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« I
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/
VOYAGES,
* ORIGINAUX/
POUA IBAVIH A l'histoire DE Là DBCOUVEETE
DE L'AMÉRIQUE.
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IHPIIIIIBBIS DS FAIH BT TBVITOT,
RUB RACINB, 28, PRÉS DE L'0D£01f.
VOYAGES,
ORIGINAUX
POUR SERVIR A L* HISTOIRE DE LA DicOUTERTE
DE L'AMÉRIQUE,
PDBUiS POUR LA PRBIiliKB FOIS EN FRiNÇUS ,
VAH B. TXaHAVZ-OOKVAVt.
O
HISTOIRE
ou
DES ANCIENS ROIS DE TEZGUGO,
PAR DON FKRN4NDO D'ALVA JXTUtXOCBlTL ,
IMAULITI'. SliR I.B MANUSCRIT (SPAGMOL.
fteoonde partia.
ibAditb.
ABTHUft BBRTRAVD, &IBBAZBZ-ÉBITZUB,
LIBRAIRE DE LA BÙCeM DE GifoORAPmB DE PARIS,
RUE HAUTEFEUILLE, H^ 33.
M. DCCC XL.
SA-^34i.i'!r
Harvard Collège LIbrary
Cift of
Archibald Cary Coolldge
and
Clarence Léonard Hay
April 7, 1909-
I
I
■
■
I
^
HISTOIRE
DES CHICHIMÈQUES,
OU
DES ANCIENS ROIS DE TEZCUCO,
TRADUITE SUR LE MANUSCRIT ESPAGNOL.
SECONDE PARTIE.
misiTSa
SECONDE PARTIE.
CHAPITRE L.
Couronnement du très-sage et très-prudent Netzahualpiltzint]i-
Acamapixtli.
Aussitôt après la mort de Netzahualcoyotzin,
ses funérailles furent célébrées avec pompe
et majesté selon les rites mexicains , qu'il est
inutile de rapporter parce qu'on en trouve
la description dans différents auteurs moder-
nes. Ce fut le second empereur Chichimèque
13. 1
/
2 HISTOIRE
.4:{ont les funérailles furent célébrées selon ces
rites; elles eurent lieu en présence des rois
Axayacatzin de Mexico ^ Ghimalpopocatzin de
Tlacopan , d'un grand nombre de seigneurs ,
des ambassadeurs des républiques de Tlax-
callan ^ de Huexotzinco^ de Ghololan y ainsi que
d'un grand nombre de souverains étrangers ,
et même ennemis ; car il était d'usage dans des
occasions semblables de les y inviter^ et de
donner un sauf-conduit à leurs ambassadeurs.
C'étaient surtout ceux de Michoacan , Panuco
et Tequantepec.
Pendant cette cérémonie les frères du jeune
prince, et particulièrement les trois dont j'ai
fait mention plus haut, qui avaient été chargés
de la régence , cherchèrent à le supplanter et
à se faire proclamer à sa place. Mais les deux
rois de Mexico et de Tlacopan , auxquels ap-
partenait l'élection de leur collègue à l'em-
pire, ayant pénétré leur dessein, résolurent
d'emmener avec eux à Mexico Netzahualpil-
tzintli et ses trois frères, ainsi qu'Acapioltzin.
DES CHICHIMÈQUES. 3
Ils ordonnèrent à tous les seigneurs de se
rendre dans cette ville où l'on devait décider
le choix le plus convenable au bien du pays j
et prêter serment au nouveau roi. Aussitôt
qu'il fut arrivé à Mexico, Axayacatzin fit
asseoir Netzahualpiltzintli et les quatre princes
dans une salle qui précédait celle du con-
seil, sur des sièges égaux, et après eux
tous les chefs et les seigneurs de Tezcuco.
Deux orateurs habiles, choisis par les rois
de Mexico et de TIacopan , entrèrent ensuite
dans cette salle, et après leur avoit* donné
la bienvenue, ils leur annoncèrent que les
deux rois avaient hâte de choisir un chef de
l'empire pour remplacer celui qui venait de
mourir; et que pour mettre un terme à toutes
les querelles et à toutes les prétentions ils
choisiraient celui dorlt les droits leur paraî-
traient les mieux établis. Après avoir long-
temps parlé dans ce sens, ils furent rem-
placés par les capitaines généraux des deux
rois , accompagnés de plusieurs seigneurs d'un
4 HISTOIRE
rang élevé qui apportaient les insignes et les
ornements dont on avait coutume de revêtir
les rois quand on leur prétait serment. Ils
étaient suivis par les deux rois. Les capi-
taines généraux prirent dans leurs bras le
jeune Netzahualpiltzintli et remportèrent dans
la salle du conseil ^ où les deux rois le pla-
cèrent sur un trône , le revêtirent des orne-
ments royaux , le couronnèrent , lui remirent
les insignes de sa dignité , et le proclamèrent
ix)i de Tezcuco , suprême seigneur des Chi-
chimèques et l'un des trois chefs de l'empire.
Quand il eut reçu les félicitations de tout le
monde ^ chacun prit place selon son raiig et
son ancienneté, et l'on commença les fêtes
et les réjouissances à la grande satisfaction
de tout l'empire. On supprima cependant^ à
cause de la jeunesse du roi, une partie des
cérémonies religieuses qui avaient ordinaire-
ment lieu à cette occasion, et elles ne furent cé-
lébrées qu'à une époque postérieure. Ses trois
frères Ichautlatoatzin, Xochiquetzaltzinet He-
DES CHICHIMÈQUES. 5
cahuchuetzin , voyant leurs espérances trom-
pées par le choix des deux rois , se retirèrent
navrés de douleur et sans prendre congé dans
la ville de Tezcuco. Quand Netzahualpil -
tzintli eut passé quelques jours à Mexico , il
revint à Tezcuco avec les deux rois ses on-
cles ^ accompagnés d'une suite nombreuse,
et on V célébra de nouvelles fêtes. Pendant le
règne de Netzahualcoyotzin et le commence-
ment de celui de son fils, le roi Axayacatzin
habita presque toujours la ville de Tezcuco
qu'il aimait, et dont le climat lui convenait
davantage.
CHAPITRE LI.
Guerre d'Axayacatzin , roi de Mexico , contre Moquihuitziii ,
roi de Tlateloloo , et ses alliés (i).
Dès que Netzahualcoyotzin fut mort, quel-
ques seigneurs de l'empire, comme Moqui-
huitzin de Tlateloloo , Xilomantzin de Cul-
huacan, et quelques-uns de leurs parents, se
(i) Les rois de Tlatelolco furent Quauhquauhpitzahuac , qui
8 HISTOIRE
révoltèrent et refusèrent d'obéir au roi Axa-
yacatzin leur suzerain ; il est vrai qu'ils ne
lui payaient ni tribut ni redevances. Mais
cependan ils étaient de race mexicaine et ses
sujets. Il leur fut facile de secouer le joug ,
car à cette époque leur pouvoir était bien
établi, et il ne leur manquait que l'investi-
ture pour être souverains, comme cela est
constaté par les chants que répètent encore
aujourd'hui les naturels dans leurs fêtes et
dans leurs danses. Axayacatzin envoya des
ambassadeurs à ses deux collègues pour les
avertir de cette révolte et leur demander du
secours , leur représentant que si l'on ne ré-
duisait pas les rebelles , l'empire était sur le
point de se perdre. Les deux rois rassemblè-
rent en effet leur armée , et se réunirent au
jour fixé avec celle des Mexicains. Us pénétrè-
rent sans beaucoup de difficulté dans Tlatelolco
régna 62 ans ; Tlacateutl , 38 ; Quauhtlacoa , 38 , et Moquihuitz ,
qui était sur le trône depuis neuf ans quand il fut tué par les
Mexicains. {Sahagun , liv. VllI , chap. U.)
DES GHIGHIMÈQUËS. 9
et tuèrent une grande partie des habitants.
Moquihuitzin se fortifia dans le grand temple ,
et s'y défendit longtemps; mais il fut forcé
dans ce dernier retranchement. On le jeta du
haut de la tour ^ et son corps fut mis en pièces.
On châtia ensuite sévèrement ceux qui avaient
pris part à sa révolte; c'étaient Xilomantzin^
seigneur de Gulhuacan , Zoanenemitl de Cuit-
lahuac, Tlatolatl et Quauhiacatl de Huitzi-
lopochco. Ce châtiment imposa à tqjLis les
seigneurs de l'empire , et depuis ce temps ils
se montrèrent très-soumis aux trois chefs.
Cette révolte eut lieu la seconde année du
règne de Netzahualpiltzintli , la sixième de
celui d'Axavacatzin , dans l'année Chicome
Calli qui correspond à 1 463.
CHAPITRE LU.
Commencement du règne de NetzahualpiUzintli. — Prudence
et sagesse qne Dieu lui donna dés son enfance , et qui sont
trés-yantées par les auteurs.
La concubine favorite de Netzahuatcoyotzin
était, ciHnme je Tai dit, celle qui voulait pro-
curer à ses enfants les places les plus honora-
bles, et elle essaya même de les fiiire déclarer
héritiers de Tempire; c'est pourquoi elle avait
toujours cherché à faire périr les enfants que
1 2 HISTOIRE
le roi avait eus avec une princesse mexicaine,
comme nous l'avons vu à l'égard du prince
Tetzauhpiltzintli dont elle trama la perte. Dès
queNetzahualpiltzintli fut monté sur le trône,
il donna au fils aîné de cette concubine, qui
n'avait aucun rang et ne possédait que quel-
ques villages , la ville de Ghiauhtla avec quel-
ques territoires conquis , ce qui le plaça au
rang des quatorze grands de l'empire des
Aculhuas. De cette manière il gagna entière-
ment cette femme, qui s'opposa même aux
desseins ambitieux de ses deux autres fils,
Xochiquetzaltzin et Hecahuehuetzin.
Le prince Axoquentzin, qui avait eu la plus
grande part à la conquête de la province de
Chalco, voyant que le jeune roi était très-,
disposé à bien traiter ses frères, alla lui de-
mander la récompense des services qu'il avait
rendus au roi son père, qui ne lui avait en-
core rien donné parce qu'il était trop jeune.
Après avoir écouté la demande de son frère,
le jeune roi , sans laisser à Acapioltzin qu'on
DES GHIGHIMÈQUES. 11
lui avait donné pour tuteur le temps de par-
ler , fit appeler un peintre , un architecte , un
maçon et un charpentier , leur ordonna de se
rendre à Chalco pour y examiner le palais de
Toteozitecuhtli, roi de cette province, et de
lui en rendre un compte exact, chacun selon
sa profession , dans un délai qu'il leur fixa.
Quand ils furent de retour, le roi leur désigna
un des endroits les mieux situés de Tezcuco , et
leur ordonna de construire un palais absolu-
ment semblable pour le prince Axoquentzin ;
il lui accorda en outre plusieurs villages dans
la province de Chalco et dans d'autres. A dater
de ce moment, Netzahualpiltzintli commença
à gouverner seul avec tant de prudence et de
sagacité, que tout le monde en était étonné.
Il en fut de même pendant les quarante quatre
années que dura son régne ; il reçut toujours
avec amour et confiance les avis de son frère
Acapioltzin et de son conseil.
CHAPITRE LUI.
Guerres et conquétei des trois chefs de l'empire. — Mort de
Xihuitltemoc , seigneur de Xochimilco.
Parmi les chefs qui aidèrent Axayacatzin
dans sa guerre contre le roi de Tlatelolco et
ses alliés ^ on distinguait Xihuitltemoc , sei-
gneur de Xochimilco, vaillant capitaine et
très-habile joueur de balle , ce qui fut cause
de sa perte* Après Theureux succès de cette
J
i 6 HISTOIRE
campagne 9 Axayacatzin fit célébrer des fêtes
pour divertir ceux qui étaient venus à son se-
cours. Il y eut entre autres un grand jeu de
balle auquel le roi avait de grandes préten-
tions, quoique Xihuitltemoc fût beaucoup
plus adroit que lui.Le roi, dépité de toujours
perdre, voulut risquer un grand coup et joua
le marché et le lac de Mexico contre un jardin
que son adversaire possédait à Xochimilco.
Celui-ci , sans craindre la colère du roi , ac-
cepta l'enjeu et le gagna facilement. Axaya-
catzin, poussé à bout, ne pensa plus qu'à se
venger. Xihuitltemoc étant retourné chez lui
le lendemain , il lui envoya quelques soldats •
de sa garde sous prétexte de lui faire une
visite et de lui porter une partie du revenu
du lac et du marché de Mexico; mais au mo-
ment où ils le saluaient, ils lui jetèrent au
cou une guirlande de fleurs dans laquelle ils
avaient caché une corde et l'étranglèrent ainsi
à l'aide de quelques seigneurs de Xochimilco.
Cette sévérité imposa aux autres seigneurs,
DES GHIGHIMÈQUES. 17
et tous redoutèrent depuis lors d'ofiFenser le
roi.
Les trois rois ayant réuni leur armée, mar-
chèrent contre les habitants de la province de
M atlaltzinco , les vainquirent et peuplèrent
avec les prisonniers la ville de Xalatlahuco.
Us marchèrent ensuite contre les Ocuiltecas et
les Otomies , et soumirent toutes les provinces
habitées par les trois nations , Otomies , Ma-
zahuas et Matlaltzincas , qui contiennent les
villes de Xiquipilco, Xocotitlan, Xilotepec,
Teuhtenanco, Tlacotepec, Calimayan, Ama-
tepec et Tolocan. Mais ils eurent beaucoup de
peine à réduire ces trois nations , car elles sont
très-belliqueuses. Ce fut Xiquipilco qui fit la
plus vigoureuse résistance ; le roi Axayacatzin
y courut le plus grand danger : Tlilquetzpalli,
seigneur de cette province et vaillant capi-
taine, le serra de si près qu'après lui avoir
porté plusieurs coups il le blessa grièvement
à la cuisse et le fit tomber. Il allait l'achever,
si Quetzalmamalijtzin^ un des quatorze grands
13 2
/
11^ HISTOIRE
de Tezcuco et capitaine général de Tarinée,
ne fut venu à son secours; il se précipita har-
diment au milieu des ennemis et délivra le roi
de Mexico. Tlilquetzpalli fut fait prisonnier
avec beaucoup d'autres vaillants capitaines et
plus de douze mi lie guerriers. Les troupes im-
périales y au contraire , ne perdirent pas plus
de mille hommes. Axayacatzin guérit de ses
blessures y mais il resta boiteux toute sa vie.
Quand les trois rois eurent partagé entre eux
le pays conquis, ils accordèrent des récom-
penses aux chefs qui les avaient accompagnés
et leur donnèrent des villages et des terres.
Quetzalmamalitzin , seigneur du Teotihuacan,
un des grands de Tezcuco et capitaine général
de l'armée , reçut en outre des trois rois , pour
armes et devise, la cuisse d'un roi d'où sor-
taient des flammes de feu, en mémoire de la
délivrance d' Axayacatzin. Acapioltzin, tuteur
du roi de Mexico , reçut pour armes et devise
trois drapeaux d'or et de plumes et trois tètes
de même. Nocahuihqui fut nommé seigneur
DES CHICHIMEQUES. 19
de Xatlabaubca. Beaucoup d'autres chefs re-
çurent des armes relatives aux exploits par
lesquels ils s'étaient distingués.
Après avoir laissé dans Ips provinces con-
quises les garnisons nécessaires , les rois re-
prirent le chemin de leurs états , et quand ils
furent arrivés à Mexico , ils sacrifièrent dans
le grand temple tous les prisonniers qu'ils
avaient faits dans cette guerre. Le roi de Tez-
cuco eut pour sa part la vallée de Tolocan ,
Maxtlacan , Cohuitzinco et d'autres villes qui
lui payaient chaque année huit cents charges
d'étoffes fines travaillées de diverses couleurs,
en poil de lapin; trois cent soixante-dix
.charges, plus sept pièces de couvre-pieds en
plumes, ce qui fait en tout 25,607 pièces d'é-
toffes de diverses espèces, sans les bijoux d'or
et les ornements de plumes fines. Chaque vil-
lage cultivait encore annuellement pour lui
un champ de maïs qui en produisait une
grande quantité. Ce fut un certain Yaotl qui
fut nommé majordome et receveur de tous
/
20 HISTOIRE DES GHIGHIHÈQUES.
}es tributs. L'on donna aussi aux rois de
Mexico et de Tlacopan une partie des tributs
qui, d'après les registres royaux, parait en
avoir formé le cinquième.
CHAPITRE LIV.
Mort d'AxayacaUin. — Il a ponr successeur Tiçotzicatzin.
Enfants de ces deux rois.
Axayacatzin , roi de Mexico, mourut, après
un règne de quatorze ans, de la même maladie
queNetzahualcoyotzin. Il fut très-regretté par
ses sujets, car c'était un des princes les plus
braves qui eussent régné à Mexico; il n'eut de
supérieur que le grand Motecuhzomatzin pre-
22 HISTOIRE
mier du nom. Gomme on peut le voir dans
les histoires qui ont traité de la vie de ce
prince, quand on lui eut fait de magnifiques
obsèques, Chimalpopocatzin et Netzahual-
piltzintli réunirent les électeurs et furent una-
nimement d'avis de proclamer à sa place Ti-
çotzicatzin qui fut le septième roi de Mexico ;
il était frère du feu roi , fils de Tezozomoc et
petit-fils de M otecuhzomatzin ; ce dernier n'a-
vait eu qu'une seule fille légitime, qui eut de
Tezozomoc trois fils qui régnèrent l'un après
l'autre, savoir : Axayacatzin, Tiçotzicatzin ,
dont nous parlons maintenant, et Ahuitzotzin
qui lui succéda. Tiçotzicatzin fut proclamé et
reçut le serment de ses vassaux avec les mêmes
cérémonies que ses ancêtres, et Ahuitzotzin,
son frère cadet, le remplaça dans sa charge de
gouverneur et capitaine général des Mexicains.
Je parlerai maintenant de la postérité d'Axa*
yacatzin. Techotlalatzin , second seigneur dlz-
tapalapan, fils de Guitlahuatzin , premier du
nom, épousa Izcoatzin, dont il eut Tizaca-
DES GHICHIMÈQIJES. 23
pantzin, seigneur de Xilomenco. (Une des
femmes ou concubines du roi Netzahualpil-
tzintli était de cette maison ; elle devint mère
de Cacama.) Guitlahuatzin , qui hérita de la
seigneurie d'Iztacpalapan après la mort de son
aïeul Techotlalatzin , fut ensuite roi de Mexico.
Le troisième fut Motecuhzoma , qui monta
aussi sur le trône de Mexico et régnait lors
de l'arrivée des Espagnols. Il eut d'une autre
femme ^ qui selon l'opinion commune était la
reine son épouse légitime, Macuilmalinaltzin,
qui devait être son héritier à l'empire , Tla-
cahuepantzin, Metzin , Matlatzica Mantzin y et
une fille qui fut l'épouse de Netzahualpiltzin-
tli et fut exécutée pour cause d'adultère. Axa-
yacatzin eut encore Tezozomoc, père de D.
Diego Huanitzin Iztlicuechahuac^ seigneur de
Tula, Matlaltzincatl , Zezepactic et Teyolpa-
choz. Le roi Tiçotzicatzin fut père de Tezcal-
popocatzin père de D. Diego Tihuezquititzin,
qui fut aussi seigneur de Mexico , et de Yao-
tzin Amaquemetzin.
CHAPITRE LV,
Première expédition du roi Netzahualpiltzintli contre les
habitants d'Âhuilizapan , Tototlan , Oztocticpac et antres
proyinces de la côte de la mer du Nord.
Chaque jour paraissait mille années au
roi Netzahualpiltzintli 9 tant il était pressé
de livrer des batailles et de tenter la
fortune. Il se plaignait de sa jeunesse,
s'exerçait tous les jours au maniement des
armes , et visitait chaque jour les salles du
26 HISTOIRE
palais qui renfermaient les armures et les en-
seignes avec lesquelles son père avait soumis
la plus grande partie de l'empire. Mais au-
cune ne lui allait^ ce qui le remplissait de
tristesse. Il ne voulait plus ni revêtir les
insignes royaux, ni se faire servir avec
pompe. Il fallait que ses instituteurs l'y for-
çassent. Au lieu de dormir dans son lit de
parade, il se couchait par terre comme le
dernier de ses serviteurs. Il fut trouvé ainsi
par ses frères aînés et quelques seigneurs qui
vinrent le visiter un matin. Ils lui en firent
des reproches. On voit dans les histoires ces
seigneurs qui entrent dans l'appartement
du roi et le trouvent couché par terre ,
couvert d'un manteau comme ceux dont se
servaient les pauvres; l'un d'eux, lé prenant
pour un page, le repoussa du pied et lui
reprocha sa négligence. Mais quand iî eut
aperçu sa figure, celui qui lui avait fait cet
affront le releva en lui demandant hum-
blement pûrdon. Ils le placèrent sur son
DES GHICHIMÈQUES. 27
trône , et après Favoir entretenu des affaires
publiques ils commencèrent à lui faire des
représentations, en lui disant que ses sujets
étaient très-mécontents de ce qu'il n'eût en-
core assisté à aucune bataille, car quand ils
allaient à la guerre avec les Mexicains et les
Tecpanèques , ceux-ci se moquaient d'eux , en
disant que les Aculhuas avaient pour roi un
blanc-bec efféminé. Les ornements que nous
portons sur la tête, aux oreilles et sur la
figure, nos colliers de pierreries, les sandales
d'or et les bijoux que nous avons aux pieds ,
les riches manteaux qui nous couvrent , nous
les avons gagnés, disaient-ils, par nos ex-
ploits guerriers , et nous nous sommes rendus
dignes des biens et des honneurs que nous
possédons. Ces paroles offensèrent le roi,
qui leur répondit d'un air sévère qu'il les
remerciaitdu soin qu'ils prenaient de son hon-
neur, et que s'il n'avait encore assisté à au-
cune bataille, il était facile de voir que son
âge seul l'en avait empêché. Mais qu'il espé-
28 HISTOIRE
rait que le Dieu créateur de toutes choses lui
donnerait assez de force et de courage pour
leur éviter à l'avenir de semblables affronts ^
et qu'il voulait assister en personne à l'ex-
pédition que l'on préparait contre les pro-
vinces orientales; que, quant à ceux qui se
vantaient d'avoir gagné les biens dont ils
jouissaient, non-seulement il leur conserve-
rait tout ce que son père leur avait donné,
mais qu'il l'augmenterait s'ils continuaient à
le bien servir et à se conduire comme de
loyaux vassaux ; qu'il le ferait avec la plus
grande joie, et qu'il se souviendrait toujours
des dernières paroles du roi son père.
Après avoir entendu ce discours du roi , les
seigneurs baissèrent humblement la tète, et
allèrent donner les ordres nécessaires pour
l'expédition. Quand l'armée fut réunie, elle
marcha , commandée par le roi en personne ,
contre Ahuilizapan , et soumit cette province ,
ainsi que celles de Tototlan , Oztoctipac et au-
tres situées à l'ouest sur les côtes de la mer
DES GHIGHIMÈQUES. 29
du Nord. Le roi prit de sa main plusieurs chefs
et guerriers, parmi lesquels il y en avait un
nommé Tetzahuitl, qui était le plus puissant
des seigneurs de la côte. Après avoir mis les
garnisons nécessaires et partagé ses conquêtes
conformément aux lois de l'empire, il
rentra triomphant dans la ville de Tezcuco.
D'après les annales, cette conquête eut lieu
dans l'année Ome Calli ou 1481.
CHAPITRE LVI.
Netzahualpiltzintli construit un palais et augmente le grand
temple qu'avait construit son père. — Dépense excessive
que faisait ce prince.
Après que Netzahualpiltzintli eut terminé
d'une manière aussi glorieuse la guerre dont
je viens de parler, voulant se rendre favorable
son faux dieu Huitzilopochtli, et excité par le
conseil des prêtres, il résolut de reconstruire
avec un nouvel éclat le temple que son père
32 HISTOIRE
lui avait élevé. Il en fit Tédifice le plus somp-
tueux de toute la Nouvelle-Espagne. Il sacri-
fia lors de son inauguration tous les captifs
qu'il avait faits dans les dernières guerres. Il
fit aussi construire un nouveau palais , moins
grand à la vérité que celui de son père, mais
beaucoup plus magnifique et d'une plus belle
architecture. Il y avait des labyrinthes , des
jardins, des bains, des fontaines, des étangs,
des lacs et des conduits souterrains qui ame-
naient en abondance • Teàu du lac dans le^^
jardins d'Acatelolco et de Tepetzinco, ainsi
que dans la ville de Mexico; il donna à un
étang qui se trouvait en face de la grande
salle du palais, le nom d'Âhuilizapan , en
mémoire de la guerre dont je viens de par-
ler, et pendant toute sa vie il ne construisit
ni édifice, ni jardin, ni étang, qui ne conservât
la mémoire de quelqu'une de ses conquêtes.
L'on voit encore aujourd'hui par leurs ruines
la grandeur et la puissance de celui qui les
a construits.
DES CHICHIMÈQUES. 33
Je profiterai de roecasion pour parler de
la grande dépense qu'occasionnaient tous
ceux qui habitaient ce palais et ceux de son
père, tant les gens de service que les sei-
gneurs et les autres nobles. D'après les regis-
tres royaux on dépensait annuellement dans
le palais 31,600 fanèguesdemaïs, 243 charges
de chile de différentes qualités, et 2,000 me-
sures de sel; 574,010 pièces d'étoffes les plus
fines et les plus précieuses étaient employées
à l'habillement des serviteurs ou données
en présents à la noblesse; elles étaient four-
nies par les provinces qui appartenaient au
domaine royal , car les tributs des provinces
conquises se consei'vaient dans les magasins
de Tezcuco et de Mexico pour être distribués
de la manière dont j'ai parlé plus haut, entre
les enfants et les parents du roi et les seigneurs
qui se distinguaient soit à la guerre , soit par
d'autres services. A l'extrémité septentrionale
du palais, du côté des cuisines, il y avait
d'immenses greniers où l'on gardait une
13. 3
34 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
quantité de mais et d'autres grains pour les
années stériles ; chacun de ces greniers pou-
vait contenir quatre à cinq mille fanègues; ils
étaient construits de manière à être aérés de
tous les côtés , de sorte que les grains s'y con-
servaient pendant de longues années. Les Jar^
dins étaient du côté du midi^ de sorte qu'ils
étaient protégés contre le vent du nord par
les édifices qui étaient très-élevés. A l'orient,
il V avait un lac où l'on trouvait des oiseaux
de toute espèce.
CHAPITRE LVII.
Des nombreases concubines de Netzahualpiltzintlî. — De la reine
Tenacatzihuatzin , son épouse légitime. — Des enfants qu*il
eut d'elle et de ses concubines.
L'on voit par les histoires que le roi Netza-
hualpiltzintli eut plus de deux mille concu-
bines. Mais^ outre la reine, il y en eut
quarante avec lesquelles il eut commerce.
Il en eut cent quarante-quatre enfants, dont
onze étaient légitimes, ayant la reine pour
36 HISTOIRE
mère. L'aine , qui devait hériter de la cou-
ronne , se nommait Huexotzincatzin. 11 eut
ensuite une fille, Tiacapantzin , qui épousa
le prince Macuilmalinatzin, qui devait être
rhcritier du trône de Mexico, car il était fils
légitime du roi Axayacatziii; puis Quauhtli-
yetaczih et Tetlahuehuetzaquiltzin, qui fut
plus tard nommé D. Pedro; une fille, nom-
mée Tlacoyehuatzin , qui épousa le seigneur
de Zocateotitlan, dans la province de Tepeaca ;
une autre , nommée Teycutzin , qui épousa le
seigneur de Coatlichan; une troisième, nom-
mée Xocotzin, qui épousa le seigneur de Te-
pechpàn; un fils, Goanacochtzin , qui monta
sur le trône et se fit chrétien sous le nom de
D.Pedro; Ixtlilxpchitl, qui régna conjointement
avec son frère sous le nom de D. Fernando
Cortez ; le dixième fut Nonoalcatzin , et le on-
zième et dernier, Yoyoxtzin, qui fut plus
tard appelé D. Georges. La reine était fille lé-
gitime du prince Xoxocatzin, chef de la mai-
son d'Atzacualco, une des plus considérables
DES GHIGIIIMÈQUES. 37
du royaume de Mexico. 11 l'avait eue de Te-
yeuhtzin , fille du prince Temiatzin , sœur
de la reine Azcalxochitzin , mère de Netza-
hualpiltzintli. De sorte qu'elle était sa cousine
germaine; c'est pourquoi il la choisit pour
épouse, quoiqu'elle fût accompagnée de prin-
cesses mexicaines, filles de roi, comme Té-
lait la princesse de Xilomenco, sœur aînée
de Motecuhzoma II, et Cuitlahuatzin de
Mexico, qui fut mère du roi Cacama.
De toutes les concubines du roi, celle qu'il
préférait était celle qu'on nommait la dame
de Tula , non qu'elle fût du sang des princes
de cette ville, car elle était fille d'un mar-
chand; elle était si habile qu'elle pouvait
lutter avec le roi et les plus sages de son
royaume. Elle avait aussi un grand talent
pour la poésie. Tout cela lui donnait une telle
influence sur le roi qu'elle en obtenait tout
ce qu'elle voulait. Elle habitait seule, environ-
néed'unecournombreuseetbrillantc , dans un
palais que le roi avait fait construire pour elle.
CHAPITRE LVIII.
Mort de Tiçoiiicattzin , roi de Mexico. — Ahuitzotzin
lui succède.
On ne voit pas dans les annales qu'il soit
amvé rien d'important dans les cinq ans et
quelques jours que régna Tiçotzicaltzin , à
l'exception de la mort de quelques seigneurs
paissants, comme Techotlalatzin II, seigneur
d'Iztaepalapan , qui mourut en Ce Tochtli
40 HISTOIRE
OU 1482. L'année suivante^ les habitants de
Quauhnahiiac pénétrèrent dans la province
d'Atlixco pour attaquer ceux de Huexotzinco;
mais ceux-ci se défendirent bravement, et les
mirent en déroute après leur avoir tué beau-
coup de monde. Quauhpopocatzin , seigneur
de Coatlichan , mourut en 1 485 , et eut pour
successeur Xaquintzin. La même année,
Matlacahuatzin hérita de la seigneurie de Chi-
malhuacan.
Ticolzicaltzin mourut en 1486 ou Ghime
Tochtli. Mais les auteurs varient sur les
causes de sa mort. Les uns disent que ses
sujets l'assassiqèrent secrètement ; d'autres
qu'ils l'empoisonnèrent. Mais l'histoire d'a-
près laquelle j'écris ne fait aucune mention
de cela. Les électeurs, réunis aux rois de
Mexico et de Tlacopan , proclamèrent à sa
place Ahuitzotzin, célèbre capitaine et pon-
tife suprême du grand temple ; il était frère
cadet d'Axayacatzin et de Tiçotzicaltzin. Aus-
sitôt qu'il fut monté sur le trône il s'occupa
^
DES CHICHIMÈQUES. 41
d'augmenter et d'embellir les temples de ses
idoles^ et en construisit de beaucoup plus
beaux que ceux qu'avaient élevés ses an-
cêtres.
n
CHAPITRE LIX.
Expédition de Netzahualpiltzintii contre la c6te de NauhtU.—
Il fait , avec les rois de Mexico et de Tlacopan , la conquête
de quelques provinces situées sur les côtes de la mer du Sud»
Dans l'année 1 486^ le roi Netzahualpiltzintii
réunit son armée et marcha contre la côte
de Nauhtia , que Ton nomme aujourd'hui Al-
meria. Il la soumit avec assez de facilité^ mal-
gré les difficultés que lui opposaient les
montagnes, et fit prisonniers les princt-
44 HISTOIRE
paux chefs et guerriers de cette nation qui
habite le plat pays de la province des Totona-
ques. Il prit aussi leur souverain ; de sorte
qu'il réunit à ses états toute cette pix)vince
jusqu'à Pan uco; après avoir établi des garni-
sons et partagé le pays suivant Tusage, il
retourna àTezcuco victorieux et triomphant.
Il réunit ensuite son armée avec celle des
rois de Mexico et de Tlacopan et marcha contre
les provinces de Ghimantla, Amaxtla, Huas-
tepec, Tlapan^ Xoconuchco^ Xochtlan^ Amax-
tlan^ Zapoteca, haute et basse Misteca, et pé-
nétra jusqu'à celle de Chiapa qu'il parvint à
soumettre après une longue résistance. Il re-
vint chargé de dépouilles et suivi de plus de
cent mille captifs sans avoir perdu plus de sept
mille hommes; avant de se mettre en route,
il établit de fortes garnisons dans les villes
principales et sur les frontières des provinces
éloignées qui n'étaient pas encore conquises.
Cette conquête rapide fut une des plus impor-
tantes que firent les trois chefs de l'empire.
DES CHICHIMÈQUË8. 45
Netzahualpiltzintli marcha ensuite contre la
province de Tizauhcoac qui s'était révoltée
contre l'empire et dont les habitants avaient
massacré des marchands de Tezcuco et de
Mexico qui faisaient le commerce sur leur ter-
ritoire; Il châtia sévèrement les rebelles, mit
deS'garnisons dans leurs villes et ramena plus
de vingt-cinq mille captifs.
Vers la même époque, il marcha contre la
province d'Atlixco, une de celles qui étaient
réservées pour exercer la jeunesse à la guerre
et fournir des captifs pour les sacrifices.
Quauhtlitacatzin , seigneur et capitaine gé-
néral de cette république, vint au-devant de
lui dans le champ qui était destiné à ces com^
bats; il avait choisi les plus braves guerriers
pour l'accompagner , espérant se couvinr de
gloire en remportant la victoire contre un roi
si puissant ; mais Netzahualpiltzintli , plus ha-
bile que lui, le défit à la première rencontre
et le fit prisonnier; ce fut un des dix seigneurs
que, d'après les historiens, le roi de Tezcuco
46 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
prit de sa propre main, sans compter un
grand nombre de capitaines et de guerriers
dont il n'est pas fait mention individuelle-
ment.
CHAPITRE LX.
Ahiiilzolzin termine le grand temple de Mexico. — Sacrifices
qui ont lieu à son inauguration. — Mort de Cbimalpopocatzin,
roi de Tlacopan. — 11 est remplacé par Totoquihuatzin ,
second du nom.
Le temple de Huitzilopoehtli^ principale
idole de la nation mexicaine , terminé en Tan-
née 1487, Chiquei AcatI, était le plus grand
et le plus somptueux de la ville de Mexico.
Pour célébrer son inauguration , le roi con-
voqua ceux de Tezcuco et de Tlacopan ainsi
48 HISTOIRE
que tous les grands de Tempire, qui s'y ren-
dirent en pompe et suivis d'un grand nombre
de captifs, lesquels , réunis avec ceux du roi de
Mexico , formèrent un total de 80,400 hommes
des quatre nations, dont je viens de raconter
les défaites, savoir : 16,000 de la nation Za-
potèque, 24,000 de la nation Tlapanèque,
16,000 de Huexotzinco et Atlixco et 24,400 de
Tizauhcoac, Tous ces captifs furent sacrifiés
devant l'idole, et leurs têtes furent enchâssées
dans des vides que l'on avait laissés exprès
dans les murailles du temple; l'on sacrifia en-
suite des captifs qui avaient été pris dans
d'autres guerres , de sorte qu'il y eut dans le
courant de l'année plus de 100,000 victimes.
Les auteurs qui en citent un plus grand nombre
font entrer dans leur compte celles qui furent
sacrifiées par la suite. Il y eut une telle bou-
cherie sous le règne de ce prince , que jamais
avant ni api*ès lui on ne vit rien de pareil ;
car outi*e les 1 00,000 victimes on en sacrifia
beaucoup d'autres pendant son règne, tant à
DKS GHIGHlMÈQUfcS. 49
Mexico , à Tezcuco et à Tlacopan que dans les
autres capitales des provinces soumises à l'em-
pire. Le démon fit une grande récolte à cette
époque, car le massacre ne fut pas moins
grand dans les provinces ennemies de l'em-
pire (i).
L'année suivante , .1 489 , Dieu , pour venger
tant de malheureux , fit mourir plusieurs des
principaux chefs, entre autres Chimalpopo-
catzin, roi de Tlacopan, qui, du consentemeF^
des deux autres rois , eut pour successeur To-
toquihuatzin son fils. Dans la même année,
Tezozomoc fut nommé seigneur d'Atzcapu-
tzalco ; ce fut le premier depuis la destruction
de cette ville, et Cuitlahuatzin fut nommé
seigneur d'Itztacpalapan. Ils étaient tous deux
du sang royal de Mexico.
(i) Le nom d'Ahuilzotl est reslé synonyme de fléau. On dit
encore à Mexico ifulano es mi ahuizote, un tel est mon fléau.
( f^qyez l'appendix à Vcytia, p. 3o3.)
13.
CHAPITRE LXI.
Guerre de Nezahualpiltzintli contre Huehuetzin de Huexot-
zinco. — 11 est Tainqueur et fait son ennemi prisonnier.
On voit dans les histoires que le roi Netza-
hualpiltzintli et Huehuetzin , seigneur de
Huexotzinco^ étaient nés le même jour , à la
même heure, et que les astrologues qui avaient
tiré leur horoscope avaient dit que Netzahual-
piltzintli serait vaincu , mais que cependant
52 HISTOIKE
on chanterait sa victoire. Cet horoscope in-
quiétait ces deux princes, et ils désiraient
sortir de doute. Les frères du jeune roi de
Tezcuco , jaloux de le voir sur le trône qu'ils
avaient ambitionné, entretenaient des intel-
ligences avec son ennemi qu'ils tenaient au
courant de tous ses projets et même de toutes
ses pensées. Ayant donc appris que leur frère
préparait une expédition contre Huexozinco,
ils l'en avertirent ainsi que du nombre de
guerriers qu'il devait mener avec lui et de la
devise qu'il devait porter , recommandant à
Huehuetzin de prendre avec lui ses plus braves
soldats et de chercher avant tout à tuer le
roi , ce qui importait tant à son honneur et à
ses intérêts. Celui-ci réunit en effet les guer-
riers les plus renommés, leur montra la de-
vise que le roi de Tezcuco devait porter dans
le combat, et leur recommanda de s'attacher
à lui et de le tuer , car la vie et l'honneur de
leur chef dépendait de la réussite de ce projet.
Ils le lui jurèrent. Mais heureusement pour
DES GHICHIMEQUES. 53
Nezahualpiitzintli; au moment où le combat
allait s'engager il fut averti du projet de son
ennemi et des intelligences que ses frères
avaient avec lui. Quand il entra dans sa tente
pour se revêtir de son armure, il fit appeler
un de ses capitaines qui lui ressemblait beau-
coup et changea d'armure avec lui , en lui di-
sant qu'il y allait de l'intérêt de la couronne.
Il lui promit de grandes récompenses s'il sur-
vivait à la bataille , et , dans le cas contraire,
d'avoir soin de sa femme, de ses enfants et de
tous les membres de sa famille. Ce capitaine
h remercia de ce qu'il voulait bien lui faire
l'honneur de l'employer à son service, quoi-
qu'il y en eut d'autres plus braves que lui
dans l'armée. Ce capitaine sortit de la tente
environné des principaux seigneurs et alla se
placer au poste qu'occupait habituellement le
roi , pour donner le signal du combat. Le roi,
revêtu de l'armure du capitaine , plaça autour
de lui sept guerriers en qui il avait la plus
grande confiance et qui passaient pour les meil-
54 . HISTOIRE
leurs de l'armée; il choisit un poste d'où il
pouvait facilement attaquer son ennemi corps
à corps. Les Huexotzincas firent une charge
impétueuse et environnèrent en peu d'instants
le malheureux capitaine qui portait l'armure
royale; en un moment il fut déchiré en mille
pièces, car il n'y avait dans l'armée ennemie
ni soldats ni capitaine qui ne voulût avoir un
lambeau de son corps ou de son armure. Les
Tezcucains furent repoussés à plus de deux
cents pas. Les Huexotzincas étaient tellement
aveuglés par la victoire que Netzahualpil-
tzintli trouva le moyen de se trouver face
à face avec Huehuetzin; il l'attaqua comme
un lion furieux , et , après l'avoir accablé
de coups, il le saisit au corps pour l'avoir
vivant et l'emmener captif. Les Huexotzin-
cas, qui se trouvèrent les moins éloignés,
vinrent au secours de leur seigneur, et ils au-
raient réussi à le délivrer si les sept soldats
que le roi avait chargés de sa garde et sept capi-
taines qu'il avait déjà vaincus ne leur avaient
DES CHICHIMBQUES. 55
opposé une vigoureuse résistance en leur criant
deç'éloigner et qu'il fallait laisser les deux rois
vider leurs querelles. Les Tezcucains s'aper-
eevant dans leur retraite qu'ils n'avaient plus
leur roi , firent volte-^face et repoussèrent k
leur tour l'ennemi avec tant de fureur qu'en
un instant ils arrivèrent à l'endroit où Net-
zahuajpiltisintli luttait avec Huehuetzin. Net-
zahualpilt^^intli se voyant isolé et attaqué
de tous tes icôtés , s'était jeté à terre en-
trainant son adversaire sur lui , de soKe
que les ennemis n'osaient le frapper de
crainte de frappier leur chef. Le roi fut ce-
pendant blessé à la jambe dans cette occa-
sion et en resta boiteux toute sa vie. Quand il
vit arriver les siens qui chassaient les enne-
mis devant eux, il se retourna, et ayant placé
son ennemi sous lui il le fit prisonnier. Les
Huexotzincas furent complètement mis en
déroute par les Mexicains qui en tuèrent et
prirent un grand nombre. Netzahualpiltzintli
revint victorieux à Tezcuco et fit dans la ville
56
HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
une entrée triomphante. Cette bataille fut une
des plus remarquables et des plus disputées
qui furent livrées par lui ou ses ancêtres, et
tous les historiens Tout notée comme telle. En
mémoire de cette victoire , le roi fit faire un
enclos aussi long que la distance qui le sépa-
rait des siens quand il se ti^ouva seul au mi-
lieu des ennemis. C'est celui dont j'ai parlé
plus haut comme renfermant des oiseaux, et
qui existe encore aujourd'hui en face du pa-
lais. Les historiens font observer que l'évé-
nement de cette bataille justifia complètement
la prédiction des astrologues.
CHAPITRE LXII.
Action extraordinaire de Teuhchimaltzin , noble du sang royal
de Tezcuco.
Un des plus célèbres guerriers de cette
époque était Teuhchimaltzin, qui descendait
du sang royal de Tezcuco et des empereurs
chichimèques : il avait passé sa vie dans les
conquêtes et dans les garnisons des côtes de la
mer du Sud, de sorte qu'il connaissait par-
58 HISTOIBE
faitement ce pays et ses coutumes et en parlait
la langue aussi couramment que les Naturels,
ce qui l'encouragea à tenter une entreprise
hardie.
Le puissant seigneur de Zacatula nommé
Yopicatl Atonal avait alors la réputation d'un
vaiflant capitaine; plusieurs fois les armées
impériales avaient essayé de pénétrer sur son
territoire, soit ensemble, soit séparément,
mais elles avaient toujours été repoussées sans
pouvoir l'entamer ; mais comme c'étaient les
Aculhuas de Tezcuco qui avaient commencé
cette entreprise d'un côté peu important pour
les Mexicains et les Tecpanèques, ceux-ci les
raillaient toujours à ce sujet. Teuhchiraaltzin,
blessé par ces plaisanteries qui tombaient en
partie sur lui, alla trouver le roi son raaitre
et lui demanda la permission d'entrer sur le
territoire de Zacatula avec quelques marchands
de Tezcuco qui y faisaient ie commerce , pro-
mettant de soumetti^e cette province et d'ame-
ner son soigneur mort ou vif. Le roi ne la lui
DES CHICHIMÈQUES. 59
accorda que malgré lui , car il regardait cette
enti'eprise comme une folie ^ et était convaincu
que Teuhchimaltzin serait certainement tué
ou pris. Cependant il pénétra secrètement^
avec deux marchands en qui il avait toute
confiance y dans le Zacatula^ et prenant ainsi
qu'eux le costume du pays , il se mit à courir
les foires , attendant l'occasion d'exécuter son
projet. Malgré ses précautions il fut reconnu^
arrêté et conduit devant le seigneur du pays,
qui le fit enfermer sous bonne garde, dans
l'intention de le sacrifier à ses idoles lors de
la première fête. Quand elle fut arrivée, le
seigneur invita la veille tous les principaux
chefs à assister à un banquet et à une danse
solennelle qu'ils avaient l'habitude d'exécuter
la nuit. Ils burent tellement, selon l'usage
de cette nation, qu'avant minuit tous les chefs
et tous les officiers du palais étaient complè-
tement ivres. Teuhchimaltzin parvint à s'é-
chapper de l'endroit où il était renfermé , pé-
nétra dans la salle du festin et commença à
60 HISTOIRE
faire toutes les cérémonies qu'il vit faire aux
autres, qui étaient tellement ivres qu'ils ne
s'aperçurent pas de sa présence. Quand ils
furent tous tombés par terre , Teuhchimaltzin
s'approcha du roi et lui coupa la tête avec un
couteau qu'il avait apporté, et la mit dans un
sac ainsi que quelques-uns des joyaux dont le
prince ornait sa personne; il s'échappa ensuite
du palais et regagna en toute hâte la frontière
de l'empire qui n'était pas très-éloignée de ce
côté-là. Quand les nobles de Zacatula furent
revenus à eux et qu'ils se furent aperçus du
coup hardi qu'avait fait leur prisonnier , ils
résolurent de se soumettre à Netzahualpiltzin-
tli. Ils dépêchèrent après Teuhchimaltzin un
envoyé chargé de présents. Quand il fut ar-
rive au poste impérial de la frontière, il l'en-
gagea à revenir sur ses pas et à prendre pos-
session du pays au nom de son maître. Celui-
ci demanda avant tout des otages pour sa
sûreté personnelJe et celle de ceux qu'il mè-
nerait avec lui. On lui donna les fils du der-
DES GHICHIMÈQUES. 61
nier seigneur et plusieurs nobles qui restèrent
entre les mains des officiers tezcucains^ pen-
dant qu'il alla s'emparer de la forteresse de
Zacatula et prendre toutes les mesures ordon-
nées par les lois et les coutumes de l'empire.
Il plaça sur le trône l'héritier légitime , con-
firma les nobles dans leurs domaines et leur
rang, et revint ensuite triomphant à Tezcuco
où il fut très-bien accueilli. Il présenta au roi
la tête et les insignes de Yopicatl Atonal , ainsi
que d'immenses richesses. Le roi le combla
de faveurs, le fit seigneur de plusieurs vil-
lages et lui fit élever dans la ville de Tezcuco
un palais absolument semblable à celui que
Yopicatl Atonal avait à Zacatula. Cet événe-
ment était souvent cité par les rois de Tezcuco
quand ils voulaient détourner leurs sujets et
leurs enfants du vice de l'ivrognerie.
CHAPITRE LXllI.
Guerres et conquêtes de l'empire contre les nations éloignées.
La province de Zapotlan fut conquise dans
l'année Matlactii Orne Tecpatl ou 1A92, et en
1493 celle de Xaltepec qui s'était révoltée. En
1494, Tlacahuepantzin , un des fils légitimes
du roi Axayacatzin de Mexico, fut fait prison-
nier dans un combat, par les habitants d'At-
k «
64 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
lixco et sacrifié aux idoles. En 1495, lai'inée
des Aeulhuas marcha contre Yltepec, mais
elle fut mise en déroute après avoir perdu
beaucoup de monde. En 1496, l'armée réunie
des trois chefs de l'empire marcha contre
Tequantepec; mais elle éprouva une défaite
qui diiginua beaucoup sa réputation. Dieu leur
fit bien voir combien il était irrité de leurs
sacrifices humains , mais il leur réservait en-
core d'autres châtiments. En 1497, ils sou-
mirent les deux provinces d'Amaxtlan et de
Xochitlan.
CHAPITRE LXIV.
Extrême sévérité de NezahualpiUzintli contre son épouse
adultère.
Quand Âxayacatzin et d'autres principaux
seigneurs avaient envoyé leurs filles à Netza-
hualpiltzintli y pour qu'il choisît parmi elles
une reine et une épouse légitime, il avait été
convenu que Ton j>rendrait pour l'héritier du
trône, parmi les enfants de toutes les femmes,
13. 5
66 HISTOIRE
celle qui se distinguerait le plus par ses vertus
et la noblesse de sa race. Parmi elles on remar-
quait la princesse Chalchiuhnenetzin, fille légi-
ti medu roi Axayacatzin .Comme elle était encore
fort jeune, le monarque la fit élever dans un
palais séparé , et lui donna un grand nombre
de personnes pour la servir, comme le mé-
ritait la fille d'un aussi puissant prince que
l'était son père ; aussi avait-elle à ses ordres
plus de deux mille personnes pour la servir.
Malgré sa jeunesse, elle était si rusée et si
diabolique , que se voyant maîtresse absolue
dans son palais , et environnée de gens qui la
craignaient et la respectaient, elle commença
à se livrer aux vices. Quand elle voyait un
jeune homme beau et bien fait elle se le faisait
amener secrètement, et après avoir assouvi
sa passion elle le faisait massacrer. Elle faisait
faire ensuite une statue qui représentait son
portrait, la faisait habiller de riches vête-
ments et l'ornait de bijoux d'or et de pierre-
ries. On la plaçait après cela dans sa salle de
DES CHICHIMÈQUES. 67
réception. Elle avait fait périr un si grand
nombre de jeunes gens que la salle était garnie
presque tout autour de leurs images. Quand
le roi allait la visiter > et qu'il lui demandait
ce que c'était que ces statues ^ elle lui répon*
dait que c'étaient ses dieux , ce qu'il croyait
d'autant plus facilement , que le respect des
Mexicains pour leurs idoles était bien connu.
Mais f comme tes crimes finissent toujours par
être découverts , la reine épai^na ^ par cer-
taines considérations^ trois de ses complices
qui se nommaient Chicuhcoatl , Huitsilibuit-
zin et Maxtla^ dont l'un était seigneur de
Tenayucan et l'un des grands du royaume , et
les deux autres des nobles d'un rang élevéï.
Le roi reconnut sur l'un d'eux un joyau qu'il
avait donné à la reine, et quoi-qu'il ne soup^
çonuàt aucune trahison , cela lui inspira cé*^
pendant quelque défiance. Il alla cette nuit
même la visiter. Les femmes de service lui
répondirent qu'elle reposait, croyant que,
comme à l'ordinaire, il se contenterait de cette
j
68 HISTOIRE
raison ; mais il insista pour pénétrer dans sa
chambre , et quand il s'approcha du lit pour
la réveiller il n'y trouva qu'une statue ornée
d'une chevelure qui ressemblait parfaitement
à Chalchiuhnenetzin. Le roi voyant cette ima-
ge^ et l'effroi qui se peignait sur la figure des
gens du palais^ appela ses gardes et les fit
tous arrêter. On chercha partout la princesse ,
«et l'on finit par la trouver occupée à danser
avec ses trois amants , qui furent jetés en pri-
son ainsi qu'elle. Le roi ordonna aux juges
du tribunal suprême d'examiner cette affaire :
ils découvrirent un grand nombre de com-
plices, tant parmi ses serviteurs que parmi
les marchands et les ouvriers qui avaient
fourni tout ce qui était nécessaire pour l'or-
nement des statues , avaient aidé les amants
de la princesse à pénétrer dans le palais , ou
avaient trempé dans leur assassinat. Quand
l'affaire eut été suffisamment examinée, le roi
de Tezcuco envoya des ambassadeurs à ceux
de Mexico et de Tlacopan , pour les instruire
DES CHIGHIMÈQUËS. 69
de ce qui s'était passé , et leur annoncer
le jour où répouse adultère devait être punie
avec ses complices. Il fit aussi ordonner à
tous les seigneurs du royaume de se rendre
à Tezcuco avec leurs femmes et leurs filles ,
quelque jeunes qu'elles fussent , afin qu'elles
assistassent à ce grand exemple. Il fit aussi
une trêve avec tous les ennemis de Terapire ,
afin qu'ils pussent y venir librement. Au joui*
fixé , il arriva à Tezcuco une si grande .quan-
tité d'étrangers , que la ville , malgré sa vaste
étendue^ pouvait à peine les contenir. La
sentence fut exécutée publiquement, et Ton
étrangla la reine et ses trois amants ; mais ,
par considération pour leur noblesse , leurs
cadavres furent brûlés avec les statues dont
j'ai parlé. Leurs complices, qui étaient au
nombre de plus de deux mille , furent aussi
étranglés. On jeta leurs cadavres dans une
fosse creusée dans un ravin près du temple
du dieu qui punit les adultères.
Cet exemple sévère obtint l'approbation gé-
70 HISTOIRE DES CHICHIMSQUES.
nërale; mais les seigneurs mexicains, parente
de la reine , furent offensés qu'il eût été si
public. Mais, sans montrer leur colère, ils
résolurent de se venger quand ils en trou*-
veraient l'occasion. Ce ne fut pas sans une
causé secrète que le roi éprouva un pareil
afiront > car il fut puni ainsi des moyens in-
dignes dont le roi son père s'était servi pour
obtenir sa mère pour épouse.
CHAPITRE LXV.
Nouvelles conquêtes des armées impériales.
Les guerriers de l'empire étaient tellement
impatients de soumettre de nouveaux pays et
de nouvelles nations^ qu'ils auraient cru se
livrer à une honteuse oisiveté , s'ils n'avaient
pas entrepris quelque expédition y tant pour
acquérir de la gloire que pour mériter les ré-
72 HISTOIRE DES GHIGHIMEQUES.
compenses que leurs souverains leur accor-
daient généreusement , et rapporter de riches
dépouilles. Ils allèrent donc attaquer la pro-
vince de Tehuantepec où ils avaient éprouvé
plusieurs défaites^ et qui était une des plus
riches et des plus puissantes de la côte. Us
pénétrèrent dans ce pays et assiégèrent une
des villes les plus considérables qui se nom-
mait Amixtloapan ; ils la prirent et la sac-
cagèrent après avoir tué plusieurs milliers
d'ennemis; et cette nation, qui s'était tou-
jours vaillamment défendue, futcomplétement
abattue. L'année suivante , Chicome Tecpatl ,
ou 1 500 , ils marchèrent contre la province
de Xaltepec qui s'était révoltée de nouveau ,
et la saccagèrent tellement qu'elle n'osa plus
remuer, quoiqu'on lui imposât un double
tribut , comme on le faisait à toutes celles qui
essayaient de secouer le joug de l'empire.
CHAPITRE LXVI.
Grande inondation de la ville de Mexico causée par une source
nommée Acuecuezatl (i).
On voit par les histoires que même les ëlé^
ments paraissaient demander vengeance à
Dieu , et se soulevaient contre le roi Âhuizot*
(i) Vcjrtz sur les inondations de Mexico Relacion de la
inundacion de Mexico y del desague que hizo el Virey Mar-
ques de Montesclaros. Mexico, 1 6 1 1 .
n
74 HISTOIRE
zin qui se montrait si dévoué au culte des
idoles. Il voulut à cette époque amener à
Mexico y par un aqueduc construit en ma-
çonnerie , Teau d'une source nommée Acue-
cuexatl , près de Huitzilopochco dans la pro-
vince de Cuyoacan. Mais quand Taqueduc
fut ouvert, il en sortit une telle abondance
d'eau qu'elle passait par dessus les murs des
maisons de la ville , de sorte qu'elle fut inon-
dée en un instant ; une grande partie des ha-
bitants furent noyés. Les vagues arrivaient
avec tant de force de l'autre côté du lac, que
tout le monde était rempli de terreur, et tous
ceux qui purent s'échapper abandonnèrent la
ville. Le roi qui se trouvait dans une salle
basse de ses jardins la quitta avec tant de
hâte qu'il se frappa là tête contre une porte,
et fut si dangereusement blessé qu'il en mou^
rfit au bout de quelque temps. Si iJès servi--
teurs n'étaient pas venus à son secours , il eût
été nové. 11 envova des ambassadeurs à Net-
zahualpiltzintli pour le prier de lui envoyer
DES GHICHIMÈQUES. 75
du secours^ afin de Taider à relever la ville de
Mexico. Celui-ci fut ravi de trouver une oc-
casion d'être utile aux Mexicains^ parce qu'il
espérait par là faire cesser la rancune qu'ils
conservaient contre lui à cause de la mort de
leur princesse. Il envoya à Huizilopochco
tous les architectes de son royaume avec une
quantité d'ouvriers et de canots chargés de
pievix, de pierres, de chaux et d'autres maté-
riaux, entra lui-même dans le goufre d'où
sortait l'eau pour l'examiner, et le fit bou-
cher par une forte muraille en maçonnerie.
L'eau s'écoula ensuite peu à peu de la ville
de Mexico où le roi se rendit pour consoler
Ahuitzotzin et l'aider à réparer le dégât.
CHAPITRE LXVII.
NetzahualpiUzintli apaise nne qnerelle entre les princes
AcapioUzin et Xochiquetzaltzin ges frères. — 11 punit
séTerement quelques-uns de ses fils.
J'ai déjà dit, dans la vie de Netzahualcoyot-
zin, que les deux princes Acapioltzin et
Xochiquetzaltzin avaient entrepris la con-
quête de la province de la Guastèque , l'un
comme capitaine général de l'armée, et l'autre
comme commandant le secours qui lui fut
78 HISTOIRE
envoyé. Ce dernier manœuvra si bien qu'il
fit seul la conquête de cette province. C'est
pourquoi les poètes de cette époque , en célé-
brant cette guerre, vantèrent ses actions
héroïques, en même temps que celles de son
frère , qui , quoique capitaine général , arriva
trop tard, et n'eut aucun droit, malgré
quelques faits d'armes, de revendiquer la
gloire de cette conquête , qui à bon droit ap-
partenait tout entière à son frère Acapioltzin.
Mais comme cette question n'avait pas été
décidée , toutes les fois qu'il y avait une fête,
les musiciens que chacun des deux frères en-
trenait dans son palais, chantaient cette vic-
toire en l'honneur de leur maître, et quand
ensuite ils se réunissaient sur la grande place
pour célébrer la danse solennelle, il s'élevait
des querelles entre eux, leurs amis et leurs
alliés : enfin les choses en vinrent au point
qu'il s'engagea un combat, et qu'il y aurait
-eu un grand nombre de morts des deux
côtés, si le roi Netzahualpiltzintli n'avait évo-
DES GHIGHIMÈQUES. 79
que le jugement de cette affaire. Il fut décidé
que c'était au prince Acapioltzin que Ton
devait la victoire. La première fois que l'on
céld>ra une fête, le roi, sans les avoir pré*
venus, se rendit sur la place suivi des grands
du royaume , et se dirigeant du côté où était
Acapioltzin, il lui donna la place d'honneur,
et dansa avec lui et les seigneurs qui l'accom-
pagnaient. Xochiquetzaltzin voyant cela se
retira avec ses amis et ses musiciens , et n'osa
jamais renouveler cette querelle. Le roi or-
donna que ce chant fût nommé Teotlan
Huastecayotl , c'est-à-dire chant de la con-
quête de Huasteca, appartenant à la maison
de Teotlan.
Ce fut avec cette sagacité que le roi apai-
sa cette querelle et d'autres qui s'élevèrent.
Quand il le croyait nécessaire , il faisait exé-
cuter les lois dans toute leur rigueur sans
même épargner ses enfants, comme il le fit
à l'égard du prince Huexotzincatzin , son fils
aîné, qui devait hériter de l'empire. Celui-ci ,
L .
80 HISTOIRE
qui parmi d'autres talents en avait un très-
grand pour la poésie , composa une épître à
la dame de Tula , qui était la concubine favo-
rite de son père. Comme elle cultivait aussi la
poésie, elle lui fit une réponse en vers, et
cela amena entre eux une espèce de corres-
pondance qui fit supposer qu'il la courtisait.
Les juges examinèrent cette ajBTaire qui, d'a-
près les lois , était regardée comme un crime
de haute trahison et punie de mort. Quoique
le roi son père l'aimât beaucoup , il fit exé-
cuter la sentence. Le roi fut tellement a£Qigé
de la perte de son fils qu'il fit murer les
portes et les fenêtres du palais qu'il habitait :
c'est pourquoi on le nomma Ixayoc. Netza-
hualpiltzintli châtia aussi sévèrement son se-
cond fils nommé Iztacquauhtzin, parce que, de
son autorité privée et sans autorisation , il
avait fait construire un palais sans l'avoir
mérité par aucun fait d'armes ; car les lois ne
permettaient à personne , même à l'héritier
de la couronne, de faire construire un palais
bES CHIGHIMÈQUES. 84
OU de porter un bandeau de plumes avant
d'avoir assiste à quatre batailles , et pris de
sa main quatre guerriers célèbres. Il fallait
aussi pour cela qu'il eut étudié les sciences^
qu'il fût philosophe ^ orateur ou poète , ou
du moins qu^il se distinguât dans quelque art
mécanique , et quand on avait rempli toutes
ces conditions , il fallait encore avoir obtenu
la pa:*mission du roi y ou l'on était puni de
mort^ comme cela arriva au prince Iztac-
quauhtzin.
Netzahualpiltzintli fit pendre un juge nom-
mé Ce Quauhtzin^ parce qu'il avait écouté des
plaidoiries et prononcé des jugements dans
sa maison. Cela était sévèrement défendu
aux juges ^ ainsi que de recevoir des présents.
Les procès ne devaient être décidés que dans
les salles du palais , en présence de tous les
juges. Us siégeaient depuis le matin jusqu'à
midi y prenaient leur repas dans le palais et
continuaient de siéger jusqu'au coucher du
soleil. Us ne suspendaient leurs audiences
13. 6
82 HIStOIEfi
qu'à rëpoque des fêtes solennelles , pour
causé de maladies ou pour d'atitt^s motifs
graves. Un autre juge ayàtit (hit traitier uki
procès en longueur, le roi le fit conduire à sa
maison , dont on mut^a la pointe principale ^
de sorte qu'il tie pouvait plus eti èôHit* ^ue
pat* une petite pottè de derrière* Il lui dé-
fendit eti dutre de reparaître au palais ,
ou d'avoii^ aucun rapport avec les autres
membres du tribunal. Il fit tuer une de
ses filles pour avoir parlé au fils dfun ^i-^
gneuf , et deux de ses concubines pour
avoir bu du vin que Ton ne regardait que
comme Un remède , et dont l'usage était
défendu aux femmes sou* peine de la vie.
Il fit |]iendre un juge poiU* avoir favorisé
un noble contre un plébéien ; fit revoir
le procès , et juger en faveur du pauvre.
Deux de ses -fils s'attribuèrent des prison-
niers qui avaient été faits par leurs sol-
dats , quoiqu'ils fussent revenus couverts
«
de blessures qui prouvaient leur valeur;
DES GHICHIMÈQUES. 83
il les fit étrangler après les avoir fait gué-
rir. C'était la peine que la loi prononçait
contre ceux qui s'attribuaient les captifs d'au-
trui.
CHAPITRE LXVIÏI.
NetzahualpiltzinlH améliore la législation et radininistratioà
de la justice.
Outre les Juges dont j'ai parlé, les rois de
Tezcuco avaient des espèces de secrétaires
qui peignaient avec grand soin les procès qui
étaient portés à l'audience , et en faisaient le
rapport au roi et aux juges, de sorte que les
affaires méine les plus importantes étaient
86 HISTOIRE
conduites avec beaucoup d'ordre jusqu'à la
sentence définitive , qui devait être approuvée
par le roi ; mais quelque importante que fût
l'affaire, elle ne devait pas durer plus de
quatre-vingts jours. Le» autres étaient expé-
diées sommairement.
Un de ces secrétaires rapporta au roi que
le tribunal criminel avait condamné à la
potence deux adultères , dont l'un était mu-
sicien et l'autre soldat. Les présidents des
quatre conseils , auxquels on avait soumis la
révision de ce jugement, comme on le faisait
dans toutes les affaires graves, l'avaient con-
firmé. Il ne restait plus que l'approbation du
roi qui , prenant le pinceau des mains du se-
crétaire, tira une barre noire sur la figure
qui représentait le musicien et ^argna le
soldat. Le secrétaire rapporta la peinture aux
présidents des conseils qui, pensant que le roi
avait violé les lois en épargnant ses soldats ,
vinrent pour lui faire des représentatioiis et
l'engager k exécuter ce que son père et ses
DES GlilQHlIlÈQUES. 87
ancétrei^ avaient ordonné* IVeUahualpiltzintli
«
leur répondit que &on devoir était non-
^ulement de faire eicécuter le3 lois , mais de
les améliorer , et que dorénavant il ordonnait
que toutes les fois qu'un soldat ou un homme
!en état de jporler les armes mmmettrait up
adultère ^ il serait reloué ^ pour la vie, dans
les garnisons des frontières de l'empire ; que
cette punition serait suffisante et qu'elle pro-
fiterait à l'État; dont un soldat devait être le
défenseur. Il abolit aussi la loi qui condam-
nait les fils des esclaves à suivre la condition
de leurs pères ; csar il y en avait auasi quel-
quesHuns de ce genre , et ordonna qu'à l'a-
venir ils jouissent de la liberfaé naturelle que
Dieu leur avait donnée.
]Ke|zai3£ialpi)teintli punit ausisi sévèrement
l'insolence de plusieurs seigneurs ^ et sut se
jfaire craindre et respecter. Ayant demandé à
J'un des princes aes frères de lui donner une
de ses filles pour la placer parmi ses concu-
bines , celui-ci la lui refusa nettement ^ quoi-
88 HISTOIRE
que ce fût la coutume que les rois et les
seigneurs prissent leurs parentes et leurs
cousines au delà du second degré pour les
placer au nomhrede leurs femmes, ce qu'elles
regardaient comme un grand honneur, puis-
que leurs enfants pouvaient hériter du trône
à défaut de descendants légitimes , et rece-
vaient au moins la seigneurie de quelque ville.
Quelque temps après , le roi pria son frère de
lui donner un instrument de musique nom-
mé teponazdi , qu'il avait eu pour sa part de
dépouilles dans une conquête et qui passait
pour le meilleur du pays ; il rendait un son
doux et harmonieux, quoiqu'on l'entendit à
la distance de deux ou trois lieues , et plaisait
beaucoup au roi, qui ofirit de donner en échan-
ge plusieurs villages et d'autres présents qui en
excédaient de beaucoup (a valeur. Mais le prince
le lui refusa encore sans même prendre la
peine de s'excuser. Le roi alors le lui fit
enlever de force , et fit saccager et démolir sa
maison comme celle d'un homme rebelle et
DES GHIGHIMÈQUES. 89
désobéissant. Le roi fit ensuite placer ce te-
ponaztli dans la salle des armes ^ comme une
dépouille conquise à la guerre , et ordonna
qu'on ne s'en servît que dans les fêtes et les
occasions solennelles. Plus tard, les religieux
de Saint-François le firent mettre en pièces
et brûler , parce que les Indiens avaient pour
lui une espèce de vénération. Cet exemple
efiraya tellement les frères du roi que depuis
cette époque ils n'osèrent lui résister ni rien
tramer contre lui.
11 châtia aussi sévèrement la femme d'un
gentilhomme de la ville nommé Teanatzin,
qui , se trouvant dans une danse avec le roi ,
se prit d'une si folle passion pour lui qu'elle
osa lui déclarer ses sentiments. Le roi la fit
entrer dans son appartement, mais ayant
appris , après en» avoir joui , que c'était une
femme mariée , il la fit étrangler , et fit pré-
cipiter son corps dans un ravin où l'on jetait
les cadavres des adultères , et il fit renvover
au père ses enfants qu'elle avait amenés avec
90 HISTOIRE
elle^ en yjqignant de grands présents et des
femmes pour les servir. Ce gentilhomme qui
aimait beaucoup sa femme parce qu'elle était
très»-belle, dit tristement aux messagers du
roi : (f Pourquoi le roi m'a-*-t-il pris mon
j), épouse ? pourquoi l'a-ft-il fait tuer? ne
i) ya)ait-^il pas mieux la laisser vivre et me la
i) rendre^ à moi qui Taimais tant. » Le roi,
instruit 4e oes plaintes ^ fit plonger ee gentil-*
homme dans un cachot ^ avec Tintefition de le
punir sévèrement du peu de cas qu'il faisait de
son honneur. Il y resta enfermé pendant fort
longtemps et y composa un chant fort tou-
chant^ où il racontait ses malheurs. Comme
quelques-uns des musiciens étaient ses acpis^
ils trouvèrent moyen de le chanter dans une
fête, en présence du roi. La poésie en était si
touchante que le roi en fut tout ému y et qu'il
le fit remettre en liberté et conduire devant
lui. Alors il lui expliqua la raison qui l'avait
déterminé à faire exécuter son épouse , qui ,
sans qu'il le sut, lui avait fait violer les lois
DES GHIGHIMÈQUES. 91
du royaume y et l'avait si bien trompé par la
douceur de ses paroles, qu'il n'avait su que
c'était une femme mariée qu'en apercevant
ses enfants. Après lui avoir dit tout ce qu'il
put pour le consoler, il lui donna une belle
vierge pour épouse, et lui fit beaucoup de
présents. Quand on tira ce seigneur de prison
sçs cheveux avaient tellement grandi et blan-
chi qu'on l'aurait pris pour un sauvage.
CHAPITRE LXIX.
Naissance du valeureux prince IitliliLOchitl , et ce qu il fit
pendant son enfance.
Rien n'est plus admirable que les c&uvres
de Dieu et la sagesse mystérieuse avec laquelle
il dispose toute chose; c'est ce que Ton remar-
que principalement à la naissance des princes,
comme cela eut lieu surtout à celle du prince
Ixtlilxochitl , qui arriva dans les deux pre-
94 HISTOIRE
miers mois de l'année 1 500, presqu'à la même
époque où naissait dans la ville de Gand l'in-
vincible et puissant empereur D. Carlos , notre
seigneur de glorieuse mémoire. C'est aussi une
coïncidence très-remarquable que la naissance
de D. Fernand Cortez , premier marquis de la
vallée d'Oaxaca, qui arriva quinze ans aupar-
ravant , en 1 485 , à la même époque que celle
de l'hérésiarque Martin Luther, de ce Cortez
qui devait faire autant de bien à notre sainte
religion que l'autre lui a fait de mal.
11 y eut à la naissance d'Ixtlilxochitl une
foule de présages qui annoncèrent ce qu'il de-
vait être à l'avenir ; entre autres choses que les
astrologues et les devins annoncèrent à son
père, ils lui dirent qu'un jour le prince in-
troduirait de nouvelles lois et de nouvelles
coutumes; qu'il serait l'ami d'une nation
étrangère et l'ennemi de la sienne et de son
pix)pre sang$ qu'il vengerait un jour tous les
captifs que l'on égoi^eait et détruirait la reli-
gion, les dieux et les rites du pays* Ils voulu-
DES CHIGHIMBQUES. 95
rent déterminer le roi son pét*e à lui ôter la
vie; mais celui-H:i répondit qu'il ne fallait pas
s'opposer aux desseins de Dieu> créateur de
toutes choses 9 qui avait fait naitM ce fils
quand le monient approchait où devaient
s'accomplir les prophéties de ses ancêtres.
Elles annonçaient qu'il viendrait de nouvelles
nations s'établir dans le pays; que ce seraient
tes ûh de Quelt^alcoatl qui devaient venir du
côté de l'Orient. Ce fut aVec cette réponse
qu'il congédia les devins cpii lui donnaient ce
conseil* Dès son enfance , Ixtlilxochitl montra
tant d'esprit et de vivacité qu'on voyait bien
oe qu'il Serait un jour. Il faisait l'admiration
des femmes qui étaient chargées de son édu-
cation. A l'âge de trois ans^ il tua sa nourrice
de la manière suivatite : voyant qu'elle se
faisait faire la cour par un seigneur^ il la pria
de lui donner à boire^ Cette femme étant
obligée de se pencher au-dessus du puits pcmr
en tirer de l'eau avec Une corde, il profita de
ce moment pour l'y foire tomber; comme le
96 HISTOIRE
puits était très^troit , elle s'y noya ^ malgré led
efforts que l'on fit pour venir à son seoours.
L'enfant y au contraire^ se mit à ramasser des
pierres pour les lui jeter. Tout étonné de cette
conduite , on le mena devant le roi , qui lui
demanda pourquoi il avait tué sa mère qui
rélevait et lui donnait son lait. L'enfant , sans
se troubler, lui répondit que , dans les quatre^
vingts lois qu'il avait entendu lire, il était
défendu de faire la cour aux dames et aux
servantes du palais , ni à elles de s'y prêter
sous peine de la vie , et que , voyant sa mère
s'entretenir avec un noble, il l'avait tuée pour
obéir à la loi. Le roi avant vérifié le fait, fut
tout étonné de cette conduite dans un enfant
si jeune.
Quand Ixtlilxochitl eut atteint l'âge de sept
ans, il commença à former un bataillon de
jeunes garçons. Il fit faire par ses maîtres
des pelotes et des flèches de glayeul et de
jonc, qui lui servaient de munitions. Sou-
vent, quand il venait à en manquer, il pre-
DES CHICHIMCQUES. 97
liait des cailloux et en. blessait un grand
nombre y qui s'en allaient en poussant de
grands cris et faisant un tel tapage que cela
troublait la tranquillité de la ville. Le roi était
fort mécontent de cette conduite , et en faisait
des reproches à ses maîtres. Deux seigneurs
conseillèrent au roi de le faire mourir , lui
représentant qu'un prince qui se montrait
aussi turbulent dans son enfance, compro-
mettrait un jour la tranquillité de ^'empire par
son ambition ; qu'il chercherait à dépouiller ses
frères et les autres seigneurs. Sans vouloir
suivre ce conseil , le roi , qui était fort mécon-
tent de ce désordre , fit venir les maîtres du
jeune prince, et les réprimanda sévèrement.
Ceux-ci firent des représentations à leur élève
et le supplièrent d'éviter d'irriter son père, lui
l'acontant le conseil qui lui avait été donné; ils
ajoutèrent qu'il pourrait en coûter la vie non-
seulement à lui, mais à ceux que l'on accu-
serait de ses déportements. Ixtlilxochitl prit
une nuit quatre jeunes gens de sa garde, à la-
13. * 7
98 HISTOIRE
quelle il enseignait Tart militaire et qui avaient
toute sa confiance, et il se rendit avec eux
chez ces conseillers, qu'il fit appeler comme
s'il avait eu à les entretenir de quelque affaire
importante. Dès qu'ils arrivaient, ces gardes
les saisissaient, les étranglaient et les pen-
daient ensuite. Quand on les trouva le lende-
main dans cet état , on alla prévenir le roi ,
qui fit appeler le prince et lui demanda ce
qui l'avait excité à commettre un pareil crime
et à assassiner ses conseillers. Ixtlilxochitl lui
répondit : Seigneur, je ne les avais jamais
offensés, et cependant ils ont tramé ma perte;
si vous n'aviez pas été si sage et si prudent,
leurs conseils m'auraient coûté la vie, et ce-
pendant je n'ai violé ni les loi§ ni vos ordres.
Si je suis belliqueux et si j'aime la guerre,
c'est la vertu que, par-dessus toutes les autres,
on aime dans vos États. C'est donc une injus-
tice de vouloir réprimer mon caractère et une
cruauté de souhaiter la mort à qui ne vous a
pas offensé. Je n'ai donc fait que prendre
DES CHICHIMÈQUES. 99
l'avance sur eux en leur ôtant la vie, puis-
qu'ils demandaient ma mort; dans tous les
cas, je suis le seul coupable, car mes servi-
teurs , en m'accompagnant , n'ont fait que ce
qu'ils devaient à leur maître. Le roi trouva
ces raisons si justes et si bien fondées, qu'il
ne lui imposa aucun châtiment, d'autant plus
que cette conduite ne partait pas d'un senti-
ment bas, mais d'une fierté de caractère qui
annonçait ce qu'il serait un jour. Le roi se
contenta donc de lui dire de prendre garde a
lui, et que, si le conseil que Ton avait attribué
à ces seigneurs ne s'était pas trouvé véritable,
il lui en aurait coûté la vie. Ixtlilxochitl n'avait
alors que dix ou douze ans. Quand il en eut
quatorze, il alla combattis dans les champs
de TIaxcallan et de Huexotzinco, où il fit des
merveilles, de sorte qu'à l'âge de dix-sept
ans il portait déjà le bandeau et les insignes
de vaillant capitaine. Vers cette époque, Netza-
hualpiltzintli vint à mourir, et Ixtlilxochitl
s'opposa à l'élection du roi Caniaca, son frère.
CHAPITRE LXX.
Mortd'Ahuitzotzin, roi de Mexico. — Le fameux Motecuhzoma ,
deuxième du nom , Ini saccède.
La blessure du roi Âhuitzotzin était si
grave , que tous les soins que Ton en prit fu-
rent inutiles , quoiqu'on lui enlevât plusieurs
esquilles du crâne. Sa mort fut pleurée par
tous ses sujets , et on lui fit des obsèques
somptueuses , suivant le rit mexicain. Netza-
102 HISTOIRE
hiialpiitzintli et Totoquihuatzin se réunirent
ensuite avec les électeurs pour lui donner un
successeur. Ceux-ci avaient jeté les yeux sur
le prince Manilmalinaltzin, l'aîné des fils lé-
gitimes du roi Axayacatzin et gendre de Net-
zahualpiltzintli. Mais celui-ci s'opposa à cette
élection, parce qu'il ne lui parut pas réunir
les qualités nécessaires pour une dignité aussi
élevée, sans se laisser influencer parce qu'il
était son gendre, époux de sa fille légitime
Tiyacapantzin. Son influence sur les électeurs
leur fit donc préférer Motecuhzoraa , qui était
alors grand -prêtre du temple de Huizilo-
pochtli; choix dont il eut bien à se repentir,
comme on le verra par la suite de cette his-
toire. Quand on eut prêté serment, selon la
coutume, au nouvel empereur, on célébra des
fêtes et des réjouissances en son honneur.
Motecuhzoma fut couronné le jour de Ce
Cipactli, neuvième du mois Toxcatl,qui était
le quatrième dans l'année Matlactli Ome AcatI,
ce qui correspond au 24 mai 1503; c'était
DES CHIGHIMÈQUES. 103
Tanniversaire de celui du grand Motecuhzoma^
son bisaïeul* Le roi Ahuitzotzin avait épousé
Tiyacapantzin y fille de Moquihuitzin , dernier
roi de Tlatelolco, dont j'ai raconté la fin mal-
heureuse, et d'une fille du grand roi Netza-
hualcoyotzîn ; il en eut le vaillant Quauhte-
mozin , dernier roi de Mexico y sur qui cette
ville fut conquise y et qui, après avoir reçu le
baptême , prit le nom de D. Fernando, et d'au-
tres fils nommés Tlacadlel, Motecuhzoma,
CitlalcoatI, AzcacoatI, Zoyetzin, Quauhtzi-
mitzin, Xiconoc, Atlixcatzin, Macuilmalina,
Acamapich, Huitzilihuitl , Machimalcoyatzin
et Tehuecuetzin. D'après l'opinion commune
et les relations les plus véritables, le grand
Motecuhzoma épousa Tayhualcan , fille de
Totoquihuatzin , roi de TIaeopan, 11 en eut
trois filles : l'ainée, Miahuaxochitzin, reçut au
baptême le nom de dona Isabelle; la wSeconde
celui de doria Mariana. Il eut encore plusieurs
fils, tels que don Pedro Tlacahuepantzin ,
Tlihuitlmocatzin , Axayaco , Totepehualox et
104 HISTOIRE
Ghimalpopocatzin. Doiia Isabelle se maria
trois fois : la première, avec Âlonso Grado^
gentilhomme, natif d'Alcan tara , et l'un des
pi*incipaux chefs de la conquête; ce mariage
se fit par ordre de D. Fernand Cortez. Elle
épousa en secondes noces D. Pedro Gallégo ,
dont elle eut un fils nommé D. Juan d'An-
drada , de qui descend la maison d'Andrada ;
et enfin, en tix)isièmes noces, D. Juan Gano,
de qui descend la maison de Cano. D. Pedro
Tlacahuepantzin se maria deux fois à la face
de notre mère la sainte Église ; mais il n'eut
pas d'enfants. Sa sœur, dona Isabelle, attaqua
son premier mariage, parce qu'il avait épousé
sa cousine germaine sans dispenses de Sa
Sainteté, D. Pedro alla en Espagne pour ob-
tenir les dispenses nécessaires et pour d'autres
afiaires ; mais il y resta si longtemps que sa
femme, le ci^oyant mort, se remaria à Mexico*
D. Pedro, avant reçu cette nouvelle en débar-
quant à la Vera-Cruz , ne parla pas des dis-
penses qu'il apportait, et se rendit àTezcuco,
DES GHICHIMÈQUES. 105
OÙ il épousa dona Francisca, filie aînée et
légitime de D. Pedro Tetlahuehiuzquitiltzin ,
seigneur de cette ville. Dona Isabelle l'ayant
appris 9 s'opposa de nouveau à ce mariage, à
cause de celui que son frère avait contracté
antérieurement ; de sorte que D. Pedro vécut
séparé de ses deux femmes et n'eut que des
«
fils naturels; l'ainé, don Martin Motecuhzoma,
hérita de son majorât et n'eut pas d'enfants
de sa cousine dona Maria Axayacatzin , dame
d'Iztacpalapan. Le majorât retourna donc au
second fils, D. Luis Quyahuitzin, qui passa
en Espagne et y a laissé de la postérité.
I
CHAPITRE LXXI.
De dÎTers ëvénemenU qui , d'après les annales , eurent Heu
à cette époque.
L'année qui suivit leâacre de Motecuhzoma,
c'est-à-dire en 1 504 , Tehuchuetzin , seigneur
de la province de Quauhnahuac, mourut, et
eut pour successeur Itzcoatzin. Dans les deux
années suivantes , Mactlactli Orne Calli et Ce
lochtli, c est-à-dire 1505 et 1506, la disette
1 08 HISTOIRE
fut excessive , parce que les récoltes manquè-
rent partout, excepté dans la province et les
montagnes de Totonocapan; c'est pourquoi
cette famine est désignée sous le nom de Nè-
totocahuiloc, c'est-à-dire, la famine à laquelle
Totonocapan a remédié. Netzahualpiltzintli ,
Motecuhzoma et Totoquihuatzin ouvrirent
leurs greniers et vinrent au secours de leurs
sujets. Ce fut dans cette même année de 1506
qu'on fit la conquête de la province de Yoco-
tan , et en 1 507 celle de Tototepec. Ce fut dans
cette dernière que périrent Ixtlilquechahuac et
Huitzilihuitzin, seigneurs mexicains. En 1 508,
le prince Macuilmalinaltzin, héritier légitime
du trône de Mexico, fut tué dans une bataille
contre ceux d'Atlixo. D'après l'opinion com-
mune, c'était un coup monté entre eux et
Motecuhzoma, qui voulait détruire une occa-
sion de troubles et qui leur donna les moyens
de le tuer. Il périt dans le même combat un
autre seigneur mexicain nommé Izicqua-
quatzin, et 2,800 hommes. Netzahualpiltzintli
DES GHICHIMÈQUES. 109
fut très-irrité de la mort de son gendre et
composa^ à cette occasion^ un chant nommé
JVenehualizcuicatl , ou le chant des fourberies
et des trahisons. Il sentit alors combien il'
s'était trompé, et le tort qu'il avait eu d'en-
lever la couronne à l'héritier légitime pour la
donner à un homme qui était un loup sous
une peau de mouton j car après la mort de
Macuilmalinaltzin , Motecuhzoma commença
à montrer son orgueil : il remplaça par ses
créatures tous les membres du conseil qui
avaient été nommés par son père ou par son
oncle, et poussa la vanité jusqu'à ne plus re-
garder comme dignes de le servir quelques
braves soldats sortis du peuple, qui par leur
vaillance étaient montés au rang de capitaine
ou à d'autres emplois. Il exila les unsetfitpérir
les autres. Dans la même année, Tliltecraoct-
zin hérita de Huexotla après la mort de Cuit-
lahuatzin. L'année suivante, on fît la con-
quête de la province de Yopatepec. Vers la
même époque, Netzahualpiltzintli punit d'une
110 HISTOIRE I>BS CHIGHIMÈQUES.
manière exemplaire TesEOzomoe^ seigneur
d' Atzcaputzalco , qui s'était rendu coupable
d'adultère. Les juges mexicains ^ pour com-
plaire à Motecuhzoma^ s'étaient contentés de le
condamner à l'exil et sa maison à être sacca-
gée ; les Tecpanèques ajoutèrent k la sentence
qu'on lui couperait le bout du nez. Mais le
roi de Tezcuco , qui devait prononcer en der-
nier ressort , cassa cette sentence et oixlonna
que , d'après ies lois de son père , il serait
étranglé et son corps livré aux flammes , ce
qu'il fit aussitôt exécuter , quoique Motecuh-
zoma se montrât grandement offensé de cette
sévérité.
CHAPITRE LXXII.
De quelques signes et présages qui annoncèrent la destruction
de l'empire.
En l'amiëeMacuilli Tochtli ou 1 54 0, on aper-
çut du c6té de l'Orient une grande pyramide
de lumière qui paraissait lancer des flammes ^
ce qui répandit le plus grand effroi dans le
pays. Les plus savants dans l'astrologie et la
divination ne savaient que dire : ils avaient
112 HISTOIRE
cependant^ d'après leurs histoires , une notion
confuse que le temps approchait où devaient
s'accomplir les prophéties de Quetzalcoatl
et des anciens sages. Les deux plus in-
quiets étaient Motecuhzoma et Netzahualpil-
tzintliy qui devaient naturellement le plus
souffrir de la destruction de l'empire. Comme
le roi de Tezcuco était très-instruit dans toutes
les sciences, et surtout dans l'astrologie , il
vit par là et par les prophéties de ses ancêtres
que sa perte approchait : il ordonna donc aux
commandants de ses armées d'interrompre
les hostilités qu'on entretenait toujours avec
les habitants de Huexotzinco, Tlaxcallan et At-
Hxco, afin de tenir les guerriers en haleine et
d'avoir des victimes pour les sacrifices. 11
voulut aussi que ceux qui étaient chargés de
la garde des frontières se contentassent de
les protéger sans faire des incursions dans
le pays ennemi , car il avait résolu de passer
dans le repos le peu de temps qui lui restait à
régner. Motecuhzoma avait le plus grand désir
DES GHIGHIMÈQUES. 113
de le consulter sur tous ces présages; mais ils
étaient trés-mal ensemble ; car le roi de Tez-
cuco ne pouvait lui pardonner la mort de son
gendre , et il n'était pas moins irrité du châ-
timent sévère que l'on avait fait subir à Chal-^
chiuhnenetzin sa sœur, au prince Huexot-
zincatzin son neveu , ainsi qu'à son beau-
père^ le roi Tezozomoc d'Atzcaputzalco. Les
deux rois eurent une entrevue j et après avoir
apaisé leurs anciennes querelles , ils se con-
sultèrent sur les maux dont le ciel les mena-
çait. Le roi de Tezcuco dît que tout devait
s'accomplir sans qu'il y eût moyen de l'em-
pêcher; et pour prouver à son collègue le
peu de cas qu'il faisait de ses États , il offi^it
de les lui jouer à la balle contre trois coqs
sauvages , dont il ne prendrait que les ergots
s'il les gagnait ; la partie commença: donc et
Motecuhzoma ayant gagné deux points était
tout joyeux voyant qu'il ne lui en manquait
plus qu'un pour être souverain des Acuihuas.
Mais le roi de Tezcuco qui lf| avait perdus à
13. 8
114 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
dessein lui dit qu'il n'était pas encore maître
de l'empire , et qu'il allait lui faire voir com-
bien les choses de ce monde étaient chan-
ceuses et périssables ^ puisqu'il allait perdre
là partie au moment où il la croyait gagnée.
Motecuhzoma ne put^ en effets malgré tous
ses efforts , gagner le point qui lui manquait,
et son adversaire en marqua trois de suite.
Après ce triomphe , le roi de Tezcuco rentra
dans sa capitale. Cependant on voyait tous les
jours de nouveaux signes et de nouveaux pré-
sages qui annonçaient la chute de l'empire.
»»•»
CHAPITRE LXXIII.
Révolte de quelques proTinces conquises , et autres éyénements.
Le désir que le roi Netzahualpiltzintli avait
de passer en paix le peu de temps qui lui
restait à régner lui fit le plus grand tort, car
l'oisiveté des guerriers causa la révolte de
plusieurs provinces que l'empire avait con-
quises. Les. nations Mixtecas , Zapotecas , Yo-
116 HISTOIRE
picas y Tototepecas et Tequantepccas , voyant
que les soldats des garnisons passaient leur
temps à danser et à se divertir^ profitèrent
de l'oecasion pour se révolter. Ce désordre
n'avait pas seulement lieu dans les provinces
éloignées et nouvellement conquises , mais à
la cour ' même de Tezcuco , où l'on ne s'occu-
pait que de plaisirs et de divertissements ; de
sorte que les sujets se voyant opprimés de
toutes les manières^ cherchèrent à secouer
un joug aussi pesant. Gomme les soldats n'é-
taient pas sur leurs gardes y ils massacrèrent
les uns y après les avoir invités à des festins ,
et attaquèrent les autres à force ouverte et les
chassèrent de leur pays , ce qui arriva dans les
provinces de Coatlixhuacan ^ Zozotlan y Toto-
tepec , Tequantepec et Yopitzinco , ainsi qu'à
Oaxaca^ Tlachquiaucho , Malinaltepec et Tla-
cotepec. Le roi de Tezcuco, qui avait laissé
son armée se désorganiser, fut obligé d'en for-
mer une nouvelle, et d'envoyer demander des
secours aux rois de Mexico et de Tlacopan qui
DES GHIGHIMÈQUBS. 117
avaient été plus prudents que lui. Ils soumi-
rent toutes ces provinces et revinrent avec
une quantité de dépouilles et de captifs qu'ils
sacrifièrent à leurs idoles. Parmi eux se trou-
vaient Zetecpapal, seigneur de la province
deCoaixtlahuacan^ Nahuixochitl^ seigneur de
celle de Zocotlan , Malinal de celle de Tlach-
quiauhco , et beaucoup d^autres seigneurs et
capitaines. Enfin, ils soumirent toute la Nou-
velle-Espagne, depuis le pays des Chichimè-
ques et le royaume du Michoacan, jusqu'aux
dernières terres qu'avaient possédées très-an-
ciennement les Toltèques , c'est-à-dire , celles
de Huimolan , Acalan , Yerapaz et Nicaragua ,
et depuis la mer du Nord jusqu'à la mer du
Sud, ce qui contient un grand nombre de
royaumes et de provinces habitées par diffé-
rentes nations , telles que les Cohuixcas , Yo-
picas , Cuitlatecas , Chochomas , Mixtecas ,
Zapotecas, Quauhtemaltecas (i), Coatzaqual-
( I ) Presque tous les auteurs indigènes et plusieurs Espagnols
118 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
cas, Nonoalcas, Xicalancas, Totonaques, et
autres qui furent entièrement subjuguées et
soumises aux trois chefs de l'empire , lequel
avait plus de 400 lieues de long entre les
deux mers. En 1514, la neige tomba avec
tant d'abondance qu'elle fit périr les arbres
et les plantes , et détruisit une armée impé-
riale qui marchait contre la province de
Palmautlan qui s'était révoltée.
ont regardé le Guatemala comme soumis à l'empire du Mexique;
mais je pense que c est une erreur. Voirez Juarros , ffistoria de
Guatemala. (Guatemala, 1818. Tratado IV, chap. VII.)
CHAPITRE LXXIV.
Trahison de Motecnhzoma qui fait périr la fleur des guerriers
de Tezcuco en les livrant aux Tlaxcaltèques , et se rend par
ce moyen maître de tout l'empire.
L'ambition de Motecuhzoma était si grande
qu'il ne pouvait supporter d'avoir des col-
lègues et des égaux. Il chercha donc tous les
moyens, bons ou mauvais, pour s'en débar-
rasser. C'est pourquoi vers la fin du règne de
Netzahualpiltzintli , il commit un crime dia-
1 20 HISTOIRE
boliqiie. Voyant que les Aeulhuas de Tezcuco
négligeaient entièrement la guerre^ et qu'ils
ne s'occupaient que de danses et de fêtes ^ il
envoya un ambassadeur à ce roi pour lui faire
des représentations , et lui dire que les dieux
étaient irrités de ce que depuis quatre ans on
ne leur eût sacrifié aucun captif de Tlaxcallan
ni des autres provinces d'où l'on tirait habi-
tuellement les victimes qui leur étaient of-
fertes et qui leur plaisaient le plus , mais seu-
lement des prisonniers faits' dans les provinces
éloignées où l'on était obligé de faire la guerre
pour augmenter le territoire de l'empire ou
le défendre; sacrifices dont ils ne savaient
aucun gré. Il ajoutait qu'ils laissaient oublier
les victoires de leurs ancêtres , et ternir l'hon-
neur du nom Chichimèque et Aeulhuas. Il les
engageait donc à faire une excursion sur le
territoire de Tlaxcallan , ajoutant qu'il s'y
trouverait tel jour avec son armée pour leur
prêter secours. Netzahualpiltzintli lui répondit
que ce n'était pas par lâcheté y que ses soldats
DES GHICHIMÈQUES. 121
avaient déposé les armes , mais bien parce
qu'il voulait passer le reste de ses jours dans
le repos , puisque Tannée Ce Acatl qui les
menaçait de grands changements était si pro-
che ; mais que cependant , au jour désigné ,
il enverrait la fleur de son armée dans les
champs de Tiaxcallan , afin qu'elle prouvât sa
valeur. Après avoir fait cette réponse, il
réunit le conseil de la guerre où l'on traça l.e
plan de cette expédition. Il réunit ensuite les
capitaines et les guerriers les plus vaillants
de son armée , qui prirent la route de Tiaxcal-
lan. Pour éviter toute querelle avec Motecuh-
zoma, qui commandait lui-même son armée,
le roi ne voulut pas y aller en personne, mais
il mit à la tète de ses troupes ses deux fils ,
Acatlemacotzin et Tequanchuatzin , qui s'é-
taient distingués dans les guerres précédentes.
Aussitôt que Motecuhzoma eut appris la ré-
solution de Netzahuapiltzintli , il envoya se-
crètement des messagers aux chefs de Tiax-
callan , pour leur dire que le roi de Tezcuco en-
1 22 HISTOIRE
voyait contre eux la fleur de son armée , non
pour Fexercer et se procurer des victimes^
conformément à la loi et à la coutume qui
avait été établie entre leurs ancêtres, mais
pour ravager leur territoire , piller leur ville
et s'en emparei^ : ce qui était indigne. Il ajou-
tait que y ne voulant pas tremper dans une
pareille trahison , il se faisait un devoir de les
avertir et de les engager à prendre les devants
pour que les Âculhuas ne pussent exécuter
leur mauvais dessein. Que quant à lui il n'ac-
compagnait leurs ennemis que pour la forme,
et parce qu'il ne pouvait s'en dispenser ; mais
qu'il s'engageait à venir à leur secours si
cela était nécessaire pour les aidera tuer leurs
ennemis. Le sénat fut fort inquiet de ce mes-
sage y et de ce que Netzahualpiltzintli oubliait
l'obligation où il était, non-seulement de
respecter le territoire de la république, mais
même de venir à son secours en cas de besoin,
en reconnaissance des services que les Tlaxcal-
tèques, qui d'ailleurs étaient de la même race
DES GHIGHIMÈQUES. 123
que lui , avaient rendus à son père et à son
aieul. Ils remercièrent Motecuhzoma de son
avis, et résolurent de prendre leurs pré-
cautions contre les Aculhuas. Ils dressèrent
iine embuscade dans un ravin où ceux-ci
avaient l'habitude de passer la nuit. On la
nommait Tlalpepexic; elle est située près de
la montagne de Quauhtepec. Les Tezcucains
étaient absolument sans défiance, quoique
cette nuit-là ils fussent avertis par mille pré-
sages de leur destruction prochaine. Une quan-
tité de vautours, oiseaux qui ne se nourrissent
que de cadavres , volaient sans cesse en tour-
nant au-dessus d'eux; des flammes sortaient
de la terre, et la force de l'eau faisait voler
en l'air des nuages de poussière. Les plus
vaillants capitaines de leur armée , tels que
Tezcocsacatl , Temoczin , Zilaltuatl et Ehcate-
nan, rêvèrent tous les quatre en même temps,
qu'ils étaient revenus à l'époque de leur en-
fance , et qu'iJs couraient en pleurant après
leur mère pour la prier de les prendre dans
1 24 HISTOIKE
ses bras. Tout cela leur donna beaucoup à
penser, et leur fit craindre d'être menacés
d'un malheur prochain. Ils passèrent donc
la nuit à causer ensemble , et dès le point du
jour ils se mirent à manger un morceau sur
leur bouclier, craignant de n'en pas avoir
le temps dans la journée. Pendant qu'ils
mangeaient, une cigale, d'une grandeur
extraordinaire, vint frapper contre eux et
tomba morte en se séparant la tête du corps.
Frappés de ce nouveau présage, ils ne vou-
lurent pas attendre davantage et appelèrent
leurs gens en leur disant de s'armer et de
sortir à la hâte de ce ravin où ils ne pouvaient
se défendre , car ils craignaient que les enne-
mis ne leur eussent tendu quelque piège , ce
qui n'était que trop vrai ; car dès que lesTlax-
caltèques les virent se lever, ils les attaquè-
rent de tous les côtés en poussant de grands
cris, et, sans leur donner le temps de se mettre
en bataille, ils les chargèrent avec tant de
fureur qu'ils les massacrèrent presque tous :
DES CHIGHIMÈQUES. 425
U nV en eut que très-peu qui réussirent à
s'échapper, et portèrent à Tezcuco la nouvelle
de cette trahison. Les quatre capitaines dont
j'ai parlé et beaucoup d'^autres firent de bril-
lantes actions et vendirent chèrement leur
vie. Les deux princes se voyant dangereu-
sement blessés , et oMigés de se rendre à des
personnes d'un rang inférieur au leur, sup-
pliaient leurs adversaires d'achever de leur
ôter la vie, pour ne pas être traînés en triom-
phe dans leur ville. Ils luttèrent si vaillam-
ment qu'on se hâta de les entraîner dans un
temple qui se trouvait tout près du champ
de bataille, pour les y sacrifier aux idoles.
Le sang des morts et des blessés coulait dans
le ravin comme un fleuve. Le roi Motecuhzo-
ma, qui se trouvait sur les flancs de la mon-
tagne de Xacoltepetl avec son armée, regar-
dait ce spectacle sans faire un seul mouve-
ment, et se réjouissait de voir périr ainsi la
fleur de la jeunesse de Tezcuco , ce qui est
une preuve manifeste de sa trahison. Parmi
126 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
ceux qui réussirent à s'échapper et qui appor-
tèrent cette nouvelle au roi de Tezcuco, se
trouvait Ghichiquantzin ^ célèbre capitaine.
Le roi de Tezcuco et les siens en furent d'au-
tant plus affligés qu'ils y virent la preuve des
mauvais desseins que Motecuhzoïna nourris-
sait contre eux. Il avait aussi cherché à faire
du mal au roi de Tezcuco par le moyen des
sorciers et des nécromanciens qu'il entrete-
nait à sa cour : mais celui-ci qui en avait de
non moins habiles avait paralysé ses efforts.
Quand Motecuhzoma fut de retour dans sa
capitale y il ordonna aux villes et villages de
la province de Ghinampa de cesser de payer
une certaine redevance qu'ils devaient aux
rois de Tezcuco^ et montra sa malice dans
d'autres occasions , comme on le trouve plus
au long dans le chant qui raconte ce désordre
et que l'on nomme yacuicatL
CHAPITRE LXXV.
Mort de Netzahualpiltzintli.
Netzahualpiltzintli voyant que Motecuhzo-
ma empêchait les villes du lac d'acquitter les
tributs qu'elles avaient toujours payés à son
père et à lui, et s'était mal comporté envers
lui en diverses occasions y il lui envoya des
ambassadeurs pour le sommer d'observer les
1 28 HISTOIRE
coutumes de leurs ancêtres. Motecuhzoma
répondit orgueilleusement aux ambassadeurs
que le temps où l'empire était gouverné par
trois chefs allait bientôt cesser; qu'il n'y en
aurait plus qu'un seul et que ce serait lui ^
seigneur de toutes les choses célestes et ter-
restres, et qu'il engageait le roi de Tezcuco à
ne plus lui faire de pareilles demandes parce
qu'il châtierait son audace. Netzahualpiltzintli
fut d'autant plus af&igé de cette réplique in-
solente qu'il n'avait pas les moyens de se
venger. Il se retira donc dans l'intérieur de
son palais où il passa le reste de ses jours
dans le chagrin. Il mourut l'an de Matlactli
Âcatl ou 1515, à l'âge de 52 ans , après en
avoir régné 44. Quoique l'on cherchât à ca-
cher sa mort, ses enfants et ses parents l'ap-
prirent bientôt, et se réunirent pour célébrer
ses obsèques. Tous les grands du royaume
y assistèrent, ainsi que les ambassadeurs de
Motecuhzoma et de Totoquihuatzin , et plu-
sieurs mexicains et tecpanèques : on observa
DES CHIGHIMÈQUES. 129
les mêmes cérémonies qu'à la mort de son
père^ en brûlant avec son corps beaucoup
de bijoux, d'or, d'argent et de pierreries, et
une quantité de panaches et d'ouvrages en
plumes d'un grand prix. On sacrifia cent es-
claves mâles et cinq femmes; l'on mit en-
suite ses cendres dans une urne d'or, que l'on
plaça dans le grand temple de la ville de Tez-
cuco qui était celui de Huitzilopochtli. Il eut
cent quarante-cinq fils, dont quatorze légi-
times, desquels j'ai parlé plus haut.
Ainsi finit le roi Netzahualpiltzintli , qui
n'eut pas moins de vaillance et de mérite que
son père. 11 fut aussi sévère que lui à faire
observer les lois, et aussi heureux dans les
batailles auxquelles il assista en personne.
Mais sa mort prématurée fut cause de la dis-
corde qui se mit entre ses enfants, car il n'a-
vait pas désigné d'héritier. Quelques auteurs
ont cependant prétendu qu'il avait choisi le
prince Yoyontzin , le plus jeune de ses fils lé-
gitimes, ce qui me parait difficile à croire,
13. 9
130 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
car c'était toujours Taîné des enfants qui hé-
ritait, à moins de causes graves, comme cela
arriva à l'égard de Techotlalatzin , qui monta
sur le trône au préjudice de ses frères aines,
parce qu'il était le seul qui fût toujours resté
fidèle à son père Quinantzin tandis que les
autres s'étaient rangés du parti des rebelles, .
comme nous l'avons vu dans le cours de cette
histoire.
CHAPITRE LXXVI.
•Querelle qui s'ëlèye entre les enfante de NetzithualpiltzintU
relativement à la succession.
Aussitôt que Ton eut rendu les honneurs
funèbres à Netzahualpiitzintli ^ on consulta
Motecuhzoma et Totoquihuatzin sur Télection
du nouveau roi, car, comme je viens de le dire,
il n'avait pas désigné celui de ses fils légitimes
qui devait lui succéder. Tetlahuehuequitiltzin,
132 HISTOIRE
qui pouvait y prétendre à cause du droit d'aî-
nesse, était peu capable de gouverner un
royaume aussi grand que celui de Tezcuco,
principalement dans un moment où l'on avait
besoin d'un chef brave et habile dans l'art
militaire, pour pouvoir résister à la fortune
qui commençait à se montrer contraire. Quel-
ques chefs s'opposaient cependant à ce qu'on
choisît Coanacochtzin ou Ixtlilxochitl , tant
parce qu'ils étaient trop jeunes qu'à cause des
droits de leur frère aîné, quoique celui-ci fût
un homme timide et peu propre à la guerre.
Motecuhzoma profita de ces dissensions pour
faire monter sur le trône le prince Cacama
son neveu , fils de sa sœur aînée. Il envova
donc un ambassadeur pour solliciter les élec-
teurs et les grands de lui donner leurs voix,
leur représentant qu'il l'aimait beaucoup,
qu'il était en âge de gouverner, et que dans
les guerres précédentes il s'était distingué par
sa valeur et ses talents, les engageant, quand
l'élection serait terminée, à venir avec son
DES CHICHIMÈQUES. 133
neveu à Mexico afin qu'on lui prêtât serment
comme on l'avait fait à son père et à son
aïeul. Cette prétention excita d'abord beau-
coup d'opposition ^ mais enfin les grands se
décidèrent à réunir dans une des salles du
palais les trois princes Gacama, Coanacochtzin
et Ixtlilxochitl , pour leur annoncer que la vo-
lonté de Motecuhzoma était que Cacama fût
proclamé roi et qu'ils ne pouvaient s'y sous-
traire. Coanacochtzin y quoique le trône lui
appartint de droite déclara^ soit par afiection
pour son frère , soit parce qu'il était du
parti de Motecuhzoma , que cette élection lui
paraissait très-convenable , attendu que leur
frère aîné n'était pas en état de gouverner, et
que Cacama avait déjà prouvé sa valeur. Mais
Ixtlilxochitl, qui était très-jeune et très-bouil-
lant , ne put supporter cette tyrannie et cette
violation des droits légitimes; il s'opposa à
l'élection, et excita un tel tumulte dans le sé-
nat, que l'élection ne put avoir lieu et que
Cacama fut obligé de se réfugier à Mexico
1 34 HISTOIRE
pour prier son oncle Motecuhzoma de venir
à son secours et de le mettre en possession de
son royaume, Ixtlilxochitl , après avoir eu une
grande querelle avec son frère Coanacochtzin
qui soutenait le parti de Cacama , quitta la
ville et se réfugia dans les montagnes de Mez-
titlan, invitant à le suivre tous ceux qui vou-
laient s'opposer à la tyrannie de Motecuh-
zoma et prendre son parti contre ses frères.
Les chefs de Meztitlan , qui avaient été ses gou-
verneurs , le recurent fort bien et soulevèrent
en sa faveur tous les Totonaques de la mon-
tagne. Il réunit en peu de temps une nom-
breuse armée et marcha contre Tezcuco. H
mit en déroute tous ceux qui voulurent arrê-
ter sa marche, et après avoir soumis, soit de
leur plein gré, soit par la force des armes,
toutes les provinces septentrionales du
royaume , il mit le siège devant Tezcuco et
devant Mexico, occupant avec ses troupes
les villes dé Papalotlan, Acolman, Chiuh-
nauhtla, Tecacman , Tzompanco et Huehueto-
DES CHIGHIMÈQUES. fô5
can; car c'était par là que ses frères pou-
vaient venir l'attaquer avec les forces que leur
fournissait Motecuhzoma , dont l'influence
avait fait reconnaître Cacama pour roi dans
sa capitale et dans toutes les provinces qui
n'étaient pas occupées par Ixtlilxochitl. Mote-
cuhzoma, irrité de l'audace d'Ixtlilxochitl, con-
voqua son conseil de guerre afin de prendre
les mesures nécessaires pour arrêter le cours
de ses succès. Il résolut d'envoyer contre lui
un de ses plus fiimeux capitaines nommé
Xochitly cacique d'Iztacpalapan; celui-ci pro-
mit à MQtecuhzoma de s'emparer de sa per-
sonne au milieu des siens et de le lui amener^
ce qui terminerait d'un seul coup la guerre
civile et affermirait Cacama sur le trône. Ix-
tlilxochitl , qui était averti de tout ce qui se
passait à Mexico, marcha avec une troupe
choisie au-devant de Xochitl. Quand les deux
chefs se rencontrèrent , ils ordonnèrent à leurs
gens de se tenir tranquilles et de les laisser
combattre seul à seul. Ixtlilxochitl remporta
L.
136 HISTOIRE
une victoire facile sur son adversaire, et ayant
fait apporter une quantité de joncs secs, il le
fit brûler vif en présence des deux armées, ce
qui jeta l'effroi parmi ses ennemis. Quand
Motecuhzoma l'eut appris, il ordonna qu'on
cessât de le poursuivre, pensant qu'il serait
plus aisé de s'emparer de sa personne par sur-
prise. Ixtlilxochitl continua à bloquer Tezcuco
sans faire aucun mal à ceux qui voulaient en
sortir, et traitant très-bien les nobles qui ve-
naient le trouver. Ses frères furent donc obli-
gés de traiter avec lui, mais il ne voulut jamais
voir Motecuhzoma, car il le détestait parce
qu'il avait été cause de la mort de Netzahual-
piltzintli, que le prince désirait par-dessus tout
venger. Il fut convenu qu'lxtlilxochitl serait
capitaine général du royaume de Tezcuco et
qu'il resterait en possession des provinces du
nord. Beaucoup de provinces, irritées des tri-
buts excessifs que leur imposait Motecuhzoma,
profitèrent de l'occasion de ces désordres pour
se soulever, car ce roi était aussi cruel que les
DES CHIGHIMÈQUES. 137
monarques ses ancêtres avaient été miséri-
cordieux. Parmi les provinces les plus dispo-
sées à se soulever, était celle de Totonacapan,
qui s'étend sur les côtes de la mer du Nord;
car Dieu avait disposé les choses de la manière
la plus favorable pour l'introduction de la
sainte foi catholique dans ce pays. Vers cette
époque, les armées des trois chefs de l'empire
soumirent les provinces de Mictlantzinco et
Xaltianquizco, et leur imposèrent les même
conditions qu'aux autres dont j'ai parlé plus
haut; mais ce furent les dernières conquêtes
de l'empire. Elles eurent lieu dans l'année
Matlactli Ome Tecpatl ou 1516.
CHAPITRE LXXVII.
De l'invincible Fernand Gorte? , premier marquis de la vallée
d'Oaxaca, et du commencement de son expédition,
Sous le règne des rois catholiques Ferdinand
et Isabelle, D. Fernand Cortez naquit, en
1485, dans la ville de Medellin, en Estrama-
dure. Il était fils de D. Martin Cortez de
Monroy et de doiia Catarina Pizarro Alta-
mirano. Ils étaient nobles et hijos dAlgo ,
1 40 HISTOIRE
mais plus riches en honneurs qu'en biens de
la fortune (i). Après deux ans d'humanités, il
commença à se livrer à l'étude des lois : mais
bientôt après il changea de résolution et em-
brassa la carrière des armes. Comme il se
montrait brave et ambitieux, ses parents lui
permirent de passer aux Indes pour aller re-
joindre Nicolas d'Ovando, grand comman-
deur de Laris et gouverneur de St-Domingue.
Il arriva dans cette île le jour de Pâques de
1504; il avait alors dix-neuf ans. Il y passa
cinq ou six ans, pendant lesquels il lui arriva
beaucoup d'événements heureux ou malheu-
reux, et s'y occupa principalement d'agri-
culture; il passa ensuite à la conquête de
Cuba, et y épousa dona Catalina Xuarez.
(i) On trouve sur l'origine de Cortez des versions bien dif-
férentes. Las Casas {Hisloria de IndiaSy p. 111, chap. 27) dit :
« J*ai connu son père , qui était un écuyer bien pauvre et bien
humble. Il était cependant d'ancienne race chrétienne ; on a
même dit qu'il était gentilhomme. • Argensola {Jnnales de
Aragon^ liv. 1, chap. 18) fait descendre sa famille deNarnés
Gortesio , roi de Lombardie et de Toscane , qui avait épousé la
fille de Favila , roi des Goths. M^is la première opinion me
paraît de beaucoup la plus vraisemblable.
DES CHICHIMÈQUES. 141
On peut voir Thistoire de ce mariage dans les
histoires de Gomara et d'Herrera. C'est pour-
quoi je ne m'étendrai pas sur ce sujet. On
faisait tous les jours de nouvelles découvertes,
et, en 1517, Francisco Hernandez de Cordova
découvrit la terre ferme de Yucatan ; mais il fut
obligé de se rembarquer sans avoir fait autre
chose que l'apercevoir, parce que les Indiens
se défendirent vigoureusement et blessèrent
presque tous les Espagnols. Comme on en avait
assez vu pour s'assurer que le pays était plus
riche et plus fertile que les îles, Velazquez ré-
solut d'en faire la conquête; c'est pourquoi il
y envoya, en 1518, Juan de Grijalva, son
neveu, avec une flotte suffisante; il lui donna
200 Espagnols, et quelques marchandises qu'il
devait échangier contre de l'or et des objets
précieux du pays. Grijalva resta si longtemps
absent, que Velazquez, craignant qu'il n'eût
fait naufrage, envoya à sa recherche Christo-
val de Olid, pour le ramener ou l'aider à co-
loniser ou à conquérir le pays, selon les cir-
1 42 HISTOIRE
constances. Mais avant qu'Olid rencontrât
Grijalva, Pedro de Alvarado, qui avait accom-
pagné ce dernier, arriva à St-Domingue et
instruisit Velazquez de la richesse du Yucatan
et de la quantité d'or que s'était procurée
Grijalva. Cette bonne nouvelle le décida à
coloniser ce pays , tant pour étendre notre
sainte foi catholique que pour gagner de la
gloire et des richesses. Il réunit du monde
pour cette expédition; mais, quoicpi'il en
parlât à plusieurs personnes d'un rang élevé,
il ne put s'arranger avec aucune autre que
Fernand Cortez, qui possédait alors deux
mille ducats dans la maison d'un marchand
nommé André de Duero , homme prudent et
qui savait se conduire. Cortez accepta la pror-
position que Velazquez lui fît de s'associer
avec lui, et lui dit qu'il irait en personne à
la découverte et à la conquête de ce pays.
Quand ils eurent conclu leur traité et obtenu
la permission des frères Hiéronimites , qui
gouvernaient alors les îles, et au moment où
DES GHICHIHÈQUES. 143
ils s'occupaient de l'armement de leurs na-
vires, Juan de Grijalva arriva, le 3 octobre
1518, avec quantité d'or et d'argent, et donna
de nouveaux détails sur le pays. Velazquez
alors changea d'avis et voulut empêcher Cortez
de partir, ce qui excita de grandes querelles
entre eux. Mais celui-ci emprunta (juatre mille
ducats, acheta des vaisseaux et tout ce qui
était nécessaire et partit malgré Velazquez.
Les amis de Cortez se joignirent à lui , et il
leur fournit de l'argent et ce dont ils avaient
besoin. Avant de partir, il fit par-devant no-
taire une protestation dans laquelle il décla-
rait que tout se faisait à ses frais et que
Velazquez n'avait aucune part à cette affaire.
Quand il fut arrivé à (c/i blanc dans le manu--
scrit){\)y AlvarlEido, Olid et les autres amis de
Velazquez voulurent s'emparer de sa per-
sonne ; mais il se réfugia dans l'ile de Guani-
guaniga , où il débarqua tout son monde pour
(i) Chimalpain dit à la Havane.
144 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
le passer en revue; il avait 550 (i) soldats
espagnols et quelques Indiens de service. Il
les divisa en onze compagnies^ de cinquante
hommes chacune ^ et prit pour lui la charge
de capitaine général. Il avait onze vaisseaux
portant une bannière à ses armes ^ qui étaient
un échiquier d'argent et d'azur, chargé
d'une croix de gueule avec une devise latine
qui signifiait : Amis , suivons la croix^ car, si
nous avons la foi, nous vaincrons par ce
signe. C'est , en effet , par là qu'il a conquis le
Nouveau-Monde et converti les naturels à
notre sainte foi catholique. Jamais conquête
ne fut plus difficile. Alexandre et César n'ont
jamais tant fait, comme on le verra par la
suite de cette histoire et par les auteurs que
j'ai cités plus haut.
(i) Dans la lettre inédite du corps municipal de Vera-druz à
l'empereur, il est dit 400 soldats.
CHAPITRE LXXVIII.
GoHez commence la conquête de la Nouvel le-Espagne. —
11 arrive à Potonchan.
Avant de quitter File de Guanîguaniga ,
Cortez fît une longue harangue à ses soldats ;
il leur montra le fruit qu'ils pouvaient atten-
dre de leurs fatigues, et leur représenta le
grand service qu'ils rendraient à Dieu, s'ils
entreprenaient cette conquête plutôt pour
13. 10
1 46 HISTOIRE
convertir les nations barbares que pour les dé-
pouiller de leurs biens. Il quitta cette ile le 28
février 1519, et donna pour mot d'ordre aux
siens le nom du bienheureux saint Pierre (i).
Il alla débarquer dans l'île d'Acozamil (2)
(Gozumel); les naturels, effrayés, s'enfuirent
dans les bois , abandonnant leurs maisons et
leurs biens. On amena cependant à Cortez
quatre femmes et trois petits enfants; il com-
prit par signes que l'une d'elles était la femme
du cacique du pays et la mère de ces enfants.
Cortez la traita si bien , que son mari s'en-
hardit à rentrer dans son village, où il logea
les nôtres et leur fit le meilleur accueih Cortez,
(i) Ghimalpaia (chap. i) raconte que Cortez étant tombé
dangereusement malade dans son enfance , et ses parents you-
lantlui choisir un protecteur au ciel, tirèrent au sorties noms
des douze apôtres, et qu'il tomba sur saint Pierre.
(2) L*ile d'Acozamil, que les historiens espagnols ont nommée
Cozumel , était le principal sanctuaire des habitants du Yuca-
than. On y venait en pèlerinage de toute la province. Son nom
veut dire l'Ile des Hirondelles. ( Ployez Gogolludo, Historia de
Yueaihttn; Chimalpain, cbap. u ; et la note du recueil d^
pièces relatives à la conquête du Mexique, qui fait partie de
cette collection.)
DES GHICHIMÈQUES. 147
les voyant rassurés, commença à leur prêcher ^
la foi chrétienne , les engageant à adorer une
croix et une image de Notre Dame, qu'il leur
montra : ils v consentirent et brisèrent les
idoles de leur temple, que Gortez remplaça par
cette croix et cette image, auxquelles les In-
diens montrèrent la plus grande vénération ;
ils cessèrent de sacrifier des hommes, et an-
noncèrent à Gortez que dans le Yucathan il
V avait des hommes barbus comme lui. Cortez
y fit envoyer pour s'en assurer; mais les
messagers tardèrent si longtemps, qu'il ne
voulut pas les attendre; il prit terre sur la
côte de Yucathan, vers l'endroit que l'on ap-
pelle Punta de las mugeres^ et le pays lui
ayant paru mauvais, il alla de là à Cotoche;
mais comme le navire de Pedro d'Alvarado
faisait eau , il fut obligé de retourner à Aco-
zamil pour le réparer.
Le premier dimanche de carême, dans
la matinée, on vit arriver un canot qui
contenait quatre hommes nus , armés d'arcs
1 48 HISTOIRE
et de flèches» Les Espagnols, croyant qu^ils
venaient pour les attaquer, s'avancèrent au-
devant d'eux Tëpée à la main; un de ces
hommes s'avança aussitôt et leur cria en
langue castillane : « Etes-vous chrétiens? »
Les nôtres , tout étonnés , lui répondirent :
(c Oui , nous sommes chrétiens et Espagnols.»
Cet homme alors se jeta à genoux, et s'écria :
(( Dieu ! je te remercie de m'avoir tiré d'entre
les infidèles et les barbares. Quel jour avons-
nous aujourd'hui, messieurs, n'est-ce pas
mercredi ? » Les nôtres lui répondirent qu'il
se trompait , et que c'était dimanche. Il se re-
leva, et André de Tapia , fort satisfait de cette
rencontre , le mena à Cortez avec ses compa-
gnons. Celui-ci lui demanda qui il était et
d'où il venait. Il répondit qu'il s'appelait Jé-
rôme d'Aguilar, natif d'Ecija, et qu'en 1511
il avait fait naufrage près de la Jamaïque , en
allant du Darien à Saint-Domingue, où il se
rendait pour chercher de l'argent , à cause de
la guerre qui s'était élevée entre Diego de
DES GHIGHIMÈQUES. 149
Nicueza et Vasco Nunez de Balboa. Ils s'é-
taient embarqués vingt personnes dans une
chaloupe ^ dont sept moururent à la mer. Les
treize autres allèrent débarquer dans la pro-
vince de Maya, où ils furent pris par les In-
diens d'un cruel cacique , qui sacrifia Valdivia
et quatre de ses compagnons, et fit à ses amis
et à ses compagnons un festin de leur chair.
11 avait conservé les autres , et les engi^aissait
pour un nouveau festin ; mais ils trouvèrent
moyen de s'échapper et de se réfugier chez
un autre cacique, ennemi du premier, qui les
avait bien traités pendant toute sa vie. Ses
héritiers en avaient agi de même. Mais
tous ses compagnons étaient morts successi-
vement, et il n'était resté que lui et un certain
Gonzalo Guerrero, qui s'était marié dans le
pays, et était devenu très -riche. Ce dernier
n'avait pas voulu venir avec lui, parce qu'il
était honteux de se montrer avec les narines
percées comme les habitants du pays. Tout le
monde se réjouit de cette rencontre, quoique
1 50 HISTOIRE
l'on fût effirayé d'être arrivé dans un pays
dont }es habitants mangeaient de la chair hu-
maine. Il fut trè»-heureux pour Cortez d'a-
voir rencontré cet Aguilar, car îl lui servit
d'interprète, et sans lui il aurait été bien em-
barrassé. L'on a regardé comme un miracle
l'événement qui arriva au vaisseau d'Alva-
rado, puisque sans cela ils ne se seraient pas
rencontrés. Le lendemain Cortez dit à Agui-
lar que, puisqu'il savait la langue des natu-
rels, il devait leur prêcher la foi chrétienne.
Il le fit avec tant de succès, qu'il réussit à tes
convertir ; déjà auparavant ils adoraient une
croix qu'ils regardaient comme le dieu de la
pluie.
Après avoir quitté Acozamil , Cortez arriva
à la rivière de Tabasco , que Ton nommait de
Grijalva, parce quecelui-K^i l'avait découverte le
premier. Cortez l'ayant remontée, trouva un
village entouré d'une muraille de bois, dans
laquelle on avait ménagé des meurtrières
pour lancer des flèches. Un grand nombre de
J
DES CHIGHIMÈQUES. 151
gens armés Tattaquèrent avec des canots^
mais il réussit à s'emparer de ce village qui
se nommait Potonchan ( i ) . Ce fut la première
conquête que Ton fit sur la terre-ferme. Cor-
tez coucha cette nuit dans le grand temple
avec tous ses compagnons^ parce que tous les
habitants avaient pris la fuite. Le lendemain il
envoya à la recherche de trois côtés, car il dé-
sirait beaucoup s'emparer d'un indigène , tant
pour avoir des renseignements sur le pays
que pour faire dire au cacique qu'il pouvait
venir le trouver en toute sûreté. On lui en
amena trois ou quatre, qu'il renvoya à leur
maître, en lui faisant dire qu'il n'était pas
venu pour lui faire du mal, mais pour lui révé-
ler de grands secrets. Cependant, malgré des
allées et des venues qui durèrent trois jours,
le cacique ne voulut jamais venir le trouver.
( I ) Potonchan veut dire en langue du pays la Rivière Puante^
(Chimalpain , chap* 23.)
CHAPITRE LXXIX
Voyage de Gortez jusqu'à son arrivée à la YeraCruz.
Cortez avait ordonné à trois de ses officiers
d'aller à là découverte et de tâcher de se pro-
curer des vivres. Les naturels les attaquèrent,
blessèrent plusieurs Espagnols, tuèrent quel-
ques Indiens de Cuba, et leur auraient fait un
mauvais parti si Cortez n'était venu à leur
1 54 HISTOIRE
secours. Le lendemain il se mit en marche
avec cinq cents hommes^ treize chevaux et
quelques pièces d'artillerie. En traversant
quelques champs cultivés y il fut attaqué par
quarante mille Indiens ( i ), et ce ne fut qu'avec
beaucoup de peine qu'il remporta la vic-
toire (2). Dans cette affaire^ ses soldats aper-
çurent le glorieux apôtre saint Jacques qui
combattait pour eux monté sur un cheval
blanc. Ce fut la première fois qu'il parut dans
cette conquête ; mais Cortez prétendit toujours
que c'était le prince des apôtres , saint Pierre,
qu'il avait choisi pour son patron et auquel
il adressait ses prières. Il y eut soixante Es-
pagnols de blessés; mais les nôtres firent
bientôt la paix avec les naturels. Tabasco,
( I ) Ce combat eni lieu contre les Indiens de Cintla.
{Chimalpain^ ch. 201; Betancourt, r. p. 112.)
(t) Betancourt rapporte que Cortez ayant débarqué un in-
terprète indien , nommé Melchior, qu'il arait amené de Cuba ,
pour qu'il tachât de se procurer des renseignements, celui-ci ac-*
crocha ses habits européens à un arbre , et alla exciter les na-
turels à attaquer les Espagnols.
(Betancourt, Teatro mexicano, Mexico, 1698, p. Jia.)
DES GHICHIMÈQUES. 155
qui était leprincipal chef de ce pays, ainsi que
tous les autres caciques et seigneurs , firent
amitié avec Cortez , lui fournirent des vivres
en abondance pour toute son armée , et lui
donnèrent une quantité d^or. Cortez leur de-
manda où ils le prenaient et s'ils en avaient
beaucoup; ils lui répondirent qu'ils n'avaient
pas de minés et qu'ils n'en cherchaient pas ,
car ils voulaient non pas devenir riches, mais
vivre contents ; ajoutant que s'il se dirigeait
au couchant il en trouverait tant qu'il vou-
drait. Us dirent aussi y entre autres choses , que,
de tous les cavaliers , celui qui combattait le
premier était celui qui les avait le plus effrayés,
ce qui prouve bien qu'un des saints apôtres
était apparu dans cette occasion. C!ortez leur
expliqua le but de son voyage, en leur disant
que le roi d'Espagne son maître, qui était le
plus puissant du monde, l'avait envoyé pour
leur enseigner la loi évangélique et les tirer
de l'aveuglement dans lequel ils vivaient. A la
grande joie des habitants de Potonchan, il
1 56 HISTOIRE
plaça une croix dans le grand temple et on y
célébra la cérémonie du dimanche des Ra-»
meaux. Il vint un nombre infini de gens qui
reconnurent le roi d'Espagne pour leur sou-
verain, et ce furent les premiers sujets qu'eut
la couronne dans ce pays. Cortez nomma cette
ville Vittoria ( i ), et l'ayant quittée pour suivre
le cours de ses découvertes, il arriva sur les
bords de la rivière de Papalaotlan (2) à laquelle
on donna le nom de Pedro d'Alvarado, parce
qu'il fut le premier qui la découvrit. Il con-
tinua à suivre la côte en se dirigeant vers le
couchant, et arriva à Saint-Juan-de-Culhua,
que l'on nomme aujourd'hui d'Ulua, le jeudi
(0 La ville de la Vittoria fut abandonnée vers le milieu du
dix-septième siècle, à cause des invasions fréquentes des An-
glais. On établit les habitants plus loin de la mer, dans un en-
droit que Ton nomma Villa Hermosa. Mais c'est à Tlacotlapan
que réside le gouverneur de la province.
(Clavigero, Storia aniica'di Mexico^ t. lll, p. 1 1.)
(2) La rivière de Papalaotlan reçoit celles de Guiyotepec,
Vicilla , Chimantlan , Quauquez , Paltepec , Tuztlan , Teyuci-
yoacan , et beaucoup d'autres plus petites, qui toutes roulent
de l'or. Elle forme plusieurs lacs et marais avant son embou-
chure; le plus grand est entre Otlatitlan et Qauhquez paltepec.
( Chimalpain , ch. »4« )
DES CHIGHIMÈQUES. 157
de la Cène (i). Avant qu'ils débarquassent,
Teotlili, qui commandait sur cette côte au
nom des trois chefs de Tempire, envoya deux
de ses serviteurs dans un canot pour deman-
der au chef de la flotte d'où il venait et où il
allait. Cortez les reçut très-bien, leur fit des
présents et les chargea de dire à leur maître
qu'il ne s'efiFrayât pas, et qu'ils venaient seu-
lement pour lui annoncer des nouvelles qui
lui seraient fort agréables. Les Espagnols pri-
rent terre le Vendredi-Saint, et s'établirent
sur une plage de sable où l'on construisit plus
tard la Vera-Cruz, à laquelle on donna ce
nom dès ce jour même, parce que c'était celui
du vendredi de la Croix (2). Ils y furent visi-
tés par un grand nombre d'Indiens qui échan-
(i) Chimalpain (cbap. 26) dit que les Indiens nommaient
cette île Chascicocan ou Tlle des Coquillages. 11 ajoute que les
naturels, apercevant la flotte de Gortez, s écrièrent: Amolohua,
Amolohua , rëunissez-vous ici. Ce qui lui fît donner le nom
d'Ulua ; d'autres ont prétendu qu elle le tirait des Gulhuas, qui
y entretenaient une garnison.
(2) 11 y a eu successivement trois villes foiidées sous le nom
1 58 HISTOIRE
gèrent de Vov et des plumes précieuses contre
des eiseaujc , des aiguilles , des perles de verre
et autres bagatelles, quoique Gortez eût dé-
fendu qu'on leur demandât de l'or, pour
qu^ils ne crussent pas que c'était le but du
voyage. Deux jours après , c'est-à-dire le
lundi de Pâques , le gouverneur arriva suivi
de quatre mille hommes chargés de vivres
qu'il présenta à Gortez, ainsi que quelques
bijoux d'or très-riches» Gortez l'embrassa
et lui présenta une veste de velours et quel-
ques objets de Gastille dont il parut faire
le plus grand cas. Âguilar ne comprenait
plus la langue de ce pays, mais Dieu dai-
gna y remédier en permettant qu'une des
femmes que Gortez avait reçues du seigneur
de Potonchan la comprit parfaitement. Elle
de la f^era-Cruz. La première; en iSig. près de Chiabuitlan ,
A conservé le nom de F'illarica -, la seconde, en 1 523 ou 24,
s'appelle m > intenant VJntigua, et enfin la Vera-Craz actuelle,
<|ai fut fondée vers la fin du seizième siècle par les ordres du
comte de Monterey , vice-roi de Mexico.
{Clavigera , t. 111 , p. 3o. )
DES GHICHIMÈQUES. 159
était née de parents nobles , au village de
Huilotlan , dans la province de Xalatzinco , et
était petites-fille du seigneur de ce village;
quelques marchands l'avaient volée dans son
enfance pendant la guerre et l'avaient vendue
à la foire de Xicalanco , près de la province
de Coatzacualoo : elle avait passé de main en
main dans celles du seigneur de Potoncfaan ;
celui-ci l'avait donnée à Cortez qui la con**
vertit par ses bons traitements à la religion
K^rétienne, ainsi que ses trois compagnes ;
elles furent les premières qui reçurent le bap-
tême à la Nouvelle-Espagne. Elle servit d'in-
terprète conjointement avec Aguilar^ à qui
Cortez disait ce qu'il voulait; Âguilar le ré-
pétait à Marina en langue de Potonchan,
et celle-ci le traduisait en mexicain. Mais
heureusement pour Cortez elle apprit très-
vite la langue espagnole , ce qu'on peut
regarder comme miraculeux, et fut très-
utile pour la conversion des naturels et
l'établissement de notre sainte foi catho-
1 60 HISTOIRE
lique. Par la suite elle épousa Âguilar (i).
Teotlili dîna ce jour-là avec Cortez. Il lui
dit qu'il gouvernait ce pays au nom des trois
chefs de Tempire , et qu'il était vassal du grand
M otecuhzoma , roi de la ville de Mexico , Te-
nuchtitlan ajoutant que s'il voulait lui ap-
prendre le motif de son voyage , il en ren-
drait compte à son maître et aux autres rois.
Cortez lui fit dire par Marina qu'il était vassal
du roi D. Carlos d'Espagne ^ seigneur de tout
l'univers; qu'il venait de sa part pour an-
noncer au roi de Mexico un secret qui le com-
blerait de joie , et qu'il le priait d'en faire
avertir celui-ci en lui demandant où il voulait
recevoir son ambassade. Teotlili lui répondit
qu'il se réjouissait d'apprendre de lui qu'il
existait un autre seigneur aussi puissant que
Motecuhzoma , et que c'était le roi d'Espagne,
(i) Aguilar était sons-diacre, ainsi il n épousa pas et ne pou-
vait épouser Marina , qui devint la femme de Juan Xaramillo ,
un des soldats qui accompagnèrent Cortez au voyage de Hibue-
bueras. Voyez Ghimalpain.
(Noie du manuscrit; vojrez aussi Bernaldiaz, ch. 174 )
DES CHIGHIMÈ<}UES. t6f
quoiqu'il eût peine à croire qu'il existât au
monde rien d'égal à son maître ; qu'au reste
il lui donnerait avis de son arrivée et pren-
drait ses ordres. Cortez lui demanda si Mo-
tecuhzoma avait beaucoup d'or, lui disant
que c'était un remède contre le mal de cœur
dont beaucoup de ses soldats étaient affectés.
Teotlili lui répondit que oui. Il fit ensuite
peindre , sur une étoffe de coton , le costume
des Espagnols , leurs chevaux , leurs vaisseaux ^
tout ce que Cortez avait apporté, et envoya
en toute hâte des messagers à Mexico, pour
porter ce tableau à Motecuhzoma , ainsi qu'à
Cacama et à Totoquihuatzin , qui régnaient
alors à Mexico et àTlacopan. L'envoyé fit tant
de diligence qu'il arriva à Mexico en un jour
et une nuit. Teotlili retourna àCuetlachtlan (i)
où il résidait, et laissa Cuetlalpiltoc et quel-
ques autres chefs avec deux mille Indiens pour
servir les Espagnols.
( I ) Aujourd'hui Gotaxta . (Chimalpain , ch . 25.)
13. il
1
CHAPITRE LXXX.
Conduite de Motecuhzoma en apprenant l'arrivée de Gortez
et de ses compagnons. ~ Celui-ci a connaissance des factions
qpi divisent le pays.
Le message de Teotiili frappa de crainte
et de stupeur Motecuhzoma^ qui vit que les
prophéties de ses ancêtres commençaient à
s'accomplir. Il rassembla tous les seigneurs de
l'empire pour leur demander leur avis et leur
communiquer ses pensées, 11 leur dit que si
1 64 HISTOIRE
les étrangers qui arrivaient d'Orient étaient
le dieu Quetzalcoatl et ses enfants^ qu'on at-
tendait depuis plusieurs siècles, ils voudraient
les déposséder et s'emparer de tout le pays;
qu'ainsi il fallait tâcher d'arrêter leurs pas :
mais que si^ comme ils le disaient, ils étaient
les ambassadeurs du grand monarque de
l'Univers, qui demeurait à l'Orient, il fallait
les recevoir et écouter ce qu'ils avaient à dire.
Les rois et les seigneurs qui composaient le
conseil commencèrent à disputer là-dessus;
mais Motecuhzoma , voyant qu'ails ne con-
cluaient rien^ dit à son frère Cuetlachua:
w Avec la permission du roi Cacama,' mon ne-
veu , qui a le droit de voter le premier, toi qui
es un homme rempli d'expérience , dis-nous ce
que tu penses. » Guetlachua répondit briève-
ment : « Mon avis est , puissant seigneur , que
tu ne laisses pas entrer dans ta maison qui
pourra t'en chasser. » Gacamadit au contraire:
« Ce serait une honte pour vous, pour nous ,
pour tout l'empire, si vous refusiez de rece-
DES CHICHIMÈQUES. 165
voir une ambassade d'un aussi puissant sei«
gneur que Test le roi d'Espagne , à ce qu'on
dit : car c'est le devoir d'un roi de recevoir
les ambassadeurs que les autres lui envoient.
Si ceux-ci cachent quelque trahison , un mo-
narque a toujours près de lui de braves guer-
riers et de Taillants capitaines pour le défendre,
ainsi que des amis et des parents nombreux
pour garder son honneur et châtier les traî-
tres. Si cette nouvelle ambassade cache quelque
perfidie, plus tôt elle viendra à la cour et mieux
cela vaudra. L'arrêter et la i^lenir serait nui-
sible à l'empire, tant parce que cela diminue-
rait sa gloire , que parce que cela ferait penser
que c'est par faiblesse et par crainte qu'on en
agit ainsi. Tous ceux qui sont disposés à se
révolter seront encouragés dans ce dessein
en voyant qu'on a peur d'une poignée d'é-
trangers , et ceux-ci auix)nt le temps de con-
naître le côté faible du pays , et qui sont nos
amis ou nos ennemis. Gela pourra même en-
gager les provinces que nous avons conquises
1 66 HISTOIRE
à secouer le joug : il faut dofie nous hâter de re-
cevoir ces étrangers avant qu'ils aient le temps
d'ouvrir les yeux et de connaître les secrets
de l'empire. Telle est mon opinion. » Touà les
seigneurs qui avaient du cœur approuvèrent
le discours du roi Gacama , et je pense qu'ils
avaient raison ; mais Motecuhzomà et quel-
ques autres préférèrent l'avis de Guetlachuaé
Il résolut donc d'employer tous les moyens
possibles pour empêcher Cortez de venir à la
cour. Il répondit dans ce sens aux messagei^s
de Teotlili , qui , au bout de huit jours , furent
de retour à la Vera-Cruz , avec la réponse du
roi , et de riches présents en or et eti étoffes de
coton. Ils dirent à Cortez que Motecuhzomà,
roi de Mexico , Cacama , roi de Tezcuco , et
Totoquihuatzin , roi de Tlacopan , lui souhai-
taient la bien venue; qu'ils étaient ravis d'ap-
prendre l'existence d'un prince aussi puissant
que le roi d'Espagne , qui voulait bien être
leur ami, et qu'ils se réjouissaient que ce fût
sous leur règne que des étrangers si vail-
J
DES GHICHIMÈQUES. 167
lants f et dont on n'avait Jamais oui para-
fer, fussent arrivés dans leur pays : ils
ajoutèrent qu'ils étaient disposés à fournir à
l'ambassadeur tout ce dont il aurait besoin ;
mais qu'ils ne pouvaient le recevoir à leur
cour, ni venir le trouver à la côte , parce que
le chemin était trop difficile , et parce qu'il fal-
lait traverser des pays habités par des peuples
barbares , ennemis des Mexicains et des Acul«-
huas. Quand Cortez eut reçu cette réponse, il
répondit au messager qu'il était décidé à
aller trouver Motecuhzoma , et qu'il ne pou-
vait désobéir à son roi qui le lui avait or-
donné. Teotlili renvoya cette réponse, à son
maître. Cortez , dans l'intervalle, reçut deux
ambassadeurs qui lui donnèrent la bien-
venue au nom d'Ixtlilxochitl (i) , et lui ap-
prirent la querelle qui existait entre ce prince
(i) La plupart des historiens espagnols qui , par orgueil na-
tional , ont parlé le moins possible des secours qu'ils ont reçus
des naturels, passent kous silence cette ambassade d'Ixtlilxochitl;
mais Torquemada en fait mention , lir. IV, chap. 38 ; et BeUn-
court, p. 3, chap. 9.
1 68 HISTOIRE
tt ses frères , soutenus par Motecuhzoma , leur
oncle. Il lui offrait son alliance en lui rendant
compte de Tétat de l'empire, et du désir qu'il
avait de venger la mort de son père bien aimé
Netzahualpiltzintliy en délivrant le royaume
de Tezcuco des mains des usurpateurs; il lui
envoya en même temps un présent d'or, d'é-
toffes de coton et de plumes. Cortez se réjouit
beaucoup d'apprendre toutes ces querelles,
et le mécontentement qui régnait parmi les
chefs contre Motecuhzoma, qui les opprimait.
11 y vit un moyen d'atteindre plus sûrement
son but, en appuyant un des deux partis
jusqu'à ce qu'ils se fussent épuisés tous deux,
et qu'il pût facilement se rendre maître du
pays. Les messagers revinrent au bout de dix
jours avec une nouvelle réponse de Motecuh-
zoma, qui persistait dans l'intention de ne pas
recevoir Cortez, ce qui mit fin à toute négo-
ciation; car celui-ci, voyant qu'il était inébran-
lable dans sa résolution , se détermina à s'éta-
blir dans cet endroit et à conquérir le pays:
DES CHIGHIMÈQUES. 169
s'étant donc procuré dans les villages voisins
des vivres et tout ce dont il avait besoin , il
commença à construire une ville. Après avoir
harangué ses soldats et leur avoir représenté
que tout ce qu'il allait faire était nécessaire
au succès de l'entreprise , il fit venir Fran-
cisco Hernandez, notaire royal, et là, en
présence de tout le monde et par un acte so-
lennel , il prit possession du pays au nom du
roi Charles , notre maître de glorieuse mé-
moire. Il créa ensuite alcaldes de la nou-
• ^^
velle colonie Alonzo Fernandez Porto -Car-
rero et Francisco de Montejo; il nomma des
régidors , un procureur fiscal , un écrivain ,
des alguazils , enfin tous les membres qui sont
nécessaires pour former un corps municipal ;
il leur remit au nom du roi les baguettes ,
insignes de leur charge , et donna à la nou-
velle ville le nom de Villa - Rica de la Vera-
Cruz. Par un autre acte , dressé par le même
notaire, il déposa entre les mains des nou-
veaux alcaldes chargés de l'administration de
170 HISTOIRB DES GHICHIMÈQUES.
la justice , le titre et la charge de capitaine de
Texpédition de découverte que lui avaient
donné ^ au nom de S. M. ^ les religieux hiéro*
nimites qui gouvernaient File d'Hispaniola ,
renonçant en même temps aux pouvoirs qu'il
tenait de Yelasquez^ commandant de File de
Cuba, parce que leur autorité ne s'étendait
pas dans ce nouveau pays qu'ils venaient dt
découvrir et qu'ils commençaient à coloniser
comme de loyaux vassaux au nom de S. M* ;
il fit prendre acte de cette renonciation. Les
nouveaux membres du conseil municipal
ayant accepté leur nomination ^ ils se réuni-
rent, et après avoir fait quelques règlements
nécessaires pour la bonne administration de
la nouvelle colonie, ils nommèrent Fernand
Gortez gouverneur et capitaine général du
pays , jusqu'à ce que S. M. eût fait connaître
ses intentions. Cortez, après s'être fait solli-
citer, accepta cet emploi.
CHAPITRE LXXXI.
Entrevue de Gortez arec les seignears de Gempoallan et de
Quiahuiztlan. — lis lui offrent de se rallier à lai contre
Motecuhzoma.
Cortez résolut d'aller à Gempoallan (i), et
passa la nuit au bord d'une rivière. Le lende-
main il arriva quelques hommes chargés de
vivres et de présents , de la part du seigneur
(i) Les caciques de Gempoallan et de Quiahuiztlan n'étaient
1 72 HISTOIRE
de cette province , qui le priait de l'excuser
s'il n'était pas venu lui-même au-devant de
point des Mexicaîos, maïs des Totonaques , nation entièrement
différente par ses mœurs et par sa langue, nouvellement con-
quise et impatiente d'un joug auquel elle n était pas accoutu-
mée ; c'est pour cela qu'ils se décidèrent si facilement à se dé-
clarer en faveur de Cortez. {F", Bernaldiaz , ch. 46 et 47.) Les
Totonaques prétendaient être sortis des sept cavernes en même
temps quelesXalpanecas. Ils s'établirent d'abord dans les envi-
rons de Teotihuacan , et ensuite à Atenamic, où est aujourd'hui
Zacatlan. Hus tard ils se retirèrent dans les montagnes, où lisse
croyaient plus en sûreté , et s'étendirent jusqu'à Cempoalliin.
Le pays qu'ils occupaient se nommait Mizquihuacan. D'après
leur histoire, ils y étaient depuis environ 800 ans, et avaient eu
neuf rois, dont chacun avait régné 80 ans , savoir : Orne Acatl,
qui les avait amenés : celui-ci ne mourut pas, mais disparut su-
bitement ; Xatontan , Teniztli, Panin , Nahuacatl , Ithualcin-
teuchtli , Tlaixehuateniztli , Catoxcan; celui-ci eut deux fils,
Nahuacatl et Ixcahuitl , qui se firent une guerre si cruelle pour
la succession , que la population fut presque entièrement dé-
truite, et que le peu de Totonaques qui survécurent furent
obligés de se réfugier dans les montagnes. Ils élurent parmi eux
un seigneur nommé Xihuitlpopoca , qui passe pour avoir été
un grand magicien. Il eut pour successeurs Motecuhzoma et
Qnauhtlaebuna , qui régnait encore , quoique tributaire des
Mexicains, lors de l'arrivée de Cortez. (^o^'ez Torquemada,
liv. m , ch. 18.)
Plusieurs auteurs ont prétendu que le nom de Gempoallan
vient de cempoalli , qui veut dire vingt, parce qu'on y tenait une
grande foire tous les vingt jours. Il ne reste plus que quelques
raines de cette ville , qui démontrent son ancienne puissance.
Il ne faut pas la confondre avec une autre Gempoallan dans le
diocèse de Mexico. [P^çyez Carias de Cortez , Mexico, 1770,
in-4 , p. 39.)
DES CHIGHINÈQUES. 173
lui, parce qu'il était très-gros (i) et très-lourd;
mais que Cortez était le bienvenu , et qu'il
l'attendait dans sa maison. Après avoir dé-
jeuné avec cet envoyé, ils se rendirent à Cem-
poallan , où le seigneur leur fit la meilleure
réception. Il leur envoya un présent en or ,
en étoffes et en plumes, et fit ensuite une
visite à Cortez sans lui parler d'aucune af-
faire. Quand celui-ci fut de retour chez lui ,
on lui servit un très-beau festin. Au bout de
quelques jours Cortez fit dire au cacique que
s'il voulait il Tirait visiter. Le cacique y ayant
consenti , Cortez se mit en marche avec cin-
quante soldats, et quand il fut arrivé chez le
cacique, il lui parla du but de son voyage.
Quand il eut fini, le cacique lui fit un long dis-
cours dans lequel il lui rendit compte, par la
bouche de Marina , de l'état de son royaume,
et comment ses ancêtres et lui avaient joui
(I ) 11 était en effet si gros fpie plusieurs historiens espagnols
ne le désignent que par le nom d>/ cacique gordo. Voyez Ber-
naldiaz del Gastillo, ch. 4S.
1 74 HISTOIRE
d'une paix perpétuelle avant d'être opprimés
par Motecuhzoma, qui leur imposait chaque
jour de nouvelles charges. Il Tassuraque non-
seulement lui 9 mais tous les caciques des pro-
vinces voisines étaient disposés à prendre
les armes pour secouer le joug des Mexicains
et à s'allier avec le roi de Castille ; car quoique
Motecuhzoma fût très-puissant, il avait des
ennemis redoutables, tels qu'Ixtlilxochitl , son
neveu , qui était en rébellion ouverte contre
lui, Tlaxcallan , Huexotzinco, et d'autres États
avec lesquels il était en guerre perpétuelle;
de sorte que si Cortez voulait se joindre à eux,
il se formei'ait contre les Mexicains une ligue
à laquelle ils ne pourraient résister. Cortez
fut très-satisfait de tout cela et promit sa pro-
tecticwiau cacique, lui disant que le principal
objet de sa venue était de réparer les torts et
de punir les tyrans. Parmi les présents que ce
cacique offrit à Cortez , il y avait huit jeunes
filles nobles, dont une était sa nièce. Cortez
retourna à la côte par un autre chemin, ettra-
Dt» CHICniMÈQUES. 175
versa la ville de Quiahuiztlan , bâtie sur une
montagne , et capitale d'une autre province.
Le cacique lui fit le meilleur accueil , et lui
dit les mêmes choses que celui deCempoallan.
Pendant que Cortez était dans cet endroit , les
collecteurs des tributs dus à Motecuhzoma v
arrivèrent, ce qui effraya beaucoup le cacique,
parce qu'il craignait que celui-ci ne s'irritât
de ce qu'il eût reçu chez lui ces étrangers.
Cortez l'encouragea , et tant pour lui prouver
le peu de cas qu'il faisait de la colère de
Motecuhzoma , que pour le forcer à se mettre
en rébellion ouverte, il fit arrêter les quatre
collecteurs ; mais quand la nuit fut venue , il
en fit amener deux en sa présence, et les remit
en liberté, les chargeant de dire à Motecuh-
zoma qu'il le priait d'être son ami , qu'il n'en
tirerait que des avantages, et qu'il lui révéle-
rait des mystères inouïs. Quand le cacique de
Quiahuiztlan vit le lendemain que deux des
collecteurs étaient partis, et que certainement
ils le dénonceraient à Motecuhzoma, il n'eut
176 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
d'autre ressource que de lever ouvertement
l'étendard de la révolte, en engageant tous les
villages de son parti et de sa nation à se join-
dre à lui, et à refuser le tribut. Ils y consen-
tirent tous etpromirent àCortez de lui fournir
cent mille hommes s'il voulait marcher à
leur tète; ce qui le réjouit beaucoup, car il
voulait avant tout mettre le trouble dans le
pays. Il comptait rester l'ami des deux partis
et les tromper tous les deux. Ce fut cette
adresse qui causa son succès , et qui lui donna
le moyen de se rendre maître de l'empire.
En quittant Quiahuiztlan , il se rendit à Villa-
Rica de la Vera-Cruz, où étaient ses vaisseaux,
et fit travailler à sa construction le plus ra-
pidement possible.
^^-^-1
CHAPITRE LXXXII.
Séjour de Gortez à la Yera-Cruz. — H détruit ses vaisseaux.
Tous les soldats de Gortez étaient occupés
à la construction de la Villa-Rica , ainsi qu'un
grand nombre de naturels ses alliés. Pendant
que l'on y travaillait avec le plus grand zèle,
deux neveux de Motecuhzoma , accompagnés
de quatre vieillards qu'on leur avait donnés
13. 12
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DES GHIGHIMÈQUES. 179
iûle de Tizapantzinco ^ et s'assura de cette
.iianîère la possession du pays^ car les revoi-
es mirent le siégé devant cette ville et s'eii
emparèrent, malgré la vigoureuse résistance
de la garnison* Mais pour ne pas trop irriter
Motecuhzoma , €ortez ne permit pas^ qu'on
{ùllât la ville ni qu'on massacrât les habitants.
De cette manière les naturels de cette province
se virent exempts de tout tribut, mais aussi
dans l'impossibilité d'abandonner le parti de
Cortez. Quand celui-ci fut de retour à la Vefa-
Cruz(i), il y trowva soixante^ix Espagnols
et quinze chevaux ou juments qui v.enaient
d'arriver , secours qui arrivait fort à propos.
11 passa tout son monde en revue, et après
avoir fait le compte du butin , il en prit le
quint qu'il envoya à Sa Majesté pa<^ Alonzo Her-
nandez Porto -Carrero et Francisco Montejo.
(i) Les Espagnols étaient commandés par Francisco de Sau-
cedo (BemaUitaz , p. 24 , ch. 53; Betancourt , p. 1 18). Ghi-
malpain ( p. 36 ) fe nomme Salceda ; Solis ( liv. U, ch. i3), qai
est assez exact dans ce qui est relatif aux Espagnols, prétend
qu'il n amena que 10 hommes.
1 80 HISTOIRE
Il écrivit au roi tout ce qui s'était passé ; de-
mandant une récompense pour ses services , et
s'engageant à conquérir et à soumettre tout
le pays y et à prendre Motecuhzoma mort ou
vif. Le corps municipal , de son côté , supplia
le roi de confirmer C!ortez dans la charge qu'il
lui avait donné de capitaine général et de
grand justicier {capitan jr justicia mayor). A
cette époque^ les amis de Diego Velazquez
commencèrent à murmurer contre Ck>rtez , en
disant qu'il avait usurpé sa charge et s'était
soustrait à l'autorité de son chef. Mais celui-
ci fit arrêter les chefs des mécontents , en fit
pendre deux et fustiger les autres^ ce qui ar-
rêta cette mutinerie (i). Il se prépara ensuite
à partir pour Mexico , car tout ce qu'il avait
fait devenait inutile s'il n'avait pas une en-
trevue avec Motecuhzoma^ et toute la gloire
(i) Cortez fit pendre Juan de Escudero et le pilote Gcrmeno,
fustiger le pilote Gonzalo de Umbria et Alonio Penate , et
pardonna aux autres. (Cartas de Gortez , Mexico, 1 770, p. 41;
Ghimalpain , ch. 89. )
DES GHICHIMÈQUES. 181
de son entreprise ëtaît perdue. Beaucoup de
personnes s'y opposaient cependant, parce
qu'elles voyaient plus de témérité que de bra-
voure à s'engager avec cinq centà hommes au
milieu de millions d'ennemis. Voyant que ses
prières et ses bonnes raisons étaient inutiles,
il se détermina à l'une des actions les plus in-
croyables que l'on ait vues dans l'histoire du
monde. 11 suborna quelques pilotes pour ve-
nir lui dire en présence des principaux de
l'armée que ses vaisseaux étaient rongés des
vers et hors d'état de naviguer, et gagna
quelques marins pour pratiquer à fond de
cale une voie d'eau qui les fit couler. Tout
cela fut exécuté, et pour que personne ne dé-
couvrît la ruse, Cortez feignit d'en être très-
affligé; il déclara que puisqu'il n'y avait pas
de ressource, il fallait au moins utiliser le
bois, et fit démolir quatre des meilleurs vais-
seaux. Ses soldats, s'étant aperçus qu'il les
trompait ,. voulurent l'empêcher de continuer ;
mais il fit démolir les autres malgré eux et
182 HISTOIRE
n'en conserva qu'un seul. Il réunit ensuite sur
la place de Villa-Rica tous ceux qui parais-
saient mécontents y et leur exposa les motifs
qui Tavaient engagé à détruire les vaisseaux
contre son, propre intérêt, puisqu'il les avait
achetés fortdier et que c'était tout ce qu'il pos-
sédait. Il leur dit tout ce qu'il crut propre à
les encourager à entreprendre le voyage de
Mexico; que d'ailleurs il n'y avait plus de re-
mède, et qu'il ne croyait pas qu'un seul de
ses soldats fût assez lâche pour estimer sa vie
plus haut que celle de son général , et pour
refuser de venir à Mexico , où une si haute
fortune les attendait ; que cependant , s'il y
en avait qui eussent le cœur assez faible pour
vouloir retourner à Cuba, il leur abandonnait
le seul vaisseau qui lui restât ; mais qu'avant
peu ils s'en repentiraient et s'en arracheraient
la barbe en voyant la fortune des autres. Ils
furent si honteux de ces reproches , qu'il n'y
en eut pas un seul qui ne lui promit de le
suivre jusqu'à la mort, et qui ne louât ce qu'il
DES CHICHINÈQUES. 183
avait fait. Avant de partir pour Mexico , il en
avertit les alliés qui s'étaient révoltés contre
Motecuhzoma , et qui y possédant plus de cin-
quante villes ou villages, pouvaient lui fournir
environ cinquante mille hommes ; puis il se
mit en route, laissant cent cinquante hommes
à la Vera-Cruz , après avoir levé les obstacles
que Francisco de Garay , qui était venu de
Cuba à cet effet, lui avait suscités.
1
CHAPITRE LXXXIII
(Portez part pour Mexico. — Ge qui lui arriva pendant la route.
Cortez se dirigea d'abord vers Gempoallan ;
il y renversa les idoles et plaça des images et
des croix dans les temples. Il en partit le
16 août 1519 avec mille Indiens de charge,
treize cents guerriers et quelques otages. Il
n'avait que quatre cents Espagnols, dont
1 86 HISTOIRE
quinze cavaliers; il menait avec lui sept cou-
le vrines (tirillos). Il traversa d'abord pen"
dant trois jours le territoire des alliés^ où il fut
partout bien reçu et fêté. Cette bonne récep-
tion continua , par ordre de M otecuhzoma ,
quand il fut arrivé dans les provinces qui lui
étaient soumises; car^ par son adresse, il
s'était maintenu l'ami des deux partis. Âpres
avoir traversé pendant trois jours un désert
sans eau et sans vivres , les Espagnols arri-
vèrent à Zacatlan (i), où Olienteutl, qui en
était seigneur , les reçut avec de grandes fêtes
au nom de Motecuhzoma. Par le moyen de
Marina^ on prêcha aux indigènes la foi chré-
tienne, on leur fit connaître le roi d'Espagne,
et on s'informa de la grandeur et de la ri-
chesse de Motecuhzoma , du pouvoir et de la
(i) Glavigero, t. 111 , p. 36, fait observer qu*il s'agit ici de
Xocotla et non de Zacatlan, qui est à trente milles à l'ouest de
TIaxcalIan. Betancourt , p. 1 20, écrit aussi Xocotla , ainsi que
Torquemada , liv. IV, chap. 26. Bernaldiaz (chap. 61), qui
l'appelle Gocotla , dit que les Espagnols lui donnèrent le nom
de Gastilblanco.
DES CHlfiHIMÈQUES. 187
majesté de son empire , de sa cour , de la si-
tuation et de la grandeur de la ville de Mexico.
Cortez resta sept jours à Zacatlan ; il j ren-
versa les idoles et les remplaça par des croix,
comme il le faisait partout. Il envoya quatre
habitants de Cempoallan à Tlaxcallan pour
prévenir de son arrivée le sénat de cette ré-
publique, dont il espérait être bien reçu, parce
qu'ils étaient ennemis des Mexicains. Comme
les messagers tardaient trop à revenir , il se
remit en route et arriva à une grande palis-
sade derrière laquelle se trouvaient quinze
hommes armés de boucliers et de massues qui
cherchèrent à s'échapper; mais quand ils virent
que les cavaliers les atteignaient facilement ,
ils mirent l'épée à la main et se défendirent
si bravement qu'ils tuèrent deux chevaux.
Un de ces espions abattit d'un seul revers la
tête d'un cheval en coupant les rênes du même
coup (i). Cinq mille Tlaxcaltèques vinrent à
(i) 11 parut biea extraordinaire que l'on puisse abattre la
tête d'un cheval avec une épée de cailloux tranchants ; ce fait
i 88 HISTOIRE
leur secours ; mais bientôt après le sénat en*
voya des messagers à Cortez pour s'excuser,
en attribuant cette attaque aux Otomites de la
montagne, et l'inviter à entrer dans leur ville.
Toutefois, d'après les auteurs qui ont écrit sur
cette histoire, cette invitation cachait une per-
fidie. Les Espagnols furent attaqués le lende-
main par mille Tlaxcaltèques, qui, après avoir
combattu vigoureusement , se retirèrent dans
l'intention de les attirer dans une embuscade
déplus de 80, 000 hommes, où ils coururent le
plus grand danger ; mais il n'en périt aucun ,
quoiqu'il y en eût un grand nombre de bles-
sés. Us passèrent cette nuit dans un village
où ils se fortifièrent, et le lendemain, ils fu-
rent avertis qu'ils allaient être attaqués par
plus de cent cinquante mille hommes; mais
Dieu opéra de grands miracles en leur faveur.
Quand les Tlaxcaltèques furent arrivés près
des nôtres , ils commencèrent à se moquer de
est cependant confirmé par Rernaldiaz, chap. 63; Chimalpain»
chap. 43; Solis, lir. H, eh. 17.
DES GHIGHIMÈQUES. 189
leur petit nombre, et leur jetèrent des poules^
du mais et des cerises (ceresas), en criant que
c'était pour les encourager à combattre et
pour qu'ils ne pussent pas dire qu'on les avait
pris par la famine. Heureusement pour Cortez,
les Tlaxcaltèques ne les attaquèrent pas tous
à la fois, mais par bataillons de vingt mille
hommes qui se succédaient les uns aux autres
à mesure qu'ils étaient repoussés. Le combat
dura deux jours, et las Espagnols ayant tué,
sans perdre un seul homme, ime quantité de
Tlaxcaltèques, ceux-ci se persuadèrent qu'ils
étaient enchantés ou qu'ils étaient des dieux.
C'est pourquoi ils ne voulurent plus com-
battre , et envoyèrent le lendemain des pré-
sents à Cortez en manière de sacrifice (i).
Celui-ci leur répondit : « Je ne suis pas un
Dieu , mais un homme mortel comme vous ;
vous avez eu tort de refuser mon amitié, vous
(i) Selon Chimalpain (chap. 36), les envoyés de Tlaxcallan
dirent à Cortez : « Si tu es un dieu cruel , voici des esclaves ,
bois leur sang. Si tu es un dieu bon , voici des plumes et de
Tencens. Si tu es homme, voici de la viande et du pain. »
190 HISTOIRE
voyez ce qui vous en est advenu. » Malgré cda
il fut attaqué le même jour par vingt mille
Tiaxcaltèques. Le lendemain cinquante bom^
mes charges de vivres arrivèrent au camp de
Cortez ; mais il les renvoya après leur avoir
feit couper les poignets, parce qu'il apprît
d'un capitaine de Cempoaltan , nommé Tioc ,
que c'étaient des espions ; ce qui étonna beau-
coup les Tlaxcaltèques, qui crurent que Cortez
avait le don de deviner leurs pensées. Voyant
la grande valeur de €ortez et des siens , ils
résolurent de rechercher son amitié , i^jetamt
tout ce qui s'était passé sur les Otomites et les
autrtes tribus des montagnes qui avaient pris
Gortez pour un alKé mexicain.
A celte époque, le général efifiagnodl reçût
une nouvelle anvbassade de Moteeuhzofiia,
qui lui oiirait de se reconnaître pour vassal
et feudataire du roi de Castille, s'ifl voulait
renoncer à venir à Mexico. Il les retint quel-
ques jours , et ce fiït en leur présence qu'il
combattit les Tlaxcaltèques en les assurant
DES GHICHIMÈQUES. 191
qu'il les châtiait ainsi y parce qu'ils étaient les
ennemis du roi de Mexico. Une nuit que les
Espagnols avaient campé en rase campagne ,
on aperçut des feux dans l'éloignement. Cor--
tez se dirigea de ce côté et arriva à Tzimpan-
t^inco ^ ville de plus de vingt mille feux. Les
habitants surpris ne firent aucune résistance
et le reçurent très-bien , ainsi que ses compa-
gnons. Ils lui promireq^ même d'apaiser les
Tiaxcaltèques , et de les amener à feire la
paix. Quand les Espagnols se virent si prés de
Mexico, il y en eut auquel le cœur manqua,
et qui parlèrent de s'arrêter et de retourner à
la Vera-Cruz; mais Cortez les harangua si
bien, qu'il ranima le courage des faibles et
doubla celui des braves. Tous jurèrent de îe sui-
vre et de mourir, s'il le fallait, dans une aussi
sainte entreprise. Leurs sénats de Tkxcallan,
voyant la grande valeur des nôtres , et qu'ils
ne pouvaient rien contre etix , se décidèrent à
leur ouvrir leur ville , et à se confédércr avec
Cortez , considérant que s'il passait à Mexico
1 92 HISTOIRE
et s'alliait avec Motecuhzoma y leur perte serait
consommée; que de libres ils deviendraient
esclaves des Mexicains^ qui les châtieraient
cruellement pour les longues guerres qu'ils
avaient soutenues contre eux. Le sénat envoya
donc un des premiers seigneurs de la ville ,
nommé Tolimpanecatl Tlacatecuhtli ^ et un
frère cadet de Xicotencatl, un des quatre
chefs de la république» Ce dernier était avec
les Espagnols dès le commencement de la
guerre. On le leur avait envoyé pour leur
persuader de se retirer. Quand ils furent ar-
rivés à Tezcoatzinco, où se trouvait Tarmée de
Cortez y le principal des ambassadeurs de Mo-
tecuhzoma^ qui se nommait Âtempanecatl ,
dit à Tolimpanecatl : wQue viens-tu faire ici et
quel message apportes-tu ? crois-tu avoir af-
faire à tes égaux pour les recevoir les armes
à la main? « Voyant qu'il ne répondait pas , il
continua : « Qui est cause des troubles qui ont
éclaté à Huitzilihuacan^ Tepetlaxco , Tezmolo-
can, Teotlatzinco, Tepetzinco, Ocotepec, Tla-
DES GHIGHIMÈQUES. I^O
maquazquicac ^ Atlmoyahuacan , Zacalacoyo-
can, et dans les environs jusqu'à Chololan?
Je suis curieux de voir et d'entendre ce que
tu vas dire à Cortez. » Marina était présente à
cette altercation. L'ambassadeur de Tlaxcallan
se tourna vers elle et lui dit : a Je veux , en
présence de notre père le seigneur capitaine
Cortez, répondre à ce que dit mon parent
l'ambassadeur mexicain.» Marina luiayantor*
donné de continuer, il se tourna vers le Mexi-
cain et lui dit : « As-tu fini? — J'en ai assez dit,
répliqua celui-ci , voyons ce que tu demandes.
— Tu as tort, reprit Tolimpanecatl de traiter
si mal ta patrie la république de Tlaxcallan.
Prends garde qu'on ne te reproche d'avoir
usurpé les terres des autres, depuis Guitla-
hua jusqu'aux provinces de Ghalco , Xaute-
lolco , Quauhquechollan , Itzoncan , Quauhtin-
chan 5 Tecomachalco , Tepeyacac et Guixtlan,
et commettant d'une mer à l'autre mille vexa-
tions et mille tyrannies sans que personne
pût t'en empêcher. C'est à cause de toi et de
13. 13
194 titstoitiE
tes trahisoils que j'abhorre le sang de Hue^tot-
2inco dont je àuis issii , et c'est pour avoir de
riches vêtements et des vivres en abondance
que vous avez commis tous les crimes. N'as-^
tu pas honte de vouloir employer l'aide de^
autres pout assouvir tes passions? Situ veux
un combat , viens avec moi en rase campagne>
et tâche de te venger SUr moi. Je consent à
courir cette chance sans réclamer l'aide de
personne, car môi^ je tle crains pas la mort. Tu
m'accuses d'avoir reçu les armes à la main le
a
' capitaine Cortez , ton àmi. Apprends que ce
sont les réfugiés de Zacaxochitlan , Teocal-
huiyacan , Cuahuacan et Mazahuacan que tu
as dépouillés et auxquels j'ai donné un asile
sur mon territoire , qui ont attaqué le côpi^
taine Cortez ; mais moi je suis prêt à le servir
et même à le porter sur mes épaules.» Après
avoir termi né ce discours, l'ambassadeur Tlàx-
caltéque se tourna vers Cortez, le pria in-
stamment, au nom du sénat, de vouloir bien
se rendre dans leur ville et lui offrit quan-
DES CHICHIMÈQUES. 195
titë de sandales {Alpargatas) pour la route.
Cortez lui répondit^ par la bouche de Marina,
que le sénat et la noblesse devaient venir le
chercher là où il était , pour lui prouver leur
bonne volonté. Au moment où Tolimpane-
catl allait sortir > Marina le tira à part^ et lui
ordonna de saisir le lendemain l'ambassadeur
mexicain , pendant qu'il serait dans le temple
et de le tuer , puisqu'il leur avait fait tant de
mal. Cet ordre réjouit beaucoup les Tlaxcal-
tèques , qui rendirent compte au sénat de la
bonne volonté que Cortez leur témoignait.
L'arrivée de ces deux ambassadeurs Tlaxcal-
tèques déplut beaucioup aux Mexicains y qui
craignirent que Cortez ne fit alliance avec
eux ; ils lui dirent de ne pas les croire, qu'ils
le trompaient , et qu'ils cherchaient à l'attirer
chez eux pour s'en défaire par trahison. L'un
d'eux , qui était déjà parti pour rendre compte
à Motecuhzoma du résultat de sa mission , fit
dire à Cortez qu'il n'eût aucune confiance dans
les TIaxcaltèques ; car après avoir dit tout le
^ 96 HISTOIRE
mal possible de Motecuhzoma, ils cherchaient
à attirer les Espagnols dans leur ville pour
s'allier ensuite avec le roi de Mexico. Tout
cela mit Cortez dans une grande perplexité ;
mais enfin , après avoir examiné l'affaire, il se
décida à en courir la chance , et à chercher
à plaire à chaque parti pour les dominer tous
les deux. Il résolut donc d'aller à Tlaxcallan.
Dès que le sénat en fut informé il se réunit;
et Xicotencatl, qui était le plus vieux des
quatre chefs ( i) , leur dit : « Seigneurs, ne per-
dons pas de temps en discussions inutiles ; il
faut élire dans chacune des quatre tribus des
nobles et des gentilshommes pour aller au-
devant du soleil. Le sénat et les quatre chefs
ne peuvent y aller en corps. Cette demande
cache peut-être une trahison pour nous mas-
(t) Tlaxcallan était divise en quatre quartiers, Tepeticpac,
Ocotelnico , Tizaltlan et Quyahuiztlan , dont chacun était
gouverné par un chef héréditaire, qui formaient ensemble le
pouvoir exécutif de la république* J*expliquerai plus au long
cette forme de gouvernement dans mes notes sur l'Histoire de
Tlaxcallan de Gamargo.
DES CHIGHIMÈQUES. 197
m
sacrer ; car nous avons beaucoup d'ennemis
dans son armée. Quand il verra notre bonne
réception et combien nous désirons le servir,
il nous prendra en amitié et croira en notre
loyauté. Je nomme donc pour aller à ma place
deux nobles de ma famille^ Apayancatl et
Tecuachcaotli. Tout le monde approuva son
avis : Maxiscatzin nomma Tlacatecuhtli et
Ghicuilitzin Xiuhtlaqui. Le chef de la tribu de
Quyahuiztlan choisit Ghimalpiltzintli et Qua-
naltecatl ; celui de Tepeticpac désigna Tzopat-
zin, Quauchtlapaltzco y Ixiconauhquitecuhtli
et Hueitlapohtipatzin , Mixcoatzin. Guidés par
Tolimpanecatl Costomal^ ils allèrent trouver
Cortez, lui ofiFrirent un présent d'or et de pier -
reries, et l'invitèrent, au nom du sénat, à se
rendre à Tlaxcallan où les seigneurs l'atten-
daient tous en regrettant de ne pouvoir venir
au-devant de lui. Cortez se réjouit de leur
venue, et après avoir causé quelque temps
avec eux, il se mit en route avec son armée;
on lui fit à Tlaxcallan une réception solen-
1
i98 HISTOIRE
iielle. XicotencatI vint le recevoir à la porte
de son palais qui était dans le quartier de
Tlaxcallan. Il était si vieux qu'il était obligé
de se faire porter par quelques nobles ; il était
environné des principaux seigneurs de sa
cour et de sa race qui étaient Mocuetlazatzin,
Tzicuhcuacatl , Texiucuitlacochecaloatl , Axa-
yacatzin , Xiuhtecatl , Tonatiuhtzin , Tepo*
loatecuhtli^ et Tenamazcuicuiltzin. Les chefs
des trois autres tribus assistèrent aussi à cette
réception avec leurs principaux chefs. Maxis-
catzin d'Ocotelulco avait avec lui Tepanecatl,
Xiquiquilitzin > Chiconquauhtzin , Ixayopilt-
zin , Tlamazecuhetzin^ Tenaucatl, Zeyecatc-
cuhtii , Xavacatzin et Galmecahua. A la suite
du seigneur de Quyahuiztlan , on voyait Cit-
lalpopocatzin ^ Quanaltecatl , Axoyotsin , Te-
quanetzin , Tenancacalitzin , Xochicucaloa et
Izquitecatl. Le seigneur de Tepeticpac Tle-
huexolotzin menait avec lui, Tlequitlatoatzin,
Tezopatzin , Galmecahua Quauhatlapapactzo ,
IxcoconauhaquitecuchtlietXipântccuchtli j ils
DES GHlCamÈQUES. 199
étitî^nt suivis d'une quantité de nobles et de
gentilshommes de la province de Tlaxcallan.
Liorsque Corte* fut arrivé à un endroit nommé
Tezatlan , ih allèrent au-devant de lui jus^
qu'à la porte du palais; Xicotencatl donnait
un bras k Ma^iacatzin , l'autre à Tequanitzin.
Quand Cortç;? les eut aperçus , il descendit de
cheval , ota son bonnet , et leur fit une rêvé-
reuice très-humble ; Cortez embrassa Xicoten^
cafl, et lui dit, par la bouche de Marina,
qu'il était très - heureux de voir et de con-
naib^e les principaux seigneurs et nobks
de la province de Tlaxcallan , et qu'ils pou-
vaient être çn repos sur le but de $a venue »
que pe n'était que pour leur bien et pour leur
liberté. Maxiscatssin lui répondit ; <* Seigneur,
soye?5 le bien venu dans nos demeures, Yoiâ
nptre père Xicotencatl et tous les nobles et
seigneurs de Tlaxcallan qui vous attendaient
avec; impatience, enbre^ vous reposer. » î^iûo-
tencaiî lui offrit ensuite de sa propre main
un bpuquçt de fleurs que tenait Ma^ise^M^^jin ;
200 HISTOIRE
Ton commença ensuite à jouer des tambours^
des fifres et des trompettes , è déployer les
bannières. Xicotencatl prit ensuite Cortez par
le bras et le conduisit dans la grande salle de
sa maison où on lui servit un festin splendide
ainsi qu'à ses compagnons y ce qui dura pen-
dant toutle temps qu'ils passèrentàTlaxcallan.
Dans ce chapitre et dans les suivants, je ne
suis pas , en parlant de Tlaxcallan , ce qu'ont
dit les auteurs qui ont traité de la conquête ^
mais ce qu'a écrit Tadeo de Niza de Santa-
Maiûa , natif de Tepeticpac , dans la relation
qu'il écrivit par ordre du sénat^ sous le gou-
vernement de D. Alonzo Gomez^ et qu'il donna
à frère Pedro Orosco pour le porter en Espagne
à S. M. Elle fut écrite en 1 528 , et les auteurs
avaient été témoins oculaires de tout ce qu'ils
rapportent ; c'étaient Michel Tlazpanquizcat-
zin, régidor perpétuel et natif de Quyahuiz-
tlan^ Torribio Tolimpanecatl , D. Antonio
Colmecahua^ D. Diego de Guzman^ D» Martin
de Valencia Coyolchich iquhqui et d'autres dont
DES CHIGHIMÈQUES. 201
je ne mets pas ici les noms. Il y avait trente-
un ans que Gortez était entré dans le pays^
quand on écrivit cette relation^ qui est la
meilleure de toutes^ la plus certaine et la plus
authentique^ car elle fut écrite d'un commun
accord, et par des gens parfaitement instruits»
1
â ^
CHAPITRE LXXXIV.
Séjour de Gortez à Tlaxcallan.
Certes; resta vingt jours à Tlaxcallan ^ où il
fut parfaitement traite par les habitants; il
leur demanda, pour lui et pour les siens, la
permission de parcourir la ville, de visiter les
temples et les palais des quatre chefs. Quand
il se fut assuré que c'étaient des gens civilisés^
204 HISTOIRE
chez lesquels il y avait des notions d'ordre et
de police^ une justice administrée régulière-
ment , et avec lesquels on pouvait traiter en
toute sûreté, il se mit à leur prêcher la reli-
gion chrétienne et à les détourner de Fido-
lâtrie et des sacrifices humains, leur disant
que leurs dieux étaient des démons. Il ne
réussit pas entièrement à les persuader pour
cette fois ; mais il établit dans la grande salle
du palais de Xicotencatl un oratoire avec une
croix et une image de Notre-Dame, où Ton
dit la messe presque tous les jours; il fit
placer avec une grande solennité une autre
croix dans la salle où il recevait le sénat. Les
Tlaxcaltèques étaient très-étonnés de voir que
les Espagnols adoraient le Dieu qu'ils appe-
laient TonacaquahuitI ou l'arbre de la nour-
riture. Les chefs de la république résolurent
de donner leurs filles en mariage à Cortez et
à ses principaux compagnons. Xicotencatl lui
donna deux de ses filles, nommées Tecuiloat-
•'''tuet Tolquequetzaltzin ; Maxiscatzin choisit
DES GHIGHIMÈQUES. 205
pour cela Zicuetzin^ fille d'Altlapaltzin ; le
seigneur de Quyahuiztlan donna Zacancoz-
catl, fille d'Axoquentzin ; on joignit à ces
princesses beaucoup d'autres jeunes filles , et
on les donna à Cortez et à ses compagnons ,
avec beaucoup d'or, d'étoiSes, de plumes et
de pierreries. Maxiscatzin dit à Cortez qu'on
lui envoyait toutes ces jeunes femmes , filles
des principaux capitaines , pour que lui et ses
guerriers les prissent pour épouses. Cortez le
remercia et les partagea entre les siens , pour
ne pas avoir l'air de mépriser ce présent. Pour
montrer aussi sa libéralité, il leur demanda
quelques messagers , qu'il envoya à Cempoal-.
lan, d'où ils rapportèrent quantité d'étoffes ,
de vêtements, de cacao, de sel , de coquillages
et de poissons, qu'il partagea entre les quatre
chefs et les autres principaux nobles de Tlax-
callan ; ce qui était pour eux un présent très-
précieux, parce qu'ils manquaient de tout
cela. On envoya donc à Cempoallan cent vingt
nobles et deux cents Indiens de charge; ils
206 H16TOIKE
dirent aides par un Edpagndl que Cortez avait
laissé à Gempoallan et par le seigneur de cet
endroit, qui se nommait GhieomacatK On leur
ordonna en même temps d'ouvrir une route
régulière depuis Gempoallan jusqu'à Tlaxcal*-
lan. Xieotencatl choisit pour faire ce voyage
un noble nommé Icueten ; M axiscatzin désigna
Tôtôltzin Ghiuhatlapiltzin ; Tlehuexolotzin
envoya Yaotzin et d'autres que je ne nommerai
pas pour éviter la prolixité.
Pendant le séjour de Tlaxcallan , les habi-
tants de Huexotzinco, qui étaient de la même
nation et se gouvernaient aussi en républi-
. que , vinrent pour se soumettre à Gortez. Le
tableau que l'on garde encore dans les ar-
chives de la municipalité de Tlaxcallan , i^e-
présente le prêtre Juan Diaz baptisant à celte
époque les quatre chefs de la république :
Cortex fut leur parrain. Les trois premiers,
qui étaient des vieillards, furent Xieoten-
catl, qui fut nommé D. Barthélémy; Gitla-
popocatzin , qui fut nommé D<. Balthazar , et
DES dtttOIllItÈQUES. 207
Tlehue^coloteiti , qui fut tidinmëD. Gôntalù;
Ma^iscatïiti , qui était tin jeune homme , fut
appelé D. Juan.
Pendant tout ce temps, les ambassadeurs
de Motecuhiomà invitaient sans cesse CoHet
à ëe mettre en route pour Mexico. Quand ils
le virent prêt à partir, ils l'engagèrent à pas-
ser par Chololan, ville riche, populeuse et
alliée de Motecuhzoma. Il se décida, malgré
les objections des Tlaxcâltèques , à suivre ce
conseil. Il emmena avec lui seulement six mille
guerriers, quoiqu'on lui en offrît bien da-
vantage; ils étaient commandés par Atlépa-
palotzin, Tlacatecuhtli, Quanaltecatl , Tona-
mactequiniltzin , Imiztli, Matzin et Axaya-
cat2in; mais ce dernier retourna à Tlaxcallan.
Dix mille habitants de Chololan vinrent au-
devant de Cortez à quelque distance, le con-
duisirent dans leur ville avec de grandes dé-
monstrations de joie, et, après lui avoir donné
les meilleurs logements , ils lui servirent un
festin splendide ce soir-là. Les ambassadeurs
208 HISTOIRE
de Motecuhzoma recomnoiencèrent à solliciter
Cortez de ne pas se rendre à Mexico^ soule-
vant de nouvelles difficultés ; ce qui excita ses
soupçons contre eux et contre les habitants de
Ghololan. Il ordonna aux Tlaxcaltèques , ses
alliés 9 de se mettre sûr la tête un signe qui
les fit facilement distinguer, parce qu'il vou-
lait faire sur les Chololtèques et les Mexicains
un exemple terrible. Il ordonna à tous les
chefs et à tous les nobles de Ghololan de se
rendre dans une grande salle où ils se réunis-
saient ordinairement quand ils avaient à
traiter des affaires d'importance (i), leur an-
nonçant qu'il voulait quitter la ville; il fit
aussi réunir tous les gens du peuple dans la
grande cour, sous prétexte de choisir ceux
(i) Ce fut le peu de confiance que Ton avait en Motecuh-
zoma qui fit manquer Taffaire de Ghololan, il avait offert
aux habitants un secours de trente mille hommes , mais ceux-
ci le refusèrent , craignant qu il ne profitât de Foccasion pour
se rendre maître de la ville {Chimalpain , chap. 56). Quelques
auteurs disent qu Alvarado fut averti de ce complot par sa
maîtresse, d autres, que ce fut une vieille Indienne qui prévint
Marina. [Torquemada , Xw , IV. ch. 89. Bernai Diaz. ch. 83.
f^efancouNy p. 3, ch. Vil.)
DES CHICHIMÈQUES. 209
qui lui étaient nécessaires pour porter des
fardeaux; il arriva donc tant de monde de
tout rang , que la salle et la cour étaient en-
tièrement remplies. Quand les trente princi-
paux furent arrivés , Cortez les fit arrêter et
fit fermer les portes de la salle pour que per-
sonne ne pût sortir; il fit ensuite appeler les
ambassadeurs mexicains et leur dit que les
prisonniers lui avaient avoué qu'ils avaient
par leurs ordres tramé une conspiration contre
lui pour l'assassiner^ mais qu'il ne pouvait
croire que cet ordre vînt de Motecuhzoma (i).
Les Mexicains cherchèrent à s'excuser, disant
qu'eux et leur maître étaient entièrement
innocents d'un pareil crime. Cortez fit exé-
cuter quelques-uns des trente seigneurs et
tirer un coup d'arquebuse, qui était le signal
convenu avec les Espagnols pour qu'ils mas-
sacrassent tous ceux qui se trouvaient dans
(i) Le principal chef de Ghololan se nommait Tequanhu-
chuetzin ; cette famille existe encore , et un de ses membres
fut envoyé par Puebla aux Gortès d'Espagne en 182 1.
(Chimalpain, cb. 55 , noie.)
13. 14
210 HISTOIRE
la cour, ce qu'ils exécutèrent; de sorte qu'en
moins de deux heures il en périt plus de cinq
nillç; ils pillèrent et brûlèrent les temple et
es principales maisons dq la yillie, et surtout
e grand temple où s'étaient réfugiés les prê-
tres et les nobles. Ce fut là que périt le plus
de monde. Cette action répandit la terreur
dans tout le pays^ et la ville fut déserte en
un instant. Le butin fut très - considérable ,
tant en or et en pierreries qu'en plumes et en
étoffe$ ; car c'était une des villes les plus riches
de Teinpire , parce que presque tous les habi-
tants faisaient le commerce. Cortez. remit en-
suite les prisonniers en liberté, à condition de
faire rentrer les fugitifs dans la ville en leur
promettant paix et repos. En un jour de temps
la ville fut aussi peuplée qu'auparavant > et
les habitants devinrent ses amis et ceux des
Tlaxcaltèques. Le sénat, voyant qu'à cause de
cette affaire Cortez commençait à manquer de
vivres, lui en envoya, et ce fut Maxiscatzin
qui les lui amena avec les gens de son quar-
DES CHIGHIMÈQUES. 211
tier. Cortez les remercia beaucoup et les ren-
voya y en leur disant que s'il avait jamais
besoin de leur secours il les ferait appeler. Us
s'en retournèrent donc , et pendant les quinze
jours que Cortez resta à Chololan , les Tlaxcal-
tèques l'aidèrent et le servirent de toutes les
manières. Vers cette époque , les ambassadeurs
de Motecuhzoma revinrent avec un nouveau
message de leur maître , et lui offrirent six
dindons en or richement travaillés^ avec beau-
coup d'étoflFes et de vivres; ils l'assurèrent
que toutes les accusations qu'on avait portées
contre leur maitre étaient calomnieuses ^ qu'il
était son véritable ami , et que s'il en voulait
la preuve il vînt de suite à Mexico , où il l'at-
tendait avec impatience et lui préparait la
meilleure réception. Cortez se décida donc à
se remettre en route.
n
CHAPITRE LXXXV.
Voyage de Gortez à Mexico. — Ce qui se passa dans cette Tille
jusqu'à Farrestation de Motecuhzoma.
En quittant Chololan^ Gortez alla coucher
dans un endroit nommé QuauhtecatI, entre le
volcan et les montagnes Neigeuses. Le lende-
main , dans la matinée , on aperçut le lac sur le
bord duquel est bâtie la ville de Mexico , ainsi
que beaucoup d'autres belles villes ; il alla cou-
21 4 HISTOIRE
cher avec son armée à Âraetaca , et se logea
dans la maison de Cacamatzin^ seigneur de
cette ville, qui le reçut très-bien , et se plai-
gnit beaucoup de la tyrannie de Motecuh-
zoma; il coucha la nuit suivante à Iztacpa-
lapan , chez Cuitlahuatzin , frère de Motecuh-
zoma , et seigneur de cette ville. Cacama , roi
de Tezcuco et neveu de Motecuhzoma , y vint
au-devant de lui avec toute sa cour; il était
porté sur un palanquin en or. Quand il eut
salué Cortez et lui eut offert un présent consi-
dérable en or et en pierreries y il l'engagea à
rester où il se trouvait, lui promettant que
Motecuhzoma s'arrangerait de manière à avoir
une entrevue avec lui pour recevoir son am-
bassade ; mais Cortez s'y refusa , et continua
le lendemain sa route vers la capitale , accom-
pagné d'un grand nombre de seigneurs de
Mexico, Tezcuco et Tlacopan. Quand il fut
arrivé près d'une source qui est à l'entrée de
la ville, à l'endroit où l'aqueduc se joint avec
la chaussée, il y trouva plus de quatre mille
DES CHICHIMÈQUES. 215
nobles richement vêtus , et qui , à mesure qti'il
passait devant eux , le saluaient humblement
à la mode du pays , en Inettànt leur main par
terre et en la baisant , ce qui était la manière de
saluer les grands seigneurs. Plus loin , auprès
d'un pont , il rencontra Motecuhzoma qui ve-
nait à pied au -^devant de lui. Il donnait le
bras d'un côté à son neveu , le roi Cacama de
Tezcuco , et de l'autre à son frère Cuitlahuat-
zin. Us avaient sur la tête des panaches de
plumes vertes ornées d'or et de pierreries, tel»
qu'en portaient les seigneurs qui étaient capi-
taines généraux de Mexico et de Tezcuco,
Motecuhzoma, Cacama et Cuitlahuatzin étaient
vêtus de la même manière , excepté que les
deux rois portaient sur la tète des diadèmes
d'or et de pierreries , et des franges qui pen-
daient du cordon qui attachait leurs cheveux ;
leurs souliers étaient d'or ornés de pierreries
et de perles. On étendait devant eux des pièces
d'étoffes pour qu'ils marchassent dessus. Ils
étaient suivis de gardes et de serviteurs ri-
1
21 6 HISTOIRE
chement vêtus ^ au nombre de trois mille.
Quand Cortez s'approcha d'eux ^ il descendit
de cheval, et après les avoir salués profon-
dément il voulut embrasser Motecuhzoma,
mais on l'en empêcha. Quand ils se furent
salués plusieurs fois, Cortez jeta au cou de
Motecuhzoma une chaîne de verroterie qui
imitait les perles et les diamants. Motecuh-
zoma mit à celui du général espagnol un collier
d'or très-riche dans lequel étaient enchâssés
des coquillages (camarones), couleur de coquil-
lages que les Mexicains estimaient beaucoup ;
ils allèrent ainsi jusqu'à la ville. Motecuh-
zoma laissa avec Cortez son neveu Cacama et
son frère Cuitlahuatzin , et retourna à son
palais. Il marchait le premier et Cortez im-
médiatement après , donnant la main à Ca-
cama. 11 le conduisit aussi avec grande pompe
à un riche palais qui appartenait au roi de
Mexico, et qui avait été occupé par le roi
Axayacatzin , son père. Quand ils furent arri-
vés à la porte , Motecuhzoma prit Cortez par
DES CHICHIMÈQUES. 217
la maiii; leconduisit dans une grande salle et le
fit asseoir sur une riche estrade^ en lui disant :
« Reposez-vous et mangez, car vous êtes ici dans
votre maison; je reviendrai bientôt. » (Ce fut le
8 novembre 1 51 9 que Cortez entra à Mexico.)
On apporta aussitôt un repas que Cortez prit
avec les siens, et Motecuhzoma à part, dans
ses appartements. Quand le roi eut mangé, il
revint auprès de Cortez , et le faisant asseoir à
côté de lui sur l'estrade, il lui dit d'un air
grave qu'il se réjouissait que des gens si nobles
fussent venus le visiter dans sa cour, et qu'il
était affligé qu'ils eussent cru qu'il voulait les
maltraiter. Il s'excusa de tout ce qu'il avait fait
pour l'empêcher de venir à Mexico, et lui ra-
conta qu'une prophétie qui lui avait été trans-
mise par ses ancêtres annonçait qu'un grand
seigneur, qui avait autrefois gouverné ce pays,
devait revenir un jour avec les siens pour
en prendre possession et lui donner de nou-
velles lois , et que sans doute le roi d'Espagne
était celui qu'ils attendaient. Il lui fit une
218 HISTOIRE
longue description de ses richesses, et les lui
offrit ; puis ayant fait apporter une quantité
de joyaux et d'étoffes , il les distribua entre
les Espagnols selon le rang qu'ils lui paru-
rent occuper, Cortez employa les six premiers
jours à parcourir la ville et à l'examiner. Les
principaux seigneurs de l'empire vinrent le
visiter et lui offrir leurs services. On fournit
des vivres en abondance à ses compagnons et
aux six mille Tlaxcaltcques qu'il avait amenés.
Au bout de ce temps , ayant bien réfléchi sur
la position difficile où il se trouvait , il résolut
de s'emparer de Motecuhzoma. C'était une ac-
tion certainement bien hardie de se saisir de la
personne d'un aussi puissant roi au milieu de
son palais, de sa couret de ses vassaux, àlui qui
n'avait que si peu de compagnons ; une audace
qui fait frémir rien que d'y penser. Que dire
donc de celui qui l'a entrepris et a réussi ? Il prit
pour prétexte l'affaire de Ghololan et d'autres
tentatives qu'il attribuait à Motecuhzoma pour
le faire périr lui et les Espagnols, ainsi que
DES GHIGHIMÈQUES. 219
Iejf|[^urtre de quatre Espagnols commandés
pgjc ]fi capitaine Pedro de Yrcio, qui avait été
cçfji^is prés de la Vera-Cruz par ordre de
Qji^auhpopocatzin , seigneur de Guyoacan ^ un
dç^jgrands de l'empire , qui résidait à Nauht-
]an.^ comme gouverneur des côtes de la mer
du Nord, à ce que disaient les lettres que
Cortez prit avec lui pour les montrer à Mo-
tecuhzoma si cela était nécessaire. Il se pro-
menait dans la salle en méditant ce plan ,
quand il aperçut une porte qui lui parut nou-
vellement murée; craignant quelque trahison,
il la fît ouvrir pendant la nuit , et l'on décou-
vrit au delà des salles remplies d'or, de plu-
mes, d'étoffes, et d'autres objets de grande
valeur , et en telle quantité qu'on pouvait à
peine en croire ses yeux. Il fît murer de nou-
veau la porte pour qu'on ne s'aperçût de rien.
Le lendemain ,. quelques Tlaxcaltèques et quel-
ques Espagnols vinrent le trouver, et lui
dirent qu'ils avaient appris que Motecuhzoma
voulait les faire périr, et qu'il avait donné
220 HISTOIRE
Tordre de couper les ponts. Dans une lettre
originale que j'ai entre mes mains^ signée par
les trois chefs de l'empire et adressée à l'em-
pereur notre sire de glorieuse mémoire, ils
se justifient de cette accusation et prétendent
que ce fut une calomnie des Tlaxcaltèques et
de quelques Espagnols qui étaient impatients
de sortir de la ville et de mettre à l'abri les
immenses richesses qu'ils avaient entre les
mains. Soit que cette accusation le décidât, soit
que sa résolution fût déjà prise , il se détermina
à s'emparer de Mutecuhzoma. Il plaça une
garde d'Espagnols dans les endroits où les ca-
naux se croisaient, et dans tous les endroits où
il devait passer pour revenir du palais à son
logement, où il laissa la moitié de sa force.
Il ordonna aux alliés de le suivre, et mar-
chant par deux ou par trois avec des armes
cachées, il fit avertir Motecuhzoma qu'il allait
venir le visiter. Celui - ci vint au - devant de
lui jusqu'au haut de l'escalier, l'introduisit
dans la salle où une trentaine d'Espagnols le
DES GHICHIMÈQUES. 221
suivirent, et ils se mirent à causer amicale-
ment ensemble, comme ils en avaient Thabi-
tude. Voulant donner à Cortez une marque
d'amitié, Motecuhzoma lui donna des médail-
lons d'or très-riches , et lui oflFrit une de ses
filles pour épouse ; mais Cortez lui répondit
qu'il était déjà marié, et que la loi évangé-
lique ne lui permettait pas d'avoir plus d'une
femme. Il tira ensuite de sa poche les lettres
du capitaine Pedro de Yrci >, commença à
se plaindre au roi du meurtre des quatre Es-
pagnols que Quauhpopocatzin avait commis
par son ordre, et à lui reprocher qu'il mé-
ditait une trahison , et qu'il voulait faire cou-
per les ponts. Motecuhzoma, se voyant accusé
d'une perfidie si grande et si loin de sa pen-
sée , s'écria que tout cela n'était qu'un tissu de
mensonges , et ayant fait appeler un de ses ser-
viteurs, il ôtade son bras un bracelet sur lequel
était sculpté son portrait, qui était comme son
sceau royal, et lui ordonna d'aller en toute
hâte mander Quauhpopocatzin. Quand le ser-
222 HISTOIRE
viteur fut parti , Cortez dit au roi de Mexico :
« Je dois m'assurer de votre personne et ¥êûs
conduire à mon logement ^ où vous serez bien
traite et bien servi jusqu'à ee que Quauhpo-
pocatzin soit arrivé. Excusez-moi ; mais il ie
faut^ car mes compagnons me tueraient si
j'en agissais autrement. Ordonnez à vos sujets
de ne pas remuer , car vous paierez tout le
mal qui nous arrivera.» Motecuhzoma fut tel-
lement stupéfait de ce discours , qu'il resta
quelque temps sans pouvoir proférer une pa-
role. Enfin il dit à Cortez d'un air grave : « Je
ne suis pas de ceux que l'on met en prison ;
même si j'y consentais , mes sujets ne le souf-
friraient jamais.» Cortez insista sur la nécessité
d'en agir ainsi. Enfin , après une discussion
de plus de quatre heures , Motecuhzoma lui
dit qu'il consentait à venir avec lui , et, ap-
pelant ses serviteurs, il leur ordonna de se
rendre au palais de Cortez et d'y préparer un
appartement pour sa réception. Tous les Es-
pagnols se rendirent aussitôt au palais, ainsi
DES CHICHIHÈQUES. 223
qu'un grand nombre de seigneurs de la ville
parents et amis du roi , qui cherchaient à lire
dans ses yeux s'il voulait qu'ils le délivras-
sent; mais sur l'ordre de celui-ci , ils le poin-
tèrent sur son palanquin d'or couvert de pier-
reries. 11 traversa la ville au milieu du plus
grand tumulte. On voulait le délivrer , mais
il assura qu'il n'était pas prisonnier, et qu'il
allait volontairement loger avec Cortez , ce que
les Mexicains crurent, puisqu'ils le voyaient
expédier les affaires comme auparavant, sor-
tir du palais , et même aller à la chasse à une
ou deux lieues; mais ils observèrent qu'il
avait toujours des Espagnols avec lui pour le
garder : du reste , il était servi par les siens ,
parlait à qui il voulait en public ou en secret,
et sortait pour aller prier ses dieux , ou leur
offrir des sacrifices. 11 était gardé par huit Es-
pagnols et trois mille Tlaxcaltèques. Cortez
lui dit un jour pour l'éprouver que Ses com-
pagnons avaient pris une certaine quantité
de byoux d'or qui se trouvaient dans le pa-
1
224 HISTOIKE DES CHICHIMÈQUES.
lais. Motecuhzoma lui répondit qu'il les leur
abandonnait de bon cceur, et leur en donne-
rait encore davantage s'ils le désiraient , mais
qu'ils ne touchassent pas aux plumes^ parce
que c'était le trésor des dieux.
t
CHAPITRE LXXXVI
De ce qQÎ se passa à Mexico jiuqa a ce que Gortez fît mettre
des fers à Motecuhzoma. — Gacama , roi de Tezcuco , prend
les armes pour délivrer son oncle et chasser les Espagnols.
— Son oncle Ixtlilxochitl le prend par trahison et le livre
à Gortez.
Aussitôt que Cortez eut Motecuhzoma en son
pouvoir, il voulut l'empêcher de sacrifier aux
idoles , et se mit à les renverser , ce qui ir-
rita beaucoup les Mexicains. Ils furent sur le
point de massacrer Cortez, qui l'avait ordonne,
et Motecuhzoma , qui l'avait permis. Le géné-
13. 15
226 HISTOIRE
rai espagnol consentit donc, à la prière de ce
dernier, à les laisser subsister pour le moment.
Il se contenta de leur représenter l'aveugle-
ment dans lequel ils vivaient, et de leur mon-
trer le chemin de la vertu et la vérité de la loi
évangélique ; ce qui , disait-il , avait été le prin-
cipal but de sa venue, et non le désir des riches-
ses, puisqu'il n'avait pris que ce qu'on lui avait
donné, n'avait touché ni à leurs femmes ni
à leurs enfants , et ne leur avait fait aucun
mal ; que son principal but était de sauver
leur âme. Il n'y a , leur répétait-il , d'autre
dieu que le Dieu des chrétiens triple , un et
éternel et sans fin, qui a créé et conserve
toutes choses , qui gouverne le ciel et la terre.
Il ajouta beaucoup d'autres raisons pour les
amener à notre sainte foi catholique et leur
faire détester leur idolâtrie, ce qui les calma
un peu , et Motecuhzoma en vint à promettre
à Cortez qu'il ne ferait pas de sacrifices hu-
mains pendant tout le temps qu'il serait dans
sa capitale. Il permit aussi que dans Ja cha-
DES GHICHIMÈQUES. 227
pelle qui se trouvait au haut du grand temple,
qui avait cent quatorze marches d'élévation ,
on plaçât un crucifix et une image de Notre-
Dame entre les deux idoles deHuitzilopochtli.
Il y avait vingt jours que Motecuhzoma était
prisonnier, quand Quauhpopocatzin arriva à
Mexico avec son fils et quinze nobles qu'on
accusait d'avoir trempé dans la mort des quatre
Espagnols.Motecuhzoma, après lui avoirparlé,
le livra à Cortez : d'après la lettre dont j'ai
parlé plus haut et les relations mexicaines , il
n'était pas coupable , et les quatre Espagnols
avaient été massacrés par ces naturels du pays
à cause des excès qu'ils avaient commis. Cor-
tez alla à l'arsenal de Motecuhzoma et en fit
tirer toutes les armes qui s'y trouvaient ainsi
que dans ceux des temples, et en fit élever
sur la grande place un bûcher, sur lequel on
brûla Quauhpopocatzin , son fils, et les quinze
nobles qui l'avaient accompagné; acte non
moins audacieux que les précédents. Avant
cette exécution , il fit mettre des fers à Mote-
228 HISTOIRE
cuhzoma , et lui fit de grandes menaces pour
l'épouvanter davantage. Il les lui ôta ensuite ,
et lui promit de le remettre en liberté ; mais ce
prince était tellement épouvanté qu'il n'osait
rentrer dans son palais. Pendant ce temps Cor-
tez ne négligeait pas de s'instruire de toutes
les particularités qui pouvaient lui être utiles ^
s'informant quelles étaient la grandeur et la
richesse des états de Motecuhzoma ^ de son
neveu Gacama, et de Totoquihuatzin de
Tlacopan , de tout ce que contenaient les do-
maines de ces trois chefs , des mines d'or et
d'argent, de la distance qu'il y avait jusqu'à
la mer du Sud ; s'il y avait, sur la côte de la
mer du Nord, un port meilleur et plus com-
mode pour les vaisseaux espagnols que celui
de la Vera-Cruz. Il demandait tout cela à
Motecuhzoma , qui lui répondait fort exacte-
ment, car il ne lui cacha jamais rien. Il en-
voya de divers côtés pour reconnaître le pays ,
la grandeur et les fortifications des villes d'où
on lui apportait des échantillons de mine-
DES GHICHIMÈQUES. 229
rai , et des alliés que l'on y pourrait trou-
ver. D'après les historiens de Tezcuco, deux
frères du roi Cacama , dont l'un se nom-
mait Netzahualquentzin et l'autre Tetlahue-
huezquititzin ^ furent chargés ainsi qu'un
grand nomhre de gens de service, tous natifs
de Tezcuco y d'accompagner les «messagers
que Cortez y envoyait , afin d'en considérer
la puissance, la force et la grandeur, et de
prendre possession de l'or qui se trouvait
dans le trésor royal. Les deux princes se
rendirent au palais que leur aïeul Netzahual-
coyotzin avait construit à Mexico pour s'em-
barquer de là avec les Espagnols dans des
canots. Ils allaient y monter quand arriva un
messager de M otecuhzoma , qui, tirant Netza-
hualquentzin à part, lui recommanda, au
nom de son oncle , de bien traiter les Espa«
gnols, et de leur donner tout l'or qu'ils
voudraient, puisqu'il voyait l'état où il se
trouvait. Les Espagnols pensant que cet en-
tretien secret cachait quelque trahison, un
230 HISTOIRE
Espagnol s'approcha de Net2sahua1quentzin9 et
après l'avoir battu , il le traîna devant Cortez
qui le fit pendre à l'instant. Cacama fut très-
offensé de cette conduite , et fit partir à sa
place un autre de ses frères nommé Tecpacxo-
chitzin , pour aller avec les Espagnols. Ceux-
ci eurent à Tezcuco un entretien avec Ixtlilxo-
chitl et s'emparèrent de l'or dont ils remplirent
un grand coflV^e qui avait deux brasses de
long y une de large y et une toise de haut. Mon
contents de cela, les Espagnols, qui étaient au
n<Mnbre de vingt, ordonnèrent a Tetlahue-
huezquititzin et aux autres seigneurs de la
ville d'en réunir davantage, parce que cela
ne suffisait pas. Chaque seigneur fut donc
obligé d'en tirer de son trésor particulier , et
on en réunit une quantité égale à la première.
Tout cela fut porté à Cortez qui fut bien
étonné quand il vit toutes ces richesses, et
encore plus quand on lui décrivit la grandeur
et la force de Tezcuco et sa population nom-
breuse. Il se réjouit aussi beaucoup d'avoir
DES CHfCHIMÈQUES. 231
pour ami Ixtlilxochitl , qui était la personne
la plus estimée et la plus célèbre de tout le
royaume. Il chercha alors à s'emparer de la
personne de Gacama. Mais , quoiqu'il fût à
Mexico y il n'osait le fkire , parce que c'était
un homme vaillant et sans crainte^ qui pa-
raissait le mépriser ^ et qui se montrait ouver-
tement offensé de la prison de Motecuhzoma
son onde. Gacama ^ voyant que les excès de
Cortez et de ses compagnons augmentaient
chaque jour^ réprimanda dm^ement la noblesse
mexicaine de ce qu'elle pliait devant une poi-
gnée d'étrangers au lieu de les tuer* Ils s'excu-
saient y en disant que c'était pour ne pas of-
fenser Motecuhzoma , qui leur montrait tant
d'amitié , qu'ils ne prenaient pas les armes et
souffraient tous les affronts que leur avaient
feits les étrangers^ en emprisonnant leur roi^
en brûlant Quauhpopoeatzin ^ ses fils et ses
parents^ quoiqu'ils fussent innocents , et eu
employant à cet usage les armes et les muni-
tions opi'ils avaient amassées pour la défense
1
CHAPITRE LXXXVII.
Motecnhzoma et les autres seigneurs de l'empire se reconnais-
sent vassaus^ du roi de Castille. — Ce qni arriva à Gortez
jusqu'à la prise de Pamphile de Narvaez qui venait
l'attaquer.
Quand Cortez eut en son pouvoir les deux
rois Motecuhzoma et Cacama^ il leur dit de
rétinir tous les seigneurs de l'empire , parce
qu'il voulait leur parler de l'objet de sa venue
et commencer leur conversion à notre sainte foi
catholique. Ils convoquèrent donc tous les
236 HISTOIRE
grands , et quand ils furent réunis dans une
salle, chacun prit place selon son rang, Mo-
tecuhzoma s'assit entre Cacama et Totoqui-
huatzin, car Cortez l'avait remis en liberté
pour ce jour-là , quoiqu'il lui eût laissé des
gardes. Il commença un long discours pour
justifier la conduite qu'il avait tenue, et en
vint même à dire qu'il remerciait Dieu de ce
que c'était sous son règne qu'ils avaient eu
connaissance des Espagnols et de ce puissant
roi dont ils désiraient la venue depuis des siè-
cles , et qui certainement était celui qui avait
envoyé les Espagnols à sa cour : « Si Dieu, leur
dit-il , a décidé que l'empire des Gulhuas, des
Aculhuas et des Tecpanèques doit finir , je ne
veux pas m'opposer à sa volonté et je me
soumettrai de bonne grâce au roi de Castille ;
je le regarderai comme mon seigneur su-
prême, sous la protection duquel je veux vi-
vre, et je vous prie d'en faire de même. » En
tenant ce discours Motecuhzoma soupirait et
versait tant de larmes que tout le monde en
DES GHIGHIMÈQUES» 237
fut attendri , même Cortez et les autres Es-
pagnols qui étaient présents; quand il se fut
un peu remis, il prêta solennellement serment
à Don Carlos, roi de Gastille, et après lui Ca-
cama son neveu, roi de Tezcuco, Totoqui-
huatzin , roi de Tlacopan , et tous les grands
qui se trouvaient là; ils promirent de se con-
duire en bons et loyaux vassaux. Pour gage
de leur fidélité , les trois rois remirent entre
les mains de Cortez plusieurs de leurs enfants
et lui donnèrent en outre quantité d'or, de
pierreries, de plumes, d'étofiFes, etc., pour
leur nouveau maître; tous les seigneurs en
firent autant par leur ordre. D'après les his-
toriens de Tezcuco , Cacama et ses deux frères
Coanacochtzin et Ixtlilxochitl donnèrent en
otages quatre de leurs frères, Tçcocoltzin,
Tecpacxochitzin , Huixcacamatzin et Tenan-
cacaltzin, ainsi que quatre de leurs sœurs. Cor-
tez les consola en leur disant qu'à l'avenir ils
seraient bien traités et aussi maîtres dans leurs
états qu'auparavant. 11 s'occupa ensuite de la
238 HISTOIRE
conversion des naturels , en leur disant que ,
puisqu'ils étaient vassaux du roi d'Espagne,
il fallait qu'ils devinssent chrétiens comme lui;
il y en eut quelques-uns, mais très-peu, qui se
firent baptiser. Motecuhzoma demanda aussi le
baptême , mais quoiqu'il eût appins quelques
oraisons comme le Credo et l'Âvê Maria, il eut le
malheur de remettre cette cérémonie jusqu'au
jour de Pâques; ce qui fit qu'il ne jouit jamais de
ce bonheur; car les nôtres, occupésdesembarras
où ils se trouvaient, négligèrent sa conversion,
et il mourut sans avoir reçu le baptême. Au mo-
ment où tout réussissait à Cortez, Pamphilede
Nar vaez arriva au port de la Vera-Cruz avec dix
vaisseaux qui portaient neuf cents Espagnols ,
beaucoup de chevaux, une nombreuse artil-
lerie et des provisions en abondance avec l'in-
tention de prendre Cortez mort ou vif. Il était
envoyé par Diego Velazquez , gouverneur de
Cuba, qui reprochaità Cortez de s'être soustrait
à sa juridiction et d'avoir manqué à la disci-
pline, en s'étant fait proclamer capitaine gé-
DES GHICHIMÈQUËS. 239
néral de Terre-Ferme et en v établissant des
colonies en son propre nom , tandis qu'il était
son subordonné. Les religieux et les membres
de l'audience de Saint-Domingue firent tout ce
qu'ils purent pour empêcher cette expédition.
Ils envoyèrent à Cuba le licencié Figueroa
pour sommer, au nom du roi et au leur, le
gouverneur Velazquez de ne pas faire partir
cettearmée, lui déclarant qu'ils se plaindraient
au roi des entraves qu'il apportait à la propa-
gation de la foi et à la conquête de ce pays.
Mais ils ne purent l'empêcher. Motecuhzoma
fut averti à l'instant de l'arrivée de cette flotte,
et aussitôt il engagea Cortez à se préparer à
partir. ïl l'avait déjà fait plusieurs fois, mais
celui-eilni avait toujours répondu qu'il n'avait
pas de vaisseaux pour se rembarquer. Cortez
fut très-affligé de cette nouvelle et écrivit aus-
sitôt à Pamphile de Narvaez , pour le prier de
ne pas empêcher le conversion de cette nation
et de se joindre à lui ; il lui représenta qu'il
pouvait sans peine rendre un notabte service
240 HISTOIRE
à son Dieu et à son roi. Narvaezne voulut pas
y consentir parce qu'il pensait qu'il parvien-
drait facilement à s'emparer de Cortez , en ré-
pandant parmi les naturels le bruit que c'é-
tait un fugitif, un voleur et un traître, et qu'il
venait pour lui faire trancher la tête et déli-
vrer Motecuhzoma , parce que le roi son maî-
tre était indigné de la manière dont il l'avait
traité. Cette conduite irrita beaucoup de ses
compagnons, et l'auditeur Ayllon lui défendit
sous peine de mort de se conduire de la sorte,
car il ofiensait gravement Dieu et le roi en
entravant la conversion de ces nations. Pam-
phile de Narvaez ne lui répondit qu'en le fai-
sant arrêter et en l'envoyant à Diego Velaz-
quez; mais il s'échappa et gagna Saint-Domin-
gue. L'audace de Narvaez en vint au point de
faire faire le procès à Cortez et de le condam-
ner à perdre la tête ; il lui déclara la guerre,
ce qui faisait rire non-seulement les colons
de la Vera-Cruz, mais même ceux qu'il avait
amenés avec lui. Cortez fit tout son possible
DES CHIGHIMÈQUES. 241
pour l'apaiser par de bonnes raisons^ il lui
écrivit souvent pour lui demander la paix; et
quand il vit que ses lettres ne servaient à rien
il se décida à avoir une entrevue avec lui.
Apres avoir annoncé son dessin à ses compa-
gnons, il ditàMotecuhzomaqu'il voulait aller
à la Vera-€ruz pour empêcher les nouveaux
venus de faire aucun dégât sur les terres de
l'empire, et leur ordonner de ne pas repartir
sans lui. Il lui promit de revenir promptement
et le pria de rester en attendant avec les Es-
pagnols afin qu'on ne leur fit aucun mal , et
de lui donner des Indiens pour l'accompagner.
Motecuhzoma, Cacama et Totoquihuatzin y
consentirent, et lui fournirent tout le monde
dontil avait besoin ; ils lui dirent qu'ils avaient
l'intention de célébrer une fête solennelle
nommée Toxcatl qui avait lieu annuellement,
lui promettant qu'il n'y aurait pas de sacri-
fices humains, puisqu'il les avait défendus.
Cortez leur répondit de se divertir comme ils
l'entendraient. Il laissa, pour le remplacer, le
13. 16
1
242 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
capitaine Pedro de Alvarado, avec cent cin-
quante Espagnols. Cortez quitta Mexico avec
deux cent cinquante de ses compagnons et les
alliés. Pendant la route, il apprit que Narvaez
se trouvait à Cempoallan. Il s'y prit si adroi-
tement qu'il y arriva avant que celui-ci en fût
averti , s'empara de sa personne et l'envoya
sous bonne garde à la Vera-Cruz, sans avoir
perdu plus de deux soldats. Tous ceux qui
étaient venus avec Narvaez passèrent de son
côtéj car la plupart le suivaient malgré eux.
CHAPITRE LXXXVIII.
Massacre de la noblesse de Mexico par Pedro de Alvarado
et ses compagnons. — Ce qui est cause de la, révolte de
Mexico. — Les Espagnols sont serrés de si près <pi'ils sont
forcés d'abandonner cette ville. — Mort du grand Motecuh-
zoma , de Cacama et d*antres seigneurs.
Pendant que Cortez était à la Yera-Cruz y
les Mexicains célébrèrent une de leurs prin-
cipales fêtes nommée Toxcatly qui tombait le
jour de Pâques. Comme Cortez leur avait dé-
fendu les sacrifices humains^ on exécuta sim-
plement une danse solennelle » à laquelle prit
1
244 HISTOIRE
part toute la noblesse mexicaine , couverte
de tous les bijoux d'or et de pierreries qu'elle
possédait , car elle ne se défiait guères du sort
qui l'attendait. Selon les historiens de la
ville de Tezcuco, d'après lesquels j'écris cette
narration , quelques Tlaxcaltèques, se rappe-
lant que dans cette occasion on avait sacrifié
une quantité innombrable de victimes de
leur nation , et désireux de se gorger de
butin , ce que Gortez avait empêché jusque-
là, allèrent les dénoncer à Pedro de Alvarado,
qui commandait à sa place. Celui-ci , qui n'a-
vait pas de meilleures intentions qu'eux , ne
fut pas difficile à convaincre. Il considéra que
toute la principale noblesse et tous les chefs
de l'empire s'étant réunis à cette occasion,
il ne serait pas difficile de le subjuguer une fois
qu'on les aurait massacrés. Laissant donc
quelques Espagnols pour garder Motecuhzoma
etCacama, il se rendit secrètement avec le
reste à la grande cour du temple, plaça quel-
ques Espagnols et les Tlaxcaltèques pour gar-
DES CHIGHIMÈQUES. 245
der les portes; puis il chargea à la tête des au-
très tous ceux qui s'y trouvaient, et en fit un
grand massacre; car les Mexicains étaient sans
armes et ne se défiaient de rien. Les Espagnols
tuèrent en peu d'heures presque tous les no-
bles , et s'en revinrent à leur quartier chargés
de dépouilles et de richesses. Tous les habi-
tants accoururent au bruit, et prirent les
armes pour secourir leurs seigneurs : ils re-
poussèrent Alvarado et les siens jusqu'au pa-
lais qu'ils habitaient, et où ils gardaient Mo-
tecuhzoma et Cacama. Si ces deux rois ne
leur avaient ordonné de s'arrêter, ils auraient
démoli le palais après les avoir tous tués,
tant ils étaient irrités de la trahison que l'on
avait commise envers leurs seigneurs ; cepen-
dant ils se séparèrent à la nuit, et sur l'ordre
de leurs rois , ils continuèrent à fournir aux
Espagnols les vivres dont ils avaient besoin.
Cortez rentra à Mexico victorieux et bien ac-
compagné, car il amenait mille soldats et cent
chevaux. Gomme il avait appris sur la route que
246 HISTOIRE
les Mexicains s'étaient révoltés contre ceux
qu'il avait laissés derrière lui^ et que sans Mo-
tecuhzoma ils auraient tous péri^ il marcha à
grandes journées jusqu'à Tezcuco , où il fit re-
poser ses troupes : il y fut parfaitement reçu
par son ami Ixtlilxochitl^ qui lui renditcompte
de tout ce qui s'était passé , et le prévint qu'à
Tezcuco même on était irrité contre les Espa-
gnols , parce qu'il y avait dans cette ville un
grand nombre de parents et d'alliés de ceux
qu'Alvarado avait fait périr. Après avoir ré-
fléchi sur la conduite qu'il devait tenir , Cortez
quitta Tezcuco et entra à Mexico le jour de ia
Saint-Jean , 24 juin 1 520. Il trouva la ville
tranquille ; mais les habitants ne vinrent pas
au-devant de lui , et ne lui firent aucune fête.
Motecuhzoma se réjouit de sa venue. Mais les
Espagnols furent encore bien plus satisfaits
de le voir revenir victorieux, et avec des ren-
forts aussi considérables. Chacun lui raconta
ses fatigues et ses dangers. Le lendemain
Cortez fit venir le seigneur qui était chargé de
^
r
DES CHICHINÈQUES. 247
riijspection du marché^ et le réprimanda de
ce qu'il ne se tenait pas comme à l'ordinaire.
Il lui parla si durement que le seigneur sou-
leva contre lui toute la ville; car les habitants
étaient si fatigués de l'oppression et de la
cruauté des étrangers , qu'il ne ftit pas diffi-
cile de leur faire prendre les armes. A dater
de ce moment y on se fit une guerre terrible.
Dans le premier combat, les Mexicains tuèrent
quatre Espagnols, le lendemain ils en bles-
sèrent plusieurs; ils renouvelaient sans cesse
les attaques, et ne leur laissaient pas un
moment de repos. Le septième jour, ils atta-
quèrent avec tant de fureur le palais où
étaient logés les Espagnols , que Cortez n'eut
d'autre ressource que de prier Motecuhzoma
de monter sur une haute tour et d'ordonner
aux siens de déposer les armes. Il le fit de
bonne volonté , et supplia ses vassaux de
cesser la guerre ; mais ils étaient si animés
et si furieux de la lâcheté de leur roi , et de
sa servilité à l'égard des Espagnols, que,
I
^
248 HISTOIRE
sans récouter, ils l'accablèrent d'injures et de
reproches, et lui lancèrent une grêlede pierres
et de flèches. Un caillou l'atteignit à la tête ,
et il mourut de sa blessure le quatrième
jour (i). Ainsi finit ce grand roi dont per-
sonne n'égala jamais dans un moment la puis-
sance et l'orgueil ; car il se faisait presque
adorer y et pendant quelque temps il fut au
comble de la puissance et de la richesse. ïl
était de taille moyenne, d'une complexion
faible, très-basané et peu barbu. Il était plus
rusé que brave, grand justicier et très-sévère
dans tout ce qui regardait la dignité royale ,
prudent et spirituel. La mort de ce puissant
monarque fut fatale pour Cortez et les siens ,
car elle affermit les Mexicains dans leur ré-
volte. Ils serrèrent les Espagnols de plus
près , et regrettèrent peu leur roi , qu'ils mé-
(i) Quelques auteurs indiens ont prétendu que Motecub-
zoma fut tué par les Espagnols, mais c*est évidemment une ca-
lomnie. La mort de ce prince , qui était devenu leur humble
esclave, ne pouvait que leui^ nuire ; la suite le démontra, car
ses successeurs leur firent une guerre acbamée.
DES CHIGHIMÈQUËS. 249
prisaient à cause de sa faiblesse pour les étran-
gers^ et de la lâcheté avec laquelle il s'é-
tait laissé arrêter et maltraiter. Us procla-
mèrent aussitôt le roi Gacama, son neveu ^
quoiqu'il fût prisonnier ; mais ils espéraient
le délivrer, et le regardaient, à cause de ses
grandes qualités , comme l'homme qu'il leur
fallait dans ces circonstances. Cependant ils ne
purent atteindre leur but; les Espagnols, qui
voulaient quitter la ville cette nuit même,
tuèrent (i) de quarante-sept coups de poi-
gnard Cacama qui, quoique prisonnier, se
défendit bravement et ne tomba que couvert
de blessures. Les Mexicains furent très-alfli-
gés de sa mort, et proclamèrent à sa place
Cuitlahuazin , seigneur d'Iztacpalapan , frère
de Motecuhzoma , qui avait été son capitaine
général. Cuitlahuazin fît aux Espagnols la
(i) Torquemada (Hv. II, ch. 72 et liV. IV, ch. 56) dit que
Gortez fit étrangler Cacamatzin. Mais celui-ci dit, dans ses let-
tres, qu*il périt dans la fuite ainsi que beaucoup d^autres pri-
sonniers. Presque tous les auteurs sont d*accord avec lui sur
ce point.
250 HISTOIRE
guerre la plus cruelle ; jamais il ne voulut
leur accorder de trêve. Il leur livra plusieurs
combats , qui furent si désastreux pour eux ,
que Cortez perdit l'espérance de se maintenir
à Mexico , et résolut d'en sortir , ce qu'il exé-
cuta^ mais avec tant de peine et de danger ,
qu'il ne put presque rien sauver des richesses
qu'il avait amassées. La plupart des Espa*-
gnols qui succombèrent périrent parce qu'ils
s'occupèrent trop de sauver leur butin. Cortez
quitta Mexico dans la nuit du 1 juillet 1 620
espérant, mais en vain, que les Mexicains ne
s'apercevraient pas de son départ. Ils l'attaquè-
rent avec fureur , et lui tuèrent quatre cent
cinquante Espagnols, quatre mille Indiens al-
liés et quarante-six chevaux (i) dans l'endroit
que l'on nommeaujourd'hui le saut d' Al varado.
(i) Les auteurs varient considérablement sur le nombre des
Espagnols qui périrent dans cette retraite. Cortez » dans sa ietr
treà Charles V, dit i5o; Bemaldiaz (ch. isS) dit 870; Solis
(liv. IV, eh. 18) dit 200; Torquemada (liv. IV, ch. 4), 71;
Gomara , Herrera et Betancourt (p. 3, ch. 11), s 90; Chimai-
pain (ch. i33) , de 45o à ôoo ; et enfin Oriedo (Hy. 33), 1 170.
Mais ce dernier nombre est tellement exagéré qu'il surpasse
DES CHICHIMÈQUES. 251
Les Mexicains appelaient ce canal Tolteca Aca-
lopan, et le quartier qu'il traversait Ma-
zatzintemalco. Dans cette affaire et dans les
autres combats qui eurent lieu pendant la
retraite , on tua , parmi les seigneurs qui ac-
compagnaient Cortez comme alliés ou comme
*
otages, quatre nobles mexicains, dont deux
étaient fils de Motecuhzoma ; ils se nommaient
Zoacontzin, Izoacpopocatzin , Zecpactzin et
Tencuenotzin ; des quatre filles de Netzahual-
piltzintli qui lui avaient été données en otage
il en périt trois ; mais ce fut un bonheur pour
Tune d'elles, car elle avait reçu le baptême
sous le nom de Dona Juana. Cortez l'avait
beaucoup aimée, et lui avait fait donner ce
sacrement, parce qu'elle était isur le point
d'accoucher. Deux fils de Netzahualpiltzintli et
celui des Espagnols que Cortez avait avec lui. Bemaldiaz
fait obserrer que la perte tomba principalement sur ceux qui
étaient venus avecNarvaez. Ne connaissant pas les difficultés
que présentaient les canaux dont les rues de Mexico étaient
coupées , ils s^étaient chargés de butin et furent presque tous
noyés ; cet événement est désigné dans les historiens espa-
gnols sous le nom de la triste nuit , la noche triste.
1
252 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
Xiuhtotozin , seigneur de Teotihuacan; un
des grands du royaume de Tezcuco et capi-
taine général d'Ixtlilxochitl ^ qui l'avait en-
voyé au secours de Cortez, succombèrent
aussi dans cette occasion.
CHAPITRE LXXXIX.
Gortez se retire à Tlazcallan. — Événemento qui eurent lieu
à cette époque.
Quand Cortez fut parvenu à sortir de
Mexico après avoir fait des pertes considéra-
bles , il se retira par les hauteurs de Tlacopan
du côté des montagnes de Totoltepec, par l'en-
droit que l'on nomme Nuestra-Senora de los
RemedioS; où la reine des anges vint à son
254 HISTOIRE
secours d'une manière miraculeuse , d'après la
relation tlaxcaltèque que j'ai déjà citée ; Cortez
s'y arrêta tout affligé et versant d'abondantes
larmes sur le sort de tant de ses compagnons
qui avaient péri , et dont il avait été obligé de
laisser les cadavres entre les mains de ses
ennemis. Il considérait en même temps
le miracle manifeste que la Reine des anges
et saint Pierre, ses patrons, ainsi que saint
Jacques, protecteur des armées espagnoles,
avaient fait en le sauvant avec une grande
partie de ses soldats; il dit, par la bouche de
Marina, aux chefs qui se trouvaient auprès
de lui, et qui étaient Axotecatl Quetzalpopocat-
zin, frère de Maxiscatzin , Ghalchiuhtecatl ,
Galmecahua et d'autres nobles tlaxcaltèques,
ainsi qu'Atezcaltzin et Tecpacxochitzin et
d'autres seigneurs , fils de Netsahualpiltzintli
et de Motecuhzoma qu'on lui avait donnés len
otage : « Necroyez pas que je pleure par manque
de courage ; mais je donne ces larmes au triste
sort de mes compagnons et à la reconnaissance
DES CHIGHIMÈQUES. 255
que Je dois à Dieu pour les miracles qu'il a
opérés en ma faveur, à l'intercession de sa Mère
et des saints apôtres. Je ne crains ni les Cul-
huas, ni âme qui vive. Quand ils me tueraient
avec tous mes compagnons, il viendra d'autres
chrétiens pour les subjuguer ; malgré leur ré-
sistance, la loi évangélique s'établira dans ce
pays. Quant à vous qui êtes mes loyaux amis ,
je vous promets, si je remporte la victoire, et
si je fois la conquête du pays, non seulement
de vous conserver vos états et vos domaines ;
mais je m'engage encore, au nom du roi d'Es-
pagne , mon maître , à les augmenter et à vous
donner une partie des terres que nous gagne-
rons. » Tous ces nobles le consolèrent et l'en-
couragèrent; il coucha cette nuit à Quaximal-
pan, où il eut une escarmouche avec Tennemi.
Il arriva le lendemin à Teocalhueyacan après
avoir combattu les Mexicains tout le long du
chemin ; il s'y reposa un jour avec son armée
quoiqu'ils n'eussent que de l'herbe à manger ;
le lendemain il se remit en route, et coucha à
256 HISTOIRE
Tepotzotlaii où il ne trouva que peu de résis-
tance; il s'y reposa aussi un jour et coucha
le Jour suivant à Ayqualco, puis à Aztaque-
mecan^ où il fut obligé de livrer un combat
qui fut long et sanglant. Un fameux capitaine
mexicain y nommé Zinacatzin y natif de Teoti-
huacan y tua le cheval de Martin de Gamboa y '
ce qui fournit aux Espagnols un souper pour
cette nuit. Le lendemain , ils arrivèrent avec
beaucoup de peine dans les plaines d'Otumpan
où ils furent atteints par plus de 200,000
hommes qui les poursuivaient et qui enve-
loppèrent l'armée de Cortez de tous les côtés,
de sorte que celui-ci ne pouvait ni avancer ni
reculer. Cortez, croyant qu'il ne restait plus
qu'à mourir avec honneur , invoqua Dieu et
saint Pierre son patron, piqua des deux, et
se précipita comme un lion furieux au milieu
des ennemis , renversant tout ce qui se trou-
vait devant lui ; il arriva ainsi jusqu'à l'en-
droit où se trouvait Zihuatcaltzin , général
de cette armée, qui portait l'étendard royal
DBS GHICHIMÈQUES. 257
de Mexico^ c'était un filet d'or qu'on nom*
mait matlaxopili; il le renversa mort d'un
coup de lance, et lui enleva l'ëtendard. Cet
exploit effraya tellement les Mexicains , qu'ils
se débandèrent et commencèrent à fuir d^
tous les côtés; les nôtres reprirent courage
et en tuèrent un très-grand nombre. Cette
victoire fut vraiment miraculeuse , car Cortez
avait à la tête une blessure dangereuse. Les
Espagnols et leurs alliés étaient épuisés par la
faim y la fatigue et les blessures ; mais ^ grâce
à la protection de la Vierge et de saint Pierre ,
qu'invoquait Cortez, et à celle de saint Jacques,
qu'appelaient les Espagnols, saints qui, d'a-
près ce que disent les naturels, vinrent en
personne à leur secours, ils mirent en déroute
200,000 ennemis qui se précipitaient sur eux
comme des tigres furieux et ils s'emparèrent de
l'étendard royal de Mexico qu'ils emportèrent
comme un trophée de leur victoire. Cette ba-
taille eut lieu dans un endroit appelé Metepec.
Ils en livrèrent une autre à Tevocan,dans 1^-r
13 17
25.8 HISTOIliE P|g9 QHICHIMÎQUES.
qudie ils tuèrent une infinité d'ennemis ^ et
qyi fut W dernière de cette retri^ite* Les Es-
pagnols, couchèrent cette nuit à Temelacayoean
et le Içnderoain à X^^teloko près de HuyotH-
pan au pjed de la montagne de QuauhtepetK
CqHi^ remercia les TIaxealtèques et les autres
alliés qui l'avaient si fidcle^ient servi dans
cette retraite, etpraipit nonrwuleniept de leur
conserver leurs dcxpaaiqes , mais enopre de les
augmenter et de l^ur &ire toute sorte defa^
veurs; il fut reçu dans cet endroit p^rCihual-
quauhtzin^ qui lui apportait quantité de vi^
VI ee^ au nom du sénat de TlMcaUaA^ et couchfa
à Hueyptlipan , où on lui fit le meilleur ac-
cueil. Maxizcatzin vint l'y recevoir, et Cor-
tez, voulant lui prouver ^ reeonnai3san0e ,
lui fit présent de l'étendard royal de Meiçioo,
ce qui le combla de joie; il se hâta de l'a-
jouter à ses armes.
CHAPITRE XC.
Cortex est bien accaeilli à Tlazcallan. — Ce quil fait pendant
son séjour dans cette ville. — Mort de GaitlfihaatziB. —
Election de Quanhtemoc , de Goanacochtzin , et de Tetle-
lianquetsaltsin.
Gortez s' étant reposé quelque temps à Hue-
yotlipan, Maxizcatzin , et beaucoup d'autres
chefs à la tête de plus de cinquante mille
bommesT de troupes alliées vinrent l'engager
à se porter sur Tlaxcallan; les quatre princi-
paux chefs , suivis de toute la noblesse ,
260 HISTOIRE
le reçurent et raccompagnèrent à son entrée
dansla villcy qui se fit avec de grandes réjouis-
sances publiques. Ou soigna les blessuresde ses
soldats malades et on les traita le mieux possi-
ble, si Ton s'en rapporte à la relation de Tlax-
callan que j'ai citée, et que je suis tant pour
cette histoire, que pour tout ce que j'écrirai par
la suite. Cette chronique a été composée d'après
les rapports et les peintures que firent, peu de
temps après la conquête, les chefs indiens
qui eux-mêmes furent acteurs dans la plu-
part des événements qui se sont passés à cette
époque. Quant à ce qui a rapport aux Espa-
gnols , je prendrai pour guides l'Histoire des
Indes de Francisco de Gomara , la chronique
d'Antonio de Herrera, la Monarchie indienne
de frère Juan de Torquemada , et les lettres
et rapports de l'invincible Don Fernando
Cortez, marquis del Valle, adressés à sa ma-
jesté, car il fut témoin oculaire des faits. Tous
ces ouvrages sont fort détaillés , les lecteurs
curieux pourront y recourir s'ils le désirent.
DES GHICHIMÈQUES. 26 1
Pour revenir à la traduction de ces relations
et de ces peintures, celles de Tlaxcallan dit
que €ortez s'établit dans le palais de Xicoten-
catl, où l'on érigea la première croix. Ce chef,
qui lui adressa plusieurs discours , lui dit , à
l'occasion de l'heureux succès de la conquête
de Mexico et de la vengeance qu'il avait tirée
de cette ville : « Seigneur, soyez le bienvenu ,
» reposez-vous ; car vous êtes dans votre pa-
» trie etdans votre palais. On m'a dit que lors*
» que vous vous seriez reposé à Hueyotlipan,
» vous aviez l'intention de retourner à Mexico
» pour punir la rébellion des Culhuas , qui
» avaient osé se soulever contre vous , contre
» les Tlaxcaltèques et vos autres alliés. Cette
» démarche suivant moi n'aurait pas été sage,
» et puisque vous êtes arrivé dans cette ville,
» je vous engage à vous y reposer avec vos
» troupes; et mon avis est, qu'avant de rien
» entreprendre , vous devez soumettre les ha-
» bitants de Tepeyacac ; cette province est
» grande , bien fortifiée, et c'est de là que les
'
262 HISTOIRE
» Mexicains font venir toutes leurs troupes ;
» ellea pourraient vous attaquer par le flanc ^
» et faire courir de grands dangers à vos al-
» liés. 11 est donc nécessaire de les vaincre
» d'abord ainsi que les auti'es alliés de M exioo,
i) qui demeurent dans les environs ; afin que
n VOUS puissiez plus sûrement achever votre
» conquête à laquelle tout le monde s'inté^
j) resse. » Cortez approuva ces avis, et son-
gea aussitôt à les mettre en exécution. Tandis
que ces événements se passaient à Tlaxeallan,
la petite vérole apportée par un nègre de l'ex-
pédition de Narvaez, faisait les plus grands
ravages à Mexico; des milliers d'Indiens mou-
raient tous les jours; le roi Guitlahuazin suc-
comba à l'épidémie, après un règnede quarante
sept jours, Totoquihuazin, roi de Tlacopan, fut
aussi emporté par le fléau. Les Mexicains élu-
rent pour roi Quauhtemoc , brave guerrier qui
n'avait que dix-rhuitans. Ses talents militaires
étaient fort importants dans les circonstances
où l'on se trouvait. 11 était revêtu de la dignité
DES CttîCtIittÈQUES. 263
de grând-^prêtré, et selgtleiit* déTIàlcIoIco. Les
habitants dé TIacopan choisirent pour les goU-
veMIér le prlriée hét^ëditàii^e Tëtlfepanquetzalt-
iiti. La villfedë TezcuCîo avait nommé pour âuc-
cessëUr au t^oi Ca^àma, Cbanâcoèhtzih ; oies
trois chéfe étaient des homthès dé courage et
d'origine mèjtlfcàine. Lëlir côurontiemént ftit
accottipàgné de fêtes sôlëtihèlles et de grands
sacHflces, datis lesquels ftlt^ètit immolés lespri-
sottnièrs espagnols, tlàxcaltèques , hùexotzin-
<?as, éhôlokèqûes et autres, appartenant biix
nations alliées de Cortéz, et pris dans diffé-
ventë ëômbèitfe où dans la fameuse retraite. Les
trois roîè se concertèrent àur la conduite à
teï^xt pour chasser tout à fait du terHtoire de
l'etnpîré où pour extèrittittër éettë poignée
d'Eâpagtidls avcë leur chef Cor tëz. Le rtieillëùt-
ûiùjeh qu'ils trouvèrent ftit d'éfttJï^r dàift léUï*
pûjS M éhëft de l'eftipîiSè ^Uî Wèèfvàiêht Cot*-
tëÈ ivti^ leurs terrés. Ils lettt ôflRrîreM des pri-
vilèges considéi'ablés et ilttèpiiîx perpétuçHe,
afin qùë paï» la suite ils ne soutinssent pas >a
264 HISTOIRE
cause des étrangers qui pourraient venir pour
les subjuguer^ Ils firent faire aussi des propo-
sitions de paix aux autres rois et princes éloi-
gnés avec qui les chefs de l'empire avaient été
en guerre continuelle. Non-seulement ils sti-
pulèrent des traités de paix, mais encore ils
leur rendirent une portion de territoire et des
lacs dont ils les avaient dépouillés , et leur de-
mandèrent des secours afin de détruire entiè-
rement les Espagnols. Des ambassadeurs fu-^
rent chargés de traiter cette affaire avec la plus
grande chaleur et de faire des rapports exagé-
rés sur les cruautés et la tyrannie exercée par
ces étrangers, prétendant que les chrétiens
s'emparaient de leurs richesses et de leurs
possessions. Ils firent aussi fortifier Mexico le
mieux qu'ils purent. Les Culhuas envoyè-
rent à Tlaxcallan six seigneurs du plus haut
rang ; ils s'acquittèrent de leur mission avec
une grande éloquence, cherchant à persuader
aux chefs du gouvernement de tuer Cortez ou
dé le chasser de chez eux, lui et les siens, at^
DES GHIGHIMÉQUES. 265
tendu que c'étaient des étrangers qui ne ve-
naient qu'avec l'intention perfide de les dé-
pouiller de leurs états. Ils leur tinrent d'autres
discours semblables, leur rappelèrent qu'ils
étaient tous parents, que par conséquent il
fallait oublier leurs dissensions, puisqu'il était
plus naturel de prendre le parti des siens que
celui d'une poignée d'étrangers qui ne venaient
que pour conquérir le pays. Ils engagèrent la
parole de leur roi , et leur promirent que par
la suite ils observeraient une paix inviolable,
et qu'ils partageraient avec eux les revenus
des provinces soumises à l'empire. Les am-
bassadeurs s'emparèrent tellement de l'esprit
des chefs du gouvernement, qu'ils finirent
par les convaincre presque tous, et que ceux-
ci dirent entre eux que les Gulhuas avaient rai-
son , et que les propositions des rois mexi-
cains étaient si avantageuses, qu'on ferait fort
bien d'embrasser leur parti plutôt que celui des
Espagnols, qui n'étaient que des étrangers dont
on ignorait les desseins» Xicotencatl , un des
266 NidtoïKE
quatre ûhefy , se prononça plus fortement pour
ce parti ; c'était le pluB àgë ; il leur rappc^la
qu'à Tépoque de sa jeunesse , lorsqu'il com-
mandait lés armées > la plus grande concorde
régnait entre les rots de Mexic*o, dé TezûMô^
leurs parents et leurs voisins ; que lors
de leurs premières guerres , qui eurent lieu
pour soumettre le roi d' Azcaputialco , qui avait
usurpé l'empire, ainsi que dans la conquête
de quelques plx)vinces éloignées , pendant les-
quelles il avait suivi le parti dé cîes princes,
lui , et tous les chefs du gouvernement avaient
pris part aux dépouilles et aux revenus dès
provinces conquises; qu'ensuite une question
de religion avait altéré leur amitié, et qu'il en
était résulté les discordes qui étaient nées par
la suite; que si on réglait les affkires, cofnme
les ambassadeurs l'avaient proposé au nom
de leur maître, il était certain qu'il serait fort
avantageux à la république de faire ce qu'on
lui demandait.
Maxizcatzin s'opposa de toute sa force à la
DES GHIGHIMBQUES. 267
proposition de Xicotencatl; il soutint chaude-
ment le parti de Gortez et des siens ^ en s'ap-
puyant sur quantité de raisons. Cette dis-
cussion avait lieu dans la salle de prière de
Xicotencatl où Ton avait érigé une croix. Tous
ceux qui étaient présents virent entrer une
nuée qui couvrit la croix, et toute la salle resta
dans l'obscurité. Maxizcatzin , voyant ce mi-
racle, sentit augmenter à un tel point le cou-
rage et l'ardeur avec lesquels il défendait le
parti des chrétiens, qu'il interpella vivement
Xicotencatl le jeune, qui soutenait avec chaleur
le parti de son père. Ik en vinrent aux mains;
Maxizcatzin lui donna un coup de poing si
violent qu'il le renversa en bas de l'escalier
qui est à l'entrée de la salle. Tous les membres
de l'assemblée, témoins d'un ai grand miracle,
furent ébranlés et adoptèrent l'opinion de
Maxizcatzin * Il s congédièrent les ambassadeurs
et leur dirent qu'ils voulaient secourir les
chrétiens , quand ils devraient perdre la vie ,
eux, leurs femmes et leurs enfants. Aussitôt
1
268 HISTOIRE
qu'ils les eurent renvoyés avec cette réponse,
la nuée se dissipa , la clarté revint dans la
salle et la croix apparut resplendissante, ce
qui fut cause que par la suite ces chefs suivi-
rent avec ardeur le parti de Cortez. Si les am-
bassadeurs envoyés à Tlaxcallan eurent un si
mauvais succès , ceux qui furent expédiés dans
le royaume de Michoacan et d'autres provin-
ces revinrent avec d'excellentes nouvelles près
des rois mexicains. Tous les chefs qu'ils avaient
visités leur promirent des secours contre Cor-
tez, et offrirent même de le tuer ou de le chas-
ser lui et tous les siens du pays , comme aussi
de châtier tous ceux qui avaientpris leur parti.
Le courage des princes mexicains se ranima ,
et tous se liguèrent. Les amis de Cortez, de
leur côté, jurèrent de mourir ou de vaincre,
et surtout de se faire tuer plutôt que de tom-
ber entre les mains des ennemis , persuadés
que les captifs seraient traités plus cruelle-
ment que des esclaves. Ils prirent toutes les
dispositions pour soutenir la cause de Cortez.
I
DES GHIGHIMÈQUES. 269
Ce général soignait ses blessures dans la
ville de Tlaxeallan^ lorsque tout à coup les
soldats mutinés se présentèrent à lui , décidés
à l'abandonner^ et lui signifièrent au nom du
roi de les emmener de ce pays. Cette rébellion
affligea profondément Cortez; mais il sut si
bien s'emparer de leur esprit et les encou-
rager, que tous changèrent d'avis et jurèrent
de mourir avec lui partout où il voudrait les
conduire. Vingt jours après, Cortez résolut de
marcher contre les habitants de Tepeyacac,
comme Xicotencatl le lui avait conseillé. Il
rassembla donc plus de quatre mille hommes
tlaxcaltèques , huetxotzincas et chololtéques ,
commandés par le chef des Tlaxcaltèques ,
nommé Tianguiztlatoatzin , le fils de Xico-
tencatl et d'autres chefs des quatre capitales.
Le premier jour ils allèrent jusqu'à Tzinpan-
tzinco où ils passèrent la nuit : les troupes
s'organisèrent, ce qui employa un jour. Le
surlendemain Cortez atteignit les ennemis à
Zacatepec, où il se donna une sanglante ba^
270 HISTOIRE
taille, dans laquelle périrent un grand nombre
de Mexicains et de Teepanèques; il arriva le
quatrième jour au soir à Axatzinco où i) fit
prisonniers tous ceux qu'il y trouva. Le
sixième, il entra dans la ville de Tepeaea
sans éprouver aucune résistance ; car elle
avait été abandonnée par les habitants et
les Mexicains qu'elle contenait, etit ep fit on
certain nombre prisonniers. Cortez employa
vingt jours à soumettre cette province, dé-
truisit toutes les idoles qu'il y trouva, et fonda
une ville à laquelle il donna le nom de Segura
de la Frontera. Il revint ensuite par Chololan.
Ayant fait reposer ses troupes, il marcha contre
les habitants de Quauhquecholian , qu'il sou-^
mit en peu de temps. Il chassa les Mexicains
de leurs positions , se reposa un jour dans cette
ville, marcha sur \tzocan, dont il s'empara
avec quelque difficulté; les habitants, qui se
défendirent vaillamment , étaient très- nom-
breux; beaucoup de Mexicains perdirent la
vie à la défense de cette place. Il y séjourna
DES GHIGHIMÈQUES. 271
vingt jours qu'il employa à préparer la conti-
nuation de la conquête; il se rendit dans la rë^
sidenced'Hahuecatzin, chef de cette province,
et il en partit pour revenir à Tepeyacac. Les
Tlaxcaltèques retournèrent chez eux après y
avoir passé quelques jours. De retour à Tlax-
callan, Gortez apprit la mort d'un grand nom-
bre de chefs et de nobles de cette république,
qui avaient succombé à la petite vérole, ma-
ladie qui déjà s'était étendue dans tout le pays.
Il fut surtout affligé de la perte deMaxizcatzin,
qui lui était fort attaché , et en porta le deuil.
Avant de partir de la province de Tepeyacac,
il envoya conquérir celles de Zacatlan et de
Xalatzinco qui tenaient pour les Mexicains , et
dont les habitants avaient massacré plusieurs
Espagnols. Cette conquête était fort impor-
tante, car ces provinces se trouvaient sur la
route delà Vera-Cruz ; il envoya pour cette ex-
pédition vingt cavaliers, deux cents fantassins,
un grand nombre de Tlaxcaltèques, et d'autres
alliés.
CHAPITRE XCI.
Cortez marche de nouveau contre Mexico. — Son arrivée
à Tezcuco.
Les ouvriers étaient alors très-occupés à la
construction des brigantins que Cortez vou-
lait employer au siège de Mexico. Quand il vit
que l'ouvrage était assez avancé , il envoya
chercher à Vera-Cruz la ferrure, les clous,
les voiles , les agrès et tout ce qui était néces-
13. 18
274 HISTOIRE
saire pour les terminer. Le lendemain du jour
de Noél de 1 520, il passa en revue sa troupe,
qui se montait à quarante cavaliers et cinq
cent cinquante fantassins. Il créa quatre com-
pagnies de soixante hommes chacune, et pour
ne pas laisser au zèle de ses soldats et de ses
alliés le temps de se refroidir, il répandit le
bruit qu'il allait commencer sur-le-champ le
siège de Mexico, et qu'il ne le lèverait qu'après
l'avoir détruite, ce qui combla de joie les
Tlaxcaltèques et tous les alliés, parce qu'ils dé-
siraient beaucoup se venger de cette ville qui
les tyrannisait depuis si longtemps. Il fit un
long discours à ses soldats , leur rappela tout
ce qu'il leur avait déjà dit, et leur représenta
qu'ayant déjà commencé à répandre la foi de
J.-C. parmi ces nations, ils ne devaient pas
faiblir avant d'avoir entièrement extirpé Ti-
dolàtrie et toutes les infamies , horribles aux
yeux de Dieu, que l'on commettait dans ce
pays si riche, ce qui leur mériterait non-seu-
lement le ciel dans l'autre vie> mais beau-
DES CHICHIHÈQUES. 275
coupde gloire et de richesses daiis^ceHé^eî^ avec
les moyens de vrvrc à leur aise dan» leur vieil-
lesse. Tons montrèrent la meilleure volonté et
déclarèrent qu'ils étaient prêts à risquer leur
vie et tout ce qu'ils possédaient. Ils jurèrent
d'observer ses ordonnances, qui toutes étaient
utiles au service de Dieu , conformes à la reli-
gion qu'ils professaient, et dignes d'un géné-
ral chrétien. Cortez fit ensuite un discours au
sénat de Tlaxcallan qui déclara que les TlaxcaK
tèques ainsi que tous les alliés étaient prêts à
sacrifier leur vie et leur foi^tune dans la guerre
de Mexico* Avant de quitter Tepêyacac, Cor-
tez, voulant Savoir s'il pouvait compter sur
le roi de Tezcuco, qui était alors Coana*
cochtzin , lui envoya iln noble de cette ville ,
son parent, et qui se nommait Huitzcaca-
matzin^ Il avait accompagné Cortez dans sa
retraite jusqu'à Tlaxcallan , celui-ci le chargea
de déclarer à Coafîacocbtzin qu'il était détermi-
né à continuer la guerre jusqu'à ce qu'il etit
entîèreiiient subjugué les Mexicains , et qu'il
276 HISTOIRE
lui faisait savoir cette détermination y afin qu'il
le reçût sans résistance dans ses états ^ puis-
que dés le commencement il s'était mis ^ ainsi
que son royaume, sous la suzeraineté du roi
Charles. Il ajouta encore beaucoup de raisons
propres à le convaincre, parce que, deTezcuco,
il pouvait facilement assiéger Mexico en assu-
rant ses derrières* Huitzcacamatzin délivra
son message au roi de Tezcuco; mais celui-ci,
qui était du parti des Mexicains, ne voulut pas
l'écouter et le fit mettre en pièces. Cortez,
voyant qu'il ne revenait pas, se décida à en-
voyer un autre ambassadeur ; et pour que l'on
eût toute confiance en ses paroles , il choisit
Tecpacxochitzin , que l'on nommait aussi Gui-
cuitzcatzin, un des quatre princes, fils de Net-
zahualpiltzintli , qu'on lui avait donnés en
otage à Mexico ; mais quand ce prince fut arrivé
à Tezcuco et qu'il eut délivré son message à
son frère, celui-ci le traita comme on avait
traité Huitzcacamatzin. Depuis la révolte des
Mexicains et la retraite de Cortez, Lxtlilxochitl
DES CHIGHIMÈQUES. 277
avait été obligé de quitter la ville et de se re-
tirer dans une maison des champs qu'il pos-
sédait dans la province de Tepepulco , une de
celles qui lui étaient soumises. Quand il eut
appris que son frère Coanacochtzin avait fait
massacrer les messagers de Cortez et qu'il lui
défendait l'entrée de ses états , il revint àTez-
cuco pour agir en faveur des Espagnols. Il y
arriva le jour des Innocents de l'an 1 520 , au
moment où Cortez, ayant terminé tous ses
préparatifs, sortait deTlaxcallan, à la tête de
vingt mille guerriers, d'après la relation tlax-
caltèque déjà citée; Cortez passa par Tezmo-
locan et Tlepehuacan sans rencontrer au-
cune résistance au pied des montagnes, et
arriva heureusement au bord du lac. Ixtlilxo-
chitl vint au-devant de lui jusqu'à Tlepehua-
can, renouvela son alliance avec lui, et lui
donna une enseigne en or comme gage d'a-
mitié. Il le conduisit ensuite dans son canot
jusqu'à Tezcuco, lui exprimant tout son regret
de la révolte de son oncle et de ses parents de
1
278 HISTOIRE
Mexico, ainsi que de ceux qui avaient embrasse
leur parti, et le pria de pardonner au roi son
frère et à ses vassaux les torts qu'ils avaient
eus envers lui , ajoutant qu'il venait pour les
excuser et prier Coûtez d'agréer leurs services.
Ils couchèrent cette nuit à Coatepec, sur le
territoire de Tezcuco , et y entrèrent le len-
demain lundi , dernier jour de décembre, car
Ixtlilxocfaitl eut soin de fournir aux Espagnols
des logements et tous les vivres dont ils avaient
besoin. Mais le roi, qui craignait la colère de
G^rtez, parce qu'on avait tué par son ordre
quarante^inq Espagnols et trois cents Tlax-
caltèques, en leur enlevant tout le butin qu'ils
emportaient, voulant éviter le châtiment dont
il était menacé et étant d'ailleurs tout dévoué
aux Mexioïins , s'embarqua avec les nobles
et les seigneurs de çon parti. Ils emmenèrent
avec eux leurs femmes et leurs richesses et se
réfugièrent à Mexico. La nouvelle de ce dé-
part jeta le trouble parmi les habitants; les
uns s'embarquèrent pour suivre leur roi , les
DES CHIGHIMÈQUES. 279
autres se réfugièrent dans les montagnes^ et
Ixtlilxochitl^ malgré ses efforts^ ne put les re-
tenir et se trouva presque seul. Quand Cortez
€t les siens se furent aperçus de cette désertion,
ils craignirent qu'elle ne cachât quelque trahi-
son et voulurent saccager la ville pour punir
les fauteurs de trouble. Ixtlilxocfaitl les en em-
pêcha en les suppliant d'avoir pitié du pauvre
peuple qui était innocent; mais il ne put em-
pêcher les Tlaxcaltéques ^ alliés de Cortez , de
piller les maisons de quelques seigneurs et de
mettre le feu au plus beau des deux palais du
roi Netzahtlalpiltzintli. De sorte que toutes les
archives de la Nouvelle- Espagne furent consu-
mées, ce qui fut une grande perte pour le pays ;
car les anciennes annales, ainsi que beaucoup
d'autres documents curieux, périrent dans
cette occasion • Le palais était un des plus beaux
édifices qu'il y eût dans ce pays. Quand la ville
fut parfaitement tranquille, Cortez renvoya
che» eux les guerrier^ de Tlaxcallan , de
Huexotzineoetles autres alliés. L'armée mexi-
280 HISTOIRE
caîne les atteignit auprès de Tlepehuacan et les
aurait fort maltraités si les Espagnols n'étaient
venus à leur secours. Ils les accompagnèrent
jusqu'au versant de Tetzmolocan , d'où ils re-
gagnèrent tranquillement leurs demeures.
Cortez, qui aimait beaucoup Tecocoltzin, le
seul des quatre fils de Netzahualpiltzintli qui
eût survécu, le nomma seigneur de Tezcuco.
Ixtlilxochitl s'en réjouit beaucoup et le fit re-
connaître par tous les habitants, leur repré-
sentant que son frère Goanacochtzin avait
abandonné la ville , et que quant à lui il tenait
trop à son honneur et à sa réputation pour
s'exposer au reproche d^avoir usurpé la cou-
ronne pendant la vie de son frère; mais on le
considéra toujours comme le chef du gouver-
nement.
On voit, dans les manuscrits et lés relations
de la province de Ghalco, qu'Omacatzin, Itzca-
huetzin, Necuametzin, Quetzalcoatzin, Citlalt-
zin , Yaozeuhcatzin et les autres principaux
chefs de cette province se réunirent pour dé-
DES GHICHIMÈQUES. 281
cider de la conduite qu'ils devaient tenir; s'ils
feraient alliance avec Cortez ou s'ils réuni-
raient leurs forces à celles des Mexicains.
Ils envoyèrent les deux derniers à Tezcuco
pour demander l'avis d'Ixtlilxochitl , celui-ci
leur répondit : « Dites aux chefs de Chalco
qu'ils se gardent bien de prendre les armes
contre Cortez et ses compagnons; s'ils le font,
ils n'en recueilleront que de la honte; qu'ils
aident les chrétiens et reçoivent tranquille-
ment la sainte foi catholique. » Quand les
chefs de Chalco eurent reçu la réponse d'Ixtlil-
xochitl, ils envoyèrent des ambassadeurs à
Cortez pour faire alliance avec lui; il reçut
aussi la soumission de quelques villes qui,
jusque-là, avaient suivi le parti de Coanaco-
chtzin, comme Otompan, Huexotla, Coatli-
chan , Chimalhuacan et Atenco , de sorte que
tout le royaume de Tezcuco se soumit à Ixtlil-
xochitl et embrassa le parti de Cortez. On
chassa partout les troupes mexicaines à l'aide
des secours qu'envoyèrent les Espagnols
2S2 UtôTOlRE
quand cela fut nécessaire. Gonzalo de San-
4Qya1 entre autres fut envoyé dans la pro-
vinjce de Chalco pour aider les habitants à
le^pulser les Mei:^icains. Cortez se fortifia dans
Tezcuco et s'occupa à réunir tout ce qui était
oéce$3aire pour former le siège de Mexico ; il
fit apporter tous les bois qu'il avait fait pré-
parer à Tlaxcallan. On en coupa d'autres en
quantité dans la forêt de Tollantzingo qui avait
été plantée sous le règne de Netzahualcoyotzin ;
et après en avoir construit des brigantins,
on s'occupa de les gréer et de les armer.
Quand ils furent terminés^ Ixtlilxochitl ^ par
ordre de Cortez, fit creuser, pour les amener
dai|S le lac, un canal qui avait près d'une
demi-lieue de long et la profondeur nécesr
saire ; il commençait dans l'intérieur des jar-
dins du roi Netzahualcoyotzin , son grand-
père, et s'étendait jusqu'au lac. Il commanda
pour ce travail huit mille hommes propres à
la guerre, qui y travaillèrent pendant cin-
quante jours , car c'était un essai pour voir
DES GHICHIMÈQUES. 283
combiien une seule province pouvait fournir
de guerriers; il tira ceux-ci de la province
d'Aculhuacan , et l'on trouva dans le recense-
ment qu'on en fit, qu'elle pouvait envoyer
deux cent mille hommes au secours des chré-
tiens. Cortez se réjouit beaucoup de voir la
puissance du roi de Tezcuco, dpnt une seule
province pouvait lui fournir tant de guerriers;
Ixtlilxochitl fit aussi réunir assez de vivres
pour nourrir l'armée de Cortez et de ses alliés ,
et fit apporter à Tezcuco tout le maïs et toutes
les fèves qu'il y avait dans les greniers des dif-
férentes provinces de l'empire. Il fit très-bien
fortifier l'enceinte de cette ville et les princi-
paux édifices , particulièrement les palais de
son ayeul Netzahualcoyotzin cpii étaient oc-
cupés par Cortez et les Espagnols, afin de
pouvoir résister aux Mexicains si par malheur
ils étaient vainqueurs ; de l'autre côté, Quauh-
temoc ainsi que Coanacochtzin et Tetlepan-
quetzaltzin ses alliés fortifièrent Mexico de
leur mieux, y réunirent des vivres et des
284 HISTOIRE
soldats afin de pouvoir résister aux assail-
lants et leur faire tout le mal possible.
Ils envoyèrent de tous cotés des ambassa-
c/
deurs pour encourager les chefs qui avaient
embrassé leur parti , parmi lesquels se trou-
vait, comme je l'ai dit plus haut, le roi de
Michoacan qui était très-puissant et chef
d'une ilation belliqueuse. Si Dieu n'avait pas
ouvertement protégé Cortez , la puissance de
ce dernier souverain aurait empêché la réus-
site de ses desseins; mais Dieu opéra un mi-
racle en sa faveur. Quand les ambassadeurs
du roi de Mexico allèrent trouver pour la
première fois Tangapan, roi de Michoacan ,
ils lui rendirent compte de la manière dont
Cortez avait traité les habitants de Chololan et
du massacre de la noblesse mexicaine par
ordre d'Alvarado, et lui dirent qu'ils étaient
de cruels tyrans, qui ne songeaient qu'à s'em-
parer du bien d'autrui. La sœur du roi assi-
stait à ce récit, et en fut tellement effrayée,
qu'elle se persuada que la prophétie de ses
DES CHIGHIMÈQUES. 285
ancêtres allait être accomplie^ et que cette
nouvelle nation deviendrait maîtresse du pays ;
pour ne pas le voir, elle se laissa mourir de
faim. On plaça, selon l'usage que Ton suivait
dans ce pays à l'égard des rois et des grands
seigneurs , son corps dans un des souterrains
du grand temple où, après l'avoir veillé pen-
dant quelques jours, on devait le brûler pour
en conserver les cendres. Gomme elle était
sœur du roi , on comptait observer cette céré-
monie à son égard; mais elle ressuscita le qua-
trième jour et ordonna, à ceux qui veillaient
auprès d'elle , d'aller appeler le roi son frère ,
parce qu'elle avait des choses importantes à lui
communiquer relativement au bien de son
royaume et de ses vassaux. Les gardiens,
tout étonnés , allèrent prévenir le roi qui ar-
riva en toute hâte ; elle lui dit d'écouter sans
crainte ce qu'elle venait lui annoncer de la
part du vrai Dieu , seigneur du ciel et de la
terre ; que Dieu lui ordonnait de déposer les
armes et de licencier l'armée qu'il avait réu-
1
CHAPITRE XCII
Combat d'iztacpalapan. ~ Cortez Ta reconnaître Mexico. —
Guerre d*AcapuchtIan.
11 y avait sept jours que les Mexicains
n'avaient fait d'excursions sur le territoire
de Tezcuco , et que les nôtres n'en étaient pas
sortis , parce que des deux côtés on s'occupait
à se fortifier et à réunir les munitions néces-
saires. Au bout de ce temps, Cortez se mit
13. 19
290 HISTOIRE
«n campagne à la tête de deux cents Espagnols,
de quatre mille Tezcucains commandés par Ix-
tlilxochitl, de quelques Tlaxcaltèques et autres
alliés. Ils côtoyèrent le lac et se dirigèrent du
côté d'Iztacpalapan ; mais les Mexicains les
ayant aperçus du haut du rocher de Tepepolco,
ils en donnèrentavis à leurs compatriotes qui ,
deux lieues ayant Iztacpalapan, attaquèrent les
nôtres par terre et par eau. Les Espagnols
firent cette route toujours en combattant;
mais quand ils arrivèrent dans cette ville, ils
trouvèrent que les habitants avaient aban-
donné toutes les maisons construites sur la
terre ferme, et s'étaient réfugiés dans celles qui
sont dans le lac. Les Espagnol s entrèrent dans
l'eau et s'en emparèrent malgré une vigou-
reuse résistance ; ils ravagèrent presque toutes
les fnaisons du lac, et jtuèrent plus de six
mille jindieqs.Quai^d la nuit fut venue, Ciortez
rappela son monde, et fît mettre le feu à
quelque^ maisons; il se souvint alors qu'en
venant, il avait été forcé de passer sur uae
DES CHIGHIMÈQUES. 291
chaussée étroite qui séparait les deux lacs , et
que les ennemis pourraient bien y avoir placé
ûae embuscade; il marcha donc en toute
hâte ; mais quand il arriva à la chaussée , il
fallut la passer à gué ; plusieurs Indiens alliés
furent noyés , et on perdit tout le butin , car
les ennemis avaient rompu les digues, et la
chaussée était inondée. Au lever du soleil y ils
aperçurent une quantité innombrable de ea-^
nots remplis de guerriers qui venaient pour
leur couper le passage; ils continuèrent leur
route jusqu'à Tezcuco en combattant de temps
en temps ceux qui se tix)uvaient sur le lac.
On ne perdit qu'un seul Espagnol dans cette
expédition.
Les Tlaxcaltèques arrivèrent enfin avec les
bois et les ferrures des brigantins qui étaient
portés par huit mille hommes. Ils envoyaient
en outre vingt mille guerriers. L'alguazil-
mayor Gon^alô de Sandoval , qui les accom-
pagnait , était à la tète de deux cents fantas-
sins espagnols et de seize cavaliers. Pendant
292 HISTOIRE
qu'on travaillait à la construction des bri-
gantins, G>rtez voulut aller reconnaître les
environs de Mexico; mais comme il n'avait
pas une confiance entière dans la loyauté des
Tezcucains y il ne leur fit pas part de son pro-
jet, afin qu'ils n'en prévinssent pas les enne-
mis. Ce soupçon n'avait rien d'étrange, car
presque toutes les familles des deux villes
étaient unies par des liens de parenté ; mais
plus tard il se détrompa et reconnut la grande
loyauté d'Ixtlilxochitl et de ses vassaux. Cortez
se mit donc en route avec vingt- cinq cava-
liers y trois cent cinquante fantassins , six
pièces de campagne et trente-deux mille alliés
tlaxcaltèques et tezcucains. Leurs princi-
paux chefs étaient Ghichemccatltecuhtli pour
les premiers , et Ixtlilxochitl pour les autres.
Us passèrent la nuit dans une plaine entre
Ghiuhnauhtla et Xaltocan , où ils eurent une
escarmouche avec un gros d'ennemis qu'ils
mirent bientôt en déroute. Le lendemain ils
attaquèrent Xaltocan, ville forte, construite
DES CHIGHIMÈQUES. 293
dans le lac, qui, c|uoiqu'elle fit partie du
territoire de Tezcuco , s'était déclarée en fa-
veur de Coanacochtzin et des Mexicains. Mal-
gré la vigoureuse résistance des habitants, elle
fut prise et brûlée en grande partie : les Espa-
gnols allèrent coucher une lieue plus loin, et se
remirent en marche le lendemain de très-
bonne heure. Les ennemis les attaquèrent en
poussant de grands cris , mais ils s'avancèrent
toujours en combattant jusqu'à Quauhtitian,
qu'ils trouvèrent entièrement abandonné , et
où ils passèrent la nuit. Ils allèrent ensuite
à Tenayocan , qui ne leur fit aucune résis-
tance, puisàAtzcaputzalco, et arrivèrent enfin
à Tlacopan , point que Cortez désirait surtout
examiner y parce que c'était de là qu'il voulait
attaquer Mexico. Après un combat acharné,
il chassa les ennemis de la ville , et comme il
était déjà tard , il alla se loger dans le palais
des rois de Tlacopan, dont les bâtiments
étaient assez vastes pour contenir toute son
armée. Le lendemain, les alliés brûlèrent et
1
294 HISTOIRE
pillèrent la ville. Il y passa six jours en escar-
mouches ccmtinuelles avec les ennemis , et
aririva tout près de Mexico^ Cortez aurait
beaucoup désiré avoir une entrevue avec
Quauhtemoc; mais. comme il ne put l'obtenir^
il ne s'occupa plus que de mettre le siège de-
vant sa capitale. Il se décida à retourner à
Tezcuco pour faire terminer les brigantîns
et l'attaquer à la fois par terre et pdr eau. Il
coucha le premier jour à Qtiauhtitlan , et lé
second à Aoolman. Il fut inquiété sans cesse
dans sa retraite par les ennemis^ qui pensaient
qu'il se retirait par crainte : on en tua une
quantité; les cavaliers surtout leur firent
beaucoup de mal. Il entra le troisième jour
à midi dans Tezcuco y où on hii fit une bril-
lante réception. Les Tlaxcaltèques s'en re*
tournèrent dans leur pays chargés de dé-
pouilles. Les Mexicains tourmentaient beau-»
wup \ts habitants de la province de Chaleo,
parce qu'ils étaient alliés des Espagnols. Sur
leur demande y Gortez leur envoya Gonzalo de
DES GHlGlillIÈQUES. 295
Sandoval avec vingt cavalier^ et trois clents
fiiutassins. U trouva en arrivant toute la na*^
tion sous les armes ^ et qui l'attendait avee
isffpatience , ailisi que ceux de Hûexotzinco
et de Quaufac(tieehoHan , qui étaient venus à
leur secours ; ils marchèrent aussitôt contre
Huastepec, où il y avait ntië garnison mexi-
caine , qui faisftit sans cesse des incursions
dans la province de Ghalco , et leur enlevèrent
de vive force cette ville et d'autres qu'ils
oocfupaienty eiïtre autres Âcapùchtlan ^ qui
leur donna beafucoup de mal , parce que c'é-
tait un endi^it très-bien fortifié. Ils y tuèrent
un si grand nombre de Mexicains^, que pen-
dant deux heuï^s on ne put pas^ boir^ l'eau
du ruisseau qui tMverse cette ville, parce
qu'elle était teitite de sâi^. Après avoir ainsi
dfaàtié les ennemis et pacifié lé pays, Sandoval
revint àTescmcô avec 6é» soldatsc Le^ Mexi-^
cains , voulant se vengef' des Ghalcàins , en-
voyèreiit contre exile vttié nouvelle armée;
mais ceox-ei marchèrent à sa rencontre et
296 HI8T0IRE
combattirent avec tant d'ardeur qu'ils les mi-
rent en déroute , et les chassèrent du pays
après leur avoir tué beaucoup de monde et*
fait un grand nombre de prisonniers , parmi
lesquels se trouvaient quarante des princi-
paux chefs. Ils avaient fait demander du se-
cours à Ciortez } mais quand Sandoval arriva
dans leur pays, il trouva que les Chalcains
avaient su se défendre eux - mêmes. Il resta
quelque temps sur leurs frontières , et voyant
que les Mexicains ne les attaquaient plus, il re-
tourna à Tezcuco. Cïortez reçut à cette époque
des nouvelles de la Vera-Cruz. On lui annon-
çait qu'il venait d'y arriver trois vaisseaux,
chargés de soldats, d'armes et de chevaux.
Ce secours fut vraiment miraculeux, car
Cortez en avait le plus pressant besoin : il
arriva facilement à Tezcuco, le mercredi saint
17 mars 1 521 , car toute la route jusque-là était
libre d'ennemis. Cortez envoya aux rois
Quauhtemoc , Coanacochtzin et Tetlepan-
quetzaltzin , qui se trouvaient à Mexico , deux
DES GHIGHIMÈQUES. 297
des seigneurs que les Chalcains avaient faits
prisonniers, pour les inviter à la paix, leur
promettant d'oublier le passé. Les messagers
lui demandèrent une lettre de créance pour
que les rois crussent en leur parole. Gortez
la leur accorda. Mais ils ne revinrent jamais
rapporter la réponse; ils furent immolés aux
idoles : car c'était une loi chez cette nation
que tout noble qui revenait dans son pays
après avoir été fait prisonnier devait être
sacrifié. Ixtlilxochitl faisait tous ses efforts
pour rallier aux Espagnols non-seulement
les Tezcucains , mais encore les habitants des
provinces éloignées , les assurant que quand
même il aurait des reproches à leur faire pour
les guerres passées , Cortez était si bon qu'il
les recevrait néanmoins pour ses amis. 11
concilia ainsi Tozapan, Mexicaltzinco, Nauht-
lan et d'autres provinces voisines : elles of-
frirent à Ixtlilxochitl les étoffes et les autres
objets qui appartenaient aux trois chefs de
l'empire; mais il leur dit de les donner à
1
298 HISTOIIB DBS GHIGHIMÈQUES.
Ciortes et de se déclarer ses amis ^ en se recoti-'
naissant vassaux de S. M. et en liiî ps^àM
un tribut en étdffes de coton. Cortéz reçut
très-bien leurs envoyés , et leur prcmiit d'être
toujours leur amî; de sorte qu'ils s'en re-
tournèrent très-contents«
CHAPITRE XCIII.
CoTttz va recoDDaitre dficore une fois Mexico et les bords du
lac. — Combat de Tlayacapan. — Guerre de Xocbimilco.
Le aamedi saint , Cortez fut averti par le's
Chalcains que les Mexicains avaient réuni
une armée considérable composée des habi-
tants des bords du lac et de ceux de Tlaluhua-
ean , et qu'ils marchaient contre eux pour
en tirer vengeance et dévaster leur province.
300 HISTOIRE
Cortez réunit donc son armée , et le vendredi
1 5 avril , il marcha contre eux avec trente ca-
valiers et^ trois cents fantassins, laissant à Tez-
cuco vingt cavaliers et trois cents fantassins
sous le commandement de l'alguazil-mayor
Gonzalo de Sandoval. Ixtlilxochitl l'accompa-
gna à la tête de vingt-quatre mille Aculhuas.
L'intention de Cortez était d'abord de délivrer
la province de Ghalco en en chassant les Mexi-
cains, puisqu'elle était son alliée et s'était dé-
clarée en sa faveur. Il voulait ensuite rava-
ger le territoire desTlalhuicains et des peuples
des rives du lac que l'on nomme Ghinampane-
cas, et reconnaître encore une fois Mexico
avant de mettre le siège devant cette ville, dont
la prise devait amener la soumission de tout
Tiempire, puisque tous ses chefs s'y étaient
retirés , et que de là ils envoyaient des ordres
pour réunir des forces contre les Espagnols et
leurs alliés; car depuis que Cortez avait soumis
Tepeyacac et les provinces voisines, et en avait
chassé les Mexicains, tout le pays situé de
DES CHICHIMÈQUES. 301
Tautre côté des montagnes était parfaitement
tranquille et favorisait sa cause. En quittant
Tezcuco, Cortezse dirigea d'abord vers la ville
de Tlalmanalco^ capitale de la province de
Ghalco , où il fut très-bien reçu par les caci-
ques qui la gouvernaient. Après avoir examiné
avec eux ce qu'il y avait à faire et avoir aug-
menté son armée de quatre mille hommes^ tant
decette nation quedeTlaxcalla, Huexotzingo,
Quauhquechollan^ et autres provinces alliées,
Cortez prit la route de la province de Totola-
pan, qui touche à celle de Chalco du côté du
midi. C'était là que se trouvaient les princi-
pales forces des ennemis , particulièrement
dans la ville de Tlayacapan, qui est construite
sur des rochers dont la hauteur la rend inex-
pugnable. Après avoir traversé des montagnes
très-difficiles , on v arriva vers le soir. L'on
découvrit au haut d'un rocher très-escarpé ,
dont les guerriers défendaient l'approche, les
femmes , les enfants et tous ceux qui étaient
hors d'état de porter les armes. Dès que les
1
302 HISTOIRE
ennemis aperçurent les nôtres ^ ils commeti-
cèrent à leur lancer , avec des frondes , une
grêle de pierres y de flèches et de javelots.
Cortez, décidé à risquer l'assaut^ ordonna à
Christoval Gorral , capitaine de soixante fan-
tassins y de commencer l'attaque par l'endroit
le plus difficile y et ordonna à quelques arque^
busiers de le suivre. Francisco Verdugo et
Juan Rodriguez de Vtllafuerte devaient, à la
tète de leur troupe, donner l'assaut d'un au-
tre coté ; Pedro de Yrcio et Ândres Monjaraz ,
d'un troisième. II envoya de même des arque-
busiers pour les protéger; il leur ordonna
d'attaquer simultanément aussitôt qu'ils en-
tendraient , un coup de mousquet qui était le
signal convenu. Mais quoiqu'ils fussent suivis
d'Ixtlilxochitl et des siens, ainsi que des guer^
rierjB de Chalco, ils ne purent gravir que ck
deux côtés ; car le rocher était si escarpé que
l'on pouvait à peine y monter en s'aidant des
pieds et des mains. Ceux qui étaient en haut
les accablèrent d'une grêle de dards qui tuè-
DES GHICHIMÈQUES. 303
rent deux Espagnols et en blessèrent piiM de
vingt. Les alliés perdirent beaucoup plus de
monde. De nombreuses bandes d'ennemis qui
coupaient la campagne vinri^t charger les
nôtres en queue, de sorte qu'ils furent obli-
gés de redescendre pour les combattre dans la
plaine^ Après une sanglante escarmouche, ils
les mirenten fuite, en tuèrent un gi^nd nom-
bre , et les poursuivirent à un autre rocher
située environ une lieue et demie du premier.
On pasi$a la nuit au pied, quoique l'on souffrit
beaucoup du manque d'eau; et le lendemain
Cortez commença à le gravir avec les siens ,
par deuK sentiers qui conduisaient au som-<-
met. Quoiqu'il y eut un grand nombre de
guerriers popr défendre Je passi^gé , ils fumnt
frappée de terreur en voyant arriviM* les Esi-
pagnols, et prirent la fuite, malgré les secours
que leur envoyaient ceux qui étaient en haut.
On en tua un grand nombre; il y en eut aussi
beaucoup qui, en fuyant trop vite, tombèrent
dans les précipices. Enfin , voyant qu'ils ne
304 HISTOIRE
pouvaient résister, ils se rendirent et déposè-
rent les armés. Cortez alors ordonna qu'on ne
leur fit aucun mal et leur pardonna. Ceux qui
occupaient l'autre rocher , touchés par sa clé-
mence, se rendirent aussi. Cortez resta deux
jours dans cet endroit avec son armée, et en-
voya les blessés à Tezcuco; il partit ensuite
pour Huastepec, où il fut très-bien reçu. On le
logea avec son armée dans une maison de
campagne que possédaient les rois de Mexico;
il partit le surlendemain pour Quauhtepec, où
l'attendaient un grand nombre de guerriers
ennemis ; mais ils prirent la fuite en l'aper-
cevant. Les habitants lès imitèrent. Les Espa-
gnols ne firent que traverser cette ville et les
attaquèrent dansXilotepec , où ils s'étaient for-
tifiés. Beaucoup furent tués ou pris, ainsi
qu'une quantité de femmes et d'enfants ; le
reste abandonna la ville. Ils y demeurèrent
deux jours. Au bout de ce temps, les habitants,
voyant qu'ils allaient y mettre le feu , vinrent
se rendre à eux, ainsi que ceux de Quauhtepec.
DES GHIGHIMÈQUES. 305
Les Espagnols continuèrent leur route, et se
dirigèrent vers Cohuacan, capitale de la pro-
vince de Tlilhuaca, qui est une demi-lieue
plus loin. Cette ville était très-bien fortifiée,
et défendue par une forte garnison. Ils trou-
vèrent les ponts rompus, de sorte qu'on ne
pouvait y arriver de ce côté ; mais ayant fait
un détour d'une lieue et demie, ils trouvèrent
un passage assez difficile par lequel ils purent
pénétrer dans la ville; dès que les ennemis
les curent aperçus , ils prirent la fuite et l'a-
bandonnèrent. Cohuacan fut pillée et brûlée
en grande partie; son seigneur, qui se nom-
mait Yoatzin , se réfugia dans les montagnes;
Ixtlilxochitl lui fit reprocher sa rébellion et
l'engager à venir se rendre et demander par-
don de ce qu'il avait fait. Il vint donc le len-
demain offrir ses services aux chrétiens, et pro-
mit de les aider dans toutes les occasions,
comme il le fit en effet. De là, les Espagnols
se dirigèrent sur Xochimilco, la ville la mieux
fortifiée et la plus populeuse du lac d'eau
13. 20
306 HISTOIRE
douce. Les ennemis avaient coupé les ponts
à toutes les entrées de la ville, et y avaient
élevé des palissades ; mais les nôtres les atta-
quèrent si vigoureusement par terre et par
eau, qu'en moins d'une demi-heure ils fu-
rent maîtres de la plus grande partie de la
ville. Le combat dura cependant jusqu'à la
nuit, et se renouvela le lendemain; deux Es-
pagnols y furent tués et Ck>rtez y courut le
plus grand danger parce que son cheval s'a-
battit. Aussitôt que les ennemis le virent par
terre, ils le chargèrent de tous les côtés, mais
il se défendit valeureusement avec sa lance
jusqu'à ce que Chichiraecatltecuhtli , général
des TIaxcaltéques, arriva à son secours et le
tira d'embarras, aidé par un des serviteurs du
général. Les ennemis prirent la fuite et les
nôtres se retirèrent dans l'intérieur de la ville,
où ils passèrent la nuit à combler avec des
pierres et des poutres les canaux dont on avait
rompu les ponts, afin de pouvoir les traverser
avec les chevaux. Ce travail futterminéavant le
DES GHICHIMÈQUES. 307
lever du soleil. Les nôtres cependant faisaient
bonne garde et bien leur en prit , car une ar-
mée mexicaine arriva ce jour-là par terre et
par eau au secours des Xochirailcos ; ils atta-
quèrent les Espagnols qui se trouvaient dans
la ville; mais ceux-ci , par ordre de Cortez, se
retirèrent dans une forteresse située dans un
endroit nommé Tepuhpan. Les autres, après
avoir poursuivi les ennemis, vinrent les y
rejoindre, et le combat s'étant renouvelé,
ils tuèrent plus de cinq cents Mexicains.
Le lendemain, ils défirent une autre troupe
des ennemis. C'était le second secours qui leur
arrivait de Mexico^ Ils retournèrent ensuite à
Xochiniilco et trouvèrent ceux qu'ils y avaient
laissés dans le plus grand embarras, car les en-^
nemis les serraient de près. Les nôtres avaient
à peine eu le temps de se reposer , quand ils
furent attaqués par une nouvelle armée mexi-
caine plus nombreuse que les deux premières.
Ce ne fut qu'après le combat le plus acharné
qu'ils pai^vinrent a les repousser jusqu'au lac
308 HISTOIRE
et à les forcer à se rembarquer dans leurs ca-
nots. Us revinrentensuiteàXochimilco, qu'ils
pillèrent et brûlèrent pendant trois jours j ils
se remirent ensuite en marche pour Cuyoa-
can; mais ils furent attaqués en queue par les
Xochimiicas et les alliés, qui poussaient des
cris épouvantables. Cortez les chargea à la
tète de sa cavalerie, et les repoussa jusque dans
le lac. Les Espagnols arrivèrent à Cuyoacan
vers le milieu de la journée, et trouvèrent cette
ville entièrement abandonnée. Cortez se logea
dans le palais du cacique, et alla le lendemain
reconnaître la ville de Mexico à l'endroit où se
réunissent les deux chaussées dont l'une vient
de Xochimilco , et l'autre d'Iztacpalapan. Les
ennemis y avaient construit une forte palis-
sade et y avaient placé une bonne garnison,
qui était soutenue* par de nombreux canots
chargés de soldats. Ils se défendirent brave-
ment, mais les Espagnols finirent par s'en
emparer. Cortez , voyant que c'était un des en-
droits les plus convenables pour attaquer
DES GHIGHIMÈQUES. 309
Mexico , y laissa une forte garnison et se re-
mit en marche après avoir brûlé seulement
quelques temples et quelques palais. Il se di-
rigea vers TIacopan, qui est située deux lieues
plus loin; il ne s'y arrêta pas, et continua sa
marche vers Quauhtitlan j on y passa la nuit,
combattant toujours les Mexicains qui étaient
' sur le lac. Ils tuèrent, dans ces divers com-
bats , plusieurs ennemis d'un rang élevé ; mais
ils perdirent deux Espagnols, serviteurs de
Gortez, qui furent sacrifiés aux idoles, ainsi
que quelques alliés. Les Espagnols couchèrent
le lendemain à Xilotzinco qui était abandon-
née ainsi que Quauhtitlan , et le jour suivant
à Âcolman, sur le territoire deTezcuco, où on
leur fit la meilleure réception. Ils arrivèrent le
soir même à Tezcuco. Sandoval et ceux qui y
étaient restés se réjouirent beaucoup de voir
que Cortez et ses compagnons avaient si bien
réussi dans leur entreprise. Ils avaient aussi
été attaqués par les Mexicains , qui avaient cru
s'emparer facilement de Tezcuco dans Fab-
310 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
sence de Cortez et d'Ixtlilxochitl. Cortez reçut
aussi des nouvelles de Francisco de Barientos
et de ses compagnons qui se trouvaient dans
la province de Chuihnauhtlan qui touche, au
midi y à celle de Tototepec; ils lui annonçaient
que le seigneur de cette province se déclarait
son allié, et qu'ils avaient eu plusieurs ren-
contres avec les Mexicains. C'étaient ces deux
Espagnols qui commandaient ses troupes; ils
avaient voulu rejoindre Cortez , mais on ne les
avait pas laissés partir. Celui-ci se réjouit beau-
coup de cette bonne nouvelle , et leur ordonna
de rester où ils étaient jusqu'à ce qu'il eût pris
Mexico.
CHAPITRE XCIV.
C}oi*lez fait ses préparatifs pour attaquer Mexico par terre
et par eau.
Quand on eut fini de construire et d'armer
les brigantins et de creuser le canal qui devait
les conduire au lac , ainsi que de préparer les
machines nécessaires pour le siège de Mexico,
on lança les brigantins à Teau le 28 avrirl
1534; c'étaient Ixtlilxochitl et son frère Teco-
1
31 2 HISTOIRE
coitzin qui avaient fourni tout ce qui était
nécessaire. Cortez passa ensuite en revue son
armée qui se composait de 86 cavaliers, plus
118 hommes armés d'arquebuses et de mous-
quets, et 700 portant des épées et des boucliers;
il avait 3 gros canons en fer , 15 plus petits
en bronze, et 10 quintaux de poudre; il fit un
discours à ses soldats pour leur recommander
d'observer soigneusement les ordonnances mi-
litaires et pour les encourager, en leur repré-
sentant que Dieu les avait secourus dans toutes
les occasions; que leur nombre qui, pendant
quelque temps, avait été réduit à rien, s'était
considérablement augmenté ^ et qu'ils avaient
reçu des renforts d'armes et de chevaux;
qu'ainsi leur victoire était assurée, et qu'ils
serviraient non- seulement Dieu, en répandant
la sainte foi catholique, mais aussi le roi, en
ajoutant à la couronne de Castille un empire
aussi étendu , qui contenait des provinces si
nombreuses et si riches; qu'il fallait donc se
décider à vaincre ou à mourir. Tous répon-
DES GHIGHIMÈQUES. 313
dirent qu'ils étaient prêts à faire le sacrifice
de leur vie et montrèrent le plus grand désir
de terminer cette entreprise d'où dépendait
la conquête du pays. Dès le lendemain^ Cortez
adressades messages aux provinces deTlaxcal-
lan , deHuexotzinco et de Chololan, pour prier
les chefs d'envoyer dans dix jours les troupes
auxiliaires qu'ils lui avaient promises, ceux
de Tlaxcallan à Tezcuco, et les deux autres à
Chalco. Ixtlilxochitl et son frère Tecocoltzin
donnèrent des ordres dans les royaumes de
Tezcuco et d'Acolhuacan et dans toutes les
provinces qui en dépendent. On envoya des
gens de guerre et de service pour aider Cortez
au siège de Mexico, et l'on apporta toutes
les munitions de guerre et de bouche dont
l'armée avait besoin ; celles qu'ils avaient réu-
nies à Tezcuco n'étaient pas suffisantes, car
on en consommait tous les jours une grande
quantité tant dans la ville que dans les sorties
que l'on faisait contre les Mexicains. Les Tlax-
caltèques arrivèrent à Tezcuco au jour fixé.
314 HISTOIRE
c'est-à-dire cinq jours avant la Pentecôte. Les
gens de Huexotzinco et de Cbololan ne furent
pas moins exacts à arriver à Chalco ; on leur
fit à tous la meilleure réception. Les guerriers
de Tlaxcalla étaient au nombre de cinq mille, ils
étaient commandés par Quauhxayacatzin, Miz-*
tlymatzin, Tenanamazcuicuitzin , Tequanit-
zin, Zeyecatecuchtli^Tepilzacatzin^ Chiahuate-
colotzin, Cuitlizcatly Gocomitzin,Tzicahcuacatl,
Michcuahtecuhtii , TIachpanquizquatzin , Ti-
zatemoczin, Chicuazenmazatl ^ Ixconauhqui-
tecuhtli et Tlahuihuiztli. Chacun de ces chefs
avait, selon son rang et son office, une devise
différente en plumes, en or et en pierreries.
Ixtlilxochitl et son frère les recurent très-bien,
les logèrent dans leurs palais , et leur four-
nirent tout ce dont ils avaient besoin : pen-
dant le peu de jours qu'ils restèrent à Tezcuco,
ils leur firent toute sorte de fêtes. Les guer-
riers de Huexotzinco, qui étaient au nombre
de plus de dix mille, étaient commandés par
Nelpilonitzin, Tozquencoyotzin, Xicotencatl,
DES CHICHIMRQUES. 315
Mecacalnacatl , Quauhxayacatzin ^ Huitziliuit-
zin, Jecatlapizqui, Tetepotzquanitzin, Quauh-
tonatiuhtzin ^ Tehuatecuhtii et d'autres, qui
étaient distingués par leurs devises comme,
ceux de Tlaxcallan; il en était de même des
Cholotèques, qui envoyèrent aussi dix mille
hommes. Ces deux armées furent très-bien
accueillies dans la province de Ghalco. Le
second jour de la Pentecôte , Cortez fit ranger
son armée en bataille sur la place de Tezcuco,
afin de désigner ceux qui devaient composer
les garnisons des trois villes qui sont autour
de Mexico et suivi^e les capitaines qu'il avait
désignés pour les commander. Le commande^
ment de la première, qui devait occuper Tla-
copan, fut donné à Pedro de Alvarado; elle
se composait de 30 cavaliers, 1 8 arquebusiers,
1 50 fantassins armés de boucliers et 25,000
Tlaxcaltèques. Les officiers qui devaient com-
mander sous lui , étaient George d'Alvarado ,
son frère, le capitaine Pedro de Yrcio, Gu-
tierrez de Badajoz qui portait l'étendard.
316 HISTOIRE
Juan Volante y Ândres de Monjarraz^ bisca-
yen , Âlonzo Ortiz de Zuniga , qui comman-
dait les arquebusiers^ et Diego Velazquez.
Christoval de Olid , natif de Baeça , fut mis à la
tête de la seconde , qui se composait de 33 ca-
valiers, 18 arquebusiers, 160 fantassins et
2,000 Tlaxcaltèques ; il devait s'établir à
Cuyoacan. Cortez avait réservé pour lui la di-
rection des opérations navales; mais comme
on en murmurait, disant qu'il avait choisi
pour lui le poste le moins dangereux, il le
donna à Rodriguez de Villa Fuerte, et prit
l'armée de Christoval de Olid, qu'il fit son
mestre de camp. Les officiers de ce corps
étaient Christoval de Tapia, le trésorier Juan
de Alderete, le facteur Bernardo Vazquez de
Tapia, l'inspecteur {vecdor) Rodrigo Alva-
rez Chico, Antonio Vazquez qui commandait
la garde du général et fut remplacé depuis
par Francisco de Terrazas qui était major-
dome de Cortez. Gonzalo deSandoval, Algua-
zil mavor de l'armée, reçut le commandement
DES CHIGHIHÈQUES. 317
du troisième corps; il lui donna 24 cavaliers,
{en blanc dans le M S.) arquebusiers, 1 3 arbalé-
triers et 150 fantassins choisis qui étaient
venus avec Cortez et 40,000 hommes de Tez-
cuco, Huexotzinco, Gholula et Chalco ; il devait
attaquer Iztacpalapan et détruire cette ville ;
s'avancer ensuite par la chaussée du lac, appuyé
par lesbrigantins, forcer les palissades, et s'é-
tablir à Tepeaquilla où est aujourd'hui l'ermi-
tage de Notre-Dame de Guadeloupe. Sandoval
avait sous lui Fernando de Lerma, galicien, le
capitaine Rodrigo Rangel , Luis Marin etVasco
PorcuHo; outre ces capitaines qui furent
nommés pour ces trois corps d'armée, il y
en eut d'autres qui eurent des commande-
ments , tels que Ruy Gonzalez et Antonio de
Arriaga. Pour monter les treize brigantins
qui devaient attaquer par le lac, Cortez choi-
sit 300 hommes, la plupart marins de pro-
fession; il y avait, à bord de chaque bri-
gantin, un capitaine, un inspecteur {vee-
dor), 25 soldats et 6 arquebusiers; leurs
31 8 HISTOIRE
capitaines étaient : Juan Rodriguez de Villa
Fuerte de Medellin , que commandait l'amiral
Juan XaramillOy natif de Salvatierra^ Fran-
cisco Verdugo, natif d'Arevalo, Francisco
Rodriguez Magarino , natif de Merida , Chri-
stoval Flores de Valence, Pedro Barba de
Séville, Antonio de Caravajal , natif de Za-
mora, Garcia Holguin^natif de Gaceres, Ge-
ronimo Ruiz de la Mota, natif de Burgos^
Pedro de Brihosses, natif de Salamanque^
Rodrigo de la Vera , de Médina del Campo ,
Juan de Portillo et Juan de Manulla.
Quand les ordres furent donnés, Pedro de
Alvarado et Christoval de Olid , qui devaient
aller à Tlacopan et à Cuyoacan , partirent de
Tezcuco , le 1 mai 1 521 , et allèrent coucher
à Acolman, où ils se prirent de querelle sur
la distribution des logements; mais Gortez se
hâta d'envoyer apaiser ce diflFérend. Ils pas-
sèrent la nuit suivante à Quauhtitlan, sur le
territoire mexicain, et le jour suivant à Tlaco-
pan où ils se fortifièrent dans le palais du roi.
I
DES CHiCHIMÈQUES. 319
qui avait abandonné cette ville et se trouvait
à Mexico avectous les siens depuis l'expulsion
des Espagnols. Aussitôt que les Tlaxcaltcques
furent arrivés , ils attaquèrent les ennemis
qui défendaient l'entrée de la chaussée qui
conduit à Mexico ; le combat dura jusqu'à la
nuit sans qu'ils éprouvassent de dommage :
ils rentrèrent alors dans leurs quartiers et
recommencèrent l'attaque cinq jours de suite.
Les Espagnols interceptèrent les canaux qui
conduisaient l'eau douce dans la ville, depuis
le lac de Chapultepec. Les ennemis les défen-
dirent vaillamment par terre et par eau, parce
que l'existence de la ville en dépendait. On
gagna quelques ponts et quelques barricades
et on répara les mauvais pas afin que les cava-
liers pussent charger. Quelques Espagnols et
quelques alliés furent blessés. On tua un grand
nombre de Mexicains. Le sixième jour, on était
déjà à l'entrée de la ville. Sandoval partit alors
avec son armée pour se rendre àlztacpalapan,
selon l'ordre que Cortez lui avait donné; il
320 HISTOIRE
fut accompagné parles Tlaxcaltèques d'Ocote-
lulco et deQuyahuiztlan ; car ceux de Tizapaii
et de Tipeticpac étaient à Tlacopan avec Alva-
rado. A cette époque , et avant le départ de la
flotte , Cortez fit pendre Axayacatzin , un des
quatre chefs de Tlaxcallan , pour quelques ex-
cès qu'il avait commis. Ceux qui s'étaient di-
rigés sur Guy oacan se fortifièrentdans le palais
du seigneur de cette ville, qui était à Mexico
avec tous ses vassaux « car la ville était entiè-
rement déserte. Les nôtres allèrent ensuite
attaquer la chaussée qui mène de cette ville à
Mexico ; mais ils trouvèrent une très-grande
résistance ; car les ennemis l'avaient rompue
en plusieurs endroits et avaient élevé des pa-
lissades et d'autres fortifications. Les Espa-
gnols des deux camps.se réunissaient tous les
jours pour courir la campagne; ils tuaient un
grand nombre d'ennemis et enlevaient les
convois de maïs et d'autres provisions qu'on
voulait conduire à la ville. Quand Cortez fut
averti que les Espagnols avaient établi leur
DES GHICHIMÈQUES* 321
camp dans l'endroit où il les avait envoyés, il
mit à la voile avec les brigantins , le vendredi
après la Fête-Dieu , quoiqu'il eût été requis
par les officiers de son armée de prendre le
commandement des troupes de terre qu'on
croyait plus dangereux; mais l'événement
prouva que c'était le contraire , .et sa présence
y fut bien utile* Avant de s'embarquer^ Cortez
fit partir Gonzalo de Sandoval ppur Iztacpala-*
pan, où il lui avait assigné son poste. Les auxi-
liaires Âculhuas allèrent jusqu'à Âztahuacan h
la rencontre des alliés de Gha1co> de Huexot-
zinco et de Ghololan , et formèrent avec eux
un corps de 30,000 hommes. Les habitants de
Chaleo étaient commandés par Quetzaleoa-
tzin, Totomihuehcatzin , Chopalazcatzin , Ix-
peoacatl, Tecuhxolotl, Quetzayacoltzin , Ta-
zauhquaquillitlalatepanecatl , Nequametzin ,
Ecatecolotl , Quetzamacatzin , Xochpoyoca-
caxloquetzqui , Xocotecatl et autres, qui tous
étaient reconnaissables par leurs armes et
leurs devises. Ils avaient avec eux les troupes
13. 2\
322 HISTOIRE
des caciques Acitzin et Macatzin j qui ne
pouvaient les commander eux-^mémes parce
qu'ils étaient en bas-ège. On les avait chargés
de rester dans le pays pour envoyer des
provisions et des renforts pendant tout le
temps que durerait la guerre. Ils arrivè-
rent à Iztacpalapan un peu après midi , at-
taquèrent cette ville et la brûlèrent. Mais
enfin les ennemis voyant que Sandoval
avait avec lui plus de 40^000 alliés^ il$ se
réfugièrent dans leurs canots. Il s'empara
donc facilement de la ville et s'y établit en
attendant les ordres de Cortez. I xtlilxochid ,
Tecocolotzin et un autre de ses frères étaient
restés à Tezcuco pour réunir le plus de soldats
possible et les envoyer rejoindre Cortez. Ils
lui expédiaient aussi, tant par terre que
par eau, toutes les provisions nécessair^ss; ils
employaient à ce service plus de vingt mille
porteurs et de mille canots; 32,000 hommes
de guerre les escortaient afin qu'ils ne fus-
sent pas enlevés par l'ennemi. Ce ne fut pas
DES CHICHIMÈQUES. 323
là le moindre service qu'il rendit à S. M. en
faisant subsister une armée aussi considérable^
et cela à ses frais et à ceux de ses frères et de
ses parents.
n
CHAPITRE XCV.
Victoire des Espagnols sur terre et sur le lac.
Pendant que Sandoval attaquait Iztacpala-
pan, Cortez arrivait avec les brigantins en
vue de la ville de Tepepolco , que les ennemis
avaient fortifiée , et où ils avaient placé une
forte garnison d'habitants de Mexico et des
villes voisines, dans l'intention de prendre les
326 HISTOIRE
nôtres en queue et de secourir la ville d'Iztac-
palapan qu'ils seraient obligés d'assiéger.
Quand ils aperçurent que la flotte se dirigeait
du côté de ce rocher, ils commencèrent à faire
des signaux avec de la fumée pour avertir les
villes et les villages du lac. Cortez débarqua
avec cent cinquante hommes , et après avoir
gravi le rocher avec beaucoup de difficulté, il
s'empara des remparts que l 'on avait élevéspour
sa défense, et massacra toute la garnison, à
l'exception des femmes et des enfants , que Ton
épargna par pitié. Ce fut une victoire signa-
lée; mais il y eut plus de vingt Espagnols de
blessés. Quand ceux d'Iztacpalapan eurent vu
la fumée du rocher, ils envoyèrent à son se-
cours plus de cinq cents canots bien armés à
leur manière» Cortez ordonna à ses brigantins
de rester trahquillement au pied du rocher
pour voir ce que fci^aient les ennemis. Ceux-
ci > croyant que l'immobilité des nôtres était
causée par la crainte , se dirigèrent droit vers
eux ; ils s'arrétèrert t à une certaine distance >
l
DES GHIGHIHÈQUES. 327
€l, àce moment y Dieu voulut qu'il s'ctevât un
vent de terre très-favorable aux brigantins ;
Cortez en profita pour attaquer l'ennani ; il
rompit en un instant la ligne de leurs canota ,
en brisa un grand nombre et tua ceux qui
tes montaient ; car ils se renversaient en
heurtant les uns contre les autres , et leurs
équipages se noyaient. Le peu qui échappè-
rent se réfugièrent dans les canaux de Mexico,
Cette victoire rendit Cortez maître du lac.
Cortez recevait toujours des renforts; il se
décida donc à attaquer Mexico en forçant les
barricades que l'on avait élevées sur les chaus-
sées qui y conduisaient ; il y réussit en passant
à l'aide des brigantins les passages où l'on
avait détruit les ponts. Un grand nombre de
Mexicains furent tués ; les autres cherchèrent
à ise sauver à la nage, en se précipitant dans
l'eau du côté opposé à celui où se trouvaient les
brigantins. Les Espagnols s'avancèrent ainsi
pendant plus d'une lieue, et s*emparcrent des
tours qui défendaient l'entrée de la ville à Aca-
328 HISTOIEE
chizanco et Tozilitlan. Cortez, api^s y avoir
débarqué avec trente hommes, renvoya les
brigantins, parce qu'il était déjà tard, s'em*
para des tours, et força les remparts, qui
étaient en maçonnerie, sans que les ennemis,
malgré leur nombre , pussent s'y opposer. Il
fit ensuite débarquer trois gros canons de fer
qui étaient à bord des brigantins, et en fit
monter un sur la chaussée, qui fit beaucoup
de mal aux ennemis. Malheureusement la
poudre prit feu par la négligence du canon-
nier. Cortez envoya pendant la nuit un bri-
gantin en chercher d'autre à Iztacpalapan.
Quoique sa première intention eût été de se
rendre à Aculhuacan, il prit le parti d'aller à
la ville que nous venons de nommer, parce que
cela lui parut convenable. Il envoya chercher
la moitié de l'armée qui se trouvait à Cuyoa-
can , et cinquante hommes de celle de Gonzalo
de Sandoval, qui arrivèrent le lendemain.
La position de Cortez fut très-périlleuse pen-
dant toute la nuit , et il eut bien de la peine
DES GHIGHIMËQUES. 329
à se défendre contre les Mexicains , qui l'atta-
quèrent vers minuit : mais ils furent effrayés
par quelques décharges d'artillerie et de mous-
queterie et n'osèrent passer plus avant. Quand
les renforts furent arrivés , les nôtres renou-
velèrent le combat^ et forcèrent le passage
d'un canal dont on avait détruit le pont y et
une palissade; de sorte qu'ils arrivèrent aux
premières maisons de la ville. Cortez , voyant
que les ennemis placés de l'autre coté de la
chaussée lui faisaient beaucoup de mal ^ parce
que les brigantins ne pouvaient y arriver ,
y fit pratiquer une tranchée par laquelle il
fit passer des brigantins qui les prirent entre
deux feux, détruisirent plusieurs canots et
brûlèrent quantité de maisons du faubourg.
Le lendemain y Sandoval quitta Iztacpalapan ,
avec sa troupe, et se dirigea sur Cuyoacan.
Il combattit pendant la route un parti de
Mexicains, le battit et brûla plusieurs mai-
sons. A l'aide de deux brigantins, que Cortez
lui envoya^ il traversa l'endroit de la chaussée
330 HISTOIRE
que les ennemis avaient coupée , y laissa tout
son monde ^ et prenant avec lui dix cavaliers
il alla rejoindre Cortezj mais avant d'y arriver,
il fut obligé de combattre ceux que Ciortez
avait mis en fuite. Dans cette occasion, Sando-
val eut le pied percé d'un coup de javelot ; mais
l'artillerie et la mousqueterie de Cortez firent
un tel carnage, que dorénavant les ennemis
n'osèrent plus s'approcher desiprèSé Le com-
bat se renouvela pendant six jours. Les brigan-
tins incendiaient les maisons qui se trouvaient
aux alentours de la ville: ils découvrirent
enfin un canal par où ils pouvaient parvenir
dans lès faubourgs, et même dans l'intérieur
de la ville; ce qui fut très-important; car
les canots n'osaient plus approcher, et se
tenaient à un quart de lieue de distance du
camp de Cortez. Pedro de Alvarado avertit
Cortez que les ennemis entraient et sortaient
de la ville par l'autre chaussée, du côté
de Coyobasco, que les villes mexicaines et
tecpanèques leur envoyaient par là des se-
DES GHIGHIMÈQUES. 331
cours d'hommes et de vivres > et cfue s'ils
étaient trop pressés ils pourraient opérer leur
retraite par ce coté* Cortea ordonna à San-
doval d'aller, malgré sa blessure occuper la
petite ville de Tepeyacac, dans l'endroit où
est aujourd'hui Notrc-Dame-de-Guadeloupe;
il se mit en marche avec vingt cavaliers , dix-
huit arquebusiers et cent fantassins, et laissa
les cinquante autres à Cortez. Il emmena aussi
16,000 alliés de Tezcuco, de Chalco et de
Huexotzinco.
Gortez se décida à pénétrer dans l'intérieur
de la ville, en faisant soutenir l'attaque par
les brigantins. Il envoya ordre à une partie
de la garnison de Guyoacan de se rendre au-
près de lui; le reste garda l'entrée des chaus-
sées, pour empêcher ceux des villes alliées de
Mexico d'attaquer les nôtres en queue. Ces
villes étaient Xochmilco, Cuyoacan, Iztacpa-
lapaUi Huitzilopoehco, Gulhuacan, Zitahuac
et Mizquic. Il laissa aussi à Guyoacan , pour
garder ce poste , 1 6>000 hommes de Huexot-
APPENDICE.
APPENDICE
A LA SECONDE PARTIE.
Les noms d'hommes et de lieux avaient , chez les
anciens Mexicains comme chez presque toutes les
nations , une signification. Il est d'autant plus né-
cessaire de la connaître qu'il serait impossible au-
trement de déchiffrer le peu de manuscrits astèques
qui ont échappé aux désastres de la conquête.
Pour représenter le nom d'une ville ou d'un indi-
vidu 9 les Mexicains peignaient Tobjet d'où ce nom
était tiré : ainsi le nom de la ville de Chapultepec ,
qui veut dire, montagne des sauterelles , était repré-
senté par une montagne ( tepec ) sur laquelle était
une sauterelle ( chapulin ),
13. 22
338 APPENDICE.
Mais ce n'est pas toujours chose facile que d'ex-
pliquer ces noms propres ; ils sont en général
composés de deux ou trois mots contractés en un
seul par la suppression de plusieurs lettres. Souvent
le mot est entièrement dénaturé par Faddition d'une
ou de plusieurs lettres au commencement, ce qui rend
impossible Fusage des dictionnaires , d'ailleurs très-
incomplets. Les missionnaires espagnols , qui nous
ont laissé des traités sur cette langue , ne disent point
d'après quelles règles ces contractions avaient lieu.
J'ai cru cependant remarquer que quand deux mots
sont réunis ensemble , c'est celui qu'on place le pre-
mier , et qui perd ses lettres finales , qui est le régime
de l'autre : ainsi dans ahuatepec ( montagne des
cbènes ) , le mot aAiiaf/ ( chêne ), qui est le régime de
tepec ( montagne ) , perd les deux dernières lettres tl ;
mais cette règle est loin d'être sans exception.
Une autre difficulté non moins grande vient des
terminaisons que l'on ajoutait aux mots pour en for-
mer des noms de lieu. Les terminaisons chan^ tlan ,
apan^ pçlco , ozco , tzinco, doivent indiquer des
nuances différentes ; mais je n'ai pu en trouver nulle
part 1 explication. Il doit cependant y avoir une
différence de signification entre Tepepolco et Te-
petzinco , dérivés tous deux de Tepec , entre ChaU
cbiuhapan et Chalchiuchtiilan.
APPENDICE. 339
L'on ajoute quelquefois à la fin des noms propres
les syllabes tzin et ton, La première est honorifique,
et la seconde au contraire désigne les gens d une
condition inférieure. On trouve indifiéremmentdans
les auteurs Netzahualcoyotl et Netzahualcoyotxin ,
Ghacha et Gbacbaton.
Le mot tecuhtli , à la fin d'uu nom propre , en est
indépendant , et désigne seulement que celui qui le
portait était revêtu de la dignité de tecuhtli. On dit
également tockin et tochintecuhtli.
Quand le mot ostoc ( caverne ) entre dans ia com-
position d'un nom de ville , il semble indiquer qu'elle
fut fondée par les Chiehimèques , qui dans Torigine
habitaient des cavernes.
Je terminerai en faisant observer que divers noms
d'hommes et de lieux sont tirés de diverses langues
qui^ parlaient au Mexique , telles que l'otomi , la
totonaque, la mistèqueou la tarasque, et qu'on cher-
cherait vainement à les expliquer par le mexicain.
Voici le peu de noms contenus dans cet ouvrage
dont je crois avoir trouvé le sens : j'espère qu'on
voudra bien lire ce travail avec IMndulgence que
mérite un premier essai ; peut-être un jour quelque
Mexicain , versé dans la langue astèque , nous don-
nera-t-il un travail complet à cet égard; ce ne sera
^40 APPENDICE.
qu'alors qu'on pourra déchiffrer complètement les
manuscrits qui nous restent.
ÂGAMAPiCHTLi OU AcAMAPicHTziN , premier roi de Mexico ,
ccHnposé de accUl roseau, maitl main, et pachoa
•serrer, qui serre des roseaux dans sa main. Uhiérogly-
phe de ce roi est en effet une main qui tient une
poignée de roseaux.
AcATELOLco, uom de ville au milieu des roseaux ; i^acatl,
roseau.
AcATLAN, pays des roseaux ; A'acaU , roseau.
AcATOMATL, vasc dc roseau ; d'accUl , roseau , et tomatl,
yase.
AcocoTziN ; i^acocotli, nom d'une plante.
AcoLMAN ; d^oco./Jt^ épaule.
AcoLMizTLi , épaule de lion ; A'acolli, épaule , eimztli,
lion.
Agoyogan , d'ocoyoc/tt , saignée faite à une rivière pour
faire des irrigations.
AcozAMiL, ce nom n'est pas mexicain. Il signifie dans la
la langue duYucathan, File des Hirondelles, voyez
Gogolludo , Historia de Yucathan.
Ahuatepeg , montagne des chênes ; dc akuatly chêne ; et
tepec , montagne.
Ahuagoyogan, pays des chênes, de ahuatl.
Ahubgatlan , abime profond rempli d'eau.
Ahuitzotl ou Ahuitzotzin , nom du huitième roi de
Mexico. Espèce de loutre qui est aussi l'hiéroglyphe
de ce roi.
Ahuilizapan , aujourd'hui Orizava. Ce nom , selon Clavi-
gero ( t. II , p. 254 ) , veut dire dans l'eau du plaisir.
APPENDICE. 34f
Amantzin ; probablement d'y^ffumani ^ devin.
Amaxtlan ; XAmaxac. Endroit ou une rivière se divise
en plusieurs branches.
Anahdag , pays entre les eaux ( les deux mers).
Apantecuhtli ; iiapantli , aqueduc, et tecuJUli.
Atlpapalotzin ; papillon d*eau ; d'atl, eau , eipapaloU,
papillon.
Atbnco ; i'atl y eau ; et tmtli , lèvre ou bord : sur le bord
de l'eau.
Atlihueza, eau qui se précipite selon Lorenzana , p. xi.
Atlixco , au-dessus de Feau.
Atonatiuh , soleil d'eau ; d'à// , eau , et Umatiuh , soleil.
Atotonilco , lieu de l'eau chaude A'Aiotonilli.
Atototzin ou Atotoztli , espèce de pélican ; d'citf , eau ^
eitototl y oiseau.
Atoyac ou Atoyatl , fleuve,
Atzgagoatl , composé de atzcall, fourmi , et coaU ,
serpent.
Atzcap€tzalco , capitale des Tecpanèques ; d'atzcuptU-
zalli , fourmilière.
Atzcalxochitzin, composé de atzcail, fourmi, et xochiti,
fleur.
AxAPOCHGo, endroit où Ton trouve Yaxalli, sable qui
servait à polir les pierres précieuses.
AxAYACATL , huitième roi du Mexique; d^atl , eau^ et
xayacatl, face. Son hiéroglyphe est une figure devant
laquelle est le signe de Teau.
Ayocan , pays des tortues ; d'ayotl, torlue.
AzTLAN , lieu d'où les Mexicains tiraient leur origine. —
lïAztatl^ héron.
342 APPENDICE.
AzTATLixTBGAN, pays des héroiis.
Cacama, c'est le nom qu'on donne ans petits épis qui
croissent à côté de Tépi principal. Il convenait donc
très-bien à un bfttard, comme Tétait le prince qui
portait ce nom.
Ghalchiuhapan, pays des émeraudes ; de Chalchiuh, éme-
raude.
Chalcsiuhtlapietzin , émeraude brillante ; de Chalckiuh
et tîanextiliztli, éclat.
Chalchiuhtotomazin, qui chasse Foiseau couleur d'éme •
raude ; de Chalchiuh, émeraude , et totomani , chas-
seur d'oiseau.
Chalco, dans l'émeraude. Probablement à cause des
prairies qui enyfaronnaient cette ville.
Chapultëpec , montagne des sautereDes ; de chŒpulin ,
sauterelle, et tepec, montagne.
Caltanni , habitation d'en bas ; voyez Lorenzana, p. 111.
Chiauiitlan ; de chiahuitl, espèce de vipère.
Gqiahuitkcolotl ; de chieihuitl et de tecolotl, hibcNi.
Chightziin ; de chichi , chien.
Gbilcbiquiltzin , tacheté de vert ; de chiehieoa , tacheter,
et quiltic , vert.
GnicoiNQUAUH ou GHir.oNQDAUHTLi, ucuf aiglcs ; de chicuna,
neuf , et qtiauhtli, aigle.
Ghicomacatzin ; do chicomCy sept; acail^ roseau.
Ghicomoztoc, endroit d'où les nations deTAnahuacse
croyaient originaires; de Chicome , sept; oztoc , ca-
verne.
Ghiqdazbnmazatl , six cerfs ; de ehieuazen , six ; et
mazatl , cerf.
APPENDICE. 343
Ghicdmayocan , pays des neuf tortues ; de ehkuna, neuf ;
ayotly tortue.
Ghicuhcoàtl , huit serpents ; de eMcuei^, huit ; et coati ,
serpent.
Ghilapain , pays du chiU ou poivre.
Ghimalhuacan ; de chimalli , bouclier.
Ghimalpopogatzin , roi de Mexico ; de chimalli ; et de
popoca, fumée. L'hiéroglyphe de ce roi est en effet un
bouclier d'où il sort de la famée.
Ghimalpiltzintli ; de chimalli et de piltzintli , enfant.
GiTLALcoATL j dc citlalU , étoile ; coati , serpent.
GiTLALPOPocATzm , comètc ; mot à mot , étoile fumante.
GiTLALQDADHTziN ; dc citlalU ct de quauthMy aigle.
GiTLALTEPEC ; dc citlalU et tepec , montagne.
GiTLALTziN ; de citlalU , étoile.
GoATZAGUALco. Ou prétend que ce nom vient de coati y
serpent , et coatzalan , se cacher ; et signifie l'endroit
où se cache le serpent , parce que ce fut dans cette
province que disparut Quetzalcoatl.
m
GoATEPEG , montagne des serpents.
GoATETL , pierre du serpent ,• de coati et tetl , pierre.
GoATLiGHAN , pays des serpents.
GoAxoGHiTziiM , flcur des serpents. Gette fleur est décrite
par Hernandez , p. 156.
GoGOLiTLAN , pays malsain ; de cocoliztli , maladie.
GozGAQUAUHTLi , cspècc d'aîgle à tête rouge.
GËTLAHuixocBiTziN , fflcur décTîte par Heruaudez , p. 376.
GuETLAxoGHiTzm , flcur décrite par Hernandez, p. 375.
CuETLACffTiTLAN , pays dcs loups ; de cuictlachtli, loup.
C0ETLAcoAPA!v , aujourd'huî Pud>la de los Angeles-^ selon
344 APPENDICE.
Boiurini ( p. 78 ) , et Médina (p. 122 ) , l'endroit où
on lave les entrailles des victimes.
Ct7ictiETZALT2iN ; de cuicuetzotl, hirondelle.
GuLHUACAN , pays des serpents , selon Yeytia , 1. 1, p. 21.
Epcohuac. Boturini ( p. 78 ) , traduit ce nom par serpent
qui brûle.
Ehcatepeg , montagne qui s'élève dans Tair ; A*ehcatl ^
air ; et tepec , montagne.
Ehcatonatuih, soleil d'air; d^éhcatl et tona^tuft ^ soleil.
HuANAxATo , est selon Médina (p. 257) , une corruption
du mot tarasque quarmhwUo, qui veut dire montagne
des grenouilles.
HuAXACAc ou Oaxaca ; de huaocin, espèce d'arbres ; et
xacail y pointe.
HuEHDETLAiM , uom d'uuc proviucc ; de htiehtie, vieux, ou
de htiehuetl , tambour.
HuERUETLAPALLAN , le vicux Tlapallau. (^oyejscemot.)
HuExoTLAN ; de huexotl , saule.
HuExoTziNco \ de huexotl, saule.
HuExoTziNCATziN , qui a remporté la victoire contre
Huexotzinco.
HuiLOTEPEG , montagne des pigeons ; de huilotl, pigeon ;
et tepec, montagne.
HniLOTLAN , pays des pigeons.
HiTiTziLiHuiTL , espèce d'oiseau.
HuiTziLiHUAGAN , pàys OÙ sc trouvc cet oiseau.
HniTziLOPOCHGo , lieu dédié à HuUzilopochtli.
Ilhoicamina , surnom de Motccuhzoma I , qui lance des
flèches jusqu'au ciel ; A'ilhuicail , ciel ; et mitl , flèche.
APPENDICE. 345
L'hiéroglyphe de ce roi est en eflet une flèche qui
frappe le ciel.
IxTLiLxocHiTL ; de xochM, fleur; et ij;^K/ltc^ basané.
IxoTL ; A'ixotla, donner un coup de sabre sur la tête.
Itzgoatzin , roi de Mexico , serpent en obsidienne ;
diitzli , obsidienne ; et coati y serpent.
IxAYOc , pleureur; d'iœayotl, larme.
IxAYOPiLTzm , enfant qui pleure ; d'iœayotl ^ larme ; et
pilzintli y enfant.
IxHUACAN , terrain sec. Foy, Lorenzana , p. 1.
IzTACALco ; d'istoc y blanc.
IzTAGPALAPAN , viUe blauchc.
IzTACPAPALOTziN, papiUon blanc ; ^Liziac^ blanc ; papalotl,
papillon.
IzTACQUAUHTLi OU IzTAGQUAUHTziN , aiglc blauc ; d'istoc ,
blanc ; eiquauthli^ aigle.
IzTiAGAUHTziN ; dHztlocay prophètc.
Maguilcoatl , cinq serpents ; de nuicuilli y cinq ; et
coati y serpent.
Malin ALOGA de ma/ina/fo'^ tordre.
Matzigotzin ; de matzicoltic y manchot.
Matlalcihuatzin , fenune verte ; de Matlatl , vert , et et-
huatly femme.
Matlaltzingo, lieu de verdure.
Maxtla, roi d* Atzcaputzalco , caleçon ou pagne.
Maxlagan, pays des pagnes.
Mazatl, cerf.
Mazahuagan , pays des cerfs.
Megonetzin, Fenfantdu Maguey. Voy. Veytia, tom. ï,
pag. 26&.
346 APPENDICE.
Mbztitlan, de meztli, lune; et tetl, pierre.
MiTL, flèche.
MiTLizTAG, flèche blanche; de mitl^ flèdie et iztac blanc.
MicHOACAN, pays du micki , espèce de poisson.
MixTLi, noage.
MixcoATziN , serpent de nuage ; de mixtli nuage et coati ,
serpent.
MoTKciJHzoMA , seîgncur séTère.
MoTOLiNiATziN dc motoUfiia , pauvre.
Netzahualcoyotzin , roi de Tezcuco, renard Jeûneur; de
nezahtuiy jeûner et coyotl, renard.
Netzahualpilztzintli ; de nezahua^ jeûner, et piltzintU,
enfant pour lequel on a jeûné.
NocRcoANi ; de nochtli , figuier dMnde.
NoffOALco , Fendroit du dénombrement.
OcELOPAN , pays des tigres, d'ocelotl, tigre.
OcELOTEPEc , montagne des tigres.
OcoTocH , (Tocotl^ pin.
OcoTziwco et OcoTELULco , ville des pins,
OcoTEPEc, montagne des pins.
Ometoghtu ; deux lapins d'orne, deux, tochili, lapin.
Omacatzin , deux roseaux ; d'orne , deux, acaily roseau.
Otomgatepec , montagne des Otomites.
OzTocTicpAc , au^essus de la caverne ; d'ozêoe , caverne ,
et ticpaCy au-dessus.
Pachoacan de Pachoa^ endroit resserré , parce que cette
ville est construite dans un défilé.
Papalotepec, montagne des papillons de Pa/Mifo^.
Papalotlan , pays des papilUms
APPENDICE. 347
Patntzin , coureur de Payna , courir légèrement.
PocHTEPEc ou PopocATEPEG, volcau; dc tcpec, montagne ,
eipochtli, fumée.
PocHOTL, nom d'une plante.
QuAN ALTECATL , boHune quî a une crête ; dc tecail , homme,
et quanacatl, crête.
QuATLAPANQui , tétc fcnduc ; moutaguc dont la cime est
partagée en deux.
QuAUHATLAPALTziN; Ae quauhatlapalU , aigle rouge.
QuAUHATLAPAzco , pays des aigles rouges.
QcAUHAXAYACATL ; dc quauhtU j aigle , et axayacatl , qui a
la tête dans Fcau. Yoy. cemot.
QuAUHQUETZALLi , plumc d'aiglc ; de quetzatli , plume , et
quauhtli,9\g\Q,
QuAUBTiTUPi , pays des aigles.
QuAUHTLAGTLi , oorps d'aiglc ; de quauhtli^ aigle, et tlactli^
corps.
QuAUHTLATOA, qui a la voix d'uii aigle; de tlatoGy par-
ler, qui se dit aussi des animaux.
QuAUHTLATziNco, viUc daus la forêt; de Quauhtlan,
forêt.
QuAUHTONATiUH ; dc qtumktU ^ Bigle ^ et tonatiuh , s/cÀeîl.
QuETZALcoATL , scrpcut couYcrt de plunnes ; de quetzeUli ,
plume , et coati ^ serpent.
QuETZALMALiN , plumc torduc ; de quetzal et malina,
tordre.
QuETZALMiTLi , flèctie cmpluméc; de quetzcUli^ plume , et
mitl, flèche.
QnETZALMAMALiTziN , plumc feuduc ; de quetzalli et de ma-
mali, fendre.
QuETZALTEcuHTLi , quetzalH ci Ac tecuhtli, chevalier.
348 APPENDICE.
QuETZALTEcoLorziN , plume de hibou ; de tecolatl ,
hibou.
QuETZALTEPEc , montague de plumes ou ornée de
plumes.
QuETZALxocHiTziN ; de quetzàlU et de xochitl , fleur.
QuiADHTEPEc , moutagoe de la pluie ; de quiahuitl ,
pluie.
QuiAHUizTLAN , pays pluvieux.
QuiNAMETziN , géaut. Voy. Veytia, tom. I , pag. 142.
Teapazgo ; de teapaztli^ tas de pierre.
Tecpatl , cailloux.
Tegpan, palais d'un roi ou d'un seigneur.
Tecpanxochitl, fleur du palais.
Teconaltegatl , charbonnier ; de teconalli , charbon , et
tecatl , homme,
Tecpanéque, qui habite un pays pierreux. Voy. Glavigero,
tom. 1, pag. 152.
Tecuhxolotl; de 070^0^/^ œil, eXtecufUliy chevalier.
Telpoch , jeune homme.
Temacpalgo, ville livrée par trahison j de temactli^ chose
livrée.
Temamatlatl , escalier de pierre.
Temaghcaotli ; de temachtli, qui enseigne.
Tenamaxguigditl , pierre peinte. Voy. Lorenzana , p. v.
Tenamitec , endroit entouré de murailles ; de tenamitl,
mur d'enceinte.
Tendghtitlan , figuier sur la pierre ; de tenuch , figuier
d'inde, et tetl, pierre.
Teotihuacan , ville des dieux ; de teotl, dieu.
APPENDICE. 349
Tbotlatzinck: , de teotlatli , plaine étendue
Teoyualminqui , fameux guerrier qui tue. Voy. Veytia ,
tom. II , pag. 213.
Tepeghpan , pays des montagnes.
Tepeyacac , sur la pointe de la montagne ; de tqpec et
yacatly pointe.
Tepeticpac, au haut de la montagne ; de tepec, montagne,
ticpac, au-dessus de.
Tepetlaoztog , caverne dans la montagne.
Tepetlatzingo , yille sur la montagne.
Tepologan , endroit dangereux.
Tbpoloatecuhtli ; dc tecuhtli , chevalier et tepoloani ,
vainqueur.
Tepozotlan ; de tepoztli , fer.
Tequanitzin; de teqiumi^ béte féroce.
Tequaistbpeg, montagne des bétes féroces,
Tequixquinahua ; de tequixquitl , salpêtre.
Tetoistli , petite pierre.
Tetzauh , mauvais augure.
Tetzauhpiltzintli , enfant de mauvais augure.
Tezgagoatl de coati ^ serpent, eitezcatlij miroir.
Tezgogo , endroit où l'on s'arrête.
Tezgooogihuatzin , femme de Tezcoco ; de dhnuUl y
femme.
Tezmologa!^ ; de ^^mo//i^ jonc vert.
Teyatzin ; de U/yoa, gagner une bonne renommée.
Tezgatlpopoga, miroir fumant; de pochtli, fumée, et
tezcatli , miroir ou chose très-polie.
TizoG ; ce nom du septième roi de Mexico veut dire trans-
350 APPENDICE.
percer ; au» son hiéroglyphe est^l une cuisse cou-
verte de blessures.
Tlacahdepantzin ; de tlacahua , maître de qui Ton est
resclave.
Tlacateotzin , homme-dieu ; de tiacail , homme, et taM,
dieu.
TiACAELLEL , hommc de grand cœur. Yoj. darigero ,
pag. 209.
Tlaghco , jeu de balle.
Tlachinotzin ; de tlachinoa , brûler des forêts.
Tlahcican ', de tlahuic ^ cinabre.
Tlahuitolan j de tl(ihuUly ocre rouge.
Tlamaca, plaine étendue. Yoy Lorenzana , pag. 3.
Tlapallan, pays rouge ; de HapalUy rouge.
Tlalaxapan; deilalaùoiy pou.
Tlatelulgo; de tlatelli, monticule.
Tlatlauquitepec , montagne rouge. Voy. Boturini , p. 3.
Tlaxcallan , endroit du pain , parce qu'on y cultivait
beaucoup de maïs. Yoy. Boturini , pag. 78.
Tlazalan, ravin.
Tlazalantlanoztoc, caverne dans un ravin -, de tlazalan^
ravin, ostoCy caverne.
Tlbqoexolotzin , œil de feu ; de tletl y feu , et xolotl , œil.
TocHiNTEccHTLi; dc tochin^ lapiu (Molina le traduit ainsi;
mais je pense que cela veut dire cochorhSinde).
TocHPAN , pays des lapins.
TocHTEPBc, montagne des lapins.
ToLLAN ; de to//in, jonc ou glayeul.
ToLocAN , de tollin.
APPENDICE. 351
ToLPETLAc , lieu où l'on fabrique des nattes. Voy. Botu-
rini , pag. 78.
TONATIUHTZIN , SOlell.
TopiLTziN, justicier; de Topilli , insigne qui distinguait
les juges.
ToTONAPAN, eau des poules; de Tototl, poule, et AU, eau.
ToTOTEPEc , montagne des poules.
TnzAPAN , pays des taupes ; de tuxa , taupe.
TziHUAxocHiTziN j de XocJM y fleur, et TxîMio^I ou et-
hwsil , femme.
TziNACANosTOc , caveme des chauves-souris ; d'O^tocet
2^zmaca/i, chauve-souris.
TzoNTECOMAMA, tétc chargéc. Voy. Boturini, pag. 78.
TzoNTEcoMATL , tête coupéc et séparée du corps.
Xalisco , ville dans les sables ; de Xalli y sable.
Xaltocan , pays sablonneux.
XicoTEPEc , montagne des Abeilles ; de Xicotli y espèce
d'abeille qui dépose son miel dans les arbres.
XiHuiTLTEMOc ; Ae ocikuitl y année.
XiHuiTLPOPOcA ; iexihuitl et Aepopocay fumée.
XiLOTEPEc ; de xilotly épi de maïs.
XiQuiPiLco , de xiquipilli , sac ou bourse.
XocHQUETZALLi; de xochUl y hcrbc, et quetzalli y plumes.
XocHiTL , fleur, d'où sont dérivés xoehimilcOy xochi-
palco , ville des fleurs ; xochitlan , pays des fleurs ;
xochitepec, montagne des fleurs.
XocHiQDETZALTziN ; dc xochUl y ct dc quetzalU , plume.
XocHTUNAL , Gguier en fleur; de xochitl et tunal y Gguier-
d'inde.
352 APPENDICE.
XoLOTL, œil.
XoGONUscHGO , xocoTiTLAN ; de xocoil , espècc de fruit.
Yahualibuagan ; de yoAiia/t , rond.
Yaotl, ennemi.
Yauhtepec ; peut-être de yahuitl , maïs noir.
Zagatlan , pré couvert d'herbe. Voy. Veytia , pag. 218.
Zkmpoallan ; de Zempoalli qui veut dire vingt , parce
qu'on y tenait un marché tous les vingt jours •
ZoLTEPBG , montagne des Cailles ; de zoli , caille.
ZoYOLAN ; peut-être de Zoloa, endroit resserré.
FIN DE l'appendice.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUBS
DANS CE VOLUME.
Ghapitkiç L. ^ Couronnement da Uèi-«ig|9 et trèirp^-
dent NetzahualpiltsintH -Acamapixtli i
Cbaf. LI. — Guerre d'Axayacatzin , roi de Mexico, contre
Moqoihuîtzin, roî de Tlatelolco , et se» alliés. • • « 7
Ghap. lu. -^ Commencement du règne de Netzahual-
piltzintli. — Prudence et sagesse que Dieu lui donna
dés son enfance , et qui sont très-vantées par les au-
teurs. II
Châp. lui. — Guerres et conquêtes des trois chefs de
Tempire. — Mort de Xihuilltemoc , seigneur de Xochi-
milco i5
13. 23
354 TABLE
GiAF. LIV. — Mort d'Axayacatzin. — Il a pour gucces-
sémr Tiçotzicallzin. — Bnfanb de ces denxroîs. ... si
Ghap. LV. — Première expédition du roi Netzahnalpilt-
zintli contre les habitants d'Ahuilizapan , Tototlan ,
Oztocticpac et antres provinces de la cdte de la mer
du Nord sS
CaAP. LVl. — Netzahnalpiltzintli construit un palais et
augmente le grand temple qu'avait construit son
père. — Dépense ezcessiye que faisait ce prince. . . S 2
GiAp. LVIl. — Des nombreuses concubines deNetzahual-
piltxintli. — De la reine Tenacatzihuatzin , son épouse
légitime. — Des enfants qu'il eut d'elle et de ses con-
cubines 35
Gair. LVIII. — Mort de Tiçotzicaltzin, roi de Mexico. —
Ahuitiotun lui succède dg
Ghap. LIX. —Expédition de Netsahualpiltsnntli centre la
cdte de Nauhtla. — Il fait , avec les rois de Mexico et
de TIacopan , la conquête de quelques provinces si-
tuées sur les côtes de la mer du Sud 45
Gflàp. LX. — Ahuitzotzin termine le grand temple de
Mexico. — Sacrifices qui ont lieu a son inauguration.
— Mort de Ghimalpopocatzin , roi de TIacopan. — Il est.
remplacé par Totoquihuatzin » second du nouk ... 47
Ghap. LXl; -*- Guerre de Netzahualpiltzintli contre Hue-
huetsindeHnexotsinco. — Il est vainqueur et fait son
ennemi prisonnier 5i
GiAP. LXIl. Action extraordinaire de Teuhchimaitzin ,
noble *db sang royal de Tescuco. 67
Gbap. LXlII. — Guerres et conquêtes de l'empire contre
les nations éloignées. . 63
DES MATIÈRES. 355
Page».
Ghàp. LXIV. — Extrême sëTérité, de NetzahualpiUzintli
eontre son éponse adultère 65
Geàp. LXy. — NoareHes conquêtes des armées impë*
riales 71
GSAP. LXVI. — Grande inondation de la yille de Mexico
causée par une source nommée Acuecnexatl 73
Ghap. LXViL — NetzahualpiUzintli apaise une querelle
entre les princes Acapîoltzin et Xochiqnetzaltzin ses
frères. ^^ Il punit serèrement quelques-uns de ses
fils 77
Ghap. LXVIII. — NetzahualpiUzintli améliore la législa-
tion et Fadministration de la justice 85
Ghap. LXIX. — Naissance du rdeureux prince Ixtlilxo-
chitl , et ce qnll fit pendant son «nfance. 9^
Ghap. LXX. — Mort d*Ahuitzotzin, roi de Mexico. — Le
fameux Motecuhzoma , deuxième du nom , lui suc-
cède 101
Ghap. LXXI. — De diyers événements qui, d'après les
annales , eurent lieu à cette époque 107
Ghap. LXXII. — De quelques signes et présages qui an-
noncèrent la destruction de Fempire m
Ghap. LXXlll. — Révolte de quelques provinces con-
quises , et autres événements ii5
Ghap. LXXIV. — Trahison de Motecuhzoma qui fait
périr la fleur des guerriers de Tezcuco en les livrant
aux Tlaxcaltèques, et se rend par ce moyen maître de
tout Fempire 119
Ghap. LXXV. — Mort de NetzahualpiUzintli 117
366 TABLE
1?-
• Patçes.
GiAP. LXXVI. -*• Querelle qui telèye etttre les enfiiate
de Netzahualpiltzintli relativemeiit à la flooceMÎon. . tSi
Ghap. LXXVII. — De rinyincible FemMid Gortez , pre*
mier marqui» de la yallée d*Oaxaca, et du commen-
cement de ton expédition iSg
Ghap. LXXVIIL -^Gortez comoieiice la conquête de la
Nouvelle- Espagoe. — 11 arriye à Potonchan 45
Ghap. LXXIXr — Voyage de Gortez jusqu'à son arrivée
à la Yera-Gruz i53
Ghap. LXXX. — Gonduite de Mote<$uhzofnA en appre-
nant larrivëe de Gortez et de set compagnons! —
Gelui-ci a connaissance des factions qui divisent le pays. 1 63
Ghap. LXXXI. — Entrevue de Gortez avec les seigneurs
de Gempoallan et de Quiahuiztlan. — Ils lui offirent
de se rallier à lui contre Motecuhzoma 171
Ghap. LXXXII. — Séjour de Gortez à la Vera-Cruz. —
Il détruit ses vaisseaux 177
Ghap. LXXXIII. — Gortez part pour Mexico. — Ge qui
lui arriva pendant la route iS5
Ghap. LXXXIV. — Séjour de Gortez à Tlaxcallan. . . . îo3
Ghap. LXXXV. — Voyage de Gortes à Mexico. •*- Ge <|ai
se passa dans cette ville jusqu* à l'arrestation de Mote-
cuhzoma %i3
Ghap. LXXX VI. — De ce qui se passa à Mexico jusqu'à
ce que Gortes fît mettre des fers à MotecuhzooiCL. —
Gacama, roi de Tezcuco , prend les armes pour dél li-
vrer son oncle et chasser les Espagnols. -*- Son oncle
Ixtlilxochitl le prend par trahison et le livre à Gortez. 3 a 5
Ghap . . liXXXVII. — Motecnheoma et les autres seigneurs
DES MATIÈRES. 357
Page».
de l'empire se reconnaissent rassaux du roi de GastiUe.
— Ce qui arriva à Gortez jusqu'à la prise de Pamphile
de Nanraez qui venait l'attaquer 235
Gbàf. LXXXVHI. — Massacre de la noblesse de Mexico
par Pedro de Alvarado et ses compagnons. — Ce qui
est cause de la révolte de Mexico. —Les Espagnols sont
serrés de si près qu'ils sont forcés d'abandonner cette
ville. — Mort du grand Motecubzoma , de Gacama et
d'autres seigneurs 143
Ghap. LXXXIX. — Gortez se retire à Tlaxcallan. — Évé-
nements qui eurent lieu à cette époque 253
Ghap. XG. — Gortez est bien accueilli à Tlaxcallan. —
Ge qu'il fait pendant son séjour dans cette ville. —
Mort du roi Guitlahuatzin. — Élection de Quauhtemoc,
de Goanacochtzin , et de Tetlepanquetzaltzin 359
Ghap. XGI. — Gortez marche de nouveau contre Mexico.
— Son arrivée à Tezcuco 273
Ghap. XGlI.->Gombat d'iztacpalapan. — Gortez va recon-
naître Mexico. — Guerre d'Acapuchtlan 289
Ghap. XGUI. — Gortez va reconnaître encore une fois
Mexico et les bords du lac. — Gombat de Tlayacapan.
— Guerre de Xochimilco 299
Gbap. XGIV. — Gortez fait ses préparatifs pour attaquer
Mexico par terre et par eau Su
Ghap. XGV. — Victoires des Espagnols sur terre et sur
le lac 325
Appenoige 3;i5
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
IMPRIMERIE DE FAIN ET THDNOT,
me Racine , 98 , près de l*Odéon.
1^-
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