l Relié par ZEZZIO , ®
i rue du Foin-S- Jacques , ®
*> N." i5. ®
UNIVER5ITY OF PITT5BURGH
DâLr
v.i
JDarlington jMemorial Library
Digitized by the Internet Archive
in 2009 with funding from
University of Pittsburgh Library System
http://www.archive.org/details/histoiredesarbre01mich
/
HISTOIRE
DES ARBRES FORESTIERS
DE
L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
Se trouve à Paris ^ chez :
L'Adteuu , place S. Michel , n". 8 ;
Treuttel et Wurtz, rue de Lille, n". 17; même maison ^ à
Strasbourg.
Gabriel Du four et C^. , rue des Mathurins S. Jacques, n" 7.
BossANGE ET Masson, rue de Tournou , n°. 6.
Le Charlieu, à Bruxelles.
y4 Philadelphie :
Chez Samuel Bradford and Insk.eep, South 3.^ Street.
HISTOIRE
DES ARBRES FORESTIERS
DE
L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE ,
CONSIDÉRÉS PRINCIPALEMENT
SOUS LES RAPPORTS DE LEUR USAGE DANS LES ARTS
ET DE LEUR INTRODUCTION DANS LE COMMERCE ,
AIWSI QUE d'après les AVANTAGES Qu'il.S PEUVENT OFFRIR AUX GOUVERNEMENS EJT EUROPE
ET AUX PERSONNES QUI VEULENT FORMER DE GRANDES PLANTATIONS.
Par F.« ANDRÉ -MICHAUX,
Membre de la Société Philosopliique américaine de Pliiladelphie ; des Sociétés
d'Agriculture de la même ville, de celles de Chaileston , Caroline méridionale j
d'HolIowell , District de Maine j du département de la Seine , et de Seine-
t't-Oise.
. • .arbore sulcamiis maria , lerrasque adtnoyemu
arbore excedificamus tecta .
Plimi secdkoi: ]\^at. Hiit. ,\\h. wt.
TOME I.
PARIS,
DE L'IMPRIMERIE DE L. HAUSSMANN
M. D. CGC. XIÏI.
A SON EXCELLENCE
MONSEIGNEUR
LE DUC DE GAËTE,
MINISTRE DES FINANCES,
GRAND-AIGLE DE LA LÉGION D'HONNEUR, etc., etc.
MONSEIGNEUR,
(o eàt ^ûuj /tej aciJÂôceà et AaT^
Ceà o-9^c/reJ c/e J^at^e ^xcelience j aue
te9zt9^ca9ia^e, .J^ouJ av^eZ' ^lyotùcci acce cej
na?na9^ecijeJ eJÂèceJ a aT^a^^eJ aac /eJ
c&TnÂ&jentj Âuden t étaaôéej /i iccj Âa^^
/cccùÛè^e99ie9it ocôaTv- ne / avc^ct éaôl
jcùjaciaoa^j; ^ouj /Ce y^aÂ/ia^t de/eu^
ycôtô/cté (/anj ceJ a^^tj et ao/nj /e caTn^^
TTze^ce y et av^o-c^ de^ o^enjecaneTnenJ
ceT^ta^nJ ^ar /te âccij au Tnatnà d a^
"v^aTitaae (ydafr^'e leci^ ^zatcc9^aujatca?v^
e?n ^^T^ance. ^e 7ne ^atj efra^^cé j
JiffiQa/iJetanecc^y^ ; de ^^emJiuiy^ cej ^aej
et cntérêt aé^ié^at j et ce àt te ^y^éjccttat
d 0'ûjer'i>atcanà éactej danj ouatée
ce9itj /c'eucj c/e yia?^j , avec /o-aée
/ allentcam el /a Ae^^jénérance (/&nû
Je ^uù ca/iaâ/e^(^cie J'ac /'Âai^^ieao^
ae .J-^ouj Â^éje^ter.
J^(y namS^^ecije^ ej/iècej c/e arac^ej
^aej'aô 'Teccùecl^ce/ Âe7ic/ant mam^é^
Jo-a^ e?v^ ^6mé7^ô'yae, et ^cie Jac^^ac^
Jia^^vcTzcr à /' ^c/mùncjt9^atca7z c/e/
U^aT^êtj ^ /a Tneltrant à /lo^tée c/'en^
rccÂc9- /e ^a/ ^arejtceT^ c/e /'S77?Ac^e,
c/ aT^Ue^ ^^acme9zt Ji^^écô'eaœ j acu ^e
mccàj/i/ce^a^zû avec /e /em/ij , et
attejterant à /accj /cj ^tèc/e^ / e/^
Ji^tt c/e Ji^évayance et ct;'a?7iéûa^
/It
ence.
^eJÂect y
^e ^at^^e (OxceUeTice /
OewîteuK ,
F.« ANDRÉ - MICHAUX.
INTRODUCTION.
J_jES nombreux voyages que de savans naturalistes
ont faits depuis plus d'un siècle dans l'Amérique
septentrionale, et les relations qu'ils en ont publiées,
ont appris combien cette partie du nouveau monde
étoit favorisée de la nature sous le rapport du règne
végétal. Mais le but que l'on s'est proposé jusqu'ici
paroit avoir été d'accélérer les progrès de la Bota-
nique, et d'ajouter à l'embellissement des jardins en
Europe , plutôt que d'étudier les propriétés des plan-
tes, et de faire connoître les usages auxquels les bois
d'Amérique peuvent être employés. Si parmi ces na-
turalistes, quelques-uns se sont occupés de ce der-
nier objet, ce n'a jamais été que d'une manière fort
imparfaite ; et c'est en vain que l'on chercheroit dans
leurs écrits des notions certaines et détaillées sur
cette matière : on n'y trouveroit que quelques rensei-
gnemens souvent inexacts et presque toujours incom-
plets. J'ai essayé de remplir cette lacune , et cette
partie si intéressante de l'histoire des végétaux de
l'Amérique septentrionale a attiré toute mon atten-
tion , dans les deux voyages que j'ai faits aux Etats -
Unis , le premier en 1802 , et l'autre en 1806. L'ou-
vrage que je présente au public est le fruit de mes
recherches et de mes observations à cet égard.
Déjà, en i8o5, j'ai lu à la Société d'Agriculture
du département de la Seine un Mémoire dans lequel
I. I
2 INTRODUCTION.
j'avois réuni une partie des matériaux que je m'étois
procurés jusqu'alors , et je m'étois efforcé de faire
sentir de quelle importance il seroit pour la France
d'introduire dans nos forets diverses espèces d'arbres
de l'Amérique septentrionale , remarquables par la
bonne qualité de leur bois , et par une végétation
vigoureuse et accélérée. Quelque temps après, j'offris
mes services, sous ce point de vue, à l'administration
forestière, qui les accepta : je retournai aux Etats-
Unis, et, malgré la difficulté des circonstances, j'ai
fait des envois de graines qui ont donné d'heureux et
abondans résultats , et j'ai eu la satisfaction de rem-
plir les espérances que l'on avoit conçues de mon
voyage.
Suivant le plan que je m'étois tracé , j'ai dû , à mon
arrivée en Amérique , consacrer presque tout mon
temps à l'étude des arbres forestiers, considérés sous
leurs différens degrés d'utilité dans les arts. Les con-
noissances relatives à cet objet étoient principalement
dans la possession des artisans , et ce fut auprès d'eux
que je m'occupai de les recueillir, dans la vue de les
répandre , non -seulement parmi les Européens,
mais encore parmi les Américains des différentes par-
ties de l'Union. J'ai entrevu, dès mes premières ten-
tatives, toute l'étendue de la tâche que je m'étois
imposée, et j'ai reconnu combien étoit juste la ré-
flexion de M. Correa de Sera, dans son rapport à la
Société d'Agriculture du département de la Seine ,
sur le voyage que je venois d'exécuter. « Quoique les
<f sciences et les arts dussent se communiquer et
INTRODUCTION. 3
i( s'entr'aider, disoit cet habile naturaliste, le plus
« souvent ils marchent à leur but à rinscu les uns
« des autres. » C'est ainsi que les Fotanistes sont ar-
rives au point de connoître scientifiquement le plus
grand nombre des arbres de l'Amérique septentrio-
nale, sans se douter à peine des propriétés de chacun
d'eux ; tandis qu'au contraire, un siècle et demi d'ex-
périence en a instruit les artisans des Etats-Tjnis,
dont la plupart cependant ne peuvent pas toujours
discerner les espèces avec précision, dans les forets,
par leur feuillage, leurs fleurs ou leurs fruits, .l'ose
me flatter que l'ouvrage que je fais paroître remplira
le double but de faire connoître aux uns, les pro-
priétés de ces mêmes arbres, et aux autres les carac-
tères extérieurs qui les distinguent , de manière à
éviter toute méprise.
Avant d'entrer dans aucun détail sur la marche que
j'ai suivie , je crois à propos de faire remarquer com-
bien les espèces d'arbres de haute futaie sont plus va-
riées dans l'Amérique du nord qu'en France j et je
cite la France préférablement aux autres pays de
l'Europe , parce qu'elle est très - favorisée sous le
rapport de la température. Le nombre des arbres
qui s'élèvent au-dessus de 9,7 4 J^^tres^ trente pieds)
en Amérique , que j'ai tous observés et que je me
propose de décrire, est de cent trente-sept, dont
quatre-vingt-quinze sont employés dans les arts. En
France, nous n'en avons que trente -sept qui par-
viennent à cette élévation, dont dix -huit servent
à former nos forets, et, parmi ces derniers, sept
4 IN TRODUCTION.
seulement sont employés dans les constructions ci-
viles et maritimes. Ce rapprochement est, comme
on le voit, très-favorable à l'Amérique, et pourroit
même faire concevoir une trop haute opinion des
arbres forestiers de cette partie du monde. Je dois
prémunir ici le public , d'une manière générale ,
en me réservant de faire connoître fidèlement, dans
la suite de cet ouvrage , les seules espèces que je
crois utile de propager pour l'amélioration des fo-
rets en Europe , ainsi que celles qui n'offrent d'autre
intérêt que celui d'embellir les parcs et les jardins,
en augmentant le nombre des variétés qu'on se plaît
à y rassembler. •
Pour réunir le grand nombre d'observations et
prendre les informations indispensables pour le tra-
vail que je voulois exécuter, j'ai dû entreprendre de
nouveaux voyages dans les différens états de l'Union.
A partir du District de Maine, où l'on éprouve en
hiver des froids aussi longs et aussi rigoureux qu'en
Suède, quoiqu'il soit situé dix degrés plus au midi,
j'ai traversé tous les Etats Atlantiques jusqu'en Géor-
gie, où la chaleur est, pendant six mois de l'année,
aussi forte que dans les colonies des Indes occiden-
tales. J'ai parcouru ainsi une étendue de 2222 kilo-
mètres (cinq cents lieuesj du nord-est au sud-ouest
et j'ai fait, en outre, cinq autres voyages dans l'inté-
rieur du pays. Le premier le long des rivières Ren-
nebeck et Sandy, en passant par Hollowell, Wens-
low, Noridgewak et Fermington ; le second, de
Eoston au lac Champlain, en traversant les Etats de
I N T R O D U C T r O N. 5
New-Hampsliire et de Vermont ; le iroisuînif; , de
New -York aux lacs Erië et Ontario; le quatri(\'mc,
de Philadelphie aux bords des rivières Monongaheh,
Alléghany et Ohio; et le cinquième enfin, de Char-
leston dans la Caroline du Sud aux sources des ri-
vières Savannah et Oconee.
Dans mon premier voyage le long des côtes de
l'Océan , je me suis arrêté dans les principaux Ports
de mer pour y visiter les chantiers de constructions
maritimes, et, en général, tous les ateliers où l'on
s'occupe du travail des bois. Je me suis appliqué à
consulter les ouvriers les plus habiles, nés dans le
pays, et surtout ceux venus d'Europe 5 j'ai com-
paré les opinions des uns et des autres , et j'ai
eu le bonheur de rassembler de nombreux docu-
mens que je crois assez exacts. J'y suis parvenu au
moyen d'une série de questions rédigées à l'avance
pour chacun des métiers sur lesquels je me proposois
d'obtenir desrenseignemens dans toutes les villes par
où je devois passer. Je ferai connoitre les arbres dont
les bois sont l'objet d'un commerce d'échange entre
les Etats du Centre , du Midi et du Nord , ceux qui
sont exportés des différentes parties de l'Union aux
Indes occidentales et en Angleterre, ainsi que les
contrées de l'intérieur du pays , d'où on les tire , et
les Ports de mer où on les amène pour les exporter.
J'indiquerai les différens bois qu'on apporte dans les
villes comme combustibles , et qu'on présente aux
consommateurs , séparés ou mêlés suivant leurs qua-
lités respectives. D'autres objets assez importans ont
6 INTRODUCTION.
aussi attire mon attention : telles sont la distinction
des bois qu'on emploie de préférence aux Etats-Unis
pour la clôture de tous les champs cultivés , et les
diverses espèces d'écorces qui servent pour le tan-
nage des cuirs , soit qu'elles proviennent d'arbres
résineux, d'arbres qui perdent leurs feuilles, ou de
ceux qui restent toujours verts, ainsi que le degré de
bonté qu'on assigne à chacune de ces écorces et leur
prix comparatif.
Dans mes voyages à l'intérieur, j'ai étudié l'ensem-
ble des forets, soit qu'elles s'offrissent à moi comme
primitives, soit qu'elles fussent altérées par le voisi-
nage de l'homme civilisé et des animaux doiTiesti-
ques, dont la présence fait changer rapidement de
face à la nature. Je citerai à cette occasion des faits
curieux sur le renouvellement naturel de grandes
parties de forets par des espèces étrangères aux loca-
lités. Ces faits prouveront que la nature elle-même
alterne dans ses productions spontanées, et ils vien-
dront à l'appui du principe déjà bien reconnu de la
rotation des récoltes dans la culture des terres et dans
le repeuplement artificiel des forets en Europe.
En me rendant dans les Etats méridionaux, j'ai
tenu des notes exactes de la disparition successive
des différentes espèces d'arbres, et de l'apparition de
nouvelles espèces, effets dont la cause peut être at-
tribuée, soit à la température du climat, soit à la na-
ture du sol qui, à cet égard, a une influence très-
remarquable. C'est ainsi que j'ai pu indiquer le point
où se montre pour la première fois le Pinus australis-)
INTRODUCTION. n
point qui est précisément le même oii commencent ,
vers le nord-est, les Landes américaines, appelées
Pine harrens ^ qui ont plus de 888 kilomètres ( deux
cents lieues J de longueur sur 222 à 266 kilomètres
(^cinquante à soixante lieues j de largeur, et dont les
limites, qui ne sont pas encore bien fixées, méritent
d'attirer l'attention des géographes des Etats-Unis.
Dans ce genre de recherches, je me suis aidé des notes
de mon père, qui s'en étoit lui-même fort occupé, et
qui, pour multiplier ses observations, et leur donner
un plus haut degré d'intérêt, avoit tout exprès fait un
voyage par terre à la Baie d'Hudson, en 1792.
Le genre d'étude auquel je me suis livré a du
avoir pour résultat une connoissance approfondie
des arbres d'Amérique les plus intéressans et les plus
utiles pour être employés , soit comme combusti-
bles, soit dans les différens genres de constructions.
Je ferai connoître , en faveur des propriétaires amé-
ricains qui sauront apprécier l'importance et les
grands avantages pécuniaires qui pourroient résulter
pour eux ou leur famille de la conservation de leurs
bois, la manière dont ils doivent être aménagés, en
indiquant les espèces dont il faut favoriser la crois-
sance, et celles , au contraire , qu'il convient de dé-
truire; car on ne doit pas , à mon avis , laisser sub-
sister un mauvais arbre dans un lieu où il peut en
venir un meilleur; et il n'est pas de pays où il soit
plus important de faire ce choix qu'en Amérique. Je
ne crains pas même d'avancer que , de deux masses
de bois , situées dans le même canton et d'une
8 INTRODUCTION.
égale étendue , celle où l'on aura distrait les mau-
vaises espèces vaudra , à l'époque de la coupe , cin-
quante pour cent de plus que celle qui aura été aban-
donnée à la nature. Ainsi , il ne suffit pas, comme se
contentent de le faire les propriétaires américains
voisins des grandes villes , d'enclore les portions de
bois qu'ils possèdent , pour les préserver des ravages
des bestiaux de toutes sortes, qui, sans cette pré-
caution , les parcourent presque toute l'année , et
détruisent les jeunes plants à chaque printemps 5 il
faut encore savoir extirper les espèces médiocres avec
discernement, et suivant les localités. J'indiquerai
aussi , à cette occasion , les arbres d'Europe qu'il
conviendroit d'introduire dans les forets améri-
caines.
C'est ici le lieu de faire une remarque générale ,
relativement à l'aménagement des bois. On ne peut
dissimuler que , dans l'état actuel des choses , les Eu-
ropéens n'aient, sous ce rapport , tout l'avantage sur
les Américains. En Europe, la grande masse des fo-
rets est dans les mains des gouvernemens, qui veil-
lent à leur conservation avec toute la sollicitude
qu'exige si impérieusement la nécessité , l'expérience
ayant appris qu'on ne peut compter pour le service
public, et même pour les besoins des peuples, sur
les propriétés forestières appartenantes à des parti-
culiers, parce que, tôt ou tard , venant à être le par-
tage de personnes pressées de jouir, elles finissent
par disparoître, et le terrein qui les portoit se trouve
converti en cultures annuelles. En Amérique , au
TNTJIOD U CTÏ O \. g
contraire, ni le gouvernement Céderai, ni ceux de
chaque état, n'ont conservé aucunes portions de (o-
réts. Il en est résulté une effrayante destruction ,(pil
s'accroît sans cesse , et ne cessera d'augmenter en rai-
son de la population. Déj;i les effets s'en font vive-
ment sentir dans les grandes villes, où l'on se plaint
de plus en plus tous les ans, non-seulement de
l'extrême cherté du bois de chauffage, mais même
de la difficulté de se procurer des bois de construc-
tion pour les différens genres de travaux. Aujourd'hui
l'on est obligé dans beaucoup d'ateliers de substituer
au chêne blanc , des chênes d'une qualité inférieure ;
quelques années encore , et l'on trouvera à peine
dans les îles de la Géorgie, le précieux chêne vert ,
si estimé dans les constructions navales.
Quoique la langue angloise soit parlée sans alté-
ration sensible dans presque toute l'Amérique sep-
tentrionale, cependant l'étendue des Etats-Unis, et
leur colonisation à des époques différentes, y ont j été
une étrange confusion dans la nomenclature popu-
laire des arbres. Ainsi la même espèce reçoit pres-
que toujours des dénominations différentes, suivant
les localités, fréquemment aussi le même nom est
assigné à des espèces très-distinctes, et bien souvent
enfin , trois ou quatre noms sont donnés au même
arbre dans le même canton. J'ai recueilli avec soin ces
diverses dénominations, en omettant, cependant
celles qui m'ont paru trop bizarres, ou qui n'étoieut
employées que par un trop petit nombre de person-
nes ; je les ai toutes rattachées au nom scientifique
I. 2
10 INTRODUCTION.
et au nom vulgaire que j'ai cru devoir préfe'rer , et
mon choix, à cet égard , s'est toujours porté sur celui
que l'espèce décrite reçoit dans la partie des Etats-
Unis, où elle est la plus abondante et la plus em-
ployée. La table dans laquelle j'ai rassemblé tous
ces noms populaires , mettra chaque habitant des
Etats-Unis à même de connoitre les espèces qui
croissent dans le lieu de sa demeure, et s'il a be-
soin de renseignemens sur celles qui se trouvent à
quatre ou cinq cents milles de chez lui, il saura
également, dans cette supposition , quel nom on
leur donne et à' quel usage leur bois est employé.
Dans cette partie de mon travail, qui n'a pas été la
moins difficile , et qui, je l'espère, ne sera pas la
moins appréciée , j'ai consulté avec infiniment d'avan-
tage plusieurs Américains distingués, auxquels je dois
un témoignage public de reconnoissance : tels sont,
M. le Pvév'^. D'. H. Muhlemherg^ de Lancaster en Pen-
sylvanie,un des plus savans botanistes que l'Amérique
ait encore produits , et bien digne de figurer parmi
ceux qui, en Europe, s'occupent avec le plus de suc-
cès de cette science aimable etattrayante^M. FT. Ha-
jnilton^ amateur éclairé des sciences et des arts, qui
se plaît à rassembler dans sa magnifique résidence
de Woodland, près de Philadelphie, non -seule-
ment tous les végétaux utiles des Etats-Unis, mais
encore ceux de tous les pays du monde qui peuvent
y offrir de l'intérêt dans les arts ou en médecine ; et
M. FT. Bartram , aussi connu par ses voyages et ses
connoissances variées en histoire naturelle , que par
INTRODU CT ION. II
raménité de son caractère et l'obligeance avec la-
quelle il communique les fruits de ses études et de
ses observations.
La table générale qui précède les descriptions esL
partagée en deux colonnes. La première offre le nom
scientifique de chaque espèce d'arbres, et immédiate-
ment au-dessous le nom américain qui désormais devra
être reconnu comme fixe , d'après les considérations
qui ont été énoncées plus haut. La seconde contient
les diverses dénominations qu'on donne au mémo
arbre dans les différentes parties des Etats- Unis, où
il se trouve. Au moyen de cette table, on pourra em-
brasser cV un coiip-cF œil la série de toutes les espèces
que je me propose de décrire, si le public en Europe,
et particulièrement dans les Etats-Unis, daigne ac-
corder son suffrage à mon travail. Dans tous les cas,
un ou deux numéros réunis renfermeront toujours
l'histoire complète d'un genre d'arbres; et quand
bien même , contre mon espoir , cet ouvrage vien-
droit à être suspendu dans le cours de sa publica-
tion, on n'en sera pas moins assuré d'avance d'avoir
d'abord, dans les deux premiers numéros, le com-
plément des Pins , et successivement celui desNoyers,
des Erables, etc., avantage qu'on ne trouve pas
toujours dans les entreprises de ce genre, offertes
par livraisons.
Je dois prévenir ici le public que je ne décrirai
que les espèces d'arbres qui ont été observées par
mon père et par moi dans les forets mêmes de l'A-
mérique septentrionale, et dont les propriétés et les
12 INTRODUCTION.
usages me sont connus d'après les renseignemens
exacts que j'ai obtenus personnellement. J'ai pris
cette détermination, parce qu'il existe dans les pé-
pinières et les jardins en Europe des arbres qu'on
assure être venus originairement de ces contrées,
mais que nous n'avons pas été assez heureux d'y
rencontrer. Je me contenterai d'indiquer ces arbres
d'après les auteurs qui en ont parlé. J'espère que le
^public me saura gré de ma franchise à cet égard,
et qu'elle me mettra à l'abri de reproches pa-
reils à ceux que je me trouve obligé de faire à
sir A. B. Lambert, de la société royale de Lon-
dres , qui , depuis quelques années , a publié un
traité général des Pins , ouvrage d'une grande ma-
gnificence sous le rapport de la gravure et de
l'exécution typographique. Sept planches représen-
tent les espèces européennes , et huit sont consa-
crées à celles de l'Amérique septentrionale. Comme
je n'ai pas voyagé dans les pays du nord de l'Europe,
où se trouvent le plus grand nombre des variétés de
pins de cette partie du monde , je ne me permettrai
aucunes critiques sur tout ce qui a rapport aux pre-
mières ; mais la description des espèces américaines,
que j'ai observées par moi-même dans les pays oii
elles croissent , est tellement inexacte ou incom-
plète, qu'il m'a paru nécessaire de rectifier l'opinion
qu'on auroit pu s'en former, d'après cet auteur. Cette
considération, jointe à l'importance que présente le
genre des Pins, dont la plupart des espèces sont d'un
emploi si varié dans les constructions civiles et mari-
INTRODUCXIOIN. l3
times , et forment un article considérable do com-
merce dans les Etats-Unis, ont été les motifs qui
m'ont déterminé à commencer par en donner la des-
cription.
Je me propose de terminer cet ouvrage par un
résumé , dans lequel on trouvera l'indication de
toutes les espèces de bois mises en œuvre dans cha-
que métier. Ainsi, sous le titre de constructions
navales ^ on verra d'un coup-d'œil de quelles espèces
d'arbres sont tirées toutes les pièces qui entrent dans
la composition d'un navire , dans le district de Maine,
à Boston , à Philadelphie , à Gharleston , à Savanah ,
à Pittsburg ou à Louisville sur les bords de l'Ohio ;
et sous le titre de constructions civiles , on trouvera
également les différentes sortes de bois dont les mai-
sons sont bâties dans les mêmes lieux. Ce résumé
offrira, je crois, un ensemble satisfaisant, sans dis-
penser cependant ceux qui auront besoin de rensei-
gnemens plus détaillés, d'avoir recours à la descrip-
tion et à la figure de chaque arbre.
Je crois n'avoir plus rien à ajouter pour bien faire
connoître le but que je me suis proposé , et la marche
que j'ai suivie dans la compositian de cet ouvrage.
Je pense, je le répète, que la manière dont j'ai con-
sidéré mon sujet sera plus utile en Europe et en
Amérique aux propriétaires ruraux et aux per-
sonnes qui s'occupent du travail des bois , que si
je ne l'avois traité que sous le point de vue scien-
tifique. Il m'a semblé nécessaire de joindre aux
descriptions des figures coloriées , et j'ai lieu de
l4 INTRODUCTION.
croire que tout le monde en sentira Tavantage , après
avoir lu avec attention les développemens qui pré-
cèdent. Ces planches seront toujours d'un grand se-
cours , et souvent même seront indispensables pour
faire distinguer les espèces aux personnes que je
viens de désigner, et à qui cet ouvrage est princi-
palement destiné.
J'aurois bien désiré étendre mes recherches sur
des points plus éloignés , et notamment dans la haute
et basse Louisiane. Ces voyages auroientsans doute
augmenté la longue liste des arbres dont je donne
la description 5 mais différens obstacles ont enchaîné
l'activité qui me portoit vers ces contrées , encore
peu connues sous ce rapport, et que je regretterai
toujours de n'avoir pas visitées. Forcé de céder, à
cet égard , à l'empire des circonstances , je m'esti-
merai encore assez heureux si les efforts que j'ai faits
peuvent mériter l'approbation des personnes ins-
truites et bienveillantes qui n'ont cessé de m'encou-
rager, pendant mon séjour en Amérique, dans l'en-
treprise que j'ai exécutée. Je laisse à quelques-uns
des élèves de MM. les professeurs Barton et Hosack,
animés, comme leurs maîtres d'un zèle ardent pour
les progrès des sciences naturelles dans les Etats-
Unis , à perfectionner mon travail , et à offrir à leurs
concitoyens un traité sur ce sujet plus complet et
plus digne d'eux; ce sera, je crois, la meilleure cri-
tique qui pourra être faite de celui que je fais pa-
roître aujom'd'hui.
TABLEAU INDICATIF
DES ESPÈCES D'ARBRES
QUI SERONT DÉCRITES DAJNS CET OUVRAGE ,
ET DE L'ORDRE DANS LEQUEL ELLES SERONT PUBLIÉES.
La première colofine indique le nom botanique et le nom
américain qui désormais devra être reconnu comme
fixe ;
La seconde , les noms vulgaires en usage dans les
diverses parties des Etats- Unis et au Canada.
Nom botanique
et nom américain.
Piûus rubra.
Red pine . .
( Norway pine. )
Noms vulgaires employés dans les diverses
parties des Etats-Unis.
f Red pine (Vin rous,e), seule déno-
mination donnée à cet arbre en Canada,
et souvent usitée à la Nouvelle-Ecosse,
à la Nouvelle-Brunswick, ainsi que dans
le District de Maine.
JYorwaj pine{Vin de Norwège, nom
plus généralement en usage que le pré-
cédent dans le District de Maine et
la partie supérieure des Etats du New-
Hampshire et de Vermont , mais moins
convenable.
Yellow pine (Pin jaune), nom em-
ployé secondairement à la Nouvelle-
Ecosse.
Pin rouge, seul nom donné à cet
.arbre , par les François-Canadiens,
l6 TABLEAU COMPARATIF.
Noms botaniques Noms vulgaires employés dans les diverses parties
et américains.
Pinus rupestris
Grey pine. . .
Pinus mitis . .
Yellow pine, .
Pinus inops.
Jersey pine .
Pinus pungens . .
Table inountain
pine.
Pinus australis . .
Long leavedpine.
des Etats-TJnis.
Grey pine (Pin gris), dénomination
donnée généralement à cet arbre en
Canada , par les Anglois et les François-
Canadiens.
Scrub pine ( Pin cliétif ), nom en.
usage à la Nouvelle -Ecosse et dans
quelques cantons du District de Maine.
ye//owyt7/Vze (Pin jaune), dénomination
générale dans tous les Etats du milieu.
Short leaved pine ( Pin à courtes
feuilles ) , nom en usage dans les Etats
méridionaux.
Sprucepine (Pin sapin) dénomina-
tion secondaire dans cette même partie
des Etats-Unis.
Jersey pine (Pin du Nouveau-Jersey),
dénomination donnée généralement à
cette espèce dans la partie basse du
New-Jersey où elle abonde.
Scrub pine (Pin cliétif), nom usité en
Virginie et dans les parties de la Pen-
sylvanie où se trouve cet arbre.
Table mountain pine ( Pin de la mon-
tagne de la Table ), seule dénomination
en usage aux environs de cette mon-
tagne, dans la liaute Caroline du nord.
Long leaved pine ( Pin à longues
feuilles ) ,
Yellow pine ( Pin jaune ) ,
\ Pitch pine ( Pin à goudron ) ,
I Broom pine ( Pin à balais ) ; dénomi-
(nations plus ou moins usitées dans la
Noms bolaiiiiines
et anjéricains.
Pinus australis . .
Long leaved pine.
Pinus serotina.
Pondpine. . .
Pinus ligida.
Pitchpine.
Pinus Iseda. .
Lohlolly pine.
Pinus strobus.
iVhite pine.
I.
TABLEAU INDICATIF. 1 7
Nom» Tulgaircs employi-» dans les diverses putici
(les Etals-Uni».
partie basse des Etats du midi , oii croît
seulement celte espèce.
Southern pine ( Pin du midi ) , et
Red pine ( Pin rouge ) , nom donné à
cet arbre dans les Etats du milieu et
du nord, par ceux qui l'emploient, eu
égard au pays d'où il vient et ù sa qualité.
Georgia pitch pine , dans les colonies
des Indes occidentales et en Angleleire.
( Pondpine (Pin des mares ), nom don-
Vné par moi à cette espèce, qui n'en a
• /aucun dans les Etats méridionaux.
( Pitchpine ( Pin à goudron), dénomi-
• y nation générale dans tous les Etats du
• /nord et du milieu.
Lohlolly pine ^ seule dénomination
[dans les Etats du midi.
TVhite pine ( Pin blanc ), quelquefois
[en usage aux environs de Petersburg
^en Virginie.
J^Vhite pine ( Pin blanc ) , seul nom
donné à cet arbre dans tous les Etats-
lUnis, à la Nouvelle-Ecosse et à lalVou-
Ivelle-Brunswick.
Pumkin pine ( Pin potiron ) ,
Saplingpine ( Pin baliveau ) ; déno-
Irainations secondaires dans les Etats
de Vermont, New - Hampsliire et le
District de Maine, quant à la qualité
'-du bois tendre ou dur.
3
i8
Noms botaniques
el américains.
Pi nus strobus.
PJ^hùe pine, .
Abies nigra. .
Black spruce.
( Double spruce. )
Abies alba. . .
TVhibe spniice.
( Single spruce. )
Abies canadensis.
Heinlock spruce. .
Abies balsamifera.
Sjh'er Jir. . . . .
TABLEAU INDICATIF.
Noms vulgaires employés dans les diverses parties
des Etats-Unis.
Pin blanc^ par les François du Canada.
Pin du Lord T^ejmouth, en France
^et en Angleterre.
Black or Double spruce ( Sapin noir
ou Sapin double), dénomination emplo-
yée dans les Etats du nord, le District
de Maine et la Nouvelle-Ecosse.
Red spruce (Sapin rouge), dans les
<f mêmes contrées, eu égard à de plus
grandes dimensions , relativement à cer-
taines localités.
Epine tte noire , et Epinetùe à la
bière , par les François - Canadiens.
Sapinette noire, en France.
TVhite or Single spruce ( Sapin blanc
ou sapin simple) , dénomination égale-
ment en usage dans les Etats du nord, le
District de Maine et la Nouvelle Ecosse.
Epinetùe blanche , par les François-
Canadiens.
Sapinette blanche , en France.
Hemlock spruce ( Sapin hemlock ) ;
seule dénomination en usage dans tou-
tes les parties des Etats-Unis où se trou-
ve cet arbre.
Pérusse, par les François-Canadiens.
tSf /w>y//' ( Sapin argenté) ,
Fir balsani, Sapin baumier),
Balsam of Gilead tree (Baumier de
Giléad);
TABLEAU INDICATIF.
'9
Noms bolaniquei Moms vulgaires empJoyé» dan» le» diverses partie»
et américains. des Etat» Unis.
Abies balsamifera. ( Dénominations ('gaiement en usage
Sylver Tir, . . . . \*^^"^ ^^ partie la plus septentrionale
'des Etats-Unis.
Juglans nigra.
Black Vifalnut.
J. catliartica.
Butter mit. .
■^
Black walniit ( Noyer noir ), seule dri-
Inomination dans les Etats du milieu et
de l'ouest.
Noyer noir , par les François des Il-
linois et de la Louisiane.
'' Butter nut (Noix de beurre ), seul nom
donné à cet arbre dans les Etals de Ne\N-
York et de la Virginie.
TVliite %\?alnut (Noyer blanc), déno-
mination très usité dans les Etats de Pen-
J. olivseformis. .
Pacane nut h^.
J. aniara
Bitter nuthickery
sylvanie , et de Maryland.
0/7/7i^/{^(Noyer àrbuile),nom le plus
en usage dans les Etats du New-Hamp-
l^shire, de Connecticut et de Vermont.
Pacane nut ( Noyer pacane ou Paca-
nier), nom conféré à cet arbre dans la
Vliaute Louisiane, par les François-llli-
' jnois et de la Louisiane, et adopté par
les Américains^
Bitter nut hickery (Noyer amer ) , seul
nom en usage dans les Etats de New-
York^ du New-Jersey.
TVhîte ///cAe/j ( Hickery blanc), dé-
nomination la plus générale dans toute
la Pensylvanie.
Noyer amer ^ par les François-Cana-
diens et des Illinois.
20
TABLEAU INDICATIF,
Noms botaniques Noms vulgaires employés dans les diverses parties
et américains. des Etats-Unis.
J. aquatica i T'Vater hiiber nut , nom donné par
TFaber bit ter w/^jmoi à cette espèce qui n'en a aucun
hickery (dans les Etats méridionaux où elle croît.
r Mocker nut hickery ( Noix moqueu-
se ), connu plus généralement sous ce
nom dans les Etats de New-York et de
New- Jersey.
' ) W^liite heart hickery , secondaire-
J. tomentosa,
M.ocker nut hick^ .
X squamosa . . . .
Shell hark hickery.
J. laciniosa. .
Thick shell bark
ment usité dans ces deux Etats.
Coimnon hickery , en Pensylvanie ,
dans le Maryland et plus au sud.
Noyer dur,^dx les François-Illinois.
Shell bark hickery ( Noyer écail-
leux ), nom le plus en usage dans tous
les Etats-Unis.
Shag bark hickery , dénomination se-
condaire au nord de la rivière de Con-
necticut.
Kiskythomas , par les Hollandois du
New-Jersey.
Noyer tendre , par les François des
Illinois.
Thick shell bark hickery (Noyer é-
cailleux à coque épaisse), nom donné
là cette espèce dans les Etats de l'ouest
où elle est le plus souvent confondue
hickery.
avec le yrai Shell bark hickery (Noyer
(écailleux).
Glocester nut hickery (H^ojer de Glo-
cester en Virginie), connue sous ce
TABLEAU INDICATIF. 21
Nom» botaniques Noms vulgaires employés dans le» diverse» parties
cl américains. des Etals-Uni»,
iseul nom (laas cette partie de la Vir-
ginie.
Sprlngfieldhickery (Tlickery de Spri ng
field), autre dénomination donnée à
cet arbre dans cet endroit, peu éloigné
de Philadelphie.
SPig nut hickery ( Noix à cochon ), dé-
nomination la plus générale dans tous
les Etats-Unis.
X i^ .vi^u .vL^.^y^.j. . X Hog nut hickery (Noix à cochon),
/plus usitée dans quelques cantons de
\\di Pensylvanie.
( Nutjneg hickery nut (Hickery mus-
J.myristicaformis. jcade), nom donné par moi à cette es-
Nutmeg hick. nut, jpèce , qui n'en a aucun dans les Etats
(.du midi.
ifVhîte oak ( Chêne blanc ) , dénomi-
nation générale et unique dans tous les
États Unis.
Chêne blanc , par les François-Cana-
diens.
IMossy cup oak, nom donné par moi
à cette espèce, qui se trouve dans le
Gennessée , ( Etat de New - York ) et
près Albany.
^ ( Over cup white oak CChêne frisé à cros
Q. macrocarpa. . .1 •,. -,r . -'iii
r\ 7-7 </eland ), denominat^ion eenerale dans les
Over cup whi te oak Y i rr i i rr.
/Etats du Kentucky et du lennessee.
22
Noms botaniques
et américains.
Q. obtnsiloba.
Posb oak. . . .
Q. lyrata. ....
Oi^er Clip oak. .
Q. p.'" discolor.
Muhl
Swamp white oak.
Q. p."'palustris.
Chesnub whùe oak
TABLEAU INDICATIF.
Noms vulgaires employés dans les diverses parties
des Etats-Unis.
Post oak ( Chêne à pieux ), dénomi-
nation générale dans les deux Carolines,
la Géorgie et l'Etat du Tennessee.
Iron oak (Chêne de fer ), nom secon-
daire dans ces mêmes contrées.
Box oak ( Chêne buis ) ,
Box white oak ( Chêne buis blanc ) ,
dans l'Etat de Maryland et la partie de
la Virginie qui l'avoisine.
Over cup oak (C. à gland renfermé ),
Swamp post oak ( Chêne à pieux , des
Swamps , )
dénominations également usitées dans
la partie basse des Etats méridionaux.
VV^ater white oak (Chêne blanc d'eau),
.nom secondaire dans les mêmes pays.
Swamp -white oak (Chêne blanc des
Swamps ), dénomination la plus usitée
dans les Etats du nord et du milieu.
TVater chesnut oak, ( Chêne châtai-
gnier d'eau) , dans la Pensylvanie.
Chesnut white oak ( Chêne blanc châ-
taignier ) , dénomination la plus en usa-
ge dans la partie basse des Carolines et
jde la Géorgie.
yf^hiteoak (Chêne blanc), particuliè-
/rement sur la rivière Savannah.
Swamp chesnut oak ( Chêne châtai-
gnier ^Qs Swamps), nom secondaire
-dans les mêmes contrées.
TABLEAU INDICATIF.
23
Noms botaniques
et américains.
Q. p."' monticula. •
Rock chesnut oak.
Q. p."' acuminata.
Yellow oak. . . .
Q. p."' chincapin,
Chincapïn oak. .
Q. virens
Live oak.
Q. pliellos. .
yj^iilow oak.
Q. imbricaria.
Laurel oak. .
Noms vulgaires employé» dan» le» diverses parties
de» Etats-Unis.
Hock chesnut oak{ Chêne châtaignier
des rochers), seul nom donné a cette
espèce dans les Etals de INew-York et
de Yermont.
Rock elrockj oak (Chêne des rochers),
idans cette même partie des Etats-Unis.
Chesnut oak (Chêne châtaignier), seul
nom usité en Pensylvanie et en Virginie.
Yellow oak (Chêne jaune), nom don-
iné à cet arbre dans le comté de Lan-^i
'caster en Pensylvanie.
Aucune dénomination particulière,
dans les autres parties des Etats-Unis.
Chincapin oak ( Chêne chincapin ) ,
idans la partie haute des Carolines et de
la Géorgie.
Small chesnut oak (petit Chêne châ-
[taignier) , dans l'Etat de New-Yorck et
dans la Pensylvanie.
( Live oak (Chêne vert), seule dénomi-
I nation dans tous les Etats méridionaux
Willow o«^ (Chêne saule) , seule dé-
Jnomination en usage dans la Pensylva-
jnie, et dans les Etats situés plus au sud.
Laurel oak ( Chêne laurier ), dénomi-
nation secondaire dans les Etats à l'o uest
des monts Alléghanys.
Rlack jack oak , plus usitée , mais
moins convenable, étant donnée à une
autre espèce à qui elle est conservée.
Chêne à latte, par les François lUin
^4
Noms botaniques
et améi-icaius.
TABLEAU INDICATIF.
Noms vulgaires employés dans les diverses parties
des Etats-Unis.
Q. cinerea f Sarrenswi'llow oak (Chêne saule des
Upla/idwillow oa^U^ndes) , partie basse des Etats du Sud.
Q. pumila C Munjiing oak (Chêne traçant), i^artie
'^ f
oak. . . . I
Kunningoak. . . . ) basse des Etats du midi.
Q. heterophylla
Bai^tram s oak
Q. aquatica. .
JVateroak, . .
Q. feiTuginea. .
Black jack oak.
Q banisteri.
Bear oak.
a- .( Bar tram s oak (Cbêne à W. Bar tram),
• • «Isurla rivière Sdiuylkill, près Philadelpb.
( VF'ater oak ( Chêne d'eau ) , dénomi-
' /nation générale en Virginie et dans les
* /Etats plus au sud.
Black Jack oak , seul nom en usage
[dans les Etats méridionaux.
Barrejis oak(CAiêne des lieux arides),
là Philadelphie, dans le Bas -Jersey et
l'Etat de Delaware.
Bear oak (Chêne d'ours), connu sous
ce nom dans les Etats de New-Jersey et
ide New- York.
Black scrub oak ( Chêne noir chétif ) ,
/dans les Etats au nord de la rivière de
\Connecticut.
Scrub oak ( Chêne chétif) , dans quel-
fques parties de la Pensylvanie et de la
Virginie.
îî. . . \
Barrens scrub oak (Chêne chétiî ou ra-
Q. catesbcei. . . 'J^ougri des landes), dans les partie basses
Barrens scrub oak. |^^^ ^^^^ Carolines et de la Géorgie.
f\ f \ i c iS/7«/zz*jAoûÂ: (Chêne d'Espagne), seul
o* .7 7 /nom en usaee dans les Etats de Pensyl-
àpamsh oak. • • \ . ^ ... ^
(vanie , Maryland et Virginie.
TABLEAU INDICATIF.
1J
Noms hotaniqiies
et américains.
Qucrcus falcala.
S/ ni t lis h oak . .
Q. linctoria.
Black oak .
Q. coccinca .
Scarlet oak .
Q. ambigua.
Grej oak. ,
Qucrcus palustrls.
Pine oak
Q. rubra
Ked oak.
Betula papyracea.
Canoë birch . .
I.
Noms vulgaires cmf>Ioy<5» dins les «liycrbt» parties
des Ltals-Ucis.
' jRed oak (Chêne lou^e) , dans la partie
basse des Etats méridionaux.
' Black oak (Cliêne noir), seule de'no-
imlnaiion dans tous les Etats du milieu ,
'de l'ouest et du midi.
IQuercitroîi oak^ nom du commerce;
CJtcne noir , par les Erancois-lllinois.
/ Scarletr oak ( Chêne écarlale ) , nom
idonnc par moi à cette espèce, qui^ dans
I tous les Etals du milieu, porte le nom du
iChêne rouge, red oak^ étant confondue
[avec une autre espèce, à laquelle nous
réservons cette dénomination.
Grey oak (Chêne gris), seul nonidon-
Iné à cette espèce dans les Etats de ISe^v•
Hampshire , et de Vermont , ainsi que
Idans le District du Maine, la Nouvellc-
\ Brunswick et la Nouvelle-Ecosse.
PiTie aok ( Chêne à e'pingle ) , nom
1 donne' à cette espèce dans les Etals de
[New-York et du New- Jersey.
Swamp Spanish oak ( Chêne d'Espa-
l^ne, des marais), dans les Etats de Pcn-
fsylvanie et de Maryland.
Red oak (Chêne rouge) , connu sous
i cette seule de'nomination dans tous les
Etats du nord et du milieu.
( Canoë hirch (Bouleau à canot),
'l Paper hirch (Bouleau à papier),
" l Dénominations également usitées dans
4
26
TABLEAU INDICATIF.
Noms botaniques
et américains.
Betula papyracea.
Canoë hircli. .
Betula populifolia .
JVhite hirch. .
Betula rubra
JRed hirck
Betula lenia .
Black hirch.
Noms vulgaires employés dans les diverses parties
de.s litals-Unis.
les Etats de New-Hampsliire , Vermont,
lie District de Maine , Ja Nouvelie-Ecos-
jse , et plus au nord.
JVhite èzrcA (Bouleau blanc), e'gale-
j ment employée dans les mêmes contrées.
Bouleau à canot , par les Français-
Canadiens.
JVhite hirch (Bouleau blanc) ,de'no-
Iminalion générale dans les Etals du nord
'et du milieu.
Olclfield hirch (Bouleau des terreins
secs ou des cbamps abandonnes).
Red hirch (Bouleau rouge ) , dans l'Etat
du New- Jersey et dans quelques can-
tons de la Pcnsylvanie.
Broom hirch ( Bouleau à balais ,) nom
[secondaire dans la Pcnsylvanie.
Birch (Bouleau j, dans les Etats plus
au sud.
Black hirch (Bouleau noir), de'nomi-
nation la plus en usage dans les Etats du
Inord et du milieu.
Cherry hirch (Bouleau merisier),
[nom secondaire dans quelques cantons
[des états du nord.
Sweet hirch ( Bouleau odorant ) , dans
Iles Etats du milieu.
Moutain mahoganj {Acajou de mon-
Itagne), dans une partie de la Virginie.
Cherrj hirch (Bouleau mei^isier ) , par
les Français du Canada.
T A 11 L i; A U I > 1) l (J A l' I F.
27
INuiiis Lolaiiiijue.s
et américains.
Betula lutca . .
Yellow birch.
Castanca vesca
Chesnut. . . .
Casianea pumila
Chincapin . . .
Fa;; us sjlvesiris
IVliite heccli .
Koms vtilgaiie» employé» dans le» diverse» partie»
des Elals-Uois.
Yellow birch (Bouleau jaune), nom
donne à celte espèce dans les Etais de
Vcrmont et de Ncw-Hampshire , ainsi
|que dans le District du Maine et la pro-
vince de la Nouvelle-Brunswick.
Chesnut ( Châtaignier ) , seul nom
dans toutes les parties des Etals-Unis où
croît cet arbre.
Chincapin^ seule dénomination dans
les Etats du milieu , du sud et de l'ouest.
Beech (Hêtre), dans les Etats du mi-
|lieu et de l'ouest.
TVhite beech ( Hêtre Liane), dans le»
lEtats les plus septentrionaux et le District
de Maine.
F. fcrruginea. • . •( ^erf ^eecA (Hêtre rouge ) ^ dans les
Red beech (Etats du nord et le District de Maine.
Cliamœrops palme-/- Cabale tree (Ç\\.o\x. palmiste), dans la
^o 'v partie maritime des États méridionaux.
Cabage l,ree ....(.
, American Holly ( Houx d'Améri-
Tl 1 • '
uex opaca y que), dans toutes les parties des Etats-
Amerlccui /^o/Zj .|unis où il croît.
iPersimons , seule de'nominalion dans
tous les États-Unis où cet arbre se trouve.
Plaqueminier, par les Français de la
Haute et Basse-Louisiane.
Acer eriocarpum .
JKhite maple . .
Tyhite maple (Erable blanc), seule
I de'nominalion sur les bords de l'Ohio et
des rivières qui viennent s'y rendre.
Soft maple (E. tendre), dans les Etats
!i8
TABLEAU INDICATIF.
Noms botaniques
et américains.
Acer eriocarpum.
White ma pie, .
Noms vulgaires emploies dans les diverses parties
des Elats-Unis.
> Atlantiques, où cette espèce est souvent
[confondue avec le vrai Érable rouge.
S/r wager maple, en Angleterre, oii
cet arbre a e'te' introduit.
Red flowering maple ( Erable à fleurs
rouges ) ,
Swamp maple (Erable des swamps),
Soft maple (Erable tendre),
Dénomination en usage dans tous les
Etats Atlantiques.
Celle de redjlowering 772«yf?/e( Erable
à fleurs rouges j, l'est davantage en Yir-
ble len-
York
Acer rubrum. . .
Red flowering ...
, \ginie , et celle de soft maple ( Erabb
Idre ) , dans le bas de l'Etat de New-
A. saccharlnum .
Sugar maple. . .
jet du New-Jersey.
Maple tree (a.ihre d'Erable), dans la
[Pensjlvanie , la Virginie et l'Etat de
[rOhio, à l'ouest des monts Alle'ghanys.
Erable plaine y par les Français du
Canada,
Sugar maple (Erable à sucre), de'no-
mination ge'nërale, mais qui ne prévaut
[cependant que dans les Etats du milieu
a l'est des monis Allcghanys ; sous ce
iméme nom, on comprend souvent cn-
/core dans le Gënessée, l'espèce suivante.
Rock maple ( Erable des lochers), nom
iqui prévaut dans tous les Etats situés au
'nord de la rivière Hudson , ainsi que
dans le District de Maine , la Nouvelle-
Brunswick et la Nouvelle-Ecosse.
ï A H L i; A U I > D I C A T I F. 2(J
Noms liotyniqiK» iSoms vulg.iiies eriiplovcs dans le» fliTer«es parties
et iiriiciicaliis. îles KtaU-Uiiii.
illard maple (Erable dur) , sccondai-
xxv.<.. ^^^ rement en usage dans ces mêmes Etais.
Si/gar maple • • •) Erable sucre y par les Français du
' Canada.
Sii^ar trce ( Arbre à sucre), de'nomi-
nation générale sur les bords de l'Ohio
et des rivières qui viennent s'y rendre ,
A. nigrum joù souvent encore, l'on de'slgne sous le
Black siigar tree. \n\énie nom, l'espèce pre'cédcnte.
Black sugar tree ( Arbre noir à sucre),
nom secondaire mais qui doit cire prè-
fe're'.
Box elder ^ seule de'nominaiion dans
les Etats de l'Ouest, où cet arbre est le
Iplus abondant et le plus connu.
A. nes^undo . . . .] Ash leaved maple (Erable à feuilles
Box elder ]de frêne), nom qui lui est donne quel-
quefois dans les Etals Atlantiques.
Erable à giguiè?^e , par les Français
des Illinois.
Moose woo<:Z(Bois d'Elan), de'nomina-
iion générale et unique dans tous les
. . lEtals du nord, ainsi qu'à la Nouvelle-
A. striatum ) \
Brunswick et a la Nouvelle-Ecosse.
Striped maple ( Erable jaspé ), par
'quelques personnes dans les Etals du
milieu.
Large tiipelo (Grand Tupelo), nom le
,y T 1 . . j plus général dans les Etats du sud.
?<yssa grandidenlataJ t ^
r . 1 \ ^^i2^^r ^z/pc/of Tupelo deau), nom
Large tupelo . . . j ,
secondaire dans les mêmes Etats.
Moose wood
3o
TABLEAU INDICATIF.
Noms Lotaniq\ies
et anséricains.
Nyssa capitata.
Sour tupelo .
Noms vulgaires eniplnvés dans les diverses parties
des Elals-TJnis.
N. sylvatica.
Black gum
N. aqualica
Tupelo . .
Gymnocladus dioi-
ca
Coj^ee tree
Sour tupelo (Tupelo à fruits aigres) ,
dans l'Etat de Géorgie,
Blak gum (Gommier noir, de'nomi-
nalion la plus en usage dans tous les
'Etats , au sud de la rivière Delaware.
Sour g^ï//?! ( G. sûr), nom secondaire.
Yellow gum (Gommier jaune), eut
égard à la couleur du bois.
Tupelo, nom donné a cet arbre dans
les Etats de NeAV-York et du N.-Jersey.
Sour gum (Gommier sur), dénomi-
nation secondaire dans ces mêmes par-
tties des Etats-Unis.
(Peperidge , fréquemment usitée par
les Hollandais du INew-Jersey.
Coffee tree ( Arbre à café ), seul nom
donné a cet arbre dans les Etals de
l'ouest.
Chicot ^ par les Français du Canada.
Georgia bark tree (Quinquina de la
Pinckneya pubens.j Géorgie), nom donné par moi à cet ar-
bre , qui n'en a aucun dans le pays.
Georgia bark .
Cupressus dislicba.
Cyprès s
Cjpress , dénomination générale dans
tous les Etats-Unis.
Bald cjpress ( Cyprès cbauve ) , nom
'moins usité.
Black and Tf^hitè cjpress ( Cyprès
jnoir et Cyprès blanc ) , eu égard à la qua-
lité et a la couleur du bois.
T A B L r: A L' I -V T) I (J A T I l\
:u
Noiiis liolaniciue»
et .ii.'iciicaiti».
Cuprcssus lliyol-
dos
IVkUe ceddr. . . .
Thuya occidentalls.
Athor çïtœ. . .
Larix americana.
Ainerican larch.
Juniperus vlrginia-
na. •
Red ccdar
Olea americana. .
Devil wood. . . .
INoNis viil^. lires <:iti]>loy<?<< <):iiis Il'S (livf;rfie<i iiirliffs
deij ElalH-Unis.
f^/iile cedar (Gôdre blanc), seule
idcnominalion dans Jcs Etals de Ncw-
lYork, du New-Jersey, de la Delaware et
de la Pensylvanle.
Juniper (Genévrier), dans les Etals
[de Maryland, de Virginie el de l;i Caro-
line du nord.
Arhor iviUe, denoniinalion secondaire
dans le district de Maine, mais qui doit
elre pre'f'e're'e.
yV}iltc cedar ^ nom plus en usaqe dans
le district de Maine, FEtat de Vcrmont,
[et la partie la plus reculée du i\ew-
iHampshire.
Cèdre blanc ^ par les Français du Ca-
nada.
American larc/i (Mélèze d'Ame'rique),
dénomination générale dans toutes les
[parties des Etals-Unis où se trouve cet
[arbre.
Hacmatach , plus usitée dans les Etals
|du nord et le district de Maine.
Tamarack,i^aiY\Qs Hollandais duNew-
Jersey.
r Red Cedar (Cèdre rouge) seul nom
/donne à cet arbre dans toutes les parties
l^des Etats-Unis où il croît.
DeviL wood (Bois du diable), nom
donne' à cet arbre sur la rivière Savanah,
dans i'Eîat de Géorgie.
32
TABLEAU INDICATIF.
Noms botaniques
et américains.
Carpinus ostrya
Iron wood. . .
Noms vulgaires smployés dans les diverses partie»
des Etats Unis.
Jro7i ipoocl ( Bois de fer ) , seule déno-
mination dans tous les Etats, situes au
[sud de la rivière Hudson.
Lever wood (Bois à levier), dans le
district de Maine et l'Etat de Vermont.
Carpinus americana i American horn beam ( Charme d'Anié-
American liorn- / rique ) , seul nom donne à cet arbre dans
^^^'^ (toute l'étendue des Etats-Unis.
Hopea tinctoria.
Sweet leaves .
Malus coronaria.
Crab apple. . . .
Su'eet leas'es (Feuilles douces), seule
fnominalioi
méridionaux.
dénomination en usage dans les Etats
Crab apple (Pommier sauvage), nom
donné à cet arbre dans tous les Etats du
'milieu.
June berry^ nom donné à cet arbre
Mespilus arborca. .jdans tous les Etats du milieu.
June berrj ] /^7/<:Zyt?d?rtr (poirier sauvage), dans le
district de Maine.
The Large magnolia ( le Grand Ma-
gnolia), dénomination la plus en usage
Magnolia grandiflo-lparmi les liabitans des villes des Etais
ra I méridionaux.
The large magno-i Bi^laurel (Grand Laurier), plus usi>
lia L ' j 1
Itee dans les campagnes.
Laurier tulipier^ par les Français de
la basse Louisiane.
TABLEAU INDICATIF. 33
Noms botaniques Nom» vulg.iireg eriiployc'» <lanf. ]is diverse» partie*
c-t américains. dt» Etali» Unis.
Small mai^nolla (Pelit magnolia ou
seulement magnolia), nom donné par
beaucoup de personnes, à cet arbre à
iNcw-York et à Philadelphie, ainsi que
dans la partie du New-Jersey qui avoi-
|siiic ces deux villes.
IMagnolia glauca . . I Swamp sassafras ( Sassafras des
The small magjîo- svvamps ou marais), nom secondaire à
^'^ [une certaine distance de ces deux villes.
Sweet baj , T^hite hay et swami/s
\Iaiirel , noms plus en usaj^e dans la par-
|ile mariiime des Etals méridionaux.
Beaver woocl (Bois de Castor), nom
tombé en désuétude , autrefois en usa-ic
dans le New-Jersey.
M acuminata. . . .1 <^«<?'^^^^''^/'ee (Arbre à Concombre),
cumher tree V'^ ^'ouest, ainsi que sur la chaîne des
[monts Alléghanys.
iThe heart leaued mas^nolla ( Maçrno-
lia à feuilles en cœur), nom donné par
moi à cette espèce qui croît dans la
Haute-Géorgie et qui y est confondue
avec la précédente.
, c The uln'^reUa tree (Arbre parasol),
M triDetala . . .\ ^ i ^
' ^ j 11 ' /seule dénomination donnée à cet arbre
The iimbreUa tree.} , , ^ , ... , ,
/daus les Etats du milieu et du sud.
M. auriculata. . . .( ^^'^ ear leaved magnolia (Magnolia
The ear W^F' ^^^^^^^^ ^"'■^^"^^'^^) '
7- \ Inàian »/imc, dénomination plus usi-
magnolia I -'""^" ^ , ,
I téc par les habitans des montagnes de la
.. 5
34
TABLEAU INDICATIF.
Noms botaniques Noms vulgaires employés flans les diverses parties
et anoéricains. des Etais-Uuis.
Caroline du nord et de la Virginie , mais
moins convenable.
Long leaved cucumber tree ( Arbre a
The car ^^^««"^^A concombre à longues feuilles), secon-
'dairementen usage dans les mêmes con-
trées.
M. auriculata.
viagnolia.
M. macrophylla. . .( ^"'^^^ ^^"^^^^ magnolia (Magnolia à
Large leaued m^-(S^^"^^^ feuilles), nom donné par moi à
/• 1 celte espèce qui est confondue avec la
^noLia I A A
l précédente.
Fraxinus americanaf ^^"'^^ «^^^ (Frêne blanc), seule dé-
Whlte ash (nomination dans toutes les parties des
[Etats-Unis, où croît cet arbre.
! Red ash (Frêne rouée), dénomina-
1 1 ''11 1 1-.
tion la plus générale dans tous les Etats
du milieu, ou cette espèce est Ja plus
abondante.
. ( Green ash (Frêne vert), nom donné
F. viridis 1 . , , . ,
{ par moi a cette espèce , qui n en a au-
Green ash J , , , „
I cun dans le pays ou elle croit.
T-, 1 1 . C Bliie ash (Frêne bleu), seule déno-
F. quadrangulata. .) . . ^ ^ /
„7 7 <mination dans les Etats de Rentuckv et
BLue ash. . . . . .] ^ ^ •>
{de Tennessee.
Black ash (Frêne noir), dénomina-
Fraxinus sambuci-jtion la plus générale dans les Etats du
folia ^nord et du milieu.
Black ash J fVater ash ^ nom secondaire dans
(cette même partie des Etals-Unis.
TABLEAU INDICATIF. 35
Noms Lolaiiiqucft Noms vuigujrc-s einjiloyës dans Ifs diverse» parlie*
et américaius. des Etals-Unis.
iCarolinlan ash ( Frêne de la Caroli-
ne), nom donné par moi à celle espèce,
qui n'en a aucun dans le midi des Etais-
Unis.
Gordonia lasyan-l Lohlollj hay ^ seule dc'nominalion
ihus (dans la partie basse des Etats méridio-
LobloUj baj. . . .(naux.
G nubescens. .( Franllinia , nom donne à cei arbre
Franklinia . . ,\par W. Bartram,en l'bonneur du doc-
lieur Francklin.
IDog wood (Bois de cbien% seul nom
donné à cet arbre dans tous les Etats-
Unis.
Bois de Jlèche bâtard^ par les Fran-
çais de la baute Louisiane.
Rhododendron ma-. Swamp laurel (Laurier des swamps
ximum 'q^ marais), sur les monls AUégbanys
Swamp laurel. . . (^{i cet arbre est le plus abondant.
f Mountain laurel ( Laurier de mon-
tagne), dénomination la plus générale
[sur la chaîne des monts AUégbanys.
Kalmia latifolia. . . j Sheep laurel ( Laurier à mouton ) ,
Mountain laurelb''''^ secondaire dans les mêmes en-
Idroits.
Callicoe tree, dans quelques parties
des Etats méridionaux, et notamment
^sur la rivière Savanab.
^ . . . i Vydd cherry { Cerisier sauvage ) , seul
Gerasus virginiana. i , i i
TTrij 1 (nom donné a cet arbre dans toutes les
yyila cherry . . .| ^ . , ..
! parties des Etats-Unis ou il croit»
36 TABLEAU INDICATIF.
Noms botaniques Konis vulgaires eriiplinés d.iiis les diverses parties
et américains. Jes Et.ns-Unis.
Cerasus caroliniana. f ^^^'^^' orange (Orange sauvage) , seul
JFdd oran<^e . . \^^^ donne à cet arbre dans la partie
'maritime des Etats me'ridionaux.
IRed cherry (Cerisier à fruit rouge) ,
de'nomination moins usite'e que celle de
smalL cherry (petit cerisier), mais plus
convenable.
A * M 1 f /^^/7«w', seul nom donné dans les Etats
Annona triloba . . ) , . .
p y'u miheu et de Fouest, Çassimùiler)
Ipar les Français de la liaule Louisiane.
Gleditsia 5-acan-i ^one)-- /ocw^f (Fevier à miel), connu
tnos. . . ^ . . . ..sous ce seul nom dans toutes les parties
Honey locusL, . -des Etats-Unis où croit cet arbre.
G, monosperma
Sx^'amp locust(^Fevier des swamps ou
marais), dans la partie maritime des
Etats méridionaux.
Swamps iocust . À Water locust ( Locust aquatique ) ,
nom secondaire dans cette même partie
des Etats du midi.
Lan rus sassafras. . -f ^Vz^^^TZ/'c^i-, seul nom donné à cet arbre
Sassafras .... .[dans tous les Etats-Unis.
. , ( Red hay (Laurier rouge), seul nom
L. caroliniensis. . .) i » . ^ j i
/donne a cet arbre dans la partie mari-
■^ I time des Etats du midi.
iButton wood (Bois à bouton), con-
nu généralement sous cette dénomina-
tion dans tous les Etats-Unis, mais prin-
cipalement en usage dans les Etats at-
lantiques.
TA 13 Li. AU INDICATIF. 3*]
Nfims botaniqiips Koins viilj^aircs ('mploy^-* datii li-s <live:HC« p;irtte»
et américains. des lùalK-Unis.
Plane et sycomore y noms plus usilës
[dans les Etais de l'ouest.
Platanus occidenta- j PVaterhcfjch(^\lè\.vcià'cdi\i)j nom don-
lis /ne à cet arbre dan.'j quelques parties de
Biitlon wood . . .jrEiat de Maryland et de la Virginie.
Cotonler, par les Français de la haute
Louisiane.
Liquidambar styra- C Sweet gum , ( Gommier doux ) , deno-
^^fl"^ \minalion ge'nërale et unique dans tous
Sweetgum 'les Etats-Unis.
Poplar, dénomination gcne'rale dans
tous les Etats-Unis.
Tulip tree (Tulipier), nom peu en
Lyriodendron luli-!usage.
pifera. .,..../ Yellow OYwh^IepopIa^{V(l^^^\\QT]2i\l-
Popla^ or Tnlip\\^^ ou blanc), eu égard à la couleur du
tree. Jbois de cet arbre.
PP^hite ii>aod (Bois blanc), nom le
'plus en usage dans le Gennessée.
Bois /mine, par les Français Illinois.
Calalpaùree (Arbre des Catawbaws,
P)^gnoma catalpa, .jet par corruption Catalpa), dénomina-
Lataipa tree. . . .hion générale dans tous les Etats méri-
dionaux.
Andromeda arbo-. Sorel tree (Arbre à l'oseille), nom
ï'^^ 'donné à cet arbre sur les monts Allé-
Sorel tree fghanys, et dans les Etats du milieu.
Celtis occidenialis. t American netle tree ( Micocoulier
Amer, nette tree. .(d'Amérique), dans tous les Etats-Unis.
38
TABLEAU liNDICATlF.
Noms botaniques
et aiuéi'icaius.
Cellis crassifolia.
Hack beriy tree.
Mo rus rubra .
Red mulbcry.
Pavîa liitea .
Buck eje. .
Esculus ohioensis.
Ohio buck eje . .
Robinia pseudo-aca-
cia
Locust
R. viscosa. . . . . .
Rosefloweriug lo-
cust.
Noms vulgaires employés dans les diverses pavlies
des Etats-Unis.
f Hack berry tree, seul nom donné à
cet arbre dans les Etats du Kentucky et
de Tennessee.
Hoop as h (Frêne à cercles), sur les
bords de l'Ohio, en Pensylvanie et en
Virginie.
Black elder (Aune noir), dans cette
même partie des Etats-Unis, mais moins
en usage.
\ Red mulherj ( Mûrier rouge ) , seul
\nom donné à cet arbre dans tous les
(Etats-Unis.
Buck e)^e(OEil de daim), seul nom
'donné à cet arbre sur les monts Allégha-
'nys et dans les Etats de l'ouest.
' Ohio buck e^e (OEil de daim, de l'O-
hio), nom donné par moi à cet arbre, qui
fest confondu avec l'espèce précédente.
Locust ( Robinier ou Acacia ) , déno-
mination générale dans tous les Etals-
lUnis.
i^e/ZoîV /oci/^f( Acacia jaune),
Red locust (Acacia rouge),
Black locust ( Acacia noir ) ,
Noms donnés à cet arbre sur les bords
[de la rivière Susquehannah, eu égard a
la couleur de son bois.
Roseflowering locusù (^Acacm à fleurs
roses), nom donné par moi à cette es-
ipèce qui n'en a pas dans le pays des
Cbérokées, où elle croît.
TABLtAU INDICATIF.
39
Noms botaniques
et Hinéiicains.
Virgilia lulea. .
ydlow wood.
Ulmus aniericana.
White eliïi. . . .
Noms iiilgiircs employés Jan>i les diverses parties
des £luls-Uiii8.
' le//ow woofi( Bois jaune), nom (lon-
.né à cel arbre, dans l'Elat de Tennessee.
White elin (Orme Liane), dénomi-
nation gc'ne'rale dans toutes les parties
'des Etats-Unis où croît cet arbre.
Ulmus alata.
Wahoo . .
Ulmus rubra .
Red elni. . . .
C PVahoo, nom donne' à cette espèce
Vdans la partie maritime des Etats du
Imidi.
Red elm ( Orme rouge ) , nom le plus
ge'néralement en usage, dans toutes les
[parties des Etats-Unis où se trouve cette
lespèce.
Sliperf elm, nom secondaire dans les
\Etats de New- York et de New-Jersey.
A'Ioose elm (Orme d'Elan), dans le
[haut de l'Etat de New-York.
Orme gras, par les Français des 11-
Jinois.
Planer tree, nom de la personne à
Planera ulmifolia. .Ilaquelle cette espèce a e'të consacrée,
Planer tree iet qui jusqu'à pre'sent n'en avoit pas
encore reçu dans les Etats du midi.
Populus tremuloï-/ American aspen {Tren\h\e à' kméxx-
des /que), nom donne' à cet arbre dans les
American aspen. .1 Etats du milieu et du nord.
Populus grandiden-T American large aspen (grand Trem-
*^*^ jble d'Amérique), nom donné par moi à
American "i!/';^<?| cette espèce qui est ordinairement con-
aspen f fondue avec la précédente.
[\0 TABLEAU INDICATIF.
Noms botaniques Noms vulgaires employés dans les diverses parties
et américains. des Etats-Unis.
( Cotton tree ( kxhxe A coi^Ti) ^ connu
Populus areenlea. .1 i i i i • • > i
^ /par ce nom, sur les borus la rivière cie
Cotton tree \z. -,
/ôavanah.
I American hlack poplar ( Peuplier
noir d'Ame'rlque ) , nom donne' par moi
à celte espècede peuplier, qui, jusqu'ici
n'a été connu sous aucune de'nominaiion
particulière.
Populus monilifera.( . ^^^ë^''^^^ P^P^"^ (Peuplier de Virgi-
TV-. . . 7 /nie), nom donné en Europe à celte es-
y irginian popLar.\ , ^' ^
Populus canadensis.C Cotton wood (Boisa coton), nom
Colton wood . . .\*^omié à cet arbre sur les bords du Mis-
Csissipi et de ses afïluens.
T» , I / C«ro/m/««uow/flr (Peuplier de Caro-
Populus angulata. .1 , ,
.-, j . jline ), nom donné à cet arbre en Europe,
LaroLonian po- J ^ , , , . . .
, J parce qu'd y a ete apporte primitive-
(ment de cette partie des Etats-Unis.
Populusbalsamifera. ^^^^^^^^ ^^^^^^ (Peuplier baumier),
Balsam poplar . \^^^^^ ^^^^ ^^ ^^^^ en Canada.
Populus candicans.j j^^^^,^ ;^^^^j halsam poplar (Bau-
Heart Leavea oal-\ . , ^ .,, n
sam poplar. . . J"^^*^»' ^ ^^^^^^^^ ^^ ^«^"0-
Bass wood ( Tilleul ) , dénomination
qui prévaut dans tous les Etals du nord
et du milieu , et notamment dans le Gen-
Tllia americana.
Bass wood . ,
Inessee.
Lime , non moins en usage.
^.,. „ ( ^^/uYd? //me (Tilleul blanc), cette es-
Tdia alba J i j i r/-,i • c
J , , . S pece , sur les bords de 1 Ohio , est conton-
* (due par les liabitans avec ia précédente.
TABLEAU INDICATIF.
4»
Koms botaniques
et américains.
Tilia pubescens
Dwonj lime tree
Alnus serrulata .
Common aider
Alnus glauca . .
Black aider . .
Sallx nigra . . .
Black willow .
Salix ligustrina.
Noms vulgaires employés dans le» diTerses partie»
des Etats-Unis.
iDwony lime free .( Tilleul à feuilles
velues ) , ainsi designé dans les Etais méri-
dionaux.
( Common aider ( Aulne commun ) ,
(dans tous les Etats-Unis.
Black aider (Aulne noir) , nom donné
a celte espèce dans l'Etat de Vermont.
i Black -willow (Saule noir), dénomi-
nation générale dans tous les Etats-Unis.
Champlain willow ( Saule du lac
I Champlain ) , nom donné par moi à
li se trouve très-abon-
ChamplainwillowY^^^'' ^^P^^^ ^"^
damment sur les bords de ce lac.
Shining willow (Saule luisant), nom
donné par moi à cette espèce qui n'en a
'aucun dans les Etats du milieu.
Salix lucida. . . .
Shining willow .
I.
6
fc.^V-»^»'»'»»^/»'*.'*-».^'^
fc-«.'^V-»^».X-»/-VWW».-V-W-V^r-W-W^'W>.'«>'V'«,-VW^^,'«K>W^«^-VV
LES PINS.
JLiES Pins, arbres toujours verts et ordinairement
d'une grande élévation, sont un des genres les plus
intéressans à connoitre , à cause des grandes ressour-
ces qu'ils offrent dans les arts, non-seulement pour
leurs bois, mais encore pour les matières résineuses
qu'ils fournissent. La différence la plus apparente
entre les Pins et les Sapins consiste dans la dispo-
sition de leur feuillage. Les feuilles des Pins , plus
ou moins longues, selon les espèces, et comparables
en quelque sorte à de petits bouts de gros fil , sont
réunies par leur base au nombre de deux, trois ou
cinq, dans la même gaine et au même point d'atta-
che. Dans les Sapins au contraire , les feuilles n'ont
que quelques lignes de longueur, et sont attachées
une à une autour des branches, ou seulement à leurs
côtés latéraux.
Pour rendre plus facile la distinction des espèces
de Pins et de Sapins qui sont plus nombreuses dans
les Etats-Unis que dans l'Europe entière, j'ai pensé
qu'il étoit à propos de ranger les premiers d'après le
nombre de leurs feuilles, et suivant que leurs cônes
sont ou ne sont pas épineux ; et les Sapins suivant
les différentes dispositions de leurs feuilles.
l-'*'^'V*<"*<^«'X«V-^^-»r^^,<^^-^^,-^^,^,^,.^^^ '«•%%>^
DISPOSITION MÉTHODIQUE
DES PINS ET DES SAPINS
DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
PINS.
Monœcie Monadelphie ^ Lin. Fam. des Conifères y 3 ma.
PINS A DEUX FEUILLES.
CÔNES NON ÉPINECX.
1 Pinus rubra The Red {Norwaj) pine,
2 Pinus rupestris. . . The Grey pine.
3 Pinus mitis The Yel/ow pine.
CÔNES ÉPINEUX.
4 Pinus inops The .Tersey pine,
6 Pinus pungens. . . . The Table mountain pine.
PINS A TROIS FEUILLES.
CÔNES NON ÉPINEUX OU A ÉPlNES PEU SENSIBLES.
6 Pinus australis. . . . The Long leaved pine.
7 Pinus serotina. . . . The Pond pine,
CÔNES FORTEMENT EPINEUX.
8 Pinus rigida The Pitch pine.
9 Pinus taeda The Loblolly pine,
PIN A CINQ FEUILLES.
10 Pinus strobus, . . . The White pine.
SAPINS.
FEUILLES TRES-COURTES ET DISPOSEES UNE A UNE AUTOUR DES TIGES.
1 1 Abies nigra The Black {double^ spruce.
1 2 Abies alba The IVhite {single) spruce.
VEUILLES DISPOSÉES LATERALEMENT SUR LES CÔTES DES TIGES OU DES BRANCHES.
i3 Abies canadensis. . The Hemlock spruce»
i4 Abies balsamifera. . The Sylver fir.
P/.J'.
P J A'„:u,.'e „w
JiiiiVi
FINIT s Tluljra .
PINUS RVBR^.
THE RED FINE.
( Norway pine. )
Pi NUS rubra^ arhonnaxima; cortice rubente ; foliis hinis
^-^ -uncialihus y vagmis ferè unci'alibus ' strobilisovato-
conicis , basi rotundatis , folio demidio - brevioribus ,
squamis inedio dilatatis , mermibus.
P. resinosa; Ait. Hort. K" .
Cet arbre est connupar tous les François du Canada
sous le nom de Piîi rouge ^ nom que lui ont conservé
les Angloisqui sont venus habiter cette colonie. Dans
la partie la plus septentrionale des Etats - Unis , qui
comprend le District de Maine, le New-Hampshire
et l'Etat de Vermont, il est désigné sous celui de
Norwajpine, Pin de Norwège, quoi qu'il en difFère
totalement, puisque ce dernier est V A bies pice a , es-
pèce de Sapin qui croît en Europe. Il seroit donc à
désirer que le nom de Red pine. Pin rouge, prévalût
dans les Etats-Unis, d autant plus qu'il est fondé sur
un caractère particulier à cet arbre , comme nous le
ferons remarquer dans la suite de cet article.
Dans le voyage que mon père fit à la Baie d'Hud-
son en 1792, pour essayer de déterminer en revenant
du Nord au Sud l'apparition et la disparition succes-
sive des arbres et des plantes de l'Amérique septen-
trionale , il ne commença à trouver le Pinus rubra
que près le Lac Saint-Jean en Canada, situé par le
480 de latitude, et vers le Sud il n'a pas été observé
par moi, au-delà de Wilkesburry en Pensylvanie?
latitude 4i° 3o'. Le Pijius rubra est même très-rare
46 PINUS RUBRA.
dans toutes les contrées qui sont au midi de la riviè-
re Hudson ; on le voit encore à la Nouvelle-Ecosse, où
il reçoit , ainsi qu'au Canada , le nom de Pin rouge
et quelquefois celui de Pin jaune. Makenzie, dans son
voyage à l'Océan pacifique, fait aussi mention de cet
arbre, comme se trouvant au-delà du Lac supérieur.
Dans aucune des parties des Etats-Unis que je
viens d'indiquer, je n'ai jamais vu le Pinus ruhra
former de vastes forets , ni même entrer en grandes
proportions dans leur ensemble , comme VAbies ni-
gra^ VAbies Canadensis et le Pinus strohus ; mais
il couvre seulement de petits cantons de quelques
centaines d'arpens , où il est ordinairement seul ou
quelquefois entremêlé avec ce dernier. Comme la
plupart des autres espèces de ce genre , le Pinus
rubra vient dans des terreins arides et sablonneux ,
et sa végétation n'en est pas moins magnifique , car
il s'élève de 22 à 25 mètres (70 à 80 pieds j sur 5o
à 60 centimètres (20 à 24 pouces j de diamètre; et
ce qui rend surtout cet arbre remarquable , c'est la
grosseur uniforme de sa tige dans les deux tiers de
son élévation.
Le nom de Pin rouge qu'il porte en Canada lui
vient sans doute de la couleur de son écorce , qui
est d'un rouge plus prononcé que dans aucune au-
tre espèce de Pins des Etats - Unis ; cette couleur
m'a paru être pour celle-ci, un caractère assez sail-
lant pour lui donner le nom spécifique de rubra y
de préférence à celui de resinosa^ employé d'abord
par Alton , et adopté par Sir A. B. Lambert. Une
PINUS RUBRA. 47
autre considération m'a encore induit à ce change-
ment, c'est que beaucoup de personnes croiroient ,
ce qui seroit une erreur, que c'est de cet arbre qu'on
extrait les matières résineuses qui sont employées
en Amérique dans les constructions navales, et ex-
portées pour le même objet.
Les feuilles du Pinus rubra sont d'un vert sombre,
longues de i3 à i4 centimètres ^ 5 à 6 pouces) , et
réunies deux à deux ; elles sont rassemblées en pa-
quets à l'extrémité des branches , comme dans le
Pinus australis ou le Pinus niaritima , et non
éparses sur les rameaux, comme dans le Pinus sjl-
vestris ou le Pinus inops. Les fleurs femelles du
Pinus ruhra sont bleuâtres dans les premiers mois
de leur apparition , et ses cônes , qui sont dépour-
vus d'épines , ont environ 3 centimètres (^ 2 pouces j
de longueur; ils sont arrondis à leur base, se termi-
nent promptement en pointe, et laissent échapper
leur semence la même année.
Les couches concentriques sont très-rapprochées
dans le Pinus ruhra ^ et son bois travaillé présente
un grain fin , serré et compacte ; il est même assez
pesant , à cause de la matière résineuse dont il se
trouve imprégné. Dans le Canada , la Nouvelle-
Ecosse et le District de Maine , il est fort estimé
pour sa grande force et l'avantage qu'il a d'être du-
rable; aussi l'emploie -t- on souvent dans les cons-
tructions navales, et particulièrement pour le pont
des vaisseaux, parce qu'il peut fournir des planches
de 12 à i3 mètres ( 4o pieds ) de longueur sans au-
l^S P I NUS RUBRA.
cun nœud. On en fait aussi les corps de pompes ,
qui durent long-temps lorsqu'on a soin d'ôter tout
l'aubier. C'est de cette espèce de Pin qu'a été fait le
grand mât du vaisseau de guerre le Saint-Laurent ,
de 5o canons, construit à Québec par les François ;
cet exemple confirme l'observation déjà faite plus
haut , que cet arbre parvient à une grande élévation.
Du Canada , du District du Maine et des bords
du lac Champlain , le Pinus rubra est exporté en
Angleterre, sous la forme de madriers. Cependant
j'ai appris que , dans ces derniers temps , fexporta-
tion en étoit fort diminuée , parce qu'on l'a , dit-
on , trouvé trop chargé d'aubier ; défaut qui ne me
paroit pas fondé, car sur plusieurs tronçons de 32
centimètres [ipiedj de diamètre que j'ai examinés,
il n'y avoit que 2 centimètres (i pouce J d'aubier.
Le Pinus rubra est, dans sa jeunesse, d'une belle
apparence, et sa végétation m'a toujours parue vi-
goureuse. 11 n'y a aucun doute qu'il ne puisse très-
bien réussir en France et dans tout le nord de l'Eu-
rope ; et jepense que les bonnes qualités de son bois,
propre aux constructions navales, ainsi que les ma-
tières résineuses qu'il est susceptible de fournir, doi-
vent engager à en propager la culture. Je suis donc
loin départager à cet égard, l'opinion àeSir A. B. Lam-
bert qui dit , dans sa description de cet arbre , qu'il
ne peut donner des bois de bonne qualité.
PLANCHE I-.
Fig. 1 , feuille. Fig. 2 , graine.
■:t-^
P/.2.
PINUSRxipestins
'•«^■»>'^'V^>'V"»,V'*'VV^'V-%,-VW^-VV*-V^^*-V-^'W-VX.-V'»>-fc^.'V^-V-»^X.'W-v^/^-X.-WW-V-V>«<»/%'^^
PINUS RUPESTRIS.
THE G RE Y PI NE.
Pi NUS rupestris, arhor humilis; folîis binis y rigidis , un-
cialibus ; strobilis cinereis ^ recurvis , insigniter incur-
vatO'tortis , squamis inerinibus , ramulo adpressis.
P, Banksiana ; A. B Lambert.
Cette espèce fort rare dans le District du Maine
et à la Nouvelle-Ecosse, y est connue sous le nom
de scruh Pine^ Pin chëtif; et dans le Bas-Canada,
sous celui de Grej pine ^ Pin gris. C'est de tous les
Pins de l'Amérique septentrionale , celui qui se
trouve le plus avant vers le nord. Je crois ne pou-
voir mieux faire connoitre cette espèce , qu'en rap-
portant un extrait des notes de mon père sur le Ca-
nada : « Aux environs de la baie d'Hudson et des
grands lacs Mistassins, dit-il , les arbres qui, quel-
ques degrés plus au sud , forment la masse des fo-
rets , sont sous cette latitude presque entièrement
disparus, et par la sëvëritë des hivers , et par la stéri-
litë du sol : toutes ces contrées sont entrecoupées de
milliers de lacs , et couvertes d'énormes rochers en-
tasses les uns sur les autres , qui sont le plus souvent
tapissés de larges lichens de couleur noire ; ce qui
ajoute encore à l'aspect sombre et lugubre de ces
régions désertes et presque inhabitables. C'est, con-
tinue mon père, en parlant àxxPinus riipestris^ dans
les intervalles de ces rochers que l'on aperçoit çà et
là quelques individus de cette espèce de Pins, qui
I. 7
6o PINUS RUPESTRIS.
fructifient à un mètre Ç 3 pieds) d'élévation, et qui,
à ce peu de hauteur , portent avec eux toute l'em-
preinte de la décrépitude. Cependant à i5o milles
plus au sud, cet arbre offre déjà une végétation
plus forte ; mais il ne s'élève presque jamais au-dessus
de deux à trois mètres (^ 8 à lo pieds), et dans la
Nouvelle- Ecosse , où il est également confiné au
sommet des rochers , il parvient rarement à une plus
grande élévation.
Les feuilles du Pinus rupestris , réunies deux à
deux dans la même gaîne , sont disséminées le long
des rameaux, et non rassemblées en paquets à leur
extrémité , comme dans l'espèce précédente. Leur
longueur est d'environ deux centimètres (^ i pouce) ;
elles sont sans gouttières à leur face interne et arron-
dies extérieurement. Les cônes sont le plus souvent
réunis deux à deux ; leur couleur cendrée ou grise
paroît être l'origine du nom de Pin gris que nous
avons dit que cet arbre porte en Canada; leur lon-
gueur est d'environ cinq centimètres (^2 pouces ) , et
leur pointe est toujours tournée dans la direction
des branches, caractère- particulier à cette espèce.
Mais ce qui surtout rend ces cônes remarquables ,
c'est la forme courbe qu'ils prennent naturellement,
et qui les fait ressembler à de petites cornes de
béliers ; ils sont extrêmement durs , dégarnis de
pointes, et ne s'ouvrent qu'à la deuxième et à la
troisième année , pour laisser échapper leurs graines.
Dans les rhumes opiniâtres, les François - Cana-
diens font bouillir ces cônes dans l'eau , et en font
P I N U s 1\ U P E s T R I s. 5 1
une tisane , qui les guérit promptement. Si cette pro-
priété dont on dit que jouissent également ceux de
YAbies nigra, est avérée, elle renfermera, selon
moi , tout ce qu'on peut espérer d'avantageux de cet
arbre trop chétif, pour qu'on puisse tirer parti de
son bois de quelque manière que ce soit; et cette
même raison m'empêche de croire, comme le pense
Sir A. B. Lambert , qu'on puisse jamais en extraire
de la thérébentine ou du goudron pour le commerce ,
quelque résineux qu'il puisse être.
PLANCHE II.
F/g. i , feuille. Fi g. % , graine.
PINUS MITIS.
THE YELLOW PINE.
PiNUS mitîs; arhor maxima,foliis, prcelongis, tenuoribus y
canalîculatis ; strobilis parvis, sœpè solitariis , conoï-
deo-ovatis , tessularum mucrone minutissimo.
P. mitis, A. Mich. Flor. B. Ama.
Cet arbre , disséminé sur une grande surface de
pays dans l'Amérique septentrionale , y reçoit diffé-
rentes dénominations , suivant les endroits où il se
trouve : dans les Etats du milieu , oii il fort est abon-
dant et très -employé , il est connu sous le nom de
Yellow pine ^ Pin jaune; dans les Garolines et la
Géorgie , sous celui de Spruce pine , Pin sapin ;
mais plus communément sous celui de Short leaved
pine y Pin à courtes feuilles.
Quelques cantons des Etats de Massachussets et de
Connecticut , sont les points les plus septentrionaux
où cette espèce commence à se montrer ; mais elle est
déjà très-multipliée dans le Bas-Jersey, et elle l'est en-
core davantage dans cette partie du Maryland nommée
Eastern-Shore ^ ainsi que dans toute la Basse-Vir-
ginie , où sa présence est un signe certain de l'aridité
du sol. J'ai encore retrouvé cet arbre sur la rive
droite de la rivière Hudson , à peu de distance
d'Albany ; près de Chambersburgh , dans la Pensyl-
vanie; vers les sources de la rivière Delaware ; près de
Mudlick en Rentucky ; sur les montagnes de Cum-
berland , et aux environs de Rnoxville , dans Test
/y .1
li,.ir.^/,>;'
PINUS mitis
PINUS MITIS. 53
Tennessee; près de Edgeiield Court-House; dans la
Haute-Caroline du sud; enfin dans la Haute-Gc'orgie,
sur la rivière Oconée. Dans tous ces lieux , il ne
croit point seul, mais il entre dans la composition
des forets en différentes proportions , qui varient sui-
vant la nature du sol : moins il est bon, plus le Pi-
nus mitis abonde; et s'il offre un certain degré de
fertilité , on s en aperçoit aisément à l'aspect floris-
sant des diverses espèces de chênes et de noyers
avec lesquels le Pinus mitis est mêlé , en moindre
quantité , mais qu'il surpasse toujours en grosseur et
en élévation. On rencontre encore parfois cet arbre
dans les Basses-Carolines , dans les Florides , et pro-
bablement aussi à la Louisiane ; mais il est plus rare
dans ces contrées, car on ne l'observe que dans les
endroits où des bancs d'argile de couleur rouge, mê-
lés de graviers, paroissent à fleur de terre, et percent
de distance à autre la couche sablonneuse et légère
qui couvre le sol de ces Etats, depuis les bords de la
mer jusqu'à cent vingt milles dans l'intérieur.
Cet arbre est d'une belle apparence lorsqu'il est
arrivé à son entier développement ; il la doit à la dis-
position de ses branches qui s'éloignent d'autant
moins les unes des autres qu'elles sont plus élevées ,
et qui, se reployant latéralement sur elles-mêmes,
finissent par présenter un sommet pyramidal très-
régulier. Cette circonstance fait que la cime de cet
arbre n'embrasse pas un espace aussi considérable que
sembleroit l'annoncer sa hauteur et son diamètre , et
c'est probablement de cette disposition, parfaitement
54 PINUS MITIS.
régulière dans les grands individus de celte espèce,
que lui est venu le nom de Spruce pine ^ Pin sapin.
Dans le New- Jersey et sur le Eastern-Shone, la
hauteur de cet arbre est de i8 à 20 mètres TSo à 60
pieds J, et son diamètre est le plus ordinairement de
2 à 3 décimètres (^i5 à iSpoucesJ , conservant cette
dernière dimension dans les deux tiers de sa tige.
Mais dans les Hautes-Carolines et la Virginie , on
trouve des individus qui , sans être beaucoup plus
élevés , ont le double de grosseur. J'en ai souvent
mesuré qui avoient 19 à 20 décimètres ( 5 et 6 pieds j
de circonférence.
Les feuilles du Pinus rnitis sont longues de 12 a
i5 centimètres (l^k S pouces j, fines, flexibles et
creusées d'une gouttière à leur face externe 5 elles
sont d'un vert sombre, et réunies deux à deux dans
une seule gaine. Souvent encore elles sont au nom-
bre de trois dans les pousses de l'année ; mais c'est
un effet de la force de la végétation , qu'on n'observe
jamais dans les vieilles branches. Cette espèce n'est
donc pas un Pin à deux à trois feuilles, comme on l'a
avancé, et c'est à tort qu'on lui a donné le nom de
Pinus \fariahilis.
Les cônes du Pinus mitis ont une forme ovale,
et sont armés de pointes fines ; ils sont plus petits
que ceux des autres espèces de Pins des Etats-Unis,
car ils n'excèdent pas 2 à 3 centimètres ( i pouce et
demi j de longueur , dans les vieux arbres. Ils lais-
sent échapper leurs graines dans la même année.
Dans le Pinus mitis les couches concentriques ou
PI NUS MIT IS. 5j
annuelles sont fort rapprochées les unes des autres •
elles le sont six fois plus que dans les Pinus ri<[i(la
ou le Pinus tœda. Il est aussi beaucoup moins chargé
d'aubier, dont l'épaisseur n'exède pas cinq à six centi-
mètres ( 2 pouces à 1 pouces et demi) dans les arbres
qui ont 3o à 4© centimètres (i5 à i8 poucesj de dia-
mètre , et il est encore moindre dans ceux qui ont une
dimension plus grande. Le bois du Pinus miiis a
le grain fin et il est médiocrement résineux, ce qui
le rend assez compacte sans lui donner trop de pe-
santeur. Une longue expérience a appris qu'il est
d'une bonne qualité et très-durable.
A New-York , Philadelphie , Baltimore , Washing-
ton , ainsi que dans les petites villes de la partie ma-
ritime des Etats du centre, notamment en Virginie ,
jusqu'à cent cinquante milles de la mer , les quatre-
cinquièmes des maisons sont encore toutes bâties en
bois; et c'est toujours avec des planches tirées de
cette espèce de Pin que sont faits les planchers des
rez-de-chaussées et des étages supérieurs , les marches
des escaliers, les encadremens des portes et des boi-
series, ainsi que les châssis des fenêtres, considérés
alors comme plus solides et plus durables que s'ils
étoient faits avec tout autre bois du pays. Dans les
Hautes-Carolinesetle Holston, les maisons sont en-
tièrement construites et mêmes couvertes avec le Pi-
nus mitis^ car ni le Cupressus disticha^m le Cupr es-
sus thuoides^ très-préférable pour la couverture, ne
croissent pas dans ces contrées 5 mais dans quelque
construction que ce soit, il est important de débar-
56 PIIS'US MITIS.
rasser entièrement le Pinus mitis de son aubier , qui
se pourrit très-promptement, attention qu'on n'a pas
toujours , afin de gagner de la largeur sur les plan-
ches, et surtout dans le voisinage des ports de mer,
où il commence à devenir rare , par la grande con-
sommation qui s'en fait journellement.
Les constructions navales, particulièrement dans
les ports de Philadelphie , de New-York et de Bal-
timore , en consomment une très-grande quantité i
le pont, les mâts de hunes, les heams et la menui-
serie de la cabane , sont le plus souvent de ce bois,
qui est reconnu pour être le plus durable , après celui
du Pinus australis. Le Pinus mitis qui vient du bas
Jersey et du Eastern-Shore est de meilleure qualité ,
et on le préfère toujours à celui qui descend du haut
de la rivière Delaware, dont le bois n'est pas aussi
compacte et aussi fort, en même-temps que le grain
en est plus grossier 5 différence qui provient évide-
demment de la nature du sol de ces derniers pays ,
qui est moins aride et moins mauvais.
Le Pinus mitis débité en madriers ou en planches
de 2 à 4 centimètres ( 1 à 2 I pouces) d'épaisseur,
forme un article considérable d'exportation pour les
colonies occidentales et l'Angleterre. Dans les prix
courans de Liverpool , il est désigné sous le nom de
New-York Pine ; dans ceux de la Jamaïque , sous
celui de Yellow Pine ; et dans ces deux places , il
est toujours vendu à un prix inférieur à celui du
Pinus australis des Etats méridionaux, mais à un
taux plus élevé que celui du Pinus strobus.
PINUS MITIS. 57
Quoique cet arbre soit assez résineux pour donner
de la thcrcbentine et du goudron , néanmoins on ne
l'exploite pas sous ce rapport, ce qui entraîneroit un
travail long et difficile, parce que , comme nous l'a-
vons remarqué , le Pinus mitis est toujours mêlé
avec les autres arbres dans les forets. Mais d'après
les différens avantages que présente son bois , il
est incontestablement, après le Pinus ruhra ^ l'es-
pèce la plus intéressante à cultiver dans le milieu
et le nord de l'Europe. Je ne puis donc partager
l'opinion de Sir A. 13. Lambert , qui commence sa
description latine par ces mots : Arhor medio-
cris , etc. , et qui ajoute ensuite « que cet arbre
ne s'élève qu'à vingt ou trente pieds, que son bois
est spongieux et de peu de durée ; ce qui le rend im-
propre à la bâtisse des maisons ».
PLANCHE III.
Fig. 1 , feuille. Fig. 2. ^ graine.
I. 8
PINUS iNops
THE JERSEY PIISE
P I N u s inops ; arhor tnediocris , ramosa ; foUis binis ,
brevis ; strobilis oifato-acuminatis , solitariis , fuscis ,
mucronibus tessularum rigidis , deorsuin sub - incli-
natis.
Obs. Truncus et ramuli obscure et squalide Jiisci»
P. inops j Linu.
Cette espèce a reçu probablement son nom de ce
qu'elle abonde dans la partie basse du New-Jersey,
où le sol est maigre et sablonneux, et où elle se
trouve souvent mêlée avec le Pinus mitis ; cepen-
dant le Pinus inops n'est pas exclusivement confiné
à la partie méridionale de cet Etat, car je l'ai retrouvé
dans différentes parties du Maryland, de la Virginie
et du Rentucky; dans la Pensylvanie, au-delà de
Chambersburg; près de la rivière Juniata (^Crossing
Juniata)^ et sur les Scruby ridges au-delà de Bedfort ,
éloigné d'environ 200 milles de Philadelphie. Dans
cette partie de la Pensylvanie , cet arbre auquel on
donne le nom de Scrub pine^ Pin chétif , reparoit par^
tout où le sol est schisteux et par conséquent assez
Inaigre , ainsi que l'annonce la mauvaise apparence
des Quercus coccinea , Quercus rubra, Quercus
tinctoria^ Quercus alba et Quercus prinus monti-
cola^ avec lesquels il est mêlé. Je ne l'ai pas rencontré
vers le Nord, au-delà de la rivière Hudson, non plus
que dans les Carolines et la Géorgie.
gU:
PIN us Inops
/;?
a
erJeu
P I N U s I N O P s. 5o
Cet arbre s'élève quelquefois de 12 à 14 mètres
(3o à 40 pieds), sur un diamètre de 3o à /|0 centi-
mètres (12 à 1 5 pouces); mais il est rare d'en trou-
ver de cette force, et il reste ordinairement au-dessous
de ces dimensions. Son tronc , revêtu d'une écorcc '
noirâtre, diminue sensiblement de grosseur depuis
sa base jusqu'à son sommet, et il est garni de bran-
ches fort espacées dans la moitié de sa hauteur. Les
feuilles du Pinus inops sont réunies deux à deux
dans la même gaine ; elles sont d'un vert sombre ,
longues d'environ 2 à 3 centimètres (^ i à 2 pouces ),
aplaties à leur face interne , roides et éparses le
long des jeunes branches, qui sont très-flexibles et
couvertes d'une écorce lisse, qui n'est point écailleuse
comme dans les autres Pins. On observe encore que
dans cette espèce, ainsi que dans celle précédemment
décrite, le bois des jeunes pousses de l'année a une
teinte violette ; caractère qui leur est particulier.
Ses cônes, un peu plus grands que ceux du Pinus
mitis^ ont environ 5 centimètres (2 pouces) de long
et 2 centimètres (i pouce) de diamètre à leur base.
Leur couleur est noirâtre ou d'un rouge brun. Ils
sont armés de pointes fortes, longues, aiguës et re-
courbées en arrière, et sont attachées par des pé-
dicules épais et courts : le plus souvent ils sont pla-
cés un à un sur les branches , la pointe dirigée vers
la terre. Ils laissent échapper leur graines la même
année de leur maturité.
Ce qui vient d'être dit prouve suffisamment, que
cette espèce de Pin a des dimensions trop petites ,
6o PINUSINOPS.
pour pouvoir être employé utilement, sans parler du
désavantage attaché à son bois d'être surchargé d'au-
bier; cependant le cœur est assez résineux pour que,
dans les environs de Mudlick, dans l'Etat de Ren-
tucky, on en retire une petite quantité de goudron,
qui est consommée dans le pays. Je ne puis croire
non plus, comme le pense SirA.B, Lambert, que
ses branches 5 quoique flexibles, puissent servir à
faire des cerceaux; car ils seroient chargés de nœuds
et pourriroient en moins de six mois. C'est à mon
avis, après le Piniis rupestris ^ la plus mauvaise es-
pèce de Pins des Etats-Unis.
PLANCHE IV.
Fig. 1 , feuille. Fig. 2 , graine.
/y,j.
r JJl.:w:^;^ ,-,
PINUS Pungens .
PINUS PUNGENS,
THE TABLE MOUNTAIN FINE.
Pi NUS pungens; arhor 45 - 5o pedalis y folils hinis , hre-
vïbus et crassis ; strobills turbinatls , prœmagnis ,Jiavis
squamis echinatis , spinis luteis durissimis et basi la^
tloribus,
P, pungens : A. B. Lambert , on the Fine.
La montagne de la Table , l'une des plus élevées
des Alléghanys, et située dans la Caroline septen-
trionale , à 4o^ kilomètres (^loo lieues j de la mer ,
paroît avoir donné son nom à celte espèce de Pin
qui couvre presque exclusivement son sommet , et
qui est, au contraire , fort rare sur celles qui Favoi-
sinent. Le Pinus pungens ne se trouve pas non plus
dans les autres parties des Etats-Unis, comme mon
père et moi, qui avons visité ces régions dans pres-
que toutes les directions , avons eu occasion de nous
en assurer. Le Pinus pungens est de tous les arbres
de l'Amérique septentrionale le seul qui soit resserré
dans des limites aussi étroites. Il est même probable
qu'il sera le premier à disparoître de ces contrées ,
car toutes les montagnes où on le trouve sont très-
accessibles et elles se peuplent rapidement, parce que
l'air y est sain , le sol généralement de bonne qua-
lité , et de plus , que les forets qui les couvrent sont
fréquemment dévastées par des incendies.
Le Pinus pungens s'élève de douze à quatorze
02 PINUSPUNGENS.
mètres ( 4^ ^ ^^ pieds ) , sur un diamètre propor-
tionné à cette hauteur. Ses bourgeons sont résineux ,
et ses feuilles , au nombre de deux dans la même
gaîne, sont épaisses, roides et longues d'environ cinq
à six centimètres (2 pouces et demi) ; ses cônes longs
de huit centimètres Ç3 pouces), et larges à leur base
de cinq centimètres Ç2 pouces), sont d'un jaune
clair et ont une forme très-régulière. Ils sont sessiles ,
et souvent réunis au nombre de quatre.Chaque écaille
est armée d'une forte pointe ligneuse , longue de
quatre millimètres (2 lignes), élargie à sa base et qui
se recourbe en avant.
Cet arbre dont le tronc est très-rameux, et qui,
comme on a vu , ne croît que dans une très - petite
étendue de pays, et à une grande distance dans l'in-
térieur des terres , ne sert à aucun usage particulier;
seulement , les habitans des montagnes de la Caro-
line du nord emploient pour mettre sur les plaies, la
thérébentine qui en découle, soit accidentellement,
soit par une incision faite au corps de l'arbre , et ils
la préfèrent à celle que donnent tous les autres Pins.
J'ai comparé cette thérébentine avec celle du Pinus
rigida, et je ne leur ai trouvé aucune différence. Il
paroît même assez surprenant que toutes les es-
pèces de Pins, si différentes entre elles, donnent des
produits résineux tellement analogues , qu'il est
souvent très - difficile de les distinguer par fodeur
et la saveur.
Le Pinus pun gens ne paroit donc pas présenter au-
cun objet particulier d'utilité, qui doive déterminer
PINU5 PUNGENS. 63
à le cultiver en Europe, si ce n'est dans les jardins
d'agrémens et de botanique.
Sir A. \S. Lambert a donné à l'article du. Pinus tœda
une figure exacte du cône de cet arbre 5 mais il a
reconnu ensuite que ce cône appartenoit aune nou-
velle espèce , à laquelle il a donné le nom spécifique
de Pungens. Ce nom m'a paru convenable , et je
l'ai adopté.
PLANCHE V.
F/g. 1 } feuille. Fig. 2 , graine.
PINUS AU STRALIS.
THE LONG LE A FED FINE.
P I N u S australis ; arhor maxima ; foliis ternis , longissi-
mis ; amentis masculis longo - cylindraceis , fusco-
glaucis , di^ergentibus. Strohilis longissimè conoïdeis ,
tessularum tuberculo - tumido , mucrone minutissimo
termiiiato.
P, pal us tris , Linn.
Cet arbre précieux reçoit différentes dénomina-
tions, tant dans les pays où il croit, que dans ceux
où il est exporté. Il est connu dans les premiers sous
les noms de Long leavedpine^ pin à longues feuilles j
de Yellow pine^ pin jaune ; de Pitch pine^ pin à gou-
dron ; et de Brooni pine^ pin à balais. Dans les Etats
du Nord, où il est importé par la voie du commerce,
sous ceux de Southern pine ^ pin du Sud, et quel-
quefois encore de Red pine , pin rouge ; enfin en
Angleterre et dans les colonies occidentales, sous
celui de Georgiapitchpine^^^'indi goudron de Géor-
gie. Mais j'ai cru devoir lui conserver de préférence
le nom de Long lea\>ed pine ^ pin à longues feuilles ;
car, dans toute la partie de l'Amérique septentrio-
nale située à l'est du Mississipi, on ne connoît aucun
autre pin qui ait les feuilles aussi longues; et d'ail-
leurs les noms de Yellow pine^ pin jaune, et de
Pitch pine^ pin à goudron, qui lui sont peut-être
plus universellement donnés , servent dans les Etats
du milieu à désigner deux autres espèces très-dis-
6? i^ 3
/',//^^.v,V,A
PIN us austialis
PINUS AUSTRALIS. 6f>
tinctes et qui sont très-répandues. J'ai pensé égale-
ment que la dénomination spécifique à'amtralis.
étoit préférable à celle àc palus tris , sous laquelle
celte espèce est décrite par les botanistes; car cette
dernière donne une idée absolument fausse de la
nature du sol où croit cet arbre.
C'est à peu de distance de Norfolk, dans la basse
Virginie, où commencent les landes américaines,
Fine Ban eus ^ que le Pinus australis commence
aussi à se montrer, lorsqu'on va vers le midi ; car
cette espèce est en quelque sorte inhérente à cette
nature de terrain. On la retrouve ensuite sans in-
terruption dans la partie basse des deux Carolines,
de la Géorgie et des deux Florides, étendue de
landes tellement vastes , qu'elles embrassent un es-
pace de plus de looo kilomètres ( 260 lieues J du
nord-est au sud-ouest, et de i5o à 200 kilomètres
(^ 4^ à fjo lieues de largeur) à partir du bord de la
mer, dans les deux Carolines et la Géorgie. J'ai re-
connu trois points distans les uns des autres de 1 20
à i5o kilomètres ( 3o à 40 lieues], où le Pinus aus-
tralis cesse de croître : le premier dans la Caroline
septentrionale à huit milles de la rivière Nuse, sur la
route de Louisburgh à Raleigh ; le second entre
Chester et Winesburough dans la Caroline du Sud ^
et le troisième à douze milles nord d'Augusta dans
la Géorgie. Lorsque cet arbre commence à se mon-
trer vers la rivière Nuse , il se trouve réuni au PiniLS
tœda et au Pinus jnitis^ et entremêlé de Quercus
ferrugijiea et de Quercus catesbœi ; mais , immë-
I- ^ 9
66 PINUS AUSTRALIS.
diatement au-delà de Ralcigh , on le voit presque
seul en possession du sol , et lorsqu'on le rencontre
de nouveau avec ces mêmes espèces de pins, ce n'est
jamais que sur les bords des marais fswamps^ , qui
sont enclavés dans les landes. Ces dernières espèces,
au surplus , sont à peine dans la proportion d'un à
cent avec le Pinus australis ^ lequel, à cette excep-
tion près, forme cette masse non interrompue de
ibréts , qui couvre la vaste e'tendue de pays com-
prise entre les points que je viens d'indiquer. Il y a
néanmoins quelques cantons entre Fayetteville et
Wilmington , dans la Caroline du Nord , où le
Quercus cateshœi se trouve disséminé dans les lan-
des, et c'est le seul arbre qui puisse , comme l'espèce
que nous décrivons, s'accommoder d'un terrain aussi
aride.
La hauteur moyenne du Pinus australis est d'en -
viron 20 à il\ mètres (^ 60 à 70 pieds j sur 40 centi-
mètres (i5 à 18 pouces} de diamètre, et sa grosseur
est uniforme dans les deux tiers de son élévation.
Quelques individus parviennent à de plus grandes
dimensions; mais cela tient aux localités, ainsi que
j'aurai occasion de le faire remarquer dans la suite
de cet article. Uécorce du Pinus australis est peu
fendillée , et l'épiderme s'en détache en feuillets
minces et transparens. Ses feuilles au nombre de
trois dans la même gaine, longues d'environ 33 cen-
timètres ( I pied), d'un beau vert, sont luisantes
et réunies en paquets à l'extrémité des branches.
Elles sont plus longues et beaucoup plus nombreuses
PINUSAUSTRALIS. Gj
dans les jeunes arbres; et c'est à cause de cela que
les nègres les coupent souvent par le pied, et s'en
servent comme de balais. Ses bourgeons sont trcs-
gros, blancs, frisés et non résineux.
Le Piniis australis fleurit au mois d'avril ; ses
fleurs mâles présentent une masse de chatons diver-
gens de couleur violette, et longs de près de 5 cen-
timètres (^ i pouces J. A l'époque de leur dessication,
ils laissent échapper une grande quantité de poleu
ou de poussière jaunâtre, qui, emportée au loin par
les vents, couvre momentanément la surface de la
terre et des eaux. Ses cônes, armés de pointes fines,
courtes et recourbées en arrière, sont très-volumi-
neux, ayant 20 centimètres (^ -y à 8 pouces j de lar-
geur sur 10 centimètres (^ 4 pouces ) de diamètre
après qu'ils sont ouverts. Dans les années où cet
arbre porte fruit, ils sont à maturité vers le i3 oc-
tobre, et ils laissent échapper leurs graines dans le
courant du même mois. L'amande, dun goût assez
agréable, est enfermée dans une coque mince et de
couleur blanche, tandis qu'elle est noire dans toutes
les autres espèces de pins de l'Amérique septentrio-
nale j elle est surmontée d'une aile membraneuse.
Dans certaines années, les graines sont extrêmement
abondantes, et elles sont avidemment recherchées
par les dindons sauvages , les écureuils, et même par
les cochons qui vivent presque toujours dans les bois.
Lorsqu'au contraire ce ne sont pas des années à fruit,
on parcourroit en vain des centaines de milles de
forêts composées uniquement de cette espèce d'arbre,
68 PINUS AUSTRALIS.
sans trouver un seul cône ; et c'est là probablement
ce qui a fait dire aux François qui tentèrent de
s'établir dans les Florides en iS6j « que les bois
ëtoieut remplis de pins magnifiques, mais qui ne
portoient point de fruit. »
Le Piniis australis est peu charge d'aubier; sur
plusieurs arbres de 4o centimètres (^ i5 pouces ) de
diamètre , que j'ai mesurés à i mètre [^ 3 pieds ) de
terre, je n'en ai trouvé que 6 centimètres ( i pouces
et demi) sur i!\ centimètres ( lo pouces) de cœur;
et c'est parce qu il jouit de cette propriété , qu'on en
exploite une si grande quantité de cette grosseur ,
et c'est également par cette raison, que, dans le com-
merce d'exportation qui s'en fait, on ne reçoit au-
cune pièce qui n'ait au moins i!\ centimètres ( lo
pouces) d'équarissage sans aubier. Lorsque cet arbre
est parvenu à son entier développement, ses couches
concentriques sont très-rapprochées, espacées éga-
lement , et la matière résineuse y est assez abon-
dante et répandue d'une manière plus uniforme que
dans les autres espèces du même genre; c'est par
cette raison que le bois du Pinus australis a plus
de force, et qu'il est plus compacte et plus durable :
il a d'ailleurs le grain fin et serré, et est susceptible
de bien se polir. Ces divers avantages le font préférer
dans les Etats-Unis à tous les autres pins, toutes les
fois qu'on peut se le procurer. Cependant ces qua-
lités éprouvent des modifications selon la nature du
sot où il croît; ainsi dans les cantons qui avoisinent
le bord de la mer, dont le leirain n'est qu'un sable
PI NUS AUSTIIALIS. 69
qiiartzeux couvert d'une couche trcs-mince de terre
végétale , ce pin est plus résineux que lorsque cette
couche a douze centimètres (^ 5 à G pouces) d'épais-
seur : de là vient qu'on désigne improprement les
individus qui viennent dans le premier sol , sous
le nom de Pitch pine ^ pin à goudron, et les autres
sous celui de Yellow pine ^ pin jaune, comme si
c'étoit deux espèces différentes.
Ijg Pinus australis sert à un grand nombre d'usages
dans les Carolines, la Géorgie et les deux Florides;
les huit dixièmes des maisons en sont entièrement
construites, à l'exception de la toiture qui est ordi-
nairement faite en bardeaux de Cupressus disticha;
mais dans les campagnes , à défaut de ce dernier
bois, on s en sert aussi pour cet objet, et alors on
est obligé de renouveler les bardeaux après quinze
à dix-huit ans, laps de temps encore très-considé-
rable dans un pays où les alternatives de la chaleur
et de l'humidité sont extrêmes. On en fait aussi la
clôture des champs cultivés; ce qui en consomme
une quantité prodigieuse.
Le Pinus australis est très-employé dans les cons-
tructions navales, et c'est de toutes les espèces de pins
la plus estimée pour ce genre de travail. Dans les Etats
méridionaux, la quille, les beams ^ les bordages et les
chevilles pour les fixer sur les membrures, ainsi que
les mâts, sont tirés de cet arbre. On le préfère , parti-
culièrement pour le pont, au vrai Pin jaune, Pinus
mitis j et on en exporte, pour ce seul objet, une
assez grande quantité à Philadelphie , à New-lork et
70 PI NU s AUSTRAL I s.
dans d'autres ports de mer situés plus au nord. 11 y est
aussi recherché pour faire les planchers des maisons.
Le bois du Pinus australis contracte quelquefois
une couleur rougeàtre , due à la nature du sol où il
croit ; ce qui lui a fait donner dans les chantiers de
constructions des Etats septentrignaux, le nom de Pin
rouge. On y regarde le bois de cette qualité comme
le meilleur, et beaucoup de constructeurs dans les
Etats-Unis pensent même que les bordages des vais-
seaux qui en sont faits, sont plus durables que ceux
faits en chêne, et moins susceptibles d'être attaqués
par les vers de mer.
Dans la Floride orientale où j'ai voyagé , le
Pinus australis m'a paru s'élever à une plus grande
hauteur , et il couvre presque toute la surface du
pays. C'est la seule espèce de Pin des Etats méri-
dionaux, qui soit exportée eu AngleteiTe et aux colo-
nies des Indes occidentales. Un grand nombre de
petits bâtimens sont constamment employés à ce
commerce , surtout de Wilmington dans la Caro-
line du nord, et de Savanah en Géorgie. Les bois
destinés pour les colonies occidentales, sont débités
en planches et pièces de toute épaisseur, soit pour
la bâtisse des maisons, soit pour la construction des
vaisseaux. Ceux qu'on expédie pour l'Angleterre y
arrivent sous la forme de madriers de 5 à lo mètres
(^ i5 à 3o pieds j de long sur 3o à 6o centimètres
( 10 à 20 pouces j de diamètre : on leur donne dans
le pays le nom de rajigijig timhers , et le prix varie
de 8 à 10 dollars ( 4^ à 5o fr.j les loo pieds cubes.
PINUS AUSTRALIS.
71
C'est à Liverpool que se rendent la plupart des na-
vires qui en sont chargés. L'on dit que ces madriers
sont employés à la construction des vaisseaux et
servent aussi à celle des bassins dits Wet- Docks.
On leur donne le nom de Geor^ia pilcli pine ^ pin à
goudron de Géorgie, et cette qualité de bois de pin
se vend toujours de vingt-cinq à trente pour cent plus
cher que celle de toute les autres espèces qu'on im-
porte des autres parties de l'Amérique septentrionale.
D'après les usages variés auxquels on a vu que le
bois du Pinus australis étoit appliqué, non-seule-
ment dans les pays où il croit , mais encore aux colo-
nies des Indes occidentales et en Europe, on peut
juger combien la consommation doit en être consi-
dérable. Cependant à ces causes de destruction ,
utile à la société, il vient de s'en réunir une autre
infiniment désastreuse , et à laquelle il paroit im-
possible de remédier. On a remarqué depuis l'an i8o4
que des cantons fort étendus, et couverts des plus
beaux Pins, n'offrent plus que des arbres morts.
J'avois déjà observé en 1802 le même phénomène
sur le Pinus mitis dans l'Etat de Tennessee. Ce
fléau, qui se fait sentir dans les belles forets de
Pinus sjbestris [scothjîr) qui peuplent le nord de
l'Europe , est produit par des essaims d'insectes ,
dont les uns se logent dans la maîtresse pousse ou
la flèche, et les autres s'introduisent sous lécorce
pénètrent dans le corps de l'arbre, et le font périr
dans le cours de la même année.
Les services qu'on retire du Pinus australis ne se
72 PINUS AUSTRALIS.
bornent pas à son bois ; on en extrait la presque
totaHté des substances résineuses qui servent à la
construction des nombreux vaisseaux des États-Unis,
et forment en outre une branche importante de com-
merce avec les colonies des Indes occidentales et
l'Angleterre. Sous ce rapport, il n'existe aucune autre
espèce dans ce pays qui puisse y suppléer 5 car celles
qui seroient susceptibles de le faire , sont ou dis-
séminées dans les bois, ou situées dans des lieux peu
accessibles^ ou , enfin, resserrées dans des cantons
trop peu étendus ou trop éloignés , pour qu'on
puisse en obtenir de grandes quantités ; et pour ne
citer qu'un seul exemple , lors des premiers établis-
semens dans les Etats septentrionaux , les terrains
qui étoient couverts de Pinus rigida, furent presque
épuisés au bout de vingt-cinq à trente ans, et depuis
plus d'un demi-siècle le nombre des arbres de cette
espèce y est tellement diminué , qu'on ne peut plus
maintenant les exploiter sous le rapport des produits
résineux.
Malgré que les landes américaines, Pine Barrens y
soient d'une étendue très-considérable , et qu'elles
soient couvertes des plus beaux Pins, elles ne sont
cependant pas toutes exploitées, soit par le défaut
de communication avec les ports de mer, soit par
l'éloignement des rivières qui les traversent, ou parce
qu'on n'a pas encore ouvert de chemins pour y for-
mer des établissemens agricoles, attendu l'extrême
pauvreté du sol. On faisoit autrefois du goudron dans
toute l'étendue des basses Carolines , de la basse
PINUS AUSTRALIS. ^3
Géorgie et des Florides; car oa trouve partout des
vestiges de tertres qui ont servi à la combustion des
bois résineux; mais aujourd'hui cette branche d'in-
dustrie est, pour ainsi dire, bornée à la partie infé-
rieure de la Caroline septentrionale, où Ton fabrique
la presque totalité du goudron et de la térébenthine
qui s'exporte de Wilmington , tant pour les autres
ports des Etats-Unis, que pour les colonies occiden-
tales et la Grande-Uretagnc.
Les produits résineux que fournit le Pinus austra-
lis sont au nombre de six; savoir : la térébenthine ,
turpendne; la raclure ou le ratissage , scraping ;
l'esprit de térébenthine , spirit of turpentine , la
résine , rosin ; le goudron , tar ; et le bray ,
pitch. Les deux premiers sont introduits dans le
commerce tels que la nature les donne , et les au-
tres , sont le résultat de préparations pour lesquelles
on emploie l'action du feu. Je vais entrer, relative-
ment à ces difFérens produits, dans quelques détails
qui y sont particulièrement relatifs.
La térébenthine est la sève elle-même, obtenue
par une incision pratiquée au corps de l'arbre. Gomme
c'est à la mi-mars qu'elle commence à circuler , c'est
aussi à cette époque que l'on en commence la ré-
colte, qui est d'autant plus abondante que les cha-
leurs deviennent plus fortes, de manière que les mois
de juillet et d'août sont les plus productifs. Vers le
mois d'octobre où la circulation commence à se ra-
lentir, on cesse aussi la récolte , et l'on attend le re-
tour du printemps pour en faire une nouvelle. Quoi-
I. 10
^4 PINUS AUSTRALIS.
qu'on n*obtienne la térébenthine que pendant le
printemps, l'été et une partie de l'automne, cepen-
dant les travaux qu'occasionne son extraction , oc-
cupent le reste de l'année. Ces travaux consistent à
faire les boites , to box ^ à nettoyer la terre autour
des arbres , to rake ; à en entailler, gendging j à
raviver, to chip j à enlever la térébenthine , to dip ;
enfin à ratisser , to scrape. La première opération ,
celle de faire les boîtes, a lieu dans les mois de jan-
vier et de février \ on fait au bas de chaque arbre , à
trois ou quatre pouces au-dessus de terre , et préfé-
rablement du côté du midi, une entaille de la con-
tenance d'environ i litre et demi ( i pinte et demie);
on la fait, au reste , plus ou moins grande , selon la
grosseur de l'arbre, et assez ordinairement elle oc-
cupe le quart de son diamètre, et dans ceux qui
ont plus de 2 mètres (^6 pieds) de circonférence, on
pratique deux et quelquefois quatre boîtes opposées
l'une à l'autre. C'est dans les mêmes mois et pendant
le suivant, qu'on nettoie les arbres, c'est-à-dire qu'on
enlève les feuilles et les herbes qui couvrent la sur-
face du sol autour des pins. Ils se trouvent par ce
moyen à l'abri du feu que les voyageurs, et surtout
les rouliers, mettent inconsidérément dans les bois
lorsqu'ils y couchent ; car la flamme manquant alors
d'aliment, ne peut plus arriver jusqu'à eux, et sans
ce travail indispensable, elle gagneroit les boîtes déjà
imprégnées de térébenthine, et les détruiroit. Quand
cet accident arrive , malgré les précautions qu'on a
prises, on est forcé de les refaire du côté opposé.
PINUS AUSTRALIS. 'J :i
L'entaillement, gend^ing ou to notch , consiste à
faire à chacun des deux côtés de la boite , et dans
une direction oblique, une gouttière d'environ huit
centimètres (trois pouces) de longueur; elle a pour
objet de conduire dans la boite un surcroît de téré-
benthine, et d'y diriger celle qui suinte des bords
latéraux de la plaie qui occupe une plus grande sur-
face que la boite elle-même.
Dans l'intervalle de temps qui s'écoule depuis
qu'on a commencé à entailler jusqu'à ce que ce tra-
vail soit achevé , et qui est d'environ quinze joues,
les premières boîtes sont pleines, et l'on commence
à enlever la térébenthine. On se sert pour cela d'une
spatule de bois, et l'ouvrier vide le seau qu'il porte
avec lui dans un tonneau placé à proximité. Pour
augmenter la récolte , on ravive une fois la semaine
le bord supérieur de la plaie, en enlevant l'écorce
et une portion de l'aubier, équivalente à quatre
couches concentriques; car l'on a observé que plus
on multiplie ces ravivemens, plusle produit de l'exsu-
dation augmente. La térébenthine se récolte ainsi
de trois semaines en'lrois semaines, espace de temps
nécessaire pour que les boites soient remplies. Celle
qu'on obtient de cette manière est la plus pure et la
meilleure ; elle reçoit le nom de pure dipiîig. Les
ravivemens successifs faits aux bords supérieurs de
la plaie, forment dès la première année, une éten-
due d'environ ii centimètres (i pied) au-dessus de
la boite, et cette distance augmentant tous les ans,
on est obligé de raviver plus fréquemment; car alors
7^ PIKUS AUSTRALIS.
une plus grande quantité de térébenthine a le temps
de se coaguler et de rester sur la surface de la plaie,
avant d'arriver à sa destination.
Les pluies continues pendant plusieurs jours, en
humectant les bords de la plaie, en obstruent en
partie les pores, ce qui oblige, dans ce cas, de
les raviver plus fréquemment ; aussi remarque-t-on
que la récolte est toujours moins abondante, lorsque
les années sont pluvieuses et les étés moins chauds
que de coutume. Le bord supérieur de la plaie est
horizontal tant qu'il est à la portée de louvrier;
mais lorsque celui-ci ne peut plus y atteindre que dif-
ficilement, il a la forme d'un triangle à sommet ren-
versé : c est ce qui arrive ordinairement la cinquième
ou la sixième année , laps de temps après lequel on
abandonne les arbres. La plaie se cicatrise sur les
bords, mais l'éeorce ne recouvre jamais la partie
dénudée , de manière à ce qu'elle puisse être retra-
vaillée par la suite.
On estime que deux cent cinquante boites pro-
duisent à peu près un baril du poids de i55 kilo-
grammes ( 320 liv. j que chaque baril doit avoir dans
le commerce. Quelques habitans donnent à un nègre
quatre mille ou quatre mille cinq cents arbres char-
gés d'une boîte à soigner; d'autres seulement trois
mille ; mais à la vérité cette dernière tache est con-
sidérée comme facile à remplir. On considère en
général que trois mille arbres rendent, année com-
mune,soixante-quinze barils de térébenthine et vingt-
cinq de ratissage, scroping-^ ce qui paroit indiquer
piNUSAUSTRALis. nn
qu'on vide les boîtes cinq à six fois dans le cours
de la saison.
Le baril de térébenthine, àïle pure cliping ^ se
vendoit 3 dollars Ç i5 f'r. 75 c.) au mois de no-
vembre 1807, à Wilmington dans la Caroline du
nord, et celui de scraping vingt-cinq pour cent de
moins. Le ratissage ou. scrapùi^^ est cette portion de
térébenthine qui se durcit et se fige avant d'arriver
à la boîte , et forme une couche épaisse qu'on en-
lève dans le cours de fautomne , en y ajoutant le
deriiier produit de la récolte de la térébenthine ,
pure diping.
La térébenthine est exportée dans les Etats du
Nord et en Angleterre. Cette exportation a été ,
en 1804 , de 77,827 barils Ç environ 240 mille
quintaux). En temps de paix, il en vient même
à Paris, où elle est connue sous le nom de téré-
benthine de Boston y quoique le pays d'oii on la
tire soit éloigné de cette ville de près de 1800 kilo-
mètres ( 4oo lieues j. Dans tous les Etats - Unis on
s'en sert pour faire le savon , dont la couleur est
jaune et qui est de bonne qualité. L'Angleterre en
consomme une très-grande quantité; car, d'après un
exposé officiel des marchandises importées des Etats-
Unis dans le cours de 1807, ^^^^ ^^ ^ ^^^^^ pour la
somme de 465,828 piastres (2,445,597 francs). 11 en
est arrivé dans le seul port de Liverpool, en i8o5 ,
40,294 barils, et en 1807 , 18,924. Elle s'y vendoit
au mois d'août 1 807 , 1 5 francs le quintal , et en 1 808 ,
après la mise de Fembargo sur les navires américains,
7^ PINUS AUSTRALIS.
jusqu'à 4o fr. 5o cent. Je placerai ici une remarque
que j'ai faite en lisant l'ouvrage d'Oddj sur les rela-
tions commerciales du nord de l'Europe avec la
Grande-Bretagne, c'est que la térébenthine n'est pas
comprise dans les listes qu'il donne des marchan-
dises exportées d'Archangel et de Stockholm , tandis
que dans certaines années, il s'expédie de ces deux
ports plus de 100,000 barils de goudron.
On fabrique dans la Caroline du nord beaucoup
d'esprit de térébenthine. On l'obtient en distillant
la térébenthine dans de grands alembics de cuivre,
qui ont le défaut d'être beaucoup trop resserrés à
leur ouverture, ce qui doit ralentir l'opération. Il
faut, dit-on, six barils de térébenthine pour avoir
un baril d'esprit, contenant 1 12 litres (^122 pintesj.
On l'expédie dans toutes les autres parties des Etats-
Unis, et il en passe même dans les contrées de l'ouest
par la voie de Philadelphie ; on en exporte aussi
pour l'Angleterre , et il vient également en France ,
où quelques personnes le trouve préférable à celui
qu'on fabrique dans les landes de Bordeaux , parce
qu'il n'a pas une odeur aussi forte. En i8o4 il en a
été exporté de la Caroline du Nord , 19,526 gallons,
ou environ 80,000 pintes, mesure de Paris.
La résine, rosin^ est le résidu de la distillation
de la térébenthine; elle se vend environ un tiers
de moins; 467^ barils ont été exportés dans le
cours de l'an 1804.
Tout le goudron qui se fabrique dans la partie
méridionale des Etats-Unis se tire des bois morts du
PINUSAUSTRALIS. jg
Pinus australis ^ tournés à l'état résineux. Ce sont les
débris des arbres qui tombent de vétusté, ou dont
la chute est accélérée par le ieu mis annuel lenient
dans les forets, et qui dans son passage brûle en
partie le pied des Pins, et surtout de ceux qui ont
été travaillés pour en extraire la térébenthine. Les
sommets abandonnés des arbres abattus pour être
débités en planches ou madriers, et qui forment
environ un tiers de leur hauteur, fournissent encore
beaucoup de bois mort pour la fabrication du gou-
dron; et enfin, dans certaines années, la quantité
en est encore augmentée par le verglas qui s'attache
aux feuilles, et fait rompre par son poids de très-
grosses branches '.
C'est une chose digne de remarque que, dans les
arbres résineux, les branches parviennent presque
entièrement à ïétat de hois , et que l'organisation y
paroisse beaucoup plus complète que dans le cœur
même de l'arbre , tandis qu'on observe précisément
le contraire dans les arbres à feuilles tombantes;
mais il me suffit ici de faire connoitre fidèlement ce
phénomène , et je laisse aux personnes qui s'occupent
de physiologie végétsde le soin d'en donner l'explica-
tion. Toutes les portions d'arbres et de branches hors
d'état de végéter subissent promptement une altéra-
tion particulière , l'aubier se pourrit, et le bois déjà
imprégné de sucs résineux, s'en surcharge à un tel
' Voyez mon Voyage à l'ouest du Mont-AUéglianys , Paris , i8o3 ,
chez DeniUf rue du Pont-de-Lodi.
8o PIN us AUSTRALIS.
degré, qu'il double de poids au bout d'un an. Les
habitans prétendent même que la quantité de résine
est encore beaucoup plus considérable après un in-
tervalle de quatre à cinq ans. Cette augmentation de
matière résineuse dans le bois mort est un fait certain ,
et dont il est facile de se convaincre, en comparant
un morceau tiré d'un arbre qui vient d'être abattu ,
avec celui d'un autre tombé depuis long-temps.
Lorsqu'on veut faire le gondron , on choisit dans
les forets, pour y établir le bûcher ,Â:z7/, un canton
oii ces bois morts sont abondans. On rassemble
d'abord autour de l'endroit désigné tous les bois
résineux ; on les dépouille de leur aubier , et on les
coupe en morceaux d'un mètre (^ 2 à 3 pieds j de
longueur, sur 8 centimètres ( 3 pouces) d'épaisseur,
ou à-peu-près. Ce travail est assez long , et même
assez difficile, à cause de la grande dureté des nœuds
qui s'y trouvent. Après cette opération préliminaire,
on dispose l'emplacement où les bois doivent être
empilés ; pour cela , on élève un tertre de forme cir-
culaire, et on l'entoure d'un fossé peu profond. Les
terres qu'on retire de ce fossé sont rejetées dans
l'intérieur du tertre , et servent à en rehausser les
bords et à donner au sol une pente insensible jus-
qu'au centre. Le diamètre du bûcher est propor-
tionné à la quantité de bois qu'il doit recevoir. On
lui donne environ 6 mètres ( 18 à 20 pieds j , pour
obtenir à-peu-près 100 barils de goudron; dans le
milieu est un trou qui communique par un conduit
à une fosse destinée à recevoir sa matière résineuse ,
PINUSAUSTRALIS. 8l
et qui est pratiquée dans le fossé même , dont le Ifi Ire
est environné. Après que le sgl a été bien glaise et
bien battu, on arrange les morceaux de bois les uns
au-dessus des autres, dans la même direction que
les rayons d'un cercle : ce qui leur donne une légère
inclinaison vers le centre, suite nécessaire de la con-
cavité du tertre.
La pile achevée peut être comparée à un cône tron-
qué aux deux tiers de sa hauteur, et ensuite renversé,
pouvant avoir à sa base environ 6 mètres et demi ^ >.o
pieds) de diamètre ; à sa partie supérieure ,809 mè-
tres (25 à 3o pieds) ; et 3 à 4 mètres (10 à 12 pieds)
d'élévation. Elle, est ensuite garnie en son entier de
feuilles de Pin, recouvertes de terre, et le tout est
maintenu sur les côtés au moyen d'une légère en-
ceinte en bois. Cette enveloppe est nécessaire pour
que le feu que l'on met dans la partie supérieure de
la pile , et qui doit agir du haut en bas ,^ ne produise
qu'une combustion lente et graduée ; car si la masse
venoit à s'enflammer à la fois , l'opération seroit man-
quée , et le travail préparatoire en partie perdu. Enfin
cette dernière opération exige à-peu-près les mêmes
soins qu'on apporte en Europe à la fabrication du
charbon. Un bûcher, kill^ qui doit rendre de 100 à
i3o barils de goudron, est huit à neuf jours à
brûler.
A mesure que le goudron se forme, et qu'il coule
dans la fosse, on le vei^e dans des barils de 3o gallons,
93 litres (120 pintes) , qui sont aussi faits de Pinus
australis,
I. II
Sa PI NUS AUSTRALIS.
La bray pitch est le résultat de la combustion du
goudron; mais seulement jusqu'à la réduction de la
moitié de son volume, pour être de bonne qualité,
La quantité de goudron et de bray importée en
Angleterre des Etats-Unis dans Tannée 1807, est
évaluée , dans l'exposé officiel que nous avons déjà
cité, à 265,000 piastres, ou environ 1,391,250 fr.
Le premier se vendoit au mois d'août de la même
année à Liverpool , 2 1 schelings sterl. (^ 2 3 fr. 60 c. J ;
et après qu'on y fut informé de la mise de l'embargo
sur les navires américains, il s'éleva jusqu'à 4^ sclil.
(^54 fr.) ; fait dont on peut tirer des inductions favo-
rables aux Etats-Unis. A Wilmington, C. N., dans
les temps ordinaires, le prix du baril varie de i dol-
lar 7 schl. à 2 dollars, ^9 à 1 1 fr.j
Depuis 1786 jusqu'en 1799, tout le goudron qui
est arrivé en Angleterre , y a été expédié suivant les
remarques d'Oddy , savoir : un tiers par la Suède, un
tiers par la Russie, et l'autre tiers parles Etats-Unis :
ce qui y est venu du Danemarck se réduit à peu
de chose.
Le goudron de Suède est le plus estimé dansle com-
merce; après vient celui d'Archangel : quant à celui
des Etats-Unis , il passe pour être inférieur aux deux
autres. On attribue cette infériorité à ce qu'il est
extrait de bois morts, au lieu que celui d'Europe est
fabriqué avec les bois d'arbres récemment abattus.
Je m'étendrai davantage sur cette différence à l'article
du Pinus rigida^ où l'on verra qu'il paroît avoir été
reconnu depuis long-temps que l'emploi du bois vert
P I N U s A U S T K A L I S . 83
OU du bois mort, influe beaucoup sur la qualité du
goudron. On reproche encore à celui des Etats-Unis
de contenir souvent de la terre, ce quil faut sans
doute attribuer au peu d'attention qu'on met à faire
la fosse dans laquelle il coule à mesure quil se foniio
dans le bûcher. Il égaleroit probablement en qualité
celui du nord de l'Europe, s'il étoit fabriqué avec
les mêmes soins et les mêmes procédés; cependant,
à ces causes des différences qui tiennent au mode
de fabrication , il faut en ajouter deux autres très-
remarquables. La première, c'est que le goudron de
Suède ou de Russie provient du Pinus syheslris ^
et celui des Etats-Unis du Pinus australis , deux
arbres absolument distincts; la seconde, que l'un
de ces deux arbres croît dans les régions de l'Europe
les plus froides, tandis que l'autre, au contraire,
est indigène à des pays très-chauds. J'ai déjà eu occa-
sion de dire que, malgré la grande étendue de
pays que couvre le Pinus australis ^ la fabrication
du goudron et de la térébenthine étoit aujourd'hui
restreinte à la Basse-Caroline du nord, et à une très-
petite portion de la Virginie qui l'avoisine; mais
d'après la grande consommation qui se fait de ces
substances, tant dans les Etats-Unis que dans la
Grande-Bretagne, je doute que quand même toutes
les contrées qui en sont susceptibles, seroient ex-
ploitées sous ce rapport, elles pussent fournir long-
temps à la consommation ; car on prétend qu'un can-
ton oii l'on a ramassé les bois morts pour l'extrac-
tion du goudron, ne se trouve regarni d'une même
84 PINUS AUSTRALIS.
quantité qu'au bout de dix à douze ans. Il paroît
donc qu'il seroit très-avantageux d'extraire le gou-
dron de bois vert où d'arbres écorcés à l'avance ;
peut-être, en employant ce moyen, parviendroit-
on à subvenir aux besoins du commerce ?
On pourroit encore, dans ces mêmes contrées,
tirer un grand avantage de l'écorcement des Pins
d'un petit diamètre, cette opération, en les faisant
passer dans le cours de quinze mois à un état rési-
neux complet, les rendroit très-propres à faire des
pieux, ainsi qu'à beaucoup d'autres usages pour
lesquels il faut des bois très-forts et susceptibles
de résister long-temps aux influences de l'air et
de Ihumidité ; on devroit surtout tenter cet écorce-
ment au mois d'avril ou au commencement de mai ,
lorsque la sève est en activité , en observant d'enle-
ver le liber le plus exactement qu'il seroit possible.
J'aurois bien désiré faire cet essai pendant mon der-
nier séjour dans la Caroline du sud, mais la saison
étoit trop avancée pour que je pusse l'entreprendre
avec l'espoir d'obtenir un heureux résultat.
Je terminerai la longue description du Piniis
australis par le désir de le voir propager dans les
Landes de Bordeaux. La température de cette partie
de l'Empire et la nature du sol lui conviendroient
très-bien ; il y réussiroit beaucoup mieux que dans
les départemens qui sont plus septentrionaux, où il
ne croitroit jamais que d'une manière imparfaite. Il
seroit une ressource de plus pour la France ; car ,
outre ses produits résineux, son bois est le meilleur
PINUS AUSTRAL I s, 85
de tous ceux que fournissent les autres espèces de
Pins de l'Amérique septentrionale. Je l'ai comparé à
celui du Pinus marilima (Pin de Bordeaux), et à
celui du Pinus syheslris (Pin du Nord ou de Kiga),
et je l'ai trouvé très-supérieur en qualité. Je ne doute
pas non plus que les bois des Pinus mitis et du
Pinus ruhra ne soient aussi très-préférables à ceux
de ces deux espèces européennes, à en juger par
les forts échantillons que j'ai rapportés.
La figure du Pinus australis ^ dans l'ouvrage de
Sir A. B. Lambert, représente bien les feuilles et les
fruits; mais il est défectueux relativement aux (leurs
mâles. Quant à la description qu'il donne de cet
arbre , elle offre, de toute manière , une telle dispa-
rité avec la mienne, que je crois devoir la transcrire
ici textuellement et dans son entier , plutôt que
d'entrer dans aucune discussion. La description la-
tine commence ainsi : Pinus palustris. Arhor me-
dioci^is , in paludosis. — The FTood is of a redis h
white colour^ soft^ light and verj sparingly im-
pregnated with rosin. It soon decaj and burn
badfy it is so litle estimated that as long as any
kind ofwood is to be had , not tho least use is niade
ofit. « Le bois de cet arbre est de couleur rou-
geâtre , tendre , léger et peu chargé de résine. Il
pourrit promptement, et brûle mal. Il est si peu es-
timé , qu'aussi long-temps qu'on pourra se procurer
toute autre espèce de bois , il n'en sera pas fait le
moindre usage.»
PLANCHE VI.
Fi'g' 1 f feuille. F/g, a j bourgeon. Fig, 5 , graine.
PINUS SEROTINJ,
THE POND FINE.
Pin US serotina ; arhor , 4o-45 pedalis ; foliis ternis , prce-
longis ; amentis masculis erecto incumbentibus ; strobi-
lis ovatis ; tessularmn mucrone munutissimo.
Obs. Strobïli anno tanlum sequenti dehiscunt.
P. serotina A Mich. il. B. Am».
Quoique le Pinus serotina se rencontre assez fré-
quemment dans la partie maritime des Etats méri-
dionaux , il est cependant comme perdu dans la
grande masse des Pins à longues feuilles qui cou-
vrent toutes ces contrées ; d'ailleurs , il n'est employé
à aucun usage déterminé , et il a cet air de famille
qui donne une apparence à -peu -près semblable à
tous les Pins ; et c'est sans doute par ces motifs qu'il
n'a reçu jusqu'à présent des habitans aucune déno-
mination particulière. Le nom de Pojid pine. Pin
des mares, que je lui donne, me paroît assez con-
venable 3 car on le trouve principalement autour
des mares Ponds remplies de Laiirus estivalis ,
Pondbushes ^diinû que dans les petits swamps ou ma-
rais , dont le sol noir et même bourbeux est couvert
de Gordonia lasianthus , Lsaurus cai^oliniensis
Njssa aquatica y Magnolia glauca.
Les feuilles du Pinus serotina , réunies trois à
trois dans une seule gaîne , sont longues de i3 à i6
centimètres (^^ ai Q pouces j et même un peu plus
grandes dans les jeunes individus. Ses chatons, longs
PINUS Serotiiia.
PINUS SEROTIJVA. 87
de II à 12 millimètres (6 à 8 lignes), sont droits
et non recourbes, ni mêlés ensemble, comme dans
le Pinus australis ou le Pinus mitis. Ses cônes , le
plus souvent réunis deux à deux et opposés l'un à
l'autre, ont environ 6 centimètres (^2 pouces et demi)
de longueur, sur i/j- centimètres (5 pouces et demi)
de circonférence, et sont assez semblables par leur
configuration à un œuf de grosseur ordinaire. Leurs
écailles, arrondies à l'extrémité supérieure , sont ar.
mées d'une pointe très-courte et très -fine, qui se
casse avec la plus grande facilité ; ce qui, dans quel-
ques circonstances , pourroit faire croire qu'elles en
sont entièrement dépourvues.
Quoique les cônes du Pinus serulina ne soient
que deux ans pour arriver à leur entière maturité^
cependant ils ne s'ouvrent et ne laissent échapper
leurs graines que la troisième et même la quatrième
année.
Cet arbre s'élève ordinairement de 1 1 à 12 mètres
(^35 à 4o pieds) , sur 40 à 5o centimètres [ i5 à 18
pouces) de diamètre; il est fort rare de trouver des
individus qui aient de plus grandes dimensions. Il
est surtout remarquable par ses branches fort espa-
cées , et qui commencent toujours à partir au-des-
sous de la moitié de sa hauteur; outre le désavan-
tage que lui donne ce défaut, il a encore celui d'être
surchargé d'aubier , au point qu'on en trouve tou-
jours, même dans les plus gros arbres , une plus
grande proportion que de cœur; et c'est à cause de
cela qu'on n'en fait aucun usage dans le pays , et
bo PINUS SEROTINA. . •
qu'il ne mérite, point par conséquent d'attirer l'at-
tention des personnes qui s'occupent de plantations
utiles en Europe.
Obs. Lorsque les marais où swamps, aux environs
desquels croit le Pinus serotina^ sont peu éloignés
des champs autrefois cultivés , mais abandonnés à
cause de leur infertilité , on observe quelquefois
qu'il s'y est multiplié avec le Pinus australis ; c'est
ce qui m'a mis à même de m'assurer que la séche-
resse du terrain n'apportoit point de différence dans
la forme de cet arbre ^ ni dans celle de ses cônes ,
et que ceux-ci , dans ce cas , n'étoient point armés
de pointes plus longues ni plus fortes que dans les
individus qui croissent dans un sol humide.
J'ai cru devoir ajouter cette observation, parce
que cet arbre a été fréquemment confondu avec le
Pinus ri^ida , avec lequel il a beaucoup d'analogie
par sa forme.
PLANCHE VIL
Fig. 1 , feuille. Fig, 2 , graine.
P/.8
/i,:v., ,/r/ .
( :,/,,. >c
PINUS RIGIDA.
THE PITCH PINE.
Pin US rigida , arhor ramosa; cortïce scahro-rimosa , gf^fn-
mïs resinosis ; foliis ternis ; amentis masculis ere.cio-
incumhentibus ;strohilis sparsis vel aggregatis, squamia
echiiiatis , spi'nis rigidis.
P. rigida , Linn.
Cette espèce est connue dans tous les Etats-Unis
sous le nom de Pitch pine , Pin résineux , et quel-
quefois aussi en Virginie sous celui de Black pine ^
Pin noir, mais jamais, sous la dénomination de
Three leaved Virginian pine , Pin de Virginie à
trois feuilles , que lui donne Sir A. B. Lambert, dans
son ouvrage.
A l'exception de la partie maritime des Etats mé-
ridionaux et des contrées fertiles situées à l'ouest
des monts Alléghanys, cet arbre se trouve dans tou-
tes les parties des Etats-Unis , mais beaucoup plus
abondamment dans la partie atlantique , où la na-
ture du sol est très-variée et souvent de très mau-
vaise qualité.
Les environs de Brunsv^âck, dans le district de
Maine, et ceux de Burlington sur le lac Champlain,
dans l'Etat de Vermont, sont les points les plus sep-
tentrionaux où je l'aie trouvé ; dans ces contrées,
les endroits où il croît le plus ordinairement sont
ceux dont le sol est uni et formé d'un sable quart-
I. 12
go PINUSRIGIDA.
zeux, friable et si peu substantiel que cet arbre , qui
les couvre exclusivement , ne s'ëlève pas au-dessus
de 4^5 mètres (12 a i5 pieds j; ses branches me-
nues et chargées de petits cônes annoncent encore
son épuisement.
Les chaînons successifs qui composent les Allégha-
nys et qui traversent la Pensylvanie et la Virginie,
dans une étendue de plusieurs centaines de milles,
en sont parfois couverts ; c'est ce que j'ai eu l'occa-
sion de remarquer plusieurs fois, dans mon voyage de
Philadelphie à Pittsburgh sur l'Ohio, et notamment
en traversant les South mountains , sur le chaînon
désigné sous le nom de Sadle Hill , à 3o milles de
Bedfort. Sur ces montagnes, dont le sol est un peu
moins mauvais , et qui est composé d'argile et de
beaucoup de pierres , le Pinus rigida vient à
10 à 12 mètres ( 3o à 35 pieds J de hauteur, sur 3
à 4 décimètres ^ 12 à i5 pouces) de diamètre ; di-
mensions beaucoup plus grandes que celles des
diverses espèces de chênes avec lesquelles il se
trouve.
On le rencontre encore fréquemment dans la par-
tie basse du New-Jersey, de la Pensylvanie et du
Maryland, mais dans des sites tout opposés. Ainsi,
dans tous les grands swamps ou marais remplis de
Cupressus thujoides ^ qui sont constamment vaseux
ou couverts d'eau , il se trouve des Pinus rigida
qui surpassent les autres arbres en élévation et en
grosseur : ils ont environ 20 à 25 mètres ^70 à 80
pieds J de hauteur, sur 6 à 7 décimètres (^ 20 à 28
P I N U s R I f i I D A . 91
pouces) de diamètre. Cet arl)re résiste aussi assez
long-temps à l'action des eaux de la mer qui , dans
les fortes marées, couvrent les prairies salées, au
milieu desquelles il croit quelquefois, et où il est
seul de son espèce.
Les bourgeons du Piniis rigida sont toujours rési-
neux , et ses feuilles, réunies au nombre de trois
dans la même gaine, ont depuis 3 jusqu'à 18 centi-
mètres ( I pouce et demi jusqu'à 7 pouces) de lon-
gueur, selon qu'il croit dans des lieux très -secs ou
très-humides. Ses chatons, disposés comme dans le
Pinus serotina^ sont droits et longs d'environ 3 cen-
timètres ( 1 pouce). Ses cônes varient également en
grosseur, suivant les localités, depuis un peu moins
de 3 centimètres (^ i pouces ), jusqu'à 5 centimètres
( 3 pouces et demi ) de longueur ; leur forme est py-
ramidale, et chaque écaille est armée d'une pointe
aigùe et longue d'environ 4 millimètres ( 2 lignes).
Lorsque le Pinus rigida croit en grande masse, soit
sur les montagnes, soit dans les marais, ses cônes
sont disséminés et placés un à un sur les branches ,
et, comme je m'en suis assuré par des observations
constantes, ils s'ouvrent pour laisser échapper leurs
graines à l'automne de la même année qu'ils sont
arrivés à maturité; mais lorsqu'au contraire, ces ar-
bres sont isolés et exposés à être battus par les vents ,
ils sont rabougris , et les cônes sont ramassés au
nombre de quatre à cinq, et même en plus grand
nombre sur une seule branche. Alors ils restent plu-
sieurs années sans s'ouvrir. Cette observation reh.-
Q2 PINUS RIGIDA.
tive à l'agglomération des cônes, s'applique aussi au
Pinus inops et au Pinus pungens^ et fait reconnoître
ces arbres au premier aspect.
Le Pinus 7'igida a l'écorce épaisse , noirâtre , et
profondément sillonée. Mais il se distingue sur-
tout des autres espèces de Pins , en ce qu'il est très-
rameux et garni de branches dans les deux tiers de
sa hauteur; ce qui rend son bois très noueux. Il a
de plus, l'inconvénient d'être tellement surchargé
d'aubier , que les trois quarts de son diamètre en
sont formés, ce qu'on observe même dans les plus
forts individus : aussi , les couches concentriques
sont-elles très-écartées. La qualité de son bois est en-
core très-différente suivant les lieux oii il croît : sur
les montagnes et dans les terreins secs et graveleux , il
est très-résineux et par-là même compacte et pesant,
ce qui lui a fait donner le nom de Pitch pine^ Pin à
goudron ; dans les marais, au contraire, il est tendre,
léger et encore plus chargé d'aubier ; alors il est dé-
signé sous celui de Sap pine^Vin à aubier. Ces défauts
essentiels le rendent inférieur au Pinus mitis-, mais
comme cette dernière espèce devient tous les jours
plus rare, à cause de la grande consommation qui s'en
fait pour les constructions civiles et maritimes , on
la remplace en partie à New- York, à Philadelphie et
à Baltimore, par le Pinus rigida , dont on fabrique les
caisses destinées à contenir diverses marchandises ,
telles que la chandelle, le savon, etc. Les ouvriers
qui l'emploient pour ces usages secondaires se servent
de la qualité dite Sap pine ^ Pin à aubier.
PI NUS R I G I D A. 93
Dans quelques parties des monts Allcghanys où
le Pinus rigida est très-abondant, les maisons en
bois en sont entièrement construites, et lorsqu'elles
ne sont pas peintes, on rcconnoît tout de suite à
la quantité de nœuds dont les planches sont par-
semées, qu'elles proviennent de cet arbre. On pré-
tend cependant que pour le plancher inférieur,
qu'on est dans l'habitude de laver toutes les semai-
nes, elles sont préférables à celles du Pinus mit Is ^
le grain du bois étant plus ferme et plus résistant ,
à cause de la quantité de résine dont il est im-
prégné.
On s'en sert aussi pour les corps de pompes des
navires, et il convient très-bien à cet usage, pour
lequel on recherche préférablement les espèces
de Pin qui ont très - peu de cceur sur un grand
diamètre.
Les boulangers de New -York, de Philadelphie
et de Baltimore, ainsi que les briquetiers établis aux
environs des villes , chauffent presqu'entièrement
leurs fours avec le bois de cet arbre, ce qui en con-
somme une prodigieuse quantité. Ils l'achètent à
Philadelphie , 3 piastres (16 francs) la corde. C'est
encore avec les morceaux les plus résineux que se
fait le noir de fumée.
Le Pinus i^igida paroit avoir été autrefois fort com-
mun dans les Etats de Connecticut, de Massachus-
setts et de New^-Hampshire , situés à l'est de la rivière
Hudson; car, depuis le commencement du dix-sep-
tième siècle jusqu'en 1776 , on s y est occupé, plus
94 PINUSRIGIDA.
OU moins activement, de fabriquer du goudron. Cette
fabrication y fut même encouragée vers l'an l'joS , à
la suite de quelques différends survenus entre l'An-
gleterre et la Suède qui fournissoit à cette première
puissance ses approvisionnemens en ce genre : pri-
vée momentanément de cette ressource , la Grande-
Bretagne chercha à y suppléer par ses colonies du
nord del'Aniérique; elle offrit une prime de i pound
sterling (22 f. 5o c.) pour autant de huit barils faits à
la manière ordinaire, c'est-à-dire , avec des bois rési-
neux provenant d'arbres morts, et celle de 2 pounds
4 shellings sterling (49 f. 4o c), pour pareille quantité
faite avec du bois vert. Gomme il paroît que ce der-
nier procédé n'étoit point en usage, on le fit connoî-
tre, et on publia qu'il consistoit à écorcer les arbres
jusqu'à trois mètres ( 9 pieds ) au-dessus de terre , et
à ne les abattre qu'au bout d'un an. La bonté de
ce procédé a été confirmée depuis par les expérien-
ces deBuffon, sur la conversion de l'aubier e?i bois ,
expériences dont on tireroit de grands avantages
dans les Etats-Unis, si on en faisoit l'application aux
arbres résineux. Soit que cet encouragement ait causé
rapidement une grande destruction de cet arbre, soit
qu'on doive l'attribuer encore à d'autres circonstan-
ces que j'ignore; il est constant que depuis bien des
années, on ne tire plus ni térébenthine ni goudron
de cette partie des Etats-Unis , car tout ce qui s'en
consomme à Boston et dans les ports de mer voi-
sins y est importé de Wilmington , dans la Garoline
du nord.
PINUS KIOIDA. qS
La petite quantité de goudron qui se fabrique
sur les bords du lac Ghamplain , est employée pour
les petits bàtimens qui y naviguent . ou est envoyée
à Québec. Quelques pauvres habitans se livrent aussi
à ce travail, dans la partie basse du New-Jersey qui
avoisine la mer , et le peu de goudron qu'ils en re-
tirent est transporté à Philadelphie où il est moins
estimé que celui qui vient des Etats méridionaux.
Quant à la quantité qu'on en consomme sur les bords
de rOhio , pour la construction des sept ou huit
vaisseaux de différente grandeur qu'on lance annuel-
lement sur cette rivière, elle vient des monts Allé-
glianys, et principalement des bords de Tarcreek,
( rivière à goudron J qui a son embouchure dans
1 Ohio à 20 milles de Pittsburgh , et ce goudron re-
vient à un prix très-élevé. On ne fabrique pas non
plus dans les contrées de l'ouest , d'essence de té-
rébenthine ; tout ce qu'il en faut pour la peinture
extérieure et intérieure des maisons y est transporté
de Philadelphie et de Baltimore.
Mes recherches ne m'ont rien appris de plus sur
lePinus rigida , mais ce qu'on a lu , suffit pour prou-
ver que plusieurs autres espèces de Pins lui sont
préférables, telles que le Piniis ?nitis et le Piniis
rubra^ qui peuvent venir dans les mêmes terreins,
et avec lesquels il se rencontre quelquefois naturel-
lement: ces espèces n'ont pas, du moins au même
degré , les défauts de cet arbre ; car, ainsi que je l'ai
déjà remarqué , lorsque ce dernier croit dans un sol
sec et graveleux , il est branchu dans les deux tiers
g6 • PINUSRIGIDA.
de sa hauteur, et par conséquent les pièces qui en
proviennent sont pleines de nœuds ; et s'il se trouve
dans des endroits très - humides , il acquiert , à la
vérité, de bien plus grandes dimensions, mais alors
son bois ne vaut rien, pour tous les ouvrages qui
exigent de la force et de la durée.
PLANCHE VIII.
Fig. i , feuille. Fig. 2 , graine.
/' .f:jl^./fli,A: M
PIN US Taîda^.
'V'VW W '*,-^/-^ ^ "^ X. -v^ -^^^-V*^^ ^-'W ^ -^ "»» ^''X/*» ^
PIN us TMDA.
THE LOBLOLLY FINE.
Pi NUS tœda, arhor maxima , supernè patula; foliîs ler-
nis , prœlojigis ; amentis masculis divergent! bus. Stro-
hilis 4 - um laliùus , tessul/s mucrone sursum rigide
uncinato ; fructiferis sub-rhoînboideis.
P. tseda , Lina.
Cette espèce de Pin est connue , dans toute la
partie basse des Etats méridionaux , sous le nom de
Loblollj pinej et quelquefois sous celui de TVhite
pine , aux environs de Richemond et de Peters-
burgh en Virginie. C'est à peu de distance de Fre-
derickburgh, dans ce même Etat, éloigné de 23o
milles au sud de Philadelphie , que j'ai observé cet
arbre pour la première fois, en me rendant dans les
Etats du midi. Je ne crois pas qu'il se trouve beau-
coup plus vers le nord, et certainement il n'existe
point dans la Pensylvanie , ainsi que l'avance Sir
A. B. Lambert, d'après Vanghenheim.
Dans toute la basse Virginie, et dans cette portion
de la Caroline du nord située au nord-est de la rivière
Cap fear , ce qui comprend une étendue de près de
200 milles , le Pinus tœda croit dans tous les can-
tons secs et sablonneux ; mais si le terrein est formé
d'une argile rougeâtre mêlée de gravier, il est occupé
par le Pinus mitis et par différentes espèces de Chê-
nes. C'est une chose bien digne de remarque que la
I- i3
98 PINUSTvEDA.
régularité avec laquelle le Pinus tœda et le Plnus
mitis sont soumis pour leur croissance à l'influence
du sol ; car selon les variations qu'il éprouve , même
dans l'intervalle de 4 à 5 milles , l'un ou l'autre de
ces Pins paroît ou disparoît entièrement.
Dans la même partie de la basse Virginie, cet ar-
bre s'empare encore exclusivement des terres dont
l'infertilité a fait abandonner la culture , de manière
qu'en voyageante travers ces contrées, on rencontre
fréquemment au milieu des forêts de Chênes et autres
arbres à feuilles tombantes, des espaces de 35 à 70
hectares ( 100 à 200 arpens J couverts uniquement
de jeunes Pinus tœda de la plus belle venue.
Dans les Etats méridionaux, cette espèce de Pin,
qui est la plus commune après le Pinus australis\,
ne croit au contraire que dans les cantons qui avoi-
sinent les rivières , ou qui sont traversés par les
creeks ^ dont le sol est assez productif et susceptible
de s'améliorer; tel est le terrein qui entoure la ville
de Charleston, dans la Caroline du sud, à une dis-
tance de 5 à 6 milles, qui est, en grande partie,
couvert de Pinus tœda. On voit encore souvent cet
arbre le long àesswamps étroits qui coupent en tous
sens les landes, Pines harrens^ et qui sont remplies
de Laurus caroliniensis , Magnolia glauca , Gor-
donia lasyanthus ^ etc.
Les feuilles du Pinus tœda sont fines , d'un vert
clair et longues d'environ 16 centimètres (6 pouces);
elles sont réunies trois à trois dans la même gaine ,
et quelquefois au nombre de quatre dans la mai-
PINUS TJli.Dk, f)Q
tresse pousse des jeunes individus les plus vigou-
reux.
Ce Pin fleurit en Caroline dans les premiers jours
d'avril. Ses chatons ont près de 3 centimètres (un
pouce 1 de longueur, et sont, comme ceux du Pi-
nus australis recourbés en différens sens les uns sur
les autres. Ses cônes, longs d'environ ii centimè-
tres ( 4 pouces) armés de fortes pointes, présentent
la forme d'une pyramide allongée, et, après leur
ouverture, celle d'un rhombe plus ou moins parfait j
ils laissent échapper leur graine la même année.
Le Pinus tœda s'élève à plus de a 5 mètres ( 8o
pieds) sur 8 à i o décimètres ^2 à 3 pieds) de diamètre ,
et sa cime est très-large. Ceux de ces arbres qui m'ont
paru le plus élevés sur une moindre grosseur, crois-
sent à peu de distance de Richemond , dans un terrein
léger et assez aride. On auroit pu tirer de plusieurs
individus que j'y ai observés , des cylindres très-
réguliers de 3o à 4o centimètres (12 à i5 pouces)
de diamètre sur 16 à 17 mètres ( 5o pieds) de lon-
gueur, et sans aucune apparence de nœuds.
lue Pinus serotina et le Pinus rigida sont, comme
je l'ai remarqué y très-chargés d'aubier, mais le Pi-
nus tœdamsi paru l'être encore davantage. J'ai tou-
jours vu avec surprise que des arbres de 7 décimè-
tres (3o pouces) de diamètre, à i mètre ( 3 pieds )
de terre , avoient 5 a6 décimètres ( 20 à ^4 pouces )
d'aubier, et je n'ai jamais trouvé dans des individus
d'environ 3 décimètres (^un pied J de grosseur, et
de 10 à II mètres (30 à 35 pieds) de haut, plus
100 piNus tj:da.
de 3 centimètres ^ un pouce) de cœur ou de vrai
bois : aussi les couches concentriques sont - elles
extrêmement espacées dans ce Pin, et c'est ce qui
explique la grande rapidité avec laquelle il croît ,
surtout dans les Etats méridionaux, oi^i j'ai le plus
souvent fait cette observation. En Virginie oii il
vient dans des terreins plus secs, et par conséquent
moins rapidement, il n'a pas autant d'aubier, et son
bois est d'une contexture plus compacte. Je m'en
suis assuré en visitant les moulins à scie de la ville
de Petersburgh , où l'on apporte beaucoup de tron-
çons de cet arbre, pour y être débités sous diffé-
rentes formes.
Les trois quarts des maisons de cette ville, et
presque toutes celles des campagnes voisines , sont
entièrement construites en bois de Pinus tœda. On
l'employé même pour les planchers du rez-de-chaus-
sée à défaut du Pinus mitis qui seroit bien préfé-
rable, s'il n'étoit pas si difficile de se le procurer,
aussi sont-ils mal joints et pleins d'inégalités, car
quoique les planches destinées à cet usage n'aient
que 1 1 centimètres Ç /j. pouces ) de large et qu'elles
soient bien clouées sur les solives, elles se retirent
encore. Cet inconvénient qui provient du grand
ëcartement des cercles annuels dont les intervalles
sont remplis d'une substance très - spongieuse , est
loin de se trouver dans \e Pinus aust rails -^ car ce
dernier a plus de couches concentriques , dans 3
centimètres fun pouce) de largeur que le Pinus tœda
dans 3 décimètres C I pied j.
PINUS TiEDA. 10 r
Dans les ports des Etats méridionaux, on se s^rt
de ce Pin comme du Pinus ri^ida dans ceux du
nord, pour faire les corps de pompe des vaisseaux ,
parce qu'on peut facilement, en les perforant, ôtcr
tout le cœur à des arbres d'un grand [diamètre. A
Charleston , dans la Caroline du sud , les quais sont
remblayés avec des tronçons de cet arbre qu'on re-
couvre de terre. Les boulangers chauffent aussi leurs
fours avec son bois, et ils le paient un tiers de
moins que celui du Pinus aust redis qui est plus
résineux.
Tous ces usages , comme on le voit, sont très-se-
condaires , et c'est avec raison que dans ces contrées
on regarde le Pinus tœcla comme un des moins utiles.
D'ailleurs, il pourrit avec une grande rapidité , lors-
c[u'il est exposé aux injures de l'air, et on lui repro-
che encore de s'emparer très-promptement des ter-
res abandonnées, et d'y croître si vite qu'il multiplie
les travaux pour les soumettre de nouveau à la cul-
ture. Mais si le Pinus tœda est peu estimé des Amé-
ricains, il peut être très-utile dans le midi de l'Eu-
rope, oîi tout arbre d'une belle venue et d'une crois-
sance très-accélérée doit être considéré comme un
bienfait de la nature. On pourroit s'en servir pour tous
les ouvrages non apparens de menuiserie, pour les
caisses d'emballage, etc. C'est à l'expérience à déci-
der si dans les landes de Bordeaux , sa végétation
ne seroit pas plus rapide que celle du Pinus niari-
tinia. Si je désigne cette partie de la France, ce n'est
pas que j'ignore que cet arbre supporte les froids
102 PINUS T^DA.
qu'on éprouve aux environs de Paris , et même qu'il
y fructifie 5 mais je doute qu'il puisse y prendre tout
le développement qui lui est naturel.
Le Pinus tœda fournit abondamment de la téré-
benthine , mais elle est moins fluide que celle du
Pinus australis. On en a fait l'observation en sou-
mettant au même travail quelques-uns de ces Pins,
qui se trouvent à proximité des cantons où l'on ex-
ploite ce dernier pour en tirer les produits résineux.
Comme le Pinus tœda a beaucoup plus d'aubier,
et que c'est de cette partie de l'arbre que découle
seulement la térébenthine , on pourroit lui faire des
incisions plus profondes, et il seroit possible qu'on
obtînt même une plus grande quantité de cette
substance.
La figure qu'en a donnée Sir A. B. Lambert est
exacte , mais il est dans l'erreur lorsqu'il dit que cet
arbre ne parvient qu'à une petite hauteur n Arbor
humiliSy etc. » ; c'est, au contraire, suivant moi , de
tous les Pins des Etats-Unis , celui qui , après le Pi-
nus strohus arrive à la plus grande élévation.
PLANCHE IX.
Fig. 1 , feuille. Fig, a , graine.
/l,:,:.;, ,M
PIN US Su'ol)us
PINUS STROBUS.
THE mil TE PIJSE
Pin US strohus , arhor excelsa ; corti'ce lœvi , cinereo
œtate ;folus quinis , gracilibus , vagini's nullis ; amentis
mas eu lis parvis , rufis ; strobilis lœvigatis , pendulîs ^
longo-cylendraceis.
P. strobas. Linn.
Cette espèce de pin , l'une de celles de l'Amé-
rique septentrionale qui offre le plus d'intérêt, est
connue, dans tous les Etats-Unis aiôsi qu'en Canada,
sous le seul nom de FThite pine^ Pin blanc, à
cause de la couleur de son bois qui est toujours très-
blanc au moment où il vient d'être travaille : elle
reçoit cependant encore quelquefois dans le New-
Hampshire et dans le district de Maine, les> dénomi-
nations secondaires de Pumpkin pine ^ Pin potiron;
àiAple pine , Pin pomme, et de Sapling pine^ Pin
baliveau, qui, comme nous le verrons, sont les ré-
sultats de quelques propriétés particulières.
Les feuilles du Piniis strobus , longues d'environ
1 1 centimètres ( 4 pouces) , sont toujours nombreuses
et réunies au nombre de cinq ; elles sont fines, dé-
liées, d'un vert légèrement bleuâtre : et cet arbre
doit sans doute à ce feuillage léger et délicat la forme
agréable et élégante qu'il offre assez constamment
dans les jeunes individus. Les chatons qui portent
les fleurs mâles , sont rassemblés au nombre de cinq
ou six et courbés en différens sens les uns sur les
I04 PINUSSTROBUS.
autres : leur longueur est d'environ i centimètre (4 à
5 lignesj ; ils deviennent rougeâtres avant de tomber.
Les cônes longs environ de lo à 12 centimètres (4 ^
5 pouces) , sur environ 1 centimètres [ 10 lignesj de
diamètre à leur portée moyenne , sont pédicules ,
pendans , un peu arqués et composés d'écaillés
minces , lisses et arrondies à leur base. Ils s'ou-
vrent vers le i^"". octobre , pour laisser tomber leurs
graines , dont une partie est souvent retenue par la
térébenthine qui suinte des écailles.
Le Pinus strobus se trouve dans une vaste éten-
due de pays, mais non pas par-tout avec une égale
abondance; car un froid extrême, et surtout une
trop forte chaleur finissent par le faire disparoitre
entièrement. Vers le nord, c'est sur les bords de la
rivière Mistassins, à environ l'jokilomètr. (^4oli^uesJ
de son embouchure dans le lac S. Jean en Canada ,
par le 48° 5o' de latitude , que mon père observa le
premier Pinus sti^obus , en revenant de la baie
d'Hudson, après avoir traversé environ 44 myria-
mètres T 100 lieues) de pays, sans en apercevoir au-
cun. Mais en avançant 1 degrés au sud, il le trouva
assez commun ; ce qui est dû sans doute , plutôt
à la nature du sol , plus favorable à la végétation
de cet arbre , qu'à la différence si peu sensible que
cette petite distance doit apporter dans la tempé-
rature. Il résulte encore des observations de mon
père et des miennes, que c'est entre les 47® et 43°
de latitude que cet arbre est le plus abomdamment
répandu; car, dans les pays situés plus au midi.
PIN us STR OBUS loj
on ne le voit que dans les vallons ou sur le pen-
chant des monts AUéghanys , jusqu'à leur termi-
naison en Géorgie, et on cesse de le trouver dans
les pays à l'est et à l'ouest de ces montagnes, à cause
de la chaleur trop forte qui s'y fait sentir. On as-
sure que le Plnus strobus est aussi très-multi-
j^ïlié aux sources du Mississipi , ce qui est très-vrai-
semblable , puisqu'elles sont situées sous la même
latitude que les contrées où il parvient à son plus
grand accroissement, comme dans le District de
Maine, la partie supérieure de New- Hampshire
l'Etat de Vermont et le haut du fleuve S. -Laurent.
Dans ces diverses parties des États-Unis , je l'ai trou-
vé dans les sites les plus opposés. 11 paroit , en effet
s'accommoder de toute espèce de terrein, car il se
fait remarquer par-tout où le sol n'est pas entière-
ment formé d'un sable maigre et aride, ou conti-
nuellement submergé. Cependant la partie la plus
déclive des vallons , dont la terre est douce, friable
et très-fertile , les bords des rivières où elle est
composée d'un sable noir, profond et toujours frais
les marais remplis de Thuia occidentalis , dont la
surface est tapissée d'un lit épais de sphagmun et
constamment humide, sont les sites où Ton ren-
contre les individus qui atteignent le plus grand
développement. Près de Noridgev\^ock , sur la rivière
de Rennebeck , dans un de ces marais de Thuia
où on ne peut avoir accès que dans le milieu de
l'été, j'ai mesuré deux de ces arbres abattus pour
faire des pirogues: l'un avoit 5o mètres ( i54 pieds 1
I. ,4
1 06 P I ]V U s s T R O B U s.
de longueur sur i mètre 45 centimètres ( 54 pouces)
de diamètre à i mètre (3 pieds) de terre, et l'autre
46 mètres (14^ pieds) sur i mètre i4 centimètres
(44 pouces) à la même hauteur. Belknapp dans son
Histoire du New-Hampshire , rapporte qu'on coupa
près de la rivière Merimack , un Pinus strohus qui
avoit 2 mètres 4B centimètres ( 7 pieds 8 pouces)
de diamètre et moi-même j'ai vu près d'Hollow^ell ,
la souche d'un individu qui avoit un peu plus de
2 mètres (6 pieds). Ces arbres remarquables par
leur grosseur extraordinaire , ëtoient probable-
ment arrivés à la plus grande élévation où par-
vient le Pinus strobus qui est d'environ 58 mè-
tres ( 180 pieds). Des personnes dignes de foi m'ont
assuré qu'elles en avoient fait abattre qui avoient à
peu près cette hauteur, mais elles regardoient cette
dimension comme extraordinaire , et ne se rencon-
trant que bien rarement. Je suis donc porté à croire
que c'est d'après des renseignemens inexacts que
quelques auteurs ont avancé que le Pinus strohus
s'élevoità plus de 84 mètres ( 260 pieds). Au reste
cet antique et majestueux habitant des forêts de
l'Amérique du nord n'en est pas moins le plus élevé
comme le plus précieux des arbres qui les composent,
et sa cime élancée dans les airs, les surpasse tous de
beaucoup et le fait apercevoir à de grandes distances.
Sa tige est sans branches jusqu'aux deux tiers et
même aux trois quarts de sa hauteur, et les bran-
ches sont véritablement très-courtes proportionnel-
lement à la grosseur du tronc. Elles sont verticil-
PINUS STROBUS. IO7
lées ou disposées par étage les unes au dessus des
autres , et garnissent ainsi le reste du corps de l'ar-
bre jusqu'à son sommet : alors les trois ou quatre
derniers rameaux se relèvent et présentent un bou-
quet qui semble comme détaché et dont on aper-
çoit à peine le support.
Lorsqu'au contraire le Pinus strohus se trouve
disséminé dans les forêts d'Erables à sucre, de Hê-
tres, ou parmi les Chênes de différentes espèces,
comme sur les bords du lac Champlain , et qu'il croit
dans une terre forte , substantielle et propre à la
culture du froment, alors il présente une tête très-
ramifiée qui embrasse beaucoup d'espace, et quoique
dans ces sortes de terrein il parvienne à une moindre
élévation , il n'en est pas moins encore le plus grand
et le plus vigoureux des arbres au milieu desquels il
se trouve.
Dans le District de Maine et à la Nouvelle-Ecosse ,
j'ai rencontré fréquemment des terreins abandonnés
à cause de leur stérilité, et j'ai toujours observé
que le Pinus strohus étoit l'arbre du pays qui s'em-
paroit le premier du sol, et qui, quoique jeune et
souvent isolé, résistoit le mieux aux vents impétueux
de l'Océan.
Dans les jeunes individus qui n'ont pas plus de
i3 mètres ( l\o pieds ), l'écorce du tronc , et surtout
des jeunes branches, est lisse et même luisante ^
mais à mesure que les arbres vieillissent, elle se
fendille , devient rugueuse et d'une couleur grise ^
elle ne tombe pas non plus par écailles, comme
108 PINUS STROBUS.
dans les autres espèces de Pins. Le Pinus strobus
en diffère aussi par son tronc qui ne conserve pas,
comme ces derniers, un diamètre uniforme jusqu'à
une grande hauteur; car il diminue au contraire
très-sensiblement, à partir du pied jusqu'au sommet,
quoique cela paroisse moins remarquable dans les
vieux arbres. Il résulte de là beaucoup de perte lors-
qu'on veut avoir des pièces d'une grande longueur et
de même grosseur aux extrémités. Mais cet inconvé-
nient est en quelque sorte compensé par l'avantage
qu'il a d'être plus gros et d'avoir fort peu d'aubier ;
car un Pinus strobiis de 3i centimètres [i pied) de
diamètre à i mètre ^3 pieds) de terre, n'en a guère
plus de 2,7 millimètres (i pouce) tandis qu'un Pinus
miiis de la même grosseur , en auroit io,o (4 ou 5 ) ,
et un Pinus tœda 28,8 ( 10 ou 11). Cette propriété
est assez importante, puisque dans toutes les cons-
tructions , on doit dépouiller avec soin les plan-
ches et les madriers de leur aubier qui est sujet à
se pourrir très-promptement ou à être attaqué par
les vers.
Parmi les nombreuses espèces de Pins que pos-
sède l'Amérique septentrionale,, il n'en est aucune
dont le bois soit employé en aussi grande quantité
et à des usages aussi variés : ce n'est pas cependant
que le bois du Pinus strobus soit sans défauts , car
il en a même d'assez essentiels, ôomme de n'avoir
pas beaucoup de force , de tenir mal les clous , et
d'être parfois sujet à se gonfler dans les temps hu-
mides: mais ces défauts sont rachetés par une mul-
PINUS STROB U§. 109
tilude de propriétés qui lui assurent la supériorité
sur tous les autres bois du genre des Pins. Il est
tendre, léger, peu chargé de nœuds et facile à tra-
vailler; il résiste mieux qu'aucun autre aux injures
du temps, et il ne se fend pas aussi facilement aux
ardeurs du soleil ; il fournit des planches d'une belle
largeur, et des pièces de charpente de la plus
grande dimension ; enfin il est encore abondant et
à bon marché.
J'ai toujours observé que l'influence du sol étoit
plus sensible dans les arbres résineux que dans ceux
qui perdent leurs feuilles. Le Pinus strobus en par-
ticulier, a des qualités très-différentes selon la na-
ture du sol où il croit. Lorsqu'il se trouve dans des
terrains formés d'un sable gras, profond et humide,
il réunit au plus haut degré celles de ses propriétés
qui le font le plus estimer, et notamment la légèreté,
ainsi que la texture fine et délicate de son grain qui
permet de le couper net en tous sens, sans qu'il s'é-
raille ; et c'est probablement par cette raison qu'on
lui donne dans ce cas le nom de Pumpkin pine^ Pin
potiron. Mais, lorsqu'il croit dans des terreins secs
et élevés, son bois est plus ferme et plus résineux ,
son grain est plus grossier, ses couches concentriques
sont très-espacées, et alors on l'appelle Saplin^ pine ,
Pin baliveau.
Dans tous les Etats du nord, qui renferment la
très-grande partie de la population des Etats-Unis,
les sept dixièmes des habitans vivent encore dans des
maisons construites en bois, et les trois quarts de
IIO P I NUS STROBUS.
ces maisons, dont on peut évaluer le nombre à plus
de 5oo mille , sont presqu'entièrement faites de PU
nus strobuSy non-seulement dans les campagnes et
les villages, mais, dans toutes les villes, à l'excep-
tion de Boston , New- York et Philadelphie , qui ce-
pendant ont encore les maisons de leurs faubourgs
et un petit nombre d'autres bâties de cette manière.
Dans les églises et autres grands édifices , les plus
grosses pièces de charpente sont aussi tirées de ce
même arbre.
Les moulures qui décorent les portes extérieures
des maisons , les corniches et les frises qui ornent
l'intérieur des appartemens , les manteaux des che-
minées qui sont travaillés en Amérique avec beau-
coup de soin, sont encore faits de ce même bois, de
même que les cadres des glaces et des tableaux, car
il a l'avantage pour ces différens ouvrages de prendre
bien la dorure. Les sculpteurs en bois qui s'occupent
exclusivement de faire les figures destinées à orner
l'avant des vaisseaux , n'emploient également que
le bois du Pinus strobus ', mais, ils préfèrent pour
ce genre de travail, la variété que sa qualité tendre
et peu résineuse fait appeler trivialement Pumpkin
pine^ Pin potiron.
A Boston , et dans les autres villes des Etats du
nord, l'intérieur des meubles d'acajou, les malles,
le fond des chaises de Windsor de deuxième qualité ,
les seaux à puiser de l'eau , une grande partie des
caisses destinées à emballer les marchandises, les
cases et tablettes des magasins et boutiques sont faites
PINUSSÏROBUS. III
en planches de cet arbre, ainsi qu'une infinité d'au-
tres ouvrages.
Dans le District de Maine , on en fait aussi des
barils pour le poisson salé, mais on y emploie de
préférence la variété dite Sapling pine^ dont le bois
a plus de force.
Les magnifiques ponts en bois qui sont construits
l'un à Philadelphie sur la Schuylkill , et l'autre à
Trenton sur la Delaware ; ceux qui unissent Cam-
bridge et Charleston à la ville de Boston , dont l'un
a 974 niètres , [ 3,ooo pieds } de longueur , et l'autre
487 (i5oo), sont faits en bois de Pinus s tr obus y
qu'on a préféré comme résistant le mieux aux alter-
natives de la chaleur et de l'humidité.
Il fournit encore exclusivement à la mâture des
nombreuxvaisseauxqui se construisent dans les Etats
du nord et du milieu , et il seroit bien difficile de
le remplacer pour cet objet dans l'Amérique septen-
trionale. On dit même qu'avant la guerre de l'indé-
pendance, l'Angleterre faisoit venir des Etats-Unis
les mâts nécessaires à sa marine militaire et marchan-
de , et encore aujourd'hui, elle en tire de ce pays
pour suppléer à ce qu'elle ne peut se procurer dans
le nord de l'Europe. C'est du District de Maine ,
et notamment de la rivière de Rennebeck que sont
venus en Angleterre les plus beaux échantillons.
Le gouvernement anglois, peu de temps après
l'établissement de ses colonies dans cette partie du
monde, sentit tout l'avantage de posséder de belles
mâtures, et toute l'importance de leur conservation ;
112 PINUS STROBUS.
il rendit en 171 1 et en i 721 , les ordonnances très-
sévères pour défendre, dans les propriétés royales,
la coupe des arbres propres à la mâture. Cette défen-
se s'étendoit aux vastes contrées qui sont bornées au
midi par le New- Jersey et au nord par l'extrémité
septentrionale de laNouvelle-Ecosse. J'ignore jusqu'à
quel point on a tenu la main à leur exécution de-
puis cette époque jusqu'à la révolution américaine ;
mais ce que j'ai observé dans mes voyages, c'est que
de Philadelphie jusqu'au delà de Boston, c'est-à-
dire, dans une étendue d'environ 600 milles, on ne
trouveroit plus un seul de ces arbres propre à mater
un navire de 600 tonneaux.
L'avantage le plus marqué qu'ont les mâts de Pinus
stj^obus ont sur ceux de Riga, c'est d'être incompa-
rablement plus légers, mais ils sont moins forts et
ont , à ce que l'on dit , le défaut de s'échauffer et
de pourrir plus vite à l'attache des vergues et dans
l'entrepont. Voilà ce qui donne au Pinus sjhes-
tris la supériorité sur le Pinus strobus, même dans
l'opinion de la majorité des constructeurs améri-
cains ; mais quelques-uns d'entr'eux, cependant,
pensent que les mâts de celte dernière espèce seroient
tout aussi durables, si on avoit soin de garantir
exactement leur sommet de l'humidité : c'est dans
cette vue que quelques personnes , pour ajouter à
leur conservation , ont imaginé de les faire percer
d'un trou de plusieurs pieds à leur partie supérieure,
et de boucher ce trou hermétiquement après l'avoir
rempli d'une certaine quantité d'huile, qui se trouve,
PI NUS s TRO BUS. Il3
dit-on , absorbée au bout de quelques mois. On se
sert encore en Angleterre du Pirius strohus pour faire
]es vergues et les mâts de baupré des vaisseaux de
guerre.
Cet arbre n'est pas assez résineux pour qu'on puisse
en extraire de la térébenthine, et fabriquer du gou-
dron avec son bois pour subvenir aux besoins du
commerce. Ce travail, d'ailleurs, ne seroit pas facile ,
car il est rare qu'il couvre seul quelques centaines
d'arpens, étant le plus souvent mêlé, en différentes
proportions, parmi les arbres à feuilles tombantes.
Pour compléter la description du Pinus strobus ^
je crois devoir indiquer avec plus de précision les
diverses partie des Etats-Unis d'où Ton tire aujour-
d'hui, non -seulement tout ce qui s'y consomme,
mais encore ce qui est exporté tant en Europe qu'aux
colonies des Indes occcidentales ; car cet arbre a
cela de particulier, que la grande consommation qui
s'en fait chaque année , oblige à aller faire les coupes
dans des cantons tellement reculés, qu'ils ne seront
pas habités avant vingt- cinq ou trente ans; ce qui
n'a pas lieu à l'égard des autres espèces d'arbres du
pays.
Les hommes entreprenans qui se livrent à cette
exploitation , surtout dans le District de Maine, sont
la plupart de nouveaux émigrans {^setlers)^ qui ont
quitté le New-Hampshire , entraînés les uns par Tin-
constance de leur caractère, les autres par le désir
de se procurer rapidement les moyens d'acquérir une
centaine d'acres de terre , pour l'établissement de
I. i5
Il4 PINUS STROBUS.
leur famille '. Ces hommes se réunissent en petites
bandes, se transportent en été au milieu de ces vastes
solitudes, et les parcourent dans tous les sens pour
reconnoitre les endroits les mieux garnis de Pinus
strohus. Ils coupent ensuite les herbes qui croissent
dans les environs , et les convertissent en foin pour
la nourriture des bœufs qu'ils doivent ramener avec
eux ; puis ils regagnent le pays où ils habitent.
L'hiver arrivé , ils reviennent dans ces forets , s'éta-
blissent dans des huttes couvertes en écorces de
Bouleau à papier ou de Thuia occidentalis y et quoi-
que la terre soit alors couverte de plus d'un mètre et
demi ^4 ^ ^ pieds) de neige et que le froid soit si
excessif que quelquefois le mercure se soutient pen-
dant plusieurs semaines à i8 et 20 degrés au-dessous
du point de congélation, ils se livrent, avec autant
de courage que de persévérance, à l'abattage des ar-
bres, les coupent par tronçons , lo^s , de 5 à 6 mé-
trés (i4 ^ 18 pieds) de longueur, et au moyen de
leurs bœufs , qu'ils emploient avec beaucoup d'a-
dresse^ ils les amènent aux bords des rivières, et
après les avoir estampés de leur marque, ils les rou-
lent dans leur lit qu'ils en emplissent par milliers.
Au printemps , les glaces venant à se briser, ces logs
ou tronçons sont entraînés avec elles par le courant.
C'est à^Wenslow, éloigné d'environ l^o lieues de la
mer, que tous les tronçons qui arrivent par la ri-
vière de Rennebeck, sont arrêtés par les bûcherons
' Les prix des terres dans les comtes de Kennebeck étoit , en 1807 j
épo(jae à laquelle j'étois dans le pays , de 5 à 6 piastres l'acre.
PIN us STROBUS. Il5
qui s'y sont rendus à lavancc. Ils trient au moyen
de leur marque, ceux qui leur appartiennent , les
mettent en radeaux et les vendent aux propriétaires
des nombreux moulins à scie établis entre cette pe-
tite ville et la mer, ou bien ils les (ont débiter à leur
compte, en abandonnant la moitié ou même les
trois quarts du produit, si la coupe de la saison a
été abondante.
Au mois d'août 1806, que j'étois à Wenslow, des
milliers de ces logs ou tronçons couvroient encore
la rivière. Je les examinai et je remarquai que le dia-
mètre de la plus grande partie d'entr'eux étoit d'en-
viron 40 à7|3 centimètres, ( i5 à 16 pouces J et que
le reste que j'évaluai à un cinquantième à peu-près ,
pouvoit en avoir 5o (20). Le Fraxinus discolor et
le Pinus ruhra étoient les seules espèces d'arbres
qui se trouvassent entremêlés avec le Pinus strobiis ,
mais elles n'en formoient pas la centième partie. Si
tous ces bois ne sont pas débités dans le courant de
la même année , ils sont sujets à être attaqués par
de gros vers qui les perforent dans tous les sens de
trous de 5 millimètres ( 2 lignes) de diamètre; mais
s'ils sont dépouillés de leur écorce , ils peuvent res-
ter exposés aux injures de l'air pendant plus de trente
ans sans s'altérer en aucune manière. Cette remarque
s'applique encore à la souche de cet arbre, qui résiste
aussi un laps de temps considérable aux alternatives
de la chaleur et de l'humidité ; et il est même passé
en proverbe dans ces contrées, que tel qui a abattu
un Pinus strobus ne vit jamais assez pour le voir
Il6 PINUSSTROBUS.
tomber en pourriture; et, effectivement, j'ai vu au
milieu de la petite ville d'Hollovs^ell située sur la
rivière de Kennebeck , plusieurs souches encore
intactes y quoique les arlrres d'oii elles provenoient
eussent été abattus depuis plus de quarante ans.
Après le District de Maine , qui, en réunissant ce
qui vient à Boston du New-Hampshire par la ri-
vière Merimack, fournit peut-être les trois quarts de
tout le Pinus strobus exporté des États-Unis , les ri-
ves du lac Champlain m'ont paru le plus abondam-
ment peuplées de cette espèce et assez favorablement
situées pour leur écoulement. Cet écoulement a
lieu dans deux directions différentes : tout ce qui
s'exploite à partir de Ticonderoga et au dessous, ce
qui comprend les trois quarts de la largeur du lac
Champlain, qui est d'environ i5o milles, est con-
duit à Québec par la rivière Sorel et le fleuve S. Lau-
rent. Cette distance est de 270 milles. Quant à ce qui
s'en coupe dans la partie supérieure du lac , il vient
à Skeenboroug, petite ville située à sa naissance et
y est débité en planches. En hiver , ces planches
sont portées sur des traîneaux à Albany, distant de
'70 milles, et au printemps suivant elles sont char-
gées , avec tout ce que la rivière du nord fournit,
sur des sloops y bateaux de 80 à 100 tonneaux, qui
les amènent à New- York, d'où elles sont encore
exportées en grande partie aux colonies occidentales
et même dans les Etats méridionaux.
J'ai eu occasion de voir un extrait des registres
de la douane du Eort S. Jean en Canada , et j'ai re-
P I N U s s T R O B U s. II
marqué que la quantité de cette espèce de bois qui
est passée par la rivière Sorcl, depuis le i*''. mai 1807
jusqu'au 3o juillet suivant, pour se rendre à Québec
y est portée ; savoir: pièces écarries, à 43,098 mètres
( 132,720 pieds) cubes; planches ordinaires .^1,9^6
mètres ( 160,000 pieds j ; planches d'environ 5 cen-
timètres (^ 2 pouces) d'épaisseur, à 21, 558 mètres
( 67,000 pieds ) ; et , en outre , 20 mâts et 45'45 logs
ou tronçons qui ont les mêmes dimensions que ceux
qui sont débités dans le District de Maine.
La partie supérieure de la Pensylvanic où la De-
laware'et la Susquehanah prennent leur source, et
qui est très -montagneuse et très -froide , quoique
située entre les 4ï° et 4^° de latitude, a ses forets
abondamment peuplées de ce Pin. 11 en descend au
printemps une grande quantité qui fournit à la con-
sommation de la partie intérieure du pays et qui en-
tre dans la construction de la plupart des maisons
tant dans les villes que dans les campagnes. On
en débite aussi beaucoup en planches que l'on ex-
porte de Philadelphie aux colonies occidentales.
C'est également du haut de la Delaware que vien-
nent à Philadelphie les mâts des vaisseaux de toute
grandeur que l'on construit dans ce port.
Au-delà des monts Alléghanys, c'est seulement
aux sources de la rivière du même nom , éloignées
de i5o à 180 milles de son embouchure dans l'Ohio,
que s'exploite tout le Pinus sti^obus qui est envoyé
à la Nouvelle-Orléans, dont la distance est de 2,900
milles = 399 myriamètres ( 900 lieues). Les trois
Il8 PTNUS STROBUS.
quarts des maisons de Pittsburgh , deWheeling,
et de Washington en Rentucky, sont bâties en plan-
ches de ce Pin qui ne se vend à Pittsburgh que 6 à
7 dollars ( 3o à 35 francs J les mille pieds cou-
rans.
Quoique le District de Maine fournisse , comme
nous l'avons vu , la très-grande partie du Pinus
strobus destiné à être exporté , et que beaucoup de
navires s'en chargent directement de cette province
pour l'extérieur, cependant c'est la ville de Boston
qui est , principalement dans les Etats méridionaux ,
l'entrepôt général de cette branche de commerce.
Les bois qui proviennent de cet arbre , s'y trouvent
dans les chantiers sous les formes suivantes:
i«. En pièces écarries de 4 ^ ^ mètres Ç ii k 15
pieds) de longueur sur différens diamètres;
2°. En scantling , pièces sciées carrément au des-
sous de i6 centimètres ^6 pouces) d'épaisseur, des-
tinées pour chevrons ou charpente légère ;
3°. En planches qui se distinguent en merchan-
tahle hoards ^ planches marchandes ou ordinaires,
et en clear hoards ^ planches de choix. Les pre-
mières ont 2 centimètres ( trois quarts de pouce )
d'épaisseur, 3à5 mètres ( lo à i5 pieds) de longueur
et 27 à 40 centimètres ( 10 à i5 pouces ) de largeur,
et elles sont souvent parsemées de nœuds 5 on leur
donne à New-York le nom à'Albanj boar^ds, plan-
ches d'Albany , et leur prix est à peu près le
même dans cette ville qu'à Boston , où il varie de
8 à 10 dollars (4o à 5o francs) les mille pieds cou-
PINUSSTKOBUS. IIQ
rans: les planches de choix, clear boards^ lirées des
■plus g^ros arbres y Pumpkin pine y ont la mcme lon-
gueur et épaisseur que les premières, mais leur lar-
geur est de ^7 , 6\ et 80 centimètres ( 20 , i^ et 3o
pouces; elles doivent être sans aucun nœud, mais
cependant on regarde comme telles celles qui n'en
ont que deux qu'on puisse couvrir avec le pouce.
Leur prix est de 20 à 26 dollars ( 100 à i25 francs)
les mille pieds courans. Elles sont employées pour
tous les ouvrages légers et délicats , et surtout pour
les panneaux des portes et les boiseries des apparte-
mens, ce qui leur a fait donner à Philadelphie le
nom de panneaux de Pin blanc FThite pine panels -^
40. En clap hoards espèce de planchettes longues
de I mètre 33 centimètres (4 pieds), larges de 16
centimètres ( 6 pouces) et épaisses de 7 millimètres
(3 lignes) d'un côté et plus minces de l'autre. On
s'en sert encore dans les Etats du nord à revêtir ex-
térieurement les maisons: on les place, pour cela,
horizontalement les unes au-dessus des autres, le
bord mince en dessous;
50. En essentes ou bardeaux, shingles ^ qui ont
ordinairement 48 centimètres, ( 18 pouces) de long
sur 8 à 16 centimètres ( 3 à 6 pouces) de large, et à
peu près 7 millimètres ( 3 lignes) à l'extrémité la
plus épaisse. Elles sont sans aucuns nœuds et doi-
vent être faites seulement avec le cœur de l'arbre,
ces bardeaux sont mis en paquets carrés et rangés
de manière que le bout le plus mince est en dedans:
le tout est maintenu au moyen de deux tringles en
120 PINUS STROBUS.
bois placées transversalement, l'une dessus et l'autre
dessous , et qui sont attachés avec deux harts. Les
paquets de bardeaux sont quelquefois de 5oo , mais
le plus souvent de iSo. Dans ce dernier cas, pour
que le nombre s'y trouve à très-peu de chose près, ils
doivent avoir 58 centimètres ( 22 pouces) de large
et on doit compter à chaque coin 25 bardeaux. Le
prix à Hollowell , au mois de juillet 1807, étoit de
3 dollars le millier. Deux hommes peuvent en faire
16 à 1800 par jour.
Toutes les maisons de la ville de Boston, ainsi que
celles des autres villes et des campagnes dans les
Etats à l'est de la rivière Hudson , sont couvertes avec
ces essentes qui durent seulement douze à quinze
ans. On en exporte encore une grande quantité
dans toutes les Antilles. Dans les colonies françoises
on leur donne le nom d'essentes blanches.
On peut juger par ces détails combien la consom-
mation du bois du Pinus strobus est considérable
dans les Etats-Unis; mais elle l'est aussi beaucoup
en Europe et aux colonies occidentales. D'après
un exposé des importations , des productions des
Etats-Unis présenté au parlement de la Grande-Bre-
tagne , la masse totale des bois arrivés de ce pays
en Angleterre dans le courant de 1807 est estimée
à i,3o2,g8o piastres ou 6,840,660 francs. Or, je crois
que le bois du Pinus strobus peut bien entrer pour
un cinquième dans cette masse. Il se vendoit en
1808 à Liverpool , 2 sh. 7 d. sterl., environ 3 francs
le pied cube ; iesplanks^ planches de 5 centimètres
PI NU s STKOBliS. l'JI
(2 pouces) d'épaisseur sur environ 33 centimètres
( I pied j de large, cinq sols, et les planches ordi-
naires , six sols. Dans un autre exposé, également
officiel , sur l'importation des denrées des Etats-
Unis dans les colonies angloises des Indes occiden-
tales , pendant les années 1804, i8of> et 180G , la
masse totale desboisy est portée à i i5,o68,ooo pieds;
ce qui donne environ 38,35G,ooo pieds pour cha-
cune de ces trois années; et en évaluant à un tiers
de cette dernière quantité celle qui est fournie par
le Piinis strohus ^ elle seroit de 12,785,000 pieds,
composée principalement de planches, descantlin^s
et de bardeaux.
Dans ces diverses évaluations, qui ne sont que
très-approximatives, ne sont pas compris les bois de
cette même espèce de Pin , qui passent directement
en Angleterre de la Nouvelle-Brunswick , province
limitrophe de celle du District de Maine , ni celui
qui est envoyé des Etats-Unis, dans toutes les co-
lonies occidentales qui ne dépendent pas de la
Grande-Bretagne , oii il s'en fait également un très-
grand emploi. Maison n a eu seulement en vue, en
entrant dans ces détails, que de donner ici une idée
de la grande consommation du bois de Pinus stro-
hiis , ces développemens ayant paru faire naturelle-
ment partie de l'histoire de cet arbre ; on a voulu
aussi montrer combien sa disparition , peut - être
presque totale dans un siècle , des contrées où il s'ex-
ploite aujourd'hui en si grande quantité, pèsera sen-
siblement sur le nord des Etats-Unis.
I- 16
122 PINUS STROBUS.
Les qualités précieuses du Pinus strohus et les
nombreux usages auxquels on l'emploie, doivent en-
gager sans doute à le propager en Europe. Il vient
bien dans le centre de la France, mais je ne crois
cependant pas que le climat de cette partie de l'Em-
pne lui soit parfaitement convenable ; je pense au
contraire, que c'est sur les bords du Rhin, dans les
vallées des Alpes et des Pyrénées et les pays froids
et humides de l'Allemagne, de la Pologne et de
la Russie, que sa réussite sera la plus assurée; car sa
végétation m'a déjà paru plus belle et plus prompte
dans la Relgique que dans les environs de Paris. Ce
sera donc lorsqu'on renouvellera dans ces contrées
les forets de Pinus sylvestris et à'Epicia , qu'on de-
vra y introduire le Pinus strohus , et qu'on pourra
décider, d'après les observations qu'on sera à même
de faire par la suite , si cet arbre si utile en Amé-
rique , est susceptible d'être naturalisé avec succès
dans les forets européennes.
PLANCHE X.
Fîg. 1 , feuille. Fig. a , graine.
/.V.,„v,- ,/-/
ABIES Nigra.
ABIES NIGRA.
THE BLACK [DOUBLE) S P RU CE.
Abies nigra , arbor maxima ; foliis undique c'irca ramos
erectis , brevioribus , sub /\-gon/s. Strobilis ovatis , pen~
dulis , rigicUs ; squmnis sub undulatis , apice crenula-
tis aut divisis.
Cet arbre , qui appartient aux régions les plus
lïoides de l'Amérique septentrionale, est nommé
en Canada Epinette noire et Epinette à la bière ;
Double spruce ^ Sapin double, dans le District de
Maine et les Etats du New-Hampshire et de Ver-
mont; et Black spruce ^ Sapin noir, à la Nouvelle-
Ecosse : mais ces deux dernières dénominations sont
connues des habitans de ces différens pays : seule-
ment chacune d'elles est d'un usage plus général dans
ceux que j'ai particulièrement indiqués. J'ai cru ce-
pendant devoir préférer le nom de Black spruce ,
Sapin noir , qui m'a paru rappeler un caractère plus
frappant et qui , d'ailleurs , se trouve en opposi-
tion marquée avec celui de l'espèce suivante connue
dans le pays sous le nom de White spruce , Sapin
blanc : on désigne encore quelquefois \ Abies ni-
gra sous le nom de Red spruce ^ Sapin rouge,
par suite de l'influence que certaines localités exer-
cent sur la qualité de son bois. Jusqu'à présent on a
même regardé cette variété comme une espèce dis-
1^4 ABIES NIGEA.
tincte , ce qui n'est pas fondé ainsi que je le prou-
verai dans la suite de cet article.
Les contrées oiiV^bies nigra est le plus abondant,
sont renfermées entre les 44® et 53^ de latitude sep-
tentrionale et les55oet 75° de longitude occidentale,
ce qui comprend le Bas-Canada, Terre-Neuve, la Nou-
velle-Brunswick et la Nouvelle -Ecosse qui appar-
tiennent à la Grande-Bretagne; le District de Maine,
l'Etat de Vermont et la partie supérieure du New-
Hampshire , dépendant des Etats-Unis. Ce Sapin est
tellement multiplié dans ce? différentes contrées, que
souvent il forme un tiers de la masse non-inter-
rompue des forets qui les couvrent encore ; mais,
sous une latitude plus méridionale , on ne le voit
guère que sur le sommet des monts Alléghanys qui
offrent des sites froids et humides, et notamment
dans un marais d'une grande étendue, peu éloignée
de Wilkesburry dans la Pensylvanie, ainsi que sur la
Montagne Noire , dans la Caroline du nord , une des
plus hautes des Etats méridionaux, et quia proba-
blement reçu son nom de l'aspect sombre qu'elle a
dans l'éloignement et qu'elle doit à la couleur fon-
cée du feuillage de YAbies nigi^a : on le rencontre
encore quelquefois aux environs de New-York et de
Philadelphie dans les jw^tt?/?^ ou marais de Cupres-
sus thujoïdes y mais dans ces terreins qui sont cons-
tamment bourbeux, et quelquefois submergés une
partie de l'année, cet arbre vient mal et ne s'élève
qu'à une très-petite hauteur.
Les feuilles de VAbies nigra sont d'un vert som-
ABI f:,S NI G RA. 123
bre et triste , longues d'environ 9 millinnètres C 4
lignes), roides, très-nombreuses et très-rapprochees
les unes des autres, et attachées isolément sur toute
la surface des branches. C'est aux extrémités des ra-
meaux les plus élevés que viennent les fleurs , aux-
quelles succèdent de petits cônes ovales, rougeà-
tres , et dont la pointe est tournée vers la terre j leur
longueur varie depuis 18 millimètres ( 8 lignes) jus-
qu'à un peu plus de 5 centimètres ( 1 pouces ). Ces
cônes sont composés d'écaillés minces , légèrement
crénelées à leur base , et dont quelques-unes sont
souvent fendues jusqu'à moitié , dans les arbres les
plus vigoureux , dont les fruits sont aussi les plus
gros ; ils ne sont en maturité qu'à la fin de l'au-
tomne; alors ils s'ouvrent pour laisser échapper leurs
graines qui sont petites , légères , et que les vents
emportent au loin , au moyen d'une aile dont elles
sont surmontées.
Les parties de l'Amérique septentrionale que j'ai
indiquées comme celles où ce Sapin abonde le plus,
sont fréquemment entrecoupées de collines plus ou
moins élevées. C'est dans les vallons formés par ces
collines dont le sol est humide, noir, profond et
couvert d'un lit très épais de mousse, que se trou-
vent les plus belles forets à'Abies nigra où les ar-
bres sont tellement rapprochés qu'il n'y a entr'eux
qu'une distance de 1 5 , 1 2 décimètres et même i met.
(5, 4 et 3 pieds, j Cependant, ce peu d'intervalle ne nuit
point à leur croissance, car ils y parviennent à leur
plus grand développement, qui est de 25 à 3o mètres
120 ABIES NIGRA.
( 70 à 80 pieds ) sur 4^7 4^ ^t 54 centimètres ( i ^ ,
18 et 20 pouces j de diamètre. Leur sommet présente
une pyramide très-régulière, qui donne à cet arbre
une fort belle apparence lorsqu'il se trouve isolé.
Cette forme agréable est due principalement à l'ar-
rangement symétrique des ses branches qui s'éten-
dent horizontalement et ne sont pas inclinées vers la
terre , comme dans VAbies picea d'Europe qui est le
véritable Norwajpine^ Pin de Norw^ège des Anglois,
dont l'aspect est beaucoup plus triste , pour ne pas
dire très-lugubre.
Le tronc de VAbies ni^ra^ recouvert d'une écorce
unie et non crevassée profondément comme celle
des Pins , est encore remarquable par la perpendi-
cularité de son ascension^ et par la régularité avec
laquelle il diminue de grosseur depuis le pied jus-
qu'au sommet qui est terminé par la pousse de
l'année, dont la longueur est de 3o à 4o centimètres
(12 à i5 pouces). On trouve encore cet arbre
dans ces mêmes pays , sur le penchant des monta-
gnes, dont le sol très-pierreux et peu humide, n'est
recouvert que d'un léger lit de mousse; mais ces ter-
reins étant moins favorables à sa végétation , sa crois-
sance n'y est pas aussi belle, et il n'acquiert pas la
même élévation. C'est ce qu'on observe également
dans d'autres cantons désignés sous le nom de poor
hlack lands , crû d'essence noire des terreins maigres.
Les individus qui viennent dans ces sortes de terreins
ont les feuilles plus courtes , plus épaisses, et d'un
vert encore plus obscur. Leurs cônes sont aussi de
ABIESNIGIIA. 12-
moitië moins gros, mais en tout semblables aux
autres pour la l'orme , et ils s'ouvrent à la même épo-
que pour laisser échapper leurs graines.
,La plupart du temps, et j'aurai plusieurs fois l'oc-
casion d'en faire l'observation , les habitans des
campagnes et les ouvriers en bois ne remarquent
dans les arbres forestiers que quelques apparences
qui les frappent, telles surtout que les qualités in-
trinsèques de leur bois, sa couleur et celle de l'é-
corce, et, comme d'ailleurs ils ne connoissent pas les
caractèresbotaniquesquidift'érencientles espèces, ils
donnent souvent aux mêmes arbres différens noms,
tirés des qualités qui sont à leur portée et qui peu-
vent varier suivant le terrein où ils croissent, sans
s'embarrasser aucunement si ce sont des espèces dis-
tinctes ou de simples variétés. C'est donc aux diffé-
rences assez notables qui existent dans VAbies nigra
suivant le sol oii on le trouve , qu'il faut attribuer la
distinction que les habitans en ont faite en Sapin
noir et en Sapin rouge : Black and Redspruce. C'est
aussi d'après la grosseur véritablement remarquable
des cônes delà dernière variété qui ont été envoyés
en Angleterre, ainsi que sur des renseignemens in-
exacts qui lui ont été fournis, que Sir K. B. Lambert
s'est décidé , non pas, il est vrai, sans quelques dou-
tes, à la décrire et à la figurer sous le nom àAbies
ruhra. Il la présente encore comme inférieure , à tous
égards , à l'autre variété , à laquelle il conserve le
nom à^Ahies nigra^ tandis qu'au contraire, d'a-
près ce que j'ai observé dans le pays même , c'est
128 ALBIES NIGRA.
dans celle nommée Sapin rouge que se trouvent
réunies au plus haut degré, toutes les qualités qui
font rechercher cette espèce de Sapin pour certains
usages déterminés. M. Lambert eût été probable-
ment confirmé dans son opinion que le Sapin rouge
étoit une espèce distincte du Sapin noir, si on lui
eût présenté des échantillons tirés du cœur de ces
deux variétés ; car , dans le Sapin noir, le bois est
très-blanc, tandis qu'il a réellement une teinte rou-
geâtre dans le Sapin rouge : cette différence de cou-
leur dans le bois qui a lieu . quelquefois dans les
arbres d'une même espèce, ne peut provenir, je le
répète, que de la différence des terreins dans lesquels
ils croissent, car on ne doit pas douter non plus que
le sol n'ait une influence marquée sur les qualités
du bois.
La force, l'élasticité et la légèreté, sont les qualités
importantes que possède XAbies nigra^ et, d'après
ce qu'a écrit Josselyn dans son histoire de la Nou-
velle-Angleterre, publiée à Londres en 1672, ces
qualités le faisoient regarder dès-lors comme « four-
nissant les meilleurs mâts de hune et les meilleures
vergues qui fussent au monde ». Quoique ces pro-
priétés soient communes aux deux variétés , cepen-
dant, d'après le rapport des habitans , elles sont ,
comme nous l'avons dit, principalement rassemblées
dans le Sapin rouge qui a encore l'avantage de four-
nir des pièces d'une bien plus grande dimension ;
car, le Sapin noir croissant dans un sol inférieur en
qualité, ne parvient qu'aune moindre élévation,
ABIES NIGRA. I2Q
et son bois est moins souple et beaucoup plus sujet
à être tors.
Dans les chantiers de constructions navales de
tous les ports des Etats-Unis, les vergues sont presque
toujours faites en Abies ni^ra qui sont importes du
District de Maine. On en exporte aussi pour le même
objet une grande quantité aux colonies occidentales
et à Liverpool , tant de cette même partie des
Etats-Unis que de la Nouvelle-Brunswick et de la
Nouvelle-Ecosse.
Oddy, dans son ouvrage intitulé : On European
Commerce , dit qu'on le préfère en Angleterre au
Pin de Norwège [Ahies picea) , parce qu'il est doué
de plus de force; mais, comme il ne peut donner des
pièces d'une aussi forte dimension , on ne peut l'em-
ployer, comme ce dernier , pour en faire les vergues
des vaisseaux de guerre , pour lesquels on se sert
souvent encore du Pinus strohus.
Dans le District de Maine , et même quelquefois
à Boston, où le chêne devient très-rare, on fait très-
fréquemment en Abies nigra jhes genoux [knees] ,
pièces de bois destinées principalement à soutenir le
pont des navires. Ces morceaux, lorsqu'ils sont en
chêne, sont ordinairement formés de deux branches
unies à leur base; mais ceux faits de cet arbre sont
tadlés aux dépens d'une portion de la base du tronc
et d'une des plus grosses racines. Ce sapin est après
le chêne et le mélèze , qui est aussi assez rare dans
ces contrées , l'espèce de bois la plus propre à cet
usage , à cause de sa force et de sa durée.
I. i-
l3o ABIES NIGRA.
Dans le District de Maine et même à Boston,
VAhies Tîigi^a est fréquemment employé pour solives,
dans la bâtisse des maisons , et on le préfère aujour-
d'hui pour cet objet à YAbies canadensis qu'on
regardoit autrefois comme meilleur. Quelques per-
sonnes s'en servent encore pour faire les planchers ,
parce que son grain est plus ferme , et qu'il résiste
mieux au frottement et à la pression des meubles ,
dont les pieds endommagent ceux faits en Pi-
nus sU^ohus , surtout dans les appartemens où il
n'y a pas de tapis. Cependant, il a pour cet usage
particulier ,rinconvénient que ses planches sont su-
jettes à se fendre dans leur milieu , et qu'elles pré-
sentent alors des gerçures désagréables.
Dans toutes ces contrées, et notamment dans le
District de Maine et la Nouvelle-Brunswick, on dé-
bite beaucoup d'y^Z>£e^ nigra en planches d'une belle
largeur qui se vendent 25 pour cent meilleur mar-
ché que celles de Pinus strobus. Je ne doute pas qu'il
ne fournisse long-temps et abondamment aux besoins
du commerce ; car , il est dans mon opinion cent fois
plus commun que l'arbre précité. Ces planches s'ex-
portent dans les colonies occidentales et en Angle-
terre. 11 en vient, m'a-t-on dit, une bonne partie à
Birmingham et à Manchester , et l'on s'en sert dans
ces deux villes célèbres par leurs manufactures, pour
faire les caisses d'emballage. On en fait , dans la
Nouvelle - Ecosse, des barils employés à mettre le
poisson salé , et pour cela , on choisit de préférence
la variété dite Sapin rouge , dont le bois est plus
A 1} r i: s ^ I G II A . i j j
facile à travailler et se fend de droit fil, ce qui est
évidemment dû à l'influence du sol. UAbies niara
n'est pas assez résineux pour qu'on puisse en obtenir
de la térébenthine en quantité suffisante j)Our !(•
commerce ; aussi , ne cherche-t-on pas à en extraire
sous ce point de vue. Son bois paroit contenir beau-
coup d'air, car il pétille au feu pour le moins au-
tant que celui du châtaignier.
C'est avec les jeunes branches de YAhies nigra
et préférablement avec celle de la variété dite Black
spruce ^ Sapinetle noire, qu'on fabrique la bière
connue sous le nom de bière de spruce, spruce béer.
On les fait bouillir dans l'eau , et l'on ajoute ensuite
une certaine quantité démêlasse ou de sucre d'éra-
ble ,on laisse fermenter le tout, et on obtient ainsi
cette liqueur salutaire et très -utile dans les voyages
de long cours , pour prévenir le scorbut. L'essence
de spruce, épaissie jusqu'à la consistance d'extrait,
est également le résultat de réva2:)oration de l'eau
dans laquelle on a fait bouillir long-temps des som-
mités des jeunes branches de cet arbre. Comme je n'ai
pas été témoin de cette dernière opération , je ne me
permettrai pas d'entrer dans de plus longs détails;
mais j'ai vu bien des fois, fabriquer la bière dans
les campagnes, tant à Halifax que dans le District de
Maine, et je puis assurer qu'elle n'est pas faite avec
VAbies alba^ comme l'avance Sir A. B. Lambert.
S'il a été bien reconnu en x^ngleterre que le bois
de cet arbre est préférable à celui à^YJbies picea
û sera utile, sans doute de le propager dans l'ancien
;i32 ABIES NIGRA.
continent; mais, je pense qu'il ne réussira complè-
tement que dans les contrées les plus froides et les
plus humides du nord de l'Europe , et encore dans
quelques parties des Alpes , des Pyrénées et des
montagnes d'Ecosse
PLANCHE XL
Tig. 1 , feuille. Fig. 2 , graine.
P/./2.
/S.:.:.„ ./../'.
ABIES ALba.
lr//f^ Y^('n^/!eJ lJ//
^/*r/^v
ABIES ALBA.
THE WHITE {SINGLE) SPRUCE.
Abies all^a, arhor /^S-So pedalis , foliis subglaiicis unclî-
que circa ramos erccbis , tetra^oni.^ , subpungentibus .
Stiobilis oblongo-cyli?iclraceis,penclulis , Iaxis y squamia
margine integerrimîs.
Cette espèce de sapiri, originaire des mêmes pays
que la précédente , est nommée en Canada Epinette
blanche ; à la Nouvelle-Ecosse TVhite spriice^ Sapin
blanc; et Single spruce ^ Sapin simple, à la ]Nou-
velle Brunswick et dans le District de Maine ; ce-
pendant ces deux dénominations , comme celles
données à V Abies nigra , sont généralement connues
dans toutes ces contrées, et sont seulement plus
usitées l'une que l'autre, suivant les différentes pro-
vinces , c'est pourquoi j'ai pu choisir celle de FVhite
spruce^ Sapin blanc, que j'ai regardée comme pré-
férable.
Il paroît que cet arbre ne commence, en venant
du nord au midi , que quelques degrés plus au sud
que \ Abies nigra , car mon père , suivant ses notes ,
ne l'a observé pour la première fois que vers le lac
S. Jean en Canada , situé entre les 43° et 44° de la-
titude. Il est beaucoup moins commun que V Abies
nigra dans le District de Maine , du moins dans les
cantons que j'ai parcourus. La remarque en est facile
l34 ABIES ALBA.
à faire, surtout en observant les jeunes individus qui
sont isoles ; car , quoique les feuilles de ces denx sa-
pins soient également implantées autour des bran-
ches, elles présentent des caractères différens qui les
font distinguer au premier aspect. Dans VAbies alha^
elles sont proportionnellement moins nombreuses,
plus longues, plus écartées de la tige , et elles sont
terminées par une pointe plus aigùe ; mais la diffé-
rence la plus remarquable , quoique celle que je viens
d'indiquer le soit sensiblement, c'est leur couleur
d'un vert pâle et comme bleuâtre , qui lui a fait
sans doute donner le nom de Sapin blanc , comme
celui de Sapin noir a été donné à celle précédem-
ment décrite, à cause de la couleur sombre de son
feuillage.
Les cônes de VAbies «/Z><2 sont aussi bien différens,
car ils ont la forme d'un ovale très-allongé et leur
largeur est de près de 5 centimètres ( i pouces)
sur i6 à 18 millimètres T 6 à 8 lignesj de diamètre à
leur partie moyenne. Cependant ces dimensions va-
rient suivant que l'arbre est plus ou moins vigoureux
mais la forme ne change jamais. Les écailles sont
minces, et leurs bords ne sont point échancrés, ni
même ondulés comme dans VAbies Jiigra. Ils en dif-
fèrent encore en ce qu'ils sont en maturité un mois
plutôt et que les graines sont un peu plus petites.
UAbies alba croit à peu près dans les mêmes sites
que VAbies Jiigra , mais il s'élève moins; car, quoi- ,
que sa tige soit plus effdée, sa hauteur excède rare-
ment 16 mètres (^ 5o pieds) sur 3o à 40 centimètres
AB I ES A LB A. l3j
( 12 à i6 pouces) de diamètre , à 97 centimètres ( 3
pieds ) de terre.
Son sommet, comme celui de VAbies ni^ra^ a la
forme d'une pyramide très-r(*gulière mais il est moins
garni de branches , et par conséquent ne parojt
pas aussi touffu. La couleur de son écorce n'est pas
non plus aussi rembrunie, et cette différence est en-
core plus sensible , lorsqu'on compare les jeunes
branches des deux espèces.
Le bois de VAbies alha est employé aux mêmes
usages que celui de ÏAhies nigra^ mais il lui est in-
férieur en qualité. Il pétille davantage au feu. L'ex-
périence a appris cependant, que les fibres de ses
racines sont douées de beaucoup de flexiblité et de
force, lorsqu'on les a fait macérer dans l'eau. On
les prive, par cette opération, de la pellicule qui
les enveloppe, et l'on s'en sert en Canada pour cou-
dre ensemble les morceaux d'écorce de bouleau dont
on construit des canots. Les coutures sont ensuite
recouvertes ou frottées avec la résine qui découle
de cet arbre, et à laquelle on donne improprement
le nom de gomme.
Sir A. B. Lambert dit que son écorce est employée
pour tanner les cuirs. Il est possible que cela ait
lieu à Terre-Neuve ou dans le Bas-Canada, où je n'ai
pas voyagé, quoique j'aie quelques raisons d'en dou-
ter ; mais ce que je puis assurer, c'est qu'on ne s'en
sert pas pour cet usage dans tout le District de Maine
et dans les provinces de la Nouvelle-Brunswick et
de la Nouvelle-Ecosse. Je puis également affirmer, et
l36 ABIES ALBA.
je l'ai déjà dit dans l'article précédent, que ce n'est
pas avec les rameaux de celte espèce que se fabrique
la bière de spruce , puisqu'au contraire , on évite
soigneusement de s'en servir, parce que lorsque ses
feuilles sont froissées elles répandent une odeur
forte et désagréable qui se communique , dit-on , à
la liqueur.
Cet arbre , beaucoup plus répandu en France que
l'espèce précédente, est élégant dans sa jeunesse,
et le joli effet qu'il produit le fait très - rechercher
en Europe pour l'embellissement des parcs et des
jardins , où son feuillage contraste agréablement
avec celui des autres espèces dont la teinte est plus
foncée.
Les pépiniéristes en France et en Allemagne, à qui
il convient de multiplier les variétés, distinguent
VAbies alha en Sapinette blanche ou argentée et en
Sapinette bleue.
PLANCHE XII.
Fig. 1 , feuille, Fig. 2 , graine.
P/jX
IL-nn, JU.u:!.- „'.-!
ABIES Canaiensis.
A-BIES CANADENSIS.
THE HEMLOCK SPRUCE.
Abies canadensîs , arhor jnaxima , ramîs gracilibus ,
ramiiUs novellis m>illosissimis ; foUis soUtariis , planis ,
subditichis ; strobilis terminallbus ^ minimis , cylindra"
ceO'Ovatis , despicientibus.
Cet arbre est connu, dans tous les Etats-Unis,
sous le seul nom {\! Hemlock spruce , et des Fran-
çois du Canada , sous celui de Pérusse. Cette espèce
de Sapin , dont l'analogue ne se trouve pas dans
l'ancien continent , est une de celles qui appartiennent
aux régions les plus froides du Nouveau-Monde, car
elle commence à croître aux environs de la baie
d'Hudson , latitude Si»; mais vers le lac Saint- Jean,
et près de Québec, elle remplit déjà les forets. Dans
la Nouvelle-Ecosse, la Nouvelle-Brunsv^ick, le Dis-
trict de Maine , l'Etat de Vermont et la partie su-
périeure du New-Hampshire , où je l'ai observée,
elle forme quelquefois à elle seule les trois quarts
de l'essence noire ou résineuse qu'elle compose
avec V Abies ni^ra , Black spruce. En avançant plus
au midi, cet arbre devient moins commun, et dans
les Etats du milieu et du sud , il se trouve confiné
aux Monts- Alléghanys , ainsi qu'aux chaînons qui en
dépendent , et encore ne le trouve-t-on toujours
que sur les bords des torrens et aux expositions les
plus fraîches et aux endroits les plus obscurs.
I. i8
l38 ABIES CANADENSIS.
Dans les diverses contrées que je viens d'indiquer
au nord et à l'est de l'Etat de Massachusetts , qui
embrassent , sans y comprendre le Canada , une éten-
due de plus de 1,100 kilom. (^25o lieues) en lon-
gueur , sur près de 35o ( 80 lieues j en largeur ,
l'essence noire ou résineuse occupe constamment
la partie la plus déclive des collines, et elle cons-
titue presque la moitié des vastes forets qui couvrent
d'une manière non-interrompue tous ces pays. On
peut donc juger, d'après cela, combien YHemlock
spruce est abondant dans le nord des Etats-Unis.
Les situations très-liumides ne sont cependant pas
celles qui paroissent le mieux convenir à sa végé-
tation, car j'ai constamment observé que, lorsqu'il se
trouve mêlé avec VAbies Jiigray Black spruce ^ il est
moins abondant à proportion que le sol est plus
humide. J'ai encore vu souvent cet arbre croître
parmi les Hêtres et les Erables à sucre, dans un sol
très-favorable à la culture du froment, et y acquérir
un grand développement.
L'Hemlock spruce , toujours plus élevé et plus
gros que VAbies nigj^a^ Black spruce ^ atteint environ
23 à 25 mètres (^70 à 80 pieds) de haut, sur 2 à 3
mètres ( 6 à 9 pieds ) de circonférence , conservant
le même diamètre dans les deux tiers de sa hauteur ;
cependant, si on peut juger assez exactement de la
croissance des arbres et de leur longévité , par le
nombre des couches concentriques et leurs rappro-
chemens, celui-ci doit être bien des années, peut-
être même deux siècles, pour acquérir dépareilles
ABIES CANADENSIS. I '^Q
dimensions, car ces couches sont très-nombreuses et
très-rapprochées.
Les feuilles de THemlock spruce sont longues de
i/f à i8 millimètres Ç6 k H lignes j , aplaties, très-
nombreuses, disposées irrégulièrement sur deux ra ngs,
et velues à l'époque de leur développement. Ses
cônes, un peu plus longs que les feuilles, sont do
forme ovale, pendans et situés à l'extrémité des ra-
meaux. Lorsque cet arbre croit dans un terrain qui
lui est favorable, il présente dans sa jeunesse, et
jusqu'à ce qu'il ait atteint 8 à lo mètres C 25 à 3o
pieds J de hauteur, une forme élégante et agréable
qu'il doit à la disposition symétrique de ses bran-
ches et à son feuillage bien fourni : il peut alors
être considéré comme un arbre d'ornement et em-
ployé avec avantage dans les jardins paysagistes.
Lorsqu'au contraire il est arrivé à son entier déve-
loppement, ses grosses branches, le plus souvent cas-
sées à un mètre et demi Ç l[. k 5 pieds ) de leur nais-
sance, et desséchées à leurs extrémités, sont comme
autant de chicots qui se laissent apercevoir au de-
hors , et ne sont plus garnies que de petits rameaux.
Dans cet état qui le fait reconnoitre au premier
abord, il a un aspect peu agréable, et quoique sou-
vent dans toute sa force , il offre l'image de la décré-
pitude. Ce défaut particulier est attribué à ce que les
branches secondaires, toujours placées horizontale-'
ment et garnies d'un feuillage touffu et serré retien-
nent la neige , et s'en surchargent à un tel point,
qu'elles finissent par céder au poids et se briser 3
l4o ABIES CANADENSîS.
accident qui n'a pas lieu dans les jeunes individus,
à cause de leur flexibilité'. Les bois sont encore rem-
plis d'Hemlock spruce morts, soit qu'ils aient été pi-
qués d'une espèce d'insecte qui s'attache de préfé-
rence au genre des Pins, soit par d'autres causes que
j'ignore. Cette multitude d'arbres morts et couverts
de mousse , qui, dit-on , restent dans cet état vingt
à trente ans sans tomber, contribuent beaucoup à
déparer les forêts de cette partie des Etats-Unis , et à
leur donner une apparence triste et lugubre.
\J Henilock spruce offre une singularité que je n'ai
remarquée dans aucun autre arbre de l'Amérique sep-
tentrionale; c'est de ne s'élever quelquefois qu'à 60
et 80 centimètres ( 24 à 3o pouces ) de hauteur. Dans
cet état, il affecte une forme pyramidale ou à peu
près, et ses rameaux touffus et serrés ont une ten-
dance plutôt à s'abaisser et à s'appliquer contre la
surface de la terre qu'à s'élever. Cette disposition
naturelle et assez remarquable peut le rendre propre
à faire des charmilles ou à décorer les jardins à l'ins-
tar de l'if, ayant l'avantage de croître plus rapide-
ment, d'avoir une verdure plus gaie, et de souffrir
également le ciseau. C'est à peu de distance de York,
Court-House, entre Portland et Portsmouth, dans
un endroit découvert, où est le sec et pierreux, que
j'ai fait cette remarque.
Malheureusement les c|ualités du bois de l'Hem-
lock spruce ne répondent pas à son abondance, car
de tous les grands arbres résineux de l'Amérique
septentrionale, c'est, sous ce rapport, celui qui est le
ABIES CANADENSIS. i4l
moins appréciable ; heureusement ce désavantage
qui feroit regretter de le voir occuper, d'une ma-
nière si étendue , la place d'arbres réellement utiles,
est compensé par une propriété bien précieuse
pour les pays où il croit, c'est que son écorce peut
servir au tannage des cuirs, propriété dont je parlerai
dans la suite de cet article.
On estime en général le bois qui se fend de droit
fil , ce qui est dû à la direction verticale des
fibres ligneuses; dans V Hemlockspriice ^ au contraire,
ces fibres se dirigent d'une manière tellement obli-
que, que dans un individu de 3o à 4o centimètres
( i2à 1 5 pouces) de diamètre, les mêmes reparois-
sent à I î à 2 mètres [^kG pieds ) de haut. Outre ce
défaut, qui est assez essentiel et qui s'oppose à ce
qu'on puisse le fendre aisément pour servir à la clô-
ture des champs , les vieux arbres en ont un autre ;
cest qu'ils sont fréquemment ébranlés y shaky ^ c'est-
à-dire qu'ils ont d'espace en espace les couches con-
centriques désunies , ce qui ôte à ce bois beaucoup de
sa force. Ce défaut de l'Hemlock spruce est attribué
de ce qu'étant beaucoup plus élevé que les autres
arbres avec lesquels il croit, sa cime , large et touffue,
donne plus de prise aux vents dont il est tourmenté.
On a encore reconnu que son bois ne peut être em-
ployé à l'extérieur , dans la construction des édifices ,
attendu qu'il pourrit promptement exposé aux im-
tempéries des saisons ; inconvéniens très-graves dans
un pays oii presque toutes les maisons sont en bois.
Cependant, comme le Pinus strohus , TVhite pine ,
l42 ABIES CANADENSIS.
devient tous les jours plus rare et plus cher, on lui
substitue , le plus qu'on peut , VHemlock spruce qui
n*a sur ce dernier que deux avantages d'être très-
commun et de tenir mieux les clous ; son grain ,
quoique grossier, est aussi plus ferme, et résiste da-
vantage à l'impression des corps étrangers ; ainsi,
dans le District de Maine, on en fait fréquemment les
aires de granges, en le débitant en planches d'environ
5 centimètres (2 pouces) d'épaisseur; mais ce à quoi
il est le plus employé, et ce qui en consomme une
assez grande quantité dans les Etats du nord, cest
parce qu'il sert à former la première enveloppe des
maisons en bois, qu'on recouvre ensuite en clap-
haards^ petites planchettes de Pinus strobus , TVhite
pine. Lorsqu'on veut économiser, on en fait encore
la charpente de l'intérieur des édifices , parce qu'il
a été reconnu que le bois de XHemlock spruce^ à
l'abri de l'humidité , est aussi durable que celui de
tout autre sorte. Toutes les lattes, pour le plâtrage
des appartemens, sont encore faits de ce bois, et on
en fait même passer en Angleterre pour cet usage.
Dans le District de Maine on en fait assez généra-
lement les pieux destinés à la clôture des champs :
employé de cette manière, il dure environ quinze ans,
et à cet égard, il est préférable au Chêne gris , Q. am-
higua^ et au Chêne rouge, Q.ruhra. Cet arbre est
très-peu résineux , car je n'ai jamais trouvé qu'une
très- petite quantité de térébenthine aux endroits
où d'assez grands lambeaux d'écorce avoient été en-
levés depuis assez long-temps.
ABIES CANADENSIS. l4^
L'ëcorce de Xllemlock spruce possède, comme je
l'ai annoncé, une propriété bien précieuse pour les
Etats du Nord, ainsi que pour le Bas-Canada, la
Nouvelle-I^runswick et la Nouvelle-Ecosse. C'est de
remplacer dans le tannage des cuirs celle de Chêne
qui est très-rare dans toutes les contrées où j'ai dit
que cet arbre étoit si abondant. On lève cette écorce
au mois de juin , et avant de la passer au moulin, on
ôte avec une plane la moitié de son épiderme. \)\\
District de Maine elle est exportée à Boston, à New-
Providence, et dans les autres parties des Etats septen-
trionaux qui sont le plus habités, et où elle est presque
exclusivement employée danslestanneries.il en vient
aussi à New-York du haut de la rivière Hudson , et
quelquefois on en importe à Baltimore. Sa couleur
qui est d'un rouge assez foncé, se communique au cuir
que l'on prépare avec elle. Plusieurs tanneurs que
j'ai consultés , et qui sont dans l'usage de se servir
de l'écorce de l'Hemlock spruce et de celle de Chêne ,
pensent que cette dernière est préférable, mais qu'en
les mêlant ensemble , on fait de meilleur cuir que si
elles sont employées séparément. De la Nouvelle-
Ecosse et du nord des Etats-Unis on a exporté pen-
dant quelque temps de l'écorce d'Hemlock spruce
en Angleterre j mais ce commerce a cessé faute de
demandes. On dit que les Indiens s'en servent pour
teindre en rouge leurs paniers légers , faits en Erable
rouge.
On possède dans beaucoup de jardins en France ,
en Allemagne et eu Angleterre des Henilock spruce
l44 ABIES CANADENSIS.
qui donnent des graines ; mais généralement en
France il vient assez mal, parce qu'il est presque
toujours placé dans des situations trop découvertes
et trop sèches.
D'après la description de cet arbre , on voit que
son bois ne possède aucune des qualités qui puis-
sent déterminer à le propager dans les forêts Euro-
péennes , et que si son écorce est précieuse dans le
nord de l'Amérique , pour le tannage des cuirs , elle
est inférieure à celle de Chêne. La figure que Sir
A. B. Lambert à donnée est très-bonne; mais dans la
description de quelques lignes qui y est jointe, cet
auteur est dans l'erreur à certains égards, et il est
sur-tout assez remarquable qu'il n'ait point parlé de
la propriété dont jouit son écorce.
PLANCHE XIII.
Fig. 1 , cdne. Fig. 2 , graine.
P/.y4
Ile:.:: .M
ABIES Balsanufera .
or (L^r/Zm ^->/ t/^//'<u/ L/yr .
k-V ^-w-v-v-v
ABIES BALSAMIFERA.
THE AMERICAN SYLVIR FIR.
Abies balsajnifera , arhor 4o-45 pedalis , folus solitariis,
plani's , subtus argenteis , apice emarginatis integrisme ,
sub recuno-patentisslinisr, strobilis cylindraceis j via-
laceis , sursùm spectariùbus.
Cet arbre, qui appartient aux régions les pins
froides de l'Amérique du nord, est connu dans la
partie la plus septentrionale des Etats-Unis , ainsi
qu'en Canada et à la INouvelle-Kcosse , sous les noms
de ^y/r/rj'îr, Sapin argenté, de Fir halsam^ Sapin bau-
mier, et de Balsani of Gilead^ Baumier de Gilead.
Le ces différentes dénominations, la première ma
paru la plus convenable, et je l'ai conservée. D'a-
près les observations faites, soit par MM. Titus Smith ,
botanistes très-recommandables que j'ai connus à Ha-
lifax, et qui ont voyagé dans la Nouvelle-Ecosse ,
soit par mon père qui a visité tout le Canada, soit
par moi-même qui ai parcouru le nord des Etats-
Unis , il résulte qu'on ne trouve pas dans toutes ces
contrées le Baumier de Gilead en corps de forets,
mais qu'il y est seulement disséminé plus ou moins
abondamment parmi les Abies nigra et les Abies
cauadensis , qui à eux seuls constituent plus des
deux tiers de l'essence noire ou du cru résineux.
Plus au sud, le Sapin argenté ne se rencontre que
sur l'extrême sommet des Monts-iilléghanys , et no-
I. 19
l46 ABIES BALSAMIFERA.
tamment sur les plus hautes montagnes de la Caroline
septentrionale. Sa hauteur excède rarement i3 mètres
{ l^o pieds j , sur un diamètre de douze à quinze
pouces, dimensions sur lesquelles je me trouve aussi
d'accord avec les personnes précitées ; c'est donc à
tort que Wanghenhiem qui n'a pas voyagé dans les
pays qu'on peut , en quelque manière , regarder
comme la patrie de cet arbre , et cité par Sir A. B.
Lambert, avance qu'il parvient à une très-grande
élévation. Son tronc est très-effilé, et à un tel point,
qu'un individu de 33 centimètres Ç i piedj de dia-
mètre, à fleur de terre, n'en a tout au plus que i6
à 18 centimètres (738 pouces) à 2 mètres (6 pieds)
de haut. Toutes les fois que VAbies halsaniifera
croit isolément, et que sa végétation n'est pas con-
trariée, ses branches, qui sont très-nombreuses et
garnies d'un feuillage bien fourni, offrent dans leur
ensemble une forme pyramidale d'une régularité
parfaite, due à la manière uniforme et symétrique
avec laquelle elles diminuent graduellement de lon-
gueur, à mesure qu'elles prennent naissance à une
plus grande élévation. Ses feuilles, longues de six à
huit lignes, solitaires ou implantées une à une aux
côtés des rameaux et à leur partie supérieure, sont
linéaires, roides et aplaties; leur face supérieure est
d'un beau vert luisant et l'inférieure d'un blanc ar-
gentin, d'où lui est venu vraisemblablement le nom
de Sjhir fir^ Sapin argenté.
Les cônes de VAbies hahmnifera ont une forme
presque cylindrique , 10 à 12 centimètres (4^5
ABIES BALSAMIFERA. 1^'j
pouces) de longueur , sur environ trois centimètres
(un pouce) de diamètre, et leur pointe est tou-
jours dirigée vers le ciel ; caractère qui lui est com-
mun avec VAbies taxifolia d'Europe , et qui les
difFérencie des Epicias spruces chez lesquels cette
pointe est dirigée en bas. Le bois de l'Abies balsa-
mifera est léger et peu résineux, la couleur du cœur
est jaunâtre. Dans le district de Maine, où il est
plus commun que dans aucune autre partie des
Etats-Unis, il n'est pas employé, soit à cause de son
peu de force, soit parce qu'il ne fournit pas de pièces
d'une grande dimension. Cependant , j'ai su de
MM. Titus Smith , que quelquefois à la Nouvelle-
Ecosse on en fait des douves pour les barils à
poisson ; mais on lui préfère communément ,
pour cet usage, le Pinus strobus et la variété de
VAhies mgrcij désignée dans ce pays sous le nom de
Sapin rouge. Je ne crois donc pas que, sous ce rap-
port, il mérite de fixer l'attention des liabitans
du nord de l'Europe , qui , dans son analogue ,
VAbies taxifolia^ possède un arbre bien supérieur
par ses usages et par sa grande élévation; car, sui-
vant M. Bugsdorf , grand forestier du royaume de
Prusse , celui-ci parvient quelquefois à ^Ç> mètres
(^ i5o pieds ) de hauteur, sur à peu près 2 mètres
( 6 pieds j de diamètre.
Dans les Pins , la substance résineuse est ex-
traite au moyen d'une incision faite au corps de
l'arbre , d'où elle transsude à travers les pores de
l'écorce et les canaux séveux de l'aubier. Dans
l/jS ABIES BAL SA MI FER A.
VAbies balsamifera , et dans YAhies taxifolia cette
substance est naturellement déposée dans des vé-
sicules ou de petites poches , répandues sur le
tronc et les principales branches , et c est en cre-
vant ces tumeurs, qui font assez saillies pour être
aperçues , qu'on recueille ce qui en découle , au
moyen d'un entonnoir adapté à une bouteille. La
quantité de térébenthine , ainsi obtenue annuel-
lement de VAbies balsamifera , en Canada , dans
le District de Maine et les pays adjacens , se ré-
duit à quelques centaines de bouteilles qu'on ex-
porte en Angleterre et dans le reste des Etats-Unis
où elle est vendue sous le nom de baume de Gilead ,
quoique bien des personnes n'ignorent point que le
véritable baume de Gilead soit le produit de VAmjris
^ileadensis^ arbre très-différent, et qui est originaire
d'Asie ; mais d'après quelques ressemblances qu'on
aura peut-être cru trouver dans l'odeur et la saveur
de ces deux substances, on aura donné à la térében-
thine de VAbies balsamifera le nom de ce baume.
La térébenthine de cet arbre , traîchement extraite ,
est d'une couleur verdâtre , fluide et très transpa-
rente; sa saveur est acre et pénétrante; donnée in-
considérément, elle produit des ardeurs d'urines;
appliquée sur l^es plaies, elle excite de l'inflamma-
tion et occasionne beaucoup de souffrances. Cette
substance a été surtout préconisée en Angleterre ,
où quelques médecins en recommande l'usage dans
certains périodes de la phthisie pulmonaire, et alors
on la préfère à la térébenthine de VAbies taxifolia ,
ABIES BALSAMIFERA. 1 4<)
qui se récolte à peu près de la même manière en
Suisse, et dans quelques cantons de l'Allemagne.
Le Baumier de Gilead , cultivé depuis long-temps
en Europe, doit être réservé pour l'embellissement
des parcs et des jardins d'agrémens, où sa forme ré-
gulière et son feuillage très-agréable lui assignent
une des premières places parmi les arbres verts.
PLANCHE XIV.
Fig. 1 , cône. Fig» a , graine*
LES NOYERS.
jTarmi le grand nombre d'arbres differens qui
composent les vastes forets de l'Amérique septen-
trionale à l'est du Mississipi , les Noyers sont , après
les Chênes , un des genres d'arbre dont les espèces
sont le plus variées. Sous ce seul rapport, le sol des
Etats-Unis est plus favorisé que l'Europe entière
oii il n'en existe aucune qui lui soit indigène ; car
l'on sait généralement que celle qu'on y cultive
avec tant d'avantage pour les besoins de la société,
est originaire d'Asie, et notamment des bords de
la mer Caspienne, où mon père la trouva en abon-
dance dans un voyage qu'il fit en Perse, en 1782.
J'ai reconnu dans les Etats - Unis dix espèces de
JVoyers , il est même assez probable qu'on en décou-
vrira quelques autres dans la Louisiane. C'est donc
.aux personnes qui voyageront dans ces contrées pour
en étudier les productions naturelles, à diriger leur
attention vers cette classe de végétaux fort intéres-
sante à connoitre , parce que leur bois réunit des
propriétés très - utiles dans les arts, et qu'il peut
s'y trouver des espèces susceptibles de s'améliorer
très-promptement , à l'aide de la greffe et d'une cul-
ture soignée, telle que celle du Pacanier. A l'appui
de cette considération, je citerai ce que mon père
m'a souvent dit, que les noix sauvages du Noyer
dAsie Jugla7is régia, étoient pi us petites, plus dures,
iBl NOYERS.
et d'une qualité inférieure à celles de l'espèce amé-
ricaine que je viens de nommer. C'est donc aux
membres des différentes sociétés d'agriculture des
États-Unis, à multiplier les observations et les expé-
riences, et à suivre en cela l'exemple de nos ancêtres,
à qui nous sommes redevables de cette grande variété
de fruits, aussi salutaires qu'agréables à la vue.
Les Noyers de l'Amérique septentrionale m'ont
paru offrir entr'eux des caractères assez distincts, pour
que je croye devoir les partager en deux sections. Ces
caractères naissent principalement de la différence
des chatons qui portent les fleurs mâles, ainsi que de
leur végétation plus ou moins rapide. La première
section sera composée des Noyers à chatons simples
(PL I.); et elle comprend seulement deux espèces, le
Ju^lans nigj^a et le Jugla?îs cathartica, La deuxième
renfermera les Noyers à chatons ramifiés ( PI. IV. ) ;
et elle sera composée de huit espèces , savoir : les
Juglans olivcefoj^mis; J. amara; J, aquatica; J. to-
mentosa-^ J. squamosa^ J, laciniosa, J.porcina el
J. mjristicœformis . Les trois premières espèces de
cette deuxième section , se rapprochent un peu de
ceux de la première , par leurs bourgeons qui sont à
nu et ne sontpas recouverts d'écaillés. C'est encore à
cause de cela que je les ai placées immédiatement
après, et que j'ai mis à leur tête le J.olivœformis^
qui par ses nombreuses folioles, a le plus de res-
semblance avec le J. nigra et le J. cathartica^ qui
ont aussi leurs bourgeons nus.
Dans tous les États-Unis , on donne aux Noyers de
NOYERS. 1.j3
la deuxième section le nom général d'Hickery ' ,
et cela est fondé principalement sur certaines pro-
priétés de leur bois, qui quoique modifiées suivant
les espèces^ s'y trouvent réunies à un plus haut degré
que dans tout autre arbre, soit d'Amérique, soit
d'Europe. Ces espèces ont encore beaucoup de
ressemblance, tant par leur port que par leurs
feuilles, dont les folioles dans toutes, diffèrent par
le nombre et par la grandeur. A ces causes de con-
fusions se réunit celle qui est produite par les fruits,
dont les formes varient à l'extrême dans les mêmes
espèces; tellement que lorsqu'on les voit séparé-
ment, on croiroit qu'elles appartiennent à des espè-
ces étrangères. Ce n'est donc pas entièrement d'après
des différences aussi notables , qu'on doit en éta-
blir la distinction. Il faut surtout encore qu'elle
soit fondée sur l'examen des jeunes pousses de
l'année précédente, des bourgeons et des chatons;
car ce n'est que par une observation constante, faite
pendant tout le cours d'un été dans les forets de ces
contrées, que je suis parvenu à distinguer aisément
ce qui n'étoit que de simples variétés, d'avec
de véritables espèces. M. Delile , de l'Institut d'E-
gypte, alors dans les États-Unis, a pris une part
active aux recherches que j'ai faites à cette occasion,
étant journellement avec moi dans les bois; et nos
observations ont eu, je crois, pour résultats, ce qu'oiv
doit attendre de beaucoup de persévérance.
' Mot dont je n'ai pn connoitre la signification , et qni est probable-
ment d'origine indienne.
l54 NOYERS.
D'après ces différentes considérations , fondées
principalement sur le grand rapport qu'ont entr'eux
les bois des diverses espèces de noyers Hickery;
j'ai pensé qu'il étoit plus convenable dans la des-
cription particulière de chacun d'eux, de ne faire
mention que sommairement de leur propriétés res-
pectives, et d'en parler d'une manière plus étendue ,
collectivement et comparativement dans un article
séparé qui terminera leur histoire.
DISPOSITION' MÉTHODIQUE
DES NOYERS
DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
Monœcie Polyandrie y Lin. Fam. des Térébenthacées ^ Jn««.
1/' SECTION.
CHATONS SIMPLES.
(Pl.I, f.g.3.)
Végétation très-rapide.
1 Juglans nigra Black walnut.
2 Juglans cathartica. . . Butter nut.
II'. SECTION.
CHATONS COMPOSÉS CD ATTACHES TROIS A TBOIS AD MEME PEDICULE.
(PI. VII, fis. 3.)
Végétation très - lente,
3 Juglans olivseformis. . Pacane nut^ hîckery;
4 Juglans amara. . . . Bitter nut , hickerj.
5 Juglans aquatica. . . . Water bitter nut, hickery.
6 Juglans tomentosa. . . Mocker nut , hickerj.
7 Juglans squamosa. . . Shell Bark, hickery.
8 Juglans laciniosa. . . . Thick shell bark , hickery.
9 Juglans porcina. . . . Pig nut ^hickery,
lo i\x^B.nsm.jYisiicddîoTTa\s.Nutmeg hickery nut.
P/J-
r J £e€iûuéi (/<■/
JUCtLANS mgra
JUGLANS NIGHA.
THE BLACK IVALNUT.
3 V GhkTHS JblioUs quindenisy subcordatis , supernè angus-
Latis , serratis : fructu globoso , punctato scabriusculo :
riuce corîugata. i
Cet arbre est connu des Américains dans toutes
les parties des États-Unis où il croît, ainsi que des
François de la Haute et Basse-Louisiane, sous le
seul nom de Noyer noir, Black FTalnut, Les envi-
rons de Goshen, État de New-Jersey, situés par
le 4^0 5o' de latitude, sont à l'est des Monts-Allé-
ghanys, le point le plus rapproché vers le nord où il
commence à paroitre, tandis qu'à l'ouest de ces mon-
tagnes il existe déjà en abondance dans cette por-
tion du Génessée , État de New-York, qui se trouve
comprise entre les 77° et 79° de longitude, et qui
est d'environ deux degrés plus avancée vers le nord.
Cette observation, ainsi que j'aurai occasion de le
faire remarquer , s'applique à plusieurs autres végé-
taux, dont l'apparition est soumise à l'influence de
la température, laquelle devient plus douce à mesure
qu'on s'avance vers l'ouest. Le noyer noir est déjà
très-commun dans les forêts qui avoisinent Phila-
delphie , et si l'on en excepte ensuite toutes les par-
ties basses des Etats méridionaux, dont le sol est
trop sablonneux ou trop humide comme celui des
marécages , on retrouve cet arbre jusqu'au Mis-
sissipi , ce qui embrasse une étendue de près de
l58 JUGLANS NIGRA.
deux cent soixante-treize myriamètres( 700 lieues j.
On remarque encore qu'à Test des monts Allëgha-
nys , dans la Virginie , les Hautes-Carolines et la
Haute - Géorgie , il est principalement confiné aux
vallons, au milieu desquels circulent les rivières et
les creeks^ et dont le sol est meuble et profond;
tandis qua l'ouest de ces mêmes montagnes, dans les
Etats du Rentucky, duGénessée et de l'Oliio, où les
terres sont presque partout d'une très-grande fertilité,
il croit en plein bois, entremêlé avec le Gjnmocladus
dioica^ le Gleditsia triacanthos , le Moriis rubra^ le
Robinia pseudo-acacia ^ lejuglaiis squaniosa ^V Acer
nigrum^XeCeltis crassifolia et VUlmusrid)ra. Tous
arbres qui sont considérés comme signes indicatifs
des meilleures terres. C'est aussi dans ces contrées que
cet arbre provient à son plus grand développement.
J'ai vu souvent sur les rives de l'Ohio et dans les iles
qui sont au milieu de cette belle rivière, des indi-
vidus qui avoient environ un mètre (3 à 4 pieds) de
diamètre, sur 20 à 22 mètres (60 à 70 pieds) d'élé-
vation , et il n'est pas rare d'en rencontrer qui ont
2 mètres (6 à 7 pieds) d'épaisseur. Cette force de
végétation indique suffisamment que le Juglans ni-
gra est un des plus grands arbres de l'Amérique
septentrionale. Lorsqu'il est isolé ses brandies s'é-
tendent horizontalement à une grande distance , ce
qui fait que son sommet embrasse alors beaucoup
d'espace, et lui donne une apparence magnifique.
Les feuilles du Noyer noir, sont composées de
sept ou huit paires de folioles presque opposées les
JU GLANS NI GRA. IjQ
unes aux autres, et attachées par de courts pétioles
sur un pétiole commun. Elles sont longues de 5 à 8
centimètres (2 à 3 pouces), de forme lancéolato-acu-
minées, légèrement pubescentes et dentées sur leurs
bords. Les fleurs mâles sont disposées en chatons
pendans et cylindriques, dont les pédicules sont
simples et non ramifiés comme les Noyers Hic-
kerys. Koj.pl. l-Jig' 3. Aux fleurs femelles succèdent
des fruits parfaitement ronds, très-odorants, à sur-
face légèrement inégale, et qui viennent toujours
à fextrémité des branches. Dans les arbres jeunes
et vigoureux, ils ont quelquefois 18 à 21 centimètres
( 7 à 8 pouces ) de circonférence. Le brou fort
épais , ne se partage pas non plus naturellement en
j)lusieurs parties comme dans les Noyers Hickerys;
mais il s'amollit, finit par pourir et laisser échapper
la noix. Celles-ci sont très-dures, un peu déprimées
latéralement et comme plissées ou sillonnées à leur
surface. L'amande , partagée par des cloisons ligneu-
ses, est douce et d'une saveur agréable, quoique
inférieure à celle du Juglans regia ou Noyer or-
dinaire. On apporte ces noix aux marchés de New^-
York, de Philadelphie et de Baltimore, où on les
achète pour être servies sur la table.
La grosseur des fruits du Noyer noir varie beau-
coup , eu égard à^ la vigueur de l'arbre qui les pro-
duit, et par rapport au sol où il croît, ainsi qu'à la
température du climat où il se trouve. Sur les bords
de rOhio, et dans le Rentucky, ses fruits revêtus
de leur brou, mesurent 18 à 21 centimètres ( 7 à.8
I. 21
l6o JUGLANS NIGRA.
pouces J de circonférence , et les noix ont une gros-
seur proportionnée. Dans le Gënessée au contraire
où il fait un froid extrême, ainsi que dans les champs
épuisés par la culture, où ces arbres ont été mé-
nagés lors des premiers défrichemens , elles ont
moitié moins de cette dimension. On observe encore
quelques petites variations dans la forme du fruit ,
et dans la manière dont est sillonnée la coquille;
mais je ne puis considérer ces différences que
comme accidentelles. Il est vrai qu'il n'est pas
de genre d'arbres en Amérique , dont les fruits de
chaque espèce offrent des formes aussi variées ; cir-
constances qui doivent nécessairement avoir induit
en erreur les personnes qui n'ont observé que le
petit nombre d'individus qui se. trouvent dans les
jardins en Europe, et qui les ont décrits comme
des espèces distinctes.
Le tronc du noyer Noir est revêtu d'une écorce
épaisse , noirâtre et fortement crevassée dans les
vieux arbres. Lorsqu'il est fraîchement débité, son
aubier est très-blanc, tandis que le cœur est violet;
mais bientôt après avoir été exposé à l'air, cette
couleur prend plus d'intensité et devient presque
noire , d'où est venu probablement à cet arbre le
nom de Noyer noir. Les qualités qui font surtout
apprécier son bois, sont : de résister long-temps à
la pouriture quoique exposé aux alternatives de la
chaleur et de l'humidité , pourvu néanmoins , qu'il
soit privé de son aubier qui s'altère très - prompte-
ment; d'avoir beaucoup de force et de tenir bien
JU GLANS NIGRA. l6l
les clous; de n'être plus sujet, lorsqu'il est bien sec,
à se tourmenter ni à se fendre; enfin d'avoir le
grain assez ferme et assez fin pour recevoir un beau
poli. Toutes ces propriétés le font employer de pré-
férence à beaucoup d'ouvrages où il convient très-
bien. Outre ces divers avantages, il a encore celui
de n'être point attaqué par les vers. A l'est des monts
Alléghanys , on fait peu d'usage du Noyer noir dans
la construction des maisons en bois; mais dans quel-
ques parties des Etats du Rentucky, de l'Ohio, et
notamment sur la rivière Wabash, il est fréquem-
ment débité en essentes de 48 centimètres (i 8 pouces j
de longueur, sur loà i6 centimètres (4 ^ ^ pouces)
de largeur pour les couvrir, et quelquefois encore
on s'en sert pour la charpente. Mais c'est dans lebé-
nisterie surtout qu'on emploie généralement le bois
de cet arbre dans le pays où il abonde. On en
fabrique des meubles qui sont souvent très-beaux ,
par les accidents qui se rencontrent principalement
dans les morceaux tirés de l'endroit où le tronc se
partage en plusieurs branches. Cependant comme il
prend en assez peu de temps une couleur très rem-
brunie, beaucoup de personnes donnent la préfé-
rence aux meubles fabriqués avec le bois du Cerisier
de Virginie. On fait aussi avec le bois du Noyer noir ^
les montures de fusil des troupes , comme étant plus
fort et plus résistant que celui de lAcer rubriim.
Celui-ci quia plus d'éclat et de légèreté , est employé-
de préférence pour les fusils de chasse. On s'en sert
fréquemment encore en Virginie, pour faire les pieux
162 JU GLATS'S NI GRA.
des entourages, parce qu'il résiste bien à la pouri-
ture, et qu'il peut rester vingt à vingt-cinq ans en
terre sans s'altérer. Quelques personnes m'ont assuré
en avoir vu faire de bons moyeux , ce qui dénote-
roit encore sa force et sa durée. Tous les cercueils
à Philadelphie sont aussi faits en planches de Noyer
noir.
Le bois de cet arbre est encore employé comme
excellent dans les constructions maritimes; mais il
ne doit être mis en œuvre que lorsqu'il est bien sec;
alors on assure qu'il est plus durable que le Chêne
blanc. Breckel dans son histoire de la Caroline du
INord, avance qu'il n'a pas l'inconvénient comme
ce dernier , d'être attaqué par les vers de mer
dans les pays chauds; avantage bien précieux, si
cela est vrai , et qui demande de nouveau à être
confirmé.
Dans les chantiers de constructions navales à Phi-
ladelphie , je l'ai vu fréquemment employer pour
genoux et varangues; mais à Wheeling, à Marieta,
ainsi qu'à Louisville, petites villes situées sur les
bords de l'Ohio, il constitue une grande partie de la
charpente des vaisseaux qu'on y construit. Sur la
rivière Wabash, on en a fait des canots et des piro-
gues qui sont très-estimés, à cause de leur solidité
et de leur durée. Quelques-unes de ces pirogues ,
faites d'un seul tronc d'arbre, ont plus de i3 mètres
(40 pieds) de longeur, sur i mètre environ (^2 à 3j de
largeur. Le Noyer noir est donc un arbre précieux,
et c'est avec raison que beaucoup d'habitans ne le
JUGLANS NIGRA. l63
coupent pas^ lorsqu'il s'en rencontre dans les nou-
veaux defrichemens qu'ils entreprennent.
Le Noyer noir débité en planches, plancks ^ de 5
centimètres (2 pouces) d'épaisseur, est exporté en
Angleterre; mais la quantité est peu considérable. Ces
sortes de planches se vendent à Philadelphie à rai-
son de quatre cents ^ environ 20 centimes le pied.
Le brou qui enveloppe la noix, donne ujie cou-
leur fort analogue à celui que fournit notre Noyer
d'Europe. On s'en sert dans les campagnes pour
teindre les étoffes de laine.
Cet arbre a été depuis long-temps introduit en
France et en Angleterre , dans les jardins des ama-
teurs de cultures étrangères. Il réussit très-bien et
donne abondamment des fruits. Quoiqu'il diffère
beaucoup du Noyer d'Europe, néanmoins de toutes
les espèces de l'Amérique septentrionale, c'est celle qui
a le plus de ressemblance avec lui. Si nous comparons
donc ces deux espèces sous les différens degrés d'uti-
lité que l'une et fautre présentent aux arts et au
commerce, nous trouverons que le bois du Noyer
noir est plus compact, plus pesant, qu'il est doué
de beaucoup plus de force , et qu'il est susceptible
de prendre un plus beau poli; enfin , qu'il nest pas
sujet à être attaqué par les vers; propriétés, qui
comme nous l'avons vu précédemment, le rendent
propre non-seulement aux mêmes usages que celui
que nous possédons, mais encore aux grandes cons-
tructions. Je pense également que par ces mêmes
considérations , cet arbre conviendroit parfaitement
l64 JUGLANS NIGRA.
pour succéder à l'Orme sur les grandes routes; car il
paroît actuellement bien prouvé , que pour obtenir
des succès certains dans la culture des arbres ou des
plantes herbacées sur le même terrain, il est né-
cessaire d'y planter alternativement des espèces d'un
genre différent. Cependant si on considère le Noyer
noir sous le rapport de ses fruits , on trouvera que
les avantages qu'il présenste ont très-balancés , car
ses noix quoique assez grosses, sont très-inférieures
à celles de -nos espèces les plus médiocres.
On a planté en même temps et dans le même ter-
rain des noix de l'une et de l'autre espèce , et l'on
a observé que celles du Noyer noir donnent des
sujets qui poussent plus vigoureusement, et qui s'élè-
vent à une plus grande hauteur dans le même espace
de temps ; alors il seroit peut-être profitable de
greffer à 2 à 3 mètres (8 ou 10 pieds) de hauteur,
notre Noyer d'Europe sur celui d'Amérique, et si on
adoptoit cet usage, on jouiroit de tous les avantages
que présentent ces deux espèces , sous le rapport de
la qualité du bois et de la bonté des fruits.
PLANCHE I.
Feuille moitiée grandeur naturelle.
Fig. 1 , noix recoitverte de son brou. Fig. 2 , noix séparée de
son brou. Fig. 3 , Jleurs mâles sur un chaton simple et non ra»
mifiét
l'JRedoR^ M.
JUGLANS cathaj-licci.
-x,-^ V*»"V -v "fc ^» "*- '^ -^ '*«^'^ '*''*»'^ **''^'*' "^
JUGLANS CAT HAUT ICA.
THE BUTTER N U T.
JuGLANS cathariica, foUolis suOi/ulndenis , lanceolatis,
basi rotimdato-ohtusis , suhtus tomentosis , leuiter ser-
ratis. Fructu oblongo-ovato , apice mammoso , viscido ,
longé pedunculato. Nuce oblonga acuminata , insi-
gniter inscupltè-scabrosa.
Cette espèce est connue dans l'Amérique septen-
trionale , sous différentes dénominations. Dans les
Etats de New-Hampshire, de Massachussett et de
Vermont, elle porte le nom de Oïlnut^ Noyer à l'huile.
Dans la Pensylvanie, le Maryland et sur les bords
de rOhio, elle est plus connue sous celui de White
Walnut^ Noyer blanc; tandis que dans les Etats
de New-York , de New-Jersey et de la Virginie ,
ainsi que dans la partie montagneuse des Hautes-
Carolines, on l'appelle Butter nut^ Noix de beurre.
Parmi ces diverses dénominations, j'ai cru devoir
préférer cette dernière, parce que d'une part, elle
n'est pas entièrement étrangère aux autres parties des
Etats-Unis que je viens de désigner, et que de
l'autre, dans les environs delà ville de New-York, son
bois y est employé à des usages plus variés. J'ai pensé
également que le nom spécifique latin de cathartica^
qui lui a été donné il y a déjà fort long-temps par
le docteur Cutler de l'Etat de Massachussett, devoit
être définitivement substitué à celui de Cinerea ,
sous lequel cette espèce a été jusqu'à présent dis-
l66 JUGLANS CATHARTICA.
tinguëe par les botanistes. Cette distinction avoit
été tirée de la couleur des branches secondaires qui
sont revêtues d'une écorce lisse et cendrée, mais
elle ne rappelle réellement qu'un caractère peu im-
portant, tandis que le premier exprime une des qua-
lités les plus intéressantes de cet arbre.
On trouve encore le Juglans cathartica dans le
Haut et Bas-Canada, dans le district de Maine, sur
les bords du lac Erié, dans les Etats du Rentucky
et du Ténessée, ainsi que sur les bords du Missouri;
mais je ne l'ai pas rencontré dans la partie basse
des deux Carolines, de la Géorgie et de la Floride
orientale, oii la nature du sol et la chaleur exces-
sive qu'on éprouve en été, sont peu favorables à sa
végétation , qui est au contraire remarquable dans
les pays les plus froids ; car dans l'Etat de Vermont ,
par exemple , où les hivers sont si rigoureux, qu'on
y va en traineau quatre mois de l'année , cet arbre
acquiert 2 à 3 mètres ^8 à 10 piedsj de circonférence,
cependant je ne l'ai vu nulle part croître plus abon-
damment que dans les bas-fonds qui bordent l'Ohio,
entre Wheeling et Marietta ; mais il m'a paru que
répaisseur des forets qui les couvrent, et où le so-
leil ne pénètre que difficilement, s'opposoit à son
entier développement; car je n'y ai point observé
d'individus d'une aussi forte dimension que dans le
New-Jersey, sur les bords élevés et très-escarpés de
la rivière Hudson , presque opposés à la ville de
New-York. Dans cet endroit les bois sont peu garnis ,
et la surface du terrain qui est d'une nature froide
JUGLANS CATIIARTICA. l6'
é
et peu productive, est parsemée de gros rochers:
c'est dans leurs interstices qu'ont pris naissance les
plus gros Ju^lans calhartica que j'aie vus. J'en ai
mesuré qui à i mètre (^3 piedsj de terre, avoient3 à 4
mètres ( loà 12 pieds) de circonférence, sur environ
16 mètres (^5o pieds) d'élévation, et dont quelques
racines tout en conservant le même diamètre , s'éten-
doient en serpentant à fleur de terre jusqu'à plus de
i3 mètres (4o pieds). Le tronc de cet arbre se rami-
fie promptement , et ses branches qui s'étendent à
une grande distance, m'ont semblé affecter une direc-
tion plus horizontale que dans les autres arbres , ce
qui en faisant paroitre son sommet très-vaste et plus
touffu, lui donne un aspect assez remarquable pour
le faire d'abord reconnoitre de loin. Les bourgeons
du Ju^lans cathartica comme ceux du J. nigra ne
sont pas revêtus d'écaillés , mais sont à découverts,
et ses feuilles se développent de très-bonne heure au
printemps , environ quinze jours avant celles des
Jitgla?2s Hickerys '.
Chaque feuille est composée de sept ou huit
paires de folioles sessiles , et terminées par une
impaire pétiolée. Ces folioles longues de 5 à 8 cen-
timètres (2 à 3 pouces), sont de forme oblongue,
dentées sur leurs bords et légèrement velues. Les
fleurs mâles sont supportées sur des chatons gros,
' Cette végétation très - hâtive s'observe également dans plusieurs
autres arbres, qui, comme celui-ci, existent dans des régions tiè^-
septentrionales , et qui continuent à se trouver jusques sous des lati-
tudes assez méridionales.
!• 2 2
l68 JUGLANS CATHARTICA.
cylindriques, longs de 8 à lo centimètres [ 1\.3l 5
pouces j, à pédoncules simples, et sont attachées
sur les pousses de l'année précédente. Les fleurs
femelles qui au contraire prennent naissance sur
celles de l'année, sont terminales, et l'ovaire est
surmonté de deux stigmates de couleur rose. Les
fruits suspendus ordinairement un à un, sont sou-
tenus par des pédicules minces, flexibles, et longs
d'environ 8 centimètres ( 3 pouces); leur forme est
celle d'un ovale oblong sans suture apparente ; ils
ont souvent 6 centimètres ( 2 pouces et demi) de
longueur sur i3 (5 pouces) de circonférence , et sont
très-visqueux, ce qui est dû à de petites utricules
d'une grande transparence qui couvrent leur surface
et qui sont faciles à apercevoir à la loupe. Les noix
sont très-dures ; dégagées de leur brou leur forme
est oblongue; elles sont obtuses à leur base, termi-
nées à leur sommet par une pointe très-aiguë , sont sil-
lonnées profondément et d'une manière très-irréguliè-
re : elles sont à maturité aux environs de Nevs^-York,
vers le i5 septembre, quinze jours avant celles des
autres espèces de Noyers. Dans certaines années elles
sont si abondantes , qu'un homme peut en ramasser
plusieurs minots par jour. L'amande est épaisse, très-
huileuse, et rancit promptement; aussi en voit-on
rarement dans les marchés de New-York et de Phi-
ladelphie; c'est aussi probablement à cause de cette
propriété, qu'on lui a donné les noms de noix de
beurre et de noix à fhuile, vraisemblablement parce
que les Indiens qui habitoient ces contrées, piloient
JUGLANS CA.THARTICA. 169
ces noix, et séparant par rchuliition la substance
grasse qui surnageoit, ils s'en servoicnt, dit-on, pour
mêler à leurs aliments.
Les fruits du Noyer calliartique , lorsqu'ils n'ont
encore atteint que la moitié de leur grosseur ordi-
naire , sont souvent employés pour faire des corni-
chons ; pour cela on les plonge d'abord dans l'eau
bouillante , et après les en avoir retirés et bien es-
suyés, pour les /débarrasser entièrement de l'espèce
de duvet dont ils sont couverts , on les met confire
dans le vinaigre.
Le Ju^lans nigra et le Ju^lans cathartica ont ,
dans les premières années de leur jeunesse , assez
de ressemblance , tant par leur feuillage que par la
rapidité avec laquelle ils croissent; mais arrivés à
leur entier développement , ils ont chacun un port
qui leur est propre, et qui les fait reconnoitre au
premier aspect; et si on vient à examiner leur bois,
surtout lorsqu'il est bien sec , on y trouve des diffé-
rences très-notables. Le premier est pesant, fort,
et d'une couleur très - rembrunie ; taudis que celui
dont il est question, est très-léger, a peu de force,
et d'une couleur rougeâtre ; mais ils jouissent tous
deux également du précieux avantage de résister
long -temps à la pouriture , et de n'être pas atta-
qués par les vers. C'est à cause de son défaut de
force , et parce qu'il donne rarement des pièces d'une
grande longueur, que le Ju^lans cathartica n'est
point apporté dans les villes pour la construction
des maisons , quoiqu'on s'en serve quelquefois pour
lyO JUGLANS CATHARTICA.
cet usage dans les campagnes. Je l'ai assez souvent vu
employé dans quelques cantons de l'État de New-
Jersey, pour en faire les sols des maisons et des
écuries, qui sont construites en bois, et qui reposent
immédiatement sur la terre ; et c'est aussi parce
qu'il résiste bien aux alternatives de la chaleur et de
l'humidité, qu'on en fait de bons pieux et de bonnes
barres pour clore les champs, et que, dans beaucoup
de fermes, on le préfère pour en faire les auges où
l'on donne à manger aux bestiaux, et que l'on place
au dehors. Les pelles à remuer le grain et les sébiles
faites de ce bois, sont aussi préférées à cause de leur
légèreté , et parce qu'elles ne sont pas aussi sujettes
à se fendre que celles en Acer ruhruin ^ ce qui fait
qu'elles se vendent un peu plus cher. Aux environs
de New-York, j'ai remarqué que dans la construc-
tion des petits canots faits d'un seul ou de deux
troncs d'arbres, il étoit employé pour courbes des-
tinées à leur donner plus de solidité oii à les unir
ensemble; mais on se sert d'un bois plus fort, lors-
que ces canots sont d'une assez grande dimension.
A Pittsbourgh sur les bords de l'Ohio, \e Juglans
caihartica est quelquefois débité en planches , dont
on fait de petits esquifs. Ceux qui descendent la
rivière, les achettent de préférence à cause de leur
légèreté. A Windsor dans l'État de Vermont, on s'en
sert pour faire des panneaux de carrosse et de cabrio-
let; ceux qui l'emploient le trouvent fort bon pour cet
usage, parce qu'outre sa légèreté, il n'est pas sujet à
se fendre, et que de plus, il prend très-bien la cou-
JUOLANS C AT H ART ICA. I7I
leur. En effet, j'ai remarqué que ces pores sont beau-
coup plus ouverts que ceux du Tulipier et du Tilleul.
La propriété médicale de l'écorce de cet arbre a
été constatée depuis long-leinj)s dans les États-Lnis,
par plusieurs médecins distingués, entr'autrespar le
docteur Cutler. L'extrait aqueux de l'écorce, ou même
sa décoction adoucie avec du miel , a été bien re-
connupour un des meilleurs cathartiques que possède
la matière médicale, parce que sa qualité purgative
est toujours assurée , et que dans les constitutions les
plus délicates, elle opère toujours sans causer ni dou-
leur ni irritation. Enfin l'expérience a appris que, dans
bien des cas, elle avoitproduitd'excellents effets dans
la dyssenterie , etc. C'est ordinairementsous forme de
pilules, et à la dose di^un demi gros jusqu'à un gros ,
qu'il se donne aux grandes personnes. Cependant son
usage n'est assez général que dans les campagnes , où
beaucoup de fermiers en font tous les ans au prin-
temps une petite provision pour les besoins de leur
famille et ceux de leurs voisins. Ils l'obtiennent en fai-
sant bouillir dans l'eau l'écorce toute entière , jusqu'à
ce que la liqueur se réduise par l'évaporation en une
substance épaisse, très-visqueuse et de couleur pres-
que noir. Ce procédé est vicieux, etl'ondevroit préa-
lablement enlever l'épiderme ou la partie morte de
l'écorce qui recouvre le tissu cellulaire , et qui est fort
épaisse ; car vers la fin de l'opération, parl'ébullition
long' temps continuée, elle s'est imprégnée des quatre
cinquièmes du liquide , déjà chargé de la partie
extractive.
17^ JUGLANS CATHARTICA.
J'ai VU encore cette écorce employée avec succès ,
comme moyen révulsif dans les ophtalmies inflam-
matoires, et même dans les maux de dents, par l'ap-
plication à la nuque d'un petit morceau , qu'on a
auparavant fait tremper dans l'eau tiède. On s'en
sert aussi quelquefois dans les campagnes, pour tein-
dre la laine d'un brun foncé; mais celle du Jii^lans
nigra est très-préférable.
J'ai enfin remarqué qu'au moment oii , dans un
arbre vivant , l'on met à nu le tissu cellulaire de
l'écorce, il étoit d'une grande blancheur, mais que
dans 'l'espace d'une minute , il passoit à une belle
couleur citron , qui peu à près , se changeoit en une
couleur brune foncée.
Quoique le Juglans cathartica^ comme on voit,
possède quelques propriétés utiles , je ne pense pas
cependant qu'il soit d'un assez grand intérêt, pour
engager à le cultiver dans l'ancien continent comme
une espèce forestière qui seroit profitable , soit dans
les arts, soit même comme bois à brûler. Il devra
donc seulement trouver sa place dans les parcs et
jardins d'agrémens.
PLANCHE II.
Feuille moitiée grandeur naturelle,
Fig, 1 , noix recouverte de son brou, Fig. 3 , 7ioix séparée de
son brou.
PL3
HfJteJmui Pùtjrf
JlTCrLANS oliva? formis.
I"?''S<,^cfJc
4 /// (jJ^Ci cAeri/
JUGLANS OLIVMFORMIS,
TUE FACAJSENUT, H I C K E li Y.
JuGLANS olivceformis ;folioli's siihtriclenis .falcatis , serra-
tis. Friictu oblongo , proininulo-quadriangulato ; nuce
oUuœformi , lœvL
Cette espèce qui se trouve dans la Haute-Loui-
siane , est nommée par les François des Illinois, et à
la Nouvelle -Orléans, Pacanier , et ses fruits INoix
Pacanes. Nom qui a été adopté par les habitans des
États-Unis, qui par suite l'appellent Pacane mit.
Les bords des rivières du Missouri, des Illinois, de
S.-François et des Arkansas, sont les endroits où
cet arbre se trouve le plus abondamment. Il est encore
fort commun sur la rivière Wabasli, ainsi que
sur les rives de l'Oliio, mais seulement jusqu'à 200
milles de son embouchure , dans le Mississipi; passé
cette distance, il devient plus rare, et on ne le
rencontre plus au-delà de Louisville. Mon père qui
a parcouru toutes ces contrées , a appris des François
qui y résident, et qui sont dans l'usage de remonter
le fleuve jusqu'à sa source pour aller à la traite des
fourrures, qu'on ne le voit plus au-delà de la rivière
grande Mackakité , dont l'embouchure est située par
le 42° 5o' de latitude.
Cet arbre affecte de croître principalement dans
les lieux frais et qui sont même très-humides ; on
cite entr'autres un marais Çswamp) de plus de 800
174 JUGLANS OLIViEFORMIS. ■
arpents, qui est exclusivement couvert de Pacaniers.
Ce marais qui est connu des François des Illinois,
sous le nom de la Pacanière, est situé sur la rive
droite de l'Ohio, vis-à-vis l'emboucliure de la rivière
de Gumberland.
Le Pacanier est un fort bel arbre dont la tige
est bien filëe , et qui, lorsqu'il se trouve en corps de
foret, parvient à 20 et 24 mètres [60 et 72 pieds J
d'élévation. Son bois dont le grain est grossier, est
comme celui des autres Noyers Hickery, pesant et
compacte; il est également doué de beaucoup de
force et d'élasticité, propriétés qui cependant ne sont
pas chez lui réunies à un aussi haut degré , que dans
quelques-unes des espèces que je décrirai ci-après. De
même que les Ju^lans nigra et Juglans cathartica ,
ainsi que dans les deux espèces suivantes, les bour-
geons sont à nu , et ne sont point recouverts d'écaillés.
Ses feuilles longues de 3o à 45 centimètres ( i pied à
18 poucesj , sont supportées sur des pétioles un peu
anguleux et légèrement velus au printemps. Chaque
feuille est composée de six à sept paires de folioles,
qui sontsessiles et terminées par une impaire pétiolée,
ordinairement plus petite que les deux qui la précè-
dent immédiatement. Ces folioles longues de 5 à 8
centimètres ^ 2 à 3 pouces J , dans les arbres arrivés à
leur entier développement, etde8ài3(^3à5j dans
les jeunes individus qui poussent avec vigueur, sont
de forme ovale-acuminées, sensiblement dentées,
et assez remarquables par leur bord supérieur qui
présente une forme demi-circulaire très-prononcée,
JUGLANS OLIV^FORMIS. in^
tandis que rinféricur est comparativement très-peu
arrondi. On observe encore que la nervure princi-
pale, au lieu d'être dans la partie moyenne, est plus
bas, ce qui fait que la portion supérieure est de
moitié plus large.
Les noix, ordinairement très-abondantes, sont
revêtues d'un brou épais de 2 à 4 "dllimètres (i à 2
lignes] , et garnies de quatre angles légèrement sail-
lans, qui correspondent à ses divisions naturelles. Ces
noix qui varient de longueur depuis 3 jusqu'à 4 cen-
timètres (i pouce et demij, sont pointues à leurs
extrémités : leur forme est cylindrique, leur couleur
jaunâtre, et elles sont souvent marquées de lignes
noirâtres, même purpurines, au moment où elles
viennent d'être débarassées de leur enveloppe. La
coquille lisse, mince, quoique assez résistante pour
n'être pas cassée avec les doigts, renferme une amande
bien fournie, et assez facile à avoir, parce quelle
n'est pas partagée par des cloisons fortes et ligneuses.
Ces noix, d'un très-bon goût, font l'objet d'un petit
commerce , entre la Haute et Basse Louisiane. De
la Nouvelle-Orléans , elles sont réexportées aux
Indes Occidentales, et souvent encore dans les
grandes villes des États-Unis. Non-seulement elles
sont très-préférables à toutes celles qu'on a trouvées
jusqu'à présent dans l'Amérique septentrionale, mais
je crois même qu'elles ont une saveur plus délicate,
que celles que nous possédons en Europe. De plus,
on trouve souvent des variétés de Pacaniers , qui
quoique sauvages, donnent des noix dont l'amande
I. 23
in6 JUGLAINS O L I V iEF O R M I S.
est beaucoup plus grosse que celle de nos Noyers qui
n'ont pas été cultivés. Je pense donc que , sous le
rapport du fruit, cet arbre mérite de fixer l'attention
des Européens ; et qu'au moyen d'une culture soi-
gnée, on parviendra à en obtenir de très-beaux, sur-
tout si l'on considère que notre Noyer dans l'état sau-
vage, ne donne que des noix très-inférieures à celles
du Pacanier. Il est vrai cependant que cette heu-
reuse perspective est balancée par la lenteur avec
laquelle croit cet arbre , dont nous possédons plu-
sieurs individus en France , qui ne portent point
encore de fruit, quoiqu'ils soient plantés depuis
plus de trente ans. Mais s'il est vrai que cet arbre
puisse être greffé sur le Noyer noir ou sur le Noyer
ordinaire , alors sa végétation sera incomparable-
ment plus rapide , et rien ne s'opposera à ce qu'on
s'applique à le propager en Europe.
PLANCHE III.
Feuille moitié grandeur naturelle.
Fig. 1 f fruit couvert de son brou. Fig. 2 , fruit séparé du brou.
ri.4
/fJl,:/.mA' ,/{-/
JUGLAT^S amma.
/
Cll^Lfc ■
JUGLANS AMARA.
BITTER JSUT, HlCKERY.
JuGLANS aniara , arbor maxima , folloUs 7 — 9"'*, frla-
bris , conspicuè serratis , impari breviter petiolato.
Fructu siibrotundo-ovoïdeo , supernë suturis prominulis ;
nuce lœvi , subglobosà , mucronatà : putamine fragili ,
nucleo amaro.
Cette espèce est généralement connue dans
l'Ltat de New-Jersey, sous le nom de Bitter nut ^
Noyer amer ; tandis que dans la Pensylvan ie, et notam-
ment dans le Comté de Lancaster, elle est désignée
par celui de TVhite Hickery^ Hickery blanc, et quel-
quefois encore de S^amp Hickery^ Hickery des ma-
rais. Mais plus au sud elle est confondue avec \eju-
glans por^cina y enûn les François des Illinois, comme
les habitans de New- Jersey , lui donnent le nom de
JVojer amer. Cette dernière dénomination sous la-
quelle je la décris, ma paru devoir être préférable-
ment conservée ; car elle indique une des propriétés
particulières du fruit de cet arbre.
Les environs de Windsor dans l'État de Vermont,.
latitude 43° 3o', sont, je pense, irès-rapprochés du
point le plus septentrional, où le Noyer amer com-
mence à croître, en venant du nord au midi; car
on ne le rencontre pas dans le district de Maine , où
il existe cependant beaucoup de situations sur les
bords des rivières très-analogues à celles où il est
fort commun , à quelques degrés plus au sud. Cet
l'jS JUGLAIVS AMARA.
arbre parvient aune très-grande élévation, dans les
Lois de Bergen's Woods, à six milles de Nevs^-York,
et dans les bas- fonds qui bordent l'Ohio. J'ai mesuré
plusieurs individus qui avoient de 3 à 4 niètres
( 10 à 12 pieds j de circonférence, sur environ 23
à 26 mètres (70 a 80 pieds j de hauteur; mais il ne
parvient il est vrai à de pareilles dimensions , que
dans les endroits où le sol est d'une excellente qua-
lité, et maintenu constamment à l'état de fraîcheur,
souvent même d'humidité , par les débordemens des
creeks et des rivières ; et c'est probablement parce
qu'on a remarqué qu'il affectoit de croître dans de
pareilles situations, qu'il est désigné quelquefois
comme il a été dit , par le nom de Hickeiy des ma-
rais. C'est de tous les Noyers Hickerys, celui chez
lequel la végétation est la plus tardive , car j'ai
constamment observé que ses feuilles se développent
environ quinze jours plus tard. Dans les individus
bien venant et en état de porter fruit, elles ont de
32 à 4o centimètres ( 12 à i5 pouces) de longueur,
sur une largeur à -peu -près d'égale dimension, qui
varient ainsi que dans tous les autres arbres, eu
égard à la nature , du sol, ou encore selon qu'elles
croissent sur les branches inférieures ou sur les plus
élevées.Chaque feuille est composée de trois ou quatre
paires de folioles, terminées par une impaire moins
grande que les deux qui la précèdent immédiate-
ment. Ces folioles, longues d'environ 16 centimètres
(6 pouces) sur 27 à 3o millimètres (12 à i5 lignes)
de largeur, sont sessiles, ovales-acuminées et très-
J U GLANS AMARA.. I 79
sensiblement dentées en scie; elles sont lisses et
d'un vert assez obscur. Lorsque cet arbre a perdu ses
feuilles, il est encore facile à reconnoitre à ses bour-
geons qui ont une belle couleur jaune, et qui sont
à nu, sans être couverts ou enveloppés d'écaillés.
Dans la Pensylvanic et le New-Jersey, le Noyer
amer est en fleurs vers le aS de mai. Les chatons
qui portent les fleurs mâles , longs de 5 à 8 centi-
mètres [ 2 à 3 pouces j, et disposés trois à trois sur
le même pédicule , sont pendans et flexibles , tou-
jours réunis seulement deux à deux. Ils sont atta-
chés à la naissance de la pousse de l'année, tandis
que les fleurs femelles peu apparentes, sont au con-
traire placées à leur partie supérieure.
Les fruits toujours assez abondans, sont en ma-
turité vers le i^^. octobre. D'un seul arbre on pour-
roit souvent en récolter plusieurs minots. Le brou
qui couvre la noix est mince, charnu, et surmonté
dans sa moitié supérieure de quatre appendices en
forme d'ailes. Il ne devient pas ligneux comme
dans les autres Noyers Hickerys; mais il s'amollit,
et finit par tomber en pourriture. Dans cette espèce,
la forme des noix est plus constante et plus régu-
lière. Elles sont plus larges que longues , ayant
environ 22 millimètres (10 lignes) de largeur sur i3
à 1 5 (^ 6 à 7 1. } de hauteur. La coque qui est blanche,
lisse , et assez mince pour être cassée avec les doigts,
renferme une amande très-remarquable par les si-
nuosités profondes qui la pénètrent de toutes parts,
et qui sont le résultat de la plicature de l'amande
l8o JUGLA.NS AMAEA.
sur elle-même ; elle est si âpre et si amère, que les
écureuils et les autres animaux sauvages, ne recher-
chent les noix de cet arbre, que lorsqu'ils n'en
trouvent plus d'aucune autre espèce.
Dans quelques parties de la Pensylvanie où cet
arbre se trouve assez multiplié, on a retiré de ses
noix une huile bonne a brûler, et susceptible d'être
employée à d'autres usages secondaires; mais de ces
essais qui ont réussi à quelques fermiers, on ne doit
pas en conclure qu'on puisse, sous ce rapport, tirer de
cet arbre des produits capables de devenir une bran-
che d'industrie; car ni le INoyer amer , ni les autres
espèces de l'Amérique septentrionale , ne couvrent
jamais des cantons assez étendus, pour en fournir les
moyens. Il y auroit à cet égard beaucoup plus d'avan-
tage à multiplier le Noyer d'Europe, dont la culture
est encore totalement négligée dans tous les Etats-
Unis, et qui certainement réussi roit au-delà de
toute espérance dans les Etats du milieu , et surtout
dans ceux qui sont situés au-delà des Alléghanys.
La texture de l'écorce du Noyer amer, la couleur
de l'aubier et du cœur, sont les mêmes que dans les
autres Noyers Hickerys, et son bois possède, quoi-
que dans un degré inférieur, ces propriétés qui les
font distinguer- si évidemment des autres arbres;
propriétés qui sont la pesanteur, la force, la ténacité
et l'élasticité. On s'en sert à Lancaster comme bois de
chauffage ; mais sous ce rapport, il n'y est point consi-
déré , comme supérieur en qualité au Chêne blanc,
et il n'est point vendu à un taux plus élevé.
JUGLANS AMAKA. l8l
Le Noyer amer existe en France dans plusieurs
jardins , et même y donne des fruits ; cependant
comme on ne peut rien espérer de la qualité de son
fruit, qui paroît vouloir un sol très -fertile pour
arriver à un grand développement ; enfin , que son
hois est reconnu en Amérique , pour être un peu
inférieur à celui que fournissent les espèces sui-
vantes, je ne crois pas qu'il doive trouver place
dans les forets d'Europe.
PLANCHE IV.
Feuille de grandeur naturelle.
Fie. 1 ) Jioix revêtues de leur brou. l'ig. -• ^ noix séparée de son
brou.
JUGLANS AqUATICA,
WATER BITTE R NU T HICKERY.
JuGLANS aquatîca foUolis 9 — 1 1 "", lanceolato - acumina-
tis , sub-serrads , sessilibus ; impari hreviter petîolato»
Fructibus pedunculatis , nuce sub-depressa , parva ,
rubiginosa , tenera.
Cette espèce qui appartient à la partie basse des
des Etats méridionaux , n'y est connue sous aucune
dénomination particulière, car elle a été confondue
jusqu'à présent par les habitans avec le Juglans por-
cina^ quoiqu'elle en diffère à beaucoup d'égards. Le
nom d'Hickery des liiaraiis ^ PV^ater lïickeiy y que je lui
ai donné , m'a paru assez convenable , parce que j'ai
toujours trouvé cet arbre dans les marécages, et très-
souvent dans les fossés qui entourent les champs à
riz, oii il croit avec \Acer ruhruni^ le Njssa aquci-
tica^ le Cupressus disticha et le Populus angulosa.
Le Juglans aquatica s'élève de i3 à 16 mètres (^ 4^
à 5(0 pieds J , et son port est en tout semblable à
celui des autres Noyers Hickerys, dont il fait partie.
Ses feuilles longues de 21 à 24 centimètres [8 à 9
pouces), sont d'une belle couleur verte , seulement
composées de quatre à cinq paires de folioles, sessiles
et terminées par une impaire pétiolée. Ces folioles
légèrement dentées sur leurs bords, longues et étroi-
tes, ont environ 10 à i3 centimètres ( [\'k b pouces j
de longueur, sur 18 à 20 millimètres (8 à 9 lignes^
-^v^r ^ei ^
JFGLAKS aquatica
At^m t K-m^ '
JU GLAN s AQUATICA. l83
à leur partie moyenne, assez semblable d'ailleurs
à des feuilles de Pécher.
Les noix couvertes d'un brou peu épais et lëgère-
ment inégales 5 sont petites, anguleuses, et un peu
déprimées latéralement; elles sont rougeâtres et in'îs-
tendres. L'amande en est fort amère, et présente
comme dans celles du Ju^lans amara , des sinuosités
profondes qui la pénètrent de toutes parts. Ces fruits,
comme on le pense bien, ne sont pas mangeables.
Le bois an Ju^lans aquatica^ quoique participant
des propriétés de tous les autres Noyers Hickerys,
leur est cependant inférieur sous tous les rapports ,
attendu qu'il vient dans des lieux très-aquatiques.
Cet arbre dont j'ai rapporté des noix en France,
pousse vigoureusement, et supporte bien les froids de
nos hivers ; cependant je ne crois pas qu'il mérite
de trouver place dans nos forets européennes , ni
même d'être ménagé dans les défrichemens en Amé-
rique. La partie méridionale des Etats-Unis possède
d'ailleurs beaucoup d'espèces plus utiles , comme
bois de constructions ; car celui-ci , comme ceux de
tous les Noyers Hickerys, ne convient en aucune
manière à cet usage.
PLANCHE V.
Rameau avec des feuilles de grandeur naturelle.
Fig. 1 , Jioix recouvertes de leur brou. Fig. 2 . noix séparée du
brou.
I. 2'^.
JUGLANS TOMENTOSA,
MOCKER NUT HICKERY.
JuGLANs tomentosa foliolîs 7 — 9'»% lœviter serratis ySuh-
tus conspicuè 2>///osis, ùnpari sub - petîolaio ; anientis
compositis y lon^issiniîs ^JiUforniibus , eximiè tomen-
tosh, f rue tu globoso Del obîongOy nuce quadrangulà y
-crassà durissùnaque.
Bans la partie de l'État de New- Jersey qui a voi-
sine la rivière Hiidson, ainsi qu'à Nevs^-York et dans
les environs de cette ville , cette espèce de Noyer
est connue sous le nom de Mocker mit, Noyer à noix
moqueuse , et quelquefois encore de FFhite heart
Uickery, Hickery à cœur blanc; tandis qu'à Phila-
delphie, à Baltimore et dans la Virginie, celui de
Comnion Hickerj , Hickery ordinaire , est le seul en
usage. Les François des Illinois lui donnent le nom
de Noyer dur. J'ai cru devoir conserver la première
de ces dénominations, parce qu'elle exprime un des
cai actères du fruit de cet arbre, qui n'est véritable-
ment pas plus abondant dans la Pensylvanie , et plus
au midi , que les autres Noyers Hickerys, comme pa-
roitroit l'indiquer le nom qu'il y porte. Vers le nord
je n'ai pas observé le Jiiglans tomentosa , au-delà
de Portsmoulh dans l'État de Massachussett , quoi-
qu'il soit déjà a^sez commun aux environs de Boston
et de New-Providence , situés seulement à 100 milles
])lns au sud; enfin il est peut-être plus abondant
que j)ai tout ailleurs dans les forets qui existent encore
J'I.U
SettAolel.
tJlIGLANS tomeniosa
J U G L A N s T O "Vl i: N T () s A . I 85
dans la partie allanlique des Etats du milieu, ainsi
que dans celles qui couvrent les Hantes-Carolincs
et la Haute - Géorgie; mais dans ces mêmes États,
il est proportionnellement beaucoup plus rare vers
la mer, à cause de la stérilité du sol, qui est géné-
ralement aride et sablonneux, et par suite peu favo-
rable à sa végétation. J'ai cependant remarqué que
c'est le seul des llickerys dont on trouve toujours des
rejetons dans les Pinières , Pine harrens ; ces reje-
tons brûlés tous les ans, ne s'élèvent jamais qu'à
1 mètre (^3 ou 4 pieds j. J'ai fait la même obser-
vation en traversant les grandes prairies naturelles,
Bi^ harrens , du Kentucky et du Ténessée ; car le
Ju^lans tomentosa et le Quercus Jerruginea ^ sont
les seules espèces d'arbre qui s'y trouvent dissémi-
nées, et qui résistent aux incendies qui presque à
chaque printemps, embrasent ces prairies. C'est pro-
bablement à cause de cela , qu'en partie arrêtés
dans leur végétation , ils ne parviennent l'un et
l'autre qu'à 2 ou 3 centimètres (8 ou 10 pieds) d'é-
lévation.
Comme la plupart des autres Noyers du pays, 011
trouve de préférence celui-ci dans des terreins de
bonne qualité, et principalement sur les coteaux à
pente douce qui entourent les marais, où il se trouve
mêlé avec des Liepidambars, des Tulipiers, des Éra-
bles à sucre, des Noyers à noix araères , des Noyers,
noirs, etc. Dans de pareilles situations, il atteint son
plus grand développement, qui est ordinairement
d environ 20 mètres (60 pieds), sur 5a à 60 eenti-
l86 JUGLANS TOMENTOSA.
mètres ( iSk 20 pouces) de diamètre. Je me ressou-
viens cependant d'avoir vu des individus d'une plus
grande dimension , près de Lexington en Rentucky ;
mais cela tient à l'extrême fertilité de ces contrées ,
et cet accroissement n'est pas ordinaire , tant pour
cet arbre que pour beaucoup d'autres, en deçà des
Monts-Alléghanys. Le Juglans tomentosa est néan-
moins de tous les Noyers Hickerys, celui qui paroît
être le plus susceptible de croître dans des terreins
de médiocre qualité ; car , quoiqu il soit d'un^ mau-
vaise apparence, et en quelque sorte rabougri, il
(hit partie des forets dégradées et appauvries, qui
occupent les terreins maigres et graveleux de la plus
grande partie de la Basse -Virginie.
Dans celte espèce, les bourgeons sont gros, courts,
d'un gris blanc et très-durs, ce qui suffit en hiver
pour la faire reconnoître , et c'est même à cette épo-
que de l'année où les feuilles sont tombées, le seul
caractère auquel on puisse alors s'attacher dans les
individus qui sont au-dessus de 2 à 3 mètres (8 à 10
pieds) de haut. Dans les premiers jours de mai, les
bourgeons grossissent beaucoup , les écailles exté-
rieures tombent et les internes persistent; enfin
celles-ci se séparent et laissent apercevoir les jeunes
feuilles qui grandissent si rapidement, que je les ai
vu acquérir 5o centimètres (20 pouces) en dix huit
jours : chacune d'elle est composée de quatre paires
de folioles sessiles et terminées par une impaire.
Ces folioles longues de 16 à 22 centimètres (6 à 8
pouces ) de forme ovale - acuminée , légèrement
JU CLANS TO MENT OSA, 187
dentées dans leur contour, sont odorantes, assez
épaisses, très -velues inférieurement, ainsi que
le pétiole commun auquel elles sont fixées. Dès les
premiers froids, les feuilles de cette espèce d Hickery
deviennent d'un beau jaune , et tombent peu de
temps après. Les fleurs mâles, disposées sur des cha-
tons longs de i6 à 20 centimètres (6 à 8 pouces),
velus, flexibles et pendans, sont réunis trois à trois
sur un pédicule commun, et attachés aux aiselles
des premières feuilles des pousses de Tannée, aux
extrémités desquelles sont situées les fleurs femelles,
qui sont peu apparentes et d'un rose pâle.
Les fruits du Juglans tomentosa, sont à maturité
vers le 1 5 novembre, ils sont odorans, sessiles ou très-
rarement pédoncules; le plus souvent réunis deux à
deux. Sous le rapport de la forme et de la grosseur, ils
oftrent des différences très-remarquables: dans quel-
ques arbres, ces fruits sont parfaitement rands avec
des sutures rentrantes; chez d'autres, ils sont très-
allongés avec des sutures sortantes ou anguleuses, les
uns ont plus de 6 centimètres (2 poucesj de longueur
sur 24 à 3o millimètres [12310 lignes j de dia-
mètre, d'autres ont moins de moitié de cette gros-
seur. Le brou qui conserve toujours beaucoup
d'épaisseur, devient dur et ligneux vers l'automne.
A cette époque, il s'ouvre inégalement, et seulement
dans les deux tiers de sa longueur , pour laisser
échapper la noix. La coquille fort épaisse, légère-
ment striée , et d'une extrême dureté , renferme
une amande douce, mais petite et difficile à extraire
l88 JUGLANS TOME NT OSA.
à cause des cloisons très-forles qui la partagent; et
c'est probablement pour cela qu'on a donné à cette
espèce le nom de Noyer à Noix moqueuse. Les noix
varient non -seulement dans la configuration et dans
le volume, mais encore dans le poids, etcelaàuntel
point, qu'on croiroit qu'elles appartiennent à des
arbres d'espèces différentes; car quelques-unes de ces
noix, sont presque rondes et si petites, qu'elles ne
pèsent pas tout-à-fait un gros, tandis que d'autres
sont très-allongées, à angles saillans, et si volumi-
neuses, qu'elles en pèsent plus de quatre. Lorsque
ces dernières sont débarrassées de leur brou , il est
quelquefois possible de les confondre avec celles des
Juglans laciniosa^ et les premières avec quelques-
unes des variétés appartiennent au Juglans porcina.
Parmi ces différentes variétés, j'ai fait figurer de
grandeur naturelle, celle qui est la plus commune.
La grande dureté de ces noix, et la difficulté d'en
extraire l'amande, qui d'ailleurs est peu fournie,
sont cause qu'on n'en apporte que rarement aux mar-
chés.
Le tronc du Juglans tomentosa^ dans les vieux
arbres , est revêtu d'une écorce profondément
crevassée, point écailleuse, très - épaisse , et très-
consistante. Son bois de la même couleur et de
la même texture que les autres No3^ers Hickcrys ,
jouit des mêmes propriétés qui rendent les arbres
de cette classe si remarquables. Celui-ci est surtout
préférable comme com])ustib]e. Pour cet usage on
choisit les arbres qui ont de 16 à 20 centimètres
JUGLANS ÏOMENÏOSA. I 89
(6 à 8 pouces) de diamètre, parce que lorsqu'ils ont
atteint cette grosseur, leur bois donne plus de cha-
leur, et comme le cœur qui est de couleur rou-
geâtre n'est pas encore développe, on donne alors
fréquemment à celte espèce le nom de TVliitc heurt
lllckerj ^ llickery à cœur blanc. Dans les campagnes
on se sert quelquefois de son écorce pour en ojj-
tenir une couleur verdiitre , mais l'usage qu'on en
fait est très-limité.
De tous les Noyers II ickerys, c'est celui dont la
végétation est la plus lente, ce dont je me suis assuré
par les semis que j'ai fait des noix de ses diverses
espèces, ainsi que par la longueur comparative de
leurs pousses annuelles. J'ai cru aussi remarquer
que son bois étoit le plus susceptible d'être attaqué
par les insectes , et notamment par le callidiimi jle-
xuosimi , dont la larve le ronge intérieurement. Ces
différentes considérations, sont, je pense , des motifs
assez puissans, pour engager les personnes qui vou-
dront former de grandes plantations, à donner la
préférence à quelques autres espèces que je me pro-
pose d'indiquer.
PLANCHE VI.
Feuille du tiers de la grandeur naturelle.
Fig. 1 , noijc revêtue de son brou. Fig, '1 , noix séparée du. brou.
F/g. 5 , callidiiiai flexuosuin.
JUGLANS SqUAMOSA.
SHELL B^RK HICKERY.
JuGLANS squamosa ^ foliolis quînis inajoribiis ^ longe pe-
tiolatis , ovato-acuminatis , serratis , subtus villosi's ,
impari sessili : amentis moscuh's compositis , glabris
Jîliformibusque : fructu globoso , depresso , majore ;
nuce compressa , albâ.
La disposition assez singulière qu'offre l'écorce
de cette espèce de Noyer, lui a fait donner les noms
de Shell bark Hickerj^ de Scaly hark^ de Shag
hark Hickery ^ Hickery à ëcorce écailleuse. Parmi
ks différentes dénominations , dont la signification
est à-peu-près la même, j'ai conservé la première,
comme plus généralement en usage dans les États
du milieu et du sud. Les descendans des Hollan-
dois, qui habitent cette partie du New-Jersey qui
avoisine la ville de New- York, lui donnent encore
fréquemment le nom de Kiskythomas nut^ et les
François des Illinois, Noyer tendre.
Les environs de Portland , dans l'Etat de New-
Hampshire, sont un des points les plus avancés vers le
nord où j'ai trouvé le Juglans squamosa-, mais sa
végétation m'a paru y être restreinte par la rigueur
des froids qu'on éprouve déjà sous cette latitude ;
car il est peu élevé, et les fruits n'y acquièrent qu'une
grosseur médiocre. Je ne l'ai pas trouvé dans les
forets du district de Maine , non plus que dans celles
/■,■...,■„ ,/,■/'
J l G L AN s s ijuam i) s a
finir, ^.fc
7.
JUGLANS SQUAMOSA. IQI
de l'Etat de Vermont, situées un peu plus avant
vers le nord. Cet arbre est au contraire fort commun
sur les bords du lac Érië, près de la Nouvelle-Genève
dans le Génesséejle long de la rivière desMohawks;
près de Goshen, dans le nouveau Jersey, enfin sur les
rives de la Susquehannah et de la Schuylkill, dans
la Pensylvanie. Il l'est comparativement beaucoup
moins dans le Maryland , la Basse-Virginie, ainsi
que dans les États méridionaux. Dans la Caroline
du sud, un des endroits les plus rapprochés de
Charsleston où je Tai observé , se trouve dans la
paroisse de Goose Creek, à 24 milles de cette ville;
on le rencontre encore dans les États de l'ouest;
mais il y est moins répandu que l'espèce suivante ,
avec laquelle il a beaucoup de ressemblance, ce qui
fait que les habitans les confondent et leur donnent
le même nom. A l'est des Monts-AUéghanys, le
Juglans squamosa croit exclusivement autour des
swamps ou marais, ainsi que dans les endroits très-
frais, qui sont souvent exposés à être submergés pen-
dant plusieurs semaines de suite. Dans de pareilles
situations, il se trouve le plus ordinairement mêlé
avec le Quercus discolor , l'Acer rubrum , le Liqui-
damhar styracijlua , le Njssa et le Plat anus occi-
dentalis. C'est de tous les Noyers Hickerys, celui qui
parvient à une plus grande élévation sur un plus
petit diamètre , car il acquiert quelquefois 20 à 25
mètres (80 à go pieds) de hauteur, sur moins de 65
centimètres (2 pieds) d'épaisseur. Son tronc dépourvu
de branches dans les trois quarts de sa hauteur, est
ï» 23
192 JUGLANS SQUAMOSA.
d'une grosseur régulière et presque uniforme jusqu'à
la naissance de ses premières branches, ce qui en
fait un arbre magnifique ; mais ce qui lui donne
surtout une apparence singulière et le fait recon-
noître tout de suite à une grande distaYice, c'est
l'aspect que présente son tronc , dont l'écorce f épi-
derme) se divise naturellement en un grand nombre
de bandes étroites et longues de 3o à 96 centimètres
(1 à 3 pieds), qui sont recourbées en arrière, et ne
sont plus adhérentes que par leur partie moyenne.
Ainsi hérissé du haut en bas de pointes saillantes,
le Juglans squamosa est bien propre à attirer l'at-
tention de l'homme le plus indifférent. Cette exfo-
liation de l'épiderme qui s'opère d'une manière si
remarquable , n'a lieu que dans les arbres qui
ont acquis plus de 25 centimètres (10 pouces) de
diamètre , quoiqu'elle s'annonce long-temps aupa-
ravant par de longues gerçures. Ce caractère qui est
très-suflisant pour le faire reconnoitre lorsqu'il est
privé de ses feuilles ep hiver, n'existe pas encore
dans les sept ou huit premières années de sa crois-
sance 5 aussi pourroit-il alors être confondu facile-
ment avec les Juglans tomentosa et Juglans por-
cina , si on n'avoit pas recours à l'examen des
bourgeons. Dans ces deux dernières espèces , et
assez généralement dans tous les autres arbres , ils
sont formés d'écaillés, étroitement appliquées les
unes sur les autres, tandis que dans l'espèce dont
il est ici question , les deux écailles plus extérieures
îie les embrassent qu'à moitié, et laissent dans la
JUGLANSSQUAMOSA. IqS
partie supérieure un intervalle très-marqué. Je me
plais même à considérer cette disposition particu-
lière de ces deux écailles, propre à cette espèce et
à la suivante, comme le principe de l'exfoliation
de son épiderme. Au printemps, dès que l'action
de la sève commence à se manifester, ces deux
écailles tombent, les plus internes grandissent con-
sidérablement, et se chargent d'un duvet soyeux et
mordoré; enfin après un intervalle d'environ quinze
jours, les bourgeons qui ont déjà acquis près de
6 centimètres (^2 pouces) de longueur, crèvent, et
laissent apercevoir les jeunes feuilles, dont le déve-
loppement est souvent si rapide, que dans le cou-
rant du premier mois , elles ont acquis toute leur
grandeur, qui est quelquefois de plus de 60 centi-
mètres Ç 20 pouces) dans les arbres encore jeunes,
et dont la végétation est très -vigoureuse. Dans cette
espèce, chacune des feuilles est composée de deux
paires de folioles , plus une impaire pétiolée : ces
folioles sont lisses et d'un vert agréable en dessus,
et finement veloutées en dessous; elles sont dentées
dans leur contour. Les inférieures sont proportio-
nellement beaucoup moins grandes que les deux
suivantes, qui le sont presqu'autant que l'impaire
Celle - ci a souvent 3o centimètres Ç 1 pied ) de
longueur, sur 10 centimètres (4 pouces) de largeur.
Comme dans l'espèce précédente, les fleurs mâles
qui paroissent du i5 au 20 mai dans l'État de jNe^v-
York, sont disposées sur des chatons longs de i3
à 16 centimètres Ç5 aG pouces), glabres, flexibles
'94 JUGLANS SQUAMOSA.
et pendans ; ces chatons sont réunis trois à trois ,
et sont supportés par un pétiole commun , qui est
attaché aux aisselles des premières pousses de l'année.
Les fleurs femelles verdâtres et peu apparentes, sont
au contraire situées à leurs extrémités. Les fruits du
Juglans squamosa^ sont en maturité vers le i^'. octo-
bre; dans certaines années, ils sont si abondans,
qu'un seul arbre en donne cinq à six minots. Sui-
vant la nature du sol et de l'exposition , ils varient
pour la grosseur, qui est assez généralement de i5>
centimètres ( 5 pouces et demi) de circonférence;
pour la forme elle est toujours la même. Ils sont
arrondis, et présentent quatre sutures rentrantes,
opposées les unes aux autres, qui indiquent le point
où la division du brou doit se faire; car il se par-
tage en quatre segmens égaux, qui se séparent entiè-
ment les uns des autres au moment de la complète
maturité. Cette division totale du brou doit même
être considérée avec son épaisseur très-remarquable ,
et qui est hors de toute proportion avec la noix,
comme un caractère particulier aux Noyers à écorce
écailleuse. Les noix du Jiiglans squamosa^ sont
petites, blanches, comprimées latéralement, et pré-
sentent quatre angles marqués, qui correspondent
aux quatre divisions du brou.
De tous les Noyers de l'Amérique septentrionale
que nous connoissons, c'est celui dont les noix, après
celles du Pacanier, renferment l'amande la plus
douce et la plus fournie; la coquille qui la contient
est assez mince, quoiqu'elle soit encore suffisamment
JUGLANS SQUAMOSA. IQJ
épaisse pour qu'on soit obligé de casser ces noix avant
de les servir sur la table ; car elles sont trop dures pour
pouvoir être brisées en les pressant l'une contre
l'autre dans la main , comme cela se fait ordinaire-
ment à l'égard des noix d'Europe, qui, bien certai-
nement, leur sont très-préférables. Les noix du Ju-
glans squamosa, sont cependant encore assez recher-
chées, car elles forment un petit article de commerce,
qui se trouve porté dans les listes des exportations
des produits du sol des Etats-Unis. Cette exporta-
tion qui ne s'élève pas annuellement à plus de quatre
à cinq cents minots, a lieu principalement de New^-
York et de quelques petits ports duConnecticut, d'où
ces noix sont envoyées dans les Etats méridionaux,
et dans les colonies des Indes occidentales , quelque-
fois même il envient à Liverpool : dans ces difFérens
endroits, elles sont connues sOus le nom ^Hickery
niits , noix d'Hickery. Ces noix qui se vendent au
marché de New-York, environ lo francs (2 dollars )
le minot, sont ou ramassées dans les bois, ou provien-
nent des arbres, qui lors des premiers défrichemens,
ont été conservés au milieu des champs cultivés. C'est
principalement dans les environs de Goshen , Etat de
New- Jersey, et dans plusieurs fermes situées sur
les bords de la rivière Hudson, 3o milles au delà
d'Albany, que j'ai remarqué qu'on a eu cette sage
précaution.
Les Indiens qui habitent sur les boids des lacs
Érié et Michigan, recueillent ces noix pour l'hiver;
ils en pilent une partie dans des mortiers de bois,
^gS JUGLANS SQUAM OSA.
et font bouillir cette pâte dont ils retirent une ma-
tière huileuse qui surnage, et qu'ils mêlent avec
leurs alimens.
Avant de parler des propriétés du Noyer écailleux,
sous le rapport de son bois, je ne puis m'empêcher
de faire mention d'une fort belle variété de ces noix,
produites par quelques arbres qui existent dans une
ferme, situées au Seacocus, près de Snake Hill,
dans le New-Jersey. Elles ont presque le double de
grosseur de celles que j'ai vues partout ailleurs; la
coquille est également blanche et comme bosselée
au lieu d'être anguleuse. Un siècle de culture n'amè-
neroit peut-être pas les autres au point de perfection
où se trouvent déjà celles-ci, qui elles-mêmes étant
greffées, augmenteront encore beaucoup de volume.
Le bois de Jiiglans squamosa j, possède toutes les
propriétés particulières aux Noyers Hickerys, qui
sont la pesanteur , la force, l'élasticité et la ténacité ;
comme eux il a le même défaut, celui de pourrir très-
promptement et d'être attaqué par les vers. Cepen-
dantcomme cette espèce s'élève à une grande hauteur,
sur un diamètre très-uniforme, on s'en est quel-
quefois servi à New- York et à Philadelphie , pour
faire la quille des vaisseaux, mais il est rare qu'on
l'employé actuellement à cet usage, les plus grands
arbres ayant été abattus dans les environs des ports
de mer. On a aussi reconnu que le bois de cette
espèce se fendoit plus facilement, et qu'il avoit un
plus grand degré de souplesse : c'est pour cela que
dans quelques cantons de la Pensylvanie , on en
JUGLANS SQUAMOSÀ. ig'J
fait (les paniers et surtout des manches de fouets de
carrosses, fort estimés à cause de leur grande élasti-
cité. On en fait même passer un certain nombre de
paquets ou de bottes en Angleterre. Cest encore a
cause de cette même propriété , et parce qu'il a le
grain un peu plus fin, que les tourneurs qui dans
les campagnes des environs de INew-York et de
Philadelphie, préparent les pièces destinées à com-
poser les chaises, dites de Windsor, lesquelles sont
toutes en bois, se servent par préférence de celui
de cette espèce , pour en faire les baguettes qui en
forment le dos. J'ai eu plusieurs fois occasion de
remarquer, que parmi les différentes sortes de bois
Hickerys , apportées en hiver à New- York pour com-
bustible, celui de cette espèce dominoit, non qu'elle
soit la plus estimée sous ce rapport, mais parce qu'elle
paroit être plus commune sur les bords ou dans le
voisinage de la rivière du Nord.
Telles sont les usages auxquels le bois du Juglans
squamosa^ m'a paru le plus spécialement adapté.
Par ce qui a été dit précédemment, on a vu que cet
arbre s'élevoit à une très-grande hauteur , et qu'il
étoit d'une superbe venue. Je crois donc qu'il doit
être introduit dans les forets européennes , et qu'on
devra le placer de préférence dans les endroits frais,
analogues à ceux oli on le trouve le plus souvent
dans l'Amérique septentrionale. Sa réussite sera
certaine dans le nord de l'Europe; car il peut sup-
porter les froids les plus rigoureux.
Je ne connois en France que deux individus de
198 JUGLANS SQUAMOSA.
cette espèce de Noyer qui portent des fruits, l'un
se trouve à Denainvillier , près Pethivier, dans les
possessions de la famille de M. Duhamel du Mon-
ceau, et l'autre à S. Germain-en-Laye, dans l'ancien
jardin de M. le maréchal de Noailles; mais l'admi-
nistration forestière en a dans ses pépinières plus de
douze milles plants, qui sont provenus des envois
faits pendant mon dernier voyage dans l'Amérique
septentrionale. On peut donc regarder dorénavant,
la multiplication de cet arbre utile et très * beau ,
comme assurée dans nos forets.
PLANCHE VIII.
Feuille composée de cinq folioles.
Fig. i , noix revêtue de son brou. Fig. 2 , portion du brou , qui
montre sa grande épaisseur. Fig. 5 , noix séparée du brou. Fig. 4 ,
chaton composé ou divisé en trois .parties , caractère commun d tous
les Noyers Hickerys.
K têi*
'Ai ài.»
F/. 8.
JUGLANS lacmiosa.
'sM^cÀy t^-n^r.// /"^a^r t::yL/cÀ€<r?y/'
'*.'^'WV-V^'^V%.'^-V^'X.'^-V^'^i»-V%-'^'VWW'*^»'l
JUGLANS LACIISIOSA.
THICK SHELL BARK H l C K E R Y.
JuGLANS laciniosa , foliis majoribus ; folioUs 7 — g"'\
ovato - acwninatis , serratis , subtomentosis , impari
petiolato. Fructu majore , ovato; nuce oblongà , crasscî^
mediocriter compressa.
Cette espèce, qui a beaucoup de rapport avec
celle qui a été précédemment décrite , est fréquem-
ment confondue avec elle, par les habitans des
contrées de l'Ouest, qui lui donnent le même nom;
cependant quelques-uns dentr'eux la distinguent
par celui de Thick shell bark Hickerj ^ Noyer écail-
leux à coque épaisse, dénomination très-appropriée,
et qui doit être conservée. Cet arbre est assez rare
à l'ouest des Monts-Alléghanys 9 car il ne se rencontre
que dans un petit nombre d'endroits , notamment
sur la rivière Schujlkilly à 3o ou 4o milles de son
embouchure, dans la Delaware, ainsi que dans les
environs de Springfield , éloignés de 12 à i5 milles
de Philadelphie , où l'on donne à son fruit le nom de
Sprin^eld nut ^ noix de Springfield. Cette espèce
se retrouve encore dans le comté de Glocester en Vir-
ginie, où elle porte le nom de Glocester nut ^ Noix
de Glocester. Ces différentes dénominations locales,
tendent à confirmer ce que j'ai dit plus haut, que
cet arbre étoit plus rare en-deçà des Monts-x^llégha-
nys, comme j'ai eu occasion de m'en assurer dans
le cours de mes voyages. Il est au contraire très-
I. 26
200 JUGLANS LACINIOSA.
multiplie dans tous les bas-fonds qui accompagnent
rOhio et les autres rivières qui viennent s'y rendre,
et il concourt avec le Gleditsia triacanthos , Y Acer
nigruin , le Celtis crassifolia , le Ju^lans nigra , le
Cerasus virginiana^ VUbnus americana^ VUlmus
fulva , Y Acer negimdo , VAcer dasjcarpuni et le
Platanus occidentalis à former les forets épaisses
et ténébreuses qui couvrent tous ces vallons. Cette
espèce de Noyer Hickery, s'élève comme le Juglans
squamosa , à plus de 25 mètres ( 80 pieds ) , et sa
cime très-élargie , est aussi supportée par un tronc
droit et d'une grosseur proportionnée à sa haute
élévation. Son écorce ( épiderme j présente aussi
cette même disposition singulière qui a lieu dans le
Juglans squamosa. Les lames les plus extérieures se
partagent en bandelettes longues de 32 à 96 centimè-
tres ( I à 3 pieds), qui , se recourbant à leurs extrémités,
ne tiennent plus que parleur partie moyenne, finis-
sent par tomber, et sont successivement remplacées
par d'autres , qui offrent le même arrangement. On
remarque seulement que dans l'espèce qui fait le
sujet de cette description , les lames sont plus
étroites , plus nombreuses et d'une couleur moins
obscure ; ce sont ces différences qui m'ont déter-
miné à lui donner le nom spécifique de laciniosa.
Les deux écailles les plus externes des bourgeons,
ne sont point appliquées exactement sur les plus
internes , mais sont écartées comme dans le Juglans
squamosa. Les feuilles suivent aussi la même marche
dans leur développement. Leur longueur varie depuis
JUGLANS LACINIOSA. 201
22 jusqu'à 54 centimètres ÇS jusqu'à 20 pouces), elles
ont la même configuration , la même grandeur et la
même texture; mais elles en difTèrent, en ce qu'elles
sont composées de six folioles latérales, et quelque-
fois de huit au lieu de quatre ; ce dernier nombre
est invariable dans le Juglans Sfjuamosa. IjCii iitur^
mâles et les chatons auxquels elles sont attachées, pré-
sentent la même disposition que dans cette dernière
espèce, si ce n'est que ces chatons sont un peu plus
longs. Les fleurs femelles, peu apparentes, de couleur
verdâlre, sont aussi situées aux extrémités des jeunes
pousses de l'année , il leur succède des fruits très-
gros, de forme ovale, et qui ont un peu plus de
6 centimètres (2 pouces) de longueur, sur 10 à 12
(^ Si 5 p.) de circonférence. Comme ceux du Juglans
squamosa^ ils offrent quatre sutures rentrantes, qui ,
à l'époque de la complète maturité, se partagent dans
toute leurlongueur,pourlaisseréchapperla noix. Mais
la forme de celle de l'espèce que nous décrivons, a une
configuration entièrement différente ; elle a le double
de grosseur; elle est plus longue que large, et se
termine à sa partie supérieure ainsi qu'à sa base,,
par une pointe assez forte. La coquille est aussi plus
épaisse et de couleur jaunâtre ; tandis qu'elle est
toujours blanche dans le Juglans squamosa y ce qui
lui avoit fait donner le nom spécifique à'alba^ et
que j'ai cru devoir changer , parce que ce caractère
lui est commun avec une autre espèce, dont je ferai
mention à la suite de cet article.
Un apporte tous les automnes au marché de Phi-
201 JUGLAISS LACINIOSA.
ladelphie, des noix daJuglans laciniosa^ mais la
quantité se réduit à quelques minots, et le plus sou-
vent on les vend mêlées avec celles du Juglans
tomentosa , ressemblant assez à quelques variétés de
cette espèce. Je ne puis considérer le Glocester Hic-
kery, que comme une variété du Juglans laciniosa^
car ces deux arbres ont la plus grande analogie
entr'eux par leur port, leurs jeunes pousses, le
nombre de leurs feuilles, ainsi que par les cbatons
qui portent les fleurs mâles Les noix seules diffèrent
assez essentiellement; celles qui sont produites par
les Noyers du comté de Glocester en Virginie, sont
d'un tiers plus volumineuses , et leur coquille , de
moitié plus épaisse , a une telle dureté , qu elle ne
cède qu'à de forts coups de marteau ; enfin leur
teinte est la même que celle des noix du Juglans
tomentosa , ce qui pourroit les faire confondre avec
les plus belles variétés que produit cette espèce.
Le Juglans laciniosa , comme on a pu le voir
par ce qui a été dit précédemment , a beaucoup de
ressemblance avec le Juglans squamosa, et son bois
qui est de la même couleur et de la même texture,
on réunit également les propriétés , outre celles
qui sont particulières aux Noyers Hickerys ; mais
sous le rapport de ses fruits, quoique plus gros, il
lui est inférieur. C'est cette seule considération qui
devra engager les habitans des contrées de l'Ouest,
lorsqu'ils feront de nouveaux défrichemens, à laisser
subsister de préférence le vrai Juglans squaniosa
lorsque ces deux espèces se rencontrent sur le même
JUGLANS LACiNIOvSA. 203
terrein. C'est également par cette même considéra-
tion , et parce que le Ju^lans squamosa vient très-
bien dans des terreins moins fertiles et même élevés,
comme je l'ai observé à peu de distance de Brow-
n'sville, située sur la rivière Alléghany, que je pense
qu'on doit l'admettre préf'érablement aux autres es-
pèces, dans les forets européennes.
Remarq. Parmi les arbres étrangers qui se trouvent
dans le jardin impérial du petit Trianon , planté sous
le règne de Louis XV, se trouve un Noyer Hickery
qui fructifie. Je l'ai reconnu pour un Noyer écail-
leux à son feuillage et à ses fruits , qui sont en tout
semblables pour la forme et la couleur à ceux du
Ju^lans squamosa , si ce n'est qu'ils sont un peu plus
petits dans toute leur dimension. Les figures i , i
et 3 de la Planche VI, peuvent néanmoins en donner
une idée très - exacte. Mais cette espèce en diffère
essentiellement par ses feuilles, qui sont composées
de huit folioles, plus rarement de six, et qui sont
attachées sur un pétiole sensiblement velu. Ces
folioles ont d'ailleurs la plus grande ressemblance
avec celles du Juglans laçiniosa^ dont une est repré-
sentée PI. VII. Je crois qu'on pourroit donner à cette
espèce la dénomination spécifique à^amhi^ua.
Il est probable que cet arbre provient de noix qui
furent envoyées de quelque partie de la Louisiane,
lorsque cette colonie appartenoit à la France.
Ohs. Par la description que je viens de donner
des Noyers à écorce écailleuse, qui comprennent
204 JTJGLANSLÀCINIOSA.
les Juglans squamosa^ Juglans laciniosa elju^lans
ambigua^ on a vu que ces arbres ofFrent entreux
plusieurs traits de ressemblance assez saillans , et qui
sembleroit autoriser à en former une section secon-
daire; car outre les caractères généraux qui les ran-
gent parmi les Noyers Hickerys, et ceux d'après les-
quels chacune des espèces a été établie, ils en ont
d'autres qui leur sont communes , et qui les rappro-
chent tellement, que si on n'avoit point égard à
quelques autres diiFérences notables, on pourroit les
confondre. Ainsi les caractères généraux propres
aux Noyers Hickerys, sont d'avoir leurs fleurs mâles
attachées sur des chatons trifides, pendans et flexibles,
et d'offrir dans leur bois les mêmes propriétés phy-
siques. A ces caractères, les Noyers écailleux réunis-
sent toujours les suivans, qui sont, d'avoir: i». le
brou qui renferme la noix, très-épais, lequel se par-
tage complètement en quatre parties à l'époque de
la maturité ; 2°. le tronc couvert d'une écorce écail-
leuse (^indiquée , suivant moi , par les deux écailles
les plus externes des bourgeons qui ne sont pas appli-
quées immédiatementsur celles de dessous] ; 3°. enfin
leurs feuilles composées de folioles qui sont toujours
très-grandes , et qui ont la même forme et la même
texture. Si on compare ensuite ces espèces les unes
avec les autres, on trouvera par exemple que les
Ju^lans squainosa et le Ju^lans anibigua^ diffèrent
essentiellement et d'une manière constante par le
nombre des folioles qui composent les feuilles ;
ainsi il ny en a jamais plus de cinq dans cette pre-
JUGLANS LACINIOSA. 2o5
inière espèce , tandis qu'il y en a toujours neufdixns la
seconde. Mais d'une autre part, les fruits et les noix
de l'une et de l'autre ont une telle ressemblance ,
qu'on croiroit qu'ils sont produits par le même arbre;
car leurs fruits sont également ronds, à suture ren-
trante , et les noix sont de même comprimées et
très-blanches. Enfin, si d'après un examen plus appro-
fondi, on vient à reconnoitre le Glocester Ilickery,
comme une espèce différente du Juglans laciniosa y
on remarquera qu'ils se ressemblent parleurs i'euilles,
composées de sept folioles, et quelquefois de neuf^
par un excès de force végétative; mais qu'ils diffèrent
assez sensiblement par leurs fruits. Dans le Juglans
laciniosa^ ils sont toujours oblongs , et renferment
une noix comprimée comme celle du Juglans sr/iia-
mosa, mais deux fois plus grosses et de couleur jau-
nâtre, tandis que les fruits de l'Hickery de Glocester
sont orbiculaires, très-volumineux, et contiennent
une noix très-grosse, presque arrondie, d'un gris-
blanc, et dont la coquille a plus de deux lignes
d'épaisseur, ce qui la rend d'une dureté extrême.
J'observerai enfin, que ces espèces et cette variété de
Noyers écailleux, se trouvent dans des contrées fort
distantes les unes des autres, ou du moins que cha-
cune d'elle y abonde en beaucoup plus grande pro-
portion.
PLANCHE VIII.
Feuilles. Fig. i , portion du brou. Fig. 2 , Jioix.
JUGLANS poRciNA.
THE PIG NUT, HICKERY.
JuGLANS porcina , foliolis 5 — 7"", ovato acuminatis ^ ser-
ratis , glabris, Amentis masculis compositis, filiformis ,
glahris : fructu pyrifornii vel globoso ; nuce minîmâ
lœvi , durissimâ.
Cette espèce de Noyer Hickery est générale-
ment connue dans les Etats-Unis, sous les difFérens
noms de Pig nul et de Hog nul ^ Noyer à cochon 5
quelquefois encore sous celui de Brooni Hickery^
Hickery à balais. La première de ces dénominations
étant la plus en usage, je l'ai conservée; car les
deux autres ne le sont que dans quelques cantons
de la Pensylvanie , et notamment dans le comté de
Lancaster. Vers le nord, on peut considérer les envi-
rons de Portsmouth dans le New-Hampshire , comme
très -rapprochés de l'endroit où commence à paroitre
le Juglans porcina -, mais un peu plus au sud, il est
déjà fort commun , et dans la partie atlantique des
Etats du milieu , il concourt à former la masse des fo-
rêts avec le Juglans tomentosa^ le Quercus aïba^ le
Quercus discolor^ le Liquidamhar styraciflua^ le
Tulipier et le Cornus Jlorida. Dans les Etats méri-
dionaux et surtout dans la partie maritime , il est
moins répandu dans les bois, où on ne le trouve que
sur le bord des marais , ou même dans ceux qui
ne sont pas d'une nature entièrement bourbeuse et
/Y<
^uffv'i- ■
£&r^a del •
JUGLANS porciua.
208 JUGLANS PORCIN A.
longueur : les écailles les plus internes sont les plus
grandes et de couleur rougeàtre, et elles ne tombent
que lorsque les feuilles ont déjà 12 à i3 centimètres
(5 à 6 pouces) de longueur. Dansle Juglans porcina ^
les feuilles sont aussi composées, et elles varient, soit
pour la grandeur, soit pour le nombre des folioles,
suivant que les arbres croissent dans un sol plus frais
et plus fertile; dans ce cas» elles ont près de 48 cen-
timètres (18 pouces j, et leur nombre complet de
folioles est de sîjr ^ plus une impaire; tandis que
dans les cas contraire , elles n'en ont que quatre
avec l'impaire. Ces folioles longues d'environ 10 à
1 2 centimètres ( 4 ^ ^ pouces) , de forme lancéolato-
acuminée, dentées dans leur contour, et presque
sessiles, sont glabres en dessus et en dessous. Dans
les arbres vigoureux et qui croissent dans des en-
droits ombragés, le pétiole auquel elles sont atta-
chées, est de couleur violacée.
Les chatons qui portent les fleurs mâles, sont
glabres, fdiformes et pendans : leur longeur est
d'environ 8 centimètres (^ 1 pouces), et ils offrent
du reste, la même disposition que dans les autres
espèces d'Hickery. Les fleurs femelles, verdàtres et
peu apparentes , sont situées à l'extrémité des jeunes
pousses. Il leur succède des fruits qui sont aussi
souvent réunis deux à deux , que séparés. Le brou
qui enveloppe la noix est d'un beau vert, assez
mince, et à l'époque de la maturité il se partage
inégalement, jusque dans la moitié de sa longueur,
pour laisser échapper la noix. Celle-ci qui est fort
JUGLANSPORCIRA. 2O9
petite, lisse et d'une grande dureté, à cause de
l'épaisseur de la coquille, renferme une amande
douce , mais peu fournie et très - difficile à ex-
traire, à cause des cloisons fortes et ligneuses qui
la partagent. Ces noix ne sont jamais porlées au
marché et elles deviennent la pâture des cochons,
des racoons, et des nombreuses espèces d'écureuils
qui peuplent les forets de ces contrées.
Dans le Ju^lans porcina^ la grosseur et la forme
des noix varient beaucoup plus que dans les autres
Hickerys. Quelques-unes sont ovales, et lorsqu'elles
sont couvertes de leur brou , elles ressemblent
assez à une jeune figue. D'autres sont plus larges que
longues, oli même tout-à-fait rondes. Parmi celles
qui présentent ces diverses formes, ou qui ea dé-
vient plus ou moins , il s'en trouve qui sont grosses
comme le pouce, tandis que d'autres ne le sont pas
plus que l'extrémité du petit doigt. Cependant quoi-
que le même arbre donne tous les ans des noix qui
offrent la même forme , je ne puis les considérer
que comme des variétés, et cela, d'après l'examea
attentif des jeunes pousses, des bourgeons et des
chatons. Dans la nouvelle édition du Species plan-
tarum, publiée parWildenow, on a décrit, comme
deux espèces différentes, les deux variétés les plus
notables. Celle à fruit oblong a été désignée sous
le nom de Juglans ^lahra , et celle à fruit rond
dont le brou est un peu raboteux , sous celui de
Ju^lans ohcordatay dinstinctions que je ne puis
admettre, malgré toute la déférence que je dois aux
210 JUGLANS PORCINA.
connoissances botaniques de M% le Rëv^. docteur
Muhlemberg, qui partage cette opinion .
Le bois du Ju^lans porcina ^ est semblable pour
la couleur de l'aubier et du cœur à celui des autres
Hickerys ; il en possède également tous les avaur
tages et tous les défauts. Cependant j'ai vu dans
les campagnes plusieurs charrons qui lui trouvoient
plus de force et de ténacité, et qui, pour cette raison,
le préféroient aux autres espèces, pour en faire les
essieux des voitures et les manches de coignées.
D'après ces considérations, je pense que le Jw^/awj
porcina mérite d'être introduit dans les forets euro-
péennes, où sa réussite peut à Tavenir être regardée
comme certaine.
PLANCHE IX.
Rameau avec ses feuilles réduites des trois-quarts de la grandeur
naturelle»
Fig. 1 y noix revêtue de son brou, ( Variété à J'arme oblongue, )
Fig. 2 , noia: séparée du brou. Fig» 5 , noix revêtue de son brou.
( Variété à forme plus large que longue. ) Fig. 4 , noix séparée
du brou.
m%é
JieKi'j'ti aei ■
A'ArUt JCU^'
JIJGLANS mvrLsticaetornus
■2
jâià^i-eay ^.:^éJ/te-r^ Q-yX/i/^
JUGLANS MYIUSTICJEFORMIS,
THE' NUTMEG HICKEHV N U T.
JuGLANS myrîsticœfoTmis y foliis quinis ; follolia ovato-
acuminatis ^ serratis ^ glabrls. Fructu ovato ^ scabrius-
culo , nuce viinimà , durissimà.
Cette espèce de Noyer Hickcry, qui est particu-
lière aux Etats méridionaux, n'a reçu jusqu'à pré-
sent deshabitans aucune dénomination particulière.
Le nom de Nutmeg Hickerj ^ Hickery muscade,
que je lui ai donné, m'a paru assez convenable,
d'après la ressemblance qu'ont les noix qu'il pro-
duit, avec celle d'une muscade
Je n'ai pas personnellement trouvé cet arbre dans
les forets de ces contrées, ce qui me fait présumer
qu'il y est peu multiplié. Il est vrai que pendant le
plus long séjour que j'ai fait dans cette partie des
Etats-Unis , je ne pensois pas à publier l'ouvrage
dont je m'occupe en ce moment , et que je ne
me livrois pas à cette époque, avec autant de per-
sévérance et d'activité au genre particulier de recher-
ches qui depuis y ont donné lieu. Je ne connois
d«rnc le Jiiglans nijristicœformis , que par un ra-
meau et une trentaine de noix qui me furent donnés
à Charleston, dans l'automne de 1802, par le nègre
jardinier de M. H. Izad, qui les ramassa dans un
marais attenant l'habitation de son maître , dite
The Elms ^ et qui est située dans la paroisse de Goose
212 JUGLÀNS MYRISTIG-îiFO RMIS.
Creek. C'est donc seulement d'après l'inspection
des rameaux et des noix, que j'ai jugé qu'elles appar-
lenoient à la section des Noyers flickerys, et que
je l'ai décrite comme telle. En effet ses feuilles qui
sont composées de quatre folioles, plus une impaire,
sont également disposées. Je remarquai encore que
les pousses de l'année précédente, étoient flexibles
et coriacées.
Les noix renfermées dans un brou mince et lésè-
rement inégal à sa surface, sont fort petites, lisses,
de couleur brune , et parsemées de lignes blan-
châtres. La coquille est tellement épaisse, qu'elle
compose plus des deux tiers de leur grosseur j aussi
ces noix sont elles d'une dureté extrême, et ne con-
tiennent qu'une amande fort petite ; enfin elles sont
encore inférieures à celles du Juglans porcina.
Je ne doute pas que le Jii^laus mjristicœfomiis^
ne soit plus commun dans la Basse-Louisiane; ce
sera donc aux personnes qui s'occuperont de recher-
ches analogues à celles que j'ai faites dans les Etats-
Atlantiques et dans ceux de l'Ouest, à étudier cet
arbre sous des rapports plus étendus que je n'ai
pu le faire, et à compléter par suite la description
bornée que je viens de donner.
PLANCHE X.
Rameau avec des noix revêtues de leur brou.
Fig. , noix séparée du brou.
RESUME
DES PIIOPUIÉTÉS ET l'eMPLOI DATSS LES ARTS DES IIOIS DES
NOYERS IIICRERYS.
Dans la courte introduction qui a précède la
description que je viens de donner des Noyers de
TAmerique septentrionale, j'ai fait remarquer que
ceux quiappartenoientà la deuxième section, etoient
susceptibles de varier beaucoup, soit en raison de
là nature du sol, plus sec ou plus humide, soit par
la grosseur et la l'orme de leur fruit, soit par le
nombre des folioles qui composent les feuilles :
d'où il rësultoit souvent un tel rapprochement
entr'eux, que des personnes peu exercées pouvoient
les confondre , et considérer comme des espèces
distinctes, ce qui nétoit que de simples variétés.
On observe encore, que si on enlève 1 epiderme ou
la partie morte de 1 ecorce de tous les Noyers Hic-
kerys, on trouvera que celle de toutes les espèces
ont la même organisation. Dans lès autres arbres,
la partie fibreuse et la substance nécessaire sont
ordinairement mêlées; ici, au contraire, elles sont
séparées ; la première représente des losanges très-ré-
gulières. Ces losanges sont plus petites dans les jeunes
arbres que dans ceux d'un plus grand diamètre.
Cette disposition particulière et très-remarquable,
offre de très-beaux effets, et on en tireroit un grand
parti pourrébénisterie,si ces écorces, comme celles
des autres arbres, n'étoientpas sujettes à se tourmen-
2l4 BÉSUMÉ
ter. Elles pourront néanmoins fournir un sujet inté-
ressant d'observation pour l'étude de la physiologie
végétale. Cette analogie singulière existe également
dans leur bois, et elle est si frappante, que lors-
qu'ils sont privés de leur écorce, on ne voit aucune
différence, soit dans la texture du grain , qui dans
tous est grossière et peu serrée, soit dans la couleur
du cœur qui est rougeâtre. A ces propriétés apparen-
tes, s'en trouvent jointes d'autres très-remarquables,
qui, quoique modifiées selon les espèces, sont réu-
nies , dans les unes et dans les autres, à un plus haut
degré, que dans aucun autre arbre connu sous les
mêmes latitudes, soit en Amérique, soit en Europe.
Ces propriétés sont une extrême pesanteur, une très*
grande force, beaucoup de ténacité, et la même
disposition à pourrir très-promptement , lorsqu'ils
sont exposés aux alternatives de la chaleur et de
l'humidité ; enfin à être aussi fort aisément attaqués
par les vers. C'est donc d'après ces avantages et ses
défauts très - marqués , connus à toutes les espèces
d'Hickerys , et constatés par l'expérience , que les
usages de leur bois paroissent actuellement bien
déterminés, de sorte que dans l'emploi qu'on en fait
dans les arts, on n'a point égard aux espèces dont
il est tiré.
Dans aucune partie des Etats-Unis, le bois des
Noyers Hickerys n'est employé dans la bâtisse des
maisons, parce que, comme je l'ai dit précédemment,
il est trop pesant, et sujet à être attaqué par les
vers; mais si ces défauts essentiels s'opposent à son
SUR LES NOYERS. 2l5
emploi dans les constructions civiles, les qualités
quil possède d'une autre part, le rendent propre
à beaucoup d'usages, pour lesquels, malgré leur
moindre importance, il ne pourroit être remplacé
aussi avantageusement. Ainsi dans tous les Etats du
milieu, on s'en sert pour faire les essieux des voi-
tures, les manches de coignées et des autres outils
de charpentier; les grosses vis, et surtout celles
des presses de relieurs. Les dents d'engrenage des
roues de beaucoup de moulins à farine, sont faites
en cœur d'Hickery bien sec; mais on ne les adapte
qu'à celles de ces roues qui ne sont point exposées
à être mouillées ; c'est même pour cette raison
que quelques charpentiers employent d'autre bois.
Les bâtons qui forment le dos des chaises, dites
de Windsor, les manches des fouets de carrosse
les baguettes de fusil, les dents de râteaux à foin
les fléaux à battre les grains, les bows , pièces cir-
culaires pour maintenir le joug sur le col des bœufs
les anses des seaux, tous les balais communs, sont
autant d'objets qui sont toujours faits en bois d'Hic-
kery. A Baltimore, on en fait encore le tour des
tamis, et on le préfère au Chêne blanc, qui est aussi
élastique , mais plus susceptible de s'effiler et de
tomber en parcelles dans les substances qu on tamise.
Dans les campagnes qui avoisinent Augusta en Géor-
gie, j'ai remarqué que le bois des chaises communes
étoit aussi en Hickery : dans le New-Jersey, on
s'en sert aussi pour doubler les traîneaux ordinaires ;
mais pour qu'il convienne bien à cet usage, il faut
I. 28
Î2l6 RÉSUMÉ
qu'il soit coupé long-temps d'avance, afin de n'être
mis en œuvre que lorsqu'il est très-sec.
De toutes les nombreuses espèces d'arbres qui
composent les forets américaines situées à l'est du
Mississipi, les Noyers Hickerys sont les seuls qui
se soient trouvés parfaitement convenir pour faire
les cercles à tonneaux et à barriques, ainsi que, ceux
qu'on emploie à donner de la solidité aux caisses
destinées à contenir des marchandises ; pour ce seul
usage, il s'en consomme une très-grande quantité,
laquelle est encore augmentée par ce qui est ex-
porté pour le même objet aux colonies des Indes
occidentales. Ces cercles sont faits de jeunes Hic-
kerys, de 2 à 4 mètres ( 6 à 12 pieds ) de hauteur ,
que les paysans coupent dans les bois, sans distinc-
tion d'espèces, toutes y étant également convenables.
Les plus grands se vendoient à Philadelphie et à
New-York, au mois de février 1808, de i5 à 16
francs le cent. Ces brins fendus en deux, ne sont
pas, comme les cercles du chàtaigner, assujettis sur
les barriques avec de l'osier, mais seulement croisés
et maintenus par des entailles; ce qui paroit suffire
en raison de la force du bois.
Si l'on considère que la plus grande partie des
productions des Etats-Unis , telles que les farines, les
salaisons, etc., sont mises dans des barriques, et
exportées de cette manière chez l'étranger, on jugera
combien doit être considérable la quantité de cer-
cles nécessaires à leur confection ; aussi les jeunes
arbres qui conviennent à cet usage, commencent-
s U R L E s N O Y E R s. Oi,in
ils à devenir très-rares dans tous les bois qui avoisi-
nent les endroits un peu anciennement habités. Ce
qui augmente encore beaucoup leur rareté, c'est
qu'une fois coupés, il ne rçpoussent pas du pied,
et que d'ailleurs leur végétation est très-lente. Les
tonneliers ne peuvent pas non plus faire des pro-
visions très-considérables de brins d'fJickery; car
s'ils ne sont pas employés dans le courant de l'année
qu'ils ont été coupés, et souvent même dans les.fijr
premiers mois, ils sont attaqués par deux insectes
différens, et surtout par une espèce dont la larve
les ronge intérieurement, et qui fait le plus de dé-
gâts; c'est ce qui m'a engagé à la figurer dans la plan-
che qui représente le Jwg^/«/2j tomentosa^ parce que
j'ai remarqué, qu'il en étoit de préférence attaqué.
Les défauts qui font que l'Hickery n'est point
employé dans la bâtisse des maisons, s'opposent
également à ce qu'il le soit dans les constructions
maritimes ; cependant on s'est servi autrefois acci-
dentellement à Philadelphie et à New- York du Ju-
^lans squamosa et du Ju^lans porcina pour en
faire la quille des vaisseaux, dont la durée étoit
la même que si elle eût été d'un autre bois, attendu
que cette partie du navire reste continuellement
submergée. De ces deux espèces, le Jugians porcina
est préférable, comme moins sujet à se fendre; mais
on en fait peu d'usage, parce qu'il est assez rare
quil puisse fournir des pièces d'une aussi grande
dimension que la première espèce. ;
x\ bord de tous les petits bàtimens, tels que les
2l8 RÉSUMÉ
bateaux et les goélettes , les cerceaux destinés à
maintenir les voiles sur les mâts sont toujours en
Hickery. Quelques personnes m'ont aussi assuré
qu'on en avoit fait de bonnes chevilles pour attacher
les cordages ; qu'elles avoient sur celles de Frêne l'a-
vantage d'être plus fortes, et qu'elles étoient tout aussi
durables, pourvu qu'elles fussent tenues lâches dans
les trous, car sans cette précaution, elles ne pour-
roient sécher promptement , et pourriroient très-vite.
Mais c'est surtout pour barres de cabestan , à cause de
sa] très-grande force , que l'Hickery est fort estimé ;
aussi s'en sert-on pour cet usage à bord de tous les
vaisseaux, et il s'en exporte pour le même objet
en Angleterre, où ces barres se vendent 5o pour loo
de plus que celles qui sont en Frêne, et qu'on y
importe également du nord des Etats-Unis. Quoique
toutes les espèces d'Hickerys soient indifféremment
coupées pour cet usage, je pense que celles qui sont
en jeune Juglans porcina ^ sont les meilleures.
Doués d'une grande pesanteur, tous les bois des
Noyers Hickerys paroissent contenir sous un petit
volume , une masse considérable de matières com-
bustibles, car en brûlant , ils donnent beaucoup
de chaleur, et laissent après eux un charbon lourd,
compacte et qui subsiste long-temps allumé : sous
ce rapport , il n'existe pas sous les mêmes latitu-
des, soit en Amérique, soit en Europe, aucun arbre
qui puisse lui être comparé ; c'est du moins l'opi-
nion unanime de tous les Européens qui ont sé-
journé dans les Etats - Unis. A New-York , à Phila-
s U K L E s N O Y 1. R s. 2 I Q
delphie et à Baltimore , toutes les personnes un peu
aisées ne brûlent que de l'Hickery, et quoiqu'il se
vende cinquante pour cent plus cher que le Chêne,
on trouve encore de l'avantage à s'en servir. Il se
vendoit à New-York, le 9.0 octobre 1807, l'ï dol-
lars Ç 78 francs j la corde , et le bois de Chêne ,
10 dollars (^Safranes). Cette qualité supérieure
reconnue depuis long-temps à l'IIickery, le fait tou-
jours mettre en vente séparément. A New-York, j'ai
observé que le Juglans squaniosa dominoit sur les
autres espèces, tandis qu'à Philadelphie et à Balti-
more, c'étoit au contraire le Ju^lans tomentosa;
mais dans cette dernière ville, on ne voit pas de
Ju^lans squaniosa^ toujours facile à reconnoitre à
son écorce écailleuse.
La quantité plus ou moins grande des différentes
espèces de bois Hickery , qu'on apporte dans les
grandes villes pour leur consommation, est unique-
ment relative à la température du climat , et à la
nature du sol qui convient le mieux à chacune d'elles,
et non à l'opinion que les habitans auroient pu se
former sur leur degré respectif de bonté, bien que
l'expérience ait appris que le bois du Juglans to-
mentosa étoit le meilleur, et celui du Juglans amara
le moins bon; mais cette différence est assez peu
sensible , pour que généralement on n'y ait point
égard , lorsqu'on fait sa provision. Comme combus-
tible, l'Hickery a cependant un léger inconvénient,
c'est de craquer en brûlant comme le châtaignier,
et d'envoyer au loin des éclats enflammés; c'est pour
220 RESUME
cette raison que dans beaucoup de maisons on fait
usage de garde-feux ; précaution très-sage , dans
un pays où tous les planchers des édifices sont en
bois.
Parmi les usages variés auxquels j'ai dit que le
bois des Noyers Hickerys étoit employé dans les Etats-
Unis, il en est deux qui , réunis à la lenteur de leur
croissance , doivent principalement accélérer la des-
truction de ces arbres, savoir , la coupe des jeunes
brins destinés à faire des cercles, et celle des arbres
à haute tige pour le bois de chauffage. Ces consi-
dérations, indépendamment d'une infinité d'autres
causes concomitantes qui tendent toutes à la rapide
destruction des forets de cette partie du Nouveau-
Monde, me font croire qu'avant cinquante ans , elles
ne pourront fournir la dixième partie des cercles né-
cessaires aux besoins du commerce : ces motifs sont
assez puissans, pour engager les personnes qui, dans
ce pays , ont le bon esprit de conserver leur bois et qui
désirent d'en augmenter la valeur , à y multiplier les
espèces les plus précieuses, et notamment les Noyer§
Hickerys. Elles parviendront aisément à ce but, en
faisant enterrer chaque printemps des noix qu'elles
auroient préalablement fait germer dans des caisses
remplies de terre, conservées dans la cave, et main-
tenues à l'état de fraîcheur; par ce moyen très-simple,
la réussite en seroit assurée. Je pense même, qu'il se-
roit avantageux d'en planter une plus grande quantité
que l'espace du terrein ne sembleroit le comporter;
car lorsque les jeunes arbres auroient acquis près
s U II L E s > O Y E K s. :i'2l
d'un pouce de diamètre, on en couperoit une partie
pour faire des cercles, et le surplus donneroit du
bois de chauffage, ou serviroit aux divers usages aux-
quels le bois de ces sortes de Noyers est le plus
propre.
On a dû voir par ce qui a été dit précédemment,
que si le bois de tous les Noyers Ilickerys a des défauts
essentiels, il a aussi des propriétés fort remarquables
qui les compensent, et qui le font rechercher dans
les arts. Je pense donc que ces arbres méritent fat-
tention des Européens , surtout comme pouvant
fournir un excellent combustible ; et quoique leur
croissance soit très-lente dans les premières années,
il conviendroit néanmoins de les faire entrer dans
la composition de nos forets ; mais je doute qu'on
puisse jamais y parvenir, si on enterre dans les bois
les noix elles-mêmes , car cet arbre même très-jeune,
ne souffre que difficilement la transplantation, l'expé-
rience ayant appris que quoique dans les quatre
premières années, les jeunes brins aient à peine
acquis 6 millimètres (3 lignes) de diamètre, sur
34 centimètres (18 pouces) de hauteur, si on cherche
à les déraciner, on trouve qu'ils ont déjà des pivots
de I mètre (3 pieds) de longueur, sans le moindre
chevelu; c'est ce qui fait que de plus cent mille
jeunes plants, qui sont provenus d'une grande quan-
tité de noix que j'ai envoyées en France pendant mes
différens voyages en Amérique, on ne voit presque
nulle part de ces Noyers, parce que tous ces plants
périssent ou languissent lorsqu'on les transplante
2 22 RÉSUME SUR LES NOYERS.
des pépinières dans des endroits plus espacés, d'où
ils doivent une seconde fois être enlevés pour être
mis en place. Le Noyer noir et le Noyer cathartique,
au contraire, dont la végétation est très-accélérée,
qui ne pivotent que très-peu , et dont les racines
se garnissent abondamment de chevelu, reprennent
facilement à la transplantation , même lorsqu'ils ont
atteint 2 à 3 mètres (6 à 9 pieds) de hauteur. Je
terminerai ce résumé des propriétés des Noyers Hic-
kerys, par recommander plus particulièrement l'in-
troduction dans les forets européennes du Ju^lans
squamosa et du Juglans porcina , et c'est parmi
toutes les espèces que j'ai fait connoitre, celles qui,
sous le rapport de leur bois, réunissent à mon avis
au plus haut degré tous les avantages.
Je crois également que le Juglans olivceformis ^
mérite l'attention des amateurs de cultures utiles,
non pas à cause de son bois, mais parce que ses noix
sont fort bonnes, qu'elles sont plus délicates que
celles d'Europe, et qu'elles peuvent doubler de gros-
seur, surtout si on parvient à les greffer avec succès
sur le Noyer noir ou le Noyer commun ; tentative
qui devroit aussi être faite dans les Etats-Unis.
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TABLE.
Intbodcction
Tableau indicatif des espèces d'arbres qui seronl décrites.
Disposition méthodique des Pins et Sapins
JPinus rubra .
Pinus rupestris.
Pinus mitis. .
Pinus inops. .
Pinus pungens.
Pinus australis.
Pinus serotina.
Pinus rigida .
Pinus (céda. .
Pinus strobus.
Abies nigra. .
Abies alba. .
yibies canadensis.
Pin rouge Red ( Norway ) pine.
Pin gris Grey pine
Pin jaune YelloiV pine. , . .
Pin du N. Jprsey. . . . Jersey pine. . . .
Pin delà Montagne delaTablc. Table mountain pine.
Pin à longues feuilles . . . Long leaved pine .
Pin des marais Pond pine ....
Pin à goudron Pitch pine ....
Pin à l'encens Loblolly pine . - .
Pin de Weymouth, . . , JVhite pine. . .
Sapinette noire. . . , • Black (double) spruce
Sapinette blanche. . . . While fsinglej spruce
Uemlock spruce ..... Hemlock spruce. . ,
^bies balsamffera . Sapin banmier yàmerican Silver fir.
Introduction à l'histoire des Noyers de l'Amérique septentrionale.
Disposition méthodique
Jugions nigra. . . Noyer noir Black ivalnut . . .
Juglans cathartica. Noyer cathartique . , . . Butler nut . . .
Juglans olivceformis. Noyer pacanc ..... Pacane nut, hickery.
Juglans amara. . . Noyer amer. ..... Bitternutj hickery .
Juglans aquadca. , Noyer amer aquatique. . . fVater bitter nut , hi
Noyer à noix moquense . . Mocker nut , hickery
Noyer écailleux Shell Bark , hickery,
Noyer lacinié Thick shell bark , hick
Noyer à porc Pig nut , hickery .
Juglans tomentosa
Juglans squamosa
Juglans laciniosa.
Juglans porcina .
Juglans myristicce-
Sormis. .... Noyer à noix grises . . . Nutmeg hickery nut.
Résumé des propriétés et l'emploi dans les arts des bois des Noyers Hickerys
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