus syndicas Universitatis, postquam exposuit ex ejusmodi procu-
. ratorum in reddendis rationibus incuria certissimam plerumque
impendere collegiis ruinam, postulavit ut primarius, Disi intra
unum mensem rationes aliquot suas reddere inceperit, ac nisi eas
ante trium mensium spatium omnes reddiderit, censeatur ipso facto
primarii raunere excidisse. Placuit autem, nisi intra mensem reddî
coeperint a dicto primario rationes suae ac nisi omnes redditas
fuerint ante' très menses, tum factaî a syndico postulationi rationem
haberi.
Item, post redditas a primario rationes intra tempus praescrip-
tum, placuit a procuratore, qui nunc est, suas reddi intra mensem
proxime sequentem.
Item Iradi Universitati duo redditarum rationum exempla,alte-
rum quidem recentiuip, allerum vero antiquarum, ut, iis perlectis
cognitoque praesenti rerum statu, mellus deceroi possit quod e col-
legii re videbitur.
Rationes autem reddi deinceps quotannis certo ac stato die; ac
si id procurator fàcere neglexerit,aMit certe rationes suas Superio-
ribus non exhibuerit, tum post elapsum mensem, placuit eum pro
singulis septimanis, quibus tali ofûcio defuerit, singulos nummos
argenteos solvere de suo in rem collegii communem.
Item placuit singulis diebus sabbati cœtum baberi de rébus ad
collegium pertinentibus, et quaecumque ex deliberationibus con-
clusa fuerint, ea in librum et codicem publicum referri.
Item fieri descriptionemtitulorum omnium et chartarum, rerum-
que mobilium et suppellectilium quae fuerint ad instruendum ornan-
dumque capellam comparata.
Item promulgari vacaliones bursarum in iis locis in quibus id
APPENDICE. 367
fieri convenit, neqne de bursis provideri ante duos menses ab ea
vacationum denuDciatione, quae, ut et biirsaram vacatio, publico
deliberationum libro inscribetur.
Item tenebuntur bursarii intra très menses, post confectom phi-
losophiae cnrsum, adipisci gradum ma|^terii ia artibus , alioquin
bursa vacabit; ac post illos très menses, qui dictam magisterii. gra-
dum Don consecati fuerînt, plaçait non procedere illis borsarnm
emolumenta ; quae si a procuratore solvantur, id ipsios danmo
fieri.
Item fient preces in communi, mane et sero, statis horis, et res
sacra; nec omittet primariiis bursariis doclrinas christianae prae-
cepta, singulis sabbati diebus, certa et stata hora explicare.
Item fient a primarlo repetitiones bursariis, qui tenebuntur sin-
gulis trimestribus exhibere eorum quos audient professorum testi-
monia, quibus constet eos assidue ac diligenter studere. Nec po-
terit procurator dictis bursariis fructus bursarum persolvere, nisi
proférant ejusmodi testimonia, quœ ipsa in reddendis rationibus
exhibere tenebitur.
Item placuît duo postica, quibus a via publica aditus in hortum
et aversam scalam patet, et alia, si quae sint, intra quindecim dies
lapideis claustris obsepiri.
Sancitum praeterea ne qua mulîer in coUegii cubicula penè-
tret, ulqnein ejus ostiariae locum, quae nunc est, novus janitor quam
primum sofficiatur. Signé : C. Roixor, rector.
VIII
I
nOMINATiaN DE SIMON 1CENÂSSIE& AU PEIUCIPALAT OONFIBMÉE
PAR LE PARLEMENT.
2 janvier 1720.
Veu par la Cour la requeste à elle présentée par Simon Menas-
sier, prestre du diocèse d'Autlinn, docteur de Sorbonne et procu-
reur du collège de Sainte-Barbe, fondé en TUniversité de Paris,
à ce que, pour les causes y contenues, il plût à ladite Cour, veu la
nomination faite de la personne àa suppliant à la place et office
de principal dudit collège de Sainte-Barbe par les sieurs supé-
rieurs et réformateurs dadit collège, an lieu de feu maistre Louis de
368 APPENDICE.
la Roche, prestre, principal dudit collège; les lettres de prestrke
et de doctorat du suppliant : le recevoir et instituer audit ofiicQ
de maistre et principal dudit collège de Sainte-Barbe et bourse y
annexée, pour en jouir comme ses prédécesseurs, aux droits, hon-
neurs, prérogatives, fruits, revenus et émolumens y attribuez ;
Veu aussy les pièces attachées à ladite requête, signées dudit
suppliant et Menassièr, son procureur; conclusions du procureur
général du roy ;
Ouy le rapport de maistre Hierosme le Feron, conseiller;
Tout considéré :
La Cour reçoit et institue le suppliant audit office de maistre et
principal dudit collège de Sainte-Barbe et bourse y annexée, pour
en jouir, ainsy que ses prédécesseurs, aux droits, honneurs, préro-
gatives, fruits, revenus et émolumens y attribuez.
Fait en parlement, le deux janvier mil sept cent vingt.
Signé : Dâligre et Leferon.
IX
DÉCRET DE l'uNIVERSITÉ A PROPOS i5e PRÉDICATEURS JÉSUITES
ADMIS A SAINTE-BARBE. ^
30 décembre 1732.
Anno Domini millesimo septingentesimo trigesimo secundo, die
trigesifno mensis decembris, habita sunt in antecessum comitia
ordinaria Deputatorum Universitatis apud Rectorem amplissimum
in coUegio Sorbonae-Plessaeo.
Quod verba fecit amplissimus Rector, sibi compertum esse
nonnuUos Jesuitas in coUegio San-Barbarano non ita pridem sa-
cras habuisse conciones, quod quidem sit Academiae institutis
maxime contrarium ; si rem ante praesensissel quam perageretur,
provisurum sane fuisse ne fieret; quoniam autem peracta sit nec
possit esse infecta, providendum saltem ne quid ex Universitatis
silentio detrimenti patiantur laudabiles ejus consuetudines atque
leges.
Postquam pauca haec praefatus est amplissimus Rector, petiitque
de bis impraesentiarum deliberari, auditus est magister Edmundus
Pourchot, syndicus seu procura tor generalis, qui dixit : Ignorare
neminem Jesuitas, ex quo Hanc in urbem advenerint, fuisse semper
APPENDICE. 369
Universitatis aemulos atque adversarios ; in commentariis nostris
passim legi qaanta in eam variis temporibas moliti sint, ideoque
minime mirandum si omni publico ciim illis commercio ipsa sem-
per sibi interdixerit, omnemque iis in sua collegia aditum occlu-
dere ac praecidere stoduerit ; banc esse legem academicam a majo-
ribus per manus traditam, ne qiiis ex praedicta societate in loca
academica admittator ad faciendum quid dicendumve publiée ; cui
legi quoties fraudem facere aliquem velle Universitas senserit,
statim eam praesto fuisse ad reprimendos ejusmodi conatus ; neque
vero repetiturum longius academicae super illa re diligentiae ac se-
veritatis exempla : intra bos très annos, cum provisores collegii
Longobardorum unum e dicta societate désignassent ad babendam
in pi'aedicto collegio sacram concionem, die quae est sancto Patri-
cio sacra, décima septima martii, statim se, syildico requirente,
edicto rectorio praedictos provisores sub poexiis academicis vetitos
id, quod proposuerant , peragere (quod quidem legitur in com-
mentariis Universitatis, anno 4730, dieiTmartii), et huic edicto, ut
par erat, obtemperatum j babere igitur Tribunal academicum
quod hodierna in deliberatione sequeretur, nec dubitandum quin
e re Universitatis esset ejusmodi legem constanter retineri ac ser-
>*ri.
Audito meritissimo syndico, magister Jacobus Leullier, sacri
ordinis decanus-, domus Sorbojiicae senioi*, Cardinalitii quondam
primarius summusque* modéra tor, ac deinde parœciae Sancti
Ludovici in bac urbe pastor , dixit se Universitatis esse anti-
quissimum magistrum; semper se vidisse hoc pro lege inviolata,
a majoribus accepta, baberi, ut nulli ex iis bominibus, qui Jesuitae
dicuntur, liceret verba in locis academicis facere. Quamdiu magis-
tratum aliquem aut praefecturîim in Universitate gesserit, nunquam
se passum esse in hanc academicam legem peccari, nec posse, suo
quidem judicio, ab ea viros academicos, si modo sint fidei quam
Universitati dederint memores, recedere.
Idem de illa lege sentire se professi sunt caeteri Deputati.
Re itaque mature perpensa, sic unanimi omnium sententia
decretum est : • ^
Primo quidem, quod dicuntur aliqui Jesuitae sacras babuisse
conciones in collegio San-Barbarano, id si factum , Universitas
contra suam mentem suosque usus ac majorum instituta factum
esse pronunciat.
m 24
370 APPENDICE.
^ Quontam e nrivis excessit qui tune eraC praedicti collegiî San-
Barbarani primams, ah ampliorî super illa re perquisitione et
ab irroganda pœna abstinet Universitas.
^ Yult Universitas 8uos omnee magistros firmiter atque ccmstao^
ter retinere eam legem perantiquam, non ta^ scriptaih quam per
manus a majoribus traditam, longoque ae perenni usa comproba-
tam, qoa Tiri religiosi Jesuitae dicti ab omni publîca in Universi-
tate actione arcentur. Eam legem, quantum opus est, confirmât ac
rénovât, adeoque primariis ac magistris omnibus, cuju^umque
sint ordinis, sub pœais ac«demicts mandat ac praecipit, ne suis in
eoliegiis, sive illa majora sive minora sint, suisve mjscholis aut
omnino in ullis locis academicis, quemquam ex ea familia, qaae so*
cietas Jesu vulgo appellalur, verba facere oralionemque ullam sa-
eram profanamVe habere; prima doclrînae christianae elementa
(quem catechismum -vocant) exponere; confesâones audire et
excipere ; ia scholis sive classibus, quum actus exercitationesve
babentur, disputare aut inteirogare ; atque omnino publicumqnid
facere aut dicere^ sub quovis praetextu ac nomine, permittant vel
patiantur.
4** Placet, ubicumque opu» fuerit, judicium hoc notum fîeri ;
nominatim vero primario, procura tori et sacellario coUegii Saa-
Barbarani declarari.
5* Meminerint magistri omnes academici sibi legibus academîeiis
interdictum esse ne in scholis praedictae societatis ullo modo dispu-
tent. Ac ne quis fgnorantiam obtendat, rénovât Universitas con-
clusiones in eam rem non semel latas, et illam nominatim quaB
, anno 1621 confecta est, cujus hic est ténor : « Anno i621, die
13 fnaii.... censuere praeterea dicti DD. deputati monendos esse
magistros et scholasticos dictae Uni versitatis, ut abstineant a dispn-
tationibus quae fieri soient apud Jesuitas, sub pœna majoris anî-
madveTsionis. Et ita per eumdem D. Rectorem conclusum fuit.
Signatum J. Yon, rector; Duval, de mandato D. Rectoris. »
Et ita super bis quinque articuiis amplissimus Rector conclusit.
Signé : Ingout, vice scriba.
i
APPENDICE. ^374
OftDONIfANCE DE M. DB BBAUM01IT, ARCHÏYtQVB DE PARIS^
POUR LA BéORGANISATlON DE LA COMMUNAUTÉ DE SAINTE-BABBE.
' - .24 septembre 4773.
Christophe, etc.... Sur le compte que nous nous sommes fait
rendre de la forme et constitution actuelle du gouvernement de la
• maison et. communauté de SainterBarbe, et voulant remédier aux
abus qui se seraient déjà introduits, ou prévenir ceux qui pour-
roient s'introduire par la suite dans cette maison à laquelle toutes
sortes de motifs nous obligent de prendre un ii\térèt particulier;
maintenir l'esprit de piété et de régularité qui doit y régner, Éa-
' voriser le progrès des études pour lesquelles elle a été établie,
écarter tout ce qui pourroit porter atteinte, à cette juste et néce&-
f saire subordination qui est le nerf de la discipline et le principal
fondement du bon ordre ;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
^ Savoir ;
* I. Qu'il n'y aura désormais qu'un seul et unique supérieur de
toute la maison et communauté de Sainte-Barbe, composée de
' théologiens, philosophes, humanistes ; lequel résidera continuelle-
f ment dans ladite maison et non ailleurs, et sera revêtu de. toute
* l'autorité nécessaire pour y maintenir le bon ordre, y faire obser-
f ver les règlemens et veiller au progrès des études soit de théo-
* logie et de philosophie, soit de bellesr-leltres et humanités.
* II. Ce supérieur unique de toute la communauté pourra ètr
f en même temps chargé de la supériorité immédiate et particulière
des théologiens et philosophes ; sera logé, nourri, chaufiPé, blanchi,
^ éclairé aux dépens de la maison, et aura de plus, supposé qu'il
soit en même temps supérieur particulier des théologiens et phi-
^ losophes, neuf cents livres d'honoraire.
III. Il ne dépendra que de nous et de nos successeurs pour le
gouvernement de la maison et le maintien de la discipline, et tous
ceux qui seront employés dans ladite maison, à quelque titre que
ce puisse être, lui seront subordonnés, ainsi qu'il s'observe dans
les autres séminaires et communautés.
jif
37S^| APPENDICE.
Nous avons nommé et nommons par ces présentes le sieur
Antoine Baduel, prêtre du diocèse de Saint-Flour, pour remplir
ladite place de supérieur local de ladite maison, ensemble celle
de supérieur immédiat et particulier des théologiens et philoso-
phes, avec tous les droits, honoraires et émolumens marqués dans
notre présente ordonnance , et ce , pour autant de temps que bon
nous semblera.
IV. N'entendons néanmoins, par l'établissement dudit supé«
rieur local et pour la nomination que nous faisons dudit sieur
Baduel, nous priver du droit de nommer tel autre ecclésiastique
que nous jugerons à propos, pour nous représenter dans ladite *
maison en qualité de notre commissaire, présider en notre nom
aux exercices intérieurs qui pourroient s'y faire, et nous rendre
compte de tout ca qu'il croira pouvoir contribuer soit à lavance*
ment de piété, soit au progrès des études ; et ressentant une satis^
faction particulière des soins que le sieur Jean Joseph Seconds,
prêtre de notre diocèse, docteur de la Maison et Société de Sor-
bonne, principal du collège duPlessis, se donne depuis long-
temps à cet égard, nous le nommons pour être notre dit commis-
saire, en la manière ci-dessus expliquée; et ce, pour aussi
longtemps que nous le jugerons à propos.
V. Le supérieur local pourra seul admettre, toujours néan-
moins' sous notre bon plaisir et après les examens ordinaires, les
sujets qui se présenteront pour être reçus dans la maison, comme
aussi pour en exclure ceux qui seroient dans le cas d'être ren-
voyés, à charge de nous en rendre compte et d'obtenir notre
agrément.
VI. Lui seul pourra donner aux sujets de la maison, quels
qu'ils soient, maîtres ou écoliers, des attestations, soit pour être
admis aux saints Ordres, soit pour tel autre objet que ce puisse
être ; et quant à l'envoi aux saints Ordres, il se conformera exac-
tement au règlement que nous avons déjà donné à ce sujet, et que
nous renouvelons et confirmons en tant que de besoin,
VII. Ledit supérieur local signera les permissions de sortir
dont les jeunes gens, soit théologiens, soit philosophes ou huma-
nistes, pourront avoir besoin ; excepté néanmoins le cas d'absence
ou de maladie, auquel cas il sera remplacé par le procureur pour
le gouvernement de la maison. Ledit supérieur acquittera aussi
tous les deux jours l'une des deux messes de communauté.
appendice:. 373
VIII. Il y aura pareillemement un seul et unique procureur,
lequel sera chargé de la recelte et de la dépense de toute la mai-
son, choisi et nommé par nous pour tel temps que nous jugerons
à propos, et entièrement subordonné au supérieur dans Texercice
de son emploi. 11 sera logé, nourri, blanchi, éclairé aux dépens
de la maison, et aura de plus 400 livres d'honoraire.
IX. Ce procureur arrêtera tous les mois avec le supérieur les
comptes de la maison, tant en recette qu'en dépense, et le rendra
tous les ans au mois d'octobre, en présence de tel commissaire
que nous jugerons à propos de nommer et dudit supérieur.
X. Il y aura un préfet d'études pour les humanistes, lequel sera
nommé par nous, constitué dans Tordre de prêtrise, et que nous
aurons toujours soin de prendre, autant que faire se pourra, parmi
les élèves de la maison. Il sera subordonné au supérieur, et veil-
lera spécialement, mais de concert avec ledit supérieur, au bon
ordre de cette partie importante de la communauté.
Xf . Le préfet acquittera chaque jour Tune des deux messes de
communauté. Il sera logé, nourri, blanchi, chauffé, éclairé aux
dépens de la maison, et aura de plus 400 livrés par an d'hono*-
raire.
XII. Il 3» aura dix-huit mai très particuliers occupés pour le
bien des études dans la dite communauté, dont deux pour la
théologie, quatre pour la philosophie et douze pour les humanités,
sauf à en augmenter ou à en diminuer le ^nombre en proportion
de celui des écoliers.
XIII. Tous ces maîtres seront nourris, logés, blanchis, éclairés
aux dépens de la maison. Ceux de théologie auront de plus deux
voyes de bois par an pour leur chauffage et 1 5o livres d'hono-
raire; ceux de philosophie, ïo© livres d'honoraire, et le plus
ancien aura en outre deux voyes de bois.
XIV. Les maîtres de rhétorique auront aoo livres d'honoraire ;
ceux de deuxième et de troisième, i5o livres, et ceux dçs basses
classes, 100 livres chacun. Tous dépendront aussi, en ce qui con-
cerne l'ordre du travail et des études, du préfet d'humanités sous
les ordres du supérieur.
XV. Voulons que notre présente ordonnance soit inscrite sur le
registre de notre secrétariat ; qu'elle soit notifiée et lue article par
article à ladite communauté assemblée par l'un de nos vicaires
généraux que commettrons à cet effet. Enjoignons audit sieur
Zlk APPENDICE.
Baduel, supérieur, de \eiDer à ce qu'elle soit exécutée de point en
point, et à commencer du l*' octobre prochain, et de la faire
inscrire sur le registre de ladite maison et communauté de Sainte-
Barbe pour y avoir recours en cas de besoin.
Donné à Paris, le 24 septembre 1773.
XI
ABBÂT DU COHSBII. D*ÉTÂT FOUR mÉGULABISER I^'eXISTEIVCS
DB Uk GOlUiUNAUTÉ DE SAdTE-KARBE .
S9 août 4 784.
Le Roy s*étant fait rendre compte de Tavantage qui résulte, ponr
renseignement et l'éducation publique, de rétablissement de la
communauté de Sainte-Barbe, et voulant donner à cette institution
une existence légale, en lui assurant mie propriété et des secours
permanents : Sa Majesté a résolu d'acquérir le collège des Gholets
et les deux autres bâtiments que cette communauté occupe et tieni:
à loyer de l'Université, et de les donner en pur don à ladite com-
munauté de Sainte-Barbe. Sa Majesté désirant en «lème temps
s'assurer de la valeur réelle de ces bàtimens , pour pourvoir, en
connaissance de cause, au payement de l'indemnité qui sera due à
raison de ladite aliénation à la Faculté des arts et au tribunal de
ladite Université : elle a jugé à propos de faire choix d'un certain
Nombre de commissaires, chargés de suivre et de consommer cette
opération. En conséquence, ouï le rapport du sieur de Galonné,
conseiller ordinaire au Conseil royal, contrôleur général des
finances, le Roy étant en son Conseil a nommé ej; commis, nomme
et commet les sieurs Moreau de Beaumont et Pajot de Marcheval,
conseillers d'État, pour, en son nom, acquérir en toiite propriété
de la Faculté des arts et du tribunal de l'Université de Paris le
collège des Cholets et les autres bàtimens occupés par la comma-
nauté de Sainte-Barbe, qu'elle tient à loyer de l'Université ; auto-
rise en conséquence Sa Majesté lesdits sieurs commissaires à Gxer
et déterminer le prix de ladite acquisition, qu'ils assigneront sur la
ferme des Postes, et passer tous actes nécessaires à cet effet, après
toutefois s'être fait représenter les baux à loyer et toutes les pièces
qui pourront constater l'état et la valeur desdits bàtimens , qui
APPENDICE. 375
serc«it en outre préalablement estimés et décrits par deux aiKhàç-
tectes experts, àosA l'un sera nommé par lesdits sieur» cofumis--
saîr^s, et l'autre par lesdit» tribunaux, de l'Université ; Sa Majesté
se réservant le droit de penirvoir par des lettres patentes* à la àe^
tination ultérieure desdits bÂtimens.
Fait au Conseil d'État du Roy, Sa Majesté y étante tenu à Ver'-
saillesy le 29 août 1784. Signé : Le baron de BREfUsun^.
xn
tBOCis-VBRBAL BE l'EXÉGGTION FAJTB FOUR RÉBUlAX
LA COMMUlfAUTÀ t» SAINTB-BABBE ikd SÀGIMB ÊOMSTIlIlTIOffNESi.
25 avriH79<.
En continuant la mission dont nous sommes chargés pour l'-exé-
cution de l'arrêté du Directoire du département^ en date du dix-
huit avril mil sept cent quatre-vingt-onze ^ nou» nous s^mes
transportés le lundi, vingt- cinq du même mois d'avril, au collège
ou communauté de Sainte-Barbe, où étant arrivés vers dix heures
du matin, nous avons donné lecture dudit arrête à M. Le Mai-
gnent, en présence de MM. les pensionnaires que nous avions fait
rassembler dans la chapelle de ladite communauté, où, conformé-
ment au même arrêté du département, nous avons installé mondit
sieur Le Maignent en qualité de supérieur de ladite communauté
de Sainte-Barbe, au lieu de M. Baduel; mais au moment où M. Le
Maignent se disposait à lire un discours qu'il avait préparé pour
la circonstance, tous les pensionnaires sont sortis de la chapeDe
avec précipitation, et l'un d'eux a dit d'un ton élevé qu'ils ne re-
connaissaient tous pour supérieur que M. Baduel, et que si on les
forçait à en recevoir un nouveau, ils quitteraient tous la comanu-
nauté dans le jour; d'autres ont ajouté qu'ils laisseraient le suc-
cesseur de M. Baduel avee] les dettes que la maisoB a été oUigée
de contracter,, attendu que ses revenus ne consistent que dans le
montant des pensions payées par' les élèves. Sortis dans la cour,
nous avons exhorté les pensionnaires à l'obéissance et à la sou-
mission ; mais tous nos efforts ayant été absolument san» succès,
nous avons cru devoir requérir la présence de M. Tur({isiet^ coift-
odssaire de police de la section de Saiste-GeibeviètÊ, afiade pai*-
376 APPENDICE.
yenir, de concert avec lui, à rétablir le calme et la tranquillité dans
la communauté. M. Turquet survenu, nous lui avons fait part de
rétat des choses, et il a employé de son côté les moyens de dou-
ceur et de persuasion, pour engager les pensionnaires à se cou-
former aux lois en conséquence desquelles il avait été nonuné
un successeur à M. Baduel; mais tous lesdits pensionnaires ont
persisté dans la résolution de quitter la communauté de Sainte-
Barbe, si on leur donnait un nouveau supérieur. Plusieurs des
maîtres et chefs de cette maison ont montré la même insubordi-
nation et le même esprit d'indépendance. Leur exemple a été
suivi par le plus grand nombre des pensionnaires, qui ont déclamé
avec audace et emportement contre la disposition qui nécessitait
le changement de leur supérieur et contre les différentes personnes
chargées de la mettre à exécution. Endn n'ayant pas pu réussir à
ramener la paix, et voyant que nos exhortations pressantes ne ser-
vaient qu'à augmenter le trouble, nous nous sommes retirés, après
avoir prié M. Turquet de surveiller ladite maison, et nous avons
dressé le présent procès- verbal, que nous avons signé les jour et
an que dessus. Signé : Cousin.
XIII
approbation du rétablissement d'un pensionnat dans le local
du ci-devant college de sainte -barbe.
^5 novembre 4798.
Liberté, Egalité.
Paris le 25 brumaire an 7 de la République Française une et
indivisible.
Le ministre de l'Intérieur aux citoyens Lanneau et Miellé, au
ci-devant collège de Sainte-Barbe, division du Panthéon.
Citoyens, je ne puis qu'approuver la formation d'un pensionnat
dans le local du ci-devant collège de Sainte-Barbe, situé près de
l'École centrale du Panthéon et du Prytanée. Ce projet est par-
faitement conforme aux vues du gouvernement, qui désire voir
de pareils établissements s'élever et se fixer autour des écoles
nationales. Il s'empressera toujours de seconder les efforts des
APPENDICE. 377
citoyens qui, comme vous, consacreront leurs travaux ef leurs
veilles à la propagation de Tinstruction et de la morale républi-
caine. En conséquence, d'après votre demande et le rapport qui
m'a été fait, je consens à ce que ceux des élèves de votre pen-
sionnat, qui ne seront pas en état de suivre les cours de TÉcole
du Panthéon, soient admis comme externes aux leçons du Pry-
tknée, à la condition qu'ils seront examinés par le Directeur et
les examinateurs de la maison.
Je transmets au citoyen Champagne avis de la présente décision.
Salut et fraternité.
Signé : François de Neufchâteau.
XIV
ACCEPTATION DE LA DEMISSION DE M. DE LANNEAU COMME
SOUS-DlRECTEUR DU PRYTANEE FRANÇAIS.
29 janvier 4 800.
Liberté, Égalité,
Paris, le 9 pluviôse an 8 de la République française, une et
indivisible.
Le ministre de Tlntérieur au citoyen Lanneau, directeur du
Collège des Sciences et arts.
Citoyen, p'e^t à regret que j'accepte la démission de la place de
sous directeur du Prytanée Français, que vous m'avez transmise
le ±1 nivôse. Vous avez su maintenir, par votre zèle et votre acti-
vité, l'ordre et la discipline dans cette maison d'éducation natio-
nale. Les longs services que vous avez rendus à l'Instruction*
publique, ceux que vous vous proposez encore de lui rendre, ne
peuvent manquer de vous assurer des droits à la reconnaissance
du Gouvernement.
Salut et fraternité.
Signé : Lucien Bonapabte.
Contresigné : Le chef de la 5" division, Arnault.
378 APPENDICE.
XV
nXMTÈKE DECISION BERDOE P01TB LA K>SSE99IOIf
DU irOM DE SAlIfTE-BARBK.
Idjanner 4808.
Le conseiller d'État à vie, directeur de Vlnstmction pablîqae,
à Monsieur le conseiller d'État, préfet de la Seine.
Je m'empresse, Monsieur et cher collègue, de vous transmettre
ampliation de l'arrêté que Son Excellence le ministre de l'Intérieur
a i^ndu sur mon rapport. Partageant entièrement l'opinion énon-
cée dans votre lettre du H, je vous invite à faire signifier à
M. Parmentier, en vertu de l'arrêté ci-joint, l'ordre de cesser sur
le champ de donner à son pensionnat le titre de Communauté de
Sainte-IUirbe, Le nom de Maison de Sainte^Barhe appartient exclu-
sivement à l'établissement de M. Lannean, vu l'smtorisation spéciale
en vertu de laquelle il exerce.
Quant aux articles calomnieux insérés dans les papiers publics
au sujet de cette discussion, j'ai recueilli l'avis de Son Excellence.
Il s'est trouvé conforme au vôtre et au mien, et en conséquence j'ai
invité le ministre de la Police générale à réprimer l'audace des
journalistes qui osent se permettre de diffamer des écoles ouvertes
sous les auspices du Gouvernement , *et des instituteurs avoués
par lui.
Signé : Foukc&oy. •
Teneur de P arrêté âa ministre,
Paris, le 19 jiinvier 4808.
Le ministre de l'Intérieur, sur le rapport dn conseiller d'État à
TÎe, directeur général de l'Instruction publique, arrête:
Il est défendu à tout instituteur de donner à son école un autre
titre que celui spécifié dans l'autorisation en rerfo de laquelle il
exerce.
Le ministre de l'Intérieur, signé: Ckotet.
APPENDICE. 379
XVI
SECONDE DÉCISION HELATIVe à LA POSSESSION DU NOM
DE SAINTE-BARBE.
45 septembre 4 848.
Commission de V Instruction publique.
A Monsieur Adam, chef d'institution à Paris,
Monsieur, la Commission n'a point accordé à M. l'abbé C<yte-
ret l'autorisation de donner à son établissemment le titre de Nou-
velle maison de Sainte-Barbe^ et elle lui mande de se restreindre à
celui à^ Institution de t Université ou Institution de M. Cotterety qui
est le seul reconnu par les règlements.
Mais la Commission doit vous faire observer en même temps que
votre établissement ne peut pas être désigné non plus sous la sim-
ple dénomination de Maison de Sainte-Barbe, La lettre que M. le
préfet de la Seine vous a écrite le 30jantier 1808 vous permet, il
est vrai, d'ajouter au titre d'École secondaire (remplacé aujour-
d'hui par celui d'institution) les mots. Maison Sainte-Barbe ^
pour indiquer que votre pensionnat est établi dans le local occupé
autrefois par cette communauté; mais ces mots Maison Sainte-
Barbe ne sont qu'une désignation du domicile, et non une quali-
fication de l'école. En les employant seuls, vous feriez supposer que
l'ancienne communauté de Sainte-Barbe est rétablie telle qu'elle .
existait avant la Révolution, tandis que dans l'ordre de la législa-
tion actuelle, votre institution, soumise au régime universitaire, ne
peut avoir aucun rapport avec cette ancienne communauté.
. Votre tableau, vos lettres, les actes d'administration de votre
établissement, doivent donc nécessairement porter Institfition de
tUniversitéy titre auquel vous pouvez ajouter, mais non pas
substituer les mots, Maison Sainte-Barbe. -^aum
La Commission vous invite à vous conformer pour cet objet aux
dispositions des règlements dont vous réclamez vous-même l'exé-
cution, et à lui accuser réception de la présente lettre*
Recevez, Monsieur , l'assurance de ma considération.
Signé: Rotb&-Collard«
380 APPENDICE.
XVII
TROISIÈME DECISION RELATIVE A LA POSSESSION DU NOM
DE SAINTE-BARBE.
28 octobre 1821.
Conseil royal de VInstr action publique,
A Monsieur Lanneau père.
J'ai communiqué, Monsieur, votre réclamation au Conseil royal.
Il Aie charge de vous rappeler d'abord qu'il ne peut admettre
de distinction de propriétaire et de chef d'un établissement d'édu-
cation. Le chef seul peut être reconnu par le Conseil; ainsi ce
que j'ai l'honneur de vous écrire s'adresse proprement à M. votre
fils, aujourd'hui chef de l'institution dont vous avez été le fonda-
teur.
Le Conseil royal^ en érigeant la maison connue sous le nom
à^ Association des anciens élèves de la communauté de Sainte-Earbe
en collège de plein exercice, n'a rien voulu changer à ce .que la
Commission de l'Instruction publique avait réglé par la lettre
qu'elle vous adressa le 15 septembre 1848.
« Votre établissement, y disait-elle, ne peut être désigné sous
la simple dénomination de Maison de Sainte- Barbt\ La lettre que
M. le préfet de la Seine vous a écrite le 30 janvier 1 8n8 vous
permet, il est vrai, d'ajouter ac titre d'Ecole secondaire (rem-
placé aujourd'hui par celui d'institution) les mots Maison de
Sainte-Barbe^ pour indiquer que votre pensionnat est établi dans
le local occupé autrefois par cette communauté; mais ces mots.
Maison de Sainte-Barbe^ ne sont qu'une désignation du domicile,
non une qualification de l'École. En les employant seuls, vous
feriez supposer que l'ancienne communauté de Sainte-Barbe est
. rétablie telle qu'elle existait avant la Révolution, tandis que dans
l'ordre de la législation actuelle, votre institution, soumise au ré-
gime universitaire, ne peut avoir aucun rapport avec cette com-
munauté. Votre tableau, vos lettres, les actes d'administration de
votre établissement, doivent donc nécessairement porter : Insti-
îutlon de t Université ^ titre auquel vous pouvez ajouter, mais non
pas substituer les mots Maison de Sainte-Barbe, etc. »
APPENDICE. 381
Le Conseil royal n'ayant rien changé à la décision de la Com-
mission de rinstruction publique, M. votre fils peut continuer
d'ajouter ces mots, Maison de Sainte-Barbe au titre d'institution
de l'Université. Cette désignation , la seule que votre éta-
blissement ait été légalement autorisé à prendre, opposée au
litre de Collège de, plein exercice, que porte la maison des anciens
élèves de la communauté de Sainte-Barbe, préviendra sans aucun
doute les confusions et les méprises que vous paraissez craindre.
Je vous prie, monsieur, d'agréer l'assurance de ma considéra-
lion la plus distinguée.
Si^né : Baron G. Covibr, *
XVIII
MEMOIEK DE M. ODILON BABBOT, PBÉFET DE I.A SEINE,
AU CONSEIL GENERAL.
\\ septembre 4 830.
Messieurs ,
En .fondant une institution dans les bâtiments qui ont été le
siège de l'ancien collège de Sainte-Barbe, M. de Lanneau s'était
pro|)Osé d'y remettre en vigueur les principes et le mode d'ensei-
gnement qui avaient fait le succès de cette célèbre maison d'édu-
cation.
Il donna donc à son institution le nom de celle qui l'avait pré-
cédée dans le même local, et prit ainsi l'engagement de se rendre
digne d'un héritage qu'il était naturellement appelé à recueillir.
Cet engagement a été rempli. Les nombreux avantages que les
élèves de M. de Lanneau remportèrent dans les concours généraux,
et plus encore peut être les succès obtenus par beaucoup d'entre
eux dans diverses carrières, et que leur reconnaissance rapportait
à leur digne maitre, attestèrent bientôt l'excellence et la bonne
direction des études dans l'Institution Maison-Sainte-Barbe.
, La réputation brillante qu'elle s'était acquise sous cette déno-
mination datait de plus de vingt années, lorsqu'en 1821 une insti-
tution rivale, locataire de bâtiments appartenant à la ville et
située rue des Postes, s'annonça sous le titre de Collège Sainte-
Barbe.
M. de Lanneau s'empressa de réclamer contre cette usurpation
382 APPENDICE.
qui attaquait la prospérité de son établissement; mais il reconnut
bientôt que, sous peine de compromettre l'existence même de cet
établissement, il devait s'arrêter, et attendre des circonstances plus
favorables pour obtenir la justice qui lui était due à tant de
titres. t
M. de Lanneau renouvelle aujourd'hui ses réclamations et tous
les présente de confiance. C'est à vous, Messieurs, qu'en effet il
appartient d'y faire droit^ car l'institution de la rue des Postes,
érigée d'abord en collège de plein exercice, est aujourd'hui une
sorte de collège communal appartenant à la ville.
Persuadé, Messieurs, que vous reconnaîtrez avec moi combien
ces réclamations sont fondées, et que vous vous empresserez de
les accueillir, puisque la ville ne peut vouloir profiter plus long-
temps d'une usurpation qui blesse toutes les idées de justice et
d'équité, j'ai l'honneur de vous proposer de prendre une délibé-
ration portant que le collège de la rue des Postes cessera immé-
diatement d'être désigné sous le nom de Sainte-Barbe.
Je vous proposerai encore. Messieurs, de vous occuper en
même temps du soin de choisir et d'indiquer le nouveau nom
que ce collège devra porter à l'avenir.
Fait à Paris, le 1 i septembre i 830.
Le conseiller d'État, Préfet.
XIX
ABRÉTÉ DU CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS RELATIVEMENT AU NOM
DE SAINTE-BARBE.
4 7 septembre -1830.
Le Conseil général du département de la Seine, faisant fonctions
de Conseil municipal de la ville de Paris,
Vu là lettre de M. de Lanneau, chef de l'institution de Sainte-
Barbe, par laquelle il réclame contre l'usurpation de ce titre par
M. Henri NicoUe, directeur du collège de plein exercice, rue des
Postes ; .
Vu la consultation délibérée en faveur de M. de Lanneau par
six avocats du Barreau de Paris;
APPENDICE. 383
Vu le mémoire adressé au Conseil municipal parM. le Préfet de
la Seine ;
Considérant que le nom de Sainte-Barbe appartient exclusive-
ment à la maison d'éducation de M. de Lanneau, qu'il fait partie
de sa propriété, et que nul ne peut se l'approprier ;
Considérant que l'usurpation de ce titre tend évidemment à
porter préjudice à M. de Lanneau, en possession depuis plus de
trente ans d'une maison d'éducation qui a acquis la réputation la
plus brillante et la mieux méritée, et d'où sont sortis les hommes
les plus distingués ;
Considérant qu'on ne saurait mettre trop d'empressement à
rendre à M. de Lanneau la justice qu'il sollicite,
Arrête :
1» A compter de ce jour, le collège de plein exercice, rue des
Postes, cessera de porter le nom de Sainte-Barbe, qui appartient
exclusivement à la maison d'éducation de M. de Lanneau.
2** Ce collège portera désormais le nom de Collège Rollin,
3" Il n'est au surplus rien changé aux dispositions et règlements
qui régissent ce collège.
Sign^ au registre : L. Beau, président. Le Comte, secrétaire.
XX
NOTIFICATION DE LA DÉCISION DU CONSEIL HOYAL DE L IN6TEUCTI0(N
PUBLIQUE CONFORME A l' ARRETE «DU CONSEIL MUNICIPAL.
4 4 octobre iS20.
Ministère de V Instruction publique,
A Monsieur de Lanneau.
Monsieur, j'ai l'honneur de vous informer que le Conseil royal
de l'Instructiori publique, faisant droit aux réclamations que vous
m'avez adressées, et conformément à la délibération du Conseil
général du département de la Seine, en date du 17 septembre
dernier, a décidé dans sa séance du 6 octobre courant que la mai-
son d'édacation que vous dirigez prendra la dénomination d^Insti-
tution Sainte-Barbe^ et que le collège de plein exercice établi rue
des Postes portera le nom de Collège Rollin,
Je me félicite, Monsieur, d'avoir à vous annoncer une décision
384 APPENDICE,
qui rend exclusivement à votre établissement un titre que la dîjftecr-
tion sage et éclairée de ses chefs a mis en honneur dans TUniver-
bité et parmi les familles.
Recevez, Monsieur, Fassura^ce de ma considération distinguée.
Le ministre de Tinstruction publique et des cultes, signé : Dxjc
DB Broclie.
XXI.
P&EMIEAS STAVJTS DE L'ASSOCIATION AMICALE DES ANCIEEIS ^BEJBVfiS
DB SAINTE-BARBB.
4 avril 4 820.
Exposé.
Chaque année, le 4 décembre, les élèves de Sainte-Barbe 3e
réunissent pour resserrer les liens de Tamilié la plus franches,.
Tamitié de collège , et pour exprimer ensemble le témoignage de
leur reconnaissance envers le digne instituteur qui conduisit leurs
premiers pas dans la carrière de la vie. Là, ils se rappellent mu-
tuellement les souvenirs de leur enfance, donnent des regrets à
leurs camarades absents, plaignent la destinée de ceux qui ne
sont plus, applaudissent aux succès de ceux qui se distinguent
dans les lettres ou dans les sciences, et citent a^ec orgueil les
noms de leurs amis qui s'illustrent dans la carrière des armes..
Ils consacrent à la bienfaisance les derniers instants de leur. réu-
nion, en venant au secours d'un camarade qui gémit dans l'infor-
tune, ou d'un professeur à qui Tége et les infirmités ne permet-
tent plus de continuer ses nobles travaux. Mais ces réunions ne
sont malheureusement formées que du petit nombre de barbistes
qui résident ordinairement dans la capitale; tous ceux qui en
sont éloignés regrettent d'être privés de venir s'asseoir au ban-
quet de 1 amitié, et de pe pouvoir s'associer au- bienfait de leurs
anciens camarades. Ces regrets, exprimés depuis quatre années
par les barbistes disséminés sur le sol de la France ou retenus
chez l'étranger, ont fait naître l'idée d'une association fondée sur
l'amitié qu'ils se portent mutuellement, et sur la reconnaissance
dont ils sont tous pénétrés pour le vénérable directeur de Sainte-
Barbe, association dont le but unique sera d'établir entre eux un
APPENDICE. 38S
centre commun de relations, et de venir au secours d'un élève en
proie à l'infortune, d'un professeur, maître d'études, ou autres,
infirmes. Agés, ou hors d'état, par quelque cause que ce soit, d'as-
surer leur ^existence ; et enfin de toute personne qui aurait été at-
tachée à l'établissement, comme les concierges, les hommes de
service, etc., etc.
L'amitié ne gagnera pas seule à cette assocnation ; les lettres,
les sciences, les arts, le commerce y trouveront encore un avan-
tage précieux. Leurs professions ou leurs propriétés retiennent
des barbistes dans toutes nos provinces et dans les principales
villes du monde; il n'en est aucun qui ne se fasse un plaisir
d'obliger un camarade en lui transmettant les renseignements
qu'on ne peut souvent se procurer que dans telle bibliothèque
étrangère, dans telle place de commerce, dans telle partie de la
France ou du globe, etc.
Ce projet d'association, communiqué à l'ancien chef de l'éta-
blissement, qui s'est empressé d'y applaudir, proposé dans la réu-
nion des barbistes le 4 décembre 1819, et déiinitivement adopté
dans une réunion du 4 avril 1 820 , est ainsi conçu :
Forme de V Association,
Aet. !•'. 11 existe entre tous les élèves de Sainte-Barbe une
Association fondée sur leur amitié mutuelle et sur leur reconnais-
sance unanime envers leur instituteur.
AUT. 2. L'oBjet unique de l'Association est d'établir entre eux
un centre commun de relations amicales, et de venir au secours
de leurs camarades, de leurs professeurs, inspecteurs, maitre^
d'études et serviteurs, qu'une cause quelconque, autre que celle
d'inconduite, aura précipités dans le malheur.
Art. 3. L'Association prendra le nom à! Association amicale et
de bienfaisance des élèves de Sainte^Biirbe,
Art. 4. Elle sera dirigée par onze élèfes élus à la majorité
dans une assemblée de barbistes ; les onze élèves élus choisiront
parmi eux un président, un secrétaire et un trésorier.
Art. 5. Leurs fonctions dureront deux années, après lesquelles
il sera procédé à une autre nomination ; les élèves sortants pour-
ront être renommés. En cas de démission, ou de décès pendant
l'exercice de leurs fonctions, ils seront également remplacés à la
m. 25
386 APPENDICE.
plaralité des voix dans une réanion, de vingt-'cinq élèves an
moins.
Aet. 6* Le président réanira les votes sur les objets mis en dé»
libération ; sa voix sera comptée ainsi que celle du secrétaire et
du trésorier.
Art. 7. Le secrétaire sera chargé de la correspondance géné-
rale avec les élèves de Paris et ceux des départements et de
l'étranger, de la rédaction des délibérations et du dépôt des
papiers et registres de l'Association.
Abt. 8. Le trésorier demeurera chargé des deniers de l'Asso-
ciation, dont il ne pourra disposer que sur un mandat signé par
six au moins des onze administrateurs. *
Abt. 9. Tous les élèves de Sainte-Barbe sont admis à faire
partie de TAssociation en versant annuellement, entre les mains
de l'un des administrateurs, une somme dont la quotité sera fixée
chaque année, mais qui, dans aucun cas, ne pourra excéder vingt
francs. Les fonctionnaires du Collège sont également admis à
souscrire.
Art. 10. Le montant des souscriptions sera remis au trésorier
pour en disposer comme il est dit aux articles 8 et 15.
Art. 11. Chaque année, les administrateurs seront tenus de
dresser une liste imprimée des souscripteurs, de former un
compte des recettes et dépenses de ^Association, et de faire con-
naître remploi des fonds et les causes qui ont déterminé cet
emploi.
Art. 12. Cette liste, qui indiquera les nom, prénoms, profes-
sion et domicile des souscripteurs, sera communiquée avec le
compte ci-dessus aux élèves, lors de leur réunion du 4 décembre de
chac[ue année, et envoyée à la même époque à tous les souscrip-
teurs de Paris, des départements et de l'étranger..
Art. 13. Pour avoir droit aux secours de l'Association des
élèves de Sainte-Barbe, il ne sera pas nécessaire d'être souscrip-
teur ; il sufiGra d'avoiif été élève, professeur, maître d'études ou .
serviteur de l'établissement, et de réunir les conditions ci-après :
1° Les élèves devront avoir fait au moins deux classes au collège
de Sainte-Barbe, depuis la quatrième inclusivement jusqu'à la
rhétorique ou les mathématique». La rhétorique et les mathé^
matiques spéciales compteront pour deux années ; 2» Les profe»-
seurs devront avoir occupé aa moins pendant cinq ans l'une des
APPENDICE. 387
chaires du eallége, dan» quelque classe que ce soit ; 3"" Les ins-
pecteurs et maltrea d'études devront avoir rempli cette fonction
pendant sept ans au moins, dans quelque salle d'étude que ce
soit ; 4° Les gens et serviteurs de rétablissement devront y être
restés au moins pendant dix ans aux gages du directeur. Personne
n'aurait droit aux secours, s'il était sorti de Sainte-Barbe pour
cause d'inconduite. *
Art. 14. Les élèves, professeurs, inspecteurs, maîtres d'études
et serviteurs qui seraient dans le cas de faire à l'Association une
demande de secours, devront la former et la motiver par écrit, et
l'adresser au secrétaire ou à l'un* des administrateurs.
Art. 1 5. Le secrétaire convoquera dans le plias bref délai les
administrateurs, et leur soumettra la réclamation. Ils délibére-
ront séance tenante, et, en se conformant aux dispositions de
l'article 6, fixeront la quotité du secours alloué, et signeront le
mandat de la somme déterminée. Ce mandat à vue sur le trésorier
sera par- le secrétaire envoyé dans les vingt-quatre heui*es au
signataire de la demande. *" »
XXII.
STATUtS HÉFOBMis D£ L* ASSOCIATION.
^852-^854.
L-— Il existe depuis 1820, entre les anciens élèves du collège
Sainte-Barbe, une Association fondée sur leur amitié mutuelle. Son
nom est /Association amicale des anciens barbistes.
2. — L'objet unique de l'Association est d'établir entre tous les
anciens barbistes un centre commun de relations amicales, et de
venir en aide aux camarades malheureux.
3. — Tout ancien barbiste peut devenir membre de l'Associa-
tion en versant ou un capital de 24O fr* une fqis payé, ou une co-
tisation annuelle de 12 fr. — Dans le premifer cas il est fondateur
de l'Association, son nom est inscrit à perpétuité dans les Annuai-
res et son versement est converti en inscriptions de rente de
l'Etat, qui ne peuvent jamais être aliénées. — Dans le secoud cas,
il est souscripteur annuel^ et son nom est inscrit sur la liste des
souscripteurs de chacune des années pour lesquelles il verse sa
388 APPENDICE.
cotisation. — Tout ancien barbiste qui, outre le capital de fonda-
teur ( 240 fr. ), verse une somme au moins égale, est inscrit à per-
pétuité dans les annuaires sur la liste des donateurs ^ et son don est
converti en inscriptions de rentes de TÉtat, qui ne peuvent jamais
être aliénées.
4.^ — Pour avoir recours à l'Association, il n'est pas nécessaire
d'en être membre; il suffit d'être ancien barbiste. — L'Association
peut, dans certains cas, venir en aide aux pères, aux mères, aux
veuves et aux enfants d'anciens barbistes.
5. — L'assemblée générale des membres de l'Association se réu-
nit le 4 décembre de chaque année; elle nomme le Comité, entend
et approuve, s'il y a lieu, les comptes annuels des receltes et
dépenses.
6. — Le Comité est composé : !• de vingt membres élus tous
les deux ans par l'assemblée générale du 4 décembre; 2° de mem- .
bres à vie (on obtient ce titre après dix élections, c'est-à-dire
après vingt 'ans d'exercice). — Le «Comité représente et adminis-
tre l'Association ; il nomme ses présidents, ses secrétaires et son
trésorier.
7. — Le trésorier ne peut disposer des fonds que sur un mandat
signé par sept au moins des membres du Comité. Il dresse, chaque .
année, la liste des fondateurs, la liste des donateurs, la liste des
souscripteurs, ainsi que les comptes des recettes et des dépenses,
sans y énoncer les noms des camarades secourus. Ces comptes,
s'ils sont approuvés par le Comité, sont soumis à l'approbation de
l'assemblée générale du 4 décembre , puis imprimés et adressés au
plus tard en février à tous les membres de l'Association.
XXIIL
STATUTS DE LA SOCIÉTÉ DE SAINTE -BARBE ,
Arrêtés par actes passés ^devant M* Aubry, notaire à Paris, les K \ juin 1840
et 24 février 1841.
Exposé,
En quatorze cent trente, dans un emplacement situé sur l'un
des points les plus élevés et les plus sains de la capitale, Jean Hu-
bert fonda un collège sous le patronage et le nom de Sainte^
APPENDICE. 389
Barbe, Cet établissement, dont la durée excéda trois siècles et
demi, fat célèbre par sa dicipline sévère et ses fortes études. Il ne
• fut fermé qu'après la Révolution de 1789 et par suite des troubles
du temps. Le quatre décembre mil sept cent quatre-vingt-dix-huit,
M. Victor de Lanneau vint, dans le même local et sous le même
nom de Sainte-Barbcj créer un collège. Il y déploya un dévouement
si complet pour ses élèves, un caractère si désintéressé, si ferme
et si digne, une appréciation si juste des causes qui peuvent élever
Tesprit de la jeunesse et exciter son émulation, que bientôt les
succès les plus brillants couronnèrent ses efforts et semblèrent lui
présager une longue prospérité.
Cependant les événements et les vicissitudes de mil huit cent
quatorze et de mil huit cent quinze eurent pour lui et pour son
institution de fâcheuses conséquences. Il lutta néanmoins contre la
mauvaise fortune, soutenu surtout par le respect et rattachement
de ses élèves anciens et nouveaux, et le collège resta toujours à la
hauteur de sa renommée, et par le nombre des écoliers, et par
l'éclat des succès universitaires. Mais après la crise financière de
mil huit cent trente et un, M. Victor de Lanneau étant décédé et
M. Adolphe de Lanneau ^ son (ils, lui ayant succédé dans la direction'
de l'établissement, les anciens élèves crurent que le moment était
venu pour eux de donner un témoignage solennel de leurs senti-
ments de reconnaissance pour le' père, d'attachement pour le fils,
en venant se grouper autour de ce dernier et en apportant les
fonds nécessaires pour préserver d'un sinistre fatal la maison de
Sainte-B^rbe et la famille de son fondateur. Ce concours, loyale-
ment offert, loyalement accepté, sauva le collège, lui rendit une
nouvelle vie, lui assura une nouvelle gloire.
Ceux qui apportèrent ainsi leur tribut, se réunirent sous le titre
de : Association amicale des anciens élèves de Sainte- Barbe\ sans
toutefois faire constater par actes authentiques le fait et l'objet de
leur réunion. Seulement et suivant acte du 30 décembre 1831, en-
registré, MM. Ganneron, Bellaigue et Leclercq, agissant pour eux
et leurs èamarades, payèrent le fonds de l'établissement, c'est-à-
dire sa clientèle, son mobilier et les recouvrements en dépendant.
Par suite, et toujours dans le même esprit de gratitude et de dés-
intéressement, les anciens élèves se dévouèrent à l'administration
du collège.
En mil huit cent trente-huit, M. Adolphe de Lanneau, élu pour
390 APPENDICE.
la troisième fois par ses concitoyens maire dn donziènie arronclis-
sèment, crut devoir résider ses fonctions de directeor ; elles 'fo-
rent alors déférées à M. Pierre-Victor-Àlexandre Labrouste^ an-
cien élève de Sainte-Barbe et membre de l'Association.
L'institution aujourd'hui est en pleine voie de prospérité; !«
nombre chaque jour croissant des élèves, les prix remportés an
concours général, les admissions et les succès obtenus à l'Ecole
polytechnique et aux antr^ Écoles spéciales du gouvernement,
l'attestent d'une manière bien évidente. Mais les bâtiments ne siiP-
ûsent pins; plusieurs d'ailleurs sont dans un tel état de vétusté
qu'ils sont inhabitables et menacés d'une ruine prochaine. Il faut
donc, ou fermer le collège, renoncer à ce glorieux et utile avenir
que tout semblait lui garantir, tromper les espérances des nom-
breux barbistes qui se promettaient de confier à la libérale insti-
tution où avait été élevée leur enfance, l'enfance de leurs fils, ou
former une société régulière , puissante , et faire de nouveau nn
appel aux anciens camarades pour réunir les fonds nécessaires,
afin d'assurer au collège la propriété de l'immeuble où il est de-
puis plus de quatre cents ans, afin d'y construire les bâtiments
convenables ; et afin de lui donner , sous le rapport des études
aussi bien que sous celui de l'éducation morale, tous les dévelop-
pements dont il est susceptible.
C'est ce parti que les fondateurs de la présente Société croient
devoir adopter. Ils le font avec la conviction que cette entreprise
est éminemment utile, éminemment morale, qu'elle offre une ga-
rantie précieuse aux familles, une sécurité complète à ceux qui
voudront y participer,
' L'entreprise est éminemment utile : et en effet les barbistes sont
depuis longtemps unis par une pensée de généreuse fraternité, dont
aucune autre institution n'offre à ce point l'exemple. Grâce à ce
titre, les uns, à leur entrée dans le monde, trouvent des guides
bienveillants ou des protecteurs zélés ; les autres, tombés dans un
malheur immérité, trouvent des secours à la caisse fondée a cet
effet et alimentée par des souscriptions annuelles ; d'autres enfin
lèguent en mourant de jeunes orphelins à la grande famille, qui
les fait élever à ses frais. Conserver le collège, c'est conserver la
cause et la source dé tels sentiments, de tels bienfaits, et certes,
c'est là une œuvre éminemment utile.
Bîlle est éminemment morale; car une institution ainsi réédifiée,
APFENDICEL 391
où les élèves reçoivent de tout ce qui les entoure ce pieux enseâ-
gnement, que c'est un devoir, un bonheur d^honorer les maiires,
de payer à eux et à leur mémoire un étemel tribut de reconnais-
sance ; on les maîtres aussi trouvent partout autour d'eux repro-
duite cette encourageante vérité que, quand on est bon, dévoué et
digne envers la jeunesse, on met dans son cœur des germes impé-
rissables d'amour et de respect : une institution comme ceUe4à
doit, plus que toute autre, élever Fàme, inciter au bien et doter
la patrie de bons citoyens.
Elle offre une garantie précieuse aux familles; car Sainte-Barbe
est une maison, qui est administrée, surveillée par des hommes
dont le zèle pour le bien-être des enfants ne peut être mis en
doute, puisque eux-mêmes ils y placent leurs fils; où l'intérêt indi-
viduel n'est pas, comme il pourrait l'être dans un établissement
particulier, le mobile des actes de l'administration; et où cepen^
dant, mieux que dans les collèges royaux, dont la règle est néces-
sairement uniforme et inflexible, on peut, tout en continuant et dé-
veloppant encore les fortes éludes qui ont fait de toui temps la
gloire de Sainte-Barbe, donner aux élèves des soins particuliers et
appropriés à la force', à l'intelligence, à la destination de chacun,
leur dispenser ainsi les bienfaits d'une éducation commune et gé-
nérale, en même temps que ceux d'une éducation particulière et
spéciale.
L'entreprise eufîn^ car il faut bien aussi examiner en peu de
mots son mérite financier, offre un placement aussi solide qu'utile
pour ceux qui voudront y concourir. Les actionnaires seront
propriétaires d'un immeuble parfaitement situé pour un collège.
Ils seront aussi propriétaires d'un étabUssement auquel sa vieille
réputation universitaire et l'active fraternité de tous les barbistes
assurent une clientèle qui s'accroît chaque jour et qui compte des
correspondants et des partisans dé%'oués dans toutes las classes de
la société, dans toutes les parties du monde. ,
Avec ces éléments de succès, la prospérité actuelle du collège ne
peut que s'accroitre.
Les fondateurs ont voulu que Tavantftge des propriétaires fût
toujours subordonné à la moralité de l'institution et ne fût jamais
.un obstacle aux services qu'elle est appelée à rendre à l'éducation.
Par ce motif ils ont arrêté qu'une partie des bénéfices serait em-
ployée en œuvres conformes à l'esfM-it de la fondation, telles que
392 APPENDICE.
hommages et rémnnéralions anx anciens maitresy^améliaratinâs en
faveur des élèves, bourses à des sujets intéressants, etc. ; mais
après ces dignes emplois, le surplus des produits devra se répartir
entre les sociétaires, et ce surplus pourra être important.
En résumé, Ton peut dire que la Société dont il s'agit est l'ap-
plication à une entreprise généreuse et utile de l'esprit d'assocna-
tion compris dans toute sa pureté et sa féconde libéralité. .
Les fondateurs la présentent avec confiance à leurs aocieiis
camarades ; ils s'adressent à eux et à eux seuls, parce que, grâce
à cette sympathie qui existe entre eux, l'administration du collège,
concentrée entre les barbistes, restera fidèle à la pensée de sa
fondation, conservera cette unité de vues et de principes qui doit
en perpétuer le succès et en assurer les bienfaits.
C'est dans cet esprit que les statuts ont été arrêtés comme JJi
suit :
Dispositions,
Art. i". — Il est fondé entre tous ceux qui seront proprié-
taires des actions ci-après créées sous l'article 7, une Société ano-
nyme sous le titre de Société de Sainte-Barbe,
Art. 2. — L'objet de la Société est de conserver et de régir
l'institution connue sous le nom de Collège Sainte- Barbe {de Lan-
neau). Son but est de donner à cette institution, sous le rapport
du bien-être des enfants, de la moralité de l'éducation et de la
supériorité des études, tous les développements dont elle peut
encore être susceptible. Les opérations matérielles que la Société
aura à faire sont, entre autres : 1® l'acquisition, conformément à
l'article 6 ci-après, de l'établissement de Sainte-Barbe de Lan-
neau ; 2° l'acquisition des immeubles affectés actuellement à l'éta-
blissement, et de tous autres dont il pourrait par suite être utile
d'assurer la propriété à l'Association ; 3** les constructions néces-
saires, tantj)Our remplacer les bâtiments qui ne présentent plus,
soit la solidité, soit les convenances suffisantes, que pour donner
à l'établissement les divisions, les distributions et tous les acces-
soires que peuvent réclamer les besoins d'un enseignement libéral
et complet, en même temps que les exigences de l'hygiène et de
la discipline.
Art. 3. — Le siège de l'établissement est dans le local où Jean
Hubert, en \ 430, fonda le premier collège du nom de Sainte-
APPENDICE. > 393
•
:Bailiey et où, le 4 décembre 1798, M. Victor de Lanneau vint
créer sous le même nom Tinstitution qui y existe aujourd'hui, et
dont ses anciens élèves veulent assurer et perpétuer la durée. Il
ne pourra être changé que par délibération de l'assemblée géné-
rale. — Le domicile de la Société, attybutif de juridiction, est fixé
à Paris.
Art. 4. •— La durée de la Société est de cinquante années, à
partir de l'ordonnance d'autorisation. — La Société pourra être
renouvelée à l'époque et dans les termes ci-après déterminés à
l'article 29, paragraphe 3.
Art. 5. — Le capital de la Société est fixé à cinq cent vingt
mille francs, complètement souscrits par les personnes dénommées
en fin des présentes. Ce capital pourra être, pendant le délai
d'une année, à partir de Tordonnance d'autorisation, porté à six
cent mille francs, au moyen d'une création de nouvelles actions
au pair, et ce, en vertu d'une décision du Conseil d'administration,
qui devra être publiée dans la forme déterminée par la loi du
31 mars 1833. La délibération prise à cet effet par le Conseil
d'administration sera soumise à l'approbation du Gouvernement
dans le délai d'un mois ; elle devra indiquer les noms des sous-
cripteurs des nouvelles actions émises et le nombre des actions
souscrites par chacun d'eux. — Toute augmentation qui devrait
porter ce capital à une somme supérieure à six cent mille francs,
ou qui serait proposée après l'expiration d'une année à partir de
l'ordonnance d'autorisation, ne pourrait avoir lieu que dans les
formes déterminées à l'aticle 29, paragraphe 3.
Art. 6. — Sur ce capital, le Conseil d'administration est auto-
risé à employer la somme nécessaire pour le payement de l'éta-
blissement. Le reste servira au payement des immeubles et à la
construction des bâtiments nécessaires à l'établissement', ainsi
qu'au fonds de roulement.
Art. 7. — § 1". Le fonds social est divisé en mille quarante
actions de cinq cents francs. «
§ 2. Toutes les actions sont nominatives. Elles seront extraites
de registres à souches, et numérotées de un à mille quarante.
Elles seront, tant sur la souche que sur le titre à délivrer, signées
du président du Conseil d'administration et du directeur, et visées
par le trésorier de la Société. — Il sera fait par l'actionnaire une
élection de domicile à Paris, élection attributive de juridiction, et
394 o APPENDICE.
qni servira de règle ponr les avis et communicatiens à eoy^yer à
chaque associé ; cette électioD de domicile sera nieotioDiiée sur la
aouche de chaque action. — Toat actionnaire pourra changer son
domicile élu, |>our^ii qu^il le remplace par un autre également à
Paris,, et qu'U signe ce changement sur la souche on le fasse
signifier par acte extra-judiciaire au directeur,' qui devra ea faille
faire mention à la sooche. — Les titres d'actions seront frappés
d'mi timbre sec, propre à la Société. Ils porteront un extrait (des
présents statuts.
§ 3. Les actions sont payables : un quart dans le mois qui sui-
vra la date de l'ordonnance d'autorisation, les trois autres quarts
de quatre mois en quatre naoîs à partir de la même date. — La sous-
cription d'une action s'effectue en signant quatre engagements ami
époques concordantes avec les termes ci-dessus indiqués. Ces en-
gagements ne seront pas négociables par voie d'endossement. Tout
souscripteur pourra toujours valablement, soit payer de suite le
montant de l'action, soit anticiper les termes de ses engagements.
— Lors du payement pour solde d'une action, le titre déiinltif en
sera remis à l'actionnaire ; 3usqne4à il n'aura qu'un titre provi^
soire , nt)minatif , ou promesse d'action non négociable, qui lui
sera délivré a^ moment de la souscription. < — £ncasde non-
payement, l'action sera publiquement vmulue par le ministère d'un
notaire, aux risques et périls du retardataire, à moins que le
Conseil d'administration ne juge plus convenable de poursuivre Je
payement des obligations.
§ 4. Dans le but de conserver autant qme possible à l'Associa-
tion l'esprit qui a présidé à sa formation, les personnes apparte-
nant on ayant appartenu à Tnne des trois catégories ci-après indi-
quées ont été seules admises à souscrire les actions, savoir : élèves
de Sainte-Barbe ; parents ou alités d'élèves de Sainte-Barbe, en
lig^ne directe ou collatérale, jusqu'au deuxième degré inclusive-
ment; professeurs ou fonctionnaires de l'institution depuis six
années a»i moins. — Si, par^uite de transmission quelconqae, la
propriété d'une action passe à des personnes n'appartenant à au-
cune de ces catégories, le Conseil d'administration aura le droit
de Tacheter pour le compte de la Société, en en remboursant la
valeur nominale, ainsi que les dividendes restant à distribuer.
Toutefois, le Conseil devra user de ce droit dans les dens mois du
jour où, soit le transfert, «oit la mutaftion, aura été inscrksur le
APPENDICE. 395
registre dont il va être parlé dans le paragraphe suivant. Si da&s
ce délai il n'a pas réalisé cet achat ou fait des offires réelles à Feffet
de le réaliser et d'en payer le prix, conformément à ce qui vient
d'être dit, la Société sera déchue dudit droit, le Conseil d'adminis-
tration ne pourra plus l'exercer, et le nouveau propriétaire restera
valablement saisi de l'action. — Les achats d'actions à opérer,
comme il vient d'être dit, pour le compte de la Société ne pour-
ront avoir lieu que sur son fonds de réserve, et les actions ainsi
achetées devront être conservées comme valeurs de la réserve.
§ 5. Les transferts s'opèrent et les mutations sont constatées
par déclarations inscrites sur registres^ à ce destinés, et signées des
parties intéressées, du directeur et du président du Conseil d'ad-
ministration. Sur la souche du titrp il est fait mention du transfert
ou de la mutation. Le cessionnaire ou le successeur aura droit vis-
à-vis de la Société à tous revenus échus et non encore payés.
§ C. Les actions sont indivisibles. La Société ne reconnaîtra ni
transfert partiel, ni copropriété d'action. Lorsqu'il se trouvera
plusieurs ayants droit à une action, ils devront s'entendre pour
se faire représenter par un titulaire, qui sera seul reconnu par la
Société. •
§ 7. Chaque action donne droit à une part proportionnelle
dans toutes les valeurs composant l'actif social , et à un prélève-
ment sur les bénéfices, d'après les bases fixées dans l'article â2.
Les actions donnent droit en outre aux répartitions qui peuvent
avoir lieu dans les termes de l'article 2â, paragraphe 4, dernier
alinéa.
§ 8. Chaque payement de dividende est constaté par une quit-
tance de l'actionnaire ou de son fondé de pouvoirs. — Les divi-
dendes échus, qui ne sont pas réclamés par les ayants droit dans
les cinq ans du jour de leur exigibilité, déterminée comme il sera
dit ci-après au paragraphe 4 de l'article 22, sont prescrits au
profit de La Société.
Art. 8. — Les actionnaires devront se conformer aux présents
statuts, qui seront obligatoires pour eux comme s'ils les avaient
signés.
Art. 9. — La Société est administrée paij, un Conseil qui sera
composé de quinze membres au moins, de vingt et un au plus, qui
seront nommés par l'assemblée générale. Les membres du Conseil
d'administration doivent être anciens élèves de Sainte- Barbe; îis
396 APPENDICE,
doivent aussi être et demeurer, pendant toute la dui^ë de leurs
fonctions, propriétaires de quatre actions au moins/
Art. 10. — Le Conseil d'administration est investi de tous les
pouvoirs nécessaires pour la gestion et l'administration des affaires
de la Société. Il dirige l'administration matérielle de Télziblisset
ment et se concerte avec le directeur pour la direction des études
et Tadministration morale de l'institution; arrête le tarif des pen*
sions et statue sur les exceptions qu'il peut être convenable d'y
apporter ; délibère et statue sur les demandés ou propositions de
bourses entières ou partielles en faveur d'enfants que recommaii'^
derait à la Société, soit la qualité de fils d'anciens baii)istes tombés
dans le mal|iear, soit toute autre puissante considération.; arrête,
sur la proposition du directeur, le cadre du personnel de l'ailmi-
nistration; Gxe les appointements, droits et avantages des (&ao*
tionnaires, professeurs et employés; fait tous traités à ce sujeti;
nomme l'agent comptable, et règle ses attributions, appointements
et avantages, le tout comme il sera dit ci-après à l'article I&5
règle les dépenses courantes et autorise les dépenses extraordi-»-
naires; arrête et autorise les acquisitions et aliénations d'immeU'-
blés et de meubles, les locations et baux, même excédant neuf tus;
les transactions, emprunts et affectations hypothécaires quHl juge
convenable de faire pour le compte de la Société, mais cependanl
avec l'autorisation de l'Assemblée générale pour les aliénations,
acquisitions et affectations d'immeubles ; transige, compromet, at-
termoie, et fait toutes conventions pour les intérêts et 1^ affaires: de
la Société ; autorise toutes poursuites et toutes actions judioiaîre&;
reçoit les prix de ventes, donne toutes quittances, signe toutes
mainlevées, même sans payement, lorsqu'il le juge con^nablo:;
arrête les plans, devis et marchés de constructions; ordonnance
les mémoires de travaux à payer, les prix de vente à acquitter^
achète les actions, comme il a été dit ci- dessus an paragraphe
quatrième de l'article 7 ; statue sur l'emploi des fonds, arrête les
comptes de la Société et les répartitions à faire, le tout confor-
mément aux articles 20, 21 et 22, et sauf l'approbation de l'as*
semblée générale ; convoque les assemblées générales comme il est
dit ci- après, article ^3,— Le Conseil d'administration, pour toQ$
traités généraux, pour tous contrats et actes d'acquisitions, d'aliér
nations, de ventes, de baux, de cessions de droits mobiliers oUl
immobiliers, de transferts de rentes ou autres valeurs, d'obliga-
APPENDICE. 397
tions, d'aifectations hypothécaires, de quittances de prix de ventes,
de mainlevées, de transactions et compromis, de placements et de
retraits de fonds, nomme spécialement deux de ses membres pour,
conjointement avec le directeur, signer, au nom de l'Association,
lesdits traités, contrats et actes.
Art. 11. — Le Conseil choisit dans son sein un président, un
vice-président, un secrétaire et un trésorier. Ces nominations sont
faites tons les ans, dans le mois qui suit rassemblée générale
annuelle.' — Les président, vice-président et secrétaire ne peuvent
être réélus, si ce n'est après un an d'intervalle. — Les décisions
du Conseil sont prises à la majorité des voix; en cas départage, la
voix du président ou de celui qui le remplace est prépondérante.
— ^ors les cas où il s'agit de questions qui lui sont personnelles,
le directeur assiste avec voix délibérative aux séances du Conseil
d'administration. — Le Conseil peut délibérer valablement au nom*
bre de sept membres. Les décisions du Conseil d'administration
doivent être consignées sur un registi^e spécial et signées des mem-
bres présents. Il en est valablement justifié aux tiers par un extrait
signé du directeur et du secrétaire du Conseil. — Le Conseil d'ad-
ministration se réunit au moins une fois par mois. Il se réunit en
outre toutes les fois qu'il est convoqué par son président, ou par
le directeur.
Art. i2. — Le Conseil d'administration nomme un de ses
membres pour être trésorier; ce trésorier reçoit les fonds des
actions et en effectue ou fait effectuer l'emploi conformément aux
décisions du Conseil.
Art. 13. — § 1. Les membres du Conseil d'administration
sont nommés par l'assemblée générale. Ce Conseil est renouvelé
tous les deux ans par tiers. Les. membres sortants peuvent être
réélus. Les deux premières séries des membres sortants sont indi-
quées par le sort, la troisième par l'ancienneté. Ainsi, une fois
6xé, l'ordre de sortie sera toujours suiyi pour le renouvellement.
§ 2. Sont nommés membres du Conseil d'administration, pour
en exercer les fonctions jusqu'à la première assemblée générale ;,
MM. Baudelocque, ancien notaire; Bayard, homme de lettres;
Bellaigue, avocat, ancien député, membre du Conseil général de
l'Yonne; Bérenger, juge de paix du sixième arrondissement;
Bernard (de Rennes), député, conseiller à la Cour de cassation;
Bixio, docteur en médecine ; Christofle , négociant ; le comte
39S APPENDICE.
Christian Damas, aide de camp du Roi ; H. Ganneron, député de
Paris, vice-président da Conseil général de la Seine ; Eugène Lamy,
conseiller à la Cour royale de Paris; Leclercq, négociant; le vi-
comte Louis Le Mercier, député, colonel delà 1 0* légion de la garde
nationale de Paris; Louveafu, ancien notaire à Paris; Ch. Paravey,
maître des requêtes au Conseil d'État; Agathon Prévost, agent
général de la Caisse d'épargne de Paris ; Eugène Scribe, de l'Aca-
démie française; Vatout, député, conseiller d'État, directeur des
bâtiments civils et des monuments publics, premier bibliothécaire
du Roi; Vavin, député de Paris, notaire honoraire. — La première
assemblée générale arrêtera la composition définitive du Conseil.
§ 3. Lorsqu'une place vient à vaquer dans le Conseil d'admi-
nistration, ce conseil y pourvoit provisoirement, jusqu'à la pre-
mière assemblée générale, qui nomme définitivement. Le rempla-
çant ne reste en fonctions que jusqu'à l'époque à laquelle devaient
expirer les fonctions de celui qu'il remplace.
§ 4. M. Adolphe de Lanneau, ancien directeur de Sainte-Barbe,
fils aine du fondateur de l'établissement, est nommé présideiat
honoraire du Conseil d'administration.
Art. 14. — Les fonctions des membres du Conseil d'adminis-
tration sont gratuites. Ils ne contractent aucune responsabilité
personnelle à raison des affaires de la Société. Ils ne répondeiïi:
(pie de rexécntion de leur mandat.
Abt. 15. — Le directeur doit consacrer exclusivement son
temps et ses ^oins à la direction de l'établissement, dans l'intérieur
duquel il est tenu de demeurer. Il est chargé de la direction dès
études et de l'administration morale de l'institution, des rapports
avec les familles, avec l'Université et les collèges royaux. Il se
concerte sur les points les plus im*portants de cette direction et
de cette administration avec le Conseil d'administration. Il est
chargé, pour la gestion des affaires sociales, de tous les actes qui
ne sont point réservés au Conseil d'administration. Il exécute, en
ce qui le concerne, les décisions du Conseil. Il représente la
Société vis-à-vis des tiers et exerce au nom de cette dernière
toutes poursuites et actions autorisées par le Conseil d'adminis-
tration. Il signe tous les actes d'administration, soit seul, soit
conjointement avec deux membres du Conseil d'administration^
dans les cas prévus par l'article 40. Le directeur exerce dans l'in-
térieur de 1 institution, et notamment sur les élèves comme sur
AP^BKDIGE. 309
tous les foDctioanaires et employés, une autorité absolue et indé-
pendante* Il peut admettre ou renvoyer les élèves comme il croit
devoir le faire. Il nomme jet révoque les professeurs, fonctionnaires
et employés. Il propose au Conseil toutes les mesures d'administra-
tion qui lui paraissent utiles. Il assiste à ee Conseil avec voix
délibérative, comme il est dit à Farticle il. Il surveille Tagent
comptable et lui donne les instructions qu'il croit convenables*
Art* 10. — Le directeur jouit d'un traitement fixe de 6000 fr.
par an, lequel lui est payé à raison de 500 fr. par chaque mois*
Il a droit, pour lui et son ménage, dans Tintérieur de l'établisse-
ment, aux logement, nourriture, chauifage, éclairage et blanchis-
sage. En outre, il a droit aux avantages proportionnels qui seront
ci-après stipulés en sa faveur sous l'article 22, paragraphe 3.
Art. 17. — Le directeur actuel est M. Pierre-Victor- Alexandre
Labrouste, ancien élève de Sainte-Barbe, sauf exécution des lois
et règlements sur l'Université,
Art» 18. — En cas de retraite , de décès ou de révocation du
directeur, il sera pourvu à son remplacement provisoire par le
Conseil d'administration, et à son remplacement définitif par
l'assemblée générale, sur la proposition du Conseil, et sauf la
réserve indiquée dans l'article précédent. Le traité à faire, dans
ce cas, avec le nouveau directeur par le Conseil d'administration,
sauf ratification de l'assemblée générale, pourra modifier en tout
ou en partie les attributions, droits et avantages présentement
conférés au directeur actuel, sans qu'il soit nécessaire à cet effet
de remplir les formalités prescrites par l'article 29, paragraphe 3,,
pour la modification des statuts.
Art. 19. — Le Conseil d'administration nomme un agent comp-
table qui est placé,, comme tous les fonctionnaires de l'établisse-
ment, sous l'autorité du directeur. Le Conseil d'administration
déterminera les attributions de l'agent comptable et les avantages
qui lui seront concédés. — L*agent comptable pourra . toujours,
lorsque le Conseil d'administration le jugera convenable, être
obligé de fournir un casûonij^ment dont le Conseil déterminera
la nature et l'importance* Son traitement peut être composé, parti*
d'une somme fixe annuelle, partie d'une remise proportionnelle
sur les bénéfices. Les traités à faire à cet égard sont dans les attri-
butions du Conseil d'administratton.
Art. 20*-^ 11 est fait tous les aas^ à la date du trente septembre,
400 APPENDICE.
un inventaire.général de Tactifet du passif de la Société. Dans cet
inTenlaire, les immeubles faisant partie de Tactif social sont
portés pour la valeur des prix d'acquisition, de construction, y
compris les frais j le mobilier est porté pour la \aleur résultant
des prix d'acquisition et des frais d'entretien annuel, déduction
faite de dix pour cent par an pour dépréciation et aroortissement.
Les sommes restant dues sur les prix des immeubles, sur les con-
structions et les prix de mobilier, sont portées au passif. Les
créances non encore recouvrées sont reportées à compte nouveau et
n'entrent pas dans l'évaluation des produits formant les éléments
du bénéKce de Tannée.
Art. 21 . — Le compte annuel servant à établir le bénéfice de
l'année sera composé, au chapitre de la dépense : des frais d'ad-
ministration ; des traitements fixes du directeur, des professeurs,
fonctionnaires et employés ; des intérêts des sommes qui reste-
raient dues sur les prix d'acquisition des immeubles ; du loyer des
bâtiments qui seraient occupés par l'établissement, et qui ne
seraient pas la propriété de la Société ; des frais d'assurances ; des
frais de réparations menues et grosses, et des frais d'entretien des
immeubles; des sommes appliquées chaque année à l'amortisse-
ment du mobilier, en exécution de l'article 20; des frais de
nourriture, chauffage, éclairage, et toutes autres dépenses concer-
nant l'entretien des élèves, et, quand il y a lieu, des fonctionnaires
et employés; des droits universitaires et des impositions de toute
espèce. — Il sera composé, au chapitre de la recette : des sommes
reçues pour prix des pensions et rétributions de toute nature ; du
produit des ventes de résidus provenant de l'établissement; du
montant des loyers qui pourraient être dus par des tiers pour des
bâtiments appartenant à la Société ; du revenu des fonds placés
pour le compte de la Société.
A»T. 22. — § 1 . Sur les bénéfices annuels, il sera prélevé,
avant toute autre affectation, les sommes nécessaires pour : payer
à Mme de Lanneau, veuve de M. Victor de Lanneau, fonda-
dateur de l'institution, une rente^ annuelle et viagère de trois
mille francs, laquelle ne sera éteinte qu'au jour du décès de ladite
dame ; payer une réhte annuelle et viagère de trois mille francs,
sur la tète et au profit de M. Adolphe de Lanneau, mais réver-
sible en entier sur la tête de Mme Estelle-Émilie-Zima La Bar-
rère, son épouse, si elle lui survit, et, après décès du survivant
APPENDICE. 401
d'euxy âur la tête et au profit des enfants issus de leur mariage,
chacun par égale portion. Cette rente, qui n'est pas réversible
sur la tète des petits-enfants de M. Adolphe de Lanneau, s'é-
leindra partiellement au fur et à mesure du décès de ses enfants, et
sera entièrement amortie à la mort du survivant d'eux. — Les
anciens élèves de Sainte-Barbe déclarent faire donation desdites
rentes, dans les termes ci-dessus, à la famille de M. de Lanneau,
leuir ancien maître, comme témoignage de leurs sentiments de
reconnaissance et de vénération pour lui et madame de Lanneau,
sa veuvç, d'estime et d'atlacberaent pour leur camarade Adolphe
de Lanneau, qui a été directeur de l'institution après son père.
Ces pensions, qui ne seront dues qu'en cas de bénéfices, sont, de
condition expresse, constituées à titre de pensions alimentaires,
incessibles et insaisissables. Elle» seront acceptées par les dona-
taires, s'ils le jugent convenable, et à leurs frais.
§ 2. Après les sommes nécessaires pour le service des rentes
dont il vient d'être parlé, il sera prélevé chaque année la^mme
nécessaire pour répartir entre les actionnaires jusqu'à concur-
rence d'un premier dividende de cinq pour cent par an des capi«
taux fournis par eux.
§ 3. Sur la portion des bénéfices qui sera disponible après les
prélèvements ci-dessus, un dixième sera prélevé pour former le
premier élément du fonds de réserve de la Société, fonds. qui se
complétera au moyen des versements dont il sera parlé sous le
paragraphe suivant, au quatrième alinéa. Ce fonds de réserve est
destiné : à suppléer, en cas de besoin, à l'insuffisance du fonds
de roulement pour le payement de toutes les dépenses ; à assurer,
jusqu'à concurrence de la somme nécessaire, le payement annuel
des deux pensions viagères ei-dessus constituées au prolit de
Madame veuve de Lanneau, et de M. et Madame Adolphe de Lan-
neau et leurs enfants, et celui du premier dividende de cinq pour
cent attribué aux actionnaires, comme il est dit ci-dessus; à opé-
rer, s'il y a lieu, l'achat des actions pour le compte de la Société,
dans le cas prévu par l'article 7, paragraphe 4. — Quand le
fonds de réserve aura atteint une somme de cent mille francs au
delà des fonds nécessaires pour payer les acquisitions ou con-
structions qui ne seraient point encore soldées, TAssemblée générale
décidera s'il y a lieu de supprimer on de réduire le prélèvement
stipulé sous le présent paragraphe* U devra être opéré de nouveau
m 26
402 APPENTMCE.
dans son entier, si le fonds de réserve tombe auMtessoos de csent
mille firancs.
§ (i. Le surplus des bénéGees annuels sera employé comnae li-
sait : Un cinquième sera attribué au directeur; deux cinquièmes
seront mis à la disposition du Conseil d'administration , qui pourra,
s*il le juge convenable et comme il Tentendra, les erapk>yeF, soir
dftns rintérét de la famille de M. Adolpbo de Lanneau, soit dans
rintérèt de l'institution elle-même, en amélioratioBs iotérieunes,
eo eneouraçements et récompenses à des professeurs et fonction-^
naiites; les deux autres eincpiièmes seront versés au^ fonds de
roserve tant qu'il n'anra» pas atteint la somme nécessaire 'pour
assurer le payement intégral des prix des acquisiâons et des
constructions qu'il serait reconnu utile de faire ultérieurement.
— Lorsque ce {payement auva été effectué ou sera assuré par le ca-
pital existant au fonds de xéserve, les deux cinquièmes donfi i£
s'agit seront répartis entre les actionnaires au- prorata du mon-
tant ddp actions de chacun d'yeux.
§ 5. Ces prélèvements et répartitions seronD arrêtés par le Con>*
seil d'administration, et de\'roiit être approuvés par l'Assemblée
générale. Le montant en sera exigible, au profit de chaque ayant?
di^it, à partir du. lendemain de leur approbadon par l'Assemblée
générale.
Abv. 2ô'. -*• Chaque année, dans la première'quinzaine du mois
de novembre, il y aura une Assemblée générale au sîége de la
Société. La première a«ira lien du- 1"" au i5 novembre ld41 . -^In-
dépendamment de ces assemblées ordinaires annuelles, le président
du Conseil d'administration et le directeur auront ehacun* le droit
d'en convoquer d'autres, toutes les fois qu'îls^ le croiront conve^
sable, et notamment pour l<es motifs dont il' sera ci^aprè» parlé- à
l'article 29 j paragraphe^ 2. -^ Les coniroeations: seront faites au
moins dix jours d'avance paorlettres adressées aux actionnaires, smx
domiciles élus par eux dans leurs actions, et par an^»vis inséré dans
ynn des journaux désignés pouv les annonces et publications
]egaks« Ces convocations n'indiqueront l'objet de la réunion qne^
pour les assemblées extraordinaires, e'est^à««diro pour celles
antres que les assemblées anmtelles;
Akt. 24. — ^Toa& lesaeirànnaifes scmt^adteis à assister e« déli-
bérer' ans Assemblées générales^
Abt. 2t$\ — Saiof le» eas^ préws à Vajpliclb 2#, paragrspHe 3^
AJPPEMM'eE. k0^
r Assemblée génévale* est régulièrement coastituée par la présence
du cinquième des aetioimaires, réunissant au moins le cinquième
des actions, ^i cette' proportion n^est pas atteinte siir une première
convocation» il en est fait une seconde à quinze jours au moins
d'intevvalle, et les menobres présents à cette nouvelle réunion dé»*
libèreot valablement» quels que soienk leur nombre et la* quotité
d& leurs actions, mais seulement sut des objet» autres que ceux
désignés ci-après au paoagraphe 3 de Uartide ^.
Art. 26. — L'Assemiïlée générale choisit elle-même son bureau^
qui se compose- d'untpvésidenl» d^un secrétaire et de deux scKula-
tews. Jïisqu'à k oonstîtntipn du bureau, TAssemblée générale est
présidée par le présidei»! du Conseil d'admini&lrationv qui désigne
Ittltméme les secrétaires et scrutateurs prowiseivesi -^Les déliJ)éra-
tionS) dans toutes les. eirconstances oà il ne s'agit pas de Tutt des
objels énoncés sous k paragraphe 3: à& Tavticle 29^ sont prises à
la majorité des veiat des membres présents. En- oais de^ partage, la
mois du président Iflmiporte. — l<e» délibérations dn FAssemblée
générale sont constajbées |>ar des prooès-yerbaux signés dtt- président
et du secrétaire de T Assemblée. Ces procès-verbaux- sont consignés-
sur uii registre spécial à ce desdné^ quis reste a» siège de la Société.
-^ILesdélibéraitions de F Assemblée générale^ prises, conformément
auxstatals, obligent tous les ac(3)oa>iiaij0esi poésents ou» absents.
— Clioque ppocès-^iferbal signé, comme on. vdent de le dire, du
président et du serréfeaire de l'Assemblée, es« déGoitif et obliga^*
toire^ sans qu'il soit nécessaire q«e sa rédaction soit approuva
par une assemblée subséquente.
Art. â'7. -r^- Le< directeur, s'il' est actionnaire, fai% partie de
l'Assemblée générale. Il j a^ comme tout autre aetionfia«re, yqis
délibéradve sur toutes matières antre» que l'approbatioB^ des
eomiptes et les questions qui' Ite concernent personnellement. S ne
peuit nepirésentsr auou» autre actionnaire'. --^ ISne action denne
droil< à mie ¥ois ; dix actions donnent droit à deux voix ; vingt
aebon& donnent droit à trois voix, et ainsi de'smte, à raison d'une
iBoiai patf' diix aotions^ jusqu'à- un maximum de' cinq toîx, qui ne
peut être dépassé, même par u» aotionnaire qui agirait pour lui
et UB^ €» plusieurs commeitaDts.
AtkT. 8H. -r-^- Chaque» actionnatre- peut se ftiîre représenter aux
assemblée» généiraléss mais seulement pas* un awtre^ aetiénnatre,
pourvu que oe nm^dM^iv^ ne soi^ pas 11» c&recteur.
404* APPENDICE.
Art. 20. — § 1 "'. Les assemblées annuelles ont pour objet : d'en-
tendre lecture d'un rapport du Conseil d'administration sur les
opérations et la situation de la Société, et d'un rappo/-t du diiec-
teur sur la marche de l'Institution et les résultats de l'année sco-
laire écoulée ; de recevoir et approuver, s'il y a lieu, les comptes
annuels et les projets de répartition arrêtés par le Conseil d'adnai-
nistration ; de nommer, lorsqu'il y a lieu, les membres du Conseil
d'administration ; de délibérer sur tous autres objets qui peuvent
leur être soumis par le Conseil d'administration.
§ 2. Les assemblées extraordinaires peuvent, comme il a été
dit ci-dessus à l'article 23, être convoquées par le président du
Conseil d'administration ou par le directeur, soit pour prononcer
sur les remplacements de membres du Conseil d'administration ou
du directeur, soit pour délibérer et statuer sur l'augmentation du
fonds social, sur la dissolution anticipée ou le renouvellement de
la Société, sur des modifications à apporter aux statuts, le tout
d'après la proposition du Conseil d'administration et comme il va
être dit ci-après, soit enfin pour délibérer .sur tous autres objets
concernant la Société.
§ 3. Les assemblées générales extraordinaires pourront, mais
sur la proposition seulement du Conseil d'administration, décider,
soit une augmentation du fonds social, soit la dissolution de la
Société avant le terme fixé ci-dessus par l'article 4, soit le renou-
vellement de la Société après l'expiration de ce terme, soit enfin
des modifications aux statuts ; mais à la condition ; que les convo-
cations auront énoncé l'objet des assemblées ; que ces assemblées
ne pourront, sur une première convocation, délibérer que si elles
représentent la moitié au moins des actions, étant arrêté que, dans
le cas de non-représentation de cette moitié, des actions, une
deuxième Assemblée générale sera convoquée dans les délais et les
formes déterminées par l'article 23, et pourra valablement déli-
bérer sur les objets de sa convocation, pourvu qu'elle réunisse au
moins le quart desdites actions ; que les délibérations seront prises
à la majorité des deux tiers des voix des membres de l'Assemblée
(les voix toujours comptées d'après la règle ci-dessus établie à
l'article 27). — En outre, s'il s'agit de l'augmentation du fonds so-
cial, telle qu'elle est indiquée au dernier alinéa de l'article 5, elle
ne devra s'effectuer qu'au moyen d'une création de nouvelles actions,
qui ne pourront être émises au-dessous du pair^ et non au moyen .
APPENDICE. 405
d'un appel de fonds aux actions existantes. — S'il s'agit dedissoîu-
tioii anticipée, elle ne pourra être proposée avant un délai expiré
de trois années à partir de Pordonnance d'autorisation, et que
dans le cas où il résultera des comptes et inventaires sociaux une
perte de plus du tiers des fonds fournis par les actionnaires. — S'il
s'agit du renouvellement prévu par l'article 3, il ne pourra être
mis en délibération que, au plus tôt, après la quarante-quatrième •
année révolue, du jour de l'ordonnance d'autorisation des pré-
sentes, et, au plus tard, avant le premier mois de la dernière de
ces cinquante années. En outre, ce renouvellement ne pourra être
voté et avoir lieu qu'à la condition que la valeur des actions, telle
qu'elle se trouvera déterminée par les résultats du dernier inven-
taire annuel, sera remboursée, dans les six mois qui précéderont
l'expiration desdites cinquante années, à ceux qui ne consentiront
point au renouvellement, et que le capital des actions ainsi rem-
boursées sera fourni par de nouvelles souscriptions, à moins de
réduction du fonds social. Les actionnaires dissidents ne pourront
dans aucun cas exiger la vente de l'établissement et la licitation
des immeubles, et ils seront tenus de s'en rapporter aux résultats
• du dernier inventaire. Le procès-verbal de l'Assemblée constatera
ceux qui consentiront et ceux qui ne consentiront pas au renou-
vellement. Quant aux actionnaires non présents à l'Assemblée, ils
auront un mois, à partir du jour de la communication qui leur
sera donnée dudit procès-verbal, pour déclarer qu'ils ne consen-
tent point au renouvellement et entendent être remboursés. Faute
par eux d'avoir fait ladite déclaration dans ce délai, ils seront
déchus du droit d'opter, et seront considérés comme renonçant au
renouvellement et voulant être remboursés. — Les augmentations
de fonds social, dissolution anticipée et renouvellement de la So-
ciété, ne pourront avoir lieu que sous l'approbation du gouver-
nement, conformément à la loi. *
■ Akt. 30. — En cas de perte des deux tiers du fonds social, la
dissolution aura lieu de plein droit. — Lors de la dissolution de la
Société, de quelque manière qu'elle arrive, l'Assemblée générale
déterminera le mode le plus convenable de liquidation ; elle choi-
sira et nommera les liquidateurs et fixera l'étendue, de leurs pou-
voirs et de leurs attributions. L'actif net, y compris le fonds de
réserve, sera réparti entre tous les actionnaires.
Art. 31. — Dans aucun cas, les héritiers, représentants ou
M6 APPENDICE.
créanciers au directeur on des 'actiomiaîres, laie ponrpont f£affre
apposer «aucuns scellés «ur les livres, propriélés, 'ou valeurs 'd^ la
Société, ni pro'voquer aucun inventaire, ils devront s'en rapfpor^er
anx derniers comptes et inveataires arrhes, il lie pounm ^tre
apposé de «celles et fait d^inventaires que dans 'un intérêt seoi»!,
et d'après une décision de l'Assemblée générale.
AaT. 32. — Tontes les contestations qui pourrawnts^élever^ur
Texécution des présents statuts seronlt jugées, quels que soient le
nombre et la qualité des parties intéressées, par trois arbitres, sur
le choix desquels -les f)arties de^'ront s'entendre dgcas un délai de
huitaine; à défaut de «quoi ils seront nommés par le présideiit dti
Tribunal de commerce de la Seine, à la requête de la partie la plus
diligente.— Les arbitres jugeront en commun, à la tnaj^orité des
voix, comme amiables compositeurs, sans être soumis «nfc -formes
ni aux délais de la pi'acédure. Leur décision ne pourra être atta^
quée par voie d'appel, recours en cassaitioU) reqnète civile, ni
autrement.
XXÏV
OKJyOSifSASfCBS «OVALES Aff^ROBA^VES
DE LA .SOCIÉTÉ DU COUIiKGE ET >DE «SES A€CROlSSEBifENT9S'.
^» du < 7 mars 4 841.
Loufs^-Psilbippc, roi des Fraialçavis, à tG«us pfrésents et à venir
^alnt.
Sur le «rapport de n«^tre inintstre «ecrétairë d'Btat ou déparle-
ment de rAgricultore et 'du commerce,
Vu les articles S9 à 37, 40 à 45 du^îode de 'commerce;
Notre ConseR d'État entendu;
Nous avons ordonné et ordonnons «ce qui suit :
Art. 4*^ -«- La Société anonyme, formée 4>Paris «ous -la déno-
mination de Société de Sainte-Bnrbe^ eét autorisée.
Sont approuvés les statuts de ladke Société, tels qu'ils «ottt con-
«enus dans l'acue passé 4e t4 février 4844, ipar devant W Aobry
'et son coUèguie, notaires à (Paris; lequd '^cte reste ànn^é à da
présente ordonnatitje.
Aiit. â. "^ Nous notes^rés^^vonâ de révoqfCMfr (notre ^i^ftoitsdtion,
APPENMCE. 4017
en cas de \iolation ou de non exécution des statuts approuvés,
sans préjudice des droits des tiers.
Art. 3. — La Société sera tenue de remettre tous les six mois
un cirait de son état de situation au ministère de Tiigriculture et
du commerce, au préfet du département de la Seine, à la Chambre
de commerce, et au greffe du Tribunal de commerce de Paris.
Art, 4. — Notre ministre secrétaire d'Etat au département de
l'agriculture et du commerce est chargé de l'exécution de la pré-
sente ordonnance, qui sera publiée fku Bulletin* des Lois ^ insérée au
Moniteur et dans un journal d'annonces judiciaires du départe-
ment de la Seine.
Signé : Louis-PhiUppe.
Par le roi, le ministre secrétaire d'Etat au département de
l'agriculture et du «commerce. i9/^/re ; L. CuNiK^GBiDïkiJNs.
2« du 18 juin 4843.
Louis-PniLippc, etc.
Sur le ri^pport de notre ministre secrétaire d'État au départe-
ment de l'agriculture et du commerce.
Vu notre ordonnance royale du »17 mars i84J, iportànt autori-
sation de la Société anonyme, formée à Paris sous la dénomination
de Société de Sainte-Barbe^ et approbation de ses statuts^
Notre Conseil d'État entendu;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. l'^'. — La délibération ^prise le 16 mars 1842jpar le Con-
seil d'administration de la Société de Sainte-Barbe, pour porter le
capital de cette Société à 600000 francs, au moyen de l'émission
de 160 actions nouvelles de 500 francs chacune , est approuvée
telle qu'elle est contenue dans l'acte, passé le 33 mars 184â par-
devant M" Aubry et son collègue, notaires à Paris; lequel acte
restera annexé à la présente ordonnance.
Art. 2. — Notre ministre secrétaire d'État au département de
l'agriculture et du commerce est chargé de l'exécution de la pré-
sente ordonnance, qui sera publiée au Bulletin des Lois^ insérée
au Moniteur et dans un journal d'annonces judiciaires du dépar-
tement de la Seine.
Signé : Louis-Philippe.
ï*ar le roi , le ministre secrétaire d'État au département de
l'agriculture et du commerce. Signé: L. Cunin-Gri daine.
408 APPENDICE.
3" du 20 septembre 4 845.
Louis-Philippe, etc.
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d^État au dé^jarte-
nient de Tagriculture et du commerce,
Vu notre ordonnance du i7 mars 184i, portant autorisation de
la Société anonyme, fondée à Paris sous la dénomination àe 'Société
de Sainte-Barbe, et approbation de ses statuts ;
Vu notre ordonnance du 18 juin 1 843, qui autorise cette Société
à porter son capital à 600 000 francs;
Vu la délibération prise, le 25 novembre 1 844, par l'Assemblée
générale des actionnaires de ladite Société;
Notre Conseil d'Etat entendu ;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 4". -2- La délibération prise, le 25 novembre 1844, par
TAssemblée générale des actionnaires de ladite Société de Sainte-
Barbe, pour porter le capital de cette Société à un million, an
moyen de la création de huit cents nouvelles actions de 500 francs
chacune, est approuvée telle qu'elle est contenue dans l'acte passé,
le 30 juin 4 845, par-devant M* Aubry et son collègue, notaires à
Paris; lequel acte restera annexé à la présente ordonnance.
Art. 2. — Notre ministre secrétaire d'État au département de
l'agriculture et du commerce est chargé de l'exécution de la pré-
sente ordonannce,*qui sera publiée au Bulletin des Lois, insérée
au Moniteur et dans un journal d'annonces judiciaires du départe-
ment de la Seine.
Signé : Louis- Philippe.
Par le roi, le ministre secrétaire d'État au département de l'agri-
culture et du commerce. Signé : L, Cunin-Gridaike.
FASTES DE SAINTE-BARBE
DEPUIS L'ORIGINE.
SAINTE-BARBE COLLÈGE SANS DOTATION.
PRINCIPAUX.
1460. Lenormant (Geoffroi).
1465. Lenormant (Jean),
1474. Lemaistre (Martin).
1482. Lenormant (Jean), de
nouveau.
1483. Bonet (Etienne).
1497. Fontenay (Pierre de).
1511. Pelin (Antoine).
1517. Morel (Mathurin).
1520,
1530
1534.
1540.
1548.
1550.
1553.
Gouvéa (Jacques de), Fane.
Gou\éa (André de).
Gouvéa (Jacques de), le
jeune.
Gou\éa (Jacques de), l'an-
cien, de nouveau.
La Halle (Jacques de).
Phelippeaux (Jean) .
Du gast (Robert).
SAINTE-BARBE COLLEGE FONDE.
PRINCIPAUX.
1556. Certain (Robert).
1568. Le Marchand (Nicolas),
par intérim,
1569. Tremblay (Antoine de).
1585. Dinet (Pierre).
1595. Gazil (Raoul de).
1596. Le Chappelier (Nicolas).
1607. Gaultier (François).
1629. Berthould (Henri).
1644. Berthould (Jean).
1693. Delaroche (Louis).
1719. Men^ssier (Simon).
1727. Menassier (François) .
1731* Menassier (Simon),
nouveau.
1732. Delamaison (Jacques).
de
410
APPENDICE.
PROGUREUES.
1556. Mousset (Alain).
1621. Gaultier (François).
1634. Blondel (Jean).
1647. Vachot (Nicolas).
1665. Michelin, intrus.
1684. Menassier (Simon).
17J9. Menassier (François).
1727. Delamaison (Jacques).
1732. Théhault (Pierre).
1736. Ménage (Philippe).
1758. Vicaire (Antoine).
CHAPELAINS.
1556. Leprince (Nicolas). 1647.
1563. Colombel (Jean). 1666.
1564. IlouJlebraque (Robert). 1670.
1574. Colombel (Jean), de nou-
veau. 1674.
1605. Mondard (Nicolas). 1693.
i€ï!7. Vachot (Constantiû). 1702.
1646. Vachot (Nicolas). 1730.
Melleville (Guillaume de).
Nervet (Pierre).
Michelin, autorisé à des-
servir sans titre.
Delaroche (Louis).
Delà roche (Guillaume).
Muguet (Etienne),
Delaroche (J.-B. Louis).
Siyp6RtEURS MAJEURS BT RÉFORKAT^GIRâ.
Doyens d'â^edes conseillers- clercs au .parie ment.
1556.
Sapin (Baptiste).
1683.
Perrot de la Malmaison.
1562.
Lemaistre (Nicole).
1690.
Pinon (Etienne) .
1569.
Boutin (Déode),
1700.
Joly de Fleury (J. Fran-
1587.
Brisard (Jacques).
çois.
1605.
Cavoye.
17*8.
Lemeusnier (René).
1616.
Le Pertier (Français).
1715.
Cadeau (Alexandre).
1623.
Fortia (Bernard de).
1725.
Pucelle (René).
1632.
Le Clerc (Nicolas).
1737.
Roiyauk.
1637.
Pidoux (René).
1749.
De Fieube^ de Beau-
1643.
Thélis (Gui de>.
regard.
1648.
Viole (Jacques).
1760.
Boucher.
1652.
Refuge («Henri de):
1764.
Mignot ( Alexandre- Jeaa),
.1665.
Deskindes (Pajen).
1775.
Boucher (Claude).
1678.
Lotin de Chartry (Fran-
1776.
Sahu^et d^Ë^pagnac.
:Cois).
1781.
'Lenoiri(Pierre-F*rançois) .
'Cfuineétèers Û€ Notre-Dame et Ht VU^iperMté.
1556. Duvivier (Antoine). 1678. Coquelin (Nicolas).
d580. Duvivier (Antoine), ne- 1603. Pirot (iBdme).
veu du précédent. . 1715. Vivant (François).
1616. Pierrevive (S^'l'vie<le). 17^7. Baui^ (Bonaventure).
1625. Contes (Jean-Baptiste de). 1736. ThieFry (Bonaventure).
1649. Loisel (Pierre). 1783. Chevreuil (Fr. -Charles).
Dojens iVâge de la JPaculté de décret, puis des droits»
1556. Qaintin (Jean), 1710* Callesson (Claude).
-1561. Rivière ( LaurenÇ) . 1 7 1 «7 . Ferrière .( Claude - Joseph
1 569. Rebertière (Robert de la) . de).
4 597 . Magnan (Éloi). 1 747.. Xeg6ndre.
1623. Haynault (Alexandre de). 1 755. Bernard (Nicolas).
1 642. Artis (Jean 4i'). 1 758. Delarocbe (Louis).
16dj. Buisine (Philippe de). 1776. Thomassin .(AleKandre-
1666. Doujat (Jea^). Louis).
1688. Laloy (Michel de). 1785. Martin (Edme).
Mandataire chargé de représtfiter^es Supérieurs au Bureau
d' administration 'de Louis-le-Grand^ depuis 1785,
Barreau-Desgraftgefe '^ieire-Élife). ,
Administrateurs de Louis - le ^ Grand ^chargés particulièrement
des affaires de Sainte -Barbe, depuis 1764 jusqu'en il90.
Terray (Joseph -Marie), seigneur de la ^otte-Tilly, abbé de
Molesmes, conseiUdr ad parlement.
Sainfray (Jacques), ^st]â>sti«i2t^du procuredr-gétiéral^
Lempereur (Denis), échevin dédains.
Fourneau (Gui-^Aritoitie)., :^rand maître -<)em]MHrel du collège
Louis-le^rand.
Bonnet (Micbol^-Marie), ^and maître «de la 'Société ^oyate de
Navarre.
LeCebvre ^'Jlmécourt, «conseiller de «QpjHidlchiambre au ,^pâtr-
Jement. ^
Le Rat de Keredm (l'abbé)^
^<R6balirs((J.vB.^uguste), président de la tvokièilie chûftibk*e
des Ëiiqiïètts.
41Î APPENDICE.
Rouhette (François-Théodore), ancien bâtonnier de l'ordre des
avocats.
Bérardier (Denis), grand maître temporel de Louîs-le-Grand,
député à r Assemblée nationale.
COMMUNAUTÉ DE SAINTE-BARBE.
sup>:riecrs non résidants.
i 691 . Durieux (Thomas). 1 754. Thébaull.
1718. Besoigne (Jérôme), coad- 1757. Seconds (Jean-Joseph).
juteiir de Durieux jus- 1774. Delécluze et Jolly, délé-
qu'en 1721. * gués de l'arche vêque de
1 732 . Gaillande (Noël). Paris.
1745. Machet (Louis -Auguste) 1777. Delécluze et Le Gorgone de
et Parquet (Nicolas), Launay.
conjointement. . 1785. Le Corgne de Launay,
1748. Machet et Ducrocq (A- seul.
drien- Maurice). 1790. La municipalité de Paris.
1749. Ducrocq^ seul.
SUPÉRIEURS RÉSIDANTS.
1722. Roussel (Jean -Baptiste), 4773. Baduel (Antoine).
coadjuteur de Durieux. 1791. Filleul, principal consti-
1727. Lenglet (François), après tutionnel provisoire.
la mort de Durieux. '
% SUPÉRIEURS DIVISIONNAIRES CONNUS.
1695. Damery (Thomas). Tandeau (Fr.-Bruno\
Buisson (Claude). 1762. Favre (Joseph).
1707, Delisle (Pierre-François). Labour (Jean) .
Loyseleur (Jean). 1768. Baduel (Antoine).
1710. Fournerat. 1 773. Daire, avec titre de préfet.
1721. Lenglet (François). 1780. Surugues, id.
Fleury (François-Yves). 1785. Nicolle (Charles), icî.
1729, Rousbcl (Jean-Baptiste). 1787. Planche (Joseph), àGen-
Creusot (Nicolas). tilly. ^
Lasseray (Claude). 1788. Galtayries (Louis), avec
1730. Guimbert. avec litre de directeur.
Salmon (François). 1790. Formantin, préfet.
APPENDICE.
413
PROCUREURS CONNUS.
1730. Mariez.
Chrétien.
Duhamel f
1 751 . Pig^orier (Joseph).
1758. Guyon.
1759. Lé vesque (Abraham).
1773. Daire.
1775. Delà pierre.
1780. Henry.
1785. Fournier (Victor).
17*86. Planche (Joseph).
1788. Borderies ( Etienne -J.
François).
SAINTE-BARBE MODERNE.
DIRECTEURS.
•
1798. Victor de Lanneau et 1 81 6. Victor de Lanneau et
Miellé. Adam.
1801. Victor de Lanneau, seul. 1819. Victor et Adolphe^e Lan-
1814. Victor de Lanneauet Mou- neau.
zard. 1 823 . Adolphe de Lanneau .
1838. Alexandre Labrouste.
PRÉFETS DES ETUDES.
1802. Martin.
1805. Mourre.
1807. Massin.
1810. Forget et Dufau.
1812. Dufau et Joinval.
1813. Martin et Dufau.
1814. Martin.
1816. Adolphe de Lanneau.
1823. Cuvillier-Fleury.
1827. Victor de Lanneau.
1 830. Eugène de Lanneau, avec
titre de sous-directeur.
1833. Petitjean et Taillefert.
1835. Petitjean et Guérard.
1836. Guérard et Landry.
1838. Guérard.
SOUS-PREFETS.
A Paris :
1 840. Cottin (Ernest).
1859. GefiProy.
1863. Lamarre (Clovis).
DIRECTEURS DES ÉTUDES DE L*ÉCOLE PREPARATOIRE.
A Fontenay :
1852.Cugny.
1857. MoUiard (Léon).
1835. Duhamel.
1836. Gondinet (Adolphe).
1838. Pages (Alphonse).
1841 . Blanchet (Alphonse) et Pa-
ges (Abel).
1842. Blanchet (Alphonse).
41^
ÂFPiafODIlCE.
Mvmàm
En premier:
1g07.DesmoaIins.
i839.Liabeur.
iSU.MarceUl.
1855. Neveu.
1859.Vazillier.
En second:
1808.Sombardier.
1824. Burnier-Fontanel, neveu.
1827.Bergunion.
1839. Laurent. .
1843.Marcelli.
1 847. SaiaNArromaar.
1855. Macé.
1861.Ansadt.'
A Fontenay .
185âl. DeBerranger.
1861.1teney.
CHEFS DE LA COIf»VABII.ITE, PUIS ECONOMES AGENTSMJOMPTABr-ES .
1802.Bréon.
1806. Dubussy..
1809, De Sibert de CpmiUonA
1831.Romet.
1849.rrôly.
MEMBRES DU C0XX7R Dm ^ AS^OiCMJ'ION AMICALE.
Prçmien QomUé^
1820. Victor de Lanneau^ puési-
dent hottovaive ài vie.
BettaiguA (Glâudbe).
5)MW6t (Pieff]*^)».
Caiweli(Prwlenl)v
Crapelet (GieojpgiasrAdfc.).
Gatteaux (Edouard).
Le Roy (Onésime).
Paravey (Cbarles).
Poriquet.
Saucèdek
Membres introduits par les
18.20.Vaj»jajli:
1822.Béreng«rH
Cad&trGi43«ia)iict..
Gordon (Jamesi^v..
Scribe (Eugëb«)i.
Vigier (Achille)*.
1 824. Bayaiîd (J.-Fi»a»0©is).
Quickti.
i826.Corc«JiUti.
Dumas (ChristiMi^.
Bnssiterr«3(â£ooiiaed do)*;
1 828. Dabrin (Paul).
Le Mercier (le vie. Louis).
Prévost- (Ajgatbon).
1 830. BernajfA. (4fit R^ïWs).
Bonnaire (Flor^<isiaii).
GaaHQÇQn (Btpp^ejfc.
Guinard.
Bahrouste (Alfexandre).
Mandrou.
})lQ«Uwi|i^(A4iCJ^pjbi^
Oddai^ (£ngè^.
APPENDI€ir.
^15
Pelitjean.
4832. Bixio (Alexandre).
Durand de Varelles.
Petit (Germain) .
Selî^'ny (Ernest de).
Taiflefert (Emile).
i834. Chriatofle (Charites).
Duverçer (Eugèfie).
Lamy (Eugène).
i836.I>^^uisefî}s.
DuOlliQ.
Masson.
1 838 . Gainot (Eiigè/ie) .
Pascaûlt.
Roussel (Ludovic)»
Valmy (K:6Hepffiaini, duc
de).
i 840. DesmoQsseQiUL- de Gîvré (le
baron).
Jacquot (Camille).
. Leconte (Casimir).
iSk2. Citron.
Lacrosse (le baron).
Siméon (leiFicomte).
4844. looss (Louis).
Saglio (AMîped?)'.
1840. Clerc (Etoile).
D'Esparbès dte Eussan.
Jozon.
Laverdant (Désiré).
Mon gis.
Saglio (Gustave).
1848. Cavaignac (E^jçène).
Lisle (Xacques^Alhrîc).
Saglio (Edmoijd).
1 850 . Boinvilliers (Ernest) .
Cliaron (legêaéraf Viafe).
Etevinck'.
1852.Besson (Eugène)».
ChamprQuiu..
Dehaynin (Euryale).
Donon (Armand),
Lannean (Eugène de).
Trochu (Jules).
1 854, Baroche (6me^).
Coulon (Alfred)..
Najac, (le comte Emile de).
Servois.( Gustave).
1856. Bellaigue^Antonin).
1858.Béral (Bernard).
Bertrand (Joseph).
Ganneron (Frédéric).
Godftrt? ('^Arimé).
Lefebvr©'(Paul).
Z^iou^ilfe (Albert).
• Pblignac (le- prince de) .
1 862. Benoist (Constant).
DoHftts (lldœondj)'.
Membres à vie après vingt
années d'exercice,
Bayard, décédé.
Bixîo (AfexandY^).
Bttssierre (te baron de).
Cadet-Gassiiceurt', décédé.
Chrwlîofle, décédé.
Corcellet,. décédé..
Dumas (le comte Christian).
Btaiverger , décédé.
Labrouste (Alexandre).
Le Mbrcier (le comte),
décédé.
Prévost (Agatfton).
S c g ibe , décédé;
Valmy (Kell^mann, duc
de).
Tètottt, décédé.*
416
APPENDICE.
MEMBRES DES CONSEILS DE LA SOCIÉTÉ DU COLLÉGK.
Première commission de
surveillance.
i831.Bellaigue (Claude).
Ganneron (Hippolyte).
Leclercq .
Louveaa (Eugène).
Vavin (Alexis).
Commission élue.
i836.Bayard (J. -François).
Bérenger.
Bixio (Alexandre).
Dumas (Christian).
Ganneron (Hippolyte).
Labrouste (Alexandre).
Lamy (Eugène).
Louveau (Eugène).
Mandrou.
Prévost (Agathon).
Va tout.
Vavin (Alexis).
1838.Bellaigue (Claude).
Christofle (Charles).
Lanneau (Adolphe de).
Leclercq.
Paravey (Charles).
Conseil (T administration,
Lanneau (Adolphe de), président
honoraire à vie.
Labrouste, directeur du collège,
membre né.
1 840. Baudelocque.
Bayard (J. -François).
Bellaigue (Claude).
Bérenger.
Berhard (de Rennes).
Bixio (Alexandre).
Châtelain.
Christofle (Charles).
Dumas ^le comte Christian)
Ganneron (Hippolyte).
Lamy (Eugène),
Leclercq.
Le Mercier (le vicomte) .
Louveau (Eugène).
Paravey (Charles).
Poriquet.
Prévost (Agathon).
Rigault (Joachim).
Scribe (Eugène).
Vatout.
Vavin (Alexis).
Membres nouveaux introduits
par les élections successives,
1843. Séligny (Ernest de).
184 S. Bussierre (le baron de).
1 847. Ganneron (Hipp.), fils.
Mongis.
1848. looss (Louis).
18S3. Bayard (Eugène).
1 855. Donon (Armand).
1858. Ganneron (Frédéric).
1861.Trochu (Jules).
1863. Bertrand (Joseph).
Dehaynin (Gabriel).
Devinck.
1 864. Bellaigue (Antonhi). '
Conseil actuel,
1864. Bayard (Eugène).
Bellaigue (Antonin).
Bérenger,
APPENDICE. 417
Bertrand (Joseph). Lamy (Eugène),
Bixio (Alexandre). Le Mercier (le comte), dé-
Bnssierre (le baron de). cédé pendant l'exercice.
Châtelain. Louveau (Eugène).
Dehaynin (Gabriel). Mongis.
Devinck. Paravey (Charles).
Donon (Armand). Prévost (Agathon).
Dumas (le comte Chris- Rigault (Joachim).
tian). Trochu (Jules).
Ganneron (Frédéric). Bellaigue (Claude), mem-
looss (Louis). bre honoraire.
PRÉSIDENTS DES DISTRIBUTIONS DE PRIX,
Avant t interdiction de cette solennité dans les institutions,
4800
iSOi. Arnault, chef de la division de l'Instruction publique, au
ministère de l'Intérieur, membre de l'Institut national.
4802.Crétet, conseiller d'État, chargé de l'administration des
Ponts et chaussées.
1803
1804. François de Neufchâteau, président annuel du Sénat conser-
vateur, membre de l'Institut national.
1805.Fourcroy, conseiller d'État, directeur général de l'Instruc-
tion publique, professeur au Muséum d'histoire naturelle,
membre de l'Institut.
1806. François de Neufchâteau, une seconde fois.
1807.Regnault de Saint-Jean-d'Angely, conseiller d'État, grand
procureur général près la haute Cour impériale, secré-
taire de Péïat de la famille impériale, membre de l'Ins-
titut.
1808. Le comte de Lacépède, président annuel du Sénat, profes-
seur au Muséum d'histoire naturelle, membre de l'Ins-
titut.
1809. Desrenaudes, conseiller titulaire de l'Université impériale.
iSlO.Desrenaudes, une seconde fois.
1811. Lacépède, une seconde fois.
27
418 APPENDICE.
Depuis ie rétahUssement des distributions solennelles sous la
présidence (T anciens harbistes.
1836.DOZOO» député) conseiller à la Coar royale de Paris.
1837. Scribe (Eugène), de l'Académie française.
1838.yatoat, député, conseiller d'État, premier bibliothécaire du
Roiy directeur des monuments publics'^ membre de la
Commission de surveillance de Sainte*Barbe.
\ 839. Ganneron, député, colonel de la 4* légion de la Garde nado-
nale, membre du Conseil municipal de Paris et 4|e la Coni*
mission de surveillance de Sainte-Barbe.
1840. Bernard (de Rennes), député, conseiller à la Cour de cassa*
tion, membre du Ccmsetl d^administralion de Saiot€-
Barbe,
i 841 . Clocpiet (Jules), professeur à la Faculté de médecine, chi-
rurgien du Roi.
i 842. |je comte Christian Dumas, député, aide-4e-camp du rm,
membre du Conseil d'administration de Sainte-Barbe*
1843.Desclozeaux (Ernest), député, conseiller jd'État, secrétaire
général du ministère de la Justice.
1844. Scribe (Eugène), en remplacement • du général Morin,
membre de Tlnstitut, directeur du Conservatoire des arts
et métiers (empêché au dernier moment).
1 845. Le comte Le Mercier, pair de France, colonel de la \ Q" légion
de la garde nationale, membre 4^ Conseil d'administra-
tion de Sainte-Barbe.
1846. De Lanneau (Adolphe), maire du 12* arrondissement de
Paris, directeur de l'Institut royal des Sourds -Muets,
ancien directeur de Sainte -Barbe, président honoraire
du Conseil d'administration de Sainte-Barbe.
1847. Vavin, député, notaire honoraire, président annuel du Con-
seil d'administration de Sainte-Barbe
1848.Bixio, représentant du peuple, vice-président de l'Assemblée
nationale, membre du Conseil d'adn\inistration de Sainte-
Barbe.
1 849. Lacrosse (le baron), représentant du peuple, ministre des
Travaux publics.
1850.Devinck, président du Tribunal de commerce, membre du
Conseil municipal de Paris.
APPENDICE. 419
1851.Paravey (Charles), conseiller d'État > président atmiiiel du
Conseil d'administration de Sainte -Barbe.
i S52. Lamy (Eugène), conseiller à la Cour d'appel de Paris, mem-
bre du Conseil d'administration de Sainte-Barbe.
1853. De Lanneau (Adolphe), directeur de l'Institut impérial des
Sourds-Muets, etc., pour la seconde fois.
i 854. Perret, député au Corps-législatif, maire du 8* arrondisse-
ment de Parisv
4855. Le comte Siméon, sénateur.
4850.Boinvilliers, président de section au C<»iseil sd'État.
i 857. Dabrin (Paul), agent de change honoraire, maire du ^ arron-
dissement de Paris.
1^58. Mouzard-Senci^, préfet de 1)a Somme, petit-fih de Victor
de Lanneau;
1859. Bouillet, inspecteur de F Académie de l^aris.
i 860. Levert, préfet d'Alger.
1861. Mézièresj professeur à la Faiculté des lettres de Paris.
4862.Perdonnet, administrateur du chemin de fer de l'Est, direc-
teur de rÉcole centrale de^ arts et manufacturas.
1863. Petit (Guillaume), ancien manufacturier, député, membre
du Conseil général de l'Eure.
PRIÉSIDENTS DU BANQUET ANNUEL DU 4 DECEMBRE.
1816. Gatteaux (Edouard), graveur en médailles, le plus ancien
élève de Victor de Lanneau.
1817. Hoguer, employé au ministère de l'intérieur.
4818. Le Mercier (le vicomte Louis), colonel en. non activité.
1819. Varner, chef de bureau à la préfecture de la Seihe.
1820. Vatout, secrétaire du duc d'Orléans.
1 821 . Valout, une seconde fois.
4822. Gordon (James), homme de lettres.
4823. Victor de Lanneau, directeur de Sainte*Barbe , en reiraiite.
4824. Scribe (Eugène), homme de lettres.
4 825. Bayard, bomme de lettres.
4826. Dumas (Christian), ofiBcier d'état-major.
4827. Paravey (Charles), avocat.
4828. Prévost (Agathon), avocat.
4829. Bernard de.Rennes, avocat.
un APPENDICE,
1830. Gaoneron (Hippolyte), député, membre du Conseil Qénép9^.
de la Seine.
1831* Bellaigue (Claude), député de T Yonne, membre de lai. Copor.
mission de surveillance de Sainte-Barbe.
i832. Nourrit (Adolphe), de l'Académie royale de musique.
i833. Lamy (Eugène), vice-président du Tribunal de la Seine.
i834. Wateau, conseiller à la Cour royale d'Amiens. < v - '
1 835. D'Esparbès de Lussan, conseiller à la Cour royale de^Parisu >
1 836. Labrouste (Alexandre), avoué honoraire près la Conr royale
de Paris> ancien président de la Chambre des avoués, s^»
crétaire de la Commission, de surveillance de Sainte-
Barbe.
1837. Cloquet (Jules), membre de TAcadémie royale de médecine,
professeur à la Faculté de médecine de Paris. , ,
1838 Lanneau (Adolphe de), ancien directeur de Sainte-Barbe,
maire du 12* arrondissement de Paris, directeur de
l'Institut royal des sourds-muets, président de la-Coiur,
mission de surveillance de Sainte-Barbe.
1839. Bertrand (Joseph), docteur ès-sciences, .élève deVEcoHpolyfTf
technique.
1840. Vavin, député de Paris, membre du Conseil d'administra** ^
tion de Sainte-Barbe.
1841 . Hello, avocat général à la Cour de cassation,
1842. Dumont, statuaire, membre de Tlnstitut.
1843. Le baron de Bussierre, pair de France, ministre plénipo-
tentiaire à Dresde.
1844. Boinvilliers, avocat.
1845. De Saint-Aignan, conseiller d'État, ancien préfet du Nord.
i 846. Marcescheau, consul général de France au Pérou.
1847. Bouillet, proviseur du collège Bouiison.
1848. Lacrosse (le baron), vice-président de l'Assemblée na-
tionale.
1849. De vinck, président du Tribunal de commerce, membre du
Conseil général de la Seine.
1 830. Durand-Claye (Léon), premier sergent-major à l'École po-
lytechnique.
1851 . Pas de banquet,
1852. Froment (Gustave), ancien élève de l'École polytechnique,
fabricant d'instruments de précision pour les sciences.
. AT»PENDICE. 42i
i 833 . Vial de Machurin, élève de l'ancienne Communauté de Sainte- \\
Barbe (1784-1789), doyen des barbistes. , {
lSS4.'Perdonnet, ancien élève de FÉcole polytechnique, admi-
nistrateur du chemin de fer de Strasbourg. j
1855, Chrîstbfle (Charles), manufacturier, membre du Conseil j
d'administration de Sainte-Barbe. |
J856.'Partarrieu-Lafosse, président à la Cour impériale de Paris. ;
1 857. Tripier, général du génie, membre du Comité des forlifica-
* tions.
1B58. Châtelain, notaire, président annuel du Conseil d'admini-
stration de Sainte-Barbe.
1859. Rougeron, juge au Tribunal de première instance de la
Seine.
1860. Donon (Armand), banquier, consul général de Turquie à
Paris, président annuel du Conseil d'administration de
Sainte-Barbe. \
1 861 . Burand-Claye (Alfred), sergent-major à l'École poly-
technique.
1862. Artin Dadian Effendi, premier secrétaire de l'ambassade
ottomane à Paris.
1863.Trochu, général de division, membre du Comité d'état -
major, président annuel du Conseil d'administration de
Sainte -Barbe.
FIN DU LAVPKNDICË.
ERRATA.
Page 11, ligne 17, aa iieu de: M. Cbartier-Desrieax, qoi fut successi-
Tf méat sous-préfet k Mortagne , à Saint-Pol et à BelléI^e. lisez .*
M, Chartier-Desrieux, de Bellème, qui fut successiTement sous-préfet
à Mortagne et à Saint-Pol.
Page 188, ligne 12, au Heu de: lorsqu'il perdit la chaire de rhétorique
du collège Bourbon, Usez : lorsqu'il perdit l'emploi d*agrégé de rhé-
torique au collège Louis -le-Grand.
Page âOO, ligne A du sommaire, au lieu de : président du pouvoir exé-
cutif, Usez : chef du pouvoir exécutif.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TROISIÈME VOLUME,
QUATRIEME PARTIE, SAINTE-BARBE MODERNE.
Chapitre I. Les établissements d'inslmction publique à Paris
après la crise révolutionnaire. — M. de Lanneau
sous-dipecteur à Tlnstitut des Boursiers de l'Éga-
lité, depuis Prytanée français. — Restauration de
Sainte-Barbe sous le nom de Collège des Sciences
et des Arts. — Société de M. de Lanneau et de
M. Miellé 4
Chap. II. Règlement de la nouvelle Sainte-Barbe.-— Caractère
de la direction de M. de Lanneau. — L'instruc-
tion aux Écoles centrales. — Changements intro-
duits dans ces écoles. — Succès du collège des
Sciences et des Arts dans les concours. — Rupture
avec le Prytanée. — Création des lycées. — Sainte-
Barbe, École secondaire .^ 14
Chap. IIL Fêtes patriotiques. — Rétablissement du culte ca-
tholique à Sainte-Barbe. — Régime, de la maison
sous le Consulat. — Vaugirard et le Lendit. —
Exercices du corps. — Ardeur de la jeunesse. — "
Solennité des distributions de prix.— Barjaud. —
Élèves couronnés à l'Institut 35
424 TABLE DES MATIÈRES.
CHAr. IV. Clause de grec. — Cours de philosophie de Maugra's.
— Conférfiice de Laromîguière. — Cours de litté-
rature. — Nouveau caractère de renseignement des
I mathématiques. — Professeurs distingués des classes
d'humanités et de grammaire. -— Essai d'ensei*
'gnement professionnel. — École primaire gratuite. 50
CuAP. V. Hostilité contre Sainte- Barhe. -^ Les anciens harhis-
tes de la rédaction du Journal des Débuts. — Ban-
quet de Tan IX. — Banquet de 4807. — Vers
latins de Lemaire. — Diffamation dans les jour-
naux. — Sainte-Barbe vengée par les jeunes Vatout
et Villemain. ^- Arrêté ministériel en sa faveur. . 74
Chap. VI. Création de TUniversité impériale. — Sainte-Barbe,
Institution de l'Université. — Visite de l'évéqae . m ^
de CasaU — Le cours de philosophie transporté au
lycée Impérial. — Solennités religieuses célébrées
au Collège en 1808. — Ordre de la chapelle. —
Troubles au lycée Napoléon. — Affairer de Saint-
Marcellin. i — Émigrations successives des élèves de
Sainte-Barbe au lycée Impérial. -— Nouvelle divi-
sion créée dans Taocien collège de Reims 93
Chap. VII. Origine du collège de Reims. — Sa destruction et sou
rétablissement au quinzième siècle. — Sou ensei*
gnement. — Sa mauvaise administration. — Faits
mémorables qui s*y sont passés. — Relations de
Reims et de l'ancienne Sainte-Barbe.— Installation
de la division des plus jeunes élèves de M. de Lan»
neau. -^ M. Massin 106
Chap. VIII, Projet d'ériger Sainte-Barbe en lycée. — Négociations
à ce sujet. — Rigueurs du régime universitaire. —
Fin de l'Empire. — M. Monzard, chef ofûciel de
l'institution. —Esprit de la jeunesse sou» la pré* *' < '
mière Restauration et pendant' les Cent jours. —
Persécution contre M. de Lanneau. — M. Adam
substitué à M. Mouzard. — Clôture de l'École gra-
tuite 122
Chap. IX. Représentation de Manlius demandée par les élèves
de Sainte-Barbe. — Article de M. Dussault dans
les Débats. — Censure prononcée contre M. Adam.
— Adoucissement de la Commission de l'Instruc-
tion publique. — Polémique dans les journaux. —
Article d'Eugène Scribe.— Banquet du 21 décen^-
bre 1816 138
TABLE DES MATIERES. 425
(iHAP. X. . Retour ofTenaîf pour la possession du nom de
Sainte-Barbe. — Voyage de l'abbé Nicolle à Paris. ^.
— Association dite des anciens élèves de la Com-
munauté de Sainte-Barbe. — Arrêté de la Com-
mission de ITustruction publique en faveur de •
Mf de Lanneau.** Retour définitif de Tabbé Ni-
colle en France. — La maison de la rue des
Postes, érigée en collège de plein exercice, prend
le nom de collège Saiute-Barbe. — Réclamation de
M. de Lanneau repoussée par le Conseil royal.
— Consultation de six avocats. — Dualité de
Sainte-farbe. — Mécomptes de l'abbé Nicolle. —
Serment prononcé au banquet du 4 décem-
brel82l.... 1S3
Chab. XI, Esprit de révolte parmi les écoliers au commence-
ment de la Restauration. — Hostilité avec l'In-
stitution Liautard. — L'abbé Liautard.-^Révolte
de f 815. — Les Grecs et les Troyens. — L'abbé
Éliçagaray. — Révolte de 1817. — Révoltes de
1819 à Louts-le-Grand et à Sainte-Barbe. —
Révolte de 1820. — La Saint- Charlemagne de
. ' ' 182i. — État prospère des études. — Les maîtres
de la nouvelle génération à Sainte-Barbe 1 70
Chap. XII. Retraite de M. de Lanneau père. — Direction de
M. de Lanneau fils.— Affaire du renouvellement
des diplômes des chefs d'institutioii. — Rétablis-
sement .des séances littéraires dans les deux
Sainte-Barbe. — Chansons du 4 décembre. —
M. Cuvillier-Fleury, préfet des études. — Tenta-
tives de réforme en matière de récitation. —
Retour de M. de Lanneau père au Collège. —
Sa mort. — Détails sur sa personne • 192
Chap. Xm. Révoluuou de 1830. — Fugitif accueilli à Sainte-
Barbe. — Orphelins de juillet. — Sainte-Barbe
rétablie dans la propriété de son nom. -* Revers
et embarras financiers. — L'Association ami-
{ cale. — La Société du collège. «- Acquisition
de l'établissement par les anciens élèves. —
Souscription du Roi. — Le Conseil de sur-
veillance de la Société. — Création de l'École
préparatoire. — • Retraite de M. Adolphe de
lianneau , 21?
Chap. XIV. M. Labrouste directeur. *— Acquisition de la pro-
priété de Sainte-Barbe. — Constitution légale dé
4€6 TABLE DES MATIÈRES.
la Société du collège. — Reconstruction des bâ-
timents. — Anaire deMontaigu. — Consécration
de la nouvelle chapelle. •«« Fin des travaux 239
Chat. XV.' Nouvelle discipline. — M. Guérard, préfet des étu-
des classiques. — Rétablissement des classes inté-
TÎeUres. — Classe de philosophie. — Succès de
Sainte-Barbe. — Elèves fameux décédés. — Livres
pour renseignement barbiste. — Conférences
gratuites pour la préparation à la lioçnce es
lettres et à Tagrégation j.. â58
Cbap. XVL Premiers Directeurs des étudA à TÉcoIe prépara-
toire.— M. Blanchet. — Désordres réprimés. —
Caractère de renseignement. — Contrôle inces-
sant du travail. — Distribution des cours. — Ad- • .
missions aux Écoles du Gouyeniement. — Ex-
tension de l'établissement. — La comptabilité de
Sainte-Barbe. — Économes agent!t-comptabIes. —
Cérémonies auxquelles assiste le Collège â74
Chap. XVn: Révolution de 1848. — Réfugiés des Tuileries à
Sainte-Barbe. — École d'administration. — Jour-
nées de juin. — L'insurgé Raguinard. — La gar-
nison du Panthéon alimentée par le Collège.
— Le général Cavaignac, chef du pouvoir
exécutif, à la distribution des prix. — L'année
des trois prix d'honneur. — Décorations confé-
rées au Directeur.— Choléra de 1849. — Affaire
des fusils. —Coup d'État du 4 décembre 1851.. 290
Chap. XVIII. Fraternités barbistes. •— Distributions de vivres au
Collège. — La liberté d'enseignement. — Loi de
1850. — Suppression du certificat d'études. —
La bifurcation. — Attitude de Sainte-Barbe. —
Le Directeur appelé au Conseil supérieur de l'In-
struction publique 303
Chap. XIX. Sainte^Barbe des Champs. — Cérémonie d'inau-
guration. — Réforme fiiiancière dans T Association
amicale. — Rècoaciliation solennelle avec la
vieille Sainte-Barbe. — Donations et fondations.
— Beau trait de désintéressement. — Première
visite du cardinal Morlot. — Fêtes séculaires
de 1858 et de 1860 318
TABLE DES MATIÈRES.
4S7
APPENDICE AUX DEUXiME ET TROrSlislE VOLUMES.
I.
II.
III.
ÎV.
V.
VI.
VIL
VIII.
IX.
X.
XI.
XU..
Xllï.
XIV.
XV.
XVI.
XVII.
XVIII
XIX.
XX.
XXI.
XXII.
Acte de la fondation de Robert Dugàst 3-41
Discours d'ouTerlurc du cours de Léger Duchesne à Sainte-
Barbe 355
Collation d^une bourse vacante à un enfant dé la paroisse
Saint-Hilaire 360
Certificat d'études pour un barbiste du temps d'Antoine
de Tremblay , . 361
Nomination de boursier, contraire à la fondation 362
Arrêts du conseil d*État concernant le projet d'annexion
de Sainte-Barbe aux écoles de droit 362
Visite du Collège par Rollin 366
Nomination de Simon Menassier au principalat confirmée
par le Parlement 367
Décret de l'Université à propos de prédicateurs jésuites
admis à Sainte-Barbe 368
Ordonnance de M. de Beaumont, archevêque de Paris,
pour la réorganisation de la communauté de Sainte-
Barbe 37 1
Arrêt du conseil d'État pour régulariser l'existence de la
communauté de Sainte-Barbe ; 374
Procès-verbal de l'exécution faite pour réduire la com-
munauté de Sainie-Barbe au régime constitutionnel. . . . 375
Approbation du rétablissement d'un pensionnat dans le
local du ci-devant collège de Suinte-Barbe 376
Acceptation de la démission de M. de Lanneau, comme
sous-directeur du Prytanée français. 377
Première déei:3ion rendue pour la possession du nom de
Sainte-Barbe 378
Seconde décision relative à la possession du nom de Sainte-
Barbe 379
Troisième décision relative à la possession du nom de
Sainte-Barbe 380
. Mémoire de M. Odilon Barrot, préfet de la Seine, au
Conseil général. 381
Arrêté du Conseil municipal de Paris relativement au nom
de Sainte-Barbe 282
Notification de la décision du Conseil royal de l'Instruction
publique, conforme à l'arrêté du Conseil municipal. . . . 383
Premiers statuts de l'Association amicale des anciens élè-
ves de Sainte-Barbe 384
Statuts réformés 387
4iS TABLE DES MATIERES.
XXIU. StatnU de la Société du collège 388
XXIV. Ordonnances royales, approbatives de la Société du col-
lège et de ses accroissements 400
Fastes de Sainte-Barbe depuis l'origine 409
FIN DU TROISIEME ET DERNIER VOLUME.
Paris. — Imprimerie générale de Cli. Lahure, nie de Fleurus, 9.