JTs-Siy 3 ^
- /
,14/ .-.,,4. J .
NE SORT PAS
I
HISTOIRE
DES CAMPAGNES
D E
GUSTAVE-ADOLFE
EN ALLEMAGNE.
TROISIEME EPOÇLUE.
XjE roi de Pologne voulait rompre la
trêve avec la Suéde (^), pour atta- i<î?i^
quer la Pruffe au premier revers de for- ^'^ '="'^-
tune qu'éprouverait Guftave-Adolfe;
mais la vidtoire de Leipzic rendit ce
projet impraticable, &renverfa les efpé-
( a) La trêve conclue à AUenmarck le 16 de fep*
tembre 1629.
Partie IIL A
2 'Campagnes
rances de Tempereur & de fes alliés. Le
1 63 1. miniftere Autrichien étoit moins affec-
w^ptem re. ^^ ^^ |^ ruine de Tannée de Tilli ,
qui pouvait encore tenir la campagne
quand les garnifons les moins nécef.
faires & les troupes des généraux Al-
diinger & Fugger l'auraient renfor-
cé , qu'alarmé des intentions fecretes
de réiecleur de Bavière, qui pou-
vait renoncer à la Ligue Catholique ,
dont la dififolution eût expofé l'em-
pereur feul à la vengeance des pro-
teftans. Ceux - ci , rafTurés par les fuc-
cès de Guftave , commencèrent à re-
prendre courage & à s'occuper des
moyens de fecouer entièrement le
joug de la cour de Vienne, Prefcjue
tous réfolurent de s'unir au roi de
Suéde , & les princes d'Anhalt s'em-
preflerent de fe mettre fous fà pro-
tedion. Le traité portait , « qu'ils paie-
55 raient au monarque un fubfide pour
^ contribuer aux frais de la guerre 3
DE GUST AVE-AdOLFE. ^
» & que s'il jugeait à propos de for- "'"'^*^''^
55 tifier quelques places dans leurs ^^^^'
„ états , ou de jeter un pont iur
55 l'Elbe , leurs fujets y travailleraient
55 gratuitement. „ C'efl: ainfi que Guf- ,
tave augmentait le nombre de fes
alliés , tandis que l'empereur craignait
de perdre les fiens.
Après la reddition de Leipzic , l'é-
ledteur de Saxe fe rendit à Hall afin
de prendre avec le roi les arrangemens
nécelTaires pour continuer vigoureu-
fement la guerre, &pour convenir en
même tems d'un projet d'opérations
contre les catholiques : les princes
d'Anhalt & de Veimar , avec quelques
autres proteflans , aflîfterent aux con-
férences. On ne jugea pas à propos de
pourfuivre le comte de Tilli qui fuyait
du côté du Vefer, dans la crainte de
rendre la BafTe- Allemagne le théâtre
de la guerre , & de livrer à la fureur
des catholiques les proteftans de la
Aij
4 Campagnes
■»"^«"«» haute. On décida qu'il fallait attaquer
163 ï* ks états des membres de la Ligue,
Septembre.^ notamment ceux de l'empereur,
dont les peuples irrités de la perte de
leurs privilèges , des vexations qu'ils
éprouvaient journellement , & des
changemens opérés dans la religion ,
ne pouvaient que féconder les défen-
feurs de leur culte & de leurs immu-
nités. On fe flatta que cette divcrfion
jointe au mécontentement des fujets
de Ferdinand , qui n'avait plus par
lui-même afiez de troupes pour re-
prendre la fupériorité fur ks protef-
tans , lui rendrait fort difficile le raf-
femblement d'une nouvelle armée.
Les confédérés pouvaient attaquer
de trois manières les états ligués : la
première , en s'avançant avec leurs
forces réunies par la Bohême & la
Moravie ou le palatinat de Bavière,
pour tranfporter le théâtre de la guerre
A la gauche du Danube j la féconde,
DE GU ST A VE-AdOLFE. f
€11 traverfant la Franconie & le fleuve
pour s'établir à fa rive droite. Ces i^n-
deux expédiens expofaient les protef- ^^^^"^ ^^'
tans de Baffe - Allemagne à tout ce
que Tilli voudrait entreprendre quand
il aurait réparé Tes pertes : alors il pou-
vait venger fur eux les maux qu'euf-
fent éprouvés les catholiques de Haute-
Allemagne. La troifleme manière d'at-
taquer , confiftait ù partager les forces
des proteftans , afin qu'une partie opé^
rât contre les états héréditaires de Venu
pereur, tandis que l'autre agirait con-
tre ceux des membres de la Ligue. Ce
fut à peu près le projet qu'on adopta ;
car il était vraifemblable que Tilli ten-
terait feulement d'arrêter les progrèsS
de l'un de ces corps , & que pendant
ce tems l'autre remporterait des fuc-
eès faciles. On régla que l'éledeur de
Saxe traverferait la Mifnie pour péné-
trer en Bohême & en Siléfie , & que
Guftave s'avancerait par la Thuringe
A iij
è Campagnes
en Franconie , d'où , félon les circonf-
^^^^* tances, il fe porterait dans le cercle
Septembre. ^^ Rhin 011 dans celui de Bavière,
pour obliger les catholiques à défar-
mer. On jugea que Tilli viendrait s*op-
pofer au roi de Suéde , qui était bien
pliis en état de lui réfifter que l'élec-
teur de Saxe , dont l'armée avait beau-
coup fouffert à la bataille de Leipzijc.
Il paraît convenable d'examiner le
Teproche que plufieurs hiftoriens font
à Guftave , de n'avoir pas marché droit
à Vienne après fa viéloire. Il ferait ab-
furde de foutenir que ce roi n'a pu
commettre une faute ; il était homme ,
8c pouvait entre deux partis choifir
le moins bon : mais comme il eft plus
facile de blâmer ce monarque que de
lui refiembler , on aime mieux rap-
porter les djfférens avis que de hafar-
der une décifion. Ceux qui ont pré-
tendu que le roi devait marcher à
WknriGf au nombre defquels on compte
DE Gustave- A DOLFE, 7
ïe chancelier Oxenffcierna , afTurent que s
Guftav^e tournant vers l'Autriche , & 1651.
laifTant aux états de l'Empire le foin Septembre.
de pourvoir eux - mêmes à leurs inté-
rêts, l'empereur fe voyait forcé de fouf-
crire aux conditions qu'on aurait voulu
lui dider. Ils fe fondent fur ce que Fer-
dinand confterné de la défaite de fon
armée , & manquant de troupes pour
défendre fa capitale , eût été forcé de
chercher un afyk ailleurs ; que Vienne
dépourvue de garnifon , eût ouvert fes
portes , & que la terreur était fi grande,
que tout aurait plié devant les Sué-
dois. Oxenftierna ajoutait que Gufla-
ve , après avoir didé des loix au mo-
narque Autrichien , pouvait revenir
bruli]uement fur fes pas , pour fe ren-
dre maître du refte de la Pruiïe , en
•donnant à l'éledeur de Brandebourg
pour la partie qu'il poflTédait, un équi-
valent en Poméranie ou ailleurs, &
qu'alors la guerre fe terminait promp-
A iv
8 Campagnes
tement , d'une manière avantageufe
i6iî. pour la Suéde. Les contradicleurs du
Septembre, fentiment d'Oxenftierna objectent
qu'il n'eft pas démontré que Gullave
n'eût d'autre but que de forcer l'empe-
reur à tout rétablir fur l'ancien pied ,
d'affermir la religion protellante , &
de procurer au Corps Evangélique fa-
tisfaclion pour le pafTé & fureté pour
l'avenir; ils penfent au contraire, que
la délivrance des proteftans n'était que
le prétexte de l'expédition du monar-
que Suédois, qui fongeait réellement
à conquérir l'Allemagne, & defirait
prolonger la guerre , dont il efiiérait
des avantages beaucoup plus confidéra-
bles que la partie de la Pruflé qui lui
manquait : ils ajoutent qu'il n'eft point
évident que l'empereur eût foufcrità
tout ; qu'il aurait cédé à l'orage , aban-
donné Vienne & attendu en Hongrie
ou en Styrie, que fes alliés & fes géné-
raux l'euftent aidé à fe relever ; 3c qu'il
CE G U S T A V E - A D 0 L F E. 9
n'ell pas probable que Ferdinand , le
prince le plus fier & le plus opiniâtre de i55i.
fon fiecle , fe fut cru fans reflburce par- ^^eptembre.
ce que les Suédois euiïent occupé Vien-
ne ; que foit que les protellans fe fuf-
fent avancés par la Bohême & la Mo-
ravie ou la Bavière , il n'eft pas démon-
tré qu'ils n'euffent éprouvé aucun obC
tacle capable de les arrêter afTez de
tems , pour donner à l'empereur & au
duc de Bavière celui de pourvoir à la
défenfe de leurs états , & qu'on ne peut
nier que dans une conjon(n:ure aufli
preOante , ils n'euffent employé tou-
tes les relTources propres à prévenir
leur ruine. On ajoute encore , pour
juftjfier Guftave , que follicité par la
plupart des états proteftans de venir
à leur fecours , loin de les alarmer par
des fuccès trop rapides , il devait fe
donner le tems de gagner leur con-
fiance , afin de les réunir & de fe met-
tre à leur tête pour forcer les parti-
io Campagnes
fans de îempereur de renoncer à Tes
1631» intérêts, ce qui était bien plus impor-
Scptembre. ^^nt que de le chaiTer momentanément
-de Vienne ; que d'ailleurs , en s'ap-
prochant de cette capitale, le roi s'ex-
pofait à être fuivi par Tilli , qui ren-
forcé des troupes d'Aldringer , de Fug-
ger , de rcleâ:eur de Cologne , du duc
de Lorraine , & d'environ douze mille
hommes qui reftaient à l'éledeur de
Bavière , fe fût trouvé fupérieur à
Guftave , & en mefure de s'établir fur
fes derrières , pour lui couper toute
communication avec fes conquêtes,
ou de ruiner" entièrement la Saxe , la
Heffe & les autres états proteftans
de Baffe- Allemagne , dont le monarque
& réleâ:eur de Saxe fe fuffent trouvés
trop éloignés pour venir affez tôt à
leur fecours. On doit encore obferver
qu'en s'établiffant au centre de l'Em-
pire , Guftave devenait l'arbitre de
l'empereur & du Corps Germanique,
DE Gustave-Adolfe. IÎ
pouvait fe porter par-tout où les cir-
conftances l'exigeraient , veiller fur les 1 63 1 • ,
démarches de l'éledeur de Saxe , Septembre,
prince faible , jaloux des Suédois , &
trop attaché à la gloire de l'Empire,
pour ne pas tenter d'attirer à lui tous
les proteftans, afin d'en former une
armée redoutable au roi lui - même ,
qu'on avait intérêt de renvoyer dans
fon royaume , fans lui permettre de
s'établir en Allemagne , lorfque l'em-
pereur ferait aflez affaibli pour n'en
plus violer impunément les loix; &.
il pouvait même arriver que hs con-
fédérés fe liguaffent avec les catholi-
ques contre Guftave , s'il eût affiché
trop d'ambition. Le monarque ne vou-
lait pas d'ailleurs s'éloigner de Franc-
fort, pour empêcher que le Corps Evan-
gélique afiemblé dans cette ville &
trompé par la modération fimulée de
Ferdinand, dont les députés com-
mençaient à fe relâcher fur l'édit de
rz Campagnes
rtftitution , ne traitât av^ec cet empe-
[631. reur; ce qui aurait ôté au roi tout
* prétexte plaufible pour relier en Alle-
magne. Il efl: probable que cette rai-
fon le détermina à s'établir fur le Mein ,
& à étendre d'abord fes conquêtes
moins du côté .de l'Autriche que du
Rhin , au rifque de mécontenter la
France , qui ne pouvait fans inquié-
tude voir les Suédois s'approcher de
fes frontières. Enfin le duc Bernard
de Veimar, qui avait gagné la con-
fiance du roi , n'ayant rien à perdre &
fe promettant les plus grands avan-
tages de l'agrandiflenient du monar-
que, ne celTait de lui montrer la cou-
ronne impériale comme un but digne
de lui. Ces confeils s'accordaient avec
l'ambition de Guftave , qui jugea fans
doute ne pouvoir mieux réalifer fon
projet, qu'autant qu'il déterminerait
le collège éledoral à le choifir pour
roi des Romains : il était afiliré de la
DE Gustave- Adolfe. i?
voix des éledleiirs de Brandebourg , de
Saxe, & du Palatin. Le premier était t53I.
trop faible pour ofer refufer la Tienne ; Septembre.
le fécond l'avait promife formellement
& devait d'ailleurs au roi fa liberté &
le falut de fes états : quoique le troi-
fieme fût dépouillé de fa dignité, les.
victoires des proteftans euffent rendu
valable fon fuffrage. Le monarque
n'avait donc plus qu'à difpofer en fi
faveur les autres éledeurs^ & il fe
flattait de les gagner par des bien-
faits ou par le procédé généreux de
ks ménager , ayant le pouvoir de les
détruire. Tels font les motifs aux-
quels on attribue la réfolution que
prit le roi de Suéde , de ne pas s'éloi-
gner du centre de l'Empire; & l'on
ne balancerait pas à les croire fans
réplique , fi un aufli grand homme que
le chancelier Oxenftierna n'était d'un
avis contraire.
Guftave partit de Hall à la tête de s?
14 Campagnes
fon armée ,vint camper à Qiierfurt,
163 1' le lendemain à Viche , & le jour fuivant
^^ 28 '^' ^ GroflTen - Sommern , d'où il écrivit
29 aux magiftrats d'Erfurt , capitale de
la Thuringe,une lettre de fommation
portant , « qu'obligé d'aller fecourir
„ fes alliés & difliper les forces de la
„ Ligue , il ne pouvait le difpenfer
„ de s'alTurer de la ville & du fort
j, par une garnifon. » Le fénat , hors
d'état de réiifter à une armée vidto-
30 rieufe, envoya au roi une députation
pour le fupplier de difpenfer la ville
de recevoir garnifon , ou du moins
d'accorder le tems néceffaire pour dé-
libérer fur une affaire fi importante ,
promettant au furplus une prompte
réponfe. Guftave feignit de fe prêter
aux defirs des magiftrats ^ mais crai-
gnant que la négociation ne traînât
en longueur , il ordonna au duc Guil-
laume de Saxe - Veimar de fuivre les
députés avec un détachement de cava-
X
DE Gustave-Ado LFE, if
lerie, d'entrer en même tems qu'eux
dans la ville , & de s'en rendre maître. 1 63 1.
Le prince monte en carrofle , fiiivi à ^^°'^f««
peu de diftance par fon régiment , fait
arrêter fous la porte d'Erfurt fa voi-
ture , que fes gens feignent de réparer,
donne ainfi le tems d'arriver aux trou-
pes qui s'avancent au galop , entrent
dans la ville , fe mettent en bataille
fur la grande place , & s'emparent ainfi
de -la ville avant que les bourgeois
puiffent s'y oppofer. Guillaume exige
qu'on lui apporte aufîi-tôt les clés , &
emploie le refte du jour à tout régler
avec les magiftrats. Le lendemain Guf-
tave part de Grolfen-Sommern , dit
tribue fon armée dans des villages aux
environs d'Erfurt , & y fait fon en-
trée. Il fe rend à l'hôtel-de-ville , loue
les habitans d'avoir reçu fes troupes
fans les forcer à répandre du fang,
promet de maintenir la ville dans la
Jouilfance de fes prérog^itlves ; mais il
î6 Campagnes
ï cafîe la jurifdidion de Téledeur de
ï6?r. Mayence , membre de la Ligue, &
Taccufe publiquement d'être ennemi
déclaré des libertés germaniques. Le
monarque figne enfuite une conven-
tion , portant « que le fénat & le peuple
,5 renonceront à toute liaifon avec Té-
„ leéleur ; qu'ils prêteront ferment de
55 fidélité à la couronne de Suéde & à
55 réleâ:eur de Saxe ; que les comtés
35 de Schwartzbourg & de Gleichen
,5 fubviendront au paiement de la gar-
55 nifon , qui fera au moins de quinze
,5 cents hommes ; que les fortifications
„ de la place feront réparées & aug-
5, mentées aux dépens des princes
55 de la maifon de Saxe, à qui dans
55 la fuite on rembourfera cette avance;
5, qu'ils pourront au befoin fe réfugier
5j dans la ville , ainfi que leurs fujets ;
,5 que réleéleur remplacera l'ancien
5, tribunal par une chancellerie entre-
^5 tenue fur les biens eccléfiaftiques ;
„ que
DE GUST A VE-AdOL F E. Î7
55 que le fénatconferverafon autorité,
„ & que le nombre de fes membres
„ fera augmenté ; enfin , que la reine
„ de Suéde établira fa réfidence dans
„ la ville. „
Le roi fe rendit enfuite à l'églife de
Saint -Etienne, & aiïlira le chapitre,
qui vint le faluer en corps , que fon
intention était que les catholiques
jouiflent de la même liberté que les
proteftans. Guftave dit au doyen :
** Faites favoir à l'électeur de Mayence
35 qu'il devrait fe féparer de la Ligue ;
„ que je fuis venu en Allerrmgne pour
„ défendre les électeurs , & non pour
,j les opprimer ; & que je feiais au
„ défefpoir qu'il me forçât à le traiter
„ en ennemi. „ Les Jéfuites cédant à
la néceffité, vinrent fe jeter aux pieds
du monarque , qui les fit relever ; mais
il leur dit d'un ton févere : « Vous
„ rendrez compte à Dieu des troubles
„ que vous avez excités , & du fang
Partie IIL B
I63I
Ortûbrs
ER^!3B9RI
18 Campagnes
„ que vous avez fait répandre. Vous
i<53 1. „ êtes les auteurs des malheurs de PAl-
Odobre. ^^ lemagne. Je fuis bien informé de vos
,, pernicieux deffeins : vous ne fuivez
„ que des maximes dangereufes ; vous
„ prêchez l'intolérance , le meurtre &
„ le carnage ^ loin d'imiter la modé-
„ ration des autres eccléfiaftiques , &
„ de vous en tenir comme eux aux
5, paifibles fonctions de votre minif-»-
„ tere , vous intriguez fans ceffe pour
„ influer dans les affaires politiques.
„ Conduifez - vous fagement , & je ne
„ permettrai pas qu'on trouble votre
„ tranquillité ; mais fi vous fortez des
„ bornes de votre état , je faurai vous
„ y faire rentrer. » Les Jéfuites , qui
ne s'attendaient pas à de fimples re-
proches , fe retirèrent pénétrés de la
bonté de Guftave , qui rétabht l'uni-
verfité protellante dans fon état pri-
mitif. Les bourgeois, à qui l'on avait
renréfenté les Suédois comme des
DE GU ST A VE-AdOLFE. I9
hommes cruels & fans frein , furent
agréablement furpris de leur humanité ^^3 1%
& de la rigidité de leur difcipline. ^° ^^'
Le roi parcourut l'enceinte d'Er- ?
furt , pour arrêter le plan des nou-
velles fortifications , dont il confia la
diredion au duc Guillaume de Saxe-
Veimar, qui fut nommé gouverneur
de la ville , où le comte George-Louis
de Lœvenftein commanda fous lui la
garnifon , qu'on porta dans la fuite , au
moyen de quelques levées , à deux;
mille fix cents hommes d'infanterie
& à fix cents de cavalerie. Guftave
décida en même tems que Steinberg
réfiderait à Erfurt en qualité de fon
chargé d'affaires. Le monarque , qui
ne cherchait qu'à augmenter fes forces,
remit au duc Guillaume de Veimar
des inftrudions pour lever en Thu-
ringe une armée de dix mille hommes, .
dont il lui confia le commandement.
Les dçuceurs du repos ne pouvaient
B ij
20 Campagnes
arrêter le roi de Suéde ; & dès qu'il
i6li* eut réglé ce qui concernait la Thu-
ringe , il réfolut de pénétrer fans délai
en Franconie. Comme il fallait , pour
s'y rendre , traverfer un pays coupé
de bois & de montagnes, le monarque
partagea fes forces en détachant qua-
tre mille hommes d'infanterie & deux
mille de cavalerie aux ordres du co-
lonel Ruth'/ein , qui prit la route de
6 Gotha , dont il s'empara. Guftave par-
tit en même tems d'Erfurt à la tête
du reffce de fes troupes , vint camper
à Arnftat, & prit fon quartier au châ-
7 teau de Gunther. Le lendemain il
marche à Illmenau , qui capitule fur-
ie-champ , & où il féjourne pour lailFer
8 repofer fon armée.
Gotha rendu , Rutlivein s'avance à
Smalkalden , & s'approche enfuite de
Meinimgen & de Masfeld. Son avant-
garde compofée de cavalerie furprend
à la challe le comniiifaire impérial
DE Gustave -A DOLFE. 21
Cofta, gouverneur de Masfeld, qui
moins occupé de la conlërvation de 153 1.
la place que de fes plaifirs , s'attendait octobre.
à trouver du gibier , & non les Suédois.
Ruthvein arrive aux portes de la ville ,
dont la garnifon dépourvue de com-
mandant , capitule après avoir elTuyé 9
quelques coups de canon. Cette con-
quête & celle de Henneberg entraî-
nèrent la ibumiffion du comté de ce
nom , où le général Aldringer avait
commis de grands dégâts. Le même
jour que l\lasfeld fe rendit , Guftave dé-
campa d'Illmenau , prit le chemin de
Schleufmgen & de Romhilt , & arriva
en deux marches à une lieue de Ko- 30
nigshofFen , où Ruthvein le rejoignit
avec fon détachement.
KônigshofFen , clé de la Franconie
du côté de la Thuringe , appartenait
à Pévêque de A^urtzbourg , qui l'avait
bien fortifiée & abondamment pour-
vue : c'était un des principaux niciga-
D iij
iOdob
2i Campagnes
fins de l'armée de la Ligue. L'avanfe-
î6^ I. garde du roi de Suéde découvrit à peu
de diftance delà place une troupe de
payfans armés , qui oferent fe défen-
dre , & dont un grand nombre fut tué ;
le refte fe réfugia dans la ville , & fe
joignit à la garnifon compofée de quel-
ques compagnies de troupes catholi-
ques, & qui commença à faire un feu
afTez vif fur les proteftans. Guftave
invertit Kônigshoffen, s'approche pour
reconnaître , & reçoit une contufion
qui irrite fes foldats au point qu'ils
propofent de forcer la place fur-le-
champ & de la détruire. Le monarque
modère leur ardeur , & charge le baron
Benoit Oxenftierna d'aller difpofer les
Allemands à fe rendre : cet officier
leur repréfente que , ne pouvant fe
iîatter d'être fecourus ni d'arrêter une
îirmée , toute réfiffcance devient inutile
& même téméraire , puifqu'outre la
perte de leur vie , ils entraîneront la
DE GuSTAVE-AdOLFE. 23
îuiae de la ville, qui n'étant bâtie
que de bois, ferait bientôt réduite en i53i.
cendres. La garnifon encore forte d'en- ^^^^'^^^
viron quinze cents hommes , intimi-
dée par ces menaces, ouvre auffi - tôt
les portes aux Suédois , leur livre beau-
coup d'artillerie , d'armes , de muni-
tions de guerre & de bouche , & de
grandes richeflés qu'on avait mifes en
fureté dans la place , dont le roi or-
donna d'augmenter les fortifications.
Le prince Ernefl: de Veimar , frère des
ducs Guillaume Se Bernard , eut le gou-
vernement de cette importante ville,
dont la prife répandit la terreur dans
les états catholiques de Franconie :
les habitans commencèrent à fuir avec
leurs meilleurs effets , quoique Guflave
eût fait publier qu'il ne troublerait
ni le culte ni la propriété de perfonne.
L'évêque de Vurtzbourg & un grand
nombre d'eccléiiaftiques , trop peu
confians à la promelle du roi , abandon^
B iv
24 CAMPAGNES
nerent précipitamment leur réfidence.
1^5 !• L'armée Suédoife partit de Kônigs-
Ociobre. i^offei-j ^ précédée d'un détachement de
cavalerie , qui rencontra près de Lau-
îingen un grand nombre de payfans
attroupés : ils avaient pris les armes
à la follicitation d'un bourgeois de
Vurtzbourg , dont l'hiftoire n'a pas
confervé le nom ; Chemnitz obferve
feulement qu'il était borgne. Il voulut
d'abord réfiller en rafe campagne à la
cavalerie ; mais bientôt obligé de ren-
trer dans Lauringen , il lit occuper
aux payfans une grande maifon de
briques , bâtie derrière le ruifleau , &
à l'extrémité du pont fur lequel il
fallait paffer néceffairement pour en-
trer dans le bourg. Les Suédois met-
tent pied à terre & attaquent les Al-
lemands, qui fe défendent avec tant
d'opiniâtreté jufqu'à l'arrivée de l'ar-
mée , qu'on elt obligé d'employer de
l'inflinterie pour les contraindre h
deGustave-Adolfe. 2r
mettre bas les armes. Gnllave voulait
faire pendre le borgne , pour avoir ]63i,
tenu dans un lieu ouvert contre des ^^^^^^*
troupes réglées ; mais il fauva fa vie
en fourni fiant au monarque des détails
fur la fituation de Vurtzbourg & dé
fon château.
Le roi de Suéde avait écrit à plu-
fieurs villes de Franconie pour les en-
gager à embrafler fon parti : il en-
voya vers le I\Iein , pour féconder
l'effet de fes lettres , plufieurs déta-
che m en s , dont l'un s'approcha de
Schveinfurt , ville impériale , alors
occupée par quelques troupes de la
Ligue , qui s'enfuirent à Vurtzbourg
à l'arrivée des Suédois : les habitans ,
prefque tous proteilans , Iqs reçurent
fans réfiflance dans la place. Le len- ^-
demain , l'armée partit de Lauringen ;
Gnllave prit les devants avec dix-
huit cents chevaux, & fit fon entrée
à Schveinfurt, dont les bourgeois lui
26 Campagnes
donnèrent les plus grandes marques
I53I. d'affection, s'empreffant même de lui
^° '^^' prêter ferment de fidélité. La fituation
avantageufe de la place , conflruite au
fommet d'un angle que forme le Mein,
détermina le roi à la faire fortifier
avec foin , & à y laiffer une garnifon
de trois cents hommes d'infanterie &
de deux cents dragons. Hasfurt & Kif-
fing ouvrirent bientôt leurs portes aux
Suédois»
[ ij Guftave décampe de Schveinfurt,
prend la route de Vurtzbourg , & arrive
14. le lendemain devant la place : elle n'é-
tait fermée que de murailles à l'anti-
que ; mais la nature & l'art contri-
buaient à rendre prefque imprenable
le château , appelle Marienberg , bâti
à la gauche du IMein fur un rocher
très- élevé. Des remparts bafl:ionnés,
avec quelques ouvrages extérieurs &
des foïfés profonds , formaient l'en-
ceinte de cette forterefiTe , qui commu-
DE GUST A VE-AdoLFE. 27
niquait à la ville par un pont de fix
arches. Le roi de Suéde envoie fommer 15^ j.
la garnifon de Vurtzbourg : elle refufe Odobre.
de capituler, & les proteftans pétardent
la porte des barricades du fauxbourg,
que les milices bourgeoifcs rendent
après une légère réfiftance. Les aflaii-
lans fomment alors la ville. On avait
tendu des chaînes dans les rues ; & les
troupes catholiques , d'abord détermi-
nées à fe défendre, confiderent qu'elles
ne peuvent réfifter contre une armée
dans une place fi étendue , & fe reti-
rent dans le château. Les magiflrats
devenus libres de prendre le parti que
la prudence leur dide, envoient leurs
clés au roi , en lui propofant de fe re-
mettre à fa difcrétion. Il entre le len- '^
demain dans la ville , fait ceffer tout
adle d'hoftilité , défarme les bourgeois,
leur accorde la libre jouiflance de leurs
biens , exige trois cents mille florins
pour le rachat du pillage , & fe fait
îiS Campagnes
prêter ferment de fidélité. Il envoie
155 1. enfuite fommer Keller, commandant
Odobrc. ^jy château. Cet officier ayant fait cou-
per une arche du pont , & fe voyant
à la tête d'une garnifon d'environ
quinze cents hommes , dans une bonne
place bien pourvue, avait réfolu de fe
défendre jufqu'à la dernière extrémité ;
& fon artillerie ne tarda pas à foudroyer
la ville. L'élévation dv fort en rendait
l'approche fi périlleufe , qu'elle eût été
impraticable par d'autres troupes que
les Suédois, à qui tout devenait poffible
fous les yeux du héros dont la pré-
fence les animait : il s'avança fous la
porte du pont , d'où il examinait les
fortifications du château par l'ouver-
ture d'un créneau , lorfqu'un boulet de
canon qui donna auprès , fit voler des
éclats de pierre & de mortier, qui
faillirent aveugler Guftave ; il en fut
hcurcufement quitte pour quelques
écorchures au vifage.
DE G usT ave-Ado LFE. 29
Le roi voulant brufquer la reddition
du fort , jugea à propos de le faire at- ^^^ i*
taquer du côté de la place : il ordonne
à un gros détachement de réparer le
pont & de fe loger de l'autre côté du
Mein, au pied du rocher; mais hs
Tifïîégés redoublèrent leur feu de mouf-
queterie & d'artillerie , au point que
les Suédois ne purent déboucher d'une
demi-lune qu'ils occupaient à l'extré-
mité du pont , que tout ce qui paraif-
fait delfus était auffi - tôt pafiTé par les
armes , & que les toits des maifons
conftruites de ce côté furent entière-
ment détruits. Guftave fâchant qu'on
avait retiré de grandes richeffes dans
la forterefle , & que beaucoup de feni^
mes & d'eccléfiaftiques s'y étaient ré-
fugiés , répugnait à un affaut qui pou-
vait rendre ces malheureux vidimes
de la fureur & de la rapacité des trou-
pes; c'elt pourquoi il réfolut de faire
pafler quelques régimens à la gauche
3Ô Campagnes
^ du Mein , pour tenter une nouvelle
ï^3i« attaque. On trouva à peine trois ou
Ociobre. ^^^^^j-g barques, à l'aide defquelles un
corps de troupes traverfa la rivière
Du is au pendant la nuit, & fe logea aufli près
*^ qu'il fut polfible du château. Comme
les Suédois avaient trop peu de ba-
teaux, le paflage fut fi long, qu'ils
eurent à peine le tems, avant que
d'être apperçus par les afiiégés , de re-
muer un peu de terre pour fe couvrir
contre le feu de la place, qui devint
prodigieux. Les catholiques firent mê-
me une fortie pour ruiner le travail
des affiégeans; mais repouffés avec
grande perte, ils n'oferent en tenter
une féconde. Les Suédois parvinrent
à force de peines à fe loger fur la croupe
de la hauteur où la forterefiTe eft conf-
truite , & y établirent une batterie. Le
feu des affiégés continuait avec une
il grande vivacité , que les alTaillans
avouèrent qu'ils n'en avaient jamais
DE G'USTAVE-ADOLi^E. gl
efluyé un femblable. Guflave , qui était
venu encourager les travailleurs par fa i53 1.
préfence , reçut un coup de moufquet ^'^^^^^
dans fon gant qu'il tenait à la main.
Enfin le canon des Suédois ayant
fait brèche aux ouvrages extérieurs &
endommagé le corps du château , le
roi envoya encore propofer à la garni- *?
fon de capituler. Loin d'accepter ces
offres, Keller répondit qu'il réfifterait
jufqu'aa dernier foupir. Le lendemain , is
au point du jour , les affiégeans tentent
d'efcalader une demi-lune qui couvrait
la porte du fort : ils font repoufles , &
leurs échelles renverfées. Le célèbre
Léonard Torllenfon , qui commande
l'attaque , rallie fes troupes & les ra-
mené au pied de la brèche. Les Sué-
dois encouragés par l'exemple de GuC-
tave , qui s'expofe comme le moindre
foldat , redoublent leurs efforts, &
occupent enfin la demi - lune , dont le
canon eft tourné aufll-tôt contre la
32 Campagnes
forterelTe. Quelques alFiégeans parvien-
ï6n. nent en même tems à stagner le fom-
met c'es remparts , tandis que, le plus
grand nombre pénètre , malgré les ef-
forts des catholiques , dans le château ,
dont la porte vient d'être enfoncée à
coups de canon. Les Suédois , dans
leur première furie, maflacrent près
de huit cents hommes ; mais le car-
nage ceiTe à la voix des officiers : ils
rallient leurs foldats , & les contien-
nent au point qu'aucun d'eux ne s'é-
carte pour piller, tant la difcipline était
rigoureufe parmi les troupes du grand
Guftave. C'eft ainfi qu'il devint maître
du château de Vurtzbourg , après one
réfillance de quatre jours & quatre
nuits, fi opiniâtre , que le monarque
la cita depuis pour exemple. Cette
conquête lui coûta quelques officiers
& environ deux cents hommes :.les
catholiques en [perdirent plus de huit
cents. On trouva parmi les morts une
vingtaine
deGustave-Adôlfe. 55
vingtaine de prêtres ou de moines,
qui oubliant leur vocation , avaient 1^3 1.
pris le moufquet dans la pieufe inten-
tion de tuer quelques hérétiques. Rel-
ier fut fait prifonnier avec ce qui ref-
tait de foldats.
Les eccléfiaffciques , les religieux &
les bourgeois réfugiés au château ,
ne reçurent aucune infulte , & on les
renvoya même dans la ville avec leurs
effets. Le roi eut pour fa part du butin
trente pièces de canon /un amas pro-
digieux de munitions de guerre & de
bouche , un armement complet pour
fept mille hommes , une fomme confî-
dérable que Péledeur de Bavière avait
deftinée aux befoins de Parmée de
Tilli depuis la perte de la bataille de
Leipzic , prefque toute la vailTelle d'ar-
gent avec les chevaux de Tévêque de
Vurtzbourg, qui avait eu la prévoyance
d'emporter fon tréfor ; enfin , la bi-
bliothèque des Jéfuites, qu'il envoya
Partie IIL C
Oftobre.
54 Campagnes
( a ) , qu'il envoya à Upfal , en repré-
1^3 !• failles de ce que Téledeur de Bavière
s'était emparé de celle de Heidelberg
en 1522. Guftave abandonna aux trou-
pes le refte du butin , qui confiftait en
effets précieux & argent monnoyé ou
travaillé. La chapelle du château ren-
fermait une prodigieufe quantité de
vafes , d'ornemens & de reliques très-
yiçhes. I>es foldats trouvèrent en outre
douze ftatues d'argent de grandeur na-
turelle : ils témoignèrent plus de dé-
votion au métal qu'aux faints qu'elles
lepréfentaient.
L'importance de Vurtzbourg & de
fon château détermina le roi à en
faire augmenter les fortifications, fur-
tout celles du dernier , qu'il voulait
rendre imprenable. Le monarque fe
vit bientôt maître deVolkach , de Kit-
zingen , de Vinsheim , d'Ochfenfurt ,
{a^ Ils avaient cache les manufcrits fous une
Ypùte , où ils ont été retrouvés depuis.
deGustave-Adolfe. 3^
ie Carlftat , de Gemunden , de Lohr ,
de Remlingen & de plufieurs autres i<53i.
villes, dont la plupart s'offrirent d'elles- ^^""^'^
mêmes au vainqueur pour éviter un
fiege ; quelques-unes étaient gardées
par de faibles détachemens de Tarmée
de la Ligué, qui redoutant la valeur des
Suédois , s'enfuirent à leur approche,
Ou s'enrôlèrent dans leurs troupes ;
d'autres avaient pour garnifon des
bourgeois ou des payfans plus aflidus
asu cabaret qu'au corps - de - garde ,
& avec lefquels il fut fuffifant d'em-
ployer des menaces pour leur faire
mettre bas les armes. Guftave ne tarda
pas à fe rendre maître de prefque toute
la Franconie , moins par la terreur de
fon nom que par la difcipîine de fes
troupes , fa douceur & fa clémence qui
lui gagnèrent le cœur des peuples :
établi au centre de l'Allemagne dans un
pays riche & fertile , le monarque ve-
nait d'acquérir, pour foutenir la guerre,
Cij
36 Campagnes
des refiTources qui lui préfageaient de
[651. r ^
^ , . nouveaux lucces.
Octobre.
Si les armes de Guftave profpé-
raient en Haute - Allemagne , elles
n'étaient pas moins heureufes dans
la bafle. Il avait envoyé fur l'Oder
& les frontières de Siléfie le marquis
d'Hamilton & le colonel Lesle , avec
les troupes Anglaifes & Ecoflaifes &
quelques régimens Allemands , pour
couvrir la Poméranie & la nouvelle
marche de Brandebourg contre les
entreprifes des catholiques qui étaient
en Siléfie. L'indifcipline des Anglais
& le climat auquel ils n'étaient point
accoutumés , leur firent perdre beau-
coup de monde ; de manière que l'ar-
mée d'Hamilton était réduite à fix
mille hommes. Cependant Lesle infor-
mé que les ennemis , dans le deflein de
furprendre Croflen , fe font établis aux
environs , part avec un nombreux dé-
tachement pour les attaquer. A fon ap-
DE GU ST A VE-AdOLF E. 37
proche , les catholiques fe retirent
précipitamment en Haute-Luface , & i53i-
abandonnent cinq grands bateaux que ^'^°^^^'
Lesle fait conduire à Croflen. Peu de
jours après il marche à Guben & y for-
prend cinq cents Impériaux qui font
taillés en pièces , à l'exception de deux
cents cinquante foldats & de quelques
officiers qu'on fait prifonniers.
On a vu précédemment que Guftave
avait chargé le général Tott de prendre
fuccefïivement les places que les Impé-
riaux occupaient encore dans le Mec-
kelbourg. Cet officier fe trouvant à la
tête d'une armée de huit mille hommes
tant Suédois que fujets des ducs , avait
commencé à refferrer Roftock , lorfque
le roi alla joindre les Saxons. Le baron
de Virmund , commandant de la place
pour l'empereur, défarma les bourgeois
& leur défendit fous peine de la vie , de
fe trouver plus de trois enfemble , ou
de paraître à leurs fenêtres lorfqu'on
C iij
38 Campagnes
battrait ralarme.Ces réglemens tyran-
16} î, niques déplurent aux habitans de Rof-
Ociobre. ^.q^j^ ^ ^Q^ït les privilèges avaient tou-
jours été refpeclés jufques là ; & mal-
gré la vigilance des catholiques , ils
trouvèrent moyen de faire palTer à
Tott tous les avis qui pouvaient accé-
lérer la reddition de la place. Virmund
avait pris fes mefures pour une longue
réfiftance , dans la perfuafion que le
comte de Tilli viendrait à fon fecours.
Quoique les affiégés fe défendiflTent
avec opiniâtreté , le mineur s'était déjà
logé lorfque les proteftans reçurent la
nouvelle de la bataille de Leipzic. Vir-?
mund à qui ils en firent part pour l'en-
gager à fe rendre, ne put croire que le
généralilfime eût été battu. On lui per-
mit d'envoyer un trompette dans la
garnifon Impériale la plus voifme,
pour s'aflurer de la vérité. Dès qu'elle
fut connue dans la place, Virmund
voyant fes troupes prêtes à fe iTiuU-
DE GUST A VE-AdoLFE. ^c)
ner , réfolut enfin de capitdlen On con-
vint que la garnifon fortirait avec les ^631
honneurs de là guerre, fes armes, fes ^^^^^^
bagages & trois pièces de canon ; qu'on
lui fournirait des vivres , des chariots
& des chevaux ; qu'elle ferait efcortéd
jufqu'au Vefer ; qu'elle ne dégraderait
pas les fortifications ; que les membres
de la chancellerie établie par Valfteiii
£q retireraient où bon leur femblerait ;
& que le commandant répondrait que
fes foldats ne feraient aucune infulté
aux habitans , ni ne mettraient le feit
à la ville en la quittant. Cette dernière
condition prouve à quel point l'indif.
cipline & la barbarie des Impériaux
étaient connues & redoutées. En vertu
de l*accord qu'on vient de rapporter , le
baron de Virmund évacua Roftock à la '^
tête de deux mille deux cents hommes
d'infanterie & de trois cents cavaliers.
La place rendue ,Tott alla attaquer Vit
C iv
4Q Campagnes
mar, qu'une efcadre Suédoife bloqua.
I <^3 1 • Chemnitz & Relingen , que le roi de
Octobre, ç.^^^^ ^^^^.^ ^^jj. p^^^^.j. ^g jj^ij ^^^ q^^_
lité de fes plénipotentiaires , traitèrent
d'abord avec Chriftian de Brandebourg,
margrave de Bareuth , & fe rendirent
enfuite à Nuremberg, dont les habitans
prefque tous proteflans , témoignèrent
le plus grand zèle pour Guflave. Ce-
pendant, Ja crainte de s'expofer à la
vengeance des catholiques , s'ils fe dé-
claraient ouvertement pour le monar-
que, les engagea à éluder les propo-
fitions de fes agens. Il écrivit alors au
fénat une lettre menaçante, portant,
** qu'il exigeait que la ville fè décidât
„ promptement, & que fi elle diffé-
„ rait de répondre, ou tentait de colo-
„ rer fes délais par de vains prétextes ,
„ il prendrait cette conduite pour une
„ déclaration hoftile ; qu'il ne fe prête-
5, rait à aucune neutralité , & qu'il fal-
„ lait s'attacher à fa fortune ou embraf
DE GUST A VE-AdoL FE. 41
„ fer le parti contraire. „ Guftave crut g*-^' }
devoir parler en vainqueur à une ville , 1651.
qui ayant d'abord foufcrit aux réfolu- Octobre,
tions de l'aflemblée de Leipzic , y avait
enfuite renoncé à l'approche des catho-^
liques. La déclaration du roi ^termina
les incertitudes des habitans de Nu-
remberg : ils craignirent pour leurs
privilèges & leur liberté , fi la maifon
d'Autriche devenait toute puiilante en
Allemagne. Le fénat s'allemble, &: juge
que le parti le plus fur eft de fe déclarer
pour Guftave , à qui l'on députe auffi-
tôt pour lui demander fa protedion.
Le monarque fut gré à la ville du
dévouement qu'elle lui témoignait , &
ne négligea rien dans la fuite pour lui
prouver fon afFeclion. Tandis que
Chemnitz mettait la dernière main au
traité , Relingen fe rendit à Ulm , qu'il
engagea dans le parti de fon maître ;
il prit enfuite le chemin de Strasbourg^
çù il réuffit pareillement
42 Campagnes
Après la conquête de Vurtzbourg 9
1631. Guftavefit propofer à Pévêque & au
Octobre, chapitre de Bamberg de traiter avec
lui , afin de préferver leurs fujets des
maux inféparables de la guerre. Le roi
demandait qu'on lui payât une fomme
de cent cinquante mille écus , qu'on lui
fournît le même fublide qu'à la Ligue
Catholique , & que les villes de For-
cheim & de Cronach reçuflent garnifon
Suédoife. Quoique ces conditions ne
fuffent pas trop dures , & qu'on pût
même efpérerque Guftave les modére-
rait , révêque & le chapitre réfolurent
de ne pas y foufcrire : ils feignirent ce-
pendant de vouloir traiter , afin d'amu-
fer le monarque jufqu'à ce que l'armée
de Tilli arrivât au fecours de la Fran-
conie. Le prélat & fon chapitre ne
tardèrent pas à fe repentir de leur du-
plicité & de leur mauvaife politique.
Les fuccès du roi de Suéde interrom-
pirent les délibérations de la diète de
DE Gustave-Adolfe. 45
Francfort. Depuis la bataille de Leip-
zic , les proteftans enorgueillis de Taf- 155 1.
cendant que prenait leur parti , n'é- Octobre
coûtaient plus qu'avec dédain les pro-
pofitions de l'empereur ; & la con-
quête d'une partie de la Franconie les
rendit intraitables. Les catholiques re-
butés d'une négociation dont ils ne
pouvaient rien efpérer , & alarmés du
voifmage de l'armée Suédoife , quit-
tèrent brufquement Francfort. Le
grand -maître de l'ordre Teutonique ,
principal commifTaire de l'empereur,
difparut des premiers : il avait dit pu-
bliquement , que pour rétablir la paix
en Allemagne , il fallait égorger tous
les proteftans au - defTus de fept ans.
Cet homme féroce craignit fans doute
que s'il tombait entre leurs mains ,
ils ne lui fiflent fubir le traitement
dont il les jugeait dignes.
Le comte de Tilli avait efpéré après
fa défaite , que fe portant en Hefîe il y
44 Campagnes
attirerait les Suédois; qu'il occuperait
163 !• dans ce pays montagneux , favorable
Odiobre. ^ ^^q armée peu nombreufe & dé-
couragée, des pofitions propres à ar-
rêter les vainqueurs, jufqu'à ce que
l'arrivée de fes renforts lui permît de
prendre roffenfive , ou du moins de
faire une guerre à forces égales. Le
généraliflime jugea que l'exécution de
fon projet empêcherait Guftave de fe
porter en Thuringe , en Franconie &
dans les états des principaux mem-
bres de la Ligue Catholique j mais
le monarque qui avait des vues plus
étendues que fon adveriaire , ne fut
pas fa dupe. Tilli avait attendu à Al'
feld le réfultat des démarches du roi ,
& dès qu'il le fut parti de Hall pour
Erfurt , il réfolut de pénétrer en Hefle
dans l'efpérance que cette diverfion
obligerait les Suédois de revenir fur
leurs pas, & d'accourir à la défenfe
du landgrave leur allié. L'armée ca^
DE GUST AVE-AdOLFE. 4^
tholique décampe d'Alfeld, & arrive
en deux marches vis-à-vis de Hœxter Ir^^'
fur le Vefer, où le généraliffime or- i
donne de conflruire un pont près de ^
Corvei. Il fe fait amener de Hamelen
douze pièces de canon avec leur atti^
rail , reçoit neuf cents fantaffins &
deux cents cavaliers envoyés par l'élec-
teur de Cologne , pafle le Vefer , laiffe
près du fleuve quelques troupes aux
ordres du comte de Gronsfeld, s'a- ^
vance à Bocholt & le lendemain à Var-
bourg , où il attend des nouvelles fur
les mouvemens du roi de Suéde. Bien-
tôt informé que ce monarque marche
vers la Franconie avec la réfolution
de s'y établir , il prend celle d'aller au
fecours de ce cercle , part deVarbourg y
pénètre en Hefle & campe à Balhorn , ^
village du bailliage de Niedenftein.
Qjioique l'armée fut très - fatiguée de
cette longue marche , elle s'avance le
lendemain à Fritzlar, pour y joindre
4(? Campagnes
•les troupes de Fugger & d'Aldringéf.
1631' Quand ces deux généraux eurent réuni
Odobre. 1^^^.^ forccs à SaltzungCH , ils fe rap-
prochèrent de Fritzlar, d'où ils chaf-
ferent la garnifon Heflbife. Les catho-
liques y refterent pendant plufieurs
jours qu'ils employèrent à mettre une
partie du landgraviat à feu & à fang.
Le landgrave s'en vengea en s'empa-
rant , près de Corbach , dans le comté
de Valdeck, d'un grand convoi de
grain qui leur était deftiné.
Tilli ne doutant plus que le roi de
Suéde n'eût le projet de conquérir
la Franconie, jugea qu'il attaquerait
Vurtzbourg ; mais comme la force du
château lui était connue, il fe flatta
d'arriver aflez tôt pour le dégât, &
couvrir enfuite la Bavière & les états
de la maifon d'Autriche. Cependant il
décampe de Fritzlar , prend la route
de Fulde, où il arrive en deux mar-
ches, & fait la revue de fon armée,
DE Gustave-Adolfe. 47
forte de dix - huit mille hommes d'in-
fanterie , & de huit mille de cavalerie. i53 1.
Le généraliffime s'approche enfuite du ^^°^^'^'
Mein {a) pour joindre onze mille fan-
taffins & deux mille chevaux que lui
amenait Charles IV , duc de Lorraine.
Ce prince, plus connu par fa légè-
reté que par fes exploits , voulut ab-
folument conduire fon armée en Alle-
magne, au rifque d'éprouver le refTen-
timent de la France , & de lailTer fon
duché ouvert aux armes de cette cou-
ronne : il épuifa fes finances & fa popu-
lation pour lever des troupes belles à
la vérité, mais nullement aguerries,
& commandées par de jeunes gens fans
expérience , aflez préfomptueux pour
fe flatter de renvoyer bientôt en Suéde
le grand Guftave. La cour de Vienne
(i) 11 eit vraifemblable que Tilli dirigea fa marche
par Neuhof, Salmunfter , & Gelenhaufen : les hifto-
riens, non plus que les mémoires que j'ai entre les
main» , ne rindi<iuent pas précifément.
4S Campagnes
& l'éledleur de Bavière avaient féduit
î '^^ ï • Charles en lui promettant ce que l'Em-
pire pofiedait encore dans Tévêché de
Metz 5 Pinveftiture de la plus grande
partie du palatinat du Rhin , des états
du landgrave de HefTe qu'on voulait
profcrire , & la dignité éledorale. Le
duc fe flattait d'obtenir en outre quel-
que chofe de la dépouille des électeurs
de Brandebourg & de Saxe , à qui les
catholiques réfervaient le même fort
qu'au landgrave de Hefle. La France
avait contre le prince Lorrain des griefs
particuliers : Gafton , duc d'Orléans,
brouillé avec le roi Ton frère , s'était
retiré à Nanci , & fe difpofait à épou-
fer fecrétement Marguerite, fœur de
Charles. Le cardinal de Richelieu lui
avait fait demander par le baron de
Guron l'objet de fon armement , & s'il
était vrai, com.me le bruit en courait,
que Gallon époufit Marguerite. Char-
les alTura qu'il dcftinait fes troupes à
fecourir
DÉ Gustave-AdoUfe. 49
fecourir l'empereur contre le roi de ■f?^^'^^'''^
Suéde, & qu'à l'égard du mariage, il ^^^i.
, . n • r^ / r Octobre.
n'en était pas queitioa. Cette reponte
ne fatisfit pas Richelieu : il craignit
que le duc n'eût le deffein d'entrer en
France avec toutes fes forces pour fou-
tenir les mécontens , & lui renvoya
Guron pour le Ibmmer de la part du
roi de faire palier promptement fes
troupes en Allemagne , fmon que le
monarque viendrait aux noces de fon
frère à la tête d'une armée. Ces mena-
ces obligèrent Gallon à différer fon
anariage & à fe réfugier dans les Pays-
Bas Efpagnols , afin 'de ne pas attirer
en Lorraine les armes dé Louis Xliï.
Le duc , de fon côté , fe difpofe à partir
pour l'Allemagne, accompagné du car-
dinal fon frère ~& du prince de Phalf-
bourg. Il mit garnifon dans Saverne
& Haguenau, que l'empereur lui avait
donnés pour places de iïireté , vS'avance
par le comté de Saarbruck & le duché
Partie IIL D
fo Campagnes
de Deux-Ponts jufqu'au Rhin , que Ton
i<^5i. armée traverfe près de Vorins (û):le
' prince de Phalsbourg en dirigeait les
opérations. Charles eft à peine au-delà
du fleuve , que l'évéque de Vurtz-
bourg vient lui faire de grandes inC.
tances pour l'engager à marcher au
fecours de fa ville épifcopale , afiiégée
par les Suédois ; mais le duc ne juge
pas à propos de fatisfaire le prélat , &
il prend le chemin d'Afchaifenbourg
fur le Mein , avec le projet de fe can-
tonner en Franconie , & de ne rien
entreprendre jufqu'à ce qu'il eût joint
le comte de Tillif
Le roi de Suéde voulant s'emparer
de Vertheim , ville importante par fa
fituation au confluent du Tauber &
du Mein , en fait approcher un déta-
chement. Le colonel Picolomini , qui
^ commandait dans cette partie , au lieu
de renfermer fes troupes dans la place ,
(a) Dans les derniers jours de feptcrabr».
DE GUST AVE-AdOL FE. fl
s'était pofté auprès : il eft furpris , dé-
fait, & les Suédois s'emparent de la 1631.
ville. Ils marchent enfuite à Rotten- ^^°^^^-
bourg , dont la garnifon forte de fix
cents hommes fe fouleve faute de paie-
ment , & oblige le gouverneur à capi-
tuler. Les mutins craignent d'être punis
s'ils fuivent leurs officiers, & pour fe
tirer d'embarras , ils s'enrôlexit dans
les troupes de Guftave. Celui-ci déta-
che enfuite Baudiffin avec de la cava-
lerie pour inquiéter les Lorrains. Le
général Suédois s'avance avec autant
de fecret que de diligence , & furprend
de nuit entre Bifchoffsheim & Marien-
dal quatre mille hommes. Le roi fur-
vient lui-même à la tête d'un renfort,
achevé de diffiper ces troupes , & ra-
mené à Vurtzbourg plus de fix cents
prifonniers. Cet échec commença à
dégoûter les Lorrains de la guerre
d'Allemagne.
Le comte de Tilli s'avançait à grands
D ij
f2 Campagnes
pis vers Je Mein pour faire lever le
i65f. pjg^^ jj^^ château de Vurtzbourc^. Il
Octobre. ^ , , .o , , , o r n
apprend la prile de la place, & le liatte
alors que renforcé pnr les troupes du
duc de Lorraine , qui feront monter
fon armée à vingt-neuf mille hommes
d'infanterie & à dix mille de cavale-
rie , il pourra du moins combattre Guf-
tave 8c venger l'affront qu'il a reçu
dans les plaines de Leipzic ; mais le
comte reçoit un courier de l'éledeur
de Bavière, qui lui enjoint de ne rien
haCirder , & de fe garder fur - tout de
rilquer une adion dont le mauvjys
fuccès peut entraîner la perte des cer-
cles de Bavière , de Souabe & du Rhin.
Cet ordre arrache des larmes à Tilli.
Pourquoi , s'écrie-t-il , me lier les mains
quand je peux prendre ma revanche ?
On m^ôte les moyens de rétablir ma ré-
putation (S' Von veut que f emporte au
tombeau une tache que fefpérais effacer.
Le premier mouvement du généralif-
«IHi"W!!M4i'^
Octobre.
deGustave-Adolfe. f5
fi me fut de fe retirer dans un cloître ;
mais i'efpérance de trouver Poccafion 165 1.
de rétablir l'éclat de fa gloire éclipfée , le
fait changer de réfolution. Il- pourvoit
à la fureté de la Vetteravie , renforce
les garnifons de Friedberg , d'Afchaf-
fenbourg , de Steinheim , de Hochft ,
de Mayence & de Konigliein. Il prefTa
le comte de Hanau de recevoir dans
la ville de ce nom un renfort de quatre
compagnies qui , jointes à trois qui
y étaient déjà , fuffifaient pour la dé-
fendre ; mais le comte éluda cette pro-
portion. Tilli paiTe le Mein à Selin-
genftat & marche à Miltenberg , où
il joint les Lorrains. Ses troupes fur-
prirent la ville & le château de Bo-
benhaufen , appartenant au comte de
Hanau de Bufchvçiler , & y commirent
toutes les violences qu'elles avaient
coutume d'exercer. Le généraliffime y
laifiTa garnifon , fit occuper Diebourg,
envoya huit cents hommes à Heidel--
D iij
f 4 Campagnes
r'"^""^'^ berg , douze cents à Vorms , & partit
î^3i. çnfuite de Miltenberg pour s'appro-
Octobre, ^j^gj^ ^^^ Tauber & empêcher les Sué-
dois de s'étendre au-delà de cette
rivière.
Dès que l'armée catholique fut
éloignée de la Hefle , le landgrave ,
pour fe dédommager des dégâts qu'elle
■ ,7 venait d'y commettre , attaqua Mun^
den avec huit mille hommes d'infan-
terie , mille de cavalerie & quatre
pièces de canon. Le comte de Gronf-
feld , trop faible pour s*oppofer à ce
prince , ne put fecourir la place dont
la garnifon , forte de fix cents hom-
I ,g mes , capitula le lendemain , obtint
les honneurs de la guerre & fe retira
à Gôttingen : il y eut enfuite quelques
efcarmouchse entre les catholiques &
les protellans au défavantage des der-
niers , qui s'emparèrent cependant de
Hoexter ; & comme l'armée de Tilli
avait emmené beaucoup dç beftiaux
DE Gustave- Adolfe. ff
de la HefTe , le landgrave en fit enle-
ver par repiéfailles dans Pévêché de }6^i.
Paderborn une grande quantité , dont ^*^obrc.
il diftribua une partie à fes payfans.
L'empereur avait en Siléfie environ
quatorze mille hommes , employés
foit à garder les places , foit à conte-
nir les troupes du marquis de Hamil-
ton & de Lesle. Peu de jours après la
reddition de Leipzic , TiefFenbach &
Goetz , commandans des catholiques
dans cette province , rafTemblent dix
mille hommes pour faire une invafion
dans les états des éleéleurs de Saxe
& de Brandebourg. Tieffenbach pé-
nètre en Haute - Luface , s'empare de
Goerlitz , de Bautzen , de Zittau &
de BifchoffTverda , porte le fer & le
feu jufqu'aux portes de Drefde , & met
à contribution cette partie de la Mit
nie. Goetz s'était avancé en BaflTe-
Luface , où il fe rendit maître de
Guben , de Forft , de Spremberg ,
D iv
S6 Campagnes
^^^^^'^^^^^ d'Hoyerfverda , de Sonnenvald , de
i6^î, Hertzberff , de Schliben , de Dahme,
Octol?re.
de Luckau & de Luben : prefque tou-
tes ce::; villes furent pillées ou brû^
lées , ainfi que les villages des envi-
rons. Goetz fit exercer les mêmes rava-
ges dans les machesde Erard. bourg,
par des détachemens qui occupèrent
Befekou , Storckou & Furllenvald,
tandis que d'autres qui s'étaient avan^
ces par Juterbock , portaient la déf-
lation & la terreur jufqu'à Berlin.
L'électeur de Saxe ordonne à Ton
^rmée de repoufler les catholiques de
concert avec le marquis de Hamilton
Si le général Bânner , qui fe difpoflut
à venir au fecours des proteftans avec
ce qu'il avait déjà rafîemblé de trou-
pes, L'empereur craignant que les Sa-
xons ne fiflent une invafion en Bo-
hême , tint confeil fur les moyens de
}a prévenir. Quelques mini (1res pré-
tendirent que , puifqu'on avait rompii
D E GUST AVE-A DOLF Ë. ^7
avec Jean-George , il fallait le forcer
par la voie des armes à une paix par-
ticulière ; d'autres objederent que les
forces du monarque en Siléfie ne fuf-
fifant pas pour remplir cet objet , il
fallait recourir à d'autres expédiens
pour conjurer l'orage , & que l'intérêt
de l'empereur & les circonftances fi-
cheufes dans lefquelles il fe trouvait
ne lui laiffaient d'autre moyen que
d'employer la douceur pour ramener
Jean -George dans fon parti; enfin ,
que la perfuafion & les ménagemens
feraient fur ce prince plus d'impreffion
que la violence. Ferdinand adopte cet
avis , envoie ordre à fes généraux d'é-
vacuej: la Luface & de ne commettre
aucune hoftilité contre la Saxe. Ce-
pendant Arnimb pafië l'Elbe à Torgau
à la tête de vingt-quatre mille Saxons ,
& marche à Hertzberg avec le projet
de reprendre aux catholiques ce dont
ils fe fpnt emparés. Ceux-ci fe retirent
Octobre.
fS Campagnes
■ fans oppofer de réfiftance : Goetz va
1^31. s'établir à Gros-Glogau , & TiefFen-
^° '^^* bach fe pofte avec huit mille hommes
près des frontières de Bohême , afin
d'être en mefure d'accourir prompte-
ment à la défenfe de ce royaume , fi
les Saxons y portent la guerre. Quoi-
que les catholiques n'euflent féjourné
que peu de tems en Lulàce , ils avaient
tellement dévaflé cette malheureufe
province , qu'elle n'offrait guère que
des monceaux de ruines & de cendres :
ces marques de barbarie excitent Jean-
George à la vengeance , & il ordonne
à Arnimb d'effeduer le plus tôt pofîi-
ble le projet d'invafion en Bohême ,
réglé avec Guftave-Adolfe pendant fon
Novembre, féjour à Hall. Le général Saxon fe met
en mouvement, précédé d'une avant-
garde aux ordres du vieux comte de
Thurn , profcrit en 1 620 , après la ba-
^ taille de Prague : il prend la route de
deGustave-Adolfe. f9
Schlukenau Ça) dont il s'empare & iawaujt^
qui eft abandanné au pillage. Les i6^J»
Saxons marchent enfuite à Tefchen ^'°^^"^^''«-
fur l'Elbe : la ville & le château , quoi- 4
que bien pourvus & défendus par une
garnifon Autrichienne , fe rendent à
la première fommation. Arnimb pafle ^
l'Elbe & s'avance à Auffig gardé par
cent cavaliers Impériaux , qui ab^mdon-
nent aux Saxons la place avec une
prodigieufe quantité de fubfiftances ,
& s'enfuient à Tœplitz , appartenant
au comte de Kinski , proteftant , &
que cette raifon préferva du pillage.
Il y avait alors fur la montagne près
de la ville un château appelle Stara-
hora , occupé par quatre cents hommes ,
qui fe fauvent à Leitmeritz dès qu'ils
font inftruits de l'approche d* Arnimb :
on les fuit de près , & ils fe réfugient
à Prague avec le gouverneur , les ma-
giftrats , les prêtres & les principaux
(fl) Sur la Sprée, « trois milles de Bautzea.
6o Campagnes
^ habitans catholiques. Le lencîemaîn
Novembre, ^^s Saxons repafTent l'Elbe & s'empa-
7 rent de Leitmeritz , où ils font un
S butin immenfe. Le jour fuivant , le
baron de Hoffidrchen , l'un des Bohè-
mes profcrits , s'empare de Budin ,
s'approche enfuite de Raudnitz avec
mille chevaux , furprend la ville pen-
dant la nuit & l'abandonne au pillage :
les Juifs fur-tout font fort maltraités.
Les Bohèmes favorifaient l'armée
Saxonne loin de la retarder. L'empe-
reur avait tyran nifé ce peuple au point
. de s'aliéner prefque tous les cœurs.
Des flots de fang répandus après la
défaite de l'éledeur Palatin n'avaient
pu affouvir la vengeance du monar-
que : des bannilTemens , & fur - tout
des confifcations dictées par la cupi-
dité des adminiflrateurs Autrichiens ,
s'exerçaient journellement depuis onze
ans , & jetaient les malheureux Bo-
hèmes dans le défefpoir. On ne ceflliit
deGustave-Adolfe. 61
de les tourmenter fur la religion ; & mi>jiwmjM
peu de jours avant l'arrivée des Sa- 165 1.
xons , les Jéfuites parcouraient encore ^°^^'^^'^*'
les frontières du royaume , livrant à la
fureur d'une troupe de fatellites ceux
qui refufliient de fe convertir. Ces
moines barbares avaient fait arquebu-
fer fous leurs yeux plufieurs habitans
de la vallée de Joachims (^)> trop
attachés à leur croyance pour qu'on
pût efpérer qu'ils embraOafrent jamais
celle de l'églife romaine ; un grand
nombre de familles abandonnèrent
leur pays pour éviter la mort. Une
perfécution fi opiniâtre indignait les
peuples , qui regardèrent les Saxons
comme des libérateurs & leur four-
nirent des vivres. L'empereur aveuglé
par les flmatiques qui l'environnaient ,
oublia les n\aximes d'une faine poli-
tique , qui défend de vexer des fujets ,
fur -tout quand on craint une inva-
( a ) En allemand Joachims - Thaï.
6z Campagnes '
fion , ou qu'un voifin mal intentionné
153 1. ne fomente leur mécontentement ^ car
Novembre, alors ils fe foulevent contre la tyrannie.
L'empereur ne renonçait pas à Tef-
poir de regagner l'électeur de Saxe ; &
pour conferver un extérieur de digni-
té , le monarque voulut que le mar-
quis de Cadreta , ambafTadeur d'Ef-
pagne à Vienne , fît les démarches
néceflaires & offrît la médiation de
fon maître. Cependant le miniftre Ef-
pagnol imaginant qu'il s'abaifTerait s'il
quittait fa réfidence pour aller traiter
en perfonne avec un éledeur, char-
gea de la négociation le colonel Para-
difo : celui-ci tenta d'abord de perfua-
der aux confidens de Jean - George que
la maifon d'Autriche defirait fincére-
ment le rétabliffement de la bonne
intelligence qui avait exifté entr'elle
& la Saxe. Paradifo vit enfuite l'é-
ledteur , & l'affura « que l'empereur
„ avait pour lui la plus grande affec-
deGustave-Adolfe. 63
tion ; qu'il regrettait que le comte
de Tilli eût, à fon infu & fans or- 1631.
dres , fait une invafion en Saxe ; Novembre
que la cour de Vienne était difpo-
fée à donner une jufle fatisfadion
à cet égard , à prendre en outre des
mefures efficaces pour calmer les'
défiances des proteftans , rétablir
la paix en Allemagne , où le roi de
Suéde voulait faire des conquêtes
fous prétexte de fecourir les mécon-
tens ; & que comme il était contre
la dignité & l'intérêt de l'Empire de
fouffrir qu'un fouverain étranger in-
fluât dans le gouvernement , il fallait
néceflairement l'obliger de retour-
ner dans fes états. » Paradifo ajouta ,
que le roi d'Efpagne fe flattait que
Jean-George fe prêterait volontiers
à un accommodement dont il voulait
bien être le médiateur , & que S. S. E-
pouvait remettre par écrit le dé-
tail de fes griefs contre l'empereur,
54 .Campagnes
yw^vw.'--.*g>m „ & nommer des plénipotentiaires ;
i6n. 55 n^^ 1^ monarque Autrichien en
octobre. „ ferait de même , & que Tambafla-
„ deur d'Efpagne affifterait en per-
„ fonne aux conférences. » Ferdinand
s'était conduit jufquelàavec une hau-
teur infultante , qui contrallait avec
la nwdération qu'il affectait par la
bouche de Paradifo. Cette contradic-
tion convainquit Jean-George , qu'on
ne le lui avait envoyé que pour le
brouiller avec fes alliés, abufer de fon
caradere naturellement pacifique , &
retarder les progrès de fes armes. Ces
raifons l'engagèrent à répondre, « qu'il
„ ne pouvait fe dilfimuler que la cour
5, de Vienne avait payé de la plus
5, noire ingratitude les fervices ifn-
5, portans qu'il lui avait rendus ; qu'on
5, ne croirait jamais que Tilli fût entré
5, fans ordres en Saxe , & qu'on pou-
5, vait fuppofer au plus qu'on ne lui
5, avait pas prefcrit d'y exercer mille
„ barbaries j
deGustave-Adolfe. 6f
), barbaries; que 0 la fortune eatfavo- ^^
5, rifé les catholiques à la bataille de i6'>i>
„ Leipzic , loin de défavouer le gêné- ^^^^^""^^
5, raliffime ^ on approuverait la con-
„ duite ; que lui électeur , n'ignorait
„ pas que ia perte & celle des autres
„ proteftans était réfolue ; qu'il fufn-
5, fait de ne pas profefier la religion
„ catholique, de pofleder des biens
„ eccléfiaftiques & de ne fe pas dé-
5, vouer fervilement à l'einpereur ,
5, pour être réputé criminel ; que
„ d'ailleurs , quoique la natîire & la
„ raifon accordalfent à tous Iqs honi-
„ mes le droit de réGilcr à une op-
,5 preflion injufte , & même de re-
„ poufîér la force par la force , le mo-
,5 narque regardait comme un attentat
5, contre fon autorité , les efforts des
5, états de l'Empire pour conferver
„ leurs privilèges qu'il voulait leur
„ arracher ». L'éleéleur obferva en
outre , « que fes griefs étant publics
Partie IIL E
66 Campagnes
„ depuis long - tems , il était fuperfla
ï^^i» „ qu'il les déduisît de nouveau ; que
i ovcmbre. ^^ ^^^ ennemis même ne pouvaient
„ difconvenir qu'on l'avait contraint
5, par de mauvais traitemens, à re-
„ chercher l'alliance du roi de Suéde ,
„ qui était venu à Ion fecours & lui
5, avait confervé fes états au péril de
5, fa YÏe ; qu'il ne manquerait jamais
„ à la reconnaiflance envers Gullavc ;
„ & qu'il ne pouvait , fans fe rendre
5, méprifable , concevoir feulement
„ l'idée de renoncer îi fon amitié ;
„ qu'il favait gré au roi d'Efpagne de
„ J'offre Je fa médiation ; mais que
„ comme il n'y avait nulle fureté pour
„ lui éledeur, à traiter féparément
„ avec les catholiques , il était inutile
„ de le lui propofer à fa venir. „ Cette
réponfe ferme & précife convainquit
Paradifo qu'on ne pouvait détacher
Jean -George de fes alliés.
A la première nouvelle que les Sa-
DE Gustave-Adolfe. 67
xons approchaient de Prague , les ^^^^
officiers de remperenr n'omirent rien J ^' ^'
. ^ Novembre.
pour encourager les bourgeois a une
vigoureufe défenfe : ils leur atruraient ,
que l'armée éledorale mettrait tout à
feu & à fan g dans la ville , li on lui
permettait d'y entrer ; mais qulieu-
reufement elle était trop peu nom-
breufe pour s'en emparer de vive for-
ce ; que d'ailleurs «lie manquerait de
fubfiilances , & qu'il ferait d'autant
plus facile de la repoulTer , que les
Hongrais , les Polonais & le feld-maré-
chal Tieffenbach fe difpofaien ta venir
au fecours de la place ; & que ces rai-
fons autorifèraient l'empereur à fé\ ir
rigoureuiement contre le peuple , s'il
fe foumettait fans réfiftance à l'en-
nemi. Ces motifs furent impuifrans,
fuit qu'ils femblafient peu fpécieux ,
foit que le joug Autrichien parût facile
à fecouer , & que l'efpérance d'un
meilleur fort après um révolution,
E ij
f^W^'iSBÊlK
6^ Campagnes
l'emportât dans les efprits fur la crainte
ï<^3i« d'un châtiment incertain.
Novembre- g-^itafar de Maradas, dont on a
déjà parlé à l'époque des premiers
troubles de Bohême , ralTembla en-
viron deux mille hommes, en joi-
gnant à la garnifon de Prague quel-
ques vieux foldats qui confen tirent à
s'enrôler, forma huit compagnies de
bourgeois de cincj cents hommes cha"
cune , & commença à faire réparer
les fortifications de la place , dans l'in-
» tention de la défendre. Il jugea con-
venable d'envoyer demander des or-
dres à Valllein , qui était alors dans
la ville avec f\ femme ,• fa fille & le
comte Maximilien fon frère ; mais le
duc répondit , que n'étant revêtu
d'aucune autorité , il ne pouvait rien
prefcrire ni confeiller. Maradas n'o-
fant prendre fur lui l'événement, &
n'ayant aucune confiance aux com-
pagnies de bourgeois qui diminuaient
DEGuSTAVE-AdOLFE. (S9
tous les jours par la défertion /prit le "^^^^
parti de fortir de Prague avec fes deux i <^3 1 •
mille hommes & le colonel Vangler ,
& d'aller fe pofler à Tabor , pour
apporter du moins quelques obftacles
aux progrès des Saxons , qui conti-
nuaient leur ma!rche vers la capitale
de Bohême fans rencontrer d'obfta-
cles. Le comte de Michna, l'un des
plus cruels perfécuteurs des protef-
tans 5 & les membres de la chancellerie
& de Tadminillration Autrichiennes ,
qui craignirent de perdre leurs richefles
acquifes par des profcriptions , & qu'on
ne vengeât fur eux le fan g des mal-
heureux afiaffinés avec le glaive de la
juffcice , s'enfuirent à Budveis , où ils
portèrent les ornemens & les joyaux
de la couronne. Ils furent fuivis par
les prêtres & les moines , à l'excep-
tion des Capucins, qui n'ayant rien
à perdre , relièrent dans leur maifon.
Une foule de perfonnes de tout rang
E iij
70 C A M r A G N E s
^ cc de tOLit lige abandonnèrent auffi
16^1. Piagne, & fe réfugièrent avec leurs
°^""'^'^^' meilleurs effets à Budveis , Znaim ,
Brinn & Vienne. Quoique le duc de
VaKlein fût aiîuré qu'Arnimb , qui lui
était entièrement dévoué, & l'élec-
teur de Saxe auraient pour lui les
plus grands égards , il ne jugea pas
à propos de les attendre , & fe retira
ddtis fes terres en Moravie , après
avoir chargé fon frère de conduire à
Vienne la ducheffe & fa fille fous Pef-
corte de quelques cavaliers bien armés.
Ils furent attaqués à peu de diftance
de Prague par une troupe de payfans
&i de fuyards , qui fe flattaient de faire
un butin confidérable en pillant les
chariots de Valftein , & d'échapper à
lajulliceàlafiveur des troubles; mais
~ ces brigands furent vigoureufement
repoulfés. Keller de Schleitheim , capi-
taine au régiment de Cronenberg , fe
jeta avec quelques bourgeois attachés
DE GU ST AV E-AdOLFE. 7I
à l'empereur , dans le château de Vif- ^^^
chrad , pour le défendre ; mais voyant I6^i.
le peuple moins difpofé à le féconder Novembre.
qu'à recevoir les Saxons , il confidéra
que fon zele pouvait lui devenir aufli
funefte qu'inutile au monarque Autri-
chien , & il renonça fiigement à fou
projet.
Tieffenbach avait eu ordre de pour-
voir à la défenfe de la Bohême &àla
confervation de Prague ; mais il n'eut
pas le tems de prendre fes mefures
entre l'époque où on lui manda d'é-
vacuer la Saxe & celle où l'armée
éledorale pénétra en Bohême ; cepen-
dant il s'avançait à grands pas avec
Goetz & dix mille hommes pour fe
jeter dans Prague. Arnimb n'avait ni
attirail de fiege , ni une armée aiïez
nombreufe pour attaquer la place dans
les formes , fi elle eût été défendue
par une garnifon nombreufe ; & il
accélérait fa marche afin de prévenir
E iv
72 Campagnes
=^!^' les catholiques. Il s'empare de Mol-
^^^.^' nick , & s'avance le lendemain à Vel-
varn qui le loumet , de même que
lo Schlan. Enfin les Saxons arrivent à la
vue de Prague , & ne rencontrent que
des bourgeois fortis de la ville pour
voir l'armée. Arnimb ne peut d'abord
croire que les catholiques ont évacué
la place , foupçonnç quelque flratagê-
me , & refufe de s'en rapporter au té-
moignage des habitans : il apperçoit
dans la foule un maître - d'hôtel du
duc de Valftein , & le rapport de ce
domeilique perfuade le général Saxon.
Nous ferons donc , dit -il aux officiers
généraux, maîtres de Prague fans tirer
un coup de nioufquet. Il fait aufll-tôt
fommer la place ; les bourgeois en-
voient fur -le -champ une députation
qui convient avec Arnimb, « qu'on
„ n'attentera ni à la propriété ni aux
„ privilèges de perfonne ; qu'on n'exi-
„ géra des habitans aucun ferment ;
D E G U s T A V E - A D 0 L F E. 75
que fous le bon plaifir de l'éledeur ^r^^
Noveir.bre.
de Saxe, chacun pourra fe retirer
„ avec fon bien ; que les magiftrats
„ pourvoiront feuls au logement des
„ troupes , afin de prévenir les in-
„ convéniens qui réfulteront fi l'on
„ permet aux foldats de s'établir à
» leur gré ; que la noblefie & la ma-
„ giftrature ne logeront point de gens
„ de guerre ; enfin , que les prêtres ,
„ les moines & les Juifs ne feront ni
„ pillés , ni maltraités , & qu'ils con-
,j tinueront à vaquer librement à leurs
„ fondions. » Cet accord fut figné
vers le foir : l'armée électorale entra
aufli - tôt dans la ville , & pafla la nuit
en bataille fur la place & dans les rues.
Le lendemain , quatre mille hommes
d'infanterie avec mille de cavalerie,
aux ordres du baron de Hoffîdrchen
& du comte de Solms, furent defi:i-
nés à refter à Prague, & le furplus
des troupes prit des quartiers dans les
13
74 Campa g k e s
- villages voifuis. Les Saxons fe ren-
V . * dirent maîtres de la campaiine , & un
Novembre. '- ^
grand nombre de villes ouvrirent
d'elles - mômes leurs portes au vain-
queur.
Arnimb n'oublia pas que Valftein
était fon bienfaiteur : il s'occupa foi-
gneufement de la confervation de tout
ce qui lui appartenait , & pofa lui-
même des gardes aux portes de fon
palais , pour empêcher qu'on ne le
pillât. Le comte de Thurn , ce célè-
bre banni , frémit de rage en voyant
fur la principale porte de la ville les
têtes de quelques-uns de fes malheu-
reux compatriotes, défenfeurs desim-
20 munités de la Bohême. Il fit inhumer
ces relies avec pompe dans le temple
des Hullites, & rentra dans tous fes
biens. Son hôtel , que l'empereur avait
donné au comte de I\lichna , fe trouva
meublé magnifiquement. Tiiurn con-
gédia l'intendant & le chargea de dire
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. 7f
à fon maître, « que quoiqu'il lui eût
5, l'obligation d'avoir embelii fa mai- î<^n.
» fon, s'il le tenait , il enverrait fa ^''^'=^"''^^^'
„ tête à la place de celles de cCvS ref-
5, peclables citoyens martyrs de la pa-
5, trie & de la religion proteftante , &
55 viclimes du defpotifme de la mai-
„ fon d'Autriche. » Plufieurs autres
bannis rentrèrent aufTi en polTeiîioii
de leurs biens ; mais les plus fages ,
prévoyant que cette révolution fubite
pourrait bien n'être pas de durée^,
vendirent tout ce qu'ils purent. Les
payfans , croyant qu'ils avaient changé
de maître pour toujours , pillèrent les
pofieffions de leurs feigneurs eccléfiaf-
tiques ou laïques qui s'étaient enfuis ,
& aflTommerent tous les foldats Au-
trichiens qui tombèrent entre leurs
mains.
L'éleéleur de Saxe fit fon entrée
dans Prague & déclara que chacun
exercerait paifiblement fa religion. De
1
7^ C A BI P A G N F S
toutes les églifes otées aux prctef-
153 1. tans, il leur en rendit quatre , & Ht
' rafer la chapelle élevée à la Vierge
en 1620 par l'empereur, après la dé-
faite de l'élefteur Palatin. Jean-George
rerpecla tout ce qui appartenait à Tem-
pereur , & fit même fceller les portes
des appartemens du palais; mais il
envoya toute Tartillerie aux armes de
la maifon d'Autriche à Drefde, où il
retourna bientôt lui - même , laiffant
la ville de Prague très - fatisfaite de
fa domination. Les habitans n'eurent
qu'à fe louer de Hoffldrchen & de
Solms ; mais les juifs , les prêtres &
les moines , revenus en grand nom-
bre quand ils furent qu'on ne maltrai-
tait perlbnne , n'en furent pas fi con-
tcns : les derniers fur -tout étaient
fcandalifés qu'on tournât leur culte
en ridicule. Il y avait à Brandeis une
flatue de la Vierge qu'ondifait.mira-
culeufe : Hoffldrchen fe la fit apporter
deGustave-Aoolfe. 77
& la plaça devant la porte de Hi mai-
fon , riant des génuflexions & des 165 1.
prières que la dévote populace adref- Novembre,
fait à cette image.
La perte de Prague & d'une partie
de la Bohême répandit à Vienne une
conllernation qui devint extrême , lorC-
qu'on vit l'empereur envoyer en Stirie
fes effets les plus précieux ; ce qui nia-
nifellait l'incertitude de pouvoir con-
ferver cette capitale , quoique l'on en
réparât diligemment les fortifications.
Tout annonçait la chute de l'orgueil-
leux Ferdinand : les deux tiers de l'Al-
lemagne ne reconnaiffaient plus fou
autorité ; fes finances étaient épuifées ;
fes nombreufes armées réduites à quel-
ques corps découragés & fugitifs, ne
levaient plus dans l'Empire les contri-
butions immenfes qui donnaient au
monarque les moyens de foutenir la
guerre ; il fallait défendre les éledeurs
catholiques & couvrir la Bavière &
78 Campagnes
i^^^^a l'Autriche ; pour furcroît d'embarras ,
T531- 1^^ Hongrie était menacée : déjà Ra-
gotzki , prmce de 1 rannlvame , ( qui
venait de fuccéder à Betiem Gabor)
& les Turcs y fliilaient des courfcs dé-
favouées il elt vrai par le grand-fei-
gneur , mais qui n'en étaient pas moins
les indices d'un orage qu'il importait
de conjurer. Les peuples de Haute-
Autriche , & particulièrement ceux des
bords de la rivière d'Ems , inclinaient
à la révolte , & profitaient de la ter-
reur générale pour demander avec
hauteur la liberté de confcience & le
rétablilTement de leurs privilèges. A
tous ces maux , Ferdinand oppofiiit
les pèlerinages & les prières publi-
ques : naturellement bigot & fuperfti-
tieux, fa faufle dévotion augmentait à
l'approche du danger. Ce monarque
négligeait abfolument la morale de la
religion, n'en obfervait que les prati-
ques, & croyait que des ades de piété
. deGustave-Adolfe. 79
fnffifent pour engager la Divinité à
flworifer les injuftices & les palfions 163 1.
humaines; mais comme les procef- ^°^^"*'^'^*'
lions impériales n'arrêtaient pas les
progrès de Guffcave - Adolfe & de fes
alliés, Ferdinand tenait de fréquens
confeils , où l'on délibérait longue-
ment fans prendre aucun parti. Les
Efpagnols voulaient que l'empereur
confiât le commandement des armées
à fon fils roi de Hongrie & de Bohême :
ils prétendaient que la préfence de ce
jeune prince relèverait le courage des
troupes , rendrait les réfolutions plus
promptes , & que fon autorité con-
tiendrait les généraux , dont la méfm-
telligence avait produit les malheurs
dont on reflentait fi vivement les
çifets. L'ambaffadeur d'Eipagne ap-
puyait fon avis par la promefîe d'une
grande fomme d'argent , abfolument
eiïentielle à Ferdinand dans les con-
jonélures où il fe trouvait. Les Aile-
80 CAMPAGNES
inands craignirent que la cour de Ma-
1531. ^]fij n'eût pour but de dominer dans
les conleils de 1 empereur : ils obje-
terent que les dépenfes nécefiTaires
pour entretenir avec dignité le roi de
Hongrie à la tête des armées , abfor-
beraient fans utilité des fommes qui
feraient mieux employées à lever des
troupes; que la prudence ne permet-
tait pas d'expofer l'héritier préfomptif
du monarque Autrichien aux dangers
de la guerre ; que s'il éprouvait le
moindre échec , les foldats & les peu-
ples feraient entièrement découragés;
enfin , qu'il était poflibie que le roi de
Hongrie ne joignît pas aux belles qua-
lités qui brillaient en lui , celles qui
conftituent un grand général. Les par-
tifans du duc de Valflein prétendaient,
que les malheurs des catholiques ne
provenaient que de fa difgrace ; que
Dieu puniflait vifiblement l'ingratitude
de l'empereur , qu'il n'avait d'autre
parti
DE Gu ST A ve-Adolfe. 8i
parti à prendre que de rappeller le
duc, feul capable de raffermir fon i<^5i«
trône ébranlé. Ferdinand convenait ^'^^^^^*'
qu'en l'obligeant à dépofer ce général ,
on lui avait coupé le bras droit ; mais
il ne montrait pas encore le defir de
lui rendre le fuprême commandement.
Un des principaux miniftres propofe
en plein confeil de le lui conférer de
nouveau. Les ennemis de Valftein ré-
pondent , « qu'en le rappellant on mé-
5, contentera les éledeurs , qui ne ver-
55 ront pas fans inquiétude rendre le
5, généralat à un homme puiflant ,
5, vindicatif & fuperbe , qu'ils ont fait
5, dépofer ; qu'ils commencent à fe
55 refroidir pour l'empereur , & que
55 le retour du duc peut les aigrir &
5, même les engager à fe tourner, con-
j, tre le chef de l'Empire ; que d'aile
5, leurs il ferait imprudent de fe fier à
5, Valftein après l'affront cruel qu'il a
55 efluyé ; que fa fidélité doit être d'au-
Parùc IIL F
82 Campagnes
„ tant plus fufpede, que lors de la
163I' „ prife de Prague les proteftans eux-?
Novembre. ^^ ^^mes Ont Veillé à la confervatioa
5, de fes biens ; qu'il a toujours entre-
jj tenu avec Arnimb & quelques au*
, très des correfpondances peut-être
j^ criminelles ; que le duc a fupporté
,5 patiemment en public fa dépofi-
„ tion , mais qu'on n'ignore pas qu'il
50 s'eft emporté en particulier au point
>> de fe donner au diable , s'il fervait
53 jamais l'empereur ; qu'on ofFenferait
p Dieu en préférant un blafphémateur
„ au roi de Hongrie , prince rempli de
„ piété & de vertus ; qu'on peut à la
3, vérité faire quelques objedions con-
„ tre fon expérience à la guerre , mais
„ qu'il eft facile d'y remédier en lui
j, donnant des lieutenans capables de
„ le diriger , & choifis parmi ceux qui
„ ont le plus contribué aux fuccès pré-
„ cédens ; que le comte de Schlick
^ mérite la préférence , & qu'il faut le
DE GUS T AV E-Ad OLFE. 8?
'„ tirer promptement de fa retraite. „ — "^""^
Lgs amis de Valflein répliquent , « qu'ils .^^
„ ne fe diiîimulent pas fes défauts;
„ mais que fa libéralité envers les trou-
3, pes, fon efprit de refTources , fa pré-
„ voyance , fa capacité & fon zèle pour
„ la gloire de fon pays doivent le faire
5, préférer à tous les concurrens ; &
„ que s'il a entretenu des corref])on-?
5, dances avec les ennemis de l'empe^
„ reur, c'eft non pour nuire au mo-»
s, narque , mais pour lui procurer une
,j paix honorable & nécelfaire. » A
l'égard de fon prétendu dévouement
au diable, ils ajoutent ironiquement,
4i qu'il n'eft pas vraifemblable que ce
,5 perturbateur du genre humain s'eni"
,3 pare du duc, s'il rentre au fervice;
,5 & que d'ailleurs rien n'dl plus facile
,5 que d'écrire au pape , ennemi naturel
„ du diable, pour qu'il relevé Valfteia
^ de fon vœu , & le fafle même exor->
» cifer par le nonce , fi l'on juge cette
F ij
84 Campagnes
^— ^ „ formalité néceflaire. >» Les efprits
155 1. s'échaufFant , l'empereur dit aux mi-
* niftres , que puifqu'ils ne peuvent s'ac-
corder , il eft inutile de délibérer da-
vantage ; & fans fe laifier pénétrer , il
fort du confeil.
Le duc de Valftein avait trop d'amis
& de créatures pour ignorer ces dé-
tails : il voit avec joie l'embarras de fes
ennemis , dont la fortune le venge
cruellement ; les malheurs de l'empe-
reur & de fes alliés l'avaient confolé
de fa difgrace : s'il eût confenti à fiire
la moindre démarche pour être réta-
bli , il n'effc pas douteux qu'on lui aurait
rendu le commandement après la ba-
taille de Leipzic ; mais trop fier pour
s'abailfer par des follicitations , il vou-
lait que l'empereur le recherchât , &
lui fit ainfi une fatisfadion authenti-
que de l'outrage qu'il avait reçu. Depuis
fa dépofition, Valftein avait refufé de
paraître à la cour , de peur qu'on ne
deGustave-Adolfe. Sf
le foupçonnât d'y venir propofer fes
fervices : il prétendait d'ailleurs , qu'en ^^ ^'
Novcinbcc.
vertu du duché de Meckelbourg , dont
il ne fe croyait pas dépouillé légale-
ment , on lui devait le titre d'altejfe ;
& comme on le lui aurait refufé à
Vienne , il préférait de vivre dans fes
terres avec la pompe d'un fouverain
& entouré d'une foule de courtifans
qui le traitaient à fon gré.
Informé des vues particulières des
miniftres , Valftein ignorait les inten-
tions de l'empereur ; mais il jugeait que
la néceffité obligerait tôt ou tard d'avoir
recours à fes talens. Enfin le monarque
mande le comte Maximilien de Valf-
tein , lui ordonne d'aller trouver le duc
& de lui propofer de venir à la cour.
Cette avance redouble la fierté de Valf-
tein. Tout ce que je peux faire ^ ré-
pond-il à fon frère , cefi de me rendre
à Znaim pour être plus à portée d'écou-
ter Jes propojitions de V empereur. Le
F iij
8^ Campagnes
comte revient & on le renvoie aufîi-tôt
1^31. au duc pour lui déclarer , que « S. M. I.
^^'" ' ' „ veut lui rendre le commandement de
„ fes armées & que le roi de Hongrie
„ apprenne de lui Part de la guerre. »
Tel eft le biais qu'avait trouvé Ferdi-
nand pour contenter tous les partis.
Je vois y répond Valftein , que V empe-
reur Je propofe de confier le fuprême
commandement au roi de Hongrie & de
rti*engager a lui fervir de lieutenant ;
de manière que ce jeune prince aura la
gloire des fuccès ^ ^ moi feulement la
peine de concevoir & d'exécuter ,• mais
ûjfure^ l'empereur que je ne f ouf c rirai
jamais à cet arrangement ^ & que je ne
fervirais pas en fécond fous Dieu même y
s'il défendait du ciel pour commander
une armée, Valftein ne recevait les
avances de ibn fouverain que comme
une réparation de l'injuftice qu'il en
avait éprouvée; il voulait humilier
Ferdinand , & la fierté de fa réponfe
DE GÙS tAV E-AdOLFE. g?
fit comprendre au monarque qu'il ne
ramènerait un homme fi altier que par 163 !•
les facrifices les plus coûteux pour fon ^°^^"^ ^^'
amour-propre. Cependant l'impérieufe
néceffité obligea l'empereur de faire
une nouvelle tentative : il en chargea
le prince d'Eggenberg, ami intime
de Valftein , qu'il alla trouver à Znaim.
Ce négociateur réuffit mieux que le
frère même du duc , qui voulant fans
doute jouir plus long-tems du plaifir
d'être recherché , ne répondit d'abord
qu'avec aigreur & en fe plaignant
amèrement de Ferdinand. Eggenberg
fit tant d'inflances , qu'enfin Valftein
lui dit , avec une ti'anquillité à travers
laquelle l'indignation perçait : « Quoi-
j, que l'empereur m'ait traité fans mè-
5, nagement & qu'il nie faffe des propo-
^ fitions contraires à mon honneur,
j, je conféns cependant, à votre feule
àj confidération , de lui rendre quel-
io q«es fervices à compter de ce jour
F iv
88 Campagnes
^...--.^■^ ^^ lufqu'au mois de mars prochain ; mais
J^^'V » je ne veux aucun titre ni me char-
Novembre. ,
„ ger d exécuter aucune entreprife de
^ guerre : j'offre feulement de lever
„ des troupes & de les difcipliner ; je
,5 ne demande pour cela nulle récom-
5j penfe : qu'on emploie à raffembler
„ des foldats , les cent mille écus que
„ vous m'offrez de la part de Tempe-
„ reur. Quant au commandement, je
„ le refufe abfolument, & l'on peut
„ le donner à un autre , à moins qu'on
3, ne préfère de faire la paix : ce qui
„ ferait le parti le plus fage. *> Eggen-
berg n'omit rien pour détruire les rai-
fons de Valftein ; mais il fut inébran-
lable , & il fallut pour cette fois que
J'empereur fe contentât de ce qu'on
daignait lui offrir. Revenons aux affai-
res générales de l'Empire.
Après la reddition de Hoexter qui
fe racheta du pillage en payant une
contribution au landgrave de Heffe,
DE Gustave-Adolfe. 89
ce prince réduifit Varbourg & affiégea
fans fnccès Ritberg , pafîage impor- l^H*
tant ; mais il fe rendit maître du refte
de Pévêché de Paderborn , dont la
ville capitale fut taxée à une fomme
confidérable , & celle de Hirfchfeld
obligée de recevoir garnifon HefToife.
Les états de l'abbaye de Fulde pré-
viennent le landgrave par une dépu-
tation qui fe rend à Caflèl pour pren-
dre avec lui des arrangemens propres
à s'exempter de toute exécution mili-
taire , & propofent d'eux - mêmes de
prêter ferment de fidélité. Guillaume
met garnifon dans plufieurs villes du
pays & pourvoit foigneufement Neuf-
tadt fur la Saal , pour en faire fa place
d'armes. Les fecours pécuniaires que
fe procura le landgrave lui permirent
de lever & d'entretenir quatre nou-
veaux régimens. Les états catholiques
de Veftphalie , menacés d'un orage
prochain, fe hâtent de propofer uu
90 C A M P A G îï E s
■5 accommodement. Guillaume répond ,
i55i, 4« que les barbaries commifes fur fes
ovemDre. ^^ (çj-fes pr^^ \q^ catholiques , contré
„ toutes les loix de la guerre , Tauto-
„ rifent à ufer de repréfailies ; mais que
„ fon humanité l'éloignant des voies
„ de rigueur, il préfervera de toute
„ violence les états de Veftphalie ,
,, à condition que plufieurs places
„ recevront & entretiendront garnifon
„ HefToife, & que les habitans des
„ villes & de la campagne paieront
„ une contribution qui les exemptera
5, du pillage & des autres incommo-
5, dites de la guerre; qu'au refte il
„ prendra les mefures convenables
5, pour fe procurer par la force ce
„ qu'on lui refufera de bon gré. » Les
états de Veftphalie ne répondirent pas
cathégoriquement aux demandes du
landgrave : informés qu'on leur pré-
parait du fecours , ils ne voulurent
pas fans doute acheter la paix à fi
haut prix.
DE Gustave-Adolfe. 91
L*éledeur de Cologne craignant que
les proteflans ne vinflent l'attaquer, ^•^^^^'
convoqua dans fa capitale les états de
fon archevêché , leur repréfenta le dan-
ger qui les, menaçait, & leur demanda
un fubfide abfolument néceffaire dans
les conjondures où il fe trouvait. Ils
accordèrent deux cents mille écus , à
condition qu'on ne les emploierait qu'à
la défenfe du pays. La iioblefle & la
bourgeoifie obferverent que le clergé,
exempt de prefque toutes les charges
publiques , pofledait cependant la plus
grande partie des biens , & qu'il était
Julie de le taxer en conféquence ; mais
les eccléfiartiques qui ne font jamais
dupes , fur- tout en matière d'intérêt ,
trouvèrent moyen de ne pas payer plus
que les laïques. L'éledeur engagea là
ville de Cologne à lever des troupes
pour fa défenfe , & dans un moment
d'ivrefle patriotique, les bourgeois ju-
rèrent de verier jufqu'à la dernière
^a Campagnes
goutte de leur fang & de s'enfevelir
loji. pQ^g |gg ruines de la place, plutôt que
' de fouffrir qu'elle tombât au pouvoir
de l'ennemi : heureufement pour eux
qu'ils ne furent pas réduits à mettre
leur ferment à l'épreuve. Voyons main-
tenant ce qui fe paCTait en Baffe - Saxe.
Lorfque le baron de Virmund éva-
cua Roftock , il prit la route de Vol-
fembutel , pour gagner les places du
Vefer , où il avait réfolu d'attendre les
ordres de Tilli ; mais le comte Volf-
gang de Mansfeld, gouverneur pour
l'empereur de l'archevêché de i\lagde-
bourg, lui manda, << de joindre fes
5, deux mille deux cents fantaflins &
5, fes trois cents chevaux à environ
5, mille cavaliers commandés par le
„ colonel Benningshaufen , de fe ren-
5, dre devant Halberftadt qui n'était
5, entouré que d'une fimple muraille
„ avec des tours , & d'en chafler la
3j garnifon Suédoife. » Virmund qui
DE GuSTAVE-AdOLFE. 95
n^avait que trois canons avec les mu-
nitions & les boulets obtenus par la T631.
capitulation deRoftock, pq putqu'é-^"''"'^"^*'
gratigner les murailles de Halberftadt,
& donna fans fiiccès trois alTauts.
L'invafion des Saxons en Bohême
ne permettait plus aux catholiques
d'attaquer les conquêtes de Guftave-
Adolfe en Siléfie & fur l'Oder ; d'ail-
leurs l'éledeur de Brandebourg ayant
levé aflez de troupes pour garnir les
places fituées fur le fleuve , & même
pour fournir quelques régimens à l'é-
ledeur de Saxe , le monarque Suédois
ordonna au colonel Lesle de conduire
les troupes Suédoifes à l'armée qui
affiégeait Vifmar , & au marquis de
Hamilton de joindre le général Banner
avec les Anglais : réduits à quinze
cents hommes par les maladies, ils fu-
rent recrutés d'Allemands , & ce corps
fervit à compléter l'armée de huit mille
hommes ralfemblée dans les marches
94 Campagnes
de Brandebourg pour conquérir la
.. ^ , * ville & le duché de Macdebouror. Le
comte de Mansfeld , informé des pro-
jets de Banner & convaincu que Vir-
mund ne pourra s'emparer de Halber-
ffcadt , lui env^oic ordre de lever le fiege
& de venir s'établir près de Magde-
bourg , pour empêcher les Suédois de
reflerrer cette place où les fubfiftances
devenaient fort rares. Virmund fe pofte
avec l'infanterie & deux cents che-»
vaux à Vantzleben, & difperfe le relie
de fa cavalerie dans les villages voifms.
Ces troupes étaient occupées à raflem-
bler des vivres & des fourrages defti-
nés à pourvoir Magdebourg, lorfque
«1 Banner pofté à la droite de l'Elbe , pafle
ce fleuve avec autant de fecret que de
diligence, prend les devants à la tête
de fa cavalerie , & furprend Benningf-
haufen : celui - ci , quoiqu'enveloppé ,
parvient à percer les Suédois , qui lui
taillent en pièces trois compagnies ;
DE GU ST A VE- AdOLFE. 9f
vivement pourfuivi par le colonel
SchafFman , il fe réfugie à Ma^;dLbourg i^3 1-
avec le refte de fon corps. Eanner °^'^'^^'^*'
inveflit enfuite dans Vantzleben le
baron de Virmund, qui n'ayant ni
l'efpoir d'être fecouru , ni les mo3/'ens
de réfifter dans un fi mauvais pofte ,
demande à capituler. Le général Sué»
dois confent qu'il fe retire où bon lui
femblera avec fes équipages; mais il
exige que les troupes foient prifonnie-
res de guerre, & que les foldats qui
voudront entrer au fervice de Guftave
ne puifTent en être empêchés. Us fe
révoltent contre leurs officiers, livrent
à Banner quatorze drapeaux avec deux
étendards , & s'enrôlent prefque tous ,
au nombre dé dix - fept cents , dans
fon infanterie qui venait d'arriver. Le
général Suédois, également renforcé
de cent cavaliers déferteurs, marche
à Calbe dont il s'empare, & inveflit
çnfuite Magdebpurg , d'où le colonel
96 Campagnes
Benningshaufen était forti précipitam-
16^1. ment avec fa cavalerie qu'il n'y pou-
Novembre.^^.^. ç^^^^ fubflfter.
Le duc de Meckelbourg Adolfe-
Frédéric & le général Tott avalent
attaqué vivement Vifuiar , défendu
par une garnifon d'environ quatre
mille hommes aux ordres du colonel
Gram. Cet officier retira dans la place,
avant qu'elle fût refferrée , les grains
& les beftiaux des villages fitués le
long de la mer. Il tenta, pour retarder
les approches des affiégeans , plufieurs
forties , dans lefquelles il eut d'abord
de l'avantage ; mais il finit par être
repoulfé après un combat opiniâtre ,
avec perte du colonel Adefla , de quel-
ques autres officiers & d'un grand
nombre de foldats. Cet échec lui prou-
va que la place aurait le fort de toutes
celles que les Suédois avaient atta-
quées : c'efi: pourquoi il demanda une
fufpenfion d'armes d'un mois par terre
&
deGustave-Adolfe. 97
&: par mer, afin d'avoir le tems d'in-
former le maréchal TiefFenbach de i^^i.
rimpoffibilité deconferver Vifmar; il Novembre.
promit qu'en attendant le retour de
l'officier qu'il faifait partir , on réglerait
les articles de la capitulation de la
place & des forts , qui feraient remis
au duc de Meckelbourg en même tems
à la fin du mois fuivant , quelle que
fût la réponie du général Autrichien ;
que pendant la fufpenfion les affiégés
relieraient derrière leurs murailles , &
les affiégeans dans leurs tranchées ,
fans que les uns & les autres pufîent
faire aucuns travaux 5 enfin que {1 h
difette obligeait le fort de Valfifch ou
de la Baleine à capituler avant le terme
prefcrit, les proteftans en prendraient
polTefFion. Ces conditions acceptées ,
Tott détache un corps de troupes com-
mandé par le colonel Lohaufen, qui
va inveftir Dômitz , place fituée à la
droite de l'Elbe, alors très «forte &
Partie IIL G
98 Campagnes
occupée par une garnifon aux ordres
163 ï. du colonel Straube.
Novembre. £55 fuccès de Guftavc & de fes gé-
néraux relevèrent le courage des états
de BaiTe-Saxe : ils s'aiïemblerent à
Hambourg, où Adler Salvius , miniftre
de Suéde , les exhorta à prendre les
mefures les plus vigoureufes pour fe
remettre en poiTeffion de leurs préro-
gatives, & pour chafiTer entièrement
du cercle les catholiques. L'afiemhlée
réfolut d'accéder à la confédération de
Leipzic, de s'unir inviolablement au
roi de Suéde , de lui payer un fubfide
à condition qu'il prendrait le pays fous
Cl proteclion, & d'entretenir pour le
foutien de la caufe commune fix mille
hommes d'infanterie & cinq cents che-
'vaux. Le roi de Danemarck , toujours
jaloux de Guftave , prétendit qu'il était
contraire à la dignité du cercle de fe
rendre tributaire d'un prince étranger ;
mais il infifta fur la néceffité d'avoir
deGustave-Adolfe. 99
des troupes , dans l'efpérance qu'on -
lui en donnerait le commandement : ^,
Novembre.
comme on connaiflait fa capacité mili-
taire , les états fe gardèrent bien de le
prendre pour général , & leur choix
tomba fur le prince George de Brunf-
vick - Lunebourg - Zell , frère du duc
régnant. Le fénat de Hambourg refufa
de contribuer à la levée des troupes ,
fous prétexte des nouveaux privilèges
que l'empereur avait accordés à la
ville, & des titres de libre & impé-
riale, dont elle jouiffait depuis long-
tems.
Les proteftans de Franconie , encou-
ragés par le voilinage de Guftave , ré-
folurent de s'affranchir des vexations
auxquelles les troupes de la Ligue
Catholique les expofaient : prefque
tous les états envoyèrent des députés
pour traiter avec le roi ; ils convinrent
de lui fournir un fubiide à condition *
de les défendre contre quiconque les
Gij
Too Campagnes
■- attaquerait. Le margrave de Bareuth
1531. remit au monarque fa forterefTe de
' Pleflenbourg près de Culmbach , &
traita avec lui aux mêmes conditions
que le landgrave de Hefle. Gullave ,
afin de profiter du zèle que les états
de Franconie lui témoignent , ordonne
ày lever quelques régimens , exige des
peuples de ce cercle le ferment de
fidélité , & publie une déclaration ,
4 « où après avoir expofé fes motifs
„ pour chercher par la voie des armes
„ la fureté de fa couronne , de fes alliés
,5 & des états de l'Empire opprimés
„ par l'empereur, il fe plaignait des
5, membres de la Ligue Catholique ,
^ qui loin de féconder fes efforts pour
,5 rétablir la liberté en Allemagne &
„ de le laiffer faire la guerre à l'em-
5, pereur feul , avaient joint leurs trou-
„ pes à celles de ce monarque dans
„ plufieurs occafions, & en dernier
„ lieu à la bataille de Leipzic 5 que
DE GUST A VE-AdOLFE. lOl
depuis , les évêques de Bamberg &
de Vurtzbourg ayant refufé de fe J^^^*
réparer de la cour de Vienne , il
n'avait pu fe difpenfer de les traiter
en ennemis & d'entreprendre la con-
quête de leurs états , où il s'était
abftenu de toute violence à l'égard
des catholiques , quoique la barbarie
des Impériaux envers les proteftans
autorifât à ufer de repréfailles ; mais
que s'étant armé pour délivrer &
non pour opprimer, il avait ufé
d'une extrême clémence, prefcrite
par fon caraélere & par les dogmes
de fa religion 5 que la fituation de la
Franconie , dont les peuples étaient
abandonnés par leurs fouverains ,
l'avait obligé de pourvoir au gou-
vernement par l'établifTement d'un
confeil de régence deftiné à main-
tenir l'ordre & la tranquillité publia
que jufqu'à la paix générale de l'Em-
pire; que pour cesraifons il enjoint
G iij
103 C A M 1» A G N E S
'^^'""'^ ,5 aux états de Franconie qui n'ont
^^^^' „ pas encore reconnu fon autorité ,
Novembre. , ^ , ,. • i r ^
„ de le rendre aux lieux qui leur ieront
„ indiqués, pour lui prêter ferment
„ de fidélité ; les affurant tous en gé-
5, néral & en particulier de fa protec-
5, tion , de la liberté de confcience ,
,, 8c de la confervation des privilèges
„ dont ils ont joui ci - devant ; mena-
5, çant au furplus les réfradaires , de
5, fes armes & de fon indignation. „
Cette déclaration produifit Peffet que
Guftave efpérait; car prefque toutes
les villes de Franconie qui n'avaient
pas encore traité , envoyèrent des dé-
putés & fe fournirent.
Il importait au roi de Suéde de pri-
ver la Ligue Catholique des refiburces
qu'elle tirait de la Souabe. Le monar-
que jugea que , s'il parvenait à mettre
dans fes intérêts la mai fon de Virtem-
berg , la confidération &le crédit dont
elle jouifToit dans ce cercle engage-
DE GU S TAVE-A DO L F E. lOJ
raient bientôt les autres états à fuivre ^^^^?
fon exemple. Gnftave écrit à l'admi- i^3ï»
niftrateur , « lui fait valoir les fuccès
5, prodigieux des proteftans, lui alle-
„ gue les raifons qui doivent détermi-
5, ner la Souabe à fecouer le joug de
5, l'empereur , & le preffe de déclarer
„ franchement & fans délai fi l'on peut
„ compter fur lui , attendu que les
„ circonftances & l'intérêt de la caufe
„ commune n'admettent aucune in-
„ certitude à cet égard ; que le duché
„ de Virtemberg , au préjudice des
„ proteftans, a fourni des hommes,
„ des vivres & des armes aux Qatholi-
„ ques ; mais qu^on oubliera ces torts ^
„ fi le duc entre dans ]e parti de la
5, Suéde & y attire les autres membres
,, du cercle ; qu'alors cette couronne
,, donnera un fecours efficace à qui-
5, conque aura befoin de fon appui
5, pour fortir de l'oppreffion. Mais ,
„ ajoutait le roi, fi l'on dédaigne mes
Giv
104 Campagnes
„ offres amiables , je ferai obligé de
J^^ [' )) regarder les états de Soiiabe comme
„ ennemis , & d'empêcher que le parti
„ proteftant n'en éprouve aucun dom-
5, mage. » Cette lettre fit une forte
imprelîion fur l'adminiftrateur de Vir-
temberg : Ton verra plus bas les me-
fure^ qu'il prit pour fatisfaire Guftave.
L'électeur de Bavière craignait que
le roi de Suéde ne pénétrât dans fes
états , & que la fituation fàcheufe de
fes affaires ne décourageât fes fujets ,
fi elle parvenait à leur connaiflTance :
c'eft pourquoi il défendit à qui que
ce fût , fous des peines rigoureufes ,
de parler delà guerre & de l'adminifl
tration. Maximilien , plus occupé de fa
confervation que de celle de fes alliés ,
enjoignit de nouveau au comte de
Tilli , de moins fonger à défendre les
éleâ:eurs eccléfiaftiques que de fe tenir
à portée d'accourir promptement au
fecours de la Bavière. L'électeur raf
DE GusT ave-Ado LFE. loç'
fembla à la droite du Danube , près de -
Donavert , une armée de dix mille ^*^5i-
hommes d'infanterie & de deux mille
de cavalerie pour couvrir fes frontiè-
res ; il convoqua en même tems à
Landshut les états du cercle de Ba-
vière, pour leur demander des fubfi-
des, ordonna que les villes fe pour-
vuflent de vivres pour fix mois ; &
fentant la néceffité d'augmenter fes
forces, il fit enrôler le dixième homme
dans tous les pays de fa domination ,
afin d'avoir aflez de troupes pour por-
ter fon armée à vingt mille hommes
& garnir fes places. La répugnance
avec laquelle les Bavarois s'enrôlaient ,
prouva que leur fouverain infpirait
iDoins d'attachement que de crainte.
Maximilien efpérait fi peu de réfifter
au roi de Suéde, qu'il envoya fa chan-
cellerie & fes archives à Ratisbonne :
il voulut forcer cette ville à recevoir
une garnifon de quinze cents hommes 5
Xo6 Campagnes
mais la régence lui foupçonnant le
155 1. projet de s'emparer de la place, ré-
ovembre. pQj^^j^ ^ qu'on pourvoirait à fa fureté
fans le fecours des Bavarois , & leva
trois cents hommes pour augmenter
la garnifon. Les officiers de l'empe-
reur foUiciterent en même tems la ville
d'Augsbourg de recevoir deux mille
hommes. Les magiftrats éludèrent
cette propofition , en alléguant que
les Suédois étaient encore fort éloi-
gnés , & que d'ailleurs on craignait
que la feule propofition de fub venir à
l'entretien d'une garnifon Autrichienne
ne fît foulever les bourgeois.
L'éleélèur de Bavière ne s'en tint
pas aux précautions qu'on vient de
rapporter. Kutner , fon miniftre à la
cour de France , ne négligeait rien
pour alarmer le cardinal de Richelieu
fur les progrès des Suédois , & pour
l'engager à fecourir IMaximilien. Sans
ajouter une .créance entière aux dif-
DE Gustave-Adolfe. 107
cours duminiftre Bavarois, le cardinal '^^"-^'^
conçut de l'inquiétude fur les projets ï^3I.
ultérieurs de Guftave , & ordonna au
baron de Charnacé de retourner au-
près de ce monarque pour tâcher de
le pénétrer & de Tamener par degrés
à quelques ménagemens avec les ca-
tholiques de l'Empire. Avant de rap-
porter les négociations de la France ,
il eft néceflaire d'expofer les opéra-
tions militaires du roi de Suéde & de
fes ennemis.
Le comte de Tilli s'était avancé en ^
deux marches de Miltenberg à Hochf-
haufen près de Bifchoffsheim fur le
Tauber {a), avec le deffein d'attaquer
Vertheim gardé par douze cents Sué-
dois. Dès que le généraliffime eft arrivé
dans fon camp , il commande à un
grand corps d'infanterie & à trois
(a) Chemnitz rapporte , tome I , page 197, que
Tilli partit le 3 1 d'odlobre de Miltenberg , & qu'il
can. a le 1 de novembre à Hulfen. Ce village , qui
ne fe trouve fur aucune carte , a fans doute été ruiné.
108 Campagnes
mille che\'aux de s'avancer vers la
^^ ^* place. Le roi de Suéde informé du pro-
' jet de Tilli , avait mandé au comman-
dant de fe tenir fur fes gardes , & fait
partir un fecours qui fe cacha dans un
bois près de la ville , dont les catho-
liques s'approchent fans défiance. La
garnifon les attaque de front , tandis
que les troupes embufquées les char-
gent en queue : ils prennent la fuite
avec perte de plus de deux mille
hommes tués ou prifonniers , & de
quatorze drapeaux ou étendards. Non
content de voir les Allemands battus
aux portes de Vertheim , Guftave fe
prépare à leur faire effuyer un nouvel
échec : inftruit que quatre régimens
impériaux , partagés dans deux villa-
ges près de Krelingen , néghgent les
précautions nécefîaires à leur fureté,
il les furprend à la faveur d'un brouil-
lard, les diflipe, leur tue un grand
nombre d'hommes & s'empare de leurs
DE GusT ave-Ado L FE* 109
bagages. Le roi veut tomber fur d'au.
très quartiers , mais des payfans y ^^^^'
t, 1 .,1 r Novembre.
donnent ralarme ; il les trouve lur
leurs gardes & retourne à Vurtzbourg.
Tilli décampe de Hochshaufen le len- 4
demain & remonte le Tauber : il ve-
nait d'être renforcé par le commiflaire
général Offa , avec environ quatorze
mille hommes tirés des garnifons d'Al-
face, du Bas-Palatinat & du Virtem-
berg. Le généraliflime dirige fa marche
fur Rotenbourg occupé par trois cents
Suédois. Arrivé près de la ville , il
charge Ofia de s'en rendre maître. Au 7
point du jour les catholiques dreffent
une batterie & canonnent vivement la
place , que leurs troupes attaquent
bientôt après. La garnifon , trop faible
pour réfifter à une armée , demande
à capituler. OfTa refufe les honneurs
de la guerre aux Suédois , & ils con-
tinuent à fe défendre jufqu'au foir,
qu'ils font forcés de fe rendre prifon-
110 Campagnes
niers. On les défarme , & le prince de
163 1. phalsboum pénètre dans la place avec
Novembre. ^ _. . , ,
les Lorrams : ils y commettent les
plus grands défordres & paflent la nuit
du 7 au 8 à piller. Guftave envoyait à la garni-
fon un fecours, mais il arriva trop
tard. Le lendemain Tilli marche à
9
Vinsheim qui lui ouvre fes portes. Le
généraliflime s'empare enfuite d'Och-
fenfurt , petite ville fi près de Vurtz-
bourg, qu'il efk furprenant que les
Suédois ne l'aient pas foutenue. Ce fut
alors que les évêques de Bamberg &
d'Aichllat, encouragés par l'approche
de l'armée catholique , levèrent entiè-
rement le mafque & refuferent de
foufçrire aux conditions propofées par
Guftave.
Ce monarque , après avoir fournis
prefque toute la Franconie , pouvait
fe porter fur le Danube ; mais il crut
" néceftaire de conquérir auparavant les
villes du Rhin , pour n'avoir rien à
DE Gustave-Adolfe. ÎII
craindre des troupes combinées des
électeurs eccléfiaftiques , des Efpa- i^5i-
gnols , du duc de Lorraine , & des ^^^"^ ^'
princes de cette partie de l'Allemagne ,
qu'il fallait forcer de renoncer à la
Ligue Catholique. La conquête des
places fituées fur le Rhin procurait en
outre au roi l'avantage de communi*
quer facilement avec la France & d'en
tirer des fecours au befoin. Pour gagner
le Rhin , Guftave ne pouvait fe dit
penfer de côtoyer le Mein & de s'em-
parer des villes bâties près de cette
rivière. Informé que Hanau n'eft gardé
que par trois compagnies Autricliien-
nes aux ordres du capitaine Brandeifs ,
qui fe font rendu odieufes aux bour-
geois à force de les vexer , & que le
comte de Hanau attaché feulement
par crainte au parti de l'empereur , y
renoncera dès qu'il le pourra fans rif-
ques , Guftave forme la réfolution de
s'affurer de la place , & détache fept
IT2 Campagnes
cents cavaliers & quinze cents dra-
1531. gons commandés par le colonel Hau-
Novcmbre. j^^j^ ^ ^^^^ _ ^^pable de diriger une en-
treprife difficile. Cet officier part de
Vurtzbourg avant le jour , fe rend à
Carlllat pour mieux déguiferfon projet,
laiflè à gauche le chemin d'Afchaffen-
bourg , s'avance par les bois afin de
cacher fes mouvemens aux garnifons
catholiques reliées dans les \illes du
j\lein , combine fa marche & fes haltes
de manière à ne parvenir que de nuit
au but de fa miffion , arrive à Altzenau ,
& à la faveur de Tobfcurité & d'un
bois qui s'étend jufqu'à une demi-lieue
de Hanau , il s'approche de la place ,
tourne à droite , longe la Kintzig , &
parvient avant le point du jour fur la
contr'efcarpe de la vieille ville qui fert
de citadelle à la nouvelle. Les dragons
mettent pied à terre pour defcendre
dans le fofle ; les uns efcaladent le rem-
part, d'autres pétaident une porte,
égorgent
deGustave-Adolfe. iij
égorgent la garde & baifient les ponts ^!^E?î
pour faire entrer Haubald , qui pénètre i ^9 1.
aufli-tôt avec la cavalerie dans la vieille ^^o^^^^bi^e*
ville , dont il eft maître avant que la
garnifon fe foit mife en défenfe. Des
bourgeois accourent en armes , char-
gent les Suédois fans favoir à qui ils
ont affaire , font repouflés avec perte
de quelques hommes , & fe foumettent
dès qu'ils reconnaiffent les troupes de
Guftave. Qiiatre ou cinq maifons font
d'abord pillées ; mais le défordre cefle
bientôt. Les Suédois arrêtent pour la
forme le comte de Hanau qui était
malade , ferment la porte du côté de
la ville neuve , afin qu'une garnifon
ne puiffe fecourir l'autre ; enjoignent
aux bourgeois de fe tenir enfermés
chez eux , & aux Impériaux d'aller fe
ranger fur le rempart & fans armes,
s'ils veulent fauver leur vie. Bran-
deifs imagine à la première alarme ,
que les troupes entrées dans la vieille
Fanie IIL H
114 Campagnes
ville font un renfort qu'il a demandé
1631- la veille à la garnifon d'Afchaffenbourg :
^'°'''"'^^'- bientôt défabufé, il prend quelques
mefures pour fe défendre; le peuple
fe foule ve , & le commandant Autri-
chien aflure pour le calmer , que le
bruit qu'on entend dans la vieille ville
provient de l'arrivée d'un corps de
troupes catholiques. Cependant Bran-
deis détennine à force d'argent l'un
de fes domeftiques à pafier le foffé à
la nage , pour aller demander du fe-
cours à la garnifon de Steinheim. Les
ténèbres fe diffipent , & l'on voit claire-
ment de la ville neuve que les Suédois
font maîtres de la vieille. Brandeis
fommé de fe rendre , cherche à gagner
du tems. Haubald fait tourner le canon
contre la ville neuve , fe difpofe à l'et
calader , & déclare aux Impériaux j
que s'ils ne fe rendent dans un quart-
d'heure , on ne leur fera aucun quar-
tier. Brandeis répond , qu'il eft prêt à
deGustave-Adolfe. Ilf
capituler fi le comte de Hanau y con- -^'^^ — '
fent : celui-ci, que les Suédois appor-^,
' -^ ^^ Novembre.
tent fur le rempart , crie au comman-
dant Autrichien , qu'étant prifonnier
îl n'a rien à lui prefcrire. Brandeis fe
voyant fans relTources , demande les
honneurs de la guerre. Haubald répli-
que , que la garnifon confervera fes
bagages , fortira avec fes armes & fe
rendra enfuite prifonniere de guerre.
Le commandant accepte ces condi-
tions & fait auffi-tôt défiler fes troupes.
Alors Haubald déclare que quiconque
prendra fervice parmi les Suédois fera
bien traité. Tous les Impériaux , à
l'exception de cinquante tant officiers
que foldats , fe rangent aufïi-tôt fous
les drapeaux de Guftave - Adolfe. On
ne pilla dans la ville neuve que les
maifons des officiers Autrichiens. Les
Suédois firent prifonnier le comte de
Merci avec quelques officiers catho-
liques retirés à Hanau depuis la bataille
Hij
ïî6 Campagnes
S!SË55 de Leipzic. On ne peut trop louer
^ ^^ ^' l'adivité & l'intelligence de Haubald ,
Novembre. . i ., t i r- •
qui par une conduite digne de lervir
d'exemple , panant à réalifer Tentre-
prife qu'on vient de rapporter. La
conquête de Hanau , importante par
elle-même , entraînait en outre la fou-
miflion d'une grande étendue de pays.
Haubald fit augmenter les fortifica-
tions de la place , leva des recrues aux
environs , & enjoignit aux états de
Vettéravie & du Veft:ervald , qui dé-
pendent pour la plupart de l'archevê-
ché de Mayence, de ne rien fournir
aux catholiques , & de lui apporter
incefTamment en argent , vivres &
fourrages , les mêmes contributions
qu'ils fourniflaient à la Ligue ; joignant
à la promefle de faire obferver à fes
troupes la difcipline la plus rigoureufe ,
la menace d'aller leur faire fentir le
poids de fes armes , en cas de refus.
Les partis de Haubald attaquèrent plu-
DE GUST A VE-AdOL FE. II7
fleurs fois avec lucces ceux de la garni-
fon de Steinheim & des autres villes ^^^^'
1 - , . . 'Novembre.
que les Impériaux occupaient encore
près du Mein.
La prife de Hanau permettant à
Guftave de tranfporter le théâtre de
la guerre fur le Rhin , il réfolut de
s'approcher de ce fleuve, manda au
landgrave de Hefle de raffembler fes
forces pour venir l'y joindre , chargea
le maréchal Horn de conferver les
conquêtes de Franconie avec dix mille
hommes de vieilles troupes , qui joints
à environ fix mille levés depuis peu
ou qu'on raflemblait journellement ,
parurent fuffifans pour remplir cet
objet , quoique le comte de Tilli eût
plus de quarante mille hommes. Le
roi fe difpofait à partir de Vurtzbourg
avec dix-huit mille , dont quatre mille
de cavalerie ; mais une indifpofition
l'arrêta quelques jours : il prit enfuite
fa marche par Vertheim à la gauche
H iij
ii8 Campagnes
î^2^^ du Mein , tandis qu'un grand nombre
^^^^* de bateaux chargés d'artillerie Se de
Novembre. . . , p , . , . . -,
munitions deicendaient la rivière , &
qu'une partie de l'armée Suédoife en
côtoyait la rive droite. L'approche de
ce corps fit prendre la fuite à quelques
troupes catholiques difperfées dans la
24 vallée de la Kintzig. Miltenberg &
Klingenberg fe rendirent fans réfiftan-
ce. Afchaffenbourg fut également obli-
2î gé d'ouvrir fes portes. Le lendemain
le roi prend en pafiant Stockllat & Se-
lingenffcat , & vient fe préfenter devant
Steinheim , défendu par huit cents
Impériaux , qui capitulent après une
faible réfiftance & s'enrôlent prefque
tous dans les troupes du monarque :
il campe enfuite à la vue de Hanau ,
entre dans la place pour la reconnaître
& vifiter le comte de ce nom ; il re-
tourne le foir à fon camp , qu'il établit
le lendemain à Offenbach , d'où il
envoie le comte Philippe Reinhart de
DE Gustave-Adolfe. 119
Solms pour déclarer aux magiflrats do "^^'"•''^
Francfort , ville plus connue par fes i<^5i-
foires que par fi force , que le roi pré- ^^^"''^^^'
tend être reçu dans la place ; qu'il fe
flatte qu'on le difpenfera d'en ouvrir
les portes à coups de canon , & que
les habitans n'auront qu'à fe louer de
leur foumiffion. La régence , qui defire
• de ne pas fe départir d'une neutralité
toujours utile au commerce , charge
deux députés d'aller fupplier Guftave
de la difpenfer de recevoir garnifon ,
& de ne pas l'obliger de manquer au
ferment prêté à l'empereur, dont la
violation pourra entraîner la ruine de
la ville en attirant la guerre fur fon
territoire , & la perte d'un grand nom-
bre de privilèges avantageux à fon né-
goce. Guftave favait que Francfort ,
qui tient un rang diftingué parmi les
villes impériales , n'était pas pour cette
raifon plus libre , que le parti catho-
lique y dominait & ne négligerait rien
H iv
120 Campagnes
'^^ pour nuire aux proteftans malgré la
lo^i. i-ieutralité ; il répondit à la députa-
Nu vembre. 1 r /
tion , « qu'il trouvait tort étrange que
,5 les magiftrats de Francfort femblaf-
5, fent préférer au falut de l'Allemagne
„ quelques vils intérêts de commerce ;
5, que comme il a trouvé la clé de
,5 toutes les places depuis l'île de Ru-
„ gen jufqu'au Mein , il trouvera aufli
5, celles de leur ville , s'ils lui en fer-
„ nient les portes. » Les députés de-
mandèrent qu'il leur fût du moins
permis de favoir les intentions de l'é-
ledeur de Mayence. « C'eft moi , re-
5, pliqua Guftave , qui fuis aduelle-
„ ment le véritable éledeur de Mayen-
„ ce : fi celui dont vous me parlez
,, improuve votre foumiiïion , je vous
5, promets une abfolution plus efficace
„ que la fienne ; d'ailleurs , ajouta-t-il
„ en montrant plufieurs gros canons,
5, voilà des inftrumens fort harmo-
,, nieux , avec lefquels je ne tarderai
DE GUST AVE-AdOL FE. 121
5, pas à vous donner un concert pour ^^^T'îas
., peu que vous différiez à me fatif- ^'^^i»
r ' A n 1 . ' Novembre.^
„ taire. Au lurplus , 3e ne viens pas
„ comme ennemi ; je protégerai votre
,, ville : mais je ne peux me difpenfer
„ de l'occuper. Les maux de l'Empire
„ exigent des remèdes violens , dont
5, il eft impoffible que tous fes mem-
„ bres ne refTentent les effets ; j'en
„ fouffre moi-même , & l'on ne peut
5, raifonnablement imaginer que ce
5, foit pour mon plaifir que je fais la
5, guerre , & que je pafle les nuits fur
„ la dure , tandis que , dit-il en fou-
„ riant , j'ai une femme jeune & belle
„ qu'il m'a été impoffible de voir de-
„ puis long-tems. Il efh évident que
5, vous cherchez à m'éloigner de votre
5, ville ; mais je ne ferai la dupe ni
„ de cette manœuvre , ni de celles de
„ vos foldats , s'ils en font devant les
5, miens : au refte , il faut me rece-
„ voir dans Francfort, & m'envoyer
Î22 Campagnes
"■«5, des charpentiers pour conftruire
155 1. „ au-deflbus de la place un pont fur
Novembre. ^^ j^ j^^-^^^ ,, ^^^ députés voyant qu'ils
ne gagnent rien à infifter , prient Guf-
tave de leur permettre d'aller faire leur
rapport : il les congédie , en leur difant
qu'il exige une réponfe prompte &
fatisfaifante.
Dès que les députés font partis , le
roi met fon armée en mouvement ,
campe prés de Saxenhaufen qui com-
munique avec Francfort au moyen
d'un pont confhruit fur le Mein , &
fait déclarer aux magiftrats , qu'il veut
abfolument être reçu fans délai dans
la ville. La régence n'a pas le tems
de délibérer & foufcrit au defir de
Guftave. Ses partifans improuverent
d'autant moins fa conduite vigoureufe ,
qu'ils pouvaient fe juftifier aux yeux
de la Ligue Catholique , en alléguant
la nécelfité de céder à la force. Le
jour était fort avancé ; les Suédois
DE GuSTAVE-AdOLFF. î2;
pafTerent la nuit à la vue de Saxen-
liaufen , & le lendemain Guftave fit i^?i»
, / , . 1 1 j T^ c X. Novembre.'
une entrée triomphale dans t ranctort.
Cinquante -fix pièces de canon avec 27
plufieurs régimens de cavalerie & d'in-
fanterie ouvrirent la marche. Le roi
vêtu d'un habit écarlate brodé d'or ,
& monté fur un magnifique cheval ,
parut enfuite précédé de fes trompet-
tes & environné de fes gardes. Le
monarque faluait gracieufement tous
les gens de marque qu'il rencontrait
fur fon pafiage. Le duc Bernard de
Saxe-Veimar revenu depuis peu de la
Hefîe & un grand nombre de feigneurs
Allemands rendaient très - brillant le
cortège du roi , qui étoit fermé par
fon carroffe , fes domefi:iques , fes équi"
pages , fon régiment des gardes à pied ,
plufieurs pièces de canon & dix régi-
mens d'infanterie , à la fuite defquels
défilèrent les bagages de l'armée , qui
fortit de Francfort par la porte de
124 Campagnes ,
Bockenheim , & prit le chemin de
16^. HoeciilL Six cents hommes relièrent
Novembre.
en garnifon dans Saxenhaufen.
Les magiftrats avaient fait préparer
pour le roi un feftin fplendide & un
appartement dans le palais où les em-
pereurs ont coutume de loger ; mais
il n'accepta que le repas. En fortant
de table il remonta à cheval & fe
rendit à Hoechfl: où fon armée le
raflembla. Cette ville fituée au con-
fluent du Mein & de la Nieda , &
occupée par quatre cents Impériaux ,
avait été obligée de fe rendre le matin ,
après une faible réfiftance , aux trou-
pes Suédoifes qui avaient marché par
la droite du^^Mein. Prefque toute la
garnifon entra au fer vice du roi : le
relie devait fe retirer à Mayence ; mais
ayant tenté de gagner la Bergftras
contre la teneur de la capitulation ,
il fut chargé &: détruit. Le landgrave
de Helfe-Calfel joignit le lendemain,
DE Gustave- A DOLFE. izç
avec une armée de quatorze mille
hommes, celle de Guftave, dont les i^^i-
f, \ 1 Ml Novembre.
forces montèrent a trente-deux mille
combattans. Le monarque ordonna
au landgrave d'employer une partie
de fes troupes à bloquer Kônigftein
forterelTe alors très-importante & quel-
ques autres places fituées entre la
Lahn , le Mein & le Rhin : le roi en-
voya en même tems occuper Hoff-
heim , Flersheim , Coftheim & Caflel
à la vue de Mayence. Les Suédois ,
après s'être étendus ainfi jufqu'au
Rhin , dreflerent des batteries fur le
bord du fleuve pour canonner la place.
L'éleéleur de Mayence, qui avait
prévu que l'orage ne tarderait pas à
fondre fur lui , prit des mefures pour
mettre en état de défenfe fa capitale ,
dont l'enceinte ne confifl:ait alors qu'en
un rempart à l'antique. Comme il fallait
que les Suédois traverfaffent le Rhin
pour^ attaquer Mayence , l'éledeur fit
125 Campagnes
rompre le pont , enlever ou détruire
^, , ' tous les bateaux de la rive droite du
Novembre. ^
fleuve : on en coula a fond plufieurs
chargés de pierres au confluent du
Mein & du Rhin , afin d'embarrafler
le paffage , & Ton répara les fortifica-
tions de la place , auxquelles on ajouta
quelques retranchemens. L'électeur
jugeant trop faibk la garnifon Alle-
mande , reçut dans la ville , malgré
les habitans , deux mille Efpagnols
aux ordres de don Philippe de Sylva j
général du roi Catholique dans cette
contrée. Comme l'éledeur témoignait
que ce renfort ne lui paraifiait pas
encore fuffifant , on aflure que Sylva
répliqua qu'il avait plus de troupes
qu'il n'en fallait pour tenir tête au roi
de Suéde , & qu'il s'enfevelirait plu-
tôt fous les ruines de la place que de
la lui rendre. Cette fiere réponfe ne
raffura pas l'électeur, qui prit fage-
ment le parti , ainfi que l'évéque de
DE Gustave-Adolfe. 127
Vorms , de fe retirer à Cologne avec
fon argent & ce qu'il avait de plus i<^3i«
/ . Novembre,
précieux.
George , landgrave de HelTe - Darni-
ftat , avait envoyé un gentilhomme
pour complimenter Guftave , qui lui
demanda ironiquement , fi fon maître
ne le jugeait pas digne d'une vifite
en perfonne. Le monarque connaiflait
le dévouement fervile du landgrave
pour l'empereur, dont il était pen-
fionnaire , n'ignorait pas fes tentatives
pour engager l'éledeur de Saxe , fon
beau - père , à renoncer à l'union de
Leipzic , & à traiter avec la cour de
Vienne ; enfin Guftave n'aimait pas
George & voulait l'humilier. Ce prince
informé de la queftion du roi , jugea
qu'il fallait céder aux circonftances & '
vint le trouver à Hoechft. Le monar-
que ne lui diffimula pas qu'il eût
mieux fait d'accéder 2i\x conclufum de
rafiemblée de Leipzic , que de louvoyer
128 Campagnes
entre Tes frères les proteftans dont il
1^3 !• trahiflait la caufe , & les catholiques ;
Novembre. ^^^ ^^^^^ conduite finirait par le ren-
dre vidime des deux partis , & qu'il
fe trompait en cherchant fa conferva-
tion , moins dans une réfolution vigou-
reufe , digne d'une grande ame , que
dans la faveur impuiffante & les pro-
meffes illufoires de. l'empereur. Le
landgrave cherche à s'excufer , & Guf-
tave ne lui réplique que par l'énuniéra-
tion des motifs qui l'obligent de mettre
garnifon Suédoife dans le château de
Ruflelheim , bâti à la gauche du Mein,
George finit par propofer lui-même
au roi de traiter , & ils conviennent
*9 que Rufielheim fera livré au monar-
que , qui donnera les ordres les plus
précis pour que les états du landgrave
fouffrent le moins poflible du voilî-
nage des armées. George IHpuIa ex-
preflement , qu'il garderait la neutra-
lité & ne flanquerait en rien du ferment
prêté
DE Gustave-Adolfe. 129
prêté à rempereur , contre qui il n'a- ^^^^^
vait aucun fujet de plainte. Guftave i<^^i»
admit cette reftridlion , parce que le
landgrave propofa fa médiation pour
un accommodement entre les catholi-
ques & les proteftans ; le roi ne lui
diffimuîa point cependant , qu'il ne
jugeait pas que les premiers confen-
tiflènt à traiter , jufqu'à ce qu'ils fufTent
encore plus aftiiiblis ; mais que pour
lui , il ne fe réfuterait jamais à des voies
raifonnables de conciliation. L'empe-
reur avait indiqué une diète éleclorale
à Mulhaufen en Thuringe , & raiïem-
blée des catholiques à Ingolilat , pour
convenir des moyens de réfifter aux
proteftans , ou de faire la paix. L'ar-
chiduc Léopold & le duc de Neubourg
d'un côté , le margrave de Bareuth &
le landgrave de HefTe-DarmRat de
l'autre, devaient tenter de rapprocher
les deux partis ; mais ces tentatives
n'eurent aucun fuccès , ainfi que le
Fanie IIL I
130 Campagnes
" roi de Suéde l'avait prévu.
^,^^V* Le comte de Tilli après être refté
Novembre. ^
3o plufieurs jours a Vinsheim , marche
à Anfpach ( ^ ) , y trouve beaucoup
d'armes qu'il diflribue à fes troupes ,
un grand nombre de chevaux que les
habitans de la campagne avaient mis
en fureté dans la ville , & qui fervent
à compléter les attelages de fon artil-
lerie & de fes chariots. Cette partie
de la Franconie éprouve tous les ra-
vages que les catholiques avaient cou-
tume d'exercer fur les terres des pro-
teftans. Le foldat qu'aucun frein n'ar-
rête, s'abandonne au viol & au pillage
les plus effrénés. Non contens de
tourmenter les vivans , les Impériaux
ne refpederent pas même les tom-
beaux , & mirent en pièces le cercueil
du dernier landgrave , pour voler des.
pierreries avec lefquelles on l'avait
inhumé. Tilli s'empara de Lichtenau ,
( û ) Ou Onoltzbach.
DE Gustave-Adolfe. i?i
dépendance de la république de Nu- "^"^""^"^
remberg , & abandonna ce diftricl à ^^^t.
1 r j r ^ • -^^ j Novembre.
Ja rureur de les troupes ; irrite de ce
que la ville avait enibrafTé le parti
de Guftave , il méditait contre elle
une vengeance éclatante. Quoique le
duc Guillaume de Saxe-Veimar eût
fiiit avancer à Schveinfurt & à Haf-
furt les troupes qu'il avait déjà le-
vées en Thuringe , afin qu'elles fuf-
fent à portée de fecourir au befoin le
feld-maréchal Horn, celui-ci n'avait
pas des forces afîez nombreufes pour
réfifter aux catholiques , & il refta
fur la défenfive.
Quand les environs d'Anfpach fu-
rent ruinés , les catholiques marchè-
rent à Guntzenhaufen. Là , le comte
de Pappenheim , qui depuis la bataille
de Leipzic vivait en mauvaife intel-
ligence avec Tilli , s'en fépara pour ^
aller en Veftphalie : il avait ordre de -s
jcaffembler une armée compofée d'une
132 Campagnes
^.^^.^^ partie des troupes catholiques éparfes
ï^^i* dans ce cercle & dans celui de Bafle-
ovem re. ^^^^ ^ ^y p^j^^ ^^^^ diverfion , & de
contenir le landgrave de HelTe , Ban-
ner Se les autres généraux proteftans.
Guflave informé des projets de Pap-
penheim , mande au duc Guillaume
de Veimar de compléter le plus tôt
poîTible fon armée & de marcher au
lecours de Banner. Plufieurs états de
Souabe , la ville de Strasbourg & quel-
ques autres d'Alface , commençant à
manifefter le defir d'accéder de nou-
veau aux réfolutions de l'afTemblée de
Leipzic & de fournir des fubfides aux
proteftans , le commifTaire - général
OfiTa reçut ordre de retourner en Soua-
be avec quelques troupes , pour em«
pêcher les peuples de fe déclarer contre
Ja Ligue : il furprit en paflant Heilbrun
fur le Necker , & y lailTa une garnifon
de douze cents Lorrains , qui mirent
à contribution la ville & fon voifmage.
DE Gustave-Adolfe.^ 13 î
Le fer des Suédois , les maladies
& l'indifcipline avaient diminué de i^3i»
moitié l'armée du duc de Lorraine. °^'^^ '^^'
Ce prince ne pouvant la recruter en
Allemagne , réfolut de retourner dans
fes états. Une raifon plus forte encore
l'y engageait : le roi de France irrité
de ce que Charles avait fourni des fe-
cours à l'empereur , de l'appui qu'il
donnait aux mécontens du royaume,
& fur-tout au duc d'Orléans , fit affem-
bler fur les frontières de Lorraine une
armée aux ordres des maréchaux de
la Force & de Schonberg. Le monar-
que s'était rendu à la fin du mois
précédent à Château - Thierry , d'où
il alla à Metz jufqu'à ce que fes géné-
raux euiïent pris Vick & Moyenvick :
cette dernière place , où l'empereur
entretenait une forte garnifon, avait
été fortifiée en fon nom , mais à la
foUicitation & aux dépens du duc de
Lorraine. La ville fituée fur les fron-
134 Campagnes
tieres de Champagne , donnait de l'om-
î<53 1. brage à Louis Xllï : le cardinal de Ri-
Hoyembie. ^^i^^ije^ j^j propopd dc s'en emparer ;
mais comme il fallait fauver les appa-
rences & s'épargner ime déclaration
de guerre contre Tempereur, il fut
arrêté que Pentreprife fe ferait au nom
de révêque de Metz , qui réclamait
Moyenvick comme une dépendance
de fon bénéfice , & que Louis , en qua-
lité de fouverain des Trois-Evêchés 9
fournirait au prélat des troupes auxi-
liaires. Le duc de Lorraine craignit
que le roi de France ne finît par en-
vahir fes états ; & afin de lui en ôter
le prétexte , il prit le parti de ren-
voyer vers le Rhin les débris de fon
armée : elle partit de Guntzenhaufen
aux ordres du marquis d'Haraucourt ,
& fuivit la route de Strasbourg par
la Souabe & le Virtemberg. Charles ,
au lieu d'accompagner fes troupes ,
alla voir l'éledeur de Bavière , fon
DE GUST AVE-Ad OLFE. îjf
oncle , qui le reçut à Munich , où le
prince de Plialzbourg mourut d'une ^^5^*
p. , Novembre.
iievre pourprée.
Le comte de Tilli déterminé à ne
pas fufpendre plus long - tems fes pro-
jets de vengeance contre Nuremberg
qu'il voulait traiter comme IMagde-
bourg , marche de Guntzenhaufen à -^
Schvabach , pafie le lendemain la Red- ^^
nitz , & paraît devant Nuremberg.
La garnifon confiftait en trois mille
hommes d'infanterie & en cinq cents
chevaux , levés fous le nom du roi
de Suéde & commandés par le comte
Henri-Guillaume de Solms : ces trou-
pes réglées étaient fécondées par cinq
mille bourgeois enrégimentés. Dès
que les habitans de Nuremberg furent
que Tilli menaçait leur ville , ils rafe-
rent les maifons de plaifance & les
jardins qui pouvaient favorifer les ap-
proches de l'ennemi , réparèrent &
augmentèrent les fortifications, éta-
liv
136 Campagnes
^^'^""'^ blirent du canon fur les remparts ,
^^ ^' enfin ne négligèrent rien pour fe met-
Novembre. , . iT r T • 1,/
tre en état de derenie. Loin d être
intimidés par l'étalage des forces du
généraîliFime , ils réfolurent de foti te-
nir courageufement fes attaques , &
d'attendre patiemment l'arrivée de
Guftave. Il leur avait écrit que , quand
il en ferait tems , en moins de quinze
heures il viendrait à leur fecours , &
qu'il quitterait tout pour les délivrer.
Cette lettre lue publiquement aug-
menta l'affeclion du peuple pour le
roi de Suéde ; & les bourgeois difaient
qu'il fallait fe facrifier avec joie pour
un monarque fi foigneux du falut de
fes alliés. Tilli fait occuper Vendelf-
tein , Feucht , Altorf, Herfchbruck ,
Lauff, Heroltzberg, Furt & quelques
autres polies propres à relferrer Nu-
remberg. Il fomme enfuite les magif-
trats de payer une contribution de
ceat mille écus , de livrer les Sué-
deGustave-Adolfe. 157
dois qui font dans la place , de licen-
cier leurs troupes, de renouveller à i^3i-
Tempereur le ferment de fidélité & de
Pobferver fcrupuleufement à l'avenir ;
enfin , de fournir des vivres & des four-
rages à l'armée catholique. Le comte
de Solms répond à coups de canon à
lafommation du généralifiime , &fait
de fréquentes forties , dans lefquelles
fa cavalerie qui le féconde avec ardeur ,
lui procure prefque toujours l'avan-
tage. H partait des tours de la place
un feu continuel & très - meurtrier
pour les catholiques. Un boulet tra-
verla la litière du généraliflime , qui
courut ainfi le plus grand danger :
enfin au bout de plufieurs jours d'at-
taque , il n'était pas plus avancé que
le premier ; & fes efforts , loin d'abat-
tre le courage des Nurembergeois ,
femblaient l'augmenter. Revenons au
roi de Suéde.
Dès que Gultave efl maître de
158 Campagnes
RufiTeUieiiTi , il ordonne de conflruire
15^ I. un pont fur le Mein entre ce château &
Novembre. p|^j.^j^g.^^. -j ç^ rend enfuite à Franc-
fort pour déterminer cette ville à lui
Décembre, pi^êter ferment de fidélité. Cette de-
mande répugnait à la régence , qui
promit enfin de fe conformer aux ré-
folutions de PafTemblée de Leipzic. Le
monarque , pour gagner la bienveillan-
ce de la ville , y fit faifir les revenus
& les biens des eccléfiaftiques & des
habitans de Mayence , en repréfailles
des marchandifes que la garnifon de
cette place retenait à plufieurs négo-
cians de Francfort ; il envoya en même
tems un trompette à don Pliilippe de
Silva , pour lui déclarer que le fequef-
tre fubfifterait jufqu'à ce qu'on rendît
juftice à ces marchands ; & comme
le roi fe propodiit de conquérir l'élec-
torat de Mayence , où la cour de J\Ia-
drid avait] fait palfer des troupes , il
fit demander auffi à Silva ce qu'on
DE GusT ave-Ado L FE. 159
devait attendre de lui. Sur la réponfe
qu'il avait ordre de fecourir Péledeur ^^J ^'
contre les Suédois , Guftave délibéra
s'il déclarerait la guerre à l'Efpagne ,
ou s'il fe contenterait , fans en venir
à une rupture , de traiter hoflilement
les troupes de cette couronne lorfqu'ii
les trouverait jointes avec fes enne-
mis. On prit le dernier parti , dans la
crainte qu'une déclaration de guerre
ne fervît de prétexte aux armateurs
de Dunkerke , qui appartenait alors
aux Efpagnols , de pénétrer dans la
mer Baltique afin d'y troubler la na-
vigation & le commerce des Suédois ;
d'ailleurs Guftave qui avait de fortes
raifons de fe défier du Danemarck &
de la Pologne , cherchait plutôt à di-
minuer le nombre de fes ennemis qu'à
l'augmenter.
Le roi de Suéde revint de Franc- a
fort à Hoechft, & réfolut de pénétrer
dans le Rlaingau , contrée fertile ,
140 Campagnes
^— ^ refTerrée entre le Rhin & des bois. La
153 1. nature du pays, jointe aux polies
' qu'occupait un corps d'Efpagnols , de
Francs- Comtois & de paylans armés
qui avaient élevé des forts & des re-
tranchemens dans les paiïages , en
rendait l'entrée difficile. Le roi fe met
à la tête d'un détachement d'élite ,
pourvu d'un guide qui le conduifant
par Trompterberg & Joergborn , l'a-
; mena fur des hauteurs qui dominent
Valf ou Vallof , bourg dans lequel trois
cents cinquante Efpagnols ou Francs-
Comtois avec quelques payfans s'é-
taient retranchés. Quoique tournés ,
ils refuferent de fe rendre. Alors Guf-
tave les attaque , & après une réfif-
tance opiniâtre ils font pafles au fil de
• l'épée. Le roi pardonne aux payfans ,
les renvoie chez eux, & marche à
Rhodisheim & à Ehrenfeld fitués en
face de Bingen , & gardés par cent
cinquante hommes qui fe rendent fans
DE GUST AVE-AdOLFE. I4I
réflftancé. Ces fuccès entraînent la
163 1.
foumifïion du Rhingau , où le roi levé ,
des contributions confidérables , pour +
punir les habitans d'avoir pris les ar-
mes : il exige en outre qu'on lui four-
nifle les inêmes fubfides qu'à l'éledeur
de Mayence & à la Ligue. Des Ca-
pucins viennent fe jeter aux pieds de
Guftave pour obtenir des fauves-gar-
des ; il les relevé avec bonté , ne con-
lent à fe couvrir que quand ils ont mis
leurs capuchons , & fait une aumône
à ces moines. On attribue les égards
du monarque pour les difciples de faint
François , au defir de *fe concilier le
Capucin Jofeph , fur qui le cardinal de
Richelieu fe déchargeait d'une partie
des affaires , fur- tout de celles d'Alle-
magne.
Les Suédois voulaient s'affurer de
Friedberg ; mais la place n'était pas
affez peu tenable pour que la garnifon
crût devoir en fortir à la première
Décembre.
T42 Campagnes
^^^ fommation qu'on lui fit au nom de
}^^}' Guftave ; c'eft pourquoi le colonel
Louis de Verreicken , gouverneur de
la ville , répond qu'il ne peut la ren-
dre fans l'agrément de Philippe de
Silva Ton général , & demande un délai
de huit jours pour recevoir fes ordres,
avec promefle d'évacuer la place à l'ex-
piration de ce terme. Une députation
de la bourgeoifie fe rend à Mayence
pour repréfenter à Silva , que s'il ne
retire la garnifon de Friedberg , les
habitans font expofés à une ruine cer-
taine ; mais au lieu de foufcrire à leur
prière , il les envoie en prifon à Creutz-
nach. On les relâche enfuite , après
leur avoir fait promettre d'aider juf-
qu'au dernier foupir à défendre la
place. Cependant Verreicken , malgré
l'ordre de s'enfevelir fous fes ruines ,
jUge ne pouvoir réfifter aux Suédois ,
1% fait fortir furtivement la garnifon qui
va renforcer celle de Brunsfeld 5 pour
DE Gustave-Adolfe. 145
lui , il refte à Friedberg avec fa fa-
mille. Haubald apprend cette nou- ^^^i.
velie , accourt de Hanau avec des 19
troupes , occupe la ville & le château ,
& fait arrêter Verreicken pour avoir
manqué à fes promefles. Gelenhaufen
fur la Kintzig , ainfi que Bobenhaufen
& Diebourg à la gauche du Mein ,
ouvrirent enfuite leurs portes aux
Suédois.
Les deux batteries que Guftave
avait fait établir à Cafifel pour canon-
lier Mayence , ne produifaient que peu
d'effet à caufe de l'éloignement & que
la garnifon de la place oppofait des
contre -batteries. Le roi imagina de
faire préparer quelques bateaux avec
des mantelets à l'épreuve du mouf-
quet , pour couvrir les troupes , &
deftinés à s'abattre lorfqu'on aurait
gagné la rive gauche du Rhin ; mais
eonfidérant que les ennemis , au nom-
bre de dix mille Efpagnols ou Aile-
144 Campagnes
^^^^ mands 5 étaient difperfés le long du
1631. fleuve pour en garder le palFage &
Décembre. c> • 1 r • 1 -r
pour iecounr au beloin les garnilons
de May en ce , de Vorms , de Franken-
dal, de Heidelberg & des autres pla-
ces que les catholiques occupaient
encore à la droite & à la gauche du
Rhin , & qu'il avait un trop petit nom-
bre de bateaux pour faire pafTer à la
fois allez de troupes pour réfifter aux
forces que les catholiques eufifent raf-
feniblées fur un feul point, le monar-
que renonce au projet de traverfer le
fleuve au-defTous de Mayence , &
trouve plus fur de pafler le Mein &
de furprendre le pafllige du fleuve au-
deflus de la place , qu'il afliégera en-
fuite facilement.
Le pont de Ruflelheim était prêt ,
4 lorfque Guftave apprend que Tilli a
attaqué Nuremberg ; qu'après plu-
fieurs jours de fiege , il a modéré la
vivacité de fes attaques ; mais que
comme
DE GU ST A VE-Ado'lF E. I4f
Comme les troupes catholiques occu- ^^^^^^^^^
pent encore leurs poiles aux environs i^5i«
de la ville , il eft à craindre que le ^^^^^ ^^*
généraliffime ne faffe de nouvelles
tentatives pour s'en rendre maître.
Le roi prend alors le parti d'aller re-
joindre le maréchal Horn avec toutes
fes forces , & de combattre , s'il le
faut, pour fauverla place. Il raflem-
ble aufli - tôt fon armée , laifiant au
landgrave de Hefie le foin de garder
avec la fienne la droite du Mein &
du Rhin , depuis Hoechft jufqu'au-
delà de Bingen , & d'obferver la gar-
nifon de Mayence. Le monarque mar- $;
che enfuite à Francfort , précédé d'une
partie de fes troupes , qui prend le
chemin de Nuremberg. Le iendem.ain i®
il fe fait prêter ferment de fidélité par
tours les ordres de Francfort , & même
par la garnifon de la place , dont il
donne le commandement au colonel
yitzhtum , & détermine le fénat à ac-
PanU IIL K
14^ Campagnes
céder a 1 Union de Leipzic. Qiielqu un
T /C "y T
^, , félicitant le roi fur ce qu'il avait à fa
iJecembre, ^
difpofition Nuremberg où les orne-
mens impériaux font confervés , &
Francfort où les empereurs font élus
& couronnés , le monarque pénétra
qu'on voulait lui donner des vues fur
la dignité impériale ; & afin fans doute
de cacher fes deffeins , il répondit ,
que fon ambition était fatisfaite , d'a-
voir fou mis en deux campagnes la
partie de l'Allemagne qui s'étend de-
puis la mer Baltique jufqu'au-delà du
Mein.
Un Courier apporte au roi de Suéde
la nouvelle que le comte de Tilli a
entièrement levé le fiege de Nurem-
berg. Tranquille fur le fort de cette
ville , le monarque rappelle les trou-
pes auxquelles il a fait prendre les
devants , & revient au projet de pafler
le Rhin au-defius de Mayence. Son
armée traverfe le Mein fur le pont de
DE Gustave-Adolfe. 147
Francfort , il publie qu'il va attaquer
Heidelberg , & s'avance à Langen dans ^^5 !•
le landgraviat de Darmftat. Le lende- n' ^'
main il prend fur fa droite & marche ^^
à Crumftat à peu de diftance du Rhin.
Le jour fuivant il s'empare de Stock- »?
ftat & s'approche enfuite de Gernf-
heim défendu par deux cents hommes
qui font obligés de capituler , iSc dont
la plus grande partie s'enrôle parmi les
Suédois. Sur la nouvelle qu'ils s'avan-
cent dans la Bergftras, les garnifons
de Zvingenberg , de Bensheim , de
Heppenheim , du château de Starken-
bourg , de Veinheim & de Ladenbourg
s'enfuient précipitamment ; de ma-
nière que le roi pouvait aller jufqu'à
Heidelberg fans coup férir. La ville de
Stein fituée près de la droite du Rhin ,
& plus forte que celle dont on vient
de parler , eft également abandonnée
par fa garnifon , qui gagne la rive gau-
che du fleuve dans des bateaux , après
Kij
148 Campagnes
m^,'i.«>»^ avoir mis le feu avec une mèche au
1(55 1. magafm à poudre , dont Pexplofion fit
Décembre, p , . • i t
lauter une partie des mailons.
H Guftave voulait pafiTer le Rhin ; mais
il manquait de bateaux & allait renon-
cer à fon deflcin , lorfqu'un pêcheur
de Gernsheim , nommé Jean Varter ,
l'informe qu'il y a au bord du fleuve
une grande barque coulée à fond ,
qu'on pourra peut-être retirer. Le rOi
promet une récompenfe à ce pêcheur
s'il réuflit , & le fait aider par des fol-
^^ dats. On parvient enfin à retirer le
bateau , qu'on travaille auffi-tôt à ra-
j6 douber. Cependant on amené au roi
une petite nacelle; il s'y embarque
lui quatrième Se palfe le Rhin pour en
reconnaître la rive gauche. Cette ten-
tative faillit à lui être funefte : à peine
eft-il parvenu à l'autre bord du fleuve ,
qu'un parti ennemi paraît ; Guftave
n'a que le tems de regagner la nacelle ;
mais avant de s'éloigner , il elTuie à
DE Gustave-Adolfe.' 149
découvert pliifieurs décharges qui heu- ^E?^5?
reufement n'atteignent perfonne. 165 1«
Il y avait , tant dans Oppenheim ^^^"^ ^*'
ville bâtie fur une hauteur & envi-
ronnée d'un mur garni de tours , que
dans le château & dans un fort élevé
à peu de diftance de la place , feize
cents hommes qui pouvaient rendre
difficile le palTage du Rhin. Guftave
avait traverfé le fleuve à un coude
qu'il forme entre Geinsheim & Lehen-
heim , & reconnu qu'à cet endroit la
rive gauche était couverte d'un bois
propre à mafquer le débarquement des
troupes , qui pourraient d'ailleurs s'en-
vironner d'un abattis dès qu'elles au-
raient abordé. Le bateau de Varter
était raccommodé ; mais comme rien
n'empêchait les Efpagnols de fe raf-
fembler allez en force pour détruire
les Suédois qui arriveraient fucceffi-
vement à la gauche du Rhin , Guf-
tave réfolut de profiter de l'obfcurité
K iij
îfo Campagnes
de la nuit pour cacher le pafTage à
163 1. l'ennemi ; il ordonna même d'établir
à la droite du fleuve une batterie pour
canon ner Oppenheim , inquiéter la
garnifon & la retenir dans la place.
ï7 Avant le jour le roi fliit embarquer au
même endroit où on voit encore au-
jourd'hui une colonne élevée en mé-
moire de cette glorieufe entreprife ,
trois cents hommes du régiment des
Gardes , commandés par le comte Ni-
colas Brahe de Viflnsbourg , colonel de
ce corps. Cet officier trouve la rive
gauche du Rhin fi efcarpée qu'il fiiut
l'applanir pour débarquer : il renvoie
auffi-tôt le bateau ; mais le travail avait
confumé du tems ; au point du jour
les Suédois n'étaient encore couverts
que par quelques arbres renverfés : ils '
font attaqués par environ neuf cents '
dragons ou cavaliers. Les munitions
des Suédois épuifées , ils repouflent
à coups de piques l'ennemi, qui ne
DE Gustave-Adolfe. Ifl
pouvant apprécier leur nombre a caule
du bois, n'ofe hafarderd'y pénétrer: ^^5i»
• 1 / . , ^ . 1 I Décembre,
û était cependant a craindre que les
foldats de Guftave ne fnflent accablés ,
lorfqu'ils reçurent un renfort de tri3is
cents hommes , fuivis de quatre cents
autres montés fur un grand bateau
amené par des pêcheurs. Ces fecours
obligent l'ennemi de fe retirer avec
perte.
Le roi traverfe lui-même le Rhin ,
ordonne à fes troupes d'environner
leur pofte d'un vafte abattis circulaire ,
& revient à la droite du fleuve. Le
refte du jour eft employé à pafler de
l'infanterie & quelques petites pièces
de canon. Les tranfports furent longs y
parce que les Suédois n'avaient que
les deux bateaux dont on a parlé , &
Ton ne put envoyer qu'environ huit
mille hommes au-delà du fleuve. Guf- is
tave le pafie le lendemain avec le refte
de fon infanterie & quelques efcadrons,
K iv
If 2 Campagnes
joint ces troupes à celles qui font pof-
^^^ï" tées à la rive gauche depuis la veille ,
Décembre. _ i p . n - ^
& va attaquer le tort conltruit a peu
de diftance d'Oppenheim. . La garni-
fon de la ville tente imprudemment ,
pour le dégager , une ibrtie dans la-
quelle elle efl repouITée avec perte
d'environ fix cents hommes tués ou
prifonniers. Le fort déformais fans ef.
pérance de fecours , capitule le foir.
On y trouva plufieurs pièces de ca-
non , d'autant plus utiles aux Suédois ,
qu'ils n'avaient que de l'artillerie de
campagne.
î9 Le roi fe difpofait à attaquer Op-
penheim , lorfqu'on apperçut au-delTus
de cette ville des tourbillons de flam-
mes & de fumée , qui firent juger que
les Efpagnols l'avaient abandonnée,
après y avoir mis le feu. L'échec reçu
Ja veille avait perfuadé au comman-
dant, qu'il ne lui reliait pas affez de
troupes pour foutenir un fiege, & il
d'e Gu ST a VE-AdOLFE. If3
fe retira à Mayence. Guflave entre
fans oppofition dans Oppenheini & i<^3i.
fait éteindre l'incendie qui confuma ^^"'^^"^^^^'
trente maifons. La garnifon reftée
dans le château réfifta d'abord coura-
geufement 5 mais les efforts des affié-
geans lui prouvant qu'une défenfe opi-
niâtre ne fervira qu'à fa deffcrudion ,
elle tente' de s'évader. Les Suédois
l'atteignent , fabrent environ trente
hommes & obligent le furplus à met-
tre bas les armes ; ils avaient fait de-
puis le paflage du Rliin environ fix
cents prifonniers qui fervirent à les
recruter. Tout pliait devant Guftave ,
& il femblait que pour conquérir l'Alle-
magne , il ne lui fallût que le tems de
la parcourir. On trouva dans Oppen-
heim beaucoup de fubfiilances , de
munitions, & près de cent bateaux
avec tous les agrêts néceffaires à un
pont , que le roi ordonna de conf-
truire fans délai entre Oppenheini &
îf4 Campagnes
Mayence. La conquête de la première
i53i- de ces places facilitait le fiege de la
■Décembre, p i
ieconde.
2» Dès que le relie des troupes & de
l'artillerie du roi de Suéde fut au-delà
du Rhin , il inveftit Mayence que le
landgrave de HefiTe-Cairel refTerra à
la droite du fleuve , d*oii il fit canon-
ner la ville à charges forcées à caufe
de réloignement. Si ce feu ne pro-
duilit pas grand eflfet , il inquiéta du
moins la garnifon. Les Suédois atta-
quent d'abord un fort avancé ; repouf-
fés avec perte de fix capitaines & d'un
grand nombre de foldats , ils s'opiniâ-
trent , fe rendent maîtres du fort , &
commencent leurs approches qu'ils
pouflent en peu de tems jufqu'au bord
du foffé , à la faveur d'un grand feu
d'artillerie. Les Efpagnols fe défen-
dent avec courage ; mais les aflaillans
parviennent à une porte , y attachent
le pétard & fe préparent à donner
DE Gustave-Ado L FE. iff
Taflaut. Alors Don Philippe de Silva
oubliant la promefFe d'être l'écueil du J^.]'
loi Décembre.
roi de Suéde , juge la place trop mau-
vaife , & fa garnifon trop faible pour
réfifter à la fortune du monarque , &
propofe de capituler. Il fait d'abord
des demandes exorbitantes : Guffcave
lui accorde feulement de fortir avec
armes & bagages , que les officiers
feront libres , que la garnifon fe reti-
rera dans le Luxembourg , & qu'elle
ne fervira plus contre les Suédois. Silva a? ]
évacue la place le quatrième jour du
fiege à la tête d'environ deux mille
quatre cents hommes , dont la plus
grande partie entra au fervice du roi :
il avait pour maxime de traiter l'en-
nemi avec douceur , & il en retirait
l'avantage ineftimable pour un con-
quérant qui a journellement befoin de
fe recruter , que les vaincus gagnés par
fa bienfaifance , faifaient volontaire-
ment ce que la violence n'aurait jamais
if^ Campagnes
S5sa obtenu d'eux. Le colonel Axel - Lill ,
I,,^' qui eut un pied écrafé par une pierre >
* fut le feul officier de marque blelTé au
fiege de Mayence. Guffcave trouva dans
la place quatre -vingt pièces de canon
avec beaucoup de munitions de guerre
Se de bouche : il accorda aux catho-
liques la liberté de confcience; mais
il exigea du chapitre & des eccléfiafli-
ques une contribution de quatre-vingt
mille écus , autant des habitans , &
quarante mille des juifs. Le monarque
s'appropria la bibliothèque de l'élec-
teur & la donna dans la fuite au chan-
celier Oxenffcierna , qui la deftinait au
collège de Vefterahs : le vaififeau qui
la portait fit naufrage en traverfant la
mer Baltique. Le roi ordonna de réta-
blir le pont de Mayence , & de com-
mencer au confluent du Rhin & du
Mein , à la gauche de cette rivière ,
une forterefle à fept baflions , qui fut
appellée Gufl:afsbourg ; il n'en fubime
DE GUST A VE-AdOLFE. If7
plus que des vertiges. Cette ville def-
tinée à être la clé du Rhin & du Mein , ^^^ ^' ,
i> 1 . r o Décembre:
outre 1 avantage de tenir en relpect
une grande étendue de pays & d'aflu-
rer les conquêtes du roi, pouvait lui
en faciliter d'autres plus éloignées ,
qu'on foupçonne qu'il méditait.
Le paflage de Guftave à la gauche
du Rhin intimida la garnifori de Vorms
au point qu'elle réfolut d'en fortir
avant qu'on vînt l'attaquer. Ofleland ,
colonel Lorrain & commandant de la
place , exigea des habitans une contri-
bution de trois mille écus , fe fit re-
mettre toute la vaifielle d'argent qu'on
put trouver , & emmena en outre des
otages, leur déclarant qu'ils refieraient
entre fes mains jufqu'à ce qu'on lui eût
payé encore dix mille écus. Non con-
tens d'avoir pillé la ville pendant leur
féjour , les Lorrains parurent vouloir
la ruiner en la quittant : ils jetèrent
dans un puits cinquante quintaux de
îf8 Campagnes
i3oudre qu'ils ne pouvaient emmener ^
i<55i. ^ y mirent le feu à l'inftant de leur
départ pour Frankendal. L'explofion
fit écrouler plufieurs maifons , dont
les dlbris écraferent un grand nom-
bre de bourgeois. Guftave envoya des
troupes à Vorms , avec ordre de pour-
voir à la fureté de la place , mais de
s'abftenir de toute vexation & de n'exi-
ger des habitans que le fimple nécef-
faire.
Spire, alors fiege de la chambre
impériale, fe foumit volontairement,
leva trois compagnies pour le fervice
de Guftave , & en reçut pour garni-
fpn le même nombre aux ordres du
colonel Horneck. Peu de jours après
fon entrée dans Spire , deux cents
hommes de la garnifon d'Udenheim
M ou Philisbourg ( qui n'était alors qu'un
fort ) , paflerent le Rhin en bateaux &
s'embufquerent près de la place pour
détroufler quiconque en fortirait fans
DE Gustave-Adolfe. 15-9
efcorte. Horneck charge inopinément
les catholiques & les met en fuite, ^^^i-
^ . I .1 Décembre»
Ceux qui regagnent les premiers les
bateaux, n'ofent attendre leurs com-
pagnons 5 & s'éloignent précipitam-
ment , ce qui augmente le nombre des
morts & des prifonniers.
Le colonel Relingen , qui avait dé-
terminé Strasbourg à embrafler le parti
du roi de Suéde , raiïèmble trois cents
hommes d'infanterie & deux cents de
cavalerie , levés dans la ville même
ou aux environs , fe met en marche
pour joindre l'armée Suédoife , & obli-
ge les garnifons catholiques de Hague-
nau , de Cron-Veiflenbourg , de Ger-
mersheim , de Landau & de Neuftat
d'abandonner ces places. Soit que Guf-
tave agît en perfonne ou par fes lieu te-
nans , il paraifîait moins le conquérant
de l'Allemagne , qu'un fouverain qui
reçoit ou envoie recevoir l'hommage
de fes fujets ; d'ailleurs, comme la
t6ù Campagnes
?ÊS^^ difcipline des Suédois contraftait avec
1631* celle des catholiques , elle gagnait
aux premiers Taffeclion des peuples ,
même de ceux à qui leurs prêtres
avaient fait un devoir de religion de
haïr les hérétiques ; ils fe félicitaient
de vivre fous la domination de GuC-
tave , qui n'entraînait de changemens
ni dans le gouvernement , ni dans la
police , ni dans la religion. Les ecclé-
liaftiques jouiflaient paifiblement de
leurs revenus & avouaient , fur - tout
ceux de IMayence , que les Suédois
avaient pour eux de meilleurs procé-
dés que les Impériaux & les Efpa-
gnols.
Après la reddition de Mayence , les
Suédois occupèrent Bingen au con-
fluent de la Nahe & du Rhin. Comme
. : les catholiques avaient dans Franken-
dal & dans Creutznach des garnifons
qui fatiguaient les environs par des
courfes fréquentes , il réfolut pour les
réprimer ,
DE GUST A VE-AdOLFE. I6l
réprimer , d'ordonner au duc Bernard "^^'"^"*^^^
de Veimar , nommé gouverneur de i^5i-
Vorms , de faire avancer des troupes ^^^"^ ^^'
pour refTerrer la première de ces villes ,
tandis qu'un autre détachement com-
mandé par le RhingrafF obferverait la
féconde. La rigueur du froid ne per-
mettant pas d'entreprendre des lièges ,
les généraux de Guftave s'en tinrent
à furprendre de petites places , ou à
des blocus ; & les troupes qu'on n'y
employa pas , furent diftribuées dans
des quartiers aux environs de Mayence.
Le roi de Suéde pourvut au gou-
vernement de cette ville , confifqua
les biens des habitans qui , ayant aban-
donné leurs maifons , n'y étaient pas
revenus après diverfes fommations,
donna au comte de Hanau le bailliage
de Steinheim , en reconnaiffance de
l'affedion qu'il lui avait toujours té-
moignée , & fe rendit enfuite à Franc-
fort, où le fénat lui préfenta une re-
PartU IIL L
162 Campagnes
quête fur le tort que la guerre faifait
T ^2 T
^, , ' au commerce de la ville ; priant le mo-»
Décembre. ^
narque de donner les foins à ce que
les marchands , de quelque religion
qu'ils fuffent , puflent y arriver fans
empêchement avec leurs marchandi-
fes. Guftave trouve juftes ces deman-
29 des , & rend une déclaration confirma-
tive de fon traité avec la ville , par
laquelle il enjoint à tous ceux qui re-
connaifiTent fon autorité , *' de favorifer
„ les négocians , de quelque religion
„ qu'ils foient , qui viendront à Franc-
„ fort; menaçant de mort quiconque
„ ofera les troubler , faifir leurs mar-
,5 chandifes , ou commettre à leur
„ égard la moindre vexation. » Quoi-
que ce règlement fut auffi avantageux
aux proteftans qu'aux catholiques, plu-
fieurs de ceux - ci , toujours aveuglés
par la haine & l'efprit de parti , défen-
dirent à leurs fujets fous des peines
rigoureufes , de commercer avec Frîlnc-
DE GuSTAVE-AdOL FE. 16^5
fort ; d'autres , plus éclairés , firent à """^'^^-^
cet égard de fortes remontrances qui ^<^5i-
, PP Décembre»
n eurent aucun ettet.
Pendant le féjour de Guflave à
Francfort , il courut le plus grand
danger : peu foupçonneux , il permet-
tait à tout le monde d'entrer dans fon
appartement. La phylionomie fmiftre
d'un inconnu qui s'y était introduit ,
détermina les gardes à l'arrêter : c'était
un moine déguifé , né à Anvers ; il
avait dans fa poche un poignard qui
lui fit foupçonner le projet de tuer le
roi , qui défendit de le maltraiter ; mais
on le mit en prifon. On publia en
même tems que fix Jéfuites avaient
confpiré contre la vie de Guftave , &
qu'on pariait publiquement dans plu-
fieurs villes dévouées à la Ligue Catho-
lique , qu'il ne pafîërait pas l'année.
Ces bruits engagèrent les généraux
du monarque à le fupplier de fe tenir
fur fes gardes. Perfuadé que les hom-
Lij
1^4 Campagnes
mes ne peuvent échapper à leur defti-
1631' née, il répondit, « qu'un roi ne doit
Décembre. a, -• n . r <
„ pas être contmueJlement renferme
„ & livré à des inquiétudes , mille fois
,5 plus fâcheufes que la mort ; que les
„ defleins des médians ne réuffifTent
„ pas toujours , & que quand même
„ on l'affiilTinerait , la maifon d'Autri-
„ che y gagnerait peu , puifqu'elle s'é-
53 tait attiré trop d'ennemis pour qu'il
5, ne s'en trouvât pas un autre auflî
53 capable que lui de la punir de fes
,5 injuftices & de réprimer fon ambi-
„ tion. » Guftave retourne bientôt à
Mayence, où fa préfence était nécef-
faire. Mais avant de détailler les né-
gociations qui l'occupèrent, on rap-
portera les opérations de fes géné-
raux , de fes alliés & de leurs adver-
faires , dans les différentes parties de
l'Allemagne.
L'évêque de Bremen témoignait le
plus grand zèle pour les proteftans»
DE Gustave-Adolfe. I^f
Parvenu à rafiembler trois mille hom- ^^^!!?
mes d'infanterie & mille de cavalerie , t^n-
il faifait tous fes efforts pour chalFer de ^''^^^ ^^'
fes états les catholiques : il avait rem-
porté fur eux quelques avantages , qui
lui permirent de fe rendre maître de -
Verden ainfi que de plufieurs autres
villes , & de contenir le colonel Reina-
cher dans Staden. Le comte de Gronf-
feld qui était en Veftphalie vint borner
les fuccès du prélat : fécondé par Rei-
nacher , il reprit Verden avec quelques
autres places. L'évêque moins prudent
que courageux, accourt à la défenfe
du pays : Gronsfeld bat fa cavalerie &
l'oblige de s'enfuir à Bremen. Le géné-
ral Tott , dont l'armée venait d'être
renforcée par environ trois mille Ecof-
fais débarqués à Vernemunde près de
Roftock, faifit la circonffcance de la
fufpenfion d'armes conclue avec le
commandant de Vifmar , marche avec
une partie de fes troupes à Altona près
L iij
J66 Campagnes
de Hambourg , dans Tintention de fe-
^, ^^' courir le prélat; mais les catholiques
Décembre. , , / .• j .• ^
ayant eu la précaution de retirer tous
les bateaux à la rive gauche de l'Elbe ,
le général Suédois ne peut le traverfer.
Le colonel Lohaufen avait prefTé
vigoureufement le fiege de Dômitz.
Straube fe défend avec courage , quoi-
qu'il ne puilTe être fecouru ; & quand
la garnifon eft réduite à l'extrémité ,
il demande à capituler. On convient
après beaucoup de conteftations , que
les munitions de guerre & de bouche
feront livrées fidèlement aux Suédois ;
que la garnifon fortira avec fes équi-
pages , les honneurs de la guerre , &
fera conduite jufqu'à Minden fur le Ve-
fer; qu'on fournira des chariots pour
le tranfport des malades ; que les ec-
cléfiaftiques qui ne voudront pas reffcer
dans la place emporteront leurs effets
& les ornemens d'églife ; enfin que
les prifonniers faits pendant le fiege
DE Gustave -A DOLFE. 167
feront mis en liberté fans rançon. Au
moment que la garnifon défile, plus i^^^*
, , , , , r/ Décembre
de quatre cents hommes s en lepa- 29
rent pour offrir leurs fervices à Lo-
haufen , qui les diftribue dans fes trou*
pes & rejoint enfuite le général Tott.
Au lieu d'aller à Minden, Straubeprit
le chemin de Volfembutel , où il vou^
lait fe jeter avec le refte de fa garni-
fon. Banner informé que les catholi-
ques violent la capitulation , envoie à
leur fuite un détachement qui les fur^
prend à Vickenfec , village du duché
de Brunfvick , & les taille en pièces.
Banner avait entrepris le liège de
Magdebourg , où le comte de ManC
feld était enfermé avec plus de deux
mille fantaffins tous vieux foldats.
Quoiqu'il fît de fréquentes forties ,
que Banner n'eût pas affez de troupes
pour inveftir entièrement la ville , que
le colonel Benningshaufèn avec fa ca-
valerie renforcée de ce qu'il avait pu
L iv
168 Campagnes
^'""""^ tirer des places occupées par les catho-
^^^' liques , ne cefsât de harceler les Sué-
* dois , & qu'il eût même remporté quel-
qu'avantage dans un combat contre
leur cavalerie , l'intrépide Banner pref-
fait le fiege avec ardeur ; l'importance
de la conquête de Magdebourg l'ex-
citait à y donner toute fon application ;
fon adlivité doublait fes moyens ; cinq
batteries foudroyaient la place fans re-
lâche , & la garnifon fatiguée par des
attaques continuelles commençait à
manquer de munitions & de fubfiftan-
ces. Le comte de Mansfeld propofe
au général Suédois d'évacuer I\lagde-
bourg ; mais comme il exige qu'on
lui permette de fe retirer en Siléfie
par le chemin le plus court , & que
cette prétention le met dans la nécef-
fité de traverfer la Saxe , Banner eft
obligé d'écrire à l'élecleur pour lui
demander un paiTeport. Ce prince
étant alors en Bohême , on ne pou-
DE GU ST A VE-AdOLFE. I69
vait recevoir promptement fa réponfe.
Banner avait détaché le colonel Bouck ï^3 i«
avec douze cents hommes , pour atta- ^^^^"^^'^^'
quer la ville de Mansfeld qui renfer-
mait des amas de vivres & de muni-
tions. La garnifon ne confiftait qu'en
cent dix hommes que la bonté de la
place engagea à fe défendre opiniâtre-
ment. Bouck obligé d'entreprendre le
fiege dans les formes , fait ouvrir la
tranchée , comble une partie du fofle ,
& réduit les affiégés à capituler ; mais
ils ne voulurent traiter qu'avec Ban-
ner, qui fe rendit devant j[\ïansfeld.
Il convint avec le commandant de la
place , que la garnifon fortirait avec
armes & bagages ; que les officiers &
les foldats feraient libres de s'enrôler
dans les troupes Suédoifes , & que
ceux qui ne prendraient pas ce parti,
ne pourraient fervir contre le roi de
Suéde & fes alliés, les catholiques
pendant fix^ mois , & les proteftans
170 Campagnes
toute leur vie ; enfin que l'artillerie y
15^1. les munitions & les fubfiftances fe-
ccem re. j.^jej^|. exadement livrées. Cet accord
24 figné , les catholiques évacuent Manf-
feld ; Banner met garnifon dans la
place , & ramené le corps de Bouck
devant Magdebourg.
Tandis que les Suédois ne négli-
geaient rien pour fe rendre maîtres
des deux bords de l'Elbe , les Saxons
étendaient leurs conquêtes en Bohê-
me : ils occupèrent Schlakenvert ,
Elnbogen & Falkenau , & firent pren-
dre la route d'Egra où ils avaient des
intelligences , à un détachement com-
mandé par Thiefel qui s'avance à la
tête de fept cents hommes fur une
5 5 hauteur près de la ville. Les magis-
trats font fermer les portes , ordonnent
aux bourgeois de prendre les armes ,
& feignent de fe difpofer à une vigou-
reufe réfiftance. A un fignal convenu ,
les Saxons approchent & demandent
DE GUST AVE-Ad 0 L FE. l'y!
à entrer. Le commandant de la garde,
dévoué à l'empereur , refufe de les J, V
recevoir ; mais les bourgeois accourent
en foule , rompent la porte à coups
de hache, & introduifent dans la ville
la troupe de Thiefel , qui s'empare de
Tarfenal & occupe les rues. Quelques
foldats tentent de forcer un couvent
de nonnes; mais le commandant ac-
court & le défordre cefle. Le lende- '*
main les habitans prêtent ferment de
fidélité à l'éledeur de Saxe. Perfonne
n'eut à fe plaindre de fes foldats , à
l'exception des partifans de la maifon
d'Autriche & des juifs , qu'on laifia
piller. Le colonel Carlovitz refta dans
Egra avec fix cents hommes , pour
garder la place & obferver quelques
troupes impériales qui occupaient
Plan 5 Tachau & Haidt. La foumif-
fion d'Egra ouvrit aux Saxons le che-
min du palatinat de Bavière : ils s'em-
parèrent de Tirfchenreit , défirent
Î72 Campagnes
^^"""^ quatre cents hommes du régiment
163 1. impérial de Mérode , pénétrèrent juC-
Décembre. ,v xr • 1 01 1
qu a Veiden , & levèrent des contri-
butions dans le pays.
Les généraux TiefFenbach & Goetz
n'ayant pu arriver affez promptement
pour fauver Prague , fe retranchèrent
près de Niembourg Ça) à la droite
de TElbe , & occupèrent Bômifchbrod.
Leurs forces conliftaient en dix mille
hommes efFedtifs ; ils projetaient d'at-
tendre des renforts dans ce pofte , &
d'empêcher les Saxons de s'étendre
jufqu'aux frontières de Siléfie. Arnimb
voulant combattre les Autrichiens ,
Du 16 au part fecrétement de Prague à l'entrée
^^' de ia nuit avec la plus grande partie
de l'armée. Arrivé à une demi -lieue
de Niembourg , il range fes troupes en
bataille & s'approche des catholiques ,
qu'il efpere furprendre ; mais prévenus
du defifein des Saxons , ils les chargent
(a) A fix lieues de Prague.
DE GUST A VE-AdOLFE. I75
à l'improvifte & les font plier. Arnimb ~
voyant les troupes découragées 5 tente Décembre.
de les ramener au combat. Le foldat
épouvanté incline à la fuite & n'écoute
plus les ordres de fon général , qui
menace de faire tourner le canon con^
tre les fuyards , & de les charger avec
quelques efcadrons d'élite qui le fui-
vent. Alors les Saxons fe rallient , re-
viennent à la charge, & enfoncent
les Impériaux, qui regagnent leurs
retranchemens où ils font bientôt for-
cés. Accablés par le nombre , ils repaC-
fent en confufion l'Elbe , dont ils cou-
pent le pont pour couvrir leur retrai-
te, & fe réfugient dans Niembourg ,
qu'Arnimb envoie fommer. Ne rece-
vant pour réponfe que des coups de
canon , il fait bombarder la ville , qui
eft réduite en cendres avec les maga-
fms qu'elle renferme : les catholiques
obligés de l'abandonner, fe retirent à
Bômifchbrod , d'où ils vont joindre
Î74 Campagnes
Baramcda à Tabor. Les deux partis
1651. firent une perte confidérable , & Ar-
^ ^^ '^ ' niiîib retourna à Prague avec la feule
gloire d'avoir gagné le champ de ba-
taille. L'empereur avait rappelle d'Ita-
lie le général Galaiïb , que les Fran-
çais appellent Galas , avec fes troupes
qu'il recruta ; ce qui les fit monter à
dix mille hommes. Il ne put arriver
aflez tôt pour empêcher la perte de
Pilfen, défendu par quatre compa-
gnies d'infanterie , que les Saxons obli-
gèrent à capituler : ils fe rendirent en-
fuite maîtres de plufieurs petites places,
à la vérité peu importantes , mais qui
leur facilitaient cependant les moyens
de fubfifter.
24 II y eut à Prague une fédition. Les
26 Jéfuites convaincus de l'avoir excitée ,
furent chalfés de la ville le furlende-
main. Ces moines avaient entretenu
des intelligences avec les Impériaux ,
& pris des mefures pour leur livrer la
DE Gustave-Adolfe. I7f
ville. Un corps de troupes deftiné à
la furprendre vint occuper fecréte- ^<^5i-
ment la Montagne - Blanche Ça), où ^^^"^^*'
il n'attendait plus pour agir que le
lignai convenu, lorfque Hoffkirchen
inftruit de la confpiration , fond brus-
quement fur les Autrichiens , qu'il
chaflTe avec perte , fécondé par le canon
des remparts. Cet échec n'empêcha
pas les Croates de continuer à faire
des courfes jufqu'aux portes de Pra-
gue. Hoffldrchen en défit neuf cents ,
& ce mauvais fuccès ne modéra pas
l'ardeur des autres pour le pillage ; ils
dreflerent même une embufcade à l'é-
leéleur de Saxe , qui allait fréquem-
ment à la chaffe ; il fut aflez heureux
pour échapper , & n'éprouver d'autre
perte que celle de fes chiens. Les deux
partis employèrent le refte de l'hiver
à s'enlever réciproquement de petits
poftes , & à fe livrer des combats trop
(a) Yeiflcn-Berg.
i7<^ Campagnes
153 1. P^u importans pour être rapportés.
Décembre. Les Saxons pouvaient s'emparer
' facilement de toute la Bohême, &
pénétrer enfuite dans les autres états
de l'empereur; mais ils s'arrêtèrent
au milieu de leurs fuccès , malgré les
inftantes follicitations de Guftave-
Adolfe , qui demandait que , confor^
mément aux arrangemens pris à Hall ,
l'armée éledoxale entrât en Moravie
& pénétrât enfuite jufqu'au Danube ,
afin de difliper les troupes que raffem-
blait l'empereur , & de l'empêcher de
fe relever. On attribue l'inadion des
Saxons à diverfes caufes : les uns pré-
tendent que les troupes de Jean-Geor-
ge s'amollirent dans les délices de Pra-
gue , & que leur inadion donna k la
cour de Vienne le tems de fe précau-
tionner , & à Galaffo celui d'arriver ;
d'autres afllirent qu'Arnimb irrité con-
tre le roi de Suéde qui l'avait taxé de
négligence dans une lettre à l'éledeur ,
empêcha
DE Gustave-Adolfe. T77
empêcha l'armée de ce prince d'agir.
Ils avancent même, que le général i^5i«
Saxon fe laifia corrompre par les Antri- ^^^^"^^'^^•
chiens ; mais il paraît que fa conduite
fut moins l'effet de la négligence & de
la trahifon , que de la politique de Jean-
George. Jaloux de la fortune de Guf-
tave , il craignit peut - être de trop
agrandir un allié , qui tenant fon élec-
torat enfermé par fes armées , pouvait
iinir par lui dicler des loix ; il ne vou-
lut pas achever de détruire l'empe-
reur , & lui permit par fon inaélion ,
de rafiembler afiTez de forces pour ba-
lancer la puiiïànce des Suédois , fe ré-
fervant la facilité de faire pencher la
balance en faveur de celui des deux
partis à qui il fe joindrait : au refte
il effc pofîible que la conduite des Sa-
xons fût la fuite de l'adrefle des mi-
iiiftres Autrichiens , qui furent pen-
dant toute cette guerre conferver des
intelligences fecrettes avec quelques
Partie II L M
178 Campagnes
miniftres des ennemis de leur maître ,'
^/^^^' & perpétuer ainfi dans leurs confeils
& aans leurs armées des iemences de
divifion , dont Pempereur retira des
fruits coûteux , mais utiles.
Les affaires du monarque Autrichien
ne tournaient pas fi favorablement
dans les autres parties de l'Empire
qu'en Bohême. Le comte de Tilli dé-
fefpéra de réduire la ville de Nurem-
berg dans une faifon fâcheufe , qui
ruinerait fon armée s'il s'opiniâtrait à
continuer le fiege ; il appréhendait en-
core que le maréchal Horn , à portée
d'être renforcé par le duc Guillaume
de Veimar, ne le vînt enfuite atta-
quer ; il fivait d'ailleurs que Guftave
avait ré fol u de marcher en perfonne
pour fecourir la place. Il faut joindre
à ces raifons la défertion qui aftaiblit
fait fenfiblement fes troupes, & les
ordres réitérés de l'empereur & du duc
de Bavière , dont l'un lui dépêchait
Décembre.
DE GUST A VE-A DOLFE. I79
couriers fur couriers pour qu'il en-
voyât fans délai une partie de fon ar- J^^^'
niée en Bohême , où les Saxons pou-
vaient profiter de la faibleife des Im-
périaux pour faire de grands progrès ^
& dont l'autre craignant que le maré-
chal Horn laiiïant l'armée catholiq=:e
fur la gauche, ne paifât le Danube
& ne tentât une invafion dans fes états
où il n'y avait pas des forces fuffi-
fmtes pour lui refiiter, écrivait jour-
nellement au généralilfime de s'ap-
procher de la Bavière pour la couvrir.
Tilli confidérant qu'après le départ du
détachement dtftiné pour la Bohême,
il ferait trop faible pour réfifter au
maréchal, prit le parti, ainiî qu'on
l'a vu, de renoncer à fon entreprife
contre Nuremberg. Un accident im-
prévu l'obligea même d'accélérer fon
départ. Un officier d'artillerie , pro-
teftant de religion & d'une confcience
timorée, fe repent de fervir contre
Mij
i8o Campagnes
fes frères ; & pour leur être utile en
1631. défertant de l'armée catholique , il for-
' me le projet de mettre le feu à toutes
fes munitions ralfemblées à Roth, pe-
tite ville fituée entre Veiflenberg &
Nuremberg : il attache à un barril de
poudre une mèche allumée , & s'en-
fuit à Nuremberg; peu d'inftans après
Ton départ, le parc d'artillerie faute
avec un éclat effroyable. Les affûts des
canons furent brifés , & un grand
nombre de foldats tués oublelfés.Tilli ,
hors d'état par cette perte de réfiiler
fi on l'attaque, levé précipitamment
le fiege , abandonne beaucoup de ba-
gages & de vivres , & fait raffembler
a Lauff un corps de troupes , pour aller
par le Haut-Palatinat au fecours de la
Bohême. Tandis que les catholiques
abandonnent leurs pofles autour de
Nuremberg , un épaulement deftiné à
couvrir deux pièces de canon & conf.
truit de madriers , de terre & de faf-
DE GusT ave-Adolfe. i8i
cines , aux environs de l'hôpital , fur
un vieux mur près du foOfé , s'y éboule i^^ i-
& le comble prefqu'en entier ; ce qui
aurait été fort défavantageux aux aflié-
gés , fi Tilli eût continué l'attaque :
aufli regarderent-ils cet incident com-
me une nouvelle preuve de leur bon-
heur.
Le généralifïime marche àVeiiïen-
berg, tait bloquer par un détache-
ment le château de Viltzbourg, occupé
par deux cents hommes du jeune mar-
grave d'Anfpach , renfermé dans la
forterefle avec fa mère. Tandis que le
reffce de l'armée catholique s'avance
à Nordlingen , Tilli fe rend à Dona-
vert, où l'éledeur de Bavière avec
les évêques de Bamberg & d'Aichi-
tât l'attendaient. Les deux derniers
defiraient que le généraliffime couvrit
leurs évêchés ; mais l'élecleur , qui ne
fe fouciait guère que les états de fes
alliés devînffent la proie des protcf»
M iij
T82 Campagne s
ans , pourvu qu'il n'éprouvât lui-même
^^ .^' aucune perte, ne jugea pas à propos
de fatisfaire les deux prélats : ainfi le
comte de Tilli étendit fes troupes dans
des quartiers aux environs de Nord-
lingen , en Suabe & le long du Da-
nube, de manière à pouvoir les rat
femblcr avec facilité pour couvrir la
Bavière au befoin. Les catholiques fe
plaignirent amèrement de ce qu'on
facrifiait les autres états à la confer-
vation de ce duché ; mais l'électeur
dédaigna cesmécontentemens.La mar-
. grave d'Anfpach , intimidée par les Im-
périaux qui la menacèrent de mettre
à feu & à fang les états de fon fils fi
elle ne leur rendait le château , en for-
tit & fe retira à Anfpach avec la gar-
nifon , qui fut remplacée par trois cents
catholiques.
Le corps détaché par Tilli devait
entrer en Bohême par le Haut-Palati-
nat en même tems que celui de Ga-
DE GuSTAVE-AdOL FE. l8?
îafTo y pénétrerait par la Moravie ; ^^^-•*^'-^.
mais le premier trouva les pafTages T<5n.
occupés par des troupes , barrés par i^^^^'^'^^^'=-
des abattis ou fermés par les neiges :
ces obftacles infurmontables , joints
à la difette des fubfiftances , obligè-
rent le corps envoyé par Tilli , de re-
noncer à fon deflein & de fe difperfer
dans le Palatinat, où il commit les
plus grands excès ; car l'indifcipline
des catholiques allait fi loin, qu'ils ne
faifaient aucune diftindion entre les
pays amis ou ennemis.
Quand l'armée de Tilli fut féparée ,
le feld - maréchal Horn qui avait fait
réoccuper Ochfenfurt , part de Vurtz-
bourg à la tête d'un corps d'infante-
rie & de cavalerie , s'avance à Marien-
dal défendu par huit cents hommes &
attaque cette ville. Les habitans fé-
condent la garnifon ; les Suédois font
repoufles & obligés d'attendre leur ar-
tillerie j dont la difficulté des chemins
M iv
184 Campagnes
avait retardé la marche : elle arrive
^^^^' enfin , & le jour fuivant la ville & la
Décembre. . , ,, p i ^ /-. . i
Citadelle le rendent. On convint que la
garnifon ferait conduite à Dunkefpiel ;
mais plus de la moitié des foldats qui
jacompofaient s'épargnèrent ce voyage
en s'enrôlant parmi les Suédois , qui
furprirent & battirent huit cents hom-
mes envoyés au fecours de Mariendal.
On y trouva beaucoup de vivres &
d'armes , avec douze canons & quatre-
vingt barrils de poudre. Horn jugeant
la citadelle aflez forte pour y établir
fûrement un magafin , ordonna d'y
raflembler toutes les fubfiftances des
environs , & envoya des détachemens
pour occuper Rottenbourg & Vins-
heim. Quoique cette dernière ville ne
fût gardée que par les bourgeois , elle
refufa d'ouvrir fes portes à la première
fommation ; mais on convint enfin
qu'elle recevrait une garnifon de trois
cents fantafiins & de cent cavaliers ,
DE Gustave-Adolfe. I8f
pour Pentretien defquels on impofa les
lieux voifins, parce que les troupes i^?^*
de Tilli avaient prefque ruiné la villç ^^^^ "*
par leurs exadtions.
Le maréchal Horn avait pris le che-
min de Heilbrun occupé par dix com-
pagnies de Lorrains : il arriva de nuit
à Vinsberg p es de la place , qu'il in-
vertit des deux côtés du Necker. Com-
me les efpions rapportaient que les
Lorrains gardaient feulement les portes
& qu'ils n'avaient aucun pofte ni fur
les remparts ni fur les glacis, le gé-
néral Suédois réfolut de s'approcher
d'une des portes , de la faire fauter
avec un pétard & d'efcalader en même
tems le rempart ; mais Horn faifant
réflexion que s'il pénétrait de nuit dans
la ville , les foldats y commettraient
mille excès à la faveur de Tobfcurité
& ruineraient peut-être entièrement
une cité qui pouvait dans la fuite être
fort utile aux proteftans, fufpendit
\^6 Campagnes
l'attaque. Le lendemain au point du
i^?i' jour il fit fommer la place, dont le
ecembre. gouverneur ne répondit qu'à coups
de canon , qui incommodèrent peu
les Suédois. Après midi le maréchal
envoya fuccefTivement au fénat deux
trompettes avec des lettres , par lef-
quelles il exhortait les habitans à
chafTer les Lorrains & à mériter ainfi
les ménagemens que les Suédois
avaient pour tous les proteftans. Le
commandant ordonna aux bourgeois
de féconder la garnifon ; mais ils re-
fuferent d'obéir , dans la crainte que
Horn n'abandonnât au pillage leurs
maifons & leurs biens. L'artillerie
continue à tirer , & le maréchal prend
fes mefures pour preiïer vivement les
affiégés. Le jour fuivant fes troupes
forcent un moulin retranché, gardé
par foixante hommes ; & comme fi
fituation était avantageufe , elles y éta-
bliffent une batterie qui démon Ce le
DE Gustave-Adolfe. 1S7
canon du baftion oppofé , fait brèche
au rempart & tue plufieurs foldats de ^^^^'
k.p TT 1 r -^ I- Décembre.
garnilon. Horn la tait encore lom-
mer , avec menace de la pafTer au fil
de répée ï\ elle fe défend plus long-
tems. Le commandant juge enfin que
s'il prolonge fa réfiftance , elle ne
fervira qu'à la perte de fes troupes , &
capitule à condition qu'elles feront
conduites à Philisbourg avec armes &
bagages , que la ville confervera fes
privilèges , & que les catholiques &
les eccléfiafl:iques réfugiés dans la
place ne feront pas inquiétés. Une
grande partie de la garnifon était ma-
lade : il n'y reliait que quatre \ cents
cinquante foldats fains , dont trois
cents offrirent leurs fervices à Horn
qui les accepta. Il ordonna de forti-
fier avec foin Heilbrun , où il vou-
lait établir des magafins , & y laifïa
quatre cents moufquetaires comman-
dés par le lieutenant- colonel Schmit.
Décembre.
188 Campagnes
berg. La conquête de cette place en-
lyn. traîna la foumiffion de Neckers-Ulm,
de Vimpfen & de quelques autres
villes fituées fur les bords du Necker.
Le comte de Tilli avait envoyé
quelques régimens d'infanterie , de
cavalerie & de Croates , pour pren-
dre des quartiers aux environs de
Heilbrun , dans le cercle de Suabe,
& fur-tout dans le Virtemberg. Les
catholiques apprennent en chemin
que les Suédois font maîtres de Heil-
brun ; ils veulent fe dédommager de
cette perte en s'emparant de Hall en
Suabe : mais Horn informé de ce def-
fein , détache la plus grande partie de
fa cavalerie , qui prévient les catholi-
ques à Hall & les oblige de fe rappro-
cher de Nordlingen. Après les expé-
ditions qu'on vient de rapporter, le
feld-maréchal reprit la route de Vurtz-
bourg , & fes partis firent des courfes
dans révêché de Bamberg.
DE Gustave- Adolfe. i8^
L'afcendant que les proteflans pre-
naient fur les catholiques donnait de i^3i.
vives inquiétudes à l'éledeur de Ba- ^"'°''''^*
viere. Lorfque le duc de Lorraine ar-
riva à Munich , il trouva ce prince
dans la plus grande perplexité. Partagé
entre la crainte de voir fes états enva-
his par le roi de Suéde , & les follici-
tations de la France qui lui fit propo-
fer fucceffivement par de Lîle & par
Saint - Etienne de le protéger & de lui
procurer la neutralité , s'il féparait fes
intérêts de ceux de la maifon d'Au-
triche , Maximilien ne favait à quoi
fe réfoudre. 11 paraît cependant qu'il
fut d'abord tenté de déférer aux defirs
de Louis XIII , puifqu'il fe tint fur la
défenfive avec les Suédois , fans four-
nir des renforts au comte de Tilli ;
mais confidérant fans doute qu'il fe-
rait vraifemblablement obligé de refti-
tuer ce qu'il pofTédait de la dépouille
du Palatin, ik peut-être de renoncer
190 Campagnes
à la dignité électorale , il jugea moins
i<55 1 . défavantageux de perfifter dans fes en-
Décembre. 1, X •
gagemens avec 1 empereur. Les cir-
conftances pouvaient changer, & l'é-
lecteur réfolut de ne rendre que quand
il lui deviendrait abfolument impoiîi-
ble de retenir; cependant il diffimula
fes intentions. Qiielques écrivains pré-
tendent que le duc de Lorraine raffer-
mit Maximilien dans le parti de l'em-
pereur ; mais il eft plus vraifembla-
ble que l'éledeur attendait l'effet des
démarches de fon miniftre & des agens
de la Ligue Catholique à la cour de
France , avant de prendre une réfolu-
tion définitive.
Le duc de Lorraine , mécontent de
l'empereur qui ne lui avait tenu au-
cune de fes promeOes , partit de Mu-
nich pour aller tenter de fléchir Louis
XIII, qui fe difpofait à envahir fes
états : il fe rendit par Augsbourg à
Stutgard , & dit à radniiniftrateur de
DE Gustave-àdolfeV 191
Virtemberg, qu'il avait ordre de la
cour de Vienne de faire hiverner fon i^3i«
armée dans ce duché ; mais que par at- ^^^^"^b^^-
tachement pour les jeunes princes fes
pupilles , il voulait bien épargner leur
pays. Ce difcours était d'autant plus
ridicule , que Charles fe trouvait dans
l'impuiflànce de nuire à perfonne. Il
arriva enfin vis - à - vis de Strasbourg ,'
où il rejoignit fes troupes auxquelles
la ville refufa le paffage ; elle parut
ne l'avoir accordé à fa perfonne & à
fon bagage que pour le piller. Le peu-
ple ouvertement déclaré pour les Sué-
dois, infultale duc; un charetier eut -
même l'infolence de donner un coup
de fouet à fon cheval , en difant : Al--
lonSj mon prince y diligente:^ ; il faut
aller plus vite quand on fuit devant le
grand roi de Suéde, Charles partit le
lendemain de Strasbourg fort mécon-
tent, & fe rendit à Nanci. Ses troupes
paflerent le Rhin quelques jours après
Î9Z Campagnes
fur un pont de bateaux conftruit à
16^1. Orufenheim , & fe répandirent en Al-
' face où elles commirent mille brigan-
dages : elles n'épargnèrent pas le ter-
ritoire de Strasbourg. Les troupes le-
vées par cette ville , tant pour fa fu-
reté que pour le fervice de Guftave-
Adolfe , battirent les Lorrains dans
plufieurs rencontres & les obligèrent
à s'éloigner.
Vie s'était rendu fans réfiftance
aux Français ; mais le baron de Mer-
ci, gouverneur de Moyen vie pour l'em-,
pereur , pourvu de vivres & de mu*
nitions par le commandant de Marfal ,
qui avait ordre du duc de Lorraine
de lui fournir les fecours dont il au-
rait befoin , foutint un fiege. Cepen-
dant il promit de remettre la ville
aux Français , fi elle n'était délivrée
dans fix jours. Comme il n'y avait
aucune armée pour en faire lever le
fiege , cette reftridion n'était qu'une
vaine
< DE Gustave-Adolfe. 195
vaine formalité que Merci employa
pour cacher l'impuiflance de réfifter i^3i«
plus long-tems, & la gariiifon de
Moyen \ le fortit de la place à Texpira- 27
tion du terme prefcrit. La fou million
aux volontés de Louis XIII était la
feule reflburce du duc de Lorraine; il s6
vient à Metz trouver le monarque ,
qui lui reproche fes liaifons avec l'em-
pereur , l'Efpagne & les mécontens du
royaume , fes tentatives continuelles
pour y exciter des troubles, & lui
parle du mariage du duc d'Orléans fon
frère avec la princeife Marguerite :
Charles proteila qu'il n'avait aucun
fondement , quoiqu'il fût fur le point
d'être conclu. Enfin le roi ajouta que
Guftave irrité des fecours fournis con-
tre lui à la Ligue Catholique par le duc,
fongeait à fe venger ; mais que fi ce
dernier voulait s'unir avec la France ,
elle empêcherait le monarque Suédois
«d'attaquer la Lorraine. Charles entra ,j
Partie IIL N
194 CaBI PAGNES
en négociation , & au bout de cinq
Décembre. P^^^ ^^ conclut à Vic un traité par
lequel il promit , << de renoncer à toute
„ intelligence ou aflbciation préjudi-
3, ciable à Louis ou à l'alliance que ce-
„ lui-ci avait contradée avec Guftave
„ & le duc de Bavière pour la liberté
„ de TAllemagne ; de chaffer de fon
„ duché les ennemis du roi ou les
„ Français fortis du royaume contre
5, fon gré , & de ne leur donner à l'ave-
„ nir ni affiftance ni retraite ; d'empê-
y, cher qu'on ne fît fur fes terres au-
„ cune levée de gens de guerre contre
„ le monarque & fes alliés , & de rap-
„ peller les Lorrains qui avaient con-
5, tradé des engagemens oppofés à
„ cette ftipulation ; d'accorder le paf-
„ fage aux armées que le roi jugerait
„ à propos d'envoyer en Allemagne ,
„ & d'y joindre même quatre mille
,, hommes d'inflinterie & deux mille
„ de cavalerie entretenus à fes propres
„ frais. »
DE GUST AVE-AdOLFE. Ipf
Comme la légèreté du duc de Lor-
UMMéHatsm
raine ne permettait pas d'avoir con- j. '
fiance à fes promeffes , on exigea (^) ,
outre les conditions ftipulées dans le
traité qu'on vient de rapporter, qua
dans huit jours la ville de Marfal ferait
remife à Louis pour trois ans^ & à
cette confi dération le roi s'engagea à
défendre & à protéger Charles contre
fes ennemis , & à ne faire aucun traité
fans l'y comprendre. Celui dont il eft
queftion était didé par la force , & ne
fit qu'aigrir de plus en plus le duc &
toute la maifon de Lorraine contre la
France. Il diffimula , il ell vrai ; mais
ce fut pour peu de tems ; car tandis
qu'il promettait d'exécuter fidèlement
fes engagemens, il preflait la conclu-
fion du mariage de la princefie Mar-
guerite avec le duc d'Orléans , Se le
fit célébrer fecrétement à Nanci. (^)
(a) Le 6 de janvier.
(6) Le 13 de janvier,
N ij
196 Campagnes
Les entreprifes de Charles nefervirent
J^^' qu'à épiiifer fes états , & à lui attirer
Décembre. , , . i ^ n « i m n
Ja haine de Gultave - Adolfe ; & la
duplicité le fit dépouiller par la France.
Revenons aux affaires d'Allemagne.
14 Quoique les catholiques fe fuffent
aflemblés à Ingolftat pour convenir
des moyens de faire la paix on de
continuer la guerre , les électeurs ec-
clériaftiques alarmés du voifinage &
des conquêtes du roi de Suéde , en-
voyèrent fupplier Louis XIII de pré-
venir leur ruine. Leurs agens , de con-
cert avec celui de Bavière & l'évêque
de Vurtzbourg envoyé de la Ligue
Catholique près du monarque , ne né-
gligèrent rien pour lui donner de l'in-
quiétude & le brouiller avec Guftave:
ils afluraient que celui-ci avait bien
plus d'ambition que la maifon d'Autri-
che ; qu'il deviendrait pour la France
un voilin plus redoutable que l'empe-
reur & le roi d'Efi3agne réunis ; qu'au
DE GUST A VE-AdOL FE. I97
lieu de pénétrer dans les états hérédi- ■
taires du monarque Allemand après la^?^^,^*
^ ^ *■ ^ Décembre.
bataille de Leipzic , il s'était avancé fur
le Rhin d'où il menaçait l'Ai face & la
Lorraine, & n'avait pafie le fleuve que
pour exciter les huguenots du royaume
à reprendre les armes , en leur promet-
tant l'appui des Tiennes; qu'il était
moins l'ennemi de la puiffance Autri-
chienne que de la religion catholique
qui ferait bientôt éteinte en Allema-
gne ; car il voulait y fonder une mo-
narchie proteffcante qui tôt ou tard in-
federait de fes héréfies les états voi-
fins. Le confeffeur du roi & quelques
autres prêtres qu'il confultait , peut-
être gagnés par les ennemis de la
Suéde , réuffirent à jeter dans l'ame
du faible Louis un trouble que le car-
dinal de Richeheu eut beaucoup de
peine à difl^iper , & qui lui attira de
fortes contradidions de la part de fon
maître. Louis joignait à un efprit borné
N iij
Î98 Campagnes
^ une confcience ridiculement timorée ,
Dccembre. qui le rendait fufceptible de mille fcru-
pules pufillanimes , peu d'accord avec
les maximes politiques de fon miniftre :
celui-ci ne parvint que difficilement
à lui perfuader qu'il importait à la fu-
reté de fa couronne & de fes fujets ,
de relever le parti proteftant & d'a-
baifler la maifon d'Autriche , qui par
un raffinement de politique tentait de
confondre fes intérêts particuliers avec
ceux de la religion.
Richelieu s'était déterminé à con-
clure une alliance avec Guftave, afin
de fe fervir de lui pour affaiblir les Au-
trichiens , dont il fldlait nécefiiurement
modérer l'ambition ; ils avaient d'abord
voulu la fatisfaire aux dépens des prin-
ces de l'Empire , fe flattant qu'ils at-
taqueraient enfuitelaFrance avec avan-
tage , & qu'après l'avoir vaincue , ils
fuhjugueraient fiicilement le refte de
l'Europe. Richelieu attentif au^ inté-
DE Gustave- Adolfe. 199
rets de fon pays , ne voulait qu'établir
en Allemac^ne l'équilibre entre les difte- ^ , '
^ ^ iJecembre.
rens partis ; c'eft-à-dire , contrebalan-
cer les forces de l'empereur, du roi
d'Efpagne & de leurs alliés , par celles
de Guftave & des proteftans ; de ma-
nière que la France fe portant pour
arbitre , pût faire pencher la balance à
fa volonté en faveur de qui bon lui
femblerait. 11 réfulte de ce plan , qu'il
avait l'avantage de maintenir le royau-
me en paix & d'en conferver les forces
entières ; que le cardinal était bien
éloigné de fouffrir que Guftave & les
proteftans devinflent affez puiftans
pour écrafer la maifon d'Autriche &
prendre fa place ; car la France eût été
dupe , fi fes négociations & les fubfides
qu'elle payait , n'avaient fervi qu'à dé-
truire un ancien ennemi , à qui des
rivalités d'intérêts en euffent fût fuc-
céder un nouveau , plus redoutable
encore que le premier. Voilà les raifons
N iv
200 Campagnes
qui empêchèrent Richelieu de s'aban-
-^ , ' donner à la fortune du roi de Suéde,
Dccembre.
& de fe déclarer contre la maifon d'Au-
triche; ce qu'il ne fit qu'après la mort
de Guftave , & quand l'afcendant des
proteilans diminué par la perte de ce
grand homme , ne donna plus d'om-
brage à la France.
Le cardinal n'avait pu voir fans in-
quiétude les Suédois s'étendre en moins
de deux ans des bords de la mer Balti-
que jufqu'au Rhin. La crainte qu'ils ne
s'étendiffent avec la même rapidité au-
delà du fleuve , avait déterminé le mi-
iiifl:re à raffembler dans l'évêché de
Metz une armée qui avait moins pour
objet de conquérir Vie & Moyenvic &
d'obliger le duc de Lorraine à défar-
mer , que d'obferver le roi de Suéde.
Quoique Richelieu ne jugeât pas con-
venable a fes vues de déclarer la guerre
à l'empereur , il fit propofer à Guftave,
pour le fonder , de faire entrer en Al-
Décembre.
DE GUSTAVE-AdOLFE. 20f
lemagne rarmée de Louis XIII pour
féconder les proteftans, ou de l'em- ï^^i-
ployer du moins à attaquer TAlface,
que la France pouvait revendiquer
comme un ancien démembrement du
royaume. Le monarque Suédois foup-
çonnant que Louis voulait s'approprier
cette province fort à fa bienféance , &
ayant plufieurs raifons pour l'empêcher
de s'agrandir , répondit qu'il était en-
tré en Allemagne , non pour la démem-
brer , mais pour y rétablir la liberté ;
que le voifinage des deux armées pour-
rait d'ailieurs occafionner des diffé-
rends ; qu'il effeduerait feul l'abaifle-
ment de la maifon d'Autriche dans
l'Empire , & que les Français devaient
fe borner à l'attaquer en Catalogne ou
dans les Pays-Bas. Cette réponfe per-
fuade à Richelieu que le roi de Suéde
ne cherche qu'à empêcher la France de
fe mêler des affaires de l'Allemagne,
<ju'il prétend y donner feul la loi , &
202 Campagnes
que fon oppofition à ce qu'on en dé-
165 1. itiembrât des provinces n'eft qu'un
Décembre. ., i , -i r , . .
voile dont il couvre les ambitieux pro-
jets. Cependant ces motifs ne paraifTent
pas fuffifans au cardinal pour rompre
avec Guftave : il calcule les relTources
de la maifon d'Autriche , qui lui pa-
raifiTent fuffifantes pour réfifter encore
quelques années à fes ennemis, juge
qu'un accident peut le débarraffer de
Guftave , & que le tenis lui fournira
les moyens de l'arrêter; d'ailleurs le
prélat favait que le dernier foupir d'une
grande monarchie comme celle d'Au-
triche , eft fou vent terrible , & il de-
vrait que la France n'en reiïèntît pas
les effets : mais il réfolut de veiller
attentivement fur les démarches du roi
de Suéde, & de procurer la neutralité
aux membres de la Ligue Catholique
qui voudraient l'accepter , afin d'ôter
au monarque le prétexte de les détruire
& de les attacher par ce bienfait à la
DE GuSTAVE-AdOLFE. 20^
France, à qui il importait de fe mena- "— ^«^
ger des alliés dans l'Empire , pour y i(S?i.
jeter les fondemens d'une confédéra- •^^""^^''^°
tion qui pût un jour féconder fes
vues, en fe tournant s'il était nécef-
faire contre Guftave , de concert avec
Louis XÏII.
L'évêque de Vurtzbourg , fous pré-
texte de fauver la religion catholique,
cherchait à prévenir la décadence de
Tempereur; il obfédaitcontinuellement
Louis de fes follicitations. Le cardinal
de Richelieu jugea enfin à propos de
réduire au filence le prélat Allemand.
« Le roi , lui dit - il , defire que la reli*
„ gion qu'il profefTe fe perpétue chez
„ fes voifins , & je ne lui propoferai
,j jamais- de changer de fentiment. Dif-
„ cutons les moyens de prévenir la
„ ruine des catholiques d'Allemagne.
„ Je fuis affuré que le roi de Suéde
j, n'en veut qu'à la maifon d'Autriche ;
» & s'il attaque les princes catholiques,
204 Campagnes
„ c'eft parce que non contens de don-
^^^^^ „ ner leurs troupes à l'empereur, ils
^' „ lui fournifTent en outre des fubfides ,
5, des vivres & des munitions de guerre.
55 En fe détachant du monarque Autri-
3, chien & en acceptant la neutralité ,
3, le duc de Bavière & les autres mem-
„ bres de la Ligue préviendront les
35 malheurs qu'ils appréhendent avec
3j raifon : la France fera leur protec-
5, trice auprès du roi de Suéde ; ils
35 recouvreront ce qu'ils ont perdu ,
55 & leurs états ne feront pas envahis.
5, Si au contraire la Ligue s'opiniâtre
3, à fecourir l'empereur , il ferait ridi-
cule de propofer au roi de Suéde
d'épargner fes ennemis déclarés. La
religion catholique peut dominer en
Allemagne , indépendamment de la
puilfance de l'empereur , qui croiffiit
journellement d'une manière alar-
mante pour les autres états , lorfque
3, le monarque Suédois eft venu y
3J
3î
3)
3)
3)
5)
5î
DE GuSTAVE-ÂDOLFEr 20f
5, mettre des bornes. Il eft indubitable
„ que les catholiques & les proteftans 1631.
„ font également intérefles à croifer °^^^"^^'^'^*
„ l'extrême ambition de la maifoa
), d'Autriche , & que les premiers ne
„ peuvent , fans fe rendre fufpeds de
„ partialité , agir comme fi les inté-
„ rets de la religion & de l'empereur
5, étaient les mêmes ». Ces argumens
fans réplique embarralferent l'évêque
de Vurtzbourg , & lui prouvèrent que
Richelieu avait pénétré fes rufes. L'é-
vêque ne put fe difpenfer de lui ré-
pondre que les princes catholiques ac-
cepteraient la neutralité, pourvu qu'on
la leur accordât à des conditions rai-
fonnables. Alors le cardinal répliqua :
Eh bien , je me charge de leur obtenir
incejfamrnentfatlsfaclion du roi de Suéde,
L'éledleur de Bavière , ébranlé par
de Lîle & par Saint - Etienne , pen-
chait pour la neutralité ; mais il vou-
lait des fûrctés fur l'affiftance qu'on lui
2,06 Campagnes
— donnerait fifes états étaient attaqués:
lô'^i. fecours qu'il réclamait d'ailleurs en
Décembre. i r ^ . / x . ^ n
vertu de ton traite avec Louis, {a)
Le cardinal répond à Kutner <* que le
„ roi n'a conclu avec l'électeur qu'une
^ alliance défenfive , qui ne peut re-
„ garder le roi de Suéde , avec qui la
5, France s'était unie antérieurement ;
„ qu'on ne peut fuppofer raifonnable-
,, ment que Louis eût fait une ligue
,5 contre Guftave , & que par confé-
5, quent le traité fur lequel l'éledeur
5, fonde fes prétentions , ne regarde
„ que la maifon d'Autriche , contre
„ laquelle on lui fournira les fecours
„ ftipulés fi elle attaque la Bavière ;
,, enfin que le roi de France n'eft pas
„ obligé de tirer le duc de l'embarras
5, où il s'eft jeté mal - à - propos , en
„ fournilTant au comte de Tilli des
„ troupes pour combattre les Suédois.
Le cardinal déclare en même tems à
(a) Voyez pages 2p6 & 297 de cet outrage.
DE Gustave-Adolfe. %oi
Kutner & aux envoyés des éledeurs
de Mayence, de Trêves & de Colo- i6^i^
gne , que comme l'évêque de Vurtz- Décembre.
bourg l'a afluré que les princes ca-
tholiques font réfolus d'embraffer la
neutralité , le roi vient de nommer le
marquis de Brezé , fon ambafladeur
extraordinaire auprès de Guftave-Adol-
fe , pour convenir avec ce prince d'un
traité préliminaire. Le feul mérite de
Brezé confiftait dans la parenté de Ri^
chelieu , dont il avait époufé la fœur :
aufli le miniftre qui ne voulait pas ha-
farder le fuccés d'une négociation fi
importante , voulut que fon beau-frere
fût guidé par le baron de Charnacé qu'il
avait renvoyé depuis peu en Allema-
gne. Soit que l'éleéleur de Trêves eût
pénétré que plufieurs membres de la
Ligue , fous prétexte d'embraffer la
neutralité , ne cherchaient qu'à gagner
du tems pour rétablir leurs forces , afin
de recommencer enfuite la guerre avec
208 Campagnes
ardeur, ou que ce prince fentît qu'é-
i(5n. tant le plus expofé aux armes du roi
de Suéde , il ne devait pas attendre
qu'un traité, dont la coflclufion était
incertaine , prévînt fa ruine ; il réfolut
de fe mettre avec fon pays fous la pro-
tection de Louis XIII. Les Efpagnols
accélérèrent ces arran^emens. Trop
faibles pour fecourir leurs alliés , ils
voulaient cependant les dépouiller,
pour empêcher leurs états de tomber
au pouvoir de« proteftans , & s'empa-
rèrent de Trêves de concert avec le
chapitre & malgré l'élecleu)- , qui fit
aufli - tôt entrer dans Hermanftein ,
citadelle de Coblentz , une garnifoii
de deux cents hommes , afin de s'afli:-
rer de la place; il figna enfuite fon
traité avec Louis XIII, & rendit le
même jour une déclaration , dans la-
quelle après avoir déduit fes raifons
pour renoncer à la Ligue Catholique ,
il enjoignait aux fujets de fon éleclorat
&
DE Gustave-Adolfe.^ 209
&: de l'évêché de Spire , de reconnaître
le roi de France pour leur protedeur , i^<^3 1*
T • r ^ 1 .^ ,. 1 Décembre.
de recevoir les troupes dans toutes les
places & de leur fournir des fubfiftan-
ces. L'électeur ne pouvait mieux faire
que de céder à la néceffité , en rom-
pant avec l'empereur & l'Efpagne hors
d'état de le fecourir contre Gullave ,
qui fans l'entremife de Louis , aurait
fait fubir à l'éledorat de Trêves le
même fort qu'à celui de Mayence. La
démarche de l'éledeur irrita le monar-
que Autrichien & les Efpagnols , & lui
attira dans la fuite des marques écla-
tclntes de leur haine.
Les revers qu'éprouvait journelle-
ment la Ligue jetaient dans le plus
grand embarras la cour de Vienne,
qui n'ayant pas de moyens pour traiter
d'une manière honorable , croyait tou-
cher au moment de fa ruine. Elle avait
offenfé prefque toutes lespuiffances &
n'ofait réclamer la médiation d'aucunei
Partie HT. 0
2IO Campagnes
Les infinuations de Lehmerman , Je-
■^^^' fuite, non moins fanatique qu'intri-
Decembre. ,, ,
gant , & que lenipereur écoutait com-
me un oracle, avaient produit prefque
tous ces malheurs. On lui interdit enfin
l'entrée des confeils. Ferdinand fentit
que s'il eût témoigné plus de déférence
au roi de la Grande - Bretagne , en trai-
tant moins rigoureufement le Palatin ,
le monarque Anglais aurait pu négocier
utilement pour les catholiques avec les
proteftans. Les miniftres Impériaux
jugèrent encore poffible de rendre Char-
les L' favorable à leur maître , & infi-
nuerent à fon ambafiadeur à Vienne ,
que fi le roi Britannique voulait être
le médiateur de la paix de l'Allemagne
& difpofer le roi de Suéde à traiter
avec l'empereur ou à lui accorder une
fufpenfion d'armes , le monarque fe
prêterait aux arrangemens propofés en
1627 relativement au Palatin. Qiioi-
qu'il fût vraifemblable que la nécefTité
DE GUST AVE-AdOLFE. 211
plutôt qu'un defir fincere de la paix
didât la conduite de Ferdinand , qui i^3i«
cherchait à gagner du tems & ne con- ^^^^^^b^^^-
fentirait à rendre qu'autant qu'il lui
ferait impoffible de garder , l'ambafiTa-
deur Anglais jugea qu'il devait infor-
mer fon maître des ouvertures du mi-
niftere Autrichien : il envoya à Lon-
dres fon fecretaire , qui fut accompa-
gné par un Capucin chargé des inftruc-
tions de l'empereur. Celui-ci dépêcha
en même tems à Madrid & à Bruxelles
des couriers , dont les dépêches avaient
pour objet de faire fentir à ces deux
cours , qu'il valait mieux reftituer vo-
lontairement le Palatinat , que de s'ex-
pofer à de plus grandes pertes en fai-'
fant de vains efforts pour le conferver.
L'Efpagne ne penfa pas comme Fer-
dinand, & la négociation refta fms
effet. L'arrivée du Capucin à Londres
fervit feulement à récréer les Anglais ;
& ils jugèrent que la fituation de l'env
0 ij
212 Camp a g nés
pereur était déplorable , puifqu'il en-
^^ V* voyait à leur roi une ambaflade fi éco-
iJecembre. "^
nomique. On ne peut dilconvenir que
les moines, & particulièrement les
Capucins, n'aient joué un rôle très-
diflingué pendant la guerre de trente
ans , qui fut l'époque de la grandeur
féraphique ; mais depuis, les difciples
de S. François font retombés dans
une obfcurité plus convenable à leur
inftitut que les intrigues de cour & les
affiiires publiques.
Le monarque Autrichien ne pouvant
fe flatter d'obtenir la paix , réfolut de
faire une nouvelle tentative pour dé-
tacher l'éledeur de Saxe de la Suéde.
On chargea de la négociation le duc de
Saxe - Lavenbourg , dans ,1a perfuafion
qu'un prince du même fan g que Jean-
George acquerrait fur fon efprit plus
de crédit qu'un étranger; & afin de
rendre le duc moins fufpedl, & que
fes demandes pai^uiTent plus définté-
DE GUST AVE-AdOLFE. 21?
reflees , on lui fit quitter fon emploi
au fervice de l'empereur : mais le né- ^ ,
gociateur ne gagna rien fur l'éled:eur ,
qui trouva utile à les vues de ne pas '
renoncer encore à un parti dans le-
quel il s'était jeté moins par inclina-
tion que par néceflité. En même tems
que la cour de Vienne cherchait à re-
gagner Jean - George , elle efîayait
d'engager le duc de Lorraine à un fé-
cond armement , en lui faifant efpérer
de devenir généraliffime de la Ligue.
L'empereur Se le roi d'Efpagne, qui
avaient tout à craindre de la France
qu'ils regardaient avec raifon comme
une rivale dangereufe, cherchaient
depuis long -tems à lui fufciter des
embarras , en poulfant le duc d'Orléans
à la révolte, & en retenant la reine-
mere hors du royaume. Les deux mo-
narques efpéraient par là donner car-
rière à l'inquiétude naturelle des Fran-
çais 5 fe fervir , pour allumer une guerre
0 iij
214 Campagnes
civile, des ennemis du cardinal de Ri-
Dccembre. clielieu qui étaient nombreux , de faire
ainfi une diverfion contre la France en
France même , de précipiter la nation
dans de nouveaux malheurs, & lui
donner affez d'occupation chez elle
pour qu'elle ne pût influer au -dehors.
Mais le cardinal de Richelieu , qui avait
pénétré cette politique qu'il aurait lui-
même employée dans de pareilles con-
jondures , fut en prévenir les effets.
L'invraifemblance d'une paix pro-
chaine impolait à l'empereur l'obliga-
tion de pourvoir aux moyens de con-
tinuer la guerre. Il réforma fa cour &
congédia les officiers les moins né-
ceffaires : mais ces économies ne fuffi-
fant pas , Ferdinand recourut à fes ref-
fources ordinaires ; il redoubla les pè-
lerinages &: les proceffions; il en ima-
gina même d'un genre nouveau. Tous
les enfans de Vienne furent conduits
à la cathédrale & offerts à Dieu par l'é-
DE GuSTAVE-AdOLFE. 2ir
vêque , avec la prière de fe laifler flé-
chir par ces innocens , puifque ceux i<î3i-
qui ne l'étaient plus lui femblaient in- ^^^^ ^^'
dignes de fa miféricorde. Cet aéte de *
fuperftition excita des murmures dans
la ville. On difait hautement , que la
bafe d'une piété folide effc la juftice , &
Se que fi l'empereur ne s'en fût jamais
écarté , & qu'il eut écouté les propo-
fitions raifonnables de fes ennemis , il
ne toucherait pas à fa ruine. L'armée
de Tilli , réduite à trente mille hommes
au plus depuis le départ du duc de
Lorraine, était découragée; celle de
Bavière, forte de douze mille hom-
mes , était hors d'état d'agir offenfive-
ment , à caufe de la quantité de recrues
qui la compofaient : d'ailleurs l'élec-
teur , qui ne voulait pas compromet-
tre fa dernière reflburce , ne favait en-
core s'il accéderait aux follicitations de
la France , ou s'il perfifterait dans les
intérêts de l'empereur. L'armée de Bo-
0 iv
2i6 Campagnes
heme , forte d'environ quatorze mille
^631' hommes, était fugitive & fe mainte-
Dccembre- . . - .
naît avec peme dans une partie de ce
royaume : il ne reliait en Siléfie qu'en-
\iron cinq mille hommes difperfés
dans des garnifons. Les corps que
commandaient dans l'évêché de Bre-
men , le duché de Brunfvick & la Veft-
phalie , le colonel Reinacher , Benning-
haufen, Virmund & le comte de Grons-
feld , réfiftaient avec peine à ceux qui
leur étaitnt oppofés. Les catholiques ,
outre les garnifons , avaient encore des
détachemens difperfés dans différentes
provinces de l'Empire ; mais en géné-
ral la difette & la défertion minaient
leurs troupes; & chaque fois qu'on
leur faifait des prifonniers , plus de la
moitié renforçaient ordinairement le
vainqueur : de manière que Guftave ,
loin de s'affaiblir félon l'ufage par fes
conquêtes & par les garnifons , voyait
croître fes forces tous les jours.
DE GUST A VE- AdoLFE. 217
Les proteftans , outre un grand
nombre de garniforis, avaient à Mayen- 1 65 1.
ce l'armée du roi de Suéde , compofée ^^'^^"^^'^^
de dix - huit mille hommes ; dans le
Rhingau , celle du landgrave de HefTe ,
de quatorze mille ; en Franconie , celle
du feld-maréchal Horn , de feize mille ;
en Turinge, celle du duc Guillaume
de Saxe-Veimar, de dix mille; dans
le Meckelbourg , celle de Tott, de huit
mille; devant Magdebourg , celle de
Banner , de pareille force ; dans le du-
ché de Brunfvick , celle de fix mille
hommes d'infanterie & de cinq cents
chevaux que ralTemblait le duc George
de Lunebourg. Enfin l'électeur de Saxe
était en Bohême avec vingt -quatre
mille hommes qui allaient être renfor-
cés par quatre mille d'infanterie Se
mille de cavalerie , levés par Péledeur
de Brandebourg pour couvrir fes états
contre les entreprifes des Impériaux
reliés en Siléfie. Quelques princes
âi8 Camp a g n e s
catholiques rafTemblaient des foldats
1631' pour fecourir la Ligue ; l'empereur fai-
Décembre. p ., j ai t.^
lait des enrolemens en Moravie, en
Autriche, dans leTirol, le Milanès &
le royaume de Naples : ces levées n'é-
galaient pas celles des proteftans dans
prefque tous les cercles d'Allemagne.
L'Efpagne ne négligeait rien pour fe*
courir l'empereur ; mais la France avait
dans le pays Meflîn une armée capable
de donner à cette puifTance aflez d'oc-
cupation pour l'empêcher de penfer à
autre chofe qu'à fa propre défenfe.
Tout annonçait à Ferdinand la def-
truclion de fa puiflance; les Suédois
étaient dans le cœur de l'Empire ; Té-
vêque de Vurtzbourg, celui deVorms
& l'éledeur de Mayence étaient chafles
de leurs états ; le même fort menaçait
révêque de Bamberg ; le duc de Lor-
raine retiré dans les fiens, fe voyait
forcé de renoncer à l'alliance de l'em-
pereur 5 l'élecleur de Trêves venait de
DE GusT ave-Adolfe. 219
fe mettre fous la protedion de la Fran- TTTj"
ce, & celui de Bavière paraiflait dif- c^ice^bre.
pore à préférer la neutralité aux hafards
de la guerre. Tous les états proteffcans
s'étaient armés pour la défenfe de leurs
prérogatives & de leur religion. Les
Efpagnols , déjà battus dans plufieurs
rencontres par le roi de Suéde , ne
jugeaient pas qu'ils pufTent conferver
le Palatinat. Les Turcs continuaient à
ravager les frontières de Hongrie , &
paraifTaient difpofés à commencer bien-
tôt la guerre. Les Saxons, maîtres
d'une grande partie de la Bohême,
pouvaient conquérir le reffce.
Quoiqu'on eût pris quelques précau-
tions pour les empêcher de pénétrer
en Moravie , & qu'Olmutz , Znaim ,
Brinn & d'autres villes de cette pro-
vince eulTent réfolu de lever des fol-
dats pour leur défenfe , Ferdinand était
dans la crife la plus violente où puifTe
fe trouver un fouverain. La moUeffe
220 Campagnes
avec laquelle Valftein raflemblait des
1631. troupes, prouvait fa répugnance à rem-
* plir fes engagemens , & obligeait l'em-
pereur à prendre d'autres mefures ; il
lui fallait de l'argent, & les coffres
étaient vuides : il convoque les états
d'Autriche & de Moravie , & les con-
jure de lui fournir des fecours : il de-
mande aux premiers environ trois cents
quarante mille florins pour l'entretien
des places du pays & affurer la frontière
du côté de la Hongrie ; une prompte
contribution pour fubvenir aux dépen-
fes inftantes qu'exige le mauvais état
des affaires ; de fournir les vivres in-
difpenfibles aux troupes , & que tous
les ordres des états priffent les armes
quand la néceffité l'exigerait.
Les peuples étaient épuifés , & il
fallut recourir à des impôts forcés : les
terres , les maifons , les hommes , les
beftiaux & même le clergé furent taxés
exceffivement. La mifere était fi gé-
dI: Gustave-AdolfeV 221
nérale que les bourgeois & les pay- ssies
fans ne payaient les impôts qu'avec une ^?^^,^•
^ ' ^ *^ ^ Décembre.
peine extrême ; & la rigueur avec la-
quelle on les exigeait, produifait de
fréquentes féditions. L'empereur fe flat-
tant de trouver des reflburces en Hon-
grie , en avait convoqué la diète , à la-
quelle fes commiflTaires demandèrent
des troupes & de l'argent. Les états
refuferent l'un & l'autre : ils alléguè-
rent que les incurlions desTurcs avaient
ruiné le pays ; que les préparatifs de
Ragotzki , prince de Tranfilvanie , les
avertilfait de fonger à leur défenfe;
que leurs privilèges les difpenfaient de
fortir du royaume pour féconder leur
roi dans une guerre étrangère, & qu'en-
fin ils ne jugeaient pas à propos de
rompre la bonne intelligence qui avait
toujours fubfifté entre les couronnes
de Hongrie & de Suéde. Le comte
d'Efterhazi , palatin de Hongrie , en-
tièrement dévoué à l'empereur, leva
222 Campagnes
avec beaucoup de peine par fon feul
163 1. crédit fix mille huflards qu'il joignit à
douze cents cavaliers raflemblés à Pres-
bourg ; mais ces troupes refuferent de
marcher , à moins qu'on ne les payât ;
& faute de folde , elles ravagèrent plu-
fieurs diftriéls de Hongrie : il y eut
même dans ce royaume des fouleve-
mens que l'on ne put appaifer qu'au
moyen d'un corps de troupes qu'on y
envoya par la Moravie, aux ordres
du général Goetz.
L'Efpagne avait promis à l'empereur
un fubfide de cent mille florins par
mois ; mais cette fomme jointe à ce
que le monarque tirait de fes fujets 9
ne fuffifant pas à fes befoins , il fe vit
réduit à faire fon poffible pour infpirer
la pitié. Ses agens publiaient que h
religion catholique ferait anéantie , fi
l'on ne fecourait promptement la bran-
che allemande de la maifon d'Autriche.
Ce moyen ne réuflit pas. Le comte de
DÉ GUST A VE-AdoLFE. 22?
Rabata alla au nom de Ferdinand im-
plorer l'afTiftance de prefque tous les 163 1.
princes d'Italie : l'Efpagne appuyait ces ï^^«"^^'^*
follicitations. Rabata s'adrefTe d'abord
aux Génois , dont il n'obtient que des
civilités. Le fénat de Venife répond ,
que fi la guerre de Mantoue n'avait pas .
épuifé le tréfor de la république, elle
s'empreflerait de fecourir l'empereur ;
mais qu'elle nepeut étendre fes vues
au - delà de fa propre fureté & de celle
de l'Italie. La république de Lucques
chargea Rabata de témoigner à l'em-
pereur à quel point elle était flattée
qu'un fi grand monarque lui eût fait
l'honneur de penfer à elle. Quelques
milliers de florins auraient été plus uti-
les à Ferdinand que ce compliment
refpedueux. Le grand - duc de Flo-
rence promit un fecours proportionné
à fes facultés , & non aux befoins de
la maifon d'Autriche. Le duc de Mo-
dene aflura qu'il ferait fon pofl^ible pour
224 Campagnes
envoyer ou conduire lui-même en
153 1. Allemagne quelques troupes. Prefque
' tout le monde était infenfible aux mal-
heurs de l'empereur. On croira facile-
ment qu'il n'avait pas oublié le pape ,
père commun des fidèles : le cardinal
Pazmani s'était rendu à Rome pour
engager le pontife à contribuer aux
frais de la guerre d'Allemagne & à pu-
blier une croifade contre les proteftans ;
mais Urbin VIII n'avait pas encore
pardonné à Ferdinand les inquiétudes
qu'il lui avait données pendant la guer-
re de Mantoue : il favait d'ailleurs que
les armes de Guftave-Adolfe n'étaient
dirigées que contre la maifon d'Autri-
che, dont la puiflance pouvait être mo-
dérée fans que la religion cathohque
en fouffrît Le pape voyait avec plaifir
dans l'embarras un fouverain qui joi-
gnait à une ambition démefurée les
prétentions ordinaires des empereurs
fur l'ItaHe & en particuher fur l'état
de
DE Gustave-Adolfe. zzç
de l'églife ; le pontife était ravi en
même tems de voir partager le fort de i^3 1-
Ferdinand à PEfpagne , motrice des ^^^'" ^^'
troubles de Mantoue.
Urbin , pour fe difpenfer de donner
de l'argent , allégua que la dernière
guerre d'Italie avait non - feulement
diminué les revenus du faint-fiege,
mais qu'elle l'avait même obéré , en
l'obligeant à des dépenfes énormes
pour la fureté du patrimoine de faint
Pierre. Le pape s'emprefla en même iç
tems de publier un jubilé univerfel ,
dans l'objet d'implorer les fecours du
Très-Haut pour la profpérité du faint-
fiege, l'extirpation des héréfies & le
rétabliflement de la concorde entre les
princes chrétiens. Le pontife ouvrit
lui - même le jubilé par une proceflion
générale , après laquelle il accorda libé-
ralement les indulgences Jes plus éten-
dues aux armées de l'empereur. Les
envoyés du monarque & du roi d'Et
Partie JIU P
226 Campagnes
7777" pagne virent bien que le pape les jouait
Décembre. & couvratt par des dévotions fort inu-
tiles à leurs maîtres , le refus d'un fe-
Goursfolide. Ferdinand fut très -irrité
de la conduite d'Urbin ; mais ne pou-
vant fe venger , il diffimula. -
ï ^5 1 • Non-feulement l'empereur avait be-
foin d'argent , mais il lui fallait en ou-
tre un général capable de contrebalan-
cer la fortune du grand Guflave. Tilli j
qui depuis la journée de Leipzic ne
fit plus rien de digne de fa réputation
palTée , avait perdu la confiance de fon
parti , & il ne reftait à la Ligue d'autre
reflburce que le duc de Valftein , qui
perfiffcait à refufer le commandement,
afin de fe faire acheter plus cher & de
dicter des loix à Ferdinand & au roi
d'Efpagne. Le monarque Autrichien
voulut s'aller mettre à la tête de fes
armées : il avait eu le talent de trou-
bler l'Empire , & fes miniftres jugeant
qu'il aurait fans doute celui de fe flûre
deGustave-Adolfe. 227
battre , & qu'alors les affaires iraient
encore plus mal, ils s'attachèrent à ^^^2.
changer fa réfolution , & à le convain- •^^'^^^^''•
cre que Valftein feul pouvait arrêter
les conquêtes du roi de Suéde & fou-
mettre les proteftans. Ces infinuations
n'étaient pas défintéreirées de la .part
des miniftres ; car plufieurs fondaient
leur fortune fur celle de Valffcein qui
avait fu les gagner. Ferdinand con-
vaincu que le duc eft fon unique réf.
fource , fe détermine à une nouvelle
tentative, quoiqu'il trouve humiliant
de s'abaifler devant fon fujet ; mais il
forme la réfolution de faire fentir à cet
homme fuperbe le poids de l'autorité
fouveraine , s'il l'expofe à l'affront d'un
nouveau refus. Valftein , inftruit des
vues de l'empereur , affede de dire pu-
bliquement qu'il ne reprendra jamais
le généralat. 11 fentait à quel point fa
réfiftance choquait l'orgueil de Ferdi-
nand j mais il favait que , s'il n'accep-
16B2.
Janvier.
228 Campagnes
tait le commandement des armées , le
monarque était perdu , & il voulait
profiter de fon embarras pour fe rendre
maître des affaires.
Le prince d'Eggenberg , Tévêque de
Vienne , & un Capucin Efpagnol , aufli
adroit qu'intrigant , nommé Chiroga ,
fe rendent à Znaim , par ordre de l'em-
pereur , pour offrir le généralat à Val-
ftein & combattre fa répugnance. Jls
commencèrent par lui repréfenter qu'il
devait facrifier fes mécontentemens
particuliers au bien public ; qu'il était
fiatteur pour lui , que Ferdinand ne crût
pas avoir dans fes vail:es états un fujet
plus digne de rétablir la gloire de fes
armes, & que le monarque daignât
defcendre de fon trône pour le conju-
rer de reprendre le commandement des
armées. Valftein allègue les mêmes
raifons rapportées précédemment, &
ajoute <* qu'il trouvera les troupes en-
„ tiérement découragées , & n'aura au-
DE GUST AVE-AdOLFE. 229
„ cun moyen pour leur rendre de Té-
5, mulation , puifque tous les objets qui
j, doivent être la récompenfe de la bra-
5, voure, font devenus l'apanage de
55 l'intrigue & de la faveur ; que jour-
„ nellement expofé aux calomnies des
,5 Jéfuites & de l'éleéleur de Bavière
55 fes ennemis déclarés , il ne voit que
55 du danger à foufcrire aux defirs de
5, l'empereur ; que comme la néceflité
„ feule engage le monarque à le re-
55 chercher , s'il eft aflez heureux pour
55 triompher des proteftans , on ne ba-
,5 lancera pas à le facrifier une féconde
55 fois dès qu'on n'aura plus befoin de
,5 fes fervices ; que fi ..au contraire il
„ eft vaincu , l'on fe portera contre lui
55 aux dernières extrémités , & qu'ainli
,5 il ne peut accepter le généralat fans
„ courir à fa perte. » Eggenberg ré-
pond féchement à Valftein , « qu'il eft
„ encore plus dangereux pour lui de
„ perfifter dans fes refus , qu'il lui con-
P iij
I<552.
Janvier.
'230 C A IVI P A G N E S
„ fie en ami , que s'il ne fatisfait Pem-
^ ^' i> pereiir , le monarque irrité de fe voir
Janvier. , .p/ p r • ,. r
„ meprile par ion iujet, le vengera
„ d'une manière éclatante ; qu'il eft ini-
„ prudent de forcer fon fouverain à des
3, démarches humiliantes & à un aveu
„ public de fes torts ; qu'au refte il lui
35 offre de la part de Ferdinand toutes
„ les fûretés qu'il demandera , & que
. „ le monarque l'autorife à fixer lui-
„ même le prix de fes femces, les
33 récompenfes & les honneurs aux-
5, quels il prétend. »
Ce difcours étonne Valftein ; il ré-
plique que, puifqu'on s'en rapporte à
lui pour les conditions, il demande
vingt -quatre heures pour réfléchir à
celles qu'il doit exiger. Le terme écou-
lé , il remet au prince d'Eggenberg les
articles dont voici la fubftance : i°. Je
ferai feul généraliffime de l'empereur,
du roi d'Efpagne & de toute la mai fon
d'Autriche , fans qu'on puifle me don-
DE GUST A VE-AdOLFE. 25ï
ner jamais un iiipérieur. 2*. L'empe-
reur & le roi de Hongrie ne pourront ^^32.
venir à l'armée. Quand la Bohême fera ^^"^^^'■'
reconquife, le dernier réfidera à Pra-
guç, & Balthazar de Maradas reliera
dans le royaume avec douze mille
hommes abfolument néceffi\ires pour
contenir les peuples & empêcher de
nouvelles rebellionsi 3^. L'empereur
m'afliirera authentiquement à titre de
récompenfe ordinaire la fucceffion de
quelqu'un des états héréditaires d'Au-
triche. 4<^. J'aurai comme une récom^
penfe extraordinaire la fuzeraineté &
le domaine dired de tous les pays qui
feront reconquis dans l'Empire, f^.
Tous les états qui feront confifqués
m'appartiendront ; de manière que ni
le confeil aulique de l'Empire , ni la
chambre impériale ne pourront y pré-
tendre ni droits ni jurifdiétion queU
conques. 6°. Je ferai maître abfoîu des
emplois , des peines & des récompen^
Piv
232 Campagnes
fes des gens de guerre , de quelques
1532. gY?ide & qualité qu'ils foient. Comme
l'empereur laiflTe beaucoup de fautes
impunies & détruit par œtte indul-
gence les deux grands reflbrts qui font
agir les hommes , la crainte des châti-
mens & l'efpoir des récompenfes , les
lettres de grâces accordées par S. M. T.
& fignées de fa main , feront nulles à
moins que je ne les ratifie. 7^. Je ferai
rétabli à la paix dans le duché de Mec-
kelbourg. 8^. On me fournira l'argent
nécefîaire à l'entretien des troupes &
aux frais de la guerre. 9^), Tous les
pays héréditaires de l'empereur me fe-
ront ouverts en cas de retraite ou de
paflage.
Le prince d'Eggenberg , l'eA^êque de
Vienne & le Capucin Chiroga avaient
toujours penfé que Valftein exigerait
beaucoup; mais ils ne croyaient pas
que fes prétentions fuflentfi étendues.
Us voulurent l'engager à les modérer :
DE GuSTAVE-AdOLFE. 25?
le duc répondit que fes fervices étaient
à ce prix. L'empereur ne pardonna ja- i<^52.
mais à Valftein de lui avoir prefcrit
des conditions humiliantes ; cependant
il les ratifia : ce qui prouve l'extrémité
où il fe trouvait Cet excès de faibleflfe
dans le chef de l'Empire à l'égard d'un
lîmple particulier tel que le duc , dé-
plut à quelques Autrichiens & aux Et
pagnols , qui naturellement fiers font
choqués quand leurs maîtres s'avilif.
fent : les uns & les autres foufFraient
de voir Ferdinand foumis aux caprices
d'un fujet arrogant ; mais ils feignirent
d'approuver ce qu'ils ne pouvaient
changer, & de céder à la néceffité;
d'ailleurs les épargnes immenfes deVal-
ftein & l'efliime que les gens de guerre
avaient pour lui , le rendaient plus pro-
pre qu'un autre à rétablir les affaires
de la maifon d'Autriche. La cour de Ma-
drid même traita le duc en homme né-
eeffaire , car elle joignit à des patentes
254 Campagnes
honorables Tordre de la Toifon d'or.
1(552. Lespartifans de Valftein triomphaient
de s'être ouvert le chemin du crédit &
des honneurs qui devaient être le prix
de leurs confeils. La nouvelle que le
commandement fuprême avait été ren-
du au duc, releva le courage abattu
des peuples habitués à fe repaître des
efpérances qui flattent le plus leur pré-
vention. On ne manqua pas d'ériger
en vertus , les vices même de Vaftein ;
il était extraordinaire en tout , & on
lui fît un mérite de fes caprices , parce
que la fmgularité frappe davantage le
vulgaire que le vrai mérite. Enfin la
nomination du nouveau généraliflime
produifit une forte d'ivrefle.
Prefque tous les grands de la cour
de l'empereur fe cotiferent & lui four-
nirent gratuitement des fommes con-
fidérables , & Valftein deftina généreu-
fement au rétabliflement de l'armée
une partie de celles qu'il avait amaffées
DE GUST AVE-AdOLFE. 2K
pendant fon premier généralat. Les
Jéfuites fe diflinguerent , en levant à
leurs dépens cinq régimens : il eft vrai
que le zèle de ces moines n'était pas
défintéreflë 5 ils ne voulaient contri-
buer à la deftruâion des proteftans
que dans l'efpérance d'être mis en pof-
feflion des biens eccléfiadiques , que
ceux-ci s'étaient appropriés à l'époque
de la réforme.
Il fut d'abord queftion de lever trente
mille hommes ; mais Valftein trouva
que ce n'était pas afTez , parce que plu-
fieurs princes de l'Empire, en réu-
nifiant leurs forces , pouvaient en avoir
davantage : il prétendait d'ailleurs,
qu'aufii long-tems qu'on fe bornerait
à faire la guerre à forces égales , on
dépendrait toujours des caprices de la
fortune ; que fi l'on ne cherchait pas à
s'aflurer la vidoire par la fupériorité
du nombre , le tems s'écoulerait , &
les peuples feraient ruinés fans fruit ^
2^6 Campagnes
& que fi l'on était obligé de foutenir
i6i2. i^ guerre dans les états héréditaires',
Janvier, pg^^pej-euf f^j-^it bientôt réduit à con-
clure uns paix honteufe ; au lieu qu'a-
vec une armée nombreufe on porterait
facilement la guerre dans le pays en-
nemi , & l'on vivrait à fes dépens.
Bientôt , ajoutait Valftein , l'empereur
fera l'efclave de fes vaflaux & de leurs
alliés , s'il n'a des forces fuffifantes
pour les contenir : dans la fituation où
font les affaires , cent mille hommes
fuffiront à peine , s'il veut conferver fa
couronne. Ces raifons firent impreffion,
& l'on réfolut de lever autant de trou-
pes qu'on pourrait.
Valflein envoya dans les Pays - Bas
le comte de Mérode pour engager les
Efpagnols à y lailfer raffembler cinq
mille hommes pour le fervice de la
Ligue. Le généraliffime chargea Terz-
ki (a) fon beau-frere , & le comte
(fl) Ou Tcrzica.
DE Gustave-Adolfe. 237
de Dohna d'aller en Pologne pour ob-
tenir du roi Sigifniond en particulier &
des Polonais en général , un puifiant
fecours. La négociation avait déjà été
entamée par Arnoldini; mais la diète,
confidérant que les Mofcovites alors
en bonne intelligence avec la Suéde ,
pouvaient faire en faveur de Guftave
une puiflante diverfion contre la répu-
blique , fe refufa aux demandes de la
cour de Vienne , quoique Sigifniond
qui délirait traverfer les Suédois, fé-
condât de tout fon pouvoir le miniflre
Autrichien. Les agens de Tempereur
furent donc réduits à négocier fecré-
tement avec des particuliers , dont le
plus grand nombre ne leur accorda
rien; mais ils parvinrent à engager
quelques feigneurs bigots à des levées
clandeftines, qui filèrent en Siléfie. En-
fin ce fecours coûta plus de peines
qu'il ne valait ; il confiftait au plus en
deux mille chevaux & en trois mille
155 a.
Janvier.
Janvier.
238 Campagnes
mauvais fantaflins de différentes na-
1652. tions. Ifolani fe rendit en Croatie,
d'où il ramena un corps de cavalerie
légère. Les recruteurs fe répandirent
dans la Siléfie , la Moravie , l'Autriche,
la Styrie , le Tirol & la Carinthie. Val-
ftein régla que la plus grande partie
des troupes exiftantes fubfifterait aux
dépens de la Bohême , où elles étaient
néceffaires pour contenir les Saxons;
il décida en même tems que la Siléfie
fournirait des quartiers à quatorze mille
hommes , la Moravie à douze mille ,
la haute & la baffe Autriche à fix régi-
mens chacune. Les environs de Vienne
à trois lieues à la ronde furent feuls
exceptés. Les députés de ces provinces
repréfenterent l'impoffibilité qu'elles
fubvinffent A cette furcharge. On les
adreffi à Valftein qui les renvoya chez
eux après leur avoir allégué pour toute
rëponfe, cet axiome : La nécejjîté ejl
ûU'deJJus des loix^
DE GuSTAVE-AdOLFE. 259
L'empereur enjoignit à tous fes gé-
néraux de remettre leurs troupes à Val- i ^3 2-
ftein & de prendre fes ordres.On éprou- J^^^^*^^'
va l'effet que produit fur la multitude
un homme accrédité. Un grand nombre
d'officiers dévoués au duc & retirés du
fervice en même tems que lui , accou-
rurent pour demander de l'emploi. Val-
ftein fit venir près de lui tous les co-
lonels , & eut pour la première fois de
fa vie , ces manières engageantes que
favent prendre les grands avec ceux
dont ils ont befoin. Le généraliffime
n'ordonnait pas , il priait. Tant d'affa-
bilité dans un cheffidefpote commu-
niquait une vertu perfuafive à tout ce
qu'il difait ; il fut d'ailleurs exciter l'é-
mulation générale , foit par des encou-
ragemens , foit en accordant à quelques
officiers des grades fupérieurs à ceux
dont ils étaient revêtus. On ne voyait
par -tout qu'enrôleurs & enrôlés qui
fe rendaient à Znaim, où Valftein avait
Janvier.
S40 Campagnes
établi fon quartier général & le rendez-
uJr^' ^^'-^^ ^^^ forces qu'il aflemblait. Quoi-
qu'on trouvât des hommes plus faci-
lement qu'auparavant , on enlevait de
force ceux qui refufaient de marcher.
Cette violence & les pafTages fréquens
de troupes excitèrent parmi les peuples
beaucoup de murmures qu'on dédai-
gna , félon la coutume. Ces levées ex-
traordinaires d'hommes diminuèrent
fenfiblement la population des états
héréditaires déjà épuifésparla longueur
de la guerre & nuifirent à l'agriculture ;
mais enfin l'empereur eut une armée
fuffifante pour modérer les fuccès de
Guftave-Adolfe , fi le nombre pouvait
compenfer le génie.
Valftein perfuadé que fans une dif-
cipline rigide fës plus grandes armées
n'opèrent rien d'utile, fit des régle-
mens pour la rétablir ; il avait pour
maxime de mettre à l'épreuve l'obéif.
fance des officiers & des foldats par des
ordres
DE Gustave- Ad OLFE. 241
ordres extraordinaires : la plus légère
omiflîon étaitàfes yeux un crime ca- ^<^5 2'
. 1 .1 / 1 ' T. ' • Janvier.
pitai ; Il régla que toute 1 armée aurait
à l'avenir des écharpes rouges , & dé-
cerna la peine de mort contre quicon-
que en porterait d'une autre couleur;
il déclara qu'on chalTerait avec igno-
minie les officiers de cavalerie & les
cavaliers qui paraîtraient en public fans
bottes garnies d'éperons , & défendit
fous la même peine à l'infanterie d'em-
ployer cette chaufîure ; il menaça de
fon indignation, même les généraux
qui s'aviferaient de parler haut chez lui
& aux environs , à moins qu'il ne le
leur permît ; de manière que ce filence
humiliant pour Pefpece humaine & in-
connu ailleurs que dans les palais des
defpotes d'Orient , régnait prefque tou-
jours dans la maifon de Valftein : il don-
nait de tels ordres pour augmenter la
crainte qu'il voulait infpirer , car le ref-
peél feul ne le fatisfaifait pas; au refte
Pmie m, Q
242 Campagnes
"77~~ lâchant combien la familiarité contri-
.lo32. , ,
1 . bue à le détruire , il fe communiquait
Janvier. ' ^
rarement; car comme il était convaincu
qu'un maître perd toujours de fa confi-
dération aux yeux de fes domeftiques ,
quelqu'obéiiïance qu'ils lui doivent &
quel que foit l'éclat de fon rang, il
penfait de même qu'un général qu'on
voit fréquemment ne peut en impofer
à fes fubordonnés , qui s'accoutument
à le confidérer moins comme un chef
qui ordonne, que comme un égal qui
confeille.
11 paraît néceflaire d'ajouter quelques
traits à refquifiTe faite ailleurs du por-
trait de Valftein , afin d'achever de dé-
velopper fon caradere. Chafle du col-
lège à caufe de fa turbulence , il devint
page du margrave de Burgau , fils de
l'archiduc Ferdinand d'Infpruck , em-
brafla enfuit e le parti des armes & s'é-
leva rapidement aux premiers emplois ;
il était de grande taille &: d'un tempe-
DE Gustave- A DOLFE. 245
rament fec , avait le teint olivâtre , les ^"^'^^
cheveux roux & fort courts , les yeux ^^5 2.
vifs, un afped farouche & une voix J^'^^'^^^-
rude ; il parloit peu & ne riait prefque
jamais. Il étoit inexorable pour la
moindre fliute : on allure qu'il lit pen-
dre un valet - de- chambre pour l'avoir
éveillé contre fon ordre. On le taxait
de cruauté & avec raifon ; mais il s'ex-
cufait en difant que c'était le moyen
d'avoir peu de punitions à infliger , par-
ce que quiconque voit châtier févére-
ment une faute légère, craint d'en com-
mettre une plus grande , & qu'il y a
beaucoup d'art à favoir par l'exemple
d'un mauvais fujet retenir les autres
dans le devoir, & ne fe réferver que
le foin de récompenfer. Plutôt prodi-
gue que généreux , fi Valftein punifiait
avec rigueur , il récompenfait avec ex-
cès 5 ne donnant jamais moins de mille
écus. Comme les récompenfes étaient
magnifiques, chacun s'efforçait d'en
244 Campagnes
" mériter ; il mefurait toujours fes bieii-
, * faits , non à la condition , mais au mé-
Janvier. a i
rite qu'il croyait reconnaître dans ceux
qui les recevaient Valffcein voulant
s'attacher Seni, aftrologue fameux,
charge fon maître-d'hôtel , autre Ita-
lien nommé Peroni , d'aller à Vienne
pour l'attirer à fon fervice. Peroni con-
vient avec fon compatriote qu'on lui
donnera par mois vingt -cinq écus de
gages; le duc en fut indigné. Garde ,
dit - il à fon maître - d'hôtel , ta lé fine
italienne pour quand tu feras dans ton
pays : elle peut convenir dans ta mai/on ;
mais elle ferait déplacée chez moi. J'au-
rais honte de f mal récompenfer les grands
talens de Seni , 0 d'avoir à mes gages
un homme qui Je croirait payé ou-dejfous
de fa valeur. L'allrologue eut quatre
cents écus pour fon voyage qu'il pou-
vait faire en un jour, deux mille écus
d'appointemens , un carrolfe & des do-
meftiques. Valilein avait \m fi grand
DE Gustave-Adolfe. 24r
faible pour l'aftrologie, qu'il ne faifait
rien fans confulter les aftres , & n'em- ^
ployait qu'avec répugnance ceux qui
étaient nés fous des conftellations qu'il
croyait malheureures. Le duc fe plai-
fait à enrichir quiconque avait du mé-
rite, fans égard à la condition ; plulieurs
limples foldats furent élevés pour une
belle adion au grade de capitaine , avec
un revenu proportionné à leur nou-
veau rang. Valftein né dans la médio-
crité, affed:ait d'humilier ceux qui n'a-
vaient d'autres avantages qu'une naif-
fan ce diftinguée. Tout le monde cher-
chait à gagner les bonnes grâces du
duc par des adions de valeur, & jamais
par de lâches flatteries ou des déla-
tions : il avait en horreur ces moyens
honteux qui fubjuguent tant d'hom-
mes en place. Quand un officier dont
il ne connaifîait pas les talens venait
lui faire un étalage pompeux de fon
zele : ^//e{ , lui di[mt'il , prouver ce quQ
Q iij
an vier.
246 Campagnes
vous avance^ „ & alors je vous verrai
\^^' avec plaifir. Les politefles recherchées
le contrariaient ; & quand il rencon-
trait un révérencieux : Vous êtes , di-
fait-il , un de ces complimenteurs qui le
chapeau à la main s* arrêtent une demi-
heure à une porte ^ & s* enrhument pour
Javoir à. qui pajfera le dernier. Le duc
accompagnait cette leçon de plufieurs
révérences grotefques, & fe retirait
brufquenient.
Le luxe de Valftein furpafTait celui
des fouverains les plus magnifiques;
il avait toujours cinquante gardes dans
fon anti - chambre , tandis que douze
autres faiiaient continuellement la ron-
de autour de fa maifon ou de fon quar-
tier , pour empêcher le bruit que le duc
ne pouvait fouffrir ; il entretenait un
nombre prodigieux de domeftiques de
différentes clalTeSjfoixante pages no-
bles & beaucoup de gentilshommes.
Quatre chambellans étaient chargés
DE Gustave-Adolfe. 247
d'introduire à fon audience ceux qu'il
daignait y admettre, ou de £iire les i<^3S.
honneurs de fa maifon aux étrangers. ^^^'''^^^°
Il avait toujours pour premier maître-
d'hôtel un homme de qualité & douze
barons ou chevaliers de l'Empire près
de fa perfonne pour recevoir fes ordres
& les faire exécuter. Il entretenait cin-
quante attelages à fix chevaux; &
quand il voyageait, il était fuivi par
cinquante palefreniers menant chacun
en main un cheval de prix; cinquante
chariots portaient fon bagage. Il faifait
fervir cent plats fur fa table , n'y pa-
raiflait prefque jamais & fe contentait
dans fon particulier d'un repas frugal.
Valftein avait un grand nombre de pa-
lais & de maifons de plaifance meublés
magnifiquement. Fils d'un fimple gen-
tilhomme Bohémien & né dans la mi-
fere , il fubvenait à des dépenfes ex-
ceffives avec le fruit des dépouilles de
l'Empire. Ses revenus confiftaient en
0 iv
248 * Campagnes
cinq cents mille écus provenans de fes
16^2. terres , en cent vingt mille d'appointe-
Janvier. / ' i-rr x. •
mens comme generaiiiiime , en trois
millions de livres de rentes fur la ban-
que de Venife & en une fomme im-
menfe d'argent comptant
Jamais perfonne n'a mieux connu
que Valftein les faiblefles du cœur hu-
main & n'y a été plus en proie ; il avait
un rare talent pour faire agir deux
puiflans refforts , l'ambition & l'inté-
rêt , enfin pour jouer de l'homme. Sa
rigueur était tempérée par fa bienfai-
fance. Si pour acquérir il commet-
tait des vexations également baffes 8c
odieufes , d'un autre côté il répandait
à pleines mains : affemblage bizarre de
grandes vertus, de grands défauts &
même de vices , c'eft l'un des hommes
les plus extraordinaires qui aient paru
fur la fcene du monde. Valftein avait
un grand caradere avec des talens mi-
litaires médiocres. Guftave - Adolfe
DE Gustave-Adolfe. 249
l'eftimait peu & l'appellait le fot , ftii-
fant ainfi allufîon à fa vanité &à fon ï<^32.
orgueil. On a vu que le monarque don- ^^^'^^^'
nait au comte de Tilli l'épithete de
vieux caporal ; il défignait toujours
Pappenheim par celle de foldat. Ces
fobriquets peignent au naturel les trois
généraux de la Ligue.
Dès que l'électeur de Bavière fut que
Valftein allait reparaître à la tête des
armées , il fit partir Donnersberg fon
chancelier avec une lettre pour l'em-
pereur : il prétendait que fes forces
n'étaient pas fuffifantes pour réfifter
aux Suédois ; que l'infante des Pays-
Bas lui avait mandé de ne rien hafar-
der contre eux , à moins que d'avoir
aflez de troupes pour les réduire à la
défenfive ; qu'il avait fenti la nécelfité
de temporifer, plutôt que de ruiner
inutilement fon armée avant que les
forces de la Ligue fuffent raflemblées
& puffent agir ; qu'il fallait efpérer que
2fo Campagnes
la facheufe fituation des catholiques
1652. changerait ; enfin qu'il foupçonnait à
la France le deflein d'envoyer une ar-
mée à leur fecours , & qu'il était afluré
que les préparatifs de cette couronne
«l'étaient pas deftinés contre la maifon
d'Autriche. L'élecleur cherchait par ces
raifons à excufer aux yeux de l'em-
pereur l'ordre donné au comte de Tilli
de refter fur la défenfive , ce qui Tavait
empêché de fecourir efficacement con-
tre Guftave le cercle de Franconie &
les électeurs eccléfiaftiques. A l'égard
des projets que Maximilien prêtait à la
France , ce qu'on a rapporté précédem-
ment prouve que c'était une chimère ;
il cherchait fans doute à fe donner un
relief auprès de la cour de Vienne , en
perfuadant que c'était à fon intelli-
gence avec le cardinal de Richeheu
que la Ligue devrait les fecours de
Louis XIII ou au moins l'inaction de
ce monarque. Voyant le parti catho-
DE GUST AVE-AdOLFE. 2fl
îique prefqu'écrafé , l'éledeur voulait TTTT^
négocier en même tems avec l'empe- janvier.
reur & le roi de France , afin de pou-
voir tromper l'un ou l'autre félon que
fon intérêt l'exigerait , & la tournure
que prendraient les affaires de la Ligue.
Maximilien ajoutait dans fa lettre<< qu'il
„ avait toujours efpéré que Valftein -
35 dépofé dugénéralat en i^^oàlafol-
3, licitation des éledeurs , ne pourrait
53 être rétabli que de leur confente-
,5 ment ; mais qu'il apprenait avec éton-
„ nernent qu'on eût dédaigné de les
55 confulter ; que cependant dans des
,5 conjondures fi malheureufes il con-
55 fentait à facrifier fon mécontente-
55 ment particulier , & voulait bien ne
5, pas s'oppofer au retour de Valftein j
53 mais qu'il fe croyait en droit de de-
55 mander que , quand le nouveau gé-
,5 néraliffime rentrerait dans l'Empire ,
55 il épargnât le duché de Bavière , déjà
,5 épuifé par tout ce qu'on en avait tiré
1532.
Janvier.
2f2 Campagnes
pour foutenir la guerre , le difpenfat
de fournir des quartiers aux troupes,
& même de leur pafTage ; que comme
il était probable que le roi de Suéde
finirait par reconquérir le palatinat
du Rhin & celui de Bavière , il fup-
pliait S. M. I. de lui reftituer en
échange la partie de la Haute -Au-
triche qu'arrofe l'Ems, qu'on lui avait
hypothéquée précédemment ; qu'au
furplus il offrait de féconder le mo-
narque Autrichien autant que l'épui-
fement de fes reffources le permet-
trait , & qu'il avait déjà pris des me-
fures pour que l'ennemi ne pût pé-
nétrer avec facilité dans le cœur de
l'Autriche, & notamment dans le
pays qui avoifme i'Ems , à la confer-
vation duquel il devait s'intéreffer
particulièrement „.
Pour comprendre ce qu'on A^ent
de lire , il faut fe rappelier que l'em-
pereur, afin d'engager dans fon parti
DE GuSTAVE-AdOLFE. 2f5
le duc de Bavière au commencement ^**^
des troubles de Bohême , lui avait cédé .,
Janvier.
une partie de la Haute-Autriche, contre
laquelle il échangea dans la fuite le
palatinat de Bavière confifqué au pala-
tin Frédéric V , & paya ainfi fon allié
aux dépens de fon ennemi , en violant
il eft vrai les loix de l'Empire ; mais
on a prouvé que Ferdinand n'était pas
homme à les obferver lorfqu'elles con-
trariaient fes intérêts. La lettre de l'é-
leéleur & plus encore fon refroidifle-
ment pour la Ligue inquiétèrent le
monarque ; il répondit en termes géné-
raux, mais fort ménagés, à tous les
points de la lettre du duc , dont il crai-
gnait d'être abandonné , & ne négli-
gea en même tems aucun des moyens
propres à le retenir dans fon parti.
Pour Valflein , il dédaigna de diffimu-
1er ; & quand il apprit les plaintes de
Maximilien à fon fujet, il s'emporta
contre ce prince , tint publiquement
2f4 Campagnes
fur fon compte des difcours injurieux,
1632. & dans la fuite lui fit elTuyer mille dé-
Janvier. ,, /
fagremens.
Tandis qu'on faifait en Haute-Alle-
magne des préparatifs pour empêcher
les proteitans d'y porter la guerre , les
généraux de Guftave la continuaient
en Baffe -Saxe contre les débris des
forces de la Ligue. Quoique le colonel
Gramm , commandant de Vifmar , eût
la réponfe du général Tieffenbach , &
que le terme prefcrit pour l'évacuation
de la place fût expiré , il différa fous
différens prétextes de la remettre au
duc de Meckelbourg. Preffé de nou-
veau par ce prince Se par le général
10 Tott , il fort enfin de Vifmar à la tête
de fa garnifon encore forte de trois
mille hommes , & prend le chemin de
la Siléfie avec une efcorte Suédoife,.
dont il fiit arquebufer un lieutenant ,
fous prétexte qu'il tentait de lui dé-
baucher des ibldats. Cette violence, les
DE GuSTAVE-AdOLFE. 2f^
délais que Gramm avait apportés à
rexécution de fes promefiTes, la certi- 1632.
tude qu'avant d'évacuer Vifmar il avait, J^"^'^"^-
nonobftant la capitulation, pillé des
bâtimens mouillés dans le port, fait
enterrer plufieurs pièces de canon &
caché des armes parmi fes bagages ; en-
fin toutes ces contraventions irritent
Tott : il envoie fa cavalerie & un dé-
tachement d'infanterie d'élite à la pour-
fuite de Gramm. Les Suédois le fur-»
prennent, lui taillent en pièces cinq
cents hommes , en font prifonniers
deux mille qui s'enrôlent volontiers ,
& le refte fe diffipe. Gramm eft con-
duit à Gripfvald & jeté dans un cachot.
Les Suédois trouvèrent à Vifmar des
dépôts confidérables d'artillerie, de
poudre, de bois & de munitions na-
vales, rafiemblés précédemment par
Valftein lorfqu'il voulait conftruire &
armer une flotte capable de le rendre
dominant dans la Baltique, & de faire
zr6 Campagnes
■ refpeder le titre d'amiral , que l'em-
i^ pereur lui avait conféré. Tott prit pof-
Janvier. ' r r
fellion , au nom du roi de Suéde , des
fortifications & du port de Vifmar. Le
roi de Danemarck , toujours jaloux de
Guftave , lui en fit porter des plaintes
& reçut pour réponfe, que la Suéde
s'emparait de ce port pour empêcher
les Efpagnols de pénétrer dans la Bal-
tique ; objet que les ducs de Meckel-
bourg ne pouvaient remplir faute de
marine.
La conquête de Vifmar acheva d'ex-
pulfer les Lnpériaux du I\ïeckelbourg;
& comme des troupes étaient défor-
mais inutiles dans un pays où il n'y
avait plus d'ennemis , Tott reçut ordre
du roi de Suéde de palTer l'Elbe &: de
féconder avec fon armée forte d'envi-
ron neuf mille huit cents hommes , les
opérations du général Banner , du duc
de Lunebourg & de l'archevêque de
Bremen. Ce prélat continuait à lutter à
forces
DE G U S T AV E - A D 0 L F E. 2f 7
forces inégales contre les catholiques ; '[^T^
mais le fecours que Tott lui defHnait Janvier.
ayant traverfë l'Elbe & joint l'arche-
vêque , il enleva quelques pofles aux
Impériaux, & Reinacher trop faible
pour lui réfifter , fe retira à Staden.
Le général Banner qui avait ordre,'
dès qu'il ferait maître de Magdebourg ,
de palTer en Bohême pour donnner plus
d'aclivité aux Saxons, fe voyait retenu
fur l'Elbe par la diverfion de Pappen-
heim; il fe flattait cependant que fa
convention avec le comte de Mansfeld,
commandant de Magdebourg, ferait
exécutée. Deux foldats Anglais, fortis
du camp pour marauder, rencontrè-
rent un payfan qui portait un pain qu'i!5î
lui ôterent : l'ayant partagé , ils y trou-
vèrent une lettre par laquelle Pappen-
heini mandait à Aïansfeld , « qu'il s'a-
,5 vançait avec des forces fuflifantes
„ pour le fecourir; qu'il ferait à la vue
„ de Magdebourg le 14 de janvier pour
Partie II L R
2r§ Campagnes
,j tomber fur les Suédois d'un côté,
^°^^* „ tandis qu'il les attaquerait lui-même
Janvier. p -r o i . . n
„ avec la garniion & les mettrait amii
„ entre deux feux. »
Banner lifait cette lettre , lorfque
Mansfeld lui fit dire que quand même
l'électeur de Saxe accorderait les pafiTe-
ports demandés, il ne tiendrait pas
l'accord dont ils étaient convenus. Cette
déclaration prouva à Banner , que Pap-
penheim avait envoyé plus d'un émif-
faire à Mansfeld ; & comme le général
Suédois ignorait le nombre des troupes
catholiques qu'il jugeait plus confidé-
râbles que les fiennes , & comptait peu
fur le marquis de Hamilton avec qui
il était brouillé , parceque celu'-ci avait
d'abord prétendu commander & que
les Anglais euffent la prééminence dans
les marches &le choix des quartiers;
Banner, naturellement fier, eut une
querelle très-vive avec Hamilton , qui
depuis n'agit plus que de mauvaife
DE GUSTAVE-AdOLFE. 2f9
grâce. Cette méfintelligence déterm na ''"'^^'^'""
Baiiner à lever le blocus de Maffde- ,
r r Janvier.
bourg. Il partagea ion armée en trois
corps : l'infanterie occupa Schonbeck ,
les Anglais & les EcolFais Saltza, &
la cavalerie avec les dragons Vachtle-
ben. La conduite de Hamilton déplut
au roi de Suéde & le dégoûta des fe-
cours d'Angleterre. Le inarquîs ne tar-
da pas à retourner dans cette île avec
peu de lauriers & cinq cents hommes
au plus , refte de fix mille qu'il avait
amenés.
Pappenheim s'était rendu de Co-
logne fur le Véfer avec quinze cents
hommes auxquels il réunit plufieurs
détacheniens tirés des garnifons. Ben-
ningshaufen le joignit avec fa cavale-
rie : alors le général catholique fe trou-
va à la tête d'environ fix mille hom-
mes d'infanterie & deux mille de cava-
lerie qui devaient être bientôt renfor-
ces par d'autres troupes. Pappenheimi
Rij
26*0 Campagnes
marche à Hildesheim , d'où il prend
la route de Volfembuttel : il s'avance
II
u
1532.
Janvier.
2 par Schœningen & Helmftadt qu'il fait
piller, fe dirige enfuite fur Eich-Bar-
leben , & arrive ainfi en quatre mar-
ches à la vue de Magdebourg. Comme
la garni Ton de cette place le rendait
fupérieur à Banner , celui - ci aban-
donne Vachtleben , Schonbeck & Salt-
za , & fe pofhe avantageufement près
de Calbe, afin d'éviter tout engage-
ment & pour obéir aux ordres de Gu(^
tave, qui ne voulait pas que les corps
détachés livralFent de combats s'ils
n'étaient fûrs de la vidoire; car le mo-
narque craignait avec raifon qu'un
échec particulier ne dérangeât fes pro-
jets contre les principales forces des
catholiques.
Pappenheim confidérant que le duc
Guillaume de Veimar efl: en marche
pour joindre Banner, que le général
Tott peut le refTerrer d'un autre côté ,
DE GuSTAVE-AdoLFE. 261
& que le duc de Lunebourg accélère ^^^«'^^
fes levées perfonnelles & celles ordon- k^^s.
nées par le cercle de Balle - Saxe afin «l^"^^^'-
de fe mettre en campagne le plus tôt
poIFîble , & qu'il le portait même , avec
ce qu'il avait pu raflembler à la hâte ,
fur Volfembuttel , ville très - impor-
tante pour les catholiques par fa fitua-
tion au centre des états de Brunfvick ;
que fi cette place d'armes qui fournif-
fait des fubfiffcances & d'autres reifour-
ces aux catholiques , tombait au pou-
voir des protellans, ils en tireraient
les plus, grands avantages : Pappen-
heim , dis - je , réfolut de ne rien en-
treprendre, craignit d'être enveloppé,
jugea impoffible de conferver Magde-
bourg & fe détermina à regagner le
Véfer. Il efpérait difliper en paflant les
troupes du duc de Lunebourg , & vou-
lait d'ailleurs fe mettre à portée d'être
renforcé par quatre mille hommes de
pied & feize cents chevaux de Cologne
R iij
■ -■ ■> ■ ■ —r
1632.
Janvier.
262 C A M PAGNES
& de Mayence , qui venaient de patfer
le Rhin à Zindoiff & à Mulheim , &
ne pouvaient le joindre par le chemin
le plus court qu'après avoir traverfé
une partie de la HefFe : ce que le land-
grave , dont nous parlerons bientôt,
pouvait empêcher facilement.
Pappenheim commença par envoyer
un corps de chaque côté de TElbe pour
ruiner les environs de Magdebourg.
Tandis que deux mille hommes d'in-
fanterie , trois pièces de canon & fix
cents chevaux commandés par le co-
lonel Kleiner fe portaient à Gommern
avec ordre de tout dévalter & de faire
main -baffe même fur les habitans &
fans excepter la ville de Zerbll , l'autre
détachement mettait à feu & à fang
Frofa, Schonbeck, Saltza , IMuhlingeu
& tous les villages voifins. Les catho-
liques n'oferent porter la défolation
jufqu'à Barbi ; mais ailleurs ils violèrent
les femmes , mallàcrerent les hommes,
DE GuSTAVE-AdOLFE. 26^
brûlèrent les maifons & laiflerent fur *^^^
les rives de l'Elbe des preuves de leur ^ ^^ ^*
fureur. Pappenheim s'approcha de Gal-
be pour reconnaître le pofte de Ban-
ner, & cette démarche n'occafionna
que des efcarmouches entre les partis
des deux années. Le général catholi-
que fit piller le peu d'effets que les
habitans de Magdebourg avaient con-
fervés , combler partie des folTés, &
miner les remparts & quelques édifices
qui fubfiflaient encore, ne fe réferva
que huit pièces de canon, en fit crever
dix-huit & jeter dix-neuf dans l'Elbe
après les avoir enclouées. Cette mal-
heureufe ville entièrement ruinée ,
Pappenheim ordonne de charger fur
trois cents chariots le butin de fes trou-
pes, 'prend à leur tête par Vantzleben , ig
Seehaufen & Scheppenitadt , le chemin
de Volfembuttel , y laiffe une garnifon
de quatorze cents hommes d'infanterie
& de cent cavaliers , commandée par
R iv
264 Campagnes
^ "^ Benningshaufen , occupe Steinbruck ,
Janvier. pafTage important fur la Fufe , &; arrive
en trois marches de Volfembuttel à
Burgdorff dans le duché de Lunebourg.
Quoique le prince régnant lui envoyât
des vivres en abondance, il commit
beaucoup de dégâts dans fes états &
lui déclara, que s'il ne lui Hvraitle duc
George Ton frère , ou du moins ne le
faifait arrêter & ne licenciait les trou-
pes du cercle de Bafle - Saxe encore
éparfes dans leurs quartiers d'alTem-
blée , il alBégerait & détruirait Zell &
mettrait le pays à feu & à fan g.
Dès queBanner fut informé que les
catholiques avaient abandonné I\Iag-
debourg , il envoya quatre cents hom-
mes d'inflmterie pour en prendre pof-
feflion , partit lui-même de Calbe avec
fon armée , & s'établit près de la place.
Les baraques conftruites depuis la ruine
de la ville étaient brûlées, les portes,
le pont & les moulins détruits, les
16^2.
DE GUSTAVE-AdOLFE. 26^
fortifications dégradées; enfin il ne
refiait d'à peu près entier que l'églife janvier.
cathédrale , parce que la folidité de fa
conftrudion la fit réfifter à l'tflPet de
la poudre. Les Suédois fe logèrent
comme ils purent , & retirèrent de
l'Elbe les canons que les Impériaux y
avaient jetés. Banner publia , que tous
les anciens habitans difperfés dans le
cercle de Baffe - Saxe pouvaient reve-
nir en fureté à Alagdebourg pour re-
lever les ruines de leur patrie. Un nom-
bre affez confidérable de ces infortunés
s'étant préfenté , on leur diflribua les
matériaux qui refiaient ; les lieux cir-
convoifins les aidèrent généreufement,
& l'on commença à rebâtir la ville ,
jadis l'une des plus floriffantes d'Alle-
magne.
Guftave - Adolfe ne tarda pas à don-
ner une déclaration , par laquelle il pre-
nait fous fa protedion fpéciale le peu-
ple de Magdebourg , qui lui avait en-
266 Campagnes
voyé une députation, & enjoignait à
, ^.^' fes crénéraux de rétablir la mae^iftra-
Janvier. ^ ^ ^ "
ture , & de préférer pour remplir les
principaux emplois, les membres de
l'ancien fénat qui exiftaient encore.
Au moyen de ces arrangemens , Guf-
tave s'appropriait réellement le duché
de Magdebourg. Cette prife de poflef-
fion fit craindre que le monarque ne
fût moins occupé des intérêts de l'Em-
pire que des fiens, & commença à
donner de l'ombrage aux princes d'Al-
lemagne.
Bannerinftruit des menaces de Pap.
pcnheim au duc de Lunebourg , s'a-
vance à Oftervick pour être à portée
de le fecourir au befoin ; cependant il
réfolut d'attendre dans ce polie le duc
Guillaume de Saxe-Veimar. Ce prince
part d'Erfurt, s'avance par Sangers-
haufen , Mansfeld , Ermsleben , & ar-
rive en cinq marches à Quedlinbourg ,
où il féjourne ; il fe remet enfuite en
26
DE Gustave-Adolfe. 2^7
mouvement , arrive le foir à Vernige-
rode & joint le lendemain Banner à
Oftervick. Uarmée proteftante, forte
de dix-fept mille hommes efFedifs,
s'ébranle avec le deflein d'aller com- ^^
battre les catholiques; elle marche d'Of- s8
tervick à Steinbruck qu'elle occupe de
même que Steuervald près de Hildes-
heim , & s'avance le lendemain à Stein- 29
feld à deux lieues de Burgdorff.
Pappenheim avait mis à contribu-
tion toutes les villes des duchés de
Brunfvick & de Lunebourg fituées
entre l'Elbe & le Véfer ; mais comme
il flillait faire face en même tems au
duc George de Lunebourg , foutenu à
peu de diftance par le général Tott qui
avait paiTé l'Elbe & s'était polM autour
de Lunebourg, & au duc Guillaume
de Veimar qui s'avançant avec la plus
grande diligence, pouvait achever d'en-
velopper les cathoHques , Pappenheim
à qui il ne refiait qu'environ huit mille
1(532.
Janvier.
25S Campagnes
cinq cents hommes, fe trouva trop
i6?2. fa blepour exécuter Tes projets contre
la ville d'd Zell & pour réfifter à tant
d'ennemis. Il fentit la nécelTité de fe
retirer , pilla & brûla BurgdorflF, ainfi
que plufieurs autres lieux du duché de
BiunCvick , & prit fi bien fes mefures
qu'il parvint à pafler la Leine & à i^a-
gner Patenfen fans éprouver d'autre
échec que la défiiite d'un renfort qu'il
envoyait à la garnifon de Gottingen.
11 s'approcha enfuite du Véfer , dont il
voulait fe couvrir; il avait en outre
pour objet de protéger les villes encore
attachées au parti catholique. Il répan-
dit fes troupes à la gauche du fleuve
depuis Hanieln jufqu'à Hœxter, & en
laiflTa quelques-unes à la rive droite.
Pappenheim eut ainfi la gloire d'arrêter
avec fa petite armée un ennemi habile
& fort fupérieur en nombre. Les pro-
teftans décampèrent de Steinfeld, &
5 X en deux marches s'avancèrent à Kniçf'
IC
DE GuSTAVE-AdOLFE. 2^9
tat à deux lieues de Goslar, dont les 1552.
députés vinrent traiter avec le duc de janvier. \
Veimar qui leur impofa une contribu-
tion de cent mille écus , & exigea que
la ville reçût une garnifon de fept
cents hommes. L*ordre des événemens
nous ramené entre le Rhin & la Mo-
felle.
Après la conquête deMayence, les
Suédois firent des courfes continuelles.
Le RhingraflF avait palFé la Nahe pour
obferver les troupes que les Efpagnols
envoyaient vers la Mofelle. Il s'empara
de Stromberg, défit enfuite prés de
Traerbach dont il fe rendit maître , un
corps d'Efpagnols aux ordres du colo-
nel Vittenhorft & du comte de Salm ,
qui avaient traverfé la Mofelle pour
défendre le Hunfdruck & fe jeter en-
fuite dans Frankendal. Le Rhingraff
leur tua ou prit cinq cents hommes
avec fept étendards; il tomba enfuite
aux environs de Veldentz fur deux
270 Campagnes
régimens Français levés par le duc
1632, d'Orléans depuis fa révolte, les tailla
en pièces & s'empara de la ville. Peu
de jours après il mit encore en fuite
cinq compagnies, qui perdirent tous
leurs étendards, & fournit fuccefFive-
ment Boppart , Rhinfeld , Saint-Goar ,
Ober - Vefel , Baccarah & Simeren ; il
marche enfuite à Kirchberg défendu
par deux cents cinquante hommes qui
tentent de lui difputer l'entrée de la
ville. Il la force & palTe la garnifon au
fil de l'épée , à l'exception des Alle-
mands qui fervent à recruter fes trou-
pes : il prend enfuite le chemin de
Lautereck , fe rend maître de la ville ,
occupe Falkenilein & quelques autres
poftes qui mirent dans fa dépendance
une grande étendue de pays.
Le landgrave de Hefle opérait entre
la Lahn , le Mein & le Rhin. La gar-
nifon de Konigilein, qu'un détache-
ment de fes troupes bloquait depuis
DE Gustave-Adolfe. 271
fon arrivée en Vettéravie , avait tenté
inutilement plufieurs forties oc fait un 1652.
grand feu d'artillerie; mais fes muni- ^^'^^^^^•
tions étant confommées , elle demanda
à capituler : elle fortit au nombre de
quatre compagnies, dont trois pafle-
rent au fervice des proteftans. L'on
trouva dans la place beaucoup de ca-
nons & une grande quantité de vivres
qui fervirent à la fubfiftance des Sué-
dois. Guftave reditua la forterefle aux
comtes de Stolberg, qui prouvèrent
que les électeurs de Mayence la leur
retenaient fans autres droits que la
convenance & la force. Le colonel
Conrad Uffeln furprit la ville de Caub
& attaqua enfuite le château qui était
très -fort : il fe rendit après plufieurs
jours de réfiftance , & la garnifon fut
conduite à Coblentz. Brunsfeld bloqué
depuis que celle de Friedberg s'y était
jetée , capitula enfin. La foumiffion de
cette ville & de Vetzlar termina la con-
quête de la Vettéravie.
272 Ca m P a'g N E s
77~^ Le duc Bernard de Veimar s'empara
Tanvier P^^iQ^'^^ même tems par ftratagême ,
de Manheim, place importante fituée
au confluent du Rhin & du Necker.
Suivi d'un corps d'infanterie , il s'ap-
proche de la ville au galop , à la tête
de cinquante chevaux, pendant une
nuit obfcure. Les fentinelles & la garde,
étonnées de l'arrivée de cette cavale-
rie , veulent d'abord Te mettre en dé-
fenfe ; mais le duc leur crie , que fes
troupes viennent de Frankendal , qu'el-
les font vivement pourfuivies par les
Suédois, & qu'on doit leur ouvrir la
porte & employer le canon des rem-
parts pour écarter l'ennemi , plutôt que
d'expofer fa cavalerie à une défaite cer-
taine , en la retenant fur le glacis. Vei-
mar avait non-feulement appris par des
déferteurs l'état de la place, mais il
parvint encore à tromper le gouver-
neur & la garnifon, en prenant des
noms connus, & en donnant des indi-
ces
î)E Gustave- Ad oLFE. ^75
ces que plufieurs coups de piftolets ti- '[^J^
rés par ordre du duc à la queue de fes janvier.
troupes achevèrent de rendre vraifem-
blables. La porte s'ouvre enfin & la
garnifon reconnaît trop tard fa méprife.
Les Suédois fondent le fabre à la main
fur ce qui tente de réfifter ; leur infan-
terie furvient, & les catholiques font
obligés de fe rendre à difcrétion. Trois
cents Lorrains qui faifaient partie de
la garnifon , font pafles au fil de Tépée ;
mais les Allemands & les officiers ob-
tiennent quartier. Marval commandant
de la place & fon lieutenant furent
dans la fuite décapités à Heidelberg.
On ne peut difcon venir que ces offi-
ciers méritaient un châtiment févere,
pour avoir perdu une place importante
en donnant dans un piège dont ils de-
vaient fe défier.
La diverfion du comte de Pappen-
heim avait déterminé Gufl:ave-Adolfe
à renvoyer en Heffe Parmée du land-
Parde IIL S
S74 Campagnes
grave* Le monarque projetait la con-
1632. quête delà Bavière, à laquelle il était
Janvier. , . , , , ,.
évident que les catholiques tenteraient
de s'oppofer en réunifiant toutes leurs
forces ; ce qui l'obligeait d'en rafifem*
hier lui-même d'alTez conlidérables
|)our furmonter leurs efforts : il réfo-
lut donc de rapprocher de lui l'armée
du duc Guillaume de Veimar & du gé-
néral Banner , fupputant que les trou-
pes de Tott, du duc de Lunebourg,
de l'archevêque de Bremen & du land-
grave de Hefife fuffiraient pour conte-
nir les catholiques en Baffe- Allemagne.
Le dernier devait éloigner d'abord
ceux-ci de fes frontières , les chaffer
enfuite de la gauche du "Véfer & fe
mettre le plus tôt poffible en mefure
d'agir contre Pappenheim de concert
avec le duc de Lunebourg & l'arche-
vêque de Bremen. Dans l'efpérance
qu'on pourrait envelopper Pappen-
heim, le roi avait man,dé à Tott de
DE GusTAVE-AdOLFE. 27f
quitter le Aleckelbonrg où fon année
n'était plus utile , de pafTer l'Elbe & de J^^^*
Janvier.
s'approcher du Vefer quand il aurait
conquis les places fituées entre ces
fleuves. Le landgrave ralTemble fes
troupes à la droite du Mein , s'avance
à GielTen & paraît devant Marbourg
défendu par mille Impériaux ; il em-
porte en peu de jours la ville & le châ«
teau , dont il pafle la garnifon au fiî
de l'épée. Après avoir fait occuper quel-
ques autres poftes dans cette partie , il
dirige fa marche fur Fritzlar, y paffe
l'Eder , pourvoit à la fureté de Cor-i
bach,de Volfhagen & de Volckmilfen,
s'empare de Varbourg fur la Dimel , &
envoie des partis le long du Véfer &
dans révêché de Paderborn.
Le roi de Suéde était reflé à Mayén*
ce pour terminer plufieurs affaires. Il
tint confeil avec fes miniftres & fes
généraux pour délibérer fur fes entre-
prifes ultérieures. Le duc Bernard de
S ij
1632.
Janvier.
275 Campagnes
Veimar & quelques autres obferve-
rent , '' qu'il fallait retourner prompte-
„ ment en Franconie , pour achever
„ de diffiper les forces de la Ligue ;
i, qu'alors les villes catholiques qui te-
i, naient encore à ce parti , ouvriraient
„ leurs portes dans la crainte qu'une
,5 réfillance d'autant plus déplacée
„ qu'elles ne pouvaient être fecourues ,
„ n'entraînât leur ruine ; qu'il était
„ contre l'intérêt du roi de perdre un
5, tems précieux à s'emparer des pla-
„ ces du Rhin , parce qu'on permettait
5, par - là à l'empereur & à l'éleéleur
„ de Bavière de réparer leurs forces ;
„ que l'expérience prouvait que le
„ meilleur allié de la maifon d'Autri-
„ che était le tefns ; qu'elle avait tou-
„ jours eu l'adrefie de fe remettre de
5, fes défiites par une attention fui-
„ vie à retarder la pourfuite du vain-
„ queur ; que les moyens de l'empe-
„ reur paraifTaient épuifés, mais qu'il
DE Gustave-Adolfe. 277
„ réuffirait à trouver des reffources , «ms^smm
„ fi on lui donnait le tems d'en cher- 1632,
5, cher ; que l'Efpagne , l'éledeur de J^"^^^'-
„ Bavière , quelques princes d'Allema-
„ gne & d'Italie & Vaiftein feraient le^
5, plus grcjnds efforts pour raffermir
„ Ferdinand fur fon trône ; & que ,
„ pour achever de détruire fli puilFan-
,5 ce , il fallait profiter du moment où
„ la France avait fur la Mofelle une
35 puiffante armée en mefure d'inquié-
„ ter les Pays - Bas , l'Alface & les pof-
5, fefBons de la maifon d'Autriche à la
„ gauche du Haut - Rhin. „
Ces raifons étaient plaufibles ; cepen-
dant Guilave ne s'y rendit pas entière-
ment. 11 répondit , « qu'il reftait à l'em-
„ pereur deux puiffans foutiens , le
„ crédit de fa maifon , & les forces des{
„ états catholiques de l'Empire jointes.
„ à celles des princes eccléfiafliques ,
3, & qu'il fallait commencer par dé-
j, truire un de ces appuis , fi l'on voi]-
S iij
T632.
Janvier.
278 Campagnes
„ lait que la puilTance Autrichienne
„ s'écroulât; qu'on ne pouvait nier que
5, l'Efpagne , le duc de Bavière &
„ Valftein n'eufTent de grandes relTour-
„ ces ; niais qu'il était capital d'ém-
5, pêcher d'abord que les Pays - Bas ^
5, les princes catholiques & eccléfiaC.
„ tiques de l'Empire & le duc de Lor-
„ raine n'y joigniflent les leurs ; que
,j la plupart des troupes raflemblées
,5 par ces fouverains fur les bords du
5, Rhin n'étaient encore que de mau-
5, vaifes milices ; mais que fi l'on s'é-
„ loignait d'elles > on leur infpirerait
5j de la confiance & on leur donnerait
„ le tems de s'aguerrir ; qu'il ne fal-
5, lait donc porter la guerre ailleurs
„ que quand on aurait pris des me-
5, fures pour la continuer ou la ter-
5, miner fur le Rhin , de crainte qu*el-
„ le ne fe rallumât derrière les Sué^
,) dois , qui auraient alors beaucoup de
j, peine à l'éteindre ; qu'il allait fur*
DE Gustave-Adolfe. 279
i, tout empêcher que la Bafîe-Allema- '^"^^^^"^
,, gne, très - abondante en hommes, *^^^2*
„ n'en fournît à la Ligue de beaucoup
jj meilleurs que ceux qu'elle tirerait '
„ d'Efpagne ou d'Italie , qui habitués .
„ à un pays chaud , périraient pour
53 la plupart en Allemagne avant de
55 pouvoir y rendre aucun fervice ; que
„ l'élecleur de, Bavière était puifiant
JJ & riche , mais cjue fon avarice l'em-
„ pécherait de prodiguer fes tréfors,
55 & que fes troupes ne valaient rien ;
5, que ces motifs devaient déterminer
„ à l'attaquer , mais qu'il ferait impru-
„ dent de l'entreprendre avant qu'on
„ fût établi folidement fur le Rhin :
5, précaution td'autant plus néceflairç
„ qu'elle ^iciliterait par -tout la viéloi-
„ re , ou du moins les moyens de re-
5, médier aifément à un revers ; que
5, Valftein était un adverfaire peu re-
„ doutable , puifque fon mérite ne con*
„ fiftait guère que dans une réputa-
S iv
1632,
Janvier.
280 Campagnes
tion exagérée , fes tréfors & fa fin-
gularité ; que d'ailleurs la haine que
lui portaient les Efpagnols , le duc
de Bavière & plufieurs ferviteurs de
l'empereur , engagerait les uns &
les autres à contrarier fes projets &
fes entreprifes , afin de le décrédi-
ter ; qu'enfin la France était en état
de fournir de grands fecours aux
proteftans; mais que comme on
ne pouvait fuppofer qu'ils euffent
pour unique objet l'avantage de ceux-
ci , il était naturel de croire que
cette couronne cherchait à profiter
des divifions élevées dans l'Empire ,
pour y trouver de l'agrandiifement ;
que le cardinal de Richelieu fe fer-
vait des Suédois pour affiiiblir h
maifon d'Autriche , & qu'il finirait
par fe tourner contr'eux , s'ils deve-
naient trop puifians ; qu'ils ne de-
vaient donc compter fur l'amitié de
„ la France qu'autant qu'elle trouve-
DE Gustave-Adolfe. 281
5, rait fon intérêt à la leur conferver ; . ^
n • in 1652.
„ qu'elle n avait que trop d'innuence janyier.
„ en Allemagne ; que toutes les démar-
j, ches du cardinal ne tendaient qu'à
„ s'en rendre l'arbitre abfolu , & que
„ par conféquent la prudence exigeiat
5, que Tes Suédois ne fe livraflTent à de
„ nouveaux projets de conquête , que
„ quand ils feraient affez en force fur
„ le Rhin pour ne pas appréhender que
„ la France changeât de conduite à
„ leur égard. „ Les miniftres & les
généraux de Guflave revinrent à fon
opinion.
Le roi de Suéde employa fon féjour
à Mayence à un grand nombre de né-
gociations. Le landgrave George de
Hefle - Darmftat ne cefîait de prefiTer le
monarque de profiter de l'embarras de
l'empereur pour faire une paix avan-
tageufe ; il gliflTa même dans fes inC
tances quelques réflexions fur PinconC
tance de la fortune , & ajouta qu'il était
282 Campagnes
moins prudent de s'y expofer que gla-
î n?:^' rieux de pacifier l'AHemagne Se l'Eu-
rope par contre-coup. Guftave répon-
dit , « qu'il s'agiflait dt rétabKr for un
„ pied ilable les loix de TEmpirej, &
„ fur - tout la liberté de confcience ;
„ que ces deux points étaient d'an-
5, tant plus difficiles à régler , qu'ils
5, contrarieraient les vues de l'empe-
„ reur ; qu'il fallait donc le lier de ma-
5, niere qu'il ne pût fe venger tôt Ofu
5, tard des princes de l'Empire qui s'é-
„ talent joints aux Suédois pour ob-
,'., tenir juflice. „ Il efl vrai , ajouta le
XOi^que fahandonnerai volontiers à la
difcrétion de la cour de Vienne quelques
princes ou états proteflans qui luijacri-
fient par intérêt leur religion & la liberté
publique. Ces paroles firent rougir le
landgrave , qui ne pouvait fe difiimu-
1er qu'il méritait ce reproche. Guflave
feignit de ne pas s'appercevoir de la
confufion de George, & pourfuivit :
DE Gust ave-Adolfe. 28^
« Je fais que l'empereur & la Ligue
,, me paieraient volontiers les frais de i^^2.
. « 1 . n Janvier,
„ la guerre & m accorderaient perlon-
„ nellement de grands avantages, s'ils
„ pouvaient fe débarrafler de nioi à
„ ce prix ; mais quand je confidere
5, qu*ils fê dédommageraient de ces
„ facrifices aux dépens des proteftans ,
„ je me confirme dans la réfolution de
„ ne pas les abandonner. Mes fuccès
„ font de nature à me perfuader que
„ je parviendrai à remplir mon but.
5, Mes troupes font aflez nombreufes
„ pour oppofer par - tout à mes enne-
5, mis des forces à peu près égales aux
„ leurs, avantage que je n'avais pas
„ en commençant la guerre; & je
„ penfe qu'il vaut mieux pourfuivre
,9 mes conquêtes que de refter dans
„ l'inadion par le vain efpoir d'une
5, paix dont le tems n'eft pas encore
„ venu , & qu'on obtiendra feulement
5, quand l'empereur & fes alliés feront
284 C A M p A G N ES .
5, hors d*état de continuer la guerre. ^
16^2, Quffcave ne pouvait foufFrir le land-
grave de HefTe-Darmflat , penfionnaire
de la cour de Vienne ; il favait d'ail-
leurs que ce prince faifait les plus grands
efforts pour engager Téledeur de Saxe
fon beau - père , à renoncer à Tunion
de Leipzic , à traiter avec l'empereur
& à lui livrer fes troupes & fes états.
Le roi de Suéde raillait ouvertement
le landgrave , ne l'appeliait que le pU"
cificateur, prétendait que le prix de
fon patriotifme & de fon honneur était
de trente mille écus , montant de la
pcnfion qu'il recevait de la cour de
Vienne ; & quand il le gagnait au jeu ,
ce qui arrivait fouvent , il lui difait :
Tai un double plaifir j puifque cefl de la
monnaie autrichienne,
Guftave irrité des fecours que le duc
de Lorraine avait fournis à la Ligue ,
réfolut de lui faire fentir fon mécon-
tentement. Il lui écrivit , " cju'il avait
DE Gustave-Adolfe. aS)"
3, lieu de trouver étrange qu'il fe fût 1532.
„ mêlé d'une querelle qui ne le regar- Janvier-
^ dait pas ; qu'avant de lui témoigner
33 à quel point ce procédé le blefTait 9
„ il avait attendu fon retour dans feS
„ états , afin qu'on ne foupçonnât pas
„ qu'il craignait fes menaces ou une?
,3 nouvelle jondion de fes troupes h
„ celles de l'empereur , dont l'iniquité
,3 à l'égard de la Suéde avait attiré fes
5, armes en Allemagne , quoique cette
„ couronne n'eût rien négligé pour
,5 gagner l'amitié de la cour de Vienne
„ en particulier 6c des membres de
„ l'Empire en général ; qu'il était vi-
„ fible que les Suédois n'avaient pas
,p entrepris la guerre , comme on affec-
„ tait de le publier , par haine contre
33 la religion catholique ; qu'ils ne pen-
„ faient qu'au rétablifTement de la paix
,3 & de la tranquillité, & à prévenir
3, les mauvais defleins des ennemis du
3, repos public. „ Guitave ajouta , qu'il
286 Campagnes
"J^~" exigeait du duc une déclaration précife
Janvier, de fcs intentions pour l'avenir ; qu'il
lui offrait fofl amitié ; mais que s'il
prétendait être encore fon ennemi , il
faurait fe venger d'une manière écla-
tante ; enfin qu'il confentait à oublier
le pafFé , pourvu qu'il fe conduifît plus
convenablement à l'avenir , & qu'il
retirât fans délai les troupes qu'il pou-
vait encore avoir dans l'Empire réunies
à celles des advexfaires du parti pro-
teftant
Le duc de Lorraine , contenu d'un
côté par la France , menacé de l'autre
par le roi de Suéde ', fut obligé de fubir
la loi ; il fit à Guftave une réponfe
où , fans dégrader fa dignité en s'abaiC
fant , il s'exprima de manière à appai.
fer le héros. <* Je n'ai pu me difpenfer,
„ lui manda-t-il , de me rendre aux
„ inftantes prières de l'empereur, &
„ de lui témoigner la même fidélité
„ que nues prédéceffeurs ont eue pour
SI
DE Gustave-Adolfe^ 287
i, les liens. Perfuadé que mon attache-
„ ment pour ce monarque m'attirerait ï^^^,
„ tôt ou tard la guerre , j'îU penfé
„ qu'il était plus digne d'un prince
y, courageux de la porter en AUema-
„ .gne que de l'attendre chez moi , &
,., j'ai voulu £n cela imiter Votre Di-
5, gnité Royale^ mais puifque vous
-,, m'affurez de vos bonnes intentions
-^, .à l'égard de Ja religion catholique ,
-,, j'accepte volontiers vos ofFres , &
^, je me conformerai à ce que vous
.„ jugerez convenable à mon hon-
„ neur. „ Le roi fatisfait de la réponfe
.du duc , le laifia tranquille ; mais com-
me le monarque méditait la conquête
de la Bavière , & qu'il lui importait de
diminuer les obftacles qui auraient pu
multiplier les difficultés de ce projet,
il foUicita la France d'empêcher le duc
.de conduire une féconde fois des trou-
ipes en Allemagne.
Guftave.aecueillit ave£ la plus grande
1632,
Janvier.
288 Campagnes
diftindlion le baron de Slabata, mi-'
niilre de Frédéric V , éledeur Palatin
& roi détrôné de Bohême, & fit in-
viter ce prince de fe rendre auprès de
lui. Le roi de Suéde ne traita pas fa-
vorablement Stock , envoyé de l'élec-
teur de Trêves. AgifFant toujours en
vainqueur , il avait offert précédem-
ment la neutralité à réledeur , à con-
dition qu'il lui livrerait le pont de Co-
blentz , recevrait des troupes Suédoi-
fes dans la forterefie de Hermanftein ,
où la garnifon électorale relierait , mais
qu'elle prêterait ferment au roi ; qu'en-
fin le pays paierait une contribution
qui ferait difi;ribuée en gratification à
l'armée Suédoife. L'électeur manda à
Gullave , << qu'il avait embrafle la neu-
tralité du confentement du roi de
France & mis fes états fous fa pro-
tection ; que Louis XIII s'était en-
gagé à le fecourir contre quiconque
l'attaquerait 5 de manière que ceux
„ qiii
DE Gustave- Adolfe. 2^9
,, qui entreprendraient de le mol eiler, TJ77^
„ lui ou fes fujets , encourraient i.n-
„ dignation de ce puiiïant monarque ;
5, qu'au refte le roi de Suéde devait
„ fe rappeller qu'il avait confenti à la
„ neutralité de l'éledeur par la mé-
„ diation de la France , &c. „
Guftave ne put diflimuler ion c'ton-
nement à l'ouie d'une déclaration auffi
fiere. Il répondit cependant a\ec no-
dération , " que ce prétendu tra^'t n'e-
„ xiftait point; que l'éledeur n'avait
„ pas laiiïe que de favori fer îe parti
5, de la Ligue , malgré Tes protefia-
5, tions;& qu'après avoir été trompé
„ par révêque de Bamberg , il ne fe
„ fierait jamais au ferm.ent ni à la pa-
„ rôle d'aucun prêtre ou moine. ,,
Cependant cette affaire fut accom-
modée : on convint que l'éledeur ac-
corderait des vivres & des logemens
aux Suédois qui, de concert avec les
Français , chafferaient^les Efpagnols de
Partie JIL ' T
290 Campagnes
l'éledlorat, afin de leur ôter la com-
munication qu'ils avaient établie entre
les Pays-Bas & le Palatinat. C'était le
but important que fe propofait le mo-
narque Suédois. Ainfi , ayant été in-
formé qu'un corps de troupes de cette
nation s'était approché delaMofelle,
il partit un loir lui quatrième de Franc-
fort dan un petit bateau , 8c defcendit
juCqu'à Mayence. Là , il affemble à la
hâte quelques régimens, tombe à l'im-
provifte fur les Efpagnols, les défait
complètement, & les oblige d'aban-
donner Veldentz , dont ils s'étaient
emparés.
Cependant, & quoique Guftave eût
tout préparé pour continuer la guerre,
îi crut devoir marquer quelques difpo-
iitions à la paix. Dans cette vue , il
en fir dreflei & publier les articles pré-
liminaires, dont le^ principaux étaient:
I. Que redit de i'empGreur concer-
nant la reftitution des biens d'églife,
ferait révoqué.
DE Gustave-Adolfe. 291
2. Que la Bohême , la Moravie & la
Siléfie feraient remifes dans leur pre-
mier état.
5. Que les deux religions protef-^
tante & catholique jouiraient d'une
pleine & entière liberté & fureté.
4. Que le comte Palatin ferait remis
en poirelîion de tout ce qui lui apparte-
nait avant les troubles de la Bohême.
f. Que la dignité éledorale lui ferait
également rendue.
6. Que l'exercice de la religion évan°
gélique ferait rétabli à Augsbourg.
7. Que tous les Jéfuites feraient
bannis à perpétuité de l'Empire.
8. Que l'on admettrait dans les mo-
nafteres des fujets des deux religions.
9. Que tous ceux du duché de Vir-
temberg feraient remis dans leur état
primitif.
10. Que le roi de Suéde aj/ant fauvd
l'Empire , il feroit élu roi des Romains.
Tij
292 Campagnes
lî. Que les frais des commiflîons
impériales feraient rembourfés.
12. Enfin, que les chanoines des
cathédrales feraient mi-partis des deux
religions.
Il paraît , par le dixième de ces ar-
ticles & par d'autres faits, que le roi
de Suéde afpirait à la couronne impé-
riale ; & plufieurs hiftoriens font d'ac-
cord à cet égard.
Guftave, après s'être ainfi afflué des
environs de i\layence , en fe rendant
maître de quelques places où les EC-
pagnols avaient garnifon , & n'ayant
plus d'ennemis dans la Vétérav.ie, il
commença à faire fes préparatifs pour
marcher contre Tiili , qui à la tête de
fon armée ravageait, fuivant fa cou-
tume , la Franconie & dir - tout le
pays d'Anfpach. Le fcld maréchal Horn
ayant raffemblé quelques troupes , af-
fiégea & prit diverR^s plices d^. l'évê-
ché de Bamberg , & t>'cmpara de cette
DE GUST A VE- AdOL FT^. 29^
dernière ville , quG les Impériaux
avaient abandonnée. L'évêque ne ceC^
fait de ioUiciter Tilli de venir à fou
fecoLirs. Celui-ci fé met en marche,
s'approche de Bamberg, où les Sué-
dois s'étaient retranchés. Horn y reçut
un échec, & fut obligé de fe retirer,
en confervant cependant fon artillerie
& fon bagage. Mais il ne tarda pas à
prendre fa revanche, en enlevant &
taillant en pièces l'un des quartiers de
l'armée de Tilli ; après quoi il fe ren-.
dit à Dettelbach , où il joignit le rai
de Suéde , qui par ce moyen fe trouva
à la tête de5 2Qoo conibattans.
Mais , tandis que la guerre allait Je
rallumer avec encore plus de force
dans la Franconie, elle continuait à
ravager Tévêché de Magdebourg. Jean
Banner , l'un des plus illuftres élevés
de Guftave, y commandait une ar=
mée de huit mille foldats de trou-
pes étrangères pour la plupart. 11 avait
Tiij
X94 Campagnes
réduit Mansfeld, renfermé dans Alag-
debourg avec deux mille Impériaux , à
demander à capituler.
Alors Pappenheim paraît avec un
corps d'environ cinq mille hommes,
Se forme le defTein de fur prendre Ban-
ner & de l'attaquer par-derriere , tan-
dis que Mansfeld , fortant de Magde-
bourg avec toute fa garnifon , les atta-
querait par-devant. Un heureux hafard
fit évanouir ce projet : deux foldats de
Banner rencontrant un payfan qui por-
tait un pain , le lui enlèvent , le cou-
pent par morceaux pour le manger, y
trouvent une lettre qui contenait le
détail de cette entreprife , & la remet-
tent à leur général, qui prit fur-le-
champ une autre pofition. Pendant ce
tems-là, Pappenheim, informé que
George duc de Lunebourg faifait dans
îa baffe Saxe des levées pour le roi de
Suéde , réfolut d'abandonner Magde-
bourg, après avoir achevé de ruiner
DE GuSTAVE-AdOLFE. 29f
entièrement cette malhenreufe ville,
où Banner mit garnifon , exhortant fes
habitans difperfés à venir relever les
débris de leur patrie.
Pappenheim arrivé à Volfenbuttel ,
voulut contraindre le duc régnant à
lui livrer le duc George fon frère;
mais Banner qui Pavait fuivi dans fa
retraite , ayant été renforcé par un
corps de dix mille hommes que com-
mandait le duc Guillaume de Saxe-
Veimar , Tobligea de s'éloigner en-
core; ce qui facilita aux Suédois la
prife de plufieurs villes de ce cercle ,
telles que Goslar & Gôttingue, où ils
trouvèrent de l'artillerie & des muni-
tions de guerre en abondance.
Cependant Guftave-Adolfe jugea à
propos de renvoyer le landgrave de
Heffe-CalTel dans fon pays, que Pap-
penheim ravageait, & de rappelier à
lui le duc Guillaume de Saxe-Vei-
mar & le général Banner avec toutes
Tiv
29^ Campagnes
leurs troupes, à la réferve des garni-
Tons établies dans les villes conquifes.
D'un autre côté , le général Tott ,
à la tête d'un corps de neuf à dix mille
Suédois , s'avançait dans l'évêché de
Brème; & après s'être emparé de di-
visrfes places , afîiégea Stadt , où les
Impériaux tenaient une garnifon noni-
breufe. Pappenheim réfolut d'abord de
tout hafarder pour fauver ce polie im-
portant ; mais ayant fu que Tott avait
été confidérablement renforcé, il prit
le parti d'évacuer la ville & d'en re-
mettre les clefs aux magiftrats , qui
ne tardèrent pas à y recevoir les Sué-
dois. Par ce moyen , le commerce de
l'Elbe fe trouva entièrement libre pour
ces derniers , & il ne reffca à Pappen-
heim que la ville de Volfenbuttel
dans tout le cercle de bafle Saxe.
Dans le même tems le grand-chan-
celier Oxenftierne, que Guftave-Adol-
fe, en partant pour la Franconie , avait
DE Gustave-Adolfe. 297
chargé du foin de continuer la guerre
fur le Rhin , & qui avait fon quartier
général à Mayence, informé que les
Efpagnols avaient détaché un gros
corps de leur armée des Pays - Bas
pour tdcher de pénétrer dans le Paîati.
nat , non-feulement leur oppofa la plus
vigoureufe réfiflance; mais après les
avoir défaits en plufieurs renoontres ,
les contraignit d'abandonner ce pa^/s
là & de retourner en Flandre , tous
les exploits de ce corps s'étant bornés
à prendre la ville de Spire , qu'il ne
tarda pas d'abandonner après l'avoir
pillée.
Ce fut alors que le prince de Vir-
temberg prit le parti de fe déclarer
contre l'empereur & de lever des trou-
pes pour le fervice de Guffcave-Adolfe ,
formant ainfi une diverfion favorable
aux Suédois qui , conduits par le gé-
néral Horn , pénétrèrent dans le mar-
quifat de Bade-Dourlach &dansl'Al-
face.
29S Campagnes
La guerre fe faifart donc ainfi dans
toute l'étendue de l'Allemagne, par-
tout les armes du roi de Suéde étaient
viclorieufes , & femblaient annoncer à
Ferdinand les ^lus grands malheurs.
Un monarque triomphant au cœur de
l'Allemagne , maître des provinces les
plus reculées de l'Empire , la France
prête à entrer avec une armée nom-
breufe dans l'éledorat de Trêves ,
l'éleéleur de Mayence , les évêques de
Vurtsbourg & de Bamberg chafles de
leurs états , Téleéteur de Saxe maître
de prefque toute la Bohême , le duc de
Lorraine forcé par la France à renoncer
à l'alliance impériale , i'éledeur de
Trêves déclaré neutre , le duc de Ba-
vière, feul ou principal appui de la
Ligue , prêt à en faire de même ; tous
les princes proteftans armés & réunis
pour la défenfe de leurs droits ; les
payfans autour de l'Ems révoltés , les
Efpagaols chalTés du bas P.iLitinat, les
DE GuSTAVE-AdoLFE. £99
Turcs ravageant la Hongrie , les SuiiTes
fournifTant des recrues aux Suédois :
telle était la fituation d'un monarque
qui, peu de tems auparavant, faifaifc
trembler l'Europe & exerçait un pou-
voir defpotique dans tout l'Empire.
Une feule refiburce reftait à Ferdi-
nand ; elle était humiliante , mais les
miniftres la jugèrent néceflaire. Il s'a-
gilTait d'appaifer le duc de Fridiand , &
de rengager à reprendre le commande-
ment des armées impériales , ne con-
noifTant que lui qui fût en état de réta-
blir les affaires. On lui envoya donc un
feigneur de la cour , qui le trouva à
Znaim , occupé à ralfembler des offi-
ciers & des foldats. Sur la propofitioa
qu'on lui fît de la part de l'empereur ,
il demanda vingt -quatre heures, &
voici les conditions ou plutôt la loi que
cet efprit fuperbe & ulcéré ofa impofer
à fon fouverain :
I ^. Qu'il ferait généralifïïme & com-
300 Campagnes
mandant en chef de toutes les forces
de la mairoii d'Autriche & de la cou-
ronne d'Erpagne,rempereurne devant
jamais fetrouverenperfonne à l'armée.
2°. Que l'empereur lui afTurerait la
fuccelTion à quelqu'un des pays héré-
ditaires de la maifon d'Autriche.
5°. Q,a'il aurait le domaine diredl &
la fuzeraineté fur tous les pays recou-
vrés dans l'Empire.
4°. Que toutes les terres Se feigneu-
ries qui feraient confifquées lui appar-
tiendraient.
f ^. Qu'il ferait le maître abfolu de
faire grâce aux gens de guerre & de les
punir, toutes les lettres à ce fujct
devant être adreflées à lui feul.
6°. , Que dans le traité de paix défi-
nitif, l'empereur foutiendrait les droits
du duc fur le Meckelbourg.
7^*. Qu'on lui fournirait les fecours
nécelTaires pour l'entretien des troupes.
8?. Enfin , que tous les pays hérédi-
DE Gustave-Adolfe. 301
tairesde rempereiir lui feraient ouverts
pour paflTage ou retraite. C'eft fur ce
pied là que le duc confentit à la requifi-
tion de la cour de Vienne , & Pon peut
juger de l'extrémité à laquelle l'empe-
reur fe trouvait réduit , puifqu'il ratifia
tous ces articles. Mais il y a toute ap-
parence que des conditions auffi dures
influèrent beaucoup fur la fin tragique
de ce général , dont la conjuration efl
connue dans l'hiftoire.
Quoi qu'il en foit, dès que l'on eut
appris que le duc avait repris le com-
mandement de l'armée , il ne lui fut
pas difficile de raffembler un grand
nombre de troupes. Il y facrifia même
une partie de fa fortune , & ne tarda pas
à fe trouver à la tête de 40000 hommes
bien armés. Ses premiers efforts eu-
rent pour but de chaiïer entièrement
les Saxons de la Bohême , tandis qu'il
faifait négocier avec Téledeur par le
njoyendu général Arnimb qui les com-^
302 Campagnes
mandait dans ce pays là , afin d'engager
ce prince à renoncer à l'union de Leip-
fic; maïs il ne put pasy réuffir, non
plus qu'à furprendre Arnimb qui fe re-
tira en Saxe avec fon armée fans avoir
reçu aucun échec. L'empereur ne fut
pas plus heureux dans fes follicitations
auprès de la cour de France pour la
défacher de fon alliance avec le roi de
Suéde, le cardinal de Richelieu lui ayant
fait déclarer pofitivement , que s'il vou-
lait réparer les maux qu'il avait caufés
à l'Aliemagiie , & rendre à chacun ce
qui lui appartenait, la guerre ferait
bientôt terminée.
L'armée Saxoane ayant donc évacué
la Bohême , il ne fut pas difficile au
duc de Fridland de reprendre fuccefli-
vementles diverfes places dont Arnimb
s'était rendu maître , & fur- tout Prague
dont la garnifon fe défendit mal. Il
s'avança enfuite vers la Saxe , réfolu
d'accabler l'éledeur 5 mais les nouvel-
DE Gustave- Adolfe. 303
les vidloires remportées par Guftave-
Adolfe l'obligèrent de prendre d'autres
mefures & de chercher à joindre j'é-
ledeur de Bavière qui marchait à la
tête de toutes les autres troupes de h
Ligue.
Pour en revenir au roi de Suéde,
ce monarque s'étant avancé dans l'é-
vêché de Bamberg, le comte deTilli,
commandant en chef de l'armée d'Au-
triche , jugea à propos de ne pas l'at-
tendre , & marcha du côté du Danube ;
miais avant de quitter la Franconie ,
il fit piller , faccager & brûler tous les
environs de Nuremberg , emmenant
prifonniers les principaux habitans.
Banner & le duc de Saxe-Veimar
ayant joint l'armée du roi , elle fe
trouva forte de 4^000 combattans ,
à la tête defquels il s'approcha de cette
ville impériale , alors la plus riche &
la plus fioriflante de l'Allemagne , &
qui lui était très - atfediomiée. Aufli
304 Campagnes
y fut - il reçu avec une magnificence
extraordinaire, de même que tous les
princes dont il était accompagné. Ce
monarque y paflTa deux jours , après
avoir fait prendre les devants à fon
armée pour pourfuivre Tilli qui mar-
chait à grandes journées vers la Ba-
vière. Arrivé devant Donavert, où les
Bavarois av^aient mis garnifon , le roi
fit fo,mmer le commandant de fe ren-
dre. Celui-ci ayant répondu a\ ec fierté,
la place fut invertie & afliégée dans les
formes ; m iis tu bout de ving - quatre
heures d'attaque , la garnifon trompant
la vigilance des Suédois , l'abandonna
& fe fauva à la faveur du pont fur
le Danube.
Guftave réfolu de pénétrer dans le
cœur de la Bavière , vint camper au-
tour de Northeim & s'approcha du
Lech , rivière fur !a droite de laquelle
Tilli était campé & s'était retranché
avec tant de foin que fon polte paraif.
fiut
De Gustave-Adolfe. 3or
fait inexpugnable. Cepehdant le roi i^3^*
perfifta dans le defiein de le forcer ;
& comme les généraux y voyaient
trop de danger , il leur dit : Quoi I
nous , qui avons pajfé la mer Baltique
& tant de grands fleuves en Allemagne ,
nous craindrions de pajjer ce ruijjeau là !
11 avait obfervé que le Lech formait
un coude dont les bords étaient élevés.
Il y fait établir trois grandes batteries
qui foudroient les corps avancés de
Tilli. Dans le même tems on jette
un pont fur la rivière ; cinq cents Fin»
landais déterminés le paflént , élèvent
à la hâte un retranchement à fa tête*
Ils font foutenus par un corps d'in-
fanterie avec du canon. Tilli accourt
pour attaquer les Suédois avant qu'ils
puifTent fe renforcer ; mais l'infanteria
conduite par le roi , fe formait déjà paf
brigades ; & dans le même tems la ca-*
Valérie Suédoife ayant découvert ua
gué , venait de pafTer la rivière & s*a-
Partie IIL V
306 C/VMPAGNES
vançait en bon ordre. Le combat s'en-
gagea donc alors avec un égal acharne-
ment Les vieux foldats de Tilli foa-
tenaient leur réputation , lorfque ce
général fut blefle mortellement par un
Jooulet de canon qui lui fracafla la cuifTe
droite. Ce malheur fit perdre courage à
fes troupes j elles plièrent, fe retirèrent
en défordre , & le roi relia maître du
charnp de bataille. Le fuccès d'une
entreprife aulR hardie ne put que
confterner Téledeur de Bavière &: fes
généraux. Ils prirent le parti de la re-
traite , afin de conferver leurs troupes
& les joindre à l'armée de l'empereur
qui s'avançait fous les ordres du duc
de Fridland. Quant au général Tilli ,
il fut tranfporté à Ingolitat , où il
mourut après avoir foufFert pendant
quinze jours les plus afFreufcsd«)uleurs :
Julie punition de l'exceliive barbarie
avec laquelle il avait fait conftamment
la guerre. Ce fameux paŒige du Lech
DE Gustave-Adolfe. 507
parles Suédois eut lieu le f avril 163 1.
Au relie, malgré les inftances multi-
pliées de l'éledeur, Valftein qui n'avait
point oublié la haine implacable que
lui portait l'eledeur de Bavière & dont
il lui avait donné tant de preuves , ne
fe hâtait point de venir à fon fecours.
Bien aife de voir Ton ennemi humilié ,
il prétextait que la Bohême avait en-
core befoin de la préfence, & qu'il fau-
rait bien arrêter les Suédois lorfqu'il le
£^udrait. Le roi de Suéde ayant donc
paflé le Lech d'une manière fi g'o-
rieufe , s'empara de la petite ville de
Zain & s'approcha d'Augsbourg avec
toute fon armée. Dans le même tems
Neubourg , ville voifme, qui avait reça
garnifon impériale , mais que l'éledeur
de Bavière avait abandonnée enfuite ,
vint demander la neutralité au roi qui
la condamna à fournir des vivres à fes
troupes , & envoya un détachement
pour en prendre poffeffion. Mais
y i)
508 Campagnes
Guftave fe propofait eflentiellement
de fe rendre maître d'Augsbourg , ville
impériale & très - confidérable. Les
habitans ayant reçu comme par force
une garnifon Bavaroife , il fe propofait
de Paffiéger , lorfqu'après quelques
négociations avec le magiftrat , l'of-
ficier qui la commandait confentit
à évacuer cette ville moyennant une
capitulation honorable qui lui fut ac-
cordée. Le roi y fit donc fon entrée
avec la plus grande pom.pe; & après
avoir rétabli le magiftrat proteftant 9
que l'empereur avait cafle , il fit afiem-
bler tous les habitans , & exigea d'eux
le ferment de fidélité & d'obéiflance
comme à leur fouverain , en fe recon-
naifllmt fujets de la couronne deSuede ;
cérémonie qui donna lieu de penfer
que ce monarque , tout en travaillant
à défendre les proteRans en Allema-
gne, n'oubliait pas fes intérêts, puif-
qu'il s'appropriait aiiili des viJles iin-
DE Gustave-Adolfe. 309
pénales. Son ambition égalait fon cou-
rage : non feulement il afpirait à fe
faire élire empereur ; mais on fait que
dans le même tems il briguait la cou-
ronne de Pologne , & que cette entre-
prife ne manqua qu'à caufe de la mal-
habileté de fon envoyé.
Après avoir fait un affez long féjour
à Augsbourg & y avoir mis une forte
garnifon , Guftave rafîembla fon armée
& s'avança jufques près d'Ingolitat ,
réfolu de livrer bataille à l'éleCleur de
Bavière qui campait fous les murs de
cette place avec toutes fes troupes
fortement retranchées. Mais tandis
qu'il obfervait l'armée ennemie , un
boulet de canon de 28 livres entra
dans le corps du cheval que montait
le roi, qui n'ayant point été blefie, dit
à ceux qui l'aidaient à fe relever:
Je Val échappé belle ; apparemment que
la poire n'efl pas encore mûre. D'un
autre côté , l'éledeur craignant d'êtr€
V iij
310 Campagnes
forcé dans fes lignes , les abandonna à
la fourdine; & ayant mis garnifon dans
Ingolftat , il marcha vers Ratisbonne.
Dans le même tems, des ambafîadeurs
du roi de Dannemarc fe rendirent au-
près de Guftave pour le complimenter
fur fes fiiccès & lui offrir la médiation
de leur maître pour finir cette cruelle
guerre ; mais cette démarche n'eut au-
cune fuite. Il en fut de même de celle
que fit S. Etienne, envoyé de France à
Munie 5 dans la vue d'obtenir la neu-
tralité en faveur de l'éledeur , ami &
allié de Louis XIII. Le roi de Suéde ,
perfuadé qu'une telle propofition n'a-
vait pour but que de donner à ce prin-
ce le tems de recevoir les fecours que
l'empereur lui préparait , traita alfez
mal cet envoyé , & impofa à la neutra-
lité demandée , des conditions inaccep-
tables. '
L'armée Bavaroi Te s'étant donc éloi-
gnée d'Ingolilat, le roi de Suéde réfolut
DE Gustave-Ado L F E. 311
d'en faire le fiege ; mais confidéiant
qu'il ne pourrait qu'y perdre beaucoup
de tenis & de monde , il ne tarda pas
à le lever , & s'avança dans la Bavière
en prenant la route de Munie. Dans
le même tems Tes généraux lui fou-
mettaient plufieurs villes de la Franco-
nie & en avaient tiré de fortes contri-
butions : le roi s'é^'ait emparé clé la plus
grande partie de l'évêché deFreyfmg,
où il trouva une immenfe quantité de
vivres. L'cledeur, à l'approche du roi
de Suéde , quitta les environs de fa ca-
pitale & marcha vers Ratisbonne. Cette
ville impériale avait confenti à rece-
voir une garnifon de ifoo Bavarois,
mais fous la condition que la bourgeoi-
fie aurait toujours la garde des portes
& de l'arfenal , &que les Bavarois ne
pourraient faire aucun fervice militaire
dans la ville. Cependant, & malgré îe
traité ratifié par l'éledeur de Bavière ,
l'éledeur réuifit à fe rendre maître par
V iv
31 a Campagnes
ftratagême de cette ville & de fon pont
fur le Danube. Il y fit entrer toute fon
infanterie qui s'y livra à de grands ex-
cès, Le roi de Suéde continuant à s'ap»
procher de Munie , l'éledrice fe retira
àSalsbourg; le tréforde Péledeurfut
tranfporté dans une forterefle impre-
nable , ^ le magiftrat députa les plus
anciens de Ces membres au roi de Suéde
pou'" lui porter les clefs de la ville &
implorer fa clémence. Ce monarque
les reçut avec bonté , leur promit
fa protedlion , & réduifit à trois cents
mille rixdalers la contribution qu'il en
avait d'abord exigée. Enfuite, &le lo
mai 1652 , Guftave , accompagné d'un
grand nombre de princes & de fei-
gneurs , fit fon entrée folemnelle dans
Munie, & fut defcendre au palais de
l'éledeur , le plus fuperbe édifice qu'il
y eût dans tout le Nord. Rien de plus
grand , de plus héroïque que les pro-
cédés du roi de Suéde pendant Ton fé=^
DE GUSTAVE-AdOLFK. 515
jour dans cette ville. Il réfifta conftam-
ment aux follicitations qui lui furent
faites de la brûler & d'en faire détruire
le palais éledoral. Mais une çircont
tance qui lui devint également agréa-
ble & avantageufe , fut Pacquifition de
Î40 belles pièces de canon , trouvées
dan» i'aifenai de cette ville, & qu'il fit
tran: porter àAugsbourg, Du refte, &
pendant tout fon féjour , il fit obferver
à fes troupes la plus exaéle difcipline.
Cependant l'alarme était grande
à] Vienne» L'empereur q'avait aucune
p'ace qui pût arrêter Guftave depuis
]\lunic jufqu'à la capitale de Tes états,
il ne lui reliait pour toute reflburce que
l'armée de Valffcein. Dans cet embar-
ras , il chercha à en fufciter de nou-
veaux à Guftave , & en même tems il
envoya un ambafiadeur à la cour de
Rome, pour l'engager à prendre in-
térêt dans cette guerre , & à ouvrir les
tréfors de l'églife en faveur des catho-
5Î4 Campagnes
îiques d'Allemagne , victimes cîe la
crutiuté des hérétiques. Mais le pape ,
qui n'avait pas oublié ce que lui avait
coûté la dernière guerre en Italie, & la
ruine du Mantouan , n'accorda à l'em-
pereur que quelques contributions fiir
les gens d'églife , & fit publier Vin jubilé
pour obtenir le fecours du ciel.
Ferdinand chercha enfuite à divifer
les principaux membres de l'Union
proteflante, & fur -tout à en détacher
Jean - George , électeur de Saxe. Ce
prince foupçonneux, irréfolu, livré au
plaifir de boire , avait la confiance la
plus aveugle dans fon feld - maréchal
Arnimb, ancien ami & créature de
Valftein, qui lui fit propofer par le
canal de ce dernier & fous les condi-
tions les plus avantageufes , un accom-
modement particulier avec la cour de
Vienne. L'éledeur y aurait peut-être
donné les mains , fans la honte d'aban-
donner les intérêts d'un monarque qui
DE GuSTAVE-AdOLFE. 3ÎÇ
Pavait fi généreufement fecourn , &
dans les fortes remontrances de Guf-
tave qui lui fit propofer de traiter d'une
paix générale, qui ne pourrait avoir
de bafe folide qu'autant que les princes
proteffcans feraient étroitement unis
& agiraient de concert. Ces confidéra-
tions déterminèrent enfin l'éledeur à
perfifter dans fon alliance avec le roi
de Suéde.
Ce monarque , après avoir tiré de la
Bavière beaucoup d'argent & de vivres,
laifTa une garnifon à Munie & reprit la
route d'Augsbourg, afin de maintenir
la tranquillité dans la Suabe. L'éledeur
en ayant été informé , envoya un déta-
chement de fon armée pour recouvrer
la capitale de fes états , ville nullement
fortifiée ; mais les officiers qui la com-
mandaient, fâchant que la garnifon
marcliaità leur rencontre, tournèrent
bride & fe retirèrent dans Ingolfi;at.
Les deux frères Bernard & Guillaume
3i6 Campagnes
de Saxe-Veimar fe fignalerent en
Suabe par leurs exploits, & pendant
ce tems - là Péle(3:eur prolongeait fon
féjour à Ratisbonne, dont il augmen-
tait les fortifications , & en traitait les
habitansavec la dernière dureté , quoi-
que cette ville fût impériale.
Mais il reftait un obftacle prefque
infurmontable à vaincre : c'était de
réunir deux hommes ennemis déclarés
l'un de l'autre , l'électeur de Bavière
& le duc de Fridland. La politique &
la nécefiité les obligeaient bien à fuf.
pendre dans de telles circonftances
les effets de leur haine ; mais le plus
difficile confiftait à s'accorder par rap-
port au commandement des deux ar-
mées réunies. L'éledeur alléguait fa
haute naiflance , fa q^ualité de fouve-
rain, celle de gendre de l'empereur:
le duc réclamait le traité de Znaim ,
décifif en fa faveur. Enfin, après bien
des allées & des venues , il fut convenu
DE Gustave-Adolfe. 317
que Valftein conferverait le com-
mandement en chef; mais que l'élec-
teur commanderait les troupes particu-
lières lorfqu'elles agiraient féparément.
Ces deux généraux fe rendirent donc
à Egra en Bohême , \'ille choifie pour
leur première entrevue & pour la jonc-
tion des deux armées , au moyen de
quoi le duc fe trouva à la tête de plus
de 60000 hommes , & en état , à ce qui
paraifTait , d'accabler le roi de Suéde ,
ou au moins de l'enfermer & de lui
couper les vivres de toutes parts.
Cette jondion ainfi effeduée , Guf-
tave chercha à découvrir quel pourrait
être le delTein de fes ennemis ; & ayant
appris qu'ils fe portaient fur le Palati-
nat , il craignit qu'ils n'euflent des vues
fur la ville de Nuremberg : les habitans
vinrent implorer fon fecours , il le leur
promit pofitivement. Ainfi, après avoir
laiflTé de fortes garnifons à Augsbourg,
à Donavert & à Zain, il fe rendit auprès
?i8 Campagnes
de Nuremberg avec toute fon armée ^
confiftant en feize mille hommes; &
ne pouvant douter que les ennemis,
liers de leur fupériorité , ne fufîènt
réfolus de venir l'attaquer avant qu'il
eût reçu fes renforts, il fit tirer des
lignes & creufer de profonds foffés
autour de cette ville , & toute fon ar-
mée y vint camper , à mefure que celle
de fes ennemis s'en approchait. On ne
doutait point que Valftein ne profi-
tât de cette occafion pour attaquer les
Suédois {ï peu nombreux; mais con-
naifiant les talens & le courage de Guf-
tave, il fe contenta d'occuper des hau-
teurs fituées autour de Nuremberg , &
le roi de Suéde en fit autant de fon
côté. Le voifinage de ces deux armées
ne put que donner lieu à plufieurs
efcarmouches , quoique toutes au défa-
vantage des Impériaux, à qui l'on en-
leva plufieurs convois; enforte que leur
chef ne put pas réuffir à aftamer l'ar-
DE GUST A V E-AdOLFE. 319
mée Suédoife & Nuremberg, comme
il s'en était flatté.
Pendant ce tems-là le feld - maréchal
Gaftave Horn , qni commandait im
corps de Suédois fur le haut Rhin,
affiégea & prit Coblentz avec d'autres
places dans l'éledtorat de Trêves. Il y
étabht les François & parvint à couper
toute communication entre le Palatinat
& les Pays - Bas , où les Efpagnoîs fe
réfugièrent. De plus , le Rhingrave
Otton - Louis ayant paflTé le Rhin à
Strasbourg & joint le général Horn ,
il foumit la plus grande partie de l'Al-
face qui lui fournit d'abondantes re-
crues : après quoi ces deux générau:ç
affiégerent & prirent Franckenthal
dans le Palatinat. D'un autre côté ,
Pappenheim ayant quitté la baffe Saxe
& la Veftphalie pour fe rendre dans
la haute Saxe, Baudiflin qui comman-
dait un corps de Suédois dans les deux
premiers de ces cercles , profita de fa
120 Campagnes
retraite pour y former quelqies entre-
prifes. Il reprit d'abord tous les portes
le long du Véfer , pénétra enfuite dans
le pays de Cologne & dans celui de
Berg , s*empara du fort château de
Sibourg , où il trouva des vivres en
abondance , prit Lintz , de même que
Andernachjdont le commandant ayant
refufé de capituler, toute la garnifon
fut paffée au fil de Tépée. Mais la ville
de Cologne n'eut pas plus tôt appris
Parrivée des Suédois ^ qu'elle fe hâta
de faire fortifier Deutzbourg, fitué
vis-à-vis, avec le Rhin entre deux.
Baudiflin , offenfé de cette précaution
qu'il envifageait comme contraire à
la neutralité , que cete ville avait
follicitée auprès du roi de Suéde , s'ap-
procha pendant la nuit de ce bourg , &
l'emporta l'épée k la main , quoiqu'il y
eût une garnifon de mille hommes ,
dont la plupart furent mafiacrés. Le
reftc fe fauvadans l'égliiè , & le lende-
main
DE Gustave-Adolfe. 321
inain un foldat de Baudiffin , qu'on y ^^-•«^" -..^
avait conduit prifonnier, mit le feu i^32.
aux poudres qui s'y trouvaient raffem-
blées , enforte qu'elle fauta en partie
& écrafa la moitié de ceux qui s'y étaient
réfugiés. Cet événement détermina le
magiftrat à promettre d'obferver mieux
la neutralité.
Il ne s'en palTaitpas alors de moins
jmportans dans la haute Saxe. Le duc
de Fridland n'ayant pu amener l'élec-
teur à faire fa paix particulière , la cour
de Vienne réfolut de ne plus le ména-
ger. Cinq à fix mille hommes de trou-
pes impériales qui fe trouvaient en
Silélie , reçurent ordre de pénétrer
dans la Saxe , où elles portèrent le
fer & le feu , fuivant leur coutume. Ce-
pendant l'électeur raPiémblait fon ar-
mée près de Drefde , & après avoir reçu
quelques renforts , le général Arnimb
qui la commandait fe mit en marche ,
força tous les pallages , emporta Grand-
Fartie IIL X
i%z Campagnes
Glogau , fit jeter un pont fur l'Oder ,
malgré l'oppofition des Impériaux qui
avaient pour chef Don Balthafar de
Marr^da , & les pourfuivit jufqu'au-
pt es de Breslau. Ce fut fins fuccès que
ceux - ci demandèrent au magiftra-t de
cette ville le paflage & des vivres ;
ils furent réduits à occuper un pofte
avantageux dans fes environs. Mais
îorfqu'ils virent l'armée Saxonne s'ap-
procher d'eux & prête à les attaquer ,
ils l'abandonnèrent dans la plus grande
confufion , pourfuivis par les Saxons
qui pillèrent une partie de leurs baga-
ges, & ne purent cependant réufîir à
jeter un pont fur l'Oder dans cet endroit
là , & la ville de Breslau continua d'ob-
ierver la neutralité. Arnimb étant en-
fin parvenu à faire pafler plus haut
toute fon armée de l'autre côté de ce
fleuve , continua à j^ourfuivre les Im-
périaux, afliégea & prit Oppein , où 1$
îefte de leur armée s'était réfugié ?
DE Gustave- Ado LFE, -^-^
5 W3S
pénétra dans le comté de Glatz , Se
fournit prefque entièrement le duché
de Siléfie, jufqu'auprès des frontières
de Hongrie. Des fnccès auffi confidé-
rables engagèrent le duc de Fridiand à
chercher les moyens de tirer Arnimb
de la Siléfie. Il détacha pour cet effet
le général Holck , pour faire une inva-
fion en Saxe à la tête de fn mille
hommes, avec ordre de brûler &,fa-«
cager tous les lieux par où il pafleraifc
& ceux d'alentour. Holck pénétra par
la Bohême dans le Voigtland , & fit
bientôt de tout ce pays là un défert
couvert de cendres ; mais cette horr b!e
dévaftation augmenta encore par l'ar-
rivée de Gallas , envoyé enfuite avec
dix mJîle hommes pour féconder les
opérations de Holck, qui ayant pris la
même route, acheva de ruiner tous les
lieux dont il put fe rendre maître. la
ville de Freyberg où il y avait garnifon ,
ayant voulu faire quelque réfiftance ^
Xij
3 24 C A M P A G >J E s
le général des Impériaux fît dire au
commandant que s'il ne fe rendait pas
fur- le - champ , il ferait paffer tous les
habitans & la garnifon au fil de l'épée ,
& rC épargnerait pas même les enfans dans
h ventre de leurs mères, La ville capitula
fiute de vivres, & fut taxée à une
fommc exorbitante , pour conferver les
tombeaux des éledeurs de Saxe que
Gallas voulait piller. Peu de tems après
Pappenheim reçut ordre de fe rendre
en Saxe avec le corps qu'il comman-
dait, en traverfant laHefie & la Thu-
ringe. Enfin le duc de Fridland réfolut
d'y marcher lui-même avec fon armée,
pour forcer l'éledeur à abandonner le
roi de Suéde , avant qu'Arnimb , fur les
ordres prefilins de ce prince , pût arri-
ver en Saxe & défendre fa patrie , dont
il n'aurait jamais dû s'éloigner à ce
point là.
Guftave cependant refiait encore
dans fes retranchemens , efcarmou-
DE GuSTAVE-AdoLFE. 525'
chant toujours avec les Impériaux &
enlevant fréquemment leurs convois,
parce que ceux - ci s'étaient rendu tel-
lement odieux par leurs brigandages ,
qu'ils ne faifaient pas un mouvement
que le roi de Suéde n'en fût auffi - tôt
informé. Comme il avait envoyé de
tous côtés des ordres pour qu'on lui
amenât des fecours , les généraux qui
commandaient des corps détachés ne
tardèrent pas à s'approcher de la grande
armée : Oxenltierne , chancelier de
Suéde , les ayant rafiemblés , en prit le
commandement, marcha vers Kut-
zing, traverfa le Mayn fur le pont dQ
cette ville , fut joint par le duc Bernard
de Saxe - Veimar & par Jean Banner ,
dont les corps , avec les précédens , for-
maient une armée de plus de cinquante
mille hommes , commandée par les
plus grands généraux de l'Europe. De
Kutzing elle vint camper à Neuflat ,
arriva enfuite à Bruck , près de Nu-
Xiij
325 Campagnes
remberg , & entra enfin dans les lignes
du roi fans le moindre obftacle, le duc
de Fridland n'ayant jamais ofé quitter
fes hauteurs & fes retranche mens , ni
s'oppofer à une jondion de la plus gran-
de importance pour lui; étant très-vrai-
femblable que Guftave qui , n'ayant
qu'une armée de j 6000 hommes,l'avait
conftamment harcelé dans fon camp,
ne relierait pas dans l'inaction fe voyant
à Li tête de foixante & dix mille hom-
mes. Il fe borna donc à raflembler tout
ce qu'il pouvait avoir de corps détachés
& à augmenter encore la force de fes
retranchemens.
Le roi de Suéde de fon côté tint un
grand confeil de guerre & confulta fes
g néraux fur le meilleur parti à prendre
pour tirer Valftein & le duc de Bavière
du poftc avantageux qu'ils occupaient.
Tous furent d'avis qu'il fallait attendre
que la difette les en chafiat. Le roi pen-
dait de même ; mais confidérant qu'a-
DE Gustave- Adolfe. 527
vec une armée aufîi nombreufe cette
difette était pour le moins auffi à crain-
dre dans fon camp que dans celui des
ennemis , il prit la réfolution de leur
livrer bataille. Il en examina donc avec
foin la pofition , & fit inutilement di-
vers mouvemens pour les tirer de leur
polie. Une première attaque n'ayant
pas mieux réuffi , il jugea à propos de
pafîer la rivière de Pregnitz au - defilis
de fes lignes , & de venir camper à
Furth. Trois jours après, les efpions &
les prifonniers ayant rapporté unani-
mement que le duc de Fridland allait
changer de pofition , le roi rangea fon.
armée en bataille & marcha pour atta-
quer l'ennemi au moment où il ferait
quelque mouvement ; mais ce général
ne fit que refierrer fes deux lignes : fur
quoi le roi ne voulant pas s'en retour-
ner fans avoir rien entrepris à la tête
d'une fi belle armée , fit avancer fQÏ-
xante pièces de gros canon dans le def-
Xiv
328 Campagnes
fein de tenter une nouvelle attaque.
Ses généraux tâchèrent de l'en diflua-
der, lui repréfentant les difficultés pref-
que infurmontables de forcer de tels
retranchemens fur des hauteurs où l'on
ne pouvait arriver qu'à découvert , au
travers de mille feux. Le roi écoutait
leur avis & ne perfiflait pas moins à
fuivre fon idée. Il y a lieu de s'étonner
qu'un prince fi fage & fi modéré fe foit
obftiné à tenter une attaque dont le fuc-
cès était plus que douteux, tandis que
s'il eût fait mine de marcher en Bavière
& d'aller prendre Munie , ce qui lui
était très ficile , Valllein & le duc de
Bavière fe feraient hâtés d'abandonner
leurs retranchemens, pour défendre
la capitale & les états de cet élecl;eur.
Mais Guftave comptait fur fa bonne
fortune & efpérait que l'ennemi four-
nirait par quelqu'un de fes mouve^
mens Toccalion de le battre.
L'attaque ayant donc été réfolae ,
DE Gustave-Adolfe. 3 29
Tartillerie commença à jouer de part
& d'autre avec un fracas tel que peu-
vent l'exécuter deux cents pièces de
gros canon pour la plupart. Fridland
contint les troupes dans les retranche*
mens & s'en tint purement à la défen-
iive. Les Suédois attaquèrent par bri-
gades, & il fe fit de part & d'autre le plus
grand feu de moufqueterie , au point
que les plus vieux officiers alTurerent
n'en avoir jamais vu de fi animé. Les
bois & les ravins empêchaient la cava-
lerie d'agir. Un feul régiment & le meil-
leur de l'armée Bavaroife s'étant avan-
cé , fut défait par quelque efcadrons
Finlandais , & fon colonel y perdit la
vie. Le roi fit des eftbrts prodigieux
pour gagner l'une des hauteurs occu-
pées par l'ennemi : fécondé par fes bra-
ves généraux , il était parvenu à pren-
dre pofte fur une colline ; mais il ne fut
jamais ponible d'y mener du canon
avec la promptitude néceffaire , tout
350 Campagnes
ce qui paraidliit étant aulli-tôt mis en
pièces par le feu des Impériaux qui ti-
raient cachés & couverts. Enfin ce mo-
narque défefpérant de tirer quelque
avantage de fa pofition & voyant que
fes troupes étaient rebutées , fit fonner
la retraite & fe retira dans fon camp
de Furth, après avoir perdu, félon quel-
ques hiftoriens mille , & félon d'autres
deux mille tués ou bleffés , parmi lef-
quels fe trouvèrent plufieurs braves-
officiers. Léonhard Torftenfon , jeune
encore , & qui après la mort de Guffcave
devint l'un des meilleurs généraux de
Tarmée Suédoife fut fait prifonnier
dans cette occafion. Du côté des Impé«
riaux la perte fut plus confidérable :
deux mille tant officiers que foldats
furent tués fur la place, outre les bleffés
& les prifonniers qui fe trouvèrent en
grand nombre. Le roi eut un morceau
de la femelle de fa botte emportée par
un boulet de canon.
DE Gustave-Adolfe. 5^
Après cette bataille les deux armées
relièrent environ quinze jours en pré-
fence Pune de Pautre ; ce qui occa-
fionna entre elles plufieurs efcannou-
ches, dans l'une defquelies il s'en fal-
lut peu que le duc de Fridland lui-
même ne fût fait prifonnier. Ce tems
écoulé , le roi mit fix mille hommes
d'infanterie & trois cents chevaux en
garnifon dans Nuremberg & leva fon
camp pour aller chercher quelque pays
moins ruiné. Les Impériaux en firent
de même , mais après avoir lailfé à l'or-
dinaire des marques de leur fureur en
brûlant tous les villages à plus de dix
lieues à la ronde. Ils mirent enfuite le
feu à leur camp , & marchèrent avec
tant de précipitation , qu'ils abandon-
nèrent une quantité confidérable de
munitions , avec un grand nombre de
bleffés & de traîneurs. Les habitans des
villes voifines , & fur - tout ceux de
Nuremberg , accoururent dans ce camp
35S Campagnes
brûlé Se en enlevèrent plufieurs cha-
riots encore chargés de vivres avec des
armes de toute efpece. Les ducs de
Fridiand & de Bavière défilèrent dans
leur retraite devant cette dernière ville.
La garnifon Suédoife fit une fortie fur
leur arrière- gardj, leur tua beaucoup de
monde & fit un butin confidérable ,
après quoi l'armée Impériale s'avança
jufqu'à Forcheim , où elle s'arrêta.
Ce fut dans ce tems là que le roi de
Suéde écrivit aux Cantons SuilTes pour
les informer qu'il avait des avis cer-
tains que le roi d'Efpagne envoyait une
armée en Allemagne , pour , de con-
cert avec l'empereur, opprimer les états
de l'Empire, anéantir la religion pro-
teftante & la liberté ; que cette armée
devait prendre fa route par la SuifTe ;
mais qu'il efpérait que les Cantons
obferveraienc une exade neutralité &
ne livreraient point le pafTage par leurs
terres à une armée qui marcherait
DE GuSTAVE-AdOLFE. 25 3
dans des vues fi redoutables. Guftave
eut lieu de fe louer de la conduite que
tint le Corps Helvétique dans des con-
jondures auffi critiques, & l'empereur
ne reçut point alors le puifTant renfort
fur lequel il avait compté ; tout fe
réduifit à fix mille Efpagnols qui joigni-
rent les Bavarois. Alais ce qu'on ne peut
point palTer entièrement fous filence ,
quelque horreur que de tels détails doi-
vent néceilairement infpirer à toute
ame honnête , c'eft la cruauté & la bar-
barie que les généraux & les troupes
de l'empereur exercèrent fur les mal-
heureux habitans des diverfes provin-
ces qu'ils traverferent dans leur marche,
& que tous les hiftoriens rapportent
unanimement en les déteftant. Gallas
envoyé en Saxe , comme on l'a dit ,
avec un corps de troupes , pilla , facca-
gea , brûla plufieurs petites villes fans
défenfe & en emmena prifonniers les
principaux habitans , & Holck de foa
334 Campagnes
côté , homme avare & cruel , ne corn-
mit pas moins d'atrocités.
Cependant Guftave informé de Tar-
rivée des ducs de Fridiard & de Bavière
à Forcheim , était fort attentif au parti
qu'ils prendraient enfuite. Il fit divers
détachemens pour cou\rir le Vurtem-
berg & d'autres pays fur lefquels l'en-
nemi pouvait avoir des vues , Scie rap-
procha de Nuremberg , d'où il marcha
avec fon armée dans les environs de
Donavert. Informé que le duc de Ba-
vière lui avait enlevé Rain , porte im-
portant fur le Lech , le roi vint avec la
plus grande célérité afîiéger cette place
& la reprit fans peine. Enfin les deux
généraux ennemis s'éloignèrent de
Forcheim , & firent la rerr.e de leurs
troupes qui fe trouvèrent confidérable-
ment diminuées par les combats & les
maladies , & fur-tout parla défertion.
Valftein cherchant à éloigner les Sué-
dois de la Fninconie , s'approcha de
DE Gustave- Adolfe. 5?f
Culmbach pour en faire le fiege ; mais
y trouvant beaucoup de réfiflance , il
ne tarda pas à le lever, & il s'empara de
Bareut, ravageant le plat pays & pouf^
fant fa fureur jufques à faire corper
tous les arbres fruitiers. Il ne fut pas
plus heureux dans l'entreprife qu'il
forma contre la forterelfe de Plaffen-
bourg où commandait Devbatel avec
mie bonne garnifon Suédoife , & il fut
encore obligé d'y renoncer après avoir
perdu beaucoup de monde. Tous ces
mauvais fucccs l'engagèrent à repren-
dre fon ancien plan de porter tout le
poids de la ç^uerre dans l'éledtorat de
Saxe. Ce fut alors que fon armée fe
fépara de celle du duc de Bavière qui
en ramena les débris vers Ratisborme ,
tandis que Vaiilein, après s'être aifuré
des défilés qui féparent la Franconie
de la Thuringe , fe mit en marche vers
la Saxe dès le moisd'odobre. L'élec-
teur Jean " George , alvumé par cette
^3^ Campagnes
irruption , vit bien que tout fon pays al-
lait être conquis ou laccagé , & envoya
Courier Ibr courier au roi de Suéde
pour le conjurer de venir inceiïam-
ment à fonfecours.
Ce monarque préparait alors tout ce
qui était nécelTairepour le fiege d'In-
golftat, dontlaprife lui apurait toute
la Bavière ; mais ne pouvant fe refufer
aux inftances de cet allié, & détermi-
né parla crainte qu'il ne prît parti pour
l'empereur , faute d'avoir été fecouru à
tcms, il renonça, quoique contre l'a-
vis d'Oxerftierne , à Tes vues fur cette
ville là , (Se marcha par Dunkelfpiel ,
vers Schweinfurt , où il établit le ren-
dez-vous général de fon armée. La rei-
ne de Suéde qui était en route pour le
joindre, y vint aufli : ce uit la dernière
fois que ces deux illuftres époux pu-
rent fe voir , & il fut décidé que cette
princefle fixerait iaréfidence à Erfurth,
capitale de la Thuringe, aufli long-tems
que
De Gust ave-Adolfe. 3^7
t[UQ le roi ferait en Saxe. L'armée ayant 1 63 3»
donc quitté la Franconie, s'avança dans
la Thuringe avec une diligence extra-
ordinaire. Le roi en fit la revue géné-
rale; elle fe trouva forte de viugt mille
hommes , tous vieux foldats accoutu-*
mes à fervir & à vaincre fous les ordres
de ce héros. '
D'Erfurt l'armée marcha à Butteftatb
Le duc de Fridland de fon côté s'était
approché de Leypfic , dont il fe rendit
maître de même que du château de
PleilTenbourg , & exigea de cette ville
une forte contribution. Son defiein
était de s'emparer de tout ce qui était
fur la droite de l'Elbe jufquesà Drefde,
& d'affiéger enfuite cette capitale ^
lorfqu'il apprit que le roi de Suéde était
à Erfurt avec fon armée. Il ne douta
plus alors qu'il ne marchât au fecours ■
de la Saxe , & prit la réfolution d'aller
à fa rencontre pour lui livrer bataille*
Jl revint donc fur fes pas , repalTa par
Partie UL X
i;8 Campagnes
Leypfic , fe joignit entre cette ville &
J\lerfebourg au corps que commandait
Pappenheim , & fe trouva ainfi à la tête
de trente - fix mille hommes , avec lef-
quels il fe tourna tout d'un coup du
côté de VeifTenfels , & envoya un
détachement pour s'emparer de Naum-
bourg & du pont de Koefen fur la Saale.
Mais il elt néceifaire d'oblërver ici
que le pays litué entre Erfurt & les
frontières de la Saxe eft rempli de fo-
rêts &de collines, & même de hautes
montagnes qui forment un défilé pro-
fond , que l'armée Suédoife n'aurait
pu traverfer fans effuyer une perte con-
fidérable , fi les Impériaux avaient pu
s'emparer de ces deux derniers poftes.
Mais Fridiand fut encore prévenu par
la dili..; nce du roi qui en était déjà le
maître lorfque les Impériaux voulurent
s'en approcher ; enforte que rien ne
pouvait mettre obftacle à fon entrée
dans la Saxe. A cette nouvelle, le duc
DE GUST AVE-AdoLFE. ?59
tint confeil de guerre, &fes généraux
furent d'avis de ne pas attaquer le roi
d j Suéde , mais vu la faifon avancée ,
de faire cantonner l'armée &: d'envoyer
un puiflant fecours en Veftphalie , où
le général Baudiffin failait des progrès
confidérables ; ce qui fut exécuté : 8c
l'aimée Impériale vint fe pofter près
de Merfebourg,
Cependant le roi de Suéde n'eut pas
plus tôt été informé que Pappenheira
avait marché vers les Pays - Bas avec
un corps de douze mille hommes , que
jugeant le moment favorable pour at-
taquer Valllein , il décampa de Naum-
bourg & marcha à grands pas vers Veif-
fenfels , trouvant par-tout fur fon paf-
fage des peuples qui efpéraient qu'il
ferait encore cette fois leur libérateur,
comme il l'avait été l'année précédente
lorCque Tilli avait ravagé ce beau pays ,
& lui rendaient des hommages que fa
piété & fil modeflie lui faifaient rejeter?
340 Campagnes
Colloredo , pofté dans le château de
cette dernière ville , s'cmprefTa d'in-
former de la marche rapide des Sué-
dois, fon général en chef, qui fit d'a-
bord alTembler fes principaux officiers ;
tous furent d'avis qu'il fallait s'appro-
cher de l'ennemi & lui difputer le paf-
lage vers Leypfic , parce qu'autrement
la garnifon de cette ville & des diverfes
places occupées par les Impériaux fe-
raient coupées ^ & l'armée elle - même
de la Bohême, d'où elle tirait fes fubfil^
tances , toute la Saxe d'ailleurs favo-
rifant les Suédois. On confuiérait en-
core que les finances de l'empereur
étaient épuifées , les alliés accablés , les
peuples ruinés , les deux tiers de l'Alle-
magne perdus , & que le gain d'une
bataille était le feul remède à tant de
maux ; mais qu'il fallait inceffamment
rappeller Pappenheim avec le corps
qu'il commandait.
Le roi de fon côté defirait avec ai-
deGustave-Adolfê. 341
deur d'en venir aux mains , fans atten-
dre les fecoors qu'il favait en route
pour le joindre ;& il difalt à fes géné-
raux , qu'avant que ce? renforts lui
fuffent arrivés , Pappenheim aurait
joint Fridland , & que la querelle ferait
terminée ; qu'enfin \fpuifqu'on était dans
le bain ^ il ne fallait en fprtir qi!* après
s^être bien baigné ^ plutôt que de faire
une retraite qui relîemblerait toujours
à une fuite.
Valflein avait réfolu de ne pas
attendre le roi de Suéde à Naum-
bourg , mais d'aller lui barrer le paf-
fage vers Leipfid & Drefde ; en con-
féquence de quoi il dépêcha un offi-
cier à Pappenheim , occupé alors à faire
le fiege du château de Moritsbourg ou
de Halles , avec ordre d'abandonner
cette entreprife & de venir inceflam-
ment le joindre dans la plaine de Leip-
fic , où il allait au - devant de l'armée
ennemie.
Yiii
542 Campagne s " -
On peut dire que toute l'Allema-
çne ^ &: même l'Europe entière , avait
les yeux ouverts fur ce qui fe par-
lait en Saxe , & attendait impatiem-
ment quel ferait le fort de deux armées
moins confidérables par le nombre que
par la valeur des foldats , la capacité &
la réputation des chefs. D'un côté un
roi conquérant , couronné par tant de
vidoires , des généraux qu'il avait éle-
vés 6c formés dans le grand art de la
guerre , des officiers en état de les fé-
conder parfaitement, des foldats aguer-
ris 6c endurcis à toutes les fatigues ,
pleins d*amour & de confiance pour
leur monarque. D'un autre côté , un
chef que la fortune avait favorifé dans
toutes fes entreprifes , plein de cou-
rage , fécond en ru Tes militaires , at-
tentif à récomperifer comme à punir
fes officiers , & dont l'armée était com-
pofée de foldats prefque auffi aguerris
que les Suédois» L'intérêt de la religion ,
DE GUS TA VE -AdOLFE. ^43
le defir de la gloire, l'amour de la liber-
té animaient également les deux partis.
La mort de l'un des plus grands rois
dont riiiftoire fafle mention , a rendu
la bataille de Lutzen fi célèbre, que l'on
ne peut fe difpenfer d'en raffembler ici
les principales circonftances , avec des
détails qu'il n'aurait pas convenu de
faire entrer dans le récit des autres
événemens de ce glorieux règne.
Il eft néceflaire de commencer par
donner une courte defcription du lieu
même où s'eft donnée cette bataille.
Lutzen eft une petite viile d'environ
trois cents maifons , fituée au midi de
Merfebourg , fur la route de Leipfic à
Veiflenfeîs. La rue qui la traverfe fait
partie du grand chemin , qui au fortir
de Lutzen forme une chauffée pavée
de grolfes pierres & bordée d'un folle
de chaque côté. Vis - à - vis & à peu de
diftance eft le village de Menchen , au-
deflbus duquel coule un ruiffeau nom-
Yiv
544 Campagnes
mé Floesgrahen , à caufe du bois flotté
qu'il charie continuellement, & qui
pafle à côté du champ de bataille. Ses
bords font elcarpés & couverts de quel»
ques arbres,
Vaîfhein arriva de Merfebourg à
Lutzen le <ç novembre au matin :
d'abord il fit mettre le feu à cette
petite ville, enfuite il fit approfondir
les foffés du grand chemin & creufer
les endroits comblés. Il appuya fa droite
à Lutzen , vis - à - vis des moulins à
vent , avec une batterie de vingt - qua-
tre pièces de gros canon ; fa gauche
s'étendit jufqu'au Floesgraben , Pefpacç
d'environ une demi - lieue ; il forma
de toute fon infanterie, cinq greffes
brigades ou bataillons quarrés , avec
des pelotons de piquiers aux angles,
La cavalerie fut mife fur les ailes en
deux lignes. Il garnit de moufquetaires
le fofle du grand chemin, & fit braquer
aulfi du canon fur le côté oppofç.
DE Gustave-Adolfe. 54f
Le roi de Suéde, en s'approchant de
Liitzen, où il parvint le même jour au
foir avec toute Ton armée , fut informé
que Pappenheim n'avait pas encore
rejoint Tarmée Impériale , déjà plus
nombreufe que la fienne : il réfolut ,
par l'avis de fes généraux, de livrer
bataille avant que cette jondion pro-
chaîne fe fût effeduée. Il rangea donc
fon armée de manière que fa gauche
aboutiflait à Lutzen , & fa droite s'éten-
dait jufqu'au Floesgraben , qu'elle avait
d'abord à dos , & enfuite en flanc ; en
front fe trouvait le grand chemin oc-
cupé par les moufquetaires Impériaux.
Guitave fuivit dans cette occafion fi
importante le même ordre qui lui
avait réufli lors de la bataille de Brei-
tenfeld ; c'eft - à - dire , qu'il forma de
gros bataillons entrelacés dans de pe-.
tits efcadrons. L'armée fut rangée fur
deux lignes ; l'infanterie au centre , ^
la cavalerie furies ailes , l'artillerie pki?
34^ Campagnes
cée en front. Le roi paflTa la nuit du f
au 6 dans fon carrofTe , s'entretenant
familièrement avec fes généraux. Au
refte , quoique les hifloriens ne foient
pas parfaitement d'accord fur la force
refpeclive des deux armées , il paraît
aflez évidemment que celle des Sué-
dois n'excédait pas le nombre de dix-
huit à vingt mille hommes , tandis que
Valftein avait trente à trente -deux
mille hommes fous fes ordres. Le roi
avait fon pofle à la droite , le duc
Bernard de Saxe-Veimar comman-
dait la gauche, & Nicolas Brahe le cen-
tre. Valflein de fon côté s'était mis à
la tête de la brigade du centre , ayant
fa droite commandée par Colloredo &
fk gauche par Holck.
Le matin étant venu, un épais brouil-
lard couvrit toute la plaine. Le roi , en
attendant qu'il fe fût diflipé , fit félon fa
coutume pratiquer plufienrs ades de
dévotion à fes foldats , & les harangua
DE Gustave-Adolfe. 547
avec cette éloquence qui lui était natu-
relle. A onze heures, le brouillard ayant
entièrement d.i]^aru , le monarque vêtu
légèrement , ne portant ni cafque ni
cuiraflTe , c'oina le fignal du combat, &
toute fon armée s'ébranla à la fois.
L'infanterie Suédcife eut d'abord beau-
coup à fouffrir du feu des moufquetai-
res placés dans les fofîes du grand
chemin ; mais dès qu'elle put les join-
dre , elle les en chaiïa & leur prit fept
pièces de canon , qui furent auffi - tôt
tournées contre l'ennemi. Les mous-
quetaires à cheval & les carabiniers de
Valftein fe retirèrent auffi fort en dé-
fordre. Dans ce moment les Croates
qui débordaient l'aile droite des Sué-
dois , s'avancèrent pour prendre leurs
efcadrons en flanc ; mais ils furent
bientôt rompus & mis en fuite. Ayant
enPuite voulu fe jeter fur fes bagages ,
le duc Bernard de Saxe-Veimar accou-
rut avec quelques^ efcadrons, & les
348 Campagnes
défît au point qu'ils ne reparurent plus.
Cependant, le roi s'étant mis à la
tête des efcadrons qui avaient paflé le
chemin , charge la première ligne des
cuirafliers Impériaux & la fait plier ; la
féconde s'avance , & charge le roi à
fon tour. Les Suédois s'arrêtent ; le
monarque crie au régiment de Sten-
bock d'avancer & de le fuivre. Il part
pour attaquer ces nouveaux efcadrons y
n'étant fuivi que de deux paifreniers
& du duc François - Albert de Saxe-
Lavembourg , avec un officier ou do-
mellique de ce dernier. Dans ce mo-
ment le roi reçoit un coup de piftolet
ou de moufquet qui lui cafife le bras.
Sa cavalerie arrive , on s'écrie : le roi ejî
hlejfé. Ce cri , parti des premiers rangs ,
fait peine à ce vaillant prince : il ie fait
violence , reprend un vifage riant , &
crie à fon tour, cen^eflnen jfuivei-moi
& chargei» Mais dans le même tems il
Ht en français au duc de Saxe- Lavem>
DE GUSTAV E -AdOLFE. 549
bourg : mon coufin , j*en ai tout autant
qu'il m en faut ^ ^ je fouffre une extrême
douleur , tâche^ de me tirer d*ici. A
Tinftant une balle lui traverfe les reins ,
il tombe de cheval, criant, mon Dieu I
Il reçut encore d'autres coups, & la mê-
lée fut très » grande par les efforts que
firent les Suédois pour garantir le corps
de leur roi que l'on foulait aux pieds ,
jufqu'à ce que le colonel Skalanske char-
gea fes Impériaux avec tant de fureur
qu'il les obligea de reculer , & regagna
ainfi le corps de fon bon maître.
C'eft ainfi que ce funefte événement
eft raconté par deux hifloriens con-
temporains de ce grand roi , & dont
l'un avait été fon miniftre. Un troifieme
prétend qu'il fut d'abord bleffé en pat
faut de fon aile droite à la gauche qui
avait plié , 6c enfuite tué par un officier
nommé Falkenflein. Tous les autres
varient extrêmement à ce fujet.
Dès que le roi fut mort, la nouvelle
^fo Campagnes
s'en répandit dans toute fon armée,
dont le duc de Saxe - Veimar prit le
commandement en chef. Il convient
maintenant de voir quelles furent les
fuites d'une bataille qui coûta la vie à
ce héros. La gauche des Suédois, qui
avait été ébranlée par l'artillerie des
Impériaux, s'étant ralliée , marcha de
nouveau. Le foldat furieux de la mort
de Ton roi , ne chercha plus qu'à la ven-
ger. La droite de Valftein fut attaquée
avec tant de fureur qu'elle plia. L'in-
fanterie Suédoife placée au centre &
conduite par Nicolas Brahe, chargea les
gros bataillons quarrés du duc de Frid-
land & les rompit. Au même inftant une
bombe des Suédois tombe fur les cha-
riots de munitions des ennemis placés
près du gibet , y met le feu & les fait
fauter avec un fracas épouvantable. Les
Impériaux croyant qu'on les attaque
par-derriere , fe débandent & prennent
tous la fuite , malgré les efforts de Val-
DE Gustave-Adolfe. 3fl
ftein & de Tabbé de Fui de qui les exhor-
tait le crucifix à la main & y fut tué.
Les Suédois les pourfuivent avec la
plus grande ardeur , s'emparent du ca-
non placé près des moulins, le tour-
nent contre l'ennemi & en font un
grand carnage.
Dans ce moment arrive Pappenheim
de Halle avec huit régimens frais. Il
attaque les Suédois que leurs fuccès
même avaient mis en défordre , donne
le tems à Valftein de rallier fes troupes
&: de les ramener à la charge. Il en ré-
fulte donc une nouvelle bataille. Les
Suédois fe remettent en ordre avec la
plus grande promptitude. Pappenhein
fit d'abord quelques prifonniers qui lui
apprirent que le roi de Suéde avait été
tué : il remercia Dieu de ce qu'il avaic
délivré l'églife catholique de fon plus
dangereux ennemi. Ce général fe con-
duifit dans cette occafion avec fa bra*
voure ordinaire & y fut bleflfé mortelIe*^
IfS Campagnes
ment d'un coup de canon. On le con-
dulfit à Leipfic , où il expira.
Cependant les Suédois, quoiqu'acca-
blés d*abord par la fupériorité du nom-
bre , fe maintinrent avec le plus grand
courage fur le champ de bataille près
des moulins. Le régiment des Gardes y
fit en particulier des prodiges de valeur;
Nicolas Brahe qui le commandait , eut
la cuifTe fracaiïëe d'un coup de canon
&. mourut de fa bleiïure. Enfin les Sué-
dois firent de fi grands efforts qu'ils
rompirent pour la troifieme fois les Im-
périaux , qui prirent la fuite j les uns
vers Merfebourg , les autres vers Leip-
fic. La nuit fauva les débris de leur ar-
mée. Valftein arriva peu de tems après
dans cette dernière ville & en repartit
le lendemain , fuyant vers la Bohême ;
il ne s'arrêta qu'à Leutmerits , à cin-
quante lieues du champ de bataille.
Celle que l'on vient de détailler dura
fix heures, fans y comprendre les efcar-
mouches.
DE Gustave-Adolfe. k^'
mouches. Les Impériaux y perdirent j^,^,
tout leur canon , toutes leurs muni-
tions , avec un grand nombre de dra-
peaux & d'étendards. Toute la plaine
de Lutzen était couverte de morts , de
mourans & de blefles. On compta
fur le champ de bataille douze mille
hommes tués tant d'une part que de '
l'autre. Tous les corps délabrés d'in-
fanterie & de cavalerie prirent la route
de la Bohême, & le même jour le maré-
chal Holck qui commandait dans Leip-
lic, en remit les clefs au fénat. Cet évé-
nement , l'expulfion des Impériaux
hors de la Saxe , & la retraite du duc de ,
Fridlandà Prague avec un très -petit
nombre de foldats , ne peuvent qu'an-
noncer une vidoire complète en fa-
veur des Suédois.
Ce fut donc dans des circonftances
fi glorieufes , & dans la plus belle épo-
que de fa vie, que mourut Guftave-
Adolfe à la fleur de fon âge , n'ayant que
Partie IIL Z
3f4 Campagnes
trente • fept ans, un mois & vingt - fept
jours , lorfque les Suédois étaient maî-
tres de cent trente villes fermées en Al-
lemagne & de plus des deux tiers de
l'Empire. Les proteftans de tous les
pays le pleurèrent fincérement; le pape
même en fut affligé. Ferdinand , dont il
avait ébranlé le trône, en parut doulou-
reufement affedé , tandis que la cour
de Madrid fe livra aux excès de joie les
plus indécens. Ce héros digne deTefti-
me de tous les fiecles , fut conftam-
ment père tendre , bon mari , bon roi
& le meilleur des maîtres. Il réuniffait
en fa perfonne les vertus les plus
fublimes. Ferme dans fes principes fur
la religion , fa piété fut exempte de
bigoterie & de fanatifme , fa dévotion
tendre & éclairée. La gloire & le bien-
être de fes peuples l'occupaient eflen-
tiellement. Humain fans faiblelTe , cou-
rageux fans emportement , politique
fans fauileté , tout annonçait la gran-
DE Gustave-Adolfe. ^s'f
deur , l'élévation de fon ame. Il étudia
profondément l'art de la guerre & le
perfedionna. Mais il excellait fur-tout
dans l'art de connaître les hommes; &
ce talent fut caufe qu'après fa mort
les affaires des Suédois fe foutinrent
en Allemagne fous la direction du
grand-chancelier & par les exploits des
généraux qu'il avait tous choifis & for-
més. Ennemi du menfonge & de h
tromperie, fa cour ne connut ni les
flatteurs, ni les intrigans. Sobre & tem-
pérant, fes mœurs furent conllamment
pures , & il ne fe permettait aucun ex-
cès. Enfin il méprifait fouverainement
le fafte & la mollefle , de même que le
luxe dans fon extérieur. Endurci aux
fatigues , un peu de paille fraîche était
un duvet pour lui. Son camp lui tenait
lieu de palais , & jamais il ne couchait
qu'au milieu de fes foldats. Cette ma-
nière de vivre, en le rendant infiniment
cher aux troupes , avait tellement for-
Zij
3f6 Campagnes
tifiéfon tempérament, qu'il jouit tou-
jours d'une fanté parfaite , fans éprou-
ver aucune incommodité. Guftave ne
lailTa qu'une fille légitime , qui fut la
célèbre reine Chriftine ; mais il eut de
plus un fils naturel , connu fous le nom
de Gufîafeohn, dont la poftérité fubfifte
encore en Suéde.
Après ce court , mais véridique ta-
bleau des vertus de ce crrand monar-
que, il ne nous refte qu'à raconter en
peu de mots les principales circonftan-
ces qui eurent lieu relativement à fes
triftes dépouilles. Les Suédois avaient
pafle la nuit fur le champ de bataille,
viélorieux , mais dans un morne filen-
ce & pénétrés de la plus profonde dou-
leur. Le lendemain on chercha le corps
du roi, & l'on eut beaucoup de peine à
le retrouver , tant il était défiguré par
•fes blelTures & meurtri par les pieds des
chevaux. On ne le reconnut même
qu'n la dcatrice encore fraîche d'une
DE GU.^'T A VE- AdOLFE. 3^9
Mais il exifte encore fur le champ
de bataille un autre monument qui,
quoique très-fimple, mérite que l'on
en fafle mention ici. C'eft un haut &
large caillou pofé de champ , & placé
à peu près à la même diftance de la
ville de Lutzen & du Floësgraben , &
qu'on nomme la Pierre Siiédoife. La
tradition du pays porte qu'elle fut mife
dans le lieu même où fut trouvé le
corps de Guftave - Adolfe. Il y a lieu de
croire que cette efpece de trophée fut
érigé , non par des foldats Suédois ,
mais par des commiffaires Saxons , en-
voyés peu de tems après pour exami-
ner fur les lieux toutes les circonftances
de cette fameufe bataille.
Tels ont été les principaux événe-
mens d'un règne à jamais mémorcible ;
^ l'on fe bornerait au récit abiégé qui
vient d'en être f lit , s'il ne reliait pas
à examiner & à difcuter une qucllioa
Z iv
350 C A M. P A. G ^^ E s
importante, relative à la manière dont
ce grand roi a péri. On convient en
général, que ce fut pendant que, tra-
verfant le fort de la mêlée , il pafia de
fon aile droite à fa gauche , pour raflii-
rer celle - ci & la.ramener au combat ;
mais fut-il tué par un fimple accident ,
n'ayant rien dans fon extérieur qui le
diftinguât du dernier de fes foldats , &
ne portant , comme on Ta dit , ni caC
que , ni cuirafle ? ou fa mort fut - elle
Teffet d'une lâche trahifon , d'un com-
plot abominable formé contre fes jours ?
C'effc fur quoi les hiftoriens ne font
nullement d'accord. Cependant ceux
qui ont été le plus à portée de s'infliuire
de la vérité , & qui par conféquent mé-
ritent le plus de créance , entre lefquels
fe trouve le célèbre Puffendorfr, fe
réunilTent tous pour affirmer l'exiiience
d'un tel complot , & accufent haute-
ment le duc François - Albert de Saxe^
Lavembourg d'avoir commis par lui-
DE Gustave- Adolfe^ 361
même , ou à Taide de fes complices , ce
parricide exécrable. Voici les faits &
les circonftances qui ont donné lieu à
cette aJfFreufc inculpation.
Ce prince était le cadet de quatre
frères fans fortune. Il vient d'abord à
la cour de Suéde , & y eft accueilli
comme allié à la maifon royale. Ayant
reçu un foufflet du roi , jeune encore ,
pour avoir tenu quelques mauvais pro-
pos , il paflTe au fervice de l'empereur
qui lui donne un régiment, & il devient
^'ami intime & le confident de VaU
ftein. Peu de tems après il quitte ce
fervice. Se fe rend à l'armée de Guitave-
Adolfe comme fimple volontaire , fans
que l'on ait fu le motif d'une telle
défertion. Le roi lui fait la plus af-
fedueufe réception ; le duc s'attache à
ce monarque, & lui fait fa coyr avec
tant d'affiduité qu'il devient fufped au
grand- chancelier. Cependant la bataille
de Lutzen fe donne , François- Albert
352 Campagnes
ne quitte point le roi , & porte fous fon
habit l'écharpe verte qui eft la couleur
impériale. Guftave s'écarte avec deux
feuls domeftiques , le duc le fuit de près
avec Heynin , fon confident , & vrai-
femblablement fon complice. Le roi a
le bras caflTé , il reçoit par - derrière un
coup de piflolet entre les deux épaule?;
en un mot, le roi eft tué. François-
Albert reparaît tout enfanglanté ; il
raconte que le roi a péri dans la mêlée.
On lui demande comment il a fait pour
n*être point blefle : fa réponfe naïve eft
qu'il en eft redevable à fon écharpe
verte. Il eft le premier qui donne avis
à Valftein de la mort de Guftave, &
deux jours après il difparaît du milieu
des Suédois , & rentre au fervice de
l'empereur, de qui il fut très-bien reçu.
Enfuite , ayant changé de religion pour
fe tirer d'une mauvaife aff^aire , il obtint
de Ferdinand III le commandement
d'une année en Siléfie , & fut tué par
DE GusT ave-Adolfe. %6^
les Suédois qui afliégeaient Schweid-
Mais outre ces faits qui , réunis &
duement attelles , forment farts doute
des préfomptions de la plus grande
force , voici encore diverfes confidéra-
tions qui rendent toujours plus vrai-
femblable l'idée d'un complot formé
contre les jours de ce grand roi.
1. Le coup qu'il reçut par-derriere ,
dans le tems qu'ayant eu le bras cafTé
il fe retirait au travers des rangs de fes
propres troupes , & n'aj^ant rien qui le
diftincruât.
2. Les divers autres coups qu'il
reçut encore étant déjà mort. Il n'tft
pas naturel que dans le fort d'une
action l'on s'acharne ainfi fur le corps
d'un ennemi déjà terraflé. Ceux qui
tuèrent le roi de Suéde le connaiflaient
bien , & n'avaient certainement pas
deffein de le laiflTer vivre.
3. Son cheval qui revint au camp
^64 Campagnes
quoique blefTé , était d'une beauté &
d'une bonté extraordinaires ; il n'aurait
pas échappé à la cupidité du fimple
foldat qui eût été l'auteur de cette mort.
4. Les réjouiflances que l'on fit à
Madrid , à Bruxelles & à Vienne , le
Te Deum chanté , le canon tiré : tout
cela prouve que ces cours regardaient
comme un très grand avantage pour
elles d'être délivrées d'un ennemi auffi
redoutable.
f. Valftein n'était rien moins que
fcrupuleux , & l'empereur ne l'était pas
davantage. Faire périr un roi hérétique
qui faiHiit la guerre à l'églife romaine ,
cette aéliôn loin de paraître criminelle ,
pouvait être envifagée comme méri-
toire par certains cafuiftes.
6. La fuite du duc de Saxe-Lavem-
bourg n'annonce- 1 - elle pas qu'il crai-
gnait d'être recherché fur cet événe-
ment , & ne fuffirait - elle pas pour le
faire ^condamner par contumace devant
DE Gustave-Adolfe. 36^
tout tribunal impartial , fi l'on ajoute
fur-tout la correfpondance qu'il entre-
tint avec Valilein pendant qu'il vécut
parmi les Suédois, & la gracieufe ré-
ception qu'il en reçut à fon retour dans
le camp de l'empereur ?
7. L'accufation portée dans le public
contre ce prince ne tarda pas à éclorre»
Il en fut inftruit 5 mais les lettres qu'il
écrivit à ce fujet ne guérirent point les
efprits. Un écrivain allemand entreprit
long-tems après fon apologie ; mais il
fut vivement réfuté par l'auteur d'un
ouvrage connu fous le titre de Hugoni
Grotii mânes ah iniquis ohtrecldtionihus
yindicati,
8. Enfin , fi l'on veut chercher quel
motif particulier a pu engager le duc
de Saxe- La embourg à commettre
une adion aiffi lâche & aufïi atroce ,
• outre le delir d'avancer promptement
fa fortune en rendant un fervice aulîi
. effeacid à l'empereur j & peut-être ce-
366 Campagnes
lui de venger un aiFront perfonnel , on
doit confidérer que la maifon de Saxe-
Lavembourg formait depuis long-tems
des prétentions fur tout l'éleftorat de
Saxe. Ces prétentions étaient alors
pouflees avec la plus grande vivacité.
Or le roi de Suéde s'était montré le pro-
tedeur zélé de l'éledeur , & dès ce mo-
ment ne mettait-il pas Pobflacle le plus
fort au fuccès des vues du prince de
Saxe-Lavembourg , & à la translation
de réiedorat dans fa maifon ? Mais
Guftave mort , les Suédois battus Se
conllernés , l'empereur devenait maî-
tre abfolu de ce même éleftorat & pou-
vait en difpofer fans difficulté, comme
il avait fait précédemment du haut &
bas Palatinat & de la dignité éledorale
elle-même. Un tel motif n'était-il pas
afiez puilE\nt pour déterminer un hom-
me fans mœurs, fans re'igion, pour
éblouir un prince pauvre qui avait plus
d'ambition que de principes d'honneur.
DE Gustave-Adolfe. 5(S7
& pour lui difïimuler au moins en par-
tie la noirceur d'une adion qui rendra
fa mémoire odieufe & exécrable aux
yeux de la poftérité la plus reculée ?
FIN.
^ Grinoard, Philippe Henri
2o4 Histoire des conauete.:
;t.3
PLEASE DO NOT REMOVE
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/v.'M: