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Full text of "Histoire des conquetes de Gustave-Adolfe, roi de Suede, en Allemagne; ou, Campagnes de ce monarque en 1630, 1631, 1632"

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JTs-Siy    3  ^ 


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,14/  .-.,,4.  J  . 

NE  SORT  PAS 


I 


HISTOIRE 

DES     CAMPAGNES 

D    E 

GUSTAVE-ADOLFE 

EN    ALLEMAGNE. 

TROISIEME  EPOÇLUE. 


XjE  roi  de  Pologne  voulait  rompre  la 
trêve  avec  la  Suéde  (^),  pour  atta-    i<î?i^ 
quer  la  Pruffe  au  premier  revers  de  for-  ^'^ '="'^- 
tune  qu'éprouverait  Guftave-Adolfe; 
mais  la  vidtoire  de  Leipzic  rendit  ce 
projet  impraticable,  &renverfa  les  efpé- 

(  a)  La  trêve  conclue  à  AUenmarck  le  16  de  fep* 
tembre  1629. 

Partie  IIL  A 


2  'Campagnes 
rances  de  Tempereur  &  de  fes  alliés.  Le 
1 63 1.  miniftere  Autrichien  étoit  moins  affec- 
w^ptem  re.  ^^  ^^  |^  ruine  de  Tannée  de  Tilli , 
qui  pouvait  encore  tenir  la  campagne 
quand  les  garnifons  les  moins  nécef. 
faires  &  les  troupes  des  généraux  Al- 
diinger  &  Fugger  l'auraient  renfor- 
cé ,  qu'alarmé  des  intentions  fecretes 
de  réiecleur  de  Bavière,  qui  pou- 
vait renoncer  à  la  Ligue  Catholique , 
dont  la  dififolution  eût  expofé  l'em- 
pereur feul  à  la  vengeance  des  pro- 
teftans.  Ceux  -  ci ,  rafTurés  par  les  fuc- 
cès  de  Guftave ,  commencèrent  à  re- 
prendre courage  &  à  s'occuper  des 
moyens  de  fecouer  entièrement  le 
joug  de  la  cour  de  Vienne,  Prefcjue 
tous  réfolurent  de  s'unir  au  roi  de 
Suéde ,  &  les  princes  d'Anhalt  s'em- 
preflerent  de  fe  mettre  fous  fà  pro- 
tedion.  Le  traité  portait ,  «  qu'ils  paie- 
55  raient  au  monarque  un  fubfide  pour 
^  contribuer  aux  frais  de  la  guerre  3 


DE   GUST  AVE-AdOLFE.      ^ 

»  &  que  s'il  jugeait  à  propos  de  for-  "'"'^*^''^ 
55  tifier    quelques   places    dans   leurs   ^^^^' 
„  états  ,  ou    de   jeter   un    pont  iur 
55  l'Elbe  ,  leurs  fujets  y  travailleraient 
55  gratuitement.  „  C'efl:  ainfi  que  Guf- , 
tave  augmentait   le   nombre  de  fes 
alliés  ,  tandis  que  l'empereur  craignait 
de  perdre  les  fiens. 

Après  la  reddition  de  Leipzic  ,  l'é- 
ledteur  de  Saxe  fe  rendit  à  Hall  afin 
de  prendre  avec  le  roi  les  arrangemens 
nécelTaires  pour  continuer  vigoureu- 
fement  la  guerre,  &pour  convenir  en 
même  tems  d'un  projet  d'opérations 
contre  les  catholiques  :  les  princes 
d'Anhalt  &  de  Veimar ,  avec  quelques 
autres  proteflans ,  aflîfterent  aux  con- 
férences. On  ne  jugea  pas  à  propos  de 
pourfuivre  le  comte  de  Tilli  qui  fuyait 
du  côté  du  Vefer,  dans  la  crainte  de 
rendre  la  BafTe- Allemagne  le  théâtre 
de  la  guerre ,  &  de  livrer  à  la  fureur 
des  catholiques  les  proteftans  de  la 

Aij 


4         Campagnes 

■»"^«"«»  haute.  On  décida  qu'il  fallait  attaquer 
163 ï*  ks  états  des  membres  de  la  Ligue, 

Septembre.^  notamment  ceux  de  l'empereur, 
dont  les  peuples  irrités  de  la  perte  de 
leurs  privilèges  ,  des  vexations  qu'ils 
éprouvaient  journellement  ,  &  des 
changemens  opérés  dans  la  religion , 
ne  pouvaient  que  féconder  les  défen- 
feurs  de  leur  culte  &  de  leurs  immu- 
nités. On  fe  flatta  que  cette  divcrfion 
jointe  au  mécontentement  des  fujets 
de  Ferdinand  ,  qui  n'avait  plus  par 
lui-même  afiez  de  troupes  pour  re- 
prendre la  fupériorité  fur  ks  protef- 
tans ,  lui  rendrait  fort  difficile  le  raf- 
femblement  d'une  nouvelle  armée. 

Les  confédérés  pouvaient  attaquer 
de  trois  manières  les  états  ligués  :  la 
première  ,  en  s'avançant  avec  leurs 
forces  réunies  par  la  Bohême  &  la 
Moravie  ou  le  palatinat  de  Bavière, 
pour  tranfporter  le  théâtre  de  la  guerre 
A  la  gauche  du  Danube  j  la  féconde, 


DE   GU  ST  A  VE-AdOLFE.       f 

€11  traverfant  la  Franconie  &  le  fleuve 
pour  s'établir  à  fa  rive  droite.  Ces  i^n- 
deux  expédiens  expofaient  les  protef-  ^^^^"^  ^^' 
tans  de  Baffe  -  Allemagne  à  tout  ce 
que  Tilli  voudrait  entreprendre  quand 
il  aurait  réparé  Tes  pertes  :  alors  il  pou- 
vait venger  fur  eux  les  maux  qu'euf- 
fent  éprouvés  les  catholiques  de  Haute- 
Allemagne.  La  troifleme  manière  d'at- 
taquer ,  confiftait  ù  partager  les  forces 
des  proteftans  ,  afin  qu'une  partie  opé^ 
rât  contre  les  états  héréditaires  de  Venu 
pereur,  tandis  que  l'autre  agirait  con- 
tre ceux  des  membres  de  la  Ligue.  Ce 
fut  à  peu  près  le  projet  qu'on  adopta  ; 
car  il  était  vraifemblable  que  Tilli  ten- 
terait feulement  d'arrêter  les  progrèsS 
de  l'un  de  ces  corps ,  &  que  pendant 
ce  tems  l'autre  remporterait  des  fuc- 
eès  faciles.  On  régla  que  l'éledeur  de 
Saxe  traverferait  la  Mifnie  pour  péné- 
trer en  Bohême  &  en  Siléfie ,  &  que 
Guftave  s'avancerait  par  la  Thuringe 

A  iij 


è         Campagnes 

en  Franconie ,  d'où  ,  félon  les  circonf- 
^^^^*  tances,  il  fe  porterait  dans  le  cercle 
Septembre. ^^  Rhin  011  dans  celui  de  Bavière, 
pour  obliger  les  catholiques  à  défar- 
mer.  On  jugea  que  Tilli  viendrait  s*op- 
pofer  au  roi  de  Suéde ,  qui  était  bien 
pliis  en  état  de  lui  réfifter  que  l'élec- 
teur de  Saxe ,  dont  l'armée  avait  beau- 
coup fouffert  à  la  bataille  de  Leipzijc. 
Il  paraît  convenable  d'examiner  le 
Teproche  que  plufieurs  hiftoriens  font 
à  Guftave ,  de  n'avoir  pas  marché  droit 
à  Vienne  après  fa  viéloire.  Il  ferait  ab- 
furde  de  foutenir  que  ce  roi  n'a  pu 
commettre  une  faute  ;  il  était  homme  , 
8c  pouvait  entre  deux  partis  choifir 
le  moins  bon  :  mais  comme  il  eft  plus 
facile  de  blâmer  ce  monarque  que  de 
lui  refiembler  ,  on  aime  mieux  rap- 
porter les  djfférens  avis  que  de  hafar- 
der  une  décifion.  Ceux  qui  ont  pré- 
tendu que  le  roi  devait  marcher  à 
WknriGf  au  nombre  defquels  on  compte 


DE  Gustave- A DOLFE,    7 
ïe  chancelier  Oxenffcierna ,  afTurent  que  s 


Guftav^e  tournant  vers  l'Autriche  ,  &  1651. 
laifTant  aux  états  de  l'Empire  le  foin  Septembre. 
de  pourvoir  eux  -  mêmes  à  leurs  inté- 
rêts, l'empereur  fe  voyait  forcé  de  fouf- 
crire  aux  conditions  qu'on  aurait  voulu 
lui  dider.  Ils  fe  fondent  fur  ce  que  Fer- 
dinand confterné  de  la  défaite  de  fon 
armée ,  &  manquant  de  troupes  pour 
défendre  fa  capitale ,  eût  été  forcé  de 
chercher  un  afyk  ailleurs  ;  que  Vienne 
dépourvue  de  garnifon ,  eût  ouvert  fes 
portes ,  &  que  la  terreur  était  fi  grande, 
que  tout  aurait  plié  devant  les  Sué- 
dois. Oxenftierna  ajoutait  que  Gufla- 
ve ,  après  avoir  didé  des  loix  au  mo- 
narque Autrichien  ,  pouvait  revenir 
bruli]uement  fur  fes  pas ,  pour  fe  ren- 
dre maître  du  refte  de  la  Pruiïe  ,  en 
•donnant  à  l'éledeur  de  Brandebourg 
pour  la  partie  qu'il  poflTédait,  un  équi- 
valent en  Poméranie  ou  ailleurs,  & 
qu'alors  la  guerre  fe  terminait  promp- 

A  iv 


8  Campagnes 

tement ,  d'une  manière  avantageufe 
i6iî.  pour  la  Suéde.  Les  contradicleurs  du 
Septembre,  fentiment  d'Oxenftierna  objectent 
qu'il  n'eft  pas  démontré  que  Gullave 
n'eût  d'autre  but  que  de  forcer  l'empe- 
reur à  tout  rétablir  fur  l'ancien  pied , 
d'affermir  la  religion  protellante ,  & 
de  procurer  au  Corps  Evangélique  fa- 
tisfaclion  pour  le  pafTé  &  fureté  pour 
l'avenir; ils  penfent  au  contraire, que 
la  délivrance  des  proteftans  n'était  que 
le  prétexte  de  l'expédition  du  monar- 
que Suédois,  qui  fongeait  réellement 
à  conquérir  l'Allemagne,  &  defirait 
prolonger  la  guerre ,  dont  il  efiiérait 
des  avantages  beaucoup  plus  confidéra- 
bles  que  la  partie  de  la  Pruflé  qui  lui 
manquait  :  ils  ajoutent  qu'il  n'eft  point 
évident  que  l'empereur  eût  foufcrità 
tout  ;  qu'il  aurait  cédé  à  l'orage ,  aban- 
donné Vienne  &  attendu  en  Hongrie 
ou  en  Styrie,  que  fes  alliés  &  fes  géné- 
raux l'euftent  aidé  à  fe  relever  ;  3c  qu'il 


CE   G  U  S  T  A  V  E  -  A  D  0  L  F  E.      9 

n'ell  pas  probable  que  Ferdinand ,  le 
prince  le  plus  fier  &  le  plus  opiniâtre  de  i55i. 
fon  fiecle ,  fe  fut  cru  fans  reflburce  par-  ^^eptembre. 
ce  que  les  Suédois  euiïent  occupé  Vien- 
ne ;  que  foit  que  les  protellans  fe  fuf- 
fent  avancés  par  la  Bohême  &  la  Mo- 
ravie ou  la  Bavière ,  il  n'eft  pas  démon- 
tré qu'ils  n'euffent  éprouvé  aucun  obC 
tacle  capable  de  les  arrêter  afTez  de 
tems ,  pour  donner  à  l'empereur  &  au 
duc  de  Bavière  celui  de  pourvoir  à  la 
défenfe  de  leurs  états ,  &  qu'on  ne  peut 
nier  que  dans  une  conjon(n:ure  aufli 
preOante  ,  ils  n'euffent  employé  tou- 
tes les  relTources  propres  à  prévenir 
leur  ruine.  On  ajoute  encore  ,  pour 
juftjfier  Guftave  ,  que  follicité  par  la 
plupart  des  états  proteftans  de  venir 
à  leur  fecours  ,  loin  de  les  alarmer  par 
des  fuccès  trop  rapides  ,  il  devait  fe 
donner  le  tems  de  gagner  leur  con- 
fiance ,  afin  de  les  réunir  &  de  fe  met- 
tre à  leur  tête  pour  forcer  les  parti- 


io  Campagnes 
fans  de  îempereur  de  renoncer  à  Tes 
1631»  intérêts,  ce  qui  était  bien  plus impor- 
Scptembre.  ^^nt  que  de  le  chaiTer  momentanément 
-de  Vienne  ;  que  d'ailleurs  ,  en  s'ap- 
prochant  de  cette  capitale,  le  roi  s'ex- 
pofait  à  être  fuivi  par  Tilli ,  qui  ren- 
forcé des  troupes  d'Aldringer ,  de  Fug- 
ger ,  de  rcleâ:eur  de  Cologne  ,  du  duc 
de  Lorraine ,  &  d'environ  douze  mille 
hommes  qui  reftaient  à  l'éledeur  de 
Bavière  ,  fe  fût  trouvé  fupérieur  à 
Guftave  ,  &  en  mefure  de  s'établir  fur 
fes  derrières  ,  pour  lui  couper  toute 
communication  avec  fes  conquêtes, 
ou  de  ruiner"  entièrement  la  Saxe ,  la 
Heffe  &  les  autres  états  proteftans 
de  Baffe- Allemagne ,  dont  le  monarque 
&  réleâ:eur  de  Saxe  fe  fuffent  trouvés 
trop  éloignés  pour  venir  affez  tôt  à 
leur  fecours.  On  doit  encore  obferver 
qu'en  s'établiffant  au  centre  de  l'Em- 
pire ,  Guftave  devenait  l'arbitre  de 
l'empereur  &  du  Corps  Germanique, 


DE  Gustave-Adolfe.    IÎ 

pouvait  fe  porter  par-tout  où  les  cir- 
conftances  l'exigeraient ,  veiller  fur  les  1 63 1 • , 
démarches  de  l'éledeur  de  Saxe  ,  Septembre, 
prince  faible  ,  jaloux  des  Suédois ,  & 
trop  attaché  à  la  gloire  de  l'Empire, 
pour  ne  pas  tenter  d'attirer  à  lui  tous 
les  proteftans,  afin  d'en  former  une 
armée  redoutable  au  roi  lui  -  même , 
qu'on  avait  intérêt  de  renvoyer  dans 
fon  royaume  ,  fans  lui  permettre  de 
s'établir  en  Allemagne ,  lorfque  l'em- 
pereur ferait  aflez  affaibli  pour  n'en 
plus  violer  impunément  les  loix;  &. 
il  pouvait  même  arriver  que  hs  con- 
fédérés fe  liguaffent  avec  les  catholi- 
ques contre  Guftave ,  s'il  eût  affiché 
trop  d'ambition.  Le  monarque  ne  vou- 
lait pas  d'ailleurs  s'éloigner  de  Franc- 
fort, pour  empêcher  que  le  Corps  Evan- 
gélique  afiemblé  dans  cette  ville  & 
trompé  par  la  modération  fimulée  de 
Ferdinand,  dont  les  députés  com- 
mençaient à  fe  relâcher  fur  l'édit  de 


rz  Campagnes 
rtftitution ,  ne  traitât  av^ec  cet  empe- 
[631.  reur;  ce  qui  aurait  ôté  au  roi  tout 
*  prétexte  plaufible  pour  relier  en  Alle- 
magne. Il  efl:  probable  que  cette  rai- 
fon  le  détermina  à  s'établir  fur  le  Mein , 
&  à  étendre  d'abord  fes  conquêtes 
moins  du  côté  .de  l'Autriche  que  du 
Rhin ,  au  rifque  de  mécontenter  la 
France  ,  qui  ne  pouvait  fans  inquié- 
tude voir  les  Suédois  s'approcher  de 
fes  frontières.  Enfin  le  duc  Bernard 
de  Veimar,  qui  avait  gagné  la  con- 
fiance du  roi ,  n'ayant  rien  à  perdre  & 
fe  promettant  les  plus  grands  avan- 
tages  de  l'agrandiflenient  du  monar- 
que, ne  celTait  de  lui  montrer  la  cou- 
ronne impériale  comme  un  but  digne 
de  lui.  Ces  confeils  s'accordaient  avec 
l'ambition  de  Guftave  ,  qui  jugea  fans 
doute  ne  pouvoir  mieux  réalifer  fon 
projet,  qu'autant  qu'il  déterminerait 
le  collège  éledoral  à  le  choifir  pour 
roi  des  Romains  :  il  était  afiliré  de  la 


DE  Gustave- Adolfe.    i? 

voix  des  éledleiirs  de  Brandebourg ,  de 
Saxe,  &  du  Palatin.  Le  premier  était  t53I. 
trop  faible  pour  ofer  refufer  la  Tienne  ;  Septembre. 
le  fécond  l'avait  promife  formellement 
&  devait  d'ailleurs  au  roi  fa  liberté  & 
le  falut  de  fes  états  :  quoique  le  troi- 
fieme  fût  dépouillé  de  fa  dignité,  les. 
victoires  des  proteftans  euffent  rendu 
valable  fon  fuffrage.  Le  monarque 
n'avait  donc  plus  qu'à  difpofer  en  fi 
faveur  les  autres  éledeurs^  &  il  fe 
flattait  de  les  gagner  par  des  bien- 
faits ou  par  le  procédé  généreux  de 
ks  ménager ,  ayant  le  pouvoir  de  les 
détruire.  Tels  font  les  motifs  aux- 
quels on  attribue  la  réfolution  que 
prit  le  roi  de  Suéde ,  de  ne  pas  s'éloi- 
gner du  centre  de  l'Empire;  &  l'on 
ne  balancerait  pas  à  les  croire  fans 
réplique  ,  fi  un  aufli  grand  homme  que 
le  chancelier  Oxenftierna  n'était  d'un 
avis  contraire. 
Guftave  partit  de  Hall  à  la  tête  de     s? 


14        Campagnes 

fon  armée  ,vint  camper  à  Qiierfurt, 
163 1'  le  lendemain  à  Viche ,  &  le  jour  fuivant 
^^  28  '^'  ^  GroflTen  -  Sommern ,  d'où  il  écrivit 

29  aux  magiftrats  d'Erfurt ,  capitale  de 
la  Thuringe,une  lettre  de  fommation 
portant ,  «  qu'obligé  d'aller  fecourir 
„  fes  alliés  &  difliper  les  forces  de  la 
„  Ligue  ,  il  ne  pouvait  le  difpenfer 
„  de  s'alTurer  de  la  ville  &  du  fort 
j,  par  une  garnifon.  »  Le  fénat ,  hors 
d'état  de  réiifter  à  une  armée  vidto- 

30  rieufe,  envoya  au  roi  une  députation 
pour  le  fupplier  de  difpenfer  la  ville 
de  recevoir  garnifon  ,  ou  du  moins 
d'accorder  le  tems  néceffaire  pour  dé- 
libérer fur  une  affaire  fi  importante  , 
promettant  au  furplus  une  prompte 
réponfe.  Guftave  feignit  de  fe  prêter 
aux  defirs  des  magiftrats  ^  mais  crai- 
gnant que  la  négociation  ne  traînât 
en  longueur ,  il  ordonna  au  duc  Guil- 
laume de  Saxe  -  Veimar  de  fuivre  les 
députés  avec  un  détachement  de  cava- 


X 


DE  Gustave-Ado LFE,   if 

lerie,  d'entrer  en  même  tems  qu'eux 
dans  la  ville ,  &  de  s'en  rendre  maître.  1 63 1. 
Le  prince  monte  en  carrofle ,  fiiivi  à  ^^°'^f«« 
peu  de  diftance  par  fon  régiment ,  fait 
arrêter  fous  la  porte  d'Erfurt  fa  voi- 
ture ,  que  fes  gens  feignent  de  réparer, 
donne  ainfi  le  tems  d'arriver  aux  trou- 
pes qui  s'avancent  au  galop ,  entrent 
dans  la  ville  ,  fe  mettent  en  bataille 
fur  la  grande  place ,  &  s'emparent  ainfi 
de  -la  ville  avant  que  les  bourgeois 
puiffent  s'y  oppofer.  Guillaume  exige 
qu'on  lui  apporte  aufîi-tôt  les  clés  ,  & 
emploie  le  refte  du  jour  à  tout  régler 
avec  les  magiftrats.  Le  lendemain  Guf- 
tave  part  de  Grolfen-Sommern ,  dit 
tribue  fon  armée  dans  des  villages  aux 
environs  d'Erfurt  ,  &  y  fait  fon  en- 
trée. Il  fe  rend  à  l'hôtel-de-ville ,  loue 
les  habitans  d'avoir  reçu  fes  troupes 
fans  les  forcer  à  répandre  du  fang, 
promet  de  maintenir  la  ville  dans  la 
Jouilfance  de  fes  prérog^itlves  ;  mais  il 


î6        Campagnes 
ï  cafîe  la  jurifdidion   de  Téledeur  de 
ï6?r.    Mayence  ,  membre  de  la  Ligue,  & 
Taccufe  publiquement  d'être  ennemi 
déclaré  des  libertés  germaniques.  Le 
monarque  figne  enfuite  une  conven- 
tion ,  portant  «  que  le  fénat  &  le  peuple 
,5  renonceront  à  toute  liaifon  avec  Té- 
„  leéleur  ;  qu'ils  prêteront  ferment  de 
55  fidélité  à  la  couronne  de  Suéde  &  à 
55  réleâ:eur  de  Saxe  ;  que  les  comtés 
35  de  Schwartzbourg  &  de  Gleichen 
,5  fubviendront  au  paiement  de  la  gar- 
55  nifon  ,  qui  fera  au  moins  de  quinze 
,5  cents  hommes  ;  que  les  fortifications 
„  de  la  place  feront  réparées  &  aug- 
5,  mentées  aux   dépens   des  princes 
55  de  la  maifon  de  Saxe,  à  qui  dans 
55  la  fuite  on  rembourfera  cette  avance; 
5,  qu'ils  pourront  au  befoin  fe  réfugier 
5j  dans  la  ville ,  ainfi  que  leurs  fujets  ; 
,5  que   réleéleur  remplacera  l'ancien 
5,  tribunal  par  une  chancellerie  entre- 
^5  tenue  fur  les  biens  eccléfiaftiques  ; 

„  que 


DE    GUST  A  VE-AdOL  F  E.     Î7 

55  que  le  fénatconferverafon  autorité, 
„  &  que  le  nombre  de  fes  membres 
„  fera  augmenté  ;  enfin ,  que  la  reine 
„  de  Suéde  établira  fa  réfidence  dans 
„  la  ville.  „ 

Le  roi  fe  rendit  enfuite  à  l'églife  de 
Saint -Etienne,  &  aiïlira  le  chapitre, 
qui  vint  le  faluer  en  corps ,  que  fon 
intention  était  que  les  catholiques 
jouiflent  de  la  même  liberté  que  les 
proteftans.  Guftave  dit  au  doyen  : 
**  Faites  favoir  à  l'électeur  de  Mayence 
35  qu'il  devrait  fe  féparer  de  la  Ligue  ; 
„  que  je  fuis  venu  en  Allerrmgne  pour 
„  défendre  les  électeurs ,  &  non  pour 
,j  les  opprimer  ;  &  que  je  feiais  au 
„  défefpoir  qu'il  me  forçât  à  le  traiter 
„  en  ennemi.  „  Les  Jéfuites  cédant  à 
la  néceffité,  vinrent  fe  jeter  aux  pieds 
du  monarque ,  qui  les  fit  relever  ;  mais 
il  leur  dit  d'un  ton  févere  :  «  Vous 
„  rendrez  compte  à  Dieu  des  troubles 
„  que  vous  avez  excités ,  &  du  fang 

Partie  IIL  B 


I63I 

Ortûbrs 


ER^!3B9RI 


18  Campagnes 
„  que  vous  avez  fait  répandre.  Vous 
i<53 1.  „  êtes  les  auteurs  des  malheurs  de  PAl- 
Odobre.  ^^  lemagne.  Je  fuis  bien  informé  de  vos 
,,  pernicieux  deffeins  :  vous  ne  fuivez 
„  que  des  maximes  dangereufes  ;  vous 
„  prêchez  l'intolérance ,  le  meurtre  & 
„  le  carnage  ^  loin  d'imiter  la  modé- 
„  ration  des  autres  eccléfiaftiques ,  & 
„  de  vous  en  tenir  comme  eux  aux 
5,  paifibles  fonctions  de  votre  minif-»- 
„  tere ,  vous  intriguez  fans  ceffe  pour 
„  influer  dans  les  affaires  politiques. 
„  Conduifez  -  vous  fagement ,  &  je  ne 
„  permettrai  pas  qu'on  trouble  votre 
„  tranquillité  ;  mais  fi  vous  fortez  des 
„  bornes  de  votre  état ,  je  faurai  vous 
„  y  faire  rentrer.  »  Les  Jéfuites ,  qui 
ne  s'attendaient  pas  à  de  fimples  re- 
proches ,  fe  retirèrent  pénétrés  de  la 
bonté  de  Guftave  ,  qui  rétabht  l'uni- 
verfité  protellante  dans  fon  état  pri- 
mitif. Les  bourgeois,  à  qui  l'on  avait 
renréfenté   les    Suédois    comme  des 


DE   GU  ST  A  VE-AdOLFE.     I9 

hommes  cruels  &  fans  frein  ,  furent 
agréablement  furpris  de  leur  humanité    ^^3 1% 
&  de  la  rigidité  de  leur  difcipline.       ^°  ^^' 

Le  roi  parcourut  l'enceinte  d'Er-  ? 
furt  ,  pour  arrêter  le  plan  des  nou- 
velles fortifications ,  dont  il  confia  la 
diredion  au  duc  Guillaume  de  Saxe- 
Veimar,  qui  fut  nommé  gouverneur 
de  la  ville ,  où  le  comte  George-Louis 
de  Lœvenftein  commanda  fous  lui  la 
garnifon ,  qu'on  porta  dans  la  fuite  ,  au 
moyen  de  quelques  levées  ,  à  deux; 
mille  fix  cents  hommes  d'infanterie 
&  à  fix  cents  de  cavalerie.  Guftave 
décida  en  même  tems  que  Steinberg 
réfiderait  à  Erfurt  en  qualité  de  fon 
chargé  d'affaires.  Le  monarque  ,  qui 
ne  cherchait  qu'à  augmenter  fes  forces, 
remit  au  duc  Guillaume  de  Veimar 
des  inftrudions  pour  lever  en  Thu- 
ringe  une  armée  de  dix  mille  hommes, . 
dont  il  lui  confia  le  commandement. 

Les  dçuceurs  du  repos  ne  pouvaient 

B  ij 


20  Campagnes 
arrêter  le  roi  de  Suéde  ;  &  dès  qu'il 
i6li*  eut  réglé  ce  qui  concernait  la  Thu- 
ringe  ,  il  réfolut  de  pénétrer  fans  délai 
en  Franconie.  Comme  il  fallait ,  pour 
s'y  rendre  ,  traverfer  un  pays  coupé 
de  bois  &  de  montagnes,  le  monarque 
partagea  fes  forces  en  détachant  qua- 
tre mille  hommes  d'infanterie  &  deux 
mille  de  cavalerie  aux  ordres  du  co- 
lonel Ruth'/ein  ,  qui  prit  la  route  de 
6  Gotha ,  dont  il  s'empara.  Guftave  par- 
tit en  même  tems  d'Erfurt  à  la  tête 
du  reffce  de  fes  troupes ,  vint  camper 
à  Arnftat,  &  prit  fon  quartier  au  châ- 

7  teau  de  Gunther.  Le  lendemain  il 
marche  à  Illmenau ,  qui  capitule  fur- 
ie-champ ,  &  où  il  féjourne  pour  lailFer 

8  repofer  fon  armée. 

Gotha  rendu  ,  Rutlivein  s'avance  à 
Smalkalden ,  &  s'approche  enfuite  de 
Meinimgen  &  de  Masfeld.  Son  avant- 
garde  compofée  de  cavalerie  furprend 
à  la   challe  le  comniiifaire  impérial 


DE  Gustave -A  DOLFE.    21 

Cofta,  gouverneur   de  Masfeld,  qui 
moins  occupé  de  la  conlërvation  de  153 1. 
la  place  que  de  fes  plaifirs ,  s'attendait  octobre. 
à  trouver  du  gibier ,  &  non  les  Suédois. 
Ruthvein  arrive  aux  portes  de  la  ville  , 
dont  la  garnifon  dépourvue  de  com- 
mandant ,  capitule  après  avoir  elTuyé      9 
quelques  coups  de  canon.  Cette  con- 
quête &  celle  de  Henneberg  entraî- 
nèrent la  ibumiffion  du  comté  de  ce 
nom ,  où  le   général  Aldringer  avait 
commis  de  grands  dégâts.  Le  même 
jour  que  l\lasfeld  fe  rendit ,  Guftave  dé- 
campa d'Illmenau ,  prit  le  chemin  de 
Schleufmgen  &  de  Romhilt ,  &  arriva 
en  deux  marches  à  une  lieue  de  Ko-      30 
nigshofFen  ,  où  Ruthvein  le  rejoignit 
avec  fon  détachement. 

KônigshofFen ,  clé  de  la  Franconie 
du  côté  de  la  Thuringe ,  appartenait 
à  Pévêque  de  A^urtzbourg ,  qui  l'avait 
bien  fortifiée  &  abondamment  pour- 
vue :  c'était  un  des  principaux  niciga- 

D  iij 


iOdob 


2i        Campagnes 

fins  de  l'armée  de  la  Ligue.  L'avanfe- 
î6^  I.  garde  du  roi  de  Suéde  découvrit  à  peu 
de  diftance  delà  place  une  troupe  de 
payfans  armés ,  qui  oferent  fe  défen- 
dre ,  &  dont  un  grand  nombre  fut  tué  ; 
le  refte  fe  réfugia  dans  la  ville ,  &  fe 
joignit  à  la  garnifon  compofée  de  quel- 
ques compagnies  de  troupes  catholi- 
ques, &  qui  commença  à  faire  un  feu 
afTez  vif  fur  les  proteftans.  Guftave 
invertit  Kônigshoffen,  s'approche  pour 
reconnaître ,  &  reçoit  une  contufion 
qui  irrite  fes  foldats  au  point  qu'ils 
propofent  de  forcer  la  place  fur-le- 
champ  &  de  la  détruire.  Le  monarque 
modère  leur  ardeur ,  &  charge  le  baron 
Benoit  Oxenftierna  d'aller  difpofer  les 
Allemands  à  fe  rendre  :  cet  officier 
leur  repréfente  que  ,  ne  pouvant  fe 
iîatter  d'être  fecourus  ni  d'arrêter  une 
îirmée  ,  toute  réfiffcance  devient  inutile 
&  même  téméraire  ,  puifqu'outre  la 
perte  de  leur  vie ,  ils  entraîneront  la 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.    23 

îuiae  de  la  ville,  qui  n'étant  bâtie 
que  de  bois,  ferait  bientôt  réduite  en  i53i. 
cendres.  La  garnifon  encore  forte  d'en-  ^^^^'^^^ 
viron  quinze  cents  hommes  ,  intimi- 
dée par  ces  menaces,  ouvre  auffi  -  tôt 
les  portes  aux  Suédois ,  leur  livre  beau- 
coup d'artillerie ,  d'armes  ,  de  muni- 
tions de  guerre  &  de  bouche  ,  &  de 
grandes  richeflés  qu'on  avait  mifes  en 
fureté  dans  la  place ,  dont  le  roi  or- 
donna d'augmenter  les  fortifications. 
Le  prince  Ernefl:  de  Veimar ,  frère  des 
ducs  Guillaume  Se  Bernard ,  eut  le  gou- 
vernement de  cette  importante  ville, 
dont  la  prife  répandit  la  terreur  dans 
les  états  catholiques  de  Franconie  : 
les  habitans  commencèrent  à  fuir  avec 
leurs  meilleurs  effets ,  quoique  Guflave 
eût  fait  publier  qu'il  ne  troublerait 
ni  le  culte  ni  la  propriété  de  perfonne. 
L'évêque  de  Vurtzbourg  &  un  grand 
nombre  d'eccléiiaftiques  ,  trop  peu 
confians  à  la  promelle  du  roi ,  abandon^ 

B  iv 


24  CAMPAGNES 

nerent  précipitamment  leur  réfidence. 
1^5  !•  L'armée  Suédoife  partit  de  Kônigs- 
Ociobre.  i^offei-j  ^  précédée  d'un  détachement  de 
cavalerie ,  qui  rencontra  près  de  Lau- 
îingen  un  grand  nombre  de  payfans 
attroupés  :  ils  avaient  pris  les  armes 
à  la  follicitation  d'un  bourgeois  de 
Vurtzbourg  ,  dont  l'hiftoire  n'a  pas 
confervé  le  nom  ;  Chemnitz  obferve 
feulement  qu'il  était  borgne.  Il  voulut 
d'abord  réfiller  en  rafe  campagne  à  la 
cavalerie  ;  mais  bientôt  obligé  de  ren- 
trer dans  Lauringen  ,  il  lit  occuper 
aux  payfans  une  grande  maifon  de 
briques ,  bâtie  derrière  le  ruifleau ,  & 
à  l'extrémité  du  pont  fur  lequel  il 
fallait  paffer  néceffairement  pour  en- 
trer dans  le  bourg.  Les  Suédois  met- 
tent pied  à  terre  &  attaquent  les  Al- 
lemands, qui  fe  défendent  avec  tant 
d'opiniâtreté  jufqu'à  l'arrivée  de  l'ar- 
mée ,  qu'on  elt  obligé  d'employer  de 
l'inflinterie   pour    les    contraindre  h 


deGustave-Adolfe.  2r 
mettre  bas  les  armes.  Gnllave  voulait 
faire  pendre  le  borgne  ,  pour  avoir  ]63i, 
tenu  dans  un  lieu  ouvert  contre  des  ^^^^^^* 
troupes  réglées  ;  mais  il  fauva  fa  vie 
en  fourni  fiant  au  monarque  des  détails 
fur  la  fituation  de  Vurtzbourg  &  dé 
fon  château. 

Le  roi  de  Suéde  avait  écrit  à  plu- 
fieurs  villes  de  Franconie  pour  les  en- 
gager à  embrafler  fon  parti  :  il  en- 
voya vers  le  I\Iein  ,  pour  féconder 
l'effet  de  fes  lettres ,  plufieurs  déta- 
che m  en  s  ,  dont  l'un  s'approcha  de 
Schveinfurt  ,  ville  impériale  ,  alors 
occupée  par  quelques  troupes  de  la 
Ligue ,  qui  s'enfuirent  à  Vurtzbourg 
à  l'arrivée  des  Suédois  :  les  habitans , 
prefque  tous  proteilans ,  Iqs  reçurent 
fans  réfiflance  dans  la  place.  Le  len-  ^- 
demain ,  l'armée  partit  de  Lauringen  ; 
Gnllave  prit  les  devants  avec  dix- 
huit  cents  chevaux,  &  fit  fon  entrée 
à  Schveinfurt,  dont  les  bourgeois  lui 


26      Campagnes 

donnèrent  les  plus  grandes  marques 
I53I.   d'affection,  s'empreffant  même  de  lui 

^°  '^^'  prêter  ferment  de  fidélité.  La  fituation 
avantageufe  de  la  place  ,  conflruite  au 
fommet  d'un  angle  que  forme  le  Mein, 
détermina  le  roi  à  la  faire  fortifier 
avec  foin ,  &  à  y  laiffer  une  garnifon 
de  trois  cents  hommes  d'infanterie  & 
de  deux  cents  dragons.  Hasfurt  &  Kif- 
fing  ouvrirent  bientôt  leurs  portes  aux 
Suédois» 

[  ij  Guftave  décampe  de  Schveinfurt, 

prend  la  route  de  Vurtzbourg ,  &  arrive 
14.  le  lendemain  devant  la  place  :  elle  n'é- 
tait fermée  que  de  murailles  à  l'anti- 
que ;  mais  la  nature  &  l'art  contri- 
buaient à  rendre  prefque  imprenable 
le  château  ,  appelle  Marienberg ,  bâti 
à  la  gauche  du  IMein  fur  un  rocher 
très- élevé.  Des  remparts  bafl:ionnés, 
avec  quelques  ouvrages  extérieurs  & 
des  foïfés  profonds ,  formaient  l'en- 
ceinte de  cette  forterefiTe  ,  qui  commu- 


DE   GUST  A  VE-AdoLFE.   27 

niquait  à  la  ville  par  un  pont  de  fix 
arches.  Le  roi  de  Suéde  envoie  fommer  15^  j. 
la  garnifon  de  Vurtzbourg  :  elle  refufe  Odobre. 
de  capituler,  &  les  proteftans  pétardent 
la  porte  des  barricades  du  fauxbourg, 
que  les  milices  bourgeoifcs  rendent 
après  une  légère  réfiftance.  Les  aflaii- 
lans  fomment  alors  la  ville.  On  avait 
tendu  des  chaînes  dans  les  rues  ;  &  les 
troupes  catholiques ,  d'abord  détermi- 
nées à  fe  défendre,  confiderent  qu'elles 
ne  peuvent  réfifter  contre  une  armée 
dans  une  place  fi  étendue ,  &  fe  reti- 
rent dans  le  château.  Les  magiflrats 
devenus  libres  de  prendre  le  parti  que 
la  prudence  leur  dide,  envoient  leurs 
clés  au  roi ,  en  lui  propofant  de  fe  re- 
mettre à  fa  difcrétion.  Il  entre  le  len-  '^ 
demain  dans  la  ville  ,  fait  ceffer  tout 
adle  d'hoftilité ,  défarme  les  bourgeois, 
leur  accorde  la  libre  jouiflance  de  leurs 
biens  ,  exige  trois  cents  mille  florins 
pour  le  rachat  du  pillage  ,  &  fe  fait 


îiS  Campagnes 
prêter  ferment  de  fidélité.  Il  envoie 
155 1.  enfuite  fommer  Keller,  commandant 
Odobrc.  ^jy  château.  Cet  officier  ayant  fait  cou- 
per une  arche  du  pont ,  &  fe  voyant 
à  la  tête  d'une  garnifon  d'environ 
quinze  cents  hommes ,  dans  une  bonne 
place  bien  pourvue,  avait  réfolu  de  fe 
défendre  jufqu'à  la  dernière  extrémité  ; 
&  fon  artillerie  ne  tarda  pas  à  foudroyer 
la  ville.  L'élévation  dv  fort  en  rendait 
l'approche  fi  périlleufe ,  qu'elle  eût  été 
impraticable  par  d'autres  troupes  que 
les  Suédois,  à  qui  tout  devenait  poffible 
fous  les  yeux  du  héros  dont  la  pré- 
fence  les  animait  :  il  s'avança  fous  la 
porte  du  pont ,  d'où  il  examinait  les 
fortifications  du  château  par  l'ouver- 
ture d'un  créneau ,  lorfqu'un  boulet  de 
canon  qui  donna  auprès ,  fit  voler  des 
éclats  de  pierre  &  de  mortier,  qui 
faillirent  aveugler  Guftave  ;  il  en  fut 
hcurcufement  quitte  pour  quelques 
écorchures  au  vifage. 


DE  G usT ave-Ado LFE.  29 

Le  roi  voulant  brufquer  la  reddition 
du  fort ,  jugea  à  propos  de  le  faire  at-  ^^^  i* 
taquer  du  côté  de  la  place  :  il  ordonne 
à  un  gros  détachement  de  réparer  le 
pont  &  de  fe  loger  de  l'autre  côté  du 
Mein,  au  pied  du  rocher;  mais  hs 
Tifïîégés  redoublèrent  leur  feu  de  mouf- 
queterie  &  d'artillerie ,  au  point  que 
les  Suédois  ne  purent  déboucher  d'une 
demi-lune  qu'ils  occupaient  à  l'extré- 
mité du  pont ,  que  tout  ce  qui  paraif- 
fait  delfus  était  auffi  -  tôt  pafiTé  par  les 
armes ,  &  que  les  toits  des  maifons 
conftruites  de  ce  côté  furent  entière- 
ment détruits.  Guftave  fâchant  qu'on 
avait  retiré  de  grandes  richeffes  dans 
la  forterefle ,  &  que  beaucoup  de  feni^ 
mes  &  d'eccléfiaftiques  s'y  étaient  ré- 
fugiés ,  répugnait  à  un  affaut  qui  pou- 
vait rendre  ces  malheureux  vidimes 
de  la  fureur  &  de  la  rapacité  des  trou- 
pes; c'elt  pourquoi  il  réfolut  de  faire 
pafler  quelques  régimens  à  la  gauche 


3Ô        Campagnes 

^  du  Mein  ,  pour  tenter  une  nouvelle 
ï^3i«  attaque.  On  trouva  à  peine  trois  ou 
Ociobre.  ^^^^^j-g  barques,  à  l'aide  defquelles  un 
corps  de  troupes  traverfa  la  rivière 
Du  is  au  pendant  la  nuit,  &  fe  logea  aufli  près 
*^  qu'il  fut  polfible  du  château.  Comme 
les  Suédois  avaient  trop  peu  de  ba- 
teaux, le  paflage  fut  fi  long,  qu'ils 
eurent  à  peine  le  tems,  avant  que 
d'être  apperçus  par  les  afiiégés ,  de  re- 
muer un  peu  de  terre  pour  fe  couvrir 
contre  le  feu  de  la  place,  qui  devint 
prodigieux.  Les  catholiques  firent  mê- 
me une  fortie  pour  ruiner  le  travail 
des  affiégeans;  mais  repouffés  avec 
grande  perte,  ils  n'oferent  en  tenter 
une  féconde.  Les  Suédois  parvinrent 
à  force  de  peines  à  fe  loger  fur  la  croupe 
de  la  hauteur  où  la  forterefiTe  eft  conf- 
truite ,  &  y  établirent  une  batterie.  Le 
feu  des  affiégés  continuait  avec  une 
il  grande  vivacité ,  que  les  alTaillans 
avouèrent  qu'ils  n'en  avaient  jamais 


DE    G'USTAVE-ADOLi^E.     gl 

efluyé  un  femblable.  Guflave ,  qui  était 
venu  encourager  les  travailleurs  par  fa  i53 1. 
préfence ,  reçut  un  coup  de  moufquet  ^'^^^^^ 
dans  fon  gant  qu'il  tenait  à  la  main. 
Enfin  le  canon  des  Suédois  ayant 
fait  brèche  aux  ouvrages  extérieurs  & 
endommagé  le  corps  du  château ,  le 
roi  envoya  encore  propofer  à  la  garni-  *? 
fon  de  capituler.  Loin  d'accepter  ces 
offres,  Keller  répondit  qu'il  réfifterait 
jufqu'aa  dernier  foupir.  Le  lendemain  ,  is 
au  point  du  jour ,  les  affiégeans  tentent 
d'efcalader  une  demi-lune  qui  couvrait 
la  porte  du  fort  :  ils  font  repoufles ,  & 
leurs  échelles  renverfées.  Le  célèbre 
Léonard  Torllenfon ,  qui  commande 
l'attaque ,  rallie  fes  troupes  &  les  ra- 
mené au  pied  de  la  brèche.  Les  Sué- 
dois encouragés  par  l'exemple  de  GuC- 
tave ,  qui  s'expofe  comme  le  moindre 
foldat  ,  redoublent  leurs  efforts,  & 
occupent  enfin  la  demi  -  lune ,  dont  le 
canon  eft  tourné  aufll-tôt  contre  la 


32        Campagnes 

forterelTe.  Quelques  alFiégeans  parvien- 
ï6n.  nent  en  même  tems  à  stagner  le  fom- 
met  c'es  remparts ,  tandis  que,  le  plus 
grand  nombre  pénètre ,  malgré  les  ef- 
forts des  catholiques ,  dans  le  château  , 
dont  la  porte  vient  d'être  enfoncée  à 
coups   de  canon.  Les  Suédois ,  dans 
leur  première  furie,  maflacrent  près 
de  huit  cents  hommes  ;  mais  le  car- 
nage ceiTe  à  la  voix  des  officiers  :  ils 
rallient  leurs  foldats ,  &  les  contien- 
nent au  point  qu'aucun  d'eux  ne  s'é- 
carte pour  piller,  tant  la  difcipline  était 
rigoureufe  parmi  les  troupes  du  grand 
Guftave.  C'eft  ainfi  qu'il  devint  maître 
du  château  de  Vurtzbourg ,  après  one 
réfillance   de  quatre   jours  &  quatre 
nuits,  fi  opiniâtre  ,  que  le  monarque 
la  cita    depuis    pour  exemple.  Cette 
conquête  lui  coûta  quelques  officiers 
&  environ  deux  cents  hommes  :.les 
catholiques  en  [perdirent  plus  de  huit 
cents.  On  trouva  parmi  les  morts  une 

vingtaine 


deGustave-Adôlfe.   55 

vingtaine  de  prêtres  ou  de  moines, 
qui  oubliant  leur  vocation  ,  avaient  1^3 1. 
pris  le  moufquet  dans  la  pieufe  inten- 
tion de  tuer  quelques  hérétiques.  Rel- 
ier fut  fait  prifonnier  avec  ce  qui  ref- 
tait  de  foldats. 

Les  eccléfiaffciques  ,  les  religieux  & 
les  bourgeois  réfugiés  au  château  , 
ne  reçurent  aucune  infulte ,  &  on  les 
renvoya  même  dans  la  ville  avec  leurs 
effets.  Le  roi  eut  pour  fa  part  du  butin 
trente  pièces  de  canon  /un  amas  pro- 
digieux de  munitions  de  guerre  &  de 
bouche ,  un  armement  complet  pour 
fept  mille  hommes ,  une  fomme  confî- 
dérable  que  Péledeur  de  Bavière  avait 
deftinée  aux  befoins  de  Parmée  de 
Tilli  depuis  la  perte  de  la  bataille  de 
Leipzic  ,  prefque  toute  la  vailTelle  d'ar- 
gent avec  les  chevaux  de  Tévêque  de 
Vurtzbourg,  qui  avait  eu  la  prévoyance 
d'emporter  fon  tréfor  ;  enfin ,  la  bi- 
bliothèque des  Jéfuites,  qu'il  envoya 

Partie  IIL  C 


Oftobre. 


54       Campagnes 

(  a  ) ,  qu'il  envoya  à  Upfal ,  en  repré- 
1^3  !•  failles  de  ce  que  Téledeur  de  Bavière 
s'était  emparé  de  celle  de  Heidelberg 
en  1522.  Guftave  abandonna  aux  trou- 
pes le  refte  du  butin ,  qui  confiftait  en 
effets  précieux  &  argent  monnoyé  ou 
travaillé.  La  chapelle  du  château  ren- 
fermait une  prodigieufe  quantité  de 
vafes ,  d'ornemens  &  de  reliques  très- 
yiçhes.  I>es  foldats  trouvèrent  en  outre 
douze  ftatues  d'argent  de  grandeur  na- 
turelle :  ils  témoignèrent  plus  de  dé- 
votion au  métal  qu'aux  faints  qu'elles 
lepréfentaient. 

L'importance  de  Vurtzbourg  &  de 
fon  château  détermina  le  roi  à  en 
faire  augmenter  les  fortifications,  fur- 
tout  celles  du  dernier ,  qu'il  voulait 
rendre  imprenable.  Le  monarque  fe 
vit  bientôt  maître  deVolkach ,  de  Kit- 
zingen ,  de  Vinsheim ,  d'Ochfenfurt  , 

{a^  Ils   avaient  cache  les    manufcrits  fous  une 
Ypùte ,  où  ils  ont  été  retrouvés  depuis. 


deGustave-Adolfe.  3^ 
ie  Carlftat ,  de  Gemunden ,  de  Lohr , 
de  Remlingen  &  de  plufieurs  autres  i<53i. 
villes,  dont  la  plupart  s'offrirent  d'elles-  ^^""^'^ 
mêmes  au  vainqueur  pour  éviter  un 
fiege ;  quelques-unes  étaient  gardées 
par  de  faibles  détachemens  de  Tarmée 
de  la  Ligué,  qui  redoutant  la  valeur  des 
Suédois ,  s'enfuirent  à  leur  approche, 
Ou  s'enrôlèrent  dans  leurs  troupes  ; 
d'autres  avaient  pour  garnifon  des 
bourgeois  ou  des  payfans  plus  aflidus 
asu  cabaret  qu'au  corps  -  de  -  garde , 
&  avec  lefquels  il  fut  fuffifant  d'em- 
ployer des  menaces  pour  leur  faire 
mettre  bas  les  armes.  Guftave  ne  tarda 
pas  à  fe  rendre  maître  de  prefque  toute 
la  Franconie  ,  moins  par  la  terreur  de 
fon  nom  que  par  la  difcipîine  de  fes 
troupes ,  fa  douceur  &  fa  clémence  qui 
lui  gagnèrent  le  cœur  des  peuples  : 
établi  au  centre  de  l'Allemagne  dans  un 
pays  riche  &  fertile ,  le  monarque  ve- 
nait d'acquérir,  pour  foutenir  la  guerre, 

Cij 


36        Campagnes 

des  refiTources  qui  lui  préfageaient  de 

[651.  r      ^ 

^ ,  .      nouveaux  lucces. 

Octobre. 

Si  les  armes  de  Guftave  profpé- 
raient  en  Haute  -  Allemagne  ,  elles 
n'étaient  pas  moins  heureufes  dans 
la  bafle.  Il  avait  envoyé  fur  l'Oder 
&  les  frontières  de  Siléfie  le  marquis 
d'Hamilton  &  le  colonel  Lesle ,  avec 
les  troupes  Anglaifes  &  Ecoflaifes  & 
quelques  régimens  Allemands ,  pour 
couvrir  la  Poméranie  &  la  nouvelle 
marche  de  Brandebourg  contre  les 
entreprifes  des  catholiques  qui  étaient 
en  Siléfie.  L'indifcipline  des  Anglais 
&  le  climat  auquel  ils  n'étaient  point 
accoutumés ,  leur  firent  perdre  beau- 
coup de  monde  ;  de  manière  que  l'ar- 
mée d'Hamilton  était  réduite  à  fix 
mille  hommes.  Cependant  Lesle  infor- 
mé que  les  ennemis ,  dans  le  deflein  de 
furprendre  Croflen  ,  fe  font  établis  aux 
environs  ,  part  avec  un  nombreux  dé- 
tachement pour  les  attaquer.  A  fon  ap- 


DE   GU  ST  A  VE-AdOLF  E.     37 

proche  ,  les  catholiques  fe  retirent 
précipitamment  en  Haute-Luface ,  &  i53i- 
abandonnent  cinq  grands  bateaux  que  ^'^°^^^' 
Lesle  fait  conduire  à  Croflen.  Peu  de 
jours  après  il  marche  à  Guben  &  y  for- 
prend  cinq  cents  Impériaux  qui  font 
taillés  en  pièces ,  à  l'exception  de  deux 
cents  cinquante  foldats  &  de  quelques 
officiers  qu'on  fait  prifonniers. 

On  a  vu  précédemment  que  Guftave 
avait  chargé  le  général  Tott  de  prendre 
fuccefïivement  les  places  que  les  Impé- 
riaux occupaient  encore  dans  le  Mec- 
kelbourg.  Cet  officier  fe  trouvant  à  la 
tête  d'une  armée  de  huit  mille  hommes 
tant  Suédois  que  fujets  des  ducs ,  avait 
commencé  à  refferrer  Roftock ,  lorfque 
le  roi  alla  joindre  les  Saxons.  Le  baron 
de  Virmund ,  commandant  de  la  place 
pour  l'empereur,  défarma  les  bourgeois 
&  leur  défendit  fous  peine  de  la  vie ,  de 
fe  trouver  plus  de  trois  enfemble ,  ou 
de  paraître  à  leurs  fenêtres  lorfqu'on 

C  iij 


38       Campagnes 

battrait  ralarme.Ces  réglemens  tyran- 
16}  î,  niques  déplurent  aux  habitans  de  Rof- 
Ociobre.  ^.q^j^  ^  ^Q^ït  les  privilèges  avaient  tou- 
jours été  refpeclés  jufques  là  ;  &  mal- 
gré la  vigilance  des  catholiques ,  ils 
trouvèrent  moyen  de  faire  palTer  à 
Tott  tous  les  avis  qui  pouvaient  accé- 
lérer la  reddition  de  la  place.  Virmund 
avait  pris  fes  mefures  pour  une  longue 
réfiftance  ,  dans  la  perfuafion  que  le 
comte  de  Tilli  viendrait  à  fon  fecours. 
Quoique  les  affiégés  fe  défendiflTent 
avec  opiniâtreté ,  le  mineur  s'était  déjà 
logé  lorfque  les  proteftans  reçurent  la 
nouvelle  de  la  bataille  de  Leipzic.  Vir-? 
mund  à  qui  ils  en  firent  part  pour  l'en- 
gager à  fe  rendre,  ne  put  croire  que  le 
généralilfime  eût  été  battu.  On  lui  per- 
mit d'envoyer  un  trompette  dans  la 
garnifon  Impériale  la  plus  voifme, 
pour  s'aflurer  de  la  vérité.  Dès  qu'elle 
fut  connue  dans  la  place,  Virmund 
voyant  fes  troupes  prêtes  à  fe  iTiuU- 


DE   GUST  A  VE-AdoLFE.     ^c) 

ner ,  réfolut  enfin  de  capitdlen  On  con- 
vint que  la  garnifon  fortirait  avec  les  ^631 
honneurs  de  là  guerre,  fes  armes,  fes  ^^^^^^ 
bagages  &  trois  pièces  de  canon  ;  qu'on 
lui  fournirait  des  vivres ,  des  chariots 
&  des  chevaux  ;  qu'elle  ferait  efcortéd 
jufqu'au  Vefer  ;  qu'elle  ne  dégraderait 
pas  les  fortifications  ;  que  les  membres 
de  la  chancellerie  établie  par  Valfteiii 
£q  retireraient  où  bon  leur  femblerait  ; 
&  que  le  commandant  répondrait  que 
fes  foldats  ne  feraient  aucune  infulté 
aux  habitans ,  ni  ne  mettraient  le  feit 
à  la  ville  en  la  quittant.  Cette  dernière 
condition  prouve  à  quel  point  l'indif. 
cipline  &  la  barbarie  des  Impériaux 
étaient  connues  &  redoutées.  En  vertu 
de  l*accord  qu'on  vient  de  rapporter ,  le 
baron  de  Virmund  évacua  Roftock  à  la  '^ 
tête  de  deux  mille  deux  cents  hommes 
d'infanterie  &  de  trois  cents  cavaliers. 
La  place  rendue  ,Tott  alla  attaquer  Vit 

C  iv 


4Q        Campagnes 

mar,  qu'une  efcadre  Suédoife  bloqua. 
I  <^3 1  •       Chemnitz  &  Relingen  ,  que  le  roi  de 

Octobre,    ç.^^^^  ^^^^.^  ^^jj.  p^^^^.j.  ^g  jj^ij  ^^^  q^^_ 

lité  de  fes  plénipotentiaires ,  traitèrent 
d'abord  avec  Chriftian  de  Brandebourg, 
margrave  de  Bareuth ,  &  fe  rendirent 
enfuite  à  Nuremberg,  dont  les  habitans 
prefque  tous  proteflans  ,  témoignèrent 
le  plus  grand  zèle  pour  Guflave.  Ce- 
pendant, Ja  crainte  de  s'expofer  à  la 
vengeance  des  catholiques  ,  s'ils  fe  dé- 
claraient ouvertement  pour  le  monar- 
que, les  engagea  à  éluder  les  propo- 
fitions  de  fes  agens.  Il  écrivit  alors  au 
fénat une  lettre  menaçante,  portant, 
**  qu'il  exigeait  que  la  ville  fè  décidât 
„  promptement,  &  que  fi  elle  diffé- 
„  rait  de  répondre,  ou  tentait  de  colo- 
„  rer  fes  délais  par  de  vains  prétextes , 
„  il  prendrait  cette  conduite  pour  une 
„  déclaration  hoftile  ;  qu'il  ne  fe  prête- 
5,  rait  à  aucune  neutralité ,  &  qu'il  fal- 
„  lait  s'attacher  à  fa  fortune  ou  embraf 


DE    GUST  A  VE-AdoL  FE.    41 

„  fer  le  parti  contraire.  „  Guftave  crut  g*-^'      } 
devoir  parler  en  vainqueur  à  une  ville ,  1651. 
qui  ayant  d'abord  foufcrit  aux  réfolu-  Octobre, 
tions  de  l'aflemblée  de  Leipzic  ,  y  avait 
enfuite  renoncé  à  l'approche  des  catho-^ 
liques.  La  déclaration  du  roi  ^termina 
les  incertitudes  des  habitans  de  Nu- 
remberg :  ils  craignirent  pour  leurs 
privilèges  &  leur  liberté  ,  fi  la  maifon 
d'Autriche  devenait  toute  puiilante  en 
Allemagne.  Le  fénat  s'allemble,  &:  juge 
que  le  parti  le  plus  fur  eft  de  fe  déclarer 
pour  Guftave ,  à  qui  l'on  députe  auffi- 
tôt  pour  lui  demander  fa  protedion. 
Le  monarque  fut  gré  à  la  ville  du 
dévouement  qu'elle  lui  témoignait ,  & 
ne  négligea  rien  dans  la  fuite  pour  lui 
prouver    fon    afFeclion.   Tandis  que 
Chemnitz  mettait  la  dernière  main  au 
traité ,  Relingen  fe  rendit  à  Ulm ,  qu'il 
engagea  dans  le  parti  de  fon  maître  ; 
il  prit  enfuite  le  chemin  de  Strasbourg^ 
çù  il  réuffit  pareillement 


42       Campagnes 

Après  la  conquête  de  Vurtzbourg  9 
1631.  Guftavefit  propofer  à  Pévêque  &  au 
Octobre,  chapitre  de  Bamberg  de  traiter  avec 
lui ,  afin  de  préferver  leurs  fujets  des 
maux  inféparables  de  la  guerre.  Le  roi 
demandait  qu'on  lui  payât  une  fomme 
de  cent  cinquante  mille  écus  ,  qu'on  lui 
fournît  le  même  fublide  qu'à  la  Ligue 
Catholique ,  &  que  les  villes  de  For- 
cheim  &  de  Cronach  reçuflent  garnifon 
Suédoife.  Quoique  ces  conditions  ne 
fuffent  pas  trop  dures ,  &  qu'on  pût 
même  efpérerque  Guftave  les  modére- 
rait ,  révêque  &  le  chapitre  réfolurent 
de  ne  pas  y  foufcrire  :  ils  feignirent  ce- 
pendant de  vouloir  traiter ,  afin  d'amu- 
fer  le  monarque  jufqu'à  ce  que  l'armée 
de  Tilli  arrivât  au  fecours  de  la  Fran- 
conie.  Le  prélat  &  fon  chapitre  ne 
tardèrent  pas  à  fe  repentir  de  leur  du- 
plicité &  de  leur  mauvaife  politique. 
Les  fuccès  du  roi  de  Suéde  interrom- 
pirent les  délibérations  de  la  diète  de 


DE  Gustave-Adolfe.  45 
Francfort.  Depuis  la  bataille  de  Leip- 
zic ,  les  proteftans  enorgueillis  de  Taf-  155 1. 
cendant  que  prenait  leur  parti ,  n'é-  Octobre 
coûtaient  plus  qu'avec  dédain  les  pro- 
pofitions  de  l'empereur  ;  &  la  con- 
quête d'une  partie  de  la  Franconie  les 
rendit  intraitables.  Les  catholiques  re- 
butés d'une  négociation  dont  ils  ne 
pouvaient  rien  efpérer ,  &  alarmés  du 
voifmage  de  l'armée  Suédoife ,  quit- 
tèrent brufquement  Francfort.  Le 
grand -maître  de  l'ordre  Teutonique , 
principal  commifTaire  de  l'empereur, 
difparut  des  premiers  :  il  avait  dit  pu- 
bliquement ,  que  pour  rétablir  la  paix 
en  Allemagne ,  il  fallait  égorger  tous 
les  proteftans  au  -  defTus  de  fept  ans. 
Cet  homme  féroce  craignit  fans  doute 
que  s'il  tombait  entre  leurs  mains  , 
ils  ne  lui  fiflent  fubir  le  traitement 
dont  il  les  jugeait  dignes. 

Le  comte  de  Tilli  avait  efpéré  après 
fa  défaite ,  que  fe  portant  en  Hefîe  il  y 


44        Campagnes 

attirerait  les  Suédois;  qu'il  occuperait 
163  !•  dans  ce  pays  montagneux ,  favorable 
Odiobre.  ^  ^^q  armée  peu  nombreufe  &  dé- 
couragée, des  pofitions  propres  à  ar- 
rêter les  vainqueurs,  jufqu'à  ce  que 
l'arrivée  de  fes  renforts  lui  permît  de 
prendre  roffenfive  ,  ou  du  moins  de 
faire  une  guerre  à  forces  égales.  Le 
généraliflime  jugea  que  l'exécution  de 
fon  projet  empêcherait  Guftave  de  fe 
porter  en  Thuringe ,  en  Franconie  & 
dans  les  états  des  principaux  mem- 
bres de  la  Ligue  Catholique  j  mais 
le  monarque  qui  avait  des  vues  plus 
étendues  que  fon  adveriaire ,  ne  fut 
pas  fa  dupe.  Tilli  avait  attendu  à  Al' 
feld  le  réfultat  des  démarches  du  roi , 
&  dès  qu'il  le  fut  parti  de  Hall  pour 
Erfurt ,  il  réfolut  de  pénétrer  en  Hefle 
dans  l'efpérance  que  cette  diverfion 
obligerait  les  Suédois  de  revenir  fur 
leurs  pas,  &  d'accourir  à  la  défenfe 
du  landgrave  leur  allié.  L'armée  ca^ 


DE   GUST  AVE-AdOLFE.    4^ 

tholique  décampe  d'Alfeld,   &  arrive 
en  deux  marches  vis-à-vis  de  Hœxter  Ir^^' 
fur  le  Vefer,  où  le  généraliffime  or-      i 
donne  de  conflruire  un  pont  près  de      ^ 
Corvei.  Il  fe  fait  amener  de  Hamelen 
douze  pièces  de  canon  avec  leur  atti^ 
rail ,  reçoit  neuf  cents   fantaffins  & 
deux  cents  cavaliers  envoyés  par  l'élec- 
teur de  Cologne ,  pafle  le  Vefer ,  laiffe 
près  du  fleuve  quelques  troupes  aux 
ordres  du  comte  de  Gronsfeld,  s'a-      ^ 
vance  à  Bocholt  &  le  lendemain  à  Var- 
bourg  ,  où  il  attend  des  nouvelles  fur 
les  mouvemens  du  roi  de  Suéde.  Bien- 
tôt informé  que  ce  monarque  marche 
vers  la  Franconie  avec  la  réfolution 
de  s'y  établir ,  il  prend  celle  d'aller  au 
fecours  de  ce  cercle  ,  part  deVarbourg  y 
pénètre  en  Hefle  &  campe  à  Balhorn ,       ^ 
village  du  bailliage   de  Niedenftein. 
Qjioique  l'armée  fut  très  -  fatiguée  de 
cette  longue  marche ,  elle  s'avance  le 
lendemain  à  Fritzlar,  pour  y  joindre 


4(?  Campagnes 
•les  troupes  de  Fugger  &  d'Aldringéf. 
1631'  Quand  ces  deux  généraux  eurent  réuni 
Odobre.  1^^^.^  forccs  à  SaltzungCH ,  ils  fe  rap- 
prochèrent de  Fritzlar,  d'où  ils  chaf- 
ferent  la  garnifon  Heflbife.  Les  catho- 
liques y  refterent  pendant  plufieurs 
jours  qu'ils  employèrent  à  mettre  une 
partie  du  landgraviat  à  feu  &  à  fang. 
Le  landgrave  s'en  vengea  en  s'empa- 
rant ,  près  de  Corbach ,  dans  le  comté 
de  Valdeck,  d'un  grand  convoi  de 
grain  qui  leur  était  deftiné. 

Tilli  ne  doutant  plus  que  le  roi  de 
Suéde  n'eût  le  projet  de  conquérir 
la  Franconie,  jugea  qu'il  attaquerait 
Vurtzbourg  ;  mais  comme  la  force  du 
château  lui  était  connue,  il  fe  flatta 
d'arriver  aflez  tôt  pour  le  dégât,  & 
couvrir  enfuite  la  Bavière  &  les  états 
de  la  maifon  d'Autriche.  Cependant  il 
décampe  de  Fritzlar ,  prend  la  route 
de  Fulde,  où  il  arrive  en  deux  mar- 
ches, &  fait  la  revue  de  fon  armée, 


DE  Gustave-Adolfe.   47 

forte  de  dix  -  huit  mille  hommes  d'in- 
fanterie ,  &  de  huit  mille  de  cavalerie.  i53 1. 
Le  généraliffime  s'approche  enfuite  du  ^^°^^'^' 
Mein {a)  pour  joindre  onze  mille fan- 
taffins  &  deux  mille  chevaux  que  lui 
amenait  Charles  IV ,  duc  de  Lorraine. 
Ce  prince,  plus  connu  par  fa  légè- 
reté que  par  fes  exploits ,  voulut  ab- 
folument  conduire  fon  armée  en  Alle- 
magne, au  rifque  d'éprouver  le  refTen- 
timent  de  la  France ,  &  de  lailTer  fon 
duché  ouvert  aux  armes  de  cette  cou- 
ronne :  il  épuifa  fes  finances  &  fa  popu- 
lation pour  lever  des  troupes  belles  à 
la  vérité,  mais  nullement  aguerries, 
&  commandées  par  de  jeunes  gens  fans 
expérience ,  aflez  préfomptueux  pour 
fe  flatter  de  renvoyer  bientôt  en  Suéde 
le  grand  Guftave.  La  cour  de  Vienne 

(i)  11  eit  vraifemblable  que  Tilli  dirigea  fa  marche 
par  Neuhof,  Salmunfter ,  &  Gelenhaufen  :  les  hifto- 
riens,  non  plus  que  les  mémoires  que  j'ai  entre  les 
main» ,  ne  rindi<iuent  pas  précifément. 


4S        Campagnes 
&  l'éledleur  de  Bavière  avaient  féduit 
î  '^^  ï •  Charles  en  lui  promettant  ce  que  l'Em- 
pire pofiedait  encore  dans  Tévêché  de 
Metz  5  Pinveftiture  de  la  plus  grande 
partie  du  palatinat  du  Rhin ,  des  états 
du  landgrave  de  HefTe  qu'on  voulait 
profcrire ,  &  la  dignité  éledorale.  Le 
duc  fe  flattait  d'obtenir  en  outre  quel- 
que chofe  de  la  dépouille  des  électeurs 
de  Brandebourg  &  de  Saxe ,  à  qui  les 
catholiques  réfervaient  le  même  fort 
qu'au  landgrave  de  Hefle.  La  France 
avait  contre  le  prince  Lorrain  des  griefs 
particuliers  :  Gafton  ,  duc  d'Orléans, 
brouillé   avec  le  roi  Ton  frère ,  s'était 
retiré  à  Nanci ,  &  fe  difpofait  à  épou- 
fer  fecrétement  Marguerite,  fœur  de 
Charles.  Le  cardinal  de  Richelieu  lui 
avait  fait  demander  par  le  baron  de 
Guron  l'objet  de  fon  armement ,  &  s'il 
était  vrai,  com.me  le  bruit  en  courait, 
que  Gallon  époufit  Marguerite.  Char- 
les alTura  qu'il  dcftinait  fes  troupes  à 

fecourir 


DÉ  Gustave-AdoUfe.   49 
fecourir  l'empereur  contre  le  roi  de  ■f?^^'^^'''^ 
Suéde,  &  qu'à  l'égard  du  mariage,  il  ^^^i. 

,      .  n  •  r^  /  r     Octobre. 

n'en  était  pas  queitioa.  Cette  reponte 
ne  fatisfit  pas  Richelieu  :  il  craignit 
que  le  duc  n'eût  le  deffein  d'entrer  en 
France  avec  toutes  fes  forces  pour  fou- 
tenir  les  mécontens  ,  &  lui  renvoya 
Guron  pour  le  Ibmmer  de  la  part  du 
roi  de  faire  palier  promptement  fes 
troupes  en  Allemagne ,  fmon  que  le 
monarque  viendrait  aux  noces  de  fon 
frère  à  la  tête  d'une  armée.  Ces  mena- 
ces obligèrent  Gallon  à  différer  fon 
anariage  &  à  fe  réfugier  dans  les  Pays- 
Bas  Efpagnols ,  afin  'de  ne  pas  attirer 
en  Lorraine  les  armes  dé  Louis  Xliï. 
Le  duc ,  de  fon  côté  ,  fe  difpofe  à  partir 
pour  l'Allemagne,  accompagné  du  car- 
dinal fon  frère ~&  du  prince  de  Phalf- 
bourg.  Il  mit  garnifon  dans  Saverne 
&  Haguenau,  que  l'empereur  lui  avait 
donnés  pour  places  de  iïireté ,  vS'avance 
par  le  comté  de  Saarbruck  &  le  duché 
Partie  IIL  D 


fo  Campagnes 
de  Deux-Ponts  jufqu'au  Rhin ,  que  Ton 
i<^5i.  armée  traverfe  près  de  Vorins  (û):le 
'  prince  de  Phalsbourg  en  dirigeait  les 
opérations.  Charles  eft  à  peine  au-delà 
du  fleuve  ,  que  l'évéque  de  Vurtz- 
bourg  vient  lui  faire  de  grandes  inC. 
tances  pour  l'engager  à  marcher  au 
fecours  de  fa  ville  épifcopale ,  afiiégée 
par  les  Suédois  ;  mais  le  duc  ne  juge 
pas  à  propos  de  fatisfaire  le  prélat ,  & 
il  prend  le  chemin  d'Afchaifenbourg 
fur  le  Mein ,  avec  le  projet  de  fe  can- 
tonner en  Franconie ,  &  de  ne  rien 
entreprendre  jufqu'à  ce  qu'il  eût  joint 
le  comte  de  Tillif 

Le  roi  de  Suéde  voulant  s'emparer 
de  Vertheim ,  ville  importante  par  fa 
fituation  au  confluent  du  Tauber  & 
du  Mein ,  en  fait  approcher  un  déta- 
chement. Le  colonel  Picolomini  ,  qui 
^  commandait  dans  cette  partie  ,  au  lieu 
de  renfermer  fes  troupes  dans  la  place  , 

(a)  Dans  les  derniers  jours  de  feptcrabr». 


DE   GUST  AVE-AdOL  FE.    fl 

s'était  pofté  auprès  :  il  eft  furpris  ,  dé- 
fait, &  les  Suédois  s'emparent  de  la  1631. 
ville.  Ils  marchent  enfuite  à  Rotten-  ^^°^^^- 
bourg ,  dont  la  garnifon  forte  de  fix 
cents  hommes  fe  fouleve  faute  de  paie- 
ment ,  &  oblige  le  gouverneur  à  capi- 
tuler. Les  mutins  craignent  d'être  punis 
s'ils  fuivent  leurs  officiers,  &  pour  fe 
tirer  d'embarras ,  ils  s'enrôlexit  dans 
les  troupes  de  Guftave.  Celui-ci  déta- 
che enfuite  Baudiffin  avec  de  la  cava- 
lerie pour  inquiéter  les  Lorrains.  Le 
général  Suédois  s'avance  avec  autant 
de  fecret  que  de  diligence  ,  &  furprend 
de  nuit  entre  Bifchoffsheim  &  Marien- 
dal  quatre  mille  hommes.  Le  roi  fur- 
vient  lui-même  à  la  tête  d'un  renfort, 
achevé  de  diffiper  ces  troupes ,  &  ra- 
mené à  Vurtzbourg  plus  de  fix  cents 
prifonniers.  Cet  échec  commença  à 
dégoûter  les  Lorrains  de  la  guerre 
d'Allemagne. 
Le  comte  de  Tilli  s'avançait  à  grands 

D  ij 


f2        Campagnes 

pis  vers  Je  Mein  pour  faire  lever  le 
i65f.    pjg^^  jj^^   château  de  Vurtzbourc^.  Il 

Octobre.  ^         ,  ,  .o     ,     ,       ,  o    r    n 

apprend  la  prile  de  la  place,  &  le  liatte 
alors  que  renforcé  pnr  les  troupes  du 
duc  de  Lorraine ,  qui  feront  monter 
fon  armée  à  vingt-neuf  mille  hommes 
d'infanterie  &  à  dix  mille  de  cavale- 
rie ,  il  pourra  du  moins  combattre  Guf- 
tave  8c  venger  l'affront  qu'il  a  reçu 
dans  les  plaines  de  Leipzic  ;  mais  le 
comte  reçoit  un  courier  de  l'éledeur 
de  Bavière,  qui  lui  enjoint  de  ne  rien 
haCirder ,  &  de  fe  garder  fur  -  tout  de 
rilquer  une  adion  dont  le  mauvjys 
fuccès  peut  entraîner  la  perte  des  cer- 
cles de  Bavière  ,  de  Souabe  &  du  Rhin. 
Cet  ordre  arrache  des  larmes  à  Tilli. 
Pourquoi ,  s'écrie-t-il ,  me  lier  les  mains 
quand  je  peux  prendre  ma  revanche  ? 
On  m^ôte  les  moyens  de  rétablir  ma  ré- 
putation (S'  Von  veut  que  f  emporte  au 
tombeau  une  tache  que  fefpérais  effacer. 
Le  premier  mouvement  du  généralif- 


«IHi"W!!M4i'^ 


Octobre. 


deGustave-Adolfe.    f5 

fi  me  fut  de  fe  retirer  dans  un  cloître  ; 
mais  i'efpérance  de  trouver  Poccafion  165 1. 
de  rétablir  l'éclat  de  fa  gloire  éclipfée ,  le 
fait  changer  de  réfolution.  Il- pourvoit 
à  la  fureté  de  la  Vetteravie ,  renforce 
les  garnifons  de  Friedberg ,  d'Afchaf- 
fenbourg ,  de  Steinheim ,  de  Hochft , 
de  Mayence  &  de  Konigliein.  Il  prefTa 
le  comte  de  Hanau  de  recevoir  dans 
la  ville  de  ce  nom  un  renfort  de  quatre 
compagnies  qui  ,  jointes  à  trois  qui 
y  étaient  déjà  ,  fuffifaient  pour  la  dé- 
fendre ;  mais  le  comte  éluda  cette  pro- 
portion. Tilli  paiTe  le  Mein  à  Selin- 
genftat  &  marche  à  Miltenberg  ,  où 
il  joint  les  Lorrains.  Ses  troupes  fur- 
prirent  la  ville  &  le  château  de  Bo- 
benhaufen ,  appartenant  au  comte  de 
Hanau  de  Bufchvçiler ,  &  y  commirent 
toutes  les  violences  qu'elles  avaient 
coutume  d'exercer.  Le  généraliffime  y 
laifiTa  garnifon  ,  fit  occuper  Diebourg, 
envoya  huit  cents  hommes  à  Heidel-- 

D  iij 


f  4        Campagnes 

r'"^""^'^  berg ,  douze  cents  à  Vorms ,  &  partit 
î^3i.  çnfuite  de  Miltenberg  pour  s'appro- 

Octobre,  ^j^gj^  ^^^  Tauber  &  empêcher  les  Sué- 
dois de  s'étendre  au-delà  de  cette 
rivière. 

Dès  que  l'armée  catholique  fut 
éloignée  de  la  Hefle ,  le  landgrave , 
pour  fe  dédommager  des  dégâts  qu'elle 

■  ,7  venait  d'y  commettre  ,  attaqua  Mun^ 
den  avec  huit  mille  hommes  d'infan- 
terie ,  mille  de  cavalerie  &  quatre 
pièces  de  canon.  Le  comte  de  Gronf- 
feld  ,  trop  faible  pour  s*oppofer  à  ce 
prince ,  ne  put  fecourir  la  place  dont 
la  garnifon ,  forte  de  fix  cents  hom- 
I  ,g  mes  ,  capitula  le  lendemain  ,  obtint 
les  honneurs  de  la  guerre  &  fe  retira 
à  Gôttingen  :  il  y  eut  enfuite  quelques 
efcarmouchse  entre  les  catholiques  & 
les  protellans  au  défavantage  des  der- 
niers ,  qui  s'emparèrent  cependant  de 
Hoexter  ;  &  comme  l'armée  de  Tilli 
avait  emmené  beaucoup  dç  beftiaux 


DE  Gustave- Adolfe.  ff 

de  la  HefTe ,  le  landgrave  en  fit  enle- 
ver par  repiéfailles  dans  Pévêché  de  }6^i. 
Paderborn  une  grande  quantité ,  dont  ^*^obrc. 
il  diftribua  une  partie  à  fes  payfans. 
L'empereur  avait  en  Siléfie  environ 
quatorze  mille  hommes  ,    employés 
foit  à  garder  les  places ,  foit  à  conte- 
nir les  troupes  du  marquis  de  Hamil- 
ton  &  de  Lesle.  Peu  de  jours  après  la 
reddition  de  Leipzic ,  TiefFenbach  & 
Goetz  ,  commandans  des  catholiques 
dans  cette  province ,  rafTemblent  dix 
mille  hommes  pour  faire  une  invafion 
dans  les  états   des  éleéleurs  de  Saxe 
&  de  Brandebourg.   Tieffenbach  pé- 
nètre en  Haute  -  Luface  ,  s'empare  de 
Goerlitz  ,  de  Bautzen  ,  de  Zittau  & 
de  BifchoffTverda  ,  porte  le  fer  &  le 
feu  jufqu'aux  portes  de  Drefde ,  &  met 
à  contribution  cette  partie  de  la  Mit 
nie.  Goetz  s'était  avancé  en  BaflTe- 
Luface  ,   où  il  fe  rendit  maître   de 
Guben  ,  de  Forft ,  de  Spremberg  , 

D  iv 


S6         Campagnes 

^^^^^'^^^^^  d'Hoyerfverda  ,  de  Sonnenvald  ,  de 
i6^î,  Hertzberff ,  de  Schliben  ,  de  Dahme, 

Octol?re. 

de  Luckau  &  de  Luben  :  prefque  tou- 
tes ce::;  villes  furent  pillées  ou  brû^ 
lées  ,  ainfi  que  les  villages  des  envi- 
rons. Goetz  fit  exercer  les  mêmes  rava- 
ges dans  les  machesde  Erard. bourg, 
par  des  détachemens  qui  occupèrent 
Befekou  ,  Storckou  &  Furllenvald, 
tandis  que  d'autres  qui  s'étaient  avan^ 
ces  par  Juterbock ,  portaient  la  déf- 
lation &  la  terreur  jufqu'à  Berlin. 

L'électeur  de  Saxe  ordonne  à  Ton 
^rmée  de  repoufler  les  catholiques  de 
concert  avec  le  marquis  de  Hamilton 
Si  le  général  Bânner ,  qui  fe  difpoflut 
à  venir  au  fecours  des  proteftans  avec 
ce  qu'il  avait  déjà  rafîemblé  de  trou- 
pes, L'empereur  craignant  que  les  Sa- 
xons ne  fiflent  une  invafion  en  Bo- 
hême ,  tint  confeil  fur  les  moyens  de 
}a  prévenir.  Quelques  mini  (1res  pré- 
tendirent que ,  puifqu'on  avait  rompii 


D  E   GUST  AVE-A  DOLF  Ë.     ^7 

avec  Jean-George  ,  il  fallait  le  forcer 
par  la  voie  des  armes  à  une  paix  par- 
ticulière ;  d'autres  objederent  que  les 
forces  du  monarque  en  Siléfie  ne  fuf- 
fifant  pas  pour  remplir  cet  objet ,  il 
fallait  recourir  à  d'autres  expédiens 
pour  conjurer  l'orage ,  &  que  l'intérêt 
de  l'empereur  &  les  circonftances  fi- 
cheufes  dans  lefquelles  il  fe  trouvait 
ne  lui  laiffaient  d'autre  moyen  que 
d'employer  la  douceur  pour  ramener 
Jean -George  dans  fon  parti;  enfin  , 
que  la  perfuafion  &  les  ménagemens 
feraient  fur  ce  prince  plus  d'impreffion 
que  la  violence.  Ferdinand  adopte  cet 
avis ,  envoie  ordre  à  fes  généraux  d'é- 
vacuej:  la  Luface  &  de  ne  commettre 
aucune  hoftilité  contre  la  Saxe.  Ce- 
pendant Arnimb  pafië  l'Elbe  à  Torgau 
à  la  tête  de  vingt-quatre  mille  Saxons  , 
&  marche  à  Hertzberg  avec  le  projet 
de  reprendre  aux  catholiques  ce  dont 
ils  fe  fpnt  emparés.  Ceux-ci  fe  retirent 


Octobre. 


fS       Campagnes 

■  fans  oppofer  de  réfiftance  :  Goetz  va 
1^31.  s'établir  à  Gros-Glogau  ,  &  TiefFen- 
^°  '^^*  bach  fe  pofte  avec  huit  mille  hommes 
près  des  frontières  de  Bohême ,  afin 
d'être  en  mefure  d'accourir  prompte- 
ment  à  la  défenfe  de  ce  royaume ,  fi 
les  Saxons  y  portent  la  guerre.  Quoi- 
que les  catholiques  n'euflent  féjourné 
que  peu  de  tems  en  Lulàce ,  ils  avaient 
tellement  dévaflé  cette  malheureufe 
province ,  qu'elle  n'offrait  guère  que 
des  monceaux  de  ruines  &  de  cendres  : 
ces  marques  de  barbarie  excitent  Jean- 
George  à  la  vengeance ,  &  il  ordonne 
à  Arnimb  d'effeduer  le  plus  tôt  pofîi- 
ble  le  projet  d'invafion  en  Bohême , 
réglé  avec  Guftave-Adolfe  pendant  fon 
Novembre,  féjour  à  Hall.  Le  général  Saxon  fe  met 
en  mouvement,  précédé  d'une  avant- 
garde  aux  ordres  du  vieux  comte  de 
Thurn ,  profcrit  en  1 620 ,  après  la  ba- 
^      taille  de  Prague  :  il  prend  la  route  de 


deGustave-Adolfe.   f9 

Schlukenau   Ça)   dont  il  s'empare  &  iawaujt^ 
qui    eft   abandanné  au    pillage.    Les  i6^J» 
Saxons  marchent  enfuite   à  Tefchen  ^'°^^"^^''«- 
fur  l'Elbe  :  la  ville  &  le  château ,  quoi-       4 
que  bien  pourvus  &  défendus  par  une 
garnifon  Autrichienne  ,  fe  rendent  à 
la  première  fommation.  Arnimb  pafle       ^ 
l'Elbe  &  s'avance  à  Auffig  gardé  par 
cent  cavaliers  Impériaux ,  qui  ab^mdon- 
nent  aux  Saxons  la  place  avec  une 
prodigieufe  quantité  de  fubfiftances  , 
&  s'enfuient  à  Tœplitz  ,  appartenant 
au  comte  de  Kinski ,  proteftant ,  & 
que  cette  raifon  préferva  du  pillage. 
Il  y  avait  alors  fur  la  montagne  près 
de  la  ville  un  château  appelle  Stara- 
hora ,  occupé  par  quatre  cents  hommes , 
qui  fe  fauvent  à  Leitmeritz  dès  qu'ils 
font  inftruits  de  l'approche  d* Arnimb  : 
on  les  fuit  de  près ,  &  ils  fe  réfugient 
à  Prague  avec  le  gouverneur ,  les  ma- 
giftrats ,  les  prêtres  &  les  principaux 

(fl)    Sur  la  Sprée,  «  trois  milles  de  Bautzea. 


6o       Campagnes 
^       habitans   catholiques.  Le   lencîemaîn 
Novembre,  ^^s  Saxons  repafTent  l'Elbe  &  s'empa- 
7      rent  de  Leitmeritz  ,  où  ils  font  un 
S      butin  immenfe.   Le  jour  fuivant ,  le 
baron  de  Hoffidrchen ,  l'un  des  Bohè- 
mes profcrits  ,  s'empare  de   Budin  , 
s'approche  enfuite  de  Raudnitz  avec 
mille  chevaux ,  furprend  la  ville  pen- 
dant la  nuit  &  l'abandonne  au  pillage  : 
les  Juifs  fur-tout  font  fort  maltraités. 

Les  Bohèmes  favorifaient  l'armée 
Saxonne  loin  de  la  retarder.  L'empe- 
reur avait  tyran nifé  ce  peuple  au  point 
.  de  s'aliéner  prefque  tous  les  cœurs. 
Des  flots  de  fang  répandus  après  la 
défaite  de  l'éledeur  Palatin  n'avaient 
pu  affouvir  la  vengeance  du  monar- 
que :  des  bannilTemens  ,  &  fur  -  tout 
des  confifcations  dictées  par  la  cupi- 
dité des  adminiflrateurs  Autrichiens  , 
s'exerçaient  journellement  depuis  onze 
ans ,  &  jetaient  les  malheureux  Bo- 
hèmes dans  le  défefpoir.  On  ne  ceflliit 


deGustave-Adolfe.   61 

de  les  tourmenter  fur  la  religion  ;  &  mi>jiwmjM 
peu  de  jours  avant  l'arrivée  des  Sa-  165 1. 
xons  ,  les  Jéfuites  parcouraient  encore  ^°^^'^^'^*' 
les  frontières  du  royaume ,  livrant  à  la 
fureur  d'une  troupe  de  fatellites  ceux 
qui  refufliient  de  fe  convertir.  Ces 
moines  barbares  avaient  fait  arquebu- 
fer  fous  leurs  yeux  plufieurs  habitans 
de  la  vallée  de  Joachims  (^)>  trop 
attachés  à  leur  croyance  pour  qu'on 
pût  efpérer  qu'ils  embraOafrent  jamais 
celle  de  l'églife  romaine  ;  un  grand 
nombre  de  familles  abandonnèrent 
leur  pays  pour  éviter  la  mort.  Une 
perfécution  fi  opiniâtre  indignait  les 
peuples ,  qui  regardèrent  les  Saxons 
comme  des  libérateurs  &  leur  four- 
nirent des  vivres.  L'empereur  aveuglé 
par  les  flmatiques  qui  l'environnaient , 
oublia  les  n\aximes  d'une  faine  poli- 
tique ,  qui  défend  de  vexer  des  fujets , 
fur -tout  quand  on  craint  une  inva- 

(  a  )  En  allemand  Joachims  -  Thaï. 


6z        Campagnes     ' 

fion ,  ou  qu'un  voifin  mal  intentionné 
153 1.  ne  fomente  leur  mécontentement  ^  car 
Novembre,  alors  ils  fe  foulevent  contre  la  tyrannie. 
L'empereur  ne  renonçait  pas  à  Tef- 
poir  de  regagner  l'électeur  de  Saxe  ;  & 
pour  conferver  un  extérieur  de  digni- 
té ,  le  monarque  voulut  que  le  mar- 
quis de  Cadreta  ,  ambafTadeur  d'Ef- 
pagne  à  Vienne  ,  fît  les  démarches 
néceflaires  &  offrît  la  médiation  de 
fon  maître.  Cependant  le  miniftre  Ef- 
pagnol  imaginant  qu'il  s'abaifTerait  s'il 
quittait  fa  réfidence  pour  aller  traiter 
en  perfonne  avec  un  éledeur,  char- 
gea de  la  négociation  le  colonel  Para- 
difo  :  celui-ci  tenta  d'abord  de  perfua- 
der  aux  confidens  de  Jean  -  George  que 
la  maifon  d'Autriche  defirait  fincére- 
ment  le  rétabliffement  de  la  bonne 
intelligence  qui  avait  exifté  entr'elle 
&  la  Saxe.  Paradifo  vit  enfuite  l'é- 
ledteur ,  &  l'affura  «  que  l'empereur 
„  avait  pour  lui  la  plus  grande  affec- 


deGustave-Adolfe.    63 
tion  ;  qu'il  regrettait  que  le  comte 
de  Tilli  eût,  à  fon  infu  &  fans  or-   1631. 
dres  ,  fait  une  invafion  en  Saxe  ;  Novembre 
que  la  cour  de  Vienne  était  difpo- 
fée  à  donner  une  jufle  fatisfadion 
à  cet  égard ,  à  prendre  en  outre  des 
mefures  efficaces    pour  calmer  les' 
défiances  des   proteftans  ,   rétablir 
la  paix  en  Allemagne  ,  où  le  roi  de 
Suéde   voulait  faire   des  conquêtes 
fous  prétexte  de  fecourir  les  mécon- 
tens  ;  &  que  comme  il  était  contre 
la  dignité  &  l'intérêt  de  l'Empire  de 
fouffrir  qu'un  fouverain  étranger  in- 
fluât dans  le  gouvernement ,  il  fallait 
néceflairement  l'obliger  de  retour- 
ner dans  fes  états.  »  Paradifo  ajouta  , 
que  le  roi  d'Efpagne  fe  flattait  que 
Jean-George  fe  prêterait  volontiers 
à  un  accommodement  dont  il  voulait 
bien  être  le  médiateur ,  &  que  S.  S.  E- 
pouvait  remettre  par    écrit  le  dé- 
tail de  fes  griefs  contre  l'empereur, 


54  .Campagnes 
yw^vw.'--.*g>m  „  &  nommer  des  plénipotentiaires  ; 
i6n.  55  n^^  1^  monarque  Autrichien  en 
octobre.  „  ferait  de  même ,  &  que  Tambafla- 
„  deur  d'Efpagne  affifterait  en  per- 
„  fonne  aux  conférences.  »  Ferdinand 
s'était  conduit  jufquelàavec  une  hau- 
teur infultante  ,  qui  contrallait  avec 
la  nwdération  qu'il  affectait  par  la 
bouche  de  Paradifo.  Cette  contradic- 
tion convainquit  Jean-George ,  qu'on 
ne  le  lui  avait  envoyé  que  pour  le 
brouiller  avec  fes  alliés,  abufer  de  fon 
caradere  naturellement  pacifique ,  & 
retarder  les  progrès  de  fes  armes.  Ces 
raifons  l'engagèrent  à  répondre,  «  qu'il 
„  ne  pouvait  fe  dilfimuler  que  la  cour 
5,  de  Vienne  avait  payé  de  la  plus 
5,  noire  ingratitude  les  fervices  ifn- 
5,  portans  qu'il  lui  avait  rendus  ;  qu'on 
5,  ne  croirait  jamais  que  Tilli  fût  entré 
5,  fans  ordres  en  Saxe  ,  &  qu'on  pou- 
5,  vait  fuppofer  au  plus  qu'on  ne  lui 
5,  avait  pas  prefcrit  d'y  exercer  mille 

„  barbaries  j 


deGustave-Adolfe.    6f 

),  barbaries;  que  0  la  fortune  eatfavo-  ^^ 
5,  rifé  les  catholiques  à  la  bataille  de  i6'>i> 
„  Leipzic  ,  loin  de  défavouer  le  gêné-  ^^^^^""^^ 
5,  raliffime  ^  on  approuverait  la  con- 
„  duite  ;  que  lui  électeur ,  n'ignorait 
„  pas  que  ia  perte  &  celle  des  autres 
„  proteftans  était  réfolue  ;  qu'il  fufn- 
5,  fait  de  ne  pas  profefier  la  religion 
„  catholique,  de  pofleder  des  biens 
„  eccléfiaftiques  &  de  ne  fe  pas  dé- 
5,  vouer  fervilement  à  l'einpereur  , 
5,  pour  être  réputé  criminel  ;  que 
„  d'ailleurs  ,  quoique  la  natîire  &  la 
„  raifon  accordalfent  à  tous  Iqs  honi- 
„  mes  le  droit  de  réGilcr  à  une  op- 
,5  preflion  injufte  ,  &  même  de  re- 
„  poufîér  la  force  par  la  force ,  le  mo- 
,5  narque  regardait  comme  un  attentat 
5,  contre  fon  autorité  ,  les  efforts  des 
5,  états  de  l'Empire  pour  conferver 
„  leurs  privilèges  qu'il  voulait  leur 
„  arracher  ».  L'éleéleur  obferva  en 
outre  ,  «  que  fes  griefs  étant  publics 
Partie  IIL  E 


66       Campagnes 

„  depuis  long  -  tems ,  il  était  fuperfla 
ï^^i»   „  qu'il  les  déduisît  de  nouveau  ;  que 
i  ovcmbre.  ^^  ^^^  ennemis  même  ne  pouvaient 

„  difconvenir  qu'on  l'avait  contraint 
5,  par  de  mauvais  traitemens,  à  re- 
„  chercher  l'alliance  du  roi  de  Suéde , 
„  qui  était  venu  à  Ion  fecours  &  lui 
5,  avait  confervé  fes  états  au  péril  de 
5,  fa  YÏe  ;  qu'il  ne  manquerait  jamais 
„  à  la  reconnaiflance  envers  Gullavc  ; 
„  &  qu'il  ne  pouvait ,  fans  fe  rendre 
5,  méprifable  ,    concevoir   feulement 
„  l'idée  de  renoncer  îi  fon   amitié  ; 
„  qu'il  favait  gré  au  roi  d'Efpagne  de 
„  J'offre  Je  fa  médiation  ;   mais  que 
„  comme  il  n'y  avait  nulle  fureté  pour 
„  lui   éledeur,  à  traiter  féparément 
„  avec  les  catholiques ,  il  était  inutile 
„  de  le  lui  propofer  à  fa  venir.  „  Cette 
réponfe  ferme  &  précife  convainquit 
Paradifo  qu'on  ne  pouvait    détacher 
Jean -George  de  fes  alliés. 
A  la  première  nouvelle  que  les  Sa- 


DE  Gustave-Adolfe.   67 
xons    approchaient  de   Prague  ,   les  ^^^^ 
officiers  de  remperenr  n'omirent  rien  J  ^'  ^' 

.      ^  Novembre. 

pour  encourager  les  bourgeois  a  une 
vigoureufe  défenfe  :  ils  leur  atruraient , 
que  l'armée  éledorale  mettrait  tout  à 
feu  &  à  fan  g  dans  la  ville  ,  li  on  lui 
permettait  d'y  entrer  ;  mais  qulieu- 
reufement  elle  était  trop  peu  nom- 
breufe  pour  s'en  emparer  de  vive  for- 
ce ;  que  d'ailleurs  «lie  manquerait  de 
fubfiilances ,  &  qu'il  ferait  d'autant 
plus  facile  de  la  repoulTer ,  que  les 
Hongrais ,  les  Polonais  &  le  feld-maré- 
chal  Tieffenbach  fe  difpofaien ta  venir 
au  fecours  de  la  place  ;  &  que  ces  rai- 
fons  autorifèraient  l'empereur  à  fé\  ir 
rigoureuiement  contre  le  peuple ,  s'il 
fe  foumettait  fans  réfiftance  à  l'en- 
nemi. Ces  motifs  furent  impuifrans, 
fuit  qu'ils  femblafient  peu  fpécieux  , 
foit  que  le  joug  Autrichien  parût  facile 
à  fecouer  ,  &  que  l'efpérance  d'un 
meilleur  fort  après  um  révolution, 

E  ij 


f^W^'iSBÊlK 


6^        Campagnes 

l'emportât  dans  les  efprits  fur  la  crainte 
ï<^3i«    d'un  châtiment  incertain. 
Novembre-      g-^itafar  de   Maradas,   dont   on  a 
déjà  parlé  à   l'époque   des    premiers 
troubles  de  Bohême ,  ralTembla  en- 
viron   deux  mille  hommes,  en  joi- 
gnant à  la  garnifon  de  Prague  quel- 
ques vieux  foldats  qui  confen tirent  à 
s'enrôler,  forma  huit  compagnies  de 
bourgeois  de  cincj  cents  hommes  cha" 
cune  ,  &  commença  à  faire  réparer 
les  fortifications  de  la  place ,  dans  l'in- 
»  tention  de  la  défendre.  Il  jugea  con- 

venable d'envoyer  demander  des  or- 
dres à  Valllein ,  qui  était  alors  dans 
la  ville  avec  f\  femme  ,•  fa  fille  &  le 
comte  Maximilien  fon  frère  ;  mais  le 
duc  répondit  ,  que  n'étant  revêtu 
d'aucune  autorité ,  il  ne  pouvait  rien 
prefcrire  ni  confeiller.  Maradas  n'o- 
fant  prendre  fur  lui  l'événement,  & 
n'ayant  aucune  confiance  aux  com- 
pagnies de  bourgeois  qui  diminuaient 


DEGuSTAVE-AdOLFE.     (S9 

tous  les  jours  par  la  défertion  /prit  le  "^^^^ 
parti  de  fortir  de  Prague  avec  fes  deux  i  <^3 1  • 
mille  hommes  &  le  colonel  Vangler  , 
&  d'aller  fe  pofler  à  Tabor  ,  pour 
apporter  du  moins  quelques  obftacles 
aux  progrès  des  Saxons  ,  qui  conti- 
nuaient leur  ma!rche  vers  la  capitale 
de  Bohême  fans  rencontrer  d'obfta- 
cles.  Le  comte  de  Michna,  l'un  des 
plus  cruels  perfécuteurs  des  protef- 
tans  5  &  les  membres  de  la  chancellerie 
&  de  Tadminillration  Autrichiennes  , 
qui  craignirent  de  perdre  leurs  richefles 
acquifes  par  des  profcriptions ,  &  qu'on 
ne  vengeât  fur  eux  le  fan  g  des  mal- 
heureux afiaffinés  avec  le  glaive  de  la 
juffcice  ,  s'enfuirent  à  Budveis  ,  où  ils 
portèrent  les  ornemens  &  les  joyaux 
de  la  couronne.  Ils  furent  fuivis  par 
les  prêtres  &  les  moines  ,  à  l'excep- 
tion des  Capucins,  qui  n'ayant  rien 
à  perdre ,  relièrent  dans  leur  maifon. 
Une  foule  de  perfonnes  de  tout  rang 

E  iij 


70  C   A    M    r    A    G    N    E    s 

^  cc  de  tOLit  lige  abandonnèrent  auffi 
16^1.  Piagne,  &  fe  réfugièrent  avec  leurs 
°^""'^'^^' meilleurs  effets  à  Budveis  ,  Znaim  , 
Brinn  &  Vienne.  Quoique  le  duc  de 
VaKlein  fût  aiîuré  qu'Arnimb ,  qui  lui 
était  entièrement  dévoué,  &  l'élec- 
teur de  Saxe  auraient  pour  lui  les 
plus  grands  égards  ,  il  ne  jugea  pas 
à  propos  de  les  attendre ,  &  fe  retira 
ddtis  fes  terres  en  Moravie  ,  après 
avoir  chargé  fon  frère  de  conduire  à 
Vienne  la  ducheffe  &  fa  fille  fous  Pef- 
corte  de  quelques  cavaliers  bien  armés. 
Ils  furent  attaqués  à  peu  de  diftance 
de  Prague  par  une  troupe  de  payfans 
&i  de  fuyards ,  qui  fe  flattaient  de  faire 
un  butin  confidérable  en  pillant  les 
chariots  de  Valftein ,  &  d'échapper  à 
lajulliceàlafiveur  des  troubles;  mais 
~  ces  brigands  furent  vigoureufement 
repoulfés.  Keller  de  Schleitheim ,  capi- 
taine au  régiment  de  Cronenberg ,  fe 
jeta  avec  quelques  bourgeois  attachés 


DE    GU  ST  AV  E-AdOLFE.     7I 

à  l'empereur  ,  dans  le  château  de  Vif-  ^^^ 
chrad  ,  pour  le  défendre  ;  mais  voyant    I6^i. 
le  peuple  moins  difpofé  à  le  féconder  Novembre. 
qu'à  recevoir  les  Saxons  ,  il  confidéra 
que  fon  zele  pouvait  lui  devenir  aufli 
funefte  qu'inutile  au  monarque  Autri- 
chien ,  &  il  renonça  fiigement  à  fou 
projet. 

Tieffenbach  avait  eu  ordre  de  pour- 
voir à  la  défenfe  de  la  Bohême  &àla 
confervation  de  Prague  ;  mais  il  n'eut 
pas  le  tems  de  prendre  fes  mefures 
entre  l'époque  où  on  lui  manda  d'é- 
vacuer la  Saxe  &  celle  où  l'armée 
éledorale  pénétra  en  Bohême  ;  cepen- 
dant il  s'avançait  à  grands  pas  avec 
Goetz  &  dix  mille  hommes  pour  fe 
jeter  dans  Prague.  Arnimb  n'avait  ni 
attirail  de  fiege ,  ni  une  armée  aiïez 
nombreufe  pour  attaquer  la  place  dans 
les  formes ,  fi  elle  eût  été  défendue 
par  une  garnifon  nombreufe  ;  &  il 
accélérait  fa  marche  afin  de  prévenir 

E  iv 


72  Campagnes 
=^!^'  les  catholiques.  Il  s'empare  de  Mol- 
^^^.^'  nick  ,  &  s'avance  le  lendemain  à  Vel- 
varn  qui  le  loumet  ,  de  même  que 
lo  Schlan.  Enfin  les  Saxons  arrivent  à  la 
vue  de  Prague ,  &  ne  rencontrent  que 
des  bourgeois  fortis  de  la  ville  pour 
voir  l'armée.  Arnimb  ne  peut  d'abord 
croire  que  les  catholiques  ont  évacué 
la  place  ,  foupçonnç  quelque  flratagê- 
me ,  &  refufe  de  s'en  rapporter  au  té- 
moignage des  habitans  :  il  apperçoit 
dans  la  foule  un  maître  -  d'hôtel  du 
duc  de  Valftein  ,  &  le  rapport  de  ce 
domeilique  perfuade  le  général  Saxon. 
Nous  ferons  donc  ,  dit -il  aux  officiers 
généraux,  maîtres  de  Prague  fans  tirer 
un  coup  de  nioufquet.  Il  fait  aufll-tôt 
fommer  la  place  ;  les  bourgeois  en- 
voient fur -le -champ  une  députation 
qui  convient  avec  Arnimb,  «  qu'on 
„  n'attentera  ni  à  la  propriété  ni  aux 
„  privilèges  de  perfonne  ;  qu'on  n'exi- 
„  géra  des  habitans  aucun   ferment  ; 


D  E    G  U  s  T  A  V  E  -  A  D  0  L  F  E.     75 

que  fous  le  bon  plaifir  de  l'éledeur  ^r^^ 

Noveir.bre. 


de  Saxe,  chacun  pourra  fe  retirer 


„  avec  fon  bien  ;  que  les  magiftrats 
„  pourvoiront  feuls  au  logement  des 
„  troupes ,  afin  de  prévenir  les  in- 
„  convéniens  qui  réfulteront  fi  l'on 
„  permet  aux  foldats  de  s'établir  à 
»  leur  gré  ;  que  la  noblefie  &  la  ma- 
„  giftrature  ne  logeront  point  de  gens 
„  de  guerre  ;  enfin  ,  que  les  prêtres , 
„  les  moines  &  les  Juifs  ne  feront  ni 
„  pillés ,  ni  maltraités ,  &  qu'ils  con- 
,j  tinueront  à  vaquer  librement  à  leurs 
„  fondions.  »  Cet  accord  fut  figné 
vers  le  foir  :  l'armée  électorale  entra 
aufli  -  tôt  dans  la  ville  ,  &  pafla  la  nuit 
en  bataille  fur  la  place  &  dans  les  rues. 
Le  lendemain ,  quatre  mille  hommes 
d'infanterie  avec  mille  de  cavalerie, 
aux  ordres  du  baron  de  Hoffîdrchen 
&  du  comte  de  Solms,  furent  defi:i- 
nés  à  refter  à  Prague,  &  le  furplus 
des  troupes  prit  des  quartiers  dans  les 


13 


74        Campa  g  k  e  s 
-  villages  voifuis.  Les   Saxons  fe  ren- 
V      .  *  dirent  maîtres  de  la  campaiine ,  &  un 

Novembre.  '-    ^ 

grand  nombre  de  villes  ouvrirent 
d'elles  -  mômes  leurs  portes  au  vain- 
queur. 

Arnimb  n'oublia  pas  que  Valftein 
était  fon  bienfaiteur  :  il  s'occupa  foi- 
gneufement  de  la  confervation  de  tout 
ce  qui  lui  appartenait  ,  &  pofa  lui- 
même  des  gardes  aux  portes  de  fon 
palais  ,   pour  empêcher  qu'on  ne  le 
pillât.  Le  comte  de  Thurn ,  ce  célè- 
bre banni ,  frémit  de  rage  en  voyant 
fur  la  principale  porte  de  la  ville  les 
têtes  de  quelques-uns  de  fes  malheu- 
reux compatriotes,  défenfeurs  desim- 
20     munités  de  la  Bohême.  Il  fit  inhumer 
ces  relies  avec  pompe  dans  le  temple 
des  Hullites,  &  rentra  dans  tous  fes 
biens.  Son  hôtel ,  que  l'empereur  avait 
donné  au  comte  de  I\lichna ,  fe  trouva 
meublé  magnifiquement.  Tiiurn  con- 
gédia l'intendant  &  le  chargea  de  dire 


DE    G  U  S  T  A  V  E  -  A  D  0  L  F  E.    7f 

à  fon  maître,  «  que  quoiqu'il  lui  eût 
5,  l'obligation  d'avoir  embelii  fa  mai-  î<^n. 
»  fon,  s'il  le  tenait  ,  il  enverrait  fa ^''^'=^"''^^^' 
„  tête  à  la  place  de  celles  de  cCvS  ref- 
5,  peclables  citoyens  martyrs  de  la  pa- 
5,  trie  &  de  la  religion  proteftante  ,  & 
55  viclimes  du  defpotifme  de  la  mai- 
„  fon  d'Autriche.  »  Plufieurs  autres 
bannis  rentrèrent  aufTi  en  polTeiîioii 
de  leurs  biens  ;  mais  les  plus  fages  , 
prévoyant  que  cette  révolution  fubite 
pourrait  bien  n'être  pas  de  durée^, 
vendirent  tout  ce  qu'ils  purent.  Les 
payfans ,  croyant  qu'ils  avaient  changé 
de  maître  pour  toujours ,  pillèrent  les 
pofieffions  de  leurs  feigneurs  eccléfiaf- 
tiques  ou  laïques  qui  s'étaient  enfuis  , 
&  aflTommerent  tous  les  foldats  Au- 
trichiens qui  tombèrent  entre  leurs 
mains. 

L'éleéleur  de  Saxe  fit  fon  entrée 
dans  Prague  &  déclara  que  chacun 
exercerait  paifiblement  fa  religion.  De 


1 

7^  C   A    BI   P    A    G   N   F    S 

toutes  les  églifes  otées  aux  prctef- 
153 1.  tans,  il  leur  en  rendit  quatre ,  &  Ht 
'  rafer  la  chapelle  élevée  à  la  Vierge 
en  1620  par  l'empereur,  après  la  dé- 
faite de  l'élefteur  Palatin.  Jean-George 
rerpecla  tout  ce  qui  appartenait  à  Tem- 
pereur ,  &  fit  même  fceller  les  portes 
des  appartemens  du  palais;  mais  il 
envoya  toute  Tartillerie  aux  armes  de 
la  maifon  d'Autriche  à  Drefde,  où  il 
retourna  bientôt  lui  -  même  ,  laiffant 
la  ville  de  Prague  très  -  fatisfaite  de 
fa  domination.  Les  habitans  n'eurent 
qu'à  fe  louer  de  Hoffldrchen  &  de 
Solms  ;  mais  les  juifs ,  les  prêtres  & 
les  moines ,  revenus  en  grand  nom- 
bre quand  ils  furent  qu'on  ne  maltrai- 
tait perlbnne ,  n'en  furent  pas  fi  con- 
tcns  :  les  derniers  fur -tout  étaient 
fcandalifés  qu'on  tournât  leur  culte 
en  ridicule.  Il  y  avait  à  Brandeis  une 
flatue  de  la  Vierge  qu'ondifait.mira- 
culeufe  :  Hoffldrchen  fe  la  fit  apporter 


deGustave-Aoolfe.  77 

&  la  plaça  devant  la  porte  de  Hi  mai- 
fon  ,  riant  des  génuflexions    &   des  165 1. 
prières  que  la  dévote  populace  adref- Novembre, 
fait  à  cette  image. 

La  perte  de  Prague  &  d'une  partie 
de  la  Bohême  répandit  à  Vienne  une 
conllernation  qui  devint  extrême ,  lorC- 
qu'on  vit  l'empereur  envoyer  en  Stirie 
fes  effets  les  plus  précieux  ;  ce  qui  nia- 
nifellait  l'incertitude  de  pouvoir  con- 
ferver  cette  capitale ,  quoique  l'on  en 
réparât  diligemment  les  fortifications. 
Tout  annonçait  la  chute  de  l'orgueil- 
leux Ferdinand  :  les  deux  tiers  de  l'Al- 
lemagne ne  reconnaiffaient  plus  fou 
autorité  ;  fes  finances  étaient  épuifées  ; 
fes  nombreufes  armées  réduites  à  quel- 
ques corps  découragés  &  fugitifs,  ne 
levaient  plus  dans  l'Empire  les  contri- 
butions immenfes  qui  donnaient  au 
monarque  les  moyens  de  foutenir  la 
guerre  ;  il  fallait  défendre  les  éledeurs 
catholiques  &  couvrir  la  Bavière  & 


78       Campagnes 
i^^^^a  l'Autriche  ;  pour  furcroît  d'embarras  , 
T531-  1^^  Hongrie  était  menacée  :  déjà  Ra- 
gotzki ,  prmce  de  1  rannlvame ,  (  qui 
venait  de  fuccéder  à  Betiem  Gabor) 
&  les  Turcs  y  fliilaient  des  courfcs  dé- 
favouées  il  elt  vrai  par  le  grand-fei- 
gneur ,  mais  qui  n'en  étaient  pas  moins 
les  indices  d'un  orage  qu'il  importait 
de  conjurer.  Les  peuples   de  Haute- 
Autriche  ,  &  particulièrement  ceux  des 
bords  de  la  rivière  d'Ems  ,  inclinaient 
à  la  révolte ,  &  profitaient  de  la  ter- 
reur  générale  pour   demander    avec 
hauteur  la  liberté  de  confcience  &  le 
rétablilTement  de  leurs  privilèges.  A 
tous   ces   maux  ,  Ferdinand  oppofiiit 
les  pèlerinages  &  les  prières   publi- 
ques :  naturellement  bigot  &  fuperfti- 
tieux,  fa  faufle  dévotion  augmentait  à 
l'approche  du  danger.  Ce  monarque 
négligeait  abfolument  la  morale  de  la 
religion,  n'en  obfervait  que  les  prati- 
ques, &  croyait  que  des  ades  de  piété 


.    deGustave-Adolfe.  79 
fnffifent  pour  engager  la  Divinité   à 
flworifer  les  injuftices  &  les  palfions  163 1. 
humaines;  mais   comme   les  procef- ^°^^"*'^'^*' 
lions   impériales   n'arrêtaient  pas  les 
progrès  de  Guffcave  -  Adolfe  &  de  fes 
alliés,  Ferdinand   tenait  de  fréquens 
confeils  ,  où  l'on    délibérait  longue- 
ment fans  prendre  aucun  parti.  Les 
Efpagnols  voulaient   que  l'empereur 
confiât  le  commandement  des  armées 
à  fon  fils  roi  de  Hongrie  &  de  Bohême  : 
ils  prétendaient  que  la  préfence  de  ce 
jeune  prince  relèverait  le  courage  des 
troupes  ,  rendrait  les  réfolutions  plus 
promptes ,   &  que  fon  autorité  con- 
tiendrait les  généraux ,  dont  la  méfm- 
telligence  avait  produit  les  malheurs 
dont   on    reflentait  fi   vivement   les 
çifets.    L'ambaffadeur    d'Eipagne  ap- 
puyait fon  avis  par  la  promefîe  d'une 
grande  fomme  d'argent  ,   abfolument 
eiïentielle  à  Ferdinand  dans  les  con- 
jonélures  où  il  fe  trouvait.  Les  Aile- 


80  CAMPAGNES 

inands  craignirent  que  la  cour  de  Ma- 
1531.  ^]fij  n'eût  pour  but  de  dominer  dans 
les  conleils  de  1  empereur  :  ils  obje- 
terent  que  les  dépenfes  nécefiTaires 
pour  entretenir  avec  dignité  le  roi  de 
Hongrie  à  la  tête  des  armées ,  abfor- 
beraient  fans  utilité  des  fommes  qui 
feraient  mieux  employées  à  lever  des 
troupes;  que  la  prudence  ne  permet- 
tait pas  d'expofer  l'héritier  préfomptif 
du  monarque  Autrichien  aux  dangers 
de  la  guerre  ;  que  s'il  éprouvait  le 
moindre  échec ,  les  foldats  &  les  peu- 
ples feraient  entièrement  découragés; 
enfin ,  qu'il  était  poflibie  que  le  roi  de 
Hongrie  ne  joignît  pas  aux  belles  qua- 
lités  qui  brillaient  en  lui ,  celles  qui 
conftituent  un  grand  général.  Les  par- 
tifans  du  duc  de  Valflein  prétendaient, 
que  les  malheurs  des  catholiques  ne 
provenaient  que  de  fa  difgrace  ;  que 
Dieu  puniflait  vifiblement  l'ingratitude 
de  l'empereur  ,  qu'il  n'avait  d'autre 

parti 


DE  Gu  ST  A  ve-Adolfe.   8i 

parti  à  prendre  que  de  rappeller  le 
duc,  feul  capable  de  raffermir  fon  i<^5i« 
trône  ébranlé.  Ferdinand  convenait  ^'^^^^^*' 
qu'en  l'obligeant  à  dépofer  ce  général , 
on  lui  avait  coupé  le  bras  droit  ;  mais 
il  ne  montrait  pas  encore  le  defir  de 
lui  rendre  le  fuprême  commandement. 
Un  des  principaux  miniftres  propofe 
en  plein  confeil  de  le  lui  conférer  de 
nouveau.  Les  ennemis  de  Valftein  ré- 
pondent ,  «  qu'en  le  rappellant  on  mé- 
5,  contentera  les  éledeurs ,  qui  ne  ver- 
55  ront  pas  fans  inquiétude  rendre  le 
5,  généralat  à  un  homme  puiflant  , 
5,  vindicatif  &  fuperbe ,  qu'ils  ont  fait 
5,  dépofer  ;  qu'ils  commencent  à  fe 
55  refroidir  pour  l'empereur  ,  &  que 
55  le  retour  du  duc  peut  les  aigrir  & 
5,  même  les  engager  à  fe  tourner,  con- 
j,  tre  le  chef  de  l'Empire  ;  que  d'aile 
5,  leurs  il  ferait  imprudent  de  fe  fier  à 
5,  Valftein  après  l'affront  cruel  qu'il  a 
55  efluyé  ;  que  fa  fidélité  doit  être  d'au- 
Parùc  IIL  F 


82        Campagnes 

„  tant  plus  fufpede,  que  lors  de  la 

163I'  „  prife  de  Prague  les  proteftans  eux-? 

Novembre.  ^^  ^^mes  Ont  Veillé  à  la  confervatioa 

5,  de  fes  biens  ;  qu'il  a  toujours  entre- 

jj  tenu  avec  Arnimb  &  quelques  au* 

,  très  des  correfpondances  peut-être 

j^  criminelles  ;  que  le  duc  a  fupporté 

,5  patiemment  en    public    fa   dépofi- 

„  tion  ,  mais  qu'on  n'ignore  pas  qu'il 

50  s'eft  emporté  en  particulier  au  point 

>>  de  fe  donner  au  diable ,  s'il  fervait 

53  jamais  l'empereur  ;  qu'on  ofFenferait 

p  Dieu  en  préférant  un  blafphémateur 

„  au  roi  de  Hongrie ,  prince  rempli  de 

„  piété  &  de  vertus  ;  qu'on  peut  à  la 

3,  vérité  faire  quelques  objedions  con- 

„  tre  fon  expérience  à  la  guerre ,  mais 

„  qu'il  eft  facile  d'y  remédier  en  lui 

j,  donnant  des  lieutenans  capables  de 

„  le  diriger ,  &  choifis  parmi  ceux  qui 

„  ont  le  plus  contribué  aux  fuccès  pré- 

„  cédens  ;  que  le  comte  de  Schlick 

^  mérite  la  préférence ,  &  qu'il  faut  le 


DE   GUS  T  AV  E-Ad  OLFE.     8? 

'„  tirer  promptement  de  fa  retraite.  „  — "^""^ 
Lgs  amis  de  Valflein  répliquent ,  «  qu'ils  .^^ 
„  ne  fe  diiîimulent  pas  fes  défauts; 
„  mais  que  fa  libéralité  envers  les  trou- 
3,  pes,  fon  efprit  de  refTources ,  fa  pré- 
„  voyance ,  fa  capacité  &  fon  zèle  pour 
„  la  gloire  de  fon  pays  doivent  le  faire 
5,  préférer  à  tous  les  concurrens  ;  & 
„  que  s'il  a  entretenu  des  corref])on-? 
5,  dances  avec  les  ennemis  de  l'empe^ 
„  reur,  c'eft  non  pour  nuire  au  mo-» 
s,  narque ,  mais  pour  lui  procurer  une 
,j  paix  honorable  &  nécelfaire.  »  A 
l'égard  de  fon  prétendu  dévouement 
au  diable,  ils  ajoutent  ironiquement, 
4i  qu'il  n'eft  pas  vraifemblable  que  ce 
,5  perturbateur  du  genre  humain  s'eni" 
,3  pare  du  duc,  s'il  rentre  au  fervice; 
,5  &  que  d'ailleurs  rien  n'dl  plus  facile 
,5  que  d'écrire  au  pape ,  ennemi  naturel 
„  du  diable,  pour  qu'il  relevé  Valfteia 
^  de  fon  vœu ,  &  le  fafle  même  exor-> 
»  cifer  par  le  nonce ,  fi  l'on  juge  cette 

F  ij 


84        Campagnes 
^— ^  „  formalité  néceflaire.  >»   Les   efprits 
155 1.    s'échaufFant ,  l'empereur  dit  aux  mi- 
*  niftres  ,  que  puifqu'ils  ne  peuvent  s'ac- 
corder ,  il  eft  inutile  de  délibérer  da- 
vantage ;  &  fans  fe  laifier  pénétrer ,  il 
fort  du  confeil. 

Le  duc  de  Valftein  avait  trop  d'amis 
&  de  créatures  pour  ignorer  ces  dé- 
tails :  il  voit  avec  joie  l'embarras  de  fes 
ennemis  ,  dont  la  fortune  le  venge 
cruellement  ;  les  malheurs  de  l'empe- 
reur &  de  fes  alliés  l'avaient  confolé 
de  fa  difgrace  :  s'il  eût  confenti  à  fiire 
la  moindre  démarche  pour  être  réta- 
bli ,  il  n'effc  pas  douteux  qu'on  lui  aurait 
rendu  le  commandement  après  la  ba- 
taille de  Leipzic  ;  mais  trop  fier  pour 
s'abailfer  par  des  follicitations ,  il  vou- 
lait que  l'empereur  le  recherchât ,  & 
lui  fit  ainfi  une  fatisfadion  authenti- 
que de  l'outrage  qu'il  avait  reçu.  Depuis 
fa  dépofition,  Valftein  avait  refufé  de 
paraître  à  la  cour ,  de  peur  qu'on  ne 


deGustave-Adolfe.  Sf 
le  foupçonnât  d'y  venir  propofer  fes 
fervices  :  il  prétendait  d'ailleurs ,  qu'en    ^^  ^' 

Novcinbcc. 

vertu  du  duché  de  Meckelbourg ,  dont 
il  ne  fe  croyait  pas  dépouillé  légale- 
ment ,  on  lui  devait  le  titre  d'altejfe  ; 
&  comme  on  le  lui  aurait  refufé  à 
Vienne ,  il  préférait  de  vivre  dans  fes 
terres  avec  la  pompe  d'un  fouverain 
&  entouré  d'une  foule  de  courtifans 
qui  le  traitaient  à  fon  gré. 

Informé  des  vues  particulières  des 
miniftres ,  Valftein  ignorait  les  inten- 
tions de  l'empereur  ;  mais  il  jugeait  que 
la  néceffité  obligerait  tôt  ou  tard  d'avoir 
recours  à  fes  talens.  Enfin  le  monarque 
mande  le  comte  Maximilien  de  Valf- 
tein ,  lui  ordonne  d'aller  trouver  le  duc 
&  de  lui  propofer  de  venir  à  la  cour. 
Cette  avance  redouble  la  fierté  de  Valf- 
tein. Tout  ce  que  je  peux  faire  ^  ré- 
pond-il  à  fon  frère  ,  cefi  de  me  rendre 
à  Znaim  pour  être  plus  à  portée  d'écou- 
ter Jes  propojitions   de   V empereur.  Le 

F  iij 


8^       Campagnes 

comte  revient  &  on  le  renvoie  aufîi-tôt 
1^31.  au  duc  pour  lui  déclarer ,  que  «  S.  M.  I. 
^^'"  '  '  „  veut  lui  rendre  le  commandement  de 
„  fes  armées  &  que  le  roi  de  Hongrie 
„  apprenne  de  lui  Part  de  la  guerre.  » 
Tel  eft  le  biais  qu'avait  trouvé  Ferdi- 
nand pour  contenter  tous  les  partis. 
Je  vois  y  répond  Valftein  ,  que  V empe- 
reur Je  propofe  de  confier  le  fuprême 
commandement  au  roi  de  Hongrie  &  de 
rti*engager  a  lui  fervir  de  lieutenant  ; 
de  manière  que  ce  jeune  prince  aura  la 
gloire  des  fuccès  ^  ^  moi  feulement  la 
peine  de  concevoir  &  d'exécuter  ,•  mais 
ûjfure^  l'empereur  que  je  ne  f ouf c rirai 
jamais  à  cet  arrangement  ^  &  que  je  ne 
fervirais  pas  en  fécond  fous  Dieu  même  y 
s'il  défendait  du  ciel  pour  commander 
une  armée,  Valftein  ne  recevait  les 
avances  de  ibn  fouverain  que  comme 
une  réparation  de  l'injuftice  qu'il  en 
avait  éprouvée;  il  voulait  humilier 
Ferdinand ,  &  la  fierté  de  fa  réponfe 


DE   GÙS  tAV  E-AdOLFE.     g? 

fit  comprendre  au  monarque  qu'il  ne 
ramènerait  un  homme  fi  altier  que  par  163  !• 
les  facrifices  les  plus  coûteux  pour  fon  ^°^^"^  ^^' 
amour-propre.  Cependant  l'impérieufe 
néceffité  obligea  l'empereur  de  faire 
une  nouvelle  tentative  :  il  en  chargea 
le  prince  d'Eggenberg,  ami  intime 
de  Valftein ,  qu'il  alla  trouver  à  Znaim. 
Ce  négociateur  réuffit  mieux  que  le 
frère  même  du  duc ,  qui  voulant  fans 
doute  jouir  plus  long-tems  du  plaifir 
d'être  recherché ,  ne  répondit  d'abord 
qu'avec  aigreur  &  en  fe  plaignant 
amèrement  de  Ferdinand.  Eggenberg 
fit  tant  d'inflances ,  qu'enfin  Valftein 
lui  dit ,  avec  une  ti'anquillité  à  travers 
laquelle  l'indignation  perçait  :  «  Quoi- 
j,  que  l'empereur  m'ait  traité  fans  mè- 
5,  nagement  &  qu'il  nie  faffe  des  propo- 
^  fitions  contraires  à  mon  honneur, 
j,  je  conféns  cependant,  à  votre  feule 
àj  confidération  ,  de  lui  rendre  quel- 
io  q«es  fervices  à  compter  de  ce  jour 

F  iv 


88        Campagnes 
^...--.^■^  ^^  lufqu'au  mois  de  mars  prochain  ;  mais 

J^^'V   »  je  ne  veux  aucun  titre  ni  me  char- 
Novembre.  , 

„  ger  d  exécuter  aucune  entreprife  de 
^  guerre  :  j'offre  feulement  de  lever 
„  des  troupes  &  de  les  difcipliner  ;  je 
,5  ne  demande  pour  cela  nulle  récom- 
5j  penfe  :  qu'on  emploie  à  raffembler 
„  des  foldats ,  les  cent  mille  écus  que 
„  vous  m'offrez  de  la  part  de  Tempe- 
„  reur.  Quant  au  commandement,  je 
„  le  refufe  abfolument,  &  l'on  peut 
„  le  donner  à  un  autre ,  à  moins  qu'on 
3,  ne  préfère  de  faire  la  paix  :  ce  qui 
„  ferait  le  parti  le  plus  fage.  *>  Eggen- 
berg  n'omit  rien  pour  détruire  les  rai- 
fons  de  Valftein  ;  mais  il  fut  inébran- 
lable ,  &  il  fallut  pour  cette  fois  que 
J'empereur  fe  contentât  de  ce  qu'on 
daignait  lui  offrir.  Revenons  aux  affai- 
res  générales  de  l'Empire. 

Après  la  reddition  de  Hoexter  qui 
fe  racheta  du  pillage  en  payant  une 
contribution  au  landgrave  de  Heffe, 


DE  Gustave-Adolfe.  89 

ce  prince  réduifit  Varbourg  &  affiégea 
fans  fnccès  Ritberg ,  pafîage  impor-  l^H* 
tant  ;  mais  il  fe  rendit  maître  du  refte 
de  Pévêché  de  Paderborn  ,  dont  la 
ville  capitale  fut  taxée  à  une  fomme 
confidérable ,  &  celle  de  Hirfchfeld 
obligée  de  recevoir  garnifon  HefToife. 
Les  états  de  l'abbaye  de  Fulde  pré- 
viennent le  landgrave  par  une  dépu- 
tation  qui  fe  rend  à  Caflèl  pour  pren- 
dre avec  lui  des  arrangemens  propres 
à  s'exempter  de  toute  exécution  mili- 
taire ,  &  propofent  d'eux  -  mêmes  de 
prêter  ferment  de  fidélité.  Guillaume 
met  garnifon  dans  plufieurs  villes  du 
pays  &  pourvoit  foigneufement  Neuf- 
tadt  fur  la  Saal ,  pour  en  faire  fa  place 
d'armes.  Les  fecours  pécuniaires  que 
fe  procura  le  landgrave  lui  permirent 
de  lever  &  d'entretenir  quatre  nou- 
veaux régimens.  Les  états  catholiques 
de  Veftphalie  ,  menacés  d'un  orage 
prochain,  fe  hâtent  de  propofer   uu 


90  C   A    M    P   A    G   îï   E   s 

■5  accommodement.  Guillaume  répond , 
i55i,  4«  que  les  barbaries  commifes  fur  fes 
ovemDre.  ^^  (çj-fes  pr^^  \q^  catholiques  ,  contré 

„  toutes  les  loix  de  la  guerre ,  Tauto- 
„  rifent  à  ufer  de  repréfailies  ;  mais  que 
„  fon  humanité  l'éloignant  des  voies 
„  de  rigueur,  il  préfervera  de  toute 
„  violence  les  états  de  Veftphalie  , 
,,  à  condition  que  plufieurs  places 
„  recevront  &  entretiendront  garnifon 
„  HefToife,  &  que  les  habitans  des 
„  villes  &  de  la  campagne  paieront 
„  une  contribution  qui  les  exemptera 
5,  du  pillage  &  des  autres  incommo- 
5,  dites  de  la  guerre;  qu'au  refte  il 
„  prendra  les  mefures  convenables 
5,  pour  fe  procurer  par  la  force  ce 
„  qu'on  lui  refufera  de  bon  gré.  »  Les 
états  de  Veftphalie  ne  répondirent  pas 
cathégoriquement  aux  demandes  du 
landgrave  :  informés  qu'on  leur  pré- 
parait du  fecours  ,  ils  ne  voulurent 
pas  fans  doute  acheter  la  paix  à  fi 
haut  prix. 


DE  Gustave-Adolfe.   91 

L*éledeur  de  Cologne  craignant  que 
les  proteflans  ne  vinflent  l'attaquer,  ^•^^^^' 
convoqua  dans  fa  capitale  les  états  de 
fon  archevêché ,  leur  repréfenta  le  dan- 
ger qui  les, menaçait,  &  leur  demanda 
un  fubfide  abfolument  néceffaire  dans 
les  conjondures  où  il  fe  trouvait.  Ils 
accordèrent  deux  cents  mille  écus ,  à 
condition  qu'on  ne  les  emploierait  qu'à 
la  défenfe  du  pays.  La  iioblefle  &  la 
bourgeoifie  obferverent  que  le  clergé, 
exempt  de  prefque  toutes  les  charges 
publiques ,  pofledait  cependant  la  plus 
grande  partie  des  biens ,  &  qu'il  était 
Julie  de  le  taxer  en  conféquence  ;  mais 
les  eccléfiartiques  qui  ne  font  jamais 
dupes ,  fur- tout  en  matière  d'intérêt , 
trouvèrent  moyen  de  ne  pas  payer  plus 
que  les  laïques.  L'éledeur  engagea  là 
ville  de  Cologne  à  lever  des  troupes 
pour  fa  défenfe ,  &  dans  un  moment 
d'ivrefle  patriotique,  les  bourgeois  ju- 
rèrent de  verier  jufqu'à  la  dernière 


^a       Campagnes 

goutte  de  leur  fang  &  de  s'enfevelir 
loji.  pQ^g  |gg  ruines  de  la  place,  plutôt  que 
'  de  fouffrir  qu'elle  tombât  au  pouvoir 
de  l'ennemi  :  heureufement  pour  eux 
qu'ils  ne  furent  pas  réduits  à  mettre 
leur  ferment  à  l'épreuve.  Voyons  main- 
tenant ce  qui  fe  paCTait  en  Baffe  -  Saxe. 
Lorfque  le  baron  de  Virmund  éva- 
cua Roftock ,  il  prit  la  route  de  Vol- 
fembutel ,  pour  gagner  les  places  du 
Vefer ,  où  il  avait  réfolu  d'attendre  les 
ordres  de  Tilli  ;  mais  le  comte  Volf- 
gang  de  Mansfeld,  gouverneur  pour 
l'empereur  de  l'archevêché  de  i\lagde- 
bourg,  lui  manda,  <<  de  joindre  fes 
5,  deux  mille  deux  cents  fantaflins  & 
5,  fes  trois  cents  chevaux  à  environ 
5,  mille  cavaliers  commandés  par  le 
„  colonel  Benningshaufen ,  de  fe  ren- 
5,  dre  devant  Halberftadt  qui  n'était 
5,  entouré  que  d'une  fimple  muraille 
„  avec  des  tours ,  &  d'en  chafler  la 
3j  garnifon  Suédoife.  »  Virmund  qui 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.   95 

n^avait  que  trois  canons  avec  les  mu- 
nitions &  les  boulets  obtenus  par  la  T631. 
capitulation  deRoftock,  pq  putqu'é-^"''"'^"^*' 
gratigner  les  murailles  de  Halberftadt, 
&  donna  fans  fiiccès  trois  alTauts. 

L'invafion  des  Saxons  en  Bohême 
ne  permettait  plus  aux  catholiques 
d'attaquer  les  conquêtes  de  Guftave- 
Adolfe  en  Siléfie  &  fur  l'Oder  ;  d'ail- 
leurs l'éledeur  de  Brandebourg  ayant 
levé  aflez  de  troupes  pour  garnir  les 
places  fituées  fur  le  fleuve ,  &  même 
pour  fournir  quelques  régimens  à  l'é- 
ledeur  de  Saxe ,  le  monarque  Suédois 
ordonna  au  colonel  Lesle  de  conduire 
les  troupes  Suédoifes  à  l'armée  qui 
affiégeait  Vifmar  ,  &  au  marquis  de 
Hamilton  de  joindre  le  général  Banner 
avec  les  Anglais  :  réduits  à  quinze 
cents  hommes  par  les  maladies,  ils  fu- 
rent recrutés  d'Allemands ,  &  ce  corps 
fervit  à  compléter  l'armée  de  huit  mille 
hommes  ralfemblée  dans  les  marches 


94        Campagnes 

de   Brandebourg  pour    conquérir  la 

..  ^  ,  *  ville  &  le  duché  de  Macdebouror.  Le 
comte  de  Mansfeld ,  informé  des  pro- 
jets de  Banner  &  convaincu  que  Vir- 
mund  ne  pourra  s'emparer  de  Halber- 
ffcadt ,  lui  env^oic  ordre  de  lever  le  fiege 
&  de  venir  s'établir  près  de  Magde- 
bourg  ,  pour  empêcher  les  Suédois  de 
reflerrer  cette  place  où  les  fubfiftances 
devenaient  fort  rares.  Virmund  fe  pofte 
avec  l'infanterie  &  deux  cents  che-» 
vaux  à  Vantzleben,  &  difperfe  le  relie 
de  fa  cavalerie  dans  les  villages  voifms. 
Ces  troupes  étaient  occupées  à  raflem- 
bler  des  vivres  &  des  fourrages  defti- 
nés  à  pourvoir  Magdebourg,  lorfque 
«1  Banner  pofté  à  la  droite  de  l'Elbe ,  pafle 
ce  fleuve  avec  autant  de  fecret  que  de 
diligence,  prend  les  devants  à  la  tête 
de  fa  cavalerie ,  &  furprend  Benningf- 
haufen  :  celui  -  ci ,  quoiqu'enveloppé , 
parvient  à  percer  les  Suédois ,  qui  lui 
taillent  en  pièces  trois  compagnies  ; 


DE   GU  ST  A  VE- AdOLFE.    9f 

vivement  pourfuivi  par  le  colonel 
SchafFman ,  il  fe  réfugie  à  Ma^;dLbourg  i^3 1- 
avec  le  refte  de  fon  corps.  Eanner  °^'^'^^'^*' 
inveflit  enfuite  dans  Vantzleben  le 
baron  de  Virmund,  qui  n'ayant  ni 
l'efpoir  d'être  fecouru ,  ni  les  mo3/'ens 
de  réfifter  dans  un  fi  mauvais  pofte , 
demande  à  capituler.  Le  général  Sué» 
dois  confent  qu'il  fe  retire  où  bon  lui 
femblera  avec  fes  équipages;  mais  il 
exige  que  les  troupes  foient  prifonnie- 
res  de  guerre,  &  que  les  foldats  qui 
voudront  entrer  au  fervice  de  Guftave 
ne  puifTent  en  être  empêchés.  Us  fe 
révoltent  contre  leurs  officiers,  livrent 
à  Banner  quatorze  drapeaux  avec  deux 
étendards ,  &  s'enrôlent  prefque  tous , 
au  nombre  dé  dix  -  fept  cents ,  dans 
fon  infanterie  qui  venait  d'arriver.  Le 
général  Suédois,  également  renforcé 
de  cent  cavaliers  déferteurs,  marche 
à  Calbe  dont  il  s'empare,  &  inveflit 
çnfuite  Magdebpurg ,  d'où  le  colonel 


96       Campagnes 

Benningshaufen  était  forti  précipitam- 
16^1.  ment  avec  fa  cavalerie  qu'il  n'y  pou- 

Novembre.^^.^.  ç^^^^   fubflfter. 

Le  duc  de  Meckelbourg  Adolfe- 
Frédéric  &  le  général  Tott  avalent 
attaqué  vivement  Vifuiar  ,  défendu 
par  une  garnifon  d'environ  quatre 
mille  hommes  aux  ordres  du  colonel 
Gram.  Cet  officier  retira  dans  la  place, 
avant  qu'elle  fût  refferrée ,  les  grains 
&  les  beftiaux  des  villages  fitués  le 
long  de  la  mer.  Il  tenta,  pour  retarder 
les  approches  des  affiégeans ,  plufieurs 
forties ,  dans  lefquelles  il  eut  d'abord 
de  l'avantage  ;  mais  il  finit  par  être 
repoulfé  après  un  combat  opiniâtre  , 
avec  perte  du  colonel  Adefla ,  de  quel- 
ques autres  officiers  &  d'un  grand 
nombre  de  foldats.  Cet  échec  lui  prou- 
va que  la  place  aurait  le  fort  de  toutes 
celles  que  les  Suédois  avaient  atta- 
quées :  c'efi:  pourquoi  il  demanda  une 
fufpenfion  d'armes  d'un  mois  par  terre 

& 


deGustave-Adolfe.  97 

&:  par  mer,  afin  d'avoir  le  tems  d'in- 
former le  maréchal  TiefFenbach  de  i^^i. 
rimpoffibilité  deconferver  Vifmar;  il  Novembre. 
promit  qu'en  attendant  le  retour  de 
l'officier  qu'il  faifait  partir  ,  on  réglerait 
les  articles  de  la  capitulation  de  la 
place  &  des  forts ,  qui  feraient  remis 
au  duc  de  Meckelbourg  en  même  tems 
à  la  fin  du  mois  fuivant ,  quelle  que 
fût  la  réponie  du  général  Autrichien  ; 
que  pendant  la  fufpenfion  les  affiégés 
relieraient  derrière  leurs  murailles ,  & 
les  affiégeans  dans  leurs  tranchées , 
fans  que  les  uns  &  les  autres  pufîent 
faire  aucuns  travaux  5  enfin  que  {1  h 
difette  obligeait  le  fort  de  Valfifch  ou 
de  la  Baleine  à  capituler  avant  le  terme 
prefcrit,  les  proteftans  en  prendraient 
polTefFion.  Ces  conditions  acceptées , 
Tott  détache  un  corps  de  troupes  com- 
mandé par  le  colonel  Lohaufen,  qui 
va  inveftir  Dômitz ,  place  fituée  à  la 
droite  de  l'Elbe,  alors  très  «forte  & 
Partie  IIL  G 


98  Campagnes 
occupée  par  une  garnifon  aux  ordres 
163  ï.  du  colonel  Straube. 
Novembre.  £55  fuccès  de  Guftavc  &  de  fes  gé- 
néraux relevèrent  le  courage  des  états 
de  BaiTe-Saxe  :  ils  s'aiïemblerent  à 
Hambourg,  où  Adler  Salvius ,  miniftre 
de  Suéde ,  les  exhorta  à  prendre  les 
mefures  les  plus  vigoureufes  pour  fe 
remettre  en  poiTeffion  de  leurs  préro- 
gatives, &  pour  chafiTer  entièrement 
du  cercle  les  catholiques.  L'afiemhlée 
réfolut  d'accéder  à  la  confédération  de 
Leipzic,  de  s'unir  inviolablement  au 
roi  de  Suéde ,  de  lui  payer  un  fubfide 
à  condition  qu'il  prendrait  le  pays  fous 
Cl  proteclion,  &  d'entretenir  pour  le 
foutien  de  la  caufe  commune  fix  mille 
hommes  d'infanterie  &  cinq  cents  che- 
'vaux.  Le  roi  de  Danemarck ,  toujours 
jaloux  de  Guftave ,  prétendit  qu'il  était 
contraire  à  la  dignité  du  cercle  de  fe 
rendre  tributaire  d'un  prince  étranger  ; 
mais  il  infifta  fur  la  néceffité  d'avoir 


deGustave-Adolfe.  99 

des  troupes  ,  dans  l'efpérance  qu'on  - 
lui  en  donnerait  le  commandement  :  ^, 

Novembre. 

comme  on  connaiflait  fa  capacité  mili- 
taire ,  les  états  fe  gardèrent  bien  de  le 
prendre  pour  général  ,  &  leur  choix 
tomba  fur  le  prince  George  de  Brunf- 
vick  -  Lunebourg  -  Zell ,  frère  du  duc 
régnant.  Le  fénat  de  Hambourg  refufa 
de  contribuer  à  la  levée  des  troupes , 
fous  prétexte  des  nouveaux  privilèges 
que  l'empereur  avait  accordés  à  la 
ville,  &  des  titres  de  libre  &  impé- 
riale, dont  elle  jouiffait  depuis  long- 
tems. 

Les  proteftans  de  Franconie ,  encou- 
ragés par  le  voilinage  de  Guftave ,  ré- 
folurent  de  s'affranchir  des  vexations 
auxquelles  les  troupes  de  la  Ligue 
Catholique  les  expofaient  :  prefque 
tous  les  états  envoyèrent  des  députés 
pour  traiter  avec  le  roi  ;  ils  convinrent 
de  lui  fournir  un  fubiide  à  condition  * 
de  les  défendre  contre  quiconque  les 

Gij 


Too       Campagnes 

■-  attaquerait.  Le  margrave  de  Bareuth 

1531.  remit  au  monarque  fa  forterefTe  de 
'  Pleflenbourg  près  de  Culmbach  ,  & 
traita  avec  lui  aux  mêmes  conditions 
que  le  landgrave  de  Hefle.  Gullave , 
afin  de  profiter  du  zèle  que  les  états 
de  Franconie  lui  témoignent ,  ordonne 
ày  lever  quelques  régimens ,  exige  des 
peuples  de  ce  cercle  le  ferment  de 
fidélité ,  &  publie  une  déclaration  , 
4  «  où  après  avoir  expofé  fes  motifs 
„  pour  chercher  par  la  voie  des  armes 
„  la  fureté  de  fa  couronne ,  de  fes  alliés 
,5  &  des  états  de  l'Empire  opprimés 
„  par  l'empereur,  il  fe  plaignait  des 
5,  membres  de  la  Ligue  Catholique , 
^  qui  loin  de  féconder  fes  efforts  pour 
,5  rétablir  la  liberté  en  Allemagne  & 
„  de  le  laiffer  faire  la  guerre  à  l'em- 
5,  pereur  feul ,  avaient  joint  leurs  trou- 
„  pes  à  celles  de  ce  monarque  dans 
„  plufieurs  occafions,  &  en  dernier 
„  lieu  à  la  bataille  de  Leipzic  5  que 


DE   GUST  A  VE-AdOLFE.     lOl 

depuis ,  les  évêques  de  Bamberg  & 
de  Vurtzbourg  ayant  refufé  de  fe  J^^^* 
réparer  de  la  cour  de  Vienne  ,  il 
n'avait  pu  fe  difpenfer  de  les  traiter 
en  ennemis  &  d'entreprendre  la  con- 
quête  de  leurs  états  ,  où  il  s'était 
abftenu  de  toute  violence  à  l'égard 
des  catholiques ,  quoique  la  barbarie 
des  Impériaux  envers  les  proteftans 
autorifât  à  ufer  de  repréfailles  ;  mais 
que  s'étant  armé  pour  délivrer  & 
non  pour  opprimer,  il  avait  ufé 
d'une  extrême  clémence,  prefcrite 
par  fon  caraélere  &  par  les  dogmes 
de  fa  religion  5  que  la  fituation  de  la 
Franconie ,  dont  les  peuples  étaient 
abandonnés  par  leurs  fouverains  , 
l'avait  obligé  de  pourvoir  au  gou- 
vernement par  l'établifTement  d'un 
confeil  de  régence  deftiné  à  main- 
tenir l'ordre  &  la  tranquillité  publia 
que  jufqu'à  la  paix  générale  de  l'Em- 
pire; que  pour  cesraifons  il  enjoint 

G  iij 


103        C   A   M   1»   A   G   N   E   S 

'^^'""'^  ,5  aux  états  de  Franconie  qui  n'ont 
^^^^'  „  pas  encore  reconnu  fon  autorité  , 

Novembre.         ,     ^  ,  ,.  •  i         r         ^ 

„  de  le  rendre  aux  lieux  qui  leur  ieront 
„  indiqués,  pour  lui  prêter  ferment 
„  de  fidélité  ;  les  affurant  tous  en  gé- 
5,  néral  &  en  particulier  de  fa  protec- 
5,  tion ,  de  la  liberté  de  confcience  , 
,,  8c  de  la  confervation  des  privilèges 
„  dont  ils  ont  joui  ci  -  devant  ;  mena- 
5,  çant  au  furplus  les  réfradaires ,  de 
5,  fes  armes  &  de  fon  indignation.  „ 
Cette  déclaration  produifit  Peffet  que 
Guftave  efpérait;  car  prefque  toutes 
les  villes  de  Franconie  qui  n'avaient 
pas  encore  traité ,  envoyèrent  des  dé- 
putés &  fe  fournirent. 

Il  importait  au  roi  de  Suéde  de  pri- 
ver la  Ligue  Catholique  des  refiburces 
qu'elle  tirait  de  la  Souabe.  Le  monar- 
que jugea  que ,  s'il  parvenait  à  mettre 
dans  fes  intérêts  la  mai  fon  de  Virtem- 
berg  ,  la  confidération  &le  crédit  dont 
elle  jouifToit  dans  ce  cercle  engage- 


DE    GU  S  TAVE-A  DO  L  F  E.    lOJ 

raient  bientôt  les  autres  états  à  fuivre  ^^^^? 
fon  exemple.  Gnftave  écrit  à  l'admi-  i^3ï» 
niftrateur ,  «  lui  fait  valoir  les  fuccès 
5,  prodigieux  des  proteftans,  lui  alle- 
„  gue  les  raifons  qui  doivent  détermi- 
5,  ner  la  Souabe  à  fecouer  le  joug  de 
5,  l'empereur ,  &  le  preffe  de  déclarer 
„  franchement  &  fans  délai  fi  l'on  peut 
„  compter  fur  lui ,  attendu  que  les 
„  circonftances  &  l'intérêt  de  la  caufe 
„  commune  n'admettent  aucune  in- 
„  certitude  à  cet  égard  ;  que  le  duché 
„  de  Virtemberg  ,  au  préjudice  des 
„  proteftans,  a  fourni  des  hommes, 
„  des  vivres  &  des  armes  aux  Qatholi- 
„  ques  ;  mais  qu^on  oubliera  ces  torts  ^ 
„  fi  le  duc  entre  dans  ]e  parti  de  la 
5,  Suéde  &  y  attire  les  autres  membres 
,,  du  cercle  ;  qu'alors  cette  couronne 
,,  donnera  un  fecours  efficace  à  qui- 
5,  conque  aura  befoin  de  fon  appui 
5,  pour  fortir  de  l'oppreffion.  Mais  , 
„  ajoutait  le  roi,  fi  l'on  dédaigne  mes 

Giv 


104  Campagnes 
„  offres  amiables ,  je  ferai  obligé  de 
J^^  ['  ))  regarder  les  états  de  Soiiabe  comme 
„  ennemis ,  &  d'empêcher  que  le  parti 
„  proteftant  n'en  éprouve  aucun  dom- 
5,  mage.  »  Cette  lettre  fit  une  forte 
imprelîion  fur  l'adminiftrateur  de  Vir- 
temberg  :  Ton  verra  plus  bas  les  me- 
fure^  qu'il  prit  pour  fatisfaire  Guftave. 
L'électeur  de  Bavière  craignait  que 
le  roi  de  Suéde  ne  pénétrât  dans  fes 
états ,  &  que  la  fituation  fàcheufe  de 
fes  affaires  ne  décourageât  fes  fujets , 
fi  elle  parvenait  à  leur  connaiflTance  : 
c'eft  pourquoi  il  défendit  à  qui  que 
ce  fût ,  fous  des  peines  rigoureufes  , 
de  parler  delà  guerre  &  de  l'adminifl 
tration.  Maximilien ,  plus  occupé  de  fa 
confervation  que  de  celle  de  fes  alliés  , 
enjoignit  de  nouveau  au  comte  de 
Tilli ,  de  moins  fonger  à  défendre  les 
éleâ:eurs  eccléfiaftiques  que  de  fe  tenir 
à  portée  d'accourir  promptement  au 
fecours  de  la  Bavière.  L'électeur  raf 


DE  GusT  ave-Ado LFE.  loç' 
fembla  à  la  droite  du  Danube ,  près  de  - 


Donavert  ,  une  armée  de  dix  mille  ^*^5i- 
hommes  d'infanterie  &  de  deux  mille 
de  cavalerie  pour  couvrir  fes  frontiè- 
res ;  il  convoqua  en  même  tems  à 
Landshut  les  états  du  cercle  de  Ba- 
vière, pour  leur  demander  des  fubfi- 
des,  ordonna  que  les  villes  fe  pour- 
vuflent  de  vivres  pour  fix  mois  ;  & 
fentant  la  néceffité  d'augmenter  fes 
forces,  il  fit  enrôler  le  dixième  homme 
dans  tous  les  pays  de  fa  domination , 
afin  d'avoir  aflez  de  troupes  pour  por- 
ter fon  armée  à  vingt  mille  hommes 
&  garnir  fes  places.  La  répugnance 
avec  laquelle  les  Bavarois  s'enrôlaient , 
prouva  que  leur  fouverain  infpirait 
iDoins  d'attachement  que  de  crainte. 
Maximilien  efpérait  fi  peu  de  réfifter 
au  roi  de  Suéde,  qu'il  envoya  fa  chan- 
cellerie &  fes  archives  à  Ratisbonne  : 
il  voulut  forcer  cette  ville  à  recevoir 
une  garnifon  de  quinze  cents  hommes  5 


Xo6       Campagnes 

mais  la  régence  lui  foupçonnant  le 
155 1.  projet  de  s'emparer  de  la  place,  ré- 
ovembre.  pQj^^j^  ^  qu'on  pourvoirait  à  fa  fureté 
fans  le  fecours  des  Bavarois ,  &  leva 
trois  cents  hommes  pour  augmenter 
la  garnifon.  Les  officiers  de  l'empe- 
reur foUiciterent  en  même  tems  la  ville 
d'Augsbourg  de  recevoir  deux  mille 
hommes.  Les  magiftrats  éludèrent 
cette  propofition ,  en  alléguant  que 
les  Suédois  étaient  encore  fort  éloi- 
gnés ,  &  que  d'ailleurs  on  craignait 
que  la  feule  propofition  de  fub venir  à 
l'entretien  d'une  garnifon  Autrichienne 
ne  fît  foulever  les  bourgeois. 

L'éleélèur  de  Bavière  ne  s'en  tint 
pas  aux  précautions  qu'on  vient  de 
rapporter.  Kutner  ,  fon  miniftre  à  la 
cour  de  France  ,  ne  négligeait  rien 
pour  alarmer  le  cardinal  de  Richelieu 
fur  les  progrès  des  Suédois ,  &  pour 
l'engager  à  fecourir  IMaximilien.  Sans 
ajouter  une  .créance  entière  aux  dif- 


DE  Gustave-Adolfe.    107 

cours  duminiftre  Bavarois,  le  cardinal  '^^"-^'^ 
conçut  de  l'inquiétude  fur  les  projets  ï^3I. 
ultérieurs  de  Guftave ,  &  ordonna  au 
baron  de  Charnacé  de  retourner  au- 
près de  ce  monarque  pour  tâcher  de 
le  pénétrer  &  de  Tamener  par  degrés 
à  quelques  ménagemens  avec  les  ca- 
tholiques de  l'Empire.  Avant  de  rap- 
porter les  négociations  de  la  France , 
il  eft  néceflaire  d'expofer  les  opéra- 
tions militaires  du  roi  de  Suéde  &  de 
fes  ennemis. 

Le  comte  de  Tilli  s'était  avancé  en  ^ 
deux  marches  de  Miltenberg  à  Hochf- 
haufen  près  de  Bifchoffsheim  fur  le 
Tauber  {a),  avec  le  deffein  d'attaquer 
Vertheim  gardé  par  douze  cents  Sué- 
dois. Dès  que  le  généraliffime  eft  arrivé 
dans  fon  camp ,  il  commande  à  un 
grand   corps   d'infanterie    &  à   trois 

(a)  Chemnitz  rapporte  ,  tome  I ,  page  197,  que 
Tilli  partit  le  3 1  d'odlobre  de  Miltenberg ,  &  qu'il 
can.  a  le  1  de  novembre  à  Hulfen.  Ce  village  ,  qui 
ne  fe  trouve  fur  aucune  carte ,  a  fans  doute  été  ruiné. 


108  Campagnes 
mille  che\'aux  de  s'avancer  vers  la 
^^  ^*  place.  Le  roi  de  Suéde  informé  du  pro- 
'  jet  de  Tilli ,  avait  mandé  au  comman- 
dant de  fe  tenir  fur  fes  gardes ,  &  fait 
partir  un  fecours  qui  fe  cacha  dans  un 
bois  près  de  la  ville ,  dont  les  catho- 
liques s'approchent  fans  défiance.  La 
garnifon  les  attaque  de  front ,  tandis 
que  les  troupes  embufquées  les  char- 
gent en  queue  :  ils  prennent  la  fuite 
avec  perte  de  plus  de  deux  mille 
hommes  tués  ou  prifonniers  ,  &  de 
quatorze  drapeaux  ou  étendards.  Non 
content  de  voir  les  Allemands  battus 
aux  portes  de  Vertheim ,  Guftave  fe 
prépare  à  leur  faire  effuyer  un  nouvel 
échec  :  inftruit  que  quatre  régimens 
impériaux ,  partagés  dans  deux  villa- 
ges près  de  Krelingen  ,  néghgent  les 
précautions  nécefîaires  à  leur  fureté, 
il  les  furprend  à  la  faveur  d'un  brouil- 
lard, les  diflipe,  leur  tue  un  grand 
nombre  d'hommes  &  s'empare  de  leurs 


DE  GusT  ave-Ado  L  FE*  109 

bagages.  Le  roi  veut  tomber  fur  d'au. 

très  quartiers  ,  mais   des   payfans  y  ^^^^' 

t,  1  .,1  r     Novembre. 

donnent  ralarme  ;  il  les  trouve  lur 
leurs  gardes  &  retourne  à  Vurtzbourg. 
Tilli  décampe  de  Hochshaufen  le  len-  4 
demain  &  remonte  le  Tauber  :  il  ve- 
nait d'être  renforcé  par  le  commiflaire 
général  Offa  ,  avec  environ  quatorze 
mille  hommes  tirés  des  garnifons  d'Al- 
face,  du  Bas-Palatinat  &  du  Virtem- 
berg.  Le  généraliflime  dirige  fa  marche 
fur  Rotenbourg  occupé  par  trois  cents 
Suédois.  Arrivé  près  de  la  ville  ,  il 
charge  Ofia  de  s'en  rendre  maître.  Au  7 
point  du  jour  les  catholiques  dreffent 
une  batterie  &  canonnent  vivement  la 
place  ,  que  leurs  troupes  attaquent 
bientôt  après.  La  garnifon ,  trop  faible 
pour  réfifter  à  une  armée ,  demande 
à  capituler.  OfTa  refufe  les  honneurs 
de  la  guerre  aux  Suédois ,  &  ils  con- 
tinuent à  fe  défendre  jufqu'au  foir, 
qu'ils  font  forcés  de  fe  rendre  prifon- 


110      Campagnes 

niers.  On  les  défarme ,  &  le  prince  de 
163 1.  phalsboum  pénètre  dans  la  place  avec 

Novembre.  ^       _.  .  ,  , 

les  Lorrams  :  ils  y  commettent  les 
plus  grands  défordres  &  paflent  la  nuit 
du  7  au  8  à  piller.  Guftave  envoyait  à  la  garni- 
fon  un  fecours,  mais  il  arriva  trop 
tard.   Le  lendemain   Tilli  marche  à 

9 

Vinsheim  qui  lui  ouvre  fes  portes.  Le 
généraliflime  s'empare  enfuite  d'Och- 
fenfurt ,  petite  ville  fi  près  de  Vurtz- 
bourg,  qu'il  efk  furprenant  que  les 
Suédois  ne  l'aient  pas  foutenue.  Ce  fut 
alors  que  les  évêques  de  Bamberg  & 
d'Aichllat,  encouragés  par  l'approche 
de  l'armée  catholique ,  levèrent  entiè- 
rement le  mafque  &  refuferent  de 
foufçrire  aux  conditions  propofées  par 
Guftave. 

Ce  monarque  ,  après  avoir  fournis 

prefque  toute  la  Franconie  ,  pouvait 

fe  porter  fur  le  Danube  ;  mais  il  crut 

"  néceftaire  de  conquérir  auparavant  les 

villes  du  Rhin ,  pour  n'avoir  rien  à 


DE  Gustave-Adolfe.  ÎII 
craindre  des  troupes  combinées  des 
électeurs  eccléfiaftiques  ,  des  Efpa-  i^5i- 
gnols ,  du  duc  de  Lorraine  ,  &  des  ^^^"^  ^' 
princes  de  cette  partie  de  l'Allemagne , 
qu'il  fallait  forcer  de  renoncer  à  la 
Ligue  Catholique.  La  conquête  des 
places  fituées  fur  le  Rhin  procurait  en 
outre  au  roi  l'avantage  de  communi* 
quer  facilement  avec  la  France  &  d'en 
tirer  des  fecours  au  befoin.  Pour  gagner 
le  Rhin ,  Guftave  ne  pouvait  fe  dit 
penfer  de  côtoyer  le  Mein  &  de  s'em- 
parer des  villes  bâties  près  de  cette 
rivière.  Informé  que  Hanau  n'eft  gardé 
que  par  trois  compagnies  Autricliien- 
nes  aux  ordres  du  capitaine  Brandeifs , 
qui  fe  font  rendu  odieufes  aux  bour- 
geois à  force  de  les  vexer ,  &  que  le 
comte  de  Hanau  attaché  feulement 
par  crainte  au  parti  de  l'empereur ,  y 
renoncera  dès  qu'il  le  pourra  fans  rif- 
ques ,  Guftave  forme  la  réfolution  de 
s'affurer  de  la  place ,  &  détache  fept 


IT2  Campagnes 
cents  cavaliers  &  quinze  cents  dra- 
1531.  gons  commandés  par  le  colonel  Hau- 
Novcmbre.  j^^j^  ^  ^^^^  _  ^^pable  de  diriger  une  en- 
treprife  difficile.  Cet  officier  part  de 
Vurtzbourg  avant  le  jour  ,  fe  rend  à 
Carlllat  pour  mieux  déguiferfon  projet, 
laiflè  à  gauche  le  chemin  d'Afchaffen- 
bourg ,  s'avance  par  les  bois  afin  de 
cacher  fes  mouvemens  aux  garnifons 
catholiques  reliées  dans  les  \illes  du 
j\lein  ,  combine  fa  marche  &  fes  haltes 
de  manière  à  ne  parvenir  que  de  nuit 
au  but  de  fa  miffion ,  arrive  à  Altzenau , 
&  à  la  faveur  de  Tobfcurité  &  d'un 
bois  qui  s'étend  jufqu'à  une  demi-lieue 
de  Hanau ,  il  s'approche  de  la  place , 
tourne  à  droite ,  longe  la  Kintzig  ,  & 
parvient  avant  le  point  du  jour  fur  la 
contr'efcarpe  de  la  vieille  ville  qui  fert 
de  citadelle  à  la  nouvelle.  Les  dragons 
mettent  pied  à  terre  pour  defcendre 
dans  le  fofle  ;  les  uns  efcaladent  le  rem- 
part, d'autres  pétaident  une  porte, 

égorgent 


deGustave-Adolfe.    iij 

égorgent  la  garde  &  baifient  les  ponts  ^!^E?î 
pour  faire  entrer  Haubald ,  qui  pénètre    i  ^9 1. 
aufli-tôt  avec  la  cavalerie  dans  la  vieille  ^^o^^^^bi^e* 
ville  ,  dont  il  eft  maître  avant  que  la 
garnifon  fe  foit  mife  en  défenfe.  Des 
bourgeois  accourent  en  armes  ,  char- 
gent les  Suédois  fans  favoir  à  qui  ils 
ont  affaire ,  font  repouflés  avec  perte 
de  quelques  hommes ,  &  fe  foumettent 
dès  qu'ils  reconnaiffent  les  troupes  de 
Guftave.  Qiiatre  ou  cinq  maifons  font 
d'abord  pillées  ;  mais  le  défordre  cefle 
bientôt.  Les  Suédois  arrêtent  pour  la 
forme  le  comte  de  Hanau   qui  était 
malade ,  ferment  la  porte  du  côté  de 
la  ville  neuve  ,  afin  qu'une  garnifon 
ne  puiffe  fecourir  l'autre  ;  enjoignent 
aux  bourgeois  de  fe  tenir  enfermés 
chez  eux  ,  &  aux  Impériaux  d'aller  fe 
ranger  fur  le  rempart  &  fans  armes, 
s'ils  veulent  fauver  leur  vie.  Bran- 
deifs  imagine  à  la  première  alarme  , 
que  les  troupes  entrées  dans  la  vieille 
Fanie  IIL  H 


114      Campagnes 

ville  font  un  renfort  qu'il  a  demandé 
1631-  la  veille  à  la  garnifon  d'Afchaffenbourg  : 
^'°'''"'^^'- bientôt  défabufé,  il  prend  quelques 
mefures  pour  fe  défendre;  le  peuple 
fe  foule ve ,  &  le  commandant  Autri- 
chien aflure  pour  le  calmer  ,  que  le 
bruit  qu'on  entend  dans  la  vieille  ville 
provient  de  l'arrivée  d'un  corps  de 
troupes  catholiques.  Cependant  Bran- 
deis  détennine  à  force  d'argent  l'un 
de  fes  domeftiques  à  pafier  le  foffé  à 
la  nage  ,  pour  aller  demander  du  fe- 
cours  à  la  garnifon  de  Steinheim.  Les 
ténèbres  fe  diffipent ,  &  l'on  voit  claire- 
ment de  la  ville  neuve  que  les  Suédois 
font  maîtres  de  la  vieille.  Brandeis 
fommé  de  fe  rendre ,  cherche  à  gagner 
du  tems.  Haubald  fait  tourner  le  canon 
contre  la  ville  neuve ,  fe  difpofe  à  l'et 
calader ,  &  déclare  aux  Impériaux  j 
que  s'ils  ne  fe  rendent  dans  un  quart- 
d'heure  ,  on  ne  leur  fera  aucun  quar- 
tier. Brandeis  répond ,  qu'il  eft  prêt  à 


deGustave-Adolfe.    Ilf 

capituler  fi  le  comte  de  Hanau  y  con-  -^'^^ — ' 
fent  :  celui-ci,  que  les  Suédois  appor-^, 

'    -^  ^^        Novembre. 

tent  fur  le  rempart ,  crie  au  comman- 
dant Autrichien  ,  qu'étant  prifonnier 
îl  n'a  rien  à  lui  prefcrire.  Brandeis  fe 
voyant  fans  relTources ,  demande  les 
honneurs  de  la  guerre.  Haubald  répli- 
que ,  que  la  garnifon  confervera  fes 
bagages  ,  fortira  avec  fes  armes  &  fe 
rendra  enfuite  prifonniere  de  guerre. 
Le  commandant  accepte  ces  condi- 
tions &  fait  auffi-tôt  défiler  fes  troupes. 
Alors  Haubald  déclare  que  quiconque 
prendra  fervice  parmi  les  Suédois  fera 
bien  traité.   Tous  les  Impériaux  ,  à 
l'exception  de  cinquante  tant  officiers 
que  foldats ,  fe  rangent  aufïi-tôt  fous 
les  drapeaux  de  Guftave  -  Adolfe.  On 
ne  pilla  dans  la  ville  neuve   que  les 
maifons  des  officiers  Autrichiens.  Les 
Suédois  firent  prifonnier  le  comte  de 
Merci  avec  quelques   officiers  catho- 
liques retirés  à  Hanau  depuis  la  bataille 

Hij 


ïî6      Campagnes 

S!SË55  de  Leipzic.  On  ne  peut  trop  louer 
^  ^^  ^'   l'adivité  &  l'intelligence  de  Haubald , 

Novembre.        .  i    .,      t  i      r-       • 

qui  par  une  conduite  digne  de  lervir 
d'exemple ,  panant  à  réalifer  Tentre- 
prife  qu'on  vient  de  rapporter.  La 
conquête  de  Hanau  ,  importante  par 
elle-même ,  entraînait  en  outre  la  fou- 
miflion  d'une  grande  étendue  de  pays. 
Haubald  fit  augmenter  les  fortifica- 
tions de  la  place ,  leva  des  recrues  aux 
environs ,  &  enjoignit  aux  états  de 
Vettéravie  &  du  Veft:ervald ,  qui  dé- 
pendent pour  la  plupart  de  l'archevê- 
ché de  Mayence,  de  ne  rien  fournir 
aux  catholiques  ,  &  de  lui  apporter 
incefTamment  en  argent ,  vivres  & 
fourrages ,  les  mêmes  contributions 
qu'ils  fourniflaient  à  la  Ligue  ;  joignant 
à  la  promefle  de  faire  obferver  à  fes 
troupes  la  difcipline  la  plus  rigoureufe , 
la  menace  d'aller  leur  faire  fentir  le 
poids  de  fes  armes ,  en  cas  de  refus. 
Les  partis  de  Haubald  attaquèrent  plu- 


DE   GUST  A  VE-AdOL  FE.     II7 

fleurs  fois  avec  lucces  ceux  de  la  garni- 

fon  de  Steinheim  &  des  autres  villes    ^^^^' 

1       -        ,  .  .  'Novembre. 

que  les  Impériaux  occupaient  encore 
près  du  Mein. 

La  prife  de  Hanau  permettant  à 
Guftave  de  tranfporter  le  théâtre  de 
la  guerre  fur  le  Rhin ,  il  réfolut  de 
s'approcher  de  ce  fleuve,  manda  au 
landgrave  de  Hefle  de  raffembler  fes 
forces  pour  venir  l'y  joindre  ,  chargea 
le  maréchal  Horn  de  conferver  les 
conquêtes  de  Franconie  avec  dix  mille 
hommes  de  vieilles  troupes  ,  qui  joints 
à  environ  fix  mille  levés  depuis  peu 
ou  qu'on  raflemblait  journellement , 
parurent  fuffifans  pour  remplir  cet 
objet ,  quoique  le  comte  de  Tilli  eût 
plus  de  quarante  mille  hommes.  Le 
roi  fe  difpofait  à  partir  de  Vurtzbourg 
avec  dix-huit  mille ,  dont  quatre  mille 
de  cavalerie  ;  mais  une  indifpofition 
l'arrêta  quelques  jours  :  il  prit  enfuite 
fa  marche  par  Vertheim  à  la  gauche 

H  iij 


ii8      Campagnes 

î^2^^  du  Mein ,  tandis  qu'un  grand  nombre 
^^^^*  de  bateaux  chargés  d'artillerie  Se  de 

Novembre.  .  .  ,    p        ,    .  ,       .    .  -, 

munitions  deicendaient  la  rivière ,  & 
qu'une  partie  de  l'armée  Suédoife  en 
côtoyait  la  rive  droite.  L'approche  de 
ce  corps  fit  prendre  la  fuite  à  quelques 
troupes  catholiques  difperfées  dans  la 

24  vallée  de  la  Kintzig.  Miltenberg  & 
Klingenberg  fe  rendirent  fans  réfiftan- 
ce.  Afchaffenbourg  fut  également  obli- 

2î  gé  d'ouvrir  fes  portes.  Le  lendemain 
le  roi  prend  en  pafiant  Stockllat  &  Se- 
lingenffcat ,  &  vient  fe  préfenter  devant 
Steinheim  ,  défendu  par  huit  cents 
Impériaux ,  qui  capitulent  après  une 
faible  réfiftance  &  s'enrôlent  prefque 
tous  dans  les  troupes  du  monarque  : 
il  campe  enfuite  à  la  vue  de  Hanau  , 
entre  dans  la  place  pour  la  reconnaître 
&  vifiter  le  comte  de  ce  nom  ;  il  re- 
tourne le  foir  à  fon  camp ,  qu'il  établit 
le  lendemain  à  Offenbach  ,  d'où  il 
envoie  le  comte  Philippe  Reinhart  de 


DE  Gustave-Adolfe.  119 
Solms  pour  déclarer  aux  magiflrats  do  "^^'"•''^ 


Francfort ,  ville  plus  connue  par  fes  i<^5i- 
foires  que  par  fi  force  ,  que  le  roi  pré-  ^^^"''^^^' 
tend  être  reçu  dans  la  place  ;  qu'il  fe 
flatte  qu'on  le  difpenfera  d'en  ouvrir 
les  portes  à  coups  de  canon ,  &  que 
les  habitans  n'auront  qu'à  fe  louer  de 
leur  foumiffion.  La  régence ,  qui  defire 
•  de  ne  pas  fe  départir  d'une  neutralité 
toujours  utile  au  commerce  ,  charge 
deux  députés  d'aller  fupplier  Guftave 
de  la  difpenfer  de  recevoir  garnifon  , 
&  de  ne  pas  l'obliger  de  manquer  au 
ferment  prêté  à  l'empereur,  dont  la 
violation  pourra  entraîner  la  ruine  de 
la  ville  en  attirant  la  guerre  fur  fon 
territoire ,  &  la  perte  d'un  grand  nom- 
bre de  privilèges  avantageux  à  fon  né- 
goce. Guftave  favait  que  Francfort  , 
qui  tient  un  rang  diftingué  parmi  les 
villes  impériales ,  n'était  pas  pour  cette 
raifon  plus  libre ,  que  le  parti  catho- 
lique y  dominait  &  ne  négligerait  rien 

H  iv 


120        Campagnes 
'^^  pour  nuire  aux  proteftans  malgré  la 

lo^i.    i-ieutralité  ;  il  répondit  à  la  députa- 
Nu  vembre.  1  r        / 

tion ,  «  qu'il  trouvait  tort  étrange  que 

,5  les  magiftrats  de  Francfort  femblaf- 
5,  fent  préférer  au  falut  de  l'Allemagne 
„  quelques  vils  intérêts  de  commerce  ; 
5,  que  comme  il  a  trouvé  la  clé  de 
,5  toutes  les  places  depuis  l'île  de  Ru- 
„  gen  jufqu'au  Mein ,  il  trouvera  aufli 
5,  celles  de  leur  ville ,  s'ils  lui  en  fer- 
„  nient  les  portes.  »  Les  députés  de- 
mandèrent  qu'il    leur   fût  du  moins 
permis  de  favoir  les  intentions  de  l'é- 
ledeur  de  Mayence.  «  C'eft  moi ,  re- 
5,  pliqua  Guftave  ,  qui  fuis  aduelle- 
„  ment  le  véritable  éledeur  de Mayen- 
„  ce  :  fi  celui  dont  vous  me  parlez 
,,  improuve  votre  foumiiïion  ,  je  vous 
5,  promets  une  abfolution  plus  efficace 
„  que  la  fienne  ;  d'ailleurs  ,  ajouta-t-il 
„  en  montrant plufieurs  gros  canons, 
5,  voilà  des  inftrumens  fort  harmo- 
,,  nieux ,  avec  lefquels  je  ne  tarderai 


DE   GUST  AVE-AdOL  FE.    121 

5,  pas  à  vous  donner  un  concert  pour  ^^^T'îas 
.,  peu  que  vous  différiez  à  me  fatif-    ^'^^i» 

r  '         A      n       1  .  '  Novembre.^ 

„  taire.  Au  lurplus  ,  3e  ne  viens  pas 
„  comme  ennemi  ;  je  protégerai  votre 
,,  ville  :  mais  je  ne  peux  me  difpenfer 
„  de  l'occuper.  Les  maux  de  l'Empire 
„  exigent  des  remèdes  violens ,  dont 
5,  il  eft  impoffible  que  tous  fes  mem- 
„  bres  ne  refTentent  les  effets  ;  j'en 
„  fouffre  moi-même ,  &  l'on  ne  peut 
5,  raifonnablement  imaginer  que  ce 
5,  foit  pour  mon  plaifir  que  je  fais  la 
5,  guerre ,  &  que  je  pafle  les  nuits  fur 
„  la  dure ,  tandis  que  ,  dit-il  en  fou- 
„  riant  ,  j'ai  une  femme  jeune  &  belle 
„  qu'il  m'a  été  impoffible  de  voir  de- 
„  puis  long-tems.  Il  efh  évident  que 
5,  vous  cherchez  à  m'éloigner  de  votre 
5,  ville  ;  mais  je  ne  ferai  la  dupe  ni 
„  de  cette  manœuvre  ,  ni  de  celles  de 
„  vos  foldats ,  s'ils  en  font  devant  les 
5,  miens  :  au  refte ,  il  faut  me  rece- 
„  voir  dans  Francfort,  &  m'envoyer 


Î22       Campagnes 

"■«5,  des   charpentiers   pour    conftruire 
155 1.  „  au-deflbus  de  la  place  un  pont  fur 
Novembre.  ^^  j^  j^^-^^^ ,,  ^^^  députés  voyant  qu'ils 

ne  gagnent  rien  à  infifter ,  prient  Guf- 
tave  de  leur  permettre  d'aller  faire  leur 
rapport  :  il  les  congédie ,  en  leur  difant 
qu'il  exige  une  réponfe  prompte  & 
fatisfaifante. 

Dès  que  les  députés  font  partis  ,  le 
roi  met  fon  armée  en  mouvement  , 
campe  prés  de  Saxenhaufen  qui  com- 
munique avec  Francfort  au  moyen 
d'un  pont  confhruit  fur  le  Mein  ,  & 
fait  déclarer  aux  magiftrats ,  qu'il  veut 
abfolument  être  reçu  fans  délai  dans 
la  ville.  La  régence  n'a  pas  le  tems 
de  délibérer  &  foufcrit  au  defir  de 
Guftave.  Ses  partifans  improuverent 
d'autant  moins  fa  conduite  vigoureufe , 
qu'ils  pouvaient  fe  juftifier  aux  yeux 
de  la  Ligue  Catholique  ,  en  alléguant 
la  nécelfité  de  céder  à  la  force.  Le 
jour  était  fort  avancé  ;  les   Suédois 


DE    GuSTAVE-AdOLFF.     î2; 

pafTerent  la  nuit  à  la  vue  de  Saxen- 
liaufen ,  &  le  lendemain  Guftave  fit    i^?i» 

,    /      ,    .  1     1      j         T^  c    X.  Novembre.' 

une  entrée  triomphale  dans  t  ranctort. 
Cinquante -fix  pièces  de  canon  avec  27 
plufieurs  régimens  de  cavalerie  &  d'in- 
fanterie ouvrirent  la  marche.  Le  roi 
vêtu  d'un  habit  écarlate  brodé  d'or  , 
&  monté  fur  un  magnifique  cheval , 
parut  enfuite  précédé  de  fes  trompet- 
tes &  environné  de  fes  gardes.  Le 
monarque  faluait  gracieufement  tous 
les  gens  de  marque  qu'il  rencontrait 
fur  fon  pafiage.  Le  duc  Bernard  de 
Saxe-Veimar  revenu  depuis  peu  de  la 
Hefîe  &  un  grand  nombre  de  feigneurs 
Allemands  rendaient  très  -  brillant  le 
cortège  du  roi ,  qui  étoit  fermé  par 
fon  carroffe ,  fes  domefi:iques ,  fes  équi" 
pages ,  fon  régiment  des  gardes  à  pied , 
plufieurs  pièces  de  canon  &  dix  régi- 
mens d'infanterie ,  à  la  fuite  defquels 
défilèrent  les  bagages  de  l'armée  ,  qui 
fortit  de  Francfort  par  la  porte  de 


124     Campagnes    , 
Bockenheim  ,  &  prit  le   chemin  de 
16^.  HoeciilL  Six  cents  hommes  relièrent 

Novembre. 

en  garnifon  dans  Saxenhaufen. 

Les  magiftrats  avaient  fait  préparer 
pour  le  roi  un  feftin  fplendide  &  un 
appartement  dans  le  palais  où  les  em- 
pereurs ont  coutume  de  loger  ;  mais 
il  n'accepta  que  le  repas.  En  fortant 
de  table  il  remonta  à  cheval  &  fe 
rendit  à  Hoechfl:  où  fon  armée  le 
raflembla.  Cette  ville  fituée  au  con- 
fluent du  Mein  &  de  la  Nieda  ,  & 
occupée  par  quatre  cents  Impériaux , 
avait  été  obligée  de  fe  rendre  le  matin , 
après  une  faible  réfiftance ,  aux  trou- 
pes Suédoifes  qui  avaient  marché  par 
la  droite  du^^Mein.  Prefque  toute  la 
garnifon  entra  au  fer  vice  du  roi  :  le 
relie  devait  fe  retirer  à  Mayence  ;  mais 
ayant  tenté  de  gagner  la  Bergftras 
contre  la  teneur  de  la  capitulation  , 
il  fut  chargé  &:  détruit.  Le  landgrave 
de  Helfe-Calfel  joignit  le  lendemain, 


DE  Gustave- A DOLFE.  izç 
avec  une  armée  de  quatorze  mille 
hommes,  celle  de  Guftave,  dont  les  i^^i- 

f,  \  1  Ml    Novembre. 

forces  montèrent  a  trente-deux  mille 
combattans.  Le  monarque  ordonna 
au  landgrave  d'employer  une  partie 
de  fes  troupes  à  bloquer  Kônigftein 
forterelTe  alors  très-importante  &  quel- 
ques autres  places  fituées  entre  la 
Lahn  ,  le  Mein  &  le  Rhin  :  le  roi  en- 
voya en  même  tems  occuper  Hoff- 
heim ,  Flersheim ,  Coftheim  &  Caflel 
à  la  vue  de  Mayence.  Les  Suédois  , 
après  s'être  étendus  ainfi  jufqu'au 
Rhin ,  dreflerent  des  batteries  fur  le 
bord  du  fleuve  pour  canonner  la  place. 
L'éleéleur  de  Mayence,  qui  avait 
prévu  que  l'orage  ne  tarderait  pas  à 
fondre  fur  lui ,  prit  des  mefures  pour 
mettre  en  état  de  défenfe  fa  capitale , 
dont  l'enceinte  ne  confifl:ait  alors  qu'en 
un  rempart  à  l'antique.  Comme  il  fallait 
que  les  Suédois  traverfaffent  le  Rhin 
pour^  attaquer  Mayence ,  l'éledeur  fit 


125      Campagnes 

rompre  le  pont ,  enlever  ou  détruire 
^,      ,  '  tous  les  bateaux  de  la  rive  droite  du 

Novembre.  ^ 

fleuve  :  on  en  coula  a  fond  plufieurs 
chargés  de  pierres  au  confluent  du 
Mein  &  du  Rhin ,  afin  d'embarrafler 
le  paffage ,  &  Ton  répara  les  fortifica- 
tions de  la  place ,  auxquelles  on  ajouta 
quelques  retranchemens.  L'électeur 
jugeant  trop  faibk  la  garnifon  Alle- 
mande ,  reçut  dans  la  ville ,  malgré 
les  habitans  ,  deux  mille  Efpagnols 
aux  ordres  de  don  Philippe  de  Sylva  j 
général  du  roi  Catholique  dans  cette 
contrée.  Comme  l'éledeur  témoignait 
que  ce  renfort  ne  lui  paraifiait  pas 
encore  fuffifant ,  on  aflure  que  Sylva 
répliqua  qu'il  avait  plus  de  troupes 
qu'il  n'en  fallait  pour  tenir  tête  au  roi 
de  Suéde  ,  &  qu'il  s'enfevelirait  plu- 
tôt fous  les  ruines  de  la  place  que  de 
la  lui  rendre.  Cette  fiere  réponfe  ne 
raffura  pas  l'électeur,  qui  prit  fage- 
ment  le  parti ,  ainfi  que  l'évéque  de 


DE  Gustave-Adolfe.  127 
Vorms ,  de  fe  retirer  à  Cologne  avec 
fon  argent  &  ce  qu'il  avait  de  plus    i<^3i« 

/   .  Novembre, 

précieux. 

George ,  landgrave  de  HelTe  -  Darni- 
ftat  ,  avait  envoyé  un  gentilhomme 
pour  complimenter  Guftave ,  qui  lui 
demanda  ironiquement ,  fi  fon  maître 
ne  le  jugeait  pas  digne  d'une  vifite 
en  perfonne.  Le  monarque  connaiflait 
le  dévouement  fervile  du  landgrave 
pour  l'empereur,  dont  il  était  pen- 
fionnaire ,  n'ignorait  pas  fes  tentatives 
pour  engager  l'éledeur  de  Saxe  ,  fon 
beau  -  père ,  à  renoncer  à  l'union  de 
Leipzic ,  &  à  traiter  avec  la  cour  de 
Vienne  ;  enfin  Guftave  n'aimait  pas 
George  &  voulait  l'humilier.  Ce  prince 
informé  de  la  queftion  du  roi ,  jugea 
qu'il  fallait  céder  aux  circonftances  &  ' 
vint  le  trouver  à  Hoechft.  Le  monar- 
que ne  lui  diffimula  pas  qu'il  eût 
mieux  fait  d'accéder  2i\x  conclufum  de 
rafiemblée  de  Leipzic ,  que  de  louvoyer 


128  Campagnes 
entre  Tes  frères  les  proteftans  dont  il 
1^3  !•  trahiflait  la  caufe  ,  &  les  catholiques  ; 
Novembre.  ^^^  ^^^^^  conduite  finirait  par  le  ren- 
dre vidime  des  deux  partis ,  &  qu'il 
fe  trompait  en  cherchant  fa  conferva- 
tion ,  moins  dans  une  réfolution  vigou- 
reufe ,  digne  d'une  grande  ame ,  que 
dans  la  faveur  impuiffante  &  les  pro- 
meffes  illufoires  de.  l'empereur.  Le 
landgrave  cherche  à  s'excufer ,  &  Guf- 
tave  ne  lui  réplique  que  par  l'énuniéra- 
tion  des  motifs  qui  l'obligent  de  mettre 
garnifon  Suédoife  dans  le  château  de 
Ruflelheim  ,  bâti  à  la  gauche  du  Mein, 
George  finit  par  propofer  lui-même 
au  roi  de  traiter ,  &  ils  conviennent 
*9  que  Rufielheim  fera  livré  au  monar- 
que ,  qui  donnera  les  ordres  les  plus 
précis  pour  que  les  états  du  landgrave 
fouffrent  le  moins  poflible  du  voilî- 
nage  des  armées.  George  IHpuIa  ex- 
preflement ,  qu'il  garderait  la  neutra- 
lité &  ne  flanquerait  en  rien  du  ferment 

prêté 


DE  Gustave-Adolfe.   129 
prêté  à  rempereur ,  contre  qui  il  n'a-  ^^^^^ 
vait  aucun  fujet  de  plainte.  Guftave    i<^^i» 
admit  cette  reftridlion ,   parce  que  le 
landgrave  propofa  fa  médiation  pour 
un  accommodement  entre  les  catholi- 
ques &  les  proteftans  ;  le  roi  ne  lui 
diffimuîa  point  cependant  ,  qu'il   ne 
jugeait  pas  que  les  premiers  confen- 
tiflènt  à  traiter ,  jufqu'à  ce  qu'ils  fufTent 
encore  plus  aftiiiblis  ;  mais  que  pour 
lui ,  il  ne  fe  réfuterait  jamais  à  des  voies 
raifonnables  de  conciliation.  L'empe- 
reur avait  indiqué  une  diète  éleclorale 
à  Mulhaufen  en  Thuringe ,  &  raiïem- 
blée  des  catholiques  à  Ingolilat ,  pour 
convenir  des  moyens  de  réfifter  aux 
proteftans  ,  ou  de  faire  la  paix.  L'ar- 
chiduc Léopold  &  le  duc  de  Neubourg 
d'un  côté  ,  le  margrave  de  Bareuth  & 
le  landgrave  de  HefTe-DarmRat  de 
l'autre,  devaient  tenter  de  rapprocher 
les  deux  partis  ;  mais  ces  tentatives 
n'eurent  aucun  fuccès  ,  ainfi  que  le 
Fanie  IIL  I 


130      Campagnes 
"  roi    de  Suéde  l'avait  prévu. 


^,^^V*      Le  comte  de  Tilli  après  être  refté 

Novembre.  ^ 

3o  plufieurs  jours  a  Vinsheim ,  marche 
à  Anfpach  (  ^  ) ,  y  trouve  beaucoup 
d'armes  qu'il  diflribue  à  fes  troupes  , 
un  grand  nombre  de  chevaux  que  les 
habitans  de  la  campagne  avaient  mis 
en  fureté  dans  la  ville  ,  &  qui  fervent 
à  compléter  les  attelages  de  fon  artil- 
lerie &  de  fes  chariots.  Cette  partie 
de  la  Franconie  éprouve  tous  les  ra- 
vages que  les  catholiques  avaient  cou- 
tume d'exercer  fur  les  terres  des  pro- 
teftans.  Le  foldat  qu'aucun  frein  n'ar- 
rête, s'abandonne  au  viol  &  au  pillage 
les  plus  effrénés.  Non  contens  de 
tourmenter  les  vivans ,  les  Impériaux 
ne  refpederent  pas  même  les  tom- 
beaux ,  &  mirent  en  pièces  le  cercueil 
du  dernier  landgrave  ,  pour  voler  des. 
pierreries  avec  lefquelles  on  l'avait 
inhumé.  Tilli  s'empara  de  Lichtenau , 

(  û  )  Ou  Onoltzbach. 


DE  Gustave-Adolfe.  i?i 

dépendance  de  la  république  de  Nu-  "^"^""^"^ 
remberg  ,  &  abandonna  ce  diftricl  à    ^^^t. 

1     r  j      r      ^  •     -^^    j  Novembre. 

Ja  rureur  de  les  troupes  ;  irrite  de  ce 
que  la  ville  avait  enibrafTé  le  parti 
de  Guftave  ,  il  méditait  contre  elle 
une  vengeance  éclatante.  Quoique  le 
duc  Guillaume  de  Saxe-Veimar  eût 
fiiit  avancer  à  Schveinfurt  &  à  Haf- 
furt  les  troupes  qu'il  avait  déjà  le- 
vées en  Thuringe ,  afin  qu'elles  fuf- 
fent  à  portée  de  fecourir  au  befoin  le 
feld-maréchal  Horn,  celui-ci  n'avait 
pas  des  forces  afîez  nombreufes  pour 
réfifter  aux  catholiques ,  &  il  refta 
fur  la  défenfive. 

Quand  les  environs  d'Anfpach  fu- 
rent ruinés ,  les  catholiques  marchè- 
rent à  Guntzenhaufen.  Là ,  le  comte 
de  Pappenheim  ,  qui  depuis  la  bataille 
de  Leipzic  vivait  en  mauvaife  intel- 
ligence avec  Tilli ,  s'en  fépara  pour  ^ 
aller  en  Veftphalie  :  il  avait  ordre  de  -s 
jcaffembler  une  armée  compofée  d'une 


132       Campagnes 

^.^^.^^  partie  des  troupes  catholiques  éparfes 
ï^^i*  dans  ce  cercle  &  dans  celui  de  Bafle- 
ovem  re.  ^^^^  ^  ^y  p^j^^  ^^^^  diverfion  ,  &  de 

contenir  le  landgrave  de  HelTe ,  Ban- 
ner  Se  les  autres  généraux  proteftans. 
Guflave  informé  des  projets  de  Pap- 
penheim ,  mande  au  duc  Guillaume 
de  Veimar  de  compléter  le  plus  tôt 
poîTible  fon  armée  &  de  marcher  au 
lecours  de  Banner.  Plufieurs  états  de 
Souabe ,  la  ville  de  Strasbourg  &  quel- 
ques autres  d'Alface ,  commençant  à 
manifefter  le  defir  d'accéder  de  nou- 
veau aux  réfolutions  de  l'afTemblée  de 
Leipzic  &  de  fournir  des  fubfides  aux 
proteftans  ,  le  commifTaire  -  général 
OfiTa  reçut  ordre  de  retourner  en  Soua- 
be avec  quelques  troupes ,  pour  em« 
pêcher  les  peuples  de  fe  déclarer  contre 
Ja  Ligue  :  il  furprit  en  paflant  Heilbrun 
fur  le  Necker  ,  &  y  lailTa  une  garnifon 
de  douze  cents  Lorrains ,  qui  mirent 
à  contribution  la  ville  &  fon  voifmage. 


DE  Gustave-Adolfe.^   13 î 
Le  fer  des  Suédois  ,  les  maladies 


&  l'indifcipline  avaient  diminué  de  i^3i» 
moitié  l'armée  du  duc  de  Lorraine.  °^'^^  '^^' 
Ce  prince  ne  pouvant  la  recruter  en 
Allemagne ,  réfolut  de  retourner  dans 
fes  états.  Une  raifon  plus  forte  encore 
l'y  engageait  :  le  roi  de  France  irrité 
de  ce  que  Charles  avait  fourni  des  fe- 
cours  à  l'empereur  ,  de  l'appui  qu'il 
donnait  aux  mécontens  du  royaume, 
&  fur-tout  au  duc  d'Orléans  ,  fit  affem- 
bler  fur  les  frontières  de  Lorraine  une 
armée  aux  ordres  des  maréchaux  de 
la  Force  &  de  Schonberg.  Le  monar- 
que s'était  rendu  à  la  fin  du  mois 
précédent  à  Château  -  Thierry  ,  d'où 
il  alla  à  Metz  jufqu'à  ce  que  fes  géné- 
raux euiïent  pris  Vick  &  Moyenvick  : 
cette  dernière  place ,  où  l'empereur 
entretenait  une  forte  garnifon,  avait 
été  fortifiée  en  fon  nom ,  mais  à  la 
foUicitation  &  aux  dépens  du  duc  de 
Lorraine.  La  ville  fituée  fur  les  fron- 


134       Campagnes 
tieres  de  Champagne ,  donnait  de  l'om- 
î<53 1.   brage  à  Louis  Xllï  :  le  cardinal  de  Ri- 
Hoyembie.  ^^i^^ije^  j^j  propopd  dc  s'en  emparer  ; 

mais  comme  il  fallait  fauver  les  appa- 
rences &  s'épargner  ime  déclaration 
de  guerre  contre  Tempereur,  il  fut 
arrêté  que  Pentreprife  fe  ferait  au  nom 
de  révêque  de  Metz  ,  qui  réclamait 
Moyenvick  comme  une  dépendance 
de  fon  bénéfice ,  &  que  Louis ,  en  qua- 
lité de  fouverain  des  Trois-Evêchés  9 
fournirait  au  prélat  des  troupes  auxi- 
liaires. Le  duc  de  Lorraine  craignit 
que  le  roi  de  France  ne  finît  par  en- 
vahir fes  états  ;  &  afin  de  lui  en  ôter 
le  prétexte  ,  il  prit  le  parti  de  ren- 
voyer vers  le  Rhin  les  débris  de  fon 
armée  :  elle  partit  de  Guntzenhaufen 
aux  ordres  du  marquis  d'Haraucourt , 
&  fuivit  la  route  de  Strasbourg  par 
la  Souabe  &  le  Virtemberg.  Charles , 
au  lieu  d'accompagner  fes  troupes  , 
alla  voir  l'éledeur  de  Bavière  ,  fon 


DE   GUST  AVE-Ad  OLFE.     îjf 

oncle ,  qui  le  reçut  à  Munich ,  où  le 
prince  de  Plialzbourg  mourut  d'une  ^^5^* 

p.  ,  Novembre. 

iievre  pourprée. 

Le  comte  de  Tilli  déterminé  à  ne 
pas  fufpendre  plus  long  -  tems  fes  pro- 
jets de  vengeance  contre  Nuremberg 
qu'il  voulait  traiter  comme  IMagde- 
bourg  ,  marche  de  Guntzenhaufen  à  -^ 
Schvabach ,  pafie  le  lendemain  la  Red-  ^^ 
nitz  ,  &  paraît  devant  Nuremberg. 
La  garnifon  confiftait  en  trois  mille 
hommes  d'infanterie  &  en  cinq  cents 
chevaux ,  levés  fous  le  nom  du  roi 
de  Suéde  &  commandés  par  le  comte 
Henri-Guillaume  de  Solms  :  ces  trou- 
pes réglées  étaient  fécondées  par  cinq 
mille  bourgeois  enrégimentés.  Dès 
que  les  habitans  de  Nuremberg  furent 
que  Tilli  menaçait  leur  ville  ,  ils  rafe- 
rent  les  maifons  de  plaifance  &  les 
jardins  qui  pouvaient  favorifer  les  ap- 
proches  de  l'ennemi ,  réparèrent  & 
augmentèrent  les  fortifications,  éta- 

liv 


136      Campagnes 

^^'^""'^  blirent  du  canon  fur   les  remparts  , 

^^  ^'  enfin  ne  négligèrent  rien  pour  fe  met- 
Novembre.  ,  .       iT     r       T     •        1,/ 

tre   en  état  de  derenie.    Loin  d  être 

intimidés  par  l'étalage  des  forces  du 
généraîliFime ,  ils  réfolurent  de  foti te- 
nir courageufement  fes  attaques  ,  & 
d'attendre  patiemment  l'arrivée  de 
Guftave.  Il  leur  avait  écrit  que ,  quand 
il  en  ferait  tems ,  en  moins  de  quinze 
heures  il  viendrait  à  leur  fecours ,  & 
qu'il  quitterait  tout  pour  les  délivrer. 
Cette  lettre  lue  publiquement  aug- 
menta l'affeclion  du  peuple  pour  le 
roi  de  Suéde  ;  &  les  bourgeois  difaient 
qu'il  fallait  fe  facrifier  avec  joie  pour 
un  monarque  fi  foigneux  du  falut  de 
fes  alliés.  Tilli  fait  occuper  Vendelf- 
tein ,  Feucht  ,  Altorf,  Herfchbruck  , 
Lauff,  Heroltzberg,  Furt  &  quelques 
autres  polies  propres  à  relferrer  Nu- 
remberg. Il  fomme  enfuite  les  magif- 
trats  de  payer  une  contribution  de 
ceat  mille  écus ,  de  livrer  les  Sué- 


deGustave-Adolfe.    157 

dois  qui  font  dans  la  place ,  de  licen- 
cier leurs  troupes,  de  renouveller  à  i^3i- 
Tempereur  le  ferment  de  fidélité  &  de 
Pobferver  fcrupuleufement  à  l'avenir  ; 
enfin ,  de  fournir  des  vivres  &  des  four- 
rages à  l'armée  catholique.  Le  comte 
de  Solms  répond  à  coups  de  canon  à 
lafommation  du  généralifiime ,  &fait 
de  fréquentes  forties  ,  dans  lefquelles 
fa  cavalerie  qui  le  féconde  avec  ardeur , 
lui  procure  prefque  toujours  l'avan- 
tage. H  partait  des  tours  de  la  place 
un  feu  continuel  &  très  -  meurtrier 
pour  les  catholiques.  Un  boulet  tra- 
verla  la  litière  du  généraliflime  ,  qui 
courut  ainfi  le  plus  grand  danger  : 
enfin  au  bout  de  plufieurs  jours  d'at- 
taque ,  il  n'était  pas  plus  avancé  que 
le  premier  ;  &  fes  efforts  ,  loin  d'abat- 
tre le  courage  des  Nurembergeois  , 
femblaient  l'augmenter.  Revenons  au 
roi  de  Suéde. 

Dès  que  Gultave  efl  maître   de 


158        Campagnes 
RufiTeUieiiTi ,  il  ordonne  de  conflruire 
15^  I.  un  pont  fur  le  Mein  entre  ce  château  & 

Novembre.  p|^j.^j^g.^^.  -j  ç^  rend  enfuite  à  Franc- 
fort pour  déterminer  cette  ville  à  lui 

Décembre,  pi^êter  ferment  de  fidélité.  Cette  de- 
mande répugnait  à  la  régence ,  qui 
promit  enfin  de  fe  conformer  aux  ré- 
folutions  de  PafTemblée  de  Leipzic.  Le 
monarque ,  pour  gagner  la  bienveillan- 
ce de  la  ville  ,  y  fit  faifir  les  revenus 
&  les  biens  des  eccléfiaftiques  &  des 
habitans  de  Mayence ,  en  repréfailles 
des  marchandifes  que  la  garnifon  de 
cette  place  retenait  à  plufieurs  négo- 
cians  de  Francfort  ;  il  envoya  en  même 
tems  un  trompette  à  don  Pliilippe  de 
Silva ,  pour  lui  déclarer  que  le  fequef- 
tre  fubfifterait  jufqu'à  ce  qu'on  rendît 
juftice  à  ces  marchands  ;  &  comme 
le  roi  fe  propodiit  de  conquérir  l'élec- 
torat  de  Mayence ,  où  la  cour  de  J\Ia- 
drid  avait]  fait  palfer  des  troupes ,  il 
fit  demander  auffi  à  Silva  ce  qu'on 


DE  GusT  ave-Ado  L  FE.  159 

devait  attendre  de  lui.  Sur  la  réponfe 
qu'il  avait  ordre  de  fecourir  Péledeur  ^^J  ^' 
contre  les  Suédois  ,  Guftave  délibéra 
s'il  déclarerait  la  guerre  à  l'Efpagne , 
ou  s'il  fe  contenterait ,  fans  en  venir 
à  une  rupture  ,  de  traiter  hoflilement 
les  troupes  de  cette  couronne  lorfqu'ii 
les  trouverait  jointes  avec  fes  enne- 
mis. On  prit  le  dernier  parti ,  dans  la 
crainte  qu'une  déclaration  de  guerre 
ne  fervît  de  prétexte  aux  armateurs 
de  Dunkerke ,  qui  appartenait  alors 
aux  Efpagnols  ,  de  pénétrer  dans  la 
mer  Baltique  afin  d'y  troubler  la  na- 
vigation &  le  commerce  des  Suédois  ; 
d'ailleurs  Guftave  qui  avait  de  fortes 
raifons  de  fe  défier  du  Danemarck  & 
de  la  Pologne ,  cherchait  plutôt  à  di- 
minuer le  nombre  de  fes  ennemis  qu'à 
l'augmenter. 

Le  roi  de  Suéde  revint  de  Franc-      a 
fort  à  Hoechft,  &  réfolut  de  pénétrer 
dans  le  Rlaingau ,  contrée  fertile  , 


140     Campagnes 

^— ^  refTerrée  entre  le  Rhin  &  des  bois.  La 
153 1.  nature  du  pays,  jointe  aux  polies 
'  qu'occupait  un  corps  d'Efpagnols ,  de 
Francs- Comtois  &  de  paylans  armés 
qui  avaient  élevé  des  forts  &  des  re- 
tranchemens  dans  les  paiïages  ,  en 
rendait  l'entrée  difficile.  Le  roi  fe  met 
à  la  tête  d'un  détachement  d'élite , 
pourvu  d'un  guide  qui  le  conduifant 
par  Trompterberg  &  Joergborn  ,  l'a- 
;  mena  fur  des  hauteurs  qui  dominent 
Valf  ou  Vallof ,  bourg  dans  lequel  trois 
cents  cinquante  Efpagnols  ou  Francs- 
Comtois  avec  quelques  payfans  s'é- 
taient retranchés.  Quoique  tournés  , 
ils  refuferent  de  fe  rendre.  Alors  Guf- 
tave  les  attaque  ,  &  après  une  réfif- 
tance  opiniâtre  ils  font  pafles  au  fil  de 
•  l'épée.  Le  roi  pardonne  aux  payfans , 
les  renvoie  chez  eux,  &  marche  à 
Rhodisheim  &  à  Ehrenfeld  fitués  en 
face  de  Bingen  ,  &  gardés  par  cent 
cinquante  hommes  qui  fe  rendent  fans 


DE   GUST  AVE-AdOLFE.     I4I 

réflftancé.   Ces  fuccès  entraînent   la 


163 1. 


foumifïion  du  Rhingau ,  où  le  roi  levé  , 

des  contributions  confidérables  ,  pour  + 
punir  les  habitans  d'avoir  pris  les  ar- 
mes :  il  exige  en  outre  qu'on  lui  four- 
nifle  les  inêmes  fubfides  qu'à  l'éledeur 
de  Mayence  &  à  la  Ligue.  Des  Ca- 
pucins viennent  fe  jeter  aux  pieds  de 
Guftave  pour  obtenir  des  fauves-gar- 
des ;  il  les  relevé  avec  bonté  ,  ne  con- 
lent  à  fe  couvrir  que  quand  ils  ont  mis 
leurs  capuchons ,  &  fait  une  aumône 
à  ces  moines.  On  attribue  les  égards 
du  monarque  pour  les  difciples  de  faint 
François ,  au  defir  de  *fe  concilier  le 
Capucin  Jofeph ,  fur  qui  le  cardinal  de 
Richelieu  fe  déchargeait  d'une  partie 
des  affaires ,  fur- tout  de  celles  d'Alle- 
magne. 

Les  Suédois  voulaient  s'affurer  de 
Friedberg  ;  mais  la  place  n'était  pas 
affez  peu  tenable  pour  que  la  garnifon 
crût  devoir  en  fortir  à  la   première 


Décembre. 


T42       Campagnes 

^^^  fommation  qu'on  lui  fit  au  nom  de 
}^^}'  Guftave  ;  c'eft   pourquoi   le  colonel 
Louis  de  Verreicken ,  gouverneur  de 
la  ville ,  répond  qu'il  ne  peut  la  ren- 
dre fans  l'agrément   de  Philippe  de 
Silva  Ton  général ,  &  demande  un  délai 
de  huit  jours  pour  recevoir  fes  ordres, 
avec  promefle  d'évacuer  la  place  à  l'ex- 
piration de  ce  terme.  Une  députation 
de  la  bourgeoifie  fe  rend  à  Mayence 
pour  repréfenter  à  Silva ,  que  s'il  ne 
retire  la  garnifon  de  Friedberg  ,  les 
habitans  font  expofés  à  une  ruine  cer- 
taine ;  mais  au  lieu  de  foufcrire  à  leur 
prière ,  il  les  envoie  en  prifon  à  Creutz- 
nach.  On  les  relâche  enfuite  ,  après 
leur  avoir  fait  promettre  d'aider  juf- 
qu'au  dernier   foupir  à    défendre   la 
place.  Cependant  Verreicken ,  malgré 
l'ordre  de  s'enfevelir  fous  fes  ruines  , 
jUge  ne  pouvoir  réfifter  aux  Suédois , 
1%     fait  fortir  furtivement  la  garnifon  qui 
va  renforcer  celle  de  Brunsfeld  5  pour 


DE  Gustave-Adolfe.  145 

lui  ,  il  refte  à  Friedberg  avec  fa  fa- 
mille. Haubald  apprend  cette  nou-  ^^^i. 
velie  ,  accourt  de  Hanau  avec  des  19 
troupes ,  occupe  la  ville  &  le  château , 
&  fait  arrêter  Verreicken  pour  avoir 
manqué  à  fes  promefles.  Gelenhaufen 
fur  la  Kintzig ,  ainfi  que  Bobenhaufen 
&  Diebourg  à  la  gauche  du  Mein , 
ouvrirent  enfuite  leurs  portes  aux 
Suédois. 

Les  deux  batteries  que  Guftave 
avait  fait  établir  à  Cafifel  pour  canon- 
lier  Mayence ,  ne  produifaient  que  peu 
d'effet  à  caufe  de  l'éloignement  &  que 
la  garnifon  de  la  place  oppofait  des 
contre -batteries.  Le  roi  imagina  de 
faire  préparer  quelques  bateaux  avec 
des  mantelets  à  l'épreuve  du  mouf- 
quet ,  pour  couvrir  les  troupes ,  & 
deftinés  à  s'abattre  lorfqu'on  aurait 
gagné  la  rive  gauche  du  Rhin  ;  mais 
eonfidérant  que  les  ennemis  ,  au  nom- 
bre de  dix  mille  Efpagnols  ou  Aile- 


144        Campagnes 

^^^^  mands  5  étaient   difperfés  le  long  du 

1631.   fleuve   pour  en  garder  le  palFage   & 

Décembre.  c>  •  1     r  •       1  -r 

pour  iecounr  au  beloin  les  garnilons 
de  May  en  ce  ,  de  Vorms  ,  de  Franken- 
dal,  de  Heidelberg  &  des  autres  pla- 
ces que  les  catholiques  occupaient 
encore  à  la  droite  &  à  la  gauche  du 
Rhin  ,  &  qu'il  avait  un  trop  petit  nom- 
bre de  bateaux  pour  faire  pafTer  à  la 
fois  allez  de  troupes  pour  réfifter  aux 
forces  que  les  catholiques  eufifent  raf- 
feniblées  fur  un  feul  point,  le  monar- 
que renonce  au  projet  de  traverfer  le 
fleuve  au-defTous  de  Mayence  ,  & 
trouve  plus  fur  de  pafler  le  Mein  & 
de  furprendre  le  pafllige  du  fleuve  au- 
deflus  de  la  place ,  qu'il  afliégera  en- 
fuite  facilement. 

Le  pont  de  Ruflelheim  était  prêt , 

4      lorfque  Guftave  apprend  que  Tilli  a 

attaqué    Nuremberg  ;    qu'après    plu- 

fieurs  jours  de  fiege ,  il  a  modéré  la 

vivacité  de  fes  attaques  ;  mais  que 

comme 


DE    GU  ST  A  VE-Ado'lF  E.    I4f 

Comme  les  troupes  catholiques  occu-  ^^^^^^^^^ 
pent  encore  leurs  poiles  aux  environs    i^5i« 
de  la  ville ,  il  eft  à  craindre  que   le   ^^^^^  ^^* 
généraliffime    ne  faffe  de    nouvelles 
tentatives  pour  s'en  rendre  maître. 
Le  roi  prend  alors  le  parti  d'aller  re- 
joindre le  maréchal  Horn  avec  toutes 
fes  forces ,  &  de  combattre ,  s'il  le 
faut,  pour  fauverla  place.  Il  raflem- 
ble  aufli  -  tôt  fon  armée  ,  laifiant  au 
landgrave  de  Hefie  le  foin  de  garder 
avec  la  fienne  la  droite  du  Mein  & 
du  Rhin ,  depuis  Hoechft  jufqu'au- 
delà  de  Bingen ,  &  d'obferver  la  gar- 
nifon  de  Mayence.  Le  monarque  mar-      $; 
che  enfuite  à  Francfort ,  précédé  d'une 
partie  de  fes  troupes ,  qui  prend  le 
chemin  de  Nuremberg.  Le  iendem.ain      i® 
il  fe  fait  prêter  ferment  de  fidélité  par 
tours  les  ordres  de  Francfort ,  &  même 
par  la  garnifon  de  la  place  ,   dont  il 
donne  le  commandement  au  colonel 
yitzhtum ,  &  détermine  le  fénat  à  ac- 
PanU  IIL  K 


14^      Campagnes 
céder  a  1  Union  de  Leipzic.  Qiielqu  un 

T  /C  "y  T 

^,     ,      félicitant  le  roi  fur  ce  qu'il  avait  à  fa 

iJecembre,  ^ 

difpofition  Nuremberg  où  les  orne- 
mens  impériaux  font  confervés  ,  & 
Francfort  où  les  empereurs  font  élus 
&  couronnés  ,  le  monarque  pénétra 
qu'on  voulait  lui  donner  des  vues  fur 
la  dignité  impériale  ;  &  afin  fans  doute 
de  cacher  fes  deffeins  ,  il  répondit  , 
que  fon  ambition  était  fatisfaite ,  d'a- 
voir fou  mis  en  deux  campagnes  la 
partie  de  l'Allemagne  qui  s'étend  de- 
puis la  mer  Baltique  jufqu'au-delà  du 
Mein. 

Un  Courier  apporte  au  roi  de  Suéde 
la  nouvelle  que  le  comte  de  Tilli  a 
entièrement  levé  le  fiege  de  Nurem- 
berg. Tranquille  fur  le  fort  de  cette 
ville  ,  le  monarque  rappelle  les  trou- 
pes auxquelles  il  a  fait  prendre  les 
devants ,  &  revient  au  projet  de  pafler 
le  Rhin  au-defius  de  Mayence.  Son 
armée  traverfe  le  Mein  fur  le  pont  de 


DE  Gustave-Adolfe.  147 

Francfort  ,  il  publie  qu'il  va  attaquer 
Heidelberg ,  &  s'avance  à  Langen  dans  ^^5  !• 
le  landgraviat  de  Darmftat.  Le  lende-  n'  ^' 
main  il  prend  fur  fa  droite  &  marche  ^^ 
à  Crumftat  à  peu  de  diftance  du  Rhin. 
Le  jour  fuivant  il  s'empare  de  Stock-  »? 
ftat  &  s'approche  enfuite  de  Gernf- 
heim  défendu  par  deux  cents  hommes 
qui  font  obligés  de  capituler  ,  iSc  dont 
la  plus  grande  partie  s'enrôle  parmi  les 
Suédois.  Sur  la  nouvelle  qu'ils  s'avan- 
cent dans  la  Bergftras,  les  garnifons 
de  Zvingenberg ,  de  Bensheim  ,  de 
Heppenheim  ,  du  château  de  Starken- 
bourg ,  de  Veinheim  &  de  Ladenbourg 
s'enfuient  précipitamment  ;  de  ma- 
nière que  le  roi  pouvait  aller  jufqu'à 
Heidelberg  fans  coup  férir.  La  ville  de 
Stein  fituée  près  de  la  droite  du  Rhin  , 
&  plus  forte  que  celle  dont  on  vient 
de  parler ,  eft  également  abandonnée 
par  fa  garnifon ,  qui  gagne  la  rive  gau- 
che du  fleuve  dans  des  bateaux ,  après 

Kij 


148       Campagnes 
m^,'i.«>»^  avoir  mis  le  feu  avec  une  mèche  au 
1(55 1.  magafm  à  poudre ,  dont  Pexplofion  fit 

Décembre,  p     ,  .  •       i  t 

lauter  une  partie  des  mailons. 

H  Guftave  voulait  pafiTer  le  Rhin  ;  mais 

il  manquait  de  bateaux  &  allait  renon- 
cer à  fon  deflcin ,  lorfqu'un  pêcheur 
de  Gernsheim ,  nommé  Jean  Varter , 
l'informe  qu'il  y  a  au  bord  du  fleuve 
une  grande  barque  coulée  à  fond  , 
qu'on  pourra  peut-être  retirer.  Le  rOi 
promet  une  récompenfe  à  ce  pêcheur 
s'il  réuflit ,  &  le  fait  aider  par  des  fol- 

^^  dats.  On  parvient  enfin  à  retirer  le 
bateau  ,  qu'on  travaille  auffi-tôt  à  ra- 

j6  douber.  Cependant  on  amené  au  roi 
une  petite  nacelle;  il  s'y  embarque 
lui  quatrième  Se  palfe  le  Rhin  pour  en 
reconnaître  la  rive  gauche.  Cette  ten- 
tative faillit  à  lui  être  funefte  :  à  peine 
eft-il  parvenu  à  l'autre  bord  du  fleuve , 
qu'un  parti  ennemi  paraît  ;  Guftave 
n'a  que  le  tems  de  regagner  la  nacelle  ; 
mais  avant  de  s'éloigner ,  il  elTuie  à 


DE  Gustave-Adolfe.'   149 
découvert  pliifieurs  décharges  qui  heu-  ^E?^5? 
reufement  n'atteignent  perfonne.  165 1« 

Il  y  avait  ,  tant  dans  Oppenheim  ^^^"^  ^*' 
ville  bâtie  fur  une  hauteur  &  envi- 
ronnée d'un  mur  garni  de  tours ,  que 
dans  le  château  &  dans  un  fort  élevé 
à  peu  de  diftance  de  la  place ,  feize 
cents  hommes  qui  pouvaient  rendre 
difficile  le  palTage  du  Rhin.  Guftave 
avait  traverfé  le  fleuve  à  un  coude 
qu'il  forme  entre  Geinsheim  &  Lehen- 
heim ,  &  reconnu  qu'à  cet  endroit  la 
rive  gauche  était  couverte  d'un  bois 
propre  à  mafquer  le  débarquement  des 
troupes ,  qui  pourraient  d'ailleurs  s'en- 
vironner d'un  abattis  dès  qu'elles  au- 
raient abordé.  Le  bateau  de  Varter 
était  raccommodé  ;  mais  comme  rien 
n'empêchait  les  Efpagnols  de  fe  raf- 
fembler  allez  en  force  pour  détruire 
les  Suédois  qui  arriveraient  fucceffi- 
vement  à  la  gauche  du  Rhin  ,  Guf- 
tave réfolut  de  profiter  de  l'obfcurité 

K  iij 


îfo  Campagnes 
de  la  nuit  pour  cacher  le  pafTage  à 
163 1.  l'ennemi  ;  il  ordonna  même  d'établir 
à  la  droite  du  fleuve  une  batterie  pour 
canon ner  Oppenheim  ,  inquiéter  la 
garnifon  &  la  retenir  dans  la  place. 
ï7  Avant  le  jour  le  roi  fliit  embarquer  au 
même  endroit  où  on  voit  encore  au- 
jourd'hui une  colonne  élevée  en  mé- 
moire de  cette  glorieufe  entreprife , 
trois  cents  hommes  du  régiment  des 
Gardes  ,  commandés  par  le  comte  Ni- 
colas Brahe  de  Viflnsbourg  ,  colonel  de 
ce  corps.  Cet  officier  trouve  la  rive 
gauche  du  Rhin  fi  efcarpée  qu'il  fiiut 
l'applanir  pour  débarquer  :  il  renvoie 
auffi-tôt  le  bateau  ;  mais  le  travail  avait 
confumé  du  tems  ;  au  point  du  jour 
les  Suédois  n'étaient  encore  couverts 
que  par  quelques  arbres  renverfés  :  ils  ' 
font  attaqués  par  environ  neuf  cents  ' 
dragons  ou  cavaliers.  Les  munitions 
des  Suédois  épuifées  ,  ils  repouflent 
à  coups  de  piques  l'ennemi,  qui  ne 


DE  Gustave-Adolfe.    Ifl 

pouvant  apprécier  leur  nombre  a  caule 

du  bois,  n'ofe  hafarderd'y  pénétrer:   ^^5i» 

•  1    /      .  ,  ^  .     1  I       Décembre, 

û  était  cependant  a  craindre  que  les 
foldats  de  Guftave  ne  fnflent  accablés  , 
lorfqu'ils  reçurent  un  renfort  de  tri3is 
cents  hommes  ,  fuivis  de  quatre  cents 
autres  montés  fur  un  grand  bateau 
amené  par  des  pêcheurs.  Ces  fecours 
obligent  l'ennemi  de  fe  retirer  avec 
perte. 

Le  roi  traverfe  lui-même  le  Rhin  , 
ordonne  à  fes  troupes  d'environner 
leur  pofte  d'un  vafte  abattis  circulaire  , 
&  revient  à  la  droite  du  fleuve.  Le 
refte  du  jour  eft  employé  à  pafler  de 
l'infanterie  &  quelques  petites  pièces 
de  canon.  Les  tranfports  furent  longs  y 
parce  que  les  Suédois  n'avaient  que 
les  deux  bateaux  dont  on  a  parlé ,  & 
Ton  ne  put  envoyer  qu'environ  huit 
mille  hommes  au-delà  du  fleuve.  Guf-  is 
tave  le  pafie  le  lendemain  avec  le  refte 
de  fon  infanterie  &  quelques  efcadrons, 

K  iv 


If  2      Campagnes 

joint  ces  troupes  à  celles  qui  font  pof- 
^^^ï"  tées  à  la  rive  gauche  depuis  la  veille  , 

Décembre.  _  i      p     .  n      -     ^ 

&  va  attaquer  le  tort  conltruit  a  peu 
de  diftance  d'Oppenheim. .  La  garni- 
fon  de  la  ville  tente  imprudemment , 
pour  le  dégager ,  une  ibrtie  dans  la- 
quelle elle  efl  repouITée  avec  perte 
d'environ  fix  cents  hommes  tués  ou 
prifonniers.  Le  fort  déformais  fans  ef. 
pérance  de  fecours  ,  capitule  le  foir. 
On  y  trouva  plufieurs  pièces  de  ca- 
non ,  d'autant  plus  utiles  aux  Suédois  , 
qu'ils  n'avaient  que  de  l'artillerie  de 
campagne. 
î9  Le  roi  fe  difpofait  à  attaquer  Op- 

penheim ,  lorfqu'on  apperçut  au-delTus 
de  cette  ville  des  tourbillons  de  flam- 
mes &  de  fumée  ,  qui  firent  juger  que 
les  Efpagnols  l'avaient  abandonnée, 
après  y  avoir  mis  le  feu.  L'échec  reçu 
Ja  veille  avait  perfuadé  au  comman- 
dant, qu'il  ne  lui  reliait  pas  affez  de 
troupes  pour  foutenir  un  fiege,  &  il 


d'e   Gu  ST  a  VE-AdOLFE.     If3 

fe  retira  à  Mayence.  Guflave  entre 
fans  oppofition  dans  Oppenheini  &  i<^3i. 
fait  éteindre  l'incendie  qui  confuma  ^^"'^^"^^^^' 
trente  maifons.  La  garnifon  reftée 
dans  le  château  réfifta  d'abord  coura- 
geufement  5  mais  les  efforts  des  affié- 
geans  lui  prouvant  qu'une  défenfe  opi- 
niâtre ne  fervira  qu'à  fa  deffcrudion , 
elle  tente'  de  s'évader.  Les  Suédois 
l'atteignent  ,  fabrent  environ  trente 
hommes  &  obligent  le  furplus  à  met- 
tre bas  les  armes  ;  ils  avaient  fait  de- 
puis le  paflage  du  Rliin  environ  fix 
cents  prifonniers  qui  fervirent  à  les 
recruter.  Tout  pliait  devant  Guftave , 
&  il  femblait  que  pour  conquérir  l'Alle- 
magne ,  il  ne  lui  fallût  que  le  tems  de 
la  parcourir.  On  trouva  dans  Oppen- 
heim  beaucoup  de  fubfiilances ,  de 
munitions,  &  près  de  cent  bateaux 
avec  tous  les  agrêts  néceffaires  à  un 
pont ,  que  le  roi  ordonna  de  conf- 
truire  fans  délai  entre  Oppenheini  & 


îf4        Campagnes 
Mayence.  La  conquête  de  la  première 
i53i-  de  ces  places  facilitait  le  fiege  de  la 

■Décembre,  p  i 

ieconde. 
2»  Dès  que  le  relie  des  troupes  &  de 
l'artillerie  du  roi  de  Suéde  fut  au-delà 
du  Rhin  ,  il  inveftit  Mayence  que  le 
landgrave  de  HefiTe-Cairel  refTerra  à 
la  droite  du  fleuve ,  d*oii  il  fit  canon- 
ner  la  ville  à  charges  forcées  à  caufe 
de  réloignement.  Si  ce  feu  ne  pro- 
duilit  pas  grand  eflfet ,  il  inquiéta  du 
moins  la  garnifon.  Les  Suédois  atta- 
quent d'abord  un  fort  avancé  ;  repouf- 
fés  avec  perte  de  fix  capitaines  &  d'un 
grand  nombre  de  foldats  ,  ils  s'opiniâ- 
trent ,  fe  rendent  maîtres  du  fort ,  & 
commencent  leurs  approches  qu'ils 
pouflent  en  peu  de  tems  jufqu'au  bord 
du  foffé ,  à  la  faveur  d'un  grand  feu 
d'artillerie.  Les  Efpagnols  fe  défen- 
dent avec  courage  ;  mais  les  aflaillans 
parviennent  à  une  porte ,  y  attachent 
le  pétard  &  fe  préparent  à  donner 


DE  Gustave-Ado  L  FE.  iff 

Taflaut.  Alors  Don  Philippe  de  Silva 
oubliant  la  promefFe  d'être  l'écueil  du  J^.]' 

loi  Décembre. 

roi  de  Suéde ,  juge  la  place  trop  mau- 
vaife ,  &  fa  garnifon  trop  faible  pour 
réfifter  à  la  fortune  du  monarque ,  & 
propofe  de  capituler.  Il  fait  d'abord 
des  demandes  exorbitantes  :  Guffcave 
lui  accorde  feulement  de  fortir  avec 
armes  &  bagages  ,  que  les  officiers 
feront  libres ,  que  la  garnifon  fe  reti- 
rera dans  le  Luxembourg ,  &  qu'elle 
ne  fervira  plus  contre  les  Suédois.  Silva  a?  ] 
évacue  la  place  le  quatrième  jour  du 
fiege  à  la  tête  d'environ  deux  mille 
quatre  cents  hommes  ,  dont  la  plus 
grande  partie  entra  au  fervice  du  roi  : 
il  avait  pour  maxime  de  traiter  l'en- 
nemi avec  douceur  ,  &  il  en  retirait 
l'avantage  ineftimable  pour  un  con- 
quérant qui  a  journellement  befoin  de 
fe  recruter ,  que  les  vaincus  gagnés  par 
fa  bienfaifance  ,  faifaient  volontaire- 
ment ce  que  la  violence  n'aurait  jamais 


if^  Campagnes 
S5sa  obtenu  d'eux.  Le  colonel  Axel  -  Lill , 
I,,^'  qui  eut  un  pied  écrafé  par  une  pierre  > 
*  fut  le  feul  officier  de  marque  blelTé  au 
fiege  de  Mayence.  Guffcave  trouva  dans 
la  place  quatre -vingt  pièces  de  canon 
avec  beaucoup  de  munitions  de  guerre 
Se  de  bouche  :  il  accorda  aux  catho- 
liques la  liberté  de  confcience;  mais 
il  exigea  du  chapitre  &  des  eccléfiafli- 
ques  une  contribution  de  quatre-vingt 
mille  écus ,  autant  des  habitans ,  & 
quarante  mille  des  juifs.  Le  monarque 
s'appropria  la  bibliothèque  de  l'élec- 
teur &  la  donna  dans  la  fuite  au  chan- 
celier  Oxenffcierna ,  qui  la  deftinait  au 
collège  de  Vefterahs  :  le  vaififeau  qui 
la  portait  fit  naufrage  en  traverfant  la 
mer  Baltique.  Le  roi  ordonna  de  réta- 
blir le  pont  de  Mayence ,  &  de  com- 
mencer au  confluent  du  Rhin  &  du 
Mein ,  à  la  gauche  de  cette  rivière , 
une  forterefle  à  fept  baflions ,  qui  fut 
appellée  Gufl:afsbourg  ;  il  n'en  fubime 


DE   GUST  A  VE-AdOLFE.     If7 

plus  que  des  vertiges.  Cette  ville  def- 

tinée  à  être  la  clé  du  Rhin  &  du  Mein ,    ^^^  ^' , 

i>  1  .  r     o  Décembre: 

outre  1  avantage  de  tenir  en  relpect 
une  grande  étendue  de  pays  &  d'aflu- 
rer  les  conquêtes  du  roi,  pouvait  lui 
en  faciliter  d'autres  plus  éloignées  , 
qu'on  foupçonne  qu'il  méditait. 

Le  paflage  de  Guftave  à  la  gauche 
du  Rhin  intimida  la  garnifori  de  Vorms 
au  point  qu'elle  réfolut  d'en  fortir 
avant  qu'on  vînt  l'attaquer.  Ofleland , 
colonel  Lorrain  &  commandant  de  la 
place ,  exigea  des  habitans  une  contri- 
bution de  trois  mille  écus  ,  fe  fit  re- 
mettre toute  la  vaifielle  d'argent  qu'on 
put  trouver ,  &  emmena  en  outre  des 
otages,  leur  déclarant  qu'ils  refieraient 
entre  fes  mains  jufqu'à  ce  qu'on  lui  eût 
payé  encore  dix  mille  écus.  Non  con- 
tens  d'avoir  pillé  la  ville  pendant  leur 
féjour ,  les  Lorrains  parurent  vouloir 
la  ruiner  en  la  quittant  :  ils  jetèrent 
dans  un  puits  cinquante  quintaux  de 


îf8  Campagnes 
i3oudre  qu'ils  ne  pouvaient  emmener  ^ 
i<55i.  ^  y  mirent  le  feu  à  l'inftant  de  leur 
départ  pour  Frankendal.  L'explofion 
fit  écrouler  plufieurs  maifons ,  dont 
les  dlbris  écraferent  un  grand  nom- 
bre de  bourgeois.  Guftave  envoya  des 
troupes  à  Vorms ,  avec  ordre  de  pour- 
voir à  la  fureté  de  la  place  ,  mais  de 
s'abftenir  de  toute  vexation  &  de  n'exi- 
ger des  habitans  que  le  fimple  nécef- 
faire. 

Spire,  alors  fiege  de   la  chambre 

impériale,  fe  foumit  volontairement, 

leva  trois  compagnies  pour  le  fervice 

de  Guftave  ,  &  en  reçut  pour  garni- 

fpn  le  même  nombre  aux  ordres  du 

colonel  Horneck.  Peu  de  jours  après 

fon  entrée  dans  Spire  ,   deux  cents 

hommes  de  la  garnifon   d'Udenheim 

M      ou  Philisbourg  (  qui  n'était  alors  qu'un 

fort  )  ,  paflerent  le  Rhin  en  bateaux  & 

s'embufquerent  près  de  la  place  pour 

détroufler  quiconque  en  fortirait  fans 


DE  Gustave-Adolfe.  15-9 

efcorte.  Horneck  charge  inopinément 

les  catholiques  &  les  met  en  fuite,  ^^^i- 

^  .  I  .1      Décembre» 

Ceux  qui  regagnent  les  premiers  les 
bateaux,  n'ofent  attendre  leurs  com- 
pagnons 5  &  s'éloignent  précipitam- 
ment ,  ce  qui  augmente  le  nombre  des 
morts  &  des  prifonniers. 

Le  colonel  Relingen  ,  qui  avait  dé- 
terminé Strasbourg  à  embrafler  le  parti 
du  roi  de  Suéde ,  raiïèmble  trois  cents 
hommes  d'infanterie  &  deux  cents  de 
cavalerie  ,  levés  dans  la  ville  même 
ou  aux  environs ,  fe  met  en  marche 
pour  joindre  l'armée  Suédoife ,  &  obli- 
ge les  garnifons  catholiques  de  Hague- 
nau ,  de  Cron-Veiflenbourg ,  de  Ger- 
mersheim  ,  de  Landau  &  de  Neuftat 
d'abandonner  ces  places.  Soit  que  Guf- 
tave  agît  en  perfonne  ou  par  fes  lieu  te- 
nans ,  il  paraifîait  moins  le  conquérant 
de  l'Allemagne ,  qu'un  fouverain  qui 
reçoit  ou  envoie  recevoir  l'hommage 
de  fes  fujets  ;  d'ailleurs,  comme  la 


t6ù  Campagnes 
?ÊS^^  difcipline  des  Suédois  contraftait  avec 
1631*  celle  des  catholiques  ,  elle  gagnait 
aux  premiers  Taffeclion  des  peuples , 
même  de  ceux  à  qui  leurs  prêtres 
avaient  fait  un  devoir  de  religion  de 
haïr  les  hérétiques  ;  ils  fe  félicitaient 
de  vivre  fous  la  domination  de  GuC- 
tave ,  qui  n'entraînait  de  changemens 
ni  dans  le  gouvernement ,  ni  dans  la 
police  ,  ni  dans  la  religion.  Les  ecclé- 
liaftiques  jouiflaient  paifiblement  de 
leurs  revenus  &  avouaient ,  fur  -  tout 
ceux  de  IMayence  ,  que  les  Suédois 
avaient  pour  eux  de  meilleurs  procé- 
dés que  les  Impériaux  &  les  Efpa- 
gnols. 

Après  la  reddition  de  Mayence ,  les 
Suédois  occupèrent  Bingen  au  con- 
fluent de  la  Nahe  &  du  Rhin.  Comme 
.  :  les  catholiques  avaient  dans  Franken- 
dal  &  dans  Creutznach  des  garnifons 
qui  fatiguaient  les  environs  par  des 
courfes  fréquentes ,  il  réfolut  pour  les 

réprimer , 


DE    GUST  A  VE-AdOLFE.    I6l 

réprimer  ,  d'ordonner  au  duc  Bernard  "^^'"^"*^^^ 
de  Veimar  ,  nommé  gouverneur  de    i^5i- 
Vorms  ,  de  faire  avancer  des  troupes    ^^^"^  ^^' 
pour  refTerrer  la  première  de  ces  villes , 
tandis  qu'un  autre  détachement  com- 
mandé par  le  RhingrafF  obferverait  la 
féconde.  La  rigueur  du  froid  ne  per- 
mettant pas  d'entreprendre  des  lièges , 
les  généraux  de  Guftave  s'en  tinrent 
à  furprendre  de  petites  places ,  ou  à 
des  blocus  ;  &  les  troupes  qu'on  n'y 
employa  pas ,  furent  diftribuées  dans 
des  quartiers  aux  environs  de  Mayence. 
Le  roi  de  Suéde  pourvut  au  gou- 
vernement de  cette  ville  ,  confifqua 
les  biens  des  habitans  qui ,  ayant  aban- 
donné leurs  maifons ,  n'y  étaient  pas 
revenus  après  diverfes   fommations, 
donna  au  comte  de  Hanau  le  bailliage 
de  Steinheim  ,  en   reconnaiffance  de 
l'affedion  qu'il  lui  avait  toujours  té- 
moignée ,  &  fe  rendit  enfuite  à  Franc- 
fort, où  le  fénat  lui  préfenta  une  re- 
PartU  IIL  L 


162      Campagnes 

quête  fur  le  tort  que  la  guerre  faifait 

T  ^2  T 

^,     ,  '  au  commerce  de  la  ville  ;  priant  le  mo-» 

Décembre.  ^ 

narque  de  donner  les  foins  à  ce  que 
les  marchands ,  de  quelque  religion 
qu'ils  fuffent  ,  puflent  y  arriver  fans 
empêchement  avec  leurs  marchandi- 
fes.  Guftave  trouve  juftes  ces  deman- 
29  des ,  &  rend  une  déclaration  confirma- 
tive  de  fon  traité  avec  la  ville  ,  par 
laquelle  il  enjoint  à  tous  ceux  qui  re- 
connaifiTent  fon  autorité ,  *'  de  favorifer 
„  les  négocians ,  de  quelque  religion 
„  qu'ils  foient ,  qui  viendront  à  Franc- 
„  fort;  menaçant  de  mort  quiconque 
„  ofera  les  troubler ,  faifir  leurs  mar- 
,5  chandifes  ,  ou  commettre  à  leur 
„  égard  la  moindre  vexation.  »  Quoi- 
que ce  règlement  fut  auffi  avantageux 
aux  proteftans  qu'aux  catholiques,  plu- 
fieurs  de  ceux  -  ci ,  toujours  aveuglés 
par  la  haine  &  l'efprit  de  parti ,  défen- 
dirent à  leurs  fujets  fous  des  peines 
rigoureufes ,  de  commercer  avec  Frîlnc- 


DE   GuSTAVE-AdOL  FE.    16^5 

fort  ;  d'autres  ,  plus  éclairés ,  firent  à  """^'^^-^ 
cet  égard  de  fortes  remontrances  qui    ^<^5i- 

,  PP  Décembre» 

n  eurent  aucun  ettet. 

Pendant  le  féjour  de  Guflave  à 
Francfort  ,  il  courut  le  plus  grand 
danger  :  peu  foupçonneux ,  il  permet- 
tait à  tout  le  monde  d'entrer  dans  fon 
appartement.  La  phylionomie  fmiftre 
d'un  inconnu  qui  s'y  était  introduit , 
détermina  les  gardes  à  l'arrêter  :  c'était 
un  moine  déguifé ,  né  à  Anvers  ;  il 
avait  dans  fa  poche  un  poignard  qui 
lui  fit  foupçonner  le  projet  de  tuer  le 
roi ,  qui  défendit  de  le  maltraiter  ;  mais 
on  le  mit  en  prifon.  On  publia  en 
même  tems  que  fix  Jéfuites  avaient 
confpiré  contre  la  vie  de  Guftave ,  & 
qu'on  pariait  publiquement  dans  plu- 
fieurs  villes  dévouées  à  la  Ligue  Catho- 
lique ,  qu'il  ne  pafîërait  pas  l'année. 
Ces  bruits  engagèrent  les  généraux 
du  monarque  à  le  fupplier  de  fe  tenir 
fur  fes  gardes.  Perfuadé  que  les  hom- 

Lij 


1^4       Campagnes 
mes  ne  peuvent  échapper  à  leur  defti- 
1631'  née,  il  répondit,  «  qu'un  roi  ne  doit 

Décembre.  a,  -•         n  .  r         < 

„  pas  être  contmueJlement  renferme 
„  &  livré  à  des  inquiétudes  ,  mille  fois 
,5  plus  fâcheufes  que  la  mort  ;  que  les 
„  defleins  des  médians  ne  réuffifTent 
„  pas  toujours ,  &  que  quand  même 
„  on  l'affiilTinerait ,  la  maifon  d'Autri- 
„  che  y  gagnerait  peu  ,  puifqu'elle  s'é- 
53  tait  attiré  trop  d'ennemis  pour  qu'il 
5,  ne  s'en  trouvât  pas  un  autre  auflî 
53  capable  que  lui  de  la  punir  de  fes 
,5  injuftices  &  de  réprimer  fon  ambi- 
„  tion.  »  Guftave  retourne  bientôt  à 
Mayence,  où  fa  préfence  était  nécef- 
faire.  Mais  avant  de  détailler  les  né- 
gociations  qui  l'occupèrent,  on  rap- 
portera les  opérations  de  fes  géné- 
raux ,  de  fes  alliés  &  de  leurs  adver- 
faires ,  dans  les  différentes  parties  de 
l'Allemagne. 

L'évêque  de  Bremen  témoignait  le 
plus  grand  zèle  pour  les  proteftans» 


DE  Gustave-Adolfe.  I^f 
Parvenu  à  rafiembler  trois  mille  hom-  ^^^!!? 
mes  d'infanterie  &  mille  de  cavalerie ,  t^n- 
il  faifait  tous  fes  efforts  pour  chalFer  de  ^''^^^  ^^' 
fes  états  les  catholiques  :  il  avait  rem- 
porté  fur  eux  quelques  avantages ,  qui 
lui  permirent  de  fe  rendre  maître  de  - 
Verden  ainfi  que  de  plufieurs  autres 
villes ,  &  de  contenir  le  colonel  Reina- 
cher  dans  Staden.  Le  comte  de  Gronf- 
feld  qui  était  en  Veftphalie  vint  borner 
les  fuccès  du  prélat  :  fécondé  par  Rei- 
nacher ,  il  reprit  Verden  avec  quelques 
autres  places.  L'évêque  moins  prudent 
que  courageux,  accourt  à  la  défenfe 
du  pays  :  Gronsfeld  bat  fa  cavalerie  & 
l'oblige  de  s'enfuir  à  Bremen.  Le  géné- 
ral Tott ,  dont  l'armée  venait  d'être 
renforcée  par  environ  trois  mille  Ecof- 
fais  débarqués  à  Vernemunde  près  de 
Roftock,  faifit  la  circonffcance  de  la 
fufpenfion  d'armes  conclue  avec  le 
commandant  de  Vifmar ,  marche  avec 
une  partie  de  fes  troupes  à  Altona  près 

L  iij 


J66      Campagnes 

de  Hambourg ,  dans  Tintention  de  fe- 
^,  ^^'   courir  le  prélat;  mais  les  catholiques 

Décembre.  ,  ,  /        .•        j         .•        ^ 

ayant  eu  la  précaution  de  retirer  tous 
les  bateaux  à  la  rive  gauche  de  l'Elbe , 
le  général  Suédois  ne  peut  le  traverfer. 
Le  colonel  Lohaufen  avait  prefTé 
vigoureufement  le  fiege  de  Dômitz. 
Straube  fe  défend  avec  courage ,  quoi- 
qu'il ne  puilTe  être  fecouru  ;  &  quand 
la  garnifon  eft  réduite  à  l'extrémité , 
il  demande  à  capituler.  On  convient 
après  beaucoup  de  conteftations ,  que 
les  munitions  de  guerre  &  de  bouche 
feront  livrées  fidèlement  aux  Suédois  ; 
que  la  garnifon  fortira  avec  fes  équi- 
pages ,  les  honneurs  de  la  guerre ,  & 
fera  conduite  jufqu'à  Minden  fur  le  Ve- 
fer;  qu'on  fournira  des  chariots  pour 
le  tranfport  des  malades  ;  que  les  ec- 
cléfiaftiques  qui  ne  voudront  pas  reffcer 
dans  la  place  emporteront  leurs  effets 
&  les  ornemens  d'églife  ;  enfin  que 
les  prifonniers  faits  pendant  le  fiege 


DE  Gustave -A  DOLFE.   167 

feront  mis  en  liberté  fans  rançon.  Au 
moment  que  la  garnifon  défile,  plus  i^^^* 

,  ,  ,      ,  ,  r/  Décembre 

de  quatre  cents  hommes  s  en  lepa-  29 
rent  pour  offrir  leurs  fervices  à  Lo- 
haufen  ,  qui  les  diftribue  dans  fes  trou* 
pes  &  rejoint  enfuite  le  général  Tott. 
Au  lieu  d'aller  à  Minden,  Straubeprit 
le  chemin  de  Volfembutel ,  où  il  vou^ 
lait  fe  jeter  avec  le  refte  de  fa  garni- 
fon. Banner  informé  que  les  catholi- 
ques violent  la  capitulation ,  envoie  à 
leur  fuite  un  détachement  qui  les  fur^ 
prend  à  Vickenfec ,  village  du  duché 
de  Brunfvick ,  &  les  taille  en  pièces. 

Banner  avait  entrepris  le  liège  de 
Magdebourg ,  où  le  comte  de  ManC 
feld  était  enfermé  avec  plus  de  deux 
mille  fantaffins  tous  vieux  foldats. 
Quoiqu'il  fît  de  fréquentes  forties  , 
que  Banner  n'eût  pas  affez  de  troupes 
pour  inveftir  entièrement  la  ville  ,  que 
le  colonel  Benningshaufèn  avec  fa  ca- 
valerie renforcée  de  ce  qu'il  avait  pu 

L  iv 


168      Campagnes 
^'""""^  tirer  des  places  occupées  par  les  catho- 
^^^'  liques ,  ne  cefsât  de  harceler  les  Sué- 
*  dois ,  &  qu'il  eût  même  remporté  quel- 
qu'avantage  dans   un  combat  contre 
leur  cavalerie ,  l'intrépide  Banner  pref- 
fait  le  fiege  avec  ardeur  ;  l'importance 
de  la  conquête  de  Magdebourg  l'ex- 
citait à  y  donner  toute  fon  application  ; 
fon  adlivité  doublait  fes  moyens  ;  cinq 
batteries  foudroyaient  la  place  fans  re- 
lâche ,  &  la  garnifon  fatiguée  par  des 
attaques   continuelles   commençait  à 
manquer  de  munitions  &  de  fubfiftan- 
ces.  Le  comte   de  Mansfeld  propofe 
au  général  Suédois  d'évacuer  I\lagde- 
bourg  ;  mais  comme  il  exige   qu'on 
lui  permette  de  fe  retirer  en   Siléfie 
par  le  chemin  le  plus  court ,  &  que 
cette  prétention  le  met  dans  la  nécef- 
fité  de  traverfer  la  Saxe  ,  Banner  eft 
obligé  d'écrire  à  l'élecleur  pour   lui 
demander   un  paiTeport.    Ce    prince 
étant  alors  en  Bohême  ,  on  ne  pou- 


DE   GU  ST  A  VE-AdOLFE.     I69 

vait  recevoir  promptement  fa  réponfe. 
Banner  avait  détaché  le  colonel  Bouck  ï^3  i« 
avec  douze  cents  hommes  ,  pour  atta- ^^^^"^^'^^' 
quer  la  ville  de  Mansfeld  qui  renfer- 
mait des  amas  de  vivres  &  de  muni- 
tions. La  garnifon  ne  confiftait  qu'en 
cent  dix  hommes  que  la  bonté  de  la 
place  engagea  à  fe  défendre  opiniâtre- 
ment. Bouck  obligé  d'entreprendre  le 
fiege  dans  les  formes  ,  fait  ouvrir  la 
tranchée ,  comble  une  partie  du  fofle , 
&  réduit  les  affiégés  à  capituler  ;  mais 
ils  ne  voulurent  traiter  qu'avec  Ban- 
ner, qui  fe  rendit  devant  j[\ïansfeld. 
Il  convint  avec  le  commandant  de  la 
place  ,  que  la  garnifon  fortirait  avec 
armes  &  bagages  ;  que  les  officiers  & 
les  foldats  feraient  libres  de  s'enrôler 
dans  les  troupes  Suédoifes  ,  &  que 
ceux  qui  ne  prendraient  pas  ce  parti, 
ne  pourraient  fervir  contre  le  roi  de 
Suéde  &  fes  alliés,  les  catholiques 
pendant  fix^  mois ,  &  les  proteftans 


170        Campagnes 

toute  leur  vie  ;  enfin  que  l'artillerie  y 

15^1.  les  munitions  &  les  fubfiftances  fe- 

ccem  re.  j.^jej^|.  exadement  livrées.  Cet  accord 

24     figné ,  les  catholiques  évacuent  Manf- 

feld  ;  Banner  met  garnifon  dans  la 

place  ,  &  ramené  le  corps  de  Bouck 

devant  Magdebourg. 

Tandis  que  les  Suédois  ne  négli- 
geaient rien  pour  fe  rendre  maîtres 
des  deux  bords  de  l'Elbe ,  les  Saxons 
étendaient  leurs  conquêtes  en  Bohê- 
me :  ils  occupèrent  Schlakenvert  , 
Elnbogen  &  Falkenau ,  &  firent  pren- 
dre la  route  d'Egra  où  ils  avaient  des 
intelligences ,  à  un  détachement  com- 
mandé par  Thiefel  qui  s'avance  à  la 
tête  de  fept  cents  hommes  fur  une 
5  5  hauteur  près  de  la  ville.  Les  magis- 
trats font  fermer  les  portes ,  ordonnent 
aux  bourgeois  de  prendre  les  armes , 
&  feignent  de  fe  difpofer  à  une  vigou- 
reufe  réfiftance.  A  un  fignal  convenu , 
les  Saxons  approchent  &  demandent 


DE   GUST  AVE-Ad  0  L  FE.    l'y! 

à  entrer.  Le  commandant  de  la  garde, 
dévoué  à  l'empereur  ,  refufe  de  les  J,  V 
recevoir  ;  mais  les  bourgeois  accourent 
en  foule ,  rompent  la  porte  à  coups 
de  hache,  &  introduifent  dans  la  ville 
la  troupe  de  Thiefel ,  qui  s'empare  de 
Tarfenal  &  occupe  les  rues.  Quelques 
foldats  tentent  de  forcer  un  couvent 
de  nonnes;  mais  le  commandant  ac- 
court &  le  défordre  cefle.  Le  lende-  '* 
main  les  habitans  prêtent  ferment  de 
fidélité  à  l'éledeur  de  Saxe.  Perfonne 
n'eut  à  fe  plaindre  de  fes  foldats ,  à 
l'exception  des  partifans  de  la  maifon 
d'Autriche  &  des  juifs  ,  qu'on  laifia 
piller.  Le  colonel  Carlovitz  refta  dans 
Egra  avec  fix  cents  hommes  ,  pour 
garder  la  place  &  obferver  quelques 
troupes  impériales  qui  occupaient 
Plan  5  Tachau  &  Haidt.  La  foumif- 
fion  d'Egra  ouvrit  aux  Saxons  le  che- 
min du  palatinat  de  Bavière  :  ils  s'em- 
parèrent   de   Tirfchenreit  ,    défirent 


Î72     Campagnes 
^^"""^  quatre   cents   hommes  du    régiment 
163 1.   impérial  de  Mérode  ,  pénétrèrent  juC- 

Décembre.        ,v    xr  •  1  01  1 

qu  a  Veiden ,  &  levèrent  des  contri- 
butions dans  le  pays. 

Les  généraux  TiefFenbach  &  Goetz 
n'ayant  pu  arriver  affez  promptement 
pour  fauver  Prague  ,  fe  retranchèrent 
près  de  Niembourg  Ça)  à  la  droite 
de  TElbe ,  &  occupèrent  Bômifchbrod. 
Leurs  forces  conliftaient  en  dix  mille 
hommes  efFedtifs  ;  ils  projetaient  d'at- 
tendre des  renforts  dans  ce  pofte ,  & 
d'empêcher  les  Saxons  de  s'étendre 
jufqu'aux  frontières  de  Siléfie.  Arnimb 
voulant  combattre  les  Autrichiens  , 
Du  16  au  part  fecrétement  de  Prague  à  l'entrée 
^^'  de  ia  nuit  avec  la  plus  grande  partie 

de  l'armée.  Arrivé  à  une  demi -lieue 
de  Niembourg ,  il  range  fes  troupes  en 
bataille  &  s'approche  des  catholiques  , 
qu'il  efpere  furprendre  ;  mais  prévenus 
du  defifein  des  Saxons ,  ils  les  chargent 

(a)  A  fix  lieues  de  Prague. 


DE   GUST  A  VE-AdOLFE.     I75 

à  l'improvifte  &  les  font  plier.  Arnimb  ~ 
voyant  les  troupes  découragées  5  tente  Décembre. 
de  les  ramener  au  combat.  Le  foldat 
épouvanté  incline  à  la  fuite  &  n'écoute 
plus  les  ordres  de  fon  général ,  qui 
menace  de  faire  tourner  le  canon  con^ 
tre  les  fuyards ,  &  de  les  charger  avec 
quelques  efcadrons  d'élite  qui  le  fui- 
vent.  Alors  les  Saxons  fe  rallient ,  re- 
viennent à  la  charge,  &  enfoncent 
les  Impériaux,  qui  regagnent  leurs 
retranchemens  où  ils  font  bientôt  for- 
cés. Accablés  par  le  nombre ,  ils  repaC- 
fent  en  confufion  l'Elbe ,  dont  ils  cou- 
pent le  pont  pour  couvrir  leur  retrai- 
te,  &  fe  réfugient  dans  Niembourg  , 
qu'Arnimb  envoie  fommer.  Ne  rece- 
vant pour  réponfe  que  des  coups  de 
canon ,  il  fait  bombarder  la  ville  ,  qui 
eft  réduite  en  cendres  avec  les  maga- 
fms  qu'elle  renferme  :  les  catholiques 
obligés  de  l'abandonner,  fe  retirent  à 
Bômifchbrod  ,  d'où  ils  vont  joindre 


Î74  Campagnes 
Baramcda  à  Tabor.  Les  deux  partis 
1651.  firent  une  perte  confidérable ,  &  Ar- 
^  ^^  '^  '  niiîib  retourna  à  Prague  avec  la  feule 
gloire  d'avoir  gagné  le  champ  de  ba- 
taille. L'empereur  avait  rappelle  d'Ita- 
lie le  général  Galaiïb  ,  que  les  Fran- 
çais  appellent  Galas ,  avec  fes  troupes 
qu'il  recruta  ;  ce  qui  les  fit  monter  à 
dix  mille  hommes.  Il  ne  put  arriver 
aflez  tôt  pour  empêcher  la  perte  de 
Pilfen,  défendu  par  quatre  compa- 
gnies d'infanterie ,  que  les  Saxons  obli- 
gèrent à  capituler  :  ils  fe  rendirent  en- 
fuite  maîtres  de  plufieurs  petites  places, 
à  la  vérité  peu  importantes  ,  mais  qui 
leur  facilitaient  cependant  les  moyens 
de  fubfifter. 
24  II  y  eut  à  Prague  une  fédition.  Les 
26  Jéfuites  convaincus  de  l'avoir  excitée , 
furent  chalfés  de  la  ville  le  furlende- 
main.  Ces  moines  avaient  entretenu 
des  intelligences  avec  les  Impériaux  , 
&  pris  des  mefures  pour  leur  livrer  la 


DE  Gustave-Adolfe.  I7f 

ville.  Un  corps  de  troupes  deftiné  à 
la  furprendre  vint  occuper  fecréte-  ^<^5i- 
ment  la  Montagne  -  Blanche  Ça),  où  ^^^"^^*' 
il  n'attendait  plus  pour  agir  que  le 
lignai  convenu,  lorfque  Hoffkirchen 
inftruit  de  la  confpiration ,  fond  brus- 
quement fur  les  Autrichiens  ,  qu'il 
chaflTe  avec  perte ,  fécondé  par  le  canon 
des  remparts.  Cet  échec  n'empêcha 
pas  les  Croates  de  continuer  à  faire 
des  courfes  jufqu'aux  portes  de  Pra- 
gue. Hoffldrchen  en  défit  neuf  cents , 
&  ce  mauvais  fuccès  ne  modéra  pas 
l'ardeur  des  autres  pour  le  pillage  ;  ils 
dreflerent  même  une  embufcade  à  l'é- 
leéleur  de  Saxe ,  qui  allait  fréquem- 
ment à  la  chaffe  ;  il  fut  aflez  heureux 
pour  échapper ,  &  n'éprouver  d'autre 
perte  que  celle  de  fes  chiens.  Les  deux 
partis  employèrent  le  refte  de  l'hiver 
à  s'enlever  réciproquement  de  petits 
poftes ,  &  à  fe  livrer  des  combats  trop 

(a)  Yeiflcn-Berg. 


i7<^       Campagnes 


153 1.   P^u  importans  pour  être  rapportés. 

Décembre.  Les  Saxons  pouvaient  s'emparer 
'  facilement  de  toute  la  Bohême,  & 
pénétrer  enfuite  dans  les  autres  états 
de  l'empereur;  mais  ils  s'arrêtèrent 
au  milieu  de  leurs  fuccès ,  malgré  les 
inftantes  follicitations  de  Guftave- 
Adolfe ,  qui  demandait  que  ,  confor^ 
mément  aux  arrangemens  pris  à  Hall , 
l'armée  éledoxale  entrât  en  Moravie 
&  pénétrât  enfuite  jufqu'au  Danube , 
afin  de  difliper  les  troupes  que  raffem- 
blait  l'empereur  ,  &  de  l'empêcher  de 
fe  relever.  On  attribue  l'inadion  des 
Saxons  à  diverfes  caufes  :  les  uns  pré- 
tendent que  les  troupes  de  Jean-Geor- 
ge s'amollirent  dans  les  délices  de  Pra- 
gue ,  &  que  leur  inadion  donna  k  la 
cour  de  Vienne  le  tems  de  fe  précau- 
tionner ,  &  à  Galaffo  celui  d'arriver  ; 
d'autres  afllirent  qu'Arnimb  irrité  con- 
tre le  roi  de  Suéde  qui  l'avait  taxé  de 
négligence  dans  une  lettre  à  l'éledeur , 

empêcha 


DE  Gustave-Adolfe.  T77 

empêcha  l'armée  de  ce  prince  d'agir. 
Ils  avancent  même,  que  le  général    i^5i« 
Saxon  fe  laifia  corrompre  par  les  Antri-  ^^^^"^^'^^• 
chiens  ;  mais  il  paraît  que  fa  conduite 
fut  moins  l'effet  de  la  négligence  &  de 
la  trahifon ,  que  de  la  politique  de  Jean- 
George.  Jaloux  de  la  fortune  de  Guf- 
tave ,  il  craignit  peut  -  être  de  trop 
agrandir  un  allié  ,  qui  tenant  fon  élec- 
torat  enfermé  par  fes  armées ,  pouvait 
iinir  par  lui  dicler  des  loix  ;  il  ne  vou- 
lut pas  achever  de  détruire  l'empe- 
reur ,  &  lui  permit  par  fon  inaélion , 
de  rafiembler  afiTez  de  forces  pour  ba- 
lancer la  puiiïànce  des  Suédois ,  fe  ré- 
fervant  la  facilité  de  faire  pencher  la 
balance  en  faveur  de  celui  des  deux 
partis  à  qui  il  fe  joindrait  :  au  refte 
il  effc  pofîible  que  la  conduite  des  Sa- 
xons fût  la  fuite  de  l'adrefle  des  mi- 
iiiftres  Autrichiens ,  qui  furent  pen- 
dant toute  cette  guerre  conferver  des 
intelligences  fecrettes  avec  quelques 
Partie  II L  M 


178  Campagnes 
miniftres  des  ennemis  de  leur  maître ,' 
^/^^^'  &  perpétuer  ainfi  dans  leurs  confeils 
&  aans  leurs  armées  des  iemences  de 
divifion  ,  dont  Pempereur  retira  des 
fruits  coûteux ,  mais  utiles. 

Les  affaires  du  monarque  Autrichien 
ne  tournaient  pas  fi  favorablement 
dans  les  autres  parties  de  l'Empire 
qu'en  Bohême.  Le  comte  de  Tilli  dé- 
fefpéra  de  réduire  la  ville  de  Nurem- 
berg dans  une  faifon  fâcheufe ,  qui 
ruinerait  fon  armée  s'il  s'opiniâtrait  à 
continuer  le  fiege  ;  il  appréhendait  en- 
core que  le  maréchal  Horn ,  à  portée 
d'être  renforcé  par  le  duc  Guillaume 
de  Veimar,  ne  le  vînt  enfuite  atta- 
quer ;  il  fivait  d'ailleurs  que  Guftave 
avait  ré  fol  u  de  marcher  en  perfonne 
pour  fecourir  la  place.  Il  faut  joindre 
à  ces  raifons  la  défertion  qui  aftaiblit 
fait  fenfiblement  fes  troupes,  &  les 
ordres  réitérés  de  l'empereur  &  du  duc 
de  Bavière  ,  dont  l'un  lui  dépêchait 


Décembre. 


DE    GUST  A  VE-A  DOLFE.    I79 

couriers  fur  couriers  pour  qu'il  en- 
voyât fans  délai  une  partie  de  fon  ar-  J^^^' 
niée  en  Bohême ,  où  les  Saxons  pou- 
vaient profiter  de  la  faibleife  des  Im- 
périaux pour  faire  de  grands  progrès  ^ 
&  dont  l'autre  craignant  que  le  maré- 
chal Horn  laiiïant  l'armée  catholiq=:e 
fur  la  gauche,  ne  paifât  le  Danube 
&  ne  tentât  une  invafion  dans  fes  états 
où  il  n'y  avait  pas  des  forces  fuffi- 
fmtes  pour  lui  refiiter,  écrivait  jour- 
nellement au  généralilfime  de  s'ap- 
procher de  la  Bavière  pour  la  couvrir. 
Tilli  confidérant  qu'après  le  départ  du 
détachement  dtftiné  pour  la  Bohême, 
il  ferait  trop  faible  pour  réfifter  au 
maréchal,  prit  le  parti,  ainiî  qu'on 
l'a  vu,  de  renoncer  à  fon  entreprife 
contre  Nuremberg.  Un  accident  im- 
prévu l'obligea  même  d'accélérer  fon 
départ.  Un  officier  d'artillerie ,  pro- 
teftant  de  religion  &  d'une  confcience 
timorée,  fe  repent  de  fervir   contre 

Mij 


i8o     Campagnes 

fes  frères  ;  &  pour  leur  être  utile  en 
1631.  défertant  de  l'armée  catholique ,  il  for- 
'  me  le  projet  de  mettre  le  feu  à  toutes 
fes  munitions  ralfemblées  à  Roth, pe- 
tite ville  fituée  entre  Veiflenberg  & 
Nuremberg  :  il  attache  à  un  barril  de 
poudre  une  mèche  allumée ,  &  s'en- 
fuit à  Nuremberg;  peu  d'inftans  après 
Ton  départ,  le  parc  d'artillerie  faute 
avec  un  éclat  effroyable.  Les  affûts  des 
canons  furent  brifés  ,  &  un  grand 
nombre  de  foldats  tués  oublelfés.Tilli , 
hors  d'état  par  cette  perte  de  réfiiler 
fi  on  l'attaque,  levé  précipitamment 
le  fiege ,  abandonne  beaucoup  de  ba- 
gages &  de  vivres ,  &  fait  raffembler 
a  Lauff  un  corps  de  troupes ,  pour  aller 
par  le  Haut-Palatinat  au  fecours  de  la 
Bohême.  Tandis  que  les  catholiques 
abandonnent  leurs  pofles  autour  de 
Nuremberg  ,  un  épaulement  deftiné  à 
couvrir  deux  pièces  de  canon  &  conf. 
truit  de  madriers ,  de  terre  &  de  faf- 


DE  GusT  ave-Adolfe.  i8i 

cines ,  aux  environs  de  l'hôpital ,  fur 
un  vieux  mur  près  du  foOfé ,  s'y  éboule  i^^  i- 
&  le  comble  prefqu'en  entier  ;  ce  qui 
aurait  été  fort  défavantageux  aux  aflié- 
gés ,  fi  Tilli  eût  continué  l'attaque  : 
aufli  regarderent-ils  cet  incident  com- 
me une  nouvelle  preuve  de  leur  bon- 
heur. 

Le  généralifïime  marche  àVeiiïen- 
berg,  tait  bloquer  par  un  détache- 
ment le  château  de  Viltzbourg,  occupé 
par  deux  cents  hommes  du  jeune  mar- 
grave d'Anfpach  ,  renfermé  dans  la 
forterefle  avec  fa  mère.  Tandis  que  le 
reffce  de  l'armée  catholique  s'avance 
à  Nordlingen  ,  Tilli  fe  rend  à  Dona- 
vert,  où  l'éledeur  de  Bavière  avec 
les  évêques  de  Bamberg  &  d'Aichi- 
tât  l'attendaient.  Les  deux  derniers 
defiraient  que  le  généraliffime  couvrit 
leurs  évêchés  ;  mais  l'élecleur ,  qui  ne 
fe  fouciait  guère  que  les  états  de  fes 
alliés  devînffent  la  proie  des  protcf» 

M  iij 


T82       Campagne  s 
ans ,  pourvu  qu'il  n'éprouvât  lui-même 
^^     .^'   aucune  perte,  ne  jugea  pas  à  propos 
de  fatisfaire  les  deux  prélats  :  ainfi  le 
comte  de  Tilli  étendit  fes  troupes  dans 
des  quartiers  aux  environs  de  Nord- 
lingen  ,  en  Suabe  &  le  long  du  Da- 
nube, de  manière  à  pouvoir  les  rat 
femblcr  avec  facilité  pour  couvrir  la 
Bavière  au  befoin.  Les  catholiques  fe 
plaignirent   amèrement  de   ce  qu'on 
facrifiait  les  autres  états  à  la  confer- 
vation  de  ce  duché  ;  mais   l'électeur 
dédaigna  cesmécontentemens.La  mar- 
.  grave  d'Anfpach ,  intimidée  par  les  Im- 
périaux qui  la  menacèrent  de  mettre 
à  feu  &  à  fang  les  états  de  fon  fils  fi 
elle  ne  leur  rendait  le  château ,  en  for- 
tit  &  fe  retira  à  Anfpach  avec  la  gar- 
nifon ,  qui  fut  remplacée  par  trois  cents 
catholiques. 

Le  corps  détaché  par  Tilli  devait 
entrer  en  Bohême  par  le  Haut-Palati- 
nat  en  même  tems  que  celui  de  Ga- 


DE   GuSTAVE-AdOL  FE.    l8? 

îafTo  y  pénétrerait  par   la  Moravie  ;  ^^^-•*^'-^. 
mais  le  premier  trouva  les  pafTages   T<5n. 
occupés  par  des  troupes ,  barrés  par  i^^^^'^'^^^'=- 
des  abattis  ou  fermés  par  les  neiges  : 
ces  obftacles  infurmontables  ,  joints 
à  la  difette  des  fubfiftances ,  obligè- 
rent le  corps  envoyé  par  Tilli ,  de  re- 
noncer à  fon  deflein  &  de  fe  difperfer 
dans  le  Palatinat,  où  il  commit  les 
plus  grands  excès  ;  car  l'indifcipline 
des  catholiques  allait  fi  loin,  qu'ils  ne 
faifaient  aucune  diftindion  entre  les 
pays  amis  ou  ennemis. 

Quand  l'armée  de  Tilli  fut  féparée , 
le  feld  -  maréchal  Horn  qui  avait  fait 
réoccuper  Ochfenfurt ,  part  de  Vurtz- 
bourg  à  la  tête  d'un  corps  d'infante- 
rie &  de  cavalerie ,  s'avance  à  Marien- 
dal  défendu  par  huit  cents  hommes  & 
attaque  cette  ville.  Les  habitans  fé- 
condent la  garnifon  ;  les  Suédois  font 
repoufles  &  obligés  d'attendre  leur  ar- 
tillerie j  dont  la  difficulté  des  chemins 

M  iv 


184      Campagnes 
avait  retardé  la  marche  :  elle  arrive 
^^^^'    enfin  ,  &  le  jour  fuivant  la  ville  &  la 

Décembre.      .      ,    ,,     p  i      ^    /-.  .  i 

Citadelle  le  rendent.  On  convint  que  la 
garnifon  ferait  conduite  à  Dunkefpiel  ; 
mais  plus  de  la  moitié  des  foldats  qui 
jacompofaient  s'épargnèrent  ce  voyage 
en  s'enrôlant  parmi  les  Suédois ,  qui 
furprirent  &  battirent  huit  cents  hom- 
mes envoyés  au  fecours  de  Mariendal. 
On  y  trouva  beaucoup  de  vivres  & 
d'armes ,  avec  douze  canons  &  quatre- 
vingt  barrils  de  poudre.  Horn  jugeant 
la  citadelle  aflez  forte  pour  y  établir 
fûrement  un  magafin ,  ordonna  d'y 
raflembler  toutes  les  fubfiftances  des 
environs  ,  &  envoya  des  détachemens 
pour  occuper  Rottenbourg  &  Vins- 
heim.  Quoique  cette  dernière  ville  ne 
fût  gardée  que  par  les  bourgeois ,  elle 
refufa  d'ouvrir  fes  portes  à  la  première 
fommation  ;  mais  on  convint  enfin 
qu'elle  recevrait  une  garnifon  de  trois 
cents  fantafiins  &  de  cent  cavaliers , 


DE   Gustave-Adolfe.  I8f 
pour  Pentretien  defquels  on  impofa  les 
lieux  voifins,  parce  que  les  troupes  i^?^* 
de  Tilli  avaient  prefque  ruiné  la  villç   ^^^^  "* 
par  leurs  exadtions. 

Le  maréchal  Horn  avait  pris  le  che- 
min de  Heilbrun  occupé  par  dix  com- 
pagnies de  Lorrains  :  il  arriva  de  nuit 
à  Vinsberg  p  es  de  la  place ,  qu'il  in- 
vertit des  deux  côtés  du  Necker.  Com- 
me les  efpions  rapportaient  que  les 
Lorrains  gardaient  feulement  les  portes 
&  qu'ils  n'avaient  aucun  pofte  ni  fur 
les  remparts  ni  fur  les  glacis,  le  gé- 
néral Suédois  réfolut  de  s'approcher 
d'une  des  portes  ,  de  la  faire  fauter 
avec  un  pétard  &  d'efcalader  en  même 
tems  le  rempart  ;  mais  Horn  faifant 
réflexion  que  s'il  pénétrait  de  nuit  dans 
la  ville ,  les  foldats  y  commettraient 
mille  excès  à  la  faveur  de  Tobfcurité 
&  ruineraient  peut-être  entièrement 
une  cité  qui  pouvait  dans  la  fuite  être 
fort  utile  aux  proteftans,  fufpendit 


\^6  Campagnes 
l'attaque.  Le  lendemain  au  point  du 
i^?i'  jour  il  fit  fommer  la  place,  dont  le 
ecembre.  gouverneur  ne  répondit  qu'à  coups 
de  canon  ,  qui  incommodèrent  peu 
les  Suédois.  Après  midi  le  maréchal 
envoya  fuccefTivement  au  fénat  deux 
trompettes  avec  des  lettres  ,  par  lef- 
quelles  il  exhortait  les  habitans  à 
chafTer  les  Lorrains  &  à  mériter  ainfi 
les  ménagemens  que  les  Suédois 
avaient  pour  tous  les  proteftans.  Le 
commandant  ordonna  aux  bourgeois 
de  féconder  la  garnifon  ;  mais  ils  re- 
fuferent  d'obéir ,  dans  la  crainte  que 
Horn  n'abandonnât  au  pillage  leurs 
maifons  &  leurs  biens.  L'artillerie 
continue  à  tirer ,  &  le  maréchal  prend 
fes  mefures  pour  preiïer  vivement  les 
affiégés.  Le  jour  fuivant  fes  troupes 
forcent  un  moulin  retranché,  gardé 
par  foixante  hommes  ;  &  comme  fi 
fituation  était  avantageufe ,  elles  y  éta- 
bliffent  une  batterie  qui  démon  Ce  le 


DE  Gustave-Adolfe.  1S7 
canon  du  baftion  oppofé ,  fait  brèche 
au  rempart  &  tue  plufieurs  foldats  de  ^^^^' 

k.p         TT  1      r  -^  I-         Décembre. 

garnilon.  Horn  la  tait  encore  lom- 

mer ,  avec  menace  de  la  pafTer  au  fil 
de  répée  ï\  elle  fe  défend  plus  long- 
tems.  Le  commandant  juge  enfin  que 
s'il   prolonge   fa   réfiftance  ,  elle  ne 
fervira  qu'à  la  perte  de  fes  troupes  ,  & 
capitule  à   condition  qu'elles  feront 
conduites  à  Philisbourg  avec  armes  & 
bagages ,  que  la  ville  confervera  fes 
privilèges ,  &  que  les  catholiques  & 
les    eccléfiafl:iques    réfugiés   dans  la 
place  ne  feront  pas  inquiétés.  Une 
grande  partie  de  la  garnifon  était  ma- 
lade :  il  n'y  reliait  que  quatre  \  cents 
cinquante   foldats  fains  ,  dont  trois 
cents  offrirent  leurs  fervices  à  Horn 
qui  les  accepta.  Il  ordonna  de  forti- 
fier avec  foin  Heilbrun  ,  où  il  vou- 
lait établir  des  magafins  ,  &  y  laifïa 
quatre  cents  moufquetaires  comman- 
dés par  le  lieutenant- colonel  Schmit. 


Décembre. 


188  Campagnes 
berg.  La  conquête  de  cette  place  en- 
lyn.  traîna  la  foumiffion  de  Neckers-Ulm, 
de  Vimpfen  &  de  quelques  autres 
villes  fituées  fur  les  bords  du  Necker. 
Le  comte  de  Tilli  avait  envoyé 
quelques  régimens  d'infanterie  ,  de 
cavalerie  &  de  Croates  ,  pour  pren- 
dre des  quartiers  aux  environs  de 
Heilbrun  ,  dans  le  cercle  de  Suabe, 
&  fur-tout  dans  le  Virtemberg.  Les 
catholiques  apprennent  en  chemin 
que  les  Suédois  font  maîtres  de  Heil- 
brun ;  ils  veulent  fe  dédommager  de 
cette  perte  en  s'emparant  de  Hall  en 
Suabe  :  mais  Horn  informé  de  ce  def- 
fein ,  détache  la  plus  grande  partie  de 
fa  cavalerie  ,  qui  prévient  les  catholi- 
ques à  Hall  &  les  oblige  de  fe  rappro- 
cher de  Nordlingen.  Après  les  expé- 
ditions qu'on  vient  de  rapporter,  le 
feld-maréchal  reprit  la  route  de  Vurtz- 
bourg ,  &  fes  partis  firent  des  courfes 
dans  révêché  de  Bamberg. 


DE  Gustave- Adolfe.  i8^ 

L'afcendant  que  les  proteflans  pre- 


naient fur  les  catholiques  donnait  de  i^3i. 
vives  inquiétudes  à  l'éledeur  de  Ba- ^"'°''''^* 
viere.  Lorfque  le  duc  de  Lorraine  ar- 
riva à  Munich ,  il  trouva  ce  prince 
dans  la  plus  grande  perplexité.  Partagé 
entre  la  crainte  de  voir  fes  états  enva- 
his par  le  roi  de  Suéde ,  &  les  follici- 
tations  de  la  France  qui  lui  fit  propo- 
fer  fucceffivement  par  de  Lîle  &  par 
Saint  -  Etienne  de  le  protéger  &  de  lui 
procurer  la  neutralité ,  s'il  féparait  fes 
intérêts  de  ceux  de  la  maifon  d'Au- 
triche ,  Maximilien  ne  favait  à  quoi 
fe  réfoudre.  11  paraît  cependant  qu'il 
fut  d'abord  tenté  de  déférer  aux  defirs 
de  Louis  XIII ,  puifqu'il  fe  tint  fur  la 
défenfive  avec  les  Suédois ,  fans  four- 
nir des  renforts  au  comte  de  Tilli  ; 
mais  confidérant  fans  doute  qu'il  fe- 
rait vraifemblablement  obligé  de  refti- 
tuer  ce  qu'il  pofTédait  de  la  dépouille 
du  Palatin,  ik  peut-être  de  renoncer 


190        Campagnes 

à  la  dignité  électorale ,  il  jugea  moins 

i<55 1 .  défavantageux  de  perfifter  dans  fes  en- 
Décembre.  1,  X  • 
gagemens  avec  1  empereur.  Les  cir- 

conftances  pouvaient  changer,  &  l'é- 
lecteur réfolut  de  ne  rendre  que  quand 
il  lui  deviendrait  abfolument  impoiîi- 
ble  de  retenir;  cependant  il  diffimula 
fes  intentions.  Qiielques  écrivains  pré- 
tendent que  le  duc  de  Lorraine  raffer- 
mit Maximilien  dans  le  parti  de  l'em- 
pereur ;  mais  il  eft  plus  vraifembla- 
ble  que  l'éledeur  attendait  l'effet  des 
démarches  de  fon  miniftre  &  des  agens 
de  la  Ligue  Catholique  à  la  cour  de 
France  ,  avant  de  prendre  une  réfolu- 
tion  définitive. 

Le  duc  de  Lorraine ,  mécontent  de 
l'empereur  qui  ne  lui  avait  tenu  au- 
cune de  fes  promeOes  ,  partit  de  Mu- 
nich pour  aller  tenter  de  fléchir  Louis 
XIII,  qui  fe  difpofait  à  envahir  fes 
états  :  il  fe  rendit  par  Augsbourg  à 
Stutgard ,  &  dit  à  radniiniftrateur  de 


DE  Gustave-àdolfeV   191 
Virtemberg,  qu'il   avait  ordre  de  la 
cour  de  Vienne  de  faire  hiverner  fon    i^3i« 
armée  dans  ce  duché  ;  mais  que  par  at-  ^^^^"^b^^- 
tachement  pour  les  jeunes  princes  fes 
pupilles ,  il  voulait  bien  épargner  leur 
pays.  Ce  difcours  était  d'autant  plus 
ridicule ,  que  Charles  fe  trouvait  dans 
l'impuiflànce  de  nuire  à  perfonne.  Il 
arriva  enfin  vis  -  à  -  vis  de  Strasbourg ,' 
où  il  rejoignit  fes  troupes  auxquelles 
la  ville  refufa  le  paffage  ;  elle  parut 
ne  l'avoir  accordé  à  fa  perfonne  &  à 
fon  bagage  que  pour  le  piller.  Le  peu- 
ple ouvertement  déclaré  pour  les  Sué- 
dois, infultale  duc;  un  charetier  eut  - 
même  l'infolence  de  donner  un  coup 
de  fouet  à  fon  cheval ,  en  difant  :  Al-- 
lonSj  mon  prince  y    diligente:^  ;   il  faut 
aller  plus    vite  quand  on  fuit  devant  le 
grand  roi  de  Suéde,   Charles  partit  le 
lendemain  de  Strasbourg  fort  mécon- 
tent, &  fe  rendit  à  Nanci.  Ses  troupes 
paflerent  le  Rhin  quelques  jours  après 


Î9Z  Campagnes 
fur  un  pont  de  bateaux  conftruit  à 
16^1.  Orufenheim  ,  &  fe  répandirent  en  Al- 
'  face  où  elles  commirent  mille  brigan- 
dages :  elles  n'épargnèrent  pas  le  ter- 
ritoire de  Strasbourg.  Les  troupes  le- 
vées par  cette  ville  ,  tant  pour  fa  fu- 
reté que  pour  le  fervice  de  Guftave- 
Adolfe  ,  battirent  les  Lorrains  dans 
plufieurs  rencontres  &  les  obligèrent 
à  s'éloigner. 

Vie  s'était  rendu  fans  réfiftance 
aux  Français  ;  mais  le  baron  de  Mer- 
ci, gouverneur  de  Moyen  vie  pour  l'em-, 
pereur  ,  pourvu  de  vivres  &  de  mu* 
nitions  par  le  commandant  de  Marfal , 
qui  avait  ordre  du  duc  de  Lorraine 
de  lui  fournir  les  fecours  dont  il  au- 
rait befoin ,  foutint  un  fiege.  Cepen- 
dant il  promit  de  remettre  la  ville 
aux  Français ,  fi  elle  n'était  délivrée 
dans  fix  jours.  Comme  il  n'y  avait 
aucune  armée  pour  en  faire  lever  le 
fiege  ,  cette  reftridion  n'était  qu'une 

vaine 


<  DE  Gustave-Adolfe.  195 
vaine  formalité  que  Merci  employa 
pour  cacher  l'impuiflance  de  réfifter  i^3i« 
plus  long-tems,  &  la  gariiifon  de 
Moyen \  le  fortit  de  la  place  à  Texpira-  27 
tion  du  terme  prefcrit.  La  fou  million 
aux  volontés  de  Louis  XIII  était  la 
feule  reflburce  du  duc  de  Lorraine;  il  s6 
vient  à  Metz  trouver  le  monarque , 
qui  lui  reproche  fes  liaifons  avec  l'em- 
pereur ,  l'Efpagne  &  les  mécontens  du 
royaume  ,  fes  tentatives  continuelles 
pour  y  exciter  des  troubles,  &  lui 
parle  du  mariage  du  duc  d'Orléans  fon 
frère  avec  la  princeife  Marguerite  : 
Charles  proteila  qu'il  n'avait  aucun 
fondement ,  quoiqu'il  fût  fur  le  point 
d'être  conclu.  Enfin  le  roi  ajouta  que 
Guftave  irrité  des  fecours  fournis  con- 
tre lui  à  la  Ligue  Catholique  par  le  duc, 
fongeait  à  fe  venger  ;  mais  que  fi  ce 
dernier  voulait  s'unir  avec  la  France , 
elle  empêcherait  le  monarque  Suédois 
«d'attaquer  la  Lorraine.  Charles  entra  ,j 
Partie  IIL  N 


194        CaBI  PAGNES 

en  négociation ,  &  au  bout  de  cinq 
Décembre.  P^^^  ^^  conclut  à  Vic  un  traité  par 
lequel  il  promit ,  <<  de  renoncer  à  toute 
„  intelligence  ou  aflbciation  préjudi- 
3,  ciable  à  Louis  ou  à  l'alliance  que  ce- 
„  lui-ci  avait  contradée  avec  Guftave 
„  &  le  duc  de  Bavière  pour  la  liberté 
„  de  TAllemagne  ;  de  chaffer  de  fon 
„  duché  les  ennemis  du  roi  ou  les 
„  Français  fortis  du  royaume  contre 
5,  fon  gré ,  &  de  ne  leur  donner  à  l'ave- 
„  nir  ni  affiftance  ni  retraite  ;  d'empê- 
y,  cher  qu'on  ne  fît  fur  fes  terres  au- 
„  cune  levée  de  gens  de  guerre  contre 
„  le  monarque  &  fes  alliés ,  &  de  rap- 
„  peller  les  Lorrains  qui  avaient  con- 
5,  tradé  des  engagemens  oppofés  à 
„  cette  ftipulation  ;  d'accorder  le  paf- 
„  fage  aux  armées  que  le  roi  jugerait 
„  à  propos  d'envoyer  en  Allemagne  , 
„  &  d'y  joindre  même  quatre  mille 
,,  hommes  d'inflinterie  &  deux  mille 
„  de  cavalerie  entretenus  à  fes  propres 
„  frais.  » 


DE   GUST  AVE-AdOLFE.    Ipf 

Comme  la  légèreté  du  duc  de  Lor- 


UMMéHatsm 


raine  ne  permettait  pas  d'avoir  con-  j.  ' 
fiance  à  fes  promeffes ,  on  exigea  (^)  , 
outre  les  conditions  ftipulées  dans  le 
traité  qu'on  vient  de  rapporter,  qua 
dans  huit  jours  la  ville  de  Marfal  ferait 
remife  à  Louis  pour  trois  ans^  &  à 
cette  confi dération  le  roi  s'engagea  à 
défendre  &  à  protéger  Charles  contre 
fes  ennemis  ,  &  à  ne  faire  aucun  traité 
fans  l'y  comprendre.  Celui  dont  il  eft 
queftion  était  didé  par  la  force ,  &  ne 
fit  qu'aigrir  de  plus  en  plus  le  duc  & 
toute  la  maifon  de  Lorraine  contre  la 
France.  Il  diffimula ,  il  ell  vrai  ;  mais 
ce  fut  pour  peu  de  tems  ;  car  tandis 
qu'il  promettait  d'exécuter  fidèlement 
fes  engagemens,  il  preflait  la  conclu- 
fion  du  mariage  de  la  princefie  Mar- 
guerite avec  le  duc  d'Orléans ,  Se  le 
fit  célébrer  fecrétement  à  Nanci.  (^) 

(a)  Le  6  de  janvier. 
(6)  Le  13    de  janvier, 

N  ij 


196     Campagnes 

Les  entreprifes  de  Charles  nefervirent 
J^^'    qu'à  épiiifer  fes  états  ,  &  à  lui  attirer 

Décembre.  ,       ,     .  i      ^    n  «  i    m  n 

Ja  haine  de  Gultave  -  Adolfe  ;  &  la 
duplicité  le  fit  dépouiller  par  la  France. 
Revenons  aux  affaires  d'Allemagne. 
14  Quoique  les  catholiques  fe  fuffent 
aflemblés  à  Ingolftat  pour  convenir 
des  moyens  de  faire  la  paix  on  de 
continuer  la  guerre ,  les  électeurs  ec- 
clériaftiques  alarmés  du  voifinage  & 
des  conquêtes  du  roi  de  Suéde ,  en- 
voyèrent fupplier  Louis  XIII  de  pré- 
venir leur  ruine.  Leurs  agens ,  de  con- 
cert avec  celui  de  Bavière  &  l'évêque 
de  Vurtzbourg  envoyé  de  la  Ligue 
Catholique  près  du  monarque  ,  ne  né- 
gligèrent rien  pour  lui  donner  de  l'in- 
quiétude &  le  brouiller  avec  Guftave: 
ils  afluraient  que  celui-ci  avait  bien 
plus  d'ambition  que  la  maifon  d'Autri- 
che ;  qu'il  deviendrait  pour  la  France 
un  voilin  plus  redoutable  que  l'empe- 
reur &  le  roi  d'Efi3agne  réunis  ;  qu'au 


DE    GUST  A  VE-AdOL  FE.    I97 

lieu  de  pénétrer  dans  les  états  hérédi-   ■ 
taires  du  monarque  Allemand  après  la^?^^,^* 

^  ^  *■     ^  Décembre. 

bataille  de  Leipzic ,  il  s'était  avancé  fur 
le  Rhin  d'où  il  menaçait  l'Ai  face  &  la 
Lorraine,  &  n'avait  pafie  le  fleuve  que 
pour  exciter  les  huguenots  du  royaume 
à  reprendre  les  armes ,  en  leur  promet- 
tant l'appui  des  Tiennes;  qu'il  était 
moins  l'ennemi  de  la  puiffance  Autri- 
chienne que  de  la  religion  catholique 
qui  ferait  bientôt  éteinte  en  Allema- 
gne ;  car  il  voulait  y  fonder  une  mo- 
narchie proteffcante  qui  tôt  ou  tard  in- 
federait  de  fes  héréfies  les  états  voi- 
fins.  Le  confeffeur  du  roi  &  quelques 
autres  prêtres  qu'il  confultait  ,  peut- 
être  gagnés  par  les  ennemis  de  la 
Suéde ,  réuffirent  à  jeter  dans  l'ame 
du  faible  Louis  un  trouble  que  le  car- 
dinal de  Richeheu  eut  beaucoup  de 
peine  à  difl^iper  ,  &  qui  lui  attira  de 
fortes  contradidions  de  la  part  de  fon 
maître.  Louis  joignait  à  un  efprit  borné 

N  iij 


Î98  Campagnes 
^  une  confcience  ridiculement  timorée , 
Dccembre.  qui  le  rendait  fufceptible  de  mille  fcru- 
pules  pufillanimes ,  peu  d'accord  avec 
les  maximes  politiques  de  fon  miniftre  : 
celui-ci  ne  parvint  que  difficilement 
à  lui  perfuader  qu'il  importait  à  la  fu- 
reté de  fa  couronne  &  de  fes  fujets , 
de  relever  le  parti  proteftant  &  d'a- 
baifler  la  maifon  d'Autriche ,  qui  par 
un  raffinement  de  politique  tentait  de 
confondre  fes  intérêts  particuliers  avec 
ceux  de  la  religion. 

Richelieu  s'était  déterminé  à  con- 
clure une  alliance  avec  Guftave,  afin 
de  fe  fervir  de  lui  pour  affaiblir  les  Au- 
trichiens ,  dont  il  fldlait  nécefiiurement 
modérer  l'ambition  ;  ils  avaient  d'abord 
voulu  la  fatisfaire  aux  dépens  des  prin- 
ces de  l'Empire ,  fe  flattant  qu'ils  at- 
taqueraient enfuitelaFrance  avec  avan- 
tage ,  &  qu'après  l'avoir  vaincue ,  ils 
fuhjugueraient  fiicilement  le  refte  de 
l'Europe.  Richelieu  attentif  au^  inté- 


DE  Gustave- Adolfe.  199 
rets  de  fon  pays ,  ne  voulait  qu'établir 
en  Allemac^ne  l'équilibre  entre  les  difte-  ^ ,       ' 

^  ^  iJecembre. 

rens  partis  ;  c'eft-à-dire  ,  contrebalan- 
cer les  forces  de  l'empereur,  du  roi 
d'Efpagne  &  de  leurs  alliés ,  par  celles 
de  Guftave  &  des  proteftans  ;  de  ma- 
nière que  la  France  fe  portant  pour 
arbitre ,  pût  faire  pencher  la  balance  à 
fa  volonté  en  faveur  de  qui  bon  lui 
femblerait.  11  réfulte  de  ce  plan ,  qu'il 
avait  l'avantage  de  maintenir  le  royau- 
me en  paix  &  d'en  conferver  les  forces 
entières  ;  que  le  cardinal  était  bien 
éloigné  de  fouffrir  que  Guftave  &  les 
proteftans  devinflent  affez  puiftans 
pour  écrafer  la  maifon  d'Autriche  & 
prendre  fa  place  ;  car  la  France  eût  été 
dupe ,  fi  fes  négociations  &  les  fubfides 
qu'elle  payait ,  n'avaient  fervi  qu'à  dé- 
truire un  ancien  ennemi ,  à  qui  des 
rivalités  d'intérêts  en  euffent  fût  fuc- 
céder  un  nouveau  ,  plus  redoutable 
encore  que  le  premier.  Voilà  les  raifons 

N  iv 


200      Campagnes 

qui  empêchèrent  Richelieu  de  s'aban- 
-^       ,  '    donner  à  la  fortune  du  roi  de  Suéde, 

Dccembre. 

&  de  fe  déclarer  contre  la  maifon  d'Au- 
triche; ce  qu'il  ne  fit  qu'après  la  mort 
de  Guftave  ,  &  quand  l'afcendant  des 
proteilans  diminué  par  la  perte  de  ce 
grand  homme ,  ne  donna  plus  d'om- 
brage à  la  France. 

Le  cardinal  n'avait  pu  voir  fans  in- 
quiétude les  Suédois  s'étendre  en  moins 
de  deux  ans  des  bords  de  la  mer  Balti- 
que jufqu'au  Rhin.  La  crainte  qu'ils  ne 
s'étendiffent  avec  la  même  rapidité  au- 
delà  du  fleuve ,  avait  déterminé  le  mi- 
iiifl:re  à  raffembler  dans  l'évêché  de 
Metz  une  armée  qui  avait  moins  pour 
objet  de  conquérir  Vie  &  Moyenvic  & 
d'obliger  le  duc  de  Lorraine  à  défar- 
mer ,  que  d'obferver  le  roi  de  Suéde. 
Quoique  Richelieu  ne  jugeât  pas  con- 
venable a  fes  vues  de  déclarer  la  guerre 
à  l'empereur ,  il  fit  propofer  à  Guftave, 
pour  le  fonder ,  de  faire  entrer  en  Al- 


Décembre. 


DE    GUSTAVE-AdOLFE.    20f 

lemagne  rarmée  de  Louis  XIII  pour 
féconder  les  proteftans,  ou  de  l'em-  ï^^i- 
ployer  du  moins  à  attaquer  TAlface, 
que  la  France  pouvait  revendiquer 
comme  un  ancien  démembrement  du 
royaume.  Le  monarque  Suédois  foup- 
çonnant  que  Louis  voulait  s'approprier 
cette  province  fort  à  fa  bienféance  ,  & 
ayant  plufieurs  raifons  pour  l'empêcher 
de  s'agrandir ,  répondit  qu'il  était  en- 
tré en  Allemagne ,  non  pour  la  démem- 
brer ,  mais  pour  y  rétablir  la  liberté  ; 
que  le  voifinage  des  deux  armées  pour- 
rait d'ailieurs  occafionner  des  diffé- 
rends ;  qu'il  effeduerait  feul  l'abaifle- 
ment  de  la  maifon  d'Autriche  dans 
l'Empire ,  &  que  les  Français  devaient 
fe  borner  à  l'attaquer  en  Catalogne  ou 
dans  les  Pays-Bas.  Cette  réponfe  per- 
fuade  à  Richelieu  que  le  roi  de  Suéde 
ne  cherche  qu'à  empêcher  la  France  de 
fe  mêler  des  affaires  de  l'Allemagne, 
<ju'il  prétend  y  donner  feul  la  loi ,  & 


202       Campagnes 
que  fon  oppofition  à  ce  qu'on  en  dé- 
165 1.    itiembrât  des  provinces  n'eft    qu'un 

Décembre.        .,      i      ,  -i  r  ,  .  . 

voile  dont  il  couvre  les  ambitieux  pro- 
jets. Cependant  ces  motifs  ne  paraifTent 
pas  fuffifans  au  cardinal  pour  rompre 
avec  Guftave  :  il  calcule  les  relTources 
de  la  maifon  d'Autriche ,  qui  lui  pa- 
raifiTent  fuffifantes  pour  réfifter  encore 
quelques  années  à  fes  ennemis,  juge 
qu'un  accident  peut  le  débarraffer  de 
Guftave ,  &  que  le  tenis  lui  fournira 
les  moyens  de  l'arrêter;  d'ailleurs  le 
prélat  favait  que  le  dernier  foupir  d'une 
grande  monarchie  comme  celle  d'Au- 
triche ,  eft  fou  vent  terrible ,  &  il  de- 
vrait que  la  France  n'en  reiïèntît  pas 
les  effets  :  mais  il  réfolut  de  veiller 
attentivement  fur  les  démarches  du  roi 
de  Suéde,  &  de  procurer  la  neutralité 
aux  membres  de  la  Ligue  Catholique 
qui  voudraient  l'accepter ,  afin  d'ôter 
au  monarque  le  prétexte  de  les  détruire 
&  de  les  attacher  par  ce  bienfait  à  la 


DE    GuSTAVE-AdOLFE.   20^ 

France,  à  qui  il  importait  de  fe  mena-  "— ^«^ 
ger  des  alliés  dans  l'Empire  ,  pour  y  i(S?i. 
jeter  les  fondemens  d'une  confédéra- •^^""^^''^° 
tion    qui   pût   un  jour  féconder  fes 
vues,  en  fe  tournant  s'il  était  nécef- 
faire  contre  Guftave ,  de  concert  avec 
Louis  XÏII. 

L'évêque  de  Vurtzbourg ,  fous  pré- 
texte de  fauver  la  religion  catholique, 
cherchait  à  prévenir  la  décadence  de 
Tempereur;  il  obfédaitcontinuellement 
Louis  de  fes  follicitations.  Le  cardinal 
de  Richelieu  jugea  enfin  à  propos  de 
réduire  au  filence  le  prélat  Allemand. 
«  Le  roi ,  lui  dit  -  il ,  defire  que  la  reli* 
„  gion  qu'il  profefTe  fe  perpétue  chez 
„  fes  voifins ,  &  je  ne  lui  propoferai 
,j  jamais- de  changer  de  fentiment.  Dif- 
„  cutons  les  moyens  de  prévenir  la 
„  ruine  des  catholiques  d'Allemagne. 
„  Je  fuis  affuré  que  le  roi  de  Suéde 
j,  n'en  veut  qu'à  la  maifon  d'Autriche  ; 
»  &  s'il  attaque  les  princes  catholiques, 


204        Campagnes 

„  c'eft  parce  que  non  contens  de  don- 
^^^^^  „  ner  leurs  troupes  à  l'empereur,  ils 
^'  „  lui  fournifTent  en  outre  des  fubfides , 
5,  des  vivres  &  des  munitions  de  guerre. 
55  En  fe  détachant  du  monarque  Autri- 
3,  chien  &  en  acceptant  la  neutralité , 
3,  le  duc  de  Bavière  &  les  autres  mem- 
„  bres  de  la  Ligue  préviendront  les 
35  malheurs  qu'ils  appréhendent  avec 
3j  raifon  :  la  France  fera  leur  protec- 
5,  trice  auprès  du  roi  de  Suéde  ;  ils 
35  recouvreront  ce  qu'ils  ont  perdu , 
55  &  leurs  états  ne  feront  pas  envahis. 
5,  Si  au  contraire  la  Ligue  s'opiniâtre 
3,  à  fecourir  l'empereur ,  il  ferait  ridi- 
cule de  propofer  au  roi  de  Suéde 
d'épargner  fes  ennemis  déclarés.  La 
religion  catholique  peut  dominer  en 
Allemagne ,  indépendamment  de  la 
puilfance  de  l'empereur ,  qui  croiffiit 
journellement  d'une  manière  alar- 
mante pour  les  autres  états ,  lorfque 
3,  le  monarque  Suédois  eft  venu  y 


3J 
3î 
3) 
3) 
3) 
5) 
5î 


DE   GuSTAVE-ÂDOLFEr    20f 

5,  mettre  des  bornes.  Il  eft  indubitable 
„  que  les  catholiques  &  les  proteftans  1631. 
„  font  également  intérefles  à  croifer  °^^^"^^'^'^* 
„  l'extrême  ambition  de  la  maifoa 
),  d'Autriche ,  &  que  les  premiers  ne 
„  peuvent ,  fans  fe  rendre  fufpeds  de 
„  partialité ,  agir  comme  fi  les  inté- 
„  rets  de  la  religion  &  de  l'empereur 
5,  étaient  les  mêmes  ».  Ces  argumens 
fans  réplique  embarralferent  l'évêque 
de  Vurtzbourg  ,  &  lui  prouvèrent  que 
Richelieu  avait  pénétré  fes  rufes.  L'é- 
vêque ne  put  fe  difpenfer  de  lui  ré- 
pondre que  les  princes  catholiques  ac- 
cepteraient la  neutralité,  pourvu  qu'on 
la  leur  accordât  à  des  conditions  rai- 
fonnables.  Alors  le  cardinal  répliqua  : 
Eh  bien ,  je  me  charge  de  leur  obtenir 
incejfamrnentfatlsfaclion  du  roi  de  Suéde, 
L'éledleur  de  Bavière ,  ébranlé  par 
de  Lîle  &  par  Saint  -  Etienne ,  pen- 
chait pour  la  neutralité  ;  mais  il  vou- 
lait des  fûrctés  fur  l'affiftance  qu'on  lui 


2,06       Campagnes 
—  donnerait  fifes  états  étaient  attaqués: 
lô'^i.  fecours  qu'il  réclamait  d'ailleurs    en 

Décembre.  i      r        ^     .    /  x       .       ^     n 

vertu  de  ton  traite  avec  Louis,  {a) 
Le  cardinal  répond  à  Kutner  <*  que  le 
„  roi  n'a  conclu  avec  l'électeur  qu'une 
^  alliance  défenfive ,  qui  ne  peut  re- 
„  garder  le  roi  de  Suéde ,  avec  qui  la 
5,  France  s'était  unie  antérieurement  ; 
„  qu'on  ne  peut  fuppofer  raifonnable- 
,,  ment  que  Louis  eût  fait  une  ligue 
,5  contre  Guftave  ,  &  que  par  confé- 
5,  quent  le  traité  fur  lequel  l'éledeur 
5,  fonde  fes  prétentions ,  ne  regarde 
„  que  la  maifon  d'Autriche ,  contre 
„  laquelle  on  lui  fournira  les  fecours 
„  ftipulés  fi  elle  attaque  la  Bavière  ; 
,,  enfin  que  le  roi  de  France  n'eft  pas 
„  obligé  de  tirer  le  duc  de  l'embarras 
5,  où  il  s'eft  jeté  mal  -  à  -  propos  ,  en 
„  fournilTant  au  comte  de  Tilli  des 
„  troupes  pour  combattre  les  Suédois. 
Le  cardinal  déclare  en  même  tems  à 

(a)  Voyez  pages  2p6  &  297  de  cet  outrage. 


DE  Gustave-Adolfe.  %oi 
Kutner  &  aux  envoyés  des  éledeurs 
de  Mayence,  de  Trêves  &  de  Colo-    i6^i^ 
gne ,  que  comme  l'évêque  de  Vurtz-  Décembre. 
bourg  l'a  afluré  que  les  princes  ca- 
tholiques font  réfolus  d'embraffer  la 
neutralité ,  le  roi  vient  de  nommer  le 
marquis  de  Brezé  ,  fon   ambafladeur 
extraordinaire  auprès  de  Guftave-Adol- 
fe ,  pour  convenir  avec  ce  prince  d'un 
traité  préliminaire.  Le  feul  mérite  de 
Brezé  confiftait  dans  la  parenté  de  Ri^ 
chelieu ,  dont  il  avait  époufé  la  fœur  : 
aufli  le  miniftre  qui  ne  voulait  pas  ha- 
farder  le  fuccés  d'une  négociation  fi 
importante  ,  voulut  que  fon  beau-frere 
fût  guidé  par  le  baron  de  Charnacé  qu'il 
avait  renvoyé  depuis  peu  en  Allema- 
gne. Soit  que  l'éleéleur  de  Trêves  eût 
pénétré  que  plufieurs  membres  de  la 
Ligue ,  fous  prétexte  d'embraffer   la 
neutralité ,  ne  cherchaient  qu'à  gagner 
du  tems  pour  rétablir  leurs  forces ,  afin 
de  recommencer  enfuite  la  guerre  avec 


208  Campagnes 
ardeur,  ou  que  ce  prince  fentît  qu'é- 
i(5n.  tant  le  plus  expofé  aux  armes  du  roi 
de  Suéde  ,  il  ne  devait  pas  attendre 
qu'un  traité,  dont  la  coflclufion  était 
incertaine  ,  prévînt  fa  ruine  ;  il  réfolut 
de  fe  mettre  avec  fon  pays  fous  la  pro- 
tection de  Louis  XIII.  Les  Efpagnols 
accélérèrent  ces  arran^emens.  Trop 
faibles  pour  fecourir  leurs  alliés  ,  ils 
voulaient  cependant  les  dépouiller, 
pour  empêcher  leurs  états  de  tomber 
au  pouvoir  de«  proteftans ,  &  s'empa- 
rèrent de  Trêves  de  concert  avec  le 
chapitre  &  malgré  l'élecleu)- ,  qui  fit 
aufli  -  tôt  entrer  dans  Hermanftein , 
citadelle  de  Coblentz ,  une  garnifoii 
de  deux  cents  hommes  ,  afin  de  s'afli:- 
rer  de  la  place;  il  figna  enfuite  fon 
traité  avec  Louis  XIII,  &  rendit  le 
même  jour  une  déclaration ,  dans  la- 
quelle après  avoir  déduit  fes  raifons 
pour  renoncer  à  la  Ligue  Catholique , 
il  enjoignait  aux  fujets  de  fon  éleclorat 

& 


DE   Gustave-Adolfe.^  209 

&:  de  l'évêché  de  Spire ,  de  reconnaître 

le  roi  de  France  pour  leur  protedeur ,  i^<^3 1* 

T  •     r       ^  1  .^      ,.      1       Décembre. 

de  recevoir  les  troupes  dans  toutes  les 
places  &  de  leur  fournir  des  fubfiftan- 
ces.  L'électeur  ne  pouvait  mieux  faire 
que  de  céder  à  la  néceffité ,  en  rom- 
pant avec  l'empereur  &  l'Efpagne  hors 
d'état  de  le  fecourir  contre  Gullave , 
qui  fans  l'entremife  de  Louis ,  aurait 
fait  fubir  à  l'éledorat  de  Trêves  le 
même  fort  qu'à  celui  de  Mayence.  La 
démarche  de  l'éledeur  irrita  le  monar- 
que Autrichien  &  les  Efpagnols ,  &  lui 
attira  dans  la  fuite  des  marques  écla- 
tclntes  de  leur  haine. 

Les  revers  qu'éprouvait  journelle- 
ment la  Ligue  jetaient  dans  le  plus 
grand  embarras  la  cour  de  Vienne, 
qui  n'ayant  pas  de  moyens  pour  traiter 
d'une  manière  honorable ,  croyait  tou- 
cher au  moment  de  fa  ruine.  Elle  avait 
offenfé  prefque  toutes  lespuiffances  & 
n'ofait  réclamer  la  médiation  d'aucunei 
Partie  HT.  0 


2IO     Campagnes 
Les  infinuations  de  Lehmerman ,  Je- 
■^^^'    fuite,  non  moins  fanatique  qu'intri- 

Decembre.  ,,  , 

gant , &  que lenipereur écoutait  com- 
me un  oracle,  avaient  produit  prefque 
tous  ces  malheurs.  On  lui  interdit  enfin 
l'entrée  des  confeils.  Ferdinand  fentit 
que  s'il  eût  témoigné  plus  de  déférence 
au  roi  de  la  Grande  -  Bretagne ,  en  trai- 
tant moins  rigoureufement  le  Palatin , 
le  monarque  Anglais  aurait  pu  négocier 
utilement  pour  les  catholiques  avec  les 
proteftans.  Les  miniftres  Impériaux 
jugèrent  encore  poffible  de  rendre  Char- 
les L'  favorable  à  leur  maître ,  &  infi- 
nuerent  à  fon  ambafiadeur  à  Vienne , 
que  fi  le  roi  Britannique  voulait  être 
le  médiateur  de  la  paix  de  l'Allemagne 
&  difpofer  le  roi  de  Suéde  à  traiter 
avec  l'empereur  ou  à  lui  accorder  une 
fufpenfion  d'armes  ,  le  monarque  fe 
prêterait  aux  arrangemens  propofés  en 
1627  relativement  au  Palatin.  Qiioi- 
qu'il  fût  vraifemblable  que  la  nécefTité 


DE   GUST  AVE-AdOLFE.   211 

plutôt  qu'un  defir  fincere  de  la  paix 
didât  la  conduite  de  Ferdinand ,  qui  i^3i« 
cherchait  à  gagner  du  tems  &  ne  con-  ^^^^^^b^^^- 
fentirait  à  rendre  qu'autant  qu'il  lui 
ferait  impoffible  de  garder ,  l'ambafiTa- 
deur  Anglais  jugea  qu'il  devait  infor- 
mer fon  maître  des  ouvertures  du  mi- 
niftere  Autrichien  :  il  envoya  à  Lon- 
dres fon  fecretaire ,  qui  fut  accompa- 
gné par  un  Capucin  chargé  des  inftruc- 
tions  de  l'empereur. Celui-ci  dépêcha 
en  même  tems  à  Madrid  &  à  Bruxelles 
des  couriers ,  dont  les  dépêches  avaient 
pour  objet  de  faire  fentir  à  ces  deux 
cours ,  qu'il  valait  mieux  reftituer  vo- 
lontairement le  Palatinat ,  que  de  s'ex- 
pofer  à  de  plus  grandes  pertes  en  fai-' 
fant  de  vains  efforts  pour  le  conferver. 
L'Efpagne  ne  penfa  pas  comme  Fer- 
dinand, &  la  négociation  refta  fms 
effet.  L'arrivée  du  Capucin  à  Londres 
fervit  feulement  à  récréer  les  Anglais  ; 
&  ils  jugèrent  que  la  fituation  de  l'env 

0  ij 


212       Camp  a  g  nés 
pereur  était  déplorable ,  puifqu'il  en- 
^^   V*  voyait  à  leur  roi  une  ambaflade  fi  éco- 

iJecembre.        "^ 

nomique.  On  ne  peut  dilconvenir  que 
les  moines,  &  particulièrement  les 
Capucins,  n'aient  joué  un  rôle  très- 
diflingué  pendant  la  guerre  de  trente 
ans ,  qui  fut  l'époque  de  la  grandeur 
féraphique  ;  mais  depuis,  les  difciples 
de  S.  François  font  retombés  dans 
une  obfcurité  plus  convenable  à  leur 
inftitut  que  les  intrigues  de  cour  &  les 
affiiires  publiques. 

Le  monarque  Autrichien  ne  pouvant 
fe  flatter  d'obtenir  la  paix ,  réfolut  de 
faire  une  nouvelle  tentative  pour  dé- 
tacher l'éledeur  de  Saxe  de  la  Suéde. 
On  chargea  de  la  négociation  le  duc  de 
Saxe  -  Lavenbourg ,  dans  ,1a  perfuafion 
qu'un  prince  du  même  fan  g  que  Jean- 
George  acquerrait  fur  fon  efprit  plus 
de  crédit  qu'un  étranger;  &  afin  de 
rendre  le  duc  moins  fufpedl,  &  que 
fes  demandes  pai^uiTent  plus  définté- 


DE    GUST  AVE-AdOLFE.    21? 

reflees ,  on  lui  fit  quitter  fon  emploi 
au  fervice  de  l'empereur  :  mais  le  né-  ^ , 
gociateur  ne  gagna  rien  fur  l'éled:eur , 
qui  trouva  utile  à  les  vues  de  ne  pas  ' 
renoncer  encore  à  un  parti  dans  le- 
quel il  s'était  jeté  moins  par  inclina- 
tion que  par  néceflité.  En  même  tems 
que  la  cour  de  Vienne  cherchait  à  re- 
gagner Jean  -  George ,  elle  efîayait 
d'engager  le  duc  de  Lorraine  à  un  fé- 
cond armement ,  en  lui  faifant  efpérer 
de  devenir  généraliffime  de  la  Ligue. 
L'empereur  Se  le  roi  d'Efpagne,  qui 
avaient  tout  à  craindre  de  la  France 
qu'ils  regardaient  avec  raifon  comme 
une  rivale  dangereufe,  cherchaient 
depuis  long -tems  à  lui  fufciter  des 
embarras ,  en  poulfant  le  duc  d'Orléans 
à  la  révolte,  &  en  retenant  la  reine- 
mere  hors  du  royaume.  Les  deux  mo- 
narques efpéraient  par  là  donner  car- 
rière à  l'inquiétude  naturelle  des  Fran- 
çais 5  fe  fervir ,  pour  allumer  une  guerre 

0  iij 


214  Campagnes 
civile,  des  ennemis  du  cardinal  de  Ri- 
Dccembre.  clielieu  qui  étaient  nombreux ,  de  faire 
ainfi  une  diverfion  contre  la  France  en 
France  même ,  de  précipiter  la  nation 
dans  de  nouveaux  malheurs,  &  lui 
donner  affez  d'occupation  chez  elle 
pour  qu'elle  ne  pût  influer  au -dehors. 
Mais  le  cardinal  de  Richelieu ,  qui  avait 
pénétré  cette  politique  qu'il  aurait  lui- 
même  employée  dans  de  pareilles  con- 
jondures ,  fut  en  prévenir  les  effets. 

L'invraifemblance  d'une  paix  pro- 
chaine impolait  à  l'empereur  l'obliga- 
tion de  pourvoir  aux  moyens  de  con- 
tinuer la  guerre.  Il  réforma  fa  cour  & 
congédia  les  officiers  les  moins  né- 
ceffaires  :  mais  ces  économies  ne  fuffi- 
fant  pas ,  Ferdinand  recourut  à  fes  ref- 
fources  ordinaires  ;  il  redoubla  les  pè- 
lerinages &:  les  proceffions;  il  en  ima- 
gina même  d'un  genre  nouveau.  Tous 
les  enfans  de  Vienne  furent  conduits 
à  la  cathédrale  &  offerts  à  Dieu  par  l'é- 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.    2ir 

vêque ,  avec  la  prière  de  fe  laifler  flé- 
chir par  ces  innocens ,  puifque  ceux  i<î3i- 
qui  ne  l'étaient  plus  lui  femblaient  in-  ^^^^  ^^' 
dignes  de  fa  miféricorde.  Cet  aéte  de  * 
fuperftition  excita  des  murmures  dans 
la  ville.  On  difait  hautement ,  que  la 
bafe  d'une  piété  folide  effc  la  juftice ,  & 
Se  que  fi  l'empereur  ne  s'en  fût  jamais 
écarté ,  &  qu'il  eut  écouté  les  propo- 
fitions  raifonnables  de  fes  ennemis ,  il 
ne  toucherait  pas  à  fa  ruine.  L'armée 
de  Tilli ,  réduite  à  trente  mille  hommes 
au  plus  depuis  le  départ  du  duc  de 
Lorraine,  était  découragée;  celle  de 
Bavière,  forte  de  douze  mille  hom- 
mes ,  était  hors  d'état  d'agir  offenfive- 
ment ,  à  caufe  de  la  quantité  de  recrues 
qui  la  compofaient  :  d'ailleurs  l'élec- 
teur ,  qui  ne  voulait  pas  compromet- 
tre fa  dernière  reflburce ,  ne  favait  en- 
core s'il  accéderait  aux  follicitations  de 
la  France  ,  ou  s'il  perfifterait  dans  les 
intérêts  de  l'empereur.  L'armée  de  Bo- 

0  iv 


2i6      Campagnes 

heme ,  forte  d'environ  quatorze  mille 
^631'   hommes,  était  fugitive  &  fe  mainte- 

Dccembre-        .  .         -  . 

naît  avec  peme  dans  une  partie  de  ce 
royaume  :  il  ne  reliait  en  Siléfie  qu'en- 
\iron  cinq  mille  hommes  difperfés 
dans  des  garnifons.  Les  corps  que 
commandaient  dans  l'évêché  de  Bre- 
men ,  le  duché  de  Brunfvick  &  la  Veft- 
phalie ,  le  colonel  Reinacher ,  Benning- 
haufen,  Virmund  &  le  comte  de  Grons- 
feld ,  réfiftaient  avec  peine  à  ceux  qui 
leur  étaitnt  oppofés.  Les  catholiques , 
outre  les  garnifons ,  avaient  encore  des 
détachemens  difperfés  dans  différentes 
provinces  de  l'Empire  ;  mais  en  géné- 
ral la  difette  &  la  défertion  minaient 
leurs  troupes;  &  chaque  fois  qu'on 
leur  faifait  des  prifonniers ,  plus  de  la 
moitié  renforçaient  ordinairement  le 
vainqueur  :  de  manière  que  Guftave , 
loin  de  s'affaiblir  félon  l'ufage  par  fes 
conquêtes  &  par  les  garnifons ,  voyait 
croître  fes  forces  tous  les  jours. 


DE   GUST  A  VE- AdoLFE.   217 

Les  proteftans ,  outre  un  grand 
nombre  de  garniforis,  avaient  à  Mayen-  1 65 1. 
ce  l'armée  du  roi  de  Suéde ,  compofée  ^^'^^"^^'^^ 
de  dix  -  huit  mille  hommes  ;  dans  le 
Rhingau ,  celle  du  landgrave  de  HefTe , 
de  quatorze  mille  ;  en  Franconie ,  celle 
du  feld-maréchal  Horn ,  de  feize  mille  ; 
en  Turinge,  celle  du  duc  Guillaume 
de  Saxe-Veimar,  de  dix  mille;  dans 
le  Meckelbourg ,  celle  de  Tott,  de  huit 
mille;  devant  Magdebourg ,  celle  de 
Banner ,  de  pareille  force  ;  dans  le  du- 
ché de  Brunfvick ,  celle  de  fix  mille 
hommes  d'infanterie  &  de  cinq  cents 
chevaux  que  ralTemblait  le  duc  George 
de  Lunebourg.  Enfin  l'électeur  de  Saxe 
était  en  Bohême  avec  vingt -quatre 
mille  hommes  qui  allaient  être  renfor- 
cés par  quatre  mille  d'infanterie  Se 
mille  de  cavalerie ,  levés  par  Péledeur 
de  Brandebourg  pour  couvrir  fes  états 
contre  les  entreprifes  des  Impériaux 
reliés  en  Siléfie.    Quelques  princes 


âi8       Camp  a  g  n  e  s 

catholiques  rafTemblaient  des  foldats 
1631'  pour  fecourir  la  Ligue  ;  l'empereur  fai- 

Décembre.  p  .,    j  ai  t.^ 

lait  des  enrolemens  en  Moravie,  en 
Autriche,  dans  leTirol,  le  Milanès  & 
le  royaume  de  Naples  :  ces  levées  n'é- 
galaient pas  celles  des  proteftans  dans 
prefque  tous  les  cercles  d'Allemagne. 
L'Efpagne  ne  négligeait  rien  pour  fe* 
courir  l'empereur  ;  mais  la  France  avait 
dans  le  pays  Meflîn  une  armée  capable 
de  donner  à  cette  puifTance  aflez  d'oc- 
cupation pour  l'empêcher  de  penfer  à 
autre  chofe  qu'à  fa  propre  défenfe. 

Tout  annonçait  à  Ferdinand  la  def- 
truclion  de  fa  puiflance;  les  Suédois 
étaient  dans  le  cœur  de  l'Empire  ;  Té- 
vêque  de  Vurtzbourg,  celui  deVorms 
&  l'éledeur  de  Mayence  étaient  chafles 
de  leurs  états  ;  le  même  fort  menaçait 
révêque  de  Bamberg  ;  le  duc  de  Lor- 
raine retiré  dans  les  fiens,  fe  voyait 
forcé  de  renoncer  à  l'alliance  de  l'em- 
pereur 5  l'élecleur  de  Trêves  venait  de 


DE  GusT ave-Adolfe.  219 
fe  mettre  fous  la  protedion  de  la  Fran-  TTTj" 
ce,  &  celui  de  Bavière  paraiflait  dif- c^ice^bre. 
pore  à  préférer  la  neutralité  aux  hafards 
de  la  guerre.  Tous  les  états  proteffcans 
s'étaient  armés  pour  la  défenfe  de  leurs 
prérogatives  &  de  leur  religion.  Les 
Efpagnols  ,  déjà  battus  dans  plufieurs 
rencontres  par  le  roi  de  Suéde ,  ne 
jugeaient  pas  qu'ils  pufTent  conferver 
le  Palatinat.  Les  Turcs  continuaient  à 
ravager  les  frontières  de  Hongrie ,  & 
paraifTaient  difpofés  à  commencer  bien- 
tôt la  guerre.  Les  Saxons,  maîtres 
d'une  grande  partie  de  la  Bohême, 
pouvaient  conquérir  le  reffce. 

Quoiqu'on  eût  pris  quelques  précau- 
tions pour  les  empêcher  de  pénétrer 
en  Moravie  ,  &  qu'Olmutz ,  Znaim , 
Brinn  &  d'autres  villes  de  cette  pro- 
vince eulTent  réfolu  de  lever  des  fol- 
dats  pour  leur  défenfe ,  Ferdinand  était 
dans  la  crife  la  plus  violente  où  puifTe 
fe  trouver  un  fouverain.  La  moUeffe 


220  Campagnes 
avec  laquelle  Valftein  raflemblait  des 
1631.  troupes,  prouvait  fa  répugnance  à  rem- 
*  plir  fes  engagemens ,  &  obligeait  l'em- 
pereur à  prendre  d'autres  mefures  ;  il 
lui  fallait  de  l'argent,  &  les  coffres 
étaient  vuides  :  il  convoque  les  états 
d'Autriche  &  de  Moravie ,  &  les  con- 
jure de  lui  fournir  des  fecours  :  il  de- 
mande aux  premiers  environ  trois  cents 
quarante  mille  florins  pour  l'entretien 
des  places  du  pays  &  affurer  la  frontière 
du  côté  de  la  Hongrie  ;  une  prompte 
contribution  pour  fubvenir  aux  dépen- 
fes  inftantes  qu'exige  le  mauvais  état 
des  affaires  ;  de  fournir  les  vivres  in- 
difpenfibles  aux  troupes ,  &  que  tous 
les  ordres  des  états  priffent  les  armes 
quand  la  néceffité  l'exigerait. 

Les  peuples  étaient  épuifés ,  &  il 
fallut  recourir  à  des  impôts  forcés  :  les 
terres  ,  les  maifons ,  les  hommes ,  les 
beftiaux  &  même  le  clergé  furent  taxés 
exceffivement.  La  mifere  était  fi  gé- 


dI:  Gustave-AdolfeV  221 
nérale  que  les  bourgeois  &  les  pay-  ssies 

fans  ne  payaient  les  impôts  qu'avec  une  ^?^^,^• 
^    '  ^  *^         ^  Décembre. 

peine  extrême  ;  &  la  rigueur  avec  la- 
quelle on  les  exigeait,  produifait  de 
fréquentes  féditions.  L'empereur  fe  flat- 
tant de  trouver  des  reflburces  en  Hon- 
grie ,  en  avait  convoqué  la  diète ,  à  la- 
quelle fes  commiflTaires  demandèrent 
des  troupes  &  de  l'argent.  Les  états 
refuferent  l'un  &  l'autre  :  ils  alléguè- 
rent que  les  incurlions  desTurcs  avaient 
ruiné  le  pays  ;  que  les  préparatifs  de 
Ragotzki ,  prince  de  Tranfilvanie ,  les 
avertilfait  de  fonger  à  leur  défenfe; 
que  leurs  privilèges  les  difpenfaient  de 
fortir  du  royaume  pour  féconder  leur 
roi  dans  une  guerre  étrangère,  &  qu'en- 
fin ils  ne  jugeaient  pas  à  propos  de 
rompre  la  bonne  intelligence  qui  avait 
toujours  fubfifté  entre  les  couronnes 
de  Hongrie  &  de  Suéde.  Le  comte 
d'Efterhazi ,  palatin  de  Hongrie ,  en- 
tièrement dévoué  à  l'empereur,  leva 


222  Campagnes 
avec  beaucoup  de  peine  par  fon  feul 
163 1.  crédit  fix  mille  huflards  qu'il  joignit  à 
douze  cents  cavaliers  raflemblés  à  Pres- 
bourg  ;  mais  ces  troupes  refuferent  de 
marcher ,  à  moins  qu'on  ne  les  payât  ; 
&  faute  de  folde  ,  elles  ravagèrent  plu- 
fieurs  diftriéls  de  Hongrie  :  il  y  eut 
même  dans  ce  royaume  des  fouleve- 
mens  que  l'on  ne  put  appaifer  qu'au 
moyen  d'un  corps  de  troupes  qu'on  y 
envoya  par  la  Moravie,  aux  ordres 
du  général  Goetz. 

L'Efpagne  avait  promis  à  l'empereur 
un  fubfide  de  cent  mille  florins  par 
mois  ;  mais  cette  fomme  jointe  à  ce 
que  le  monarque  tirait  de  fes  fujets  9 
ne  fuffifant  pas  à  fes  befoins ,  il  fe  vit 
réduit  à  faire  fon  poffible  pour  infpirer 
la  pitié.  Ses  agens  publiaient  que  h 
religion  catholique  ferait  anéantie ,  fi 
l'on  ne  fecourait  promptement  la  bran- 
che allemande  de  la  maifon  d'Autriche. 
Ce  moyen  ne  réuflit  pas.  Le  comte  de 


DÉ   GUST  A  VE-AdoLFE.   22? 

Rabata  alla  au  nom  de  Ferdinand  im- 
plorer l'afTiftance  de  prefque  tous  les  163 1. 
princes  d'Italie  :  l'Efpagne  appuyait  ces  ï^^«"^^'^* 
follicitations.  Rabata  s'adrefTe  d'abord 
aux  Génois ,  dont  il  n'obtient  que  des 
civilités.  Le  fénat  de  Venife  répond , 
que  fi  la  guerre  de  Mantoue  n'avait  pas  . 
épuifé  le  tréfor  de  la  république,  elle 
s'empreflerait  de  fecourir  l'empereur  ; 
mais  qu'elle  nepeut  étendre  fes  vues 
au  -  delà  de  fa  propre  fureté  &  de  celle 
de  l'Italie.  La  république  de  Lucques 
chargea  Rabata  de  témoigner  à  l'em- 
pereur à  quel  point  elle  était  flattée 
qu'un  fi  grand  monarque  lui  eût  fait 
l'honneur  de  penfer  à  elle.  Quelques 
milliers  de  florins  auraient  été  plus  uti- 
les à  Ferdinand  que  ce  compliment 
refpedueux.  Le  grand  -  duc  de  Flo- 
rence promit  un  fecours  proportionné 
à  fes  facultés ,  &  non  aux  befoins  de 
la  maifon  d'Autriche.  Le  duc  de  Mo- 
dene  aflura  qu'il  ferait  fon  pofl^ible  pour 


224  Campagnes 
envoyer  ou  conduire  lui-même  en 
153 1.  Allemagne  quelques  troupes.  Prefque 
'  tout  le  monde  était  infenfible  aux  mal- 
heurs de  l'empereur.  On  croira  facile- 
ment qu'il  n'avait  pas  oublié  le  pape , 
père  commun  des  fidèles  :  le  cardinal 
Pazmani  s'était  rendu  à  Rome  pour 
engager  le  pontife  à  contribuer  aux 
frais  de  la  guerre  d'Allemagne  &  à  pu- 
blier une  croifade  contre  les  proteftans  ; 
mais  Urbin  VIII  n'avait  pas  encore 
pardonné  à  Ferdinand  les  inquiétudes 
qu'il  lui  avait  données  pendant  la  guer- 
re de  Mantoue  :  il  favait  d'ailleurs  que 
les  armes  de  Guftave-Adolfe  n'étaient 
dirigées  que  contre  la  maifon  d'Autri- 
che, dont  la  puiflance  pouvait  être  mo- 
dérée fans  que  la  religion  cathohque 
en  fouffrît  Le  pape  voyait  avec  plaifir 
dans  l'embarras  un  fouverain  qui  joi- 
gnait  à  une  ambition  démefurée  les 
prétentions  ordinaires  des  empereurs 
fur  l'ItaHe  &  en  particuher  fur  l'état 

de 


DE   Gustave-Adolfe.  zzç 
de  l'églife  ;  le  pontife  était  ravi  en 
même  tems  de  voir  partager  le  fort  de  i^3 1- 
Ferdinand  à  PEfpagne ,  motrice  des    ^^^'"  ^^' 
troubles  de  Mantoue. 

Urbin ,  pour  fe  difpenfer  de  donner 
de  l'argent ,  allégua  que  la  dernière 
guerre  d'Italie  avait  non  -  feulement 
diminué  les  revenus  du  faint-fiege, 
mais  qu'elle  l'avait  même  obéré ,  en 
l'obligeant  à  des  dépenfes  énormes 
pour  la  fureté  du  patrimoine  de  faint 
Pierre.  Le  pape  s'emprefla  en  même  iç 
tems  de  publier  un  jubilé  univerfel , 
dans  l'objet  d'implorer  les  fecours  du 
Très-Haut  pour  la  profpérité  du  faint- 
fiege,  l'extirpation  des  héréfies  &  le 
rétabliflement  de  la  concorde  entre  les 
princes  chrétiens.  Le  pontife  ouvrit 
lui  -  même  le  jubilé  par  une  proceflion 
générale ,  après  laquelle  il  accorda  libé- 
ralement les  indulgences  Jes  plus  éten- 
dues aux  armées  de  l'empereur.  Les 
envoyés  du  monarque  &  du  roi  d'Et 
Partie  JIU  P 


226  Campagnes 
7777"  pagne  virent  bien  que  le  pape  les  jouait 
Décembre.  &  couvratt  par  des  dévotions  fort  inu- 
tiles à  leurs  maîtres  ,  le  refus  d'un  fe- 
Goursfolide.  Ferdinand  fut  très -irrité 
de  la  conduite  d'Urbin  ;  mais  ne  pou- 
vant fe  venger ,  il  diffimula.  - 
ï  ^5 1  •  Non-feulement  l'empereur  avait  be- 
foin  d'argent ,  mais  il  lui  fallait  en  ou- 
tre un  général  capable  de  contrebalan- 
cer la  fortune  du  grand  Guflave.  Tilli  j 
qui  depuis  la  journée  de  Leipzic  ne 
fit  plus  rien  de  digne  de  fa  réputation 
palTée ,  avait  perdu  la  confiance  de  fon 
parti ,  &  il  ne  reftait  à  la  Ligue  d'autre 
reflburce  que  le  duc  de  Valftein ,  qui 
perfiffcait  à  refufer  le  commandement, 
afin  de  fe  faire  acheter  plus  cher  &  de 
dicter  des  loix  à  Ferdinand  &  au  roi 
d'Efpagne.  Le  monarque  Autrichien 
voulut  s'aller  mettre  à  la  tête  de  fes 
armées  :  il  avait  eu  le  talent  de  trou- 
bler l'Empire ,  &  fes  miniftres  jugeant 
qu'il  aurait  fans  doute  celui  de  fe  flûre 


deGustave-Adolfe.  227 

battre ,  &  qu'alors  les  affaires  iraient 
encore  plus  mal,  ils  s'attachèrent  à  ^^^2. 
changer  fa  réfolution ,  &  à  le  convain-  •^^'^^^^''• 
cre  que  Valftein  feul  pouvait  arrêter 
les  conquêtes  du  roi  de  Suéde  &  fou- 
mettre  les  proteftans.  Ces  infinuations 
n'étaient  pas  défintéreirées  de  la  .part 
des  miniftres  ;  car  plufieurs  fondaient 
leur  fortune  fur  celle  de  Valffcein  qui 
avait  fu  les  gagner.  Ferdinand  con- 
vaincu que  le  duc  eft  fon  unique  réf. 
fource ,  fe  détermine  à  une  nouvelle 
tentative,  quoiqu'il  trouve  humiliant 
de  s'abaifler  devant  fon  fujet  ;  mais  il 
forme  la  réfolution  de  faire  fentir  à  cet 
homme  fuperbe  le  poids  de  l'autorité 
fouveraine ,  s'il  l'expofe  à  l'affront  d'un 
nouveau  refus.  Valftein ,  inftruit  des 
vues  de  l'empereur ,  affede  de  dire  pu- 
bliquement qu'il  ne  reprendra  jamais 
le  généralat.  11  fentait  à  quel  point  fa 
réfiftance  choquait  l'orgueil  de  Ferdi- 
nand j  mais  il  favait  que  ,  s'il  n'accep- 


16B2. 

Janvier. 


228        Campagnes 

tait  le  commandement  des  armées ,  le 
monarque  était  perdu ,  &  il  voulait 
profiter  de  fon  embarras  pour  fe  rendre 
maître  des  affaires. 

Le  prince  d'Eggenberg ,  Tévêque  de 
Vienne ,  &  un  Capucin  Efpagnol ,  aufli 
adroit  qu'intrigant ,  nommé  Chiroga , 
fe  rendent  à  Znaim ,  par  ordre  de  l'em- 
pereur ,  pour  offrir  le  généralat  à  Val- 
ftein  &  combattre  fa  répugnance.  Jls 
commencèrent  par  lui  repréfenter  qu'il 
devait  facrifier  fes  mécontentemens 
particuliers  au  bien  public  ;  qu'il  était 
fiatteur  pour  lui ,  que  Ferdinand  ne  crût 
pas  avoir  dans  fes  vail:es  états  un  fujet 
plus  digne  de  rétablir  la  gloire  de  fes 
armes,  &  que  le  monarque  daignât 
defcendre  de  fon  trône  pour  le  conju- 
rer de  reprendre  le  commandement  des 
armées.  Valftein  allègue  les  mêmes 
raifons  rapportées  précédemment,  & 
ajoute  <*  qu'il  trouvera  les  troupes  en- 
„  tiérement  découragées ,  &  n'aura  au- 


DE    GUST  AVE-AdOLFE.   229 

„  cun  moyen  pour  leur  rendre  de  Té- 
5,  mulation ,  puifque  tous  les  objets  qui 
j,  doivent  être  la  récompenfe  de  la  bra- 
5,  voure,  font  devenus  l'apanage  de 
55  l'intrigue  &  de  la  faveur  ;  que  jour- 
„  nellement  expofé  aux  calomnies  des 
,5  Jéfuites  &  de  l'éleéleur  de  Bavière 
55  fes  ennemis  déclarés ,  il  ne  voit  que 
55  du  danger  à  foufcrire  aux  defirs  de 
5,  l'empereur  ;  que  comme  la  néceflité 
„  feule  engage  le  monarque  à  le  re- 
55  chercher ,  s'il  eft  aflez  heureux  pour 
55  triompher  des  proteftans ,  on  ne  ba- 
,5  lancera  pas  à  le  facrifier  une  féconde 
55  fois  dès  qu'on  n'aura  plus  befoin  de 
,5  fes  fervices  ;  que  fi  ..au  contraire  il 
„  eft  vaincu ,  l'on  fe  portera  contre  lui 
55  aux  dernières  extrémités ,  &  qu'ainli 
,5  il  ne  peut  accepter  le  généralat  fans 
„  courir  à  fa  perte.  »  Eggenberg  ré- 
pond féchement  à  Valftein ,  «  qu'il  eft 
„  encore  plus  dangereux  pour  lui  de 
„  perfifter  dans  fes  refus ,  qu'il  lui  con- 

P  iij 


I<552. 

Janvier. 


'230       C    A    IVI   P   A   G   N   E   S 

„  fie  en  ami ,  que  s'il  ne  fatisfait  Pem- 
^     ^'    i>  pereiir ,  le  monarque  irrité  de  fe  voir 

Janvier.  ,      .p/  p        r  •   ,.      r 

„  meprile  par  ion  iujet,  le  vengera 
„  d'une  manière  éclatante  ;  qu'il  eft  ini- 
„  prudent  de  forcer  fon  fouverain  à  des 
3,  démarches  humiliantes  &  à  un  aveu 
„  public  de  fes  torts  ;  qu'au  refte  il  lui 
35  offre  de  la  part  de  Ferdinand  toutes 
„  les  fûretés  qu'il  demandera ,  &  que 
.  „  le  monarque  l'autorife  à  fixer  lui- 
„  même  le  prix  de  fes  femces,  les 
33  récompenfes  &  les  honneurs  aux- 
5,  quels  il  prétend.  » 

Ce  difcours  étonne  Valftein  ;  il  ré- 
plique que,  puifqu'on  s'en  rapporte  à 
lui  pour  les  conditions,  il  demande 
vingt -quatre  heures  pour  réfléchir  à 
celles  qu'il  doit  exiger.  Le  terme  écou- 
lé ,  il  remet  au  prince  d'Eggenberg  les 
articles  dont  voici  la  fubftance  :  i°.  Je 
ferai  feul  généraliffime  de  l'empereur, 
du  roi  d'Efpagne  &  de  toute  la  mai  fon 
d'Autriche ,  fans  qu'on  puifle  me  don- 


DE   GUST  A  VE-AdOLFE.    25ï 

ner  jamais  un  iiipérieur.  2*.  L'empe- 
reur &  le  roi  de  Hongrie  ne  pourront  ^^32. 
venir  à  l'armée.  Quand  la  Bohême  fera  ^^"^^^'■' 
reconquife,  le  dernier  réfidera  à  Pra- 
guç,  &  Balthazar  de  Maradas  reliera 
dans  le  royaume  avec  douze  mille 
hommes  abfolument  néceffi\ires  pour 
contenir  les  peuples  &  empêcher  de 
nouvelles  rebellionsi  3^.  L'empereur 
m'afliirera  authentiquement  à  titre  de 
récompenfe  ordinaire  la  fucceffion  de 
quelqu'un  des  états  héréditaires  d'Au- 
triche. 4<^.  J'aurai  comme  une  récom^ 
penfe  extraordinaire  la  fuzeraineté  & 
le  domaine  dired  de  tous  les  pays  qui 
feront  reconquis  dans  l'Empire,  f^. 
Tous  les  états  qui  feront  confifqués 
m'appartiendront  ;  de  manière  que  ni 
le  confeil  aulique  de  l'Empire ,  ni  la 
chambre  impériale  ne  pourront  y  pré- 
tendre ni  droits  ni  jurifdiétion  queU 
conques.  6°.  Je  ferai  maître  abfoîu  des 
emplois ,  des  peines  &  des  récompen^ 

Piv 


232  Campagnes 
fes  des  gens  de  guerre ,  de  quelques 
1532.  gY?ide  &  qualité  qu'ils  foient.  Comme 
l'empereur  laiflTe  beaucoup  de  fautes 
impunies  &  détruit  par  œtte  indul- 
gence les  deux  grands  reflbrts  qui  font 
agir  les  hommes ,  la  crainte  des  châti- 
mens  &  l'efpoir  des  récompenfes ,  les 
lettres  de  grâces  accordées  par  S.  M.  T. 
&  fignées  de  fa  main ,  feront  nulles  à 
moins  que  je  ne  les  ratifie.  7^.  Je  ferai 
rétabli  à  la  paix  dans  le  duché  de  Mec- 
kelbourg.  8^.  On  me  fournira  l'argent 
nécefîaire  à  l'entretien  des  troupes  & 
aux  frais  de  la  guerre.  9^),  Tous  les 
pays  héréditaires  de  l'empereur  me  fe- 
ront ouverts  en  cas  de  retraite  ou  de 
paflage. 

Le  prince  d'Eggenberg ,  l'eA^êque  de 
Vienne  &  le  Capucin  Chiroga  avaient 
toujours  penfé  que  Valftein  exigerait 
beaucoup;  mais  ils  ne  croyaient  pas 
que  fes  prétentions  fuflentfi  étendues. 
Us  voulurent  l'engager  à  les  modérer  : 


DE    GuSTAVE-AdOLFE.   25? 

le  duc  répondit  que  fes  fervices  étaient 
à  ce  prix.  L'empereur  ne  pardonna  ja-  i<^52. 
mais  à  Valftein  de  lui  avoir  prefcrit 
des  conditions  humiliantes  ;  cependant 
il  les  ratifia  :  ce  qui  prouve  l'extrémité 
où  il  fe  trouvait  Cet  excès  de  faibleflfe 
dans  le  chef  de  l'Empire  à  l'égard  d'un 
lîmple  particulier  tel  que  le  duc ,  dé- 
plut à  quelques  Autrichiens  &  aux  Et 
pagnols ,  qui  naturellement  fiers  font 
choqués  quand  leurs  maîtres  s'avilif. 
fent  :  les  uns  &  les  autres  foufFraient 
de  voir  Ferdinand  foumis  aux  caprices 
d'un  fujet  arrogant  ;  mais  ils  feignirent 
d'approuver  ce  qu'ils  ne  pouvaient 
changer,  &  de  céder  à  la  néceffité; 
d'ailleurs  les  épargnes  immenfes  deVal- 
ftein  &  l'efliime  que  les  gens  de  guerre 
avaient  pour  lui ,  le  rendaient  plus  pro- 
pre qu'un  autre  à  rétablir  les  affaires 
de  la  maifon  d'Autriche.  La  cour  de  Ma- 
drid même  traita  le  duc  en  homme  né- 
eeffaire ,  car  elle  joignit  à  des  patentes 


254       Campagnes 

honorables  Tordre  de  la  Toifon  d'or. 
1(552.  Lespartifans  de  Valftein  triomphaient 
de  s'être  ouvert  le  chemin  du  crédit  & 
des  honneurs  qui  devaient  être  le  prix 
de  leurs  confeils.  La  nouvelle  que  le 
commandement  fuprême  avait  été  ren- 
du au  duc,  releva  le  courage  abattu 
des  peuples  habitués  à  fe  repaître  des 
efpérances  qui  flattent  le  plus  leur  pré- 
vention. On  ne  manqua  pas  d'ériger 
en  vertus ,  les  vices  même  de  Vaftein  ; 
il  était  extraordinaire  en  tout ,  &  on 
lui  fît  un  mérite  de  fes  caprices ,  parce 
que  la  fmgularité  frappe  davantage  le 
vulgaire  que  le  vrai  mérite.  Enfin  la 
nomination  du  nouveau  généraliflime 
produifit  une  forte   d'ivrefle. 

Prefque  tous  les  grands  de  la  cour 
de  l'empereur  fe  cotiferent  &  lui  four- 
nirent gratuitement  des  fommes  con- 
fidérables ,  &  Valftein  deftina  généreu- 
fement  au  rétabliflement  de  l'armée 
une  partie  de  celles  qu'il  avait  amaffées 


DE    GUST  AVE-AdOLFE.   2K 

pendant  fon  premier  généralat.  Les 
Jéfuites  fe  diflinguerent ,  en  levant  à 
leurs  dépens  cinq  régimens  :  il  eft  vrai 
que  le  zèle  de  ces  moines  n'était  pas 
défintéreflë  5  ils  ne  voulaient  contri- 
buer à  la  deftruâion  des  proteftans 
que  dans  l'efpérance  d'être  mis  en  pof- 
feflion  des  biens  eccléfiadiques ,  que 
ceux-ci  s'étaient  appropriés  à  l'époque 
de  la  réforme. 

Il  fut  d'abord  queftion  de  lever  trente 
mille  hommes  ;  mais  Valftein  trouva 
que  ce  n'était  pas  afTez  ,  parce  que  plu- 
fieurs  princes  de  l'Empire,  en  réu- 
nifiant leurs  forces ,  pouvaient  en  avoir 
davantage  :  il  prétendait  d'ailleurs, 
qu'aufii  long-tems  qu'on  fe  bornerait 
à  faire  la  guerre  à  forces  égales ,  on 
dépendrait  toujours  des  caprices  de  la 
fortune  ;  que  fi  l'on  ne  cherchait  pas  à 
s'aflurer  la  vidoire  par  la  fupériorité 
du  nombre ,  le  tems  s'écoulerait ,  & 
les  peuples  feraient  ruinés  fans  fruit  ^ 


2^6  Campagnes 
&  que  fi  l'on  était  obligé  de  foutenir 
i6i2.  i^  guerre  dans  les  états  héréditaires', 
Janvier,  pg^^pej-euf  f^j-^it  bientôt  réduit  à  con- 
clure uns  paix  honteufe  ;  au  lieu  qu'a- 
vec une  armée  nombreufe  on  porterait 
facilement  la  guerre  dans  le  pays  en- 
nemi ,  &  l'on  vivrait  à  fes  dépens. 
Bientôt ,  ajoutait  Valftein ,  l'empereur 
fera  l'efclave  de  fes  vaflaux  &  de  leurs 
alliés ,  s'il  n'a  des  forces  fuffifantes 
pour  les  contenir  :  dans  la  fituation  où 
font  les  affaires ,  cent  mille  hommes 
fuffiront  à  peine ,  s'il  veut  conferver  fa 
couronne.  Ces  raifons  firent  impreffion, 
&  l'on  réfolut  de  lever  autant  de  trou- 
pes qu'on  pourrait. 

Valflein  envoya  dans  les  Pays  -  Bas 
le  comte  de  Mérode  pour  engager  les 
Efpagnols  à  y  lailfer  raffembler  cinq 
mille  hommes  pour  le  fervice  de  la 
Ligue.  Le  généraliffime  chargea  Terz- 
ki  (a)  fon  beau-frere ,  &  le  comte 

(fl)  Ou  Tcrzica. 


DE  Gustave-Adolfe.  237 
de  Dohna  d'aller  en  Pologne  pour  ob- 
tenir du  roi  Sigifniond  en  particulier  & 
des  Polonais  en  général ,  un  puifiant 
fecours.  La  négociation  avait  déjà  été 
entamée  par  Arnoldini;  mais  la  diète, 
confidérant  que  les  Mofcovites  alors 
en  bonne  intelligence  avec  la  Suéde , 
pouvaient  faire  en  faveur  de  Guftave 
une  puiflante  diverfion  contre  la  répu- 
blique ,  fe  refufa  aux  demandes  de  la 
cour  de  Vienne ,  quoique  Sigifniond 
qui  délirait  traverfer  les  Suédois,  fé- 
condât de  tout  fon  pouvoir  le  miniflre 
Autrichien.  Les  agens  de  Tempereur 
furent  donc  réduits  à  négocier  fecré- 
tement  avec  des  particuliers ,  dont  le 
plus  grand  nombre  ne  leur  accorda 
rien;  mais  ils  parvinrent  à  engager 
quelques  feigneurs  bigots  à  des  levées 
clandeftines,  qui  filèrent  en  Siléfie.  En- 
fin ce  fecours  coûta  plus  de  peines 
qu'il  ne  valait  ;  il  confiftait  au  plus  en 
deux  mille  chevaux  &  en  trois  mille 


155  a. 

Janvier. 


Janvier. 


238  Campagnes 
mauvais  fantaflins  de  différentes  na- 
1652.  tions.  Ifolani  fe  rendit  en  Croatie, 
d'où  il  ramena  un  corps  de  cavalerie 
légère.  Les  recruteurs  fe  répandirent 
dans  la  Siléfie ,  la  Moravie  ,  l'Autriche, 
la  Styrie  ,  le  Tirol  &  la  Carinthie.  Val- 
ftein  régla  que  la  plus  grande  partie 
des  troupes  exiftantes  fubfifterait  aux 
dépens  de  la  Bohême ,  où  elles  étaient 
néceffaires  pour  contenir  les  Saxons; 
il  décida  en  même  tems  que  la  Siléfie 
fournirait  des  quartiers  à  quatorze  mille 
hommes ,  la  Moravie  à  douze  mille , 
la  haute  &  la  baffe  Autriche  à  fix  régi- 
mens  chacune.  Les  environs  de  Vienne 
à  trois  lieues  à  la  ronde  furent  feuls 
exceptés.  Les  députés  de  ces  provinces 
repréfenterent  l'impoffibilité  qu'elles 
fubvinffent  A  cette  furcharge.  On  les 
adreffi  à  Valftein  qui  les  renvoya  chez 
eux  après  leur  avoir  allégué  pour  toute 
rëponfe,  cet  axiome  :  La  nécejjîté  ejl 
ûU'deJJus  des  loix^ 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.   259 

L'empereur  enjoignit  à  tous  fes  gé- 
néraux de  remettre  leurs  troupes  à  Val-  i  ^3  2- 
ftein  &  de  prendre  fes  ordres.On  éprou-  J^^^^*^^' 
va  l'effet  que  produit  fur  la  multitude 
un  homme  accrédité.  Un  grand  nombre 
d'officiers  dévoués  au  duc  &  retirés  du 
fervice  en  même  tems  que  lui ,  accou- 
rurent pour  demander  de  l'emploi.  Val- 
ftein  fit  venir  près  de  lui  tous  les  co- 
lonels ,  &  eut  pour  la  première  fois  de 
fa  vie ,  ces  manières  engageantes  que 
favent  prendre  les  grands  avec  ceux 
dont  ils  ont  befoin.  Le  généraliffime 
n'ordonnait  pas ,  il  priait.  Tant  d'affa- 
bilité dans  un  cheffidefpote  commu- 
niquait une  vertu  perfuafive  à  tout  ce 
qu'il  difait  ;  il  fut  d'ailleurs  exciter  l'é- 
mulation générale ,  foit  par  des  encou- 
ragemens ,  foit  en  accordant  à  quelques 
officiers  des  grades  fupérieurs  à  ceux 
dont  ils  étaient  revêtus.  On  ne  voyait 
par -tout  qu'enrôleurs  &  enrôlés  qui 
fe  rendaient  à  Znaim,  où  Valftein  avait 


Janvier. 


S40  Campagnes 
établi  fon  quartier  général  &  le  rendez- 
uJr^'  ^^'-^^  ^^^  forces  qu'il  aflemblait.  Quoi- 
qu'on trouvât  des  hommes  plus  faci- 
lement qu'auparavant ,  on  enlevait  de 
force  ceux  qui  refufaient  de  marcher. 
Cette  violence  &  les  pafTages  fréquens 
de  troupes  excitèrent  parmi  les  peuples 
beaucoup  de  murmures  qu'on  dédai- 
gna ,  félon  la  coutume.  Ces  levées  ex- 
traordinaires d'hommes  diminuèrent 
fenfiblement  la  population  des  états 
héréditaires  déjà  épuifésparla  longueur 
de  la  guerre  &  nuifirent  à  l'agriculture  ; 
mais  enfin  l'empereur  eut  une  armée 
fuffifante  pour  modérer  les  fuccès  de 
Guftave-Adolfe ,  fi  le  nombre  pouvait 
compenfer  le  génie. 

Valftein  perfuadé  que  fans  une  dif- 
cipline  rigide  fës  plus  grandes  armées 
n'opèrent  rien  d'utile,  fit  des  régle- 
mens  pour  la  rétablir  ;  il  avait  pour 
maxime  de  mettre  à  l'épreuve  l'obéif. 
fance  des  officiers  &  des  foldats  par  des 

ordres 


DE   Gustave- Ad OLFE.  241 

ordres  extraordinaires  :  la  plus  légère 
omiflîon  étaitàfes  yeux  un  crime  ca-  ^<^5  2' 

.     1     .1      /    1  '  T.  '  •      Janvier. 

pitai  ;  Il  régla  que  toute  1  armée  aurait 
à  l'avenir  des  écharpes  rouges ,  &  dé- 
cerna la  peine  de  mort  contre  quicon- 
que en  porterait  d'une  autre  couleur; 
il  déclara  qu'on  chalTerait  avec  igno- 
minie les  officiers  de  cavalerie  &  les 
cavaliers  qui  paraîtraient  en  public  fans 
bottes  garnies  d'éperons ,  &  défendit 
fous  la  même  peine  à  l'infanterie  d'em- 
ployer cette  chaufîure  ;  il  menaça  de 
fon  indignation,  même  les  généraux 
qui  s'aviferaient  de  parler  haut  chez  lui 
&  aux  environs ,  à  moins  qu'il  ne  le 
leur  permît  ;  de  manière  que  ce  filence 
humiliant  pour  Pefpece  humaine  &  in- 
connu ailleurs  que  dans  les  palais  des 
defpotes  d'Orient ,  régnait  prefque  tou- 
jours dans  la  maifon  de  Valftein  :  il  don- 
nait de  tels  ordres  pour  augmenter  la 
crainte  qu'il  voulait  infpirer ,  car  le  ref- 
peél  feul  ne  le  fatisfaifait  pas;  au  refte 
Pmie  m,  Q 


242      Campagnes 

"77~~  lâchant  combien  la  familiarité  contri- 
.lo32.  ,  , 

1     .      bue  à  le  détruire  ,  il  fe  communiquait 

Janvier.  '  ^ 

rarement;  car  comme  il  était  convaincu 
qu'un  maître  perd  toujours  de  fa  confi- 
dération  aux  yeux  de  fes  domeftiques , 
quelqu'obéiiïance  qu'ils  lui  doivent  & 
quel  que  foit  l'éclat  de  fon  rang,  il 
penfait  de  même  qu'un  général  qu'on 
voit  fréquemment  ne  peut  en  impofer 
à  fes  fubordonnés ,  qui  s'accoutument 
à  le  confidérer  moins  comme  un  chef 
qui  ordonne,  que  comme  un  égal  qui 
confeille. 

11  paraît  néceflaire  d'ajouter  quelques 
traits  à  refquifiTe  faite  ailleurs  du  por- 
trait de  Valftein  ,  afin  d'achever  de  dé- 
velopper fon  caradere.  Chafle  du  col- 
lège à  caufe  de  fa  turbulence ,  il  devint 
page  du  margrave  de  Burgau ,  fils  de 
l'archiduc  Ferdinand  d'Infpruck ,  em- 
brafla  enfuit e  le  parti  des  armes  &  s'é- 
leva rapidement  aux  premiers  emplois  ; 
il  était  de  grande  taille  &:  d'un  tempe- 


DE  Gustave- A DOLFE.  245 
rament  fec  ,  avait  le  teint  olivâtre ,  les  ^"^'^^ 
cheveux  roux  &  fort  courts ,  les  yeux  ^^5  2. 
vifs,  un  afped  farouche  &  une  voix  J^'^^'^^^- 
rude  ;  il  parloit  peu  &  ne  riait  prefque 
jamais.  Il  étoit  inexorable  pour  la 
moindre  fliute  :  on  allure  qu'il  lit  pen- 
dre un  valet  -  de-  chambre  pour  l'avoir 
éveillé  contre  fon  ordre.  On  le  taxait 
de  cruauté  &  avec  raifon  ;  mais  il  s'ex- 
cufait  en  difant  que  c'était  le  moyen 
d'avoir  peu  de  punitions  à  infliger ,  par- 
ce que  quiconque  voit  châtier  févére- 
ment  une  faute  légère,  craint  d'en  com- 
mettre une  plus  grande ,  &  qu'il  y  a 
beaucoup  d'art  à  favoir  par  l'exemple 
d'un  mauvais  fujet  retenir  les  autres 
dans  le  devoir,  &  ne  fe  réferver  que 
le  foin  de  récompenfer.  Plutôt  prodi- 
gue que  généreux ,  fi  Valftein  punifiait 
avec  rigueur ,  il  récompenfait  avec  ex- 
cès 5  ne  donnant  jamais  moins  de  mille 
écus.  Comme  les  récompenfes  étaient 
magnifiques,  chacun  s'efforçait  d'en 


244        Campagnes 
"  mériter  ;  il  mefurait  toujours  fes  bieii- 
,        *  faits ,  non  à  la  condition ,  mais  au  mé- 

Janvier.  a  i 

rite  qu'il  croyait  reconnaître  dans  ceux 
qui  les  recevaient  Valffcein  voulant 
s'attacher  Seni,  aftrologue  fameux, 
charge  fon  maître-d'hôtel ,  autre  Ita- 
lien nommé  Peroni ,  d'aller  à  Vienne 
pour  l'attirer  à  fon  fervice.  Peroni  con- 
vient avec  fon  compatriote  qu'on  lui 
donnera  par  mois  vingt -cinq  écus  de 
gages;  le  duc  en  fut  indigné.  Garde , 
dit  -  il  à  fon  maître  -  d'hôtel ,  ta  lé  fine 
italienne  pour  quand  tu  feras  dans  ton 
pays  :  elle  peut  convenir  dans  ta  mai/on  ; 
mais  elle  ferait  déplacée  chez  moi.  J'au- 
rais honte  de  f  mal  récompenfer  les  grands 
talens  de  Seni ,  0  d'avoir  à  mes  gages 
un  homme  qui  Je  croirait  payé  ou-dejfous 
de  fa  valeur.  L'allrologue  eut  quatre 
cents  écus  pour  fon  voyage  qu'il  pou- 
vait faire  en  un  jour,  deux  mille  écus 
d'appointemens ,  un  carrolfe  &  des  do- 
meftiques.  Valilein  avait  \m  fi  grand 


DE  Gustave-Adolfe.  24r 

faible  pour  l'aftrologie,  qu'il  ne  faifait 

rien  fans  confulter  les  aftres ,  &  n'em-  ^ 
ployait  qu'avec  répugnance  ceux  qui 
étaient  nés  fous  des  conftellations  qu'il 
croyait  malheureures.  Le  duc  fe  plai- 
fait  à  enrichir  quiconque  avait  du  mé- 
rite, fans  égard  à  la  condition  ;  plulieurs 
limples  foldats  furent  élevés  pour  une 
belle  adion  au  grade  de  capitaine ,  avec 
un  revenu  proportionné  à  leur  nou- 
veau rang.  Valftein  né  dans  la  médio- 
crité, affed:ait  d'humilier  ceux  qui  n'a- 
vaient d'autres  avantages  qu'une  naif- 
fan  ce  diftinguée.  Tout  le  monde  cher- 
chait à  gagner  les  bonnes  grâces  du 
duc  par  des  adions  de  valeur,  &  jamais 
par  de  lâches  flatteries  ou  des  déla- 
tions :  il  avait  en  horreur  ces  moyens 
honteux  qui  fubjuguent  tant  d'hom- 
mes en  place.  Quand  un  officier  dont 
il  ne  connaifîait  pas  les  talens  venait 
lui  faire  un  étalage  pompeux  de  fon 
zele  :  ^//e{ ,  lui  di[mt'il ,  prouver  ce  quQ 

Q  iij 


an  vier. 


246  Campagnes 
vous  avance^  „  &  alors  je  vous  verrai 
\^^'  avec  plaifir.  Les  politefles recherchées 
le  contrariaient  ;  &  quand  il  rencon- 
trait un  révérencieux  :  Vous  êtes ,  di- 
fait-il ,  un  de  ces  complimenteurs  qui  le 
chapeau  à  la  main  s* arrêtent  une  demi- 
heure  à  une  porte  ^  &  s* enrhument  pour 
Javoir  à.  qui  pajfera  le  dernier.  Le  duc 
accompagnait  cette  leçon  de  plufieurs 
révérences  grotefques,  &  fe  retirait 
brufquenient. 

Le  luxe  de  Valftein  furpafTait  celui 
des  fouverains  les  plus  magnifiques; 
il  avait  toujours  cinquante  gardes  dans 
fon  anti  -  chambre  ,  tandis  que  douze 
autres  faiiaient  continuellement  la  ron- 
de autour  de  fa  maifon  ou  de  fon  quar- 
tier ,  pour  empêcher  le  bruit  que  le  duc 
ne  pouvait  fouffrir  ;  il  entretenait  un 
nombre  prodigieux  de  domeftiques  de 
différentes  clalTeSjfoixante  pages  no- 
bles &  beaucoup  de  gentilshommes. 
Quatre  chambellans   étaient  chargés 


DE  Gustave-Adolfe.  247 

d'introduire  à  fon  audience  ceux  qu'il 
daignait  y  admettre,  ou  de  £iire  les  i<^3S. 
honneurs  de  fa  maifon  aux  étrangers.  ^^^'''^^^° 
Il  avait  toujours  pour  premier  maître- 
d'hôtel  un  homme  de  qualité  &  douze 
barons  ou  chevaliers  de  l'Empire  près 
de  fa  perfonne  pour  recevoir  fes  ordres 
&  les  faire  exécuter.  Il  entretenait  cin- 
quante attelages  à  fix  chevaux;  & 
quand  il  voyageait,  il  était  fuivi  par 
cinquante  palefreniers  menant  chacun 
en  main  un  cheval  de  prix;  cinquante 
chariots  portaient  fon  bagage.  Il  faifait 
fervir  cent  plats  fur  fa  table  ,  n'y  pa- 
raiflait  prefque  jamais  &  fe  contentait 
dans  fon  particulier  d'un  repas  frugal. 
Valftein  avait  un  grand  nombre  de  pa- 
lais &  de  maifons  de  plaifance  meublés 
magnifiquement.  Fils  d'un  fimple  gen- 
tilhomme Bohémien  &  né  dans  la  mi- 
fere  ,  il  fubvenait  à  des  dépenfes  ex- 
ceffives  avec  le  fruit  des  dépouilles  de 
l'Empire.  Ses  revenus  confiftaient  en 

0  iv 


248  *    Campagnes 
cinq  cents  mille  écus  provenans  de  fes 
16^2.   terres  ,  en  cent  vingt  mille  d'appointe- 

Janvier.  /     '     i-rr  x.     • 

mens  comme  generaiiiiime ,  en  trois 
millions  de  livres  de  rentes  fur  la  ban- 
que de  Venife  &  en  une  fomme  im- 
menfe  d'argent  comptant 

Jamais  perfonne  n'a  mieux  connu 
que  Valftein  les  faiblefles  du  cœur  hu- 
main &  n'y  a  été  plus  en  proie  ;  il  avait 
un  rare  talent  pour  faire  agir  deux 
puiflans  refforts ,  l'ambition  &  l'inté- 
rêt ,  enfin  pour  jouer  de  l'homme.  Sa 
rigueur  était  tempérée  par  fa  bienfai- 
fance.  Si  pour  acquérir  il  commet- 
tait des  vexations  également  baffes  8c 
odieufes ,  d'un  autre  côté  il  répandait 
à  pleines  mains  :  affemblage  bizarre  de 
grandes  vertus,  de  grands  défauts  & 
même  de  vices ,  c'eft  l'un  des  hommes 
les  plus  extraordinaires  qui  aient  paru 
fur  la  fcene  du  monde.  Valftein  avait 
un  grand  caradere  avec  des  talens  mi- 
litaires  médiocres.    Guftave  -  Adolfe 


DE  Gustave-Adolfe.  249 
l'eftimait  peu  &  l'appellait  le  fot ,  ftii- 
fant  ainfi  allufîon  à  fa  vanité  &à  fon  ï<^32. 
orgueil.  On  a  vu  que  le  monarque  don-  ^^^'^^^' 
nait  au  comte  de  Tilli  l'épithete  de 
vieux  caporal  ;  il  défignait  toujours 
Pappenheim  par  celle  de  foldat.  Ces 
fobriquets  peignent  au  naturel  les  trois 
généraux  de  la  Ligue. 

Dès  que  l'électeur  de  Bavière  fut  que 
Valftein  allait  reparaître  à  la  tête  des 
armées ,  il  fit  partir  Donnersberg  fon 
chancelier  avec  une  lettre  pour  l'em- 
pereur :  il  prétendait  que  fes  forces 
n'étaient  pas  fuffifantes  pour  réfifter 
aux  Suédois  ;  que  l'infante  des  Pays- 
Bas  lui  avait  mandé  de  ne  rien  hafar- 
der  contre  eux ,  à  moins  que  d'avoir 
aflez  de  troupes  pour  les  réduire  à  la 
défenfive  ;  qu'il  avait  fenti  la  nécelfité 
de  temporifer,  plutôt  que  de  ruiner 
inutilement  fon  armée  avant  que  les 
forces  de  la  Ligue  fuffent  raflemblées 
&  puffent  agir  ;  qu'il  fallait  efpérer  que 


2fo       Campagnes 

la  facheufe  fituation  des  catholiques 
1652.  changerait  ;  enfin  qu'il  foupçonnait  à 
la  France  le  deflein  d'envoyer  une  ar- 
mée à  leur  fecours ,  &  qu'il  était  afluré 
que  les  préparatifs  de  cette  couronne 
«l'étaient  pas  deftinés  contre  la  maifon 
d'Autriche.  L'élecleur  cherchait  par  ces 
raifons  à  excufer  aux  yeux  de  l'em- 
pereur l'ordre  donné  au  comte  de  Tilli 
de  refter  fur  la  défenfive ,  ce  qui  Tavait 
empêché  de  fecourir  efficacement  con- 
tre Guftave  le  cercle  de  Franconie  & 
les  électeurs  eccléfiaftiques.  A  l'égard 
des  projets  que  Maximilien  prêtait  à  la 
France ,  ce  qu'on  a  rapporté  précédem- 
ment prouve  que  c'était  une  chimère  ; 
il  cherchait  fans  doute  à  fe  donner  un 
relief  auprès  de  la  cour  de  Vienne ,  en 
perfuadant  que  c'était  à  fon  intelli- 
gence avec  le  cardinal  de  Richeheu 
que  la  Ligue  devrait  les  fecours  de 
Louis  XIII  ou  au  moins  l'inaction  de 
ce  monarque.  Voyant  le  parti  catho- 


DE    GUST  AVE-AdOLFE.   2fl 

îique  prefqu'écrafé ,  l'éledeur  voulait  TTTT^ 
négocier  en  même  tems  avec  l'empe-  janvier. 
reur  &  le  roi  de  France  ,  afin  de  pou- 
voir tromper  l'un  ou  l'autre  félon  que 
fon  intérêt  l'exigerait ,  &  la  tournure 
que  prendraient  les  affaires  de  la  Ligue. 
Maximilien  ajoutait  dans  fa  lettre<<  qu'il 
„  avait  toujours  efpéré  que  Valftein  - 
35  dépofé  dugénéralat  en  i^^oàlafol- 
3,  licitation  des  éledeurs  ,  ne  pourrait 
53  être  rétabli  que  de  leur  confente- 
,5  ment  ;  mais  qu'il  apprenait  avec  éton- 
„  nernent  qu'on  eût  dédaigné  de  les 
55  confulter  ;  que  cependant  dans  des 
,5  conjondures  fi  malheureufes  il  con- 
55  fentait  à  facrifier  fon  mécontente- 
55  ment  particulier ,  &  voulait  bien  ne 
5,  pas  s'oppofer  au  retour  de  Valftein  j 
53  mais  qu'il  fe  croyait  en  droit  de  de- 
55  mander  que ,  quand  le  nouveau  gé- 
,5  néraliffime  rentrerait  dans  l'Empire , 
55  il  épargnât  le  duché  de  Bavière ,  déjà 
,5  épuifé  par  tout  ce  qu'on  en  avait  tiré 


1532. 

Janvier. 


2f2  Campagnes 
pour  foutenir  la  guerre  ,  le  difpenfat 
de  fournir  des  quartiers  aux  troupes, 
&  même  de  leur  pafTage  ;  que  comme 
il  était  probable  que  le  roi  de  Suéde 
finirait  par  reconquérir  le  palatinat 
du  Rhin  &  celui  de  Bavière ,  il  fup- 
pliait  S.  M.  I.  de  lui  reftituer  en 
échange  la  partie  de  la  Haute -Au- 
triche qu'arrofe  l'Ems,  qu'on  lui  avait 
hypothéquée  précédemment  ;  qu'au 
furplus  il  offrait  de  féconder  le  mo- 
narque Autrichien  autant  que  l'épui- 
fement  de  fes  reffources  le  permet- 
trait ,  &  qu'il  avait  déjà  pris  des  me- 
fures  pour  que  l'ennemi  ne  pût  pé- 
nétrer avec  facilité  dans  le  cœur  de 
l'Autriche,  &  notamment  dans  le 
pays  qui  avoifme  i'Ems ,  à  la  confer- 
vation  duquel  il  devait  s'intéreffer 
particulièrement  „. 
Pour  comprendre  ce  qu'on  A^ent 
de  lire ,  il  faut  fe  rappelier  que  l'em- 
pereur, afin  d'engager  dans  fon  parti 


DE    GuSTAVE-AdOLFE.     2f5 

le  duc  de  Bavière  au  commencement   ^**^ 
des  troubles  de  Bohême ,  lui  avait  cédé  ., 

Janvier. 

une  partie  de  la  Haute-Autriche,  contre 
laquelle  il  échangea  dans  la  fuite  le 
palatinat  de  Bavière  confifqué  au  pala- 
tin Frédéric  V ,  &  paya  ainfi  fon  allié 
aux  dépens  de  fon  ennemi ,  en  violant 
il  eft  vrai  les  loix  de  l'Empire  ;  mais 
on  a  prouvé  que  Ferdinand  n'était  pas 
homme  à  les  obferver  lorfqu'elles  con- 
trariaient fes  intérêts.  La  lettre  de  l'é- 
leéleur  &  plus  encore  fon  refroidifle- 
ment  pour  la  Ligue  inquiétèrent  le 
monarque  ;  il  répondit  en  termes  géné- 
raux, mais  fort  ménagés,  à  tous  les 
points  de  la  lettre  du  duc ,  dont  il  crai- 
gnait d'être  abandonné ,  &  ne  négli- 
gea en  même  tems  aucun  des  moyens 
propres  à  le  retenir  dans  fon  parti. 
Pour  Valflein ,  il  dédaigna  de  diffimu- 
1er  ;  &  quand  il  apprit  les  plaintes  de 
Maximilien  à  fon  fujet,  il  s'emporta 
contre  ce  prince ,  tint  publiquement 


2f4       Campagnes 
fur  fon  compte  des  difcours  injurieux, 
1632.  &  dans  la  fuite  lui  fit  elTuyer  mille  dé- 

Janvier.     ,,        / 

fagremens. 

Tandis  qu'on  faifait  en  Haute-Alle- 
magne des  préparatifs  pour  empêcher 
les  proteitans  d'y  porter  la  guerre ,  les 
généraux  de  Guftave  la  continuaient 
en  Baffe -Saxe  contre  les  débris  des 
forces  de  la  Ligue.  Quoique  le  colonel 
Gramm ,  commandant  de  Vifmar ,  eût 
la  réponfe  du  général  Tieffenbach ,  & 
que  le  terme  prefcrit  pour  l'évacuation 
de  la  place  fût  expiré ,  il  différa  fous 
différens  prétextes  de  la  remettre  au 
duc  de  Meckelbourg.  Preffé  de  nou- 
veau par  ce  prince  Se  par  le  général 
10  Tott ,  il  fort  enfin  de  Vifmar  à  la  tête 
de  fa  garnifon  encore  forte  de  trois 
mille  hommes ,  &  prend  le  chemin  de 
la  Siléfie  avec  une  efcorte  Suédoife,. 
dont  il  fiit  arquebufer  un  lieutenant , 
fous  prétexte  qu'il  tentait  de  lui  dé- 
baucher des  ibldats.  Cette  violence,  les 


DE    GuSTAVE-AdOLFE.    2f^ 

délais  que  Gramm  avait  apportés  à 
rexécution  de  fes  promefiTes,  la  certi-  1632. 
tude  qu'avant  d'évacuer  Vifmar  il  avait,  J^"^'^"^- 
nonobftant  la  capitulation,  pillé  des 
bâtimens  mouillés  dans  le  port,  fait 
enterrer  plufieurs  pièces  de  canon  & 
caché  des  armes  parmi  fes  bagages  ;  en- 
fin toutes  ces  contraventions  irritent 
Tott  :  il  envoie  fa  cavalerie  &  un  dé- 
tachement d'infanterie  d'élite  à  la  pour- 
fuite  de  Gramm.  Les  Suédois  le  fur-» 
prennent,  lui  taillent  en  pièces  cinq 
cents  hommes  ,  en  font  prifonniers 
deux  mille  qui  s'enrôlent  volontiers , 
&  le  refte  fe  diffipe.  Gramm  eft  con- 
duit à  Gripfvald  &  jeté  dans  un  cachot. 
Les  Suédois  trouvèrent  à  Vifmar  des 
dépôts  confidérables  d'artillerie,  de 
poudre,  de  bois  &  de  munitions  na- 
vales, rafiemblés  précédemment  par 
Valftein  lorfqu'il  voulait  conftruire  & 
armer  une  flotte  capable  de  le  rendre 
dominant  dans  la  Baltique,  &  de  faire 


zr6      Campagnes 
■  refpeder  le  titre  d'amiral  ,  que  l'em- 
i^       pereur  lui  avait  conféré.  Tott  prit  pof- 

Janvier.     '  r        r 

fellion ,  au  nom  du  roi  de  Suéde ,  des 
fortifications  &  du  port  de  Vifmar.  Le 
roi  de  Danemarck ,  toujours  jaloux  de 
Guftave  ,  lui  en  fit  porter  des  plaintes 
&  reçut  pour  réponfe,  que  la  Suéde 
s'emparait  de  ce  port  pour  empêcher 
les  Efpagnols  de  pénétrer  dans  la  Bal- 
tique ;  objet  que  les  ducs  de  Meckel- 
bourg  ne  pouvaient  remplir  faute  de 
marine. 

La  conquête  de  Vifmar  acheva  d'ex- 
pulfer  les  Lnpériaux  du  I\ïeckelbourg; 
&  comme  des  troupes  étaient  défor- 
mais inutiles  dans  un  pays  où  il  n'y 
avait  plus  d'ennemis  ,  Tott  reçut  ordre 
du  roi  de  Suéde  de  palTer  l'Elbe  &:  de 
féconder  avec  fon  armée  forte  d'envi- 
ron neuf  mille  huit  cents  hommes  ,  les 
opérations  du  général  Banner ,  du  duc 
de  Lunebourg  &  de  l'archevêque  de 
Bremen.  Ce  prélat  continuait  à  lutter  à 

forces 


DE   G  U  S  T  AV  E  -  A  D  0  L  F  E.  2f  7 

forces  inégales  contre  les  catholiques  ;   '[^T^ 
mais  le  fecours  que  Tott  lui  defHnait  Janvier. 
ayant  traverfë  l'Elbe  &  joint  l'arche- 
vêque ,  il  enleva  quelques  pofles  aux 
Impériaux,  &  Reinacher  trop  faible 
pour  lui  réfifter ,  fe  retira  à  Staden. 

Le  général  Banner  qui  avait  ordre,' 
dès  qu'il  ferait  maître  de  Magdebourg , 
de  palTer  en  Bohême  pour  donnner  plus 
d'aclivité  aux  Saxons,  fe  voyait  retenu 
fur  l'Elbe  par  la  diverfion  de  Pappen- 
heim;  il  fe  flattait  cependant  que  fa 
convention  avec  le  comte  de  Mansfeld, 
commandant  de  Magdebourg,  ferait 
exécutée.  Deux  foldats  Anglais, fortis 
du  camp  pour  marauder,  rencontrè- 
rent un  payfan  qui  portait  un  pain  qu'i!5î 
lui  ôterent  :  l'ayant  partagé  ,  ils  y  trou- 
vèrent une  lettre  par  laquelle  Pappen- 
heini  mandait  à  Aïansfeld  ,  «  qu'il  s'a- 
,5  vançait  avec  des  forces  fuflifantes 
„  pour  le  fecourir;  qu'il  ferait  à  la  vue 
„  de  Magdebourg  le  14  de  janvier  pour 

Partie  II L  R 


2r§      Campagnes 

,j  tomber  fur  les  Suédois  d'un  côté, 
^°^^*  „  tandis  qu'il  les  attaquerait  lui-même 

Janvier.  p  -r        o    i  .       .    n 

„  avec  la  garniion  &  les  mettrait  amii 
„  entre  deux  feux.  » 

Banner  lifait  cette  lettre  ,  lorfque 
Mansfeld  lui  fit  dire  que  quand  même 
l'électeur  de  Saxe  accorderait  les  pafiTe- 
ports  demandés,  il  ne  tiendrait  pas 
l'accord  dont  ils  étaient  convenus.  Cette 
déclaration  prouva  à  Banner ,  que  Pap- 
penheim  avait  envoyé  plus  d'un  émif- 
faire  à  Mansfeld  ;  &  comme  le  général 
Suédois  ignorait  le  nombre  des  troupes 
catholiques  qu'il  jugeait  plus  confidé- 
râbles  que  les  fiennes ,  &  comptait  peu 
fur  le  marquis  de  Hamilton  avec  qui 
il  était  brouillé ,  parceque  celu'-ci  avait 
d'abord  prétendu  commander  &  que 
les  Anglais  euffent  la  prééminence  dans 
les  marches  &le  choix  des  quartiers; 
Banner,  naturellement  fier,  eut  une 
querelle  très-vive  avec  Hamilton ,  qui 
depuis  n'agit  plus  que  de  mauvaife 


DE    GUSTAVE-AdOLFE.    2f9 

grâce.  Cette  méfintelligence  déterm  na  ''"'^^'^'"" 
Baiiner  à  lever  le  blocus  de  Maffde-   , 

r  r  Janvier. 

bourg.  Il  partagea  ion  armée  en  trois 
corps  :  l'infanterie  occupa  Schonbeck , 
les  Anglais  &  les  EcolFais  Saltza,  & 
la  cavalerie  avec  les  dragons  Vachtle- 
ben.  La  conduite  de  Hamilton  déplut 
au  roi  de  Suéde  &  le  dégoûta  des  fe- 
cours  d'Angleterre.  Le  inarquîs  ne  tar- 
da pas  à  retourner  dans  cette  île  avec 
peu  de  lauriers  &  cinq  cents  hommes 
au  plus ,  refte  de  fix  mille  qu'il  avait 
amenés. 

Pappenheim  s'était  rendu  de  Co- 
logne fur  le  Véfer  avec  quinze  cents 
hommes  auxquels  il  réunit  plufieurs 
détacheniens  tirés  des  garnifons.  Ben- 
ningshaufen  le  joignit  avec  fa  cavale- 
rie :  alors  le  général  catholique  fe  trou- 
va à  la  tête  d'environ  fix  mille  hom- 
mes  d'infanterie  &  deux  mille  de  cava- 
lerie qui  devaient  être  bientôt  renfor- 
ces par  d'autres  troupes.  Pappenheimi 

Rij 


26*0      Campagnes 
marche  à  Hildesheim ,  d'où  il  prend 


la  route  de  Volfembuttel  :  il  s'avance 


II 


u 


1532. 

Janvier. 

2  par  Schœningen  &  Helmftadt  qu'il  fait 
piller,  fe  dirige  enfuite  fur  Eich-Bar- 
leben ,  &  arrive  ainfi  en  quatre  mar- 
ches à  la  vue  de  Magdebourg.  Comme 
la  garni  Ton  de  cette  place  le  rendait 
fupérieur  à  Banner ,  celui  -  ci  aban- 
donne Vachtleben  ,  Schonbeck  &  Salt- 
za ,  &  fe  pofhe  avantageufement  près 
de  Calbe,  afin  d'éviter  tout  engage- 
ment &  pour  obéir  aux  ordres  de  Gu(^ 
tave,  qui  ne  voulait  pas  que  les  corps 
détachés  livralFent  de  combats  s'ils 
n'étaient  fûrs  de  la  vidoire;  car  le  mo- 
narque craignait  avec  raifon  qu'un 
échec  particulier  ne  dérangeât  fes  pro- 
jets contre  les  principales  forces  des 
catholiques. 

Pappenheim  confidérant  que  le  duc 
Guillaume  de  Veimar  efl:  en  marche 
pour  joindre  Banner,  que  le  général 
Tott  peut  le  refTerrer  d'un  autre  côté , 


DE    GuSTAVE-AdoLFE.    261 

&  que  le  duc  de  Lunebourg  accélère  ^^^«'^^ 
fes  levées  perfonnelles  &  celles  ordon-  k^^s. 
nées  par  le  cercle  de  Balle  -  Saxe  afin  «l^"^^^'- 
de  fe  mettre  en  campagne  le  plus  tôt 
poIFîble ,  &  qu'il  le  portait  même ,  avec 
ce  qu'il  avait  pu  raflembler  à  la  hâte , 
fur  Volfembuttel ,  ville  très  -  impor- 
tante pour  les  catholiques  par  fa  fitua- 
tion  au  centre  des  états  de  Brunfvick  ; 
que  fi  cette  place  d'armes  qui  fournif- 
fait  des  fubfiffcances  &  d'autres  reifour- 
ces  aux  catholiques ,  tombait  au  pou- 
voir des  protellans,  ils  en  tireraient 
les  plus,  grands  avantages  :  Pappen- 
heim ,  dis  -  je ,  réfolut  de  ne  rien  en- 
treprendre, craignit  d'être  enveloppé, 
jugea  impoffible  de  conferver  Magde- 
bourg  &  fe  détermina  à  regagner  le 
Véfer.  Il  efpérait  difliper  en  paflant  les 
troupes  du  duc  de  Lunebourg ,  &  vou- 
lait d'ailleurs  fe  mettre  à  portée  d'être 
renforcé  par  quatre  mille  hommes  de 
pied  &  feize  cents  chevaux  de  Cologne 

R  iij 


■  -■ ■>  ■  ■  —r 

1632. 

Janvier. 


262         C   A    M    PAGNES 

&  de  Mayence ,  qui  venaient  de  patfer 
le  Rhin  à  Zindoiff  &  à  Mulheim ,  & 
ne  pouvaient  le  joindre  par  le  chemin 
le  plus  court  qu'après  avoir  traverfé 
une  partie  de  la  HefFe  :  ce  que  le  land- 
grave ,  dont  nous  parlerons  bientôt, 
pouvait  empêcher  facilement. 

Pappenheim  commença  par  envoyer 
un  corps  de  chaque  côté  de  TElbe  pour 
ruiner  les  environs  de  Magdebourg. 
Tandis  que  deux  mille  hommes  d'in- 
fanterie ,  trois  pièces  de  canon  &  fix 
cents  chevaux  commandés  par  le  co- 
lonel Kleiner  fe  portaient  à  Gommern 
avec  ordre  de  tout  dévalter  &  de  faire 
main -baffe  même  fur  les  habitans  & 
fans  excepter  la  ville  de  Zerbll ,  l'autre 
détachement  mettait  à  feu  &  à  fang 
Frofa,  Schonbeck,  Saltza ,  IMuhlingeu 
&  tous  les  villages  voifins.  Les  catho- 
liques n'oferent  porter  la  défolation 
jufqu'à  Barbi  ;  mais  ailleurs  ils  violèrent 
les  femmes ,  mallàcrerent  les  hommes, 


DE    GuSTAVE-AdOLFE.    26^ 

brûlèrent  les  maifons  &  laiflerent  fur  *^^^ 
les  rives  de  l'Elbe  des  preuves  de  leur  ^  ^^  ^* 
fureur.  Pappenheim  s'approcha  de  Gal- 
be pour  reconnaître  le  pofte  de  Ban- 
ner,  &  cette  démarche  n'occafionna 
que  des  efcarmouches  entre  les  partis 
des  deux  années.  Le  général  catholi- 
que fit  piller  le  peu  d'effets  que  les 
habitans  de  Magdebourg  avaient  con- 
fervés  ,  combler  partie  des  folTés,  & 
miner  les  remparts  &  quelques  édifices 
qui  fubfiflaient  encore,  ne  fe  réferva 
que  huit  pièces  de  canon,  en  fit  crever 
dix-huit  &  jeter  dix-neuf  dans  l'Elbe 
après  les  avoir  enclouées.  Cette  mal- 
heureufe  ville  entièrement  ruinée  , 
Pappenheim  ordonne  de  charger  fur 
trois  cents  chariots  le  butin  de  fes  trou- 
pes, 'prend  à  leur  tête  par  Vantzleben ,  ig 
Seehaufen  &  Scheppenitadt ,  le  chemin 
de  Volfembuttel ,  y  laiffe  une  garnifon 
de  quatorze  cents  hommes  d'infanterie 
&  de  cent  cavaliers ,  commandée  par 

R  iv 


264       Campagnes 

^  "^  Benningshaufen ,  occupe  Steinbruck , 
Janvier.  pafTage  important  fur  la  Fufe ,  &;  arrive 
en  trois  marches  de  Volfembuttel  à 
Burgdorff  dans  le  duché  de  Lunebourg. 
Quoique  le  prince  régnant  lui  envoyât 
des  vivres  en  abondance,  il  commit 
beaucoup  de  dégâts  dans  fes  états  & 
lui  déclara,  que  s'il  ne  lui  Hvraitle  duc 
George  Ton  frère ,  ou  du  moins  ne  le 
faifait  arrêter  &  ne  licenciait  les  trou- 
pes du  cercle  de  Bafle  -  Saxe  encore 
éparfes  dans  leurs  quartiers  d'alTem- 
blée ,  il  alBégerait  &  détruirait  Zell  & 
mettrait  le  pays  à  feu  &  à  fan  g. 

Dès  queBanner  fut  informé  que  les 
catholiques  avaient  abandonné  I\Iag- 
debourg ,  il  envoya  quatre  cents  hom- 
mes d'inflmterie  pour  en  prendre  pof- 
feflion ,  partit  lui-même  de  Calbe  avec 
fon  armée ,  &  s'établit  près  de  la  place. 
Les  baraques  conftruites  depuis  la  ruine 
de  la  ville  étaient  brûlées,  les  portes, 
le  pont  &  les  moulins  détruits,  les 


16^2. 


DE   GUSTAVE-AdOLFE.  26^ 

fortifications  dégradées;  enfin  il  ne 
refiait  d'à  peu  près  entier  que  l'églife  janvier. 
cathédrale ,  parce  que  la  folidité  de  fa 
conftrudion  la  fit  réfifter  à  l'tflPet  de 
la  poudre.  Les  Suédois  fe  logèrent 
comme  ils  purent ,  &  retirèrent  de 
l'Elbe  les  canons  que  les  Impériaux  y 
avaient  jetés.  Banner  publia ,  que  tous 
les  anciens  habitans  difperfés  dans  le 
cercle  de  Baffe  -  Saxe  pouvaient  reve- 
nir en  fureté  à  Alagdebourg  pour  re- 
lever les  ruines  de  leur  patrie.  Un  nom- 
bre affez  confidérable  de  ces  infortunés 
s'étant  préfenté ,  on  leur  diflribua  les 
matériaux  qui  refiaient  ;  les  lieux  cir- 
convoifins  les  aidèrent  généreufement, 
&  l'on  commença  à  rebâtir  la  ville , 
jadis  l'une  des  plus  floriffantes  d'Alle- 
magne. 

Guftave  -  Adolfe  ne  tarda  pas  à  don- 
ner une  déclaration ,  par  laquelle  il  pre- 
nait fous  fa  protedion  fpéciale  le  peu- 
ple de  Magdebourg ,  qui  lui  avait  en- 


266       Campagnes 
voyé  une  députation,  &  enjoignait  à 
,   ^.^'    fes  crénéraux  de  rétablir  la  mae^iftra- 

Janvier.  ^  ^    ^  " 

ture ,  &  de  préférer  pour  remplir  les 
principaux  emplois,  les  membres  de 
l'ancien  fénat  qui  exiftaient  encore. 
Au  moyen  de  ces  arrangemens ,  Guf- 
tave  s'appropriait  réellement  le  duché 
de  Magdebourg.  Cette  prife  de  poflef- 
fion  fit  craindre  que  le  monarque  ne 
fût  moins  occupé  des  intérêts  de  l'Em- 
pire que  des  fiens,  &  commença  à 
donner  de  l'ombrage  aux  princes  d'Al- 
lemagne. 

Bannerinftruit  des  menaces  de  Pap. 
pcnheim  au  duc  de  Lunebourg ,  s'a- 
vance à  Oftervick  pour  être  à  portée 
de  le  fecourir  au  befoin  ;  cependant  il 
réfolut  d'attendre  dans  ce  polie  le  duc 
Guillaume  de  Saxe-Veimar.  Ce  prince 
part  d'Erfurt,  s'avance  par  Sangers- 
haufen  ,  Mansfeld ,  Ermsleben ,  &  ar- 
rive en  cinq  marches  à  Quedlinbourg , 
où  il  féjourne  ;  il  fe  remet  enfuite  en 


26 


DE  Gustave-Adolfe.  2^7 

mouvement ,  arrive  le  foir  à  Vernige- 
rode  &  joint  le  lendemain  Banner  à 
Oftervick.  Uarmée  proteftante,  forte 
de  dix-fept  mille  hommes  efFedifs, 
s'ébranle  avec  le  deflein  d'aller  com-    ^^ 
battre  les  catholiques;  elle  marche  d'Of-    s8 
tervick  à  Steinbruck  qu'elle  occupe  de 
même  que  Steuervald  près  de  Hildes- 
heim ,  &  s'avance  le  lendemain  à  Stein-    29 
feld  à  deux  lieues  de  Burgdorff. 

Pappenheim  avait  mis  à  contribu- 
tion toutes  les  villes  des  duchés  de 
Brunfvick  &  de  Lunebourg  fituées 
entre  l'Elbe  &  le  Véfer  ;  mais  comme 
il  flillait  faire  face  en  même  tems  au 
duc  George  de  Lunebourg ,  foutenu  à 
peu  de  diftance  par  le  général  Tott  qui 
avait  paiTé  l'Elbe  &  s'était  polM  autour 
de  Lunebourg,  &  au  duc  Guillaume 
de  Veimar  qui  s'avançant  avec  la  plus 
grande  diligence,  pouvait  achever  d'en- 
velopper les  cathoHques ,  Pappenheim 
à  qui  il  ne  refiait  qu'environ  huit  mille 


1(532. 

Janvier. 


25S       Campagnes 

cinq  cents  hommes,  fe   trouva  trop 

i6?2.  fa  blepour  exécuter  Tes  projets  contre 
la  ville  d'd  Zell  &  pour  réfifter  à  tant 
d'ennemis.  Il  fentit  la  nécelTité  de  fe 
retirer ,  pilla  &  brûla  BurgdorflF,  ainfi 
que  plufieurs  autres  lieux  du  duché  de 
BiunCvick ,  &  prit  fi  bien  fes  mefures 
qu'il  parvint  à  pafler  la  Leine  &  à  i^a- 
gner  Patenfen  fans  éprouver  d'autre 
échec  que  la  défiiite  d'un  renfort  qu'il 
envoyait  à  la  garnifon  de  Gottingen. 
11  s'approcha  enfuite  du  Véfer ,  dont  il 
voulait  fe  couvrir;  il  avait  en  outre 
pour  objet  de  protéger  les  villes  encore 
attachées  au  parti  catholique.  Il  répan- 
dit fes  troupes  à  la  gauche  du  fleuve 
depuis  Hanieln  jufqu'à  Hœxter,  &  en 
laiflTa  quelques-unes  à  la  rive  droite. 
Pappenheim  eut  ainfi  la  gloire  d'arrêter 
avec  fa  petite  armée  un  ennemi  habile 
&  fort  fupérieur  en  nombre.  Les  pro- 
teftans  décampèrent  de  Steinfeld,  & 

5  X       en  deux  marches  s'avancèrent  à  Kniçf' 


IC 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.   2^9 

tat  à  deux  lieues  de  Goslar,  dont  les  1552. 
députés  vinrent  traiter  avec  le  duc  de  janvier.  \ 
Veimar  qui  leur  impofa  une  contribu- 
tion de  cent  mille  écus ,  &  exigea  que 
la  ville  reçût  une  garnifon  de  fept 
cents  hommes.  L*ordre  des  événemens 
nous  ramené  entre  le  Rhin  &  la  Mo- 
felle. 

Après  la  conquête  deMayence,  les 
Suédois  firent  des  courfes  continuelles. 
Le  RhingraflF  avait  palFé  la  Nahe  pour 
obferver  les  troupes  que  les  Efpagnols 
envoyaient  vers  la  Mofelle.  Il  s'empara 
de  Stromberg,  défit  enfuite  prés  de 
Traerbach  dont  il  fe  rendit  maître ,  un 
corps  d'Efpagnols  aux  ordres  du  colo- 
nel Vittenhorft  &  du  comte  de  Salm , 
qui  avaient  traverfé  la  Mofelle  pour 
défendre  le  Hunfdruck  &  fe  jeter  en- 
fuite  dans  Frankendal.  Le  Rhingraff 
leur  tua  ou  prit  cinq  cents  hommes 
avec  fept  étendards;  il  tomba  enfuite 
aux  environs  de  Veldentz  fur  deux 


270  Campagnes 
régimens  Français  levés  par  le  duc 
1632,  d'Orléans  depuis  fa  révolte,  les  tailla 
en  pièces  &  s'empara  de  la  ville.  Peu 
de  jours  après  il  mit  encore  en  fuite 
cinq  compagnies,  qui  perdirent  tous 
leurs  étendards,  &  fournit  fuccefFive- 
ment  Boppart ,  Rhinfeld ,  Saint-Goar , 
Ober  -  Vefel ,  Baccarah  &  Simeren  ;  il 
marche  enfuite  à  Kirchberg  défendu 
par  deux  cents  cinquante  hommes  qui 
tentent  de  lui  difputer  l'entrée  de  la 
ville.  Il  la  force  &  palTe  la  garnifon  au 
fil  de  l'épée  ,  à  l'exception  des  Alle- 
mands qui  fervent  à  recruter  fes  trou- 
pes :  il  prend  enfuite  le  chemin  de 
Lautereck ,  fe  rend  maître  de  la  ville , 
occupe  Falkenilein  &  quelques  autres 
poftes  qui  mirent  dans  fa  dépendance 
une  grande  étendue  de  pays. 

Le  landgrave  de  Hefle  opérait  entre 
la  Lahn  ,  le  Mein  &  le  Rhin.  La  gar- 
nifon de  Konigilein,  qu'un  détache- 
ment de  fes  troupes  bloquait  depuis 


DE  Gustave-Adolfe.   271 

fon  arrivée  en  Vettéravie ,  avait  tenté 
inutilement  plufieurs  forties  oc  fait  un  1652. 
grand  feu  d'artillerie;  mais  fes  muni-  ^^'^^^^^• 
tions  étant  confommées ,  elle  demanda 
à  capituler  :  elle  fortit  au  nombre  de 
quatre  compagnies,  dont  trois  pafle- 
rent  au  fervice  des  proteftans.  L'on 
trouva  dans  la  place  beaucoup  de  ca- 
nons &  une  grande  quantité  de  vivres 
qui  fervirent  à  la  fubfiftance  des  Sué- 
dois. Guftave  reditua  la  forterefle  aux 
comtes  de  Stolberg,  qui  prouvèrent 
que  les  électeurs  de  Mayence  la  leur 
retenaient  fans  autres  droits  que  la 
convenance  &  la  force.  Le  colonel 
Conrad  Uffeln  furprit  la  ville  de  Caub 
&  attaqua  enfuite  le  château  qui  était 
très  -fort  :  il  fe  rendit  après  plufieurs 
jours  de  réfiftance ,  &  la  garnifon  fut 
conduite  à  Coblentz.  Brunsfeld  bloqué 
depuis  que  celle  de  Friedberg  s'y  était 
jetée ,  capitula  enfin.  La  foumiffion  de 
cette  ville  &  de  Vetzlar  termina  la  con- 
quête de  la  Vettéravie. 


272  Ca   m   P   a'g   N  E   s 

77~^  Le  duc  Bernard  de  Veimar  s'empara 
Tanvier  P^^iQ^'^^  même  tems  par  ftratagême , 
de  Manheim,  place  importante  fituée 
au  confluent  du  Rhin  &  du  Necker. 
Suivi  d'un  corps  d'infanterie ,  il  s'ap- 
proche de  la  ville  au  galop ,  à  la  tête 
de  cinquante  chevaux,  pendant  une 
nuit  obfcure.  Les  fentinelles  &  la  garde, 
étonnées  de  l'arrivée  de  cette  cavale- 
rie ,  veulent  d'abord  Te  mettre  en  dé- 
fenfe  ;  mais  le  duc  leur  crie ,  que  fes 
troupes  viennent  de  Frankendal ,  qu'el- 
les font  vivement  pourfuivies  par  les 
Suédois,  &  qu'on  doit  leur  ouvrir  la 
porte  &  employer  le  canon  des  rem- 
parts pour  écarter  l'ennemi ,  plutôt  que 
d'expofer  fa  cavalerie  à  une  défaite  cer- 
taine ,  en  la  retenant  fur  le  glacis.  Vei- 
mar avait  non-feulement  appris  par  des 
déferteurs  l'état  de  la  place,  mais  il 
parvint  encore  à  tromper  le  gouver- 
neur &  la  garnifon,  en  prenant  des 
noms  connus,  &  en  donnant  des  indi- 
ces 


î)E  Gustave- Ad oLFE.  ^75 

ces  que  plufieurs  coups  de  piftolets  ti-  '[^J^ 
rés  par  ordre  du  duc  à  la  queue  de  fes  janvier. 
troupes  achevèrent  de  rendre  vraifem- 
blables.  La  porte  s'ouvre  enfin  &  la 
garnifon  reconnaît  trop  tard  fa  méprife. 
Les  Suédois  fondent  le  fabre  à  la  main 
fur  ce  qui  tente  de  réfifter  ;  leur  infan- 
terie furvient,  &  les  catholiques  font 
obligés  de  fe  rendre  à  difcrétion.  Trois 
cents  Lorrains  qui  faifaient  partie  de 
la  garnifon ,  font  pafles  au  fil  de  Tépée  ; 
mais  les  Allemands  &  les  officiers  ob- 
tiennent quartier.  Marval  commandant 
de  la  place  &  fon  lieutenant  furent 
dans  la  fuite  décapités  à  Heidelberg. 
On  ne  peut  difcon venir  que  ces  offi- 
ciers méritaient  un  châtiment  févere, 
pour  avoir  perdu  une  place  importante 
en  donnant  dans  un  piège  dont  ils  de- 
vaient fe  défier. 

La  diverfion  du  comte  de  Pappen- 
heim  avait  déterminé  Gufl:ave-Adolfe 
à  renvoyer  en  Heffe  Parmée  du  land- 

Parde  IIL  S 


S74      Campagnes 
grave*  Le  monarque  projetait  la  con- 
1632.  quête  delà  Bavière,  à  laquelle  il  était 

Janvier.     ,    .  ,  ,  ,     ,. 

évident  que  les  catholiques  tenteraient 
de  s'oppofer  en  réunifiant  toutes  leurs 
forces  ;  ce  qui  l'obligeait  d'en  rafifem* 
hier  lui-même  d'alTez  conlidérables 
|)our  furmonter  leurs  efforts  :  il  réfo- 
lut  donc  de  rapprocher  de  lui  l'armée 
du  duc  Guillaume  de  Veimar  &  du  gé- 
néral Banner ,  fupputant  que  les  trou- 
pes de  Tott,  du  duc  de  Lunebourg, 
de  l'archevêque  de  Bremen  &  du  land- 
grave de  Hefife  fuffiraient  pour  conte- 
nir les  catholiques  en  Baffe- Allemagne. 
Le  dernier  devait  éloigner  d'abord 
ceux-ci  de  fes  frontières  ,  les  chaffer 
enfuite  de  la  gauche  du  "Véfer  &  fe 
mettre  le  plus  tôt  poffible  en  mefure 
d'agir  contre  Pappenheim  de  concert 
avec  le  duc  de  Lunebourg  &  l'arche- 
vêque de  Bremen.  Dans  l'efpérance 
qu'on  pourrait  envelopper  Pappen- 
heim, le  roi  avait  man,dé  à  Tott  de 


DE   GusTAVE-AdOLFE.    27f 

quitter  le  Aleckelbonrg  où  fon  année 
n'était  plus  utile ,  de  pafTer  l'Elbe  &  de  J^^^* 

Janvier. 

s'approcher  du  Vefer  quand  il  aurait 
conquis  les  places  fituées  entre  ces 
fleuves.  Le  landgrave  ralTemble  fes 
troupes  à  la  droite  du  Mein  ,  s'avance 
à  GielTen  &  paraît  devant  Marbourg 
défendu  par  mille  Impériaux  ;  il  em- 
porte en  peu  de  jours  la  ville  &  le  châ« 
teau ,  dont  il  pafle  la  garnifon  au  fiî 
de  l'épée.  Après  avoir  fait  occuper  quel- 
ques autres  poftes  dans  cette  partie  ,  il 
dirige  fa  marche  fur  Fritzlar,  y  paffe 
l'Eder  ,  pourvoit  à  la  fureté  de  Cor-i 
bach,de  Volfhagen  &  de  Volckmilfen, 
s'empare  de  Varbourg  fur  la  Dimel ,  & 
envoie  des  partis  le  long  du  Véfer  & 
dans  révêché  de  Paderborn. 

Le  roi  de  Suéde  était  reflé  à  Mayén* 
ce  pour  terminer  plufieurs  affaires.  Il 
tint  confeil  avec  fes  miniftres  &  fes 
généraux  pour  délibérer  fur  fes  entre- 
prifes  ultérieures.  Le  duc  Bernard  de 

S  ij 


1632. 

Janvier. 


275       Campagnes 

Veimar  &  quelques  autres  obferve- 
rent ,  ''  qu'il  fallait  retourner  prompte- 
„  ment  en  Franconie  ,  pour  achever 
„  de  diffiper  les  forces  de  la  Ligue  ; 
i,  qu'alors  les  villes  catholiques  qui  te- 
i,  naient  encore  à  ce  parti ,  ouvriraient 
„  leurs  portes  dans  la  crainte  qu'une 
,5  réfillance  d'autant  plus  déplacée 
„  qu'elles  ne  pouvaient  être  fecourues , 
„  n'entraînât  leur  ruine  ;  qu'il  était 
„  contre  l'intérêt  du  roi  de  perdre  un 
5,  tems  précieux  à  s'emparer  des  pla- 
„  ces  du  Rhin ,  parce  qu'on  permettait 
5,  par  -  là  à  l'empereur  &  à  l'éleéleur 
„  de  Bavière  de  réparer  leurs  forces  ; 
„  que  l'expérience  prouvait  que  le 
„  meilleur  allié  de  la  maifon  d'Autri- 
„  che  était  le  tefns  ;  qu'elle  avait  tou- 
„  jours  eu  l'adrefie  de  fe  remettre  de 
5,  fes  défiites  par  une  attention  fui- 
„  vie  à  retarder  la  pourfuite  du  vain- 
„  queur  ;  que  les  moyens  de  l'empe- 
„  reur  paraifTaient  épuifés,  mais  qu'il 


DE   Gustave-Adolfe.  277 
„  réuffirait  à  trouver  des  reffources  ,  «ms^smm 
„  fi  on  lui  donnait  le  tems  d'en  cher-  1632, 
5,  cher  ;  que  l'Efpagne ,  l'éledeur  de  J^"^^^'- 
„  Bavière ,  quelques  princes  d'Allema- 
„  gne  &  d'Italie  &  Vaiftein  feraient  le^ 
5,  plus  grcjnds  efforts  pour  raffermir 
„  Ferdinand  fur  fon  trône  ;  &  que , 
„  pour  achever  de  détruire  fli  puilFan- 
,5  ce ,  il  fallait  profiter  du  moment  où 
„  la  France  avait  fur  la  Mofelle  une 
35  puiffante  armée  en  mefure  d'inquié- 
„  ter  les  Pays  -  Bas ,  l'Alface  &  les  pof- 
5,  fefBons  de  la  maifon  d'Autriche  à  la 
„  gauche  du  Haut  -  Rhin.  „ 

Ces  raifons  étaient  plaufibles  ;  cepen- 
dant Guilave  ne  s'y  rendit  pas  entière- 
ment. 11  répondit ,  «  qu'il  reftait  à  l'em- 
„  pereur  deux  puiffans  foutiens  ,  le 
„  crédit  de  fa  maifon  ,  &  les  forces  des{ 
„  états  catholiques  de  l'Empire  jointes. 
„  à  celles  des  princes  eccléfiafliques , 
3,  &  qu'il  fallait  commencer  par  dé- 
j,  truire  un  de  ces  appuis ,  fi  l'on  voi]- 

S  iij 


T632. 
Janvier. 


278       Campagnes 

„  lait  que  la  puilTance  Autrichienne 
„  s'écroulât;  qu'on  ne  pouvait  nier  que 
5,  l'Efpagne  ,  le  duc  de  Bavière  & 
„  Valftein  n'eufTent  de  grandes  relTour- 
„  ces  ;  niais  qu'il  était  capital  d'ém- 
5,  pêcher  d'abord  que  les  Pays  -  Bas  ^ 
5,  les  princes  catholiques  &  eccléfiaC. 
„  tiques  de  l'Empire  &  le  duc  de  Lor- 
„  raine  n'y  joigniflent  les  leurs  ;  que 
,j  la  plupart  des  troupes  raflemblées 
,5  par  ces  fouverains  fur  les  bords  du 
5,  Rhin  n'étaient  encore  que  de  mau- 
5,  vaifes  milices  ;  mais  que  fi  l'on  s'é- 
„  loignait  d'elles  >  on  leur  infpirerait 
5j  de  la  confiance  &  on  leur  donnerait 
„  le  tems  de  s'aguerrir  ;  qu'il  ne  fal- 
5,  lait  donc  porter  la  guerre  ailleurs 
„  que  quand  on  aurait  pris  des  me- 
5,  fures  pour  la  continuer  ou  la  ter- 
5,  miner  fur  le  Rhin  ,  de  crainte  qu*el- 
„  le  ne  fe  rallumât  derrière  les  Sué^ 
,)  dois ,  qui  auraient  alors  beaucoup  de 
j,  peine  à  l'éteindre  ;  qu'il  allait  fur* 


DE  Gustave-Adolfe.  279 

i,  tout  empêcher  que  la  Bafîe-Allema-  '^"^^^^"^ 
,,  gne,  très  -  abondante  en  hommes,  *^^^2* 
„  n'en  fournît  à  la  Ligue  de  beaucoup 
jj  meilleurs  que  ceux  qu'elle  tirerait  ' 
„  d'Efpagne  ou  d'Italie  ,  qui  habitués    . 
„  à  un  pays  chaud  ,  périraient  pour 
53  la  plupart  en  Allemagne  avant  de 
55  pouvoir  y  rendre  aucun  fervice  ;  que 
„  l'élecleur  de,  Bavière  était  puifiant 
JJ  &  riche ,  mais  cjue  fon  avarice  l'em- 
„  pécherait  de  prodiguer  fes  tréfors, 
55  &  que  fes  troupes  ne  valaient  rien  ; 
5,  que  ces  motifs  devaient  déterminer 
„  à  l'attaquer ,  mais  qu'il  ferait  impru- 
„  dent  de  l'entreprendre  avant  qu'on 
„  fût  établi  folidement  fur  le  Rhin  : 
5,  précaution  td'autant  plus  néceflairç 
„  qu'elle  ^iciliterait  par -tout  la  viéloi- 
„  re ,  ou  du  moins  les  moyens  de  re- 
5,  médier  aifément  à  un  revers  ;  que 
5,  Valftein  était  un  adverfaire  peu  re- 
„  doutable ,  puifque  fon  mérite  ne  con* 
„  fiftait  guère  que  dans  une  réputa- 

S  iv 


1632, 
Janvier. 


280      Campagnes 

tion  exagérée ,  fes  tréfors  &  fa  fin- 
gularité  ;  que  d'ailleurs  la  haine  que 
lui  portaient  les  Efpagnols  ,  le  duc 
de  Bavière  &  plufieurs  ferviteurs  de 
l'empereur  ,  engagerait  les  uns  & 
les  autres  à  contrarier  fes  projets  & 
fes  entreprifes  ,  afin  de  le  décrédi- 
ter ;  qu'enfin  la  France  était  en  état 
de  fournir  de  grands  fecours  aux 
proteftans;  mais  que  comme     on 
ne  pouvait  fuppofer  qu'ils  euffent 
pour  unique  objet  l'avantage  de  ceux- 
ci  ,  il    était  naturel  de  croire  que 
cette  couronne  cherchait  à  profiter 
des  divifions  élevées  dans  l'Empire , 
pour  y  trouver  de  l'agrandiifement  ; 
que  le  cardinal  de  Richelieu  fe  fer- 
vait   des  Suédois  pour  affiiiblir   h 
maifon  d'Autriche  ,  &  qu'il  finirait 
par  fe  tourner  contr'eux ,  s'ils  deve- 
naient trop  puifians  ;  qu'ils  ne  de- 
vaient donc  compter  fur  l'amitié  de 
„  la  France  qu'autant  qu'elle  trouve- 


DE  Gustave-Adolfe.  281 
5,  rait  fon  intérêt  à  la  leur  conferver  ;      .  ^ 

n  •  in  1652. 

„  qu'elle  n  avait  que  trop  d'innuence   janyier. 

„  en  Allemagne  ;  que  toutes  les  démar- 

j,  ches  du  cardinal  ne  tendaient  qu'à 

„  s'en  rendre  l'arbitre  abfolu ,  &  que 

„  par  conféquent  la  prudence  exigeiat 

5,  que  Tes  Suédois  ne  fe  livraflTent  à  de 

„  nouveaux  projets  de  conquête ,  que 

„  quand  ils  feraient  affez  en  force  fur 

„  le  Rhin  pour  ne  pas  appréhender  que 

„  la  France  changeât  de  conduite  à 

„  leur  égard.  „  Les  miniftres  &  les 

généraux  de  Guflave  revinrent  à  fon 

opinion. 

Le  roi  de  Suéde  employa  fon  féjour 
à  Mayence  à  un  grand  nombre  de  né- 
gociations. Le  landgrave  George  de 
Hefle  -  Darmftat  ne  cefîait  de  prefiTer  le 
monarque  de  profiter  de  l'embarras  de 
l'empereur  pour  faire  une  paix  avan- 
tageufe  ;  il  gliflTa  même  dans  fes  inC 
tances  quelques  réflexions  fur  PinconC 
tance  de  la  fortune ,  &  ajouta  qu'il  était 


282       Campagnes 

moins  prudent  de  s'y  expofer  que  gla- 
î  n?:^'   rieux  de  pacifier  l'AHemagne  Se  l'Eu- 
rope  par  contre-coup.  Guftave  répon- 
dit ,  «  qu'il  s'agiflait  dt  rétabKr  for  un 
„  pied  ilable  les  loix  de  TEmpirej,  & 
„  fur  -  tout  la  liberté  de  confcience  ; 
„  que  ces  deux  points  étaient  d'an- 
5,  tant  plus  difficiles  à  régler  ,  qu'ils 
5,  contrarieraient  les  vues  de  l'empe- 
„  reur  ;  qu'il  fallait  donc  le  lier  de  ma- 
5,  niere  qu'il  ne  pût  fe  venger  tôt  Ofu 
5,  tard  des  princes  de  l'Empire  qui  s'é- 
„  talent  joints  aux  Suédois  pour  ob- 
,'.,  tenir  juflice.  „  Il  efl  vrai ,  ajouta  le 
XOi^que  fahandonnerai  volontiers  à  la 
difcrétion  de  la  cour  de  Vienne  quelques 
princes  ou  états  proteflans  qui  luijacri- 
fient  par  intérêt  leur  religion  &  la  liberté 
publique.  Ces  paroles  firent  rougir  le 
landgrave ,  qui  ne  pouvait  fe  difiimu- 
1er  qu'il  méritait  ce  reproche.  Guflave 
feignit  de  ne  pas  s'appercevoir  de  la 
confufion  de  George,  &  pourfuivit  : 


DE  Gust ave-Adolfe.  28^ 
«  Je  fais  que  l'empereur  &  la  Ligue 
,,  me  paieraient  volontiers  les  frais  de    i^^2. 

.  «  1       .  n         Janvier, 

„  la  guerre  &  m  accorderaient  perlon- 
„  nellement  de  grands  avantages,  s'ils 
„  pouvaient  fe  débarrafler  de  nioi  à 
„  ce  prix  ;  mais  quand  je  confidere 
5,  qu*ils  fê  dédommageraient  de  ces 
„  facrifices  aux  dépens  des  proteftans , 
„  je  me  confirme  dans  la  réfolution  de 
„  ne  pas  les  abandonner.  Mes  fuccès 
„  font  de  nature  à  me  perfuader  que 
„  je  parviendrai  à  remplir  mon  but. 
5,  Mes  troupes  font  aflez  nombreufes 
„  pour  oppofer  par  -  tout  à  mes  enne- 
5,  mis  des  forces  à  peu  près  égales  aux 
„  leurs,  avantage  que  je  n'avais  pas 
„  en  commençant  la  guerre;  &  je 
„  penfe  qu'il  vaut  mieux  pourfuivre 
,9  mes  conquêtes  que  de  refter  dans 
„  l'inadion  par  le  vain  efpoir  d'une 
5,  paix  dont  le  tems  n'eft  pas  encore 
„  venu ,  &  qu'on  obtiendra  feulement 
5,  quand  l'empereur  &  fes  alliés  feront 


284  C  A   M   p   A  G   N  ES       . 

5,  hors  d*état  de  continuer  la  guerre.  ^ 
16^2,  Quffcave  ne  pouvait  foufFrir  le  land- 
grave de  HefTe-Darmflat ,  penfionnaire 
de  la  cour  de  Vienne  ;  il  favait  d'ail- 
leurs que  ce  prince  faifait  les  plus  grands 
efforts  pour  engager  Téledeur  de  Saxe 
fon  beau  -  père ,  à  renoncer  à  Tunion 
de  Leipzic  ,  à  traiter  avec  l'empereur 
&  à  lui  livrer  fes  troupes  &  fes  états. 
Le  roi  de  Suéde  raillait  ouvertement 
le  landgrave ,  ne  l'appeliait  que  le  pU" 
cificateur,  prétendait  que  le  prix  de 
fon  patriotifme  &  de  fon  honneur  était 
de  trente  mille  écus ,  montant  de  la 
pcnfion  qu'il  recevait  de  la  cour  de 
Vienne  ;  &  quand  il  le  gagnait  au  jeu , 
ce  qui  arrivait  fouvent ,  il  lui  difait  : 
Tai  un  double  plaifir  j  puifque  cefl  de  la 
monnaie  autrichienne, 

Guftave  irrité  des  fecours  que  le  duc 
de  Lorraine  avait  fournis  à  la  Ligue  , 
réfolut  de  lui  faire  fentir  fon  mécon- 
tentement. Il  lui  écrivit ,  "  cju'il  avait 


DE  Gustave-Adolfe.  aS)" 

3,  lieu  de  trouver  étrange  qu'il  fe  fût  1532. 
„  mêlé  d'une  querelle  qui  ne  le  regar-  Janvier- 
^  dait  pas  ;  qu'avant  de  lui  témoigner 
33  à  quel  point  ce  procédé  le  blefTait  9 
„  il  avait  attendu  fon  retour  dans  feS 
„  états ,  afin  qu'on  ne  foupçonnât  pas 
„  qu'il  craignait  fes  menaces  ou  une? 
,3  nouvelle  jondion  de  fes  troupes  h 
„  celles  de  l'empereur ,  dont  l'iniquité 
,3  à  l'égard  de  la  Suéde  avait  attiré  fes 
5,  armes  en  Allemagne ,  quoique  cette 
„  couronne  n'eût  rien  négligé  pour 
,5  gagner  l'amitié  de  la  cour  de  Vienne 
„  en  particulier  6c  des  membres  de 
„  l'Empire  en  général  ;  qu'il  était  vi- 
„  fible  que  les  Suédois  n'avaient  pas 
,p  entrepris  la  guerre ,  comme  on  affec- 
„  tait  de  le  publier ,  par  haine  contre 
33  la  religion  catholique  ;  qu'ils  ne  pen- 
„  faient  qu'au  rétablifTement  de  la  paix 
,3  &  de  la  tranquillité,  &  à  prévenir 
3,  les  mauvais  defleins  des  ennemis  du 
3,  repos  public.  „  Guitave  ajouta ,  qu'il 


286      Campagnes 

"J^~"  exigeait  du  duc  une  déclaration  précife 
Janvier,  de  fcs  intentions  pour  l'avenir  ;  qu'il 
lui  offrait  fofl  amitié  ;  mais  que  s'il 
prétendait  être  encore  fon  ennemi ,  il 
faurait  fe  venger  d'une  manière  écla- 
tante  ;  enfin  qu'il  confentait  à  oublier 
le  pafFé ,  pourvu  qu'il  fe  conduifît  plus 
convenablement  à  l'avenir  ,  &  qu'il 
retirât  fans  délai  les  troupes  qu'il  pou- 
vait encore  avoir  dans  l'Empire  réunies 
à  celles  des  advexfaires  du  parti  pro- 
teftant 

Le  duc  de  Lorraine  ,  contenu  d'un 
côté  par  la  France ,  menacé  de  l'autre 
par  le  roi  de  Suéde  ',  fut  obligé  de  fubir 
la  loi  ;  il  fit  à  Guftave  une  réponfe 
où ,  fans  dégrader  fa  dignité  en  s'abaiC 
fant ,  il  s'exprima  de  manière  à  appai. 
fer  le  héros.  <*  Je  n'ai  pu  me  difpenfer, 
„  lui  manda-t-il ,  de  me  rendre  aux 
„  inftantes  prières  de  l'empereur,  & 
„  de  lui  témoigner  la  même  fidélité 
„  que  nues  prédéceffeurs  ont  eue  pour 


SI 


DE  Gustave-Adolfe^  287 

i,  les  liens.  Perfuadé  que  mon  attache- 
„  ment  pour  ce  monarque  m'attirerait  ï^^^, 
„  tôt  ou  tard  la  guerre  ,  j'îU  penfé 
„  qu'il  était  plus  digne  d'un  prince 
y,  courageux  de  la  porter  en  AUema- 
„  .gne  que  de  l'attendre  chez  moi ,  & 
,.,  j'ai  voulu  £n  cela  imiter  Votre  Di- 
5,  gnité  Royale^  mais  puifque  vous 
-,,  m'affurez  de  vos  bonnes  intentions 
-^,  .à  l'égard  de  Ja  religion  catholique , 
-,,  j'accepte  volontiers  vos  ofFres ,  & 
^,  je  me  conformerai  à  ce  que  vous 
.„  jugerez  convenable  à  mon  hon- 
„  neur.  „  Le  roi  fatisfait  de  la  réponfe 
.du  duc ,  le  laifia  tranquille  ;  mais  com- 
me le  monarque  méditait  la  conquête 
de  la  Bavière ,  &  qu'il  lui  importait  de 
diminuer  les  obftacles  qui  auraient  pu 
multiplier  les  difficultés  de  ce  projet, 
il  foUicita  la  France  d'empêcher  le  duc 
.de  conduire  une  féconde  fois  des  trou- 
ipes  en  Allemagne. 

Guftave.aecueillit  ave£  la  plus  grande 


1632, 

Janvier. 


288      Campagnes 

diftindlion  le  baron  de  Slabata,  mi-' 
niilre  de  Frédéric  V ,  éledeur  Palatin 
&  roi  détrôné  de  Bohême,  &  fit  in- 
viter ce  prince  de  fe  rendre  auprès  de 
lui.  Le  roi  de  Suéde  ne  traita  pas  fa- 
vorablement Stock ,  envoyé  de  l'élec- 
teur de  Trêves.  AgifFant  toujours  en 
vainqueur ,  il  avait  offert  précédem- 
ment la  neutralité  à  réledeur ,  à  con- 
dition qu'il  lui  livrerait  le  pont  de  Co- 
blentz ,  recevrait  des  troupes  Suédoi- 
fes  dans  la  forterefie  de  Hermanftein , 
où  la  garnifon  électorale  relierait ,  mais 
qu'elle  prêterait  ferment  au  roi  ;  qu'en- 
fin le  pays  paierait  une  contribution 
qui  ferait  difi;ribuée  en  gratification  à 
l'armée  Suédoife.  L'électeur  manda  à 
Gullave ,  <<  qu'il  avait  embrafle  la  neu- 
tralité du  confentement  du  roi  de 
France  &  mis  fes  états  fous  fa  pro- 
tection ;  que  Louis  XIII  s'était  en- 
gagé à  le  fecourir  contre  quiconque 
l'attaquerait  5  de  manière  que  ceux 

„  qiii 


DE  Gustave- Adolfe.  2^9 
,,  qui  entreprendraient  de  le  mol eiler,  TJ77^ 
„  lui  ou  fes  fujets ,  encourraient  i.n- 
„  dignation  de  ce  puiiïant  monarque  ; 
5,  qu'au  refte  le  roi  de  Suéde  devait 
„  fe  rappeller  qu'il  avait  confenti  à  la 
„  neutralité  de  l'éledeur  par  la  mé- 
„  diation  de  la  France ,  &c.  „ 

Guftave  ne  put  diflimuler  ion  c'ton- 
nement  à  l'ouie  d'une  déclaration  auffi 
fiere.  Il  répondit  cependant  a\ec  no- 
dération ,  "  que  ce  prétendu  tra^'t  n'e- 
„  xiftait  point;  que  l'éledeur  n'avait 
„  pas  laiiïe  que  de  favori  fer  îe  parti 
5,  de  la  Ligue ,  malgré  Tes  protefia- 
5,  tions;&  qu'après  avoir  été  trompé 
„  par  révêque  de  Bamberg ,  il  ne  fe 
„  fierait  jamais  au  ferm.ent  ni  à  la  pa- 
„  rôle  d'aucun  prêtre  ou  moine.  ,, 

Cependant  cette  affaire  fut  accom- 
modée :  on  convint  que  l'éledeur  ac- 
corderait des  vivres  &  des  logemens 
aux  Suédois  qui,  de  concert  avec  les 
Français ,  chafferaient^les  Efpagnols  de 

Partie  JIL  '  T 


290  Campagnes 
l'éledlorat,  afin  de  leur  ôter  la  com- 
munication qu'ils  avaient  établie  entre 
les  Pays-Bas  &  le  Palatinat.  C'était  le 
but  important  que  fe  propofait  le  mo- 
narque Suédois.  Ainfi ,  ayant  été  in- 
formé qu'un  corps  de  troupes  de  cette 
nation  s'était  approché  delaMofelle, 
il  partit  un  loir  lui  quatrième  de  Franc- 
fort dan  un  petit  bateau  ,  8c  defcendit 
juCqu'à  Mayence.  Là  ,  il  affemble  à  la 
hâte  quelques  régimens,  tombe  à  l'im- 
provifte  fur  les  Efpagnols,  les  défait 
complètement,  &  les  oblige  d'aban- 
donner Veldentz  ,  dont  ils  s'étaient 
emparés. 

Cependant,  &  quoique  Guftave  eût 
tout  préparé  pour  continuer  la  guerre, 
îi  crut  devoir  marquer  quelques  difpo- 
iitions  à  la  paix.  Dans  cette  vue ,  il 
en  fir  dreflei  &  publier  les  articles  pré- 
liminaires, dont  le^  principaux  étaient: 

I.  Que  redit  de  i'empGreur  concer- 
nant la  reftitution  des  biens  d'églife, 
ferait  révoqué. 


DE  Gustave-Adolfe.  291 

2.  Que  la  Bohême ,  la  Moravie  &  la 
Siléfie  feraient  remifes  dans  leur  pre- 
mier état. 

5.  Que  les  deux  religions  protef-^ 
tante  &  catholique  jouiraient  d'une 
pleine  &  entière  liberté  &  fureté. 

4.  Que  le  comte  Palatin  ferait  remis 
en  poirelîion  de  tout  ce  qui  lui  apparte- 
nait avant  les  troubles  de  la  Bohême. 

f.  Que  la  dignité  éledorale  lui  ferait 
également  rendue. 

6.  Que  l'exercice  de  la  religion  évan° 
gélique  ferait  rétabli  à  Augsbourg. 

7.  Que  tous  les  Jéfuites  feraient 
bannis  à  perpétuité  de  l'Empire. 

8.  Que  l'on  admettrait  dans  les  mo- 
nafteres  des  fujets  des  deux  religions. 

9.  Que  tous  ceux  du  duché  de  Vir- 
temberg  feraient  remis  dans  leur  état 
primitif. 

10.  Que  le  roi  de  Suéde  aj/ant  fauvd 
l'Empire ,  il  feroit  élu  roi  des  Romains. 

Tij 


292        Campagnes 

lî.  Que  les  frais  des  commiflîons 
impériales  feraient  rembourfés. 

12.  Enfin,  que  les  chanoines  des 
cathédrales  feraient  mi-partis  des  deux 
religions. 

Il  paraît ,  par  le  dixième  de  ces  ar- 
ticles &  par  d'autres  faits,  que  le  roi 
de  Suéde  afpirait  à  la  couronne  impé- 
riale ;  &  plufieurs  hiftoriens  font  d'ac- 
cord à  cet  égard. 

Guftave,  après  s'être  ainfi  afflué  des 
environs  de  i\layence ,  en  fe  rendant 
maître  de  quelques  places  où  les  EC- 
pagnols  avaient  garnifon  ,  &  n'ayant 
plus  d'ennemis  dans  la  Vétérav.ie,  il 
commença  à  faire  fes  préparatifs  pour 
marcher  contre  Tiili ,  qui  à  la  tête  de 
fon  armée  ravageait,  fuivant  fa  cou- 
tume ,  la  Franconie  &  dir  -  tout  le 
pays  d'Anfpach.  Le  fcld  maréchal  Horn 
ayant  raffemblé  quelques  troupes  ,  af- 
fiégea  &  prit  diverR^s  plices  d^.  l'évê- 
ché  de  Bamberg ,  &  t>'cmpara  de  cette 


DE    GUST  A  VE- AdOL  FT^.    29^ 

dernière  ville  ,  quG  les  Impériaux 
avaient  abandonnée.  L'évêque  ne  ceC^ 
fait  de  ioUiciter  Tilli  de  venir  à  fou 
fecoLirs.  Celui-ci  fé  met  en  marche, 
s'approche  de  Bamberg,  où  les  Sué- 
dois s'étaient  retranchés.  Horn  y  reçut 
un  échec,  &  fut  obligé  de  fe  retirer, 
en  confervant  cependant  fon  artillerie 
&  fon  bagage.  Mais  il  ne  tarda  pas  à 
prendre  fa  revanche,  en  enlevant  & 
taillant  en  pièces  l'un  des  quartiers  de 
l'armée  de  Tilli  ;  après  quoi  il  fe  ren-. 
dit  à  Dettelbach  ,  où  il  joignit  le  rai 
de  Suéde  ,  qui  par  ce  moyen  fe  trouva 
à  la  tête  de5  2Qoo  conibattans. 

Mais ,  tandis  que  la  guerre  allait  Je 
rallumer  avec  encore  plus  de  force 
dans  la  Franconie,  elle  continuait  à 
ravager  Tévêché  de  Magdebourg.  Jean 
Banner ,  l'un  des  plus  illuftres  élevés 
de  Guftave,  y  commandait  une  ar= 
mée  de  huit  mille  foldats  de  trou- 
pes étrangères  pour  la  plupart.  11  avait 

Tiij 


X94        Campagnes 
réduit  Mansfeld,  renfermé  dans  Alag- 
debourg  avec  deux  mille  Impériaux ,  à 
demander  à  capituler. 

Alors  Pappenheim  paraît  avec  un 
corps  d'environ  cinq  mille  hommes, 
Se  forme  le  defTein  de  fur  prendre  Ban- 
ner  &  de  l'attaquer  par-derriere ,  tan- 
dis que  Mansfeld ,  fortant  de  Magde- 
bourg  avec  toute  fa  garnifon ,  les  atta- 
querait par-devant.  Un  heureux  hafard 
fit  évanouir  ce  projet  :  deux  foldats  de 
Banner  rencontrant  un  payfan  qui  por- 
tait un  pain ,  le  lui  enlèvent ,  le  cou- 
pent par  morceaux  pour  le  manger,  y 
trouvent  une  lettre  qui  contenait  le 
détail  de  cette  entreprife  ,  &  la  remet- 
tent à  leur  général,  qui  prit  fur-le- 
champ  une  autre  pofition.  Pendant  ce 
tems-là,  Pappenheim,  informé  que 
George  duc  de  Lunebourg  faifait  dans 
îa  baffe  Saxe  des  levées  pour  le  roi  de 
Suéde ,  réfolut  d'abandonner  Magde- 
bourg,  après  avoir  achevé  de  ruiner 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.    29f 

entièrement  cette  malhenreufe  ville, 
où  Banner  mit  garnifon ,  exhortant  fes 
habitans  difperfés  à  venir  relever  les 
débris  de  leur  patrie. 

Pappenheim  arrivé  à  Volfenbuttel , 
voulut  contraindre  le  duc  régnant  à 
lui  livrer  le  duc  George  fon  frère; 
mais  Banner  qui  Pavait  fuivi  dans  fa 
retraite ,  ayant  été  renforcé  par  un 
corps  de  dix  mille  hommes  que  com- 
mandait le  duc  Guillaume  de  Saxe- 
Veimar ,  Tobligea  de  s'éloigner  en- 
core; ce  qui  facilita  aux  Suédois  la 
prife  de  plufieurs  villes  de  ce  cercle , 
telles  que  Goslar  &  Gôttingue,  où  ils 
trouvèrent  de  l'artillerie  &  des  muni- 
tions de  guerre  en  abondance. 

Cependant  Guftave-Adolfe  jugea  à 
propos  de  renvoyer  le  landgrave  de 
Heffe-CalTel  dans  fon  pays,  que  Pap- 
penheim ravageait,  &  de  rappelier  à 
lui  le  duc  Guillaume  de  Saxe-Vei- 
mar  &  le  général  Banner  avec  toutes 

Tiv 


29^       Campagnes 
leurs  troupes,  à  la  réferve  des  garni- 
Tons  établies  dans  les  villes  conquifes. 

D'un  autre  côté ,  le  général  Tott , 
à  la  tête  d'un  corps  de  neuf  à  dix  mille 
Suédois ,  s'avançait  dans  l'évêché  de 
Brème;  &  après  s'être  emparé  de  di- 
visrfes  places ,  afîiégea  Stadt ,  où  les 
Impériaux  tenaient  une  garnifon  noni- 
breufe.  Pappenheim  réfolut  d'abord  de 
tout  hafarder  pour  fauver  ce  polie  im- 
portant ;  mais  ayant  fu  que  Tott  avait 
été  confidérablement  renforcé,  il  prit 
le  parti  d'évacuer  la  ville  &  d'en  re- 
mettre les  clefs  aux  magiftrats ,  qui 
ne  tardèrent  pas  à  y  recevoir  les  Sué- 
dois. Par  ce  moyen ,  le  commerce  de 
l'Elbe  fe  trouva  entièrement  libre  pour 
ces  derniers ,  &  il  ne  reffca  à  Pappen- 
heim que  la  ville  de  Volfenbuttel 
dans  tout  le  cercle  de  bafle  Saxe. 

Dans  le  même  tems  le  grand-chan- 
celier Oxenftierne,  que  Guftave-Adol- 
fe,  en  partant  pour  la  Franconie ,  avait 


DE  Gustave-Adolfe.  297 
chargé  du  foin  de  continuer  la  guerre 
fur  le  Rhin ,  &  qui  avait  fon  quartier 
général  à  Mayence,  informé  que  les 
Efpagnols  avaient  détaché  un  gros 
corps  de  leur  armée  des  Pays  -  Bas 
pour  tdcher  de  pénétrer  dans  le  Paîati. 
nat ,  non-feulement  leur  oppofa  la  plus 
vigoureufe  réfiflance;  mais  après  les 
avoir  défaits  en  plufieurs  renoontres , 
les  contraignit  d'abandonner  ce  pa^/s 
là  &  de  retourner  en  Flandre ,  tous 
les  exploits  de  ce  corps  s'étant  bornés 
à  prendre  la  ville  de  Spire ,  qu'il  ne 
tarda  pas  d'abandonner  après  l'avoir 
pillée. 

Ce  fut  alors  que  le  prince  de  Vir- 
temberg  prit  le  parti  de  fe  déclarer 
contre  l'empereur  &  de  lever  des  trou- 
pes pour  le  fervice  de  Guffcave-Adolfe , 
formant  ainfi  une  diverfion  favorable 
aux  Suédois  qui ,  conduits  par  le  gé- 
néral Horn  ,  pénétrèrent  dans  le  mar- 
quifat  de  Bade-Dourlach  &dansl'Al- 
face. 


29S        Campagnes 

La  guerre  fe  faifart  donc  ainfi  dans 
toute  l'étendue  de  l'Allemagne,  par- 
tout les  armes  du  roi  de  Suéde  étaient 
viclorieufes ,  &  femblaient  annoncer  à 
Ferdinand  les  ^lus  grands  malheurs. 
Un  monarque  triomphant  au  cœur  de 
l'Allemagne ,  maître  des  provinces  les 
plus  reculées  de  l'Empire ,  la  France 
prête  à  entrer  avec  une  armée  nom- 
breufe  dans  l'éledorat  de  Trêves  , 
l'éleéleur  de  Mayence ,  les  évêques  de 
Vurtsbourg  &  de  Bamberg  chafles  de 
leurs  états ,  Téleéteur  de  Saxe  maître 
de  prefque  toute  la  Bohême ,  le  duc  de 
Lorraine  forcé  par  la  France  à  renoncer 
à  l'alliance  impériale  ,  i'éledeur  de 
Trêves  déclaré  neutre ,  le  duc  de  Ba- 
vière, feul  ou  principal  appui  de  la 
Ligue ,  prêt  à  en  faire  de  même  ;  tous 
les  princes  proteftans  armés  &  réunis 
pour  la  défenfe  de  leurs  droits  ;  les 
payfans  autour  de  l'Ems  révoltés  ,  les 
Efpagaols  chalTés  du  bas  P.iLitinat,  les 


DE    GuSTAVE-AdoLFE.    £99 

Turcs  ravageant  la  Hongrie ,  les  SuiiTes 
fournifTant  des  recrues  aux  Suédois  : 
telle  était  la  fituation  d'un  monarque 
qui,  peu  de  tems  auparavant,  faifaifc 
trembler  l'Europe  &  exerçait  un  pou- 
voir defpotique  dans  tout  l'Empire. 

Une  feule  refiburce  reftait  à  Ferdi- 
nand  ;  elle  était  humiliante ,  mais  les 
miniftres  la  jugèrent  néceflaire.  Il  s'a- 
gilTait  d'appaifer  le  duc  de  Fridiand ,  & 
de  rengager  à  reprendre  le  commande- 
ment des  armées  impériales  ,  ne  con- 
noifTant  que  lui  qui  fût  en  état  de  réta- 
blir les  affaires.  On  lui  envoya  donc  un 
feigneur  de  la  cour ,  qui  le  trouva  à 
Znaim ,  occupé  à  ralfembler  des  offi- 
ciers &  des  foldats.  Sur  la  propofitioa 
qu'on  lui  fît  de  la  part  de  l'empereur , 
il  demanda  vingt -quatre  heures,  & 
voici  les  conditions  ou  plutôt  la  loi  que 
cet  efprit  fuperbe  &  ulcéré  ofa  impofer 
à  fon  fouverain  : 

I  ^.  Qu'il  ferait  généralifïïme  &  com- 


300      Campagnes 
mandant  en  chef  de  toutes  les  forces 
de  la  mairoii  d'Autriche  &  de  la  cou- 
ronne d'Erpagne,rempereurne  devant 
jamais  fetrouverenperfonne  à  l'armée. 

2°.  Que  l'empereur  lui  afTurerait  la 
fuccelTion  à  quelqu'un  des  pays  héré- 
ditaires de  la  maifon  d'Autriche. 

5°.  Q,a'il  aurait  le  domaine  diredl  & 
la  fuzeraineté  fur  tous  les  pays  recou- 
vrés dans  l'Empire. 

4°.  Que  toutes  les  terres  Se  feigneu- 
ries  qui  feraient  confifquées  lui  appar- 
tiendraient. 

f  ^.  Qu'il  ferait  le  maître  abfolu  de 
faire  grâce  aux  gens  de  guerre  &  de  les 
punir,  toutes  les  lettres  à  ce  fujct 
devant  être  adreflées  à  lui  feul. 

6°. ,  Que  dans  le  traité  de  paix  défi- 
nitif, l'empereur  foutiendrait  les  droits 
du  duc  fur  le  Meckelbourg. 

7^*.  Qu'on  lui  fournirait  les  fecours 
nécelTaires  pour  l'entretien  des  troupes. 

8?.  Enfin ,  que  tous  les  pays  hérédi- 


DE  Gustave-Adolfe.  301 
tairesde  rempereiir  lui  feraient  ouverts 
pour  paflTage  ou  retraite.  C'eft  fur  ce 
pied  là  que  le  duc  confentit  à  la  requifi- 
tion  de  la  cour  de  Vienne ,  &  Pon  peut 
juger  de  l'extrémité  à  laquelle  l'empe- 
reur fe  trouvait  réduit ,  puifqu'il  ratifia 
tous  ces  articles.  Mais  il  y  a  toute  ap- 
parence que  des  conditions  auffi  dures 
influèrent  beaucoup  fur  la  fin  tragique 
de  ce  général ,  dont  la  conjuration  efl 
connue  dans  l'hiftoire. 

Quoi  qu'il  en  foit,  dès  que  l'on  eut 
appris  que  le  duc  avait  repris  le  com- 
mandement de  l'armée ,  il  ne  lui  fut 
pas  difficile  de  raffembler  un  grand 
nombre  de  troupes.  Il  y  facrifia  même 
une  partie  de  fa  fortune ,  &  ne  tarda  pas 
à  fe  trouver  à  la  tête  de  40000  hommes 
bien  armés.  Ses  premiers  efforts  eu- 
rent pour  but  de  chaiïer  entièrement 
les  Saxons  de  la  Bohême ,  tandis  qu'il 
faifait  négocier  avec  Téledeur  par  le 
njoyendu  général  Arnimb  qui  les  com-^ 


302  Campagnes 
mandait  dans  ce  pays  là ,  afin  d'engager 
ce  prince  à  renoncer  à  l'union  de  Leip- 
fic;  maïs  il  ne  put  pasy  réuffir,  non 
plus  qu'à  furprendre  Arnimb  qui  fe  re- 
tira en  Saxe  avec  fon  armée  fans  avoir 
reçu  aucun  échec.  L'empereur  ne  fut 
pas  plus  heureux  dans  fes  follicitations 
auprès  de  la  cour  de  France  pour  la 
défacher  de  fon  alliance  avec  le  roi  de 
Suéde,  le  cardinal  de  Richelieu  lui  ayant 
fait  déclarer  pofitivement ,  que  s'il  vou- 
lait réparer  les  maux  qu'il  avait  caufés 
à  l'Aliemagiie ,  &  rendre  à  chacun  ce 
qui  lui  appartenait,  la  guerre  ferait 
bientôt  terminée. 

L'armée  Saxoane  ayant  donc  évacué 
la  Bohême ,  il  ne  fut  pas  difficile  au 
duc  de  Fridland  de  reprendre  fuccefli- 
vementles  diverfes  places  dont  Arnimb 
s'était  rendu  maître  ,  &  fur- tout  Prague 
dont  la  garnifon  fe  défendit  mal.  Il 
s'avança  enfuite  vers  la  Saxe ,  réfolu 
d'accabler  l'éledeur  5  mais  les  nouvel- 


DE  Gustave- Adolfe.  303 
les  vidloires  remportées  par  Guftave- 
Adolfe  l'obligèrent  de  prendre  d'autres 
mefures  &  de  chercher  à  joindre  j'é- 
ledeur  de  Bavière  qui  marchait  à  la 
tête  de  toutes  les  autres  troupes  de  h 
Ligue. 

Pour  en  revenir  au  roi  de  Suéde, 
ce  monarque  s'étant  avancé  dans  l'é- 
vêché  de  Bamberg,  le  comte  deTilli, 
commandant  en  chef  de  l'armée  d'Au- 
triche ,  jugea  à  propos  de  ne  pas  l'at- 
tendre ,  &  marcha  du  côté  du  Danube  ; 
miais  avant  de  quitter  la  Franconie  , 
il  fit  piller ,  faccager  &  brûler  tous  les 
environs  de  Nuremberg  ,  emmenant 
prifonniers  les  principaux  habitans. 

Banner  &  le  duc  de  Saxe-Veimar 
ayant  joint  l'armée  du  roi  ,  elle  fe 
trouva  forte  de  4^000  combattans , 
à  la  tête  defquels  il  s'approcha  de  cette 
ville  impériale ,  alors  la  plus  riche  & 
la  plus  fioriflante  de  l'Allemagne ,  & 
qui  lui  était  très  -  atfediomiée.   Aufli 


304  Campagnes 
y  fut  -  il  reçu  avec  une  magnificence 
extraordinaire,  de  même  que  tous  les 
princes  dont  il  était  accompagné.  Ce 
monarque  y  paflTa  deux  jours ,  après 
avoir  fait  prendre  les  devants  à  fon 
armée  pour  pourfuivre  Tilli  qui  mar- 
chait à  grandes  journées  vers  la  Ba- 
vière. Arrivé  devant  Donavert,  où  les 
Bavarois  av^aient  mis  garnifon ,  le  roi 
fit  fo,mmer  le  commandant  de  fe  ren- 
dre. Celui-ci  ayant  répondu  a\  ec  fierté, 
la  place  fut  invertie  &  afliégée  dans  les 
formes  ;  m  iis  tu  bout  de  ving  -  quatre 
heures  d'attaque ,  la  garnifon  trompant 
la  vigilance  des  Suédois  ,  l'abandonna 
&  fe  fauva  à  la  faveur  du  pont  fur 
le  Danube. 

Guftave  réfolu  de  pénétrer  dans  le 
cœur  de  la  Bavière  ,  vint  camper  au- 
tour de  Northeim  &  s'approcha  du 
Lech  ,  rivière  fur  !a  droite  de  laquelle 
Tilli  était  campé  &  s'était  retranché 
avec  tant  de  foin  que  fon  polte  paraif. 

fiut 


De  Gustave-Adolfe.  3or 


fait  inexpugnable.  Cepehdant  le  roi  i^3^* 
perfifta  dans  le  defiein  de  le  forcer  ; 
&  comme  les  généraux  y  voyaient 
trop  de  danger  ,  il  leur  dit  :  Quoi  I 
nous  ,  qui  avons  pajfé  la  mer  Baltique 
&  tant  de  grands  fleuves  en  Allemagne , 
nous  craindrions  de  pajjer  ce  ruijjeau  là  ! 
11  avait  obfervé  que  le  Lech  formait 
un  coude  dont  les  bords  étaient  élevés. 
Il  y  fait  établir  trois  grandes  batteries 
qui  foudroient  les  corps  avancés  de 
Tilli.  Dans  le  même  tems  on  jette 
un  pont  fur  la  rivière  ;  cinq  cents  Fin» 
landais  déterminés  le  paflént ,  élèvent 
à  la  hâte  un  retranchement  à  fa  tête* 
Ils  font  foutenus  par  un  corps  d'in- 
fanterie avec  du  canon.  Tilli  accourt 
pour  attaquer  les  Suédois  avant  qu'ils 
puifTent  fe  renforcer  ;  mais  l'infanteria 
conduite  par  le  roi ,  fe  formait  déjà  paf 
brigades  ;  &  dans  le  même  tems  la  ca-* 
Valérie  Suédoife  ayant  découvert  ua 
gué ,  venait  de  pafTer  la  rivière  &  s*a- 
Partie  IIL  V 


306  C/VMPAGNES 

vançait  en  bon  ordre.  Le  combat  s'en- 
gagea donc  alors  avec  un  égal  acharne- 
ment Les  vieux  foldats  de  Tilli  foa- 
tenaient  leur  réputation  ,  lorfque  ce 
général  fut  blefle  mortellement  par  un 
Jooulet  de  canon  qui  lui  fracafla  la  cuifTe 
droite.  Ce  malheur  fit  perdre  courage  à 
fes  troupes  j  elles  plièrent,  fe  retirèrent 
en  défordre ,  &  le  roi  relia  maître  du 
charnp  de  bataille.  Le  fuccès  d'une 
entreprife  aulR  hardie  ne  put  que 
confterner  Téledeur  de  Bavière  &:  fes 
généraux.  Ils  prirent  le  parti  de  la  re- 
traite ,  afin  de  conferver  leurs  troupes 
&  les  joindre  à  l'armée  de  l'empereur 
qui  s'avançait  fous  les  ordres  du  duc 
de  Fridland.  Quant  au  général  Tilli , 
il  fut  tranfporté  à  Ingolitat  ,  où  il 
mourut  après  avoir  foufFert  pendant 
quinze  jours  les  plus  afFreufcsd«)uleurs  : 
Julie  punition  de  l'exceliive  barbarie 
avec  laquelle  il  avait  fait  conftamment 
la  guerre.  Ce  fameux  paŒige  du  Lech 


DE  Gustave-Adolfe.  507 
parles  Suédois  eut  lieu  le  f  avril  163 1. 
Au  relie,  malgré  les  inftances  multi- 
pliées de  l'éledeur,  Valftein  qui  n'avait 
point  oublié  la  haine  implacable  que 
lui  portait  l'eledeur  de  Bavière  &  dont 
il  lui  avait  donné  tant  de  preuves ,  ne 
fe  hâtait  point  de  venir  à  fon  fecours. 
Bien  aife  de  voir  Ton  ennemi  humilié , 
il  prétextait  que  la  Bohême  avait  en- 
core befoin  de  la  préfence,  &  qu'il  fau- 
rait  bien  arrêter  les  Suédois  lorfqu'il  le 
£^udrait.  Le  roi  de  Suéde  ayant  donc 
paflé  le  Lech  d'une  manière  fi  g'o- 
rieufe ,  s'empara  de  la  petite  ville  de 
Zain  &  s'approcha  d'Augsbourg  avec 
toute  fon  armée.  Dans  le  même  tems 
Neubourg  ,  ville  voifme,  qui  avait  reça 
garnifon  impériale  ,  mais  que  l'éledeur 
de  Bavière  avait  abandonnée  enfuite  , 
vint  demander  la  neutralité  au  roi  qui 
la  condamna  à  fournir  des  vivres  à  fes 
troupes ,  &  envoya  un  détachement 
pour   en   prendre    poffeffion.    Mais 

y  i) 


508  Campagnes 
Guftave  fe  propofait  eflentiellement 
de  fe  rendre  maître  d'Augsbourg ,  ville 
impériale  &  très  -  confidérable.  Les 
habitans  ayant  reçu  comme  par  force 
une  garnifon  Bavaroife  ,  il  fe  propofait 
de  Paffiéger  ,  lorfqu'après  quelques 
négociations  avec  le  magiftrat  ,  l'of- 
ficier qui  la  commandait  confentit 
à  évacuer  cette  ville  moyennant  une 
capitulation  honorable  qui  lui  fut  ac- 
cordée. Le  roi  y  fit  donc  fon  entrée 
avec  la  plus  grande  pom.pe;  &  après 
avoir  rétabli  le  magiftrat  proteftant  9 
que  l'empereur  avait  cafle ,  il  fit  afiem- 
bler  tous  les  habitans ,  &  exigea  d'eux 
le  ferment  de  fidélité  &  d'obéiflance 
comme  à  leur  fouverain  ,  en  fe  recon- 
naifllmt  fujets  de  la  couronne  deSuede  ; 
cérémonie  qui  donna  lieu  de  penfer 
que  ce  monarque  ,  tout  en  travaillant 
à  défendre  les  proteRans  en  Allema- 
gne, n'oubliait  pas  fes  intérêts,  puif- 
qu'il  s'appropriait  aiiili  des  viJles  iin- 


DE  Gustave-Adolfe.  309 
pénales.  Son  ambition  égalait  fon  cou- 
rage :  non  feulement  il  afpirait  à  fe 
faire  élire  empereur  ;  mais  on  fait  que 
dans  le  même  tems  il  briguait  la  cou- 
ronne de  Pologne ,  &  que  cette  entre- 
prife  ne  manqua  qu'à  caufe  de  la  mal- 
habileté de  fon  envoyé. 

Après  avoir  fait  un  affez  long  féjour 
à  Augsbourg  &  y  avoir  mis  une  forte 
garnifon ,  Guftave  rafîembla  fon  armée 
&  s'avança  jufques  près  d'Ingolitat , 
réfolu  de  livrer  bataille  à  l'éleCleur  de 
Bavière  qui  campait  fous  les  murs  de 
cette  place  avec  toutes  fes  troupes 
fortement  retranchées.  Mais  tandis 
qu'il  obfervait  l'armée  ennemie ,  un 
boulet  de  canon  de  28  livres  entra 
dans  le  corps  du  cheval  que  montait 
le  roi,  qui  n'ayant  point  été  blefie,  dit 
à  ceux  qui  l'aidaient  à  fe  relever: 
Je  Val  échappé  belle  ;  apparemment  que 
la  poire  n'efl  pas  encore  mûre.  D'un 
autre  côté ,  l'éledeur  craignant  d'êtr€ 

V  iij 


310        Campagnes 
forcé  dans  fes  lignes  ,  les  abandonna  à 
la  fourdine;  &  ayant  mis  garnifon  dans 
Ingolftat ,  il  marcha  vers  Ratisbonne. 
Dans  le  même  tems,  des  ambafîadeurs 
du  roi  de  Dannemarc  fe  rendirent  au- 
près de  Guftave  pour  le  complimenter 
fur  fes  fiiccès  &  lui  offrir  la  médiation 
de  leur  maître  pour  finir  cette  cruelle 
guerre  ;  mais  cette  démarche  n'eut  au- 
cune fuite.  Il  en  fut  de  même  de  celle 
que  fit  S.  Etienne,  envoyé  de  France  à 
Munie  5  dans  la  vue  d'obtenir  la  neu- 
tralité en  faveur  de  l'éledeur ,  ami  & 
allié  de  Louis  XIII.  Le  roi  de  Suéde , 
perfuadé  qu'une  telle  propofition  n'a- 
vait pour  but  que  de  donner  à  ce  prin- 
ce le  tems  de  recevoir  les  fecours  que 
l'empereur  lui  préparait ,  traita  alfez 
mal  cet  envoyé  ,  &  impofa  à  la  neutra- 
lité demandée ,  des  conditions  inaccep- 
tables. ' 

L'armée  Bavaroi Te  s'étant  donc  éloi- 
gnée d'Ingolilat,  le  roi  de  Suéde  réfolut 


DE  Gustave-Ado L F E.  311 
d'en  faire  le  fiege  ;  mais  confidéiant 
qu'il  ne  pourrait  qu'y  perdre  beaucoup 
de  tenis  &  de  monde ,  il  ne  tarda  pas 
à  le  lever ,  &  s'avança  dans  la  Bavière 
en  prenant  la  route  de  Munie.  Dans 
le  même  tems  Tes  généraux  lui  fou- 
mettaient  plufieurs  villes  de  la  Franco- 
nie  &  en  avaient  tiré  de  fortes  contri- 
butions :  le  roi  s'é^'ait  emparé  clé  la  plus 
grande  partie  de  l'évêché  deFreyfmg, 
où  il  trouva  une  immenfe  quantité  de 
vivres.  L'cledeur,  à  l'approche  du  roi 
de  Suéde  ,  quitta  les  environs  de  fa  ca- 
pitale &  marcha  vers  Ratisbonne.  Cette 
ville  impériale  avait  confenti  à  rece- 
voir une  garnifon  de  ifoo  Bavarois, 
mais  fous  la  condition  que  la  bourgeoi- 
fie  aurait  toujours  la  garde  des  portes 
&  de  l'arfenal ,  &que  les  Bavarois  ne 
pourraient  faire  aucun  fervice  militaire 
dans  la  ville.  Cependant,  &  malgré  îe 
traité  ratifié  par  l'éledeur  de  Bavière , 
l'éledeur  réuifit  à  fe  rendre  maître  par 

V  iv 


31  a  Campagnes 
ftratagême  de  cette  ville  &  de  fon  pont 
fur  le  Danube.  Il  y  fit  entrer  toute  fon 
infanterie  qui  s'y  livra  à  de  grands  ex- 
cès, Le  roi  de  Suéde  continuant  à  s'ap» 
procher  de  Munie  ,  l'éledrice  fe  retira 
àSalsbourg;  le  tréforde  Péledeurfut 
tranfporté  dans  une  forterefle  impre- 
nable ,  ^  le  magiftrat  députa  les  plus 
anciens  de  Ces  membres  au  roi  de  Suéde 
pou'"  lui  porter  les  clefs  de  la  ville  & 
implorer  fa  clémence.  Ce  monarque 
les  reçut  avec  bonté ,  leur  promit 
fa  protedlion  ,  &  réduifit  à  trois  cents 
mille  rixdalers  la  contribution  qu'il  en 
avait  d'abord  exigée.  Enfuite,  &le  lo 
mai  1652 ,  Guftave  ,  accompagné  d'un 
grand  nombre  de  princes  &  de  fei- 
gneurs ,  fit  fon  entrée  folemnelle  dans 
Munie,  &  fut  defcendre  au  palais  de 
l'éledeur ,  le  plus  fuperbe  édifice  qu'il 
y  eût  dans  tout  le  Nord.  Rien  de  plus 
grand  ,  de  plus  héroïque  que  les  pro- 
cédés du  roi  de  Suéde  pendant  Ton  fé=^ 


DE  GUSTAVE-AdOLFK.    515 

jour  dans  cette  ville.  Il  réfifta  conftam- 
ment  aux  follicitations  qui  lui  furent 
faites  de  la  brûler  &  d'en  faire  détruire 
le  palais  éledoral.  Mais  une  çircont 
tance  qui  lui  devint  également  agréa- 
ble &  avantageufe  ,  fut  Pacquifition  de 
Î40  belles  pièces  de  canon  ,  trouvées 
dan»  i'aifenai  de  cette  ville,  &  qu'il  fit 
tran:  porter  àAugsbourg,  Du  refte,  & 
pendant  tout  fon  féjour ,  il  fit  obferver 
à  fes  troupes  la  plus  exaéle  difcipline. 

Cependant  l'alarme  était  grande 
à]  Vienne»  L'empereur  q'avait  aucune 
p'ace  qui  pût  arrêter  Guftave  depuis 
]\lunic  jufqu'à  la  capitale  de  Tes  états, 
il  ne  lui  reliait  pour  toute  reflburce  que 
l'armée  de  Valffcein.  Dans  cet  embar- 
ras ,  il  chercha  à  en  fufciter  de  nou- 
veaux à  Guftave ,  &  en  même  tems  il 
envoya  un  ambafiadeur  à  la  cour  de 
Rome,  pour  l'engager  à  prendre  in- 
térêt dans  cette  guerre ,  &  à  ouvrir  les 
tréfors  de  l'églife  en  faveur  des  catho- 


5Î4  Campagnes 
îiques  d'Allemagne ,  victimes  cîe  la 
crutiuté  des  hérétiques.  Mais  le  pape  , 
qui  n'avait  pas  oublié  ce  que  lui  avait 
coûté  la  dernière  guerre  en  Italie,  &  la 
ruine  du  Mantouan ,  n'accorda  à  l'em- 
pereur que  quelques  contributions  fiir 
les  gens  d'églife ,  &  fit  publier  Vin  jubilé 
pour  obtenir  le  fecours  du  ciel. 

Ferdinand  chercha  enfuite  à  divifer 
les   principaux  membres  de  l'Union 
proteflante,  &  fur -tout  à  en  détacher 
Jean  -  George  ,  électeur  de  Saxe.  Ce 
prince  foupçonneux,  irréfolu,  livré  au 
plaifir  de  boire ,  avait  la  confiance  la 
plus  aveugle  dans  fon  feld  -  maréchal 
Arnimb,  ancien  ami  &    créature  de 
Valftein,  qui  lui  fit  propofer  par  le 
canal  de  ce  dernier  &  fous  les  condi- 
tions les  plus  avantageufes ,  un  accom- 
modement particulier  avec  la  cour  de 
Vienne.  L'éledeur  y  aurait  peut-être 
donné  les  mains ,  fans  la  honte  d'aban- 
donner les  intérêts  d'un  monarque  qui 


DE   GuSTAVE-AdOLFE.    3ÎÇ 

Pavait  fi  généreufement  fecourn ,  & 
dans  les  fortes  remontrances  de  Guf- 
tave  qui  lui  fit  propofer  de  traiter  d'une 
paix  générale,  qui  ne  pourrait  avoir 
de  bafe  folide  qu'autant  que  les  princes 
proteffcans  feraient  étroitement  unis 
&  agiraient  de  concert.  Ces  confidéra- 
tions  déterminèrent  enfin  l'éledeur  à 
perfifter  dans  fon  alliance  avec  le  roi 
de  Suéde. 

Ce  monarque ,  après  avoir  tiré  de  la 
Bavière  beaucoup  d'argent  &  de  vivres, 
laifTa  une  garnifon  à  Munie  &  reprit  la 
route  d'Augsbourg,  afin  de  maintenir 
la  tranquillité  dans  la  Suabe.  L'éledeur 
en  ayant  été  informé ,  envoya  un  déta- 
chement de  fon  armée  pour  recouvrer 
la  capitale  de  fes  états ,  ville  nullement 
fortifiée  ;  mais  les  officiers  qui  la  com- 
mandaient, fâchant  que  la  garnifon 
marcliaità  leur  rencontre,  tournèrent 
bride  &  fe  retirèrent  dans  Ingolfi;at. 
Les  deux  frères  Bernard  &  Guillaume 


3i6  Campagnes 
de  Saxe-Veimar  fe  fignalerent  en 
Suabe  par  leurs  exploits,  &  pendant 
ce  tems  -  là  Péle(3:eur  prolongeait  fon 
féjour  à  Ratisbonne,  dont  il  augmen- 
tait les  fortifications ,  &  en  traitait  les 
habitansavec  la  dernière  dureté ,  quoi- 
que cette  ville  fût  impériale. 

Mais  il  reftait  un  obftacle  prefque 
infurmontable  à  vaincre  :  c'était  de 
réunir  deux  hommes  ennemis  déclarés 
l'un  de  l'autre ,  l'électeur  de  Bavière 
&  le  duc  de  Fridland.  La  politique  & 
la  nécefiité  les  obligeaient  bien  à  fuf. 
pendre  dans  de  telles  circonftances 
les  effets  de  leur  haine  ;  mais  le  plus 
difficile  confiftait  à  s'accorder  par  rap- 
port au  commandement  des  deux  ar- 
mées réunies.  L'éledeur  alléguait  fa 
haute  naiflance ,  fa  q^ualité  de  fouve- 
rain,  celle  de  gendre  de  l'empereur: 
le  duc  réclamait  le  traité  de  Znaim , 
décifif  en  fa  faveur.  Enfin,  après  bien 
des  allées  &  des  venues ,  il  fut  convenu 


DE  Gustave-Adolfe.  317 
que  Valftein  conferverait  le  com- 
mandement en  chef;  mais  que  l'élec- 
teur commanderait  les  troupes  particu- 
lières lorfqu'elles  agiraient  féparément. 
Ces  deux  généraux  fe  rendirent  donc 
à  Egra  en  Bohême ,  \'ille  choifie  pour 
leur  première  entrevue  &  pour  la  jonc- 
tion des  deux  armées  ,  au  moyen  de 
quoi  le  duc  fe  trouva  à  la  tête  de  plus 
de  60000  hommes ,  &  en  état ,  à  ce  qui 
paraifTait ,  d'accabler  le  roi  de  Suéde  , 
ou  au  moins  de  l'enfermer  &  de  lui 
couper  les  vivres  de  toutes  parts. 

Cette  jondion  ainfi  effeduée  ,  Guf- 
tave  chercha  à  découvrir  quel  pourrait 
être  le  delTein  de  fes  ennemis  ;  &  ayant 
appris  qu'ils  fe  portaient  fur  le  Palati- 
nat ,  il  craignit  qu'ils  n'euflent  des  vues 
fur  la  ville  de  Nuremberg  :  les  habitans 
vinrent  implorer  fon  fecours ,  il  le  leur 
promit  pofitivement.  Ainfi,  après  avoir 
laiflTé  de  fortes  garnifons  à  Augsbourg, 
à  Donavert  &  à  Zain,  il  fe  rendit  auprès 


?i8  Campagnes 
de  Nuremberg  avec  toute  fon  armée  ^ 
confiftant  en  feize  mille  hommes;  & 
ne  pouvant  douter  que  les  ennemis, 
liers  de  leur  fupériorité ,  ne  fufîènt 
réfolus  de  venir  l'attaquer  avant  qu'il 
eût  reçu  fes  renforts,  il  fit  tirer  des 
lignes  &  creufer  de  profonds  foffés 
autour  de  cette  ville ,  &  toute  fon  ar- 
mée y  vint  camper ,  à  mefure  que  celle 
de  fes  ennemis  s'en  approchait.  On  ne 
doutait  point  que  Valftein  ne  profi- 
tât de  cette  occafion  pour  attaquer  les 
Suédois  {ï  peu  nombreux;  mais  con- 
naifiant  les  talens  &  le  courage  de  Guf- 
tave,  il  fe  contenta  d'occuper  des  hau- 
teurs fituées  autour  de  Nuremberg  ,  & 
le  roi  de  Suéde  en  fit  autant  de  fon 
côté.  Le  voifinage  de  ces  deux  armées 
ne  put  que  donner  lieu  à  plufieurs 
efcarmouches ,  quoique  toutes  au  défa- 
vantage  des  Impériaux,  à  qui  l'on  en- 
leva plufieurs  convois;  enforte  que  leur 
chef  ne  put  pas  réuffir  à  aftamer  l'ar- 


DE    GUST  A  V  E-AdOLFE.    319 

mée  Suédoife  &  Nuremberg,  comme 
il  s'en  était  flatté. 

Pendant  ce  tems-là  le  feld  -  maréchal 
Gaftave  Horn ,  qni  commandait  im 
corps  de  Suédois  fur  le  haut  Rhin, 
affiégea  &  prit  Coblentz  avec  d'autres 
places  dans  l'éledtorat  de  Trêves.  Il  y 
étabht  les  François  &  parvint  à  couper 
toute  communication  entre  le  Palatinat 
&  les  Pays  -  Bas ,  où  les  Efpagnoîs  fe 
réfugièrent.  De  plus ,  le  Rhingrave 
Otton  -  Louis  ayant  paflTé  le  Rhin  à 
Strasbourg  &  joint  le  général  Horn  , 
il  foumit  la  plus  grande  partie  de  l'Al- 
face  qui  lui  fournit  d'abondantes  re- 
crues :  après  quoi  ces  deux  générau:ç 
affiégerent  &  prirent  Franckenthal 
dans  le  Palatinat.  D'un  autre  côté , 
Pappenheim  ayant  quitté  la  baffe  Saxe 
&  la  Veftphalie  pour  fe  rendre  dans 
la  haute  Saxe,  Baudiflin  qui  comman- 
dait  un  corps  de  Suédois  dans  les  deux 
premiers  de  ces  cercles ,  profita  de  fa 


120        Campagnes 
retraite  pour  y  former  quelqies  entre- 
prifes.  Il  reprit  d'abord  tous  les  portes 
le  long  du  Véfer ,  pénétra  enfuite  dans 
le  pays  de  Cologne  &  dans  celui  de 
Berg ,  s*empara   du   fort  château  de 
Sibourg ,  où  il  trouva  des  vivres  en 
abondance ,  prit  Lintz ,  de  même  que 
Andernachjdont  le  commandant  ayant 
refufé  de  capituler,  toute  la  garnifon 
fut  paffée  au  fil  de  Tépée.  Mais  la  ville 
de  Cologne  n'eut  pas  plus  tôt  appris 
Parrivée  des  Suédois  ^  qu'elle  fe  hâta 
de  faire  fortifier  Deutzbourg,   fitué 
vis-à-vis,  avec  le  Rhin  entre  deux. 
Baudiflin  ,  offenfé  de  cette  précaution 
qu'il   envifageait   comme  contraire  à 
la    neutralité  ,  que  cete  ville    avait 
follicitée  auprès  du  roi  de  Suéde ,  s'ap- 
procha pendant  la  nuit  de  ce  bourg ,  & 
l'emporta  l'épée  k  la  main  ,  quoiqu'il  y 
eût  une  garnifon  de  mille  hommes  , 
dont  la  plupart  furent  mafiacrés.    Le 
reftc  fe  fauvadans  l'égliiè ,  &  le  lende- 
main 


DE  Gustave-Adolfe.  321 

inain  un  foldat  de  Baudiffin  ,  qu'on  y  ^^-•«^"  -..^ 
avait  conduit  prifonnier,  mit  le  feu  i^32. 
aux  poudres  qui  s'y  trouvaient  raffem- 
blées ,  enforte  qu'elle  fauta  en  partie 
&  écrafa  la  moitié  de  ceux  qui  s'y  étaient 
réfugiés.  Cet  événement  détermina  le 
magiftrat  à  promettre  d'obferver  mieux 
la  neutralité. 

Il  ne  s'en  palTaitpas  alors  de  moins 
jmportans  dans  la  haute  Saxe.  Le  duc 
de  Fridland  n'ayant  pu  amener  l'élec- 
teur à  faire  fa  paix  particulière ,  la  cour 
de  Vienne  réfolut  de  ne  plus  le  ména- 
ger. Cinq  à  fix  mille  hommes  de  trou- 
pes impériales  qui  fe  trouvaient  en 
Silélie ,  reçurent  ordre  de  pénétrer 
dans  la  Saxe  ,  où  elles  portèrent  le 
fer  &  le  feu  ,  fuivant  leur  coutume.  Ce- 
pendant l'électeur  raPiémblait  fon  ar- 
mée près  de  Drefde ,  &  après  avoir  reçu 
quelques  renforts  ,  le  général  Arnimb 
qui  la  commandait  fe  mit  en  marche , 
força  tous  les  pallages ,  emporta  Grand- 

Fartie  IIL  X 


i%z       Campagnes 
Glogau ,  fit  jeter  un  pont  fur  l'Oder , 
malgré  l'oppofition  des  Impériaux  qui 
avaient  pour  chef  Don  Balthafar  de 
Marr^da ,  &  les    pourfuivit   jufqu'au- 
pt  es  de  Breslau.  Ce  fut  fins  fuccès  que 
ceux  -  ci  demandèrent  au  magiftra-t  de 
cette  ville  le  paflage   &  des  vivres  ; 
ils  furent  réduits  à  occuper  un  pofte 
avantageux  dans  fes  environs.    Mais 
îorfqu'ils  virent  l'armée  Saxonne  s'ap- 
procher d'eux  &  prête  à  les  attaquer  , 
ils  l'abandonnèrent  dans  la  plus  grande 
confufion ,  pourfuivis  par  les  Saxons 
qui  pillèrent  une  partie  de  leurs  baga- 
ges, &  ne  purent  cependant  réufîir  à 
jeter  un  pont  fur  l'Oder  dans  cet  endroit 
là ,  &  la  ville  de  Breslau  continua  d'ob- 
ierver  la  neutralité.  Arnimb  étant  en- 
fin parvenu  à   faire  pafler  plus  haut 
toute  fon  armée  de  l'autre  côté  de  ce 
fleuve ,  continua  à  j^ourfuivre  les  Im- 
périaux, afliégea  &  prit  Oppein ,  où  1$ 
îefte  de  leur  armée  s'était  réfugié  ? 


DE  Gustave- Ado  LFE,  -^-^ 


5  W3S 


pénétra  dans  le  comté  de  Glatz ,  Se 
fournit  prefque  entièrement  le  duché 
de  Siléfie,  jufqu'auprès  des  frontières 
de  Hongrie.  Des  fnccès  auffi  confidé- 
rables  engagèrent  le  duc  de  Fridiand  à 
chercher  les  moyens  de  tirer  Arnimb 
de  la  Siléfie.  Il  détacha  pour  cet  effet 
le  général  Holck ,  pour  faire  une  inva- 
fion  en  Saxe  à  la  tête  de  fn  mille 
hommes,  avec  ordre  de  brûler  &,fa-« 
cager  tous  les  lieux  par  où  il  pafleraifc 
&  ceux  d'alentour.  Holck  pénétra  par 
la  Bohême  dans  le  Voigtland ,  &  fit 
bientôt  de  tout  ce  pays  là  un  défert 
couvert  de  cendres  ;  mais  cette  horr  b!e 
dévaftation  augmenta  encore  par  l'ar- 
rivée de  Gallas ,  envoyé  enfuite  avec 
dix  mJîle  hommes  pour  féconder  les 
opérations  de  Holck,  qui  ayant  pris  la 
même  route,  acheva  de  ruiner  tous  les 
lieux  dont  il  put  fe  rendre  maître.  la 
ville  de  Freyberg  où  il  y  avait  garnifon , 
ayant  voulu  faire  quelque  réfiftance  ^ 

Xij 


3  24  C    A   M    P    A    G    >J    E    s 

le  général  des  Impériaux  fît  dire  au 
commandant  que  s'il  ne  fe  rendait  pas 
fur-  le  -  champ ,  il  ferait  paffer  tous  les 
habitans  &  la  garnifon  au  fil  de  l'épée , 
&  rC  épargnerait  pas  même  les  enfans  dans 
h  ventre  de  leurs  mères,  La  ville  capitula 
fiute  de  vivres,  &  fut  taxée  à  une 
fommc  exorbitante ,  pour  conferver  les 
tombeaux  des  éledeurs  de  Saxe  que 
Gallas  voulait  piller.  Peu  de  tems  après 
Pappenheim  reçut  ordre  de  fe  rendre 
en  Saxe  avec  le  corps  qu'il  comman- 
dait, en  traverfant  laHefie  &  la  Thu- 
ringe.  Enfin  le  duc  de  Fridland  réfolut 
d'y  marcher  lui-même  avec  fon  armée, 
pour  forcer  l'éledeur  à  abandonner  le 
roi  de  Suéde ,  avant  qu'Arnimb ,  fur  les 
ordres  prefilins  de  ce  prince ,  pût  arri- 
ver en  Saxe  &  défendre  fa  patrie ,  dont 
il  n'aurait  jamais  dû  s'éloigner  à  ce 
point  là. 

Guftave   cependant  refiait  encore 
dans  fes  retranchemens ,  efcarmou- 


DE    GuSTAVE-AdoLFE.    525' 

chant  toujours  avec  les  Impériaux  & 
enlevant  fréquemment  leurs  convois, 
parce  que  ceux  -  ci  s'étaient  rendu  tel- 
lement odieux  par  leurs  brigandages , 
qu'ils  ne  faifaient  pas  un  mouvement 
que  le  roi  de  Suéde  n'en  fût  auffi  -  tôt 
informé.  Comme  il  avait  envoyé  de 
tous  côtés  des  ordres  pour  qu'on  lui 
amenât  des  fecours  ,  les  généraux  qui 
commandaient  des  corps  détachés  ne 
tardèrent  pas  à  s'approcher  de  la  grande 
armée  :  Oxenltierne  ,  chancelier  de 
Suéde ,  les  ayant  rafiemblés ,  en  prit  le 
commandement,  marcha  vers  Kut- 
zing,  traverfa  le  Mayn  fur  le  pont  dQ 
cette  ville ,  fut  joint  par  le  duc  Bernard 
de  Saxe  -  Veimar  &  par  Jean  Banner  , 
dont  les  corps ,  avec  les  précédens ,  for- 
maient une  armée  de  plus  de  cinquante 
mille  hommes ,  commandée  par  les 
plus  grands  généraux  de  l'Europe.  De 
Kutzing  elle  vint  camper  à  Neuflat , 
arriva  enfuite  à  Bruck ,  près  de  Nu- 

Xiij 


325  Campagnes 
remberg ,  &  entra  enfin  dans  les  lignes 
du  roi  fans  le  moindre  obftacle,  le  duc 
de  Fridland  n'ayant  jamais  ofé  quitter 
fes  hauteurs  &  fes  retranche  mens ,  ni 
s'oppofer  à  une  jondion  de  la  plus  gran- 
de importance  pour  lui;  étant  très-vrai- 
femblable  que  Guftave  qui ,  n'ayant 
qu'une  armée  de  j  6000  hommes,l'avait 
conftamment  harcelé  dans  fon  camp, 
ne  relierait  pas  dans  l'inaction  fe  voyant 
à  Li  tête  de  foixante  &  dix  mille  hom- 
mes. Il  fe  borna  donc  à  raflembler  tout 
ce  qu'il  pouvait  avoir  de  corps  détachés 
&  à  augmenter  encore  la  force  de  fes 
retranchemens. 

Le  roi  de  Suéde  de  fon  côté  tint  un 
grand  confeil  de  guerre  &  confulta  fes 
g  néraux  fur  le  meilleur  parti  à  prendre 
pour  tirer  Valftein  &  le  duc  de  Bavière 
du  poftc  avantageux  qu'ils  occupaient. 
Tous  furent  d'avis  qu'il  fallait  attendre 
que  la  difette  les  en  chafiat.  Le  roi  pen- 
dait de  même  ;  mais  confidérant  qu'a- 


DE  Gustave- Adolfe.  527 

vec  une  armée  aufîi  nombreufe  cette 
difette  était  pour  le  moins  auffi  à  crain- 
dre dans  fon  camp  que  dans  celui  des 
ennemis ,  il  prit  la  réfolution  de  leur 
livrer  bataille.  Il  en  examina  donc  avec 
foin  la  pofition  ,  &  fit  inutilement  di- 
vers mouvemens  pour  les  tirer  de  leur 
polie.  Une  première  attaque  n'ayant 
pas  mieux  réuffi  ,  il  jugea  à  propos  de 
pafîer  la  rivière  de  Pregnitz  au  -  defilis 
de  fes  lignes ,  &  de  venir  camper  à 
Furth.  Trois  jours  après,  les  efpions  & 
les  prifonniers  ayant  rapporté  unani- 
mement que  le  duc  de  Fridland  allait 
changer  de  pofition  ,  le  roi  rangea  fon. 
armée  en  bataille  &  marcha  pour  atta- 
quer l'ennemi  au  moment  où  il  ferait 
quelque  mouvement  ;  mais  ce  général 
ne  fit  que  refierrer  fes  deux  lignes  :  fur 
quoi  le  roi  ne  voulant  pas  s'en  retour- 
ner fans  avoir  rien  entrepris  à  la  tête 
d'une  fi  belle  armée  ,  fit  avancer  fQÏ- 
xante  pièces  de  gros  canon  dans  le  def- 

Xiv 


328  Campagnes 
fein  de  tenter  une  nouvelle  attaque. 
Ses  généraux  tâchèrent  de  l'en  diflua- 
der,  lui  repréfentant  les  difficultés  pref- 
que  infurmontables  de  forcer  de  tels 
retranchemens  fur  des  hauteurs  où  l'on 
ne  pouvait  arriver  qu'à  découvert ,  au 
travers  de  mille  feux.  Le  roi  écoutait 
leur  avis  &  ne  perfiflait  pas  moins  à 
fuivre  fon  idée.  Il  y  a  lieu  de  s'étonner 
qu'un  prince  fi  fage  &  fi  modéré  fe  foit 
obftiné  à  tenter  une  attaque  dont  le  fuc- 
cès  était  plus  que  douteux,  tandis  que 
s'il  eût  fait  mine  de  marcher  en  Bavière 
&  d'aller  prendre  Munie  ,  ce  qui  lui 
était  très  ficile ,  Valllein  &  le  duc  de 
Bavière  fe  feraient  hâtés  d'abandonner 
leurs  retranchemens,  pour  défendre 
la  capitale  &  les  états  de  cet  élecl;eur. 
Mais  Guftave  comptait  fur  fa  bonne 
fortune  &  efpérait  que  l'ennemi  four- 
nirait  par  quelqu'un  de  fes  mouve^ 
mens  Toccalion  de  le  battre. 
L'attaque  ayant  donc  été  réfolae  , 


DE  Gustave-Adolfe.  3 29 

Tartillerie  commença  à  jouer  de  part 
&  d'autre  avec  un  fracas  tel  que  peu- 
vent l'exécuter  deux  cents  pièces  de 
gros  canon  pour  la  plupart.  Fridland 
contint  les  troupes  dans  les  retranche* 
mens  &  s'en  tint  purement  à  la  défen- 
iive.  Les  Suédois  attaquèrent  par  bri- 
gades, &  il  fe  fit  de  part  &  d'autre  le  plus 
grand  feu  de  moufqueterie ,  au  point 
que  les  plus  vieux  officiers  alTurerent 
n'en  avoir  jamais  vu  de  fi  animé.  Les 
bois  &  les  ravins  empêchaient  la  cava- 
lerie d'agir.  Un  feul  régiment  &  le  meil- 
leur de  l'armée  Bavaroife  s'étant  avan- 
cé ,  fut  défait  par  quelque  efcadrons 
Finlandais ,  &  fon  colonel  y  perdit  la 
vie.  Le  roi  fit  des  eftbrts  prodigieux 
pour  gagner  l'une  des  hauteurs  occu- 
pées par  l'ennemi  :  fécondé  par  fes  bra- 
ves généraux ,  il  était  parvenu  à  pren- 
dre pofte  fur  une  colline  ;  mais  il  ne  fut 
jamais  ponible  d'y  mener  du  canon 
avec  la  promptitude  néceffaire  ,  tout 


350        Campagnes 

ce  qui  paraidliit  étant  aulli-tôt  mis  en 
pièces  par  le  feu  des  Impériaux  qui  ti- 
raient cachés  &  couverts.  Enfin  ce  mo- 
narque défefpérant  de  tirer  quelque 
avantage  de  fa  pofition  &  voyant  que 
fes  troupes  étaient  rebutées ,  fit  fonner 
la  retraite  &  fe  retira  dans  fon  camp 
de  Furth,  après  avoir  perdu,  félon  quel- 
ques hiftoriens  mille ,  &  félon  d'autres 
deux  mille  tués  ou  bleffés  ,  parmi  lef- 
quels  fe  trouvèrent  plufieurs  braves- 
officiers.  Léonhard  Torftenfon ,  jeune 
encore ,  &  qui  après  la  mort  de  Guffcave 
devint  l'un  des  meilleurs  généraux  de 
Tarmée  Suédoife  fut  fait  prifonnier 
dans  cette  occafion.  Du  côté  des  Impé« 
riaux  la  perte  fut  plus  confidérable  : 
deux  mille  tant  officiers  que  foldats 
furent  tués  fur  la  place,  outre  les  bleffés 
&  les  prifonniers  qui  fe  trouvèrent  en 
grand  nombre.  Le  roi  eut  un  morceau 
de  la  femelle  de  fa  botte  emportée  par 
un  boulet  de  canon. 


DE  Gustave-Adolfe.  5^ 

Après  cette  bataille  les  deux  armées 
relièrent  environ  quinze  jours  en  pré- 
fence  Pune  de  Pautre  ;  ce  qui  occa- 
fionna  entre  elles  plufieurs  efcannou- 
ches,  dans  l'une  defquelies  il  s'en  fal- 
lut peu  que  le  duc  de  Fridland  lui- 
même  ne  fût  fait  prifonnier.  Ce  tems 
écoulé ,  le  roi  mit  fix  mille  hommes 
d'infanterie  &  trois  cents  chevaux  en 
garnifon  dans  Nuremberg  &  leva  fon 
camp  pour  aller  chercher  quelque  pays 
moins  ruiné.  Les  Impériaux  en  firent 
de  même ,  mais  après  avoir  lailfé  à  l'or- 
dinaire des  marques  de  leur  fureur  en 
brûlant  tous  les  villages  à  plus  de  dix 
lieues  à  la  ronde.  Ils  mirent  enfuite  le 
feu  à  leur  camp ,  &  marchèrent  avec 
tant  de  précipitation  ,  qu'ils  abandon- 
nèrent une  quantité  confidérable  de 
munitions ,  avec  un  grand  nombre  de 
bleffés  &  de  traîneurs.  Les  habitans  des 
villes  voifines ,  &  fur  -  tout  ceux  de 
Nuremberg ,  accoururent  dans  ce  camp 


35S        Campagnes 

brûlé  Se  en  enlevèrent  plufieurs  cha- 
riots encore  chargés  de  vivres  avec  des 
armes  de  toute  efpece.  Les  ducs  de 
Fridiand  &  de  Bavière  défilèrent  dans 
leur  retraite  devant  cette  dernière  ville. 
La  garnifon  Suédoife  fit  une  fortie  fur 
leur  arrière- gardj,  leur  tua  beaucoup  de 
monde  &  fit  un  butin  confidérable  , 
après  quoi  l'armée  Impériale  s'avança 
jufqu'à  Forcheim ,  où  elle  s'arrêta. 

Ce  fut  dans  ce  tems  là  que  le  roi  de 
Suéde  écrivit  aux  Cantons  SuilTes  pour 
les  informer  qu'il  avait  des  avis  cer- 
tains que  le  roi  d'Efpagne  envoyait  une 
armée  en  Allemagne  ,  pour ,  de  con- 
cert avec  l'empereur,  opprimer  les  états 
de  l'Empire,  anéantir  la  religion pro- 
teftante  &  la  liberté  ;  que  cette  armée 
devait  prendre  fa  route  par  la  SuifTe  ; 
mais  qu'il  efpérait  que  les  Cantons 
obferveraienc  une  exade  neutralité  & 
ne  livreraient  point  le  pafTage  par  leurs 
terres    à  une  armée    qui  marcherait 


DE    GuSTAVE-AdOLFE.    25  3 

dans  des  vues  fi  redoutables.  Guftave 
eut  lieu  de  fe  louer  de  la  conduite  que 
tint  le  Corps  Helvétique  dans  des  con- 
jondures  auffi  critiques,  &  l'empereur 
ne  reçut  point  alors  le  puifTant  renfort 
fur  lequel  il  avait  compté  ;  tout  fe 
réduifit  à  fix  mille  Efpagnols  qui  joigni- 
rent les  Bavarois.  Alais  ce  qu'on  ne  peut 
point  palTer  entièrement  fous  filence , 
quelque  horreur  que  de  tels  détails  doi- 
vent néceilairement  infpirer  à  toute 
ame  honnête ,  c'eft  la  cruauté  &  la  bar- 
barie que  les  généraux  &  les  troupes 
de  l'empereur  exercèrent  fur  les  mal- 
heureux habitans  des  diverfes  provin- 
ces qu'ils  traverferent  dans  leur  marche, 
&  que  tous  les  hiftoriens  rapportent 
unanimement  en  les  déteftant.  Gallas 
envoyé  en  Saxe ,  comme  on  l'a  dit , 
avec  un  corps  de  troupes  ,  pilla ,  facca- 
gea ,  brûla  plufieurs  petites  villes  fans 
défenfe  &  en  emmena  prifonniers  les 
principaux  habitans ,  &  Holck  de  foa 


334        Campagnes 

côté  ,  homme  avare  &  cruel ,  ne  corn- 

mit  pas  moins  d'atrocités. 

Cependant  Guftave  informé  de  Tar- 
rivée  des  ducs  de  Fridiard  &  de  Bavière 
à  Forcheim ,  était  fort  attentif  au  parti 
qu'ils  prendraient  enfuite.  Il  fit  divers 
détachemens  pour  cou\rir  le  Vurtem- 
berg  &  d'autres  pays  fur  lefquels  l'en- 
nemi pouvait  avoir  des  vues  ,  Scie  rap- 
procha de  Nuremberg ,  d'où  il  marcha 
avec  fon  armée  dans  les  environs  de 
Donavert.    Informé  que  le  duc  de  Ba- 
vière lui  avait  enlevé  Rain  ,  porte  im- 
portant fur  le  Lech  ,  le  roi  vint  avec  la 
plus  grande  célérité  afîiéger  cette  place 
&  la  reprit  fans  peine.  Enfin  les  deux 
généraux   ennemis   s'éloignèrent    de 
Forcheim ,  &  firent  la  rerr.e  de  leurs 
troupes  qui  fe  trouvèrent  confidérable- 
ment  diminuées  par  les  combats  &  les 
maladies  ,  &  fur-tout  parla  défertion. 
Valftein  cherchant  à  éloigner  les  Sué- 
dois de  la  Fninconie  ,  s'approcha  de 


DE  Gustave- Adolfe.  5?f 

Culmbach  pour  en  faire  le  fiege  ;  mais 
y  trouvant  beaucoup  de  réfiflance ,  il 
ne  tarda  pas  à  le  lever,  &  il  s'empara  de 
Bareut,  ravageant  le  plat  pays  &  pouf^ 
fant  fa  fureur  jufques  à  faire  corper 
tous  les  arbres  fruitiers.  Il  ne  fut  pas 
plus  heureux  dans  l'entreprife  qu'il 
forma  contre  la  forterelfe  de  Plaffen- 
bourg  où  commandait  Devbatel  avec 
mie  bonne  garnifon  Suédoife  ,  &  il  fut 
encore  obligé  d'y  renoncer  après  avoir 
perdu  beaucoup  de  monde.  Tous  ces 
mauvais  fucccs  l'engagèrent  à  repren- 
dre fon  ancien  plan  de  porter  tout  le 
poids  de  la  ç^uerre  dans  l'éledtorat  de 
Saxe.  Ce  fut  alors  que  fon  armée  fe 
fépara  de  celle  du  duc  de  Bavière  qui 
en  ramena  les  débris  vers  Ratisborme , 
tandis  que  Vaiilein,  après  s'être  aifuré 
des  défilés  qui  féparent  la  Franconie 
de  la  Thuringe ,  fe  mit  en  marche  vers 
la  Saxe  dès  le  moisd'odobre.  L'élec- 
teur Jean  "  George ,  alvumé  par  cette 


^3^  Campagnes 
irruption  ,  vit  bien  que  tout  fon  pays  al- 
lait être  conquis  ou  laccagé ,  &  envoya 
Courier  Ibr  courier  au  roi  de  Suéde 
pour  le  conjurer  de  venir  inceiïam- 
ment  à  fonfecours. 

Ce  monarque  préparait  alors  tout  ce 
qui  était  nécelTairepour  le  fiege  d'In- 
golftat,  dontlaprife  lui  apurait  toute 
la  Bavière  ;  mais  ne  pouvant  fe  refufer 
aux  inftances  de  cet  allié,  &  détermi- 
né parla  crainte  qu'il  ne  prît  parti  pour 
l'empereur  ,  faute  d'avoir  été  fecouru  à 
tcms,  il  renonça,  quoique  contre  l'a- 
vis d'Oxerftierne  ,  à  Tes  vues  fur  cette 
ville  là  ,  (Se  marcha  par  Dunkelfpiel , 
vers  Schweinfurt ,  où  il  établit  le  ren- 
dez-vous général  de  fon  armée.  La  rei- 
ne de  Suéde  qui  était  en  route  pour  le 
joindre,  y  vint  aufli  :  ce  uit  la  dernière 
fois  que  ces  deux  illuftres  époux  pu- 
rent fe  voir ,  &  il  fut  décidé  que  cette 
princefle fixerait  iaréfidence  à  Erfurth, 
capitale  de  la  Thuringe,  aufli  long-tems 

que 


De  Gust ave-Adolfe.  3^7 

t[UQ  le  roi  ferait  en  Saxe.  L'armée  ayant  1 63  3» 
donc  quitté  la  Franconie,  s'avança  dans 
la  Thuringe  avec  une  diligence  extra- 
ordinaire. Le  roi  en  fit  la  revue  géné- 
rale; elle  fe  trouva  forte  de  viugt  mille 
hommes ,  tous  vieux  foldats  accoutu-* 
mes  à  fervir  &  à  vaincre  fous  les  ordres 
de  ce  héros.   ' 

D'Erfurt  l'armée  marcha  à  Butteftatb 
Le  duc  de  Fridland  de  fon  côté  s'était 
approché  de  Leypfic ,  dont  il  fe  rendit 
maître  de  même  que  du  château  de 
PleilTenbourg ,  &  exigea  de  cette  ville 
une  forte  contribution.  Son  defiein 
était  de  s'emparer  de  tout  ce  qui  était 
fur  la  droite  de  l'Elbe  jufquesà  Drefde, 
&  d'affiéger  enfuite  cette  capitale  ^ 
lorfqu'il  apprit  que  le  roi  de  Suéde  était 
à  Erfurt  avec  fon  armée.  Il  ne  douta 
plus  alors  qu'il  ne  marchât  au  fecours  ■ 
de  la  Saxe ,  &  prit  la  réfolution  d'aller 
à  fa  rencontre  pour  lui  livrer  bataille* 
Jl  revint  donc  fur  fes  pas ,  repalTa  par 

Partie  UL  X 


i;8  Campagnes 
Leypfic ,  fe  joignit  entre  cette  ville  & 
J\lerfebourg  au  corps  que  commandait 
Pappenheim ,  &  fe  trouva  ainfi  à  la  tête 
de  trente  -  fix  mille  hommes ,  avec  lef- 
quels  il  fe  tourna  tout  d'un  coup  du 
côté  de  VeifTenfels  ,  &  envoya  un 
détachement  pour  s'emparer  de  Naum- 
bourg  &  du  pont  de  Koefen  fur  la  Saale. 
Mais  il  elt  néceifaire  d'oblërver  ici 
que  le  pays  litué  entre  Erfurt  &  les 
frontières  de  la  Saxe  eft  rempli  de  fo- 
rêts &de  collines,  &  même  de  hautes 
montagnes  qui  forment  un  défilé  pro- 
fond ,  que  l'armée  Suédoife  n'aurait 
pu  traverfer  fans  effuyer  une  perte  con- 
fidérable  ,  fi  les  Impériaux  avaient  pu 
s'emparer  de  ces  deux  derniers  poftes. 
Mais  Fridiand  fut  encore  prévenu  par 
la  dili..;  nce  du  roi  qui  en  était  déjà  le 
maître  lorfque  les  Impériaux  voulurent 
s'en  approcher  ;  enforte  que  rien  ne 
pouvait  mettre  obftacle  à  fon  entrée 
dans  la  Saxe.  A  cette  nouvelle,  le  duc 


DE    GUST  AVE-AdoLFE.    ?59 

tint  confeil  de  guerre,  &fes  généraux 
furent  d'avis  de  ne  pas  attaquer  le  roi 
d j  Suéde ,  mais  vu  la  faifon  avancée , 
de  faire  cantonner  l'armée  &:  d'envoyer 
un  puiflant  fecours  en  Veftphalie  ,  où 
le  général  Baudiffin  failait  des  progrès 
confidérables  ;  ce  qui  fut  exécuté  :  8c 
l'aimée  Impériale  vint  fe  pofter  près 
de  Merfebourg, 

Cependant  le  roi  de  Suéde  n'eut  pas 
plus  tôt  été  informé  que  Pappenheira 
avait  marché  vers  les  Pays  -  Bas  avec 
un  corps  de  douze  mille  hommes ,  que 
jugeant  le  moment  favorable  pour  at- 
taquer Valllein  ,  il  décampa  de  Naum- 
bourg  &  marcha  à  grands  pas  vers  Veif- 
fenfels ,  trouvant  par-tout  fur  fon  paf- 
fage  des  peuples  qui  efpéraient  qu'il 
ferait  encore  cette  fois  leur  libérateur, 
comme  il  l'avait  été  l'année  précédente 
lorCque  Tilli  avait  ravagé  ce  beau  pays , 
&  lui  rendaient  des  hommages  que  fa 
piété  &  fil  modeflie  lui  faifaient  rejeter? 


340       Campagnes 
Colloredo  ,  pofté  dans  le  château  de 
cette  dernière  ville  ,  s'cmprefTa  d'in- 
former de  la  marche  rapide  des  Sué- 
dois, fon  général  en  chef,  qui  fit  d'a- 
bord alTembler  fes  principaux  officiers  ; 
tous  furent  d'avis  qu'il  fallait  s'appro- 
cher de  l'ennemi  &  lui  difputer  le  paf- 
lage  vers  Leypfic ,  parce  qu'autrement 
la  garnifon  de  cette  ville  &  des  diverfes 
places  occupées  par  les  Impériaux  fe- 
raient coupées  ^  &  l'armée  elle  -  même 
de  la  Bohême,  d'où  elle  tirait  fes  fubfil^ 
tances  ,  toute  la  Saxe  d'ailleurs  favo- 
rifant  les  Suédois.  On  confuiérait  en- 
core  que  les  finances  de  l'empereur 
étaient  épuifées  ,  les  alliés  accablés  ,  les 
peuples  ruinés ,  les  deux  tiers  de  l'Alle- 
magne perdus  ,  &  que  le  gain  d'une 
bataille  était  le  feul  remède  à  tant  de 
maux  ;  mais  qu'il  fallait  inceffamment 
rappeller  Pappenheim  avec   le  corps 
qu'il  commandait. 
Le  roi  de  fon  côté  defirait  avec  ai- 


deGustave-Adolfê.  341 

deur  d'en  venir  aux  mains ,  fans  atten- 
dre les  fecoors  qu'il  favait  en  route 
pour  le  joindre  ;&  il  difalt  à  fes  géné- 
raux ,  qu'avant  que  ce?  renforts  lui 
fuffent  arrivés ,  Pappenheim  aurait 
joint  Fridland ,  &  que  la  querelle  ferait 
terminée  ;  qu'enfin  \fpuifqu'on  était  dans 
le  bain  ^  il  ne  fallait  en  fprtir  qi!* après 
s^être  bien  baigné  ^  plutôt  que  de  faire 
une  retraite  qui  relîemblerait  toujours 
à  une  fuite. 

Valflein  avait  réfolu  de  ne  pas 
attendre  le  roi  de  Suéde  à  Naum- 
bourg ,  mais  d'aller  lui  barrer  le  paf- 
fage  vers  Leipfid  &  Drefde  ;  en  con- 
féquence  de  quoi  il  dépêcha  un  offi- 
cier à  Pappenheim ,  occupé  alors  à  faire 
le  fiege  du  château  de  Moritsbourg  ou 
de  Halles  ,  avec  ordre  d'abandonner 
cette  entreprife  &  de  venir  inceflam- 
ment  le  joindre  dans  la  plaine  de  Leip- 
fic ,  où  il  allait  au  -  devant  de  l'armée 
ennemie. 

Yiii 


542      Campagne  s   " - 

On  peut  dire  que  toute  l'Allema- 
çne  ^  &:  même  l'Europe  entière ,  avait 
les  yeux  ouverts  fur  ce  qui  fe  par- 
lait en  Saxe ,  &  attendait  impatiem- 
ment quel  ferait  le  fort  de  deux  armées 
moins  confidérables  par  le  nombre  que 
par  la  valeur  des  foldats  ,  la  capacité  & 
la  réputation  des  chefs.  D'un  côté  un 
roi  conquérant ,  couronné  par  tant  de 
vidoires ,  des  généraux  qu'il  avait  éle- 
vés 6c  formés  dans  le  grand  art  de  la 
guerre ,  des  officiers  en  état  de  les  fé- 
conder parfaitement,  des  foldats  aguer- 
ris 6c  endurcis  à  toutes  les  fatigues  , 
pleins  d*amour  &  de  confiance  pour 
leur  monarque.  D'un  autre  côté ,  un 
chef  que  la  fortune  avait  favorifé  dans 
toutes  fes  entreprifes  ,  plein  de  cou- 
rage ,  fécond  en  ru  Tes  militaires  ,  at- 
tentif à  récomperifer  comme  à  punir 
fes  officiers  ,  &  dont  l'armée  était  com- 
pofée  de  foldats  prefque  auffi  aguerris 
que  les  Suédois»  L'intérêt  de  la  religion , 


DE   GUS  TA  VE -AdOLFE.    ^43 

le  defir  de  la  gloire,  l'amour  de  la  liber- 
té animaient  également  les  deux  partis. 

La  mort  de  l'un  des  plus  grands  rois 
dont  riiiftoire  fafle  mention ,  a  rendu 
la  bataille  de  Lutzen  fi  célèbre,  que  l'on 
ne  peut  fe  difpenfer  d'en  raffembler  ici 
les  principales  circonftances ,  avec  des 
détails  qu'il  n'aurait  pas  convenu  de 
faire  entrer  dans  le  récit  des  autres 
événemens  de  ce  glorieux  règne. 

Il  eft  néceflaire  de  commencer  par 
donner  une  courte  defcription  du  lieu 
même  où  s'eft  donnée  cette  bataille. 
Lutzen  eft  une  petite  viile  d'environ 
trois  cents  maifons  ,  fituée  au  midi  de 
Merfebourg ,  fur  la  route  de  Leipfic  à 
Veiflenfeîs.  La  rue  qui  la  traverfe  fait 
partie  du  grand  chemin ,  qui  au  fortir 
de  Lutzen  forme  une  chauffée  pavée 
de  grolfes  pierres  &  bordée  d'un  folle 
de  chaque  côté.  Vis  -  à  -  vis  &  à  peu  de 
diftance  eft  le  village  de  Menchen ,  au- 
deflbus  duquel  coule  un  ruiffeau  nom- 

Yiv 


544  Campagnes 
mé  Floesgrahen  ,  à  caufe  du  bois  flotté 
qu'il  charie  continuellement,  &  qui 
pafle  à  côté  du  champ  de  bataille.  Ses 
bords  font  elcarpés  &  couverts  de  quel» 
ques  arbres, 

Vaîfhein  arriva  de  Merfebourg  à 
Lutzen  le  <ç  novembre  au  matin  : 
d'abord  il  fit  mettre  le  feu  à  cette 
petite  ville,  enfuite  il  fit  approfondir 
les  foffés  du  grand  chemin  &  creufer 
les  endroits  comblés.  Il  appuya  fa  droite 
à  Lutzen ,  vis  -  à  -  vis  des  moulins  à 
vent ,  avec  une  batterie  de  vingt  -  qua- 
tre pièces  de  gros  canon  ;  fa  gauche 
s'étendit  jufqu'au  Floesgraben ,  Pefpacç 
d'environ  une  demi  -  lieue  ;  il  forma 
de  toute  fon  infanterie,  cinq  greffes 
brigades  ou  bataillons  quarrés ,  avec 
des  pelotons  de  piquiers  aux  angles, 
La  cavalerie  fut  mife  fur  les  ailes  en 
deux  lignes.  Il  garnit  de  moufquetaires 
le  fofle  du  grand  chemin,  &  fit  braquer 
aulfi  du  canon  fur  le  côté   oppofç. 


DE  Gustave-Adolfe.  54f 
Le  roi  de  Suéde,  en  s'approchant  de 
Liitzen,  où  il  parvint  le  même  jour  au 
foir  avec  toute  Ton  armée ,  fut  informé 
que  Pappenheim  n'avait  pas  encore 
rejoint  Tarmée  Impériale ,  déjà  plus 
nombreufe  que  la  fienne  :  il  réfolut , 
par  l'avis  de  fes  généraux,  de  livrer 
bataille  avant  que  cette  jondion  pro- 
chaîne  fe  fût  effeduée.  Il  rangea  donc 
fon  armée  de  manière  que  fa  gauche 
aboutiflait  à  Lutzen ,  &  fa  droite  s'éten- 
dait jufqu'au  Floesgraben ,  qu'elle  avait 
d'abord  à  dos ,  &  enfuite  en  flanc  ;  en 
front  fe  trouvait  le  grand  chemin  oc- 
cupé par  les  moufquetaires  Impériaux. 
Guitave  fuivit  dans  cette  occafion  fi 
importante  le  même  ordre  qui  lui 
avait  réufli  lors  de  la  bataille  de  Brei- 
tenfeld  ;  c'eft  -  à  -  dire ,  qu'il  forma  de 
gros  bataillons  entrelacés  dans  de  pe-. 
tits  efcadrons.  L'armée  fut  rangée  fur 
deux  lignes  ;  l'infanterie  au  centre  ,  ^ 
la  cavalerie  furies  ailes ,  l'artillerie  pki? 


34^       Campagnes 
cée  en  front.  Le  roi  paflTa  la  nuit  du  f 
au  6  dans  fon  carrofTe ,  s'entretenant 
familièrement  avec  fes  généraux.  Au 
refte  ,  quoique  les  hifloriens  ne  foient 
pas  parfaitement  d'accord  fur  la  force 
refpeclive  des  deux  armées ,  il  paraît 
aflez  évidemment  que  celle  des  Sué- 
dois n'excédait  pas  le  nombre  de  dix- 
huit  à  vingt  mille  hommes ,  tandis  que 
Valftein   avait  trente  à  trente -deux 
mille  hommes  fous  fes  ordres.  Le  roi 
avait  fon  pofle  à  la  droite  ,  le  duc 
Bernard  de  Saxe-Veimar  comman- 
dait la  gauche,  &  Nicolas  Brahe  le  cen- 
tre. Valflein  de  fon  côté  s'était  mis  à 
la  tête  de  la  brigade  du  centre ,  ayant 
fa  droite  commandée  par  Colloredo  & 
fk  gauche  par  Holck. 

Le  matin  étant  venu,  un  épais  brouil- 
lard couvrit  toute  la  plaine.  Le  roi ,  en 
attendant  qu'il  fe  fût  diflipé ,  fit  félon  fa 
coutume  pratiquer  plufienrs  ades  de 
dévotion  à  fes  foldats ,  &  les  harangua 


DE  Gustave-Adolfe.  547 

avec  cette  éloquence  qui  lui  était  natu- 
relle. A  onze  heures,  le  brouillard  ayant 
entièrement  d.i]^aru ,  le  monarque  vêtu 
légèrement ,  ne  portant  ni  cafque  ni 
cuiraflTe ,  c'oina  le  fignal  du  combat,  & 
toute  fon  armée  s'ébranla  à  la  fois. 
L'infanterie  Suédcife  eut  d'abord  beau- 
coup à  fouffrir  du  feu  des  moufquetai- 
res  placés  dans  les  fofîes  du  grand 
chemin  ;  mais  dès  qu'elle  put  les  join- 
dre ,  elle  les  en  chaiïa  &  leur  prit  fept 
pièces  de  canon  ,  qui  furent  auffi  -  tôt 
tournées  contre  l'ennemi.  Les  mous- 
quetaires à  cheval  &  les  carabiniers  de 
Valftein  fe  retirèrent  auffi  fort  en  dé- 
fordre.  Dans  ce  moment  les  Croates 
qui  débordaient  l'aile  droite  des  Sué- 
dois ,  s'avancèrent  pour  prendre  leurs 
efcadrons  en  flanc  ;  mais  ils  furent 
bientôt  rompus  &  mis  en  fuite.  Ayant 
enPuite  voulu  fe  jeter  fur  fes  bagages , 
le  duc  Bernard  de  Saxe-Veimar  accou- 
rut avec  quelques^ efcadrons,  &  les 


348  Campagnes 
défît  au  point  qu'ils  ne  reparurent  plus. 
Cependant,  le  roi  s'étant  mis  à  la 
tête  des  efcadrons  qui  avaient  paflé  le 
chemin ,  charge  la  première  ligne  des 
cuirafliers  Impériaux  &  la  fait  plier  ;  la 
féconde  s'avance ,  &  charge  le  roi  à 
fon  tour.  Les  Suédois  s'arrêtent  ;  le 
monarque  crie  au  régiment  de  Sten- 
bock  d'avancer  &  de  le  fuivre.  Il  part 
pour  attaquer  ces  nouveaux  efcadrons  y 
n'étant  fuivi  que  de  deux  paifreniers 
&  du  duc  François  -  Albert  de  Saxe- 
Lavembourg ,  avec  un  officier  ou  do- 
mellique  de  ce  dernier.  Dans  ce  mo- 
ment le  roi  reçoit  un  coup  de  piftolet 
ou  de  moufquet  qui  lui  cafife  le  bras. 
Sa  cavalerie  arrive ,  on  s'écrie  :  le  roi  ejî 
hlejfé.  Ce  cri ,  parti  des  premiers  rangs , 
fait  peine  à  ce  vaillant  prince  :  il  ie  fait 
violence ,  reprend  un  vifage  riant ,  & 
crie  à  fon  tour,  cen^eflnen  jfuivei-moi 
&  chargei»  Mais  dans  le  même  tems  il 
Ht  en  français  au  duc  de  Saxe-  Lavem> 


DE  GUSTAV  E  -AdOLFE.  549 
bourg  :  mon  coufin ,  j*en  ai  tout  autant 
qu'il  m  en  faut  ^  ^  je  fouffre  une  extrême 
douleur ,  tâche^  de  me  tirer  d*ici.  A 
Tinftant  une  balle  lui  traverfe  les  reins , 
il  tombe  de  cheval,  criant,  mon  Dieu  I 
Il  reçut  encore  d'autres  coups,  &  la  mê- 
lée fut  très  »  grande  par  les  efforts  que 
firent  les  Suédois  pour  garantir  le  corps 
de  leur  roi  que  l'on  foulait  aux  pieds , 
jufqu'à  ce  que  le  colonel Skalanske  char- 
gea fes  Impériaux  avec  tant  de  fureur 
qu'il  les  obligea  de  reculer ,  &  regagna 
ainfi  le  corps  de  fon  bon  maître. 

C'eft  ainfi  que  ce  funefte  événement 
eft  raconté  par  deux  hifloriens  con- 
temporains de  ce  grand  roi ,  &  dont 
l'un  avait  été  fon  miniftre.  Un  troifieme 
prétend  qu'il  fut  d'abord  bleffé  en  pat 
faut  de  fon  aile  droite  à  la  gauche  qui 
avait  plié  ,  6c  enfuite  tué  par  un  officier 
nommé  Falkenflein.  Tous  les  autres 
varient  extrêmement  à  ce  fujet. 
Dès  que  le  roi  fut  mort,  la  nouvelle 


^fo        Campagnes 

s'en  répandit  dans  toute  fon  armée, 
dont  le  duc  de  Saxe  -  Veimar  prit  le 
commandement  en  chef.  Il  convient 
maintenant  de  voir  quelles  furent  les 
fuites  d'une  bataille  qui  coûta  la  vie  à 
ce  héros.  La  gauche  des  Suédois,  qui 
avait  été  ébranlée  par  l'artillerie  des 
Impériaux,  s'étant  ralliée  ,  marcha  de 
nouveau.  Le  foldat  furieux  de  la  mort 
de  Ton  roi ,  ne  chercha  plus  qu'à  la  ven- 
ger. La  droite  de  Valftein  fut  attaquée 
avec  tant  de  fureur  qu'elle  plia.  L'in- 
fanterie Suédoife  placée  au  centre  & 
conduite  par  Nicolas  Brahe,  chargea  les 
gros  bataillons  quarrés  du  duc  de  Frid- 
land  &  les  rompit.  Au  même  inftant  une 
bombe  des  Suédois  tombe  fur  les  cha- 
riots de  munitions  des  ennemis  placés 
près  du  gibet ,  y  met  le  feu  &  les  fait 
fauter  avec  un  fracas  épouvantable.  Les 
Impériaux  croyant  qu'on  les  attaque 
par-derriere ,  fe  débandent  &  prennent 
tous  la  fuite ,  malgré  les  efforts  de  Val- 


DE  Gustave-Adolfe.  3fl 

ftein  &  de  Tabbé  de  Fui  de  qui  les  exhor- 
tait le  crucifix  à  la  main  &  y  fut  tué. 
Les  Suédois  les  pourfuivent  avec  la 
plus  grande  ardeur ,  s'emparent  du  ca- 
non placé  près  des  moulins,  le  tour- 
nent contre  l'ennemi  &  en  font  un 
grand  carnage. 

Dans  ce  moment  arrive  Pappenheim 
de  Halle  avec  huit  régimens  frais.  Il 
attaque  les  Suédois  que  leurs  fuccès 
même  avaient  mis  en  défordre ,  donne 
le  tems  à  Valftein  de  rallier  fes  troupes 
&:  de  les  ramener  à  la  charge.  Il  en  ré- 
fulte  donc  une  nouvelle  bataille.  Les 
Suédois  fe  remettent  en  ordre  avec  la 
plus  grande  promptitude.  Pappenhein 
fit  d'abord  quelques  prifonniers  qui  lui 
apprirent  que  le  roi  de  Suéde  avait  été 
tué  :  il  remercia  Dieu  de  ce  qu'il  avaic 
délivré  l'églife  catholique  de  fon  plus 
dangereux  ennemi.  Ce  général  fe  con- 
duifit  dans  cette  occafion  avec  fa  bra* 
voure  ordinaire  &  y  fut  bleflfé  mortelIe*^ 


IfS      Campagnes 

ment  d'un  coup  de  canon.  On  le  con- 

dulfit  à  Leipfic ,  où  il  expira. 

Cependant  les  Suédois,  quoiqu'acca- 
blés  d*abord  par  la  fupériorité  du  nom- 
bre ,  fe  maintinrent  avec  le  plus  grand 
courage  fur  le  champ  de  bataille  près 
des  moulins.  Le  régiment  des  Gardes  y 
fit  en  particulier  des  prodiges  de  valeur; 
Nicolas  Brahe  qui  le  commandait ,  eut 
la  cuifTe  fracaiïëe  d'un  coup  de  canon 
&.  mourut  de  fa  bleiïure.  Enfin  les  Sué- 
dois firent  de  fi  grands  efforts  qu'ils 
rompirent  pour  la  troifieme  fois  les  Im- 
périaux ,  qui  prirent  la  fuite  j  les  uns 
vers  Merfebourg ,  les  autres  vers  Leip- 
fic. La  nuit  fauva  les  débris  de  leur  ar- 
mée. Valftein  arriva  peu  de  tems  après 
dans  cette  dernière  ville  &  en  repartit 
le  lendemain ,  fuyant  vers  la  Bohême  ; 
il  ne  s'arrêta  qu'à  Leutmerits ,  à  cin- 
quante lieues  du  champ  de  bataille. 
Celle  que  l'on  vient  de  détailler  dura 
fix  heures,  fans  y  comprendre  les  efcar- 

mouches. 


DE  Gustave-Adolfe.  k^' 

mouches.  Les  Impériaux  y  perdirent  j^,^, 
tout  leur  canon  ,  toutes  leurs  muni- 
tions ,  avec  un  grand  nombre  de  dra- 
peaux &  d'étendards.  Toute  la  plaine 
de  Lutzen  était  couverte  de  morts ,  de 
mourans  &  de  blefles.  On  compta 
fur  le  champ  de  bataille  douze  mille 
hommes  tués  tant  d'une  part  que  de  ' 
l'autre.  Tous  les  corps  délabrés  d'in- 
fanterie &  de  cavalerie  prirent  la  route 
de  la  Bohême,  &  le  même  jour  le  maré- 
chal Holck  qui  commandait  dans  Leip- 
lic,  en  remit  les  clefs  au  fénat.  Cet  évé- 
nement ,  l'expulfion  des  Impériaux 
hors  de  la  Saxe ,  &  la  retraite  du  duc  de  , 
Fridlandà  Prague  avec  un  très -petit 
nombre  de  foldats ,  ne  peuvent  qu'an- 
noncer une  vidoire  complète  en  fa- 
veur des  Suédois. 

Ce  fut  donc  dans  des  circonftances 
fi  glorieufes ,  &  dans  la  plus  belle  épo- 
que de  fa  vie,  que  mourut  Guftave- 
Adolfe  à  la  fleur  de  fon  âge ,  n'ayant  que 

Partie  IIL  Z 


3f4       Campagnes 
trente  •  fept  ans,  un  mois  &  vingt  -  fept 
jours ,  lorfque  les  Suédois  étaient  maî- 
tres de  cent  trente  villes  fermées  en  Al- 
lemagne &  de  plus  des  deux  tiers  de 
l'Empire.    Les  proteftans  de  tous  les 
pays  le  pleurèrent  fincérement;  le  pape 
même  en  fut  affligé.  Ferdinand ,  dont  il 
avait  ébranlé  le  trône,  en  parut  doulou- 
reufement  affedé  ,  tandis  que  la  cour 
de  Madrid  fe  livra  aux  excès  de  joie  les 
plus  indécens.  Ce  héros  digne  deTefti- 
me  de  tous  les  fiecles  ,  fut  conftam- 
ment  père  tendre ,  bon  mari ,  bon  roi 
&  le  meilleur  des  maîtres.  Il  réuniffait 
en   fa   perfonne  les   vertus  les  plus 
fublimes.  Ferme  dans  fes  principes  fur 
la  religion  ,  fa  piété  fut  exempte  de 
bigoterie  &  de  fanatifme ,  fa  dévotion 
tendre  &  éclairée.  La  gloire  &  le  bien- 
être  de  fes  peuples  l'occupaient  eflen- 
tiellement.  Humain  fans  faiblelTe ,  cou- 
rageux fans  emportement  ,  politique 
fans  fauileté  ,  tout  annonçait  la  gran- 


DE  Gustave-Adolfe.  ^s'f 
deur ,  l'élévation  de  fon  ame.  Il  étudia 
profondément  l'art  de  la  guerre  &  le 
perfedionna.  Mais  il  excellait  fur-tout 
dans  l'art  de  connaître  les  hommes;  & 
ce  talent  fut  caufe  qu'après  fa  mort 
les  affaires  des  Suédois  fe  foutinrent 
en  Allemagne  fous  la  direction  du 
grand-chancelier  &  par  les  exploits  des 
généraux  qu'il  avait  tous  choifis  &  for- 
més. Ennemi  du  menfonge  &  de  h 
tromperie,  fa  cour  ne  connut  ni  les 
flatteurs,  ni  les  intrigans.  Sobre  &  tem- 
pérant, fes  mœurs  furent  conllamment 
pures ,  &  il  ne  fe  permettait  aucun  ex- 
cès. Enfin  il  méprifait  fouverainement 
le  fafte  &  la  mollefle ,  de  même  que  le 
luxe  dans  fon  extérieur.  Endurci  aux 
fatigues ,  un  peu  de  paille  fraîche  était 
un  duvet  pour  lui.  Son  camp  lui  tenait 
lieu  de  palais ,  &  jamais  il  ne  couchait 
qu'au  milieu  de  fes  foldats.  Cette  ma- 
nière de  vivre,  en  le  rendant  infiniment 
cher  aux  troupes ,  avait  tellement  for- 

Zij 


3f6        Campagnes 

tifiéfon  tempérament,  qu'il  jouit  tou- 
jours d'une  fanté  parfaite  ,  fans  éprou- 
ver aucune  incommodité.  Guftave  ne 
lailTa  qu'une  fille  légitime ,  qui  fut  la 
célèbre  reine  Chriftine  ;  mais  il  eut  de 
plus  un  fils  naturel ,  connu  fous  le  nom 
de  Gufîafeohn,  dont  la  poftérité  fubfifte 
encore  en  Suéde. 

Après  ce  court ,  mais  véridique  ta- 
bleau des  vertus  de  ce  crrand  monar- 
que,  il  ne  nous  refte  qu'à  raconter  en 
peu  de  mots  les  principales  circonftan- 
ces  qui  eurent  lieu  relativement  à  fes 
triftes  dépouilles.  Les  Suédois  avaient 
pafle  la  nuit  fur  le  champ  de  bataille, 
viélorieux  ,  mais  dans  un  morne  filen- 
ce  &  pénétrés  de  la  plus  profonde  dou- 
leur. Le  lendemain  on  chercha  le  corps 
du  roi,  &  l'on  eut  beaucoup  de  peine  à 
le  retrouver ,  tant  il  était  défiguré  par 
•fes  blelTures  &  meurtri  par  les  pieds  des 
chevaux.  On  ne  le  reconnut  même 
qu'n  la  dcatrice  encore  fraîche  d'une 


DE    GU.^'T  A  VE- AdOLFE.    3^9 

Mais  il  exifte  encore  fur  le  champ 
de  bataille  un  autre  monument  qui, 
quoique  très-fimple,  mérite  que  l'on 
en  fafle  mention  ici.  C'eft  un  haut  & 
large  caillou  pofé  de  champ  ,  &  placé 
à  peu  près  à  la  même  diftance  de  la 
ville  de  Lutzen  &  du  Floësgraben  ,  & 
qu'on  nomme  la  Pierre  Siiédoife.  La 
tradition  du  pays  porte  qu'elle  fut  mife 
dans  le  lieu  même  où  fut  trouvé  le 
corps  de  Guftave  -  Adolfe.  Il  y  a  lieu  de 
croire  que  cette  efpece  de  trophée  fut 
érigé ,  non  par  des  foldats  Suédois , 
mais  par  des  commiffaires  Saxons ,  en- 
voyés peu  de  tems  après  pour  exami- 
ner fur  les  lieux  toutes  les  circonftances 
de  cette  fameufe  bataille. 

Tels  ont  été  les  principaux  événe- 
mens  d'un  règne  à  jamais  mémorcible  ; 
^  l'on  fe  bornerait  au  récit  abiégé  qui 
vient  d'en  être  f  lit ,  s'il  ne  reliait  pas 
à  examiner  &  à  difcuter  une  qucllioa 

Z  iv 


350  C   A    M.   P    A.   G  ^^    E   s 

importante,  relative  à  la  manière  dont 
ce  grand  roi  a  péri.  On  convient  en 
général,  que  ce  fut  pendant  que,  tra- 
verfant  le  fort  de  la  mêlée  ,  il  pafia  de 
fon  aile  droite  à  fa  gauche  ,  pour  raflii- 
rer  celle  -  ci  &  la.ramener  au  combat  ; 
mais  fut-il  tué  par  un  fimple  accident , 
n'ayant  rien  dans  fon  extérieur  qui  le 
diftinguât  du  dernier  de  fes  foldats  ,  & 
ne  portant  ,  comme  on  Ta  dit ,  ni  caC 
que ,  ni  cuirafle  ?  ou  fa  mort  fut  -  elle 
Teffet  d'une  lâche  trahifon ,  d'un  com- 
plot abominable  formé  contre  fes  jours  ? 
C'effc  fur  quoi  les  hiftoriens  ne  font 
nullement  d'accord.  Cependant  ceux 
qui  ont  été  le  plus  à  portée  de  s'infliuire 
de  la  vérité  ,  &  qui  par  conféquent  mé- 
ritent le  plus  de  créance  ,  entre  lefquels 
fe  trouve  le  célèbre  Puffendorfr,  fe 
réunilTent  tous  pour  affirmer  l'exiiience 
d'un  tel  complot ,  &  accufent  haute- 
ment le  duc  François  -  Albert  de  Saxe^ 
Lavembourg  d'avoir  commis  par  lui- 


DE  Gustave- Adolfe^  361 

même ,  ou  à  Taide  de  fes  complices  ,  ce 
parricide  exécrable.  Voici  les  faits  & 

les  circonftances  qui  ont  donné  lieu  à 
cette  aJfFreufc  inculpation. 

Ce  prince  était  le  cadet  de  quatre 
frères  fans  fortune.  Il  vient  d'abord  à 
la  cour  de  Suéde ,  &  y  eft  accueilli 
comme  allié  à  la  maifon  royale.  Ayant 
reçu  un  foufflet  du  roi ,  jeune  encore , 
pour  avoir  tenu  quelques  mauvais  pro- 
pos ,  il  paflTe  au  fervice  de  l'empereur 
qui  lui  donne  un  régiment,  &  il  devient 
^'ami  intime  &  le  confident  de  VaU 
ftein.  Peu  de  tems  après  il  quitte  ce 
fervice.  Se  fe  rend  à  l'armée  de  Guitave- 
Adolfe  comme  fimple  volontaire  ,  fans 
que  l'on  ait  fu  le  motif  d'une  telle 
défertion.  Le  roi  lui  fait  la  plus  af- 
fedueufe  réception  ;  le  duc  s'attache  à 
ce  monarque,  &  lui  fait  fa  coyr  avec 
tant  d'affiduité  qu'il  devient  fufped  au 
grand- chancelier.  Cependant  la  bataille 
de  Lutzen  fe  donne ,  François-  Albert 


352        Campagnes 

ne  quitte  point  le  roi ,  &  porte  fous  fon 
habit  l'écharpe  verte  qui  eft  la  couleur 
impériale.  Guftave  s'écarte  avec  deux 
feuls  domeftiques ,  le  duc  le  fuit  de  près 
avec  Heynin ,  fon  confident ,  &  vrai- 
femblablement  fon  complice.  Le  roi  a 
le  bras  caflTé ,  il  reçoit  par  -  derrière  un 
coup  de  piflolet  entre  les  deux  épaule?; 
en  un  mot,  le  roi  eft  tué.  François- 
Albert  reparaît  tout  enfanglanté  ;  il 
raconte  que  le  roi  a  péri  dans  la  mêlée. 
On  lui  demande  comment  il  a  fait  pour 
n*être  point  blefle  :  fa  réponfe  naïve  eft 
qu'il  en  eft  redevable  à  fon  écharpe 
verte.  Il  eft  le  premier  qui  donne  avis 
à  Valftein  de  la  mort  de  Guftave,  & 
deux  jours  après  il  difparaît  du  milieu 
des  Suédois  ,  &  rentre  au  fervice  de 
l'empereur,  de  qui  il  fut  très-bien  reçu. 
Enfuite  ,  ayant  changé  de  religion  pour 
fe  tirer  d'une  mauvaife  aff^aire ,  il  obtint 
de  Ferdinand  III  le  commandement 
d'une  année  en  Siléfie ,  &  fut  tué  par 


DE  GusT ave-Adolfe.  %6^ 
les  Suédois  qui  afliégeaient  Schweid- 

Mais  outre  ces  faits  qui ,  réunis  & 
duement  attelles  ,  forment  farts  doute 
des  préfomptions  de  la  plus  grande 
force ,  voici  encore  diverfes  confidéra- 
tions  qui  rendent  toujours  plus  vrai- 
femblable  l'idée  d'un  complot  formé 
contre  les  jours  de  ce  grand  roi. 

1.  Le  coup  qu'il  reçut  par-derriere , 
dans  le  tems  qu'ayant  eu  le  bras  cafTé 
il  fe  retirait  au  travers  des  rangs  de  fes 
propres  troupes ,  &  n'aj^ant  rien  qui  le 
diftincruât. 

2.  Les  divers  autres  coups  qu'il 
reçut  encore  étant  déjà  mort.  Il  n'tft 
pas  naturel  que  dans  le  fort  d'une 
action  l'on  s'acharne  ainfi  fur  le  corps 
d'un  ennemi  déjà  terraflé.  Ceux  qui 
tuèrent  le  roi  de  Suéde  le  connaiflaient 
bien ,  &  n'avaient  certainement  pas 
deffein  de  le  laiflTer  vivre. 

3.  Son  cheval  qui  revint  au  camp 


^64      Campagnes 
quoique  blefTé  ,  était  d'une  beauté  & 
d'une  bonté  extraordinaires  ;  il  n'aurait 
pas  échappé  à  la  cupidité  du  fimple 
foldat  qui  eût  été  l'auteur  de  cette  mort. 

4.  Les  réjouiflances  que  l'on  fit  à 
Madrid ,  à  Bruxelles  &  à  Vienne  ,  le 
Te  Deum  chanté ,  le  canon  tiré  :  tout 
cela  prouve  que  ces  cours  regardaient 
comme  un  très  grand  avantage  pour 
elles  d'être  délivrées  d'un  ennemi  auffi 
redoutable. 

f.  Valftein  n'était  rien  moins  que 
fcrupuleux ,  &  l'empereur  ne  l'était  pas 
davantage.  Faire  périr  un  roi  hérétique 
qui  faiHiit  la  guerre  à  l'églife  romaine , 
cette  aéliôn  loin  de  paraître  criminelle , 
pouvait  être  envifagée  comme  méri- 
toire par  certains  cafuiftes. 

6.  La  fuite  du  duc  de  Saxe-Lavem- 
bourg  n'annonce- 1  -  elle  pas  qu'il  crai- 
gnait d'être  recherché  fur  cet  événe- 
ment ,  &  ne  fuffirait  -  elle  pas  pour  le 
faire  ^condamner  par  contumace  devant 


DE  Gustave-Adolfe.  36^ 

tout  tribunal  impartial ,  fi  l'on  ajoute 
fur-tout  la  correfpondance  qu'il  entre- 
tint avec  Valilein  pendant  qu'il  vécut 
parmi  les  Suédois,  &  la  gracieufe  ré- 
ception qu'il  en  reçut  à  fon  retour  dans 
le  camp  de  l'empereur  ? 

7.  L'accufation  portée  dans  le  public 
contre  ce  prince  ne  tarda  pas  à  éclorre» 
Il  en  fut  inftruit  5  mais  les  lettres  qu'il 
écrivit  à  ce  fujet  ne  guérirent  point  les 
efprits.  Un  écrivain  allemand  entreprit 
long-tems  après  fon  apologie  ;  mais  il 
fut  vivement  réfuté  par  l'auteur  d'un 
ouvrage  connu  fous  le  titre  de  Hugoni 
Grotii  mânes  ah  iniquis  ohtrecldtionihus 
yindicati, 

8.  Enfin ,  fi  l'on  veut  chercher  quel 
motif  particulier  a  pu  engager  le  duc 
de  Saxe- La  embourg  à  commettre 
une  adion  aiffi  lâche  &  aufïi  atroce , 

•  outre  le  delir  d'avancer  promptement 

fa  fortune  en  rendant  un  fervice  aulîi 

.  effeacid  à  l'empereur  j  &  peut-être  ce- 


366       Campagnes 

lui  de  venger  un  aiFront  perfonnel ,  on 
doit  confidérer  que  la  maifon  de  Saxe- 
Lavembourg  formait  depuis  long-tems 
des  prétentions  fur  tout  l'éleftorat  de 
Saxe.  Ces  prétentions  étaient  alors 
pouflees  avec  la  plus  grande  vivacité. 
Or  le  roi  de  Suéde  s'était  montré  le  pro- 
tedeur  zélé  de  l'éledeur ,  &  dès  ce  mo- 
ment ne  mettait-il  pas  Pobflacle  le  plus 
fort  au  fuccès  des  vues  du  prince  de 
Saxe-Lavembourg ,  &  à  la  translation 
de  réiedorat  dans  fa  maifon  ?  Mais 
Guftave  mort ,  les  Suédois  battus  Se 
conllernés  ,  l'empereur  devenait  maî- 
tre abfolu  de  ce  même  éleftorat  &  pou- 
vait en  difpofer  fans  difficulté,  comme 
il  avait  fait  précédemment  du  haut  & 
bas  Palatinat  &  de  la  dignité  éledorale 
elle-même.  Un  tel  motif  n'était-il  pas 
afiez  puilE\nt  pour  déterminer  un  hom- 
me fans  mœurs,  fans  re'igion,  pour 
éblouir  un  prince  pauvre  qui  avait  plus 
d'ambition  que  de  principes  d'honneur. 


DE  Gustave-Adolfe.  5(S7 

&  pour  lui  difïimuler  au  moins  en  par- 
tie la  noirceur  d'une  adion  qui  rendra 
fa  mémoire  odieufe  &  exécrable  aux 
yeux  de  la  poftérité  la  plus  reculée  ? 


FIN. 


^  Grinoard,  Philippe  Henri 

2o4         Histoire  des  conauete.: 


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