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\V PRINCETON, N. J. *^
Purchased by the
Mrs. Robert Lenox Kennedy Church History Fund.
BX 9456 .V8 A76 1888 v.2
1:1 Arnaud, E. 1826-1904.
■ Histoire des protestants du
Vivarais et du Velay
HISTOIRE
DES PROTESTANTS
DU VIVARAIS ET DU VELAY
VOLUME SECOND
OUVRAGES THÉOLOGIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES DE
L'AUTEUR.
Recherches critiques sur l'Epître de Jude (ouvrage couronné et traduit en
Anglais); Strasbourg et Paris, 185 1 , in-S».
Le Nouveau Testament de notre Seigneur Jésus-Christ, etc., version nou-
velle faite sur le texte comparé des meilleures éditions critiques (adopté
parla Société biblique protestante de Paris); Paris, 1858. in-12.
Commentaire sur le Nouveau Testament; Paris, 1863 , 4 vol. in-12.
Le Pentateuque mosaïque défendu contre les attaques de la critique néga-
tive; Paris et Strasbourg, 1865, in-8°.
La Palestine ancienne et moderne , ou Géographie historique et physique
de la Terre-Sainte; Paris et Strasbourg , 1868, in-S".
La mer morte ou lac Asphaltite; Nimes, 1869, in-8".
Caractère spécial de la poésie hébraïque; Nimes , 1867, in-S".
Symbolisme de l'alphabet hébreu ; Paris, i8ô8 , in-8°.
Découverte d'un nouvel exemplaire de la table d'Abydos; Nimes, 1866, in-8°.
L'instinct religieux, la raison et Jésus-Christ, discours apologétique; Paris,
1863 , in-8».
Recueil de formulaires liturgiques pour les ensevelissements; Toulouse ,
1879 , in-12.
Nouveau recueil de formulaires liturgiques pour les ensevelissements; Paris,
1884 , in-12.
TOULOUSE. — IMP. A. CHAUVIN ET FILS, RUE DES SALENQUES, 28,
HISTOIRE
DES
PROTESTANTS
DU
VIVARAIS ET DU VELAY
PAYS DE LANGUEDOC
DE LA RÉFORME A LA RÉVOLUTION
AVEC UNE CARTE
/
Par E. ARNAUD, pasteur
Président du Consistoire de Crest
Membre correspondant de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève
de la Commission pour l'histoire des Eglises wallonnes
et des Sociétés huguenotes de Londres et d'Amérique
VOLUME SECOND
QUATRIÈME PÉRIODE
LE DÉSERT
PARIS
GRASSART, LIBRAIRE-ÉDITEUR
2, RUE DE LA PAIX, 2
li
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/histoiredesp02arna
HISTOIRE
DES PROTESTANTS
DU VIVARAIS ET DU VELAY
(QUATRIÈME PÉRIODE
LE DESERT
' 1685-1795)
VIVARAIS ET VELAY
EMIGRATIONS. REFUGIES DE MARQUE. NOMBRE DES
ÉMIGRÉS. AVEUX DE BAVILLE.
ouR obtenir de Louis XIV la révoca-
tion de l'édit de Nantes, ses conseil-
lers, ou plutôt ses complices, lui
avaient persuadé que le nombre des
protestants convertis était considéra-
ble. « Nos soins , » dit-il lui-même dans le préambule
II. I
2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
de l'édit révocatoire , « ont eu la fin que nous nous
sommes proposée, puisque la meilleure et la plus
grande partie de nos sujets de ladite R. P. R. ont em-
brassé le catholicisme. » Le roi en concluait hypocri-
tement que, puisqu'il n'y avait plus ou presque plus de
protestants dans son royaume , tout ce qui avait été,
précédemment ordonné en leur faveur devenait inutile
et que, pour effacer la mémoire des troubles passés, il
ne pouvait mieux faire que de révoquer entièrement
l'édit de Nantes.
Louis XIV laissa toutefois aux protestants qui n'a-
vaient pas abjuré à la date du i8 octobre 1685 , la li-
berté du for intérieur, mais cette faible garantie n'était
qu'une leurre décevant. Il voulait qu'il n'y eut plus dé-
sormais qu'une seule religion en France et il ne recula
devant aucun moyen , si violent et cruel fût-il, pour ar-
river à son but. Les dragonnades furent l'un de ces
moyens.
Désespérant à tout jamais de voir de meilleurs jours,
les protestants , qui avaient commencé d'émigrer
dès 1666 et qui continuèrent à le faire plus nombreux
à dater de 1681 , malgré les défenses royales les plus
sévères (i), quittèrent la France par milliers après la
révocation.
Les protestants du Vivarais et du Velay imitèrent
leurs frères des autres provinces du royaume et s'expa-
trièrent en grand nombre , mais les frontières étaient
gardées et plusieurs d'entre eux furent arrêtés. Voyez
Pièces justificatives, n° II.
Signalons, à propos de ces émigrations, le zèle hardi,
(i) Août et 2 octobre 1669; janvier 1670; 18 mai et 14 juillet 1682. Ces
défenses furent renouvelées le 1 1 février , le 1 5 septembre , le 26 avril et le
7 mai 1686, le 24 juillet 1705, le 18 septembre 171 j.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3
digne d'une meilleure cause, d'un magistrat catholique,
Jean Fourel (i), procureur du roi au bailliage d'Anno-
nay , qui fit tout exprès le voyage de Genève et du pays
de Vaud pour obliger un certain nombre d'Annonéens
à rentrer en France. Muni d'un certificat de la Cour
d'Annonay et d'un autre de l'archevêché de Vienne, il
se rendit d'abord à Genève auprès de Dupré , résidant
de France , qui lui accorda sa protection , et passa de
là dans le pays de Vaud , oij se trouvaient plusieurs de
ses compatriotes fugitifs et où il faillit être arrêté à la
suggestion d'Isaac Sagnol , dit Lacroix, ancien pasteur
de Crest. Fourel ne réussit pas comme il l'aurait cru.
Il fut obligé de faire trois voyages en Suisse, et ce n'est
qu'au dernier, pendant lequel il garda l'incognito, qu'il
parvint à grand'peine à ramener Simon Veyre et Made-
laine Guéron sa femme , Barthélémy Veyre son fils et
Anne de Montchal sa femme, Catherine Veyre sa fille,
mariée à Gédéon Léorat, avocat. Ce dernier demeura
encore quelque temps en Suisse pour retirer l'argent
qu'il y avait placé. Cette famille, qui séjourna deux an-
nées hors de France , avait déjà abjuré le protestan-
tisme à la révocation de l'édit (2).
Parmi les personnes de marque , qui quittèrent le Vi-
varais et se réfugièrent dans le duché de Brandebourg ,
nous citerons :
(i) Fils de Jean Fourel, et de Jeanne Léorat, se disant écuyer, consul d'An-
nonay en 1680, mort le 15 septembre 1692. C'était un esprit processif, inté-
ressé et ambitieux.
h. Documents communiqués par Mad. Dobler-Alléon. — D'après Cho-
mel, un tiers des habitans protestants d'Annonay se convertit au catholicisme,
un tiers émigra, et le dernier tiers demeura fidèle à sa foi. En 1768, époque
où il écrivait, il y avait quatre-vingt-quinze familles protestantes à Annonay.
En 1740, La Devèse en comptait quatre-vingt-dix. Parmi les protestants qui
abjurèrent, Chomel cite D»"" Gourdan, S-- Lombard de Mars, S" Crottier
de Chambonas. de Fressenet, Peiron , Chabert , Zacharie Ravel, Abrial et
Chomel-Jarnieu.
4 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Alexandre Darmen de Brion , qui avait une baron-
nie en Dauphiné et une autre en Vivarais et qui fut reçu
gentilhomme de cour en 1682.
De la Combe de Cluzel, médecin distingué, attaché
à M. de Grumkow àPrenzlow, dans les premiers temps
du Refuge.
Barthélémy Pascal , de Viviers , médecin et savant ,
mort en 175 1. Il fit partie du conseil supérieur de mé-
decine de Berlin.
Paul de Chambaud, sieur de Charrier, lieutenant de
dragons au régiment de Sonsfeld.
Chambaud de Bavas de la Baume , lieutenant au ré-
giment de Varennes en 1702 (i).
Noble Paul de Fornier, écuyer , sieurs des Places,
natif d'Annonay , mort lieutenant en 1707.
Jacques de la Combe de Cluzel, du Cheylard, mort
lieutenant-colonel en 1729, à l'âge de quatre-vingt
sept ans. Sa veuve Rachel de Ruggy était originaire de
Metz.
Scipion de Montaut le jeune, de Villeneuve-de-Berg,
mort en 1726, conseiller de commerce. Une de ses
filles se maria à M. de Vickersloot.
Alexandre Trémolet de Montaigu.
Dony, grand mousquetaire, puis major réforméen 1 720.
Boissy, de Villeneuve-de-Berg ou des environs, s'éta-
blit d'abord à Genève comme professeur, puis à La
Haye et à Leyde en Hollande , enfin en Allemagne à
(i) Pierre-Benjamin de Chambaud, François de Ciiambaud, Louis-Fran-
çois de Chambaud, incorporés au corps des cadets, le premier en 1717 , le
deuxième en 1729, le troisième en 1756, paraissent être nés dans le Brande-
bourg, — Trois branches de la famille Chambaud , vérifiée et reconnue no-
ble en 1672, s'établirent dans ce duché : les Charrier, les Bavas et les La
Baume. Les plus anciens réfugiés de cette famille étaient originaires de Bof-
fres, et il existait encore de leurs descendants dans l'armée prussienne,
en 1799.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. î
la cour de Cassel. Il prit toujours le plus vif intérêt à
ses coreligionnaires de France et plaida de vive voix la
cause des galériens protestants auprès du Landgrave de
Hesse, pour que ce prince leur continuât la pension du
feu roi de Suède. C'était un homme de mérite, qui col-
labora à La Bibliothèque raisonnée. Il mourut en Hol-
lande en décembre 1753 (1).
Parmi les manufacturiers vivaraisiens établis dans le
Brandebourg nous citerons : Chomel, gantier, à Ber-
lin; Josué Perrin , d'Annonay, maître cartier, à Berlin,
Jacques Duclos, de Privas, teinturier distingué, à Berlin.
Jean-Pierre Duplantier , né à Genève d'une famille
du Vivarais , avait d'abord travaillé dans les fabriques
de Genève et de Zurich, et obtint mille écus d'avance
pour fonder une manufacture de toiles peintes de coton
à Berlin à la descente du pont de Weidendamm (2).
Pour ce qui est du nombre des émigrés des deux pro-
vinces qui nous occupent, il serait difficile de l'évaluer,
attendu que les chiffres laissés par l'intendant Bâville
embrassent le Languedoc tout entier, sans spécifier la
part afférente à chaque contrée de cette grande pro-
vince. Ainsi l'intendant, dans son Mémoire de 1698,
dit que quatre mille religionnaires quittèrent le Langue-
doc. Ce chiffre, par tout ce que l'on sait d'ailleurs, est
inexact (3). Et serait-il exact, qu'il ne pourrait servir de
base pour préciser le chiffre des émigrés du Vivarais et
(i) Il appartenait à une famille qui s'était distinguée sous Rohan en 1622.
Un membre de la même famille fut envoyé à la cour, en 1652, pour les affai-
res de la religion réformée.
(2) Erman et Réclam, Mémoires , t. II, p. 247, 559; t. IV, p. 100, 159;
t. V, p. 67, 78, 94; t. VI, p. 14; t. IX, p. XIX, XL, et 22, 43, 66, 76, 121, 168,
184, 207.
(5) Un Etat du 50 janvier 1688, cité par de Boislille [Correspondance des
contrôleurs généraux, t. I, n° 394), porte le chiffre des émigrés du Langue-
doc à 5680, savoir 1049 chefs de famille, 675 femmes, 2726 garçons et 1255
filles.
6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
du Velay. Bâville dit que la première province comp-
tait, en 1698, c'est-à-dire treize ans après la révocation,
33,199 religionnaires contre 198,336 catholiques; et,
d'autre part, 25 gentilshommes, chefs de famille de la
première religion (i), contre 3 39 de la seconde. Quant au
Velay, d'après Bâville, il comptait 83,127 catholiques
contre 974 protestants; et 213 gentilhommes chefs de
famille catholiques contre aucuns protestants.
Notre intendant donne le nom de nouveaux convertis
à tous ces religionnaires pour rester dans la fiction, in-
ventée par Louis XIV dans le but de justifier l'édit de
révocation , mais il convient lui-même qu'il y en avait
fort peu qui fussent « effectivement catholiques. » Il
accorde encore que « tous les nouveaux convertis sont
plus à leur aise, plus laborieux et plus industrieux que
les anciens catholiques; » que, parmi les curés placés
à la tête des anciennes paroisses protestantes, « il s'en
trouve de forts méchants sujets ; » qu'on « ne réussira
jamais auprès des nouveaux convertis si l'on n'a pas
quelque talent pour parler. » Il termine enfin par cette
juste réflexion : « Il faut attaquer les coeurs : c'est la
religion vraie ; on ne peut l'établir sérieusement sans les
gagner (2). »
Ces paroles sont la condamnation même de Bâville ,
et surtout celle de Louis XIV et de ses conseillers, car
l'intendant, quoique fort peu disposé à la clémence,
estimait qu'après les rigueurs excessives de 1683 à
1686 la cour aurait dû se relâcher de sa sévérité. « Je
croyais, » écrivait-il au contrôleur général Louis Phely-
(i) On trouvera aux Pièces justificatives , n° X, les noms de ces gentils-
hommes et ceux de plusieurs autres , avec leur caractéristique religieuse
établie par l'intendant.
(2) Mémoires pour servir à l'hist. du Laug. (1698); Amsterdam, 1734,
in-12, p. 76 et suiv.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 7
peaux, comte de Pontchartrain, le 9 mars 1687, « qu'a-
près une extrême rigueur il fallait agir par des voies
douces et ne pas confondre toujours l'innocent avec le
coupable ; mais je vois bien qu'il y a des raisons dans
la politique qui sont au-dessus de mon raisonnement.
Je me conformerai à l'ordre que vous m'avez donné. »
Il reconnaissait, quelques mois auparavant, le 18 no-
vembre 1686, que les dragonnades ne pouvaient pro-
duire des résultats durables. « Je viens d'établir dans
les Cévennes le quartier d'hiver en pure perte, c'est-à-
dire y causer une grande désolation , » écrivait-il au
même ministre. C'est pourquoi il préférait le système
des missions religieuses et des aumônes, et disait qu'il
obtenait beaucoup de succès par ce moyen. « Les
12000 livres, » dit-il à ce propos, le 18 novembre 1686,
« que le roi a eu la bonté de m'envoyer pour faire des
aumônes dans les missions, font un effet merveilleux et
gagnent tous les pauvres à la religion. Bien que ce mo-
tif ne soit pas d'abord fort pur, les missionnaires sa-
vent très bien le rectifier et ils engagent par ce moyen
une infinité de personnes à s'instruire et à fréquenter les
sacrements. » Il paraît que les missionnaires jouaient
aussi le rôle d'espions. Bâville disait, le 12 septem-
bre 1693 , qu'il tenait des missions dans une partie du
Vivarais, « soit pour entretenir l'exercice de la religion
dans ce pays, ce dont les curés sont incapables, soit
pour donner avis de ce qui se passe (i). »
CONFISCATION DES BIENS DES CONSISTOIRES ET DES
RELIGIONNAIRES FUGITIFS ET LEUR EMPLOI.
La jurisprudence royale varia sur l'usage qu'on devait
(i) De Boislille, t. I, n°' 381, 544, 256, 1227.
8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
faire des biens ecclésiastiques des protestants. Déjà,
avant la révocation de l'édit de Nantes, et par ses dé-
clarations du 15 janvier 1683 et du 21 août 1684,
Louis XIV avait décidé que « tous les biens immeu-
bles , rentes et pensions faites entre-vifs en dernière
volonté aux pauvres de la dite religion ou aux consistoi-
res, pour leur être distribués par les dits consistoires,
ou aliénés depuis le mois de juin 1662, seraient délais-
sés aux hôpitaux des lieux oij sont les consistoires et,
en cas qu'il n'y en ait pas, à l'hôpital le plus prochain. »
Mais en janvier 1688, un édit décida que les biens im-
meubles des consistoires seraient réunis au domaine et
que les revenus serviraient à la fondation d'écoles gra-
tuites , à la reconstruction des églises catholiques, à la
création d'hôpitaux et à toutes autres destinations utiles
et nécessaires pour l'avantage des nouveaux convertis.
En 1687, le roi avait déjà autorisé Bâville à appliquer
une partie de ces biens à l'achèvement des nombreuses
églises qu'il venait de faire reconstruire dans le Langue-
doc (i). Enfin un arrêt du conseil du 8 janvier 1689
décida que les revenus des biens des consistoires ser-
viraient en partie à payer les pensions accordées par le
roi aux nouveaux convertis.
Les divers états , qui furent dressés des biens des
consistoires du Vivarais et du Velay dans les années qui
suivirent la révocation de l'édit de Nantes, donnèrent
le résultat suivant :
Valeur estimative des biens fonds (immeubles) : 13771
livres, 10 sols; capitaux (obligations, legs, pensions,
etc.); 7326 livres, 10 sols, 6 deniers. Ces derniers
portaient un revenu de 381 livres, i sol, 6 deniers (2).
(i) De Boislille, t. I, n" 381.
(2) Voy. le détail, Pièces justificaiives, n" XI, A.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 9
Pour ce qui est des biens des religionnaires fugitifs
du Vivarais et du Velay, l'estimation , qui en fut égale-
ment faite pour la même période , porta leur valeur à
450,364 livres (i).
Une déclaration de Louis XIV du 20 août 1687, pro-
mulguée avant la révocation , avait ordonné que la moi-
tié des biens des fugitifs serait donnée aux dénoncia-
teurs. Un édit de janvier 1688 décida que ces biens
seraient purement et simplement réunis au domaine et
auraient la même destination que les biens des consis-
toires. Un autre édit de décembre 1689, renouvelé le
21 mars 1718 , porta qu'à l'avenir les plus proches pa-
rents et légitimes héritiers des religionnaires fugitifs en-
treraient en possession des biens que ceux-ci laisseraient
dans le royaume. Nous n'avons pas besoin d'ajouter
que c'était à la condition que ces proches parents et
héritiers se comporteraient en catholiques.
Autrement ces biens, quoique considérables, — nous
parlons de ceux qui furent réunis au domaine , — ne
rapportèrent pas à l' Etat de grandes sommes à cause des
frais nombreux qu'occasionna leur recouvrement. Bâville
disait , dans ses Mémoires secrets (2) de 1 7 1 8 : « Les
biens des fugitifs ont été mis depuis la conversion gé-
nérale en 1685 en régie. Le sieur Boucher, commis par
le Conseil , avait envoyé ici des commis et on a atï'ermé
ces biens qui étaient répandus dans toute la province.
Les comptes ont été rendus chaque année et envoyés
au conseil jusqu'en l'année 1716, cette année y com-
prise. Depuis six mois le conseil de conscience a fait
une ferme générale de tous ces biens au sieur Bou-
(i) Voy. le détail, Pièces justificatives, n" XI, B. — Un autre état , qui
se trouve aux Archives nationales (TT, 244), et qui doit être moins complet
ou plus ancien, donne seulement le chiffre de 549,307 1. 16 s. 6 d.
(2) Les chroniques du Languedoc , année 1877, in-4".
lO HISTOIRE DES PROTESTANTS
cher, qui a envoyé deux directeurs, l'un à Toulouse,
qui est le sieur Flottes, et l'autre à Montpellier, nommé
Valmalette. Ces biens sont extrêmement' diminués. Ils
ont donné par le passé beaucoup d'occupation , parce
qu'il a fallu juger toutes les distractions et hypothèques;
ce qui a donné lieu à quantité de jugements ; mais, tou-
tes les questions étant terminées , cette affaire donne
maintenant peu d'occupation. »
LE SEUL PASTEUR AUTORISÉ A RESTER EN FRANCE
(1686).
Un des articles de l'édit, qui révoquait celui de Nan-
tes, ordonnait à tous les ministres du royaume de sortir
de France dans le délai de quinze jours. Un seul reçut
l'autorisation de finir ses jours sur le sol natal, et ce fait,
unique dans l'histoire de la révocation , mériterait déjà
d'être signalé , si le pasteur, qui n'eut pas à souffrir des
douleurs de l'exil , n'était digne d'ailleurs de toute no-
tre sympathie et de tout notre respect. Il s'agit de
Pierre Reboulet, successivement pasteur à Saint-Vin-
cent-de-Barrès, Tournon-lès- Privas et Ajoux. Dés que
l'édit de révocation lui eut été notifié, il s'apprêta à sor-
tir du royaume , quoiqu'il fût « aveugle depuis quatre
ans , accablé d'infirmités et de vieillesse , ayant atteint
l'âge de quatre-vingt-six ans , » et il se mit en route
pour Montpellier à l'effet de demander à l'intendant
Bâville un passeport; mais, arrivé à Chomérac, il tomba
gravement malade et, de l'aveu de plusieurs officiers, de
son chirurgien et de trois curés, il ne put continuer son
voyage. On allait néanmoins le faire prisonnier et lui
imposer un logement militaire dans sa maison, quand
son fils aîné , le pasteur Alexandre Reboulet , de Cho-
mérac , écrivit à l'intendant du Languedoc pour le prier
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I I
d'autoriser son père à sortir de France avec sa fille
Marie , qui était âgée de cinquante ans, le servait avec
une affection et des soins tout particuliers et connaissait
ses infirmités mieux que personne ; et comme, en atten-
dant qu'il fût possible au vieillard et à sa fille de partir,
ils pouvaient être exposés à des vexations , Alexandre
Reboulet demandait encore à l'intendant « de faire dé-
fenses à toutes personnes de leur donner aucun trouble
en leurs personnes et biens. *>
L'intendant accorda au vénérable vieillard plus que
son fils ne demandait, car « s'étant laissé attendrir à sa
vieillesse, » dit une lettre du Vivarais du 23 février 1686,
« il lui promit de le laisser mourir en repos, et les dra-
gons exécutèrent si bien ses ordres que , bien que sa
maison en fût toute remplie , ils ne lui firent que de lé-
gères insultes. » Ce pasteur, dont la mémoire doit être en
bénédiction, était né le 12 août i6oo.- Il commença ses
études à Genève, d'où son père, également ministre,
était bourgeois , et il les acheva à Die. Il fut reçu au
saint ministère en 1625, de sorte que lorsqu'il mourut
il était peut-être le doyen de tous les ministres de
France. « Il avait, » dit la lettre ci-dessus, « une
grande connaissance des langues et savait fort bien son
système de théologie. Il avait beaucoup lu, mais, étant
devenu aveugle depuis quatre ou cinq ans, il ne se fai-
sait plus lire que la Bible, laquelle, je puis dire, il sa-
vait par cœur. Sa piété, son zèle, sa candeur et sa cha-
rité étaient reconnus de tout le monde. Il vaquait à la
prière d'une manière tout à fait extraordinaire, et il y a
peu de ministres à qui l'on puisse donner plus légitime-
ment qu'à lui l'éloge de véritable pasteur; car, outre
que nous avons été témoins des exhortations qu'il a fai-
tes jusqu'aux derniers soupirs de sa vie à ceux de ses
parents et de ses amis, qui, après leur chute, allaient
12 HISTOIRE DES PROTESTANTS
chercher quelque consolation auprès de lui ; outre que
nous lui pouvions porter ce -témoignage qu'il a soutenu
plusieurs de nos frères , qui étaient sur le bord du pré-
cipice , tout le monde a vu les attaques qui lui ont été
faites par les jésuites , qui avaient ordre de le visiter, et
la manière vigoureuse dont il les a toujours repoussés.
» Le commandant des troupes qui ont ravagé notre
malheureuse province et qui la ravagent encore , avait
fait dessein fort souvent de le violenter ; mais soit que
Dieu l'ait toujours retenu ou que sa barbarie se soit
laissée vaincre aux larmes et à la faiblesse d'un homme
qui avait plus de quatre-vingts ans, il n'a jamais livré sa
personne à ces étranges missionnaires qu'on emploie à
notre conversion. Je ne sais... si ce commandant ne se
repentit pas d'avoir été trop doux , lui qui a accoutumé
ses mains à tant de violences , ou si ce ne fut pas un
coup de son confesseur; mais il est constant qu'il avait
résolu de le faire enlever le 20 du mois de février
[1686] , et de le faire porter en triomphe dans l'Eglise
lorsqu'on célébrerait la messe. Comme ces messieurs
sont les maîtres et que personne n'ose s'opposer à leurs
volontés, ils ne firent pas mystère de leur dessein... Ce
vénérable ministre en fut averti , car ses amis crurent
qu'il devait être préparé à ce rude et terrible assaut;
mais, quoique son âme fût accablée de douleur à l'ouïe
de cette nouvelle, son zèle redoubla dans cette rencon-
tre. Il dit que Dieu lui ferait la grâce de voir échouer
le dessein de ses ennemis ; que celui qui habite aux
cieux se moquerait de leurs complots et soufflerait sur
leurs entreprises. Il le demanda à Dieu avec beaucoup
d'ardeur, et il y eut assurément quelque chose d'extra-
ordinaire dans la confiance qu'il fit paraître que Dieu
le retirerait de ce monde avant ce cruel et funeste jour,
car il dit plusieurs fois à haute voix que Dieu aurait
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I3
pitié de sa faiblesse, qu'il aveuglerait ses ennemis, qu'il
le retirerait bientôt de la servitude , qu'il sentait arriver
cet heureux moment. En effet , Dieu exauça les prières
de son serviteur, dont le désir tendait à déloger, car il
mourut le 18 du même mois, deux jours avant qu'il dût
être enlevé. Ses dernières paroles, qui furent entrecou-
pées de plusieurs soupirs et tirées toutes de l'Ecriture
sainte, furent si touchantes qu'elles arrachèrent des lar-
mes à tous ceux qui étaient autour de son lit ; et , par
un effet de cette même providence, qui l'avait conservé
lui seul au milieu de la fournaise de Babylone, il fut en-
terré de nuit sans aucun empêchement dans le même
endroit oij mademoiselle sa femme avait été enter-
rée (i). »
Veut-on savoir à quel point l'ignorance et la passion
religieuses peuvent faire disparaître le sentiment de la
grandeur morale ? Une pièce catholique , qui décrit en
quelques mots le caractère de plusieurs pasteurs du Vi-
varais d'avant la Révocation (2) , appelle Reboulet un
« vieux radoteur! »
EXEMPLES DE CONSTANCE (1685...)
Bien que l'abjuration des protestants de France eut
été générale, un certain nombre d'entre eux, pourtant,
surent résister aux tourments et à la peur. Le Vivarais
en offrit de touchants exemples , que l'histoire doit en-
registrer avec un soin pieux, car si ces courageux con-
fesseurs demeurèrent fidèles à leur religion , ce fut au
prix des plus grandes souffrances.
Jean-Paul Segnover, de Desaignes , et sa femme
(I) Bulletin, etc., t. XXVIII, p. 465 à 467; — Papiers Rabaut t I
P- 85. ■ '
{2) Les Clironiques du Languedoc, année 1874.
14 HISTOIRE DES PROTESTANTS
errèrent pendant quelque temps en divers lieux et fini-
rent par être arrêtés à Mounens dans la maison de
M. Saint- Lagier , qui fut emprisonné avec eux, mais
relâché peu après. Segnover fut ensuite conduit à la
tour de Constance , où il mourut après quelques an-
nées de détention, et sa femme au château de Sommiè-
res , qui lui servit de prison pendant vingt ans , après
lesquels elle put retourner chez elle, mais sans avoir re-
nié sa foi.
Vialette, de la Bâtie d'Andaure, après avoir été tor-
turé par les dragons, erra aussi pendant plusieurs an-
nées avec sa femme et ses enfants. Ces misérables
rattachaient à la queue de leurs chevaux et le faisaient
courir jusqu'à ce qu'il fût prêt à rendre l'âme; d'autres
fois ils l'obligèrent à marcher sur les peignes en fer,
dont on se sert pour préparer le chanvre. C'est alors que,
sans pouvoir rien emporter de chez lui , il prit le parti
de la fuite. Au bout de quelques années , pendant les-
quelles il gagna sa vie comme il put au milieu des plus
grandes privations , il se crut en sûreté et reprit pos-
session de son bien, dont jouissait un catholique, le
greffier Rochet. Il y vécut paisiblement sans être in-
quiété , fréquentant les assemblées religieuses secrètes
et offrant assez souvent dans sa maison une retraite aux
prédicateurs; mais il fut arrêté une seconde fois et con-
duit à la tour de Constance, où il mourut après quelques
années de détention, sans avoir fait toutefois la moin-
dre concession à ses persécuteurs. C'était un homme
fervent, qui lisait ou faisait lire par quelqu'un des siens
dans sa maison, le matin, à midi et le soir, plusieurs
chapitres de la Bible : règle qu'il observait religieuse-
ment , même dans les mois de l'année où les travaux de
la campagne pressent le plus. En 1709, sa maison fut
dévastée parce que des camisards y avaient logé. Les
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I i
grenadiers qui la ruinèrent mirent à mort sa sœur. Mal-
gré cela , la famille Vialette prospéra beaucoup et , en
1735, elle avait de grands biens et pour chef Pierre
Vialette, le fils aîné du courageux confesseur.
Charrier, du lieu de Crotte, paroisse de Saint-Agrève,
ne voulut non plus consentir à abjurer sa religion et prit
la fuite avec toute sa famille à l'exception d'une de ses
petites filles fort jeune , qui demeura dans la maison.
Des gens de guerre ayant peu après envahi celle-ci , la
pillèrent de fond en comble et la démolirent. Charrier
avait eu le soin de faire transporter en cachette ses meu-
bles les plus précieux chez son plus proche voisin , le
catholique Barjon, qui, lorsqu'on publia à Saint-Agrève
que ceux qui détenaient des meubles appartenant à des
religionnaires fugitifs devaient en prévenir l'autorité, in-
forma M. de Clavières, colonel d'infanterie, qu'il en avait
plusieurs dans sa maison que lui avait confiés Charrier;
et il les livra, mais en en retenant quelques-uns par
devers lui. Plus tard, il fut assez malhonnête homme
pour ne pas les restituer à leur propriétaire trop con-
fiant. Quand la fureur de la persécution se fut un peu
calmée, Charrier fit rebâtir sa maison et y demeura sans
être inquiété, grâce à un subterfuge auquel il eut la fai-
blesse de consentir à la sollicitation des messieurs de
Samt-Agrève, qui l'estimaient et l'aimaient beaucoup.
Un homme , qui prit son nom et se fit passer pour lui ,
se rendit à Montpellier et abjura le protestantisme à sa
place.
On peut ajouter aux noms de Segnover, Vialette et
Charrier ceux des frères Valette, de Saint-Vincent de
Durfort, qui n'abjurèrent non plus leur foi et dont il
sera bientôt parlé (i).
(i) Mémoivp d'Ebruy (Mss. Court, n» 17, t. B).
l6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
SOUFFRANCES MORALES DES NOUVEAUX CONVERTIS
(1686).
La coupable facilité avec laquelle les protestants du
Vivarais , comme ceux des autres provinces de France ,
embrassèrent le catholicisme, n'était pas chez tous, tant
s'en faut, une preuve d'indifférence. Ils furent comme
brisés et frappés de stupeur par les violences inouïes
qu'on exerça contre eux, et ils cédèrent. Mais ils com-
prirent bientôt l'étendue de leur faute et leur conscience
reprit tous ses droits. « Nous flottons entre la crainte
et l'espérance , » écrivait un nouveau converti du Viva-
rais le 23 février 1686. « Nous voyons à la vérité d'un
côté la miséricorde de Dieu qui est infinie, mais nous
voyons sa justice et notre crime, et nous craignons avec
beaucoup de raison que ce ne soit contre nous que ce
juste juge ait prononcé ces paroles : « J'ai juré en ma
colère, jamais ils n'entreront dans mon repos. » Plai-
gnez notre condition, monsieur; priez Dieu pour des
malheureux qui n'ont nulle consolation et qui sont dé-
chirés par des remords mille fois plus cruels que la
mort même. Notre persécution a été terrible , et sans
exemple, et vous ne devez pas être surpris si nous avons
presque tous succombés... Une tentation si imprévue
nous rendait incapables de réflexion , car l'ennemi qui
nous attaquait ne nous donnait aucun relâche... Nous
ne savions oij nous en étions. Notre bouche trahissait no-
tre cœur et nos mains chargées de fers nous mettaient
dans la cruelle impuissance de refuser des signatures ,
qui ne nous paraissaient d'abord rien parce que nous
ne prévoyions pas les conséquences. La tentation a fini
pour quelques moments après que nous avons eu suc-
combé, et c'est alors , monsieur, que nos yeux onl été
DU VIVARAIS ET DU VELÂY. I7
ouverts... Nous gémissons de notre crime, nous versons
des torrents de larmes , nous avons honte de notre ré-
volte, et si Dieu ne nous envoie un libérateur ou qu'il
ne nous ouvre bientôt un passage pour aller sacrifier en
Canaan, où est adoré le Dieu de nos pères, notre con-
dition ne saurait être plus déplorable; car enfin nous
sommes obligés tous les dimanches et tous les jours de
fête de fléchir le genoux devant Baal. Nous avons beau
mettre nos mains devant nos yeux lorsque le prêtre
élève l'hostie... , notre action est toujours idolâtre, de
quelque côté qu'on la regarde... Nous savons toutes ces
choses, monsieur, et il semble que Dieu n'ait voulu
laisser à quelques-uns de nous l'Ecriture sainte que
pour nous rendre plus inexcusables. Mais qu'y ferions-
nous ? On nous traîne comme des victimes. On nous
vient arracher de nos retraites et nous déterrer dans nos
cavernes et dans nos déserts. On court après nous
comme après des bêtes féroces et, si nous sommes as-
sez malheureux pour tomber entre les mains de ceux qui
nous poursuivent , on nous mène en triomphe devant
l'idole. »
L'auteur de la lettre montre ensuite l'inconséquence
des persécuteurs , qui étaient convaincus que les pro-
testants n'avaient embrassé le catholicisme que pour la
forme et qui néanmoins les contraignaient à en suivre
les pratiques. « Que sommes-nous, dit-il, à l'égard
des catholiques romains ? Nous sommes des impies, des
hypocrites, des hérétiques abominables, des victimes
de la mort et de l'enfer. Ils sont convaincus que nous
ne sommes de leur religion que par force , que nous
avons de l'abomination pour leur culte. Leurs prédica-
teurs le disent hautement dans leurs chaires, et cepen-
dant ils n'ont point horreur de crucifier derechef, autant
qu'il est en eux, le Seigneur de gloire et de l'exposer à l'op-
n. 2
l8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
probre, en nous contraignant d'assister à une cérémonie
oij ils prétendent offrir en sacrifice le véritable corps de
notre glorieux sauveur ! Ou il faut qu'ils croient que
leur sacrifice n'est qu'une comédie ou qu'ils soient les
plus insensés et les plus furieux de tous les hommes. »
Enfin l'auteur de la lettre fait toucher du bout du doigt
la contradiction flagrante qu'il y avait entre la manière
dont les convertisseurs qualifiaient aux yeux du public
les moyens qu'ils employaient pour amener les protes-
tants à une abjuration et ces moyens eux-mêmes. « On
a entrepris tout impunément, dit-il; on nous a traités
partout comme des esclaves , on n'a pas même ménagé
les personnes du plus haut rang, et cependant on a
l'impudence de dire que les moyens dont on s'est servi
ont été des voies de grâce , qu'on n'a employé que la
charité. Voilà de quelle manière on parle d'une persécu-
tion inouïe, dont toute l'Europe a été témoin et dont
le pape a frémi lui-même. On a assez de mauvaise foi
pour nier tout, et les ecclésiastiques à la tête des trou-
pes sont assez malhonnêtes gens à leur tour pour exi-
ger, de ceux qu'ils appellent nouveaux convertis, qu'ils
fassent des aveux par écrit qu'on ne les a jamais forcés
et qu'ils se sont convertis par connaissance de cause.
On ne se contente pas d'avoirfait de nous des hypocrites
et des impies, on nous rend encore parjures (i). »>
Telle était la situation affreuse faite aux protestants
de France par leurs convertisseurs , qui assurément ne
pouvaient se glorifier intérieurement des victoires aussi
peu honorables qu'incertaines qu'ils remportaient. Mais
les apparences étaient sauvées et cela suffisait à leurs
desseins.
(i) Bulletin, etc., t. XXVIII, p. 467-469.
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
19
LES PREMIERS PRÉDICATEURS DU DÉSERT (1685...).
Le banissement de France de tous les ministres ré-
formés, et les dragonnades qui le précédèrent et le sui-
virent, ne firent point cesser les assemblées religieuses
protestantes comme on l'espérait en haut lieu ; seule-
ment , à dater de la révocation , elles furent présidées
par des hommes généralement peu instruits, qui n'avaient
d'autre mandat que leur courage et leur piété. Les catho-
liques leur donnèrent le nom de prédicants et leurs
coreligionnaires plutôt celui de prédicateurs. Voici les
noms de ceux qui évangélisèrent le Vivarais et le Velay
à cette époque.
Un aveugle de vingt à vingt-trois ans, du lieu de
Bousquénaud, paroisse de Saint-Apollinaire-de-Rias.
Il se bornait à faire quelques exhortations bibliques , et
quitta ensuite le royaume.
Gaillard, dit Berthouly, de Chalencon , ancien ca-
tholique. Dans ses discours il attaquait surtout l'Eglise
romaine. Il ne persévéra point.
Josué (ou Joseph) Corbière, de Saint-Jean-Chambre,
potier de terre. On l'accusa d'entretenir des relations
illicites avec Marie Riou , dite Niaque , prédicante.
Fait -prisonnier à l'âge de trente-quatre ans , il fut con-
damné aux galères en 1690 et libéré en 171 3. Il se ré-
fugia à Zurich , oij il vivait encore en 1734. Sa conduite
aux galères et depuis sa hbération fut exempte de tout
reproche.
Daniel Chanac , « brave garçon et de bonne édifica-
tion. » Il résidait vers Grozon. Ayant été arrêté , on
l'enrôla de vive force dans un régiment.
Jean Charreyre , dit le petit Marc. La détermination
qu'il avait prise de présider des assemblées religieuses
20 HISTOIRE DES PROTESTANTS
lui attira la haine de sa famille , au sein de laquelle il
n'osa plus revenir, car il craignait que son père où son
frère ne le fissent arrêter. Ce dernier , en effet , l'ayant
rencontré en un certain lieu , allait le dénoncer , quand
il prévint son arrestation par la fuite. Il commença de
prêcher en 1690 ou 1691. Il était borgne et ne savait
pas lire. Néanmoins tous ceux qui le connaissaient s'ac-
cordaient à dire qu'il faisait des discours très édifiants
et que sa conduite était exemplaire. Arrêté à Vauvert
en Languedoc, vers 1702, il fut exécuté à Montpellier
en compagnie d'un nommé Faille et souffrit la mort avec
une grande constance. — Il avait présidé à Vais en 1 700,
avec la prédicante Marie, une assemblée, à la suite de
laquelle six hommes furent condamnés aux galères à
vie, et quatre femmes à la prison perpétuelle (i).
Jean Antoine Boissi , de Châteauneuf-de-Vernoux.
Il se réfugia à Genève après le supplice du célèbre
Claude Brousson (4 novembre 1698) , et y mourut
avant 1734-
Isaac Berlier, de la Bâtie-de-Crussol. II « ne savait
ni lire ni écrire et faisait des exhortations de mémoire
fort édifiantes d'ailleurs. « Sa conduite était exemplaire
et on l'aimait beaucoup dans son arrondissement. Il fut
pris vers 1696, en passant à Saint-Fortunat, et conduit au
château de Bauregard ; mais Saint-Ange Robert Dumo-
lard, Seigneur de Châteauneuf, subdélégué de l'inten-
dant de Languedoc depuis de longues années , qui le
connaissait et avait de l'affection pour lui, se borna,
après l'avoir interrogé plusieurs fois , à lui faire faire
quelques mois de prison, après lesquels il le renvoya
sans exiger de lui aucune abjuration. Berlier toutefois
(i) Voy. Pièces justificatives , n" XIII , et Bulletin de la Société, etc.,
t. XXXVI, p. 604 à 610.
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
fut si fort impressionné par cet emprisonnement et le
danger qu'il avait couru qu'il quitta le France. Après
un court séjour à Genève et à Lausanne, il alla s'éta-
blir à Spandau en Brandebourg, où il se maria. Il mou-
rut à Berlin avant 1734, laissant une réputation sans
tache.
Jacques Jaquet et Siméon Jaquet frères, de Saint-
Jean-Chambre. Le premier mourut à Zurich et l'autre à
Genève.
Aaron Vignal", de Saint-Michel-d'Aglandes , « fort
sage garçon. » Mort à Genève.
Matthieu Dunis (ou Daunis), dit La Roche, de La
Celle en Velay. Il fut pris et condamné aux galères
en 1698. Il en sortit en 171 3 et se retira à Neuchâtel.
Jean Paul Ebruy , dit Jean Paul, de Desaignes. Il
évangélisa principalement les Boutières et raconte dans
ses Mémoires qu'il erra de lieu en lieu pendant vingt ou
vingt et un an. En 170Q, époque oij les camisards Bil-
lard , Dupont et Mazel pénétrèrent dans le Dauphiné ,
il se retira à Genève et s'y maria. En 1729 il était « ré-
gent d'école dans les terres de Genève. »
Antoine Arsac, de Beauvert, paroisse de Saint-Jean-
Roure. Il apprenait des sermons par cœur et les réci-
tait. Il fut arrêté par Dumolard en personne près de
Vernoux, en 1700 ou 1701, avec Alzas, de Salavas, qui
n'avait jamais apostasie et qui l'accompagnait. Comme
Arsac était chauve et que son signalement était connu ,
il garda son chapeau sur sa tête pour détourner les
soupçons, mais son embarras le trahit. Après une dé-
tention de onze mois à Montpellier, il fut enrôlé dans
un régiment à la place d'un milicien, dont Bâville tira
cent francs. C"' était la coutume de ce dernier de procu-
rer pour cette somme aux jeunes gens catholiques, qui
tiraient de mauvais numéros, des remplaçants qu'il choi-
22 HISTOIRE DES PROTESTANTS
sissait parmi les prisonniers. Arsac, ayant réussi à s'éva-
der du royaun)e dans la suite, se réfugia en Suisse (il était
à Neuchâtel le 24 mars 1710), et mourut à Lausanne
le 30 mars 1733. Ebruy, qui le connut, dit que c'était
un Israélite sans fraude.
Daniel Arsac, du même lieu, frère du précédent et
cadissier de profession. Il fut pris en 1696 , à l'âge de
vingt-six ans, dans une assemblée, près de Privas, et
conduit au château de Beauregard , où on l'appliqua
à la question pour qu'il dénonçât les personnes qui
l'avaient logé ou qu'il connaissait. On lui mettait de la
poudre à canon dans la main, que l'on attachait avec
du fil d'archal. La poudre, qu'on enflammait au moyen
d'une mèche, lui causait des souffrances si atroces que
les officiers de la garnison en firent des reproches à Du-
niolard , qui avait ordonné ce supplice et le fit cesser.
Arsac fut ensuite conduit à Montpellier et condamné
aux galères la même année. Il en sortit en 1713 sans
avoir abjuré. Il mourut à Lausanne en 1730.
Charles Laurent, de Desaignes, âgé de vingt-quatre
ans. Il fut arrêté en même temps que Daniel Arsac,
subit les mêmes tortures, fut condamné à la même peine
et montra la même constance. Il mourut peu après aux
galères. Son père, qui fut fermier pendant plus de trente
ans dans la même grange , ne cessa de donner avec
toute sa famille l'exemple du plus vif attachement à sa
religion.
Antoine Valette, de Valette, paroisse de Saint-Vin-
cent-de-Durfort. 11 patronna et dirigea plusieurs assem-
blées des inspirés du Vivarais en 1688 et 1689, mais
sans donner toutefois lui-même dans leurs aberrations.
Louis Valette, son frère, inspiré. Il sortit de France,
mais, étant rentré en 1689 pour emmener sa femme à
l'étranger, il fut pris à Lavoulte et condamné à être
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
pendu. Son corps fut brûlé et ses cendres jetées au
vent. Son grand grief, aux yeux de ses juges , était
d'avoir baptisé un enfant qui avait déjà reçu le baptême
à l'Eglise. Sa mort fut héroïque et profondément édi-
fiante pour tous ceux qui en furent témoins. Il avait un
certain talent de parole et se faisait écouter avec plaisir.
Ces Valettes avaient deux autres frères , non prédi-
cateurs : Charles, sur lequel on ne possède pas de ren-
seignements , et Jean, qui fut mis dans de l'huile bouil-
lante par les dragons, parce qu'il n'avait voulu renier
sa foi. Chose étrange! le noble confesseur n'en mourut
point, et fut envoyé aux galères (1696).
Jean Valayer, des environs de B offre s , mort à Lau-
sanne en 173 5-
Aaron , des environs de Vernoux , « fort brave gar-
çon , » mort à Genève.
Chaumette, dans la Montagne ou haut Vivarais.
Jacques Sallier et Antoine Sallier, de Boffres, frères
sans doute. Le second, cardeur de laine, se réfugia à
Lausanne et servit de guide aux camisards Billard, Du-
pont et Mazel , qui soulevèrent le Vivarais en 1709. Il
était à Neuchâtel le 24 mars 1710.
Jacques Gapa, probablement Jacques Gaspard qui suit.
Meyer , tailleur.
Giraudon (ou Jeraudon), de Sainte-Marguerite, «fort
brave garçon. »
Jacques Gaspard, de la Bâtie de Crussol, pendu à
Vernoux en 1701 .
Jacques Salomon Duplantier, de Toulaud, pendu en
1704 à Saint- Pierreville.
Isaac Duplantier , son frère , de Toulaud , rompu vif
à Vernoux le 24 août 1704.
Claude Mayre , dit Cocadon, pendu à Vernoux vers
1704.
24 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Presque tous ces prédicateurs avaient donné dès le
début dans l'inspiration , dont il va être parlé, mais n'y
persévérèrent point (i). Nous aurons l'occasion de par-
ler de plusieurs d'entre eux dans le courant de notre
récit.
INSPIRATION. PRÉDICATIONS DE GABRIEL ASTIER
(1688, 1689).
Quatre ans après la révocation de l'édit de Nantes ,
naquit et se développa dans les contrées du sud-est de
la France, habitées par les réformés, un état spirituel
maladif et étrange , connu sous le nom d'inspiration
chez les protestants et de fanatisme chez les catholiques.
Battus violemment par la persécution , exténués par les
jeûnes , nourris de la lecture presque exclusive des li-
vres prophétiques de l'Ancien Testament et des écrits
du célèbre pasteur réfugié Jurieu, qui se croyait pro-
phète, privés de pasteurs, d'écoles et de livres et entiè-
rement livrés à eux-mêmes , un certain nombre d'entre
eux devinrent sujets à des hallucinations, qu'ils prirent
pour des inspirations du ciel. Ils entendaient des voix,
avaient des visions , faisaient des prophéties , tombaient
en extase et, en cet état, chantaient des psaumes et
prononçaient des discours pieux, mais incohérants, pen-
dant que les membres de leur corps s'agitaient avec plus
ou moins de force. Ces symptômes morbides se mani-
festèrent surtout chez les enfants et les jeunes gens. De
là le nom de petits prophètes qui leur furent donnés (2).
(i) Mémoires d'Ebruy (mss. Court, n» 17, t. B); — Noms des prédica-
teursdu Vivarais (mss. Court, n° 17, t. H , B et G) ; — Bulletin, etc.,
t. XXIX, p. 465.
(2) Pour plus de détails, Voy. E. Arnaud, Hist. des prolest, du Daupli.,
t. III, p. 65-70.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2^
Les premiers inspirés un peu marquants du Vivarais
paraissent avoir été Henry, ancien domestique du mar-
quis Nicolas Joseph de la Rivoire de La Tourette , et
Perrin. Le premier prêcha dans les Boutières, le second
dans la Montagne ou haut Vivarais. L'un et l'autre réu-
nissaient les protestants dans les bois et les villages, et
leurs discours consistaient en appels à la repentance et
à la miséricorde de Dieu, en paroles amères contre
l'Eglise romaine et ses ministres persécuteurs, et en pro-
phéties de diverses sortes.
Ils furent bientôt suivis par Gabriel Astier, jeune
homme de vingt ans environ, natif de Cliousclat près
Loriol en Dauphiné, qui, poursuivi dans cette dernière
province , franchit le Rhône au commencement de fé-
vrier 1689 pour aller prophétiser en Vivarais. Il se ren-
dit d'abord à Baix chez M"® de Baix, veuve d'Isaacde
Chabrières, ancien conseiller à la chambre de l'édit du
Dauphiné , femme bonne et très pieuse , mais simple ,
qui avait donné dans l'inspiration à Grenoble , quand
Isabeau Vincent, de Saou , dite improprement la ber-
gère de Crest , fut emprisonnée comme inspirée dans la
capitale du Dauphiné. Voyant que Bouchu , intendant
de cette province, sévissait contre les petits prophètes,
elle avait quitté secrètement Grenoble et s'était retirée
à Baix. Y ayant été inquiétée , elle se réfugia dans une
maison de campagne qu'elle possédait à Loriol, où elle
fut arrêtée par l'ordre de Bouchu , qui la fit enfermer ,
ainsi que sa fille, dans le château de Tournon.
Astier tint sa première assemblée à Baix. « Tout le
monde, » dit Fléchier, « accourut pour ouïr cet homme,
qu'on disait envoyé du Saint-Esprit... Quand l'auditoire
fut formé, Astier se leva pour parler et tomba tout d'un
coup comme évanoui. Les assistants le prirent avec res-
pect et le portèrent sur un lit où , étant étendu, il s'agi-
26 HISTOIRE DES PROTESTANTS
tait de temps en temps comme s'il eût souffert des dou-
leurs et des convulsions. Ensuite il demeurait sans
mouvement, après quoi il parlait et toute l'assemblée à
genoux révérait sa personne et recueillait avidement ses
oracles. Sa harangue était toujours la même en subs-
tance. « Mes frères, approchez-vous de moi, amendez-
vous, faites pénitence. Si vous ne vous repentez, vous
serez tous perdus. Criez à Dieu miséricorde. Le juge-
ment de Dieu viendra dans trois mois. Les méchants
hurleront comme des loups. Ils crieront à Dieu : « Fai-
tes-nous miséricorde, » mais il ne les entendra pas , et
il leur dira : <(. Allez, maudits, servir votre maître. » Il
redisait ces choses ou d'autres semblables à discours
interrompus. Quelquefois il s'écriait : « Gardez-vous
d'aller à la messe, car elle est abominable devant
Dieu. » Quelque temps après : « Si quelqu'un doute que
je dorme, qu'il me relève. » Quand la cérémonie était
finie : « Eveillez-vous , » leur disait-il , et priant le plus
fidèle de la compagnie de le relever doucement, il fai-
sait chanter quelque psaume et congédiait tous les as-
sistants, après les avoir embrassés et baisés à la bouche
l'un après l'autre, en leur disant dévotement : « Allez,
mon frère; allez ma sœur, je vous donne le saint Es-
prit. »
Entre ses prédications, Astier instruisait ses parents et
ses amis et même des enfants , et les recevait au nom-
bre des prophètes.
De Baix , où il fut sans doute poursuivi en même
temps que M™® de Baix, sa protectrice, Aslier se rendit
à Bressac et tint des réunions chez le sieur Benoît, dont
la maison fut démolie plus tard. Le jeune inspiré y fit de
nombreux disciples parmi les hommes et les femmes ,
qui présidèrent à leur tour des assemblées. Le curé et
le seigneur de Bressac , en ayant été informés , se ren-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 27
dirent près d'une maison où prêchait une prophétesse
et, après s'être arrêtés pendant quelques instants à la
porte , ils entrèrent subitement pour la surprendre.
(( Cette nouvelle prophétesse, » dit Fléchier, « parut
devant eux avec confiance... demeura debout et, bat-
tant des mains sur sa tête , elle criait de toutes ses for-
ces : « Miséricorde, faites pénitence, le jugement de
Dieu viendra dans trois mois. » Le curé voulut un peu
calmer son esprit , mais elle s'agita davantage , lui re-
prochant qu'il leur avait fait faire un grand péché (i) et
qu'il serait damné comme le diable. Ses agitations
l'ayant mise enfin hors d'haleine, elle se jeta sur un lit,
oia se débattant encore et renouvelant ses cris de mi-
séricorde, quelles sottises ne dit-elle pas ? qu'elle avait
reçu le Saint-Esprit gros comme un grain de froment ,
qu'elle ferait et dirait bien d'autres choses quand elle
l'aurait tout entier; que qui ne croirait pas cela serait
damné, et qu'enfin elle sentait bien qu'elle était le Saint-
Esprit. » Quand le calme se fut un peu rétabli en elle,
elle se leva, prit sa quenouille et se mit à filer près du
feu comme si de rien n'était.
A Saint-Vincent de Barrés, la fermière du châtelain
du lieu prédit qu'à la fin du mois de février il tomberait
partout une grosse grêle , que les incrédules iraient er-
rants sur les montagnes, qu'une étoile tomberait du ciel
sur Rome et que Jésus-Christ régnerait avec les fidèles
l'espace de mille ans sur la terre. Elle passa en revue
après cela les habitants de la paroisse, disant le péché
que chacun avait commis et annonçant le salut de l'un ,
la conversion de l'autre et la damnation d'un troi-
sième (2).
(0 En les faisant abjurer en 168;.
(2) Fléchier, Lettres choisies, t. I, p. 541-548; — Brueys, t. 1 , p. 102,
28 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Les enfants et les jeunes gens des deux sexes pro-
phétisaient comme les grandes personnes , et leurs dis-
cours étaient accompagnés de mouvements particuliers
du corps. (( Lorsque ces inspirés prêchaient, » dit un
témoin oculaire (i) , « ou exhortaient en public, leurs
agitations de corps n'étaient pas fort grandes et ne du-
raient pas longtemps , et alors ils parlaient avec beau-
coup de feu , de courage et de facilité, en sorte qu'on
les aurait pris pour des prédicateurs savants, éloquents
et remplis de zèle , quoique bien souvent ce ne fussent
que des enfants ou de pauvres simples paysans qui ne
savaient seulement pas lire. Mais quand ils prédisaient
les jugements de Dieu et qu'ils disaient certaines autres
choses sur l'avenir , il arrivait presque toujours qu'ils
tombaient d'abord à terre. La tête, les bras, la poitrine
et le corps entier souffraient quelquefois de grandes se-
cousses , et une certaine difficulté , qu'ils semblaient
avoir de respirer, ne leur permettait pas de parler avec
facilité. Dans le temps de l'inspiration ils parlaient tou-
jours français , encore qu'ils ne fussent pas capables de
le faire dans un autre temps. Et quand ils recevaient
des avertissements de l'Esprit, ils s'exprimaient comme
si ce même Esprit divin eût parlé en eux, en disant :
« Je te dis, » ou « je te déclare, mon enfant, » etc.
ou quelque chose de semblable. »
ASTIER DANS LES BOUTIÈRES. EXPANSION DU MOUVE-
MENT. ASSEMBLÉES NOMBREUSES (1689).
Après avoir présidé d'autres assemblées, notamment
à Champérach'e , où il prêcha en rase compagne pour
n6, 119, 137-140; — Louvreleuil, t. I , p. 11-15 ; — Mémoire d'Ebrtnj (mss);
— Dourille, p. 585, 384..
(i) Isabeau Charras, dans Les Prophètes protestants, p. 168, 169.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 29
éviter la démolition des maisons qui auraient pu le re-
cevoir, Astier s'engagea plus avant dans le Vivarais
pour être mieux à couvert des poursuites de l'autorité.
Il alla s'établir dans la commune montagneuse de Saint-
Cierge-Ia-Serre avec un de ses associés , Pierre Rey-
naud, qui était aussi jeune que lui. Les deux inspirés y
tinrent des assemblées considérables , oij il se commit
bien des extravagances. Pour encourager ses adeptes,
Astier s'efforçait de leur persuader qu'ils n'avaient rien
à craindre des soldats et des juges, et que rien ne pour-
rait leur nuire. C'est ainsi qu'un inspiré de Saint-Julien-
le Roux, ayant été invité par le curé du lieu, accom-
pagné du maître d'école armé d'un fusil, à obéir au roi
qui interdisait les assemblées sous peine de mort (i),
répondit qu'il ne craignait rien et qu'il avait le Saint-
Esprit ; puis, faisant deux pas en arrière et découvrant
sa poitrine , il dit au maître d'école : « Tirez-moi ce fu-
sil, vous ne sauriez me faire de mal. » Il ajouta après
cela qu'en quinze jours il serait confirmé en grâce et
qu'il irait à Paris convertir le roi. Les dragons qui pour-
suivaient Astier vinrent à Saint-Cierge-Ia-Serre , mais
ils n'osèrent pas attaquer les assemblées parce qu'ils
n'étaient pas en nombre suffisant.
De Saint-Cierge, Astier et Reynaud rayonnèrent
dans les Boutières et tinrent, eux ou leurs adeptes, des
assemblées de quatre à cinq cents personnes et quel-
quefois de trois à quatre mille, à Pranles, Tauzuc, Saint-
Sauveur-de-Montagut , Saint-Michel-de-Chabrillanoux ,
Saint-Vincent-de-Durfort , Plot (paroisse des Ollières),
Saint-Etienne-de-Serres , Bavas (paroisse des Ollières),
Gluiras , Saint-Genest-Lachamp, etc.
L'autorité, qui jusque-là s'était contentée d'envoyer
(i) Déclaration du i" juillet 1686; ordonnance du 12 mars 1689.
JO HISTOIRE DES PROTESTANTS.
quelques soldats en divers lieux dans l'espoir de para-
lyser le mouvement, commença de s'alarmer, et le mar-
quis de Folleville , colonel du régiment de Flandres ,
qui commandait les troupes de ces quartiers-là, s'a-
vança du côté de Saint-Cierge, où devait avoir lieu une
réunion générale de toutes les paroisses avoisinantes ;
mais , comme il n'avait à sa disposition que quatre com-
pagnies assez mal équipées, il essaya d'abord des voies
de la douceur. « Il leur envoya pour cela, dit Fléchier,
le sieur de Combles, du Pouzin [protestant], capable
de cette négociation , tant parce qu'il était connu dans
tout le voisinage qu'à cause de son esprit adroit et in-
sinuant. Cet homme ayant vu grossir l'assemblée prit le
chemin de la montagne et, comme il fut proche de la
hauteur, les prophètes et prophétesses se détachèrent
pour venir au-devant de lui et se réjouir de son arrivée.
Ils l'assurèrent qu'il était destiné de Dieu pour être un
des principaux instruments de sa gloire, puisqu'il venait
ainsi joindre ses frères ; qu'il résolût de s'amender et
criât miséricorde , et qu'on lui soufflerait bientôt le
Saint-Esprit s'il était véritablement fidèle. On le condui-
sit au milieu du peuple , on lui ôta son chapeau et on
l'obligea de lever les yeux et la tête au ciel. Les pro-
phètes et une troupe des principaux se rangèrent au-
tour de lui, l'exhortaient, l'embrassaient successivement
et le baisaient , en lui soufflant dans la bouche le Saint-
Esprit avec le don de prophétie. »
Après plusieurs autres excentricités de cette sorte ,
deux prophètes se mirent à prédire la damnation d'un
certain nombre de personnes du Pouzin. u Le sieur de
Combles les interrompant sur cela , continue Fléchier ,
leur dit : u Mes frères, ne jugez pas et vous ne serez
pas jugés. » Alors les deux autres prophètes et pro-
phétesses , prenant la place des premiers , dirent avec
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3I
un peu d'émotion : « M. de Combles a raison , il ne
faut juger personne, l'Ecriture le dit. Vous n'avez pas
bien reçu le Saint-Esprit, laissez-nous faire. » Ces pa-
roles furent suivies de leurs exclamations accoutumées ;
après quoi ils virent, comme les autres, les cieux ou-
verts et les anges vêtus de blano; et, se tournant vers
le sieur de Combles, ils l'exhortèrent à se repentir et à
crier miséricorde. A ce mot, qui tombait deçà, qui
tombait delà, tous à la renverse et demeurant comme
morts et sans mouvements. Comme lui seul ne tombait
pas, le prophète disait et redisait : « Cœur endurci,
malheureux reprouvé , que tu me tourmentes ! Tu résis-
tes au Saint-Esprit! » Il fallut donc se laisser tomber
pour éviter les suites fâcheuses qui en pouvaient arri-
ver. Au même instant toute l'assemblée se réjouit ; on
refit la prière, psaumes encore, cri de réjouissance, pro-
cession autour de cet homme étendu. Il remua les lè-
vres et chacun courut prêter l'oreille pour l'ouïr prophé-
tiser. Il tendit les mains et tous à l'envi l'embrassant ,
le baisant tendrement et le regardant comme l'organe du
Saint-Esprit (i). »
CONTINUATION DES ASSEMBLÉES. MORT DU CAPITAINE
TIRBON. EXPÉDITION DE FGLLEVILLE. BOUCHERIE
DU SERRE DE LA PALLE (1689).
Dans une autre assemblée, qui comptait plus de
trois mille personnes et se tint au Serre-de-Tauzuc , le
14 février, on apprit que de Tirbon , capitaine au régi-
ment de Flandres et logé à Silhac , était venu à Saint-
Sauveur-de-Montagut avec vingt soldats. Louis Va-
(i) Il ressort de ce récit que, quoi qu'en dise Fléchier , de Combles fut
atteint par la contagion, et s'évanouit à la façon des inspirés. — Fléchier,
p. 548-370; — Brueys, 140-146.
p HISTOIRE DES PROTESTANTS
lette (i) , qui la présidait, déclara pour rassurer ses
gens « que rien ne pouvait nuire aux élus de Dieu, que
les armes des soldats à sa vue leur tomberait des mains
incontinent et serviraient pour les tuer eux-mêmes. Il
ajouta que Dieu avait enchaîné le diable pour mille ans
et l'avait jeté dans l'abîme, et qu'ainsi il ne craignait
rien. » Il recommanda néanmoins aux gens qui retour-
naient chez eux par Saint-Sauveur de s'en alleren troupe,
car ils seraient attaqués. En avait-il été prévenu ? le con-
jectura-t-il? Nous l'ignorons, ce qui est certain c'est
que le capitaine Tirbon , qui avait reçu l'ordre du com-
mandant de Folleville, logé au Gua , de mettre à mort
tous ceux qu'il rencontrerait sur son passage, alla at-
tendre ceux qui revenaient de l'assemblée à un petit
quart d'heure au-dessous de Saint-Sauveur, prés du ca-
nal et bois de M. de Vocance, quartier de la Chemina,
où se trouvait un pré de neuf ou dix pas de large tout
au plus. Il laissa passer le ruisseau de Glueyre à une
partie de la troupe , qui descendait une côte , nommée
Echine d'âne ; et lorsque elle fut sur le pré, il commanda
le feu à ses soldats en criant : « Allons , tuons ces
gens-ci, » et trois personnes tombèrent mortes. Se
voyant attaquée, la troupe, qui avait à sa tête l'inspiré
Alexandre Astier , qu'il ne faut pas confondre avec Ga-
briel , se jette dans une vigne, située au-dessus du pré,
fond ensuite sur les soldats à coups de pierres, de bâ-
tons et d'autres armes, et en précipite une partie dans
l'Erieux, où les femmes assomment avec des pierres,
ceux d'entre eux qui élèvent leur tête au-dessus de l'eau.
Neuf soldats périrent dans cette affaire sans compter
Tirbon et son guide.
Les autres soldats s'étant débandés , six d'entre eux
(i) Sur ce prédicant, voy. p. 22.
DU VIVARAIS ET DU VELAY, 33
furent jetés dans des précipices et quelques autres tués
par les chemins. Les derniers trouvèrent une retraite
dans la maison d'un catholique nommé La Montagne,
où ils auraient été également massacrés sans les suppli-
cations des inspirés qui étaient dans la troupe. Alexandre
Astier fut blessé dans cette affaire et raconta plus tard
qu'un soldat, ayant levé le bras avec son sabre pour fen-
dre la tête d'une femme, celle-ci s'arma d'une pierre et
enleva d'un coup le crâne de son agresseur. La paroisse
de Saint-Sauveur et les paroisses avoisinantes durent
payer 7,000 livres d'amende pour la mort de Tirbon.
Une autre assemblée convoquée à Saint-Cierge ne
fut pas contremandée , nonobstant ce qui venait d'arri-
ver et, suivant l'habitude, se tint sur les hauteurs, pour
ne pas être surprise. Deux mille personnes y assistè-
rent. (( De FoUeville, » dit Fléchier, '( allant de Lavoulte
aux Boutières , la rencontra sur son chemin et , quoi-
qu'il n'eût pas des troupes suffisamment , il s'approcha
d'eux et tâcha de leur faire comprendre ce qu'ils de-
vaient aux ordres du roi et le danger où ils s'exposaient.
Il les pria de se séparer sans bruit et leur fit espérer de
la clémence du roi le pardon pour tout le passé. Mais
on lui cria : « Tartara, arrière de moi , Satan!... » Ces
cris furent incontinent suivis d'une grêle de pierres ,
dont il eut peine à se sauver. Il détacha le sieur de
Combles pour aller parler aux principaux, en atten-
dant qu'une compagnie, qui était logée dans le voisi-
nage, arrivât. Elle arriva et M. de FoUeville, s'étant
mis à la tête, fit mine de les attaquer, mais la négo-
ciation de Combles, appuyée de la crainte des troupes,
les détermina à se retirer. »
Les assemblées présidées par les inspirés n'en devin-
rent pas moins de plus en plus nombreuses , et tout le
Vivarais et le Velay en furent remplis. Dans la seule
II. 3
54 HISTOIRE DES PROTESTANTS
paroisse de Gluiras il y en eut trois , à Gras une fort
considérable, d'autres à Saint-Michel de Chabrilla-
noux, Saint-Maurice-en-Chalancon , Saint-Genest-la-
Champ , etc.
Folleville les poursuivait sans relâche. Il disposait de
huit cents hommes environ, savoir : quatre compagnies
de dragons de Tessé , quatre ou cinq compagnies d'in-
fanterie de son régiment de Flandre et trois cents hom-
mes de milice catholique, dite des Boulougnous, tirés
de Privas, Saint- Etienne-de-Boulogne, Rochemaure,
Antraigues et Saint-Laurent-sous-Coiron, commandés
par les sieurs de Mirabel , de Prau , capitaine de dra-
gons du régiment dauphin, et le comte de Vabres. Fol-
leville se saisit d'abord d'une prophétesse, qu'il fît con-
duire au château de La Tourette. Elle ne cessa de dire
le long de la route : « Coupez-moi les bras , coupez-
moi les jambes , vous ne me ferez point de mal , » et
refusa de manger de peur d'offenser le Saint-Esprit, qui
disait-elle, la nourrissait. Après cela, Folleville marcha
contre une assemblée de près de quatre cents personnes
qu'on apercevait sur une hauteur , appelée le fort de
Gluiras. Il y arriva sur le soir et la dispersa en lui tuant
quarante personnes.
Apprenant au même moment, c'était le 19 fé-
vrier , qu'une autre assemblée de cinq à six cents per-
sonnes se tenait non loin de là, sur le Serre de La
Palle (i) (paroisse de Saint-Genest-la-Champ), près des
granges de Soulhiol, et était présidée par l'inspiré La
Branche du lieu de Talussac (paroisse de Gluiras), il
part de bon matin de Saint-Sauveur-de-Montagut ,
monte par Gluiras, laisse piller à ses soldats toutes les
(i) Brueys dit la Montagne de Cheilaret, qui s'élève entre Gluiras et Saint-
Genieys (Genest).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 35
maisons qu'ils rencontrent sur leur passage; puis, aper-
cevant quelques gens attroupés au-dessus du hameau
de Saint-Martin-de-Cols qui prenaient la fuite, il leur
donne la chasse jusque dans le hameau et tue tous ceux
qui lui tombent sous la main. Arrivé sur la montagne de
Bosse , il découvrit l'assemblée et forma plusieurs dé-
tachements pour l'entourer; après quoi il lui députa
MM. d'Hauteville, Vabres et Bioufel, de Gluiras, pour
lui persuader de se dissoudre; mais on les menaça de
faire feu sur eux s'ils ne se retiraient. Folleville députa
aussi à l'assemblée le prévôt Raymond. « Il fut mal
reçu, » dit Fléchier, « on lui cria d'abord : « Tartara,
arrière de moi Satan, tu ne me tenteras point! » Il
s'élança un homme de l'assemblée, qui essuya son coup
de pistolet et le poursuivit à coups de pierre. Il leur
envoya encore un officier pour leur offrir grâce. Un
homme accompagné de sept ou huit femmes, le chassè-
rent comme le premier. Un des leurs s'étant venu pré-
senter à la mort , on lui persuada aisément de vouloir
vivre et on l'obligea d'aller exhorter ses frères à rece-
voir le pardon de leur opiniâtreté , mais il n'y put rien
gagner. On résolut donc de donner sur cette multi-
tude... Ils s'ébranlèrent, se divisèrent en plusieurs pe-
lotons, s'embrassèrent les uns les autres et s'entresouf-
flèrent à la bouche pour se communiquer le Saint-Es-
prit , puis ils vinrent hardiment au-devant des troupes ,
dans la pensée qu'ils étaient devenus immortels et invul-
nérables, ou que du moins ils ressusciteraient quelques
jours après. Mais ils furent investis et c'est l'opinion
commune qu'il y en eut trois à quatre cents de tués ou
blessés. » Cinquante furent faits prisonniers et le reste
se dispersa dans les forêts et les montagnes voisines.
Sept personnes, quatre fils et trois filles , de la même
maison des Chalans (paroisse de Gluiras), périrent, de
^6 HISTOIRE DES PROTESTANTS.
même que les deux fils du granger de M. Vabres, et
leur sœur, qui fut pendue au portail de M. Descours à
Marcols. Plusieurs miliciens Boulougnous, au retour de
cette boucherie, portaient des doigts de femme, qu'ils
avaient coupés pour s'approprier les bagues passées
autour d'eux. » Je n'ai pu lire sans horreur, » ajoute
Court, « ce que fit un dragon dans cette assemblée. Il
rencontra une femme , qu'on venait de tuer, étendue et
renversée par terre, qui tenait encore entre ses bras
son petit enfant, qui se jouait sur son sein; lequel,
voyant le dragon approcher, se mita rire contre lui;
mais ce barbare, au lieu d'être touché des caresses de
cette innocente créature, la perça d'un coup de baïon-
nette et, rélevant en l'air, ainsi lardée, cria à son cama-
rade : « Eh ! vois-tu cette grenouille ? »
Une lettre, écrite de Montpellier au célèbre Jurieu, à
la date du 6 mars , porte à plus de cinq cents le nom-
bre des personnes qui périrent sur place , sans compter
les blessés, et elle ajoute : « On a tué tout ce qu'on a
pu trouver indifféremment sans épargner ni âge ni sexe.
On a plus tué de femmes et d'enfants que d'hommes
faits, parce que ceux-ci avaient sans doute plus de fa-
cilité à se sauver. Uy en a une partie qu'on a tués comme
ils fuyaient, mais une autre partie a été tuée étant trou-
vés à genoux en troupe dans le bois chantant des psau-
mes. Il y en a eu plusieurs, surtout des femmes, qui se
sont allés présenter au soldat pour être égorgés, y en
ayant quelques-unes qu'on voulait sauver; mais ils s'op-
posaient à cela, disant qu'ils étaient bien marris de n'a-
voir pas plus tôt cherché les occasions de recueillir la
manne dont ils venaient d'être repus; que si Dieu vou-
lait prolonger leur vie , ils ne perdraient point d'occa-
sion pour se trouver dans les assemblées. En disant
cela , ils présentaient leurs corps au soldat pour être
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 57
transpercés. Les soldats ont dépouillé un grand nom-
bre , tant de femmes que d'hommes , avant de les poi-
gnarder, pour avoir leurs habits devant qu'ils fussent
teints de sang. »
Bâville confirme ces massacres. « Les assemblées du
Vivarais , dit-il... ne se sont pas faites impunément. La
meilleure partie des mutins s'était retirée dans les Bou-
tières, oij ils croyaient être en sûreté par la difficulté
des lieux. Ils ont été investis et chargés en dernier lieu,
de manière qu'il y en a eu trois cents de tués sur la
place. On en a tué ensuite un grand nombre dans d'autres
occasions. »
S'il faut en croire le marquis de Sourches, Louis XIV,
en apprenant ces hécatombes de huguenots, « témoi-
gna en être fâché, en disant qu'il aurait bien mieux valu
les prendre. » Qu'aurait-t-il dit s'il avait connu les dé-
tails du massacre ?
Fléchier, et Brueys, son émule, au lieu d'avoir quel-
que pitié pour les victimes, les raillent ou les outragent.
Le fait suivant , qui parvint sans doute à leur connais-
sance, aurait dû, ce semble, les rendre plus humains.
Un nommé Marliaut avait deux fils et trois filles. L'aî-
née était mariée et enceinte d'environ huit mois. Elle
alla dans une assemblée en compagnie de ses frères et
de ses sœurs, emmenant avec elle son petit garçon âgé
de sept ans. Elle y fut massacrée avec celui-ci , ainsi
qu'un de ses frères et une de ses sœurs. Le frère qui
échappa fut néanmoins blessé, mais il guérit, et la plus
jeune des sœurs fut laissée pour morte sous les corps
entassés de ses compagnons sans avoir été atteinte. La
dernière fut rapportée blessée etîmourut quelques jours
après. Le père , témoin de ces malheurs, ne maudit pas
les meurtriers, non plus qu'il ne murmura contre Dieu,
et se borna à dire avec une pieuse résignation : « Le
3 8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Seigneur l'a donné, le Seigneur l'a ôté, le nom du Sei-
gneur soit béni (i) ! »
BROGLIE ET BAVILLE EN VIVARAIS. CONTINUATION DES
BOUCHERIES. FIN DE LA LUTTE. SUPPLICE DE GA-
BRIEL ASTIER. MÉMOIRE ENVOYÉ A BAVILLE (1689-
1690).
Sitôt après la mort du capitaine Tirbon , Folleville
informa le comte Victor-Maurice de Broglie, comman-
dant pour le roi en Languedoc, et son beau-frère Bâ-
ville , des assemblées du Vivarais. Avertis le i6 fé-
vrier 1689 à minuit, ils partirent de Montpellier dès le
17 après avoir écrit à de Chambonas , évêque de Lo-
dève , qui dirigeait le diocèse de Viviers et qu'on appe-
lait pour cette raison M. de Viviers, de se joindre à eux.
Ce prélat s'était beaucoup occupé des religionnaires du
Vivarais à la place de son oncle Louis de la Baume de
Suze , évêque de Viviers , que son grand âge mettait
dans l'impossibilité d'agir. Broglie et Bâville vinrent cou-
cher le premier jour au Pont-Saint-Esprit et donnèrent
ordre aux communautés de la province du Vivarais de
lever promptement le plus de milice possible, et à Fol-
leville le peu de gens de guerre qu'il y avait dans le
pays. On vient de voir que ce dernier avait devancé
l'ordre de ses chefs, puisqu'il attaqua l'assemblée du
Serre de la Palle le 19 février.
Broglie et Bâville « firent en même temps, » dit Brueys,
« exhorter les curés, les juges des lieux, les catholiques
(i) Fléchier, p. 370-579. Brueys, p. 146, 170, 178-185. Les prophètes pro-
testants, p. 167. Jurieu, Lettres pastorales, 5' année, p. 120. Armand de
La Chapelle, t. II, p. 284. Benoît, t. V, p. 995. Douen , t. II , p. 65-67. Mé-
moire d'Ebruy (ms.). Ms. Court, n" 17, t. G. Court, Le patriote françois
et impartial, t. I, p. 244. Dourille,|p. 584.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 39
et ceux des convertis qui avaient quelque chose à per-
dre , de redoubler leurs soins dans chaque paroisse ,
afin de tenir dans le devoir tous ceux qu'ils pourraient,
tandis qu'on allait travailler à y faire rentrer ceux qui
en étaient sortis. »
Le commandant et l'intendant, qui passèrent par Au-
benas , furent à Privas le 21 février. En arrivant ils ap-
prirent que dans la paroisse de Pourchères se tenait une
assemblée peu nombreuse, mais qui pouvait grossir
d'heure en heure. Ils s'y rendirent en hâte avec quel-
ques soldats et trouvèrent cinquante personnes réunies
dans une maison, bâtie sur l'escarpement au pied du-
quel les eaux du Bartras se réunissent à celles du Méza-
yon , et appartenant à un inspiré, nommé Paul Béraud.
Le marquis de Vogué , qui avait été d'abord envoyé en
reconnaissance , fut reçu à coups de pierres et aux cris
de « Tartara , Satan , arrière de moi ! » Broglie et Bâ-
ville , étant accourus avec leur suite , se virent égale-
ment chargés à coups de pierre par Béraud , pendant
que sa fille Sara criait « Tartara » de toutes ses forces.
Un autre inspiré tira à bout portant sur Heyraud, com-
missaire des troupes, qui n'en reçut aucun mal; les au-
tres se défendirent pendant quelque temps avec courage,
mais enfin l'assemblée fut mise en fuite , laissant neuf
des siens sur le carreau , au nombre desquels Béraud
lui-même. Sara, qui avait reçu une blessure, fut con-
duite à Privas, oij pendant trois jours elle affirma qu'elle
avait reçu le Saint-Esprit. On fit soigner sa blessure et,
après qu'elle eut mangé et bu suffisamment, elle guérit
et revint de son inspiration. Quant à la maison de Bé-
raud, elle fut incendiée sur l'heure et une femme y
périt.
Pendant ce temps, Folleville marcha contre une as-
semblée de huit cents personnes , réunie sur un coteau
40 HISTOIRE DES PROTESTANTS
appelé le Besset, à proximité de Saint-Genest-la-
Champ. Il se saisit de tous les passages et fit dire à
l'assemblée « de députer, » dit Brueys , « quelqu'un de
la troupe pour lui venir parler. Il s'en détacha seulement
un. Le colonel lui dit d'aller faire savoir aux autres qu'il
leur pardonnait tout leur passé de la part du roi, pourvu
qu'ils se retirassent incessamment dans leurs maisons.
Cet homme alla donner cette nouvelle à ses frères (c'est
ainsi qu'il les appelait) , mais il revint bientôt et porta
pour toute réponse qu'ils n'en voulaient rien faire. M. de
Folleville les envoya encore solliciter et exhorter d'ac-
cepter la grâce qu'il leur offrait et choisit pour cela une
personne qui pût leur être agréable. Ce fut un notaire
de Lavoulte-de-Ventadour , appelé Raz qui, à cause de
sa profession , était connu de la plupart. Il ne fut pas
plutôt à eux qu'ils se prirent tous à crier : « Retire-toi
de nous, Satan, tu ne nous tenteras point! » Pour la
troisième fois un prévôt , nommé Raymond , fut chargé
de leur aller réitérer les mêmes offres de pardon ; il
s'approcha d'eux et demanda à leur parler. Trois ou
quatre vinrent à lui, mais c'était pour l'assommer à coups
de pierre s'il ne se fût promptement retiré. » Folleville,
voyant cela , les chargea avec vigueur, en tua une cen-
taine , en fit prisonniers quelques autres et laissa fuir le
reste.
Broglie de son côté se portait dans tous les lieux oîi
il jugeait sa présence nécessaire pour réprimer les as-
semblées ou les empêcher de se former, « car nonobs-
tant toutes ces rigueurs , » dit Meissonnier, u et le
grand nombre de troupes qu'il y avait au pays... sept
régiments de milice... et vingt-quatre compagnies de
dragons, on n'a pas laissé de faire de petites assemblées
en divers endroits : à Pourchères , à deux lieues au-
dessus de Privas, oij quelques-uns, s'étant assemblés
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 4I
dans une maison, y furent surpris... [c'est la réunion
dont il a été parlé plus haut]. A Toulaud , on y en a
aussi fait, et brûlé deux maisons, pris une dizaine de per-
sonnes et conduit à Lavoulte, oij les prisons... sont
pleines de ceux qu'on y a conduits du Velay, du haut
et bas Vivarais; d'autres ont été conduits au Saint-Es-
prit, à la tour de Constance, au fort de Nîmes, à la ci-
tadelle de Montpellier ou aux galères. Il s'en est fait en-
core une dizaine à Lamastre, au Chambon, à Saint-Voy,
à Saint-Agréve et autres lieux, dont plusieurs ont été
surprises par les soldats et traitées comme dessus. »
C'était Bâville qui décidait du sort des nombreux pri-
sonniers qu'on lui amenait de tous côtés, tandis que l'é-
vèque de Lodève allait de paroisse en paroisse pour
s'efforcer de prouver aux populations l'inanité de l'inspi-
ration des prophètes, et leur persuader de vivre en bons
catholiques ; mais , représentant d'une religion qui auto-
risait de. pareilles boucheries, ses paroles trouvèrent
peu d'écho. Quand le mouvement^Jut réprimé, l'évê-
que recommença ses visites pastorales sans plus de suc-
cès que la première fois, et les rudes et fervents mon-
tagnards du Vivarais et du Velay demeurèrent malgré
tout attachés à leur foi.
Avant de rentrer à Montpellier, Broglie et Bâville
prirent des mesures énergiques pour empêcher le re-
tour des assemblées. Ils établirent des milices catholi-
ques dans chaque paroisse, dont les marquis de Vogué,
de la Tourette et de Chambonas, et le seigneur de Bavas
furent élus colonels, pour être prêts à marcher au pre-
mier ordre. Ces milices s'assemblaient tous les huit
jours et faisaient l'exercice pour intimider les popula-
tions. On -en passait la revue générale tous les ans.
Quant à Gabriel Astier, l'historien d'Aigrefeuille rap-
porte qu'il (( vint se brûler (comme l'on dit) à la chan-
42 HISTOIRE DES PROTESTANTS
délie ; car il eut la hardiesse de venir à Montpellier et
d'aller voir la revue du régiment de Sault que M. de
Broglie faisait au Pérou. Un soldat, ayant cru recon-
naître à sa mine les traits de son portrait qu'il avait vu ,
le dit à ses camarades qui l'arrêtèrent de concert, et,
l'ayant conduit à la citadelle , où il nia d'abord qui il
était, il l'avoua enfin; de sorte que M. de Broglie ayant
ordonné qu'on le menât à Baix-sur-Baix, oij il avait
commencé de soulever le peuple , il y fut jugé par
M. de Bâville, qui s'y rendit exprès, et le fit punir, le
2 avril [1690], du supplice qu'il avait mérité. »
L'importance du rôle joué par ce jeune homme a été
exagérée par les auteurs catholiques et par Napoléon
Peyrat lui-même, auteur éloquent, mais dépourvu de
sens critique; car le prédicateur Ebruy, qui jouissait de
beaucoup de crédit parmi ses coreligionnaires du Viva-
rais au commencement du dix-huitième siècle, c'est-à-
dire dix ans seulement après les événements que nous
venons de rapporter, déclare qu'il n'a jamais entendu
parler d'Astier.
Nous donnons, en terminant, le sentiment d' Ebruy
sur les inspirés du Vivarais. « Pour ce qui regarde la
conduite des inspirés , » dit-il , « plusieurs ont été en
bon exemple, d'autres ont commis des scandales. Quel-
ques-uns, après avoir fait des lâchetés, en sont revenus
et ont donné des marques de leur repentance en me-
nant une vie plus sage... Ceux de l'Eglise romaine les
ont toujours traités de fanatiques. Pour ceux de notre
religion, les uns en disaient du bien, les autres du mal.
Ceux-ci les croyaient divinement inspirés, ceux-là ne le
croyaient pas. D'autres (et c'est vraisemblablement
l'opinion d'Ebruy) croyaient que le Saint-Esprit n'agis-
sait pas en eux d'une manière infaillible , mais que
cependant il y avait quelque chose qui venait de l'Es-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 43
prit de Dieu , qui les poussait à dire de très belles et
bonnes choses , bien édifiantes , surtout ceux qui se
gouvernaient et se conduisaient comme ils devaient se
conduire; car, pour ceux qui voulaient se faire regarder
comme de véritables prophètes, ils tombaient dans des
erreurs et des égarements incroyables. Toujours nous
pouvons dire, à la louange de ceux qui ne se sont pas
érigés en prophètes, mais qui se sont exercés à faire
des exhortations au peuple, qu'ils ont apporté un grand
bien dans les Eglises du Vivarais et du Dauphiné ; car
avant cela tout le monde gisait dans une léthargie spiri-
tuelle et mortelle. On ne parlait plus de religion , et
cela les a fait réveiller de leur profond et criminel as-
soupissement (i). » Ce jugement d'Ebruy est la marque
d'un esprit sensé, et de nos jours on ne saurait en
porter de plus juste.
Vers le milieu de l'année 1690, on envoya à Bâville
un mémoire sur les moyens de retenir dans le catholi-
cisme , où la peur seule les avait fait entrer , les nou-
veaux convertis des Cévennes. Ce document jette un
jour peu favorable sur l'état moral et intellectuel des
ecclésiastiques catholiques de ce temps.
« Les peuples des Cévennes, » dit-il, « ont besoin
de prédicateurs qui leur prêchent une fois ou deux la
semaine, plutôt que des missions réglées qui les lassent
et qui sont faites par toutes sortes de gens , lesquels ,
bien souvent, n'ont guère l'Esprit de Dieu et cherchent
d'autres fortunes que celles du ciel.
(i) D'Aigrefeuille, p. 46';. Brueys, p. 171-174; 184-196. Fléchier, p. 579-
581; Mémoire cl'Ebruy (ms.). Mémoires de Meissonnier (ms.). Peyrat,
t. 1 , p. 208; Doiirille, p. 585-^87. — Fléchier et Brueys, sur la mort et la
capture d'Astier, ne s'accordent ni avec l'abbé D'Aigrefeuille, auteur exact
et consciencieux , ni même entre eux. On peut signaler jusqu'à sept ou iuiit
différences dans leur récit de l'événement : ce qui montre combien il est né-
cessaire de se tenir en garde contre certaines de leurs assertions.
44 HISTOIRE DES PROTESTANTS
» Il serait à désirer que ces prédicateurs ne se mê-
lassent que du spirituel (ce qu'ils font de plus donne de
réloignement pour eux et pour la religion catholique);
qu'ils allassent par les maisons et les petits villages leur
apprendre à prier Dieu sans leur parler de contro-
verse, mais seulement d'une sainte morale chrétienne.
Si on en usait ainsi le peuple serait bientôt changé.
» Ce peuple aime la Parole de Dieu. Des gens
charitables, désintéressés et sans éclat, les gagneraient
infailliblement. Un petit nombre suffirait et serait de
petite dépense , et Sa Majesté en verrait bientôt de
grandes suites.
» Il y a beaucoup d'ecclésiastiques, mais ils agissent
chacun à leur fantaisie et selon leurs intérêts. Peu ou
point de prédicateurs, encore moins de gens qui ne
songent qu'au service de Dieu et au salut des âmes :
c'est ce qui est cause qu'il y a si peu de véritables
convertis.
» Si on mettait dans les villages des Cévennes des
filles de Saint-Lazare , qui sont sous la conduite de
M. Joly, général des prêtres de feu M. Vincens , en
servant les malades comme elles font ce serait encore
un moyen très excellent pour convertir solidement ces
peuples, parce que la charité les touche infiniment. »
Bâville, qui ne croyait pas à la sincérité des senti-
ments religieux des protestants, répondit, le 21 juillet,
qu'il n'y avait plus de missions réglées et que l'argent
manquait pour payer les filles de Saint-Lazare ; puis il
ajoutait : « La victoire que les armées du roi rempor-
teront et sur terre et sur mer feront plus d'effet auprès
des nouveaux convertis que tous les missionnaires. 11
ne faut pas croire que les esprits de ces gens-là, étant
autant agités qu'ils le sont par les différents motifs qu'on
leur inspire , puissent devenir dans la conjoncture pré-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 45
sente bons catholiques. Ce sera l'ouvrage de la paix et
des victoires de Sa Majesté (i). »
PROJET DE SOULÈVEMENT DE CABRALLES. CONTI-
NUATION DE l'inspiration ET DES ASSEMBLÉES.
BROUSSON EN VIVARAIS. PERSÉCUTION GÉNÉRALE.
COMPLICITÉ DU CLERGÉ (169O-1698).
Quoique les troubles fussent apaisés dans le Vivarais,
une lettre de Louvois à l'intendant Bâville , du 19 no-
vembre 1690, nous apprend qu'un nommé Cabralles ,
originaire du comté de Foix , avait proposé , trois mois
auparavant, au prince Guillaume d'Orange, roi d'Angle-
terre depuis 1688 (c'était pendant la guerre de la ligue
d'Augsbourg, qui dura de 1686 à 1697), de faire lever
dans les évêchés de Montauban, de Castres et du comté
de Foix une armée de douze mille hommes, à laquelle
l'ambassadeur d'Espagne promettait des vivres et une
retraite, pendant que les protestants du bas Languedoc,
des Cévennes et du Vivarais prendraient à leur tour les
armes.
Nous apprenons également, par une autre lettre du
même au même, en date du 4 décembre 1690, que le
prince d'Orange , qui était entré dans la ligue d'Augs-
bourg depuis 1688, avait « tenu quelques-uns dans le
Vivarais... en intention d'y faire un soulèvement si les
affaires de Savoie avaient prospéré comme il s'en flat-
tait, » et que celui qui avait séjourné dans cette pro-
vince s'était rendu, « depuis peu de jours, à Paris
pour informer les principaux des nouveaux convertis
des bonnes dispositions oii il avait trouvé les nouveaux
convertis du Vivarais et des Cévennes pour prendre
(I) Arch. nat., TT, 284.
46 HISTOIRE DES PROTESTANTS
les armes lorsqu'ils apprendraient que l'armée de M. de
Savoie serait entrée en Dauphiné ; » qu'il avait quitté
Paris « pour aller rendre compte au prince d'Orange
de la même chose, » et qu'il devait revenir en Vivarais
au commencement du printemps prochain, » Les succès
du roi en Italie, en 1691 , rompirent tous ces desseins
auxquels la grande masse des inspirés du Vivarais resta
étrangère, car s'ils y eussent pris part, Fléchier et
Brueys se seraient empressés de le rapporter (i).
Autrement, les massacres de 1689, et les nombreuses
condamnations qui les suivirent, n'éteignirent pas plus
l'inspiration en Vivarais qu'elles ne firent cesser les
assemblées. Les inspirés continuèrent leurs prédica-
tions, mais plusieurs d'entre eux, éclairés par les san-
glantes défaites qu'ils essuyèrent contrairement aux
oracles de leurs prophètes , revinrent à des idées plus
saines et, pour la plupart, se bornèrent à annoncer
l'Evangile dans de petites assemblées. De 1690 à 1700,
quelques-uns d'eux furent pris et envoyés aux galères
(Josué Corbière , Matthieu Dunis , Daniel Arsac et
Charles Laurent) ; d'autres condamnés à mort et exé-
cutés (Jean Charreyre et Louis Valette); d'autres enrôlés
de vive force dans des régiments (Daniel Chanac et
Antoine Arsac). Voyez plus haut, p. 19 à 24).
Le célèbre Claude Brousson, qui en était à son
troisième voyage missionnaire en France , séjourna en
Vivarais pendant les mois de novembre et de décem-
bre 1697 ^t ""S partie de janvier 1698. Il présida à
Saint-Jean-Chambre, dans la grange de Jean Reboul ,
une grande assemblée qui fut découverte et à la suite
de laquelle plusieurs personnes restèrent longtemps
emprisonnées au château de Beauregard, puis relâchées.
(1) Hisl. gén. de Languedoc, nouv. édit., t. XIV, col. 1597 et 1598.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 47
Le sieur de Vocance de La Tour fit raser, de sa propre
autorité, la maison que Reboul possédait au village de
Saint-Jean-Chambre, quoique l'assemblée, comme on
l'a dit, se fût tenue à sa grange, à un quart de lieue de
là. Brousson présida aussi des assemblées à Vernoux
et à Lamastre.
Il trouva dans ces parages l'inspiration en pleine
activité et , comme on pouvait l'attendre de son carac-
tère ardent et enthousiaste, il en fut émerveillé. Le
25 décembre 1697, il écrivait à un ami : « La provi-
dence m'a fait passer, contre mon intention, dans un
pays... où j'ai vu, ouï ou autrement appris, par un très
grand nombre de témoignages indubitables, de si gran-
des merveilles, qu'elles furent le sujet de l'étonnement
et de l'admiration de toute la terre , et celui de la con-
solation et de la justification de Monsieur [Jurieu] et de
ses semblables. Il y a des gens qui ont travaillé à en-
sevelir les merveilles de Dieu , mais Dieu saura bien
les faire connaître. » Brousson composa, sous le titre
de Yoyage de l'auteur en Vwarcs , un traité de 106
pages manuscrites sur les prodiges dont il avait été
témoin dans cette province. Au moment de son arresta-
tion, le manuscrit fut saisi et mentionné dans l'inventaire
que Bâville fit dresser de ses papiers, mais il a disparu
depuis. Quand l'intendant, interrogeant le grand martyr
sur cette relation , se raillait de son contenu , Brousson
lui répondit gravement qu'elle « était véritable et fidèle
et que son dessein était de la donner au public après
qu'il l'aurait retouchée , afin que chacun y pût faire ses
réflexions (i). -»
Les persécutions étaient dirigées à cette époque non
(i) Douen , Les premiers pasteurs du Désert, t. II, p. 297, 298.
Extraits de la Gazette de Harlem {Bulletin , etc., t. XXXII, p. J62) Ms.
Court, n» 17, t. G.
48 HISTOIRE DES PROTESTANTS
seulement contre les inspirés et leurs réunions , mais
encore contre les protestants, quels qu'ils fussent, sur-
tout à partir de l'édit du 13 avril 1698, rendu quelques
mois après la paix de Ryswick. « On forçait les pro-
testants, » dit Antoine Court (i) en parlant de cette
époque néfaste, « d'assister au culte de l'Eglise romaine.
Personne n'en était exempt, et si quelqu'un avait assez
de courage pour le refuser et pour s'en défendre, bien-
tôt des estaffiers se saisissaient de leurs personnes et
les traînaient, les uns dans les couvents, les autres dans
les prisons , et les autres on les transportait dans un
nouveau monde. Il n'était point permis d'envoyer ses
enfants dans les pays étrangers pour les y faire étudier,
et on ne les pouvait envoyer dans le royaume que chez
des maîtres catholiques, à qui il était ordonné, sous les
peines les plus sévères , de faire assister régulièrement
tous les écoliers à la messe et à tout l'autre service de
l'Eglise catholique. » Quand on avait affaire à des
familles qui étaient en évidence par leur position ou
leur fortune, on leur enlevait purement et simplement
leurs enfants pour les placer de force dans des collèges
ou des couvents. Que si ces enfants avaient été éloignés
pour les soustraire aux agents du pouvoir, on ordonnait
à leurs parents de les représenter dans la huitaine, et
malheur à eux s'ils n'obéissaient point ; ils pouvaient
s'attendre aux châtiments les plus sévères. Plusieurs
familles protestantes d'Annonay eurent tout spéciale-
ment à souffrir de ces violences. Voyez Pièces justifica-
tives, n® XII.
Le clergé était en ceci , comme dans tout le reste ,
l'inspirateur de ces mesures , qui violaient le sanctuaire
sacré de la famille, car c'est lui qui donnait à l'autorité
(i) Mémoires, p. 20.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 49
les noms des nouveaux convertis qui ne remplissaient
pas leurs devoirs de catholiques, comme le prouve les
renseignements que Bâville demandait, en 1699, à
l'évêque du Puy :
i" Sur les chefs de parti et personnes accréditées
qui détournent les nouveaux convertis ;
2° Sur les nouveaux convertis qui vont voir les ma-
lades ;
3" Sur les parents qui refusent de faire instruire leurs
enfants dans la religion catholique ;
4° Sur les parents qui n'assistent pas aux instructions
et ne font pas le devoir de catholiques ;
5® Sur les médecins , chirurgiens , apothicaires et sa-
ges-femmes qui refusent de s'acquitter des devoirs de
la religion catholique ;
6° Sur les mauvais catholiques qui jouissent des biens
des religionnaires hors du royaume. Leurs fruits doivent
être saisis et séquestrés , après que les détenteurs ont
été avertis sans se corriger (i).
MAISONS DÉMOLIES OU INCENDIÉES (1689-I703).
Pendant ces jours néfastes, les persécuteurs, comme
on l'a vu , ne respectaient pas plus les biens des pro-
testants que leur liberté et leurs vies. Toute maison, où
s'était tenue une assemblée , que le fait fût établi ou
non, était démolie ou incendiée. Nous mentionnerons
les suivantes comme ayant subi ce sort :
Une dans la paroisse de Bressac, en 1689, apparte-
nant à Jean Benoît (Voy. plus haut, p. 26).
Une dans la paroisse de Desaignes, dite à Balavon,
même année. Le propriétaire, Jean Curson , fut con-
(0 Corbière, HisL. de l'Egl. vè(. de MontpelUev, p. 542, 543.
II. 4
5o HISTOIRE DES PROTESTANTS
damné aux galères , d'où il sortit neuf ans plus tard
parce qu'il avait promis d'aller à la messe , mais il ne
paraît pas avoir tenu sa parole et ne pratiquait extérieu-
rement aucune religion. Il vivait encore en 1740.
Une autre à Pourchères, même année, appartenant à
Béraud (Voy. plus haut, p. 39).
Une autre dans la paroisse de Saint-Creyt , dite à
Lamenac , en 1690. Plusieurs personnes y furent arrê-
tées, notamment le propriétaire, Pierre Grange, dont la
raison , dit-on, se troubla , et qu'on mit en liberté. Son
frère , Antoine , fut condamné aux galères et libéré en
171 3. Il finit ses jours à Morges, en Suisse.
Deux autres dans la paroisse de La Bâtie d'Andaure,
dites vers Chastanier. On y fit également des prison-
niers.
Une autre, en 1696, près de Privas, où les inspirés
Arsac et Laurent présidèrent une assemblée (Voy. plus
haut, page 22).
En décembre 1698, sur l'ordre de la cour, on démo-
lit à Vernoux neuf maisons et à Macheville, quartier de
Montmagnon (paroisse de Lamastre) , sept , parce que
Claude Brousson , l'année précédente , avait séjourné
dans ces contrées. Plusieurs personnes y furent faites
prisonnières , tant de celles qui avaient donné asile à
Brousson que de celles qui lui avaient prêté leur maison
pour présider des assemblées.
Une autre maison dans la paroisse de Saint-Jean-
Chambre, appartenant à Jean Reboul (Voy. page 47).
Pendant que les soldats mangeaient et buvaient copieu-
sement à sa table , Reboul trouva moyen de s'échap-
per. Il put ainsi avertir ses voisins, ce qui permit au
prédicateur Ebruy , qui était couché dans une maison
située à Vernet, à une portée de mousquet de là, de
se mettre en lieu sûr.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^I
Une autre dans la maison de Saint- Apollinaire de
Rias, dite à Rossignol.
Deux autres dans la paroisse de Silhac, vers la Fau-
ne, en la Combe-du-Pré.
Une autre à Soyons ou Toulaud, vers Bouret.
Une autre à Charmes. Le propriétaire, Pierre Biny,
fut condamné aux galères , où il mourut quelque temps
après.
Une autre à Pierregourde, paroisse de Gilhac , vers
le Merle.
Une à Baix. Le propriétaire , nommé Jourdan , était
boulanger et fort riche. Sa femme avait été emprison-
née à Privas et fut conduite au Pont-Saint-Esprit.
Une autre dans la paroisse de Mounens , aux Ba-
dons. La maîtresse de la maison et sa fille aînée, avant
qu'on eût eu ouvert aux soldats, purent se cacher dans
un petit réduit pratiqué dans une chambre, mais n'ayant
pas eu le temps de bien ajuster la planche qui le recou-
vrait, les soldats s'en aperçurent et l'un d'eux, l'ayant
soulevée , introduisit une lumière dans la cachette. La
mère et la fille, fort heureusement, s'étaient accroupies,
l'une à l'extrémité de la cachette, l'autre à l'autre, et
ne furent pas aperçues. Elles demeurèrent ainsi cachées
plusieurs jours, après quoi une partie des soldats furent
rappelés. Ceux qui restèrent s'étant contentés de man-
ger et de boire à satiété sans se livrer à aucune perqui-
sition, les autres enfants de la maison parvinrent à faire
échapper leur mère et leur sœur. Des enfants qui res-
tèrent, un seul fut arrêté. C'était un jeune homme de
dix-huit ans, pieux et instruit, mais maladif, qui fut con-
duit dans les prisons de Montpellier, oij il mourut.
Toutes les maisons dont nous venons de parler furent
pillées de fond en comble avant d'être démolies ou in-
cendiées. Dans ce temps-là , comme le fait remarquer
Ç2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Ebruy, on ne demandait point de preuves. Il suffisait
qu'on fût accusé ou soupçonné de s'être assemblé
dans une maison pour qu'on la démolît et que l'on jetât
en prison les propriétaires (i).
SOUFFRANCES d'aLEXANDRE ASTIER AUX GALÈRES
(1689-I715).
De la révocation de l'édit de Nantes à l'époque où
nous a conduit notre récit, un grand nombre de protes-
tants du Vivarais furent condamnés aux galères (2).
Nous ne pouvons les suivre dans le lieu de leur mar-
tyre ; ce sujet appartient à l'histoire générale des galé-
riens protestants (3). Nous ferons néanmoins une
exception en faveur de l'un d'eux, qui demeura attaché
à la chaîne pendant vingt-trois ans et qui donna , pen-
dant sa longue captivité, l'exemple de la plus admirable
constance. Par les souffrances qu'il endura on pourra
juger de celles qu'éprouvèrent ses compagnons d'in-
fortune.
Il s'agit d'Alexandre Astier, du hameau de Vignac
(paroisse de Saint-Cierge-la-Serre) , tisserand de pro-
fession, dont il a été parlé plus haut (page 32) et qui
était âgé de vingt-six ans. Il avait assisté aux assemblées
de Plot, Tauzuc et Saint-Cierge-la-Serre, présidées par
Gabriel Astier et autres, et fut arrêté, le 25 mars 1689,
à Saint-Vincent-de-Durfort. Conduit successivement au
château de M. de Monteil, situé à une demi-lieue de
là, puis à Lavoulte , il fut jeté dans une citerne pro-
fonde et infecte du château des ducs de Ventadour, où
(i) Mémoire d'Ebruy (ms.). Gazette de Harlem (dans le Bulletin, etc.,
t. XXXII. p. Ç62).
(2) Voy. la liste générale aux Pièces justiftcalioes , n° Xlll.
[j) Voy. Ath. Coquerel, Les forçats pour la foi, Paris, 1866, in-12.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 5 3
il croupit vingt-deux jours , souffrant de la faim , de la
soif et d'autres maux indicibles. A ce moment, cent
douze protestants étaient détenus dans le château et
sept dans la citerne. Astier n'ayant pas voulu se laisser
catéchiser par un abbé de Nîmes , qui venait matin et
soir engager les prisonniers à abjurer , on le mit dans
un cachot rempli de boue et entièrement obscur en
compagnie d'un fou , qui ne lui fit aucun mal. Il y de-
meura quatre-vingt-dix jours, du 25 mars au 22 juin, et
fut condamné aux galères perpétuelles avec neuf de ses
compagnons, par sentence de Bâville, qui s'était rendu
à Lavoulte pour juger les prisonniers et à qui Astier
avoua courageusement qu'il avait assisté aux assem-
blées. Quatorze filles ou femmes et trois hommes
furent, pour le même motif, envoyés à la tour de Cons-
tance.
Astier arriva à Marseille le 25 juin, et fut enfermé
dans la galère La grande Réale , oij il n'était que depuis
trois jours, quand un argousin lui donna un violent
soufflet, uniquement parce qu'il avait fait quatre ou cinq
pas pour prendre l'air et jeter un coup d'œil sur les
autres galères qui étaient à l'ancre dans le port.
Trois mois après environ, atteint d'une forte fièvre ,
il fut conduit à l'hôpital royal, et y séjourna deux mois
et demi. « Pendant ce temps-là, » dit-il, « un mission-
naire, nommé M. Miroir, lui fit tout le mal qui se puisse
imaginer jusques à lui faire laver les draps et les cou-
vertures de son lit, et cela dans un temps même qu'As-
tier était si faible et exténué qu'il ne pouvait seulement
se soutenir sur ses jambes. »
En 1691 , ayant été mis sur la galère La Gloire et
installé sur un banc où il n'y avait que des forçats
inexpérimentés, qui, à un moment donné, se renversè-
rent tous ensemble sur le banc de dessous, un argousin
54 HISTOIRE DES PROTESTANTS
s'approcha de lui en furieux , avec une grosse corde ,
et donna huit ou neuf coups de toutes ses forces sur
son corps dépouillé de vêtements, en lui disant : « C'est
toi, huguenot, qui est cause que tous les autres se sont
renversés. »
L'année suivante, Astier changea de galère, et fut
placé sur La Magnanime, où un maître-argousin, fana-
tique et cruel, qui espérait le convertir à force de mau-
vais traitements , profita de ce que la galère était en
campagne pour le faire rouer de coups par ses deux
aides. Il le battit lui-même, pour les plus légers motifs,
vingt-cinq jours durant, au point d'attendrir les plus
méchants forçats et les Turcs, qui étaient enchaînés à
ses côtés. Il ne cessa ce jeu cruel que sur les repré-
sentations de l'écrivain du roi et de l'écrivain de l'équi-
page.
Quelques années plus tard, en 1695 , les parents et
les amis d' Astier réunirent, pour le secourir, la somme
de 15 livres 10 sols, qui furent remis à un turc. Mais
ce dernier se les appropria ; et , lorsque Astier voulut
les réclamer au maître-argousin au service duquel était
le turc, il ne reçut que des coups qui lassèrent l'aide
qui les lui asséna.
En 1699, Astier eut à souffrir des violences de l'au-
mônier même de La Magnanime , nommé Fabre , qui,
sur le refus du pieux forçat d'assister à la messe qui se
disait à la poupe de la galère, l'y fit porter de vive force
par quatre ou cinq turcs , et enchaîner , pour qu'il ne
pût retourner à son banc. Or, comme Astier s'était
couché parterre pour ne pas voir l'autel, le prêtre, qui
avait commencé son sermon, l'interrompit pour lui don-
ner un coup de pied au côté droit, dont il souffrit plu-
sieurs jours. Il ordonna ensuite à un sous-argousin de
l'attacher debout à une barricade pour qu'il assistât au
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 5 5
service dans une position décente , mais ce dernier s'y
refusa sur la représentation que lui fit Astier, qu'en
obéissant à l'aumônier il dépasserait sa consigne. Un
second argousin, à qui ce dernier donna l'ordre de bat-
tre le courageux confesseur, n'obéit pas mieux pour le
même motif, et un troisième, qui reçut celui de l'enchaî-
ner à la balustrade , se retrancha également derrière sa
consigne. L'aumônier manda alors le maître-argousin,
qui, sur sa demande, déferra Astier, et s'apprêtait à le
faire asseoir au troisième banc , placé à huit ou neuf
pas de l'autel, quand le pieux forçat, se voyant dégagé
de ses liens , retourna rapidement à son banc de rame
ordinaire , où il fut suivi par le maître-argousin , qui l'y
fit attacher de façon à ce qu'il eût la tête tournée du
côté de l'autel. Ce dernier s'étant retiré après cela ,
quelques turcs, plus humains que Taumônier, le déliè-
rent sans craindre le châtiment auquel ils s'exposaient,
et il put se coucher sans voir officier le prêtre. Chose
assez surprenante ! Astier ne reçut que deux coups de
corde pour sa désobéissance, et aucune punition ne fut
infligée aux turcs qui l'avaient détaché.
Il n'en fut pas de même dans une autre circonstance.
C'était dix ans plus tard. De Monthaulieu, chef d'esca-
dron des galères , ayant été informé par son intendant
que les forçats religionnaires ne levaient pas leur bon-
net quand on disait la messe , se rendit à bord de La
Magnanime, et fit donner la bastonnade à Astier qui, le
soir du même jour, fut soumis à un traitement pareil,
mais avec plus de violence encore. Le lendemain ,
M. de Montbelle, major général des galères, vint de-
mander à Astier s li lèverait dorénavant son bonnet ,
faute de quoi il lui ferait donner cent bastonnades par
jour jusqu'à ce qu'il cédât. Puis il se retira sans rien
ordonner pour le jour même. Le surlendemain , étant
56 HISTOIRE DES PROTESTANTS
venu visiter la galère, le maître-argousin, à qui quelques
personnages charitables avaient parlé en faveur d' Astier,
lui dit que ce dernier faisait son devoir.
Quelques jours après , le lieutenant de la galère, le
sieur de Villepassant, natif de Toulouse , ne se montra
pas si humain. Sur le refus d' Astier de lui promettre de
faire son devoir^ il le fit battre par un turc avec une
grande violence, et de même le jour suivant; mais
quand, le surlendemain, il vint pour lui infliger la même
peine, le maître-argousin lui représenta qu'Astier ne ré-
sisterait pas à une troisième bastonnade, et que le capi-
taine serait fâché de sa perte, parce que c'était un
excellent rameur. Le chirurgien de garde, averti par
une bonne âme de ce qui se passait, vint voir Astier, et
le trouva dans un état si déplorable , qu'il ordonna son
transfert à l'hôpital, où le malheureux patient mit deux
mois à se rétablir de ses blessures.
Pendant la guerre des camisards de 1704, Astier
eut encore beaucoup à souffrir, car, à tout instant, les
argousins le maltraitaient en lui disant : « On te frappe
à cause de tes confrères des Cévennes, qui font tant de
mal aux catholiques. »
L'année suivante, les aumôniers des galères ayant été
privés du droit dont ils avaient joui jusque-là de faire
punir à leur gré les forçats, Astier n'eut plus à endurer
de mauvais traitement de leur part, et fut heureusement
libéré le 21 juin 171 3, à la suite du traité de paix
d'Utrecht. Pendant les vingt-trois années que dura son
martyre, il n'accomplit pas le moindre acte de faiblesse.
Retiré à Zurich, il vivait encore en 1739. A cette date
il fit la déclaration suivante :
« Astier confesse avoir été inspiré. Il convient que
les inspirations portaient au mal plutôt qu'au bien , et
surtout à inspirer de l'inclination pour le sexe ; mais il
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 57
déclare n'avoir jamais entendu parler de Dusserre ni de
l'école des prophètes, dressée, selon Brueys, à la ver-
rerie de Peyra, proche de Dieulefit (i); ce qui fait voir
que c'est une fable inventée par l'historien. Fait en pré-
sence de M. Alexandre Astier, le mardi, 24 septem-
bre 1739, à Zurich, dans la maison de M. Corteiz (2). w
RALENTISSEMENT MOMENTANÉ DE LA PERSÉCUTION
AU DÉBUT DE LA GUERRE DE LA SUCCESSION d'eS-
PAGNE. REPRISE DES ASSEMBLÉES PUBLIQUES ET
LEUR RÉPRESSION SANGLANTE (170I-I703).
Au début de la longue guerre de la succession d'Es-
pagne (1701-1713), la persécution se ralentit en Viva-
rais, et les protestants de cette province, qui, depuis
les massacres de 1689 , avaient tenu leurs assemblées
religieuses d'une façon discrète , les reprirent avec
courage mais elles ne tardèrent pas à être poursuivies
à main armée.
Le 14 septembre 1701, un prédicateur, nommé Jac-
ques Gaspard, de la Bâtie de Crussol, se disposait à
présider une assemblée religieuse au fond d'un ruisseau
nommé le Creux de Veye , près du pont des Ollières,
quand survinrent inopinément des soldats qui fondirent
sur elle. La troupe était commandée par le sieur de
Monteil, le fils, mais ceux de ses autres chefs qui se
montrèrent le plus acharné dans la répression furent
Dumolard, subdélégué de l'intendant, et Vocance, ca-
pitaine d'une compagnie franche. Pusieurs des person-
nes qui assistaient à l'assemblée furent tuées , d'autres
(i) Ce témoignage corrobore tout ce que nous avons dit sur ce sujet dans
notre Hisl. des pvot. du Dauph., t. III, p. 68-70.
(2) Extrait m^if et fidèle des souffrances d'Alexandre Astier (Bulletin,
etc., t. XXIX, p. 460 et suiv.). Ms. Court, n" 17, t. B.
58 HISTOIRE DES PROTESTANTS
blessées, entre autres un nommé Alexandre Faillet, qui
eut quatre doigts emportés d'un coup de feu. On fit un
grand nombre de prisonniers. Cinquante quatre furent
arrêtés en une seule fois , vingt-sept hommes et vingt-
sept femmes, et conduits dans les prisons de Montpel-
lier : les hommes en bateau jusqu'au pont Saint-Esprit,
les femmes en charrette. L'intendant Bâville en condamna
cinq aux galères : Charles Aurenche , Noë Peyre , et
les trois frères Marlié (Jean, Jacques et Pierre). Le
père de ces derniers, Daniel Marlié, Jacques Gaspard,
Jacques Salomon Duplantier de Toulaud, René Faillet,
frère d'Alexandre, nommé plus haut, et une fille furent
condamnés à être pendus et exécutés chacun dans une
localité différente : Marlié à Vallon , Gaspard à Ver-
noux , Duplantier à Saint-Pierreville , Faillet à Saint-
Agrève, et la fille à Privas.
Au retour d'une autre assemblée, qui s'était tenue
non loin de Chalencon, le 19 août 1703 (ou 1704), une
partie de ceux qui y avaient assisté , au nombre de
trente environ (quelques-uns étaient armés), s'étant mon-
trés à huit heures du matin au hameau de La Valette ,
paroisse de Silhac , Imbert, curé du lieu, qui en fut
informé et qui avait même aperçu trois ou quatre de ceux
qui revenaient, « en donna incontinent avis, » dit une
pièce catholiquedu temps, « àquelquescompagnies d'or-
donnance et de bourgeoisie , qui étaient à Vernoux , et
à M. Astier , lieutenant de la bourgeoisie de Chalen-
con , qui ne manqua pas en même temps de partir en
toute diligence avec seize de ses bourgeois, et de mar-
cher du côté des attroupés pour tâcher de les joindre;
et les ayant aperçus suivant un petit sentier peu éloigné
de la maison d'Arlandes , comme c'est un homme fort
actif qui ne manque pas de cœur ni de conduite , leur
cria : Arrête ! ce qu'ils ne voulurent faire et les obligea
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^9
à tirer dessus. Cependant il n'en resta aucun sur la place.
Toutefois le coup perça la cuisse à un de ces malheu-
reux , qui fut saisi de suite avec un autre qui n'était pas
blessé. Tout le reste prit la fuite... Ils les poursuivirent
à toute jambe, autant qu'ils en virent paraître. Enfin les
ayant tous perdus de vue , passant par des broussailles,
le nommé André Jomac , l'un des sergents de ladite
compagnie, aperçut un de ces fanatiques couché dans
la fougère, n'ayant pu courir davantage. Et comme il
approchait de lui , n'étant qu'environ trois ou quatre toi-
ses , se prit garde que le misérable lui lâchait un coup
de pistolet (i) , qui, par bonheur pour lui, fit faux feu,
et de suite ledit Jomac lui tira un coup de fusil et lui ap-
pliqua trois balles à l'épaule droite , en même temps le
saisit aux cheveux et ie traîna plus de cinquante pas
pour le sortir des broussailles. Ledit S"" Astier accourut
à lui... et lui trouva 25 1/2 louis d'or, 6 écus blancs
et quelques pièces de 4 sols..., quelque poudre, des
balles, une cuillère et des moules pour en faire ; mit le tout
dans ses poches et, après lui avoir ôté partie de ses ha-
bits, le fit attacher avec les deux autres et conduire au
dit Chalencon, bien gardé toute la nuit dans sa maison...
Le lendemain il les mena à Privas, oij M. Dumolard ,
subdélégué de monseigneur l'intendant, était et, après
qu'il eût fait raconter comment tout s'était passé , il lui
ordonna de les conduire à Vernoux pour y être jugés
avec quatre prophétesses, qui y étaient aussi, deux des-
quelles avaient été arrêtées au dit Silhac, et, deux jours
après, leur sentence fut prononcée par ledit S"" Dumo-
lard, le lieutenant criminel d'Annonay et quelques avo-
cats. »
(i) Les sources protestantes disent, au contraire, qu'il ne fit pas usage de
son arme.
6o HISTOIRE DES PROTESTANTS
Le protestant blessé par Jomac, qui n'était autre
qu'Isaac Duplantier, frère de Jacques Salomon, nommé
plus haut, fut condamné à être rompu vif, un autre à
être pendu , le troisième à être simplement fouetté à
cause de son jeune âge , trois femmes à être pendues.
Ces diverses sentences furent exécutées à Vernoux le
24 août, un jour de foire, comme le portait le jugement.
Si Duplantier avait suivi les avis du prédicateur Ebruy ,
qui présidait l'assemblée et lui avait conseillé de revenir
avec lui et d'autres de ses compagnons par le chemin
qui longeait l'Erieux, il n'aurait pas été arrêté, car plu-
sieurs pensaient, et Ebruy était du nombre, que la com-
pagnie de bourgeois de Chalencon, qui avait pris les
armes, tirerait droit au lieu de la réunion : ce qu'elle fit.
Isaac Duplantier avait rempli quelques années aupara-
vant les fonctions de prédicateur ainsi que son frère Jac-
ques Salomon.
Dans la paroisse de Saint-Jean-Chambre on surprit
dans une maison isolée, appelée vers Rousson, un
nommé Claude Mayre , dit Cocadon , qui avait fait des
exhortations pendant plusieurs années. C'était un homme
fort et courageux qui, se voyant cerné par les soldats,
leur demanda résolument de le laisser passer. Ceux-ci,
le voyant bien armé et décidé à se défendre , lui ouvri-
rent un passage ; mais la sentinelle, qui gardait la porte de
la basse-cour, voulant Tempêcher de sortir, reçut de lui
un coup de baïonnette, qui l'étendit raide mort. Les au-
tres soldats, qui avaient suivi Cocadon, sans oser met-
tre les mains sur lui, survinrent au moment où il était
aux prises avec la sentinelle et lui assénèrent sur la tête
un coup de crosse de fusil , qui l'étendit. On put alors
se saisir de sa personne , et il fut successivement con-
duit à Vernoux, à Montpellier et à Nîmes. On le con-
damna dans cette dernière ville à avoir le poing coupé
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 6l
par trois coups de hache et à être pendu. L'exécution
eut lieu à Vernoux. Des témoins oculaires affirmèrent
qu'il reçut les trois coups sans proférer aucun cri ni
faire aucun mouvement, et que, lorsqu'il vit sa main
droite à terre, il se baissa pour la relever avec sa gau-
che. Les propriétaires de la maison où il fut pris furent
également arrêtés, mais on les relâcha après quelques
mois de détention , moyennant le payement d'une
amende et des frais de justice (i).
LES CAMISARDS DU LANGUEDOC EN VIVARAIS. DOUBLE
COMBAT DE VAGNAS lO ET II FÉVRIER (1703).
La guerre des camisards ensanglanta aussi le Viva-
rais. Elle dut son origine, comme on le sait, à la sévé-
rité des déclarations de Louis XIV contre les protes-
tants, aux expéditions sanguinaires des troupes royales
contre les assemblées du désert, aux derniers supplices
infligés aux prédicants , aux rigueurs exercées contre
les galériens, à l'inhumanité des ecclésiastiques romains,
notamment à celle du célèbre abbé du Chaila.
Jean Cavalier, qui commandait les Camisards, après
avoir tenu la campagne en Languedoc , forma le dessein
de pénétrer dans le Vivarais , où il avait des intelli-
gences. Il se mit en marche en Janvier 1703, et laissa
partout de sanglantes traces de son passage. Il brûla
plusieurs églises, cures, châteaux, bourgs et villages;
et commit notamment ces violences à La Bastide-de-
Virac , Sampzon , Grospierre et Vagnas , dont les habi-
tants , en grande majorité catholiques , avaient été , il
(i) Armand de la Chapelle, t. II, p. 290. Le patriote français et impar-
tial, t. II, p. Ç29. Court, Histoire des trouliles, t. I, p. 11. Un épisode de
l'histoire des Camisards. Mémoire d'Ebruy (ms.). Ms. Court, n" 17,
t. C. Arch. du ministère de la guerre, n» 1709 (ms.).
62 HISTOIRE DES PROTESTANTS
faut le dire, les instruments dociles des ordres cruels
donnés contre les protestants, s'étaient enrichis de leurs
dépouilles, et faisaient feu sur les camisards quand
ceux-ci leur demandaient des armes ou des vivres. Plu-
sieurs catholiques périrent de la sorte dans les flammes
ou par l'épée.
Arrivé sur la rive droite de l'Ardèche, Cavalier ne
put pénétrer plus avant dans le Vivarais parce qu'il
trouva les passages de cette rivière bien gardés par Jac-
ques d'Illaire, sieur de Joviac, qui commandait des
compagnies de fusiliers et des milices. Le maréchal de
camp Jacques Julien, ancien protestant d'Orange (i),
commandant militaire des Cévennes et du Vivarais, qui
suivait le chef camisard à la piste, écrivit alors à Jo-
viac de franchir l'Ardèche, quoique de Broglie lui eut
donné l'ordre contraire, et de marcher contre Cavalier,
pendant que le comte du Roure (2) , lieutenant général
pour le roi en Languedoc, réunirait de son côté les
gentilshommes et les milices languedociennes du voisi-
nage. Henri de Merle , baron de Lagorce , convoqua
également de son côté le marquis Cérice de Vogué et
autres seigneurs catholiques du bas Vivarais pour sou-
tenir le sieur de Joviac.
Le plan de Julien était de prendre les camisards en-
tre deux feux. Leur perte paraissait donc certaine. Il
n'en fut rien parce que le comte du Roure et Joviac vou-
lurent chacun remporter la victoire. Joviac anticipa l'exé-
cution de l'ordre qu'il avait reçu et passa l'Ardèche de
très bon matin, le 10 février. Le baron de la Lagorce
le rejoignit et tous deux marchèrent résolument contre
Cavalier. « Attaqués, » dit Court, « dès la pointe du jour
(i) Petit-fils du pasteur Sébastien de Julien.
(2) Pierre Scipion de Grimoard de Beauvoir
&
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 63
auprès de Vagnas, les camisards attendirent l'ennemi de
pied ferme et essuyèrent la décharge sans s'ébranler.
Ils firent ensuite la leur si à propos qu'elle jeta la frayeur
dans la petite armée. Celle-ci prit la fuite et fut pour-
suivie et relancée jusqu'au bourg de Salavas à une
grande lieue du champ de bataille. » Le baron de La-
gorce, plusieurs officiers et sergents, et un grand nom-
bre de soldats, furent tués. Cavalier perdit seulement
le vaillant Espérandieu et n'eut que quelques blessés.
Le comte du Roure , qui était à Barjac , envoya aus-
sitôt donner avis de cet échec à Julien, « et l'avertit du
lieu où il pourrait encore trouver les camisards s'il se
hâtait d'y aller. Il était alors à Lussan [à prés de cinq
lieues de là]. Il part, marche toute la nuit, quoiqu'il y
ait un pied de neige, passe par Saint Jean-des- Anneaux
[ou de Marvejols], et se rend à Barjac au point du jour.
Il avait avec lui un bataillon du régiment de Hainaut, le
régiment de Tournon , et deux cent cinquante hommes
des troupes de la marine. Il fut joint par le comte de Flo-
rac, qui lui amena cinquante hommes. C'était beaucoup
trop contre des gens qui venaient déjà d'essuyer un com-
bat; mais, fiers de leur victoire, ils ne s'effrayent point
et attendent encore de pied ferme Julien , qui marchait
à eux. Celui-ci , dés qu'il les vit , observa leur conte-
nance, forma une embuscade et divisa le reste de sa
petite armée en deux corps , mettant à la tête du pre-
mier quarante grenadiers. Il marche ensuite à eux et or-
donne une décharge. Les camisards l'essuyèrent sans
s'ébranler et firent la leur; mais, attirés dans l'embus-
cade et, attaqués de tous côtés par des grenadiers qui
fondaient sur eux tête baissée, la baïonnette au bout du
fusil, ils s'ébranlent, prennent la fuite et gagnent les
bois. » Le combat eut lieu sur le chemin de Vannas à
o
La Bastide au pied de Montgourdon.
64 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Louvreleuil et La Baume disent que les camisards
eurent cent cinquante morts dans cette affaire. Bâville
parle de deux cents, et Brueys de plus de trois cents.
Les troupes royales, au contraire, n'auraient perdu
qu'une dizaine de soldats, tués ou blessés. Cavalier,
de son côté, assure qu'après avoir fait une exacte revue
de ses soldats, il ne constata que cinquante ou soixante
absents , dont quelques-uns s'étaient noyés en voulant
traverser la rivière de la Cèze ; mais il perdit tout son
bagage , courut lui-même les plus grands dangers et
n'échappa à la mort que par une sorte de miracle. Il
se retira ensuite en Languedoc et ne reparut plus en
Vivarais. Quant aux prisonniers , au nombre de vingt ,
d'après La Baume, ils furent jugés à Alais par Bâville
et condamnés à être pendus (i).
SOULÈVEMENT CAMISARD EN VIVARAIS. COMBAT DE
FRANCHASSIS. BOUCHERIES EXÉCUTÉES PAR JULIEN
(1704).
L'année suivante , un des inspirés les plus extrava-
gants du Vivarais, Jean-Pierre Dortial dit Saint-Jean
(ou Lesparon), de Chalencon, que nous retrouverons
plus tard , tenta avec Abraham Charmasson , d'Arc
(paroisse de Vallon), jeune homme sage, mais d'une
piété exaltée, et un nommé Louis Mercier dit Decom-
bes, de soulever le Vivarais en faveur de l'insurrection
camisarde.
(i) Louvreleuil, t. I, p. 78-82. Brueys, t. Il, p. Ç5-70. Court, Hist. des
troubles, t. I, p. 221-251. D'Aigrefeuille, p. 490. Dourille, p. 409-41 J. Arch.
du ministère de la guerre, n" 1709 (ms.). Relation du combat de Vagnas,
dans comte A. de Pontbriant, Guerres de religion, p. 502-304. Relatio7i de
ce qui s'est passé à Vagnas, etc., dans le Bulletin d'hist. eccl. et d'arch.
du diqc, de Valence, t. II. La Baume, Relation historique, p. 92-95 .
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 6^
Ayant enrôlé cent jeunes gens environ , les trois
chefs parurent en armes à Gluiras dans la nuit du i8
au 19 février 1704; vers deux ou trois heures du matin,
tuèrent dans le presbytère les deux frères Ventallon ,
l'un curé, l'autre vicaire de la paroisse, et incendièrent
l'église.
De là, ils se rendirent la même nuit à Saint-Maurice-
sous-Chalencon , oij ils se saisirent du curé Tourville
qu'ils conduisirent à l'église et blessèrent et, le laissant
pour mort, ils mirent le feu à cette dernière.
Au point du jour, ils prirent la route de Saint-Michel-
de-Chabrillanoux et se cachèrent toute la journée du 19.
Dans la nuit, ils incendièrent l'église de Saint-Fortunat
et la maison du notaire Retourna , nouveau converti ,
parce qu'il s'était servi des matériaux de l'ancien temple
pour construire celle-ci ; puis ils se rendirent à Saint-
Julien-le-Roux dont ils brûlèrent également l'église.
Dans la journée du 20, ayant paru sur le coteau du
Serre-de-la-Mure, en vue de Vernoux, le sieur de Mon-
teil, qui commandait le haut Vivarais, se mit à la tête de
sa compagnie et de la compagnie bourgeoise de Ver-
noux, formant un effectif de quatre cents hommes, se
dirigea de leur côté pour les combattre, mais, quand il
fut à deux portées de fusil des camisards, sa petite
armée reçut l'ordre de rétrograder. Un mémoire catho-
lique du temps dit « que ce fut à la prière de M. Tar-
divon [nouveau converti] , qui se chargea mal à propos
de faire retirer cette troupe chez eux, disant qu'on
devait leur porter compassion , qu'il se faisait fort de
leur faire mettre bas les armes, n'étant en partie que
quelques femmes ou enfants. »
Le 21 , les camisards s'établirent dans la maison
Combler, paroisse de Saint-Apollinaire-de-Rias , oià
ils battirent une partie de la compagnie de Juras, com-
11. )
66 HISTOIRE DES PROTESTANTS
mandée par le lieutenant Du Combal. Deux prisonniers
catholiques, Dupont etBancel, durent la vie aux instances
d'un prophète de la troupe, « qui portait un habit tout en
lambeaux et couvert d'huile d'olive, disant être rempli du
Saint-Esprit, » et qui, « à la vérité, » dit le même mémoire,
(( fut pour eux indulgent, après qu'il se fut plusieurs fois
jeté à la renverse, tournant ses yeux vers le ciel...,
disant qu'il leur fallait faire grâce et leur donner la vie,
pourvu qu'ils se chargeassent de porter une lettre au
commandant du pays : ce qu'ils promirent faire de bon
cœur ; en même temps firent la lettre pleine de folie et
d'extravagance, laquelle fut, en effet, rendue par les
prisonniers. »
De Saint-Apollinaire-de-Rias les camisards allèrent
à Saint-Jean-Chambre, dont ils incendièrent l'église;
puis ils se rendirent à Chalencon sur le conseil de
Dortial , qui avait été averti par sa sœur Marie que la
compagnie bourgeoise du lieu était pour le moment à
Vernoux. Astier, lieutenant de cette compagnie, soit
qu'il se doutât de la direction que venaient de prendre
les camisards , soit qu'il en eut été informé d'ailleurs ,
partit de nuit de Vernoux avec trente hommes pour les
devancer à Chalencon, et alla se loger dans la maison
du sieur de Saint-Giney, derrière l'église. Une quaran-
taine d'autres catholiques se cachèrent dans la maison
du bourgeois Chamberlhac, mais la sentinelle n'eut pas
le cœur d'attendre les camisards ni de tirer sur eux quand
il les aperçut, et rentra précipitamment dans la maison,
de sorte que la plus grande partie de ceux-ci défilèrent
par le chemin de la fontaine du CouUet pendant que les
autres, entrant dans l'église, renversaient le tabernacle.
Les premiers vinrent ensuite et se rangèrent en haie
devant cette même église. Alors les catholiques, retran-
chés dans la maison Chamberlhac, firent feu sur eux
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 67
d'une petite fenêtre, en tuèrent ou blessèrent une quin-
zaine et mirent le reste en fuite. Deux heures après ,
quelques autres bourgeois catholiques ayant voulu faire
leur jonction avec leurs coreligionnaires et étant arrivés
devant l'église, ces derniers, qui étaient encore dans la
maison Chamberlhac, ne les reconnurent point à cause
de la nuit, en tuèrent un et en blessèrent un autre
Cette même nuit, du 21 au 22 février, les camisards
se rendirent à Saint-Sauveur-de-Montagut, dont ils incen-
dièrent l'église, et allèrent coucher à Franchassis (paroisse
de Pranles), où ils passèrent le 22 et le 23. A Saint-Sau-
veur, ils cherchèrent partout le pasteur apostat Isaac
Meissonnier « pour se faire prêcher, » disaient-ils, mais
ce dernier s'était retiré prudemment à Bofîres, chez son
fils, et de là à Annonay.
Sans vouloir en aucune façon excuser les incendies
et les meurtres commis par les camisards et tout en les
blâmant sévèrement, il est juste de faire observer que,
dans le Vivarais comme partout ailleurs, les ecclésias-
tiques étaient les instigateurs attitrés de toutes les ri-
gueurs déployées contre les protestants, et que ceux-ci,
en les mettant à mort, croyaient user de justes repré-
sailles.
Cependant, le subdélégué Dumolard écrivit, le 20 fé-
vrier, à six heures du matin, à Bâville le soulèvement
des camisards du Vivarais. Julien, averti le 21 par le
maréchal Auguste de La Baume-Montrevel , un des
commandants militaires du Languedoc , partit de Saint-
Ambroix sur l'heure avec trois cents soldats du régi-
ment de Hainaut , cinquante miquelets et trente dra-
gons à cheval. Il était à Privas le 23 sans avoir dormi :
on ne l'attendait que le lendemain. Pour faire une diver-
sion, Cavalier passa la Cèze, le 21 au soir, espérant
obliger Julien à revenir sur ses pas ; mais il changea
68 HISTOIRE DES PROTESTANTS
de sentiment et la repassa la même nuit. Nous laissons
maintenant la plume à Julien qui a écrit une relation
détaillée de la bataille qu'il livra aux camisards.
(( J'ai l'honneur de vous apprendre, avec un sensible
plaisir, » dit-il à Montrevel, « l'heureuse rencontre que
je fis hier matin (23 février) au village de Franchassis,
paroisse de Pranles, d'une troupe d'environ cent cin-
quante camisards, commandés par un gaillard (Abraham
Charmasson) qui se fait appeler Cavalier et dont je vous
ai envoyé le portrait dans ma dernière lettre. Il avait
deux autres chefs sous lui, appelés Saint-Jean (Dortial)
et Decombes (Mercier). J'étais parti le matin à sept
heures de Privas avec les trois cents hommes du déta-
chement d'Hainaut, les trois compagnies de dragons
et autant de miquelets, et pour me rendre à Saint-Michel
[de Chabrillanoux], d'où M. de Monteil me mandait
que les rebelles étaient de ce côté-là et qu'il les cher-
chait avec sa compagnie de fusilliers et quelque bour-
geoisie. En chemin faisant, j-'eus avis [par Bouchet, de
Privas, et M"® de La Cheysserie] que les rebelles
étaient depuis avant le jour dans le village de Fran-
chassis. D'abord, je tournai ma marche de ce côté-là,
dont je n'étais qu'à trois quarts de lieue. Je détachai
M. d'Hérouville avec deux cent cinquante soldats pour
marcher sur la route et s'avancer , afin de couper cette
canaille si elle prenait le parti de se jeter de ce côté-là.
J'envoyai sur la gauche M. de Saint-Sernin avec les
trois compagnies de dragons pour empêcher les rebelles
de se jeter du village dans un bois. Je ne retins avec
moi que la compagnie des grenadiers d'Hainaut avec
les trois compagnies de miquelets, faisant 75 [hommes],
pour attaquer ces malheureux par le front. Je mis les
miquelets à l'avant-garde , suivis à trente pas par les
grenadiers, afin que ces coquins, les voyant venir,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 69
crussent que c'était de la milice, parce qu'ils ne mar-
chent pas contre les troupes réglées et sont habillés
d'un gris qu'on peut prendre, de loin, pour des paysans.
Un petit rocher, à trois cents pas du village, couvrait
ma marche, et les rebelles ne s'en aperçurent que quand
ils virent paraître les miquelets. En descendant du dit
rocher , pour lors les drôles sortirent du village et
s'avancèrent impunément le long du chemin, à la faveur
pourtant d'une muraille qui régnait tout le long du che-
min et lui servait d'épaulement , d'où ils commencèrent
à tirer très maladroitement , puisqu'ils ne blessèrent
qu'un brigadier de mignons à travers la jambe. Ils
criaient insolemment : « Avance , avance ! » mais leur
bonne contenance ne dura guère lorsqu'ils reconnurent
les grenadiers qui suivaient de près les mignons. Pour
lors, cette canaille plia, mais trop tard pour eux puisque
les miquelets et les grenadiers les joignirent d'assez
près pour en laisser plus de soixante sur la place ,
parmi lesquels on assure être un des chefs, ayant trouvé
son épée nue et son chapeau [de castor] bordé d'ar-
gent [avec un plumet blanc]. Le reste de cette maudite
troupe fut suivi bien vivement pendant trois heures dans
les rochers et vallons par les miquelets et les grenadiers,
qui en massacrèrent une partie avec sept ou huit fem-
mes, lesquelles, mêlées parmi les perfides, fuyaient
avec eux... J'ai donné ordre qu'on cherchât partout
avec soin les blessés. »
Cinq jours après, le 28, Julien écrivait qu'on avait
pris quatre à cinq blessés qui n'avaient voulu faire
aucune révélation. Le dernier pourtant, Simon Vésian ,
homme marié, de Lyas, assura qu'il n'avait reconnu qu'un
paysan de Saint-Maurice-en-Chalencon et un autre
d'Ajoux ; mais il ajouta qu'il y avait dans la troupe dix
hommes de Gluiras dont il ignorait les noms, cinquante
70 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Cévenols et cent cinquante Vivarois, et que Decombes
passait pour avoir été tué. Julien fit u casser la tête »
aux cinq blessés.
Le 4 mars, Julien écrivait encore que les camisards
avaient perdu plus de monde qu'il ne pensait, puisque
les paysans avaient enterré cent trente cinq hommes ,
sans parler d'une douzaine de femmes.
Pour châtier les hameaux de Franchassis et de Las-
sagne, qui avaient donné asile aux révoltés, Julien, au
retour de sa poursuite , donna l'ordre de massacrer
tous les habitants sans distinction d'âge ni de qualité ,
ni même, paraît-il, de religion, puisque quelques catho-
liques furent tués. Vingt personnes seulement eurent la
vie sauve dans cette boucherie. C'étaient des enfants
pour la plupart. Le hameau de Chazalet fut aussi pillé,
et cinq personnes y périrent. Mêmes scènes de violence
à Maléon , où deux hommes furent mis à mort, et au
Bouchet, où un nommé Lassagne eut sa belle-mère
massacrée. Franchassis fut traité durement. Après
l'avoir fait incendier, Julien réunit une centaine de
pionniers, maçons et autres ouvriers, pour abattre les
voûtes , caves et murs des maisons qui avaient été
épargnées par le feu.
Cet officier , qui donnait pour raison de ses inhuma-
nités que les habitants de ces divers lieux ne l'avaient
point averti de la présence des camisards , fit ensuite
publier une ordonnance portant que les communautés
qui ne l'informeraient pas immédiatement de la présence
des rebelles, seraient châtiées avec la même rigueur que
Franchassis. Le 28, il écrivit (i) à toutes les commu-
(1) Montrevel fut choqué de cette lettre, qu'il prit pour une ordonnance
en règle, et également de ce que Julien avait fait passer par les armes, sans
autorisation, deux soldats qui avaient contrefait les camisards et volé dans
une maison. Le commandant militaire des Cévennes et du Vivarais fondait
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 7I
nautés des Boutières, dont les églises avaient été incen-
diées par les camisards , du 19 au 24 février, d'avoir à
les faire reconstruire aux frais des nouveaux convertis,
déclarant, dit Court, que « les prêtres , en outre , de-
vaient être en sûreté dans l'étendue des paroisses, tant
le jour que la nuit ; que la vie et la tête de tous les nou-
veaux convertis de chaque communauté lui répondraient
de celle de leur curé ; qu'il mettait au même prix la con-
servation des églises, et que, s'il y en avait quelqu'une
de profanée ou de brûlée, les nouveaux convertis de la
paroisse seraient exécutés sans miséricorde. Il ajoutait
que cette sorte de représailles paraîtrait aux autres, de
même qu'à lui, trop dure et trop violente, mais il la jus-
tifiait par la raison qu'il n\ avait pas des expédients plus
sûrs que celui-là pour arrêter le cours de ces perfidies
et de ces abominations. »
Julien cantonna ensuite ses troupes , celles du pays
et les trois bataillons de Suisses, qui étaient arrivées au
Puy le 20 et le 22, dans les lieux du Vivarais qui lui
parurent les plus suspects ; visita tous les ports du
Rhône, depuis Serrières ; et, le 18 avril, étant à Valence,
demanda un congé de deux ou trois mois , afin de faire
« des remèdes, » dit-il, « pour mon estomac et ma poi-
trine (i). »
son droit sur le brevet original du roi , qui lui avait confié ce poste. Mont-
revel ne l'entendait pas ainsi. Il écrivit, le lo avril, au ministre , que Julien
mériterait d'être puni, et qu'il espérait que le roi maintiendrait la subordina-
tion, « d'une manière, » disait-il, « qui apprenne à un petit monsieur de cette
espèce, qui conserve encore les principes qu'il a pris chez les barbets, que
l'on ne doit pas s'écarter de son devoir au point qu'il l'a fait à mon égard.
Il s'était oublié déjà en .'"autres occasions que je lui avais passées par
bonté. » Si Montrevel ne l'a pas puni, c'est pour ne pas affaiblir son autorité
vis-à-vis des protestants.
(i) Un épisode de Vhistoire, clc. Louvreleuil, t. II, p. 152-139. Brueys,
t. II, p. 250-252. Court, Hist. des troubles, t. II, p. 282-285. Mémoire
d'Ebruy (ms.). Arch. de l'Hérault, c. 155, 259. Dourille, p. 418-420. Arcki-
72 HISTOIRE DES PROTESTANTS
ASSEMBLÉES DE JOUR. CONDAMNATIONS. SECOND MOU-
VEMENT CAMISARD EN VIVARAIS. COMBATS DE GILHOC,
SAINT-FORTUNAT, LEYRISSE (17O4-I709).
A dater de cette époque, et jusqu'en 1709 , les pro-
testants du Vivarais furent relativement peu inquiétés ,
grâce à la guerre de la succession d'Espagne, qui
absorbait les soins de la Cour , et nécessitait l'emploi
de toutes ses forces militaires. « Nous faisions, » dit le
proposant Ebruy, « des assemblées de deux, trois, qua-
tre cents personnes de plein jour, quoique nous ne lais-
sassions pas d'user de prudence autant qu'il dépendait
de nous... Nos ennemis n'ignoraient pas nos assem-
blées. » Le célèbre prédicateur Pierre Carrière dit Cor-
teiz , parlant des succès d' Ebruy , disait, dans ses Mé-
moires, qu'il a faisait des progrès admirables. »
Mais, quoiqu'on laissât une certaine tranquillité aux
protestants du Vivarais, plusieurs d'entre eux furent con-
damnés aux galères, et même à mort, pour fait d'assem-
blées, de 1704 à 1709 (Voy. Pièces justificatives,
n*> XIII). Nous rapporterons un jugement de 1708, qui
a été retrouvé.
Les « commissaires du présidial de Nîmes , députés
* par le roi pour l'administration de la justice au pays de
Vivarais , jugeant en dernier ressort , » et présidés par
Novy, déclarèrent Jean Beauthias , Pierre Fourbonne
et Matthieu Suel, dûment convaincus d'avoir assisté à
diverses assemblées , et Susanne Charrier dite Randi-
gonne , d'y avoir également assisté et d'en avoir con-
voqué ; et condamnèrent les deux premiers aux galères
perpétuelles, le troisième à trois ans de la même peine,
ves du ministère de la guerre, n"^ 1706, 1798, 1799 (ms.). La Baume, Re-
lalion historique, p. 261, 262.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 73
et à une amende de loo livres; la dernière à être rasée
et enfermée sa vie durant à la tour de Constance, et sa
maison à être démolie jusqu'aux fondements. Les biens
de tous furent confisqués , distraction faite de la troi-
sième partie pour les femmes et les enfants, et les frais
du procès (23 juillet 1708) (i).
L'œuvre de relèvement à laquelle Ebruy se livrait
avec zèle fut malheureusement arrêtée par le nouveau
mouvement camisard de 1709, qui eut exclusivement le
Vivarais pour théâtre. Ses chefs étaient trois fameux
camisards , Daniel Gui dit Billard , qui avait été lieute-
nant-colonel de Cavalier et son confident, Dupont,
son secrétaire, tous les deux de Nîmes, et le vision-
naire ou prophète Abraham Mazel, ancien brigadier de
l'armée camisarde , natif de Faugères, paroisse de
Saint-Jean-de-Gardonnenque , connu surtout sous son
prénom d'Abraham. Réfugiés en Hollande après la
soumission de Cavalier, ils partirent pour la France à
la suggestion du marquis de Miremont et de Cavalier
lui-même, qui se proposait de les suivre, si l'Angleterre
et la Hollande, en guerre avec la France, lui en four-
nissaient les moyens. A leur passage à Genève, ils re-
çurent trente et un louis d'or de leur confrère Atgier
dit Lavalette , qui leur procura également un guide ,
nommé Antoine Sallier, ancien prédicateur du Vivarais
(voy. page 23), réfugié à Lausanne.
Partis de Carouge, près Genève, le 2O mars à onze
heures du soir, ils passèrent par Chambéry et Les
Echelles. Arrivés à Beaumont, près Valence, Billard
eut quelques mouvements exstatiques et dit à Sallier :
« Frère, dans ce lieu il y a des gens de guerre, et n'y
(ly Ch. Sagnier, La tour de Conslance , p. 101-105. Arch. de la coui
d'appel de Nîmes, Sentences criminelles, liasse 9.
74 HISTOIRE DES PROTESTANTS
ferait pas bon pour nous. » Sallier, étant entré dans le
bourg malgré cet avertissement , et y ayant vu en effet
des soldats , conduisit les trois camisards au grand
Chiron , mais non sans leur avoir exprimé la crainte de
rencontrer également des soldats dans ce lieu. Billard
l'ayant assuré du contraire , ils s'y rendirent et furent
bien reçus par un protestant nommé Gensel. Sallier
alla ensuite à Valence pour s'enquérir des moyens de
faire traverser le Rhône à ses compagnons. Après bien
des difficultés, il trouva un nommé La Baume, protes-
tant des environs de Vernoux, qui était garde aux Gran-
ges de Valence, et qui consentit à embarquer, pour un
louis d'or, les quatre voyageurs. Un grand vent heureu-
sement souffla , qui obligea les gardes de la rive droite
du fleuve à quitter leur poste, et la barque aborda sans
encombre en Vivarais. Les camisards , armés de pisto-
lets et de cannes à épée, étaient bien résolus, d'ailleurs,
à se défaire de ces gardes, s'ils se fussent opposés à
leur passage. A l'exception d'Abraham, ils étaient bien
mis, habillés en officiers, avec chapeau bordé, canne et
montre.
« (i) Arrivés en Vivarais, ils s'adressèrent à Jean-
Paul Ebruy dit Jean-Paul, le prédicant le plus renommé
dans ce temps-là de ces contrées. Ils s'ouvrirent à lui
de leur dessein , dans l'espérance non seulement qu'ils
l'approuveraient, mais encore qu'il aiderait efficacement
à son exécution. Ils se trompèrent. Le prédicant, qui
n'osa pas leur dire tout ce qu'il pensait, les assura
néanmoins qu'ils ne réussiraient pas ; qu'ils ne sauraient
subsister dans le pays faute de vivres, et qu'ils trouve-
raient peu de personnes qui voulussent les suivre et
(i) A partir de ce paragraphe, tout ce qui est entre guillemets est extrait
textuellement de l'Histoire des troubles, de Court.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 75
entrer dans leurs vues. » Ils cherchèrent aussi à s'abou-
cher avec Dortial l'un des chefs du mouvement de
1704, mais il ne paraît pas qu'ils aient pu le rencontrer.
Quant à Ebruy , ne voulant pas être témoin des désor-
dres qui allaient survenir , non plus qu'être impliqué
dans le mouvement, il se retira à Genève.
« Ces raisons ou quelques autres leur firent prendre
le chemin des Cévennes , mais en traversant Vais , lieu
renommé par ses eaux minérales , ils y trouvèrent le
nommé Justet, qui suspendit leur marche. Justet était
un paysan de Vais, mais homme brave, qui avait du
service, qui souffrait avec impatience les mauvais traite-
ments qu'on exerçait depuis tant d'années contre les
protestants , et qui soupirait avec ardeur dans le réta-
blissement de leurs anciens privilèges. Il ne fut pas
plus tôt informé du dessein qui avait ramené les cami-
sards en France, qu'il l'approuva et qu'il promit de les
seconder de tout son pouvoir, et d'avoir bientôt nombre
de jeunes gens à ses ordres , pleins de courage et de
bonne volonté.
» Ils convinrent aussitôt ensemble de tout ce qui leur
parut propre à favoriser l'entreprise. Ils n'avaient ni
armes ni munitions, et se trouvaient dans l'impossibilité
presque totale de se procurer des vivres, la rigueur de
l'hiver ayant fait périr les blés; mais, pleins de con-
fiance à la Providence , dans la justice de leur cause et
dans le secours qu'ils attendaient des pays étrangers ,
ils osèrent se flatter de surmonter tous ces obstacles,
quelque difficile que cela leur parut à eux-mêmes. Ils
espérèrent de trouver des armes et des munitions dans
quelques châteaux , où ils crurent pouvoir pénétrer , et
par celles-ci d'en avoir bientôt d'autres en désarmant
les troupes qui oseraient les attaquer, ou en rempor-
tant sur elles des victoires complètes. A l'égard des
76 HISTOIRE DES PROTESTANTS
vivres, ils comptèrent beaucoup sur la frugalité de ceux
qui se. joindraient à eux pour une si bonne cause ,
sur les provisions qu'ils pourraient enlever aux trou-
pes , et sur l'argent qu'ils recevraient des pays étran-
gers , et qui les mettrait en état d'en acheter à haut
prix.
» Ils jugèrent de plus qu'il était absolument néces-
saire de faire soulever les Cévennes , en même temps
que le Vivarais , et qu'il fallait par conséquent envoyer
des exprés à [Barthélémy] Claris, [de Quissac, ancien
prophète de Cavalier] , et à ce petit nombre de cami-
sards qui s'y tenaient cachés depuis les supplices de
Ravanel et de Catinat. L'on chargea de la commission
deux filles prédicantes et prophétesses, nommées Marie
Désubas et Elisabeth Catalon. »
Ces décisions prises, Billard, en compagnie de Du-
pont et d'Abraham, parcourut le bas Vivarais pour son-
der les esprits et y faire des enrôlements. « J'y ai
trouvé de bonnes âmes, » écrivit-il à Atgier, à la date du
i8 avril. « La jeunesse me paraît toute de feu pour se-
couer le joug. Je vais dans le haut Vivarais , et si je
trouve là les mêmes dispositions que dans le bas, je
ne manquerai pas d'en profiter , d'y assembler la jeu-
nesse et tous les bien intentionnés. J'en ai déjà une
centaine de prêts au premier signal... Si les puissances
protestantes nous envoient de l'argent, les choses réus-
siront bien mieux, car je pourrai armer facilement les
bien intentionnés, au lieu que je serai contraint de faire
désarmer les anciens catholiques, ce qui serait pour
nous un surcroît d'ennemis. Ainsi, je suis persuadé que
vous ferez sentir aux personnes qui veulent nous aider,
le bien qu'un peu d'argent produirait si on nous l'en-
voyait. Les papistes seront les premiers à se déclarer,
et tel qui aurait envie de nous vendre nous recevra
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 77
chez lui si nous lui payons ce qu^il faudra pour notre
subsistance. »
« Justet amena aux trois chefs camisards trente jeu-
nes gens pleins de bonne volonté, tous de la paroisse
de Vais, et que la faim, autant que leur zèle pour la re-
ligion, avait fait sortir de leurs chaumières. Tous en-
semble ils parcoururent Les Boutières. Leur premier
exploit fut de se défaire, vers la fin de mai, d'un gentil-
homme nommé de Vocance de La Tour [lieutenant-
colonel] , qui , à la tête des milices ou des compagnies
franches , avait, souvent massacré les protestants dans
leurs assemblées , et leur avait fait beaucoup de mal
dans diverses occasions. Ils lui dressèrent une embus-
cade [au bois de Vauzet], au retour de la foire de Mé-
zilhac, et le tuèrent avec un protestant nommé du Bay,
qui se mettait en devoir de le défendre. »
Ce meurtre fut le signal du soulèvement et les auto-
rités ne doutèrent point qu'il ne fût venu dans le
Vivarais des émissaires étrangers pour pousser les pro-
testants à la révolte , d'autant mieux que deux lettres
des II et 12 avril , qui furent interceptées , faisaient
allusion à la rentrée en France de trois chefs camisards.
L'une d'elles était de Cavalier lui-même.
Le duc de Roquelaure (i), qui commandait en Lan-
guedoc , et Bâville prirent aussitôt leurs mesures pour
qu'on gardât soigneusement toutes les issues de la
province , mais ce fut trop tard et la position devenait
critique. La guerre de la succession d'Espagne, qui
avait déjà coûté un grand nombre d'hommes à la France,
allait recommencer. La famine, conséquence d'un hiver
rigoureux, sévissait cruellement; les finances de l'Etat
étaient épuisées et le Languedoc avait seulement pour
(i) Ses prénoms étaient Antoine-Gaston-Jean-Baptiste,
jS HISTOIRE DES PROTESTANTS
se défendre le régiment de dragons de cette province,
deux compagnies d'Irlandais et quelques mauvaises mi-
lices , et le Vivarais , trois compagnies suisses mal
payées, qui commençaient à déserter, et le régiment de
Boulay.
« Après le meurtre de M. de Vocance , les cami-
sards s'allèrent cacher dans un protond ruisseau, bordé
de toutes parts de rochers et de précipices au-dessous
d'une maison, nommée le Mounet. De là ils s'en furent
au bout de quelques jours du côté de Grozon [pa-
roisse de Saint-Barthélemy-le-Pin] , enlever les armes
du château de Boze appartenant au marquis de Brizon.
Ils s'y munirent de plusieurs armes offensives : fusils,
pistolets, hallebardes ; de poudre et de plomb.
» Ils se retirèrent ensuite dans une maison , nommée
Tachaix [paroisse de Gilhoc]. On s'aperçut de leur
marche et on avertit De Rapine , qui commandait un
détachement de Suisses à Vernoux. Il se mit aussitôt en
mouvement pour leur donner la chasse. H y a appa-
rence que les Suisses l'eussent laissé passer tranquille-
ment si un soldat de son avant-garde ne se fût avisé de
vouloir entrer dans la maison où ils étaient cachés. Ils
en sortirent si brusquement et avec tant de résolution
que Rapine et le corps de troupes qu'il commandait ,
étourdis et consternés , ne pensèrent qu'à la fuite. Ils
furent poursuivis par les camisards près d'une heure et
jusqu'au village de Gilhoc, où l'officier prudent se re-
trancha derrière des murailles, dans l'église et dans le
clocher. C'est de là qu'il commença à faire feu , mais
sans succès. » Brueys ajoute que le chef de la troupe
camisarde était vêtu de bleu , avec une plume au cha-
peau de même couleur , et qu'il n'avait qu'un pistolet à
la main.
Cette action eut lieu le 1 1 juin, et, quoiqu'elle fût à
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 79
leur avantage , elle les obligea à sortir de leur réserve
et à montrer le petit nombre d'hommes dont ils dispo-
saient. D'autre part , l'insuccès de leur mission auprès
de Claris déconcerta leur plan. Mais ils ne se décou-
ragèrent pas pour cela ; et , le jour même de leur vic-
toire, ils publièrent un manifeste, daté du 12 mai et si-
gné Abraham , où , accusant le clergé romain d'avoir
causé la ruine du royaume et dépouillé les protestants
de tous leurs privilèges , ils déclaraient prendre les ar-
mes pour les revendiquer, promettaient aux catholiques
et à tous autres sectateurs de religion de ne leur faire
aucun tort, s'ils ne prenaient pas les armes contre eux,
et ordonnaient aux prêtres de s'éloigner sous peine de
mort. Ils ajoutaient dans la partie politique du manifeste
qu'ils ne voulaient point se soustraire à l'obéissance
due au roi et refuser de payer la taille, mais seulement
se décharger « des impôts nouveaux dont ils étaient
accablés , invitant les catholiques de se joindre à eux
pour le même sujet. » D'Aigrefeuille dit que c'est
à la suggestion de Heinsius , grand pensionnaire de
Hollande, qu'ils insérèrent cet article dans leur mani-
feste.
<( Après l'affaire de Gilhoc , Courten , qui comman-
dait en chef les bataillons suisses , dépêcha un courrier
au duc de Roquelaure pour l'avertir de ce soulèvement,
et Du Molard, subdélégué de Bâville, dans ce pays-là,
donna à cet intendant les mêmes avis et lui envoya
l'écrit que je viens de rapporter.
» A cette nouvelle, qui parut de la dernière consé-
quence, De Roquelaure et Bâville formèrent le dessein
de se rendre en personne dans le Vivarais pour y
étouffer le mal dès sa naissance. Un soldat, qui avait
été pris par les camisards et renvoyé par eux sans au-
cun mal, accrédita le bruit, qui courait déjà, que Gava-
8o HISTOIRE DES PROTESTANTS
lier était le chef de la troupe. Il assurait lui avoir parlé
et en faisait un portrait assez ressemblant. »
Bâville et Roquelaure partirent pour le Vivarais le
15 juin (i), et ce dernier écrivit au duc de Berwick ,
commandant en Dauphiné, de lui envoyer au plutôt des
troupes.
« Cependant rien ne résistait aux camisards. Il
n'était point de détachement ou de corps de troupes ,
quelque nombreux qu'ils fussent, qu'ils ne missent en
fuite. Courten, colonel des Suisses, les attaqua du côté
de Saint-Fortunat. Il fut reçu avec tant de bravoure
qu'il fut aussitôt mis en fuite , et il eut bien de la peine
à sauver les débris de sa troupe dans Saint-Fortunat, 011
il se retira en désordre. » Abraham, toutefois, reçut
trois blessures et passa même pour mort dans le camp
catholique.
Quelques jours après, le même colonel, à la tête d'un
corps de troupes plus considérable que le précédent ,
les attaqua de nouveau à Issamoulenc, du côté de
Saint-Pierreville , mais sa défaite fut encore plus com-
plète que la première fois. Il disposait pourtant de près
de trois cents hommes , tandis que les camisards
n'étaient pas quatre-vingts. Il perdit deux officiers de
mérite, le capitaine suisse Muller et le colonel Massil-
lan, de Baix. Après leur victoire, les camisards se ren-
dirent dans le haut Vivarais et tinrent une assemblée
religieuse en vue de Vernoux sans être attaqués (2).
(1) D'Aigrefeuille dit le 17.
(2) Bâville, dans une lettre à Loiivois, explique l'avantage des camisards
par le fait que les Suisses de la compagnie colonelle de Hesse et de la com-
pagnie franche de même nationalité refusèrent « de tirer un seul coup contre
les rebelles. » Ce fait est confirmé par des documents relatifs à la famille de
Joviac, où il est encore dit que les camisards étaient postés au haut de la
montagne de Clachau, et que la bataille eut lieu près du petit village de Cla-
basie. Jacques d'Illaire, sieur de Joviac, le petit-fils du controversiste de ce
nom, rallia un bon nombre de fuyards ^Communication de IVI. Mazon).
DU VIVARAIS ET DU VELAY, 8l
Le duc de Roquelaure , en attendant le secours du
duc de Berwick, « parcourut en diligence avec Bâville
toutes les communautés du pays , leur dénonçant que ,
si elles fournissaient des vivres aux attroupés , il les fe-
rait punir avec la dernière sévérité. Il se fit donner les
noms de tous les jeunes gens qui avaient quitté leurs
maisons pour se joindre à eux , parla lui-même à leurs
parents et leur déclara que, s'ils n'obligeaient leurs en-
fants à revenir et à rapporter leurs armes, il s'en pren-
drait à eux. A l'égard de la noblesse huguenote , il ne
fut pas nécessaire de l'exhorter à faire son devoir.
Brueys lui rend ce témoignage qu'on ne saurait jamais
assez louer le zèle qu'elle témoigna dans cette occasion
pour le service du roi.
« Ces précautions étaient d'autant plus nécessaires
qu'on avait craint que les catholiques, flattés de l'exemp-
tion des impôts, n'augmentassent le nombre des rebel-
les. Pour l'empêcher, le duc de Roquelaure et Bâville
leur adressèrent dans tous les lieux de leur passage les
exhortations les plus vives et les plus pressantes à de-
meurer fermes dans leur devoir. Ces exhortations furent
efficaces parce que ceux qui auraient voulu se déclarer
n'en eurent pas le temps.
w Les troupes arrivaient de tous côtés et bientôt tout
le pays en fut rempli. Lorsque le duc en eut suffisam-
ment , il se mit en campagne. L'on vit alors une petite
armée, composée de plus de six cents hommes, ayant
à leur tête des généraux , des officiers de marque , un
intendant et toute la noblesse du pays , aller à la quête
d'une soixantaine de gueux... , la plupart sans armes et
sans autres munitions que celles qu'ils avaient trouvées
parmi les dépouilles des soldats qu'ils avaient déjà tués.
» On apprit qu'ils étaient le 8 de juillet sur la monta-
gne d'isserlets, près de Vernoux , où s'étaient assem-
II. 6
82 HISTOIRE DES PROTESTANTS
blés quelques protestants du voisinage pour assister à
un exercice de religion qu'il y eut ce jour-là. On ap-
prit, de plus, que leurs chefs avaient hautement déclaré
qu'ils y voulaient attendre les troupes et qu'ils avaient
eu l'insolence d'envoyer ordre à tous les curés des en-
virons de sortir de leurs paroisses sur peine de la vie.
» Il y eut aussitôt un conseil de guerre. On y décida
d'aller attaquer les camisards sur cette montagne par
trois endroits différents. Le chevalier de Miroménil ,
avec deux bataillons du régiment de Quercy , dont il
était colonel, eut ordre de marcher à Vernoux, le régi-
ment de dragons du Languedoc à Saint-Julien [le Roux],
et le duc de Roquelaure, avec le reste de la petite ar-
mée , se rendit du côté du Cheylard et de Gluiras. »
Dumolard fut adjoint à Miroménil par Bâville à cause
de sa connaissance des lieux.
« Les mécontents ne tardèrent pas d'être informés de
ces mouvements et de cette résolution ; et, comme il y
avait ce jour-là parmi eux grand nombre de femmes et
d'enfants qui étaient venus assister à leurs dévotions ,
ils ne voulurent pas les exposer au combat en les rete-
nant, ni au danger d'être arrêtés par les troupes en leur
donnant congé. Ils abandonnèrent donc cette monta-
gne et escortèrent jusqu'en lieu de sûreté cette colonne
désarmée de femmes et d'enfants. Ils se retirèrent en-
suite sur la cime de la montagne de Leyrisse , qui est
très haute, et au pied de laquelle coule la petite rivière
de Bresson. »
Miroménil, à la tête de ses deux bataillons du régi-
ment de Quercy, les rejoignit à six heures du soir près
du lieu de Barjac, à un quart de lieue de Fauriel , au
pied de la montagne de Leyrisse [paroisse de Saint-
Didier-de-Crussol] , et commença à monter par leur
droite pour les attaquer. Dès que les camisards Taper-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 83
curent ils firent un mouvement comme pour se jeter
dans un bois de l'autre côté de la montagne , puis ils
reprirent leur première position et se rangèrent en ba-
taille au chant des psaumes. Impatients de se mesurer
avec les troupes royales , ils s'approchèrent d'elles de
dix pas et , mettant un genou en terre , ils déchargèrent
sur elles leurs armes. Les soldats royaux se rompirent
après cette brusque attaque, mais, ralliés par Miromé-
nil , ils coururent sus aux camisards, la baïonnette au
bout du fusil , et tuèrent tous ceux qu'ils purent at-
teindre , mais non sans éprouver une vive résistance de
la part de ces derniers , qui se défendirent avec leurs
épées , leurs faux et même avec des pierres. Justet, de
Vais , accomplit à cette occasion des prodiges de va-
leur. Il perça plusieurs rangs de soldats pour se saisir
d'un drapeau porté par un officier qu'il blessa, fit mor-
dre la poussière à tous ceux qui voulurent s^opposer à
son retour au milieu des siens , et, en dernier lieu, se
voyant serré de près par deux grenadiers, qui ne lui
laissaient pas le temps de ramasser des pierres , il les
saisit par les cheveux et , comme il était doué d'une
force herculéenne, il les heurta si violemment l'un contre
l'autre qu'il les assomma; mais, enveloppé de toute
part, il tomba, percé de plusieurs coups, sur le corps
des deux grenadiers qu'il avait tués. Miroménil lui-même
fut blessé à la tête d'un coup de pierre et eut le bras
fracassé par une balle de fusil. Il perdit deux capitai-
nes de grenadiers et trente soldats. D'autre part, il eut
cinq ou six officiers blessés et des soldats en propor-
tion. Du côté des camisards, outre Justet et Dupont
qui périrent, on compta une trentaine de morts. Abra-
ham , blessé antérieurement, comme on l'a vu , n'assista
à ce combat que de loin du sommet d'une montagne
avec vingt hommes qui lui servaient d'escorte. C'était
84 HISTOIRE DES PROTESTANTS
le 8 juillet. Le corps de Dupont fut exposé sur une
roue, près de Vernoux, et livré à toutes sortes d'outra-
o-es. Dans la suite on planta dans ce lieu une croix qui
reçut le nom de croix de Billard.
FIN DE LA LUTTE. BATAILLE DE FONT-RÉAL (19 JUIL-
LET 1709).
(( On fut plusieurs jours sans avoir de nouvelles cer-
taines du reste des camisards. On apprit seulement
qu'ils avaient paru du côté de Pierregourde [paroisse
de Gilhac] ; qu'ils avaient passé dans la nuit la rivière de
l'Erieux au nombre de soixante; que Monteil, gentil-
homme de ce canton, qui commandait une compagnie
franche avec un détachement de deux cents hommes ,
était après eux au Pont-des-Ollières et qu'il espérait les
joindre incessamment.
» Sur cet avis , le duc de Roquelaure marcha à Pri-
vas et, dans la supposition que le dessein des cami-
sards était de se rapprocher des Boutières, il disposa
les troupes de manière qu'ils ne pussent le faire sans
qu'on tombât sur eux. Mais, dans le temps que ce géné-
ral faisait ces dispositions , il apprit que ceux qui en
étaient l'objet avaient repassé la rivière de l'Erieux et
s'étaient rejetés dans le bois de Pierregourde, d'oij ils
étaient allés se poster de nouveau au sud de la monta-
gne de Leyrisse. Alors ce général fit marcher de ce
côté-là toutes ses forces par quatre différents endroits
avec ordre de ne laisser dans leur marche ni bois, ni
cavernes , ni hameaux , sans les fouiller avec la der-
nière exactitude. Tous ces mouvements furent inutiles.
On ne put apprendre ce qu'étaient devenus ceux que
l'on cherchait avec tant de soins. L'on sut seulement,
par un homme qui les avait quittés, qu'ils étaient réduits
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 8^
à la dernière nécessité parce que les habitants du pays,
qui, jusque-là, malgré leur misère , s'étaient retranché
de leur subsistance pour les nourrir, ne voulaient plus
leur fournir des vivres; que néanmoins ils protestaient
qu'ils combattraient jusqu'à la dernière goutte de leur
sang et qu'ils étaient dans l'attente de quelque secours
qui devait bientôt arriver. »
Ces renseignements, surtout les derniers, ayant
donné de l'inquiétude à Roquelaure et à Bâville, ils de-
mandèrent des galères à la cour pour la défense des
côtes du Languedoc, prièrent les officiers qui com-
mandaient en Dauphiné de veiller avec un grand soin
sur les passages du Rhône jusqu'à Lyon, et décidèrent
de prendre toutes les mesures nécessaires pour écraser
le reste des camisards.
Ces derniers , comme l'avait dit le transfuge, étaient
en effet dans la situation la plus misérable. « Pressés
par la faim qui les poursuivait partout , et talonnés par
les troupes qui ne leur laissaient pas le temps de res-
pirer, ils couraient de montagne en montagne et de
bois en bois par des pays horribles. Réduits à un très
petit nombre, mal armés et sans munitions, toujours
relancés par des corps nombreux qui leur offraient,
pour le moins, cinquante hommes contre un, ils
n'osaient, quelque grand que fût leur courage, en venir
à une nouvelle action. Ils y furent forcés néanmoins le
19 de juillet...
» Courten , qui commandait à Vernoux , eut avis
qu'ils avaient paru le i8 vers Saint-Agrève. Il en informa
aussitôt le duc de Roquelaure , qui marcha d'abord du
côté des Boutièrci pour défendre le pays qui lui parais-
sait le plus exposé ; et, par son ordre, Cheviré partit de
Vernoux avec 1 50 dragons à pied du régiment de Lan-
guedoc , dont il était lieutenant-colonel , 3 compagnies
86 HISTOIRE DES PROTESTANTS
à cheval du régiment de dragons de Châtillon, les com-
pagnies irlandaises du S"" Cote, loo grenadiers, et d'au-
tres troupes pour aller chercher cette poignée de cami-
sards.
» Il les joignit à Font-Réal , proche de Chalencon,
dans la paroisse de Saint-Jean-Chambre, le 19, à trois
heures après-midi. Brueys assure qu'ils voulurent
d'abord se retirer et éviter d'en venir aux mains, que
Cheviré avait si bien pris ses mesures qu'ils furent obli-
gés de se battre... Ils le firent avec un courage qui
étonna plus d'une fois leurs ennemis ; et, s'ils n'avaient
eu le malheur de se laisser envelopper de toutes parts,
ils auraient encore donné bien de la peine. Après un
combat des plus opiniâtres et de plusieurs heures , ils
furent mis en déroute et dispersés. Leur défaite coûta
cher aux troupes. D'Argentine , qui commandait les
dragons à cheval , fut tué de la première décharge ;
plusieurs autres officiers le furent aux suivantes. Un
plus grand nombre furent blessés , et il resta beaucoup
de dragons et de soldats sur le champ de combat...
» La dispersion des camisards leur fut fatale. Plu-
sieurs furent arrêtés et conduits au dernier supplice. Un
plus grand nombre de personnes eurent le même sort
pour avoir été accusées d'avoir été parmi eux ou de les
avoir assistés. Il y en eut ainsi une quarantaine qu'on
exécuta les jours de marché dans les principaux lieux
du Vivarais, » savoir à Privas, Saint-Pierreville , Le
Cheylard, Saint-Agrève et Vernoux. « Le lieu de Ver-
noux, » dit Corteiz, « était tout environné des cadavres
de la jeunesse qu'on y avait pendue ou rouée (i). »
(i) Bâville, dans une lettre à Louvois , dit que cinquante camisards restè-
rent morts sur place, qu'on en fit douze prisonniers qui furent pendus (l'in-
tendant ne parle sans doute que des camisards proprement dits), et que dix
seulement purent échapper.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 87
Quelques autres, moins coupables, furent envoyés aux
galères. On rasa plusieurs maisons qui avaient servi de
retraite aux camisards, notamment la maison appelée
Saint-Michel des-Vernes , qui appartenait à un nommé
David de Saint-André, beau-frère du prédicateur Ebruy,
et la grange même de David; mais ce fut surtout la
paroisse de Vais qui eut à souffrir de ces démoli-
tions , « parce que c'était dans son sein que le mou-
vement avait pris naissance. Les malheureux pro-
testants de cette infortunée paroisse furent contraints
de recevoir chez eux des garnisons à discrétion ,
qui, en peu de temps, les réduisirent à la dernière
misère. »
Billard et Abraham, blessés tous les deux, se réfugiè-
rent dans une maison appelée Vers Fonbonne, paroisse
de Gilhoc , mais ils furent vendus par la fille même de
la maison, qui les dénonça au sieur Trollier. Ce der-
nier en informa les messieurs de Gilhoc, qui envoyè-
rent aussitôt contre eux des fusiliers. Poursuivi pen-
dant une demi-heure , Billard périt de la main d'un
nommé Suchier, de Vors, paroisse de Saint-Etienne-de-
Serres , et son cadavre fut exposé pendant longtemps
à Vernoux sur une roue. Quant à Abraham , il put
s'échapper, et gagna le Languedoc comme on va le
voir.
L'insurrection camisarde comprimée , Roquelaure et
Bâville retournèrent à Montpellier (28 juillet), mais non
sans avoir veillé à la sûreté du Vivarais, en mettant de
fortes garnisons à Saint-Agrève , Vernoux, Saint-Pier-
reville et Privas. Les dévastations causées dans cette
province par les camisards , et surtout par les troupes
royales, s'élevèrent à 107, 1 36 livres 18 sols. Meisson-
nier, qui n'est pas suspect, dit à ce propos : « Les ca-
misards ne faisaient aucun mal , sinon que prendre à
88 HISTOIRE DES PROTESTANTS
boire et à manger, mais les troupes du roi pillèrent
partout : ce que les commandants toléraient. »
DÉMARCHES FAITES A l'ÉTRANGER EN FAVEUR DES
CAMISARDS. FIN DE LEURS TROIS DERNIERS CHEFS
TENTATIVE AVORTÉE DE CHAMBON ET SON SUPPLICE
(1709-1 710).
Pendant que ces événements s'accomplissaient en
Vivarais, de mars à août 1709, les protecteurs des ca-
misards à l'étranger ne restaient pas inactifs. Dès que
Billard , Dupont et Abraham leur eurent fait connaître
leurs premiers succès, et représenté que leur entreprise,
si elle était soutenue, pourrait procurer une utile diver-
sion aux puissances alliées en guerre avec la France,
par le grand nombre de troupes et de milices qu'elle
tiendrait en échec, Gaspard de Perrinet, marquis d'Ar-
zelliers, qui était l'agent des puissances auprès des ca-
misards , en écrivit à Cardonnel, secrétaire de Malbo-
rough , qui faisait alors le siège de Tournay, en
Hainaut. Le général anglais fit répondre, le 22 juillet,
qu'il importait d'encourager les révoltés, et que, depuis
quelques jours, il avait écrit au grand trésorier d'An-
gleterre, milord Godolphin, pour qu'il leur envoyât l'ar-
gent nécessaire.
Wander-Meer , ministre de Hollande à la cour de
Turin, également instruit des événements par d' Arzelliers,
le pria, le 3 août, d'informer les mécontents que « l'ar-
mée alliée était entrée en Savoie..., qu'elle se préparait
à pénétrer plus avant dans le royaume de France;
qu'ainsi ils ne perdissent point courage, mais que plutôt
ils se pourvussent de vivres et se missent à couvert de
toute surprise, et qu'ils devaient être persuadés que les
alliés leur procureraient ce qu'ils souhaitaient. »
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 89
« Ils se donnaient du moins, » dit Court, « de grands
mouvements pour cela. Milord Townsend , ambassa-
deur d'Angleterre à La Haye, avait déjà ordre de
régler avec les états généraux les contributions conve-
nables pour secourir les mécontents. On les fixa , le
9 août, à 60,000 florins de Hollande, dont l'Angleterre
fournirait les deux tiers.
» Clignet en informa le même jour d'Arzelliers par un
billet de deux lignes , où la reine Anne était désignée
par le nom de Matthieu , dont Townsend était le
commis. Les gros arbres y désignaient les états géné-
raux. Le contingent de la reine devait se payer par des
lettres de change, que d'Arzelliers tirerait sur le cheva-
lier Jansen , et Clignet devait acquitter celles qu'il tire-
rait sur les états généraux.
» C'était trop tard. Les camisards, comme nous
l'avons vu , avaient été déjà entièrement défaits , et
n'étaient plus en état de tenir la campagne. »
L'année suivante, Jean-Jaques Chambon , âgé de
quarante-huit ans, bourgeois du Chambon, paroisse de
Gluiras , homme riche et fort zélé pour la religion , qui
était revenu de l'étranger, où son père l'avait conduit,
vingt-deux ans auparavant avec ses cinq frères (i), mé-
dita un nouveau soulèvement dans le Vivarais , pendant
que, de leur côté , Claris , le marchand Coste d'Uzès,
et Abraham, tentaient de ressusciter l'insurrection cami-
sarde en Languedoc. Ce dernier voulait, disait-il,
<( établir la liberté de l'Eglise réformée. » Ses révéla-
tions promettaient, à tous ceux auxquels il parlait, un
grand succès. N'ayant pas à raconter l'histoire des pro-
testants du Languedoc, nous nous bornerons à dire
qu'Abraham et Claris, qui avaient déjà gagné quinze
(i) L'un d'eux étudiait la théologie à Berne en vue du saint ministère.
90 HISTOIRE DES PROTESTANTS
jeunes gens à leurs idées , furent détournés momenta-
nément de leur dessein par des protestants de marque ,
à la suggestion de Corteiz, dont les discours n'avaient
eu aucune influence sur leur esprit. Abraham , décou-
ragé ou désabusé, proposa alors à Claris de quitter la
France avec lui, mais ce dernier n'y voulut point con-
sentir. Cela eût mieux valu pour tous les deux, car,
s'étant cachés dans une métairie de M® Laton, appelée
le Mas-de-Couteau, et située à un petit quart de lieue
d'Uzès, ils furent dénoncés par un de leurs confidents,
nommé Saussine , et enveloppés, le 17 octobre 1710,
par le capitaine Tourreil , des fusiliers de montagnes
de Roussillon. Abraham, découvert dans une retraite
dont l'ouverture était obstruée avec de la paille, et d'oii
il tira plusieurs coups de pistolet qui blessèrent le lieu-
tenant de la compagnie, fut tué sur les toits de la mai-
son où il s'était réfugié avec Coste , et se défendit
vaillamment. Coste périt avec lui. Quant à Claris, qui
voulut se sauver par une fenêtre, le pistolet au poing,
il se fit une blessure, fut arrêté, puis condamné à mort,
et expira sur la roue, à Montpellier, le 25 octobre sui-
vant, avec une constance héroïque. D'autre part, on
envoya la tête d'Abraham à Vernoux , où elle fut
exposée et brûlée publiquement.
Quant à Chambon, arrêté près de Saint-Pierreville ,
le 28 octobre, et interrogé par le subdélégué les 29 oc-
tobre, 1" et 3 novembre 1710, il fut condamné, dès le
13, par l'intendant du Languedoc, à être pendu et
étranglé à une potence sur l'Esplanade de Montpellier
et soumis auparavant à la question ordinaire et extraor-
dinaire , pour crime de lèse-majesté, intelligence avec
les ennemis de l'Etat, écritures et libelles séditieux ten-
dant à faire soulever les peuples, retraite et vivres don-
nés aux révoltés et attroupés , participation aux crimes
DU VIVARAIS ET DU VELAY. QI
d'Abraham , Claris et Coste et à leur dessein d'exciter
de nouveaux troubles en Vivarais. La sentence , qui
prononçait également la confiscation des biens de
Chambon, fut exécutée le même jour.
Jean-Pierre Salomon, âgé de vingt et un ans , ancien
sous-lieutenant du sieur de Lachau et natif de Fluizès ,
paroisse de Marcols, fut aussi arrêté parce qu'on trouva
une lettre de lui dans les papiers de Chambon , dont il
était le cousin. Dumolard l'interrogea le 3 1 octobre ,
mais nous ignorons ce qui lui advint (i).
RECRUDESCENCE DE l'iNSPIRATION (17O9).
La fin tragique des Camisards avait porté un rude
coup au protestantisme en Vivarais, aussi bien que dans
le reste du Languedoc. Leurs chefs et les inspirés les
plus marquants étaient morts , dispersés ou réfugiés à
l'étranger, les prédicants envoyés aux galères. « Peu à
peu cependant, » dit Edm. Hugues, « les choses avaient
repris leur cours naturel. Quelques femmes avaient été
les héroïnes de cette restauration. Quand tout parais-
sait désespéré, elles avaient pris en main la cause vain-
cue, et avec leur foi, leur dévouement, leur abnégation
et la puissance invincible de leurs espérances , elles
avaient résolu de la rendre victorieuse. Elles s'érigèrent
en prédicantes, elles tinrent au désert des assemblées,
et , dans ces mystérieuses réunions presque exclusive-
(i) Brueys, t. II, p. Ç09-Ç81, 654, 635. Court, Histoire des troubles, t. III,
p. 298-54.1, 590-595. Corteiz, Mémoires , p. 24-27. Corteiz, Relation, dans
Edm. Hugues, t. I, p. 450-45;. Bulletin, etc., t. II, p. 585; t. XXIII, p. 475.
Maniisc. Court, n"' 17, t. B. Mémoire d'Ebruy (ms.). Meissonnier, Mém.oi-
res (ms.), p. 85-88, 125-127. Frosterus, p. 152-175. Archiv. de l'Hérault, G,
190. D'Aigrefeuille, p. 511. Dourille, p. 424-428. L'Eglise libre du 27 avril
1885. Communication de M. Ferd. Teissier.
92 HISTOIRE DES PROTESTANTS
ment composées de femmes, elles ranimèrent les esprits
abattus, fortifièrent les volontés chancelantes. »
Parmi ces femmes courageuses nous citerons la veuve
Bancel , de Vallon ; Jeanne Balastière (ou Banastière) ,
des environs de Vernoux, qui parcourut le Vivarais, les
Cévennes et le bas Languedoc, et Isabeau, de Chalen-
con , qui furent faites prisonnières à Nîmes, oii elles
s'étaient rendues pour prêcher (1709); Marthe, catho-
lique convertie ; la Martine , Suzanne Rouge (ou
Bouge), la veuve Caton, la Claire, la Catin et la Marie,
à Vais (grange de Godon, aux Vignes) , et surtout Isa-
beau Dubois, courageuse et aimable jeune femme, dont
la réputation de sagesse et de modestie était grande et
qui exerçait un ascendant considérable sur tous ceux
qui l'écoutaient.
Elles donnèrent, les unes ou les autres, des prédica-
tions dans les environs de Villeneuve-de-Berg , à Val-
lon, à Vais et ailleurs. Le camisard Abraham, dont il a
été parlé longuement plus haut, Saint-Julien; un autre
camisard, Jean Rouvière , dit Crotte, de Blaizac (pa-
roisse d'Ajoux) , qui devint le collègue de Corteiz , as-
sistèrent à une des assemblées que Marthe présida à
Vallon à la fin de 1709 ou au commencement de 17 10.
« Ces femmes, » dit encore Edm. Hugues, « ne
se contentaient pas de prêcher, elles prophétisaient...
Elles étaient les héritières des prophètes camisards
exilés et s'en glorifiaient. Mais quelque chose de pro-
fondément humain , d'affectueux dans leurs discours.
Nul cri, nulle fureur ; des paroles tendres, des larmes.
Ces prédications et ces prophéties leur donnaient une
immense influence. Dans chaque village , dans chaque
ferme, elles avaient leurs partisans. Là, dans un langage
bizarre , mêlé de citations bibliques et du récit naïf de
leurs visions, elles leur prêchaient la repentance et
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 93
leur faisaient concevoir, au delà des malheurs présents,
l'espérance d'un état meilleur. Parfois elles poussaient
à la révolte sur les indications des chefs... Mais ces
belliqueux discours, héritage d'un temps qui n'était plus,
étaient rares. Les prophétesses , avant tout, prêchaient
la repentance , relevaient les courages , gourmandaient
les faibles... Toutes , dans le haut et bas Vivarais , ai-
maient à répéter cette promesse que l'Esprit leur avait
faite : 11 se tiendra une assemblée célèbre dans un pré
nommé Lacour , proche de Chalancon. Des Anglais y
assisteront , un arbre mystérieux croîtra et fleurira dans
une nuit. Sous son ombrage on distribuera la cène. »
Malheureusement, comme on l'avait déjà vu au temps
de Gabriel Astier, en 1688 et 1689, et comme on pou-
vait s'y attendre, la maladie de l'inspiration et de la
prophétie devint de nouveau épidémique et contagieuse.
Quiconque formait le dessein de prêcher et de prophé-
tiser pouvait l'exécuter sans entrave. Hommes et fem-
mes entraient dans cette voie facile et il n'était pas rare
de voir dans une même assemblée deux ou trois fem-
mes , et quelquefois des hommes , tomber en extase et
parler tous à la fois. Le Vivarais se remplit ainsi de
prophètes et de prophétesses, et un nommé Jacques
Monteil , natif de Marcols , tint , pendant plusieurs an-
nées, le premier rang entre tous; et, plus tard, lorsque
la discipline fut rétablie , suscita aux synodes bien des
ennuis par son esprit d'indépendance exagéré.
Cette maladie spirituelle revêtit même des symptô-
mes alarmants pour la foi , car les inspirés en vinrent à
laisser entièrement de côté les leçons de la Bible et à
ne plus obéir qu'aux ordres de l'Esprit, aux révélations
directes de Dieu. On comprend à quels périls la piété
protestante et le protestantisme lui-même étaient expo-
sés avec des docteurs de cette sorte. L'Eglise se serait
94 HISTOIRE DES PROTESTANTS
émiettée en autant de sectes qu'il y avait d'inspirés ; le
plus grand désordre eut régné dans son sein; et comme
de l'extravagance à la fourberie et de la fourberie à
l'immoralité le pas est glissant , les scandales (et il y en
eut de donnés par Monteil lui-même), se seraient mul-
tipliés dans l'Eglise, et c'en était fait de son avenir. Le
galérien pour la foi, Alexandre Astier, qui avait d'abord
donné dans l'inspiration, n'avoua-t-il pas lui-même plus
tard qu'elle portait au mal plutôt qu'au bien et même
au libertinage (Voy. plus haut, page 56).
C'est alors que Dieu suscita le célèbre Antoine
Court, qui eut la gloire de ramener le protestantisme
dégénéré à son type biblique et disciplinaire primitif (i).
ANTOINE COURT. SA JEUNESSE. SA VOCATiON POUR LE
SAINT MINISTÈRE. SES PREMIERS TRAVAUX AVEC
BRUNEL (1695-17 14).
Cet homme, remarquable à tant de titres , qui rendit
à la Réforme , en un sens , autant de services que Cal-
vin, naquit à Villeneuve-de-Berg , le 27 mars 1695 , de
parents fort zélés pour leur religion (2). Pendant la
grossesse de sa mère, Marie Gébelin, originaire du bas
Languedoc , ses parents s'entretenaient de la carrière
qu'ils pourraient faire embrasser à l'enfant qui allait naî-
tre et ils se disaient « que ce serait un bien grand bon-
heur pour eux de le consacrer au service de Dieu. »
Leur souhait fut accompli au delà de tout ce qu'ils pou-
vaient croire ou espérer.
Demeurée veuve en 1700, Marie Gébelin mit son
fils à l'école dès l'année suivante en recommandant au
(i) Edm. Hugues, t. 1, p. 173-183. Court, Mémoires, p. 30-3J.
(2) Ils firent pourtant baptiser leur fils par le vicaire Chambon; mais, à
cette époque, à moins de fuir, il était impossible d'agir autrement.
DU VIVARAIS ET DU VELAY, 9";
régent « de ne pas lui épargner le fouet lorsqu'il man-
querait à son devoir. » L'enfant , qui était appliqué ,
« eut le bonheur de n'en tâter jamais. » En trois ans il
eut atteint la science de son maître , qui ne put que lui
enseigner la lecture , un peu d'arithmétique et les pre-
miers éléments de la grammaire. Il aurait pu aller au
collège des jésuites d'Aubenas et suivre même les le-
çons du régent de Villeneuve-de-Berg, qui était capa-
ble d'enseigner le latin ; mais , comme il eut fallu aller
à l'église , il préféra demeurer dans l'ignorance plutôt
que de suivre de tels maîtres, d'autant mieux que, déjà
à l'école , il avait eu à souffrir pour sa religion de la
part de ses camarades. Un jour ils avaient même voulu
le faire aller de vive force à la messe , mais il leur ré-
sista si vaillamment qu'ils ne purent réussir : ce qui lui
valut le sobriquet de « fils. aîné de Calvin. »
Ne sachant quelle résolution prendre, sa mère le mit
dans le commerce, oij il ne put se plaire. Les choses
religieuses l'attiraient avant tout. Il lut les feuillets
épars d'une vieille Bible de famille , les Consolations de
l'âme fidèle de Drelincourt, La voix de Dieu de Baxter,
La dispute d'un berger avec son curé, et ses connaissan-
ces religieuses en furent considérablement accrues.
Ayant remarqué que sa mère, quand venait la nuit,
s'absentait , et soupçonnant qu'elle se rendait aux as-
semblées du désert, il la suivit une fois de loin.
Celle-ci, s'en étant aperçue, voulut l'obliger à rétrogra-
der, car il fallait faire une bonne lieue et demie de che-
min pour arriver au lieu du rendez-vous; mais , touchée
par ses prières , elle l'emmena avec elle. L'assemblée ,
ce soir-là, était présidée par la veuve Bancel, de Val-
lon. L'enfant écouta ses chrétiennes paroles et en fut
fort édifié. A dater de ce jour, il suivit les assemblées
avec assiduité et engagea plusieurs des prédicantes ,
96 HISTOIRE DES PROTESTANTS
nommées au chapitre précédent , d'en présider à Ville-
neuve-de-Berg même. Elles y consentirent, notamment
la Claire et Isabeau Dubois , qui tinrent une réunion
dans la maison de Marie Gébelin. C'était vers 17 10 ou
171 1. Corteiz avait déjà fait des assemblées dans le Vi-
varais l'année précédente , mais il ne paraît pas s'être
rencontré avec le jeune Court à cette époque.
Rempli de zèle pour sa religion, ce dernier fit l'office
de lecteur dans les assemblées, et on le considérait
comme un de ces enfants qui , d'après la croyance po-
pulaire, étaient remplis de l'Esprit de Dieu, et lui-même
se sentait pressé d'embrasser la carrière du ministère
évangélique.
Trois ans après environ, c'est-à-dire le i®"" mai 171 3 ,
l'ancien camisard Bonbonnoux, de Bragassargues, en
Languedoc, et Jean Rouvière dit Crotte, dont il a été
parlé plus haut, vinrent à Villeneuve-de-Berg. Ils avaient
appris par cœur quelques sermons qu'ils récitaient avec
autant de foi que de force. Bonbonnoux en débita un
du célèbre Pierre Dumoulin. Court en fut si pénétré
que « rien n'était capable d'égaler sa Joie. » Le 25 mai
suivant , le prédicateur Pierre Chabrières dit Brunel ,
du Vivarais, qui prêchait depuis 1700, vint aussi à Ville-
neuve-de-Berg et y présida quelques assemblées. Court
lui ayant témoigné son désir de passer dans les pays
étrangers et Brunel songeant lui-même à cette époque
à sortir de France , ils décidèrent de partir ensemble
pour la Suisse ; puis , comme leur voyage ne pouvait
s'effectuer qu'en septembre, Court consentit, en atten-
dant, à accompagner Brunel dans le haut Vivarais. Il
prit congé de sa mère qui, se séparant de son cher fils
pour la première fois, versa un torrent de larmes.
C'était au moment de la Pentecôte, et Court avait dix-
huit ans et demi.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 97
Sur sa route , il rencontra des prophétesses qui lui
prédirent un brillant avenir dans la vigne du Seigneur
et le supplièrent de ne point quitter son pays. Leurs
paroles firent une si profonde impression sur lui que ,
se trouvant un jour à Vernoux au milieu d'une assem-
blée composée exclusivement de femmes , il s'enhardit
à prendre la parole et prêcha sur i Timothée , II, 3.
C'était son premier sermon. Les louanges qu'il reçut
lui persuadèrent que Dieu approuvait son dessein de se
« consacrer à la gloire et au service de son Eglise, » et
à dater de ce moment son parti fut définitivement pris
d'embrasser la carrière pastorale. D'autre part, ses
rapports avec les prophètes et les prophétesses du
haut Vivarais firent naître dans son esprit la pensée que
« tout ce qu'on appelait révélation n'avait pas sa source
dans l'Esprit divin, et que, si on ne pouvait accuser la
fraude, on pouvait penser du moins que la plupart de
ceux qu'on appelait inspirés étaient la dupe de leur zèle
et de leur crédulité. »
La paix d'Utrecht, qui mit fin à la longue guerre de la
succession d'Espagne, venait d'être signée (i i avril 1713),
mais, contre l'attente des protestants et malgré les no-
bles et persévérants efforts de Charles de Barjac, mar-
quis de Rochegude , réfugié protestant, Louis XIV
consentit seulement à libérer cent trente-six galériens,
dont plusieurs étaient du Vivarais (i)- A part cela, le
sort des réformés demeura le même. Les prophètes et
les prophétesses , déçus et irrités , sommèrent Court
d'aller sur les places publiques prêcher la pénitence et
reprocher aux ecclésiastiques romains leur participation
aux rigueurs royales. Le jeune prédicateur, qui avait
du sens, n'obéit qu'en partie à cette injonction, car
(i) On trouvera leurs noms àUx Pièces juslifica.tivL'S, n" XIII-
II.
q8 histoire des protestants
autrement il eut été infailliblement arrêté et condamné
à mort. Il se borna à écrire aux curés les plus ardents
et à quelques chefs militaires du Vivarais qu'ils devaient
cesser de provoquer des mesures iniques contre des
innocents, qu'ils étaient coupables en exécutant les or-
dres de la Cour et qu'ils pouvaient craindre de lasser
la patience des opprimés. Ces lettres n'eurent d'autre
effet que d'alarmer les persécuteurs , qui demandèrent
aussitôt des renforts de troupes à Bâville et à Roque-
laure. Chose surprenante ! Elles leur furent refusées de
la façon la plus absolue.
Court présida encore quelques assemblées dans le
haut Vivarais et revint à Villeneuve-de-Berg pour an-
noncer à sa pieuse mère la détermination qu'il avait
prise d'embrasser le saint ministère. Marie Gébelin ,
attendrie jusqu'aux larmes, manifesta quelques craintes
à son fils , car les dangers de toutes sortes auxquels il
allait être exposé apparaissaient à son esprit, et elle se
voyait privée pour toujours d'un enfant qu'elle aimait
plus qu'elle-même ; mais, d'autre part, elle comprenait
combien ce dernier pourrait être utile à l'Eglise et la
joie qu'il en éprouverait. Pour dissiper ses hésitations ,
Court prêcha devant elle un sermon sur ces paroles de
Jésus-Christ : « Quiconque aime son père et sa mère
plus que moi n'est pas digne de moi » (Matth., X, 37).
Il parla avec tant de force de l'amour envers Dieu
qu'elle fut gagnée et ne vit plus son fils « que comme
une victime qu'elle consacra comme un autre Abraham
aux volontés divines (i). »
COURSES MISSIONNAIRES DE COURT. SON PROJET DE
(i) Court, MémoireH, p. 1-47. Edm. Hugues, t. I , p. 4Ç0. livllrùn, etc.,
i. XXXIV, p. J21.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 99
RESTAURATION DU PROTESTANTISME. MORT DE
LOUIS XIV. PHILIPPE d'oRLÉANS RÉGENT. MENÉES
DU TRAITRE LA PISE (1715-I718).
Peu après Court commença ses courses missionnai-
res. Il descendit dans le bas Languedoc, accompagné
de la veuve Caton et de la Claire prédicantes , mais il
n'y séjourna que peu de temps. Il retourna ensuite dans
le haut Vivarais par Vais et les Boutières ; puis, en com-
pagnie de Brunel , parcourut le Dauphiné , le sac au
dos , pendant trois mois , et se dirigea sur Marseille
pour visiter les galériens pour la foi, qui étaient au nom-
bre de cent cinquante. Il organisa un culte parmi eux
au prix des plus grands dangers et, quelques mois après
(février 171 5), sur une lettre de Corteiz , qui avait ouï
parler de ses heureuses dispositions, il revint dans le
Languedoc, oij il visita un grand nombre d'Eglises, qu'il
réveilla par sa parole ardente et convaincue. Il eut en-
suite la joie de célébrer la fête de Pâques à Nîmes avec
les quatre prédicateurs Bonbonnoux, Rouvière, Corteiz
et Brunel. Les trois derniers, auquels se joignit aussi
Bonbonnoux, qui allait rejoindre sa femme à Genève
{28 ou 29 avril), se rendirent ensuite dans le Vivarais et
organisèrent les Eglises de Vallon, Lagorce et Salavas.
Quelques jours après, le 8 mars , Louis XIV, vieil-
lard décrépit qui s'en allait mourir, publia une déclara-
tion portant que tous ceux qui auraient déclaré qu'ils
voulaient persister et mourir dans la religion prétendue
réformée , qu'ils eussent fait ou non abjuration, seraient
considérés comme relaps et exposés à subir les effroya-
bles peines édictées contre ces derniers. Le roi partait
de l'idée que tous les protestants de France avaient em-
brassé le catholicisme , et la preuve qu'il en donnait ,
c'est que, s'ils n'avaient pas été réellement convertis,
lOO HISTOIRE DES PROTESTANTS
ils n'eussent été ni tolérés ni soufferts. Mais, d'une part,
les protestants, depuis 1685, avaient donné trop de
preuves de leur aversion pour le catholicisme pour qu'on
pût dire qu'ils l'avaient embrassé ; et , d'autre part , si
l'on en avait mis à mort beaucoup , on n'avait pas osé
les massacrer ou les exiler tous. Il en restait donc un
nombre considérable dans le royaume. Louis XIV et
ses ministres le savaient, de sorte que, assimiler les pro-
testants à des relaps, c'est-à-dire à des gens qui étaient
revenus à leur première religion , c'était une fiction
monstrueuse. De là cette remarque d'un historien ca-
tholique (i) : « Les annales du monde n'offrent pas un
autre exemple d'un code tout entier fondé sur un men-
songe. »
Pendant que les collègues de Court, Rouvière, Cor-
teiz et Brunel, évangélisaient le Vivarais, il continua à
travailler au réveil des Eglises du Languedoc avec un
zèle tel qu^il tomba gravement malade et dut aller pren-
dre les eaux d'Euzet. C'est là, ou plutôt dans le village
de Saint-Jean-de-Ceyrargues , voisin d'Euzet, qu'il
conçut et mûrit le projet de restaurer le protestantisme
en France par les assemblées du désert, la répression
de l'illuminisme , le rétablissement des synodes, des col-
loques et des consistoires , et la formation de jeunes
prédicateurs. Il rattachait à ce dernier moyen l'appel de
ministres étrangers pour desservir les Eglises sous la
croix. Que si ces derniers n'osaient pas accepter un
honneur si périlleux. Court se proposait « de solliciter
auprès des puissances protestantes des secours en ar-
gent pour aider aux études et à l'entretien de jeunes
gens , qui se trouveraient assez de courage et de bonne
(i) Lemontey, Essai sur l'établissemenl monarchiquo de Luiiix XIV,
p. 415.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. lOI
volonté pour se dévouer au salut et au service de leurs
frères. »
Court ne se départit pas un instant de son grand pro-
jet, qu'il fit adopter le 21 août 171 5 dans une assem-
blée synodale où il avait convoqué les prédicateurs des
Cévennes et du bas Languedoc; et, jusqu'à son dernier
soupir , il en poursuivit la réalisation avec l'énergie , la
persévérance et le grand sens pratique qui le caracté-
risaient. A dater de ce moment, il choisit spécialement
le Languedoc pour théâtre de ses travaux, et ne fit que
de courtes apparitions dans le Vivarais.
Coïncidence remarquable ! C'est au moment où Court
s'apprêtait à réorganiser le protestantisme que Louis XIV,
qui avait tout fait pour l'anéantir, allait rendre compte
à Dieu des désordres de sa vie et de son bigotisme
cruel (i" septembre 171 5). L'un mourut tristement sans
avoir pu accomplir sa tâche, peut-être avec le regret
de l'avoir entreprise; l'autre , plein de jeunesse et d'ar-
deur, entrait dans la carrière avec l'espérance joyeuse
du succès!
Philippe d'Orléans fut nommé régent du royaume pen-
dant la minorité de Louis XV. C'était un prince sans
convictions religieuses, indifférent, de moeurs dissolues,
mais ennemi des jésuites. Il conçut le projet d'abroger
toutes les lois draconiennes rendues contre les protes-
tants et de leur rendre le régime de l'édit de Nantes,
mais ses conseillers ne l'encouragèrent point. On per-
mit pourtant aux protestants de sortir librement du
royaume et d'y rentrer de même. On libéra quelques
prisonniers et on écrivit aux intendants de se relâcher
de leurs rigueurs ; mais si les poursuites contre les as-
semblées et les prédicateurs se ralentirent, elles ne ces-
sèrent point, comme on le verra bientôt.
L'année suivante, en 17 16, nous retrouvons en Dau-
102 HISTOIRE DES PROTESTANTS
phiné Corteiz , Bonbonnoux , Rouvière et Brunel, aux-
quels se joignirent les prédicateurs Jean-Bernard, de La
Grassière , paroisse du Gua, et Mercier, du Vivarais.
Réunis au pasteur Jacques Roger du Dauphiné, ils tin-
rent le premier synode de cette province le 22
août 1716 (i).
Après avoir évangélisé pendant plusieurs mois la con-
trée en compagnie de Roger, Rouvière retourna en
Languedoc. Deux ans après, en septembre 17 18, Cor-
teiz , qui était allé se faire consacrer au saint ministère
en Suisse, s'arrêta, en rentrant en France, quelques
temps en Vivarais. Il y présida des assemblées et réu-
nit les prédicateurs de la province pour leur représen-
ter la nécessité d'établir une discipline « pour éviter les
confusions et les désordres qui étaient arrivés diverses
fois parmi eux par faute d'un bon ordre (2). »
Deux ans auparavant , en 1716, un traître célèbre ,
nommé La Pise , habitant aux Plantas, près de l'Erieu,
fit arrêter le prédicateur Bernard et un nommé Meisson-
nier. Il s'établit après cela en Dauphiné avec l'intention
de surprendre sept prédicateurs ou pasteurs à la fois.
N'ayant pas réussi grâce à la vigilance de Roger, il fit
écrire par le duc de Roquelaure au comte de Médavid,
commandant du Dauphiné, d'ordonner de grandes cour-
ses militaires dans les quartiers protestants de cette
province dans le but d'obliger Roger et ses collabora-
teurs à se réfugier en Suisse, pendant qu'il se posterait
lui-même aux Echelles, sur la frontière de Savoie, pour
les reconnaître et les arrêter. Le duc d'Orléans, qui
n'avait pas autorisé les expéditions, en fit des reproches
(i) Voy. E. Arnaud, Lr? ph<s ancien document synodal connu, etc.
Paris, i88ç, in-8°.
(2) Court, Mémoires, p. 47-96. Edin. Hugues, t. I, p. 1-20. Corteiz, Rela-
tions historiques, dans Edm. Hugues, t. I, p. 496. Coquerel, t. I , p. 28.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. IO3
à Médavid , qui, de son côté, s'en plaignit à Roque-
laure. Ce dernier résolut alors de se venger de La Pise,
qui s'était réfugié en Suisse lorsqu'il avait vu que les
expéditions de Médavid n'avaient point abouti. S'étant
à son retour, arrêté à Grane, en Dauphiné , oii il simu-
lait le huguenot , il fut arrêté et conduit à Montpellier
et retenu de longs mois en prison, puis relâché, grâce
à l'intervention du gentilhomme catholique Monteil de
Bavas. Rentré dans le Vivarais, en septembre 1718, et
recommençant ses menées contre les prédicateurs et
les ministres, il invita à dîner Corteiz et Mercier, avec
l'intention de les faire arrêter par des officiers qu'il avait
prévenus; mais sa femme , qui avait du cœur, lui ayant
déclaré que , s'il commettait une action si mique , elle
se noyerait, il fit cacher les deux prédicateurs dans son
pigeonnier et dit aux officiers qu'ils n'étaient pas venus
au rendez-vous (i).
DÉPART DE BAVILLE. SES INSTRUCTIONS SECRÈTES
(.7.8).
Bâville resta encore deux ans et demi en Langue-
doc après la mort de Louis XIV , dont il avait exécuté
aveuglément les ordres, et fut rappelé dans les premiers
mois de 1718, rêvant toujours aux moyens d'étouffer le
protestantisme. Il désirait ardemment que son succes-
seur, le conseiller d'Etat Louis de Bernage, continuât
ses errements et il lui laissa dans ce but les instructions
secrètes suivantes (2). qui lui paraissaient propres à con-
tenir les religionnaires :
(i) Ms. Court, n° 17, t. B. Voy. aussi E. Arnaud, Histoire des protes-
tants du Dauphiné, t. III, p. 125.
(2) Elles ont été publiées en 1877. Voy. Mémoires secrets de Bàville,
dans les Chroniques du Languedoc, }° année.
104 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Etre bien averti de ce qui se passe et remédier
aux commencements. — Ne souffrir aucune assem-
blée religieuse ou autre. — Faire payer aux parois-
ses , sur lesquelles se tiennent ces assemblées , tous
les frais de répression. — Faire prendre tous les pré-
dicants et les condamner à mort , attendu que les ga-
lères ne les arrêtent pas et qu'ils trouvent moyen d'en
sortir. — Tenir les nouveaux convertis désarmés. —
Faire arrêter tous les étrangers qui n'ont pas de pas-
seports et qui vont dans les pays oij sont les religion-
naires.
Bâville, qui avait pratiqué ces moyens sans réussir
toujours, faisait ensuite connaître à son successeur la
façon dont on procédait en Languedoc lorsqu'on faisait
des prisonniers dans les assemblées. « Ils sont menés, »
dit-il en substance, « à M. de Roquelaure qui, sur une
procédure sommaire, les envoie aux galères, conformé-
ment à la déclaration de 1689, qui renouvelle les peines
de celle de 1682. Si l'on prend le prédicant, le com-
mandant n'a pas le pouvoir de le juger. C'est l'inten-
dant qui le juge, aidé du présidial, suivant la même dé-
claration. Cette manière de punir les assemblées, »
ajoute-t-il, « est très nécessaire. S'il fallait envoyer les
coupables aux présidiaux et, par appel, au parlement,
ce serait de grands frais pour le roi ; mais la longueur
de la procédure ferait perdre le prix de l'exemple, qui
est très nécessaire. »
L' ex-intendant dit encore qu' « on a fait faire deux
grands chemins en Vivarais, l'un sur le bord du Rhône,
et l'autre dans le milieu du pays, qu'il est bien impor-
tant de faire toujours entretenir. C'est le pays qui en a
soin. Il faut exciter d'en faire un qui est de la dernière
conséquence pour contenir les peuples, qui est de Ver-
noux à Privas, afin de pouvoir empêcher les mutins,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. lOÇ
quand il y en a, de pouvoir se jeter dans les montagnes
des Boutières, pays presque impraticable. »
« Qui n'aurait cru, » fait remarquer Boulainvilliers,
en 1705 (i), « avec les savantes précautions de [Bâville],
que ce peuple obéirait à la nécessité ; mais l'expérience
a fait connaître qu'elles n'ont réussi qu'à enflammer son
désespoir. Accablé du côté de la religion qui en voulait
à sa conscience, dépouillé à cet égard de toute liberté,
réduit d'ailleurs à une misère déplorable, que l'on disait
être une disposition à l'obéissance , et qui a été prise
pour un effet de la dureté de [Bâville], ce peuple misé-
rable a pris le dernier parti qui semblait lui rester,
d'essayer si la révolte ou la mort ne mettrait point fin à
ses souffrances. Les suites de cette résolution n'ont
que trop été funestes. Il a péri 100,000 hommes, que
l'on a immolés pour justifier la conduite de [Bâville], et,
de ce nombre, il y en a le dixième qui a péri par le feu,
la corde ou la roue. La guerre des Albigeois n'a pas
été plus tragique; mais, ce qui est bien déplorable,
c'est que ces mouvements ne sont pas encore finis , et
que le moindre événement est capable de ranimer la
rage des uns et des autres. »
PIERRE DURAND. SA VOCATION AU SAINT MINISTÈRE.
ARRESTATIONS. PREMIER SYNODE DU VIVARAIS. SUC-
CÈS DE DURAND CONTRE LES INSPIRÉS (1719-I721).
L'œuvre de Court et de ses collègues, Corteiz, Rou-
vière et Brunel, fut continuée en Vivarais par Pierre
Durand. Cet homme, remarquable à plusieurs titres,
naquit au Bouchet, paroisse de Pranles, le 12 septem-
bre 1700, et fut baptisé dans l'Eglise romaine, dont il
(i) Etat de France, extrait du mémoire de Bâville de 1598,
Io6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
suivit le culte jusqu'à sa douzième ou quinzième année.
Avant cet âge, et quand il était encore enfant, son père,
greffier consulaire de la paroisse , qui le destinait à la
pratique, c'est-à-dire aux fonctions de notaire ou
d'homme de loi , l'envoya à Privas , où il fit quelques
études qui ne lui furent pas inutiles, comme il le dit lui-
même.
Un grave événement paraît avoir décidé de sa voca-
tion au saint ministère. En janvier 17 19, le subdélégué
Dumolard donna quinze écus à un misérable , nommé
Souche, natif de Marcols, pour qu'il présidât une assem-
blée dans la paroisse de Pranles, au quartier de Nava-
lis. Etienne Durand, le père du jeune Durand, qui nous
occupe, prêta sa maison, et sept personnes s'y réuni-
rent. C'était le 29 janvier, par une nuit fort obscure.
A minuit Dumolard parut à la tête de trois compagnies
de soldats, et se jeta sur l'assemblée, mais il ne put
s'emparer que de trois filles, dont la plus jeune, âgée
seulement de dix ans , fut relâchée , et les deux autres
conduites au Pont-Saint-Esprit. Une triste complainte,
composée par un poète inconnu , consacra le souvenir
de cet événement (i).
Après cela , et sur les indications que lui fournit un
traître, Dumolard fit arrêter, dans les environs de Ver-
noux, Rouvier, de Gros, paroisse de Saint-Etienne-de-
Serre, qui avait déjà présidé quelques assemblées et se
destinait au saint ministère; Jacques Combe dit Angely,
du Bouschet, et Pierre de Serret, qui furent condamnés
aux galères leur vie durant. Dumolard logea dix-sept
soldats dans le hameau du Bouchet pendant vingt et un
jours. Etienne Durand en eut sept pour sa part. Avant
(i) On en trouvera quelques couplets dans Benoît, Maiie Durand, p. iç
et 16.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. IO7
de partir ils pillèrent sa maison et la démolirent.
Une complainte , composée sur la capture de Rou-
vier (1), nous apprend divers détails sur les suites de
son arrestation. Il fut d'abord conduit à Vernoux, puis
à Beauregard , oi^i il endura de grands maux. « C'est
chose pitoyable ce qu'il a souffert là , » dit naïvement
la complainte. On chercha à lui faire abjurer sa religion,
mais il fut inébranlable. On le mena ensuite à Privas,
où on le confronta avec les témoins, Marion Buvendu,
Charbonnier et autres protestants convertis au catholi-
cisme. Quelques jours après, escorté par une compa-
gnie de soldats et par de La Tourette et ses archers ,
on le conduisit, les mains liées, à Montpellier, oij un
traître, du nom de Prachasail, déposa contre lui. Tout
le monde s'attendait à ce qu'il serait condamné à mort,
mais l'intendant de Bernage , qui ne suivit pas de tous
points les conseils que lui avait laissés Bâville dans ses
mémoires secrets, le condamna seulement aux galères
perpétuelles, comme on l'a dit.
<( Pierre Durand, » dit Meynadier, a ayant appris
qu'il avait été décrété de prise de corps par l'intendant
de la province, auquel on avait fait entendre qu'il était
prédicant de cette assemblée [du 29 janvier], ce qui
n'était pas, s'était résolu à quitter sa famille. Son inten-
tion était de sortir de France. Informé qu'il y avait un
pasteur en Dauphiné, il se rendit auprès de lui, et lui
demanda de vouloir bien le recommander pour qu'il
trouvât de l'emploi hors de France. Ce pasteur, qui
était Roger, reconnut dans le jeune homme qui s'adres-
sait à lui de bonnes dispositions et du talent; il l'enga-
gea à étudier la théologie. » Durand suivit son conseil;
(1) Nous l'eussions publiée, car elle est inédite, si la versification n'en était
par trop défectueuse. Elle compte vingt-six couplets (Arch, de M"" Sérus-
clat).
I08 HISTOIRE DES PROTESTANTS
et, malgré les supplications et les larmes de ses pa-
rents, il se voua à la carrière pastorale. Il commença
par être prédicateur ou proposant. Les inspirés, dont
le nombre s'était accru en 1709, comme on l'a vu plus
haut, continuaient à jouir d'un grand crédit. Durand, qui,
comme Court, avait une haute raison et une piété saine,
les combattit avec force. «. Plein de zèle, » dit Morel-
Duvernet , « et d'un noble courage, et se distinguant
des autres par la grandeur de ses vues, par son ardeur
et par les heureux talents dont Dieu l'avait honoré, il
entreprit de mettre les choses sur un meilleur pied.
D'abord il crut qu'il fallait commencer par faire taire le
fanatisme. N'ayant pas plus d'autorité ni plus d'ascen-
dant sur l'esprit du peuple que ceux qui pour lors pré-
sidaient dans les assemblées, ses desseins ne pouvaient
manquer d'être traversés. Un temps fut que presque
tout le monde était contre lui ; et, humainement parlant,
il eut à surmonter des obstacles en apparence insur-
montables. »
Rien ne l'arrêta. Il se mit en rapport avec le prédi-
cateur Bernard, qui était sorti de prison , et lui déclara
(( que s^il ne voulait pas crier hautement contre le fana-
tisme, il devait se taire et ne pas instruire le peuple. »
Bernard ne se prononça pas pour le moment, mais il
fit comprendre à Durand qu'il ne s'opposait pas à l'in-
troduction dans le Vivarais des règlements édictés par
le Languedoc contre les inspirés. Il n'alla pas plus loin,
« pour ne pas se contredire lui-même , » dit Durand ,
« en présence des personnes qui assistaient à leur en-
tretien. » Ce dernier écrivait pourtant quelques jours
après : « Je crois que s'il n'y prend garde, il prendra
la doctrine de l'extraordinaire Vesson. » C'était un des
fondateurs de la secte des Multipliants de Montpellier.
Quant au prédicateur Monteil, qui habitait les Bou-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. lOg
tières , où il jouissait d'un grand crédit, Durand lui com-
muniqua par lettres les règlements du Languedoc. « Sa
réponse, » écrivait ce dernier, « n'est que favorable
pour notre prospérité. Je trouve son sentiment assez
bon, et , un de ces jours , je prétends de l'aller joindre
pour parler encore avec lui , et voir encore mieux son
sentiment sur le tout. J'ai assez bonne opinion de son
secours, car les Boutières ont une grande affection pour
ce qu'il dit, et, puisque je l'ai gagné, lui, pour ainsi
m'exprimer, je crois d'avoir gagné tout le pays où il
domine. »
Le prédicateur Guilhot travaillait de son côté à réta-
blir l'ordre dans le Vivarais, et il pressait vivement Cor-
teiz, le 30 novembre 1720, de venir l'aider dans sa la-
borieuse et sainte tâche.
Durand s'aboucha aussi avec les prédicantes. a La
première , » écrivait-il , « à qui j'ai parlé de cela (de
s'interdire la prédication) , s'est soumise avec autant
d'humilité qu'on en puisse demander. C'est la Suzanne,
de Bougé, et je ne crois pas, avec l'aide de Dieu , de
trouver guère d'antagonistes. » On verra bientôt qu'il
se faisait illusion.
Désireux de faire approuver officiellement les règle-
ments du Languedoc par les Eglises du Vivarais , Du-
rand convoqua un synode provincial, le premier en date
depuis la révocation de l'édit de Nantes. Il s'assembla
au désert, le 26 juillet 1721 , sous la présidence de
Bernard. Sept proposants ou prédicateurs et deux an-
ciens y assistèrent. La vénérable assemblée prit dix-
huit résolutions, dont voici les principales :
Signature de la confession de foi imposée aux pas-
teurs, proposants et anciens ; — serment de fidélité au roi,
obligatoire pour les pasteurs et les proposants, sauf en
ce qui concerne les « ordonnances qui pourraient être
110 HISTOIRE DES PROTESTANTS
préjudiciables à la foi et à l'Eglise; » — l'Ecriture
sainte tenue pour seule règle de foi ; — explication du
catéchisme de Drelincourt par les pasteurs « tant aux
assemblées que dans les maisons particulières ; » —
nomination d'anciens pour surveiller les fidèles et admi-
nistrer r Eglise ; — suspension de la communion pronon-
cée contre tous ceux qui font baptiser leurs enfants et
bénir leurs mariages par des prêtres ; — réfutation par
les pasteurs et les anciens de « toutes prétendues révé-
lations , auxquelles il n'y a rien digne d'y ajouter foi ,
— tenue d'un synode provincial tous les ans dans le Viva-
rais ; — durée des services religieux fixée seulement à
une heure « à cause du danger; » — défense faite aux
femmes de prêcher dans les assemblées, et autorisation
donnée à « celles qui ont édifié l'Eglise par une bonne
doctrine » de visiter les malades et d'instruire la jeu-
nesse , si c'est leur bon plaisir; — examen de la vie,
mœurs et doctrine des prédicateurs avant leur admis-
sion à cette charge.
Les actes originaux de ce synode sont seulement
signés par Bernard , modérateur ; Chabrières (ou Bru-
nel) et Durand, secrétaire.
Ce dernier, comme on l'a dit, avait emprunté ces rè-
glements aux Eglises du Languedoc. Il s'était même
rendu à leur synode du 22 mai 1721 (i) pour en pren-
dre connaissance. «. Il en fut si édifié, » dit Corteiz ,
« qu'il se promit d'établir même ordre , mêmes règle-
ments et mêmes maximes dans les Eglises du Vivarais. »
Antoine Court nous apprend (2) que ce synode le char-
(r) Coquerel (t. I , p. 32-56) se trompe quand il dit que Durand assista
aux synodes du Dauphiné du 22 août 1716 et du Languedoc du 2 mars 1717 ;
il n'avait alors que seize ans. Voy. la dissertation de Benoît dans le Bulle-
lin, etc., t. XXIX, p. 425.
I2) Lettre à Basnage , dans le Bulletin rlr In Socir.lô , de, l. XXXVI ,
p. 4)0.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. III
gea « d'assembler les prédicateurs, d'examiner leurs
doctrines et leurs mœurs , de tâcher de n'avoir qu'un
même sentiment; ensuite de se séparer pour aller, cha-
cun d'un côté, se faire choisir par les Eglises des per-
sonnages d'une piété avérée pour exercer la char-^e
d'ancien; que. lorsqu'on aurait ainsi parcouru les Eo-ji-
ses, on fit un colloque où l'on recevrait ces anciens et
où Ton lirait nos règlements pour se conduire de la
manière qu'ils indiquent. » Durand tint parole , comme
on l'a vu, mais les inspirés lui suscitèrent de telles dif-
ficultés à cette occasion qu'il pria le synode du Langue-
doc de lui députer quelques-uns de ses membres a pour
lui donner le secours nécessaire. »
Durand , en eflfet , se trouvait presque réduit à ses
seules forces. « Ici, » disait-il, « il n'y a pour pasteurs
que quelques pauvres vieux sans grande connaissance ,
mcapables de souffrir un fort petit examen. Je suis le
seul jeune et je ne puis pas faire grand chose faute de
mille facultés qui me manquent. » Ces « pauvres vieux »
étaient notamment Guilhot, né en 1670; Bernard, avant
1680; Brunel et Monteil, en 1680.
Notre jeune proposant eut néanmoins des succès
dans son œuvre disciplinaire. « Nous avons rangé nos
femmes prédicantes au silence, » écrivait-il, « quoique
nous en ayons encore qui font de grandes résistances.
Cependant , par la grâce de Dieu , nous voyons que
leurs résistances se terminent peu à peu. Nos fanati-
ques sont pour aiftsi dire aux abois , voyant le trouble
que nous avons mis à leur audience et réception. Mais,
comme vous savez assez que c'est leur contenance, les
loudres et anathèmes nous roulent dessus aussi épais
comme ceux qui partirent de la ville de Trente et de
Bologne, lorsque le concile y fut tenu en faveur de l'er-
reur de Rome , et principalement sur moi , parce que ,
112 HISTOIRE DES PROTESTANTS
disent-ils , je suis leur plus grand ennemi , vu que si je
n'eusse pas mis la main à cette œuvre , je veux dire à
l'établissement de l'ordre, peut-être personne ne l'au-
rait entreprise de plusieurs années. Mais je regarde et
ai toujours regardé les foudres et malédictions comme
partant de la bouche de gens sans connaissance et, par
conséquent, dignes de support. Je n'en ai même tenu
aucun compte et je reprends ceux qui me les répètent,
car cela ne se pratique pas en ma présence ni de mes
chers collègues , quoique dernièrement j'en trouvai un
qui me fit de terribles reproches, à son avis m'appelant
destructeur de l'œuvre de Dieu , quand je travaillais à
détruire les prétendues révélations, et me chassa même
de sa maison après la grande sollicitation qu'il m'avait
faite de l'aller voir. »
Pour consoHder son œuvre, Durand, assisté de Bru-
nel , établit des consistoires dans toutes les églises.
Monteil , qui avait renoncé à ses sympathies pour les
inspirés et se prononçait nettement contre eux , rendit
également de grands services à Durand par l'influence
dont il jouissait depuis longtemps. D'autre part. Court
encourageait Durand par des lettres pleines d'affection
et de sagesse. Il savait qu'aucune autre province n'avait
eu autant à souffrir de l'illuminisme que le Vivarais, et
il désirait ardemment que l'ordre s'y rétablit complète-
ment : « Infortuné Vivarais, » s'écriait-il, « qui a été de-
puis bien des années un chaos affreux où, à la faveur
d'un nuage très épais, se sont jouées mille scènes qui,
si elles n'ont pas été tragiques, ont été du moins bien
noires et très fatales à l'esprit de plusieurs , qui mal-
heureusement ont été la dupe du plus grand nombre des
auteurs qui ont paru sur le théâtre. »
Court blâmait en même temps Bernard, qui, bien qu'il
eût présidé le premier synode du Vivarais , ne se sou-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. \\ T,
mettait pas à ses règlements d'une façon complète. Il
l'exhortait avec force à revenir à des sentiments plus
conformes à la discipline... Bernard rentra peu à peu
dans l'ordre, quoiqu'il donnât encore en 1727 des in-
quiétudes à Durand. En dépit des termes formels de la
discipline , il se croyait le droit de baptiser et de ma-
rier (i).
C'est vers ce temps que M"'' Beaumont, du Vivarais,
de l'illustre famille des Beauvoir de Grimoard du Roure,
ayant été enfermée dans un couvent à la mort de son
père, s'y convertit au catholicisme et publia les motifs
de son changement de religion. Son écrit, qui avait de
la valeur et sortait sans doute de la plume d'un théolo-
gien, fit assez de bruit pour que le célèbre pasteur Jac-
ques Lenfant, réfugié à Berlin, crut de son devoir de
lui répondre par son Préservatif contre la réunion avec
le siège de Rome ou Apologie de notre séparation d'avec
ce siège, contre le livre de M"* de B., dame prosélyte de
l'église romaine et contre les autres controversistes anciens
et modernes. Amsterdam, 1723, 4 vol. in-8".
CORTEIZ ET ROUVIÈRE EN VIVARAIS. FONDATION
d'églises. DÉCLARATION DU I7 MAI I724 (1723-
1724).
Deux ans après le synode, en août 1723, Corteiz et
Rouvière se rendirent en Vivarais pour aider Durand;
mais , leur voyage ayant fait du bruit , ils durent pren-
(i) Meynadier, p. 11-20, 72. Corteiz, Relation historique, dans Edm.
Hugues, t. I, p. 461, 462. Recueil des actes des synodes du Vivarais (ms.).
Lettres de Durand à Court et à Corteiz, et de Court à Durand, dans le
Bulletin, etc., t. XXXIII, p. 261-264, 258, 259, 51J. Ms. Court, n" i, t. III,
et n» 8. Copie dp lu relation dressée par Morel dit Duvernet (ms.). Be-
noît, p. I-JO.
II. 8
114 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dre des précautions pour ne pas être poursuivis et ar-
rêtés. « Nous y assemblâmes les prédicateurs (i) , »
dit Corteiz « avec un nombre considérable de person-
nes distinguées, qui ont du zèle et de la piété. Après
avoir imploré le secours de Dieu et représenté la néces-
sité d'un ordre dans l'Eglise, et que ces messieurs en
eurent convenu , nous rangeâmes les paroisses en Egli-
ses comme en Languedoc, savoir la paroisse d'Ajoux,
la paroisse du Gua font une Eglise, ainsi des autres. La
mémoire ne me fournit pas combien il y a d'Eglises en
Vivarais ; toutefois il me semble qu'il y en a vingt-quatre.
» Après les Eglises formées , » continue Corteiz ,
« MM. les prédicateurs du Vivarais prièrent M. Rouvière
et moi de faire une assemblée dans toutes leurs Eglises
pour établir des anciens dans tous les villages et parois-
ses qui formaient leurs Eglises : ce que nous fîmes heu-
reusement. C'est ainsi que Dieu forma les Eglises du
Vivarais, qui se fortifièrent tous les jours...
» On ne trouvera pas mauvais que je marque ici , » dit-il
encore, <» que le i 2 mars 1724 quelques fidèles de la pa-
roisse de Vais (oii les sources d'eaux minérales sont
si renommées) , étant informés par leurs parents qu'on
faisait des assemblées dans les Boutières , ils s'y ren-
dirent un samedi soir (et cet endroit est [àj trois gran-
des lieues dudit Vais). Ces pauvres fidèles se trouvèrent
dans l'assemblée que nous avions convoquée et , à la
fin de la dévotion , ils me tirèrent à part et me dirent en
pleurant : « Nous sommes de trois lieues d'ici , de la
paroisse de Vais, paroisse oij autrefois il y avait un tem-
ple et trois mille communiants , mais étant depuis si
longtemps sans pasteurs et sans sacrements et tout en-
1) Dans le synode du i6 août. Corteiz présida cette assemblée, de même
que le synode suivant du iç septembre.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I I <,
vironnés de papistes , tout le monde tombe dans l'ido-
lâtrie et dans le dérèglement; si vous vouliez, cher pas-
teur, nous faire la grâce de passer chez nous , vous ne
pourriez jamais faire une plus grande charité. » Ce rai-
sonnement me toucha. Je me rendis le lundi et le mardi,
je les priai de former une assemblée; à peine purent-ils
trouver quarante personnes de confiance. L'acte de dé-
votion fini , on me pria de leur donner une seconde pré-
dication , que le nombre s'augmenterait ; mais je me
doutai que l'ennemi s'en aperçût et qu'on ne fît des pri-
sonniers ; ainsi je me contentai d'écrire aux prédica-
teurs du Vivarais d'y faire quelques visites, comme plus
près que ceux du Languedoc. Du depuis j'ai appris
avec joie que cette commune commence à se réveiller
et de donner lieu aux prédicateurs d'y faire quelques vi-
sites (i). »
Louis XV, déclaré majeur depuis le 22 février 1723,
publia quinze mois plus tard, le 14 mai 1724, sous le
ministère du duc de Bourbon, prince farouche, brutal
et déréglé, un arrêt monstrueux qui rééditait, en les
aggravant , tous les édits rendus par Louis XIV contre
les protestants et qui violait effrontément le droit natu-
rel, le droit civil, les liens de la famille, la propriété, la
liberté, etc. Ainsi il prononçait la peine des galères,
avec confiscation des biens , contre ceux qui assiste-
raient à des exercices autres que ceux de la religion
catholique , qui donneraient asile aux prédicants ou qui
négligeraient de les dénoncer, et la peine de mort con-
tre ceux-ci ; — elle ordonnait aux parents de faire bap-
tiser leurs enfants dans les vingt-quatre heures après
leur naissance, de les envoyer aux écoles et aux caté-
(i) Corteiz, Relation hifttoriqup , dans Edm. Hugues, t. I , p. 471, 472.
Ms. Court, n» 8.
Il6 HISTOIRE DES PROTESTANTS.
chismes catholiques jusqu'à Tâge de quatorze ans , et
aux instructions du dimanche jusqu'à celui de vingt; —
elle punissait comme relaps ceux qui refuseraient les sa-
crements ou qui engageraient leurs semblables à les re-
fuser ; — elle ne reconnaissait comme légitimes que les
mariages catholiques ; — elle défendait aux parents de
faire élever leurs enfants hors du royaume et de leur
permettre de s'y marier ; — elle autorisait les enfants
mineurs à se marier sans l'autorisation de leurs parents
si ceux-ci étaient à l'étranger, etc.. etc.
ZÈLE DE DURAND. VISITE DE COURT. UNION DES
ÉGLISES DU VIVARAIS , DU DAUPHINÉ ET DU LAN-
GUEDOC. DÉCISIONS SYNODALES DIVERSES. PROCÈS
FAIT A LA 'MÉMOIRE DE PAULE CHERMEZON (1724-
1725)-
La visite prolongée de Corteiz et de Rouvière en Vi-
varais fit un grand bien au jeune Durand , qui continua
à se dépenser pour le réveil des Eglises et leur affermis-
sement par le moyen des consistoires, des colloques et
des synodes. On voit , par le Recueil des synodes du
Vivarais , qu'il assistait avec une grande assiduité à ces
touchantes et utiles assemblées ; et ce qu'on sait de
ses talents , de son zèle et de sa piété , autorise à pen-
ser qu'il en fût l'âme, de telle sorte qu'on peut le con-
sidérer comme le véritable restaurateur du protestan-
tisme en Vivarais. Morel dit Duvernet écrivait à son
sujet en 1737 : « Par ses soins infatigables, il rétablit
l'ordre , à quelque différence près, tel qu'il subsiste au-
jourd'hui. •)
Durand est d'autant plus digne d'admiration qu'il ne
lut pas secondé par tous les prédicateurs du Vivarais;
DU VIVARAIS ET DU VELAY. II7
quelques-uns, comme Monteil, Jean-Pierre Dortial ,
de Chalencon , et Martel dit Latour , de Poyols en
Dauphiné, lui firent de l'opposition; et, quoique les
synodes du Vivarais du 8 juin 1724 et du 17 avril 1725
eussent sévi contre eux, ils lui causèrent beaucoup d'en-
nuis par leur esprit d'indiscipline.
Court vint à son tour encourager Durand et donner
à son œuvre la sanction de son autorité morale. Il pré-
sida le quatrième synode provincial , assemblé le 8 juin
1724, où furent prises d'importantes résolutions. Ainsi
on y décida qu'on donnerait « un quartier à servir à
chaque prédicateur ; » — qu'aucun d'eux ne pourrait
s'éloigner de son quartier sans un congé du synode; —
que chaque prédicateur assemblerait le colloque de son
quartier tous les six mois pour examiner si les anciens
s'acquittaient régulièrement de leur charge ; et que les
anciens réuniraient à leur tour le consistoire de leur
Eglise tous les premiers dimanches du mois pour se te-
nir au courant de ce qui s'y passait. — Il fut décidé, en
outre, que le synode s'assemblerait tous les six mois
alternativement dans le haut Vivarais et dans les Bou-
tières.
L'année suivante, Court, qui songeait à mettre la der-
nière main à son œuvre de restauration, travailla à réu-
nir étroitement en un seul corps les Eglises du Langue-
doc , du Vivarais et du Dauphiné. Ainsi, dans le synode
du Languedoc du i^"" mai 1725 , il fut décidé qu'un pro-
posant serait député vers les Eglises du Vivarais pour y
consolider l'ordre, sans cesse menacé par le parti des
inspirés et les prédicateurs réfractaires ; et vers celles
du Dauphiné pour les engager à s'unir à leurs sœurs du
Languedoc et du Vivarais. Comme le pasteur Roger
avait déjà eu la pensée de cette utile fédération , l'en-
tente fut facile. Rouvière et Roger se rendirent en Vi-
Il8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
varais, et un synode y fut convoqué pour le 21 juin (i).
La demande d'union , faite par les Eglises du Lan-
guedoc dans leur synode du 1^' mai , y fut « reçue d'un
commun accord comme un effet de leur charité sans y
reconnaître aucune prééminence d'Eglise. » Les mem-
bres du synode signèrent les règlements des Eglises du
Languedoc, et Rouvière , au nom de ces dernières, si-
gna les règlements des Eglises du Vivarais. La vénéra-
ble assemblée décida toutefois, à la demande de Roger,
qu'on n'imposerait de serment à personne « pour évi-
ter le parjure et l'obstacle que cela pourrait apporter à
l'union des protestants ; » mais il fut stipulé que , pour
lier les schismatiques et les hérétiques , on se réserve-
rait d'exiger des promesses particulières ; et que , si on
jugeait à propos d'établir une formule , cela se ferait
d'un commun accord , en tâchant d'éviter tous les in-
convénients.
Le synode décida en outre qu'on laisserait les pré-
dicateurs libres de prêcher de bons sermons , qu'ils au-
raient préalablement appris par cœur; — que, s'il yen
avait qui aimassent mieux les composer eux-mêmes, ils
ne pourraient les réciter qu'après les avoir soumis à des
commissaires spéciaux; — que les danses seraient ré-
primées et que ceux qui font état de danser ou d'assis-
ter aux fêtes votives, après avoir été admonestés plu-
sieurs fois , seraient excommuniés quand il y aurait
opiniâtreté ou rébellion de leur part ; — que les pro-
cès mus où à mouvoir seraient bannis du milieu des fidè-
les autant que faire se pourrait , et que les anciens se-
raient obligés de proposer des voies d'accommodement
(i) Ce synode porte le nom de général dans le Recueil des synodes du
Vivarais (ms ) ; mais il ne fut pas considéré comme tel dans la suite. Le
premier synode général du Désert fut seulement tenu Tannée suivante, le
16 mai 1726, dans le Vivarais.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. II9
à tous ceux qui ressortissaient à leur inspection ; enfin ,
relativement à la manière dont devaient se conduire les
fidèles qui seraient arrêtés par les ennemis à l'occasion
des assemblées, et touchant les questions qui pourraient
leur être adressées à ce propos , la Compagnie prit la
décision suivante : « Si ceux qui les interrogeront sont
de simples particuliers qui n'en aient aucun ordre de la
part du roi , il ne leur sera rien répondu ; au contraire ,
si c'est un magistrat ou plusieurs , représentant la per-
sonne du roi , qui le fasse , on sera obligé de leur dé-
clarer la vérité en ce qui regarde le particulier et tout
ce qui tend à la gloire de Dieu et à l'édification de son
Eglise; mais, sur tout ce qui ne tend pas à ce but, on
gardera un profond silence, n'étant pas obligé, ni par
les lois naturelles ni par celles de l'Evangile, de révéler
ce qui peut être préjudiciable à nos frères , lorsque
d'ailleurs ce qu'on révélerait ne saurait contribuer, ni à
la gloire de Dieu, ni à l'édification de l'Eglise, ni au
bien, ni à la tranquillité de l'Etat. »
Dans ce même synode du 21 juin 1725, Durand et
Bernard furent autorisés à administrer les sacrements
« à cause du pressant besoin des Eglises; » et il fut en-
core résolu qu'on imposerait les mains à Durand , mais
un second synode , tenu le 29 août suivant , décida
qu'on examinerait encore cette importante question ,
tout en autorisant de nouveau Bernard et Durand à ad-
ministrer les sacrements.
Ce second synode provincial (ij, auquel assistèrent
Roger, qui se rendait au synode du Languedoc, et Rou-
vière , député des Eglises de cette province, renouvela
« une ferme et perpétuelle union avec les Eglises du
(0 II porte, dans le Recueil des synodes du Viva.ra.i)i, le nom de synode
général, comme celui du 21 juin précédent ; mais, pas plus que celui-ci , il
ne fut regardé comme tel dans la suite
I 20 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Languedoc et du Dauphiné , » et députa Durand au sy-
node de la première province , qui devait se tenir le
1} septembre suivant (i).
A l'année 1725 se rattache l'étrange procès qui suit,
dont la durée ne fut pas moindre de vingt ans.
Paule Chermezon , nouvelle convertie, de Riou, pa-
roisse de Silhac, étant tombée malade au mois d'août,
le curé et le vicaire s'empressèrent de lui proposer l'ad-
ministration des sacrements de l'Eglise. La malade, qui
ne voulait pas les brusquer et croyait se rétablir , leur
fit cette réponse évasive : « Je ne suis pas si malade
pour me disposera recevoir les sacrements, ne venez
que lorsque je vous ferai avertir; chacun est bien aise
de mourir dans sa religion et en prend de tous côtés.
Si Dieu veut que je fasse ce que vous exigez, je le fe-
rai. » Paule, étant morte peu de jours après, le procu-
reur du roi au bailliage d'Annonay , poussé par des
parents qu'elle avait déshérités, intenta un procès à sa
mémoire et la fit condamner comme relapse, le 12 juil-
let 1726, après une première instruction faite par le juge
de Chalancon le 19 septembre de l'année précédente.
Pourtant Paule n'avait pas refusé les sacrements de
l'Eglise, comme on l'a vu , non plus que déclaré publi-
quement qu'elle voulait mourir dans la religion réformée,
ainsi que le portait la déclaration royale de 1724.
La confiscation des biens de la défunte était la consé-
quence de sa condamnation, de sorte que Jean-Anloine
Chermezon , dit La Saigne , qu'elle avait fait son héri-
tier universel et à qui elle laissait une créance de
5,151 livres en principal et 6,143 livres 10 sols en inté-
rêts, se voyant frustré de son bien, en appela de la
(i) Meynadier, p. 16-21. Edm. Hugues, l. I, p, 295, 294. Morel dit Duver-
net, Mémoire (ms.). Recueil des synoOes du Vioarais (ms.). Co'rteiz Ri^-
Isition historique, dans Edm. Hugues, t. I,p. 474. Ms. Court, n" i , t. III.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 121
sentence du bailliage d'Annonay au parlement de Tou-
louse et en obtint la cassation par cette cour souveraine
le 3 avril 1739. Les fermiers des biens des religionnai-
res fugitifs, mécontents de cet arrêt qui les privait delà
fortune de Paule , en rappelèrent à leur tour et , après
de nouveaux jugements rendus par l'intendant du Lan-
guedoc et le parlement de Toulouse, le conseil du roi ,
qui jugea le procès en dernier ressort, donna" gain de
cause, le 25 avril 1744, à Jean-Baptiste Bleville , fer-
mier et régisseur général des biens des religionnaires
fugitifs. Antoine Chermezon, héritier universel de son
oncle Chermezon La Saigne décédé, adressa au con-
seil du roi divers mémoires et suppliques pour établir
que sa religion avait été surprise et le prier de revenir
sur son arrêt. Le conseil y consentit et , par une nou-
velle sentence du 28 mai 1746, prononça la mainlevée
de la saisie des biens confisqués de Paule et les adjugea
à son héritier (i).
PREMIER SYNODE NATIONAL. CONSÉCRATION DE DURAND.
SON MARIAGE. PRÉDICATEURS DU VIVARAIS (1726-
1729).
L'union des Eglises du Vivarais , du Dauphiné et du
Languedoc étant consommée, il était naturel et néces-
saire qu'elles se constituassent en synode général. Le
célèbre Benjamin du Plan , gentilhomme d'Alais , réfu-
gié à l'étranger, u conseillé, » dit Ed. Hugues, « par
quelques personnages de la Suisse, venait d'écrire qu'il
serait nécessaire de tenir un synode général, où se réu-
niraient les députés du Vivarais , du Dauphiné, du Lan-
guedoc et des Cévennes. On pourrait ainsi , disait-il ,
^ii Dossier communique par M. le pasteur Dussaul.
122 HISTOIRE DES PROTESTANTS
prendre des mesures communes pour la propagation de
l'Evangile. Court trouva le conseil judicieux, la convo-
cation d'un synode général fut décidée. »
Une première et une seconde assemblée d'un carac-
tère général s'étaient déjà tenues en Vivarais , comme
on l'a vu , les 2 1 juin et 29 août 1725; mais , soit que
les députés des provinces ne s'y fussent pas trouvés en
nombre suffisant, soit qu'on y eût résolu de se réunir
une troisième fois, soit surtout qu'on jugeât indispensa-
bles la présence de Court et le concours de ses lumiè-
res (il n'avait pas assisté aux deux synodes susdits), ce
ne fut que le 16 mai 1726, au fond d'une vallée reculée
du Vivarais , que s'ouvrit , après une interruption de
soixante et dix années , le premier synode général des
Eglises réformées du désert de France. Quarante-huit
membres y assistèrent : trois pasteurs , Roger , Cor-
teiz et Court; neuf proposants (ou prédicateurs), et
trente-six anciens. Les 26 articles qui furent arrêtés
avaient été déjà adoptés par les synodes provinciaux du
Languedoc, du Vivarais et du Dauphiné; mais on les
coordonna, compléta et rédigea plus correctement.
Durand demanda, pendant la tenue du. synode , à re-
cevoir l'imposition des mains , et la cérémonie eut lieu
le 17 mai. Les pasteurs consacrants furent ceux que
nous avons déjà nommés. C'étaient du reste les seuls
que possédassent à cette heure les Eglises sous la croix.
Roger prononça le discours de consécration.
Le 26 décembre suivant , Durand se fiança à Anne
Rouvier, de Cros, paroisse de Saint-Etienne-de-Serre,
sœur du galérien pour la foi mentionné plus haut (page
107), et fille de Jacques Rouvier, notaire royal; mais
la mère de celle-ci , qui avait déjà un fils aux galères ,
s'étant opposée à ce mariage à cause des dangers aux-
quels Durand était exposé comme pasteur, il fallut vain-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 12J
cre ses résistances et la cérémonie n'eut lieu qu'en
mars 1727. Roger le bénit au désert.
Court profita de son séjour en Vivarais pour faire une
visite générale des Eglises de cette province et « met-
tre, comme il le dit lui-même, la dernière main à l'éta-
blissement de l'ordre dressé dans cette province depuis
quelques années. »
En 1727, le II octobre, le deuxième synode natio-
nal se réunit dans le Dauphiné.
L'année suivante (1728), Corteiz visita les Eglises du
Velay. Il présida une assemblée à trois lieues du Puy et
y bénit treize mariages.
Cependant Dortial continuait à faire de l'opposition
à la discipline. Le synode du 17 avril 1725 lui avait re-
tiré son titre de prédicateur à cause de ses nombreuses
révoltes et de sa sympathie pour les inspirés, mais il ne
cessa pas pour cela de prêcher. II se créa même un
parti dans la Montagne et y présida des assemblées. A
la suite d'une affaire , que Fauriel dit Ladreyt appelle
« un badinage, » il faillit être arrêté. Un certain nombre
de ses partisans le furent, mais on les relâcha au bout
de quelques mois. Ils n'en devinrent pas plus raisonna-
bles poirr cela. « Ils sont plus fous que jamais, » écrit
le même Fauriel le 21 avril 1729. Il constate pourtant,
tout comme Durand, que Dortial voyait le nombre de
ses adhérents diminuer de jour en jour. Dans le Dau-
phiné, où il allait également présider des assemblées, il
ne trouvait plus de retraite; et, dans le Vivarais, un
seul village consentait à le recevoir.
Au commencement de 1729, à la suite de quelque
assemblée sans doute, l'autorité fit raser deux maisons
à la Traverse : celle de Vernet de la Verneze et celle
de Blache. Plusieurs protestants furent condamnés aux
galères pour une autre assemblée , tenue à Saint-Fortu-
124 HISTOIRE DES PROTESTANTS
nat et que paraît avoir présidée Mercier; mais celui-ci
parvint à s'échapper et les autres inculpés également.
Les collaborateurs de Durand dans le Vivarais à cette
époque étaient :
Monteil, Bernard, Brunel , Mercier et Guilhot, pré-
dicateurs fort âgés, qui ne furent jamais investis officiel-
lement du titre de prédicateur , attendu que , lorsque
le synode du Vivarais se réunit pour la première fois en
1721 , ils en exerçaient déjà les fonctions depuis au
moins vingt ans. Ce long stage suffit aux yeux du sy-
node pour établir la légitimité de leur vocation.
Jean-Gabriel Fauriel, dit Lassagne ; de Silhac, reçu
prédicateur en 1726, étudiant au séminaire de Lausanne
en 1730 ;
Jacques Boyer, dit Debos , de Bancel , paroisse de
Vernoux , reçu en 1729, à Lausanne en 1730;
Jean-Pierre Fauriel, dit Ladreyt, frère cadet de Las-
sagne, reçu en 1730, à Lausanne en 1734;
Jean Lapra , dit Lafaurie , de Châteauneuf-lès-Ver-
noux, reçu en 1730, régent d'école en Allemagne
en 1734.
Les trois prédicateurs qui suivent exerçaient leurs
fonctions contre l'autorité du synode :
Dortial , reçu en 1724, interdit en 1725 , comme on
l'a vu.
Pierre Clergues, reçu en 1724, interdit en 1729.
Martel, dit Latour, de Poyols en Dauphiné , prédi-
cateur de cette province passé en Vivarais , interdit en
1725 (0-
(i) Edm. Hugues, t. I , p. 297-500. Corteiz , Rplatiori historique. ^ dans
Edm. Hugues, t, I , p. 485, 484. Meynadier , p. 22-27. Court, Mémoires ,
p. 200. Recueil des synodes du Vivarais (ms.) Ms. Court, n" 17, t. G, R;
n° 8 ; n» i, t. XIV. Bonnefon, BerLjamin du Plan, p. 124, i2f.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 12^
ARRESTATION DU PÈRE DE DURAND, DU FIANCÉ DE
SA SŒUR ET DE SA SŒUR ELLE-MÊME. TROISIÈME
SYNODE GÉNÉRAL. LASSAGNE SECOND PASTEUR DU
VIVARAIS (1729-1730).
La tenue du premier synode national du désert avait
concordé avec l'avènement du ministère du cardinal
Fleury , prélat prudent et modéré, qui laissa d'une ma-
nière générale les protestants en repos pendant sept an-
nées (1726-1732) ; mais les persécutions locales, qui
dépendaien't de l'humeur des intendants et de celle de
leurs subdélégués, continuèrent comme par le passé, et
les pasteurs en furent surtout les victimes.
Les travaux apostoliques de Durand le signalèrent ,
en effet , au zèle persécuteur des autorités de la pro-
vince. On promit i,ooo livres, puis 3,000, à celui qui
le livrerait; et comme il réussit pour l'heure à échapper
à toutes les recherches , on décida de se saisir de son
père, âgé de soixante et onze ans, dans la pensée que,
pour le sauver, son fils quitterait la France. Le sieur
Duroux, de Privas , escorté de douze soldats . se ren-
dit donc au Bouchet, paroisse de Pranles, mais il ne
trouva pas Etienne Duraud et se contenta de saisir ses
papiers et ses livres. Le brigadier Pierre-Paul de Clerc
de Ladevèze , commandant militaire du pays (i) , fut
plus heureux. En février 1729, il put s'emparer de sa
personne et le fit conduire au château de Bauregard.
Durand , en ayant été informé , écrivit à Ladevèze, le
22 avril suivant, une lettre éloquente où il parlait en
juge plutôt qu'en suppliant. « Quoi ! » s'écrie-t-il , « in-
fliger des peines, détenir en prison un pauvre vieillard
(i) 11 fui nommé maréchal de camp en I7?4. et lieutenant général en 1745.
I 26 HISTOIRE DES PROTESTANTS
parce qu'il a un fils ministre, un fils qui est chrétien,
mais qui refuse d'adorer des dogmes qu'il ne croit pas
véritables , et laisser en repos le père d'un Cartouche,
le plus insigne des scélérats ! Se peut-il croire que cela
se pratique dans les états d'un prince, qui fait sa plus
grande gloire de porter le titre auguste de très chré-
tien ? Un événement de cette nature étonnera la posté-
rité, et, si je n'attendais pas un effet de votre justice,
je dirais hardiment qu'il a été réservé pour être la honte
de notre siècle , puisqu'on ne lit pas qu'il soit jamais
rien arrivé de semblable parmi les chrétiens. L'on m'as-
sure qu'en détenant mon père vous croyez de m'obliger
à sortir du royaume, mais... le caractère duquel je suis
revêtu ne me permet pas d'abandonner le troupeau que
le Seigneur m'a confié et du salut duquel je dois rendre
compte... ; je me croirais criminel devant Dieu si, pour
garantir ma vie, j'abandonnais ceux à l'instruction salu-
taire desquels je suis consacré... La prudence même ne
me le permet pas... Tous les passages sont munis de
gardes avec mon portrait pour m'arrêter au cas que je
passe... Je vois le Rhône bordé d'une manière que je
serais bien imprudent si j'entreprenais de le passer ;
ainsi il ne faut attendre que je m'y hasarde. Si mon Sau-
veur veut m'appeler à signer de mon sang son saint
Evangile, sa volonté soit faite ; mais je sais qu'il nous
commande la prudence du serpent aussi bien que la
simplicité de la colombe , et qu'autant il est glorieux de
mourir pour la vérité, autant il est honteux d'être la vic-
time d'une témérité imprudente. J'ose donc attendre de
votre équité, monsieur, que vous laisserez libre celui
qui est injustement détenu captif, puisque vous appre-
nez son innocence. Au moins ne vous attendez pas de
m'intimider en le détenant. Je sais qu'il souffre pour
une juste cause et que , quand il serait conduit à la mort
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I 27
pour soutenir la sainte religion , je n'aurais pas lieu de
le prendre à honte : au contraire je croirais devoir m'en
glorifier. Mais je sais aussi que vous ne devez pas ou-
blier qu'il y a un juge souverain devant lequel vous serez
obligé de comparaître, aussi bien que nous, et que tou-
tes les absolutions, jubilés et indulgences du clergé ro-
main , ne seraient pas capables de vous justifier devant
ce juge aussi redoutable que juste, si vous faites souf-
frir ce bon vieillard mal à propos et si vous répandez
son sang de propos délibéré. Or, c'est à vous à y faire
attention (i). »
Peu touché, plutôt irrité de ce fier langage, Lade-
vèze fit transférer Etienne Durand du château de Beau-
regard au fort de Brescou, près d'Agde; puis, croyant,
sur une fausse indication, que Marie, sœur de Durand,
avait été mariée au désert par- son frère , il fit arrêter le
28 juin suivant Mathieu Serre avec qui elle n'avait été
que fiancée ; et le malheureux jeune homme, condamné
à une détention perpétuelle , alla rejoindre au fort de
Brescou le père de sa fiancée, qu'il ne devait pas re-
voir dans ce monde.
La jeune Marie elle-même ne trouva pas grâce aux
yeux des persécuteurs. Arrêtée dans sa maison, en
vertu d'une lettre de cachet du 28 juillet suivant , uni-
quement parce qu'elle était la sœur d'un ministre , elle
fut d'abord conduite à Beauregard, puis à la tour de
Constance , où elle séjourna trente-huit années ! C'est
dans cette sombre prison qu'elle s'illustra par sa cha-
rité , sa résignation et son invincible constance (2). Elle
en sortit le 14 avril 1768 , comme on le verra plus loin.
Là ne s'arrêta pas le zèle des persécuteurs. En 1729
{I: Meynadier, p. 28-57. Arch. de l'Hérault, C, 201.
(2) Voy. Benoît, Marie Durand, Toulouse, 1884, in-12. Borrel , Pierre
Durand et Marie Durand, Nîmes, 1865, in-8°.
128 HISTOIRE DES PROTESTANTS
et 1730 on fit payer des amendes ruineuses aux protes-
tants qui n'envoyaient pas leurs enfants à la messe ou
aux catéchismes des curés. Les protestants de Vais du-
rent à eux seuls payer 4,000 livres. Dans certains dis-
tricts il fallut recourir à l'emploi des soldats pour faire
rentrer les amendes (i).
Les protestants du Vivarais adressèrent un placet au
comte de Saint-Florentin pour se plaindre de ces ri-
gueurs. Le ministre en écrivit à Louis Basile de Ber-
nage , intendant du Languedoc , qui répondit qu'on
avait exagéré les faits; mais il convint pourtant qu'on
avait fait payer des amendes pour des enfants de trente ,
trente-cinq et même trente-huit ans, qui avaient dépassé
de beaucoup l'âge fixé par les (ordonnances (2).
Quelques pères de famille ayant cédé pour se sous-
traire à ces sacrifices ruineux , le synode du Vivarais
du 17 octobre 1730 décida que s'ils persévéraient dans
leur lâcheté, après avoir été admonestés fraternellement
par les pasteurs, les prédicateurs ou les anciens, ils se-
raient suspendus de la sainte cène aussi longtemps qu'ils
resteraient dans l'impénitence, u attendu, disent les ac-
tes du synode, qu'ils participent au crime d'idolâtrie
que ces enfants commettent et qu'ils en sont la princi-
pale [cause] ; et encore qu'ils font voir qu'ils aiment
mieux les biens du monde que la gloire de Dieu et leur
propre salut. »
Un mois auparavant, les 26 et 27 septembre 1730,
le troisième synode générai du désert s'était tenu dans
le Vivarais. Il y fut décidé que les frères du Langue-
doc et du Dauphiné seraient obligés de remettre à leurs
frères du Vivarais une copie de leurs règlements parti-
(i) Ms. Court, n» I, t. XV : n» 17, t. R.
(2) Arch. nat., TT, 244.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 12g
culiers Pactes de leurs synodes) en bonne et due forme
dans l'espace d'une année à compter de la date du pré-
sent synode général. Leurs frères du Vivarais s'engagè-
rent de leur côté à faire tenir les leurs aux frères du
Languedoc et du Dauphiné lorsqu'ils en seraient dû-
ment requis (i).
Les pasteurs Roger et Rolland du Dauphiné et le
prédicateur Villeveyre de la même province ne purent
pas assister au synode national parce que les passages
du Rhône étaient soigneusement gardés, mais ils écri-
virent le i8 septembre une lettre à la vénérable compa-
gnie où ils se réjouissaient d'apprendre que leurs frères
du Languedoc, Corteiz et Bétrine, n'avaient « que des
vues de pacification et d'union , ne se proposant que
de bannir tout ce qui pourrait causer des divisions en-
tre les corps synodaux. » Par le passé il nen avait pas
été ainsi. « Ce n'est pas regarder le bien commun, di-
saient-ils , quand on s'empresse à envoyer prédicateur
sur prédicateur pour se perfectionner dans le temps que
d'autres y ont le même droit et qu'ils en auraient un
plus grand besoin ; ce n'est pas non plus répondre à
l'union si l'on ne se communique pas ce que l'on fait ni
les avis qu'on reçoit d'un député général ou de mes-
sieurs nos amis. »
Abordant un autre ordre d'idées , Roger et ses col-
lègues disaient : « Il serait nécessaire de presser mon-
sieur notre député [Du Plan] à faire le voyage vers les
Etats protestants hors de la S|uisse], pour les engager à
s'employer pour nous et pour solliciter les moyens d'en-
tretenir en tout, ou du moins en partie, le saint ministère
au milieu de nos Eglises (elles se trouvent trop pauvres),
et de solliciter aussi les moyens d'établir et d'entretenir
(i) Papiers Rabaut, t. Il, p. 71.
II.
no HISTOIRE DES PROTESTANTS
de petites écoles ambulantes dans ce pays pour appren-
dre de jeunes hommes , qui voudraient se consacrer au
saint ministère et à qui on donnerait des leçons de
théologie. La pauvreté de nos Eglises et le manque de
prédicateurs dans cette province nous fait demander
cela comme absolument nécessaire. »
Ajoutons qu'à partir de cette année 1730, Durand eut
un collègue dans la personne de Fauriel dit Lassagne ,
que le synode du Vivarais, du 1 5 avril, avait autorisé à
se faire consacrer au saint ministère où bon lui semble-
rait, c'est-à-dire en Suisse. Lassagne était de retour le
27 septembre suivant , et , quoiqu'il se fût immédiate-
ment mis à l'œuvre, ce n'est que le 17 octobre 173 1
que le synode de la province le reconnut « pour pas-
teur de toutes les Eglises du Vivarais , » et ordonna à
tous ceux qui étaient « unis à l'ordre établi » de l'agréer
comme tel et de l'écouter (i).
DÉPART DE M* DURAND POUR LA SUISSE. ARRESTA-
TION DE SA MÈRE. ÉTAT DES ÉGLISES {173O-I731].
Pierre Durand , craignant avec raison que les ri-
gueurs , on pourrait dire la rage , de ses persécuteurs
n'atteignissent sa femme elle-même, résolut de l'envoyer
à Lausanne. Anne partit le cœur brisé à la fin d'octo-
bre 1730 avec le proposant Boyer-Debos , qui allait
perfectionner ses études au séminaire de Lausanne
fondé par Court. Elle laissait son mari et deux enfants
en bas âge. « Une correspondance aussi active que le
permettaient les lenteurs de la poste , » dit M. Benoît ,
« s'établit entre les deux époux. Si nous n'avons retrouvé
que trois lettres de la pauvre exilée à son mari, nous en
'1 Hrciieil tins siiiiadcs dit \'ic!ir;iix ins. .
DU VIVARAIS ET DU VELAY. HI
avons douze que son mari lui adressa, depuis le mois
de novembre 1730 jusqu'à la veille de son arrestation.
Elles nous font lire dans son âme et nous initient à
ses travaux. Elles nous le montrent dans l'effusion de
Tamour conjugal, aimable et gai, plein d'affection pour
sa compagne et de sollicitude pour ses enfants. » L'un
et l'autre ne devaient plus se revoir que dans le ciel!
Comme si l'autorité était satisfaite de ce douloureux
sacrifice , elle cessa pour le moment ses arrestations.
Des détachements de soldats furent bien envoyés en
plein jour à Saint-Cierge- la-Serre et au Chambon-de-
Bavas (paroisse de Saint-Vincent-de-Durfort), mais ils
n'entrèrent dans aucune maison. On perçut également
quelques amendes , mais sans exercer de violences.
La tranquillité dura peu , car on arrêta au Pont-de-
Dunières , le 18 mars 173 1 , la belle-mére de Durand ,
Isabeau Sautel , de Cros (paroisse de Saint-Etienne-de-
Serre). Le curé l'en avait déjà menacée. Ce fut unique-
ment parce qu'elle avait donné son consentement au
mariage de sa fille avec un ministre. Conduite à Tour-
non , où Ladevèze la soumit à un interrogatoire som-
maire , elle alia rejoindre Marie Durand à la tour de
Constance. Ainsi toute une famille fut emprisonnée
•pour la faute d'un seul !
Ces rigueurs, quelque accablantes qu'elles fussent
pour Durand , ne ralentissaient pas son zèle. « Nos af-
faires vont toujours leur train, » dit-il avec une sérénité
que rien ne pouvait altérer; « le nombre des mariages que
j'ai bénis passe celui de quatre cents depuis quelque
temps , et ceux de M. Lassagne vont accomplir la cen-
taine. Nos assemblées grossissent beaucoup et nos peu-
ples sont assez remplis de courage. »
Corteiz , qui revenait à cette époque d'un voyage à
Zurich et se rendait en Languedoc, s'arrêta deux jours
1:52 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dans les montagnes du Vivarais (juin 173 1). Il put voir
Durand, avec qui il passa une journée, et donna une
prédication.
Durand se rendit en Languedoc pour l'affaire du trop
célèbre Boyer, pasteur de cette province, qu'il ne faut
pas confondre avec celui du Vivarais. Accusé d'indisci-
pline et d'immoralité sur des preuves qui n'étaient pas
formelles , Boyer avait réussi à gagner à son parti un
certain nombre d'Eglises et même à organiser un
schisme, qui ne prit fin qu'au synode général de 1744.
Après avoir fait le tour des Cévennes et assisté au
synode du Languedoc du 25 octobre 1731 , Durand
était de retour à Tauzuc (paroisse de Pranlesj le 19 dé-
cembre suivant. Rouvière , prédicateur du Languedoc ,
visita le Vivarais pendant l'absence de Durand. A son
retour ce dernier trouva la province tranquille. « Tout
va son train ordinaire, » écrivait-il, « on laisse tomber les
amendes des enfants petit à petit. Les mariages bénis
dans nos Eglises se sont rendus assez communs en Vi-
varais. Béni soit Dieu ! et les pères et les mères com-
mencent à connaître leur devoir à l'égard du baptême
de leurs enfants (i). »
ARRESTATION DE DURAND (l2 FÉVRIER I7p)-
Cependant l'autorité n'abandonnait pas son dessein
bien arrêté de se saisir à tout prix de Durand. On
éleva le prix de sa trahison de 3,000 à 4,000 livres.
Amorcés par cette somme considérable pour l'époque,
(i) Benoît, p. 61-108. Meynadier, p. }7-;9. Le(/res de Durand à. sa femme
pj à M. de Beaulieu, LetJres de Corteiz i) Court dans la Cnrresponduiicc
liislorique des deux Chirutis, le Bu]U'lin ^ elr.. t. XXXIII, p 49,-, et les
Archives de l'Hérault, C, 201.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I??
les délateurs et les espions se mirent en campagne et
Durand fut vendu.
Un chirurgien de ses parents, nommé Jean Astier,
de Chalancon , ne craignit pas d'assumer cette respon-
sabilité. Il avait abjuré le protestantisme et ne poursui-
vait qu'un but , celui de gagner de l'argent par tous les
moyens possibles. Il disait lui-même « qu'il ne se sou-
ciait pas d'être damné pourvu qu'il laissât du bien à ses
enfants. » Aidé de ses deux fils , également chirurgiens
et aussi peu scrupuleux que lui, il gagna un cardeur de
laine catholique, nommé Jean Brun, qui demeurait à
Silhac, près du grand chemin, et qui connaissait beau-
coup Durand pour l'avoir vu passer maintes fois devant
sa maison.
Le 12 février 1732, ce dernier se rendit au village
de Gamare , situé dans les environs, pour y souper et
gagner de là Valence. Il voulait y mettre une lettre à
la poste pour sa femme , puis conférer avec Roger sur
l'affaire de Boyer. Il fut aperçu par les enfants de Brun,
d'autres disent par sa femme. Quoi qu'il en soit, celle-ci,
ne voulant pas compromettre ostensiblement son mari,
fit avertir par un de ses enfants ou avertit elle-même les
deux fils d'Astier, qui habitaient 'Vernoux et qui prévin-
rent aussitôt l'officier commandant les trois compagnies
de soldats en garnison dans ce bourg.
Ce dernier reçut le même jour , après souper , la vi-
site de Desboze, prieur et curé de Saint-Félix-de-Châ-
teauneuf , qui vint l'informer que le soir même une as-
semblée devait se tenir dans les environs. Le commandant
apprit à son tour au curé qu'on lui avait dénoncé la pré-
sence de Durand à Gamare, hameau de Saint-Jean
Chambre. Rapprochant les deux récits, ces deux mes-
sieurs conjecturèrent que Durand allait présider une
réunion dans le dernier lieu et qu'elle se tiendrait à la
!34 HISTOIRE DES PROTESTANTS
grange des Vernets , près de Gamare. C'était une er-
reur. L'assemblée dénoncée au curé devait être prési-
dée par un autre que Durand et se tenir à une demi-
lieue de Gamare (i).
Le commandant , qui ne disposait pour le moment
que de cinquante hommes , les fit partir à dix heures et
demi du soir, mais sans autre ambition que celle d'ar-
rêter quelques-unes des personnes qui reviendraient de
l'assemblée. Conduits par un des hls d^Astier et le curé,
ils se divisèrent en deux bandes au bout d'un quart
d'heure. L'une se dirigea à gauche vers la grange des
Vernets, l'autre garda le grand chemin de Saint-Agrève
pour tourner la position. C'est la première qui captura
Durand.
Ayant entendu, à cause de la glace qui couvrait les
chemins , le bruit d'un cheval qui descendait la côte de
La Châtaigneraie, nommée le bois de Vaussèche , sur
la route de traverse de Saint-Jean-Chambre à Vernoux,
quatre soldats se placèrent en embuscade, pendant que
le sergent qui les commandait alla, déguisé en paysan ,
à la rencontre du voyageur, qui n'était autre que Du-
rand. Quand il fut près de lui, il lui demanda le chemin
d'un village voisin, et Durand lui répondit qu'il allait de
ce côté-là et pouvait le suivre. Il le fit , mais lorsqu'il
fut près de l'embuscade , il se saisit de la bride de son
cheval et l'arrêta, sans que celui-ci « daignât faire la
moindre résistance, car il avait le temps nécessaire pour
lui tirer un coup de pistolet et de se faire laisser.
Etant bien monté, comme il l'était, on n'aurait pu le
rattraper. »
Durand fut ensuite conduit auprès de l'officier qui
(i; A Chevalar, paroisse de Vernoux, dans la maison du sieur de Mc^ntrey-
naud, habitée par Jean Brunel. Elle fut présidée par le prédicateur I.apra,
dit Lafaurie.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 135
commandait le détachement. Celui ci lui fit les questions
d'usage et fouilla sa valise, où il trouva quelques livres ( i ),
et, dans ses poches, des lettres de sa femme, celles
que lui-même -lui adressait, quelques certificats de ma-
riage , et une petite clef. « On lui trouva aussi trois pis-
tolets , deux à l'arçon , qui n'étaient point chargés , et
un de poche, qui était chargé. » C'était, à cette époque
peu sûre , l'habitude de tous les voyageurs , qui avaient
à se garder des voleurs et des loups , dangereux dans
ces parages montagneux.
Les deux escouades de soldats se réunirent et con-
duisirent Durand à la grange des Vernets, où elles espé-
raient trouver , quoique ce dernier leur eût affirmé le
contraire, quelques-unes des personnes qui avaient as-
sisté à l'assemblée que l'on présumait s'y être tenue.
Deux heures après, les soldats emmenèrent leur prison-
nier et furent à Vernoux à trois heures du matin.
Au point du jour les soldats, qui devaient le conduire
à Tournon, n'étant pas encore prêts, plusieurs person-
nes du bourg vinrent le visiter, notamment le curé
Meunier, qui eut la bassesse de lui dire : « Vous de-
vriez bien me rendre une partie de l'argent que vous
avez tiré des mariages que Je devais bénir. » Durand lui
ayant répondu qu'il n'avait pris pour ces mariages que
le montant du papier timbré nécessaire au certificat et
au registre, Durand ajouta ces paroles sévères : « Vous
devriez rougir de honte et de confusion lorsque vous
me dites que je ne devais pas bénir ces mariages. Vou-
liez-vous les laisser vivre en concubinage ? Leur con-
science, leurs affaires domestiques, demandaient qu'ils
i) Une Bible de poche (Amsterdam, 1710), la Théologie chrétienne de
Pégorier. Lamort des justes, Lettres écrites 3 i/n protestant de France
sur les mariages ri les baplémes. les ŒAivres de Roilrun en 4 tomes, le
;' tome du livre de La méthode de Mallebranche.
I 56 HISTOIRE DES PROTESTANTS
se mariassent. Cependant vous ne vouliez bénir leurs
mariages qu'à la condition qu'ils abjurassent leur religion,
et trouvez-vous étrange qu'un ministre de leur religion
les ait bénis ? »
Une demoiselle, qui jouissait d'une mauvaise réputa-
tion, lui ayant dit : « Vous avez fait beaucoup de mal
dans le pays, » s'attira cette verte réponse : « Hélas!
Mademoiselle, vous appelez le bien mal et le mal bien,
mais vous êtes excusable , car je vois assez que vous
n'avez jamais su ce que c'est que le bien , du moins
vous ne l'avez pas pratiqué. »
Bien d'autres personnes vinrent le voir, les unes par
curiosité , les autres par sympathie , mais il y en eut
très peu qui ne s'en retournassent contentes et satisfai-
tes des beaux et bons discours qu'il leur tint; plusieurs
même , quoique catholiques , ne purent retenir leurs
larmes.
Cependant le bruit de la capture de Durand s'était
répandu dans la contrée. Plusieurs anciens de consis-
toire se réunirent chez un de leurs collègues, Jean
Pierre Espinas, procureur de Saint-Félix-de-Château-
neuf, qui, avec leur autorisation, partit pour faire une
collecte parmi ses coreligionnaires et suivit Durand
jusqu'à Montpellier, oij il pensait pouvoir lui remettre
l'argent qu'il avait recueilli. De Bernage , qui en fut
informé, le fit emprisonner, mais, comme il ne put
avoir de preuves du but de son voyage , il se contenta
de le laisser sous les verroux. Il y était encore en octo-
bre de cette même année 1732 (1).
(i) Il paraît avoir été relâché quelque temps après; mais, comme on le
verra plus loin, il fut de nouveau arrêté en 1740 et condamné aux galères
perpétueles pour avoir logé le pasteur Lassagne et reçu chez lui des livres
protestants venus de l'étranger. Après vingt ans et plus de chaîne, on lui
rendit la liberté. Le liidlptin. ric. (t. XXVIII. p. ^'-362). a publié de tou-
chantes lettres de lui.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I37
DURAND A TOURNON ET SON TRANSFERT A MONTPELLIER
(13-22 FÉVRIER 1732).
Le prisonnier, qui était parti de Vernoux le 13 fé-
vrier, à 7 heures du matin, en chantant le Psaume XXV,
arriva à Tournon entre quatre et cinq heures du soir.
« Ladevèze lui fit porter à manger de chez lui parce
qu'il y a apparence qu'il ne se fiait pas au geôlier,
crainte que quelqu'un ne l'empoisonnât. »
Le commandant lui posa diverses questions sur son
ministère, auxquelles il répondit, mais il refusa de nom-
mer les lieux qu'il avait visités et les personnes chez
lesquelles il avait logé. Quant àlapetite clef qu'on trouva
sur lui , il déclara que c'était celle d'un petit coffret qui
renfermait quelques livres et des lettres de sa femme.
Ladevèze l'ayant pressé fortement de lui indiquer l'en-
droit où était le coffret jusqu'à le menacer de la ques-
tion s'il s'y refusait, il écrivit à son collègue Lassagne,
sur la parole d'honneur que lui donna le commandant
que sa lettre ne causerait de préjudice à personne.
<( On veut savoir , » lui disait-il , « en quoi consistent
les papiers et les livres. Comme vous êtes le seul qui
sachiez où est le dit coffret, je vous prie de le faire por-
ter à la porte de M. Descours , de Marcols, qui le fera
rendre à M. de Ladevèze. » Descours était protestant
et juge des quatre mandements des Boutières. Durand
ajoutait ces paroles touchantes : « Ma course sera bien-
tôt finie, Dieu aidant; dans peu de temps je scellerai
l'Evangile que j'ai prêché. Je vous prie de prier le Sei-
gneur en ma faveur, qu'il me pardonne mes péchés,
qu'il me sanctifie par son Saint-Esprit et qu'il me sou-
tienne dans toutes mes épreuves. Je prie le Seigneur de
me faire la grâce de finir mes jours dans son amour et
1^8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dans sa crainte. Je vous recommande à sa divine pro-
tection. 11 n'est pas nécessaire de vous dire que vous
avez à vous conduire sagement et avec beaucoup de
circonspection. Je vous recommande, de mêine qu'à
toutes les bonnes âmes, ma pauvre femme et mes chers
enfants, qui vont être bientôt sans père. »
La lettre de Durand, qui portait un nom supposé sur
l'adresse, fut mise à la poste de Privas, mais personne
ne la réclama, parce qu'on sut que Ladevèze , malgré
sa parole , s'était rendu dans cette ville pour faire arrê-
ter la personne qui la demanderait. Déçu dans son es-
poir, il donna l'ordre à la directrice des postes, si
quelqu'un se présentait pour réclamer le pli, d'en aver-
tir immédiatement Danthon, brigadier des cavaliers de
la maréchaussée de Privas.
Au bout de trois semaines de vaine attente, Ladevèze,-
furieux, fit venir deux hommes de la paroisse de Ver-
noux, proche du lieu où avait été arrêté Durand, et leur
démanda le coffret, les menaçant de leur envoyer des
soldats s'ils ne Je rendaient. Sur leur protestation qu'ils
n'en étaient point les détenteurs et ignoraient complè-
tement où il était, il leur donna l'ordre d'aller retirer la
lettre à Privas , les assurant qu'ils ne seraient point ar-
rêtés. Ils la retirèrent donc, et, avant de la remettre à
Ladevèze, ils en firent prendre une copie, qui mit plus
de deux mois à parvenir à Lassagne. Elle parvint néan-
moins , et le coffret fut porté à Montpellier.
Pendant que Durand était à Tournon, ses coreligion
naires écrivirent une lettre à Ladevèze pour lui proposer
de le faire évader en échange d'une grosse somme d'ar-
gent. f< Nous convenons, » lui disaient-ils, « que cela vous
ferait de la peine parce que, si vous étiez découvert,
vous risqueriez d'être démis de votre emploi ; mais nous
répondons à cela que la somme que vous retire-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I 39
riez serait bien capable de vous indemniser. Outre cela,
on peut vous assurer que, si cela arrivait, on trouverait
des moyens pour vous faire avoir un emploi autant ou plus
avantageux que celui que vous avez. » Quoique le com-
mandant fût cupide et qu'il n'eût fait rechercher avec tant
de soin le coffret de Durand que parce qu'il espérait y
trouver de l'argent, il n'osa pas pourtant s'engager dans
une pareille aventure.
Durand partit pour Montpellier le 22 février, escorté
d'une compagnie de grenadiers d'Annonay et de quel-
ques détachements de Privas et de Chomérac, formant
un effectif de cent hommes, commandés par le capi-
taine De Bois de Laville. <« Avant de partir, il fit à M. et
à M™® de Ladevèze , et à quelques autres messieurs,
qui étaient là présents, un discours où il souhaitait « que
Dieu leur fît la grâce d'exercer la justice et la police
en gens de bien et surtout qu'il les éclairât de sa connais-
sance salutaire , afin qu'ils ne persécutassent plus son
Eglise , mais plutôt qu'ils la protégeassent, afin que l'em-
pire de Jésus-Christ fût de plus en plus affermi et
étendu. »
Durand arriva à Montpellier le i^"" mars, après avoir
passé par Charmes , Cruas, Viviers, le Pont-Saint-Es-
prit , Bagnols , Remoulins et Nîmes. Tout le long de la
route une grande affluence de gens se pressaient sur
ses pas , les uns par curiosité , les autres pour le voir
une dernière fois.
DURAND A MONTPELLIER. ASSAUTS DES CONVERTIS-
SEURS. SON PROCÈS ET SA CONDAMNATION (I*'"MARS-
22 AVRIL 1732).
Le prisonnier demeura deux mois dans la citadelle de
Montpellier. Enfermé d'abord dans une prison suppor-
I40 HISTOIRE' DES PROTESTANTS
table, le major, homme dur, l'en tira pour le mettre
dans un affreux cachot , où il y avait à peine la place
d'.une paillasse , qu^on lui donna sans draps ni couver-
tures. Ce cachot était placé derrière la prison royale et
porte aujourd'hui le nom de prison X à cause de la let-
tre qui sert à le désigner (i). Pendant sa détention, Du-
rand fut harcelé par plusieurs prêtres et autres gens ,
qui se rendaient auprès de sa personne pour s'efforcer
de lui arracher une abjuration. Ce fut tout spécialement
le cas d'un ministre apostat, nommé Barbe, ancien cha-
pelain de M. Hop, ambassadeur de leurs Hautes Puis-
sances auprès de Sa Majesté très chrétienne, qui avait
fait beaucoup de bruit à Paris à l'occasion de la conver-
sion au protestantisme de l'abbé d'Entraygues (2), dont
il rendit l'abjuration publique ; et également à la suite
d'un sermon qu'il livra à l'impression et qui fut trouvé
trop libre : ce qui lui attira de vives remontrances de
ses ouailles et l'obligea à quitter son poste. S'étant ré-
fugié en Angleterre, où il passa peu de temps , il ren-
tra en France et abjura le protestantisme à Paris entre
les mains des docteurs de la Sorbonne. Son ancien ti-
tre de chapelain lui avait gagné la confiance des protes-
tants et il savait bien des choses. C'est pourquoi il of-
frit ses services au cardinal Fleury, qui le prit comme
son agent secret auprès des populations protestantes du
midi. Sous le faux nom d'Hébrard, et passant pour juif,
il parcourut les Cévennes où il trouva les Eglises en
(i) Agrandie et rendue moins insalubre, elle sert aujourd'hui de prison mi-
litaire.
f."?) Abbé de cour, âgé de soixante ans et d'une capacité médiocre, qui,
prévoyant qu'il serait recherché à cause de sa conversion, voulut quitter le
royaume, mais fut arrêté à Lille, puis ramené à Paris et emprisonné. Son
abjuration attira beaucoup de menaces aux protestants qui assistaient au
culte de l'ambassade de Hollande; de sorte qu'à dater de celte époque les
assemblées furent moins nombreuses.
DU VJVARAIS ET DU VELAY. I4I
bonne voie de réorganisation et alla visiter Durand, sur
l'ordre du cardinal , à qui il écrivit qu'il nourrissait l'es-
poir de le convertir.
Après beaucoup d'entrevues et d'entretiens avec lui
sur les dogmes de la religion, Barbe « n'ayant pas pu réus-
sir pour le faire rendre et ne pouvant répondre aux bon-
nes raisons que M. Durand lui alléguait, il se retrancha
en lui disant qu'il avait été ministre de même que lui, et
qu'étant à Paris les docteurs de la Sorbonne lui avaient
dit de si bonnes raisons sur les matières de religion
qu'ils l'avaient obligé de se rendre. » — « Eh bien ! Mon-
sieur, n lui répondit M. Durand, « si l'on vous a dit de
bonnes raisons là-dessus qui vous aient obligé à chan-
ger, je vous en dis de meilleures qui m'obligent de ne
pas changer, et je trouve q^ue votre état est fort à plain-
dre et fort malheureux, sur quoi vous devez réfléchir.
— Cette réponse le tourmenta si fort qu'elle le fit sor-
tir et du depuis ses visites ne furent pas si fréquen-
tes (i). »
De son côté , Jacques de Rosset , subdélégué de
l'intendant à Montpellier . fit comparaître plusieurs fois
Durand devant lui pour l'interroger (2) , et fut si touché
de la loyauté de ses réponses qu'il conçut une grande
estime pour lui. Il lui parlait toujours avec douceur et
respect, et le gardait quelquefois avec lui sous les ar-
bres de la citadelle avant d'entrer dans la salle d'au-
(i) Barbe, qui ne savait pas écrire purement le français, fit rédiger par les
jésuites un mémoire fantaisiste sur ses entretiens avec Durand, qu'il adressa
au cardinal Fleury. Nous n'avons pas tenu compte, dans notre récit, des
renseignements qu'il contient, parce qu'ils nous paraissent peu véridiques.
Fleury lui-même ne jugea pas le mémoire digne de voir le jour. Cet apostat
ne serait-il pas le même que Barbe (Charles', nommé pasteur de l'Eglise de
la Patente, à Londres, en 17.Î2 ? (Voy. La France prùlesiante , 2' édit.)
(2) Les 17, 18, 21 et 28 mars. Nous ne parlons pas des confrontations du
prisonnier avec les soldats de son escorte, les témoins venus du Vivarais, et
J.-P. Espinas, dont il a été parlé plus haut.
142 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dience, pour qu'il pût changer d'air. « Un jour, voyant
que sa barbe était fort longue et fort épaisse, prévoyant
qu'elle ne pouvait que l'incommoder , il lui dit : Mon-
sieur, je vous permettrai, si vous le voulez, de vous
faire raser ici en ma présence. — Il lui répondit avec
respect et reconnaissance : Il n'est pas nécessaire.
Monsieur, Jésus-Christ a bien plus souffert pour moi
et je me trouve fort heureux qu'il me trouve digne de
souffrir pour lui. »
Le geôlier lui-même ne pouvait s'empêcher de s'ap-
pitoyer sur son sort. Durand , qui s'en aperçut, lui dit :
« Il me paraît que vous me plaignez. — Oui, Monsieur,
répondit-il. — Je ne suis pas tant à plaindre que vous
pensez, repartit Durand, puisque je souffre pour sou-
tenir la bonne cause ; et quelle plus grande joie puis-je
avoir que de mourir pour l'Evangile de mon Sauveur? »
Un des soldats, qui assista à l'un des interrogatoi-
res de Durand, dit aussi à quelques messieurs, qui
avaient eu la curiosité de le voir passer sur la place
d'armes lorsqu'on le conduisait de son cachot à la salle
d'audience : « Je suis si fort pénétré de sa modestie et
de ses réponses que, quoique je sois né catholique ro-
main, il ne me ferait pas de peine de ce moment de
mourir de sa religion. »
La semaine sainte étant survenue, Durand l'observa
religieusement, k II jeûna le vendredi saint, le samedi
et le dimanche, jour de Pâques ; pendant lesquels trois
jours il ne prit aucun aliment pour se sustenter, c'est-à-
dire qu'il ne mangea ni ne but pendant ces trois jours,
ni même jusqu'au lundi, qu'au matin il prit un biscuit
qu'il trempa dans un peu de vin . et le soir ne prenait
qu'un peu de pain ; et il continua ce régime, ou plutôt
ce jeûne , pendant huit jours. »
Quand la procédure fut terminée par le subdélégué
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 14^
de Rosset, le tribunal , qui devait juger Durand, se réu-
nit à la citadelle. Il était composé de l'intendant de Ber-
nage président , d'un juge , de deux lieutenants et de
six conseillers. C^était le lundi 21 avril. Ce jour-là le
tribunal vérifia la procédure et y consacra deux longues
séances, dont la seconde dura jusqu'à la nuit. Le len-
demain mardi, 22 avril, les juges se réunirent à sept heu-
res du matin et interrogèrent le prisonnier, qui avoua
sans détour avoir prêché, baptisé et marié, puis ajouta :
« Je l'ai fait en prêchant et exhortant les fidèles à la re-
pentance et d'être fidèles au roi , et de le regarder
comme l'oint de l'Eternel, leur ayant défendu la rébel-
lion et exhorté de souffrir tous avec patience et soumis-
sion pour leurs supérieurs et d'avoir en horreur les vices;
et je ne crois pas en cela avoir désobéi à mon prince ,
puisque mon ministère m'ordonnait de suivre ces pré-
ceptes. »
On remarqua que de Bernage était visiblement ému
des réponses si pleines de franchise de Durand , sur-
tout lorsque, après lui avoir demandé pourquoi il ne
s'était pas servi de son pistolet de poche pour se déli-
vrer des mains de l'homme qui l'arrêta, le prisonnier
répondit : « Je l'aurais pu fort aisément, mais à Dieu
ne plaise que j'eusse eu la pensée d'être Tauteur de la
mort d'un homme! »
On invita ensuite Durand à signer son interrogatoire,
ce qu'il fit avec autant d'assurance qu'il aurait signé un
contrat de mariage. « Le greffier fut si étonné et touché,
quoiqu'on le condamnât à mort, qu'il ne put signer lui-
même qu'en tremblant et s'empêcher de dire que M.
Durand avait plus de courage que lui. »
Le prisonnier fut ensuite reconduit dans son cachot ,
et ses juges rendirent leur sentence, portant qu'il serait
pendu et étranglé, jusqu'à ce que la mort naturelle s'en.
144 HISTOIRE DES PROTESTANTS
suivît, à une potence dressée à cet effet sur l'esplanade,
et que ses biens seraient confisqués , « distraction faite
du tiers pour sa femme et ses enfants. » Quelques juges,
plus durs que les autres, opinèrent pour qu'on soumît
Durand à la question ; et, les trois plus humains, pour
qu'on le condamnât seulement aux galères perpétuelles.
Demi-heure après (c'était dix heures du matin) ,
(( M. de Rosset et son greffier, qu'on appelle Cou-
chonneau, vinrent dans la prison pour lui lire sa sentence,
et d'abord que M. Durand vit entrer M. de Rosset, il
lui dit : «. Apparemment, Monsieur, que vous venez lire
ma sentence. » — Il lui répondit : « On va vous la lire. »
— D'abord il se mit à genoux après l'avoir fait lire , il
éleva ses yeux et ses mains jointes au ciel et prononça
[cette prière] à haute voix : « Loué soit Dieu , voici le
jour qui met fin à toutes mes souffrances et que ce grand
Dieu me comblera de ses plus précieuses grâces en me
donnant la félicité bien heureuse... » — Après avoir dit
cela, il se tourna vers M. de Rosset et lui recommanda
de prier M. l'intendant de faire sortir son père de Bres-
cou , oia il était détenu , de même que sa [belle-]mère
et sa sœur de la tour de Constance , n'étant pas juste
qu'on les détînt davantage en prison , puisque c'était à
son occasion qu'on les y avait mis. C'est ce que M. de
Rosset lui promit. » Mais l'intendant, si la requête de
Durand lui parvint, n'y fit pas droit , car les malheureux
captifs ne furent pas élargis et Durand n'obtint même
pas la permission d'écrire à sa femme. On se demande
quels dangers auraient couru la religion et l'Etat si le
martyr, avant de quitter la terre, avait pu épancher une
dernière fois son cœur dans celui de sa chaste compa-
gne. On ne peut donc voir dans le refus qui lui fut op-
posé qu'une dureté de plus.
DU VIVARAIS ET DU VELA.Y. I4S
EXÉCUTION DE DURAND (22 AVRIL I732).
Durand pria de Rosset de lui accorder quatre heures
de sursis avant l'exécution pour se préparer à mourir.
Il lui en promit six, mais le condamné répondit qu'il en
avait assez de quatre. Les prêtres toutefois lui en prirent
une bonne pariie. En effet, dès que sa sentence lui
fut signifiée, « IMi. Demontis , curé de la paroisse de
Notre-Dame et quatre autres prêtres (i), parmi lesquels
il y avait M. l'abbé de Rosset, frère du subdélégué,
s'avancèrent vers lui pour tâcher de le faire renoncer à
sa religion , en lui disant que , s'il ne mourait pas ca-
tholique romain, il ne pouvait avoir le salut qu'il atten-
dait et qu'il était à craindre qu'il serait damné. On prétend
qu'on lui proposa beaucoup de raisons sur la religion
pour l'ébranler, mais il répondit avec fermeté qu'il en
avait de meilleures qui l'obligeaient à mourir dans la foi
qu'il avait de la vraie religion. » Après avoir disputé un
certain temps avec eux , c il les remercia de leurs bons
sentiments à son égard et les pria de l'excuser si, dans
les diverses disputes , il s'était un peu échauffé contre
eux et s'il avait manqué de respect à leur caractère ;
que la fermeté de ses sentiments l'avait emporté , mais
qu'il les priait de le pardonner. » Il se retira ensuite
dans « un coin de la prison, en les priant d'avoir la cha-
rité de le laisser pour se réconcilier avec son Dieu et
pour faire la paix avec lui, et que, pour le peu de temps
qu'il avait à vivre, on devait avoir la charité de le laisser
en repos et de ne le troubler pas dans ses prières ; et
que toutes leurs raisons , quand elles seraient encore
(i) Sur ces cinq prêtres, quatre étaient séculiers, et l'autre appartenait à
la congrégation de l'Oratoire.
u. 10
146 HISTOIRE DES PROTESTANTS
les plus fortes du monde, ne serviraient qu'à le mieux
persuader sur sa croyance. A cela M. Demontis, qui
est tout charitable et bon prêtre, sortit dehors de la
prison; mais les autres y restèrent, et le dit M. De-
montis n'y rentra que lorsqu'il vit venir l'exécuteur. »
Dès que Durand aperçut ce dernier, il alla vers lui et
lui demanda s'il était bien celui qui devait mettre fin à
ses jours. L'exécuteur lui ayant répondu : « C'est moi-
même , » il se livra entre ses mains , mais non sans
s'être encore mis à genoux et avoir prononcé tout bas
un psaume sans le chanter. Il lui demanda aussi si le
lieu de son supplice était bien éloigné de la citadelle,
à quoi l'exécuteur répondit qu'il n'était pas à deux cents
pas.
Le condamné quitta alors ses habits , en recomman-
dant au concierge de la prison de les faire tenir à son
père au fort de Brescou ; après cela le bourreau lia les
bras et les mains du courageux confesseur, qui lui de-
manda la faveur de pouvoir faire sa prière au pied de
l'échafaud et sur l'échafaud même , lorsque la corde
aurait été attachée à la potence.
On le vit alors sortir la corde au cou et portant une
veste noire qu'on lui avait donnée , sa perruque , ses
bas et ses souliers. Barbe et les cinq prêtres, nom-
més plus haut, le suivaient, à l'exception de l'abbé Jou-
bert , beau-frère du syndic de la province , qui consi-
déra sa mission comme terminée et se retira. Quand il
eut fait deux pas en dehors de la prison , on fit battre
douze tambours , sept de la compagnie bourgeoise de
la ville et cinq du régiment de Tallurden en garnison
dans la citadelle. On ouït l'abbé de Rosset leur dire :
<i Battez, tambours. » C'était pour que le peuple n'en-
tendît pas les belles paroles qu'il prononçait. II y eut
pourtant des personnes qui comprirent qu'il entonna le
DU VIVARAIS ET UU VELAV. I47
psaume XXIIl lorsqu'il sortit de prison, et qui distin-
guèrent qu'il changea de ton à la vue de la potence et
qu'il chanta le psaume LI , puis le CXXX.
Il faut dire qu'il tombait une grosse pluie , qui avait
commencé à huit heures du matin et qui dura jusqu'à
six heures du soir, et que, lorsque Durand sortit de pri-
son, elle redoubla d'intensité, de sorte que les tam-
bours , quoiqu'on les eût fait chauffer devant un grand
feu , ne purent couvrir complètement sa voix.
En se rendant au lieu de son supplice , il semblait
que le condamné <( allait à un festin , marchant de pied
ferme, ne regardant que le ciel. Et après qu'il fut ar-
rivé , il se mit à genoux au pied de l'échelle pour faire
sa prière. Les prêtres, qui étaient autour de lui et qui
ne lui disaient rien en chemin, prirent ce temps-là pour
l'interrompre et tâcher de plus fort à le faire changer. »
Voyant qu'on l'inquiétait, il se leva en leur disant deux
fois d'un ton ferme : « Quelle persécution! Point de
charité, messieurs, pour me laisser mourir en paix! »
Puis, pour être délivré de leurs obsessions, il pria l'exé-
cuteur de monter et le suivit sur l'échelle avec un cou-
rage intrépide.
» Quand il eut achevé de monter, il dit au bourreau
de lui tenir la promesse qu'il lui avait faite ci-devant
de ne le jeter pas [en dehors de l'échafaud] sans qu'il
eût achevé sa dernière prière. Un des prêtres vint en-
core l'interrompre , ayant monté un échellon ; il lui fît
signe de la tête , des mains et d'un pied , de se retirer,
pour lui marquer publiquement qu'il n'y avait rien à
faire, qu'il mourait de sa religion. » Puis il se mit à ge-
noux et, quand il comprit que rexècuieur pourrait avoir
fini d'attacher la corde à la potence, il lui demanda
s'il était prêt et, sur sa réponse affirmative, le pria
de lui laisser achever sa prière ; après quoi il dit à
1^8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
l'exécuteur de le dépêcher, qu'il était temps et qu'il
n'avait plus rien à dire. Une minute après, le cou-
rao-eux martyr était jeté dans l'espace et rendait sa
belle âme à Dieu, « sans aucune contorsion ni résis-
tance. »
Il y avait autour de l'échafaud les sept sixièmes de
la ville, tant protestants que catholiques, et un grand
nombre d'étrangers. Les parapluies et les manteaux
présentaient un aspect étrange. L'exécution se fit à
quatre heures du soir, en face de la croix, sur le point
élevé du glacis de la citadelle. Tout le monde re-
grettait le jeune martyr et « en disait mille biens , à
la réserve de quelques personnes de la plus vile et
basse condition , qui en voulurent parler en termes
malhonnêtes, mais ils en furent châtiés par les offi-
ciers. »
Les soldats battirent encore du tambour pendant une
demi-heure , après quoi l'exécuteur déchaussa le cprps
de Durand , lui mit une chemise et un bonnet, et l'en-
veloppa dans un suaire en toile blanche donné par des
amis. Le major, homme dur, comme nous l'avons déjà
dit , n'ayant pas consenti à ce que le corps fût inhumé
dans la citadelle, le bourreau le traîna, attaché sur
l'échelle, jusqu'à une fosse qu'on avait fait préparer au-
près de celle du martyr Alexandre Roussel, d'Uzès, qui
avait été exécuté le 30 novembre 1728.
Voici, pour terminer le récit de la mort de Durand ,
le jugement porté sur lui par un catholique , qui craint
évidemment de lui décerner trop d'éloges, mais dont
les paroles n'en ont que plus de prix : « C'est un petit
homme, dont la physionomie est assez revenante; il a de
la douceur et de la modération , assez de feu et de vi-
vacité. Quelque médiocre qu'on doive supposer qu'ait
été son éducation . il ne lais^^e pas d'avoir des manié-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 1 49
res et de la politesse, et ii ne manque ni d'esprit ni
d'une certaine capacité (i). »
TÉMOIGNAGE RENDU A DURAND PAR LE SYNODE DU
VIVARAIS. DÉPART MOMENTANÉ DE LASSAGNE i\'J^2).
De Bernage, en envoyant au cardinal Fieury une co-
pie de la sentence rendue contre Durand , lui recom-
manda Barbe en le priant de lui accorder par brevet
une pension qui lui assurât du pain sa vie durant , at-
tendu que la gratification annuelle de 1,200 livres, que
le cardinal lui avait assignée sur les revenus de l'évè-
ché de Montpellier, ne reposait pas sur un fonds so-
lide. Fieury chargea de Bernage de rassurer son agent
et de lui dire qu'il était satisfait du zèle qu'il avait dé-
ployé dans Taffaire de Durand, qu'il ne l'abandonne-
rait point et qu'il aurait soin u de pourvoir à sa subsis-
tance. »
Desboze , prieur et curé de Saint-Félix, qui avait été
appelé à Montpellier comme témoin , écrivit , dès le
10 avril, à Ladevèze qu'il n'était plus en sûreté dans sa
paroisse parce qu'il passait pour être l'auteur de la cap-
ture de Durand. Il lui disait : « Si Monseigneur l'inten-
dant voulait bien s'intéresser à moi à la Cour, il lui se-
rait facile de me procurer une pension sur quelque
(i) Il existe, à notre connaissance, neuf relations anciennes de la prise et
de l'exécution de Durand, imprimées et manuscrites. Imprimées : llisloiif.
de la prise de feu M. Durand (dans Meynadier . p. 41-5Q); Relation dr
l'exécution de M. Durand {Idem, p. 98-101); Claris, Relation de la niori
de M' Pierre Durand {Bulletin, etc., t. XXXIII, p. 74-76); — Manuscrites:
Relation de la mort de 'I. Pierre Durajid (ms. Court, n" 17, vol. H); Récit
de la mort de Pierre Durand (ms. Court, n° 17, t. Z); Une courte et
exacte relation delà mort de M. Durand, (ms. Court, n» 17, t. H); Rela-
tion de la mort de M. Pierre Durand (Idena) ; une autre Relation dans
ms. Court, n" i , l. X : une autre dans Court, Hialnire des martyrs l'ms.
Court. n° %()].
I ^o HISTOIRE DES PROTESTANTS
bénéfice de nomination royale ou un bénéfice même. Je
vous prie de vouloir bien le lui inspirer en lui exposant
le danger où je suis; et, s'il voulait bien avoir cette
bonté, je vous prie d'avoir celle de m'en avertir pour
que je puisse en même temps faire agir auprès de mon
évéque ou d'autres personnes. »
Pour le moment, Desboze toucha 3,000 livres et put
ainsi satisfaire sa cupidité , qui était fort connue de ses
supérieurs, notamment de l'évêque de Valence, dont il
était le ressortissant et qui avait eu à le reprendre sévè-
rement pour ce vice. Des 1,000 livres restantes, 600 fu-
rent attribuées au sergent et aux soldats qui avaient ar-
rêté le martyr, et 400 à divers autres espions. Astier et
ses deux fils ne durent pas être oubliés. On préleva les
4,000 livres sur les amendes infligées aux protestants.
Ainsi, par le renversement de toute justice, ils étaient
obligés de payer les gens qui envoyaient leurs pasteurs
au gibet.
Le premier synode du Vivarais (21 mai 1732), qui se
réunit après la mort de Durand , consigna dans ses ac-
tes l'expression des regrets que lui causa la mort d'un
si grand serviteur de Dieu. « Ayant considéré, disent-
ils, le malheur de nos Eglises et fait réflexion sur la
perte irréparable qu'elles viennent de iaire en la per-
sonne de feu notre très cher et bien aimé frère M. Du-
rand , qui les a servies avec beaucoup d'édification et
qui a scellé de son sang la vérité de l'Evangile qu'il
avait prêchée au milieu de nous; — la vénérable com-
pagnie , touchée de reconnaissance des grands services
que feu notre cher pasteur a rendus pendant sa vie aux
Eglises de notre Vivarais; en conséquence de cela, elle
a ordonné qu'il sera fait une collecte générale sur tou-
tes nos Eglises pour payer les arrérages qui étaient dûs
à feu notre frère bien -aimé; laquelle sera employée,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I5I
non seulement pour payer les sommes qu'il pouvait de-
voir, mais aussi pour entretenir mademoiselle Durand,
sa veuve , de même que ses chers enfants. La compa-
gnie du synode a aussi arrêté qu'on continuera de payer
à ladite demoiselle Durand, autant que cela sera néces-
saire , les gages qui étaient assignés à monsieur son
mari. »
Autrement, l'arrestation de Durand n'avait pas ar-
rêté le cours des assemblées du désert. Du 20 au 25
mars , il y en eut deux : l'une présidée par le pasteur
Fauriel-Lassagne dans la paroisse de Saint-Jean-Cham-
bre, l'autre à Gallimard dans la paroisse de Vernoux ,
présidée par Brunel.
Lassagne jugea toutefois nécessaire de s'éloigner
pour quelque temps après la condamnation de son col-
lègue. Il se rendit à Genève, puis à Lausanne, où il put
consoler la femme du courageux confesseur. Elle avait
été déjà prévenue de l'arrestation de son mari par Court
et dut l'être aussi par lui de son supplice. Anne Du-
rand , soutenue de Dieu , fut admirable de résignation.
(( Dieu me l'avait donné, dit-elle. Dieu me l'a ôté, que
sa volonté soit faite! » Elle ajoutait toutefois : « Mais
il me manque temps! » La femme de Corteiz . qui
était à Zurich, lui écrivit pour la fortifier, et elle lui ré-
pondit d'une façon si admirable que sa lettre fut traduite
en allemand pour ceux qui ne connaissaient pas le fran-
çais. « Personne, » ajoutait Isabeau Corteiz, « ne la lit ni
ne l'entend sans pleurer. »
La mort du pasteur du Vivarais inspira la muse des
poètes populaires du pays, qui composèrent à son sujet
quatre complaintes. Ces poèmes naïfs sont parvenus
jusqu'à nous et comprennent près d'un millier de vers.
Leur rythme laisse beaucoup à désirer, mais, comme le
dit Benoît , ils << intéressent par leur inspiration reli-
1^2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
gieuse et comme reflet de l'impression produite sur les
contemporains. Ils nous transportent au milieu de ces
jours d'héroïsme chrétien , où croire était synonyme de
souffrir, et où la souffrance même ne faisait qu'exalter
la foi. »
Un élève de Durand, Pierre Peirot, qui fut reçu
prédicateur le 30 mai 1733 , rendit aussi hommage à la
constance de son maître dans un discours remarquable
qu'il prononça en septembre 1732. c Notre cher pas-
teur, disait-il, était plus heureux dans la prison et à
l'heure de la mort que l'intendant sur son trône et au
milieu de ses trésors. »
Pendant que les protestants et leurs pasteurs étaient
traités comme des ennemis de l'Etat, il est bon de mon-
trer le soin jaloux avec lequel ils observaient les lois
de leur pays pour autant qu'elles ne portaient pas at-
teinte aux droits imprescriptibles de la conscience.
Quelques protestants du Vivarais s'étant permis d'intro-
duire en France des marchandises prohibées , comme
du tabac et des toiles indiennes, le synode du 21 octo-
br3 1733 fit défense à tous ceux qui acceptaient la dis-
cipline des Eglises réformées, « de quelque condition
qu'ils fussent, d'aller chercher dans les pays étrangers
ou d'apporter de telles marchandises contre les ordon-
nances de Sa Maiesié, à la réserve des livres de piété,
qui sont nécessaires pour l'instruction du peuple. » Le
synode les exhorta à s'abstenir d'un tel commerce, qu'il
considérait « comme illégitime et indigne de véritables
chrétiens, » afin que, par l'observation de cet article,
ils donnassent « des preuves de leur affection , de leur
fidélité et de leur soumission aux édits de Sa Majesté
dans toutes les choses où Dieu n'est point offensé (1). »
(i) Coquerel, i. I , p. î;. %2^ , 526. Peyrat . l. Il, p. 4a>. Hugues, t. Il,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. IÇ?
CONTI^IUATION DES ASSEMBLÉES. AMENDES. ENLÈVE-
MENTS d'enfants ET DE JEUNES FILLES. CONDAM-
NATIONS (1733-173 5)-
La mort de Durand ne ralentit pas, comme on l'a
déjà dit, le cours des assemblées du désert, qui se
réunirent aussi nombreuses et aussi fréquentes qu'aupa-
ravant. Cette cruelle épreuve raviva même en général le
zèle des protestants du Vivarais , qui montrèrent un at-
tachement de plus en plus vif pour leur religion , quoi-
que les agents de l'autorité , stimulés par le cardinal
Fleury qui, à partir de 1733 , se montra plus sévère à
l'égard des protestants , eussent recommencé à faire
payer à ceux-ci des amendes considérables , qui les
avaient déjà appauvris trois ans auparavant (1730), et
qu'on pratiquât parmi eux , sur une large échelle , les
enlèvements d'enfants et de jeunes filles.
Parmi ces dernières quelques-unes parvinrent à s'é-
chapper des couvents qui leur servaient de prison. Tel
fut le cas d'Antoinette Collongin, enfermée dans le cou-
vent de Sainte-Claire, à Aubenas. Le lundi, 2 août 1734,
M. Peirot et un autre monsieur, sous prétexte de la
voir, lui remirent une note, qui lui révélait les détails
du dessein qu'ils avaient formé de la délivrer. La nuit
même qui suivit leur visite , à une heure avant le jour ,
ils lui firent passer une corde au moyen d'une ficelle
qu'ils lui avaient remise et qu'elle fit couler jusqu'à eux;
puis, lorsqu'elle fut descendue au pied des murailles du
couvent, ces deux messieurs la firent monter sur un
p. 97, 98. Meynadier, p. 40-127. Borrel, Pierre et Marie Durand, p. 22-25.
Benoît, Marie Ditrand, p. 61-155. Corbière, Histoire de l'Eglise réformée
de Montpellier, p. 40Ç. Bulletin, etc., t. I , p. 389; VII, 464; XI, 89, 98;
XXXIII, 74. Ms. Court, n" R. Arch. de l'Hérault, C, 201 ; etc.
I S4 HISTOIRE DES PROTESTANTS
cheval et elle s'enfuit au plus vite avec ses deux com-
pagnons , qui avaient chacun une monture.
La plus jeune sœur d'Antoinette , Manon Collongin,
qui avait été enfermée au Pont-Saint-Esprit , eut à es-
suyer les plus rudes assauts. « Depuis le matin Jusqu'au
soir on ne me laisse jamais en repos, » écrivait -elle...
« M. Arnufle , le missionnaire , ne me quitte guère ; le
désespoir m'emporte. ^> La pauvre jeune fille finit par
succomber, mais « le jour qu'elle fit cela, » disait sa
sœur, « elle resta plus de trois heures morte. On se ré-
jouit beaucoup de cela et elle était dans la tristesse! On
fit sonner les cloches, on illumina toute l'Eglise , on la
tapissa et on fit un sermon à son sujet, croyant d'avoir
fait une bonne prosélyte, et on a fait une hypocrite. »
Quatre ans après, le 17 décembre 1738, la malheu-
reuse était devenue tout à fait catholique. Elle ne vou-
lait plus lire les livres protestants et sa sœur désespé-
rait de la ramener. On peut conclure de là, que les
religieuses du couvent, la jugeant suffisamment affermie,
lui en avaient ouvert les portes.
La même année 1734, d'autres jeunes filles réussirent
à s'évader du couvent de Privas, savoir la Chauvet du
Vignal, l'Henriette de Durand de Cordier, et la fille de
Boissy de Saint-Jean-Chambre. Les religieuses croyaient
pourtant cette dernière tout à fait convertie. Aussi,
grand fut leur désappointement quand elles s'aperçurent
de son évasion. D'autre part, une veuve Bospoloux,
qui avait été enfermée au Pont-Saint-Esprit, fut.rendue
à la liberté.
Pendant ce temps, les divers soldats du régiment de
milice de mignons furent cantonnés à Privas , à Saint-
Pierreville, au Cheylard, à Saint-Agrève et à Chomé-
rac , et on pensait qu'ils y passeraient l'hiver.
L'année suivante (5 mai 1735)), les curés rebaptisé-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. IÇ^
rent un grand nombre d'enfants , et les enlèvements de
filles continuèrent, mais suivant un nouveau plan. Au-
trefois, on signifiait par écrit Tordre de réclusion aux
jeunes filles qu'on voulait enfermer dans des couvents ,
de sorte que, prévenues d'avance, elles avaient le
temps de se réfugier en lieu sûr. A dater de cette épo-
que, les archers se rendaient directement auprès d'elles,
sans les avertir, et les arrêtaient sur l'heure, en leur
montrant les ordres dont ils étaient porteurs. La fille Va-
lette de la Combe du Pré, la sœur de Féraud de Saint-
Christol et plusieurs autres furent enlevées de cette ma-
nière.
De leur côté , les messieurs catholiques de Saint-
Agrève déployaient un grand zèle contre ceux de la re-
ligion. Ils firent emprisonner un jeune homme de leur
pays, nommé Cereyson, pour l'obliger à faire bénir son
mariage à l'église; ce qu'il promit et exécuta : et un au-
tre, nommé Paul Roche dit Combet, pour qu'il chan-
geât de religion, mais il s'y refusa obstinément. Ils vou-
lurent aussi se saisir de Jacques Fay, qui se rendit sur
l'heure auprès de Ladevèze , à qui il raconta ce qui se
passait à Vernoux ; puis , sur la réponse affirmative qu'il
fit à ce commandant, qui lui demandait s'il avait épousé
au désert, ce dernier lui dit que « cela suffisait , que le
roi pardonnait de tels mariages et qu'on n'avait pas la
permission de le chagriner. » Il lui remit ensuite une
lettre pour M. Bollon , de Saint-Agrève , et Roche lui-
même fut rendu à la liberté ( i).
CAPTURE DE BERNARD (14 JUIN I734-I736), CONDAM-
NATIONS DIVERSES (1737).
Ce prédicateur, après le supplice de Durand, avait
iij Bulletin, pI<\, l. XXXIl, p. i6i-i68. Ms. Court, n" 17, t. B.
1^6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
aussi quitté le Vivarais et s'était réfugié dans une métai-
rie, près de Loriol en Dauphiné (mai 1732); mais sa pré-
sence en ce lieu ayant été dénoncée à Ladevèze, ce der-
nier le fit arrêter le 14 juin 1734 par des soldats, qui ,
après avoir commis de grands dégâts dans la maison ,
le conduisirent à Beauregard. Il fut jeté dans un mé-
chant cachot, y languit six mois et, après ce temps, fut
emmené à Montpellier, où ses juges le condamnèrent à
être enfermé sa vie durant au fort de Brescou.
Bernard avait d'abord donné dans l'inspiration et sus-
cité des difficultés à Durand dans son oeuvre de réorga-
nisation disciplinaire, comme on l'a vu plus haut
(page 112), mais il était revenu peu à peu à des idées
plus justes sur la nature du ministère évangélique et de
l'Eglise, et aida considérablement Durand dans le réta-
blissement de l'ordre. Il avait peu d'instruction , mais
un zèle infatigable. Laboureur, il travaillait le jour et
prêchait la nuit. Il ne touchait aucun salaire des Eglises,
quoiqu'il dût pourvoir à l'entretien de sa famille, com-
posée de sa femme, de trois ou quatre filles et d'un fils
de quinze ans, et qu'il eût payé des amendes ruineuses,
parce qu'il n'avait pas voulu envoyer ses enfants à la
messe. Dénué de tout dans sa prison, il pria le synode
du Vivarais du 1 i octobre 1735 de l'assister ; ce que ce
vénérable corps s'empressa de faire. Le 16 novembre
suivant, Fauriel-Ladreyt et Mathieu Morel dit Duver-
net , étudiants du Vivarais au séminaire de Lausanne,
et Paul Faure , pasteur du Dauphiné, qui se trouvait
pour lors en Suisse, rendirent de lui le meilleur témoi-
gnage ; et ce fut sans doute à leur recommandation que
de Frey , pasteur de Lausanne, fit tertir à Bernard, Je
12 avril 1736, 30 livres de France (i)
^lj Ms. Court, n» 17, t. P.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. \i,J
Né avant 1680, Bernard avait été emprisonné une
première fois au Pont-Saint-Esprit à une époque que
nous ignorons, puis une deuxième fois, en 1716, comme
on l'a vu plus haut (page 102), sur la dénonciation du
traître Lapise, qui le fit arrêter dans une maison que le
pieux prédicateur possédait près de Lavoulte.
Un an environ après, le 29 mars 1735, on surprit une
assemblée , présidée dans la grange de Feyssier, dite
la grange des Blaches, par le prédicateur Antoine Gou-
non dit Pradon. Plusieurs des assistants furent arrêtés
et conduits , les uns à Nîmes , les autres au Pont-Saint-
Esprit ; puis tous ensemble à Montpellier, où de Ber-
nage leur fit leur procès, le i^"" mars 1737.
Louis Trapier , François de Fiales , propriétaire à
Bruzac , Noël Vey, tisserand de Saint-Georges, Jean
Clergue dit Nodon, André Pinet, contumace, et
Jean-Jacques Gay, également contumace, furent con-
damnés aux galères perpétuelles; — Marie de Goulet,
(femme de Noël Vey), Isabeau Menet (femme de Fran-
çois de Fiales), et Jeanne Menet, sa sœur, âgée d'en-
viron quinze ans, à être rasées et enfermées à la tour
de Constance leur vie durant; — la grange de Feyssier,
à être démolie jusqu'aux fondements, — et les nouveaux
convertis de Beauchastel , Charmes, Le Pape, Pierre-
gourde et Saint-André de Bruzac, à payer 600 fr.
d'amende pour le roi et les frais de la répartition.
Matthieu Rostaing, qui avait été arrêté à l'occasion
de la même assemblée, fut mis hors de cour, et le pro-
cès de Gounon renvoyé Jusqu'à de plus amples informa-
tions. Les biens des condamnés furent confisqués, dis-
traction faite du tiers pour les femmes et les enfants et
de la somme de 1022 livres pour les frais du procès.
Ajoutons que Isabeau Menet accoucha d'un fils au
Pont-Saint-Esprit et fut rendue folle à sa famille le
1^8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
5 mars 1750; que Jeanne Menet parvint à s'échapper,
l'année même de son incarcération à la tour de Cons-
tance, et que de Fiales , entré au bagne de Marseille,
le 2} mai 1737, mourut à l'hôpital de cette ville le
24 avril 1742 (1).
L'année d'avant le jugement de ces prisonniers , le
Dauphiné manquait de pasteurs. Le synode du Vivarais
du 25 avril 1736 lui prêta pour un an Jean Blachon, qui
avait été reçu prédicateur le 21 octobre 1733 , et qui
rentra dans sa province le 7 octobre 1737, muni de
<« bons témoignages de sa doctrine et de sa sage con-
duite. »
ÉTAT INTÉRIEUR DU PROTESTANTISME EN VIVARAIS ET
EN VELAY. ARRESTATIONS DIVERSES. ENLÈVEMENTS
DE JEUNES FILLES. DEUX ÉVASIONS. MARIAGES DU
DÉSERT INQUIÉTÉS. POURSUITE DES MINISTRES.
PRISONNIERS DE VALLON (1737-I738).
A cette époque les protestants du Vivarais étaient
desservis par deux pasteurs : Fauriel-Lassagne et Mo-
rei-Duvernet (ce dernier avait été consacré à Lausanne
le 12 novembre 1736), six prédicateurs ou proposants,
et quatre étudiants. Jacques Boyer dit Debos , consa-
cré à Lausanne en 1733 , avait dû cesser ses fonctions
le 25 avril 1737 pour cause de santé.
Les proposants étaient chargés d'instruire, d'exhorter
et de faire respecter la discipline. Les plus avancés ré-
citaient des sermons qu'ils avaient composés eux-mê-
mes, et les moins avancés des sermons étrangers qu'ils
apprenaient par cœur. Les uns et les autres étudiaient
(1) Ch. Sagnier, La tour de Conslance, p. 120-126. Alex. Lombard, Isa-
beau Menet, passiiu. Arch. de l'Hérault. C, 204.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I i;q
la théologie dans les traités de Pictet, Pégorier , Bler-
val et autres, et étaient examinés tous les six mois par
les pasteurs de la province. Pleins d'ardeur pour leur
vocation et généralement intelligents, ils eussent pu
avancer rapidement dans leurs études s'ils n'avaient été
obligés de se déplacer sans cesse, de préparer leurs
prédications, d'exercer la discipline; et si, d'autre part,
ils eussent eu plus d'argent pour acheter des livres.
Les étudiants, plus jeunes que les proposants, se bor-
naient à faire la lecture dans les assemblées. Ils accom-
pagnaient d'ordinaire un pasteur et commençaient géné-
ralement leurs études par le Catéchisme d'Ostervald ,
qu'ils apprenaient par cœur et que le pasteur leur ex-
pliquait. Ils continuaient par le grand Catéchisme de Sau-
rin ou celui de Plantier. En sus du catéchisme quel-
ques-uns, mieux doués, apprenaient le latin. Ces
étudiants constituaient ce qu'on appelait dans le Dau-
phiné des écoles ambulantes.
Les pasteurs, les proposants et les étudiants voya-
geaient toujours de nuit , et ne se faisaient connaître
qu'aux personnes en qui ils avaient une pleine con-
fiance.
Pour ce qui est des assemblées, voici ce qu'on pra-
tiquait à leur égard.
Lorsqu'on les tenait près des villes ou des villages ,
où logeaient d'habitude des gens de guerre, on plaçait,
dans le voisinage des casernes, des hommes sûrs qui
épiaient les mouvements des soldats; et, à quelque dis-
tance de l'assemblée, d'autres hommes qui, si besoin
était, avertissaient les fidèles de l'approche des soldats.
Si c'était un simple prédicateur qui présidait l'assem-
blée, il faisait réciter aux jeunes gens, après le sermon,
le catéchisme d'Ostervald et leur en donnait une expli-
cation simple et familière.
l6o HISTOIRE DES PROTESTANTS
Si c'était au contraire un pasteur, il donnait, après le
sermon, la communion aux fidèles et supprimait le caté-
chisme pour abréger le service.
Les fidèles, suivant la recommandation expresse des
synodes, assistaient sans armes aux assemblées.
Les pasteurs avaient environ cinquante services à
présider avant d'avoir fait le tour de toutes les Eglises
du Vivarais. Ils s'arrêtaient généralement deux fois par
an dans le même lieu, et donnaient toujours la commu-
nion. Plus tard, quand leur nombre se fut accru, ils pu-
rent visiter plus souvent leurs troupeaux.
Quant aux prédicateurs, c'était soixante services qu'ils
avaient à présider pour épuiser le nombre des Eglises
de la province. Chacun d'eux devait visiter trois fois en
six mois un certain nombre d'entre elles, et ceux qui
donnaient un nombre moindre de prédications étaient
réputés négligents et dignes de censure , à moins qu'ils
ne fournissent de bonnes raisons pour se justifier.
Pour ce qui est des simples fidèles « il faut obser-
ver, » dit le pasteur Morel-Duvernet, à qui nous emprun-
tons ces intéressants détails , « qu'il n'est aucun protes-
tant qui fasse des actes positifs de catholique romain
et qui , par exemple , assiste à la messe ; ou , s'il en
est de tels , ils sont méprisés par tous les protestants
fidèles et regardés comme des lâches et des tempo-
riseurs.
» Il faut observer, en second lieu, que les vrais pro-
testants se déclarent publiquement religionnaires , ou,
comme l'on parle, huguenots, même devant les magis-
trats et les ecclésiastiques , avec qui les particuliers dis-
putent dans plus d'une occasion sur la controverse.
Pour les actes positifs de la religion protestante et en
particulier les assemblées s'y font toutes en secret, si
l'on en excepte la prière et la lecture qu'il est permis à
DU VIVARAIS ET DU VELAY. l6l
chaque famille de faire, pourvu qu'il n'y ait point d'étran-
gers dans la maison.
» Remarquons, en troisième lieu, que les véritables
religionnaires ont un grand empressement, soit pour les
livres des auteurs protestants, soit pour les ministres. —
Pour les livres d'abord, et ils en sont si avides qu'ils en
achètent à un fort haut prix toutes les fois qu'ils en trou-
vent et ils en demandent tous les jours. C'est principa-
lement la jeunesse qui s'applique avec soin pour s'in-
struire , et à cela ne contribuent pas peu les
encouragements et les exhortations des pasteurs. De-
puis trois ans la musique a fait en plusieurs endroits des
progrès considérables, et rien n'y est plus commun que
de voir des personnes de dix ou douze ans de l'un et
l'autre sexe chanter très bien les louanges de Dieu. —
Pour les pasteurs ensuite, car, en général, ils les respec-
tent beaucoup et s'estiment heureux de les voir, de
converser avec eux et de les loger dans leurs maisons :
dispositions infiniment propres à rendre leur ministère
efficace.
» Mais autant ils ont d'empressement pour la religion
et les ministres , autant les catholiques romains sont ar-
dents à persécuter les uns et les autres. Cependant,
pour accuser juste, il faut distinguer... Les protestants,
qui vivent dans l'étendue des terres de l'évêque du Puy
[François Charles de Beringhen], vivent fort en repos
parce qu'il s'en trouve éloigné et qu'il se mêle peu d'ail-
leurs des affaires qui regardent les religionnaires... Ce
qui contribue encore à cette tranquillité, c'est qu'ils ont
des ecclésiastiques commodes , bons vivants et qui
usent à leur égard de tolérance et de support ; et cela
pour deux raisons : la première, c'est que le nombre
des réformés dans bien des paroisses est supérieur des
deux tiers à celui des catholiques romains ; la seconde,
II. 11
102 HISTOIRE DES PROTESTANTS
c'est que les protestants leur font quelquefois de petits
présents et tâchent de leur rendre à l'occasion quelques
services pour se les rendre favorables.
)> Mais quelle différence entre leur état et celui des
fidèles du diocèse de Viviers, qui sont en plus grand
nombre que ceux qui se trouvent dans les deux autres
ensemble! L'évêque , qu'on nomme M. [François Re-
naud] de Villeneuve , qui est des plus bigots et des plus
ardents persécuteurs de la religion protestante , fait
payer des amendes exhorbitantes à ceux qui n'envoient
pas leurs enfants à la messe et aux instructions de
l'Eglise romaine : amendes qu'on fait monter à
vingt francs par tête tous les dimanches et tous les jours
de fête; amendes qu'on a exigées depuis 1728 et qu'on
exige actuellement avec la plus grande rigueur en bien
des endroits. On laisse à penser dans quel triste état
ces concussions réduisent un pauvre père chargé de
sept ou huit enfants et médiocrement partagé des biens
de la fortune.
)) La malice ne se borne pas encore là. Dans toute
l'étendue de son diocèse , il fait prendre pour les cou-
vents les filles des chefs de famille qui ont du bien ,
oblige ceux-ci à payer leurs pensions et met en oeuvre
tous les moyens imaginables pour rendre celles-là ca-
tholiques, soit par le moyen des religieuses, soit par des
missionnaires ou des jésuites (i). On ne saurait mar-
quer ici au juste le nombre de celles qui ont été prises.
Il suffira de dire qu'il n'en est aucune en état de payer
sa dépense qui soit oubliée. On les prend depuis l'âge
de huit ans jusqu'à quarante. Si les ordres pour les met-
(i) L'évêque de Viviers « a déjà exercé des cruautés inouïes, faisant lui-
môme l'office de prévôt en plusieurs occasions, oix il a marché à la tête des
soldats et des maréchaussées » {Lettre de Chatelayi à EL Chiron, du 7 fé-
vrier 1131, dans la Correspondance historique des deux Chirons).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 163
tre au couvent leur sont signifiés par avance, elles pren-
nent Je parti de la fuite. C'est ce qu'un grand nombre
ont fait, et plusieurs actuellement sont errantes et se
cachent dans les lieux que la Providence leur fournit.
» On pourrait produire ici des faits capables de tou-
cher de compassion et d'amollir les cœurs les plus
durs , si l'on voulait faire en détail , et avec toutes ses
circonstances, l'histoire de bien des jeunes filles qui
se sont trouvées dans ce cas. Quelques-unes, après
s'être cachées plusieurs mois , voyant que les gens de
guerre logeaient chez leurs parents et achevaient de les
rumer, se sont vues obligées de se rendre entre les
mains de leurs persécuteurs. D'autres, en plus petit
nombre, parmi mille dangers, sont sorties du royaume.
Des troisièmes se sont exposées à mourir pour s'éva-
der des couvents, sortant avec des cordes ou se
jetant en bas par des fenêtres d'une hauteur prodi-
gieuse. Des dernières enfin, continuellement obsédées
par des ecclésiastiques, ont de bonne foi changé de
religion... »
Comme illustration du récit de Morel , nous racon-
terons, d'après Lombard (i), l'évasion merveilleuse de
deux jeunes filles de quatorze à quinze ans , M"«^ Ju-
ventin et Françoise de Delhomme, de Royas, qui avaient
été enfermées dans un couvent. Ne voulant pas consen-
tir à abjurer leur religion, elles résolurent de fuir. C'était
en 1737. (( Ayant fait des cordes avec leurs draps de
lit et les ayant fixées aux barreaux de la fenêtre , les-
(i) Isabeau Menet , p. 26, 27. La France protestante {2" édit., vol. V,
col. II 66}. M"° Delhomme se maria à Genève avec Balthazar Dupuy, ré-
fugié de Dieulefit (Drôme), et leur fils unique Jean-François Dupuy, avec
Suzanne Cholet. Eiéonore Dupuy, née de cette union, épousa Jean-Henry
Kleffler, de Lindau (Bavière). Suzanne Kleffler, leur fille, qui représente la
quatrième génération, s'est mariée avec l'auteur de la présente Histoire.
164 HISTOIRE DES PROTESTANTS
quels étaient heureusement assez espacés pour leur
livrer passage, elles descendirent de nuit dans le jardin
de leur prison... Elles le firent sans accident ; elles fran-
chirent de même le mur d'enceinte, s'échappèrent ainsi
et se réfugièrent dans les bois... Il s'agissait alors pour
elles de donner de leurs nouvelles à leurs parents.
Comment le faire? elles n'avaient ni plume ni encre à leur
portée. Mais le malheur rend ingénieux; elles se per-
cèrent les veines avec une épingle et tracèrent avec
leur sang quelques mots sur un papier, qu'un messager
[c'était un berger] se chargea de leur transmettre. On
put ainsi pourvoir à leurs besoins et leur préparer les
moyens de fuir en pays étranger. Un fidèle domestique
fut chargé de les accompagner et, comme cela avait été
pratiqué dans plus d'une occasion pareille, voiturées
dans des tonneaux , elles arrivèrent heureusement à Ge-
nève. »
<( Les fidèles religionnaires, » continue Morel-Duver-
net , « qui ont fait bénir leur mariage aux pasteurs de
l'Eglise protestante et dont le nombre monte à quinze
ou seize cents , n'avaient pas été extrêmement persécu-
tés jusqu'à présent. Mais les ecclésiastiques romains ,
voyant que le nombre en augmentait tous les jours ,
n'oubliaient rien pour les inquiéter, soit en faisant
marcher des hommes pour les milices , soit en les
faisant mettre en prison , soit en obtenant des ordres
pour les faire séparer. Cependant , malgré tous leurs
efforts , le plus grand nombre de ces mariages sont
tranquilles, et il y en a même qui ont produit le certifi-
cat de la bénédiction de leurs mariages sans qu'on les
ait inquiétés.
» Si telle est la persécution contre les protestants en
général, on peut aisément juger ce qu'elle doit être
contre les ministres en particulier. Ils sont regardés
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 165
comme les premiers moteurs de tout. En voilà plus
qu'il n'en faut pour leur attirer toute la haine et toutes
les violences des catholiques romains bigots et acharnés
contre la religion. C'est à eux principalement qu'on en
veut. Espions qui les guettent en divers endroits et le
jour et la nuit , sollicitations à la trahison , calomnies ,
promesses de compter aux délateurs de grosses som-
mes d'argent, détachements de soldats durant la nuit
dans les terres qu'on soupçonne leur servir de refuge :
tout est mis en usage pour se saisir de leurs personnes
et pour les prendre; et il semble que si la Providence
les conserve au milieu de tous ces dangers, ce n'est
que par une espèce de miracle.
» Après tout ce qui vient d'être dit , » ajoute Morel-
Duvernet, a les personnes sensées peuvent juger si les
protestants du Vivarais peuvent manquer d'être extrême-
ment appauvris. On peut le dire , tout concourt à les
rendre misérables : stérilité de pain, petites récoltes
depuis plusieurs années, surchargement d'impôts,
mihces , amendes , couvents , toutes ces choses se
réunissent pour les réduire dans l'état triste où, généra-
lement parlant, ils se trouvent aujourd'hui. Ne peu-
vent-ils pas avec bien de la raison tenir le langage d'un
prophète : Contemple^ et voye^ s'il y a une douleur pa-
reille à la mienne ? On laisse à penser à tous les gens
équitables, tendres et compatissants aux souffrances des
malheureux, s'il est dans l'Europe des hommes dont la
situation soit plus triste , l'affliction plus cuisante , la
servitude plus dure et plus digne de la compassion de
tous ceux qui aiment leur prochain et plus encore leurs
frères en Christ. »
Morel-Duvernel, dans une lettre du i8 mars de cette
même année 1737, ajoute que, de concert avec son
collègue Fauriel-Ladreyt, ils envoyèrent en Hollande
l66 HISTOIRE DES PROTESTANTS
une relation de douze pages sur l'état des protestants
du Vivarais. Il est vraisemble que cette relation n'est
autre que le mémoire que nous venons de rapporter
en partie (i).
Son contenu, du reste, est confirmé par une lettre de
Jomaron, subdélégué de Grenoble, au cardinal Fleury
à la date du 6 juin 1737 : « On me mande, » lui écrit-il,
« que Monseigneur l'évêque de Viviers poursuit avec tant
de vivacité les religionnaires de son diocèse que quel-
ques-uns d'entre eux ont été forcés d'en sortir et sont
venus se réfugier en Dauphiné , dans les lieux de Li-
vron et de Loriol, qui sont peuplés de nouveaux con-
vertis (2). »
L'année suivante (1738), le curé de Vallon, nommé
Charay , qui cherchait toutes les occasions de nuire
aux protestants, si bien que l'évêque de Viviers lui-
même , auprès de qui on avait porté plainte à son sujet,
décida de le changer de paroisse, voulut, avant de partir,
« donner entièrement l'essor à sa haine implacable , »
et dénonça au sieur de La Veissière , capitaine au
régiment de Cambresis , commandant à Vallon, une as-
semblée qui se tenait dans la nuit du 4 au 5 mars dans
le « bois de Vallon et aux environs d'une caverne appelée
La Baume Tranchade. » Quatre cents personnes environ
y assistaient. Le capitaine arrêta près de la grotte
Louise Peschier (femme de Pouget-Silhol), Marie Pou-
get sa fille, Marguerite Dugas (femme de Jacques
Peschaire) , qui avait un enfant à la mamelle, et chez
eux, parce qu'ils ne se trouvaient pas cette nuit dans
leurs maisons : Claude Salavert, François Alzas, Fran-
çoise Massot (femme d'Antoine Ollier, chirurgien) , et
(i) ReAniion dressée pur Morel dit Duverncl (Ms. Court, n" 17, t. B ;
11» I, t. XI).
(2) A. Champollion-Figeac, Ghron. Dauph., i'' période, p. 166.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 167
Jean Silhol (fils de David Silhol). Par ordonnance du
24 suivant de de Bernage, intendant du Languedoc, le
subdélégué Dupuy , de Villeneuve-de-Berg, fit des
informations. Les sept prisonniers avaient été écroués
au château de Beauregard , dès le i6 mars , sur les in-
stances de Charay. Ils y languirent neuf mois et demi
« dans la dernière misère. » Les hommes furent ren-
fermés dans des basses fosses, et François Alzas
reçut de d'Enerville, officier du régiment dauphin et
commandant du château , des coups de canne en grand
nombre parce qu'il chantait des psaumes. M™® de
Brizieux, sœur de Jean de La Baume, comte de Vallon,
s'efforça d'adoucir la captivité des prisonniers en leur
envoyant de Valence, où elle résidait, des vivres, des
matelas et autres objets mobiliers. Le comte de Vallon,
qui était capitaine des gardes françaises et demeurait à
Paris, adressa, aussi en faveur de ses vassaux, un pla-
cet au comte de Saint-Florentin. Eux-mêmes demandè-
rent leur élargissement, vers la fin de l'année, à l'inten-
dant, qui rendit son jugement le 4 janvier 1739.
Françoise Massot et Jean Silhol , qui n'avaient pas as-
sisté à l'assemblée (le second avait été pris pour son
père), furent renvoyés des fins de la plainte. Pour les
autres, Bernage décida qu'il serait plus amplement
informé et qu'ils demeureraient en prison encore un mois.
Quant aux communautés de Lagorce et de Vallon, com-
posant l'arrondissement de ce dernier lieu, elles eurent
à supporter 400 livres d'amende et 478 1. 6 s. 4 d. de
frais.
Un sieur Durand, de Vais, était détenu vers le
même temps au château de Beauregard, parce qu'il avait
fait bénir son mariage au désert par un ministre. Il de-
meura en prison trente-quatre mois, dont douze dans
une basse fosse. Il sortit sur un ordre de Ladevèze. Sa
l68 HISTOIRE DES PROTESTANTS
femme fut mise à la tour de Constance , où elle était
encore en mai 1742 (i).
ARRESTATION ET MORT TRAGIQUE DU PASTEUR MOREL-
DUVERNEt(i4, 15 FÉVRIER I739). CONDAMNATION
DE SES CO-DÉTENUS (8 FÉVRIER I740).
Les pasteurs Morel-Duvernet et Fauriel-Ladreyt, qui
venaient de raconter d'une façon si touchante la dou-
loureuse situation qui leur était faite par leurs persécu-
teurs, ne se doutaient pas qu'ils en seraient bientôt les
victimes.
Le samedi 14 février 1739, Anne Rochebilliére, veuve
de Jacques Antoine Ladreyt, tanneur de Lamastre ,
dont le fils passait pour un espion , après avoir blanchi
du linge pour Louise Peyron, âgée de quarante-quatre
ans et fille d'un ménager de Lamastre , avertit le sieur
Dumas, curé de Macheville, paroisse très rapprochée
de ce dernier lieu, qu'un ministre (c'était Duvernet)
devait être logé chez cette veuve. Sans tarder, Dumas
en informa par lettre un gentilhomme de Lamastre ,
nommé Jean de Reboulet, seigneur de Durbilhac, qui
commandait une compagnie de paysans. La lettre était
anonyme, mais Durbilhac reconnut l'écriture du curé et
courut chez lui. Après un court entretien, Dumas fit ar-
mer son frère, qui était apothicaire , tandis que Durbil-
hac requérait l'assistance du nommé Saignard et donnait
l'ordre à Chalavons, voisin delà Peyrone, de faire bonne
(i) F a.Us Arrives en Viuarez (Ms. Court, n" 17, t. R). LeUre de ChatcUin
à El. Chiron, du 27 janvier 1139 (Correspond, histor. des deux Chirons).
Ollier de Marichard, Essui historique sur les seigneurs de Vallon, elc,
p. 2Ç, 26. Requête de François Alzas, Marguerite Dugas et autres à l'in-
tenda^it du Languedoc (ms.) , communiqué par M. Ollier de Marichard.
Arch. de l'Hérault, C, 20J.
DU VIVARAIS ET DU VELA.Y. 169
garde autour de la maison de cette dernière, pendant
que lui même irait demander au père Ponsonnel, syndic
du collège du Puy, qui se trouvait pour lors au prieuré
des jésuites de Macheville, d'envoyer quatre hommes
sur les lieux. Une heure après, Chalavons fit dire à la
cure qu'il venait d'apercevoir le ministre une serviette
au col et un plat à barbe à la main, jetant de l'eau par la
porte. Durbilhac prend aussitôt avec lui le notaire
Gourbis, procureur juridictionnel de Lamastre, le sieur
de Girons , châtelain du même lieu , et trois autres , et
va frapper à la porte de la veuve Peyron, qui lui ouvre.
Gomme, au même instant, on crie du jardin que le minis-
tre soulève le couvert pour s'échapper, Gourbis s'élance
dans le galetas, trouve le ministre sur un tas de fagots
et courbé sur le toit pour faire sauter les planches , le
saisit et l'amène à Durbilhac, en disant : <( Voilà
l'homme. » On lui fit alors mille insultes. « On lui cra-
chait au visage, » dit le mémoire de M"^ Ghatelan ,
« on lui tournait sa perruque, » et Durbilhac s'empara
de ses papiers, de sa montre et de son argent. LaPey-
rone fut aussi arrêtée avec Matthieu JVTorel, neveu et
élève de Duvernet, et âgé seulement de quinze ans.
Puis , quand on eut garotté les trois prisonniers et pillé
la maison de la Peyrone, qui était riche, on les en-
ferma dans le prieuré des jésuites. Quant au fils et à la
fille de M. Ghazal , de Lamastre, qui étaient aussi avec
Duvernet, ils furent assez heureux pour s'échapper,
ainsi que l'apothicaire Antoine Gluzel , dit La Blache,
qui était venu raser ce dernier.
Duvernet fut admirable de résignation et de douceur.
(( On m'a arrêté, » disait-il, » on a arrêté aussi Durand,
on en arrêtera bien d'autres , parce qu'il ne manque pas
de ministres. » Puis le curé Dumas lui ayant demandé
d'un air de mépris s'il savait quelque chose, le pasteur
170 HISTOIRE DES PROTESTANTS
lui répondit : « Vous devez bien juger que je n'occupe-
rais pas Ja place que je tiens sans savoir , puisque je
suis ministre par la grâce de Dieu , que j'ai reçu l'im-
position des mains et n'ai été envoyé en Vivarais que
pour les fonctions de pasteur. » Le curé ayant répliqué
que les assemblées ne tendaient qu'à la révolte, Duver-
net se borna à sourire.
De l'argent fut offert aux sentinelles qui gardaient le
prisonnier pour le laisser sauver, mais on ne put les sé-
duire ; et, le lendemain, Duvernet, son neveu et la Pey-
rone , partirent pour Tournon , montés sur des chevaux
et conduits par Durbilhac, escorté de trente à quarante
paysans. Une foule considérable de religionnaires se
portèrent sur la route pour le voir et le saluer une der-
nière fois; des sources catholiques disent que c'était
pour l'enlever dans les vallons qui avoisinent Lamastre ,
mais cela paraît peu vraisemblable.
Arrivés à Colombi le jeune, autrement dit aux Croix,
à deux lieues environ de Tournon, la troupe voulut se
rafraîchir et entra dans un cabaret, à l'exception de trois
hommes , restés dehors pour garder Duvernet , qui
n'avait pas voulu se joindre aux buveurs. Pendant que
la troupe ne songeait qu'à se désaltérer , le sergent ou
huissier Pierre Ducros, au bras duquel on avait attaché
le ministre pour plus de sûreté, ému de compassion en-
vers lui, lui prête un couteau pour couper sa corde, et
il s'échappe ; mais les deux autres hommes de garde
crient sur le champ : au secours ! Durbilhac sort avec
ses paysans, commande le feu , fait feu lui-même et le
malheureux Duvernet tombe frappé de trois balles : une
à la tête, l'autre à l'épaule et la troisième aux reins.
Quand on l'eut relevé de terre , sa première parole fut
pour pardonner à ses meurtriers, puis il fit sa prière. On
le mit ensuite sur un cheval pour qu'il pût continuer sa
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I7I
route, mais il ne vécut pas plus d'une demi-heure.
Transporté à Tournon , on jeta son cadavre dans une
basse fosse en compagnie de la Peyrone et d'un petit
chien qui appartenait à cette dernière. Quant à Morel
neveu , il fut enfermé dans un autre cachot. Le lende-
main, on enterra le corps du martyr au pied d'une croix
au bord du Rhône et on lui donna pour chevet le petit
chien , qu'on eut la cruauté de jeter tout vivant dans la
fosse. Les misérables, qui vaquaient à cette lugubre
cérémonie, disaient par manière de plaisanterie que le
ministre aurait de quoi manger et boire et qu'on en-
terrait deux bêtes à la fois. Quant à Ducros, il fut
arrêté.
Si les deux compagnons de Duvernet n'avaient pas
dit que le défunt était ministre, ses meurtriers ne l'au-
raient jamais su. On crut même dans le public que c'était
le prédicateur La Vertu.
« La Peyrone et le petit Morel, » dit M'^^ Chatelan,
« furent interrogés par [Robert] Dumolard, [subdélégué
de l'intendant] (i), et, afin de faire parler ce jeune
homme, Dumolard le fît pendre par les cheveux à un
plancher et deux soldats avaient ordre de le faire pi-
rouetter de temps en temps. On lui fit soufTrir des tour-
ments horribles. Sa tête en fut toute écorchée. Dans
les tourments il dit tout ce qn'on voulut , mais il se ré-
tracta après. La Peyrone fut fort maltraitée aussi,
mais en paroles. Elle ne convint pas d'avoir logé
M. Duvernet en qualité de ministre , mais seulement
comme étranger et comme passant. »
« De Tournon, la Peyrone, Morel et Ducros, »
(i) C'était le fils de l'ancien subdélégué Saint-Ange-Robert Dumolard. Le
Dumolard actuel était bailli du comté de Tournon , conseiller du roi au sé-
néchal et présidial de Nîmes, et seigneur de Châteauneuf.
172 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dit un autre document , « furent conduits à Beauregard
et les deux premiers mis dans deuxcrotons (i) séparés.
Peu de jours après, on arrêta M'^*' Chazal [Françoise
Fontbonne, veuve 'de Jean-François ChazaI], et Broé
[Jacques François] , ancien notaire de Lamastre. La
première était accusée d'avoir donné retraite à M. Du-
vernet, et M. Broë de l'avoir accompagné. Pour le
même sujet furent arrêtés M. Dunière [Paul], père, âgé
de quatre-vingt quatre ans, [domicilié à la Roche, près
Saint- Agrève], et fort incommodé, Dunière [Pierre] fils,
et une fille du même, nommée Marguerite, accusée
d'intelligence avec M. Duvernet ; et enfin fut arrêté Mo-
rel [Jean], frère de M. Duvernet, qui fut le plus mal-
traité. Il fut enfermé l'espace de trois mois dans un cro-
ton, pas élevé de trois pieds et fort étroit, qui était rem-
pli de vers. La chaleur, la pourriture, les excréments
en faisaient une fournaise ardente. On ne saurait se re-
présenter tout ce que ce malheureux eut à souffrir. » Un
jour on alla jusqu'à lui donner pour compagnon un bri-
gand de grand chemin qui fut roué vif. On apporta pour-
tant quelque adoucissement à ses maux , grâce aux sol-
licitations d'une dame qui, touchée de son triste état,
pria M. Dupont-Balles, qui demeurait à Soyons, de
s'intéresser à son sort. Le jeune Morel fut laissé huit
jours dans le croton oij on l'avait enfermé. Il priait et
chantait les louanges de Dieu , et dit un jour à Dumo-
lard : « Vous croyez de m'avoir fait enfermer dans les té-
nèbres , mais la clarté de Dieu resplendit tout autour
de moi. »
L'intendant de Bernage fit traduire les prisonniers à
MontpeiHer et les jugea le 8 février 1740. Le jeune
Morel fut condamné aux galères perpétuelles (on le
(i) Cachots bas et obscurs.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 173
libéra vingt et un ans plus tard, en février 1761, avec
défense de s'établir dans le Languedoc) , et la Peyrone
à être rasée et enfermée sa vie durant à la tour de Cons-
tance. La mémoire de Duvernet fut déclarée « éteinte,
supprimée et condamnée à perpétuité ; » ses livres et
papiers furent livrés au feu, et les biens de tous confis-
qués, à l'exception d'un tiers réservé aux enfants.
La veuve Chazal , convaincue d'avoir favorisé la re-
traite et le séjour de Duvernet et assisté à ses assem-
blées à Lamastre, dût payer 100 livres d'amende et su-
bir Tadmonestation, De nouvelles informations furent
décrétées à l'égard de Louis Chazal, son fils, Marie
Chazal, sa fille, Antoine Cluzeldit La Blache, chirurgien,
Broë, notaire, et Pierre Dunière fils. Les trois pre-
miers étaient contumaces. Les deux autres ne sortirent
de la citadelle de Montpellier que le 8 février 1740. Du-
besset, Callon , Morel dit de Châteauneuf, autres con-
tumaces, furent décrétés d'arrestation et leurs biens
confisqués au cas 011 ils ne se rendraient pas en prison.
Enfin une amende de 3,000 livres, applicable aux dé-
nonciateurs et aux frais des arrestations, fut imposée sur
les protestants de Desaignes , Lamastre, Macheville,
Retourtour, Saint-Bazile, La Bâtie et Saint-Jeure d'An-
daure , constituant l'arrondissement de Desaignes.
Quant au sergent Ducros , Paul Peyron , valet de la
veuve Chazal, Paul Dunière père, Marguerite Dunière,
sa fille , Jean Morel, de Meyfresches, frère du pas-
teur , ils furent relaxés , et mis hors de cour et de pro-
cès (i).
Duvernet était le cousin de Pierre Peirot, qui étudiait
(i) Lettre de Mad. Chatelan, du 13 mars 1139 (Correspondance histori-
que des deux Chirons). Lettre de La Vertu, du 22 février 1139 (Ms. Court,
n» 17, vol. F). Faits arrivés en Vivarez (Ms. Court, n° 17, t. R). Arch. de
l'Hérault, C, 207. Arch. nat., TT, n5. ?î6.
I 74 HISTOIRE DES PROTESTANTS
la théologie pour lors à Lausanne et qui devint un des
pasteurs les plus distingués du Vivarais.
Les 3,000 livres, qu'il plut au roi d'accorder à ceux
qui dénoncèrent Duvernet ou s'employèrent à sa cap-
ture , furent ainsi réparties à la fin de l'année 1741 :
Au sieur Durbilhac 1500 1.
A la nommée Anne Rochebillière 200
Au sieur de Girons et à son fils 300
Au sieur Dubuisson, juge 300
Au sieur Gourbis 300
Au sieur Dumas 300
Aux paysans de Lamastre. 100
Total 3,000 1.
ARRESTATION ET FIN TRAGIQUE DU PASTEUR FAURIEL-
LASSAGNE (7-I4 aOUT I739). CONDAMNATION DE SES
CO-DÉTENUS (9 FÉVRIER I740).
Le pasteur Fauriel-Lassagne, quelques mois après la
mort de Duvernet , fut trahi par une petite fille de Bof-
fres, nommée Gatin Bouchon, âgée de sept à huit ans,
que le sieur David Espinas de Bounet . paroisse de
Saint-Félix de Ghâteauneuf, gardait chez lui par charité.
Elle raconta à la femme d'Hairaud, voisine de ce der-
nier, qu'il y avait chez elle un monsieur et une demoi-
selle, qu'on tenait enfermés dans une chambre et qu'on
appelait M. et M™* Lassagne. Sur cette nouvelle, la
femme d'Hairaud court avertir son mari, qui, à son tour,
prévient un nommé Gasier et Desboze , curé et prieur
de Saint-Félix de Ghâteauneuf, qui avait déjà contribué
à la capture de Durand. Ce dernier se rend à l'instant
à Vernoux , demande des soldats au commandant et ,
sur le refus de cet officier de lui en confier avant la nuit,
fait conduire son cheval dans un bois de chênes, appar-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I75
tenant au juge Sanglier et situé à Floreton, à un quart
d'heure de Vernoux. Feignant après cela de l'avoir
perdu , il met en campagne une quarantaine de paysans
soi-disant pour le chercher, mais en réalité pour garder
toutes les avenues des chemins par où Lassagne pouvait
passer, au cas oij on l'aurait averti des desseins tramés
contre lui.
Le soir étant venu (c'était le 7 août 1739), à la tête
de deux compagnies de soldats mises à sa disposition ,
il cerne la maison d'Espinas sur les dix heures, frappe
à la porte et, entrant sans désemparer avec le capi-
taine, il demande où est le ministre. Sur la réponse
qu'on lui fait qu'il n'y en a point dans la maison , il se
met à la fouiller (c'était un moulin), et, entendant tom-
ber une pierre dans la cheminée du pressoir à huile , il
se met à crier : « Le ministre se sauve par le toit de la
maison, tirez-lui dessus. » Lassagne avait en effet passé
par cette cheminée pour gagner le toit. A l'ouïe de
ces paroles, les soldats firent une décharge générale,
mais une seule balle atteignit Lassagne sous la mam-
melle droite, au moment où il essayait de se saisir d'une
branche de mûrier pour descendre à terre. Il n'en fut
pas moins grièvement blessé et tomba baigné dans son
sang sur le toit du moulin. On le descendit presque ina-
nimé dans la maison, où il reprit connaissance, mais on
ne put le conduire à Vernoux qu'au point du jour,
parce qu'il fallut faire venir de ce lieu l'apothicaire Jac-
ques Moulin pour arrêter le sang qui coulait de sa
blessure.
Cependant les soldats se mirent en devoir de se sai-
sir de tous les gens qu'ils trouvèrent dans la maison ,
savoir Paule Escoulens, femme de Lassagne , native de
Saint-Vincent de Durfort et enceinte ; David Espinas ,
père; Suzanne Bravais, sa femme, de Saint- Félix-de-
176 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Châteauneuf ; Jean-Pierre Espinas , son fils, procureur
ou praticien de la même paroisse, âgé de quarante-deux
ans ; Anne Lapra , sa femme ; enfin la jeune fille qui
avait dénoncé le ministre. On les fît partir le lendemain
matin et on les enferma dans la caserne de Vernoux ,
oij fut également amené Lassagne. Badon, juge et maire
de Vernoux, posa diverses questions à ce dernier sur
ses nom, prénom et profession, et, lorsqu^il eut de-
mandé à sa femme ce qui l'avait décidée à épouser un
ministre, elle répondit que « l'ordre qu'on avait donné
pour la faire mettre dans un couvent , joint aux soins
que les dragons de la maréchaussée avaient pris pour la
capturer , lui avait fait prendre le parti de la fuite , et
que , dans sa retraite , elle avait trouvé ce ministre et
qu'ils s'étaient mariés ensemble. » Leur mariage avait
été béni par Duvernet.
Quand Lassagne eut un peu repris ses forces , on le
porta sur un brancard à Tournon, suivi des autres pri-
sonniers et escorté de trois compagnies de soldats
qu'on avait fait venir de ce lieu. L'apothicaire Moulin
l'accompagna jusque là, et le remit entre les mains de
deux médecins, à qui Ladevèze le recommanda expres-
sément.
« L'arrivée de ce triste convoi étant sue à Tournon ,
depuis plus de vingt-quatre heures, » dit Fauriel-Ladreyt,
frèrecadetduprisonnieretpasteurdepuis 1737, «plusieurs
messieurs et dames leur vinrent au devant à la porte de
la ville. M. Ladevèze, étant de ce nombre, s'avança le
premier vers mon cher frère et lui dit : « Vous êtes ici,
mon pauvre Lassagne , je suis mortifié de vous voir en
cet état ; n'ayez point peur de moi, je ne suis pas aussi
méchant que les gens le disent. » En effet, jamais
homme de son ordre n'avait été aussi bon envers des
prisonniers tels que ceux-ci , qu'il l'a été lui-même. Il
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 1 77
les fit traduire tous ensemble dans une chambre du
château , où ils restèrent de même jusqu'à la mort de
mon cher frère. Il les aurait peut-être bien séparés, mais
soit qu'il craignit que ma chère belle-sœur ne se blessât,
soit qu'il fût réellement ému de compassion envers eux
et qu'il fût bien aise qu'elle servît son cher mari , il les
laissa ensemble, et, à leur occasion, tous les autres y
restèrent aussi; ce qui a été pour eux un grand sujet de
joie et de consolation. M. Ladevèze fit apporter
exactement de chez lui tous les bouillons, dont mon
cher frère et sa chère femme pouvaient avoir besoin. Il
leur fit aussi plusieurs visites, de même que M. Dumo-
lard, mais jamais ils ne les chagrinèrent en rien. M. Du-
molard se contenta de dire une seule fois à mon frère ,
et encore il ne le dit qu'en badinant : « Eh bien ! mon
roi (M. Ladevèze et M, Dumolard lui dirent toujours :
mon roi , et à ma belle-sœur : ma reine), n'auriez-vous
pas besoin de quelque consolation; mais, à propos de
consolation , vous pourriez peut-être encore consoler
les autres. » Depuis cette heure personne ne lui dit plus
rien, et encore n'était-ce pas pour lui faire de la peine.
On le laissa mourir tranquille le 14 [août, à trois heures
du soir], le neuvième de sa blessure et de sa prise,
après avoir recommandé sa chère femme à M. Lade-
vèze ; et on l'enterra autant honorablement qu'on l'au-
rait fait quand on ne l'aurait point regardé , ni comme
un rebelle aux ordres du roi , ni comme prisonnier. Ma
belle-sœur lui fit faire une bière, lui mit une chemise,
et M. Ladevèze donna un drap de toile fine pour l'en-
velopper. On l'enterra auprès de feu M. Duvernet. »
Ladevèze , en informant l'intendant du Languedoc, le
9 août, de la prise de Lassagne, lui rendit le plus beau
témoignage sans le vouloir. « Cet homme, » lui dit-il,
<( d'une assez jolie figure, avec beaucoup de douceur dans
II. 12
178 HISTOIRE DES PROTESTANTS
la parole, s'était fort accrédité, depuis la mort de Durand,
dans l'esprit de nos religionnaires, même dans le Dau-
phiné et dans les Cévennes, oij il faisait de fréquents
voyages. Je ne doute pas qu'il ne soit, dans ces deux
pays, aussi regretté qu'il me paraît l'être dans celui-ci.
Son aventure a donné un spectacle qui nous a fait con-
naître combien ils sont sensibles à sa capture. »
« D'abord que mon cher frère fut enterré, » continue
Fauriel-Ladreyt, « ma belle-sœur fit teindre ses habits,
et, quand ils furent prêts, M. Ladevèze lui donna deux
pièces de vingt-quatre sous, et on la fit partir pour Beau-
regard avec ses compagnes de prison , tant hommes
que femmes, et, depuis qu'elle y est, il est venu deux
fois un chirurgien de sa part pour la saigner. Le com-
mandant du château, M. de La Roue, les soldats et
en général tous ceux qui l'abordent, ont pour elle tou-
tes les attentions qu'ils pourraient avoir, non seule-
ment pour une dame , mais pour une princesse si elle
était constituée prisonnière. Elle a toute liberté pendant
le jour au château, au jardin, à la basse-cour, à l'excep-
tion des remparts , dont les clédats (portails) sont bor-
dés par la garnison ; et la nuit elle a une chambre qu'elle
peut fermer et ouvrir quand bon lui semble. Elle peut
de même coucher avec qui elle veut des prisonnières,
ou des filles qui vont lui faire visite; et tous ceux qui
vont voir les prisonniers peuvent rester avec elle en par-
ticulier et en public aussi longtemps qu'ils le souhaitent.
On peut dire , en un mot , que jamais prisonniers pour
la religion n'avaient été moins gênés qu'on l'est à Beau-
regard depuis l'arrivée de ma chère belle-sœur et de
ses compagnons. Aussi, béni soit le Seigneur, personne
ne s'y attriste beaucoup. Le sieur Espinas, le fils, a un
peu moins de liberté que les autres prisonniers , toute-
fois il est content et tranquille, peut-être plus qu'un autre.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 179
» Pour ce qui est des vivres , rien ne leur a manqué
pour encore et, pourvu qu'on continue à les assister,
comme on l'a fait jusqu'à présent, les charités seraient
plus que suffisantes pour les entretenir. »
Le 14 septembre 1739, la femme de Lassagne et
Anne Lapra , celle du fils Espinas , parvinrent à s'éva-
der. <( Sur les huit heures du soir, » dit le même narra-
teur, « qui est le temps qu'on relève la garde, elle firent
semblant d'aller se coucher, mais au contraire elles pas-
sèrent au jardin et en sautèrent la muraille , haute d'en-
viron douze pieds. On peut dire que Dieu les favorisa
d'une façon toute particulière, car non seulement elles
ne se firent aucun mal, mais encore leur évasion ne fut
aperçue que le lendemain sur les huit ou neuf heures du
matin. On les chercha bien quand on s'aperçut qu'elles
manquaient. On envoya incessamment à Vernoux, on
fit fouiller chez F Espinas, du côté de Boffres, à Crozat,
à Juventin, etc., mais inutilement. Grâce à Dieu, elles
avaient assez de temps pour prendre leurs précautions
et se tirer de leurs pas, aussi le firent-elles. » Elles pu-
rent quitter la France sans être reconnues et s'établi-
rent à Lausanne. Le soldat de garde , posté du côté du
jardin d'oij elles s'étaient échappées, fut jeté en prison.
L'évasion de Paule Escoulens et d'Anne Lapra irri-
tèrent fort le commandant du château , qui fit enfermer
dans des basses fosses tous les prisonniers qu'on avait
faits à l'occasion de la capture des pasteurs Duvernet
et Lassagne. Ils eurent beaucoup à y souffrir, et on ne
les en tira que pour les conduire à Montpellier, les me-
nottes aux mains, tant les hommes que les femmes.
C'étaient la Peyrone , Morel neveu , Morel son père,
frère du pasteur, Ducros sergent, M''® Chazal, Broë ,
Dunière père et fils, Marguerite, fille du premier, et
autres ; puis Espinas , père et fils , Susanne Bravais ,
l8o HISTOIRE DES PROTESTANTS
femme du premier, et Catin Bouchon. On a vu plus
haut l'issue du procès des prisonniers de la première
catégorie. Quant à ceux de la seconde, l'intendant de
Bernage les jugea le 9 février 1740. 11 condamna aux
galères perpétuelles Espinas fils pour avoir donné asile
à Lassagne et possédé des livres de la religion proscrite,
et renvoya des fins de la plainte Espinas père , Su-
sanne Bravais, sa femme, et la jeune Catin Bouchon.
Paule Escoulens et Anne Lapra, contumaces, furent con-
damnées à être rasées et enfermées dans la tour de
Constance leur vie durant ; la mémoire de Lassagne fut
déclarée « éteinte, supprimée et condamnée à perpé-
tuité; » ses biens et ceux de Lespinas, de Paule Es-
coulens et d'Anne Lapra, confisqués au profit du roi, à
l'exception d'un tiers pour les enfants. Enfin on imposa
une amende de 3,000 livres sur les religionnaires de
Vernoux , Châteauneuf-de-Vernoux , Saint-Julien-le-
Roux et Saint-Fortunat , formant l'arrondissement de
Vernoux , et applicables aux dénonciateurs et aux frais
des arrestations.
Quant au curé Desboze , qui, dès le 9 août, en
annonçant à l'intendant du Languedoc la capture de
Lassagne, avait réclamé une pension pour prix de ses
tristes services, il dut attendre près de deux ans et
écrire plusieurs lettres avant de toucher les 3,000 livres
promises à ceux qui réussiraient à faire prendre des
ministres. Ce ne fut que le 8 mai 1741 que l'intendant
du Languedoc signa et expédia à ce curé une ordon-
nance de payement de la somme, qui lui fut comptée le
27 à Tournon.
La mort de Duvernet et de Lassagne ne suffit pas à
assouvir la haine des persécuteurs. Après le départ
pour Montpellier des prisonniers impliqués dans leur
arrestation, on se saisit de Jacques Ladreyt , frère aîné
DU VIVARAIS ET DU VELAY. iBl
de Lassagne , qu'on enferma dans le château de Beau-
regard, où il mourut au bout de trois ou quatre mois
après de grandes souffrances et sans avoir cédé un seul
instant aux vives sollicitations du curé du lieu , qui le
pressait de changer de religion (i).
POURSUITES CONTRE LES MARIAGES (l739)-
Avec la mort tragique des pasteurs Duvernet et Las-
sagne concordèrent des poursuites contre les mariages
contractés au désert. Quoique l'Etat ne leur attribuât
aucun caractère de légitimité , il ne commença à les
poursuivre sévèrement qu'en 1739. « Cette année, » dit
Anquez (2), « le présidialde Nîmes tenailles grands jours
en Vivarais. Plusieurs protestants furent dénoncés au
procureur du roi comme coupables d'infraction à la dé-
claration du 14 mai 1724. Avant de les citer à compa-
raître , le présidial et le ministère public consultèrent le
comte de Saint-Florentin. Celui-ci permit de procéder
criminellement contre plusieurs coupables. En consé-
quence on choisit dans divers lieux du Vivarais cinq ou
six particuliers , contre lesquels le procureur du roi
porta plainte pour concubinage notoire et scandaleux,
car on évita d'introduire dans le réquisitoire les mots
de mariage ou de religion prétendue réformée, ces ma-
tières étant de celles dont les seuls intendants pouvaient
connaître. Sans doute les inculpés, dans leurs interro-
gatoires, alléguèrent, pour leur décharge, la bénédic-
tion que leur avaient donnée des ministres du culte
(i) Lettre de Faiirie'-Lndreyt, du yô septembre llo'.i (Ms. Court, n" 17,
t. F, p. 565). Faits arrivés en Vivarez (Ms. Court , n° 17, t. R). Arch. de
l'Hérault, C, 207. Arch. municip. de Nîmes, t. VIII.
(2) De l'état civil des réformés, p. 75, 74. De Caveirac, Mémoire poli-
lico-critique, etc., p. 20-24,
l32 HISTOIRE DES PROTESTANTS
protestant; mais, dans les considérants du jugement,
le présidial de Nîmes, strict observateur de la légalité,
les déclara convaincus d'avoir vécu en concubinage et
ordonna qu'ils cessassent de cohabiter et se présentas-
sent dans le délai de quinze jours devant l'évêque diocé-
sain à l'effet d'obtenir, s'il y avait lieu, l'autorisation
nécessaire pour être mariés par les curés de leurs
paroisses. Enfin il les condamna à une aumône envers
les pauvres et à une amende envers le roi, sans que
celle-ci pût porter note d'infamie. »
D'autre part, l'évêque de Viviers, François Renaud
de Villeneuve, dénonçait au comte de Saint-Florentin,
ministre d'Etat du roi, les notaires protestants de son
diocèse, qui retranchaient dans les contrats de mariage
de leurs coreligionnaires la clause ordinaire : « Promet-
tent de faire bénir leur mariage en face de l'Eglise
catholique, apostolique et romaine, » et les remplaçaient
par ceux-ci : « Promettent de faire bénir leur mariage
en face de l'Eglise. » Le comte de Saint-Florentin en
écrivit le 4 septembre 1739 à Basile de Bernage ,
intendant du Languedoc, qui répondit le 14 septembre
suivant, mais nous ignorons s'il fut pris une décision (i).
ETAT DES PASTEURS ET DE LA POPULATION PROTES-
TANTE EN VIVARAIS (174O-I741).
Après la mort des trois pasteurs Durand, Duvernet
et Lassagne, le pasteur Fauriel-Ladreyt , frère du
dernier , eut toute la charge du ministère évangélique
en Vivarais; mais Pierre Perrot , consacré à La:usanne
le 27 juillet 1739, put bientôt le rejoindre et lui prêter
son précieux concours.
(i) Arch. de l'Hérault, c. 422.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. iS^
Il en fut de même de François Coste, dit Juston,
étudiant au séminaire de Lausanne depuis 1739, qui fut
consacré dans cette ville le 21 juillet 1741 et qui revint
dans le Vivarais, le mois de février suivant, pour travail-
ler avec Peirot et Ladreyt.
Jacques Dunière dit Lacombe , étudiant à Lausanne
depuis 1737, consacré dans cette ville le 27 juillet .'739
et rentré dans le Vivarais le 1 1 janvier 1741 , aurait pu
également desservir cette province, de même que Jean
Blachon, dit Châtaignier, consacré en même temps
que lui; mais le premier, qui se destinait à une autre
province , fut malade pendant plusieurs années consé-
cutives , et le second ne revint en Vivarais qu'en juil-
let 1744, comme on le verra plus loin.
Les prédicateurs Brunel (Chabrières) , Monteil et
Guilhot vivaient encore , mais les uns et les autres
étaient âgés de plus de soixante ans et ne pouvaient
remplir leurs fonctions que très imparfaitement.
Le pasteur Jacques Boyer , dit Debos , malade
depuis 1737, comme on l'a dit plus haut (page 158),
partit pour la Suisse Tannée suivante et mourut à Berne
le 24 février 1740.
Antoine Gounon , dit Pradon , reçu prédicateur le
II octobre 1735 , se rendit au séminaire de Lausanne
en août 1740, rentra dans le Vivarais en 1743, mais n'y
demeura que deux ans et -partit pour le Poitou (i).
Pour ce qui est de la population protestante du Vi-
varais à cette époque, un Etat dressé par Ladevèze
dit qu'elle se composait de 6664 familles. Voy. les dé-
tails, Pièces justificatives ^ n° XIV,
(i) Recueil des syn. du Vivarais. Ms. Court, n° 7, t. iV.
184 HISTOIRE DES PROTESTANTS
AMENDES. ESPIONNAGE DES MINISTRES. PROJET d'ÉMI-
GRATION. PRÉDICTIONS DES INSPIRÉS {1741).
Au début de la longue guerre de la succession d'Au-
triche , qui dura de 1741 à 1748, la persécution se
ralentit en France d'une manière générale, mais, dans
le Vivarais, elle continua à sévir avec la même intensité.
Le pasteur Peirot écrivait, en effet, le 6 janvier 1741,
que les agents de l'autorité apportaient une grande
exactitude à faire payer les amendes à ceux qui refu-
saient d'envoyer leurs enfants à la messe ou au caté-
chisme (i) ; qu'on cherchait à se saisir des ministres ;
que les Boutières, le long de l'Eyrieux et La Montagne
étaient remplis d'espions, et que Brunel faillit être pris
à Fise-Trame , à une demi-lieue de Saint-Agrève. Il
avait heureusement un excellent cheval et put s'enfuir à
toute bride.
« Nonobstant la persécution qu'on nous suscite , »
continue Peirot, « nous avons amassé grand nombre
de fidèles, pleins de zèle, de courage et de fermeté.
J'ai béni quarante mariages et baptisé quatre enfants.
M. Ladreyt, dans un seul jour, y en a béni dix-neuf. »
Le même narrateur ajoute qu'on avait demandé à la
province (de la Hollande sans doute), un mémoire sur
l'état de la religion, et qu'il allait l'envoyer.
Trois mois après, le 20 mars 1741 , Peirot écrivait
(i) Voici un échantillon des quittances délivrées aux parents : « Reçu de
Monsieur Alléon marchand la somme de neuf livres pour amende prononcée
contre Dem""' Anne Alléon sa fille pour avoir manqué la messe cinq fois,
la messe de paroisse, et treize fois l'instruction chrétienne dans les mois de
janvier, mars, mai, juin, juillet, août, septembre, novembre , décembre de
l'année mil sept cent quarante et un, dont quittance, suivant les rôles. Fait
ce 27' juillet mil sept cent quarante-deux. Sij^né Filhol. » (Arch. du cons.
presbyt. d'Annonay.)
DU VIVARAIS ET DU VELaY. 185
encore que deux cents Vivarois , pour fuir la persécu-
tion, étaient disposés avec quelques autres protestants à
se rendre en Prusse, oij, disait-on, on offrait de grands
avantages aux réfugiés. D'autres, au contraire, encou-
ragés par les explications que les inspirés donnaient de
l'Apocalypse, prétendaient que les persécutions allaient
cesser sous peu et combattaient énergiquement l'idée
de l'émigration.
Depuis la mort de Duvernet et de Lassagne qui les
contenaient, les inspirés avaient, en effet, relevé la
tête. Une vieille femme, appelée Gabrielle Goulet,
habitant Saint-Fortunat , s'était rendue célèbre par ses
prédictions. On la regardait comme un nouveau prophète
et on venait la consulter de plus de quatre lieues à la
ronde. Le prédicateur Dortial, « toujours plus fou, »
avait fait une tournée dans quelques endroits du Viva-
rais et sa parole n'avait pas ramené le calme dans les
esprits. <( Tout cela m'a engagé, » dit Peirot, a à par-
ler de la manière la plus forte qui m'a été possible
pour détourner les gens de ces extravagances, qui ne
font que déshonorer la religion et jeter dans l'erreur.
Les derniers versets du chapitre XVIII du Deutéro-
nome m'ont été d'un grand secours là-dessus... J'ai
formé le dessein de me transporter dans les endroits
oij ils ont le plus prophétisé pour faire un fidèle recueil
de ce qu'ils ont fait de plus considérable (i). »
ARRESTATION , PROCÈS ET SUPPLICE DE DORTIAL
(4 JUIN I74I-3I JUILLET 1742).
Dortial , dont il vient d'être question , prédicateur
irrégulier et ancien camisard, fut arrêté dans la paroisse
(1) Ms. Court, n" 1, t. XIII.
l86 HISTOIRE DES PROTESTANTS
de Livron en Dauphiné quelques mois plus tard , le
4 juin 1741. On ne sait ce qui lui était advenu depuis
l'insurrection camisarde de 1704 jusqu'en 171 3, époque
oij il se rendit à Genève pour faire bénir son mariage
avec Marguerite Chausson , de Cornas. Après avoir
tenu l'école à Genève pendant quelques mois, il exerça
la profession de chamoiseur pour gagner sa vie et celle
de sa famille. Douze années s'écoulèrent ainsi, après
lesquelles il rentra en France et s'établit à Beaumont
en Dauphiné, oij il fit sa résidence pendant quatre ou
cinq ans. C'est de là qu'il demanda aux pasteurs du
Vivarais de le recevoir comme prédicateur. Ces der-
niers , vu ses antécédents , n'y consentirent qu'à la
condition qu'il ferait une déclaration portant qu'il
prêcherait la pure Parole de Dieu , signerait la con-
fession de foi des Eglises réformées de France et
les règlements synodaux des Eglises du Vivarais, et
combattrait les inspirés de tout son pouvoir. Dortial ,
ayant fait cette déclaration, le 12 juin 1724, en présence
de Court et de Durand, et des prédicateurs Rouvière
et Brunel, reçut l'autorisation de présider des assem-
blées. Mais il ne tint pas sa parole, et, bien loin de
combattre les inspirés et leurs fausses révélations, il les
favorisa de telle sorte que le synode du Vivarais du
17 avril 1725 fut obligé de le déposer, mais en lui lais-
sant l'espoir d'une réintégration, s'il consentait à s'hu-
milier et à se repentir. Cette mesure l'irrita profondé-
ment et, de concert avec les prophétesses Claire et
Veyrcndu , il essaya de fonder une secte semblable à
celle des Multipliants de Montpellier. Cette tentative
ayant échoué , grâce au progrès de la discipline dans
les Eglises du Vivarais, Dortial quitta Beaumont, où il
avait fixé sa résidence depuis son retour de Genève,
comme on l'a dit, et vint s'établir en Vivarais.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 187
Le 8 mai 1728, il se présenta devant le synode de
cette province « pour être reçu au corps et à la paix
de l'Eglise, et à la charge du prédicateur. » Le synode,
usant de mansuétude à son égard , renvoya son admis-
sion au synode suivant ou à un colloque spécial, pourvu
que, jusque-là, il demeurât fidèle à sa première décla-
ration ; qu'il ramenât au respect de la discipline ceux
qu'il avait égarés, et qu'il n'exerçât les fonctions de
prédicateur et de pasteur dans aucun des lieux où la
discipline était en vigueur.
Après cela, on n'entendit plus parler de Dortial de
quatre ans ; puis, vers 1732, il se rendit de nouveau à
Genève où il séjourna deux ans. A son retour, il ne
chercha pas à se faire réintégrer dans sa charge de
prédicateur et se livra aux travaux des champs. « Tou-
tefois, >) dit Daniel Benoît, « bien qu'il fréquentât peu
les pasteurs, qu'il tenait toujours en suspicion, il ne se
faisait pas faute, quand l'occasion s'en présentait, de
présider de petites réunions où le chant des psaumes
occupait une grande place. Les pasteurs ne l'inquié-
taient plus, mais le laissaient aux inspirations de son
zèle. »
Le prédicateur Ebruy disait de lui le 20 mars 1734 :
« C'est un prétendu divinement inspiré et fort entêté.
Il est sujet à de grandes exagérations dans ses prédica-
tions, ayant fait et dit plusieurs choses qui ne font pas
honneur à notre sainte religion, et je ne puis vous le
mettre sur le papier. Quand il voulait faire des exhorta-
tions sans avoir recours à cette prétendue inspiration,
il contentait fort bien le monde ; et, en effet, il avait de
bonnes lumières, mais un peu trop de présomption, se
croyant et voulant être quelque chose de plus qu'il
n'était : ce qui l'a jeté dans de terribles erreurs. »
Tout en s'occupant des travaux des champs, Dortial
l88 HISTOIRE DES PROTESTANTS
donnait aussi des prédications, tantôt dans le Dauphiné,
tantôt dans le Vivarais , lorsqu'après sept ans de ce
genre de vie, il fut dénoncé, le 7 mai 1741, au curé de
Livron par Boissin , curé de Lavoulte. « Vous avez
dans votre paroisse, » lui disait-il, « dans la grange que
vous appelez Souchon [îles de Lavoulte], un malheureux
ministre , qu'on appelle Dortial, qui a la témérité de te-
nir des assemblées, oia il invite vos paroissiens, les
miens et plusieurs autres , devant qui il prêche et admi-
nistre la cène... Lequel dit ministre a avec lui sa femme
et trois de ses fils. »
Le curé de Livron ne tarda pas à avertir Perret, com-
mandant de Lavoulte, qui, sur l'ordre de Ladevéze ,
arrêta Dortial le 4 Juin 1741 , sa femme, ses fils Pierre
et Jacques; Alexandre Chambon , de Pranles , qu'il
avait connu à Genève pendant son second voyage et
qui travaillait avec lui , et Louis Souchon , son hôte.
Les prisonniers furent enfermés au château de Beaure-
gard et Dumolard reçut une commission du duc de
Richelieu, gouverneur du Languedoc, pour instruire
leur procès (i 2 juin).
Dortial fut ferme et digne pendant son interrogatoire
(16 et 18 juin). C'était, malgré ses erreurs et les défauts
de son caractère , un homme d'une grande foi et de
beaucoup de courage. Il avoua que, bien qu'il ne fût ni
pasteur ni proposant, il avait souvent présidé des as-
semblées et donné la cène, mais sans jamais marier ni
baptiser personne, sauf une seule fois. Obéissant mal-
heureusement à de coupables rancunes, il osa dire,
quand Dumolard lui demanda s'il avait des relations
avec les ministres du Vivarais, que ces derniers ne mar-
chaient pas sur les traces de Jésus-Christ et passaient
tous pour avoir des mœurs déréglées; ce qui était une
pure calomnie.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 189
L'interrogatoire de Souchon , âgé de quarante-deux
ans; de Chambon, âgé de quarante-cinq, qui était venu
depuis deux jours seulement au quartier de Souchon
« prendre à prix fait la levée de la récolte , » et du fils
aîné de Dortial, âgé de vingt-cinq ans et nommé Pierre,
cardeur de laine , puis cordonnier, n'offrit rien de parti-
culier. Souchon fut convaincu non seulement d'avoir
donné asile à Dortial, mais encore d'avoir assisté à l'as-
semblée du bois de Baix, que ce dernier avait présidée,
et Chambon d'avoir averti de l'assemblée les protestants
des environs. Quant à la femme de Dortial et à son se-
cond fils Jacques, âgé de douze ans, ils refusèrent ab-
solument de répondre aux questions du subdélégué.
Les prisonniers demeurèrent à Beauregard jusqu'au
mois de novembre 1741, époque où ils furent transférés
à Nîmes ; mais le fils aîné de Dortial avait réussi à
s'évader du château. Un sergent de garde lui ayant
permis de sortir de son cachot pour aller tremper de la
soupe dans la chambre du geôlier, qui était pour lors
à Valence, il profita d'un moment où ce sergent ne le
voyait point pour gagner la terrasse, franchir le mur
d'enceinte, sauter dans le fossé et s'enfuir.
Dortial et ses compagnons , escortés de trente sol-
dats , commandés par un lieutenant , trois cavaliers de
la maréchaussée et un exempt, furent embarqués sur le
Rhône jusqu'au Pont-Saint-Esprit et conduits de là en
charrette à Nîmes, oia ils arrivèrent le 8 novembre. En-
fermés dans la citadelle, ils ne furent jugés à Nîmes que
neuf mois après , par suite d'un conflit de juridiction,
survenu entre le tribunal de cette ville et celui de Mont-
pellier. Enfin, le 31 juillet 1742, on les conduisit au
palais de justice fortement escortés. Dortial, en entrant
dans la salle d'audience, ôta son chapeau et sa perru-
que, et prononça cette belle prière : « Maître de lana-
IÇO, HISTOIRE DES PROTESTANTS
ture , qui tiens tous les hommes à ta disposition , main-
tenant que tu veux m'éprouver , veuille me donner les
forces qui me sont nécessaires. Fais que ton Saint-Es-
prit soit sur moi , afin que je sois sanctifié. Veuille en-
core présider au jugement que les hommes vont rendre
contre moi; c'est là ce que j'ai à te demander quant à
présent au nom et par les mérites de ton cher fils, mon
Rédempteur. » Après cela, il dit fièrement à ses juges :
« Messieurs, prenez garde au jugement que vous allez
rendre sur moi; je ne suis coupable d'aucun crime (i). »
Bernage , qui présidait, adressa à Dortial et à ses
compagnons les mêmes questions que lui avait déjà fai-
tes Dumolard , et, après deux heures de délibération,
condamna Dortial à être pendu sur l'Esplanade de
Nîmes, etSouchon et Chambon aux galères perpétuelles.
Quant à la femme de Dortial et à son plus jeune fils, il
fut sursis à leur jugement jusqu'à plus ample informé.
Bernage déclara en outre les biens de Dortial, Souchon
et Chambon confisqués au profit du roi , « le tiers dis-
trait au profit de leurs femmes et de leurs enfants; »
ordonna que la maison du second serait rasée; les livres,
sermons et autres écrits protestants qu'on y avait trou-
vés, brûlés; et condamna l'arrondissement du Vivarais,
dans lequel était située ladite maison, à 3,000 livres
d'amende.
Après la lecture de la sentence, Léon Ménard, con-
seiller au présidial de Nîmes et l'un des juges , ayant
engagé Dortial à embrasser la religion catholique, s'at-
tira cette véhémente réponse : « Monsieur , au lieu de
regarder l'Eglise romaine comme étant la seule vérita-
(i) D'après une autre relation, Dortial aurait tenu un langage plus éner-
gique encore : « Misérable, » aurait-il dit à Bernage, « prends garde à ce que
tu vas faire, et ne condamne point le sang innocent, de peur qu'il ne tombe
sur toi et ta maison. »
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I9I
ble , je crois au contraire qu'elle est la mère de la pail-
lardise et de l'idolâtrie, et que le pape qui la gouverne,
au lieu d'être le vicaire de Jésus-Christ, en est au con-
traire l'adversaire. Aussi je suis obligé par ma conscience
de vous déclarer à mon tour que si vous ne changez de
religion et n'embrassez la protestante , dans laquelle je
veux mourir, vous serez vous-même damné. » Puis il
remercia Dieu à haute voix de l'honneur qu'il lui faisait
de le choisir parmi tant d'autres « pour souffrir la mort
à cause de la profession de la vérité, » et lui demanda
la force de remporter sur ses ennemis une pleine et en-
tière victoire.
Deux prêtres d'abord, puis dix, s'efforcèrent, comme
Ménard, de lui faire changer de religion, mais il de-
meura inébranlable et leur dit : u Messieurs, vous pre-
nez de la peine inutilement... Je suis resté neuf mois
dans les prisons du fort ; si vous étiez venus m'y trouver,
nous aurions pu , pendant ce temps-là , conférer en-
semble, mais à présent que je suis à ma dernière
heure, je veux l'employer à faire ma paix avec Dieu. »
L'ordre fut enfin donné de le conduire au supplice.
« Il avait la tête et les pieds nus , » dit une pièce du
temps , (( la corde au cou et une chemise pour tout vê-
tement ; quatre prêtres l'entouraient. Son escorte était
composée de cinquante soldats armés , de toute la ma-
réchaussée de la ville et de neuf tambours... En sortant
de la porte de la Couronne, il s'écria à l'aspect du gi-
bet... (( Grand Dieu! dresse mes mains au combat et
mes doigts à la bataille. »>
» Lorsqu''il fut arrivé au pied de la potence, M. Mé-
nard, qui s'y était rendu avant lui avec son gretïier et
deux huissiers, fit lire de nouveau le jugement et lui de-
manda le nom des ministres et proposants qui étaient
dans le royaume et de ceux qui leur donnaient asile. Il
ig2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
répondit qu'il n'avait rien à dire à cet égard, et il en-
tonna le psaume XXV : « A toi, mon Dieu, mon cœur
monte, etc. » Après cela, il pria le commandant de la
troupe de faire cesser ses tambours parce qu'il voulait
faire sa dernière prière. Il le lui accorda à condition
qu'il la ferait à voix basse. Ceux qui l'entouraient de
près purent pourtant l'entendre, et il dit en levant les
yeux au ciel : « Grand Dieu , qui m'a fait naître pour te
servir et qui veux maintenant que je scelle de mon pro-
pre sang ton Evangile, donne-moi, comme tu fis à mon
Sauveur, ce courage intrépide qu'il fit paraître lors de sa
mort sur la croix, afin que j'édifie par la mienne mes
pauvres frères qui gémissent sous la tyrannie de l'Anté-
christ, privés de la liberté d'entendre ta Parole. Sois
ici-bas leur pasteur et leur conducteur, leur consolation
et leur force, leur soutien et leur appui. Accorde-leur
ta bénédiction dans cette vie et la gloire dans la vie à
venir, et fais que nous soyons tous réunis dans le ciel.
Ce sont là, bon Dieu, toutes les grâces que j'ai à te
demander pour le peu de temps que j'ai à rester dans
cette vie. Ajoutes-y la gloire éternelle dans celle qui
esta venir, au nom de Jésus-Christ, mon intercesseur. »
» En montant l'échelle, il chanta le psaume LI et,
comme l'un des prêtres était monté après lui pour es-
sayer de l'ébranler au moment de la mort , le patient,
qui avait les mains attachées ainsi que la tête, lui fit si-
gne avec le pied de se retirer; il s'écria ensuite : a Mon
âme bénis l'Eternel et que tout ce qui est en moi bé-
nisse le nom de sa sainteté! » Alors le bourreau ayant
fait signe au prêtre de descendre, il s'écria encore plus
fort : « Seigneur, je remets mon esprit entre tes
mains. » A ce moment suprême le bourreau fit son of-
fice et, une heure après, quelques hommes delà ville
coupèrent la corde et emportèrent le corps dans une
DU VIVARAIS ET DU VELAY. I9:;
aire, où l'ayant changé de chemise et enfermé dans un
cercueil, il l'enterrèrent après avoir entouré ses restes»
mortels de chaux vive de peur qu'on ne vînt l'enlever. »
Le martyr avait soixante et dix ans, et son âge avancé
n'avait pas fait fléchir la rigueur de ses juges. « Il alla
au supplice, » écrivait Antoine Court, écho de l'admi-
ration de tous ceux qui furent témoins de sa mort, « avec
une fermeté de héros. Jamais personne n'avait marqué
plus de foi , plus de zèle , plus de fermeté qu'il n'en
marqua lui-même. Ses réponses, ses prières, son air gai
et content, lorsqu'on l'emmenait au supplice, ont
étonné et édifié les papistes aussi bien que les protes-
tants. »
Le commandant Perret, qui avait arrêté Dortial et ses
amis, eut quelque peine à toucher les 3,000 livres aux-
quelles il avait droit d'après les ordonnances. Il dut écrire
dans ce but deux lettres à Bernage (8 août et 1 3 sep-
tembre), encore lui retint-on les 313 livres et 10 sols
qu'avait coûté le transfert des prisonniers du château de
Beauregard à Nîmes.
Ces 3,000 livres, qui avaient été imposées sur l'ar-
rondissement du Vivarais par Bernage , furent payées
par les seules îles de Lavoulte , parce que c'est là
qu'était bâtie la maison de Souchon , comme on l'a dit ,
et que la province à laquelle ces îles ressortissaient
n'était pas bien déterminée.
Souchon fut conduit aux galères , où il paraît n'avoir
pas vécu longtemps, et Chambon y passa vingt-sept an-
nées. Il en sortit le 25 mai 1769, comme on le verra
plus loin.
La femme de Dortial, Madeleine Chausson, demeura
encore quelques mois en prison après le jugement de
son mari, et fut relâchée en Novembre 1742; mais on
retint son plus jeune fils, âgé de onze ou douze ans,
II. I î
IQ4 HISTOIRE DES PROTESTANTS
pour le faire instruire. L'évêque de Nîmes, Dubousquet,
• s'y employa et reçut 8 livres par mois pour solder la
pension de l'enfant, qui fut mis à l'école à Montpellier,
où il ne resta que huit jours. A partir du i6 décem-
bre 1743 on perd complètement ses traces de vue (i).
AMENDES EXORBITANTES. SITUATION DES PROTESTANTS
DANS LES DIOCÈSES DU PUY , DE VIVIERS ET DE
VALENCE (1742-I743).
L'année suivante , on recommença à faire payer des
amendes aux paroisses protestantes. Quelques-unes
d'elles qui avaient été épargnées jusqu'ici furent contrain-
tes de rembourser les arrérages depuis 1733 ; ce qui,
joint aux 6,000 livres payées depuis la mort des pasteurs
Duvernet et Lassagne , en réduisit plusieurs à la der-
nière misère. Les protestants de l'arrondissement de
Bressac en particulier durent payer 700 livres pour une
assemblée qui s'était tenue sur son territoire, et ceux
des communautés de Beauchastel , Charmes, Le Pape
et Saint-Julien-de-Flaviac une amende de 600 livres.
Les habitants protestants de Vernoux et de Silhac,
qui avaient été également imposés d'une façon exorbi-
tante , firent présenter une requête au roi par un avocat
de Paris ; mais leur demande fut très mal reçue et le
cardinal Fleury répondit qu'il était surpris que des
rebelles osassent présenter une pareille pétition ; que ,
s'ils voulaient obtenir quelque chose, il fallait qu'ils pro-
missent d'envoyer leurs enfants à la messe , qu'autre-
(i) Daniel Benoît, Pierre Dortial dans l'Eglise sous la croix, p. 117-166.
Hugues, t. Il, p. 105-104; t. 1 , p. 211. Corbière, Histoire de l'Eglise ré-
formée de Montpellier, p. 407-412. Deux relations de la rnorl de Dortial,
dans Bulletin, etc., t. IX, p. 288-291, ;4'-345 ; t- X., p. io)-ioj. Ms. Court,
n» 17, t. F ; n» 7, t. V. Recueil des synodes du Vivar;>is. Archives de l'Hé-
rault, C, 210. Ch. Coquerel, t. II, p. 427, 428.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. l()<^
ment il était inutile de dresser des requêtes et de faire
des dépenses.
En présence de cette dure situation , qui était celle
du reste des autres provinces de France, Daniel Vou-
land , pasteur du Dauphiné , écrivit à Peirot pour lui
demander s'il ne serait pas opportun d'envoyer une
adresse au roi pour le supplier d'accorder aux protes-
tants la liberté dont jouissaient leurs pères avant la
révocation de l'édit de Nantes. Peirot lui répondit le
31 mai 1742 qu'il y voyait toute sorte de dangers, et
que tout ce que , d'après lui , on pouvait demander au
roi c'était la délivrance des galériens protestants et
autres prisonniers pour la foi , et quelque léger adou-
cissement aux rigueurs ordinaires. « Demander trop , »
disait-il, « serait à mon avis le moyen de ne rien avoir. »
Il estimait qu'une démarche auprès des puissances pro-
testantes serait plus nécessaire et présenterait moins
d'inconvénients , mais il avait beaucoup de peine à pen-
ser qu'elles voulussent faire parler au roi en faveur des
protestants et surtout demander pour eux une entière
liberté de culte.
Les protestants du Vivarais n'interrompaient pas leurs
exercices pour cela. Ladevèze écrivait de Tournon , le
20 août 1742, que Coste présida une nombreuse as-
semblée le 1 1 juin entre Toulaud et Bruzac, et qu'ayant
voulu en convoquer une seconde pour le 17 per-
sonne ne consentit à s'y rendre. Ladevèze ajoutait qu'il
avait parcouru le Vivarais et n'avait reçu que des mar-
ques de fidélité de tous les notables protestants qu'il
avait vus. Il en punit un seul, le greffier Robert, qui
avait prétendu en plein cabaret que les Anglais étaient
à Toulon. Il l'envoya dans cette ville accompagné par
un brigadier de la maréchaussée et pria le commandant
de place , de Marnézia, de faire promener le prisonnier
IC)6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dans toutes les rues de Toulon pour qu'il pût s'assurer
par lui-même s'il était possible d'y entrer (i).
Dans le Velay, le protestantisme Jouissait depuis plu-
sieurs années d'une grande tolérance, grâce à la douceur
et à la bonté de Beringhen, évêque du Puy, qui mourut
malheureusement le 17 octobre 1742, âgé seulement
de cinquante ans. « Il ne souffrait pas, » écrivait Peirot
le 1 8 avril 1 743 , « qu'on fît payer aucune amende ni qu'on
prît aucun enfant pour les couvents dans tout son dio-
cèse. En 1741 , étant à Paris, son vicaire , à la sollici-
tude de quelques curés, voulut forcer tous les religion-
naires à aller à la messe , et obligea ceux qui étaient
mariés au Désert à se séparer de leurs femmes ou à
épouser une seconde fois par des prêtres, après avoir
fait plusieurs actes de catholicisme et abjuré la religion
protestante. Ce vicaire , qu'on appelait l'abbé Duquaine,
était suivi de plusieurs curés et d'une compagnie de
cavaliers qui forçaient les gens à obéir et qui étaient
mis en garnison chez ceux qui ne voulaient pas aller à
la messe. Cette persécution ne dura que trois ou quatre
mois.. D'abord que l'évêque fût de retour, il fit cesser
tous les troubles et , depuis ce temps-là, on y a joui
d'une grande tranquillité.
» Il n'en est pas de même dans l'évêché de Viviers, »
continue Peirot. « On y fait toujours payer des amendes
très rigoureuses à ceux qui refusent d'envoyer leurs
enfants aux instructions de l'Eglise romaine. Dans
toutes les paroisses, il y a des maîtres d'école qui, fêtes
et dimanches , étant dans l'église , appellent tous les
enfants, nom par nom, et ils marquent tous ceux qui
n'y vont pas. Au bout de deux mois, ils envoient leurs
mémoires à l'intendant, qui condamne à 20 livres par
I) Arch. nat., TT, ^6, 357.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 197
dimanche tous ceux qui n'ont pas été à Téglise ; et ,
quand ils y auraient été plusieurs fois, s'ils manquent
seulement un dimanche , ils sont condamnés comme
s'ils n'y avaient rien été. Suivant cela, on doit juger que
dans peu il s'est accumulé des sommes considérables ,
principalement pour ceux qui ont plusieurs enfants.
Aussi je connais des familles qui ont donné pour ces
amendes jusqu'à looo écus ; de pauvres gens , qui ne
vivaient que de leur journée, qui ont donné loo écus,
400 livres. L'année dernière , quatre paroisses , savoir
Saint-Pierreville , Issamoulenc , Le Gua et Ajoux, qui
n'avaient guère payé depuis quelque temps, furent
obligées de nourrir et de payer, à 6 sols par jour,
trente soldats pendant une vingtaine de jours, et en-
core condamnées, sans aucune grâce, à payer tous les
arrérages depuis 1737. Présentement, on demande à la
paroisse de Saint-Agrève environ 6,000 livres. Aussi
c'est une assez grande paroisse presque toute protes-
tante , excepté la ville où il n'y a guère que des catho-
liques...
» On contmue aussi dans ce diocèse à prendre des
enfants pour les couvents et pour les collèges. Depuis
quelque temps on en a pris cinq, qui ont été conduits à
Viviers où à Aubenas. Ils ne sortiront de ces couvents,
selon les apparences, que lorsqu'on sera bien assuré
de leur catholicité. Outre cela, les curés, animés de
l'esprit de leur évêque [François Renaud de Villeneuve],
sont encore très exacts à visiter leurs paroisses, et, par
leurs promesses, par leurs menaces, par leurs disputes,
ils font tous leurs efforts à en attirer quelqu'un dans leur
parti. Le curé d'une paroisse, que nous appelons
Gluiras , dans laquelle il y a un grand nombre de reli-
gionnaires , est toujours en mouvement. Tantôt il court
pour découvrir nos démarches, tantôt pour surprendre
198 HISTOIRE DES PROTESTANTS
quelque assemblée, tantôt pour faire quelque prosélyte.
Il dispute, il flatte, il caresse, il promet, il menace. Il
a fait venir un petit livre imprimé à Avignon et composé
par François Vernet (i), prosélyte de l'Eglise romaine
et frère de M. Jacob Vernet, professeur à Genève. Il
lit ce livre dans les maisons, l'appuyant de ses réflexions
et en disant que M. Jacob Vernet, ne pouvant rien
répondre à ce livre, on lui verra bientôt suivre l'exemple
de son frère...
» Je viens à l'évèché de Valence, dans lequel on ne
parle ni des collèges, ni des couvents , mais on y fait
payer de temps en temps quelques amendes comme
dans celui de Viviers. Les curés s'y donnaient aussi de
grands soins pour faire des prosélytes. Ils sont surtout
fort attentifs à épier nos démarches pour se saisir de
nos personnes, afin de faire cesser le cours des assem-
blées et de détruire entièrement notre religion. L'année
dernière, au mois de mai, les espions qu'ils ont établis
découvrirent une assemblée dans la paroisse de Bruzac,
à deux lieues de Valence, mais n'ayant pas le temps
d'aller chercher des soldats , il se contentèrent de re-
marquer tout ce qui s'y passait et les personnes qui
y étaient. Ensuite ils en donnèrent avis à M, de Lade-
vèze , commandant de la province, qui envoya peu de
temps après un détachement de soldats avec ordre d'ar-
rêter tous ceux qui étaient accusés. Il y en eut une dou-
zaine qui furent conduits à Tournon, oij ils demeurè-
rent quelques jours, après quoi on les relâcha...
(i) LeAIre apologétique. Dans laquelle le S' François Vernet , Néf/o-
rAant , expose à M. Jacob Vernet, son frère , Ministre et Professeur en
Belles-Lettres à Genève, les inoHfs qui l'ont porté à nbjurcr l'Hérésie de
Calvin ; et à embrasser la Religion Catholique, Apostolique et Uomainf,
Avignon, 1740, in-i6. Seconde Lcltrc..., Avignon et Marseille, 1741, in-i6.
Troisième Lettre..., Avignon et Marseille, 1742, in-i6.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. IQQ
Cependant on les a condamnés à une amende de
700 livres.
» Après cette assemblée on fit courir le bruit que
des ministres étrangers étaient dans la province. Crai-
gnant une révolte , on fit des gardes dans toutes les
petites villes , on défendit aux religionnaires d'aller en
troupes et de se parler dans les foires, lorsqu'il n'y
aurait pas de catholiques romains avec eux. Ladevèze
se transporta dans les Cévennes avec quelques compa-
gnies de soldats, mais, voyant que tout était faux, il
revint sans faire du mal (i). »
TOLÉRANCE MOMENTANÉE. ASSEMBLÉES DE JOUR ET
PUBLIQUES (10 MAI 1744)- MÉMOIRE DE PEIROT.
ARRESTATIONS PARTICULIÈRES (1743-I744).
Le proposant Matthieu Majaldit Desubas, qui s'était
rendu au séminaire de Lausanne en décembre 1740
et qui y fut consacré au saint ministère le 20 juillet 1743,
rentra en Vivarais cette même année et trouva que le
zèle des protestants du Vivarais s'était refroidi dans
quelques quartiers. Tous les pasteurs et prédicateurs
réunis ne pouvaient donner plus de quatre prédications
par an à chaque Eglise. C'était peu pour y entretenir
une vie religieuse intense.
D'autre part , l'autorité se relâchait de ses rigueurs.
Depuis quelques mois on n'apercevait aucun soldat en
Vivarais. Les curés ne proféraient plus autant de mena-
ces, les mariages bénis au désert n'étaient plus pour-
suivis, les jeunes filles plus enfermées dans les couvents
et on ne parlait plus d'amendes. L'évêque de Viviers
avait beau réclam .i de Louis XV l'exécution des édits,
(i) Armand de La Chapelle, Nécessité du culte puldic, Mémoire liisln-
riquc, p. 501. Ms. Court, n» 17, t. R. Arch. de l'Hérault, C, 210.
200 HISTOIRE DES PROTESTANTS
on ne l'écoutait pas. « J'ai souvent parlé au roi, » écri-
vail-il à un de ses curés au printemps de 1743 , « tou-
chant les mariages bénis à la lune sans avoir rien pu
obtenir contre eux et présentement le roi ne veut pas
même en entendre parler. »
La plupart des catholiques, fort alarmés, disaient que
dans peu on reverrait les temples rebâtis, la persécution
cesser, et chacun servir Dieu suivant le mouvement de
sa conscience. Les assemblées se tenaient sans entra-
ves , mais les pasteurs veillaient à ce qu'il ne s'y rendît
pas trop de personnes, parce que le duc de Richelieu,
commandant du Languedoc, qui « était fort bénin pour
les protestants et qui n'avait voulu écouter aucun ecclé-
siastique contre eux , » se plaignit à Nîmes de ce que
les assemblées étaient trop nombreuses et engagea les
protestants à être plus réservés et plus prudents. Il disait
que l'édit de Nantes n'était pas rétabli, mais il osait
ajouter , chose rare pour l'époque, que Louis XIV au-
rait peut-être bien fait de ne pas y toucher.
Cette tolérance momentanée , qui était générale et
provenait des embarras que suscitait à la France la
guerre meurtrière de la succession d'Autriche, décida
les protestants du Vivarais à tenir désormais leurs as-
semblées de jour à l'exemple de leurs frères du Langue-
doc. Court, dans une lettre du 5 décembre 1743, avait
beaucoup engagé Peirot à entrer dans cette voie, u S'il
y a moyen d'obtenir quelque liberté, » lui écrivait-il,
« ce n'est que par la grandeur de notre zèle , toujours
dirigé par les sages maximes de l'Evangile, que nous
pourrons l'obtenir. C'est ainsi que nos pères , par une
fermeté qui se raidissait contre tous les dangers , ob-
tinrent la liberté de conscience et le libre exercice de
leur religion. »
Les protestants vivarois patageaient déjà cette ma-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 201
nière de voir. « Je n'ai garde de les faire changer de
sentiment, » écrivait Peirot le 31 janvier 1744; « je tâ-
che au contraire , étant muni de votre approbation , de
les y affermir de plus en plus. » Le synode provincial
du i^' mai 1744 décida en conséquence qu'à l'avenir
les assemblées revêtiraient ce caractère. « Considé-
rant, » disent ses actes , « la tolérance dont on use en-
vers nous depuis quelque temps et principalement envers
nos frères du Languedoc... on a reconnu qu'il était à
propos , vu les présentes circonstances , de cesser de
s'assembler de nuit et de commencer dans peu, si le
Seigneur le permet, de s'assembler en plein jour, non
pour causer des troubles et des divisions, mais uni-
quement pour servir le seigneur selon la pureté de
l'Evangile; et cela sans armes et sans causer aucun tu-
multe. »
Le synode prévoyant , d'autre part , que ces assem-
blées de jour pourraient irriter les curés de la province
et les porter à dénoncer les protestants comme des re-
belles et des séditieux , résolut d'écrire aux comman-
dants et gouverneurs du Vivarais , d'abord pour les as-
surer de la fidélité des protestants , de leur soumission
et de leur obéissance aux ordres de leur prince; puis
pour les supplier instamment d'user de support à leur
égard.
Conformément à cette décision les pasteurs Coste et
Peirot (Desubas était à ce moment dans le Languedoc
pour l'affaire du schismatique Boyer), commencèrent le
dimanche 10 mai 1744 à prêcher en plein air, le premier
du côté de Vernoux , le second du côté de Saint-Pier-
reville. Quatre à cinq mille personnes assistèrent à ces
assemblées (i). Personne ne les troubla. Les curés
(1) Il s'en tint aussi le même jour au coteau d'Oraye, paroisse de Saint-
202 HISTOIRE DES PROTESTANTS
tremblaient. Dans celle que présida Peirot ils envoyè-
rent des exprès pour savoir si les protestants étaient ar-
més, et ne revinrent de leur frayeur que lorsqu'ils
apprirent le contraire. Dans cette circonstance, les pro-
testants montrèrent autant de zèle que de courage. Tous
assistèrent aux assemblées. Riches et pauvres , jeunes
gens, hommes de l'âge mûr et vieillards. Il y eut peu
de Nicodémites. Seul, le vieux prédicateur Monteil fit
de l'opposition. Non seulement il n'assista pas aux as-
semblées de jour, mais encore il mit tout en œuvre
pour empêcher les gens de s'y rendre. Il ne fut pas
écouté.
Laissons maintenant la parole à Peirot, qui envoya à
Court, à Lausanne, un mémoire spécial surlesassemblées
de jour du Vivarais (i). « Elles surprirent, » dit-il, «■ ex-
trêmement les catholiques par leur nouveau , et par le
grand nombre de ceux qui les fréquentaient. Divers cu-
rés en furent fort épouvantés ou du moins ils feignaient
de l'être. Les uns se faisaient garder par une troupe de
paysans. Le curé, nommé Chassieu, de Saint-Julien-
la-Brousse, était de ce nombre; les autres allèrent de-
mander des gens pour être en sûreté au commandant de
la province. Le curé de Gilhoc fut exprès à Tournon
pour cela, mais on rejeta sa demande. D'autres quittè-
rent leurs églises pour se mettre, disaient-ils, en sûreté.
L'évêque fut obligé d'ordonner au curé de la paroisse
de Saint- Fortunat , nommé Aligno, de reprendre son
poste ou de consentir qu'on mît un autre curé à sa
place.
» Plusieurs gentilshommes sollicitèrent le comman-
Jean -Chambre , près de Desaignes, et du côté de Saint-Agrève ; le jour de
l'Ascension , sur les limites de Châteauneuf-lès-Vernoux et de Boffres ; le
25 mai, près de Boffres (Arch. nat., TT, n6, 557).
,1; Ms. Court, n" 17, t. Q, p. 549-555.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 20^
dant pour avoir des ordres contre les protestants. S'ils
ne manquèrent sans doute pas de faire tous leurs efforts
pour rendre les assemblées odieuses et criminelles , la
connaissance qu'on a de quelques-uns de ces messieurs,
fondée sur une triste expérience, ne permet pas de le
révoquer en doute. Ils n'obtinrent pourtant rien. Le
commandant se contenta, on le sait de science certaine,
de leur dire qu'il en écrirait à la cour; qu'en attendant
ils ne devaient faire autre chose que de remarquer ceux
qui assistaient aux assemblées sans les molester en au-
cune manière. Scipion de Rochessauve l'a dit lui-même
au ministre M"" Coste.
» Les ministres (i) prévoyaient par avance les mau-
vaises intentions des catholiques. D'abord qu'ils eurent
fait leurs premières assemblées, ils écrivirent d'un com-
mun accord deux lettres : l'une à M. Ladevèze, l'autre
à M. de Châteauneuf (2), commandant à Tournon. Ces
lettres portaient que les religionnaires s'assemblaient à
la vérité , mais sans armes, sans tumulte, uniquement
dans la vue de servir Dieu et qu'ainsi on ne devait pas
douter de leur fidélité envers Sa Majesté. »
Nous avons été assez heureux pour retrouver celle
qui fut écrite à Châteauneuf. En voici le texte :
« Monseigneur, la haute idée que nous avons de vo-
tre équité et de votre justice nous engage à prendre la
liberté de nous adresser à vous, Monseigneur, pour
nous justifier auprès de vous des calomnies qu'on in-
vente sur notre sujet depuis l'indigne soulèvement des
camisards , désapprouvé par tous les gens sensés de
notre communion. Diverses personnes ont regardé les
protestants du royaume , et particulièrement ceux de
(i) Peirot, Coste et Desubas.
(2) Ladevèze avait reçu un commandement plus étendu en Languedoc, et
Châteauneuf le remplaça pour le Vivarais et le Velay.
204 HISTOIRE DES PROTESTANTS
cette province, comme des rebelles, des séditieux, des
perturbateurs du repos public. Aujourd'hui qu'ils pren-
nent la liberté de s'assembler en plein jour, on ne man-
quera pas sans doute de renouveler toutes les .ancien-
nes accusations et de les dépeindre comme des rebelles,
des gens qui ont des intelligences avec les ennemis de
Sa Majesté. Permettez donc, Monseigneur, que nous,
ministres du Vivarais, ayons l'honneur de protester con-
tre ces accusations et de vous assurer que tous ceux
de la relii^fion réformée re2:ardent comme un crime des
plus énormes la rébellion contre un légitime souverain
tel que notre prince. Il est vrai, Monseigneur, que de-
puis longtemps il y a dans cette province des ministres
qui ont béni des mariages , administré les sacrements
et convoqué secrètement des assemblées religieuses ,
mais cela sans causer un seul trouble dans la patrie et
sans émouvoir aucune sédition contre l'Etat. Les reli-
gionnaires de ce pays ont payé les amendes sans mur-
mure, souffert patiemment les galères, l'enlèvement de
leurs enfants. Non seulement ils ne se sont point rebel-
lés contre leurs gouverneurs , il ont encore supporté
avec patience les injures, les insultes, les mauvais trai-
tements de divers particuliers , qui se servaient du pré-
texte de religion pour exercer leur cruauté, pour assou-
vir leurs passions en venant et en tourmentant le pauvre
peuple. Nous vous avouons aussi, Monseigneur, que
présentement nous prenons la liberté de nous assembler
en plein jour, mais sans armes, sans tumulte, sans cau-
ser la moindre inquiétude à qui que ce soit. Comme
nous l'avons toujours pratiqué dans nos assemblées noc-
turnes, nous faisons cela, non pour nous soustraire à
l'obéissance due à notre roi, mais pour nous sanctifier,
pour prier Dieu , pour le servir, sinon de la même ma-
nière des autres sujets de Sa Majesté, du moins sous
DU VIVAHAIS ET DU VELAY. 201?
une bonne intention; car s'il y a entre eux et nous des
sentiments différents sur des matières de théologie, nous
sommes tous d'accord touchant la nécessité de bien vi-
vre, de servir Dieu et de le prier pour le roi, pour
l'Etat, ainsi que nous le pratiquons dans tous nos exer-
cices de piété et de dévotion. Voilà, Monseigneur, nos
véritables sentiments et ce qui s'observe parmi nous.
Nous espérons que votre bonté vous portera à nous
rendre justice , en ne nous regardant point comme des
rebelles et en usant envers nous de la même clémence
dont vous usez envers nos frères du Languedoc et des
Cévennes. En reconnaissance, nous ferons des prières
au Seigneur pour qu'il vous conserve et qu'il vous ac-
corde une vie longue et heureuse, accompagnée de tou-
tes sortes de bénédictions, nous osons nous dire, avec
un très profond respect , vos très humbles et soumis
serviteurs. P. m. Cm. M. m. (i). Ce 14® mai 1744 (2). »
« Dans le temps que M. de Châteauneuf eut reçu la
lettre des ministres, » continue Pèirot dans son mé-
moire, « il partit pour Privas 011 l'assiette s'assemblait.
Il montra sa lettre à l'assemblée, ensuite il l'envoya en
cour. On ne peut pas bien savoir tout ce que ces mes-
sieurs de l'assiette dirent des assemblées des protes-
tants et de la lettre des ministres, mais on a vu qu'en
arrivant de Privas il étaient plus doux envers les pro-
testants et qu'ils parlaient des assemblées et des mi-
nistres plus avantageusement qu'ils ne faisaient aupa-
ravant.
» Une autre lettre, qui fut aussi communiquée aux
messieurs de l'assiette, est celle du ministre Peirot à
M. le comte de Chambaud. Il est bon de rapporter ce
(i) Peirot, ministre; Coste, ministre; Majal (Desubas). ministre.
(2) Arch. nat., TT, 356, )}7.
206 HISTOIRE DES PROTESTANTS
qui donna lieu à ce premier d'écrire cette lettre. D'abord
que M. le comte de Chambaud eut appris qu'on faisait
des assemblées en plein jour, il témoigna un grand em-
pressement de voir les ministres. 11 en écrivit à M. de
Romegieux, de la paroisse de Gluiras, mais comme on
ne lui en faisait pas voir aussitôt qu'il l'aurait souhaité ,
ayant appris qu'on faisait une assemblée dans la paroisse
de Saint-Jean-Chambre le 17® mai, il s'y rendit lui-même
et fit prier le ministre de venir lui parler hors de l'assem-
blée. Il déclara d'abord qu'il venait là pour un bien;
que, voyant que les protestants faisaient des assemblées
qui pourraient leur attirer de violentes persécutions, il
voudrait les prévenir et les leur faire éviter. Il dit en
particulier à M. Peirot qu'il voulait croire qu'il était
honnête homme, et qu'il n'agissait que dans de bonnes
vues , mais que la cour n'interpréterait pas ainsi ses dé-
marches, qu'elle prendrait cette conduite pour une vé-
ritable rébellion, qu'elle croirait que les ministres étaient
envoyés et pensionnés par le roi d'Angleterre.
» Peirot lui fit un court raisonnement pour lui mon-
trer qu'on ne devait pas soupçonner les protestants
d'être d'intelligence avec les ennemis de Sa Majesté;
mais M. le comte ne voulait même pas l'écouter, disant
que rien ne les justifierait mieux que de cesser de faire
des assemblées de jour ; que, pour la nuit, ils pourraient
aller de maison en maison, et prêcher sans que per-
sonne leur dît rien; que, pourvu qu'on voulût lui accor-
der cela, il s'intéresserait en leur faveur. On lui dit
qn'on lui accorderait sa demande s'il pouvait obtenir une
permission de la cour de bénir les mariages , baptiser
les enfants et de s'assembler la nuit sans aucun risque.
Il répondit que cela était contre les ordres du roi, mais
qu'on pouvait le faire sans s'exposer.
» Comme M. le comte voulait absolument que le
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 207
sieur Peirot (car. il ne parlait qu'à lui), lui promit de ne
plus prêcher de jour, ce dernier, ne voulant ni promet-
tre, ni refuser, répondit qu'il communiquerait la chose
à ses confrères et aux principaux habitants ; qu'ensuite
il écrirait la résolution qui aurait été prise. Le comte
fut content, il promit qu'il enverrait encore la lettre
qu'on lui écrirait.
» Le sieur Peirot , après s'être consulté avec ses
confrères et quelques fidèles, écrivit, le mardi 19 mai,
en son propre nom, à M. le comte, comme il le lui
avait promis ; mais , par des raisons de prudence , il
éluda la question, c'est-à-dire qu'il ne promit pas de ne
pas faire des assemblées de jour ni qu'il ne dit pas non
plus qu'il n'en ferait ; il se contenta de montrer que ,
bien loin que les assemblées, qui se convoquaient en
plein jour au vu et au su de tout le monde, dussent faire
soupçonner les protestants de rébellion, elle devait plu-
tôt faire leur apologie et les justifier auprès de toute
personne raisonnable (i).
» Lorsque M. le comte eut la lettre, il partit pour
Privas, où l'assiette était encore, et la montra à toute
l'assemblée. Chacun en fit des copies. Il suffisait que
cette lettre eût été écrite par un ministre pour que cha-
cun fût curieux de l'avoir, ce qui fut cause qu'il s'en
répandit des copies presque dans tout le Vivarais.
(i) Un personnage resté inconnu, mais que Peirot croit être un curé , fit
une réponse à sa lettre. Elle accusait les protestants de manquer de sincé-
rité. « Vous dites, » écrivait l'auteur anonyme , « que vous avez payé les
amendes sans murmure : ce qui n'est pas vrai, car l'on vous y a forcé par
des garnisons. Vous dites que vous empêchez que les protestants sortissent
du i03'aume et qu'ils emportassent de l'argent. Le roi ne vous en saura pas
gré. Il y a pourvu en empêchant qu'on vendît les biens , et en empêchant
qu'on soriît de ses Etats. Quelques soumises que paraissent vos lettres aux
commandants , l'on ne cesse pas d'y apercevoir quelque teinture de rébel-
lion cachée, qui ne manquerait pas de se manifester à l'occasion; aussi ne
se fie-t-on guère à vous. » {Mémoire de Coste , ms. Court, n* 17, vol. P ,
p. 505.)
208 HISTOIRE DES PROTESTANTS
L'original en fut envoyé à M. d'Argenson, qui répondit
à M. le comte qu'il était déjà informé de la conduite
des protestants.
» Le même dimanche 17 mai, comme on se retirait
de l'assemblée, il arriva un événement qui pensa inquié-
ter les protestants. Le sieur Avon, curé de Saint-Mau-
rice [sous ChalenconJ , allant à Saint-Jean-Chambre
baptiser un enfant , postant (passant) à un petit village
nommé Rias, fut blessé à une joue. Il n'eut pas plutôt
reçu le coup qu'il cria que ceux qui venaient de l'as-
semblée l'assassinaient. Ils en étaient bien éloignés. Ils
saisirent eux-mêmes l'homme qui avait tiré, le condui-
sirent à Vernoux et dirent au commandant de faire faire
à leurs dépens les informations nécessaires pour savoir
s'il était coupable ou non. L'accusé était religionnaire,
mais il n'était point allé à l'assemblée ce jour-là. Il
était dans son jardin, tirant aux oiseaux, et par mégarde
blessa un peu le curé. Son innocence fut d'abord con-
nue, et il fut relâché par ordre de M. de Châteauneuf
sans qu'on lui infligeât d'autre peine que de demander
pardon au curé (i).
» Depuis ce temps, il est allé un grand nombre de
catholiques dans les assemblées, mais il n'y est jamais
arrivé aucun trouble. Il y eut dans une assemblée trois
ou quatre jeunes garçons papistes qui portaient leurs
fusils. On les leur ôta et deux gentilshommes les por-
tèrent au commandant qui les garda et qui dit que , s'il
savait que le curé eût trempé là-dedans, lui-même l'en
ferait repentir (2). »
(1) Pendant que cet homme était en prison, une autre pièce de l'époque
nous apprend que » les demoiselles Loriol , du lieu , et M' Abriac , consul ,
dirent qu'il fallait [faire] évader cet homme pour avoir un prétexte pour faire
périr les protestants. C'est ce qui fut entendu par les protestants eux-mêmes
qui le gardaient. »
(2) Ms. Court, n" i, t. XIV, XV. Recueil des syn. du Vinariiis.
DU VIVARAIS ET DU VELAY 209
CONTINUATION DES ASSEMBLÉES DE JOUR. LIBELLE
DIFFAMATOIRE. RÉPONSE DE DESUBAS (1744).
Le mouvement qui portait les protestants à s'assem-
bler de jour ne se ralentit pas. « Nos protestants, »
écrivait Desubas le 12 juin 1744, « se rendent de fort
loin dans les assemblées. Le dimanche de la Pente-
côte , j'en fis une où il y avait des gens de trente-huit
paroisses. Il s y rendit beaucoup de catholiques romains.
Nous y avons vu des comtes, des gentilshommes, des
bourgeois et des paysans en grande quantité... Diman-
che dernier, il y eut un comte, ami du cardinal de Le-
nain , qui m'envoya de quelle manière il fallait agir
dans nos assemblées pour nous rendre les puissan-
ces favorables. Ce même jour, un curé me fit inviter
pour aller prendre un repas chez lui , mais je ne pus le
faire. Hier au soir, je reçus une lettre dans laquelle un
homme de grande distinction me fait dire qu'il veut nous
rendre service auprès des puissances ; mais il veut
pour cela savoir tous les lieux où se sont tenues nos as-
semblées , le jour où nous les avons commencées et la
manière dont nous nous y sommes conduits. Je n'ai pas
encore répondu à cette lettre. Au reste, nous bénissons
les mariages de tous les protestants de ce pays , nous
baptisons leurs enfants, ce qui nous donne bien de peine
et d'embarras... J'oubliais de vous dire qu'il y a un com-
mandant à Beauregard qui donne des permissions aux
protestants pour aller aux assemblées. Cela me fait
croire que nos affaires vont assez bien. »
Le quatrième synode national du désert , qui se réu-
nit dans le bas Languedoc le 18 août 1744 et auquel
les pasteurs Peirot et Desubas assistèrent comme re-
II. 14
2IO HISTOIRE DES PROTESTANTS
présentants des Eglises du Vivarais , approuva (art. X)
les assemblées de jour et publiques, et décida que cette
province prêterait un pasteur au Poitou. C'est sans
doute pour se conformer à cette décision que Pelis-
sier dit Dubesset , qui était allé au séminaire de Lau-
sanne en novembre 1740 et qui en revint en 1744, alla
s'établir dans le Poitou en 1745.
Ajoutons qu'un Mémoire, qui paraît avoir été rédigé
en 1744, porte à quarante-trois le nombre des Eglises
qui étaient organisées à cette époque dans la pro-
vince (1).
La tolérance dont jouissait le Vivarais n'empêcha pas
pourtant les poursuites particulières. Ainsi , Richelieu
donna l'ordre, le 15 décembre 1744, d'arrêter un cer-
tain nombre de protestants de cette province. Voici
leurs noms et les motifs qui les firent décréter d'arres-
tation :
Claude Ponton, de Gluiras. <( Il a enlevé de force
Catherine, sa sœur, de la maison des soeurs de saint
Joseph , du lieu de Chalancon , où elle avait été mise
pour être élevée dans la religion catholique. »
Claude dit Roche , du même lieu. «. Il a aidé à faire
l'enlèvement de cette fille. »
Antoine Terras, de Saint-Fortunat. a II est le chef
des religionnaires de l'arrondissement de Saint-Fortu-
nat ; il se donne les plus grands mouvements pour abo-
lir la religion catholique ; il entretient à ses frais le
nommé Jalade pour enseigner des psaumes et former
des ministres. »
Philippe Blache, de Mastenac , paroisse de Saint-
Fortunat. « Il prête sa maison pour tenir chaque jour
des assemblées à peu près semblables à celles de 1727,
(i) Ms. Court, n« ry, t. Q. Voy. Picces justificatives, n" XV.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 211
et dans lesquelles il se passe les choses les plus extra-
vagantes. »
Bougnard dit le Père Eternel , du même lieu. « Il
assiste à ces assemblées, dont il est un des principaux
acteurs ; il a été condamné aux galères pour le même
fait. »
Nos sources ne nous disent pas si ces personnes pu-
rent se dérober aux poursuites dirigées contre elles.
Richelieu avait donné l'ordre de les conduire au château
de Beauregard.
Cette même année 1744, on fit circuler dans le Vi-
varais un libelle diffamatoire manuscrit contre les catho-
liques, dont on attribua la paternité aux pasteurs. Le
curé du Gua ayant été un de ceux qui le colportèrent
avec le plus de zèle, Desubas lui répondit le 24 juillet,
de concert avec le pasteur Dunière dit Lacombe (i).
« Nous avons lu, » disait-il au curé, « la copie d'une
lettre, ou plutôt d'un libelle séditieux, que vous eûtes
la complaisance de communiquer à un protestant de la
paroisse d'Issamoulenc. Nous aurions cru que vous de-
viez vous contenter de regarder avec mépris un écrit si
mal conçu , sans daigner y faire la moindre attention.
Mais quelle n'a pas été notre surprise d'apprendre que
cet écrit vous alarme et surtout que vous vous soyez
mis dans l'esprit que les ministres en sont les auteurs.
Le titre de séditieux et de rebelle est si odieux que
nous avons cru que notre devoir nous engageait indis-
pensablement à vous écrire, pour vous protester que de
semblables écrits ne partiraient jamais de notre part et
que nous dirons toujours anathème à ceux qui auront
l'audace d'en écrire de tels...
(1) Dunière ne refusa pas ce service à son ami, quoiqu'il n'exerçât pas le
ministère à cause de sa mauvaise santé, comme on l'a déjà dit.
212 HISTOIRE DES PROTESTANTS
» Nous déclarons d'abord sincèrement et devant Dieu
que nous regardons la lettre en question comme imper-
tinente, téméraire, impie et séditieuse. Nous ignorons
absolument qui en est l'auteur; mais, quel qu'il puisse
être , nous le regardons comme un brouillon , un per-
turbateur du repos public, digne d'être recherché et
puni comme un véritable séditieux. »
Desubas prouve ensuite que les pasteurs du Vivarais,
pas plus que ceux du Dauphiné, n'avaient pu écrire un
pareil libelle, et il ajoute : « Si la religion que nous
professons autorisait la révolte et la rébellion, vous au-
riez peut-être quelque raison de vous défier et de nous
attribuer des écrits et des démarches tendant à la sédi-
tion ; mais avons-nous jamais reçu, cru ni enseigné rien
de semblable ? Ne faisons-nous pas profession de croire
qu'il faut obéir aux puissances supérieures et leur être
soumis dans tout ce qui n'intéresse pas la conscience ?
Nous sommes-nous jamais départis de cette croyance ?
Depuis qu'il y a des ministres dans le Vivarais , avez-
vous vu des révoltes et des soulèvements? N'avons-
nous pas supporté tous les mauvais traitements... avec
une grande patience?... Vous direz peut-être, Monsieur,
que les assemblées que nous faisons contre les édits
sont des rébellions ; mais nous vous demandons : les
rois ont-il droit sur la conscience de leurs sujets?...
Croyez-vous que les premiers chrétiens , qui faisaient
des assemblées contre les édits des empereurs, fus-
sent des rebelles? Vous n'oseriez le dire et, si vous le
faisiez, vous condamneriez des personnes que vous
regardez comme des martyrs et des saints... Direz-vous,
Monsieur, qu'après l'afifaire des camisards l'on a tout
lieu de se défier des protestants ? C'est là votre grand
retranchement; mais ignorez-vous que les ministres n'ont
en rien contribué à cette révolte?... Ignorez-vous que
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 21 3
nous n'avons 'rien négligé pour faire revenir nos peuples
des visions du fanatisme ? Ce serait donc sans fonde-
ment qu'on nous soupçonnerait de révolte sous prétexte
qu'un petit nombre de visionnaires , que nous avons
toujours condamnés jusqu'à les préserver de la commu-
nion, ont causé autrefois quelque trouble. »
Comme le libelle ajoutait que les protestants du
Vivarais et du Dauphiné avaient déjà pris les armes ,
Desubas ajoutait : h Voilà plusieurs jours que ce mani-
feste a paru, mais point de gens armés. Ceux qui
viennent du Dauphiné assurent que tout y est tran-
quille , qu'on ne voit d'autre armée que celle du roi et
des alliés , et qu'aucun curé n'a été ni chassé ni tué,
ni aucune communauté pillée et brûlée pour les avoir
gardés. Cela nous fait penser aux armées qu'un Don
Quichotte croyait de voir et de combattre , et qui ne
se trouvaient , au bout du compte , que des moulins à
vent et des troupeaux de mouton. »
Le pasteur du Vivarais terminait sa lettre par ces
fortes et belles paroles : « Après tout , le temps nous
justifiera... En attendant, Monsieur, souffrez que nous
vous priions d'être tranquille, de ne pas vous alarmer,
et surtout d'être persuadé que nous n'avons d'autre des-
sein que de porter les peuples à la vertu. A l'exemple
de saint Paul nous les exhortons à craindre Dieu et à
honorer le roi. Si , après cela , nous sommes blâmés et
persécutés , nous le serons en bien faisant. Ce sera
pour avoir porté les hommes à se souvenir de leur
créateur, à lui rendre les hommages qui lui sont dûs, à
se retirer de l'injustice et de la débauche, et à vivre en
paix et en concorde les uns avec les autres. »
214 HISTOIRE DES PROTESTANTS
POLITESSES FAITES AUX PASTEURS. DES CURÉS SE
RENDENT AUX ASSEMBLÉES (1745).
Les assemblées de jour continuèrent nombreuses
l'année suivante. Mentionnons celles de Saint-Jean-
Chambre, Gilhoc, Saint-Voy, Saint-Agrève, Le Pouzin,
LeChambon, Saint-Alban, Saint-Michel-de-Chabrilla-
noux, Saint-Maurice en Chalancon, Saint-Didier, Saint-
Félix-de-Châteauneuf , Desaignes, Privas, Toulaud ,
Champis , Silhac, etc. Il fut verbalisé contre toutes ces
assemblées. Les catholiques étaient partagés à leur
sujet. Les uns désiraient sincèrement que la tolérance
durât; d'autres, au contraire, étaient peines de ce qu'elle
existât. Parmi les premiers , il en était qui faisaient
mille politesses aux pasteurs. Ainsi, en janvier 1745, le
juge des Boutières et un gentilhomme firent une visite
à Peirot. La conversation roula sur le support mutuel
des chrétiens des diverses communions. Ils s'élevèrent
contre la haine que les deux religions nourrissaient l'une
contre l'autre et contre la persécution d'autrefois.
A Privas, par contre, il y avait quelques Messieurs
catholiques fort peu tolérants, qui s'exprimaient mécham-
ment sur le compte des assemblées et des ministres.
Une assemblée, qui avait eu lieu vers la Toussaint de l'an-
née précédente , fit quelque bruit. Le subdélégué Du-
molard , avec des archers , se transporta sur le lieu 011
elle avait été tenue , le mesura et fit des menaces. Il en
fut de même à Vais, mais ce fut tout.
Le 13 janvier 1745 , jour de foire, l'autorité fit affi-
cher à Saint-Pierreville les amendes auxquelles avaient
été condamnées quelques assemblées du Languedoc ,
mais personne n'en fut effrayé. D'autre part, cinquante
soldats de Tournon et cinquante de Privas , accompa-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2 1";
gnés de plusieurs maréchaussées , se rendirent de nuit
à Saint-Fortunat , fouillèrent quelques maisons protes-
tantes sous prétexte de rechercher de la contrebande
et des contrebandiers. Le Vivarais était pourtant une
des provinces de France oia il passait le moins de gens
de cette sorte. C'est pourquoi on crut que c'était le
curé du lieu qui avait fait venir ces soldats dans l'inten-
tion d'arrêter quelque ministre.
Un mois plus tard, le 14 février, un curé, son vicaire
et un autre personnage se rendirent à une assemblée
présidée par le pasteur Pélissier dit Dubesset. Lors-
qu'ils arrivèrent, ce dernier était sur le point de congé-
dier l'assemblée. Les trois visiteurs auraient voulu qu'il
recommençât son sermon, après quoi ils seraient montés
en chaire pour le réfuter. Le pasteur n'y ayant pas
consenti, ils lui demandèrent une dispute publique,
mais, comme Dubesset était fatigué et d'une santé
chancelante, il s'y refusa pour le moment. Les visi-
teurs partirent là-dessus en disant qu'une autre fois,
lorsque l'assemblée se tiendrait près de chez eux, ils y
viendraient de meilleure heure.
Les pasteurs du Vivarais ne surent que penser de
cette démarche insolite, qui se renouvela plusieurs fois.
Ils furent toutefois disposés à croire que c'était un piège
qu'on leur tendait. Tel était du moins le sentiment de
Court, de Lausanne, à qui Peirot avait écrit sur ce
sujet le 19 mars 1745 et qui répondit : u Défiez-vous
de toutes ces manoeuvres des curés qui se sont rendus
dans l'assemblée de M. Dubesset. Elles renferment des
dessous de carte qui ne manqueraient de vous être
funestes. »
Pendant ce temps, quelques inspirés faisaient mille
prédictions. Ils disaient que Privas et le Puy seraient
détruits , que tous les curés , chanoines et évêques
2l6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
périraient, que les Anglais seraient bientôt maîtres de
Paris (!). Les pasteurs, qui apprenaient avec beaucoup
de peine ces extravagances destinées à jeter du discrédit
sur les protestants, faisaient tous leurs efforts pour y
mettre un terme (i).
DÉCLARATION DU ROI DU l6 FÉVRIER I745. AMEN-
DES CONSIDÉRABLES. LETTRE d'uN ANONYME DE
PARIS. ÉCRITS CATHOLIQUES ET PROTESTANTS (l 745) .
Ce calme relatif ne faisait pas prévoir la déclaration
royale du i6 février 1745, qui renchérissait par ses
rigueurs sur la déclaration déjà barbare de 1724. Elle
portait que les nouveaux convertis des arrondissements,
où s'opérerait l'arrestation d'un ministre, payeraient 3 ,000
livres d'amende affectées à la récompense des dénon-
ciateurs , et que la peine des galères perpétuelles serait
maintenue pour ceux qui donneraient asile aux proscrits.
Cette ordonnance émut profondément les provinces, et
celle du Vivarais pensa qu'il serait utile d'adresser une
requête au roi. Les pasteurs du Languedoc ayant par-
tagé leur avis, l'un d'eux estima qu'il fallait en outre
écrire à Richelieu et à Saint-Florentin. Redonnel , pas-
teur du Languedoc , qui paraît avoir été le ou l'un des
rédacteurs des requêtes, annonçait, le 24 mars 1745 ,
qu'elles partiraient bientôt et seraient présentées au
nom de toutes les Eglises du royaume ; mais nous ne
savons si le double martyre des pasteurs Ranc et Roger
du Dauphiné , qui eut lieu vers ce temps et glaça les
protestants d'effroi , n'empêcha pas la réalisation de ce
projet.
(I) Ms. Court, n" i, t. XV, XVI; n- 8, t. V, VI ; n» 17, t. A. Edm.
Hugues, t. 11, p. 454, 455. Arch. de l'Hérault, C, 426, 212, 216, 218.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 21/
Quoiqu'il en soit, l'effet de la déclaration royale
du i6 lévrier se fit sentir en Vivarais dès le mois sui-
vant. L'arrondissement de Saint-Jean-Chambre fut
condamné à payer 500 livres d'amende et 82 livres de
frais (4 mars) (i); celui de Gilhoc , 1000 livres
d'amende et 82 livres de frais (8 mars) (2) ; celui du
Chambon 300 livres d'amende et 186 livres de frais
(17 mars); celui de Saint-Voy 1,000 livres d'amende et
1,800 livres de frais (24 mars); la paroisse de Vais
500 livres d'amende et 400 livres de frais.
Le Vivarais, d'autre part, se remplit d'espions et de
soldats, et si les catholiques continuaient à se rendre
aux assemblées, on pensait que c'était également pour
espionner. Néanmoins, tandis que la persécution sévis-
sait avec violence dans plusieurs provinces de France,
le Vivarais n'avait à souffrir que des amendes considé-
rables qu'on infligeait aux protestants. Les magistrats ,
qui se rendaient dans les lieux où s'étaient tenues des
assemblées, se contentaient de verbaliser et de faire
payer les amendes. Il y avait bien des soldats à Privas,
Vernoux et Saint-Agrève , mais quelques-uns de leurs
officiers étaient animés du meilleur esprit. C'est ainsi
que les soldats de Saint-Agrève ayant insulté des gens
qui revenaient d'une assemblée : arrêtant les uns et
ôtant aux autres leurs livres de psaumes , le comman-
dant, bien loin de maintenir en état d'arrestation les
premiers , les remit en liberté et fit rendre aux seconds
leurs livres, après avoir réprimandé vivement ses soldats.
Dans le Velay, les protestants de deux bourgs se
laissèrent aller à une coupable faiblesse. Leur arrondis-
sement ayant été frappé d'une modique amende , ils
(1) 1367 1. et 700 I., d'après d'autres sources.
(2) 700 1., d'après une autre source.
2l8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
présentèrent à l'évêque du Puy, Jean-Georges Le Franc
de Pompignan , un placet dans lequel ils promirent de
ne plus faire d'assemblées contre les ordres du roi.
Instruit de cette démarche, Peirot fit venir auprès de lu*
les principaux protestants des deux bourgs, leur repré-
senta le fâcheux effet que leur placet pouvait produire,
et, après leur avoir fait comprendre leur faute, convint
avec eux que , nonobstant leur placet , les assemblées
continueraient dans leurs quartiers comme auparavant ,
et que. dès le dimanche suivant (mai), il y en aurait une.
Elle tut fort considérable.
Peirot avait eu, un mois environ auparavant, à répri-
mer une prophétesse. « Le 14 de mars, » écrivait-il,
(( à une assemblée que j'avais convoquée proche du
Gua , dans les Boutières , pendant la prière, après le
sermon, une femme, se disant prophétesse, commença
de faire grand bruit , ce qui dura tout le temps que je
fis la prière. Je n'entendis pourtant pas autre chose que
ces mots : « Venez aux eaux de la grâce, ne méprisez
pas la grâce , écoutez mon pasteur. » La prière finie, je
priai deux hommes de faire venir cette femme devant
moi. On l'emmène par force. Je lui demande pourquoi
elle a crié pendant la prière. Elle répond que c'est parce
que Dieu le voulait. Je lui demande comment est-ce
qu'elle sait que Dieu voulait qu'elle criât. Ne sachant
que répondre , elle dit que Dieu ne veut pas qu'elle
parle. Là-dessus, je dis tout ce qui me vint dans l'esprit
pour porter le peuple à se détourner de ces fadaises ,
auxquelles il n'a que trop de penchant. »
Vers cette époque, les pasteurs du Vivarais reçurent
une longue lettre de Paris, sans seing ni date, dans la-
quelle l'auteur disait que les assemblées de jour et pu-
bliques faisaient craindre à la cour que les protestants
du Midi ne fussent d'intelligence avec les puissances
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2ig
maritimes (l'Angleterre et la Hollande); qu'on mettait
sur leur compte des armes découvertes à Lyon, les-
quelles on les accusait de vouloir faire entrer en Viva-
rais ; que des Anglais avaient passé du côté de Mon-
tauban déguisés en Français, et que, pour contenir les
protestants dans l'obéissance , la cour avait formé le
dessein d'envoyer des troupes contre eux.
Le correspondant anonyme ajoutait que, pour préve-
nir ce malheur et obtenir quelque liberté , il fallait
d'abord effacer autant que possible de l'esprit du roi,
par une requête, les sinistres interprétations qu'on lui
donnait des assemblées des protestants ; puis envoyer
aux rois de Prusse, de Danemark et de Suède, une
députation qui leur représenterait les cruautés exercées
contre les protestants de France et leur exposerait que ,
si ces derniers se sont assemblés, c'est sans aucun mau-
vais dessein, sans armes , uniquement pour servir Dieu
selon les mouvements de leurs consciences. Le corres-
pondant voulait enfin qu'on intéressât au sort des pro-
testants les puissances maritimes, afin que, lorsque la
guerre de la succession d'Autriche serait terminée, elles
tâchassent de faire insérer dans le traité de paix une
clause en faveur des protestants.
Peirot répondit à l'auteur anonyme au nom de ses
collègues. Tout en le remerciant de ses bons avis, il se
borna à le prier d'en faire toujours part aux protestants
et à l'assurer de la fidélité de ceux-ci envers le roi ; mais
il écrivit sur-le-champ à Court au nom de ces mêmes
collègues, et, adoptant l'idée du correspondant ano-
nyme, lui parla de la nécessité de faire paraître V Apo-
logie en faveur des Eglises réformées , à laquelle on
travaillait en Suisse ; d'envoyer une requête au roi et de
supplier les puissances protestantes d'intercéder pour
les réformés auprès de ce dernier (17 juin). On apprit
220 HISTOIRE DES PROTESTANTS
depuis qu'un placet avait été déjà rédigé dans les pays
étrangers et envoyé à une province du midi pour qu'elle
l'adressât au roi.
Daniel Vouland, pasteur du Dauphiné, qui s'était réfu-
gié en Vivarais après le double supplice de ses collè-
gues Ranc et Roger, exposait tout ce qui précède dans
une lettre du 15 juillet, adressée, semblet-il, à un
pasteur du Languedoc, à qui il demandait, de plus,
si le placet avait été expédié et s'il partageait l'idée
d'envoyer une députation auprès des puissances étran-
gères.
Trois semaines auparavant, le 26 ou 27 juin, on arrêta
le sieur d'Audemard , beau-frère des demoiselles de
Tatallion , « le plus zélé et le plus honnête homme de
tous les gentilshommes de notre pays , » disait Peirot.
Il fut enfermé à Beauregard et n'en sortit qu'en octobre
ou novembre.
Vers le même temps , on fit circuler dans le Vivarais
un imprimé de 24 pages dirigé contre les protestants.
L'auteur, curé dans les Boutières, qui passait pour un
oracle dans son canton et qui « faisait le doucereux ,
quoiqu'il fût plein d'un venin d'aspic , » déplorait le
malheur des temps, oij l'on voyait l'hérésie lever la tête
plus que jamais , et ajoutait que trois obstacles empê-
chaient les protestants d'embrasser la vérité : les pré-
jugés, la fausse liberté que leur procurait leur religion ,
et le respect humain. L'opuscule était brillamment écrit,
mais peu solide. Un gentilhomme protestant pria Pei-
rot de le réfuter, mais il ne le voulut point sans avoir
pris préalablement l'avis de Court.
Il parut, d'autre part, à Valence, un écrit, composé,
croyait-on, par l'évêque de cette ville, dans lequel on
faisait parler les protestants comme des traîtres , qui
avaient perdu tout espoir depuis la célèbre victoire
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 221
remportée par la France sur les Anglais à Fontenoy, le
1 1 nnai.
En août, Peirot eut , à Saint-Georges-les-Bains , une
conversation avec un capitaine de grenadiers de Tour-
non, qui y prenait les eaux et qui avait assisté à l'assem-
blée présidée dans ce lieu par ce pasteur. Il lui déclara
qu'il était protestant, et demanda à Peirot une route
écartée qui pût le conduire à Genève en toute sûreté.
Il lui apprit, en outre, qu'il était défendu aux soldats de
faire feu sur les assemblées , mais que certainement on
arrêterait quelques particuliers (août).
Les catholiques faisaient, en effet, de grandes mena-
ces, mais rien de plus. On enferma pourtant dans un
monastère une jeune fille de six années, en vertu d'une
lettre de cachet. C'était une orpheline domiciliée chez
son tuteur, qui était le frère du pasteur Peirot. L'évè-
que du Puy le manda auprès de lui et s'exprima d'une
façon menaçante sur le compte de ce dernier , parce
que les catholiques l'accusaient d'être seul la cause de
l'établissement et de la continuation des assemblées de
jour dans le Velay.
D'un autre côté, le juge de Vernoux, ayant demandé
un rendez-vous à Peirot, s'éleva devant lui, aussi for-
tement qu'il le put , contre les assemblées de jour et
publiques , mais avec douceur dans les termes. Peirot
les défendit de même, et l'on crut, dans le public, que
le juge avait fait cette démarche à la sollicitation de
Châteauneuf, commandant de Tournon, avec qui il était
fort lié.
En novembre ou décembre, Peirot reçut l'écrit dont
il désirait si fort la publication : Apologie des protestants
du royaume de France sur leurs assemblées religieuses. Au
Désert (Vevey), 1745 , 46 pages in-S". Il reçut aussi le
Mémoire apologétique en faiseur des protestants sujets de
222 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Sa Majesté très chrétienne , à t occasion des assemblées
qu'ils forment dans diverses provinces pour l'exercice pu-
blic de leur religion , ou Lettre d'un ministre du Saint
Evangile à un de ses amis dans le Brandebourg, s. 1. n. d.
(La Haye, juillet 1745). Court avait composé le pre-
mier écrit, à la demande du synode national de 1744
(art. IV). Le parlement de Grenoble le fît brûler par la
main du bourreau, par arrêt du 6 février 1747. Le se-
cond, qui est le résumé du premier, fut composé par
Armand de La Chapelle, pasteur à La Haye, et brûlé
par arrêt du parlement de Toulouse du 29 octobre 174).
Peirot attendait aussi la Réponse à la lettre sur les
assemblées des religionnaires (s. 1. n. d.) , que Court,
avec la collaboration de ses amis de Lausanne , publia
cette même année , pour réfuter la Lettre sur les assem-
blées des religionnaires en Languedoc , écrite à un gentil-
homme protestant de cette province par M. û. L. F. D. M.
A Rotterdam (Paris), 1745, in-4- (i). L'auteur de cette
pièce était un protestant du canton de Vaud, François-
Louis Allamand, précepteur dans une grande famille de
Paris , et elle fut publiée par ordre du comte de Saint-
Florentin (2).
ARRESTATION DE DESUBAS (il DEC. 1745). MASSACRE
DE VERNOUX. MOUVEMENTS DES PROTESTANTS COM-
PRIMÉS PAR LES PASTEURS.
La victoire de la France à Fontenoy , ses succès en
Italie, ceux du prince Edouard en Ecosse et les triom-
(i) L'écrit d'AUamand a été reproduit et également réfuté par Armand de
La Chapelle, dansj,son livre La. nécessité du culle public parmi les chré-
tiens; La Haye, 174Ô, 2 t. in-8°.
(2) Ms. Court, n» i, t. XVI, XVII. Arch. de l'Hérault, C, ^6. Court, Le
patriote français et impartial. Ment, hist., p. 95- J- l^- Hugues, llist. de
iégl. réform. d'Anduze, p. 804,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 223
phes du grand Frédéric en Allemagne, ayant assuré la
supériorité des armes françaises à ce moment de la
guerre de la succession d'Autriche, la cour cessa de
temporiser avec les protestants et résolut d'en revenir à
l'exécution des édits. Le 4 décembre 1745, le ministre
Saint-Florentin écrivit à Ladevéze : « Les amendes frap-
pées sur les arrondissements protestants ne suffisent
pas pour les contenir. Rien ne peut faire plus d'impres-
sion que le supplice d'un prédicant, il est fort à désirer
que vous réussissiez dans les vues que vous avez pour
en faire arrêter un. » Le commandant se mit donc en
campagne avec ses espions et ses soldats, et Desubas
fut pris.
Ce digne serviteur de Dieu, arrêté le samedi, 1 1 dé-
cembre 1745 , entre dix et onze heures du soir, au ha-
meau de Mazel, sur la route de Saint-Agréve à Tence,
dans la maison de Jean Menut dit Rochette , qui avait
l'habitude de loger les ministres, venait de donner une
prédication à Saint-Michel-de-Chabrillanoux , le 5 dé-
cembre, a Tout le monde, » disait le pasteur Coste ,
« convint que ce jour là il s'était surpassé et bien des
gens crurent qu'il semblait présager ce qui allait lui ar-
river dans la semaine. » Se rendant de Saint-Michel-de-
Chabrillanoux au Chambon pour y présider une assem-
blée le dimanche suivant, il s'arrêta chez Rochette. Un
catholique de Saint-Agréve, nommé Chevalier, qui
l'avait rencontré précédemment à Montelier et lui avait
parlé en ami , ayant soupçonné sa retraite , le dénonça
au lieutenant Charles de Sauzet, sieur de la Baronière ,
qui commandait un détachement du régiment de Bour-
ges, en garnison à Saint-Agréve. Sauzet, prenant avec
lui vingt-six fusiliers et deux sergents, se rendit aussitôt
à la maison de Rochette et se saisit de Desubas. Ce
dernier avait bien été averti du mouvement des troupes,
224 HISTOIRE DES PROTESTANTS
mais il ne crut pas devoir fuir parce qu'il se réservait,
au cas où elles feraient leur apparition, de se mettre en
sûreté dans une cachette de la maison. Il recommanda
seulement de bien fermer les portes, ce qu'on lit; mais
les soldats les trouvèrent ouvertes, d'oij Ton conjectura
que Chevalier s'était introduit furtivement dans la mai-
son. Les soldats arrêtèrent non seulement Desubas,
mais encore Rochette, son voisin Etienne Girard et
leurs deux valets ; et les uns et les autres furent conduits
à Saint- Agrève dans la maison du sieur Raymondon du
Pontet fils , juge de Fayet et complice de Chevalier.
Le commandant en chef des troupes de Saint-Agrève
M. de Marans , vint voir Desubas , et , après lui avoir
adressé quelques questions pour établir son identité, il
le fit mettre sur sa demande dans le corps de garde, oij
on lui donna du vin avec du sucre. Quand à Etienne Gi-
rard, dont un nommé Dufraisse , fils de Bollon , juge
de Saint-Agrève , se porta garant, il fut relâché, ainsi
que les deux valets; mais de Marans maintint Rochette
en état d'arrestation. Quelques heures après, en com-
pagnie de Desubas , il fut conduit à Vernoux. C'était le
dimanche, 12 décembre, à deux heures du matin. Sau-
zet et vingt sept soldats les escortaient.
Au hameau de Cluac , commune de Saint-Bazile, De-
subas fut reconnu par le protestant Etienne Gourdol ,
ancien de l'Eglise de Saint-ApolIinaire-de-Rias , qui,
réunissant dix-sept de ses voisins , tant hommes que
femmes , alla attendre sans armes le détachement au
bois de La Trousse , à un quart de lieue de Vernoux.
Ce dernier arriva à huit heures du matin , et les protes-
tants « demandèrent le ministre, » dit Coste dans son
mémoire, « de la manière la plus douce et la plus sou-
mise; mais, voyant qu'ils ne pouvaient rien obtenir par
la prière, ils fondirent sur les soldats à coups de pierre,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 225
n'ayant point d'armes. Etienne Gourdol ayant empoigné
le ministre pour l'enlever aux soldats, disant qu'il le
voulait à quelque prix que ce fût, fut le premier tué d'un
coup de bayonnette. Les soldats tirèrent sur les au-
tres. » Quatre furent tués (i), un autre blessé, qui mou-
rut deux ou trois jours après de sa blessure (2), et trois
autres faits prisonniers. Desubas lui-même fut atteint de
deux coups de bayonnette à l'épaule. Le reste de la
troupe, tout consterné et sachant que le lieutenant avait
dépêché un exprès à Vernoux pour faire venir du se-
cours, enleva ses morts et se retira.
Desubas, fatigué de la route et souffrant de ses bles-
sures, ne pouvait plus avancer. Les soldats, qui crai-
gnaient une nouvelle attaque , le battirent pour lui faire
hâter le pas et il arriva à Vernoux à dix heures du matin
au milieu des huées de la population catholique , qui
s'était portée à sa rencontre. On l'enferma dans la pri-
son du château de la Vérune , transformé en cave au-
jourd'hui.
Des protestants, au nombre de deux mille environ,
qui assistaient à une assemblée du désert, réunie ce di-
manche-là à Granjane , à une demi-lieue de Vernoux ,
et présidée par le pasteur Blachon , rentré en Vivarais
l'année précédente , ayant été avertis de ce qui se pas-
sait, accoururent sans armes et sans chefs pour deman-
der la délivrance du prisonnier. Arrivés à quatre cent
pas environ de Vernoux, et campés au Prélong, vaste
prairie située au levant de ce lieu , « quatre des princi-
paux du bourg, » dit Coste, « savoir M. Afforty, [juge
de BoflVes] , Montagne, Garnier et Abriac , consuls,
furent au-devant d'eux pour leur dire de ne pas entrer
(i) Matthieu Courtial , Claude Rias, Jacques Jullien. Le quatrième n'est
pas connu.
(2) Jean-Pierre Vioujat.
II. 15
2 26 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dans le bourg, qu'on leur rendrait le ministre, mais
qu'on voulait auparavant avoir avec lui quelque confé-
rence. Toute cette foule, leurrée par ces espérances,
laissèrent rentrer ces quatre députés et attendirent sans
s'avancer l'effet de leur promesse. Quelques moments
après, M. Afforty vint leur dire qu'on ne voulait point
leur livrer le ministre sans un ordre de M. de Château-
neuf, et les exhorta à se retirer et à ne pas entrer dans
le bourg. « Je suis fâché, » ajouta-t-il , « mais une pa-
role a tout gâté. » Il faut observer que lorsque les qua-
tre furent rentrés dans Vernoux, il se tint une assemblée
chez M. Ponce des principaux habitants et des officiers
de la garnison et de celui qui avait conduit Desubas
pour résoudre de ce qu'ils avaient à faire. II y eut di-
versité d'avis. Le commandant de Vernoux penchait à
accorder le ministre , le lieutenant ne s'y opposait pas,
mais il demandait une décharge, disant qu'il l'avait con-
duit au prix de sa vie. Pour le sieur Ponce, il tint ferme
qu'il ne fallait pas le relâcher, qu'on n'avait point reçu
d'attaque, qu'il fallait attendre d'y être forcé. Il fut ap-
parent qu'il fût résolu même de tirer sur les protestants
s'ils entraient dans le bourg. M. Afforty ayant été pour
la troisième fois auprès d'eux, il leur dit qu'il était fâché
de n'avoir rien pu obtenir et les exhorta de nouveau à
se retirer... La foule ne vit pas plus tôt qu'on se mo-
quait d'eux qu'elle entra dans le bourg et réclama avec
beaucoup de bruit la liberté de leur ministre. Alors, de
toutes les fenêtres on tira sur elle (i). Plus de vingt-cinq
restèrent sur la place (2). Il y en eut un qui fut écrasé
par une pierre qu'une femme lui jeta de sa fenêtre sur
la tête.
(i) Les tireurs étaient, outre les soldats, des jeunes gens catholiques, à qui
Afforty avait distribué de la poudre et des balles.
(2) Voy. leurs noms aux Pière.s jiistifirntives, n» XVI.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 227
a Le spectacle fut des plus touchants. Cette foule
désarmée se retira. Les gens de Vernoux sortirent et les
poursuivirent quelque temps. Ensuite ils dépouillèrent les
morts et les étendaient à la renverse pour exposer leur
nudité... Il faut observer que la plupart de ces massa-
crés n'étaient pas entièrement morts le lundi matin et
que les habitants de Vernoux achevaient de les tuer à
coups de crosse de fusil, ou leur écrasait la tête à coups
de pierre; que Guillaume Boyer, l'un de ces infortunés,
s'étant adressé à un tailleur d'habits, qui lui avait fait ce-
lui qu'il portait, pour lui demander quelque aide, le
barbare tailleur, au lieu de lui donner le secours, lui
écrasa la tête et le déshabilla. Tous ces cadavres de-
meurèrent exposés à la vue jusqu'au mercredi que M. de
Châteauneuf arriva à Vernoux et qui en fit porter vingt-
cinq dans un fossé à la campagne. >/ Vingt-cinq autres
moururent des suites de leurs blessures, sans parler de
trois cent cinquante blessés qui guérirent.
Le commandant de Marans, qui avait du cœur, fut si
troublé par cette affreuse boucherie qu'il quitta ses trou-
pes quelque temps après et s'enfuit en Suisse. Le pas-
teur et professeur Ami Lullin, de Genève, le vit dans cette
ville le 2 septembre 1746 et le recommanda à Antoine
Court à Lausanne.
« Le bruit de la prise de M. Desubas, » continue
Coste, « s'étant répandu dans le bas Vivarais le diman-
che au soir, les protestants de ce canton s'armèrent
pour l'aller enlever. M. le ministre Coste leur donna
rendez-vous chez un nommé Tribuols, du lieu de Garas,
paroisse de Saint-Sauveur. Lorsque tous furent rassem-
blés autour de Vernoux , ils pouvaient être au nombre
de neuf cents, MM. Peirot et Coste s'étaient arrêtés à
Rias, chez le nommé Prat, dans la paroisse de Saint-
Maurice, d'où ils envoyèrent à Vernoux pour savoir ce
2 28 HISTOIRE DES PROTESTANTS
qui se passait et pour demander deux cents hommes
d'escorte ; mais le temps était si froid et si rude que
les gens furent obligés de se retirer sans rien faire. La
troupe armée se contenta d'écrire au commandant de
Vernoux que , si on ne leur rendait pas le ministre , ils
mettraient le feu dans Vernoux. Cette lettre, qui de-
meura sans réponse, fut dictée ou écrite par un nommé
Noë Puaux et fut envoyée par un paysan catholique.
La seconde lettre fut écrite et portée par un nommé
Pierre Moulac, qui contenait la même chose. L'exprès
fut retenu et conduit à Montpellier, oia il aurait long-
temps resté sans l'appui de M. de Liviers, gentilhomme
catholique de Privas, qui s'employa pour lui ; et les
menaces de brûler Vernoux furent sans effet. Ainsi
tous les protestants armés se retirèrent. Ceci se passa
le lundi 13 décembre. »
Peirot mit, du reste, tout en oeuvre pour empê-
cher la troupe de se livrer à des extrémités , la sup-
pliant de se retirer , et disant : « Ce n'est qu'à
cette condition que je continuerai mon ministère au
milieu de vous. » Desubas lui-même, apprenant
que ses gens s'étaient armés , leur écrivit le lundi ce
billet de sa prison : « Je vous prie, Messieurs, de vous
retirer. Les gens du roi sont ici en grand nombre ; il
n'y a déjà que trop de sang répandu , je suis fort tran-
quille. »
« Le mardi, » continue Coste, « MM. Peirot, Coste
et Blachon, s'étant rendus à la Nuée, proche de Saint-
Maurice, écrivirent au commandant qu'ils étaient fâchés
que les gens se fussent armés, que comme eux s'étaient
trouvés éloignés ils n'avaient pu les prévenir, mais qu'ils
feraient tout ce qui dépendait d'eux pour qu'il n'en pa-
rût plus. Leur lettre fut portée à Vernoux par un gran-
ger de M. Aflforty, nommé Courthial, catholique, à qui
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 229
les commandants remirent la réponse qu'ils firent aux
ministres, et dont voici la substance :
« A Messieurs les ministres de la troupe, près de
Vernoux.
» Messieurs, nous sommes fâchés des maux que vos
gens ont déjà souffert et de ceux qu'ils éprouveront
dans la suite s'ils ne se retirent, et qu'une rébellion
aussi ouverte que celle-là peut leur attirer ; et il n'y a
que le repentir du passé et le changement de conduite
qui puisse leur mériter le pardon. Pour nous, nous
sommes ici fort tranquilles et vous pouvez être assurés
que nous ferons notre devoir en vrais officiers. Nous
avons l'honneur d'être vos très humbles serviteurs.
Signé : de Problame, de Beaulieu et deux autres.
» P. -S. Vos gens ont attaqué un détachement des
troupes du roi venant du Cheylard, et ainsi peut-on
compter sur votre parole ? »
« Sur quoi, » ajoute Coste, « il faut observer que ce
n'était pas les protestants qui avaient attaqué le déta-
chement, mais bien le détachement qui, courant au
secours de Vernoux, rencontra sur le grand chemin ces
protestants, comme il sera dit plus bas.
» 11 faut observer que le lundi 13 décembre c'était
foire à Chalancon , et que noble Scipion de Roches-
sauve dit Mercure, apostat, marié avec la fille de
M. de Vaugiron, et les deux Eclozas, frères et notai-
res à Chalancon , firent armer tous les catholiques
qu'ils purent et se rendirent à Vernoux pour attaquer
les protestants, qui s'étaient déjà retirés avant qu'ils
arrivassent ; mais, en chemin, ils en avaient rencontré
deux armés, à qui ils ôtèrent leurs fusils, et, à l'un
d'eux, quelque argent qu'il portait. »
Cependant les protestants du haut Vivarais , appre-
nant que leurs coreligionnaires des Boutières étaient
2^0 HISTOIRE DES PROTESTANTS
en armes autour de Vernoux, mandèrent à ceux de la
Montagne de venir à leur secours , s'armèrent eux-
mêmes au nombre de cent environ et se trouvèrent de-
vant le bourg, le mardi 14, après midi. Raymondon de
Pontet, qui était allé dès le dimanche au Mazel et avait
obtenu qu'on lui remît le cheval de Desubas, sur la
promesse qu'il avait faite de se rendre à Montpellier
pour travailler en faveur de Rochette, parut alors monté
sur le cheval du pasteur et engagea vivement la troupe
à se retirer, leur assurant qu'il intercéderait en leur
faveur. Quelques-uns étaient d'avis de le mettre à
mort, et disaient : « Voici le traître, qui a encore l'au-
dace de monter le cheval de M. Desubas. » Cinq ou
six fusils étaient déjà braqués sur lui, quand le beau-
trère de Rochette, nommé Gallon, et le nommé Riou
le cadet, rentier du marquis de Gerlande , dirent qu'il
ne fallait pas faire du mal à un homme qui voulait s'in-
téresser à eux. Raymondon échappa ainsi à la mort,
mais, s'étant rendu à Lapra, chez son beau-frère Sou-
beyran, il fut suivi par cinq ou six protestants armés,
qui l'obligèrent, malgré ses instances et ses menaces,
de rendre le cheval de Desubas.
Les protestants du haut Vivarais n'ayant trouvé autour
de Vernoux aucun de leurs coreligionnaires, qui s'étaient
retirés le lundi, com.me on l'a vu plus haut, se retirè-
rent à leur tour ; mais six d'entre eux, s'étant séparés
de la troupe près de Cluac , tombèrent entre les mains
d'un détachement du Cheylard, dont il a été parlé plus
haut, et qui était commandé par M. de Marans. Les
soldats firent feu sur eux et en tuèrent trois , Pierre et
Matthieu Courtial frères et Pierre Véron , de Fraissi-
net , paroisse de Saint-Jeure-de-Bonas. Les trois au-
tres, Pierre Masse et les deux frères Debar, furent
faits prisonniers et conduits à Montpellier.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 23 I
Châteauneuf, comme on l'a déjà dit, n'arriva à Ver-
noux que le mercredi 1 5 décembre. Il était accompagné
d'un grand nombre d'hommes armés, tant soldats que
paysans, parce qu'il croyait que Vernoux était encore
cerné. Pour éviter l'effusion du sang, il avait chargé
Rissoans dit Piperet , du lieu de Piperet , paroisse de
Vernoux, et André Juventin, avocat au Parlement, de
Juventin , paroisse de Toulaud, de se rendre auprès de
la troupe pour l'engager à se retirer avant d'en venir
aux mains et lui représenter qu'elle pourrait bien avoir
la victoire , mais qu'elle lui coûterait cher. Chemin fai-
sant, il rencontra entre La Justice et Vernoux diverses
personnes dignes de foi qui lui assurèrent qu'il n'y
avait plus de gens armés autour de Vernoux : ce qui ne
l'empêcha pas de faire arrêter l'hôte de la Justice ,
nommé Chizac, et un autre homme, du côté de Pierre-
gourde ; le premier, pour avoir vendu du vin à des pro-
testants qui allaient aux assemblées, et le second,
parce qu'il le soupçonna d'avoir donné quelques avis.
Il les fit conduire l'un et l'autre à Montpellier, d'oij ils
furent élargis.
Châteauneuf ne séjourna qu'une heure et demie en-
viron à Vernoux , oia il était arrivé à deux heures après
midi. Il en fit partir Desubas , escorté de plus de huit
cents hommes armés, tant soldats que paysans; mais,
au lieu de suivre la route la plus directe , il passa par le
grand chemin de Beauchastel ; puis remonta le long du
Rhône jusqu'à Tournon, dans la persuasion que, s'il
avait passé par Saint-Silvestre , il y aurait trouvé des
gens armés. Il coucha avec son prisonnier au château
de Beauregard et , le lendemain, le fit enfermer dans le
château de Tournon, où le surlendemain, le subdélégué
Dumolard lui fit subir un long interrogatoire sur ses
nom, prénoms, qualité, âge, lieu de naissance, rési-
232 HISTOIRE DES PROTESTANTS
dences, retraites, etc.; et également sur les assemblées
qu'il avait présidées, les baptêmes et mariages qu'il avait
bénis, les collectes faites à l'issue des assemblées, le
traitement des ministres, etc. Desubas répondit à tou-
tes ces questions, sauf à celles qui pouvaient porter
préjudice à ses collègues ou à ses coreligionnaires.
Le prisonnier demeura dix-huit jours à Tournon, pen-
dant lesquels les moines et les prêtres s'efforcèrent
inutilement de lui faire renier sa foi. Pour le gagner, ils
allèrent jusqu'à lui offrir la mître épiscopale, comme le
dit une naïve complainte du temps :
Changez donc de croyance,
Ah! monsieur Desubas ;
Vous serez notre frère,
Nous vous ferons prélat.
LE CURÉ DE BOFFRES INCENDIAIRE. SON HISTOIRE
(1745)-
Pendant que le prisonnier était à Tournon, il se passa
à Boffres un fait de la plus haute gravité, qui aurait pu
porter un préjudice considérable à sa cause et à celle
des protestants du Vivarais.
Il paraît que Bouchet, curé de Boffres; Desboze ,
curé de Saint-Félix-de-Châteauneuf , dont il a été parlé
plusieurs fois; André, curé de Saint-André-le-Roux ;
Alignol, curé de Saint-Fortunat , et plusieurs autres
prêtres; ainsi que Ponce, de Vernoux ; Jean François
de Barjac, commandant du château de Beauregard , et
d'autres encore , avaient formé le complot d'incendier
les églises des lieux susnommés et d'en accuser les
protestants. Bouchet s'exécuta le premier. Le 21 décem-
bre (745, assisté de Bioussier, son maître d'école, il
enleva les vases sacrés de son église (il avait l'intention
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2^3
de les faire fondrej, les plia dans une serviette et dans
un surplis qu'il avait percé de plusieurs coups de cou-
teau, et jeta le tout dans une citerne, oij on ne les
trouva qu'au mois de décembre de l'année suivante. Il
enleva aussi les registres qu'il fit porter à Vernoux et
remettre à la veuve Laget, née Boisson. Avant d'ac-
complir cette action, il avait invité quelques-uns de ses
paroissiens à tenir leurs lampes allumées, en leur an-
nonçant qu'il devait arriver quelque chose de funeste ce
soir-là, et à se rendre à l'Eglise dès qu'ils entendraient
tirer un coup de fusil.
Après ces préparatifs, il mit le feu à son église, brisa
l'autel avec une hache qui lui blessa le doigt, et coupa
la corde de la cloche , pendant que le maître d'école
criait dans le village que les huguenots avaient mis le
feu à l'église et que, voulant assassiner le curé, ce der-
nier, qui ne se croyait pas en sûreté, s'était enfui.
Les paroissiens, s'étant rendus à l'église, éteignirent
le feu (ce qui leur fut facile) , et allèrent chercher des
troupes à Vernoux. Lorsque celles-ci furent arrivées, le
maître d'école leur dit que quatre-vingts huguenots
étaient à la poursuite du curé ; mais l'officier n'ajouta
pas foi à son témoignage, verbalisa et envoya son rap-
port à Châîeauneuf, à Tournon, affirmant qu'il n'avait
aperçu sur la neige (il en était tombé ce jour-là), aucune
trace de gens, qui auraient poursuivi le curé, et ajou-
tant qu'il ne croyait point que les huguenots eussent mis
le feu à l'église.
Là-dessus Noyer, châtelain de Boffres et protestant,
fit poster en armes quelques-uns de ses coreligion-
naires autour de l'église pour la protéger. Quant au
maître d'école, Ladevèze , qui le cita à comparaître,
lui posa diverses questions touchant les graves soup-
çons que les protestants faisaient planer sur lui ; mais il
234 HISTOIRE DES PROTESTANTS
nia avec force avoir pris part à l'incendie de l'église.
Cependant le châtelain Noyer, de plus en plus con-
vaincu que Bioussier était le complice du curé, et sou-
tenu par deux catholiques, le gentilhomme Daverger et
Lassa, de Fauriel, donna l'ordre d'arrêter le premier et
le fit garder par les habitants de la paroisse dans la
maison du boulanger de Boffres.
Cependant le curé, qui s'était réfugié à Saint-Silves-
tre, oij il avait passé la nuit, apprenant la suite de son
méfait, alla à Vernoux , puis revint à Boffres avec un
détachement de soldats. Afforty , juge du lieu , qui de-
meurait à Vernoux , fit alors désarmer quelques-uns des
protestants qui gardaient l'église et conduire, de jour,
l'un d'eux à Beauregard. Quant au curé, il partit pour
Valence , où le châtelain le fit suivre par deux protes-
tants pour épier ses démarches. Comme ils étaient
arrivés au bac du Rhône , le curé se mit à crier que
c'étaient des huguenots qui le poursuivaient pour le
tuer, et il les fit jeter dans les prisons de Valence , oij
ils demeurèrent quelque temps. L'un d'eux s'appelait
Crispin.
Le curé, ayant ensuite appris que Noyer faisait faire
des informations pour découvrir les auteurs de l'incen-
die et de la dévastation de l'église, lui fit écrire par le
sieur Boulron de Valence de ne point se mêler des affai-
res de Boffres, de crainte qu'il ne lui arrivât quelque
mal. Ce sont les propres expressions dont le sieur
Boulron se servit : ce qui décida Noyer de se rendre
auprès de Ladevèze et de Châteauneuf, qui étaient à
Privas , pour les prier de nommer un commissaire qui
serait chargé de faire les perquisitions et les informa-
tions nécessaires dans le but de découvrir les coupa-
bles. Faisant droit à sa requête , Ladevèze envoya sur
les lieux Bernard, avocat de Privas, et un secrétaire.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2}^
Bernard descendit à Boffres chez M™^ de La Baume,
protestante , dans la maison de laquelle il fit ses infor-
mations. Dès que le curé l'apprit , il vint de nouveau à
Boffres, avec un détachement de soldats, pour enlever
son maître d'école de vive force , mais il ne put y par-
venir. Ce dernier comparut devant le commisssaire et
nia encore une fois d'avoir pris part à l'incendie. Tou-
ché pourtant de repentir, il demanda à être ramené de-
vant le commissaire, déclara qu'il voulait dire la vérité
et ramener la tranquillité dans son âme, et avoua que le
curé, le pistolet à la main, l'avait forcé de mettre le feu
à l'église et à faire le reste; que ledit curé était monté
lui-même sur l'autel avec une hache pour le mettre en
pièces, qu'il avait jeté les vases sacrés dans une citerne
et mis également le feu à l'église.
Informé des aveux du maître d'école, le curé fit faire
des contre-informations par le juge Afforty et déposer
divers témoins , qui affirmèrent qu'il était un honnête
homme et qu'en toute occasion il avait cherché à obli-
ger ses paroissiens religionnaires : ce qui était vrai en
partie. Il demanda ensuite la main-levée sur les effets
que ceux-ci avaient fait saisir, et voulut les faire enlever
de vive force par la maréchaussée; mais toutes ses ten-
tatives échouèrent , et Châteauneuf défendit même aux
protestants de rien lui remettre. Le maître d'école, en
suite de ses aveux, fut traduit dans les prisons de Tour-
non, où il resta enfermé une année aux frais des protes-
tants. On envoya les pièces de l'information à Mont-
pellier, puis à Paris ; mais l'affaire fut tenue si secrète,
que les protestants n'en entendirent parler que lorsque
le curé fut arrêté, le 15 mai 1746, dans l'église de
Saint-Didier-de-Crussol, par la maréchaussée. L'ordre
en vint directement de Paris et fut expédié à Dumo-
lard, subdélégué de l'intendant à Tournon.
2^6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Comme on conduisait le curé au fort de Brescou ,
lieu de sa destination , il voulut s'échapper près de
Leyrisse, paroisse de Saint-Didier-de-Crussol; mais les
archers de son escorte lui tirèrent trois coups de fusil ,
qui le blessèrent à la cuisse. Arrivés à Saint-Péray, ces
derniers lui chantèrent la chanson, qu'il aimait à répéter
dans toutes ses parties de plaisir et qui avait pour re-
frain : Va-t-en voir s'ils viennent , Jean. En passant le
Rhône , au bac de Soyons , il voulut se jeter à l'eau ;
mais les archers l'en empêchèrent. On assure même
qu'ils le maltraitèrent. On n'avait pas voulu le conduire
par le Vivarais, de peur que les catholiques ne vinssent
l'enlever de vive force.
Quand l'escorte fut à la Paillasse , au-dessous de
Valence, le curé voulut encore s'échapper; mais il re-
çut un coup de fusil à l'oreille et tomba par terre. On
le releva , et les archers le conduisirent , sans autre in-
cident notable, jusqu'au fort de Brescou.
Au retour de ces derniers, Dumolard se rendit à
Vernoux et fit vendre aux enchères , sur la place publi-
que, les effets du curé en présence de ses parents, à
qui on voulait les céder pour la somme de 500 livres.
On n'en retira que 498 livres 10 sols, qui servirent à
payer les frais de son transfert à Brescou. Mais quant à
ceux que les protestants avaient faits pour la poursuite
de cette affaire et qui se montaient à la somme de
1,000 livres environ, ils furent laissés à leur charge. Il
est vrai que Châteauneuf leur Ht espérer que les Etats
en feraient l'imposition sur la province.
On trouva dans les effets du curé des chemises de
femme... Il passait, en effet, pour libertin et ivrogne.
Toujours en course ou à la chasse, il ne rentrait à Bof-
fres que le dimanche pour dire sa messe et en repartait
le soir. Il fréquentait les maisons du sieur de Barjac ,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2^7
nommé plus haut, et des sieurs Dubois et Juventin, où
on le faisait boire à satiété. On l'entendait ensuite dans
les chemins , tirant des coups de pistolet et menant
grand bruit. Il n'avait pas été plutôt nommé curé de
Boffres qu'il fit mettre en prison M. de la Baume,
protestant marquant de sa paroisse, l'accusant d'avoir
dit que le pape était l'Antéchrist. Il fit exempter, il est
vrai, quelques protestants des amendes qu'on exigeait
d'eux, parce qu'ils n'avaient pas envoyé leurs enfants à
l'église ; mais ses services étaient grassement payés.
En 1742, à l'occasion d'une assemblée que le ministre
Coste avait présidée à Granjanne , paroisse de Saint-
André-de-Bressac, et qui fut vendue par un homme de
La Justice, il |it arrêter Thomas, son voisin, quand même
il lui eût assuré qu'il ne lui serait fait aucun m.al s'il
avouait y avoir assisté. Il retira 150 fr. de cette affaire ,
qui lui furent comptés à La Voulte. Par contre, en 1744,
il fit accorder par de Barjac des permissions pour assis-
ter aux assemblées, à trois ou quatre lieues à la ronde,
à trois protestants de sa paroisse , les sieurs Reboul du
Faux, Bioussier de Chandy et Bioussier de Bousque-
naud-Contal. Il est vrai qu'il les leur redemanda dans la
suite , mais ils ne consentirent point à les lui rendre.
Ajoutons que lorsque Châteauneuf se rendit à Vernoux
pour emmener Desubas , le curé accompagna ce der-
nier jusqu'à Tournon , et que , arrivé à Beauchastel , i4
prit les devants en criant : Voici le minisire qui arrive!
Il lui dit même une fois par raillerie : // faut porter la
chaîne joyeusement.
Pendant qu'il était détenu au fort Brescou , il com-
plota, en novembre 1751 , de s'évader avec quelques
scélérats détenus avec lui. « Ceux-ci, » dit Paul Ra-
baut , pasteur à Nîmes , « voyant la garnison peu nom-
breuse , avaient formé le dessein de l'assassiner, ainsi
2 18 HISTOIRE DES PROTESTANTS
que le commandant , et , la chose faite, une barque de-
vait les transporter en Espagne. 11 n'était pas possible
toutefois d'exécuter ce dessein sans en faire part aux
prisonniers protestants. On le fit, et ces derniers, loin
d'y donner la main, avertirent le commandant de ce qui
se tramait , » et celui-ci prit les mesures nécessaires
pour empêcher l'évasion. Malgré ce nouveau méfait, le
curé trouva des protecteurs jusqu'auprès du roi , qui
ordonna son élargissement, à la seule réserve qu'il se-
rait exilé du Languedoc. Telle était la justice du temps.
Desubas, comme on va le voir, fut condamné à mort,
et le protestant Dejour , qui avait gardé en armes
l'église de Boffres pour la préserver de la profanation ,
périt sur le gibet deux ans ans plus tard !
Mais revenons à notre prisonnier,
DÉPART DE DESUBAS POUR MONTPELLIER (2 JANVIER
1746). DÉMARCHES EN SA FAVEUR. CONSEILS DE
COURT. LETTRE DE l'ÉVÊQUE DE VALENCE.
Ladevèze (i) était absent du Vivarais , quand il fut
informé de la capture de Desubas et des mouvements
qui la suivirent. Il se rendit en hâte dans la province.
Arrivé le 27 décembre à Viviers, Châteauneuf lui en-
voya un exprès pour prendre ses ordres , qui portaient
que Desubas et les huit prisonniers qui l'accompa-
gnaient seraient conduits à Montpellier. On les fit par-
tir le 2 janvier 1746 et passer par le Pouzin et Privas,
portés dans une charrette qui était traînée par quatre
mules. Le nouvel intendant du Languedoc, Jean Le-
nain , baron d'Asfeld , qui avait appris que le jeune mi-
(i) Il avait été nommé lieutenant général récemment, et paraît avoir sé-
journé moins fréquemment en Vivarais.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2^9
nistre avait une santé délicate et était blessé , ordonna
au commandant de l'escorte de lui donner tous les re-
mèdes et tous les soins dont il pourrait avoir besoin.
Le régime du prisonnier n'avait consisté jusque-là qu'en
« une livre de pain , avec de l'eau et de la pâte bien
conditionnée, selon les règlements. »
Cependant l'escorte rencontrait partout des rassem-
blements de religionnaires , qui ne retenaient pas leurs
plaintes et leurs murmures, A Nîmes, il fut impossible,
pendant deux jours , de faire partir Desubas. Lenain ,
mal renseigné , était sans crainte ; mais de Beaupoil ,
gouverneur de Nîmes , et Ladevèze , ne partageaient
pas sa sécurité; de sorte que ce dernier envoya à Nîmes
trois cents soldats et de la maréchaussée pour contenir
la population protestante. Dans la Gardonnenque et la
La Vaunage , où l'on avait eu l'occasion de voir, d'en-
tendre et d'apprécier Desubas, il y eut aussi des attrou-
pements considérables de jeunes gens. Le pasteur Paul
Rabaut, qui en conçut de vives alarmes, se rendit au
milieu d'eux, et, à force de prières et de supplications,
il parvint à les calmer et à leur faire déposer les armes.
Le détachement qui conduisait le prisonnier put donc
arriver sans entrave à Montpellier, le 13 janvier 1746,
au milieu d'une grande affluence de population, parmi
laquelle se trouvaient les plus grandes dames catholi-
ques de la ville.
Avant d'aller plus loin dans notre récit, il est bon de
dire ce qui se passait en Vivarais. Après le départ de
Desubas de Vernoux, les trois pasteurs de la province,
Cùste, Peirot et Blachon, écrivirent aux officiers de ce
lieu que les divers rassemblements qui s'étaient formés
à l'occasion de son arrestation n'étaient point inspirés
« par un esprit de rébellion , mais uniquement par la
tendre affection qu'on avait pour le ministre ; » et ils
240 HISTOIRE DES PROTESTANTS
promirent que, leurs gens s'étanl retirés, il n'en vien-
drait pas d'autres , autant que cela dépendrait d'eux.
Ils écrivirent également dans ce sens aux gouverneurs
de la province.
Autrement, tous les protestants du Vivarais étaient
« en pleurs et en gémissements. » Court, à qui Blachon
avait écrit, le 18 décembre 1745 . au nom de tous ses
collègues, le malheur qui venait de les frapper et de-
mandait des conseils, en fut profondément affligé. Le
professeur Ami Lullin, de Genève, exprimait bien l'es-
poir que Desubas serait épargné; mais c'était mal con-
naître l'esprit qui animait alors le roi et ses ministres.
Court, néanmoins, conseilla aux pasteurs du Vivarais ,
dans sa lettre du 28 décembre , d'envoyer un placet à
Louis XV, pour réclamer, non pas la liberté du prison-
nier (c'aurait été peine perdue et le monarque aurait
pu s'en offenser), mais la permission de se retirer, eux,
leurs femmes et leurs enfants, dans les pays étrangers
où ils pourraient servir Dieu en toute liberté , préférant
ce parti, tout extrême qu'il fût, aux maux auxquels ils
étaient quotidiennement exposés et aux risques des
suites fâcheuses d'un désespoir qui ne prendrait conseil
que de lui-même.
Court conseilla également aux pasteurs du Vivarais
d'écrire au comte de Saint-Florentin, au duc de Riche-
lieu , à Ladevèze et à Lenain , pour les apitoyer sur
leur sort; il estimait toutefois qu'en attendant le résultat
de leurs placets les pasteurs devaient continuer de pré-
sider des assemblées de jour, redoubler de précaution
pour la sûreté de leurs personnes et celle des assem-
blées , et exhorter les fidèles à la persévérance et les
timides à la fuite. 11 indiquait , en terminant, à ces der-
niers, les mesures qu'ils avaient à prendre pour sortir du
royaume en sûreté.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 24I
Dans la lettre que les pasteurs du Vivarais écrivirent
à Ladevèze le i**" janvier 1746, et qui a été conservée,
ils lui exposaient tout ce qui s'était passé à l'occasion
de la capture de Desubas, et lui expliquaient que si des
jeunes gens avaient paru en armes aux environs de Ver-
noux, c'était par suite d'un faux bruit qui se répandit
dans le pays, oij l'on affirmait que les officiers rendraient
les prisonniers dès qu'ils verraient un certain nombre
de gens sous les armes. « Nous osons nous flatter,
Monseigneur, » disaient-ils en terminant, « que cette
abondance de sang répandu , que cette multitude de
blessés, que ce grand nombre de morts, émouvrent vo-
tre Grandeur et lui demanderont grâce en faveur de
ceux qui sont échappés au danger, pour qu'ils puissent
rester en sûreté dans leurs maisons, où ils se sont tran-
quillement retirés. »
Les pasteurs du Languedoc, Boyer, Grail et Gau-
bert , envoyèrent, de leur côté , au roi un placet en fa-
veur de leur jeune collègue, mais il ne parvint pas à son
adresse.
L'évêque de Valence, De Milon, toujours prêt à ac-
cabler les protestants dans leurs malheurs, ne laissa pas
échapper cette occasion d'attiser de nouveau le feu de
la haine contre eux. Dans sa Lettre pastorale du 20 fé-
vrier 1746, faisant allusion à la capture de Desubas et
à la légitime émotion dont furent remplis les protes-
tants du Vivarais, auxquels il annonçait l'Evangile au pé-
ril de sa vie, il s'écrie : « A-t-on voulu mettre un frein
à cette licence et , pour couper le mal par sa racine ,
enfaire enlever les auteurs, le torrent s'est alors débordé,
la fureur a soulevé ceux que la séduction avait rassem-
blés , et , comme des bêtes farouches qui sortent de
leurs forêts, rien n'a été capable de les contenir. Ayant
secoué le joug de la religion, ils n'ont point respecté les
n. 16
242 HISTOIRE DES PROTESTANTS
puissances; et, infidèles à Dieu, ils n'ont point eu de
scrupules d'être rebelles à leur prince. » Il est assez
étrange que l'évêque de Valence accusât «. de secouer
le joug de la religion » des hommes qui se laissaient
condamner aux galères et à la mort pour demeurer fidè-
les à la leur. Ce n'était, il est vrai, ni celle de l'Etat,
ni celle de Rome, mais on conviendra aisément que
puisqu'elle inspirait des martyres pareils à ceux que nous
avons racontés, elle n'était digne ni de tant de haine, ni
de tant de mépris.
PROCÈS DE DESUBAS. SES SENTIMENTS. TENTATIVES DE
CONVERSION AUPRÈS DE LUI (1746).
L'intendant du Languedoc , autorisé par un arrêt du
conseil du roi du 25 octobre 1745 à juger en dernier
ressort tous les ministres et prédicants qui pourraient
être arrêtés dans sa province et tous ceux qui leur au-
raient donné asile, secours et assistance, chargea, le
5 janvier 1740 l'avocat Baudoin et son subdélégué de
Montpellier d'instruire le procès des prévenus, conjoin-
tement avec Solier, avocat du roi au présidial de cette
ville, et le greffier Dheur. Le 1 5 , Baudoin fit l'inven-
taire des effets que renfermait la valise de Desubas (i),
et, sur son rapport, l'avocat du roi conclut 'qu'il y avait
lieu de le poursuivre.
Le 18, Desubas fut interrogé sur ses nom, prénoms,
lieu de naissance, âge, résidence, fonctions, registres.
(1) Une paire de pistolets, VAbrégé de la théologie d'Ostervaid (ms.), une
Bible de Martin, la Défense de la religion tant naturelle que révélée de
Gilbert Burnet, un Nouveau Testament , un Psautier, les Sermons de
Weremfels, les Prières pour la sainte Cène de Pictet, un registre de ma-
riages et de baptêmes, quatre cahiers de sermons et un grand nombre de
lettres dont Desubas ne voulut pas indiquer la provenance.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 243
églises, émoluments, assemblées, etc. Quand Baudoin
lui demanda quel usage il comptait faire de ses pisto-
lets , il répondit : a C'était uniquement pour me dé-
fendre , étant obligé de marcher la nuit et en danger
d'être attaqué par des malfaiteurs. » Quant aux lettres,
que l'instruction gratifia du titre injurieux de galantes, il
répondit à Baudoin, qui lui en demanda les auteurs :
« Ce n'est autre chose qu'un pur badinage de certaines
personnes pour égayer l'esprit. » Elles avaient été « écri-
tes à Desubas, » dit Benoît, son biographe, par une
jeune fille d'Anduze, qui avait tenu sur les fonts baptis-
maux un enfant baptisé par le jeune pasteur. Elle plai-
santait agréablement avec lui sur quelque incident du
repas de baptême que nous ignorons , et la preuve que
ces lettres n'avaient rien de repréhensible , c'est qu'on
trouva dans l'une d'elles un long postcriptum écrit par
un parent de la jeune fille et qui témoigne de sa sympa-
thie pour Desubas. »
Le lendemain, 19 janvier, on interrogea Menut dit
Rochette, dans la maison duquel Desubas avait été pris.
Il avait trente-sept ans et jouissait d'une certaine ai-
sance. Son attitude fut déplorable. Il nia que sa maison
servît de retraite aux pasteurs du désert et qu'il connût
Desubas , et il prétendit qu'il était allé à Saint-Agréve
pour le faire arrêter.
Pierre Masse et les frères Etienne et Jean-Pierre
Debar , dont l'un était laboureur et l'autre maquignon ,
assurèrent qu'ils revenaient de la chasse quand le déta-
chement du Cheylard les arrêta. Le curé de Saint-Voy,
paroisse à laquelle ils ressortissaient, confirma leur té-
moignage.
Quatre lettres, qui existent encore, nous font connaî-
tre 1 état d'âme de Desubas au moment de sa compa-
rution devant l'intendant. L'une d'elles est adressée à
244 HISTOIRE DES PROTESTANTS
une personne qu'il appelle sa très chère sœur (i). « S'il
était possible, » lui dit-il, « qu'on pût m'écrire quel-
que lettre de consolation dans l'état triste où je suis
réduit, on me ferait un sensible plaisir. Je suis persuadé
que cela serait d'un grand soulagement à ma misère. Au
reste que personne, ni mes frères, ne s'affligent au-delà
de ce qu'il faut pour moi. Je suis assez tranquille pour
une personne qui attend à tout moment d'être mise à
mort. C'est le Seigneur qui me soutient. Ayant un si
bon appui , je ne crains rien. Si on m'ôie ma vie misé-
rable de ce monde, j'espère que Dieu me mettra en
possession d^une qui sera éternelle et infiniment heu-
reuse , pourvu que j'endure mes maux et mes afflic-
tions d'une manière qui lui soit agréable. C'est de
quoi je ne cesse de le prier du fond de mon cœur et,
fondé sur sa bonté, je dois espérer qu'il m'exaucera. »
Parlant ensuite des amis qui viennent le visiter et le
secourir, Desubas s'exprime de la sorte : « Je dois bé-
nir ce grand Dieu de ce que , au milieu de mes afflic-
tions, il me fait trouver des personnes charitables qui ne
me laissent manquer de rien pour ce qui est nécessaire
à mon corps. Je n'avais jamais été mieux nourri que je
le suis à présent. Jamais je ne m'étais mieux porté que
dans la prison. Qui ne voit que c'est Dieu qui opère
tant de merveilles en ma faveur. La blessure que j'avais,
quoiqu'elle fût assez grande , ne m'a jamais fait beau-
coup souff'rir; que le nom de Dieu soit donc béni en
toute chose ! »
Desubas regrettait seulement de ne pouvoir « faire
que des prières » pour la personne qui le servait , et il
(i) Ajoutez : pu Jésus-Christ. Cette personne paraît être la femme du
pasteur Peirot, car il lui dit quelque part : « Si je ne me trompe, vous êtes
celle qui touche de plus près à mon cher et très aimé frère M. P. »
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 245
écrivait à sa très chère sœur en Jésus-Christ : « Si vous
pouviez lui faire plaisir, ayez la bonté de le faire pour
moi. »
La lettre de consolation qu'il demandait lui fut adres-
sée par une personne, qu'il appelle « monsieur et très
cher frère » et qui doit être le pasteur Peirot. Elle le
fortifia beaucoup, car il répondit à son correspondant :
« Je sens la force de tout ce que vous me dites et
l'obligation où je suis de me résigner à la volonté du
souverain arbitre de l'univers. Soyez persuadé, monsieur
et très cher frère, que rien au monde ne sera jamais ca-
pable de me faire abandonner les sentiments que doit
avoir une personne de mon caractère. Je suis toujours
tout prêt de sacrifier ma vie pour la gloire de Dieu ,
pour l'édification de l'Eglise et pour mon propre salut.
Mais, pour que je puisse toujours persister dans de si
nobles dispositions, j'ai besoin du secours de mon Dieu,
sans lequel on ne peut rien. Aussi ne cessé-je de le
lui demander, et je suis persuadé qu'il me l'accordera
jusqu'à la fin. Demandez-le aussi pour moi comme vous
me le promettez. »
Le clergé catholique, comme on devait s'y attendre,
fit de pressantes démarches auprès de Desubas pour
qu'il changeât de religion. Les évêques du Languedoc,
réunis à Montpellier à l'occasion de la tenue des Etats
de la province , mirent tout en œuvre pour y parvenir.
Celui de Montpellier lui fit de nombreuses visites , de
même que le jésuite Senaud , professeur au collège de
cette ville. Le prisonnier fit traîner les choses en lon-
gueur, mais sans rien promettre. Il espérait, comme il
le dit lui-même, que Dieu pourrait faire naître quelque
moyen pour sa délivrance , ou bien adoucir le cœur de
ses juges. La cour, toutefois, n'approuvait pas les len-
teurs du procès et envoyait dépêche sur dépêche à Le-
246 HISTOIRE DES PROTESTANTS
nain, pour que le ministre fût châtié « le plus prompte-
ment possible. »
Prévoyant que sa sentence allait être bientôt rendue,
Desubas écrivit à ses parents une lettre d'adieu, qui est
un chef-d'œuvre de tendresse , de résignation et de
foi. « Souffrez, » leur disait-il, « que je vous prie très
instamment de ne pas vous affliger ni de vous inquiéter
au delà de ce qu'il faut sur ce qui me regarde. Nous
ne savons pas pourquoi Dieu a permis ce qui m'est
arrivé, mais nous devons être persuadés qu'il a de très
bonnes raisons pour le permettre. Vous perdez un fils
que vous chérissez et qui vous chérit infiniment, mais
vous serez réunis un jour avec lui dans le ciel : nous
devons l'espérer de la miséricorde de Dieu , pourvu
que nous lui soyons fidèles jusqu'à la mort... Quel hon-
neur n'est-ce pas pour vous d'avoir un fils qui souffre
pour avoir prêché l'Evangile de Jésus-Christ notre Sau-
veur, pour l'avoir suivi et pour avoir enseigné sa volonté
aux hommes ! C'est là tout le crime que les hommes
peuvent imputer à votre fils. Or, de ce qu'on lui fait un
crime, il s'en fait une véritable gloire. Oui, mon cher
père et ma chère mère , je me glorifie de souffrir pour
le nom de Christ. Je suis heureux de ce qu'il m'a choisi
pour le confesser devant les hommes , pour suivre ses
traces et celles de tant d'illustres et glorieux martyrs,
qui ont enduré constamment pour la même cause toutes
sortes de maux. »
En terminant, il adressait ces graves exhortations à
ses parents : <( Permettez encore, mon très cher père
et ma très chère mère, que je vous exhorte à craindre,
à aimer et à servir Dieu , et à vous attacher sans cesse
à la piété et à la vertu : ce sont les seuls biens que nous
emporterons de ce monde. J'exhorte aussi à la même
chose mes chers frères et sœurs, beaux-frères et belles-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 247
sœurs. Incitez-vous les uns les autres aux bonnes oeu-
vres et à la sainteté ; secourez-vous les uns les autres ;
vivez toujours dans la paix et dans l'union. Par ce
moyen , vous attirerez la bénédiction de Dieu sur vos
personnes ici-bas et vous obtiendrez un jour la vie éter-
nelle. »
CONDAMNATION ET SUPPLICE DE DESUBAS (l" FÉ-
VRIER 1746).
Lenain fit comparaître Desubas devant lui le i""^ fé-
vrier, et l'attitude du jeune pasteur fut si digne que ses
juges en furent profondément touchés. L'intendant lui
adressa quelques questions, notamment sur les amas
d'argent et d'armes qu'on accusait les protestants de
faire , et sur la présence d'émissaires étrangers dans le
Vivarais. « Rien de tout cela n'est vrai, » dit Desubas;
« les ministres ne prêchent que la patience et la fidélité
au roi. » — « Je le sais , » répliqua Lenain, qui, après
cette parole , rendit son jugement. Desubas fut con-
damné <( à être pendu et étranglé, » dit la sentence,
« jusqu'à ce que mort s'ensuive, à une potence qui sera,
à cet effet, dressée à l'esplanade de la présente ville, »
et ses livres , sermons et papiers , brûlés sur ladite
place.
Par la même sentence, Jean Menut dit Rochette fut
condamné « à servir de forçat dans les galères du roi
pendant sa vie, » et sa maison à être rasée. On voit
que ses lâches mensonges ne le sauvèrent point.
Quant à Pierre Masse et aux deux frères Etienne et
Jean-Pierre Debar , Lenain ordonna qu'il serait plus
amplement informé à leur égard pendant une année et
qu'en attendant « ils tiendraient prison clause; » puis,
comme le régime des prisonniers était contraire à leur
248 HISTOIRE DES PROTESTANTS
santé, l'intendant, quelque temps après , leur donna
sous caution la ville de Nîmes pour prison. L'année sui-
vante, le I®'' février 1747, aucune charge nouvelle ne
s'étant élevée contre eux, ils purent regagner leurs foyers.
« Lorsque la sentence fut prononcée à Desubas , »
dit Armand de la Chapelle , « il fut le seul qui n'en pa-
rut point ému. Tous les juges pleuraient et l'intendant,
qui pleurait aussi [quoiqu'il ne passât pas pour tendre et
compatissant] , l'assura que c'était avec douleur qu'il le
condamnait , mais que c'étaient les ordres du roi. —
« Je le sais, » monsieur, répondit-il avec cet air doux et
serein qui lui gagnait tous les cœurs.
« Il fut exécuté le i®^ de février, dans l'esplanade, où
il y avait un monde infini. Il sortit de la prison les jam-
bes nues, n'ayant que des caleçons, et qu'un gilet sans
manche. Au défaut des habits qui lui manquaient, la tran-
quillité qui régnait sur son visage et la beauté de sa
physionomie lui assurèrent Inattention et l'admiration de
tous les spectateurs. Ces sentiments redoublèrent lors-
qu'au bas de l'échelle, où il se mit à genoux, on remar-
qua la ferveur de sa dévotion dans la prière. On le fit
arrêter au second échelon jusqu^à ce qu'il eût vu brûler
sous ses pieds les papiers et les livres qu'on avait pris
sur lui. Prenant alors congé des deux jésuites qu'on lui
avait donnés pour l'accompagner au supplice, il les re-
mercia de leurs peines et , rejetant du pied un crucifix
qu'ils lui voulaient faire baiser , il les supplia de le lais-
ser mourir en repos. Enfin , monté courageusement au
haut de l'échelle, il fit paraître jusqu'au dernier moment
tant de constance et de piété que tout le monde, sans
distinction ni de protestants, ni de catholiques, fondait
en larmes. Les premiers bénissaient Dieu de l'édifica-
tion que leur donnait ce martyre et les derniers félicitaient
les autres de l'honneur que leur faisait ce martyr. »
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 249
Ajoutons que, pendant toute la durée de l'exécution,
douze tambours ne cessèrent de battre pour qu'on ne
pût ouïr la voix de Desubas.
Telle fut la noble fin de ce jeune pasteur, doué d'un
rare mérite et qui, pendant son court ministère de deux
années , déploya un si grand zèle qu'il bénit trois cent
cinquante-quatre mariages ou baptêmes. Il paraît qu'il
eût pu être sauvé. Les grandes dames , qui l'avaient vu
entrer à Montpellier, touchées de la sérénité de son vi-
sage, delà distinction de sa personne, et de sa jeunesse,
mirent tout en œuvre pour préparer sa délivance ; et, si
l'intendant eut consenti à retarder l'exécution de vingt-
quatre heures , on l'aurait fait évader moyennant une
somme de 20,000 livres. Dieu lui accorda une meilleure
part en le retirant à lui.
APRÈS LE SUPPLICE (1746).
Quand Desubas eut rendu sa belle âme à Dieu , Le-
nain annonça au comte de Saint-Florentin son jugement
et son exécution. Il ajouta qu'on avait trouvé dans la
procédure des complices au jeune pasteur (il voulait par-
ler des personnes qui avaient pris les armes pour le
délivrer), « mais, » ajoutait-il, <( MM. les évêques de
la province m'ont fait l'honneur de me venir trouver pour
m'exposer que l'affaire de Vernoux n'ayant eu non seu-
lement aucune suite , mais encore que tout le pays était
entièrement tranquille , ils me demandaient de ne point
suivre les procédures et de supplier Sa Majesté de leur
faire grâce. »
Lenain reçut des félicitations , non seulement du se-
crétaire d'Etat le comte de Saint-Florentin, mais encore
de d'Argenson, ministre de la guerre, et de d'Agues-
seau , ministre de la justice. Ladevèze fut récompensé
T^O HISTOIRE DES PROTESTANTS
de son zèle par l'avancement de son fils ; le lieutenant
Charles de Sauzet , sieur de la Baronière , qui avait ar-
rêté Desubas , reçut 300 livres de gratification et une
compagnie; le traître Chevalier 3,000 livres, et les jeu-
nes gens catholiques de Vernoux, qui avaient tiré sur le
rassemblement , furent dispensés du tirage au sort pour
l'année 1746. Le juge Afïbrty, dont la châtaigneraie
avait été endommagée par les religionnaires qui avaient
voulu enlever Desubas , toucha aussi une indemnité, et
le bourreau 30 livres. Quant aux gentilshommes catholi-
ques de Serre j de Joviac et de Liviers , qui s'étaient
distingués au moment de la capture de Desubas , le
comte de Saint-Florentin leur adressa des lettres de fé-
licitations.
Après cette cruelle épreuve, les églises réformées
sentirent le besoin de s'humilier et ordonnèrent, en signe
de douleur, un deuil général. iMichel Viala , pasteur du
Languedoc qui avait présidé le synode national de 1744,
publia à cette occasion une lettre pastorale, oij il
s'écrie : « Que chacun de vous s'occupe uniquement
aux choses du ciel ! que le négociant ferme sa bouti-
que ! que l'artisan cesse les actes de sa profession et le
laboureur ses travaux ! que les jeunes et les vieux , les
riches et les pauvres; que les pasteurs, les anciens et
le troupeau pleurent entre le porche et l'autel, et qu'ils
disent : « Oh! Eternel, pardonne à ton peuple et n'ex-
pose point à l'opprobre ton héritage ! » — Tels étaient
les hommes qu'un roi débauché et des ministres incré-
dules et libertins regardaient comme des ennemis pu-
blics et qu'ils auraient voulu tous anéantir en une seule
fois!
i< Les poètes du Vivarais , » dit Benoit . « composè-
rent sur les malheurs de Desubas plusieurs complaintes,
dont quatre sont parvenues jusqu'à nous. C'est tout un
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 25 I
romancero religieux, qui contient près d'un millier de
vers... Si le sentiment poétique ne s'y maintient pas tou-
jours à la hauteur du sentiment religieux , elles n'en re-
flètent pas moins avec force la piété austère de cette
époque, en même temps que l'affection profonde que les
fidèles avaient pour Desubas. »
Louis XV ayant consenti à amnistier les protestants
qui avaient pris part à la tentative d'enlèvement à main
armée de Desubas , Ladevèze se rendit à Privas et fit
venir devant lui, d'après le récit de Coste, MM. deTas-
taillon, baron de Cheylus; d'Audemard et du Bay, gen-
tilshommes ; André Juventin, bourgeois, et Salomon de
Marcols, qui appartenaient tous à la religion réformée.
Il leur donna commission, chacun dans leur district,
premièrement d'avertir les protestants du Vivarais que le
roi leur pardonnait tout le passé , secondement de leur
défendre de se réunir à l'avenir.
En conséquence de cette commission, M. de Tas-
taillon assembla les principaux habitants de Saint-Cierge-
la-Serre et des environs, et leur exposa sa commission.
M. d'Audemard, chargé de se rendre dans le haut Vi-
varais et dans la Montagne, et muni d'un passeport de
Ladevèze, fit de même. Il avait de plus reçu l'ordre de
parler aux ministres. M. du Bay, ayant réuni les prin-
cipaux protestants de Saint-Didier-de-Crussol , sa pa-
roisse, les harangua à la porte de l'église du haut de son
cheval, s'efforçant de leur persuader de ne plus assister
aux assemblées et leur en donnant même l'ordre, au
grand scandale de tous ceux qui l'écoutaient. M. Ju-
ventin resta chez lui, et M. Salomon ne dit rien qui ne
tendît plutôt à affermir les protestants dans leur religion
qu'à les en détourner. M. d'Audemard alla à Montpel-
lier rendre compte de sa mission à Ladevèze; « et ce
qu'il y eut de fâcheux. » dit Coste, « il lui promit qu'on
2^2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
ne s'assemblerait plus. Aussi quand on reprit les assem-
blées, il ne le trouvait pas à propos, souhaitant qu'on
les renvoyât à un temps plus éloigné (i). »
NOMBREUX SOLDATS EN VIVARAIS. REPRISE DES ASSEM-
BLÉES. TRAITRES SOUDOYÉS PAR LES PRÊTRES. DEUX
TRAITÉS DE CONTROVERSE ( I 746 , I747).
Immédiatement après l'arrestation de Desubas, on fit
venir en Vivarais des soldats du Dauphiné et quelques
compagnies de dragons. Ils se répandirent dans tous les
arrondissements protestants et firent des courses en
tous sens, mais ils ne commirent aucun désordre. On
les logea du reste indifféremment chez les catholiques
et les protestants, et Ladevèze faisait dire partout que
les personnes, compromises dans l'affaire de Desubas,
étaient pardonnées à l'exception du ministre lui-même et
de dix autres qui avaient été arrêtées avec lui, et dont le
sort ne dépendait plus de lui; mais il défendit les assem-
blées de la façon la plus formelle.
Court engagea les pasteurs Peirot , Blachon et
Coste à passer outre à cette interdiction, et à reprendre
leurs assemblées interrompues depuis la capture de leur
collègue. Quant aux protestants, qui s'effrayaient des
rigueurs de l'autorité et n'osaient exercer leur culte en
(i) Armand de La Chapelle, NécesfiUé , etc., t. II, p. 264-269. Court, Lf
l'nd'iulc, etc. Mémoire liislO)'ique, t. II, p. 7-12, 129-150; 154-157, 125. Co-
querel, t. I, p. 577-589, 549. Peyrat, t. 11, p. 407-412. Edin. Hugues, t. II.
p. 200, 201. Histoire générale de Lan(jU(ul<i(\ nouv. édit., t. XIll, p. 1074.
Dourille, p. 429, 450. Borrel , liiogrnpliie de l'nvl Rabmil , p. 20 et suiv.
Dardier, l'itul liulinvl, t. Il, p. 175. liiillfliii de la Société, etc., t XIll,
p. 557; XXV, 1 19-127; i(!i-i87. Dan. Benoît, p. 14Ç-126. Michel Forest .
Annules, p. 22-27. Mémoire dicté yjnr te minisire Cosle (Ms. Court, n" 17,
vol. P). Ms. Court, n" i, t. XVII, et n" 8, t. VI. Recueil de pièces reUdires
aux Eglises réformées dn Virnniis, elc .Arch. de l'Hérault, C, 219,
404, etc.
DU VIVARAIS ET DU VELAY 253
public, il leur conseillait de quitter la France et de pro-
fiter des asiles qu'on leur offrait à l'étranger.
Les assemblées recommencèrent donc, quoique le
Vivarais fût rempli de soldats et qu'on proférât beau-
coup de menaces contre les protestants. Les catholi-
ques, qui croyaient ceux-ci terrorisés, en furent si sur-
pris qu'ils allèrent jusqu'à accuser Ladevèze d'être
l'auteur, par sa trop grande mansuétude, de la reprise
des assemblées. Les curés se mirent dès lors à agir
pour leur propre compte et soudoyèrent force émissai-
res pour se rendre aux réunions , mais ces derniers n'y
étaient pas toujours bien reçus , et l'un d'eux même fut
roué de coups.
Les habitants catholiques de Vernoux étaient parti-
culièrement animés contre les protestants. Ils résolurent
de fondre à main armée sur les assemblées du désert ,
qui se tiendraient dans leur voisinage, et l'un d'eux,
ayant manifesté ses sentiments d'une façon violente, fut
mis à mort par un de ses concitoyens réformés.
Tout en présidant des assemblées , les pasteurs fai-
saient des tournées dans les églises , mais ils rencon-
traient des espions sur tous leurs pas. Blachon écrivait,
le 20 mai 1746 , qu'un traître, armé d'un fusil , et payé
par un curé , s'embusqua un jour sur son passage et le
coucha en joue ; mais, qu'arrêté sur-le-champ, il ne put
mettre son projet à exécution. Vers le même temps, deux
autres traîtres de Vernoux périrent d'une façon tragique.
L'un mourut victime du piège qu^il avait lui-même tendu,
et l'autre , qui est sans doute le même personnage que
celui dont nous venons de parler, fut tué par. un jeune
homme.
Dès lors , les assemblées redevinrent aussi nombreu-
ses que précédemment , de même que les bénédictions
de mariage et les baptêmes. Blachon, dans le seul mois
2 «4 HISTOIRE DES PROTESTANTS
d'avril, célébra soixante-quatre de ces derniers. Le
pays était tranquille. Quelques conversions au protes-
tantisme eurent même lieu. On ne redoutait que les traî-
tres, payés par les ecclésiastiques, et les calomnies
dont ceux-ci se faisaient l'écho auprès des autorités.
Le curé Jeune , de Saint-Etienne-de-Serres, essaya
de tempérer le zèle des protestants du Vivarais , peut-
être même crut-il en convertir quelques-uns par la pu-
blication des deux traités de controverse suivants : Let-
tre d'un curé à ceux de ses paroisssiens qui fréquentent les
assemblées des nouveaux convertis et Entretiens de deux an-
ciens de la religion prétendue réformée , imprimés à Avi-
gnon. Le premier , comme l'indique son titre , avait
pour but de détourner les protestants des assemblées
du désert, et le second de discréditer les ministres et
les doctrines réformées. Nous n'avons pu les retrouver.
Ils avaient, paraît-il, de la valeur, mais leur effet fut
nul.
Ce calme relatif fit changer de résolution aux protes-
tants qui étaient dans l'intention de quitter la France.
Ils demeurèrent dans leur pays; ce n'étaient, du reste,
que de pauvres laboureurs sans ressources , qui , avant
de pouvoir arriver au lieu de leur destination , auraient
couru bien des dangers et enduré des privations de
toutes sortes.
En juillet 1746, les protestants du Vivarais furent vi-
sités par le jeune protestant Paul- Auguste Lafont dit
Fontenelle , du Languedoc, qui, avant d'aller desservir
les églises de Provence , donna quelques prédications
dans la province. A cette époque, Blachon était fort
souffrant. Le secours de Lafont était d'autant plus né-
cessaire que Coste fut député en Suisse par ses collè-
gues, au commencement de janvier 1747, pour exami-
ner avec Court et ses amis les n^oyens d'obtenir un
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2 ■; 5
adoucissement aux maux des protestants de France.
Coste voulait qu'on envoyât une députation auprès des
puissances protestantes. La guerre de la succession
d'Autriche durait encore, mais Louis XV en souhaitait
vivement le terme et avait proposé à ses ennemis la te-
nue d'un congrès. Le pasteur du Vivarais pensait qu'il
fallait profiter de cette circonstance pour élever la voix
en faveur des persécutés. Il se fondait sur ce que les
protestants ne voulaient à aucun prix quitter la France
et sur l'impossibilité d'une émigration, soit partielle,
soit générale. Coste , dont les idées ne paraissent pas
avoir été adoptées pour le moment , demeura quelque
temps en Suisse, où il dicta un long mémoire histori-
que sur les affaires du Vivarais, que nous avons beau-
coup utilisé. La personne qui lui servait de secrétaire
apprit de lui que, depuis 1741 , année où il commença
sa carrière pastorale, il avait béni six cents mariages et
célébré quatre cent trente-six baptêmes.
Letropcéièbre Ponce, l'auteurdu massacrede Vernoux
et de bien d'autres maux dont les protestants eurent à
souffrir , ne survécut pas longtemps à ses méfaits. Il
mourut le 7 avril 1747. « Vous dire qu'il est mort comme
il avait vécu, » dit Coste, « c'est tout dire. Depuis le mas-
sacre de Vernoux jusqu'à la fin , il a été attaqué d'une
goutte remontée qui le faisait plus ou moins souffrir à
proportion qu'il voyait s'évanouir ses projets détesta-
bles. L'on a remarqué surtout que son mal augmentait
lorsqu'il vit qu'on avait découvert que le curé de Bof-
fres était l'incendiaire de l'église et lors encore qu'on
a trouvé les vases dans la citerne. Voici un trait qui fait
bien voir quel homme était ce Ponce. Un jour, le curé
lui ayant apporté le viatique ou Dieu de l'Eglise,
une personne ayant dit qu'on aurait dû faire une saignée
au malade avant la venue du curé , il répondit au mo-
256 HISTOIRE DES PROTESTANTS
queur : « Il fallait le faire et ensuite je serais parti avec
le bon Dieu. » Il n'a jamais donné aucune marque de
repentance dans sa maladie. »
A part quelques amendes de 25 livres, imposées par
l'intendant du Languedoc, Jean Lenain, sur chaque pa-
roisse du Vivarais parce qu'elles avaient négligé de lui
faire tenir Tétat des enfants qui n'assistaient pas aux ins-
tructions de l'église romaine, les protestants du Vivarais
jouissaient à ce moment d'une grande tranquillité, mais
ils ne négligeaient point pour cela de prendre les plus
grandes précautions. « Une triste expérience nous a
appris, » écrivait Peirot le 18 novembre 1747, « à nous
défier toujours de nos ennemis, parce que c'est lors-
qu'ils paraissent le plus endormis qu'ils nous jouent
quelque mauvais tour. » Une amende de douze cents
livres et deux cent soixante-huit livres de frais, impo-
sée aux protestants de l'arrondissement de Saint-Voy,
par jugement de l'intendant du Languedoc du 4 décem-
bre suivant , montrèrent bien que les persécutions
n'étaient pas près de leur terme (i).
LA PERSÉCUTION RECOMMENCE. ARRESTATION d'aR-
GAUD. RÉVEIL DES PROTESTANTS d'aNNONAY. AMEN-
DES. ORDRES SANGUINAIRES. ORDRES DE REBAPTISA-
TIONS. TOURNÉES DES PASTEURS (1748-1750).
Les préliminaires de lapaix d'Aix-la-Chapelle (13 avril
1748), qui mit fin à la longue guerre de la succession
d'Autriche, ayant rassuré la cour contre le fantôme des in-
surrections protestantes, les menaces et les courses de
soldats recommencèrent en Vivarais. Ceux-ci sortaient
(1) Ms. Court, n" i, t. XVII, XX; n" 7, t. VII, VIII ; n" 8 (Analyse); Mé-
moire de Cosie (Ms. Court, 11" 17, t. P). Arch. de l'Hérault, C, 224.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2^7
toutes les nuits de leur garnison pour s'efforcer de cap-
turer les pasteurs. Un homme, arrêté sur le soupçon
d'avoir fait l'office de lecteur dans une assemblée , de-
vint fou de frayeur ; un autre , accusé d'avoir logé les
ministres depuis plus de trois ans , ne put être libéré
qu'en comptant six louis d'or.
Dans le Velay, les protestants étaient condamnés à
de fortes amendes. Ils étaient justiciables d'un subdé-
légué, nommé de Rachat, qui ne tolérait aucune
assemblée ni de jour ni de nuit, et qui faisait payer des
sommes considérables aux paroisses sur le territoire
desquelles se tenaient les assemblées. Par une sentence
du 29 juillet 1748, il les imposa d'une amende de
1,460 livres et, par une autre, rendue en 1749, de
2,300 livres, sans compter les frais.
Malgré cet état de choses, qui fut général, les égli-
ses réformées de France tinrent leur cinquième synode
national du désert dans les Cévennes, du 1 1 au 18 sep-
tembre 1748. Le Vivarais y députa Peirot et Blachon.
Le premier fut même élu modérateur de l'assemblée.
Pour éviter que chaque province ne fût favorisée aux
dépens des autres dans l'envoi des étudiants au sémi-
naire de Lausanne, le synode prit la décision suivante :
« Il a été convenu que les provinces du haut Langue-
doc, basses Cévennes, hautes Cévennes et celles du
bas Languedoc, Vivarais, Dauphiné et Normandie,
enverraient à Talternative , les unes deux étudiants et
les autres un seul au séminaire pour y étudier deux
années, à commencer par les premières provinces
ci-dessus nommées : ce qui servira de loi pour l'avenir;
toutefois du consentement des vénérables directeurs du
séminaire (art. XXIII). »
L'année suivante (1749), la persécution sévit avec
encore plus d'intensité. Châteauneuf, commandant du
II. ,7
2^H HISTOIRE DKS PROTESTANTS
Vivarais, donna des ordres secrets pour arrêter les
ministres ou pour leur tirer dessus, soit dans les mai-
sons , soit en chemin ; mais il recommanda aux soldats
de ne pas troubler les assemblées, de peur sans doute
(( d'émotions violentes, » comme le remarque Peirot.
Le 20 avril , les soldats de Saint-Agrève , conduits
par le traître Chevalier , celui-là même qui avait vendu
Desubas, allèrent fouiller, à Saint-Romain-le-Désert, la
maison d'Argaud, dit Chambdève, dans la pensée d'y
opérer l'arrestation d'un ministre. Pour perdre plus
sûrement Argaud à qui il en voulait, Chevalier cacha,
dans un coin de sa maison, la robe de Desubas et un
petit collet qu'il s'était appropriés, et que, sur ses
indications, en apparence spontanées, les soldats décou-
vrirent aussitôt. Il n'en fallut pas davantage pour déter-
miner ceux-ci à arrêter Argaud et son valet, qu'ils
conduisirent au château de Beauregard , accompagné
de la garnison du Cheylard. Comme Argaud était géné-
ralement estimé, quelques gentilshommes s'intéressèrent
à sa personne, notamment M""^ de Brisol , soeur de feu
M. le comte de Vallon, de sorte qu'à la date du
10 mai 1749 Peirot écrivait qu'il serait bientôt délivré,
et que Chevalier aurait même à répondre devant la jus-
tice de sa méchante action.
A peu près vers le même temps, le curé de Marcols,
accompagné des soldats de Saint-Pierreville, parcourut
le quartier des Boutiéres pour rebaptiser tous les en-
fants protestants, même ceux qui l'avaient été déjà par
les prêtres. Peirot pensait que le curé et l'officier , qui
commandait le détachement de soldats , furent blâmés.
Cette même année, les protestants d'Annonay qui,
depuis la révocation de l'édit de Nantes, avaient vécu
dans une indifférence répréhensible à l'égard des as-
semblées du désert, manifestèrent un grand zèle pour
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 2^9
elles ; mais comme celles-ci se tenaient à une distance
considérable de la ville, il leur était assez difficile de s'y
rendre : néanmoins, ils y assistèrent toutes les fois qu'el-
les furent convoquées.
Le commencement de Tannée 1750 ne s'annonça pas
sous de meilleurs auspices. « Pendant le mois de février, »
dit Peirot, « nous avons été fatigués par les amendes qu'il
nous a fallu payer et effrayés par un arrêt lancé contre
nous, mais que nous n'avons pas vu; et, dans le
temps que nous pensions qu'on allait l'exécuter , nous
avons appris les nouvelles les plus agréables. » Le
même pasteur donnait de meilleures nouvelles vers le
milieu de l'année : « Parmi nous, pour le présent,
grâce au Seigneur, «disait-il, « nous jouissons d'une par-
faite tranquillité. » Il annonçait en même temps que
Serre, le fiancé de la célèbre Marie Durand (voyez
plus haut, p. 127), venait de sortir du fort Brescou, oij
il avait été enfermé pendant vingt ans !
A partir du mois de novembre, les choses s'aggravè-
rent. Peirot et Blachon virent deux pièces officielles
(c'était peut-être l'arrêt mentionné plus haut) , signées
l'une, par Le Brunet, pour le Languedoc, et l'autre, par
Châteauneuf, pour le Vivarais, portant ordre d'attaquer
les assemblées à main armée, d'arrêter et de tuer le
plus de gens possibles. Les deux pasteurs contreman-
dèrent aussitôt les assemblées qu'ils avaient convoquées
dans leurs quartiers respectifs, mais Coste et le jeune
proposant Alexandre Vernet, revenu du séminaire de
Lausanne depuis avril 1748, qui étaient placés dans des
lieux moins exposés, tinrent les leurs nonobstant ces
défenses.
L'une d'elles, présidée par Vernet, eut lieu le
22 novembre 1750 sur les bords du Lignon , près du
moulin de Boye, sur les limites du Vivarais et du Velay.
26o HISTOIRE DES PROTESTANTS
Le subdélégué du Puy et celui de Tournon se trans-
portèrent sur les lieux pour informer. Leurs dépenses
s'élevèrent à 323 livres pour le second, et à 410 livres
17 s. pour le premier. L'intendant du Languedoc, par
jugement du 22 mars 175 1 , condamna les arrondisse-
ments de Saint-Agrève et du Chambon à payer ces frais,
qui furent augmentés de 40 livres et d'une amende de
T,ooo livres, en tout 1773 livres 17 s. (1). Un autre
jugement de l'intendant du 30 novembre, même année,
condamna l'arrondissement de Saint-Voy à payer 400 li-
vres d'amende et 203 livres de frais (2). Cette même an-
née encore, les communautés du Chambon et de Saint-
Voy durent payer une imposition de 1714 livres 13 s.
4 d, pour assemblée illicite (3).
D'autre part , l'intendant du Languedoc donna l'or-
dre à ses deux subdélégués du Vivarais , Tavernol , de
Viviers, et Dumolard, de Tournon, d'enjoindre aux pro-
testants de cette province de porter ou de conduire
leurs enfants à l'église paroissiale la plus voisine « pour
leur suppléer les cérémonies du baptême ou les rebap-
tiser sans condition, » et de dresser un état des récal-
citrants. D'après ces états, dont quarante cinq, cor-
respondant à autant de paroisses, furent dressés en 175 1
et 1752, on voit que la plupart des religionnaires préfé-
rèrent s'exposer à des amendes ruineuses, plutôt que
d'obéir. Plusieurs de ces Etats furent dressés par les
curés, qui se montraient très animés contre leurs ouail-
les rebelles. Cholvy, curé des Vastres , écrivait à
Dumolard le i«' janvier 175 1 : « Feu M. votre père...
ne cherchait pas tant de façons avec ces mauvais esprits ;
il faisait ponctuellement exécuter les ordonnances , per-
(i) Arch. de l'Hérault, C, 2jo.
(2) Arch. de l'Hérault, C, 2}i.
(5) Arch. de l'Hérault, C, 570.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 26 1
sonne ne disait mot et tout tremblait. » Montreynaud,
prieur de Bruzac , allait plus loin encore. Il écrivait au
même le lo juin suivant : « Je ne pense pas, monsieur,
qu'il y ait de meilleurs missionnaires pour les mettre à
la raison que quelques compagnies de dragons ou de
grenadiers (i). »
Devant l'aggravation de leurs maux , les pasteurs du
Vivarais eurent une conférence et décidèrent de faire
le tour de leurs églises pour baptiser les enfants et as-
sembler les consistoires dans le but d'exhorter les
anciens à la fermeté et à la prudence. Ils décidèrent,
en outre, qu'on surveillerait les catholiques pour tâcher
de pénétrer leurs desseins , qu'on continuerait à tenir
des assemblées, mais dans les lieux les plus sûrs; qu'on
prendrait la fuite si on y était attaqué, et qu'on enverrait
des placets à l'intendant, au commandant de la province,
au comte de Saint-Florentin et au roi , où l'on repré-
senterait combien les protestants auraient à souffrir des
discordes, des cruautés et des massacres, qui résul-
teraient des ordres qu'on venait de donner , et leur
ferme résolution de s'exposer à tout plutôt que de re-
noncer à se réunir pour célébrer leur culte. Les pas-
teurs furent pourtant d'avis de ne rien faire sans consul-
ter les provinces voisines , notamment le bas Langue-
doc , oij ils députèrent Coste pour se concerter avec
les ministres de cette province.
Court , à qui les pasteurs du Vivarais firent connaî-
tre leur situation, estimait que les choses n'iraient pas
aussi mal qu'ils le craignaient et que , si les ordres
qu'ils avaient vus étaient véritables , ils devaient être
accompagnés de mémoires secrets qui en atténuaient la
rigueur. Il opinait donc pour qu'on interrompît les
(i) Arch. de l'Hérault, C, 245.
202 HISTOIRE DES PROTESTANTS
assemblées le moins possible, mais il conseillait en
même temps de prendre toutes les précautions néces-
saires (15 déc. 1750). La suite montra que Court
appréciait sainement la situation (i).
PROCÈS-VERBAUX CONTRE LES ASSEMBLÉES. RÉDAC-
TION d'un PLACET. ARRESTATION ET MORT DE
monteil. reprise des assemblées. lettre de
l'évêque du puy (1751)-
Au commencement de l'année 1751, des détache-
ments de soldats battaient la campagne. Les subdélégués
du Puy et de Tournon dressaient à l'envie des procés-
verbaux contre les assemblées et contre ceux qui fai-
saient baptiser leurs enfants par des ministres, en même
temps que des ordres d'arrestation étaient lancés con-
tre les religionnaires les plus notables et que les curés
rebaptisaient les enfants. Dans leur détresse , les pro-
testants de la province consultèrent des gens autorisés,
qui leur conseillèrent de suspendre momentanément les
assemblées du désert (2) et d'adresser des placets aux
autorités, dans lesquels ils diraient qu'il leur était im-
possible de vivre sans culte, et que, si l'on ne cessait
les persécutions, ils seraient contraints de se réfugier
dans les pays étrangers.
Antoine Court rédigea ce placet qui fut envoyé à
qui de droit , mais déjà les soldats avaient mis un terme
(1) Ms. Court. IV I, t. XXI-XXlIi ; n" 7, l. IX, XI. Court, Lp ['a-
triolfi, etc., Mi'nv. histnr., p. 97.
(2) Paul Rabaut ne partageait pas ce sentiment: « Il me paraît, » disait-il,
<• que nos frères du Vivarais ont très mal fait de discontinuer totalement leurs
assemblées Ils n'en auront que plus de peine à les mettre sur pied ; heu-
reux encore s'ils peuvent en venir à bout . ^Lettre du 17 mars 17U, dans
Dardicr, Paul Bubant. t, II, p. 118).
DU VIVARAIS ET DU VELAY, 26^
à leurs courses de nuit et aucune arrestation n'avait été
opérée, d'où les protestants conclurent que les mesu-
res précédemment prises n'étaient peut-être qu'un piège.
Néanmoins , ils continuèrent à se tenir fortement sur
leurs gardes.
A la fin d'avril , Blachon et Vernet allèrent conférer
avec les ministres du Languedoc sur les conjonctures
présentes (•). Us se trouvèrent réunis au nombre de
huit et décidèrent de faire rédiger un placet pour le
roi.
Pendant ce temps, Dumolard faisait imprimer une
lettre qui enjoignait aux curés et aux consuls des pa-
roisses d'arrêter les religionnaires , dont les enfants
avaient été baptisés par les ministres, et de contraindre
les parents à les faire rebaptiser par les curés dans les
quinze jours sous peine d'être poursuivis.
Le vieux prédicateur Monteil, âgé de soixante et dix
ans, infirme et presque dans l'enfance, qui ne prêchait
plus depuis quatre ou cinq ans et qui demeurait du côté
de Marcols, où on ne l'avait jamais inquiété, fut arrêté
le 1 2 avril et conduit au château de Beauregard avec
un grand appareil militaire , c'est-à-dire avec avant-
garde et arrière-garde. Le malheureux était sans force
et il fallait deux hommes pour le tenir sur son cheval.
Il mourut bientôt après en prison.
Nonobstant ces rigueurs, les pasteurs du Vivarais
décidèrent de reprendre leurs assemblées interrompues
depuis cinq mois. Il fut convenu qu'on les tiendrait tan-
tôt de jour, tantôt de nuit : le jour, loin des garnisons,
la nuit, à leur proximité.
(i! Blachon fut reconnu à son passage à Lagorce, et l'on guetta son re-
tour pendant trois semaines : mais il resta en Languedoc plus de temps qu'on
ne l'avait cru, et rentia en Vivarais par Avignon, la Provence et le Dau-
phiné.
264 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Peirot écrivait en juillet à ce propos : « Nous nous
assemblons au lever du soleil avec le moins d'éclat et
de bruit que nous pouvons; nous choisissons les lieux
qui sont les plus écartés et les plus éloignés des villes
011 sont les garnisons. Pendant que nous sommes as-
semblés, nous faisons observer les troupes, afin de
n'être point surpris en cas qu'elles voulussent nous
faire de la peine. Nous ne choisissons pas toujours le
même endroit, ni nous ne prêchons pas régulièrement
tous les dimanches ; nous n'avertissons que le samedi
sur le tard. Nos assemblées sont pourtant considérables
et nombreuses. On y baptise les enfants et on y bénit
les mariages comme on le pratiquait les années précé-
dentes. »
L'évêque du Puy , Jean-Georges Lefranc de Pom-
pignan, auteur fécond, mais passionné , qui joua plus
tard un rôle considérable sous la Révolution , publia
vers ce temps une lettre pastorale aux nouveaux conver-
tis de son diocèse, que nous n'avons pas retrouvée, et
où il traitait des principales matières de controverse. Il
insinuait que les protestants, séduits par leurs ministres,
n'assistaient aux assemblées que parce qu'on leur faisait
croire qu'elles étaient permises ou tolérées par le roi, et
concluait qu'étant maintenant désabusés, ils devaient y
renoncer.
Les pasteurs du Vivarais auraient désiré qu'on lui ré-
pondît que les protestants fréquentaient les assemblées,
non point parce qu'ils les croyaient tolérées, non plus
que par entêtement ou par esprit de rébellion , mais
uniquement parce qu'ils les considéraient comme vou-
lues de Dieu , et qu'ils aimeraient mieux s'exposer à
tout souffrir plutôt que de violer un commandement di-
vin. Ces mêmes pasteurs furent vivement pressés de
répondre eux-mêmes directement au prélat , mais ils
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 20^
n'osèrent et consultèrent Court, dont nous n'avons pas
trouvé la réponse (i).
NOMBREUSES ARRESTATIONS. AMENDES RUINEUSES.
DÉPART FORCÉ DE COSTE. CONSÉCRATION DE VER-
NET (1752).
On fit plusieurs arrestations en 1752, et les prison-
niers furent renfermés à Beauregard. « Le 25® fé-
vrier 1752, » dit un mémoire du temps (2j, « Isaac-Jean
Terrasse, de la paroisse de Silhac en Vivarais, fut ar-
rêté pour avoir fait baptiser son enfant au désert. On
n'a point fait de procédure contre lui parce qu'il n'a
aucun bien et que sa femme mendie son pain. Il a toujours
eu le pain du roi et il serait sorti le 24 février 1753 ,
s'il avait eu de quoi payer ledit pain et s'il faisait bap-
tiser son enfant par un curé. On lui demande cin-
quante livres jusqu'à ce jour, moyennant quoi on pense
qu'on le tiendrait quitte de tout.
» Du 9^ mars. Jacques Bernard, de la paroisse de
Nozières, fut arrêté par les mêmes causes que dessus.
Il fut fait une procédure et fut rendu un jugement par
M. l'intendant , qui le condamna à trois mille livres
d'amende et trente livres pour les pauvres. Tout son bien
ne va pas à trois cents livres. Il n'a plus le pain du roi
depuis la Jean-Baptiste dernier.
» Du 14® mars. Jacques Meyer, |de Serres], de la
paroisse de Saint-Fortunat , fut aussi arrêté par les
mêmes causes. Il fut aussi fait une procédure et il y eut
un jugement de M. l'Intendant qui le condamna à
trois mille livres d'amende et trente livres pour les pau-
(i) Ms. Court, 11" I, t. XXIV. Correspond, histor. des deux Chironn.
(2) Etat de ceux qui sont détenus dans les prisons de Beauregard.
poi/)- fait de religion (I7Î5)- Correspond, bisfor. des deux Chirons.
2(^(^ HISTOIRE DES PROTESTANTS
vres. Son bien ne peut valoir tout au plus que quatre
cents livres. Il n'a plus le pain du roi depuis la Saint-
Jean. » Le texte du jugement de Saint-Priest, rendu le
5 mai 1752, nous apprend que Meyer fut condamné,
non seulement pour avoir fait baptiser quatre de ses en-
fants au désert, mais encore pour s'y être marié; que
les frais du procès, qui s'élevaient à 1 56 1. 5 s. étaient
également à sa charge, et qu'il devait rester en prison
jusqu'à ce qu'il eût payé les frais et l'amende, et justifié,
par un certificat du curé de Saint- Fortunat, que ses en-
fants avaient été envoyés à l'église catholique de ce
lieu.
« Du mois d'avril. Jacques et Marianne Argod et
leur fils à la mamelle, habitant au bourg de Saint-
Agrève, pour avoir épousé et baptisé comme dessus.
11 n'a point été fait de procédure contre eux parce qu'ils
n'ont rien, ils n'ont plus le pain du roi depuis la Saint-
Jean. Ils ont fait présenter un placet à M. l'intendant,
qui les a renvoyés à M . Dumolard , le 1 4® mars 1 " 5 3 • ^"
leur demanda, pour les faire sortir, de payer le pain du
roi pendant le temps qu'ils l'ont eu ; de faire rebaptiser
leur enfant par un prêtre et de se séparer par un acte
public parce qu'ils sont parents au troisième degré.
') Les autres, qui étaient arrêtés avec eux, se sont
sauvés desdites prisons, dont il y en a eu un qui, en
tombant, s'est estropié pour sa vie, soit de sa chute, soit
des coups de fusil qu'on lui a tirés.
» L'on a aussi beaucoup maltraité un des prisonniers
que l'on crut vouloir se sauver. On le mit tout en sang,
mais il est guéri à présent. »
A cette liste il faut ajouter :
Tranchât, de Menuts , paroisse de Saint-Fortunat ,
condfimné à 2,000 livres d'amende pour avoir fait bap-
tiser son enfant par un ministre: — Ribes. des Chirou-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 267
ses, paroisse de Nozières, condamné à 2,000 livres
d'amende et à payer 400 livres de Irais environ, pour le
même motif; — Tussière, de la paroisse de Saint-Geor-
ges, condamné à 500 livres d'amende et au payement
de 400 livres de frais environ. — Tranchât et Ribes de-
vaient rester en prison , le premier jusqu'à ce qu'il eût
payé , le second jusqu'à ce qu'il eût satisfait à sa con-
damnation, fait rebaptiser ses enfants et promis défaire
réhabiliter son mariage à l'église romaine. Coste , qui
rapporte tous ces faits, ajoute : « Je déclare qu'il y a un
grand nombre de personnes en Vivarais qui ont été re-
cherchées par les archers et qu'un plus grand nombre
n'osent point demeurer dans leurs maisons. Ce ly"-
juin 1752. Coste, ministre en Vivarais. "
D'autres sources nous apprennent que deux mes-
sieurs de Beauchastel reçurent Tordre de faire rebapti-
ser leurs enfants, et se soumirent; et qu'un homme de
Privas fut jeté en prison pour avoir fait inhumer un en-
fant sans en avertir le curé. Mais , chose étrange! les
assemblées ne furent pas inquiétées quoiqu'elle se tins-
sent très régulièrement.
Dans le Velay, il n'en était pas de même. Le subdé-
légué Rachat était un homme dur. Depuis plusieurs an-
nées, on n'avait pu tenir de jour des asssemblées dans
sa province sans qu'il fît payer des amendes exhorbitan-
tes. Il en exigea même pour des assemblées qui avaient
eu lieu en dehors de sa subdélégation. Les protes-
tants du Velay, qui avaient interrompu celles-ci depuis
quelques mois, comme leurs frères du Vivarais, décidè-
rent de les reprendre comme avaient également fait ces
derniers. Ils pensèrent que Rachat ne s'en apercevrait
point ou qu'il fermerait les yeux sur elles. Ils se trom-
pèrent étrangement. En mars 1752 il fit payer une forte
amende pour une assemblée de nuit , qui s'était tenue
2bo HISTOIRE DES PROTESTANTS
dans un lieu qu'on ne croyait pas devoir être découvert.
Cette nouvelle amende , jointe aux précédentes et aux
fléaux de la grêle et des inondations , réduisit les ha-
bitants à une si grande misère qu'un nombre considéra-
ble d'entre eux se virent contraints, pour subsister, de
descendre pendant l'hiver dans les Boutières ; mais ils
n'y trouvèrent que des châtaignes et quelques pommes
de terre , car la saison avait été également mauvaise en
Vivarais , et le blé et les légumes n'avaient que médio-
crement réussi. Les honoraires des ministres s'en res-
sentirent et ces derniers se virent dans l'obligation de
demander des secours au comité de Lausanne pour pou-
voir entretenir leurs familles.
En mai, Coste, poussé par un motif impérieux, par-
tit pour la Suisse. 11 avait une femme et un enfant estro-
pié, âgé de trois ans. L'autorité les traquait de toutes
parts. Les deux malheureux ne trouvaient aucune maison
sûre dans tout le Vivarais, et M"""^ Coste ne pouvait
suivre son mari partout. D'autre part les honoraires que
touchaient les pasteurs étaient à peine suffisants pour
faire subsister un célibataire. Coste résolut donc de
conduire sa famille en Suisse. Peirot, qui recommanda
son collègue à Court d^une manière pressante, disait
qu'il fallait absolument que l'on pourvût en Suisse
à Tentretien de la femme et de l'enfant de Coste,
sans quoi il serait contraint de se retirer en Hollande
ou en Angleterre, et le Vivarais le perdrait pour tou-
jours.
Un mois après, le 14 juin, les protestants de Mou-
nens furent condamnés , pour une assemblée tenue sur
leur territoire, à 300 livres d'amende et à 251 livres
I sou de frais (1).
(Il Aich. de 1 Hérault. C, 2??.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 269
Le 12 novembre suivant (i), Peirot consacra au saint
ministère le jeune Vernet , qui prêchait en Vivarais de-
puis 1748, date de son retour de Lausanne (2). Nous
n'en aurions pas autrement parlé, quoique la province
n'eût pas été témoin d'une cérémonie de ce genre de-
puis la consécration de Durand en 1726, si le discours
de Peirot, qui a été conservé , ne nous offrait un des
plus beaux spécimens de la mâle prédication du désert.
L'orateur, prenant pour texte ces paroles de saint- Mat-
thieu (X , \6) , Je vous envoie eomme des brebis au milieu
des loups, s'écrie : « Nous pouvons le dire sans crainte
de mentir, nous pouvons le déclarer à la face du ciel et
de la terre , nous sommes comme des brebis au milieu
des loups. Que le peuple, au milieu duquel nous som-
mes , vante tant qu'il voudra sa politesse et son huma-
nité, il n'en est pas moins cruel à notre égard et altéré
de notre sang. Que les ecclésiastiques se disent tant
qu'ils voudront les successeurs des bienheureux apôtres,
qui étaient d'un caractère si pacifique, qu'ils affectent
tant qu'il leur plaira une douleur apparente ; qu'ils fas-
sent semblant d'avoir en horreur le sang et le carnage ;
nous ne nous y fions pas! Regardon§-les! Ah! plût à
Dieu que nous nous trompassions dans ce que nous di-
sons ! Plût à Dieu que nous fussions obligés de nous ré-
tracter aussi publiquement que nous le protestons! Plût
à Dieu qu'on nous donnât sujet d'avoir des idées plus
conformes à la charité , à nos propres intérêts ! Mais
tandis que nous aurons tant de raisons du contraire, tan-
(i) Coquerel se trompe quand il dit que la cérémonie eut lieu le 25 octo-
bre 1752. Les actes du synode du 8 mai 1755 portent textuellement ceci :
■1 M' Alexandre Vernet, qui fut reçu au saint ministère le douzième novem-
bre mil sept cent cinquante-deux. »
(2) Alexandre Ranc , le frère du célèbre martyr, fut consacré en même
temps que Vernet, mais il exerça son long ministère exclusivement dans le
Dauphiné.
HISTOIRE DES PROTESTANTS
dis que les auteurs de nos maux s'en glorifieront, tandis
que tant de voix nous crieront que nous sojnmes des
brebis au milieu des loups , pouvons-nous nous refuser
de le croire ? Et combien de voix n'y a-t-il pas qui nous
tiennent ce terrible langage ? Que nous disent les crain-
tes où nous avons été pour célébrer cette cérémonie .
les précautions que nous avons été obligés de prendre
pour nous conserver? Que nous dit le lieu où nous som-
mes dans une occasion aussi solennelle? Quoi I être
sans temple, être exposés aux injures de l'air, être obli-
gés de fuir les lieux habités pour se cacher dans les
bois, dans des déserts affreux! Ces lieux sauvages ne
nous crient-ils pas qu'il faut que nous nous regardions
parmi les hommes comme des brebis au milieu des
loups , puisque nous sommes obligés de les fuir avec
tant de soin ? Que vous dit cette haine quêtant de gens,
à qui nous ne fimes jamais aucun mal, ont cependant
contre nous ? Que nous disent ces projets, ces complots
sanguinaires qu'on trouve chaque jour pour nous dé-
couvrir et pour nous perdre ? Que nous disent, non pas
trente pièces d'argent , mais de grosses sommes desti-
nées, promises alix Judas, qui pourront nous trahir et
nous livrer ? N'est-ce pas comme autant de voix qui
nous crient : Vous êtes comme des brebis au milieu des
loups? Que vous disent ces troupes dont nous sommes
environnés de tous côtés , toujours armées , toujours
prêtes à marcher contre nous, n'attendant pour cela que
le moment fatal de découvrir notre retraite ? Que nous
disent ces ordonnances , ces déclarations par lesquelles
notre religion est interdite et proscrite, et par lesquelles
tous ceux qui l'ont enseignée sont condamnés aux mê-
mes peines que les criminels ? Ne sont-ce pas des voix
de tonnerre qui nous crient que nous sommes comme
des brebis au milieu des loups ? Que nous disent ces ca-
UU VIVARAIS ET DU VKLAY. 27I
tastrophes , ces scènes tragiques arrivées au milieu de
nous ? Que nous disent ces mouvements, ces soins qu'on
s'est donnés pour nous écraser } Que nous disent ces
cadavres percés de coups, ces gibets ensanglantés?
Que nous disent, ô douleur, ces chères brebis, ces vé-
nérés pasteurs , qui ont été déchirés , massacrés ? Je
m'arrête. Il n'est que trop sûr que nous sommes comme
des brebis au milieu des loups... Qu'est-ce que cela de-
mande.-^ vous le sentez! un sacré dépôt vous est confié,
vous devez le garder. Une couronne vous est imposée
sur la tête, vous ne devez jamais souffrir qu'on vous la
ravisse (i). »
ENVOI DE LIVRES DE GENÈVE. ASSEMBLÉES TRAQUÉES
PAR LES SOLDATS. BAN SANGUINAIRE DE RICHELIEU
NON SUIVI d'effet {1753-I754).
Coste, qui avait profité de son séjour en Suisse pour
accompagner ;usqu'à Rotterdam une troupe d'émigrants
français à destination de l'Irlande , était de retour à
Genève à la fin de l'année 1752 et écrivit à Court, le
II janvier 1753, une lettre où il demandait, comme'
ra\ait déjà fait Peirot pour lui , qu'on lui assurât une
pension qui lui permît de faire subsister sa femme et
son enfant dans quelque lieu sûr, à proximité du Viva-
rais. Il est vraisemblable que Court lui répondit favora-
blement. Quoiqu'il en soit, il le priait encore le 25 fé-
vrier de lui faire obtenir un secours pour qu'il pût
rentrer en Vivarais et de lui épargner la dure nécessité
d'émigrer en Hollande ou en Angleterre. Il reçut le se-
cours et était dans sa province en avril , mais nous
(1) Coquerel, t. II, p. 505-507. Court, Le patriote, etc., Mémoire histo-
rique, p. 61. Correspond, histor. des deu.x durons. Ms. Court, n° i,
t. XXV ; n° 44.
272 HISTOIRE DES PROTESTANTS
ignorons si sa femme et son fils s'établirent en Suisse.
Cela paraît vraisemblable.
Le Vivarais était tranquille à cette époque. On ne
proférait plus de menaces et les assemblées étaient
plus nombreuses que jamais. Les troupes ne sortaient
pas de leurs garnisons et les officiers de Saint-Agréve
insinuaient même qu'ils avaient reçu l'ordre de ne pas
inquiéter les religionnaires. Cependant les prisonniers
de Beauregard n'étaient pas encore délivrés et leurs
coreligionnaires , voyant leur longue détention, s'apprê-
taient à allouer à chacun d'eux i livre 10 sous par
semaine. Ce secours, dont nous ignorons la provenance,
venait , croyons-nous , de l'étranger.
Vers ce temps , l'économat de Genève décida l'envoi
en Vivarais de soixante et quinze exemplaires des Argu-
ments et Réflexions d'Osterwald sur la Bible : ce qui
faisait tout au plus un exemplaire par paroisse. Mais
comme l'économat, d'autre part, avait destiné une
somme de cent livres pour acheter des livres de piété
à l'usage des pauvres du Vivarais, Coste, qui était en-
core à Genève à cette époque (17 mars) , et qui paraît
avoir été l'instigateur de ces diverses libéralités, écrivit
à ses collègues de demander, en sus des Arguments et
Réflexions^ deux cent vingt Catéchismes d'Ostervald ou
les Devoirs des communiants de Rodolphe Ostervald ,
son fils.
Vers le milieu de l'année, la tranquillité du Vivarais
fut troublée tout à coup. « Le 5 du mois d'août, » écri-
vait Peirot, « l'officier de la garnison, qui est à Chomé-
rac, envoya un détachement , composé d'une vingtaine
d'hommes, pour dissiper une de nos assemblées qui se
tenait au voisinage. Lorsqu'elle se vit entourée de cette
troupe, elle eut d'abord quelque peur. Plusieurs com-
mencèrent à prendre la fuite ; mais le frère Blachon ,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 27^
qui fonctionnait , parla avec tant de zèle et tant de force
qu'il rassura tout son monde, et les soldats eurent beau
crier, menacer, tirer, personne ne remua jusqu'à ce
que l'exercice fût fini, que tous partirent ensemble (i). »
« A peu près vers le même temps, » dit encore Peirot
dans une lettre du 28 février 1754, » ceux qui sont à
Saint-Agrève firent plusieurs sorties sur les lieux où se
trouvaient ordinairement les assemblées. Le 3® de sep-
tembre, on apprit qu'ils se disposaient pour en venir at-
taquer une, et, comme c'était un jour ouvrier et que,
par conséquent, elle n'était pas nombreuse, après qu'on
eut baptisé , on crut que la prudence voulait qu'on se
retirât. Mais on eut soin de bien faire avertir pour le
dimanche suivant et, quoiqu'on attendît des soldats,
tout le monde se rendit. L'assemblée était peut-être
composée de dix mille personnes. Le très cher M. Bla-
chon , qui eut encore cette attaque , représenta qu'il
était de la dernière importance de faire paraître dans
cette occasion du zèle, du cœur, de la fermeté, de
rester tous ensemble quoique les troupes vinssent.
Elles parurent bien, mais, ou parce qu'elles n'avaient
pas des ordres exprès ou parce qu'elles furent dé-
couragées de voir une assemblée si nombreuse et si
résolue, elles s'en retournèrent sans aucun bruit. De-
(i) Quelques jours après, il se passa dans le Velay un fait profondément
regrettable, qui était complètement étranger à la religion, mais que nous rap-
portons néanmoins, parce que les personnes en présence étant de culte con-
traire, cette circonstance put bien intîuer sur leur conduite. Le 15 août 1755,
quelques protestants, armés de fusils, se trouvaient à Gardalhac, paroisse de
Tence, dans un cabaret tenu par un catholique. Au cours d'une dispute, qui
s'éleva entre ce dernier et les consommateurs, l'un de ceux-ci tira un coup
de fusil sur l'hôte, et retendit raide mort sur le carreau. Le juge de Tence,
s'étant transporté sur les lieux, fit conduire en prison celui que l'on soupçon-
nait d'être le meurtrier, mais, vers minuit, une troupe de protestants, enfon-
çant les deux portes de la prison, enlevèrent le prisonnier (Arch. de l'Hé-
rault , c. 459). "
II. 18
274 HISTOIRE DES PROTESTANTS
puis ce temps, nos exercices se sont faits fort tranquil-
ment , heureux si nous étions assurés de les pouvoir
longtemps continuer de même. Mais si ce qu'on nous
annonce présentement est vrai, nous sommes à la veille
d'avoir quelque attaque à soutenir. On aura sans doute
fait part d'un avis qui a été donné à M. Paul [Rabaut].
Il a eu la bonté de nous envoyer un exprés pour nous
en informer, et nous en avons fait partir un second pour
avoir de nouveaux éclaircissements , du moins si l'on
peut en donner. Outre cela, nous avons appris que nos
officiers ont reçu des lettres qui leur ordonnent de se
tenir chacun à son poste , et même ont déclaré qu'il y
a quelque chose contre la religion. »
Notons en passant que le synode du Vivarais, qui se
réunit le 17 octobre 1753 , prit une délibération pour
secourir les galériens protestants. « La compagnie, »
disent ses actes, « pénétrée de douleur de l'état triste où
sont nos très chers et honorés frères détenus sur les
galères à cause de notre sainte religion , a résolu de
faire en leur faveur une collecte selon la petite capacité
de ces églises pour leur témoigner la part qu'elle prend
à leurs souffrances , pour les encourager et pour les
aider à subvenir à leurs besoins. »
Pour en revenir à la lettre de Peirot du 28 fé-
vrier 17Ç4, elle ajoutait : « L'exprès, que nous avons
envoyé à Nîmes , vient d'arriver et il nous a apporté
une lettre de M. Paul [Rabaut], par laquelle il nous
marque qu'on y a publié à son de trompe une ordon-
nance de M. de Richelieu. » En voici le texte : a Tou-
tes assemblées et attroupements étant contraires aux
lois et au bon ordre , il est expressément défendu à
toutes sortes de personnes , de quelque qualité et con-
dition qu'elles puissent être , de s'assembler à peine
d'être arrêtées, poursuivies extraordinairement et jugées
DU VIVARAIS KT DU VELAY. 2/^
sans forme ni figure de procès, suivant les rigueurs des
ordonnances du royaume; — ordonnons à toutes les
troupes en quartier, dans la province de Languedoc, de
courir sus les assemblées , de s'assurer des contre-
venants et de ceux qui provoqueraient les dites as-
semblées , même des particuliers qui donneront asile
dans leurs maisons ou protection à ces derniers ; et
enfin de tirer sur les dites assemblées lorsque l'offi-
cier, commandant chaque corps, jugera à propos d'en
donner l'ordre. Et sera le présent ban publié dans les
quartiers et affiché dans toutes les villes et commu-
nautés de la province , afin que personne n'en puisse
prendre cause d'ignorance. — Fait à Montpellier le
i6 février 1754. »
Ce ban sanguinaire était accompagné d'instructions
minutieuses, où Richelieu donnait les moyens pratiques
de faire une chasse meurtrière aux assemblées (i).
Court, à qui le ban fut communiqué, répondit qu'il était
destiné plutôt à effrayer qu'à être exécuté. « On a voulu,»
dit-il, (( donner quelque chose aux clameurs d'un corps
redoutable et dont les plaintes toujours réitérées ne
cessaient d'assourdir; mais on n'a pas fermé l'oreille à
la voix de l'inutilité d'une violence trop longtemps
éprouvée et d'une trop périlleuse conséquence, ni à
celle d'une saine politique , qui s'oppose à ce qu'une
voie , qui n'aboutit qu'à faire des malheureux , qu'à
troubler l'Etat, qu'à interrompre le commerce, l'agricul-
ture et les arts , et qu'à faire fuir par milliers des sujets
utiles et fidèles, soit continuée. »
Court conseillait néanmoins aux pasteurs de redoubler
de précautions pour la sûreté de leurs personnes , de
continuer les assemblées , mais dans des lieux plus re-
(i) Voy. Ch. Coquerel, t. Il, p. 14J-147.
276 HISTOIRE DES PROTESTANTS
tirés , de baptiser et de marier comme auparavant ; et ,
si l'on recourait à des mesures violentes contre les
protestants, de sortir en masse du royaume. Il recom-
mandait également à Peirot de répandre largement Le
Patriote français et impartial ^ livre infiniment propre à
ramener les catholiques à des sentiments plus humains
à l'égard des protestants.
L'éminent directeur du séminaire de Lausanne ne
s'était pas trompé dans ses appréciations. Le ban de
Richelieu ne fut publié et affiché dans aucun lieu du
Vivarais. Les assemblées continuèrent donc comme par
le passé et furent même plus nombreuses. On les re-
chercha mollement et les timides purent les fréquenter
sans péril.
Cependant la province était toujours remplie de sol-
dats (1). « Nous avons partout des troupes proches de
nos loges, » écrivait Peirot le 24 décembre 1754 ; «nous
marchons rarement de jour , nous nous tenons cachés
le mieux que nous pouvons. On nous menace souvent,
mais nous y sommes accoutumés... Depuis longtemps
nous n'avons pas payé d'amendes; nos baptêmes, nos
mariages n'ont point été recherchés , non plus que nos
assemblées, quoique nombreuses et fréquentes. Nous
avons pourtant quelques jeunes filles obligées de se ca-
cher pour éviter d'être enfermées dans des couvents. »
TRISTE POSITION DU PASTEUR BLACHON. ÉGLISES DE
VALLON , SALAVAS ET LAGORCE DISTRAITES DU VIVA-
(i) Il paraît, d'après une lettre du pasteur Pradel, du Languedoc, en date
du 17 novembre 1754, que cette affluence exceptionnelle de soldats s'expli-
quait par la présence de six mille contrebandiers répandus dans la Bourgo-
gne, le Velay et l'Auvergne.
(2) Ms. Court, n» i, t. XXVI, XXVII ; n" 7, t. XIII.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 277
RAIS. LETTRE DES PASTEURS A M. DE LEMPS. STATIS-
TIQUE DES LIEUX d'assemblées (l'J')') ^JS^)-
Une lettre touchante, écrite par Blachon à Peirot
le 17 mai 1755 , jette un jour douloureux sur la situa-
tion, quelquefois poignante, des pasteurs du désert.
« Vous savez à peu prés. Monsieur et très cher frère, »
lui disait-il, « quelle est notre situation. Vous n'ignorez
pas sans doute que ma femme est obligée de roulerper-
pétuellement avec moi sans avoir aucune demeure fixe
et sans ne pouvoir faire que très peu de séjour dans un
même endroit. Vous savez aussi que nous avons quatre
enfants, tous en pension ou en nourrice, répandus en
divers endroits du Vivarais. Jugez par là, mon cher
Monsieur, quels doivent être nos embarras et dans quelle
crainte ne devons-nous pas être que ces chers enfants
ne soient enlevés par les ennemis, à qui il est impossi-
ble de les cacher longtemps, quelques précautions que
nous puissions prendre. «Je m'assure que vous savez tout
cela... Mais une chose que vous ne savez pas et que
peu de personnes peuvent savoir, c'est que, quand
même je pourrais me porter fort bien et qu'en effet,
grâce au Seigneur, je n'aie pas de grands maux, cepen-
dant je suis sujet à plusieurs petites infirmités qui m'in-
commodent considérablement et me font craindre pour
l'avenir. » Blachon expose, après cela, qu'il a eu une
grave maladie dans les Cévennes et qu'il craint, s'il ne
se soigne, qu'elle ne revienne. Il se décide donc à de-
mander un congé de quelques mois pour se reposer et
suivre un traitement, et à se rendre en Suisse pour
trouver les moyens de faire subsister sa famille et élever
ses enfants. Il espère que les amis de ce pays ne l'aban-
donneront point.
Blachon ne put partir parce que Coste était retourné
278 HISTOIRE DES PROTESTANTS
en Suisse sans qu'il le sût. Il ne voulut pas, par son ab-
sence , diminuer le nombre des pasteurs du Vivarais ,
qui n'en comptait que quatre : Peirot, Coste , Vernet
et lui. Il demeura donc à son poste , fit pendant tout
l'été des remèdes qui le soulagèrent et renvoya au prin-
temps de 1756 son voyage en Suisse.
Le synode de la province , réuni le 19 avril de cette
même année 175') , prit une décision qui montre le soin
scrupuleux avec lequel les protestants s'interdisaient
tout ce qui pouvait ressembler, de près ou de loin, à une
violation des lois civiles du royaume. Un député des
Boutières ayant demandé à la vénérable assemblée son
avis sur le mariage d'un soldat , qui avait déserté le ré-
giment de Maugiron-cavalerie , celle-ci décida « que ,
conformément aux ordonnances, on n'accorderait la bé-
nédiction de ce mariage qu'après que le fiancé aurait
obtenu son congé. »
Quelques Jours après la tenue de ce synode , le
28 avril , les protestants du lieu et arrondissement de
Desaignes , furent condamnés à 1000 livres d'amende
et aux frais pour une assemblée qui s'y était réunie (i).
L'année suivante, du 4 au 10 mai 1756, les églises
réformées de France tinrent leur sixième synode natio-
nal dans les hautes Cèvennes. Le Vivarais y députa
Peirot et Vernet. Le premier fut même élu modérateur.
Les seules décisions concernant notre province sont les
deux suivantes :
1. <( A la réquisition des députés de la province des
hautes Cèvennes , la compagnie donne et unit à la pro-
vince du bas Languedoc le quartier qui comprend
Saint- Ambroix , Peyremale, Les Vans, Lagorce, Val-
lon et Salavas , Avejean et Saint-Jean-de-Marvejols. »
(i) Arch. de l'Hérault, c. 258.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 279
— Les églises de Lagorce , Vallon et Salavas, qui con-
finaient le bas Languedoc , faisaient seules partie du
Vivarais. Elles entretenaient toutefois des rapports plus
fréquents avec la première province qu'avec la seconde;
mais ce qui décida surtout leur adjonction au bas Lan-
guedoc, c'est que le Vivarais ne put leur « affecter le
ministère d'aucun pasteur fi). »
2. « Les provinces du Vivarais et du Dauphiné sont
chargées de procurer des pasteurs à l'église de Lyon et
de ses annexes. »
Les soldats ayant recommencé cette année à traquer
les assemblées du Vivarais , leurs pasteurs écrivirent la
lettre suivante à M. de Lemps, qui avait le commande-
ment général des troupes royales dans le pays et sem-
ble avoir été le successeur de Châteauneuf.
(( Nous prenons très humblement la liberté de vous
exprimer nos justes craintes. Depuis quelque temps les
troupes se sont rendues dans nos assemblées pour les
dissiper. Nous leur avons toujours cédé le pas et nous
n'avons cessé d'exhorter les peuples, parla soumission
qu'ils doivent au roi et à ceux qui nous parlent de sa
part , de s'éloigner promptement et de ne parler aux
troupes qu'avec beaucoup d'attention et de respect.
» Mais, monsieur, quels que soient nos soins, l'atten-
tion respectueuse et soumise des principaux et la bonne
volonté des peuples, nous craignons toujours que quel-
que méchant, séduit et aposté par nos ennemis, n'occa-
sionne quelque dispute et que , d'un mot dit avec ai-
greur, de quelque démarche peu mesurée, il ne s'élève
un orage bien dangereux pour toute la province et sur-
tout pour nos pauvres frères, dont la Hdèlitè et l'inno-
(I) On trouvera aux Pièces justifirulivcs, n° XIX , une brève notice sur
ces églises depuis leur séparation d'avec le synode du Vivarais.
28o HISTOIRE DES PROTESTANTS
cence ne seraient point alors une sauvegarde suffisante,
— et ne cause enfin des maux, dont on ne peut prévoir
ni la durée ni l'étendue.
» Il est assez constaté depuis longtemps que nous
faisons des assemblées ; qu'elles ne peuvent être ni per-
nicieuses à l'Etat, ni nuisibles à la tranquillité de la pro-
vince ; au contraire , leur effet naturel et constant est
d'éclairer les peuples et de les rendre pieux, vertueux
et fidèles sujets. L'inutilité des soldats est assez évidente
par la continuation des assemblées , dont le peuple ne
peut se passer , dans des temps et dans des lieux oij
nous ne pouvons être troublés.
» Daignez , Monsieur , prendre en considération un
objet si important. Nous espérons cela de votre charité,
de votre sagesse , de votre équité , de ces sentiments
généreux et bienfaisants que vous avez fait éclater pour
le bonheur de cette province , qui s'applaudit avec rai-
son d'être soumise à votre commandement. Vous pou-
vez d'un seul mot lui conserver sa tranquillité et dissiper
les alarmes et les dangers imminents qui ne peuvent que
pénétrer de douleur tous les fidèles sujets (i) » (6 juil-
let 1756).
Une liste, dressée à cette époque, des divers lieux oij
se tenaient d'ordinaire les assemblées du désert dans le
Vivarais et le Velay, nous apprend que ces lieux ou
quartiers étaient au nombre de trente-cinq et que les
protestants de cent dix paroisses ou sections de pa-
roisse s'y donnaient rendez-vous (2).
PRIÈRES ET JEUNES PUBLICS A l'oCCASION DU CRIME DE
DAMIENS. TRANQUILLITÉ. DÉPART DE LA FAMILLE
(i) Ms. Court, n» r, t. XXVIII. Archiv. nat., série TT, cari. 549, 550.
(2) Voy. f'it'ccs JHSlilicalivi'n, n" XVII.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 201
BLACHON. l'ÉVÊQUE POMPIGNAN MAL VU A LA COUR
(1757-I760).
La tentative d'assassinat, dont Louis XV fut l'objet
de la part de Damiens le 5 janvier 1757, fournit aux
protestants du Vivarais l'occasion de manifester les sen-
timents de respect qu'ils avaient pour le roi, qui les trai-
tait avec tant de dureté. Dès qu'ils apprirent qu'il avait
été blessé, ils prièrent Dieu pour sa guérison et ordon-
nèrent un jour de jeûne général. « Les larmes que nous
versâmes, » disent les actes du synode du 26 avril 1757,
« à l'ouïe de l'horrible assassinat commis le 5® de janvier
étaient justes ; les prières ardentes que nous adressâmes
à Dieu en faveur de son oint, les actions de grâce que
nous lui rendîmes, étaient des plus convenables. Dans
quel gouffre de malheur n'aurions-nous pas été plongés
si Dieu, touché de compassion pour son peuple, n'avait
conservé, parles merveilles de sa providence, le plus grand
et le meilleur des rois. Pour lui en rendre nos justes
actions de grâce et implorer avec plus de succès sa bé-
nédiction pour le roi et le royaume, il a été résolu que
toutes les églises de cette province célébreront un jour
de jeûne et l'humiliation extraordinaire, qu'on a fixé au
1 5* de mai prochain. »
Le célèbre Paul Rabaut avait publié, de son côté, à
Nîmes une Lettre pastorale , remplie de sentiments iden-
tiques, qu'Alexandre de Milon, évêque de Valence,
loua beaucoup dans un mandement imprimé à l'occasion
du même événement.
A ce moment, les protestants du Vivarais jouissaient
d'une tranquillité parfaite. « Nos troupes , » écrivait
Peirot le 21 mai 1757, « ne font aucune sortie; il paraît
qu'on nous tient ce qu'on nous a promis ; de notre côté,
nous nous conduisons, autant qu'il dépend de nous, se-
HISTOIRE DES PROTESTANTS
Ion ce qui fut convenu. Cette conduite circonspecte
me paraît absolument nécessaire. Notre requête est par-
tie, mais elle n'aura pu être arrivée avant l'exécution de
l'exécrable Damiens. »
Le septième synode national des églises réformées
se réunit dans les Cévennes du i^"" au 9 septembre de
l'année suivante (1758), mais il ne prit aucune décision
concernant le Vivarais , qui y avait député Blachon et
Vernet.
Coste quitta la province en iji^c) sur un congé de
son synode du 26 avril. Il y avait exercé son ministère
pendant dix-huit années. Il paraît ensuite avoir desservi
une autre province, puis s'être réfugié en Suisse, dans
le pays de Vaud. Il y était pour sûr en 1763, alors
qu'après avoir occupé plusieurs postes de pasteur suf-
fragant , il fut nommé titulaire à Cossonay en 1765 et
à Grancy en 1775.
Blachon, de son côté, qui, depuis l'année 1755,
comme on l'a vu , avait formé le dessein d'envoyer en
Suisse sa femme et ses enfants , songeait toujours à
l'accomplir. Etiennne Chiron , originaire du Dauphiné ,
qui était le secrétaire de l'économat des réfugiés fran-
çais de Genève, écrivit en sa faveur à Antoine-Noë
Polier de Botens , pasteur à Lausanne, un des admi-
nistrateurs et professeurs du séminaire de Lausanne.
Ce dernier lui répondit : « Les circonstances du cher
et très honoré frère M. le pasteur Blachon me pénè-
trent jusqu'au fond de l'âme. Je voudrais pour beau-
coup les alléger. J'ai parole du seigneur bailli de Lau-
sanne qu'il s'intéresserait pour M. Blachon et sa famille,
pour qu'ils puissent obtenir quelques petits secours et
Fagrément d'habiter dans les terres de leurs Excellences
sans être molestés. » Le 15 août de l'année suivante
1760, le même Polier écrivait encore : « Nous travaillons
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 283
avec chaleur pour les intérêts du cher M. Blachon, que
j'aime, que j'estime et que je plains; mais j'avoue que
je trouve qu'il est fort sage de ne point mettre sur
l'état du séminaire des enfants si jeunes. J'espère
qu'on pourra fournir par d'autres voies à leur subsis-
tance. »
L'évêque du Puy, dont il a été déjà parlé, continuait
à écrire contre les hérétiques et les incrédules avec une
passion qui le fit mal voir de la Cour , où les idées de
tolérance commençaient à pénétrer. C'est ce que nous
apprend une lettre de Polier à Etienne Chiron du
15 août 1760. (( Ce que vous me dites. Monsieur, du
mauvais effet de la fougue véhémente de M"" l'évêque
du Puy et de la réception que la Cour a faite à ses
écrits, a réjoui mon coeur (i). »
Cette même année 1760, ou vers le même temps,
la maréchaussée arrêta Joseph de Turolet, de Cha-
tuza, paroisse de Saint-Sylvestre. Nous en ignorons
le motif, mais on peut croire que son zèle pour la reli-
gion était le seul crime qu'on pût lui reprocher. 11 fut
pris sur le soir, aux champs, avec ses habits de travail,
et sans pouvoir obtenir la permission d'en changer. On
les lui laissa pendant les trois années que dura sa cap-
tivité , de sorte que, quand on lui fit grâce , ils étaient
dans un tel état de délabrement, que le malheureux
n'osait marcher que de nuit. Turolet publia, peu après
sa délivrance, à l'étranger sans doute, la Relation de ses
souffrances. Nous n'avons pu la retrouver, mais ceux
qui l'ont lue assurent qu'elle était profondément tou-
chante et arrachait des larmes. On sait, d'ailleurs, que
Turolet mit plusieurs nuits pour rentrer dans ses foyers,
(i) Coquerel, t. II. p. 241. Papiers Rabaut, III, A. Correspond, des deux
Chirons.
284 HISTOIRE DES PROTESTANTS
ce qui porterait à croire qu'il fut enfermé au château de
Brescou (i).
DÉPART DE BLACHON. PROJET DE MAISONS DE PRIÈRE.
ARRESTATIONS. COMMISSION DE COURT DE GEBE-
LIN. LETTRE DE l'ÉVÊQUE DU PUY (1761-I766).
L'année d'après , Peirot composa neuf Lettres pasto-
rales restées manuscrites , à l'adresse des protestants
d'Annonay (2), qui, malgré le réveil de 1749, faisaient
baptiser leurs enfants catholiques. « Ces lettres, » dit
Coquerel (3), « sont un ouvrage considérable, où la ques-
tion est traitée sous toutes ses faces. Elles ont perdu
toute application aujourd'hui à cause de l'évidence
même de la thèse, mais elles sont encore instructives à
lire à cause de la logique de l'auteur, et surtout à cause
de la discussion des prétextes que les gens, portés aux
accommodements, offraient à leurs pasteurs. C'est la
réfutation la plus victorieuse du système des gallicans
et des jansénistes de Louis XV sur leur méthode expé-
ditive du baptême, dont personne de conscience ne
voulait ni chez les huguenots, ni chez les curés. »
La santé de Blachon étant toujours chancelante et
sa famille l'ayant quitté depuis trois ans environ, le sy-
node du Vivarais , réuni le 20 avril 1762, lui accorda
un congé définitif. Il alla rejoindre les siens à Lausanne
et fut nommé inspecteur du séminaire (le célèbre Court
était mort le 12 juin 1760). Il avait desservi le Vivarais,
pendant dix-huit ans, avec autant de dévouement que de
distinction.
(i) Communiqué par M. Roustain, pasteur à Toulaud.
(2) Vers celte époque ils formaient, d'après Ciiomel, quatre-vingt-quinze
familles. Voy. l'irces jiislificalives, n» XVIII.
'5) Coquerel, t. II, p. Ç04.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 28";
Le huitième et dernier synode national des églises
réformées se réunit cette même année 1762, du i*"" au
10 juin, dans le bas Languedoc. Il ne prit aucune dé-
libération concernant particulièrement le Vivarais , qui
y avait député les pasteurs Peirot et Vernet, et le pro-
posant Maurin.
Cependant la tolérance faisait de continuels progrès
et les protestants du Vivarais songeaient à quitter le
désert pour s'assembler dans des maisons de prières.
<( Nous sommes tranquilles comme à l'ordinaire , »
écrivait Peirot le 15 octobre 1763. « Cette tranquillité
nous encourage à vouloir imiter les frères de Saintonge.
Nous avons un bâtiment, comme abandonné, qui est
très propre pour notre dessein. Si le Seigneur veut que
le succès soit heureux, le printemps nous ferons de nou-
velles tentatives. Il importe de faire toujours quelques
pas vers le but oii nous visons. Puissions-nous bientôt
arriver à ce but tant désiré! »
Quatre arrestations furent pourtant opérées en 1764
dans le Vivarais. Peirot nous en fait connaître l'occasion
dans une lettre à Paul Rabaut du 9 septembre de cette
même année. « La nuit du i 2 au 13 du mois dernier, »
dit-il , « comme vous l'avez peut-être appris , des com-
pagnies de dragons arrêtèrent quatre de nos protestants,
accusés d'avoir enlevé par force une de leur parente
d'un prétendu couvent, où elle était sans ordre. Ils
furent conduits tout de suite à Tournon chez le com-
mandant, qui les fit partir pour Montpellier ou pour
Brescou ; je ne sais auquel des deux endroits ils sont.
Ces gens-là, que je ne connais pas, sont pauvres, sans
éducation, mais bons chrétiens, selon qu'on m'a assuré.
Il y a quelque imprudence en ce qu'ils ont fait, mais on
y ajoute beaucoup de faussetés pour les perdre. Nous
ferons tout ce que nous pourrons pour les délivrer. Il
286 HISTOIRE DES PROTESTANTS
n'est pas besoin que je vous les recommande. J'espère
que vous ferez tout ce qui dépendra de vous pour eux. »
Depuis le départ de Coste en 1759 et de Blachon en
1762, tout le fardeau du ministère évangélique en Viva-
rais reposait sur Peirot et Vernet.
C'est pourquoi ils prièrent le synode du bas Langue-
doc de leur céder un pasteur. La compagnie leur en-
voya Jacques Mathieu le 13 juillet 1763 (i). « Quoique
celui-ci, » disent les actes de ce synode, « ait témoigné
beaucoup d'affection pour les églises du district de Bé-
darieux (qui avaient également demandé un pasteur au
synode), cependant la compagnie, considérant que celui
du Vivarais n'a été desservi plusieurs années que par
corvées, et voulant déférer à l'injonction que le dernier
synode national fait à la province , elle lui affecte pour
cette année le ministère dudit M. Mathieu. »
Le synode du Vivarais du 24 octobre 1764, après le
départ de Mathieu, pria la province du Dauphiné de
lui envoyer un de ses pasteurs « en prêt ou autrement. »
Nos sources ne nous apprennent pas s'il fut répondu
favorablement à cette demande. C'est peu vraisemblable.
Le même synode du 24 octobre 1764 prit aussi une
décision importante en confiant, comme plusieurs autres
synodes de France , au célèbre Court de Gébelin , fils
d'Antoine Court, le soin de représenter les intérêts des
protestants du Vivarais auprès du roi et de ses ministres.
La commission qu'il reçut à cet effet est trop honora-
ble pour que nous ne la rapportions pas en entier.
« Connaissant le zèle pour notre religion, » dit le synode,
« du sieur Antoine Court de Gébelin, français de nation
et ci-devant réfugié en Suisse, sa probité, son attache-
ment pour la France et les intérêts du roi , sa pru-
(i) Dardier, Paul Rabaut, t. I, p. 20Ç.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 287
dence, ses talents , nous Favons choisi pour être notre
solliciteur auprès de Sa Majesté et de ses ministres ,
lui donnant pouvoir de faire connaître à Sadite Ma-
jesté le malheur de notre situation, les maux dont nous
sommes accablés , notre zèle pour sa personne sacrée
et pour son service, les ressources dont nous pouvons
être à son Etat et la justice de la tolérance que nous
réclamons. Le tout, néanmoins, en suivant exactement
les principes que dictent la fidélité et la profonde sou-
mission dues au roi, points sur lesquels nous recomman-
dons audit sieur Court de Gébelin d'avoir une extrême
attention. Recommandons, en outre à notre dit sollici-
teur, de consulter les personnes qu'il jugera assez in-
struites , assez zélées et assez fidèles au roi , ou celles
que nous lui indiquerons, pour pouvoir suivre avec res-
pect et avec succès la négociation de notre délivrance,
dont nous le chargeons , et de nous en informer exac-
tement, afin que nous puissions lui donner les instruc-
tions que nous croirons nécessaires. La présente commis-
sion subsistera jusqu'à la tenue de notre prochain synode,
oij il sera décidé si elle doit être continuée. Nous re-
commandons notre dit solliciteur à la protection divine
et nous faisons les vœux les plus ardents pour le suc-
cès de ses travaux. » Le synode lui vota, pour subve-
nir à ses frais, une subvention de loo livres.
Cette commission , renouvelée à Court de Gébelin
par le synode du i*"" mai 1765, lui fut retirée par celui du
I*'' mai 1766, qui la jugea pour lors inutile ; mais cette
nouvelle décision ne paraît avoir été que provisoire, car
nous voyons le synode du [«""mai 1775 voter, en faveur
de Court de Gébelin, la continuation de l'allocation de
100 livres que lui faisait le Vivarais.
Les actes du synode du Dauphiné de 1765 nous ap-
prennent qu'à cette époque de grands personnages, ap-
288 HISTOIRE DES PROTESTANTS
partenantà la religion romaine (des Hauteurs catholiques),
écrivirent à Paris en faveur des protestants. Le synode
du Vivarais les remercia vivement, et celui du Dauphiné
acquiesça à sa délibération.
Cette même année, le Vivarais demanda un pasteur
ou un proposant au Dauphiné, qui, pauvre lui-même
en conducteurs spirituels , ne put accéder à sa requête.
L'évêque du Puy , Lefranc de Pompignan , dont la
plume controversiste continuait à se donner libre car-
rière, publia, en 1766, une Instruction pastorale... sur
l'hérésie (i). L'auteur, qui visait surtout les Jansénistes ,
se montra si peu équitable à leur égard, qu'il s'attira
une verte réponse, publiée sous ce titre : Lettre de M. ***
à M. l'évêque du Puy au sujet de son instruction pastorale
sur l'hérésie. On montre pour le repos de l'Eglise et de
PEtat les faussetés et l'injustice de l'application que ce
Prélat fait des principes de cette matière au phantôme de
l^ erreur qu'il imagine être aujourd'hui en France (2).
Quoique Lefranc de Pompignan eût principalement
en vue les Jansénistes, comme nous venons de le dire,
il ne laissa pas que d'attaquer le protestantisme dans
son Discours préliminaire (p. 16), et prétendit que, de
son temps, les héritiers de la Réforme avaient réduit la
religion tout entière à la piété, c'est-à-dire aux œuvres
que la morale de l'Evangile ordonne, et qu'un socinia-
nisme , qui n'était au fond que du déisme mitigé, l'avait
emporté dans leurs diverses communions sur la vérita-
ble doctrine de leurs fondateurs. — Mais de ce qu'un
nombre plus ou moins grand de protestants avaient
adopté les idées de Socin , qui niait en effet la divinité
métaphysique de Jésus-Christ, l'évêque avait-il le droit
(ij Au Puy, à Lyon et à Paris, in-4», i68 pages.
(2) En France, 1766, in-i8, 72 pages.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 289
de conclure que le protestantisme était devenu Soci-
nien? Qu'aurait-il donc dit, si, usant de cet injuste pro-
cédé de dialectique, on lui avait assuré que les catho-
liques de France étaient devenus Jansénistes ou
Voltairiens ? Le fougueux prélat n'avait pas, du reste,
besoin d'aller loin pour s'éclairer sur la doctrine des
protestants de son époque. Il lui suffisait d'interroger
les courageux pasteurs du désert, qui étaient à ses por-
tes : ils lui eussent appris si c'est une froide morale, ou
une foi vivante en Jésus-Christ, fils de Dieu et Sau-
veur des hommes , qui fait mourir en paix sur un gibet.
VENUE DE NOUVEAUX PASTEURS. DÉLIVRANCE DE
MARIE DURAND ET DE CHAMBON. PROJET RENOU-
VELÉ DE MAISONS DE PRIÈRES (1768-I771).
Nous ne trouvons, dans nos sources, aucun événement
qui se rapporte à l'année 1767, mais, en 1768, un
nouveau pasteur vint prêter son concours à Peirot et à
Vernet, qui, depuis 1762, desservaient seuls les égli-
ses du Vivarais et du Velay.
Louis Génolhac , natif de Garrigues en Languedoc ,
élève du séminaire de Lausanne et consacré au saint
ministère dans cette ville, le i^' octobre 1768, fut agréé
comme pasteur de la province par le synode du 8 no-
vembre suivant.
L'année d'après, deux autres pasteurs offrirent leurs
services au synode du Vivarais du 4 mai 1769, qui les
accepta avec empressement : Noë Binvignac, élève du
séminaire de Lausanne, qui venait d'exercer en Pro-
vence un ministère de deux années, et J.-P. Briate ,
dont nous ne connaissons pas les antécédents. On as-
signa à chacun d'eux un quartier à desservir. Le synode
II. 19
290 HISTOIRE DES PROTESTANTS
du Dauphiné prêta aussi au Vivarais , pour une année ,
le pasteur Daniel Armand.
Cet accroissement du nombre des pasteurs , qui
témoignait des progrès que les idées de tolérance
avaient faites dans le royaume , concorda avec la déli-
vrance d'une prisonnière célèbre et d'un galérien, ori-
ginaires l'un et l'autre de Pranles , en Vivarais. Nous
voulons parler de Marie Durand et d'Alexandre Cham-
bon (i). La première sortit de la tour de Constance le
14 avril 1768, et le second, des galères de Marseille, le
25 mai de l'année suivante.
Marie Durand n'avait alors que cinquante-trois ans ,
quoiqu'elle en eut passé trente-huit en prison, « mais, »
dit Borrel (2), « les souffrances et les privations, qu'elle
avait endurées pendant si longtemps, avaient tellement
ridé son visage, blanchi ses cheveux, amaigri ses mem-
bres, dénaturé son teint et affaibli sa constitution,
qu'elle ne pouvait ni marcher, ni travailler assise à des
ouvrages de main. » Elle retrouva au hameau du Bou-
chet, son lieu de naissance, Anne Durand, fille de son
frère, le pasteur martyr de ce nom. Celle-ci était ren-
trée en France en 1758. Les églises wallonnes de
Hollande servirent à Marie une rente viagère de 200 li-
vres. Elle mourut dans les premiers jours de 1776 (3),
mais son acte de décès n'a pas été retrouvé (4).
Quant à Chambon , il avait passé vingt-sept ans au
bagne et en sortit à l'âge de soixante-treize ans. « Ce
pauvre malheureux, » écrivaitlepasteur Teissier, de Mar-
seille, « à peine sent-il son bonheur à cause de son âge. »
Les églises lui accordèrent un secours de 12 livres par
(i) Voy. plus haut, p. 127 et 190.
(2) Pierre et Marie Durand, p. 42.
(3) Communication de M. Ch. Dardier.
(4) Benoit, Marie Durand, p. 305.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 29I
mois, qu'il touchait par l'intermédiaire de Paul Rabaut.
Il vivait encore en 1782 (ij.
Quel touchant spectacle ce dut être pour les contem-
porains d'Alexandre Chambon et de Marie Durand, de
revoir ces deux vénérables confesseurs de la foi. Ils ap-
paraissaient comme les représentants de deux âges.
Leur longue captivité rappelait la douloureuse époque
oij les protestants de France étaient persécutés avec
une cruauté sans exemple dans l'histoire des nations ci-
vilisées, et leur présence, dans le lieu natal, après tant
d'années de privations et de souffrances , était comme
Taurore de ces jours nouveaux de paix et de liberté ,
dont leurs coreligionnaires saluaient avec bonheur l'avè-
nement.
En 1770, les pasteurs du Vivarais étaient, en effet, si
pleins d'espoir pour l'avenir qu'ils songeaient à repren-
dre leur projet de 1763, relatif à l'établissement de mai-
sons de prières pour abriter les assemblées. Plusieurs
provinces de France étaient déjà entrées dans cette voie.
« Je crois, » écrivait à ce propos Peirot à Paul Rabaut
à la date du 25 juin 1770, « que nous devrions faire des
tentatives pour mettre nos églises sur le même pied ,
c'est-à-dire leur procurer des maisons pour les exerci-
ces. Notre pays me paraît propre à justifier nos tenta-
tives , et il ne faudrait pas beaucoup de raisonnement
pour y déterminer nos fidèles. » Le synode du
18 juin 1771 décida, d'autre part, vu la grande tran-
quillité dont jouissaient les églises, que les baptêmes se
célébreraient, non plus en particulier, comme on Tavait
fait jusqu'ici, mais en public dans les assemblées.
(i) Papiers Rabaut, III, F.
292 HISTOIRE DES PROTESTANTS
SCHISME DE PHILIP DANS LES ÉGLISES DE LA MONTAGNE
A cette époque un schisme, qui dura dix-huit années,
affligea profondément les églises du Vivarais et du Ve-
lay. Il eut pour auteur Jean-Pierre Philip dit Lacoste,
ancien pasteur des hautes Cévennes , qui avait toujours
été regardé « comme un mauvais sujet sans aucun ta-
lent. » Gabriac dit l'aîné , pasteur des hautes Cé-
vennes en résidence à Florac, doué d'une trop grande
bonté, (( le prit d'abord auprès de lui, » dit une pièce
de l'époque , « et après qu'il y eût resté un assez long
temps il fut obligé de lui dire de s'en retourner chez lui,
qu'il ne lui connaissait aucune des qualités nécessaires
pour parvenir au saint ministère. Cette réponse ne fut
pas de son goût. Il se rendit dans la province des bas-
ses Cévennes, auprès de M. Ladevèze, frère à M. Po-
maret, qui le garda aussi un assez long temps et qui fut
également obligé de le renvoyer en soutenant qu'il avait
l'entendement paralysé. Tant de préjugés auraient bien
dû faire ouvrir les yeux à M. Gabriac. Néanmoins, il
céda aux empressements de Philip et de ses parents.
11 le prit encore auprès de lui. Il fut reçu proposant et
envoyé au pays étranger (séminaire de Lausanne), oij il
fit quelque séjour (i); et, avant d'en partir pour revenir
en France , il y fut consacré au saint ministère. A son
retour on lui affecta certaines églises de cette province
(hautes Cévennes), oij il commit les crimes et les dé-
sordres qui ont donné lieu au jugement prononcé contre
lui. »
(i, Marche, pasteur à Sainte-Foy, qui connut Lacoste à Lausanne, dit,
écrivant au pasteur Chiron, d'Annonay, le 50 octobre 177C, qu'il « ne se com-
portait pas du mieux en Suisse , où il échoua dans ses premiers examens. »
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 293
Le « Mémoire des accusations, » présenté au synode
des hautes Cévennes auquel il ressortissait, portait, en
effet qu'on l'avait vu ivre plusieurs fois et entendu pro-
férer (' les serments les plus horribles ; » qu'il nourrissait
contre certaines personnes une haine implacable, qui
allait jusqu'à se traduire par des menaces de mort; qu'il
avait répondu à des pasteurs, qui opposaient à sa con-
duite les leçons de l'Evangile, « qu'il n'admettait, de ce
divin livre , que ce qui s'accordait avec sa manière de
penser; » enfin qu'il entretenait des relations illicites
avec une personne qui jouissait d'une mauvaise répu-
tation.
Sur ces accusations, le synode des hautes Cévennes,
asssemblé les 22 et 23 septembre 1773, excommunia et
déposa Philip, qui se rendit dans les églises du Ve-
lay (1), y exerça le saint ministère et s'y fiança. Mais
il fallait trouver un pasteur qui consentît à bénir son
union. Philip, se ressouvenant de l'extrême bonté du
pasteur Gabriac, se rendit auprès de lui avec sa fiancée
et quelques parents et amis , et lui représenta que le
mariage qu'il faisait lui procurerait des avantages pécu-
niaires et que. d'autre part, il désirait « ardemment
d'être marié pour ne pas être exposé aux tentations de
la corruption et pour, au contraire, être en édification à
ce sujet. » Les personnes , qui accompagnaient Philip ,
pressèrent vivement Gabriac d'accéder à ses désirs , de
telle sorte que ce dernier céda, h non en vue d'un mal,
mais en vue d'un bien, pensant que, ce mariage étant
un état pour le préserver de la corruption , ce serait en
lui un scandale de moins. » Gabriac fut bjamé de sa
condescendance, car si la bénédiction qu'il accorda à
I i) Savoir : Le Chambon, Saint-Voy. Araules, Champclause. etc. On leur
donnait le nom générique d'Erjlises du lu Mvntarjiie.
294 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Philip, contrairement à l'article 21 du chapitre XIII de
la discipline, n'était pas une réhabilitation, elle avait au
moins l'apparence d'une amnistie.
Pour obtenir de l'église de la Montagne un accueil
favorable, Philip s'était donné comme pasteur et comme
le protégé des deux pasteurs Gabriac l'aîné et le cadet,
qui exerçaient leur ministère dans les Cévennes, et
même de Paul Rabaut.
Le premier, en ayant été averti, écrivit une longue
et belle lettre aux anciens des églises de la Montagne
pour démentir les assertions de Philip. « Croyez, mes-
sieurs, » leur disait-il, « que nous connaissons trop bien
les règles de l'église, que nous sommes trop amis de
l'ordre ecclésiastique et que nous avons trop à cœur la
gloire de Dieu, l'honneur de la religion et du saint mi-
nistère , pour avoir donné aucune approbation, ni con-
sentement à la rébellion et aux fonctions pastorales que
le sieur Philip fait dans nos églises, sans en avoir le
droit et la commission, selon les canons apostoliques et
contre la défense évangélique qui lui en a été faite par
notre dit synode, sur tant et tant de faits graves et crimi-
nels, dont il n'est que trop coupable et qui le rendent
indigne du saint ministère. Tenez donc pour certain,
messieurs , que loin d'approuver le sieur Philip dans sa
conduite et dans l'exercice du saint ministère depuis sa
déposition , nous le désapprouvons et le condamnons ,
de même que ceux qui le reçoivent en qualité de pas-
teur, jusqu'à ce qu'il s'en fasse reconnaître plus digne
et qu'il en ait l'ordination par un synode national. »
Et, comme l'église de la Montagne avait envoyé une
députation auprès des pasteurs des hautes Cévennes
pour les prier de réhabiliter Philip, Gabriac leur dit :
«J'aurais... voulu qu'il nous eût été possible de répondre
favorablement à votre demande par vos députés envoyés
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 29^
vers nous, mais la déposition du sieur Philip ayant été
prononcée par notre dit synode , elle n'est plus dépen-
dante du corps des pasteurs de notre province, ni même
du synode provincial ; c'est un cas réservé au synode
national, selon les règles de la discipline ecclésiastique.
Vous avez donc tort de le vouloir pour pasteur avant
que le dit national ait prononcé sur son compte et sans
qu'il vous le donne. »
Gabriac fait ensuite remarquer que, si Philip persé-
vère dans sa révolte , il aggravera sa situation devant le
synode national , tandis que , s'il se soumet , de même
que les églises qui le soutiennent, il pourra être réhabi-
lité et donné comme pasteur à celles-ci. « Souvenez-
vous , Messieurs, » ajouta-t-il, « que mon avis est con-
forme à l'Evangile et aux sages règles de l'église que
vous devez respecter et suivre , d'autant plus que vous
avez un jeune pasteur d'un mérite distingué, fils d'un
ancien pasteur (i), que vous aviez autrefois et dont la
mémoire doit vous être chère pour vous engager à vous
attacher avec plus d'affection au ministère de ce cher
fils , qu'il vous a envoyé pour votre consolation et votre
salut, et comme vrai pasteur, selon toutes les bonnes
règles de l'église , propre à vous conduire dans les pâ-
turages du Seigneur et dans le chemin de la vie éter-
nelle » (18 août 1774).
Cette lettre ne fit changer de sentiments ni à Philip ,
ni à la plupart de ses adhérents, et Paul Rabaut, qui
l'apprit, estima qu'en attendant de plus amples renseigne-
ments sur la régularité de la procédure que le synode
des hautes Cévennes du 22 septembre 1773 avait suivie
dans la révocation de Philip, « ce qu'il y aurait de
(i) Allusion à Biachon père et fils. Le s\nodedu Vivarais du 27 avril 1774
donna le second comme pasteur aux églises de la Montagne pour ôter tout
prétexte au schisme et l'étouffer si possible.
296 HISTOIRE DES PROTESTANTS
mieux à faire serait de rendre un jugement provisionnel,
qui porterait que le sieur Philip, ne s'étant point fait re-
lever de la sentence prononcée contre lui par le synode
des hautes Cévennes, demeurera suspendu pour trois
mois des fonctions pastorales, et que, comme il ne pa-
rait pas que toutes les règles prescrites par la discipline
aient été observées dans le jugement rendu contre le
sieur Philip, au bout de trois mois il sera réhabilité et
autorisé à faire toutes les fonctions pastorales dans les
églises pour lesquelles le colloque des hautes Cévennes
lui avait donné congé, sauf au synode du Vivarais à
procéder contre ledit sieur Philip , s'il paraît que les
accusations qui lui furent intentées soient graves et bien
fondées. Une telle sentence, » ajoutait Paul Rabaut,
« me paraîtrait propre à conserver l'honneur de la dis-
cipline et mettre fin au schisme ». (30 septembre 1774).
Le synode du Vivarais du i*"" novembre 1774, s'ins-
pirant de cet avis — et bien que le consistoire de la
Montagne eut signifié par écrit au synode du 27 avril
précédent qu'il ne se considérait plus comme son res-
sortissant, — chargea Abraham Chiron, pasteur à An-
nonay , d'écrire à Philip de (^ cesser les fonctions du
ministère jusqu'à la tenue du synode national , lui pro-
mettant qu'il fournirait à son entretien pendant cet inter-
valle. » Il décida, en outre, qu'il écrirait à la province
des hautes Cévennes en vue de la convocation dudit
synode, « d'autant plus que plusieurs membres de
l'église des Montagnes, » disent ses actes, « ont té-
moigné le désirer avec empressement et consenti à s'en
tenir à sa décision. »
Paul Rabaut tenta, l'année suivante, une démarche
personnelle auprès du pasteur schismatique et de ses
adhérents. « Je fis mes efforts , » écrivait-il au jeune
pasteur Blachon , '< auprès du S"" Philip lui-même, et
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 297
de vive voix et ensuite par écrit, pour le détourner de
son funeste dessein. J'ai parlé sur le même ton aux per-
sonnes de ce pays-là, qui sont venues me consulter, et
j'en ai écrit à M. de la Roue, soit à d'autres. II ne faut
pas être surpris que des gens, qui n'ont que peu ou point
de lumières sur la religion et moins encore sur la dis-
cipline , se laissent séduire par les discours artificieux
d'un homme qui leur témoigne de rattachement et qui
se voit d'ailleurs sans ressource. L'entêtement se joint
chez ces gens-là à la piété , et de là leur obstination
dans le schisme. »
Le vénérable pasteur de Nîmes conseillait , d'autre
part, à Blachon , de suivre la voie de la douceur dans
cette affaire , de s'interdire toute invective contre l'au-
teur du schisme et de s'appuyer sur de bonnes raisons,
telles que les suivantes : '( que toute société doit avoir
des régies de conduite auxquelles chaque membre est
obligé de se soumettre, sans quoi elle ne peut subsis-
ter ; que les lois de notre discipline sont très sages et
fondées sur la Parole de Dieu et sur la plus saine anti-
quité ; qu'il est très possible qu'un ministre soit accusé
faussement et déposé injustement ; mais qu'en ce cas-là
même, il est obligé de se soumettre. A lui permis d'ap-
peler à un autre tribunal et de ne rien négliger pour
mettre au jour son innocence. S'il se révolte contre
ses juges et ne tient compte de leur sentence, il énerve
la discipline , il en rend l'exercice inutile , il ouvre la
porte à la licence et au désordre , il donne lieu à un
schisme, destructeur de la charité et de la concorde,
nuisible à l'Eglise et à la religion » (13 mars 1775).
Le pasteur Chiron , d'Annonay, ayant demandé, de
son côté, au pasteur Bourbon, des hautes Cévennes ,
résidant à Saint-André-de-Lancize , si le synode de sa
province ne pourrait revenir sur sa première décision ,
298 HISTOIRE DES PROTESTANTS
celui-ci lui répondit : « Je ne vois pas que notre pro-
vince puisse révoquer une sentence, qu'elle ne prononça
qu'avec douleur et qu'elle prononcerait encore si elle
était à le faire. Ce n'est point sur des ouï-dires qu'elle
a été portée : c'est d'après des faits constatés et dont
la plupart ont été avoués par Lacoste lui-même. »
Le pasteur Roche, d'Alais, chargé par Chiron de
consulter le synode des Cévennes sur la question de la
convocation d'un synode général pour éteindre le
schisme de la Montagne, répondit, le 22 mai 1775,
que la vénérable assemblée n'avait pas cru que , dans
les circonstances présentes , la prudence permît d'as-
sembler ledit synode (i). « J'espère, » ajoutait-il, « que
la principale cause qui a fait demander à votre synode ia
tenue du national ne subsistera pas longtemps. Le S'
Philip se fera connaître pour ce qu'il est. Ses partisans
ouvriront les yeux et l'abandonneront. Peut-être le
meilleur moyen d'en diminuer le nombre serait-il de
faire moins attention à eux et de les laisser réfléchir à
leur aise. Ordinairement , quand les hommes se sont
entêtés, plus on leur parle, moins on avance; et plus
on leur allègue de bonnes raisons, plus ils se raidissent
contre elles » (22 mai 1775).
Le synode du Vivarais du 8 septembre 1775 put s'as-
surer de la justesse de cette remarque, car Philip et les
anciens de son consistoire ayant été invités à se rendre
dans son sein , l'assemblée fut « scandalisée de l'air
d'audace et d'effronterie » avec lequel ils comparurent.
Le S"" Jean P« Marnhiac , en particulier, un desdits
(i) La cour songeait à légitimer, par un édit, les mariages et les naissances
des protestants, qui craignirent, s'ils tenaient un synode national, d'indisposer
leurs maîtres et d'empêcher, ou tout au moins, de retarder la promulgation
de cet édit. Ce fut une faute. Ils attendirent jusqu'en 1787 , au prand détri-
ment de la discipline et même de la doctrine de leurs églises.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 299
députés , déclara , « avec un entêtement déplorable ,
qu'ils persévéraient dans leur schisme, et qu'ils renou-
velaient et confirmaient de bouche l'acte de départe-
ment et d'indépendance qu'ils avaient osé signifier par
écrit » au synode du 27 avril 1774. La Compagnie,
voyant avec douleur que tous les remèdes étaient inu-
tiles « à l'égard de ces malades désespérés , » se con-
tenta, par prudence et « par la crainte d'allumer un plus
grand feu, » d'abandonner les schismatiques à leur
aveuglement, se réservant d'en porter ses plaintes au
synode national , dont elle fera demander par son secré-
taire la convocation à la province qui en est chargée. »
Gai Pomaret , pasteur à Ganges , consulté également
par Chiron , se prononça, comme Paul Rabaut , pour
la voie de la clémence. « Daignez... vous souvenir, »
lui écrivait-il , « que la charité couvre une multitude de
péchés, et traitez avec autant de douceur qu'il se pourra
cet infortuné » (28 mars 1776).
Deux mois plus tard, Gai Pomaret, mieux informé
sans doute, se montra au contraire fort sévère. Il disait
dans une lettre à Chiron : « La province des hautes
Cévennes ne saurait révoquer son jugement envers le
S' Philip , tant qu'il ne lui donnera pas de bonnes preu-
ves de soumission ou de la vivacité de son repentir. Cet
homme-là ne mérite que trop d'être rejeté; au moins le
crois-je très éloigné de l'esprit évangélique , dont nous
devons toujours être animé et sans lequel nous ne som-
mes qu'un bois pourri. Il est fâcheux que cet ennemi du
bon ordre se soit jeté dans le sein de votre Eglise, et
qu'il s'obstine à vouloir y faire les fonctions d'un minis-
tère dont on l'a dépouillé. S'il fait un mal réel , il im-
porte que vous ne mollissiez point à son égard et que
vous ne cessiez de crier anathème contre. lui •> (15 mai
1776).
300 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Chalon dit Latour, pasteur à Bordeaux, et quelques
amis de son Eglise, opinaient pour une revision de la
sentence qui avait frappé Philip. « Je reconnais , » di-
sait-il à Chiron , « l'intégrité et la probité de plusieurs
de ses juges. S'il pouvait leur prouver, comme il dit être
en état de le faire, que leur premier jugement a été trop
précipité et trop sévère, je suis persuadé qu'ils auraient
assez de délicatesse pour revenir sur leurs pas et pour
l'adoucir. Cet expédient pourrait remédier peut-être, du
moins en partie , au mal dont vous vous plaignez à si
juste titre. Il ne pourrait pas du moins , à mon avis ,
l'empirer si l'on y a recours. Il faudrait prier messieurs
les pasteurs des Cévennes d'appeler à leur assemblée
synodale deux ou trois pasteurs du bas Languedoc et
autant des basses Cévennes » (13 mai 1776).
Pour ce qui est des pasteurs du Vivarais , ils étaient
fort animés à ce moment contre Philip. Vernet , l'un
des plus estimables par sa piété et ses lumières , écri-
vait à Chiron le 26 juillet 1776 : « Le scélérat qui nous
trouble ne put jamais nous être associé, et je suis bien
sûr qu'il ne cédera que par force. Je sais bien qu'un
jour ses partisans ouvriront les yeux et le détesteront
autant qu'ils l'ont aimé ; mais cela ne peut venir que
peu à peu, et nous avons besoin de patience. » Vernet,
comme on le verra plus loin , se trompait du tout au
tout. Philip et ses partisans cédèrent seulement par las-
situde, et la confiance dont jouissait le premier auprès
des siens ne se démentit pas , parce que sa conduite ,
à partir de son établissement dans l'église de la Mon-
tagne, fut, paraît-il, irréprochable.
Quant au synode du Vivarais, désespérant de la con-
vocation du synode national, il arrêta, le 14 novembre
1777, que Sabatier de La Bâtie, l'un de ses pasteurs,
ferait « le voyage des hautes Cévennes au printemps
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 30'
prochain, » disent ses actes, « afin d'aller prier le vé-
nérable synode de vouloir bien nommer deux d'entre
ses dignes pasteurs, et, en particulier, M. Gabriac
l'aîné, pour se transporter dans notre province et venir
joindre leurs efforts aux nôtres contre les auteurs d'un
schisme qui nous a tant affligés et nous afflige tou-
jours. »
Le synode des hautes Cévennes , qui se réunit les
29 et 30 avril 1778, ne jugea pas utile d'envoyer un ou
plusieurs de ses pasteurs en députation à Philip et à ses
adhérents, mais il prit la décision suivante : <* Il serait
difficile d'exprimer la douleur amère dont nos coeurs
sont pénétrés à la vue des maux terribles dont le déposé
et excommunié Philip ne cesse d'accabler l'Eglise du
Seigneur dans la province du Vivarais. Nous improu-
vons, de la manière la plus authentique et la plus solen-
nelle, l'imprudence commise par M. Gabriac l'aîné, l'un
de nos chers collègues, en administrant audit dégradé
la bénédiction nuptiale de la façon la plus illégale et
la plus contraire à l'ordre qui s'observe parmi nous.
Il l'improuve lui-même, gémit amèrement d'avoir oc-
casionné de nouveaux sujets de douleur à des frères
qu'il affectionne tendrement. Nous réunissons tous nos
vœux pour la conversion d'un malheureux schismatique,
dont nous détestons la conduite odieuse, et nous sou-
pirons ardemment après le moment d'une heureuse
paix, offrant volontiers d'y contribuer de notre part
par tous les moyens que nous croirons être en notre
pouvoir. »
D'autre part, le synode des hautes Cévennes, par la^
plume de Sabatier de La Bâtie , écrivit aux pasteurs du
Vivarais une fort belle lettre, dont nous donnons les
extraits suivants : « Si partager vos peines, c'était y
mettre fin du moment qu'elles ont été connues , vous
302 HISTOIRE DES PROTESTANTS
auriez éprouvé combien nos cœurs y ont été sensibles.
Vos malheurs ont constamment été les nôtres, et nous
pouvons dire qu'ils nous affectent d'autant plus qu'un
factieux, que nous avions honoré du titre de frère,
échauffé dans notre sein, nourri de notre substance, en
est l'instrument odieux. Soyez assurés, messieurs et très
honorés frères , que personne plus que nous ne sent
tout le fâcheux du malheureux schisme qui vous désole,
et que, s'il a été de nouveau fomenté par l'imprudence
d'un pasteur pieux , jamais faute ne fut mieux sentie ni
improuvée solennellement... Il ne faut point vous laisser
ignorer que, depuis le verbal dressé contre l'audacieux
Philip, il est venu à notre connaissance nombre de faits
très inculpants... Il peut bien être que la députation
que vous nous proposez pourrait avoir quelque succès ;
cependant la chose nous paraît douteuse, après ce que
vous avez fait et ce que nous vous mettons à même de
faire en le supposant sans effet. Ne pourrions-nous pas
adapter ici , dans un sens de circonstance , ce qui fait
dire à Abraham , le fidèle et le véritable : Ils ont Moïse
et les prophètes^ qu'ils les écoutent î Et s'ils ne les écou-
tent pas, seraient-ils mieux persuadés quand quelqu'un
de nous serait envoyé vers eux ? Vous avez l'acte de
déposition, l'acte d'excommunication, et nous joignons
ici le reste. Il nous paraît que c'en est assez, sans ce-
pendant vous refuser absolument à ce que vous souhai-
tez le plus , dans le cas que vous le crussiez indispen-
sable. Veuille le ciel bénir l'usage réfléchi que votre
prudence fera des armes invincibles que nous lui con-
fions et accélérer par sa grâce le terme de vos maux »
(}0 avril ijjQ).
Quelques jours après, le 15 mai, Gabriac écrivit
aussi aux pasteurs du Vivarais une lettre touchante , oij
il blâmait énergiquement la conduite de Philip, comme il
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^O^
l'avait déjà fait dans sa première lettre du i8 août 1774,
et reconnaissait humblement le tort qu'il avait eu de
bénir son mariage , « non seulement , disait-il , parce
que je l'ai fait contre un article de la discipline, auquel
je ne pris pas garde , mais surtout à cause des mauvai-
ses conséquences qu'on en tire, comme si je l'approuvais
dans l'exercice du saint ministère ; et à cause du mau-
vais effet qu'on dit qu'il a produit au milieu de vous,
au sujet des troubles introduits par lui, depuis quatre
ans passés, dans les églises du Velay. Je ne prévis
pas ces maux en bénissant ledit mariage, au contraire,
j'eus l'idée que, pour le peu de fortune que le sieur
Philip eut de ce mariage, pour lui donner à vivre , il
pourrait peut-être prendre le parti de se retirer et de
faire cesser le mal qu'il cause. »
S'adressant ensuite à ceux qui soutenaient le schisma-
tique , il disait : « Je les conjure tous de faire cesser
ces maux en s'en détournant, en s'en repentant et en
s'attachant aux vrais pasteurs qui sont légitimement
dans ce saint emploi avec édification évangélique à tous
égards... S'ils y font bien attention, ils n'hésiteront pas
un moment à se ranger sous la houlette vraiment pasto-
rale en fuyant celle du destructeur de l'Eglise. Je les
somme tous, delà part, au nom et en l'autorité de Dieu,
de ne plus résister à ces exhortations chrétiennes, que
je leur ai faites en plusieurs reprises pour le salut de
chacun et le bien de l'Eglise en général. Quant au
sieur Philip, je prie Dieu qu'il le convertisse par sa clé-
mence pour ne plus troubler l'église du Seigneur et pour
son propre salut, ou bien qu'il le détruise par sa puis-
sance, en faisant succéder le bien au mal qu'il cause à
l'église. Je vous souhaite à tous la grâce et la paix de
Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ. »
Quoique la plupart des protestants des églises de la
^04 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Montagne se fussent attachés à la fortune de Philip,
une minorité importante était pourtant demeurée fidèle
à l'union synodale de la province. Le pasteur Blachon
la desservait, comme on l'a dit plus haut; mais comme
ceux qui la composaient n'étaient ni assez nombreux ni
assez riches pour payer à eux seuls les honoraires de
leur pasteur, le synode du i^"" mai 1778 décida que
toutes les autres églises, pour prouver « le tendre
intérêt » qu'elles portaient à l'église synodale de la
Montagne , s'engageraient expressément à lui allouer
une somme annuelle de 50 livres.
Cependant Paul Rabautqui, dès l'origine du schisme,
n'avait cessé de faire tout ce qui dépendait de lui, soit
de vive voix, soit par écrit, pour décourager ceux qui le
consultaient de soutenir Philip , fit connaître le 5 avril
1780 au synode du Vivarais, qui allait se réunir le
4 mai suivant, son avis sur le moyen qu'il croyait pro-
pre à terminer cette malheureuse division. « Vous savez, »
lui dit-il, « que feu M. Boyer avait fait naître un schisme
semblable dans nos églises et dans celles des Céven-
nes. Tous les gens de bien gémissaient des affreux
désordres qui en furent les suites et soupiraient après
une réunion. Leurs vœux furent exaucés. La Providence
suscita des personnes éclairées et pieuses qui procurè-
rent la paix à nos églises , et leur mémoire y sera tou-
jours en bénédiction. Ne pourriez-vous pas mettre en
œuvre à peu près le même moyen qui fut pratiqué pour
lors et qui produisit de si salutaires effets ? J'imagine
que le sieur Lacoste consentirait à être suspendu pour
quelque temps , ne fut-ce qu'à cause de son infraction
à l'ordre et à la soumission qu'il devait au tribunal qui
procéda contre lui. Rétabli au bout du terme convenu,
il serait affecté aux églises ou partie des églises qu'il
dessert, lesquelles seraient sans doute contentes à un
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 30^
certain point, et l'aimable paix succéderait à la dis-
corde. »
Les espérances du vénérable pasteur de Nîmes ne se
réalisèrent point. Le synode du Vivarais suivit son con-
seil, mais n'aboutit point.
Philip, ébranlé sans doute par toutes les lettres qu'il
reçut, informa un des pasteurs du Vivarais qu'il était
dans l'intention de présenter au synode du 4 mai 1780
«■ une requête fort soumise et fort respectueuse. » Il
l'apporta lui-même; mais l'assemblée, ayant u trouvé
que le dernier article était ambigu et présentait un dou-
ble sens, » fit appeler Philip pour lui en demander
l'explication. Il déclara qu'il « offrait de se soumettre à
une suspension sous condition qu'on le ferait réhabili-
ter, » et, pressé de s'expliquer plus clairement, il répon-
dit « qu'au bout du terme de la suspension, il voulait
reprendre ses fonctions , qu'il fût ou non réhabilité. »
Le synode lui ayant demandé de rédiger par écrit cette
déclaration, il hésita longtemps et finit par s'excuser
« sur l'impossibilité oij son émotion le mettait d'écrire. »
On lui proposa alors de l'écrire pour lui, mais il répon-
dit « qu'il ne signerait rien sans en prévenir ceux qui
l'accompagnaient, » et ces derniers ne l'y autorisèrent
point. Voici du reste comment les actes du synode du
4 mai 1780 racontent cette scène pénible :
«■ Nous avons trop à cœur, «disent-ils, « de finir cette
affaire , ou de laisser du moins les coupables sans
excuse , pour ne pas délibérer encore. Après la plus
mûre réflexion , il a été arrêté qu'on promettait d'écrire
en faveur du sieur Philip à MM. les pasteurs des Cé-
vennes, ses juges, pour les prier d'examiner de nou-
veau les motifs de leur sentence et de la casser , sup-
posé que la chose soit possible, à condition que le sieur
Philip serait suspendu l'espace d'une année à commen-
II. 20
3o6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
cer d'aujourd'hui et qu'il ne reprendait ses fonctions
qu'après avoir été réhabilité. Alors nous avons vu, à
n'en pouvoir douter et avec scandale, que leur inten-
tion n'était pas de faire cesser le schisme qu'ils ont
fomenté et qu'ils entretiennent, mais d y persévérer tou-
jours. Le sieur Philip non seulement n'a pas voulu s'en-
gager à suspendre ses fonctions pour ne jamais les
reprendre , en cas qu'il fût impossible d'obtenir en
Cévennes sa réhabilitation, il n'a pas même voulu
consentir aies suspendre pour un temps jusqu'à ce qu'il
aurait reçu une réponse favorable du synode de cette
dernière province. Là-dessus, il est sorti avec les dépu-
tés et, le moment d'après, ils sont rentrés pour nous dire
derechef qu'ils ne pouvaient pas accepter notre offre.
L'assemblée a fait réflexion qu'il aurait été convenable
d'exiger acte de leur refus. Deux des pasteurs sont sor-
tis pour le leur demander. Ils ont refusé de le leur don-
ner , et cela en présence de deux témoins. Tant d'in-
dulgence d'une part, d'entêtement et de si peu d'égard
pour les intérêts de l'église de l'autre, ne semblent plus
laisser d^espérance de voir finir le malheureux schisme ,
qui ne cesse point de nous affliger, que par une inter-
vention particulière de la divine Providence. »
Cinq ans s'écoulèrent ainsi, quand, le 1 5 juin 1786, le
synode du Vivarais décida qu'on devait « rebaptiser les
enfants et rebénir les mariages de Philip » puisqu'il
était déposé et excommunié, mais « avec la plus grande
prudence et à la réquisition des parties intéressées. »
Cinq années s'écoulèrent encore, puis les églises
schismatiques présentèrent au synode du 23 juin 1791
une adresse « ayant pour objet la réunion de ces églises
à ladite province, dont elles faisaient partie autrefois. »
Philip et son consistoire, précisant davantage, demandè-
rent à l'assemblée « de s'occuper du sort de l'église de
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 307
la Montagne et des moyens de faire cesser les troubles
qui la désolaient depuis tant d'années. » Le synode
répondit que si Philip témoignait des regrets et le désir
de rentrer dans l'ordre, en cessant ses fonctions jus-
ques à la prochaine tenue du synode des Cévennes, il
employerait les moyens nécessaires pour intéresser ledit
synode en sa faveur et le disposer à lever la sentence
portée contre lui.
Philip acquiesça à cette résolution , et le Vivarais
députa le pasteur Rattier au synode des hautes Céven-
nes , qui se réunit le 27 septembre suivant. Philip s'y
présenta de son côté et le consistoire de la Montagne
envoya à la vénérable assemblée une déclaration, por-
tant que son pasteur avait cessé ses fonctions depuis le
II juillet. Alors Philip, « avouant ses torts, gémissant
sur ses égarements, implorant clémence et commiséra-
tion, offrant de se soumettre à l'ordre et désirant, à ces
conditions et telles autres qu'il serait trouvé juste de lui
imposer, d'être réintégré dans les fonctions augustes
du ministère évangélique , » le synode , « la matière
discutée et mise aux voix , » délibéra qu'à dater de ce
jour la sentence d'excommunication et de déposition,
rendue contre lui , serait infirmée et demeurerait ulté-
rieurement sans effet : la province du Vivarais restant
libre de procéder à la réhabilitation du sieur Philip à
telles conditions qu'elle jugerait convenable d'y atta-
cher (i).
Le synode du Vivarais se réunit le i*'' novembre sui-
vant et, ayant ouï le rapport de Rattier et pris connais-
sance de l'arrêté synodal qui relevait Philip de la sen-
tence d'excommunication et de déposition prononcée
(1) L'extrait de registre est signé par Méjanelle, pasteur et modérateur,
et Sabatier, pasteur et secrétaire.
JO?, HISTOIRE DES PROTESTANTS
contre lui , le rétablit dans le saint ministère et l'adjoi-
gnit au collège des pasteurs du Vivarais et du Velay.
D'autre part , le synode , voulant donner le plus de
solennité possible à l'installation de Philip , décida que
tous les pasteurs du Vivarais se rendraient, le 17 no-
vembre suivant, dans l'église de la Montagne, pour y
procéder et que Rattier serait chargé de la prédication.
Il décida, en outre, pour affirmer plus nettement encore
l'union de l'ancienne église schismatique avec la pro-
vince synodale, qu'elle serait adjointe pour un temps
à celle de Boffres ; qu'Astier, pasteur de celle-ci, et
Philip desserviraient alternativement les deux églises ,
mais avec cette restriction que le premier, jusqu'au mois
de janvier prochain, remplirait seul les fonctions du
ministère dans l'église de la Montagne.
Le synode décida enfin que les anciens du consis-
toire dissident et ceux du consistoire synodal donne-
raient collectivement leur démission, et que les chefs de
famille de la région , « après avoir procédé ensemble
à la démarcation des quartiers particuliers , » nomme-
raient des anciens nouveaux et moins nombreux « par
la voie du scrutm de liste. »
Le synode décida enfin que les frais du voyage que
Rattier avait fait dans les hautes Cévennes, et qui s'éle-
vaient à la somme de 196 livres 7 s. 6 d., seraient
supportés par l'église de la Montagne, pour la paix de
laquelle le voyage s'était effectué.
il eût été bien surprenant qu'un schisme, qui durait
depuis dix-huit années, se fût terminé sans de nouveaux
tiraillements. Ce n'est pas que Philip n'agît avec la plus
entière bonne foi : nous croyons même que , s'il n'eût
tenu qu'à lui, il aurait accepté depuis longtemps les
conditions que le synode du Vivarais mettait à sa réha-
bilitation , mais il était poussé par une population peu
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 309
éclairée et d'un caractère opiniâtre, qui le mena plus
loin qu'il n'aurait voulu. Il était lié, d'autre part, par la
reconnaissance envers une église qui l'avait accueilli
alors qu'il était pauvre , misérable et sans foyer. Les
obstacles au rétablissement immédiat de l'union vinrent
cette fois, non pas de lui, mais des anciens de son con-
sistoire , qui se refusèrent à donner leur démission. Le
synode du 29 septembre 1792 les blâma « d'avoir tenu
une pareille conduite , » les exhorta vivement « à répon-
dre mieux à l'avenir aux intentions d'une assemblée, qui
n'avait en vue que la paix de contrées trop longtemps
désolées par les divisions de ses habitants, » et nomma
quatre commissaires pour se transporter dans leur église,
le 2 octobre suivant , à l'effet de procéder à la nomina-
tion du nouveau consistoire de la Montagne, Ces com-
missaires furent les pasteurs Brunel et Michel, et les
anciens Jallatte et Vacheresse. « Pour donner du suc-
cès à la mission desdits commissaires, » disent les actes
du synode, « les fidèles nommeront un citoyen sur cin-
quante et lui donneront le droit de nommer, de concert
avec ses collègues, à la pluralité relative des suffrages,
tel nombre d'anciens qu'ils jugeront à propos. Cette
nomination se fera à Mars, le mercredi 3^ octobre pro-
chain , en présence desdiis commissaires. »
Le Recueil des actes du synode du Vivarais ne men-
tionnant , à dater de ce moment , aucun fait nouveau ,
nous sommes autorisé à penser que la nomination du
nouveau consistoire s'opéra sans de nouvelles difficul-
tés, et que le schisme de la Montagne prit fin pour tou-
jours. Il se tût sans doute éteint plus tôt si le synode du
Vivarais avait suivi l'avis du pasteur Roche, d'Alais, qui
lui conseillait, des le 22 mai 1775 , d'y prêter moins
d'attention et terminait sa lettre par cette sage réflexion
déjà rapportée : « Quand des hommes se sont entêtés.
5 10 HISTOIRE DES PROTESTANTS
plus on leur parle, moins on avance, et plus on leur
allègue de bonnes raisons , plus ils se raidissent contre
elles (i). »
VENUE DE NOUVEAUX PASTEURS. ENLÈVEMENTS d'eN-
FANTS. UN SERMON DE VERNET (l773-1775).
Nous reprenons notre histoire générale au point où
nous l'avons laissée avant le schisme de Philip.
Le synode du 29 juin 1773 , ayant constaté que les
protestants de la province n'avaient pas des connais-
sances religieuses suffisantes, prit une heureuse mesure,
qui paraît avoir été générale sous le régime de l'édit de
Nantes. Il décida que « Messieurs les pasteurs feraient
alternativement, dans les églises confiées à leurs soins,
un sermon et un catéchisme, c'est-à-dire un sermon
dans le premier tour et un catéchisme dans le second
tour. » L'instruction et l'exhortation marcheraient ainsi
de pair.
Cette même année (1775), le Vivarais recruta trois
nouveaux pasteurs : Jean Blachon , le fils, élève du sé-
minaire de Lausanne, agréé parle synode du 29 juin 1773
et chargé, comme on l'a vu plus haut, de desservir les
protestants du quartier de la Montagne; Sabatier de
la Bâtie, également élève du séminaire de Lausanne, et
Abraham Chiron dit de Châteauneuf, élève de l'Aca-
démie de Genève, qui reçut une vocation spéciale de
l'église d'Annonay. Briatte et Génolhac ayant quitté le
Vivarais, le premier en 1773 , le second en 1772, la
province comptait ainsi six pasteurs : Peirot, Vernet,
(i) Coffpsp. hislor. des deux CInrons. Recueil de pièces rclalivcs aux
Eglises réform. du Vivarais, du Languedoc et du Dauphinê au
XVIII' siècle. Recueil des actes des syn. de la prov. du Vivarais pen-
dant la période du désert. Papiers Rabaut, III, G.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3 I I
Noë , Blachon , Sabatier de la Bâtie et Chiron , aux-
quels on peut ajouter Daniel Armand, du Dauphiné, qui
avait été déjà prêté au Vivarais en 1769 et qui le fut en-
core en 1773 pour une année.
Ce dernier s'acquitta de sa charge avec autant de ta-
lent que de zèle , et reçut son congé dans des termes
très flatteurs. « La compagnie, » dit le synode du
i®*" novembre 1774, « témoigne à M. Armand les vifs re-
grets qu'elle ressent de son départ; regrets fondés sur
la manière distinguée dont il a rempli les fonctions de
son ministère , dans l'exercice duquel il a manifesté des
talents supérieurs , une piété exemplaire et des senti-
ments qui lui ont concilié l'affection de tous les mem-
bres de l'église qu'il quitte. »
Nonobstant la grande liberté laissée aux protestants
du Vivarais et du Velay , dont les assemblées, les ma-
riages et les baptêmes n'étaient plus recherchés , quoi-
qu'aucune des lois barbares , qui les interdisaient sous
peine de mort et des galères , n'eût été abolie , les en-
lèvements d'enfants protestants étaient pratiqués par le
clergé catholique avec l'ardeur des premiers jours ,
comme le prouve les deux requêtes suivantes adressées
d'Annonay le 16 octobre 1775 à Malesherbes , le ver-
tueux ministre de Louis XVI.
(( Pierre Bariol, ci-devant au village et paroisse de
Saint-Front , diocèse du Puy-en-Velay , maintenant ha-
bitant au village de Fossemagne , même diocèse, vient
se jeter aux pieds de votre Grandeur pour la supplier
de lui faire rendre ses trois filles , qu'on lui a enlevées
sans ordre supérieur, mais par des voies de surprise ,
dont les exemples se multiplient malheureusement tous
les jours dans les provinces du Vivarais et du Velay.
L'exposant, privé de sa femme, que la mort lui avait
enlevée, travaillait paisiblement un domaine qu'il avait
312 HISTOIRE DES PROTESTANTS
pris à ferme et ses filles soulageaient ses peines en les
partageant et dirigeant son petit ménage... Des ennemis
de la paix et du bon ordre subornèrent ses trois filles,
sa seule espérance , successivement dans le courant de
l'année 1773- L'aînée, nommée Marguerite, était pour
lors âgée de seize ans; la seconde, Marie, de quatorze;
et la plus jeune Marianne, de onze. Comme on ne vou-
lait point les recevoir, dénuées de tout, dans l'asile qu'on
leur préparait, on les engagea à expolier le peu de
meubles que possédait leur pauvre père. Des aides fa-
cilitèrent cette expoliation et des receleurs la mirent à
l'abri des découvertes. Quand on crut être pourvu de
tout ce qu'on pouvait espérer d'un homme qui n'était
pas seulement dans la médiocrité, ses filles furent con-
duites au couvent de Saint-Front; la plus jeune y fut
menée de force, en plein jour, par des gens du village,
malgré ses cris. Le père était, dans ce moment, éloigné.
De ce couvent, elles furent conduites à l'assemblée de
la Badive , école ou communauté de filles dans la ville
du Puy-en-Velay , oij elles sont encore. Les réclama-
tions réitérées du suppliant auprès de M. La Brosse,
grand vicaire du diocèse et directeur de cette maison ,
pour ravoir ses filles, ont été sans fruit. M. La Brosse
a toujours répondu que le roi ne voulait pas qu'elles lui
fussent rendues... »
(( Catherine Olphan, veuve Fraisse . Pierre Marcha,
Jean Giscard et Matthieu Veyrin, tous de la petite ville
d'Annonay en Vivarais , viennent se jeter aux pieds de
Votre Grandeur pour la supplier de leur faire rendre
leurs enfants, qu'on leur a enlevés par des voies de sur-
prise, dont les exemples se multiplient malheureusement
tous les jours. Leurs filles, encore jeunes, se sont ren-
dues au couvent Sainte-Marie de cette ville successive-
ment, dans l'espace de quelques mois, sans le consen
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 313
tement de leurs parents , et après avoir pillé dans la
maison paternelle tout ce qui s'est trouvé sous leurs
mains. Elles ont facilement trouvé des receleurs, qui se
sont prêtés à les leur faire parvenir au couvent qu'elles
ont choisi pour leur retraite. Les réclamations justes des
suppliants auprès de la dame supérieure de Sainte-Ma-
rie, pour ravoir leurs enfants rebelles, ont été inutiles.
On a même osé solliciter auprès d'eux des pensions
pour ces filles ; bien plus on a été jusqu'à menacer de
punir rigoureusement l'un d'entre eux qui s'y refusait. »
Quatre des jeunes filles réclamées par leurs parents,
se nommaient Madeleine Fraisse (14 ans) , Catherine
Marcha (23 ans), Magdeleine Giscard (même âge), et
Françoise Veyrin (19 ans); mais le couvent de Sainte-
Marie en retenait encore deux autres, qui étaient sans
doute dans la même situation que les précédentes : Eli-
sabeth Bercaud (14 ans), Jeanne Ponsonnet (15 ans).
Comme il est dit dans la requête des suppliants , les
religieuses réclamaient des pensions aux parents et, par-
lant de leurs filles , ajoutaient : « Il y a six jeunes per-
sonnes dans cette communauté qui se sont converties
à la religion catholique , qui y ont été chercher asile et
qui sont toutes très édifiantes. »
L'année suivante (1776), Veyrin ayant renouvelé per-
sonnellement sa requête, le ministre d'Etat ordonna à
l'intendant du Languedoc de faire faire une enquête, oij
intervinrent le premier consul d'Annonay, l'archevêque
de Vienne , son vicaire-général et la supérieure du cou-
vent de Sainte-Marie. Tous , comme on pouvait s'y at-
tendre , dirent que Françoise Veyrin s'était réfugiée de
son plein gré au couvent. On produisit même une lettre
où elle affirmait son désir de rester dans la relis:ion ca-
tholique et déclarait ne plus vouloir revenir chez son père.
Il en fut de même pour les cinq autres pensionnaires.
314 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Amelot, subdélégué de l'intendant, chargé de faire
l'enquête, écrivit le i«' août 1778 à son supérieur, au
sujet des pensions, que les jeunes filles étant entrées de
leur propre mouvement chez les religieuses de Sainte-
Marie, il n'y avait pas lieu de faire intervenir l'autorité
pour obliger leurs parents à les payer. Il le priait toute-
fois d'examiner s'il n'y aurait pas des circonstances par-
ticulières qui autoriseraient une dérogation à cette règle
à l'égard de la jeune Veyrin. L'intendant adressa son
rapport au ministre d'Etat le 8 octobre 1778, et con-
cluait comme son subdélégué, ajoutant, en ce qui
concernait cette dernière , que sa mère étant morte en
lui laissant un bien suffisant, le père devait être contraint
par les lois de payer la pension de sa fille (i).
Le pasteur Vernet prononça, le premier jour de l'an-
née 1775, ^^ ^o""^ remarquable discours, qui fut im-
primé (2). Tout en traitant le sujet spécial de « la vanité
du monde mise en opposition aux inestimables privilè-
ges de la piété, » il aborde les questions qui étaient à
l'ordre du jour de son temps. — Il réfute les philosophes
qui prétendent que la religion détache de la société le
cœur des citoyens et craignent qu'un trop grand renon-
cement aux choses d'ici-bas ne favorise les entreprises
des ambitieux. — Il rappelle, en visant ceux qui s'ef-
forcent d'arracher au nouveau roi Louis XVI (3) des
(1) Correspond, histor. des deux Chirons. Arch. de l'Hérault, C, 408
et 464.
(2) Sermon prononcé le premier jour de l'an 1715, au désert du Ims
Dauphiné, par M' V***, ministre du saint Evangile; à Neuchàtel, par la
Société typographique, 177J, 57 p. in-8°. Paul de Félice, dans ses Sermons
protestants prêches en France, de 1685 à 1195, attribue, à tort, le sermon
de Vernet à Paul Vincent, pasteur à Nîmes. Voy. La Sentinelle du 1" jan-
vier 1746. Le rédacteur de ce journal, Meynadier, pasteur à Valence, avait
exercé son ministère dans lArdèche plusieurs années, et devait être bien
informé.
(5) 11 était monté sur le trône le 10 mai 1774,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3 I ^
ordres contre les protestants , que les attaques, a avec
le fer et le feu, » dont leurs croyances ont été l'objet,
n'ont fait que désespérer leurs sectateurs sans les con-
vaincre'. — Il assure les prêtres et les pontifes du ca-
tholicisme de l'aflection des protestants de France pour
leurs personnes, et les presse de s'unir à eux pour com-
battre l'athéisme contemporain , qui menace les deux
religions à la fois. « Un ennemi commun nous attaque, »
s'écrie-t-il; « l'incrédulité, qui cherche à renversertous
les cultes, marche également contre les uns et contre
les autres, et partout ses progrès deviennent plus rapi-
des... Si le fatal mur qui nous- sépare pouvait crouler et
que nous pussions nous donner une main d'association,
nous ferions peut-être revenir les peuples du profond
étourdissement où elle les a jetés. Notre réunion, fai-
sant comparer les avantages de la charité chrétienne avec
les prétendus biens du calme philosophique , ouvrirait
les yeux à la multitude et lui ferait apercevoir les inju-
res grossières , les persécutions odieuses et les autres
vestiges effrayants qui environnent la caverne de l'incré-
dulité. » — Vernet termine son appel par ces paroles
remarquables , qui furent une prophétie : « Quelle con-
sidération, Messieurs, pourrait nous arrêter? Les maux
de l'église ne sont-ils pas assez pressants et de funestes
présages n'en annoncent-ils pas de plus grands encore?
Souffrirons-nous que ce soit l'irréligion elle-mêm.e qui
nous réunisse ? Hélas ! je le prévois; après qu'elle aura
semé l'indifférence dans tous les partis, chacun de nous
ne se souciera plus du sien et il n'y aura plus de secte
parce qu'il n'y aura plus d'église. »
Jl6 HISTOIRE DES PROTESTANTS
AVIS DE VERNET SUR DU TEMS. PERSÉCUTIONS ENDU-
RÉES PAR CHIRON. SON DÉPART d'aNNONAY. JUGE-
MENT SUR PEIROT (1776-I777).
L'année suivante (1776) , Vernet eut à se prononcer
sur une proposition du consistoire de La Rochelle, qui
recommandait aux églises réformées de France, comme
pouvant devenir leur agent général à Paris , Louis du
Tems , de Tours , associé libre de l'Académie des ins-
criptions et belles-lettres de Paris, de la Société royale
de Londres, historiographe du roi d'Angleterre et
agent diplomatique de ce dernier. Court de Gébelin,
ainsi qu'on l'a vu plus haut, remplissait déjà ces fonc-
tions à titre officieux et, comme il avait déjà rendu des
services réels aux églises réformées et que la mémoire
de son père Antoine Court était encore en vénération ,
la proposition du consistoire de la Rochelle fut généra-
lement repoussée. Vernet, qui était le pasteur le plus
en relief du Vivarais à cette époque et qui avait été con-
sulté, la repoussait également. <( A entendre Messieurs
de La Rochelle, » disait-il, « M. du Tems est le seul
homme qui nous convienne, mais je regarde comme un
peu suspecte leur affectation de renverser et de démen-
tir tout ce que M. de Gébelin avait annoncé jusqu'à
présent. Il faut de deux choses l'une , où qu'ils exagè-
rent prodigieusement le mérite de leur ami ou que
M. de Gébelin soit un franc gascon , qui exagère lui-
même ses propres travaux dans le temps qu'il n'a fait
jusqu'ici que de l'eau claire. Il se donne comme un homme
qui est très bien auprès des ministres, il annonce que
des mémoires qu'il a présentés ont été bien accueillis ,
et MM. de la Rochelle nous apprennent qu'il est à
peine connu , que ses mémoires n'ont pas clé vus et
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ?I7
que leur M. du Tems a plus fait en quinze jours que lui
dans quelques années (i)... Pour moi, si j'avais voix au
chapitre, je serais d'avis d'aller doucement en besogne,
de ne pas trop nous confier aux bras de la chair et de
laisser agir celui qui tient les cœurs -des rois dans sa
main. Je sais une chose bien sûre, c'est que nous ne
devons ni à l'un, ni à l'autre, la tolérance dont nous jouis-
sons : elle vient de plus haut, et le reste viendra quand
il en sera temps. Sans compter trop sur M. de Gébelin,
je ne serais pas d'avis qu'on lui otât ce qu'il a, ni qu'on
le partageât entre lui et un autre. Au moins ne devrait-on
rien faire là-dessus sans le consulter. Avant de lui don-
ner un adjoint , je crois qu'il faudrait savoir s'il y prend
plaisir, si l'homme qu'on propose lui est assez connu
pour que leurs caractères puissent sympathiser, s'ils
voudront s'entendre assez bien pour travailler de con-
cert et ne rien faire l'un sans l'autre... Il n'y a, suivant
moi, qu'un synode national qui puisse prononcer sur un
sujet aussi délicat » (2 mars 1776) (2).
Cependant le pasteur Chiron était en butte à Anno-
nay aux menaces des catholiques et même à leurs mau-
vais traitements. On avait de plus répandu le bruit qu'un
ordre de la cour , dirigé contre lui , venait d'arriver. Il
s'en plaignit à l'avocat du roi. « Je lui témoignai, »
dit-il, « que je ne me croyais pas en sûreté ici, puisque
des prêtres m'avaient calomnié deux fois; qu'ils pou-
vaient me tendre des pièges , que je sortais rarement ,
vivais seul, qu'on voyait avec peine mon séjour ici,
malgré l'honnêteté de mes principes et ma discrétion;
que , quand je sortais , j'étais insulté par des huées , et
II) Il s'agissait d'obtenir du roi un édit qui accordât un état civil aux pro-
lestants.
(2 Pour plus de détails, voyez notre article du Bulletin, etc., t. XXXII.
3l8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
qu'on me jetait des pierres; que je craignais tout et ne
disais rien » (24 novembre 1777).
II parait que la plainte de Chiron auprès de l'avocat
du roi ne fit pas cesser les vexations dont il était l'ob-
jet, car il quitta Annonay au commencement de l'année
1778. Il y était demeuré cinq ans environ. Paul Rabaut
estimait qu'il eût pu rester à son poste sans craindre
les menaces qu'on lui avait faites et l'ordre qu'on disait
être venu de la cour contre lui. Il fut en effet reconnu,
après informations prises en haut lieu , qu'aucun ordre
n'avait été lancé contre Chiron (29 mai 1778) (i).
Il ne restait donc à ce moment, comme pasteurs enVi-
varais que Vernet, Noë et Blachon fils, car Peirot était
déjà mort à la date du 14 novembre 1777. Ce vénéra-
ble serviteur de Dieu prêchait depuis 1730 comme pro-
posant et, depuis 1739, comme pasteur. C'était un
homme intelligent, ferme, débonnaire et doué d'un
grand sens. 11 avait un talent de prédication, qui eût pu
se développer davantage s'il avait fait de plus fortes
études et vécu dans un milieu plus cultivé. Il eut l'hon-
neur de présider plusieurs synodes nationaux et fut le
digne successeur de Durand. C'est lui qui correspon-
dait , au nom de la province, avec Antoine Court et, à
la mort de ce dernier, avec Paul Rabaut. Son long
ministère fut une bénédiction pour le Vivarais.
ACCROISSEMENT DU NOMBRE DES PASTEURS EN VIVA-
RAIS. MALVEILLANCE DES CURÉS (1778-I785).
De 1778 à 1785, le nombre des pasteurs s'accrut
beaucoup dans la province, qui vit successivement ve-
nir Louis-André Lagarde et Sabatier du Villard en 1778,
(i) Correspond, hislor. des deux Chirons.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 319
Eugène Brunel en 1779, Jacques Charra en 1783, Jean-
Pierre Roure dit Terrisse en 1784 et Jean-Alexandre
Crumière en 1785.
Ces pasteurs, malgré les progrès de la tolérance, ne
laissaient pas que d'être exposés encore à la malveil-
lance des ecclésiastiques qui, seuls entre tous, conser-
vaient les moeurs des mauvais jours de Louis XIV et
de Louis XV. Vernet disait à Paul Rabaut à la date du
1 I septembre 1782 : « Les curés ne cherchent qu'âme
nuire. Celui de Pranles , ou quelque autre esprit malin
de la paroisse, écrivit, il y a quelque temps, à
M. l'évèque de Viviers [Lafont de Savine] , que j'avais
depuis peu , contre mon usage , tenu deux assemblées
si près de son église que les catholiques y étaient ac-
courus. Heureusement pour moi, l'évèque, dont j'ai
l'honneur d'être connu, est un très galant homme. Il
daigna m'écrire lui-même là-dessus une lettre très polie,
à laquelle j'ai répondu de mon mieux. J'ai joint à ma
réponse le certificat de deux consuls et de trois parti-
culiers de la paroisse, qui attestèrent tout le contraire
et démentent formellement mon accusateur. Ce n'était
pas d'ailleurs moi qui avais fait ces assemblées ; c'était
un brave proposant, dont je ne suis pas le maître. Les
certificats sont tous catholiques (i). »
ÉDIT DE TOLÉRANCE. RESTRICTION DU PARLEMENT DE
TOULOUSE. VENUE DE NOUVEAUX PASTEURS (1787-
1791).
Cependant, en dépit du progrès des lumières, aucune
des anciennes lois du royaume, qui faisaient une classe
de parias des protestants de France , n'avait été abro-
(i) Correspond, histor. des deux Chirons.
3 20 HISTOIRE DES PROTESTANTS
gée, et ils étaient encore privés d'état civil. D'après la
teneur des édits , leurs mariages étaient frappés de nul-
lité et entachés de souillure , et leurs enfants déclarés
illégitimes et inhabiles à hériter, comme leurs parents"
incapables de tester. Louis XVI, vaincu par les instan-
ces du baron de Breteuil, ministre de sa maison, de
Rulhières, de Malesherbes et du général Lafayette, qui
revenait d'Amérique , signa enfin l'édit de tolérance de
1787, qui accordait un état civil aux protestants. C'était
peu sans doute, car cet édit ne concédait aux dissidents
que le droit de vivre, et le roi avait eu soin de déclarer
ceci dans l'article premier : « La religion catholique ,
apostolique et romaine, continuera de jouir seule dans
notre royaume du culte public. » Les protestants n'en
ressentirent pas moins une grande joie et virent , dans
l'édit de tolérance, le gage de l'avènement prochain de
la liberté de conscience et de culte.
Le synode du Vivarais du 22 mai 1788, « afin de té-
moigner ainsi sa juste reconnaissance, » pour nous ser-
vir de ses propres expressions, « décida que tous les
protestants de la province se conformeraient aux pres-
criptions de l'édit.
Le Parlement de Toulouse, qui devait l'enregistrer,
voulut mettre à son acceptation, dit Anquez (i), u la
condition suivante : c'est que les protestants seraient
formellement exclus de toutes les fonctions municipales
et ne pourraient être nommés aux places de maire , de
lieutenant de maire, de capitouls , de consuls, de
jurats et d'échevin. Par une déclaration, datée du
7 mars 1788 (2), Louis XVI annula cette réserve comme
(i) De l'élat civil des réfoi-mês, p. 245, 244. Dubédat, Hisl. du fjarlem.
de Toulouse, t. I, p. 650.
(2) Déclaration du roi, qui lève la modifiealion insérée par le parle-
ment de Toulouse dans l'enregislremenl de l'édil du mois de nouem-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ?2Î
inutile, la clause finale de l'article premier ayant, à
l'avance , satisfait à la réclamation du Parlement de
Toulouse. Au lieu d'adresser cette déclaration au pre-
mier président du Parlement , il l'envoya au comman-
dant militaire du Languedoc , le comte de Périgord ,
qui , suivi de plusieurs compagnies de grenadiers et de
plusieurs brigades de maréchaussées , la fit transcrire
sur les registres de la cour en sa présence fiy mars).
Ce procédé, quelque peu violent, blessa vivement la
compagnie qui, aussitôt après la retraite du comte de
Périgord, rédigea une protestation. Puis le i" avril, il
fiit des remontrances sur le fond et sur la forme de l'en-
registrement, mais le ministère n'y répondit pas. De-
puis quelque temps déjà, il avait résolu de réduire par
la force la magistrature à l'obéissance, et la contrainte,
dont le comte de Périgord avait usé à l'égard de la cour
de Toulouse, était le prélude des coups d'autorité par les-
quels bientôt après il imposa aux Parlements de Douai,
de Besançon et de Bordeaux, la vérification de plu-
sieurs édits et notamment de celui de novembre 1787. »
Depuis l'édit de tolérance, quatre nouveaux pasteurs
vinrent exercer leur ministère en Vivarais : Pierre As-
tier en 1787 ; Jacques Rattier dit de Besson, S. H. Kœ-
nig , suisse de naissance, en 1788, et Michel en 1791.
Kœnig fut affecté spécialement au service de l'église
d^Annonay en remplacement d'Abraham Chiron.
CONSTITUTION DU 3 SEPTEMBRE I79I. DISCOURS d'aS-
TIER ET DE KŒNIG. PROGRÈS DE l'iRRÉLIGION ( I 79 I -
1792).
Pendant ce temps la révolution marchait à grands pas
bre 1181, concerna.nl ceux qui ne font pas professinii di- l:i velujiou
catholique. Du 7 7nac.s ll.'^S (s. 1. ni d., in-4''i.
II. 2 l
p2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
à Versailles. L'Assemblée nationale proclama la liberté
la plus entière de conscience et de culte dans sa célè-
bre constitution du 3 septembre 1791. A cette occasion
le pasteur Astier publia à Valence deux remarquables
discours intitulés : le premier, La France s'élevantpar la
justice ; le second , La vocation et les devoirs des pas-
teurs (i). « La révolution, à jamais mémorable, qu'illustre
actuellement notre chère patrie, » dit-il dans le premier
de ces discours ; « ces éclats de lumière qui y brillent
de toutes parts; ce que nous avons encore à espérer
d'une assemblée, dont les travaux méritent si bien l'ad-
miration de tous les peuples , tout cela doit porter à
méditer : i*' sur les vrais principes d'une grandeur na-
tionale ; 2" et sur ce que chaque particulier doit faire
pour y maintenir sa nation , lorsqu'elle a eu le bonheur
de les trouver. »
Après avoir montré que la justice élève une nation en
lui assurant la liberté, la prédicateur s'écrie : <( Cette
douce liberté désirée depuis si longtemps , nous avons
le bonheur de la voir maintenant s'établir parmi nous.
La nation française, justement admirée par les éclats de
lumière et de sagesse qu'elle fait briller aux yeux de
l'univers étonné, ne veut pas qu'il y ait, dans son sein,
aucune sorte d'oppression. Elle vient de déclarer expres-
sément qu'elle permet à tous ses membres d'aspirer à
tous les emplois dont ils peuvent être dignes ; elle veut
qu'on secoue les liens de l'ignorance et qu'il y ait
même pour les pauvres des fonds destinés pour leur
entretien et leur éducation, afin que chacun, selon l'or-
dre de saint Paul , puisse connaître la Parole de vérité
et juger par elle de ce qu'on lui dit concernant son sa-
(i) Titre général : Discours intéressant, sur la nouveUe constitution en
Frarn-e, ri ta religion; à Valence, chez P. Aurel, Imprimeur libraire.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 323
lut (Col. m, 16; Act. XVII, II). Elle reconnaît l'in-
justice qu'il y a à attaquer la concience d'autrui, et per-
met à chacun d'exercer librement le culte qu'il croit de-
voir rendre à Dieu : tellement que cette même nation ,
autrefois altérée du sang des martyrs, va devenir l'asile
des persécutés , la force du faible et la consolation des
malheureux ; on dira en abordant ces contrées : O nation
bienheureuse ! peuple favorisé , mes pieds s'arrêteront
chez toi ! »
Le pasteur Kœnig , qui faisait partie de la Société des
amis de la constitution d'Annona/, prononça de son côté,
dans une réunion générale de cette société, un discours
sur la liberté civile et religieuse (i) . Dans une allocution
préparatoire, il déclara que le seul titre qu'il avait à se
présenter dans le sanctuaire de la liberté , qu'il venait
jurer de maintenir avec ses collègues, au péril de sa vie,
c'était d'appartenir à un pays de montagnes, qui avait
résisté à tous les despotismes. Le président de la so-
ciété, L.-T. Chomel, lui répondit avec courtoisie qu'il
avait l'honneur d'être né dans un état républicain et de
porter un nom célèbre dans la science (2). Après cela,
Kœnig prononça son discours , qui n'est autre qu'un
sermon sur i Cor., VII, 23 : Vous ave:{ été rachetés à
un grand prix : ne soye^ point esclaves des hommes.
Il dit d'abord ce que la liberté n'est pas , puis ce
qu'elle est. Ce n'est pas l'indépendance absolue et une
inclination à blâmer, censurer et reprendre, ni un esprit
de contradiction ou d'opposition aux décrets rendus par
(i) Discours prononcés à Annona.y par J. J. H, Kœnig , et imprimés
par ordre de la Société des amis de la Constitution... Annonay, de l'im-
primerie d'Agard, in-S", 57 pages.
(2) Allusion à Samuel Kœnig, savant philosophe et mathématicien, qui
avait donné des leçons à la marquise du Châtelet pendant deux ans au châ-
teau de Cirey. Le pasteur d'Annonay était-il de sa famille?' C'est ce que
nous ne saurions dire.
324
HISTOIRE DES PROTESTANTS
la représentation nationale et sanctionnée par le prince.
Cette liberté, qui n'a de prix que pour celui qui en use
convenablement, est l'état le plus naturel et l'objet des
vœux les plus ardents de l'homme; elle perfectionne les
facultés de son esprit et leur donne une plus grande au-
torité. C'est l'antidote assuré de toute espèce de servi-
tude; elle favorise toutes les vertus, est la mère des
arts et des sciences ; ce n'est qu'en en jouissant que
l'homme peut soutenir sa dignité de citoyen et de chré-
tien ; c'est enfin la jouissance la plus vraie et la plus
pure de la vie.
Dans l'application de son discours , Kœnig exhorte
vivement ses auditeurs à ne pas envier la liberté à ceux
qui la possèdent, à se réjouir de leur bonheur et à ne
pas entraver le développement de ce bien précieux. Il
les presse d'en être les plus fermes soutiens et d'en re-
lever le prix par leurs vertus.
Un passage du discours mérite d'être cité. Craignant
que la révolution n'en vienne à mépriser et à haïr la re-
ligion dominante, qui a été la complice du despotisme
royal et a fait verser des torrents de sang innocent,
Kœnig s'écrie avec un courage et une charité dignes de
tout éloare : « Frères et amis , si vous avez réformé vos
ministres, gardez- vous bien d'avilir le ministère. Hono-
rez vos pasteurs constitutionnels (i). Pénétrez-vous du
respect que vous devez à ceux que vous avez choisis
pour présider à votre cuhe. Comme chrétiens , aimez
ceux qui ont refuté le serment prescrit par la loi et res-
pectez leur conscience. »
A côté de cette lumière brillante de la liberté qui
éclairait pour lors la France, de cet enthousiasme dont
la nouvelle constitution enflammait les cœurs , il y avait
(ij La constitution civile du clergé avait été votée le 12 juillet 1790.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. pl
de grandes ombres et de légitimes sujets d'appréhen-
sion. L'incrédulité et, sa complice obligée, le déborde-
ment de toutes les mauvaises passions , faisaient des
progrès effrayants , qui devaient aboutir aux saturnales
sanglantes de 1793. Le pasteur Vernet, dans son élo-
quent discours de 1775 rappelé plus haut, avait déjà
dit tristement : « Jeunes enfants , qui êtes encore à la
mamelle , quelle sera votre croyance ? Les accents de
l'irréligion vont ébranler vos fibres tendres et délicates,
ce seront eux qui imprimeront à votre âme les premières
impressions qu'elle doit recevoir; c'est peu que vos pa-
rents aient empoisonné, par leur luxe et leurs désordres,
les sources de votre vie, il faut encore qu'ils vous enlè-
vent ce qui seul pouvait vous aider à en supporter le
poids. »
Le pasteur Astier, dans le discours sur la vocation et
les devoirs des pasteurs dont nous avons parlé ci-dessus,
constatait, de son côté, que les pasteurs eux-mêmes
avaient subi l'influence délétère du siècle et ne possé-
daient pas l'esprit de renoncement et la sainte piété de
leurs prédécesseurs. Après avoir retracé leurs devoirs,
il disait dans le langage énergique , peut-être un peu
excessif, qui lui était propre : « Si vous réfléchissez
sérieusement sur ce que nous venons de dire , vous
serez surpris , non de voir des pasteurs faire leurs ef-
forts pour remplir leurs devoirs, mais d'en voir un si
grand nombre de lâches et d'indolents; vous serez ef-
frayés de voir un si grand nombre de personnes courir
à cet emploi sans avoir ni les talents, ni les vertus néces-
saires pour s'en acquitter dignemiCnt ; vous serez ef-
frayés de voir des pères et des mères y destiner leurs
enfants seulement dans la vue de leur procurer une
place honorable ; vous serez effrayés de voir un si grand
nombre de personnes s'engager dans cette carrière uni-
:;26 HISTOIRE DES PROTESTANTS
quement par des vues mondaines ; vous serez effrayés
de voir de si jeunes gens , qui font profession de se
préparer à cet auguste emploi, passer la jeunesse dans
le libertinage,... ou consumer le temps à apprendre ce
qu'ils ne doivent point enseigner ; vous serez effrayés de
trouver des hommes, chargés de ce ministère, plongés
dans une crasse ignorance sur la religion... Cependant
le méchant meurt... ; mais... Dieu se réserve de venger
sa perte sur l'âme de ceux qu'il avait chargés de l'aver-
tir. Ah! Malheur donc aux mauvais ouvriers! Malheur
aux pasteurs aveugles , qui ne savent point eux-mêmes
ce qu'ils doivent enseigner ; qui passent dans la dissi-
pation un temps qu'ils devaient employer pour s'in-
struire!... Malheur à ces sépulcres blanchis, qui n'ont
que le dehors de beau (Matth., XXIII, 27, 28)! Mal-
heur à ces loups travestis en habit de brebis (Matth.,
VII, 15, 20), qui ne viennent dans la bergerie du Sei-
gneur que pour tuer et égorger; qui, non seulement
n'avertissent pas le méchant, mais qui, par leur exem-
ple , l'entraînent dans l'abîme de la perdition ! Non , ce
n'est que par ce qu'il y a de plus affreux dans les tour-
ments des enfers qu'ils peuvent expier leur crime! Oh!
quel horrible spectacle au jour du jugement! Quel hor-
rible spectacle que celui de voir le troupeau et le pas-
teur perdus ! Quel horreur pour ce malheureux trou-
peau de voir éternellement sous ses yeux celui qui a été
cause de sa perte! Ah! que de reproches, que de
plaintes, que de malédictions! Et quel désespoir pour
le pasteur de se voir non seulement l'artisan de son sup-
plice , mais aussi d'autres âmes , et d'être à jamais le
triste objet de leurs exécrations ! »
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 527
DÉCISION PATRIOTIQUE DU SYNODE DU VIVARAIS.
JUGEMENT SUR VERNET. DERNIERS PASTEURS DU
VIVARAIS. CONCLUSION (1793).
En 1793 , an II de la république, l'Europe, presque
toute entière, était en guerre avec la France. Le synode
du I®' mai, pensant que cette formidable coalition,
qui faisait courir les plus grands dangers à la patrie,
pourrait « mettre quelqu'un des pasteurs du départe-
ment dans le cas de consacrer ses bras à sa défense, »
décida « que l'Eglise, privée de pasteur par cette cause,
serait desservie par les autres pasteurs du département
et compterait toujours les mêmes honoraires à celui
que l'amour de la liberté aurait fait voler contre les en-
nemis. »
Nos sources nous apprennent que le pasteur Kœnig
et les proposants Rattier (Jean Henry) et Rattier-Léo-
rat abandonnèrent leur carrière pour « voler contre les
ennemis. » Ce sont les seuls dont nous ayons retrouvé
les traces ; mais il est vraisemblable que d'autres pro-
posants, et peut-être aussi d'autres pasteurs, que nous
perdons complètement de vue à cette époque , embras-
sèrent la carrière militaire. Peu après le synode du
i*' mai 1793 , qui est le dernier de ceux qui se sont
tenus dans le Vivarais et le Velay au XVIII" siècle,
tous les temples et toutes les églises catholiques de
France furent fermés, et les ministres des deux cultes
contraints de cesser leurs fonctions sous peine de mort,
comme aux plus mauvais jours de Louis XIV et de
Louis XV. Il ne serait donc pas surprenant qu'un nom-
bre relativement assez considérable de jeunes pasteurs
et de proposants, se trouvant sans ressources et sans
emploi , aient embrassé la carrière des armes autant par
328 HISTOIRE DES PROTESTANTS
nécessité que par élan patriotique , d'autant mieux que
la Convention nationale "ordonna, le 16 août suivant, la
levée en masse du peuple français pour la défense de
laliberté et mit en réquisition, le 23, tous les jeunes gens
âgés de dix-huit à vingt-cinq ans.
Le vénérable pasteur Vernet, dont le nom est revenu
si souvent dans les pages qui précèdent , avait été dé-
chargé du ministère évangélique, le 19 septembre 1792,
à cause de ses infirmités. Il exerçait ses fonctions de-
puis quarante-cinq ans. Durand , Peirot et lui , furent
les trois pasteurs les plus distingués du Vivarais pen-
dant le cours du dix-huitième siècle, ceux dont l'in-
fluence se fit le plus sentir auprès comme au loin.
Vernet fut le digne successeur de Peirot. Plus vif et
plus ardent que lui, mais tout aussi pieux, et plus sa-
vant , il jouit d'une autorité considérable dans sa pro-
vince et même dans les provinces voisines. Il s'était fait
déjà remarquer au séminaire de Lausanne par son intel-
ligence et ses progrès dans les études et , comme on a
pu en juger par les fragments, cités plus haut, de son
sermon de 1775 , il avait des dons réels pour la chaire.
Nous donnons, en terminant, les noms des pasteurs
qui exerçaient leur ministère dans le Vivarais et le
Velay au moment de la suppression des cultes sous le
régime de la Terreur en 1793.
Vernet était déchargé de ses fonctions depuis 1792,
comme on vient de le dire ; Sabatier du Villard avait
reçu son congé en 1780, Lagarde en 1781 , Blachon
et Sabatier de la Bâtie en 1783 ; Terrisse n'avait fait que
passer dans le Vivarais en 1784, Chiron était parti
en 1787, Brunel le cadet en 1792, et ICœnig dans le
courant de 1793.
Il restait donc Noë, Brunel l'aîné, Charra, Crumière
et Philip dit Lacoste; auxquels il faut ajouter Pierre
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ? 29
Astier, nommé en 1787, Jacques Rattier dit le Bes-
son , en 1 788 , et Michel en 1 79 1 .
Quant aux proposants du Vivarais, Girard et Raymond-
Pierre Ladreyt, qui revinrent ensemble du séminaire de
Lausanne en 1793 , le synode, réuni le i^' mai, décida
qu'ils seraient consacrés au saint ministère le 1 1 août
suivant ; mais il est vraisemblable que la cérémonie
n'eut pas lieu à cause des événements politiques (i).
Ainsi donc le Vivarais et le Velay n'avaient que huit
pasteurs à la veille de la suppression des cultes. A cette
heure, les départements de TArdèche et de la haute
Loire , formés de ces deux anciennes provinces, possè-
dent cinquante-trois paroisses officielles , cinquante-six
postes de pasteur et soixante-six temples , c'est-à-dire
près du double des paroisses, des pasteurs et des tem-
ples, que comptaient le Vivarais et le Velay aux plus
beaux jours de leur histoire, sous le régime de l'édit
de Nantes.
Toutes les provinces synodales de l'ancienne France
sont loin , après les luttes , les persécutions et les émi-
grations des trois derniers siècles, de présenter une sta-
tistique aussi réjouissante. Les protestants, qui habi-
taient plusieurs d'entre elles, furent décimés par les
abjurations ou l'exil. Honneur donc à ces vaillantes po-
pulations huguenotes du Vivarais et du Velay, qui pré-
férèrent souffrir mille maux sur le sol natal plutôt que
de chercher une vie plus douce sur la terre étrangère ,
et qui, malgré des défaillances, maintinrent, haut et
ferme dans leurs montagnes , le drapeau de l'Evangile
en dépit des dragons , des galères et des gibets !
(i) Recueil des actes des synodes du Vivarais, etc.
APPENDICE I
BIOGRAPHIE SUCCINCTE DES PASTEURS DU VIVARAIS
ET DU VELAY PENDANT LE DÉSERT, SELON l'oR-
DRE DE LEUR CONSÉCRATION AU SAINT MINISTÈRE
OU DE LEUR VENUE DANS LA PROVINCE
Durand (Pierre), né au Bouchet, paroisse de Pranles, propo-
sant en 1721, et secrétaire du premier synode du Vivarais, réuni
le 26 juillet de cette même année. Celui du 21 juin 172^ l'auto-
risa à administrer les sacrements , quoiqu'il ne fût pas encore
admis au ministère, et celui du 11 novembre suivant, à recevoir
l'imposition des mains d'Antoine Court et de son collaborateur
Pierre Corteiz. La cérémonie, n'ayant pu avoir lieu, fut renvoyée
au prochain synode provincial par celui du 25 août 172'; , mais
Durand ne put recevoir la consécration qu'au premier synode
national du désert, qui se tint en Vivarais le 16 mai 1726. Après
six ans de ministère, il mourut martyr à Montpellier, le 2 avril 1732.
Le synode du Vivarais, du 21 mai suivant, rendit le plus beau
témoignage à sa mémoire.
Fauriel (Jean-Gabriel), ou Fauriel l'aîné dit Lassagne , né à
Lassagne, paroisse de Silhac, présenté pour remplir la charge de
proposant au synode provincial du 16 août 1723 , et reçu comme
tel seulement par celui du 14 septembre 1726. Deux ou trois
ans après , il alla perfectionner ses études au séminaire de Lau-
sanne, et y était encore lorsque le synode du 15 avril 1730 l'au-
torisa à se faire consacrer au saint ministère où il le jugerait à
?P HISTOIRE DES PROTESTANTS
propos, c'est-à-dire en Suisse. Il fut pasteur neuf ans, et périt
d'une façon tragique, le 7 août 1739.
BoYER (Jacques) dit Debos, né en 1704 à Bancel, paroisse de
Vernoux. Au moment de la tenue du synode du 14 avril 1729, il
desservait un quartier du Vivarais , bien qu'il ne fût pas encore
reçu prédicateur, charge qui lui fut conférée par le synode du
5 septembre 1729. Celui du 17 octobre 1730 l'autorisa à « aller
perfectionner ses études dans les pays étrangers , » c'est-à-dire à
Lausanne , et il partit au mois de novembre suivant. Le synode
du 2} octobre 1732 décida qu'il serait rappelé, et qu'on prierait
les amis de Lausanne de lui imposer les mains avant son retour.
La cérémonie eut lieu en 1733, mais Boyer ne revint en Vivarais
que le 14 juin 1734. Il desservit quelques années la province,
qu'il quitta pour cause de santé, le 2 5 avril 1 73 7. En octobre 1 738,
il était à Berne, sollicitant un secours de Leurs Excellences. Il
fut ensuite question de lui pour l'église de Cassel, et d'un projet
de mariage avec M'*« Suson Delarbre. Sa santé étant allée tou-
jours en déclinant, il mourut à Berne le 24 février 1740.
M OREL (Matthieu) dit Duvernet, né à Cheyne, paroisse du
Chambon, reçu prédicateur au synode du 5 avril 1730, et autorisé,
par celui du 21 octobre 1733, à aller se perfectionner dans les
pays étrangers, autrement dit au séminaire de Lausanne, où il fut
consacré au saint ministère, le 12 novembre 1736, à l'âge de vingt-
deux ou vingt-trois ans. Le synode du 25 avril de l'année sui-
vante l'agréa comme pasteur des Eglises du Vivarais. Un peu plus
de deux ans après, le 14 février 1739, il mourut tragiquement.
C'était un jeune homme réfléchi et laborieux.
Fauriel (Jean-Pierre) ou Fauriel le cadet dit Ladreyt, le frère
de Fauriel-Lassagne, né à Silhac en 1707. Le 14 avril 1729, date
de la tenue du synode du Vivarais, il desservait un quartier, bien
qu'il ne fût pas encore reçu prédicateur. Ce titre lui fut conféré
par le synode du 15 avril 1730, et celui du 3 mai 1734 l'autorisa
à aller perfectionner ses études dans les pays étrangers (à Lau-
sanne). Il partit en octobre 1734, et « toutes les Eglises de la
Montagne jusqu'à Saint-Agrève en bas » s'engagèrent à lui faire
une bourse annuelle de 200 francs. Consacré en Suisse, le 3 1 oc-
tobre 1737, il revint en France le 22 novembre suivant, et fut
agréé comme pasteur des Eglises du Vivarais par le synode du
30 avril 1 738. Celui du 1 2 octobre 1 741 l'autorisa à quitter la pro-
vince, et il alla s'établir en Angleterre, donnant pour raison son
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^^^
mariage et la triste situation des Eglises du Vivarais. Il est vrai-
semblable que la mort tragique de son frère et celle de Morel-
Duvernet impressionna son esprit plus qu'il n'eût fallu , et le
décida à s'expatrier.
Blachon (Jean) dit Châtaignier, né en 171 3 à Freycenet ,
paroisse de Sainte-Agrève. Il fut reçu prédicateur au synode du
21 octobre 1733 , et prêté pour un an au Dauphiné par celui du
21 avril 1736. En janvier 1738, il alla perfectionner ses études au
séminaire de Lausanne , et y fut consacré le 27 juillet 1739 avec
Peirot et Dunière , dont il va être parlé; mais il ne rentra pas
tout de suite en Vivarais. En mai 1740, il se rendit à Zurich , où
il fut précepteur. Il ne paraissait pas du reste, pour le moment,
très disposé à exercer le saint ministère, et donnait, en 1 742, pour
raison de son inactivité pastorale, qu'il n'était pas nécessaire à sa
province, et qu'on ne lui adressait pas de vocation d'ailleurs.
Pourtant les pasteurs Jean-Baptiste Loire et Michel Viala
l'avaient prié, en 1740, de s'établir dans le Poitou , et il s'y était
refusé. Après cinq ans d'hésitations, il rentra dans le Vivarais;
et . comme s'il eût voulu racheter le temps perdu , il déploya une
activité extraordinaire (juillet 1744). Le synode national du
18 août 1744 (article XIX) le chargea d'aller visiter les Eglises
troublées par le schisme de Boyer , « afin de réunir les esprits et
les coeurs, et pour remercier Dieu de leur avoir redonné la paix. »
Quatre ans après, le 7 mai 1748, il écrivait à Court qu'il avait
plus de 900 mariages ou baptêmes inscrits sur ses registres. Le
synode du Vivarais, du 29 avril 1755 , lui accorda un congé pour
rétablir sa santé, altérée par ses nombreux travaux, mais il n'en
usa pas pour le moment. Celui du 23 mars 1756 le lui renouvela
sans qu'il en profitât davantage, mais celui du 20 avril 1762 le lui
délivra d'une façon définitive. Il se rendit auprès de ses enfants,
qu'il avait placés à Lausanne pour leur éducation, et fut nommé
inspecteur du séminaire. Blachon était un esprit distingué, d'une
culture supérieure à celle des autres pasteurs du Vivarais.
Peirot (Pierre) dit Pradier, né en 171 2 à Fossimagne, paroisse
de Champclause , en Velay , cousin germain de Dunière. Il fut
reçu prédicateur au synode du 20 mai 1733, mais prêchait
depuis 1730. Celui du 21 avril 1736 l'autorisa à aller perfection-
ner ses études en pays étranger (à Lausanne) . et lui promit de
pourvoir à son entretien. Il partit en juillet de la même année, et
fut consacré au saint ministère le 27 juillet 1739 , avec Dunière
3 34 HISTOIRE DES PROTESTANTS
et Blachon. Le synode du 25 novembre 1740 l'agréa comme pas-
teur du Vivarais. Entre le i®"" mai 1766 et le 4 mai 1769, il quitta
la province pour desservir l'Aunis. A cette dernière date, il n'était
pas encore rentré, mais on attendait son retour, et on lui assigna
un quartier. Il était mort avant le 14 novembre 1777. Sa veuve,
à ce moment, nous ne savons pour quel motif, refusait de rendre
ses registres de baptêmes et de mariages. Un état de signalement
des prédicants du Languedoc le dépeint ainsi : a Le nommé
Perrot, prédicant, ou du Perrault, taille de 5 pieds , 5 pouces et
demi environ, cheveux blonds, âgé d'environ trente ans. » Peirot
avait laissé au séminaire de Lausanne la réputation d'un jeune
homme pieux, intelligent, instruit et fort judicieux. Il donna dans
sa longue carrière tout ce qu'il avait promis.
DuNiÈRE (Jacques) dit Lacombe , né vers 1712 à La Roche,
paroisse de Saint-Agrève, fils de Paul Dunière dit Chailla , et
cousin germain , par sa mère , du pasteur Morel-Duvernet , dont
il a été parlé plus haut. Il fut reçu prédicateur au synode du
21 mai 1733, et autorisé, par celui du 21 avril 1736, à aller per-
fectionner ses études au séminaire de Lausanne. Il partit en juillet
de la même année. Consacrée Lausanne, le 27 juillet 1739, avec
Peirot et Blachon, il rentra seulement dans le Vivarais le 11 jan-
vier 1741 ; et, dès le i^r mai suivant, reçut de son synode l'auto-
risation de desservir une province qui aurait plus besoin de pas-
teur que le Vivarais. Nous ne savons s'il usa de cette faculté,
mais une lettre de Peirot, du 31 janvier 1744, signale sa présence
dans la province, et le dit malade et incapable de rien faire. En
avril ou mai de l'année suivante , il paraissait rétabli , et quitta le
Vivarais, nous ne savons à destination de quelle province.
En 1752, il s'établit à Londres. Dunière passait pour un homme
d'un grand sens.
CosTE (François) dit Juston , né à Joux, paroisse de Saint-
Jean-Chambre, reçu prédicateur au synode du 11 octobre 1735,
et autorisé , par celui du 30 avril 1738 , à aller perfectionner ses
études dans les pays étrangers (à Lausanne). Il partit en jan-
vier 1739. Consacré le 29 janvier 1741 , il revint en France , le
8 février, avec le célèbre Paul Rabaut, et fut agréé, comme pas-
teur des Eglises du Vivarais, par le synode du i'^'' mai de la même
année, qui lui permit , en outre, de faire quelques collectes dans
son quartier, pour se couvrir des frais que lui avaient occasionnés
ses études. Il se maria, en 1743, avec une demoiselle Vernet, de
DU VIVARAIS ET DU VELAY. :? 3 5
Vevey, âgée de dix-huit ans environ, qui connaissait l'histoire , la
géographie et l'arithmétique, parlait l'allemand, avait une mémoire
prodigieuse, et faisait toutes sortes de travaux d'aiguille. Ce ma-
riage nuisit à l'activité pastorale de Coste , car « sa femme avait
une si grande tendresse pour lui, qu'elle ne pouvait souffrir qu'il
la quittât. « Dans l'été de 1752 , il conduisit jusqu'à Rotterdam
une troupe d'émigrants à destination de Dublin (i).
Etant tombé malade, le synode du 29 avril 1755 lui accorda un
congé pour rétablir sa santé, et il put reprendre ses fonctions
après un mois de repos. Il fut suspendu du ministère par le sy-
node du 18 octobre 1757 pour une difficulté d'argent qu'il avait
avec un nommé Jacques Gros. Ayant renoncé à ses prétentions ,
sa suspension fut levée par le synode du 29 mars 1758. Celui du
1 5 août suivant lui accorda un congé de trois mois pour vaquer à
des affaires particulières. Le 26 avril de l'année d'après , il de-
manda un nouveau congé en disant que , si on le lui refusai.! , il
en demanderait un définitif pour aller où il le jugerait bon. Le
synode, tout en blâmant son esprit outré d'indépendance et le peu
d'attachement qu'il portait aux Eglises de sa province, consentit à
prolonger son congé et le laissa libre de reprendre ses fonctions
dans le Vivarais quand il le désirerait, et même de ne pas les re-
prendre du tout , « ne voulant le gêner en aucune façon, » Coste
paraît avoir pris ce dernier parti et s'être mis au service des Egli-
ses du bas Languedoc. Le synode du 8 novembre 1768 décida de
lui réclamer ses registres de mariages et de baptêmes. En 1763 ,
il était dans le pays de Vaud , où il desservit plusieurs postes à
titre de pasteur sufîragant. Le 21 mai 1765, il obtint des seigneurs
de Berne un brevet portant qu'il était apte pour un « poste d'en-
trée » dans les cinq classes du pays de Vaud. Nonobstant les re-
présentations de quelques-unes de ces classes, qui énonçaient
des doutes sur sa suffisance et sur sa doctrine , et qui craignaient
les conséquences de semblables brevets, il fut confirmé dans ce-
lui qu'il avait obtenu par suite des témoignages favorables que lui
rendirent les baillis des divers lieux où il avait exercé son minis-
tère. Les seigneurs de Berne exprimèrent même à cette occasion
leur mécontentement de ce que lesdites classes avaient « fait pas-
ser l'intérêt particulier avant l'intérêt pour l'Eglise. » Cette
(i) Voy. E. Arnaud, Un embarquement de réfugiés français à Yverdon,
dans le Bullelin de la Soc, etc., t. XXVI, p. 448.
336 HISTOIRE DES PROTESTANTS
même année, 1765 , Coste fut reçu bourgeois d'Aubonne et
nommé diacre à Cossonay. En 1775, il obtint la place de pasteur
à Grancy, où il mourut, en 1796, à l'âge de quatre-vingts ans en-
viron (La France protestante, 2» éd., vol. VI, col. 888 et 889).
GouNON (Charles- Antoine-Frédéric) dit Pradon , né vers 171 3
et reçu prédicateur au synode du 11 octobre 1735. Celui du
30 avril 1738 lui donna l'autorisation d'aller perfectionner ses
études dans les pays étrangers (à Lausanne). Il ne partit qu'en
août 1740 avec une nouvelle permission du synode du 1 1 avril pré-
cédent. Il quitta Lausanne en juillet 1743, sans doute après s'être
fait consacrer au saint ministère. Après un séjour de deux ans en
Vivarais , pendant lesquels il ne remplit presque aucune fonction
du ministère, il partit pour le Poitou^ où il était le 20 mars 1744,
et dont il fut longtemps le seul pasteur. A la suite d'une violente
persécution , il partit pour aller desservir une église française de
la Hesse; mais, s'étant fracturé la jambe en route dans un village
de Bourgogne, il fut mal soigné et dut marcher longtemps avec
des béquilles. Quand sa santé se fut un peu remise, il descendit à
petites journées jusqu'à Nyon , puis alla à Rolle , prit ensuite les
eaux de Schinznach (Argovie) , se guérit assez bien et se rendit
dans l'île de Guernesey , où il exerça son ministère et paraît avoir
fini ses jours (i). Gounon , au jugement d'Antoine Court, était
sans talent.
M AJAL (Matthieu) dit Desubas, proprement Des Ubats, du
nom d'un village, où il naquit en 1720, et qui était situé à six
kilomètres de Vernoux. Il fut reçu prédicateur au synode du
30 avril 1738 et autorisé , par celui du 11 avril 1740, à aller per-
fectionner ses études à l'étranger (à Lausanne), où il laissa la ré-
putation d'un « bon sujet. » Consacré au saint ministère le
20 juillet 1743, il fut agréé comme pasteur de la province du Vi-
varais par le synode du i*"" mai 1744. Celui du 6 septembre sui-
vant l'agréa de nouveau , parce que les actes du synode du
!*"■ mai n'avaient pu être dressés à cause de la persécution. Il fut
martyrisé à Montpellier le je'" février 1746. Antoine Court le con-
sidérait comme un homme de talent.
PÉLissiER (Pierre) dit Dubesset , quelquefois Lescarcel, né en
1716, à Cros , paroisse de Silhac. Il fut reçu prédicateur par le
synode du 30 avril 1738 et alla au séminaire de Lausanne en no-
(1) Dardier, Paul Rabaut, t. Il, p. 42-4?.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3?7
vembre 1740. Il en sortit en mai 1744, sans doute après avoir reçu
l'imposition des mains, passa quelque temps en Vivarais et s'éta-
blit dans le Poitou, où il demeura jusqu'en mars 17Ç0. Ayant eu
à cette époque des démêlés avec son collègue Gounon , dont il a
été parlé plus haut , il alla exercer son ministère dans la basse
Saintonge (i); et , à la fin de 175 1 , il se rendit en Hollande, où
on lui donna à desservir l'église de l'Olive , près d'Utrecht. Il s'y
fît fort estimer et avait la réputation d'un homme très laborieux (2).
Vernet (Alexandre), natif d'Annonay, alla étudier en fé-
vrier 1746 au séminaire de Lausanne, qu'il quitta en avril 1748.
Le synode du Vivarais du 1 5 août suivant l'examina sur la logique
et la théologie , et fut très satisfait de ses réponses. Celui du
19 avril 1752 constata qu'il avait fait de nouveaux et grands pro-
grès, et décida qu'il serait consacré au saint ministère dès que les
circonstances le permettraient. La cérémonie eut lieu le 12 no-
vembre suivant. Le synode du 8 mai 1753 l'agréa comme pasteur
du Vivarais , et, trente-deux ans plus tard , celui du 26 novem-
bre 1785, le voyant âgé, infirme et incapable de desservir les Egli-
ses de la Montagne, lui assigna un quartier plus commode. Le
19 septembre 1792, ne pouvant plus remplir ses fonctions, le sy-
node le déchargea entièrement du ministère et lui alloua une pen-
sion de retraite. Vernet avait un talent réel pour la prédication.
Voyez tome II, p. 314.
Mathieu (Jacques), proposant du bas Languedoc, donné
comme prédicateur aux Eglises du Poitou par le synode dudit bas
Languedoc du 18 avril i7';o. Reçu pasteur en 1753 , il fut prêté
aux Eglises du Vivarais pour l'exercice de 1763 à 1764. Il revint
ensuite dans sa province, où il exerça son ministère jusqu'en
1772, année de sa mort.
Fauriel (Jean-Pierre) dit Lassagne, né à Montbuzat , paroisse
d'Araules, fils du pasteur martyr de ce nom, reçu étudiant par le
synode du 18 octobre 1757. Celui du 15 avril 1761 , sur les bon-
nes attestations qu'il fournit, l'admit comme proposant. Il était
pasteur à Lémé (Aisne) de 1782 à 1788, et se maria, en 1783 ,
avec M'"" Gousset de Voulpaix {Bulletin de la soc, etc., t. VIII,
(1) 11 y avait déjà un pasteur Pélissier dans l'Angoumois en 1746; c'est
vraisemblablement le même personnage {Bullelin de la Soc, etc., i. Xli.
p. 122).
(2) Dardier, Pnvl Rabaut, t. I, p. 206.
II.
22
5^8 HiSTOmE DES PROTESTANTS
p. sôj, 568). La France protestante se trompe (t. VI, p. 368) en le
disant fils d'un pasteur d' Anduze de ce nom et en appelant sa mère
Pauline Escalin. Le vrai nom de celle-ci était Paule Escoulens.
GÉNOLHAC (Louis) dit Lagarde, de Garrigues, en Languedoc,
et consacré à Lausanne le i^'" octobre 1768, fut agréé comme pas-
teur du Vivarais par le synode du i*"" novembre 1768. Il desservit
la province jusqu'au synode du i^'' mai 1772, auquel il demanda
son congé et qui le lui refusa. Il partit néanmoins cette même
année et fut successivement pasteur à Lunel (i 773-1 774) , où on
le suspendit pour un an ; à Montagnac (1776- 1777) et dans le
Montalbanais (1781).
Briatte (J.-B.). Ce pasteur offrit ses services au synode du
Vivarais du 4 mai 1769, qui les agréa et lui assigna un quartier.
Il resta peu de temps dans la province, car, en 1771, il exerçait
son ministère dans tout le nord de la France, après avoir desservi
quelque temps l'Eglise de Lyon. De 1771 à 1774, il donna an-
nuellement deux prédications à Lemé (Aisne). En 1776, il fut ap-
pelé comme pasteur à Sedan , mais le gouvernement ayant donné
l'ordre d'arrêter le lecteur de la congrégation, il quitta la France
et se réfugia à Maastricht, où il exerça son ministère jusqu'à sa
mort (i).
NoÉ-BiNViGNAC , natif du bas Languedoc, élève du séminaire
de Lausanne et pasteur en Provence de 1765 à 1766^ offrit ses
services au synode du Vivarais du 4 mai 1769, qui les agréa et lui
assigna un quartier. Après la réorganisation des cultes , sous le
premier consul, il devint pasteur, président du consistoire de
Saint-Pierreville.
Armand (Daniel), pasteur du Dauphiné, prêté au Vivarais de
1769 à 1770 et de 1773 à 1774. Sur ce pasteur, voyez notre Hist.
des prot. du Dauph., t. III, p. 317, 318, 301.
Blachon (Jean), tils du Blachon mentionnné plus haut. Son
père l'offrit au synode du Vivarais du 29 juin 1773, qui agréa ses
services et lui assigna le quartier de la Montagne. Dix ans après,
le synode du i*'' novembre 1783 lui accorda un congé de deux
ans pour aller desservir une autre église, mais à la condition
qu'après ce temps il rentrerait dans la province. Il ne partit qu'en
1784 et nous ne savons où il alla.
(i) Coquerel, t. II, p. 526. Rabaut le jeune, Annuaire, p. 26. Bulletin de
ta Soc, etc., t. Vlli, p. Jj8, 567; t. Xll, p. 17.
DU ViVARAIS ET DU VELAY. 339
Chiron (Jean-Abraham) dit de Châteauneuf , du lieu de Châ-
teauneuf d'Isère, fils d'Etienne Chiron, maître d'histoire et de
géographie et catéchiste à Genève, et de Catherine Chatelan, de
Valence. Il fit ses études à l'Académie de Genève, où on le trouve
immatriculé le 21 juin 1757, et fut consacré au saint ministère en
1768, dans la cathédrale de Saint-Pierre, et accepta l'appel que
l'Eglise d'Annonay lui adressa en 1773. Le 7 juin 1787, à la suite
de diverses vexations dont il fut l'objet de la part des catholiques
d'Annonay, il adressa une demande de congé au synode , qui le
supplia de la retirer, sans toutefois lui en faire une obligation ;
mais il n'y consentit point et accepta, la même année, le poste de
Beaumont , en Dauphiné, Il avait épousé en premières noces
M"^ Léorat, fille d'Alexandre Léorat et de feue Anne Johannot.
Pour le reste, voyez notre Hist. des prot. du Dauph. , t. III,
p. 320 et 321.
Philip (Jean-Pierre) dit Lacoste , élève du séminaire de Lau-
sanne, fut d'abord pasteur dans les Hautes-Cévennes, où sa con-
duite irrégulière amena sa déposition par le synode de cette pro-
vince, réuni le 22 septembre 1778. Il se retira, à ce moment, dans
l'église de la Montagne, qui, sur ses faux rapports, l'agréa comme
pasteur, nonobstant les décisions du synode du Vivarais. De là
un schisme , qui dura dix-huit ans , et se termina, en 1791 , par
la soumission du pasteur et de son consistoire. A la réorganisa-
tion des cultes, Lacoste devint pasteur, président du consistoire
de Saint-Voy.
Sabatier de la Bâtie , reçu étudiant par le synode du
18 juin 1771 , rendit une excellente proposition devant celui du
27 avril 1774, qui l'admit aux épreuves ordinaires et décida qu'il
serait consacré au saint ministère dans le quartier qu'il devait des-
servir. La date n'est pas indiquée , mais elle ne dut pas dépasser
l'année 1774. Le synode du i'''' mai 1775 lui accorda un congé de
trois mois, pour rétablir sa santé, et celui du i*"" mai 1783 un
congé illimité. Il offrit ses services au synode du Dauphiné du
1*^'' octobre 1783, qui les accepta; puis il devint pasteur de Sedan
en 1787. Comme il était parti sans congé, le synode du Dauphiné
du 13 novembre de cette même année l'en blâma. Les Eglises de
Livron, Loriol et autres, qu'il avait desservies, prièrent le synode
du Dauphiné du 14 avril 1790 de le leur accorder de nouveau. La
Compagnie ne le put parce que la province renfermait suffisam-
ment de pasteurs à ce moment, mais il fut agréé en 1792. Il mou-
340 HISTOIRE DES PROTESTANTS
rut dans son domaine de Coutiol, paroisse de Livron. Sa fille se ma-
ria avec Frédéric Fuzier, avocat à Grenoble, dont elle eut un fils,
M. Théodore Fuzier, docteur-médecin à La Voulte et bibliophile
distingué, et M"e Gally, de Beauchastel , tous les deux décédés.
Maisonneuve , étudiant au séminaire de Lausanne et rappelé
dans le Vivarais en 1775. Le synode du 17 mai 1776 décida qu'on
lui ferait subir les examens ordinaires et qu'il recevrait l'imposition
des mains le ?o juin prochain à Sainte-Agrève. A dater de ce mo-
ment, nous perdons complètement ses traces.
Sabatier du Villard (Pierre), frère de Sabatier de la Bâtie,
reçu étudiant par le synode du i^"" novembre 1774. Il alla faire
ses études à Lausanne , d'où il fut redemandé par le synode du
i®"" mai 1778. Celui du 4 mai 1780 lui accorda un congé indéter-
miné à cause delà faiblesse de sa santé. Il se remit et devint pas-
teur de Lyon, mais il mourut à la fleur de l'âge comme son frère.
Lagarde ( Louis- André) , né à Annonay le 13 mai 1755, ^^^
chargé, quoique simple étudiant, de desservir l'église de cette
ville par le synode du 18 juin 1771. Sa conduite n'y fut pas régu-
lière, et il cessa ses études. Ayant témoigné du repentir devant
le synode du 27 avril 1774 et manifesté le désir de reprendre ses
travaux , la Compagnie ne crut pouvoir l'admettre de nouveau
comme étudiant, et décida que, pour (( prouver la sincérité de sa
repentance, il passerait, disent les actes de ce synode, une année
chez M. son père [à Annonay], sous l'inspection de M. de Châ-
teauneuf, pasteur, qui lui prescrira des tâches chaque semaine et
de celle de M. Rieu La Varenne, membre du consistoire d'Anno-
nay ; et, pour fournir à son entretien pendant le courant de cette
année, les députés des Eglises ont promis de payer à son père
une pension de 288 livres. Ce terme passé, il sera reçu en grâce
et remis dans le rang des étudiants de cette province, l'avertissant
cependant qu'à la première faute un peu grave , il sera congédié
sans espoir de retour. « Lagarde , ayant persévéré dans ses bon-
nes résolutions, fut reçu proposant au synode du i'^'" mai 1775, Le
i*'' mai 1778 il fut admis aux dernières épreuves, puis consacré le
12 juillet suivant. En 1 781, il passa au service de l'Eglise de Ton-
neins, dans l'Agenais, où il était encore en 1808. Voyez Lagarde,
Chronique des égl. réf. de rAgenais, p. 294-3^2.
Brunel (Eugène), du Vivarais, était au séminaire de Lausanne,
comme étudiant de la province, le i*' mai 1775. Le synode du
lî mai 1779 l'admit à subir ses examens, et décida qu'il recevrait
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^41
l'imposition des mains le 27 juin suivant. Il paraît avoir exercé son
ministère dans le Vivarais jusqu'à la suppression des cultes,
en 1793.
FoNTBONNE (Jcan-Antoine), proposant, était allé faire ses études
au séminaire de Lausanne ; et, muni de « très bons témoignages, »
offrit ses services au synode du Vivarais du i" mai 1775 , qui lui
assigna un quartier à desservir jusqu'au retour de Maisonneuve,
de T. Simeon Brunel et de Serre , qui étaient en cours d'études
à Lausanne. Le synode du 14 novembre 1777, ne le trouvant pas
suffisamment instruit^ lui permit de retourner au séminaire , où il
demeura, croyons-nous, deux années encore, et fut consacré
au saint ministère. Il était pasteur à Sedan, Metz et autres lieux
en 1779, et à Sedan en 1807, après la réorganisation des cultes.
Il avait ajouté le surnom de Duvernet à son nom.
Charra (Jacques), né en 1752 à-Laulanier-Grand, paroisse de
Saint-Voy, fut reçu étudiant par le synode du 14 novembre 1777.
Celui du 13 mai 1779 décida de l'envoyer au séminaire de Lau-
sanne, et celui du i»"" mai 1783, de le rappeler et de le soumettre
aux épreuves ordinaires. Sa consécration fut fixée au 3 juillet sui-
vant, et eut lieu dans une forêt de sapins avoisinant Annonay.
Charra, ayant laissé beaucoup à désirer dans sa conduite, fut sus-
pendu de ses fonctions pour un an par le synode du 23 juin 1791,
c< jusqu'au moment, » disent ses actes, « où la personne intéressée
dans cette malheureuse affaire ne fera pas de justes réclamations. »
Le synode du 19 septembre 1792 leva la suspension , et Charra
exerça ses fonctions en Vivarais, jusqu'à la suppression des cultes,
en 1793. En 1807, il vint s'établir à Pontaix, et y fut nommé pas-
teur par un décret de 1808. Il mourut le 1 1 mai 1845,
RouRE (Jean-Pierre) dit Terrisse , natif des Vans, et reçu étu-
diant par le synode du bas Languedoc, du 12 mai 1772. Le collo-
que du Vivarais, du 17 septembre 1784, l'appela à remplacer Jean
Blachon , qui avait quitté la province cette même année. Il partit
lui-même en 1786. Le 5 mai 1789, il fut appelé à desservir Mor-
nac par le synode de Saintonge, Angoumois et Bordelais.
Crumière (Jean-Alexandre), reçu étudiant par le synode du
14 novembre 1777, et autorisé par celui du 4 mai 1780 à aller per-
fectionner ses études au séminaire de Lausanne, d'où il était de
retour le i'^'' novembre 1783. Le synode du 26 mai 1785 l'admit
aux épreuves ordinaires, et décida qu'il serait consacré le 22 ou
le 25 juin suivant, mais la cérémonie ne put avoir lieu à cette date.
^42 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Il est vraisemblable pourtant que les pasteurs du Vivarais y pro-
cédèrent avant la fin de l'année. Il desservit le Vivarais jusqu'en
I 793 . et, à la réorganisation des cultes, devint pasteur, président
du consistoire de Lavoulte. Il mourut le 24 décembre 1849.
AsTiER (Jean-Pierre), reçu étudiant par le synode du i*'' mai 1 783,
qui décida d'écrire au séminaire de Lausanne pour s'informer s'il
pourrait y être admis. Nous ignorons la date exacte de son re-
tour, mais il exerçait son ministère dans le Vivarais le 7 juin 1787.
A la réorganisation des cultes, il fut nommé pasteur à Boffres.
Pour le reste, voy. La France protestante , 2^ édit.
Brunel (T.-Siméon), frère du pasteur de même nom men-
tionné plus haut. En 1775 , il était au séminaire de Lausanne et
fut redemandé par le synode du 22 mai 1788, qui décida qu'il
serait consacré le premier dimanche d'octobre suivant. Il exerça
le ministère à Vernoux et quitta la province en 1792. Brunel était
né le i >) août 1759 à Sainte-Marguerite et fit ses premières études
sous la direction de deux de ses frères, dont l'un était pasteur,
comme on l'a vu, et l'autre avocat. En quittant le Vivarais, il
desservit les églises de Salies et Sauveterre (Basses- Pyrénées),
et exerça aussi son ministère à Meaux (Seine-et-Marne). Le
22 mars 1808, il fut nommé pasteur à Beaufort (Drôme) et donna
sa démission en 1837, à cause de son grand âge.
Kœnig (J.-H.), suisse de nation, s'établit comme pasteur à
Annonay. Le premier synode du Vivarais , auquel il assista , fut
celui du 22 mai 1788^ et le dernier celui du 10 juin 1789. Kœnig
avait quelque éloquence, une belle voix et une taille avantageuse.
II embrassa la carrière militaire en 1793 et mourut capitaine de
cavalerie. — De son temps les protestants d'Annonay se réunis-
saient à l'Auvergnat, dans un pré, derrière les bâtiments. La
chaire se démontait à volonté et on la déposait dans le moulin ,
qui appartenait à la famille Fournat. Le lieu était paisible et
solitaire, car la grande route du Puy-en-Velay n'était pas encore
ouverte; et, d'Annonay, on s'y rendait par une petite porte des
remparts , nommée la porte de Genève , et par le chemin de
Paras.
Rattier (Jacques) dit Besson , né en 1766, fils de Rattier
(Jean-Louis), propriétaire au Bac (paroisse de Saint-Jean-Cham-
bre) , de la famille cadette des Rattiers, et « ancien de l'Eglise
très recommandable, » disent les actes du synode du 1'"' mai 1778,
« par les services qu'il a rendus à sa province et par son zèle
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 343
éclairé. « Le jeune Rattier fut reçu étudiant par le synode précité
et alla faire ses études au séminaire de Lausanne. Celui du
22 mai 1788 demanda son retour et décida qu'il serait consacré
dans trois mois, parce qu'il avait besoin, pour le moment, de met-
tre ordre à ses aflfaires. II fut donné comme pasteur à l'église de
Saint-Jean-Chambre, puis, le 19 septembre 1792, à celle d'An-
nonay, qu'il desservit jusqu'à la suppression des cultes. Pendant
la Révolution , il se retira au Bac , en attendant des jours meil-
leurs, et, à la réorganisation des cultes, il fut de nouveau pasteur
à Annonay, puis à Vernoux (1805-1812), et enfin à Valence, où
il mourut en 1843. Rattier, dit M. Roman dans Le protestant
valentinois du i<, novembre 1887, était « doué d'une aptitude par-
ticulière pour la marche, d'un tempérament gai, d'un caractère
aimable , de conceptions promptes et d'un esprit toujours ouvert
aux bonnes pensées et aux moyens pratiques de faire le bien... Il
savait rendre partout sa présence agréable et utile ; il se faisait
aimer de tous et gardait sa dignité de pasteur sans rien perdre de
sa popularité. Il était, à sa place en ville et à la campagne...
Tous ont rendu le même hommage à ses qualités aimables et
sérieuses. »
Michel (Honoré), originaire du Languedoc, est mentionné
comme pasteur du Vivarais par le synode du 23 juin 1791. Il était
à Saint-Laurent-du-Pape le 19 septembre 1792, et dans la con-
trée du bas Erieux le i" mai 1793. Pendant la Terreur, il se
réfugia à Marsillargues , où il fut ensuite pasteur. En 1799
(an VII), l'Eglise de Montpellier lui adressa vocation. Il vivait
encore en 1861. Nous connaissons de lui : Sermon d'actions de
grâce sur la paix générale , Montpellier, juillet 1814, in-8°; Orai-
son funèbre de Son Altesse royale Frédéric-Adolphe, duc d'Ostro-
gothie , Montpellier (15 janvier 1804), in-8°.
Brian, reçu étudiant par le synode du 22 mai 1788, alla faire
ses études au séminaire de Lausanne. Le synode du i""" mai 1793
(an II de la République), le jugeant digne de recevoir l'imposi-
tion des mains , décida que sa consécration aurait lieu le 1 1 août
suivant, aux Rious, dans l'église de BoflFres.
Girard , reçu étudiant et reconnu apte à la consécration par
les mêmes synodes que précédemment. Il était pasteur à Saint-
Agrève en 1828.
Ladreyt (Raymond-Pierre) , natif de la Grange de Bosc (pa-
roisse de Desaignes) et reçu étudiant par le synode du i ^ juin
344 HISTOIRE DES PROTESTANTS DU VIVARAIS ET DU VELAY.
1786. Il partit pour Lausanne en juin ou juillet 1791, et revint
avec Brian et Girard. Sa consécration fut fixée au 11 août 1793 ,
comme la leur. Après la réorganisation des cultes, Ladreyt fut
nommé pasteur à Desaignes.
Fort (François), de Silhac, reçu étudiant par le synode du
23 juin 1791 , et autorisé à se rendre au séminaire de Lausanne
par celui du i®"" mai 1793. Après la réorganisation des cultes, il
fut nommé pasteur à Saint- Pierreville , puis à Vernoux.
Tromparent (Pierre), né à Toulaud, reçu étudiant par le
synode du 19 septembre 1792. Celui du i*^"" mai 1793 écrivit au
séminaire de Lausanne pour s'informer si on pourrait l'admettre.
Après la réorganisation des cultes , Tromparent fut pasteur de
Privas et mourut assassiné par un jeune homme, dont il avait em-
pêché le mariage pour de bonnes raisons.
APPENDICE II
PREDICATEURS, PROPOSANTS ET ÉTUDIANTS DU VIVA-
RAIS DEPUIS LE RÉTABLISSEMENT DES SYNODES
DANS LA PROVINCE EN I 72 I
Bernard (Jean), né, avant 1680, à La Grassière (paroisse du
Gua). Il fut arrêté à une époque que nous ignorons et conduit au
fort du Pont-Saint-Esprit, d'où il sortit, nous ne savons par quel
moyen. Il assista au premier synode du Dauphiné du 22 août i 716.
Bientôt après, et la même année, il fut arrêté pour la deuxième
fois dans sa maison de La Voulte , sur la dénonciation du traître
Lapise. Conduit d'abord au château de Beauregard, puis à Mont-
pellier, il parvint, après trois ans de détention, à ouvrir la porte
de son cachot et revint en Vivarais, où il fut élu modérateur du
premier synode du Vivarais, assemblé au Désertie 16 juillet 1721.
Celui du 21 juin 172^ l'autorisa, vu la pénurie des pasteurs, à ad-
ministrer les sacrements. Arrêté pour la troisième fois à Loriol ,
le 14 juin 1734, il fut enfermé au fort Brescou , par ordre du
comte de Saint-Florentin, ministre d'Etat, et y languit jusqu'à sa
mort , dont nous ignorons la date. Nous savons seulement qu'il
vivait encore en 1 740.
RouviÈRE (Jean) dit Crotte, natif de Blaizac, paroisse d'Ajoux.
Le même , vraisemblablement , que le camisard Crotte , qui mit
en rapport, en 1710, le visionnaire Abraham Mazel avec Claris.
Arrêté en octobre 1719, il fut conduit à Montpellier et condamné
aux galères. Il fut délivré vraisemblablement en 1720 , et recom-
mença ses courses d'évangélisation. De 1725 à 1726, il assista
546 HISTOIRE DES PROTESTANTS
aux synodes du Vivarais ; mais son activité eut surtout pour
théâtre le Languedoc, et il fut le fidèle compagnon de Corteiz ,
qui dit de lui dans ses Mémoires (p. 20) : « Il n'avait pas de talent
pour la prédication ; cependant il m'a été d'un grand secours
pour le chant des Psaumes, pour la lecture et pour la prédica-
tion. » Rouvière assista au premier synode du Dauphiné du
22 août 1716. En 1724, son nom se lit sur une liste de pros-
cription.
Mersier, né en Vivarais vraisemblablement, assista au pre-
mier synode du Dauphiné du 22 août 1716.
MoNTEiL (Jacques), inspiré, né en 1680 à Marcols, assista au
premier synode du Vivarais du 16 juillet 1621. Suspendu pour
cause d'immoralité et ayant continué à prêcher, le synode du
8 juin 1724 le déposa, et ses adhérents furent frappés d'excom-
munication. Les Eglises, qui prirent fait et cause pour lui, furent
déclarées schismatiques par le synode du 21 juin 1725. Ces der-
nières, n'ayant pas accepté le verdict synodal, demandèrent, en
1727 , une consultation aux pasteurs de Genève , qui ne leur ré-
pondirent pas favorablement; de sorte que Monteil , se voyant
condamné dans sa province et à l'étranger, revint à résipiscence
et pria le synode du 8 mai 1728 de le recevoir à la paix de
l'Eglise. La congrégation, qui avait tout particulièrement favorisé
son schisme, demanda aussi à rentrer dans le corps synodal. La
Compagnie accéda à leurs vœux , à la condition que Monteil et
ses adhérents se repentiraient publiquement de « leur rébellion
et partialité. » Ayant satisfait à cette condition, leur réintégration
fut prononcée par le synode du 8 novembre 1728. Quant à la
charge de prédicateur, dont Monteil avait demandé à être investi
de nouveau , le synode déclara qu'elle lui serait conférée par le
synode national, s'il le jugeait à propos. Le 12 avril 17^1 , alors
qu'il ne remplissait plus ses fonctions depuis quatre ou cinq ans ,
et était presque dans l'enfance, il fut arrêté et conduit au château
de Beauregard, où il ne tarda pas à succomber. Il avait quelques
lumières, au jugement de ses contemporains , mais une beaucoup
trop haute opinion de ses facultés.
• Chabrières ou Chabrier (Pierre) dit Brunel . né en 1680, en
Vivarais selon toute probabilité , assista au premier synode du
Dauphiné du 22 août 1716. Le dernier synode du Vivarais, dont
il signe les actes, est du 12 octobre 1741 ; mais il vivait encore en
174J, et était à cette époque gravement malade. Sans grande
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^47
instruction, il prêchait depuis le commencement du siècle. Le
synode de Vivarais du 14 septembre 1726 l'avait confirmé dans ses
fonctions de proposant ou prédicateur, mais sans l'autoriser « à
toucher aux sacrements. » Voy. le certificat qui lui fut délivré à
cette occasion , dans le Bulletin de la Soc, etc., t. I , p. 243.
DoRTiAL (Jean- Pierre) , ouvrier chamoiseur et plus tard culti-
vateur, né à Chalencon vers 1671 , ancien camisard et réfugié en
Suisse. Rentré dans le Vivarais à la fin de 1723, on le trouve prê-
chant le 1 1 juin 1724. Il fut déposé parle synode du i 7 avril 1725,
pour fait d'insubordination à la discipline , et continua néanmoins
à prêcher après des réconciliations plus ou moins durables avec
les pasteurs. C'était, malgré ses défauts, un chrétien convaincu,
et il souffrit fort courageusement le martyre à Nîmes , le 3 1 juil-
let 1742.
Clergues (Pierre) , reçu proposant par provision par le synode
du II novembre 1724, et confirmé dans cette charge par celui du
14 septembre 1726, mais sans être autorisé « à toucher aux sacre-
ments. » En 1729 on dut lui retirer sa charge, parce qu'il n'avait
pas fait bénir son mariage par un pasteur et s'était adonné à
l'ivrognerie.
Martel dit Latour, natif de Poyols en Dauphiné , prêchait
depuis 1688 et évangélisa non seulement cette province, mais
encore Orange, le Vivarais et le Languedoc. Il raconte, dans ses
Mémoires manuscrits (Bibl. de Gen., mss. Court, n° 17, vol. B),
qu'il fit la connaissance de Claude Brousson, en 1695, à Mor-
nans, près Bourdeaux en Dauphiné, chez Jacques Mazel , et que
le célèbre apôtre du Désert lui donna l'ordre d'administrer la
sainte Cène , ce à quoi il ne voulut jamais consentir. Brousson
l'engagea aussi à aller à Nîmes et il s'y rendit l'année suivante, en
passant par le Pont-Saint-Esprit, Saint-Ambroix et Alais. Il
donna quelques prédications dans ces deux derniers lieux et faillit
être arrêté dans le second. Etant revenu en Dauphiné, il tomba
malade et se réfugia en Suisse. Après « plusieurs années de rafraî-
chissement, » comme il le dit lui-même, il fit diverses fois le
voyage de France. Au troisième, il fut arrêté à Lyon et relâché ,
ou bien il s'évada. Ce point de ses Mémoires n'est pas clair. En
1727, il quitta définitivement la France. C'est au cours d'un de
ces divers voyages qu'il s'établit dans le Vivarais (fin de Tannée
1724). Après plusieurs mois de travaux, il se présenta comme
ministre devant le synode du 17 avril 1725 ; mais comme il refusa
348 HISTOIRE DES PROTESTANTS
de donner des témoignages de la réalité de sa charge , de sa
bonne conduite et de la légitimité des raisons qui lui avaient fait
abandonner le Dauphiné , la Compagnie enjoignit aux Eglises du
Vivarais de ne lui laisser remplir aucune fonction pastorale. Elle
pria en même temps Jacques Roger, pasteur en Dauphiné,
d'écrire des lettres de représentations à Martel. Ce dernier
n'ayant pas répondu à ces lettres, non plus que comparu devant
le synode du 21 juin 1725, cette compagnie confirma sa précé-
dente décision , et Martel quitta le Vivarais.
Guii.HOT (Jacques), né aux Vastres en 1670, commença à prê-
cher dans la Montagne en 1690. Ayant béni des mariages, sans en
avoir reçu l'autorisation des synodes de la province, celui qui se
réunit le 21 mai 1732 lui fit promettre de mieux respecter à l'ave-
nir la discipline. Les synodes du } mai 1734 et du 11 avril 1740
ayant été informés qu'il n'avait pas tenu sa promesse , le mena-
cèrent de l'excommunier, lui et ses partisans, s'il ne rentrait dans
l'ordre ecclésiastique. Guilhot avait peu d'instruction , mais il
était pieux et honnête. Il travaillait la terre de jour et annonçait
l'Evangile de nuit. Il vivait encore en 1740.
Denos (François) dit Chalayer. Le synode du 29 avril 1727
lui défendit de remplir aucune fonction ecclésiastique, parce qu'il
se disait inspiré. Il s'était , de plus, adonné à l'ivrognerie et à la
violence, avait fait baptiser ses enfants par des prêtres et était
menteur et arrogant. Denos ne savait pas écrire , ne pouvait
même pas lire une lettre écrite à la main et ignorait les premiers
principes de la foi.
Lapra (Jean) dit LafFaurie , né à Chàteauneuf-lès-Vernoux, et
reçu prédicateur par le synode du 15 avril 1730, demanda à celui
du 3 mai 1734 une « attestation de sa bonne conduite, « qui lui
fut accordée. A cette date , il quitta la province et se rendit à
Carthafern, près Sybourg, dans la province de Hesse-Cassel, où
il fut régent d'école.
Moula (Pierre), reçu prédicateur au synode du 11 octobre
1735. Ayant demandé un congé au synode du 7 octobre 1737 pour
rétablir sa santé, la Compagnie le lui accorda. Il renouvela sa de-
mande au synode du 30 avril 1738, qui lui permit de « se retirer, »
disent ses actes, « où la providence divine voudra l'appeler. »
Lafont (Paul-Auguste) dit Fontenelle, du bas Languedoc, fit
ses études, à ses frais, au séminaire de Lausanne, d'avril 1745 à
juillet 1746. A son retour, il donna quelques prédications dans le
DU VIVARAIS ET DU VELAY 349
Vivarais. De là il se rendit en Provence, où il demeura de i 746 à
à 1754. Il fut consacré au saint ministère en 1748, et devint pas-
teur dans le haut Languedoc à partir de 1756. Le synode national
de 1763 le déplaça, parce que quelques-uns de ses coreligionnai-
res l'accusaiefnt d'avoir des liaisons trop étroites avec les catholi-
ques. Nous le perdons de vue depuis ce moment.
Maurin (Jean), natif de Royas, près de Saint-Laurent-du-
Pape. Le synode du 18 octobre 1757 lui adressa vocation, alors
qu'il était encore au séminaire de Lausanne, et pria ses directeurs
de le consacrer au saint ministère. Il semble que ces derniers ne
furent pas de ce sentiment, car Maurin était encore proposant
en 1763.
Pelissier , né à Chalencon , reçu étudiant par le synode du
18 octobre 1757.
Peyron (François), né à Saint-Maurice-en-Chalencon. Prédi-
cateur vers 1765.
CoSTE, fils du pasteur François Coste, nommé plus haut, étu-
diant libre au séminaire de Lausanne , demanda au synode du
27 avril 1774 d'être reçu comme étudiant de la province. La
Compagnie décida de ne l'agréer comme tel qu'après le retour
des trois étudiants que le Vivarais avait déjà au séminaire.
RissoNsdit Bergeron, recommandé par le pasteur Paul Rabaut
au synode du 13 mai 1779, qui décida de l'envoyer, comme étu-
diant de la province, au séminaire de Lausanne.
Lagarde, frère du pasteur Louis-André Lagarde, nommé plus
haut, reçu étudiant par le même synode.
Maisonneuve, reçu étudiant par le même synode. C'était le
petit-fils d'un personnage de même nom. à qui, d'après les
actes du synode précité , les Eglises du Vivarais devaient de la
reconnaissance.
Serre, étudiant au séminaire de Lausanne en 1775. Rappelé
par le synode du i^"" mai de la même année, il ne fut pas jugé
suffisamment instruit, et le synode du le-" mai 1778 pria le sémi-
naire de Lausanne de le reprendre pour une année. Ayant, après
cela , demandé à desservir un quartier dans le bas Vivarais , le
synode le lui refusa et ordonna même une enquête à son sujet, le
1^' mai 1781. Le 22 août suivant, il l'autorisa néanmoins à faire
les fonctions de prédicateur, mais décida qu'il ne serait consacré
au saint ministère qu'à l'âge de trente ans, pourvu que, jusque-là,
sa vie fût régulière.
^^0 HISTOIRE DES PROTESTANTS
GuiLLOT (Balthazar) dit Ducros , du grand Crouzet , paroisse
de Saint-Voy, s'était introduit sans mandat dans les quartiers de
Boflfres et de Pierregourde. Ayant demandé au synode du 26 mai
178^ de le recevoir comme proposant, la Compagnie, qui ne
trouva pas ses certificats suffisants, lui interdit la prédication pen-
dant une année, mais lui permit d'enseigner le catéchisme aux par-
ticuliers. Guillot réitéra sa demande au synode du 15 juin 1786,
qui le renvoya au synode suivant.
Bourgade, d'abord prédicateur dans la Montagne et aide du
pasteur schismatique Philip dit Lacoste, fut envoyé au séminaire
de Lausanne sur la recommandation des pasteurs des hautes
Cévennes. Pour le premier fait , et parce que les partisans de
Lacoste espéraient qu'à son retour il continuerait à seconder ce
dernier, le synode du 7 juin 1787 décida d'écrire au séminaire de
Lausanne de le congédier.
Noë (Antoine) et Noë (Alexandre), fils du pasteur Noë-Bin-
vignac, mentionné plus haut, furent reçus étudiants par le synode
du 7 juin 1787. Celui du 22 mai 1788 consentit au départ de l'un
d'eux, probablement d'Antoine, pour le séminaire de Lausanne.
Ils avaient été placés sous la direction d'Astier par le premier
synode.
Bernard (Louis), né au Chambon , paroisse de Saint-Vincent-
de-Durfort, reçu étudiant par le synode du 7 juin 1787.
FoNTBONNE, fils de Jean-Isaac Fontbonne, de Martel, paroisse
de Saint- Apollinaire-de-Rias , reçu étudiant par le synode du
22 mai 1788.
Rattier-Léorat , de Rattier, de la famille aînée des Rattiers,
ayant demandé au synode du 13 mars 1789 « de l'admettre au
nombre des étudiants du Vivarais ^t de le recommander en cette
qualité au V. C. (vénérable comité) de Lausanne, la Compa-
gnie , » disent les actes de ce synode, « lui accorde sa demande
à la condition qu'il sera examiné, avant son départ, par le secré-
taire de ce synode, et qu'à son retour il aura une église dans cette
province , si on peut lui en former une ; sinon on lui accordera
d'en demander une ailleurs. »
Rattier (Jean-Henry), frère plus jeune du pasteur Jacques
Rattier, mentionné plus haut, reçu étudiant par le synode du
10 août 1789.
FuziER (Paul), né en Vivarais, mais domicilié à Vevay (Suisse),
reçu étudiant par le synode du 19 septembre 1792, sur la recom-
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
?^I
mandatioti d'un pasteur de cette ville, et autorisé à entrer au
séminaire de Lausanne par le synode du i^'' mai 1793.
Léage (Jean-Pierre), de Fraissinet , paroisse de Saint-Jeure-
de-Bonas, reçu étudiant par le synode du 1®'' mai 179? , qui de-
vait écrire au séminaire de Lausanne pour s'informer si on pourrait
l'admettre.
Feyne (Pierre), du Pichoux, paroisse de Saint-Agrève , reçu
étudiant par le synode précité.
Il est vraisemblable que ces neuf derniers étudiants, dont nous
ne retrouvons plus de traces, furent incorporés dans l'armée fran-
çaise au moment de la levée en masse ordonnée, le 10 août 1793,
par la Convention nationale, et que la plupart d'entre eux péri-
rent sur les champs de bataille.
PIECES JUSTIFICATIVES
N" l. — Généalogie des Chambauds (i).
(Vol. I, p. 74.)
I. Imbert de Chambaud, écuyer, seigneur de La Tourette , de
Valaury, puis de GJuiras, mort avant i^8, marié à Françoise de
Presles, dame de Valaury, morte en 1544. Père de :
II. François de Chambaud (2), zélé huguenot, écuyer, seigneur
de Gluiras , de Valaury, puis de Vacherolles. Il acheta, vers 1555,
d'Annet de la Veyse et de Jacqueline de Vacherolles , femme de
ce dernier, la maison forte, domaine et métairie noble de Vache-
rolles, située dans la paroisse de Saint-Julien-d'Ance, près Cra-
ponne en Velay. Ce fut cette circonstance qui le mit en relation
avec Claude-Armand de Polignac dit Torticolis, connu sous le
nom de baron de Chalancon, dont il devint l'ami et le conseiller,
et qu'il décida à embrasser le parti des huguenots. C'est ce qui
explique pourquoi François de Chambaud figure , comme commis
de ce dernier, aux Etats généraux du Languedoc de 1563. Il
accompagna le capitaine dauphinois Matthieu de Forêts-Blacons
dans sa tentative infructueuse sur la ville du Puy , en août 1562.
Blessé dans une rencontre armée en septembre 1578, il testa le
23 octobre suivant. Il était mort en 1580. De son mariage, con-
tracté en 1558 avec Christine de Fay, deuxième fille de Renaud
(i) Chassaing, dans les Mémoires de Jean Burel , p. 89, 108-110.
(2) Les deux éditions de La France protestante n'ont connu ni François
ni Imbert de Chambaud.
II.
23
5 54 HISTOIRE DES PROTESTANTS
de Fay, seigneur de Gerlande, et de Diane d'Aps , morte le
i8 novembre 1558, il laissa trois filles et un fils qui suit.
III. Jacques de Chambaud épousa, en 1577, Marie de Bar-
jac, fille de feu Charles de Barjac, seigneur de Rochegude et de
la Baume, commandant dans le Vivarais en l'absence de Dam-
ville, et de Simone de Lauberge , dame de Colaus. En 1585 , il
vendit au seigneur de Fay-Gerlande , son parent , la terre de La
Roche-Carlac , qu'il avait héritée de sa tante Louise de Cham-
baud , et acheta la baronnie de Privas, par contrats des 11 mai
1599 et 3 août 1600, de Charles-Robert de Lamarck , comte de
Maulevrier , petit-fils, par sa mère, de la célèbre Diane de Poi-
tiers. Henri IV appréciait beaucoup les qualités militaires de
Jacques de Chambaud et lui confia la charge de mille hommes de
pied dans l'expédition de Savoie. Il mourut de froid, enseveli dans
les neiges, vers la mi-novembre 1600, dans la vallée d'Aoste, en
face de l'ennemi , ne laissant qu'une fille , la célèbre Charlotte-
Paule de Chambaud, qui s'était mariée, le 5 septembre 1597,
avec René de la Tour-Gouvernet , un des fils du grand capitaine
dauphinois de ce nom. — Le reste, comme dans La France pro-
testante.
IV. René, qui était chevalier, baron de Larchant et de Meno-
tier , prit le nom de Chambaud à la mort de son beau-père. En
1601 il était gouverneur de la ville et château de Montélimar, et
leva, en 161 1 , avec Nérestan et Fontcouverte , cinq compagnies
dans le Vivarais et le Velay pour secourir Genève, menacée par
le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, après la mort de Henri IV.
Ayant pris, en 161 7, avec la permission du roi , du service auprès
du même duc, qui était en guerre avec les Espagnols, il périt au
siège de Verceil la même année. — Le reste, comme dans La
France protestante.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^55
N° II. — Liste générale des réfugiés du Viva-
RAIS ET DU VeLAY.
(Vol. I, p. 96.)
A. — RÉFUGIÉS DE Genève.
10 Réfugiés reçus habitants de Genève (i).
1551, 14 mai. Sbatien Destourbe, du païs de Viveres , du lieu
de Volconse, diocèse de Vienne.
1554, 22 mai. Michel Leruson, potier d'estaing, de Privas en
Vivareys.
— 12 juin. Firmin Gevaudan , escripvain du lieu des Jugle-
fes, paroisse de S» Mellany, en Viveroys.
— ^i juillet. Mathieu du Nyère, de Scalancon en Vivaires,
diocèse de Viviers, libraire.
— 15 octobre. Pierre Bourgeois (ou Bourgeas) , du lieu des
Beaulx, par" de T... et diocèse du Puy en
Velay.
M 56, 6 janvier. Gabriel de Loue, bolengier, natif de Joieuse
en Vivarès.
— 27 avril. Vidal Labos, couturier, natif de Grat.,.c, diocèse
du Puy.
— 4 mai. Bertrand Rocthain , natif de la ville de Joyeuse
du Languedoc.
— — Antoine Larmandes , natif de la ville de Joyeuse
du Languedoc.
— 25 mai. Bartholomier Cluseau, esguilletier, natif de Sainct
Dédier en Vellay,
— 21 décembre. Guillaume, fils de feu Claude Veye, de
Chalencon en Vivereis.
1557, 15 mars. Antoine Blachière , du lieu de Valx , diocèse du
Viviers du Languedoc.
— 29 mars. Hugu-es Morin, d'Annonay au Vivarois, diocèse
de Vienne.
(i) Registre et Rolle des estrangiers, etc. Lacunes du 50 janvier 1569 au
21 septembre 1^72 ; du 5 août 1574 au 17 janvier içS? (Arch. de Thôtel de
ville de Genève).
w5 HISTOIRE DES PROTESTANTS
,557, c; avril. Antoine Chabert , le jeusne , natif de la ville
d'Annonay en Vivereys, dioc. de Vienne.
— 26 avril. Loys de Brunaire, imprimeur, natif de la ville
d'Annonay en Vivereys, dioc. de Vienne.
— 28 juin. Baltazard Monnyier , natif de Beaumont en Vi-
veras.
— 15 octobre. Antoine Moreton , tanneur , natif d'Annonay
en Viveroys.
— 18 octobre. Etienne de Launes, de la ville de Joyeuse en
Viverois.
__ — Michel Loyal, natif de la ville d'Annonay en
Viverois.
,5^8, 22 mai. Gervais de Meserat, natif de S» Laurent des
Bauges, au diocèse de Viviers.
_ 5 décembre. Jehan de la Rive, natif de Thues en
Viveres.
icig 9 mars. Antoine Marin, de Mayres en Vivareys.
_ ' 20 mars. Claude Bonnaire (ou Bouvaire) , fileur de soie,
natif de la ville d'Annonay en Viverès, dio-
cèse de Vignie (Vienne) en Daulphiné.
- 24 avril. Florimon Darbres, cordonnier , natif de la ville
d'Aulbenas en Vivareis.
_ _ Nicolas Baruel, originaire du lieu de Privas en
Vivareis , pays de Lang«.
_ 8 mai. Mathieu Marca, tisserand, natif de la ville d'An-
nonay en Vivereis, dioc" de Vienne en Dau-
phiné. .
_ ,5 mai. André Rosier, du lieu de la Rovoire en Velay ,
diocèse du Puy.
_ 10 juillet. Matthieu Pascal, natif de Joyeuse.
_ , 7 juillet. Jean Bonier (ou Bovier), natif de la ville d An-
nonay en Viverois, dioc. de Vienne.
_ 7 août. Jehan Charaix , acquebutier, natif de Joyeuse en
Vivareis.
- 8 août. Claude Riou , du lieu de Loulanier grand en
Velay , dioc. du Puy.
_ 4 septembre. Biaise Hollier, natif de La Chapelle au
pays de Vivares , médecin.
_ _. Simon, Claude, Nicolas, Louis et Guil-
laume Duboes , espinasseurs , père et
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3 57
fils , natifs de la ville de Largentière en
Viverois , pays de Languedoc.
1559, 9 octobre. Jehan Goyon , natif de la ville du Puy en
Velay , dioc. de la dite cité.
2 novembre. Noble Jehan Mondon (ou Moudon) , du
du lieu d'Antragues en Vyvareis.
— 18 décembre. Jehan Briançon, tanneur de la ville d'An-
nonay, en Viverois, dioc. de Vienne.
1572, 8 septembre. Pierre Daviti (ou Daniti), de Tournon en
Viverois.
— ;i3 septembre. M« Pierre Raillet, du comté de Bourgo-
gogne, ministre à Annonay, pays de
Viverois.
— 16 octobre. M« Nicolas du Faure, de Dunière en Velay,
advocat au siège de Montfaucon.
— 20 octobre. M** Pierre de Cussonel , d'Annonay en Lan-
guedoc.
— 31 octobre. Maturin Judi , d'Annonay, advocat.
— — Antoine Mercier, d'Annonay.
— Thomas Ducros , de Monetier près d'Anno-
nay, m** d'escole.
— — Jean Arnaud, d'Arsans en Viverois, ministre
à Lyon et ailleurs.
— 4 novembre. Antoine Charbonnel du Puys , pays de
Velay, tanneur.
— 7 novembre. Claude Chomel, d'Annonay, et
Bartholomé Varnasson, dudit lieu, cordon-
nier.
— — Jean Pensière, d'Annonay , tanneur.
— 18 novembre. Vital Laurent, d'auprès du Puys en Auver-
gne {sic), ministre au Buys et à Vercores
(Vercoiran) en Dauphiné.
26 novembre. Pierre de Borne, du Vivarès, en Lan-
guedoc.
ii;85 , 9 février. Claude, fils d'Ant»» Four du Puy en Auver-
gne (sic), espinglier.
— !«■■ mars. Jean, fils de Félix Clôt, de Chalencon en Viva-
rez, tisserand de toiles.
— 29 mars. Jaques , fils de Pierre Fore . de Desaigne en
Vivaretz, cordonnier.
3^8 HISTOIRE DES PROTESTANTS
1585, 5 avril. Laurent, fils d'André Baume, d'Aubenas en Vi-
varois, chapelier.
— 20 juin. Elie, fils d'Antoine Neri, de Privas en Vive-
retz , teinturier.
— — Jean, fils de Jean Faubrot, de Meiras en Vivaretz,
tailleur ,^et
Pierre , fils de Jean Dellis, de Joyet (Joyeuse ?) en
Vivaretz, tailleur.
— IQ juillet. Jaques , fils de Jaques Revel , de Chasteauneuf
de Vernes (Vernoux), en hault Vivarès, cor-
donnier...
— 4 octobre. Jean, fils de Jean Montmiral, de Nonnay en
Vivaretz, chapelier,
— II novembre. Estienne Roux, de Puy en Vellay, tan-
neur.
— 20 décembre. Jean Floud, d'Annonay, drappier.
— — Barthélémy Fauger , d'Annonay, labou-
reur.
1586, 28 mars. André Flot, d'Annonay en Vivaretz, sargier.
— 3 mai. Antoine de Vassart , de La Voulte en Vivaretz,
marchand.
1587, 15 décembre. Rostan André, de Privas,
1681 , 28 mai. Mellet Bernard, du Vivarais, soldat de sa pro-
fession.
1685, 4 septembre, Gougeon Jacques, d'Annonay, relieur de
livres.
— 28 septembre. Rignol Jean, d'Annonay, cordonnier.
— 15 octobre. Combler Matthieu, de Beauchastel.
1687, 9 avril. Béraud Jacques, de Privas, cordonnier.
— 10 décembre. Rossilon Jacques, de Beauchastel.
16B8, 13 janvier. Dupré Isaac, de Chalencon (Vivarais), tail-
leur.
— 9 juin. Seauve Jean, de Vernou (Vivarais), faiseur de
draps.
— 29 août, Vincent Simon Pierre, de Vivarais, boulanger.
— 31 août. Poyas Jacques, de Beauffre, chirurgien.
1689, 5 mars. Chastanier, du Cheylas.
— 7 septembre. Bérault Paul, de Privas, cordonnier.
— 15 octobre. Borgel Etienne, d'Annonay, marchand.
— 30 décembre. Ministrier Paul, d'Annonay.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3 59
1690, 7 avril. Fore, de Pierreville (Vivarais), tisserand.
1692, 15 août. Bellay Jean, de Pierregourde (Vivarais), me-
nuisier.
1693, II juillet. Poyas, de Boffres , chirurgien.
1694, 6 juillet. Bret Jérôme, de Toule (Vivarets), cordonnier.
6 octobre. Freydier Etienne, de Lavoulte, tailleur.
1695, 27 avril. Mestier Louis, de S' Siphorien (Vivarets),
tailleur.
1696, 2 mars. Justamous Annibal , de Valon , chirurgien.
25 mars, Teiras Jean , de Beauchastel, cordonnier.
— 26 mai. Chastagneret Paul, de Chalencon, tailleur.
— 10 novembre. Salomon Pierre, de Marcol (Vivarais),
tailleur.
1697, 15 février. Bouverot Claude, de Véron (Vivarais), tisse-
rand.
— 19 septembre. Favres Jacques, de St Pierreville, tisse-
rand.
1698, 28 mars. Luquay Gédéon , du Cheylas, tailleur.
1701, 7 février. Delomme Pierre, de Charmes, marchand.
— 12 février. Salomon Jean Pierre, de Marcols.
— 15 février. Boulier de Beauregard (Alexandre), d'An-
nonay.
— 21 octobre. Roussillon Jean , de S» Fortunat, horloger.
— 28 octobre. Peyret Isaac, de S' Fortunat, horloger.
1702, 7 mars. Rieux Jean Louis, de Privas, marchand.
— 27 mars. Bac Antoine, de Pierregourde, ébéniste.
1703 , i^"" août. Prat Pierre , de Veyras, chapelier.
1705, 28 février. Combaroux François, d'Annonay, peintre.
— 6 mars. Bourjat Jean, du Vivarais.
— 2 juin. Porrel Pierre Antoine, de Châteauneuf( Vivarais).
1706, 18 janvier. Azalbert Jean, de Carman , Vivarais, faiseur
de bas.
— 24 avril. Dupoux François, de Vallon, tisserand.
— 22 juin. Pouget Esaïe, de Vallon, faiseur de bas.
Ï708, 18 mars. Ozy Louis, de Mirabel (Vivarais), menuisier.
^, avril. Meyer Mathieu, de S' Julien.
— 22 juin. Charrière (François de la), de Privas, négociant.
_ — Salli Etienne, de S» Fortunat, soldat.
— II août. Bourgeat Louis, de Gleuras (Vivarais), tailleur.
— 28 août. Paret Théophile, d'Annonay, chapelier.
360 HISTOIRE DES PROTESTANTS
170H, 7 septembre. Barbe Jacques, de Vernou, charpentier.
— 29 septembre. Montillon Jean, d'Annonay.
1709, 20 avril. Lacombe Claude, de Gluiras (Vivarais), menui-
sier.
1710, 16 septembre. Saunier Etienne, de Vernou, tondeur de
draps.
1711, 27 février. Pialet Jacques, de S* Vincent de Bary, jardinier.
— 17 août. Vernai Jacques , du Vivarais, tailleur.
— i®'" septembre. Miane Jacques, de Privas, boulanger.
— 15 septembre. Bâtard Antoine , du Vivarais, cordonnier.
— 9 octobre. Conte Etienne, de Privas.
— 8 décembre. Fore (ou Faure) J. Pierre, du Vivarais,
jardinier.
171 2, 29 mars. Melared Mathieu, de Privas, tailleur.
171 3, 13 janvier. Vial Joseph, du Vivarais, tondeur.
— 24 juin. Matevon Antoine, du Vivarais, tailleur.
1714, 5 janvier. Luquet Jean, de la Bâtie de Crussols, tailleur.
— 10 février. Prat Paul, du Vivarais, drapier.
— 12 mars. Peystre Jacques, de Tence.
— 10 avril. Vernay Pierre, du Vivarais.
— 30 mai. Fore (ou Faure) Louis, fils de Henri, du Viva-
rets, tisserand.
— 10 août. Dubois Moïse, du Vivarais, menuisier.
1715, 21 janvier. Johannot Mathieu, d'Annonay, droguiste.
1716, 15 mai. Rouvière Abraham, de M... en Vivarais, brouet-
tier.
— 8 juillet. Fougerol Louis, du Vivarais.
— 21 novembre. Roche Jacques, d'Annonay, maréchal.
— — Grel Salomon , de Chomerac, cordonnier.
171 7, II juin. Gaillard Pierre, de S* Silvestre, perrier.
1718, 9 février. Cherrier Antoine, de Loche en Vivarais (?) ,
soldat.
— 5 juillet. Lérat Antoine, Vivarais, menuisier.
1719, I®'' septembre. Virilliat Pierre, Thines en Vivarais, soldat.
1720, 4 mars. Serres Joachim, du Vivarais, tailleur.
— 19 avril. Pestre Jean, de Privas, tanneur.
— 29 juin. Pioche Alexandre, de Serres, près Privas.
— 5 juillet. Téron Jean , de duras , Vivarais, ouvrier dra-
pier.
— 12 juillet. Olier Jean, de Vallon, boulanger.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 361
1721, 22 mars. Grel Pierre, de Charmes , cordonnier.
1722, 9 février. Simon Jacques, de Belcastel , garçon de ma-
gasin.
— 20 février. Soubéran Louis, de S' Georges , tisserand.
— 17 avril. Ducros Jean, de Prades ou Prannes en Vivarais,
tisserand.
— 27 mai. Remondou Jean, de S» Fortunat, jardinier.
— i^r juillet. James Mathieu, de Si Vincent, boulanger.
1723, 4 juin. M ondon Jacques, Privas, manœuvre.
1725, 21 avril. Imbert Jean , du Cheylard , tisserand.
— 15 mai. Bourget Jacques, d'Annonay, chapelier.
— 15 juin. Chambaud Alexandre, de Privas, manœuvre.
— 3 juillet. Mallet David, Privas, cordonnier.
— 5 novembre. Courtial Elisée, de Vernou, soldat.
— 17 novembre. Essertier Daniel, du Vivarais, jardinier.
— 3 décembre. Béraud Joseph , du Vivarais, menuisier..
1726, !<, avril. Maire J. Jacques, La Bâtie de Crussols, f"" de
bas.
— 29 avril. Fougerol Alexandre, de Serres, caporal.
— 7 septembre. Chavagnac Jacques, près Privas, coupeur
de bois.
— 27 septembre. Valette Jean, Chaulhiac , sergent.
1727, 4 avril. Charmesson Pierre, de Vallon, tanneur.
— 18 avril. Major Jean, de Baix, manœuvre.
— 17 mai. Comte Jacques, Privas, maçon.
— 18 mai. Pouret Pierre, S* Julien, menuisier.
— 4 juillet. Mauve Matthieu, Privas, tisserand.
— 22 août. Dosson Jacques, Privas, cordonnier.
1728, 19 mars. Rission Pierre, S» Vincent du Fort, jardinier.
— 19 avril. Brunet David, Vernou, cordonnier.
— 9 juillet. Blanc Félix, Chambon , chapelier.
1729, 2 février. Remond Jean, de la Bâtie de Crussols.
1730, 4 février. Mazeirac François, de Vernou, corroyeur.
— 4 août. Mialle Simon, Privas.
— 6 septembre. Chazal François, Privas, tailleur.
— 18 novembre. Lafont Antoine, S' Cierge, fournier.
1731, 16 janvier. Glaize David, Chalencon , soldat.
— 22 juin. Salmon Jean , Marcols, perruquier.
— 6 juillet. Vezian Etienne, du Vivarais, soldat.
— 29 octobre. Trappier Jacques, du Vivarais, tanneur.
j62 HISTOIRE DES PROTESTANTS
1732, II janvier. Ponconnet Nicolas, du Vivarais, cordonnier.
— II février. Arnaud Jacques, Le Puy, relieur.
— 2 mai. Chambon Louis, S* Pierreville, fab* de bas.
1733, 17 avril. Pinet Jean, S» Marcel, boulanger.
1734, — André Juste Henri, du Vivarais, perruquier.
ï735> 7 janvier. Prat Pierre, Privas, manœuvre.
— 27 avril. Gralliac Mathieu, Beauchastel.
1736, 9 mars. Closet Daniel, Privas.
1737, 18 mars. Valon , tailleur.
1738, 8 février. Peyras Pierre, Glun, près Tournon , jardinier.
— 4 juillet. Dorsival Jean, Bergeron (.'') (Vivarais), mouli-
nier de soie.
— 12 août. Gaise Jacques, S» Geneis, menuisier.
1739, 3 février. Chapelon Pierre, S' Agrève.
1740, 25 mars. Brusee Paul (dit Lamothe), Privas, traiteur.
— 16 septembre. Barnoin Jacques, Vallon.
.1741 , 25 mars. Escotet Jean, La Bâtie du Vis.
— 8 septembre. Jouvet Pierre, du Vivarais, tailleur.
— 15 septembre. Bougnard J. Jacques, S' Fortunat.
1742, 9 février. Gros Etienne, S* Agrève, tisserand.
— 23 février. Verdier Jean Paul, Vallon, tailleur.
— 15 juin. Boisson Jean, Vernoux.
— 6 août. Paget Etienne , d'Annonay, tanneur.
— 7 décembre. Duvillard Pierre, Solignac.
1743 , 9 février. Chante François, de V... en Vivarais, soldat.
1744, 14 mars. Brunet J. Pierre, S' Michel.
— 8 juin. OUier Marc, Vallon, cordonnier.
— 10 juilUet. Clausel Pierre, de Pys, garçon chirurgien.
— 21 août. Pradier Pierre, Vallon , fondeur.
1748, 20 février. Brot Jacques, du Puy, passementier.
— 27 août. Aldier Antoine, Vallon, boulanger.
— 4 octobre. Poux (Velay), f de soie.
1749, 20 janvier. Meyer Mathieu, du Vivarais, chapelier.
— 19 avril. Lagrange François, d'Annonay.
— 9 juin. Picot Isaac, du Vivarais, tailleur.
1750, 16 juin. Chazal Louis, La Mastre, horloger.
171)2, 6 mars. Pagaud Alexandre, Chomérac, charpentier.
— 12 juin. Laurier Timothée, Privas, menuisier.
1754, 29 juin. Chossat Etienne, Boffres, tanneur.
— 15 juillet. Durand Jacques , Creyssac.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 363
1755, 15 mars. Ducros François. Vallon , tisserand.
•759» 19 janvier. Delarbre Pierre, Gluiras, négociant.
— 12 novembre. Mentelin Baptiste, Annonay, serrurier.
1762, 26 novembre. Chatel Jean Pierre, Valançon, coupeur de
bois.
1764, 21 mars. Chirouze Pierre, du Vivarais, chapelier.
— 25 mai. Bernard Claude, Vernou, tanneur.
— 2 juin. Maisonneuve J. Pierre, Champis, tanneur.
— 20 novembre. Lafaye Marc, Salavas, f de bas.
1765, 8 avril. Bansel Jacques Dessagnes, menuisier.
— 26 avril. Arsac Antoine, S» Agrève, tailleur.
1766, 21 mars. Peschère Simon , Vallon , cordonnier.
— 29 avril. Payen Paul , S' Alban.
1772, 13 juillet. Ponton Louis, S* Michel, cordonnier,
1774, 13 mai. Broë Jean, Lagarde, commis commerçant.
— 26 août. S» André Antoine, Bras, négociant.
1776, 23 avril. Duron Jean François, d'Aubi près le Champis,
ouvrier boulanger.
1778, 27 juin. Jean Broë, Lagarde.
1779, 6 juin. Ducros Jacques, S' Cierge, tanneur.
1780, 5 mai. Lafaye Pierre, Salavas, négociant.
— 30 octobre. Dussaud Jean, Vallon, chirurgien.
1783, 7 mars. Raze Jean Pierre, D (i), du Vivarais, garçon
fournier.
— 25 avril. Donosil Jean, D, du Vivarais, ouvrier menui-
sier.
— 28 juillet. Lagrange Louis, D, du Vivarais, coupeur de
bois.
— — S' André Jean, D, du Vivarais, relieur.
— II août. Bole Pierre, D, du Vivarais, tailleur.
— 22 décembre. Buisson Moïse, D, du Vivarais, jardinier.
1788, i<, février. Debar Pierre, D, du Vivarais, tailleur.
1790, 10 août. Bosc Pierre, du Vivarais, tanneur.
1795, 14 novembre. Bioussier Etienne, Vivarais, tanneur (de-
mande à être reçu citoyen).
(i) Domicilié. Classe de citoyens créée à Genève dans les dernières an-
nées du dix-huitième siècle, et jouissant de quelques privilèges de moins que
les habitants.
364 HISTOIRE DES PROTESTANTS
2" Réfugiés reçus bourgeois de Genève (i).
1538, 29 janvier. Pierre Gurin de Nonnain en Vivareys.
1567, 10 juillet. Loys, filz de M» Anth. MalioUier, d'Aubenas
en Vivareys, ayant Daniel et Isaac ses fils.
1560, 10 juin. Jehan, filz de feu Michel Beal de Brins en
Vivarets.
1561 , 26 juin. Jacques, filz de feu Claude Vuyton, de Tournon
en Vivarets.
1563 , 22 juillet. Michel Leoson, pothier, de Privas en Vivarets.
1564, 25 décembre. Me Estienne Reboulet, régent au collège,
fils de feu Jehan Reboulet;, luy vivant no-
taire royal , de S^ Agreve en Vivarais.
1579, 6 mars. Barthélemi Vidalon , fils de Claude, d'Annonay.
1584, 18 mai. Pierre Bausson, fils de Jean, apothicaire d'Orela-
genc {}) en Vivarets.
1595, 2! octobre. Estienne, filz de feu Jacques Roux, du pays
de Velay.
1604, 22 août. Pierre Joffre et Estienne Joffre, son nepveu ,
d'Aubenas en Vivareys.
1614, 5 juillet. Pierre Grangier, fils de Durand, foulon, de
Saint-Jeure [d'Andaure] en Vivarois.
1616, 5 juillet. Pierre, fils de feu Durand Grangier, de S. Joire
en Vivaretz.
1670, 23 décembre. Jean Brune, de Symphorien en Vivarez.
1684, 22 mars. Abraham Duvillars, du Vivarets.
1685 , 3 février. Céphas Reynet, de Privas en Vivarets.
1697, 26 janvier. S"* Etienne, fils de feu Théophile Bourguet ,
d'Annonay en Vivarès, avec Isaac, Nicolas
et Etienne Bourguet, ses trois fils.
1699, 14 juillet. S"" Alexandre, fils de s'' Jacques Rieu , de Pri-
vas en Vivarets.
1705, 22 avril. S"" Jean, fils d'Estienne Chôme), d'Annonay en
Vivarais.
1708. 26 novembre. Jean Louis, fils de Jean Rieux, de Privas
en Vivarais.
(i) Livre de bourgeoisie (Arch. de Ihôtel de ville de Genève^.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 365
1710, 2} août. Charles, fils de Charles Combler, de Charmes
en Vivarets.
1711 , 2 décembre. Antoine, fils de feu Simon Duvillard, d'Al-
lisas, au balliage de Privas, avec David
Duvillard, François et Emmanuel Du-
villard, ses trois fils.
1714, 5 octobre. S"" Alexandre, fils de s^" François Menuret,
de Baix en Vivarets.
1715, 1) mars. S"" François, fils de feu Antoine Villard , de La
Gorce en Vivarets, avec Jean et George Vil-
lard, ses fils.
1725 , 9 février. S"" François, fils de feu s"" Abraham Peschier,
du lieu de Valon en Vivarets.
1726, 28 mai. S"' Antoine, fils de feu s"" François Coullet, mar-
chand, de Saint Fortunat en Vivarets.
1729, 14 mai. S"" Paul Torras, marchand, fils de s'' Paul Torras,
de Beauchastel en Vivarez.
1730, 28 novembre. Jean André Juventin, fils de Jean Pierre,
de Bauflfres en Vivarets, né à Lausanne.
1747, 23 mai. S"" Jean César, fils de Simon Broë , natif de la
Mastre en Vivarets, apothicaire.
1769, 29 septembre. Jean Pierre Terras, de Vivarets, fils de
André Terras, chirurgien.
1771 , 25 juin. François Lagrange, d'Annonay en Vivarès, fils de
feu André Lagrange, avec Pierre Barthélémy,
son fils.
1779, 22 juin. Jean César Broë, fils de Jean Pierre, négociant,
de La Garde en Vivarets, avec Jean Victor, son
fils mineur.
B. — 1° Liste des réfugiés du Vivarais étant à Lausanne en
janvier 1765 (i).
Refuge du chef
de famille.
Veuve Bousquet, veuve de Marie.
Blachon Jean, ci-devant ministre. 1750
Bernard Madeleine, de feu Charles. 171 2
(i) Arch. nat. , TT, 235,
^66 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Refuge du chef
de famille.
Chatil Jean. 1741;
Comberouge , veuve de Louis. 1740
Chabrin Jean. 1717
Chave Louis. 1738
Chambaud Jacques. Ï727
Craponni Matthieu. '727
Desrois Jean Baptiste. 1737
De Montrond Charles J. G. L.
De Montrond Reymond.
De Montrond François, fils du susdit.
Edon Marguerite, de Nicolas.
Edon Nicolas, de Jean, 1686
Perrière Antoine. 1755
Fraisse Abraham feu Antoine. 171 5
Ferrier Pierre. 1755
Gardel Charles. 1720
Genton, veuve de Simon. 1747 ,
Lassagne, v* de ministre. 1740
Lespinasse Anne. 1736
Matthieu Marie et Louise. 171 5
Molle Abraham, de Jean. 1686
Massip, veuve de Jacques.
Molle Elle, de Jean. 1086
Parret Jean David, de Jean David. 1740
Plancher Catherine. 1764
Veyrin André. 1727
Vicat Henriette. 1754
2" Autres réfugiés du pays de Vaud (i).
1552, 14 janvier. Loys Chabel , de Annonay", à Lausanne.
1571» 30 avril. Anthoine Larmandes , marchand drapier, de
Viviers, à Lausanne.
Derocle , originaire de Chastenet , paroisse de Valgorge , à
Yverdon.
(i) A. Crottet, Histoire et annales de la ville d'Yverdon , p. 614, 6^5.
E. Combe, Les réfugiés de la Révocation, p. 122. Ms. Court, n» 17, vol. L.
Jules Chavannes, Les réfugiés français. Bulletin, etc., t. IX, p. 155-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 367
François Menet , originaire de Beauchastel , négociant à Turin,
reçu bourgeois d'Yverdon le 23 novembre 1771.
1690. « M. Saurin, du Vivarez, et sa famille ; on estime qu'ils
doivent être assistés par semaine de 30 sols » , à
Lausanne.
1688, 2^ mars. B. Montillon, ancien de l'Eglise d'Annonay, à
Lausanne (?); Gloray, d'Annonay (Idem).
1791 , 18 avril. Plancher, de Privas, à Vevay.
_ — Pontal, — —
— — Sorbier, de Chomérac —
1698. De Montrond, à Bâle.
— Jacques Poya, de Boffres, chirurgien, à Bâle.
C. — RÉFUGIÉS DE NeUCHATEL NATURALISÉS (l).
1710, 14 janvier. Jean Bougnard , de Saint Christol.
— 17 février. Pierre Villard, d'Alissas, proche Privas.
— — Marie Bautial, d'Alissas.
— — Anne Foulier. de Sous, paroisse de Juldan la
Brosse.
— 3 mars. Isaac Boyer, de Dugua.
— 17 mars, Samson du Seau, d'Aubenas.
— — Simon Pierre Boussenat, de La Serre, tailleur
d'habits.
— 24 mars. Etienne Rousson, de Chalencon.
— — Antoine Arsac, de Boisvert en Saint Jean Roule,
faiseur de bas.
— — Antoine Sallier, de Crussol, cardeur de laine.
— — Jean Picquet, de Vais.
— — Antoine Meyssaunier, de Vais.
— — Paul Alfrène , de Creisseilles.
— 8 avril. Jacques Moula, de Fillastre, de l'Eglise de Chey-
lard, tailleur d'habits.
— 28 avril. Jacques Duplan d'Aubray, paroisse de Vais.
— 17 mai. Jean Jacques Saunier, de Chilias, drapier.
— 4 juillet. Etienne Lerisse, de Guillerans, paroisse de
Peyre, chapelier.
(i) Bulletin, etc., t. IX, p. 46i;-47î. F. Godet, Hist. de la réf. et du re-
fuge, etc., p. 380.
:}68 HISTOIRE DES PROTESTANTS
7101, 4 août. François Brune, de La Pervenche, paroisse du
Gua, marchand.
— 10 septembre. Antoine Lauzias, du lieu de Junvers.
— 15 septembre. Jeanne Blanchon, du Pouzin.
1711, 3 février. Jérôme Alexandre Vincent, de Privas, graveur.
— 16 juin. Joachim Pomaret, de la Routière.
— 17 juin, Jacques Crouzet, de la GrezièrC;, paroisse du Gua.
— 14 septembre. Matthieu Chara , de Saint Vincent de
Barrés, faiseur de bas.
— 21 décembre. François Louis de Reboulet, de Privas,
officier en Hollande.
D. — 1° Rôle général des Français réfugiés dans les Etats de Sa
Majesté le roi de Prusse et électeur de Brandebourg comme ils
se sont trouvés au 31 décembre 1700 (i).
Berlin.
Jacques Duclos, de Privas, teinturier, sa femrne, deux enfants,
deux ouvriers.
Estienne Terrasse, de Vivarets, peigneur de laine, sa femme et
ses deux enfants.
Cologne.
Le s'' Pierre André Chomel , d'Annonay, gantier, sa femme et
un compagnon.
Anthoine Lafaye, du Vivarets, maletier, sa femme et deux
enfants.
François Higonet, de Privas, peigneur de laine.
Louis Suet et Pierre Jambons, de Privas.
Suzanne Thibaut, Elisabeth Sarry et Susanne Pinars, du Viva-
rets.
Le s' Pierre Archimbaut, d'Annonay ;, lecteur, et un enfant.
Vidal Fargé, manufacturier de bas, de Privas, sa femme, deux
enfants et sept ouvriers.
(i) Manuscrit de la bibliothèque de l'histoire du protestantisme français.
A cette époque, on comptait, dans le Brandebourg, quatorze mille huit cent
quarante-quatre réfugiés protestants français.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 369
Le sf André Lejeune, du Vivarets, sa femme et trois compa-
gnons.
La dem. veuve du s'' Duclos, de Privas.
Jean Bouveron , de Privas, cordonnier, sa femme et un enfant.
Salomon Champ, du Vivarets, tailleur, sa femme et un enfant.
Magdelaine Lubat et Marie Ladreit , de la province du Viva-
rets.
Jean Philbert , du Vivarets, porteur de chaise.
Pierre Bessé , du Vivarets, faiseur de bas, sa femme, deux
enfans et un compagnon.
Louis Schouch , de la ville de Privas , peigneur de laine.
Le Werder.
La dame , femme de M"" Jacques de la Combe de Clusel , du
Vivarets, lieutenant aux gardes.
Paul Pouzet, du Vivarets, faiseur d'aiguilles, sa femme et une
fille.
Le s'' Alexandre Romejon, du Vivarets.
La Villeneuve.
La demoiselle de Chambaut, sœur du s'' de Chambaut, escuyer,
lieutenant réformé.
Les deux demoiselles Lacombe, du Vivarets.
Louis Soustel, du Vivarets, passementier, et sa femme.
Pierre Rondet, du Vivarets, et sa femme.
A LA MAISON de CHARITÉ (dE LA ViLLENEUVE).
Le s*" François Grignon, du Vivarets.
Le S' André Lacour, chirurgien, d'Annonay.
Friderichstadt.
La veuve de Pierre Reynac, du Vivarets, et deux enfans.
Charles Gruy, de Privas, boulanger, et sa femme.
A LA MAISON DE REFUGE (dE FrIDERICHSTADT).
Jean Tremoulet de Montaigu , gentilhomme, de Chaleiicon en
Vivarets , et six enfans.
La veuve de Jean Pochelin, Ju Vivarets, et sa rille.
II. ^4
570 histoire des protestants
Orangebourg.
M. de la Charrière , ministre du Vivarets.
Paul Benoist, du Vivarets, laboureur, sa femme et deux enfans.
SCHWEDT.
Pierre Reboul, du Vivarets, serger, sa femme et une fille.
Pierre Bouvanen, du Vivarets, compagnon serger.
Dgfjjelie Marguerite Gervais, du Vivarets.
Francfort sur l'Oder.
Le s' Jacques Durand, du Vivarets, proposant.
Halle.
Daniel Charas de Voy... en Vivarets, tailleur, sa femme et
deux enfans.
Simon Pierre Vincent, du bourg de Rochessauve dans le
Vivarets, peigneur de laine, sa femme et deux enfans.
Jean Arnault, d'Alissart, proche de Privas en Vivarets, garçon
serrurier.
Stargard.
Barthélémy Avalla, tailleur, du Vivarets.
Pierre Combiers, mérissier, du Vivarets, sa femme et deux
enfans.
Antoine Benoist, du Vivarets, et sa femme, tabacier.
Jacob Vesian , marchand , de Privas.
Pierre Frechon, chapelier, du Vivarets.
Magdebourg.
Le s"" Jacques Reynet, docteur en médecine, de Privas, en
Vivarets,
Pierre Reynet, chirurgien, du Vivarets, et sa femme.
Josué Plan, blancher d'Annonay en Vivarets, sa femme et un
compagnon.
Anthoine Escofïier, facturier en laine, du Vivarets, sa femme
et un enfant, un neveu et une servante.
Claude Dupan, arquebusier, de Chambon, en Vivarets, sa
femme , sa mère . son frère et deux apprentis.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 37I
La veuve de Christofle Plan, d'Annonay, en Vivarets, et un
enfant.
Jérémie Oby , de Lagorce, en Vivarets.
Magdeiaine Beron, de Privas, en Vivarets.
Claude Peyrot, facturier de laine, du Vivarets, et deux enfans.
Pierre Perrin, blancher, d'Annonay, en Vivarets, sa femme,
deux enfans et un compagnon.
Pierre Soulier, du Vivarets, sa femme, deux enfans.
Matthieu Bauveton, tailleur, de Beauchastel, en Vivarets.
Jean Escoffier, de S' Vincent, en Vivarets, et sa femme.
Jean Roux, d'Aubenas , en Vivarets.
Augustin Desmars, tailleur, du Vivarets, sa femme et trois enfans.
Jean Bouveron, cordonnier, de Privas, en Vivarets.
Barthélemi Plan, jeune garzon, du Vivarets.
Neuhaldensleben.
Gaspard Dutem, lecteur, du Vivarets, et sa femme.
Anthoine Palis, tisseur, du Vivarets, sa femme et cinq enfans.
Marcel Lacour, cordonnier, du Vivarets, sa femme et deux
enfans.
Jean Rigal , maréchal, du Vivarets. sa femme et trois enfans.
Claude Boissonnade, laboureur, du Vivarets, sa femme et un
enfant.
Jean Ducros, tanneur, de Vernoux en Vivarets, et sa femme.
Kœnigsberg.
Le s"" Jean Serres, perruquier, sa femme et son fils.
Jean Perrin, jardinier, en Vivarets.
Alix et Judith Couteau sœurs, de la Chaudière, en Vivarets.
Jacques Marfour, cuisinier, du Vivarets, et sa femme.
Magdeiaine Besson , du Vivarets.
2° Liste de réfugiés de Genève et de Suisse qui se s?nl arrêtés à
Sctuvabach depuis te mois d'août 169^.
Le sieur Jacques Duclos , teinturier et manufacturier de bas,
de Privas.
Qeiie Lyonelle le Blanc, de Vernoux.
Suzanne Charrier, de Lamastre.
La dame de Chambaud et la D*^"^ sa fille.
372
HISTOIRE DES PROTESTANTS
30 Rolle des personnes quon a assisté de la collecte de
Hambourg (i).
Jeanne Poulie d'Annonay
Matthieu Laurans
Louis du Chaux
Pierre Vigne , sa femme
Jean Cousquinaud
Jean Toillier, sa femme
Margte père
Louise Poumarede
Louise Cante
Jean François Valen
David Ribal
Paul de Fons
JVlargt" Robert
Moïse Combier et sa femme
La Refuc de Barbierac, les deux filles
François Deison
Jeanne Porechere
Anthoine Roque
André Lacour
Jean Tussere
Pierre Rochier
Jean Duja
Alexandre Tendon
François Sendon
Pierre Vigne, sa femme et un enfant
Isabeau Testa
Isabeau Cusenier
Alexandre Tampernon
Antoine Moysc
Pierre Malegue
François Duc
Jean François Valens
Simon Pierrebac
Claude Chartier
2'
2
2
î
2
2
2
2
2
2
15»
M
4
6
2
2
2
2
2
2
I 10
2
2
3
I
I
2
2
2
I
I
2
22 juillet 1689.
i^'" avril —
26 juillet —
4 août —
9 août —
16 août —
2 septembre —
5 septembre —
27 septembre —
30 septembre —
5 octobre —
18 octobre —
I®'' novembre —
28 novembre —
12 décembre —
16 décembre —
27 décembre —
3 janvier 1690.
6 janvier —
27 janvier —
28 janvier —
(ij Ms. Court, IV 17, vol. S.
DU
VIVARAIS
ET DU
VELAY.
J73
Jean Pierre Chartier
l'
28 janvier
1690.
Justine Ronchel
I
—
—
Laurent Chiot, sa femme et un
enfant
5
—
—
Jean Sauzie et quatre
enfants
3
1 <f février
—
Alexandre Sosia
If
18 février
—
Pierre Fourques
I
22 février
—
La veuve de Jacques
Tranchar
et qua-
tre enfans
4
10 mars
—
Anne Bertrand
25 mars
—
Isabeau Bertrand
—
—
Jean François
27 mars
—
Claudine Panière et deux enfans
10
—
—
Pierre Moulin
20 avril
—
Margte Marijon
10
1 5 juin
—
Anne Pertries
10
—
■~
Catherine Moynier
lO
I ^ juin
—
Louis Poumareo
lO
—
-—
Dauphine Farel
—
—
Jeanne Clesaude
—
—
Marie Dortrail
—
—
Anne Trémolu
!«'■ avril
—
Margt* Trémolu
4 avril
—
François Santon
—
—
Lucrèce Serre
21 avril
—
Jeanne Maçon
23 avril
—
Judith Perin
—
—
Isabeau Faure
—
—
Marie Moulard
—
—
Claudine Monteulo
—
—
Susanne Vincent
10
9 mai
—
Marie Cheuclas
10
—
—
Mad'"' Develos
6 juin
—
Mad""' Isabeau Toret
10 septembre
—
Daniel La Combe
3
—
—
Marie Meal
2
Vincent Eclenson , sa femme ,
deux
enfans
4
17 septembre
—
Suzanne Mounier
I
—
—
Catherine Giraux
I
I 3 octobre
—
Jeanne Garde
2
4 décembre
IS*
16 janvier
10
i^"" février
4'
—
I
2 mars
I
I
—
I
^_
^74 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Sara Mialvet ISM6 janvier 1691.
Paul Talon
Jean Paye et sa femme
Jeanne Combe
Anne Morel
Marie Yolande
Judith Vignau
E. — Fugitifs arrêtés et poursuivis devant le parlement
DE Grenoble, 1685-1687 (i).
1685 , 29 novembre. Procès extraordinaire contre François
Faure, Antoine Veyrane , de Beauchas-
tel ; Eléonore Chevalier, Jeanne Ray-
mond , Biaise Forel.
— 6 décembre. Noble Jean Pierre de Mure et son valet
Peyron d'Annonay sont envoyés sûrement
chez eux avec défenses de sortir du
royaume.
— 12 décembre. Eléonore Chevalier et Jeanne Reymond
sont renvoyées chez elles et leur guide
Forel est passé par les verges. Jean As-
tier est également renvoyé dans sa maison.
1686, n mars. Antoine Veyrane, François Froment sont recon-
duits à Beauchastel.
— 2? mars. Antoine Boissy de Grimaudier en Vivarais est
condamné à cinq ans de galères pour avoir
voulu fuir du royaume.
— 27 mars. Même peine contre Pierre Fay du Vivarais.
Pierre de Vinay, avocat au bailliage d'Annonay,
est condamné à 300 1. d'amende et reconduit
dans sa maison.
— 6 avril. Procès extraordinaire à Ant. Laurent , médecin
d'Annonay, et Marguerite Vinay sa femme.
— 18 mai. Antoine du Riou est condamné à 70 !. d'amende
et aux frais, et à 10 ans de galères.
— 26 août. Procès extraordinaire contre Bouniol du Vivarais.
(1) Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français,
t. VII, p. 155-158; t. VIII, p. 297-510. Papiers Giscard, à Annonay.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 3 7«;
1686, 2<> septembre. Jean Bouniol,de Charnavas, est condamné
à l'amende honorable et aux galères per-
pétuelles pour avoir prêché et prié de
de nuit à environ 7 ou 800 personnes près
de Bezaudun et la forêt de Saou (en
Dauphiné).
1687, 5 février. Procès extraordinaire à J. P. Vergues du Vi-
varais.
— 21 mars. Procès extraordinaire à Claude Julien du Vivarais.
— 21 avril. Procès extraordinaire à Jeanne Clauzel du
Pouzin.
F. — Confesseurs morts sur le premier vaisseau parti
POUR l'Amérique (i).
S'' Croisier, marchand de Villeneuve de Berg (sauvé du nau-
frage).
Charles Lejeune , bourgeois de Villeneuve de Berg.
G. — Autres réfugiés (2).
M»"^*^ Jacques Vallery, vicaire de Privas, 1534.
Mf'' Michel de Suchele, — —
Vallade , — —
Mf^ Jean des Combes, — —
M»''^ Jean Barruel (à Genève), — —
Judith Giton, de La Voulte, 1685 (3).
H. — Réfugiés du mouvement insurrectionnel de 1683.
Pierre Brunier, pasteur du Cheylard , réfugié à Genève.
Isaac de Bermond , pasteur de Vernoux, —
Théophile Blanc, pasteur de Chalencon, —
Gabriel de Romieu, pasteur de Saint Fortunat, réfugié à Genève.
Jean René de la Charrière, pasteur déduiras, —
Simon d'Albiac , pasteur de Marcols , —
Paul Morel-La Pise , pasteur de Saint-Pierreville, —
Daniel Reboulet-Salière , proposant , réfugié à Genève.
(i) Ms. Court, n° 17, voL B.
(2) Inquisition secrète de M' Chalendar (Arc/i. de l'Arâèche, C, i4>r,
(5) Baird, Histoire des réf. Intg. en Amérique, p. 560.
■j^Ô HISTOIRE DES PROTESTANTS
François Reboiil-Lesiez, pasteur_de Çhâteauneuf-lès-Vernoux,
réfugié à Genève.
IsaacSuchier-LaPare, pasteur deChampérache, réfugié à Genève.
René de La Combe-Cluzel, —
Pierre Saurin, de Beauchastel , —
Isaac Brunet , praticien de Toulaud , —
Pierre Riou , garde , de Laroue , —
Jean Pierre Riou, \
Félix Riou, > ses frères, —
Matthieu Riou , )
Antoine Simon , de Beauchastel . —
Jacques Mole, officier, du Chambon , —
Jean Nogaret, chirurgien, —
Jacques Reynet, d'Aubenas.
Jean Combier, d'Alissas.
Frédéric de Launay, vicomte d'Antraigues.
Sanson Rocher, sieur de La Rouvière , de Vallon.
David Ollier.
Jacques de Barthélémy, d'Aubenas.
Nicolas Marcha, d'Annonay.
Plataret , de Pourchères.
Marie de Trapier, de Chomérac , femme de noble Louis Itier.
Marie Durand, femme de noble Antoine de Trémolet.
La Motte , maréchal,
Charier, apothicaire à Vernoux.
La Baume (Gaspard de Chambaud de la).
Baux,
De Bios, fils du sieur des Fonds (ou de Fons).
La veuve Blanc.
Antoine Javerrac.
Pierre Montchal.
Pierre Pouchon,
Matthieu Vernet.
Le valet de Rousson.
Moïse Muret.
Jacques Lodi.
Isaac Dethieux.
Des causes indépendantes de notre volonté nous ont empêché
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^77
de donner la liste des réfugiés du Vivarais et du Velay assistés
par la Bourse française de Genève, de 1680 à 1710. Le manus-
crit de J. César Auquier, qui la contient , n'a pas été mis à notre
disposition.
N° 111. — Généalogie des d'Arlempdes de
MiRABEL (1).
(Vol. 1, p. 98).
I. Gabriel II d'Arlempdes (2), capitaine dans l'armée du prince
de Condé , marié à Marguerite de Massugier. Père de :
II. Louis III d'Arlempdes, députée l'assemblée politique gé-
nérale de La Rochelle en 1621 , gouverneur de Saint Ambroix,
Barjac et Les Vans; marié le 7 avril ii;86 avec Marthe de Borne,
fille de Pierre de Borne, seigneur de Ligoniers (ou Ligonez).
Père de :
III. Louis IV d'Arlempdes, assiégé, en 1628, dans son châ-
teau de Mirabel, avec son père, par Montmorency, gouverneur
du Languedoc; marié, le 21 avril 1624, avec Françoise du Roure
de Beaumont, sœur de Joachim du Roure de Beaumont de Bri-
son, dit le brave Brison, et fille de Rostaing du Roure de Beau-
mont. — Sa sœur Louise d'Arlempdes épousa, le 1 décembre
1624, François de Serres, seigneur du Pradel , petit-fils du cé-
lèbre Olivier de Serres. — Père de :
IV. Jacques d'Arlempdes, député par le synode du Vivarais au
synode général de Loudun de 1659, et chargé par l'assemblée de
porter, avec le dauphinois David Eustache , pasteur de Mont-
pellier, aux pieds de Louis XIV, pour lors à Toulouse, ■< ses
très-humbles devoirs, soumission et remercîments; » marié avec
Jeanne de Beaumont, sa cousine germaine, fille d'Antoine de
Beaumont, marquis de Brison st seigneur de Chabreilles, et de
(i) De Coslon, Histoire de Mo)Uélitanr , t. 11. p. 238, 466. André La-
faisse, dans le Bulletin de la Société d'archéologip de la. Drame, t. XIX,
p. 13-20; t. XX, p. 73-76. Mollier, Recherches historiques sur Villeneuve-
de-Berg, p. 232, 233, 297, 298. France protestante , 2' édit.
(2) Arlempdes, qui était une paroisse du Velay, comprise aujourd'hui dans
le canton de Pradeiies, ne doit pas être confondu avec Arlandes, près Ver-
rioux, d'où l'ancienne et honorable famille protestante de Paris, Vernes
d'Arlandes, tire son nom,
378 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Françoise du Roure de Beaumont, mort en 1673 , laissant cinq
fils et deux ou trois filles. — Jeanne de Beaumont mourut en
1716, à l'âge de 72 ans, « regrettée des pauvres, » dit Mollier,
« qu'elle avait comblés d'aumônes, et de toute la ville, à laquelle
elle laissait, par la donation de l'immense propriété de Devois,
un monument impérissable de sa libéralité. »
Un frère de Jacques d'Arlempdes, Antoine d'Arlempdes , sei-
gneur de Vendrias, capitaine de chevau-légers, reçut , le 24 fé-
vrier 1668 , la commission de lever un régiment destiné à prendre
part, l'année suivante, à l'expédition dirigée par le duc de Beau-
fort au secours des Vénitiens , assiégés par les Turcs dans l'île
de Crête.
V. François Rostaing d'Arlempdes, fils aîné de Jacques, fut placé
en 1675 dans la maison du célèbre Turenne , qui s'était converti
au catholicisme en 1667, et se convertit lui-même. Il se maria en
1698 avec Jeanne de Garnier (ou Granier), de Privas. Son exem-
ple fut contagieux et , d'après Mollier, presque toute la famille
d'Arlempdes de Mirabel embrassa le catholicisme avant la fin du
dix-septième siècle. Les frères et les sœurs de François Rostaing
étaient : Antoine Constantin, chevalier; Jacques, seigneur de
Chabreilles ; David; Antoine, dont il a été parlé t. I, p. 41^:
Anne ; Marguerite, mariée au seigneur de Pallières.
N" III bis. — Lettre du duc de Rohan aux
CONSULS de BaRJAC (i).
(Vol. I, p. 5 54).
Messieurs les consuls J'ay faict attaquer cy rudement ce jour-
dhuy le chasteau de Salavas et sy utilement, Dieu mercy, que sy
dun costé je lay rangé a lestroict il nest de merveille de l'autre sy
plusieurs de mes soldats y ont esté blessés; leur action portant est
cy louable quelle moblige den avoir un particulier soing et vous
exhorter comme je fais de lavoir semblable. Je vous les envoyé
donc et vous prie de les bien traicter et faire panser jusques a
guerison entière, en telle sorte que je me puisse louer de vous en
cest endroict aussy bien que je fais deux, et affin que vous y
puissiés plus comodement vacquer et avoir soigneusem» le cœur
(i; Communiqué par M. le comte A. de Polhriant.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^79
VOUS poiirrés vous descharger de tous les autres blessés et mala-
des que vous avés de mon armée et envoyer à S' Ambroix tous
ceux auxquels lestât de leur santé le permettra. Jenvoye ordre et
escris pour les recevoir. Je vous soulageray aussy incontinant après
la prinse de Saiavas , que jespere estre bientost, de la compagnie
du s"" de la Cassagne, et outre ce jauray esgard aux despances
que vous aurés faictes en ceste occasion. Je souhaite bien que
vous vous acquitiés mieux de ce que je vous ordonne maintenant
que vous navés faict à fournir la munition ; les inconvénients en
sont tels que pour un tel deffaut mon armée cour souvent fortune
de route. Je vous prie de ne continuer désormais plus à tels
manquements.
Sur ce je prie Dieu vous tenir en sa saincte garde et demeure,
Messieurs les consuls
Vostre très affectionne amy
Henry de Rohan
Consuls de Barjac.
De Labastide ce 2^ mars 1028.
N" IV. — Serment d'obéissance des protestants
d'Annonay en 1621 (i).
(Vol. I. p. 509.)
(( Nous promettons et jurons sincèrement devant Dieu et de-
vant les hommes de nous tenir fermes et inséparablement attachés
au service du Roi, Louis le Juste, XIII de ce nom, roy de
France et de Navarre; lequel nous reconnaissons pour notre
prince naturel et légitime, qui nous a été donné de Dieu pour la
conduite de cette monarchie ; — voulant vivre et mourir dans la
naturelle sujjettion et nécessaire obéissance que nous lui devons,
et exposer nos biens et nos vies pour les opposer à tous ceux qui ,
soit dehors ou dedans le royaume , auroient des desseins contrai-
res au bien de son Etat et préjudiciables à la seureté de sa cou-
ronne; — comme y étans obligés par les droits de notre naissance
et par les lois de notre religion , l'empire de Dieu demeurant en
(1) Cliomel le Béat, llishiirc ilu protrsiarilisme à Annon.vj fms.).
380 HISTOIRE DES PROTESTANTS
son entier et nos consciences demeurants en liberté ; — détestans
et abominans les personnes et doctrines de ceux qui pourraient
avoir ou former des opinions contraires ; et pour ce qui regarde
la renonciation, nous déclarons nulles les assemblées de La Ro-
chelle et de Montauban , et toutes les autres qui ont été tenues
ou se tiennent encore en quelque part du royaume que ce soit ,
en ce qu'elles se sont dévoyées ou voudraient cy-après se dévoyer
de l'obéissance due à Sa Majesté pour pancher tant soit peu du
côté de la rébellion , les révoquans dès à présent en tant que est
en nous, y renonçans et protestans n'y adhérer en façon quelcon-
que et autrement, comme est porté par la déclaration vérifiée à
Toulouse et à Castres. »
Suivent les signatures de près de trois cents chefs de famille
d'Annonay, de Boulieu et des campagnes environnantes.
Cette déclaration, que tous les protestants devaient signer, en
vertu de Tédit de Niort du 27 mai 1621 , fut faite devant Antoine
Seigle, docteur es droit, conseiller du roi, lieutenant du bailli
du Vivarais, à la réquisition de Pierre-André Gautier, procureur
du roi.
N° V. — Réformés du Vivarais exclus de l'am-
nistie DE septembre 1683 (i).
iVol. I, p. 487.)
Bavas de la Baume. Sagnol.
Chambon, du Cheylard. Romieu, apothicaire.
Colombier. Charrier, apothicaire.
Pierre de Romieu. Charles Riou, greffier.
De Beauregard. Pierre Riou, garde, de i,;^roue
De Margier. en Velay.
Badon, de Lamastre. Jean Pierre Riou , ]
Corbier. Félix Riou , > ses frères.
D'Indy. Matthieu Riou, )
Bénistan fils. Jacques Mole dit le Cadet
Giraud dit l'Altesse. Mole, du Chambon , officier
Les Soubeyrans. de cavalerie.
Jean Sabarot. Matthieu Murât.
(t) Claude Brousson, Apoloyii', p. 227. Nous avons rectifié les noms.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. }8l
Pierre Saurin , bourgeois de Bonnet, de Chalencon.
Beauchastel. Jacob Gré.
Fauriès, de Bellevialle. Daniel Garnier.
François dit de Veyrassac. Roussilhon.
Castagnet. Pailler, de Charmes.
Pierre Mirabel de la Rouvière. De Bios.
Des Cours. Bedos.
Serrepuy de Sobeyras. Lacroix.
La Coste dit La Chassacie , de Vestieu (ou Vestion).
Saint Voy. Lespigarie.
Isaac Brunet, de Toulaud. Auquier.
Marcillac. Noguier.
Lapassa. Durand.
N" VI. — Suite des mauvais traitements infligés
AUX protestants du Vivarais en 1683.
(Vol, L p. 495)-
« Le 29 septembre 1683 , qui fut le lendemain de la nouvelle
publication que l'on fit de cette amnistie à S» Fortunat , quatre
fusilliers, s'étant écartés du lieu de La Traverse et ayant rencontré
le nommé Isaac Faure, le tuèrent d'un coup de fusil.
» Le 3 octobre suivant, quelques autres fusiliers, venant de
ravager le lieu de Saint- Pierreville et passant par celui de Mas-
tenac, obligèrent le nommé Antoine Faure, vigneron de M. le
Comte de Vabres, de leur donner à manger et ensuite, pour son
payement, ils lui tirent un coup de fusil, dont il eut l'os de la
cuisse brisé. Comme l'action était horrible et commise en plein
jour dans un lieu où il y avait beaucoup d'habitants, celui qui
avait fait le coup fut saisi et mené devant M. de Bovincourt, qui
commandait le bataillon des fusilliers. mais le scélérat en fut
quitte pour quelques jours de prison.
» Les soldats du marquis de La Tourette traitèrent de même
un nommé Labeille. Après avoir bu et mangé chez lui , ils firent
mille désordres dans sa maison, et l'ayant réduit à prendre la
fuite, ils le tuèrent de sept ou huit coups de fusil, dont même
l'un estropia sa servante et l'autre creva l'œil au valet d'un de ses
voisins.
» A Chalencon une femme , nommée Catherine Borie , qui
382 HISTOIRE DES PROTESTANTS
avait de la piété et qui, s'étant trouvée quelquefois avec dix ou
douze femmes assemblées, avait toujours fait la prière, fut tenue
attachée à une colonne de son lit durant deux fois vingt-quatre
heures ; mais parce qu'elle montra une grande fermeté on la
détacha.
» On prit un jeune enfant de quinze ans , fils du nommé
Jacques Gaillard, du lieu de La Valette, paroisse de Silhac, et
on le mena dans le château de La Tourette, où il fut détenu sept
ou huit jours, pendant lesquels on lui mit cinq ou six fois la corde
au cou, lui disant qu'il allait être pendu s'il ne changeait de reli-
gion, et, parce qu'il ne voulait pas le faire, on l'élevait avec la
corde au-dessus de terre et on le laissait ensuite aller en bas
pour le faire respirer, mais, comme on le vit résolu à mourir, on
le mit en liberté.
» Dans la paroisse de La Bâtie, pour forcer un paysan nommé
Isaac, granger du s'' de Clavières, de se faire catholique, on lui
tenait les pieds et les mains si près du feu qu'ils se brûlaient. On
lui mit ensuite un charbon de feu dans la main et on la lui tint
fermée pendant longtemps ; mais ce paysan souffrit ce martyre
avec une constance admirable.
» On attacha les bras et les jambes du nommé Molines, gran-
ger du s' de Meyres, demeurant à Belair, qui est près du lieu de
Desaignes, et lui ayant mis la tête dans les genoux et une barre
au milieu du corps, on le faisait rouler en cet état.
» Dans le même lieu de Desaignes le nommé Poujau , ne
voulant pas non plus renoncer à la religion, on lui fit passer un
charbon ardent par les lèvres.
» On y battit à coups de bâton un forgeron du même lieu, lui
ayant enfoncé plusieurs côtes et meurtri toute la tête en telle
sorte qu'il en fut à l'extrémité.
» Dans le lieu de Prelles, paroisse de Desaignes, les dragons,
après avoir vendu les châtaignes et le blé d'une pauvre veuve,
nommée Marie Barthélémy, et lui avoir brûlé ses habits et brûlé
ses meubles, l'assomèrent encore de coups, lui ayant aussi rompu
trois côtes. Ils voulurent même faire passer leurs chevaux sur le
corps de l'un de ses enfants appelé Jean Segnové, mais, ne pou-
vant le faire, ils mirent pied à terre, lui fendirent la tête en deux
endroits et lui meurtrirent le corps et le visage à coups de bout
de mousqueton.
f> Au lieu de Lamastre, on prit le nommé Moujon et ensuite
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^S^
on lui dit qu'il avait été condamné à être pendu. On lui mit la
corde au cou, et, en cet état on le mena au lieu du supplice; mais,
parce qu'il protesta qu'il aimait mieux mourir qu'abjurer sa reli-
gion , on le laissa aller.
» Dans le lieu de Beauchastel les soldats, qui logeaient dans
la maison de la nommée Marie Colombet^, veuve de Claude
Buisson, marchand, âgée de 74 ans ou environ, attachèrent cette
femme dans un fauteuil et l'apportèrent à la place publique pour
ouïr par force le sermon d'un missionnaire, qui n'était point scan-
dalisé d'avoir de tels auditeurs. Et parce que cette vieille femme
baissait la tète, on la lui relevait avec le bout d'un bâton pour lui
faire regarder le prédicateur. Les soldats n'ayant pu gagner son
esprit, la détachèrent après le sermon, mais lorsqu'elle fût de
retour dans sa maison, ils la mirent devant un grand feu, où ils la
tinrent jusqu'à ce quelle évanouit dans leurs bras...
" Jacques Colombet, hôte du bourg du Bousquet, paroisse de
Saint-Laurent, qui est du mandement de Pierregourde, ayant été
pris à Beauchastel lorsqu'il venait de faire moudre du blé, fut
conduit en prison, où il fut détenu onze jours, pendant lesquels on
lui arrachait les poils de la barbe, on le vanait sur une couverture
et enfin on le contraignit de bailler 200 livres pour recouvrer sa
liberté.
» Dans le lieu de Granger, paroisse de Macheville^ on lia la
femme du nommé Jean Jacques, laquelle était enceinte, on la
menaça de la pendre , on lui mit la corde au cou , on la conduisit
ensuite à Macheville dans une basse fosse, où, dans le cœur de
l'hiver, elle avait de la boue jusqu'à demi-jambe. On la tint là
toute la nuit, mais parce qu'elle était disposée à y mourir, on la
renvoya chez elle,
» Les dragons ayant encore pris la nommée Anne Reboul ,
femme de Moïse Pouchon , marchand de Vernoux, on lui mit
aussi la corde au cou, on dressa une échelle contre un arbre de
la place publique , on la fit monter par deux fois . lui disant qu'on
l'ail lit pendre si elle n'abjurait pas sa religion; mais comme on la
vit résolue à souflFrir la mort, on la mena dans le château de La
Tourette, où elle fut détenue plusieurs jours, et. parce qu'elle fit
toujours paraître la même fermeté , on lui ouvrit les portes de la
prison (1). »
(0 Brousson. Apologie du projet des réformés, p. ?i4-?20.
384 HISTOIRE DES PROTESTANTS
« Il y eut des hommes à qui on arracha le poil de la barbe,
d'autres de qui on la brûlait à la chandelle , d'autres qu'on laissa
pendus la corde au cou demi-morts , d'autres qu'on lia de même à
des cheminées, dont la fumée leur bouchait tous les passages, de
la respiration , d'autres qu'on jeta tous liés dans un grand feu. Il
y eut des femmes liées au pied de leur lit et qu'on laissa des jours
entiers dans cet état, d'autres qu'on assomma de coups, d'autres
qu'on mit , durant le plus froid de l'hiver, dans des cachots pleins
de boue, d'autres qu'on fit monter sur des échelles la corde au
cou , en jurant qu'on les allait pendre , d'autres qu'on força
d'abandonner leurs maisons par la crainte d'être violées. »
« Le marquis de La Tourette faisait de son côté tout le mal
dont il se pouvait aviser. Entre ses autres cruautés, celle-ci est
remarquable. Il avait forcé Pierre Romieu , qui était excepté de
l'amnistie, à changer de religion pour éviter la mort. La femme
de ce converti , affligée de ce qu'il avait eu tant de faiblesse , re-
fusa de le voir. Le marquis la fit enlever par ses soldats et l'en-
ferma dans une chambre de son château, où il lui fit toutes sortes
de persécutions. Il la menaça même que, si elle ne suivait l'exem-
ple de son mari, il la ferait pourrir en prison. Il lui ôta un enfant
qu'elle nourrissait et lui refusa tout ce qui pouvait la soulager.
Dans cet état, elle se résolut à couper les draps et les rideaux de
son lit et en fit une corde pour descendre par la fenêtre. Cette
mauvaise corde n'ayant pu la soutenir sans se rompre, elle tomba
de fort haut sur les rochers, où elle demeura toute brisée et sans
mouvement; mais, comme en la relevant, on remarqua en elle des
restes de vie, le marquis la fit remettre en prison (i). »
N® VII. — Livres de controverse sortis des pres-
ses DU collège des Jésuites de Tournon (2).
(Vol. I, p. 556.)
Epi^rammata in Hereticos, authore Andréa Frusio , Societatis
Jesu; Turnoni, 1582, in- 12,
(i) Benoît, Histoire de l'édil de Nantes, l. V, p. 664, 665.
(2) Les mêmes sources que dans la Pièce justificative qui suit. Nous ne
DU VIVARAIS ET DU VELAY, 385
Enchiridion contromrsiarum prœcipuarum nostri temporis de Re-
ligione in gratiam sodalitatis Beatissimœ Virginis Mariœ, authore
Reverendo Patro Francisco Costero (i), Doctore theologo So-
ciet. Jesu ; Turnoni , 1591 , in-S» (d'après l'édition de Cologne
de 1 590).
Response de l'Evesque de Mende à la Lettre de François Trouy,
Ministre de la Religion prétendue, pour la réalité du S. Sacrement
et célibat des prestres, par Adam de Heurtelon ; Tounon, 1596,
in-i2.
Réprimende aux ministres sur la Déclaration d'Edmond , pré-
tendu Jésuite , et de deux autres déserteurs de la Foy Catholique,
par Louis des Montaignes (le Père Richeome) (2); Tournon
(1601), in-i2. Jouxte la Copie imprimée à Bourdeaux.
Epistre de M. Jean du Ranc, natif de Montpellier, Docteur en
Médecine, habitant la ville d'Aulbena^ en Viimre^ , nouvellement
reduict à la Foy Catholique , Apostolique et Romaine. En laquelle
sommairement sont déclare^ les erreurs, blasphèmes et malheurs du
Calvinisme qui Font esmeu à s'en despartir; Tournon, 1603, in-12.
Traduction de deux épistres de Sainct Hierosme au pape Da-
mase, qui tenoit le siège en Van 369, avec une paraphrase exempli-
fiée pour monstrer que Fauthorité du Pontife Romain esloit telle en
Vancienne église qu'elle est aujourd'huy , par Antoine Rambaud ;
Tournon, 161 5, in-12, 56 pag. (3).
Le Nouveau Parnuge , avec sa navigation en liste imaginaire,
son rajeunissement en icelle , et le voyage que fit son esprit en F au-
tre monde pendant le rajeunissement de son corps. Ensemble , une
exacte observation des merveilles par luy veuës tant en Fun que
Fautre monde. A La Rochelle (Tournon), par Michel Gaillard,
avec privilège, sans date, 291 pag. in-i8. Autres éditions : Lyon,
161 5 , in-i6; Id., 1616, 390 pag. in-16. — Ce qui nous porte à
croire que cet écrit a été imprimé à Tournon, c'est qu'il est dédié
« à Messieurs les ministres du Dauphiné , « et qu'il met tour à
reproduisons pas, dans ces deux Pièces justificatives, les ouvrages déjà men-
tionnés à l'article Doctrine, vol. 1, p. 551.
(i) Né à Malines. IVlort à Bruxelles en 1619.
(2) Né à Digne en 1544. Il devint assistant général de France, et mourut
en 1625.
(3) Sur l'origine de ce livre, voy. E. Arnaud, Not. hisl. et bibl. sur les
controverses, etc., p. 25; et sur Rambaud, Rochas, Biour. ihi Unujih. et
Revue du Dauph., juillet 18^9, in-S".
H. t;
j86 HISTOIRE DES PROTESTANTS
tour en scène Charnier, Murât, Crespe, Dragon, Espagne, Dau-
phin , etc., pasteurs de cette province. L'ouvrage n'est d'un bout
à l'autre qu'un indéchiffrable logogriphe, roulant sur des commé-
rages de petite ville et des obscénités. Le jésuite Isnard, de Die,
pourrait bien en être l'auteur. Son « Mercure réformé « est écrit
dans le même goût. Voy. plus bas.
La Minislro graphie huguenote et tableau des divisions calviniques,
par Josué'Barbier , docteur es droicts et advocat au parlement de
Dauphiné ; Tournon, 1617, in-8°, 214 pages. Autre édition avec
un simple rafraîchissement du titre, Lyon , 1618 (i).
La Ministrophtorie ou renversement des Ministres en la Réfuta-
tion d'un Imprimé, faict par ceux de l'Eglise prétendue reformée de
la ville de Grenoble. Intitulé. Responce aux escrits du Sieur Petriny
dit le Petit Carme. Touchant la réelle existance du corps de Jesus-
Christ en la saincte Eucharistie, etc., par Fr. Jean Petriny, Reli-
gieux de l'Ordre de Nostre Dame du Mont-Carmel , et Prédi-
cateur ordinaire du Roy, etc.; Tournon, 1619, in-12, 728 pag. (2).
Déclaration du sieur Gaspar Benoit Bourgeois de la ville de
Crest en Dauphiné, contenant les justes causes de sa Conversion à
la Foy Catholique , Apostolique et Romaine; A Tournon, par
Claude Michel, Imprimeur de l'Université, 1619, 162 pag. in-80.
Le Mercure réformé apportant consolation à Messieurs et Révé-
rends Pères les Ministres de Dyois et Valentinois désole^, hélas/
pour la perte de M'"^ du Poët et de cent autres réduicts à l'Eglise
Catholique, l'an 1619, ences païs^ etc., etc., par Jacob d'Horel ,
Ministre de la Parole de Dieu ; A La Rochelle, par Guillaume du
Coing (1620), 359 p. in-12 (3). — Jacob d'Horel et La Rochelle
sont des pseudonymes pour Isnard jésuite et Tournon.
La défense de l'infaillibilité du Sainct Siège contre les accusa-
tions d'A. de Vina}';, Ministre, comprinses en son traicté contre l'in-
faillibilité du Pape , par un sien compatriote dauphinois (le Père
Isnard, jésuite); Tournon, 1622, in-8°.
(i) Sur Barbier, ancien pasteur, voy. E. Arnaud, Notice historique et bi-
bliograpliique sur les controverses , etc. Rochas, Biograpliie du Dau-
phiné. De Prat, Recherches, etc., t. IV, p. 94.
(2) Sur l'origine de cet écrit, voy. E. Arnaud, Notice historique et biblio-
graphique sur les controverses, etc., p. jy, et sur Petriny, de Prat, Re-
rliercltns, etc., t. II, p. 657.
(5) Sur ce livre, voy. E. Arnaud, Not. hisl. rt bihi. sur les rotilroocr-
ses, etc.. p. 35,
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 387
Le moupement général de la rébellion , à Messieurs de la Reli-
gion; Touvnon, 1622, in-8".
Adoration du vray Dieu, où est manifesté raveuglement de ceux
de la Religion prêt, r., qui refusent d'adorer , servir , aimer et crain-
dre Dieu, honorer ses Ss. et obeyr à son Eglise, par le R. P. An-
déol de Lodeve, capucin, prédicateur missionnaire; Tournon,
1638 , in-i2.
N" VIII. — Livres de controverse émanés d'au-
teurs CATHOLIQUES DU ViVARAIS (l).
(Vol. 1, p. Î56).
Le prix du Chevalier chrestien, par Claude Caron ; Tournon,
1590, in-8°, 72 pages.
Traicté du sacrement de baptesme et des cérémonies d'iceluy, par
le même; Tournon, 1590, in-8°.
La théologie françoise : ou les canons de la vérité de Dieu, tire\
de l'arsenal des S. Escritures, par Jacques d'Illaire, sieur de Jo-
vyac ; Paris, 1610, in-12.
LAnatomie du Calvinisme , par Jacques Gaultier, d'Annonay ; •
Lyon, 161 5, in-i 2.
La conversion de P. Marcha sieur de Pras. Cy devant Ministre
en Vivarais es pays de Languedoc. Lequel s est rendu Catholique
dans l'Abbaye S. Ou'én le jour de Noël dernier en présence de Sa
Majesté; Rouen, 1617, in-12, 8 pag. — Cet opuscule est une
lettre datée de Rouen, 28 décembre 1617, qu'un certain person-
nage, nommé Madelenet, écrit au célèbre pasteur apostat Jéré-
mie Ferrier, de Nimes, pour lui annoncer la conversion de Mar-
cha. Il raconte que, depuis le synode national de "Vitré (161 7),
où il avait été envoyé comme premier député du Vivarais, Marcha
avait toujours eu soif d'être instruit dans la religion catholique ;
qu'il le mit en rapport avec les plus grandes lumières de la Cour,
notamment avec le Père Arnoux , qui avait eu autrefois des con-
troverses religieuses avec lui par écrit ; qu'après avoir suivi ses
(1) De Gallier, L'imprimerie à Tournon (dans le Bulletin de la Société
d'archéologie de la Drôme, 1877). Filhol, t. II, p. 45, 49, 540-Hî- De Budé,
Vie de Bénédict Pirtet , p. 59, 55. H. Vaschalde , Etablissemenl de l'im-
primerie dans Ir Vivarais {Revue du nauphinr et du Vit\irais, Vienne,
t. 1, 1877).
^88 HISTOIRE DES PROTESTANTS
sermons il se sentit convaincu et abjura sa religion dans la cathé-
drale de Rouen, entre les mains de l'archevêque de cette ville ,
en présence de la Cour et d'un grand concours de peuple. Ma-
delenet ajoute que Marcha allait faire imprimer à Paris le récit
de sa conversion ; mais ce qu'il oublie de dire , c'est que son pro-
tégé avait été déposé par le synode du Vivarais comme adultère,
et que sa conversion au catholicisme eut lieu immédiatement
après. Quant au récit annoncé par Madelenet , en voici le titre :
Ample et fidelle narré de V heureuse conversion de Pierre Marcha,
sieur de Pras, Ministre de la Religion prétendue reformée, es pa/s
de Languedoc; Paris, 1618, 2^ pag. in-8^ — Cet opuscule fut
réimprimé la même année sous ce titre plus étendu :
Ample et fidelle narré de l'heureuse conversion de P. Marcha,
sieur de Pras , Ministre de la Religion prétendue reformée es pa/s
de Languedoc , faicte en l'Eglise de Sainct-Ouen le jour de Noël
dernier, en la présence de Sa Majesté très-chrestienne, de Messieurs
les Princes , de toute la Cour et des grands de son Royaume ;
Rouen, 1618, in-8°. — Marcha raconte sa vie et ajoute qu'il con-
féra , non seulement avec le jésuite Arnoux , mais encore avec le
Cardinal du Perron, Cospéau, évêque d'Aire, et Coifteau, évê-
que d'Ardanie ; que l'Eglise de S» Ouen renfermait 15,000 per-
sonnes le jour de son abjuration , et que l'archevêque de Rouen
le présenta au Roi, qui l'assura de sa protection en toute ren-
contre. — Pour d'autres détails sur Marcha, voy. la Biographie
succincte des pasteurs.
L'excellence de la première Messe instituée par Jésus-Christ avec
ses Apostres, 2» édit., Paris, 161Q, in-12, 340 pages.
La Discipline des églises P. R., etc., par Pierre Marcha, sieur
de Pras, etc. ; Paris, 1619, in-12. — Cet ouvrage, accompagné
de remarques critiques, est devenu introuvable. On ne le connaît
que par la mention qu'en fait le controversiste Fr. Véron dans
a La Discipline des Eglises Prétendues réformées de France-,
etc.; » Paris, 1645, in-12, p. 4.
Réfutation de la réponse de Monsieur Pictct , Ministre de Ge-
nève , au Livre intitulé , L'Heresie des Protestans , et la Vérité
de l'Eglise mises en évidence (i) (par le frère Antoine Léorat ,
(i) L'hérésie des pralestants avait été composée par Claude Andry, ec-
clésiastique, Ly,on, 1714, 2 tomes in-12, et la Répnmtp de Pictet avait pour
titre : La religion des protestants justifié<' tl'hérésle et s;i lu'.rité démon-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 389
Mineur Conventuel de S. François d'Annonay); Cologne, 1720,
2 parties en 4 tom., in-i 2.
Apologie de la Foi catholique, contre les erreurs et les sophismes
de Benedict Piclel , Ministre de Genève , pour servir de réponse- à
son livre intitulé : La Défense de la religion des Protestans (i) ,
etc. Par le R. P. Antoine Leorat, Docteur et Professeur en
Théologie, Religieux Conventuel de S. François; Avignon, 1726,
2 tom. in-i2.
La Vérité de la Foi catholique victorieuse des Erreurs et des So-
phismes de M. Benedict Pictet, Ministre de Genève, Contenus dans
son Livre intitulé : l'Apologie de la Religion des Protestans (2),
par le Frère Antoine Leorat, Mineur Conventuel de S. François;
Avignon, 1728, 2 t. in-12.
Le Triomphe de la Foi Catholique sur les erreurs des protestans,
contenues dans les œuvres polémiques de feu M. Benedict Pictet ,
Ministre et Professeur en théologie à Genève, par François Vernet;
Avignon, 1745, in-12. — L'auteur de ce livre, qui est le résumé
des trois précédents , est Leorat. Quant à Vernet , c'était le frère
de Jacob Vernet, pasteur et professeur à Genève. Il habitait Avi-
gnon, où il exerçait la profession de négociant. Après sa conver-
sion, et pojjr la justifier, il avait publié trois Lettres apologéti-
ques (3), dues peut-être à la plume de Leorat.
N« IX.
10 Jeunes gens du Vivarais étudiants à l'Académie de Genève (4).
(Vol. I, p. 584).
1559, IX Novembris. Joannes Serranus (=;) Vivariensis.
trée pour répondre au livre de M. Claude Andry , ecclésiastique, Ge-
nève, 1714. 2 tomes in-12.
(i) Titre complet : La défense rie la religion des prolestants ou Ré-
ponse a la Réplique de M' Claude Andry, ecclésiastique , Genève, 1716,
2 tomes in-i8.
(2) L apologie fut publiée à Genève, 172b. .1 tomes in-12, par Pictet fils.
deux ans après la mort de son père, qui l'avait composée pour réfuter VApo-
logie de la foi catholique de Leorat.
(5) Pour plus de détails, voy. E. Arnaud, Histoire des protestants de
Provence, etc., vol. II, p. ijo-i^'
(4) Le livre du recteur, Genève, 1860, in-8».
1^5) C'est le célèbre historiographe du roi.
390 HISTOIRE DES PROTESTANTS
i^';9, IX Novembris. Johannes Mondonus intraque Vivariensis
diocesis.
1564, Mcnse Aprili. Joannes Arnaudus (i) Vivariensis.
— — Georgius Pretz Vivar.
1565. Johannes du Faure senior Ville Burgy Sancti Andeoli
diocesis Vivariensis.
1581, II Junii. Stephanus Reboletus Vivariensis.
— — Zacharias Crozianus Vivariensis.
1582, 28 Nov. Joannes Valetonus (2) Vivariensis ecclesiae Ne-
mausiensis alumnus.
— 17 Junii. Daniel Serranus (3) Vivariensis juris. stud.
1584, die Veneris 12 Junii. Claudius Régis Vivariensis a Chey-
lario logices stud.
— ' — — Gedeon Angladius Vivariensis juris.
stud.
— — — Joannes Valletonus (4) Vivariensis.
— — — Daniel Serranus (5) Vivariensis oc-
citanus jurisp. stud.
1592. Sebastianus Joffrerius viviascensis stud. 2 sept.
1598. Nathanaël de La Grange d'Aubenas.
1604, Cal. Nov. Jacobus Deconcherius Privasiensis in Vivaria-
tibus ss. the. stud.
1607, Mense Mayo. Petrus Coursassius Vivariensis.
1608, Cal. Maii. Marcelinus Tardy Turnonensis.
— — Ludovicus Vintelius Vivariensis.
1614, 8 Martii. Petrus Marserius Viviacensis.
— — Ludovicus Sautellus Cheylariensis.
1620. Petrus Gamonius Annonaeo Vivariensis.
1632, I Junii. Salomon du Fonte Viviacensis.
1640. Jacobus Dumarche (6) Vivariensis.
1651, 5 Maii. Petrus Davellus Viviacensis.
1652, 3 Maii. Jacob Guidon Helvet. Viviaciensis.
1654, Mense Martio. Joannes Pascal Annoniensis.
(i) Pasteur à Largentière en 1562, et à Saint-Marcel-le-Rance en içoj.
(2) Pasteur à Privas.
(3) C'est le fils du célèbre agronome Olivier de Serres.
(4) Le même, sans doute, que précédemment,
(ç) Le même que précédemment.
(6) Pasteur en Dauphiné.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 59I
1663, Mense Februario Nob. Alexander a Bruneis de Justet
Vivariensis.
1664, 26 Julii. Jacobus de Vauxius Petrigourdiensis Vivariensis
th. stud.
1665, 31 Januarii. Johannes Guiilelmus Perrinus Viviascensis.
1671. Joannes Cluzel (1) Cheylariensis Viviarensis th. et phil.
stud.
— Gedeo Leorat Annoniensis.
1672, die Augusti. Renatus Chareirianus (2) Privasiensis Viva-
riensis stud. th.
167"; , 22 Junii. Gaspardus de Tecto Vallonensis ph. stud.
1677. Andréas Schaidlinus Viviacensis st. ph.
1678. Hugo Marcha Annonaeensis st. ph.
1688, 7 Maii. Antonius Duriou Chalenconensis Vivariensis
stud. th.
1689, 27 Mayi. Joannes Petrus Fatio Viviacensis theol. stud.
— 6 Augusti. Isaac Davellus Viviacensis th. stud.
— 6 Novembris. Andreus du Fonte Viviacensis ss. theol.
stud.
— 6 Decembris. Franciscus Pilliodus Viviacensis ss. theol.
stud.
1694. Ludovicus Tourton Annonaeensis.
1695. Isaac Tourton Annonaeensis.
1719, 21 Juin. Antonius La Grangette Annoneensis phil. stud.
1733, 8 Juin. Johannes Franciscus Boissy Lamastrensis in Viva-
riensi tractu th. stud.
1734, 3 Juin. Bartholomaeus AUeon Annoniacus.
2° Jeunes gens du Viparais étudiants à l'Académie de Die (3).
1610. Henri de Lubac, en philosophie.
— Jean Héra, d'Annonay, dans la 1*" classe du collège.
— Daniel Croze, de Saint Gervais, dans la 2" classe.
— Pierre Leorat, d'Annonay, idem.
— Alexandre de la Serve , de Privas, dans la 3*^ classe.
(i) Pasteur au Cheylard.
(2) Pasteur à Gluiras et à Saint-Pierreville.
(?) Conrlusions du Sénat académique de Die (Arch. dép. de la Drôme,
D, p, 53).
392 HISTOIRE DES PROTESTANTS
1610. Jacques Néri, de Privas, dans la 3® classe.
— Louis Blache, d'Annonay, idem.
— Antoine Garnier, de Privas, idem.
1636, Tiniothée Dauphin, en théologie.
Entre lôi^a et 1660. François Valette.
16159. Alexandre de Bruneus, de Vais, dans la i*" classe.
— Charles de Longueville, dans la 2® classe.
(Ces deux derniers écoliers remportèrent le prix Marquât ,
savoir : Bruneus le second prix de latin, Longueville le premier
prix de latin et de poésie).
N" X. — Gentilshommes nouveaux convertis,
1686-171 I.
(Vol. H, p. 6.)
1° Liste des gentilshommes et principaux habitants nouveaux conver-
tis dans le Vivarais en 1686 (i).
1. S"" de S* Florent , non marié, à la Bastide de Virac , mal
intentionné.
2. S"" de Versas (2) , n'a que des filles, à Sanilhac , paraît bien
intentionné.
3. S*" de Montbrison, sans enfants, à Aubenas, paraît bien in-
tentionné.
4. S*" de Justet, ses enfants au-dessous de dix ans, à Vais, pa-
raît bien intentionné. « M. Justet, de Vais, s'est toujours con-
duit à merveille. Il a épousé en secondes noces une femme
ancienne catholique , et aussi marié son fils aîné à une ancienne
catholique. Son cadet est lieutenant réformé d'infanterie. »
5. S"" de Badel , a un fils au-dessous de dix ans, à Chomérac ,
paraît bien intentionné.
6. S"" d'Itier (ses fils sont au service), à Saint Priest , mauvais
converti. C'est un vieux officier de cavalerie, fort accrédité dans
(i) Bullelin de la SorAélâ de l'histoire du prniesinntisme fra.nçnifi,
t. XXIX, p. J62-564. Ce qui est entre guillemets est tiré de l'état n» 4.
(2) Les de Versas et de Montbrison s'étaient déclarés pour la réforme
dès IÇ62 (voy. vol. I, p. 45).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. ^9?
son canton , capable de faire bien du désordre s'il se mettait
à mal.
7, 8. S» de Cheylus (i) et Tastaillon frères, fils de la dame
hier d'un premier lit, âgés de 25 et 20 ans, non mariés, très mal
intentionnés. « M. le baron de Cheylus, de la paroisse de Cho-
mérac, est très huguenot ; il ne s'en cache pas et ne déguise pas ses
sentiments sur la religion, D'ailleurs c'est un fort honnête homme,
qui a toujours été avec les troupes du roi dans le temps des dés-
ordres. 11 a même contenu tout son voisinage. C'est un vieux
garçon qui ne demanderait pas mieux de se retirer à Genève si
on pouvait lui assurer dans ce pays-là les revenus de ses biens.
Il conviendrait fort au bien de la religion qu'il fût hors du 'Viva-
rais, n'y ayant plus d'espérance pour sa conversion. — M. de
Tastaillon, son frère, n'est pas de même crédit, mais il est fort
huguenot et s'avise quelquefois de dogmatiser. Il a son frère aîné
capitaine réformé dans le régiment Dauphin infanterie. C'est un
fort honnête garçon. »
9. S'' de Saint Lager, ses fils au-dessous de douze ans, à Bres-
sac , mal intentionné.
10. Sieur de Chambaud, non marié, à Bressac, mal intentionné.
11. S'' du Solier, non marié, à Saint 'Vincent de Barrés, paraît
bien intentionné.
12. S"" de 'Verclause , a des fils au service , les autres sont au-
dessous de douze ans, à Baix, mal intentionné.
15. S"" de Saint Jean, n'a que des filles, à Baix, mal inten-
tionné.
14. S'' de 'Vaneilles , non marié, à Alissas , mal intentionné.
« M. de Vaneilles, de la paroisse d' Alissas, est un jeune garçon,
qui n'a pas encore de religion parce que sa mère, sœur de M . De-
vès, gentilhomme de Loriol et proche parent de feu M. de Ju-
lien (2), est obstiné dans sa religion. C'est elle uniquement qui
retient son fils. »
15. S"" de Tardivon, n'a que des filles, à Pranles ; il paraît
bien intentionné. « M. de Tardivon , de la paroisse de Boffres ,
s'est distingué pour la religion et le service du roi dans toutes les
(i) Les de Cheylus ont figuré dans les guerres de religion plusieurs fois.
(2) Jacques de Julien, d'Orange, à qui son apostasie et ses cruels exploits
contre les camisards, en 1704, valurent le grade de lieutenant général ; mort
en 1711.
394 HISTOIRE DES PROTESTANTS
occasions. Il ne s'est pas contenté de marier son fils à une an-
cienne catholique : il a encore fait bâtir une chapelle dans son
château , où il fait dire souvent la messe. »
i6. S"" de Montefort, son frère, non marié, à Pranles ; il paraît
bien intentionné.
17. S"" de Sibleyras, sans enfant, à Saint Pierreville; il paraît
bien intentionné.
18. S"" du Cher, son frère, non marié, à Saint Pierreville ; il
paraît bien intentionné.
19. S"" de Montrond, a un fils en bas âge, à Gluiras, mal inten-
tionné.
20. S'" de Vielherma, son frère; ses enfants sont en bas âge,
au Cheylard , mal intentionné.
21. 22. S"" de Marcous du Bayet, à Saint Michel le Rance, mal
intentionné. Son second fils est dans les pays étrangers, son aîné
a vingt-cinq ans et est mauvais converti et mal intentionné.
23. S"' du Cluset, non marié, à Saint Jean Chambre , mal in-
tentionné.
24. S"" de Badel , non marié, à Saint Michel de Chabrillanoux,
mal intentionné.
24. S"" du Pradel , n'a qu'une fille, à Villeneuve de Berg , mal
intentionnée.
2° Nouveaux convertis du Vivarais, qui ont été déclarés faux nobles,
capables d'entreprendre et très mal intentionnés en 1686.
Le s*" du Trémolet de La Cheysserie, au Gua.
Les s" de Craux et de Saint-Andéol ses fils.
Le s'" de Chazalette , frère du s"" du Trémolet, à Saint-
Pierreville.
Le s'' du Fraisse, son fils.
Le s"" du Bays , à Bernard.
Les s""* du Gros et du Plos, ses fils, maison forte.
Les s""' de Labeillon et du Marrol ses frères, dans les Boutières.
Le s'' Sautel de Monteillet (i), à Saint-Sauveur. — Dans l'Etat
N° 5, on dit qu'il « se conduit admirablement bien ».
Ses deux fils, âgés l'un de 25, l'autre de 20 ans.
(i) Il fournit, quelques années plus tard, << sa production de noblesse »
(Etat n» 5).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 395
Le s-- de La Pervenche, frère du s"" de Monteillet.
Le s'" de Contagnet, aux Charriers, paroisse de Saint-Michel-
le-Rance.
3° Aulres nouveaux non nobles capables cf entreprendre en 1686.
Pradier, notaire, à La Bastide de Virac.
François Massot, chirurgien, à Vallon.
Brun, avocat, à Chomérac.
Vincent, notaire, à Privas.
Charrier, notaire, à Joux.
Giraud Lafueiile, au Gua.
Mirabel, avocat, à Saint-Genest — Lachamp.
Deschamps, notaire, à Saint-Pierreville.
Jean Boisson, à Roiffieux.
Mendon Ponsonne, Idem.
Thomé, à Boulieu.
Tourton, apothicaire, à Boulieu.
Gautier, bourgeois, à Flimes.
Bega, bourgeois, à Peaugre.
4° Estât des gentilshommes nouveaux convertis du Vivarais {après
I7ii)(i).
1. M. le baron de Cheylus. Voyez page 393.
2. M. de Vaneilles. Idem.
3. M. Badel, de Privas, « fait son devoir de catholique, de
même que ses deux fils qui ont été officiers et ses trois filles. La
femme le fait aussi , mais je suis persuadé qu'elle ne le fait que
par politique ; mais on peut compter que cette famille se conduira
toujours bien. »
4. M, Justet. Voy. page 392.
5. M. de Tardivon. Voy. page 393.
6. M. de Chambaud , « de la paroisse de Saint Julien en Saint
Alban , a toujours fait son devoir de catholique. Il est marié de-
puis longtemps à une femme de condition, ancienne catholique. »
7. M. de Rochessauve , de la paroisse de Rochessauve , beau
frère du baron de Cheylus et de M. de Tastaillon, est fort âgé et
(i) Communiqué par M. Vielles, de Montauban.
^96 HISTOIRE DES PROTESTANTS
impotent. Lui et sa femme très huguenots, ne sortent jamais de
leur château. Ils ont trois fils, dont deux capitaines réformés et
le troisième, qui est l'ainé, n'a pas encore obtenu sa réforme de
capitaine. Ils sont fort vifs, jeunes et pétulants. On n'a rien à leur
reprocher parce qu'ils étaient au service lors des Camisards,
mais il y aurait lieu de les observer de bien près en cas de
troubles.
8. M. d'Entrevaux, de Privas, est un exemple de conversion.
Son aine est lieutenant dans le régiment Dauphin infanterie et
son cadet a une prébende dans le chapitre de Viviers.
9. M. de la Baume de Bavas, de la paroisse de BofFres, ne
vaut rien pour la religion. Il est même du nombre des réservés
dans l'amnistie accordée aux rebelles de 1683; mais il est déjà âgé
et ses deux fils, qui sont au service en qualité de cadets ou de
soldats, vont à l'Eglise lorsqu'ils sont au pays. Je suis persuadé
qu'ils seront bon catholiques après la mort de leur père. Cette
famille est fort obérée.
10. M. de la Chesserie , qui a servi, est un très bon sujet. Il
a marié ses deux sœurs à des anciens catholiques.
50 Estât des nouveaux convertis qui ont pris la qualité ou vécu
noblement {après 1 71 1 ).
M. d'Audemard, de Toulaud, dont le père et le grand père ont
été lieutenants colonels d'infanterie. Il est fort sage, s'étanl tou-
jours très bien conduit pour le service du roi et de la religion.
M. de Vaugiron, de Silhac, dont les auteurs ont toujours servi,
est un médecin de quelque réputation, mais fort huguenot. Il
n'est pas jeune et n'a qu'une fille.
M. de la Suauve, de Charmes, a fort bien servi. Il fait réguliè-
ment son devoir et a été en dévotion depuis six mois à la Sainte-
Beaume.
M. de Platfay, de Châteauneuf de Vernoux, n'est pas d'une
bonne race pour la religion. Il est sans courage ni crédit. Il n'est
ni huguenot, ni catholique. Sa femme, de condition.
M. de Sautel de Monteillet. 'Voy. l'Etat N" 2.
M. d'Albon, de Mauras, ne vaut pas grand chose.
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
397
N" XI. — A. Biens des Consistoires du Vivarais
ET DU Velay (i).
(Vol. II , p. 8.)
CONSISTOIRES.
BIENS FONDS.
VALEUR
TOTALE.
CAPI
PRINCIPAL.
TAUX
INTÉRÊTS.
Salavas.
Deux terres incultes. 1
Pièce de terre rapportant par/
an 50 sols. /
Terre avec grange rapportant!
par an 16 den. J
148'
Vallon.
Maison présentement occupéej
par le curé , valeur 6 ou 700/
livres. /
Petite grange, valeur i "Soliv.!
Cimetière, — 30 — /
163^'
Lagorce.
Place du temple, - 120 — i
Cimetière, — i 20 — (
240'
Aubenas.
Cimetière, — 30 — ^
Place du temple, — 30 — \
60'
Vais.
Soletplacedu temple, — 120 — )
Cimetière, — 30 — )
MO'
400'
22'
Champérache.
Maison , — i U'» — j
Temple, — 30 — >
Cimetière, — 40 — ]
220'
Ajoux.
Temple, — 3 à 4 —
8'
[}) Estai (les biens des Consistoires de la province de Languedoc, etc.
— Estât des biens ayant appartenu aux Consistoires supprimés de ceux
de la R. P. R. du Vivarès, etc. — Virarès consistoriaux. Estât des effets
intèri'ls ou pensions des sommes capitales qui peuvent être exigés, etc.
— Vivarés consistoires. Estât des biens-fonds qui ont appartenu aux
jadis consistoires de ceux de la R. P. R. du diocëze de Viviers, etc. —
Mémrtires sur les consistoires du diocéze de Viviers, de Valence et de
Vienne. — Vivarez. Estât des biens qui ont appartenu aux fugitifs du
pais de Vivarez, etc. (Archives de l'Hérault, C, 276, 278, 309).
398
HISTOIRE DES PROTESTANTS
CONSISTOIRES.
Le Gua.
Issamoulenc.
SaintPierreville
Gluiras.
SaintSauveurde
Montagut.
Serres.
Marcols.
Le Cheylard.
Meysse.
Baix sur Baix.
BIENS FONDS.
VALEUR
TOTALE.
Le Pouzin.
Chomérac.
Saint Fortunat.
Saint Vincent de
Barrés.
Platfondsdutemple, valeur 5 liv./
Cimetière, — 60U7 — \
Fonds du temple, — ■; ou6 —
Cimetière, — 3 —
Fonds du temple, — 10 — /
Cimetière, — 40 — \
Maison , jardin et pré occupés]
par le curé, valeur 400 liv. >
Deux granges, — 150 — )
Temple, — 20 —
Cimetière repris par le proprié-
taire.
Terre, 7 livres de pension.
Sol du temple , valeur 61iv
— 30 -
— 50 —
— 40 —
— 80 —
valeur 100 —
Cimetière,
Sol du temple,
Cimetière,
Sol du temple,
Cimetière ,
Sol du temple,
Pierres du temple.
Cimetière, — 50
Sol du temple chargé de 5 1. de
pension annuelle , qu'il faut
payer à noble Reymond de|
Calignon, sieurde Saint-Jean.
Cimetière chargé de 5 cartes de|
froment de censé, qui sert au
roi, valeur 2oliv.
Sol du temple et cimetière payés)
pour acquitter les dettes. j
Place du temple. i
Pierres du temple, valeur 1 5 liv.>
Cimetière, — 50 — '
Sol du temple, — 20 — /
Cimetière, 100' dues, reste 100'^
Sol du temple. ,
Cimetière. ^
14'
9'
54'
4313'
70'
120'
Mo'
145'
I I2'lO'
65'
I7S'
2^'
CAPITAUX
PRINCIPAL.
I26'l2'6d
95'io'
128' 4'
3362'
<;' 26"
4' 5'6«i
10' 28»
ii;8'342'
^31' 4'
i*4d
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
^99
CONSISTOIRES.
Chalencon.
Desaignes.
La Bâtie de
Criissol.
Saint Agrève.
Châteauneuf.
Le Pape et
Pierregourde.
Saint Voy.
Soyons , Char-
mesetToulaud,
Boulieu.
B offres.
Saint Jean
Chambre.
Vernoux.
La Bastide de
Virac.
Rochessauve,
Ceux.
Alissas.
Flaviac.
Le Chambon
Annonay.
BIENS FONDS.
VALEUR
TOTALE.
CAPITAUX
Maison duministre, valeur 5 ooliv.
Temple (était loué), — 20 — |
Jardin, — 60
Cimetière, — 10 — |
Chenevière, — 30 — !
Petite maison à trois étages. (
Place du temple , valeur 60 \\y.\
Temple démoli. )
Cimetière appartenant à un)
particulier. )
Cimetière en possession du sei-/
gneurdulieu, valeur i^liv.^
Cimetière.
Sol du temple,
Terre ,
Autre terre ,
Platfonds du temple
Cimetière, —6007—)
Sol du temple sans valeur. i
Cimetière laissé à un particu-j
lier. Repris par le vendeur. *
25 — f
20
100 — j
20 — )
Terre ,
valeur looliv.j
Cimetière à Soyons, — }o — (
Place du temple, — >o —
Cimetière àToulaud — 10 —
Maison du ministre.
Dû au consistoire le vin de la
sainte Cène.
620'
570'
90'
69'
205'
27'
40'
170'
700'
40'
25'
1481
45'
15'
6o>
30'
2900'
PRINCIPAL.
INTÉRÊTS.
240'
12' 9*
60I
3'
130"
6' 10"
300'
i^'
128'
5' 20'*
500'
25'
125'
61
400
HISTOIRE DES PROTESTANTS
B. Biens des religionnaires fugitifs du Vivarais
ET DU VeLAY.
(Vol. H, p. 9.)
LIEUX.
PAROISSES.
Salavas.
320'
26052
200
Vallon.
Lagorce.
"Villeneuve de Berg.
Aubenas.
1600
23100
18240
1 200
Vais.
Ajoux.
Marcols.
14700
650
1 3000
Alissas.
Chomérac.
Flaviac.
550
6600
Saint Julien en Saint Alban.
Le Pouzin.
800
Lavoulte.
3000
Beauchastel.
5310
Charmes.
4500
600
Saint Péray.
Champis.
600
Boflfres.
19000
Vernoux.
15110
Châteauneuf.
555
Saint Julien Boutières.
800
Saint Fortunat.
6800
Saint Cierge la Serre.
-00
Saint Sauveur de Montagut.
800
Saint Michel de Chabrilla-
noux (en deux fois).
Silhac.
Chalencon.
TiîOO
3000
4300
200
Saint Jean Chambre.
Saint Julien la Brousse.
Saint Christel.
5050
I ^ÎOO
Saint Michel le Rancc.
7000
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
401
LIEUX.
PAROISSES.
Le Cheylard.
La Mastre.
Desaignes (en deux fois)
La Bâtie d'Andaure.
Saint Bazile.
Le Chambon.
Antraigues.
Annonay(en deux (ois).
Boulieu.
I les deLavoulte (en deux fois)
Le Pouzin (en deux fois).
Privas (en deux fois).
BJaizac.
La Fau.
Pourchères.
Lyas.
Creissac.
Chiroux.
Saint Maurice en Chaléncon
Les Blaches.
Fontbonne.
La Fauriette.
Peyrier.
Tournaillon.
Vaneilles.
Peire Arnaud.
Coutaud.
La Couet.
Dobiot.
La Toupasse (en deux fois)
Le Chambon.
Clémencieu.
La Nohérie (?).
Sunchie (Les Marcels).
Larrin.
Barbenoire près Royas.
11.
Lavoulte.
Ajoux.
Pourchères.
Rompon.
Saint Didier de CrussoL
Saint Sauveur de Montagu.
Silhac.
Saint Christol.
Saint Jean Chambre.
Silhac.
Silhac.
Silhac.
Saint Didier de Crussol.
Chaléncon.
Gluiras.
Annonay.
Annonay.
Annonay.
Serrières.
Saint Laurent du Pape.
26
15750'
1240
9579
7270
200
1800
40000
82761
10800
800
1200
6000
650
8000
12000
2000
650
600
950
4500
140
?ooo
800
HO
1200
2000
700
1400
6io
38797
1000
1200
^500
4500
100
2700
402 HISTOIRE DES PROTESTANTS
N" XII. — Enlèvements d'enfants a Annonay
EN 1700 (i).
(Vol. II, p. 48.)
Justine Demeure, fille de noble François Demeure, est enfer-
mée dans le couvent de... par ordre de Bâville du 10 mars 1700.
Par ordre de même date, du même, Marie et Claire de La-
grange, filles de Louis de Lagrange, sont enfermées dans le cou-
vent de Notre-Dame-d'Annonay; Isabeau Baron, fille de Barthé-
lémy Baron, procureur du roi; Marguerite de Fornier , fille de
noble André de Fornier ; Marie Lagrange , fille de Théodore
Lagrange; Jeanne et Isabeau Rignol , filles de Jean Rignol ;
Jeanne Alléon, fille de feu Jean Alléon , dans le couvent de
Sainte-Claire-d'Annonay ; Isabeau Chomel , fille de feu Jean
Chomel, expert ; Jeanne Paret , fille de feu Antoine Paret , dans
le couvent de... à Vienne.
Lucrèce d'Arbalestrier , femme de noble André de Fornier
(nommé plus haut), reçoit l'ordre , le i 7 juillet 1700, de François
Barbier, sergent royal, de représenter Marguerite de Fornier
(nommée plus haut). — Il suit de là que cette jeune fille avait pu
échapper à l'ordre de Bâville.
Armand de Montmorin de Saint-Hérem, archevêque de Vienne,
tout grand personnage qu'il fût , ne dédaignait pas de s'occuper
en personne de la conversion des enfants protestants d'Annonay ,
qui ressortissait à son diocèse ; mais les parents de ces derniers
lui causaient quelquefois de véritables déboires. C'est ainsi qu'en
mars 1700, ayant voulu se rendre à Annonay pour leur faire des
remontrances sur ce qu'ils n'envoyaient pas leurs enfants à l'église
catholique, il apprit qu'ils avaient éloigné tous ceux-ci de la ville,
de sorte que le zélé prélat dut remettre sa visite « jusqu'à un au-
tre temps, » dit-il, « où je pourrai m'y rendre à leur insçu ! »
Un certain abbé d'Auvergne, qui remplissait le rôle d'inquisi-
teur de la foi dans le diocèse de Vienne à la plus grande satisfac-
tion de son archevêque , et qui se rendait fréquemment à Anno-
(I) Archives du conseil presbytéral d'Annonay. Voy. aussi le BuUpHv ib
In Société de l'histoire du proteslHniisme fraurais (t. XXX, p. i 17-124 ,
qui a commis des erreurs de date et de nom.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. iq?
nay pour surveiller les nouveaux convertis, parle, à la date du
20 septembre 1700, d'une demoiselle de Mure, cachée à Lyon, et
qu'il comptait également enfermer dans un couvent en commen-
çant par faire emprisonner son père.
N» XIII. — Liste générale des condamnations
PRONONCÉES CONTRE LES PROTESTANTS DU VlVA-
RAIS ET DU VeLAY POUR FAIT DE RELIGION PEN-
DANT LA PÉRIODE DU DÉSERT.
1685
27 juin. Claude Guérin, de Villevocance , galères (par le prési-
dial du Puy).
Jean Paul Seignover, enfermé à la tour de Constance,
où il mourut. Sa femme , enfermée au château de
Sommières pendant 20 ans.
Vialette, de la Bâtie d'Andaure. Arrêté, puis fugitif, en-
fin conduit â la tour de Constance , où il mourut.
Marc Charrein , pendu â Montpellier (quelques années
après).
1686
2} mars. Antoine Boissy. de la Grimaudière, 5 ans de galères (par
le parlement de Grenoble).
— Pierre Fay , de Bronac , 5 ans de galères (libéré plus
tard).
10 mai. Isaac Sibleyras, de Masneuf, galères (par le parlement
de Grenoble).
18 mai. Antoine du Riou, de Silhac, 10 ans de galères.
26 sept. Jean Bouniol, chantre, de Chjrnavas, galères perpé-
tuelles (par le parlement de Grenoble),
Joachim, d'Annonay , enfermi dans l'hôpital de Va-
lence.
1687
S mars. Paul Lafont, de Beauvène. galères (par le parlement de
Dijon).
404 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Jean Crozier, de Villeneuve de Berg, marchand, déporté
en Amérique sur le vaisseau Notre Dame de bonne
espérance et naufragé.
De Paris, de Vallon , déporté, après avoir été détenu
dans les cachots de la tour de la Reine en 1686.
1689
26 févr, Paul Reboul, de Chassut, galères (par de Broglie),
2 mars. Jean Pierre Perrin, prédicant. A mort.
Jean Gresse dit Dequin , drapier à Laveneu. A mort.
Siméon Montflot dit Urbe, laboureur, de Saumas , pa-
roisse de Vernoux.
Jean André Quittau, fils d'Etienne, drapier à Ponsoye,
paroisse de Saint Didier de Crussol. A mort.
Etienne Maire dit Coquandon , fermier du comte de
Maugiron, à La Mure, paroisse de Saint Julien le
Haut. A mort.
Pierre Maire dit Coquandon, fils d'Etienne, laboureur
du même lieu. A mort.
26 mars. Jean Pierre Douchon , de Talussac , galères (par de
Broglie).
— David Reboul, de la Serre (ou de Maurans) , âgé de
3") ans, galères (parle présidial de Montpellier). Mort
le ) septembre 1711, « constant dans la foi. »
— Jean Rousseron (ou Rougeron) , de Montélimar, domi-
cilié en Vivarais, galères (par le même).
— Jean Gourtol, de Bonnet de Ladreyt (par le même).
26 mai. Antoine Doalette (ou Doulette), âgé de 24 ans, galères
(par le présidial de Montpellier).
10 juin. Alexandre Astier, tisserand de toile, de Vignac, paroisse
de Saint Cierge la Serre, âgé de 27 ans (par de Bro-
glie) ; libéré en 171].
17 juin. Matthieu Pélissier , de Chermaison, galères (par de
Broglie).
— Jean Curson , de Desaignes , galères et maison démolie
(par de Broglie) ; libéré en 1698.
— Jean Bravais, de Saint Apollinaire de Rias, galères (par
le même) ; mort à la peine.
— Daniel Fontbonne, de Martel, galères, mort à la peine.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 405
17 juin. Pierre Rieu, de Saint Voy, galères (par de Broglie).
— Mathieu Ribery, de Lieurard, galères (par le même),
18 août. Bernard Bouvier, de Saint Didier de Crussol , galères
(par le même).
— Jean Molle, de Saint Boni en Velay, âgé de 36 ans, ga-
lères (par le même) ; libéré en 171 3.
20 sept. Jacques Rey, de Saint-Voy, galères (par le même).
— Pierre Mazet, de Saint Jean Chambre (ou de Saint
Agrève) , âgé de 29 ans , galères (par de Broglie) ;
vivait encore en 1708.
— Pierre Riou, de Chambon, galères (par le même).
28 sept. Moïse Frache (ou Fracha), de Chantier, galères (par
le même) ; mort à la peine.
10 oct. Pabion (Jacques), tisserand de toile, de Desaignes ,
galères.
12 oct. Pottier ou Pothier, de Lespinas, galères (par Bouchu ,
intendant du Dauphiné).
— Louis Duclos, de Marneuf , perruquier , arrêté à Rodo-
mache le 26 août, galères; libéré en 171 3, il se retira
à Berne.
— Pierre Chapoulon, de Saint Marcel (par l'intendant du
Dauphiné).
23 nov. Louis Estoile (ou L'Estoile), d'Annonay , galères (par
l'intendant du Languedoc) ; mort à la peine en avril
1696.
28 nov. Jean Bousquénaud , de Chalencon , galères (par le
même).
— Isaac Thaulier, galères (par l'intendant du Dauphiné);
mort en 1695.
— Jaques Juventin, de Vernes (par l'intendant du Langue-
doc) ; mort à la peine.
— P. Corréard , de La Baume, galères.
— Pierre Pagot, des environs de Valence, galères (par or-
dre du roi).
Dec. Antoine Crand, de Lamenac (paroisse de Saint Priest).
Suivant d'autres, en janvier 1690.
Moïse Tranchât, âge de ^o ans, galères.
J. Courtol.
Pierre Maillet (ou Mallet). âgé de 28 ans, galères;
libéré en 171 3.
406 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Jacques Fort, de Silhac, mandement de Chalencon, âgé
de 54 ans.
Etienne (ou Antoine) Grange de la Ménardière, de Saint
Jean de Prusi , âgé de 29 ans, galères et sa maison
démolie; libéré en 171 ].
André Munier, de Saint Priest, galères; mort à l'hôpital
le 26 février 170 3.
Barthélémy Rossignol, de Saint Peyre (ou d'Alboussiè-
res), galères (par de Broglie); libéré en 1713.
Louis Valette, de Saint Vincent de Durfort , pendu à
Lavoulte , puis brûlé. î^rédicant.
Nombre considérable d'insp'rés enfermés dans le château
de Lavoulte, le fort du Pont Saint Esprit, la Tour de
Constance, le fort de Nimes, la citadelle de Mont-
pellier, ou envoyés aux galères. .
1690
2 janv, Jean Pierre Sivart, de Gilhac, galères (par de Broglie).
— Etienne Bernard, d'Empurany, galères (par le même).
— Jean Pierre Dintres, de Bussy le haut (paroisse d'Em-
purany), âgé de 1} ans, galères (par de Broglie); mort
à l'hôpital de Marseille le 7 février 1708.
?o janv. Claude Grand, de Saint Faurié, galères (parle même).
?! janv. Jacques Bel (ou Bets, Bez), galères; mort en 1701.
— Jacques Bois, de Saint Faurié (par de Broglie).
— Pierre Salque, de Saint Faurié, galères; mort à la peine.
2 avril. Gabriel Astier, inspiré , roué à Baix (par ordre de Bâ-
ville).
19 mai. Jacques Rialhon, du mandement de La Bastide de Vi-
rac, galères (par Bâville).
— Pierre Palayer , âgé de 28 ans , de Desaignes (par le
même).
25 juin. Françoise, du Chambon, emprisonnée.
Joseph (ou Josué) Corbière, prédicant, âgé de 54 ans ,
galères; libéré en 171 3.
Pierre Sauzet, de Franchassis, laboureur, âgé de 36 ans,
galères; libéré en 1713, il se retira à Bàle.
Antoine Grange, de Saint Creyt, galères.
Daniel Chanac, prédicant, enrôlé de vive force.
DU VIVARAIS ET DU VEl.AY. 407
1691
Isaac (ou Pierre) Moucha, de Vernoux , galères: mort
à la peine même année.
1692
David Chabrières, de Saint Julien la Brousse, enfermé
au fort du Pont Saint Esprit.
Fleuris Imbert, de Saint Martin, de même.
1694
François Rochebilière , dit Duclos . notable de Lamas-
tre, galères; « né et élevé catholique a connu et em-
brassé la vérité en galère avec un beau zèle ; » libéré
en 1713.
Jeanne Elisabeth Faure , de Chérin , paroisse de Saint
Julien la Brousse, enfermé en février.
1696
Daniel Arsac , de Beauvert , prédicant , âgé de 2^ ans,
cadissier, prédicant. galères; libéré en ijn-
Charles Laurens , de Desaignes , prédicant , âgé de
24 ans, galères ; mort à la peine peu après.
Jean Valette, prédicant, galères perpétuelles.
Isaac Berlier, de La Bâtie de Crussol , prédicant, em-
prisonné quelques mois à Beauregard.
1697
Marie Seignaurette , enfermée dans diverses prisons
pendant 2"; ans.
1698
Pierre Tromparent , de Charmes , galères: mort le
28 juin 1701 à la peine.
408 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Matthieu Dunis (ou Daunis). dit Laroche, de la Selle ,
en Velay, prédicant ; libéré en 1713, il se retira à
Neuchâtel.
Plusieurs protestants emprisonnés au château de Beau-
regard.
1699
10 oct. Claude Pavie, laboureur, de Villeneuve de Berg , âgé
de 31 ans, galères; libéré en 171 3, il se retira à
Saint Gall.
— David Bernard, manchot, de Marcols, veuf avec quatre
enfants, galères.
— Jacques Boutou, fils d'Antoine, d'Aucha, diocèse de Vi-
viers , galères.
— Ranc, laboureur, de Desaignes, veuf avec deux enfants,
galères par Bâville.
I 700
18 nov. Jacques Chaulet, travailleur de terre, âgé de 62 ans, ga-
lères perpétuelles (par le bailli de Villeneuve de Berg).
— Matthieu Eschalier, ménager, âgé de 64 ans, galères
perpétuelles (par le bailli de Villeneuve de Berg).
— Louis Giraudier, laboureur, âgé de 38 ans, galères per-
pétuelles (par le bailli de Villeneuve de Berg).
— Pierre Plan, tisserand, âgé de 35 ans, galères perpétuel-
les (par le bailli de Villeneuve de Berg).
— Claude Fezay dit Fumât, d'Aubrès, rentier au Chasta-
nier, âgé de 40 ans , galères perpétuelles (par le bailli
de Villeneuve de Berg).
~ David Maujaret, travailleur de terre, âgé de j<, ans,
galères perpétuelles (par le bailli de Villeneuve de
Berg).
— Antoinette Reynet, des Tineaux, âgée de 20 ans, prison
perpétuelle (par le bailli de Villeneuve de Berg).
— Bonne Nogier^ âgé de 18 ans, prison perpétuelle (par le
bailli de Villeneuve de Berg).
— Madeleine Bonnaud , femme de Meissonnier, âgée de
47 ans, prison perpétuelle (par le bailli de Villeneuve
de Berg).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 409
18 nov. Marguerite Brun, femme David Maujarel , âgée de
22 ans. prison perpétuelle (par le bailli de Villeneuve
de Berg).
Ces dix condamnés étaient de Vais.
Arsac (Antoine), de Beauvert, prédicant , emprisonné à
Montpellier, puis enrôlé dans l'armée. Il réussit à
s'évader.
Alzas , de Salavas.
1701
27 sept. Isabeau Dauphinenche . de Privas , emprisonnée à
Tournon.
2 nov. Charles Aurenche, de Malion , paroisse de Saint-Sau-
veur-de-Montagut , galères.
— Noë (ou Noël) Peyre, de Saint-Cierge-la-Serre, galères
(par Bâville); mort Tannée suivante.
Pierre Gaillard, des Plans, galères ; libéré le 7 mars i 714.
Jean Marlié le. j c r i>. iua
\ frères, de Sauliers, galères; libé-
Jacques Marlié { xi. u -. -
^ . ) rés le M novembre 171 7.
Pierre Marlié '
Matthieu de Mars, de Vernoux , galères; libéré le
7 mars 1714.
Jean-Pierre Longuerville , de la Pérouse , galères.
Louis Merle dit Rousson, de Saint-Fortunat , galères ;
mort à l'hôpital le 12 février 1708.
Femme Jourdan , emprisonnée au Pont-Saint-Esprit.
Jacques Gaspard, pendu à Vernoux.
Claude Mayre dit Cocadon , id.
Jacques-Salomon Duplantier, pendu à Saint-Pierreville.
René Faillot, pendu à Saint-Agrève.
David Marlié, pendu à Vallon.
Une fille , pendue à Privas.
1702
6 mai. René Prat . de Meyras, galères (par Bâville); libéré le
I ^ novembre 171 7.
— Jean Rouvière, de la Vause, galères (par le parlement
de Grenoble) ; mort le 12 mars 1703 à l'hôpital.
410 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Jacques Chaulet. de Vais; mort à l'hôpital le 3 jan-
vier 1703.
Charles Dorince, mort le 17 octobre 1702,
Jean Charreyre dit le petit Marc, prédicant , pendu à
Montpellier.
1703
22 août. Jean Clauzel, pendu à Montpellier.
Madeleine Rouberte, de Saint-Maurice, emprisonnée
au Pont-Saint-Esprit. Y était encore en 171 2.
Suzanne Vinçon, id., id.
Jeanne Costet, de Saint-Martin, id., id.
Paul Chamarand , relaps , galères.
Louis Croze, id., id.
Pierre Plan et autres, de Vais, galères.
Jacques Pinard (avant i 703), galères ; libéré en 171 3.
1704
Antoine Fraisse, de la Bâtie de Crussol, galères; libéré
le 7 mars 1714.
Lucrèce Guigonne, de Dalbou, paroisse de Marcols,
emprisonnée à Carcassonne. Y était encore en 171 2.
24 août. Isaac Duplantier, rompu vif à Vernoux.
— Un autre religionnaire, pendu à Vernoux.
— Trois prophétesses, id., id.
Claude Mayre dit Cocadon, id., id.
170^
Isaac Espérandieu , galères ; libéré le 24 juillet 1716.
Jacques Merlin, de Masmagnan, galères; id.
Elisabeth Mounière, de La Chalaye, paroisse de Saint-
Agrève , emprisonnée à Carcassonne. Y était encore
en 1712.
Jeanne Longuefaye , de Blanchi, paroisse de Gluiras ,
id., id.
1706
p. de Larbie, de Teule, paroisse de Gluiras, galères :
mort le j8 janvier 1710.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 4»*
P. LascoLirs (ou Delascour), du même lieu, galères.
Joseph Teule, du même lieu; mort le 30 mars 1709.
Jacques Fabre (ou Favre), du même lieu, galères ; mort
à l'hôpital le 3 novembre 1707.
Isaac Gauchon, du même lieu, galères; libéré le M no-
vembre 171 7.
Joseph Mours, de Lariva , galères ; mort à l'hôpital le
le 3 décembre 1709.
Mailhard (Claude), de Combalantar-de-Donar (?), galè-
res; mort le 12 octobre 1706 à l'hôpital.
2> sept. Plusieurs religionnaires qui s'étaient assemblés au mou-
Im de Chamanche, paroisse de Gluiras, galères.
Marie Rousle (ou Roule), de Courac, diocèse de Viviers,
emprisonnée à la Tour de Constance.
1707
Antoine Duplan, de Charmai, paroisse de 'Vais, galères:
jeté peu après dans un cachot de l'hôpital à Marseille
où il mourut le 2? août 1707.
1708
23 juillet. Jean Beauthias, galères perpétuelles (par le présidial de
Nimes), libéré en 1714.
— Pierre Fontbonne, de Privas, galères perpétuelles (par
le même); libéré le i^ novembre 1717.
— Matthieu Suel, 3 ans de galères (par le même).
— Suzanne Charrier, dite la Randigonne, d'Ouvèze , pa-
roisse de Privas, prison perpétuelle à la Tour de
Constance (par le même).
1709
Sébastien Fontbonne, de Valonne, galères; mort le
2<, septembre 1709.
Joseph Desjoux, de Plots (paroisse de Gluiras), galères ;
mort le 28 novembre i 709,
Alexandre Fayolle , de Louzbre (paroisse de Saint--
Fortunat), galères.
412 HISTOIRE DES PROTESTANTS
François Traversier, de Mours (paroisse de Gilhoc),
galères; mort le 2^ novembre 1709. -
David Chabrières, de Plots (paroisse de Gluiras), mort
à l'hôpital le 2<^ novembre 1709.
Jeanne Mejanne , de Vernoux, prison perpétuelle à la
Tour de Constance.
Elisabeth Catalone (ou Catone) , de Chalencon , idem.
1710
Jean Chabris, de Saint-Julien-le-Vieux, galères,
n nov. Jean-Jacques Chambon, bourgeois de Gluiras, galères;
mort à Montpellier.
1711
18 juin. Pierre Bruy dit Saint-Julien, de Saint-Julien, pendu à
Montpellier.
Jacques Vabres, de Saint- Jean-Chambre, galères; mort
à l'hôpital le 3 janvier 171 2.
Catherine Roustan, de Saint-Agrève, prison,
Isabelle Roustan, sa sœur, du même lieu, prison.
1716
Jean Bernard, galères.
Meissonnier, idem.
1719
Rouvière, galères perpétuelles.
II mai. Jacques Combe, dit Angély, du Bouchet , galères per-
pétuelles (par de Roquelaure).
Pierre de Serret, galères perpétuelles.
Deux filles, prison.
1723
Marie Béraud, de Mours, paroisse de Gluiras, aveugle,
prison perpétuelle à la Tour de Constance, y était
encore en i 754, et avait 80 ans.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 41^
1728
23 oct. Marie Vernet , de la Traverse, paroisse de Saint-For-
tunat, prison perpétuelle à la Tour de Constance (par
ordre de la cour) , y était encore en 1 741 , et avait
60 ans.
— Antoinette Gemin, même peine.
— Jean Blache dit la Calotte, de Mastenac (paroisse de
Saint- Fortunat), galères perpétuelles.
— Jean-Jacques Bonniard, fils de Jacques, idem.
— Paul Bonniard, idem.
— Jacques Fargier, idem (contumace).
— Paul Bonniard, idem (contumace).
— Claire, prison perpétuelle à la Tour de Constance.
— Veyrenche, idem.
— Boussena, maintenu en prison.
— Judith Chabrières, idem.
— Catherine Pascouret, idem.
— Marguerite Bonniard, idem.
— Catherine Bonniard, idem.
— Maisons de Jean Blache, d'Antoine Vernes, dit la Tou-
lipe, de Marie Vernes , et le cellier de Viliars rasés.
1729
Plusieurs protestants condamnés aux galères.
Jean Alzas, de Salavas, soupçonné d'être prédicant.
Etienne Durand, père du pasteur Pierre Durand, en-
fermé au fort de Brescou (par lettre de cachet), libéré
en 1743.
Pierre Comte, de Notre-Dame, galères.
De la Baume, de Boffres, emprisonné à Beauregard.
28 juin. Matthieu Serre, emprisonné.
1730
28juiliet. Marie Durand, sœur du pasteur Pierre Durand, prison
perpétuelle à la Tour de Constance; libérée en 1750.
16 juin. Daniel Serre, fiancé de la précédente, de Poux, paroisse
de Saint-Pierreville (par ordre du comte de Saint-
Florentiny, libéré en i7i;o.
414 HISTOIRE DES PROTESTANTS
i7?i
21 avril. Isabeau Sautel , veuve de Jacques Rouvier , notaire de
Craux, paroisse de Saint-Etienne-de-Serre, belle-sœur
du pasteur Pierre Durand, prison perpétuelle à la
Tour de Constance (par ordre de la cour).
Risserand , de la Combe du Pra , paroisse de Silhac ,
galères.
Marie Neviliac . prison perpétuelle à la Tour de Con-
stance.
I7H
2? déc. Jean Bernard, prédicateur, de la Grassière, paroisse du
Gua , emprisonné au fort de Brescou.
1737
;; janv, Marie Veillard, femme de Daniel Sauzet , de Sampzon,
prison perpétuelle à la Tour de Constance; y était
encore en 1741 et avait 45 ans.
— Marie Vidal, femme de Daniel Durand, de Veyras ,
même peine (par le marquis de La Fare); y était en-
core en 1763 et avait 53 ans.
I**"" mars. Isabeau Menet, de Beauchastel , femme de François
Fiales, même peine (par de Bernage) ; rendue folle à
son père le 3 mars 1750, à l'âge de 35 ans.
— Marie de Goutet , femme de Noël Vey, même peine
(par le même), y était encore en 1763 et avait
57 ans.
— Jeanne Menet, même peine ; s'évada en 1737 et se re-
tira à Genève.
— Louis Trapier, de Grosjeanne, galères perpétuelles (par
de Bernage).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 41;
r' mars. François Fiales, de Grosjcanne, id. (id.).
— Noël Vey, de Saint George, id. (id.).
— Jacques (ou Jean) Clergues, dit Nodon , laboureur de
Pierregourde , id. (id.) ; était encore aux galères
en 1746.
— André Pinet, de Grosjeanne, id. (id.j.
— Jean Jacques Gay, du même lieu, id. (id.).
La femme du sieur Durand, de Vais, prison perpétuelle
à la Tour de Constance : y était encore en mai 1742.
1738
4 janv. François Alzas, de Vallon, emprisonné à Beauregard.
Marguerite Dugas , femme de François Peschaire
id., id.
Femme Peschier, épouse de Pierre Pouget , id., id.
Sa fille, id., id.
Françoise IVIassot, femme d'Antoine Ollier, chirurgien,
id., id.
Jeanne, sa fille, id., id.
Marie, sa fille, id., id.
Silhol de Lassessac, paroisse de Lagorce, id.
Josephi, son fils aîné, id., id.
Durand, de Vais, emprisonné à Beauregard.
I7Î9
8 janv. Etienne Larnac, condamné à entretenir à ses frais deux
de ses fils au collège des barnabites du Bourg Saint
Andéol.
12 sept. Demoiselle Delorme, de Silhac, prison perpétuelle à la
Tour de Constance.
Jean Morel , frère du pasteur Morel-Duvernet , empri-
sonné à Beauregard où il mourut.
1740
8 févr. Morel dit Duvernet , ministre, de Saint André des Ef-
fingeas, mémoire éteinte, supprimée à perpétuité.
- Louise Peyron dite la Peyrone , de Lamastre , prison
perpétuelle à la Tour de Constance.
contumaces , décrétés
d'arrestation.
416 HISTOIRE DES PROTESTANTS
8 févr. Mathieu Morel, neveu de Morel-Duvernet, deCiheyne,
paroisse du Chambon en Velay, galères perpétuelles;
libéré le 12 février 1761.
— Françoise Fontbonne, veuve de Jean François Chazal ,
admonestée.
— Jacques François Broë, notaire, emprisonnement main-
tenu.
— Pierre Dunière, fils de Paul Dunière (idem).
— Dubesset,
— Callon,
— Morel, dit de Châteauneuf,
9 févr. Paule Escoulens, femme du ministre Fauriel-Lassagne,
de Lassagne , paroisse de Silhac, prison perpétuelle
à la Tour de Constance (contumace).
— Anne Lapra^, femme de Jean Pierre Espinas, prison per-
pétuelle à la Tour de Constance (contumace).
— Fauriel Jean-Gabriel, ministre, dit Lassagne, mémoire
éteinte, supprimée et condamnée à perpétuité.
— Jean Pierre Espinas, procureur de Saint Félix de Châ-
teauneuf, galères perpétuelles ; libéré le 22 jan-
vier 1763.
1741
31 juillet. Alexandre Chambon , laboureur, de Pranles , âgé de
61 ans, galères perpétuelles; libéré en 1769 par
l'entremise de Voltaire.
1743
Douze religionnaires emprisonnés à Tournon.
1744
M déc. Claude Ponton, de Gluiras, prison à Beauregard (par
ordre de Richelieu).
Claude dit Roche, du même lieu, id. (id.).
Antoine Terras, de Saint- Fortunat, id. (id.).
Philippe Blache , de Mastenac, paroisse de Samt-
Fortunat , id. (id.).
Bougnard dit le Père Eternel, du même lieu, id. (id.).
Femmes Glaizat, mère et fille , deux mois de prison.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 417
I74Î
2 mai. M""* Gueze, de Chalencon, enfermée au couvent de la
Visitation du Bourg-Saint-Andéol ; sentence exécutée
le iS juin.
D'Audemard , emprisonné 4 mois à Beauregard.
1746
i" fév. Jean Menut dit Rochette (ou La Rochette), de Mazel,
paroisse de Saint-Agrève, galères perpétuelles.
— Matthieu Majàl dit Désubas, ministre, pendu à Mont-
pellier.
1747
20 janv. Demoiselles Roulin. de Lavouite, transfert du couvent
des ursulines de Valence à celui des dominicains de
Viviers (sentence exécutée le 9 octobre).
1748
10 juin. Jean de Jours, de Brussac, mort à Montpellier avant sa
condamnation.
1749
ô janv. Jean-Pierre Bruguière, deux mois de prison.
Antoinette Valançon, d'Annonay, sa femme, id.
28 avril. Etienne Valançon, id.
Elisabeth Mantelin, de Peangres, sa femme, id.
1750
4 fév. Frt-.nçois Coste, maître d'école à Saint- Voy, 100 livres
d'amende.
Jean Menut, id., id.
Claude Bois, id., id.
Jean Bourette, de Bronac, id., id.
II. 27
4lH HISTOIRE DES PROTESTANTS
1751
12 avril. Jacques Monteil , ancien prédicateur, emprisonné à
Beauregard, mort peu après.
1752
14 janv. Teyssier. de Saint-Péray,';oo livres d'amende.
25 fév. Isaac-Jean Terrasse, de Silhac, emprisonné à Beaure-
gard, 50 livres d'amende , élargi par ordre du roi le
7 mai 1754.
9 mars. Jacques Bernard, de Nozières, id,, 2,000 liv. d'amende
(15 avril I7'5 2); élargi par ordre du roi le 20 juillet
1754-
14 mars. Jacques Meyer, de Serre, paroisse de Saint- Fortunat ,
id., id.
Avril. Jacques Argod, id.
— Marianne sa femme, id.
Tranchât, de Menuts, paroisse de Saint-Fortunat, id.,
3,000 liv. d'amende.
Ribes, des Chirouzes, paroisse de Nozières, id., 2,000
liv. d'amende.
Tussière, de Saint-Georges, id., ^iOD livres d'amende.
Plusieurs autres religionnaires emprisonnés à Beaure-
gard qui s'évadèrent.
30 mai. Bac, notaire de Beauchastel, interdit de ses fonctions.
1764
Quatre religionnaires emprisonnés à Tournon , puis à
Montpellier (ou au fort de Brescou).
1768
24 fév. Matthieu Sédarret , maître d'école à Faussemagne ,
puis à Fontmourettes, diocèse du Puy , prison (par
ordre du roi).
1770
26 nov. Villard, père et fils, de Marcols, emprisonnés à Beau-
regard (par. ordre du roi).
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
419
]S[o XIV. — Etat par arrondissement des commu-
nautés DU VIVARAIS, DU NOMBRE DES FAMILLES AN-
CIENNES CATHOLIQUES ET DU NOMBRE DES FAMIL-
LES NOUVELLES CONVERTIES (PROTESTANTES) VERS
1740 (1).
(Vol. II, page 18).)
Ane.
Nouv
Arrondissements.
Communautés.
cath.
conv.
Annonay.
Annonay.
895
90
Saint-Péray.
Saint-Péray.
150
50
Toulaud.
95
48
Ste-EulalieouGuilherand.
25
15
Soyons.
38
47
Saint-Georges.
II
48
St-Marcel-de-Crussol.
Beauchastel.
10
30
1224
328
Beauchastel.
50
72
Charmes.
50
70
Pierregourde, le Pape et
St- André -de-Bruzac.
Boffres.
21
100
121
242
Boffres.
3^
I 20
St-Sylvestre et Champis.
102
118
Saint- Didier.
^2
98
St -Romain -de- Lerps.
55
3
24-'
V-^)
(!) Lettre du brigadier de La. Devez" à Danpervilliers, Tninistre de la
guerre, dans L'Echo de l Ardèche du ; décembre i8ji. Dans cet état ne
sont pas compris évidemment les lieux qui ne renfermaient que des catholi-
ques.
420
HISTOIRE DES PROTESTANTS
Arrondissements.
Vernoux.
Chalencon.
Communautés.
Vernoux.
Châteauneuf-de- Vernoux.
Saint-Julien-le-Roux.
Saint-Fortunat.
Ane.
Nouv
cath.
conv.
195
168
ï7
68
8
^2
44
211
264 499
Chalencon.
92
4^
Saint- Apollinaire-de-Rias.
22
46
Saint-Miche!-de-ChabriIla-
noux.
22
100
Silhac.
60
128
St-Maurice-en-Chalencon.
n
^6
St-Prix-en-Chalencon.
Empurany.
209 375
Saint-Prix.
60
2^
Mounens et Cluac.
16
22
Saint-Jean- Chambre.
îo
100
St-Julien-Labrousse.
80
48
186 195
Empurany.
264
20
Le Crestet.
65
I
Monteil.
^4
10
Boucieu-le-Roi et Colom-
bier-le- Jeune.
12^
?
Gilhoc et Grozon.
'4î
7^
St-Barthélemy-le-Pin.
25
19
678 1 28
Desaignes.
Desaignes.
'7^
20^
Lamastre.
105
40
Macheviile et Retourtour.
120
2S
Saint-Bazile.
60
58
460 J 28
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 42I
Ane.
Nouv.
Arrondissements.
Communautés.
cath.
conv.
Saint-Agrève.
Saint-Agrève.
I6S
125
St-Romain-le-Désert .
42
^9
Les Vastres.
lOJ
72
Devesset.
50
35
Le Pouzat.
15
I
Chaudeyrolles et Mezenc.
90
0
580
292
Rochepaule.
Rochepaule.
90
9
St-André-des-Eflfengeas.
73
29
La Coste-la-Fare.
Le Cheylard.
64
0
167
38
Le Cheylard.
Ï74
84
Arric.
11
i")
St-Barthélemy-le-Meil.
?o
80
Saint-Michel-le-Rance.
Saint-Gilles-de-Mézilhac.
40
28
pi
207
Mézilhac.
119
9
Saint-Julien-du-Gua.
21
57
Issamoulenc.
20
55
Saint-Genest-Lachamp.
M
104
Ajoux.
12
î8
187
26?
Saint-Pierreville.
Saint-Pierreville.
115
74
Gluiras.
60
236
Saint-Christol.
16
78
Saint-Julien-d'Orcival ou
M
135
Marcols.
Pranles.
25
•5'
St-Etienne-de-Serres.
24
70
261
744
422
HISTOIRE DES PROTESTANTS
Arrondissements.
Privas.
St-Vincent-de-Durfort.
Chomérac.
La Voulte.
Le Pouzin.
Ane.
Nouv.
Communautés.
cath.
conv.
Privas.
178
277
Tournon et Lyas.
18
86
Lubillac et Coux.
12
99
Veyrrs.
6
37
Saint-Priest.
46
24
260
523
St-Vincent-de-Durfort.
10
85
Si-Sauveur-de- Montagut.
0
57
St-Cierge-la-Serre.
7
62
Pourchères.
17
22
St-André-de-Creysseilles.
I
62
Gourdon.
55
0
90
288
Chomérac.
8s
153
Saint-Symphorien.
10
52
Alissas.
12
70
Rochessauve.
H
65
Bressac et Saint-Lager.
12
48
Saint- Vincent-de- Barrés.
6
110
St-Bauzile-en-Barrès.
6
29
165
527
La Voulte.
146
72
Royas.
II.
II
Rompon.
10
68
167
'5'
Le Pouzin.
10
144
Baix.
9
130
Flaviac.
6
78
Creissac.
1
39
St-Julien-en-St-Alban.
6
24
32
415
DU VtVARAlS ET DU VELAY. 42?
Ane. Nouv.
Arrondissements. Communautés. cath. conv.
Villeneuve-de-Berg, Villeneuve-de-Berg. 4?o 50
Saint-Jean-le-Centenier.
87
0
Saint-Maurice-d'Ibie.
48
I 2
St-Genest-en-Coiron et
Montbrun.
45
0
Vallon.
610
62
Vallon.
67
»95
Lagorce.
2^
120
92
315
Salavas.
Salavas.
52
41
Vagnas.
72
8
La Bastide-de-Virac.
17
18
Bessas.
. . .
. . .
141
67
Vais.
Saint- Martin de-Vals.
20
290
Les Saleiles.
Les Saleiles.
47
48
Total général : Anciennes familles catholiques. 7626
Familles de nouveaux convertis. 6664
N" XV. — Mémoire des Eglises du Vivarais
(en 1744), dressé par Peirot (1).
(Vol. II. p. 2IO.)
1. Le Pouzin, Baix, Saint- Vincent-de-Barrès.
2. Chomérac (2), Saint-Simphorien, Rochessauve.
(i) Ms. Court, n" 17, vol. Q, p. jiç-^iô.
(2) On trouvera, dans le Bulletin de la. Société de l'iiistoire du protes-
tantisme français (année 1886, p. 25 à 29), un » Etat des religionnaires de
la communauté de Chomérac » en 1745-
424 HISTOIRE DES PROTESTANTS
j. Creissic, Ron^.pon, Saint-Julien [en Saint-Alban], Flaviac.
4. La Voulteet quelques paroisses.
5. Privas, Saint-André-de-Creyseii!es.
6. Saint-Cierge-ia-Serre.
7. Saint-Vinceni-de-Duifort.
8. Pranles.
9. S3int-Sauveur[-de-Montagut].
10. [Saint-Etienne-de-]Serres.
1 1. Ajoux, Le Gua.
12. Issatnoulenc.
13. Vais.
'^" î Gluiras.
«5.)
Silhac.
( Marcols et quelques paroisses.
i8. Saint-Christol.
ig. [Saint-Genest-]Lachamp, Saint Péray et Saint-Cierge (i[
20. Saint- Maurice [en Chalencon].
21,
22. )
23. Chalencon.
24. Siint-Julien-la-Bro'.'sse et quelque autre paroisse.
25. Saint-Jean-Chambre.
26. Vernoux.
27. Châteauneuf[-de-Vernoux].
28. Boffres.
29. Bruzac et Toulaud.
30. Saint-Didier-de-Crussol et quelque autre paroisse.
?i-
32-
Gilhoc ou quelque autre paroisse.
; Lamastre avec quelques autres paroisses.
34. ^
35. Mouncns, Saint-Bazile ou une autre.
36. Saint-Julien-Boutières.
2~. I
' Saint-Agrôve.
38. \ ^
' Le Chambon.
40.
(i) A été nommé au n" b. Double emploi.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 425
41, ^
Saint-Voy.
42. )
43. Araules, Champclause.
N° XVI. — Noms de quelques-uns de ceux qui
FURENT TUÉS A l'aFFAIRE DE VeRNOUX, LE 12 Dé-
CEMBRE 1745 (1).
(VoL II. p. 226.)
Etienne Gourdol, de Bousquenaud.
Matthieu Courtiai, de Donas-Saint-Apollinaire.
Jean-Pierre Viouj^t, dudit lieu.
Claude Rias, de Rossille, paroisse de Saint- Apollinaire.
Jacques Julien, de Jurus, idem.
Guilhaume Boyer, de Rancel ou du Vernat, tailleur d'habits (il
laisse sa femme enceinte ; on lui cassa la tête).
Claude et Daniel Vernat, père et fils, du lieu de Vernat.
Marchon, beau-frère de Vernat père.
Simon Bernard, habitant à Juventin.
Jean-Pierre Clos.
Boissy, de Rias.
Pierre Briand, de Charatier (il restait à Sivos, paroisse de
Saint-Silvestre. Ses frères ont donné tout son bien aux pauvres).
Jean-Jacques Bravais, de Châteauneuf.
Claudine Théron dite la Noaille, belle-mère dudit Bravais, de
Châteauneuf.
Jean-Pierre Léorier, du lieu de Roumejean, paroisse de Saint-
Julien-le-Roux.
Jean Léorier, idem.
Ponce.
Jean Garayt, du lieu de Charbonnier, près de Bruzac.
Jacques Bonnet, habitant au grand Valayer.
Jacques Bourette, du lieu de Champatier.
Isaac-Jean Tracol, de Bulli ou BuUier il laissa sa femme
enceinte).
Jean-Paul Rossille.
(i) Ms. Court, n° 17, vol. P, p. ?5j, 554.
426
HISTOIRE DES PROTESTANTS
Le tisserand du lieu de Champ.
Tausson , beau-frère du ministre Fauriel dit Lassagne.
Le fils de Fonat ou de Matthieu Courtial , de Saint-Voy.
Jacques Praneuf, du lieu de la Coste.
Gabriel Beriou , de Ponsoie, paroisse de Saint-Didier.
Pierre Vallat, de Ponce, paroisse de Samt-Péray.
Jean-Pierre Rissoan, de Roumejou, paroisse de Saint-Julien.
Jean-Jacques Riou le Roux, de la paroisse de Silhac.
Pierre Courtial , de Saint-Voy.
Pierre Veron, du lieu de Fraissinet, paroisse de Saint-Jeure-
de-Bonas.
(Ces deux-ci, avec Matthieu Courtial, de Saint-Voy, tués au
grand chemin de Cluac par le détachement du Cheylard, com-
mandé par M. de Marens).
N" XVII. — Liste des églises protestantes du
ViVARAIS ET DU VeLAY (vERS 1756) (l).
(Vol. II, p. 280.)
Noms des lieux où les
assemblées se tiennent
ordinairement et qui
sont autant d'églises
nombreuses.
Paroisses, bourgs et villes qui y
assistent.
Diocèses.
1. Les Peines.
2. La Favée.
1. Le Pin.
4. Montréal.
Viviers.
1 . Les Vastres.
2. Chaudeyrolles.
5. S» Front.
4. Champclauze.
5. Araules.
6. S' Jeures de Bonas. ^Le Puy.
7. La parcelle haute de S' Voy.l
8. Le bas de S' Voy.
9. Le Chambon.
10. S' Jean-Roure. ,
1 1. S» Agrève. r,
12. S» Julien-Boutières.
13.5» Romain le désert.
Viviers.
\
(i) Collect. Coquerel, Pièces hif!lnri(iup>i ihi ilix-hiiilièmc siéclr (BibI
de la Soc. de l'hist. du prot, franc).
bu VIVARAIS ET DU VELAY.
427
l '4-
Tence.
Le Puy.
IM.
St André des Effengeas.
Valence.
5-
Maifraiches.
16.
D":^vesset.
Viviers.
i.7.
Rochepaule.
Valence.
f 18.
Une partie de S' Agrève.
Viviers.
20.
S' Jeure d'Andaure.
6.
La Naute.
La Bâtie d'Andaure.
Valence.
> 21.
Le haut de Desaignes.
)
l 22.
Nozières.
\
] 23.
Arlebosc.
Vienne.
7-
Rozières.
( 24.
1 :..5.
Le Pouzat.
Desaignes.
\
j
f 26.
27.
St Prix.
Mounens.
> Valence.
1
8.
Magnon.
28.
Cluac.
( 29.
St Julien la Brousse.
Viviers.
1 30.
Empuragny.
Monteil.
Vienne.
Walence.
9.
Valgela.
/ ^^'
Macheville ou Lamastre.
S' Bazile.
' 34.
SI Barthélémy le Pin.
i ^5-
S' Apollinaire de Rias.
lO.
Goûta L
56.
' 37-
St Jean Chambre.
Une partie de Silhac.
( 38.
Silhac.
iViviers.
II.
Rias.
) 39-
1 40.
. 41-
S' Michel de Chabrillanoux.
St Maurice [sous Chalencon].
Chalamon.
1
12.
Félix.
\ 42.
l 44-
45-
Annonay.
Roiffieux.
Le Crestet.
Boucieu le Voy.
I?-
Boisrond.
46.
i 47-
St" Marguerite.
Gilhoc.
f 48.
Colombier le jeune.
Valence.
( 49-
St Sylvestre.
14.
Alboussières.
,0.
( 52.
Champis.
St Péray.
Grozon.
M-
Ravel.
l 54.
Boffres.
St Félix de Ch^eauneuf.
428
i6. Les Rioux.
17. Barde.
18. Sarzier.
19. Bonier.
20. Avalon.
21. Les Grangettes.
22. Lagarde.
HISTOIRE DES PROTESTANTS
2Î.
f 57
\ 58
( 50
La-Croix de St-
Alban.
24. La Charonde.
25. Beaucaire.
26. Vaneilles.
27. Marjavans.
28.
S' Didier [de Crussol].
Une partie de Bofîres.
Vernoux.'
Le Pouzat.
S' Julien les-Boutières.
60. Toulaud.
61. Soyons.
62. Charmes.
63. S' Georges.
64. SI Marcel [de Crussol].
65. Beauchastel.
66. Si Laurent d'Autussac [ou du
Pape].
67. Royas.
68. S' Fortunat.
69. Lavoulte.
70. Rompon.
71. S' Cierge [la Serre].
72. Creissac.
73. S' Julien en S' Alban.
74. Le Pouzin.
75. S' Symphorien.
76. Bressac.
yy. Baix.
78. St Bauzile.
79. S' Lager,
80. Rochessauve.
81. Chomérac.
82. St Priest.
83. Veyras.
84. Privas.
S<i. Coux.
86. Flaviac
87. S» Vincent [de] Durfort.
88. Pranles.
89. Lyas.
90. Pourchères.
91. S' André de Creysseilles.
92. Ajoux.
93. Vais.
94. Le Gua.
Valence.
Viviers.
Valence.
Viviers.
iValence.
Viviers.
29-
30.
?2.
La Pervenche
Craux.
DU VIVAKAIS KT DU VELAY.
QS. Issamoulenc.
429
Abrahon.
96. S» Pierreville.
97. S» Etienne de Serres.
98. Les Ollières.
99. S' Sauveur [de Montagut].
100. Une partie de Pranles.
Saint-Martin dejoi. Giuiras.
Colset Meurs. 1 102. S' Barthélémy le Meil.
iio^. Si Michel le Rance.
<I04. Une partiede S'' Genest[-La-
( champ].
[105. Le Cheylard.
106. StChristol.
(107. Arric.
!io8. Marcols.
109. Mezilhac.
iio. S» Genest-la-Champ.
}^. Avertoux.
14. Faveyrolles.
3 K . Leyrat
Vi
iviers.
Dans quelques-unes des communautés cy devant écrites , le
nombre des protestants n'est pas considérable.
N" XVIII. — Familles ou ménages protestants
d'Annonay en 1768 (l).
(Vol. Il, p. 284.)
Grande rue du Champ.
M""" la veuve Veyrin.
Le mary de la Marconne.
Châtain.
Jalate.
M"" Veyrin, cadet.
M"" Astier.
M'' Alleon, cadet.
M"" La Grange.
M"" Perrier.
M"^ la veuve Paret.
Rue de la Pistorie.
M"" la veuve dus'AndréLéorat.
M"" Montilhon.
M'" de Lamberty.
M"" Veyrin.
M"" Fournat d'Ay.
Le tour de la grande église^
M-- Garde.
M-" AUéon, l'aîné.
M"" Ravel, bourgeois.
(i) Chomel le Béat, Histoire du pr'iipstnntif^inc à Annrinny (ms.).
4^o
M"" Tourton.
HISTOIRE DES PROTESTANTS
Rue de Deome.
M"^ la veuve Léorat.
M"" Jean-Pierre Giscard.
M"^ la veuve Giscard.
M'' Alexandre Léorat.
A Valgelas.
Les dem"°^ Chomel.
La veuve Chomier.
Rue de Cance.
M"" Planchon.
La Chardonete.
Les dem"'^'' Laurent.
A la Poterie.
M"" Louis Rouzier.
Rue Grangea.
Les dem"*^' Fournat.
A Ste Marie.
Mad. Boissi.
La Chatelle
Brianson.
Jean-Pierre Cardeur.
Mantelin.
Veuve Veyre et son fils.
Danty.
La veuve Faucon.
Les dem""' Chomel.
Rue derrière le Champ ou de la
Pomme.
La veuve Galonné et sa sœur.
Rouveure.
Ponsonnette.
Barey.
Cheval.
Pagelle.
Chantier.
Une fille étrangère chez la Ga-
lonné.
Fauxbourg de la Reclu\iere.
W Siméon Marcha.
Serrepuis.
M"" Marcha, aîné.
M"" Moureton.
La dem"*^ Moureton.
La veuve Briançon.
M"" Gren'er.
La Ghardjnete.
M"" Léorat Cezar.
M"" Fournat de Brenieu.
M*" Léorat l'aîné.
M'- Racle.
La Valette et Fayas.
M"" Mathieu Johannot.
M"" Jean-Baptiste Johannot.
Un ouvrier papetier.
Un autre papetier.
Béraud, vigneron.
Le nommé Bois teinturier.
Un drapier.
M"" Antoine Marcha.
Dehors la ville.
Ponsonnet,àli portedu Champ.
M'' Leris. à Varaignes.
M'" Rouzier, à Chatiiiais.
La veuve Fraisse, à Boucieu.
Barey. à Marmati.
M"" Rouzier et ses filles, au
Colombier.
M"" Giscard, aux Faucons.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 43 1
M'" Veyrin, aux Faucons. Mantelin.
_ , , _, Beraud.
Fauxbouro- de Cance. .,,,,. ,
■ j. . M"' Laye.
Faroisse ci Annonar- i jl ^
Le nommé Gras.
M"" Deschaux, cadet. M"" Lacou.
La Charlotte. M^ Broé.
M"* la veuve Deschaux et son Ponsonnet.
frère. M"" Peiron, à Lapra.
M"" Paret, teinturier. Ponsonnet, à Félix.
La Pagelle. Beraud, à Félix.
Fauxhour^ de Cance.
Paroisse de Roiffieu.
Ponsonnet, à Baron.
Valenson, au Fromental,
Mantelin, à Mantelin.
Ponsonnet. Un autre à Mantelin.
« On peut , il est vrai , » dit Chomel , « ajouter à cet état
quelques religionnaires étrangers non mariés et inconnus, qui
travaillent en différentes maisons. »
N" XIX. — Notice sur les Eglises de Vallon ,
Salavas et Lagorce depuis leur adjonction au
SYNODE DU BAS LaNGUEDOC , EN I756 (ij.
(Vol. Il, p. 279.)
Les premières prédications , données aux Eglises de Vallon ,
Salavas et Lagorce par des pasteurs rattachés au synode du bas
Languedoc, datent de i7<)(). Nous apprenons, par le synode de
cette province, assemblé le 2<, avril, même année, que les pasteurs
François Saussine et Michel Teissier consentirent à desservir six
mois chacun le quartier de Vallon , à condition qu'ils seraient
déchargés de ce soin l'année prochaine.
En 1763, le proposant Simon Lombard y donna quelques prédi-
cations.
Le 9 mai 1764, le synode établit comme suit le Règlement des
courses qui devaient se faire dans ce quartier :
(i) Edmond Hugues, Les sunodes du Désert (passim).
4^2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
'< M. François Saussine , en juin ;
» M. [Paul] Vincent, vers la fin d'août ou vers le commence-
ment de septembre ;
» M. [Pierre] Allègre, en novembre;
» M. [Jacques] Matthieu, en décembre ; il donnera la commu-
nion de Noël ;
» M. [Michel] Teissier, en février;
» M. [Jean] Pradel est engagé à faire une assemblée dans
son quartier et M. [Jean-Pierre] Lafon une autre ;
» M. [Jean-Louis] Gibert, en avril. »
En 1769, le synode du 22 mai « avait bien voulu accorder au
district de Vallon et Les Vans un pasteur en titre , mais cela
n'ayant pu se faire, elle lui affecte pour six mois, » disent ses
actes, (( le ministère de M. André Bouët, proposant, et, pour les
autres six mois, celui de M. [François] Ricourt, aussi proposant.
En outre, M. [Simon] Lombard, pasteur, est chargé d'y faire
trois corvées, les deux premières de suite, et MM. [Guillaume]
Bruguier et [François] Fromental, pasteurs, sont aussi chargés
d'y faire, le premier deux, corvées et l'autre une. «
« Cette décision, « dit Edmond Hugues, « mécontenta les
religionnaires de l'Eglise de Vallon, qui réclamaient un pasteur
pour le service de leur Eglise. Le pasteur Bruguier écrivait à
Rabaut en juillet 17Ô9 : « Les Messieurs de Vallon persistent à
refuser le ministère des proposants... Vous devriez prendre la
peine de leur écrire pour les exhorter à se soumettre à l'arrêt qui
les concerne. Votre exhortation étant d'un grand poids, il n'est
pas à douter qu'ils n'y défèrent. »
Il paraît que le proposant André Bouët eut à souffrir de ce
mécontentement, car le synode du 1" mai 1770, « pour le dé-
dommager de l'abandon, » disent ses actes, « où l'a laissé le quartier
de Vallon, lui accorde la somme de 150 livres, à prendre sur ce
qui reste des collectes faites en faveur des étudiants et y ajoute
la somme de 63 livres dont la Compagnie lui fait présent. »
Le même synode de 1770 put enfin donner un pasteur en titre
au quartier de Vallon dans la personne Jean Ol'vat (d'Olivat et
Olivat), qui venait de l'Agenais, dont il était originaire, et qui s'en-
gagea à desservir le quartier deux ans et demi. Après ce temps,
il retourna dans son pays. Le synode du 12 mai 1772 rendit « le
témoignage le plus avantageux à la pureté de sa doctrine et de
ses mœurs, ainsi qu'à sop zèle, à sa piété, à son exactitude dans
DU VIVARAIS ET DU VELAY, 4JJ
l'exercice du saint ministère, » En 1779, il desservait les Eglises
de Picardie.
Après le départ d'Olivat, le pasteur Simon Lombard, dont il a
été question plus haut, donna quelques prédications à l'Eglise de
Vallon, en attendant que le proposant Roux l'aîné, du bas Lan-
guedoc, à qui elle avait adressé vocation, et sur le compte duquel
de « bons témoignages « avaient été rendus, fût consacré au saint
ministère. La cérémonie eut lieu à Vallon même en 1772. Roux
y exerça son ministère jusqu'en 1776, et retourna dans le bas
Languedoc.
A cette dernière date , Sabatier de La Bâtie, pasteur du Viva-
rais, écrivit au pasteur Paul Rabaut une lettre « dans laquelle il
demande , au nom de ladite province , » disent les actes du sy-
node du bas Languedoc du 27 avril 1776, « que l'Eglise de Val-
lon soit rendue au synode du Vivarais comme lui ayant déjà appar-
tenue, et qu'elle n'avait abandonnée que parce qu'elle n'avait pu
jusqu'ici lui affecter le ministère d'aucun pasteur. Le synode
ayant toujours de cette Eglise un soin pastoral très assidu, qui a
établi entre elles et nous une affection mutuelle, laquelle ne nous
permet ni de nous en séparer ni de douter du regret que la dite
Eglise aurait d'une telle séparation, l'assemblée a délibéré qu'on
ne pouvait se priver d'une Eglise qui n'existerait pas sans nous et
que nous nous sommes acquis à bien juste titre. »
Le successeur de Roux l'aîné fut François Ricourt, nommé plus
haut, qui avait été proposant dans le bas Languedoc de 176g à
1771, et fut consacré au saint ministère à cette dernière date. Il
demeura à Vallon de 1776 à 1779 et retourna dans sa province,
où il fut pasteur jusqu'à la suppression des cultes en 1793. En
1807 il était pasteur président du consistoire d'Uzès.
André Encontre (Encontre Saint-André), fils du pasteur Pierre
Encontre, remplaça Ricourt et demeura à Vallon de 1779 à 1783.
Proposant dans le bas Languedoc de 1775 à 1779, il fut consacré
à cette dernière date. Le synode du 6 mai 1683 lui accorda un
congé de deux ans sur sa demande , « les besoins actuels de la
province n'étant pas urgents ; » mais il se réserva le droit de le
rappeler quand il le jugerait nécessaire. Encontre ne reprit pas
ses fonctions et se voua à l'instruction publique (i).
Marc Privât lui succéda. Il était proposant du bas Languedoc
(i) La France protestante, t. VI, p. 14 (2' édit.).
II. 28
434 HISTOIRE DES PROTESTANTS
en 1770 et reçut du synode de sa province, assemblé le
31 avril 1771, l'autorisation de se rendre à l'étranger (séminaire
de Lausanne) pour perfectionner ses études. En 1 775 , il était pas-
teur dans les hautes Cévennes; après quoi il desservit le bas Lan-
guedoc. Il séjourna à Vallon de 1783 à 1791 , et revint ensuite
dans cette dernière Eglise, où on le retrouve après la Révolu-
tion. Privât, paraît-il, se livrait volontiers aux plaisirs de la pèche.
Ayant prié le pasteur Rabaut Saint-Etienne , de Nîmes , de lui
acheter un filet, ce dernier fit sa commission , tout en lui rappe-
lant discrètement des occupations plus austères. « Les apôtres, »
lui disait-il, « qui étaient de bons pêcheurs d'hommes, étaient
aussi de bons pêcheurs de poissons; et il y a beaucoup d'analo-
gie entre ces deux professions. Je vous y souhaite également du
succès (i). » Privât fut nommé pasteur , président du consistoire
de Vallon au moment de la réorganisation des cultes en 1802 et
vivait encore en 1810. Il décéda à Vallon et fut inhumé dans le
cimetière de famille de Pierre-Scipion Ollier de Marichard.
On lit ces lignes dans les actes du synode du bas Languedoc
3 mai 1791 , au sujet de Jean-André Gachon , qui remplaça Pri-
vât : « M. le député de Vallon ayant témoigné que son Eglise
désirait le ministère de M. Gachon fils, des considérations puis-
santes ont déterminé ce pasteur à répondre à ses vues malgré le
désir qu'il avait eu de continuer ses fonctions dans l'Eglise de
Lezan. Le synode, qui a été intéressé par les dispositions géné-
reuses de ce digne pasteur, afîecte son ministère à l'Eglise de
Vallon et l'y accompagne par ses vœux. » Gachon , qui était le
fils du pasteur Jean Gachon, demeura seulement une année à son
poste, de 1791 à 1792, et retourna dans le bas Languedoc. En
1807, il était pasteur, président du consistoire de Saint-Hippo-
lyte, et remplissait encore ses fonctions en 1809.
Le dernier pasteur du quartier de Vallon avant la Révolution
fut Tarawx ,' proposant des basses Cévennes, consacré au saint
ministère en 1792 et pasteur de 1792 à 1793.
(i) Le Huguenol (d'Anduzei du i'' novembre 1887.
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
435
N" XX. — Synodes du VivarÂis et du Velay de
l'époque du désert (i).
1721, 26 juiltet (sans indication
de lieu).
1723, 16 août —
— I ■; septembre —
1724, 8 juin —
— 1 1 novembre —
1721;, 17 avril —
— 21 juin —
— 29 août —
1726, 16 mai —
— 14 septembre —
1727, 21 avril —
— 30 octobre —
1728, 8 mai —
— 8 novembre —
1729, 14 avril —
— 5 septembre —
1730, 15 avril, Boutières.
— i70ctobre (sans indication
de lieu).
173 1, 10 mai —
— 8 octobre —
1732, 21 mai —
— 23 octobre, Boutières.
1733, 20 mai, haut Vivarais.
— 21 octobre, Boutières.
1734, 3 mai, haut Vivarais.
— 8 octobre, Boutières.
1735, 29 avril, haut Vivarais.
— II octobre, bas Vivarais.
1736, 25 avril (sans indication
de lieu).
— 25 septembre —
1737, 25 avril (sans indication
(de lieu)
— 7 octobre —
1738, 30 avril —
1739, 20 avril, haut Vivarais.
— 17 octobre, Boutières.
1740, Il avril, haut Vivarais.
— 25 novembre, Boutières.
1741, i®"" mai, haut Vivarais.
— 12 octobre, Boutières.
1744, i^"" mai (sans indication
de lieu).
— 27 octobre —
1748, 15 août, au Désert.
174c), 21, 22 octobre, Bou-
tières.
1750, 15 avril, haut Vivarais.
1.752, 19 avril, —
1753, 8 mai, —
— 17 octobre, —
1754, 29 avril, Boutières.
1755, 29 avril, haut Vivarais.
1756, 23 mars, —
— 12 octobre, —
1757, 26 avril, —
— 18, i9octobre, —
1758, 29 mars, —
— 15 août, —
1759, 26 avril, —
— 10 octobre, —
1760, 22 avril, —
1761, 15 avril, —
1762, 28 avril, —
(I) Recueil des actes des synodes tenus en la province du Vivarais
et du Velay (Arch. du consist. de Lavoulte).
436
HISTOIRE DES
PROTESTANTS
1764,
24, 21 octobre , bas Vi-
1780,
4 mai, haut Vivarais.
varais.
I78I,
i^'"mai, —
1765,
ler mai, haut Vivarais.
—
22 août, —
1766,
i" mai, —
• 783,
l'^'mai, —
1768,
8 novembre, —
—
i®"" novembre, —
1769,
4 mai, —
1784.
— .
i77h
18 juin, —
1785,
26 mai, —
1772,
i^-'mai, —
1786.
19 juin, —
^773>
29 juin, —
1787.
7 juin, —
1774,
27 avril, —
I78&,
22 mai, —
—
i®"" novembre, —
1789.
1 3 mai, —
^77^,
I*'' mai, —
—
10 août, —
—
8 septembre, Velay.
I79U
23 juin, Ardècheet Haute-
1776,
i®"" mai (sans indication
Loire.
de lieu).
—
I®'' novembre, —
1777,
14 novembre, haut Viva-
1792,
19 septembre, Ardèche.
rais.
179^1
i'^' mai (an II delaRép.),
1778,
i'"'mai, —
Ardèche.
1779.
1 3 mai, bas Vivarais.
On nous a communiqué deux lettres de convocation au synode
du Vivarais. Quoiqu'elles appartiennent à une date relativement
récente , elles sont encore très réservées. En voici le texte :
Première lettre.
« Monsieur, j'ai été chargé de vous avertir que l'assemblée
sinodale est fixée au 18 du courant en S' Jean Chambre. Il fau-
dra vous adresser à M. R... de Jayac, qui vous indiquera le lieu
du rendez-vous. J'écris pour le même sujet à M. G. Vous trou-
vères sa lettre cy jointe. Faites la luy parvenir tout de suite par
une voye sure et fidèle, je vous prie. Je suis charmé que cette oc-
casion me procure l'avantage de vous assurer du dévouement sin-
cère avec lequel j'ay l'honneur d'être votre très humble et très
obéissant serviteur, Rattier. Ce <j juin 1771. »
Seconde lettre.
« Monsieur, je suis chargé par M. V... de vous dire qu'on a
fixé l'ass. syn'''. au jour de la Toussain et de faire vos députés.
DU VIVARAIS ET DU VELAY.
43 7
Lendroit n'est pas choisy. On pourra s'adresser à M. R... de
J... J'écris pour le même sujet en Montagne. Ayés la bonté d'y
faire passer la lettre cy jointe. J'ay l'honneur d'être très parfaite-
ment, monsieur, votre très humble et très obéiss. serviteur. Ra-
ttier. Au bac ce 14. S""* 177?. »
SOURCES
DE
L'HISTOIRE DES PROTESTANTS DU VIVARAIS
ET DU VELAY (i)
LE VIVARAIS EN GÉNÉRAL (2).
Delichères , Notice historique sur le département de l'Ardèche
(dans l'Annuaire de l'an X).
Ovide de Valgorge, Souvenirs de l'Ardèche ; Paris, 1846, 2 tom.
in-4°.
Albert du Bo/s et V. Cassien , Album du Vivarais; Grenoble,
1846, in-4''.
J. A. Poncer , Mémoires historiques sur le Vivarais; Annonay,
1873 , 1; tom. in-80.
Weiss, Velay et Vivarais (dans VEnc/clopédie [protestante] des
sciences religieuses. Supplément; Paris, 1877-1882, in-8'^).
Henry Vaschalde , Mes notes sur le Vivarais; Privas, 1873,
in-i2.
A. Ma\on, Petites notes ardéchoises , 2« série ; Privas, 1873,
in-i2.
PARTIES DÉTACHÉES DE L'HISTOIRE DU VIVARAIS.
Jo. Columbi, De rébus gestis episcoporum vivariensium ; Lug-
duni, lô^ïi , in-4°.
(f) On trouvera les livres de controverse à l'article doctrine, vol. 1, p-H'-
Les ouvrages marqués d'un astérisque sont ceux que nous n'avons pu con-
sulter.
(2) Voyez aussi l'article annonay.
HISTOIRE DES PROTESTANTS DU VIVARAIS ET DU VELAY. 4^9
Dufaure-Satillev , Notice des hommes célèbres du Vivarais
(dans l'Annuaire de l'Ardèche de l'an X).
Laboisssière , Supplément à la notice des hommes célèbres du
Vivarais (dans l'Annuaire de l'an XI).
Henry Vaschalde, Curiosités de l'histoire du Vivarais; Privas,
1875 , in-i2.
Le Même , Etablissement de l'imprimerie en Vivarais (dans la
Revue du Dauphind et du Vivarais; Vienne, 1877, in-4°, t. I).
Monge, Visite des Eglises du bas Vivarais'en 1675-1676 (dans
le Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse du
diocèse de Valence, t. V).
La rencontre des 2. armées francoises faite au passage de la ri-
vière du rosne en Dauphiné le 28. de mars 1 570 (gravure sur bois
de la collection de Tortorel et Périssin).
Discours véritable de ce qui est advenu en Vivarois, Velay,
Forest et pays voisins, ez années 1585 et 1 586, par la guerre, cherté
et pestilence (par Jean-Armand Fourel, d'Annonay, procureur
du Roy, 1695), à la suite des Mémoires de Achille Gamon, édi-
tés par J. Brun-Durand; Valence, 1888 , in-8". Tirage à part du
Bulletin de la société d'archéologie de la Drame.
(Pierre Marcha), Les Commentaires du soldat de Vivarois, où
se voit l'origine de la Rébellion de la France, édités par La Bois-
sière , Privas, 181 1, in-8°.
Dourille de Crest , Histoire des guerres civiles du Vivarais ;
Valence et Paris, 1846, in-8°.
* Chastillon déposé de son gouvernement par le Conseil des
Eglises , avec un précis de ce qui s'est passé dans le Vivarois de-
puis la prinse de Privas; 1621 (s. 1.), in-8".
Les actes de l'assemblée nouvellement tenue à Nismes. Parles
Députez des Eglises réformées du Languedoc, Dauphiné, Sevenes,
Haut et bas Vivarets, etc. Contre Monsieur de Chastillon; 1622.
in-S" (20 novembre 162 1).
* Chastillon, Manifeste contre les articles et procédé faicts con-
tre lui en l'assemblée tenue à Nismes par les Eglises des Céven-
nes, Gévaudan , Vivarois et autres en Languedoc, 1622 (s. 1.);
in-i2.
Estât des provinces rebelles non subjuguées. Le Vivarois (s. 1.
ni d., 1622), in-40.
440 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Voyage de M. le duc de Rohan en Vivarois (réimprimé par La
Boissière dans Les Commentaires du soldats de Vivarois).
Lettres d'abolition accordées par Louis XIII aux habitants du
Vivarais, mai 1629 (dans Henry de Lagarde , Le duc de Rohan ,
p. 304-307).
E. C. Lascomhe (Mad.) Jacques de Lamotte-Brion. Episode
des guerres religieuses du XVIP siècle, Privas, 1885, in-8°.
Relation des progrez du Roy, dans le Vivarets et le Langue-
doc. Ensemble la réduction de la ville d'Alletz, et la Capitulation
des soldats et habitans qui estoient dans la dite ville, Paris, 1629,
in-i2.
Brueys , Relation des mouvemens excités dans le Dauphiné et
le Vivarès au sujet de la religion en l'année 1683 (dans son His-
toire du fanatisme, t. I).
Tableau naïf des persécutions qu'on fait en France de ceux de
la Religion Reformée avec une Apologie pour le mouvement ar-
rivé dans le Dauphiné, Vivarets et Cevennes à l'occasion du pro-
jet de ceux qui l'ont suivi ; Cologne , 1684, in- 16.
(Claude Brousson), Apologie du projet des réformez de France,
fait au mois de may 1683 ; Cologne, 1684, in-i6.
Les conversions des huguenots du Vivarez avec un abrégé de
ce qui s'est passé dans leur Révolte. Et la réfutation de ce qu'on
a écrit contre les conversions qui se font dans le royaume ; Tou-
louse 1684 , in-i6.
Louïs de Su:^e Evèque et Comte de Viviers. Instructions sur les
matières de Controverse. Pour les Nouveaux convertis de son dio-
cèse ; Lyon (s. 1., 1685), in-i6.
Fléchier , Récit fidèle de ce qui s'est passé dans les assemblées
des fanatiques du Vivarais (dans ses Lettres choisies; Paris, 1752,
t. I, p. 337-382 , in-12).
Brueys, Histoire du fanatisme de notre temps; Utrecht, 1737,
3 t. in-12.
Louvreleuil , Le fanatisme renouvelé; Avignon, 1668 (3'' éd.),
4 t. in-80.
La Baume, Relation historique de la révolte des fanatiques ou
on VIVARAIS ET DU VELAY. 44!
des Camisards ; édité par l'abbé GoilTon ; 2" édition, Nimes, 1874,
in-i2.
Un épisode de l'histoire des Camisards dans l'Ardèche. Récit
d'un témoin oculaire, 1704 (dans le Bulletin d'histoire ecclésiastique
et d'archéologie du diocèse de Valence, t. II).
Relation de ce qui s'est passé à Vagnas le 10 février 1703 en-
tre les troupes du Roy et les fanatiques, tirée par M^rf> Jean Bois-
son, notaire, sur les Mémoires d'autre sieur Jean Boisson, son
aïeul (dans le Bulletin de la Société littéraire de Privas, t. I, 1879,
et dans Manus Talon, Fragment de la guerre des Camisards;
Privas, 1887, in-S").
Relation du combat de 'Vagnas, dans Comte A. de Pontbrian,
Guerres de religion. Le capitaine Merle, etc., p. ^02-304; Paris.
1886, in-8°.
BIOGRAPHIES.
Baron de Coston, André de Lafaïsse , maréchal de bataille
(dans le Bullet. de la Soc. départ, d'archéol. de la Drôme ,
t. XVIII-XX).
(Anne Homeï), Histoire de la mort et du martyre de Monsieur
Homel , pasteur de l'Eglise de Soyon en Vivarets (réimprimée
dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme fran-
çais ^ t. IX, p. 312-330).
Discours du grand Homel, ministre de l'Evangile de Jésus-
Christ, ayant demeuré onze heures sur la roue sans recevoir le
coup de grâce, et de Soyon en Vivarois, l'ayant fait mourir à
Tournon, in- 16 (Londres, le ... février 1699).
Dernières heures d'Isaac Homel roué vif à Tournon, le 20 oc-
tobre 1684 (dans le Bulletin de la société de l'histoire du protes-
tantisme français, t. IX, p. 134-137),
Rloustain], Le martyr Homel , dernier pasteur de Soyons avant
la révocation de l'éditde Nantes (dans Le Chirstianisme au X/X«
siècle, année 1887, N"' 16 et 17).
Daniel Benoit , Une victime de l'intolérance au XVI IP siècle.
Désubas, son ministère, son martyre; Toulouse, 1879, in-12.
Borrel, Pierre et Marie Durand ou le frère et la sœur, Nimes,
1868, in-12.
Meynadier , Pierre Durand pasteur du désert et martyr. Va-
lence, 1864 , in-12.
442 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Lettres du pasteur Durand à Antoine Court et à divers (dans
le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français , t.
XXXIII).
Relation de la mort de M. Pierre Durand (dans le même Bul-
letin, t. XXXIII).
Daniel Benoit, Marie Durand , prisonnière à la tour de Cons-
tance; Toulouse, 1884;, in- 12.
(Lombard), Isabeau Menet , prisonnière à la tour de Cons-
tance; Genève, 1873, in- 12.
Daniel Benoit, Pierre Dortial dans L'Eglise sous la croix ,
Toulouse, 1882, in-i2.
Martyre de Dortial (dans le Bulletin de la Société de l'histoire
du protestantisme Jrançais, t. IXetX).
Daniel Benoît, Le portefeuille d'un pasteur du désert (Peirot),
dans L'Eglise sous la croix, ci-dessus.
Quelques ministres protestants du Vivarais avant la révoca-
tion de l'édit de Nantes (dans Les chroniques de Languedoc, t. I,
1874, in-4°).
MONOGRAPHIES DE VILLES ET BOURGS.
Annonay.
Achille Gamon, Sommaire discours d'auculnes choses mémora-
bles arrivées dans la ville d'Annonay et lieux circonvoisins depuis
l'année 1552 (dans d'Aubais , Pièces justificatives, t. I). — Réé-
dité par J. Brun-Durand, d'après un manuscrit plus complet; Va-
lence , 1888 , in-8°. Tirage à part du Bulletin de la Société d'ar-
chéologie de la Drôme.
A. Ma:{on, Notice sur la vie et les œuvres d'Achille Gamon
et de Christophle de Gamon; Lyon et Paris, 1885, in-8°.
Histoire remarquable des persécutions de l'Eglise refformée de
la ville d'Annonay en l'année 1635 (dans le Bulletin de la Société
de F histoire du protestantisme français, t. I, p. 2815-292).
Le martire du ministre d'Annonay, mis en croix par ceux de
sa religion (s. 1. ni d.), in-12.
A. Poncer jeene , Mémoires historiques sur Annonay et le
haut Vivarais ; Annonay et Lyon, 1834-185 5, 2 t. in-8°. .
Filhol, Histoire religieuse et civile d'Annonay et du haut Viva-
rais ; Annonay, 1880-1882, 4 t. in-80.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 443
Discours prononcés à Annonay par J . J. H. Kœnig et impri-
més par ordre de la Société des Amis de la Constitution. Vous
avez été rachetés à grand prix, etc., i Cor., 7, v. 23. — A la
suite et du même : Discours servant de réponse à différentes
objections faites aux quatre Commissaires députés à la Fédéra-
tion Patriotique tenue à Valence, Département de la Drôme, le
3 juillet 1791. — Annonay (s. d.), in-80.
BOULIEU.
Factum pour les habitans de la ville de Boulieu en Vivarets
faisant profession de la R. P. R., demandeurs en lettres de rè-
glement juges contre les habitans de la Religion catholique ,
apostolique et romaine défendeurs (s. 1. ni d.), in-4°.
Desaignes.
Factum pour Maistre Jean Agussi, ministre de la Religion pré-
tendue Reformée du lieu de Saigne, Jean Gourion, Jean Guil-
lard, Anthoine Maisonnet, Anciens, et autres habitans de la dite
Religion du dit lieu , défendeurs. Contre les Sieurs Agens géné-
raux du Clergé de France, demandeurs, etc. (s. 1. ni d.), in-4°.
Signé Loride, advocat (décembre 1660).
TOURNON.
* Jean ViUemin, Historia belli quod cum hgereticis rebellibus
gessit anno \<,6j Claudia de Turone ; Parisiis, Môq, in-4°.
Charles Fleury ^ Histoire du cardinal de Tournon, ministre
sous quatre de nos rois; Paris, 1728, in-8°.
* Neiner , Notice historique sur le collège royal de Tournon ;
Valence, 1841, in-8°.
Arthur Wyart, Notice historique sur le lycée de Tournon ;
Tournon, 1877, in-8«>.
Anatole de Gallier , L'imprimerie à Tournon (dans le Bulletin
de la Société départementale d archéologie et de statistique de la
Drôme, années 1877 et 1878).
Le Cheylard.
La trahison descouverte et foy faussée de ceux de la Religion
444 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Prétendue Réformée de la ville de Cheylard, au pays du Viva-
rois, Contre le Roy et Monsieur le Duc de Vantadour leur Sei-
gneur naturel. Ensemble le sacrilège inhumain par eux commis en
l'Eglise et volerie sur les Catholiques du dit lieu ; Lyon, 1621,
in-8°.
Les Ruines razement des murailles et fortifications de la ville
de Cheylar en Vivarets. Pour la rébellion des Habitans d'icelle ,
de la Religion prétendue reformée, le 29 et 30 juillet 1621; Avec
la deffaicte des trouppes huguenotte du païs de Languedoc et de
Vivarets. Par Monsieur le Duc de Vantadour, Lieutenant pour
le Roy au gouvernement de Languedoc; Paris, 1621, in-8°.
Lettre écrite aux Fidèles de l'Eglise Réformée du Cheylard
en Vivarez par Jean Clu^el, cy devant leur ministre, Qui, pour
éviter la mort, avait abjuré sa Religion ; au Désert, chez Pierre
le Sincère, 1685, in-12.
Saint-Romain-de-Lerp.
Garnodier , Recherches archéologiques sur Saint-Romain-de-
Lerp et ses environs ; nouv. édit. ; Valence, 1860, in-8».
Crussol.
La defaicte de certains huguenots qui tenoient assiégé le
chasteau de Crussol , faicte par M. d'Orches, couronnel de l'in-
fanterie de Dauphiné, accompagné de plusieurs gentilshommes
et de ceux de Valence ; Lyon, 1577, in-8°.
Soyons , Beauchastel et Saint-Alban.
Récit véritable de ce qui s'est passé à la prise des villes de
Soyon, Beauchastel et S.-Auban, par Monseigneur le Prince.
Avec la fuite du Seigneur de Brison ; Paris, 1627, in-12.
La prise des places de Soyon, Beau-Chastel, et autres lieux sur
la rivière du Rosne , avec le châtiment des rebelles de Vivarets.
Par l'armée du Roy, commandée par Monseigneur le Prince de
Condé ; Paris, 1627, in-12.
L'Abbaye royale de Saint-Jean-l'Evangéliste de Soyons ; Re-
ligieuses bénédictines; Valence, 1882, in-8".
du vivarais et du velay. 445
Le Pouzin et Baix.
Pclri de Baissât, Pusinensis obsidio (anno 1622). Dans ses
« Opéra seu operum fragmenta ; » Viennae Allobrogium (s. d.),
in-folio ; p. g à 25.
Les grandes batteries nouvellement faictes contre la ville et
chasteau du Poussin, retraite des Rebelles en Languedoc. Par
Monseigneur le Duc de Vantadour ; Paris, 162 1, in-12.
La réduction des villes du Pousin et Bay à l'obéyssance du
Roy. Par Monsieur le Duc de Lesdiguières, après un furieux
assaut. Ensemble les articles de la capitulation; Paris, 1622,
in-12 (réimprimé des Actes et correspondance de Lesdiguières,
t. III, p. 328-331).
Abolition pour ceux du pays de Bays sur Bays vérifié au par-
lement de Grenoble, in-S" (Août 1622 au camp de Lunel).
Relation du siège et de la prise du Pousin par Monseigneur
de Montmorency. Ensemble la prise de quatre canons et huict
Drappeaux envoyez au Roy par ledit Seigneur de Montmorency;
Paris, 1628, in-i6. — C'est la reproduction textuelle d'une par-
tie de la plaquette qui suit.
Relation véritable du siège et réduction de la ville du Pouzin
en l'obéyssance du Roy, après la prise de Chaumerac en Viva-
rets. L'exécution de six vingts des rebelles qui ont eflé pendus.
Ensemble les articles accordez aux bourgeois et soldats dudit
Pousin. Le Tout par Monseigneur le Duc de Mont-Morency ;
Rouen, 1628, in-S".
Relation véritable du siège et prinse du Poussin, par Monsei-
gneur le Duc de Montmorency, Pair de France , Gouverneur et
Lieutenant gênerai pour le Roy au pays de Languedoc ; Bour-
deauS;, 1628, in-i6.
Privas.
Réduction de la ville de Privaz à l'obéissance du Roy par
Monseigneur le Duc de Montmorency grand Admirai de France :
contre les rebelles dudict lieu. Avec l'institution de la Messe,
qui y a esté célébrée le Jeudy dernier d'Avril. Et comme les Mu-
railles de la ville ont esté prestes d'estre rasées, et eux condam-
nez à l'amende de cinquante mille escus. Le tout représenté par
446 HISTOIRE DES PROTESTANTS
une Lettre du sieur de Ragot à un sien Cousin de la ville d'An-
nonay; Lyon, 1620, in-S". — Précédemment paru à Tournon.
Récit véritable de ce qui s'est passé à Privas, depuis le 23. 24.
et 25. janvier jusques à présent, et de l'entreprise sur icelle
(s. 1.), 1621, in-8°.
Remonstrance adressée à Messieurs de Privas (s. 1.), 1621 ,
in-i2.
Discours véritable de l'exécution de six ministres de la religion
Prétendue Reformée , en la ville de Privas, par le commande-
ment de Sa Majesté très Chrestienne, in-8° (s. 1. n. d.).
Discours véritable de ce qui s'est passé sur l'occurence des
mouvemens de la ville de Privas au pays de Vivarais (s. 1.), 162 1,
in-i2.
La deflfaicte et mort du lieutenant du Duc de Rohan dans la
ville de Privas en Dauphiné (sic) par les adhérans de son party,
le quinzicsme de Janvier 1628. Avec le restablissemenc du com-
merce , et trafic sur le fleuve du Rhosne ; Bourges (s. d.) ,
in-i2.
Récit véritable de la mort du capitaine Brison , tué par les re-
belles de son party. Le quatriesme jour de la présente année
1628; Paris, 1628, in-i2. — C'est lamême plaquette que la pré-
cédente avec un titre différent.
Récit véritable de ce qui s'est passé au siège et prise de Pri-
vas, suyvant la lettre escripte mandée à M*" le Vice-legat d'Avi-
gnon par un gentilhomme de la suitte du Roy; Avignon, 1629,
in- 12; Aix, 1629, in-i2 (réimprimé dans Albert Du Boys, Al-
bum du Vivarais).
La prise de la ville et du fort de Privas en Vivarez avec la
juste punition qui y a esté faicte des rebelles, qui s'y sont trou-
vez; Aix, 1629, in-i2 (réimprimé dans le même).
Lettre du Roy à la Cour de parlement de Provence contenant
les particularitez de tout ce qui s'est passé au siège, prise et em-
brasement de la ville de Privas (Privas, 31 mai 1629); Aix, 1629,
in- 12 (réimprimé dans le même).
DUj VIVARAIS;,ET DU VELAY. 447
Lettre du Roy, envoyée à la Cour de parlement de Provence ,
contenant tout ce qui s'est passé depuis la prise de Privas jusques
à présent. Avec la réduction de toutes les villes rebelles à
l'obéissance de Sa Majesté (Lédignan, 29 juin 1629); Aix, 1629,
in-i2.
Lettre de Louis XI II au duc de Ventadour, sur la prise de
Privas (30 mai 1629) , dans Y Histoire générale de Languedoc ,
t. IX, p. 643, 644. — C'est la même lettre que la seconde
adressée au parlement de Provence.
Lettre du Roy à Monseigneur le Duc de Guise ^ Gouverneur
et Lieutenant général pour le Roy en Provence. Contenant les
particularitez de tout ce qui s'est passé au siège , prise et embra-
sement de la ville de Privas; Aix, 1629, in-12. — Même re-
marque.
Lettre envoyée à la Reyne Mère du Roy. Contenant ce qui
s'est passé en la prise de Privas. Et la réduction de cinq ou six
autres places rebelles; Paris, 1629, in-12.
Lettre du Cardinal de Richelieu à la Reyne sur la prise de
Privas (de Privas, ?o May 1629), dans Aubery, Mémoires pour
l'histoire du cardinal duc de Richelieu; Paris, 1660, 3 t. in-fol.
Déclaration du Roy, contre les Habitans qui estaient cy devant
en la ville de Privas... (Juin 1629). Vérifiée au Parlement de
Tholoze, le 27. Aoust 1629; Paris, 1629, in-12.
La Boissière , Journal historique du siège de Privas, par
Louis XIII , en 1629 (dans Les Commentaires du soldat de Vi-
varois).
Affaire de la Religion P. réformée. Tactum, Pour les habitans
de la Religion P. R. de la ville de Privas sur le sujet de l'Arrest
rendu au Conseil d'Estat du Roy le 22 Février 1664 (s. 1.), 1664,
in-4°, signé Loride Desgalesnieres, Advocat.
Factum pour les habitans de la Religion P. R. de la ville de
Privas, défendeurs, contre Jean Aligier, syndic des particuliers,
habitans de Coux... Présenté au Conseil le 2 février 1662. Signé
Loride advocat (s. 1. ni d.), in-4''.
Factum , pour les Habitants de la ville de Privas qui font pro-
fession de la Religion P. Réformée^ in-4° (s. 1. ni d.) 1664.
Mémoire pour justifier les habitants de Privas sur le siège de
448 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Privas , arrivé en 1629, et pour parvenir au rétablissement du dit
Privas (dans V Annuaire de VArdèche pour 1854). Composé après
1685.
Chomérac (i).
La deffaicte des ennemis rebelles au Roy, Par Monsieur le Duc
deVentadour au pays de Vivarets, Avec la prise de deux canons
(s. 1.), 1621 , in-S".
La prise de la ville de Chaumerac en Vivarests. Par le Com-
mandement de Monseigneur le Duc de Montmorency. Avec l'exé-
cution de six vingts des rebelles qui ont esté penduz à la veuë du
Ponsin. Et le pillage et bruslement du chasteau de Mauras , et
autres maisons qui pouvoient favoriser le passage des rebelles de
Privas au dit Ponsin; Paris, 1628 , in-8°.
Cruas.
C. B. Notice historique et archéologique sur l'Eglise de Cruas;
N.-D. de Lérins , 1879, in-i8.
Vals.
La desroute et deffaicte des troupes du Comte de Chastillon
par Monseigneur l'admirai de Montmorency avec la prise des
villes d'Aubenas {Usci Vais), Dye et Crest, rendues à l'obeys-
sance du Roy. Ensemble ce qui s'est passé au pays de Languedoc
et Vivarets jusques à présent; Paris, 1621, in-12; Lyon, 1875,
in-i2.
Ordonnance du duc de Montmorency pour le rasement des mu-
railles de Vais du 1 7 juin 1628 (dans Henry Vaschalde^ Mes notes
sur le Vivarais).
Plaquette sans titre et sans date (1653) sur les violences exer-
cées par la Maréchale d'Ornano contre ses sujets de Vais appar-
tenant à la religion réformée , in-4'^.
* Manifeste des Reformés allant au secours d'Aubenas et de
Vais contre la violence de la maréchale d'Ornano (s. 1. nid. 1653),
in-4''.
(ly Voyez aussi l'article le pol'zin.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 449
AUBENAS.
Récit de ce qui s'est passé en la ville d'Aubenas, lors de la
guerre de la Ligue et de la prinse et reprinse de la dite ville (en
1585 et 159?), réimprimé dans Poncer, Mémoires historiques sur
le Vivarais , t. III , p. 657-687.
La prise de la Ville d'Aubenas, capitale du païs du Vivarais,
faicte par Monsieur le Comte de Tournon, sur les rebelles au Roy,
qui l'avaient occupé l'espace de trente-deux ans , avec le nombre
de huguenots qui ont esté tuez; Paris, 1587, in-8°.
Oddo de Gissej , Vie du P. Jacques Salez et du F. Guillaume
Sautemouche , son compagnon, martyrisés à Aubenas en !<,()'} ,
avec la photographie de ces deux religieux de la Compagnie de
Jésus; Avignon, 1869, in- 18. — C'est une 3" éd. La 2e avait paru
à Toulouse en 1642,
Le doux et gracieux traictement des partisans du Roy de Na-
varre à l'endroict des Catholiques ; C'est-à-dire : Le cruel assassi-
nat, ou plutôt, si j'ose dire le glorieux martyre de deux Jésuites
commis par iceux en la ville d'Aubenas le 8. jour de Février de
ceste année 1593. D'où l'on peut veoir aisément le dessein qu'ils
ont d'exterminer la Religion Catholique; Paris 1593, in-12; Ar-
ras (s. d.) , in-12.
Narré de la merveilleuse conversion des hérétiques d'Aubenas.
A Nostre Sainte Foy. Au Roy. Paris, 1628 , in-i6.
Lettre aux nouveaux convertis de la ville d'Aubenas; Paris,
1628, in-8°. Signé A. Dubreton.
Draussin , L'Eglise d'Aubenas au XVI I^ siècle . notes histori-
ques , dans L'Eglise libre de Nice des 20 et 27 janvier; 3 , 10 et
17 février, et 2 mars 1888.
Dom Jaubert , Marie de Montlaur , maréchale d'Ornano, et le
relèvement du culte catholique dans la ville d'Aubenas (Bullet.
d'hist. eccl. et d'arch. relig. des diocèses de Valence , Gap , Greno-
ble et Viviers, t. VIII).
MiRABEL.
Récit véritable fait aux Reynes par le sieur de Montgason ,
gentilhomme de Monseigneur le Duc de Mont-Morency. De la
prise de la Ville et Chasteau de Mirabel. Par le dit sieur Duc de
II. 29
45© HISTOIRE DES PROTESTANTS
Montmorency. Avec l'exécution d'un Soldat du Régiment de Pe-
rault, lequel s'estoit jette dans ladite ville, pour donner advis
aux rebelles de Testât et ordre que l'on tenoit au siège de la dite
Ville; Paris, 1628, in-i8.
Relation de la Prinse de la Ville et Chasteau de Mirabel en
Vivarez. Par Monseigneur de Montmorency Duc et Pair de
France, Gouverneur et Lieutenant général pour le Roy en Lan-
guedoc; Tolose , 1628, in- 18 (réimprimé dans Henry Vaschalde,
Mes notes sur le Vivarais).
Le Pradel.
Controverse sur la question de savoir si Olivier de Serres a pré-
sidé au massacre du 22 mars 1573 (dans Le Patriote de lArdèche
des 28 mars, 29 avril, 13 et 20 mai 1885 , et VArdèche républi-
caine du 3 mai 1885).
Reisnes , Olivier de Serres agronome du XV I^ siècle; sa vie,
ses travaux, ses écrits; Privas, 1858, in-8°.
Eugène Villard , Olivier de Serres et son oeuvre; Paris, 1872,
in-8°.
Henry Vaschalde , Olivier de Serres , seigneur du Pradel , sa
vie et ses travaux ; Paris , 1886 , in-8°.
Villeneuve de Berg.
Histoire mémorable et merveilleuse advenue à Villeneufve de
Berc en Vivarets au mois d'octobre 161 3 d'un homme de la Reli-
gion Prétendue Reformée, blasphémant contre l'Eglise Catholi-
que , Apostolique et Romaine. Contenant tout ce qui s'est passé
durant sa vie et après sa mort; Au Puy (s. d.), in-12; Paris
(s. d.) in-12 , Lyon , 1875 , in-12.
Mollier , Recherches historiques sur Villeneuve de Berg; Avi-
gnon , 1866 , in-8°.
Largentière.
Mémoire sur l'ancien couvent des RR. PP. Cordeliers de Lar-
gentière. Suivi d'une copie d'une requête adressée par les Pères
Cordeliers de Largentière à Guillaume de Lamotte, sur les pertes
qu'ils ont éprouvées pendant les troubles du Vivarais en 1562. s.
d. (1858) in-4" (Largentière, veuve Grobon).
du vivarais et du velay. 4^1
Vallon , Lagorce et Salavas
Jules Ollier de Marichard , Essai historique sur les Seigneurs
de Vallon , Lagorce et Salavas de 1257 à 1842; Privas, 1882,
in-80.
Le Même, Exploits de Matthieu de Merle pendant les guerres
civiles de 1 568 à 1 580 ; Privas , 1883 , in-8°.
Comte A. de Pontbriant , Guerres de religion. Le capitaine
Merle , baron de Lagorce , etc. ; Paris, i886 , in-8''.
VELAY.
Le livre de Podio ou Chroniques d'Etienne Médicis, bourgeois
du Puy; Le Puy en Velay , 1869-1874, 2 t. in-4°
Mémoires de Jean Burel^ bourgeois du Puy; Le Puy en Velay,
1875, in-4°.
J. A. M. Arnaud, D. M. M., Histoire du Velay jusqu'à la
fin du règne de Louis XV; Le Puy, 1810, 2 t. in-8°.
Francisque M and et , Histoire des guerres civiles, politiques et
religieuses dans les montagnes du Velay pendant le seizième siè-
cle; Paris et Le Puy, 1840, in-8°. — Réimpression dans VHis-
toire du Velay du même auteur, t. V, sous ce titre : Guerres ci-
viles, politiques et religieuses. La Réforme.- — La Ligue; Le
Puy , 1862 , in-i2.
J. B. Louis de Vinols, baron de Montfleury, Histoire des guer-
res de religion dans le Velay pendant les règnes de Charles IX,
Henri III et Henri IV; Le Puy, 1862. in-8°.
Ch. Rocher, La ligue en Velay (dans les Mémoires de la Société
des amis des sciences^ de l'industrie et des arts de la Haute-Loire ;
le Puy, 1878, in-8% t. I.)
Histoire de l'image miraculeuse de Notre-Dame de Pradelles ;
Le Puy , 1843 , in-32. -
(Le Franc de Pompignan Jean-Georges), Instruction pastorale
45 2 HISTOIRE DES PROTESTANTS
de Monseigneur l'évêque du Puy , sur l'hérésie; Au Puy , Lyon
et Paris, 1766 , in-4°.
Daubenton, Vie de S. J» François Régis; Clermont-Ferrand
et Riom ; 1834 , in-i 2.
Deffaicte tres-veritable de cinq cens hommes rebelles à Sa
Majesté, qui s'estoient glissez dans le Velay , pensant surpren-
dre quelque ville pour leur asseurance. Par M. de Châte , et au-
tre Noblesse du pays; Paris (s. d.), in-4°; Yssingeaux , 1881,
in-4".
Deffaite de quatre cens rebelles, ennemis de Dieu et du Roy,
partie tuez, partie desarmez, et prins prisonniers, ayant voulu
surprendre et petardé la ville d'Esseingeaux en Vellay. Par Mes-
sieurs les barons de Chatte et de la Motte Bryon, le 4. d'Aoust ,
jour de la prise de Clerac , Lyon 1621 , in-S" ; Grenoble, 162 1,
in-S" ; Yssingeaux, 1874, in-8».
Deffaite de quatre cens rebelles envoyés par l'assemblée de
Privas pour faire une course dans le Velay (dans La Semaine
d'Yssingeaux, 1838, in-4°).
La sanglante déroute de cinq cent rebelles du pays de Viva-
rets , lesquels pensant surprendre la ville d'Issingeaux en Vellay,
ont esté taillez en pièces par Monsieur de La Chaste et autre
Noblesse du pays, assistez de plusieurs villageois. Ensemble
l'heureuse Conversion de plus, habitans du dit pays, par un
P. Jesuiste; Rouen, 1621, in-8°.
* Le vray discours du siège, prinse et totale ruine de la ville de
Sainct Agreve en Vivarois, faict et escrit par Monsieur de Figon,
secrétaire de la Reyne; Lyon, 1580, in-8°.
MANUSCRITS.
Mémoires sur les guerres civiles et de religion qui ont eu lieu
en Vivarais depuis le commencement du dix-septième siècle jus-
ques à nos jours. S'arrête à l'année 1626 (Archives de M. Dubois,
de Thueyts).
Challamel (Pierre Joseph Henri), Notes et observations chro-
nologiques pour servir à l'histoire du Vivarais (Idem).
Mémoires d'Isaac Meissonier, cy-devant ministre à Saint Sau-
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 4^3
veur en Vivarois (Archives de M. Souche, agent voyer à La-
voulte).
* Journal du curé Laurent Rey de Saint Péray.
Livre journal ou de raison, des affaires domestiques de Maistre
Achille Gamon, licencié ez droictz, habitant de la ville d'Annonay
en Vivarois (Bibliothèque d'Annonay).
Duret, docteur, Notes pour servira l'histoire d'Annonay et des
environs (Idem).
Registres de baptêmes, mariages et' mortuaires des églises ré-
formées d'Annonay et de Boulieu de 1^76 à 1788 (Archives du
Conseil presbytéral d'Annonay).
Pièces diverses relatives aux protestants d'Annonay (Idem).
Dame Chomel, religieuse de Sainte Claire , Annales de la ville
d'Annonay écrites pour son neveu Louis Chomel , fils de Siméon
Chomel (Bibliothèque d'Annonay).
Louis Chomel le Béat, Histoire du protestantisme à Annonay
(Archives départementales de l'Ardèche et de M. A. Mazon).
Mémoyres des antiquités de l'Eglise Cathédrale de Viviers et
de plusieurs autres choses arrivées en divers temps et particuliè-
rement de celles qui se sont passées durant ma vie, par Jacques
de Banne, chanoine (Archives de M. Dubois, de Thueyts).
Giraud-Soulavie, Discours et remarques sur l'histoire ecclésias-
tique de Viviers (Biblioth. du grand séminaire de Viviers).
Mémoire de ce qui est arrivé de plus remarquable du temps
du règne de Louis treize, Roy de France et de Navarre . dans
la ville de Privas et lieux circonvoisins depuis le 27 décembre 1619
(Archives de M. Dubois, de Thueyts).
Recueil de pièces relatives aux Eglises Réformées du Vivarais,
du Languedoc et du Dauphiné (Bibliothèque de la Société de
l'histoire du protestantisme français, à Paris).
Registre de baptêmes, mariages et mortuaires de l'Eglise ré-
454 HISTOIRE DES PROTESTANTS
formée de La Bâtie de Crussol de 1646 à 1649 et de 1669 à
1683 (Archives de M. Dussaut, pasteur à Alboussières).
Registre du Consistoire de l'Eglise Réformée d'Aubenas. N° i,
de 1614 à 1616 ; N" 2 , de 1620-1627 (Archives de M. le baron
de Coston à Montélimar).
Siège de S» Agrève par les catholiques en l'an 1580 (Arch. dé-
part, de rArdèche, E, 182.
Relation du sac de la Chartreuse de Bonnefoy en 1^69, faite
par un religieux de cette maison (Archives de M. Dubois, de
Thueyts).
Articles de la capitulation du Pouzin, dans le Livre de liasse
où sont inçérés divers actes par moy Simon Duboix, notaire royal,
etc., 8^ livre, 1619-1639 (Archives de M. le général baron
d'Azémar à Lavoulte).
Lettres diverses écrites du Vivarais à Calvin , Bèze et autres
(Bibliothèque de Genève, mss. français, n°* 109, 196, 1970*).
Cahiers particuliers envoiez aux députés généraux et par eux
présentez au nom de quelques provinces, etc. Cahier particulier
du Vivarois (Bibliothèque de Carpentras, ms. Peiresc, noXXXI,
vol. I).
Discours de M'' Homel , étant sur la roue où il fut rompu et
laissé vif pendant deux heures, avant que de recevoir le coup de
grâce (Ms Court, n** 17, vol. F, à la Bibliothèque de Genève).
Actes des synodes de la province de Vivarais pendant les an-
nées 1596, 1654, 16^7, 1664, 1669-1675, 1677, 1678 et 1680
(Archives nationales, série TT, cartons 235, 259, 289 A et B,
313, 321, 328).
Pièces diverses relatives aux protestants du Vivarais (Archives
nationales, série TT, cartons 235 , 236, 242, 244, 259 A et B,
261, 270, 284, 285, 286, 288 A, 289 A, 313, 314, 321, 328, 336,
337' 349, 350, 355» 35^, 448).
Idem (Archives du dépôt de la guerre, vol. 1707, 1708, 1709,
1796, 1798, 1799).
Idem (Bibliothèque de la Société de l'histoire du protestantisme
français^ à Paris).
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 455
Recueil des actes des synodes tenus en la province du Vivarais
et du Velay de 1791 à 1793 (Archives du consistoire de Lavoulte).
Mémoire d'Ebruy awec les remarques de Morel dit Duvernet ,
20 mars 1734 et 17 août 17315 (Ms Court, n" ly , t. B , à la
bibliothèque publique de Genève).
Mémoire dicté par le ministre Coste du Vivarez le 23 et 24 fé-
vrier 1747 (Ms Court, n° 17, t. P, Idem).
Mémoire dressé par M"" Peyrot sur les assemblées publiques
du Vivarais, mai 1744 (Ms Court, n° ij, t. Q, Idem).
Mémoire des Eglises du Vivarez (Idem, Idem),
Copie de la relation dressée par Morel dit Duvernet en 1737
(Ms Court, no 17, t. B, Idem).
Deux lettres sur la capture de MM. Duvernet et Lassagne
(Ms Court, n° 17, t. F, Idem).
Lettres de divers pasteurs du Vivarais à Antoine Court et
autres (Ms Court, n" i, t. I-XXVIII, Idem).
Pièces relatives aux protestants du Vivarais (Ms Court, n° 17,
t. A à Z, Idem).
Idem (Archives départementales de l'Ardèche).
Idem (Archives départementales de l'Hérault).
Correspondance historique des deux Chirons (Archives de
feue Mad. V*^ Sérusclat à Laroue).
Au^ière, Matériaux pour servir à l'histoire des Eglises réformées
du Vivarais et du Velay, 2 t. in-4° (Bibliothèque de la société de
l'histoire du protestantisme français, à Paris).
Idem, Matériaux pour servir à l'histoire des pasteurs des Egli-
ses réformées du Vivarais et du Velay, 2 t. in-4° (Idem).
Recueil de notices et de complaintes sur divers pasteurs du
Désert (Bibliothèque de Nimes, n° 256 du legs Sabatier).
PROVINCES AVOISINANT LE VIVARAIS ET LE
VELAY.
Dom Claude de Vie et Dom Vaisselle, Histoire générale de
Languedoc; Toulouse, 1840-1846, 10 vol. in-40.
456 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Dernière édition, avec des Notes et des Pièces justificatives ;
Toulouse, 1872, etc., in-4" ; t. XIII et XIV par E. Roschach.
Journal de J. Baudoin sur les grands jours de Languedoc ,
1666-1667; Paris, 1869, in-8°-
(Bâville) , Mémoires pour servir à l'histoire du Languedoc
(1598); Amsterdam, 1734, in-12.
Mémoires secrets de Lamoignon de Basville , intendant de
Languedoc, pour faire connaître à Louis de Bernage, son suc-
cesseur, l'esprit de la province et l'art de la gouverner (1718),
imprimés dans Les Chroniques de Languedoc, année 1877, in-4°.
Cambon de La Valette , La chambre de l'édit de Languedoc ;
Paris, 1872, in-80.
Dubédat , Histoire du parlement de Toulouse ; Paris, 1885,
in-80, t. I.
Déclaration du roi, qui lève la modification insérée par le par-
lement de Toulouse dans l'enregistrement de l'édit du mois de
Novembre 1787, concernant ceux qui ne font pas profession de la
Religion catholique. Du 7 mars 1788, in-4° (s. 1. ni d.).
Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville
de Nimes ; Nimes, 1874-1875, 7 t. in-S®.
Charles d' Aigre feuille , Histoire de la ville de Montpellier;
Montpellier, 1737, in-fol.
Corbière, Histoire de l'Eglise réformée de Montpellier;
Montpellier et Paris, 1861, in-8°.
J.-P. Hugues, Histoire de l'Eglise réformée d'Anduze ; (s, 1.),
1864, in-80.
Aug. Bernard jeune. Histoire de Forez; Montbrison, 1825,
2 vol. in-8".
André Imberdis, Histoire des guerres religieuses en Auvergne
pendant les XVIe et XVI I» siècles ; Paris, 1855, in-8''.
Nicolas Chorier , Histoire générale de Dauphiné ; Lyon, 1672,
in-fol.
Guy Allard, Les vies de François de Beaumont , Baron des
Adrets, etc. ; Grenoble, 1676, in-i8.
Annales de Michel Forest sur ce qui s'est passé de plus remar-
quable à Valence de 17^6 à 1784 ; Valence, 1879, in-8».
Mémoires de Eustache Piemond, Notaire royal-delphinal de la
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 4^7
ville de St-Antoine en Dauphiné (1572-1608); Valence, 1885,
in-80.
Baron de Coston, Histoire de Montélimar, Montélimar ; 1886,
3 t. in-80.
Mémoires de Daniel de Cosnac ; Paris, 1852, 2 t. in-8°.
François Joiibert et Salomon de Mere\, Mémoires; Grenoble,
1886, in-i2.
Jules Ollivier , Essais historiques sur la ville de Valence avec
des additions, par A. Lacroix; Valence, 188";, in-80.
Actes et Correspondance du connétable de Lesdiguières ; Gre-
noble , 1878-1884, 5 t. in-4°.
Arrest de la Court de parlement de Dauphiné contre les subjets
du Roy, tant catholiques, que de la Religion Prétendue réformée,
qui ont prins les armes contre le service de Sa Majesté, font faire
un fort en ceste Province le long du Rosne au lieu appelle la
Poule, et qui suivent le duc de Rohan , et autres rebelles. Enre-
gistré au Parlement le 10. avril 1628; Paris (s. d.), in-i6.
(Justin de Montheux), Histoire des guerres excitées dans le
Comtat-Venaissin et dans les environs par les Calvinistes du sei-
zième siècle ; Carpentras , 1782, 2 t. in-12.
Lo/s de Pérussis^ Histoire des guerres de la Comté de Venay-
scin et de la Provence , dans les Pièces fugitives de d'Aubais et
Ménard ; Paris, 1759, 3 t. in-4''.
OUVRAGES RELATIFS AU PROTESTANTISME.
Auteurs protestants.
Documents protestants inédits du XVP siècle, publiés par
E. Arnaud; Paris, 1872, in-80.
Lettres diverses écrites par les Eglises réformées de France à
Genève, dans Gaberel, Histoire de l'Eglise de Genève; Genève
1853-1862, 4 t. in-80.
(Bè^e), Histoire ecclésiastique des églises reformées au
royaume de France; Toulouse, 1082. 2 t. in-S".
(Crespin), Histoire des martyrs persécutez et mis à mort pour
la vérité de l'Evangile; Genève, 1619, in-fol.
Correspondance de Calvin, dans Calvmi opéra. Brunswig,
in-4°; Vol. X-XXI.
458 HISTOIRE DES PROTESTANTS
Aymon^ Tous les synodes nationaux des Eglises reformées de
France; La Haye, 1710, 2 vol. in-4°.
(Elle Benoit), Histoire de l'édit de Nantes; Delft, 1693-1695,
3 t. en 5 parties , in-4°.
Gaultier de Saint-Blancard F. , Histoire apologétique ou Dé-
fense des libériez des Eglises réformées de France; Amsterdam,
1688, 2 vol. in-i2.
(Claude) , Relation succincte de Testât ou sont maintenant les
Eglises reformées de France en l'année 1666 (s. 1. ni d.), in- 16.
Jurieu , Lettres pastorales aux fidèles de France; Rotterdam,
1688, 3« édition, 3 vol. in-12.
Mémoires du duc de Rohan sur les choses advenuëesen France
depuis la mort de Henry le grand , jusques à la paix faite avec
les Reformez au mois de juin 1629 (s. 1,); 1646; in- 18 (seconde
édition).
Edmond Hugues , Les synodes du désert ; Paris , 18H5-1886 ,
3 tom. in-4°.
Cortei:^, Relation historique des principaux événements qui sont
arrivés à la religion protestante depuis la révocation des édits de
Nantes , l'an 1685, jusques à l'an présent 1728 (dans Edm. Hu-
gues, Antoine Court, etc. , t. I , p. 438-486).
Mémoires d'Antoine Court (1696-1729) , publiés avec une pré-
face et des notes par Edmond Hugues; Toulouse, 1885, in-12.
Le Même, Histoire des troubles des Cévennes et de la
guerre des Camisards , etc.; Villefranche (Genève), 1760, 3 t.
in-12.
Les prophètes protestants. Réimpression de l'ouvrage intitulé
Le théâtre sacré des Cévennes, etc. ; Paris et Melun , 1847, in-8''.
Armand de La Chapelle, La nécessité du culte public parmi les
chrétiens; Francfort, 2^ édition, 1747, 2 t. in-12.
(Antoine Court), Le patriote françois et impartial ou Réponse
à la lettre de M. l'évèque d'Agen ; Villefranche (Genève), 1753,
2" édition , 2 t. in-12.
Eug. et Em. Haag, La France protestante; Paris, 1846-1859,
10 vol. in-8°; Deuxième édition, par Henry Bordier, Paris, 1876,
etc. in-8°; 6 vol. parus.
Bulletin de la société de l'histoire du protestantisme français,
Paris, 1853 , etc. in-8''. 37 t. parus.
DU VIVARAIS ET DU VELAY. 4^9
Drion , Histoire chronologique de l'Eglise protestante de
France; Paris et Strasbourg , 1855 , 2 t. in-12.
Anque\, Histoire des assemblées politiques des réformés de
France; Paris, i859,in-8°.
Le Même , Un nouveau chapitre de l'histoire des réformés de
France; Paris, 1865, in-8°.
Le Même y De l'état civil des réformés de France ; Paris, 1868,
in-8°.
C/i. Coquerel, Histoire des églises du désert; Paris, 1842, 2t.
in-8".
Nap. Peyrat, Histoire des pasteurs du désert; Paris et Va-
lence, 1842 , 2 t. in-8°.
Douen, Histoire des premiers pasteurs du désert; Paris, 1879,
2 t. in-80.
Edm. Hugues, Antoine Court ; Paris, 1872, 2 t. in-8°.
Rabaut le jeune, Annuaire ou répertoire ecclésiastique; Paris,
1807, in-8°.
Adolphe Michel, Louvois et les protestants ; Paris (s. d), in-12.
Athanase Coquerel (fils) , Les forçats pour la foi ; Paris, 1866,
in-12,
Charles Sagnier, La tour de Constance et ses prisonnières, etc.
Paris, 1880, in-8°.
Liste des forçats et galériens pour la foi, dans La France pro-
testante, 2^ éd. , vol. 6 , p. 213 à 358.
G. Frosterus, Les insurgés protestants sous Lous XIV; Paris,
1868, in-12.
Le livre du Recteur. Catalogue des étudiants de l'Académie
de Genève de 1559 à 1859; Genève, 1860, in-8°.
Auteurs catholiques.
Soulier, Histoire du calvinisme; Paris, 1686, in-4°.
Idem; Histoire des édits de pacification; Paris, 1682, in-4''.
J. Lefèvre , Discours de ce qui s'est passé pour et contre les
protestans; Paris, 1690, 2 vol. in-4°.
J. M. Prat, Recherches historiques et critiques sur la Com-
pagnie de Jésus en France du temps du P. Coton ; Lyon, 1876-
1878, 5 t. in-8".
Augustin et Aloïs de Backer, Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus; Liège, 1853..., 5 séries, in-4''.
460 HISTOIRE DES PROTESTANTS
(Filleau), Décisions catholiques, ou Recueil général des arrêts
rendus en toutes les cours souveraines de France, en exécution
on interprétation des idées qui concernent l'exécution de la R. P.
R. ; Poitiers, 1668, in-fol.
Henry de La Garde , Le duc de Rohan et les protestants sous
Louis XIII; Paris, 1884, in-80.
Schybergson, Le duc de Rohan et la chute du parti protestant
en France; Pans, 1880, in-8°.
Boulainvilliers , Etat de France; Londres, 1727-1728, 2 t.
in-fol.
Ouvrages relatifs aux réfugiés protestants.
Ch. Weiss, Histoire des réfugiés français; Paris, 1853, 2 t.
in-8°.
Jules Chavannes, Les réfugiés français dans le pays de Vaud et
particulièrement à Vevey ; Lausanne, i874,.in-i2.
Erman et Réclam, iMémoires pour servir à l'histoire des réfu-
giés français dans les états du roi ; Berlin, 1872 à 1799, 9 t. in-S".
F. Godet, Histoire de la réformation et du refuge dans le pays
de Neuchâtel; Neuchâtel, 1859, in-12.
Ernest Combe, Les réfugiés de la révocation en Suisse; Lau-
sanne, 1885, in-8°.
Charles W. Baird, Histoire des réfugiés huguenots en Améri-
que, traduit de l'anglais par A.-E. Meyer et de Richemond ;
Toulouse, 1886, in-8^
F. H. Gagnebin, Pasteurs de France réfugiés en Hollande;
La Haye, 1884, in-8°.
HISTOIRES DE FRANCE.
{fean de Serres) , Commentariorum de statu religionis et rei-
publicae in regno Galliae, I. partis libri très, 4» éd., 1 577,. in-8° ;
— II. partis, etc., 4" éd., 1577, in-S"; - III. partis, etc., 1595,
in-S" ; — 1 1 1 1^ partis, etc. , 2» éd. , 1577, in-8" ; — V^ partis, etc. ,
Lugduni Batavorum, 1580, in-8''.
La Popelinièrc, L'histoire de France enrichie des plus notables
occurances survenues ez provinces de l'Europe et pays voisins
(La Rochelle), 1581, 2 vol. in-fol.
D'Aubigné, Histoire universelle et particulièrement des affaires
DU ViVARAlS ET DU VELAY. 461
de France depuis l'an 550 jusqu'en 1601 ; Amsterdam, 1626, j t.
in-fol.
Mémoires de la troisième guerre civile et des derniers troubles
de France; 1 571, in-S».
Recueil des choses mémorables avenues en France sous le rè-
gne de Henri II. François II. Charles IX. Henri III et
Henri IV; 2® édit., 1598, in-12.
De Thon, Histoire universelle. Traduit sur la nouvelle édition
latine de Londres; Basle, 1742, 11 t. in-4°.
Gabr. Barthomœus Grammond, Historiarum gallicœ ab excessu
Henrici IV. libri XVIII; Tolosœ, 1643, in-fol.
[Claude Malingre], Histoire de la rébellion ; Paris, 1622-1629,
6 t. in-8°.
MÉMOIRES ET LETTRES.
Mémoires de Condé ; Londres et Paris, 1743, 6 t. in-4°.
Mémoires de l'Estat de France sous Charles neufviesme ; 2®
éd., Meildebourg, 1578, etc., 1 t. in-12.
Mémoires de La Ligue; nouv. éd., Amsterdam, 1758, 6 t.
in-4°.
Mémoires de Soubise, dans le Bulletin de la Société de l'histoire
du Protestantisme français , t. XXVIII et XXIX.
Millot , Mémoires politiques et militaires, etc., composés sur
les pièces originales recueillies par Adrien Maurice , duc de
Noailles, maréchal de France et ministre d'Etat ; 2<^^ éd., Paris,
1777, 6 vol. in-12.
Lettres de Catherine de Médicis, publiées par le C^^ Hector
de La Ferrière; Paris, t. I, 1880; t. II, 188^, in-4'' (se continue).
G. B. Depping , Correspondance administrative sous le règne
de Louis XIV ; Paris, 1850-1855, 4 t. in-40.
A. M. de Boislisle , Correspondance des contrôleurs généraux
des finances avec les intendants des provinces; Paris, 1874, in-4°.
Biographies.
Michel le Vassor, Histoire du règne de Louis XIII ; Amster-
dam, 1 700-1 701, 19 vol. in-12.
Dupleix, Histoire de Louis le Juste XIII. du nom ; Paris,
1654, in-fol.
462 HISTOIRE DES PROTESTANTS DU VIVARAIS ET DU VELAY.
Charles Bernard, Histoire du roy Louis XIII ; Paris, 1646,
in-fol.
Auber/, L'histoire du cardinal duc de Richelieu ; Paris, 1660,
in-fol.
Simon Du Cros, Histoire de la vie de Henry, dernier duc de
Mont-Morency , pair et maréchal de France ; Paris, 1643, in-40.
Mémoires du maréchal de Bassompierre depuis 1598 jusqu'à,
son entrée à la Bastille en 163 1 ; Cologne, 1665, 4 t. in-S».
J. Roman, Les aventures du capitaine Jean-Baptiste Gentil de
Florac (i 585-1650); Grenoble, 1885, in-8''.
CORRECTIONS ET ADDITIONS
VOLUME PREMIER.
Page 74, note 2 : N° II, lise:{ NM.
Page 108, ligne 3 : Brognieux, lise:{ Brogieu, là et partout.
Page 109, ligne 33 : ces, lise:{ ses.
Page 134, ligne 14 : Montmiadou, lise:{ Montmiandon.
Page 206, ligne 23 : fut, lise:{ fût.
Page 239, ligne 30 : Delonne, lise:{ Deleune.
Page 241, ligne 25 : Thueytz, liseï Thueyts.
Page 268, ligne 26 : Lomps, Use:{ Lemps.
Page 279, ligne 20 et 21 : Place:{ ensuite après fut.
Page 292, ligne 32 : La Geste, lise\ La Coste.
Page 335, ligne 31 : expérience, /isg:( expédition.
Page 415, ligne i : Seneuillet, lise^ Senouillet.
Page 415, ligne 2 : fils aîné, lise:{ le plus jeune des fils.
Page 415, ligne 5 à 12 : supprime:{ Un procureur du roi...
donc dans sa famille jusqu'au 14 mars 1678, alors qu'il, et lise^
Le 14 mars 1678, il fut (Le fait rapporté dans les lignes suppri-
mées se rapporte à François Rostaing d'Arlempdes. Voy. Pièces
justificatives, N° III).
Page 432, ligne 3, note i : Saint-Bauzise, lise^ Saint-Bauzile.
Page 455. Depuis l'impression de notre premier volume,
M. Teissier, archiviste-paléographe à Nimes, nous a obligeam-
ment communiqué des documents complémentaires sur Vaffaire
de Vais.
Le 28 juillet 1653, dès le lendemain du jour où la maréchale
d'Ornano supprima violemment l'exercice de la religion réformée
464 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
dans ce bourg, le consistoire de Privas, au nom des Eglises du
Vivarais, exposa ce qui venait d'arriver aux pasteurs et anciens
des Eglises réformées du bas Languedoc et des Cévennes. La
lettre était signée par Accaurat, pasteur, de Pages, La Selve, de
Faïn, du Bois, de Combes et Bernard, anciens.
Le 8 août suivant, une conférence des députés du bas Langue-
doc , des Cévennes et du "Vivarais se réunit à Uzès « pour pour-
voir aux désordres arrivés en l'Eglise de Vais. » Le Vivarais s'y
fit représenter par Durand , pasteur de ce lieu, et d'Achard ; et
les Eglises du bas Languedoc et des Cévennes , par celles de
Montpellier, Nimes, Uzès, Anduze et Alais.
La conférence décida tout d'abord d'envoyer quatre députés
au comte du Roure « pour le supplier très humblement d'interpo-
ser l'autorité du roi et la sienne pour faire jouir lesdits habitants
de Vais du bénéfice des édits. » Les députés rencontrèrent à
Barjac le lieutenant général, qui leur répondit que la suppression
de l'exercice de Vais n'émanait pas du roi , puisqu'il n'avait pas
reçu d'ordre de lui à ce sujet ; que c'était « une passion particu-
lière ; » que Sa Majesté, bien loin d'entendre que ses sujets de
la Religion réformée fussent violentés , voulait au contraire
qu'ils jouissent paisiblement de leur droit d'exercice conformé-
ment aux édits.
Encouragée par cette réponse, la conférence d'Uzès décida
que les réformés d.es provinces susnommnées repousseraient la
force par la force; que le pasteur Durand rentrerait à Vais avec
une escorte aussi nombreuse que possible et reprendrait son exer-
cice interrompu ; que la chaire^ la table de communion et les
bancs du temple seraient remis en leur place; que chaque com-
munauté du bas Languedoc, des Cévennes et du Vivarais fourni-
rait des hommes et des vivres; qu'on informerait les colloques
des violences exercées contre l'Eglise réformée de Vais et de la
délibération de la conférence, et que les colloques, à leur tour,
en informeraient les gentilshommes de leur ressort.
La conférence décida en outre qu'une délégation, émanée de
son sein , siégerait en permanence à Nimes , puis à Uzès, et se-
rait composée de MM. Jacques Benoit, député de Montpellier;
de Montaren, député d'Uzès; et de Montmoirac, député des
Cévennes , auxquels le député du Vivarais se joindrait posté-
rieurement.
Bientôt des troupes affluèrent de toutes parts. La cavalerie de
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 465
Montpellier était conduite par M. de Fourques et celle de Sauve
par M. le Bailli. Le comte Frédéric-Henri de Dohna, gouver-
neur d'Orange, amena sa garnison et les troupes du Dauphiné.
L'armée était concentrée à Vallon le 6 septembre 1653 , et com-
mençait même à manquer de vivres. Le sieur de Villefranche et
le maréchal de camp La Cassagne la commandaient.
Le roi, ayant été informé de ce qui se passait, envoya le sieur
de La Tivolière à La Cassagne avec la lettre qui suit :
« A Monsieur de La Cassagne , maréchal de camp en mes
armées.
» De par le Roy.
» M. de La Cassagne, envoyant en ma province de Languedoc
et pays de Vivarais le sieur de La Tivolière , lieutenant des gar-
dées du corps de la Reine, Madame ma mère, sur le sujet des
choses qui s'y passent et de la conduite de mes sujets de la Re-
ligion P. Réf., le rétablissement de leur prêche à Vais et en
d'autres lieux, je vous fais cette lettre pour vous dire d'ajouter
toute créance à ce que le sieur de La Tivolière vous fera enten-
dre de ma part être mon intention ; pour l'accomplissement de
laquelle vous vous employerez, ainsi que je me le promets de
votre affection. Je vous en reconnaîtrai par les effets de ma bien-
veillance lorsqu'il s'en offrira le sujet. Cependant, je prie Dieu
qu'il vous ait, Monsieur de La Cassagne, en sa sainte garde.
Ecrit à Paris le premier septembre mil six cent cinquante trois. »
Signé, Louis, et, plus bas, Phelippeaux.
Quelques jours après, Louis XIV députa, porteurs de ses
ordres, le marquis de Ruvigny aux chefs de l'armée protestante
et le sieur Tibart au comte de Rieux.
« Il a été ordonné, » disaient-ils, « aux s""* de Villefranche et
La Cassagne, commandants nos sujets de la Religion P. R.,
assemblés à Vallon en Vivarais pour rétablir le prêche de Vais
et autres lieux, d'ajouter foi et créance aux ordres que le sieur
Ruvigny, leur député général, a à leur donner de ma part ; en-
semble à notre cher et bien aimé cousin le comte de Rieux d'obéir
au commandement qui lui en sera fait par le s'' Tibart, l'un de
nos hoquetons^ pour laisser libres nos dits sujets en l'exercice de
leur religion; et, en refus, enjoignons à tous nos lieutenants
généraux de lui courir sus à main armée, sortir les canons et gar-
nisons de nos villes et citadelles de Montpellier et Saint Esprit,
pour plus promptement exécuter notre volonté. Donné à Saint
II. 30
466 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
Germain le septième septembre 1653. » Signé, Louis, et plus
bas , Phelipeaux.
Nonobstant ces ordres, les nouvelles de la cour n'étant pas
satisfaisantes^ les délégués de la conférence d'Uzès, transférée à
Anduze, savoir MM. Montmoirac, Massanes, La Vallete (?),
Montredon, Foissac et La Baume, décidèrent, le 2 octobre 165;,
qu'il fallait renforcer l'armée huguenote et demandèrent au Vigan
un nouveau secours d'hommes. Une lettre d'Anduze sans signa-
ture, du 17 septembre précédent, nous apprend que les chefs du
mouvement voulaient montrer à La Tivolière, l'envoyé du roi,
que tous les protestants du bas Languedoc , des Cévennes et du
Vivarais, étaient étroitement unis les uns aux autres et dispo-
saient de forces considérables pour faire valoir les droits qu'ils
tenaient des édits.
Après que le différend eut été réglé, le roi chargea Pierre For-
ton et Jacques Rozel-Lansard, conseillers au présidial de Nimes,
de faire exécuter à Vais les arrêts qu'il avait rendus en son conseil
d'Etat. Ces deux personnages n'en ayant pas accepté la mis-
sion, les consuls de Nimes, avec l'autorisation du roi, élurent à
leur place Jean de Lagrange, conseiller au présidial de Nimes, et
Malbois, juge de Somraières. Ceux-ci se transportèrent à Vais
et, le 22 février 1654, firent prêcher deux fois le pasteur Durand
dans son temple en présence d'une assemblée de 2,000 personnes;
puis l'installèrent dans sa maison , et notifièrent les ordres du roi
à la marquise d'Ornano, qui s'y soumit sans opposition.
Page 503, ligne 16, ajoute\ : Dix-huit autres fugitifs furent
condamnés à mort par contumace , le 22 mars 1684, par l'inten-
dant D"Aguesseau, assisté du présidial de Nimes, savoir : Bre-
mond, pasteur de Vernoux ; Brunier, p^ du Cheylard ; Romieu ,
p"" de Saint- Fortunat; La Motte, maréchal, et Charier, apothi-
caire de Vernoux, au supplice de la roue; — La Baume, Baux
et De Blo, fils du sieur des Fonds, à la décapitation ; — Blanc ,
p"" de Chalencon; La Charrière , p"" de Gluiras ; la veuve Blanc ,
Antoine Juverrac , Pierre Montchal, Pierre Pouchon, Matthieu
Vernet , le Valet de Rousson, Moïse Muret, Jacques Lodi et
Isaac Dethieux, à la potence; « ce qui sera exécuté figurative-
ment, » dit la sentence, « dans un ou plusieurs tableaux, qui se-
ront posés aux places publiques de la ville de Tournon et des au-
tres lieux , que le procureur du roi jugera nécessaires, » Les
biôns de tous furent « acquis et confisqués au roi. » Plusieurs des
CORRECTIONS ET ADDITIONS.
467
condamnés avaient été exclus de l'amnistie de septembre 1683,
savoir La Baume (Gaspard de Chambaud de Bavas de), Charier(ou
Charrier) et De Blo (ou Bios). — Archives de la Drôme, D, 71.
Page 5?7> ligne 4 : i597» '«'s^ i599-
Page 585, ligne 27 : Roban, lise:{ Raban.
Page 626, ligne 26 : Pierre du Rochat, lise:{ Pierre du Rochet.
Page 661, ligne 4 : Avranches, lise^ Avenches.
Page 683, ligne 8. Ajoutei, Alexandre de Vinay eut cinq en-
fants : Pierre, docteur en droit, avocat au bailliage d'Annonay ;
Alexandre, pasteur, qui suit; Marie, femme d'Antoine Bourget,
pasteur à Boulieu ; Marguerite, mariée à Antoine Laurent, doc-
teur en médecine à Annonay ; Anne, célibataire.
VOLUME SECOND.
Page 102, ligne 18 : Erieu, lise^ Erieux, là et partout.
Page 346, ligne 25 : rébellion, lise^ rébellion.
Page 427, ligne 32 : Boucieu le Voy, lise:[ Boucieu le Roy.
TABLE DES MATIERES
QUATRIÈME PÉRIODE.
LE DÉSERT (1685-I793).
Vivarais et Velay.
Emigrations. Réfugiés de marque. Nombre des réfugiés. Aveux de Bâ-
vilie I
Confiscation des biens des consistoires et des religionnaires fugitifs et
leur emploi 7
Le seul pasteur autorisé à rester en France , 1686 10
Exemples de constance, 1685 15
Souffrances morales des nouveaux convertis, 1686 16
Les premiers prédicateurs du désert, 1685 19
Inspiration. Prédications de Gabriel Astier, 1688, 1689 24
Astier dans Les Boutières. Expansion du mouvement. Assemblées nom-
breuses, 1689 28
Continuation des assemblées. Mort du capitaine Tirbon. Expéditions
de Folleville. Boucherie du Serre de la Palle , 1689 51
Broglie et Bâville en Vivarais. Continuation des boucheries. Fin de la
lutte. Supplice de Gabriel Astier. Mémoire envoyé à Bâville, 1689-
1690 î8
Projet de soulèvement de Cabralles. Continuation de l'inspiration et
des assemblées. Brousson en Vivarais. Persécution générale. Compli-
cité du clergé, 1690-1698 45
Maisons démolies ou incendiées, 1689-1705 49
Souffrances d'Alexandre Astier aux galères, 1689-1715 p
Ralentissement momentané de la persécution au début de la guerre de
la succession d'Espagne. Reprise des assemblées publiques et leur ré-
pression sanglante, 1 701 -1705 Ç7
Les Camisards du Languedoc en Vivarais. Double combat de Vagnas ,
10 et II février 1705 61
470 TABLE DES MATIÈRES.
Soulèvement Cainisard en Vivarais. Combat de Franchassis. Bouche-
ries exécutées par Julien, 1704 64
Assemblées de jour. Condamnations. Second mouvement Camisard en
Vivarais. Combats de Gilhoc , Saint- Fortunat, Leyrisse, 1704-1709. . 72
Fin delà lutte. Bataille de Font-Réal, 19 juillet 1709 84
Démarches faites à l'étranger en faveur des Camisards. Fin de leurs
trois derniers chefs. Tentative avortée de Chambon et son supplice,
1709-1710 88
Recrudescence de l'inspiration, 1709 91
Antoine Court. Sa jeunesse. Sa vocation pour le Saint ministère. Ses
premiers travaux avec Brunel, 1695-1714 94
Courses missionnaires de Court. Son projet de restauration du protes-
tantisme. Mort de Louis XIV. Philippe d'Orléans régent. Menées du
traitre Lapise, 1715-1718 98
Départ de Bâville. Ses instructions secrètes, 1718 loj
Pierre Durand. Sa vocation au saint ministère. Arrestations. Premier
synode du Vivarais. Succès de Durand contre les inspirés, 1719-1721. 105
Corteiz et Rouvière en Vivarais. Fondation d'Eglises. Déclaration du
17 mai 1724; 1725, 1724 11}
Zèle de Durand. Visite de Court. Union des Eglises du Vivarais, du
Dauphiné et du Languedoc. Décisions synodales diverses. Procès
fait à la mémoire de Paule Chermezon , 1724-172Ç 116
Premier synode national. Consécration de Durand. Son mariage. Pré-
dicateurs du Vivarais, 1726-1729 121
Arrestation du père de Durand , du fiancé de sa sœur et de sa sœur
elle-même. Lassagne, second pasteur du Vivarais, i729-i7}o 125
Départ de M' Durand pour la Suisse. Arrestation de sa mère. Etat des
Eglises, 1750-1731 i)0
Arrestation de Durand, 12 février 1732. 15a
Durand à Tournon et son transfert à Montpellier, 13-22 février 1732. 137
Durand à Montpellier. Assauts des convertisseurs. Son procès et sa
condamnation, i" mars-22 avril 1732 139
Exécution de Durand, 22 avril 1732 145
Témoignage rendu à Durand par le synode du Vivarais. Départ mo-
mentané de Lassagne, 1732 149
Continuation des assemblées. Amendes. Enlèvements d'enfants et de
jeunes filles. Condamnations, 1733-1735 IÇ3
Capture de Bernard, 14 juin 1734. Condamnations diverses, 1734-1737. 155
Etat intérieur du protestantisme en Vivarais et en Velay. Arrestations
diverses. Enlèvements de jeunes filles. Deux évasions. Mariages du
désert inquiétés. Poursuite des ministres. Prisonniers de Vallon ,
1757-1738 iç8
Arrestation et mort tragique du pasteur Morel-Duvernet, 14 et 15 fé-
vrier 1739. Condamnation de ses codétenus, 8 février 1740 168
Arrestation et fin tragique du pasteur Fauriel-Lassagne. 7-14 août 1739.
Condamnation de ses co-détenus 9 février 1740 174
Poursuites contre les mariages, 1739 181
Etat des pasteurs et de la population protestante en Vivarais, 1740-1741 182
Arrestation , procès et supplice de Dorliai , 4 juin 1741-31 juillet 1742. i8ç
TABLE DES MATIÈRES. 47I
Amendes exhorbitantes. Situation des protestants dans les diocèses du
Puy, de Viviers et de Valence , 1742-1745 194
Tolérance momentanée. Assemblées de jour et publiques, 10 mai 1744.
Mémoire de Peirot. Arrestations particulières, 1743-1744 199
Continuation des assemblées de jour. Libelle diffamatoire. Réponse de
Désubas, 1744 209
Politesses faites aux pasteurs. Des curés se rendent aux assemblées, 1745 . 214
Déclaration du roi du 16 février 174Ç. Amendes considérables. Lettre
d'un anonyme de Paris. Ecrits catholiques et protestants, 174J. . . 216
Arrestation de Désubas, u décembre 1745. Massacre de Vernoux.
Mouvements des protestants comprimés par les pasteurs. 222
Le curé de Boffres incendiaire. Son histoire , 174Ç 252
Départ de Désubas pour Montpellier, 2 janvier 1746. Démarches en sa
faveur. Conseils de Court. Lettre de l'évêque de Valence 258
Procès de Désubas. Ses sentiments. Tentatives de conversion auprès
de lui , 1746 242
Condamnation et supplice de Désubas, i"" février 1746 . 247
Après le supplice, 1746 249
Nombreux soldats en Vivarais. Reprise des assemblées. Traîtres sou-
doyés par des prêtres. Deux traités de controverse , 1746-1747, . . 2J2
La persécution recommence. Arrestation d'Argaud. Réveil des protes-
tants d'Annonay. Amendes. Ordres sanguinaires. Ordres de rebapti-
sation. Tournées des pasteurs , 1748-1750 256
Procès verbaux contre les assemblées. Rédaction d'un placet. Arresta-
tion et mort de Monteil. Reprise des assemblées. Lettre de l'évêque du
Puy, 175 1 262
Nombreuses arrestations. Amendes ruineuses. Départ forcé de Coste.
Consécration de Vernet, 1752 ...•.■ 26J
Envoi de livres de Genève. Assemblées traquées par les soldats. Ban
sanguinaire de Richelieu non suivi d'effet, 1755-1754 271
Triste position du pasteur Blachon. Eglises de Vallon , Salavas et La-
gorce distraites du Vivarais. Lettre des pasteurs à M. de Lemps.
Statistique des lieux d'assemblées , 1755-1756 277
Prières et jeûnes publics à l'occasion du crime de Damiens. Tranquil-
lité. Départ de la famille Blachon. L'évêque Ponipignan mal vu à la
cour, 1757-1760 281
Départ de Blachon. Projet de maisons de prière. Arrestations. Com-
mission de Court de Gébelin. Lettre de l'évêque du Puj^ , 1761-1766 284
Venue de nouveaux pasteurs. Délivrance de Marie Durand et de Cham-
bon. Projet renouvelé de maisons de prière, 1768-1771 289
Schisme de Philip dans les Eglises de La Montagne, 1775-1792 292
Venue de nouveaux pasteurs. Enlèvement d'enfants. Un sermon de Ver-
net , 1775-1775 ?io
Avis de Vernet sur Du Temps. Persécutions endurées par Chiron.
Son départ d'Annonay. Jugement sur Peirot, 1776-1777 516
Accroissement du nombre des pasteurs en Vivarais. Malveillance des
curés, 1778-1781Ç 518
Edit de tolérance. Restriction du Parlement de Toulouse, Venue de
nouveaux pasleurs , 1787-1791 519
472 TABLE DES MATIÈRES.
Constitution du 5 septembre 1791. Discours d'Astier et de Kœnig, Pro-
grès de l'irréligion, 1791-1792 521
Décision patriotique du synode du Vivarais. Jugement sur Vernet. Der-
niers pasteurs du Vivarais. Conclusion, 1795 327
APPENDICE I.
Biographie succincte des pasteurs du Vivarais et du Velay pendant le
Désert selon l'ordre \de leur consécration ou de leur venue dans la
province Jîi
APPENDICE II.
Prédicateurs , proposants et étudiants du Vivarais depuis le rétablisse-
ment des synodes dans la province en 1721 345
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
I. Généalogie des Chambauds 553
II. Liste générale des réfugiés du Vivarais et du Velay 355
A. Réfugiés de Genève jjj
1° Réfugiés reçus habitants de Genève 555
2° Réfugiés reçus bourgeois de Genève 364
B. 1° Liste des réfugiés du Vivarais étant à Lausanne en janvier
1765 36Ç
2° Autres réfugiés du pays de Vaud 366
C. Réfugiés de Neuchâtel naturalisés 367
D. I" Rôle général des Français réfugiés dans les Etats de Sa Ma-
jesté le roi de Prusse et électeur de Brandebourg comme ils
se sont trouvés au 51 décembre 1700 368
2° Liste de réfugiés de Genève et de Suisse qui se sont arrê-
tés à Schwabach depuis le mois d'août 1693 571
j" Rolle des personnes qu'on a assisté de la collecte de Ham-
bourg 372
E. Fugitifs arrêtés et poursuivis devant le Parlement de Grenoble,
1685-1687 374
F. Confesseurs morts sur le premier vaisseau parti pour l'Amérique. 375
G. Autres réfugiés 375
H. Réfugiés du mouvement insurrectionnel de 1683 37J
III. Généalogie des d'Arlempdes de Mirabel 377
III bis. Lettre du duc de Rohan aux consuls de Barjac 378
IV. Serment d'obéissance des protestants d'Annonay en 1621 379
V. Réformés du Vivarais exclus de l'amnistie de septembe 1083 , , . 380
VI. Suite des mauvais traitements infligés au protestants du Vivarais
en 1683 , 381
VII. Livres de controverse sortis des presses du collège des jésuites de
Tournon 384
VIII. Livres de controverse émanés d'auteurs catholiques du Vivarais. 587
IX. 1° Jeunes gens du Vivarais étudiants à l'Académie de Genève. , . 389
2» Jeunes gens du Vivarais étudiants à l'Académie de Die 391
TABLE DES MATIÈRES. 473
X. Gentilshommes nouveaux-convertis, 1686-1711 592
1° Liste des gentilshommes et principaux habitants nouveaux con-
vertis dans le Vivarais en 1686 592
2» Nouveaux convertis du Vivarais , qui ont été déclarés faux no-
bles, capables d'entreprendre et très mal intentionnés en 1686. 594
50 Autres nouveaux non nobles capables d'entreprendre en 1686. . . 59Ç
4" Estatdesgentilshommesnouveauxconvertisdu Vivaraisaprès 1711. 395
50 Estât des nouveaux convertis qui ont pris la qualité ou vécu no-
blement , après 17 II 596
XI. A. Biens des consistoires du Vivarais et du Velay 597
B. Biens des religionnaires fugitifs du Vivarais et du Velay .... 400
XII. Enlèvement d'enfants à Annonay en 1700 402
XIII. Liste générale des condamnations prononcées contre les protes-
tants du Vivarais et du Velay pour fait de religion pendant le Désert. 405
XIV. Etat par arrondissement des communautés du Vivarais , du nom-
bre des familles anciennes catholiques et du nombre des familles nou-
velles converties (protestantes) , vers 1740 4^9
XV. Mémoire des Eglises du Vivarais dressé par Peirot (en 1744). . • 425
XVI. Noms de quelques-uns de ceux qui furent tués à l'affaire de Ver-
noux le 12 décembre 174? • 425
XVII. Liste des Eglises protestantes du Vivarais et du Velay (vers I755)- 426
XVIII. Familles ou ménages protestants d'Annonay en 1768 429
XIX. Notice sur les Eglises de Vallon, Salavas et Lagorce depuis leur
adjonction au synode du bas Languedoc en 1756 45'
XX. Synodes du Vivarais et du Velay de l'époque du Désert 455
Sources de l'histoire des protestants du vivarais et du velay. . 4}8
Corrections et additions 4*^5
table des matières 4'>9
TOULOUSE. — IMP. A. CHAUVIN ET FILS, RUE DES SALENQUES , 28.
BW5941.A74V.2
Histoire des protestants du Vivarais et
Princeton Theological Semmary-Speer Library
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