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Full text of "Histoire des protestants du Vivarais et du Velay, pays de Languedoc, de la Réforme a la Révolution"

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Purchased   by  the 
Mrs.    Robert   Lenox   Kennedy  Church   History   Fund. 


BX  9456  .V8  A76  1888   v.2 
1:1  Arnaud,  E.  1826-1904. 
■  Histoire  des  protestants  du 
Vivarais  et  du  Velay 


HISTOIRE 

DES   PROTESTANTS 

DU  VIVARAIS   ET  DU  VELAY 


VOLUME  SECOND 


OUVRAGES  THÉOLOGIQUES  ET  ARCHÉOLOGIQUES  DE 
L'AUTEUR. 

Recherches  critiques  sur  l'Epître  de  Jude  (ouvrage  couronné  et  traduit  en 
Anglais);  Strasbourg  et  Paris,  185 1  ,  in-S». 

Le  Nouveau  Testament  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  etc.,  version  nou- 
velle faite  sur  le  texte  comparé  des  meilleures  éditions  critiques  (adopté 
parla  Société  biblique  protestante  de  Paris);  Paris,   1858.  in-12. 

Commentaire  sur  le  Nouveau  Testament;  Paris,  1863  ,  4  vol.  in-12. 

Le  Pentateuque  mosaïque  défendu  contre  les  attaques  de  la  critique  néga- 
tive; Paris  et  Strasbourg,   1865,  in-8°. 

La  Palestine  ancienne  et  moderne  ,  ou  Géographie  historique  et  physique 
de  la  Terre-Sainte;  Paris  et  Strasbourg  ,   1868,  in-S". 

La  mer  morte  ou  lac  Asphaltite;  Nimes,  1869,  in-8". 

Caractère  spécial  de  la  poésie  hébraïque;  Nimes  ,  1867,  in-S". 

Symbolisme  de  l'alphabet  hébreu  ;  Paris,  i8ô8  ,  in-8°. 

Découverte  d'un  nouvel  exemplaire  de  la  table  d'Abydos;  Nimes,  1866,  in-8°. 

L'instinct  religieux,  la  raison  et  Jésus-Christ,  discours  apologétique;  Paris, 
1863  ,  in-8». 

Recueil  de  formulaires  liturgiques  pour  les  ensevelissements;  Toulouse  , 
1879  ,  in-12. 

Nouveau  recueil  de  formulaires  liturgiques  pour  les  ensevelissements;  Paris, 
1884 ,  in-12. 


TOULOUSE.    —    IMP.    A.    CHAUVIN    ET   FILS,    RUE    DES    SALENQUES,    28, 


HISTOIRE 


DES 


PROTESTANTS 

DU 

VIVARAIS  ET  DU  VELAY 

PAYS  DE  LANGUEDOC 

DE    LA    RÉFORME    A    LA    RÉVOLUTION 

AVEC    UNE    CARTE 

/ 
Par  E.   ARNAUD,  pasteur 

Président  du  Consistoire  de  Crest 

Membre  correspondant  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève 

de  la  Commission  pour  l'histoire  des  Eglises  wallonnes 

et   des   Sociétés   huguenotes   de   Londres   et  d'Amérique 


VOLUME   SECOND 

QUATRIÈME    PÉRIODE 

LE     DÉSERT 


PARIS 

GRASSART,  LIBRAIRE-ÉDITEUR 

2,    RUE    DE    LA    PAIX,    2 


li 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/histoiredesp02arna 


HISTOIRE 


DES  PROTESTANTS 


DU  VIVARAIS  ET  DU  VELAY 


(QUATRIÈME  PÉRIODE 


LE   DESERT 

' 1685-1795) 


VIVARAIS  ET  VELAY 


EMIGRATIONS.      REFUGIES     DE      MARQUE.      NOMBRE     DES 
ÉMIGRÉS.    AVEUX    DE    BAVILLE. 


ouR  obtenir  de  Louis  XIV  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes,  ses  conseil- 
lers, ou  plutôt  ses  complices,  lui 
avaient  persuadé  que  le  nombre  des 
protestants  convertis  était  considéra- 
ble. «  Nos  soins ,  »  dit-il  lui-même  dans  le  préambule 
II.  I 


2  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

de  l'édit  révocatoire  ,  «  ont  eu  la  fin  que  nous  nous 
sommes  proposée,  puisque  la  meilleure  et  la  plus 
grande  partie  de  nos  sujets  de  ladite  R.  P.  R.  ont  em- 
brassé le  catholicisme.  »  Le  roi  en  concluait  hypocri- 
tement que,  puisqu'il  n'y  avait  plus  ou  presque  plus  de 
protestants  dans  son  royaume ,  tout  ce  qui  avait  été, 
précédemment  ordonné  en  leur  faveur  devenait  inutile 
et  que,  pour  effacer  la  mémoire  des  troubles  passés,  il 
ne  pouvait  mieux  faire  que  de  révoquer  entièrement 
l'édit  de  Nantes. 

Louis  XIV  laissa  toutefois  aux  protestants  qui  n'a- 
vaient pas  abjuré  à  la  date  du  i8  octobre  1685  ,  la  li- 
berté du  for  intérieur,  mais  cette  faible  garantie  n'était 
qu'une  leurre  décevant.  Il  voulait  qu'il  n'y  eut  plus  dé- 
sormais qu'une  seule  religion  en  France  et  il  ne  recula 
devant  aucun  moyen  ,  si  violent  et  cruel  fût-il,  pour  ar- 
river à  son  but.  Les  dragonnades  furent  l'un  de  ces 
moyens. 

Désespérant  à  tout  jamais  de  voir  de  meilleurs  jours, 
les  protestants ,  qui  avaient  commencé  d'émigrer 
dès  1666  et  qui  continuèrent  à  le  faire  plus  nombreux 
à  dater  de  1681  ,  malgré  les  défenses  royales  les  plus 
sévères  (i),  quittèrent  la  France  par  milliers  après  la 
révocation. 

Les  protestants  du  Vivarais  et  du  Velay  imitèrent 
leurs  frères  des  autres  provinces  du  royaume  et  s'expa- 
trièrent en  grand  nombre ,  mais  les  frontières  étaient 
gardées  et  plusieurs  d'entre  eux  furent  arrêtés.  Voyez 
Pièces  justificatives,  n°  II. 

Signalons,  à  propos  de  ces  émigrations,  le  zèle  hardi, 


(i)  Août  et  2  octobre  1669;  janvier  1670;  18  mai  et  14  juillet  1682.  Ces 
défenses  furent  renouvelées  le  1 1  février ,  le  1 5  septembre  ,  le  26  avril  et  le 
7  mai  1686,  le  24  juillet  1705,  le  18  septembre  171  j. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  3 

digne  d'une  meilleure  cause,  d'un  magistrat  catholique, 
Jean  Fourel  (i),  procureur  du  roi  au  bailliage  d'Anno- 
nay ,  qui  fit  tout  exprès  le  voyage  de  Genève  et  du  pays 
de  Vaud  pour  obliger  un  certain  nombre  d'Annonéens 
à  rentrer  en  France.  Muni  d'un  certificat  de  la  Cour 
d'Annonay  et  d'un  autre  de  l'archevêché  de  Vienne,  il 
se  rendit  d'abord  à  Genève  auprès  de  Dupré  ,  résidant 
de  France  ,  qui  lui  accorda  sa  protection ,  et  passa  de 
là  dans  le  pays  de  Vaud ,  oij  se  trouvaient  plusieurs  de 
ses  compatriotes  fugitifs  et  où  il  faillit  être  arrêté  à  la 
suggestion  d'Isaac  Sagnol ,  dit  Lacroix,  ancien  pasteur 
de  Crest.  Fourel  ne  réussit  pas  comme  il  l'aurait  cru. 
Il  fut  obligé  de  faire  trois  voyages  en  Suisse,  et  ce  n'est 
qu'au  dernier,  pendant  lequel  il  garda  l'incognito,  qu'il 
parvint  à  grand'peine  à  ramener  Simon  Veyre  et  Made- 
laine  Guéron  sa  femme ,  Barthélémy  Veyre  son  fils  et 
Anne  de  Montchal  sa  femme,  Catherine  Veyre  sa  fille, 
mariée  à  Gédéon  Léorat,  avocat.  Ce  dernier  demeura 
encore  quelque  temps  en  Suisse  pour  retirer  l'argent 
qu'il  y  avait  placé.  Cette  famille,  qui  séjourna  deux  an- 
nées hors  de  France ,  avait  déjà  abjuré  le  protestan- 
tisme à  la  révocation  de  l'édit  (2). 

Parmi  les  personnes  de  marque ,  qui  quittèrent  le  Vi- 
varais  et  se  réfugièrent  dans  le  duché  de  Brandebourg , 
nous  citerons  : 


(i)  Fils  de  Jean  Fourel,  et  de  Jeanne  Léorat,  se  disant  écuyer,  consul  d'An- 
nonay en  1680,  mort  le  15  septembre  1692.  C'était  un  esprit  processif,  inté- 
ressé et  ambitieux. 

h.  Documents  communiqués  par  Mad.  Dobler-Alléon.  —  D'après  Cho- 
mel,  un  tiers  des  habitans  protestants  d'Annonay  se  convertit  au  catholicisme, 
un  tiers  émigra,  et  le  dernier  tiers  demeura  fidèle  à  sa  foi.  En  1768,  époque 
où  il  écrivait,  il  y  avait  quatre-vingt-quinze  familles  protestantes  à  Annonay. 
En  1740,  La  Devèse  en  comptait  quatre-vingt-dix.  Parmi  les  protestants  qui 
abjurèrent,  Chomel  cite  D»""  Gourdan,  S--  Lombard  de  Mars,  S"  Crottier 
de  Chambonas.  de  Fressenet,  Peiron ,  Chabert ,  Zacharie  Ravel,  Abrial  et 
Chomel-Jarnieu. 


4  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Alexandre  Darmen  de  Brion  ,  qui  avait  une  baron- 
nie  en  Dauphiné  et  une  autre  en  Vivarais  et  qui  fut  reçu 
gentilhomme  de  cour  en  1682. 

De  la  Combe  de  Cluzel,  médecin  distingué,  attaché 
à  M.  de  Grumkow  àPrenzlow,  dans  les  premiers  temps 
du  Refuge. 

Barthélémy  Pascal ,  de  Viviers ,  médecin  et  savant , 
mort  en  175 1.  Il  fit  partie  du  conseil  supérieur  de  mé- 
decine de  Berlin. 

Paul  de  Chambaud,  sieur  de  Charrier,  lieutenant  de 
dragons  au  régiment  de  Sonsfeld. 

Chambaud  de  Bavas  de  la  Baume ,  lieutenant  au  ré- 
giment de  Varennes  en  1702  (i). 

Noble  Paul  de  Fornier,  écuyer ,  sieurs  des  Places, 
natif  d'Annonay ,  mort  lieutenant  en  1707. 

Jacques  de  la  Combe  de  Cluzel,  du  Cheylard,  mort 
lieutenant-colonel  en  1729,  à  l'âge  de  quatre-vingt 
sept  ans.  Sa  veuve  Rachel  de  Ruggy  était  originaire  de 
Metz. 

Scipion  de  Montaut  le  jeune,  de  Villeneuve-de-Berg, 
mort  en  1726,  conseiller  de  commerce.  Une  de  ses 
filles  se  maria  à  M.  de  Vickersloot. 

Alexandre  Trémolet  de  Montaigu. 

Dony,  grand  mousquetaire,  puis  major  réforméen  1 720. 

Boissy,  de  Villeneuve-de-Berg  ou  des  environs,  s'éta- 
blit d'abord  à  Genève  comme  professeur,  puis  à  La 
Haye  et  à  Leyde  en  Hollande ,  enfin  en  Allemagne  à 


(i)  Pierre-Benjamin  de  Chambaud,  François  de  Ciiambaud,  Louis-Fran- 
çois de  Chambaud,  incorporés  au  corps  des  cadets,  le  premier  en  1717  ,  le 
deuxième  en  1729,  le  troisième  en  1756,  paraissent  être  nés  dans  le  Brande- 
bourg, —  Trois  branches  de  la  famille  Chambaud  ,  vérifiée  et  reconnue  no- 
ble en  1672,  s'établirent  dans  ce  duché  :  les  Charrier,  les  Bavas  et  les  La 
Baume.  Les  plus  anciens  réfugiés  de  cette  famille  étaient  originaires  de  Bof- 
fres,  et  il  existait  encore  de  leurs  descendants  dans  l'armée  prussienne, 
en  1799. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  î 

la  cour  de  Cassel.  Il  prit  toujours  le  plus  vif  intérêt  à 
ses  coreligionnaires  de  France  et  plaida  de  vive  voix  la 
cause  des  galériens  protestants  auprès  du  Landgrave  de 
Hesse,  pour  que  ce  prince  leur  continuât  la  pension  du 
feu  roi  de  Suède.  C'était  un  homme  de  mérite,  qui  col- 
labora à  La  Bibliothèque  raisonnée.  Il  mourut  en  Hol- 
lande en  décembre  1753  (1). 

Parmi  les  manufacturiers  vivaraisiens  établis  dans  le 
Brandebourg  nous  citerons  :  Chomel,  gantier,  à  Ber- 
lin; Josué  Perrin ,  d'Annonay,  maître  cartier,  à  Berlin, 
Jacques  Duclos,  de  Privas,  teinturier  distingué,  à  Berlin. 

Jean-Pierre  Duplantier ,  né  à  Genève  d'une  famille 
du  Vivarais ,  avait  d'abord  travaillé  dans  les  fabriques 
de  Genève  et  de  Zurich,  et  obtint  mille  écus  d'avance 
pour  fonder  une  manufacture  de  toiles  peintes  de  coton 
à  Berlin  à  la  descente  du  pont  de  Weidendamm  (2). 

Pour  ce  qui  est  du  nombre  des  émigrés  des  deux  pro- 
vinces qui  nous  occupent,  il  serait  difficile  de  l'évaluer, 
attendu  que  les  chiffres  laissés  par  l'intendant  Bâville 
embrassent  le  Languedoc  tout  entier,  sans  spécifier  la 
part  afférente  à  chaque  contrée  de  cette  grande  pro- 
vince. Ainsi  l'intendant,  dans  son  Mémoire  de  1698, 
dit  que  quatre  mille  religionnaires  quittèrent  le  Langue- 
doc. Ce  chiffre,  par  tout  ce  que  l'on  sait  d'ailleurs,  est 
inexact  (3).  Et  serait-il  exact,  qu'il  ne  pourrait  servir  de 
base  pour  préciser  le  chiffre  des  émigrés  du  Vivarais  et 


(i)  Il  appartenait  à  une  famille  qui  s'était  distinguée  sous  Rohan  en  1622. 
Un  membre  de  la  même  famille  fut  envoyé  à  la  cour,  en  1652,  pour  les  affai- 
res de  la  religion  réformée. 

(2)  Erman  et  Réclam,  Mémoires ,  t.  II,  p.  247,  559;  t.  IV,  p.  100,  159; 
t.  V,  p.  67,  78,  94;  t.  VI,  p.  14;  t.  IX,  p.  XIX,  XL,  et  22,  43,  66,  76,  121,  168, 
184,  207. 

(5)  Un  Etat  du  50  janvier  1688,  cité  par  de  Boislille  [Correspondance  des 
contrôleurs  généraux,  t.  I,  n°  394),  porte  le  chiffre  des  émigrés  du  Langue- 
doc à  5680,  savoir  1049  chefs  de  famille,  675  femmes,  2726  garçons  et  1255 
filles. 


6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

du  Velay.  Bâville  dit  que  la  première  province  comp- 
tait, en  1698,  c'est-à-dire  treize  ans  après  la  révocation, 
33,199  religionnaires  contre  198,336  catholiques;  et, 
d'autre  part,  25  gentilshommes,  chefs  de  famille  de  la 
première  religion  (i),  contre  3  39  de  la  seconde.  Quant  au 
Velay,  d'après  Bâville,  il  comptait  83,127  catholiques 
contre  974  protestants;  et  213  gentilhommes  chefs  de 
famille  catholiques  contre  aucuns  protestants. 

Notre  intendant  donne  le  nom  de  nouveaux  convertis 
à  tous  ces  religionnaires  pour  rester  dans  la  fiction,  in- 
ventée par  Louis  XIV  dans  le  but  de  justifier  l'édit  de 
révocation  ,  mais  il  convient  lui-même  qu'il  y  en  avait 
fort  peu  qui  fussent  «  effectivement  catholiques.  »  Il 
accorde  encore  que  «  tous  les  nouveaux  convertis  sont 
plus  à  leur  aise,  plus  laborieux  et  plus  industrieux  que 
les  anciens  catholiques;  »  que,  parmi  les  curés  placés 
à  la  tête  des  anciennes  paroisses  protestantes,  «  il  s'en 
trouve  de  forts  méchants  sujets  ;  »  qu'on  «  ne  réussira 
jamais  auprès  des  nouveaux  convertis  si  l'on  n'a  pas 
quelque  talent  pour  parler.  »  Il  termine  enfin  par  cette 
juste  réflexion  :  «  Il  faut  attaquer  les  coeurs  :  c'est  la 
religion  vraie  ;  on  ne  peut  l'établir  sérieusement  sans  les 
gagner  (2).  » 

Ces  paroles  sont  la  condamnation  même  de  Bâville , 
et  surtout  celle  de  Louis  XIV  et  de  ses  conseillers,  car 
l'intendant,  quoique  fort  peu  disposé  à  la  clémence, 
estimait  qu'après  les  rigueurs  excessives  de  1683  à 
1686  la  cour  aurait  dû  se  relâcher  de  sa  sévérité.  «  Je 
croyais,  »  écrivait-il  au  contrôleur  général  Louis  Phely- 


(i)  On  trouvera  aux  Pièces  justificatives ,  n°  X,  les  noms  de  ces  gentils- 
hommes et  ceux  de  plusieurs  autres  ,  avec  leur  caractéristique  religieuse 
établie  par  l'intendant. 

(2)  Mémoires  pour  servir  à  l'hist.  du  Laug.  (1698);  Amsterdam,  1734, 
in-12,  p.  76  et  suiv. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  7 

peaux,  comte  de  Pontchartrain,  le  9  mars  1687,  «  qu'a- 
près une  extrême  rigueur  il  fallait  agir  par   des  voies 
douces  et  ne  pas  confondre  toujours  l'innocent  avec  le 
coupable  ;  mais  je  vois  bien  qu'il  y  a  des  raisons  dans 
la  politique  qui  sont  au-dessus  de  mon   raisonnement. 
Je  me  conformerai  à  l'ordre  que  vous  m'avez  donné.  » 
Il  reconnaissait,  quelques  mois  auparavant,  le    18  no- 
vembre 1686,  que  les  dragonnades  ne  pouvaient  pro- 
duire des  résultats  durables.   «  Je  viens  d'établir  dans 
les  Cévennes  le  quartier  d'hiver  en  pure  perte,  c'est-à- 
dire  y  causer  une   grande  désolation  ,   »  écrivait-il  au 
même  ministre.  C'est  pourquoi  il  préférait  le  système 
des  missions  religieuses  et  des  aumônes,  et  disait  qu'il 
obtenait  beaucoup  de  succès   par   ce  moyen.    «    Les 
12000  livres,  »  dit-il  à  ce  propos,  le  18  novembre  1686, 
«  que  le  roi  a  eu  la  bonté  de  m'envoyer  pour  faire  des 
aumônes  dans  les  missions,  font  un  effet  merveilleux  et 
gagnent  tous  les  pauvres  à  la  religion.  Bien  que  ce  mo- 
tif ne  soit  pas  d'abord  fort  pur,   les  missionnaires  sa- 
vent très  bien  le  rectifier  et  ils  engagent  par  ce  moyen 
une  infinité  de  personnes  à  s'instruire  et  à  fréquenter  les 
sacrements.  »    Il  paraît  que  les  missionnaires  jouaient 
aussi  le  rôle  d'espions.  Bâville  disait,  le   12  septem- 
bre 1693  ,  qu'il  tenait  des  missions  dans  une  partie  du 
Vivarais,  «  soit  pour  entretenir  l'exercice  de  la  religion 
dans  ce  pays,   ce  dont  les  curés  sont  incapables,   soit 
pour  donner  avis  de  ce  qui  se  passe  (i).  » 

CONFISCATION     DES     BIENS    DES     CONSISTOIRES     ET    DES 
RELIGIONNAIRES    FUGITIFS    ET     LEUR    EMPLOI. 

La  jurisprudence  royale  varia  sur  l'usage  qu'on  devait 

(i)  De  Boislille,  t.  I,  n°'  381,  544,  256,  1227. 


8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

faire  des  biens  ecclésiastiques  des  protestants.  Déjà, 
avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  et  par  ses  dé- 
clarations du  15  janvier  1683  et  du  21  août  1684, 
Louis  XIV  avait  décidé  que  «  tous  les  biens  immeu- 
bles ,  rentes  et  pensions  faites  entre-vifs  en  dernière 
volonté  aux  pauvres  de  la  dite  religion  ou  aux  consistoi- 
res, pour  leur  être  distribués  par  les  dits  consistoires, 
ou  aliénés  depuis  le  mois  de  juin  1662,  seraient  délais- 
sés aux  hôpitaux  des  lieux  oij  sont  les  consistoires  et, 
en  cas  qu'il  n'y  en  ait  pas,  à  l'hôpital  le  plus  prochain.  » 
Mais  en  janvier  1688,  un  édit  décida  que  les  biens  im- 
meubles des  consistoires  seraient  réunis  au  domaine  et 
que  les  revenus  serviraient  à  la  fondation  d'écoles  gra- 
tuites ,  à  la  reconstruction  des  églises  catholiques,  à  la 
création  d'hôpitaux  et  à  toutes  autres  destinations  utiles 
et  nécessaires  pour  l'avantage  des  nouveaux  convertis. 
En  1687,  le  roi  avait  déjà  autorisé  Bâville  à  appliquer 
une  partie  de  ces  biens  à  l'achèvement  des  nombreuses 
églises  qu'il  venait  de  faire  reconstruire  dans  le  Langue- 
doc (i).  Enfin  un  arrêt  du  conseil  du  8  janvier  1689 
décida  que  les  revenus  des  biens  des  consistoires  ser- 
viraient en  partie  à  payer  les  pensions  accordées  par  le 
roi  aux  nouveaux  convertis. 

Les  divers  états  ,  qui  furent  dressés  des  biens  des 
consistoires  du  Vivarais  et  du  Velay  dans  les  années  qui 
suivirent  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  donnèrent 
le  résultat  suivant  : 

Valeur  estimative  des  biens  fonds  (immeubles)  :  13771 
livres,  10  sols;  capitaux  (obligations,  legs,  pensions, 
etc.);  7326  livres,  10  sols,  6  deniers.  Ces  derniers 
portaient  un  revenu  de  381  livres,  i  sol,  6  deniers  (2). 


(i)  De  Boislille,  t.  I,  n"  381. 

(2)  Voy.  le  détail,  Pièces  justificaiives,  n"  XI,  A. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  9 

Pour  ce  qui  est  des  biens  des  religionnaires  fugitifs 
du  Vivarais  et  du  Velay,  l'estimation  ,  qui  en  fut  égale- 
ment faite  pour  la  même  période ,  porta  leur  valeur  à 
450,364  livres  (i). 

Une  déclaration  de  Louis  XIV  du  20  août  1687,  pro- 
mulguée avant  la  révocation  ,  avait  ordonné  que  la  moi- 
tié des  biens  des  fugitifs  serait  donnée  aux  dénoncia- 
teurs. Un  édit  de  janvier  1688  décida  que  ces  biens 
seraient  purement  et  simplement  réunis  au  domaine  et 
auraient  la  même  destination  que  les  biens  des  consis- 
toires. Un  autre  édit  de  décembre  1689,  renouvelé  le 
21  mars  1718  ,  porta  qu'à  l'avenir  les  plus  proches  pa- 
rents et  légitimes  héritiers  des  religionnaires  fugitifs  en- 
treraient en  possession  des  biens  que  ceux-ci  laisseraient 
dans  le  royaume.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter 
que  c'était  à  la  condition  que  ces  proches  parents  et 
héritiers  se  comporteraient  en  catholiques. 

Autrement  ces  biens,  quoique  considérables,  —  nous 
parlons  de  ceux  qui  furent  réunis  au  domaine ,  —  ne 
rapportèrent  pas  à  l' Etat  de  grandes  sommes  à  cause  des 
frais  nombreux  qu'occasionna  leur  recouvrement.  Bâville 
disait ,  dans  ses  Mémoires  secrets  (2)  de  1 7 1 8  :  «  Les 
biens  des  fugitifs  ont  été  mis  depuis  la  conversion  gé- 
nérale en  1685  en  régie.  Le  sieur  Boucher,  commis  par 
le  Conseil ,  avait  envoyé  ici  des  commis  et  on  a  atï'ermé 
ces  biens  qui  étaient  répandus  dans  toute  la  province. 
Les  comptes  ont  été  rendus  chaque  année  et  envoyés 
au  conseil  jusqu'en  l'année  1716,  cette  année  y  com- 
prise. Depuis  six  mois  le  conseil  de  conscience  a  fait 
une  ferme  générale  de  tous  ces  biens  au  sieur   Bou- 


(i)  Voy.  le  détail,  Pièces  justificatives,  n"  XI,  B.  —  Un  autre  état  ,  qui 
se  trouve  aux  Archives  nationales  (TT,  244),  et  qui  doit  être  moins  complet 
ou  plus  ancien,  donne  seulement  le  chiffre  de  549,307  1.  16  s.  6  d. 

(2)  Les  chroniques  du  Languedoc ,  année  1877,  in-4". 


lO  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

cher,  qui  a  envoyé  deux  directeurs,  l'un  à  Toulouse, 
qui  est  le  sieur  Flottes,  et  l'autre  à  Montpellier,  nommé 
Valmalette.  Ces  biens  sont  extrêmement' diminués.  Ils 
ont  donné  par  le  passé  beaucoup  d'occupation ,  parce 
qu'il  a  fallu  juger  toutes  les  distractions  et  hypothèques; 
ce  qui  a  donné  lieu  à  quantité  de  jugements  ;  mais,  tou- 
tes les  questions  étant  terminées ,  cette  affaire  donne 
maintenant  peu  d'occupation.  » 

LE    SEUL     PASTEUR    AUTORISÉ     A     RESTER     EN     FRANCE 

(1686). 

Un  des  articles  de  l'édit,  qui  révoquait  celui  de  Nan- 
tes, ordonnait  à  tous  les  ministres  du  royaume  de  sortir 
de  France  dans  le  délai  de  quinze  jours.  Un  seul  reçut 
l'autorisation  de  finir  ses  jours  sur  le  sol  natal,  et  ce  fait, 
unique  dans  l'histoire  de  la  révocation  ,  mériterait  déjà 
d'être  signalé ,  si  le  pasteur,  qui  n'eut  pas  à  souffrir  des 
douleurs  de  l'exil ,  n'était  digne  d'ailleurs  de  toute  no- 
tre sympathie  et  de  tout  notre  respect.  Il  s'agit  de 
Pierre  Reboulet,  successivement  pasteur  à  Saint-Vin- 
cent-de-Barrès,  Tournon-lès- Privas  et  Ajoux.  Dés  que 
l'édit  de  révocation  lui  eut  été  notifié,  il  s'apprêta  à  sor- 
tir du  royaume ,  quoiqu'il  fût  «  aveugle  depuis  quatre 
ans ,  accablé  d'infirmités  et  de  vieillesse  ,  ayant  atteint 
l'âge  de  quatre-vingt-six  ans ,  »  et  il  se  mit  en  route 
pour  Montpellier  à  l'effet  de  demander  à  l'intendant 
Bâville  un  passeport;  mais,  arrivé  à  Chomérac,  il  tomba 
gravement  malade  et,  de  l'aveu  de  plusieurs  officiers,  de 
son  chirurgien  et  de  trois  curés,  il  ne  put  continuer  son 
voyage.  On  allait  néanmoins  le  faire  prisonnier  et  lui 
imposer  un  logement  militaire  dans  sa  maison,  quand 
son  fils  aîné ,  le  pasteur  Alexandre  Reboulet ,  de  Cho- 
mérac ,  écrivit  à  l'intendant  du  Languedoc  pour  le  prier 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I  I 

d'autoriser  son  père  à  sortir  de  France  avec  sa  fille 
Marie  ,  qui  était  âgée  de  cinquante  ans,  le  servait  avec 
une  affection  et  des  soins  tout  particuliers  et  connaissait 
ses  infirmités  mieux  que  personne  ;  et  comme,  en  atten- 
dant qu'il  fût  possible  au  vieillard  et  à  sa  fille  de  partir, 
ils  pouvaient  être  exposés  à  des  vexations ,  Alexandre 
Reboulet  demandait  encore  à  l'intendant  «  de  faire  dé- 
fenses à  toutes  personnes  de  leur  donner  aucun  trouble 
en  leurs  personnes  et  biens.  *> 

L'intendant  accorda  au  vénérable  vieillard  plus  que 
son  fils  ne  demandait,  car  «  s'étant  laissé  attendrir  à  sa 
vieillesse,  »  dit  une  lettre  du  Vivarais  du  23  février  1686, 
«  il  lui  promit  de  le  laisser  mourir  en  repos,  et  les  dra- 
gons exécutèrent  si  bien  ses  ordres  que  ,  bien  que  sa 
maison  en  fût  toute  remplie ,  ils  ne  lui  firent  que  de  lé- 
gères insultes.  »  Ce  pasteur,  dont  la  mémoire  doit  être  en 
bénédiction,  était  né  le  12  août  i6oo.-  Il  commença  ses 
études  à  Genève,  d'où  son  père,  également  ministre, 
était  bourgeois ,  et  il  les  acheva  à  Die.  Il  fut  reçu  au 
saint  ministère  en  1625,  de  sorte  que  lorsqu'il  mourut 
il  était  peut-être  le  doyen  de  tous  les  ministres  de 
France.  «  Il  avait,  »  dit  la  lettre  ci-dessus,  «  une 
grande  connaissance  des  langues  et  savait  fort  bien  son 
système  de  théologie.  Il  avait  beaucoup  lu,  mais,  étant 
devenu  aveugle  depuis  quatre  ou  cinq  ans,  il  ne  se  fai- 
sait plus  lire  que  la  Bible,  laquelle,  je  puis  dire,  il  sa- 
vait par  cœur.  Sa  piété,  son  zèle,  sa  candeur  et  sa  cha- 
rité étaient  reconnus  de  tout  le  monde.  Il  vaquait  à  la 
prière  d'une  manière  tout  à  fait  extraordinaire,  et  il  y  a 
peu  de  ministres  à  qui  l'on  puisse  donner  plus  légitime- 
ment qu'à  lui  l'éloge  de  véritable  pasteur;  car,  outre 
que  nous  avons  été  témoins  des  exhortations  qu'il  a  fai- 
tes jusqu'aux  derniers  soupirs  de  sa  vie  à  ceux  de  ses 
parents  et  de  ses  amis,  qui,   après  leur  chute,  allaient 


12  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

chercher  quelque  consolation  auprès  de  lui  ;  outre  que 
nous  lui  pouvions  porter  ce  -témoignage  qu'il  a  soutenu 
plusieurs  de  nos  frères ,  qui  étaient  sur  le  bord  du  pré- 
cipice ,  tout  le  monde  a  vu  les  attaques  qui  lui  ont  été 
faites  par  les  jésuites ,  qui  avaient  ordre  de  le  visiter,  et 
la  manière  vigoureuse  dont  il  les  a  toujours  repoussés. 
»  Le  commandant  des  troupes  qui  ont  ravagé  notre 
malheureuse  province  et  qui  la  ravagent  encore ,  avait 
fait  dessein  fort  souvent  de  le  violenter  ;  mais  soit  que 
Dieu  l'ait  toujours  retenu  ou  que  sa  barbarie  se  soit 
laissée  vaincre  aux  larmes  et  à  la  faiblesse  d'un  homme 
qui  avait  plus  de  quatre-vingts  ans,  il  n'a  jamais  livré  sa 
personne  à  ces  étranges  missionnaires  qu'on  emploie  à 
notre  conversion.  Je  ne  sais...  si  ce  commandant  ne  se 
repentit  pas  d'avoir  été  trop  doux ,  lui  qui  a  accoutumé 
ses  mains  à  tant  de  violences ,  ou  si  ce  ne  fut  pas  un 
coup  de  son  confesseur;  mais  il  est  constant  qu'il  avait 
résolu  de  le  faire  enlever  le  20  du  mois  de  février 
[1686]  ,  et  de  le  faire  porter  en  triomphe  dans  l'Eglise 
lorsqu'on  célébrerait  la  messe.  Comme  ces  messieurs 
sont  les  maîtres  et  que  personne  n'ose  s'opposer  à  leurs 
volontés,  ils  ne  firent  pas  mystère  de  leur  dessein...  Ce 
vénérable  ministre  en  fut  averti ,  car  ses  amis  crurent 
qu'il  devait  être  préparé  à  ce  rude  et  terrible  assaut; 
mais,  quoique  son  âme  fût  accablée  de  douleur  à  l'ouïe 
de  cette  nouvelle,  son  zèle  redoubla  dans  cette  rencon- 
tre. Il  dit  que  Dieu  lui  ferait  la  grâce  de  voir  échouer 
le  dessein  de  ses  ennemis  ;  que  celui  qui  habite  aux 
cieux  se  moquerait  de  leurs  complots  et  soufflerait  sur 
leurs  entreprises.  Il  le  demanda  à  Dieu  avec  beaucoup 
d'ardeur,  et  il  y  eut  assurément  quelque  chose  d'extra- 
ordinaire dans  la  confiance  qu'il  fit  paraître  que  Dieu 
le  retirerait  de  ce  monde  avant  ce  cruel  et  funeste  jour, 
car  il  dit  plusieurs  fois  à  haute  voix    que  Dieu  aurait 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I3 

pitié  de  sa  faiblesse,  qu'il  aveuglerait  ses  ennemis,  qu'il 
le  retirerait  bientôt  de  la  servitude  ,  qu'il  sentait  arriver 
cet  heureux  moment.  En  effet ,  Dieu  exauça  les  prières 
de  son  serviteur,  dont  le  désir  tendait  à  déloger,  car  il 
mourut  le  18  du  même  mois,  deux  jours  avant  qu'il  dût 
être  enlevé.  Ses  dernières  paroles,  qui  furent  entrecou- 
pées de  plusieurs  soupirs  et  tirées  toutes  de  l'Ecriture 
sainte,  furent  si  touchantes  qu'elles  arrachèrent  des  lar- 
mes à  tous  ceux  qui  étaient  autour  de  son  lit  ;  et ,  par 
un  effet  de  cette  même  providence,  qui  l'avait  conservé 
lui  seul  au  milieu  de  la  fournaise  de  Babylone,  il  fut  en- 
terré de  nuit  sans  aucun  empêchement  dans  le  même 
endroit  oij  mademoiselle  sa  femme  avait  été  enter- 
rée (i).  » 

Veut-on  savoir  à  quel  point  l'ignorance  et  la  passion 
religieuses  peuvent  faire  disparaître  le  sentiment  de  la 
grandeur  morale  ?  Une  pièce  catholique ,  qui  décrit  en 
quelques  mots  le  caractère  de  plusieurs  pasteurs  du  Vi- 
varais  d'avant  la  Révocation  (2) ,  appelle  Reboulet  un 
«  vieux  radoteur!  » 

EXEMPLES    DE  CONSTANCE    (1685...) 

Bien  que  l'abjuration  des  protestants  de  France  eut 
été  générale,  un  certain  nombre  d'entre  eux,  pourtant, 
surent  résister  aux  tourments  et  à  la  peur.  Le  Vivarais 
en  offrit  de  touchants  exemples  ,  que  l'histoire  doit  en- 
registrer avec  un  soin  pieux,  car  si  ces  courageux  con- 
fesseurs demeurèrent  fidèles  à  leur  religion  ,  ce  fut  au 
prix  des  plus  grandes  souffrances. 

Jean-Paul    Segnover,   de  Desaignes ,    et  sa  femme 


(I)  Bulletin,  etc.,  t.  XXVIII,  p.  465  à  467;   —   Papiers  Rabaut     t    I 
P-  85.  ■     ' 

{2)  Les  Clironiques  du  Languedoc,  année  1874. 


14  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

errèrent  pendant  quelque  temps  en  divers  lieux  et  fini- 
rent par  être  arrêtés  à  Mounens  dans  la  maison  de 
M.  Saint- Lagier ,  qui  fut  emprisonné  avec  eux,  mais 
relâché  peu  après.  Segnover  fut  ensuite  conduit  à  la 
tour  de  Constance  ,  où  il  mourut  après  quelques  an- 
nées de  détention,  et  sa  femme  au  château  de  Sommiè- 
res ,  qui  lui  servit  de  prison  pendant  vingt  ans  ,  après 
lesquels  elle  put  retourner  chez  elle,  mais  sans  avoir  re- 
nié sa  foi. 

Vialette,  de  la  Bâtie  d'Andaure,  après  avoir  été  tor- 
turé par  les  dragons,  erra  aussi  pendant  plusieurs  an- 
nées avec  sa  femme  et  ses  enfants.  Ces  misérables 
rattachaient  à  la  queue  de  leurs  chevaux  et  le  faisaient 
courir  jusqu'à  ce  qu'il  fût  prêt  à  rendre  l'âme;  d'autres 
fois  ils  l'obligèrent  à  marcher  sur  les  peignes  en  fer, 
dont  on  se  sert  pour  préparer  le  chanvre.  C'est  alors  que, 
sans  pouvoir  rien  emporter  de  chez  lui ,  il  prit  le  parti 
de  la  fuite.  Au  bout  de  quelques  années  ,  pendant  les- 
quelles il  gagna  sa  vie  comme  il  put  au  milieu  des  plus 
grandes  privations  ,  il  se  crut  en  sûreté  et  reprit  pos- 
session de  son  bien,  dont  jouissait  un  catholique,  le 
greffier  Rochet.  Il  y  vécut  paisiblement  sans  être  in- 
quiété ,  fréquentant  les  assemblées  religieuses  secrètes 
et  offrant  assez  souvent  dans  sa  maison  une  retraite  aux 
prédicateurs;  mais  il  fut  arrêté  une  seconde  fois  et  con- 
duit à  la  tour  de  Constance,  où  il  mourut  après  quelques 
années  de  détention,  sans  avoir  fait  toutefois  la  moin- 
dre concession  à  ses  persécuteurs.  C'était  un  homme 
fervent,  qui  lisait  ou  faisait  lire  par  quelqu'un  des  siens 
dans  sa  maison,  le  matin,  à  midi  et  le  soir,  plusieurs 
chapitres  de  la  Bible  :  règle  qu'il  observait  religieuse- 
ment ,  même  dans  les  mois  de  l'année  où  les  travaux  de 
la  campagne  pressent  le  plus.  En  1709,  sa  maison  fut 
dévastée  parce  que  des  camisards  y  avaient  logé.  Les 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I  i 

grenadiers  qui  la  ruinèrent  mirent  à  mort  sa  sœur.  Mal- 
gré cela ,  la  famille  Vialette  prospéra  beaucoup  et ,  en 
1735,  elle  avait  de  grands  biens  et  pour  chef  Pierre 
Vialette,  le  fils  aîné  du  courageux  confesseur. 

Charrier,  du  lieu  de  Crotte,  paroisse  de  Saint-Agrève, 
ne  voulut  non  plus  consentir  à  abjurer  sa  religion  et  prit 
la  fuite  avec  toute  sa  famille  à  l'exception  d'une  de  ses 
petites  filles  fort  jeune ,  qui  demeura  dans  la  maison. 
Des  gens  de  guerre  ayant  peu  après  envahi  celle-ci  ,  la 
pillèrent  de  fond  en  comble  et  la  démolirent.  Charrier 
avait  eu  le  soin  de  faire  transporter  en  cachette  ses  meu- 
bles les  plus  précieux  chez  son  plus  proche  voisin  ,  le 
catholique  Barjon,  qui,  lorsqu'on  publia  à  Saint-Agrève 
que  ceux  qui  détenaient  des  meubles  appartenant  à  des 
religionnaires  fugitifs  devaient  en  prévenir  l'autorité,  in- 
forma M.  de  Clavières,  colonel  d'infanterie,  qu'il  en  avait 
plusieurs  dans  sa  maison  que  lui  avait  confiés  Charrier; 
et  il  les  livra,  mais  en  en  retenant  quelques-uns  par 
devers  lui.  Plus  tard,  il  fut  assez  malhonnête  homme 
pour  ne  pas  les  restituer  à  leur  propriétaire  trop  con- 
fiant. Quand  la  fureur  de  la  persécution  se  fut  un  peu 
calmée,  Charrier  fit  rebâtir  sa  maison  et  y  demeura  sans 
être  inquiété,  grâce  à  un  subterfuge  auquel  il  eut  la  fai- 
blesse de  consentir  à  la  sollicitation  des  messieurs  de 
Samt-Agrève,  qui  l'estimaient  et  l'aimaient  beaucoup. 
Un  homme ,  qui  prit  son  nom  et  se  fit  passer  pour  lui , 
se  rendit  à  Montpellier  et  abjura  le  protestantisme  à  sa 
place. 

On  peut  ajouter  aux  noms  de  Segnover,  Vialette  et 
Charrier  ceux  des  frères  Valette,  de  Saint-Vincent  de 
Durfort,  qui  n'abjurèrent  non  plus  leur  foi  et  dont  il 
sera  bientôt  parlé  (i). 

(i)  Mémoivp  d'Ebruy  (Mss.  Court,  n»  17,  t.  B). 


l6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

SOUFFRANCES      MORALES      DES      NOUVEAUX      CONVERTIS 

(1686). 

La  coupable  facilité  avec  laquelle  les  protestants  du 
Vivarais ,  comme  ceux  des  autres  provinces  de  France , 
embrassèrent  le  catholicisme,  n'était  pas  chez  tous,  tant 
s'en  faut,  une  preuve  d'indifférence.  Ils  furent  comme 
brisés  et  frappés  de  stupeur  par  les  violences  inouïes 
qu'on  exerça  contre  eux,  et  ils  cédèrent.  Mais  ils  com- 
prirent bientôt  l'étendue  de  leur  faute  et  leur  conscience 
reprit  tous  ses  droits.  «  Nous  flottons  entre  la  crainte 
et  l'espérance ,  »  écrivait  un  nouveau  converti  du  Viva- 
rais le  23  février  1686.  «  Nous  voyons  à  la  vérité  d'un 
côté  la  miséricorde  de  Dieu  qui  est  infinie,  mais  nous 
voyons  sa  justice  et  notre  crime,  et  nous  craignons  avec 
beaucoup  de  raison  que  ce  ne  soit  contre  nous  que  ce 
juste  juge  ait  prononcé  ces  paroles  :  «  J'ai  juré  en  ma 
colère,  jamais  ils  n'entreront  dans  mon  repos.  »  Plai- 
gnez notre  condition,  monsieur;  priez  Dieu  pour  des 
malheureux  qui  n'ont  nulle  consolation  et  qui  sont  dé- 
chirés par  des  remords  mille  fois  plus  cruels  que  la 
mort  même.  Notre  persécution  a  été  terrible  ,  et  sans 
exemple,  et  vous  ne  devez  pas  être  surpris  si  nous  avons 
presque  tous  succombés...  Une  tentation  si  imprévue 
nous  rendait  incapables  de  réflexion  ,  car  l'ennemi  qui 
nous  attaquait  ne  nous  donnait  aucun  relâche...  Nous 
ne  savions  oij  nous  en  étions.  Notre  bouche  trahissait  no- 
tre cœur  et  nos  mains  chargées  de  fers  nous  mettaient 
dans  la  cruelle  impuissance  de  refuser  des  signatures  , 
qui  ne  nous  paraissaient  d'abord  rien  parce  que  nous 
ne  prévoyions  pas  les  conséquences.  La  tentation  a  fini 
pour  quelques  moments  après  que  nous  avons  eu  suc- 
combé, et  c'est  alors  ,  monsieur,  que  nos  yeux  onl  été 


DU    VIVARAIS   ET    DU    VELÂY.  I7 

ouverts...  Nous  gémissons  de  notre  crime,  nous  versons 
des  torrents  de  larmes ,  nous  avons  honte  de  notre  ré- 
volte, et  si  Dieu  ne  nous  envoie  un  libérateur  ou  qu'il 
ne  nous  ouvre  bientôt  un  passage  pour  aller  sacrifier  en 
Canaan,  où  est  adoré  le  Dieu  de  nos  pères,  notre  con- 
dition ne  saurait  être  plus  déplorable;  car  enfin  nous 
sommes  obligés  tous  les  dimanches  et  tous  les  jours  de 
fête  de  fléchir  le  genoux  devant  Baal.  Nous  avons  beau 
mettre  nos  mains  devant  nos  yeux  lorsque  le  prêtre 
élève  l'hostie...  ,  notre  action  est  toujours  idolâtre,  de 
quelque  côté  qu'on  la  regarde...  Nous  savons  toutes  ces 
choses,  monsieur,  et  il  semble  que  Dieu  n'ait  voulu 
laisser  à  quelques-uns  de  nous  l'Ecriture  sainte  que 
pour  nous  rendre  plus  inexcusables.  Mais  qu'y  ferions- 
nous  ?  On  nous  traîne  comme  des  victimes.  On  nous 
vient  arracher  de  nos  retraites  et  nous  déterrer  dans  nos 
cavernes  et  dans  nos  déserts.  On  court  après  nous 
comme  après  des  bêtes  féroces  et,  si  nous  sommes  as- 
sez malheureux  pour  tomber  entre  les  mains  de  ceux  qui 
nous  poursuivent ,  on  nous  mène  en  triomphe  devant 
l'idole.  » 

L'auteur  de  la  lettre  montre  ensuite  l'inconséquence 
des  persécuteurs  ,  qui  étaient  convaincus  que  les  pro- 
testants n'avaient  embrassé  le  catholicisme  que  pour  la 
forme  et  qui  néanmoins  les  contraignaient  à  en  suivre 
les  pratiques.  «  Que  sommes-nous,  dit-il,  à  l'égard 
des  catholiques  romains  ?  Nous  sommes  des  impies,  des 
hypocrites,  des  hérétiques  abominables,  des  victimes 
de  la  mort  et  de  l'enfer.  Ils  sont  convaincus  que  nous 
ne  sommes  de  leur  religion  que  par  force ,  que  nous 
avons  de  l'abomination  pour  leur  culte.  Leurs  prédica- 
teurs le  disent  hautement  dans  leurs  chaires,  et  cepen- 
dant ils  n'ont  point  horreur  de  crucifier  derechef,  autant 
qu'il  est  en  eux,  le  Seigneur  de  gloire  et  de  l'exposer  à  l'op- 
n.  2 


l8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

probre,  en  nous  contraignant  d'assister  à  une  cérémonie 
oij  ils  prétendent  offrir  en  sacrifice  le  véritable  corps  de 
notre   glorieux  sauveur  !  Ou  il   faut  qu'ils    croient  que 
leur  sacrifice  n'est  qu'une  comédie  ou  qu'ils  soient  les 
plus  insensés  et  les  plus  furieux  de  tous  les  hommes.  » 
Enfin  l'auteur  de  la  lettre  fait  toucher  du  bout  du  doigt 
la  contradiction  flagrante  qu'il  y  avait  entre  la  manière 
dont  les  convertisseurs  qualifiaient  aux  yeux  du  public 
les  moyens  qu'ils  employaient  pour  amener  les  protes- 
tants à  une  abjuration  et  ces  moyens  eux-mêmes.  «  On 
a  entrepris  tout  impunément,  dit-il;  on  nous  a  traités 
partout  comme  des  esclaves ,  on  n'a  pas  même  ménagé 
les  personnes  du  plus   haut  rang,  et  cependant  on  a 
l'impudence  de  dire  que  les  moyens  dont  on  s'est  servi 
ont  été  des  voies  de  grâce ,  qu'on  n'a  employé  que  la 
charité.  Voilà  de  quelle  manière  on  parle  d'une  persécu- 
tion inouïe,  dont  toute  l'Europe  a  été  témoin  et  dont 
le  pape  a  frémi  lui-même.  On  a  assez  de  mauvaise  foi 
pour  nier  tout,  et  les  ecclésiastiques  à  la  tête  des  trou- 
pes sont  assez  malhonnêtes  gens  à  leur  tour  pour  exi- 
ger, de  ceux  qu'ils  appellent  nouveaux  convertis,  qu'ils 
fassent  des  aveux  par  écrit  qu'on  ne  les  a  jamais  forcés 
et  qu'ils  se  sont  convertis  par  connaissance  de  cause. 
On  ne  se  contente  pas  d'avoirfait  de  nous  des  hypocrites 
et  des  impies,  on  nous  rend  encore  parjures  (i).  »> 

Telle  était  la  situation  affreuse  faite  aux  protestants 
de  France  par  leurs  convertisseurs ,  qui  assurément  ne 
pouvaient  se  glorifier  intérieurement  des  victoires  aussi 
peu  honorables  qu'incertaines  qu'ils  remportaient.  Mais 
les  apparences  étaient  sauvées  et  cela  suffisait  à  leurs 
desseins. 

(i)  Bulletin,  etc.,  t.  XXVIII,  p.  467-469. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY. 


19 


LES     PREMIERS     PRÉDICATEURS    DU     DÉSERT     (1685...). 

Le  banissement  de  France  de  tous  les  ministres  ré- 
formés, et  les  dragonnades  qui  le  précédèrent  et  le  sui- 
virent, ne  firent  point  cesser  les  assemblées  religieuses 
protestantes  comme  on  l'espérait  en  haut  lieu  ;  seule- 
ment ,  à  dater  de  la  révocation ,  elles  furent  présidées 
par  des  hommes  généralement  peu  instruits,  qui  n'avaient 
d'autre  mandat  que  leur  courage  et  leur  piété.  Les  catho- 
liques leur  donnèrent  le  nom  de  prédicants  et  leurs 
coreligionnaires  plutôt  celui  de  prédicateurs.  Voici  les 
noms  de  ceux  qui  évangélisèrent  le  Vivarais  et  le  Velay 
à  cette  époque. 

Un  aveugle  de  vingt  à  vingt-trois  ans,  du  lieu  de 
Bousquénaud,  paroisse  de  Saint-Apollinaire-de-Rias. 
Il  se  bornait  à  faire  quelques  exhortations  bibliques  ,  et 
quitta  ensuite  le  royaume. 

Gaillard,  dit  Berthouly,  de  Chalencon  ,  ancien  ca- 
tholique. Dans  ses  discours  il  attaquait  surtout  l'Eglise 
romaine.  Il  ne  persévéra  point. 

Josué  (ou  Joseph)  Corbière,  de  Saint-Jean-Chambre, 
potier  de  terre.  On  l'accusa  d'entretenir  des  relations 
illicites  avec  Marie  Riou ,  dite  Niaque ,  prédicante. 
Fait -prisonnier  à  l'âge  de  trente-quatre  ans  ,  il  fut  con- 
damné aux  galères  en  1690  et  libéré  en  171 3.  Il  se  ré- 
fugia à  Zurich  ,  oij  il  vivait  encore  en  1734.  Sa  conduite 
aux  galères  et  depuis  sa  hbération  fut  exempte  de  tout 
reproche. 

Daniel  Chanac  ,  «  brave  garçon  et  de  bonne  édifica- 
tion. »  Il  résidait  vers  Grozon.  Ayant  été  arrêté  ,  on 
l'enrôla  de  vive  force  dans  un  régiment. 

Jean  Charreyre  ,  dit  le  petit  Marc.  La  détermination 
qu'il  avait  prise  de  présider  des  assemblées  religieuses 


20  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


lui  attira  la  haine  de  sa  famille  ,  au  sein  de  laquelle  il 
n'osa  plus  revenir,  car  il  craignait  que  son  père  où  son 
frère  ne  le  fissent  arrêter.  Ce  dernier ,  en  effet ,  l'ayant 
rencontré  en  un  certain  lieu ,  allait  le  dénoncer ,  quand 
il  prévint  son  arrestation  par  la  fuite.  Il  commença  de 
prêcher  en  1690  ou  1691.  Il  était  borgne  et  ne  savait 
pas  lire.  Néanmoins  tous  ceux  qui  le  connaissaient  s'ac- 
cordaient à  dire  qu'il  faisait  des  discours  très  édifiants 
et  que  sa  conduite  était  exemplaire.  Arrêté  à  Vauvert 
en  Languedoc,  vers  1702,  il  fut  exécuté  à  Montpellier 
en  compagnie  d'un  nommé  Faille  et  souffrit  la  mort  avec 
une  grande  constance.  —  Il  avait  présidé  à  Vais  en  1 700, 
avec  la  prédicante  Marie,  une  assemblée,  à  la  suite  de 
laquelle  six  hommes  furent  condamnés  aux  galères  à 
vie,  et  quatre  femmes  à  la  prison  perpétuelle  (i). 

Jean  Antoine  Boissi ,  de  Châteauneuf-de-Vernoux. 
Il  se  réfugia  à  Genève  après  le  supplice  du  célèbre 
Claude  Brousson  (4  novembre  1698)  ,  et  y  mourut 
avant  1734- 

Isaac  Berlier,  de  la  Bâtie-de-Crussol.  II  «  ne  savait 
ni  lire  ni  écrire  et  faisait  des  exhortations  de  mémoire 
fort  édifiantes  d'ailleurs.  «  Sa  conduite  était  exemplaire 
et  on  l'aimait  beaucoup  dans  son  arrondissement.  Il  fut 
pris  vers  1696,  en  passant  à  Saint-Fortunat,  et  conduit  au 
château  de  Bauregard  ;  mais  Saint-Ange  Robert  Dumo- 
lard,  Seigneur  de  Châteauneuf,  subdélégué  de  l'inten- 
dant de  Languedoc  depuis  de  longues  années ,  qui  le 
connaissait  et  avait  de  l'affection  pour  lui,  se  borna, 
après  l'avoir  interrogé  plusieurs  fois ,  à  lui  faire  faire 
quelques  mois  de  prison,  après  lesquels  il  le  renvoya 
sans  exiger  de  lui  aucune  abjuration.  Berlier  toutefois 


(i)  Voy.  Pièces  justificatives ,  n"  XIII  ,  et  Bulletin  de  la  Société,  etc., 
t.  XXXVI,  p.  604  à  610. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


fut  si  fort  impressionné  par  cet  emprisonnement  et  le 
danger  qu'il  avait  couru  qu'il  quitta  le  France.  Après 
un  court  séjour  à  Genève  et  à  Lausanne,  il  alla  s'éta- 
blir à  Spandau  en  Brandebourg,  où  il  se  maria.  Il  mou- 
rut à  Berlin  avant  1734,  laissant  une  réputation  sans 
tache. 

Jacques  Jaquet  et  Siméon  Jaquet  frères,  de  Saint- 
Jean-Chambre.  Le  premier  mourut  à  Zurich  et  l'autre  à 
Genève. 

Aaron  Vignal",  de  Saint-Michel-d'Aglandes  ,  «  fort 
sage  garçon.  »  Mort  à  Genève. 

Matthieu  Dunis  (ou  Daunis),  dit  La  Roche,  de  La 
Celle  en  Velay.  Il  fut  pris  et  condamné  aux  galères 
en  1698.  Il  en  sortit  en  171 3  et  se  retira  à  Neuchâtel. 

Jean  Paul  Ebruy ,  dit  Jean  Paul,  de  Desaignes.  Il 
évangélisa  principalement  les  Boutières  et  raconte  dans 
ses  Mémoires  qu'il  erra  de  lieu  en  lieu  pendant  vingt  ou 
vingt  et  un  an.  En  170Q,  époque  oij  les  camisards  Bil- 
lard ,  Dupont  et  Mazel  pénétrèrent  dans  le  Dauphiné , 
il  se  retira  à  Genève  et  s'y  maria.  En  1729  il  était  «  ré- 
gent d'école  dans  les  terres  de  Genève.  » 

Antoine  Arsac,  de  Beauvert,  paroisse  de  Saint-Jean- 
Roure.  Il  apprenait  des  sermons  par  cœur  et  les  réci- 
tait. Il  fut  arrêté  par  Dumolard  en  personne  près  de 
Vernoux,  en  1700  ou  1701,  avec  Alzas,  de  Salavas,  qui 
n'avait  jamais  apostasie  et  qui  l'accompagnait.  Comme 
Arsac  était  chauve  et  que  son  signalement  était  connu , 
il  garda  son  chapeau  sur  sa  tête  pour  détourner  les 
soupçons,  mais  son  embarras  le  trahit.  Après  une  dé- 
tention de  onze  mois  à  Montpellier,  il  fut  enrôlé  dans 
un  régiment  à  la  place  d'un  milicien,  dont  Bâville  tira 
cent  francs.  C"' était  la  coutume  de  ce  dernier  de  procu- 
rer pour  cette  somme  aux  jeunes  gens  catholiques,  qui 
tiraient  de  mauvais  numéros,  des  remplaçants  qu'il  choi- 


22  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

sissait  parmi  les  prisonniers.  Arsac,  ayant  réussi  à  s'éva- 
der du  royaun)e  dans  la  suite,  se  réfugia  en  Suisse  (il  était 
à  Neuchâtel  le  24  mars  1710),  et  mourut  à  Lausanne 
le  30  mars  1733.  Ebruy,  qui  le  connut,  dit  que  c'était 
un  Israélite  sans  fraude. 

Daniel  Arsac,  du  même  lieu,  frère  du  précédent  et 
cadissier  de  profession.  Il  fut  pris  en  1696  ,  à  l'âge  de 
vingt-six  ans,  dans  une  assemblée,  près  de  Privas,  et 
conduit  au  château  de  Beauregard ,  où  on  l'appliqua 
à  la  question  pour  qu'il  dénonçât  les  personnes  qui 
l'avaient  logé  ou  qu'il  connaissait.  On  lui  mettait  de  la 
poudre  à  canon  dans  la  main,  que  l'on  attachait  avec 
du  fil  d'archal.  La  poudre,  qu'on  enflammait  au  moyen 
d'une  mèche,  lui  causait  des  souffrances  si  atroces  que 
les  officiers  de  la  garnison  en  firent  des  reproches  à  Du- 
niolard  ,  qui  avait  ordonné  ce  supplice  et  le  fit  cesser. 
Arsac  fut  ensuite  conduit  à  Montpellier  et  condamné 
aux  galères  la  même  année.  Il  en  sortit  en  1713  sans 
avoir  abjuré.   Il  mourut  à  Lausanne  en  1730. 

Charles  Laurent,  de  Desaignes,  âgé  de  vingt-quatre 
ans.  Il  fut  arrêté  en  même  temps  que  Daniel  Arsac, 
subit  les  mêmes  tortures,  fut  condamné  à  la  même  peine 
et  montra  la  même  constance.  Il  mourut  peu  après  aux 
galères.  Son  père,  qui  fut  fermier  pendant  plus  de  trente 
ans  dans  la  même  grange  ,  ne  cessa  de  donner  avec 
toute  sa  famille  l'exemple  du  plus  vif  attachement  à  sa 
religion. 

Antoine  Valette,  de  Valette,  paroisse  de  Saint-Vin- 
cent-de-Durfort.  11  patronna  et  dirigea  plusieurs  assem- 
blées des  inspirés  du  Vivarais  en  1688  et  1689,  mais 
sans  donner  toutefois  lui-même  dans  leurs  aberrations. 

Louis  Valette,  son  frère,  inspiré.  Il  sortit  de  France, 
mais,  étant  rentré  en  1689  pour  emmener  sa  femme  à 
l'étranger,   il  fut  pris   à   Lavoulte    et  condamné  à  être 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


pendu.  Son  corps  fut  brûlé  et  ses  cendres  jetées  au 
vent.  Son  grand  grief,  aux  yeux  de  ses  juges ,  était 
d'avoir  baptisé  un  enfant  qui  avait  déjà  reçu  le  baptême 
à  l'Eglise.  Sa  mort  fut  héroïque  et  profondément  édi- 
fiante pour  tous  ceux  qui  en  furent  témoins.  Il  avait  un 
certain  talent  de  parole  et  se  faisait  écouter  avec  plaisir. 
Ces  Valettes  avaient  deux  autres  frères ,  non  prédi- 
cateurs :  Charles,  sur  lequel  on  ne  possède  pas  de  ren- 
seignements ,  et  Jean,  qui  fut  mis  dans  de  l'huile  bouil- 
lante par  les  dragons,  parce  qu'il  n'avait  voulu  renier 
sa  foi.  Chose  étrange!  le  noble  confesseur  n'en  mourut 
point,  et  fut  envoyé  aux  galères  (1696). 

Jean  Valayer,  des  environs  de  B  offre  s ,  mort  à  Lau- 
sanne en  173  5- 

Aaron ,  des  environs  de  Vernoux  ,   «  fort  brave  gar- 
çon ,  »  mort  à  Genève. 

Chaumette,  dans  la  Montagne  ou  haut  Vivarais. 
Jacques  Sallier  et  Antoine  Sallier,  de  Boffres,  frères 
sans  doute.  Le  second,  cardeur  de  laine,  se  réfugia  à 
Lausanne  et  servit  de  guide  aux  camisards  Billard,  Du- 
pont et  Mazel ,  qui  soulevèrent  le  Vivarais  en  1709.  Il 
était  à  Neuchâtel  le  24  mars  1710. 

Jacques  Gapa,  probablement  Jacques  Gaspard  qui  suit. 
Meyer ,  tailleur. 

Giraudon  (ou  Jeraudon),  de  Sainte-Marguerite,  «fort 
brave  garçon.  » 

Jacques  Gaspard,  de  la  Bâtie  de  Crussol,  pendu  à 
Vernoux  en  1701 . 

Jacques  Salomon  Duplantier,  de  Toulaud,  pendu  en 
1704  à  Saint- Pierreville. 

Isaac  Duplantier ,  son  frère ,  de  Toulaud ,  rompu  vif 
à  Vernoux  le  24  août  1704. 

Claude  Mayre ,  dit  Cocadon,  pendu  à  Vernoux  vers 
1704. 


24  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Presque  tous  ces  prédicateurs  avaient  donné  dès  le 
début  dans  l'inspiration  ,  dont  il  va  être  parlé,  mais  n'y 
persévérèrent  point  (i).  Nous  aurons  l'occasion  de  par- 
ler de  plusieurs  d'entre  eux  dans  le  courant  de  notre 
récit. 

INSPIRATION.        PRÉDICATIONS        DE         GABRIEL       ASTIER 
(1688,    1689). 

Quatre  ans  après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  , 
naquit  et  se  développa  dans  les  contrées  du  sud-est  de 
la  France,  habitées  par  les  réformés,  un  état  spirituel 
maladif  et  étrange  ,  connu  sous  le  nom  d'inspiration 
chez  les  protestants  et  de  fanatisme  chez  les  catholiques. 
Battus  violemment  par  la  persécution  ,  exténués  par  les 
jeûnes  ,  nourris  de  la  lecture  presque  exclusive  des  li- 
vres prophétiques  de  l'Ancien  Testament  et  des  écrits 
du  célèbre  pasteur  réfugié  Jurieu,  qui  se  croyait  pro- 
phète, privés  de  pasteurs,  d'écoles  et  de  livres  et  entiè- 
rement livrés  à  eux-mêmes ,  un  certain  nombre  d'entre 
eux  devinrent  sujets  à  des  hallucinations,  qu'ils  prirent 
pour  des  inspirations  du  ciel.  Ils  entendaient  des  voix, 
avaient  des  visions  ,  faisaient  des  prophéties  ,  tombaient 
en  extase  et,  en  cet  état,  chantaient  des  psaumes  et 
prononçaient  des  discours  pieux,  mais  incohérants,  pen- 
dant que  les  membres  de  leur  corps  s'agitaient  avec  plus 
ou  moins  de  force.  Ces  symptômes  morbides  se  mani- 
festèrent surtout  chez  les  enfants  et  les  jeunes  gens.  De 
là  le  nom  de  petits  prophètes  qui  leur  furent  donnés  (2). 


(i)  Mémoires  d'Ebruy  (mss.  Court,  n»  17,  t.  B);  —  Noms  des  prédica- 
teursdu  Vivarais  (mss.  Court,  n°  17,  t.  H  ,  B  et  G)  ;  —  Bulletin,  etc., 
t.  XXIX,  p.  465. 

(2)  Pour  plus  de  détails,  Voy.  E.  Arnaud,  Hist.  des  prolest,  du  Daupli., 
t.  III,  p.  65-70. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2^ 

Les  premiers  inspirés  un  peu  marquants  du  Vivarais 
paraissent  avoir  été  Henry,  ancien  domestique  du  mar- 
quis Nicolas  Joseph  de  la  Rivoire  de  La  Tourette  ,  et 
Perrin.  Le  premier  prêcha  dans  les  Boutières,  le  second 
dans  la  Montagne  ou  haut  Vivarais.  L'un  et  l'autre  réu- 
nissaient les  protestants  dans  les  bois  et  les  villages,  et 
leurs  discours  consistaient  en  appels  à  la  repentance  et 
à  la  miséricorde  de  Dieu,  en  paroles  amères  contre 
l'Eglise  romaine  et  ses  ministres  persécuteurs,  et  en  pro- 
phéties de  diverses  sortes. 

Ils  furent  bientôt  suivis  par  Gabriel  Astier,  jeune 
homme  de  vingt  ans  environ,  natif  de  Cliousclat  près 
Loriol  en  Dauphiné,  qui,  poursuivi  dans  cette  dernière 
province  ,  franchit  le  Rhône  au  commencement  de  fé- 
vrier 1689  pour  aller  prophétiser  en  Vivarais.  Il  se  ren- 
dit d'abord  à  Baix  chez  M"®  de  Baix,  veuve  d'Isaacde 
Chabrières,  ancien  conseiller  à  la  chambre  de  l'édit  du 
Dauphiné  ,  femme  bonne  et  très  pieuse  ,  mais  simple  , 
qui  avait  donné  dans  l'inspiration  à  Grenoble ,  quand 
Isabeau  Vincent,  de  Saou  ,  dite  improprement  la  ber- 
gère de  Crest ,  fut  emprisonnée  comme  inspirée  dans  la 
capitale  du  Dauphiné.  Voyant  que  Bouchu  ,  intendant 
de  cette  province,  sévissait  contre  les  petits  prophètes, 
elle  avait  quitté  secrètement  Grenoble  et  s'était  retirée 
à  Baix.  Y  ayant  été  inquiétée ,  elle  se  réfugia  dans  une 
maison  de  campagne  qu'elle  possédait  à  Loriol,  où  elle 
fut  arrêtée  par  l'ordre  de  Bouchu  ,  qui  la  fit  enfermer , 
ainsi  que  sa  fille,  dans  le  château  de  Tournon. 

Astier  tint  sa  première  assemblée  à  Baix.  «  Tout  le 
monde,  »  dit  Fléchier,  «  accourut  pour  ouïr  cet  homme, 
qu'on  disait  envoyé  du  Saint-Esprit...  Quand  l'auditoire 
fut  formé,  Astier  se  leva  pour  parler  et  tomba  tout  d'un 
coup  comme  évanoui.  Les  assistants  le  prirent  avec  res- 
pect et  le  portèrent  sur  un  lit  où  ,  étant  étendu,  il  s'agi- 


26  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

tait  de  temps  en  temps  comme  s'il  eût  souffert  des  dou- 
leurs et  des  convulsions.  Ensuite  il  demeurait  sans 
mouvement,  après  quoi  il  parlait  et  toute  l'assemblée  à 
genoux  révérait  sa  personne  et  recueillait  avidement  ses 
oracles.  Sa  harangue  était  toujours  la  même  en  subs- 
tance. «  Mes  frères,  approchez-vous  de  moi,  amendez- 
vous,  faites  pénitence.  Si  vous  ne  vous  repentez,  vous 
serez  tous  perdus.  Criez  à  Dieu  miséricorde.  Le  juge- 
ment de  Dieu  viendra  dans  trois  mois.  Les  méchants 
hurleront  comme  des  loups.  Ils  crieront  à  Dieu  :  «  Fai- 
tes-nous miséricorde,  »  mais  il  ne  les  entendra  pas  ,  et 
il  leur  dira  :  <(.  Allez,  maudits,  servir  votre  maître.  »  Il 
redisait  ces  choses  ou  d'autres  semblables  à  discours 
interrompus.  Quelquefois  il  s'écriait  :  «  Gardez-vous 
d'aller  à  la  messe,  car  elle  est  abominable  devant 
Dieu.  »  Quelque  temps  après  :  «  Si  quelqu'un  doute  que 
je  dorme,  qu'il  me  relève.  »  Quand  la  cérémonie  était 
finie  :  «  Eveillez-vous ,  »  leur  disait-il ,  et  priant  le  plus 
fidèle  de  la  compagnie  de  le  relever  doucement,  il  fai- 
sait chanter  quelque  psaume  et  congédiait  tous  les  as- 
sistants, après  les  avoir  embrassés  et  baisés  à  la  bouche 
l'un  après  l'autre,  en  leur  disant  dévotement  :  «  Allez, 
mon  frère;  allez  ma  sœur,  je  vous  donne  le  saint  Es- 
prit. » 

Entre  ses  prédications,  Astier  instruisait  ses  parents  et 
ses  amis  et  même  des  enfants ,  et  les  recevait  au  nom- 
bre des  prophètes. 

De  Baix ,  où  il  fut  sans  doute  poursuivi  en  même 
temps  que  M™®  de  Baix,  sa  protectrice,  Aslier  se  rendit 
à  Bressac  et  tint  des  réunions  chez  le  sieur  Benoît,  dont 
la  maison  fut  démolie  plus  tard.  Le  jeune  inspiré  y  fit  de 
nombreux  disciples  parmi  les  hommes  et  les  femmes , 
qui  présidèrent  à  leur  tour  des  assemblées.  Le  curé  et 
le  seigneur  de  Bressac ,  en  ayant  été  informés ,  se  ren- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  27 

dirent  près  d'une  maison  où  prêchait  une  prophétesse 
et,  après  s'être  arrêtés  pendant  quelques  instants  à  la 
porte ,  ils  entrèrent  subitement  pour  la  surprendre. 
((  Cette  nouvelle  prophétesse,  »  dit  Fléchier,  «  parut 
devant  eux  avec  confiance...  demeura  debout  et,  bat- 
tant des  mains  sur  sa  tête ,  elle  criait  de  toutes  ses  for- 
ces :  «  Miséricorde,  faites  pénitence,  le  jugement  de 
Dieu  viendra  dans  trois  mois.  »  Le  curé  voulut  un  peu 
calmer  son  esprit ,  mais  elle  s'agita  davantage ,  lui  re- 
prochant qu'il  leur  avait  fait  faire  un  grand  péché  (i)  et 
qu'il  serait  damné  comme  le  diable.  Ses  agitations 
l'ayant  mise  enfin  hors  d'haleine,  elle  se  jeta  sur  un  lit, 
oia  se  débattant  encore  et  renouvelant  ses  cris  de  mi- 
séricorde, quelles  sottises  ne  dit-elle  pas  ?  qu'elle  avait 
reçu  le  Saint-Esprit  gros  comme  un  grain  de  froment  , 
qu'elle  ferait  et  dirait  bien  d'autres  choses  quand  elle 
l'aurait  tout  entier;  que  qui  ne  croirait  pas  cela  serait 
damné,  et  qu'enfin  elle  sentait  bien  qu'elle  était  le  Saint- 
Esprit.  »  Quand  le  calme  se  fut  un  peu  rétabli  en  elle, 
elle  se  leva,  prit  sa  quenouille  et  se  mit  à  filer  près  du 
feu  comme  si  de  rien  n'était. 

A  Saint-Vincent  de  Barrés,  la  fermière  du  châtelain 
du  lieu  prédit  qu'à  la  fin  du  mois  de  février  il  tomberait 
partout  une  grosse  grêle  ,  que  les  incrédules  iraient  er- 
rants sur  les  montagnes,  qu'une  étoile  tomberait  du  ciel 
sur  Rome  et  que  Jésus-Christ  régnerait  avec  les  fidèles 
l'espace  de  mille  ans  sur  la  terre.  Elle  passa  en  revue 
après  cela  les  habitants  de  la  paroisse,  disant  le  péché 
que  chacun  avait  commis  et  annonçant  le  salut  de  l'un  , 
la  conversion  de  l'autre  et  la  damnation  d'un  troi- 
sième (2). 


(0  En  les  faisant  abjurer  en  168;. 

(2)  Fléchier,  Lettres  choisies,  t.  I,  p.  541-548;  —  Brueys,  t.  1 ,  p.  102, 


28  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Les  enfants  et  les  jeunes  gens  des  deux  sexes  pro- 
phétisaient comme  les  grandes  personnes ,  et  leurs  dis- 
cours étaient  accompagnés  de  mouvements  particuliers 
du  corps.  ((  Lorsque  ces  inspirés  prêchaient,  »  dit  un 
témoin  oculaire  (i)  ,  «  ou  exhortaient  en  public,  leurs 
agitations  de  corps  n'étaient  pas  fort  grandes  et  ne  du- 
raient pas  longtemps  ,  et  alors  ils  parlaient  avec  beau- 
coup de  feu  ,  de  courage  et  de  facilité,  en  sorte  qu'on 
les  aurait  pris  pour  des  prédicateurs  savants,  éloquents 
et  remplis  de  zèle  ,  quoique  bien  souvent  ce  ne  fussent 
que  des  enfants  ou  de  pauvres  simples  paysans  qui  ne 
savaient  seulement  pas  lire.  Mais  quand  ils  prédisaient 
les  jugements  de  Dieu  et  qu'ils  disaient  certaines  autres 
choses  sur  l'avenir  ,  il  arrivait  presque  toujours  qu'ils 
tombaient  d'abord  à  terre.  La  tête,  les  bras,  la  poitrine 
et  le  corps  entier  souffraient  quelquefois  de  grandes  se- 
cousses ,  et  une  certaine  difficulté ,  qu'ils  semblaient 
avoir  de  respirer,  ne  leur  permettait  pas  de  parler  avec 
facilité.  Dans  le  temps  de  l'inspiration  ils  parlaient  tou- 
jours français ,  encore  qu'ils  ne  fussent  pas  capables  de 
le  faire  dans  un  autre  temps.  Et  quand  ils  recevaient 
des  avertissements  de  l'Esprit,  ils  s'exprimaient  comme 
si  ce  même  Esprit  divin  eût  parlé  en  eux,  en  disant  : 
«  Je  te  dis,  »  ou  «  je  te  déclare,  mon  enfant,  »  etc. 
ou  quelque  chose  de  semblable.  » 

ASTIER    DANS    LES    BOUTIÈRES.     EXPANSION    DU    MOUVE- 
MENT. ASSEMBLÉES    NOMBREUSES    (1689). 

Après  avoir  présidé  d'autres  assemblées,  notamment 
à  Champérach'e  ,  où  il  prêcha  en  rase  compagne  pour 


n6,  119,   137-140;  —  Louvreleuil,  t.  I  ,  p.  11-15  ;  —  Mémoire  d'Ebrtnj  (mss); 
—  Dourille,  p.  585,  384.. 

(i)  Isabeau  Charras,  dans  Les  Prophètes  protestants,  p.  168,  169. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  29 

éviter  la  démolition  des  maisons  qui  auraient  pu  le  re- 
cevoir, Astier  s'engagea  plus  avant  dans  le  Vivarais 
pour  être  mieux  à  couvert  des  poursuites  de  l'autorité. 
Il  alla  s'établir  dans  la  commune  montagneuse  de  Saint- 
Cierge-Ia-Serre  avec  un  de  ses  associés ,  Pierre  Rey- 
naud,  qui  était  aussi  jeune  que  lui.  Les  deux  inspirés  y 
tinrent  des  assemblées  considérables  ,  oij  il  se  commit 
bien  des  extravagances.  Pour  encourager  ses  adeptes, 
Astier  s'efforçait  de  leur  persuader  qu'ils  n'avaient  rien 
à  craindre  des  soldats  et  des  juges,  et  que  rien  ne  pour- 
rait leur  nuire.  C'est  ainsi  qu'un  inspiré  de  Saint-Julien- 
le  Roux,  ayant  été  invité  par  le  curé  du  lieu,  accom- 
pagné du  maître  d'école  armé  d'un  fusil,  à  obéir  au  roi 
qui  interdisait  les  assemblées  sous  peine  de  mort  (i), 
répondit  qu'il  ne  craignait  rien  et  qu'il  avait  le  Saint- 
Esprit  ;  puis,  faisant  deux  pas  en  arrière  et  découvrant 
sa  poitrine ,  il  dit  au  maître  d'école  :  «  Tirez-moi  ce  fu- 
sil, vous  ne  sauriez  me  faire  de  mal.  »  Il  ajouta  après 
cela  qu'en  quinze  jours  il  serait  confirmé  en  grâce  et 
qu'il  irait  à  Paris  convertir  le  roi.  Les  dragons  qui  pour- 
suivaient Astier  vinrent  à  Saint-Cierge-Ia-Serre  ,  mais 
ils  n'osèrent  pas  attaquer  les  assemblées  parce  qu'ils 
n'étaient  pas  en  nombre  suffisant. 

De  Saint-Cierge,  Astier  et  Reynaud  rayonnèrent 
dans  les  Boutières  et  tinrent,  eux  ou  leurs  adeptes,  des 
assemblées  de  quatre  à  cinq  cents  personnes  et  quel- 
quefois de  trois  à  quatre  mille,  à  Pranles,  Tauzuc,  Saint- 
Sauveur-de-Montagut ,  Saint-Michel-de-Chabrillanoux , 
Saint-Vincent-de-Durfort ,  Plot  (paroisse  des  Ollières), 
Saint-Etienne-de-Serres ,  Bavas  (paroisse  des  Ollières), 
Gluiras  ,  Saint-Genest-Lachamp,  etc. 

L'autorité,  qui  jusque-là  s'était  contentée  d'envoyer 

(i)  Déclaration  du  i"  juillet  1686;  ordonnance  du  12  mars  1689. 


JO  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS. 

quelques  soldats  en  divers  lieux  dans  l'espoir  de  para- 
lyser le  mouvement,  commença  de  s'alarmer,  et  le  mar- 
quis de  Folleville  ,  colonel  du  régiment  de  Flandres  , 
qui  commandait  les  troupes  de  ces  quartiers-là,  s'a- 
vança du  côté  de  Saint-Cierge,  où  devait  avoir  lieu  une 
réunion  générale  de  toutes  les  paroisses  avoisinantes  ; 
mais ,  comme  il  n'avait  à  sa  disposition  que  quatre  com- 
pagnies assez  mal  équipées,  il  essaya  d'abord  des  voies 
de  la  douceur.  «  Il  leur  envoya  pour  cela,  dit  Fléchier, 
le  sieur  de  Combles,  du  Pouzin  [protestant],  capable 
de  cette  négociation  ,  tant  parce  qu'il  était  connu  dans 
tout  le  voisinage  qu'à  cause  de  son  esprit  adroit  et  in- 
sinuant. Cet  homme  ayant  vu  grossir  l'assemblée  prit  le 
chemin  de  la  montagne  et,  comme  il  fut  proche  de  la 
hauteur,  les  prophètes  et  prophétesses  se  détachèrent 
pour  venir  au-devant  de  lui  et  se  réjouir  de  son  arrivée. 
Ils  l'assurèrent  qu'il  était  destiné  de  Dieu  pour  être  un 
des  principaux  instruments  de  sa  gloire,  puisqu'il  venait 
ainsi  joindre  ses  frères  ;  qu'il  résolût  de  s'amender  et 
criât  miséricorde ,  et  qu'on  lui  soufflerait  bientôt  le 
Saint-Esprit  s'il  était  véritablement  fidèle.  On  le  condui- 
sit au  milieu  du  peuple ,  on  lui  ôta  son  chapeau  et  on 
l'obligea  de  lever  les  yeux  et  la  tête  au  ciel.  Les  pro- 
phètes et  une  troupe  des  principaux  se  rangèrent  au- 
tour de  lui,  l'exhortaient,  l'embrassaient  successivement 
et  le  baisaient ,  en  lui  soufflant  dans  la  bouche  le  Saint- 
Esprit  avec  le  don  de  prophétie.  » 

Après  plusieurs  autres  excentricités  de  cette  sorte  , 
deux  prophètes  se  mirent  à  prédire  la  damnation  d'un 
certain  nombre  de  personnes  du  Pouzin.  u  Le  sieur  de 
Combles  les  interrompant  sur  cela  ,  continue  Fléchier  , 
leur  dit  :  u  Mes  frères,  ne  jugez  pas  et  vous  ne  serez 
pas  jugés.  »  Alors  les  deux  autres  prophètes  et  pro- 
phétesses ,  prenant  la  place  des  premiers  ,  dirent  avec 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  3I 

un  peu  d'émotion  :  «  M.  de  Combles  a  raison  ,  il  ne 
faut  juger  personne,  l'Ecriture  le  dit.  Vous  n'avez  pas 
bien  reçu  le  Saint-Esprit,  laissez-nous  faire.  »  Ces  pa- 
roles furent  suivies  de  leurs  exclamations  accoutumées  ; 
après  quoi  ils  virent,  comme  les  autres,  les  cieux  ou- 
verts et  les  anges  vêtus  de  blano;  et,  se  tournant  vers 
le  sieur  de  Combles,  ils  l'exhortèrent  à  se  repentir  et  à 
crier  miséricorde.  A  ce  mot,  qui  tombait  deçà,  qui 
tombait  delà,  tous  à  la  renverse  et  demeurant  comme 
morts  et  sans  mouvements.  Comme  lui  seul  ne  tombait 
pas,  le  prophète  disait  et  redisait  :  «  Cœur  endurci, 
malheureux  reprouvé ,  que  tu  me  tourmentes  !  Tu  résis- 
tes au  Saint-Esprit!  »  Il  fallut  donc  se  laisser  tomber 
pour  éviter  les  suites  fâcheuses  qui  en  pouvaient  arri- 
ver. Au  même  instant  toute  l'assemblée  se  réjouit  ;  on 
refit  la  prière,  psaumes  encore,  cri  de  réjouissance,  pro- 
cession autour  de  cet  homme  étendu.  Il  remua  les  lè- 
vres et  chacun  courut  prêter  l'oreille  pour  l'ouïr  prophé- 
tiser. Il  tendit  les  mains  et  tous  à  l'envi  l'embrassant , 
le  baisant  tendrement  et  le  regardant  comme  l'organe  du 
Saint-Esprit  (i).  » 

CONTINUATION  DES  ASSEMBLÉES.  MORT  DU  CAPITAINE 
TIRBON.  EXPÉDITION  DE  FGLLEVILLE.  BOUCHERIE 
DU    SERRE    DE    LA    PALLE    (1689). 

Dans  une  autre  assemblée,  qui  comptait  plus  de 
trois  mille  personnes  et  se  tint  au  Serre-de-Tauzuc ,  le 
14  février,  on  apprit  que  de  Tirbon ,  capitaine  au  régi- 
ment de  Flandres  et  logé  à  Silhac  ,  était  venu  à  Saint- 
Sauveur-de-Montagut   avec   vingt    soldats.    Louis   Va- 


(i)  Il  ressort  de  ce  récit  que,  quoi  qu'en  dise  Fléchier ,  de  Combles  fut 
atteint  par  la  contagion,  et  s'évanouit  à  la  façon  des  inspirés.  —  Fléchier, 
p.  548-370;  —  Brueys,  140-146. 


p  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

lette  (i)  ,  qui  la  présidait,  déclara  pour  rassurer  ses 
gens  «  que  rien  ne  pouvait  nuire  aux  élus  de  Dieu,  que 
les  armes  des  soldats  à  sa  vue  leur  tomberait  des  mains 
incontinent  et  serviraient  pour  les  tuer  eux-mêmes.  Il 
ajouta  que  Dieu  avait  enchaîné  le  diable  pour  mille  ans 
et  l'avait  jeté  dans  l'abîme,  et  qu'ainsi  il  ne  craignait 
rien.  »  Il  recommanda  néanmoins  aux  gens  qui  retour- 
naient chez  eux  par  Saint-Sauveur  de  s'en  alleren  troupe, 
car  ils  seraient  attaqués.  En  avait-il  été  prévenu  ?  le  con- 
jectura-t-il?  Nous  l'ignorons,  ce  qui  est  certain  c'est 
que  le  capitaine  Tirbon  ,  qui  avait  reçu  l'ordre  du  com- 
mandant de  Folleville,  logé  au  Gua ,  de  mettre  à  mort 
tous  ceux  qu'il  rencontrerait  sur  son  passage,  alla  at- 
tendre ceux  qui  revenaient  de  l'assemblée  à  un  petit 
quart  d'heure  au-dessous  de  Saint-Sauveur,  prés  du  ca- 
nal et  bois  de  M.  de  Vocance,  quartier  de  la  Chemina, 
où  se  trouvait  un  pré  de  neuf  ou  dix  pas  de  large  tout 
au  plus.  Il  laissa  passer  le  ruisseau  de  Glueyre  à  une 
partie  de  la  troupe ,  qui  descendait  une  côte  ,  nommée 
Echine  d'âne  ;  et  lorsque  elle  fut  sur  le  pré,  il  commanda 
le  feu  à  ses  soldats  en  criant  :  «  Allons  ,  tuons  ces 
gens-ci,  »  et  trois  personnes  tombèrent  mortes.  Se 
voyant  attaquée,  la  troupe,  qui  avait  à  sa  tête  l'inspiré 
Alexandre  Astier ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Ga- 
briel ,  se  jette  dans  une  vigne,  située  au-dessus  du  pré, 
fond  ensuite  sur  les  soldats  à  coups  de  pierres,  de  bâ- 
tons et  d'autres  armes,  et  en  précipite  une  partie  dans 
l'Erieux,  où  les  femmes  assomment  avec  des  pierres, 
ceux  d'entre  eux  qui  élèvent  leur  tête  au-dessus  de  l'eau. 
Neuf  soldats  périrent  dans  cette  affaire  sans  compter 
Tirbon  et  son  guide. 

Les  autres  soldats  s'étant  débandés  ,  six  d'entre  eux 

(i)  Sur  ce  prédicant,  voy.  p.  22. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY,  33 

furent  jetés  dans  des  précipices  et  quelques  autres  tués 
par  les  chemins.  Les  derniers  trouvèrent  une  retraite 
dans  la  maison  d'un  catholique  nommé  La  Montagne, 
où  ils  auraient  été  également  massacrés  sans  les  suppli- 
cations des  inspirés  qui  étaient  dans  la  troupe.  Alexandre 
Astier  fut  blessé  dans  cette  affaire  et  raconta  plus  tard 
qu'un  soldat,  ayant  levé  le  bras  avec  son  sabre  pour  fen- 
dre la  tête  d'une  femme,  celle-ci  s'arma  d'une  pierre  et 
enleva  d'un  coup  le  crâne  de  son  agresseur.  La  paroisse 
de  Saint-Sauveur  et  les  paroisses  avoisinantes  durent 
payer  7,000  livres  d'amende  pour  la  mort  de  Tirbon. 

Une  autre  assemblée  convoquée  à  Saint-Cierge  ne 
fut  pas  contremandée ,  nonobstant  ce  qui  venait  d'arri- 
ver et,  suivant  l'habitude,  se  tint  sur  les  hauteurs,  pour 
ne  pas  être  surprise.   Deux  mille  personnes  y  assistè- 
rent. ((  De  FoUeville,  »  dit  Fléchier,  '(  allant  de  Lavoulte 
aux   Boutières  ,  la  rencontra  sur  son  chemin  et ,  quoi- 
qu'il n'eût  pas  des  troupes  suffisamment ,  il  s'approcha 
d'eux  et  tâcha  de  leur  faire  comprendre   ce  qu'ils  de- 
vaient aux  ordres  du  roi  et  le  danger  où  ils  s'exposaient. 
Il  les  pria  de  se  séparer  sans  bruit  et  leur  fit  espérer  de 
la  clémence  du  roi  le  pardon  pour  tout  le  passé.  Mais 
on  lui  cria  :  «  Tartara,  arrière  de  moi ,  Satan!...  »  Ces 
cris    furent  incontinent  suivis  d'une  grêle  de  pierres , 
dont  il  eut  peine  à  se  sauver.    Il  détacha  le  sieur  de 
Combles   pour  aller  parler   aux  principaux,   en  atten- 
dant qu'une  compagnie,   qui  était  logée  dans  le  voisi- 
nage, arrivât.  Elle  arriva  et  M.  de  FoUeville,   s'étant 
mis  à  la  tête,  fit  mine   de  les  attaquer,  mais  la  négo- 
ciation de  Combles,  appuyée  de  la  crainte  des  troupes, 
les  détermina  à  se  retirer.  » 

Les  assemblées  présidées  par  les  inspirés  n'en  devin- 
rent pas  moins  de  plus  en  plus  nombreuses  ,  et  tout  le 
Vivarais  et  le  Velay  en  furent  remplis.   Dans  la  seule 
II.  3 


54  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

paroisse  de  Gluiras  il  y  en  eut  trois ,  à  Gras  une  fort 
considérable,  d'autres  à  Saint-Michel  de  Chabrilla- 
noux,  Saint-Maurice-en-Chalancon ,  Saint-Genest-la- 
Champ ,  etc. 

Folleville  les  poursuivait  sans  relâche.  Il  disposait  de 
huit  cents  hommes  environ,  savoir  :  quatre  compagnies 
de  dragons  de  Tessé ,  quatre  ou  cinq  compagnies  d'in- 
fanterie de  son  régiment  de  Flandre  et  trois  cents  hom- 
mes de  milice  catholique,  dite  des  Boulougnous,  tirés 
de  Privas,  Saint- Etienne-de-Boulogne,  Rochemaure, 
Antraigues  et  Saint-Laurent-sous-Coiron,  commandés 
par  les  sieurs  de  Mirabel ,  de  Prau  ,  capitaine  de  dra- 
gons du  régiment  dauphin,  et  le  comte  de  Vabres.  Fol- 
leville se  saisit  d'abord  d'une  prophétesse,  qu'il  fît  con- 
duire au  château  de  La  Tourette.  Elle  ne  cessa  de  dire 
le  long  de  la  route  :  «  Coupez-moi  les  bras ,  coupez- 
moi  les  jambes ,  vous  ne  me  ferez  point  de  mal ,  »  et 
refusa  de  manger  de  peur  d'offenser  le  Saint-Esprit,  qui 
disait-elle,  la  nourrissait.  Après  cela,  Folleville  marcha 
contre  une  assemblée  de  près  de  quatre  cents  personnes 
qu'on  apercevait  sur  une  hauteur ,  appelée  le  fort  de 
Gluiras.  Il  y  arriva  sur  le  soir  et  la  dispersa  en  lui  tuant 
quarante  personnes. 

Apprenant  au  même  moment,  c'était  le  19  fé- 
vrier ,  qu'une  autre  assemblée  de  cinq  à  six  cents  per- 
sonnes se  tenait  non  loin  de  là,  sur  le  Serre  de  La 
Palle  (i)  (paroisse  de  Saint-Genest-la-Champ),  près  des 
granges  de  Soulhiol,  et  était  présidée  par  l'inspiré  La 
Branche  du  lieu  de  Talussac  (paroisse  de  Gluiras),  il 
part  de  bon  matin  de  Saint-Sauveur-de-Montagut , 
monte  par  Gluiras,  laisse  piller  à  ses  soldats  toutes  les 


(i)  Brueys  dit  la  Montagne  de  Cheilaret,  qui  s'élève  entre  Gluiras  et  Saint- 
Genieys  (Genest). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  35 

maisons  qu'ils  rencontrent  sur  leur  passage;  puis,  aper- 
cevant quelques  gens  attroupés  au-dessus  du  hameau 
de  Saint-Martin-de-Cols  qui  prenaient  la  fuite,  il  leur 
donne  la  chasse  jusque  dans  le  hameau  et  tue  tous  ceux 
qui  lui  tombent  sous  la  main.  Arrivé  sur  la  montagne  de 
Bosse  ,  il  découvrit  l'assemblée  et  forma  plusieurs  dé- 
tachements pour  l'entourer;  après  quoi  il  lui  députa 
MM.  d'Hauteville,  Vabres  et  Bioufel,  de  Gluiras,  pour 
lui  persuader  de  se  dissoudre;  mais  on  les  menaça  de 
faire  feu  sur  eux  s'ils  ne  se  retiraient.  Folleville  députa 
aussi  à  l'assemblée  le  prévôt  Raymond.  «  Il  fut  mal 
reçu,  »  dit  Fléchier,  «  on  lui  cria  d'abord  :  «  Tartara, 
arrière  de  moi  Satan,  tu  ne  me  tenteras  point!  »  Il 
s'élança  un  homme  de  l'assemblée,  qui  essuya  son  coup 
de  pistolet  et  le  poursuivit  à  coups  de  pierre.  Il  leur 
envoya  encore  un  officier  pour  leur  offrir  grâce.  Un 
homme  accompagné  de  sept  ou  huit  femmes,  le  chassè- 
rent comme  le  premier.  Un  des  leurs  s'étant  venu  pré- 
senter à  la  mort ,  on  lui  persuada  aisément  de  vouloir 
vivre  et  on  l'obligea  d'aller  exhorter  ses  frères  à  rece- 
voir le  pardon  de  leur  opiniâtreté ,  mais  il  n'y  put  rien 
gagner.  On  résolut  donc  de  donner  sur  cette  multi- 
tude... Ils  s'ébranlèrent,  se  divisèrent  en  plusieurs  pe- 
lotons, s'embrassèrent  les  uns  les  autres  et  s'entresouf- 
flèrent  à  la  bouche  pour  se  communiquer  le  Saint-Es- 
prit ,  puis  ils  vinrent  hardiment  au-devant  des  troupes  , 
dans  la  pensée  qu'ils  étaient  devenus  immortels  et  invul- 
nérables, ou  que  du  moins  ils  ressusciteraient  quelques 
jours  après.  Mais  ils  furent  investis  et  c'est  l'opinion 
commune  qu'il  y  en  eut  trois  à  quatre  cents  de  tués  ou 
blessés.  »  Cinquante  furent  faits  prisonniers  et  le  reste 
se  dispersa  dans  les  forêts  et  les  montagnes  voisines. 
Sept  personnes,  quatre  fils  et  trois  filles  ,  de  la  même 
maison  des  Chalans  (paroisse  de  Gluiras),  périrent,  de 


^6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS. 

même  que  les  deux  fils  du  granger  de  M.  Vabres,  et 
leur  sœur,  qui  fut  pendue  au  portail  de  M.  Descours  à 
Marcols.  Plusieurs  miliciens  Boulougnous,  au  retour  de 
cette  boucherie,  portaient  des  doigts  de  femme,  qu'ils 
avaient  coupés  pour  s'approprier  les  bagues  passées 
autour  d'eux.  »  Je  n'ai  pu  lire  sans  horreur,  »  ajoute 
Court,  «  ce  que  fit  un  dragon  dans  cette  assemblée.  Il 
rencontra  une  femme  ,  qu'on  venait  de  tuer,  étendue  et 
renversée  par  terre,  qui  tenait  encore  entre  ses  bras 
son  petit  enfant,  qui  se  jouait  sur  son  sein;  lequel, 
voyant  le  dragon  approcher,  se  mita  rire  contre  lui; 
mais  ce  barbare,  au  lieu  d'être  touché  des  caresses  de 
cette  innocente  créature,  la  perça  d'un  coup  de  baïon- 
nette et,  rélevant  en  l'air,  ainsi  lardée,  cria  à  son  cama- 
rade :  «  Eh  !  vois-tu  cette  grenouille  ?  » 

Une  lettre,  écrite  de  Montpellier  au  célèbre  Jurieu,  à 
la  date  du  6  mars  ,  porte  à  plus  de  cinq  cents  le  nom- 
bre des  personnes  qui  périrent  sur  place ,  sans  compter 
les  blessés,  et  elle  ajoute  :  «  On  a  tué  tout  ce  qu'on  a 
pu  trouver  indifféremment  sans  épargner  ni  âge  ni  sexe. 
On  a  plus  tué  de  femmes  et  d'enfants  que  d'hommes 
faits,  parce  que  ceux-ci  avaient  sans  doute  plus  de  fa- 
cilité à  se  sauver.  Uy  en  a  une  partie  qu'on  a  tués  comme 
ils  fuyaient,  mais  une  autre  partie  a  été  tuée  étant  trou- 
vés à  genoux  en  troupe  dans  le  bois  chantant  des  psau- 
mes. Il  y  en  a  eu  plusieurs,  surtout  des  femmes,  qui  se 
sont  allés  présenter  au  soldat  pour  être  égorgés,  y  en 
ayant  quelques-unes  qu'on  voulait  sauver;  mais  ils  s'op- 
posaient à  cela,  disant  qu'ils  étaient  bien  marris  de  n'a- 
voir pas  plus  tôt  cherché  les  occasions  de  recueillir  la 
manne  dont  ils  venaient  d'être  repus;  que  si  Dieu  vou- 
lait prolonger  leur  vie ,  ils  ne  perdraient  point  d'occa- 
sion pour  se  trouver  dans  les  assemblées.  En  disant 
cela  ,  ils  présentaient  leurs  corps  au  soldat  pour  être 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  57 

transpercés.  Les  soldats  ont  dépouillé  un  grand  nom- 
bre ,  tant  de  femmes  que  d'hommes  ,  avant  de  les  poi- 
gnarder, pour  avoir  leurs  habits  devant  qu'ils  fussent 
teints  de  sang.  » 

Bâville  confirme  ces  massacres.  «  Les  assemblées  du 
Vivarais ,  dit-il...  ne  se  sont  pas  faites  impunément.  La 
meilleure  partie  des  mutins  s'était  retirée  dans  les  Bou- 
tières,  oij  ils  croyaient  être  en  sûreté  par  la  difficulté 
des  lieux.  Ils  ont  été  investis  et  chargés  en  dernier  lieu, 
de  manière  qu'il  y  en  a  eu  trois  cents  de  tués  sur  la 
place.  On  en  a  tué  ensuite  un  grand  nombre  dans  d'autres 
occasions.  » 

S'il  faut  en  croire  le  marquis  de  Sourches,  Louis  XIV, 
en  apprenant  ces  hécatombes  de  huguenots,  «  témoi- 
gna en  être  fâché,  en  disant  qu'il  aurait  bien  mieux  valu 
les  prendre.  »  Qu'aurait-t-il  dit  s'il  avait  connu  les  dé- 
tails du  massacre  ? 

Fléchier,  et  Brueys,  son  émule,  au  lieu  d'avoir  quel- 
que pitié  pour  les  victimes,  les  raillent  ou  les  outragent. 
Le  fait  suivant ,  qui  parvint  sans  doute  à  leur  connais- 
sance, aurait  dû,  ce  semble,  les  rendre  plus  humains. 
Un  nommé  Marliaut  avait  deux  fils  et  trois  filles.  L'aî- 
née était  mariée  et  enceinte  d'environ  huit  mois.  Elle 
alla  dans  une  assemblée  en  compagnie  de  ses  frères  et 
de  ses  sœurs,  emmenant  avec  elle  son  petit  garçon  âgé 
de  sept  ans.  Elle  y  fut  massacrée  avec  celui-ci ,  ainsi 
qu'un  de  ses  frères  et  une  de  ses  sœurs.  Le  frère  qui 
échappa  fut  néanmoins  blessé,  mais  il  guérit,  et  la  plus 
jeune  des  sœurs  fut  laissée  pour  morte  sous  les  corps 
entassés  de  ses  compagnons  sans  avoir  été  atteinte.  La 
dernière  fut  rapportée  blessée  etîmourut  quelques  jours 
après.  Le  père ,  témoin  de  ces  malheurs,  ne  maudit  pas 
les  meurtriers,  non  plus  qu'il  ne  murmura  contre  Dieu, 
et  se  borna  à  dire  avec  une  pieuse  résignation  :  «  Le 


3  8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Seigneur  l'a  donné,  le  Seigneur  l'a  ôté,  le  nom  du  Sei- 
gneur soit  béni  (i)  !  » 

BROGLIE  ET  BAVILLE  EN  VIVARAIS.  CONTINUATION  DES 
BOUCHERIES.  FIN  DE  LA  LUTTE.  SUPPLICE  DE  GA- 
BRIEL ASTIER.  MÉMOIRE  ENVOYÉ  A  BAVILLE  (1689- 
1690). 

Sitôt  après  la  mort  du  capitaine  Tirbon  ,  Folleville 
informa  le  comte  Victor-Maurice  de  Broglie,  comman- 
dant pour  le  roi  en  Languedoc,  et  son  beau-frère  Bâ- 
ville ,  des  assemblées  du  Vivarais.  Avertis  le  i6  fé- 
vrier 1689  à  minuit,  ils  partirent  de  Montpellier  dès  le 
17  après  avoir  écrit  à  de  Chambonas  ,  évêque  de  Lo- 
dève  ,  qui  dirigeait  le  diocèse  de  Viviers  et  qu'on  appe- 
lait pour  cette  raison  M.  de  Viviers,  de  se  joindre  à  eux. 
Ce  prélat  s'était  beaucoup  occupé  des  religionnaires  du 
Vivarais  à  la  place  de  son  oncle  Louis  de  la  Baume  de 
Suze  ,  évêque  de  Viviers  ,  que  son  grand  âge  mettait 
dans  l'impossibilité  d'agir.  Broglie  et  Bâville  vinrent  cou- 
cher le  premier  jour  au  Pont-Saint-Esprit  et  donnèrent 
ordre  aux  communautés  de  la  province  du  Vivarais  de 
lever  promptement  le  plus  de  milice  possible,  et  à  Fol- 
leville le  peu  de  gens  de  guerre  qu'il  y  avait  dans  le 
pays.  On  vient  de  voir  que  ce  dernier  avait  devancé 
l'ordre  de  ses  chefs,  puisqu'il  attaqua  l'assemblée  du 
Serre  de  la  Palle  le  19  février. 

Broglie  et  Bâville  «  firent  en  même  temps,  »  dit  Brueys, 
«  exhorter  les  curés,  les  juges  des  lieux,  les  catholiques 


(i)  Fléchier,  p.  370-579.  Brueys,  p.  146,  170,  178-185.  Les  prophètes  pro- 
testants, p.  167.  Jurieu,  Lettres  pastorales,  5'  année,  p.  120.  Armand  de 
La  Chapelle,  t.  II,  p.  284.  Benoît,  t.  V,  p.  995.  Douen  ,  t.  II  ,  p.  65-67.  Mé- 
moire d'Ebruy  (ms.).  Ms.  Court,  n"  17,  t.  G.  Court,  Le  patriote  françois 
et  impartial,  t.  I,  p.  244.  Dourille,|p.  584. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  39 

et  ceux  des  convertis  qui  avaient  quelque  chose  à  per- 
dre ,  de  redoubler  leurs  soins  dans  chaque  paroisse , 
afin  de  tenir  dans  le  devoir  tous  ceux  qu'ils  pourraient, 
tandis  qu'on  allait  travailler  à  y  faire  rentrer  ceux  qui 
en  étaient  sortis.  » 

Le  commandant  et  l'intendant,  qui  passèrent  par  Au- 
benas  ,  furent  à  Privas  le  21  février.  En  arrivant  ils  ap- 
prirent que  dans  la  paroisse  de  Pourchères  se  tenait  une 
assemblée  peu  nombreuse,  mais  qui  pouvait  grossir 
d'heure  en  heure.  Ils  s'y  rendirent  en  hâte  avec  quel- 
ques soldats  et  trouvèrent  cinquante  personnes  réunies 
dans  une  maison,  bâtie  sur  l'escarpement  au  pied  du- 
quel les  eaux  du  Bartras  se  réunissent  à  celles  du  Méza- 
yon  ,  et  appartenant  à  un  inspiré,  nommé  Paul  Béraud. 
Le  marquis  de  Vogué ,  qui  avait  été  d'abord  envoyé  en 
reconnaissance  ,  fut  reçu  à  coups  de  pierres  et  aux  cris 
de  «  Tartara ,  Satan  ,  arrière  de  moi  !  »  Broglie  et  Bâ- 
ville ,  étant  accourus  avec  leur  suite ,  se  virent  égale- 
ment chargés  à  coups  de  pierre  par  Béraud ,  pendant 
que  sa  fille  Sara  criait  «  Tartara  »  de  toutes  ses  forces. 
Un  autre  inspiré  tira  à  bout  portant  sur  Heyraud,  com- 
missaire des  troupes,  qui  n'en  reçut  aucun  mal;  les  au- 
tres se  défendirent  pendant  quelque  temps  avec  courage, 
mais  enfin  l'assemblée  fut  mise  en  fuite  ,  laissant  neuf 
des  siens  sur  le  carreau  ,  au  nombre  desquels  Béraud 
lui-même.  Sara,  qui  avait  reçu  une  blessure,  fut  con- 
duite à  Privas,  oij  pendant  trois  jours  elle  affirma  qu'elle 
avait  reçu  le  Saint-Esprit.  On  fit  soigner  sa  blessure  et, 
après  qu'elle  eut  mangé  et  bu  suffisamment,  elle  guérit 
et  revint  de  son  inspiration.  Quant  à  la  maison  de  Bé- 
raud, elle  fut  incendiée  sur  l'heure  et  une  femme  y 
périt. 

Pendant  ce  temps,  Folleville  marcha  contre  une  as- 
semblée de  huit  cents  personnes  ,  réunie  sur  un  coteau 


40  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

appelé  le  Besset,  à  proximité  de  Saint-Genest-la- 
Champ.  Il  se  saisit  de  tous  les  passages  et  fit  dire  à 
l'assemblée  «  de  députer,  »  dit  Brueys ,  «  quelqu'un  de 
la  troupe  pour  lui  venir  parler.  Il  s'en  détacha  seulement 
un.  Le  colonel  lui  dit  d'aller  faire  savoir  aux  autres  qu'il 
leur  pardonnait  tout  leur  passé  de  la  part  du  roi,  pourvu 
qu'ils  se  retirassent  incessamment  dans  leurs  maisons. 
Cet  homme  alla  donner  cette  nouvelle  à  ses  frères  (c'est 
ainsi  qu'il  les  appelait) ,  mais  il  revint  bientôt  et  porta 
pour  toute  réponse  qu'ils  n'en  voulaient  rien  faire.  M.  de 
Folleville  les  envoya  encore  solliciter  et  exhorter  d'ac- 
cepter la  grâce  qu'il  leur  offrait  et  choisit  pour  cela  une 
personne  qui  pût  leur  être  agréable.  Ce  fut  un  notaire 
de  Lavoulte-de-Ventadour ,  appelé  Raz  qui,  à  cause  de 
sa  profession ,  était  connu  de  la  plupart.  Il  ne  fut  pas 
plutôt  à  eux  qu'ils  se  prirent  tous  à  crier  :  «  Retire-toi 
de  nous,  Satan,  tu  ne  nous  tenteras  point!  »  Pour  la 
troisième  fois  un  prévôt ,  nommé  Raymond ,  fut  chargé 
de  leur  aller  réitérer  les  mêmes  offres  de  pardon  ;  il 
s'approcha  d'eux  et  demanda  à  leur  parler.  Trois  ou 
quatre  vinrent  à  lui,  mais  c'était  pour  l'assommer  à  coups 
de  pierre  s'il  ne  se  fût  promptement  retiré.  »  Folleville, 
voyant  cela ,  les  chargea  avec  vigueur,  en  tua  une  cen- 
taine ,  en  fit  prisonniers  quelques  autres  et  laissa  fuir  le 
reste. 

Broglie  de  son  côté  se  portait  dans  tous  les  lieux  oîi 
il  jugeait  sa  présence  nécessaire  pour  réprimer  les  as- 
semblées ou  les  empêcher  de  se  former,  «  car  nonobs- 
tant toutes  ces  rigueurs ,  »  dit  Meissonnier,  u  et  le 
grand  nombre  de  troupes  qu'il  y  avait  au  pays...  sept 
régiments  de  milice...  et  vingt-quatre  compagnies  de 
dragons,  on  n'a  pas  laissé  de  faire  de  petites  assemblées 
en  divers  endroits  :  à  Pourchères ,  à  deux  lieues  au- 
dessus  de  Privas,  oij  quelques-uns,   s'étant  assemblés 


DU    VIVARAIS   ET   DU    VELAY.  4I 

dans  une  maison,  y  furent  surpris...  [c'est  la  réunion 
dont  il  a  été  parlé  plus  haut].  A  Toulaud  ,  on  y  en  a 
aussi  fait,  et  brûlé  deux  maisons,  pris  une  dizaine  de  per- 
sonnes et  conduit  à  Lavoulte,  oij  les  prisons...  sont 
pleines  de  ceux  qu'on  y  a  conduits  du  Velay,  du  haut 
et  bas  Vivarais;  d'autres  ont  été  conduits  au  Saint-Es- 
prit, à  la  tour  de  Constance,  au  fort  de  Nîmes,  à  la  ci- 
tadelle de  Montpellier  ou  aux  galères.  Il  s'en  est  fait  en- 
core une  dizaine  à  Lamastre,  au  Chambon,  à  Saint-Voy, 
à  Saint-Agréve  et  autres  lieux,  dont  plusieurs  ont  été 
surprises  par  les  soldats  et  traitées  comme  dessus.  » 

C'était  Bâville  qui  décidait  du  sort  des  nombreux  pri- 
sonniers qu'on  lui  amenait  de  tous  côtés,  tandis  que  l'é- 
vèque  de  Lodève  allait  de  paroisse  en  paroisse  pour 
s'efforcer  de  prouver  aux  populations  l'inanité  de  l'inspi- 
ration des  prophètes,  et  leur  persuader  de  vivre  en  bons 
catholiques  ;  mais  ,  représentant  d'une  religion  qui  auto- 
risait de.  pareilles  boucheries,  ses  paroles  trouvèrent 
peu  d'écho.  Quand  le  mouvement^Jut  réprimé,  l'évê- 
que  recommença  ses  visites  pastorales  sans  plus  de  suc- 
cès que  la  première  fois,  et  les  rudes  et  fervents  mon- 
tagnards du  Vivarais  et  du  Velay  demeurèrent  malgré 
tout  attachés  à  leur  foi. 

Avant  de  rentrer  à  Montpellier,  Broglie  et  Bâville 
prirent  des  mesures  énergiques  pour  empêcher  le  re- 
tour des  assemblées.  Ils  établirent  des  milices  catholi- 
ques dans  chaque  paroisse,  dont  les  marquis  de  Vogué, 
de  la  Tourette  et  de  Chambonas,  et  le  seigneur  de  Bavas 
furent  élus  colonels,  pour  être  prêts  à  marcher  au  pre- 
mier ordre.  Ces  milices  s'assemblaient  tous  les  huit 
jours  et  faisaient  l'exercice  pour  intimider  les  popula- 
tions. On  -en  passait  la  revue  générale  tous  les  ans. 

Quant  à  Gabriel  Astier,  l'historien  d'Aigrefeuille  rap- 
porte qu'il  ((  vint  se  brûler  (comme  l'on  dit)  à  la  chan- 


42  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

délie  ;  car  il  eut  la  hardiesse  de  venir  à  Montpellier  et 
d'aller  voir  la  revue  du  régiment  de  Sault  que  M.  de 
Broglie  faisait  au  Pérou.  Un  soldat,  ayant  cru  recon- 
naître à  sa  mine  les  traits  de  son  portrait  qu'il  avait  vu  , 
le  dit  à  ses  camarades  qui  l'arrêtèrent  de  concert,  et, 
l'ayant  conduit  à  la  citadelle ,  où  il  nia  d'abord  qui  il 
était,  il  l'avoua  enfin;  de  sorte  que  M.  de  Broglie  ayant 
ordonné  qu'on  le  menât  à  Baix-sur-Baix,  oij  il  avait 
commencé  de  soulever  le  peuple ,  il  y  fut  jugé  par 
M.  de  Bâville,  qui  s'y  rendit  exprès,  et  le  fit  punir,  le 
2  avril  [1690],  du  supplice  qu'il  avait  mérité.  » 

L'importance  du  rôle  joué  par  ce  jeune  homme  a  été 
exagérée  par  les  auteurs  catholiques  et  par  Napoléon 
Peyrat  lui-même,  auteur  éloquent,  mais  dépourvu  de 
sens  critique;  car  le  prédicateur  Ebruy,  qui  jouissait  de 
beaucoup  de  crédit  parmi  ses  coreligionnaires  du  Viva- 
rais  au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  c'est-à- 
dire  dix  ans  seulement  après  les  événements  que  nous 
venons  de  rapporter,  déclare  qu'il  n'a  jamais  entendu 
parler  d'Astier. 

Nous  donnons,  en  terminant,  le  sentiment  d' Ebruy 
sur  les  inspirés  du  Vivarais.  «  Pour  ce  qui  regarde  la 
conduite  des  inspirés ,  »  dit-il ,  «  plusieurs  ont  été  en 
bon  exemple,  d'autres  ont  commis  des  scandales.  Quel- 
ques-uns, après  avoir  fait  des  lâchetés,  en  sont  revenus 
et  ont  donné  des  marques  de  leur  repentance  en  me- 
nant une  vie  plus  sage...  Ceux  de  l'Eglise  romaine  les 
ont  toujours  traités  de  fanatiques.  Pour  ceux  de  notre 
religion,  les  uns  en  disaient  du  bien,  les  autres  du  mal. 
Ceux-ci  les  croyaient  divinement  inspirés,  ceux-là  ne  le 
croyaient  pas.  D'autres  (et  c'est  vraisemblablement 
l'opinion  d'Ebruy)  croyaient  que  le  Saint-Esprit  n'agis- 
sait pas  en  eux  d'une  manière  infaillible ,  mais  que 
cependant  il  y  avait  quelque  chose  qui  venait  de  l'Es- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  43 

prit  de  Dieu ,  qui  les  poussait  à  dire  de  très  belles  et 
bonnes  choses ,  bien  édifiantes ,  surtout  ceux  qui  se 
gouvernaient  et  se  conduisaient  comme  ils  devaient  se 
conduire;  car,  pour  ceux  qui  voulaient  se  faire  regarder 
comme  de  véritables  prophètes,  ils  tombaient  dans  des 
erreurs  et  des  égarements  incroyables.  Toujours  nous 
pouvons  dire,  à  la  louange  de  ceux  qui  ne  se  sont  pas 
érigés  en  prophètes,  mais  qui  se  sont  exercés  à  faire 
des  exhortations  au  peuple,  qu'ils  ont  apporté  un  grand 
bien  dans  les  Eglises  du  Vivarais  et  du  Dauphiné  ;  car 
avant  cela  tout  le  monde  gisait  dans  une  léthargie  spiri- 
tuelle et  mortelle.  On  ne  parlait  plus  de  religion ,  et 
cela  les  a  fait  réveiller  de  leur  profond  et  criminel  as- 
soupissement (i).  »  Ce  jugement  d'Ebruy  est  la  marque 
d'un  esprit  sensé,  et  de  nos  jours  on  ne  saurait  en 
porter  de  plus  juste. 

Vers  le  milieu  de  l'année  1690,  on  envoya  à  Bâville 
un  mémoire  sur  les  moyens  de  retenir  dans  le  catholi- 
cisme ,  où  la  peur  seule  les  avait  fait  entrer ,  les  nou- 
veaux convertis  des  Cévennes.  Ce  document  jette  un 
jour  peu  favorable  sur  l'état  moral  et  intellectuel  des 
ecclésiastiques  catholiques  de  ce  temps. 

«  Les  peuples  des  Cévennes,  »  dit-il,  «  ont  besoin 
de  prédicateurs  qui  leur  prêchent  une  fois  ou  deux  la 
semaine,  plutôt  que  des  missions  réglées  qui  les  lassent 
et  qui  sont  faites  par  toutes  sortes  de  gens ,  lesquels , 
bien  souvent,  n'ont  guère  l'Esprit  de  Dieu  et  cherchent 
d'autres  fortunes  que  celles  du  ciel. 


(i)  D'Aigrefeuille,  p.  46';.  Brueys,  p.  171-174;  184-196.  Fléchier,  p.  579- 
581;  Mémoire  cl'Ebruy  (ms.).  Mémoires  de  Meissonnier  (ms.).  Peyrat, 
t.  1 ,  p.  208;  Doiirille,  p.  585-^87.  —  Fléchier  et  Brueys,  sur  la  mort  et  la 
capture  d'Astier,  ne  s'accordent  ni  avec  l'abbé  D'Aigrefeuille,  auteur  exact 
et  consciencieux ,  ni  même  entre  eux.  On  peut  signaler  jusqu'à  sept  ou  iuiit 
différences  dans  leur  récit  de  l'événement  :  ce  qui  montre  combien  il  est  né- 
cessaire de  se  tenir  en  garde  contre  certaines  de  leurs  assertions. 


44  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

»  Il  serait  à  désirer  que  ces  prédicateurs  ne  se  mê- 
lassent que  du  spirituel  (ce  qu'ils  font  de  plus  donne  de 
réloignement  pour  eux  et  pour  la  religion  catholique); 
qu'ils  allassent  par  les  maisons  et  les  petits  villages  leur 
apprendre  à  prier  Dieu  sans  leur  parler  de  contro- 
verse, mais  seulement  d'une  sainte  morale  chrétienne. 
Si  on  en  usait  ainsi  le  peuple  serait  bientôt  changé. 

»  Ce  peuple  aime  la  Parole  de  Dieu.  Des  gens 
charitables,  désintéressés  et  sans  éclat,  les  gagneraient 
infailliblement.  Un  petit  nombre  suffirait  et  serait  de 
petite  dépense ,  et  Sa  Majesté  en  verrait  bientôt  de 
grandes  suites. 

»  Il  y  a  beaucoup  d'ecclésiastiques,  mais  ils  agissent 
chacun  à  leur  fantaisie  et  selon  leurs  intérêts.  Peu  ou 
point  de  prédicateurs,  encore  moins  de  gens  qui  ne 
songent  qu'au  service  de  Dieu  et  au  salut  des  âmes  : 
c'est  ce  qui  est  cause  qu'il  y  a  si  peu  de  véritables 
convertis. 

»  Si  on  mettait  dans  les  villages  des  Cévennes  des 
filles  de  Saint-Lazare ,  qui  sont  sous  la  conduite  de 
M.  Joly,  général  des  prêtres  de  feu  M.  Vincens ,  en 
servant  les  malades  comme  elles  font  ce  serait  encore 
un  moyen  très  excellent  pour  convertir  solidement  ces 
peuples,  parce  que  la  charité  les  touche  infiniment.  » 

Bâville,  qui  ne  croyait  pas  à  la  sincérité  des  senti- 
ments religieux  des  protestants,  répondit,  le  21  juillet, 
qu'il  n'y  avait  plus  de  missions  réglées  et  que  l'argent 
manquait  pour  payer  les  filles  de  Saint-Lazare  ;  puis  il 
ajoutait  :  «  La  victoire  que  les  armées  du  roi  rempor- 
teront et  sur  terre  et  sur  mer  feront  plus  d'effet  auprès 
des  nouveaux  convertis  que  tous  les  missionnaires.  11 
ne  faut  pas  croire  que  les  esprits  de  ces  gens-là,  étant 
autant  agités  qu'ils  le  sont  par  les  différents  motifs  qu'on 
leur  inspire ,  puissent  devenir  dans  la  conjoncture  pré- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  45 

sente  bons  catholiques.  Ce  sera  l'ouvrage  de  la  paix  et 
des  victoires  de  Sa  Majesté  (i).  » 

PROJET  DE  SOULÈVEMENT  DE  CABRALLES.  CONTI- 
NUATION DE  l'inspiration  ET  DES  ASSEMBLÉES. 
BROUSSON  EN  VIVARAIS.  PERSÉCUTION  GÉNÉRALE. 
COMPLICITÉ    DU    CLERGÉ    (169O-1698). 

Quoique  les  troubles  fussent  apaisés  dans  le  Vivarais, 
une  lettre  de  Louvois  à  l'intendant  Bâville ,  du  19  no- 
vembre 1690,  nous  apprend  qu'un  nommé  Cabralles , 
originaire  du  comté  de  Foix ,  avait  proposé ,  trois  mois 
auparavant,  au  prince  Guillaume  d'Orange,  roi  d'Angle- 
terre depuis  1688  (c'était  pendant  la  guerre  de  la  ligue 
d'Augsbourg,  qui  dura  de  1686  à  1697),  de  faire  lever 
dans  les  évêchés  de  Montauban,  de  Castres  et  du  comté 
de  Foix  une  armée  de  douze  mille  hommes,  à  laquelle 
l'ambassadeur  d'Espagne  promettait  des  vivres  et  une 
retraite,  pendant  que  les  protestants  du  bas  Languedoc, 
des  Cévennes  et  du  Vivarais  prendraient  à  leur  tour  les 
armes. 

Nous  apprenons  également,  par  une  autre  lettre  du 
même  au  même,  en  date  du  4  décembre  1690,  que  le 
prince  d'Orange ,  qui  était  entré  dans  la  ligue  d'Augs- 
bourg depuis  1688,  avait  «  tenu  quelques-uns  dans  le 
Vivarais...  en  intention  d'y  faire  un  soulèvement  si  les 
affaires  de  Savoie  avaient  prospéré  comme  il  s'en  flat- 
tait, »  et  que  celui  qui  avait  séjourné  dans  cette  pro- 
vince s'était  rendu,  «  depuis  peu  de  jours,  à  Paris 
pour  informer  les  principaux  des  nouveaux  convertis 
des  bonnes  dispositions  oii  il  avait  trouvé  les  nouveaux 
convertis  du  Vivarais   et  des  Cévennes   pour  prendre 

(I)  Arch.  nat.,  TT,  284. 


46  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

les  armes  lorsqu'ils  apprendraient  que  l'armée  de  M.  de 
Savoie  serait  entrée  en  Dauphiné  ;  »  qu'il  avait  quitté 
Paris  «  pour  aller  rendre  compte  au  prince  d'Orange 
de  la  même  chose,  »  et  qu'il  devait  revenir  en  Vivarais 
au  commencement  du  printemps  prochain,  »  Les  succès 
du  roi  en  Italie,  en  1691  ,  rompirent  tous  ces  desseins 
auxquels  la  grande  masse  des  inspirés  du  Vivarais  resta 
étrangère,  car  s'ils  y  eussent  pris  part,  Fléchier  et 
Brueys  se  seraient  empressés  de  le  rapporter  (i). 

Autrement,  les  massacres  de  1689,  et  les  nombreuses 
condamnations  qui  les  suivirent,  n'éteignirent  pas  plus 
l'inspiration  en  Vivarais  qu'elles  ne  firent  cesser  les 
assemblées.  Les  inspirés  continuèrent  leurs  prédica- 
tions, mais  plusieurs  d'entre  eux,  éclairés  par  les  san- 
glantes défaites  qu'ils  essuyèrent  contrairement  aux 
oracles  de  leurs  prophètes ,  revinrent  à  des  idées  plus 
saines  et,  pour  la  plupart,  se  bornèrent  à  annoncer 
l'Evangile  dans  de  petites  assemblées.  De  1690  à  1700, 
quelques-uns  d'eux  furent  pris  et  envoyés  aux  galères 
(Josué  Corbière ,  Matthieu  Dunis ,  Daniel  Arsac  et 
Charles  Laurent)  ;  d'autres  condamnés  à  mort  et  exé- 
cutés (Jean  Charreyre  et  Louis  Valette);  d'autres  enrôlés 
de  vive  force  dans  des  régiments  (Daniel  Chanac  et 
Antoine  Arsac).  Voyez  plus  haut,  p.  19  à  24). 

Le  célèbre  Claude  Brousson,  qui  en  était  à  son 
troisième  voyage  missionnaire  en  France ,  séjourna  en 
Vivarais  pendant  les  mois  de  novembre  et  de  décem- 
bre 1697  ^t  ""S  partie  de  janvier  1698.  Il  présida  à 
Saint-Jean-Chambre,  dans  la  grange  de  Jean  Reboul , 
une  grande  assemblée  qui  fut  découverte  et  à  la  suite 
de  laquelle  plusieurs  personnes  restèrent  longtemps 
emprisonnées  au  château  de  Beauregard,  puis  relâchées. 

(1)  Hisl.  gén.  de  Languedoc,  nouv.  édit.,  t.  XIV,  col.  1597  et  1598. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  47 

Le  sieur  de  Vocance  de  La  Tour  fit  raser,  de  sa  propre 
autorité,  la  maison  que  Reboul  possédait  au  village  de 
Saint-Jean-Chambre,  quoique  l'assemblée,  comme  on 
l'a  dit,  se  fût  tenue  à  sa  grange,  à  un  quart  de  lieue  de 
là.  Brousson  présida  aussi  des  assemblées  à  Vernoux 
et  à  Lamastre. 

Il  trouva  dans  ces  parages  l'inspiration  en  pleine 
activité  et ,  comme  on  pouvait  l'attendre  de  son  carac- 
tère ardent  et  enthousiaste,  il  en  fut  émerveillé.  Le 
25  décembre  1697,  il  écrivait  à  un  ami  :  «  La  provi- 
dence m'a  fait  passer,  contre  mon  intention,  dans  un 
pays...  où  j'ai  vu,  ouï  ou  autrement  appris,  par  un  très 
grand  nombre  de  témoignages  indubitables,  de  si  gran- 
des merveilles,  qu'elles  furent  le  sujet  de  l'étonnement 
et  de  l'admiration  de  toute  la  terre  ,  et  celui  de  la  con- 
solation et  de  la  justification  de  Monsieur  [Jurieu]  et  de 
ses  semblables.  Il  y  a  des  gens  qui  ont  travaillé  à  en- 
sevelir les  merveilles  de  Dieu  ,  mais  Dieu  saura  bien 
les  faire  connaître.  »  Brousson  composa,  sous  le  titre 
de  Yoyage  de  l'auteur  en  Vwarcs ,  un  traité  de  106 
pages  manuscrites  sur  les  prodiges  dont  il  avait  été 
témoin  dans  cette  province.  Au  moment  de  son  arresta- 
tion, le  manuscrit  fut  saisi  et  mentionné  dans  l'inventaire 
que  Bâville  fit  dresser  de  ses  papiers,  mais  il  a  disparu 
depuis.  Quand  l'intendant,  interrogeant  le  grand  martyr 
sur  cette  relation ,  se  raillait  de  son  contenu ,  Brousson 
lui  répondit  gravement  qu'elle  «  était  véritable  et  fidèle 
et  que  son  dessein  était  de  la  donner  au  public  après 
qu'il  l'aurait  retouchée ,  afin  que  chacun  y  pût  faire  ses 
réflexions  (i).  -» 

Les  persécutions  étaient  dirigées  à  cette  époque  non 

(i)  Douen ,  Les  premiers  pasteurs  du  Désert,  t.  II,  p.  297,  298. 
Extraits  de  la  Gazette  de  Harlem  {Bulletin  ,  etc.,  t.  XXXII,  p.  J62)  Ms. 
Court,  n»  17,  t.  G. 


48  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

seulement  contre  les  inspirés  et  leurs  réunions ,  mais 
encore  contre  les  protestants,  quels  qu'ils  fussent,  sur- 
tout à  partir  de  l'édit  du  13  avril  1698,  rendu  quelques 
mois  après  la  paix  de  Ryswick.  «  On  forçait  les  pro- 
testants,  »  dit  Antoine  Court  (i)  en  parlant  de  cette 
époque  néfaste,  «  d'assister  au  culte  de  l'Eglise  romaine. 
Personne  n'en  était  exempt,  et  si  quelqu'un  avait  assez 
de  courage  pour  le  refuser  et  pour  s'en  défendre,  bien- 
tôt des  estaffiers  se  saisissaient  de  leurs  personnes  et 
les  traînaient,  les  uns  dans  les  couvents,  les  autres  dans 
les  prisons ,  et  les  autres  on  les  transportait  dans  un 
nouveau  monde.  Il  n'était  point  permis  d'envoyer  ses 
enfants  dans  les  pays  étrangers  pour  les  y  faire  étudier, 
et  on  ne  les  pouvait  envoyer  dans  le  royaume  que  chez 
des  maîtres  catholiques,  à  qui  il  était  ordonné,  sous  les 
peines  les  plus  sévères ,  de  faire  assister  régulièrement 
tous  les  écoliers  à  la  messe  et  à  tout  l'autre  service  de 
l'Eglise  catholique.  »  Quand  on  avait  affaire  à  des 
familles  qui  étaient  en  évidence  par  leur  position  ou 
leur  fortune,  on  leur  enlevait  purement  et  simplement 
leurs  enfants  pour  les  placer  de  force  dans  des  collèges 
ou  des  couvents.  Que  si  ces  enfants  avaient  été  éloignés 
pour  les  soustraire  aux  agents  du  pouvoir,  on  ordonnait 
à  leurs  parents  de  les  représenter  dans  la  huitaine,  et 
malheur  à  eux  s'ils  n'obéissaient  point  ;  ils  pouvaient 
s'attendre  aux  châtiments  les  plus  sévères.  Plusieurs 
familles  protestantes  d'Annonay  eurent  tout  spéciale- 
ment à  souffrir  de  ces  violences.  Voyez  Pièces  justifica- 
tives, n®  XII. 

Le  clergé  était  en  ceci ,  comme  dans  tout  le  reste , 
l'inspirateur  de  ces  mesures ,  qui  violaient  le  sanctuaire 
sacré  de  la  famille,  car  c'est  lui  qui  donnait  à  l'autorité 

(i)  Mémoires,  p.  20. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  49 

les  noms  des  nouveaux  convertis  qui  ne  remplissaient 
pas  leurs  devoirs  de  catholiques,  comme  le  prouve  les 
renseignements  que  Bâville  demandait,  en  1699,  à 
l'évêque  du  Puy  : 

i"  Sur  les  chefs  de  parti  et  personnes  accréditées 
qui  détournent  les  nouveaux  convertis  ; 

2°  Sur  les  nouveaux  convertis  qui  vont  voir  les  ma- 
lades ; 

3"  Sur  les  parents  qui  refusent  de  faire  instruire  leurs 
enfants  dans  la  religion  catholique  ; 

4°  Sur  les  parents  qui  n'assistent  pas  aux  instructions 
et  ne  font  pas  le  devoir  de  catholiques  ; 

5®  Sur  les  médecins ,  chirurgiens ,  apothicaires  et  sa- 
ges-femmes qui  refusent  de  s'acquitter  des  devoirs  de 
la  religion  catholique  ; 

6°  Sur  les  mauvais  catholiques  qui  jouissent  des  biens 
des  religionnaires  hors  du  royaume.  Leurs  fruits  doivent 
être  saisis  et  séquestrés  ,  après  que  les  détenteurs  ont 
été  avertis  sans  se  corriger  (i). 

MAISONS    DÉMOLIES    OU    INCENDIÉES    (1689-I703). 

Pendant  ces  jours  néfastes,  les  persécuteurs,  comme 
on  l'a  vu  ,  ne  respectaient  pas  plus  les  biens  des  pro- 
testants que  leur  liberté  et  leurs  vies.  Toute  maison,  où 
s'était  tenue  une  assemblée  ,  que  le  fait  fût  établi  ou 
non,  était  démolie  ou  incendiée.  Nous  mentionnerons 
les  suivantes  comme  ayant  subi  ce  sort  : 

Une  dans  la  paroisse  de  Bressac,  en  1689,  apparte- 
nant à  Jean  Benoît  (Voy.  plus  haut,  p.  26). 

Une  dans  la  paroisse  de  Desaignes,  dite  à  Balavon, 
même  année.    Le  propriétaire,  Jean  Curson  ,  fut  con- 

(0  Corbière,  HisL.  de  l'Egl.  vè(.  de  MontpelUev,  p.  542,   543. 
II.  4 


5o  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

damné  aux  galères ,  d'où  il  sortit  neuf  ans  plus  tard 
parce  qu'il  avait  promis  d'aller  à  la  messe ,  mais  il  ne 
paraît  pas  avoir  tenu  sa  parole  et  ne  pratiquait  extérieu- 
rement aucune  religion.  Il  vivait  encore  en  1740. 

Une  autre  à  Pourchères,  même  année,  appartenant  à 
Béraud  (Voy.  plus  haut,  p.  39). 

Une  autre  dans  la  paroisse  de  Saint-Creyt ,  dite  à 
Lamenac ,  en  1690.  Plusieurs  personnes  y  furent  arrê- 
tées, notamment  le  propriétaire,  Pierre  Grange,  dont  la 
raison  ,  dit-on,  se  troubla  ,  et  qu'on  mit  en  liberté.  Son 
frère ,  Antoine ,  fut  condamné  aux  galères  et  libéré  en 
171 3.  Il  finit  ses  jours  à  Morges,  en  Suisse. 

Deux  autres  dans  la  paroisse  de  La  Bâtie  d'Andaure, 
dites  vers  Chastanier.  On  y  fit  également  des  prison- 
niers. 

Une  autre,  en  1696,  près  de  Privas,  où  les  inspirés 
Arsac  et  Laurent  présidèrent  une  assemblée  (Voy.  plus 
haut,  page  22). 

En  décembre  1698,  sur  l'ordre  de  la  cour,  on  démo- 
lit à  Vernoux  neuf  maisons  et  à  Macheville,  quartier  de 
Montmagnon  (paroisse  de  Lamastre)  ,  sept ,  parce  que 
Claude  Brousson  ,  l'année  précédente  ,  avait  séjourné 
dans  ces  contrées.  Plusieurs  personnes  y  furent  faites 
prisonnières ,  tant  de  celles  qui  avaient  donné  asile  à 
Brousson  que  de  celles  qui  lui  avaient  prêté  leur  maison 
pour  présider  des  assemblées. 

Une  autre  maison  dans  la  paroisse  de  Saint-Jean- 
Chambre,  appartenant  à  Jean  Reboul  (Voy.  page  47). 
Pendant  que  les  soldats  mangeaient  et  buvaient  copieu- 
sement à  sa  table ,  Reboul  trouva  moyen  de  s'échap- 
per. Il  put  ainsi  avertir  ses  voisins,  ce  qui  permit  au 
prédicateur  Ebruy  ,  qui  était  couché  dans  une  maison 
située  à  Vernet,  à  une  portée  de  mousquet  de  là,  de 
se  mettre  en  lieu  sûr. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^I 

Une  autre  dans  la  maison  de  Saint- Apollinaire  de 
Rias,  dite  à  Rossignol. 

Deux  autres  dans  la  paroisse  de  Silhac,  vers  la  Fau- 
ne, en  la  Combe-du-Pré. 

Une  autre  à  Soyons  ou  Toulaud,  vers  Bouret. 

Une  autre  à  Charmes.  Le  propriétaire,  Pierre  Biny, 
fut  condamné  aux  galères  ,  où  il  mourut  quelque  temps 
après. 

Une  autre  à  Pierregourde,  paroisse  de  Gilhac  ,  vers 
le  Merle. 

Une  à  Baix.  Le  propriétaire  ,  nommé  Jourdan  ,  était 
boulanger  et  fort  riche.  Sa  femme  avait  été  emprison- 
née à  Privas  et  fut  conduite  au  Pont-Saint-Esprit. 

Une  autre  dans  la  paroisse  de  Mounens  ,  aux  Ba- 
dons.  La  maîtresse  de  la  maison  et  sa  fille  aînée,  avant 
qu'on  eût  eu  ouvert  aux  soldats,  purent  se  cacher  dans 
un  petit  réduit  pratiqué  dans  une  chambre,  mais  n'ayant 
pas  eu  le  temps  de  bien  ajuster  la  planche  qui  le  recou- 
vrait, les  soldats  s'en  aperçurent  et  l'un  d'eux,  l'ayant 
soulevée  ,  introduisit  une  lumière  dans  la  cachette.  La 
mère  et  la  fille,  fort  heureusement,  s'étaient  accroupies, 
l'une  à  l'extrémité  de  la  cachette,  l'autre  à  l'autre,  et 
ne  furent  pas  aperçues.  Elles  demeurèrent  ainsi  cachées 
plusieurs  jours,  après  quoi  une  partie  des  soldats  furent 
rappelés.  Ceux  qui  restèrent  s'étant  contentés  de  man- 
ger et  de  boire  à  satiété  sans  se  livrer  à  aucune  perqui- 
sition, les  autres  enfants  de  la  maison  parvinrent  à  faire 
échapper  leur  mère  et  leur  sœur.  Des  enfants  qui  res- 
tèrent, un  seul  fut  arrêté.  C'était  un  jeune  homme  de 
dix-huit  ans,  pieux  et  instruit,  mais  maladif,  qui  fut  con- 
duit dans  les  prisons  de  Montpellier,  oij  il  mourut. 

Toutes  les  maisons  dont  nous  venons  de  parler  furent 
pillées  de  fond  en  comble  avant  d'être  démolies  ou  in- 
cendiées. Dans  ce  temps-là  ,  comme  le  fait  remarquer 


Ç2  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Ebruy,  on  ne  demandait  point  de  preuves.  Il  suffisait 
qu'on  fût  accusé  ou  soupçonné  de  s'être  assemblé 
dans  une  maison  pour  qu'on  la  démolît  et  que  l'on  jetât 
en  prison  les  propriétaires  (i). 

SOUFFRANCES    d'aLEXANDRE    ASTIER   AUX  GALÈRES 
(1689-I715). 

De  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  à  l'époque  où 
nous  a  conduit  notre  récit,  un  grand  nombre  de  protes- 
tants du  Vivarais  furent  condamnés  aux  galères  (2). 
Nous  ne  pouvons  les  suivre  dans  le  lieu  de  leur  mar- 
tyre ;  ce  sujet  appartient  à  l'histoire  générale  des  galé- 
riens protestants  (3).  Nous  ferons  néanmoins  une 
exception  en  faveur  de  l'un  d'eux,  qui  demeura  attaché 
à  la  chaîne  pendant  vingt-trois  ans  et  qui  donna  ,  pen- 
dant sa  longue  captivité,  l'exemple  de  la  plus  admirable 
constance.  Par  les  souffrances  qu'il  endura  on  pourra 
juger  de  celles  qu'éprouvèrent  ses  compagnons  d'in- 
fortune. 

Il  s'agit  d'Alexandre  Astier,  du  hameau  de  Vignac 
(paroisse  de  Saint-Cierge-la-Serre)  ,  tisserand  de  pro- 
fession, dont  il  a  été  parlé  plus  haut  (page  32)  et  qui 
était  âgé  de  vingt-six  ans.  Il  avait  assisté  aux  assemblées 
de  Plot,  Tauzuc  et  Saint-Cierge-la-Serre,  présidées  par 
Gabriel  Astier  et  autres,  et  fut  arrêté,  le  25  mars  1689, 
à  Saint-Vincent-de-Durfort.  Conduit  successivement  au 
château  de  M.  de  Monteil,  situé  à  une  demi-lieue  de 
là,  puis  à  Lavoulte ,  il  fut  jeté  dans  une  citerne  pro- 
fonde et  infecte  du  château  des  ducs  de  Ventadour,  où 


(i)  Mémoire  d'Ebruy  (ms.).  Gazette  de  Harlem  (dans  le  Bulletin,  etc., 
t.  XXXII.  p.  Ç62). 
(2)  Voy.  la  liste  générale  aux  Pièces  justiftcalioes ,  n°  Xlll. 
[j)  Voy.  Ath.  Coquerel,  Les  forçats  pour  la  foi,  Paris,  1866,  in-12. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  5  3 

il  croupit  vingt-deux  jours ,  souffrant  de  la  faim  ,  de  la 
soif  et  d'autres  maux  indicibles.  A  ce  moment,  cent 
douze  protestants  étaient  détenus  dans  le  château  et 
sept  dans  la  citerne.  Astier  n'ayant  pas  voulu  se  laisser 
catéchiser  par  un  abbé  de  Nîmes ,  qui  venait  matin  et 
soir  engager  les  prisonniers  à  abjurer ,  on  le  mit  dans 
un  cachot  rempli  de  boue  et  entièrement  obscur  en 
compagnie  d'un  fou  ,  qui  ne  lui  fit  aucun  mal.  Il  y  de- 
meura quatre-vingt-dix  jours,  du  25  mars  au  22  juin,  et 
fut  condamné  aux  galères  perpétuelles  avec  neuf  de  ses 
compagnons,  par  sentence  de  Bâville,  qui  s'était  rendu 
à  Lavoulte  pour  juger  les  prisonniers  et  à  qui  Astier 
avoua  courageusement  qu'il  avait  assisté  aux  assem- 
blées. Quatorze  filles  ou  femmes  et  trois  hommes 
furent,  pour  le  même  motif,  envoyés  à  la  tour  de  Cons- 
tance. 

Astier  arriva  à  Marseille  le  25  juin,  et  fut  enfermé 
dans  la  galère  La  grande  Réale  ,  oij  il  n'était  que  depuis 
trois  jours,  quand  un  argousin  lui  donna  un  violent 
soufflet,  uniquement  parce  qu'il  avait  fait  quatre  ou  cinq 
pas  pour  prendre  l'air  et  jeter  un  coup  d'œil  sur  les 
autres  galères  qui  étaient  à  l'ancre  dans  le  port. 

Trois  mois  après  environ,  atteint  d'une  forte  fièvre  , 
il  fut  conduit  à  l'hôpital  royal,  et  y  séjourna  deux  mois 
et  demi.  «  Pendant  ce  temps-là,  »  dit-il,  «  un  mission- 
naire, nommé  M.  Miroir,  lui  fit  tout  le  mal  qui  se  puisse 
imaginer  jusques  à  lui  faire  laver  les  draps  et  les  cou- 
vertures de  son  lit,  et  cela  dans  un  temps  même  qu'As- 
tier  était  si  faible  et  exténué  qu'il  ne  pouvait  seulement 
se  soutenir  sur  ses  jambes.  » 

En  1691  ,  ayant  été  mis  sur  la  galère  La  Gloire  et 
installé  sur  un  banc  où  il  n'y  avait  que  des  forçats 
inexpérimentés,  qui,  à  un  moment  donné,  se  renversè- 
rent tous  ensemble  sur  le  banc  de  dessous,  un  argousin 


54  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

s'approcha  de  lui  en  furieux  ,  avec  une  grosse  corde , 
et  donna  huit  ou  neuf  coups  de  toutes  ses  forces  sur 
son  corps  dépouillé  de  vêtements,  en  lui  disant  :  «  C'est 
toi,  huguenot,  qui  est  cause  que  tous  les  autres  se  sont 
renversés.   » 

L'année  suivante,  Astier  changea  de  galère,  et  fut 
placé  sur  La  Magnanime,  où  un  maître-argousin,  fana- 
tique et  cruel,  qui  espérait  le  convertir  à  force  de  mau- 
vais traitements  ,  profita  de  ce  que  la  galère  était  en 
campagne  pour  le  faire  rouer  de  coups  par  ses  deux 
aides.  Il  le  battit  lui-même,  pour  les  plus  légers  motifs, 
vingt-cinq  jours  durant,  au  point  d'attendrir  les  plus 
méchants  forçats  et  les  Turcs,  qui  étaient  enchaînés  à 
ses  côtés.  Il  ne  cessa  ce  jeu  cruel  que  sur  les  repré- 
sentations de  l'écrivain  du  roi  et  de  l'écrivain  de  l'équi- 
page. 

Quelques  années  plus  tard,  en  1695  ,  les  parents  et 
les  amis  d' Astier  réunirent,  pour  le  secourir,  la  somme 
de  15  livres  10  sols,  qui  furent  remis  à  un  turc.  Mais 
ce  dernier  se  les  appropria  ;  et ,  lorsque  Astier  voulut 
les  réclamer  au  maître-argousin  au  service  duquel  était 
le  turc,  il  ne  reçut  que  des  coups  qui  lassèrent  l'aide 
qui  les  lui  asséna. 

En  1699,  Astier  eut  à  souffrir  des  violences  de  l'au- 
mônier même  de  La  Magnanime ,  nommé  Fabre  ,  qui, 
sur  le  refus  du  pieux  forçat  d'assister  à  la  messe  qui  se 
disait  à  la  poupe  de  la  galère,  l'y  fit  porter  de  vive  force 
par  quatre  ou  cinq  turcs ,  et  enchaîner  ,  pour  qu'il  ne 
pût  retourner  à  son  banc.  Or,  comme  Astier  s'était 
couché  parterre  pour  ne  pas  voir  l'autel,  le  prêtre,  qui 
avait  commencé  son  sermon,  l'interrompit  pour  lui  don- 
ner un  coup  de  pied  au  côté  droit,  dont  il  souffrit  plu- 
sieurs jours.  Il  ordonna  ensuite  à  un  sous-argousin  de 
l'attacher  debout  à  une  barricade  pour  qu'il  assistât  au 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  5  5 

service  dans  une  position  décente  ,  mais  ce  dernier  s'y 
refusa  sur  la  représentation  que  lui  fit  Astier,  qu'en 
obéissant  à  l'aumônier  il  dépasserait  sa  consigne.  Un 
second  argousin,  à  qui  ce  dernier  donna  l'ordre  de  bat- 
tre le  courageux  confesseur,  n'obéit  pas  mieux  pour  le 
même  motif,  et  un  troisième,  qui  reçut  celui  de  l'enchaî- 
ner à  la  balustrade  ,  se  retrancha  également  derrière  sa 
consigne.  L'aumônier  manda  alors  le  maître-argousin, 
qui,  sur  sa  demande,  déferra  Astier,  et  s'apprêtait  à  le 
faire  asseoir  au  troisième  banc  ,  placé  à  huit  ou  neuf 
pas  de  l'autel,  quand  le  pieux  forçat,  se  voyant  dégagé 
de  ses  liens  ,  retourna  rapidement  à  son  banc  de  rame 
ordinaire ,  où  il  fut  suivi  par  le  maître-argousin  ,  qui  l'y 
fit  attacher  de  façon  à  ce  qu'il  eût  la  tête  tournée  du 
côté  de  l'autel.  Ce  dernier  s'étant  retiré  après  cela  , 
quelques  turcs,  plus  humains  que  Taumônier,  le  déliè- 
rent sans  craindre  le  châtiment  auquel  ils  s'exposaient, 
et  il  put  se  coucher  sans  voir  officier  le  prêtre.  Chose 
assez  surprenante  !  Astier  ne  reçut  que  deux  coups  de 
corde  pour  sa  désobéissance,  et  aucune  punition  ne  fut 
infligée  aux  turcs  qui  l'avaient  détaché. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  dans  une  autre  circonstance. 
C'était  dix  ans  plus  tard.  De  Monthaulieu,  chef  d'esca- 
dron des  galères ,  ayant  été  informé  par  son  intendant 
que  les  forçats  religionnaires  ne  levaient  pas  leur  bon- 
net quand  on  disait  la  messe  ,  se  rendit  à  bord  de  La 
Magnanime,  et  fit  donner  la  bastonnade  à  Astier  qui,  le 
soir  du  même  jour,  fut  soumis  à  un  traitement  pareil, 
mais  avec  plus  de  violence  encore.  Le  lendemain , 
M.  de  Montbelle,  major  général  des  galères,  vint  de- 
mander à  Astier  s  li  lèverait  dorénavant  son  bonnet  , 
faute  de  quoi  il  lui  ferait  donner  cent  bastonnades  par 
jour  jusqu'à  ce  qu'il  cédât.  Puis  il  se  retira  sans  rien 
ordonner  pour  le  jour  même.   Le  surlendemain ,   étant 


56  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

venu  visiter  la  galère,  le  maître-argousin,  à  qui  quelques 
personnages  charitables  avaient  parlé  en  faveur  d' Astier, 
lui  dit  que  ce  dernier  faisait  son  devoir. 

Quelques  jours  après ,  le  lieutenant  de  la  galère,  le 
sieur  de  Villepassant,  natif  de  Toulouse  ,  ne  se  montra 
pas  si  humain.  Sur  le  refus  d' Astier  de  lui  promettre  de 
faire  son  devoir^  il  le  fit  battre  par  un  turc  avec  une 
grande  violence,  et  de  même  le  jour  suivant;  mais 
quand,  le  surlendemain,  il  vint  pour  lui  infliger  la  même 
peine,  le  maître-argousin  lui  représenta  qu'Astier  ne  ré- 
sisterait pas  à  une  troisième  bastonnade,  et  que  le  capi- 
taine serait  fâché  de  sa  perte,  parce  que  c'était  un 
excellent  rameur.  Le  chirurgien  de  garde,  averti  par 
une  bonne  âme  de  ce  qui  se  passait,  vint  voir  Astier,  et 
le  trouva  dans  un  état  si  déplorable ,  qu'il  ordonna  son 
transfert  à  l'hôpital,  où  le  malheureux  patient  mit  deux 
mois  à  se  rétablir  de  ses  blessures. 

Pendant  la  guerre  des  camisards  de  1704,  Astier 
eut  encore  beaucoup  à  souffrir,  car,  à  tout  instant,  les 
argousins  le  maltraitaient  en  lui  disant  :  «  On  te  frappe 
à  cause  de  tes  confrères  des  Cévennes,  qui  font  tant  de 
mal  aux  catholiques.  » 

L'année  suivante,  les  aumôniers  des  galères  ayant  été 
privés  du  droit  dont  ils  avaient  joui  jusque-là  de  faire 
punir  à  leur  gré  les  forçats,  Astier  n'eut  plus  à  endurer 
de  mauvais  traitement  de  leur  part,  et  fut  heureusement 
libéré  le  21  juin  171 3,  à  la  suite  du  traité  de  paix 
d'Utrecht.  Pendant  les  vingt-trois  années  que  dura  son 
martyre,  il  n'accomplit  pas  le  moindre  acte  de  faiblesse. 
Retiré  à  Zurich,  il  vivait  encore  en  1739.  A  cette  date 
il  fit  la  déclaration  suivante  : 

«  Astier  confesse  avoir  été  inspiré.  Il  convient  que 
les  inspirations  portaient  au  mal  plutôt  qu'au  bien ,  et 
surtout  à  inspirer  de  l'inclination  pour  le  sexe  ;  mais  il 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  57 

déclare  n'avoir  jamais  entendu  parler  de  Dusserre  ni  de 
l'école  des  prophètes,  dressée,  selon  Brueys,  à  la  ver- 
rerie de  Peyra,  proche  de  Dieulefit  (i);  ce  qui  fait  voir 
que  c'est  une  fable  inventée  par  l'historien.  Fait  en  pré- 
sence de  M.  Alexandre  Astier,  le  mardi,  24  septem- 
bre 1739,  à  Zurich,  dans  la  maison  de  M.  Corteiz  (2).  w 

RALENTISSEMENT  MOMENTANÉ  DE  LA  PERSÉCUTION 
AU  DÉBUT  DE  LA  GUERRE  DE  LA  SUCCESSION  d'eS- 
PAGNE.  REPRISE  DES  ASSEMBLÉES  PUBLIQUES  ET 
LEUR    RÉPRESSION    SANGLANTE     (170I-I703). 

Au  début  de  la  longue  guerre  de  la  succession  d'Es- 
pagne (1701-1713),  la  persécution  se  ralentit  en  Viva- 
rais,  et  les  protestants  de  cette  province,  qui,  depuis 
les  massacres  de  1689  ,  avaient  tenu  leurs  assemblées 
religieuses  d'une  façon  discrète ,  les  reprirent  avec 
courage  mais  elles  ne  tardèrent  pas  à  être  poursuivies 
à  main  armée. 

Le  14  septembre  1701,  un  prédicateur,  nommé  Jac- 
ques Gaspard,  de  la  Bâtie  de  Crussol,  se  disposait  à 
présider  une  assemblée  religieuse  au  fond  d'un  ruisseau 
nommé  le  Creux  de  Veye  ,  près  du  pont  des  Ollières, 
quand  survinrent  inopinément  des  soldats  qui  fondirent 
sur  elle.  La  troupe  était  commandée  par  le  sieur  de 
Monteil,  le  fils,  mais  ceux  de  ses  autres  chefs  qui  se 
montrèrent  le  plus  acharné  dans  la  répression  furent 
Dumolard,  subdélégué  de  l'intendant,  et  Vocance,  ca- 
pitaine d'une  compagnie  franche.  Pusieurs  des  person- 
nes qui  assistaient  à  l'assemblée  furent  tuées  ,  d'autres 


(i)  Ce  témoignage  corrobore  tout  ce  que  nous  avons  dit  sur  ce  sujet  dans 
notre  Hisl.  des  pvot.  du  Dauph.,  t.  III,  p.  68-70. 

(2)  Extrait  m^if  et  fidèle  des  souffrances  d'Alexandre  Astier  (Bulletin, 
etc.,  t.  XXIX,  p.  460  et  suiv.).  Ms.  Court,  n"  17,  t.  B. 


58  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

blessées,  entre  autres  un  nommé  Alexandre  Faillet,  qui 
eut  quatre  doigts  emportés  d'un  coup  de  feu.  On  fit  un 
grand  nombre  de  prisonniers.  Cinquante  quatre  furent 
arrêtés  en  une  seule  fois  ,  vingt-sept  hommes  et  vingt- 
sept  femmes,  et  conduits  dans  les  prisons  de  Montpel- 
lier :  les  hommes  en  bateau  jusqu'au  pont  Saint-Esprit, 
les  femmes  en  charrette.  L'intendant  Bâville  en  condamna 
cinq  aux  galères  :  Charles  Aurenche ,  Noë  Peyre ,  et 
les  trois  frères  Marlié  (Jean,  Jacques  et  Pierre).  Le 
père  de  ces  derniers,  Daniel  Marlié,  Jacques  Gaspard, 
Jacques  Salomon  Duplantier  de  Toulaud,  René  Faillet, 
frère  d'Alexandre,  nommé  plus  haut,  et  une  fille  furent 
condamnés  à  être  pendus  et  exécutés  chacun  dans  une 
localité  différente  :  Marlié  à  Vallon  ,  Gaspard  à  Ver- 
noux  ,  Duplantier  à  Saint-Pierreville ,  Faillet  à  Saint- 
Agrève,  et  la  fille  à  Privas. 

Au  retour  d'une  autre  assemblée,  qui  s'était  tenue 
non  loin  de  Chalencon,  le  19  août  1703  (ou  1704),  une 
partie  de  ceux  qui  y  avaient  assisté ,  au  nombre  de 
trente  environ  (quelques-uns  étaient  armés),  s'étant  mon- 
trés à  huit  heures  du  matin  au  hameau  de  La  Valette  , 
paroisse  de  Silhac ,  Imbert,  curé  du  lieu,  qui  en  fut 
informé  et  qui  avait  même  aperçu  trois  ou  quatre  de  ceux 
qui  revenaient,  «  en  donna  incontinent  avis,  »  dit  une 
pièce  catholiquedu  temps,  «  àquelquescompagnies  d'or- 
donnance et  de  bourgeoisie  ,  qui  étaient  à  Vernoux ,  et 
à  M.  Astier  ,  lieutenant  de  la  bourgeoisie  de  Chalen- 
con ,  qui  ne  manqua  pas  en  même  temps  de  partir  en 
toute  diligence  avec  seize  de  ses  bourgeois,  et  de  mar- 
cher du  côté  des  attroupés  pour  tâcher  de  les  joindre; 
et  les  ayant  aperçus  suivant  un  petit  sentier  peu  éloigné 
de  la  maison  d'Arlandes ,  comme  c'est  un  homme  fort 
actif  qui  ne  manque  pas  de  cœur  ni  de  conduite ,  leur 
cria  :  Arrête  !  ce  qu'ils  ne  voulurent  faire  et  les  obligea 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^9 

à  tirer  dessus.  Cependant  il  n'en  resta  aucun  sur  la  place. 
Toutefois  le  coup  perça  la  cuisse  à  un  de  ces  malheu- 
reux ,  qui  fut  saisi  de  suite  avec  un  autre  qui  n'était  pas 
blessé.  Tout  le  reste  prit  la  fuite...  Ils  les  poursuivirent 
à  toute  jambe,  autant  qu'ils  en  virent  paraître.  Enfin  les 
ayant  tous  perdus  de  vue ,  passant  par  des  broussailles, 
le  nommé  André  Jomac  ,  l'un  des  sergents  de  ladite 
compagnie,  aperçut  un  de  ces  fanatiques  couché  dans 
la  fougère,  n'ayant  pu  courir  davantage.  Et  comme  il 
approchait  de  lui ,  n'étant  qu'environ  trois  ou  quatre  toi- 
ses ,  se  prit  garde  que  le  misérable  lui  lâchait  un  coup 
de  pistolet  (i)  ,  qui,  par  bonheur  pour  lui,  fit  faux  feu, 
et  de  suite  ledit  Jomac  lui  tira  un  coup  de  fusil  et  lui  ap- 
pliqua trois  balles  à  l'épaule  droite  ,  en  même  temps  le 
saisit  aux  cheveux  et  ie  traîna  plus  de  cinquante  pas 
pour  le  sortir  des  broussailles.  Ledit  S""  Astier  accourut 
à  lui...  et  lui  trouva  25  1/2  louis  d'or,  6  écus  blancs 
et  quelques  pièces  de  4  sols...,  quelque  poudre,  des 
balles,  une  cuillère  et  des  moules  pour  en  faire  ;  mit  le  tout 
dans  ses  poches  et,  après  lui  avoir  ôté  partie  de  ses  ha- 
bits, le  fit  attacher  avec  les  deux  autres  et  conduire  au 
dit  Chalencon,  bien  gardé  toute  la  nuit  dans  sa  maison... 
Le  lendemain  il  les  mena  à  Privas,  oij  M.  Dumolard , 
subdélégué  de  monseigneur  l'intendant,  était  et,  après 
qu'il  eût  fait  raconter  comment  tout  s'était  passé  ,  il  lui 
ordonna  de  les  conduire  à  Vernoux  pour  y  être  jugés 
avec  quatre  prophétesses,  qui  y  étaient  aussi,  deux  des- 
quelles avaient  été  arrêtées  au  dit  Silhac,  et,  deux  jours 
après,  leur  sentence  fut  prononcée  par  ledit  S""  Dumo- 
lard, le  lieutenant  criminel  d'Annonay  et  quelques  avo- 
cats.  » 


(i)  Les  sources  protestantes  disent,  au  contraire,  qu'il  ne  fit  pas  usage  de 
son  arme. 


6o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Le  protestant  blessé  par  Jomac,  qui  n'était  autre 
qu'Isaac  Duplantier,  frère  de  Jacques  Salomon,  nommé 
plus  haut,  fut  condamné  à  être  rompu  vif,  un  autre  à 
être  pendu ,  le  troisième  à  être  simplement  fouetté  à 
cause  de  son  jeune  âge  ,  trois  femmes  à  être  pendues. 
Ces  diverses  sentences  furent  exécutées  à  Vernoux  le 
24  août,  un  jour  de  foire,  comme  le  portait  le  jugement. 
Si  Duplantier  avait  suivi  les  avis  du  prédicateur  Ebruy  , 
qui  présidait  l'assemblée  et  lui  avait  conseillé  de  revenir 
avec  lui  et  d'autres  de  ses  compagnons  par  le  chemin 
qui  longeait  l'Erieux,  il  n'aurait  pas  été  arrêté,  car  plu- 
sieurs pensaient,  et  Ebruy  était  du  nombre,  que  la  com- 
pagnie de  bourgeois  de  Chalencon,  qui  avait  pris  les 
armes,  tirerait  droit  au  lieu  de  la  réunion  :  ce  qu'elle  fit. 
Isaac  Duplantier  avait  rempli  quelques  années  aupara- 
vant les  fonctions  de  prédicateur  ainsi  que  son  frère  Jac- 
ques Salomon. 

Dans  la  paroisse  de  Saint-Jean-Chambre  on  surprit 
dans  une  maison  isolée,  appelée  vers  Rousson,  un 
nommé  Claude  Mayre ,  dit  Cocadon  ,  qui  avait  fait  des 
exhortations  pendant  plusieurs  années.  C'était  un  homme 
fort  et  courageux  qui,  se  voyant  cerné  par  les  soldats, 
leur  demanda  résolument  de  le  laisser  passer.  Ceux-ci, 
le  voyant  bien  armé  et  décidé  à  se  défendre ,  lui  ouvri- 
rent un  passage  ;  mais  la  sentinelle,  qui  gardait  la  porte  de 
la  basse-cour,  voulant  Tempêcher  de  sortir,  reçut  de  lui 
un  coup  de  baïonnette,  qui  l'étendit  raide  mort.  Les  au- 
tres soldats,  qui  avaient  suivi  Cocadon,  sans  oser  met- 
tre les  mains  sur  lui,  survinrent  au  moment  où  il  était 
aux  prises  avec  la  sentinelle  et  lui  assénèrent  sur  la  tête 
un  coup  de  crosse  de  fusil ,  qui  l'étendit.  On  put  alors 
se  saisir  de  sa  personne  ,  et  il  fut  successivement  con- 
duit à  Vernoux,  à  Montpellier  et  à  Nîmes.  On  le  con- 
damna dans  cette  dernière  ville  à  avoir  le  poing  coupé 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  6l 

par  trois  coups  de  hache  et  à  être  pendu.  L'exécution 
eut  lieu  à  Vernoux.  Des  témoins  oculaires  affirmèrent 
qu'il  reçut  les  trois  coups  sans  proférer  aucun  cri  ni 
faire  aucun  mouvement,  et  que,  lorsqu'il  vit  sa  main 
droite  à  terre,  il  se  baissa  pour  la  relever  avec  sa  gau- 
che. Les  propriétaires  de  la  maison  où  il  fut  pris  furent 
également  arrêtés,  mais  on  les  relâcha  après  quelques 
mois  de  détention  ,  moyennant  le  payement  d'une 
amende  et  des  frais  de  justice  (i). 

LES  CAMISARDS   DU    LANGUEDOC    EN    VIVARAIS.     DOUBLE 
COMBAT    DE    VAGNAS     lO    ET     II     FÉVRIER    (1703). 

La  guerre  des  camisards  ensanglanta  aussi  le  Viva- 
rais.  Elle  dut  son  origine,  comme  on  le  sait,  à  la  sévé- 
rité des  déclarations  de  Louis  XIV  contre  les  protes- 
tants, aux  expéditions  sanguinaires  des  troupes  royales 
contre  les  assemblées  du  désert,  aux  derniers  supplices 
infligés  aux  prédicants ,  aux  rigueurs  exercées  contre 
les  galériens,  à  l'inhumanité  des  ecclésiastiques  romains, 
notamment  à  celle  du  célèbre  abbé  du  Chaila. 

Jean  Cavalier,  qui  commandait  les  Camisards,  après 
avoir  tenu  la  campagne  en  Languedoc ,  forma  le  dessein 
de  pénétrer  dans  le  Vivarais ,  où  il  avait  des  intelli- 
gences. Il  se  mit  en  marche  en  Janvier  1703,  et  laissa 
partout  de  sanglantes  traces  de  son  passage.  Il  brûla 
plusieurs  églises,  cures,  châteaux,  bourgs  et  villages; 
et  commit  notamment  ces  violences  à  La  Bastide-de- 
Virac  ,  Sampzon  ,  Grospierre  et  Vagnas ,  dont  les  habi- 
tants ,   en  grande  majorité  catholiques ,  avaient  été  ,  il 

(i)  Armand  de  la  Chapelle,  t.  II,  p.  290.  Le  patriote  français  et  impar- 
tial, t.  II,  p.  Ç29.  Court,  Histoire  des  trouliles,  t.  I,  p.  11.  Un  épisode  de 
l'histoire  des  Camisards.  Mémoire  d'Ebruy  (ms.).  Ms.  Court,  n"  17, 
t.  C.  Arch.  du  ministère  de  la  guerre,  n»  1709  (ms.). 


62  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

faut  le  dire,  les  instruments  dociles  des  ordres  cruels 
donnés  contre  les  protestants,  s'étaient  enrichis  de  leurs 
dépouilles,  et  faisaient  feu  sur  les  camisards  quand 
ceux-ci  leur  demandaient  des  armes  ou  des  vivres.  Plu- 
sieurs catholiques  périrent  de  la  sorte  dans  les  flammes 
ou  par  l'épée. 

Arrivé  sur  la  rive  droite  de  l'Ardèche,  Cavalier  ne 
put  pénétrer  plus  avant  dans  le  Vivarais  parce  qu'il 
trouva  les  passages  de  cette  rivière  bien  gardés  par  Jac- 
ques d'Illaire,  sieur  de  Joviac,  qui  commandait  des 
compagnies  de  fusiliers  et  des  milices.  Le  maréchal  de 
camp  Jacques  Julien,  ancien  protestant  d'Orange  (i), 
commandant  militaire  des  Cévennes  et  du  Vivarais,  qui 
suivait  le  chef  camisard  à  la  piste,  écrivit  alors  à  Jo- 
viac de  franchir  l'Ardèche,  quoique  de  Broglie  lui  eut 
donné  l'ordre  contraire,  et  de  marcher  contre  Cavalier, 
pendant  que  le  comte  du  Roure  (2) ,  lieutenant  général 
pour  le  roi  en  Languedoc,  réunirait  de  son  côté  les 
gentilshommes  et  les  milices  languedociennes  du  voisi- 
nage. Henri  de  Merle  ,  baron  de  Lagorce  ,  convoqua 
également  de  son  côté  le  marquis  Cérice  de  Vogué  et 
autres  seigneurs  catholiques  du  bas  Vivarais  pour  sou- 
tenir le  sieur  de  Joviac. 

Le  plan  de  Julien  était  de  prendre  les  camisards  en- 
tre deux  feux.  Leur  perte  paraissait  donc  certaine.  Il 
n'en  fut  rien  parce  que  le  comte  du  Roure  et  Joviac  vou- 
lurent chacun  remporter  la  victoire.  Joviac  anticipa  l'exé- 
cution de  l'ordre  qu'il  avait  reçu  et  passa  l'Ardèche  de 
très  bon  matin,  le  10  février.  Le  baron  de  la  Lagorce 
le  rejoignit  et  tous  deux  marchèrent  résolument  contre 
Cavalier.  «  Attaqués,  »  dit  Court,  «  dès  la  pointe  du  jour 


(i)  Petit-fils  du  pasteur  Sébastien  de  Julien. 
(2)  Pierre  Scipion  de  Grimoard  de  Beauvoir 


& 


DU    VIVARAIS   ET    DU    VELAY.  63 

auprès  de  Vagnas,  les  camisards  attendirent  l'ennemi  de 
pied  ferme  et  essuyèrent  la  décharge  sans  s'ébranler. 
Ils  firent  ensuite  la  leur  si  à  propos  qu'elle  jeta  la  frayeur 
dans  la  petite  armée.  Celle-ci  prit  la  fuite  et  fut  pour- 
suivie et  relancée  jusqu'au  bourg  de  Salavas  à  une 
grande  lieue  du  champ  de  bataille.  »  Le  baron  de  La- 
gorce,  plusieurs  officiers  et  sergents,  et  un  grand  nom- 
bre de  soldats,  furent  tués.  Cavalier  perdit  seulement 
le  vaillant  Espérandieu  et  n'eut  que  quelques  blessés. 

Le  comte  du  Roure  ,  qui  était  à  Barjac ,  envoya  aus- 
sitôt donner  avis  de  cet  échec  à  Julien,  «  et  l'avertit  du 
lieu  où  il  pourrait  encore  trouver  les  camisards  s'il  se 
hâtait  d'y  aller.  Il  était  alors  à  Lussan  [à  prés  de  cinq 
lieues  de  là].  Il  part,  marche  toute  la  nuit,  quoiqu'il  y 
ait  un  pied  de  neige,  passe  par  Saint  Jean-des- Anneaux 
[ou  de  Marvejols],  et  se  rend  à  Barjac  au  point  du  jour. 
Il  avait  avec  lui  un  bataillon  du  régiment  de  Hainaut,  le 
régiment  de  Tournon  ,  et  deux  cent  cinquante  hommes 
des  troupes  de  la  marine.  Il  fut  joint  par  le  comte  de  Flo- 
rac,  qui  lui  amena  cinquante  hommes.  C'était  beaucoup 
trop  contre  des  gens  qui  venaient  déjà  d'essuyer  un  com- 
bat; mais,  fiers  de  leur  victoire,  ils  ne  s'effrayent  point 
et  attendent  encore  de  pied  ferme  Julien  ,  qui  marchait 
à  eux.  Celui-ci ,  dés  qu'il  les  vit ,  observa  leur  conte- 
nance, forma  une  embuscade  et  divisa  le  reste  de  sa 
petite  armée  en  deux  corps ,  mettant  à  la  tête  du  pre- 
mier quarante  grenadiers.  Il  marche  ensuite  à  eux  et  or- 
donne une  décharge.  Les  camisards  l'essuyèrent  sans 
s'ébranler  et  firent  la  leur;  mais,  attirés  dans  l'embus- 
cade et,  attaqués  de  tous  côtés  par  des  grenadiers  qui 
fondaient  sur  eux  tête  baissée,  la  baïonnette  au  bout  du 
fusil,  ils  s'ébranlent,  prennent  la  fuite  et  gagnent  les 
bois.  »  Le  combat  eut  lieu  sur  le  chemin  de  Vannas  à 

o 

La  Bastide  au  pied  de  Montgourdon. 


64  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Louvreleuil  et  La  Baume  disent  que  les  camisards 
eurent  cent  cinquante  morts  dans  cette  affaire.  Bâville 
parle  de  deux  cents,  et  Brueys  de  plus  de  trois  cents. 
Les  troupes  royales,  au  contraire,  n'auraient  perdu 
qu'une  dizaine  de  soldats,  tués  ou  blessés.  Cavalier, 
de  son  côté,  assure  qu'après  avoir  fait  une  exacte  revue 
de  ses  soldats,  il  ne  constata  que  cinquante  ou  soixante 
absents ,  dont  quelques-uns  s'étaient  noyés  en  voulant 
traverser  la  rivière  de  la  Cèze  ;  mais  il  perdit  tout  son 
bagage ,  courut  lui-même  les  plus  grands  dangers  et 
n'échappa  à  la  mort  que  par  une  sorte  de  miracle.  Il 
se  retira  ensuite  en  Languedoc  et  ne  reparut  plus  en 
Vivarais.  Quant  aux  prisonniers ,  au  nombre  de  vingt , 
d'après  La  Baume,  ils  furent  jugés  à  Alais  par  Bâville 
et  condamnés  à  être  pendus  (i). 

SOULÈVEMENT  CAMISARD  EN  VIVARAIS.  COMBAT  DE 
FRANCHASSIS.  BOUCHERIES  EXÉCUTÉES  PAR  JULIEN 
(1704). 

L'année  suivante ,  un  des  inspirés  les  plus  extrava- 
gants du  Vivarais,  Jean-Pierre  Dortial  dit  Saint-Jean 
(ou  Lesparon),  de  Chalencon,  que  nous  retrouverons 
plus  tard ,  tenta  avec  Abraham  Charmasson ,  d'Arc 
(paroisse  de  Vallon),  jeune  homme  sage,  mais  d'une 
piété  exaltée,  et  un  nommé  Louis  Mercier  dit  Decom- 
bes,  de  soulever  le  Vivarais  en  faveur  de  l'insurrection 
camisarde. 


(i)  Louvreleuil,  t.  I,  p.  78-82.  Brueys,  t.  Il,  p.  Ç5-70.  Court,  Hist.  des 
troubles,  t.  I,  p.  221-251.  D'Aigrefeuille,  p.  490.  Dourille,  p.  409-41 J.  Arch. 
du  ministère  de  la  guerre,  n"  1709  (ms.).  Relation  du  combat  de  Vagnas, 
dans  comte  A.  de  Pontbriant,  Guerres  de  religion,  p.  502-304.  Relatio7i  de 
ce  qui  s'est  passé  à  Vagnas,  etc.,  dans  le  Bulletin  d'hist.  eccl.  et  d'arch. 
du  diqc,  de  Valence,  t.  II.  La  Baume,  Relation  historique,  p.  92-95 . 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  6^ 

Ayant  enrôlé  cent  jeunes  gens  environ ,  les  trois 
chefs  parurent  en  armes  à  Gluiras  dans  la  nuit  du  i8 
au  19  février  1704;  vers  deux  ou  trois  heures  du  matin, 
tuèrent  dans  le  presbytère  les  deux  frères  Ventallon  , 
l'un  curé,  l'autre  vicaire  de  la  paroisse,  et  incendièrent 
l'église. 

De  là,  ils  se  rendirent  la  même  nuit  à  Saint-Maurice- 
sous-Chalencon ,  oij  ils  se  saisirent  du  curé  Tourville 
qu'ils  conduisirent  à  l'église  et  blessèrent  et,  le  laissant 
pour  mort,  ils  mirent  le  feu  à  cette  dernière. 

Au  point  du  jour,  ils  prirent  la  route  de  Saint-Michel- 
de-Chabrillanoux  et  se  cachèrent  toute  la  journée  du  19. 

Dans  la  nuit,  ils  incendièrent  l'église  de  Saint-Fortunat 
et  la  maison  du  notaire  Retourna ,  nouveau  converti , 
parce  qu'il  s'était  servi  des  matériaux  de  l'ancien  temple 
pour  construire  celle-ci  ;  puis  ils  se  rendirent  à  Saint- 
Julien-le-Roux  dont  ils  brûlèrent  également  l'église. 

Dans  la  journée  du  20,  ayant  paru  sur  le  coteau  du 
Serre-de-la-Mure,  en  vue  de  Vernoux,  le  sieur  de  Mon- 
teil,  qui  commandait  le  haut  Vivarais,  se  mit  à  la  tête  de 
sa  compagnie  et  de  la  compagnie  bourgeoise  de  Ver- 
noux, formant  un  effectif  de  quatre  cents  hommes,  se 
dirigea  de  leur  côté  pour  les  combattre,  mais,  quand  il 
fut  à  deux  portées  de  fusil  des  camisards,  sa  petite 
armée  reçut  l'ordre  de  rétrograder.  Un  mémoire  catho- 
lique du  temps  dit  «  que  ce  fut  à  la  prière  de  M.  Tar- 
divon  [nouveau  converti] ,  qui  se  chargea  mal  à  propos 
de  faire  retirer  cette  troupe  chez  eux,  disant  qu'on 
devait  leur  porter  compassion  ,  qu'il  se  faisait  fort  de 
leur  faire  mettre  bas  les  armes,  n'étant  en  partie  que 
quelques  femmes  ou  enfants.  » 

Le  21  ,  les    camisards    s'établirent   dans    la    maison 
Combler,  paroisse   de    Saint-Apollinaire-de-Rias ,    oià 
ils  battirent  une  partie  de  la  compagnie  de  Juras,  com- 
11.  ) 


66  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

mandée  par  le  lieutenant  Du  Combal.  Deux  prisonniers 
catholiques,  Dupont  etBancel,  durent  la  vie  aux  instances 
d'un  prophète  de  la  troupe,  «  qui  portait  un  habit  tout  en 
lambeaux  et  couvert  d'huile  d'olive,  disant  être  rempli  du 
Saint-Esprit,  »  et  qui,  «  à  la  vérité,  »  dit  le  même  mémoire, 
((  fut  pour  eux  indulgent,  après  qu'il  se  fut  plusieurs  fois 
jeté  à  la  renverse,  tournant  ses  yeux  vers  le  ciel..., 
disant  qu'il  leur  fallait  faire  grâce  et  leur  donner  la  vie, 
pourvu  qu'ils  se  chargeassent  de  porter  une  lettre  au 
commandant  du  pays  :  ce  qu'ils  promirent  faire  de  bon 
cœur  ;  en  même  temps  firent  la  lettre  pleine  de  folie  et 
d'extravagance,  laquelle  fut,  en  effet,  rendue  par  les 
prisonniers.  » 

De  Saint-Apollinaire-de-Rias    les  camisards   allèrent 
à  Saint-Jean-Chambre,  dont  ils  incendièrent   l'église; 
puis  ils   se    rendirent  à  Chalencon   sur  le   conseil   de 
Dortial ,  qui  avait  été  averti  par  sa  sœur  Marie  que  la 
compagnie  bourgeoise  du  lieu  était  pour  le  moment  à 
Vernoux.  Astier,  lieutenant   de  cette  compagnie,  soit 
qu'il  se  doutât  de  la  direction  que  venaient  de  prendre 
les  camisards ,  soit  qu'il  en  eut  été  informé  d'ailleurs , 
partit  de  nuit  de  Vernoux  avec  trente  hommes  pour  les 
devancer  à  Chalencon,  et  alla  se  loger  dans  la  maison 
du  sieur  de  Saint-Giney,  derrière  l'église.  Une  quaran- 
taine d'autres  catholiques  se  cachèrent  dans  la  maison 
du  bourgeois  Chamberlhac,  mais  la  sentinelle  n'eut  pas 
le  cœur  d'attendre  les  camisards  ni  de  tirer  sur  eux  quand 
il  les  aperçut,  et  rentra  précipitamment  dans  la  maison, 
de  sorte  que  la  plus  grande  partie  de  ceux-ci  défilèrent 
par  le  chemin  de  la  fontaine  du  CouUet  pendant  que  les 
autres,  entrant  dans  l'église,  renversaient  le  tabernacle. 
Les  premiers  vinrent  ensuite  et   se  rangèrent  en  haie 
devant  cette  même  église.  Alors  les  catholiques,  retran- 
chés dans  la  maison  Chamberlhac,  firent  feu  sur  eux 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  67 

d'une  petite  fenêtre,  en  tuèrent  ou  blessèrent  une  quin- 
zaine et  mirent  le  reste  en  fuite.  Deux  heures  après  , 
quelques  autres  bourgeois  catholiques  ayant  voulu  faire 
leur  jonction  avec  leurs  coreligionnaires  et  étant  arrivés 
devant  l'église,  ces  derniers,  qui  étaient  encore  dans  la 
maison  Chamberlhac,  ne  les  reconnurent  point  à  cause 
de  la  nuit,  en  tuèrent  un  et  en  blessèrent  un  autre 

Cette  même  nuit,  du  21  au  22  février,  les  camisards 
se  rendirent  à  Saint-Sauveur-de-Montagut,  dont  ils  incen- 
dièrent l'église,  et  allèrent  coucher  à  Franchassis  (paroisse 
de  Pranles),  où  ils  passèrent  le  22  et  le  23.  A  Saint-Sau- 
veur, ils  cherchèrent  partout  le  pasteur  apostat  Isaac 
Meissonnier  «  pour  se  faire  prêcher,  »  disaient-ils,  mais 
ce  dernier  s'était  retiré  prudemment  à  Bofîres,  chez  son 
fils,  et  de  là  à  Annonay. 

Sans  vouloir  en  aucune  façon  excuser  les  incendies 
et  les  meurtres  commis  par  les  camisards  et  tout  en  les 
blâmant  sévèrement,  il  est  juste  de  faire  observer  que, 
dans  le  Vivarais  comme  partout  ailleurs,  les  ecclésias- 
tiques étaient  les  instigateurs  attitrés  de  toutes  les  ri- 
gueurs déployées  contre  les  protestants,  et  que  ceux-ci, 
en  les  mettant  à  mort,  croyaient  user  de  justes  repré- 
sailles. 

Cependant,  le  subdélégué  Dumolard  écrivit,  le  20  fé- 
vrier, à  six  heures  du  matin,  à  Bâville  le  soulèvement 
des  camisards  du  Vivarais.  Julien,  averti  le  21  par  le 
maréchal  Auguste  de  La  Baume-Montrevel ,  un  des 
commandants  militaires  du  Languedoc ,  partit  de  Saint- 
Ambroix  sur  l'heure  avec  trois  cents  soldats  du  régi- 
ment de  Hainaut ,  cinquante  miquelets  et  trente  dra- 
gons à  cheval.  Il  était  à  Privas  le  23  sans  avoir  dormi  : 
on  ne  l'attendait  que  le  lendemain.  Pour  faire  une  diver- 
sion,  Cavalier  passa  la  Cèze,  le  21  au  soir,  espérant 
obliger  Julien   à   revenir  sur  ses   pas  ;  mais  il  changea 


68  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

de  sentiment  et  la  repassa  la  même  nuit.  Nous  laissons 
maintenant  la  plume  à  Julien  qui  a  écrit  une  relation 
détaillée  de  la  bataille  qu'il  livra  aux  camisards. 

((  J'ai  l'honneur  de  vous  apprendre,  avec  un  sensible 
plaisir,  »  dit-il  à  Montrevel,  «  l'heureuse  rencontre  que 
je  fis  hier  matin  (23  février)  au  village  de  Franchassis, 
paroisse  de  Pranles,  d'une  troupe  d'environ  cent  cin- 
quante camisards,  commandés  par  un  gaillard  (Abraham 
Charmasson)  qui  se  fait  appeler  Cavalier  et  dont  je  vous 
ai  envoyé  le  portrait  dans  ma  dernière  lettre.  Il  avait 
deux  autres  chefs  sous  lui,  appelés  Saint-Jean  (Dortial) 
et  Decombes  (Mercier).  J'étais  parti  le  matin  à  sept 
heures  de  Privas  avec  les  trois  cents  hommes  du  déta- 
chement d'Hainaut,  les  trois  compagnies  de  dragons 
et  autant  de  miquelets,  et  pour  me  rendre  à  Saint-Michel 
[de  Chabrillanoux],  d'où  M.  de  Monteil  me  mandait 
que  les  rebelles  étaient  de  ce  côté-là  et  qu'il  les  cher- 
chait avec  sa  compagnie  de  fusilliers  et  quelque  bour- 
geoisie. En  chemin  faisant,  j-'eus  avis  [par  Bouchet,  de 
Privas,  et  M"®  de  La  Cheysserie]  que  les  rebelles 
étaient  depuis  avant  le  jour  dans  le  village  de  Fran- 
chassis. D'abord,  je  tournai  ma  marche  de  ce  côté-là, 
dont  je  n'étais  qu'à  trois  quarts  de  lieue.  Je  détachai 
M.  d'Hérouville  avec  deux  cent  cinquante  soldats  pour 
marcher  sur  la  route  et  s'avancer ,  afin  de  couper  cette 
canaille  si  elle  prenait  le  parti  de  se  jeter  de  ce  côté-là. 
J'envoyai  sur  la  gauche  M.  de  Saint-Sernin  avec  les 
trois  compagnies  de  dragons  pour  empêcher  les  rebelles 
de  se  jeter  du  village  dans  un  bois.  Je  ne  retins  avec 
moi  que  la  compagnie  des  grenadiers  d'Hainaut  avec 
les  trois  compagnies  de  miquelets,  faisant  75  [hommes], 
pour  attaquer  ces  malheureux  par  le  front.  Je  mis  les 
miquelets  à  l'avant-garde ,  suivis  à  trente  pas  par  les 
grenadiers,   afin    que    ces    coquins,   les    voyant   venir, 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  69 

crussent  que  c'était  de  la  milice,  parce  qu'ils  ne  mar- 
chent pas  contre  les  troupes  réglées  et  sont  habillés 
d'un  gris  qu'on  peut  prendre,  de  loin,  pour  des  paysans. 
Un  petit  rocher,  à  trois  cents  pas  du  village,  couvrait 
ma  marche,  et  les  rebelles  ne  s'en  aperçurent  que  quand 
ils  virent  paraître  les  miquelets.  En  descendant  du  dit 
rocher ,  pour  lors  les  drôles  sortirent  du  village  et 
s'avancèrent  impunément  le  long  du  chemin,  à  la  faveur 
pourtant  d'une  muraille  qui  régnait  tout  le  long  du  che- 
min et  lui  servait  d'épaulement ,  d'où  ils  commencèrent 
à  tirer  très  maladroitement ,  puisqu'ils  ne  blessèrent 
qu'un  brigadier  de  mignons  à  travers  la  jambe.  Ils 
criaient  insolemment  :  «  Avance  ,  avance  !  »  mais  leur 
bonne  contenance  ne  dura  guère  lorsqu'ils  reconnurent 
les  grenadiers  qui  suivaient  de  près  les  mignons.  Pour 
lors,  cette  canaille  plia,  mais  trop  tard  pour  eux  puisque 
les  miquelets  et  les  grenadiers  les  joignirent  d'assez 
près  pour  en  laisser  plus  de  soixante  sur  la  place , 
parmi  lesquels  on  assure  être  un  des  chefs,  ayant  trouvé 
son  épée  nue  et  son  chapeau  [de  castor]  bordé  d'ar- 
gent [avec  un  plumet  blanc].  Le  reste  de  cette  maudite 
troupe  fut  suivi  bien  vivement  pendant  trois  heures  dans 
les  rochers  et  vallons  par  les  miquelets  et  les  grenadiers, 
qui  en  massacrèrent  une  partie  avec  sept  ou  huit  fem- 
mes,  lesquelles,  mêlées  parmi  les  perfides,  fuyaient 
avec  eux...  J'ai  donné  ordre  qu'on  cherchât  partout 
avec  soin  les  blessés.  » 

Cinq  jours  après,  le  28,  Julien  écrivait  qu'on  avait 
pris  quatre  à  cinq  blessés  qui  n'avaient  voulu  faire 
aucune  révélation.  Le  dernier  pourtant,  Simon  Vésian , 
homme  marié,  de  Lyas,  assura  qu'il  n'avait  reconnu  qu'un 
paysan  de  Saint-Maurice-en-Chalencon  et  un  autre 
d'Ajoux  ;  mais  il  ajouta  qu'il  y  avait  dans  la  troupe  dix 
hommes  de  Gluiras  dont  il  ignorait  les  noms,  cinquante 


70  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Cévenols  et  cent  cinquante  Vivarois,  et  que  Decombes 
passait  pour  avoir  été  tué.  Julien  fit  u  casser  la  tête  » 
aux  cinq  blessés. 

Le  4  mars,  Julien  écrivait  encore  que  les  camisards 
avaient  perdu  plus  de  monde  qu'il  ne  pensait,  puisque 
les  paysans  avaient  enterré  cent  trente  cinq  hommes , 
sans  parler  d'une  douzaine  de  femmes. 

Pour  châtier  les  hameaux  de  Franchassis  et  de  Las- 
sagne,  qui  avaient  donné  asile  aux  révoltés,  Julien,  au 
retour  de  sa  poursuite  ,  donna  l'ordre  de  massacrer 
tous  les  habitants  sans  distinction  d'âge  ni  de  qualité , 
ni  même,  paraît-il,  de  religion,  puisque  quelques  catho- 
liques furent  tués.  Vingt  personnes  seulement  eurent  la 
vie  sauve  dans  cette  boucherie.  C'étaient  des  enfants 
pour  la  plupart.  Le  hameau  de  Chazalet  fut  aussi  pillé, 
et  cinq  personnes  y  périrent.  Mêmes  scènes  de  violence 
à  Maléon  ,  où  deux  hommes  furent  mis  à  mort,  et  au 
Bouchet,  où  un  nommé  Lassagne  eut  sa  belle-mère 
massacrée.  Franchassis  fut  traité  durement.  Après 
l'avoir  fait  incendier,  Julien  réunit  une  centaine  de 
pionniers,  maçons  et  autres  ouvriers,  pour  abattre  les 
voûtes ,  caves  et  murs  des  maisons  qui  avaient  été 
épargnées  par  le  feu. 

Cet  officier  ,  qui  donnait  pour  raison  de  ses  inhuma- 
nités que  les  habitants  de  ces  divers  lieux  ne  l'avaient 
point  averti  de  la  présence  des  camisards ,  fit  ensuite 
publier  une  ordonnance  portant  que  les  communautés 
qui  ne  l'informeraient  pas  immédiatement  de  la  présence 
des  rebelles,  seraient  châtiées  avec  la  même  rigueur  que 
Franchassis.  Le  28,   il  écrivit  (i)  à  toutes  les  commu- 


(1)  Montrevel  fut  choqué  de  cette  lettre,  qu'il  prit  pour  une  ordonnance 
en  règle,  et  également  de  ce  que  Julien  avait  fait  passer  par  les  armes,  sans 
autorisation,  deux  soldats  qui  avaient  contrefait  les  camisards  et  volé  dans 
une  maison.  Le  commandant  militaire  des   Cévennes  et  du  Vivarais  fondait 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  7I 

nautés  des  Boutières,  dont  les  églises  avaient  été  incen- 
diées par  les  camisards ,  du  19  au  24  février,  d'avoir  à 
les  faire  reconstruire  aux  frais  des  nouveaux  convertis, 
déclarant,  dit  Court,  que  «  les  prêtres ,  en  outre ,  de- 
vaient être  en  sûreté  dans  l'étendue  des  paroisses,  tant 
le  jour  que  la  nuit  ;  que  la  vie  et  la  tête  de  tous  les  nou- 
veaux convertis  de  chaque  communauté  lui  répondraient 
de  celle  de  leur  curé  ;  qu'il  mettait  au  même  prix  la  con- 
servation des  églises,  et  que,  s'il  y  en  avait  quelqu'une 
de  profanée  ou  de  brûlée,  les  nouveaux  convertis  de  la 
paroisse  seraient  exécutés  sans  miséricorde.  Il  ajoutait 
que  cette  sorte  de  représailles  paraîtrait  aux  autres,  de 
même  qu'à  lui,  trop  dure  et  trop  violente,  mais  il  la  jus- 
tifiait par  la  raison  qu'il  n\  avait  pas  des  expédients  plus 
sûrs  que  celui-là  pour  arrêter  le  cours  de  ces  perfidies 
et  de  ces  abominations.  » 

Julien  cantonna  ensuite  ses  troupes  ,  celles  du  pays 
et  les  trois  bataillons  de  Suisses,  qui  étaient  arrivées  au 
Puy  le  20  et  le  22,  dans  les  lieux  du  Vivarais  qui  lui 
parurent  les  plus  suspects  ;  visita  tous  les  ports  du 
Rhône,  depuis  Serrières  ;  et,  le  18  avril,  étant  à  Valence, 
demanda  un  congé  de  deux  ou  trois  mois ,  afin  de  faire 
«  des  remèdes,  »  dit-il,  «  pour  mon  estomac  et  ma  poi- 
trine (i).  » 


son  droit  sur  le  brevet  original  du  roi ,  qui  lui  avait  confié  ce  poste.  Mont- 
revel  ne  l'entendait  pas  ainsi.  Il  écrivit,  le  lo  avril,  au  ministre  ,  que  Julien 
mériterait  d'être  puni,  et  qu'il  espérait  que  le  roi  maintiendrait  la  subordina- 
tion, «  d'une  manière,  »  disait-il,  «  qui  apprenne  à  un  petit  monsieur  de  cette 
espèce,  qui  conserve  encore  les  principes  qu'il  a  pris  chez  les  barbets,  que 
l'on  ne  doit  pas  s'écarter  de  son  devoir  au  point  qu'il  l'a  fait  à  mon  égard. 
Il  s'était  oublié  déjà  en  .'"autres  occasions  que  je  lui  avais  passées  par 
bonté.  »  Si  Montrevel  ne  l'a  pas  puni,  c'est  pour  ne  pas  affaiblir  son  autorité 
vis-à-vis  des  protestants. 

(i)  Un  épisode  de  Vhistoire,  clc.  Louvreleuil,  t.  II,  p.  152-139.  Brueys, 
t.  II,  p.  250-252.  Court,  Hist.  des  troubles,  t.  II,  p.  282-285.  Mémoire 
d'Ebruy  (ms.).  Arch.  de  l'Hérault,  c.  155,  259.  Dourille,  p.  418-420.  Arcki- 


72  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

ASSEMBLÉES  DE  JOUR.  CONDAMNATIONS.  SECOND  MOU- 
VEMENT CAMISARD  EN  VIVARAIS.  COMBATS  DE  GILHOC, 
SAINT-FORTUNAT,     LEYRISSE    (17O4-I709). 

A  dater  de  cette  époque,  et  jusqu'en  1709  ,  les  pro- 
testants du  Vivarais  furent  relativement  peu  inquiétés  , 
grâce  à  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne,  qui 
absorbait  les  soins  de  la  Cour ,  et  nécessitait  l'emploi 
de  toutes  ses  forces  militaires.  «  Nous  faisions,  »  dit  le 
proposant  Ebruy,  «  des  assemblées  de  deux,  trois,  qua- 
tre cents  personnes  de  plein  jour,  quoique  nous  ne  lais- 
sassions pas  d'user  de  prudence  autant  qu'il  dépendait 
de  nous...  Nos  ennemis  n'ignoraient  pas  nos  assem- 
blées. »  Le  célèbre  prédicateur  Pierre  Carrière  dit  Cor- 
teiz  ,  parlant  des  succès  d' Ebruy ,  disait,  dans  ses  Mé- 
moires, qu'il  a  faisait  des  progrès  admirables.  » 

Mais,  quoiqu'on  laissât  une  certaine  tranquillité  aux 
protestants  du  Vivarais,  plusieurs  d'entre  eux  furent  con- 
damnés aux  galères,  et  même  à  mort,  pour  fait  d'assem- 
blées,  de  1704  à  1709  (Voy.  Pièces  justificatives, 
n*>  XIII).  Nous  rapporterons  un  jugement  de  1708,  qui 
a  été  retrouvé. 

Les  «  commissaires  du  présidial  de  Nîmes ,  députés 
*  par  le  roi  pour  l'administration  de  la  justice  au  pays  de 
Vivarais ,  jugeant  en  dernier  ressort  ,  »  et  présidés  par 
Novy,  déclarèrent  Jean  Beauthias ,  Pierre  Fourbonne 
et  Matthieu  Suel,  dûment  convaincus  d'avoir  assisté  à 
diverses  assemblées ,  et  Susanne  Charrier  dite  Randi- 
gonne ,  d'y  avoir  également  assisté  et  d'en  avoir  con- 
voqué ;  et  condamnèrent  les  deux  premiers  aux  galères 
perpétuelles,  le  troisième  à  trois  ans  de  la  même  peine, 

ves  du  ministère  de  la  guerre,  n"^  1706,  1798,  1799  (ms.).  La  Baume,  Re- 
lalion  historique,  p.  261,  262. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  73 

et  à  une  amende  de  loo  livres;  la  dernière  à  être  rasée 
et  enfermée  sa  vie  durant  à  la  tour  de  Constance,  et  sa 
maison  à  être  démolie  jusqu'aux  fondements.  Les  biens 
de  tous  furent  confisqués ,  distraction  faite  de  la  troi- 
sième partie  pour  les  femmes  et  les  enfants,  et  les  frais 
du  procès  (23  juillet  1708)  (i). 

L'œuvre  de  relèvement  à  laquelle  Ebruy  se  livrait 
avec  zèle  fut  malheureusement  arrêtée  par  le  nouveau 
mouvement  camisard  de  1709,  qui  eut  exclusivement  le 
Vivarais  pour  théâtre.  Ses  chefs  étaient  trois  fameux 
camisards ,  Daniel  Gui  dit  Billard ,  qui  avait  été  lieute- 
nant-colonel de  Cavalier  et  son  confident,  Dupont, 
son  secrétaire,  tous  les  deux  de  Nîmes,  et  le  vision- 
naire ou  prophète  Abraham  Mazel,  ancien  brigadier  de 
l'armée  camisarde ,  natif  de  Faugères,  paroisse  de 
Saint-Jean-de-Gardonnenque ,  connu  surtout  sous  son 
prénom  d'Abraham.  Réfugiés  en  Hollande  après  la 
soumission  de  Cavalier,  ils  partirent  pour  la  France  à 
la  suggestion  du  marquis  de  Miremont  et  de  Cavalier 
lui-même,  qui  se  proposait  de  les  suivre,  si  l'Angleterre 
et  la  Hollande,  en  guerre  avec  la  France,  lui  en  four- 
nissaient les  moyens.  A  leur  passage  à  Genève,  ils  re- 
çurent trente  et  un  louis  d'or  de  leur  confrère  Atgier 
dit  Lavalette ,  qui  leur  procura  également  un  guide , 
nommé  Antoine  Sallier,  ancien  prédicateur  du  Vivarais 
(voy.  page  23),  réfugié  à  Lausanne. 

Partis  de  Carouge,  près  Genève,  le  2O  mars  à  onze 
heures  du  soir,  ils  passèrent  par  Chambéry  et  Les 
Echelles.  Arrivés  à  Beaumont,  près  Valence,  Billard 
eut  quelques  mouvements  exstatiques  et  dit  à  Sallier  : 
«  Frère,  dans  ce  lieu  il  y  a  des  gens  de  guerre,  et  n'y 


(ly  Ch.  Sagnier,  La  tour  de  Conslance ,   p.     101-105.    Arch.    de  la  coui 
d'appel  de  Nîmes,  Sentences  criminelles,  liasse  9. 


74  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

ferait  pas  bon  pour  nous.  »  Sallier,  étant  entré  dans  le 
bourg  malgré  cet  avertissement ,  et  y  ayant  vu  en  effet 
des  soldats ,  conduisit  les  trois  camisards  au  grand 
Chiron ,  mais  non  sans  leur  avoir  exprimé  la  crainte  de 
rencontrer  également  des  soldats  dans  ce  lieu.  Billard 
l'ayant  assuré  du  contraire ,  ils  s'y  rendirent  et  furent 
bien  reçus  par  un  protestant  nommé  Gensel.  Sallier 
alla  ensuite  à  Valence  pour  s'enquérir  des  moyens  de 
faire  traverser  le  Rhône  à  ses  compagnons.  Après  bien 
des  difficultés,  il  trouva  un  nommé  La  Baume,  protes- 
tant des  environs  de  Vernoux,  qui  était  garde  aux  Gran- 
ges de  Valence,  et  qui  consentit  à  embarquer,  pour  un 
louis  d'or,  les  quatre  voyageurs.  Un  grand  vent  heureu- 
sement souffla ,  qui  obligea  les  gardes  de  la  rive  droite 
du  fleuve  à  quitter  leur  poste,  et  la  barque  aborda  sans 
encombre  en  Vivarais.  Les  camisards ,  armés  de  pisto- 
lets et  de  cannes  à  épée,  étaient  bien  résolus,  d'ailleurs, 
à  se  défaire  de  ces  gardes,  s'ils  se  fussent  opposés  à 
leur  passage.  A  l'exception  d'Abraham,  ils  étaient  bien 
mis,  habillés  en  officiers,  avec  chapeau  bordé,  canne  et 
montre. 

«  (i)  Arrivés  en  Vivarais,  ils  s'adressèrent  à  Jean- 
Paul  Ebruy  dit  Jean-Paul,  le  prédicant  le  plus  renommé 
dans  ce  temps-là  de  ces  contrées.  Ils  s'ouvrirent  à  lui 
de  leur  dessein ,  dans  l'espérance  non  seulement  qu'ils 
l'approuveraient,  mais  encore  qu'il  aiderait  efficacement 
à  son  exécution.  Ils  se  trompèrent.  Le  prédicant,  qui 
n'osa  pas  leur  dire  tout  ce  qu'il  pensait,  les  assura 
néanmoins  qu'ils  ne  réussiraient  pas  ;  qu'ils  ne  sauraient 
subsister  dans  le  pays  faute  de  vivres,  et  qu'ils  trouve- 
raient  peu   de   personnes  qui    voulussent  les   suivre  et 


(i)  A  partir  de  ce  paragraphe,  tout  ce  qui  est  entre  guillemets  est  extrait 
textuellement  de  l'Histoire  des  troubles,  de  Court. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  75 

entrer  dans  leurs  vues.  »  Ils  cherchèrent  aussi  à  s'abou- 
cher avec  Dortial  l'un  des  chefs  du  mouvement  de 
1704,  mais  il  ne  paraît  pas  qu'ils  aient  pu  le  rencontrer. 
Quant  à  Ebruy ,  ne  voulant  pas  être  témoin  des  désor- 
dres qui  allaient  survenir ,  non  plus  qu'être  impliqué 
dans  le  mouvement,  il  se  retira  à  Genève. 

«  Ces  raisons  ou  quelques  autres  leur  firent  prendre 
le  chemin  des  Cévennes ,  mais  en  traversant  Vais ,  lieu 
renommé  par  ses  eaux  minérales ,  ils  y  trouvèrent  le 
nommé  Justet,  qui  suspendit  leur  marche.  Justet  était 
un  paysan  de  Vais,  mais  homme  brave,  qui  avait  du 
service,  qui  souffrait  avec  impatience  les  mauvais  traite- 
ments qu'on  exerçait  depuis  tant  d'années  contre  les 
protestants ,  et  qui  soupirait  avec  ardeur  dans  le  réta- 
blissement de  leurs  anciens  privilèges.  Il  ne  fut  pas 
plus  tôt  informé  du  dessein  qui  avait  ramené  les  cami- 
sards  en  France,  qu'il  l'approuva  et  qu'il  promit  de  les 
seconder  de  tout  son  pouvoir,  et  d'avoir  bientôt  nombre 
de  jeunes  gens  à  ses  ordres ,  pleins  de  courage  et  de 
bonne  volonté. 

»  Ils  convinrent  aussitôt  ensemble  de  tout  ce  qui  leur 
parut  propre  à  favoriser  l'entreprise.  Ils  n'avaient  ni 
armes  ni  munitions,  et  se  trouvaient  dans  l'impossibilité 
presque  totale  de  se  procurer  des  vivres,  la  rigueur  de 
l'hiver  ayant  fait  périr  les  blés;  mais,  pleins  de  con- 
fiance à  la  Providence  ,  dans  la  justice  de  leur  cause  et 
dans  le  secours  qu'ils  attendaient  des  pays  étrangers  , 
ils  osèrent  se  flatter  de  surmonter  tous  ces  obstacles, 
quelque  difficile  que  cela  leur  parut  à  eux-mêmes.  Ils 
espérèrent  de  trouver  des  armes  et  des  munitions  dans 
quelques  châteaux  ,  où  ils  crurent  pouvoir  pénétrer ,  et 
par  celles-ci  d'en  avoir  bientôt  d'autres  en  désarmant 
les  troupes  qui  oseraient  les  attaquer,  ou  en  rempor- 
tant sur  elles  des  victoires   complètes.   A  l'égard  des 


76  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

vivres,  ils  comptèrent  beaucoup  sur  la  frugalité  de  ceux 
qui  se.  joindraient  à  eux  pour  une  si  bonne  cause , 
sur  les  provisions  qu'ils  pourraient  enlever  aux  trou- 
pes ,  et  sur  l'argent  qu'ils  recevraient  des  pays  étran- 
gers ,  et  qui  les  mettrait  en  état  d'en  acheter  à  haut 
prix. 

»  Ils  jugèrent  de  plus  qu'il  était  absolument  néces- 
saire de  faire  soulever  les  Cévennes  ,  en  même  temps 
que  le  Vivarais ,  et  qu'il  fallait  par  conséquent  envoyer 
des  exprés  à  [Barthélémy]  Claris,  [de  Quissac,  ancien 
prophète  de  Cavalier]  ,  et  à  ce  petit  nombre  de  cami- 
sards  qui  s'y  tenaient  cachés  depuis  les  supplices  de 
Ravanel  et  de  Catinat.  L'on  chargea  de  la  commission 
deux  filles  prédicantes  et  prophétesses,  nommées  Marie 
Désubas  et  Elisabeth  Catalon.  » 

Ces  décisions  prises,  Billard,  en  compagnie  de  Du- 
pont et  d'Abraham,  parcourut  le  bas  Vivarais  pour  son- 
der les  esprits  et  y  faire  des  enrôlements.  «  J'y  ai 
trouvé  de  bonnes  âmes,  »  écrivit-il  à  Atgier,  à  la  date  du 
i8  avril.  «  La  jeunesse  me  paraît  toute  de  feu  pour  se- 
couer le  joug.  Je  vais  dans  le  haut  Vivarais  ,  et  si  je 
trouve  là  les  mêmes  dispositions  que  dans  le  bas,  je 
ne  manquerai  pas  d'en  profiter ,  d'y  assembler  la  jeu- 
nesse et  tous  les  bien  intentionnés.  J'en  ai  déjà  une 
centaine  de  prêts  au  premier  signal...  Si  les  puissances 
protestantes  nous  envoient  de  l'argent,  les  choses  réus- 
siront bien  mieux,  car  je  pourrai  armer  facilement  les 
bien  intentionnés,  au  lieu  que  je  serai  contraint  de  faire 
désarmer  les  anciens  catholiques,  ce  qui  serait  pour 
nous  un  surcroît  d'ennemis.  Ainsi,  je  suis  persuadé  que 
vous  ferez  sentir  aux  personnes  qui  veulent  nous  aider, 
le  bien  qu'un  peu  d'argent  produirait  si  on  nous  l'en- 
voyait. Les  papistes  seront  les  premiers  à  se  déclarer, 
et  tel  qui   aurait  envie  de  nous   vendre  nous  recevra 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  77 

chez  lui  si  nous  lui  payons  ce  qu^il  faudra  pour  notre 
subsistance.  » 

«  Justet  amena  aux  trois  chefs  camisards  trente  jeu- 
nes gens  pleins  de  bonne  volonté,  tous  de  la  paroisse 
de  Vais,  et  que  la  faim,  autant  que  leur  zèle  pour  la  re- 
ligion, avait  fait  sortir  de  leurs  chaumières.  Tous  en- 
semble ils  parcoururent  Les  Boutières.  Leur  premier 
exploit  fut  de  se  défaire,  vers  la  fin  de  mai,  d'un  gentil- 
homme nommé  de  Vocance  de  La  Tour  [lieutenant- 
colonel]  ,  qui ,  à  la  tête  des  milices  ou  des  compagnies 
franches  ,  avait,  souvent  massacré  les  protestants  dans 
leurs  assemblées  ,  et  leur  avait  fait  beaucoup  de  mal 
dans  diverses  occasions.  Ils  lui  dressèrent  une  embus- 
cade [au  bois  de  Vauzet],  au  retour  de  la  foire  de  Mé- 
zilhac,  et  le  tuèrent  avec  un  protestant  nommé  du  Bay, 
qui  se  mettait  en  devoir  de  le  défendre.  » 

Ce  meurtre  fut  le  signal  du  soulèvement  et  les  auto- 
rités ne  doutèrent  point  qu'il  ne  fût  venu  dans  le 
Vivarais  des  émissaires  étrangers  pour  pousser  les  pro- 
testants à  la  révolte ,  d'autant  mieux  que  deux  lettres 
des  II  et  12  avril ,  qui  furent  interceptées  ,  faisaient 
allusion  à  la  rentrée  en  France  de  trois  chefs  camisards. 
L'une  d'elles  était  de  Cavalier  lui-même. 

Le  duc  de  Roquelaure  (i),  qui  commandait  en  Lan- 
guedoc ,  et  Bâville  prirent  aussitôt  leurs  mesures  pour 
qu'on  gardât  soigneusement  toutes  les  issues  de  la 
province ,  mais  ce  fut  trop  tard  et  la  position  devenait 
critique.  La  guerre  de  la  succession  d'Espagne,  qui 
avait  déjà  coûté  un  grand  nombre  d'hommes  à  la  France, 
allait  recommencer.  La  famine,  conséquence  d'un  hiver 
rigoureux,  sévissait  cruellement;  les  finances  de  l'Etat 
étaient  épuisées  et  le  Languedoc  avait  seulement  pour 

(i)  Ses  prénoms  étaient  Antoine-Gaston-Jean-Baptiste, 


jS  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

se  défendre  le  régiment  de  dragons  de  cette  province, 
deux  compagnies  d'Irlandais  et  quelques  mauvaises  mi- 
lices ,  et  le  Vivarais ,  trois  compagnies  suisses  mal 
payées,  qui  commençaient  à  déserter,  et  le  régiment  de 
Boulay. 

«  Après  le  meurtre  de  M.  de  Vocance  ,  les  cami- 
sards  s'allèrent  cacher  dans  un  protond  ruisseau,  bordé 
de  toutes  parts  de  rochers  et  de  précipices  au-dessous 
d'une  maison,  nommée  le  Mounet.  De  là  ils  s'en  furent 
au  bout  de  quelques  jours  du  côté  de  Grozon  [pa- 
roisse de  Saint-Barthélemy-le-Pin] ,  enlever  les  armes 
du  château  de  Boze  appartenant  au  marquis  de  Brizon. 
Ils  s'y  munirent  de  plusieurs  armes  offensives  :  fusils, 
pistolets,  hallebardes  ;  de  poudre  et  de  plomb. 

»  Ils  se  retirèrent  ensuite  dans  une  maison ,  nommée 
Tachaix  [paroisse  de  Gilhoc].  On  s'aperçut  de  leur 
marche  et  on  avertit  De  Rapine ,  qui  commandait  un 
détachement  de  Suisses  à  Vernoux.  Il  se  mit  aussitôt  en 
mouvement  pour  leur  donner  la  chasse.  H  y  a  appa- 
rence que  les  Suisses  l'eussent  laissé  passer  tranquille- 
ment si  un  soldat  de  son  avant-garde  ne  se  fût  avisé  de 
vouloir  entrer  dans  la  maison  où  ils  étaient  cachés.  Ils 
en  sortirent  si  brusquement  et  avec  tant  de  résolution 
que  Rapine  et  le  corps  de  troupes  qu'il  commandait , 
étourdis  et  consternés  ,  ne  pensèrent  qu'à  la  fuite.  Ils 
furent  poursuivis  par  les  camisards  près  d'une  heure  et 
jusqu'au  village  de  Gilhoc,  où  l'officier  prudent  se  re- 
trancha derrière  des  murailles,  dans  l'église  et  dans  le 
clocher.  C'est  de  là  qu'il  commença  à  faire  feu  ,  mais 
sans  succès.  »  Brueys  ajoute  que  le  chef  de  la  troupe 
camisarde  était  vêtu  de  bleu ,  avec  une  plume  au  cha- 
peau de  même  couleur ,  et  qu'il  n'avait  qu'un  pistolet  à 
la  main. 

Cette  action  eut  lieu  le  1 1  juin,  et,  quoiqu'elle  fût  à 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  79 

leur  avantage  ,  elle  les  obligea  à  sortir  de  leur  réserve 
et  à  montrer  le  petit  nombre  d'hommes  dont  ils  dispo- 
saient. D'autre  part ,  l'insuccès  de  leur  mission  auprès 
de  Claris  déconcerta  leur  plan.  Mais  ils  ne  se  décou- 
ragèrent pas  pour  cela  ;  et ,  le  jour  même  de  leur  vic- 
toire, ils  publièrent  un  manifeste,  daté  du  12  mai  et  si- 
gné Abraham  ,  où  ,  accusant  le  clergé  romain  d'avoir 
causé  la  ruine  du  royaume  et  dépouillé  les  protestants 
de  tous  leurs  privilèges ,  ils  déclaraient  prendre  les  ar- 
mes pour  les  revendiquer,  promettaient  aux  catholiques 
et  à  tous  autres  sectateurs  de  religion  de  ne  leur  faire 
aucun  tort,  s'ils  ne  prenaient  pas  les  armes  contre  eux, 
et  ordonnaient  aux  prêtres  de  s'éloigner  sous  peine  de 
mort.  Ils  ajoutaient  dans  la  partie  politique  du  manifeste 
qu'ils  ne  voulaient  point  se  soustraire  à  l'obéissance 
due  au  roi  et  refuser  de  payer  la  taille,  mais  seulement 
se  décharger  «  des  impôts  nouveaux  dont  ils  étaient 
accablés  ,  invitant  les  catholiques  de  se  joindre  à  eux 
pour  le  même  sujet.  »  D'Aigrefeuille  dit  que  c'est 
à  la  suggestion  de  Heinsius ,  grand  pensionnaire  de 
Hollande,  qu'ils  insérèrent  cet  article  dans  leur  mani- 
feste. 

<(  Après  l'affaire  de  Gilhoc ,  Courten  ,  qui  comman- 
dait en  chef  les  bataillons  suisses ,  dépêcha  un  courrier 
au  duc  de  Roquelaure  pour  l'avertir  de  ce  soulèvement, 
et  Du  Molard,  subdélégué  de  Bâville,  dans  ce  pays-là, 
donna  à  cet  intendant  les  mêmes  avis  et  lui  envoya 
l'écrit  que  je  viens  de  rapporter. 

»  A  cette  nouvelle,  qui  parut  de  la  dernière  consé- 
quence, De  Roquelaure  et  Bâville  formèrent  le  dessein 
de  se  rendre  en  personne  dans  le  Vivarais  pour  y 
étouffer  le  mal  dès  sa  naissance.  Un  soldat,  qui  avait 
été  pris  par  les  camisards  et  renvoyé  par  eux  sans  au- 
cun mal,  accrédita  le  bruit,  qui  courait  déjà,  que  Gava- 


8o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

lier  était  le  chef  de  la  troupe.  Il  assurait  lui  avoir  parlé 
et  en  faisait  un  portrait  assez  ressemblant.  » 

Bâville  et  Roquelaure  partirent  pour  le  Vivarais  le 
15  juin  (i),  et  ce  dernier  écrivit  au  duc  de  Berwick  , 
commandant  en  Dauphiné,  de  lui  envoyer  au  plutôt  des 
troupes. 

«  Cependant  rien  ne  résistait  aux  camisards.  Il 
n'était  point  de  détachement  ou  de  corps  de  troupes  , 
quelque  nombreux  qu'ils  fussent,  qu'ils  ne  missent  en 
fuite.  Courten,  colonel  des  Suisses,  les  attaqua  du  côté 
de  Saint-Fortunat.  Il  fut  reçu  avec  tant  de  bravoure 
qu'il  fut  aussitôt  mis  en  fuite  ,  et  il  eut  bien  de  la  peine 
à  sauver  les  débris  de  sa  troupe  dans  Saint-Fortunat,  011 
il  se  retira  en  désordre.  »  Abraham,  toutefois,  reçut 
trois  blessures  et  passa  même  pour  mort  dans  le  camp 
catholique. 

Quelques  jours  après,  le  même  colonel,  à  la  tête  d'un 
corps  de  troupes  plus  considérable  que  le  précédent  , 
les  attaqua  de  nouveau  à  Issamoulenc,  du  côté  de 
Saint-Pierreville  ,  mais  sa  défaite  fut  encore  plus  com- 
plète que  la  première  fois.  Il  disposait  pourtant  de  près 
de  trois  cents  hommes ,  tandis  que  les  camisards 
n'étaient  pas  quatre-vingts.  Il  perdit  deux  officiers  de 
mérite,  le  capitaine  suisse  Muller  et  le  colonel  Massil- 
lan,  de  Baix.  Après  leur  victoire,  les  camisards  se  ren- 
dirent dans  le  haut  Vivarais  et  tinrent  une  assemblée 
religieuse  en  vue  de  Vernoux  sans  être  attaqués  (2). 

(1)  D'Aigrefeuille  dit  le  17. 

(2)  Bâville,  dans  une  lettre  à  Loiivois,  explique  l'avantage  des  camisards 
par  le  fait  que  les  Suisses  de  la  compagnie  colonelle  de  Hesse  et  de  la  com- 
pagnie franche  de  même  nationalité  refusèrent  «  de  tirer  un  seul  coup  contre 
les  rebelles.  »  Ce  fait  est  confirmé  par  des  documents  relatifs  à  la  famille  de 
Joviac,  où  il  est  encore  dit  que  les  camisards  étaient  postés  au  haut  de  la 
montagne  de  Clachau,  et  que  la  bataille  eut  lieu  près  du  petit  village  de  Cla- 
basie.  Jacques  d'Illaire,  sieur  de  Joviac,  le  petit-fils  du  controversiste  de  ce 
nom,  rallia  un  bon  nombre  de  fuyards  ^Communication  de  IVI.  Mazon). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY,  8l 

Le  duc  de  Roquelaure ,  en  attendant  le  secours  du 
duc  de  Berwick,  «  parcourut  en  diligence  avec  Bâville 
toutes  les  communautés  du  pays ,  leur  dénonçant  que  , 
si  elles  fournissaient  des  vivres  aux  attroupés ,  il  les  fe- 
rait punir  avec  la  dernière  sévérité.  Il  se  fit  donner  les 
noms  de  tous  les  jeunes  gens  qui  avaient  quitté  leurs 
maisons  pour  se  joindre  à  eux  ,  parla  lui-même  à  leurs 
parents  et  leur  déclara  que,  s'ils  n'obligeaient  leurs  en- 
fants à  revenir  et  à  rapporter  leurs  armes,  il  s'en  pren- 
drait à  eux.  A  l'égard  de  la  noblesse  huguenote  ,  il  ne 
fut  pas  nécessaire  de  l'exhorter  à  faire  son  devoir. 
Brueys  lui  rend  ce  témoignage  qu'on  ne  saurait  jamais 
assez  louer  le  zèle  qu'elle  témoigna  dans  cette  occasion 
pour  le  service  du  roi. 

«  Ces  précautions  étaient  d'autant  plus  nécessaires 
qu'on  avait  craint  que  les  catholiques,  flattés  de  l'exemp- 
tion des  impôts,  n'augmentassent  le  nombre  des  rebel- 
les. Pour  l'empêcher,  le  duc  de  Roquelaure  et  Bâville 
leur  adressèrent  dans  tous  les  lieux  de  leur  passage  les 
exhortations  les  plus  vives  et  les  plus  pressantes  à  de- 
meurer fermes  dans  leur  devoir.  Ces  exhortations  furent 
efficaces  parce  que  ceux  qui  auraient  voulu  se  déclarer 
n'en  eurent  pas  le  temps. 

w  Les  troupes  arrivaient  de  tous  côtés  et  bientôt  tout 
le  pays  en  fut  rempli.  Lorsque  le  duc  en  eut  suffisam- 
ment ,  il  se  mit  en  campagne.  L'on  vit  alors  une  petite 
armée,  composée  de  plus  de  six  cents  hommes,  ayant 
à  leur  tête  des  généraux ,  des  officiers  de  marque  ,  un 
intendant  et  toute  la  noblesse  du  pays ,  aller  à  la  quête 
d'une  soixantaine  de  gueux... ,  la  plupart  sans  armes  et 
sans  autres  munitions  que  celles  qu'ils  avaient  trouvées 
parmi  les  dépouilles  des  soldats  qu'ils  avaient  déjà  tués. 

»  On  apprit  qu'ils  étaient  le  8  de  juillet  sur  la  monta- 
gne d'isserlets,  près  de  Vernoux ,  où  s'étaient  assem- 
II.  6 


82  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

blés  quelques  protestants  du  voisinage  pour  assister  à 
un  exercice  de  religion  qu'il  y  eut  ce  jour-là.  On  ap- 
prit, de  plus,  que  leurs  chefs  avaient  hautement  déclaré 
qu'ils  y  voulaient  attendre  les  troupes  et  qu'ils  avaient 
eu  l'insolence  d'envoyer  ordre  à  tous  les  curés  des  en- 
virons de  sortir  de  leurs  paroisses  sur  peine  de  la  vie. 

»  Il  y  eut  aussitôt  un  conseil  de  guerre.  On  y  décida 
d'aller  attaquer  les  camisards  sur  cette  montagne  par 
trois  endroits  différents.  Le  chevalier  de  Miroménil , 
avec  deux  bataillons  du  régiment  de  Quercy  ,  dont  il 
était  colonel,  eut  ordre  de  marcher  à  Vernoux,  le  régi- 
ment de  dragons  du  Languedoc  à  Saint-Julien  [le  Roux], 
et  le  duc  de  Roquelaure,  avec  le  reste  de  la  petite  ar- 
mée ,  se  rendit  du  côté  du  Cheylard  et  de  Gluiras.  » 
Dumolard  fut  adjoint  à  Miroménil  par  Bâville  à  cause 
de  sa  connaissance  des  lieux. 

«  Les  mécontents  ne  tardèrent  pas  d'être  informés  de 
ces  mouvements  et  de  cette  résolution  ;  et,  comme  il  y 
avait  ce  jour-là  parmi  eux  grand  nombre  de  femmes  et 
d'enfants  qui  étaient  venus  assister  à  leurs  dévotions  , 
ils  ne  voulurent  pas  les  exposer  au  combat  en  les  rete- 
nant, ni  au  danger  d'être  arrêtés  par  les  troupes  en  leur 
donnant  congé.  Ils  abandonnèrent  donc  cette  monta- 
gne et  escortèrent  jusqu'en  lieu  de  sûreté  cette  colonne 
désarmée  de  femmes  et  d'enfants.  Ils  se  retirèrent  en- 
suite sur  la  cime  de  la  montagne  de  Leyrisse ,  qui  est 
très  haute,  et  au  pied  de  laquelle  coule  la  petite  rivière 
de  Bresson.  » 

Miroménil,  à  la  tête  de  ses  deux  bataillons  du  régi- 
ment de  Quercy,  les  rejoignit  à  six  heures  du  soir  près 
du  lieu  de  Barjac,  à  un  quart  de  lieue  de  Fauriel ,  au 
pied  de  la  montagne  de  Leyrisse  [paroisse  de  Saint- 
Didier-de-Crussol] ,  et  commença  à  monter  par  leur 
droite  pour  les  attaquer.  Dès  que  les  camisards  Taper- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  83 

curent  ils  firent  un  mouvement  comme  pour  se  jeter 
dans  un  bois  de  l'autre  côté  de  la  montagne  ,  puis  ils 
reprirent  leur  première  position  et  se  rangèrent  en  ba- 
taille au  chant  des  psaumes.  Impatients  de  se  mesurer 
avec  les  troupes  royales ,  ils  s'approchèrent  d'elles  de 
dix  pas  et ,  mettant  un  genou  en  terre ,  ils  déchargèrent 
sur  elles  leurs  armes.  Les  soldats  royaux  se  rompirent 
après  cette  brusque  attaque,  mais,  ralliés  par  Miromé- 
nil ,  ils  coururent  sus  aux  camisards,  la  baïonnette  au 
bout  du  fusil ,  et  tuèrent  tous  ceux  qu'ils  purent  at- 
teindre ,  mais  non  sans  éprouver  une  vive  résistance  de 
la  part  de  ces  derniers  ,  qui  se  défendirent  avec  leurs 
épées ,  leurs  faux  et  même  avec  des  pierres.  Justet,  de 
Vais ,  accomplit  à  cette  occasion  des  prodiges  de  va- 
leur. Il  perça  plusieurs  rangs  de  soldats  pour  se  saisir 
d'un  drapeau  porté  par  un  officier  qu'il  blessa,  fit  mor- 
dre la  poussière  à  tous  ceux  qui  voulurent  s^opposer  à 
son  retour  au  milieu  des  siens  ,  et,  en  dernier  lieu,  se 
voyant  serré  de  près  par  deux  grenadiers,  qui  ne  lui 
laissaient  pas  le  temps  de  ramasser  des  pierres ,  il  les 
saisit  par  les  cheveux  et ,  comme  il  était  doué  d'une 
force  herculéenne,  il  les  heurta  si  violemment  l'un  contre 
l'autre  qu'il  les  assomma;  mais,  enveloppé  de  toute 
part,  il  tomba,  percé  de  plusieurs  coups,  sur  le  corps 
des  deux  grenadiers  qu'il  avait  tués.  Miroménil  lui-même 
fut  blessé  à  la  tête  d'un  coup  de  pierre  et  eut  le  bras 
fracassé  par  une  balle  de  fusil.  Il  perdit  deux  capitai- 
nes de  grenadiers  et  trente  soldats.  D'autre  part,  il  eut 
cinq  ou  six  officiers  blessés  et  des  soldats  en  propor- 
tion. Du  côté  des  camisards,  outre  Justet  et  Dupont 
qui  périrent,  on  compta  une  trentaine  de  morts.  Abra- 
ham ,  blessé  antérieurement,  comme  on  l'a  vu  ,  n'assista 
à  ce  combat  que  de  loin  du  sommet  d'une  montagne 
avec  vingt  hommes  qui  lui  servaient  d'escorte.  C'était 


84  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

le  8  juillet.  Le  corps  de  Dupont  fut  exposé  sur  une 
roue,  près  de  Vernoux,  et  livré  à  toutes  sortes  d'outra- 
o-es.  Dans  la  suite  on  planta  dans  ce  lieu  une  croix  qui 
reçut  le  nom  de  croix  de  Billard. 

FIN   DE    LA    LUTTE.    BATAILLE    DE    FONT-RÉAL    (19    JUIL- 
LET   1709). 

((  On  fut  plusieurs  jours  sans  avoir  de  nouvelles  cer- 
taines du  reste  des  camisards.  On  apprit  seulement 
qu'ils  avaient  paru  du  côté  de  Pierregourde  [paroisse 
de  Gilhac]  ;  qu'ils  avaient  passé  dans  la  nuit  la  rivière  de 
l'Erieux  au  nombre  de  soixante;  que  Monteil,  gentil- 
homme de  ce  canton,  qui  commandait  une  compagnie 
franche  avec  un  détachement  de  deux  cents  hommes , 
était  après  eux  au  Pont-des-Ollières  et  qu'il  espérait  les 
joindre  incessamment. 

»  Sur  cet  avis ,  le  duc  de  Roquelaure  marcha  à  Pri- 
vas et,  dans  la  supposition  que  le  dessein  des  cami- 
sards était  de  se  rapprocher  des  Boutières,  il  disposa 
les  troupes  de  manière  qu'ils  ne  pussent  le  faire  sans 
qu'on  tombât  sur  eux.  Mais,  dans  le  temps  que  ce  géné- 
ral faisait  ces  dispositions ,  il  apprit  que  ceux  qui  en 
étaient  l'objet  avaient  repassé  la  rivière  de  l'Erieux  et 
s'étaient  rejetés  dans  le  bois  de  Pierregourde,  d'oij  ils 
étaient  allés  se  poster  de  nouveau  au  sud  de  la  monta- 
gne de  Leyrisse.  Alors  ce  général  fit  marcher  de  ce 
côté-là  toutes  ses  forces  par  quatre  différents  endroits 
avec  ordre  de  ne  laisser  dans  leur  marche  ni  bois,  ni 
cavernes  ,  ni  hameaux ,  sans  les  fouiller  avec  la  der- 
nière exactitude.  Tous  ces  mouvements  furent  inutiles. 
On  ne  put  apprendre  ce  qu'étaient  devenus  ceux  que 
l'on  cherchait  avec  tant  de  soins.  L'on  sut  seulement, 
par  un  homme  qui  les  avait  quittés,  qu'ils  étaient  réduits 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  8^ 

à  la  dernière  nécessité  parce  que  les  habitants  du  pays, 
qui,  jusque-là,  malgré  leur  misère ,  s'étaient  retranché 
de  leur  subsistance  pour  les  nourrir,  ne  voulaient  plus 
leur  fournir  des  vivres;  que  néanmoins  ils  protestaient 
qu'ils  combattraient  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  leur 
sang  et  qu'ils  étaient  dans  l'attente  de  quelque  secours 
qui  devait  bientôt  arriver.  » 

Ces  renseignements,  surtout  les  derniers,  ayant 
donné  de  l'inquiétude  à  Roquelaure  et  à  Bâville,  ils  de- 
mandèrent des  galères  à  la  cour  pour  la  défense  des 
côtes  du  Languedoc,  prièrent  les  officiers  qui  com- 
mandaient en  Dauphiné  de  veiller  avec  un  grand  soin 
sur  les  passages  du  Rhône  jusqu'à  Lyon,  et  décidèrent 
de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  écraser 
le  reste  des  camisards. 

Ces  derniers ,  comme  l'avait  dit  le  transfuge,  étaient 
en  effet  dans  la  situation  la  plus  misérable.  «  Pressés 
par  la  faim  qui  les  poursuivait  partout ,  et  talonnés  par 
les  troupes  qui  ne  leur  laissaient  pas  le  temps  de  res- 
pirer,  ils  couraient  de  montagne  en  montagne  et  de 
bois  en  bois  par  des  pays  horribles.  Réduits  à  un  très 
petit  nombre,  mal  armés  et  sans  munitions,  toujours 
relancés  par  des  corps  nombreux  qui  leur  offraient, 
pour  le  moins,  cinquante  hommes  contre  un,  ils 
n'osaient,  quelque  grand  que  fût  leur  courage,  en  venir 
à  une  nouvelle  action.  Ils  y  furent  forcés  néanmoins  le 
19  de  juillet... 

»  Courten ,  qui  commandait  à  Vernoux ,  eut  avis 
qu'ils  avaient  paru  le  i8  vers  Saint-Agrève.  Il  en  informa 
aussitôt  le  duc  de  Roquelaure  ,  qui  marcha  d'abord  du 
côté  des  Boutièrci  pour  défendre  le  pays  qui  lui  parais- 
sait le  plus  exposé  ;  et,  par  son  ordre,  Cheviré  partit  de 
Vernoux  avec  1 50  dragons  à  pied  du  régiment  de  Lan- 
guedoc ,  dont  il  était  lieutenant-colonel ,   3  compagnies 


86  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

à  cheval  du  régiment  de  dragons  de  Châtillon,  les  com- 
pagnies irlandaises  du  S""  Cote,  loo  grenadiers,  et  d'au- 
tres troupes  pour  aller  chercher  cette  poignée  de  cami- 
sards. 

»  Il  les  joignit  à  Font-Réal ,  proche  de  Chalencon, 
dans  la  paroisse  de  Saint-Jean-Chambre,  le  19,  à  trois 
heures  après-midi.  Brueys  assure  qu'ils  voulurent 
d'abord  se  retirer  et  éviter  d'en  venir  aux  mains,  que 
Cheviré  avait  si  bien  pris  ses  mesures  qu'ils  furent  obli- 
gés de  se  battre...  Ils  le  firent  avec  un  courage  qui 
étonna  plus  d'une  fois  leurs  ennemis  ;  et,  s'ils  n'avaient 
eu  le  malheur  de  se  laisser  envelopper  de  toutes  parts, 
ils  auraient  encore  donné  bien  de  la  peine.  Après  un 
combat  des  plus  opiniâtres  et  de  plusieurs  heures ,  ils 
furent  mis  en  déroute  et  dispersés.  Leur  défaite  coûta 
cher  aux  troupes.  D'Argentine ,  qui  commandait  les 
dragons  à  cheval ,  fut  tué  de  la  première  décharge  ; 
plusieurs  autres  officiers  le  furent  aux  suivantes.  Un 
plus  grand  nombre  furent  blessés  ,  et  il  resta  beaucoup 
de  dragons  et  de  soldats  sur  le  champ  de  combat... 

»  La  dispersion  des  camisards  leur  fut  fatale.  Plu- 
sieurs furent  arrêtés  et  conduits  au  dernier  supplice.  Un 
plus  grand  nombre  de  personnes  eurent  le  même  sort 
pour  avoir  été  accusées  d'avoir  été  parmi  eux  ou  de  les 
avoir  assistés.  Il  y  en  eut  ainsi  une  quarantaine  qu'on 
exécuta  les  jours  de  marché  dans  les  principaux  lieux 
du  Vivarais,  »  savoir  à  Privas,  Saint-Pierreville ,  Le 
Cheylard,  Saint-Agrève  et  Vernoux.  «  Le  lieu  de  Ver- 
noux,  »  dit  Corteiz,  «  était  tout  environné  des  cadavres 
de  la  jeunesse  qu'on  y   avait  pendue  ou  rouée  (i).    » 

(i)  Bâville,  dans  une  lettre  à  Louvois ,  dit  que  cinquante  camisards  restè- 
rent morts  sur  place,  qu'on  en  fit  douze  prisonniers  qui  furent  pendus  (l'in- 
tendant ne  parle  sans  doute  que  des  camisards  proprement  dits),  et  que  dix 
seulement  purent  échapper. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  87 

Quelques  autres,  moins  coupables,  furent  envoyés  aux 
galères.  On  rasa  plusieurs  maisons  qui  avaient  servi  de 
retraite  aux  camisards,  notamment  la  maison  appelée 
Saint-Michel  des-Vernes ,  qui  appartenait  à  un  nommé 
David  de  Saint-André,  beau-frère  du  prédicateur  Ebruy, 
et  la  grange  même  de  David;  mais  ce  fut  surtout  la 
paroisse  de  Vais  qui  eut  à  souffrir  de  ces  démoli- 
tions ,  «  parce  que  c'était  dans  son  sein  que  le  mou- 
vement avait  pris  naissance.  Les  malheureux  pro- 
testants de  cette  infortunée  paroisse  furent  contraints 
de  recevoir  chez  eux  des  garnisons  à  discrétion  , 
qui,  en  peu  de  temps,  les  réduisirent  à  la  dernière 
misère.  » 

Billard  et  Abraham,  blessés  tous  les  deux,  se  réfugiè- 
rent dans  une  maison  appelée  Vers  Fonbonne,  paroisse 
de  Gilhoc  ,  mais  ils  furent  vendus  par  la  fille  même  de 
la  maison,  qui  les  dénonça  au  sieur  Trollier.  Ce  der- 
nier en  informa  les  messieurs  de  Gilhoc,  qui  envoyè- 
rent aussitôt  contre  eux  des  fusiliers.  Poursuivi  pen- 
dant une  demi-heure ,  Billard  périt  de  la  main  d'un 
nommé  Suchier,  de  Vors,  paroisse  de  Saint-Etienne-de- 
Serres ,  et  son  cadavre  fut  exposé  pendant  longtemps 
à  Vernoux  sur  une  roue.  Quant  à  Abraham ,  il  put 
s'échapper,  et  gagna  le  Languedoc  comme  on  va  le 
voir. 

L'insurrection  camisarde  comprimée ,  Roquelaure  et 
Bâville  retournèrent  à  Montpellier  (28  juillet),  mais  non 
sans  avoir  veillé  à  la  sûreté  du  Vivarais,  en  mettant  de 
fortes  garnisons  à  Saint-Agrève ,  Vernoux,  Saint-Pier- 
reville  et  Privas.  Les  dévastations  causées  dans  cette 
province  par  les  camisards  ,  et  surtout  par  les  troupes 
royales,  s'élevèrent  à  107, 1 36  livres  18  sols.  Meisson- 
nier,  qui  n'est  pas  suspect,  dit  à  ce  propos  :  «  Les  ca- 
misards ne  faisaient  aucun   mal ,    sinon  que  prendre  à 


88  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

boire  et  à  manger,   mais  les  troupes  du  roi  pillèrent 
partout  :  ce  que  les  commandants  toléraient.  » 

DÉMARCHES     FAITES     A     l'ÉTRANGER     EN     FAVEUR     DES 
CAMISARDS.    FIN    DE    LEURS   TROIS    DERNIERS    CHEFS 
TENTATIVE  AVORTÉE    DE  CHAMBON    ET   SON   SUPPLICE 
(1709-1  710). 

Pendant  que  ces  événements  s'accomplissaient  en 
Vivarais,  de  mars  à  août  1709,  les  protecteurs  des  ca- 
misards  à  l'étranger  ne  restaient  pas  inactifs.  Dès  que 
Billard ,  Dupont  et  Abraham  leur  eurent  fait  connaître 
leurs  premiers  succès,  et  représenté  que  leur  entreprise, 
si  elle  était  soutenue,  pourrait  procurer  une  utile  diver- 
sion aux  puissances  alliées  en  guerre  avec  la  France, 
par  le  grand  nombre  de  troupes  et  de  milices  qu'elle 
tiendrait  en  échec,  Gaspard  de  Perrinet,  marquis  d'Ar- 
zelliers,  qui  était  l'agent  des  puissances  auprès  des  ca- 
misards ,  en  écrivit  à  Cardonnel,  secrétaire  de  Malbo- 
rough ,  qui  faisait  alors  le  siège  de  Tournay,  en 
Hainaut.  Le  général  anglais  fit  répondre,  le  22  juillet, 
qu'il  importait  d'encourager  les  révoltés,  et  que,  depuis 
quelques  jours,  il  avait  écrit  au  grand  trésorier  d'An- 
gleterre, milord  Godolphin,  pour  qu'il  leur  envoyât  l'ar- 
gent nécessaire. 

Wander-Meer ,  ministre  de  Hollande  à  la  cour  de 
Turin,  également  instruit  des  événements  par  d' Arzelliers, 
le  pria,  le  3  août,  d'informer  les  mécontents  que  «  l'ar- 
mée alliée  était  entrée  en  Savoie...,  qu'elle  se  préparait 
à  pénétrer  plus  avant  dans  le  royaume  de  France; 
qu'ainsi  ils  ne  perdissent  point  courage,  mais  que  plutôt 
ils  se  pourvussent  de  vivres  et  se  missent  à  couvert  de 
toute  surprise,  et  qu'ils  devaient  être  persuadés  que  les 
alliés  leur  procureraient  ce  qu'ils  souhaitaient.  » 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  89 

«  Ils  se  donnaient  du  moins,  »  dit  Court,  «  de  grands 
mouvements  pour  cela.  Milord  Townsend ,  ambassa- 
deur d'Angleterre  à  La  Haye,  avait  déjà  ordre  de 
régler  avec  les  états  généraux  les  contributions  conve- 
nables pour  secourir  les  mécontents.  On  les  fixa  ,  le 
9  août,  à  60,000  florins  de  Hollande,  dont  l'Angleterre 
fournirait  les  deux  tiers. 

»  Clignet  en  informa  le  même  jour  d'Arzelliers  par  un 
billet  de  deux  lignes ,  où  la  reine  Anne  était  désignée 
par  le  nom  de  Matthieu ,  dont  Townsend  était  le 
commis.  Les  gros  arbres  y  désignaient  les  états  géné- 
raux. Le  contingent  de  la  reine  devait  se  payer  par  des 
lettres  de  change,  que  d'Arzelliers  tirerait  sur  le  cheva- 
lier Jansen  ,  et  Clignet  devait  acquitter  celles  qu'il  tire- 
rait sur  les  états  généraux. 

»  C'était  trop  tard.  Les  camisards,  comme  nous 
l'avons  vu ,  avaient  été  déjà  entièrement  défaits ,  et 
n'étaient  plus  en  état  de  tenir  la  campagne.    » 

L'année  suivante,  Jean-Jaques  Chambon ,  âgé  de 
quarante-huit  ans,  bourgeois  du  Chambon,  paroisse  de 
Gluiras ,  homme  riche  et  fort  zélé  pour  la  religion ,  qui 
était  revenu  de  l'étranger,  où  son  père  l'avait  conduit, 
vingt-deux  ans  auparavant  avec  ses  cinq  frères  (i),  mé- 
dita un  nouveau  soulèvement  dans  le  Vivarais ,  pendant 
que,  de  leur  côté  ,  Claris  ,  le  marchand  Coste  d'Uzès, 
et  Abraham,  tentaient  de  ressusciter  l'insurrection  cami- 
sarde  en  Languedoc.  Ce  dernier  voulait,  disait-il, 
<(  établir  la  liberté  de  l'Eglise  réformée.  »  Ses  révéla- 
tions promettaient,  à  tous  ceux  auxquels  il  parlait,  un 
grand  succès.  N'ayant  pas  à  raconter  l'histoire  des  pro- 
testants du  Languedoc,  nous  nous  bornerons  à  dire 
qu'Abraham   et  Claris,   qui  avaient  déjà  gagné  quinze 

(i)  L'un  d'eux  étudiait  la  théologie  à  Berne  en  vue  du  saint  ministère. 


90  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

jeunes  gens  à  leurs  idées ,  furent  détournés  momenta- 
nément de  leur  dessein  par  des  protestants  de  marque  , 
à  la  suggestion  de  Corteiz,  dont  les  discours  n'avaient 
eu  aucune  influence  sur  leur  esprit.  Abraham  ,  décou- 
ragé ou  désabusé,  proposa  alors  à  Claris  de  quitter  la 
France  avec  lui,  mais  ce  dernier  n'y  voulut  point  con- 
sentir. Cela  eût  mieux  valu  pour  tous  les  deux,  car, 
s'étant  cachés  dans  une  métairie  de  M®  Laton,  appelée 
le  Mas-de-Couteau,  et  située  à  un  petit  quart  de  lieue 
d'Uzès,  ils  furent  dénoncés  par  un  de  leurs  confidents, 
nommé  Saussine  ,  et  enveloppés,  le  17  octobre  1710, 
par  le  capitaine  Tourreil ,  des  fusiliers  de  montagnes 
de  Roussillon.  Abraham,  découvert  dans  une  retraite 
dont  l'ouverture  était  obstruée  avec  de  la  paille,  et  d'oii 
il  tira  plusieurs  coups  de  pistolet  qui  blessèrent  le  lieu- 
tenant de  la  compagnie,  fut  tué  sur  les  toits  de  la  mai- 
son où  il  s'était  réfugié  avec  Coste  ,  et  se  défendit 
vaillamment.  Coste  périt  avec  lui.  Quant  à  Claris,  qui 
voulut  se  sauver  par  une  fenêtre,  le  pistolet  au  poing, 
il  se  fit  une  blessure,  fut  arrêté,  puis  condamné  à  mort, 
et  expira  sur  la  roue,  à  Montpellier,  le  25  octobre  sui- 
vant, avec  une  constance  héroïque.  D'autre  part,  on 
envoya  la  tête  d'Abraham  à  Vernoux  ,  où  elle  fut 
exposée  et  brûlée  publiquement. 

Quant  à  Chambon,  arrêté  près  de  Saint-Pierreville , 
le  28  octobre,  et  interrogé  par  le  subdélégué  les  29  oc- 
tobre, 1"  et  3  novembre  1710,  il  fut  condamné,  dès  le 
13,  par  l'intendant  du  Languedoc,  à  être  pendu  et 
étranglé  à  une  potence  sur  l'Esplanade  de  Montpellier 
et  soumis  auparavant  à  la  question  ordinaire  et  extraor- 
dinaire ,  pour  crime  de  lèse-majesté,  intelligence  avec 
les  ennemis  de  l'Etat,  écritures  et  libelles  séditieux  ten- 
dant à  faire  soulever  les  peuples,  retraite  et  vivres  don- 
nés aux  révoltés  et  attroupés  ,  participation  aux  crimes 


DU    VIVARAIS    ET    DU   VELAY.  QI 

d'Abraham  ,  Claris  et  Coste  et  à  leur  dessein  d'exciter 
de  nouveaux  troubles  en  Vivarais.  La  sentence ,  qui 
prononçait  également  la  confiscation  des  biens  de 
Chambon,  fut  exécutée  le  même  jour. 

Jean-Pierre  Salomon,  âgé  de  vingt  et  un  ans ,  ancien 
sous-lieutenant  du  sieur  de  Lachau  et  natif  de  Fluizès , 
paroisse  de  Marcols,  fut  aussi  arrêté  parce  qu'on  trouva 
une  lettre  de  lui  dans  les  papiers  de  Chambon  ,  dont  il 
était  le  cousin.  Dumolard  l'interrogea  le  3 1  octobre  , 
mais  nous  ignorons  ce  qui  lui  advint  (i). 

RECRUDESCENCE   DE    l'iNSPIRATION    (17O9). 

La  fin  tragique  des  Camisards  avait  porté  un  rude 
coup  au  protestantisme  en  Vivarais,  aussi  bien  que  dans 
le  reste  du  Languedoc.  Leurs  chefs  et  les  inspirés  les 
plus  marquants  étaient  morts ,  dispersés  ou  réfugiés  à 
l'étranger,  les  prédicants  envoyés  aux  galères.  «  Peu  à 
peu  cependant,  »  dit  Edm.  Hugues,  «  les  choses  avaient 
repris  leur  cours  naturel.  Quelques  femmes  avaient  été 
les  héroïnes  de  cette  restauration.  Quand  tout  parais- 
sait désespéré,  elles  avaient  pris  en  main  la  cause  vain- 
cue, et  avec  leur  foi,  leur  dévouement,  leur  abnégation 
et  la  puissance  invincible  de  leurs  espérances  ,  elles 
avaient  résolu  de  la  rendre  victorieuse.  Elles  s'érigèrent 
en  prédicantes,  elles  tinrent  au  désert  des  assemblées, 
et ,  dans  ces  mystérieuses  réunions  presque  exclusive- 


(i)  Brueys,  t.  II,  p.  Ç09-Ç81,  654,  635.  Court,  Histoire  des  troubles,  t.  III, 
p.  298-54.1,  590-595.  Corteiz,  Mémoires ,  p.  24-27.  Corteiz,  Relation,  dans 
Edm.  Hugues,  t.  I,  p.  450-45;.  Bulletin,  etc.,  t.  II,  p.  585;  t.  XXIII,  p.  475. 
Maniisc.  Court,  n"'  17,  t.  B.  Mémoire  d'Ebruy  (ms.).  Meissonnier,  Mém.oi- 
res  (ms.),  p.  85-88,  125-127.  Frosterus,  p.  152-175.  Archiv.  de  l'Hérault,  G, 
190.  D'Aigrefeuille,  p.  511.  Dourille,  p.  424-428.  L'Eglise  libre  du  27  avril 
1885.  Communication  de  M.  Ferd.  Teissier. 


92  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

ment  composées  de  femmes,  elles  ranimèrent  les  esprits 
abattus,  fortifièrent  les  volontés  chancelantes.  » 

Parmi  ces  femmes  courageuses  nous  citerons  la  veuve 
Bancel ,  de  Vallon  ;  Jeanne  Balastière  (ou  Banastière) , 
des  environs  de  Vernoux,  qui  parcourut  le  Vivarais,  les 
Cévennes  et  le  bas  Languedoc,  et  Isabeau,  de  Chalen- 
con  ,  qui  furent  faites  prisonnières  à  Nîmes,  oii  elles 
s'étaient  rendues  pour  prêcher  (1709);  Marthe,  catho- 
lique convertie  ;  la  Martine ,  Suzanne  Rouge  (ou 
Bouge),  la  veuve  Caton,  la  Claire,  la  Catin  et  la  Marie, 
à  Vais  (grange  de  Godon,  aux  Vignes) ,  et  surtout  Isa- 
beau  Dubois,  courageuse  et  aimable  jeune  femme,  dont 
la  réputation  de  sagesse  et  de  modestie  était  grande  et 
qui  exerçait  un  ascendant  considérable  sur  tous  ceux 
qui  l'écoutaient. 

Elles  donnèrent,  les  unes  ou  les  autres,  des  prédica- 
tions dans  les  environs  de  Villeneuve-de-Berg  ,  à  Val- 
lon, à  Vais  et  ailleurs.  Le  camisard  Abraham,  dont  il  a 
été  parlé  longuement  plus  haut,  Saint-Julien;  un  autre 
camisard,  Jean  Rouvière  ,  dit  Crotte,  de  Blaizac  (pa- 
roisse d'Ajoux) ,  qui  devint  le  collègue  de  Corteiz  ,  as- 
sistèrent à  une  des  assemblées  que  Marthe  présida  à 
Vallon  à  la  fin  de  1709  ou  au  commencement  de  17 10. 

«  Ces  femmes,  »  dit  encore  Edm.  Hugues,  «  ne 
se  contentaient  pas  de  prêcher,  elles  prophétisaient... 
Elles  étaient  les  héritières  des  prophètes  camisards 
exilés  et  s'en  glorifiaient.  Mais  quelque  chose  de  pro- 
fondément humain  ,  d'affectueux  dans  leurs  discours. 
Nul  cri,  nulle  fureur  ;  des  paroles  tendres,  des  larmes. 
Ces  prédications  et  ces  prophéties  leur  donnaient  une 
immense  influence.  Dans  chaque  village  ,  dans  chaque 
ferme,  elles  avaient  leurs  partisans.  Là,  dans  un  langage 
bizarre ,  mêlé  de  citations  bibliques  et  du  récit  naïf  de 
leurs  visions,   elles   leur  prêchaient   la   repentance  et 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  93 

leur  faisaient  concevoir,  au  delà  des  malheurs  présents, 
l'espérance  d'un  état  meilleur.  Parfois  elles  poussaient 
à  la  révolte  sur  les  indications  des  chefs...  Mais  ces 
belliqueux  discours,  héritage  d'un  temps  qui  n'était  plus, 
étaient  rares.  Les  prophétesses  ,  avant  tout,  prêchaient 
la  repentance  ,  relevaient  les  courages  ,  gourmandaient 
les  faibles...  Toutes  ,  dans  le  haut  et  bas  Vivarais  ,  ai- 
maient à  répéter  cette  promesse  que  l'Esprit  leur  avait 
faite  :  11  se  tiendra  une  assemblée  célèbre  dans  un  pré 
nommé  Lacour ,  proche  de  Chalancon.  Des  Anglais  y 
assisteront ,  un  arbre  mystérieux  croîtra  et  fleurira  dans 
une  nuit.  Sous  son  ombrage  on  distribuera  la  cène.  » 

Malheureusement,  comme  on  l'avait  déjà  vu  au  temps 
de  Gabriel  Astier,  en  1688  et  1689,  et  comme  on  pou- 
vait s'y  attendre,  la  maladie  de  l'inspiration  et  de  la 
prophétie  devint  de  nouveau  épidémique  et  contagieuse. 
Quiconque  formait  le  dessein  de  prêcher  et  de  prophé- 
tiser pouvait  l'exécuter  sans  entrave.  Hommes  et  fem- 
mes entraient  dans  cette  voie  facile  et  il  n'était  pas  rare 
de  voir  dans  une  même  assemblée  deux  ou  trois  fem- 
mes ,  et  quelquefois  des  hommes  ,  tomber  en  extase  et 
parler  tous  à  la  fois.  Le  Vivarais  se  remplit  ainsi  de 
prophètes  et  de  prophétesses,  et  un  nommé  Jacques 
Monteil ,  natif  de  Marcols  ,  tint ,  pendant  plusieurs  an- 
nées, le  premier  rang  entre  tous;  et,  plus  tard,  lorsque 
la  discipline  fut  rétablie  ,  suscita  aux  synodes  bien  des 
ennuis  par  son  esprit  d'indépendance  exagéré. 

Cette  maladie  spirituelle  revêtit  même  des  symptô- 
mes alarmants  pour  la  foi ,  car  les  inspirés  en  vinrent  à 
laisser  entièrement  de  côté  les  leçons  de  la  Bible  et  à 
ne  plus  obéir  qu'aux  ordres  de  l'Esprit,  aux  révélations 
directes  de  Dieu.  On  comprend  à  quels  périls  la  piété 
protestante  et  le  protestantisme  lui-même  étaient  expo- 
sés avec  des  docteurs  de  cette  sorte.  L'Eglise  se  serait 


94  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

émiettée  en  autant  de  sectes  qu'il  y  avait  d'inspirés  ;  le 
plus  grand  désordre  eut  régné  dans  son  sein;  et  comme 
de  l'extravagance  à  la  fourberie  et  de  la  fourberie  à 
l'immoralité  le  pas  est  glissant ,  les  scandales  (et  il  y  en 
eut  de  donnés  par  Monteil  lui-même),  se  seraient  mul- 
tipliés dans  l'Eglise,  et  c'en  était  fait  de  son  avenir.  Le 
galérien  pour  la  foi,  Alexandre  Astier,  qui  avait  d'abord 
donné  dans  l'inspiration,  n'avoua-t-il  pas  lui-même  plus 
tard  qu'elle  portait  au  mal  plutôt  qu'au  bien  et  même 
au  libertinage  (Voy.  plus  haut,  page  56). 

C'est  alors  que  Dieu  suscita  le  célèbre  Antoine 
Court,  qui  eut  la  gloire  de  ramener  le  protestantisme 
dégénéré  à  son  type  biblique  et  disciplinaire  primitif  (i). 

ANTOINE  COURT.  SA  JEUNESSE.  SA  VOCATiON  POUR  LE 
SAINT  MINISTÈRE.  SES  PREMIERS  TRAVAUX  AVEC 
BRUNEL  (1695-17  14). 

Cet  homme,  remarquable  à  tant  de  titres ,  qui  rendit 
à  la  Réforme  ,  en  un  sens ,  autant  de  services  que  Cal- 
vin, naquit  à  Villeneuve-de-Berg ,  le  27  mars  1695 ,  de 
parents  fort  zélés  pour  leur  religion  (2).  Pendant  la 
grossesse  de  sa  mère,  Marie  Gébelin,  originaire  du  bas 
Languedoc ,  ses  parents  s'entretenaient  de  la  carrière 
qu'ils  pourraient  faire  embrasser  à  l'enfant  qui  allait  naî- 
tre et  ils  se  disaient  «  que  ce  serait  un  bien  grand  bon- 
heur pour  eux  de  le  consacrer  au  service  de  Dieu.  » 
Leur  souhait  fut  accompli  au  delà  de  tout  ce  qu'ils  pou- 
vaient croire  ou  espérer. 

Demeurée  veuve  en  1700,  Marie  Gébelin  mit  son 
fils  à  l'école  dès  l'année  suivante  en  recommandant  au 


(i)  Edm.  Hugues,  t.  1,  p.   173-183.  Court,  Mémoires,  p.  30-3J. 
(2)  Ils  firent  pourtant  baptiser  leur  fils  par  le  vicaire  Chambon;  mais,  à 
cette  époque,  à  moins  de  fuir,  il  était  impossible  d'agir  autrement. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY,  9"; 

régent  «  de  ne  pas  lui  épargner  le  fouet  lorsqu'il  man- 
querait à  son  devoir.  »  L'enfant  ,  qui  était  appliqué , 
«  eut  le  bonheur  de  n'en  tâter  jamais.  »  En  trois  ans  il 
eut  atteint  la  science  de  son  maître  ,  qui  ne  put  que  lui 
enseigner  la  lecture ,  un  peu  d'arithmétique  et  les  pre- 
miers éléments  de  la  grammaire.  Il  aurait  pu  aller  au 
collège  des  jésuites  d'Aubenas  et  suivre  même  les  le- 
çons du  régent  de  Villeneuve-de-Berg,  qui  était  capa- 
ble d'enseigner  le  latin  ;  mais ,  comme  il  eut  fallu  aller 
à  l'église  ,  il  préféra  demeurer  dans  l'ignorance  plutôt 
que  de  suivre  de  tels  maîtres,  d'autant  mieux  que,  déjà 
à  l'école  ,  il  avait  eu  à  souffrir  pour  sa  religion  de  la 
part  de  ses  camarades.  Un  jour  ils  avaient  même  voulu 
le  faire  aller  de  vive  force  à  la  messe  ,  mais  il  leur  ré- 
sista si  vaillamment  qu'ils  ne  purent  réussir  :  ce  qui  lui 
valut  le  sobriquet  de  «  fils. aîné  de  Calvin.  » 

Ne  sachant  quelle  résolution  prendre,  sa  mère  le  mit 
dans  le  commerce,  oij  il  ne  put  se  plaire.  Les  choses 
religieuses  l'attiraient  avant  tout.  Il  lut  les  feuillets 
épars  d'une  vieille  Bible  de  famille  ,  les  Consolations  de 
l'âme  fidèle  de  Drelincourt,  La  voix  de  Dieu  de  Baxter, 
La  dispute  d'un  berger  avec  son  curé,  et  ses  connaissan- 
ces religieuses  en  furent  considérablement  accrues. 
Ayant  remarqué  que  sa  mère,  quand  venait  la  nuit, 
s'absentait ,  et  soupçonnant  qu'elle  se  rendait  aux  as- 
semblées du  désert,  il  la  suivit  une  fois  de  loin. 
Celle-ci,  s'en  étant  aperçue,  voulut  l'obliger  à  rétrogra- 
der, car  il  fallait  faire  une  bonne  lieue  et  demie  de  che- 
min pour  arriver  au  lieu  du  rendez-vous;  mais  ,  touchée 
par  ses  prières ,  elle  l'emmena  avec  elle.  L'assemblée , 
ce  soir-là,  était  présidée  par  la  veuve  Bancel,  de  Val- 
lon. L'enfant  écouta  ses  chrétiennes  paroles  et  en  fut 
fort  édifié.  A  dater  de  ce  jour,  il  suivit  les  assemblées 
avec  assiduité  et  engagea   plusieurs  des  prédicantes  , 


96  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

nommées  au  chapitre  précédent ,  d'en  présider  à  Ville- 
neuve-de-Berg  même.  Elles  y  consentirent,  notamment 
la  Claire  et  Isabeau  Dubois  ,  qui  tinrent  une  réunion 
dans  la  maison  de  Marie  Gébelin.  C'était  vers  17 10  ou 
171 1.  Corteiz  avait  déjà  fait  des  assemblées  dans  le  Vi- 
varais  l'année  précédente ,  mais  il  ne  paraît  pas  s'être 
rencontré  avec  le  jeune  Court  à  cette  époque. 

Rempli  de  zèle  pour  sa  religion,  ce  dernier  fit  l'office 
de  lecteur  dans  les  assemblées,  et  on  le  considérait 
comme  un  de  ces  enfants  qui ,  d'après  la  croyance  po- 
pulaire, étaient  remplis  de  l'Esprit  de  Dieu,  et  lui-même 
se  sentait  pressé  d'embrasser  la  carrière  du  ministère 
évangélique. 

Trois  ans  après  environ,  c'est-à-dire  le  i®""  mai  171 3  , 
l'ancien  camisard  Bonbonnoux,  de  Bragassargues,  en 
Languedoc,  et  Jean  Rouvière  dit  Crotte,  dont  il  a  été 
parlé  plus  haut,  vinrent  à  Villeneuve-de-Berg.  Ils  avaient 
appris  par  cœur  quelques  sermons  qu'ils  récitaient  avec 
autant  de  foi  que  de  force.  Bonbonnoux  en  débita  un 
du  célèbre  Pierre  Dumoulin.  Court  en  fut  si  pénétré 
que  «  rien  n'était  capable  d'égaler  sa  Joie.  »  Le  25  mai 
suivant ,  le  prédicateur  Pierre  Chabrières  dit  Brunel , 
du  Vivarais,  qui  prêchait  depuis  1700,  vint  aussi  à  Ville- 
neuve-de-Berg et  y  présida  quelques  assemblées.  Court 
lui  ayant  témoigné  son  désir  de  passer  dans  les  pays 
étrangers  et  Brunel  songeant  lui-même  à  cette  époque 
à  sortir  de  France ,  ils  décidèrent  de  partir  ensemble 
pour  la  Suisse  ;  puis ,  comme  leur  voyage  ne  pouvait 
s'effectuer  qu'en  septembre,  Court  consentit,  en  atten- 
dant, à  accompagner  Brunel  dans  le  haut  Vivarais.  Il 
prit  congé  de  sa  mère  qui,  se  séparant  de  son  cher  fils 
pour  la  première  fois,  versa  un  torrent  de  larmes. 
C'était  au  moment  de  la  Pentecôte,  et  Court  avait  dix- 
huit  ans  et  demi. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  97 

Sur  sa  route ,  il  rencontra  des  prophétesses  qui  lui 
prédirent  un  brillant  avenir  dans  la  vigne  du  Seigneur 
et  le  supplièrent  de  ne  point  quitter  son  pays.  Leurs 
paroles  firent  une  si  profonde  impression  sur  lui  que , 
se  trouvant  un  jour  à  Vernoux  au  milieu  d'une  assem- 
blée composée  exclusivement  de  femmes ,  il  s'enhardit 
à  prendre  la  parole  et  prêcha  sur  i  Timothée ,  II,  3. 
C'était  son  premier  sermon.  Les  louanges  qu'il  reçut 
lui  persuadèrent  que  Dieu  approuvait  son  dessein  de  se 
«  consacrer  à  la  gloire  et  au  service  de  son  Eglise,  »  et 
à  dater  de  ce  moment  son  parti  fut  définitivement  pris 
d'embrasser  la  carrière  pastorale.  D'autre  part,  ses 
rapports  avec  les  prophètes  et  les  prophétesses  du 
haut  Vivarais  firent  naître  dans  son  esprit  la  pensée  que 
«  tout  ce  qu'on  appelait  révélation  n'avait  pas  sa  source 
dans  l'Esprit  divin,  et  que,  si  on  ne  pouvait  accuser  la 
fraude,  on  pouvait  penser  du  moins  que  la  plupart  de 
ceux  qu'on  appelait  inspirés  étaient  la  dupe  de  leur  zèle 
et  de  leur  crédulité.  » 

La  paix  d'Utrecht,  qui  mit  fin  à  la  longue  guerre  de  la 
succession  d'Espagne,  venait  d'être  signée  (i  i  avril  1713), 
mais,  contre  l'attente  des  protestants  et  malgré  les  no- 
bles et  persévérants  efforts  de  Charles  de  Barjac,  mar- 
quis de  Rochegude ,  réfugié  protestant,  Louis  XIV 
consentit  seulement  à  libérer  cent  trente-six  galériens, 
dont  plusieurs  étaient  du  Vivarais  (i)-  A  part  cela,  le 
sort  des  réformés  demeura  le  même.  Les  prophètes  et 
les  prophétesses ,  déçus  et  irrités ,  sommèrent  Court 
d'aller  sur  les  places  publiques  prêcher  la  pénitence  et 
reprocher  aux  ecclésiastiques  romains  leur  participation 
aux  rigueurs  royales.  Le  jeune  prédicateur,  qui  avait 
du  sens,  n'obéit  qu'en   partie  à  cette  injonction,  car 

(i)  On  trouvera  leurs  noms  àUx  Pièces  juslifica.tivL'S,  n"  XIII- 
II. 


q8  histoire  des  protestants 

autrement  il  eut  été  infailliblement  arrêté  et  condamné 
à  mort.  Il  se  borna  à  écrire  aux  curés  les  plus  ardents 
et  à  quelques  chefs  militaires  du  Vivarais  qu'ils  devaient 
cesser  de  provoquer  des  mesures  iniques  contre  des 
innocents,  qu'ils  étaient  coupables  en  exécutant  les  or- 
dres de  la  Cour  et  qu'ils  pouvaient  craindre  de  lasser 
la  patience  des  opprimés.  Ces  lettres  n'eurent  d'autre 
effet  que  d'alarmer  les  persécuteurs ,  qui  demandèrent 
aussitôt  des  renforts  de  troupes  à  Bâville  et  à  Roque- 
laure.  Chose  surprenante  !  Elles  leur  furent  refusées  de 
la  façon  la  plus  absolue. 

Court  présida  encore  quelques  assemblées  dans  le 
haut  Vivarais  et  revint  à  Villeneuve-de-Berg  pour  an- 
noncer à  sa  pieuse  mère  la  détermination  qu'il  avait 
prise  d'embrasser  le  saint  ministère.  Marie  Gébelin , 
attendrie  jusqu'aux  larmes,  manifesta  quelques  craintes 
à  son  fils ,  car  les  dangers  de  toutes  sortes  auxquels  il 
allait  être  exposé  apparaissaient  à  son  esprit,  et  elle  se 
voyait  privée  pour  toujours  d'un  enfant  qu'elle  aimait 
plus  qu'elle-même  ;  mais,  d'autre  part,  elle  comprenait 
combien  ce  dernier  pourrait  être  utile  à  l'Eglise  et  la 
joie  qu'il  en  éprouverait.  Pour  dissiper  ses  hésitations , 
Court  prêcha  devant  elle  un  sermon  sur  ces  paroles  de 
Jésus-Christ  :  «  Quiconque  aime  son  père  et  sa  mère 
plus  que  moi  n'est  pas  digne  de  moi  »  (Matth.,  X,  37). 
Il  parla  avec  tant  de  force  de  l'amour  envers  Dieu 
qu'elle  fut  gagnée  et  ne  vit  plus  son  fils  «  que  comme 
une  victime  qu'elle  consacra  comme  un  autre  Abraham 
aux  volontés  divines  (i).  » 

COURSES     MISSIONNAIRES     DE    COURT.    SON    PROJET    DE 


(i)  Court,  MémoireH,  p.  1-47.  Edm.  Hugues,  t.  I ,  p.  4Ç0.  livllrùn,  etc., 
i.  XXXIV,  p.  J21. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  99 

RESTAURATION  DU  PROTESTANTISME.  MORT  DE 
LOUIS  XIV.  PHILIPPE  d'oRLÉANS  RÉGENT.  MENÉES 
DU    TRAITRE    LA    PISE    (1715-I718). 

Peu  après  Court  commença  ses  courses  missionnai- 
res. Il  descendit  dans  le  bas  Languedoc,  accompagné 
de  la  veuve  Caton  et  de  la  Claire  prédicantes  ,  mais  il 
n'y  séjourna  que  peu  de  temps.  Il  retourna  ensuite  dans 
le  haut  Vivarais  par  Vais  et  les  Boutières  ;  puis,  en  com- 
pagnie de  Brunel ,  parcourut  le  Dauphiné ,  le  sac  au 
dos  ,  pendant  trois  mois  ,  et  se  dirigea  sur  Marseille 
pour  visiter  les  galériens  pour  la  foi,  qui  étaient  au  nom- 
bre de  cent  cinquante.  Il  organisa  un  culte  parmi  eux 
au  prix  des  plus  grands  dangers  et,  quelques  mois  après 
(février  171 5),  sur  une  lettre  de  Corteiz ,  qui  avait  ouï 
parler  de  ses  heureuses  dispositions,  il  revint  dans  le 
Languedoc,  oij  il  visita  un  grand  nombre  d'Eglises,  qu'il 
réveilla  par  sa  parole  ardente  et  convaincue.  Il  eut  en- 
suite la  joie  de  célébrer  la  fête  de  Pâques  à  Nîmes  avec 
les  quatre  prédicateurs  Bonbonnoux,  Rouvière,  Corteiz 
et  Brunel.  Les  trois  derniers,  auquels  se  joignit  aussi 
Bonbonnoux,  qui  allait  rejoindre  sa  femme  à  Genève 
{28  ou  29  avril),  se  rendirent  ensuite  dans  le  Vivarais  et 
organisèrent  les  Eglises  de  Vallon,  Lagorce  et  Salavas. 

Quelques  jours  après,  le  8  mars  ,  Louis  XIV,  vieil- 
lard décrépit  qui  s'en  allait  mourir,  publia  une  déclara- 
tion portant  que  tous  ceux  qui  auraient  déclaré  qu'ils 
voulaient  persister  et  mourir  dans  la  religion  prétendue 
réformée ,  qu'ils  eussent  fait  ou  non  abjuration,  seraient 
considérés  comme  relaps  et  exposés  à  subir  les  effroya- 
bles peines  édictées  contre  ces  derniers.  Le  roi  partait 
de  l'idée  que  tous  les  protestants  de  France  avaient  em- 
brassé le  catholicisme ,  et  la  preuve  qu'il  en  donnait , 
c'est  que,  s'ils  n'avaient  pas  été  réellement  convertis, 


lOO  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

ils  n'eussent  été  ni  tolérés  ni  soufferts.  Mais,  d'une  part, 
les  protestants,  depuis  1685,  avaient  donné  trop  de 
preuves  de  leur  aversion  pour  le  catholicisme  pour  qu'on 
pût  dire  qu'ils  l'avaient  embrassé  ;  et ,  d'autre  part ,  si 
l'on  en  avait  mis  à  mort  beaucoup ,  on  n'avait  pas  osé 
les  massacrer  ou  les  exiler  tous.  Il  en  restait  donc  un 
nombre  considérable  dans  le  royaume.  Louis  XIV  et 
ses  ministres  le  savaient,  de  sorte  que,  assimiler  les  pro- 
testants à  des  relaps,  c'est-à-dire  à  des  gens  qui  étaient 
revenus  à  leur  première  religion ,  c'était  une  fiction 
monstrueuse.  De  là  cette  remarque  d'un  historien  ca- 
tholique (i)  :  «  Les  annales  du  monde  n'offrent  pas  un 
autre  exemple  d'un  code  tout  entier  fondé  sur  un  men- 
songe. » 

Pendant  que  les  collègues  de  Court,  Rouvière,  Cor- 
teiz  et  Brunel,  évangélisaient  le  Vivarais,  il  continua  à 
travailler  au  réveil  des  Eglises  du  Languedoc  avec  un 
zèle  tel  qu^il  tomba  gravement  malade  et  dut  aller  pren- 
dre les  eaux  d'Euzet.  C'est  là,  ou  plutôt  dans  le  village 
de  Saint-Jean-de-Ceyrargues  ,  voisin  d'Euzet,  qu'il 
conçut  et  mûrit  le  projet  de  restaurer  le  protestantisme 
en  France  par  les  assemblées  du  désert,  la  répression 
de  l'illuminisme  ,  le  rétablissement  des  synodes,  des  col- 
loques et  des  consistoires ,  et  la  formation  de  jeunes 
prédicateurs.  Il  rattachait  à  ce  dernier  moyen  l'appel  de 
ministres  étrangers  pour  desservir  les  Eglises  sous  la 
croix.  Que  si  ces  derniers  n'osaient  pas  accepter  un 
honneur  si  périlleux.  Court  se  proposait  «  de  solliciter 
auprès  des  puissances  protestantes  des  secours  en  ar- 
gent pour  aider  aux  études  et  à  l'entretien  de  jeunes 
gens  ,  qui  se  trouveraient  assez  de  courage  et  de  bonne 


(i)  Lemontey,  Essai  sur  l'établissemenl  monarchiquo  de  Luiiix  XIV, 
p.  415. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  lOI 

volonté  pour  se  dévouer  au  salut  et  au  service  de  leurs 
frères.  » 

Court  ne  se  départit  pas  un  instant  de  son  grand  pro- 
jet,  qu'il  fit  adopter  le  21  août  171 5  dans  une  assem- 
blée synodale  où  il  avait  convoqué  les  prédicateurs  des 
Cévennes  et  du  bas  Languedoc;  et,  jusqu'à  son  dernier 
soupir ,  il  en  poursuivit  la  réalisation  avec  l'énergie  ,  la 
persévérance  et  le  grand  sens  pratique  qui  le  caracté- 
risaient. A  dater  de  ce  moment,  il  choisit  spécialement 
le  Languedoc  pour  théâtre  de  ses  travaux,  et  ne  fit  que 
de  courtes  apparitions  dans  le  Vivarais. 

Coïncidence  remarquable  !  C'est  au  moment  où  Court 
s'apprêtait  à  réorganiser  le  protestantisme  que  Louis  XIV, 
qui  avait  tout  fait  pour  l'anéantir,  allait  rendre  compte 
à  Dieu  des  désordres  de  sa  vie  et  de  son  bigotisme 
cruel  (i"  septembre  171 5).  L'un  mourut  tristement  sans 
avoir  pu  accomplir  sa  tâche,  peut-être  avec  le  regret 
de  l'avoir  entreprise;  l'autre  ,  plein  de  jeunesse  et  d'ar- 
deur, entrait  dans  la  carrière  avec  l'espérance  joyeuse 
du  succès! 

Philippe  d'Orléans  fut  nommé  régent  du  royaume  pen- 
dant la  minorité  de  Louis  XV.  C'était  un  prince  sans 
convictions  religieuses,  indifférent,  de  moeurs  dissolues, 
mais  ennemi  des  jésuites.  Il  conçut  le  projet  d'abroger 
toutes  les  lois  draconiennes  rendues  contre  les  protes- 
tants et  de  leur  rendre  le  régime  de  l'édit  de  Nantes, 
mais  ses  conseillers  ne  l'encouragèrent  point.  On  per- 
mit pourtant  aux  protestants  de  sortir  librement  du 
royaume  et  d'y  rentrer  de  même.  On  libéra  quelques 
prisonniers  et  on  écrivit  aux  intendants  de  se  relâcher 
de  leurs  rigueurs  ;  mais  si  les  poursuites  contre  les  as- 
semblées et  les  prédicateurs  se  ralentirent,  elles  ne  ces- 
sèrent point,  comme  on  le  verra  bientôt. 

L'année  suivante,  en  17 16,  nous  retrouvons  en  Dau- 


102  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


phiné  Corteiz  ,  Bonbonnoux ,  Rouvière  et  Brunel,  aux- 
quels se  joignirent  les  prédicateurs  Jean-Bernard,  de  La 
Grassière ,  paroisse  du  Gua,  et  Mercier,  du  Vivarais. 
Réunis  au  pasteur  Jacques  Roger  du  Dauphiné,  ils  tin- 
rent le  premier  synode  de  cette  province  le  22 
août  1716  (i). 

Après  avoir  évangélisé  pendant  plusieurs  mois  la  con- 
trée en  compagnie  de  Roger,  Rouvière  retourna  en 
Languedoc.  Deux  ans  après,  en  septembre  17 18,  Cor- 
teiz ,  qui  était  allé  se  faire  consacrer  au  saint  ministère 
en  Suisse,  s'arrêta,  en  rentrant  en  France,  quelques 
temps  en  Vivarais.  Il  y  présida  des  assemblées  et  réu- 
nit les  prédicateurs  de  la  province  pour  leur  représen- 
ter la  nécessité  d'établir  une  discipline  «  pour  éviter  les 
confusions  et  les  désordres  qui  étaient  arrivés  diverses 
fois  parmi  eux  par  faute  d'un  bon  ordre  (2).  » 

Deux  ans  auparavant ,  en  1716,  un  traître  célèbre  , 
nommé  La  Pise ,  habitant  aux  Plantas,  près  de  l'Erieu, 
fit  arrêter  le  prédicateur  Bernard  et  un  nommé  Meisson- 
nier.  Il  s'établit  après  cela  en  Dauphiné  avec  l'intention 
de  surprendre  sept  prédicateurs  ou  pasteurs  à  la  fois. 
N'ayant  pas  réussi  grâce  à  la  vigilance  de  Roger,  il  fit 
écrire  par  le  duc  de  Roquelaure  au  comte  de  Médavid, 
commandant  du  Dauphiné,  d'ordonner  de  grandes  cour- 
ses militaires  dans  les  quartiers  protestants  de  cette 
province  dans  le  but  d'obliger  Roger  et  ses  collabora- 
teurs à  se  réfugier  en  Suisse,  pendant  qu'il  se  posterait 
lui-même  aux  Echelles,  sur  la  frontière  de  Savoie,  pour 
les  reconnaître  et  les  arrêter.  Le  duc  d'Orléans,  qui 
n'avait  pas  autorisé  les  expéditions,  en  fit  des  reproches 


(i)  Voy.  E.  Arnaud,  Lr?  ph<s  ancien  document  synodal  connu,  etc. 
Paris,  i88ç,  in-8°. 

(2)  Court,  Mémoires,  p.  47-96.  Edin.  Hugues,  t.  I,  p.  1-20.  Corteiz,  Rela- 
tions historiques,  dans  Edm.  Hugues,  t.  I,  p.  496.  Coquerel,  t.  I ,  p.  28. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  IO3 

à  Médavid ,  qui,  de  son  côté,  s'en  plaignit  à  Roque- 
laure.  Ce  dernier  résolut  alors  de  se  venger  de  La  Pise, 
qui  s'était  réfugié  en  Suisse  lorsqu'il  avait  vu  que  les 
expéditions  de  Médavid  n'avaient  point  abouti.  S'étant 
à  son  retour,  arrêté  à  Grane,  en  Dauphiné  ,  oii  il  simu- 
lait le  huguenot ,  il  fut  arrêté  et  conduit  à  Montpellier 
et  retenu  de  longs  mois  en  prison,  puis  relâché,  grâce 
à  l'intervention  du  gentilhomme  catholique  Monteil  de 
Bavas.  Rentré  dans  le  Vivarais,  en  septembre  1718,  et 
recommençant  ses  menées  contre  les  prédicateurs  et 
les  ministres,  il  invita  à  dîner  Corteiz  et  Mercier,  avec 
l'intention  de  les  faire  arrêter  par  des  officiers  qu'il  avait 
prévenus;  mais  sa  femme  ,  qui  avait  du  cœur,  lui  ayant 
déclaré  que ,  s'il  commettait  une  action  si  mique  ,  elle 
se  noyerait,  il  fit  cacher  les  deux  prédicateurs  dans  son 
pigeonnier  et  dit  aux  officiers  qu'ils  n'étaient  pas  venus 
au  rendez-vous  (i). 

DÉPART     DE      BAVILLE.     SES      INSTRUCTIONS      SECRÈTES 

(.7.8). 

Bâville  resta  encore  deux  ans  et  demi  en  Langue- 
doc après  la  mort  de  Louis  XIV ,  dont  il  avait  exécuté 
aveuglément  les  ordres,  et  fut  rappelé  dans  les  premiers 
mois  de  1718,  rêvant  toujours  aux  moyens  d'étouffer  le 
protestantisme.  Il  désirait  ardemment  que  son  succes- 
seur, le  conseiller  d'Etat  Louis  de  Bernage,  continuât 
ses  errements  et  il  lui  laissa  dans  ce  but  les  instructions 
secrètes  suivantes  (2).  qui  lui  paraissaient  propres  à  con- 
tenir les  religionnaires  : 


(i)  Ms.  Court,  n°  17,  t.  B.  Voy.  aussi  E.  Arnaud,  Histoire  des  protes- 
tants du  Dauphiné,  t.   III,  p.  125. 

(2)  Elles  ont  été  publiées  en  1877.  Voy.  Mémoires  secrets  de  Bàville, 
dans  les  Chroniques  du  Languedoc,  }°  année. 


104  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Etre  bien  averti  de  ce  qui  se  passe  et  remédier 
aux  commencements.  —  Ne  souffrir  aucune  assem- 
blée religieuse  ou  autre.  —  Faire  payer  aux  parois- 
ses ,  sur  lesquelles  se  tiennent  ces  assemblées  ,  tous 
les  frais  de  répression.  —  Faire  prendre  tous  les  pré- 
dicants  et  les  condamner  à  mort ,  attendu  que  les  ga- 
lères ne  les  arrêtent  pas  et  qu'ils  trouvent  moyen  d'en 
sortir.  —  Tenir  les  nouveaux  convertis  désarmés.  — 
Faire  arrêter  tous  les  étrangers  qui  n'ont  pas  de  pas- 
seports et  qui  vont  dans  les  pays  oij  sont  les  religion- 
naires. 

Bâville,  qui  avait  pratiqué  ces  moyens  sans  réussir 
toujours,  faisait  ensuite  connaître  à  son  successeur  la 
façon  dont  on  procédait  en  Languedoc  lorsqu'on  faisait 
des  prisonniers  dans  les  assemblées.  «  Ils  sont  menés,  » 
dit-il  en  substance,  «  à  M.  de  Roquelaure  qui,  sur  une 
procédure  sommaire,  les  envoie  aux  galères,  conformé- 
ment à  la  déclaration  de  1689,  qui  renouvelle  les  peines 
de  celle  de  1682.  Si  l'on  prend  le  prédicant,  le  com- 
mandant n'a  pas  le  pouvoir  de  le  juger.  C'est  l'inten- 
dant qui  le  juge,  aidé  du  présidial,  suivant  la  même  dé- 
claration. Cette  manière  de  punir  les  assemblées,  » 
ajoute-t-il,  «  est  très  nécessaire.  S'il  fallait  envoyer  les 
coupables  aux  présidiaux  et,  par  appel,  au  parlement, 
ce  serait  de  grands  frais  pour  le  roi  ;  mais  la  longueur 
de  la  procédure  ferait  perdre  le  prix  de  l'exemple,  qui 
est  très  nécessaire.  » 

L' ex-intendant  dit  encore  qu'  «  on  a  fait  faire  deux 
grands  chemins  en  Vivarais,  l'un  sur  le  bord  du  Rhône, 
et  l'autre  dans  le  milieu  du  pays,  qu'il  est  bien  impor- 
tant de  faire  toujours  entretenir.  C'est  le  pays  qui  en  a 
soin.  Il  faut  exciter  d'en  faire  un  qui  est  de  la  dernière 
conséquence  pour  contenir  les  peuples,  qui  est  de  Ver- 
noux  à   Privas,  afin  de  pouvoir  empêcher  les  mutins, 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  lOÇ 

quand  il  y  en  a,  de  pouvoir  se  jeter  dans  les  montagnes 
des  Boutières,  pays  presque  impraticable.  » 

«  Qui  n'aurait  cru,  »  fait  remarquer  Boulainvilliers, 
en  1705  (i),  «  avec  les  savantes  précautions  de  [Bâville], 
que  ce  peuple  obéirait  à  la  nécessité  ;  mais  l'expérience 
a  fait  connaître  qu'elles  n'ont  réussi  qu'à  enflammer  son 
désespoir.  Accablé  du  côté  de  la  religion  qui  en  voulait 
à  sa  conscience,  dépouillé  à  cet  égard  de  toute  liberté, 
réduit  d'ailleurs  à  une  misère  déplorable,  que  l'on  disait 
être  une  disposition  à  l'obéissance ,  et  qui  a  été  prise 
pour  un  effet  de  la  dureté  de  [Bâville],  ce  peuple  misé- 
rable a  pris  le  dernier  parti  qui  semblait  lui  rester, 
d'essayer  si  la  révolte  ou  la  mort  ne  mettrait  point  fin  à 
ses  souffrances.  Les  suites  de  cette  résolution  n'ont 
que  trop  été  funestes.  Il  a  péri  100,000  hommes,  que 
l'on  a  immolés  pour  justifier  la  conduite  de  [Bâville],  et, 
de  ce  nombre,  il  y  en  a  le  dixième  qui  a  péri  par  le  feu, 
la  corde  ou  la  roue.  La  guerre  des  Albigeois  n'a  pas 
été  plus  tragique;  mais,  ce  qui  est  bien  déplorable, 
c'est  que  ces  mouvements  ne  sont  pas  encore  finis  ,  et 
que  le  moindre  événement  est  capable  de  ranimer  la 
rage  des  uns  et  des  autres.  » 

PIERRE  DURAND.  SA  VOCATION  AU  SAINT  MINISTÈRE. 
ARRESTATIONS.  PREMIER  SYNODE  DU  VIVARAIS.  SUC- 
CÈS DE   DURAND    CONTRE   LES   INSPIRÉS   (1719-I721). 

L'œuvre  de  Court  et  de  ses  collègues,  Corteiz,  Rou- 
vière  et  Brunel,  fut  continuée  en  Vivarais  par  Pierre 
Durand.  Cet  homme,  remarquable  à  plusieurs  titres, 
naquit  au  Bouchet,  paroisse  de  Pranles,  le  12  septem- 
bre 1700,  et  fut  baptisé  dans  l'Eglise  romaine,  dont  il 

(i)  Etat  de  France,  extrait  du  mémoire  de  Bâville  de  1598, 


Io6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

suivit  le  culte  jusqu'à  sa  douzième  ou  quinzième  année. 
Avant  cet  âge,  et  quand  il  était  encore  enfant,  son  père, 
greffier  consulaire  de  la  paroisse  ,  qui  le  destinait  à  la 
pratique,  c'est-à-dire  aux  fonctions  de  notaire  ou 
d'homme  de  loi ,  l'envoya  à  Privas  ,  où  il  fit  quelques 
études  qui  ne  lui  furent  pas  inutiles,  comme  il  le  dit  lui- 
même. 

Un  grave  événement  paraît  avoir  décidé  de  sa  voca- 
tion au  saint  ministère.  En  janvier  17 19,  le  subdélégué 
Dumolard  donna  quinze  écus  à  un  misérable  ,  nommé 
Souche,  natif  de  Marcols,  pour  qu'il  présidât  une  assem- 
blée dans  la  paroisse  de  Pranles,  au  quartier  de  Nava- 
lis.  Etienne  Durand,  le  père  du  jeune  Durand,  qui  nous 
occupe,  prêta  sa  maison,  et  sept  personnes  s'y  réuni- 
rent. C'était  le  29  janvier,  par  une  nuit  fort  obscure. 
A  minuit  Dumolard  parut  à  la  tête  de  trois  compagnies 
de  soldats,  et  se  jeta  sur  l'assemblée,  mais  il  ne  put 
s'emparer  que  de  trois  filles,  dont  la  plus  jeune,  âgée 
seulement  de  dix  ans ,  fut  relâchée  ,  et  les  deux  autres 
conduites  au  Pont-Saint-Esprit.  Une  triste  complainte, 
composée  par  un  poète  inconnu  ,  consacra  le  souvenir 
de  cet  événement  (i). 

Après  cela ,  et  sur  les  indications  que  lui  fournit  un 
traître,  Dumolard  fit  arrêter,  dans  les  environs  de  Ver- 
noux,  Rouvier,  de  Gros,  paroisse  de  Saint-Etienne-de- 
Serre,  qui  avait  déjà  présidé  quelques  assemblées  et  se 
destinait  au  saint  ministère;  Jacques  Combe  dit  Angely, 
du  Bouschet,  et  Pierre  de  Serret,  qui  furent  condamnés 
aux  galères  leur  vie  durant.  Dumolard  logea  dix-sept 
soldats  dans  le  hameau  du  Bouchet  pendant  vingt  et  un 
jours.  Etienne  Durand  en  eut  sept  pour  sa  part.  Avant 


(i)  On  en  trouvera  quelques  couplets  dans  Benoît,  Maiie  Durand,  p.  iç 
et  16. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  IO7 

de   partir    ils   pillèrent    sa    maison    et    la    démolirent. 

Une  complainte ,  composée  sur  la  capture  de  Rou- 
vier  (1),  nous  apprend  divers  détails  sur  les  suites  de 
son  arrestation.  Il  fut  d'abord  conduit  à  Vernoux,  puis 
à  Beauregard ,  oi^i  il  endura  de  grands  maux.  «  C'est 
chose  pitoyable  ce  qu'il  a  souffert  là ,  »  dit  naïvement 
la  complainte.  On  chercha  à  lui  faire  abjurer  sa  religion, 
mais  il  fut  inébranlable.  On  le  mena  ensuite  à  Privas, 
où  on  le  confronta  avec  les  témoins,  Marion  Buvendu, 
Charbonnier  et  autres  protestants  convertis  au  catholi- 
cisme. Quelques  jours  après,  escorté  par  une  compa- 
gnie de  soldats  et  par  de  La  Tourette  et  ses  archers  , 
on  le  conduisit,  les  mains  liées,  à  Montpellier,  oij  un 
traître,  du  nom  de  Prachasail,  déposa  contre  lui.  Tout 
le  monde  s'attendait  à  ce  qu'il  serait  condamné  à  mort, 
mais  l'intendant  de  Bernage ,  qui  ne  suivit  pas  de  tous 
points  les  conseils  que  lui  avait  laissés  Bâville  dans  ses 
mémoires  secrets,  le  condamna  seulement  aux  galères 
perpétuelles,  comme  on  l'a  dit. 

<(  Pierre  Durand,  »  dit  Meynadier,  a  ayant  appris 
qu'il  avait  été  décrété  de  prise  de  corps  par  l'intendant 
de  la  province,  auquel  on  avait  fait  entendre  qu'il  était 
prédicant  de  cette  assemblée  [du  29  janvier],  ce  qui 
n'était  pas,  s'était  résolu  à  quitter  sa  famille.  Son  inten- 
tion était  de  sortir  de  France.  Informé  qu'il  y  avait  un 
pasteur  en  Dauphiné,  il  se  rendit  auprès  de  lui,  et  lui 
demanda  de  vouloir  bien  le  recommander  pour  qu'il 
trouvât  de  l'emploi  hors  de  France.  Ce  pasteur,  qui 
était  Roger,  reconnut  dans  le  jeune  homme  qui  s'adres- 
sait à  lui  de  bonnes  dispositions  et  du  talent;  il  l'enga- 
gea à  étudier  la  théologie.  »  Durand  suivit  son  conseil; 

(1)  Nous  l'eussions  publiée,  car  elle  est  inédite,  si  la  versification  n'en  était 
par  trop  défectueuse.  Elle  compte  vingt-six  couplets  (Arch,  de  M""  Sérus- 
clat). 


I08  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

et,  malgré  les  supplications  et  les  larmes  de  ses  pa- 
rents, il  se  voua  à  la  carrière  pastorale.  Il  commença 
par  être  prédicateur  ou  proposant.  Les  inspirés,  dont 
le  nombre  s'était  accru  en  1709,  comme  on  l'a  vu  plus 
haut,  continuaient  à  jouir  d'un  grand  crédit.  Durand,  qui, 
comme  Court,  avait  une  haute  raison  et  une  piété  saine, 
les  combattit  avec  force.  «.  Plein  de  zèle,  »  dit  Morel- 
Duvernet ,  «  et  d'un  noble  courage,  et  se  distinguant 
des  autres  par  la  grandeur  de  ses  vues,  par  son  ardeur 
et  par  les  heureux  talents  dont  Dieu  l'avait  honoré,  il 
entreprit  de  mettre  les  choses  sur  un  meilleur  pied. 
D'abord  il  crut  qu'il  fallait  commencer  par  faire  taire  le 
fanatisme.  N'ayant  pas  plus  d'autorité  ni  plus  d'ascen- 
dant sur  l'esprit  du  peuple  que  ceux  qui  pour  lors  pré- 
sidaient dans  les  assemblées,  ses  desseins  ne  pouvaient 
manquer  d'être  traversés.  Un  temps  fut  que  presque 
tout  le  monde  était  contre  lui  ;  et,  humainement  parlant, 
il  eut  à  surmonter  des  obstacles  en  apparence  insur- 
montables. » 

Rien  ne  l'arrêta.  Il  se  mit  en  rapport  avec  le  prédi- 
cateur Bernard,  qui  était  sorti  de  prison  ,  et  lui  déclara 
((  que  s^il  ne  voulait  pas  crier  hautement  contre  le  fana- 
tisme, il  devait  se  taire  et  ne  pas  instruire  le  peuple.  » 
Bernard  ne  se  prononça  pas  pour  le  moment,  mais  il 
fit  comprendre  à  Durand  qu'il  ne  s'opposait  pas  à  l'in- 
troduction dans  le  Vivarais  des  règlements  édictés  par 
le  Languedoc  contre  les  inspirés.  Il  n'alla  pas  plus  loin, 
«  pour  ne  pas  se  contredire  lui-même  ,  »  dit  Durand , 
«  en  présence  des  personnes  qui  assistaient  à  leur  en- 
tretien. »  Ce  dernier  écrivait  pourtant  quelques  jours 
après  :  «  Je  crois  que  s'il  n'y  prend  garde,  il  prendra 
la  doctrine  de  l'extraordinaire  Vesson.  »  C'était  un  des 
fondateurs  de  la  secte  des  Multipliants  de  Montpellier. 

Quant  au  prédicateur  Monteil,  qui  habitait  les  Bou- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  lOg 

tières ,  où  il  jouissait  d'un  grand  crédit,  Durand  lui  com- 
muniqua par  lettres  les  règlements  du  Languedoc.  «  Sa 
réponse,  »  écrivait  ce  dernier,  «  n'est  que  favorable 
pour  notre  prospérité.  Je  trouve  son  sentiment  assez 
bon,  et ,  un  de  ces  jours  ,  je  prétends  de  l'aller  joindre 
pour  parler  encore  avec  lui ,  et  voir  encore  mieux  son 
sentiment  sur  le  tout.  J'ai  assez  bonne  opinion  de  son 
secours,  car  les  Boutières  ont  une  grande  affection  pour 
ce  qu'il  dit,  et,  puisque  je  l'ai  gagné,  lui,  pour  ainsi 
m'exprimer,  je  crois  d'avoir  gagné  tout  le  pays  où  il 
domine.  » 

Le  prédicateur  Guilhot  travaillait  de  son  côté  à  réta- 
blir l'ordre  dans  le  Vivarais,  et  il  pressait  vivement  Cor- 
teiz,  le  30  novembre  1720,  de  venir  l'aider  dans  sa  la- 
borieuse et  sainte  tâche. 

Durand  s'aboucha  aussi  avec  les  prédicantes.  a  La 
première  ,  »  écrivait-il ,  «  à  qui  j'ai  parlé  de  cela  (de 
s'interdire  la  prédication) ,  s'est  soumise  avec  autant 
d'humilité  qu'on  en  puisse  demander.  C'est  la  Suzanne, 
de  Bougé,  et  je  ne  crois  pas,  avec  l'aide  de  Dieu  ,  de 
trouver  guère  d'antagonistes.  »  On  verra  bientôt  qu'il 
se  faisait  illusion. 

Désireux  de  faire  approuver  officiellement  les  règle- 
ments du  Languedoc  par  les  Eglises  du  Vivarais  ,  Du- 
rand convoqua  un  synode  provincial,  le  premier  en  date 
depuis  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Il  s'assembla 
au  désert,  le  26  juillet  1721  ,  sous  la  présidence  de 
Bernard.  Sept  proposants  ou  prédicateurs  et  deux  an- 
ciens y  assistèrent.  La  vénérable  assemblée  prit  dix- 
huit  résolutions,  dont  voici  les  principales  : 

Signature  de  la  confession  de  foi  imposée  aux  pas- 
teurs, proposants  et  anciens  ;  —  serment  de  fidélité  au  roi, 
obligatoire  pour  les  pasteurs  et  les  proposants,  sauf  en 
ce  qui  concerne  les  «  ordonnances  qui  pourraient  être 


110  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

préjudiciables  à  la  foi  et  à  l'Eglise;  »  —  l'Ecriture 
sainte  tenue  pour  seule  règle  de  foi  ;  —  explication  du 
catéchisme  de  Drelincourt  par  les  pasteurs  «  tant  aux 
assemblées  que  dans  les  maisons  particulières  ;  »  — 
nomination  d'anciens  pour  surveiller  les  fidèles  et  admi- 
nistrer r  Eglise  ;  —  suspension  de  la  communion  pronon- 
cée contre  tous  ceux  qui  font  baptiser  leurs  enfants  et 
bénir  leurs  mariages  par  des  prêtres  ;  —  réfutation  par 
les  pasteurs  et  les  anciens  de  «  toutes  prétendues  révé- 
lations ,  auxquelles  il  n'y  a  rien  digne  d'y  ajouter  foi , 
—  tenue  d'un  synode  provincial  tous  les  ans  dans  le  Viva- 
rais  ;  —  durée  des  services  religieux  fixée  seulement  à 
une  heure  «  à  cause  du  danger;  »  —  défense  faite  aux 
femmes  de  prêcher  dans  les  assemblées,  et  autorisation 
donnée  à  «  celles  qui  ont  édifié  l'Eglise  par  une  bonne 
doctrine  »  de  visiter  les  malades  et  d'instruire  la  jeu- 
nesse ,  si  c'est  leur  bon  plaisir;  —  examen  de  la  vie, 
mœurs  et  doctrine  des  prédicateurs  avant  leur  admis- 
sion à  cette  charge. 

Les  actes  originaux  de  ce  synode  sont  seulement 
signés  par  Bernard  ,  modérateur  ;  Chabrières  (ou  Bru- 
nel)  et  Durand,  secrétaire. 

Ce  dernier,  comme  on  l'a  dit,  avait  emprunté  ces  rè- 
glements aux  Eglises  du  Languedoc.  Il  s'était  même 
rendu  à  leur  synode  du  22  mai  1721  (i)  pour  en  pren- 
dre connaissance.  «.  Il  en  fut  si  édifié,  »  dit  Corteiz , 
«  qu'il  se  promit  d'établir  même  ordre  ,  mêmes  règle- 
ments et  mêmes  maximes  dans  les  Eglises  du  Vivarais.  » 
Antoine  Court  nous  apprend  (2)  que  ce  synode  le  char- 

(r)  Coquerel  (t.  I  ,  p.  32-56)  se  trompe  quand  il  dit  que  Durand  assista 
aux  synodes  du  Dauphiné  du  22  août  1716  et  du  Languedoc  du  2  mars  1717  ; 
il  n'avait  alors  que  seize  ans.  Voy.  la  dissertation  de  Benoît  dans  le  Bulle- 
lin,  etc.,  t.  XXIX,  p.  425. 

I2)  Lettre  à  Basnage  ,  dans  le  Bulletin  rlr  In  Socir.lô ,  de,  l.  XXXVI , 
p.  4)0. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  III 

gea  «  d'assembler  les  prédicateurs,  d'examiner  leurs 
doctrines  et  leurs  mœurs  ,  de  tâcher  de  n'avoir  qu'un 
même  sentiment;  ensuite  de  se  séparer  pour  aller,  cha- 
cun d'un  côté,  se  faire  choisir  par  les  Eglises  des  per- 
sonnages d'une  piété  avérée  pour  exercer  la  char-^e 
d'ancien;  que.  lorsqu'on  aurait  ainsi  parcouru  les  Eo-ji- 
ses,  on  fit  un  colloque  où  l'on  recevrait  ces  anciens  et 
où  Ton  lirait  nos  règlements  pour  se  conduire  de  la 
manière  qu'ils  indiquent.  »  Durand  tint  parole  ,  comme 
on  l'a  vu,  mais  les  inspirés  lui  suscitèrent  de  telles  dif- 
ficultés à  cette  occasion  qu'il  pria  le  synode  du  Langue- 
doc de  lui  députer  quelques-uns  de  ses  membres  a  pour 
lui  donner  le  secours  nécessaire.  » 

Durand  ,  en  eflfet ,  se  trouvait  presque  réduit  à  ses 
seules  forces.  «  Ici,  »  disait-il,  «  il  n'y  a  pour  pasteurs 
que  quelques  pauvres  vieux  sans  grande  connaissance  , 
mcapables  de  souffrir  un  fort  petit  examen.  Je  suis  le 
seul  jeune  et  je  ne  puis  pas  faire  grand  chose  faute  de 
mille  facultés  qui  me  manquent.  »  Ces  «  pauvres  vieux  » 
étaient  notamment  Guilhot,  né  en  1670;  Bernard,  avant 
1680;  Brunel  et  Monteil,  en  1680. 

Notre  jeune  proposant  eut  néanmoins  des  succès 
dans  son  œuvre  disciplinaire.  «  Nous  avons  rangé  nos 
femmes  prédicantes  au  silence,  »  écrivait-il,  «  quoique 
nous  en  ayons  encore  qui  font  de  grandes  résistances. 
Cependant ,  par  la  grâce  de  Dieu  ,  nous  voyons  que 
leurs  résistances  se  terminent  peu  à  peu.  Nos  fanati- 
ques sont  pour  aiftsi  dire  aux  abois  ,  voyant  le  trouble 
que  nous  avons  mis  à  leur  audience  et  réception.  Mais, 
comme  vous  savez  assez  que  c'est  leur  contenance,  les 
loudres  et  anathèmes  nous  roulent  dessus  aussi  épais 
comme  ceux  qui  partirent  de  la  ville  de  Trente  et  de 
Bologne,  lorsque  le  concile  y  fut  tenu  en  faveur  de  l'er- 
reur de  Rome ,  et  principalement  sur  moi ,  parce  que  , 


112  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

disent-ils ,  je  suis  leur  plus  grand  ennemi ,  vu  que  si  je 
n'eusse  pas  mis  la  main  à  cette  œuvre ,  je  veux  dire  à 
l'établissement  de  l'ordre,  peut-être  personne  ne  l'au- 
rait entreprise  de  plusieurs  années.  Mais  je  regarde  et 
ai  toujours  regardé  les  foudres  et  malédictions  comme 
partant  de  la  bouche  de  gens  sans  connaissance  et,  par 
conséquent,  dignes  de  support.  Je  n'en  ai  même  tenu 
aucun  compte  et  je  reprends  ceux  qui  me  les  répètent, 
car  cela  ne  se  pratique  pas  en  ma  présence  ni  de  mes 
chers  collègues ,  quoique  dernièrement  j'en  trouvai  un 
qui  me  fit  de  terribles  reproches,  à  son  avis  m'appelant 
destructeur  de  l'œuvre  de  Dieu ,  quand  je  travaillais  à 
détruire  les  prétendues  révélations,  et  me  chassa  même 
de  sa  maison  après  la  grande  sollicitation  qu'il  m'avait 
faite  de  l'aller  voir.  » 

Pour  consoHder  son  œuvre,  Durand,  assisté  de  Bru- 
nel ,  établit  des  consistoires  dans  toutes  les  églises. 
Monteil ,  qui  avait  renoncé  à  ses  sympathies  pour  les 
inspirés  et  se  prononçait  nettement  contre  eux ,  rendit 
également  de  grands  services  à  Durand  par  l'influence 
dont  il  jouissait  depuis  longtemps.  D'autre  part.  Court 
encourageait  Durand  par  des  lettres  pleines  d'affection 
et  de  sagesse.  Il  savait  qu'aucune  autre  province  n'avait 
eu  autant  à  souffrir  de  l'illuminisme  que  le  Vivarais,  et 
il  désirait  ardemment  que  l'ordre  s'y  rétablit  complète- 
ment :  «  Infortuné  Vivarais,  »  s'écriait-il,  «  qui  a  été  de- 
puis bien  des  années  un  chaos  affreux  où,  à  la  faveur 
d'un  nuage  très  épais,  se  sont  jouées  mille  scènes  qui, 
si  elles  n'ont  pas  été  tragiques,  ont  été  du  moins  bien 
noires  et  très  fatales  à  l'esprit  de  plusieurs ,  qui  mal- 
heureusement ont  été  la  dupe  du  plus  grand  nombre  des 
auteurs  qui  ont  paru  sur  le  théâtre.  » 

Court  blâmait  en  même  temps  Bernard,  qui,  bien  qu'il 
eût  présidé  le  premier  synode  du  Vivarais ,  ne  se  sou- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  \\  T, 

mettait  pas  à  ses  règlements  d'une  façon  complète.  Il 
l'exhortait  avec  force  à  revenir  à  des  sentiments  plus 
conformes  à  la  discipline...  Bernard  rentra  peu  à  peu 
dans  l'ordre,  quoiqu'il  donnât  encore  en  1727  des  in- 
quiétudes à  Durand.  En  dépit  des  termes  formels  de  la 
discipline  ,  il  se  croyait  le  droit  de  baptiser  et  de  ma- 
rier (i). 

C'est  vers  ce  temps  que  M"''  Beaumont,  du  Vivarais, 
de  l'illustre  famille  des  Beauvoir  de  Grimoard  du  Roure, 
ayant  été  enfermée  dans  un  couvent  à  la  mort  de  son 
père,  s'y  convertit  au  catholicisme  et  publia  les  motifs 
de  son  changement  de  religion.  Son  écrit,  qui  avait  de 
la  valeur  et  sortait  sans  doute  de  la  plume  d'un  théolo- 
gien, fit  assez  de  bruit  pour  que  le  célèbre  pasteur  Jac- 
ques Lenfant,  réfugié  à  Berlin,  crut  de  son  devoir  de 
lui  répondre  par  son  Préservatif  contre  la  réunion  avec 
le  siège  de  Rome  ou  Apologie  de  notre  séparation  d'avec 
ce  siège,  contre  le  livre  de  M"*  de  B.,  dame  prosélyte  de 
l'église  romaine  et  contre  les  autres  controversistes  anciens 
et  modernes.  Amsterdam,    1723,  4  vol.  in-8". 

CORTEIZ  ET  ROUVIÈRE  EN  VIVARAIS.  FONDATION 
d'églises.  DÉCLARATION  DU  I7  MAI  I724  (1723- 
1724). 

Deux  ans  après  le  synode,  en  août  1723,  Corteiz  et 
Rouvière  se  rendirent  en  Vivarais  pour  aider  Durand; 
mais ,  leur  voyage  ayant  fait  du  bruit ,  ils  durent  pren- 

(i)  Meynadier,  p.  11-20,  72.  Corteiz,  Relation  historique,  dans  Edm. 
Hugues,  t.  I,  p.  461,  462.  Recueil  des  actes  des  synodes  du  Vivarais  (ms.). 
Lettres  de  Durand  à  Court  et  à  Corteiz,  et  de  Court  à  Durand,  dans  le 
Bulletin,  etc.,  t.  XXXIII,  p.  261-264,  258,  259,  51J.  Ms.  Court,  n"  i,  t.  III, 
et  n»  8.  Copie  dp  lu  relation  dressée  par  Morel  dit  Duvernet  (ms.).  Be- 
noît, p.   I-JO. 

II.  8 


114  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

dre  des  précautions  pour  ne  pas  être  poursuivis  et  ar- 
rêtés. «  Nous  y  assemblâmes  les  prédicateurs  (i)  ,  » 
dit  Corteiz  «  avec  un  nombre  considérable  de  person- 
nes distinguées,  qui  ont  du  zèle  et  de  la  piété.  Après 
avoir  imploré  le  secours  de  Dieu  et  représenté  la  néces- 
sité d'un  ordre  dans  l'Eglise,  et  que  ces  messieurs  en 
eurent  convenu ,  nous  rangeâmes  les  paroisses  en  Egli- 
ses comme  en  Languedoc,  savoir  la  paroisse  d'Ajoux, 
la  paroisse  du  Gua  font  une  Eglise,  ainsi  des  autres.  La 
mémoire  ne  me  fournit  pas  combien  il  y  a  d'Eglises  en 
Vivarais  ;  toutefois  il  me  semble  qu'il  y  en  a  vingt-quatre. 

»  Après  les  Eglises  formées ,  »  continue  Corteiz , 
«  MM.  les  prédicateurs  du  Vivarais  prièrent  M.  Rouvière 
et  moi  de  faire  une  assemblée  dans  toutes  leurs  Eglises 
pour  établir  des  anciens  dans  tous  les  villages  et  parois- 
ses qui  formaient  leurs  Eglises  :  ce  que  nous  fîmes  heu- 
reusement. C'est  ainsi  que  Dieu  forma  les  Eglises  du 
Vivarais,  qui  se  fortifièrent  tous  les  jours... 

»  On  ne  trouvera  pas  mauvais  que  je  marque  ici ,  »  dit-il 
encore,  <»  que  le  i  2  mars  1724  quelques  fidèles  de  la  pa- 
roisse de  Vais  (oii  les  sources  d'eaux  minérales  sont 
si  renommées) ,  étant  informés  par  leurs  parents  qu'on 
faisait  des  assemblées  dans  les  Boutières ,  ils  s'y  ren- 
dirent un  samedi  soir  (et  cet  endroit  est  [àj  trois  gran- 
des lieues  dudit  Vais).  Ces  pauvres  fidèles  se  trouvèrent 
dans  l'assemblée  que  nous  avions  convoquée  et ,  à  la 
fin  de  la  dévotion ,  ils  me  tirèrent  à  part  et  me  dirent  en 
pleurant  :  «  Nous  sommes  de  trois  lieues  d'ici ,  de  la 
paroisse  de  Vais,  paroisse  oij  autrefois  il  y  avait  un  tem- 
ple et  trois  mille  communiants ,  mais  étant  depuis  si 
longtemps  sans  pasteurs  et  sans  sacrements  et  tout  en- 


1)  Dans  le  synode  du  i6  août.  Corteiz  présida  cette  assemblée,  de   même 
que  le  synode  suivant  du  iç  septembre. 


DU    VIVARAIS   ET    DU    VELAY.  I  I  <, 

vironnés  de  papistes ,  tout  le  monde  tombe  dans  l'ido- 
lâtrie et  dans  le  dérèglement;  si  vous  vouliez,  cher  pas- 
teur, nous  faire  la  grâce  de  passer  chez  nous  ,  vous  ne 
pourriez  jamais  faire  une  plus  grande  charité.  »  Ce  rai- 
sonnement me  toucha.  Je  me  rendis  le  lundi  et  le  mardi, 
je  les  priai  de  former  une  assemblée;  à  peine  purent-ils 
trouver  quarante  personnes  de  confiance.  L'acte  de  dé- 
votion fini ,  on  me  pria  de  leur  donner  une  seconde  pré- 
dication ,  que  le  nombre  s'augmenterait  ;  mais  je  me 
doutai  que  l'ennemi  s'en  aperçût  et  qu'on  ne  fît  des  pri- 
sonniers ;  ainsi  je  me  contentai  d'écrire  aux  prédica- 
teurs du  Vivarais  d'y  faire  quelques  visites,  comme  plus 
près  que  ceux  du  Languedoc.  Du  depuis  j'ai  appris 
avec  joie  que  cette  commune  commence  à  se  réveiller 
et  de  donner  lieu  aux  prédicateurs  d'y  faire  quelques  vi- 
sites (i).  » 

Louis  XV,  déclaré  majeur  depuis  le  22  février  1723, 
publia  quinze  mois  plus  tard,  le  14  mai  1724,  sous  le 
ministère  du  duc  de  Bourbon,  prince  farouche,  brutal 
et  déréglé,  un  arrêt  monstrueux  qui  rééditait,  en  les 
aggravant ,  tous  les  édits  rendus  par  Louis  XIV  contre 
les  protestants  et  qui  violait  effrontément  le  droit  natu- 
rel, le  droit  civil,  les  liens  de  la  famille,  la  propriété,  la 
liberté,  etc.  Ainsi  il  prononçait  la  peine  des  galères, 
avec  confiscation  des  biens ,  contre  ceux  qui  assiste- 
raient à  des  exercices  autres  que  ceux  de  la  religion 
catholique  ,  qui  donneraient  asile  aux  prédicants  ou  qui 
négligeraient  de  les  dénoncer,  et  la  peine  de  mort  con- 
tre ceux-ci  ;  —  elle  ordonnait  aux  parents  de  faire  bap- 
tiser leurs  enfants  dans  les  vingt-quatre  heures  après 
leur  naissance,  de  les  envoyer  aux  écoles  et  aux  caté- 


(i)  Corteiz,  Relation  hifttoriqup ,  dans  Edm.  Hugues,  t.  I ,  p.  471,  472. 
Ms.  Court,  n»  8. 


Il6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS. 

chismes  catholiques  jusqu'à  Tâge  de  quatorze  ans  ,  et 
aux  instructions  du  dimanche  jusqu'à  celui  de  vingt;  — 
elle  punissait  comme  relaps  ceux  qui  refuseraient  les  sa- 
crements ou  qui  engageraient  leurs  semblables  à  les  re- 
fuser ;  —  elle  ne  reconnaissait  comme  légitimes  que  les 
mariages  catholiques  ;  —  elle  défendait  aux  parents  de 
faire  élever  leurs  enfants  hors  du  royaume  et  de  leur 
permettre  de  s'y  marier  ;  —  elle  autorisait  les  enfants 
mineurs  à  se  marier  sans  l'autorisation  de  leurs  parents 
si  ceux-ci  étaient  à  l'étranger,  etc..  etc. 

ZÈLE  DE  DURAND.  VISITE  DE  COURT.  UNION  DES 
ÉGLISES  DU  VIVARAIS  ,  DU  DAUPHINÉ  ET  DU  LAN- 
GUEDOC. DÉCISIONS  SYNODALES  DIVERSES.  PROCÈS 
FAIT     A     LA 'MÉMOIRE    DE    PAULE    CHERMEZON    (1724- 

1725)- 

La  visite  prolongée  de  Corteiz  et  de  Rouvière  en  Vi- 
varais  fit  un  grand  bien  au  jeune  Durand ,  qui  continua 
à  se  dépenser  pour  le  réveil  des  Eglises  et  leur  affermis- 
sement par  le  moyen  des  consistoires,  des  colloques  et 
des  synodes.  On  voit  ,  par  le  Recueil  des  synodes  du 
Vivarais  ,  qu'il  assistait  avec  une  grande  assiduité  à  ces 
touchantes  et  utiles  assemblées  ;  et  ce  qu'on  sait  de 
ses  talents ,  de  son  zèle  et  de  sa  piété  ,  autorise  à  pen- 
ser qu'il  en  fût  l'âme,  de  telle  sorte  qu'on  peut  le  con- 
sidérer comme  le  véritable  restaurateur  du  protestan- 
tisme en  Vivarais.  Morel  dit  Duvernet  écrivait  à  son 
sujet  en  1737  :  «  Par  ses  soins  infatigables,  il  rétablit 
l'ordre  ,  à  quelque  différence  près,  tel  qu'il  subsiste  au- 
jourd'hui. •) 

Durand  est  d'autant  plus  digne  d'admiration  qu'il  ne 
lut  pas  secondé  par  tous  les  prédicateurs  du  Vivarais; 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  II7 

quelques-uns,  comme  Monteil,  Jean-Pierre  Dortial , 
de  Chalencon  ,  et  Martel  dit  Latour ,  de  Poyols  en 
Dauphiné,  lui  firent  de  l'opposition;  et,  quoique  les 
synodes  du  Vivarais  du  8  juin  1724  et  du  17  avril  1725 
eussent  sévi  contre  eux,  ils  lui  causèrent  beaucoup  d'en- 
nuis par  leur  esprit  d'indiscipline. 

Court  vint  à  son  tour  encourager  Durand  et  donner 
à  son  œuvre  la  sanction  de  son  autorité  morale.  Il  pré- 
sida le  quatrième  synode  provincial ,  assemblé  le  8  juin 
1724,  où  furent  prises  d'importantes  résolutions.  Ainsi 
on  y  décida  qu'on  donnerait  «  un  quartier  à  servir  à 
chaque  prédicateur  ;  »  —  qu'aucun  d'eux  ne  pourrait 
s'éloigner  de  son  quartier  sans  un  congé  du  synode;  — 
que  chaque  prédicateur  assemblerait  le  colloque  de  son 
quartier  tous  les  six  mois  pour  examiner  si  les  anciens 
s'acquittaient  régulièrement  de  leur  charge  ;  et  que  les 
anciens  réuniraient  à  leur  tour  le  consistoire  de  leur 
Eglise  tous  les  premiers  dimanches  du  mois  pour  se  te- 
nir au  courant  de  ce  qui  s'y  passait.  —  Il  fut  décidé,  en 
outre,  que  le  synode  s'assemblerait  tous  les  six  mois 
alternativement  dans  le  haut  Vivarais  et  dans  les  Bou- 
tières. 

L'année  suivante,  Court,  qui  songeait  à  mettre  la  der- 
nière main  à  son  œuvre  de  restauration,  travailla  à  réu- 
nir étroitement  en  un  seul  corps  les  Eglises  du  Langue- 
doc ,  du  Vivarais  et  du  Dauphiné.  Ainsi,  dans  le  synode 
du  Languedoc  du  i^""  mai  1725  ,  il  fut  décidé  qu'un  pro- 
posant serait  député  vers  les  Eglises  du  Vivarais  pour  y 
consolider  l'ordre,  sans  cesse  menacé  par  le  parti  des 
inspirés  et  les  prédicateurs  réfractaires  ;  et  vers  celles 
du  Dauphiné  pour  les  engager  à  s'unir  à  leurs  sœurs  du 
Languedoc  et  du  Vivarais.  Comme  le  pasteur  Roger 
avait  déjà  eu  la  pensée  de  cette  utile  fédération  ,  l'en- 
tente fut  facile.   Rouvière  et  Roger  se  rendirent  en  Vi- 


Il8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

varais,  et  un  synode  y  fut  convoqué  pour  le  21  juin  (i). 
La  demande  d'union ,  faite  par  les  Eglises  du  Lan- 
guedoc dans  leur  synode  du  1^'  mai ,  y  fut  «  reçue  d'un 
commun  accord  comme  un  effet  de  leur  charité  sans  y 
reconnaître  aucune  prééminence  d'Eglise.  »  Les  mem- 
bres du  synode  signèrent  les  règlements  des  Eglises  du 
Languedoc,  et  Rouvière  ,  au  nom  de  ces  dernières,  si- 
gna les  règlements  des  Eglises  du  Vivarais.  La  vénéra- 
ble assemblée  décida  toutefois,  à  la  demande  de  Roger, 
qu'on  n'imposerait  de  serment  à  personne  «  pour  évi- 
ter le  parjure  et  l'obstacle  que  cela  pourrait  apporter  à 
l'union  des  protestants  ;  »  mais  il  fut  stipulé  que  ,  pour 
lier  les  schismatiques  et  les  hérétiques ,  on  se  réserve- 
rait d'exiger  des  promesses  particulières  ;  et  que  ,  si  on 
jugeait  à  propos  d'établir  une  formule ,  cela  se  ferait 
d'un  commun  accord  ,  en  tâchant  d'éviter  tous  les  in- 
convénients. 

Le  synode  décida  en  outre  qu'on  laisserait  les  pré- 
dicateurs libres  de  prêcher  de  bons  sermons ,  qu'ils  au- 
raient préalablement  appris  par  cœur;  —  que,  s'il  yen 
avait  qui  aimassent  mieux  les  composer  eux-mêmes,  ils 
ne  pourraient  les  réciter  qu'après  les  avoir  soumis  à  des 
commissaires  spéciaux;  —  que  les  danses  seraient  ré- 
primées et  que  ceux  qui  font  état  de  danser  ou  d'assis- 
ter aux  fêtes  votives,  après  avoir  été  admonestés  plu- 
sieurs fois ,  seraient  excommuniés  quand  il  y  aurait 
opiniâtreté  ou  rébellion  de  leur  part  ;  —  que  les  pro- 
cès mus  où  à  mouvoir  seraient  bannis  du  milieu  des  fidè- 
les autant  que  faire  se  pourrait ,  et  que  les  anciens  se- 
raient obligés  de  proposer  des  voies  d'accommodement 


(i)  Ce  synode  porte  le  nom  de  général  dans  le  Recueil  des  synodes  du 
Vivarais  (ms  )  ;  mais  il  ne  fut  pas  considéré  comme  tel  dans  la  suite.  Le 
premier  synode  général  du  Désert  fut  seulement  tenu  Tannée  suivante,  le 
16  mai  1726,  dans  le  Vivarais. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  II9 

à  tous  ceux  qui  ressortissaient  à  leur  inspection  ;  enfin , 
relativement  à  la  manière  dont  devaient  se  conduire  les 
fidèles  qui  seraient  arrêtés  par  les  ennemis  à  l'occasion 
des  assemblées,  et  touchant  les  questions  qui  pourraient 
leur  être  adressées  à  ce  propos ,  la  Compagnie  prit  la 
décision  suivante  :  «  Si  ceux  qui  les  interrogeront  sont 
de  simples  particuliers  qui  n'en  aient  aucun  ordre  de  la 
part  du  roi ,  il  ne  leur  sera  rien  répondu  ;  au  contraire , 
si  c'est  un  magistrat  ou  plusieurs ,  représentant  la  per- 
sonne du  roi ,  qui  le  fasse ,  on  sera  obligé  de  leur  dé- 
clarer la  vérité  en  ce  qui  regarde  le  particulier  et  tout 
ce  qui  tend  à  la  gloire  de  Dieu  et  à  l'édification  de  son 
Eglise;  mais,  sur  tout  ce  qui  ne  tend  pas  à  ce  but,  on 
gardera  un  profond  silence,  n'étant  pas  obligé,  ni  par 
les  lois  naturelles  ni  par  celles  de  l'Evangile,  de  révéler 
ce  qui  peut  être  préjudiciable  à  nos  frères  ,  lorsque 
d'ailleurs  ce  qu'on  révélerait  ne  saurait  contribuer,  ni  à 
la  gloire  de  Dieu,  ni  à  l'édification  de  l'Eglise,  ni  au 
bien,  ni  à  la  tranquillité  de  l'Etat.  » 

Dans  ce  même  synode  du  21  juin  1725,  Durand  et 
Bernard  furent  autorisés  à  administrer  les  sacrements 
«  à  cause  du  pressant  besoin  des  Eglises;  »  et  il  fut  en- 
core résolu  qu'on  imposerait  les  mains  à  Durand  ,  mais 
un  second  synode ,  tenu  le  29  août  suivant ,  décida 
qu'on  examinerait  encore  cette  importante  question  , 
tout  en  autorisant  de  nouveau  Bernard  et  Durand  à  ad- 
ministrer les  sacrements. 

Ce  second  synode  provincial  (ij,  auquel  assistèrent 
Roger,  qui  se  rendait  au  synode  du  Languedoc,  et  Rou- 
vière ,  député  des  Eglises  de  cette  province,  renouvela 
«  une  ferme  et  perpétuelle   union  avec  les  Eglises   du 

(0  II  porte,  dans  le  Recueil  des  synodes  du  Viva.ra.i)i,  le  nom  de  synode 
général,  comme  celui  du  21  juin  précédent  ;  mais,  pas  plus  que  celui-ci ,  il 
ne  fut  regardé  comme  tel  dans  la  suite 


I  20  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Languedoc  et  du  Dauphiné ,  »  et  députa  Durand  au  sy- 
node de  la  première  province ,  qui  devait  se  tenir  le 
1}  septembre  suivant  (i). 

A  l'année  1725  se  rattache  l'étrange  procès  qui  suit, 
dont  la  durée  ne  fut  pas  moindre  de  vingt  ans. 

Paule  Chermezon  ,  nouvelle  convertie,  de  Riou,  pa- 
roisse de  Silhac,  étant  tombée  malade  au  mois  d'août, 
le  curé  et  le  vicaire  s'empressèrent  de  lui  proposer  l'ad- 
ministration des  sacrements  de  l'Eglise.  La  malade,  qui 
ne  voulait  pas  les  brusquer  et  croyait  se  rétablir ,  leur 
fit  cette  réponse  évasive  :  «  Je  ne  suis  pas  si  malade 
pour  me  disposera  recevoir  les  sacrements,  ne  venez 
que  lorsque  je  vous  ferai  avertir;  chacun  est  bien  aise 
de  mourir  dans  sa  religion  et  en  prend  de  tous  côtés. 
Si  Dieu  veut  que  je  fasse  ce  que  vous  exigez,  je  le  fe- 
rai. »  Paule,  étant  morte  peu  de  jours  après,  le  procu- 
reur du  roi  au  bailliage  d'Annonay  ,  poussé  par  des 
parents  qu'elle  avait  déshérités,  intenta  un  procès  à  sa 
mémoire  et  la  fit  condamner  comme  relapse,  le  12  juil- 
let 1726,  après  une  première  instruction  faite  par  le  juge 
de  Chalancon  le  19  septembre  de  l'année  précédente. 
Pourtant  Paule  n'avait  pas  refusé  les  sacrements  de 
l'Eglise,  comme  on  l'a  vu  ,  non  plus  que  déclaré  publi- 
quement qu'elle  voulait  mourir  dans  la  religion  réformée, 
ainsi  que  le  portait  la  déclaration  royale  de  1724. 

La  confiscation  des  biens  de  la  défunte  était  la  consé- 
quence de  sa  condamnation,  de  sorte  que  Jean-Anloine 
Chermezon ,  dit  La  Saigne  ,  qu'elle  avait  fait  son  héri- 
tier universel  et  à  qui  elle  laissait  une  créance  de 
5,151  livres  en  principal  et  6,143  livres  10  sols  en  inté- 
rêts,  se  voyant   frustré  de  son  bien,  en  appela  de  la 

(i)  Meynadier,  p.  16-21.  Edm.  Hugues,  l.  I,  p,  295,  294.  Morel  dit  Duver- 
net,  Mémoire  (ms.).  Recueil  des  synoOes  du  Vioarais  (ms.).  Co'rteiz  Ri^- 
Isition  historique,  dans  Edm.  Hugues,  t.  I,p.  474.  Ms.  Court,  n"  i  ,  t.  III. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  121 

sentence  du  bailliage  d'Annonay  au  parlement  de  Tou- 
louse et  en  obtint  la  cassation  par  cette  cour  souveraine 
le  3  avril  1739.  Les  fermiers  des  biens  des  religionnai- 
res  fugitifs,  mécontents  de  cet  arrêt  qui  les  privait  delà 
fortune  de  Paule ,  en  rappelèrent  à  leur  tour  et ,  après 
de  nouveaux  jugements  rendus  par  l'intendant  du  Lan- 
guedoc et  le  parlement  de  Toulouse,  le  conseil  du  roi , 
qui  jugea  le  procès  en  dernier  ressort,  donna" gain  de 
cause,  le  25  avril  1744,  à  Jean-Baptiste  Bleville ,  fer- 
mier et  régisseur  général  des  biens  des  religionnaires 
fugitifs.  Antoine  Chermezon,  héritier  universel  de  son 
oncle  Chermezon  La  Saigne  décédé,  adressa  au  con- 
seil du  roi  divers  mémoires  et  suppliques  pour  établir 
que  sa  religion  avait  été  surprise  et  le  prier  de  revenir 
sur  son  arrêt.  Le  conseil  y  consentit  et ,  par  une  nou- 
velle sentence  du  28  mai  1746,  prononça  la  mainlevée 
de  la  saisie  des  biens  confisqués  de  Paule  et  les  adjugea 
à  son  héritier  (i). 

PREMIER  SYNODE  NATIONAL.  CONSÉCRATION  DE  DURAND. 
SON  MARIAGE.  PRÉDICATEURS  DU  VIVARAIS  (1726- 
1729). 

L'union  des  Eglises  du  Vivarais ,  du  Dauphiné  et  du 
Languedoc  étant  consommée,  il  était  naturel  et  néces- 
saire qu'elles  se  constituassent  en  synode  général.  Le 
célèbre  Benjamin  du  Plan  ,  gentilhomme  d'Alais  ,  réfu- 
gié à  l'étranger,  u  conseillé,  »  dit  Ed.  Hugues,  «  par 
quelques  personnages  de  la  Suisse,  venait  d'écrire  qu'il 
serait  nécessaire  de  tenir  un  synode  général,  où  se  réu- 
niraient les  députés  du  Vivarais  ,  du  Dauphiné,  du  Lan- 
guedoc et  des  Cévennes.   On  pourrait  ainsi ,    disait-il , 

^ii  Dossier  communique  par  M.  le  pasteur  Dussaul. 


122  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

prendre  des  mesures  communes  pour  la  propagation  de 
l'Evangile.  Court  trouva  le  conseil  judicieux,  la  convo- 
cation d'un  synode  général  fut  décidée.  » 

Une  première  et  une  seconde  assemblée  d'un  carac- 
tère général  s'étaient  déjà  tenues  en  Vivarais ,  comme 
on  l'a  vu ,  les  2 1  juin  et  29  août  1725;  mais  ,  soit  que 
les  députés  des  provinces  ne  s'y  fussent  pas  trouvés  en 
nombre  suffisant,  soit  qu'on  y  eût  résolu  de  se  réunir 
une  troisième  fois,  soit  surtout  qu'on  jugeât  indispensa- 
bles la  présence  de  Court  et  le  concours  de  ses  lumiè- 
res (il  n'avait  pas  assisté  aux  deux  synodes  susdits),  ce 
ne  fut  que  le  16  mai  1726,  au  fond  d'une  vallée  reculée 
du  Vivarais ,  que  s'ouvrit ,  après  une  interruption  de 
soixante  et  dix  années ,  le  premier  synode  général  des 
Eglises  réformées  du  désert  de  France.  Quarante-huit 
membres  y  assistèrent  :  trois  pasteurs  ,  Roger ,  Cor- 
teiz  et  Court;  neuf  proposants  (ou  prédicateurs),  et 
trente-six  anciens.  Les  26  articles  qui  furent  arrêtés 
avaient  été  déjà  adoptés  par  les  synodes  provinciaux  du 
Languedoc,  du  Vivarais  et  du  Dauphiné;  mais  on  les 
coordonna,  compléta  et  rédigea  plus  correctement. 

Durand  demanda,  pendant  la  tenue  du. synode  ,  à  re- 
cevoir l'imposition  des  mains  ,  et  la  cérémonie  eut  lieu 
le  17  mai.  Les  pasteurs  consacrants  furent  ceux  que 
nous  avons  déjà  nommés.  C'étaient  du  reste  les  seuls 
que  possédassent  à  cette  heure  les  Eglises  sous  la  croix. 
Roger  prononça  le  discours  de  consécration. 

Le  26  décembre  suivant ,  Durand  se  fiança  à  Anne 
Rouvier,  de  Cros,  paroisse  de  Saint-Etienne-de-Serre, 
sœur  du  galérien  pour  la  foi  mentionné  plus  haut  (page 
107),  et  fille  de  Jacques  Rouvier,  notaire  royal;  mais 
la  mère  de  celle-ci ,  qui  avait  déjà  un  fils  aux  galères  , 
s'étant  opposée  à  ce  mariage  à  cause  des  dangers  aux- 
quels Durand  était  exposé  comme  pasteur,  il  fallut  vain- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  12J 

cre   ses  résistances  et  la  cérémonie  n'eut   lieu    qu'en 
mars  1727.  Roger  le  bénit  au  désert. 

Court  profita  de  son  séjour  en  Vivarais  pour  faire  une 
visite  générale  des  Eglises  de  cette  province  et  «  met- 
tre,  comme  il  le  dit  lui-même,  la  dernière  main  à  l'éta- 
blissement de  l'ordre  dressé  dans  cette  province  depuis 
quelques  années.  » 

En  1727,  le  II  octobre,  le  deuxième  synode  natio- 
nal se  réunit  dans  le  Dauphiné. 

L'année  suivante  (1728),  Corteiz  visita  les  Eglises  du 
Velay.  Il  présida  une  assemblée  à  trois  lieues  du  Puy  et 
y  bénit  treize  mariages. 

Cependant  Dortial  continuait  à  faire   de  l'opposition 
à  la  discipline.  Le  synode  du  17  avril  1725  lui  avait  re- 
tiré son  titre  de  prédicateur  à  cause  de  ses  nombreuses 
révoltes  et  de  sa  sympathie  pour  les  inspirés,  mais  il  ne 
cessa  pas  pour  cela  de  prêcher.  II  se  créa  même  un 
parti  dans  la  Montagne  et  y  présida  des  assemblées.  A 
la  suite  d'une  affaire  ,   que  Fauriel  dit  Ladreyt  appelle 
«  un  badinage,  »  il  faillit  être  arrêté.  Un  certain  nombre 
de  ses  partisans  le  furent,  mais  on  les  relâcha  au  bout 
de  quelques  mois.  Ils  n'en  devinrent  pas  plus  raisonna- 
bles poirr  cela.  «  Ils  sont  plus  fous  que  jamais,   »  écrit 
le  même  Fauriel  le  21  avril   1729.   Il  constate  pourtant, 
tout  comme  Durand,  que  Dortial  voyait  le  nombre  de 
ses  adhérents  diminuer  de  jour  en  jour.   Dans  le  Dau- 
phiné, où  il  allait  également  présider  des  assemblées,  il 
ne  trouvait  plus  de  retraite;  et,    dans  le  Vivarais,   un 
seul  village  consentait  à  le  recevoir. 

Au  commencement  de  1729,  à  la  suite  de  quelque 
assemblée  sans  doute,  l'autorité  fit  raser  deux  maisons 
à  la  Traverse  :  celle  de  Vernet  de  la  Verneze  et  celle 
de  Blache.  Plusieurs  protestants  furent  condamnés  aux 
galères  pour  une  autre  assemblée  ,  tenue  à  Saint-Fortu- 


124  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

nat  et  que  paraît  avoir  présidée  Mercier;  mais  celui-ci 
parvint  à  s'échapper  et  les  autres  inculpés  également. 

Les  collaborateurs  de  Durand  dans  le  Vivarais  à  cette 
époque  étaient  : 

Monteil,  Bernard,  Brunel ,  Mercier  et  Guilhot,  pré- 
dicateurs fort  âgés,  qui  ne  furent  jamais  investis  officiel- 
lement du  titre  de  prédicateur  ,  attendu  que ,  lorsque 
le  synode  du  Vivarais  se  réunit  pour  la  première  fois  en 
1721  ,  ils  en  exerçaient  déjà  les  fonctions  depuis  au 
moins  vingt  ans.  Ce  long  stage  suffit  aux  yeux  du  sy- 
node pour  établir  la  légitimité  de  leur  vocation. 

Jean-Gabriel  Fauriel,  dit  Lassagne  ;  de  Silhac,  reçu 
prédicateur  en  1726,  étudiant  au  séminaire  de  Lausanne 
en  1730  ; 

Jacques  Boyer,  dit  Debos ,  de  Bancel ,  paroisse  de 
Vernoux ,  reçu  en  1729,  à  Lausanne  en  1730; 

Jean-Pierre  Fauriel,  dit  Ladreyt,  frère  cadet  de  Las- 
sagne, reçu  en  1730,  à  Lausanne  en  1734; 

Jean  Lapra ,  dit  Lafaurie  ,  de  Châteauneuf-lès-Ver- 
noux,  reçu  en  1730,  régent  d'école  en  Allemagne 
en  1734. 

Les  trois  prédicateurs  qui  suivent  exerçaient  leurs 
fonctions  contre  l'autorité  du  synode  : 

Dortial ,  reçu  en  1724,  interdit  en  1725  ,  comme  on 
l'a  vu. 

Pierre  Clergues,  reçu  en  1724,  interdit  en  1729. 

Martel,  dit  Latour,  de  Poyols  en  Dauphiné ,  prédi- 
cateur de  cette  province  passé  en  Vivarais  ,   interdit  en 

1725  (0- 


(i)  Edm.  Hugues,  t.  I  ,  p.  297-500.  Corteiz ,  Rplatiori  historique.  ^  dans 
Edm.  Hugues,  t,  I ,  p.  485,  484.  Meynadier ,  p.  22-27.  Court,  Mémoires , 
p.  200.  Recueil  des  synodes  du  Vivarais  (ms.)  Ms.  Court,  n"  17,  t.  G,  R; 
n°  8  ;  n»  i,  t.  XIV.  Bonnefon,  BerLjamin  du  Plan,  p.  124,  i2f. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  12^ 

ARRESTATION  DU  PÈRE  DE  DURAND,  DU  FIANCÉ  DE 
SA  SŒUR  ET  DE  SA  SŒUR  ELLE-MÊME.  TROISIÈME 
SYNODE  GÉNÉRAL.  LASSAGNE  SECOND  PASTEUR  DU 
VIVARAIS     (1729-1730). 

La  tenue  du  premier  synode  national  du  désert  avait 
concordé  avec  l'avènement  du  ministère  du  cardinal 
Fleury ,  prélat  prudent  et  modéré,  qui  laissa  d'une  ma- 
nière générale  les  protestants  en  repos  pendant  sept  an- 
nées (1726-1732)  ;  mais  les  persécutions  locales,  qui 
dépendaien't  de  l'humeur  des  intendants  et  de  celle  de 
leurs  subdélégués,  continuèrent  comme  par  le  passé,  et 
les  pasteurs  en  furent  surtout  les  victimes. 

Les  travaux  apostoliques  de  Durand  le  signalèrent , 
en  effet ,  au  zèle  persécuteur  des  autorités  de  la  pro- 
vince. On  promit  i,ooo  livres,  puis  3,000,  à  celui  qui 
le  livrerait;  et  comme  il  réussit  pour  l'heure  à  échapper 
à  toutes  les  recherches ,  on  décida  de  se  saisir  de  son 
père,  âgé  de  soixante  et  onze  ans,  dans  la  pensée  que, 
pour  le  sauver,  son  fils  quitterait  la  France.  Le  sieur 
Duroux,  de  Privas ,  escorté  de  douze  soldats  .  se  ren- 
dit donc  au  Bouchet,  paroisse  de  Pranles,  mais  il  ne 
trouva  pas  Etienne  Duraud  et  se  contenta  de  saisir  ses 
papiers  et  ses  livres.  Le  brigadier  Pierre-Paul  de  Clerc 
de  Ladevèze  ,  commandant  militaire  du  pays  (i)  ,  fut 
plus  heureux.  En  février  1729,  il  put  s'emparer  de  sa 
personne  et  le  fit  conduire  au  château  de  Bauregard. 

Durand ,  en  ayant  été  informé ,  écrivit  à  Ladevèze,  le 
22  avril  suivant,  une  lettre  éloquente  où  il  parlait  en 
juge  plutôt  qu'en  suppliant.  «  Quoi  !  »  s'écrie-t-il ,  «  in- 
fliger des  peines,  détenir  en  prison  un  pauvre  vieillard 

(i)  11  fui  nommé  maréchal  de  camp  en  I7?4.  et  lieutenant  général  en  1745. 


I  26  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

parce  qu'il  a  un  fils  ministre,  un  fils  qui  est  chrétien, 
mais  qui  refuse  d'adorer  des  dogmes  qu'il  ne  croit  pas 
véritables  ,  et  laisser  en  repos  le  père  d'un  Cartouche, 
le  plus  insigne  des  scélérats  !  Se  peut-il  croire  que  cela 
se  pratique  dans  les  états  d'un  prince,  qui  fait  sa  plus 
grande  gloire  de  porter  le  titre  auguste  de  très  chré- 
tien ?  Un  événement  de  cette  nature  étonnera  la  posté- 
rité, et,  si  je  n'attendais  pas  un  effet  de  votre  justice, 
je  dirais  hardiment  qu'il  a  été  réservé  pour  être  la  honte 
de  notre  siècle ,  puisqu'on  ne  lit  pas  qu'il  soit  jamais 
rien  arrivé  de  semblable  parmi  les  chrétiens.  L'on  m'as- 
sure qu'en  détenant  mon  père  vous  croyez  de  m'obliger 
à  sortir  du  royaume,  mais...  le  caractère  duquel  je  suis 
revêtu  ne  me  permet  pas  d'abandonner  le  troupeau  que 
le  Seigneur  m'a  confié  et  du  salut  duquel  je  dois  rendre 
compte...  ;  je  me  croirais  criminel  devant  Dieu  si,  pour 
garantir  ma  vie,  j'abandonnais  ceux  à  l'instruction  salu- 
taire desquels  je  suis  consacré...  La  prudence  même  ne 
me  le  permet  pas...  Tous  les  passages  sont  munis  de 
gardes  avec  mon  portrait  pour  m'arrêter  au  cas  que  je 
passe...  Je  vois  le  Rhône  bordé  d'une  manière  que  je 
serais  bien  imprudent  si  j'entreprenais  de  le  passer  ; 
ainsi  il  ne  faut  attendre  que  je  m'y  hasarde.  Si  mon  Sau- 
veur veut  m'appeler  à  signer  de  mon  sang  son  saint 
Evangile,  sa  volonté  soit  faite  ;  mais  je  sais  qu'il  nous 
commande  la  prudence  du  serpent  aussi  bien  que  la 
simplicité  de  la  colombe ,  et  qu'autant  il  est  glorieux  de 
mourir  pour  la  vérité,  autant  il  est  honteux  d'être  la  vic- 
time d'une  témérité  imprudente.  J'ose  donc  attendre  de 
votre  équité,  monsieur,  que  vous  laisserez  libre  celui 
qui  est  injustement  détenu  captif,  puisque  vous  appre- 
nez son  innocence.  Au  moins  ne  vous  attendez  pas  de 
m'intimider  en  le  détenant.  Je  sais  qu'il  souffre  pour 
une  juste  cause  et  que ,  quand  il  serait  conduit  à  la  mort 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I  27 

pour  soutenir  la  sainte  religion  ,  je  n'aurais  pas  lieu  de 
le  prendre  à  honte  :  au  contraire  je  croirais  devoir  m'en 
glorifier.  Mais  je  sais  aussi  que  vous  ne  devez  pas  ou- 
blier qu'il  y  a  un  juge  souverain  devant  lequel  vous  serez 
obligé  de  comparaître,  aussi  bien  que  nous,  et  que  tou- 
tes les  absolutions,  jubilés  et  indulgences  du  clergé  ro- 
main ,  ne  seraient  pas  capables  de  vous  justifier  devant 
ce  juge  aussi  redoutable  que  juste,  si  vous  faites  souf- 
frir ce  bon  vieillard  mal  à  propos  et  si  vous  répandez 
son  sang  de  propos  délibéré.  Or,  c'est  à  vous  à  y  faire 
attention  (i).  » 

Peu  touché,  plutôt  irrité  de  ce  fier  langage,  Lade- 
vèze  fit  transférer  Etienne  Durand  du  château  de  Beau- 
regard  au  fort  de  Brescou,  près  d'Agde;  puis,  croyant, 
sur  une  fausse  indication,  que  Marie,  sœur  de  Durand, 
avait  été  mariée  au  désert  par-  son  frère ,  il  fit  arrêter  le 
28  juin  suivant  Mathieu  Serre  avec  qui  elle  n'avait  été 
que  fiancée  ;  et  le  malheureux  jeune  homme,  condamné 
à  une  détention  perpétuelle  ,  alla  rejoindre  au  fort  de 
Brescou  le  père  de  sa  fiancée,  qu'il  ne  devait  pas  re- 
voir dans  ce  monde. 

La  jeune  Marie  elle-même  ne  trouva  pas  grâce  aux 
yeux  des  persécuteurs.  Arrêtée  dans  sa  maison,  en 
vertu  d'une  lettre  de  cachet  du  28  juillet  suivant ,  uni- 
quement parce  qu'elle  était  la  sœur  d'un  ministre ,  elle 
fut  d'abord  conduite  à  Beauregard,  puis  à  la  tour  de 
Constance ,  où  elle  séjourna  trente-huit  années  !  C'est 
dans  cette  sombre  prison  qu'elle  s'illustra  par  sa  cha- 
rité ,  sa  résignation  et  son  invincible  constance  (2).  Elle 
en  sortit  le  14  avril  1768  ,  comme  on  le  verra  plus  loin. 

Là  ne  s'arrêta  pas  le  zèle  des  persécuteurs.  En  1729 

{I:  Meynadier,  p.  28-57.  Arch.  de  l'Hérault,  C,  201. 
(2)  Voy.  Benoît,   Marie  Durand,  Toulouse,  1884,  in-12.  Borrel ,  Pierre 
Durand  et  Marie  Durand,  Nîmes,  1865,  in-8°. 


128  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

et  1730  on  fit  payer  des  amendes  ruineuses  aux  protes- 
tants qui  n'envoyaient  pas  leurs  enfants  à  la  messe  ou 
aux  catéchismes  des  curés.  Les  protestants  de  Vais  du- 
rent à  eux  seuls  payer  4,000  livres.  Dans  certains  dis- 
tricts il  fallut  recourir  à  l'emploi  des  soldats  pour  faire 
rentrer  les  amendes  (i). 

Les  protestants  du  Vivarais  adressèrent  un  placet  au 
comte  de  Saint-Florentin  pour  se  plaindre  de  ces  ri- 
gueurs. Le  ministre  en  écrivit  à  Louis  Basile  de  Ber- 
nage ,  intendant  du  Languedoc  ,  qui  répondit  qu'on 
avait  exagéré  les  faits;  mais  il  convint  pourtant  qu'on 
avait  fait  payer  des  amendes  pour  des  enfants  de  trente  , 
trente-cinq  et  même  trente-huit  ans,  qui  avaient  dépassé 
de  beaucoup  l'âge  fixé  par  les  (ordonnances  (2). 

Quelques  pères  de  famille  ayant  cédé  pour  se  sous- 
traire à  ces  sacrifices  ruineux ,  le  synode  du  Vivarais 
du  17  octobre  1730  décida  que  s'ils  persévéraient  dans 
leur  lâcheté,  après  avoir  été  admonestés  fraternellement 
par  les  pasteurs,  les  prédicateurs  ou  les  anciens,  ils  se- 
raient suspendus  de  la  sainte  cène  aussi  longtemps  qu'ils 
resteraient  dans  l'impénitence,  u  attendu,  disent  les  ac- 
tes du  synode,  qu'ils  participent  au  crime  d'idolâtrie 
que  ces  enfants  commettent  et  qu'ils  en  sont  la  princi- 
pale [cause]  ;  et  encore  qu'ils  font  voir  qu'ils  aiment 
mieux  les  biens  du  monde  que  la  gloire  de  Dieu  et  leur 
propre  salut.  » 

Un  mois  auparavant,  les  26  et  27  septembre  1730, 
le  troisième  synode  générai  du  désert  s'était  tenu  dans 
le  Vivarais.  Il  y  fut  décidé  que  les  frères  du  Langue- 
doc et  du  Dauphiné  seraient  obligés  de  remettre  à  leurs 
frères  du  Vivarais  une  copie  de  leurs  règlements  parti- 


(i)  Ms.  Court,  n»  I,  t.  XV  :  n»  17,  t.  R. 
(2)  Arch.  nat.,  TT,  244. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  12g 

culiers  Pactes  de  leurs  synodes)  en  bonne  et  due  forme 
dans  l'espace  d'une  année  à  compter  de  la  date  du  pré- 
sent synode  général.  Leurs  frères  du  Vivarais  s'engagè- 
rent de  leur  côté  à  faire  tenir  les  leurs  aux  frères  du 
Languedoc  et  du  Dauphiné  lorsqu'ils  en  seraient  dû- 
ment requis  (i). 

Les  pasteurs  Roger  et  Rolland  du  Dauphiné  et  le 
prédicateur  Villeveyre  de  la  même  province  ne  purent 
pas  assister  au  synode  national  parce  que  les  passages 
du  Rhône  étaient  soigneusement  gardés,  mais  ils  écri- 
virent le  i8  septembre  une  lettre  à  la  vénérable  compa- 
gnie où  ils  se  réjouissaient  d'apprendre  que  leurs  frères 
du  Languedoc,  Corteiz  et  Bétrine,  n'avaient  «  que  des 
vues  de  pacification  et  d'union  ,  ne  se  proposant  que 
de  bannir  tout  ce  qui  pourrait  causer  des  divisions  en- 
tre les  corps  synodaux.  »  Par  le  passé  il  nen  avait  pas 
été  ainsi.  «  Ce  n'est  pas  regarder  le  bien  commun,  di- 
saient-ils ,  quand  on  s'empresse  à  envoyer  prédicateur 
sur  prédicateur  pour  se  perfectionner  dans  le  temps  que 
d'autres  y  ont  le  même  droit  et  qu'ils  en  auraient  un 
plus  grand  besoin  ;  ce  n'est  pas  non  plus  répondre  à 
l'union  si  l'on  ne  se  communique  pas  ce  que  l'on  fait  ni 
les  avis  qu'on  reçoit  d'un  député  général  ou  de  mes- 
sieurs nos  amis.  » 

Abordant  un  autre  ordre  d'idées ,  Roger  et  ses  col- 
lègues disaient  :  «  Il  serait  nécessaire  de  presser  mon- 
sieur notre  député  [Du  Plan]  à  faire  le  voyage  vers  les 
Etats  protestants  hors  de  la  S|uisse],  pour  les  engager  à 
s'employer  pour  nous  et  pour  solliciter  les  moyens  d'en- 
tretenir en  tout,  ou  du  moins  en  partie,  le  saint  ministère 
au  milieu  de  nos  Eglises  (elles  se  trouvent  trop  pauvres), 
et  de  solliciter  aussi  les  moyens  d'établir  et  d'entretenir 


(i)  Papiers  Rabaut,  t.  Il,  p.  71. 
II. 


no  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

de  petites  écoles  ambulantes  dans  ce  pays  pour  appren- 
dre de  jeunes  hommes  ,  qui  voudraient  se  consacrer  au 
saint  ministère  et  à  qui  on  donnerait  des  leçons  de 
théologie.  La  pauvreté  de  nos  Eglises  et  le  manque  de 
prédicateurs  dans  cette  province  nous  fait  demander 
cela  comme  absolument  nécessaire.  » 

Ajoutons  qu'à  partir  de  cette  année  1730,  Durand  eut 
un  collègue  dans  la  personne  de  Fauriel  dit  Lassagne , 
que  le  synode  du  Vivarais,  du  1 5  avril,  avait  autorisé  à 
se  faire  consacrer  au  saint  ministère  où  bon  lui  semble- 
rait,  c'est-à-dire  en  Suisse.  Lassagne  était  de  retour  le 
27  septembre  suivant ,  et ,  quoiqu'il  se  fût  immédiate- 
ment mis  à  l'œuvre,  ce  n'est  que  le  17  octobre  173 1 
que  le  synode  de  la  province  le  reconnut  «  pour  pas- 
teur de  toutes  les  Eglises  du  Vivarais ,  »  et  ordonna  à 
tous  ceux  qui  étaient  «  unis  à  l'ordre  établi  »  de  l'agréer 
comme  tel  et  de  l'écouter  (i). 

DÉPART     DE     M*     DURAND     POUR     LA    SUISSE.    ARRESTA- 
TION   DE    SA    MÈRE.     ÉTAT    DES    ÉGLISES    {173O-I731]. 

Pierre  Durand ,  craignant  avec  raison  que  les  ri- 
gueurs ,  on  pourrait  dire  la  rage ,  de  ses  persécuteurs 
n'atteignissent  sa  femme  elle-même,  résolut  de  l'envoyer 
à  Lausanne.  Anne  partit  le  cœur  brisé  à  la  fin  d'octo- 
bre 1730  avec  le  proposant  Boyer-Debos ,  qui  allait 
perfectionner  ses  études  au  séminaire  de  Lausanne 
fondé  par  Court.  Elle  laissait  son  mari  et  deux  enfants 
en  bas  âge.  «  Une  correspondance  aussi  active  que  le 
permettaient  les  lenteurs  de  la  poste  ,  »  dit  M.  Benoît , 
«  s'établit  entre  les  deux  époux.  Si  nous  n'avons  retrouvé 
que  trois  lettres  de  la  pauvre  exilée  à  son  mari,  nous  en 

'1     Hrciieil  tins  siiiiadcs  dit    \'ic!ir;iix    ins.  . 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  HI 

avons  douze  que  son  mari  lui  adressa,  depuis  le  mois 
de  novembre  1730  jusqu'à  la  veille  de  son  arrestation. 
Elles  nous  font  lire  dans  son  âme  et  nous  initient  à 
ses  travaux.  Elles  nous  le  montrent  dans  l'effusion  de 
Tamour  conjugal,  aimable  et  gai,  plein  d'affection  pour 
sa  compagne  et  de  sollicitude  pour  ses  enfants.  »  L'un 
et  l'autre  ne  devaient  plus  se  revoir  que  dans  le  ciel! 

Comme  si  l'autorité  était  satisfaite  de  ce  douloureux 
sacrifice  ,  elle  cessa  pour  le  moment  ses  arrestations. 
Des  détachements  de  soldats  furent  bien  envoyés  en 
plein  jour  à  Saint-Cierge- la-Serre  et  au  Chambon-de- 
Bavas  (paroisse  de  Saint-Vincent-de-Durfort),  mais  ils 
n'entrèrent  dans  aucune  maison.  On  perçut  également 
quelques  amendes ,  mais  sans  exercer  de  violences. 

La  tranquillité  dura  peu  ,  car  on  arrêta  au  Pont-de- 
Dunières  ,  le  18  mars  173 1  ,  la  belle-mére  de  Durand  , 
Isabeau  Sautel ,  de  Cros  (paroisse  de  Saint-Etienne-de- 
Serre).  Le  curé  l'en  avait  déjà  menacée.  Ce  fut  unique- 
ment parce  qu'elle  avait  donné  son  consentement  au 
mariage  de  sa  fille  avec  un  ministre.  Conduite  à  Tour- 
non  ,  où  Ladevèze  la  soumit  à  un  interrogatoire  som- 
maire ,  elle  alia  rejoindre  Marie  Durand  à  la  tour  de 
Constance.  Ainsi  toute  une  famille  fut  emprisonnée 
•pour  la  faute  d'un  seul  ! 

Ces  rigueurs,  quelque  accablantes  qu'elles  fussent 
pour  Durand  ,  ne  ralentissaient  pas  son  zèle.  «  Nos  af- 
faires vont  toujours  leur  train,  »  dit-il  avec  une  sérénité 
que  rien  ne  pouvait  altérer;  «  le  nombre  des  mariages  que 
j'ai  bénis  passe  celui  de  quatre  cents  depuis  quelque 
temps  ,  et  ceux  de  M.  Lassagne  vont  accomplir  la  cen- 
taine. Nos  assemblées  grossissent  beaucoup  et  nos  peu- 
ples sont  assez  remplis  de  courage.  » 

Corteiz ,  qui  revenait  à  cette  époque  d'un  voyage  à 
Zurich  et  se  rendait  en  Languedoc,  s'arrêta  deux  jours 


1:52  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

dans  les  montagnes  du  Vivarais  (juin  173 1).  Il  put  voir 
Durand,  avec  qui  il  passa  une  journée,  et  donna  une 
prédication. 

Durand  se  rendit  en  Languedoc  pour  l'affaire  du  trop 
célèbre  Boyer,  pasteur  de  cette  province,  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  avec  celui  du  Vivarais.  Accusé  d'indisci- 
pline et  d'immoralité  sur  des  preuves  qui  n'étaient  pas 
formelles  ,  Boyer  avait  réussi  à  gagner  à  son  parti  un 
certain  nombre  d'Eglises  et  même  à  organiser  un 
schisme,  qui  ne  prit  fin  qu'au  synode  général  de  1744. 

Après  avoir  fait  le  tour  des  Cévennes  et  assisté  au 
synode  du  Languedoc  du  25  octobre  1731  ,  Durand 
était  de  retour  à  Tauzuc  (paroisse  de  Pranlesj  le  19  dé- 
cembre suivant.  Rouvière ,  prédicateur  du  Languedoc , 
visita  le  Vivarais  pendant  l'absence  de  Durand.  A  son 
retour  ce  dernier  trouva  la  province  tranquille.  «  Tout 
va  son  train  ordinaire,  »  écrivait-il,  «  on  laisse  tomber  les 
amendes  des  enfants  petit  à  petit.  Les  mariages  bénis 
dans  nos  Eglises  se  sont  rendus  assez  communs  en  Vi- 
varais. Béni  soit  Dieu  !  et  les  pères  et  les  mères  com- 
mencent à  connaître  leur  devoir  à  l'égard  du  baptême 
de  leurs  enfants  (i).  » 

ARRESTATION     DE    DURAND    (l2     FÉVRIER     I7p)- 

Cependant  l'autorité  n'abandonnait  pas  son  dessein 
bien  arrêté  de  se  saisir  à  tout  prix  de  Durand.  On 
éleva  le  prix  de  sa  trahison  de  3,000  à  4,000  livres. 
Amorcés  par  cette  somme  considérable  pour  l'époque, 


(i)  Benoît,  p.  61-108.  Meynadier,  p.  }7-;9.  Le(/res  de  Durand  à.  sa  femme 
pj  à  M.  de  Beaulieu,  LetJres  de  Corteiz  i)  Court  dans  la  Cnrresponduiicc 
liislorique  des  deux  Chirutis,  le  Bu]U'lin  ^  elr..  t.  XXXIII,  p  49,-,  et  les 
Archives  de  l'Hérault,  C,  201. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I?? 

les  délateurs  et  les  espions  se  mirent  en  campagne  et 
Durand  fut  vendu. 

Un  chirurgien  de  ses  parents,  nommé  Jean  Astier, 
de  Chalancon ,  ne  craignit  pas  d'assumer  cette  respon- 
sabilité. Il  avait  abjuré  le  protestantisme  et  ne  poursui- 
vait qu'un  but ,  celui  de  gagner  de  l'argent  par  tous  les 
moyens  possibles.  Il  disait  lui-même  «  qu'il  ne  se  sou- 
ciait pas  d'être  damné  pourvu  qu'il  laissât  du  bien  à  ses 
enfants.  »  Aidé  de  ses  deux  fils ,  également  chirurgiens 
et  aussi  peu  scrupuleux  que  lui,  il  gagna  un  cardeur  de 
laine  catholique,  nommé  Jean  Brun,  qui  demeurait  à 
Silhac,  près  du  grand  chemin,  et  qui  connaissait  beau- 
coup Durand  pour  l'avoir  vu  passer  maintes  fois  devant 
sa  maison. 

Le  12  février  1732,  ce  dernier  se  rendit  au  village 
de  Gamare  ,  situé  dans  les  environs,  pour  y  souper  et 
gagner  de  là  Valence.  Il  voulait  y  mettre  une  lettre  à 
la  poste  pour  sa  femme  ,  puis  conférer  avec  Roger  sur 
l'affaire  de  Boyer.  Il  fut  aperçu  par  les  enfants  de  Brun, 
d'autres  disent  par  sa  femme.  Quoi  qu'il  en  soit,  celle-ci, 
ne  voulant  pas  compromettre  ostensiblement  son  mari, 
fit  avertir  par  un  de  ses  enfants  ou  avertit  elle-même  les 
deux  fils  d'Astier,  qui  habitaient  'Vernoux  et  qui  prévin- 
rent aussitôt  l'officier  commandant  les  trois  compagnies 
de  soldats  en  garnison  dans  ce  bourg. 

Ce  dernier  reçut  le  même  jour ,  après  souper ,  la  vi- 
site de  Desboze,  prieur  et  curé  de  Saint-Félix-de-Châ- 
teauneuf ,  qui  vint  l'informer  que  le  soir  même  une  as- 
semblée devait  se  tenir  dans  les  environs.  Le  commandant 
apprit  à  son  tour  au  curé  qu'on  lui  avait  dénoncé  la  pré- 
sence de  Durand  à  Gamare,  hameau  de  Saint-Jean 
Chambre.  Rapprochant  les  deux  récits,  ces  deux  mes- 
sieurs conjecturèrent  que  Durand  allait  présider  une 
réunion  dans  le  dernier  lieu  et  qu'elle  se  tiendrait  à  la 


!34  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

grange  des  Vernets ,  près  de  Gamare.  C'était  une  er- 
reur. L'assemblée  dénoncée  au  curé  devait  être  prési- 
dée par  un  autre  que  Durand  et  se  tenir  à  une  demi- 
lieue  de  Gamare  (i). 

Le  commandant ,  qui  ne  disposait  pour  le  moment 
que  de  cinquante  hommes  ,  les  fit  partir  à  dix  heures  et 
demi  du  soir,  mais  sans  autre  ambition  que  celle  d'ar- 
rêter quelques-unes  des  personnes  qui  reviendraient  de 
l'assemblée.  Conduits  par  un  des  hls  d^Astier  et  le  curé, 
ils  se  divisèrent  en  deux  bandes  au  bout  d'un  quart 
d'heure.  L'une  se  dirigea  à  gauche  vers  la  grange  des 
Vernets,  l'autre  garda  le  grand  chemin  de  Saint-Agrève 
pour  tourner  la  position.  C'est  la  première  qui  captura 
Durand. 

Ayant  entendu,  à  cause  de  la  glace  qui  couvrait  les 
chemins ,  le  bruit  d'un  cheval  qui  descendait  la  côte  de 
La  Châtaigneraie,  nommée  le  bois  de  Vaussèche ,  sur 
la  route  de  traverse  de  Saint-Jean-Chambre  à  Vernoux, 
quatre  soldats  se  placèrent  en  embuscade,  pendant  que 
le  sergent  qui  les  commandait  alla,  déguisé  en  paysan  , 
à  la  rencontre  du  voyageur,  qui  n'était  autre  que  Du- 
rand. Quand  il  fut  près  de  lui,  il  lui  demanda  le  chemin 
d'un  village  voisin,  et  Durand  lui  répondit  qu'il  allait  de 
ce  côté-là  et  pouvait  le  suivre.  Il  le  fit ,  mais  lorsqu'il 
fut  près  de  l'embuscade  ,  il  se  saisit  de  la  bride  de  son 
cheval  et  l'arrêta,  sans  que  celui-ci  «  daignât  faire  la 
moindre  résistance,  car  il  avait  le  temps  nécessaire  pour 
lui  tirer  un  coup  de  pistolet  et  de  se  faire  laisser. 
Etant  bien  monté,  comme  il  l'était,  on  n'aurait  pu  le 
rattraper.  » 

Durand   fut  ensuite  conduit  auprès  de   l'officier  qui 

(i;  A  Chevalar,  paroisse  de  Vernoux,  dans  la  maison  du  sieur  de  Mc^ntrey- 
naud,  habitée  par  Jean  Brunel.  Elle  fut  présidée  par  le  prédicateur  I.apra, 
dit  Lafaurie. 


DU     VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  135 

commandait  le  détachement.  Celui  ci  lui  fit  les  questions 
d'usage  et  fouilla  sa  valise,  où  il  trouva  quelques  livres  (  i  ), 
et,  dans  ses  poches,  des  lettres  de  sa  femme,  celles 
que  lui-même -lui  adressait,  quelques  certificats  de  ma- 
riage ,  et  une  petite  clef.  «  On  lui  trouva  aussi  trois  pis- 
tolets ,  deux  à  l'arçon  ,  qui  n'étaient  point  chargés  ,  et 
un  de  poche,  qui  était  chargé.  »  C'était,  à  cette  époque 
peu  sûre  ,  l'habitude  de  tous  les  voyageurs ,  qui  avaient 
à  se  garder  des  voleurs  et  des  loups  ,  dangereux  dans 
ces  parages  montagneux. 

Les  deux  escouades  de  soldats  se  réunirent  et  con- 
duisirent Durand  à  la  grange  des  Vernets,  où  elles  espé- 
raient trouver ,  quoique  ce  dernier  leur  eût  affirmé  le 
contraire,  quelques-unes  des  personnes  qui  avaient  as- 
sisté à  l'assemblée  que  l'on  présumait  s'y  être  tenue. 
Deux  heures  après,  les  soldats  emmenèrent  leur  prison- 
nier et  furent  à  Vernoux  à  trois  heures  du  matin. 

Au  point  du  jour  les  soldats,  qui  devaient  le  conduire 
à  Tournon,  n'étant  pas  encore  prêts,  plusieurs  person- 
nes du  bourg  vinrent  le  visiter,  notamment  le  curé 
Meunier,  qui  eut  la  bassesse  de  lui  dire  :  «  Vous  de- 
vriez bien  me  rendre  une  partie  de  l'argent  que  vous 
avez  tiré  des  mariages  que  Je  devais  bénir.  »  Durand  lui 
ayant  répondu  qu'il  n'avait  pris  pour  ces  mariages  que 
le  montant  du  papier  timbré  nécessaire  au  certificat  et 
au  registre,  Durand  ajouta  ces  paroles  sévères  :  «  Vous 
devriez  rougir  de  honte  et  de  confusion  lorsque  vous 
me  dites  que  je  ne  devais  pas  bénir  ces  mariages.  Vou- 
liez-vous  les  laisser  vivre  en  concubinage  ?  Leur  con- 
science, leurs  affaires  domestiques,  demandaient  qu'ils 


i)  Une  Bible  de  poche  (Amsterdam,  1710),  la  Théologie  chrétienne  de 
Pégorier.  Lamort  des  justes,  Lettres  écrites  3  i/n  protestant  de  France 
sur  les  mariages  ri  les  baplémes.  les  ŒAivres  de  Roilrun  en  4  tomes,  le 
;'  tome  du  livre  de  La  méthode  de  Mallebranche. 


I  56  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

se  mariassent.  Cependant  vous  ne  vouliez  bénir  leurs 
mariages  qu'à  la  condition  qu'ils  abjurassent  leur  religion, 
et  trouvez-vous  étrange  qu'un  ministre  de  leur  religion 
les  ait  bénis  ?  » 

Une  demoiselle,  qui  jouissait  d'une  mauvaise  réputa- 
tion, lui  ayant  dit  :  «  Vous  avez  fait  beaucoup  de  mal 
dans  le  pays,  »  s'attira  cette  verte  réponse  :  «  Hélas! 
Mademoiselle,  vous  appelez  le  bien  mal  et  le  mal  bien, 
mais  vous  êtes  excusable ,  car  je  vois  assez  que  vous 
n'avez  jamais  su  ce  que  c'est  que  le  bien  ,  du  moins 
vous  ne  l'avez  pas  pratiqué.  » 

Bien  d'autres  personnes  vinrent  le  voir,  les  unes  par 
curiosité  ,  les  autres  par  sympathie ,  mais  il  y  en  eut 
très  peu  qui  ne  s'en  retournassent  contentes  et  satisfai- 
tes des  beaux  et  bons  discours  qu'il  leur  tint;  plusieurs 
même ,  quoique  catholiques  ,  ne  purent  retenir  leurs 
larmes. 

Cependant  le  bruit  de  la  capture  de  Durand  s'était 
répandu  dans  la  contrée.  Plusieurs  anciens  de  consis- 
toire se  réunirent  chez  un  de  leurs  collègues,  Jean 
Pierre  Espinas,  procureur  de  Saint-Félix-de-Château- 
neuf,  qui,  avec  leur  autorisation,  partit  pour  faire  une 
collecte  parmi  ses  coreligionnaires  et  suivit  Durand 
jusqu'à  Montpellier,  oij  il  pensait  pouvoir  lui  remettre 
l'argent  qu'il  avait  recueilli.  De  Bernage ,  qui  en  fut 
informé,  le  fit  emprisonner,  mais,  comme  il  ne  put 
avoir  de  preuves  du  but  de  son  voyage  ,  il  se  contenta 
de  le  laisser  sous  les  verroux.  Il  y  était  encore  en  octo- 
bre de  cette  même  année  1732  (1). 

(i)  Il  paraît  avoir  été  relâché  quelque  temps  après;  mais,  comme  on  le 
verra  plus  loin,  il  fut  de  nouveau  arrêté  en  1740  et  condamné  aux  galères 
perpétueles  pour  avoir  logé  le  pasteur  Lassagne  et  reçu  chez  lui  des  livres 
protestants  venus  de  l'étranger.  Après  vingt  ans  et  plus  de  chaîne,  on  lui 
rendit  la  liberté.  Le  liidlptin.  ric.  (t.  XXVIII.  p.  ^'-362).  a  publié  de  tou- 
chantes lettres  de  lui. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  I37 

DURAND  A   TOURNON  ET  SON  TRANSFERT  A  MONTPELLIER 
(13-22    FÉVRIER     1732). 

Le  prisonnier,  qui  était  parti  de  Vernoux  le  13  fé- 
vrier, à  7  heures  du  matin,  en  chantant  le  Psaume  XXV, 
arriva  à  Tournon  entre  quatre  et  cinq  heures  du  soir. 
«  Ladevèze  lui  fit  porter  à  manger  de  chez  lui  parce 
qu'il  y  a  apparence  qu'il  ne  se  fiait  pas  au  geôlier, 
crainte  que  quelqu'un  ne  l'empoisonnât.  » 

Le  commandant  lui  posa  diverses  questions  sur  son 
ministère,  auxquelles  il  répondit,  mais  il  refusa  de  nom- 
mer les  lieux  qu'il  avait  visités  et  les  personnes  chez 
lesquelles  il  avait  logé.  Quant  àlapetite  clef  qu'on  trouva 
sur  lui ,  il  déclara  que  c'était  celle  d'un  petit  coffret  qui 
renfermait  quelques  livres  et  des  lettres  de  sa  femme. 
Ladevèze  l'ayant  pressé  fortement  de  lui  indiquer  l'en- 
droit où  était  le  coffret  jusqu'à  le  menacer  de  la  ques- 
tion s'il  s'y  refusait,  il  écrivit  à  son  collègue  Lassagne, 
sur  la  parole  d'honneur  que  lui  donna  le  commandant 
que  sa  lettre  ne  causerait  de  préjudice  à  personne. 
<(  On  veut  savoir ,  »  lui  disait-il ,  «  en  quoi  consistent 
les  papiers  et  les  livres.  Comme  vous  êtes  le  seul  qui 
sachiez  où  est  le  dit  coffret,  je  vous  prie  de  le  faire  por- 
ter à  la  porte  de  M.  Descours  ,  de  Marcols,  qui  le  fera 
rendre  à  M.  de  Ladevèze.  »  Descours  était  protestant 
et  juge  des  quatre  mandements  des  Boutières.  Durand 
ajoutait  ces  paroles  touchantes  :  «  Ma  course  sera  bien- 
tôt finie,  Dieu  aidant;  dans  peu  de  temps  je  scellerai 
l'Evangile  que  j'ai  prêché.  Je  vous  prie  de  prier  le  Sei- 
gneur en  ma  faveur,  qu'il  me  pardonne  mes  péchés, 
qu'il  me  sanctifie  par  son  Saint-Esprit  et  qu'il  me  sou- 
tienne dans  toutes  mes  épreuves.  Je  prie  le  Seigneur  de 
me  faire  la  grâce  de   finir  mes  jours  dans  son  amour  et 


1^8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

dans  sa  crainte.  Je  vous  recommande  à  sa  divine  pro- 
tection. 11  n'est  pas  nécessaire  de  vous  dire  que  vous 
avez  à  vous  conduire  sagement  et  avec  beaucoup  de 
circonspection.  Je  vous  recommande,  de  mêine  qu'à 
toutes  les  bonnes  âmes,  ma  pauvre  femme  et  mes  chers 
enfants,  qui  vont  être  bientôt  sans  père.  » 

La  lettre  de  Durand,  qui  portait  un  nom  supposé  sur 
l'adresse,  fut  mise  à  la  poste  de  Privas,  mais  personne 
ne  la  réclama,  parce  qu'on  sut  que  Ladevèze  ,  malgré 
sa  parole ,  s'était  rendu  dans  cette  ville  pour  faire  arrê- 
ter la  personne  qui  la  demanderait.  Déçu  dans  son  es- 
poir, il  donna  l'ordre  à  la  directrice  des  postes,  si 
quelqu'un  se  présentait  pour  réclamer  le  pli,  d'en  aver- 
tir immédiatement  Danthon,  brigadier  des  cavaliers  de 
la  maréchaussée  de  Privas. 

Au  bout  de  trois  semaines  de  vaine  attente,  Ladevèze,- 
furieux,  fit  venir  deux  hommes  de  la  paroisse  de  Ver- 
noux,  proche  du  lieu  où  avait  été  arrêté  Durand,  et  leur 
démanda  le  coffret,  les  menaçant  de  leur  envoyer  des 
soldats  s'ils  ne  Je  rendaient.  Sur  leur  protestation  qu'ils 
n'en  étaient  point  les  détenteurs  et  ignoraient  complè- 
tement où  il  était,  il  leur  donna  l'ordre  d'aller  retirer  la 
lettre  à  Privas ,  les  assurant  qu'ils  ne  seraient  point  ar- 
rêtés. Ils  la  retirèrent  donc,  et,  avant  de  la  remettre  à 
Ladevèze,  ils  en  firent  prendre  une  copie,  qui  mit  plus 
de  deux  mois  à  parvenir  à  Lassagne.  Elle  parvint  néan- 
moins ,  et  le  coffret  fut  porté  à  Montpellier. 

Pendant  que  Durand  était  à  Tournon,  ses  coreligion 
naires  écrivirent  une  lettre  à  Ladevèze  pour  lui  proposer 
de  le  faire  évader  en  échange  d'une  grosse  somme  d'ar- 
gent. f<  Nous  convenons,  »  lui  disaient-ils,  «  que  cela  vous 
ferait  de  la  peine  parce  que,  si  vous  étiez  découvert, 
vous  risqueriez  d'être  démis  de  votre  emploi  ;  mais  nous 
répondons    à    cela    que   la    somme    que    vous    retire- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I  39 

riez  serait  bien  capable  de  vous  indemniser.  Outre  cela, 
on  peut  vous  assurer  que,  si  cela  arrivait,  on  trouverait 
des  moyens  pour  vous  faire  avoir  un  emploi  autant  ou  plus 
avantageux  que  celui  que  vous  avez.  »  Quoique  le  com- 
mandant fût  cupide  et  qu'il  n'eût  fait  rechercher  avec  tant 
de  soin  le  coffret  de  Durand  que  parce  qu'il  espérait  y 
trouver  de  l'argent,  il  n'osa  pas  pourtant  s'engager  dans 
une  pareille  aventure. 

Durand  partit  pour  Montpellier  le  22  février,  escorté 
d'une  compagnie  de  grenadiers  d'Annonay  et  de  quel- 
ques détachements  de  Privas  et  de  Chomérac,  formant 
un  effectif  de  cent  hommes,  commandés  par  le  capi- 
taine De  Bois  de  Laville.  <«  Avant  de  partir,  il  fit  à  M.  et 
à  M™®  de  Ladevèze ,  et  à  quelques  autres  messieurs, 
qui  étaient  là  présents,  un  discours  où  il  souhaitait  «  que 
Dieu  leur  fît  la  grâce  d'exercer  la  justice  et  la  police 
en  gens  de  bien  et  surtout  qu'il  les  éclairât  de  sa  connais- 
sance salutaire ,  afin  qu'ils  ne  persécutassent  plus  son 
Eglise  ,  mais  plutôt  qu'ils  la  protégeassent,  afin  que  l'em- 
pire de  Jésus-Christ  fût  de  plus  en  plus  affermi  et 
étendu.  » 

Durand  arriva  à  Montpellier  le  i^""  mars,  après  avoir 
passé  par  Charmes ,  Cruas,  Viviers,  le  Pont-Saint-Es- 
prit ,  Bagnols  ,  Remoulins  et  Nîmes.  Tout  le  long  de  la 
route  une  grande  affluence  de  gens  se  pressaient  sur 
ses  pas ,  les  uns  par  curiosité ,  les  autres  pour  le  voir 
une  dernière  fois. 

DURAND  A  MONTPELLIER.  ASSAUTS  DES  CONVERTIS- 
SEURS. SON  PROCÈS  ET  SA  CONDAMNATION  (I*'"MARS- 
22    AVRIL     1732). 

Le  prisonnier  demeura  deux  mois  dans  la  citadelle  de 
Montpellier.  Enfermé  d'abord  dans  une  prison  suppor- 


I40  HISTOIRE'  DES    PROTESTANTS 

table,  le  major,  homme  dur,  l'en  tira  pour  le  mettre 
dans  un  affreux  cachot ,  où  il  y  avait  à  peine  la  place 
d'.une  paillasse  ,  qu^on  lui  donna  sans  draps  ni  couver- 
tures. Ce  cachot  était  placé  derrière  la  prison  royale  et 
porte  aujourd'hui  le  nom  de  prison  X  à  cause  de  la  let- 
tre qui  sert  à  le  désigner  (i).  Pendant  sa  détention,  Du- 
rand fut  harcelé  par  plusieurs  prêtres  et  autres  gens  , 
qui  se  rendaient  auprès  de  sa  personne  pour  s'efforcer 
de  lui  arracher  une  abjuration.  Ce  fut  tout  spécialement 
le  cas  d'un  ministre  apostat,  nommé  Barbe,  ancien  cha- 
pelain de  M.  Hop,  ambassadeur  de  leurs  Hautes  Puis- 
sances auprès  de  Sa  Majesté  très  chrétienne,  qui  avait 
fait  beaucoup  de  bruit  à  Paris  à  l'occasion  de  la  conver- 
sion au  protestantisme  de  l'abbé  d'Entraygues  (2),  dont 
il  rendit  l'abjuration  publique  ;  et  également  à  la  suite 
d'un  sermon  qu'il  livra  à  l'impression  et  qui  fut  trouvé 
trop  libre  :  ce  qui  lui  attira  de  vives  remontrances  de 
ses  ouailles  et  l'obligea  à  quitter  son  poste.  S'étant  ré- 
fugié en  Angleterre,  où  il  passa  peu  de  temps  ,  il  ren- 
tra en  France  et  abjura  le  protestantisme  à  Paris  entre 
les  mains  des  docteurs  de  la  Sorbonne.  Son  ancien  ti- 
tre de  chapelain  lui  avait  gagné  la  confiance  des  protes- 
tants et  il  savait  bien  des  choses.  C'est  pourquoi  il  of- 
frit ses  services  au  cardinal  Fleury,  qui  le  prit  comme 
son  agent  secret  auprès  des  populations  protestantes  du 
midi.  Sous  le  faux  nom  d'Hébrard,  et  passant  pour  juif, 
il   parcourut  les  Cévennes  où   il  trouva  les   Eglises  en 


(i)  Agrandie  et  rendue  moins  insalubre,  elle  sert  aujourd'hui  de  prison  mi- 
litaire. 

f."?)  Abbé  de  cour,  âgé  de  soixante  ans  et  d'une  capacité  médiocre,  qui, 
prévoyant  qu'il  serait  recherché  à  cause  de  sa  conversion,  voulut  quitter  le 
royaume,  mais  fut  arrêté  à  Lille,  puis  ramené  à  Paris  et  emprisonné.  Son 
abjuration  attira  beaucoup  de  menaces  aux  protestants  qui  assistaient  au 
culte  de  l'ambassade  de  Hollande;  de  sorte  qu'à  dater  de  celte  époque  les 
assemblées  furent  moins  nombreuses. 


DU    VJVARAIS    ET    DU    VELAY.  I4I 

bonne  voie  de  réorganisation  et  alla  visiter  Durand,  sur 
l'ordre  du  cardinal  ,  à  qui  il  écrivit  qu'il  nourrissait  l'es- 
poir de  le  convertir. 

Après  beaucoup  d'entrevues  et  d'entretiens  avec  lui 
sur  les  dogmes  de  la  religion,  Barbe  «  n'ayant  pas  pu  réus- 
sir pour  le  faire  rendre  et  ne  pouvant  répondre  aux  bon- 
nes raisons  que  M.  Durand  lui  alléguait,  il  se  retrancha 
en  lui  disant  qu'il  avait  été  ministre  de  même  que  lui,  et 
qu'étant  à  Paris  les  docteurs  de  la  Sorbonne  lui  avaient 
dit  de  si  bonnes  raisons  sur  les  matières  de  religion 
qu'ils  l'avaient  obligé  de  se  rendre.  »  —  «  Eh  bien  !  Mon- 
sieur, n  lui  répondit  M.  Durand,  «  si  l'on  vous  a  dit  de 
bonnes  raisons  là-dessus  qui  vous  aient  obligé  à  chan- 
ger, je  vous  en  dis  de  meilleures  qui  m'obligent  de  ne 
pas  changer,  et  je  trouve  q^ue  votre  état  est  fort  à  plain- 
dre et  fort  malheureux,  sur  quoi  vous  devez  réfléchir. 
—  Cette  réponse  le  tourmenta  si  fort  qu'elle  le  fit  sor- 
tir et  du  depuis  ses  visites  ne  furent  pas  si  fréquen- 
tes (i).  » 

De  son  côté  ,  Jacques  de  Rosset ,  subdélégué  de 
l'intendant  à  Montpellier  .  fit  comparaître  plusieurs  fois 
Durand  devant  lui  pour  l'interroger  (2) ,  et  fut  si  touché 
de  la  loyauté  de  ses  réponses  qu'il  conçut  une  grande 
estime  pour  lui.  Il  lui  parlait  toujours  avec  douceur  et 
respect,  et  le  gardait  quelquefois  avec  lui  sous  les  ar- 
bres de  la  citadelle  avant  d'entrer  dans  la  salle  d'au- 


(i)  Barbe,  qui  ne  savait  pas  écrire  purement  le  français,  fit  rédiger  par  les 
jésuites  un  mémoire  fantaisiste  sur  ses  entretiens  avec  Durand,  qu'il  adressa 
au  cardinal  Fleury.  Nous  n'avons  pas  tenu  compte,  dans  notre  récit,  des 
renseignements  qu'il  contient,  parce  qu'ils  nous  paraissent  peu  véridiques. 
Fleury  lui-même  ne  jugea  pas  le  mémoire  digne  de  voir  le  jour.  Cet  apostat 
ne  serait-il  pas  le  même  que  Barbe  (Charles',  nommé  pasteur  de  l'Eglise  de 
la  Patente,  à  Londres,  en  17.Î2  ?  (Voy.  La  France  prùlesiante ,  2'  édit.) 

(2)  Les  17,  18,  21  et  28  mars.  Nous  ne  parlons  pas  des  confrontations  du 
prisonnier  avec  les  soldats  de  son  escorte,  les  témoins  venus  du  Vivarais,  et 
J.-P.  Espinas,  dont  il  a  été  parlé  plus  haut. 


142  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

dience,  pour  qu'il  pût  changer  d'air.  «  Un  jour,  voyant 
que  sa  barbe  était  fort  longue  et  fort  épaisse,  prévoyant 
qu'elle  ne  pouvait  que  l'incommoder  ,  il  lui  dit  :  Mon- 
sieur,  je  vous  permettrai,  si  vous  le  voulez,  de  vous 
faire  raser  ici  en  ma  présence.  —  Il  lui  répondit  avec 
respect  et  reconnaissance  :  Il  n'est  pas  nécessaire. 
Monsieur,  Jésus-Christ  a  bien  plus  souffert  pour  moi 
et  je  me  trouve  fort  heureux  qu'il  me  trouve  digne  de 
souffrir  pour  lui.  » 

Le  geôlier  lui-même  ne  pouvait  s'empêcher  de  s'ap- 
pitoyer  sur  son  sort.  Durand  ,  qui  s'en  aperçut,  lui  dit  : 
«  Il  me  paraît  que  vous  me  plaignez.  —  Oui,  Monsieur, 
répondit-il.  —  Je  ne  suis  pas  tant  à  plaindre  que  vous 
pensez,  repartit  Durand,  puisque  je  souffre  pour  sou- 
tenir la  bonne  cause  ;  et  quelle  plus  grande  joie  puis-je 
avoir  que  de  mourir  pour  l'Evangile  de  mon  Sauveur?  » 

Un  des  soldats,  qui  assista  à  l'un  des  interrogatoi- 
res de  Durand,  dit  aussi  à  quelques  messieurs,  qui 
avaient  eu  la  curiosité  de  le  voir  passer  sur  la  place 
d'armes  lorsqu'on  le  conduisait  de  son  cachot  à  la  salle 
d'audience  :  «  Je  suis  si  fort  pénétré  de  sa  modestie  et 
de  ses  réponses  que,  quoique  je  sois  né  catholique  ro- 
main, il  ne  me  ferait  pas  de  peine  de  ce  moment  de 
mourir  de  sa  religion.  » 

La  semaine  sainte  étant  survenue,  Durand  l'observa 
religieusement,  k  II  jeûna  le  vendredi  saint,  le  samedi 
et  le  dimanche,  jour  de  Pâques  ;  pendant  lesquels  trois 
jours  il  ne  prit  aucun  aliment  pour  se  sustenter,  c'est-à- 
dire  qu'il  ne  mangea  ni  ne  but  pendant  ces  trois  jours, 
ni  même  jusqu'au  lundi,  qu'au  matin  il  prit  un  biscuit 
qu'il  trempa  dans  un  peu  de  vin  .  et  le  soir  ne  prenait 
qu'un  peu  de  pain  ;  et  il  continua  ce  régime,  ou  plutôt 
ce  jeûne  ,  pendant  huit  jours.  » 

Quand  la  procédure  fut  terminée  par  le  subdélégué 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  14^ 

de  Rosset,  le  tribunal ,  qui  devait  juger  Durand,  se  réu- 
nit à  la  citadelle.  Il  était  composé  de  l'intendant  de  Ber- 
nage  président ,  d'un  juge  ,  de  deux  lieutenants  et  de 
six  conseillers.  C^était  le  lundi  21  avril.  Ce  jour-là  le 
tribunal  vérifia  la  procédure  et  y  consacra  deux  longues 
séances,  dont  la  seconde  dura  jusqu'à  la  nuit.  Le  len- 
demain mardi,  22  avril,  les  juges  se  réunirent  à  sept  heu- 
res du  matin  et  interrogèrent  le  prisonnier,  qui  avoua 
sans  détour  avoir  prêché,  baptisé  et  marié,  puis  ajouta  : 
«  Je  l'ai  fait  en  prêchant  et  exhortant  les  fidèles  à  la  re- 
pentance  et  d'être  fidèles  au  roi ,  et  de  le  regarder 
comme  l'oint  de  l'Eternel,  leur  ayant  défendu  la  rébel- 
lion et  exhorté  de  souffrir  tous  avec  patience  et  soumis- 
sion pour  leurs  supérieurs  et  d'avoir  en  horreur  les  vices; 
et  je  ne  crois  pas  en  cela  avoir  désobéi  à  mon  prince  , 
puisque  mon  ministère  m'ordonnait  de  suivre  ces  pré- 
ceptes. » 

On  remarqua  que  de  Bernage  était  visiblement  ému 
des  réponses  si  pleines  de  franchise  de  Durand ,  sur- 
tout lorsque,  après  lui  avoir  demandé  pourquoi  il  ne 
s'était  pas  servi  de  son  pistolet  de  poche  pour  se  déli- 
vrer des  mains  de  l'homme  qui  l'arrêta,  le  prisonnier 
répondit  :  «  Je  l'aurais  pu  fort  aisément,  mais  à  Dieu 
ne  plaise  que  j'eusse  eu  la  pensée  d'être  Tauteur  de  la 
mort  d'un  homme!  » 

On  invita  ensuite  Durand  à  signer  son  interrogatoire, 
ce  qu'il  fit  avec  autant  d'assurance  qu'il  aurait  signé  un 
contrat  de  mariage.  «  Le  greffier  fut  si  étonné  et  touché, 
quoiqu'on  le  condamnât  à  mort,  qu'il  ne  put  signer  lui- 
même  qu'en  tremblant  et  s'empêcher  de  dire  que  M. 
Durand  avait  plus  de  courage  que  lui.  » 

Le  prisonnier  fut  ensuite  reconduit  dans  son  cachot , 
et  ses  juges  rendirent  leur  sentence,  portant  qu'il  serait 
pendu  et  étranglé,  jusqu'à  ce  que  la  mort  naturelle  s'en. 


144  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

suivît,  à  une  potence  dressée  à  cet  effet  sur  l'esplanade, 
et  que  ses  biens  seraient  confisqués ,  «  distraction  faite 
du  tiers  pour  sa  femme  et  ses  enfants.  »  Quelques  juges, 
plus  durs  que  les  autres,  opinèrent  pour  qu'on  soumît 
Durand  à  la  question  ;  et,  les  trois  plus  humains,  pour 
qu'on  le  condamnât  seulement  aux  galères  perpétuelles. 
Demi-heure  après  (c'était  dix  heures  du  matin) , 
((  M.  de  Rosset  et  son  greffier,  qu'on  appelle  Cou- 
chonneau,  vinrent  dans  la  prison  pour  lui  lire  sa  sentence, 
et  d'abord  que  M.  Durand  vit  entrer  M.  de  Rosset,  il 
lui  dit  :  «.  Apparemment,  Monsieur,  que  vous  venez  lire 
ma  sentence.  »  —  Il  lui  répondit  :  «  On  va  vous  la  lire.  » 
—  D'abord  il  se  mit  à  genoux  après  l'avoir  fait  lire  ,  il 
éleva  ses  yeux  et  ses  mains  jointes  au  ciel  et  prononça 
[cette  prière]  à  haute  voix  :  «  Loué  soit  Dieu  ,  voici  le 
jour  qui  met  fin  à  toutes  mes  souffrances  et  que  ce  grand 
Dieu  me  comblera  de  ses  plus  précieuses  grâces  en  me 
donnant  la  félicité  bien  heureuse...  » —  Après  avoir  dit 
cela,  il  se  tourna  vers  M.  de  Rosset  et  lui  recommanda 
de  prier  M.  l'intendant  de  faire  sortir  son  père  de  Bres- 
cou ,  oia  il  était  détenu ,  de  même  que  sa  [belle-]mère 
et  sa  sœur  de  la  tour  de  Constance  ,  n'étant  pas  juste 
qu'on  les  détînt  davantage  en  prison  ,  puisque  c'était  à 
son  occasion  qu'on  les  y  avait  mis.  C'est  ce  que  M.  de 
Rosset  lui  promit.  »  Mais  l'intendant,  si  la  requête  de 
Durand  lui  parvint,  n'y  fit  pas  droit ,  car  les  malheureux 
captifs  ne  furent  pas  élargis  et  Durand  n'obtint  même 
pas  la  permission  d'écrire  à  sa  femme.  On  se  demande 
quels  dangers  auraient  couru  la  religion  et  l'Etat  si  le 
martyr,  avant  de  quitter  la  terre,  avait  pu  épancher  une 
dernière  fois  son  cœur  dans  celui  de  sa  chaste  compa- 
gne. On  ne  peut  donc  voir  dans  le  refus  qui  lui  fut  op- 
posé qu'une  dureté  de  plus. 


DU    VIVARAIS    ET    DU     VELA.Y.  I4S 

EXÉCUTION    DE    DURAND     (22  AVRIL     I732). 

Durand  pria  de  Rosset  de  lui  accorder  quatre  heures 
de  sursis  avant  l'exécution  pour  se  préparer  à  mourir. 
Il  lui  en  promit  six,  mais  le  condamné  répondit  qu'il  en 
avait  assez  de  quatre.  Les  prêtres  toutefois  lui  en  prirent 
une  bonne  pariie.  En  effet,  dès  que  sa  sentence  lui 
fut  signifiée,  «  IMi.  Demontis  ,  curé  de  la  paroisse  de 
Notre-Dame  et  quatre  autres  prêtres  (i),  parmi  lesquels 
il  y  avait  M.  l'abbé  de  Rosset,  frère  du  subdélégué, 
s'avancèrent  vers  lui  pour  tâcher  de  le  faire  renoncer  à 
sa  religion  ,  en  lui  disant  que  ,  s'il  ne  mourait  pas  ca- 
tholique romain,  il  ne  pouvait  avoir  le  salut  qu'il  atten- 
dait et  qu'il  était  à  craindre  qu'il  serait  damné.  On  prétend 
qu'on  lui  proposa  beaucoup  de  raisons  sur  la  religion 
pour  l'ébranler,  mais  il  répondit  avec  fermeté  qu'il  en 
avait  de  meilleures  qui  l'obligeaient  à  mourir  dans  la  foi 
qu'il  avait  de  la  vraie  religion.  »  Après  avoir  disputé  un 
certain  temps  avec  eux ,  c  il  les  remercia  de  leurs  bons 
sentiments  à  son  égard  et  les  pria  de  l'excuser  si,  dans 
les  diverses  disputes ,  il  s'était  un  peu  échauffé  contre 
eux  et  s'il  avait  manqué  de  respect  à  leur  caractère  ; 
que  la  fermeté  de  ses  sentiments  l'avait  emporté  ,  mais 
qu'il  les  priait  de  le  pardonner.  »  Il  se  retira  ensuite 
dans  «  un  coin  de  la  prison,  en  les  priant  d'avoir  la  cha- 
rité de  le  laisser  pour  se  réconcilier  avec  son  Dieu  et 
pour  faire  la  paix  avec  lui,  et  que,  pour  le  peu  de  temps 
qu'il  avait  à  vivre,  on  devait  avoir  la  charité  de  le  laisser 
en  repos  et  de  ne  le  troubler  pas  dans  ses  prières  ;  et 
que  toutes  leurs  raisons  ,   quand  elles  seraient  encore 


(i)  Sur  ces  cinq  prêtres,  quatre  étaient  séculiers,  et  l'autre  appartenait  à 
la  congrégation  de  l'Oratoire. 

u.  10 


146  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

les  plus  fortes  du  monde,  ne  serviraient  qu'à  le  mieux 
persuader  sur  sa  croyance.  A  cela  M.  Demontis,  qui 
est  tout  charitable  et  bon  prêtre,  sortit  dehors  de  la 
prison;  mais  les  autres  y  restèrent,  et  le  dit  M.  De- 
montis n'y  rentra  que  lorsqu'il  vit  venir  l'exécuteur.  » 

Dès  que  Durand  aperçut  ce  dernier,  il  alla  vers  lui  et 
lui  demanda  s'il  était  bien  celui  qui  devait  mettre  fin  à 
ses  jours.  L'exécuteur  lui  ayant  répondu  :  «  C'est  moi- 
même  ,  »  il  se  livra  entre  ses  mains  ,  mais  non  sans 
s'être  encore  mis  à  genoux  et  avoir  prononcé  tout  bas 
un  psaume  sans  le  chanter.  Il  lui  demanda  aussi  si  le 
lieu  de  son  supplice  était  bien  éloigné  de  la  citadelle, 
à  quoi  l'exécuteur  répondit  qu'il  n'était  pas  à  deux  cents 
pas. 

Le  condamné  quitta  alors  ses  habits ,  en  recomman- 
dant au  concierge  de  la  prison  de  les  faire  tenir  à  son 
père  au  fort  de  Brescou  ;  après  cela  le  bourreau  lia  les 
bras  et  les  mains  du  courageux  confesseur,  qui  lui  de- 
manda la  faveur  de  pouvoir  faire  sa  prière  au  pied  de 
l'échafaud  et  sur  l'échafaud  même ,  lorsque  la  corde 
aurait  été  attachée  à  la  potence. 

On  le  vit  alors  sortir  la  corde  au  cou  et  portant  une 
veste  noire  qu'on  lui  avait  donnée  ,  sa  perruque  ,  ses 
bas  et  ses  souliers.  Barbe  et  les  cinq  prêtres,  nom- 
més plus  haut,  le  suivaient,  à  l'exception  de  l'abbé  Jou- 
bert ,  beau-frère  du  syndic  de  la  province ,  qui  consi- 
déra sa  mission  comme  terminée  et  se  retira.  Quand  il 
eut  fait  deux  pas  en  dehors  de  la  prison ,  on  fit  battre 
douze  tambours  ,  sept  de  la  compagnie  bourgeoise  de 
la  ville  et  cinq  du  régiment  de  Tallurden  en  garnison 
dans  la  citadelle.  On  ouït  l'abbé  de  Rosset  leur  dire  : 
<i  Battez,  tambours.  »  C'était  pour  que  le  peuple  n'en- 
tendît pas  les  belles  paroles  qu'il  prononçait.  II  y  eut 
pourtant  des  personnes  qui  comprirent  qu'il   entonna  le 


DU    VIVARAIS    ET    UU     VELAV.  I47 

psaume  XXIIl  lorsqu'il  sortit  de  prison,  et  qui  distin- 
guèrent qu'il  changea  de  ton  à  la  vue  de  la  potence  et 
qu'il  chanta  le  psaume  LI ,  puis  le  CXXX. 

Il  faut  dire  qu'il  tombait  une  grosse  pluie  ,  qui  avait 
commencé  à  huit  heures  du  matin  et  qui  dura  jusqu'à 
six  heures  du  soir,  et  que,  lorsque  Durand  sortit  de  pri- 
son, elle  redoubla  d'intensité,  de  sorte  que  les  tam- 
bours ,  quoiqu'on  les  eût  fait  chauffer  devant  un  grand 
feu  ,  ne  purent  couvrir  complètement  sa  voix. 

En  se  rendant  au  lieu  de  son  supplice  ,  il  semblait 
que  le  condamné  <(  allait  à  un  festin ,  marchant  de  pied 
ferme,  ne  regardant  que  le  ciel.  Et  après  qu'il  fut  ar- 
rivé ,  il  se  mit  à  genoux  au  pied  de  l'échelle  pour  faire 
sa  prière.  Les  prêtres,  qui  étaient  autour  de  lui  et  qui 
ne  lui  disaient  rien  en  chemin,  prirent  ce  temps-là  pour 
l'interrompre  et  tâcher  de  plus  fort  à  le  faire  changer.  » 
Voyant  qu'on  l'inquiétait,  il  se  leva  en  leur  disant  deux 
fois  d'un  ton  ferme  :  «  Quelle  persécution!  Point  de 
charité,  messieurs,  pour  me  laisser  mourir  en  paix!  » 
Puis,  pour  être  délivré  de  leurs  obsessions,  il  pria  l'exé- 
cuteur de  monter  et  le  suivit  sur  l'échelle  avec  un  cou- 
rage intrépide. 

»  Quand  il  eut  achevé  de  monter,  il  dit  au  bourreau 
de  lui  tenir  la  promesse  qu'il  lui  avait  faite  ci-devant 
de  ne  le  jeter  pas  [en  dehors  de  l'échafaud]  sans  qu'il 
eût  achevé  sa  dernière  prière.  Un  des  prêtres  vint  en- 
core l'interrompre ,  ayant  monté  un  échellon  ;  il  lui  fît 
signe  de  la  tête  ,  des  mains  et  d'un  pied ,  de  se  retirer, 
pour  lui  marquer  publiquement  qu'il  n'y  avait  rien  à 
faire,  qu'il  mourait  de  sa  religion.  »  Puis  il  se  mit  à  ge- 
noux et,  quand  il  comprit  que  rexècuieur  pourrait  avoir 
fini  d'attacher  la  corde  à  la  potence,  il  lui  demanda 
s'il  était  prêt  et,  sur  sa  réponse  affirmative,  le  pria 
de  lui  laisser  achever  sa  prière  ;  après   quoi   il    dit   à 


1^8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

l'exécuteur  de  le  dépêcher,  qu'il  était  temps  et  qu'il 
n'avait  plus  rien  à  dire.  Une  minute  après,  le  cou- 
rao-eux  martyr  était  jeté  dans  l'espace  et  rendait  sa 
belle  âme  à  Dieu,  «  sans  aucune  contorsion  ni  résis- 
tance. » 

Il  y  avait  autour  de  l'échafaud  les  sept  sixièmes  de 
la  ville,  tant  protestants  que  catholiques,  et  un  grand 
nombre  d'étrangers.  Les  parapluies  et  les  manteaux 
présentaient  un  aspect  étrange.  L'exécution  se  fit  à 
quatre  heures  du  soir,  en  face  de  la  croix,  sur  le  point 
élevé  du  glacis  de  la  citadelle.  Tout  le  monde  re- 
grettait le  jeune  martyr  et  «  en  disait  mille  biens  ,  à 
la  réserve  de  quelques  personnes  de  la  plus  vile  et 
basse  condition ,  qui  en  voulurent  parler  en  termes 
malhonnêtes,  mais  ils  en  furent  châtiés  par  les  offi- 
ciers. » 

Les  soldats  battirent  encore  du  tambour  pendant  une 
demi-heure ,  après  quoi  l'exécuteur  déchaussa  le  cprps 
de  Durand  ,  lui  mit  une  chemise  et  un  bonnet,  et  l'en- 
veloppa dans  un  suaire  en  toile  blanche  donné  par  des 
amis.  Le  major,  homme  dur,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit  ,  n'ayant  pas  consenti  à  ce  que  le  corps  fût  inhumé 
dans  la  citadelle,  le  bourreau  le  traîna,  attaché  sur 
l'échelle,  jusqu'à  une  fosse  qu'on  avait  fait  préparer  au- 
près de  celle  du  martyr  Alexandre  Roussel,  d'Uzès,  qui 
avait  été  exécuté  le  30  novembre  1728. 

Voici,  pour  terminer  le  récit  de  la  mort  de  Durand  , 
le  jugement  porté  sur  lui  par  un  catholique  ,  qui  craint 
évidemment  de  lui  décerner  trop  d'éloges,  mais  dont 
les  paroles  n'en  ont  que  plus  de  prix  :  «  C'est  un  petit 
homme,  dont  la  physionomie  est  assez  revenante;  il  a  de 
la  douceur  et  de  la  modération  ,  assez  de  feu  et  de  vi- 
vacité. Quelque  médiocre  qu'on  doive  supposer  qu'ait 
été  son  éducation  .  il  ne  lais^^e  pas  d'avoir  des  manié- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  1 49 

res  et  de   la  politesse,   et  ii   ne   manque   ni  d'esprit   ni 
d'une  certaine  capacité  (i).  » 

TÉMOIGNAGE     RENDU     A     DURAND     PAR    LE    SYNODE    DU 
VIVARAIS.    DÉPART   MOMENTANÉ    DE   LASSAGNE  i\'J^2). 

De  Bernage,  en  envoyant  au  cardinal  Fieury  une  co- 
pie de  la  sentence  rendue  contre  Durand  ,  lui  recom- 
manda Barbe  en  le  priant  de  lui  accorder  par  brevet 
une  pension  qui  lui  assurât  du  pain  sa  vie  durant ,  at- 
tendu que  la  gratification  annuelle  de  1,200  livres,  que 
le  cardinal  lui  avait  assignée  sur  les  revenus  de  l'évè- 
ché  de  Montpellier,  ne  reposait  pas  sur  un  fonds  so- 
lide. Fieury  chargea  de  Bernage  de  rassurer  son  agent 
et  de  lui  dire  qu'il  était  satisfait  du  zèle  qu'il  avait  dé- 
ployé dans  Taffaire  de  Durand,  qu'il  ne  l'abandonne- 
rait point  et  qu'il  aurait  soin  u  de  pourvoir  à  sa  subsis- 
tance. » 

Desboze  ,  prieur  et  curé  de  Saint-Félix,  qui  avait  été 
appelé  à  Montpellier  comme  témoin ,  écrivit ,  dès  le 
10  avril,  à  Ladevèze  qu'il  n'était  plus  en  sûreté  dans  sa 
paroisse  parce  qu'il  passait  pour  être  l'auteur  de  la  cap- 
ture de  Durand.  Il  lui  disait  :  «  Si  Monseigneur  l'inten- 
dant voulait  bien  s'intéresser  à  moi  à  la  Cour,  il  lui  se- 
rait facile    de  me  procurer    une    pension    sur  quelque 


(i)  Il  existe,  à  notre  connaissance,  neuf  relations  anciennes  de  la  prise  et 
de  l'exécution  de  Durand,  imprimées  et  manuscrites.  Imprimées  :  llisloiif. 
de  la  prise  de  feu  M.  Durand  (dans  Meynadier  .  p.  41-5Q);  Relation  dr 
l'exécution  de  M.  Durand  {Idem,  p.  98-101);  Claris,  Relation  de  la  niori 
de  M'  Pierre  Durand  {Bulletin,  etc.,  t.  XXXIII,  p.  74-76); —  Manuscrites: 
Relation  de  la  mort  de  'I.  Pierre  Durajid  (ms.  Court,  n"  17,  vol.  H);  Récit 
de  la  mort  de  Pierre  Durand  (ms.  Court,  n°  17,  t.  Z);  Une  courte  et 
exacte  relation  delà  mort  de  M.  Durand,  (ms.  Court,  n»  17,  t.  H);  Rela- 
tion de  la  mort  de  M.  Pierre  Durand  (Idena)  ;  une  autre  Relation  dans 
ms.  Court,  n"  i ,  l.  X  :  une  autre  dans  Court,  Hialnire  des  martyrs  l'ms. 
Court.  n°  %()]. 


I  ^o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

bénéfice  de  nomination  royale  ou  un  bénéfice  même.  Je 
vous  prie  de  vouloir  bien  le  lui  inspirer  en  lui  exposant 
le  danger  où  je  suis;  et,  s'il  voulait  bien  avoir  cette 
bonté,  je  vous  prie  d'avoir  celle  de  m'en  avertir  pour 
que  je  puisse  en  même  temps  faire  agir  auprès  de  mon 
évéque  ou  d'autres  personnes.  » 

Pour  le  moment,  Desboze  toucha  3,000  livres  et  put 
ainsi  satisfaire  sa  cupidité  ,  qui  était  fort  connue  de  ses 
supérieurs,  notamment  de  l'évêque  de  Valence,  dont  il 
était  le  ressortissant  et  qui  avait  eu  à  le  reprendre  sévè- 
rement pour  ce  vice.  Des  1,000  livres  restantes,  600  fu- 
rent attribuées  au  sergent  et  aux  soldats  qui  avaient  ar- 
rêté le  martyr,  et  400  à  divers  autres  espions.  Astier  et 
ses  deux  fils  ne  durent  pas  être  oubliés.  On  préleva  les 
4,000  livres  sur  les  amendes  infligées  aux  protestants. 
Ainsi,  par  le  renversement  de  toute  justice,  ils  étaient 
obligés  de  payer  les  gens  qui  envoyaient  leurs  pasteurs 
au  gibet. 

Le  premier  synode  du  Vivarais  (21  mai  1732),  qui  se 
réunit  après  la  mort  de  Durand ,  consigna  dans  ses  ac- 
tes l'expression  des  regrets  que  lui  causa  la  mort  d'un 
si  grand  serviteur  de  Dieu.  «  Ayant  considéré,  disent- 
ils,  le  malheur  de  nos  Eglises  et  fait  réflexion  sur  la 
perte  irréparable  qu'elles  viennent  de  iaire  en  la  per- 
sonne de  feu  notre  très  cher  et  bien  aimé  frère  M.  Du- 
rand ,  qui  les  a  servies  avec  beaucoup  d'édification  et 
qui  a  scellé  de  son  sang  la  vérité  de  l'Evangile  qu'il 
avait  prêchée  au  milieu  de  nous;  —  la  vénérable  com- 
pagnie ,  touchée  de  reconnaissance  des  grands  services 
que  feu  notre  cher  pasteur  a  rendus  pendant  sa  vie  aux 
Eglises  de  notre  Vivarais;  en  conséquence  de  cela,  elle 
a  ordonné  qu'il  sera  fait  une  collecte  générale  sur  tou- 
tes nos  Eglises  pour  payer  les  arrérages  qui  étaient  dûs 
à   feu   notre  frère  bien -aimé;   laquelle  sera   employée, 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I5I 

non  seulement  pour  payer  les  sommes  qu'il  pouvait  de- 
voir, mais  aussi  pour  entretenir  mademoiselle  Durand, 
sa  veuve ,  de  même  que  ses  chers  enfants.  La  compa- 
gnie du  synode  a  aussi  arrêté  qu'on  continuera  de  payer 
à  ladite  demoiselle  Durand,  autant  que  cela  sera  néces- 
saire ,  les  gages  qui  étaient  assignés  à  monsieur  son 
mari.  » 

Autrement,  l'arrestation  de  Durand  n'avait  pas  ar- 
rêté le  cours  des  assemblées  du  désert.  Du  20  au  25 
mars  ,  il  y  en  eut  deux  :  l'une  présidée  par  le  pasteur 
Fauriel-Lassagne  dans  la  paroisse  de  Saint-Jean-Cham- 
bre,  l'autre  à  Gallimard  dans  la  paroisse  de  Vernoux , 
présidée  par  Brunel. 

Lassagne  jugea  toutefois  nécessaire  de  s'éloigner 
pour  quelque  temps  après  la  condamnation  de  son  col- 
lègue. Il  se  rendit  à  Genève,  puis  à  Lausanne,  où  il  put 
consoler  la  femme  du  courageux  confesseur.  Elle  avait 
été  déjà  prévenue  de  l'arrestation  de  son  mari  par  Court 
et  dut  l'être  aussi  par  lui  de  son  supplice.  Anne  Du- 
rand ,  soutenue  de  Dieu ,  fut  admirable  de  résignation. 
((  Dieu  me  l'avait  donné,  dit-elle.  Dieu  me  l'a  ôté,  que 
sa  volonté  soit  faite!  »  Elle  ajoutait  toutefois  :  «  Mais 
il  me  manque  temps!  »  La  femme  de  Corteiz .  qui 
était  à  Zurich,  lui  écrivit  pour  la  fortifier,  et  elle  lui  ré- 
pondit d'une  façon  si  admirable  que  sa  lettre  fut  traduite 
en  allemand  pour  ceux  qui  ne  connaissaient  pas  le  fran- 
çais. «  Personne,  »  ajoutait  Isabeau  Corteiz,  «  ne  la  lit  ni 
ne  l'entend  sans  pleurer.  » 

La  mort  du  pasteur  du  Vivarais  inspira  la  muse  des 
poètes  populaires  du  pays,  qui  composèrent  à  son  sujet 
quatre  complaintes.  Ces  poèmes  naïfs  sont  parvenus 
jusqu'à  nous  et  comprennent  près  d'un  millier  de  vers. 
Leur  rythme  laisse  beaucoup  à  désirer,  mais,  comme  le 
dit  Benoît  ,    ils    <<   intéressent  par  leur   inspiration    reli- 


1^2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

gieuse  et  comme  reflet  de  l'impression  produite  sur  les 
contemporains.  Ils  nous  transportent  au  milieu  de  ces 
jours  d'héroïsme  chrétien ,  où  croire  était  synonyme  de 
souffrir,  et  où  la  souffrance  même  ne  faisait  qu'exalter 
la  foi.  » 

Un  élève  de  Durand,  Pierre  Peirot,  qui  fut  reçu 
prédicateur  le  30  mai  1733  ,  rendit  aussi  hommage  à  la 
constance  de  son  maître  dans  un  discours  remarquable 
qu'il  prononça  en  septembre  1732.  c  Notre  cher  pas- 
teur, disait-il,  était  plus  heureux  dans  la  prison  et  à 
l'heure  de  la  mort  que  l'intendant  sur  son  trône  et  au 
milieu  de  ses  trésors.  » 

Pendant  que  les  protestants  et  leurs  pasteurs  étaient 
traités  comme  des  ennemis  de  l'Etat,  il  est  bon  de  mon- 
trer le  soin  jaloux  avec  lequel  ils  observaient  les  lois 
de  leur  pays  pour  autant  qu'elles  ne  portaient  pas  at- 
teinte aux  droits  imprescriptibles  de  la  conscience. 
Quelques  protestants  du  Vivarais  s'étant  permis  d'intro- 
duire en  France  des  marchandises  prohibées  ,  comme 
du  tabac  et  des  toiles  indiennes,  le  synode  du  21  octo- 
br3  1733  fit  défense  à  tous  ceux  qui  acceptaient  la  dis- 
cipline des  Eglises  réformées,  «  de  quelque  condition 
qu'ils  fussent,  d'aller  chercher  dans  les  pays  étrangers 
ou  d'apporter  de  telles  marchandises  contre  les  ordon- 
nances de  Sa  Maiesié,  à  la  réserve  des  livres  de  piété, 
qui  sont  nécessaires  pour  l'instruction  du  peuple.  »  Le 
synode  les  exhorta  à  s'abstenir  d'un  tel  commerce,  qu'il 
considérait  «  comme  illégitime  et  indigne  de  véritables 
chrétiens,  »  afin  que,  par  l'observation  de  cet  article, 
ils  donnassent  «  des  preuves  de  leur  affection  ,  de  leur 
fidélité  et  de  leur  soumission  aux  édits  de  Sa  Majesté 
dans  toutes  les  choses  où  Dieu  n'est  point  offensé  (1).  » 

(i)  Coquerel,  i.  I  ,  p.   î;.  %2^ ,  526.  Peyrat .  l.  Il,  p.  4a>.  Hugues,  t.  Il, 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  IÇ? 

CONTI^IUATION  DES  ASSEMBLÉES.  AMENDES.  ENLÈVE- 
MENTS d'enfants  ET  DE  JEUNES  FILLES.  CONDAM- 
NATIONS (1733-173  5)- 

La  mort  de  Durand  ne  ralentit  pas,  comme  on  l'a 
déjà  dit,  le  cours  des  assemblées  du  désert,  qui  se 
réunirent  aussi  nombreuses  et  aussi  fréquentes  qu'aupa- 
ravant. Cette  cruelle  épreuve  raviva  même  en  général  le 
zèle  des  protestants  du  Vivarais  ,  qui  montrèrent  un  at- 
tachement de  plus  en  plus  vif  pour  leur  religion ,  quoi- 
que les  agents  de  l'autorité  ,  stimulés  par  le  cardinal 
Fleury  qui,  à  partir  de  1733  ,  se  montra  plus  sévère  à 
l'égard  des  protestants  ,  eussent  recommencé  à  faire 
payer  à  ceux-ci  des  amendes  considérables ,  qui  les 
avaient  déjà  appauvris  trois  ans  auparavant  (1730),  et 
qu'on  pratiquât  parmi  eux  ,  sur  une  large  échelle  ,  les 
enlèvements  d'enfants  et  de  jeunes  filles. 

Parmi  ces  dernières  quelques-unes  parvinrent  à  s'é- 
chapper des  couvents  qui  leur  servaient  de  prison.  Tel 
fut  le  cas  d'Antoinette  Collongin,  enfermée  dans  le  cou- 
vent de  Sainte-Claire,  à  Aubenas.  Le  lundi,  2  août  1734, 
M.  Peirot  et  un  autre  monsieur,  sous  prétexte  de  la 
voir,  lui  remirent  une  note,  qui  lui  révélait  les  détails 
du  dessein  qu'ils  avaient  formé  de  la  délivrer.  La  nuit 
même  qui  suivit  leur  visite ,  à  une  heure  avant  le  jour , 
ils  lui  firent  passer  une  corde  au  moyen  d'une  ficelle 
qu'ils  lui  avaient  remise  et  qu'elle  fit  couler  jusqu'à  eux; 
puis,  lorsqu'elle  fut  descendue  au  pied  des  murailles  du 
couvent,   ces  deux  messieurs  la    firent  monter  sur  un 


p.  97,  98.  Meynadier,  p.  40-127.  Borrel,  Pierre  et  Marie  Durand,  p.  22-25. 
Benoît,  Marie  Ditrand,  p.  61-155.  Corbière,  Histoire  de  l'Eglise  réformée 
de  Montpellier,  p.  40Ç.  Bulletin,  etc.,  t.  I ,  p.  389;  VII,  464;  XI,  89,  98; 
XXXIII,  74.  Ms.  Court,  n"  R.  Arch.  de  l'Hérault,  C,  201  ;  etc. 


I  S4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

cheval  et  elle  s'enfuit  au  plus  vite  avec  ses  deux  com- 
pagnons ,  qui  avaient  chacun  une  monture. 

La  plus  jeune  sœur  d'Antoinette  ,  Manon  Collongin, 
qui  avait  été  enfermée  au  Pont-Saint-Esprit ,  eut  à  es- 
suyer les  plus  rudes  assauts.  «  Depuis  le  matin  Jusqu'au 
soir  on  ne  me  laisse  jamais  en  repos,  »  écrivait -elle... 
«  M.  Arnufle  ,  le  missionnaire  ,  ne  me  quitte  guère  ;  le 
désespoir  m'emporte.  ^>  La  pauvre  jeune  fille  finit  par 
succomber,  mais  «  le  jour  qu'elle  fit  cela,  »  disait  sa 
sœur,  «  elle  resta  plus  de  trois  heures  morte.  On  se  ré- 
jouit beaucoup  de  cela  et  elle  était  dans  la  tristesse!  On 
fit  sonner  les  cloches,  on  illumina  toute  l'Eglise  ,  on  la 
tapissa  et  on  fit  un  sermon  à  son  sujet,  croyant  d'avoir 
fait  une  bonne  prosélyte,  et  on  a  fait  une  hypocrite.  » 
Quatre  ans  après,  le  17  décembre  1738,  la  malheu- 
reuse était  devenue  tout  à  fait  catholique.  Elle  ne  vou- 
lait plus  lire  les  livres  protestants  et  sa  sœur  désespé- 
rait de  la  ramener.  On  peut  conclure  de  là,  que  les 
religieuses  du  couvent,  la  jugeant  suffisamment  affermie, 
lui  en  avaient  ouvert  les  portes. 

La  même  année  1734,  d'autres  jeunes  filles  réussirent 
à  s'évader  du  couvent  de  Privas,  savoir  la  Chauvet  du 
Vignal,  l'Henriette  de  Durand  de  Cordier,  et  la  fille  de 
Boissy  de  Saint-Jean-Chambre.  Les  religieuses  croyaient 
pourtant  cette  dernière  tout  à  fait  convertie.  Aussi, 
grand  fut  leur  désappointement  quand  elles  s'aperçurent 
de  son  évasion.  D'autre  part,  une  veuve  Bospoloux, 
qui  avait  été  enfermée  au  Pont-Saint-Esprit,  fut.rendue 
à  la  liberté. 

Pendant  ce  temps,  les  divers  soldats  du  régiment  de 
milice  de  mignons  furent  cantonnés  à  Privas ,  à  Saint- 
Pierreville,  au  Cheylard,  à  Saint-Agrève  et  à  Chomé- 
rac  ,  et  on  pensait  qu'ils  y  passeraient  l'hiver. 

L'année  suivante  (5  mai  1735)),  les  curés  rebaptisé- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  IÇ^ 

rent  un  grand  nombre  d'enfants ,  et  les  enlèvements  de 
filles  continuèrent,  mais  suivant  un  nouveau  plan.  Au- 
trefois, on  signifiait  par  écrit  Tordre  de  réclusion  aux 
jeunes  filles  qu'on  voulait  enfermer  dans  des  couvents  , 
de  sorte  que,  prévenues  d'avance,  elles  avaient  le 
temps  de  se  réfugier  en  lieu  sûr.  A  dater  de  cette  épo- 
que, les  archers  se  rendaient  directement  auprès  d'elles, 
sans  les  avertir,  et  les  arrêtaient  sur  l'heure,  en  leur 
montrant  les  ordres  dont  ils  étaient  porteurs.  La  fille  Va- 
lette de  la  Combe  du  Pré,  la  sœur  de  Féraud  de  Saint- 
Christol  et  plusieurs  autres  furent  enlevées  de  cette  ma- 
nière. 

De  leur  côté  ,  les  messieurs  catholiques  de  Saint- 
Agrève  déployaient  un  grand  zèle  contre  ceux  de  la  re- 
ligion. Ils  firent  emprisonner  un  jeune  homme  de  leur 
pays,  nommé  Cereyson,  pour  l'obliger  à  faire  bénir  son 
mariage  à  l'église;  ce  qu'il  promit  et  exécuta  :  et  un  au- 
tre, nommé  Paul  Roche  dit  Combet,  pour  qu'il  chan- 
geât de  religion,  mais  il  s'y  refusa  obstinément.  Ils  vou- 
lurent aussi  se  saisir  de  Jacques  Fay,  qui  se  rendit  sur 
l'heure  auprès  de  Ladevèze  ,  à  qui  il  raconta  ce  qui  se 
passait  à  Vernoux  ;  puis  ,  sur  la  réponse  affirmative  qu'il 
fit  à  ce  commandant,  qui  lui  demandait  s'il  avait  épousé 
au  désert,  ce  dernier  lui  dit  que  «  cela  suffisait ,  que  le 
roi  pardonnait  de  tels  mariages  et  qu'on  n'avait  pas  la 
permission  de  le  chagriner.  »  Il  lui  remit  ensuite  une 
lettre  pour  M.  Bollon  ,  de  Saint-Agrève  ,  et  Roche  lui- 
même  fut  rendu  à  la  liberté  (  i). 

CAPTURE    DE   BERNARD   (14  JUIN     I734-I736),    CONDAM- 
NATIONS   DIVERSES    (1737). 

Ce  prédicateur,  après  le  supplice  de  Durand,  avait 

iij  Bulletin,  pI<\,  l.  XXXIl,  p.   i6i-i68.  Ms.  Court,  n"  17,  t.  B. 


1^6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

aussi  quitté  le  Vivarais  et  s'était  réfugié  dans  une  métai- 
rie, près  de  Loriol  en  Dauphiné  (mai  1732);  mais  sa  pré- 
sence en  ce  lieu  ayant  été  dénoncée  à  Ladevèze,  ce  der- 
nier le  fit  arrêter  le  14  juin  1734  par  des  soldats,  qui , 
après  avoir  commis  de  grands  dégâts  dans  la  maison , 
le  conduisirent  à  Beauregard.  Il  fut  jeté  dans  un  mé- 
chant cachot,  y  languit  six  mois  et,  après  ce  temps,  fut 
emmené  à  Montpellier,  où  ses  juges  le  condamnèrent  à 
être  enfermé  sa  vie  durant  au  fort  de  Brescou. 

Bernard  avait  d'abord  donné  dans  l'inspiration  et  sus- 
cité des  difficultés  à  Durand  dans  son  oeuvre  de  réorga- 
nisation disciplinaire,  comme  on  l'a  vu  plus  haut 
(page  112),  mais  il  était  revenu  peu  à  peu  à  des  idées 
plus  justes  sur  la  nature  du  ministère  évangélique  et  de 
l'Eglise,  et  aida  considérablement  Durand  dans  le  réta- 
blissement de  l'ordre.  Il  avait  peu  d'instruction  ,  mais 
un  zèle  infatigable.  Laboureur,  il  travaillait  le  jour  et 
prêchait  la  nuit.  Il  ne  touchait  aucun  salaire  des  Eglises, 
quoiqu'il  dût  pourvoir  à  l'entretien  de  sa  famille,  com- 
posée de  sa  femme,  de  trois  ou  quatre  filles  et  d'un  fils 
de  quinze  ans,  et  qu'il  eût  payé  des  amendes  ruineuses, 
parce  qu'il  n'avait  pas  voulu  envoyer  ses  enfants  à  la 
messe.  Dénué  de  tout  dans  sa  prison,  il  pria  le  synode 
du  Vivarais  du  1  i  octobre  1735  de  l'assister  ;  ce  que  ce 
vénérable  corps  s'empressa  de  faire.  Le  16  novembre 
suivant,  Fauriel-Ladreyt  et  Mathieu  Morel  dit  Duver- 
net ,  étudiants  du  Vivarais  au  séminaire  de  Lausanne, 
et  Paul  Faure  ,  pasteur  du  Dauphiné,  qui  se  trouvait 
pour  lors  en  Suisse,  rendirent  de  lui  le  meilleur  témoi- 
gnage ;  et  ce  fut  sans  doute  à  leur  recommandation  que 
de  Frey ,  pasteur  de  Lausanne,  fit  tertir  à  Bernard,  Je 
12  avril  1736,   30  livres  de  France  (i) 

^lj  Ms.  Court,  n»  17,  t.   P. 


DU     VIVARAIS    ET    DU     VELAY.  \i,J 

Né  avant  1680,  Bernard  avait  été  emprisonné  une 
première  fois  au  Pont-Saint-Esprit  à  une  époque  que 
nous  ignorons,  puis  une  deuxième  fois,  en  1716,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut  (page  102),  sur  la  dénonciation  du 
traître  Lapise,  qui  le  fit  arrêter  dans  une  maison  que  le 
pieux  prédicateur  possédait  près  de  Lavoulte. 

Un  an  environ  après,  le  29  mars  1735,  on  surprit  une 
assemblée  ,  présidée  dans  la  grange  de  Feyssier,  dite 
la  grange  des  Blaches,  par  le  prédicateur  Antoine  Gou- 
non  dit  Pradon.  Plusieurs  des  assistants  furent  arrêtés 
et  conduits ,  les  uns  à  Nîmes ,  les  autres  au  Pont-Saint- 
Esprit  ;  puis  tous  ensemble  à  Montpellier,  où  de  Ber- 
nage  leur  fit  leur  procès,  le  i^""  mars  1737. 

Louis  Trapier  ,  François  de  Fiales  ,  propriétaire  à 
Bruzac  ,  Noël  Vey,  tisserand  de  Saint-Georges,  Jean 
Clergue  dit  Nodon,  André  Pinet,  contumace,  et 
Jean-Jacques  Gay,  également  contumace,  furent  con- 
damnés aux  galères  perpétuelles;  —  Marie  de  Goulet, 
(femme  de  Noël  Vey),  Isabeau  Menet  (femme  de  Fran- 
çois de  Fiales),  et  Jeanne  Menet,  sa  sœur,  âgée  d'en- 
viron quinze  ans,  à  être  rasées  et  enfermées  à  la  tour 
de  Constance  leur  vie  durant;  —  la  grange  de  Feyssier, 
à  être  démolie  jusqu'aux  fondements,  —  et  les  nouveaux 
convertis  de  Beauchastel ,  Charmes,  Le  Pape,  Pierre- 
gourde  et  Saint-André  de  Bruzac,  à  payer  600  fr. 
d'amende  pour  le  roi  et  les  frais  de  la  répartition. 

Matthieu  Rostaing,  qui  avait  été  arrêté  à  l'occasion 
de  la  même  assemblée,  fut  mis  hors  de  cour,  et  le  pro- 
cès de  Gounon  renvoyé  Jusqu'à  de  plus  amples  informa- 
tions. Les  biens  des  condamnés  furent  confisqués,  dis- 
traction faite  du  tiers  pour  les  femmes  et  les  enfants  et 
de  la  somme  de  1022  livres  pour  les  frais  du  procès. 

Ajoutons  que  Isabeau  Menet  accoucha  d'un  fils  au 
Pont-Saint-Esprit  et  fut  rendue    folle   à   sa    famille  le 


1^8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

5  mars  1750;  que  Jeanne  Menet  parvint  à  s'échapper, 
l'année  même  de  son  incarcération  à  la  tour  de  Cons- 
tance, et  que  de  Fiales  ,  entré  au  bagne  de  Marseille, 
le  2}  mai  1737,  mourut  à  l'hôpital  de  cette  ville  le 
24  avril  1742  (1). 

L'année  d'avant  le  jugement  de  ces  prisonniers ,  le 
Dauphiné  manquait  de  pasteurs.  Le  synode  du  Vivarais 
du  25  avril  1736  lui  prêta  pour  un  an  Jean  Blachon,  qui 
avait  été  reçu  prédicateur  le  21  octobre  1733  ,  et  qui 
rentra  dans  sa  province  le  7  octobre  1737,  muni  de 
<«  bons  témoignages  de  sa  doctrine  et  de  sa  sage  con- 
duite. » 

ÉTAT  INTÉRIEUR  DU  PROTESTANTISME  EN  VIVARAIS  ET 
EN  VELAY.  ARRESTATIONS  DIVERSES.  ENLÈVEMENTS 
DE  JEUNES  FILLES.  DEUX  ÉVASIONS.  MARIAGES  DU 
DÉSERT  INQUIÉTÉS.  POURSUITE  DES  MINISTRES. 
PRISONNIERS    DE    VALLON  (1737-I738). 

A  cette  époque  les  protestants  du  Vivarais  étaient 
desservis  par  deux  pasteurs  :  Fauriel-Lassagne  et  Mo- 
rei-Duvernet  (ce  dernier  avait  été  consacré  à  Lausanne 
le  12  novembre  1736),  six  prédicateurs  ou  proposants, 
et  quatre  étudiants.  Jacques  Boyer  dit  Debos ,  consa- 
cré à  Lausanne  en  1733  ,  avait  dû  cesser  ses  fonctions 
le  25  avril  1737  pour  cause  de  santé. 

Les  proposants  étaient  chargés  d'instruire,  d'exhorter 
et  de  faire  respecter  la  discipline.  Les  plus  avancés  ré- 
citaient des  sermons  qu'ils  avaient  composés  eux-mê- 
mes, et  les  moins  avancés  des  sermons  étrangers  qu'ils 
apprenaient  par  cœur.  Les  uns  et  les  autres  étudiaient 


(1)  Ch.  Sagnier,  La  tour  de  Conslance,  p.  120-126.  Alex.  Lombard,  Isa- 
beau  Menet,  passiiu.  Arch.  de  l'Hérault.  C,  204. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I  i;q 

la  théologie  dans  les  traités  de  Pictet,  Pégorier ,  Bler- 
val  et  autres,  et  étaient  examinés  tous  les  six  mois  par 
les  pasteurs  de  la  province.  Pleins  d'ardeur  pour  leur 
vocation  et  généralement  intelligents,  ils  eussent  pu 
avancer  rapidement  dans  leurs  études  s'ils  n'avaient  été 
obligés  de  se  déplacer  sans  cesse,  de  préparer  leurs 
prédications,  d'exercer  la  discipline;  et  si,  d'autre  part, 
ils  eussent  eu  plus  d'argent  pour  acheter  des  livres. 

Les  étudiants,  plus  jeunes  que  les  proposants,  se  bor- 
naient à  faire  la  lecture  dans  les  assemblées.  Ils  accom- 
pagnaient d'ordinaire  un  pasteur  et  commençaient  géné- 
ralement leurs  études  par  le  Catéchisme  d'Ostervald , 
qu'ils  apprenaient  par  cœur  et  que  le  pasteur  leur  ex- 
pliquait. Ils  continuaient  par  le  grand  Catéchisme  de  Sau- 
rin  ou  celui  de  Plantier.  En  sus  du  catéchisme  quel- 
ques-uns,  mieux  doués,  apprenaient  le  latin.  Ces 
étudiants  constituaient  ce  qu'on  appelait  dans  le  Dau- 
phiné  des  écoles  ambulantes. 

Les  pasteurs,  les  proposants  et  les  étudiants  voya- 
geaient toujours  de  nuit ,  et  ne  se  faisaient  connaître 
qu'aux  personnes  en  qui  ils  avaient  une  pleine  con- 
fiance. 

Pour  ce  qui  est  des  assemblées,  voici  ce  qu'on  pra- 
tiquait à  leur  égard. 

Lorsqu'on  les  tenait  près  des  villes  ou  des  villages  , 
où  logeaient  d'habitude  des  gens  de  guerre,  on  plaçait, 
dans  le  voisinage  des  casernes,  des  hommes  sûrs  qui 
épiaient  les  mouvements  des  soldats;  et,  à  quelque  dis- 
tance de  l'assemblée,  d'autres  hommes  qui,  si  besoin 
était,  avertissaient  les  fidèles  de  l'approche  des  soldats. 

Si  c'était  un  simple  prédicateur  qui  présidait  l'assem- 
blée, il  faisait  réciter  aux  jeunes  gens,  après  le  sermon, 
le  catéchisme  d'Ostervald  et  leur  en  donnait  une  expli- 
cation simple  et  familière. 


l6o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Si  c'était  au  contraire  un  pasteur,  il  donnait,  après  le 
sermon,  la  communion  aux  fidèles  et  supprimait  le  caté- 
chisme pour  abréger  le  service. 

Les  fidèles,  suivant  la  recommandation  expresse  des 
synodes,  assistaient  sans  armes  aux  assemblées. 

Les  pasteurs  avaient  environ  cinquante  services  à 
présider  avant  d'avoir  fait  le  tour  de  toutes  les  Eglises 
du  Vivarais.  Ils  s'arrêtaient  généralement  deux  fois  par 
an  dans  le  même  lieu,  et  donnaient  toujours  la  commu- 
nion. Plus  tard,  quand  leur  nombre  se  fut  accru,  ils  pu- 
rent visiter  plus  souvent  leurs  troupeaux. 

Quant  aux  prédicateurs,  c'était  soixante  services  qu'ils 
avaient  à  présider  pour  épuiser  le  nombre  des  Eglises 
de  la  province.  Chacun  d'eux  devait  visiter  trois  fois  en 
six  mois  un  certain  nombre  d'entre  elles,  et  ceux  qui 
donnaient  un  nombre  moindre  de  prédications  étaient 
réputés  négligents  et  dignes  de  censure  ,  à  moins  qu'ils 
ne  fournissent  de  bonnes  raisons  pour  se  justifier. 

Pour  ce  qui  est  des  simples  fidèles  «  il  faut  obser- 
ver, »  dit  le  pasteur  Morel-Duvernet,  à  qui  nous  emprun- 
tons ces  intéressants  détails  ,  «  qu'il  n'est  aucun  protes- 
tant qui  fasse  des  actes  positifs  de  catholique  romain 
et  qui ,  par  exemple  ,  assiste  à  la  messe  ;  ou  ,  s'il  en 
est  de  tels ,  ils  sont  méprisés  par  tous  les  protestants 
fidèles  et  regardés  comme  des  lâches  et  des  tempo- 
riseurs. 

»  Il  faut  observer,  en  second  lieu,  que  les  vrais  pro- 
testants se  déclarent  publiquement  religionnaires ,  ou, 
comme  l'on  parle,  huguenots,  même  devant  les  magis- 
trats et  les  ecclésiastiques ,  avec  qui  les  particuliers  dis- 
putent dans  plus  d'une  occasion  sur  la  controverse. 
Pour  les  actes  positifs  de  la  religion  protestante  et  en 
particulier  les  assemblées  s'y  font  toutes  en  secret,  si 
l'on  en  excepte  la  prière  et  la  lecture  qu'il  est  permis  à 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  l6l 

chaque  famille  de  faire,  pourvu  qu'il  n'y  ait  point  d'étran- 
gers dans  la  maison. 

»  Remarquons,  en  troisième  lieu,  que  les  véritables 
religionnaires  ont  un  grand  empressement,  soit  pour  les 
livres  des  auteurs  protestants,  soit  pour  les  ministres.  — 
Pour  les  livres  d'abord,  et  ils  en  sont  si  avides  qu'ils  en 
achètent  à  un  fort  haut  prix  toutes  les  fois  qu'ils  en  trou- 
vent et  ils  en  demandent  tous  les  jours.  C'est  principa- 
lement la  jeunesse  qui  s'applique  avec  soin  pour  s'in- 
struire ,  et  à  cela  ne  contribuent  pas  peu  les 
encouragements  et  les  exhortations  des  pasteurs.  De- 
puis trois  ans  la  musique  a  fait  en  plusieurs  endroits  des 
progrès  considérables,  et  rien  n'y  est  plus  commun  que 
de  voir  des  personnes  de  dix  ou  douze  ans  de  l'un  et 
l'autre  sexe  chanter  très  bien  les  louanges  de  Dieu.  — 
Pour  les  pasteurs  ensuite,  car,  en  général,  ils  les  respec- 
tent beaucoup  et  s'estiment  heureux  de  les  voir,  de 
converser  avec  eux  et  de  les  loger  dans  leurs  maisons  : 
dispositions  infiniment  propres  à  rendre  leur  ministère 
efficace. 

»  Mais  autant  ils  ont  d'empressement  pour  la  religion 
et  les  ministres ,  autant  les  catholiques  romains  sont  ar- 
dents à  persécuter  les  uns  et  les  autres.  Cependant, 
pour  accuser  juste,  il  faut  distinguer...  Les  protestants, 
qui  vivent  dans  l'étendue  des  terres  de  l'évêque  du  Puy 
[François  Charles  de  Beringhen],  vivent  fort  en  repos 
parce  qu'il  s'en  trouve  éloigné  et  qu'il  se  mêle  peu  d'ail- 
leurs des  affaires  qui  regardent  les  religionnaires...  Ce 
qui  contribue  encore  à  cette  tranquillité,  c'est  qu'ils  ont 
des  ecclésiastiques  commodes ,  bons  vivants  et  qui 
usent  à  leur  égard  de  tolérance  et  de  support  ;  et  cela 
pour  deux  raisons  :  la  première,  c'est  que  le  nombre 
des  réformés  dans  bien  des  paroisses  est  supérieur  des 
deux  tiers  à  celui  des  catholiques  romains  ;  la  seconde, 
II.  11 


102  HISTOIRE  DES    PROTESTANTS 

c'est  que  les  protestants  leur  font  quelquefois  de  petits 
présents  et  tâchent  de  leur  rendre  à  l'occasion  quelques 
services  pour  se  les  rendre  favorables. 

)>  Mais  quelle  différence  entre  leur  état  et  celui  des 
fidèles  du  diocèse  de  Viviers,  qui  sont  en  plus  grand 
nombre  que  ceux  qui  se  trouvent  dans  les  deux  autres 
ensemble!  L'évêque ,  qu'on  nomme  M.  [François  Re- 
naud] de  Villeneuve  ,  qui  est  des  plus  bigots  et  des  plus 
ardents  persécuteurs  de  la  religion  protestante ,  fait 
payer  des  amendes  exhorbitantes  à  ceux  qui  n'envoient 
pas  leurs  enfants  à  la  messe  et  aux  instructions  de 
l'Eglise  romaine  :  amendes  qu'on  fait  monter  à 
vingt  francs  par  tête  tous  les  dimanches  et  tous  les  jours 
de  fête;  amendes  qu'on  a  exigées  depuis  1728  et  qu'on 
exige  actuellement  avec  la  plus  grande  rigueur  en  bien 
des  endroits.  On  laisse  à  penser  dans  quel  triste  état 
ces  concussions  réduisent  un  pauvre  père  chargé  de 
sept  ou  huit  enfants  et  médiocrement  partagé  des  biens 
de  la  fortune. 

))  La  malice  ne  se  borne  pas  encore  là.  Dans  toute 
l'étendue  de  son  diocèse  ,  il  fait  prendre  pour  les  cou- 
vents les  filles  des  chefs  de  famille  qui  ont  du  bien , 
oblige  ceux-ci  à  payer  leurs  pensions  et  met  en  oeuvre 
tous  les  moyens  imaginables  pour  rendre  celles-là  ca- 
tholiques, soit  par  le  moyen  des  religieuses,  soit  par  des 
missionnaires  ou  des  jésuites  (i).  On  ne  saurait  mar- 
quer ici  au  juste  le  nombre  de  celles  qui  ont  été  prises. 
Il  suffira  de  dire  qu'il  n'en  est  aucune  en  état  de  payer 
sa  dépense  qui  soit  oubliée.  On  les  prend  depuis  l'âge 
de  huit  ans  jusqu'à  quarante.  Si  les  ordres  pour  les  met- 


(i)  L'évêque  de  Viviers  «  a  déjà  exercé  des  cruautés  inouïes,  faisant  lui- 
môme  l'office  de  prévôt  en  plusieurs  occasions,  oix  il  a  marché  à  la  tête  des 
soldats  et  des  maréchaussées  »  {Lettre  de  Chatelayi  à  EL  Chiron,  du  7  fé- 
vrier 1131,  dans  la  Correspondance  historique  des  deux  Chirons). 


DU    VIVARAIS    ET    DU   VELAY.  163 

tre  au  couvent  leur  sont  signifiés  par  avance,  elles  pren- 
nent Je  parti  de  la  fuite.  C'est  ce  qu'un  grand  nombre 
ont  fait,  et  plusieurs  actuellement  sont  errantes  et  se 
cachent  dans  les  lieux  que  la  Providence  leur  fournit. 

»  On  pourrait  produire  ici  des  faits  capables  de  tou- 
cher de  compassion  et  d'amollir  les  cœurs   les  plus 
durs ,  si  l'on  voulait  faire  en  détail ,  et  avec  toutes  ses 
circonstances,  l'histoire  de  bien  des  jeunes  filles  qui 
se  sont   trouvées  dans  ce  cas.  Quelques-unes,   après 
s'être  cachées  plusieurs  mois ,  voyant  que  les  gens  de 
guerre  logeaient  chez  leurs  parents  et  achevaient  de  les 
rumer,  se  sont  vues  obligées  de  se  rendre  entre  les 
mains  de   leurs  persécuteurs.    D'autres,   en  plus   petit 
nombre,  parmi  mille  dangers,  sont  sorties  du  royaume. 
Des  troisièmes  se  sont  exposées  à  mourir  pour  s'éva- 
der   des    couvents,    sortant   avec    des  cordes   ou    se 
jetant  en    bas   par  des  fenêtres  d'une   hauteur  prodi- 
gieuse. Des  dernières  enfin,  continuellement  obsédées 
par  des  ecclésiastiques,  ont  de  bonne  foi  changé   de 
religion...  » 

Comme  illustration  du  récit  de  Morel ,  nous  racon- 
terons,  d'après  Lombard  (i),  l'évasion  merveilleuse  de 
deux  jeunes  filles  de  quatorze  à  quinze  ans  ,  M"«^  Ju- 
ventin  et  Françoise  de  Delhomme,  de  Royas,  qui  avaient 
été  enfermées  dans  un  couvent.  Ne  voulant  pas  consen- 
tir à  abjurer  leur  religion,  elles  résolurent  de  fuir.  C'était 
en  1737.  ((  Ayant  fait  des  cordes  avec  leurs  draps  de 
lit  et  les  ayant  fixées  aux  barreaux  de  la  fenêtre ,  les- 


(i)  Isabeau  Menet ,  p.  26,  27.  La  France  protestante  {2"  édit.,  vol.  V, 
col.  II 66}.  M"°  Delhomme  se  maria  à  Genève  avec  Balthazar  Dupuy,  ré- 
fugié de  Dieulefit  (Drôme),  et  leur  fils  unique  Jean-François  Dupuy,  avec 
Suzanne  Cholet.  Eiéonore  Dupuy,  née  de  cette  union,  épousa  Jean-Henry 
Kleffler,  de  Lindau  (Bavière).  Suzanne  Kleffler,  leur  fille,  qui  représente  la 
quatrième  génération,  s'est  mariée  avec  l'auteur  de  la  présente  Histoire. 


164  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

quels  étaient  heureusement  assez  espacés  pour  leur 
livrer  passage,  elles  descendirent  de  nuit  dans  le  jardin 
de  leur  prison...  Elles  le  firent  sans  accident  ;  elles  fran- 
chirent de  même  le  mur  d'enceinte,  s'échappèrent  ainsi 
et  se  réfugièrent  dans  les  bois...  Il  s'agissait  alors  pour 
elles  de  donner  de  leurs  nouvelles  à  leurs  parents. 
Comment  le  faire?  elles  n'avaient  ni  plume  ni  encre  à  leur 
portée.  Mais  le  malheur  rend  ingénieux;  elles  se  per- 
cèrent les  veines  avec  une  épingle  et  tracèrent  avec 
leur  sang  quelques  mots  sur  un  papier,  qu'un  messager 
[c'était  un  berger]  se  chargea  de  leur  transmettre.  On 
put  ainsi  pourvoir  à  leurs  besoins  et  leur  préparer  les 
moyens  de  fuir  en  pays  étranger.  Un  fidèle  domestique 
fut  chargé  de  les  accompagner  et,  comme  cela  avait  été 
pratiqué  dans  plus  d'une  occasion  pareille,  voiturées 
dans  des  tonneaux ,  elles  arrivèrent  heureusement  à  Ge- 
nève. » 

<(  Les  fidèles  religionnaires,  »  continue  Morel-Duver- 
net ,  «  qui  ont  fait  bénir  leur  mariage  aux  pasteurs  de 
l'Eglise  protestante  et  dont  le  nombre  monte  à  quinze 
ou  seize  cents ,  n'avaient  pas  été  extrêmement  persécu- 
tés jusqu'à  présent.  Mais  les  ecclésiastiques  romains , 
voyant  que  le  nombre  en  augmentait  tous  les  jours  , 
n'oubliaient  rien  pour  les  inquiéter,  soit  en  faisant 
marcher  des  hommes  pour  les  milices ,  soit  en  les 
faisant  mettre  en  prison ,  soit  en  obtenant  des  ordres 
pour  les  faire  séparer.  Cependant ,  malgré  tous  leurs 
efforts ,  le  plus  grand  nombre  de  ces  mariages  sont 
tranquilles,  et  il  y  en  a  même  qui  ont  produit  le  certifi- 
cat de  la  bénédiction  de  leurs  mariages  sans  qu'on  les 
ait  inquiétés. 

»  Si  telle  est  la  persécution  contre  les  protestants  en 
général,  on  peut  aisément  juger  ce  qu'elle  doit  être 
contre  les   ministres  en  particulier.    Ils    sont  regardés 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  165 

comme  les  premiers  moteurs  de  tout.  En  voilà  plus 
qu'il  n'en  faut  pour  leur  attirer  toute  la  haine  et  toutes 
les  violences  des  catholiques  romains  bigots  et  acharnés 
contre  la  religion.  C'est  à  eux  principalement  qu'on  en 
veut.  Espions  qui  les  guettent  en  divers  endroits  et  le 
jour  et  la  nuit ,  sollicitations  à  la  trahison ,  calomnies , 
promesses  de  compter  aux  délateurs  de  grosses  som- 
mes d'argent,  détachements  de  soldats  durant  la  nuit 
dans  les  terres  qu'on  soupçonne  leur  servir  de  refuge  : 
tout  est  mis  en  usage  pour  se  saisir  de  leurs  personnes 
et  pour  les  prendre;  et  il  semble  que  si  la  Providence 
les  conserve  au  milieu  de  tous  ces  dangers,  ce  n'est 
que  par  une  espèce  de  miracle. 

»  Après  tout  ce  qui  vient  d'être  dit ,  »  ajoute  Morel- 
Duvernet,  a  les  personnes  sensées  peuvent  juger  si  les 
protestants  du  Vivarais  peuvent  manquer  d'être  extrême- 
ment appauvris.  On  peut  le  dire ,  tout  concourt  à  les 
rendre  misérables  :  stérilité  de  pain,  petites  récoltes 
depuis  plusieurs  années,  surchargement  d'impôts, 
mihces ,  amendes ,  couvents ,  toutes  ces  choses  se 
réunissent  pour  les  réduire  dans  l'état  triste  où,  généra- 
lement parlant,  ils  se  trouvent  aujourd'hui.  Ne  peu- 
vent-ils pas  avec  bien  de  la  raison  tenir  le  langage  d'un 
prophète  :  Contemple^  et  voye^  s'il  y  a  une  douleur  pa- 
reille à  la  mienne  ?  On  laisse  à  penser  à  tous  les  gens 
équitables,  tendres  et  compatissants  aux  souffrances  des 
malheureux,  s'il  est  dans  l'Europe  des  hommes  dont  la 
situation  soit  plus  triste  ,  l'affliction  plus  cuisante  ,  la 
servitude  plus  dure  et  plus  digne  de  la  compassion  de 
tous  ceux  qui  aiment  leur  prochain  et  plus  encore  leurs 
frères  en  Christ.  » 

Morel-Duvernel,  dans  une  lettre  du  i8  mars  de  cette 
même  année  1737,  ajoute  que,  de  concert  avec  son 
collègue  Fauriel-Ladreyt,  ils  envoyèrent  en  Hollande 


l66  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

une  relation  de  douze  pages  sur  l'état  des  protestants 
du  Vivarais.  Il  est  vraisemble  que  cette  relation  n'est 
autre  que  le  mémoire  que  nous  venons  de  rapporter 
en  partie  (i). 

Son  contenu,  du  reste,  est  confirmé  par  une  lettre  de 
Jomaron,  subdélégué  de  Grenoble,  au  cardinal  Fleury 
à  la  date  du  6  juin  1737  :  «  On  me  mande,  »  lui  écrit-il, 
«  que  Monseigneur  l'évêque  de  Viviers  poursuit  avec  tant 
de  vivacité  les  religionnaires  de  son  diocèse  que  quel- 
ques-uns d'entre  eux  ont  été  forcés  d'en  sortir  et  sont 
venus  se  réfugier  en  Dauphiné ,  dans  les  lieux  de  Li- 
vron  et  de  Loriol,  qui  sont  peuplés  de  nouveaux  con- 
vertis (2).  » 

L'année  suivante  (1738),  le  curé  de  Vallon,  nommé 
Charay ,  qui  cherchait  toutes  les  occasions  de  nuire 
aux  protestants,  si  bien  que  l'évêque  de  Viviers  lui- 
même  ,  auprès  de  qui  on  avait  porté  plainte  à  son  sujet, 
décida  de  le  changer  de  paroisse,  voulut,  avant  de  partir, 
«  donner  entièrement  l'essor  à  sa  haine  implacable ,  » 
et  dénonça  au  sieur  de  La  Veissière ,  capitaine  au 
régiment  de  Cambresis  ,  commandant  à  Vallon,  une  as- 
semblée qui  se  tenait  dans  la  nuit  du  4  au  5  mars  dans 
le  «  bois  de  Vallon  et  aux  environs  d'une  caverne  appelée 
La  Baume  Tranchade.  »  Quatre  cents  personnes  environ 
y  assistaient.  Le  capitaine  arrêta  près  de  la  grotte 
Louise  Peschier  (femme  de  Pouget-Silhol),  Marie  Pou- 
get  sa  fille,  Marguerite  Dugas  (femme  de  Jacques 
Peschaire) ,  qui  avait  un  enfant  à  la  mamelle,  et  chez 
eux,  parce  qu'ils  ne  se  trouvaient  pas  cette  nuit  dans 
leurs  maisons  :  Claude  Salavert,  François  Alzas,  Fran- 
çoise  Massot  (femme  d'Antoine  Ollier,  chirurgien) ,  et 

(i)  ReAniion  dressée  pur  Morel   dit  Duverncl  (Ms.  Court,  n"  17,  t.  B  ; 
11»  I,  t.  XI). 
(2)  A.  Champollion-Figeac,  Ghron.  Dauph.,  i''  période,  p.  166. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  167 

Jean  Silhol  (fils  de  David  Silhol).  Par  ordonnance  du 
24  suivant  de  de  Bernage,  intendant  du  Languedoc,  le 
subdélégué    Dupuy ,    de    Villeneuve-de-Berg,    fit    des 
informations.   Les  sept  prisonniers  avaient  été  écroués 
au  château  de  Beauregard ,  dès  le  i6  mars  ,  sur  les  in- 
stances de  Charay.    Ils  y  languirent  neuf  mois  et  demi 
«  dans  la  dernière  misère.   »  Les  hommes  furent  ren- 
fermés   dans    des   basses   fosses,    et    François    Alzas 
reçut  de  d'Enerville,  officier  du   régiment  dauphin  et 
commandant  du  château ,  des  coups  de  canne  en  grand 
nombre    parce    qu'il    chantait    des   psaumes.    M™®  de 
Brizieux,  sœur  de  Jean  de  La  Baume,  comte  de  Vallon, 
s'efforça  d'adoucir  la  captivité  des  prisonniers  en  leur 
envoyant  de  Valence,  où  elle  résidait,  des  vivres,   des 
matelas  et  autres  objets  mobiliers.  Le  comte  de  Vallon, 
qui  était  capitaine  des  gardes  françaises  et  demeurait  à 
Paris,  adressa,  aussi  en  faveur  de  ses  vassaux,  un  pla- 
cet  au  comte  de  Saint-Florentin.  Eux-mêmes  demandè- 
rent leur  élargissement,  vers  la  fin  de  l'année,  à  l'inten- 
dant,   qui    rendit    son    jugement    le    4    janvier    1739. 
Françoise  Massot  et  Jean  Silhol  ,  qui  n'avaient  pas  as- 
sisté à  l'assemblée  (le  second  avait  été  pris  pour  son 
père),  furent  renvoyés  des  fins  de  la  plainte.  Pour  les 
autres,    Bernage   décida    qu'il   serait   plus   amplement 
informé  et  qu'ils  demeureraient  en  prison  encore  un  mois. 
Quant  aux  communautés  de  Lagorce  et  de  Vallon,  com- 
posant l'arrondissement  de  ce  dernier  lieu,  elles  eurent 
à  supporter  400  livres  d'amende  et  478  1.  6  s.  4  d.  de 
frais. 

Un  sieur  Durand,  de  Vais,  était  détenu  vers  le 
même  temps  au  château  de  Beauregard,  parce  qu'il  avait 
fait  bénir  son  mariage  au  désert  par  un  ministre.  Il  de- 
meura en  prison  trente-quatre  mois,  dont  douze  dans 
une  basse  fosse.  Il  sortit  sur  un  ordre  de  Ladevèze.  Sa 


l68  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

femme  fut  mise  à  la  tour  de  Constance ,   où  elle  était 
encore  en  mai  1742  (i). 

ARRESTATION  ET  MORT  TRAGIQUE  DU  PASTEUR  MOREL- 
DUVERNEt(i4,  15  FÉVRIER  I739).  CONDAMNATION 
DE    SES    CO-DÉTENUS  (8   FÉVRIER    I740). 

Les  pasteurs  Morel-Duvernet  et  Fauriel-Ladreyt,  qui 
venaient  de  raconter  d'une  façon  si  touchante  la  dou- 
loureuse situation  qui  leur  était  faite  par  leurs  persécu- 
teurs, ne  se  doutaient  pas  qu'ils  en  seraient  bientôt  les 
victimes. 

Le  samedi  14  février  1739,  Anne  Rochebilliére,  veuve 
de  Jacques  Antoine  Ladreyt,  tanneur  de  Lamastre , 
dont  le  fils  passait  pour  un  espion ,  après  avoir  blanchi 
du  linge  pour  Louise  Peyron,  âgée  de  quarante-quatre 
ans  et  fille  d'un  ménager  de  Lamastre ,  avertit  le  sieur 
Dumas,  curé  de  Macheville,  paroisse  très  rapprochée 
de  ce  dernier  lieu,  qu'un  ministre  (c'était  Duvernet) 
devait  être  logé  chez  cette  veuve.  Sans  tarder,  Dumas 
en  informa  par  lettre  un  gentilhomme  de  Lamastre , 
nommé  Jean  de  Reboulet,  seigneur  de  Durbilhac,  qui 
commandait  une  compagnie  de  paysans.  La  lettre  était 
anonyme,  mais  Durbilhac  reconnut  l'écriture  du  curé  et 
courut  chez  lui.  Après  un  court  entretien,  Dumas  fit  ar- 
mer son  frère,  qui  était  apothicaire ,  tandis  que  Durbil- 
hac requérait  l'assistance  du  nommé  Saignard  et  donnait 
l'ordre  à  Chalavons,  voisin  delà  Peyrone,  de  faire  bonne 


(i)  F a.Us  Arrives  en  Viuarez  (Ms.  Court,  n"  17,  t.  R).  LeUre  de  ChatcUin 
à  El.  Chiron,  du  27  janvier  1139  (Correspond,  histor.  des  deux  Chirons). 
Ollier  de  Marichard,  Essui  historique  sur  les  seigneurs  de  Vallon,  elc, 
p.  2Ç,  26.  Requête  de  François  Alzas,  Marguerite  Dugas  et  autres  à  l'in- 
tenda^it  du  Languedoc  (ms.) ,  communiqué  par  M.  Ollier  de  Marichard. 
Arch.  de  l'Hérault,  C,  20J. 


DU    VIVARAIS    ET   DU   VELA.Y.  169 

garde  autour  de  la  maison  de  cette  dernière,  pendant 
que  lui  même  irait  demander  au  père  Ponsonnel,  syndic 
du  collège  du  Puy,  qui  se  trouvait  pour  lors  au  prieuré 
des  jésuites  de  Macheville,  d'envoyer  quatre  hommes 
sur  les  lieux.  Une  heure  après,  Chalavons  fit  dire  à  la 
cure  qu'il  venait  d'apercevoir  le  ministre  une  serviette 
au  col  et  un  plat  à  barbe  à  la  main,  jetant  de  l'eau  par  la 
porte.  Durbilhac  prend  aussitôt  avec  lui  le  notaire 
Gourbis,  procureur  juridictionnel  de  Lamastre,  le  sieur 
de  Girons ,  châtelain  du  même  lieu  ,  et  trois  autres  ,  et 
va  frapper  à  la  porte  de  la  veuve  Peyron,  qui  lui  ouvre. 
Gomme,  au  même  instant,  on  crie  du  jardin  que  le  minis- 
tre soulève  le  couvert  pour  s'échapper,  Gourbis  s'élance 
dans  le  galetas,  trouve  le  ministre  sur  un  tas  de  fagots 
et  courbé  sur  le  toit  pour  faire  sauter  les  planches ,  le 
saisit  et  l'amène  à  Durbilhac,  en  disant  :  <(  Voilà 
l'homme.  »  On  lui  fit  alors  mille  insultes.  «  On  lui  cra- 
chait au  visage,  »  dit  le  mémoire  de  M"^  Ghatelan , 
«  on  lui  tournait  sa  perruque,  »  et  Durbilhac  s'empara 
de  ses  papiers,  de  sa  montre  et  de  son  argent.  LaPey- 
rone  fut  aussi  arrêtée  avec  Matthieu  JVTorel,  neveu  et 
élève  de  Duvernet,  et  âgé  seulement  de  quinze  ans. 
Puis ,  quand  on  eut  garotté  les  trois  prisonniers  et  pillé 
la  maison  de  la  Peyrone,  qui  était  riche,  on  les  en- 
ferma dans  le  prieuré  des  jésuites.  Quant  au  fils  et  à  la 
fille  de  M.  Ghazal ,  de  Lamastre,  qui  étaient  aussi  avec 
Duvernet,  ils  furent  assez  heureux  pour  s'échapper, 
ainsi  que  l'apothicaire  Antoine  Gluzel ,  dit  La  Blache, 
qui  était  venu  raser  ce  dernier. 

Duvernet  fut  admirable  de  résignation  et  de  douceur. 
((  On  m'a  arrêté,  »  disait-il,  »  on  a  arrêté  aussi  Durand, 
on  en  arrêtera  bien  d'autres  ,  parce  qu'il  ne  manque  pas 
de  ministres.  »  Puis  le  curé  Dumas  lui  ayant  demandé 
d'un  air  de  mépris  s'il  savait  quelque  chose,  le  pasteur 


170  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

lui  répondit  :  «  Vous  devez  bien  juger  que  je  n'occupe- 
rais pas  Ja  place  que  je  tiens  sans  savoir ,  puisque  je 
suis  ministre  par  la  grâce  de  Dieu ,  que  j'ai  reçu  l'im- 
position des  mains  et  n'ai  été  envoyé  en  Vivarais  que 
pour  les  fonctions  de  pasteur.  »  Le  curé  ayant  répliqué 
que  les  assemblées  ne  tendaient  qu'à  la  révolte,  Duver- 
net  se  borna  à  sourire. 

De  l'argent  fut  offert  aux  sentinelles  qui  gardaient  le 
prisonnier  pour  le  laisser  sauver,  mais  on  ne  put  les  sé- 
duire ;  et,  le  lendemain,  Duvernet,  son  neveu  et  la  Pey- 
rone  ,  partirent  pour  Tournon ,  montés  sur  des  chevaux 
et  conduits  par  Durbilhac,  escorté  de  trente  à  quarante 
paysans.  Une  foule  considérable  de  religionnaires  se 
portèrent  sur  la  route  pour  le  voir  et  le  saluer  une  der- 
nière fois;  des  sources  catholiques  disent  que  c'était 
pour  l'enlever  dans  les  vallons  qui  avoisinent  Lamastre , 
mais  cela  paraît  peu  vraisemblable. 

Arrivés  à  Colombi  le  jeune,  autrement  dit  aux  Croix, 
à  deux  lieues  environ  de  Tournon,  la  troupe  voulut  se 
rafraîchir  et  entra  dans  un  cabaret,  à  l'exception  de  trois 
hommes  ,  restés  dehors  pour  garder  Duvernet ,  qui 
n'avait  pas  voulu  se  joindre  aux  buveurs.  Pendant  que 
la  troupe  ne  songeait  qu'à  se  désaltérer ,  le  sergent  ou 
huissier  Pierre  Ducros,  au  bras  duquel  on  avait  attaché 
le  ministre  pour  plus  de  sûreté,  ému  de  compassion  en- 
vers lui,  lui  prête  un  couteau  pour  couper  sa  corde,  et 
il  s'échappe  ;  mais  les  deux  autres  hommes  de  garde 
crient  sur  le  champ  :  au  secours  !  Durbilhac  sort  avec 
ses  paysans,  commande  le  feu  ,  fait  feu  lui-même  et  le 
malheureux  Duvernet  tombe  frappé  de  trois  balles  :  une 
à  la  tête,  l'autre  à  l'épaule  et  la  troisième  aux  reins. 
Quand  on  l'eut  relevé  de  terre ,  sa  première  parole  fut 
pour  pardonner  à  ses  meurtriers,  puis  il  fit  sa  prière.  On 
le  mit  ensuite  sur  un  cheval  pour  qu'il  pût  continuer  sa 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I7I 

route,  mais  il  ne  vécut  pas  plus  d'une  demi-heure. 
Transporté  à  Tournon ,  on  jeta  son  cadavre  dans  une 
basse  fosse  en  compagnie  de  la  Peyrone  et  d'un  petit 
chien  qui  appartenait  à  cette  dernière.  Quant  à  Morel 
neveu ,  il  fut  enfermé  dans  un  autre  cachot.  Le  lende- 
main, on  enterra  le  corps  du  martyr  au  pied  d'une  croix 
au  bord  du  Rhône  et  on  lui  donna  pour  chevet  le  petit 
chien ,  qu'on  eut  la  cruauté  de  jeter  tout  vivant  dans  la 
fosse.  Les  misérables,  qui  vaquaient  à  cette  lugubre 
cérémonie,  disaient  par  manière  de  plaisanterie  que  le 
ministre  aurait  de  quoi  manger  et  boire  et  qu'on  en- 
terrait deux  bêtes  à  la  fois.  Quant  à  Ducros,  il  fut 
arrêté. 

Si  les  deux  compagnons  de  Duvernet  n'avaient  pas 
dit  que  le  défunt  était  ministre,  ses  meurtriers  ne  l'au- 
raient jamais  su.  On  crut  même  dans  le  public  que  c'était 
le  prédicateur  La  Vertu. 

«  La  Peyrone  et  le  petit  Morel,  »  dit  M'^^  Chatelan, 
«  furent  interrogés  par  [Robert]  Dumolard,  [subdélégué 
de  l'intendant]  (i),  et,  afin  de  faire  parler  ce  jeune 
homme,  Dumolard  le  fît  pendre  par  les  cheveux  à  un 
plancher  et  deux  soldats  avaient  ordre  de  le  faire  pi- 
rouetter de  temps  en  temps.  On  lui  fit  soufTrir  des  tour- 
ments horribles.  Sa  tête  en  fut  toute  écorchée.  Dans 
les  tourments  il  dit  tout  ce  qn'on  voulut ,  mais  il  se  ré- 
tracta après.  La  Peyrone  fut  fort  maltraitée  aussi, 
mais  en  paroles.  Elle  ne  convint  pas  d'avoir  logé 
M.  Duvernet  en  qualité  de  ministre  ,  mais  seulement 
comme  étranger  et  comme  passant.  » 

«  De  Tournon,  la   Peyrone,    Morel  et  Ducros,   » 


(i)  C'était  le  fils  de  l'ancien  subdélégué  Saint-Ange-Robert  Dumolard.  Le 
Dumolard  actuel  était  bailli  du  comté  de  Tournon ,  conseiller  du  roi  au  sé- 
néchal et  présidial  de  Nîmes,  et  seigneur  de  Châteauneuf. 


172  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

dit  un  autre  document ,  «  furent  conduits  à  Beauregard 
et  les  deux  premiers  mis  dans  deuxcrotons  (i)  séparés. 
Peu  de  jours  après,  on  arrêta  M'^*' Chazal  [Françoise 
Fontbonne,  veuve  'de  Jean-François  ChazaI],  et  Broé 
[Jacques  François] ,  ancien  notaire  de  Lamastre.  La 
première  était  accusée  d'avoir  donné  retraite  à  M.  Du- 
vernet,  et  M.  Broë  de  l'avoir  accompagné.  Pour  le 
même  sujet  furent  arrêtés  M.  Dunière  [Paul],  père,  âgé 
de  quatre-vingt  quatre  ans,  [domicilié  à  la  Roche,  près 
Saint- Agrève],  et  fort  incommodé,  Dunière  [Pierre]  fils, 
et  une  fille  du  même,  nommée  Marguerite,  accusée 
d'intelligence  avec  M.  Duvernet  ;  et  enfin  fut  arrêté  Mo- 
rel  [Jean],  frère  de  M.  Duvernet,  qui  fut  le  plus  mal- 
traité. Il  fut  enfermé  l'espace  de  trois  mois  dans  un  cro- 
ton,  pas  élevé  de  trois  pieds  et  fort  étroit,  qui  était  rem- 
pli de  vers.  La  chaleur,  la  pourriture,  les  excréments 
en  faisaient  une  fournaise  ardente.  On  ne  saurait  se  re- 
présenter tout  ce  que  ce  malheureux  eut  à  souffrir.  »  Un 
jour  on  alla  jusqu'à  lui  donner  pour  compagnon  un  bri- 
gand de  grand  chemin  qui  fut  roué  vif.  On  apporta  pour- 
tant quelque  adoucissement  à  ses  maux  ,  grâce  aux  sol- 
licitations d'une  dame  qui,  touchée  de  son  triste  état, 
pria  M.  Dupont-Balles,  qui  demeurait  à  Soyons,  de 
s'intéresser  à  son  sort.  Le  jeune  Morel  fut  laissé  huit 
jours  dans  le  croton  oij  on  l'avait  enfermé.  Il  priait  et 
chantait  les  louanges  de  Dieu ,  et  dit  un  jour  à  Dumo- 
lard  :  «  Vous  croyez  de  m'avoir  fait  enfermer  dans  les  té- 
nèbres ,  mais  la  clarté  de  Dieu  resplendit  tout  autour 
de  moi.  » 

L'intendant  de  Bernage  fit  traduire  les  prisonniers  à 
MontpeiHer  et  les  jugea  le  8  février  1740.  Le  jeune 
Morel   fut  condamné  aux  galères   perpétuelles  (on   le 

(i)  Cachots  bas  et  obscurs. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  173 

libéra  vingt  et  un  ans  plus  tard,  en  février  1761,  avec 
défense  de  s'établir  dans  le  Languedoc) ,  et  la  Peyrone 
à  être  rasée  et  enfermée  sa  vie  durant  à  la  tour  de  Cons- 
tance. La  mémoire  de  Duvernet  fut  déclarée  «  éteinte, 
supprimée  et  condamnée  à  perpétuité  ;  »  ses  livres  et 
papiers  furent  livrés  au  feu,  et  les  biens  de  tous  confis- 
qués, à  l'exception  d'un  tiers  réservé  aux  enfants. 

La  veuve  Chazal ,  convaincue  d'avoir  favorisé  la  re- 
traite et  le  séjour  de  Duvernet  et  assisté  à  ses  assem- 
blées à  Lamastre,  dût  payer  100  livres  d'amende  et  su- 
bir Tadmonestation,  De  nouvelles  informations  furent 
décrétées  à  l'égard  de  Louis  Chazal,  son  fils,  Marie 
Chazal,  sa  fille,  Antoine  Cluzeldit  La  Blache,  chirurgien, 
Broë,  notaire,  et  Pierre  Dunière  fils.  Les  trois  pre- 
miers étaient  contumaces.  Les  deux  autres  ne  sortirent 
de  la  citadelle  de  Montpellier  que  le  8  février  1740.  Du- 
besset,  Callon ,  Morel  dit  de  Châteauneuf,  autres  con- 
tumaces, furent  décrétés  d'arrestation  et  leurs  biens 
confisqués  au  cas  011  ils  ne  se  rendraient  pas  en  prison. 
Enfin  une  amende  de  3,000  livres,  applicable  aux  dé- 
nonciateurs et  aux  frais  des  arrestations,  fut  imposée  sur 
les  protestants  de  Desaignes ,  Lamastre,  Macheville, 
Retourtour,  Saint-Bazile,  La  Bâtie  et  Saint-Jeure  d'An- 
daure  ,  constituant  l'arrondissement  de  Desaignes. 

Quant  au  sergent  Ducros ,  Paul  Peyron ,  valet  de  la 
veuve  Chazal,  Paul  Dunière  père,  Marguerite  Dunière, 
sa  fille ,  Jean  Morel,  de  Meyfresches,  frère  du  pas- 
teur ,  ils  furent  relaxés ,  et  mis  hors  de  cour  et  de  pro- 
cès (i). 

Duvernet  était  le  cousin  de  Pierre  Peirot,  qui  étudiait 


(i)  Lettre  de  Mad.  Chatelan,  du  13  mars  1139  (Correspondance  histori- 
que des  deux  Chirons).  Lettre  de  La  Vertu,  du  22  février  1139  (Ms.  Court, 
n»  17,  vol.  F).  Faits  arrivés  en  Vivarez  (Ms.  Court,  n°  17,  t.  R).  Arch.  de 
l'Hérault,  C,  207.  Arch.  nat.,  TT,  n5.  ?î6. 


I  74  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

la  théologie  pour  lors  à  Lausanne  et  qui  devint  un  des 
pasteurs  les  plus  distingués  du  Vivarais. 

Les  3,000  livres,  qu'il  plut  au  roi  d'accorder  à  ceux 
qui  dénoncèrent  Duvernet  ou  s'employèrent  à  sa  cap- 
ture ,  furent  ainsi  réparties  à  la  fin  de  l'année  1741  : 
Au  sieur  Durbilhac  1500  1. 

A  la  nommée  Anne  Rochebillière  200 

Au  sieur  de  Girons  et  à  son  fils  300 

Au  sieur  Dubuisson,  juge  300 

Au  sieur  Gourbis  300 

Au  sieur  Dumas  300 

Aux  paysans  de  Lamastre.  100 

Total  3,000  1. 

ARRESTATION  ET  FIN  TRAGIQUE  DU  PASTEUR  FAURIEL- 
LASSAGNE  (7-I4  aOUT  I739).  CONDAMNATION  DE  SES 
CO-DÉTENUS  (9    FÉVRIER  I740). 

Le  pasteur  Fauriel-Lassagne,  quelques  mois  après  la 
mort  de  Duvernet ,  fut  trahi  par  une  petite  fille  de  Bof- 
fres,  nommée  Gatin  Bouchon,  âgée  de  sept  à  huit  ans, 
que  le  sieur  David  Espinas  de  Bounet .  paroisse  de 
Saint-Félix  de  Ghâteauneuf,  gardait  chez  lui  par  charité. 
Elle  raconta  à  la  femme  d'Hairaud,  voisine  de  ce  der- 
nier, qu'il  y  avait  chez  elle  un  monsieur  et  une  demoi- 
selle, qu'on  tenait  enfermés  dans  une  chambre  et  qu'on 
appelait  M.  et  M™*  Lassagne.  Sur  cette  nouvelle,  la 
femme  d'Hairaud  court  avertir  son  mari,  qui,  à  son  tour, 
prévient  un  nommé  Gasier  et  Desboze ,  curé  et  prieur 
de  Saint-Félix  de  Ghâteauneuf,  qui  avait  déjà  contribué 
à  la  capture  de  Durand.  Ce  dernier  se  rend  à  l'instant 
à  Vernoux ,  demande  des  soldats  au  commandant  et , 
sur  le  refus  de  cet  officier  de  lui  en  confier  avant  la  nuit, 
fait  conduire  son  cheval  dans  un  bois  de  chênes,  appar- 


DU    VIVARAIS   ET    DU    VELAY.  I75 

tenant  au  juge  Sanglier  et  situé  à  Floreton,  à  un  quart 
d'heure  de  Vernoux.  Feignant  après  cela  de  l'avoir 
perdu  ,  il  met  en  campagne  une  quarantaine  de  paysans 
soi-disant  pour  le  chercher,  mais  en  réalité  pour  garder 
toutes  les  avenues  des  chemins  par  où  Lassagne  pouvait 
passer,  au  cas  oij  on  l'aurait  averti  des  desseins  tramés 
contre  lui. 

Le  soir  étant  venu  (c'était  le  7  août  1739),  à  la  tête 
de  deux  compagnies  de  soldats  mises  à  sa  disposition , 
il  cerne  la  maison  d'Espinas  sur  les  dix  heures,  frappe 
à  la  porte  et,  entrant  sans  désemparer  avec  le  capi- 
taine, il  demande  où  est  le  ministre.  Sur  la  réponse 
qu'on  lui  fait  qu'il  n'y  en  a  point  dans  la  maison  ,  il  se 
met  à  la  fouiller  (c'était  un  moulin),  et,  entendant  tom- 
ber une  pierre  dans  la  cheminée  du  pressoir  à  huile  ,  il 
se  met  à  crier  :  «  Le  ministre  se  sauve  par  le  toit  de  la 
maison,  tirez-lui  dessus.  »  Lassagne  avait  en  effet  passé 
par  cette  cheminée  pour  gagner  le  toit.  A  l'ouïe  de 
ces  paroles,  les  soldats  firent  une  décharge  générale, 
mais  une  seule  balle  atteignit  Lassagne  sous  la  mam- 
melle  droite,  au  moment  où  il  essayait  de  se  saisir  d'une 
branche  de  mûrier  pour  descendre  à  terre.  Il  n'en  fut 
pas  moins  grièvement  blessé  et  tomba  baigné  dans  son 
sang  sur  le  toit  du  moulin.  On  le  descendit  presque  ina- 
nimé dans  la  maison,  où  il  reprit  connaissance,  mais  on 
ne  put  le  conduire  à  Vernoux  qu'au  point  du  jour, 
parce  qu'il  fallut  faire  venir  de  ce  lieu  l'apothicaire  Jac- 
ques Moulin  pour  arrêter  le  sang  qui  coulait  de  sa 
blessure. 

Cependant  les  soldats  se  mirent  en  devoir  de  se  sai- 
sir de  tous  les  gens  qu'ils  trouvèrent  dans  la  maison , 
savoir  Paule  Escoulens,  femme  de  Lassagne ,  native  de 
Saint-Vincent  de  Durfort  et  enceinte  ;  David  Espinas  , 
père;  Suzanne  Bravais,   sa  femme,  de  Saint- Félix-de- 


176  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

Châteauneuf  ;  Jean-Pierre  Espinas ,  son  fils,  procureur 
ou  praticien  de  la  même  paroisse,  âgé  de  quarante-deux 
ans  ;  Anne  Lapra ,  sa  femme  ;  enfin  la  jeune  fille  qui 
avait  dénoncé  le  ministre.  On  les  fît  partir  le  lendemain 
matin  et  on  les  enferma  dans  la  caserne  de  Vernoux , 
oij  fut  également  amené  Lassagne.  Badon,  juge  et  maire 
de  Vernoux,  posa  diverses  questions  à  ce  dernier  sur 
ses  nom,  prénom  et  profession,  et,  lorsqu^il  eut  de- 
mandé à  sa  femme  ce  qui  l'avait  décidée  à  épouser  un 
ministre,  elle  répondit  que  «  l'ordre  qu'on  avait  donné 
pour  la  faire  mettre  dans  un  couvent ,  joint  aux  soins 
que  les  dragons  de  la  maréchaussée  avaient  pris  pour  la 
capturer ,  lui  avait  fait  prendre  le  parti  de  la  fuite ,  et 
que ,  dans  sa  retraite ,  elle  avait  trouvé  ce  ministre  et 
qu'ils  s'étaient  mariés  ensemble.  »  Leur  mariage  avait 
été  béni  par  Duvernet. 

Quand  Lassagne  eut  un  peu  repris  ses  forces  ,  on  le 
porta  sur  un  brancard  à  Tournon,  suivi  des  autres  pri- 
sonniers et  escorté  de  trois  compagnies  de  soldats 
qu'on  avait  fait  venir  de  ce  lieu.  L'apothicaire  Moulin 
l'accompagna  jusque  là,  et  le  remit  entre  les  mains  de 
deux  médecins,  à  qui  Ladevèze  le  recommanda  expres- 
sément. 

«  L'arrivée  de  ce  triste  convoi  étant  sue  à  Tournon  , 
depuis  plus  de  vingt-quatre  heures,  »  dit  Fauriel-Ladreyt, 
frèrecadetduprisonnieretpasteurdepuis  1737,  «plusieurs 
messieurs  et  dames  leur  vinrent  au  devant  à  la  porte  de 
la  ville.  M.  Ladevèze,  étant  de  ce  nombre,  s'avança  le 
premier  vers  mon  cher  frère  et  lui  dit  :  «  Vous  êtes  ici, 
mon  pauvre  Lassagne  ,  je  suis  mortifié  de  vous  voir  en 
cet  état  ;  n'ayez  point  peur  de  moi,  je  ne  suis  pas  aussi 
méchant  que  les  gens  le  disent.  »  En  effet,  jamais 
homme  de  son  ordre  n'avait  été  aussi  bon  envers  des 
prisonniers  tels  que  ceux-ci ,  qu'il  l'a  été  lui-même.   Il 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  1 77 

les   fit  traduire  tous    ensemble  dans   une  chambre  du 
château  ,  où  ils  restèrent  de  même  jusqu'à  la  mort  de 
mon  cher  frère.  Il  les  aurait  peut-être  bien  séparés,  mais 
soit  qu'il  craignit  que  ma  chère  belle-sœur  ne  se  blessât, 
soit  qu'il  fût  réellement  ému  de  compassion  envers  eux 
et  qu'il  fût  bien  aise  qu'elle  servît  son  cher  mari ,  il  les 
laissa  ensemble,  et,  à  leur  occasion,  tous  les  autres  y 
restèrent  aussi;  ce  qui  a  été  pour  eux  un  grand  sujet  de 
joie    et    de   consolation.    M.     Ladevèze    fit   apporter 
exactement  de  chez  lui  tous  les  bouillons,  dont    mon 
cher  frère  et  sa  chère  femme  pouvaient  avoir  besoin.  Il 
leur  fit  aussi  plusieurs  visites,  de  même  que  M.  Dumo- 
lard,  mais  jamais  ils  ne  les  chagrinèrent  en  rien.  M.  Du- 
molard  se  contenta  de  dire  une  seule  fois  à  mon  frère  , 
et  encore  il  ne  le  dit  qu'en  badinant  :   «  Eh  bien  !  mon 
roi  (M.  Ladevèze  et  M,  Dumolard  lui  dirent  toujours  : 
mon  roi ,  et  à  ma  belle-sœur  :  ma  reine),  n'auriez-vous 
pas  besoin  de  quelque  consolation;  mais,  à  propos  de 
consolation ,  vous  pourriez  peut-être  encore  consoler 
les  autres.  »  Depuis  cette  heure  personne  ne  lui  dit  plus 
rien,  et  encore  n'était-ce  pas  pour  lui  faire  de  la  peine. 
On  le  laissa  mourir  tranquille  le  14  [août,  à  trois  heures 
du  soir],  le   neuvième  de  sa  blessure  et  de  sa  prise, 
après  avoir  recommandé  sa  chère  femme  à  M.   Lade- 
vèze ;  et  on  l'enterra  autant  honorablement  qu'on  l'au- 
rait fait  quand  on  ne  l'aurait  point  regardé ,  ni  comme 
un  rebelle  aux  ordres  du  roi ,  ni  comme  prisonnier.  Ma 
belle-sœur  lui  fit  faire  une  bière,  lui  mit  une  chemise, 
et  M.  Ladevèze  donna  un  drap  de  toile  fine  pour  l'en- 
velopper. On  l'enterra  auprès  de  feu  M.  Duvernet.  » 

Ladevèze ,  en  informant  l'intendant  du  Languedoc,  le 

9  août,  de  la  prise  de  Lassagne,  lui  rendit  le  plus  beau 

témoignage  sans  le  vouloir.  «  Cet  homme,  »  lui  dit-il, 

<(  d'une  assez  jolie  figure,  avec  beaucoup  de  douceur  dans 

II.  12 


178  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

la  parole,  s'était  fort  accrédité,  depuis  la  mort  de  Durand, 
dans  l'esprit  de  nos  religionnaires,  même  dans  le  Dau- 
phiné  et  dans  les  Cévennes,  oij  il  faisait  de  fréquents 
voyages.  Je  ne  doute  pas  qu'il  ne  soit,  dans  ces  deux 
pays,  aussi  regretté  qu'il  me  paraît  l'être  dans  celui-ci. 
Son  aventure  a  donné  un  spectacle  qui  nous  a  fait  con- 
naître combien  ils  sont  sensibles  à  sa  capture.  » 

«   D'abord  que  mon  cher  frère  fut  enterré,  »  continue 
Fauriel-Ladreyt,  «  ma  belle-sœur  fit  teindre  ses  habits, 
et,  quand  ils  furent  prêts,  M.  Ladevèze  lui  donna  deux 
pièces  de  vingt-quatre  sous,  et  on  la  fit  partir  pour  Beau- 
regard  avec  ses  compagnes  de  prison ,    tant  hommes 
que  femmes,  et,  depuis  qu'elle  y  est,  il  est  venu  deux 
fois  un  chirurgien  de  sa  part  pour  la  saigner.  Le  com- 
mandant du  château,   M.  de  La  Roue,   les  soldats  et 
en  général  tous  ceux  qui  l'abordent,  ont  pour  elle  tou- 
tes les  attentions  qu'ils  pourraient    avoir,    non   seule- 
ment pour  une  dame  ,  mais  pour  une  princesse  si  elle 
était  constituée  prisonnière.  Elle  a  toute  liberté  pendant 
le  jour  au  château,  au  jardin,  à  la  basse-cour,  à  l'excep- 
tion des  remparts ,  dont  les  clédats  (portails)  sont  bor- 
dés par  la  garnison  ;  et  la  nuit  elle  a  une  chambre  qu'elle 
peut  fermer  et  ouvrir  quand  bon  lui  semble.   Elle  peut 
de  même  coucher  avec  qui  elle  veut  des  prisonnières, 
ou  des  filles  qui  vont  lui  faire  visite;  et  tous  ceux  qui 
vont  voir  les  prisonniers  peuvent  rester  avec  elle  en  par- 
ticulier et  en  public  aussi  longtemps  qu'ils  le  souhaitent. 
On  peut  dire ,  en  un  mot ,  que  jamais  prisonniers  pour 
la  religion  n'avaient  été  moins  gênés  qu'on  l'est  à  Beau- 
regard  depuis  l'arrivée  de  ma  chère  belle-sœur  et  de 
ses  compagnons.  Aussi,  béni  soit  le  Seigneur,  personne 
ne  s'y  attriste  beaucoup.  Le  sieur  Espinas,  le  fils,  a  un 
peu  moins  de  liberté  que  les  autres  prisonniers  ,  toute- 
fois il  est  content  et  tranquille,  peut-être  plus  qu'un  autre. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  179 

»  Pour  ce  qui  est  des  vivres ,  rien  ne  leur  a  manqué 
pour  encore  et,  pourvu  qu'on  continue  à  les  assister, 
comme  on  l'a  fait  jusqu'à  présent,  les  charités  seraient 
plus  que  suffisantes  pour  les  entretenir.  » 

Le  14  septembre  1739,  la  femme  de  Lassagne  et 
Anne  Lapra  ,  celle  du  fils  Espinas  ,  parvinrent  à  s'éva- 
der. <(  Sur  les  huit  heures  du  soir,  »  dit  le  même  narra- 
teur, «  qui  est  le  temps  qu'on  relève  la  garde,  elle  firent 
semblant  d'aller  se  coucher,  mais  au  contraire  elles  pas- 
sèrent au  jardin  et  en  sautèrent  la  muraille  ,  haute  d'en- 
viron douze  pieds.  On  peut  dire  que  Dieu  les  favorisa 
d'une  façon  toute  particulière,  car  non  seulement  elles 
ne  se  firent  aucun  mal,  mais  encore  leur  évasion  ne  fut 
aperçue  que  le  lendemain  sur  les  huit  ou  neuf  heures  du 
matin.  On  les  chercha  bien  quand  on  s'aperçut  qu'elles 
manquaient.  On  envoya  incessamment  à  Vernoux,  on 
fit  fouiller  chez  F  Espinas,  du  côté  de  Boffres,  à  Crozat, 
à  Juventin,  etc.,  mais  inutilement.  Grâce  à  Dieu,  elles 
avaient  assez  de  temps  pour  prendre  leurs  précautions 
et  se  tirer  de  leurs  pas,  aussi  le  firent-elles.  »  Elles  pu- 
rent quitter  la  France  sans  être  reconnues  et  s'établi- 
rent à  Lausanne.  Le  soldat  de  garde ,  posté  du  côté  du 
jardin  d'oij  elles  s'étaient  échappées,  fut  jeté  en  prison. 

L'évasion  de  Paule  Escoulens  et  d'Anne  Lapra  irri- 
tèrent fort  le  commandant  du  château  ,  qui  fit  enfermer 
dans  des  basses  fosses  tous  les  prisonniers  qu'on  avait 
faits  à  l'occasion  de  la  capture  des  pasteurs  Duvernet 
et  Lassagne.  Ils  eurent  beaucoup  à  y  souffrir,  et  on  ne 
les  en  tira  que  pour  les  conduire  à  Montpellier,  les  me- 
nottes aux  mains,  tant  les  hommes  que  les  femmes. 
C'étaient  la  Peyrone  ,  Morel  neveu  ,  Morel  son  père, 
frère  du  pasteur,  Ducros  sergent,  M''®  Chazal,  Broë  , 
Dunière  père  et  fils,  Marguerite,  fille  du  premier,  et 
autres  ;  puis   Espinas ,  père  et  fils  ,  Susanne   Bravais , 


l8o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

femme  du  premier,  et  Catin  Bouchon.  On  a  vu  plus 
haut  l'issue  du  procès  des  prisonniers  de  la  première 
catégorie.  Quant  à  ceux  de  la  seconde,  l'intendant  de 
Bernage  les  jugea  le  9  février  1740.  11  condamna  aux 
galères  perpétuelles  Espinas  fils  pour  avoir  donné  asile 
à  Lassagne  et  possédé  des  livres  de  la  religion  proscrite, 
et  renvoya  des  fins  de  la  plainte  Espinas  père  ,  Su- 
sanne  Bravais,  sa  femme,  et  la  jeune  Catin  Bouchon. 
Paule  Escoulens  et  Anne  Lapra,  contumaces,  furent  con- 
damnées à  être  rasées  et  enfermées  dans  la  tour  de 
Constance  leur  vie  durant  ;  la  mémoire  de  Lassagne  fut 
déclarée  «  éteinte,  supprimée  et  condamnée  à  perpé- 
tuité; »  ses  biens  et  ceux  de  Lespinas,  de  Paule  Es- 
coulens et  d'Anne  Lapra,  confisqués  au  profit  du  roi,  à 
l'exception  d'un  tiers  pour  les  enfants.  Enfin  on  imposa 
une  amende  de  3,000  livres  sur  les  religionnaires  de 
Vernoux  ,  Châteauneuf-de-Vernoux ,  Saint-Julien-le- 
Roux  et  Saint-Fortunat ,  formant  l'arrondissement  de 
Vernoux ,  et  applicables  aux  dénonciateurs  et  aux  frais 
des  arrestations. 

Quant  au  curé  Desboze ,  qui,  dès  le  9  août,  en 
annonçant  à  l'intendant  du  Languedoc  la  capture  de 
Lassagne,  avait  réclamé  une  pension  pour  prix  de  ses 
tristes  services,  il  dut  attendre  près  de  deux  ans  et 
écrire  plusieurs  lettres  avant  de  toucher  les  3,000  livres 
promises  à  ceux  qui  réussiraient  à  faire  prendre  des 
ministres.  Ce  ne  fut  que  le  8  mai  1741  que  l'intendant 
du  Languedoc  signa  et  expédia  à  ce  curé  une  ordon- 
nance de  payement  de  la  somme,  qui  lui  fut  comptée  le 
27  à  Tournon. 

La  mort  de  Duvernet  et  de  Lassagne  ne  suffit  pas  à 
assouvir  la  haine  des  persécuteurs.  Après  le  départ 
pour  Montpellier  des  prisonniers  impliqués  dans  leur 
arrestation,  on  se  saisit  de  Jacques  Ladreyt ,  frère  aîné 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  iBl 

de  Lassagne ,  qu'on  enferma  dans  le  château  de  Beau- 
regard,  où  il  mourut  au  bout  de  trois  ou  quatre  mois 
après  de  grandes  souffrances  et  sans  avoir  cédé  un  seul 
instant  aux  vives  sollicitations  du  curé  du  lieu ,  qui  le 
pressait  de  changer  de  religion  (i). 

POURSUITES    CONTRE    LES   MARIAGES    (l739)- 

Avec  la  mort  tragique  des  pasteurs  Duvernet  et  Las- 
sagne concordèrent  des  poursuites  contre  les  mariages 
contractés  au  désert.  Quoique  l'Etat  ne  leur  attribuât 
aucun  caractère  de  légitimité  ,  il  ne  commença  à  les 
poursuivre  sévèrement  qu'en  1739.  «  Cette  année,  »  dit 
Anquez  (2),  «  le  présidialde  Nîmes  tenailles  grands  jours 
en  Vivarais.  Plusieurs  protestants  furent  dénoncés  au 
procureur  du  roi  comme  coupables  d'infraction  à  la  dé- 
claration du  14  mai  1724.  Avant  de  les  citer  à  compa- 
raître ,  le  présidial  et  le  ministère  public  consultèrent  le 
comte  de  Saint-Florentin.  Celui-ci  permit  de  procéder 
criminellement  contre  plusieurs  coupables.  En  consé- 
quence on  choisit  dans  divers  lieux  du  Vivarais  cinq  ou 
six  particuliers ,  contre  lesquels  le  procureur  du  roi 
porta  plainte  pour  concubinage  notoire  et  scandaleux, 
car  on  évita  d'introduire  dans  le  réquisitoire  les  mots 
de  mariage  ou  de  religion  prétendue  réformée,  ces  ma- 
tières étant  de  celles  dont  les  seuls  intendants  pouvaient 
connaître.  Sans  doute  les  inculpés,  dans  leurs  interro- 
gatoires, alléguèrent,  pour  leur  décharge,  la  bénédic- 
tion que  leur  avaient   donnée   des    ministres  du  culte 


(i)  Lettre  de  Faiirie'-Lndreyt,  du  yô  septembre  llo'.i  (Ms.  Court,  n"  17, 
t.  F,  p.  565).  Faits  arrivés  en  Vivarez  (Ms.  Court  ,  n°  17,  t.  R).  Arch.  de 
l'Hérault,  C,  207.  Arch.  municip.  de  Nîmes,  t.  VIII. 

(2)  De  l'état  civil  des  réformés,  p.  75,  74.  De  Caveirac,  Mémoire  poli- 
lico-critique,  etc.,  p.  20-24, 


l32  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

protestant;  mais,  dans  les  considérants  du  jugement, 
le  présidial  de  Nîmes,  strict  observateur  de  la  légalité, 
les  déclara  convaincus  d'avoir  vécu  en  concubinage  et 
ordonna  qu'ils  cessassent  de  cohabiter  et  se  présentas- 
sent dans  le  délai  de  quinze  jours  devant  l'évêque  diocé- 
sain à  l'effet  d'obtenir,  s'il  y  avait  lieu,  l'autorisation 
nécessaire  pour  être  mariés  par  les  curés  de  leurs 
paroisses.  Enfin  il  les  condamna  à  une  aumône  envers 
les  pauvres  et  à  une  amende  envers  le  roi,  sans  que 
celle-ci  pût  porter  note  d'infamie.  » 

D'autre  part,  l'évêque  de  Viviers,  François  Renaud 
de  Villeneuve,  dénonçait  au  comte  de  Saint-Florentin, 
ministre  d'Etat  du  roi,  les  notaires  protestants  de  son 
diocèse,  qui  retranchaient  dans  les  contrats  de  mariage 
de  leurs  coreligionnaires  la  clause  ordinaire  :  «  Promet- 
tent de  faire  bénir  leur  mariage  en  face  de  l'Eglise 
catholique,  apostolique  et  romaine,  »  et  les  remplaçaient 
par  ceux-ci  :  «  Promettent  de  faire  bénir  leur  mariage 
en  face  de  l'Eglise.  »  Le  comte  de  Saint-Florentin  en 
écrivit  le  4  septembre  1739  à  Basile  de  Bernage , 
intendant  du  Languedoc,  qui  répondit  le  14  septembre 
suivant,  mais  nous  ignorons  s'il  fut  pris  une  décision  (i). 

ETAT    DES    PASTEURS    ET    DE    LA    POPULATION     PROTES- 
TANTE   EN    VIVARAIS    (174O-I741). 

Après  la  mort  des  trois  pasteurs  Durand,  Duvernet 
et  Lassagne,  le  pasteur  Fauriel-Ladreyt ,  frère  du 
dernier ,  eut  toute  la  charge  du  ministère  évangélique 
en  Vivarais;  mais  Pierre  Perrot ,  consacré  à  La:usanne 
le  27  juillet  1739,  put  bientôt  le  rejoindre  et  lui  prêter 
son  précieux  concours. 

(i)  Arch.  de  l'Hérault,  c.  422. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  iS^ 

Il  en  fut  de  même  de  François  Coste,  dit  Juston, 
étudiant  au  séminaire  de  Lausanne  depuis  1739,  qui  fut 
consacré  dans  cette  ville  le  21  juillet  1741  et  qui  revint 
dans  le  Vivarais,  le  mois  de  février  suivant,  pour  travail- 
ler avec  Peirot  et  Ladreyt. 

Jacques  Dunière  dit  Lacombe ,  étudiant  à  Lausanne 
depuis  1737,  consacré  dans  cette  ville  le  27  juillet  .'739 
et  rentré  dans  le  Vivarais  le  1 1  janvier  1741  ,  aurait  pu 
également  desservir  cette  province,  de  même  que  Jean 
Blachon,  dit  Châtaignier,  consacré  en  même  temps 
que  lui;  mais  le  premier,  qui  se  destinait  à  une  autre 
province ,  fut  malade  pendant  plusieurs  années  consé- 
cutives ,  et  le  second  ne  revint  en  Vivarais  qu'en  juil- 
let 1744,  comme  on  le  verra  plus  loin. 

Les  prédicateurs  Brunel  (Chabrières)  ,  Monteil  et 
Guilhot  vivaient  encore ,  mais  les  uns  et  les  autres 
étaient  âgés  de  plus  de  soixante  ans  et  ne  pouvaient 
remplir  leurs  fonctions  que  très  imparfaitement. 

Le  pasteur  Jacques  Boyer ,  dit  Debos ,  malade 
depuis  1737,  comme  on  l'a  dit  plus  haut  (page  158), 
partit  pour  la  Suisse  Tannée  suivante  et  mourut  à  Berne 
le  24  février  1740. 

Antoine  Gounon ,  dit  Pradon  ,  reçu  prédicateur  le 
II  octobre  1735  ,  se  rendit  au  séminaire  de  Lausanne 
en  août  1740,  rentra  dans  le  Vivarais  en  1743,  mais  n'y 
demeura  que  deux  ans  et -partit  pour  le  Poitou  (i). 

Pour  ce  qui  est  de  la  population  protestante  du  Vi- 
varais à  cette  époque,  un  Etat  dressé  par  Ladevèze 
dit  qu'elle  se  composait  de  6664  familles.  Voy.  les  dé- 
tails,  Pièces  justificatives  ^  n°  XIV, 

(i)  Recueil  des  syn.  du  Vivarais.  Ms.  Court,  n°  7,  t.  iV. 


184  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

AMENDES.    ESPIONNAGE   DES   MINISTRES.    PROJET    d'ÉMI- 
GRATION.    PRÉDICTIONS    DES    INSPIRÉS    {1741). 

Au  début  de  la  longue  guerre  de  la  succession  d'Au- 
triche ,  qui  dura  de  1741  à  1748,  la  persécution  se 
ralentit  en  France  d'une  manière  générale,  mais,  dans 
le  Vivarais,  elle  continua  à  sévir  avec  la  même  intensité. 

Le  pasteur  Peirot  écrivait,  en  effet,  le  6  janvier  1741, 
que  les  agents  de  l'autorité  apportaient  une  grande 
exactitude  à  faire  payer  les  amendes  à  ceux  qui  refu- 
saient d'envoyer  leurs  enfants  à  la  messe  ou  au  caté- 
chisme (i)  ;  qu'on  cherchait  à  se  saisir  des  ministres  ; 
que  les  Boutières,  le  long  de  l'Eyrieux  et  La  Montagne 
étaient  remplis  d'espions,  et  que  Brunel  faillit  être  pris 
à  Fise-Trame ,  à  une  demi-lieue  de  Saint-Agrève.  Il 
avait  heureusement  un  excellent  cheval  et  put  s'enfuir  à 
toute  bride. 

«  Nonobstant  la  persécution  qu'on  nous  suscite ,  » 
continue  Peirot,  «  nous  avons  amassé  grand  nombre 
de  fidèles,  pleins  de  zèle,  de  courage  et  de  fermeté. 
J'ai  béni  quarante  mariages  et  baptisé  quatre  enfants. 
M.  Ladreyt,  dans  un  seul  jour,  y  en  a  béni  dix-neuf.  » 
Le  même  narrateur  ajoute  qu'on  avait  demandé  à  la 
province  (de  la  Hollande  sans  doute),  un  mémoire  sur 
l'état  de  la  religion,  et  qu'il  allait  l'envoyer. 

Trois  mois  après,  le  20  mars  1741  ,  Peirot  écrivait 


(i)  Voici  un  échantillon  des  quittances  délivrées  aux  parents  :  «  Reçu  de 
Monsieur  Alléon  marchand  la  somme  de  neuf  livres  pour  amende  prononcée 
contre  Dem""'  Anne  Alléon  sa  fille  pour  avoir  manqué  la  messe  cinq  fois, 
la  messe  de  paroisse,  et  treize  fois  l'instruction  chrétienne  dans  les  mois  de 
janvier,  mars,  mai,  juin,  juillet,  août,  septembre,  novembre  ,  décembre  de 
l'année  mil  sept  cent  quarante  et  un,  dont  quittance,  suivant  les  rôles.  Fait 
ce  27'  juillet  mil  sept  cent  quarante-deux.  Sij^né  Filhol.  »  (Arch.  du  cons. 
presbyt.  d'Annonay.) 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELaY.  185 

encore  que  deux  cents  Vivarois  ,  pour  fuir  la  persécu- 
tion, étaient  disposés  avec  quelques  autres  protestants  à 
se  rendre  en  Prusse,  oij,  disait-on,  on  offrait  de  grands 
avantages  aux  réfugiés.  D'autres,  au  contraire,  encou- 
ragés par  les  explications  que  les  inspirés  donnaient  de 
l'Apocalypse,  prétendaient  que  les  persécutions  allaient 
cesser  sous  peu  et  combattaient  énergiquement  l'idée 
de  l'émigration. 

Depuis  la  mort  de  Duvernet  et  de  Lassagne  qui  les 
contenaient,  les  inspirés  avaient,  en  effet,  relevé  la 
tête.  Une  vieille  femme,  appelée  Gabrielle  Goulet, 
habitant  Saint-Fortunat ,  s'était  rendue  célèbre  par  ses 
prédictions.  On  la  regardait  comme  un  nouveau  prophète 
et  on  venait  la  consulter  de  plus  de  quatre  lieues  à  la 
ronde.  Le  prédicateur  Dortial,  «  toujours  plus  fou,  » 
avait  fait  une  tournée  dans  quelques  endroits  du  Viva- 
rais  et  sa  parole  n'avait  pas  ramené  le  calme  dans  les 
esprits.  <(  Tout  cela  m'a  engagé,  »  dit  Peirot,  a  à  par- 
ler de  la  manière  la  plus  forte  qui  m'a  été  possible 
pour  détourner  les  gens  de  ces  extravagances,  qui  ne 
font  que  déshonorer  la  religion  et  jeter  dans  l'erreur. 
Les  derniers  versets  du  chapitre  XVIII  du  Deutéro- 
nome  m'ont  été  d'un  grand  secours  là-dessus...  J'ai 
formé  le  dessein  de  me  transporter  dans  les  endroits 
oij  ils  ont  le  plus  prophétisé  pour  faire  un  fidèle  recueil 
de  ce  qu'ils  ont  fait  de  plus  considérable  (i).  » 

ARRESTATION  ,       PROCÈS      ET      SUPPLICE      DE      DORTIAL 

(4    JUIN     I74I-3I     JUILLET     1742). 

Dortial ,  dont  il  vient  d'être  question ,  prédicateur 
irrégulier  et  ancien  camisard,  fut  arrêté  dans  la  paroisse 

(1)  Ms.  Court,  n"  1,  t.  XIII. 


l86  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

de  Livron  en  Dauphiné  quelques  mois  plus  tard  ,  le 
4  juin  1741.  On  ne  sait  ce  qui  lui  était  advenu  depuis 
l'insurrection  camisarde  de  1704  jusqu'en  171 3,  époque 
oij  il  se  rendit  à  Genève  pour  faire  bénir  son  mariage 
avec  Marguerite  Chausson  ,  de  Cornas.  Après  avoir 
tenu  l'école  à  Genève  pendant  quelques  mois,  il  exerça 
la  profession  de  chamoiseur  pour  gagner  sa  vie  et  celle 
de  sa  famille.  Douze  années  s'écoulèrent  ainsi,  après 
lesquelles  il  rentra  en  France  et  s'établit  à  Beaumont 
en  Dauphiné,  oij  il  fit  sa  résidence  pendant  quatre  ou 
cinq  ans.  C'est  de  là  qu'il  demanda  aux  pasteurs  du 
Vivarais  de  le  recevoir  comme  prédicateur.  Ces  der- 
niers ,  vu  ses  antécédents ,  n'y  consentirent  qu'à  la 
condition  qu'il  ferait  une  déclaration  portant  qu'il 
prêcherait  la  pure  Parole  de  Dieu ,  signerait  la  con- 
fession de  foi  des  Eglises  réformées  de  France  et 
les  règlements  synodaux  des  Eglises  du  Vivarais,  et 
combattrait  les  inspirés  de  tout  son  pouvoir.  Dortial , 
ayant  fait  cette  déclaration,  le  12  juin  1724,  en  présence 
de  Court  et  de  Durand,  et  des  prédicateurs  Rouvière 
et  Brunel,  reçut  l'autorisation  de  présider  des  assem- 
blées. Mais  il  ne  tint  pas  sa  parole,  et,  bien  loin  de 
combattre  les  inspirés  et  leurs  fausses  révélations,  il  les 
favorisa  de  telle  sorte  que  le  synode  du  Vivarais  du 
17  avril  1725  fut  obligé  de  le  déposer,  mais  en  lui  lais- 
sant l'espoir  d'une  réintégration,  s'il  consentait  à  s'hu- 
milier et  à  se  repentir.  Cette  mesure  l'irrita  profondé- 
ment et,  de  concert  avec  les  prophétesses  Claire  et 
Veyrcndu  ,  il  essaya  de  fonder  une  secte  semblable  à 
celle  des  Multipliants  de  Montpellier.  Cette  tentative 
ayant  échoué  ,  grâce  au  progrès  de  la  discipline  dans 
les  Eglises  du  Vivarais,  Dortial  quitta  Beaumont,  où  il 
avait  fixé  sa  résidence  depuis  son  retour  de  Genève, 
comme  on  l'a  dit,  et  vint  s'établir  en  Vivarais. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  187 

Le  8  mai  1728,  il  se  présenta  devant  le  synode  de 
cette  province  «  pour  être  reçu  au  corps  et  à  la  paix 
de  l'Eglise,  et  à  la  charge  du  prédicateur.  »  Le  synode, 
usant  de  mansuétude  à  son  égard ,  renvoya  son  admis- 
sion au  synode  suivant  ou  à  un  colloque  spécial,  pourvu 
que,  jusque-là,  il  demeurât  fidèle  à  sa  première  décla- 
ration ;  qu'il  ramenât  au  respect  de  la  discipline  ceux 
qu'il  avait  égarés,  et  qu'il  n'exerçât  les  fonctions  de 
prédicateur  et  de  pasteur  dans  aucun  des  lieux  où  la 
discipline  était  en  vigueur. 

Après  cela,  on  n'entendit  plus  parler  de  Dortial  de 
quatre  ans  ;  puis,  vers  1732,  il  se  rendit  de  nouveau  à 
Genève  où  il  séjourna  deux  ans.  A  son  retour,  il  ne 
chercha  pas  à  se  faire  réintégrer  dans  sa  charge  de 
prédicateur  et  se  livra  aux  travaux  des  champs.  «  Tou- 
tefois, >)  dit  Daniel  Benoît,  «  bien  qu'il  fréquentât  peu 
les  pasteurs,  qu'il  tenait  toujours  en  suspicion,  il  ne  se 
faisait  pas  faute,  quand  l'occasion  s'en  présentait,  de 
présider  de  petites  réunions  où  le  chant  des  psaumes 
occupait  une  grande  place.  Les  pasteurs  ne  l'inquié- 
taient plus,  mais  le  laissaient  aux  inspirations  de  son 
zèle.  » 

Le  prédicateur  Ebruy  disait  de  lui  le  20  mars  1734  : 
«  C'est  un  prétendu  divinement  inspiré  et  fort  entêté. 
Il  est  sujet  à  de  grandes  exagérations  dans  ses  prédica- 
tions, ayant  fait  et  dit  plusieurs  choses  qui  ne  font  pas 
honneur  à  notre  sainte  religion,  et  je  ne  puis  vous  le 
mettre  sur  le  papier.  Quand  il  voulait  faire  des  exhorta- 
tions sans  avoir  recours  à  cette  prétendue  inspiration, 
il  contentait  fort  bien  le  monde  ;  et,  en  effet,  il  avait  de 
bonnes  lumières,  mais  un  peu  trop  de  présomption,  se 
croyant  et  voulant  être  quelque  chose  de  plus  qu'il 
n'était  :  ce  qui  l'a  jeté  dans  de  terribles  erreurs.  » 

Tout  en  s'occupant  des  travaux  des  champs,  Dortial 


l88  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

donnait  aussi  des  prédications,  tantôt  dans  le  Dauphiné, 
tantôt  dans  le  Vivarais ,  lorsqu'après  sept  ans  de  ce 
genre  de  vie,  il  fut  dénoncé,  le  7  mai  1741,  au  curé  de 
Livron  par  Boissin ,  curé  de  Lavoulte.  «  Vous  avez 
dans  votre  paroisse,  »  lui  disait-il,  «  dans  la  grange  que 
vous  appelez  Souchon  [îles  de  Lavoulte],  un  malheureux 
ministre ,  qu'on  appelle  Dortial,  qui  a  la  témérité  de  te- 
nir des  assemblées,  oia  il  invite  vos  paroissiens,  les 
miens  et  plusieurs  autres  ,  devant  qui  il  prêche  et  admi- 
nistre la  cène...  Lequel  dit  ministre  a  avec  lui  sa  femme 
et  trois  de  ses  fils.  » 

Le  curé  de  Livron  ne  tarda  pas  à  avertir  Perret,  com- 
mandant de  Lavoulte,  qui,  sur  l'ordre  de  Ladevéze  , 
arrêta  Dortial  le  4  Juin  1741  ,  sa  femme,  ses  fils  Pierre 
et  Jacques;  Alexandre  Chambon ,  de  Pranles ,  qu'il 
avait  connu  à  Genève  pendant  son  second  voyage  et 
qui  travaillait  avec  lui ,  et  Louis  Souchon  ,  son  hôte. 
Les  prisonniers  furent  enfermés  au  château  de  Beaure- 
gard  et  Dumolard  reçut  une  commission  du  duc  de 
Richelieu,  gouverneur  du  Languedoc,  pour  instruire 
leur  procès  (i  2  juin). 

Dortial  fut  ferme  et  digne  pendant  son  interrogatoire 
(16  et  18  juin).  C'était,  malgré  ses  erreurs  et  les  défauts 
de  son  caractère  ,  un  homme  d'une  grande  foi  et  de 
beaucoup  de  courage.  Il  avoua  que,  bien  qu'il  ne  fût  ni 
pasteur  ni  proposant,  il  avait  souvent  présidé  des  as- 
semblées et  donné  la  cène,  mais  sans  jamais  marier  ni 
baptiser  personne,  sauf  une  seule  fois.  Obéissant  mal- 
heureusement à  de  coupables  rancunes,  il  osa  dire, 
quand  Dumolard  lui  demanda  s'il  avait  des  relations 
avec  les  ministres  du  Vivarais,  que  ces  derniers  ne  mar- 
chaient pas  sur  les  traces  de  Jésus-Christ  et  passaient 
tous  pour  avoir  des  mœurs  déréglées;  ce  qui  était  une 
pure  calomnie. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  189 

L'interrogatoire  de  Souchon  ,  âgé  de  quarante-deux 
ans;  de  Chambon,  âgé  de  quarante-cinq,  qui  était  venu 
depuis  deux  jours  seulement  au  quartier  de  Souchon 
«  prendre  à  prix  fait  la  levée  de  la  récolte  ,  »  et  du  fils 
aîné  de  Dortial,  âgé  de  vingt-cinq  ans  et  nommé  Pierre, 
cardeur  de  laine ,  puis  cordonnier,  n'offrit  rien  de  parti- 
culier. Souchon  fut  convaincu  non  seulement  d'avoir 
donné  asile  à  Dortial,  mais  encore  d'avoir  assisté  à  l'as- 
semblée du  bois  de  Baix,  que  ce  dernier  avait  présidée, 
et  Chambon  d'avoir  averti  de  l'assemblée  les  protestants 
des  environs.  Quant  à  la  femme  de  Dortial  et  à  son  se- 
cond fils  Jacques,  âgé  de  douze  ans,  ils  refusèrent  ab- 
solument de  répondre  aux  questions  du  subdélégué. 

Les  prisonniers  demeurèrent  à  Beauregard  jusqu'au 
mois  de  novembre  1741,  époque  où  ils  furent  transférés 
à  Nîmes  ;  mais  le  fils  aîné  de  Dortial  avait  réussi  à 
s'évader  du  château.  Un  sergent  de  garde  lui  ayant 
permis  de  sortir  de  son  cachot  pour  aller  tremper  de  la 
soupe  dans  la  chambre  du  geôlier,  qui  était  pour  lors 
à  Valence,  il  profita  d'un  moment  où  ce  sergent  ne  le 
voyait  point  pour  gagner  la  terrasse,  franchir  le  mur 
d'enceinte,  sauter  dans  le  fossé  et  s'enfuir. 

Dortial  et  ses  compagnons ,  escortés  de  trente  sol- 
dats ,  commandés  par  un  lieutenant ,  trois  cavaliers  de 
la  maréchaussée  et  un  exempt,  furent  embarqués  sur  le 
Rhône  jusqu'au  Pont-Saint-Esprit  et  conduits  de  là  en 
charrette  à  Nîmes,  oia  ils  arrivèrent  le  8  novembre.  En- 
fermés dans  la  citadelle,  ils  ne  furent  jugés  à  Nîmes  que 
neuf  mois  après ,  par  suite  d'un  conflit  de  juridiction, 
survenu  entre  le  tribunal  de  cette  ville  et  celui  de  Mont- 
pellier. Enfin,  le  31  juillet  1742,  on  les  conduisit  au 
palais  de  justice  fortement  escortés.  Dortial,  en  entrant 
dans  la  salle  d'audience,  ôta  son  chapeau  et  sa  perru- 
que, et  prononça  cette  belle  prière  :  «  Maître  de  lana- 


IÇO,  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

ture ,  qui  tiens  tous  les  hommes  à  ta  disposition  ,  main- 
tenant que  tu  veux  m'éprouver ,  veuille  me  donner  les 
forces  qui  me  sont  nécessaires.  Fais  que  ton  Saint-Es- 
prit soit  sur  moi ,  afin  que  je  sois  sanctifié.  Veuille  en- 
core présider  au  jugement  que  les  hommes  vont  rendre 
contre  moi;  c'est  là  ce  que  j'ai  à  te  demander  quant  à 
présent  au  nom  et  par  les  mérites  de  ton  cher  fils,  mon 
Rédempteur.  »  Après  cela,  il  dit  fièrement  à  ses  juges  : 
«  Messieurs,  prenez  garde  au  jugement  que  vous  allez 
rendre  sur  moi;  je  ne  suis  coupable  d'aucun  crime  (i).  » 

Bernage  ,  qui  présidait,  adressa  à  Dortial  et  à  ses 
compagnons  les  mêmes  questions  que  lui  avait  déjà  fai- 
tes Dumolard  ,  et,  après  deux  heures  de  délibération, 
condamna  Dortial  à  être  pendu  sur  l'Esplanade  de 
Nîmes,  etSouchon  et  Chambon  aux  galères  perpétuelles. 
Quant  à  la  femme  de  Dortial  et  à  son  plus  jeune  fils,  il 
fut  sursis  à  leur  jugement  jusqu'à  plus  ample  informé. 
Bernage  déclara  en  outre  les  biens  de  Dortial,  Souchon 
et  Chambon  confisqués  au  profit  du  roi ,  «  le  tiers  dis- 
trait au  profit  de  leurs  femmes  et  de  leurs  enfants;  » 
ordonna  que  la  maison  du  second  serait  rasée;  les  livres, 
sermons  et  autres  écrits  protestants  qu'on  y  avait  trou- 
vés,  brûlés;  et  condamna  l'arrondissement  du  Vivarais, 
dans  lequel  était  située  ladite  maison,  à  3,000  livres 
d'amende. 

Après  la  lecture  de  la  sentence,  Léon  Ménard,  con- 
seiller au  présidial  de  Nîmes  et  l'un  des  juges ,  ayant 
engagé  Dortial  à  embrasser  la  religion  catholique,  s'at- 
tira cette  véhémente  réponse  :  «  Monsieur ,  au  lieu  de 
regarder  l'Eglise  romaine  comme  étant  la  seule  vérita- 


(i)  D'après  une  autre  relation,  Dortial  aurait  tenu  un  langage  plus  éner- 
gique encore  :  «  Misérable,  »  aurait-il  dit  à  Bernage,  «  prends  garde  à  ce  que 
tu  vas  faire,  et  ne  condamne  point  le  sang  innocent,  de  peur  qu'il  ne  tombe 
sur  toi  et  ta  maison.  » 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I9I 

ble ,  je  crois  au  contraire  qu'elle  est  la  mère  de  la  pail- 
lardise et  de  l'idolâtrie,  et  que  le  pape  qui  la  gouverne, 
au  lieu  d'être  le  vicaire  de  Jésus-Christ,  en  est  au  con- 
traire l'adversaire.  Aussi  je  suis  obligé  par  ma  conscience 
de  vous  déclarer  à  mon  tour  que  si  vous  ne  changez  de 
religion  et  n'embrassez  la  protestante ,  dans  laquelle  je 
veux  mourir,  vous  serez  vous-même  damné.  »  Puis  il 
remercia  Dieu  à  haute  voix  de  l'honneur  qu'il  lui  faisait 
de  le  choisir  parmi  tant  d'autres  «  pour  souffrir  la  mort 
à  cause  de  la  profession  de  la  vérité,  »  et  lui  demanda 
la  force  de  remporter  sur  ses  ennemis  une  pleine  et  en- 
tière victoire. 

Deux  prêtres  d'abord,  puis  dix,  s'efforcèrent,  comme 
Ménard,  de  lui  faire  changer  de  religion,  mais  il  de- 
meura inébranlable  et  leur  dit  :  u  Messieurs,  vous  pre- 
nez de  la  peine  inutilement...  Je  suis  resté  neuf  mois 
dans  les  prisons  du  fort  ;  si  vous  étiez  venus  m'y  trouver, 
nous  aurions  pu  ,  pendant  ce  temps-là ,  conférer  en- 
semble, mais  à  présent  que  je  suis  à  ma  dernière 
heure,  je  veux  l'employer  à  faire  ma  paix  avec  Dieu.  » 

L'ordre  fut  enfin  donné  de  le  conduire  au  supplice. 
«  Il  avait  la  tête  et  les  pieds  nus ,  »  dit  une  pièce  du 
temps  ,  ((  la  corde  au  cou  et  une  chemise  pour  tout  vê- 
tement ;  quatre  prêtres  l'entouraient.  Son  escorte  était 
composée  de  cinquante  soldats  armés ,  de  toute  la  ma- 
réchaussée de  la  ville  et  de  neuf  tambours...  En  sortant 
de  la  porte  de  la  Couronne,  il  s'écria  à  l'aspect  du  gi- 
bet... ((  Grand  Dieu!  dresse  mes  mains  au  combat  et 
mes  doigts  à  la  bataille.  »> 

»  Lorsqu''il  fut  arrivé  au  pied  de  la  potence,  M.  Mé- 
nard, qui  s'y  était  rendu  avant  lui  avec  son  gretïier  et 
deux  huissiers,  fit  lire  de  nouveau  le  jugement  et  lui  de- 
manda le  nom  des  ministres  et  proposants  qui  étaient 
dans  le  royaume  et  de  ceux  qui  leur  donnaient  asile.   Il 


ig2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

répondit  qu'il  n'avait  rien  à  dire  à  cet  égard,  et  il  en- 
tonna le  psaume  XXV  :  «  A  toi,  mon  Dieu,  mon  cœur 
monte,  etc.  »  Après  cela,  il  pria  le  commandant  de  la 
troupe  de  faire  cesser  ses  tambours  parce  qu'il  voulait 
faire  sa  dernière  prière.  Il  le  lui  accorda  à  condition 
qu'il  la  ferait  à  voix  basse.  Ceux  qui  l'entouraient  de 
près  purent  pourtant  l'entendre,  et  il  dit  en  levant  les 
yeux  au  ciel  :  «  Grand  Dieu  ,  qui  m'a  fait  naître  pour  te 
servir  et  qui  veux  maintenant  que  je  scelle  de  mon  pro- 
pre sang  ton  Evangile,  donne-moi,  comme  tu  fis  à  mon 
Sauveur,  ce  courage  intrépide  qu'il  fit  paraître  lors  de  sa 
mort  sur  la  croix,  afin  que  j'édifie  par  la  mienne  mes 
pauvres  frères  qui  gémissent  sous  la  tyrannie  de  l'Anté- 
christ, privés  de  la  liberté  d'entendre  ta  Parole.  Sois 
ici-bas  leur  pasteur  et  leur  conducteur,  leur  consolation 
et  leur  force,  leur  soutien  et  leur  appui.  Accorde-leur 
ta  bénédiction  dans  cette  vie  et  la  gloire  dans  la  vie  à 
venir,  et  fais  que  nous  soyons  tous  réunis  dans  le  ciel. 
Ce  sont  là,  bon  Dieu,  toutes  les  grâces  que  j'ai  à  te 
demander  pour  le  peu  de  temps  que  j'ai  à  rester  dans 
cette  vie.  Ajoutes-y  la  gloire  éternelle  dans  celle  qui 
esta  venir,  au  nom  de  Jésus-Christ,  mon  intercesseur.  » 
»  En  montant  l'échelle,  il  chanta  le  psaume  LI  et, 
comme  l'un  des  prêtres  était  monté  après  lui  pour  es- 
sayer de  l'ébranler  au  moment  de  la  mort  ,  le  patient, 
qui  avait  les  mains  attachées  ainsi  que  la  tête,  lui  fit  si- 
gne avec  le  pied  de  se  retirer;  il  s'écria  ensuite  :  a  Mon 
âme  bénis  l'Eternel  et  que  tout  ce  qui  est  en  moi  bé- 
nisse le  nom  de  sa  sainteté!  »  Alors  le  bourreau  ayant 
fait  signe  au  prêtre  de  descendre,  il  s'écria  encore  plus 
fort  :  «  Seigneur,  je  remets  mon  esprit  entre  tes 
mains.  »  A  ce  moment  suprême  le  bourreau  fit  son  of- 
fice et,  une  heure  après,  quelques  hommes  delà  ville 
coupèrent  la  corde  et  emportèrent  le  corps  dans  une 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  I9:; 

aire,  où  l'ayant  changé  de  chemise  et  enfermé  dans  un 
cercueil,  il  l'enterrèrent  après  avoir  entouré  ses  restes» 
mortels  de  chaux  vive  de  peur  qu'on  ne  vînt  l'enlever.  » 
Le  martyr  avait  soixante  et  dix  ans,  et  son  âge  avancé 
n'avait  pas  fait  fléchir  la  rigueur  de  ses  juges.  «  Il  alla 
au  supplice,  »  écrivait  Antoine  Court,  écho  de  l'admi- 
ration de  tous  ceux  qui  furent  témoins  de  sa  mort,  «  avec 
une  fermeté  de  héros.  Jamais  personne  n'avait  marqué 
plus  de  foi ,  plus  de  zèle  ,  plus  de  fermeté  qu'il  n'en 
marqua  lui-même.  Ses  réponses,  ses  prières,  son  air  gai 
et  content,  lorsqu'on  l'emmenait  au  supplice,  ont 
étonné  et  édifié  les  papistes  aussi  bien  que  les  protes- 
tants. » 

Le  commandant  Perret,  qui  avait  arrêté  Dortial  et  ses 
amis,  eut  quelque  peine  à  toucher  les  3,000  livres  aux- 
quelles il  avait  droit  d'après  les  ordonnances.  Il  dut  écrire 
dans  ce  but  deux  lettres  à  Bernage  (8  août  et  1 3  sep- 
tembre),  encore  lui  retint-on  les  313  livres  et  10  sols 
qu'avait  coûté  le  transfert  des  prisonniers  du  château  de 
Beauregard  à  Nîmes. 

Ces  3,000  livres,  qui  avaient  été  imposées  sur  l'ar- 
rondissement du  Vivarais  par  Bernage  ,  furent  payées 
par  les  seules  îles  de  Lavoulte ,  parce  que  c'est  là 
qu'était  bâtie  la  maison  de  Souchon ,  comme  on  l'a  dit , 
et  que  la  province  à  laquelle  ces  îles  ressortissaient 
n'était  pas  bien  déterminée. 

Souchon  fut  conduit  aux  galères  ,  où  il  paraît  n'avoir 
pas  vécu  longtemps,  et  Chambon  y  passa  vingt-sept  an- 
nées. Il  en  sortit  le  25  mai  1769,  comme  on  le  verra 
plus  loin. 

La  femme  de  Dortial,  Madeleine  Chausson,  demeura 

encore  quelques  mois  en  prison  après  le  jugement  de 

son  mari,  et  fut  relâchée  en  Novembre    1742;  mais  on 

retint  son  plus  jeune  fils,  âgé  de  onze  ou  douze  ans, 

II.  I  î 


IQ4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

pour  le  faire  instruire.  L'évêque  de  Nîmes,  Dubousquet, 
•  s'y  employa  et  reçut  8  livres  par  mois  pour  solder  la 
pension  de  l'enfant,  qui  fut  mis  à  l'école  à  Montpellier, 
où  il  ne  resta  que  huit  jours.  A  partir  du  i6  décem- 
bre 1743  on  perd  complètement  ses  traces  de  vue  (i). 

AMENDES  EXORBITANTES.  SITUATION  DES  PROTESTANTS 
DANS  LES  DIOCÈSES  DU  PUY  ,  DE  VIVIERS  ET  DE 
VALENCE    (1742-I743). 

L'année  suivante  ,  on  recommença  à  faire  payer  des 
amendes  aux  paroisses  protestantes.  Quelques-unes 
d'elles  qui  avaient  été  épargnées  jusqu'ici  furent  contrain- 
tes de  rembourser  les  arrérages  depuis  1733  ;  ce  qui, 
joint  aux  6,000  livres  payées  depuis  la  mort  des  pasteurs 
Duvernet  et  Lassagne ,  en  réduisit  plusieurs  à  la  der- 
nière misère.  Les  protestants  de  l'arrondissement  de 
Bressac  en  particulier  durent  payer  700  livres  pour  une 
assemblée  qui  s'était  tenue  sur  son  territoire,  et  ceux 
des  communautés  de  Beauchastel ,  Charmes,  Le  Pape 
et  Saint-Julien-de-Flaviac  une  amende  de  600  livres. 

Les  habitants  protestants  de  Vernoux  et  de  Silhac, 
qui  avaient  été  également  imposés  d'une  façon  exorbi- 
tante ,  firent  présenter  une  requête  au  roi  par  un  avocat 
de  Paris  ;  mais  leur  demande  fut  très  mal  reçue  et  le 
cardinal  Fleury  répondit  qu'il  était  surpris  que  des 
rebelles  osassent  présenter  une  pareille  pétition  ;  que  , 
s'ils  voulaient  obtenir  quelque  chose,  il  fallait  qu'ils  pro- 
missent d'envoyer  leurs  enfants  à  la  messe ,  qu'autre- 

(i)  Daniel  Benoît,  Pierre  Dortial  dans  l'Eglise  sous  la  croix,  p.  117-166. 
Hugues,  t.  Il,  p.  105-104;  t.  1 ,  p.  211.  Corbière,  Histoire  de  l'Eglise  ré- 
formée de  Montpellier,  p.  407-412.  Deux  relations  de  la  rnorl  de  Dortial, 
dans  Bulletin,  etc.,  t.  IX,  p.  288-291,  ;4'-345  ;  t-  X.,  p.  io)-ioj.  Ms.  Court, 
n»  17,  t.  F  ;  n»  7,  t.  V.  Recueil  des  synodes  du  Vivar;>is.  Archives  de  l'Hé- 
rault, C,  210.  Ch.  Coquerel,  t.  II,  p.  427,  428. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  l()<^ 

ment  il  était  inutile  de  dresser  des  requêtes  et  de  faire 
des  dépenses. 

En  présence  de  cette  dure  situation ,  qui  était  celle 
du  reste  des  autres  provinces  de  France,  Daniel  Vou- 
land ,  pasteur  du  Dauphiné ,  écrivit  à  Peirot  pour  lui 
demander  s'il  ne  serait  pas  opportun  d'envoyer  une 
adresse  au  roi  pour  le  supplier  d'accorder  aux  protes- 
tants la  liberté  dont  jouissaient  leurs  pères  avant  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Peirot  lui  répondit  le 
31  mai  1742  qu'il  y  voyait  toute  sorte  de  dangers,  et 
que  tout  ce  que  ,  d'après  lui  ,  on  pouvait  demander  au 
roi  c'était  la  délivrance  des  galériens  protestants  et 
autres  prisonniers  pour  la  foi ,  et  quelque  léger  adou- 
cissement aux  rigueurs  ordinaires.  «  Demander  trop  ,  » 
disait-il,  «  serait  à  mon  avis  le  moyen  de  ne  rien  avoir.  » 
Il  estimait  qu'une  démarche  auprès  des  puissances  pro- 
testantes serait  plus  nécessaire  et  présenterait  moins 
d'inconvénients  ,  mais  il  avait  beaucoup  de  peine  à  pen- 
ser qu'elles  voulussent  faire  parler  au  roi  en  faveur  des 
protestants  et  surtout  demander  pour  eux  une  entière 
liberté  de  culte. 

Les  protestants  du  Vivarais  n'interrompaient  pas  leurs 
exercices  pour  cela.  Ladevèze  écrivait  de  Tournon ,  le 
20  août  1742,  que  Coste  présida  une  nombreuse  as- 
semblée le  1 1  juin  entre  Toulaud  et  Bruzac,  et  qu'ayant 
voulu  en  convoquer  une  seconde  pour  le  17  per- 
sonne ne  consentit  à  s'y  rendre.  Ladevèze  ajoutait  qu'il 
avait  parcouru  le  Vivarais  et  n'avait  reçu  que  des  mar- 
ques de  fidélité  de  tous  les  notables  protestants  qu'il 
avait  vus.  Il  en  punit  un  seul,  le  greffier  Robert,  qui 
avait  prétendu  en  plein  cabaret  que  les  Anglais  étaient 
à  Toulon.  Il  l'envoya  dans  cette  ville  accompagné  par 
un  brigadier  de  la  maréchaussée  et  pria  le  commandant 
de  place ,  de  Marnézia,  de  faire  promener  le  prisonnier 


IC)6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

dans  toutes  les  rues  de  Toulon  pour  qu'il  pût  s'assurer 
par  lui-même  s'il  était  possible  d'y  entrer  (i). 

Dans  le  Velay,  le  protestantisme  Jouissait  depuis  plu- 
sieurs années  d'une  grande  tolérance,  grâce  à  la  douceur 
et  à  la  bonté  de  Beringhen,  évêque  du  Puy,  qui  mourut 
malheureusement  le  17  octobre  1742,  âgé  seulement 
de  cinquante  ans.  «  Il  ne  souffrait  pas,  »  écrivait  Peirot 
le  1 8  avril  1 743 ,  «  qu'on  fît  payer  aucune  amende  ni  qu'on 
prît  aucun  enfant  pour  les  couvents  dans  tout  son  dio- 
cèse. En  1741  ,  étant  à  Paris,  son  vicaire  ,  à  la  sollici- 
tude de  quelques  curés,  voulut  forcer  tous  les  religion- 
naires  à  aller  à  la  messe ,  et  obligea  ceux  qui  étaient 
mariés  au  Désert  à  se  séparer  de  leurs  femmes  ou  à 
épouser  une  seconde  fois  par  des  prêtres,  après  avoir 
fait  plusieurs  actes  de  catholicisme  et  abjuré  la  religion 
protestante.  Ce  vicaire  ,  qu'on  appelait  l'abbé  Duquaine, 
était  suivi  de  plusieurs  curés  et  d'une  compagnie  de 
cavaliers  qui  forçaient  les  gens  à  obéir  et  qui  étaient 
mis  en  garnison  chez  ceux  qui  ne  voulaient  pas  aller  à 
la  messe.  Cette  persécution  ne  dura  que  trois  ou  quatre 
mois..  D'abord  que  l'évêque  fût  de  retour,  il  fit  cesser 
tous  les  troubles  et  ,  depuis  ce  temps-là,  on  y  a  joui 
d'une  grande  tranquillité. 

»  Il  n'en  est  pas  de  même  dans  l'évêché  de  Viviers,  » 
continue  Peirot.  «  On  y  fait  toujours  payer  des  amendes 
très  rigoureuses  à  ceux  qui  refusent  d'envoyer  leurs 
enfants  aux  instructions  de  l'Eglise  romaine.  Dans 
toutes  les  paroisses,  il  y  a  des  maîtres  d'école  qui,  fêtes 
et  dimanches ,  étant  dans  l'église ,  appellent  tous  les 
enfants,  nom  par  nom,  et  ils  marquent  tous  ceux  qui 
n'y  vont  pas.  Au  bout  de  deux  mois,  ils  envoient  leurs 
mémoires  à  l'intendant,   qui  condamne  à  20  livres  par 

I)  Arch.  nat.,  TT,  ^6,  357. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  197 

dimanche  tous  ceux  qui  n'ont  pas  été  à  Téglise  ;  et , 
quand  ils  y  auraient  été  plusieurs  fois,  s'ils  manquent 
seulement  un  dimanche  ,  ils  sont  condamnés  comme 
s'ils  n'y  avaient  rien  été.  Suivant  cela,  on  doit  juger  que 
dans  peu  il  s'est  accumulé  des  sommes  considérables  , 
principalement  pour  ceux  qui  ont  plusieurs  enfants. 
Aussi  je  connais  des  familles  qui  ont  donné  pour  ces 
amendes  jusqu'à  looo  écus  ;  de  pauvres  gens ,  qui  ne 
vivaient  que  de  leur  journée,  qui  ont  donné  loo  écus, 
400  livres.  L'année  dernière ,  quatre  paroisses ,  savoir 
Saint-Pierreville ,  Issamoulenc  ,  Le  Gua  et  Ajoux,  qui 
n'avaient  guère  payé  depuis  quelque  temps,  furent 
obligées  de  nourrir  et  de  payer,  à  6  sols  par  jour, 
trente  soldats  pendant  une  vingtaine  de  jours,  et  en- 
core condamnées,  sans  aucune  grâce,  à  payer  tous  les 
arrérages  depuis  1737.  Présentement,  on  demande  à  la 
paroisse  de  Saint-Agrève  environ  6,000  livres.  Aussi 
c'est  une  assez  grande  paroisse  presque  toute  protes- 
tante ,  excepté  la  ville  où  il  n'y  a  guère  que  des  catho- 
liques... 

»  On  contmue  aussi  dans  ce  diocèse  à  prendre  des 
enfants  pour  les  couvents  et  pour  les  collèges.  Depuis 
quelque  temps  on  en  a  pris  cinq,  qui  ont  été  conduits  à 
Viviers  où  à  Aubenas.  Ils  ne  sortiront  de  ces  couvents, 
selon  les  apparences,  que  lorsqu'on  sera  bien  assuré 
de  leur  catholicité.  Outre  cela,  les  curés,  animés  de 
l'esprit  de  leur  évêque  [François  Renaud  de  Villeneuve], 
sont  encore  très  exacts  à  visiter  leurs  paroisses,  et,  par 
leurs  promesses,  par  leurs  menaces,  par  leurs  disputes, 
ils  font  tous  leurs  efforts  à  en  attirer  quelqu'un  dans  leur 
parti.  Le  curé  d'une  paroisse,  que  nous  appelons 
Gluiras  ,  dans  laquelle  il  y  a  un  grand  nombre  de  reli- 
gionnaires  ,  est  toujours  en  mouvement.  Tantôt  il  court 
pour  découvrir  nos  démarches,  tantôt  pour  surprendre 


198  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

quelque  assemblée,  tantôt  pour  faire  quelque  prosélyte. 
Il  dispute,  il  flatte,  il  caresse,  il  promet,  il  menace.  Il 
a  fait  venir  un  petit  livre  imprimé  à  Avignon  et  composé 
par  François  Vernet  (i),  prosélyte  de  l'Eglise  romaine 
et  frère  de  M.  Jacob  Vernet,  professeur  à  Genève.  Il 
lit  ce  livre  dans  les  maisons,  l'appuyant  de  ses  réflexions 
et  en  disant  que  M.  Jacob  Vernet,  ne  pouvant  rien 
répondre  à  ce  livre,  on  lui  verra  bientôt  suivre  l'exemple 
de  son  frère... 

»  Je  viens  à  l'évèché  de  Valence,  dans  lequel  on  ne 
parle  ni  des  collèges,  ni  des  couvents  ,  mais  on  y  fait 
payer  de  temps  en  temps  quelques  amendes  comme 
dans  celui  de  Viviers.  Les  curés  s'y  donnaient  aussi  de 
grands  soins  pour  faire  des  prosélytes.  Ils  sont  surtout 
fort  attentifs  à  épier  nos  démarches  pour  se  saisir  de 
nos  personnes,  afin  de  faire  cesser  le  cours  des  assem- 
blées et  de  détruire  entièrement  notre  religion.  L'année 
dernière,  au  mois  de  mai,  les  espions  qu'ils  ont  établis 
découvrirent  une  assemblée  dans  la  paroisse  de  Bruzac, 
à  deux  lieues  de  Valence,  mais  n'ayant  pas  le  temps 
d'aller  chercher  des  soldats ,  il  se  contentèrent  de  re- 
marquer tout  ce  qui  s'y  passait  et  les  personnes  qui 
y  étaient.  Ensuite  ils  en  donnèrent  avis  à  M,  de  Lade- 
vèze  ,  commandant  de  la  province,  qui  envoya  peu  de 
temps  après  un  détachement  de  soldats  avec  ordre  d'ar- 
rêter tous  ceux  qui  étaient  accusés.  Il  y  en  eut  une  dou- 
zaine qui  furent  conduits  à  Tournon,  oij  ils  demeurè- 
rent   quelques    jours,    après    quoi    on    les    relâcha... 


(i)  LeAIre  apologétique.  Dans  laquelle  le  S'  François  Vernet  ,  Néf/o- 
rAant ,  expose  à  M.  Jacob  Vernet,  son  frère  ,  Ministre  et  Professeur  en 
Belles-Lettres  à  Genève,  les  inoHfs  qui  l'ont  porté  à  nbjurcr  l'Hérésie  de 
Calvin  ;  et  à  embrasser  la  Religion  Catholique,  Apostolique  et  Uomainf, 
Avignon,  1740,  in-i6.  Seconde  Lcltrc...,  Avignon  et  Marseille,  1741,  in-i6. 
Troisième  Lettre...,  Avignon  et  Marseille,  1742,  in-i6. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  IQQ 

Cependant    on    les    a    condamnés    à    une    amende   de 
700  livres. 

»  Après  cette  assemblée  on  fit  courir  le  bruit  que 
des  ministres  étrangers  étaient  dans  la  province.  Crai- 
gnant une  révolte  ,  on  fit  des  gardes  dans  toutes  les 
petites  villes  ,  on  défendit  aux  religionnaires  d'aller  en 
troupes  et  de  se  parler  dans  les  foires,  lorsqu'il  n'y 
aurait  pas  de  catholiques  romains  avec  eux.  Ladevèze 
se  transporta  dans  les  Cévennes  avec  quelques  compa- 
gnies de  soldats,  mais,  voyant  que  tout  était  faux,  il 
revint  sans  faire  du  mal  (i).  » 

TOLÉRANCE  MOMENTANÉE.  ASSEMBLÉES  DE  JOUR  ET 
PUBLIQUES  (10  MAI  1744)-  MÉMOIRE  DE  PEIROT. 
ARRESTATIONS    PARTICULIÈRES    (1743-I744). 

Le  proposant  Matthieu  Majaldit  Desubas,  qui  s'était 
rendu  au  séminaire  de  Lausanne  en  décembre  1740 
et  qui  y  fut  consacré  au  saint  ministère  le  20  juillet  1743, 
rentra  en  Vivarais  cette  même  année  et  trouva  que  le 
zèle  des  protestants  du  Vivarais  s'était  refroidi  dans 
quelques  quartiers.  Tous  les  pasteurs  et  prédicateurs 
réunis  ne  pouvaient  donner  plus  de  quatre  prédications 
par  an  à  chaque  Eglise.  C'était  peu  pour  y  entretenir 
une  vie  religieuse  intense. 

D'autre  part  ,  l'autorité  se  relâchait  de  ses  rigueurs. 
Depuis  quelques  mois  on  n'apercevait  aucun  soldat  en 
Vivarais.  Les  curés  ne  proféraient  plus  autant  de  mena- 
ces,  les  mariages  bénis  au  désert  n'étaient  plus  pour- 
suivis, les  jeunes  filles  plus  enfermées  dans  les  couvents 
et  on  ne  parlait  plus  d'amendes.  L'évêque  de  Viviers 
avait  beau  réclam  .i  de  Louis  XV  l'exécution  des  édits, 

(i)  Armand  de  La  Chapelle,  Nécessité  du  culte  puldic,  Mémoire  liisln- 
riquc,  p.  501.  Ms.  Court,  n»  17,  t.  R.  Arch.  de  l'Hérault,  C,  210. 


200  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

on  ne  l'écoutait  pas.  «  J'ai  souvent  parlé  au  roi,  »  écri- 
vail-il  à  un  de  ses  curés  au  printemps  de  1743  ,  «  tou- 
chant les  mariages  bénis  à  la  lune  sans  avoir  rien  pu 
obtenir  contre  eux  et  présentement  le  roi  ne  veut  pas 
même  en  entendre  parler.  » 

La  plupart  des  catholiques,  fort  alarmés,  disaient  que 
dans  peu  on  reverrait  les  temples  rebâtis,  la  persécution 
cesser,  et  chacun  servir  Dieu  suivant  le  mouvement  de 
sa  conscience.  Les  assemblées  se  tenaient  sans  entra- 
ves ,  mais  les  pasteurs  veillaient  à  ce  qu'il  ne  s'y  rendît 
pas  trop  de  personnes,  parce  que  le  duc  de  Richelieu, 
commandant  du  Languedoc,  qui  «  était  fort  bénin  pour 
les  protestants  et  qui  n'avait  voulu  écouter  aucun  ecclé- 
siastique contre  eux  ,  »  se  plaignit  à  Nîmes  de  ce  que 
les  assemblées  étaient  trop  nombreuses  et  engagea  les 
protestants  à  être  plus  réservés  et  plus  prudents.  Il  disait 
que  l'édit  de  Nantes  n'était  pas  rétabli,  mais  il  osait 
ajouter ,  chose  rare  pour  l'époque,  que  Louis  XIV  au- 
rait peut-être  bien  fait  de  ne  pas  y  toucher. 

Cette  tolérance  momentanée  ,  qui  était  générale  et 
provenait  des  embarras  que  suscitait  à  la  France  la 
guerre  meurtrière  de  la  succession  d'Autriche,  décida 
les  protestants  du  Vivarais  à  tenir  désormais  leurs  as- 
semblées de  jour  à  l'exemple  de  leurs  frères  du  Langue- 
doc. Court,  dans  une  lettre  du  5  décembre  1743,  avait 
beaucoup  engagé  Peirot  à  entrer  dans  cette  voie,  u  S'il 
y  a  moyen  d'obtenir  quelque  liberté,  »  lui  écrivait-il, 
«  ce  n'est  que  par  la  grandeur  de  notre  zèle ,  toujours 
dirigé  par  les  sages  maximes  de  l'Evangile,  que  nous 
pourrons  l'obtenir.  C'est  ainsi  que  nos  pères  ,  par  une 
fermeté  qui  se  raidissait  contre  tous  les  dangers  ,  ob- 
tinrent la  liberté  de  conscience  et  le  libre  exercice  de 
leur  religion.  » 

Les  protestants  vivarois  patageaient  déjà  cette  ma- 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  201 

nière  de  voir.  «  Je  n'ai  garde  de  les  faire  changer  de 
sentiment,  »  écrivait  Peirot  le  31  janvier  1744;  «  je  tâ- 
che au  contraire ,  étant  muni  de  votre  approbation ,  de 
les  y  affermir  de  plus  en  plus.  »  Le  synode  provincial 
du  i^'  mai  1744  décida  en  conséquence  qu'à  l'avenir 
les  assemblées  revêtiraient  ce  caractère.  «  Considé- 
rant, »  disent  ses  actes ,  «  la  tolérance  dont  on  use  en- 
vers nous  depuis  quelque  temps  et  principalement  envers 
nos  frères  du  Languedoc...  on  a  reconnu  qu'il  était  à 
propos ,  vu  les  présentes  circonstances  ,  de  cesser  de 
s'assembler  de  nuit  et  de  commencer  dans  peu,  si  le 
Seigneur  le  permet,  de  s'assembler  en  plein  jour,  non 
pour  causer  des  troubles  et  des  divisions,  mais  uni- 
quement pour  servir  le  seigneur  selon  la  pureté  de 
l'Evangile;  et  cela  sans  armes  et  sans  causer  aucun  tu- 
multe. » 

Le  synode  prévoyant  ,  d'autre  part ,  que  ces  assem- 
blées de  jour  pourraient  irriter  les  curés  de  la  province 
et  les  porter  à  dénoncer  les  protestants  comme  des  re- 
belles et  des  séditieux ,  résolut  d'écrire  aux  comman- 
dants et  gouverneurs  du  Vivarais ,  d'abord  pour  les  as- 
surer de  la  fidélité  des  protestants ,  de  leur  soumission 
et  de  leur  obéissance  aux  ordres  de  leur  prince;  puis 
pour  les  supplier  instamment  d'user  de  support  à  leur 
égard. 

Conformément  à  cette  décision  les  pasteurs  Coste  et 
Peirot  (Desubas  était  à  ce  moment  dans  le  Languedoc 
pour  l'affaire  du  schismatique  Boyer),  commencèrent  le 
dimanche  10  mai  1744  à  prêcher  en  plein  air,  le  premier 
du  côté  de  Vernoux  ,  le  second  du  côté  de  Saint-Pier- 
reville.  Quatre  à  cinq  mille  personnes  assistèrent  à  ces 
assemblées   (i).    Personne   ne  les   troubla.    Les  curés 

(1)  Il  s'en  tint  aussi  le  même  jour  au  coteau  d'Oraye,  paroisse  de  Saint- 


202  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

tremblaient.  Dans  celle  que  présida  Peirot  ils  envoyè- 
rent des  exprès  pour  savoir  si  les  protestants  étaient  ar- 
més,  et  ne  revinrent  de  leur  frayeur  que  lorsqu'ils 
apprirent  le  contraire.  Dans  cette  circonstance,  les  pro- 
testants montrèrent  autant  de  zèle  que  de  courage.  Tous 
assistèrent  aux  assemblées.  Riches  et  pauvres  ,  jeunes 
gens,  hommes  de  l'âge  mûr  et  vieillards.  Il  y  eut  peu 
de  Nicodémites.  Seul,  le  vieux  prédicateur  Monteil  fit 
de  l'opposition.  Non  seulement  il  n'assista  pas  aux  as- 
semblées de  jour,  mais  encore  il  mit  tout  en  œuvre 
pour  empêcher  les  gens  de  s'y  rendre.  Il  ne  fut  pas 
écouté. 

Laissons  maintenant  la  parole  à  Peirot,  qui  envoya  à 
Court,  à  Lausanne,  un  mémoire  spécial  surlesassemblées 
de  jour  du  Vivarais  (i).  «  Elles  surprirent,  »  dit-il,  «■  ex- 
trêmement les  catholiques  par  leur  nouveau  ,  et  par  le 
grand  nombre  de  ceux  qui  les  fréquentaient.  Divers  cu- 
rés en  furent  fort  épouvantés  ou  du  moins  ils  feignaient 
de  l'être.  Les  uns  se  faisaient  garder  par  une  troupe  de 
paysans.  Le  curé,  nommé  Chassieu,  de  Saint-Julien- 
la-Brousse,  était  de  ce  nombre;  les  autres  allèrent  de- 
mander des  gens  pour  être  en  sûreté  au  commandant  de 
la  province.  Le  curé  de  Gilhoc  fut  exprès  à  Tournon 
pour  cela,  mais  on  rejeta  sa  demande.  D'autres  quittè- 
rent leurs  églises  pour  se  mettre,  disaient-ils,  en  sûreté. 
L'évêque  fut  obligé  d'ordonner  au  curé  de  la  paroisse 
de  Saint- Fortunat ,  nommé  Aligno,  de  reprendre  son 
poste  ou  de  consentir  qu'on  mît  un  autre  curé  à  sa 
place. 

»  Plusieurs  gentilshommes  sollicitèrent  le  comman- 

Jean -Chambre ,  près  de  Desaignes,  et  du  côté  de  Saint-Agrève  ;  le  jour  de 
l'Ascension  ,  sur  les   limites  de  Châteauneuf-lès-Vernoux  et   de   Boffres  ;   le 
25  mai,  près  de  Boffres  (Arch.  nat.,  TT,  n6,  557). 
,1;  Ms.  Court,  n"  17,  t.  Q,  p.  549-555. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  20^ 

dant  pour  avoir  des  ordres  contre  les  protestants.  S'ils 
ne  manquèrent  sans  doute  pas  de  faire  tous  leurs  efforts 
pour  rendre  les  assemblées  odieuses  et  criminelles  ,  la 
connaissance  qu'on  a  de  quelques-uns  de  ces  messieurs, 
fondée  sur  une  triste  expérience,  ne  permet  pas  de  le 
révoquer  en  doute.  Ils  n'obtinrent  pourtant  rien.  Le 
commandant  se  contenta,  on  le  sait  de  science  certaine, 
de  leur  dire  qu'il  en  écrirait  à  la  cour;  qu'en  attendant 
ils  ne  devaient  faire  autre  chose  que  de  remarquer  ceux 
qui  assistaient  aux  assemblées  sans  les  molester  en  au- 
cune manière.  Scipion  de  Rochessauve  l'a  dit  lui-même 
au  ministre  M""  Coste. 

»  Les  ministres  (i)  prévoyaient  par  avance  les  mau- 
vaises intentions  des  catholiques.  D'abord  qu'ils  eurent 
fait  leurs  premières  assemblées,  ils  écrivirent  d'un  com- 
mun accord  deux  lettres  :  l'une  à  M.  Ladevèze,  l'autre 
à  M.  de  Châteauneuf  (2),  commandant  à  Tournon.  Ces 
lettres  portaient  que  les  religionnaires  s'assemblaient  à 
la  vérité ,  mais  sans  armes,  sans  tumulte,  uniquement 
dans  la  vue  de  servir  Dieu  et  qu'ainsi  on  ne  devait  pas 
douter  de  leur  fidélité  envers  Sa  Majesté.  » 

Nous  avons  été  assez  heureux  pour  retrouver  celle 
qui  fut  écrite  à  Châteauneuf.  En  voici  le  texte  : 

«  Monseigneur,  la  haute  idée  que  nous  avons  de  vo- 
tre équité  et  de  votre  justice  nous  engage  à  prendre  la 
liberté  de  nous  adresser  à  vous,  Monseigneur,  pour 
nous  justifier  auprès  de  vous  des  calomnies  qu'on  in- 
vente sur  notre  sujet  depuis  l'indigne  soulèvement  des 
camisards  ,  désapprouvé  par  tous  les  gens  sensés  de 
notre  communion.  Diverses  personnes  ont  regardé  les 
protestants  du   royaume ,   et  particulièrement   ceux   de 

(i)  Peirot,  Coste  et  Desubas. 

(2)  Ladevèze  avait  reçu  un  commandement  plus  étendu   en  Languedoc,  et 
Châteauneuf  le  remplaça  pour  le  Vivarais  et  le  Velay. 


204  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

cette  province,  comme  des  rebelles,  des  séditieux,  des 
perturbateurs  du  repos  public.  Aujourd'hui  qu'ils  pren- 
nent la  liberté  de  s'assembler  en  plein  jour,  on  ne  man- 
quera pas  sans  doute  de  renouveler  toutes  les  .ancien- 
nes accusations  et  de  les  dépeindre  comme  des  rebelles, 
des  gens  qui  ont  des  intelligences  avec  les  ennemis  de 
Sa  Majesté.  Permettez  donc,  Monseigneur,  que  nous, 
ministres  du  Vivarais,  ayons  l'honneur  de  protester  con- 
tre ces  accusations  et  de  vous  assurer  que  tous  ceux 
de  la  relii^fion  réformée  re2:ardent  comme  un  crime  des 
plus  énormes  la  rébellion  contre  un  légitime  souverain 
tel  que  notre  prince.  Il  est  vrai,  Monseigneur,  que  de- 
puis longtemps  il  y  a  dans  cette  province  des  ministres 
qui  ont  béni  des  mariages ,  administré  les  sacrements 
et  convoqué  secrètement  des  assemblées  religieuses  , 
mais  cela  sans  causer  un  seul  trouble  dans  la  patrie  et 
sans  émouvoir  aucune  sédition  contre  l'Etat.  Les  reli- 
gionnaires  de  ce  pays  ont  payé  les  amendes  sans  mur- 
mure, souffert  patiemment  les  galères,  l'enlèvement  de 
leurs  enfants.  Non  seulement  ils  ne  se  sont  point  rebel- 
lés contre  leurs  gouverneurs ,  il  ont  encore  supporté 
avec  patience  les  injures,  les  insultes,  les  mauvais  trai- 
tements de  divers  particuliers  ,  qui  se  servaient  du  pré- 
texte de  religion  pour  exercer  leur  cruauté,  pour  assou- 
vir leurs  passions  en  venant  et  en  tourmentant  le  pauvre 
peuple.  Nous  vous  avouons  aussi,  Monseigneur,  que 
présentement  nous  prenons  la  liberté  de  nous  assembler 
en  plein  jour,  mais  sans  armes,  sans  tumulte,  sans  cau- 
ser la  moindre  inquiétude  à  qui  que  ce  soit.  Comme 
nous  l'avons  toujours  pratiqué  dans  nos  assemblées  noc- 
turnes, nous  faisons  cela,  non  pour  nous  soustraire  à 
l'obéissance  due  à  notre  roi,  mais  pour  nous  sanctifier, 
pour  prier  Dieu  ,  pour  le  servir,  sinon  de  la  même  ma- 
nière des  autres  sujets  de  Sa  Majesté,   du  moins  sous 


DU    VIVAHAIS    ET    DU    VELAY.  201? 

une  bonne  intention;  car  s'il  y  a  entre  eux  et  nous  des 
sentiments  différents  sur  des  matières  de  théologie,  nous 
sommes  tous  d'accord  touchant  la  nécessité  de  bien  vi- 
vre, de  servir  Dieu  et  de  le  prier  pour  le  roi,  pour 
l'Etat,  ainsi  que  nous  le  pratiquons  dans  tous  nos  exer- 
cices de  piété  et  de  dévotion.  Voilà,  Monseigneur,  nos 
véritables  sentiments  et  ce  qui  s'observe  parmi  nous. 
Nous  espérons  que  votre  bonté  vous  portera  à  nous 
rendre  justice  ,  en  ne  nous  regardant  point  comme  des 
rebelles  et  en  usant  envers  nous  de  la  même  clémence 
dont  vous  usez  envers  nos  frères  du  Languedoc  et  des 
Cévennes.  En  reconnaissance,  nous  ferons  des  prières 
au  Seigneur  pour  qu'il  vous  conserve  et  qu'il  vous  ac- 
corde une  vie  longue  et  heureuse,  accompagnée  de  tou- 
tes sortes  de  bénédictions,  nous  osons  nous  dire,  avec 
un  très  profond  respect ,  vos  très  humbles  et  soumis 
serviteurs.  P.  m.  Cm.  M.  m.  (i).  Ce  14® mai  1744  (2).  » 

«  Dans  le  temps  que  M.  de  Châteauneuf  eut  reçu  la 
lettre  des  ministres,  »  continue  Pèirot  dans  son  mé- 
moire, «  il  partit  pour  Privas  011  l'assiette  s'assemblait. 
Il  montra  sa  lettre  à  l'assemblée,  ensuite  il  l'envoya  en 
cour.  On  ne  peut  pas  bien  savoir  tout  ce  que  ces  mes- 
sieurs de  l'assiette  dirent  des  assemblées  des  protes- 
tants et  de  la  lettre  des  ministres,  mais  on  a  vu  qu'en 
arrivant  de  Privas  il  étaient  plus  doux  envers  les  pro- 
testants et  qu'ils  parlaient  des  assemblées  et  des  mi- 
nistres plus  avantageusement  qu'ils  ne  faisaient  aupa- 
ravant. 

»  Une  autre  lettre,  qui  fut  aussi  communiquée  aux 
messieurs  de  l'assiette,  est  celle  du  ministre  Peirot  à 
M.  le  comte  de  Chambaud.  Il  est  bon  de  rapporter  ce 


(i)  Peirot,  ministre;  Coste,  ministre;  Majal  (Desubas).  ministre. 
(2)  Arch.  nat.,  TT,  356,  )}7. 


206  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

qui  donna  lieu  à  ce  premier  d'écrire  cette  lettre.  D'abord 
que  M.  le  comte  de  Chambaud  eut  appris  qu'on  faisait 
des  assemblées  en  plein  jour,  il  témoigna  un  grand  em- 
pressement de  voir  les  ministres.  11  en  écrivit  à  M.  de 
Romegieux,  de  la  paroisse  de  Gluiras,  mais  comme  on 
ne  lui  en  faisait  pas  voir  aussitôt  qu'il  l'aurait  souhaité  , 
ayant  appris  qu'on  faisait  une  assemblée  dans  la  paroisse 
de  Saint-Jean-Chambre  le  17®  mai,  il  s'y  rendit  lui-même 
et  fit  prier  le  ministre  de  venir  lui  parler  hors  de  l'assem- 
blée. Il  déclara  d'abord  qu'il  venait  là  pour  un  bien; 
que,  voyant  que  les  protestants  faisaient  des  assemblées 
qui  pourraient  leur  attirer  de  violentes  persécutions,  il 
voudrait  les  prévenir  et  les  leur  faire  éviter.  Il  dit  en 
particulier  à  M.  Peirot  qu'il  voulait  croire  qu'il  était 
honnête  homme,  et  qu'il  n'agissait  que  dans  de  bonnes 
vues  ,  mais  que  la  cour  n'interpréterait  pas  ainsi  ses  dé- 
marches, qu'elle  prendrait  cette  conduite  pour  une  vé- 
ritable rébellion,  qu'elle  croirait  que  les  ministres  étaient 
envoyés  et  pensionnés  par  le  roi  d'Angleterre. 

»  Peirot  lui  fit  un  court  raisonnement  pour  lui  mon- 
trer qu'on  ne  devait  pas  soupçonner  les  protestants 
d'être  d'intelligence  avec  les  ennemis  de  Sa  Majesté; 
mais  M.  le  comte  ne  voulait  même  pas  l'écouter,  disant 
que  rien  ne  les  justifierait  mieux  que  de  cesser  de  faire 
des  assemblées  de  jour  ;  que,  pour  la  nuit,  ils  pourraient 
aller  de  maison  en  maison,  et  prêcher  sans  que  per- 
sonne leur  dît  rien;  que,  pourvu  qu'on  voulût  lui  accor- 
der cela,  il  s'intéresserait  en  leur  faveur.  On  lui  dit 
qn'on  lui  accorderait  sa  demande  s'il  pouvait  obtenir  une 
permission  de  la  cour  de  bénir  les  mariages ,  baptiser 
les  enfants  et  de  s'assembler  la  nuit  sans  aucun  risque. 
Il  répondit  que  cela  était  contre  les  ordres  du  roi,  mais 
qu'on  pouvait  le  faire  sans  s'exposer. 

»  Comme   M.  le  comte  voulait  absolument   que   le 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  207 

sieur  Peirot  (car.  il  ne  parlait  qu'à  lui),  lui  promit  de  ne 
plus  prêcher  de  jour,  ce  dernier,  ne  voulant  ni  promet- 
tre, ni  refuser,  répondit  qu'il  communiquerait  la  chose 
à  ses  confrères  et  aux  principaux  habitants  ;  qu'ensuite 
il  écrirait  la  résolution  qui  aurait  été  prise.  Le  comte 
fut  content,  il  promit  qu'il  enverrait  encore  la  lettre 
qu'on  lui  écrirait. 

»  Le  sieur  Peirot ,  après  s'être  consulté  avec  ses 
confrères  et  quelques  fidèles,  écrivit,  le  mardi  19  mai, 
en  son  propre  nom,  à  M.  le  comte,  comme  il  le  lui 
avait  promis  ;  mais  ,  par  des  raisons  de  prudence ,  il 
éluda  la  question,  c'est-à-dire  qu'il  ne  promit  pas  de  ne 
pas  faire  des  assemblées  de  jour  ni  qu'il  ne  dit  pas  non 
plus  qu'il  n'en  ferait  ;  il  se  contenta  de  montrer  que , 
bien  loin  que  les  assemblées,  qui  se  convoquaient  en 
plein  jour  au  vu  et  au  su  de  tout  le  monde,  dussent  faire 
soupçonner  les  protestants  de  rébellion,  elle  devait  plu- 
tôt faire  leur  apologie  et  les  justifier  auprès  de  toute 
personne  raisonnable  (i). 

»  Lorsque  M.  le  comte  eut  la  lettre,  il  partit  pour 
Privas,  où  l'assiette  était  encore,  et  la  montra  à  toute 
l'assemblée.  Chacun  en  fit  des  copies.  Il  suffisait  que 
cette  lettre  eût  été  écrite  par  un  ministre  pour  que  cha- 
cun fût  curieux  de  l'avoir,  ce  qui  fut  cause  qu'il  s'en 
répandit    des    copies   presque    dans    tout   le   Vivarais. 

(i)  Un  personnage  resté  inconnu,  mais  que  Peirot  croit  être  un  curé  ,  fit 
une  réponse  à  sa  lettre.  Elle  accusait  les  protestants  de  manquer  de  sincé- 
rité. «  Vous  dites,  »  écrivait  l'auteur  anonyme  ,  «  que  vous  avez  payé  les 
amendes  sans  murmure  :  ce  qui  n'est  pas  vrai,  car  l'on  vous  y  a  forcé  par 
des  garnisons.  Vous  dites  que  vous  empêchez  que  les  protestants  sortissent 
du  i03'aume  et  qu'ils  emportassent  de  l'argent.  Le  roi  ne  vous  en  saura  pas 
gré.  Il  y  a  pourvu  en  empêchant  qu'on  vendît  les  biens  ,  et  en  empêchant 
qu'on  soriît  de  ses  Etats.  Quelques  soumises  que  paraissent  vos  lettres  aux 
commandants  ,  l'on  ne  cesse  pas  d'y  apercevoir  quelque  teinture  de  rébel- 
lion cachée,  qui  ne  manquerait  pas  de  se  manifester  à  l'occasion;  aussi  ne 
se  fie-t-on  guère  à  vous.  »  {Mémoire  de  Coste  ,  ms.  Court,  n*  17,  vol.  P  , 
p.  505.) 


208  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

L'original  en  fut  envoyé  à  M.  d'Argenson,  qui  répondit 
à  M.  le  comte  qu'il  était  déjà  informé  de  la  conduite 
des  protestants. 

»  Le  même  dimanche  17  mai,  comme  on  se  retirait 
de  l'assemblée,  il  arriva  un  événement  qui  pensa  inquié- 
ter les  protestants.  Le  sieur  Avon,  curé  de  Saint-Mau- 
rice [sous  ChalenconJ ,  allant  à  Saint-Jean-Chambre 
baptiser  un  enfant ,  postant  (passant)  à  un  petit  village 
nommé  Rias,  fut  blessé  à  une  joue.  Il  n'eut  pas  plutôt 
reçu  le  coup  qu'il  cria  que  ceux  qui  venaient  de  l'as- 
semblée l'assassinaient.  Ils  en  étaient  bien  éloignés.  Ils 
saisirent  eux-mêmes  l'homme  qui  avait  tiré,  le  condui- 
sirent à  Vernoux  et  dirent  au  commandant  de  faire  faire 
à  leurs  dépens  les  informations  nécessaires  pour  savoir 
s'il  était  coupable  ou  non.  L'accusé  était  religionnaire, 
mais  il  n'était  point  allé  à  l'assemblée  ce  jour-là.  Il 
était  dans  son  jardin,  tirant  aux  oiseaux,  et  par  mégarde 
blessa  un  peu  le  curé.  Son  innocence  fut  d'abord  con- 
nue, et  il  fut  relâché  par  ordre  de  M.  de  Châteauneuf 
sans  qu'on  lui  infligeât  d'autre  peine  que  de  demander 
pardon  au  curé  (i). 

»  Depuis  ce  temps,  il  est  allé  un  grand  nombre  de 
catholiques  dans  les  assemblées,  mais  il  n'y  est  jamais 
arrivé  aucun  trouble.  Il  y  eut  dans  une  assemblée  trois 
ou  quatre  jeunes  garçons  papistes  qui  portaient  leurs 
fusils.  On  les  leur  ôta  et  deux  gentilshommes  les  por- 
tèrent au  commandant  qui  les  garda  et  qui  dit  que ,  s'il 
savait  que  le  curé  eût  trempé  là-dedans,  lui-même  l'en 
ferait  repentir  (2).  » 

(1)  Pendant  que  cet  homme  était  en  prison,  une  autre  pièce  de  l'époque 
nous  apprend  que  »  les  demoiselles  Loriol ,  du  lieu  ,  et  M'  Abriac  ,  consul , 
dirent  qu'il  fallait  [faire]  évader  cet  homme  pour  avoir  un  prétexte  pour  faire 
périr  les  protestants.  C'est  ce  qui  fut  entendu  par  les  protestants  eux-mêmes 
qui  le  gardaient.  » 

(2)  Ms.  Court,  n"  i,  t.  XIV,  XV.  Recueil  des  syn.  du  Vinariiis. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY  209 

CONTINUATION      DES      ASSEMBLÉES     DE     JOUR.     LIBELLE 
DIFFAMATOIRE.     RÉPONSE    DE    DESUBAS    (1744). 

Le  mouvement  qui  portait  les  protestants  à  s'assem- 
bler de  jour  ne  se  ralentit  pas.  «  Nos  protestants,  » 
écrivait  Desubas  le  12  juin  1744,  «  se  rendent  de  fort 
loin  dans  les  assemblées.  Le  dimanche  de  la  Pente- 
côte ,  j'en  fis  une  où  il  y  avait  des  gens  de  trente-huit 
paroisses.  Il  s  y  rendit  beaucoup  de  catholiques  romains. 
Nous  y  avons  vu  des  comtes,  des  gentilshommes,  des 
bourgeois  et  des  paysans  en  grande  quantité...  Diman- 
che dernier,  il  y  eut  un  comte,  ami  du  cardinal  de  Le- 
nain ,  qui  m'envoya  de  quelle  manière  il  fallait  agir 
dans  nos  assemblées  pour  nous  rendre  les  puissan- 
ces favorables.  Ce  même  jour,  un  curé  me  fit  inviter 
pour  aller  prendre  un  repas  chez  lui ,  mais  je  ne  pus  le 
faire.  Hier  au  soir,  je  reçus  une  lettre  dans  laquelle  un 
homme  de  grande  distinction  me  fait  dire  qu'il  veut  nous 
rendre  service  auprès  des  puissances  ;  mais  il  veut 
pour  cela  savoir  tous  les  lieux  où  se  sont  tenues  nos  as- 
semblées ,  le  jour  où  nous  les  avons  commencées  et  la 
manière  dont  nous  nous  y  sommes  conduits.  Je  n'ai  pas 
encore  répondu  à  cette  lettre.  Au  reste,  nous  bénissons 
les  mariages  de  tous  les  protestants  de  ce  pays ,  nous 
baptisons  leurs  enfants,  ce  qui  nous  donne  bien  de  peine 
et  d'embarras...  J'oubliais  de  vous  dire  qu'il  y  a  un  com- 
mandant à  Beauregard  qui  donne  des  permissions  aux 
protestants  pour  aller  aux  assemblées.  Cela  me  fait 
croire  que  nos  affaires  vont  assez  bien.  » 

Le  quatrième  synode  national  du  désert ,  qui  se  réu- 
nit dans  le  bas   Languedoc  le  18  août    1744  et  auquel 
les  pasteurs  Peirot  et  Desubas  assistèrent  comme  re- 
II.  14 


2IO  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

présentants  des  Eglises  du  Vivarais  ,  approuva  (art.  X) 
les  assemblées  de  jour  et  publiques,  et  décida  que  cette 
province  prêterait  un  pasteur  au  Poitou.  C'est  sans 
doute  pour  se  conformer  à  cette  décision  que  Pelis- 
sier  dit  Dubesset ,  qui  était  allé  au  séminaire  de  Lau- 
sanne en  novembre  1740  et  qui  en  revint  en  1744,  alla 
s'établir  dans  le  Poitou  en  1745. 

Ajoutons  qu'un  Mémoire,  qui  paraît  avoir  été  rédigé 
en  1744,  porte  à  quarante-trois  le  nombre  des  Eglises 
qui  étaient  organisées  à  cette  époque  dans  la  pro- 
vince (1). 

La  tolérance  dont  jouissait  le  Vivarais  n'empêcha  pas 
pourtant  les  poursuites  particulières.  Ainsi  ,  Richelieu 
donna  l'ordre,  le  15  décembre  1744,  d'arrêter  un  cer- 
tain nombre  de  protestants  de  cette  province.  Voici 
leurs  noms  et  les  motifs  qui  les  firent  décréter  d'arres- 
tation : 

Claude  Ponton,  de  Gluiras.  <(  Il  a  enlevé  de  force 
Catherine,  sa  sœur,  de  la  maison  des  soeurs  de  saint 
Joseph  ,  du  lieu  de  Chalancon  ,  où  elle  avait  été  mise 
pour  être  élevée  dans  la  religion  catholique.  » 

Claude  dit  Roche  ,  du  même  lieu.  «.  Il  a  aidé  à  faire 
l'enlèvement  de  cette  fille.  » 

Antoine  Terras,  de  Saint-Fortunat.  a  II  est  le  chef 
des  religionnaires  de  l'arrondissement  de  Saint-Fortu- 
nat ;  il  se  donne  les  plus  grands  mouvements  pour  abo- 
lir la  religion  catholique  ;  il  entretient  à  ses  frais  le 
nommé  Jalade  pour  enseigner  des  psaumes  et  former 
des  ministres.  » 

Philippe  Blache,  de  Mastenac  ,  paroisse  de  Saint- 
Fortunat.  «  Il  prête  sa  maison  pour  tenir  chaque  jour 
des  assemblées  à  peu  près  semblables  à  celles  de  1727, 

(i)  Ms.  Court,  n«  ry,  t.  Q.  Voy.  Picces  justificatives,  n"  XV. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  211 

et  dans  lesquelles  il  se  passe  les  choses  les  plus  extra- 
vagantes. » 

Bougnard  dit  le  Père  Eternel  ,  du  même  lieu.  «  Il 
assiste  à  ces  assemblées,  dont  il  est  un  des  principaux 
acteurs  ;  il  a  été  condamné  aux  galères  pour  le  même 
fait.  » 

Nos  sources  ne  nous  disent  pas  si  ces  personnes  pu- 
rent se  dérober  aux  poursuites  dirigées  contre  elles. 
Richelieu  avait  donné  l'ordre  de  les  conduire  au  château 
de  Beauregard. 

Cette  même  année  1744,  on  fit  circuler  dans  le  Vi- 
varais  un  libelle  diffamatoire  manuscrit  contre  les  catho- 
liques, dont  on  attribua  la  paternité  aux  pasteurs.  Le 
curé  du  Gua  ayant  été  un  de  ceux  qui  le  colportèrent 
avec  le  plus  de  zèle,  Desubas  lui  répondit  le  24  juillet, 
de  concert  avec  le  pasteur  Dunière  dit  Lacombe  (i). 
«  Nous  avons  lu,  »  disait-il  au  curé,  «  la  copie  d'une 
lettre,  ou  plutôt  d'un  libelle  séditieux,  que  vous  eûtes 
la  complaisance  de  communiquer  à  un  protestant  de  la 
paroisse  d'Issamoulenc.  Nous  aurions  cru  que  vous  de- 
viez vous  contenter  de  regarder  avec  mépris  un  écrit  si 
mal  conçu ,  sans  daigner  y  faire  la  moindre  attention. 
Mais  quelle  n'a  pas  été  notre  surprise  d'apprendre  que 
cet  écrit  vous  alarme  et  surtout  que  vous  vous  soyez 
mis  dans  l'esprit  que  les  ministres  en  sont  les  auteurs. 
Le  titre  de  séditieux  et  de  rebelle  est  si  odieux  que 
nous  avons  cru  que  notre  devoir  nous  engageait  indis- 
pensablement  à  vous  écrire,  pour  vous  protester  que  de 
semblables  écrits  ne  partiraient  jamais  de  notre  part  et 
que  nous  dirons  toujours  anathème  à  ceux  qui  auront 
l'audace  d'en  écrire  de  tels... 


(1)  Dunière  ne  refusa  pas  ce  service  à  son  ami,  quoiqu'il  n'exerçât  pas  le 
ministère  à  cause  de  sa  mauvaise  santé,  comme  on  l'a  déjà  dit. 


212  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

»  Nous  déclarons  d'abord  sincèrement  et  devant  Dieu 
que  nous  regardons  la  lettre  en  question  comme  imper- 
tinente,  téméraire,  impie  et  séditieuse.  Nous  ignorons 
absolument  qui  en  est  l'auteur;  mais,  quel  qu'il  puisse 
être ,  nous  le  regardons  comme  un  brouillon  ,  un  per- 
turbateur du  repos  public,  digne  d'être  recherché  et 
puni  comme  un  véritable  séditieux.  » 

Desubas  prouve  ensuite  que  les  pasteurs  du  Vivarais, 
pas  plus  que  ceux  du  Dauphiné,  n'avaient  pu  écrire  un 
pareil  libelle,  et  il  ajoute  :  «  Si  la  religion  que  nous 
professons  autorisait  la  révolte  et  la  rébellion,  vous  au- 
riez peut-être  quelque  raison  de  vous  défier  et  de  nous 
attribuer  des  écrits  et  des  démarches  tendant  à  la  sédi- 
tion ;  mais  avons-nous  jamais  reçu,  cru  ni  enseigné  rien 
de  semblable  ?  Ne  faisons-nous  pas  profession  de  croire 
qu'il  faut  obéir  aux  puissances  supérieures  et  leur  être 
soumis  dans  tout  ce  qui  n'intéresse  pas  la  conscience  ? 
Nous  sommes-nous  jamais  départis  de  cette  croyance  ? 
Depuis  qu'il  y  a  des  ministres  dans  le  Vivarais  ,  avez- 
vous  vu  des  révoltes  et  des  soulèvements?  N'avons- 
nous  pas  supporté  tous  les  mauvais  traitements...  avec 
une  grande  patience?...  Vous  direz  peut-être,  Monsieur, 
que  les  assemblées  que  nous  faisons  contre  les  édits 
sont  des  rébellions  ;  mais  nous  vous  demandons  :  les 
rois  ont-il  droit  sur  la  conscience  de  leurs  sujets?... 
Croyez-vous  que  les  premiers  chrétiens ,  qui  faisaient 
des  assemblées  contre  les  édits  des  empereurs,  fus- 
sent des  rebelles?  Vous  n'oseriez  le  dire  et,  si  vous  le 
faisiez,  vous  condamneriez  des  personnes  que  vous 
regardez  comme  des  martyrs  et  des  saints...  Direz-vous, 
Monsieur,  qu'après  l'afifaire  des  camisards  l'on  a  tout 
lieu  de  se  défier  des  protestants  ?  C'est  là  votre  grand 
retranchement;  mais  ignorez-vous  que  les  ministres  n'ont 
en  rien  contribué  à  cette  révolte?...  Ignorez-vous  que 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  21  3 

nous  n'avons  'rien  négligé  pour  faire  revenir  nos  peuples 
des  visions  du  fanatisme  ?  Ce  serait  donc  sans  fonde- 
ment qu'on  nous  soupçonnerait  de  révolte  sous  prétexte 
qu'un  petit  nombre  de  visionnaires ,  que  nous  avons 
toujours  condamnés  jusqu'à  les  préserver  de  la  commu- 
nion, ont  causé  autrefois  quelque  trouble.  » 

Comme  le  libelle  ajoutait  que  les  protestants  du 
Vivarais  et  du  Dauphiné  avaient  déjà  pris  les  armes  , 
Desubas  ajoutait  :  h  Voilà  plusieurs  jours  que  ce  mani- 
feste a  paru,  mais  point  de  gens  armés.  Ceux  qui 
viennent  du  Dauphiné  assurent  que  tout  y  est  tran- 
quille ,  qu'on  ne  voit  d'autre  armée  que  celle  du  roi  et 
des  alliés  ,  et  qu'aucun  curé  n'a  été  ni  chassé  ni  tué, 
ni  aucune  communauté  pillée  et  brûlée  pour  les  avoir 
gardés.  Cela  nous  fait  penser  aux  armées  qu'un  Don 
Quichotte  croyait  de  voir  et  de  combattre ,  et  qui  ne 
se  trouvaient ,  au  bout  du  compte ,  que  des  moulins  à 
vent  et  des  troupeaux  de  mouton.  » 

Le  pasteur  du  Vivarais  terminait  sa  lettre  par  ces 
fortes  et  belles  paroles  :  «  Après  tout ,  le  temps  nous 
justifiera...  En  attendant,  Monsieur,  souffrez  que  nous 
vous  priions  d'être  tranquille,  de  ne  pas  vous  alarmer, 
et  surtout  d'être  persuadé  que  nous  n'avons  d'autre  des- 
sein que  de  porter  les  peuples  à  la  vertu.  A  l'exemple 
de  saint  Paul  nous  les  exhortons  à  craindre  Dieu  et  à 
honorer  le  roi.  Si ,  après  cela  ,  nous  sommes  blâmés  et 
persécutés  ,  nous  le  serons  en  bien  faisant.  Ce  sera 
pour  avoir  porté  les  hommes  à  se  souvenir  de  leur 
créateur,  à  lui  rendre  les  hommages  qui  lui  sont  dûs,  à 
se  retirer  de  l'injustice  et  de  la  débauche,  et  à  vivre  en 
paix  et  en  concorde  les  uns  avec  les  autres.  » 


214  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

POLITESSES      FAITES     AUX     PASTEURS.      DES      CURÉS     SE 
RENDENT    AUX    ASSEMBLÉES    (1745). 

Les  assemblées  de  jour  continuèrent  nombreuses 
l'année  suivante.  Mentionnons  celles  de  Saint-Jean- 
Chambre,  Gilhoc,  Saint-Voy,  Saint-Agrève,  Le  Pouzin, 
LeChambon,  Saint-Alban,  Saint-Michel-de-Chabrilla- 
noux,  Saint-Maurice  en  Chalancon,  Saint-Didier,  Saint- 
Félix-de-Châteauneuf ,  Desaignes,  Privas,  Toulaud , 
Champis ,  Silhac,  etc.  Il  fut  verbalisé  contre  toutes  ces 
assemblées.  Les  catholiques  étaient  partagés  à  leur 
sujet.  Les  uns  désiraient  sincèrement  que  la  tolérance 
durât;  d'autres,  au  contraire,  étaient  peines  de  ce  qu'elle 
existât.  Parmi  les  premiers  ,  il  en  était  qui  faisaient 
mille  politesses  aux  pasteurs.  Ainsi,  en  janvier  1745,  le 
juge  des  Boutières  et  un  gentilhomme  firent  une  visite 
à  Peirot.  La  conversation  roula  sur  le  support  mutuel 
des  chrétiens  des  diverses  communions.  Ils  s'élevèrent 
contre  la  haine  que  les  deux  religions  nourrissaient  l'une 
contre  l'autre  et  contre  la  persécution  d'autrefois. 

A  Privas,  par  contre,  il  y  avait  quelques  Messieurs 
catholiques  fort  peu  tolérants,  qui  s'exprimaient  mécham- 
ment sur  le  compte  des  assemblées  et  des  ministres. 
Une  assemblée,  qui  avait  eu  lieu  vers  la  Toussaint  de  l'an- 
née précédente ,  fit  quelque  bruit.  Le  subdélégué  Du- 
molard  ,  avec  des  archers  ,  se  transporta  sur  le  lieu  011 
elle  avait  été  tenue  ,  le  mesura  et  fit  des  menaces.  Il  en 
fut  de  même  à  Vais,  mais  ce  fut  tout. 

Le  13  janvier  1745  ,  jour  de  foire,  l'autorité  fit  affi- 
cher à  Saint-Pierreville  les  amendes  auxquelles  avaient 
été  condamnées  quelques  assemblées  du  Languedoc  , 
mais  personne  n'en  fut  effrayé.  D'autre  part,  cinquante 
soldats  de  Tournon  et  cinquante  de  Privas ,  accompa- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2  1"; 

gnés  de  plusieurs  maréchaussées  ,  se  rendirent  de  nuit 
à  Saint-Fortunat ,  fouillèrent  quelques  maisons  protes- 
tantes sous  prétexte  de  rechercher  de  la  contrebande 
et  des  contrebandiers.  Le  Vivarais  était  pourtant  une 
des  provinces  de  France  oia  il  passait  le  moins  de  gens 
de  cette  sorte.  C'est  pourquoi  on  crut  que  c'était  le 
curé  du  lieu  qui  avait  fait  venir  ces  soldats  dans  l'inten- 
tion d'arrêter  quelque  ministre. 

Un  mois  plus  tard,  le  14  février,  un  curé,  son  vicaire 
et  un  autre  personnage  se  rendirent  à  une  assemblée 
présidée  par  le  pasteur  Pélissier  dit  Dubesset.  Lors- 
qu'ils arrivèrent,  ce  dernier  était  sur  le  point  de  congé- 
dier l'assemblée.  Les  trois  visiteurs  auraient  voulu  qu'il 
recommençât  son  sermon,  après  quoi  ils  seraient  montés 
en  chaire  pour  le  réfuter.  Le  pasteur  n'y  ayant  pas 
consenti,  ils  lui  demandèrent  une  dispute  publique, 
mais,  comme  Dubesset  était  fatigué  et  d'une  santé 
chancelante,  il  s'y  refusa  pour  le  moment.  Les  visi- 
teurs partirent  là-dessus  en  disant  qu'une  autre  fois, 
lorsque  l'assemblée  se  tiendrait  près  de  chez  eux,  ils  y 
viendraient  de  meilleure  heure. 

Les  pasteurs  du  Vivarais  ne  surent  que  penser  de 
cette  démarche  insolite,  qui  se  renouvela  plusieurs  fois. 
Ils  furent  toutefois  disposés  à  croire  que  c'était  un  piège 
qu'on  leur  tendait.  Tel  était  du  moins  le  sentiment  de 
Court,  de  Lausanne,  à  qui  Peirot  avait  écrit  sur  ce 
sujet  le  19  mars  1745  et  qui  répondit  :  u  Défiez-vous 
de  toutes  ces  manoeuvres  des  curés  qui  se  sont  rendus 
dans  l'assemblée  de  M.  Dubesset.  Elles  renferment  des 
dessous  de  carte  qui  ne  manqueraient  de  vous  être 
funestes.  » 

Pendant  ce  temps,  quelques  inspirés  faisaient  mille 
prédictions.  Ils  disaient  que  Privas  et  le  Puy  seraient 
détruits ,   que  tous    les   curés ,    chanoines   et   évêques 


2l6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

périraient,  que  les  Anglais  seraient  bientôt  maîtres  de 
Paris  (!).  Les  pasteurs,  qui  apprenaient  avec  beaucoup 
de  peine  ces  extravagances  destinées  à  jeter  du  discrédit 
sur  les  protestants,  faisaient  tous  leurs  efforts  pour  y 
mettre  un  terme  (i). 

DÉCLARATION  DU  ROI  DU  l6  FÉVRIER  I745.  AMEN- 
DES CONSIDÉRABLES.  LETTRE  d'uN  ANONYME  DE 
PARIS.  ÉCRITS  CATHOLIQUES  ET  PROTESTANTS  (l  745)  . 

Ce  calme  relatif  ne  faisait  pas  prévoir  la  déclaration 
royale  du  i6  février  1745,  qui  renchérissait  par  ses 
rigueurs  sur  la  déclaration  déjà  barbare  de  1724.  Elle 
portait  que  les  nouveaux  convertis  des  arrondissements, 
où  s'opérerait  l'arrestation  d'un  ministre,  payeraient  3 ,000 
livres  d'amende  affectées  à  la  récompense  des  dénon- 
ciateurs ,  et  que  la  peine  des  galères  perpétuelles  serait 
maintenue  pour  ceux  qui  donneraient  asile  aux  proscrits. 
Cette  ordonnance  émut  profondément  les  provinces,  et 
celle  du  Vivarais  pensa  qu'il  serait  utile  d'adresser  une 
requête  au  roi.  Les  pasteurs  du  Languedoc  ayant  par- 
tagé leur  avis,  l'un  d'eux  estima  qu'il  fallait  en  outre 
écrire  à  Richelieu  et  à  Saint-Florentin.  Redonnel ,  pas- 
teur du  Languedoc ,  qui  paraît  avoir  été  le  ou  l'un  des 
rédacteurs  des  requêtes,  annonçait,  le  24  mars  1745  , 
qu'elles  partiraient  bientôt  et  seraient  présentées  au 
nom  de  toutes  les  Eglises  du  royaume  ;  mais  nous  ne 
savons  si  le  double  martyre  des  pasteurs  Ranc  et  Roger 
du  Dauphiné ,  qui  eut  lieu  vers  ce  temps  et  glaça  les 
protestants  d'effroi ,  n'empêcha  pas  la  réalisation  de  ce 
projet. 


(I)    Ms.   Court,    n"   i,    t.   XV,   XVI;   n-  8,   t.  V,  VI  ;   n»    17,  t.  A.  Edm. 
Hugues,  t.  11,  p.  454,  455.  Arch.  de  l'Hérault,  C,  426,  212,  216,  218. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  21/ 

Quoiqu'il  en  soit,  l'effet  de  la  déclaration  royale 
du  i6  lévrier  se  fit  sentir  en  Vivarais  dès  le  mois  sui- 
vant. L'arrondissement  de  Saint-Jean-Chambre  fut 
condamné  à  payer  500  livres  d'amende  et  82  livres  de 
frais  (4  mars)  (i);  celui  de  Gilhoc ,  1000  livres 
d'amende  et  82  livres  de  frais  (8  mars)  (2)  ;  celui  du 
Chambon  300  livres  d'amende  et  186  livres  de  frais 
(17  mars);  celui  de  Saint-Voy  1,000  livres  d'amende  et 
1,800  livres  de  frais  (24  mars);  la  paroisse  de  Vais 
500  livres  d'amende  et  400  livres  de  frais. 

Le  Vivarais,  d'autre  part,  se  remplit  d'espions  et  de 
soldats,  et  si  les  catholiques  continuaient  à  se  rendre 
aux  assemblées,  on  pensait  que  c'était  également  pour 
espionner.  Néanmoins,  tandis  que  la  persécution  sévis- 
sait avec  violence  dans  plusieurs  provinces  de  France, 
le  Vivarais  n'avait  à  souffrir  que  des  amendes  considé- 
rables qu'on  infligeait  aux  protestants.  Les  magistrats , 
qui  se  rendaient  dans  les  lieux  où  s'étaient  tenues  des 
assemblées,  se  contentaient  de  verbaliser  et  de  faire 
payer  les  amendes.  Il  y  avait  bien  des  soldats  à  Privas, 
Vernoux  et  Saint-Agrève ,  mais  quelques-uns  de  leurs 
officiers  étaient  animés  du  meilleur  esprit.  C'est  ainsi 
que  les  soldats  de  Saint-Agrève  ayant  insulté  des  gens 
qui  revenaient  d'une  assemblée  :  arrêtant  les  uns  et 
ôtant  aux  autres  leurs  livres  de  psaumes  ,  le  comman- 
dant, bien  loin  de  maintenir  en  état  d'arrestation  les 
premiers ,  les  remit  en  liberté  et  fit  rendre  aux  seconds 
leurs  livres,  après  avoir  réprimandé  vivement  ses  soldats. 
Dans  le  Velay,  les  protestants  de  deux  bourgs  se 
laissèrent  aller  à  une  coupable  faiblesse.  Leur  arrondis- 
sement ayant  été  frappé   d'une   modique   amende  ,    ils 


(1)  1367  1.  et  700  I.,  d'après  d'autres  sources. 

(2)  700  1.,  d'après  une  autre  source. 


2l8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

présentèrent  à  l'évêque  du  Puy,  Jean-Georges  Le  Franc 
de  Pompignan  ,  un  placet  dans  lequel  ils  promirent  de 
ne  plus  faire  d'assemblées  contre  les  ordres  du  roi. 
Instruit  de  cette  démarche,  Peirot  fit  venir  auprès  de  lu* 
les  principaux  protestants  des  deux  bourgs,  leur  repré- 
senta le  fâcheux  effet  que  leur  placet  pouvait  produire, 
et,  après  leur  avoir  fait  comprendre  leur  faute,  convint 
avec  eux  que  ,  nonobstant  leur  placet ,  les  assemblées 
continueraient  dans  leurs  quartiers  comme  auparavant , 
et  que.  dès  le  dimanche  suivant  (mai),  il  y  en  aurait  une. 
Elle  tut  fort  considérable. 

Peirot  avait  eu,  un  mois  environ  auparavant,  à  répri- 
mer une  prophétesse.  «  Le  14  de  mars,  »  écrivait-il, 
((  à  une  assemblée  que  j'avais  convoquée  proche  du 
Gua ,  dans  les  Boutières  ,  pendant  la  prière,  après  le 
sermon,  une  femme,  se  disant  prophétesse,  commença 
de  faire  grand  bruit ,  ce  qui  dura  tout  le  temps  que  je 
fis  la  prière.  Je  n'entendis  pourtant  pas  autre  chose  que 
ces  mots  :  «  Venez  aux  eaux  de  la  grâce,  ne  méprisez 
pas  la  grâce ,  écoutez  mon  pasteur.  »  La  prière  finie,  je 
priai  deux  hommes  de  faire  venir  cette  femme  devant 
moi.  On  l'emmène  par  force.  Je  lui  demande  pourquoi 
elle  a  crié  pendant  la  prière.  Elle  répond  que  c'est  parce 
que  Dieu  le  voulait.  Je  lui  demande  comment  est-ce 
qu'elle  sait  que  Dieu  voulait  qu'elle  criât.  Ne  sachant 
que  répondre  ,  elle  dit  que  Dieu  ne  veut  pas  qu'elle 
parle.  Là-dessus,  je  dis  tout  ce  qui  me  vint  dans  l'esprit 
pour  porter  le  peuple  à  se  détourner  de  ces  fadaises  , 
auxquelles  il  n'a  que  trop  de  penchant.  » 

Vers  cette  époque,  les  pasteurs  du  Vivarais  reçurent 
une  longue  lettre  de  Paris,  sans  seing  ni  date,  dans  la- 
quelle l'auteur  disait  que  les  assemblées  de  jour  et  pu- 
bliques faisaient  craindre  à  la  cour  que  les  protestants 
du   Midi   ne  fussent  d'intelligence  avec  les  puissances 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2ig 

maritimes  (l'Angleterre  et  la  Hollande);  qu'on  mettait 
sur  leur  compte  des  armes  découvertes  à  Lyon,  les- 
quelles on  les  accusait  de  vouloir  faire  entrer  en  Viva- 
rais  ;  que  des  Anglais  avaient  passé  du  côté  de  Mon- 
tauban  déguisés  en  Français,  et  que,  pour  contenir  les 
protestants  dans  l'obéissance  ,  la  cour  avait  formé  le 
dessein  d'envoyer  des  troupes  contre  eux. 

Le  correspondant  anonyme  ajoutait  que,  pour  préve- 
nir ce  malheur  et  obtenir  quelque  liberté  ,  il  fallait 
d'abord  effacer  autant  que  possible  de  l'esprit  du  roi, 
par  une  requête,  les  sinistres  interprétations  qu'on  lui 
donnait  des  assemblées  des  protestants  ;  puis  envoyer 
aux  rois  de  Prusse,  de  Danemark  et  de  Suède,  une 
députation  qui  leur  représenterait  les  cruautés  exercées 
contre  les  protestants  de  France  et  leur  exposerait  que , 
si  ces  derniers  se  sont  assemblés,  c'est  sans  aucun  mau- 
vais dessein,  sans  armes  ,  uniquement  pour  servir  Dieu 
selon  les  mouvements  de  leurs  consciences.  Le  corres- 
pondant voulait  enfin  qu'on  intéressât  au  sort  des  pro- 
testants les  puissances  maritimes,  afin  que,  lorsque  la 
guerre  de  la  succession  d'Autriche  serait  terminée,  elles 
tâchassent  de  faire  insérer  dans  le  traité  de  paix  une 
clause  en  faveur  des  protestants. 

Peirot  répondit  à  l'auteur  anonyme  au  nom  de  ses 
collègues.  Tout  en  le  remerciant  de  ses  bons  avis,  il  se 
borna  à  le  prier  d'en  faire  toujours  part  aux  protestants 
et  à  l'assurer  de  la  fidélité  de  ceux-ci  envers  le  roi  ;  mais 
il  écrivit  sur-le-champ  à  Court  au  nom  de  ces  mêmes 
collègues,  et,  adoptant  l'idée  du  correspondant  ano- 
nyme, lui  parla  de  la  nécessité  de  faire  paraître  V Apo- 
logie en  faveur  des  Eglises  réformées  ,  à  laquelle  on 
travaillait  en  Suisse  ;  d'envoyer  une  requête  au  roi  et  de 
supplier  les  puissances  protestantes  d'intercéder  pour 
les   réformés  auprès  de  ce  dernier  (17  juin).  On  apprit 


220  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

depuis  qu'un  placet  avait  été  déjà  rédigé  dans  les  pays 
étrangers  et  envoyé  à  une  province  du  midi  pour  qu'elle 
l'adressât  au  roi. 

Daniel  Vouland,  pasteur  du  Dauphiné,  qui  s'était  réfu- 
gié en  Vivarais  après  le  double  supplice  de  ses  collè- 
gues Ranc  et  Roger,  exposait  tout  ce  qui  précède  dans 
une  lettre  du  15  juillet,  adressée,  semblet-il,  à  un 
pasteur  du  Languedoc,  à  qui  il  demandait,  de  plus, 
si  le  placet  avait  été  expédié  et  s'il  partageait  l'idée 
d'envoyer  une  députation  auprès  des  puissances  étran- 
gères. 

Trois  semaines  auparavant,  le  26  ou  27  juin,  on  arrêta 
le  sieur  d'Audemard  ,  beau-frère  des  demoiselles  de 
Tatallion ,  «  le  plus  zélé  et  le  plus  honnête  homme  de 
tous  les  gentilshommes  de  notre  pays  ,  »  disait  Peirot. 
Il  fut  enfermé  à  Beauregard  et  n'en  sortit  qu'en  octobre 
ou  novembre. 

Vers  le  même  temps ,  on  fit  circuler  dans  le  Vivarais 
un  imprimé  de  24  pages  dirigé  contre  les  protestants. 
L'auteur,  curé  dans  les  Boutières,  qui  passait  pour  un 
oracle  dans  son  canton  et  qui  «  faisait  le  doucereux , 
quoiqu'il  fût  plein  d'un  venin  d'aspic  ,  »  déplorait  le 
malheur  des  temps,  oij  l'on  voyait  l'hérésie  lever  la  tête 
plus  que  jamais ,  et  ajoutait  que  trois  obstacles  empê- 
chaient les  protestants  d'embrasser  la  vérité  :  les  pré- 
jugés, la  fausse  liberté  que  leur  procurait  leur  religion  , 
et  le  respect  humain.  L'opuscule  était  brillamment  écrit, 
mais  peu  solide.  Un  gentilhomme  protestant  pria  Pei- 
rot de  le  réfuter,  mais  il  ne  le  voulut  point  sans  avoir 
pris  préalablement  l'avis  de  Court. 

Il  parut,  d'autre  part,  à  Valence,  un  écrit,  composé, 
croyait-on,  par  l'évêque  de  cette  ville,  dans  lequel  on 
faisait  parler  les  protestants  comme  des  traîtres ,  qui 
avaient    perdu  tout    espoir   depuis  la  célèbre  victoire 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  221 

remportée  par  la  France  sur  les  Anglais  à  Fontenoy,  le 
1 1  nnai. 

En  août,  Peirot  eut ,  à  Saint-Georges-les-Bains ,  une 
conversation  avec  un  capitaine  de  grenadiers  de  Tour- 
non,  qui  y  prenait  les  eaux  et  qui  avait  assisté  à  l'assem- 
blée présidée  dans  ce  lieu  par  ce  pasteur.  Il  lui  déclara 
qu'il  était  protestant,  et  demanda  à  Peirot  une  route 
écartée  qui  pût  le  conduire  à  Genève  en  toute  sûreté. 
Il  lui  apprit,  en  outre,  qu'il  était  défendu  aux  soldats  de 
faire  feu  sur  les  assemblées ,  mais  que  certainement  on 
arrêterait  quelques  particuliers  (août). 

Les  catholiques  faisaient,  en  effet,  de  grandes  mena- 
ces, mais  rien  de  plus.  On  enferma  pourtant  dans  un 
monastère  une  jeune  fille  de  six  années,  en  vertu  d'une 
lettre  de  cachet.  C'était  une  orpheline  domiciliée  chez 
son  tuteur,  qui  était  le  frère  du  pasteur  Peirot.  L'évè- 
que  du  Puy  le  manda  auprès  de  lui  et  s'exprima  d'une 
façon  menaçante  sur  le  compte  de  ce  dernier ,  parce 
que  les  catholiques  l'accusaient  d'être  seul  la  cause  de 
l'établissement  et  de  la  continuation  des  assemblées  de 
jour  dans  le  Velay. 

D'un  autre  côté,  le  juge  de  Vernoux,  ayant  demandé 
un  rendez-vous  à  Peirot,  s'éleva  devant  lui,  aussi  for- 
tement qu'il  le  put ,  contre  les  assemblées  de  jour  et 
publiques ,  mais  avec  douceur  dans  les  termes.  Peirot 
les  défendit  de  même,  et  l'on  crut,  dans  le  public,  que 
le  juge  avait  fait  cette  démarche  à  la  sollicitation  de 
Châteauneuf,  commandant  de  Tournon,  avec  qui  il  était 
fort  lié. 

En  novembre  ou  décembre,  Peirot  reçut  l'écrit  dont 
il  désirait  si  fort  la  publication  :  Apologie  des  protestants 
du  royaume  de  France  sur  leurs  assemblées  religieuses.  Au 
Désert  (Vevey),  1745 ,  46  pages  in-S".  Il  reçut  aussi  le 
Mémoire  apologétique  en  faiseur  des  protestants  sujets  de 


222  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Sa  Majesté  très  chrétienne ,  à  t  occasion  des  assemblées 
qu'ils  forment  dans  diverses  provinces  pour  l'exercice  pu- 
blic de  leur  religion  ,  ou  Lettre  d'un  ministre  du  Saint 
Evangile  à  un  de  ses  amis  dans  le  Brandebourg,  s.  1.  n.  d. 
(La  Haye,  juillet  1745).  Court  avait  composé  le  pre- 
mier écrit,  à  la  demande  du  synode  national  de  1744 
(art.  IV).  Le  parlement  de  Grenoble  le  fît  brûler  par  la 
main  du  bourreau,  par  arrêt  du  6  février  1747.  Le  se- 
cond, qui  est  le  résumé  du  premier,  fut  composé  par 
Armand  de  La  Chapelle,  pasteur  à  La  Haye,  et  brûlé 
par  arrêt  du  parlement  de  Toulouse  du  29  octobre  174). 
Peirot  attendait  aussi  la  Réponse  à  la  lettre  sur  les 
assemblées  des  religionnaires  (s.  1.  n.  d.) ,  que  Court, 
avec  la  collaboration  de  ses  amis  de  Lausanne ,  publia 
cette  même  année ,  pour  réfuter  la  Lettre  sur  les  assem- 
blées des  religionnaires  en  Languedoc ,  écrite  à  un  gentil- 
homme protestant  de  cette  province  par  M.  û.  L.  F.  D.  M. 
A  Rotterdam  (Paris),  1745,  in-4-  (i).  L'auteur  de  cette 
pièce  était  un  protestant  du  canton  de  Vaud,  François- 
Louis  Allamand,  précepteur  dans  une  grande  famille  de 
Paris ,  et  elle  fut  publiée  par  ordre  du  comte  de  Saint- 
Florentin  (2). 

ARRESTATION  DE  DESUBAS  (il  DEC.  1745).  MASSACRE 
DE  VERNOUX.  MOUVEMENTS  DES  PROTESTANTS  COM- 
PRIMÉS  PAR   LES  PASTEURS. 

La  victoire  de  la  France  à  Fontenoy ,  ses  succès  en 
Italie,  ceux  du  prince  Edouard  en  Ecosse  et  les  triom- 

(i)  L'écrit  d'AUamand  a  été  reproduit  et  également  réfuté  par  Armand  de 
La  Chapelle,  dansj,son  livre  La.  nécessité  du  culle  public  parmi  les  chré- 
tiens; La  Haye,  174Ô,  2  t.  in-8°. 

(2)  Ms.  Court,  n»  i,  t.  XVI,  XVII.  Arch.  de  l'Hérault,  C,  ^6.  Court,  Le 
patriote  français  et  impartial.  Ment,  hist.,  p.  95-  J-  l^-  Hugues,  llist.  de 
iégl.  réform.  d'Anduze,  p.  804, 


DU   VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  223 

phes  du  grand  Frédéric  en  Allemagne,  ayant  assuré  la 
supériorité  des  armes  françaises  à  ce  moment  de  la 
guerre  de  la  succession  d'Autriche,  la  cour  cessa  de 
temporiser  avec  les  protestants  et  résolut  d'en  revenir  à 
l'exécution  des  édits.  Le  4  décembre  1745,  le  ministre 
Saint-Florentin  écrivit  à  Ladevéze  :  «  Les  amendes  frap- 
pées sur  les  arrondissements  protestants  ne  suffisent 
pas  pour  les  contenir.  Rien  ne  peut  faire  plus  d'impres- 
sion que  le  supplice  d'un  prédicant,  il  est  fort  à  désirer 
que  vous  réussissiez  dans  les  vues  que  vous  avez  pour 
en  faire  arrêter  un.  »  Le  commandant  se  mit  donc  en 
campagne  avec  ses  espions  et  ses  soldats,  et  Desubas 
fut  pris. 

Ce  digne  serviteur  de  Dieu,  arrêté  le  samedi,  1 1  dé- 
cembre 1745  ,  entre  dix  et  onze  heures  du  soir,  au  ha- 
meau de  Mazel,  sur  la  route  de  Saint-Agréve  à  Tence, 
dans  la  maison  de  Jean  Menut  dit  Rochette  ,  qui  avait 
l'habitude  de  loger  les  ministres,  venait  de  donner  une 
prédication  à  Saint-Michel-de-Chabrillanoux  ,  le  5  dé- 
cembre, a  Tout  le  monde,  »  disait  le  pasteur  Coste  , 
«  convint  que  ce  jour  là  il  s'était  surpassé  et  bien  des 
gens  crurent  qu'il  semblait  présager  ce  qui  allait  lui  ar- 
river dans  la  semaine.  »  Se  rendant  de  Saint-Michel-de- 
Chabrillanoux  au  Chambon  pour  y  présider  une  assem- 
blée le  dimanche  suivant,  il  s'arrêta  chez  Rochette.  Un 
catholique  de  Saint-Agréve,  nommé  Chevalier,  qui 
l'avait  rencontré  précédemment  à  Montelier  et  lui  avait 
parlé  en  ami ,  ayant  soupçonné  sa  retraite ,  le  dénonça 
au  lieutenant  Charles  de  Sauzet,  sieur  de  la  Baronière , 
qui  commandait  un  détachement  du  régiment  de  Bour- 
ges, en  garnison  à  Saint-Agréve.  Sauzet,  prenant  avec 
lui  vingt-six  fusiliers  et  deux  sergents,  se  rendit  aussitôt 
à  la  maison  de  Rochette  et  se  saisit  de  Desubas.  Ce 
dernier  avait  bien  été  averti  du  mouvement  des  troupes, 


224  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

mais  il  ne  crut  pas  devoir  fuir  parce  qu'il  se  réservait, 
au  cas  où  elles  feraient  leur  apparition,  de  se  mettre  en 
sûreté  dans  une  cachette  de  la  maison.  Il  recommanda 
seulement  de  bien  fermer  les  portes,  ce  qu'on  lit;  mais 
les  soldats  les  trouvèrent  ouvertes,  d'oij  Ton  conjectura 
que  Chevalier  s'était  introduit  furtivement  dans  la  mai- 
son. Les  soldats  arrêtèrent  non  seulement  Desubas, 
mais  encore  Rochette,  son  voisin  Etienne  Girard  et 
leurs  deux  valets  ;  et  les  uns  et  les  autres  furent  conduits 
à  Saint- Agrève  dans  la  maison  du  sieur  Raymondon  du 
Pontet  fils ,  juge  de  Fayet  et  complice  de  Chevalier. 

Le  commandant  en  chef  des  troupes  de  Saint-Agrève 
M.  de  Marans ,  vint  voir  Desubas  ,  et  ,  après  lui  avoir 
adressé  quelques  questions  pour  établir  son  identité,  il 
le  fit  mettre  sur  sa  demande  dans  le  corps  de  garde,  oij 
on  lui  donna  du  vin  avec  du  sucre.  Quand  à  Etienne  Gi- 
rard, dont  un  nommé  Dufraisse ,  fils  de  Bollon  ,  juge 
de  Saint-Agrève  ,  se  porta  garant,  il  fut  relâché,  ainsi 
que  les  deux  valets;  mais  de  Marans  maintint  Rochette 
en  état  d'arrestation.  Quelques  heures  après,  en  com- 
pagnie de  Desubas  ,  il  fut  conduit  à  Vernoux.  C'était  le 
dimanche,  12  décembre,  à  deux  heures  du  matin.  Sau- 
zet  et  vingt  sept  soldats  les  escortaient. 

Au  hameau  de  Cluac ,  commune  de  Saint-Bazile,  De- 
subas fut  reconnu  par  le  protestant  Etienne  Gourdol , 
ancien  de  l'Eglise  de  Saint-ApolIinaire-de-Rias ,  qui, 
réunissant  dix-sept  de  ses  voisins ,  tant  hommes  que 
femmes  ,  alla  attendre  sans  armes  le  détachement  au 
bois  de  La  Trousse ,  à  un  quart  de  lieue  de  Vernoux. 
Ce  dernier  arriva  à  huit  heures  du  matin ,  et  les  protes- 
tants «  demandèrent  le  ministre,  »  dit  Coste  dans  son 
mémoire,  «  de  la  manière  la  plus  douce  et  la  plus  sou- 
mise; mais,  voyant  qu'ils  ne  pouvaient  rien  obtenir  par 
la  prière,  ils  fondirent  sur  les  soldats  à  coups  de  pierre, 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  225 

n'ayant  point  d'armes.  Etienne  Gourdol  ayant  empoigné 
le  ministre  pour  l'enlever  aux  soldats,  disant  qu'il  le 
voulait  à  quelque  prix  que  ce  fût,  fut  le  premier  tué  d'un 
coup  de  bayonnette.  Les  soldats  tirèrent  sur  les  au- 
tres. »  Quatre  furent  tués  (i),  un  autre  blessé,  qui  mou- 
rut deux  ou  trois  jours  après  de  sa  blessure  (2),  et  trois 
autres  faits  prisonniers.  Desubas  lui-même  fut  atteint  de 
deux  coups  de  bayonnette  à  l'épaule.  Le  reste  de  la 
troupe,  tout  consterné  et  sachant  que  le  lieutenant  avait 
dépêché  un  exprès  à  Vernoux  pour  faire  venir  du  se- 
cours, enleva  ses  morts  et  se  retira. 

Desubas,  fatigué  de  la  route  et  souffrant  de  ses  bles- 
sures, ne  pouvait  plus  avancer.  Les  soldats,  qui  crai- 
gnaient une  nouvelle  attaque ,  le  battirent  pour  lui  faire 
hâter  le  pas  et  il  arriva  à  Vernoux  à  dix  heures  du  matin 
au  milieu  des  huées  de  la  population  catholique ,  qui 
s'était  portée  à  sa  rencontre.  On  l'enferma  dans  la  pri- 
son du  château  de  la  Vérune ,  transformé  en  cave  au- 
jourd'hui. 

Des  protestants,  au  nombre  de  deux  mille  environ, 
qui  assistaient  à  une  assemblée  du  désert,  réunie  ce  di- 
manche-là à  Granjane ,  à  une  demi-lieue  de  Vernoux , 
et  présidée  par  le  pasteur  Blachon ,  rentré  en  Vivarais 
l'année  précédente ,  ayant  été  avertis  de  ce  qui  se  pas- 
sait, accoururent  sans  armes  et  sans  chefs  pour  deman- 
der la  délivrance  du  prisonnier.  Arrivés  à  quatre  cent 
pas  environ  de  Vernoux,  et  campés  au  Prélong,  vaste 
prairie  située  au  levant  de  ce  lieu ,  «  quatre  des  princi- 
paux du  bourg,  »  dit  Coste,  «  savoir  M.  Afforty,  [juge 
de  BoflVes] ,  Montagne,  Garnier  et  Abriac ,  consuls, 
furent  au-devant  d'eux  pour  leur  dire  de  ne  pas  entrer 

(i)  Matthieu  Courtial ,  Claude   Rias,   Jacques  Jullien.  Le  quatrième  n'est 
pas  connu. 
(2)  Jean-Pierre  Vioujat. 

II.  15 


2  26  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

dans  le  bourg,  qu'on  leur  rendrait  le  ministre,  mais 
qu'on  voulait  auparavant  avoir  avec  lui  quelque  confé- 
rence. Toute  cette  foule,  leurrée  par  ces  espérances, 
laissèrent  rentrer  ces  quatre  députés  et  attendirent  sans 
s'avancer  l'effet  de  leur  promesse.  Quelques  moments 
après,  M.  Afforty  vint  leur  dire  qu'on  ne  voulait  point 
leur  livrer  le  ministre  sans  un  ordre  de  M.  de  Château- 
neuf,  et  les  exhorta  à  se  retirer  et  à  ne  pas  entrer  dans 
le  bourg.  «  Je  suis  fâché,  »  ajouta-t-il ,  «  mais  une  pa- 
role a  tout  gâté.  »  Il  faut  observer  que  lorsque  les  qua- 
tre furent  rentrés  dans  Vernoux,  il  se  tint  une  assemblée 
chez  M.  Ponce  des  principaux  habitants  et  des  officiers 
de  la  garnison  et  de  celui  qui  avait  conduit  Desubas 
pour  résoudre  de  ce  qu'ils  avaient  à  faire.  II  y  eut  di- 
versité d'avis.  Le  commandant  de  Vernoux  penchait  à 
accorder  le  ministre  ,  le  lieutenant  ne  s'y  opposait  pas, 
mais  il  demandait  une  décharge,  disant  qu'il  l'avait  con- 
duit au  prix  de  sa  vie.  Pour  le  sieur  Ponce,  il  tint  ferme 
qu'il  ne  fallait  pas  le  relâcher,  qu'on  n'avait  point  reçu 
d'attaque,  qu'il  fallait  attendre  d'y  être  forcé.  Il  fut  ap- 
parent qu'il  fût  résolu  même  de  tirer  sur  les  protestants 
s'ils  entraient  dans  le  bourg.  M.  Afforty  ayant  été  pour 
la  troisième  fois  auprès  d'eux,  il  leur  dit  qu'il  était  fâché 
de  n'avoir  rien  pu  obtenir  et  les  exhorta  de  nouveau  à 
se  retirer...  La  foule  ne  vit  pas  plus  tôt  qu'on  se  mo- 
quait d'eux  qu'elle  entra  dans  le  bourg  et  réclama  avec 
beaucoup  de  bruit  la  liberté  de  leur  ministre.  Alors,  de 
toutes  les  fenêtres  on  tira  sur  elle  (i).  Plus  de  vingt-cinq 
restèrent  sur  la  place  (2).  Il  y  en  eut  un  qui  fut  écrasé 
par  une  pierre  qu'une  femme  lui  jeta  de  sa  fenêtre  sur 
la  tête. 


(i)  Les  tireurs  étaient,  outre  les  soldats,  des  jeunes  gens  catholiques,  à  qui 
Afforty  avait  distribué  de  la  poudre  et  des  balles. 

(2)  Voy.  leurs  noms  aux  Pière.s  jiistifirntives,  n»  XVI. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  227 

a  Le  spectacle  fut  des  plus  touchants.  Cette  foule 
désarmée  se  retira.  Les  gens  de  Vernoux  sortirent  et  les 
poursuivirent  quelque  temps.  Ensuite  ils  dépouillèrent  les 
morts  et  les  étendaient  à  la  renverse  pour  exposer  leur 
nudité...  Il  faut  observer  que  la  plupart  de  ces  massa- 
crés n'étaient  pas  entièrement  morts  le  lundi  matin  et 
que  les  habitants  de  Vernoux  achevaient  de  les  tuer  à 
coups  de  crosse  de  fusil,  ou  leur  écrasait  la  tête  à  coups 
de  pierre;  que  Guillaume  Boyer,  l'un  de  ces  infortunés, 
s'étant  adressé  à  un  tailleur  d'habits,  qui  lui  avait  fait  ce- 
lui qu'il  portait,  pour  lui  demander  quelque  aide,  le 
barbare  tailleur,  au  lieu  de  lui  donner  le  secours,  lui 
écrasa  la  tête  et  le  déshabilla.  Tous  ces  cadavres  de- 
meurèrent exposés  à  la  vue  jusqu'au  mercredi  que  M.  de 
Châteauneuf  arriva  à  Vernoux  et  qui  en  fit  porter  vingt- 
cinq  dans  un  fossé  à  la  campagne.  >/  Vingt-cinq  autres 
moururent  des  suites  de  leurs  blessures,  sans  parler  de 
trois  cent  cinquante  blessés  qui  guérirent. 

Le  commandant  de  Marans,  qui  avait  du  cœur,  fut  si 
troublé  par  cette  affreuse  boucherie  qu'il  quitta  ses  trou- 
pes quelque  temps  après  et  s'enfuit  en  Suisse.  Le  pas- 
teur et  professeur  Ami  Lullin,  de  Genève,  le  vit  dans  cette 
ville  le  2  septembre  1746  et  le  recommanda  à  Antoine 
Court  à  Lausanne. 

«  Le  bruit  de  la  prise  de  M.  Desubas,  »  continue 
Coste,  «  s'étant  répandu  dans  le  bas  Vivarais  le  diman- 
che au  soir,  les  protestants  de  ce  canton  s'armèrent 
pour  l'aller  enlever.  M.  le  ministre  Coste  leur  donna 
rendez-vous  chez  un  nommé  Tribuols,  du  lieu  de  Garas, 
paroisse  de  Saint-Sauveur.  Lorsque  tous  furent  rassem- 
blés autour  de  Vernoux  ,  ils  pouvaient  être  au  nombre 
de  neuf  cents,  MM.  Peirot  et  Coste  s'étaient  arrêtés  à 
Rias,  chez  le  nommé  Prat,  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Maurice,  d'où  ils  envoyèrent  à  Vernoux  pour  savoir  ce 


2  28  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

qui  se  passait  et  pour  demander  deux  cents  hommes 
d'escorte  ;  mais  le  temps  était  si  froid  et  si  rude  que 
les  gens  furent  obligés  de  se  retirer  sans  rien  faire.  La 
troupe  armée  se  contenta  d'écrire  au  commandant  de 
Vernoux  que ,  si  on  ne  leur  rendait  pas  le  ministre ,  ils 
mettraient  le  feu  dans  Vernoux.  Cette  lettre,  qui  de- 
meura sans  réponse,  fut  dictée  ou  écrite  par  un  nommé 
Noë  Puaux  et  fut  envoyée  par  un  paysan  catholique. 
La  seconde  lettre  fut  écrite  et  portée  par  un  nommé 
Pierre  Moulac,  qui  contenait  la  même  chose.  L'exprès 
fut  retenu  et  conduit  à  Montpellier,  oia  il  aurait  long- 
temps resté  sans  l'appui  de  M.  de  Liviers,  gentilhomme 
catholique  de  Privas,  qui  s'employa  pour  lui  ;  et  les 
menaces  de  brûler  Vernoux  furent  sans  effet.  Ainsi 
tous  les  protestants  armés  se  retirèrent.  Ceci  se  passa 
le  lundi  13  décembre.  » 

Peirot  mit,  du  reste,  tout  en  oeuvre  pour  empê- 
cher la  troupe  de  se  livrer  à  des  extrémités ,  la  sup- 
pliant de  se  retirer ,  et  disant  :  «  Ce  n'est  qu'à 
cette  condition  que  je  continuerai  mon  ministère  au 
milieu  de  vous.  »  Desubas  lui-même,  apprenant 
que  ses  gens  s'étaient  armés ,  leur  écrivit  le  lundi  ce 
billet  de  sa  prison  :  «  Je  vous  prie,  Messieurs,  de  vous 
retirer.  Les  gens  du  roi  sont  ici  en  grand  nombre  ;  il 
n'y  a  déjà  que  trop  de  sang  répandu ,  je  suis  fort  tran- 
quille. » 

«  Le  mardi,  »  continue  Coste,  «  MM.  Peirot,  Coste 
et  Blachon,  s'étant  rendus  à  la  Nuée,  proche  de  Saint- 
Maurice,  écrivirent  au  commandant  qu'ils  étaient  fâchés 
que  les  gens  se  fussent  armés,  que  comme  eux  s'étaient 
trouvés  éloignés  ils  n'avaient  pu  les  prévenir,  mais  qu'ils 
feraient  tout  ce  qui  dépendait  d'eux  pour  qu'il  n'en  pa- 
rût plus.  Leur  lettre  fut  portée  à  Vernoux  par  un  gran- 
ger  de  M.  Aflforty,  nommé  Courthial,  catholique,  à  qui 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  229 

les  commandants  remirent  la  réponse  qu'ils   firent  aux 
ministres,  et  dont  voici  la  substance  : 

«  A  Messieurs  les  ministres  de  la  troupe,  près  de 
Vernoux. 

»  Messieurs,  nous  sommes  fâchés  des  maux  que  vos 
gens  ont  déjà  souffert  et  de  ceux  qu'ils  éprouveront 
dans  la  suite  s'ils  ne  se  retirent,  et  qu'une  rébellion 
aussi  ouverte  que  celle-là  peut  leur  attirer  ;  et  il  n'y  a 
que  le  repentir  du  passé  et  le  changement  de  conduite 
qui  puisse  leur  mériter  le  pardon.  Pour  nous,  nous 
sommes  ici  fort  tranquilles  et  vous  pouvez  être  assurés 
que  nous  ferons  notre  devoir  en  vrais  officiers.  Nous 
avons  l'honneur  d'être  vos  très  humbles  serviteurs. 
Signé  :  de  Problame,  de  Beaulieu  et  deux  autres. 

»  P. -S.  Vos  gens  ont  attaqué  un  détachement  des 
troupes  du  roi  venant  du  Cheylard,  et  ainsi  peut-on 
compter  sur  votre  parole  ?  » 

«  Sur  quoi,  »  ajoute  Coste,  «  il  faut  observer  que  ce 
n'était  pas  les  protestants  qui  avaient  attaqué  le  déta- 
chement, mais  bien  le  détachement  qui,  courant  au 
secours  de  Vernoux,  rencontra  sur  le  grand  chemin  ces 
protestants,  comme  il  sera  dit  plus  bas. 

»  11  faut  observer  que  le  lundi  13  décembre  c'était 
foire  à  Chalancon ,  et  que  noble  Scipion  de  Roches- 
sauve  dit  Mercure,  apostat,  marié  avec  la  fille  de 
M.  de  Vaugiron,  et  les  deux  Eclozas,  frères  et  notai- 
res à  Chalancon ,  firent  armer  tous  les  catholiques 
qu'ils  purent  et  se  rendirent  à  Vernoux  pour  attaquer 
les  protestants,  qui  s'étaient  déjà  retirés  avant  qu'ils 
arrivassent  ;  mais,  en  chemin,  ils  en  avaient  rencontré 
deux  armés,  à  qui  ils  ôtèrent  leurs  fusils,  et,  à  l'un 
d'eux,  quelque  argent  qu'il  portait.  » 

Cependant  les  protestants  du  haut  Vivarais ,  appre- 
nant que  leurs   coreligionnaires  des  Boutières   étaient 


2^0  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

en  armes  autour  de  Vernoux,  mandèrent  à  ceux  de  la 
Montagne  de  venir  à  leur  secours  ,  s'armèrent  eux- 
mêmes  au  nombre  de  cent  environ  et  se  trouvèrent  de- 
vant le  bourg,  le  mardi  14,  après  midi.  Raymondon  de 
Pontet,  qui  était  allé  dès  le  dimanche  au  Mazel  et  avait 
obtenu  qu'on  lui  remît  le  cheval  de  Desubas,  sur  la 
promesse  qu'il  avait  faite  de  se  rendre  à  Montpellier 
pour  travailler  en  faveur  de  Rochette,  parut  alors  monté 
sur  le  cheval  du  pasteur  et  engagea  vivement  la  troupe 
à  se  retirer,  leur  assurant  qu'il  intercéderait  en  leur 
faveur.  Quelques-uns  étaient  d'avis  de  le  mettre  à 
mort,  et  disaient  :  «  Voici  le  traître,  qui  a  encore  l'au- 
dace de  monter  le  cheval  de  M.  Desubas.  »  Cinq  ou 
six  fusils  étaient  déjà  braqués  sur  lui,  quand  le  beau- 
trère  de  Rochette,  nommé  Gallon,  et  le  nommé  Riou 
le  cadet,  rentier  du  marquis  de  Gerlande ,  dirent  qu'il 
ne  fallait  pas  faire  du  mal  à  un  homme  qui  voulait  s'in- 
téresser à  eux.  Raymondon  échappa  ainsi  à  la  mort, 
mais,  s'étant  rendu  à  Lapra,  chez  son  beau-frère  Sou- 
beyran,  il  fut  suivi  par  cinq  ou  six  protestants  armés, 
qui  l'obligèrent,  malgré  ses  instances  et  ses  menaces, 
de  rendre  le  cheval  de  Desubas. 

Les  protestants  du  haut  Vivarais  n'ayant  trouvé  autour 
de  Vernoux  aucun  de  leurs  coreligionnaires,  qui  s'étaient 
retirés  le  lundi,  com.me  on  l'a  vu  plus  haut,  se  retirè- 
rent à  leur  tour  ;  mais  six  d'entre  eux,  s'étant  séparés 
de  la  troupe  près  de  Cluac ,  tombèrent  entre  les  mains 
d'un  détachement  du  Cheylard,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut,  et  qui  était  commandé  par  M.  de  Marans.  Les 
soldats  firent  feu  sur  eux  et  en  tuèrent  trois  ,  Pierre  et 
Matthieu  Courtial  frères  et  Pierre  Véron  ,  de  Fraissi- 
net ,  paroisse  de  Saint-Jeure-de-Bonas.  Les  trois  au- 
tres, Pierre  Masse  et  les  deux  frères  Debar,  furent 
faits  prisonniers  et  conduits  à  Montpellier. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  23  I 

Châteauneuf,  comme  on  l'a  déjà  dit,  n'arriva  à  Ver- 
noux  que  le  mercredi  1 5  décembre.  Il  était  accompagné 
d'un  grand  nombre  d'hommes  armés,  tant  soldats  que 
paysans,  parce  qu'il  croyait  que  Vernoux  était  encore 
cerné.  Pour  éviter  l'effusion  du  sang,  il  avait  chargé 
Rissoans  dit  Piperet ,  du  lieu  de  Piperet ,  paroisse  de 
Vernoux,  et  André  Juventin,  avocat  au  Parlement,  de 
Juventin ,  paroisse  de  Toulaud,  de  se  rendre  auprès  de 
la  troupe  pour  l'engager  à  se  retirer  avant  d'en  venir 
aux  mains  et  lui  représenter  qu'elle  pourrait  bien  avoir 
la  victoire ,  mais  qu'elle  lui  coûterait  cher.  Chemin  fai- 
sant, il  rencontra  entre  La  Justice  et  Vernoux  diverses 
personnes  dignes  de  foi  qui  lui  assurèrent  qu'il  n'y 
avait  plus  de  gens  armés  autour  de  Vernoux  :  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  faire  arrêter  l'hôte  de  la  Justice , 
nommé  Chizac,  et  un  autre  homme,  du  côté  de  Pierre- 
gourde  ;  le  premier,  pour  avoir  vendu  du  vin  à  des  pro- 
testants qui  allaient  aux  assemblées,  et  le  second, 
parce  qu'il  le  soupçonna  d'avoir  donné  quelques  avis. 
Il  les  fit  conduire  l'un  et  l'autre  à  Montpellier,  d'oij  ils 
furent  élargis. 

Châteauneuf  ne  séjourna  qu'une  heure  et  demie  en- 
viron à  Vernoux ,  oia  il  était  arrivé  à  deux  heures  après 
midi.  Il  en  fit  partir  Desubas ,  escorté  de  plus  de  huit 
cents  hommes  armés,  tant  soldats  que  paysans;  mais, 
au  lieu  de  suivre  la  route  la  plus  directe  ,  il  passa  par  le 
grand  chemin  de  Beauchastel  ;  puis  remonta  le  long  du 
Rhône  jusqu'à  Tournon,  dans  la  persuasion  que,  s'il 
avait  passé  par  Saint-Silvestre ,  il  y  aurait  trouvé  des 
gens  armés.  Il  coucha  avec  son  prisonnier  au  château 
de  Beauregard  et ,  le  lendemain,  le  fit  enfermer  dans  le 
château  de  Tournon,  où  le  surlendemain,  le  subdélégué 
Dumolard  lui  fit  subir  un  long  interrogatoire  sur  ses 
nom,  prénoms,  qualité,  âge,  lieu  de  naissance,  rési- 


232  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

dences,  retraites,  etc.;  et  également  sur  les  assemblées 
qu'il  avait  présidées,  les  baptêmes  et  mariages  qu'il  avait 
bénis,  les  collectes  faites  à  l'issue  des  assemblées,  le 
traitement  des  ministres,  etc.  Desubas  répondit  à  tou- 
tes ces  questions,  sauf  à  celles  qui  pouvaient  porter 
préjudice  à  ses  collègues  ou  à  ses  coreligionnaires. 

Le  prisonnier  demeura  dix-huit  jours  à  Tournon,  pen- 
dant lesquels  les  moines  et  les  prêtres  s'efforcèrent 
inutilement  de  lui  faire  renier  sa  foi.  Pour  le  gagner,  ils 
allèrent  jusqu'à  lui  offrir  la  mître  épiscopale,  comme  le 
dit  une  naïve  complainte  du  temps  : 

Changez  donc  de  croyance, 
Ah!  monsieur  Desubas  ; 
Vous  serez  notre  frère, 
Nous  vous  ferons  prélat. 

LE     CURÉ     DE     BOFFRES      INCENDIAIRE.      SON      HISTOIRE 

(1745)- 

Pendant  que  le  prisonnier  était  à  Tournon,  il  se  passa 
à  Boffres  un  fait  de  la  plus  haute  gravité,  qui  aurait  pu 
porter  un  préjudice  considérable  à  sa  cause  et  à  celle 
des  protestants  du  Vivarais. 

Il  paraît  que  Bouchet,  curé  de  Boffres;  Desboze , 
curé  de  Saint-Félix-de-Châteauneuf ,  dont  il  a  été  parlé 
plusieurs  fois;  André,  curé  de  Saint-André-le-Roux  ; 
Alignol,  curé  de  Saint-Fortunat ,  et  plusieurs  autres 
prêtres;  ainsi  que  Ponce,  de  Vernoux  ;  Jean  François 
de  Barjac,  commandant  du  château  de  Beauregard ,  et 
d'autres  encore ,  avaient  formé  le  complot  d'incendier 
les  églises  des  lieux  susnommés  et  d'en  accuser  les 
protestants.  Bouchet  s'exécuta  le  premier.  Le  21  décem- 
bre (745,  assisté  de  Bioussier,  son  maître  d'école,  il 
enleva  les  vases  sacrés  de  son  église  (il  avait  l'intention 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2^3 

de  les  faire  fondrej,  les  plia  dans  une  serviette  et  dans 
un  surplis  qu'il  avait  percé  de  plusieurs  coups  de  cou- 
teau,  et  jeta  le  tout  dans  une  citerne,  oij  on  ne  les 
trouva  qu'au  mois  de  décembre  de  l'année  suivante.  Il 
enleva  aussi  les  registres  qu'il  fit  porter  à  Vernoux  et 
remettre  à  la  veuve  Laget,  née  Boisson.  Avant  d'ac- 
complir cette  action,  il  avait  invité  quelques-uns  de  ses 
paroissiens  à  tenir  leurs  lampes  allumées,  en  leur  an- 
nonçant qu'il  devait  arriver  quelque  chose  de  funeste  ce 
soir-là,  et  à  se  rendre  à  l'Eglise  dès  qu'ils  entendraient 
tirer  un  coup  de  fusil. 

Après  ces  préparatifs,  il  mit  le  feu  à  son  église,  brisa 
l'autel  avec  une  hache  qui  lui  blessa  le  doigt,  et  coupa 
la  corde  de  la  cloche ,  pendant  que  le  maître  d'école 
criait  dans  le  village  que  les  huguenots  avaient  mis  le 
feu  à  l'église  et  que,  voulant  assassiner  le  curé,  ce  der- 
nier, qui  ne  se  croyait  pas  en  sûreté,  s'était  enfui. 

Les  paroissiens,  s'étant  rendus  à  l'église,  éteignirent 
le  feu  (ce  qui  leur  fut  facile) ,  et  allèrent  chercher  des 
troupes  à  Vernoux.  Lorsque  celles-ci  furent  arrivées,  le 
maître  d'école  leur  dit  que  quatre-vingts  huguenots 
étaient  à  la  poursuite  du  curé  ;  mais  l'officier  n'ajouta 
pas  foi  à  son  témoignage,  verbalisa  et  envoya  son  rap- 
port à  Châîeauneuf,  à  Tournon,  affirmant  qu'il  n'avait 
aperçu  sur  la  neige  (il  en  était  tombé  ce  jour-là),  aucune 
trace  de  gens,  qui  auraient  poursuivi  le  curé,  et  ajou- 
tant qu'il  ne  croyait  point  que  les  huguenots  eussent  mis 
le  feu  à  l'église. 

Là-dessus  Noyer,  châtelain  de  Boffres  et  protestant, 
fit  poster  en  armes  quelques-uns  de  ses  coreligion- 
naires autour  de  l'église  pour  la  protéger.  Quant  au 
maître  d'école,  Ladevèze ,  qui  le  cita  à  comparaître, 
lui  posa  diverses  questions  touchant  les  graves  soup- 
çons que  les  protestants  faisaient  planer  sur  lui  ;  mais  il 


234  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

nia  avec  force  avoir  pris  part   à  l'incendie  de  l'église. 

Cependant  le  châtelain  Noyer,  de  plus  en  plus  con- 
vaincu que  Bioussier  était  le  complice  du  curé,  et  sou- 
tenu par  deux  catholiques,  le  gentilhomme  Daverger  et 
Lassa,  de  Fauriel,  donna  l'ordre  d'arrêter  le  premier  et 
le  fit  garder  par  les  habitants  de  la  paroisse  dans  la 
maison  du  boulanger  de  Boffres. 

Cependant  le  curé,  qui  s'était  réfugié  à  Saint-Silves- 
tre,  oij  il  avait  passé  la  nuit,  apprenant  la  suite  de  son 
méfait,  alla  à  Vernoux ,  puis  revint  à  Boffres  avec  un 
détachement  de  soldats.  Afforty ,  juge  du  lieu ,  qui  de- 
meurait à  Vernoux  ,  fit  alors  désarmer  quelques-uns  des 
protestants  qui  gardaient  l'église  et  conduire,  de  jour, 
l'un  d'eux  à  Beauregard.  Quant  au  curé,  il  partit  pour 
Valence  ,  où  le  châtelain  le  fit  suivre  par  deux  protes- 
tants pour  épier  ses  démarches.  Comme  ils  étaient 
arrivés  au  bac  du  Rhône ,  le  curé  se  mit  à  crier  que 
c'étaient  des  huguenots  qui  le  poursuivaient  pour  le 
tuer,  et  il  les  fit  jeter  dans  les  prisons  de  Valence  ,  oij 
ils  demeurèrent  quelque  temps.  L'un  d'eux  s'appelait 
Crispin. 

Le  curé,  ayant  ensuite  appris  que  Noyer  faisait  faire 
des  informations  pour  découvrir  les  auteurs  de  l'incen- 
die et  de  la  dévastation  de  l'église,  lui  fit  écrire  par  le 
sieur  Boulron  de  Valence  de  ne  point  se  mêler  des  affai- 
res de  Boffres,  de  crainte  qu'il  ne  lui  arrivât  quelque 
mal.  Ce  sont  les  propres  expressions  dont  le  sieur 
Boulron  se  servit  :  ce  qui  décida  Noyer  de  se  rendre 
auprès  de  Ladevèze  et  de  Châteauneuf,  qui  étaient  à 
Privas ,  pour  les  prier  de  nommer  un  commissaire  qui 
serait  chargé  de  faire  les  perquisitions  et  les  informa- 
tions nécessaires  dans  le  but  de  découvrir  les  coupa- 
bles. Faisant  droit  à  sa  requête  ,  Ladevèze  envoya  sur 
les  lieux  Bernard,  avocat  de  Privas,  et  un  secrétaire. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2}^ 

Bernard  descendit  à  Boffres  chez  M™^  de  La  Baume, 
protestante  ,  dans  la  maison  de  laquelle  il  fit  ses  infor- 
mations. Dès  que  le  curé  l'apprit ,  il  vint  de  nouveau  à 
Boffres,  avec  un  détachement  de  soldats,  pour  enlever 
son  maître  d'école  de  vive  force  ,  mais  il  ne  put  y  par- 
venir. Ce  dernier  comparut  devant  le  commisssaire  et 
nia  encore  une  fois  d'avoir  pris  part  à  l'incendie.  Tou- 
ché pourtant  de  repentir,  il  demanda  à  être  ramené  de- 
vant le  commissaire,  déclara  qu'il  voulait  dire  la  vérité 
et  ramener  la  tranquillité  dans  son  âme,  et  avoua  que  le 
curé,  le  pistolet  à  la  main,  l'avait  forcé  de  mettre  le  feu 
à  l'église  et  à  faire  le  reste;  que  ledit  curé  était  monté 
lui-même  sur  l'autel  avec  une  hache  pour  le  mettre  en 
pièces,  qu'il  avait  jeté  les  vases  sacrés  dans  une  citerne 
et  mis  également  le  feu  à  l'église. 

Informé  des  aveux  du  maître  d'école,  le  curé  fit  faire 
des  contre-informations  par  le  juge  Afforty  et  déposer 
divers  témoins  ,  qui  affirmèrent  qu'il  était  un  honnête 
homme  et  qu'en  toute  occasion  il  avait  cherché  à  obli- 
ger ses  paroissiens  religionnaires  :  ce  qui  était  vrai  en 
partie.  Il  demanda  ensuite  la  main-levée  sur  les  effets 
que  ceux-ci  avaient  fait  saisir,  et  voulut  les  faire  enlever 
de  vive  force  par  la  maréchaussée;  mais  toutes  ses  ten- 
tatives échouèrent ,  et  Châteauneuf  défendit  même  aux 
protestants  de  rien  lui  remettre.  Le  maître  d'école,  en 
suite  de  ses  aveux,  fut  traduit  dans  les  prisons  de  Tour- 
non,  où  il  resta  enfermé  une  année  aux  frais  des  protes- 
tants. On  envoya  les  pièces  de  l'information  à  Mont- 
pellier, puis  à  Paris  ;  mais  l'affaire  fut  tenue  si  secrète, 
que  les  protestants  n'en  entendirent  parler  que  lorsque 
le  curé  fut  arrêté,  le  15  mai  1746,  dans  l'église  de 
Saint-Didier-de-Crussol,  par  la  maréchaussée.  L'ordre 
en  vint  directement  de  Paris  et  fut  expédié  à  Dumo- 
lard,  subdélégué  de  l'intendant  à  Tournon. 


2^6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Comme  on  conduisait  le  curé  au  fort  de  Brescou , 
lieu  de  sa  destination  ,  il  voulut  s'échapper  près  de 
Leyrisse,  paroisse  de  Saint-Didier-de-Crussol;  mais  les 
archers  de  son  escorte  lui  tirèrent  trois  coups  de  fusil , 
qui  le  blessèrent  à  la  cuisse.  Arrivés  à  Saint-Péray,  ces 
derniers  lui  chantèrent  la  chanson,  qu'il  aimait  à  répéter 
dans  toutes  ses  parties  de  plaisir  et  qui  avait  pour  re- 
frain :  Va-t-en  voir  s'ils  viennent ,  Jean.  En  passant  le 
Rhône  ,  au  bac  de  Soyons  ,  il  voulut  se  jeter  à  l'eau  ; 
mais  les  archers  l'en  empêchèrent.  On  assure  même 
qu'ils  le  maltraitèrent.  On  n'avait  pas  voulu  le  conduire 
par  le  Vivarais,  de  peur  que  les  catholiques  ne  vinssent 
l'enlever  de  vive  force. 

Quand  l'escorte  fut  à  la  Paillasse ,  au-dessous  de 
Valence,  le  curé  voulut  encore  s'échapper;  mais  il  re- 
çut un  coup  de  fusil  à  l'oreille  et  tomba  par  terre.  On 
le  releva  ,  et  les  archers  le  conduisirent ,  sans  autre  in- 
cident notable,  jusqu'au  fort  de  Brescou. 

Au  retour  de  ces  derniers,  Dumolard  se  rendit  à 
Vernoux  et  fit  vendre  aux  enchères ,  sur  la  place  publi- 
que, les  effets  du  curé  en  présence  de  ses  parents,  à 
qui  on  voulait  les  céder  pour  la  somme  de  500  livres. 
On  n'en  retira  que  498  livres  10  sols,  qui  servirent  à 
payer  les  frais  de  son  transfert  à  Brescou.  Mais  quant  à 
ceux  que  les  protestants  avaient  faits  pour  la  poursuite 
de  cette  affaire  et  qui  se  montaient  à  la  somme  de 
1,000  livres  environ,  ils  furent  laissés  à  leur  charge.  Il 
est  vrai  que  Châteauneuf  leur  Ht  espérer  que  les  Etats 
en  feraient  l'imposition  sur  la  province. 

On  trouva  dans  les  effets  du  curé  des  chemises  de 
femme...  Il  passait,  en  effet,  pour  libertin  et  ivrogne. 
Toujours  en  course  ou  à  la  chasse,  il  ne  rentrait  à  Bof- 
fres  que  le  dimanche  pour  dire  sa  messe  et  en  repartait 
le  soir.  Il  fréquentait  les  maisons  du  sieur  de  Barjac  , 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2^7 

nommé  plus  haut,  et  des  sieurs  Dubois  et  Juventin,  où 
on  le  faisait  boire  à  satiété.  On  l'entendait  ensuite  dans 
les  chemins  ,  tirant  des  coups  de  pistolet  et  menant 
grand  bruit.  Il  n'avait  pas  été  plutôt  nommé  curé  de 
Boffres  qu'il  fit  mettre  en  prison  M.  de  la  Baume, 
protestant  marquant  de  sa  paroisse,  l'accusant  d'avoir 
dit  que  le  pape  était  l'Antéchrist.  Il  fit  exempter,  il  est 
vrai,  quelques  protestants  des  amendes  qu'on  exigeait 
d'eux,  parce  qu'ils  n'avaient  pas  envoyé  leurs  enfants  à 
l'église  ;  mais  ses  services  étaient  grassement  payés. 
En  1742,  à  l'occasion  d'une  assemblée  que  le  ministre 
Coste  avait  présidée  à  Granjanne  ,  paroisse  de  Saint- 
André-de-Bressac,  et  qui  fut  vendue  par  un  homme  de 
La  Justice,  il  |it  arrêter  Thomas,  son  voisin,  quand  même 
il  lui  eût  assuré  qu'il  ne  lui  serait  fait  aucun  m.al  s'il 
avouait  y  avoir  assisté.  Il  retira  150  fr.  de  cette  affaire  , 
qui  lui  furent  comptés  à  La  Voulte.  Par  contre,  en  1744, 
il  fit  accorder  par  de  Barjac  des  permissions  pour  assis- 
ter aux  assemblées,  à  trois  ou  quatre  lieues  à  la  ronde, 
à  trois  protestants  de  sa  paroisse ,  les  sieurs  Reboul  du 
Faux,  Bioussier  de  Chandy  et  Bioussier  de  Bousque- 
naud-Contal.  Il  est  vrai  qu'il  les  leur  redemanda  dans  la 
suite ,  mais  ils  ne  consentirent  point  à  les  lui  rendre. 
Ajoutons  que  lorsque  Châteauneuf  se  rendit  à  Vernoux 
pour  emmener  Desubas  ,  le  curé  accompagna  ce  der- 
nier jusqu'à  Tournon ,  et  que ,  arrivé  à  Beauchastel  ,  i4 
prit  les  devants  en  criant  :  Voici  le  minisire  qui  arrive! 
Il  lui  dit  même  une  fois  par  raillerie  :  //  faut  porter  la 
chaîne  joyeusement. 

Pendant  qu'il  était  détenu  au  fort  Brescou  ,  il  com- 
plota,  en  novembre  1751  ,  de  s'évader  avec  quelques 
scélérats  détenus  avec  lui.  «  Ceux-ci,  »  dit  Paul  Ra- 
baut ,  pasteur  à  Nîmes  ,  «  voyant  la  garnison  peu  nom- 
breuse ,  avaient  formé  le  dessein  de  l'assassiner,  ainsi 


2 18  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

que  le  commandant ,  et ,  la  chose  faite,  une  barque  de- 
vait les  transporter  en  Espagne.  11  n'était  pas  possible 
toutefois  d'exécuter  ce  dessein  sans  en  faire  part  aux 
prisonniers  protestants.  On  le  fit,  et  ces  derniers,  loin 
d'y  donner  la  main,  avertirent  le  commandant  de  ce  qui 
se  tramait ,  »  et  celui-ci  prit  les  mesures  nécessaires 
pour  empêcher  l'évasion.  Malgré  ce  nouveau  méfait,  le 
curé  trouva  des  protecteurs  jusqu'auprès  du  roi ,  qui 
ordonna  son  élargissement,  à  la  seule  réserve  qu'il  se- 
rait exilé  du  Languedoc.  Telle  était  la  justice  du  temps. 
Desubas,  comme  on  va  le  voir,  fut  condamné  à  mort, 
et  le  protestant  Dejour ,  qui  avait  gardé  en  armes 
l'église  de  Boffres  pour  la  préserver  de  la  profanation , 
périt  sur  le  gibet  deux  ans  ans  plus  tard  ! 
Mais  revenons  à  notre  prisonnier, 

DÉPART  DE  DESUBAS  POUR  MONTPELLIER  (2  JANVIER 
1746).  DÉMARCHES  EN  SA  FAVEUR.  CONSEILS  DE 
COURT.    LETTRE    DE    l'ÉVÊQUE    DE    VALENCE. 

Ladevèze  (i)  était  absent  du  Vivarais  ,  quand  il  fut 
informé  de  la  capture  de  Desubas  et  des  mouvements 
qui  la  suivirent.  Il  se  rendit  en  hâte  dans  la  province. 
Arrivé  le  27  décembre  à  Viviers,  Châteauneuf  lui  en- 
voya un  exprès  pour  prendre  ses  ordres ,  qui  portaient 
que  Desubas  et  les  huit  prisonniers  qui  l'accompa- 
gnaient seraient  conduits  à  Montpellier.  On  les  fit  par- 
tir le  2  janvier  1746  et  passer  par  le  Pouzin  et  Privas, 
portés  dans  une  charrette  qui  était  traînée  par  quatre 
mules.  Le  nouvel  intendant  du  Languedoc,  Jean  Le- 
nain ,  baron  d'Asfeld  ,  qui  avait  appris  que  le  jeune  mi- 


(i)  Il  avait  été  nommé  lieutenant  général   récemment,  et   paraît    avoir  sé- 
journé moins  fréquemment  en  Vivarais. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2^9 

nistre  avait  une  santé  délicate  et  était  blessé ,  ordonna 
au  commandant  de  l'escorte  de  lui  donner  tous  les  re- 
mèdes et  tous  les  soins  dont  il  pourrait  avoir  besoin. 
Le  régime  du  prisonnier  n'avait  consisté  jusque-là  qu'en 
«  une  livre  de  pain  ,  avec  de  l'eau  et  de  la  pâte  bien 
conditionnée,  selon  les  règlements.  » 

Cependant  l'escorte  rencontrait  partout  des  rassem- 
blements de  religionnaires  ,  qui  ne  retenaient  pas  leurs 
plaintes  et  leurs  murmures,  A  Nîmes,  il  fut  impossible, 
pendant  deux  jours  ,  de  faire  partir  Desubas.  Lenain  , 
mal  renseigné  ,  était  sans  crainte  ;  mais  de  Beaupoil  , 
gouverneur  de  Nîmes  ,  et  Ladevèze  ,  ne  partageaient 
pas  sa  sécurité;  de  sorte  que  ce  dernier  envoya  à  Nîmes 
trois  cents  soldats  et  de  la  maréchaussée  pour  contenir 
la  population  protestante.  Dans  la  Gardonnenque  et  la 
La  Vaunage ,  où  l'on  avait  eu  l'occasion  de  voir,  d'en- 
tendre et  d'apprécier  Desubas,  il  y  eut  aussi  des  attrou- 
pements considérables  de  jeunes  gens.  Le  pasteur  Paul 
Rabaut,  qui  en  conçut  de  vives  alarmes,  se  rendit  au 
milieu  d'eux,  et,  à  force  de  prières  et  de  supplications, 
il  parvint  à  les  calmer  et  à  leur  faire  déposer  les  armes. 
Le  détachement  qui  conduisait  le  prisonnier  put  donc 
arriver  sans  entrave  à  Montpellier,  le  13  janvier  1746, 
au  milieu  d'une  grande  affluence  de  population,  parmi 
laquelle  se  trouvaient  les  plus  grandes  dames  catholi- 
ques de  la  ville. 

Avant  d'aller  plus  loin  dans  notre  récit,  il  est  bon  de 
dire  ce  qui  se  passait  en  Vivarais.  Après  le  départ  de 
Desubas  de  Vernoux,  les  trois  pasteurs  de  la  province, 
Cùste,  Peirot  et  Blachon,  écrivirent  aux  officiers  de  ce 
lieu  que  les  divers  rassemblements  qui  s'étaient  formés 
à  l'occasion  de  son  arrestation  n'étaient  point  inspirés 
«  par  un  esprit  de  rébellion ,  mais  uniquement  par  la 
tendre  affection  qu'on  avait  pour  le  ministre  ;  »  et  ils 


240  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

promirent  que,  leurs  gens  s'étanl  retirés,  il  n'en  vien- 
drait pas  d'autres  ,  autant  que  cela  dépendrait  d'eux. 
Ils  écrivirent  également  dans  ce  sens  aux  gouverneurs 
de  la  province. 

Autrement,  tous  les  protestants  du  Vivarais  étaient 
«  en  pleurs  et  en  gémissements.  »  Court,  à  qui  Blachon 
avait  écrit,  le  18  décembre  1745  .  au  nom  de  tous  ses 
collègues,  le  malheur  qui  venait  de  les  frapper  et  de- 
mandait des  conseils,  en  fut  profondément  affligé.  Le 
professeur  Ami  Lullin,  de  Genève,  exprimait  bien  l'es- 
poir que  Desubas  serait  épargné;  mais  c'était  mal  con- 
naître l'esprit  qui  animait  alors  le  roi  et  ses  ministres. 
Court,  néanmoins,  conseilla  aux  pasteurs  du  Vivarais , 
dans  sa  lettre  du  28  décembre ,  d'envoyer  un  placet  à 
Louis  XV,  pour  réclamer,  non  pas  la  liberté  du  prison- 
nier (c'aurait  été  peine  perdue  et  le  monarque  aurait 
pu  s'en  offenser),  mais  la  permission  de  se  retirer,  eux, 
leurs  femmes  et  leurs  enfants,  dans  les  pays  étrangers 
où  ils  pourraient  servir  Dieu  en  toute  liberté  ,  préférant 
ce  parti,  tout  extrême  qu'il  fût,  aux  maux  auxquels  ils 
étaient  quotidiennement  exposés  et  aux  risques  des 
suites  fâcheuses  d'un  désespoir  qui  ne  prendrait  conseil 
que  de  lui-même. 

Court  conseilla  également  aux  pasteurs  du  Vivarais 
d'écrire  au  comte  de  Saint-Florentin,  au  duc  de  Riche- 
lieu ,  à  Ladevèze  et  à  Lenain  ,  pour  les  apitoyer  sur 
leur  sort;  il  estimait  toutefois  qu'en  attendant  le  résultat 
de  leurs  placets  les  pasteurs  devaient  continuer  de  pré- 
sider des  assemblées  de  jour,  redoubler  de  précaution 
pour  la  sûreté  de  leurs  personnes  et  celle  des  assem- 
blées ,  et  exhorter  les  fidèles  à  la  persévérance  et  les 
timides  à  la  fuite.  11  indiquait ,  en  terminant,  à  ces  der- 
niers, les  mesures  qu'ils  avaient  à  prendre  pour  sortir  du 
royaume  en  sûreté. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  24I 

Dans  la  lettre  que  les  pasteurs  du  Vivarais  écrivirent 
à  Ladevèze  le  i**"  janvier  1746,  et  qui  a  été  conservée, 
ils  lui  exposaient  tout  ce  qui  s'était  passé  à  l'occasion 
de  la  capture  de  Desubas,  et  lui  expliquaient  que  si  des 
jeunes  gens  avaient  paru  en  armes  aux  environs  de  Ver- 
noux,  c'était  par  suite  d'un  faux  bruit  qui  se  répandit 
dans  le  pays,  oij  l'on  affirmait  que  les  officiers  rendraient 
les  prisonniers  dès  qu'ils  verraient  un  certain  nombre 
de  gens  sous  les  armes.  «  Nous  osons  nous  flatter, 
Monseigneur,  »  disaient-ils  en  terminant,  «  que  cette 
abondance  de  sang  répandu  ,  que  cette  multitude  de 
blessés,  que  ce  grand  nombre  de  morts,  émouvrent  vo- 
tre Grandeur  et  lui  demanderont  grâce  en  faveur  de 
ceux  qui  sont  échappés  au  danger,  pour  qu'ils  puissent 
rester  en  sûreté  dans  leurs  maisons,  où  ils  se  sont  tran- 
quillement retirés.  » 

Les  pasteurs  du  Languedoc,  Boyer,  Grail  et  Gau- 
bert ,  envoyèrent,  de  leur  côté ,  au  roi  un  placet  en  fa- 
veur de  leur  jeune  collègue,  mais  il  ne  parvint  pas  à  son 
adresse. 

L'évêque  de  Valence,  De  Milon,  toujours  prêt  à  ac- 
cabler les  protestants  dans  leurs  malheurs,  ne  laissa  pas 
échapper  cette  occasion  d'attiser  de  nouveau  le  feu  de 
la  haine  contre  eux.  Dans  sa  Lettre  pastorale  du  20  fé- 
vrier 1746,  faisant  allusion  à  la  capture  de  Desubas  et 
à  la  légitime  émotion  dont  furent  remplis  les  protes- 
tants du  Vivarais,  auxquels  il  annonçait  l'Evangile  au  pé- 
ril de  sa  vie,  il  s'écrie  :  «  A-t-on  voulu  mettre  un  frein 
à  cette  licence  et ,  pour  couper  le  mal  par  sa  racine , 
enfaire  enlever  les  auteurs,  le  torrent  s'est  alors  débordé, 
la  fureur  a  soulevé  ceux  que  la  séduction  avait  rassem- 
blés ,  et ,  comme  des  bêtes  farouches  qui  sortent  de 
leurs  forêts,  rien  n'a  été  capable  de  les  contenir.  Ayant 
secoué  le  joug  de  la  religion,  ils  n'ont  point  respecté  les 
n.  16 


242  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

puissances;  et,  infidèles  à  Dieu,  ils  n'ont  point  eu  de 
scrupules  d'être  rebelles  à  leur  prince.  »  Il  est  assez 
étrange  que  l'évêque  de  Valence  accusât  «.  de  secouer 
le  joug  de  la  religion  »  des  hommes  qui  se  laissaient 
condamner  aux  galères  et  à  la  mort  pour  demeurer  fidè- 
les à  la  leur.  Ce  n'était,  il  est  vrai,  ni  celle  de  l'Etat, 
ni  celle  de  Rome,  mais  on  conviendra  aisément  que 
puisqu'elle  inspirait  des  martyres  pareils  à  ceux  que  nous 
avons  racontés,  elle  n'était  digne  ni  de  tant  de  haine,  ni 
de  tant  de  mépris. 

PROCÈS  DE    DESUBAS.    SES    SENTIMENTS.  TENTATIVES   DE 
CONVERSION  AUPRÈS   DE    LUI    (1746). 

L'intendant  du  Languedoc ,  autorisé  par  un  arrêt  du 
conseil  du  roi  du  25  octobre  1745  à  juger  en  dernier 
ressort  tous  les  ministres  et  prédicants  qui  pourraient 
être  arrêtés  dans  sa  province  et  tous  ceux  qui  leur  au- 
raient donné  asile,  secours  et  assistance,  chargea,  le 
5  janvier  1740  l'avocat  Baudoin  et  son  subdélégué  de 
Montpellier  d'instruire  le  procès  des  prévenus,  conjoin- 
tement avec  Solier,  avocat  du  roi  au  présidial  de  cette 
ville,  et  le  greffier  Dheur.  Le  1 5 ,  Baudoin  fit  l'inven- 
taire des  effets  que  renfermait  la  valise  de  Desubas  (i), 
et,  sur  son  rapport,  l'avocat  du  roi  conclut 'qu'il  y  avait 
lieu  de  le  poursuivre. 

Le  18,  Desubas  fut  interrogé  sur  ses  nom,  prénoms, 
lieu  de  naissance,  âge,  résidence,  fonctions,  registres. 


(1)  Une  paire  de  pistolets,  VAbrégé  de  la  théologie  d'Ostervaid  (ms.),  une 
Bible  de  Martin,  la  Défense  de  la  religion  tant  naturelle  que  révélée  de 
Gilbert  Burnet,  un  Nouveau  Testament ,  un  Psautier,  les  Sermons  de 
Weremfels,  les  Prières  pour  la  sainte  Cène  de  Pictet,  un  registre  de  ma- 
riages et  de  baptêmes,  quatre  cahiers  de  sermons  et  un  grand  nombre  de 
lettres  dont  Desubas  ne  voulut  pas  indiquer  la  provenance. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  243 

églises,  émoluments,  assemblées,  etc.  Quand  Baudoin 
lui  demanda  quel  usage  il  comptait  faire  de  ses  pisto- 
lets ,  il  répondit  :  a  C'était  uniquement  pour  me  dé- 
fendre ,  étant  obligé  de  marcher  la  nuit  et  en  danger 
d'être  attaqué  par  des  malfaiteurs.  »  Quant  aux  lettres, 
que  l'instruction  gratifia  du  titre  injurieux  de  galantes,  il 
répondit  à  Baudoin,  qui  lui  en  demanda  les  auteurs  : 
«  Ce  n'est  autre  chose  qu'un  pur  badinage  de  certaines 
personnes  pour  égayer  l'esprit.  »  Elles  avaient  été  «  écri- 
tes à  Desubas,  »  dit  Benoît,  son  biographe,  par  une 
jeune  fille  d'Anduze,  qui  avait  tenu  sur  les  fonts  baptis- 
maux un  enfant  baptisé  par  le  jeune  pasteur.  Elle  plai- 
santait agréablement  avec  lui  sur  quelque  incident  du 
repas  de  baptême  que  nous  ignorons ,  et  la  preuve  que 
ces  lettres  n'avaient  rien  de  repréhensible  ,  c'est  qu'on 
trouva  dans  l'une  d'elles  un  long  postcriptum  écrit  par 
un  parent  de  la  jeune  fille  et  qui  témoigne  de  sa  sympa- 
thie pour  Desubas.  » 

Le  lendemain,  19  janvier,  on  interrogea  Menut  dit 
Rochette,  dans  la  maison  duquel  Desubas  avait  été  pris. 
Il  avait  trente-sept  ans  et  jouissait  d'une  certaine  ai- 
sance. Son  attitude  fut  déplorable.  Il  nia  que  sa  maison 
servît  de  retraite  aux  pasteurs  du  désert  et  qu'il  connût 
Desubas  ,  et  il  prétendit  qu'il  était  allé  à  Saint-Agréve 
pour  le  faire  arrêter. 

Pierre  Masse  et  les  frères  Etienne  et  Jean-Pierre 
Debar  ,  dont  l'un  était  laboureur  et  l'autre  maquignon  , 
assurèrent  qu'ils  revenaient  de  la  chasse  quand  le  déta- 
chement du  Cheylard  les  arrêta.  Le  curé  de  Saint-Voy, 
paroisse  à  laquelle  ils  ressortissaient,  confirma  leur  té- 
moignage. 

Quatre  lettres,  qui  existent  encore,  nous  font  connaî- 
tre 1  état  d'âme  de  Desubas  au  moment  de  sa  compa- 
rution devant  l'intendant.   L'une  d'elles  est  adressée  à 


244  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

une  personne  qu'il  appelle  sa  très  chère  sœur  (i).  «  S'il 
était  possible,  »  lui  dit-il,  «  qu'on  pût  m'écrire  quel- 
que lettre  de  consolation  dans  l'état  triste  où  je  suis 
réduit,  on  me  ferait  un  sensible  plaisir.  Je  suis  persuadé 
que  cela  serait  d'un  grand  soulagement  à  ma  misère.  Au 
reste  que  personne,  ni  mes  frères,  ne  s'affligent  au-delà 
de  ce  qu'il  faut  pour  moi.  Je  suis  assez  tranquille  pour 
une  personne  qui  attend  à  tout  moment  d'être  mise  à 
mort.  C'est  le  Seigneur  qui  me  soutient.  Ayant  un  si 
bon  appui ,  je  ne  crains  rien.  Si  on  m'ôie  ma  vie  misé- 
rable de  ce  monde,  j'espère  que  Dieu  me  mettra  en 
possession  d^une  qui  sera  éternelle  et  infiniment  heu- 
reuse ,  pourvu  que  j'endure  mes  maux  et  mes  afflic- 
tions d'une  manière  qui  lui  soit  agréable.  C'est  de 
quoi  je  ne  cesse  de  le  prier  du  fond  de  mon  cœur  et, 
fondé  sur  sa  bonté,  je  dois  espérer  qu'il  m'exaucera.  » 

Parlant  ensuite  des  amis  qui  viennent  le  visiter  et  le 
secourir,  Desubas  s'exprime  de  la  sorte  :  «  Je  dois  bé- 
nir ce  grand  Dieu  de  ce  que ,  au  milieu  de  mes  afflic- 
tions, il  me  fait  trouver  des  personnes  charitables  qui  ne 
me  laissent  manquer  de  rien  pour  ce  qui  est  nécessaire 
à  mon  corps.  Je  n'avais  jamais  été  mieux  nourri  que  je 
le  suis  à  présent.  Jamais  je  ne  m'étais  mieux  porté  que 
dans  la  prison.  Qui  ne  voit  que  c'est  Dieu  qui  opère 
tant  de  merveilles  en  ma  faveur.  La  blessure  que  j'avais, 
quoiqu'elle  fût  assez  grande ,  ne  m'a  jamais  fait  beau- 
coup souff'rir;  que  le  nom  de  Dieu  soit  donc  béni  en 
toute  chose  !  » 

Desubas  regrettait  seulement  de  ne  pouvoir  «  faire 
que  des  prières  »  pour  la  personne  qui  le  servait ,  et  il 


(i)  Ajoutez  :  pu  Jésus-Christ.  Cette  personne  paraît  être  la  femme  du 
pasteur  Peirot,  car  il  lui  dit  quelque  part  :  «  Si  je  ne  me  trompe,  vous  êtes 
celle  qui  touche  de  plus  près  à  mon  cher  et  très  aimé  frère  M.  P.  » 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  245 

écrivait  à  sa  très  chère  sœur  en  Jésus-Christ  :  «  Si  vous 
pouviez  lui  faire  plaisir,  ayez  la  bonté  de  le  faire  pour 
moi.  » 

La  lettre  de  consolation  qu'il  demandait  lui  fut  adres- 
sée par  une  personne,  qu'il  appelle  «  monsieur  et  très 
cher  frère  »  et  qui  doit  être  le  pasteur  Peirot.  Elle  le 
fortifia  beaucoup,  car  il  répondit  à  son  correspondant  : 
«  Je  sens  la  force  de  tout  ce  que  vous  me  dites  et 
l'obligation  où  je  suis  de  me  résigner  à  la  volonté  du 
souverain  arbitre  de  l'univers.  Soyez  persuadé,  monsieur 
et  très  cher  frère,  que  rien  au  monde  ne  sera  jamais  ca- 
pable de  me  faire  abandonner  les  sentiments  que  doit 
avoir  une  personne  de  mon  caractère.  Je  suis  toujours 
tout  prêt  de  sacrifier  ma  vie  pour  la  gloire  de  Dieu  , 
pour  l'édification  de  l'Eglise  et  pour  mon  propre  salut. 
Mais,  pour  que  je  puisse  toujours  persister  dans  de  si 
nobles  dispositions,  j'ai  besoin  du  secours  de  mon  Dieu, 
sans  lequel  on  ne  peut  rien.  Aussi  ne  cessé-je  de  le 
lui  demander,  et  je  suis  persuadé  qu'il  me  l'accordera 
jusqu'à  la  fin.  Demandez-le  aussi  pour  moi  comme  vous 
me  le  promettez.  » 

Le  clergé  catholique,  comme  on  devait  s'y  attendre, 
fit  de  pressantes  démarches  auprès  de  Desubas  pour 
qu'il  changeât  de  religion.  Les  évêques  du  Languedoc, 
réunis  à  Montpellier  à  l'occasion  de  la  tenue  des  Etats 
de  la  province  ,  mirent  tout  en  œuvre  pour  y  parvenir. 
Celui  de  Montpellier  lui  fit  de  nombreuses  visites  ,  de 
même  que  le  jésuite  Senaud ,  professeur  au  collège  de 
cette  ville.  Le  prisonnier  fit  traîner  les  choses  en  lon- 
gueur,  mais  sans  rien  promettre.  Il  espérait,  comme  il 
le  dit  lui-même,  que  Dieu  pourrait  faire  naître  quelque 
moyen  pour  sa  délivrance  ,  ou  bien  adoucir  le  cœur  de 
ses  juges.  La  cour,  toutefois,  n'approuvait  pas  les  len- 
teurs du  procès  et  envoyait  dépêche  sur  dépêche  à  Le- 


246  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

nain,  pour  que  le  ministre  fût  châtié  «  le  plus  prompte- 
ment  possible.  » 

Prévoyant  que  sa  sentence  allait  être  bientôt  rendue, 
Desubas  écrivit  à  ses  parents  une  lettre  d'adieu,  qui  est 
un  chef-d'œuvre  de  tendresse  ,  de  résignation  et  de 
foi.  «  Souffrez,  »  leur  disait-il,  «  que  je  vous  prie  très 
instamment  de  ne  pas  vous  affliger  ni  de  vous  inquiéter 
au  delà  de  ce  qu'il  faut  sur  ce  qui  me  regarde.  Nous 
ne  savons  pas  pourquoi  Dieu  a  permis  ce  qui  m'est 
arrivé,  mais  nous  devons  être  persuadés  qu'il  a  de  très 
bonnes  raisons  pour  le  permettre.  Vous  perdez  un  fils 
que  vous  chérissez  et  qui  vous  chérit  infiniment,  mais 
vous  serez  réunis  un  jour  avec  lui  dans  le  ciel  :  nous 
devons  l'espérer  de  la  miséricorde  de  Dieu  ,  pourvu 
que  nous  lui  soyons  fidèles  jusqu'à  la  mort...  Quel  hon- 
neur n'est-ce  pas  pour  vous  d'avoir  un  fils  qui  souffre 
pour  avoir  prêché  l'Evangile  de  Jésus-Christ  notre  Sau- 
veur, pour  l'avoir  suivi  et  pour  avoir  enseigné  sa  volonté 
aux  hommes  !  C'est  là  tout  le  crime  que  les  hommes 
peuvent  imputer  à  votre  fils.  Or,  de  ce  qu'on  lui  fait  un 
crime,  il  s'en  fait  une  véritable  gloire.  Oui,  mon  cher 
père  et  ma  chère  mère ,  je  me  glorifie  de  souffrir  pour 
le  nom  de  Christ.  Je  suis  heureux  de  ce  qu'il  m'a  choisi 
pour  le  confesser  devant  les  hommes  ,  pour  suivre  ses 
traces  et  celles  de  tant  d'illustres  et  glorieux  martyrs, 
qui  ont  enduré  constamment  pour  la  même  cause  toutes 
sortes  de  maux.  » 

En  terminant,  il  adressait  ces  graves  exhortations  à 
ses  parents  :  <(  Permettez  encore,  mon  très  cher  père 
et  ma  très  chère  mère,  que  je  vous  exhorte  à  craindre, 
à  aimer  et  à  servir  Dieu  ,  et  à  vous  attacher  sans  cesse 
à  la  piété  et  à  la  vertu  :  ce  sont  les  seuls  biens  que  nous 
emporterons  de  ce  monde.  J'exhorte  aussi  à  la  même 
chose  mes  chers  frères  et  sœurs,  beaux-frères  et  belles- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  247 

sœurs.  Incitez-vous  les  uns  les  autres  aux  bonnes  oeu- 
vres et  à  la  sainteté  ;  secourez-vous  les  uns  les  autres  ; 
vivez  toujours  dans  la  paix  et  dans  l'union.  Par  ce 
moyen  ,  vous  attirerez  la  bénédiction  de  Dieu  sur  vos 
personnes  ici-bas  et  vous  obtiendrez  un  jour  la  vie  éter- 
nelle. » 

CONDAMNATION    ET    SUPPLICE    DE    DESUBAS    (l"    FÉ- 
VRIER    1746). 

Lenain  fit  comparaître  Desubas  devant  lui  le  i""^  fé- 
vrier, et  l'attitude  du  jeune  pasteur  fut  si  digne  que  ses 
juges  en  furent  profondément  touchés.  L'intendant  lui 
adressa  quelques  questions,  notamment  sur  les  amas 
d'argent  et  d'armes  qu'on  accusait  les  protestants  de 
faire ,  et  sur  la  présence  d'émissaires  étrangers  dans  le 
Vivarais.  «  Rien  de  tout  cela  n'est  vrai,  »  dit  Desubas; 
«  les  ministres  ne  prêchent  que  la  patience  et  la  fidélité 
au  roi.  »  —  «  Je  le  sais  ,  »  répliqua  Lenain,  qui,  après 
cette  parole  ,  rendit  son  jugement.  Desubas  fut  con- 
damné <(  à  être  pendu  et  étranglé,  »  dit  la  sentence, 
«  jusqu'à  ce  que  mort  s'ensuive,  à  une  potence  qui  sera, 
à  cet  effet,  dressée  à  l'esplanade  de  la  présente  ville,  » 
et  ses  livres  ,  sermons  et  papiers  ,  brûlés  sur  ladite 
place. 

Par  la  même  sentence,  Jean  Menut  dit  Rochette  fut 
condamné  «  à  servir  de  forçat  dans  les  galères  du  roi 
pendant  sa  vie,  »  et  sa  maison  à  être  rasée.  On  voit 
que  ses  lâches  mensonges  ne  le  sauvèrent  point. 

Quant  à  Pierre  Masse  et  aux  deux  frères  Etienne  et 
Jean-Pierre  Debar ,  Lenain  ordonna  qu'il  serait  plus 
amplement  informé  à  leur  égard  pendant  une  année  et 
qu'en  attendant  «  ils  tiendraient  prison  clause;  »  puis, 
comme  le  régime  des  prisonniers  était  contraire  à  leur 


248  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

santé,  l'intendant,  quelque  temps  après ,  leur  donna 
sous  caution  la  ville  de  Nîmes  pour  prison.  L'année  sui- 
vante, le  I®''  février  1747,  aucune  charge  nouvelle  ne 
s'étant  élevée  contre  eux,  ils  purent  regagner  leurs  foyers. 

«  Lorsque  la  sentence  fut  prononcée  à  Desubas  ,  » 
dit  Armand  de  la  Chapelle  ,  «  il  fut  le  seul  qui  n'en  pa- 
rut point  ému.  Tous  les  juges  pleuraient  et  l'intendant, 
qui  pleurait  aussi  [quoiqu'il  ne  passât  pas  pour  tendre  et 
compatissant] ,  l'assura  que  c'était  avec  douleur  qu'il  le 
condamnait ,  mais  que  c'étaient  les  ordres  du  roi.  — 
«  Je  le  sais,  »  monsieur,  répondit-il  avec  cet  air  doux  et 
serein  qui  lui  gagnait  tous  les  cœurs. 

«  Il  fut  exécuté  le  i®^  de  février,  dans  l'esplanade,  où 
il  y  avait  un  monde  infini.  Il  sortit  de  la  prison  les  jam- 
bes nues,  n'ayant  que  des  caleçons,  et  qu'un  gilet  sans 
manche.  Au  défaut  des  habits  qui  lui  manquaient,  la  tran- 
quillité qui  régnait  sur  son  visage  et  la  beauté  de  sa 
physionomie  lui  assurèrent  Inattention  et  l'admiration  de 
tous  les  spectateurs.  Ces  sentiments  redoublèrent  lors- 
qu'au bas  de  l'échelle,  où  il  se  mit  à  genoux,  on  remar- 
qua la  ferveur  de  sa  dévotion  dans  la  prière.  On  le  fit 
arrêter  au  second  échelon  jusqu^à  ce  qu'il  eût  vu  brûler 
sous  ses  pieds  les  papiers  et  les  livres  qu'on  avait  pris 
sur  lui.  Prenant  alors  congé  des  deux  jésuites  qu'on  lui 
avait  donnés  pour  l'accompagner  au  supplice,  il  les  re- 
mercia de  leurs  peines  et  ,  rejetant  du  pied  un  crucifix 
qu'ils  lui  voulaient  faire  baiser ,  il  les  supplia  de  le  lais- 
ser mourir  en  repos.  Enfin  ,  monté  courageusement  au 
haut  de  l'échelle,  il  fit  paraître  jusqu'au  dernier  moment 
tant  de  constance  et  de  piété  que  tout  le  monde,  sans 
distinction  ni  de  protestants,  ni  de  catholiques,  fondait 
en  larmes.  Les  premiers  bénissaient  Dieu  de  l'édifica- 
tion que  leur  donnait  ce  martyre  et  les  derniers  félicitaient 
les  autres   de    l'honneur  que  leur  faisait  ce  martyr.    » 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  249 

Ajoutons  que,  pendant  toute  la  durée  de  l'exécution, 
douze  tambours  ne  cessèrent  de  battre  pour  qu'on  ne 
pût  ouïr  la  voix  de   Desubas. 

Telle  fut  la  noble  fin  de  ce  jeune  pasteur,  doué  d'un 
rare  mérite  et  qui,  pendant  son  court  ministère  de  deux 
années  ,  déploya  un  si  grand  zèle  qu'il  bénit  trois  cent 
cinquante-quatre  mariages  ou  baptêmes.  Il  paraît  qu'il 
eût  pu  être  sauvé.  Les  grandes  dames  ,  qui  l'avaient  vu 
entrer  à  Montpellier,  touchées  de  la  sérénité  de  son  vi- 
sage, delà  distinction  de  sa  personne,  et  de  sa  jeunesse, 
mirent  tout  en  œuvre  pour  préparer  sa  délivance  ;  et,  si 
l'intendant  eut  consenti  à  retarder  l'exécution  de  vingt- 
quatre  heures  ,  on  l'aurait  fait  évader  moyennant  une 
somme  de  20,000  livres.  Dieu  lui  accorda  une  meilleure 
part  en  le  retirant  à  lui. 

APRÈS  LE  SUPPLICE  (1746). 

Quand  Desubas  eut  rendu  sa  belle  âme  à  Dieu  ,  Le- 
nain  annonça  au  comte  de  Saint-Florentin  son  jugement 
et  son  exécution.  Il  ajouta  qu'on  avait  trouvé  dans  la 
procédure  des  complices  au  jeune  pasteur  (il  voulait  par- 
ler des  personnes  qui  avaient  pris  les  armes  pour  le 
délivrer),  «  mais,  »  ajoutait-il,  <(  MM.  les  évêques  de 
la  province  m'ont  fait  l'honneur  de  me  venir  trouver  pour 
m'exposer  que  l'affaire  de  Vernoux  n'ayant  eu  non  seu- 
lement aucune  suite  ,  mais  encore  que  tout  le  pays  était 
entièrement  tranquille ,  ils  me  demandaient  de  ne  point 
suivre  les  procédures  et  de  supplier  Sa  Majesté  de  leur 
faire  grâce.  » 

Lenain  reçut  des  félicitations  ,  non  seulement  du  se- 
crétaire d'Etat  le  comte  de  Saint-Florentin,  mais  encore 
de  d'Argenson,  ministre  de  la  guerre,  et  de  d'Agues- 
seau ,  ministre  de  la  justice.    Ladevèze  fut   récompensé 


T^O  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

de  son  zèle  par  l'avancement  de  son  fils  ;  le  lieutenant 
Charles  de  Sauzet ,  sieur  de  la  Baronière ,  qui  avait  ar- 
rêté Desubas  ,  reçut  300  livres  de  gratification  et  une 
compagnie;  le  traître  Chevalier  3,000  livres,  et  les  jeu- 
nes gens  catholiques  de  Vernoux,  qui  avaient  tiré  sur  le 
rassemblement ,  furent  dispensés  du  tirage  au  sort  pour 
l'année  1746.  Le  juge  Afïbrty,  dont  la  châtaigneraie 
avait  été  endommagée  par  les  religionnaires  qui  avaient 
voulu  enlever  Desubas  ,  toucha  aussi  une  indemnité,  et 
le  bourreau  30  livres.  Quant  aux  gentilshommes  catholi- 
ques de  Serre  j  de  Joviac  et  de  Liviers  ,  qui  s'étaient 
distingués  au  moment  de  la  capture  de  Desubas ,  le 
comte  de  Saint-Florentin  leur  adressa  des  lettres  de  fé- 
licitations. 

Après  cette  cruelle  épreuve,  les  églises  réformées 
sentirent  le  besoin  de  s'humilier  et  ordonnèrent,  en  signe 
de  douleur,  un  deuil  général.  iMichel  Viala ,  pasteur  du 
Languedoc  qui  avait  présidé  le  synode  national  de  1744, 
publia  à  cette  occasion  une  lettre  pastorale,  oij  il 
s'écrie  :  «  Que  chacun  de  vous  s'occupe  uniquement 
aux  choses  du  ciel  !  que  le  négociant  ferme  sa  bouti- 
que !  que  l'artisan  cesse  les  actes  de  sa  profession  et  le 
laboureur  ses  travaux  !  que  les  jeunes  et  les  vieux  ,  les 
riches  et  les  pauvres;  que  les  pasteurs,  les  anciens  et 
le  troupeau  pleurent  entre  le  porche  et  l'autel,  et  qu'ils 
disent  :  «  Oh!  Eternel,  pardonne  à  ton  peuple  et  n'ex- 
pose point  à  l'opprobre  ton  héritage  !  »  —  Tels  étaient 
les  hommes  qu'un  roi  débauché  et  des  ministres  incré- 
dules et  libertins  regardaient  comme  des  ennemis  pu- 
blics et  qu'ils  auraient  voulu  tous  anéantir  en  une  seule 
fois! 

i<  Les  poètes  du  Vivarais ,  »  dit  Benoit .  «  composè- 
rent sur  les  malheurs  de  Desubas  plusieurs  complaintes, 
dont  quatre  sont  parvenues  jusqu'à  nous.  C'est  tout  un 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  25  I 

romancero  religieux,  qui  contient  près  d'un  millier  de 
vers...  Si  le  sentiment  poétique  ne  s'y  maintient  pas  tou- 
jours à  la  hauteur  du  sentiment  religieux  ,  elles  n'en  re- 
flètent pas  moins  avec  force  la  piété  austère  de  cette 
époque,  en  même  temps  que  l'affection  profonde  que  les 
fidèles  avaient  pour  Desubas.  » 

Louis  XV  ayant  consenti  à  amnistier  les  protestants 
qui  avaient  pris  part  à  la  tentative  d'enlèvement  à  main 
armée  de  Desubas ,  Ladevèze  se  rendit  à  Privas  et  fit 
venir  devant  lui,  d'après  le  récit  de  Coste,  MM.  deTas- 
taillon,  baron  de  Cheylus;  d'Audemard  et  du  Bay,  gen- 
tilshommes ;  André  Juventin,  bourgeois,  et  Salomon  de 
Marcols,  qui  appartenaient  tous  à  la  religion  réformée. 
Il  leur  donna  commission,  chacun  dans  leur  district, 
premièrement  d'avertir  les  protestants  du  Vivarais  que  le 
roi  leur  pardonnait  tout  le  passé ,  secondement  de  leur 
défendre  de  se  réunir  à  l'avenir. 

En  conséquence  de  cette  commission,  M.  de  Tas- 
taillon  assembla  les  principaux  habitants  de  Saint-Cierge- 
la-Serre  et  des  environs,  et  leur  exposa  sa  commission. 
M.  d'Audemard,  chargé  de  se  rendre  dans  le  haut  Vi- 
varais et  dans  la  Montagne,  et  muni  d'un  passeport  de 
Ladevèze,  fit  de  même.  Il  avait  de  plus  reçu  l'ordre  de 
parler  aux  ministres.  M.  du  Bay,  ayant  réuni  les  prin- 
cipaux protestants  de  Saint-Didier-de-Crussol ,  sa  pa- 
roisse, les  harangua  à  la  porte  de  l'église  du  haut  de  son 
cheval,  s'efforçant  de  leur  persuader  de  ne  plus  assister 
aux  assemblées  et  leur  en  donnant  même  l'ordre,  au 
grand  scandale  de  tous  ceux  qui  l'écoutaient.  M.  Ju- 
ventin resta  chez  lui,  et  M.  Salomon  ne  dit  rien  qui  ne 
tendît  plutôt  à  affermir  les  protestants  dans  leur  religion 
qu'à  les  en  détourner.  M.  d'Audemard  alla  à  Montpel- 
lier rendre  compte  de  sa  mission  à  Ladevèze;  «  et  ce 
qu'il  y  eut  de  fâcheux.  »  dit  Coste,  «  il  lui  promit  qu'on 


2^2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

ne  s'assemblerait  plus.  Aussi  quand  on  reprit  les  assem- 
blées, il  ne  le  trouvait  pas  à  propos,  souhaitant  qu'on 
les  renvoyât  à  un  temps  plus  éloigné  (i).  » 

NOMBREUX  SOLDATS  EN  VIVARAIS.  REPRISE  DES  ASSEM- 
BLÉES. TRAITRES  SOUDOYÉS  PAR  LES  PRÊTRES.  DEUX 
TRAITÉS  DE  CONTROVERSE  (  I  746  ,    I747). 

Immédiatement  après  l'arrestation  de  Desubas,  on  fit 
venir  en  Vivarais  des  soldats  du  Dauphiné  et  quelques 
compagnies  de  dragons.  Ils  se  répandirent  dans  tous  les 
arrondissements  protestants  et  firent  des  courses  en 
tous  sens,  mais  ils  ne  commirent  aucun  désordre.  On 
les  logea  du  reste  indifféremment  chez  les  catholiques 
et  les  protestants,  et  Ladevèze  faisait  dire  partout  que 
les  personnes,  compromises  dans  l'affaire  de  Desubas, 
étaient  pardonnées  à  l'exception  du  ministre  lui-même  et 
de  dix  autres  qui  avaient  été  arrêtées  avec  lui,  et  dont  le 
sort  ne  dépendait  plus  de  lui;  mais  il  défendit  les  assem- 
blées de  la  façon  la  plus  formelle. 

Court  engagea  les  pasteurs  Peirot ,  Blachon  et 
Coste  à  passer  outre  à  cette  interdiction,  et  à  reprendre 
leurs  assemblées  interrompues  depuis  la  capture  de  leur 
collègue.  Quant  aux  protestants,  qui  s'effrayaient  des 
rigueurs  de  l'autorité  et  n'osaient  exercer  leur  culte  en 

(i)  Armand  de  La  Chapelle,  NécesfiUé ,  etc.,  t.  II,  p.  264-269.  Court,  Lf 
l'nd'iulc,  etc.  Mémoire  liislO)'ique,  t.  II,  p.  7-12,  129-150;  154-157,  125.  Co- 
querel,  t.  I,  p.  577-589,  549.  Peyrat,  t.  11,  p.  407-412.  Edin.  Hugues,  t.  II. 
p.  200,  201.  Histoire  générale  de  Lan(jU(ul<i(\  nouv.  édit.,  t.  XIll,  p.  1074. 
Dourille,  p.  429,  450.  Borrel ,  liiogrnpliie  de  l'nvl  Rabmil ,  p.  20  et  suiv. 
Dardier,  l'itul  liulinvl,  t.  Il,  p.  175.  liiillfliii  de  la  Société,  etc.,  t  XIll, 
p.  557;  XXV,  1 19-127;  i(!i-i87.  Dan.  Benoît,  p.  14Ç-126.  Michel  Forest . 
Annules,  p.  22-27.  Mémoire  dicté  yjnr  te  minisire  Cosle  (Ms.  Court,  n"  17, 
vol.  P).  Ms.  Court,  n"  i,  t.  XVII,  et  n"  8,  t.  VI.  Recueil  de  pièces  reUdires 
aux  Eglises  réformées  dn  Virnniis,  elc  .Arch.  de  l'Hérault,  C,  219, 
404,  etc. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY  253 

public,  il  leur  conseillait  de  quitter  la  France  et  de  pro- 
fiter des  asiles  qu'on  leur  offrait  à  l'étranger. 

Les  assemblées  recommencèrent  donc,  quoique  le 
Vivarais  fût  rempli  de  soldats  et  qu'on  proférât  beau- 
coup de  menaces  contre  les  protestants.  Les  catholi- 
ques,  qui  croyaient  ceux-ci  terrorisés,  en  furent  si  sur- 
pris qu'ils  allèrent  jusqu'à  accuser  Ladevèze  d'être 
l'auteur,  par  sa  trop  grande  mansuétude,  de  la  reprise 
des  assemblées.  Les  curés  se  mirent  dès  lors  à  agir 
pour  leur  propre  compte  et  soudoyèrent  force  émissai- 
res pour  se  rendre  aux  réunions  ,  mais  ces  derniers  n'y 
étaient  pas  toujours  bien  reçus  ,  et  l'un  d'eux  même  fut 
roué  de  coups. 

Les  habitants  catholiques  de  Vernoux  étaient  parti- 
culièrement animés  contre  les  protestants.  Ils  résolurent 
de  fondre  à  main  armée  sur  les  assemblées  du  désert , 
qui  se  tiendraient  dans  leur  voisinage,  et  l'un  d'eux, 
ayant  manifesté  ses  sentiments  d'une  façon  violente,  fut 
mis  à  mort  par  un  de  ses  concitoyens  réformés. 

Tout  en  présidant  des  assemblées  ,  les  pasteurs  fai- 
saient des  tournées  dans  les  églises ,  mais  ils  rencon- 
traient des  espions  sur  tous  leurs  pas.  Blachon  écrivait, 
le  20  mai  1746  ,  qu'un  traître,  armé  d'un  fusil ,  et  payé 
par  un  curé ,  s'embusqua  un  jour  sur  son  passage  et  le 
coucha  en  joue  ;  mais,  qu'arrêté  sur-le-champ,  il  ne  put 
mettre  son  projet  à  exécution.  Vers  le  même  temps,  deux 
autres  traîtres  de  Vernoux  périrent  d'une  façon  tragique. 
L'un  mourut  victime  du  piège  qu^il  avait  lui-même  tendu, 
et  l'autre ,  qui  est  sans  doute  le  même  personnage  que 
celui  dont  nous  venons  de  parler,  fut  tué  par. un  jeune 
homme. 

Dès  lors  ,  les  assemblées  redevinrent  aussi  nombreu- 
ses que  précédemment ,  de  même  que  les  bénédictions 
de  mariage  et  les  baptêmes.  Blachon,  dans  le  seul  mois 


2  «4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

d'avril,  célébra  soixante-quatre  de  ces  derniers.  Le 
pays  était  tranquille.  Quelques  conversions  au  protes- 
tantisme eurent  même  lieu.  On  ne  redoutait  que  les  traî- 
tres, payés  par  les  ecclésiastiques,  et  les  calomnies 
dont  ceux-ci  se  faisaient  l'écho  auprès  des  autorités. 

Le  curé  Jeune  ,  de  Saint-Etienne-de-Serres,  essaya 
de  tempérer  le  zèle  des  protestants  du  Vivarais ,  peut- 
être  même  crut-il  en  convertir  quelques-uns  par  la  pu- 
blication des  deux  traités  de  controverse  suivants  :  Let- 
tre d'un  curé  à  ceux  de  ses  paroisssiens  qui  fréquentent  les 
assemblées  des  nouveaux  convertis  et  Entretiens  de  deux  an- 
ciens de  la  religion  prétendue  réformée  ,  imprimés  à  Avi- 
gnon. Le  premier  ,  comme  l'indique  son  titre  ,  avait 
pour  but  de  détourner  les  protestants  des  assemblées 
du  désert,  et  le  second  de  discréditer  les  ministres  et 
les  doctrines  réformées.  Nous  n'avons  pu  les  retrouver. 
Ils  avaient,  paraît-il,  de  la  valeur,  mais  leur  effet  fut 
nul. 

Ce  calme  relatif  fit  changer  de  résolution  aux  protes- 
tants qui  étaient  dans  l'intention  de  quitter  la  France. 
Ils  demeurèrent  dans  leur  pays;  ce  n'étaient,  du  reste, 
que  de  pauvres  laboureurs  sans  ressources  ,  qui ,  avant 
de  pouvoir  arriver  au  lieu  de  leur  destination ,  auraient 
couru  bien  des  dangers  et  enduré  des  privations  de 
toutes  sortes. 

En  juillet  1746,  les  protestants  du  Vivarais  furent  vi- 
sités par  le  jeune  protestant  Paul- Auguste  Lafont  dit 
Fontenelle ,  du  Languedoc,  qui,  avant  d'aller  desservir 
les  églises  de  Provence ,  donna  quelques  prédications 
dans  la  province.  A  cette  époque,  Blachon  était  fort 
souffrant.  Le  secours  de  Lafont  était  d'autant  plus  né- 
cessaire que  Coste  fut  député  en  Suisse  par  ses  collè- 
gues, au  commencement  de  janvier  1747,  pour  exami- 
ner avec  Court  et  ses  amis   les    n^oyens  d'obtenir   un 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2  ■;  5 

adoucissement  aux  maux  des  protestants  de  France. 
Coste  voulait  qu'on  envoyât  une  députation  auprès  des 
puissances  protestantes.  La  guerre  de  la  succession 
d'Autriche  durait  encore,  mais  Louis  XV  en  souhaitait 
vivement  le  terme  et  avait  proposé  à  ses  ennemis  la  te- 
nue d'un  congrès.  Le  pasteur  du  Vivarais  pensait  qu'il 
fallait  profiter  de  cette  circonstance  pour  élever  la  voix 
en  faveur  des  persécutés.  Il  se  fondait  sur  ce  que  les 
protestants  ne  voulaient  à  aucun  prix  quitter  la  France 
et  sur  l'impossibilité  d'une  émigration,  soit  partielle, 
soit  générale.  Coste  ,  dont  les  idées  ne  paraissent  pas 
avoir  été  adoptées  pour  le  moment ,  demeura  quelque 
temps  en  Suisse,  où  il  dicta  un  long  mémoire  histori- 
que sur  les  affaires  du  Vivarais,  que  nous  avons  beau- 
coup utilisé.  La  personne  qui  lui  servait  de  secrétaire 
apprit  de  lui  que,  depuis  1741  ,  année  où  il  commença 
sa  carrière  pastorale,  il  avait  béni  six  cents  mariages  et 
célébré  quatre  cent  trente-six  baptêmes. 

Letropcéièbre  Ponce,  l'auteurdu  massacrede  Vernoux 
et  de  bien  d'autres  maux  dont  les  protestants  eurent  à 
souffrir ,  ne  survécut  pas  longtemps  à  ses  méfaits.  Il 
mourut  le  7  avril  1747.  «  Vous  dire  qu'il  est  mort  comme 
il  avait  vécu,  »  dit  Coste,  «  c'est  tout  dire.  Depuis  le  mas- 
sacre de  Vernoux  jusqu'à  la  fin  ,  il  a  été  attaqué  d'une 
goutte  remontée  qui  le  faisait  plus  ou  moins  souffrir  à 
proportion  qu'il  voyait  s'évanouir  ses  projets  détesta- 
bles. L'on  a  remarqué  surtout  que  son  mal  augmentait 
lorsqu'il  vit  qu'on  avait  découvert  que  le  curé  de  Bof- 
fres  était  l'incendiaire  de  l'église  et  lors  encore  qu'on 
a  trouvé  les  vases  dans  la  citerne.  Voici  un  trait  qui  fait 
bien  voir  quel  homme  était  ce  Ponce.  Un  jour,  le  curé 
lui  ayant  apporté  le  viatique  ou  Dieu  de  l'Eglise, 
une  personne  ayant  dit  qu'on  aurait  dû  faire  une  saignée 
au  malade  avant  la  venue  du  curé ,  il  répondit  au  mo- 


256  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

queur  :  «  Il  fallait  le  faire  et  ensuite  je  serais  parti  avec 
le  bon  Dieu.  »  Il  n'a  jamais  donné  aucune  marque  de 
repentance  dans  sa  maladie.  » 

A  part  quelques  amendes  de  25  livres,  imposées  par 
l'intendant  du  Languedoc,  Jean  Lenain,  sur  chaque  pa- 
roisse du  Vivarais  parce  qu'elles  avaient  négligé  de  lui 
faire  tenir  Tétat  des  enfants  qui  n'assistaient  pas  aux  ins- 
tructions de  l'église  romaine,  les  protestants  du  Vivarais 
jouissaient  à  ce  moment  d'une  grande  tranquillité,  mais 
ils  ne  négligeaient  point  pour  cela  de  prendre  les  plus 
grandes  précautions.  «  Une  triste  expérience  nous  a 
appris,  »  écrivait  Peirot  le  18  novembre  1747,  «  à  nous 
défier  toujours  de  nos  ennemis,  parce  que  c'est  lors- 
qu'ils paraissent  le  plus  endormis  qu'ils  nous  jouent 
quelque  mauvais  tour.  »  Une  amende  de  douze  cents 
livres  et  deux  cent  soixante-huit  livres  de  frais,  impo- 
sée aux  protestants  de  l'arrondissement  de  Saint-Voy, 
par  jugement  de  l'intendant  du  Languedoc  du  4  décem- 
bre suivant  ,  montrèrent  bien  que  les  persécutions 
n'étaient  pas  près  de  leur  terme  (i). 

LA  PERSÉCUTION  RECOMMENCE.  ARRESTATION  d'aR- 
GAUD.  RÉVEIL  DES  PROTESTANTS  d'aNNONAY.  AMEN- 
DES. ORDRES  SANGUINAIRES.  ORDRES  DE  REBAPTISA- 
TIONS.   TOURNÉES  DES   PASTEURS  (1748-1750). 

Les  préliminaires  de  lapaix d'Aix-la-Chapelle  (13  avril 
1748),  qui  mit  fin  à  la  longue  guerre  de  la  succession 
d'Autriche,  ayant  rassuré  la  cour  contre  le  fantôme  des  in- 
surrections protestantes,  les  menaces  et  les  courses  de 
soldats  recommencèrent  en  Vivarais.  Ceux-ci  sortaient 


(1)  Ms.  Court,  n"  i,  t.  XVII,  XX;  n"  7,  t.  VII,  VIII  ;  n"  8  (Analyse);  Mé- 
moire de  Cosie  (Ms.  Court,  11"  17,  t.  P).  Arch.  de  l'Hérault,  C,  224. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2^7 

toutes  les  nuits  de  leur  garnison  pour  s'efforcer  de  cap- 
turer les  pasteurs.  Un  homme,  arrêté  sur  le  soupçon 
d'avoir  fait  l'office  de  lecteur  dans  une  assemblée ,  de- 
vint fou  de  frayeur  ;  un  autre ,  accusé  d'avoir  logé  les 
ministres  depuis  plus  de  trois  ans ,  ne  put  être  libéré 
qu'en  comptant  six  louis  d'or. 

Dans  le  Velay,  les  protestants  étaient  condamnés  à 
de  fortes  amendes.  Ils  étaient  justiciables  d'un  subdé- 
légué,  nommé  de  Rachat,  qui  ne  tolérait  aucune 
assemblée  ni  de  jour  ni  de  nuit,  et  qui  faisait  payer  des 
sommes  considérables  aux  paroisses  sur  le  territoire 
desquelles  se  tenaient  les  assemblées.  Par  une  sentence 
du  29  juillet  1748,  il  les  imposa  d'une  amende  de 
1,460  livres  et,  par  une  autre,  rendue  en  1749,  de 
2,300  livres,  sans  compter  les  frais. 

Malgré  cet  état  de  choses,  qui  fut  général,  les  égli- 
ses réformées  de  France  tinrent  leur  cinquième  synode 
national  du  désert  dans  les  Cévennes,  du  1 1  au  18  sep- 
tembre 1748.  Le  Vivarais  y  députa  Peirot  et  Blachon. 
Le  premier  fut  même  élu  modérateur  de  l'assemblée. 
Pour  éviter  que  chaque  province  ne  fût  favorisée  aux 
dépens  des  autres  dans  l'envoi  des  étudiants  au  sémi- 
naire de  Lausanne,  le  synode  prit  la  décision  suivante  : 
«  Il  a  été  convenu  que  les  provinces  du  haut  Langue- 
doc,  basses  Cévennes,  hautes  Cévennes  et  celles  du 
bas  Languedoc,  Vivarais,  Dauphiné  et  Normandie, 
enverraient  à  Talternative ,  les  unes  deux  étudiants  et 
les  autres  un  seul  au  séminaire  pour  y  étudier  deux 
années,  à  commencer  par  les  premières  provinces 
ci-dessus  nommées  :  ce  qui  servira  de  loi  pour  l'avenir; 
toutefois  du  consentement  des  vénérables  directeurs  du 
séminaire  (art.  XXIII).  » 

L'année  suivante   (1749),  la  persécution  sévit   avec 
encore  plus  d'intensité.  Châteauneuf,  commandant  du 
II.  ,7 


2^H  HISTOIRE    DKS    PROTESTANTS 

Vivarais,    donna   des   ordres   secrets   pour  arrêter  les 
ministres  ou  pour  leur  tirer  dessus,  soit  dans  les   mai- 
sons ,  soit  en  chemin  ;   mais  il  recommanda  aux  soldats 
de  ne  pas  troubler  les  assemblées,  de  peur  sans  doute 
((  d'émotions  violentes,   »  comme  le  remarque  Peirot. 
Le  20  avril ,  les  soldats  de  Saint-Agrève ,  conduits 
par  le  traître  Chevalier ,  celui-là  même  qui  avait  vendu 
Desubas,  allèrent  fouiller,  à  Saint-Romain-le-Désert,  la 
maison  d'Argaud,  dit  Chambdève,  dans  la  pensée  d'y 
opérer   l'arrestation   d'un    ministre.    Pour  perdre    plus 
sûrement  Argaud  à  qui  il  en  voulait,  Chevalier  cacha, 
dans  un  coin  de  sa  maison,  la  robe  de  Desubas  et  un 
petit   collet   qu'il  s'était  appropriés,  et    que,    sur   ses 
indications,  en  apparence  spontanées,  les  soldats  décou- 
vrirent aussitôt.  Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  déter- 
miner ceux-ci  à   arrêter  Argaud    et    son    valet,    qu'ils 
conduisirent  au  château  de   Beauregard ,   accompagné 
de  la  garnison  du  Cheylard.  Comme  Argaud  était  géné- 
ralement estimé,  quelques  gentilshommes  s'intéressèrent 
à  sa  personne,  notamment  M""^  de  Brisol ,  soeur  de  feu 
M.   le   comte  de    Vallon,    de    sorte    qu'à    la   date    du 
10  mai  1749  Peirot  écrivait  qu'il  serait  bientôt  délivré, 
et  que  Chevalier  aurait  même  à  répondre  devant  la  jus- 
tice de  sa  méchante  action. 

A  peu  près  vers  le  même  temps,  le  curé  de  Marcols, 
accompagné  des  soldats  de  Saint-Pierreville,  parcourut 
le  quartier  des  Boutiéres  pour  rebaptiser  tous  les  en- 
fants protestants,  même  ceux  qui  l'avaient  été  déjà  par 
les  prêtres.  Peirot  pensait  que  le  curé  et  l'officier ,  qui 
commandait  le  détachement  de  soldats  ,  furent  blâmés. 
Cette  même  année,  les  protestants  d'Annonay  qui, 
depuis  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  avaient  vécu 
dans  une  indifférence  répréhensible  à  l'égard  des  as- 
semblées du  désert,  manifestèrent  un  grand  zèle  pour 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  2^9 

elles  ;  mais  comme  celles-ci  se  tenaient  à  une  distance 
considérable  de  la  ville,  il  leur  était  assez  difficile  de  s'y 
rendre  :  néanmoins,  ils  y  assistèrent  toutes  les  fois  qu'el- 
les furent  convoquées. 

Le  commencement  de  Tannée  1750  ne  s'annonça  pas 
sous  de  meilleurs  auspices.  «  Pendant  le  mois  de  février,  » 
dit  Peirot,  «  nous  avons  été  fatigués  par  les  amendes  qu'il 
nous  a  fallu  payer  et  effrayés  par  un  arrêt  lancé  contre 
nous,  mais  que  nous  n'avons  pas  vu;  et,  dans  le 
temps  que  nous  pensions  qu'on  allait  l'exécuter ,  nous 
avons  appris  les  nouvelles  les  plus  agréables.  »  Le 
même  pasteur  donnait  de  meilleures  nouvelles  vers  le 
milieu  de  l'année  :  «  Parmi  nous,  pour  le  présent, 
grâce  au  Seigneur,  «disait-il,  «  nous  jouissons  d'une  par- 
faite tranquillité.  »  Il  annonçait  en  même  temps  que 
Serre,  le  fiancé  de  la  célèbre  Marie  Durand  (voyez 
plus  haut,  p.  127),  venait  de  sortir  du  fort  Brescou,  oij 
il  avait  été  enfermé  pendant  vingt  ans  ! 

A  partir  du  mois  de  novembre,  les  choses  s'aggravè- 
rent. Peirot  et  Blachon  virent  deux  pièces  officielles 
(c'était  peut-être  l'arrêt  mentionné  plus  haut) ,  signées 
l'une,  par  Le  Brunet,  pour  le  Languedoc,  et  l'autre,  par 
Châteauneuf,  pour  le  Vivarais,  portant  ordre  d'attaquer 
les  assemblées  à  main  armée,  d'arrêter  et  de  tuer  le 
plus  de  gens  possibles.  Les  deux  pasteurs  contreman- 
dèrent  aussitôt  les  assemblées  qu'ils  avaient  convoquées 
dans  leurs  quartiers  respectifs,  mais  Coste  et  le  jeune 
proposant  Alexandre  Vernet,  revenu  du  séminaire  de 
Lausanne  depuis  avril  1748,  qui  étaient  placés  dans  des 
lieux  moins  exposés,  tinrent  les  leurs  nonobstant  ces 
défenses. 

L'une  d'elles,  présidée  par  Vernet,  eut  lieu  le 
22  novembre  1750  sur  les  bords  du  Lignon ,  près  du 
moulin  de  Boye,  sur  les  limites  du  Vivarais  et  du  Velay. 


26o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Le  subdélégué  du  Puy  et  celui  de  Tournon  se  trans- 
portèrent sur  les  lieux  pour  informer.  Leurs  dépenses 
s'élevèrent  à  323  livres  pour  le  second,  et  à  410  livres 
17  s.  pour  le  premier.  L'intendant  du  Languedoc,  par 
jugement  du  22  mars  175 1  ,  condamna  les  arrondisse- 
ments de  Saint-Agrève  et  du  Chambon  à  payer  ces  frais, 
qui  furent  augmentés  de  40  livres  et  d'une  amende  de 
T,ooo  livres,  en  tout  1773  livres  17  s.  (1).  Un  autre 
jugement  de  l'intendant  du  30  novembre,  même  année, 
condamna  l'arrondissement  de  Saint-Voy  à  payer  400  li- 
vres d'amende  et  203  livres  de  frais  (2).  Cette  même  an- 
née encore,  les  communautés  du  Chambon  et  de  Saint- 
Voy  durent  payer  une  imposition  de  1714  livres  13  s. 
4  d,  pour  assemblée  illicite  (3). 

D'autre  part ,  l'intendant  du  Languedoc  donna  l'or- 
dre à  ses  deux  subdélégués  du  Vivarais ,  Tavernol ,  de 
Viviers,  et  Dumolard,  de  Tournon,  d'enjoindre  aux  pro- 
testants de  cette  province  de  porter  ou  de  conduire 
leurs  enfants  à  l'église  paroissiale  la  plus  voisine  «  pour 
leur  suppléer  les  cérémonies  du  baptême  ou  les  rebap- 
tiser sans  condition,  »  et  de  dresser  un  état  des  récal- 
citrants. D'après  ces  états,  dont  quarante  cinq,  cor- 
respondant à  autant  de  paroisses,  furent  dressés  en  175 1 
et  1752,  on  voit  que  la  plupart  des  religionnaires  préfé- 
rèrent s'exposer  à  des  amendes  ruineuses,  plutôt  que 
d'obéir.  Plusieurs  de  ces  Etats  furent  dressés  par  les 
curés,  qui  se  montraient  très  animés  contre  leurs  ouail- 
les rebelles.  Cholvy,  curé  des  Vastres ,  écrivait  à 
Dumolard  le  i«'  janvier  175 1  :  «  Feu  M.  votre  père... 
ne  cherchait  pas  tant  de  façons  avec  ces  mauvais  esprits  ; 
il  faisait  ponctuellement  exécuter  les  ordonnances ,  per- 

(i)  Arch.  de  l'Hérault,  C,  2jo. 
(2)  Arch.  de  l'Hérault,  C,  2}i. 
(5)  Arch.  de  l'Hérault,  C,  570. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  26 1 

sonne  ne  disait  mot  et  tout  tremblait.  »  Montreynaud, 
prieur  de  Bruzac ,  allait  plus  loin  encore.  Il  écrivait  au 
même  le  lo  juin  suivant  :  «  Je  ne  pense  pas,  monsieur, 
qu'il  y  ait  de  meilleurs  missionnaires  pour  les  mettre  à 
la  raison  que  quelques  compagnies  de  dragons  ou  de 
grenadiers  (i).  » 

Devant  l'aggravation  de  leurs  maux ,  les  pasteurs  du 
Vivarais  eurent  une  conférence  et  décidèrent  de  faire 
le  tour  de  leurs  églises  pour  baptiser  les  enfants  et  as- 
sembler les  consistoires  dans  le  but  d'exhorter  les 
anciens  à  la  fermeté  et  à  la  prudence.  Ils  décidèrent, 
en  outre,  qu'on  surveillerait  les  catholiques  pour  tâcher 
de  pénétrer  leurs  desseins ,  qu'on  continuerait  à  tenir 
des  assemblées,  mais  dans  les  lieux  les  plus  sûrs;  qu'on 
prendrait  la  fuite  si  on  y  était  attaqué,  et  qu'on  enverrait 
des  placets  à  l'intendant,  au  commandant  de  la  province, 
au  comte  de  Saint-Florentin  et  au  roi ,  où  l'on  repré- 
senterait combien  les  protestants  auraient  à  souffrir  des 
discordes,  des  cruautés  et  des  massacres,  qui  résul- 
teraient des  ordres  qu'on  venait  de  donner ,  et  leur 
ferme  résolution  de  s'exposer  à  tout  plutôt  que  de  re- 
noncer à  se  réunir  pour  célébrer  leur  culte.  Les  pas- 
teurs furent  pourtant  d'avis  de  ne  rien  faire  sans  consul- 
ter les  provinces  voisines  ,  notamment  le  bas  Langue- 
doc ,  oij  ils  députèrent  Coste  pour  se  concerter  avec 
les  ministres  de  cette  province. 

Court ,  à  qui  les  pasteurs  du  Vivarais  firent  connaî- 
tre leur  situation,  estimait  que  les  choses  n'iraient  pas 
aussi  mal  qu'ils  le  craignaient  et  que ,  si  les  ordres 
qu'ils  avaient  vus  étaient  véritables  ,  ils  devaient  être 
accompagnés  de  mémoires  secrets  qui  en  atténuaient  la 
rigueur.    Il    opinait    donc   pour    qu'on    interrompît    les 

(i)  Arch.  de  l'Hérault,  C,  245. 


202  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

assemblées  le  moins  possible,  mais  il  conseillait  en 
même  temps  de  prendre  toutes  les  précautions  néces- 
saires (15  déc.  1750).  La  suite  montra  que  Court 
appréciait  sainement  la  situation  (i). 

PROCÈS-VERBAUX      CONTRE     LES     ASSEMBLÉES.     RÉDAC- 
TION     d'un      PLACET.      ARRESTATION       ET      MORT     DE 

monteil.    reprise    des    assemblées.    lettre    de 
l'évêque  du  puy  (1751)- 

Au  commencement  de  l'année  1751,  des  détache- 
ments de  soldats  battaient  la  campagne.  Les  subdélégués 
du  Puy  et  de  Tournon  dressaient  à  l'envie  des  procés- 
verbaux  contre  les  assemblées  et  contre  ceux  qui  fai- 
saient baptiser  leurs  enfants  par  des  ministres,  en  même 
temps  que  des  ordres  d'arrestation  étaient  lancés  con- 
tre les  religionnaires  les  plus  notables  et  que  les  curés 
rebaptisaient  les  enfants.  Dans  leur  détresse  ,  les  pro- 
testants de  la  province  consultèrent  des  gens  autorisés, 
qui  leur  conseillèrent  de  suspendre  momentanément  les 
assemblées  du  désert  (2)  et  d'adresser  des  placets  aux 
autorités,  dans  lesquels  ils  diraient  qu'il  leur  était  im- 
possible de  vivre  sans  culte,  et  que,  si  l'on  ne  cessait 
les  persécutions,  ils  seraient  contraints  de  se  réfugier 
dans  les  pays  étrangers. 

Antoine  Court    rédigea  ce  placet   qui  fut  envoyé    à 
qui  de  droit ,  mais  déjà  les  soldats  avaient  mis  un  terme 

(1)  Ms.  Court.  IV  I,  t.  XXI-XXlIi  ;  n"  7,  l.  IX,  XI.  Court,  Lp  ['a- 
triolfi,  etc.,  Mi'nv.  histnr.,  p.  97. 

(2)  Paul  Rabaut  ne  partageait  pas  ce  sentiment:  «  Il  me  paraît,  »  disait-il, 
<•  que  nos  frères  du  Vivarais  ont  très  mal  fait  de  discontinuer  totalement  leurs 
assemblées  Ils  n'en  auront  que  plus  de  peine  à  les  mettre  sur  pied  ;  heu- 
reux encore  s'ils  peuvent  en  venir  à  bout  .  ^Lettre  du  17  mars  17U,  dans 
Dardicr,  Paul  Bubant.  t,  II,  p.  118). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY,  26^ 

à  leurs  courses  de  nuit  et  aucune  arrestation  n'avait  été 
opérée,  d'où  les  protestants  conclurent  que  les  mesu- 
res précédemment  prises  n'étaient  peut-être  qu'un  piège. 
Néanmoins  ,  ils  continuèrent  à  se  tenir  fortement  sur 
leurs  gardes. 

A  la  fin  d'avril ,  Blachon  et  Vernet  allèrent  conférer 
avec  les  ministres  du  Languedoc  sur  les  conjonctures 
présentes  (•).  Us  se  trouvèrent  réunis  au  nombre  de 
huit  et  décidèrent  de  faire  rédiger  un  placet  pour  le 
roi. 

Pendant  ce  temps,  Dumolard  faisait  imprimer  une 
lettre  qui  enjoignait  aux  curés  et  aux  consuls  des  pa- 
roisses d'arrêter  les  religionnaires ,  dont  les  enfants 
avaient  été  baptisés  par  les  ministres,  et  de  contraindre 
les  parents  à  les  faire  rebaptiser  par  les  curés  dans  les 
quinze  jours  sous  peine  d'être  poursuivis. 

Le  vieux  prédicateur  Monteil,  âgé  de  soixante  et  dix 
ans,  infirme  et  presque  dans  l'enfance,  qui  ne  prêchait 
plus  depuis  quatre  ou  cinq  ans  et  qui  demeurait  du  côté 
de  Marcols,  où  on  ne  l'avait  jamais  inquiété,  fut  arrêté 
le  1 2  avril  et  conduit  au  château  de  Beauregard  avec 
un  grand  appareil  militaire ,  c'est-à-dire  avec  avant- 
garde  et  arrière-garde.  Le  malheureux  était  sans  force 
et  il  fallait  deux  hommes  pour  le  tenir  sur  son  cheval. 
Il  mourut  bientôt  après  en  prison. 

Nonobstant  ces  rigueurs,  les  pasteurs  du  Vivarais 
décidèrent  de  reprendre  leurs  assemblées  interrompues 
depuis  cinq  mois.  Il  fut  convenu  qu'on  les  tiendrait  tan- 
tôt de  jour,  tantôt  de  nuit  :  le  jour,  loin  des  garnisons, 
la  nuit,  à  leur  proximité. 


(i!  Blachon  fut  reconnu  à  son  passage  à  Lagorce,  et  l'on  guetta  son  re- 
tour pendant  trois  semaines  :  mais  il  resta  en  Languedoc  plus  de  temps  qu'on 
ne  l'avait  cru,  et  rentia  en  Vivarais  par  Avignon,  la  Provence  et  le  Dau- 
phiné. 


264  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Peirot  écrivait  en  juillet  à  ce  propos  :  «  Nous  nous 
assemblons  au  lever  du  soleil  avec  le  moins  d'éclat  et 
de  bruit  que  nous  pouvons;  nous  choisissons  les  lieux 
qui  sont  les  plus  écartés  et  les  plus  éloignés  des  villes 
011  sont  les  garnisons.  Pendant  que  nous  sommes  as- 
semblés, nous  faisons  observer  les  troupes,  afin  de 
n'être  point  surpris  en  cas  qu'elles  voulussent  nous 
faire  de  la  peine.  Nous  ne  choisissons  pas  toujours  le 
même  endroit,  ni  nous  ne  prêchons  pas  régulièrement 
tous  les  dimanches  ;  nous  n'avertissons  que  le  samedi 
sur  le  tard.  Nos  assemblées  sont  pourtant  considérables 
et  nombreuses.  On  y  baptise  les  enfants  et  on  y  bénit 
les  mariages  comme  on  le  pratiquait  les  années  précé- 
dentes. » 

L'évêque  du  Puy  ,  Jean-Georges  Lefranc  de  Pom- 
pignan,  auteur  fécond,  mais  passionné ,  qui  joua  plus 
tard  un  rôle  considérable  sous  la  Révolution ,  publia 
vers  ce  temps  une  lettre  pastorale  aux  nouveaux  conver- 
tis de  son  diocèse,  que  nous  n'avons  pas  retrouvée,  et 
où  il  traitait  des  principales  matières  de  controverse.  Il 
insinuait  que  les  protestants,  séduits  par  leurs  ministres, 
n'assistaient  aux  assemblées  que  parce  qu'on  leur  faisait 
croire  qu'elles  étaient  permises  ou  tolérées  par  le  roi,  et 
concluait  qu'étant  maintenant  désabusés,  ils  devaient  y 
renoncer. 

Les  pasteurs  du  Vivarais  auraient  désiré  qu'on  lui  ré- 
pondît que  les  protestants  fréquentaient  les  assemblées, 
non  point  parce  qu'ils  les  croyaient  tolérées,  non  plus 
que  par  entêtement  ou  par  esprit  de  rébellion ,  mais 
uniquement  parce  qu'ils  les  considéraient  comme  vou- 
lues de  Dieu  ,  et  qu'ils  aimeraient  mieux  s'exposer  à 
tout  souffrir  plutôt  que  de  violer  un  commandement  di- 
vin. Ces  mêmes  pasteurs  furent  vivement  pressés  de 
répondre   eux-mêmes   directement   au   prélat ,    mais  ils 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  20^ 

n'osèrent  et  consultèrent  Court,  dont  nous  n'avons  pas 
trouvé  la  réponse  (i). 

NOMBREUSES  ARRESTATIONS.  AMENDES  RUINEUSES. 
DÉPART  FORCÉ  DE  COSTE.  CONSÉCRATION  DE  VER- 
NET  (1752). 

On  fit  plusieurs  arrestations  en  1752,  et  les  prison- 
niers furent  renfermés  à  Beauregard.  «  Le  25®  fé- 
vrier 1752,  »  dit  un  mémoire  du  temps  (2j,  «  Isaac-Jean 
Terrasse,  de  la  paroisse  de  Silhac  en  Vivarais,  fut  ar- 
rêté pour  avoir  fait  baptiser  son  enfant  au  désert.  On 
n'a  point  fait  de  procédure  contre  lui  parce  qu'il  n'a 
aucun  bien  et  que  sa  femme  mendie  son  pain.  Il  a  toujours 
eu  le  pain  du  roi  et  il  serait  sorti  le  24  février  1753  , 
s'il  avait  eu  de  quoi  payer  ledit  pain  et  s'il  faisait  bap- 
tiser son  enfant  par  un  curé.  On  lui  demande  cin- 
quante livres  jusqu'à  ce  jour,  moyennant  quoi  on  pense 
qu'on  le  tiendrait  quitte  de  tout. 

»  Du  9^  mars.  Jacques  Bernard,  de  la  paroisse  de 
Nozières,  fut  arrêté  par  les  mêmes  causes  que  dessus. 
Il  fut  fait  une  procédure  et  fut  rendu  un  jugement  par 
M.  l'intendant  ,  qui  le  condamna  à  trois  mille  livres 
d'amende  et  trente  livres  pour  les  pauvres.  Tout  son  bien 
ne  va  pas  à  trois  cents  livres.  Il  n'a  plus  le  pain  du  roi 
depuis  la  Jean-Baptiste  dernier. 

»  Du  14®  mars.  Jacques  Meyer,  |de  Serres],  de  la 
paroisse  de  Saint-Fortunat ,  fut  aussi  arrêté  par  les 
mêmes  causes.  Il  fut  aussi  fait  une  procédure  et  il  y  eut 
un  jugement  de  M.  l'Intendant  qui  le  condamna  à 
trois  mille  livres  d'amende  et  trente  livres  pour  les  pau- 

(i)  Ms.  Court,  11"  I,  t.  XXIV.  Correspond,  histor.  des  deux  Chironn. 
(2)  Etat  de  ceux   qui  sont  détenus  dans  les  prisons  de  Beauregard. 
poi/)-  fait  de  religion  (I7Î5)-  Correspond,  bisfor.  des  deux  Chirons. 


2(^(^  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

vres.  Son  bien  ne  peut  valoir  tout  au  plus  que  quatre 
cents  livres.  Il  n'a  plus  le  pain  du  roi  depuis  la  Saint- 
Jean.  »  Le  texte  du  jugement  de  Saint-Priest,  rendu  le 
5  mai  1752,  nous  apprend  que  Meyer  fut  condamné, 
non  seulement  pour  avoir  fait  baptiser  quatre  de  ses  en- 
fants au  désert,  mais  encore  pour  s'y  être  marié;  que 
les  frais  du  procès,  qui  s'élevaient  à  1 56  1.  5  s.  étaient 
également  à  sa  charge,  et  qu'il  devait  rester  en  prison 
jusqu'à  ce  qu'il  eût  payé  les  frais  et  l'amende,  et  justifié, 
par  un  certificat  du  curé  de  Saint- Fortunat,  que  ses  en- 
fants avaient  été  envoyés  à  l'église  catholique  de  ce 
lieu. 

«  Du  mois  d'avril.  Jacques  et  Marianne  Argod  et 
leur  fils  à  la  mamelle,  habitant  au  bourg  de  Saint- 
Agrève,  pour  avoir  épousé  et  baptisé  comme  dessus. 
11  n'a  point  été  fait  de  procédure  contre  eux  parce  qu'ils 
n'ont  rien,  ils  n'ont  plus  le  pain  du  roi  depuis  la  Saint- 
Jean.  Ils  ont  fait  présenter  un  placet  à  M.  l'intendant, 
qui  les  a  renvoyés  à  M .  Dumolard ,  le  1 4®  mars  1  "  5  3  •  ^" 
leur  demanda,  pour  les  faire  sortir,  de  payer  le  pain  du 
roi  pendant  le  temps  qu'ils  l'ont  eu  ;  de  faire  rebaptiser 
leur  enfant  par  un  prêtre  et  de  se  séparer  par  un  acte 
public  parce  qu'ils  sont  parents  au  troisième  degré. 

')  Les  autres,  qui  étaient  arrêtés  avec  eux,  se  sont 
sauvés  desdites  prisons,  dont  il  y  en  a  eu  un  qui,  en 
tombant,  s'est  estropié  pour  sa  vie,  soit  de  sa  chute,  soit 
des  coups  de  fusil  qu'on  lui  a  tirés. 

»  L'on  a  aussi  beaucoup  maltraité  un  des  prisonniers 
que  l'on  crut  vouloir  se  sauver.  On  le  mit  tout  en  sang, 
mais  il  est  guéri  à  présent.  » 

A  cette  liste  il  faut  ajouter  : 

Tranchât,  de  Menuts ,  paroisse  de  Saint-Fortunat , 
condfimné  à  2,000  livres  d'amende  pour  avoir  fait  bap- 
tiser son  enfant  par  un  ministre:  —  Ribes.  des  Chirou- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  267 

ses,  paroisse  de  Nozières,  condamné  à  2,000  livres 
d'amende  et  à  payer  400  livres  de  Irais  environ,  pour  le 
même  motif;  —  Tussière,  de  la  paroisse  de  Saint-Geor- 
ges, condamné  à  500  livres  d'amende  et  au  payement 
de  400  livres  de  frais  environ.  —  Tranchât  et  Ribes  de- 
vaient rester  en  prison  ,  le  premier  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
payé  ,  le  second  jusqu'à  ce  qu'il  eût  satisfait  à  sa  con- 
damnation, fait  rebaptiser  ses  enfants  et  promis  défaire 
réhabiliter  son  mariage  à  l'église  romaine.  Coste ,  qui 
rapporte  tous  ces  faits,  ajoute  :  «  Je  déclare  qu'il  y  a  un 
grand  nombre  de  personnes  en  Vivarais  qui  ont  été  re- 
cherchées par  les  archers  et  qu'un  plus  grand  nombre 
n'osent  point  demeurer  dans  leurs  maisons.  Ce  ly"- 
juin  1752.  Coste,  ministre  en  Vivarais.  " 

D'autres  sources  nous  apprennent  que  deux  mes- 
sieurs de  Beauchastel  reçurent  Tordre  de  faire  rebapti- 
ser leurs  enfants,  et  se  soumirent;  et  qu'un  homme  de 
Privas  fut  jeté  en  prison  pour  avoir  fait  inhumer  un  en- 
fant sans  en  avertir  le  curé.  Mais  ,  chose  étrange!  les 
assemblées  ne  furent  pas  inquiétées  quoiqu'elle  se  tins- 
sent très  régulièrement. 

Dans  le  Velay,  il  n'en  était  pas  de  même.  Le  subdé- 
légué Rachat  était  un  homme  dur.  Depuis  plusieurs  an- 
nées, on  n'avait  pu  tenir  de  jour  des  asssemblées  dans 
sa  province  sans  qu'il  fît  payer  des  amendes  exhorbitan- 
tes.  Il  en  exigea  même  pour  des  assemblées  qui  avaient 
eu  lieu  en  dehors  de  sa  subdélégation.  Les  protes- 
tants du  Velay,  qui  avaient  interrompu  celles-ci  depuis 
quelques  mois,  comme  leurs  frères  du  Vivarais,  décidè- 
rent de  les  reprendre  comme  avaient  également  fait  ces 
derniers.  Ils  pensèrent  que  Rachat  ne  s'en  apercevrait 
point  ou  qu'il  fermerait  les  yeux  sur  elles.  Ils  se  trom- 
pèrent étrangement.  En  mars  1752  il  fit  payer  une  forte 
amende  pour  une  assemblée  de  nuit ,   qui  s'était  tenue 


2bo  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

dans  un  lieu  qu'on  ne  croyait  pas  devoir  être  découvert. 
Cette  nouvelle  amende ,  jointe  aux  précédentes  et  aux 
fléaux  de  la  grêle  et  des  inondations ,  réduisit  les  ha- 
bitants à  une  si  grande  misère  qu'un  nombre  considéra- 
ble d'entre  eux  se  virent  contraints,  pour  subsister,  de 
descendre  pendant  l'hiver  dans  les  Boutières  ;  mais  ils 
n'y  trouvèrent  que  des  châtaignes  et  quelques  pommes 
de  terre ,  car  la  saison  avait  été  également  mauvaise  en 
Vivarais  ,  et  le  blé  et  les  légumes  n'avaient  que  médio- 
crement réussi.  Les  honoraires  des  ministres  s'en  res- 
sentirent et  ces  derniers  se  virent  dans  l'obligation  de 
demander  des  secours  au  comité  de  Lausanne  pour  pou- 
voir entretenir  leurs  familles. 

En  mai,  Coste,  poussé  par  un  motif  impérieux,  par- 
tit pour  la  Suisse.  11  avait  une  femme  et  un  enfant  estro- 
pié, âgé  de  trois  ans.  L'autorité  les  traquait  de  toutes 
parts.  Les  deux  malheureux  ne  trouvaient  aucune  maison 
sûre  dans  tout  le  Vivarais,  et  M"""^  Coste  ne  pouvait 
suivre  son  mari  partout.  D'autre  part  les  honoraires  que 
touchaient  les  pasteurs  étaient  à  peine  suffisants  pour 
faire  subsister  un  célibataire.  Coste  résolut  donc  de 
conduire  sa  famille  en  Suisse.  Peirot,  qui  recommanda 
son  collègue  à  Court  d^une  manière  pressante,  disait 
qu'il  fallait  absolument  que  l'on  pourvût  en  Suisse 
à  Tentretien  de  la  femme  et  de  l'enfant  de  Coste, 
sans  quoi  il  serait  contraint  de  se  retirer  en  Hollande 
ou  en  Angleterre,  et  le  Vivarais  le  perdrait  pour  tou- 
jours. 

Un  mois  après,  le  14  juin,  les  protestants  de  Mou- 
nens  furent  condamnés  ,  pour  une  assemblée  tenue  sur 
leur  territoire,  à  300  livres  d'amende  et  à  251  livres 
I  sou  de  frais  (1). 

(Il  Aich.  de  1  Hérault.  C,  2??. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  269 

Le  12  novembre  suivant  (i),  Peirot  consacra  au  saint 
ministère  le  jeune  Vernet ,  qui  prêchait  en  Vivarais  de- 
puis 1748,  date  de  son  retour  de  Lausanne  (2).  Nous 
n'en  aurions  pas  autrement  parlé,  quoique  la  province 
n'eût  pas  été  témoin  d'une  cérémonie  de  ce  genre  de- 
puis la  consécration  de  Durand  en  1726,  si  le  discours 
de  Peirot,  qui  a  été  conservé  ,  ne  nous  offrait  un  des 
plus  beaux  spécimens  de  la  mâle  prédication  du  désert. 
L'orateur,  prenant  pour  texte  ces  paroles  de  saint- Mat- 
thieu (X  ,  \6) ,  Je  vous  envoie  eomme  des  brebis  au  milieu 
des  loups,  s'écrie  :  «  Nous  pouvons  le  dire  sans  crainte 
de  mentir,  nous  pouvons  le  déclarer  à  la  face  du  ciel  et 
de  la  terre ,  nous  sommes  comme  des  brebis  au  milieu 
des  loups.  Que  le  peuple,  au  milieu  duquel  nous  som- 
mes ,  vante  tant  qu'il  voudra  sa  politesse  et  son  huma- 
nité,  il  n'en  est  pas  moins  cruel  à  notre  égard  et  altéré 
de  notre  sang.  Que  les  ecclésiastiques  se  disent  tant 
qu'ils  voudront  les  successeurs  des  bienheureux  apôtres, 
qui  étaient  d'un  caractère  si  pacifique,  qu'ils  affectent 
tant  qu'il  leur  plaira  une  douleur  apparente  ;  qu'ils  fas- 
sent semblant  d'avoir  en  horreur  le  sang  et  le  carnage  ; 
nous  ne  nous  y  fions  pas!  Regardon§-les!  Ah!  plût  à 
Dieu  que  nous  nous  trompassions  dans  ce  que  nous  di- 
sons !  Plût  à  Dieu  que  nous  fussions  obligés  de  nous  ré- 
tracter aussi  publiquement  que  nous  le  protestons!  Plût 
à  Dieu  qu'on  nous  donnât  sujet  d'avoir  des  idées  plus 
conformes  à  la  charité  ,  à  nos  propres  intérêts  !  Mais 
tandis  que  nous  aurons  tant  de  raisons  du  contraire,  tan- 

(i)  Coquerel  se  trompe  quand  il  dit  que  la  cérémonie  eut  lieu  le  25  octo- 
bre 1752.  Les  actes  du  synode  du  8  mai  1755  portent  textuellement  ceci  : 
■1  M'  Alexandre  Vernet,  qui  fut  reçu  au  saint  ministère  le  douzième  novem- 
bre mil  sept  cent  cinquante-deux.  » 

(2)  Alexandre  Ranc ,  le  frère  du  célèbre  martyr,  fut  consacré  en  même 
temps  que  Vernet,  mais  il  exerça  son  long  ministère  exclusivement  dans  le 
Dauphiné. 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


dis  que  les  auteurs  de  nos  maux  s'en  glorifieront,  tandis 
que  tant  de  voix  nous  crieront  que  nous  sojnmes  des 
brebis  au  milieu  des  loups ,  pouvons-nous  nous  refuser 
de  le  croire  ?  Et  combien  de  voix  n'y  a-t-il  pas  qui  nous 
tiennent  ce  terrible  langage  ?  Que  nous  disent  les  crain- 
tes où  nous  avons  été  pour  célébrer  cette  cérémonie . 
les  précautions  que  nous  avons  été  obligés  de  prendre 
pour  nous  conserver?  Que  nous  dit  le  lieu  où  nous  som- 
mes dans  une  occasion  aussi  solennelle?  Quoi  I  être 
sans  temple,  être  exposés  aux  injures  de  l'air,  être  obli- 
gés de  fuir  les  lieux  habités  pour  se  cacher  dans  les 
bois,  dans  des  déserts  affreux!  Ces  lieux  sauvages  ne 
nous  crient-ils  pas  qu'il  faut  que  nous  nous  regardions 
parmi  les  hommes  comme  des  brebis  au  milieu  des 
loups  ,  puisque  nous  sommes  obligés  de  les  fuir  avec 
tant  de  soin  ?  Que  vous  dit  cette  haine  quêtant  de  gens, 
à  qui  nous  ne  fimes  jamais  aucun  mal,  ont  cependant 
contre  nous  ?  Que  nous  disent  ces  projets,  ces  complots 
sanguinaires  qu'on  trouve  chaque  jour  pour  nous  dé- 
couvrir et  pour  nous  perdre  ?  Que  nous  disent,  non  pas 
trente  pièces  d'argent ,  mais  de  grosses  sommes  desti- 
nées, promises  alix  Judas,  qui  pourront  nous  trahir  et 
nous  livrer  ?  N'est-ce  pas  comme  autant  de  voix  qui 
nous  crient  :  Vous  êtes  comme  des  brebis  au  milieu  des 
loups?  Que  vous  disent  ces  troupes  dont  nous  sommes 
environnés  de  tous  côtés  ,  toujours  armées ,  toujours 
prêtes  à  marcher  contre  nous,  n'attendant  pour  cela  que 
le  moment  fatal  de  découvrir  notre  retraite  ?  Que  nous 
disent  ces  ordonnances ,  ces  déclarations  par  lesquelles 
notre  religion  est  interdite  et  proscrite,  et  par  lesquelles 
tous  ceux  qui  l'ont  enseignée  sont  condamnés  aux  mê- 
mes peines  que  les  criminels  ?  Ne  sont-ce  pas  des  voix 
de  tonnerre  qui  nous  crient  que  nous  sommes  comme 
des  brebis  au  milieu  des  loups  ?  Que  nous  disent  ces  ca- 


UU    VIVARAIS    ET    DU    VKLAY.  27I 

tastrophes ,  ces  scènes  tragiques  arrivées  au  milieu  de 
nous  ?  Que  nous  disent  ces  mouvements,  ces  soins  qu'on 
s'est  donnés  pour  nous  écraser  }  Que  nous  disent  ces 
cadavres  percés  de  coups,  ces  gibets  ensanglantés? 
Que  nous  disent,  ô  douleur,  ces  chères  brebis,  ces  vé- 
nérés pasteurs ,  qui  ont  été  déchirés  ,  massacrés  ?  Je 
m'arrête.  Il  n'est  que  trop  sûr  que  nous  sommes  comme 
des  brebis  au  milieu  des  loups...  Qu'est-ce  que  cela  de- 
mande.-^ vous  le  sentez!  un  sacré  dépôt  vous  est  confié, 
vous  devez  le  garder.  Une  couronne  vous  est  imposée 
sur  la  tête,  vous  ne  devez  jamais  souffrir  qu'on  vous  la 
ravisse  (i).  » 

ENVOI  DE  LIVRES  DE  GENÈVE.  ASSEMBLÉES  TRAQUÉES 
PAR  LES  SOLDATS.  BAN  SANGUINAIRE  DE  RICHELIEU 
NON    SUIVI    d'effet    {1753-I754). 

Coste,  qui  avait  profité  de  son  séjour  en  Suisse  pour 
accompagner  ;usqu'à  Rotterdam  une  troupe  d'émigrants 
français  à  destination  de  l'Irlande  ,  était  de  retour  à 
Genève  à  la  fin  de  l'année  1752  et  écrivit  à  Court,  le 
II  janvier  1753,  une  lettre  où  il  demandait,  comme' 
ra\ait  déjà  fait  Peirot  pour  lui  ,  qu'on  lui  assurât  une 
pension  qui  lui  permît  de  faire  subsister  sa  femme  et 
son  enfant  dans  quelque  lieu  sûr,  à  proximité  du  Viva- 
rais.  Il  est  vraisemblable  que  Court  lui  répondit  favora- 
blement. Quoiqu'il  en  soit,  il  le  priait  encore  le  25  fé- 
vrier de  lui  faire  obtenir  un  secours  pour  qu'il  pût 
rentrer  en  Vivarais  et  de  lui  épargner  la  dure  nécessité 
d'émigrer  en  Hollande  ou  en  Angleterre.  Il  reçut  le  se- 
cours et  était  dans   sa  province    en    avril  ,    mais    nous 

(1)  Coquerel,  t.  II,  p.  505-507.  Court,  Le  patriote,  etc.,  Mémoire  histo- 
rique, p.  61.  Correspond,  histor.  des  deu.x  durons.  Ms.  Court,  n°  i, 
t.  XXV  ;  n°  44. 


272  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

ignorons  si  sa  femme  et  son  fils  s'établirent  en  Suisse. 
Cela  paraît  vraisemblable. 

Le  Vivarais  était  tranquille  à  cette  époque.  On  ne 
proférait  plus  de  menaces  et  les  assemblées  étaient 
plus  nombreuses  que  jamais.  Les  troupes  ne  sortaient 
pas  de  leurs  garnisons  et  les  officiers  de  Saint-Agréve 
insinuaient  même  qu'ils  avaient  reçu  l'ordre  de  ne  pas 
inquiéter  les  religionnaires.  Cependant  les  prisonniers 
de  Beauregard  n'étaient  pas  encore  délivrés  et  leurs 
coreligionnaires  ,  voyant  leur  longue  détention,  s'apprê- 
taient à  allouer  à  chacun  d'eux  i  livre  10  sous  par 
semaine.  Ce  secours,  dont  nous  ignorons  la  provenance, 
venait ,  croyons-nous  ,  de  l'étranger. 

Vers  ce  temps ,  l'économat  de  Genève  décida  l'envoi 
en  Vivarais  de  soixante  et  quinze  exemplaires  des  Argu- 
ments et  Réflexions  d'Osterwald  sur  la  Bible  :  ce  qui 
faisait  tout  au  plus  un  exemplaire  par  paroisse.  Mais 
comme  l'économat,  d'autre  part,  avait  destiné  une 
somme  de  cent  livres  pour  acheter  des  livres  de  piété 
à  l'usage  des  pauvres  du  Vivarais,  Coste,  qui  était  en- 
core à  Genève  à  cette  époque  (17  mars) ,  et  qui  paraît 
avoir  été  l'instigateur  de  ces  diverses  libéralités,  écrivit 
à  ses  collègues  de  demander,  en  sus  des  Arguments  et 
Réflexions^  deux  cent  vingt  Catéchismes  d'Ostervald  ou 
les  Devoirs  des  communiants  de  Rodolphe  Ostervald  , 
son  fils. 

Vers  le  milieu  de  l'année,  la  tranquillité  du  Vivarais 
fut  troublée  tout  à  coup.  «  Le  5  du  mois  d'août,  »  écri- 
vait Peirot,  «  l'officier  de  la  garnison,  qui  est  à  Chomé- 
rac,  envoya  un  détachement  ,  composé  d'une  vingtaine 
d'hommes,  pour  dissiper  une  de  nos  assemblées  qui  se 
tenait  au  voisinage.  Lorsqu'elle  se  vit  entourée  de  cette 
troupe,  elle  eut  d'abord  quelque  peur.  Plusieurs  com- 
mencèrent à  prendre  la  fuite  ;   mais  le  frère   Blachon , 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  27^ 

qui  fonctionnait ,  parla  avec  tant  de  zèle  et  tant  de  force 
qu'il  rassura  tout  son  monde,  et  les  soldats  eurent  beau 
crier,  menacer,  tirer,  personne  ne  remua  jusqu'à  ce 
que  l'exercice  fût  fini,  que  tous  partirent  ensemble  (i).  » 
«  A  peu  près  vers  le  même  temps,  »  dit  encore  Peirot 
dans  une  lettre  du  28  février  1754,  »  ceux  qui  sont  à 
Saint-Agrève  firent  plusieurs  sorties  sur  les  lieux  où  se 
trouvaient  ordinairement  les  assemblées.  Le  3®  de  sep- 
tembre, on  apprit  qu'ils  se  disposaient  pour  en  venir  at- 
taquer une,  et,  comme  c'était  un  jour  ouvrier  et  que, 
par  conséquent,  elle  n'était  pas  nombreuse,  après  qu'on 
eut  baptisé ,  on  crut  que  la  prudence  voulait  qu'on  se 
retirât.  Mais  on  eut  soin  de  bien  faire  avertir  pour  le 
dimanche  suivant  et,  quoiqu'on  attendît  des  soldats, 
tout  le  monde  se  rendit.  L'assemblée  était  peut-être 
composée  de  dix  mille  personnes.  Le  très  cher  M.  Bla- 
chon ,  qui  eut  encore  cette  attaque ,  représenta  qu'il 
était  de  la  dernière  importance  de  faire  paraître  dans 
cette  occasion  du  zèle,  du  cœur,  de  la  fermeté,  de 
rester  tous  ensemble  quoique  les  troupes  vinssent. 
Elles  parurent  bien,  mais,  ou  parce  qu'elles  n'avaient 
pas  des  ordres  exprès  ou  parce  qu'elles  furent  dé- 
couragées de  voir  une  assemblée  si  nombreuse  et  si 
résolue,  elles  s'en  retournèrent  sans  aucun   bruit.  De- 


(i)  Quelques  jours  après,  il  se  passa  dans  le  Velay  un  fait  profondément 
regrettable,  qui  était  complètement  étranger  à  la  religion,  mais  que  nous  rap- 
portons néanmoins,  parce  que  les  personnes  en  présence  étant  de  culte  con- 
traire, cette  circonstance  put  bien  intîuer  sur  leur  conduite.  Le  15  août  1755, 
quelques  protestants,  armés  de  fusils,  se  trouvaient  à  Gardalhac,  paroisse  de 
Tence,  dans  un  cabaret  tenu  par  un  catholique.  Au  cours  d'une  dispute,  qui 
s'éleva  entre  ce  dernier  et  les  consommateurs,  l'un  de  ceux-ci  tira  un  coup 
de  fusil  sur  l'hôte,  et  retendit  raide  mort  sur  le  carreau.  Le  juge  de  Tence, 
s'étant  transporté  sur  les  lieux,  fit  conduire  en  prison  celui  que  l'on  soupçon- 
nait d'être  le  meurtrier,  mais,  vers  minuit,  une  troupe  de  protestants,  enfon- 
çant les  deux  portes  de  la  prison,  enlevèrent  le  prisonnier  (Arch.  de  l'Hé- 
rault ,  c.  459).     " 

II.  18 


274  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

puis  ce  temps,  nos  exercices  se  sont  faits  fort  tranquil- 
ment  ,  heureux  si  nous  étions  assurés  de  les  pouvoir 
longtemps  continuer  de  même.  Mais  si  ce  qu'on  nous 
annonce  présentement  est  vrai,  nous  sommes  à  la  veille 
d'avoir  quelque  attaque  à  soutenir.  On  aura  sans  doute 
fait  part  d'un  avis  qui  a  été  donné  à  M.  Paul  [Rabaut]. 
Il  a  eu  la  bonté  de  nous  envoyer  un  exprés  pour  nous 
en  informer,  et  nous  en  avons  fait  partir  un  second  pour 
avoir  de  nouveaux  éclaircissements  ,  du  moins  si  l'on 
peut  en  donner.  Outre  cela,  nous  avons  appris  que  nos 
officiers  ont  reçu  des  lettres  qui  leur  ordonnent  de  se 
tenir  chacun  à  son  poste  ,  et  même  ont  déclaré  qu'il  y 
a  quelque  chose  contre  la  religion.  » 

Notons  en  passant  que  le  synode  du  Vivarais,  qui  se 
réunit  le  17  octobre  1753  ,  prit  une  délibération  pour 
secourir  les  galériens  protestants.  «  La  compagnie,  » 
disent  ses  actes,  «  pénétrée  de  douleur  de  l'état  triste  où 
sont  nos  très  chers  et  honorés  frères  détenus  sur  les 
galères  à  cause  de  notre  sainte  religion ,  a  résolu  de 
faire  en  leur  faveur  une  collecte  selon  la  petite  capacité 
de  ces  églises  pour  leur  témoigner  la  part  qu'elle  prend 
à  leurs  souffrances ,  pour  les  encourager  et  pour  les 
aider  à  subvenir  à  leurs  besoins.  » 

Pour  en  revenir  à  la  lettre  de  Peirot  du  28  fé- 
vrier 17Ç4,  elle  ajoutait  :  «  L'exprès,  que  nous  avons 
envoyé  à  Nîmes ,  vient  d'arriver  et  il  nous  a  apporté 
une  lettre  de  M.  Paul  [Rabaut],  par  laquelle  il  nous 
marque  qu'on  y  a  publié  à  son  de  trompe  une  ordon- 
nance de  M.  de  Richelieu.  »  En  voici  le  texte  :  a  Tou- 
tes assemblées  et  attroupements  étant  contraires  aux 
lois  et  au  bon  ordre  ,  il  est  expressément  défendu  à 
toutes  sortes  de  personnes  ,  de  quelque  qualité  et  con- 
dition qu'elles  puissent  être  ,  de  s'assembler  à  peine 
d'être  arrêtées,  poursuivies  extraordinairement  et  jugées 


DU    VIVARAIS    KT    DU    VELAY.  2/^ 

sans  forme  ni  figure  de  procès,  suivant  les  rigueurs  des 
ordonnances  du  royaume;  —  ordonnons  à  toutes  les 
troupes  en  quartier,  dans  la  province  de  Languedoc,  de 
courir  sus  les  assemblées  ,  de  s'assurer  des  contre- 
venants et  de  ceux  qui  provoqueraient  les  dites  as- 
semblées ,  même  des  particuliers  qui  donneront  asile 
dans  leurs  maisons  ou  protection  à  ces  derniers  ;  et 
enfin  de  tirer  sur  les  dites  assemblées  lorsque  l'offi- 
cier, commandant  chaque  corps,  jugera  à  propos  d'en 
donner  l'ordre.  Et  sera  le  présent  ban  publié  dans  les 
quartiers  et  affiché  dans  toutes  les  villes  et  commu- 
nautés de  la  province  ,  afin  que  personne  n'en  puisse 
prendre  cause  d'ignorance.  —  Fait  à  Montpellier  le 
i6  février  1754.  » 

Ce  ban  sanguinaire  était  accompagné  d'instructions 
minutieuses,  où  Richelieu  donnait  les  moyens  pratiques 
de  faire  une  chasse  meurtrière  aux  assemblées  (i). 
Court,  à  qui  le  ban  fut  communiqué,  répondit  qu'il  était 
destiné  plutôt  à  effrayer  qu'à  être  exécuté.  «  On  a  voulu,» 
dit-il,  ((  donner  quelque  chose  aux  clameurs  d'un  corps 
redoutable  et  dont  les  plaintes  toujours  réitérées  ne 
cessaient  d'assourdir;  mais  on  n'a  pas  fermé  l'oreille  à 
la  voix  de  l'inutilité  d'une  violence  trop  longtemps 
éprouvée  et  d'une  trop  périlleuse  conséquence,  ni  à 
celle  d'une  saine  politique ,  qui  s'oppose  à  ce  qu'une 
voie ,  qui  n'aboutit  qu'à  faire  des  malheureux ,  qu'à 
troubler  l'Etat,  qu'à  interrompre  le  commerce,  l'agricul- 
ture et  les  arts ,  et  qu'à  faire  fuir  par  milliers  des  sujets 
utiles  et  fidèles,  soit  continuée.  » 

Court  conseillait  néanmoins  aux  pasteurs  de  redoubler 
de  précautions  pour  la  sûreté  de  leurs  personnes ,  de 
continuer  les  assemblées ,  mais  dans  des  lieux  plus  re- 

(i)  Voy.  Ch.  Coquerel,  t.  Il,  p.  14J-147. 


276  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

tirés  ,  de  baptiser  et  de  marier  comme  auparavant  ;  et , 
si  l'on  recourait  à  des  mesures  violentes  contre  les 
protestants,  de  sortir  en  masse  du  royaume.  Il  recom- 
mandait également  à  Peirot  de  répandre  largement  Le 
Patriote  français  et  impartial  ^  livre  infiniment  propre  à 
ramener  les  catholiques  à  des  sentiments  plus  humains 
à  l'égard  des  protestants. 

L'éminent  directeur  du  séminaire  de  Lausanne  ne 
s'était  pas  trompé  dans  ses  appréciations.  Le  ban  de 
Richelieu  ne  fut  publié  et  affiché  dans  aucun  lieu  du 
Vivarais.  Les  assemblées  continuèrent  donc  comme  par 
le  passé  et  furent  même  plus  nombreuses.  On  les  re- 
chercha mollement  et  les  timides  purent  les  fréquenter 
sans  péril. 

Cependant  la  province  était  toujours  remplie  de  sol- 
dats (1).  «  Nous  avons  partout  des  troupes  proches  de 
nos  loges,  »  écrivait  Peirot  le  24  décembre  1754  ;  «nous 
marchons  rarement  de  jour ,  nous  nous  tenons  cachés 
le  mieux  que  nous  pouvons.  On  nous  menace  souvent, 
mais  nous  y  sommes  accoutumés...  Depuis  longtemps 
nous  n'avons  pas  payé  d'amendes;  nos  baptêmes,  nos 
mariages  n'ont  point  été  recherchés  ,  non  plus  que  nos 
assemblées,  quoique  nombreuses  et  fréquentes.  Nous 
avons  pourtant  quelques  jeunes  filles  obligées  de  se  ca- 
cher pour  éviter  d'être  enfermées  dans  des  couvents.  » 

TRISTE     POSITION    DU    PASTEUR    BLACHON.    ÉGLISES    DE 
VALLON  ,    SALAVAS   ET  LAGORCE    DISTRAITES    DU   VIVA- 


(i)  Il  paraît,  d'après  une  lettre  du  pasteur  Pradel,  du  Languedoc,  en  date 
du  17  novembre  1754,  que  cette  affluence  exceptionnelle  de  soldats  s'expli- 
quait par  la  présence  de  six  mille  contrebandiers  répandus  dans  la  Bourgo- 
gne, le  Velay  et  l'Auvergne. 

(2)  Ms.  Court,  n»  i,  t.  XXVI,  XXVII  ;  n"  7,  t.  XIII. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  277 

RAIS.    LETTRE  DES   PASTEURS   A   M.   DE   LEMPS.  STATIS- 
TIQUE  DES  LIEUX  d'assemblées   (l'J')')    ^JS^)- 

Une  lettre  touchante,  écrite  par  Blachon  à  Peirot 
le  17  mai  1755  ,  jette  un  jour  douloureux  sur  la  situa- 
tion, quelquefois  poignante,  des  pasteurs  du  désert. 
«  Vous  savez  à  peu  prés.  Monsieur  et  très  cher  frère,  » 
lui  disait-il,  «  quelle  est  notre  situation.  Vous  n'ignorez 
pas  sans  doute  que  ma  femme  est  obligée  de  roulerper- 
pétuellement  avec  moi  sans  avoir  aucune  demeure  fixe 
et  sans  ne  pouvoir  faire  que  très  peu  de  séjour  dans  un 
même  endroit.  Vous  savez  aussi  que  nous  avons  quatre 
enfants,  tous  en  pension  ou  en  nourrice,  répandus  en 
divers  endroits  du  Vivarais.  Jugez  par  là,  mon  cher 
Monsieur,  quels  doivent  être  nos  embarras  et  dans  quelle 
crainte  ne  devons-nous  pas  être  que  ces  chers  enfants 
ne  soient  enlevés  par  les  ennemis,  à  qui  il  est  impossi- 
ble de  les  cacher  longtemps,  quelques  précautions  que 
nous  puissions  prendre.  «Je  m'assure  que  vous  savez  tout 
cela...  Mais  une  chose  que  vous  ne  savez  pas  et  que 
peu  de  personnes  peuvent  savoir,  c'est  que,  quand 
même  je  pourrais  me  porter  fort  bien  et  qu'en  effet, 
grâce  au  Seigneur,  je  n'aie  pas  de  grands  maux,  cepen- 
dant je  suis  sujet  à  plusieurs  petites  infirmités  qui  m'in- 
commodent considérablement  et  me  font  craindre  pour 
l'avenir.  »  Blachon  expose,  après  cela,  qu'il  a  eu  une 
grave  maladie  dans  les  Cévennes  et  qu'il  craint,  s'il  ne 
se  soigne,  qu'elle  ne  revienne.  Il  se  décide  donc  à  de- 
mander un  congé  de  quelques  mois  pour  se  reposer  et 
suivre  un  traitement,  et  à  se  rendre  en  Suisse  pour 
trouver  les  moyens  de  faire  subsister  sa  famille  et  élever 
ses  enfants.  Il  espère  que  les  amis  de  ce  pays  ne  l'aban- 
donneront point. 

Blachon  ne  put  partir  parce  que  Coste  était  retourné 


278  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

en  Suisse  sans  qu'il  le  sût.  Il  ne  voulut  pas,  par  son  ab- 
sence ,  diminuer  le  nombre  des  pasteurs  du  Vivarais , 
qui  n'en  comptait  que  quatre  :  Peirot,  Coste ,  Vernet 
et  lui.  Il  demeura  donc  à  son  poste  ,  fit  pendant  tout 
l'été  des  remèdes  qui  le  soulagèrent  et  renvoya  au  prin- 
temps de  1756  son  voyage  en  Suisse. 

Le  synode  de  la  province  ,  réuni  le  19  avril  de  cette 
même  année  175')  ,  prit  une  décision  qui  montre  le  soin 
scrupuleux  avec  lequel  les  protestants  s'interdisaient 
tout  ce  qui  pouvait  ressembler,  de  près  ou  de  loin,  à  une 
violation  des  lois  civiles  du  royaume.  Un  député  des 
Boutières  ayant  demandé  à  la  vénérable  assemblée  son 
avis  sur  le  mariage  d'un  soldat ,  qui  avait  déserté  le  ré- 
giment de  Maugiron-cavalerie  ,  celle-ci  décida  «  que  , 
conformément  aux  ordonnances,  on  n'accorderait  la  bé- 
nédiction de  ce  mariage  qu'après  que  le  fiancé  aurait 
obtenu  son  congé.  » 

Quelques  Jours  après  la  tenue  de  ce  synode  ,  le 
28  avril ,  les  protestants  du  lieu  et  arrondissement  de 
Desaignes ,  furent  condamnés  à  1000  livres  d'amende 
et  aux  frais  pour  une  assemblée  qui  s'y  était  réunie  (i). 
L'année  suivante,  du  4  au  10  mai  1756,  les  églises 
réformées  de  France  tinrent  leur  sixième  synode  natio- 
nal dans  les  hautes  Cèvennes.  Le  Vivarais  y  députa 
Peirot  et  Vernet.  Le  premier  fut  même  élu  modérateur. 
Les  seules  décisions  concernant  notre  province  sont  les 
deux  suivantes  : 

1.  <(  A  la  réquisition  des  députés  de  la  province  des 
hautes  Cèvennes ,  la  compagnie  donne  et  unit  à  la  pro- 
vince du  bas  Languedoc  le  quartier  qui  comprend 
Saint- Ambroix ,  Peyremale,  Les  Vans,  Lagorce,  Val- 
lon et  Salavas  ,  Avejean  et  Saint-Jean-de-Marvejols.  » 

(i)  Arch.  de  l'Hérault,  c.  258. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  279 

—  Les  églises  de  Lagorce ,  Vallon  et  Salavas,  qui  con- 
finaient le  bas  Languedoc ,  faisaient  seules  partie  du 
Vivarais.  Elles  entretenaient  toutefois  des  rapports  plus 
fréquents  avec  la  première  province  qu'avec  la  seconde; 
mais  ce  qui  décida  surtout  leur  adjonction  au  bas  Lan- 
guedoc, c'est  que  le  Vivarais  ne  put  leur  «  affecter  le 
ministère  d'aucun  pasteur  fi).  » 

2.  «  Les  provinces  du  Vivarais  et  du  Dauphiné  sont 
chargées  de  procurer  des  pasteurs  à  l'église  de  Lyon  et 
de  ses  annexes.  » 

Les  soldats  ayant  recommencé  cette  année  à  traquer 
les  assemblées  du  Vivarais  ,  leurs  pasteurs  écrivirent  la 
lettre  suivante  à  M.  de  Lemps,  qui  avait  le  commande- 
ment général  des  troupes  royales  dans  le  pays  et  sem- 
ble avoir  été  le  successeur  de  Châteauneuf. 

((  Nous  prenons  très  humblement  la  liberté  de  vous 
exprimer  nos  justes  craintes.  Depuis  quelque  temps  les 
troupes  se  sont  rendues  dans  nos  assemblées  pour  les 
dissiper.  Nous  leur  avons  toujours  cédé  le  pas  et  nous 
n'avons  cessé  d'exhorter  les  peuples,  parla  soumission 
qu'ils  doivent  au  roi  et  à  ceux  qui  nous  parlent  de  sa 
part ,  de  s'éloigner  promptement  et  de  ne  parler  aux 
troupes  qu'avec  beaucoup  d'attention  et  de  respect. 

»  Mais,  monsieur,  quels  que  soient  nos  soins,  l'atten- 
tion respectueuse  et  soumise  des  principaux  et  la  bonne 
volonté  des  peuples,  nous  craignons  toujours  que  quel- 
que méchant,  séduit  et  aposté  par  nos  ennemis,  n'occa- 
sionne quelque  dispute  et  que  ,  d'un  mot  dit  avec  ai- 
greur, de  quelque  démarche  peu  mesurée,  il  ne  s'élève 
un  orage  bien  dangereux  pour  toute  la  province  et  sur- 
tout pour  nos  pauvres  frères,  dont  la  Hdèlitè  et  l'inno- 


(I)  On  trouvera  aux  Pièces  justifirulivcs,  n°  XIX  ,  une  brève  notice  sur 
ces  églises  depuis  leur  séparation  d'avec  le  synode  du  Vivarais. 


28o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

cence  ne  seraient  point  alors  une  sauvegarde  suffisante, 
—  et  ne  cause  enfin  des  maux,  dont  on  ne  peut  prévoir 
ni  la  durée  ni  l'étendue. 

»  Il  est  assez  constaté  depuis  longtemps  que  nous 
faisons  des  assemblées  ;  qu'elles  ne  peuvent  être  ni  per- 
nicieuses à  l'Etat,  ni  nuisibles  à  la  tranquillité  de  la  pro- 
vince ;  au  contraire ,  leur  effet  naturel  et  constant  est 
d'éclairer  les  peuples  et  de  les  rendre  pieux,  vertueux 
et  fidèles  sujets.  L'inutilité  des  soldats  est  assez  évidente 
par  la  continuation  des  assemblées  ,  dont  le  peuple  ne 
peut  se  passer ,  dans  des  temps  et  dans  des  lieux  oij 
nous  ne  pouvons  être  troublés. 

»  Daignez  ,  Monsieur  ,  prendre  en  considération  un 
objet  si  important.  Nous  espérons  cela  de  votre  charité, 
de  votre  sagesse  ,  de  votre  équité  ,  de  ces  sentiments 
généreux  et  bienfaisants  que  vous  avez  fait  éclater  pour 
le  bonheur  de  cette  province ,  qui  s'applaudit  avec  rai- 
son d'être  soumise  à  votre  commandement.  Vous  pou- 
vez d'un  seul  mot  lui  conserver  sa  tranquillité  et  dissiper 
les  alarmes  et  les  dangers  imminents  qui  ne  peuvent  que 
pénétrer  de  douleur  tous  les  fidèles  sujets  (i)  »  (6  juil- 
let 1756). 

Une  liste,  dressée  à  cette  époque,  des  divers  lieux  oij 
se  tenaient  d'ordinaire  les  assemblées  du  désert  dans  le 
Vivarais  et  le  Velay,  nous  apprend  que  ces  lieux  ou 
quartiers  étaient  au  nombre  de  trente-cinq  et  que  les 
protestants  de  cent  dix  paroisses  ou  sections  de  pa- 
roisse s'y  donnaient  rendez-vous  (2). 

PRIÈRES    ET  JEUNES  PUBLICS  A  l'oCCASION   DU  CRIME  DE 
DAMIENS.     TRANQUILLITÉ.     DÉPART     DE     LA      FAMILLE 


(i)  Ms.  Court,  n»  r,  t.  XXVIII.  Archiv.  nat.,  série  TT,  cari.  549,  550. 
(2)  Voy.  f'it'ccs  JHSlilicalivi'n,  n"  XVII. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  201 

BLACHON.    l'ÉVÊQUE   POMPIGNAN    MAL  VU    A    LA    COUR 

(1757-I760). 

La  tentative  d'assassinat,  dont  Louis  XV  fut  l'objet 
de  la  part  de  Damiens  le  5  janvier  1757,  fournit  aux 
protestants  du  Vivarais  l'occasion  de  manifester  les  sen- 
timents de  respect  qu'ils  avaient  pour  le  roi,  qui  les  trai- 
tait avec  tant  de  dureté.  Dès  qu'ils  apprirent  qu'il  avait 
été  blessé,  ils  prièrent  Dieu  pour  sa  guérison  et  ordon- 
nèrent un  jour  de  jeûne  général.  «  Les  larmes  que  nous 
versâmes,  »  disent  les  actes  du  synode  du  26  avril  1757, 
«  à  l'ouïe  de  l'horrible  assassinat  commis  le  5®  de  janvier 
étaient  justes  ;  les  prières  ardentes  que  nous  adressâmes 
à  Dieu  en  faveur  de  son  oint,  les  actions  de  grâce  que 
nous  lui  rendîmes,  étaient  des  plus  convenables.  Dans 
quel  gouffre  de  malheur  n'aurions-nous  pas  été  plongés 
si  Dieu,  touché  de  compassion  pour  son  peuple,  n'avait 
conservé,  parles  merveilles  de  sa  providence,  le  plus  grand 
et  le  meilleur  des  rois.  Pour  lui  en  rendre  nos  justes 
actions  de  grâce  et  implorer  avec  plus  de  succès  sa  bé- 
nédiction pour  le  roi  et  le  royaume,  il  a  été  résolu  que 
toutes  les  églises  de  cette  province  célébreront  un  jour 
de  jeûne  et  l'humiliation  extraordinaire,  qu'on  a  fixé  au 
1 5*  de  mai  prochain.  » 

Le  célèbre  Paul  Rabaut  avait  publié,  de  son  côté,  à 
Nîmes  une  Lettre  pastorale  ,  remplie  de  sentiments  iden- 
tiques, qu'Alexandre  de  Milon,  évêque  de  Valence, 
loua  beaucoup  dans  un  mandement  imprimé  à  l'occasion 
du  même  événement. 

A  ce  moment,  les  protestants  du  Vivarais  jouissaient 
d'une  tranquillité  parfaite.  «  Nos  troupes  ,  »  écrivait 
Peirot  le  21  mai  1757,  «  ne  font  aucune  sortie;  il  paraît 
qu'on  nous  tient  ce  qu'on  nous  a  promis  ;  de  notre  côté, 
nous  nous  conduisons,  autant  qu'il  dépend  de  nous,  se- 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


Ion  ce  qui  fut  convenu.  Cette  conduite  circonspecte 
me  paraît  absolument  nécessaire.  Notre  requête  est  par- 
tie, mais  elle  n'aura  pu  être  arrivée  avant  l'exécution  de 
l'exécrable  Damiens.  » 

Le  septième  synode  national  des  églises  réformées 
se  réunit  dans  les  Cévennes  du  i^""  au  9  septembre  de 
l'année  suivante  (1758),  mais  il  ne  prit  aucune  décision 
concernant  le  Vivarais ,  qui  y  avait  député  Blachon  et 
Vernet. 

Coste  quitta  la  province  en  iji^c)  sur  un  congé  de 
son  synode  du  26  avril.  Il  y  avait  exercé  son  ministère 
pendant  dix-huit  années.  Il  paraît  ensuite  avoir  desservi 
une  autre  province,  puis  s'être  réfugié  en  Suisse,  dans 
le  pays  de  Vaud.  Il  y  était  pour  sûr  en  1763,  alors 
qu'après  avoir  occupé  plusieurs  postes  de  pasteur  suf- 
fragant ,  il  fut  nommé  titulaire  à  Cossonay  en  1765  et 
à  Grancy  en  1775. 

Blachon,  de  son  côté,  qui,  depuis  l'année  1755, 
comme  on  l'a  vu ,  avait  formé  le  dessein  d'envoyer  en 
Suisse  sa  femme  et  ses  enfants  ,  songeait  toujours  à 
l'accomplir.  Etiennne  Chiron ,  originaire  du  Dauphiné , 
qui  était  le  secrétaire  de  l'économat  des  réfugiés  fran- 
çais de  Genève,  écrivit  en  sa  faveur  à  Antoine-Noë 
Polier  de  Botens ,  pasteur  à  Lausanne,  un  des  admi- 
nistrateurs et  professeurs  du  séminaire  de  Lausanne. 
Ce  dernier  lui  répondit  :  «  Les  circonstances  du  cher 
et  très  honoré  frère  M.  le  pasteur  Blachon  me  pénè- 
trent jusqu'au  fond  de  l'âme.  Je  voudrais  pour  beau- 
coup les  alléger.  J'ai  parole  du  seigneur  bailli  de  Lau- 
sanne qu'il  s'intéresserait  pour  M.  Blachon  et  sa  famille, 
pour  qu'ils  puissent  obtenir  quelques  petits  secours  et 
Fagrément  d'habiter  dans  les  terres  de  leurs  Excellences 
sans  être  molestés.  »  Le  15  août  de  l'année  suivante 
1760,  le  même  Polier  écrivait  encore  :  «  Nous  travaillons 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  283 

avec  chaleur  pour  les  intérêts  du  cher  M.  Blachon,  que 
j'aime,  que  j'estime  et  que  je  plains;  mais  j'avoue  que 
je  trouve  qu'il  est  fort  sage  de  ne  point  mettre  sur 
l'état  du  séminaire  des  enfants  si  jeunes.  J'espère 
qu'on  pourra  fournir  par  d'autres  voies  à  leur  subsis- 
tance. » 

L'évêque  du  Puy,  dont  il  a  été  déjà  parlé,  continuait 
à  écrire  contre  les  hérétiques  et  les  incrédules  avec  une 
passion  qui  le  fit  mal  voir  de  la  Cour  ,  où  les  idées  de 
tolérance  commençaient  à  pénétrer.  C'est  ce  que  nous 
apprend  une  lettre  de  Polier  à  Etienne  Chiron  du 
15  août  1760.  ((  Ce  que  vous  me  dites.  Monsieur,  du 
mauvais  effet  de  la  fougue  véhémente  de  M""  l'évêque 
du  Puy  et  de  la  réception  que  la  Cour  a  faite  à  ses 
écrits,  a  réjoui  mon  coeur  (i).  » 

Cette  même  année  1760,  ou  vers  le  même  temps, 
la  maréchaussée  arrêta  Joseph  de  Turolet,  de  Cha- 
tuza,  paroisse  de  Saint-Sylvestre.  Nous  en  ignorons 
le  motif,  mais  on  peut  croire  que  son  zèle  pour  la  reli- 
gion était  le  seul  crime  qu'on  pût  lui  reprocher.  11  fut 
pris  sur  le  soir,  aux  champs,  avec  ses  habits  de  travail, 
et  sans  pouvoir  obtenir  la  permission  d'en  changer.  On 
les  lui  laissa  pendant  les  trois  années  que  dura  sa  cap- 
tivité ,  de  sorte  que,  quand  on  lui  fit  grâce ,  ils  étaient 
dans  un  tel  état  de  délabrement,  que  le  malheureux 
n'osait  marcher  que  de  nuit.  Turolet  publia,  peu  après 
sa  délivrance,  à  l'étranger  sans  doute,  la  Relation  de  ses 
souffrances.  Nous  n'avons  pu  la  retrouver,  mais  ceux 
qui  l'ont  lue  assurent  qu'elle  était  profondément  tou- 
chante et  arrachait  des  larmes.  On  sait,  d'ailleurs,  que 
Turolet  mit  plusieurs  nuits  pour  rentrer  dans  ses  foyers, 


(i)  Coquerel,  t.  II.  p.  241.  Papiers  Rabaut,  III,  A.  Correspond,  des  deux 
Chirons. 


284  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

ce  qui  porterait  à  croire  qu'il  fut  enfermé  au  château  de 
Brescou  (i). 

DÉPART  DE  BLACHON.  PROJET  DE  MAISONS  DE  PRIÈRE. 
ARRESTATIONS.  COMMISSION  DE  COURT  DE  GEBE- 
LIN.    LETTRE    DE    l'ÉVÊQUE    DU    PUY    (1761-I766). 

L'année  d'après ,  Peirot  composa  neuf  Lettres  pasto- 
rales restées  manuscrites ,  à  l'adresse  des  protestants 
d'Annonay  (2),  qui,  malgré  le  réveil  de  1749,  faisaient 
baptiser  leurs  enfants  catholiques.  «  Ces  lettres,  »  dit 
Coquerel  (3),  «  sont  un  ouvrage  considérable,  où  la  ques- 
tion est  traitée  sous  toutes  ses  faces.  Elles  ont  perdu 
toute  application  aujourd'hui  à  cause  de  l'évidence 
même  de  la  thèse,  mais  elles  sont  encore  instructives  à 
lire  à  cause  de  la  logique  de  l'auteur,  et  surtout  à  cause 
de  la  discussion  des  prétextes  que  les  gens,  portés  aux 
accommodements,  offraient  à  leurs  pasteurs.  C'est  la 
réfutation  la  plus  victorieuse  du  système  des  gallicans 
et  des  jansénistes  de  Louis  XV  sur  leur  méthode  expé- 
ditive  du  baptême,  dont  personne  de  conscience  ne 
voulait  ni  chez  les  huguenots,  ni  chez  les  curés.   » 

La  santé  de  Blachon  étant  toujours  chancelante  et 
sa  famille  l'ayant  quitté  depuis  trois  ans  environ,  le  sy- 
node du  Vivarais  ,  réuni  le  20  avril  1762,  lui  accorda 
un  congé  définitif.  Il  alla  rejoindre  les  siens  à  Lausanne 
et  fut  nommé  inspecteur  du  séminaire  (le  célèbre  Court 
était  mort  le  12  juin  1760).  Il  avait  desservi  le  Vivarais, 
pendant  dix-huit  ans,  avec  autant  de  dévouement  que  de 
distinction. 


(i)  Communiqué  par  M.  Roustain,  pasteur  à  Toulaud. 
(2)  Vers  celte  époque  ils  formaient,  d'après  Ciiomel,  quatre-vingt-quinze 
familles.  Voy.  l'irces  jiislificalives,  n»  XVIII. 
'5)  Coquerel,  t.  II,  p.  Ç04. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  28"; 

Le  huitième  et  dernier  synode  national  des  églises 
réformées  se  réunit  cette  même  année  1762,  du  i*""  au 
10  juin,  dans  le  bas  Languedoc.  Il  ne  prit  aucune  dé- 
libération concernant  particulièrement  le  Vivarais  ,  qui 
y  avait  député  les  pasteurs  Peirot  et  Vernet,  et  le  pro- 
posant Maurin. 

Cependant  la  tolérance  faisait  de  continuels  progrès 
et  les  protestants  du  Vivarais  songeaient  à  quitter  le 
désert  pour  s'assembler  dans  des  maisons  de  prières. 
<(  Nous  sommes  tranquilles  comme  à  l'ordinaire  ,  » 
écrivait  Peirot  le  15  octobre  1763.  «  Cette  tranquillité 
nous  encourage  à  vouloir  imiter  les  frères  de  Saintonge. 
Nous  avons  un  bâtiment,  comme  abandonné,  qui  est 
très  propre  pour  notre  dessein.  Si  le  Seigneur  veut  que 
le  succès  soit  heureux,  le  printemps  nous  ferons  de  nou- 
velles tentatives.  Il  importe  de  faire  toujours  quelques 
pas  vers  le  but  oii  nous  visons.  Puissions-nous  bientôt 
arriver  à  ce  but  tant  désiré!  » 

Quatre  arrestations  furent  pourtant  opérées  en  1764 
dans  le  Vivarais.  Peirot  nous  en  fait  connaître  l'occasion 
dans  une  lettre  à  Paul  Rabaut  du  9  septembre  de  cette 
même  année.  «  La  nuit  du  i  2  au  13  du  mois  dernier,  » 
dit-il ,  «  comme  vous  l'avez  peut-être  appris ,  des  com- 
pagnies de  dragons  arrêtèrent  quatre  de  nos  protestants, 
accusés  d'avoir  enlevé  par  force  une  de  leur  parente 
d'un  prétendu  couvent,  où  elle  était  sans  ordre.  Ils 
furent  conduits  tout  de  suite  à  Tournon  chez  le  com- 
mandant,  qui  les  fit  partir  pour  Montpellier  ou  pour 
Brescou  ;  je  ne  sais  auquel  des  deux  endroits  ils  sont. 
Ces  gens-là,  que  je  ne  connais  pas,  sont  pauvres,  sans 
éducation,  mais  bons  chrétiens,  selon  qu'on  m'a  assuré. 
Il  y  a  quelque  imprudence  en  ce  qu'ils  ont  fait,  mais  on 
y  ajoute  beaucoup  de  faussetés  pour  les  perdre.  Nous 
ferons  tout  ce  que  nous  pourrons  pour  les  délivrer.   Il 


286  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

n'est  pas  besoin  que  je  vous  les  recommande.  J'espère 
que  vous  ferez  tout  ce  qui  dépendra  de  vous  pour  eux.  » 

Depuis  le  départ  de  Coste  en  1759  et  de  Blachon  en 
1762,  tout  le  fardeau  du  ministère  évangélique  en  Viva- 
rais  reposait  sur  Peirot  et  Vernet. 

C'est  pourquoi  ils  prièrent  le  synode  du  bas  Langue- 
doc de  leur  céder  un  pasteur.  La  compagnie  leur  en- 
voya Jacques  Mathieu  le  13  juillet  1763  (i).  «  Quoique 
celui-ci,  »  disent  les  actes  de  ce  synode,  «  ait  témoigné 
beaucoup  d'affection  pour  les  églises  du  district  de  Bé- 
darieux  (qui  avaient  également  demandé  un  pasteur  au 
synode),  cependant  la  compagnie,  considérant  que  celui 
du  Vivarais  n'a  été  desservi  plusieurs  années  que  par 
corvées,  et  voulant  déférer  à  l'injonction  que  le  dernier 
synode  national  fait  à  la  province  ,  elle  lui  affecte  pour 
cette  année  le  ministère  dudit  M.  Mathieu.  » 

Le  synode  du  Vivarais  du  24  octobre  1764,  après  le 
départ  de  Mathieu,  pria  la  province  du  Dauphiné  de 
lui  envoyer  un  de  ses  pasteurs  «  en  prêt  ou  autrement.  » 
Nos  sources  ne  nous  apprennent  pas  s'il  fut  répondu 
favorablement  à  cette  demande.  C'est  peu  vraisemblable. 

Le  même  synode  du  24  octobre  1764  prit  aussi  une 
décision  importante  en  confiant,  comme  plusieurs  autres 
synodes  de  France  ,  au  célèbre  Court  de  Gébelin  ,  fils 
d'Antoine  Court,  le  soin  de  représenter  les  intérêts  des 
protestants  du  Vivarais  auprès  du  roi  et  de  ses  ministres. 
La  commission  qu'il  reçut  à  cet  effet  est  trop  honora- 
ble pour  que  nous  ne  la  rapportions  pas  en  entier. 
«  Connaissant  le  zèle  pour  notre  religion,  »  dit  le  synode, 
«  du  sieur  Antoine  Court  de  Gébelin,  français  de  nation 
et  ci-devant  réfugié  en  Suisse,  sa  probité,  son  attache- 
ment pour  la   France  et  les  intérêts  du    roi ,   sa  pru- 

(i)  Dardier,  Paul  Rabaut,  t.  I,  p.  20Ç. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  287 

dence,  ses  talents ,  nous  Favons  choisi  pour  être  notre 
solliciteur  auprès  de  Sa  Majesté  et  de  ses  ministres  , 
lui  donnant  pouvoir  de  faire  connaître  à  Sadite  Ma- 
jesté le  malheur  de  notre  situation,  les  maux  dont  nous 
sommes  accablés ,  notre  zèle  pour  sa  personne  sacrée 
et  pour  son  service,  les  ressources  dont  nous  pouvons 
être  à  son  Etat  et  la  justice  de  la  tolérance  que  nous 
réclamons.  Le  tout,  néanmoins,  en  suivant  exactement 
les  principes  que  dictent  la  fidélité  et  la  profonde  sou- 
mission dues  au  roi,  points  sur  lesquels  nous  recomman- 
dons audit  sieur  Court  de  Gébelin  d'avoir  une  extrême 
attention.  Recommandons,  en  outre  à  notre  dit  sollici- 
teur, de  consulter  les  personnes  qu'il  jugera  assez  in- 
struites ,  assez  zélées  et  assez  fidèles  au  roi ,  ou  celles 
que  nous  lui  indiquerons,  pour  pouvoir  suivre  avec  res- 
pect et  avec  succès  la  négociation  de  notre  délivrance, 
dont  nous  le  chargeons  ,  et  de  nous  en  informer  exac- 
tement, afin  que  nous  puissions  lui  donner  les  instruc- 
tions que  nous  croirons  nécessaires.  La  présente  commis- 
sion subsistera  jusqu'à  la  tenue  de  notre  prochain  synode, 
oij  il  sera  décidé  si  elle  doit  être  continuée.  Nous  re- 
commandons notre  dit  solliciteur  à  la  protection  divine 
et  nous  faisons  les  vœux  les  plus  ardents  pour  le  suc- 
cès de  ses  travaux.  »  Le  synode  lui  vota,  pour  subve- 
nir à  ses  frais,  une  subvention  de  loo  livres. 

Cette  commission ,  renouvelée  à  Court  de  Gébelin 
par  le  synode  du  i*""  mai  1765,  lui  fut  retirée  par  celui  du 
I*''  mai  1766,  qui  la  jugea  pour  lors  inutile  ;  mais  cette 
nouvelle  décision  ne  paraît  avoir  été  que  provisoire,  car 
nous  voyons  le  synode  du  [«""mai  1775  voter,  en  faveur 
de  Court  de  Gébelin,  la  continuation  de  l'allocation  de 
100  livres  que  lui  faisait  le  Vivarais. 

Les  actes  du  synode  du  Dauphiné  de  1765  nous  ap- 
prennent qu'à  cette  époque  de  grands  personnages,  ap- 


288  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

partenantà  la  religion  romaine  (des  Hauteurs  catholiques), 
écrivirent  à  Paris  en  faveur  des  protestants.  Le  synode 
du  Vivarais  les  remercia  vivement,  et  celui  du  Dauphiné 
acquiesça  à  sa  délibération. 

Cette  même  année,  le  Vivarais  demanda  un  pasteur 
ou  un  proposant  au  Dauphiné,  qui,  pauvre  lui-même 
en  conducteurs  spirituels  ,  ne  put  accéder  à  sa  requête. 

L'évêque  du  Puy ,  Lefranc  de  Pompignan  ,  dont  la 
plume  controversiste  continuait  à  se  donner  libre  car- 
rière, publia,  en  1766,  une  Instruction  pastorale...  sur 
l'hérésie  (i).  L'auteur,  qui  visait  surtout  les  Jansénistes , 
se  montra  si  peu  équitable  à  leur  égard,  qu'il  s'attira 
une  verte  réponse,  publiée  sous  ce  titre  :  Lettre  de  M.  *** 
à  M.  l'évêque  du  Puy  au  sujet  de  son  instruction  pastorale 
sur  l'hérésie.  On  montre  pour  le  repos  de  l'Eglise  et  de 
PEtat  les  faussetés  et  l'injustice  de  l'application  que  ce 
Prélat  fait  des  principes  de  cette  matière  au  phantôme  de 
l^ erreur  qu'il  imagine  être  aujourd'hui  en  France  (2). 

Quoique  Lefranc  de  Pompignan  eût  principalement 
en  vue  les  Jansénistes,  comme  nous  venons  de  le  dire, 
il  ne  laissa  pas  que  d'attaquer  le  protestantisme  dans 
son  Discours  préliminaire  (p.  16),  et  prétendit  que,  de 
son  temps,  les  héritiers  de  la  Réforme  avaient  réduit  la 
religion  tout  entière  à  la  piété,  c'est-à-dire  aux  œuvres 
que  la  morale  de  l'Evangile  ordonne,  et  qu'un  socinia- 
nisme  ,  qui  n'était  au  fond  que  du  déisme  mitigé,  l'avait 
emporté  dans  leurs  diverses  communions  sur  la  vérita- 
ble doctrine  de  leurs  fondateurs.  —  Mais  de  ce  qu'un 
nombre  plus  ou  moins  grand  de  protestants  avaient 
adopté  les  idées  de  Socin  ,  qui  niait  en  effet  la  divinité 
métaphysique  de  Jésus-Christ,  l'évêque  avait-il  le  droit 


(ij  Au  Puy,  à  Lyon  et  à  Paris,  in-4»,  i68  pages. 
(2)  En  France,  1766,  in-i8,  72  pages. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  289 

de  conclure  que  le  protestantisme  était  devenu  Soci- 
nien?  Qu'aurait-il  donc  dit,  si,  usant  de  cet  injuste  pro- 
cédé de  dialectique,  on  lui  avait  assuré  que  les  catho- 
liques de  France  étaient  devenus  Jansénistes  ou 
Voltairiens  ?  Le  fougueux  prélat  n'avait  pas,  du  reste, 
besoin  d'aller  loin  pour  s'éclairer  sur  la  doctrine  des 
protestants  de  son  époque.  Il  lui  suffisait  d'interroger 
les  courageux  pasteurs  du  désert,  qui  étaient  à  ses  por- 
tes :  ils  lui  eussent  appris  si  c'est  une  froide  morale,  ou 
une  foi  vivante  en  Jésus-Christ,  fils  de  Dieu  et  Sau- 
veur des  hommes ,  qui  fait  mourir  en  paix  sur  un  gibet. 

VENUE  DE  NOUVEAUX  PASTEURS.  DÉLIVRANCE  DE 
MARIE  DURAND  ET  DE  CHAMBON.  PROJET  RENOU- 
VELÉ   DE    MAISONS    DE    PRIÈRES    (1768-I771). 

Nous  ne  trouvons,  dans  nos  sources,  aucun  événement 
qui  se  rapporte  à  l'année  1767,  mais,  en  1768,  un 
nouveau  pasteur  vint  prêter  son  concours  à  Peirot  et  à 
Vernet,  qui,  depuis  1762,  desservaient  seuls  les  égli- 
ses du  Vivarais  et  du  Velay. 

Louis  Génolhac  ,  natif  de  Garrigues  en  Languedoc , 
élève  du  séminaire  de  Lausanne  et  consacré  au  saint 
ministère  dans  cette  ville,  le  i^'  octobre  1768,  fut  agréé 
comme  pasteur  de  la  province  par  le  synode  du  8  no- 
vembre suivant. 

L'année  d'après,  deux  autres  pasteurs  offrirent  leurs 
services  au  synode  du  Vivarais  du  4  mai  1769,  qui  les 
accepta  avec  empressement  :  Noë  Binvignac,  élève  du 
séminaire  de  Lausanne,  qui  venait  d'exercer  en  Pro- 
vence un  ministère  de  deux  années,  et  J.-P.  Briate , 
dont  nous  ne  connaissons  pas  les  antécédents.  On  as- 
signa à  chacun  d'eux  un  quartier  à  desservir.  Le  synode 
II.  19 


290  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

du  Dauphiné  prêta  aussi  au  Vivarais ,  pour  une  année  , 
le  pasteur  Daniel  Armand. 

Cet  accroissement  du  nombre  des  pasteurs ,  qui 
témoignait  des  progrès  que  les  idées  de  tolérance 
avaient  faites  dans  le  royaume  ,  concorda  avec  la  déli- 
vrance d'une  prisonnière  célèbre  et  d'un  galérien,  ori- 
ginaires l'un  et  l'autre  de  Pranles ,  en  Vivarais.  Nous 
voulons  parler  de  Marie  Durand  et  d'Alexandre  Cham- 
bon  (i).  La  première  sortit  de  la  tour  de  Constance  le 
14  avril  1768,  et  le  second,  des  galères  de  Marseille,  le 
25  mai  de  l'année  suivante. 

Marie  Durand  n'avait  alors  que  cinquante-trois  ans  , 
quoiqu'elle  en  eut  passé  trente-huit  en  prison,  «  mais,  » 
dit  Borrel  (2),  «  les  souffrances  et  les  privations,  qu'elle 
avait  endurées  pendant  si  longtemps,  avaient  tellement 
ridé  son  visage,  blanchi  ses  cheveux,  amaigri  ses  mem- 
bres, dénaturé  son  teint  et  affaibli  sa  constitution, 
qu'elle  ne  pouvait  ni  marcher,  ni  travailler  assise  à  des 
ouvrages  de  main.  »  Elle  retrouva  au  hameau  du  Bou- 
chet,  son  lieu  de  naissance,  Anne  Durand,  fille  de  son 
frère,  le  pasteur  martyr  de  ce  nom.  Celle-ci  était  ren- 
trée en  France  en  1758.  Les  églises  wallonnes  de 
Hollande  servirent  à  Marie  une  rente  viagère  de  200  li- 
vres. Elle  mourut  dans  les  premiers  jours  de  1776  (3), 
mais  son  acte  de  décès  n'a  pas  été  retrouvé  (4). 

Quant  à  Chambon  ,  il  avait  passé  vingt-sept  ans  au 
bagne  et  en  sortit  à  l'âge  de  soixante-treize  ans.  «  Ce 
pauvre  malheureux,  »  écrivaitlepasteur  Teissier,  de  Mar- 
seille, «  à  peine  sent-il  son  bonheur  à  cause  de  son  âge.  » 
Les  églises  lui  accordèrent  un  secours  de  12  livres  par 


(i)  Voy.  plus  haut,  p.  127  et  190. 

(2)  Pierre  et  Marie  Durand,  p.  42. 

(3)  Communication  de  M.  Ch.  Dardier. 

(4)  Benoit,  Marie  Durand,  p.  305. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  29I 

mois,  qu'il  touchait  par  l'intermédiaire  de  Paul  Rabaut. 
Il  vivait  encore  en  1782  (ij. 

Quel  touchant  spectacle  ce  dut  être  pour  les  contem- 
porains d'Alexandre  Chambon  et  de  Marie  Durand,  de 
revoir  ces  deux  vénérables  confesseurs  de  la  foi.  Ils  ap- 
paraissaient comme  les  représentants  de  deux  âges. 
Leur  longue  captivité  rappelait  la  douloureuse  époque 
oij  les  protestants  de  France  étaient  persécutés  avec 
une  cruauté  sans  exemple  dans  l'histoire  des  nations  ci- 
vilisées, et  leur  présence,  dans  le  lieu  natal,  après  tant 
d'années  de  privations  et  de  souffrances  ,  était  comme 
Taurore  de  ces  jours  nouveaux  de  paix  et  de  liberté , 
dont  leurs  coreligionnaires  saluaient  avec  bonheur  l'avè- 
nement. 

En  1770,  les  pasteurs  du  Vivarais  étaient,  en  effet,  si 
pleins  d'espoir  pour  l'avenir  qu'ils  songeaient  à  repren- 
dre leur  projet  de  1763,  relatif  à  l'établissement  de  mai- 
sons de  prières  pour  abriter  les  assemblées.  Plusieurs 
provinces  de  France  étaient  déjà  entrées  dans  cette  voie. 
«  Je  crois,  »  écrivait  à  ce  propos  Peirot  à  Paul  Rabaut 
à  la  date  du  25  juin  1770,  «  que  nous  devrions  faire  des 
tentatives  pour  mettre  nos  églises  sur  le  même  pied , 
c'est-à-dire  leur  procurer  des  maisons  pour  les  exerci- 
ces. Notre  pays  me  paraît  propre  à  justifier  nos  tenta- 
tives ,  et  il  ne  faudrait  pas  beaucoup  de  raisonnement 
pour  y  déterminer  nos  fidèles.  »  Le  synode  du 
18  juin  1771  décida,  d'autre  part,  vu  la  grande  tran- 
quillité dont  jouissaient  les  églises,  que  les  baptêmes  se 
célébreraient,  non  plus  en  particulier,  comme  on  Tavait 
fait  jusqu'ici,  mais  en  public  dans  les  assemblées. 

(i)  Papiers  Rabaut,  III,  F. 


292  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

SCHISME  DE   PHILIP  DANS  LES   ÉGLISES  DE  LA   MONTAGNE 

A  cette  époque  un  schisme,  qui  dura  dix-huit  années, 
affligea  profondément  les  églises  du  Vivarais  et  du  Ve- 
lay.  Il  eut  pour  auteur  Jean-Pierre  Philip  dit  Lacoste, 
ancien  pasteur  des  hautes  Cévennes ,  qui  avait  toujours 
été  regardé  «  comme  un  mauvais  sujet  sans  aucun  ta- 
lent. »  Gabriac  dit  l'aîné ,  pasteur  des  hautes  Cé- 
vennes en  résidence  à  Florac,  doué  d'une  trop  grande 
bonté,  ((  le  prit  d'abord  auprès  de  lui,  »  dit  une  pièce 
de  l'époque  ,  «  et  après  qu'il  y  eût  resté  un  assez  long 
temps  il  fut  obligé  de  lui  dire  de  s'en  retourner  chez  lui, 
qu'il  ne  lui  connaissait  aucune  des  qualités  nécessaires 
pour  parvenir  au  saint  ministère.  Cette  réponse  ne  fut 
pas  de  son  goût.  Il  se  rendit  dans  la  province  des  bas- 
ses Cévennes,  auprès  de  M.  Ladevèze,  frère  à  M.  Po- 
maret,  qui  le  garda  aussi  un  assez  long  temps  et  qui  fut 
également  obligé  de  le  renvoyer  en  soutenant  qu'il  avait 
l'entendement  paralysé.  Tant  de  préjugés  auraient  bien 
dû  faire  ouvrir  les  yeux  à  M.  Gabriac.  Néanmoins,  il 
céda  aux  empressements  de  Philip  et  de  ses  parents. 
11  le  prit  encore  auprès  de  lui.  Il  fut  reçu  proposant  et 
envoyé  au  pays  étranger  (séminaire  de  Lausanne),  oij  il 
fit  quelque  séjour  (i);  et,  avant  d'en  partir  pour  revenir 
en  France ,  il  y  fut  consacré  au  saint  ministère.  A  son 
retour  on  lui  affecta  certaines  églises  de  cette  province 
(hautes  Cévennes),  oij  il  commit  les  crimes  et  les  dé- 
sordres qui  ont  donné  lieu  au  jugement  prononcé  contre 
lui.  » 


(i,  Marche,  pasteur  à  Sainte-Foy,  qui  connut  Lacoste  à  Lausanne,  dit, 
écrivant  au  pasteur  Chiron,  d'Annonay,  le  50  octobre  177C,  qu'il  «  ne  se  com- 
portait pas  du  mieux  en  Suisse  ,  où  il  échoua  dans  ses  premiers  examens.  » 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  293 

Le  «  Mémoire  des  accusations,  »  présenté  au  synode 
des  hautes  Cévennes  auquel  il  ressortissait,  portait,  en 
effet  qu'on  l'avait  vu  ivre  plusieurs  fois  et  entendu  pro- 
férer ('  les  serments  les  plus  horribles  ;  »  qu'il  nourrissait 
contre  certaines  personnes  une  haine  implacable,  qui 
allait  jusqu'à  se  traduire  par  des  menaces  de  mort;  qu'il 
avait  répondu  à  des  pasteurs,  qui  opposaient  à  sa  con- 
duite les  leçons  de  l'Evangile,  «  qu'il  n'admettait,  de  ce 
divin  livre ,  que  ce  qui  s'accordait  avec  sa  manière  de 
penser;  »  enfin  qu'il  entretenait  des  relations  illicites 
avec  une  personne  qui  jouissait  d'une  mauvaise  répu- 
tation. 

Sur  ces  accusations,  le  synode  des  hautes  Cévennes, 
asssemblé  les  22  et  23  septembre  1773,  excommunia  et 
déposa  Philip,  qui  se  rendit  dans  les  églises  du  Ve- 
lay  (1),  y  exerça  le  saint  ministère  et  s'y  fiança.  Mais 
il  fallait  trouver  un  pasteur  qui  consentît  à  bénir  son 
union.  Philip,  se  ressouvenant  de  l'extrême  bonté  du 
pasteur  Gabriac,  se  rendit  auprès  de  lui  avec  sa  fiancée 
et  quelques  parents  et  amis  ,  et  lui  représenta  que  le 
mariage  qu'il  faisait  lui  procurerait  des  avantages  pécu- 
niaires et  que.  d'autre  part,  il  désirait  «  ardemment 
d'être  marié  pour  ne  pas  être  exposé  aux  tentations  de 
la  corruption  et  pour,  au  contraire,  être  en  édification  à 
ce  sujet.  »  Les  personnes ,  qui  accompagnaient  Philip , 
pressèrent  vivement  Gabriac  d'accéder  à  ses  désirs  ,  de 
telle  sorte  que  ce  dernier  céda,  h  non  en  vue  d'un  mal, 
mais  en  vue  d'un  bien,  pensant  que,  ce  mariage  étant 
un  état  pour  le  préserver  de  la  corruption  ,  ce  serait  en 
lui  un  scandale  de  moins.  »  Gabriac  fut  bjamé  de  sa 
condescendance,  car  si  la  bénédiction  qu'il  accorda  à 


I  i)  Savoir  :  Le  Chambon,  Saint-Voy.  Araules,  Champclause.  etc.  On  leur 
donnait  le  nom  générique  d'Erjlises  du  lu  Mvntarjiie. 


294  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Philip,  contrairement  à  l'article  21  du  chapitre  XIII  de 
la  discipline,  n'était  pas  une  réhabilitation,  elle  avait  au 
moins  l'apparence  d'une  amnistie. 

Pour  obtenir  de  l'église  de  la  Montagne  un  accueil 
favorable,  Philip  s'était  donné  comme  pasteur  et  comme 
le  protégé  des  deux  pasteurs  Gabriac  l'aîné  et  le  cadet, 
qui  exerçaient  leur  ministère  dans  les  Cévennes,  et 
même  de  Paul  Rabaut. 

Le  premier,  en  ayant  été  averti,  écrivit  une  longue 
et  belle  lettre  aux  anciens  des  églises  de  la  Montagne 
pour  démentir  les  assertions  de  Philip.  «  Croyez,  mes- 
sieurs, »  leur  disait-il,  «  que  nous  connaissons  trop  bien 
les  règles  de  l'église,  que  nous  sommes  trop  amis  de 
l'ordre  ecclésiastique  et  que  nous  avons  trop  à  cœur  la 
gloire  de  Dieu,  l'honneur  de  la  religion  et  du  saint  mi- 
nistère ,  pour  avoir  donné  aucune  approbation,  ni  con- 
sentement à  la  rébellion  et  aux  fonctions  pastorales  que 
le  sieur  Philip  fait  dans  nos  églises,  sans  en  avoir  le 
droit  et  la  commission,  selon  les  canons  apostoliques  et 
contre  la  défense  évangélique  qui  lui  en  a  été  faite  par 
notre  dit  synode,  sur  tant  et  tant  de  faits  graves  et  crimi- 
nels, dont  il  n'est  que  trop  coupable  et  qui  le  rendent 
indigne  du  saint  ministère.  Tenez  donc  pour  certain, 
messieurs ,  que  loin  d'approuver  le  sieur  Philip  dans  sa 
conduite  et  dans  l'exercice  du  saint  ministère  depuis  sa 
déposition ,  nous  le  désapprouvons  et  le  condamnons , 
de  même  que  ceux  qui  le  reçoivent  en  qualité  de  pas- 
teur, jusqu'à  ce  qu'il  s'en  fasse  reconnaître  plus  digne 
et  qu'il  en  ait  l'ordination  par  un  synode  national.  » 

Et,  comme  l'église  de  la  Montagne  avait  envoyé  une 
députation  auprès  des  pasteurs  des  hautes  Cévennes 
pour  les  prier  de  réhabiliter  Philip,  Gabriac  leur  dit  : 
«J'aurais...  voulu  qu'il  nous  eût  été  possible  de  répondre 
favorablement  à  votre  demande  par  vos  députés  envoyés 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  29^ 

vers  nous,  mais  la  déposition  du  sieur  Philip  ayant  été 
prononcée  par  notre  dit  synode ,  elle  n'est  plus  dépen- 
dante du  corps  des  pasteurs  de  notre  province,  ni  même 
du  synode  provincial  ;  c'est  un  cas  réservé  au  synode 
national,  selon  les  règles  de  la  discipline  ecclésiastique. 
Vous  avez  donc  tort  de  le  vouloir  pour  pasteur  avant 
que  le  dit  national  ait  prononcé  sur  son  compte  et  sans 
qu'il  vous  le  donne.  » 

Gabriac  fait  ensuite  remarquer  que,  si  Philip  persé- 
vère dans  sa  révolte  ,  il  aggravera  sa  situation  devant  le 
synode  national ,  tandis  que  ,  s'il  se  soumet ,  de  même 
que  les  églises  qui  le  soutiennent,  il  pourra  être  réhabi- 
lité et  donné  comme  pasteur  à  celles-ci.  «  Souvenez- 
vous ,  Messieurs,  »  ajouta-t-il,  «  que  mon  avis  est  con- 
forme à  l'Evangile  et  aux  sages  règles  de  l'église  que 
vous  devez  respecter  et  suivre ,  d'autant  plus  que  vous 
avez  un  jeune  pasteur  d'un  mérite  distingué,  fils  d'un 
ancien  pasteur  (i),  que  vous  aviez  autrefois  et  dont  la 
mémoire  doit  vous  être  chère  pour  vous  engager  à  vous 
attacher  avec  plus  d'affection  au  ministère  de  ce  cher 
fils ,  qu'il  vous  a  envoyé  pour  votre  consolation  et  votre 
salut,  et  comme  vrai  pasteur,  selon  toutes  les  bonnes 
règles  de  l'église  ,  propre  à  vous  conduire  dans  les  pâ- 
turages du  Seigneur  et  dans  le  chemin  de  la  vie  éter- 
nelle »  (18  août  1774). 

Cette  lettre  ne  fit  changer  de  sentiments  ni  à  Philip , 
ni  à  la  plupart  de  ses  adhérents,  et  Paul  Rabaut,  qui 
l'apprit,  estima  qu'en  attendant  de  plus  amples  renseigne- 
ments sur  la  régularité  de  la  procédure  que  le  synode 
des  hautes  Cévennes  du  22  septembre  1773  avait  suivie 
dans   la   révocation  de   Philip,    «   ce   qu'il  y  aurait  de 

(i)  Allusion  à  Biachon  père  et  fils.  Le  s\nodedu  Vivarais  du  27  avril  1774 
donna  le  second  comme  pasteur  aux  églises  de  la  Montagne  pour  ôter  tout 
prétexte  au  schisme  et  l'étouffer  si  possible. 


296  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

mieux  à  faire  serait  de  rendre  un  jugement  provisionnel, 
qui  porterait  que  le  sieur  Philip,  ne  s'étant  point  fait  re- 
lever de  la  sentence  prononcée  contre  lui  par  le  synode 
des  hautes  Cévennes,  demeurera  suspendu  pour  trois 
mois  des  fonctions  pastorales,  et  que,  comme  il  ne  pa- 
rait pas  que  toutes  les  règles  prescrites  par  la  discipline 
aient  été  observées  dans  le  jugement  rendu  contre  le 
sieur  Philip,  au  bout  de  trois  mois  il  sera  réhabilité  et 
autorisé  à  faire  toutes  les  fonctions  pastorales  dans  les 
églises  pour  lesquelles  le  colloque  des  hautes  Cévennes 
lui  avait  donné  congé,  sauf  au  synode  du  Vivarais  à 
procéder  contre  ledit  sieur  Philip  ,  s'il  paraît  que  les 
accusations  qui  lui  furent  intentées  soient  graves  et  bien 
fondées.  Une  telle  sentence,  »  ajoutait  Paul  Rabaut, 
«  me  paraîtrait  propre  à  conserver  l'honneur  de  la  dis- 
cipline et  mettre  fin  au  schisme  ».  (30  septembre  1774). 

Le  synode  du  Vivarais  du  i*""  novembre  1774,  s'ins- 
pirant  de  cet  avis  —  et  bien  que  le  consistoire  de  la 
Montagne  eut  signifié  par  écrit  au  synode  du  27  avril 
précédent  qu'il  ne  se  considérait  plus  comme  son  res- 
sortissant,  —  chargea  Abraham  Chiron,  pasteur  à  An- 
nonay ,  d'écrire  à  Philip  de  (^  cesser  les  fonctions  du 
ministère  jusqu'à  la  tenue  du  synode  national ,  lui  pro- 
mettant qu'il  fournirait  à  son  entretien  pendant  cet  inter- 
valle. »  Il  décida,  en  outre,  qu'il  écrirait  à  la  province 
des  hautes  Cévennes  en  vue  de  la  convocation  dudit 
synode,  «  d'autant  plus  que  plusieurs  membres  de 
l'église  des  Montagnes,  »  disent  ses  actes,  «  ont  té- 
moigné le  désirer  avec  empressement  et  consenti  à  s'en 
tenir  à  sa  décision.  » 

Paul  Rabaut  tenta,  l'année  suivante,  une  démarche 
personnelle  auprès  du  pasteur  schismatique  et  de  ses 
adhérents.  «  Je  fis  mes  efforts  ,  »  écrivait-il  au  jeune 
pasteur  Blachon  ,  '<  auprès  du  S""  Philip  lui-même,  et 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  297 

de  vive  voix  et  ensuite  par  écrit,  pour  le  détourner  de 
son  funeste  dessein.  J'ai  parlé  sur  le  même  ton  aux  per- 
sonnes de  ce  pays-là,  qui  sont  venues  me  consulter,  et 
j'en  ai  écrit  à  M.  de  la  Roue,  soit  à  d'autres.  II  ne  faut 
pas  être  surpris  que  des  gens,  qui  n'ont  que  peu  ou  point 
de  lumières  sur  la  religion  et  moins  encore  sur  la  dis- 
cipline ,  se  laissent  séduire  par  les  discours  artificieux 
d'un  homme  qui  leur  témoigne  de  rattachement  et  qui 
se  voit  d'ailleurs  sans  ressource.  L'entêtement  se  joint 
chez  ces  gens-là  à  la  piété  ,  et  de  là  leur  obstination 
dans  le  schisme.  » 

Le  vénérable  pasteur  de  Nîmes  conseillait ,  d'autre 
part,  à  Blachon ,  de  suivre  la  voie  de  la  douceur  dans 
cette  affaire ,  de  s'interdire  toute  invective  contre  l'au- 
teur du  schisme  et  de  s'appuyer  sur  de  bonnes  raisons, 
telles  que  les  suivantes  :  '(  que  toute  société  doit  avoir 
des  régies  de  conduite  auxquelles  chaque  membre  est 
obligé  de  se  soumettre,  sans  quoi  elle  ne  peut  subsis- 
ter ;  que  les  lois  de  notre  discipline  sont  très  sages  et 
fondées  sur  la  Parole  de  Dieu  et  sur  la  plus  saine  anti- 
quité ;  qu'il  est  très  possible  qu'un  ministre  soit  accusé 
faussement  et  déposé  injustement  ;  mais  qu'en  ce  cas-là 
même,  il  est  obligé  de  se  soumettre.  A  lui  permis  d'ap- 
peler à  un  autre  tribunal  et  de  ne  rien  négliger  pour 
mettre  au  jour  son  innocence.  S'il  se  révolte  contre 
ses  juges  et  ne  tient  compte  de  leur  sentence,  il  énerve 
la  discipline ,  il  en  rend  l'exercice  inutile ,  il  ouvre  la 
porte  à  la  licence  et  au  désordre  ,  il  donne  lieu  à  un 
schisme,  destructeur  de  la  charité  et  de  la  concorde, 
nuisible  à  l'Eglise  et  à  la  religion  »  (13  mars  1775). 

Le  pasteur  Chiron ,  d'Annonay,  ayant  demandé,  de 
son  côté,  au  pasteur  Bourbon,  des  hautes  Cévennes , 
résidant  à  Saint-André-de-Lancize  ,  si  le  synode  de  sa 
province  ne  pourrait  revenir  sur  sa  première  décision  , 


298  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

celui-ci  lui  répondit  :  «  Je  ne  vois  pas  que  notre  pro- 
vince puisse  révoquer  une  sentence,  qu'elle  ne  prononça 
qu'avec  douleur  et  qu'elle  prononcerait  encore  si  elle 
était  à  le  faire.  Ce  n'est  point  sur  des  ouï-dires  qu'elle 
a  été  portée  :  c'est  d'après  des  faits  constatés  et  dont 
la  plupart  ont  été  avoués  par  Lacoste  lui-même.  » 

Le  pasteur  Roche,  d'Alais,  chargé  par  Chiron  de 
consulter  le  synode  des  Cévennes  sur  la  question  de  la 
convocation  d'un  synode  général  pour  éteindre  le 
schisme  de  la  Montagne,  répondit,  le  22  mai  1775, 
que  la  vénérable  assemblée  n'avait  pas  cru  que  ,  dans 
les  circonstances  présentes ,  la  prudence  permît  d'as- 
sembler ledit  synode  (i).  «  J'espère,  »  ajoutait-il,  «  que 
la  principale  cause  qui  a  fait  demander  à  votre  synode  ia 
tenue  du  national  ne  subsistera  pas  longtemps.  Le  S' 
Philip  se  fera  connaître  pour  ce  qu'il  est.  Ses  partisans 
ouvriront  les  yeux  et  l'abandonneront.  Peut-être  le 
meilleur  moyen  d'en  diminuer  le  nombre  serait-il  de 
faire  moins  attention  à  eux  et  de  les  laisser  réfléchir  à 
leur  aise.  Ordinairement ,  quand  les  hommes  se  sont 
entêtés,  plus  on  leur  parle,  moins  on  avance;  et  plus 
on  leur  allègue  de  bonnes  raisons,  plus  ils  se  raidissent 
contre  elles  »  (22  mai  1775). 

Le  synode  du  Vivarais  du  8  septembre  1775  put  s'as- 
surer de  la  justesse  de  cette  remarque,  car  Philip  et  les 
anciens  de  son  consistoire  ayant  été  invités  à  se  rendre 
dans  son  sein  ,  l'assemblée  fut  «  scandalisée  de  l'air 
d'audace  et  d'effronterie  »  avec  lequel  ils  comparurent. 
Le  S""  Jean    P«  Marnhiac  ,    en  particulier,    un  desdits 


(i)  La  cour  songeait  à  légitimer,  par  un  édit,  les  mariages  et  les  naissances 
des  protestants,  qui  craignirent,  s'ils  tenaient  un  synode  national,  d'indisposer 
leurs  maîtres  et  d'empêcher,  ou  tout  au  moins,  de  retarder  la  promulgation 
de  cet  édit.  Ce  fut  une  faute.  Ils  attendirent  jusqu'en  1787  ,  au  prand  détri- 
ment de  la  discipline  et  même  de  la  doctrine  de  leurs  églises. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  299 

députés  ,  déclara  ,  «  avec  un  entêtement  déplorable  , 
qu'ils  persévéraient  dans  leur  schisme,  et  qu'ils  renou- 
velaient et  confirmaient  de  bouche  l'acte  de  départe- 
ment et  d'indépendance  qu'ils  avaient  osé  signifier  par 
écrit  »  au  synode  du  27  avril  1774.  La  Compagnie, 
voyant  avec  douleur  que  tous  les  remèdes  étaient  inu- 
tiles «  à  l'égard  de  ces  malades  désespérés  ,  »  se  con- 
tenta,  par  prudence  et  «  par  la  crainte  d'allumer  un  plus 
grand  feu,  »  d'abandonner  les  schismatiques  à  leur 
aveuglement,  se  réservant  d'en  porter  ses  plaintes  au 
synode  national ,  dont  elle  fera  demander  par  son  secré- 
taire la  convocation  à  la  province  qui  en  est  chargée.  » 
Gai  Pomaret ,  pasteur  à  Ganges  ,  consulté  également 
par  Chiron  ,  se  prononça,  comme  Paul  Rabaut ,  pour 
la  voie  de  la  clémence.  «  Daignez...  vous  souvenir,  » 
lui  écrivait-il ,  «  que  la  charité  couvre  une  multitude  de 
péchés,  et  traitez  avec  autant  de  douceur  qu'il  se  pourra 
cet  infortuné  »  (28  mars  1776). 

Deux  mois  plus  tard,  Gai  Pomaret,  mieux  informé 
sans  doute,  se  montra  au  contraire  fort  sévère.  Il  disait 
dans  une  lettre  à  Chiron  :  «  La  province  des  hautes 
Cévennes  ne  saurait  révoquer  son  jugement  envers  le 
S'  Philip  ,  tant  qu'il  ne  lui  donnera  pas  de  bonnes  preu- 
ves de  soumission  ou  de  la  vivacité  de  son  repentir.  Cet 
homme-là  ne  mérite  que  trop  d'être  rejeté;  au  moins  le 
crois-je  très  éloigné  de  l'esprit  évangélique  ,  dont  nous 
devons  toujours  être  animé  et  sans  lequel  nous  ne  som- 
mes qu'un  bois  pourri.  Il  est  fâcheux  que  cet  ennemi  du 
bon  ordre  se  soit  jeté  dans  le  sein  de  votre  Eglise,  et 
qu'il  s'obstine  à  vouloir  y  faire  les  fonctions  d'un  minis- 
tère dont  on  l'a  dépouillé.  S'il  fait  un  mal  réel ,  il  im- 
porte que  vous  ne  mollissiez  point  à  son  égard  et  que 
vous  ne  cessiez  de  crier  anathème  contre. lui  •>  (15  mai 
1776). 


300  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Chalon  dit  Latour,  pasteur  à  Bordeaux,  et  quelques 
amis  de  son  Eglise,  opinaient  pour  une  revision  de  la 
sentence  qui  avait  frappé  Philip.  «  Je  reconnais  ,  »  di- 
sait-il à  Chiron ,  «  l'intégrité  et  la  probité  de  plusieurs 
de  ses  juges.  S'il  pouvait  leur  prouver,  comme  il  dit  être 
en  état  de  le  faire,  que  leur  premier  jugement  a  été  trop 
précipité  et  trop  sévère,  je  suis  persuadé  qu'ils  auraient 
assez  de  délicatesse  pour  revenir  sur  leurs  pas  et  pour 
l'adoucir.  Cet  expédient  pourrait  remédier  peut-être,  du 
moins  en  partie ,  au  mal  dont  vous  vous  plaignez  à  si 
juste  titre.  Il  ne  pourrait  pas  du  moins  ,  à  mon  avis  , 
l'empirer  si  l'on  y  a  recours.  Il  faudrait  prier  messieurs 
les  pasteurs  des  Cévennes  d'appeler  à  leur  assemblée 
synodale  deux  ou  trois  pasteurs  du  bas  Languedoc  et 
autant  des  basses  Cévennes  »  (13  mai  1776). 

Pour  ce  qui  est  des  pasteurs  du  Vivarais  ,  ils  étaient 
fort  animés  à  ce  moment  contre  Philip.  Vernet ,  l'un 
des  plus  estimables  par  sa  piété  et  ses  lumières  ,  écri- 
vait à  Chiron  le  26  juillet  1776  :  «  Le  scélérat  qui  nous 
trouble  ne  put  jamais  nous  être  associé,  et  je  suis  bien 
sûr  qu'il  ne  cédera  que  par  force.  Je  sais  bien  qu'un 
jour  ses  partisans  ouvriront  les  yeux  et  le  détesteront 
autant  qu'ils  l'ont  aimé  ;  mais  cela  ne  peut  venir  que 
peu  à  peu,  et  nous  avons  besoin  de  patience.  »  Vernet, 
comme  on  le  verra  plus  loin  ,  se  trompait  du  tout  au 
tout.  Philip  et  ses  partisans  cédèrent  seulement  par  las- 
situde,  et  la  confiance  dont  jouissait  le  premier  auprès 
des  siens  ne  se  démentit  pas  ,  parce  que  sa  conduite  , 
à  partir  de  son  établissement  dans  l'église  de  la  Mon- 
tagne, fut,  paraît-il,  irréprochable. 

Quant  au  synode  du  Vivarais,  désespérant  de  la  con- 
vocation du  synode  national,  il  arrêta,  le  14  novembre 
1777,  que  Sabatier  de  La  Bâtie,  l'un  de  ses  pasteurs, 
ferait   «   le  voyage  des  hautes   Cévennes  au   printemps 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  30' 

prochain,  »  disent  ses  actes,  «  afin  d'aller  prier  le  vé- 
nérable synode  de  vouloir  bien  nommer  deux  d'entre 
ses  dignes  pasteurs,  et,  en  particulier,  M.  Gabriac 
l'aîné,  pour  se  transporter  dans  notre  province  et  venir 
joindre  leurs  efforts  aux  nôtres  contre  les  auteurs  d'un 
schisme  qui  nous  a  tant  affligés  et  nous  afflige  tou- 
jours. » 

Le  synode  des  hautes  Cévennes  ,  qui  se  réunit  les 
29  et  30  avril  1778,  ne  jugea  pas  utile  d'envoyer  un  ou 
plusieurs  de  ses  pasteurs  en  députation  à  Philip  et  à  ses 
adhérents,  mais  il  prit  la  décision  suivante  :  <*  Il  serait 
difficile  d'exprimer  la  douleur  amère  dont  nos  coeurs 
sont  pénétrés  à  la  vue  des  maux  terribles  dont  le  déposé 
et  excommunié  Philip  ne  cesse  d'accabler  l'Eglise  du 
Seigneur  dans  la  province  du  Vivarais.  Nous  improu- 
vons, de  la  manière  la  plus  authentique  et  la  plus  solen- 
nelle, l'imprudence  commise  par  M.  Gabriac  l'aîné,  l'un 
de  nos  chers  collègues,  en  administrant  audit  dégradé 
la  bénédiction  nuptiale  de  la  façon  la  plus  illégale  et 
la  plus  contraire  à  l'ordre  qui  s'observe  parmi  nous. 
Il  l'improuve  lui-même,  gémit  amèrement  d'avoir  oc- 
casionné de  nouveaux  sujets  de  douleur  à  des  frères 
qu'il  affectionne  tendrement.  Nous  réunissons  tous  nos 
vœux  pour  la  conversion  d'un  malheureux  schismatique, 
dont  nous  détestons  la  conduite  odieuse,  et  nous  sou- 
pirons ardemment  après  le  moment  d'une  heureuse 
paix,  offrant  volontiers  d'y  contribuer  de  notre  part 
par  tous  les  moyens  que  nous  croirons  être  en  notre 
pouvoir.  » 

D'autre  part,  le  synode  des  hautes  Cévennes,  par  la^ 
plume  de  Sabatier  de  La  Bâtie ,  écrivit  aux  pasteurs  du 
Vivarais  une  fort  belle  lettre,  dont  nous  donnons  les 
extraits  suivants  :  «  Si  partager  vos  peines,  c'était  y 
mettre  fin  du  moment  qu'elles  ont  été  connues ,  vous 


302  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

auriez  éprouvé  combien  nos  cœurs  y  ont  été  sensibles. 
Vos  malheurs  ont  constamment  été  les  nôtres,  et  nous 
pouvons  dire  qu'ils  nous  affectent  d'autant  plus  qu'un 
factieux,  que  nous  avions  honoré  du  titre  de  frère, 
échauffé  dans  notre  sein,  nourri  de  notre  substance,  en 
est  l'instrument  odieux.  Soyez  assurés,  messieurs  et  très 
honorés  frères  ,  que  personne  plus  que  nous  ne  sent 
tout  le  fâcheux  du  malheureux  schisme  qui  vous  désole, 
et  que,  s'il  a  été  de  nouveau  fomenté  par  l'imprudence 
d'un  pasteur  pieux ,  jamais  faute  ne  fut  mieux  sentie  ni 
improuvée  solennellement...  Il  ne  faut  point  vous  laisser 
ignorer  que,  depuis  le  verbal  dressé  contre  l'audacieux 
Philip,  il  est  venu  à  notre  connaissance  nombre  de  faits 
très  inculpants...  Il  peut  bien  être  que  la  députation 
que  vous  nous  proposez  pourrait  avoir  quelque  succès  ; 
cependant  la  chose  nous  paraît  douteuse,  après  ce  que 
vous  avez  fait  et  ce  que  nous  vous  mettons  à  même  de 
faire  en  le  supposant  sans  effet.  Ne  pourrions-nous  pas 
adapter  ici ,  dans  un  sens  de  circonstance ,  ce  qui  fait 
dire  à  Abraham ,  le  fidèle  et  le  véritable  :  Ils  ont  Moïse 
et  les  prophètes^  qu'ils  les  écoutent  î  Et  s'ils  ne  les  écou- 
tent pas,  seraient-ils  mieux  persuadés  quand  quelqu'un 
de  nous  serait  envoyé  vers  eux  ?  Vous  avez  l'acte  de 
déposition,  l'acte  d'excommunication,  et  nous  joignons 
ici  le  reste.  Il  nous  paraît  que  c'en  est  assez,  sans  ce- 
pendant vous  refuser  absolument  à  ce  que  vous  souhai- 
tez le  plus  ,  dans  le  cas  que  vous  le  crussiez  indispen- 
sable. Veuille  le  ciel  bénir  l'usage  réfléchi  que  votre 
prudence  fera  des  armes  invincibles  que  nous  lui  con- 
fions et  accélérer  par  sa  grâce  le  terme  de  vos  maux  » 
(}0  avril  ijjQ). 

Quelques  jours  après,  le  15  mai,  Gabriac  écrivit 
aussi  aux  pasteurs  du  Vivarais  une  lettre  touchante ,  oij 
il  blâmait  énergiquement  la  conduite  de  Philip,  comme  il 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^O^ 

l'avait  déjà  fait  dans  sa  première  lettre  du  i8  août  1774, 
et  reconnaissait  humblement  le  tort  qu'il  avait  eu  de 
bénir  son  mariage ,  «  non  seulement ,  disait-il ,  parce 
que  je  l'ai  fait  contre  un  article  de  la  discipline,  auquel 
je  ne  pris  pas  garde  ,  mais  surtout  à  cause  des  mauvai- 
ses conséquences  qu'on  en  tire,  comme  si  je  l'approuvais 
dans  l'exercice  du  saint  ministère  ;  et  à  cause  du  mau- 
vais effet  qu'on  dit  qu'il  a  produit  au  milieu  de  vous, 
au  sujet  des  troubles  introduits  par  lui,  depuis  quatre 
ans  passés,  dans  les  églises  du  Velay.  Je  ne  prévis 
pas  ces  maux  en  bénissant  ledit  mariage,  au  contraire, 
j'eus  l'idée  que,  pour  le  peu  de  fortune  que  le  sieur 
Philip  eut  de  ce  mariage,  pour  lui  donner  à  vivre  ,  il 
pourrait  peut-être  prendre  le  parti  de  se  retirer  et  de 
faire  cesser  le  mal  qu'il  cause.  » 

S'adressant  ensuite  à  ceux  qui  soutenaient  le  schisma- 
tique ,  il  disait  :  «  Je  les  conjure  tous  de  faire  cesser 
ces  maux  en  s'en  détournant,  en  s'en  repentant  et  en 
s'attachant  aux  vrais  pasteurs  qui  sont  légitimement 
dans  ce  saint  emploi  avec  édification  évangélique  à  tous 
égards...  S'ils  y  font  bien  attention,  ils  n'hésiteront  pas 
un  moment  à  se  ranger  sous  la  houlette  vraiment  pasto- 
rale en  fuyant  celle  du  destructeur  de  l'Eglise.  Je  les 
somme  tous,  delà  part,  au  nom  et  en  l'autorité  de  Dieu, 
de  ne  plus  résister  à  ces  exhortations  chrétiennes,  que 
je  leur  ai  faites  en  plusieurs  reprises  pour  le  salut  de 
chacun  et  le  bien  de  l'Eglise  en  général.  Quant  au 
sieur  Philip,  je  prie  Dieu  qu'il  le  convertisse  par  sa  clé- 
mence pour  ne  plus  troubler  l'église  du  Seigneur  et  pour 
son  propre  salut,  ou  bien  qu'il  le  détruise  par  sa  puis- 
sance, en  faisant  succéder  le  bien  au  mal  qu'il  cause  à 
l'église.  Je  vous  souhaite  à  tous  la  grâce  et  la  paix  de 
Dieu  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  » 

Quoique  la  plupart  des  protestants  des  églises  de  la 


^04  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Montagne  se  fussent  attachés  à  la  fortune  de  Philip, 
une  minorité  importante  était  pourtant  demeurée  fidèle 
à  l'union  synodale  de  la  province.  Le  pasteur  Blachon 
la  desservait,  comme  on  l'a  dit  plus  haut;  mais  comme 
ceux  qui  la  composaient  n'étaient  ni  assez  nombreux  ni 
assez  riches  pour  payer  à  eux  seuls  les  honoraires  de 
leur  pasteur,  le  synode  du  i^""  mai  1778  décida  que 
toutes  les  autres  églises,  pour  prouver  «  le  tendre 
intérêt  »  qu'elles  portaient  à  l'église  synodale  de  la 
Montagne ,  s'engageraient  expressément  à  lui  allouer 
une  somme  annuelle  de  50  livres. 

Cependant  Paul  Rabautqui,  dès  l'origine  du  schisme, 
n'avait  cessé  de  faire  tout  ce  qui  dépendait  de  lui,  soit 
de  vive  voix,  soit  par  écrit,  pour  décourager  ceux  qui  le 
consultaient  de  soutenir  Philip  ,  fit  connaître  le  5  avril 
1780  au  synode  du  Vivarais,  qui  allait  se  réunir  le 
4  mai  suivant,  son  avis  sur  le  moyen  qu'il  croyait  pro- 
pre à  terminer  cette  malheureuse  division.  «  Vous  savez,  » 
lui  dit-il,  «  que  feu  M.  Boyer  avait  fait  naître  un  schisme 
semblable  dans  nos  églises  et  dans  celles  des  Céven- 
nes.  Tous  les  gens  de  bien  gémissaient  des  affreux 
désordres  qui  en  furent  les  suites  et  soupiraient  après 
une  réunion.  Leurs  vœux  furent  exaucés.  La  Providence 
suscita  des  personnes  éclairées  et  pieuses  qui  procurè- 
rent la  paix  à  nos  églises ,  et  leur  mémoire  y  sera  tou- 
jours en  bénédiction.  Ne  pourriez-vous  pas  mettre  en 
œuvre  à  peu  près  le  même  moyen  qui  fut  pratiqué  pour 
lors  et  qui  produisit  de  si  salutaires  effets  ?  J'imagine 
que  le  sieur  Lacoste  consentirait  à  être  suspendu  pour 
quelque  temps ,  ne  fut-ce  qu'à  cause  de  son  infraction 
à  l'ordre  et  à  la  soumission  qu'il  devait  au  tribunal  qui 
procéda  contre  lui.  Rétabli  au  bout  du  terme  convenu, 
il  serait  affecté  aux  églises  ou  partie  des  églises  qu'il 
dessert,  lesquelles  seraient  sans  doute  contentes  à  un 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  30^ 

certain  point,  et  l'aimable  paix  succéderait  à  la  dis- 
corde. » 

Les  espérances  du  vénérable  pasteur  de  Nîmes  ne  se 
réalisèrent  point.  Le  synode  du  Vivarais  suivit  son  con- 
seil, mais  n'aboutit  point. 

Philip,  ébranlé  sans  doute  par  toutes  les  lettres  qu'il 
reçut,  informa  un  des  pasteurs  du  Vivarais  qu'il  était 
dans  l'intention  de  présenter  au  synode  du  4  mai  1780 
«■  une  requête  fort  soumise  et  fort  respectueuse.  »  Il 
l'apporta  lui-même;  mais  l'assemblée,  ayant  u  trouvé 
que  le  dernier  article  était  ambigu  et  présentait  un  dou- 
ble sens,  »  fit  appeler  Philip  pour  lui  en  demander 
l'explication.  Il  déclara  qu'il  «  offrait  de  se  soumettre  à 
une  suspension  sous  condition  qu'on  le  ferait  réhabili- 
ter, »  et,  pressé  de  s'expliquer  plus  clairement,  il  répon- 
dit «  qu'au  bout  du  terme  de  la  suspension,  il  voulait 
reprendre  ses  fonctions ,  qu'il  fût  ou  non  réhabilité.  » 
Le  synode  lui  ayant  demandé  de  rédiger  par  écrit  cette 
déclaration,  il  hésita  longtemps  et  finit  par  s'excuser 
«  sur  l'impossibilité  oij  son  émotion  le  mettait  d'écrire.  » 
On  lui  proposa  alors  de  l'écrire  pour  lui,  mais  il  répon- 
dit «  qu'il  ne  signerait  rien  sans  en  prévenir  ceux  qui 
l'accompagnaient,  »  et  ces  derniers  ne  l'y  autorisèrent 
point.  Voici  du  reste  comment  les  actes  du  synode  du 
4  mai  1780  racontent  cette  scène  pénible  : 

«■  Nous  avons  trop  à  cœur,  «disent-ils,  «  de  finir  cette 
affaire ,  ou  de  laisser  du  moins  les  coupables  sans 
excuse ,  pour  ne  pas  délibérer  encore.  Après  la  plus 
mûre  réflexion  ,  il  a  été  arrêté  qu'on  promettait  d'écrire 
en  faveur  du  sieur  Philip  à  MM.  les  pasteurs  des  Cé- 
vennes,  ses  juges,  pour  les  prier  d'examiner  de  nou- 
veau les  motifs  de  leur  sentence  et  de  la  casser ,  sup- 
posé que  la  chose  soit  possible,  à  condition  que  le  sieur 
Philip  serait  suspendu  l'espace  d'une  année  à  commen- 
II.  20 


3o6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

cer  d'aujourd'hui  et  qu'il  ne  reprendait  ses  fonctions 
qu'après  avoir  été  réhabilité.  Alors  nous  avons  vu,  à 
n'en  pouvoir  douter  et  avec  scandale,  que  leur  inten- 
tion n'était  pas  de  faire  cesser  le  schisme  qu'ils  ont 
fomenté  et  qu'ils  entretiennent,  mais  d  y  persévérer  tou- 
jours. Le  sieur  Philip  non  seulement  n'a  pas  voulu  s'en- 
gager à  suspendre  ses  fonctions  pour  ne  jamais  les 
reprendre ,  en  cas  qu'il  fût  impossible  d'obtenir  en 
Cévennes  sa  réhabilitation,  il  n'a  pas  même  voulu 
consentir  aies  suspendre  pour  un  temps  jusqu'à  ce  qu'il 
aurait  reçu  une  réponse  favorable  du  synode  de  cette 
dernière  province.  Là-dessus,  il  est  sorti  avec  les  dépu- 
tés et,  le  moment  d'après,  ils  sont  rentrés  pour  nous  dire 
derechef  qu'ils  ne  pouvaient  pas  accepter  notre  offre. 
L'assemblée  a  fait  réflexion  qu'il  aurait  été  convenable 
d'exiger  acte  de  leur  refus.  Deux  des  pasteurs  sont  sor- 
tis pour  le  leur  demander.  Ils  ont  refusé  de  le  leur  don- 
ner ,  et  cela  en  présence  de  deux  témoins.  Tant  d'in- 
dulgence d'une  part,  d'entêtement  et  de  si  peu  d'égard 
pour  les  intérêts  de  l'église  de  l'autre,  ne  semblent  plus 
laisser  d^espérance  de  voir  finir  le  malheureux  schisme  , 
qui  ne  cesse  point  de  nous  affliger,  que  par  une  inter- 
vention particulière  de  la  divine  Providence.  » 

Cinq  ans  s'écoulèrent  ainsi,  quand,  le  1 5  juin  1786,  le 
synode  du  Vivarais  décida  qu'on  devait  «  rebaptiser  les 
enfants  et  rebénir  les  mariages  de  Philip  »  puisqu'il 
était  déposé  et  excommunié,  mais  «  avec  la  plus  grande 
prudence  et  à  la  réquisition  des  parties  intéressées.  » 

Cinq  années  s'écoulèrent  encore,  puis  les  églises 
schismatiques  présentèrent  au  synode  du  23  juin  1791 
une  adresse  «  ayant  pour  objet  la  réunion  de  ces  églises 
à  ladite  province,  dont  elles  faisaient  partie  autrefois.  » 
Philip  et  son  consistoire,  précisant  davantage,  demandè- 
rent à  l'assemblée  «  de  s'occuper  du  sort  de  l'église  de 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  307 

la  Montagne  et  des  moyens  de  faire  cesser  les  troubles 
qui  la  désolaient  depuis  tant  d'années.  »  Le  synode 
répondit  que  si  Philip  témoignait  des  regrets  et  le  désir 
de  rentrer  dans  l'ordre,  en  cessant  ses  fonctions  jus- 
ques  à  la  prochaine  tenue  du  synode  des  Cévennes,  il 
employerait  les  moyens  nécessaires  pour  intéresser  ledit 
synode  en  sa  faveur  et  le  disposer  à  lever  la  sentence 
portée  contre  lui. 

Philip  acquiesça  à  cette  résolution ,  et  le  Vivarais 
députa  le  pasteur  Rattier  au  synode  des  hautes  Céven- 
nes ,  qui  se  réunit  le  27  septembre  suivant.  Philip  s'y 
présenta  de  son  côté  et  le  consistoire  de  la  Montagne 
envoya  à  la  vénérable  assemblée  une  déclaration,  por- 
tant que  son  pasteur  avait  cessé  ses  fonctions  depuis  le 
II  juillet.  Alors  Philip,  «  avouant  ses  torts,  gémissant 
sur  ses  égarements,  implorant  clémence  et  commiséra- 
tion, offrant  de  se  soumettre  à  l'ordre  et  désirant,  à  ces 
conditions  et  telles  autres  qu'il  serait  trouvé  juste  de  lui 
imposer,  d'être  réintégré  dans  les  fonctions  augustes 
du  ministère  évangélique ,  »  le  synode ,  «  la  matière 
discutée  et  mise  aux  voix ,  »  délibéra  qu'à  dater  de  ce 
jour  la  sentence  d'excommunication  et  de  déposition, 
rendue  contre  lui ,  serait  infirmée  et  demeurerait  ulté- 
rieurement sans  effet  :  la  province  du  Vivarais  restant 
libre  de  procéder  à  la  réhabilitation  du  sieur  Philip  à 
telles  conditions  qu'elle  jugerait  convenable  d'y  atta- 
cher (i). 

Le  synode  du  Vivarais  se  réunit  le  i*''  novembre  sui- 
vant et,  ayant  ouï  le  rapport  de  Rattier  et  pris  connais- 
sance de  l'arrêté  synodal  qui  relevait  Philip  de  la  sen- 
tence d'excommunication  et  de  déposition  prononcée 


(1)  L'extrait  de  registre  est  signé  par  Méjanelle,  pasteur  et  modérateur, 
et  Sabatier,  pasteur  et  secrétaire. 


JO?,  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

contre  lui ,  le  rétablit  dans  le  saint  ministère  et  l'adjoi- 
gnit au  collège  des  pasteurs  du  Vivarais  et  du  Velay. 

D'autre  part ,  le  synode ,  voulant  donner  le  plus  de 
solennité  possible  à  l'installation  de  Philip  ,  décida  que 
tous  les  pasteurs  du  Vivarais  se  rendraient,  le  17  no- 
vembre suivant,  dans  l'église  de  la  Montagne,  pour  y 
procéder  et  que  Rattier  serait  chargé  de  la  prédication. 
Il  décida,  en  outre,  pour  affirmer  plus  nettement  encore 
l'union  de  l'ancienne  église  schismatique  avec  la  pro- 
vince synodale,  qu'elle  serait  adjointe  pour  un  temps 
à  celle  de  Boffres  ;  qu'Astier,  pasteur  de  celle-ci,  et 
Philip  desserviraient  alternativement  les  deux  églises , 
mais  avec  cette  restriction  que  le  premier,  jusqu'au  mois 
de  janvier  prochain,  remplirait  seul  les  fonctions  du 
ministère  dans  l'église  de  la  Montagne. 

Le  synode  décida  enfin  que  les  anciens  du  consis- 
toire dissident  et  ceux  du  consistoire  synodal  donne- 
raient collectivement  leur  démission,  et  que  les  chefs  de 
famille  de  la  région  ,  «  après  avoir  procédé  ensemble 
à  la  démarcation  des  quartiers  particuliers  ,  »  nomme- 
raient des  anciens  nouveaux  et  moins  nombreux  «  par 
la  voie  du  scrutm  de  liste.  » 

Le  synode  décida  enfin  que  les  frais  du  voyage  que 
Rattier  avait  fait  dans  les  hautes  Cévennes,  et  qui  s'éle- 
vaient à  la  somme  de  196  livres  7  s.  6  d.,  seraient 
supportés  par  l'église  de  la  Montagne,  pour  la  paix  de 
laquelle  le  voyage  s'était  effectué. 

il  eût  été  bien  surprenant  qu'un  schisme,  qui  durait 
depuis  dix-huit  années,  se  fût  terminé  sans  de  nouveaux 
tiraillements.  Ce  n'est  pas  que  Philip  n'agît  avec  la  plus 
entière  bonne  foi  :  nous  croyons  même  que ,  s'il  n'eût 
tenu  qu'à  lui,  il  aurait  accepté  depuis  longtemps  les 
conditions  que  le  synode  du  Vivarais  mettait  à  sa  réha- 
bilitation ,   mais  il  était  poussé  par  une  population  peu 


DU    VIVARAIS   ET    DU    VELAY.  309 

éclairée  et  d'un  caractère  opiniâtre,  qui  le  mena  plus 
loin  qu'il  n'aurait  voulu.  Il  était  lié,  d'autre  part,  par  la 
reconnaissance  envers  une  église  qui  l'avait  accueilli 
alors  qu'il  était  pauvre ,  misérable  et  sans  foyer.  Les 
obstacles  au  rétablissement  immédiat  de  l'union  vinrent 
cette  fois,  non  pas  de  lui,  mais  des  anciens  de  son  con- 
sistoire ,  qui  se  refusèrent  à  donner  leur  démission.  Le 
synode  du  29  septembre  1792  les  blâma  «  d'avoir  tenu 
une  pareille  conduite  ,  »  les  exhorta  vivement  «  à  répon- 
dre mieux  à  l'avenir  aux  intentions  d'une  assemblée,  qui 
n'avait  en  vue  que  la  paix  de  contrées  trop  longtemps 
désolées  par  les  divisions  de  ses  habitants,  »  et  nomma 
quatre  commissaires  pour  se  transporter  dans  leur  église, 
le  2  octobre  suivant ,  à  l'effet  de  procéder  à  la  nomina- 
tion du  nouveau  consistoire  de  la  Montagne,  Ces  com- 
missaires furent  les  pasteurs  Brunel  et  Michel,  et  les 
anciens  Jallatte  et  Vacheresse.  «  Pour  donner  du  suc- 
cès à  la  mission  desdits  commissaires,  »  disent  les  actes 
du  synode,  «  les  fidèles  nommeront  un  citoyen  sur  cin- 
quante et  lui  donneront  le  droit  de  nommer,  de  concert 
avec  ses  collègues,  à  la  pluralité  relative  des  suffrages, 
tel  nombre  d'anciens  qu'ils  jugeront  à  propos.  Cette 
nomination  se  fera  à  Mars,  le  mercredi  3^  octobre  pro- 
chain ,  en  présence  desdiis  commissaires.  » 

Le  Recueil  des  actes  du  synode  du  Vivarais  ne  men- 
tionnant ,  à  dater  de  ce  moment ,  aucun  fait  nouveau , 
nous  sommes  autorisé  à  penser  que  la  nomination  du 
nouveau  consistoire  s'opéra  sans  de  nouvelles  difficul- 
tés, et  que  le  schisme  de  la  Montagne  prit  fin  pour  tou- 
jours. Il  se  tût  sans  doute  éteint  plus  tôt  si  le  synode  du 
Vivarais  avait  suivi  l'avis  du  pasteur  Roche,  d'Alais,  qui 
lui  conseillait,  des  le  22  mai  1775  ,  d'y  prêter  moins 
d'attention  et  terminait  sa  lettre  par  cette  sage  réflexion 
déjà  rapportée  :  «  Quand  des  hommes  se  sont  entêtés. 


5  10  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

plus  on  leur  parle,  moins  on  avance,  et  plus  on  leur 
allègue  de  bonnes  raisons ,  plus  ils  se  raidissent  contre 
elles  (i).  » 

VENUE    DE    NOUVEAUX    PASTEURS.     ENLÈVEMENTS   d'eN- 
FANTS.    UN    SERMON    DE    VERNET    (l773-1775). 

Nous  reprenons  notre  histoire  générale  au  point  où 
nous  l'avons  laissée  avant  le  schisme  de  Philip. 

Le  synode  du  29  juin  1773  ,  ayant  constaté  que  les 
protestants  de  la  province  n'avaient  pas  des  connais- 
sances religieuses  suffisantes,  prit  une  heureuse  mesure, 
qui  paraît  avoir  été  générale  sous  le  régime  de  l'édit  de 
Nantes.  Il  décida  que  «  Messieurs  les  pasteurs  feraient 
alternativement,  dans  les  églises  confiées  à  leurs  soins, 
un  sermon  et  un  catéchisme,  c'est-à-dire  un  sermon 
dans  le  premier  tour  et  un  catéchisme  dans  le  second 
tour.  »  L'instruction  et  l'exhortation  marcheraient  ainsi 
de  pair. 

Cette  même  année  (1775),  le  Vivarais  recruta  trois 
nouveaux  pasteurs  :  Jean  Blachon ,  le  fils,  élève  du  sé- 
minaire de  Lausanne,  agréé  parle  synode  du  29  juin  1773 
et  chargé,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  de  desservir  les 
protestants  du  quartier  de  la  Montagne;  Sabatier  de 
la  Bâtie,  également  élève  du  séminaire  de  Lausanne,  et 
Abraham  Chiron  dit  de  Châteauneuf,  élève  de  l'Aca- 
démie de  Genève,  qui  reçut  une  vocation  spéciale  de 
l'église  d'Annonay.  Briatte  et  Génolhac  ayant  quitté  le 
Vivarais,  le  premier  en  1773  ,  le  second  en  1772,  la 
province  comptait  ainsi  six  pasteurs   :   Peirot,   Vernet, 


(i)  Coffpsp.  hislor.  des  deux  CInrons.  Recueil  de  pièces  rclalivcs  aux 
Eglises  réform.  du  Vivarais,  du  Languedoc  et  du  Dauphinê  au 
XVIII'  siècle.  Recueil  des  actes  des  syn.  de  la  prov.  du  Vivarais  pen- 
dant la  période  du  désert.  Papiers  Rabaut,  III,  G. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  3  I  I 

Noë ,  Blachon  ,  Sabatier  de  la  Bâtie  et  Chiron  ,  aux- 
quels on  peut  ajouter  Daniel  Armand,  du  Dauphiné,  qui 
avait  été  déjà  prêté  au  Vivarais  en  1769  et  qui  le  fut  en- 
core en  1773  pour  une  année. 

Ce  dernier  s'acquitta  de  sa  charge  avec  autant  de  ta- 
lent que  de  zèle ,  et  reçut  son  congé  dans  des  termes 
très  flatteurs.  «  La  compagnie,  »  dit  le  synode  du 
i®*"  novembre  1774,  «  témoigne  à  M.  Armand  les  vifs  re- 
grets qu'elle  ressent  de  son  départ;  regrets  fondés  sur 
la  manière  distinguée  dont  il  a  rempli  les  fonctions  de 
son  ministère ,  dans  l'exercice  duquel  il  a  manifesté  des 
talents  supérieurs  ,  une  piété  exemplaire  et  des  senti- 
ments qui  lui  ont  concilié  l'affection  de  tous  les  mem- 
bres de  l'église  qu'il  quitte.  » 

Nonobstant  la  grande  liberté  laissée  aux  protestants 
du  Vivarais  et  du  Velay  ,  dont  les  assemblées,  les  ma- 
riages et  les  baptêmes  n'étaient  plus  recherchés ,  quoi- 
qu'aucune  des  lois  barbares ,  qui  les  interdisaient  sous 
peine  de  mort  et  des  galères  ,  n'eût  été  abolie ,  les  en- 
lèvements d'enfants  protestants  étaient  pratiqués  par  le 
clergé  catholique  avec  l'ardeur  des  premiers  jours , 
comme  le  prouve  les  deux  requêtes  suivantes  adressées 
d'Annonay  le  16  octobre  1775  à  Malesherbes ,  le  ver- 
tueux ministre  de  Louis  XVI. 

((  Pierre  Bariol,  ci-devant  au  village  et  paroisse  de 
Saint-Front ,  diocèse  du  Puy-en-Velay ,  maintenant  ha- 
bitant au  village  de  Fossemagne  ,  même  diocèse,  vient 
se  jeter  aux  pieds  de  votre  Grandeur  pour  la  supplier 
de  lui  faire  rendre  ses  trois  filles ,  qu'on  lui  a  enlevées 
sans  ordre  supérieur,  mais  par  des  voies  de  surprise  , 
dont  les  exemples  se  multiplient  malheureusement  tous 
les  jours  dans  les  provinces  du  Vivarais  et  du  Velay. 
L'exposant,  privé  de  sa  femme,  que  la  mort  lui  avait 
enlevée,  travaillait  paisiblement  un  domaine   qu'il  avait 


312  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

pris  à  ferme  et  ses  filles  soulageaient  ses  peines  en  les 
partageant  et  dirigeant  son  petit  ménage...  Des  ennemis 
de  la  paix  et  du  bon  ordre  subornèrent  ses  trois  filles, 
sa  seule  espérance ,  successivement  dans  le  courant  de 
l'année  1773-  L'aînée,  nommée  Marguerite,  était  pour 
lors  âgée  de  seize  ans;  la  seconde,  Marie,  de  quatorze; 
et  la  plus  jeune  Marianne,  de  onze.  Comme  on  ne  vou- 
lait point  les  recevoir,  dénuées  de  tout,  dans  l'asile  qu'on 
leur  préparait,  on  les  engagea  à  expolier  le  peu  de 
meubles  que  possédait  leur  pauvre  père.  Des  aides  fa- 
cilitèrent cette  expoliation  et  des  receleurs  la  mirent  à 
l'abri  des  découvertes.  Quand  on  crut  être  pourvu  de 
tout  ce  qu'on  pouvait  espérer  d'un  homme  qui  n'était 
pas  seulement  dans  la  médiocrité,  ses  filles  furent  con- 
duites au  couvent  de  Saint-Front;  la  plus  jeune  y  fut 
menée  de  force,  en  plein  jour,  par  des  gens  du  village, 
malgré  ses  cris.  Le  père  était,  dans  ce  moment,  éloigné. 
De  ce  couvent,  elles  furent  conduites  à  l'assemblée  de 
la  Badive ,  école  ou  communauté  de  filles  dans  la  ville 
du  Puy-en-Velay ,  oij  elles  sont  encore.  Les  réclama- 
tions réitérées  du  suppliant  auprès  de  M.  La  Brosse, 
grand  vicaire  du  diocèse  et  directeur  de  cette  maison , 
pour  ravoir  ses  filles,  ont  été  sans  fruit.  M.  La  Brosse 
a  toujours  répondu  que  le  roi  ne  voulait  pas  qu'elles  lui 
fussent  rendues...  » 

((  Catherine  Olphan,  veuve  Fraisse .  Pierre  Marcha, 
Jean  Giscard  et  Matthieu  Veyrin,  tous  de  la  petite  ville 
d'Annonay  en  Vivarais ,  viennent  se  jeter  aux  pieds  de 
Votre  Grandeur  pour  la  supplier  de  leur  faire  rendre 
leurs  enfants,  qu'on  leur  a  enlevés  par  des  voies  de  sur- 
prise, dont  les  exemples  se  multiplient  malheureusement 
tous  les  jours.  Leurs  filles,  encore  jeunes,  se  sont  ren- 
dues au  couvent  Sainte-Marie  de  cette  ville  successive- 
ment, dans  l'espace  de  quelques  mois,  sans  le  consen 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  313 

tement  de  leurs  parents ,  et  après  avoir  pillé  dans  la 
maison  paternelle  tout  ce  qui  s'est  trouvé  sous  leurs 
mains.  Elles  ont  facilement  trouvé  des  receleurs,  qui  se 
sont  prêtés  à  les  leur  faire  parvenir  au  couvent  qu'elles 
ont  choisi  pour  leur  retraite.  Les  réclamations  justes  des 
suppliants  auprès  de  la  dame  supérieure  de  Sainte-Ma- 
rie, pour  ravoir  leurs  enfants  rebelles,  ont  été  inutiles. 
On  a  même  osé  solliciter  auprès  d'eux  des  pensions 
pour  ces  filles  ;  bien  plus  on  a  été  jusqu'à  menacer  de 
punir  rigoureusement  l'un  d'entre  eux  qui  s'y  refusait.  » 

Quatre  des  jeunes  filles  réclamées  par  leurs  parents, 
se  nommaient  Madeleine  Fraisse  (14  ans)  ,  Catherine 
Marcha  (23  ans),  Magdeleine  Giscard  (même  âge),  et 
Françoise  Veyrin  (19  ans);  mais  le  couvent  de  Sainte- 
Marie  en  retenait  encore  deux  autres,  qui  étaient  sans 
doute  dans  la  même  situation  que  les  précédentes  :  Eli- 
sabeth Bercaud  (14  ans),  Jeanne  Ponsonnet  (15  ans). 

Comme  il  est  dit  dans  la  requête  des  suppliants  ,  les 
religieuses  réclamaient  des  pensions  aux  parents  et,  par- 
lant de  leurs  filles ,  ajoutaient  :  «  Il  y  a  six  jeunes  per- 
sonnes dans  cette  communauté  qui  se  sont  converties 
à  la  religion  catholique ,  qui  y  ont  été  chercher  asile  et 
qui  sont  toutes  très  édifiantes.  » 

L'année  suivante  (1776),  Veyrin  ayant  renouvelé  per- 
sonnellement sa  requête,  le  ministre  d'Etat  ordonna  à 
l'intendant  du  Languedoc  de  faire  faire  une  enquête,  oij 
intervinrent  le  premier  consul  d'Annonay,  l'archevêque 
de  Vienne  ,  son  vicaire-général  et  la  supérieure  du  cou- 
vent de  Sainte-Marie.  Tous  ,  comme  on  pouvait  s'y  at- 
tendre ,  dirent  que  Françoise  Veyrin  s'était  réfugiée  de 
son  plein  gré  au  couvent.  On  produisit  même  une  lettre 
où  elle  affirmait  son  désir  de  rester  dans  la  relis:ion  ca- 
tholique  et  déclarait  ne  plus  vouloir  revenir  chez  son  père. 
Il  en  fut  de  même  pour  les  cinq  autres  pensionnaires. 


314  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Amelot,  subdélégué  de  l'intendant,  chargé  de  faire 
l'enquête,  écrivit  le  i«'  août  1778  à  son  supérieur,  au 
sujet  des  pensions,  que  les  jeunes  filles  étant  entrées  de 
leur  propre  mouvement  chez  les  religieuses  de  Sainte- 
Marie,  il  n'y  avait  pas  lieu  de  faire  intervenir  l'autorité 
pour  obliger  leurs  parents  à  les  payer.  Il  le  priait  toute- 
fois d'examiner  s'il  n'y  aurait  pas  des  circonstances  par- 
ticulières qui  autoriseraient  une  dérogation  à  cette  règle 
à  l'égard  de  la  jeune  Veyrin.  L'intendant  adressa  son 
rapport  au  ministre  d'Etat  le  8  octobre  1778,  et  con- 
cluait comme  son  subdélégué,  ajoutant,  en  ce  qui 
concernait  cette  dernière  ,  que  sa  mère  étant  morte  en 
lui  laissant  un  bien  suffisant,  le  père  devait  être  contraint 
par  les  lois  de  payer  la  pension  de  sa  fille  (i). 

Le  pasteur  Vernet  prononça,  le  premier  jour  de  l'an- 
née 1775,  ^^  ^o""^  remarquable  discours,  qui  fut  im- 
primé (2).  Tout  en  traitant  le  sujet  spécial  de  «  la  vanité 
du  monde  mise  en  opposition  aux  inestimables  privilè- 
ges de  la  piété,  »  il  aborde  les  questions  qui  étaient  à 
l'ordre  du  jour  de  son  temps.  —  Il  réfute  les  philosophes 
qui  prétendent  que  la  religion  détache  de  la  société  le 
cœur  des  citoyens  et  craignent  qu'un  trop  grand  renon- 
cement aux  choses  d'ici-bas  ne  favorise  les  entreprises 
des  ambitieux.  —  Il  rappelle,  en  visant  ceux  qui  s'ef- 
forcent d'arracher  au   nouveau  roi  Louis  XVI   (3)  des 


(1)  Correspond,  histor.  des  deux  Chirons.  Arch.  de  l'Hérault,  C,  408 
et  464. 

(2)  Sermon  prononcé  le  premier  jour  de  l'an  1715,  au  désert  du  Ims 
Dauphiné,  par  M'  V***,  ministre  du  saint  Evangile;  à  Neuchàtel,  par  la 
Société  typographique,  177J,  57  p.  in-8°.  Paul  de  Félice,  dans  ses  Sermons 
protestants  prêches  en  France,  de  1685  à  1195,  attribue,  à  tort,  le  sermon 
de  Vernet  à  Paul  Vincent,  pasteur  à  Nîmes.  Voy.  La  Sentinelle  du  1"  jan- 
vier 1746.  Le  rédacteur  de  ce  journal,  Meynadier,  pasteur  à  Valence,  avait 
exercé  son  ministère  dans  lArdèche  plusieurs  années,  et  devait  être  bien 
informé. 

(5)  11  était  monté  sur  le  trône  le  10  mai   1774, 


DU    VIVARAIS   ET    DU    VELAY.  3  I  ^ 

ordres  contre  les  protestants  ,  que  les  attaques,  a  avec 
le  fer  et  le  feu,  »  dont  leurs  croyances  ont  été  l'objet, 
n'ont  fait  que  désespérer  leurs  sectateurs  sans  les  con- 
vaincre'. —  Il  assure  les  prêtres  et  les  pontifes  du  ca- 
tholicisme de  l'aflection  des  protestants  de  France  pour 
leurs  personnes,  et  les  presse  de  s'unir  à  eux  pour  com- 
battre l'athéisme  contemporain ,  qui  menace  les  deux 
religions  à  la  fois.  «  Un  ennemi  commun  nous  attaque,  » 
s'écrie-t-il;  «  l'incrédulité,  qui  cherche  à  renversertous 
les  cultes,  marche  également  contre  les  uns  et  contre 
les  autres,  et  partout  ses  progrès  deviennent  plus  rapi- 
des... Si  le  fatal  mur  qui  nous- sépare  pouvait  crouler  et 
que  nous  pussions  nous  donner  une  main  d'association, 
nous  ferions  peut-être  revenir  les  peuples  du  profond 
étourdissement  où  elle  les  a  jetés.  Notre  réunion,  fai- 
sant comparer  les  avantages  de  la  charité  chrétienne  avec 
les  prétendus  biens  du  calme  philosophique ,  ouvrirait 
les  yeux  à  la  multitude  et  lui  ferait  apercevoir  les  inju- 
res grossières  ,  les  persécutions  odieuses  et  les  autres 
vestiges  effrayants  qui  environnent  la  caverne  de  l'incré- 
dulité. »  —  Vernet  termine  son  appel  par  ces  paroles 
remarquables ,  qui  furent  une  prophétie  :  «  Quelle  con- 
sidération,  Messieurs,  pourrait  nous  arrêter?  Les  maux 
de  l'église  ne  sont-ils  pas  assez  pressants  et  de  funestes 
présages  n'en  annoncent-ils  pas  de  plus  grands  encore? 
Souffrirons-nous  que  ce  soit  l'irréligion  elle-mêm.e  qui 
nous  réunisse  ?  Hélas  !  je  le  prévois;  après  qu'elle  aura 
semé  l'indifférence  dans  tous  les  partis,  chacun  de  nous 
ne  se  souciera  plus  du  sien  et  il  n'y  aura  plus  de  secte 
parce  qu'il  n'y  aura  plus  d'église.  » 


Jl6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

AVIS  DE  VERNET  SUR  DU  TEMS.  PERSÉCUTIONS  ENDU- 
RÉES PAR  CHIRON.  SON  DÉPART  d'aNNONAY.  JUGE- 
MENT   SUR   PEIROT   (1776-I777). 

L'année  suivante  (1776) ,  Vernet  eut  à  se  prononcer 
sur  une  proposition  du  consistoire  de  La  Rochelle,  qui 
recommandait  aux  églises  réformées  de  France,  comme 
pouvant  devenir  leur  agent  général  à  Paris  ,  Louis  du 
Tems  ,  de  Tours  ,  associé  libre  de  l'Académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres  de  Paris,  de  la  Société  royale 
de  Londres,  historiographe  du  roi  d'Angleterre  et 
agent  diplomatique  de  ce  dernier.  Court  de  Gébelin, 
ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  remplissait  déjà  ces  fonc- 
tions à  titre  officieux  et,  comme  il  avait  déjà  rendu  des 
services  réels  aux  églises  réformées  et  que  la  mémoire 
de  son  père  Antoine  Court  était  encore  en  vénération  , 
la  proposition  du  consistoire  de  la  Rochelle  fut  généra- 
lement repoussée.  Vernet,  qui  était  le  pasteur  le  plus 
en  relief  du  Vivarais  à  cette  époque  et  qui  avait  été  con- 
sulté, la  repoussait  également.  <(  A  entendre  Messieurs 
de  La  Rochelle,  »  disait-il,  «  M.  du  Tems  est  le  seul 
homme  qui  nous  convienne,  mais  je  regarde  comme  un 
peu  suspecte  leur  affectation  de  renverser  et  de  démen- 
tir tout  ce  que  M.  de  Gébelin  avait  annoncé  jusqu'à 
présent.  Il  faut  de  deux  choses  l'une  ,  où  qu'ils  exagè- 
rent prodigieusement  le  mérite  de  leur  ami  ou  que 
M.  de  Gébelin  soit  un  franc  gascon  ,  qui  exagère  lui- 
même  ses  propres  travaux  dans  le  temps  qu'il  n'a  fait 
jusqu'ici  que  de  l'eau  claire.  Il  se  donne  comme  un  homme 
qui  est  très  bien  auprès  des  ministres,  il  annonce  que 
des  mémoires  qu'il  a  présentés  ont  été  bien  accueillis  , 
et  MM.  de  la  Rochelle  nous  apprennent  qu'il  est  à 
peine  connu ,  que  ses   mémoires   n'ont   pas  clé  vus   et 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ?I7 

que  leur  M.  du  Tems  a  plus  fait  en  quinze  jours  que  lui 
dans  quelques  années  (i)...  Pour  moi,  si  j'avais  voix  au 
chapitre,  je  serais  d'avis  d'aller  doucement  en  besogne, 
de  ne  pas  trop  nous  confier  aux  bras  de  la  chair  et  de 
laisser  agir  celui  qui  tient  les  cœurs -des  rois  dans  sa 
main.  Je  sais  une  chose  bien  sûre,  c'est  que  nous  ne 
devons  ni  à  l'un,  ni  à  l'autre,  la  tolérance  dont  nous  jouis- 
sons :  elle  vient  de  plus  haut,  et  le  reste  viendra  quand 
il  en  sera  temps.  Sans  compter  trop  sur  M.  de  Gébelin, 
je  ne  serais  pas  d'avis  qu'on  lui  otât  ce  qu'il  a,  ni  qu'on 
le  partageât  entre  lui  et  un  autre.  Au  moins  ne  devrait-on 
rien  faire  là-dessus  sans  le  consulter.  Avant  de  lui  don- 
ner un  adjoint ,  je  crois  qu'il  faudrait  savoir  s'il  y  prend 
plaisir,  si  l'homme  qu'on  propose  lui  est  assez  connu 
pour  que  leurs  caractères  puissent  sympathiser,  s'ils 
voudront  s'entendre  assez  bien  pour  travailler  de  con- 
cert et  ne  rien  faire  l'un  sans  l'autre...  Il  n'y  a,  suivant 
moi,  qu'un  synode  national  qui  puisse  prononcer  sur  un 
sujet  aussi  délicat  »  (2  mars  1776)  (2). 

Cependant  le  pasteur  Chiron  était  en  butte  à  Anno- 
nay  aux  menaces  des  catholiques  et  même  à  leurs  mau- 
vais traitements.  On  avait  de  plus  répandu  le  bruit  qu'un 
ordre  de  la  cour ,  dirigé  contre  lui ,  venait  d'arriver.  Il 
s'en  plaignit  à  l'avocat  du  roi.  «  Je  lui  témoignai,  » 
dit-il,  «  que  je  ne  me  croyais  pas  en  sûreté  ici,  puisque 
des  prêtres  m'avaient  calomnié  deux  fois;  qu'ils  pou- 
vaient me  tendre  des  pièges  ,  que  je  sortais  rarement , 
vivais  seul,  qu'on  voyait  avec  peine  mon  séjour  ici, 
malgré  l'honnêteté  de  mes  principes  et  ma  discrétion; 
que ,  quand  je  sortais  ,  j'étais  insulté  par  des  huées  ,  et 


II)  Il  s'agissait  d'obtenir  du  roi  un  édit  qui  accordât  un  état  civil  aux  pro- 
lestants. 
(2    Pour  plus  de  détails,  voyez  notre  article  du  Bulletin,  etc.,  t.  XXXII. 


3l8  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

qu'on  me  jetait  des  pierres;  que  je  craignais  tout  et  ne 
disais  rien  »  (24  novembre  1777). 

II  parait  que  la  plainte  de  Chiron  auprès  de  l'avocat 
du  roi  ne  fit  pas  cesser  les  vexations  dont  il  était  l'ob- 
jet,  car  il  quitta  Annonay  au  commencement  de  l'année 
1778.  Il  y  était  demeuré  cinq  ans  environ.  Paul  Rabaut 
estimait  qu'il  eût  pu  rester  à  son  poste  sans  craindre 
les  menaces  qu'on  lui  avait  faites  et  l'ordre  qu'on  disait 
être  venu  de  la  cour  contre  lui.  Il  fut  en  effet  reconnu, 
après  informations  prises  en  haut  lieu ,  qu'aucun  ordre 
n'avait  été  lancé  contre  Chiron  (29  mai  1778)  (i). 

Il  ne  restait  donc  à  ce  moment,  comme  pasteurs  enVi- 
varais  que  Vernet,  Noë  et  Blachon  fils,  car  Peirot  était 
déjà  mort  à  la  date  du  14  novembre  1777.  Ce  vénéra- 
ble serviteur  de  Dieu  prêchait  depuis  1730  comme  pro- 
posant et,  depuis  1739,  comme  pasteur.  C'était  un 
homme  intelligent,  ferme,  débonnaire  et  doué  d'un 
grand  sens.  11  avait  un  talent  de  prédication,  qui  eût  pu 
se  développer  davantage  s'il  avait  fait  de  plus  fortes 
études  et  vécu  dans  un  milieu  plus  cultivé.  Il  eut  l'hon- 
neur de  présider  plusieurs  synodes  nationaux  et  fut  le 
digne  successeur  de  Durand.  C'est  lui  qui  correspon- 
dait ,  au  nom  de  la  province,  avec  Antoine  Court  et,  à 
la  mort  de  ce  dernier,  avec  Paul  Rabaut.  Son  long 
ministère  fut  une  bénédiction  pour  le  Vivarais. 

ACCROISSEMENT    DU    NOMBRE    DES    PASTEURS    EN     VIVA- 
RAIS.   MALVEILLANCE  DES  CURÉS   (1778-I785). 

De  1778  à  1785,  le  nombre  des  pasteurs  s'accrut 
beaucoup  dans  la  province,  qui  vit  successivement  ve- 
nir Louis-André  Lagarde  et  Sabatier  du  Villard  en  1778, 

(i)  Correspond,  hislor.  des  deux  Chirons. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  319 

Eugène  Brunel  en  1779,  Jacques  Charra  en  1783,  Jean- 
Pierre  Roure  dit  Terrisse  en  1784  et  Jean-Alexandre 
Crumière  en  1785. 

Ces  pasteurs,  malgré  les  progrès  de  la  tolérance,  ne 
laissaient  pas  que  d'être  exposés  encore  à  la  malveil- 
lance des  ecclésiastiques  qui,  seuls  entre  tous,  conser- 
vaient les  moeurs  des  mauvais  jours  de  Louis  XIV  et 
de  Louis  XV.  Vernet  disait  à  Paul  Rabaut  à  la  date  du 
1  I  septembre  1782  :  «  Les  curés  ne  cherchent  qu'âme 
nuire.  Celui  de  Pranles ,  ou  quelque  autre  esprit  malin 
de  la  paroisse,  écrivit,  il  y  a  quelque  temps,  à 
M.  l'évèque  de  Viviers  [Lafont  de  Savine] ,  que  j'avais 
depuis  peu ,  contre  mon  usage  ,  tenu  deux  assemblées 
si  près  de  son  église  que  les  catholiques  y  étaient  ac- 
courus. Heureusement  pour  moi,  l'évèque,  dont  j'ai 
l'honneur  d'être  connu,  est  un  très  galant  homme.  Il 
daigna  m'écrire  lui-même  là-dessus  une  lettre  très  polie, 
à  laquelle  j'ai  répondu  de  mon  mieux.  J'ai  joint  à  ma 
réponse  le  certificat  de  deux  consuls  et  de  trois  parti- 
culiers de  la  paroisse,  qui  attestèrent  tout  le  contraire 
et  démentent  formellement  mon  accusateur.  Ce  n'était 
pas  d'ailleurs  moi  qui  avais  fait  ces  assemblées  ;  c'était 
un  brave  proposant,  dont  je  ne  suis  pas  le  maître.  Les 
certificats  sont  tous  catholiques  (i).  » 

ÉDIT  DE  TOLÉRANCE.  RESTRICTION  DU  PARLEMENT  DE 
TOULOUSE.  VENUE  DE  NOUVEAUX  PASTEURS  (1787- 
1791). 

Cependant,  en  dépit  du  progrès  des  lumières,  aucune 
des  anciennes  lois  du  royaume,  qui  faisaient  une  classe 
de  parias  des  protestants  de  France ,   n'avait  été  abro- 

(i)  Correspond,  histor.  des  deux  Chirons. 


3  20  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

gée,  et  ils  étaient  encore  privés  d'état  civil.  D'après  la 
teneur  des  édits  ,  leurs  mariages  étaient  frappés  de  nul- 
lité et  entachés  de  souillure ,  et  leurs  enfants  déclarés 
illégitimes  et  inhabiles  à  hériter,  comme  leurs  parents" 
incapables  de  tester.  Louis  XVI,  vaincu  par  les  instan- 
ces du  baron  de  Breteuil,  ministre  de  sa  maison,  de 
Rulhières,  de  Malesherbes  et  du  général  Lafayette,  qui 
revenait  d'Amérique ,  signa  enfin  l'édit  de  tolérance  de 
1787,  qui  accordait  un  état  civil  aux  protestants.  C'était 
peu  sans  doute,  car  cet  édit  ne  concédait  aux  dissidents 
que  le  droit  de  vivre,  et  le  roi  avait  eu  soin  de  déclarer 
ceci  dans  l'article  premier  :  «  La  religion  catholique , 
apostolique  et  romaine,  continuera  de  jouir  seule  dans 
notre  royaume  du  culte  public.  »  Les  protestants  n'en 
ressentirent  pas  moins  une  grande  joie  et  virent ,  dans 
l'édit  de  tolérance,  le  gage  de  l'avènement  prochain  de 
la  liberté  de  conscience  et  de  culte. 

Le  synode  du  Vivarais  du  22  mai  1788,  «  afin  de  té- 
moigner ainsi  sa  juste  reconnaissance,  »  pour  nous  ser- 
vir de  ses  propres  expressions,  «  décida  que  tous  les 
protestants  de  la  province  se  conformeraient  aux  pres- 
criptions de  l'édit. 

Le  Parlement  de  Toulouse,  qui  devait  l'enregistrer, 
voulut  mettre  à  son  acceptation,  dit  Anquez  (i),  u  la 
condition  suivante  :  c'est  que  les  protestants  seraient 
formellement  exclus  de  toutes  les  fonctions  municipales 
et  ne  pourraient  être  nommés  aux  places  de  maire  ,  de 
lieutenant  de  maire,  de  capitouls ,  de  consuls,  de 
jurats  et  d'échevin.  Par  une  déclaration,  datée  du 
7  mars  1788  (2),  Louis  XVI  annula  cette  réserve  comme 


(i)  De  l'élat  civil  des  réfoi-mês,  p.  245,  244.  Dubédat,  Hisl.  du  fjarlem. 
de  Toulouse,  t.  I,  p.  650. 

(2)  Déclaration  du  roi,  qui  lève  la  modifiealion  insérée  par  le  parle- 
ment de  Toulouse  dans  l'enregislremenl  de  l'édil  du  mois  de  nouem- 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  ?2Î 

inutile,  la  clause  finale  de  l'article  premier  ayant,  à 
l'avance ,  satisfait  à  la  réclamation  du  Parlement  de 
Toulouse.  Au  lieu  d'adresser  cette  déclaration  au  pre- 
mier président  du  Parlement ,  il  l'envoya  au  comman- 
dant militaire  du  Languedoc ,  le  comte  de  Périgord , 
qui ,  suivi  de  plusieurs  compagnies  de  grenadiers  et  de 
plusieurs  brigades  de  maréchaussées ,  la  fit  transcrire 
sur  les  registres  de  la  cour  en  sa  présence  fiy  mars). 
Ce  procédé,  quelque  peu  violent,  blessa  vivement  la 
compagnie  qui,  aussitôt  après  la  retraite  du  comte  de 
Périgord,  rédigea  une  protestation.  Puis  le  i"  avril,  il 
fiit  des  remontrances  sur  le  fond  et  sur  la  forme  de  l'en- 
registrement,  mais  le  ministère  n'y  répondit  pas.  De- 
puis quelque  temps  déjà,  il  avait  résolu  de  réduire  par 
la  force  la  magistrature  à  l'obéissance,  et  la  contrainte, 
dont  le  comte  de  Périgord  avait  usé  à  l'égard  de  la  cour 
de  Toulouse,  était  le  prélude  des  coups  d'autorité  par  les- 
quels bientôt  après  il  imposa  aux  Parlements  de  Douai, 
de  Besançon  et  de  Bordeaux,  la  vérification  de  plu- 
sieurs édits  et  notamment  de  celui  de  novembre  1787.  » 
Depuis  l'édit  de  tolérance,  quatre  nouveaux  pasteurs 
vinrent  exercer  leur  ministère  en  Vivarais  :  Pierre  As- 
tier  en  1787  ;  Jacques  Rattier  dit  de  Besson,  S.  H.  Kœ- 
nig ,  suisse  de  naissance,  en  1788,  et  Michel  en  1791. 
Kœnig  fut  affecté  spécialement  au  service  de  l'église 
d^Annonay  en  remplacement  d'Abraham  Chiron. 

CONSTITUTION  DU  3  SEPTEMBRE  I79I.  DISCOURS  d'aS- 
TIER  ET  DE  KŒNIG.  PROGRÈS  DE  l'iRRÉLIGION  (  I  79  I - 
1792). 

Pendant  ce  temps  la  révolution  marchait  à  grands  pas 

bre  1181,   concerna.nl  ceux  qui   ne  font  pas   professinii    di-   l:i    velujiou 
catholique.  Du  7  7nac.s  ll.'^S  (s.  1.  ni  d.,  in-4''i. 

II.  2  l 


p2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

à  Versailles.  L'Assemblée  nationale  proclama  la  liberté 
la  plus  entière  de  conscience  et  de  culte  dans  sa  célè- 
bre constitution  du  3  septembre  1791.  A  cette  occasion 
le  pasteur  Astier  publia  à  Valence  deux  remarquables 
discours  intitulés  :  le  premier,  La  France  s'élevantpar  la 
justice  ;  le  second  ,  La  vocation  et  les  devoirs  des  pas- 
teurs (i).  «  La  révolution,  à  jamais  mémorable,  qu'illustre 
actuellement  notre  chère  patrie,  »  dit-il  dans  le  premier 
de  ces  discours  ;  «  ces  éclats  de  lumière  qui  y  brillent 
de  toutes  parts;  ce  que  nous  avons  encore  à  espérer 
d'une  assemblée,  dont  les  travaux  méritent  si  bien  l'ad- 
miration de  tous  les  peuples  ,  tout  cela  doit  porter  à 
méditer  :  i*'  sur  les  vrais  principes  d'une  grandeur  na- 
tionale ;  2"  et  sur  ce  que  chaque  particulier  doit  faire 
pour  y  maintenir  sa  nation ,  lorsqu'elle  a  eu  le  bonheur 
de  les  trouver.  » 

Après  avoir  montré  que  la  justice  élève  une  nation  en 
lui  assurant  la  liberté,  la  prédicateur  s'écrie  :  <(  Cette 
douce  liberté  désirée  depuis  si  longtemps ,  nous  avons 
le  bonheur  de  la  voir  maintenant  s'établir  parmi  nous. 
La  nation  française,  justement  admirée  par  les  éclats  de 
lumière  et  de  sagesse  qu'elle  fait  briller  aux  yeux  de 
l'univers  étonné,  ne  veut  pas  qu'il  y  ait,  dans  son  sein, 
aucune  sorte  d'oppression.  Elle  vient  de  déclarer  expres- 
sément qu'elle  permet  à  tous  ses  membres  d'aspirer  à 
tous  les  emplois  dont  ils  peuvent  être  dignes  ;  elle  veut 
qu'on  secoue  les  liens  de  l'ignorance  et  qu'il  y  ait 
même  pour  les  pauvres  des  fonds  destinés  pour  leur 
entretien  et  leur  éducation,  afin  que  chacun,  selon  l'or- 
dre de  saint  Paul ,  puisse  connaître  la  Parole  de  vérité 
et  juger  par  elle  de  ce  qu'on  lui  dit  concernant  son  sa- 


(i)  Titre  général  :  Discours  intéressant,  sur  la  nouveUe  constitution  en 
Frarn-e,  ri  ta  religion;  à  Valence,  chez  P.  Aurel,  Imprimeur  libraire. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  323 

lut  (Col.  m,  16;  Act.  XVII,  II).  Elle  reconnaît  l'in- 
justice qu'il  y  a  à  attaquer  la  concience  d'autrui,  et  per- 
met à  chacun  d'exercer  librement  le  culte  qu'il  croit  de- 
voir rendre  à  Dieu  :  tellement  que  cette  même  nation  , 
autrefois  altérée  du  sang  des  martyrs,  va  devenir  l'asile 
des  persécutés ,  la  force  du  faible  et  la  consolation  des 
malheureux  ;  on  dira  en  abordant  ces  contrées  :  O  nation 
bienheureuse  !  peuple  favorisé ,  mes  pieds  s'arrêteront 
chez  toi  !  » 

Le  pasteur  Kœnig  ,  qui  faisait  partie  de  la  Société  des 
amis  de  la  constitution  d'Annona/,  prononça  de  son  côté, 
dans  une  réunion  générale  de  cette  société,  un  discours 
sur  la  liberté  civile  et  religieuse  (i) .  Dans  une  allocution 
préparatoire,  il  déclara  que  le  seul  titre  qu'il  avait  à  se 
présenter  dans  le  sanctuaire  de  la  liberté  ,  qu'il  venait 
jurer  de  maintenir  avec  ses  collègues,  au  péril  de  sa  vie, 
c'était  d'appartenir  à  un  pays  de  montagnes,  qui  avait 
résisté  à  tous  les  despotismes.  Le  président  de  la  so- 
ciété, L.-T.  Chomel,  lui  répondit  avec  courtoisie  qu'il 
avait  l'honneur  d'être  né  dans  un  état  républicain  et  de 
porter  un  nom  célèbre  dans  la  science  (2).  Après  cela, 
Kœnig  prononça  son  discours  ,  qui  n'est  autre  qu'un 
sermon  sur  i  Cor.,  VII,  23  :  Vous  ave:{  été  rachetés  à 
un  grand  prix  :  ne  soye^  point  esclaves  des  hommes. 

Il  dit  d'abord  ce  que  la  liberté  n'est  pas  ,  puis  ce 
qu'elle  est.  Ce  n'est  pas  l'indépendance  absolue  et  une 
inclination  à  blâmer,  censurer  et  reprendre,  ni  un  esprit 
de  contradiction  ou  d'opposition  aux  décrets  rendus  par 


(i)  Discours  prononcés  à  Annona.y  par  J.  J.  H,  Kœnig ,  et  imprimés 
par  ordre  de  la  Société  des  amis  de  la  Constitution...  Annonay,  de  l'im- 
primerie  d'Agard,  in-S",  57  pages. 

(2)  Allusion  à  Samuel  Kœnig,  savant  philosophe  et  mathématicien,  qui 
avait  donné  des  leçons  à  la  marquise  du  Châtelet  pendant  deux  ans  au  châ- 
teau de  Cirey.  Le  pasteur  d'Annonay  était-il  de  sa  famille?'  C'est  ce  que 
nous  ne  saurions  dire. 


324 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


la  représentation  nationale  et  sanctionnée  par  le  prince. 
Cette  liberté,  qui  n'a  de  prix  que  pour  celui  qui  en  use 
convenablement,  est  l'état  le  plus  naturel  et  l'objet  des 
vœux  les  plus  ardents  de  l'homme;  elle  perfectionne  les 
facultés  de  son  esprit  et  leur  donne  une  plus  grande  au- 
torité. C'est  l'antidote  assuré  de  toute  espèce  de  servi- 
tude; elle  favorise  toutes  les  vertus,  est  la  mère  des 
arts  et  des  sciences  ;  ce  n'est  qu'en  en  jouissant  que 
l'homme  peut  soutenir  sa  dignité  de  citoyen  et  de  chré- 
tien ;  c'est  enfin  la  jouissance  la  plus  vraie  et  la  plus 
pure  de  la  vie. 

Dans  l'application  de  son  discours  ,  Kœnig  exhorte 
vivement  ses  auditeurs  à  ne  pas  envier  la  liberté  à  ceux 
qui  la  possèdent,  à  se  réjouir  de  leur  bonheur  et  à  ne 
pas  entraver  le  développement  de  ce  bien  précieux.  Il 
les  presse  d'en  être  les  plus  fermes  soutiens  et  d'en  re- 
lever le  prix  par  leurs  vertus. 

Un  passage  du  discours  mérite  d'être  cité.  Craignant 
que  la  révolution  n'en  vienne  à  mépriser  et  à  haïr  la  re- 
ligion dominante,  qui  a  été  la  complice  du  despotisme 
royal  et  a  fait  verser  des  torrents  de  sang  innocent, 
Kœnig  s'écrie  avec  un  courage  et  une  charité  dignes  de 
tout  éloare  :  «  Frères  et  amis ,  si  vous  avez  réformé  vos 
ministres,  gardez- vous  bien  d'avilir  le  ministère.  Hono- 
rez vos  pasteurs  constitutionnels  (i).  Pénétrez-vous  du 
respect  que  vous  devez  à  ceux  que  vous  avez  choisis 
pour  présider  à  votre  cuhe.  Comme  chrétiens ,  aimez 
ceux  qui  ont  refuté  le  serment  prescrit  par  la  loi  et  res- 
pectez leur  conscience.  » 

A  côté  de  cette  lumière  brillante  de  la  liberté  qui 
éclairait  pour  lors  la  France,  de  cet  enthousiasme  dont 
la  nouvelle  constitution  enflammait  les  cœurs ,  il  y  avait 

(ij  La  constitution  civile  du  clergé  avait  été  votée  le  12  juillet  1790. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  pl 

de  grandes  ombres  et  de  légitimes  sujets  d'appréhen- 
sion. L'incrédulité  et,  sa  complice  obligée,  le  déborde- 
ment de  toutes  les  mauvaises  passions  ,  faisaient  des 
progrès  effrayants ,  qui  devaient  aboutir  aux  saturnales 
sanglantes  de  1793.  Le  pasteur  Vernet,  dans  son  élo- 
quent discours  de  1775  rappelé  plus  haut,  avait  déjà 
dit  tristement  :  «  Jeunes  enfants ,  qui  êtes  encore  à  la 
mamelle  ,  quelle  sera  votre  croyance  ?  Les  accents  de 
l'irréligion  vont  ébranler  vos  fibres  tendres  et  délicates, 
ce  seront  eux  qui  imprimeront  à  votre  âme  les  premières 
impressions  qu'elle  doit  recevoir;  c'est  peu  que  vos  pa- 
rents aient  empoisonné,  par  leur  luxe  et  leurs  désordres, 
les  sources  de  votre  vie,  il  faut  encore  qu'ils  vous  enlè- 
vent ce  qui  seul  pouvait  vous  aider  à  en  supporter  le 
poids.  » 

Le  pasteur  Astier,  dans  le  discours  sur  la  vocation  et 
les  devoirs  des  pasteurs  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus, 
constatait,  de  son  côté,  que  les  pasteurs  eux-mêmes 
avaient  subi  l'influence  délétère  du  siècle  et  ne  possé- 
daient pas  l'esprit  de  renoncement  et  la  sainte  piété  de 
leurs  prédécesseurs.  Après  avoir  retracé  leurs  devoirs, 
il  disait  dans  le  langage  énergique ,  peut-être  un  peu 
excessif,  qui  lui  était  propre  :  «  Si  vous  réfléchissez 
sérieusement  sur  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  vous 
serez  surpris  ,  non  de  voir  des  pasteurs  faire  leurs  ef- 
forts pour  remplir  leurs  devoirs,  mais  d'en  voir  un  si 
grand  nombre  de  lâches  et  d'indolents;  vous  serez  ef- 
frayés de  voir  un  si  grand  nombre  de  personnes  courir 
à  cet  emploi  sans  avoir  ni  les  talents,  ni  les  vertus  néces- 
saires pour  s'en  acquitter  dignemiCnt  ;  vous  serez  ef- 
frayés de  voir  des  pères  et  des  mères  y  destiner  leurs 
enfants  seulement  dans  la  vue  de  leur  procurer  une 
place  honorable  ;  vous  serez  effrayés  de  voir  un  si  grand 
nombre  de  personnes  s'engager  dans  cette  carrière  uni- 


:;26  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS 

quement  par  des  vues  mondaines  ;  vous  serez  effrayés 
de  voir  de  si  jeunes  gens ,  qui  font  profession  de  se 
préparer  à  cet  auguste  emploi,  passer  la  jeunesse  dans 
le  libertinage,...  ou  consumer  le  temps  à  apprendre  ce 
qu'ils  ne  doivent  point  enseigner  ;  vous  serez  effrayés  de 
trouver  des  hommes,  chargés  de  ce  ministère,  plongés 
dans  une  crasse  ignorance  sur  la  religion...  Cependant 
le  méchant  meurt...  ;  mais...  Dieu  se  réserve  de  venger 
sa  perte  sur  l'âme  de  ceux  qu'il  avait  chargés  de  l'aver- 
tir. Ah!  Malheur  donc  aux  mauvais  ouvriers!  Malheur 
aux  pasteurs  aveugles ,  qui  ne  savent  point  eux-mêmes 
ce  qu'ils  doivent  enseigner  ;  qui  passent  dans  la  dissi- 
pation un  temps  qu'ils  devaient  employer  pour  s'in- 
struire!... Malheur  à  ces  sépulcres  blanchis,  qui  n'ont 
que  le  dehors  de  beau  (Matth.,  XXIII,  27,  28)!  Mal- 
heur à  ces  loups  travestis  en  habit  de  brebis  (Matth., 
VII,  15,  20),  qui  ne  viennent  dans  la  bergerie  du  Sei- 
gneur que  pour  tuer  et  égorger;  qui,  non  seulement 
n'avertissent  pas  le  méchant,  mais  qui,  par  leur  exem- 
ple ,  l'entraînent  dans  l'abîme  de  la  perdition  !  Non  ,  ce 
n'est  que  par  ce  qu'il  y  a  de  plus  affreux  dans  les  tour- 
ments des  enfers  qu'ils  peuvent  expier  leur  crime!  Oh! 
quel  horrible  spectacle  au  jour  du  jugement!  Quel  hor- 
rible spectacle  que  celui  de  voir  le  troupeau  et  le  pas- 
teur perdus  !  Quel  horreur  pour  ce  malheureux  trou- 
peau de  voir  éternellement  sous  ses  yeux  celui  qui  a  été 
cause  de  sa  perte!  Ah!  que  de  reproches,  que  de 
plaintes,  que  de  malédictions!  Et  quel  désespoir  pour 
le  pasteur  de  se  voir  non  seulement  l'artisan  de  son  sup- 
plice ,  mais  aussi  d'autres  âmes ,  et  d'être  à  jamais  le 
triste  objet  de  leurs  exécrations  !  » 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  527 

DÉCISION  PATRIOTIQUE  DU  SYNODE  DU  VIVARAIS. 
JUGEMENT  SUR  VERNET.  DERNIERS  PASTEURS  DU 
VIVARAIS.    CONCLUSION    (1793). 

En  1793  ,  an  II  de  la  république,  l'Europe,  presque 
toute  entière,  était  en  guerre  avec  la  France.  Le  synode 
du  I®'  mai,  pensant  que  cette  formidable  coalition, 
qui  faisait  courir  les  plus  grands  dangers  à  la  patrie, 
pourrait  «  mettre  quelqu'un  des  pasteurs  du  départe- 
ment dans  le  cas  de  consacrer  ses  bras  à  sa  défense,  » 
décida  «  que  l'Eglise,  privée  de  pasteur  par  cette  cause, 
serait  desservie  par  les  autres  pasteurs  du  département 
et  compterait  toujours  les  mêmes  honoraires  à  celui 
que  l'amour  de  la  liberté  aurait  fait  voler  contre  les  en- 
nemis. » 

Nos  sources  nous  apprennent  que  le  pasteur  Kœnig 
et  les  proposants  Rattier  (Jean  Henry)  et  Rattier-Léo- 
rat  abandonnèrent  leur  carrière  pour  «  voler  contre  les 
ennemis.  »  Ce  sont  les  seuls  dont  nous  ayons  retrouvé 
les  traces  ;  mais  il  est  vraisemblable  que  d'autres  pro- 
posants, et  peut-être  aussi  d'autres  pasteurs,  que  nous 
perdons  complètement  de  vue  à  cette  époque ,  embras- 
sèrent la  carrière  militaire.  Peu  après  le  synode  du 
i*'  mai  1793  ,  qui  est  le  dernier  de  ceux  qui  se  sont 
tenus  dans  le  Vivarais  et  le  Velay  au  XVIII"  siècle, 
tous  les  temples  et  toutes  les  églises  catholiques  de 
France  furent  fermés,  et  les  ministres  des  deux  cultes 
contraints  de  cesser  leurs  fonctions  sous  peine  de  mort, 
comme  aux  plus  mauvais  jours  de  Louis  XIV  et  de 
Louis  XV.  Il  ne  serait  donc  pas  surprenant  qu'un  nom- 
bre relativement  assez  considérable  de  jeunes  pasteurs 
et  de  proposants,  se  trouvant  sans  ressources  et  sans 
emploi ,  aient  embrassé  la  carrière  des  armes  autant  par 


328  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

nécessité  que  par  élan  patriotique ,  d'autant  mieux  que 
la  Convention  nationale  "ordonna,  le  16  août  suivant,  la 
levée  en  masse  du  peuple  français  pour  la  défense  de 
laliberté  et  mit  en  réquisition,  le  23,  tous  les  jeunes  gens 
âgés  de  dix-huit  à  vingt-cinq  ans. 

Le  vénérable  pasteur  Vernet,  dont  le  nom  est  revenu 
si  souvent  dans  les  pages  qui  précèdent ,  avait  été  dé- 
chargé du  ministère  évangélique,  le  19  septembre  1792, 
à  cause  de  ses  infirmités.  Il  exerçait  ses  fonctions  de- 
puis quarante-cinq  ans.  Durand  ,  Peirot  et  lui ,  furent 
les  trois  pasteurs  les  plus  distingués  du  Vivarais  pen- 
dant le  cours  du  dix-huitième  siècle,  ceux  dont  l'in- 
fluence se  fit  le  plus  sentir  auprès  comme  au  loin. 
Vernet  fut  le  digne  successeur  de  Peirot.  Plus  vif  et 
plus  ardent  que  lui,  mais  tout  aussi  pieux,  et  plus  sa- 
vant ,  il  jouit  d'une  autorité  considérable  dans  sa  pro- 
vince et  même  dans  les  provinces  voisines.  Il  s'était  fait 
déjà  remarquer  au  séminaire  de  Lausanne  par  son  intel- 
ligence et  ses  progrès  dans  les  études  et ,  comme  on  a 
pu  en  juger  par  les  fragments,  cités  plus  haut,  de  son 
sermon  de  1775 ,  il  avait  des  dons  réels  pour  la  chaire. 

Nous  donnons,  en  terminant,  les  noms  des  pasteurs 
qui  exerçaient  leur  ministère  dans  le  Vivarais  et  le 
Velay  au  moment  de  la  suppression  des  cultes  sous  le 
régime  de  la  Terreur  en  1793. 

Vernet  était  déchargé  de  ses  fonctions  depuis  1792, 
comme  on  vient  de  le  dire  ;  Sabatier  du  Villard  avait 
reçu  son  congé  en  1780,  Lagarde  en  1781  ,  Blachon 
et  Sabatier  de  la  Bâtie  en  1783  ;  Terrisse  n'avait  fait  que 
passer  dans  le  Vivarais  en  1784,  Chiron  était  parti 
en  1787,  Brunel  le  cadet  en  1792,  et  ICœnig  dans  le 
courant  de  1793. 

Il  restait  donc  Noë,  Brunel  l'aîné,  Charra,  Crumière 
et   Philip  dit  Lacoste;  auxquels  il  faut  ajouter   Pierre 


DU    VIVARAIS    ET    DU   VELAY.  ?  29 

Astier,  nommé  en  1787,  Jacques  Rattier  dit  le  Bes- 
son  ,  en  1 788  ,  et  Michel  en  1 79 1 . 

Quant  aux  proposants  du  Vivarais,  Girard  et  Raymond- 
Pierre  Ladreyt,  qui  revinrent  ensemble  du  séminaire  de 
Lausanne  en  1793  ,  le  synode,  réuni  le  i^'  mai,  décida 
qu'ils  seraient  consacrés  au  saint  ministère  le  1 1  août 
suivant  ;  mais  il  est  vraisemblable  que  la  cérémonie 
n'eut  pas  lieu  à  cause  des  événements  politiques  (i). 

Ainsi  donc  le  Vivarais  et  le  Velay  n'avaient  que  huit 
pasteurs  à  la  veille  de  la  suppression  des  cultes.  A  cette 
heure,  les  départements  de  TArdèche  et  de  la  haute 
Loire  ,  formés  de  ces  deux  anciennes  provinces,  possè- 
dent cinquante-trois  paroisses  officielles  ,  cinquante-six 
postes  de  pasteur  et  soixante-six  temples  ,  c'est-à-dire 
près  du  double  des  paroisses,  des  pasteurs  et  des  tem- 
ples, que  comptaient  le  Vivarais  et  le  Velay  aux  plus 
beaux  jours  de  leur  histoire,  sous  le  régime  de  l'édit 
de  Nantes. 

Toutes  les  provinces  synodales  de  l'ancienne  France 
sont  loin ,  après  les  luttes ,  les  persécutions  et  les  émi- 
grations des  trois  derniers  siècles,  de  présenter  une  sta- 
tistique aussi  réjouissante.  Les  protestants,  qui  habi- 
taient plusieurs  d'entre  elles,  furent  décimés  par  les 
abjurations  ou  l'exil.  Honneur  donc  à  ces  vaillantes  po- 
pulations huguenotes  du  Vivarais  et  du  Velay,  qui  pré- 
férèrent souffrir  mille  maux  sur  le  sol  natal  plutôt  que 
de  chercher  une  vie  plus  douce  sur  la  terre  étrangère , 
et  qui,  malgré  des  défaillances,  maintinrent,  haut  et 
ferme  dans  leurs  montagnes  ,  le  drapeau  de  l'Evangile 
en  dépit  des  dragons ,  des  galères  et  des  gibets  ! 

(i)  Recueil  des  actes  des  synodes  du  Vivarais,  etc. 


APPENDICE  I 


BIOGRAPHIE  SUCCINCTE  DES  PASTEURS  DU  VIVARAIS 
ET  DU  VELAY  PENDANT  LE  DÉSERT,  SELON  l'oR- 
DRE  DE  LEUR  CONSÉCRATION  AU  SAINT  MINISTÈRE 
OU    DE    LEUR    VENUE    DANS    LA    PROVINCE 


Durand  (Pierre),  né  au  Bouchet,  paroisse  de  Pranles,  propo- 
sant en  1721,  et  secrétaire  du  premier  synode  du  Vivarais,  réuni 
le  26  juillet  de  cette  même  année.  Celui  du  21  juin  172^  l'auto- 
risa à  administrer  les  sacrements  ,  quoiqu'il  ne  fût  pas  encore 
admis  au  ministère,  et  celui  du  11  novembre  suivant,  à  recevoir 
l'imposition  des  mains  d'Antoine  Court  et  de  son  collaborateur 
Pierre  Corteiz.  La  cérémonie,  n'ayant  pu  avoir  lieu,  fut  renvoyée 
au  prochain  synode  provincial  par  celui  du  25  août  172';  ,  mais 
Durand  ne  put  recevoir  la  consécration  qu'au  premier  synode 
national  du  désert,  qui  se  tint  en  Vivarais  le  16  mai  1726.  Après 
six  ans  de  ministère,  il  mourut  martyr  à  Montpellier,  le  2  avril  1732. 
Le  synode  du  Vivarais,  du  21  mai  suivant,  rendit  le  plus  beau 
témoignage  à  sa  mémoire. 

Fauriel  (Jean-Gabriel),  ou  Fauriel  l'aîné  dit  Lassagne ,  né  à 
Lassagne,  paroisse  de  Silhac,  présenté  pour  remplir  la  charge  de 
proposant  au  synode  provincial  du  16  août  1723 ,  et  reçu  comme 
tel  seulement  par  celui  du  14  septembre  1726.  Deux  ou  trois 
ans  après  ,  il  alla  perfectionner  ses  études  au  séminaire  de  Lau- 
sanne, et  y  était  encore  lorsque  le  synode  du  15  avril  1730  l'au- 
torisa à  se  faire  consacrer  au  saint  ministère  où  il  le  jugerait  à 


?P  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

propos,  c'est-à-dire  en  Suisse.  Il  fut  pasteur  neuf  ans,  et  périt 
d'une  façon  tragique,  le  7  août  1739. 

BoYER  (Jacques)  dit  Debos,  né  en  1704  à  Bancel,  paroisse  de 
Vernoux.  Au  moment  de  la  tenue  du  synode  du  14  avril  1729,  il 
desservait  un  quartier  du  Vivarais ,  bien  qu'il  ne  fût  pas  encore 
reçu  prédicateur,  charge  qui  lui  fut  conférée  par  le  synode  du 
5  septembre  1729.  Celui  du  17  octobre  1730  l'autorisa  à  «  aller 
perfectionner  ses  études  dans  les  pays  étrangers ,  »  c'est-à-dire  à 
Lausanne ,  et  il  partit  au  mois  de  novembre  suivant.  Le  synode 
du  2}  octobre  1732  décida  qu'il  serait  rappelé,  et  qu'on  prierait 
les  amis  de  Lausanne  de  lui  imposer  les  mains  avant  son  retour. 
La  cérémonie  eut  lieu  en  1733,  mais  Boyer  ne  revint  en  Vivarais 
que  le  14  juin  1734.  Il  desservit  quelques  années  la  province, 
qu'il  quitta  pour  cause  de  santé,  le  2 5  avril  1 73  7.  En  octobre  1 738, 
il  était  à  Berne,  sollicitant  un  secours  de  Leurs  Excellences.  Il 
fut  ensuite  question  de  lui  pour  l'église  de  Cassel,  et  d'un  projet 
de  mariage  avec  M'*«  Suson  Delarbre.  Sa  santé  étant  allée  tou- 
jours en  déclinant,  il  mourut  à  Berne  le  24  février  1740. 

M OREL  (Matthieu)  dit  Duvernet,  né  à  Cheyne,  paroisse  du 
Chambon,  reçu  prédicateur  au  synode  du  5  avril  1730,  et  autorisé, 
par  celui  du  21  octobre  1733,  à  aller  se  perfectionner  dans  les 
pays  étrangers,  autrement  dit  au  séminaire  de  Lausanne,  où  il  fut 
consacré  au  saint  ministère,  le  12  novembre  1736,  à  l'âge  de  vingt- 
deux  ou  vingt-trois  ans.  Le  synode  du  25  avril  de  l'année  sui- 
vante l'agréa  comme  pasteur  des  Eglises  du  Vivarais.  Un  peu  plus 
de  deux  ans  après,  le  14  février  1739,  il  mourut  tragiquement. 
C'était  un  jeune  homme  réfléchi  et  laborieux. 

Fauriel  (Jean-Pierre)  ou  Fauriel  le  cadet  dit  Ladreyt,  le  frère 
de  Fauriel-Lassagne,  né  à  Silhac  en  1707.  Le  14  avril  1729,  date 
de  la  tenue  du  synode  du  Vivarais,  il  desservait  un  quartier,  bien 
qu'il  ne  fût  pas  encore  reçu  prédicateur.  Ce  titre  lui  fut  conféré 
par  le  synode  du  15  avril  1730,  et  celui  du  3  mai  1734  l'autorisa 
à  aller  perfectionner  ses  études  dans  les  pays  étrangers  (à  Lau- 
sanne). Il  partit  en  octobre  1734,  et  «  toutes  les  Eglises  de  la 
Montagne  jusqu'à  Saint-Agrève  en  bas  »  s'engagèrent  à  lui  faire 
une  bourse  annuelle  de  200  francs.  Consacré  en  Suisse,  le  3 1  oc- 
tobre 1737,  il  revint  en  France  le  22  novembre  suivant,  et  fut 
agréé  comme  pasteur  des  Eglises  du  Vivarais  par  le  synode  du 
30  avril  1 738.  Celui  du  1 2  octobre  1 741  l'autorisa  à  quitter  la  pro- 
vince, et  il  alla  s'établir  en  Angleterre,  donnant  pour  raison  son 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  ^^^ 

mariage  et  la  triste  situation  des  Eglises  du  Vivarais.  Il  est  vrai- 
semblable que  la  mort  tragique  de  son  frère  et  celle  de  Morel- 
Duvernet  impressionna  son  esprit  plus  qu'il  n'eût  fallu  ,  et  le 
décida  à  s'expatrier. 

Blachon  (Jean)  dit  Châtaignier,  né  en  171 3  à  Freycenet , 
paroisse  de  Sainte-Agrève.  Il  fut  reçu  prédicateur  au  synode  du 
21  octobre  1733  ,  et  prêté  pour  un  an  au  Dauphiné  par  celui  du 
21  avril  1736.  En  janvier  1738,  il  alla  perfectionner  ses  études  au 
séminaire  de  Lausanne  ,  et  y  fut  consacré  le  27  juillet  1739  avec 
Peirot  et  Dunière  ,  dont  il  va  être  parlé;  mais  il  ne  rentra  pas 
tout  de  suite  en  Vivarais.  En  mai  1740,  il  se  rendit  à  Zurich  ,  où 
il  fut  précepteur.  Il  ne  paraissait  pas  du  reste,  pour  le  moment, 
très  disposé  à  exercer  le  saint  ministère,  et  donnait,  en  1 742,  pour 
raison  de  son  inactivité  pastorale,  qu'il  n'était  pas  nécessaire  à  sa 
province,  et  qu'on  ne  lui  adressait  pas  de  vocation  d'ailleurs. 
Pourtant  les  pasteurs  Jean-Baptiste  Loire  et  Michel  Viala 
l'avaient  prié,  en  1740,  de  s'établir  dans  le  Poitou  ,  et  il  s'y  était 
refusé.  Après  cinq  ans  d'hésitations,  il  rentra  dans  le  Vivarais; 
et .  comme  s'il  eût  voulu  racheter  le  temps  perdu  ,  il  déploya  une 
activité  extraordinaire  (juillet  1744).  Le  synode  national  du 
18  août  1744  (article  XIX)  le  chargea  d'aller  visiter  les  Eglises 
troublées  par  le  schisme  de  Boyer  ,  «  afin  de  réunir  les  esprits  et 
les  coeurs,  et  pour  remercier  Dieu  de  leur  avoir  redonné  la  paix.  » 
Quatre  ans  après,  le  7  mai  1748,  il  écrivait  à  Court  qu'il  avait 
plus  de  900  mariages  ou  baptêmes  inscrits  sur  ses  registres.  Le 
synode  du  Vivarais,  du  29  avril  1755 ,  lui  accorda  un  congé  pour 
rétablir  sa  santé,  altérée  par  ses  nombreux  travaux,  mais  il  n'en 
usa  pas  pour  le  moment.  Celui  du  23  mars  1756  le  lui  renouvela 
sans  qu'il  en  profitât  davantage,  mais  celui  du  20  avril  1762  le  lui 
délivra  d'une  façon  définitive.  Il  se  rendit  auprès  de  ses  enfants, 
qu'il  avait  placés  à  Lausanne  pour  leur  éducation,  et  fut  nommé 
inspecteur  du  séminaire.  Blachon  était  un  esprit  distingué,  d'une 
culture  supérieure  à  celle  des  autres  pasteurs  du  Vivarais. 

Peirot  (Pierre)  dit  Pradier,  né  en  171 2  à  Fossimagne,  paroisse 
de  Champclause ,  en  Velay ,  cousin  germain  de  Dunière.  Il  fut 
reçu  prédicateur  au  synode  du  20  mai  1733,  mais  prêchait 
depuis  1730.  Celui  du  21  avril  1736  l'autorisa  à  aller  perfection- 
ner ses  études  en  pays  étranger  (à  Lausanne) .  et  lui  promit  de 
pourvoir  à  son  entretien.  Il  partit  en  juillet  de  la  même  année,  et 
fut  consacré  au  saint  ministère  le  27  juillet  1739  ,  avec   Dunière 


3  34  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

et  Blachon.  Le  synode  du  25  novembre  1740  l'agréa  comme  pas- 
teur du  Vivarais.  Entre  le  i®""  mai  1766  et  le  4  mai  1769,  il  quitta 
la  province  pour  desservir  l'Aunis.  A  cette  dernière  date,  il  n'était 
pas  encore  rentré,  mais  on  attendait  son  retour,  et  on  lui  assigna 
un  quartier.  Il  était  mort  avant  le  14  novembre  1777.  Sa  veuve, 
à  ce  moment,  nous  ne  savons  pour  quel  motif,  refusait  de  rendre 
ses  registres  de  baptêmes  et  de  mariages.  Un  état  de  signalement 
des  prédicants  du  Languedoc  le  dépeint  ainsi  :  a  Le  nommé 
Perrot,  prédicant,  ou  du  Perrault,  taille  de  5  pieds  ,  5  pouces  et 
demi  environ,  cheveux  blonds,  âgé  d'environ  trente  ans.  »  Peirot 
avait  laissé  au  séminaire  de  Lausanne  la  réputation  d'un  jeune 
homme  pieux,  intelligent,  instruit  et  fort  judicieux.  Il  donna  dans 
sa  longue  carrière  tout  ce  qu'il  avait  promis. 

DuNiÈRE  (Jacques)  dit  Lacombe  ,  né  vers  1712  à  La  Roche, 
paroisse  de  Saint-Agrève,  fils  de  Paul  Dunière  dit  Chailla  ,  et 
cousin  germain  ,  par  sa  mère  ,  du  pasteur  Morel-Duvernet ,  dont 
il  a  été  parlé  plus  haut.  Il  fut  reçu  prédicateur  au  synode  du 
21  mai  1733,  et  autorisé,  par  celui  du  21  avril  1736,  à  aller  per- 
fectionner ses  études  au  séminaire  de  Lausanne.  Il  partit  en  juillet 
de  la  même  année.  Consacrée  Lausanne,  le  27  juillet  1739,  avec 
Peirot  et  Blachon,  il  rentra  seulement  dans  le  Vivarais  le  11  jan- 
vier 1741  ;  et,  dès  le  i^r  mai  suivant,  reçut  de  son  synode  l'auto- 
risation de  desservir  une  province  qui  aurait  plus  besoin  de  pas- 
teur que  le  Vivarais.  Nous  ne  savons  s'il  usa  de  cette  faculté, 
mais  une  lettre  de  Peirot,  du  31  janvier  1744,  signale  sa  présence 
dans  la  province,  et  le  dit  malade  et  incapable  de  rien  faire.  En 
avril  ou  mai  de  l'année  suivante ,  il  paraissait  rétabli ,  et  quitta  le 
Vivarais,  nous  ne  savons  à  destination  de  quelle  province. 
En  1752,  il  s'établit  à  Londres.  Dunière  passait  pour  un  homme 
d'un  grand  sens. 

CosTE  (François)  dit  Juston  ,  né  à  Joux,  paroisse  de  Saint- 
Jean-Chambre,  reçu  prédicateur  au  synode  du  11  octobre  1735, 
et  autorisé ,  par  celui  du  30  avril  1738  ,  à  aller  perfectionner  ses 
études  dans  les  pays  étrangers  (à  Lausanne).  Il  partit  en  jan- 
vier 1739.  Consacré  le  29  janvier  1741  ,  il  revint  en  France  ,  le 
8  février,  avec  le  célèbre  Paul  Rabaut,  et  fut  agréé,  comme  pas- 
teur des  Eglises  du  Vivarais,  par  le  synode  du  i'^''  mai  de  la  même 
année,  qui  lui  permit ,  en  outre,  de  faire  quelques  collectes  dans 
son  quartier,  pour  se  couvrir  des  frais  que  lui  avaient  occasionnés 
ses  études.  Il  se  maria,  en  1743,  avec  une  demoiselle  Vernet,  de 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  :?  3  5 

Vevey,  âgée  de  dix-huit  ans  environ,  qui  connaissait  l'histoire  ,  la 
géographie  et  l'arithmétique,  parlait  l'allemand,  avait  une  mémoire 
prodigieuse,  et  faisait  toutes  sortes  de  travaux  d'aiguille.  Ce  ma- 
riage nuisit  à  l'activité  pastorale  de  Coste  ,  car  «  sa  femme  avait 
une  si  grande  tendresse  pour  lui,  qu'elle  ne  pouvait  souffrir  qu'il 
la  quittât.  «  Dans  l'été  de  1752  ,  il  conduisit  jusqu'à  Rotterdam 
une  troupe  d'émigrants  à  destination  de  Dublin  (i). 

Etant  tombé  malade,  le  synode  du  29  avril  1755  lui  accorda  un 
congé  pour  rétablir  sa  santé,  et  il  put  reprendre  ses  fonctions 
après  un  mois  de  repos.  Il  fut  suspendu  du  ministère  par  le  sy- 
node du  18  octobre  1757  pour  une  difficulté  d'argent  qu'il  avait 
avec  un  nommé  Jacques  Gros.  Ayant  renoncé  à  ses  prétentions  , 
sa  suspension  fut  levée  par  le  synode  du  29  mars  1758.  Celui  du 
1 5  août  suivant  lui  accorda  un  congé  de  trois  mois  pour  vaquer  à 
des  affaires  particulières.  Le  26  avril  de  l'année  d'après ,  il  de- 
manda un  nouveau  congé  en  disant  que  ,  si  on  le  lui  refusai.! ,  il 
en  demanderait  un  définitif  pour  aller  où  il  le  jugerait  bon.  Le 
synode,  tout  en  blâmant  son  esprit  outré  d'indépendance  et  le  peu 
d'attachement  qu'il  portait  aux  Eglises  de  sa  province,  consentit  à 
prolonger  son  congé  et  le  laissa  libre  de  reprendre  ses  fonctions 
dans  le  Vivarais  quand  il  le  désirerait,  et  même  de  ne  pas  les  re- 
prendre du  tout ,  «  ne  voulant  le  gêner  en  aucune  façon,  »  Coste 
paraît  avoir  pris  ce  dernier  parti  et  s'être  mis  au  service  des  Egli- 
ses du  bas  Languedoc.  Le  synode  du  8  novembre  1768  décida  de 
lui  réclamer  ses  registres  de  mariages  et  de  baptêmes.  En  1763  , 
il  était  dans  le  pays  de  Vaud  ,  où  il  desservit  plusieurs  postes  à 
titre  de  pasteur  sufîragant.  Le  21  mai  1765,  il  obtint  des  seigneurs 
de  Berne  un  brevet  portant  qu'il  était  apte  pour  un  «  poste  d'en- 
trée »  dans  les  cinq  classes  du  pays  de  Vaud.  Nonobstant  les  re- 
présentations de  quelques-unes  de  ces  classes,  qui  énonçaient 
des  doutes  sur  sa  suffisance  et  sur  sa  doctrine  ,  et  qui  craignaient 
les  conséquences  de  semblables  brevets,  il  fut  confirmé  dans  ce- 
lui qu'il  avait  obtenu  par  suite  des  témoignages  favorables  que  lui 
rendirent  les  baillis  des  divers  lieux  où  il  avait  exercé  son  minis- 
tère. Les  seigneurs  de  Berne  exprimèrent  même  à  cette  occasion 
leur  mécontentement  de  ce  que  lesdites  classes  avaient  «  fait  pas- 
ser  l'intérêt   particulier  avant  l'intérêt   pour   l'Eglise.    »    Cette 

(i)  Voy.  E.  Arnaud,  Un  embarquement  de  réfugiés  français  à  Yverdon, 
dans  le  Bullelin  de  la  Soc,  etc.,  t.  XXVI,  p.  448. 


336  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

même  année,  1765  ,  Coste  fut  reçu  bourgeois  d'Aubonne  et 
nommé  diacre  à  Cossonay.  En  1775,  il  obtint  la  place  de  pasteur 
à  Grancy,  où  il  mourut,  en  1796,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  en- 
viron (La  France  protestante,  2»  éd.,  vol.  VI,  col.  888  et  889). 

GouNON  (Charles- Antoine-Frédéric)  dit  Pradon  ,  né  vers  171 3 
et  reçu  prédicateur  au  synode  du  11  octobre  1735.  Celui  du 
30  avril  1738  lui  donna  l'autorisation  d'aller  perfectionner  ses 
études  dans  les  pays  étrangers  (à  Lausanne).  Il  ne  partit  qu'en 
août  1740  avec  une  nouvelle  permission  du  synode  du  1 1  avril  pré- 
cédent. Il  quitta  Lausanne  en  juillet  1743,  sans  doute  après  s'être 
fait  consacrer  au  saint  ministère.  Après  un  séjour  de  deux  ans  en 
Vivarais  ,  pendant  lesquels  il  ne  remplit  presque  aucune  fonction 
du  ministère,  il  partit  pour  le  Poitou^  où  il  était  le  20  mars  1744, 
et  dont  il  fut  longtemps  le  seul  pasteur.  A  la  suite  d'une  violente 
persécution  ,  il  partit  pour  aller  desservir  une  église  française  de 
la  Hesse;  mais,  s'étant  fracturé  la  jambe  en  route  dans  un  village 
de  Bourgogne,  il  fut  mal  soigné  et  dut  marcher  longtemps  avec 
des  béquilles.  Quand  sa  santé  se  fut  un  peu  remise,  il  descendit  à 
petites  journées  jusqu'à  Nyon  ,  puis  alla  à  Rolle  ,  prit  ensuite  les 
eaux  de  Schinznach  (Argovie) ,  se  guérit  assez  bien  et  se  rendit 
dans  l'île  de  Guernesey  ,  où  il  exerça  son  ministère  et  paraît  avoir 
fini  ses  jours  (i).  Gounon ,  au  jugement  d'Antoine  Court,  était 
sans  talent. 

M AJAL  (Matthieu)  dit  Desubas,  proprement  Des  Ubats,  du 
nom  d'un  village,  où  il  naquit  en  1720,  et  qui  était  situé  à  six 
kilomètres  de  Vernoux.  Il  fut  reçu  prédicateur  au  synode  du 
30  avril  1738  et  autorisé  ,  par  celui  du  11  avril  1740,  à  aller  per- 
fectionner ses  études  à  l'étranger  (à  Lausanne),  où  il  laissa  la  ré- 
putation d'un  «  bon  sujet.  »  Consacré  au  saint  ministère  le 
20  juillet  1743,  il  fut  agréé  comme  pasteur  de  la  province  du  Vi- 
varais par  le  synode  du  i*""  mai  1744.  Celui  du  6  septembre  sui- 
vant l'agréa  de  nouveau ,  parce  que  les  actes  du  synode  du 
!*"■  mai  n'avaient  pu  être  dressés  à  cause  de  la  persécution.  Il  fut 
martyrisé  à  Montpellier  le  je'"  février  1746.  Antoine  Court  le  con- 
sidérait comme  un  homme  de  talent. 

PÉLissiER  (Pierre)  dit  Dubesset ,  quelquefois  Lescarcel,  né  en 
1716,  à  Cros  ,  paroisse  de  Silhac.  Il  fut  reçu  prédicateur  par  le 
synode  du  30  avril  1738  et  alla  au  séminaire  de  Lausanne  en  no- 

(1)  Dardier,  Paul  Rabaut,  t.  Il,  p.  42-4?. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  3?7 

vembre  1740.  Il  en  sortit  en  mai  1744,  sans  doute  après  avoir  reçu 
l'imposition  des  mains,  passa  quelque  temps  en  Vivarais  et  s'éta- 
blit dans  le  Poitou,  où  il  demeura  jusqu'en  mars  17Ç0.  Ayant  eu 
à  cette  époque  des  démêlés  avec  son  collègue  Gounon ,  dont  il  a 
été  parlé  plus  haut ,  il  alla  exercer  son  ministère  dans  la  basse 
Saintonge  (i);  et ,  à  la  fin  de  175 1  ,  il  se  rendit  en  Hollande,  où 
on  lui  donna  à  desservir  l'église  de  l'Olive  ,  près  d'Utrecht.  Il  s'y 
fît  fort  estimer  et  avait  la  réputation  d'un  homme  très  laborieux  (2). 

Vernet  (Alexandre),  natif  d'Annonay,  alla  étudier  en  fé- 
vrier 1746  au  séminaire  de  Lausanne,  qu'il  quitta  en  avril  1748. 
Le  synode  du  Vivarais  du  1 5  août  suivant  l'examina  sur  la  logique 
et  la  théologie  ,  et  fut  très  satisfait  de  ses  réponses.  Celui  du 
19  avril  1752  constata  qu'il  avait  fait  de  nouveaux  et  grands  pro- 
grès, et  décida  qu'il  serait  consacré  au  saint  ministère  dès  que  les 
circonstances  le  permettraient.  La  cérémonie  eut  lieu  le  12  no- 
vembre suivant.  Le  synode  du  8  mai  1753  l'agréa  comme  pasteur 
du  Vivarais  ,  et,  trente-deux  ans  plus  tard  ,  celui  du  26  novem- 
bre 1785,  le  voyant  âgé,  infirme  et  incapable  de  desservir  les  Egli- 
ses de  la  Montagne,  lui  assigna  un  quartier  plus  commode.  Le 
19  septembre  1792,  ne  pouvant  plus  remplir  ses  fonctions,  le  sy- 
node le  déchargea  entièrement  du  ministère  et  lui  alloua  une  pen- 
sion de  retraite.  Vernet  avait  un  talent  réel  pour  la  prédication. 
Voyez  tome  II,  p.  314. 

Mathieu  (Jacques),  proposant  du  bas  Languedoc,  donné 
comme  prédicateur  aux  Eglises  du  Poitou  par  le  synode  dudit  bas 
Languedoc  du  18  avril  i7';o.  Reçu  pasteur  en  1753  ,  il  fut  prêté 
aux  Eglises  du  Vivarais  pour  l'exercice  de  1763  à  1764.  Il  revint 
ensuite  dans  sa  province,  où  il  exerça  son  ministère  jusqu'en 
1772,  année  de  sa  mort. 

Fauriel  (Jean-Pierre)  dit  Lassagne,  né  à  Montbuzat ,  paroisse 
d'Araules,  fils  du  pasteur  martyr  de  ce  nom,  reçu  étudiant  par  le 
synode  du  18  octobre  1757.  Celui  du  15  avril  1761  ,  sur  les  bon- 
nes attestations  qu'il  fournit,  l'admit  comme  proposant.  Il  était 
pasteur  à  Lémé  (Aisne)  de  1782  à  1788,  et  se  maria,  en  1783  , 
avec  M'""  Gousset  de  Voulpaix  {Bulletin  de  la  soc,  etc.,  t.  VIII, 


(1)  11  y  avait  déjà  un  pasteur  Pélissier  dans  l'Angoumois  en  1746;  c'est 
vraisemblablement  le  même  personnage  {Bullelin  de  la  Soc,  etc.,  i.  Xli. 
p.  122). 

(2)  Dardier,  Pnvl  Rabaut,  t.  I,  p.  206. 


II. 


22 


5^8  HiSTOmE   DES    PROTESTANTS 

p.  sôj,  568).  La  France  protestante  se  trompe  (t.  VI,  p.  368)  en  le 
disant  fils  d'un  pasteur  d' Anduze  de  ce  nom  et  en  appelant  sa  mère 
Pauline  Escalin.  Le  vrai  nom  de  celle-ci  était  Paule  Escoulens. 

GÉNOLHAC  (Louis)  dit  Lagarde,  de  Garrigues,  en  Languedoc, 
et  consacré  à  Lausanne  le  i^'"  octobre  1768,  fut  agréé  comme  pas- 
teur du  Vivarais  par  le  synode  du  i*""  novembre  1768.  Il  desservit 
la  province  jusqu'au  synode  du  i^''  mai  1772,  auquel  il  demanda 
son  congé  et  qui  le  lui  refusa.  Il  partit  néanmoins  cette  même 
année  et  fut  successivement  pasteur  à  Lunel  (i  773-1 774) ,  où  on 
le  suspendit  pour  un  an  ;  à  Montagnac  (1776- 1777)  et  dans  le 
Montalbanais  (1781). 

Briatte  (J.-B.).  Ce  pasteur  offrit  ses  services  au  synode  du 
Vivarais  du  4  mai  1769,  qui  les  agréa  et  lui  assigna  un  quartier. 
Il  resta  peu  de  temps  dans  la  province,  car,  en  1771,  il  exerçait 
son  ministère  dans  tout  le  nord  de  la  France,  après  avoir  desservi 
quelque  temps  l'Eglise  de  Lyon.  De  1771  à  1774,  il  donna  an- 
nuellement deux  prédications  à  Lemé  (Aisne).  En  1776,  il  fut  ap- 
pelé comme  pasteur  à  Sedan  ,  mais  le  gouvernement  ayant  donné 
l'ordre  d'arrêter  le  lecteur  de  la  congrégation,  il  quitta  la  France 
et  se  réfugia  à  Maastricht,  où  il  exerça  son  ministère  jusqu'à  sa 
mort  (i). 

NoÉ-BiNViGNAC ,  natif  du  bas  Languedoc,  élève  du  séminaire 
de  Lausanne  et  pasteur  en  Provence  de  1765  à  1766^  offrit  ses 
services  au  synode  du  Vivarais  du  4  mai  1769,  qui  les  agréa  et  lui 
assigna  un  quartier.  Après  la  réorganisation  des  cultes  ,  sous  le 
premier  consul,  il  devint  pasteur,  président  du  consistoire  de 
Saint-Pierreville. 

Armand  (Daniel),  pasteur  du  Dauphiné,  prêté  au  Vivarais  de 
1769  à  1770  et  de  1773  à  1774.  Sur  ce  pasteur,  voyez  notre  Hist. 
des  prot.  du  Dauph.,  t.  III,  p.  317,  318,  301. 

Blachon  (Jean),  tils  du  Blachon  mentionnné  plus  haut.  Son 
père  l'offrit  au  synode  du  Vivarais  du  29  juin  1773,  qui  agréa  ses 
services  et  lui  assigna  le  quartier  de  la  Montagne.  Dix  ans  après, 
le  synode  du  i*''  novembre  1783  lui  accorda  un  congé  de  deux 
ans  pour  aller  desservir  une  autre  église,  mais  à  la  condition 
qu'après  ce  temps  il  rentrerait  dans  la  province.  Il  ne  partit  qu'en 
1784  et  nous  ne  savons  où  il  alla. 

(i)  Coquerel,  t.  II,  p.  526.  Rabaut  le  jeune,  Annuaire,  p.  26.  Bulletin  de 
ta  Soc,  etc.,  t.  Vlli,  p.  Jj8,  567;  t.  Xll,  p.  17. 


DU    ViVARAIS    ET    DU    VELAY.  339 

Chiron  (Jean-Abraham)  dit  de  Châteauneuf ,  du  lieu  de  Châ- 
teauneuf  d'Isère,  fils  d'Etienne  Chiron,  maître  d'histoire  et  de 
géographie  et  catéchiste  à  Genève,  et  de  Catherine  Chatelan,  de 
Valence.  Il  fit  ses  études  à  l'Académie  de  Genève,  où  on  le  trouve 
immatriculé  le  21  juin  1757,  et  fut  consacré  au  saint  ministère  en 
1768,  dans  la  cathédrale  de  Saint-Pierre,  et  accepta  l'appel  que 
l'Eglise  d'Annonay  lui  adressa  en  1773.  Le  7  juin  1787,  à  la  suite 
de  diverses  vexations  dont  il  fut  l'objet  de  la  part  des  catholiques 
d'Annonay,  il  adressa  une  demande  de  congé  au  synode  ,  qui  le 
supplia  de  la  retirer,  sans  toutefois  lui  en  faire  une  obligation  ; 
mais  il  n'y  consentit  point  et  accepta,  la  même  année,  le  poste  de 
Beaumont ,  en  Dauphiné,  Il  avait  épousé  en  premières  noces 
M"^  Léorat,  fille  d'Alexandre  Léorat  et  de  feue  Anne  Johannot. 
Pour  le  reste,  voyez  notre  Hist.  des  prot.  du  Dauph.  ,  t.  III, 
p.  320  et  321. 

Philip  (Jean-Pierre)  dit  Lacoste  ,  élève  du  séminaire  de  Lau- 
sanne, fut  d'abord  pasteur  dans  les  Hautes-Cévennes,  où  sa  con- 
duite irrégulière  amena  sa  déposition  par  le  synode  de  cette  pro- 
vince, réuni  le  22  septembre  1778.  Il  se  retira,  à  ce  moment,  dans 
l'église  de  la  Montagne,  qui,  sur  ses  faux  rapports,  l'agréa  comme 
pasteur,  nonobstant  les  décisions  du  synode  du  Vivarais.  De  là 
un  schisme  ,  qui  dura  dix-huit  ans  ,  et  se  termina,  en  1791  ,  par 
la  soumission  du  pasteur  et  de  son  consistoire.  A  la  réorganisa- 
tion des  cultes,  Lacoste  devint  pasteur,  président  du  consistoire 
de  Saint-Voy. 

Sabatier  de  la  Bâtie  ,  reçu  étudiant  par  le  synode  du 
18  juin  1771  ,  rendit  une  excellente  proposition  devant  celui  du 
27  avril  1774,  qui  l'admit  aux  épreuves  ordinaires  et  décida  qu'il 
serait  consacré  au  saint  ministère  dans  le  quartier  qu'il  devait  des- 
servir. La  date  n'est  pas  indiquée ,  mais  elle  ne  dut  pas  dépasser 
l'année  1774.  Le  synode  du  i''''  mai  1775  lui  accorda  un  congé  de 
trois  mois,  pour  rétablir  sa  santé,  et  celui  du  i*""  mai  1783  un 
congé  illimité.  Il  offrit  ses  services  au  synode  du  Dauphiné  du 
1*^''  octobre  1783,  qui  les  accepta;  puis  il  devint  pasteur  de  Sedan 
en  1787.  Comme  il  était  parti  sans  congé,  le  synode  du  Dauphiné 
du  13  novembre  de  cette  même  année  l'en  blâma.  Les  Eglises  de 
Livron,  Loriol  et  autres,  qu'il  avait  desservies,  prièrent  le  synode 
du  Dauphiné  du  14  avril  1790  de  le  leur  accorder  de  nouveau.  La 
Compagnie  ne  le  put  parce  que  la  province  renfermait  suffisam- 
ment de  pasteurs  à  ce  moment,  mais  il  fut  agréé  en  1792.  Il  mou- 


340  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

rut  dans  son  domaine  de  Coutiol,  paroisse  de  Livron.  Sa  fille  se  ma- 
ria avec  Frédéric  Fuzier,  avocat  à  Grenoble,  dont  elle  eut  un  fils, 
M.  Théodore  Fuzier,  docteur-médecin  à  La  Voulte  et  bibliophile 
distingué,  et  M"e  Gally,  de  Beauchastel  ,  tous  les  deux  décédés. 

Maisonneuve  ,  étudiant  au  séminaire  de  Lausanne  et  rappelé 
dans  le  Vivarais  en  1775.  Le  synode  du  17  mai  1776  décida  qu'on 
lui  ferait  subir  les  examens  ordinaires  et  qu'il  recevrait  l'imposition 
des  mains  le  ?o  juin  prochain  à  Sainte-Agrève.  A  dater  de  ce  mo- 
ment, nous  perdons  complètement  ses  traces. 

Sabatier  du  Villard  (Pierre),  frère  de  Sabatier  de  la  Bâtie, 
reçu  étudiant  par  le  synode  du  i^""  novembre  1774.  Il  alla  faire 
ses  études  à  Lausanne ,  d'où  il  fut  redemandé  par  le  synode  du 
i®""  mai  1778.  Celui  du  4  mai  1780  lui  accorda  un  congé  indéter- 
miné à  cause  delà  faiblesse  de  sa  santé.  Il  se  remit  et  devint  pas- 
teur de  Lyon,  mais  il  mourut  à  la  fleur  de  l'âge  comme  son  frère. 

Lagarde  ( Louis- André) ,  né  à  Annonay  le  13  mai  1755,  ^^^ 
chargé,  quoique  simple  étudiant,  de  desservir  l'église  de  cette 
ville  par  le  synode  du  18  juin  1771.  Sa  conduite  n'y  fut  pas  régu- 
lière, et  il  cessa  ses  études.  Ayant  témoigné  du  repentir  devant 
le  synode  du  27  avril  1774  et  manifesté  le  désir  de  reprendre  ses 
travaux  ,  la  Compagnie  ne  crut  pouvoir  l'admettre  de  nouveau 
comme  étudiant,  et  décida  que,  pour  ((  prouver  la  sincérité  de  sa 
repentance,  il  passerait,  disent  les  actes  de  ce  synode,  une  année 
chez  M.  son  père  [à  Annonay],  sous  l'inspection  de  M.  de  Châ- 
teauneuf,  pasteur,  qui  lui  prescrira  des  tâches  chaque  semaine  et 
de  celle  de  M.  Rieu  La  Varenne,  membre  du  consistoire  d'Anno- 
nay  ;  et,  pour  fournir  à  son  entretien  pendant  le  courant  de  cette 
année,  les  députés  des  Eglises  ont  promis  de  payer  à  son  père 
une  pension  de  288  livres.  Ce  terme  passé,  il  sera  reçu  en  grâce 
et  remis  dans  le  rang  des  étudiants  de  cette  province,  l'avertissant 
cependant  qu'à  la  première  faute  un  peu  grave ,  il  sera  congédié 
sans  espoir  de  retour.  «  Lagarde ,  ayant  persévéré  dans  ses  bon- 
nes résolutions,  fut  reçu  proposant  au  synode  du  i'^'"  mai  1775,  Le 
i*''  mai  1778  il  fut  admis  aux  dernières  épreuves,  puis  consacré  le 
12  juillet  suivant.  En  1 781,  il  passa  au  service  de  l'Eglise  de  Ton- 
neins,  dans  l'Agenais,  où  il  était  encore  en  1808.  Voyez  Lagarde, 
Chronique  des  égl.  réf.  de  rAgenais,  p.  294-3^2. 

Brunel  (Eugène),  du  Vivarais,  était  au  séminaire  de  Lausanne, 
comme  étudiant  de  la  province,  le  i*'  mai  1775.  Le  synode  du 
lî  mai  1779  l'admit  à  subir  ses  examens,  et  décida  qu'il  recevrait 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^41 

l'imposition  des  mains  le  27  juin  suivant.  Il  paraît  avoir  exercé  son 
ministère  dans  le  Vivarais  jusqu'à  la  suppression  des  cultes, 
en  1793. 

FoNTBONNE  (Jcan-Antoine),  proposant,  était  allé  faire  ses  études 
au  séminaire  de  Lausanne  ;  et,  muni  de  «  très  bons  témoignages,  » 
offrit  ses  services  au  synode  du  Vivarais  du  i"  mai  1775  ,  qui  lui 
assigna  un  quartier  à  desservir  jusqu'au  retour  de  Maisonneuve, 
de  T.  Simeon  Brunel  et  de  Serre  ,  qui  étaient  en  cours  d'études 
à  Lausanne.  Le  synode  du  14  novembre  1777,  ne  le  trouvant  pas 
suffisamment  instruit^  lui  permit  de  retourner  au  séminaire  ,  où  il 
demeura,  croyons-nous,  deux  années  encore,  et  fut  consacré 
au  saint  ministère.  Il  était  pasteur  à  Sedan,  Metz  et  autres  lieux 
en  1779,  et  à  Sedan  en  1807,  après  la  réorganisation  des  cultes. 
Il  avait  ajouté  le  surnom  de  Duvernet  à  son  nom. 

Charra  (Jacques),  né  en  1752  à-Laulanier-Grand,  paroisse  de 
Saint-Voy,  fut  reçu  étudiant  par  le  synode  du  14  novembre  1777. 
Celui  du  13  mai  1779  décida  de  l'envoyer  au  séminaire  de  Lau- 
sanne, et  celui  du  i»""  mai  1783,  de  le  rappeler  et  de  le  soumettre 
aux  épreuves  ordinaires.  Sa  consécration  fut  fixée  au  3  juillet  sui- 
vant, et  eut  lieu  dans  une  forêt  de  sapins  avoisinant  Annonay. 
Charra,  ayant  laissé  beaucoup  à  désirer  dans  sa  conduite,  fut  sus- 
pendu de  ses  fonctions  pour  un  an  par  le  synode  du  23  juin  1791, 
c<  jusqu'au  moment,  »  disent  ses  actes,  «  où  la  personne  intéressée 
dans  cette  malheureuse  affaire  ne  fera  pas  de  justes  réclamations.  » 
Le  synode  du  19  septembre  1792  leva  la  suspension  ,  et  Charra 
exerça  ses  fonctions  en  Vivarais,  jusqu'à  la  suppression  des  cultes, 
en  1793.  En  1807,  il  vint  s'établir  à  Pontaix,  et  y  fut  nommé  pas- 
teur par  un  décret  de  1808.  Il  mourut  le  1 1  mai  1845, 

RouRE  (Jean-Pierre)  dit  Terrisse  ,  natif  des  Vans,  et  reçu  étu- 
diant par  le  synode  du  bas  Languedoc,  du  12  mai  1772.  Le  collo- 
que du  Vivarais,  du  17  septembre  1784,  l'appela  à  remplacer  Jean 
Blachon  ,  qui  avait  quitté  la  province  cette  même  année.  Il  partit 
lui-même  en  1786.  Le  5  mai  1789,  il  fut  appelé  à  desservir  Mor- 
nac  par  le  synode  de  Saintonge,  Angoumois  et  Bordelais. 

Crumière  (Jean-Alexandre),  reçu  étudiant  par  le  synode  du 
14  novembre  1777,  et  autorisé  par  celui  du  4  mai  1780  à  aller  per- 
fectionner ses  études  au  séminaire  de  Lausanne,  d'où  il  était  de 
retour  le  i'^'' novembre  1783.  Le  synode  du  26  mai  1785  l'admit 
aux  épreuves  ordinaires,  et  décida  qu'il  serait  consacré  le  22  ou 
le  25  juin  suivant,  mais  la  cérémonie  ne  put  avoir  lieu  à  cette  date. 


^42  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Il  est  vraisemblable  pourtant  que  les  pasteurs  du  Vivarais  y  pro- 
cédèrent avant  la  fin  de  l'année.  Il  desservit  le  Vivarais  jusqu'en 

I  793  .  et,  à  la  réorganisation  des  cultes,  devint  pasteur,  président 
du  consistoire  de  Lavoulte.  Il  mourut  le  24  décembre  1849. 

AsTiER  (Jean-Pierre),  reçu  étudiant  par  le  synode  du  i*''  mai  1 783, 
qui  décida  d'écrire  au  séminaire  de  Lausanne  pour  s'informer  s'il 
pourrait  y  être  admis.  Nous  ignorons  la  date  exacte  de  son  re- 
tour, mais  il  exerçait  son  ministère  dans  le  Vivarais  le  7  juin  1787. 
A  la  réorganisation  des  cultes,  il  fut  nommé  pasteur  à  Boffres. 
Pour  le  reste,  voy.  La  France  protestante ,  2^  édit. 

Brunel  (T.-Siméon),  frère  du  pasteur  de  même  nom  men- 
tionné plus  haut.  En  1775  ,  il  était  au  séminaire  de  Lausanne  et 
fut  redemandé  par  le  synode  du  22  mai  1788,  qui  décida  qu'il 
serait  consacré  le  premier  dimanche  d'octobre  suivant.  Il  exerça 
le  ministère  à  Vernoux  et  quitta  la  province  en  1792.  Brunel  était 
né  le  i  >)  août  1759  à  Sainte-Marguerite  et  fit  ses  premières  études 
sous  la  direction  de  deux  de  ses  frères,  dont  l'un  était  pasteur, 
comme  on  l'a  vu,  et  l'autre  avocat.  En  quittant  le  Vivarais,  il 
desservit  les  églises  de  Salies  et  Sauveterre  (Basses- Pyrénées), 
et  exerça  aussi  son  ministère  à  Meaux  (Seine-et-Marne).  Le 
22  mars  1808,  il  fut  nommé  pasteur  à  Beaufort  (Drôme)  et  donna 
sa  démission  en  1837,  à  cause  de  son  grand  âge. 

Kœnig  (J.-H.),  suisse  de  nation,  s'établit  comme  pasteur  à 
Annonay.  Le  premier  synode  du  Vivarais ,  auquel  il  assista  ,  fut 
celui  du  22  mai  1788^  et  le  dernier  celui  du  10  juin  1789.  Kœnig 
avait  quelque  éloquence,  une  belle  voix  et  une  taille  avantageuse. 

II  embrassa  la  carrière  militaire  en  1793  et  mourut  capitaine  de 
cavalerie.  —  De  son  temps  les  protestants  d'Annonay  se  réunis- 
saient à  l'Auvergnat,  dans  un  pré,  derrière  les  bâtiments.  La 
chaire  se  démontait  à  volonté  et  on  la  déposait  dans  le  moulin  , 
qui  appartenait  à  la  famille  Fournat.  Le  lieu  était  paisible  et 
solitaire,  car  la  grande  route  du  Puy-en-Velay  n'était  pas  encore 
ouverte;  et,  d'Annonay,  on  s'y  rendait  par  une  petite  porte  des 
remparts  ,  nommée  la  porte  de  Genève  ,  et  par  le  chemin  de 
Paras. 

Rattier  (Jacques)  dit  Besson  ,  né  en  1766,  fils  de  Rattier 
(Jean-Louis),  propriétaire  au  Bac  (paroisse  de  Saint-Jean-Cham- 
bre) ,  de  la  famille  cadette  des  Rattiers,  et  «  ancien  de  l'Eglise 
très  recommandable,  »  disent  les  actes  du  synode  du  1'"' mai  1778, 
«  par  les  services  qu'il  a  rendus  à  sa   province  et  par  son  zèle 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  343 

éclairé.  «  Le  jeune  Rattier  fut  reçu  étudiant  par  le  synode  précité 
et  alla  faire  ses  études  au  séminaire  de  Lausanne.  Celui  du 
22  mai  1788  demanda  son  retour  et  décida  qu'il  serait  consacré 
dans  trois  mois,  parce  qu'il  avait  besoin,  pour  le  moment,  de  met- 
tre ordre  à  ses  aflfaires.  II  fut  donné  comme  pasteur  à  l'église  de 
Saint-Jean-Chambre,  puis,  le  19  septembre  1792,  à  celle  d'An- 
nonay,  qu'il  desservit  jusqu'à  la  suppression  des  cultes.  Pendant 
la  Révolution ,  il  se  retira  au  Bac  ,  en  attendant  des  jours  meil- 
leurs, et,  à  la  réorganisation  des  cultes,  il  fut  de  nouveau  pasteur 
à  Annonay,  puis  à  Vernoux  (1805-1812),  et  enfin  à  Valence,  où 
il  mourut  en  1843.  Rattier,  dit  M.  Roman  dans  Le  protestant 
valentinois  du  i<,  novembre  1887,  était  «  doué  d'une  aptitude  par- 
ticulière pour  la  marche,  d'un  tempérament  gai,  d'un  caractère 
aimable ,  de  conceptions  promptes  et  d'un  esprit  toujours  ouvert 
aux  bonnes  pensées  et  aux  moyens  pratiques  de  faire  le  bien...  Il 
savait  rendre  partout  sa  présence  agréable  et  utile  ;  il  se  faisait 
aimer  de  tous  et  gardait  sa  dignité  de  pasteur  sans  rien  perdre  de 
sa  popularité.  Il  était,  à  sa  place  en  ville  et  à  la  campagne... 
Tous  ont  rendu  le  même  hommage  à  ses  qualités  aimables  et 
sérieuses.  » 

Michel  (Honoré),  originaire  du  Languedoc,  est  mentionné 
comme  pasteur  du  Vivarais  par  le  synode  du  23  juin  1791.  Il  était 
à  Saint-Laurent-du-Pape  le  19  septembre  1792,  et  dans  la  con- 
trée du  bas  Erieux  le  i"  mai  1793.  Pendant  la  Terreur,  il  se 
réfugia  à  Marsillargues ,  où  il  fut  ensuite  pasteur.  En  1799 
(an  VII),  l'Eglise  de  Montpellier  lui  adressa  vocation.  Il  vivait 
encore  en  1861.  Nous  connaissons  de  lui  :  Sermon  d'actions  de 
grâce  sur  la  paix  générale ,  Montpellier,  juillet  1814,  in-8°;  Orai- 
son funèbre  de  Son  Altesse  royale  Frédéric-Adolphe,  duc  d'Ostro- 
gothie ,  Montpellier  (15  janvier  1804),  in-8°. 

Brian,  reçu  étudiant  par  le  synode  du  22  mai  1788,  alla  faire 
ses  études  au  séminaire  de  Lausanne.  Le  synode  du  i"""  mai  1793 
(an  II  de  la  République),  le  jugeant  digne  de  recevoir  l'imposi- 
tion des  mains ,  décida  que  sa  consécration  aurait  lieu  le  1 1  août 
suivant,  aux  Rious,  dans  l'église  de  BoflFres. 

Girard  ,  reçu  étudiant  et  reconnu  apte  à  la  consécration  par 
les  mêmes  synodes  que  précédemment.  Il  était  pasteur  à  Saint- 
Agrève  en  1828. 

Ladreyt  (Raymond-Pierre) ,  natif  de  la  Grange  de  Bosc  (pa- 
roisse de  Desaignes)  et  reçu  étudiant  par  le  synode  du   i  ^  juin 


344    HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DU    VIVARAIS    ET    DU  VELAY. 

1786.  Il  partit  pour  Lausanne  en  juin  ou  juillet  1791,  et  revint 
avec  Brian  et  Girard.  Sa  consécration  fut  fixée  au  11  août  1793  , 
comme  la  leur.  Après  la  réorganisation  des  cultes,  Ladreyt  fut 
nommé  pasteur  à  Desaignes. 

Fort  (François),  de  Silhac,  reçu  étudiant  par  le  synode  du 
23  juin  1791  ,  et  autorisé  à  se  rendre  au  séminaire  de  Lausanne 
par  celui  du  i®""  mai  1793.  Après  la  réorganisation  des  cultes,  il 
fut  nommé  pasteur  à  Saint- Pierreville  ,  puis  à  Vernoux. 

Tromparent  (Pierre),  né  à  Toulaud,  reçu  étudiant  par  le 
synode  du  19  septembre  1792.  Celui  du  i*^""  mai  1793  écrivit  au 
séminaire  de  Lausanne  pour  s'informer  si  on  pourrait  l'admettre. 
Après  la  réorganisation  des  cultes  ,  Tromparent  fut  pasteur  de 
Privas  et  mourut  assassiné  par  un  jeune  homme,  dont  il  avait  em- 
pêché le  mariage  pour  de  bonnes  raisons. 


APPENDICE  II 


PREDICATEURS,  PROPOSANTS  ET  ÉTUDIANTS  DU  VIVA- 
RAIS  DEPUIS  LE  RÉTABLISSEMENT  DES  SYNODES 
DANS    LA    PROVINCE    EN     I  72  I 


Bernard  (Jean),  né,  avant  1680,  à  La  Grassière  (paroisse  du 
Gua).  Il  fut  arrêté  à  une  époque  que  nous  ignorons  et  conduit  au 
fort  du  Pont-Saint-Esprit,  d'où  il  sortit,  nous  ne  savons  par  quel 
moyen.  Il  assista  au  premier  synode  du  Dauphiné  du  22  août  i  716. 
Bientôt  après,  et  la  même  année,  il  fut  arrêté  pour  la  deuxième 
fois  dans  sa  maison  de  La  Voulte ,  sur  la  dénonciation  du  traître 
Lapise.  Conduit  d'abord  au  château  de  Beauregard,  puis  à  Mont- 
pellier, il  parvint,  après  trois  ans  de  détention,  à  ouvrir  la  porte 
de  son  cachot  et  revint  en  Vivarais,  où  il  fut  élu  modérateur  du 
premier  synode  du  Vivarais,  assemblé  au  Désertie  16  juillet  1721. 
Celui  du  21  juin  172^  l'autorisa,  vu  la  pénurie  des  pasteurs,  à  ad- 
ministrer les  sacrements.  Arrêté  pour  la  troisième  fois  à  Loriol , 
le  14  juin  1734,  il  fut  enfermé  au  fort  Brescou  ,  par  ordre  du 
comte  de  Saint-Florentin,  ministre  d'Etat,  et  y  languit  jusqu'à  sa 
mort ,  dont  nous  ignorons  la  date.  Nous  savons  seulement  qu'il 
vivait  encore  en  1 740. 

RouviÈRE  (Jean)  dit  Crotte,  natif  de  Blaizac,  paroisse  d'Ajoux. 
Le  même ,  vraisemblablement ,  que  le  camisard  Crotte  ,  qui  mit 
en  rapport,  en  1710,  le  visionnaire  Abraham  Mazel  avec  Claris. 
Arrêté  en  octobre  1719,  il  fut  conduit  à  Montpellier  et  condamné 
aux  galères.  Il  fut  délivré  vraisemblablement  en  1720  ,  et  recom- 
mença ses  courses  d'évangélisation.   De  1725   à   1726,  il  assista 


546  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

aux  synodes  du  Vivarais  ;  mais  son  activité  eut  surtout  pour 
théâtre  le  Languedoc,  et  il  fut  le  fidèle  compagnon  de  Corteiz  , 
qui  dit  de  lui  dans  ses  Mémoires  (p.  20)  :  «  Il  n'avait  pas  de  talent 
pour  la  prédication  ;  cependant  il  m'a  été  d'un  grand  secours 
pour  le  chant  des  Psaumes,  pour  la  lecture  et  pour  la  prédica- 
tion. »  Rouvière  assista  au  premier  synode  du  Dauphiné  du 
22  août  1716.  En  1724,  son  nom  se  lit  sur  une  liste  de  pros- 
cription. 

Mersier,  né  en  Vivarais  vraisemblablement,  assista  au  pre- 
mier synode  du  Dauphiné  du  22  août  1716. 

MoNTEiL  (Jacques),  inspiré,  né  en  1680  à  Marcols,  assista  au 
premier  synode  du  Vivarais  du  16  juillet  1621.  Suspendu  pour 
cause  d'immoralité  et  ayant  continué  à  prêcher,  le  synode  du 
8  juin  1724  le  déposa,  et  ses  adhérents  furent  frappés  d'excom- 
munication. Les  Eglises,  qui  prirent  fait  et  cause  pour  lui,  furent 
déclarées  schismatiques  par  le  synode  du  21  juin  1725.  Ces  der- 
nières, n'ayant  pas  accepté  le  verdict  synodal,  demandèrent,  en 
1727  ,  une  consultation  aux  pasteurs  de  Genève  ,  qui  ne  leur  ré- 
pondirent pas  favorablement;  de  sorte  que  Monteil ,  se  voyant 
condamné  dans  sa  province  et  à  l'étranger,  revint  à  résipiscence 
et  pria  le  synode  du  8  mai  1728  de  le  recevoir  à  la  paix  de 
l'Eglise.  La  congrégation,  qui  avait  tout  particulièrement  favorisé 
son  schisme,  demanda  aussi  à  rentrer  dans  le  corps  synodal.  La 
Compagnie  accéda  à  leurs  vœux  ,  à  la  condition  que  Monteil  et 
ses  adhérents  se  repentiraient  publiquement  de  «  leur  rébellion 
et  partialité.  »  Ayant  satisfait  à  cette  condition,  leur  réintégration 
fut  prononcée  par  le  synode  du  8  novembre  1728.  Quant  à  la 
charge  de  prédicateur,  dont  Monteil  avait  demandé  à  être  investi 
de  nouveau  ,  le  synode  déclara  qu'elle  lui  serait  conférée  par  le 
synode  national,  s'il  le  jugeait  à  propos.  Le  12  avril  17^1  ,  alors 
qu'il  ne  remplissait  plus  ses  fonctions  depuis  quatre  ou  cinq  ans , 
et  était  presque  dans  l'enfance,  il  fut  arrêté  et  conduit  au  château 
de  Beauregard,  où  il  ne  tarda  pas  à  succomber.  Il  avait  quelques 
lumières,  au  jugement  de  ses  contemporains  ,  mais  une  beaucoup 
trop  haute  opinion  de  ses  facultés. 

•  Chabrières  ou  Chabrier  (Pierre)  dit  Brunel  .  né  en  1680,  en 
Vivarais  selon  toute  probabilité  ,  assista  au  premier  synode  du 
Dauphiné  du  22  août  1716.  Le  dernier  synode  du  Vivarais,  dont 
il  signe  les  actes,  est  du  12  octobre  1741  ;  mais  il  vivait  encore  en 
174J,  et  était  à  cette   époque  gravement   malade.   Sans  grande 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^47 

instruction,  il  prêchait  depuis  le  commencement  du  siècle.  Le 
synode  de  Vivarais  du  14  septembre  1726  l'avait  confirmé  dans  ses 
fonctions  de  proposant  ou  prédicateur,  mais  sans  l'autoriser  «  à 
toucher  aux  sacrements.  »  Voy.  le  certificat  qui  lui  fut  délivré  à 
cette  occasion  ,  dans  le  Bulletin  de  la  Soc,  etc.,  t.  I ,  p.  243. 

DoRTiAL  (Jean- Pierre) ,  ouvrier  chamoiseur  et  plus  tard  culti- 
vateur, né  à  Chalencon  vers  1671 ,  ancien  camisard  et  réfugié  en 
Suisse.  Rentré  dans  le  Vivarais  à  la  fin  de  1723,  on  le  trouve  prê- 
chant le  1 1  juin  1724.  Il  fut  déposé  parle  synode  du  i  7  avril  1725, 
pour  fait  d'insubordination  à  la  discipline  ,  et  continua  néanmoins 
à  prêcher  après  des  réconciliations  plus  ou  moins  durables  avec 
les  pasteurs.  C'était,  malgré  ses  défauts,  un  chrétien  convaincu, 
et  il  souffrit  fort  courageusement  le  martyre  à  Nîmes  ,  le  3 1  juil- 
let 1742. 

Clergues  (Pierre) ,  reçu  proposant  par  provision  par  le  synode 
du  II  novembre  1724,  et  confirmé  dans  cette  charge  par  celui  du 
14  septembre  1726,  mais  sans  être  autorisé  «  à  toucher  aux  sacre- 
ments. »  En  1729  on  dut  lui  retirer  sa  charge,  parce  qu'il  n'avait 
pas  fait  bénir  son  mariage  par  un  pasteur  et  s'était  adonné  à 
l'ivrognerie. 

Martel  dit  Latour,  natif  de  Poyols  en  Dauphiné  ,  prêchait 
depuis  1688  et  évangélisa  non  seulement  cette  province,  mais 
encore  Orange,  le  Vivarais  et  le  Languedoc.  Il  raconte,  dans  ses 
Mémoires  manuscrits  (Bibl.  de  Gen.,  mss.  Court,  n°  17,  vol.  B), 
qu'il  fit  la  connaissance  de  Claude  Brousson,  en  1695,  à  Mor- 
nans,  près  Bourdeaux  en  Dauphiné,  chez  Jacques  Mazel ,  et  que 
le  célèbre  apôtre  du  Désert  lui  donna  l'ordre  d'administrer  la 
sainte  Cène  ,  ce  à  quoi  il  ne  voulut  jamais  consentir.  Brousson 
l'engagea  aussi  à  aller  à  Nîmes  et  il  s'y  rendit  l'année  suivante,  en 
passant  par  le  Pont-Saint-Esprit,  Saint-Ambroix  et  Alais.  Il 
donna  quelques  prédications  dans  ces  deux  derniers  lieux  et  faillit 
être  arrêté  dans  le  second.  Etant  revenu  en  Dauphiné,  il  tomba 
malade  et  se  réfugia  en  Suisse.  Après  «  plusieurs  années  de  rafraî- 
chissement, »  comme  il  le  dit  lui-même,  il  fit  diverses  fois  le 
voyage  de  France.  Au  troisième,  il  fut  arrêté  à  Lyon  et  relâché  , 
ou  bien  il  s'évada.  Ce  point  de  ses  Mémoires  n'est  pas  clair.  En 
1727,  il  quitta  définitivement  la  France.  C'est  au  cours  d'un  de 
ces  divers  voyages  qu'il  s'établit  dans  le  Vivarais  (fin  de  Tannée 
1724).  Après  plusieurs  mois  de  travaux,  il  se  présenta  comme 
ministre  devant  le  synode  du  17  avril  1725  ;  mais  comme  il  refusa 


348  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

de  donner  des  témoignages  de  la  réalité  de  sa  charge ,  de  sa 
bonne  conduite  et  de  la  légitimité  des  raisons  qui  lui  avaient  fait 
abandonner  le  Dauphiné  ,  la  Compagnie  enjoignit  aux  Eglises  du 
Vivarais  de  ne  lui  laisser  remplir  aucune  fonction  pastorale.  Elle 
pria  en  même  temps  Jacques  Roger,  pasteur  en  Dauphiné, 
d'écrire  des  lettres  de  représentations  à  Martel.  Ce  dernier 
n'ayant  pas  répondu  à  ces  lettres,  non  plus  que  comparu  devant 
le  synode  du  21  juin  1725,  cette  compagnie  confirma  sa  précé- 
dente décision  ,  et  Martel  quitta  le  Vivarais. 

Guii.HOT  (Jacques),  né  aux  Vastres  en  1670,  commença  à  prê- 
cher dans  la  Montagne  en  1690.  Ayant  béni  des  mariages,  sans  en 
avoir  reçu  l'autorisation  des  synodes  de  la  province,  celui  qui  se 
réunit  le  21  mai  1732  lui  fit  promettre  de  mieux  respecter  à  l'ave- 
nir la  discipline.  Les  synodes  du  }  mai  1734  et  du  11  avril  1740 
ayant  été  informés  qu'il  n'avait  pas  tenu  sa  promesse  ,  le  mena- 
cèrent de  l'excommunier,  lui  et  ses  partisans,  s'il  ne  rentrait  dans 
l'ordre  ecclésiastique.  Guilhot  avait  peu  d'instruction  ,  mais  il 
était  pieux  et  honnête.  Il  travaillait  la  terre  de  jour  et  annonçait 
l'Evangile  de  nuit.  Il  vivait  encore  en  1740. 

Denos  (François)  dit  Chalayer.  Le  synode  du  29  avril  1727 
lui  défendit  de  remplir  aucune  fonction  ecclésiastique,  parce  qu'il 
se  disait  inspiré.  Il  s'était ,  de  plus,  adonné  à  l'ivrognerie  et  à  la 
violence,  avait  fait  baptiser  ses  enfants  par  des  prêtres  et  était 
menteur  et  arrogant.  Denos  ne  savait  pas  écrire  ,  ne  pouvait 
même  pas  lire  une  lettre  écrite  à  la  main  et  ignorait  les  premiers 
principes  de  la  foi. 

Lapra  (Jean)  dit  LafFaurie ,  né  à  Chàteauneuf-lès-Vernoux,  et 
reçu  prédicateur  par  le  synode  du  15  avril  1730,  demanda  à  celui 
du  3  mai  1734  une  «  attestation  de  sa  bonne  conduite,  «  qui  lui 
fut  accordée.  A  cette  date  ,  il  quitta  la  province  et  se  rendit  à 
Carthafern,  près  Sybourg,  dans  la  province  de  Hesse-Cassel,  où 
il  fut  régent  d'école. 

Moula  (Pierre),  reçu  prédicateur  au  synode  du  11  octobre 
1735.  Ayant  demandé  un  congé  au  synode  du  7  octobre  1737  pour 
rétablir  sa  santé,  la  Compagnie  le  lui  accorda.  Il  renouvela  sa  de- 
mande au  synode  du  30  avril  1738,  qui  lui  permit  de  «  se  retirer,  » 
disent  ses  actes,  «  où  la  providence  divine  voudra  l'appeler.  » 

Lafont  (Paul-Auguste)  dit  Fontenelle,  du  bas  Languedoc,  fit 
ses  études,  à  ses  frais,  au  séminaire  de  Lausanne,  d'avril  1745  à 
juillet  1746.  A  son  retour,  il  donna  quelques  prédications  dans  le 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY  349 

Vivarais.  De  là  il  se  rendit  en  Provence,  où  il  demeura  de  i  746  à 
à  1754.  Il  fut  consacré  au  saint  ministère  en  1748,  et  devint  pas- 
teur dans  le  haut  Languedoc  à  partir  de  1756.  Le  synode  national 
de  1763  le  déplaça,  parce  que  quelques-uns  de  ses  coreligionnai- 
res l'accusaiefnt  d'avoir  des  liaisons  trop  étroites  avec  les  catholi- 
ques. Nous  le  perdons  de  vue  depuis  ce  moment. 

Maurin  (Jean),  natif  de  Royas,  près  de  Saint-Laurent-du- 
Pape.  Le  synode  du  18  octobre  1757  lui  adressa  vocation,  alors 
qu'il  était  encore  au  séminaire  de  Lausanne,  et  pria  ses  directeurs 
de  le  consacrer  au  saint  ministère.  Il  semble  que  ces  derniers  ne 
furent  pas  de  ce  sentiment,  car  Maurin  était  encore  proposant 
en  1763. 

Pelissier  ,  né  à  Chalencon ,  reçu  étudiant  par  le  synode  du 
18  octobre  1757. 

Peyron  (François),  né  à  Saint-Maurice-en-Chalencon.  Prédi- 
cateur vers  1765. 

CoSTE,  fils  du  pasteur  François  Coste,  nommé  plus  haut,  étu- 
diant libre  au  séminaire  de  Lausanne  ,  demanda  au  synode  du 
27  avril  1774  d'être  reçu  comme  étudiant  de  la  province.  La 
Compagnie  décida  de  ne  l'agréer  comme  tel  qu'après  le  retour 
des  trois  étudiants  que  le  Vivarais  avait  déjà  au  séminaire. 

RissoNsdit  Bergeron,  recommandé  par  le  pasteur  Paul  Rabaut 
au  synode  du  13  mai  1779,  qui  décida  de  l'envoyer,  comme  étu- 
diant de  la  province,  au  séminaire  de  Lausanne. 

Lagarde,  frère  du  pasteur  Louis-André  Lagarde,  nommé  plus 
haut,  reçu  étudiant  par  le  même  synode. 

Maisonneuve,  reçu  étudiant  par  le  même  synode.  C'était  le 
petit-fils  d'un  personnage  de  même  nom.  à  qui,  d'après  les 
actes  du  synode  précité  ,  les  Eglises  du  Vivarais  devaient  de  la 
reconnaissance. 

Serre,  étudiant  au  séminaire  de  Lausanne  en  1775.  Rappelé 
par  le  synode  du  i^""  mai  de  la  même  année,  il  ne  fut  pas  jugé 
suffisamment  instruit,  et  le  synode  du  le-"  mai  1778  pria  le  sémi- 
naire de  Lausanne  de  le  reprendre  pour  une  année.  Ayant,  après 
cela  ,  demandé  à  desservir  un  quartier  dans  le  bas  Vivarais  ,  le 
synode  le  lui  refusa  et  ordonna  même  une  enquête  à  son  sujet,  le 
1^'  mai  1781.  Le  22  août  suivant,  il  l'autorisa  néanmoins  à  faire 
les  fonctions  de  prédicateur,  mais  décida  qu'il  ne  serait  consacré 
au  saint  ministère  qu'à  l'âge  de  trente  ans,  pourvu  que,  jusque-là, 
sa  vie  fût  régulière. 


^^0  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

GuiLLOT  (Balthazar)  dit  Ducros  ,  du  grand  Crouzet ,  paroisse 
de  Saint-Voy,  s'était  introduit  sans  mandat  dans  les  quartiers  de 
Boflfres  et  de  Pierregourde.  Ayant  demandé  au  synode  du  26  mai 
178^  de  le  recevoir  comme  proposant,  la  Compagnie,  qui  ne 
trouva  pas  ses  certificats  suffisants,  lui  interdit  la  prédication  pen- 
dant une  année,  mais  lui  permit  d'enseigner  le  catéchisme  aux  par- 
ticuliers. Guillot  réitéra  sa  demande  au  synode  du  15  juin  1786, 
qui  le  renvoya  au  synode  suivant. 

Bourgade,  d'abord  prédicateur  dans  la  Montagne  et  aide  du 
pasteur  schismatique  Philip  dit  Lacoste,  fut  envoyé  au  séminaire 
de  Lausanne  sur  la  recommandation  des  pasteurs  des  hautes 
Cévennes.  Pour  le  premier  fait  ,  et  parce  que  les  partisans  de 
Lacoste  espéraient  qu'à  son  retour  il  continuerait  à  seconder  ce 
dernier,  le  synode  du  7  juin  1787  décida  d'écrire  au  séminaire  de 
Lausanne  de  le  congédier. 

Noë  (Antoine)  et  Noë  (Alexandre),  fils  du  pasteur  Noë-Bin- 
vignac,  mentionné  plus  haut,  furent  reçus  étudiants  par  le  synode 
du  7  juin  1787.  Celui  du  22  mai  1788  consentit  au  départ  de  l'un 
d'eux,  probablement  d'Antoine,  pour  le  séminaire  de  Lausanne. 
Ils  avaient  été  placés  sous  la  direction  d'Astier  par  le  premier 
synode. 

Bernard  (Louis),  né  au  Chambon  ,  paroisse  de  Saint-Vincent- 
de-Durfort,  reçu  étudiant  par  le  synode  du  7  juin  1787. 

FoNTBONNE,  fils  de  Jean-Isaac  Fontbonne,  de  Martel,  paroisse 
de  Saint- Apollinaire-de-Rias  ,  reçu  étudiant  par  le  synode  du 
22  mai  1788. 

Rattier-Léorat  ,  de  Rattier,  de  la  famille  aînée  des  Rattiers, 
ayant  demandé  au  synode  du  13  mars  1789  «  de  l'admettre  au 
nombre  des  étudiants  du  Vivarais  ^t  de  le  recommander  en  cette 
qualité  au  V.  C.  (vénérable  comité)  de  Lausanne,  la  Compa- 
gnie ,  »  disent  les  actes  de  ce  synode,  «  lui  accorde  sa  demande 
à  la  condition  qu'il  sera  examiné,  avant  son  départ,  par  le  secré- 
taire de  ce  synode,  et  qu'à  son  retour  il  aura  une  église  dans  cette 
province ,  si  on  peut  lui  en  former  une  ;  sinon  on  lui  accordera 
d'en  demander  une  ailleurs.  » 

Rattier  (Jean-Henry),  frère  plus  jeune  du  pasteur  Jacques 
Rattier,  mentionné  plus  haut,  reçu  étudiant  par  le  synode  du 
10  août  1789. 

FuziER  (Paul),  né  en  Vivarais,  mais  domicilié  à  Vevay  (Suisse), 
reçu  étudiant  par  le  synode  du  19  septembre  1792,  sur  la  recom- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


?^I 


mandatioti  d'un  pasteur  de  cette  ville,  et  autorisé  à  entrer  au 
séminaire  de  Lausanne  par  le  synode  du  i^''  mai  1793. 

Léage  (Jean-Pierre),  de  Fraissinet ,  paroisse  de  Saint-Jeure- 
de-Bonas,  reçu  étudiant  par  le  synode  du  1®''  mai  179?  ,  qui  de- 
vait écrire  au  séminaire  de  Lausanne  pour  s'informer  si  on  pourrait 
l'admettre. 

Feyne  (Pierre),  du  Pichoux,  paroisse  de  Saint-Agrève  ,  reçu 
étudiant  par  le  synode  précité. 

Il  est  vraisemblable  que  ces  neuf  derniers  étudiants,  dont  nous 
ne  retrouvons  plus  de  traces,  furent  incorporés  dans  l'armée  fran- 
çaise au  moment  de  la  levée  en  masse  ordonnée,  le  10  août  1793, 
par  la  Convention  nationale,  et  que  la  plupart  d'entre  eux  péri- 
rent sur  les  champs  de  bataille. 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


N"  l.  —  Généalogie  des  Chambauds  (i). 

(Vol.  I,  p.  74.) 

I.  Imbert  de  Chambaud,  écuyer,  seigneur  de  La  Tourette ,  de 
Valaury,  puis  de  GJuiras,  mort  avant  i^8,  marié  à  Françoise  de 
Presles,  dame  de  Valaury,  morte  en  1544.  Père  de  : 

II.  François  de  Chambaud  (2),  zélé  huguenot,  écuyer,  seigneur 
de  Gluiras ,  de  Valaury,  puis  de  Vacherolles.  Il  acheta,  vers  1555, 
d'Annet  de  la  Veyse  et  de  Jacqueline  de  Vacherolles  ,  femme  de 
ce  dernier,  la  maison  forte,  domaine  et  métairie  noble  de  Vache- 
rolles, située  dans  la  paroisse  de  Saint-Julien-d'Ance,  près  Cra- 
ponne  en  Velay.  Ce  fut  cette  circonstance  qui  le  mit  en  relation 
avec  Claude-Armand  de  Polignac  dit  Torticolis,  connu  sous  le 
nom  de  baron  de  Chalancon,  dont  il  devint  l'ami  et  le  conseiller, 
et  qu'il  décida  à  embrasser  le  parti  des  huguenots.  C'est  ce  qui 
explique  pourquoi  François  de  Chambaud  figure ,  comme  commis 
de  ce  dernier,  aux  Etats  généraux  du  Languedoc  de  1563.  Il 
accompagna  le  capitaine  dauphinois  Matthieu  de  Forêts-Blacons 
dans  sa  tentative  infructueuse  sur  la  ville  du  Puy ,  en  août  1562. 
Blessé  dans  une  rencontre  armée  en  septembre  1578,  il  testa  le 
23  octobre  suivant.  Il  était  mort  en  1580.  De  son  mariage,  con- 
tracté en  1558  avec  Christine  de  Fay,  deuxième  fille  de  Renaud 


(i)  Chassaing,  dans  les  Mémoires  de  Jean  Burel ,  p.  89,  108-110. 
(2)  Les  deux  éditions  de  La  France  protestante  n'ont  connu  ni  François 
ni  Imbert  de  Chambaud. 


II. 


23 


5  54  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS 

de  Fay,   seigneur  de  Gerlande,  et  de    Diane  d'Aps ,  morte  le 
i8  novembre  1558,  il  laissa  trois  filles  et  un  fils  qui  suit. 

III.  Jacques  de  Chambaud  épousa,  en  1577,  Marie  de  Bar- 
jac,  fille  de  feu  Charles  de  Barjac,  seigneur  de  Rochegude  et  de 
la  Baume,  commandant  dans  le  Vivarais  en  l'absence  de  Dam- 
ville,  et  de  Simone  de  Lauberge  ,  dame  de  Colaus.  En  1585  ,  il 
vendit  au  seigneur  de  Fay-Gerlande  ,  son  parent ,  la  terre  de  La 
Roche-Carlac  ,  qu'il  avait  héritée  de  sa  tante  Louise  de  Cham- 
baud ,  et  acheta  la  baronnie  de  Privas,  par  contrats  des  11  mai 
1599  et  3  août  1600,  de  Charles-Robert  de  Lamarck ,  comte  de 
Maulevrier ,  petit-fils,  par  sa  mère,  de  la  célèbre  Diane  de  Poi- 
tiers. Henri  IV  appréciait  beaucoup  les  qualités  militaires  de 
Jacques  de  Chambaud  et  lui  confia  la  charge  de  mille  hommes  de 
pied  dans  l'expédition  de  Savoie.  Il  mourut  de  froid,  enseveli  dans 
les  neiges,  vers  la  mi-novembre  1600,  dans  la  vallée  d'Aoste,  en 
face  de  l'ennemi  ,  ne  laissant  qu'une  fille  ,  la  célèbre  Charlotte- 
Paule  de  Chambaud,  qui  s'était  mariée,  le  5  septembre  1597, 
avec  René  de  la  Tour-Gouvernet ,  un  des  fils  du  grand  capitaine 
dauphinois  de  ce  nom.  —  Le  reste,  comme  dans  La  France  pro- 
testante. 

IV.  René,  qui  était  chevalier,  baron  de  Larchant  et  de  Meno- 
tier ,  prit  le  nom  de  Chambaud  à  la  mort  de  son  beau-père.  En 
1601  il  était  gouverneur  de  la  ville  et  château  de  Montélimar,  et 
leva,  en  161 1  ,  avec  Nérestan  et  Fontcouverte ,  cinq  compagnies 
dans  le  Vivarais  et  le  Velay  pour  secourir  Genève,  menacée  par 
le  duc  de  Savoie,  Charles-Emmanuel,  après  la  mort  de  Henri  IV. 
Ayant  pris,  en  161 7,  avec  la  permission  du  roi ,  du  service  auprès 
du  même  duc,  qui  était  en  guerre  avec  les  Espagnols,  il  périt  au 
siège  de  Verceil  la  même  année.  —  Le  reste,  comme  dans  La 
France  protestante. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^55 

N°  II.  —  Liste   générale  des  réfugiés   du  Viva- 

RAIS    ET    DU    VeLAY. 
(Vol.  I,  p.  96.) 

A.  —  RÉFUGIÉS  DE  Genève. 
10  Réfugiés  reçus  habitants  de  Genève  (i). 

1551,  14  mai.  Sbatien  Destourbe,  du  païs  de  Viveres ,  du  lieu 
de  Volconse,  diocèse  de  Vienne. 

1554,  22  mai.  Michel  Leruson,  potier  d'estaing,  de  Privas  en 
Vivareys. 

—  12  juin.   Firmin  Gevaudan  ,  escripvain  du  lieu  des  Jugle- 

fes,  paroisse  de  S»  Mellany,  en  Viveroys. 

—  ^i  juillet.   Mathieu  du  Nyère,  de  Scalancon  en  Vivaires, 

diocèse  de  Viviers,  libraire. 

—  15   octobre.   Pierre  Bourgeois  (ou  Bourgeas) ,  du  lieu  des 

Beaulx,  par"  de  T...  et  diocèse  du  Puy  en 
Velay. 
M 56,     6  janvier.  Gabriel  de  Loue,  bolengier,  natif  de  Joieuse 
en  Vivarès. 

—  27  avril.  Vidal  Labos,  couturier,  natif  de  Grat.,.c,  diocèse 

du  Puy. 

—  4  mai.   Bertrand  Rocthain  ,  natif  de  la  ville  de  Joyeuse 

du  Languedoc. 

—  —       Antoine  Larmandes  ,  natif  de  la  ville  de  Joyeuse 

du  Languedoc. 

—  25  mai.   Bartholomier  Cluseau,  esguilletier,  natif  de  Sainct 

Dédier  en  Vellay, 

—  21   décembre.  Guillaume,  fils  de  feu    Claude   Veye,   de 

Chalencon  en  Vivereis. 
1557,   15   mars.  Antoine  Blachière  ,  du  lieu  de  Valx  ,  diocèse  du 
Viviers  du  Languedoc. 

—  29  mars.   Hugu-es  Morin,  d'Annonay  au  Vivarois,  diocèse 

de  Vienne. 


(i)  Registre  et  Rolle  des  estrangiers,  etc.  Lacunes  du  50  janvier  1569  au 
21  septembre  1^72  ;  du  5  août  1574  au  17  janvier  içS?  (Arch.  de  Thôtel  de 
ville  de  Genève). 


w5  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

,557,     c;   avril.   Antoine   Chabert  ,  le   jeusne  ,  natif  de   la   ville 
d'Annonay  en  Vivereys,  dioc.  de  Vienne. 

—  26  avril.   Loys  de  Brunaire,  imprimeur,  natif  de  la  ville 

d'Annonay  en  Vivereys,  dioc.  de  Vienne. 

—  28  juin.  Baltazard  Monnyier ,  natif  de  Beaumont  en  Vi- 

veras. 

—  15  octobre.  Antoine  Moreton  ,  tanneur ,  natif  d'Annonay 

en  Viveroys. 

—  18  octobre.  Etienne  de  Launes,  de  la  ville  de  Joyeuse  en 

Viverois. 
__  —  Michel  Loyal,  natif  de  la  ville  d'Annonay  en 

Viverois. 
,5^8,  22  mai.  Gervais  de    Meserat,    natif  de    S»    Laurent  des 

Bauges,  au  diocèse  de  Viviers. 
_         5  décembre.   Jehan   de   la    Rive,    natif  de  Thues   en 

Viveres. 
icig      9  mars.  Antoine  Marin,  de  Mayres  en  Vivareys. 
_   '    20  mars.  Claude  Bonnaire  (ou  Bouvaire) ,  fileur  de  soie, 
natif  de  la  ville  d'Annonay  en  Viverès,  dio- 
cèse de  Vignie  (Vienne)  en  Daulphiné. 
-       24  avril.  Florimon  Darbres,  cordonnier ,  natif  de  la  ville 

d'Aulbenas  en  Vivareis. 
_  _        Nicolas  Baruel,  originaire  du  lieu  de  Privas  en 

Vivareis ,  pays  de  Lang«. 
_      8  mai.   Mathieu  Marca,  tisserand,  natif  de  la  ville  d'An- 
nonay en  Vivereis,  dioc"  de  Vienne  en  Dau- 
phiné.  . 

_       ,5  mai.  André  Rosier,  du  lieu  de  la  Rovoire  en  Velay , 

diocèse  du  Puy. 
_       10  juillet.   Matthieu  Pascal,  natif  de  Joyeuse. 
_       ,  7  juillet.  Jean  Bonier  (ou  Bovier),  natif  de  la  ville  d  An- 

nonay  en  Viverois,  dioc.  de  Vienne. 
_         7  août.  Jehan  Charaix ,  acquebutier,  natif  de  Joyeuse  en 

Vivareis. 
-        8  août.  Claude  Riou ,   du  lieu  de   Loulanier  grand  en 

Velay  ,  dioc.  du  Puy. 
_        4  septembre.  Biaise  Hollier,   natif  de   La  Chapelle  au 

pays  de  Vivares ,  médecin. 
_  _.  Simon,  Claude,  Nicolas,  Louis  et  Guil- 

laume   Duboes  ,  espinasseurs ,   père  et 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  3  57 

fils ,  natifs  de  la  ville  de  Largentière  en 
Viverois  ,  pays  de  Languedoc. 
1559,     9  octobre.  Jehan  Goyon ,   natif  de  la  ville  du   Puy  en 
Velay ,  dioc.  de  la  dite  cité. 

2  novembre.   Noble  Jehan   Mondon  (ou    Moudon) ,   du 

du  lieu  d'Antragues  en  Vyvareis. 

—  18  décembre.  Jehan  Briançon,  tanneur  de  la  ville  d'An- 

nonay,  en  Viverois,  dioc.  de  Vienne. 
1572,     8  septembre.   Pierre  Daviti  (ou  Daniti),  de  Tournon  en 
Viverois. 

—  ;i3  septembre.   M«  Pierre  Raillet,  du  comté  de  Bourgo- 

gogne,   ministre   à   Annonay,   pays   de 
Viverois. 

—  16  octobre.   M«  Nicolas  du  Faure,  de  Dunière  en  Velay, 

advocat  au  siège  de  Montfaucon. 

—  20  octobre.    M**  Pierre  de  Cussonel ,  d'Annonay  en  Lan- 

guedoc. 

—  31  octobre.   Maturin  Judi ,  d'Annonay,  advocat. 

—  —  Antoine  Mercier,  d'Annonay. 

—  Thomas  Ducros ,  de  Monetier  près  d'Anno- 
nay, m**  d'escole. 

—  —  Jean  Arnaud,  d'Arsans  en  Viverois,  ministre 

à  Lyon  et  ailleurs. 

—  4  novembre.   Antoine   Charbonnel    du    Puys ,    pays    de 

Velay,  tanneur. 

—  7  novembre.  Claude  Chomel,  d'Annonay,  et 

Bartholomé  Varnasson,  dudit  lieu,  cordon- 
nier. 

—  —  Jean  Pensière,  d'Annonay ,  tanneur. 

—  18  novembre.  Vital  Laurent,  d'auprès  du  Puys  en  Auver- 

gne {sic),  ministre  au  Buys  et  à  Vercores 
(Vercoiran)  en  Dauphiné. 
26  novembre.   Pierre    de    Borne,    du  Vivarès,   en    Lan- 
guedoc. 
ii;85  ,     9  février.  Claude,  fils  d'Ant»»  Four  du  Puy  en  Auver- 
gne (sic),  espinglier. 

—  !«■■  mars.  Jean,  fils  de  Félix  Clôt,  de  Chalencon  en  Viva- 

rez,  tisserand  de  toiles. 

—  29  mars.  Jaques  ,   fils  de    Pierre   Fore .   de  Desaigne  en 

Vivaretz,  cordonnier. 


3^8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

1585,  5  avril.   Laurent,  fils  d'André  Baume,  d'Aubenas  en  Vi- 

varois,  chapelier. 

—  20  juin.  Elie,  fils  d'Antoine    Neri,   de  Privas  en    Vive- 

retz ,  teinturier. 

—  —         Jean,  fils  de  Jean  Faubrot,  de  Meiras  en  Vivaretz, 

tailleur  ,^et 
Pierre  ,  fils  de  Jean  Dellis,  de  Joyet  (Joyeuse  ?)  en 
Vivaretz,  tailleur. 

—  IQ  juillet.  Jaques  ,  fils  de  Jaques  Revel ,  de  Chasteauneuf 

de  Vernes  (Vernoux),  en  hault  Vivarès,  cor- 
donnier... 

—  4  octobre.  Jean,  fils  de  Jean  Montmiral,  de  Nonnay  en 

Vivaretz,  chapelier, 

—  II   novembre.   Estienne   Roux,  de   Puy  en   Vellay,   tan- 

neur. 

—  20  décembre.  Jean  Floud,  d'Annonay,  drappier. 

—  —  Barthélémy    Fauger ,    d'Annonay,    labou- 

reur. 

1586,  28  mars.  André  Flot,  d'Annonay  en  Vivaretz,  sargier. 

—  3  mai.  Antoine  de  Vassart ,  de  La  Voulte  en  Vivaretz, 

marchand. 

1587,  15   décembre.   Rostan  André,  de  Privas, 

1681 ,  28  mai.   Mellet  Bernard,  du  Vivarais,  soldat  de  sa  pro- 
fession. 
1685,     4  septembre,  Gougeon  Jacques,  d'Annonay,  relieur  de 
livres. 

—  28  septembre.   Rignol  Jean,  d'Annonay,  cordonnier. 

—  15  octobre.  Combler  Matthieu,  de  Beauchastel. 
1687,     9  avril.  Béraud  Jacques,  de  Privas,  cordonnier. 

—  10  décembre.   Rossilon  Jacques,  de  Beauchastel. 

16B8,   13  janvier.   Dupré  Isaac,  de  Chalencon  (Vivarais),  tail- 
leur. 

—  9  juin.  Seauve  Jean,  de  Vernou  (Vivarais),   faiseur  de 

draps. 

—  29  août,   Vincent  Simon  Pierre,  de  Vivarais,  boulanger. 

—  31   août.   Poyas  Jacques,  de  Beauffre,  chirurgien. 
1689,     5   mars.  Chastanier,  du  Cheylas. 

—  7  septembre.   Bérault  Paul,  de  Privas,  cordonnier. 

—  15  octobre.   Borgel  Etienne,  d'Annonay,  marchand. 

—  30  décembre.   Ministrier  Paul,  d'Annonay. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  3  59 

1690,     7  avril.    Fore,  de  Pierreville  (Vivarais),  tisserand. 

1692,  15  août.   Bellay  Jean,   de  Pierregourde  (Vivarais),    me- 

nuisier. 

1693,  II   juillet.   Poyas,  de  Boffres ,  chirurgien. 

1694,  6  juillet.   Bret  Jérôme,  de  Toule  (Vivarets),  cordonnier. 
6  octobre.   Freydier  Etienne,  de  Lavoulte,  tailleur. 

1695,  27  avril.    Mestier    Louis,    de    S'    Siphorien   (Vivarets), 

tailleur. 

1696,  2  mars.  Justamous  Annibal ,  de  Valon  ,  chirurgien. 
25   mars,  Teiras  Jean ,  de  Beauchastel,  cordonnier. 

—  26  mai.  Chastagneret  Paul,  de  Chalencon,  tailleur. 

—  10  novembre.    Salomon    Pierre,    de    Marcol    (Vivarais), 

tailleur. 

1697,  15  février.   Bouverot  Claude,  de  Véron  (Vivarais),  tisse- 

rand. 

—  19  septembre.   Favres  Jacques,   de  St  Pierreville,  tisse- 

rand. 

1698,  28  mars.   Luquay  Gédéon ,  du  Cheylas,  tailleur. 

1701,  7  février.   Delomme  Pierre,  de  Charmes,  marchand. 

—  12  février.   Salomon  Jean  Pierre,  de  Marcols. 

—  15  février.   Boulier   de    Beauregard    (Alexandre),    d'An- 

nonay. 

—  21   octobre.   Roussillon  Jean  ,  de  S»  Fortunat,  horloger. 

—  28  octobre.   Peyret  Isaac,  de  S'  Fortunat,  horloger. 

1702,  7  mars.   Rieux  Jean  Louis,  de  Privas,  marchand. 

—  27  mars.  Bac  Antoine,  de  Pierregourde,  ébéniste. 
1703  ,    i^""  août.   Prat  Pierre  ,  de  Veyras,  chapelier. 

1705,  28  février.  Combaroux  François,  d'Annonay,  peintre. 

—  6  mars.   Bourjat  Jean,  du  Vivarais. 

—  2  juin.   Porrel  Pierre  Antoine,  de  Châteauneuf( Vivarais). 

1706,  18  janvier.   Azalbert  Jean,  de  Carman  ,  Vivarais,  faiseur 

de  bas. 

—  24  avril.   Dupoux  François,  de  Vallon,  tisserand. 

—  22  juin.  Pouget  Esaïe,  de  Vallon,  faiseur  de  bas. 
Ï708,   18  mars.   Ozy  Louis,  de  Mirabel  (Vivarais),  menuisier. 

^,  avril.    Meyer  Mathieu,  de  S'  Julien. 

—  22  juin.   Charrière  (François  de  la),  de  Privas,  négociant. 
_  —         Salli  Etienne,  de  S»  Fortunat,  soldat. 

—  II   août.   Bourgeat  Louis,  de  Gleuras  (Vivarais),  tailleur. 

—  28  août.   Paret  Théophile,  d'Annonay,  chapelier. 


360  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

170H,     7  septembre.  Barbe  Jacques,  de  Vernou,  charpentier. 

—  29  septembre.   Montillon  Jean,  d'Annonay. 

1709,  20  avril.   Lacombe  Claude,  de  Gluiras  (Vivarais),  menui- 

sier. 

1710,  16  septembre.  Saunier  Etienne,  de  Vernou,   tondeur  de 

draps. 

1711,  27  février.  Pialet  Jacques,  de  S*  Vincent  de  Bary,  jardinier. 

—  17  août.  Vernai  Jacques  ,  du  Vivarais,  tailleur. 

—  i®'"  septembre.   Miane  Jacques,  de  Privas,  boulanger. 

—  15   septembre.   Bâtard  Antoine ,  du  Vivarais,  cordonnier. 

—  9  octobre.  Conte  Etienne,  de  Privas. 

—  8  décembre.    Fore  (ou  Faure)  J.    Pierre,  du  Vivarais, 

jardinier. 

171 2,  29  mars.   Melared  Mathieu,  de  Privas,  tailleur. 

171 3,  13  janvier.  Vial  Joseph,  du  Vivarais,  tondeur. 

—  24  juin.   Matevon  Antoine,  du  Vivarais,  tailleur. 

1714,  5  janvier.   Luquet  Jean,  de  la  Bâtie  de  Crussols,  tailleur. 

—  10  février.   Prat  Paul,  du  Vivarais,  drapier. 

—  12  mars.   Peystre  Jacques,  de  Tence. 

—  10  avril.  Vernay  Pierre,  du  Vivarais. 

—  30  mai.   Fore  (ou  Faure)  Louis,  fils  de  Henri,  du  Viva- 

rets,  tisserand. 

—  10  août.   Dubois  Moïse,  du  Vivarais,  menuisier. 

1715,  21  janvier.  Johannot  Mathieu,  d'Annonay,  droguiste. 

1716,  15   mai.   Rouvière  Abraham,  de  M...  en  Vivarais,  brouet- 

tier. 

—  8  juillet.   Fougerol  Louis,  du  Vivarais. 

—  21   novembre.   Roche  Jacques,  d'Annonay,  maréchal. 

—  —  Grel  Salomon ,  de  Chomerac,  cordonnier. 

171 7,  II   juin.  Gaillard  Pierre,  de  S*  Silvestre,  perrier. 

1718,  9  février.  Cherrier  Antoine,  de  Loche   en  Vivarais  (?)  , 

soldat. 

—  5   juillet.   Lérat  Antoine,  Vivarais,  menuisier. 

1719,  I®''  septembre.  Virilliat  Pierre,  Thines  en  Vivarais,  soldat. 

1720,  4  mars.  Serres  Joachim,  du  Vivarais,  tailleur. 

—  19  avril.   Pestre  Jean,  de  Privas,  tanneur. 

—  29  juin.   Pioche  Alexandre,  de  Serres,  près  Privas. 

—  5  juillet.  Téron  Jean  ,  de  duras  ,  Vivarais,  ouvrier  dra- 

pier. 

—  12  juillet.   Olier  Jean,  de  Vallon,  boulanger. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  361 

1721,  22  mars.  Grel  Pierre,  de  Charmes ,  cordonnier. 

1722,  9  février.  Simon  Jacques,  de  Belcastel ,  garçon  de  ma- 

gasin. 

—  20  février.  Soubéran  Louis,  de  S'  Georges ,  tisserand. 

—  17  avril.   Ducros  Jean,  de  Prades  ou  Prannes  en  Vivarais, 

tisserand. 

—  27  mai.   Remondou  Jean,  de  S»  Fortunat,  jardinier. 

—  i^r  juillet.  James  Mathieu,  de  Si  Vincent,  boulanger. 

1723,  4  juin.   M ondon  Jacques,  Privas,  manœuvre. 

1725,  21   avril.   Imbert  Jean  ,  du  Cheylard  ,  tisserand. 

—  15   mai.   Bourget  Jacques,  d'Annonay,  chapelier. 

—  15  juin.  Chambaud  Alexandre,  de  Privas,  manœuvre. 

—  3  juillet.   Mallet  David,  Privas,  cordonnier. 

—  5   novembre.  Courtial  Elisée,  de  Vernou,  soldat. 

—  17  novembre.   Essertier  Daniel,  du  Vivarais,  jardinier. 

—  3   décembre.   Béraud  Joseph  ,  du  Vivarais,  menuisier.. 

1726,  !<,  avril.   Maire  J.  Jacques,  La  Bâtie  de  Crussols,  f""  de 

bas. 

—  29  avril.   Fougerol  Alexandre,  de  Serres,  caporal. 

—  7  septembre.  Chavagnac  Jacques,  près  Privas,  coupeur 

de  bois. 

—  27  septembre.   Valette  Jean,  Chaulhiac  ,  sergent. 

1727,  4  avril.  Charmesson  Pierre,  de  Vallon,  tanneur. 

—  18  avril.   Major  Jean,  de  Baix,  manœuvre. 

—  17  mai.  Comte  Jacques,  Privas,  maçon. 

—  18  mai.   Pouret  Pierre,  S*  Julien,  menuisier. 

—  4  juillet.   Mauve  Matthieu,  Privas,  tisserand. 

—  22  août.   Dosson  Jacques,  Privas,  cordonnier. 

1728,  19  mars.   Rission  Pierre,  S»  Vincent  du  Fort,  jardinier. 

—  19  avril.   Brunet  David,  Vernou,  cordonnier. 

—  9  juillet.   Blanc  Félix,  Chambon ,  chapelier. 

1729,  2  février.   Remond  Jean,  de  la  Bâtie  de  Crussols. 

1730,  4  février.   Mazeirac  François,  de  Vernou,  corroyeur. 

—  4  août.   Mialle  Simon,  Privas. 

—  6  septembre.  Chazal  François,  Privas,  tailleur. 

—  18  novembre.   Lafont  Antoine,  S'  Cierge,  fournier. 

1731,  16  janvier.  Glaize  David,  Chalencon ,  soldat. 

—  22  juin.  Salmon  Jean  ,  Marcols,  perruquier. 

—  6  juillet.   Vezian  Etienne,  du  Vivarais,  soldat. 

—  29  octobre.  Trappier  Jacques,  du  Vivarais,  tanneur. 


j62  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

1732,  II  janvier.    Ponconnet  Nicolas,  du  Vivarais,  cordonnier. 

—  II  février.  Arnaud  Jacques,  Le  Puy,  relieur. 

—  2  mai.  Chambon  Louis,  S*  Pierreville,  fab*  de  bas. 

1733,  17  avril.   Pinet  Jean,  S»  Marcel,  boulanger. 

1734,  —         André  Juste  Henri,  du  Vivarais,  perruquier. 
ï735>     7  janvier.   Prat  Pierre,  Privas,  manœuvre. 

—  27  avril.  Gralliac  Mathieu,  Beauchastel. 

1736,  9  mars.  Closet  Daniel,  Privas. 

1737,  18  mars.   Valon  ,  tailleur. 

1738,  8  février.   Peyras  Pierre,  Glun,  près  Tournon  ,  jardinier. 

—  4  juillet.   Dorsival  Jean,  Bergeron  (.'')  (Vivarais),  mouli- 

nier  de  soie. 

—  12  août.  Gaise  Jacques,  S»  Geneis,  menuisier. 

1739,  3  février.  Chapelon  Pierre,  S'  Agrève. 

1740,  25   mars.   Brusee  Paul  (dit  Lamothe),  Privas,  traiteur. 

—  16  septembre.   Barnoin  Jacques,  Vallon. 
.1741  ,  25   mars.   Escotet  Jean,  La  Bâtie  du  Vis. 

—  8  septembre.  Jouvet  Pierre,  du  Vivarais,  tailleur. 

—  15   septembre.   Bougnard  J.  Jacques,  S'  Fortunat. 
1742,     9  février.  Gros  Etienne,  S*  Agrève,  tisserand. 

—  23   février.   Verdier  Jean  Paul,  Vallon,  tailleur. 

—  15   juin.   Boisson  Jean,  Vernoux. 

—  6  août.   Paget  Etienne  ,  d'Annonay,  tanneur. 

—  7  décembre.   Duvillard  Pierre,  Solignac. 

1743  ,     9  février.  Chante  François,  de  V...  en  Vivarais,  soldat. 
1744,    14  mars.   Brunet  J.  Pierre,  S'  Michel. 

—  8  juin.  OUier  Marc,  Vallon,  cordonnier. 

—  10  juilUet.  Clausel  Pierre,  de  Pys,  garçon  chirurgien. 

—  21   août.   Pradier  Pierre,  Vallon  ,  fondeur. 

1748,  20  février.   Brot  Jacques,  du  Puy,  passementier. 

—  27  août.   Aldier  Antoine,  Vallon,  boulanger. 

—  4  octobre.   Poux  (Velay),  f  de  soie. 

1749,  20  janvier.   Meyer  Mathieu,  du  Vivarais,  chapelier. 

—  19  avril.   Lagrange  François,  d'Annonay. 

—  9  juin.   Picot  Isaac,  du  Vivarais,  tailleur. 

1750,  16  juin.  Chazal  Louis,  La  Mastre,  horloger. 
171)2,  6  mars.    Pagaud  Alexandre,  Chomérac,  charpentier. 

—  12  juin.    Laurier  Timothée,  Privas,  menuisier. 
1754,  29  juin.  Chossat  Etienne,  Boffres,  tanneur. 

—  15  juillet.    Durand  Jacques  ,  Creyssac. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  363 

1755,   15  mars.   Ducros  François.  Vallon  ,  tisserand. 
•759»   19  janvier.   Delarbre  Pierre,  Gluiras,  négociant. 

—  12  novembre.   Mentelin  Baptiste,  Annonay,  serrurier. 
1762,   26  novembre.  Chatel  Jean  Pierre,  Valançon,  coupeur  de 

bois. 

1764,  21  mars.  Chirouze  Pierre,  du  Vivarais,  chapelier. 

—  25   mai.   Bernard  Claude,  Vernou,  tanneur. 

—  2  juin.   Maisonneuve  J.  Pierre,  Champis,  tanneur. 

—  20  novembre.   Lafaye  Marc,  Salavas,  f  de  bas. 

1765,  8  avril.   Bansel  Jacques  Dessagnes,  menuisier. 

—  26  avril.   Arsac  Antoine,  S»  Agrève,  tailleur. 

1766,  21   mars.   Peschère  Simon  ,  Vallon  ,  cordonnier. 

—  29  avril.  Payen  Paul ,  S'  Alban. 

1772,    13  juillet.   Ponton  Louis,  S*  Michel,  cordonnier, 
1774,   13   mai.  Broë  Jean,  Lagarde,  commis  commerçant. 

—  26  août.  S»  André  Antoine,  Bras,  négociant. 

1776,   23  avril.   Duron  Jean  François,  d'Aubi  près  le  Champis, 
ouvrier  boulanger. 

1778,  27  juin.  Jean  Broë,  Lagarde. 

1779,  6  juin.   Ducros  Jacques,  S' Cierge,  tanneur. 

1780,  5   mai.   Lafaye  Pierre,  Salavas,  négociant. 

—  30  octobre.   Dussaud  Jean,  Vallon,  chirurgien. 

1783,     7  mars.  Raze  Jean  Pierre,  D  (i),  du  Vivarais,  garçon 
fournier. 

—  25  avril.   Donosil  Jean,  D,  du  Vivarais,  ouvrier  menui- 

sier. 

—  28  juillet.   Lagrange  Louis,  D,  du  Vivarais,  coupeur  de 

bois. 

—  —        S'  André  Jean,  D,  du  Vivarais,  relieur. 

—  II  août.  Bole  Pierre,  D,  du  Vivarais,  tailleur. 

—  22  décembre.   Buisson  Moïse,  D,  du  Vivarais,  jardinier. 
1788,  i<,  février.  Debar  Pierre,  D,  du  Vivarais,  tailleur. 
1790,  10  août.   Bosc  Pierre,  du  Vivarais,  tanneur. 

1795,    14  novembre.   Bioussier   Etienne,  Vivarais,  tanneur  (de- 
mande à  être  reçu  citoyen). 


(i)  Domicilié.  Classe  de  citoyens  créée  à  Genève  dans  les  dernières  an- 
nées du  dix-huitième  siècle,  et  jouissant  de  quelques  privilèges  de  moins  que 
les  habitants. 


364  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

2"  Réfugiés  reçus  bourgeois  de  Genève  (i). 

1538,  29  janvier.  Pierre  Gurin  de  Nonnain  en  Vivareys. 
1567,   10  juillet.  Loys,  filz  de   M»  Anth.  MalioUier,  d'Aubenas 

en  Vivareys,  ayant  Daniel  et  Isaac  ses  fils. 
1560,   10  juin.   Jehan,   filz    de    feu   Michel    Beal   de  Brins  en 

Vivarets. 
1561  ,   26  juin.  Jacques,  filz  de  feu  Claude  Vuyton,  de  Tournon 

en  Vivarets. 
1563  ,  22  juillet.  Michel  Leoson,  pothier,  de  Privas  en  Vivarets. 
1564,  25  décembre.  Me  Estienne  Reboulet,  régent  au  collège, 
fils  de  feu  Jehan  Reboulet;,  luy  vivant  no- 
taire royal ,  de  S^  Agreve  en  Vivarais. 
1579,  6  mars.  Barthélemi  Vidalon ,  fils  de  Claude,  d'Annonay. 
1584,   18  mai.  Pierre  Bausson,  fils  de  Jean,  apothicaire  d'Orela- 

genc  {})  en  Vivarets. 
1595,  2!  octobre.  Estienne,  filz  de  feu  Jacques  Roux,  du  pays 

de  Velay. 
1604,  22  août.   Pierre  Joffre   et   Estienne  Joffre,  son  nepveu  , 

d'Aubenas  en  Vivareys. 
1614,     5  juillet.    Pierre  Grangier,  fils  de  Durand,  foulon,  de 

Saint-Jeure  [d'Andaure]  en  Vivarois. 
1616,     5  juillet.  Pierre,  fils  de  feu  Durand  Grangier,  de  S.  Joire 

en  Vivaretz. 
1670,  23  décembre.  Jean  Brune,  de  Symphorien  en  Vivarez. 

1684,  22  mars.  Abraham  Duvillars,  du  Vivarets. 

1685 ,  3  février.  Céphas  Reynet,  de  Privas  en  Vivarets. 
1697,  26  janvier.   S"*  Etienne,  fils  de  feu  Théophile  Bourguet , 

d'Annonay  en  Vivarès,  avec  Isaac,  Nicolas 
et  Etienne  Bourguet,  ses  trois  fils. 
1699,   14  juillet.  S""  Alexandre,  fils  de  s''  Jacques  Rieu ,  de  Pri- 
vas en  Vivarets. 
1705,  22  avril.  S""  Jean,  fils  d'Estienne  Chôme),  d'Annonay  en 

Vivarais. 
1708.  26  novembre.  Jean   Louis,  fils  de  Jean  Rieux,  de  Privas 
en  Vivarais. 

(i)  Livre  de  bourgeoisie  (Arch.  de  Ihôtel  de  ville  de  Genève^. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  365 

1710,  2}  août.  Charles,  fils  de  Charles  Combler,  de  Charmes 
en  Vivarets. 

1711  ,  2  décembre.  Antoine,  fils  de  feu  Simon  Duvillard,  d'Al- 
lisas,  au  balliage  de  Privas,  avec  David 
Duvillard,  François  et  Emmanuel  Du- 
villard, ses  trois  fils. 

1714,  5  octobre.  S""  Alexandre,  fils  de  s^"  François  Menuret, 

de  Baix  en  Vivarets. 

1715,  1)   mars.  S""  François,  fils  de  feu  Antoine  Villard ,  de   La 

Gorce  en  Vivarets,  avec  Jean  et  George  Vil- 
lard,  ses  fils. 

1725  ,  9  février.  S""  François,  fils  de  feu  s""  Abraham  Peschier, 
du  lieu  de  Valon  en  Vivarets. 

1726,  28  mai.  S"'  Antoine,  fils  de  feu  s""  François  Coullet,  mar- 
chand, de  Saint  Fortunat  en  Vivarets. 

1729,  14  mai.  S""  Paul  Torras,  marchand,  fils  de  s''  Paul  Torras, 

de  Beauchastel  en  Vivarez. 

1730,  28  novembre.  Jean  André  Juventin,  fils  de  Jean  Pierre, 

de  Bauflfres  en  Vivarets,  né  à  Lausanne. 
1747,   23  mai.  S""  Jean  César,  fils  de  Simon  Broë ,  natif  de  la 

Mastre  en  Vivarets,  apothicaire. 
1769,  29  septembre.  Jean   Pierre  Terras,  de  Vivarets,   fils  de 

André  Terras,  chirurgien. 
1771  ,  25  juin.  François  Lagrange,  d'Annonay  en  Vivarès,  fils  de 
feu  André  Lagrange,  avec  Pierre  Barthélémy, 
son  fils. 
1779,  22  juin.  Jean  César  Broë,  fils  de  Jean  Pierre,  négociant, 
de  La  Garde  en  Vivarets,  avec  Jean  Victor,  son 
fils  mineur. 

B.  —    1°  Liste   des   réfugiés  du  Vivarais   étant  à  Lausanne   en 
janvier  1765  (i). 

Refuge  du  chef 
de  famille. 

Veuve  Bousquet,  veuve  de  Marie. 

Blachon  Jean,  ci-devant  ministre.  1750 

Bernard  Madeleine,  de  feu  Charles.  171 2 

(i)  Arch.  nat. ,  TT,  235, 


^66  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Refuge  du  chef 
de  famille. 

Chatil  Jean.  1741; 

Comberouge  ,  veuve  de  Louis.  1740 

Chabrin  Jean.  1717 

Chave  Louis.  1738 

Chambaud  Jacques.  Ï727 

Craponni  Matthieu.  '727 

Desrois  Jean  Baptiste.  1737 

De  Montrond  Charles  J.  G.  L. 

De  Montrond  Reymond. 

De  Montrond  François,  fils  du  susdit. 

Edon  Marguerite,  de  Nicolas. 

Edon  Nicolas,  de  Jean,  1686 

Perrière  Antoine.  1755 

Fraisse  Abraham  feu  Antoine.  171 5 

Ferrier  Pierre.  1755 

Gardel  Charles.  1720 

Genton,  veuve  de  Simon.  1747  , 

Lassagne,  v*  de  ministre.  1740 

Lespinasse  Anne.  1736 

Matthieu  Marie  et  Louise.  171 5 

Molle  Abraham,  de  Jean.  1686 

Massip,  veuve  de  Jacques. 

Molle  Elle,  de  Jean.  1086 

Parret  Jean  David,  de  Jean  David.  1740 

Plancher  Catherine.  1764 

Veyrin  André.  1727 

Vicat  Henriette.  1754 

2"  Autres  réfugiés  du  pays  de  Vaud  (i). 

1552,  14  janvier.  Loys  Chabel ,  de  Annonay",  à  Lausanne. 
1571»  30  avril.    Anthoine    Larmandes ,    marchand    drapier,    de 

Viviers,  à  Lausanne. 

Derocle ,    originaire    de    Chastenet ,    paroisse  de    Valgorge ,   à 
Yverdon. 


(i)  A.  Crottet,  Histoire  et  annales  de  la  ville  d'Yverdon ,  p.  614,  6^5. 
E.  Combe,  Les  réfugiés  de  la  Révocation,  p.  122.  Ms.  Court,  n»  17,  vol.  L. 
Jules  Chavannes,  Les  réfugiés  français.  Bulletin,  etc.,  t.  IX,  p.  155- 


DU    VIVARAIS    ET    DU   VELAY.  367 

François  Menet ,  originaire  de  Beauchastel ,  négociant  à  Turin, 

reçu  bourgeois  d'Yverdon  le  23  novembre  1771. 
1690.  «    M.  Saurin,  du  Vivarez,  et  sa  famille  ;  on  estime  qu'ils 
doivent    être   assistés  par  semaine  de  30  sols  »  ,  à 
Lausanne. 
1688,   2^  mars.  B.  Montillon,  ancien  de  l'Eglise  d'Annonay,  à 

Lausanne  (?);  Gloray,  d'Annonay  (Idem). 
1791  ,   18  avril.  Plancher,  de  Privas,  à  Vevay. 
_  —         Pontal,  —  — 

—  —         Sorbier,  de  Chomérac    — 
1698.  De  Montrond,  à  Bâle. 

—  Jacques  Poya,  de  Boffres,  chirurgien,  à  Bâle. 

C.    —    RÉFUGIÉS    DE    NeUCHATEL    NATURALISÉS  (l). 

1710,   14  janvier.  Jean  Bougnard ,  de  Saint  Christol. 

—  17  février.  Pierre  Villard,  d'Alissas,  proche  Privas. 

—  —         Marie  Bautial,  d'Alissas. 

—  —        Anne  Foulier.  de  Sous,  paroisse  de  Juldan  la 

Brosse. 

—  3   mars.  Isaac  Boyer,  de  Dugua. 

—  17  mars,  Samson  du  Seau,  d'Aubenas. 

—  —       Simon  Pierre  Boussenat,  de  La  Serre,  tailleur 

d'habits. 

—  24  mars.  Etienne  Rousson,  de  Chalencon. 

—  —       Antoine  Arsac,  de  Boisvert  en  Saint  Jean  Roule, 

faiseur  de  bas. 

—  —        Antoine  Sallier,  de  Crussol,  cardeur  de  laine. 

—  —        Jean  Picquet,  de  Vais. 

—  —       Antoine  Meyssaunier,  de  Vais. 

—  —       Paul  Alfrène ,  de  Creisseilles. 

—  8  avril.  Jacques  Moula,  de  Fillastre,  de  l'Eglise  de  Chey- 

lard,  tailleur  d'habits. 

—  28  avril.  Jacques  Duplan  d'Aubray,  paroisse  de  Vais. 

—  17  mai.  Jean  Jacques  Saunier,  de  Chilias,  drapier. 

—  4  juillet.   Etienne  Lerisse,  de   Guillerans,   paroisse   de 

Peyre,  chapelier. 

(i)  Bulletin,  etc.,  t.  IX,  p.  46i;-47î.  F.  Godet,  Hist.  de  la  réf.  et  du  re- 
fuge, etc.,  p.  380. 


:}68  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

7101,     4  août.  François  Brune,  de  La  Pervenche,  paroisse  du 
Gua,  marchand. 

—  10  septembre.  Antoine  Lauzias,  du  lieu  de  Junvers. 

—  15   septembre.  Jeanne  Blanchon,  du  Pouzin. 

1711,  3   février.  Jérôme  Alexandre  Vincent,  de  Privas,  graveur. 

—  16  juin.  Joachim  Pomaret,  de  la  Routière. 

—  17  juin,  Jacques  Crouzet,  de  la  GrezièrC;,  paroisse  du  Gua. 

—  14  septembre.    Matthieu    Chara ,    de    Saint    Vincent    de 

Barrés,  faiseur  de  bas. 

—  21  décembre.   François  Louis  de  Reboulet,  de   Privas, 

officier  en  Hollande. 

D.  —  1°  Rôle  général  des  Français  réfugiés  dans  les  Etats  de  Sa 
Majesté  le  roi  de  Prusse  et  électeur  de  Brandebourg  comme  ils 
se  sont  trouvés  au  31  décembre  1700  (i). 

Berlin. 

Jacques  Duclos,  de  Privas,  teinturier,  sa  femrne,  deux  enfants, 
deux  ouvriers. 

Estienne  Terrasse,  de  Vivarets,  peigneur  de  laine,  sa  femme  et 
ses  deux  enfants. 

Cologne. 

Le  s''  Pierre  André  Chomel ,  d'Annonay,  gantier,  sa  femme  et 
un  compagnon. 

Anthoine  Lafaye,  du  Vivarets,  maletier,  sa  femme  et  deux 
enfants. 

François  Higonet,  de  Privas,  peigneur  de  laine. 

Louis  Suet  et  Pierre  Jambons,  de  Privas. 

Suzanne  Thibaut,  Elisabeth  Sarry  et  Susanne  Pinars,  du  Viva- 
rets. 

Le  s'  Pierre  Archimbaut,  d'Annonay ;,  lecteur,  et  un  enfant. 

Vidal  Fargé,  manufacturier  de  bas,  de  Privas,  sa  femme,  deux 
enfants  et  sept  ouvriers. 


(i)  Manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'histoire  du  protestantisme  français. 
A  cette  époque,  on  comptait,  dans  le  Brandebourg,  quatorze  mille  huit  cent 
quarante-quatre  réfugiés  protestants  français. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  369 

Le  sf  André  Lejeune,  du  Vivarets,  sa  femme  et  trois  compa- 
gnons. 

La  dem.  veuve  du  s''  Duclos,  de  Privas. 

Jean  Bouveron  ,  de  Privas,  cordonnier,  sa  femme  et  un  enfant. 

Salomon  Champ,  du  Vivarets,  tailleur,  sa  femme  et  un  enfant. 

Magdelaine  Lubat  et  Marie  Ladreit ,  de  la  province  du  Viva- 
rets. 

Jean  Philbert ,  du  Vivarets,  porteur  de  chaise. 

Pierre  Bessé ,  du  Vivarets,  faiseur  de  bas,  sa  femme,  deux 
enfans  et  un  compagnon. 

Louis  Schouch  ,  de  la  ville  de  Privas ,  peigneur  de  laine. 

Le  Werder. 

La  dame  ,  femme  de  M""  Jacques  de  la  Combe  de  Clusel ,  du 
Vivarets,  lieutenant  aux  gardes. 

Paul  Pouzet,  du  Vivarets,  faiseur  d'aiguilles,  sa  femme  et  une 
fille. 

Le  s''  Alexandre  Romejon,  du  Vivarets. 

La  Villeneuve. 

La  demoiselle  de  Chambaut,  sœur  du  s''  de  Chambaut,  escuyer, 
lieutenant  réformé. 

Les  deux  demoiselles  Lacombe,  du  Vivarets. 

Louis  Soustel,  du  Vivarets,  passementier,  et  sa  femme. 

Pierre  Rondet,  du  Vivarets,  et  sa  femme. 

A    LA    MAISON    de    CHARITÉ   (dE    LA    ViLLENEUVE). 

Le  s*"  François  Grignon,  du  Vivarets. 

Le  S'  André  Lacour,  chirurgien,  d'Annonay. 

Friderichstadt. 

La  veuve  de  Pierre  Reynac,  du  Vivarets,  et  deux  enfans. 
Charles  Gruy,  de  Privas,  boulanger,  et  sa  femme. 

A    LA    MAISON    DE    REFUGE    (dE    FrIDERICHSTADT). 

Jean  Tremoulet  de  Montaigu  ,  gentilhomme,  de  Chaleiicon  en 
Vivarets ,  et  six  enfans. 

La  veuve  de  Jean  Pochelin,  Ju  Vivarets,  et  sa  rille. 
II.  ^4 


570  histoire  des  protestants 

Orangebourg. 

M.  de  la  Charrière  ,  ministre  du  Vivarets. 

Paul  Benoist,  du  Vivarets,  laboureur,  sa  femme  et  deux  enfans. 

SCHWEDT. 

Pierre  Reboul,  du  Vivarets,  serger,  sa  femme  et  une  fille. 
Pierre  Bouvanen,  du  Vivarets,  compagnon  serger. 
Dgfjjelie  Marguerite  Gervais,  du  Vivarets. 

Francfort  sur  l'Oder. 

Le  s'  Jacques  Durand,  du  Vivarets,  proposant. 

Halle. 

Daniel  Charas  de  Voy...  en  Vivarets,  tailleur,  sa  femme  et 
deux  enfans. 

Simon  Pierre  Vincent,  du  bourg  de  Rochessauve  dans  le 
Vivarets,  peigneur  de  laine,  sa  femme  et  deux  enfans. 

Jean  Arnault,  d'Alissart,  proche  de  Privas  en  Vivarets,  garçon 

serrurier. 

Stargard. 

Barthélémy  Avalla,  tailleur,  du  Vivarets. 
Pierre  Combiers,  mérissier,  du   Vivarets,  sa  femme  et  deux 
enfans. 

Antoine  Benoist,  du  Vivarets,  et  sa  femme,  tabacier. 
Jacob  Vesian  ,  marchand  ,  de  Privas. 
Pierre  Frechon,  chapelier,  du  Vivarets. 

Magdebourg. 

Le  s""  Jacques  Reynet,  docteur  en  médecine,  de  Privas,  en 
Vivarets, 

Pierre  Reynet,  chirurgien,  du  Vivarets,  et  sa  femme. 

Josué  Plan,  blancher  d'Annonay  en  Vivarets,  sa  femme  et  un 
compagnon. 

Anthoine  Escofïier,  facturier  en  laine,  du  Vivarets,  sa  femme 
et  un  enfant,  un  neveu  et  une  servante. 

Claude  Dupan,  arquebusier,  de  Chambon,  en  Vivarets,  sa 
femme  ,  sa  mère  .  son  frère  et  deux  apprentis. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  37I 

La  veuve  de  Christofle  Plan,  d'Annonay,  en  Vivarets,  et  un 
enfant. 

Jérémie  Oby ,  de  Lagorce,  en  Vivarets. 

Magdeiaine  Beron,  de  Privas,  en  Vivarets. 

Claude  Peyrot,  facturier  de  laine,  du  Vivarets,  et  deux  enfans. 

Pierre  Perrin,  blancher,  d'Annonay,  en  Vivarets,  sa  femme, 
deux  enfans  et  un  compagnon. 

Pierre  Soulier,  du  Vivarets,  sa  femme,  deux  enfans. 

Matthieu  Bauveton,  tailleur,  de  Beauchastel,  en  Vivarets. 

Jean  Escoffier,  de  S'  Vincent,  en  Vivarets,  et  sa  femme. 

Jean  Roux,  d'Aubenas ,  en  Vivarets. 

Augustin  Desmars,  tailleur,  du  Vivarets,  sa  femme  et  trois  enfans. 

Jean  Bouveron,  cordonnier,  de  Privas,  en  Vivarets. 

Barthélemi  Plan,  jeune  garzon,  du  Vivarets. 

Neuhaldensleben. 

Gaspard  Dutem,  lecteur,  du  Vivarets,  et  sa  femme. 

Anthoine  Palis,  tisseur,  du  Vivarets,  sa  femme  et  cinq  enfans. 

Marcel  Lacour,  cordonnier,  du  Vivarets,  sa  femme  et  deux 
enfans. 

Jean  Rigal ,  maréchal,  du  Vivarets.  sa  femme  et  trois  enfans. 

Claude  Boissonnade,  laboureur,  du  Vivarets,  sa  femme  et  un 
enfant. 

Jean  Ducros,  tanneur,  de  Vernoux  en  Vivarets,  et  sa  femme. 

Kœnigsberg. 

Le  s""  Jean  Serres,  perruquier,  sa  femme  et  son  fils. 

Jean  Perrin,  jardinier,  en  Vivarets. 

Alix  et  Judith  Couteau  sœurs,  de  la  Chaudière,  en  Vivarets. 

Jacques  Marfour,  cuisinier,  du  Vivarets,  et  sa  femme. 

Magdeiaine  Besson  ,  du  Vivarets. 

2°  Liste  de  réfugiés  de  Genève  et  de  Suisse  qui  se  s?nl  arrêtés  à 
Sctuvabach  depuis  te  mois  d'août  169^. 

Le  sieur  Jacques  Duclos  ,  teinturier  et  manufacturier  de  bas, 
de  Privas. 

Qeiie  Lyonelle  le  Blanc,  de  Vernoux. 

Suzanne  Charrier,  de  Lamastre. 

La  dame  de  Chambaud  et  la  D*^"^  sa  fille. 


372 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


30    Rolle   des  personnes  quon   a   assisté   de   la   collecte    de 
Hambourg  (i). 


Jeanne  Poulie  d'Annonay 

Matthieu  Laurans 

Louis  du  Chaux 

Pierre  Vigne ,  sa  femme 

Jean  Cousquinaud 

Jean  Toillier,  sa  femme 

Margte  père 

Louise  Poumarede 

Louise  Cante 

Jean  François  Valen 

David  Ribal 

Paul  de  Fons 

JVlargt"  Robert 

Moïse  Combier  et  sa  femme 

La  Refuc  de  Barbierac,  les  deux  filles 

François  Deison 

Jeanne  Porechere 

Anthoine  Roque 

André  Lacour 

Jean  Tussere 

Pierre  Rochier 

Jean  Duja 

Alexandre  Tendon 

François  Sendon 

Pierre  Vigne,  sa  femme  et  un  enfant 

Isabeau  Testa 

Isabeau  Cusenier 

Alexandre  Tampernon 

Antoine  Moysc 

Pierre  Malegue 

François  Duc 

Jean  François  Valens 

Simon  Pierrebac 

Claude  Chartier 


2' 
2 
2 

î 

2 

2 
2 

2 
2 

2 
15» 

M 
4 
6 
2 
2 
2 
2 
2 
2 

I    10 
2 
2 

3 
I 
I 
2 
2 
2 
I 
I 
2 


22  juillet  1689. 

i^'"  avril  — 

26  juillet  — 

4  août  — 

9  août  — 

16  août  — 

2  septembre  — 

5  septembre  — 


27  septembre  — 

30  septembre  — 

5  octobre  — 

18  octobre  — 


I®''  novembre  — 

28  novembre  — 

12  décembre  — 

16  décembre  — 

27  décembre  — 

3  janvier  1690. 

6  janvier  — 

27  janvier  — 

28  janvier  — 


(ij  Ms.  Court,  IV   17,  vol.  S. 


DU 

VIVARAIS 

ET    DU 

VELAY. 

J73 

Jean  Pierre  Chartier 

l' 

28  janvier 

1690. 

Justine  Ronchel 

I 

— 

— 

Laurent  Chiot,  sa  femme  et  un 

enfant 

5 

— 

— 

Jean  Sauzie  et  quatre 

enfants 

3 

1  <f  février 

— 

Alexandre  Sosia 

If 

18  février 

— 

Pierre  Fourques 

I 

22  février 

— 

La  veuve  de  Jacques 

Tranchar 

et  qua- 

tre  enfans 

4 

10  mars 

— 

Anne  Bertrand 

25  mars 

— 

Isabeau  Bertrand 

— 

— 

Jean  François 

27  mars 

— 

Claudine  Panière  et  deux  enfans 

10 

— 

— 

Pierre  Moulin 

20  avril 

— 

Margte  Marijon 

10 

1 5  juin 

— 

Anne  Pertries 

10 

— 

■~ 

Catherine  Moynier 

lO 

I ^  juin 

— 

Louis  Poumareo 

lO 

— 

-— 

Dauphine  Farel 

— 

— 

Jeanne  Clesaude 

— 

— 

Marie  Dortrail 

— 

— 

Anne  Trémolu 

!«'■  avril 

— 

Margt*  Trémolu 

4  avril 

— 

François  Santon 

— 

— 

Lucrèce  Serre 

21  avril 

— 

Jeanne  Maçon 

23  avril 

— 

Judith  Perin 

— 

— 

Isabeau  Faure 

— 

— 

Marie  Moulard 

— 

— 

Claudine  Monteulo 

— 

— 

Susanne  Vincent 

10 

9  mai 

— 

Marie  Cheuclas 

10 

— 

— 

Mad'"'  Develos 

6  juin 

— 

Mad""'  Isabeau  Toret 

10  septembre 

— 

Daniel  La  Combe 

3 

— 

— 

Marie  Meal 

2 

Vincent   Eclenson  ,    sa   femme  , 

deux 

enfans 

4 

17  septembre 

— 

Suzanne  Mounier 

I 

— 

— 

Catherine  Giraux 

I 

I 3  octobre 

— 

Jeanne  Garde 

2 

4  décembre 



IS* 

16  janvier 

10 

i^""  février 

4' 

— 

I 

2  mars 

I 
I 

— 

I 

^_ 

^74  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Sara  Mialvet  ISM6  janvier         1691. 

Paul  Talon 

Jean  Paye  et  sa  femme 

Jeanne  Combe 

Anne  Morel 

Marie  Yolande 

Judith  Vignau 

E.  —  Fugitifs  arrêtés  et  poursuivis  devant  le  parlement 
DE  Grenoble,   1685-1687  (i). 

1685  ,  29  novembre.  Procès  extraordinaire  contre  François 
Faure,  Antoine  Veyrane ,  de  Beauchas- 
tel  ;  Eléonore  Chevalier,  Jeanne  Ray- 
mond ,  Biaise  Forel. 

—  6  décembre.  Noble  Jean  Pierre  de  Mure  et  son  valet 

Peyron  d'Annonay  sont  envoyés  sûrement 
chez  eux  avec  défenses  de  sortir  du 
royaume. 

—  12  décembre.    Eléonore   Chevalier    et   Jeanne   Reymond 

sont  renvoyées  chez  elles  et  leur  guide 
Forel  est  passé  par  les  verges.  Jean  As- 
tier  est  également  renvoyé  dans  sa  maison. 
1686,   n   mars.  Antoine  Veyrane,  François  Froment  sont  recon- 
duits à  Beauchastel. 

—  2?   mars.  Antoine  Boissy  de  Grimaudier  en   Vivarais  est 

condamné  à  cinq  ans  de  galères  pour  avoir 
voulu  fuir  du  royaume. 

—  27  mars.  Même    peine    contre    Pierre    Fay  du    Vivarais. 

Pierre  de  Vinay,  avocat  au  bailliage  d'Annonay, 
est  condamné  à  300  1.  d'amende  et  reconduit 
dans  sa  maison. 

—  6  avril.  Procès  extraordinaire  à  Ant.  Laurent ,   médecin 

d'Annonay,  et  Marguerite  Vinay  sa  femme. 

—  18  mai.  Antoine  du  Riou  est  condamné  à  70  !.  d'amende 

et  aux  frais,  et  à  10  ans  de  galères. 

—  26  août.  Procès  extraordinaire  contre  Bouniol  du  Vivarais. 


(1)  Bulletin  de   la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français, 
t.  VII,  p.  155-158;  t.  VIII,  p.  297-510.  Papiers  Giscard,  à  Annonay. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  3  7«; 

1686,  2<>  septembre.  Jean  Bouniol,de  Charnavas,  est  condamné 

à  l'amende  honorable  et  aux  galères  per- 
pétuelles pour  avoir  prêché  et  prié  de 
de  nuit  à  environ  7  ou  800  personnes  près 
de  Bezaudun  et  la  forêt  de  Saou  (en 
Dauphiné). 

1687,  5  février.  Procès  extraordinaire  à  J.  P.  Vergues  du  Vi- 

varais. 

—  21   mars.  Procès  extraordinaire  à  Claude  Julien  du  Vivarais. 

—  21   avril.    Procès    extraordinaire    à    Jeanne    Clauzel    du 

Pouzin. 

F.  —  Confesseurs  morts  sur  le  premier  vaisseau  parti 
POUR  l'Amérique  (i). 

S''  Croisier,  marchand  de  Villeneuve  de  Berg  (sauvé  du  nau- 
frage). 

Charles  Lejeune  ,  bourgeois  de  Villeneuve  de  Berg. 

G.  —  Autres  réfugiés  (2). 

M»"^*^  Jacques  Vallery,  vicaire  de  Privas,  1534. 

Mf'' Michel  de  Suchele,  —  — 

Vallade ,  —  — 

Mf^  Jean  des  Combes,  —  — 

M»''^  Jean  Barruel  (à  Genève),    —  — 
Judith  Giton,  de  La  Voulte,  1685  (3). 

H.  —  Réfugiés  du  mouvement  insurrectionnel  de  1683. 

Pierre  Brunier,  pasteur  du  Cheylard  ,  réfugié  à  Genève. 
Isaac  de  Bermond ,  pasteur  de  Vernoux,        — 
Théophile  Blanc,  pasteur  de  Chalencon,        — 
Gabriel  de  Romieu,  pasteur  de  Saint  Fortunat,  réfugié  à  Genève. 
Jean  René  de  la  Charrière,  pasteur  déduiras,  — 

Simon  d'Albiac  ,  pasteur  de  Marcols  ,  — 

Paul  Morel-La  Pise ,  pasteur  de  Saint-Pierreville,     — 
Daniel  Reboulet-Salière ,  proposant ,  réfugié  à  Genève. 


(i)  Ms.  Court,  n°  17,  voL  B. 

(2)  Inquisition  secrète  de  M'  Chalendar  (Arc/i.  de  l'Arâèche,  C,  i4>r, 

(5)  Baird,  Histoire  des  réf.  Intg.  en  Amérique,  p.  560. 


■j^Ô  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

François  Reboiil-Lesiez,  pasteur_de  Çhâteauneuf-lès-Vernoux, 
réfugié  à  Genève. 

IsaacSuchier-LaPare,  pasteur  deChampérache, réfugié  à  Genève. 

René  de  La  Combe-Cluzel,  — 

Pierre  Saurin,  de  Beauchastel  ,  — 

Isaac  Brunet ,  praticien  de  Toulaud  ,  — 

Pierre  Riou  ,  garde  ,  de  Laroue  ,  — 

Jean  Pierre  Riou,  \ 

Félix  Riou,  >  ses  frères,  — 

Matthieu  Riou  ,       ) 

Antoine  Simon  ,  de  Beauchastel .  — 

Jacques  Mole,  officier,  du  Chambon  ,  — 

Jean  Nogaret,  chirurgien,  — 

Jacques  Reynet,  d'Aubenas. 

Jean  Combier,  d'Alissas. 

Frédéric  de  Launay,  vicomte  d'Antraigues. 

Sanson  Rocher,  sieur  de  La  Rouvière  ,  de  Vallon. 

David  Ollier. 

Jacques  de  Barthélémy,  d'Aubenas. 

Nicolas  Marcha,  d'Annonay. 

Plataret ,  de  Pourchères. 

Marie  de  Trapier,  de  Chomérac ,  femme  de  noble  Louis  Itier. 

Marie  Durand,  femme  de  noble  Antoine  de  Trémolet. 

La  Motte ,  maréchal, 

Charier,  apothicaire  à  Vernoux. 

La  Baume  (Gaspard  de  Chambaud  de  la). 

Baux, 

De  Bios,  fils  du  sieur  des  Fonds  (ou  de  Fons). 

La  veuve  Blanc. 

Antoine  Javerrac. 

Pierre  Montchal. 

Pierre  Pouchon, 

Matthieu  Vernet. 

Le  valet  de  Rousson. 

Moïse  Muret. 

Jacques  Lodi. 

Isaac  Dethieux. 


Des  causes  indépendantes  de  notre  volonté  nous  ont  empêché 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^77 

de  donner  la  liste  des  réfugiés  du  Vivarais  et  du  Velay  assistés 
par  la  Bourse  française  de  Genève,  de  1680  à  1710.  Le  manus- 
crit de  J.  César  Auquier,  qui  la  contient ,  n'a  pas  été  mis  à  notre 
disposition. 

N°  111.  —  Généalogie  des  d'Arlempdes  de 

MiRABEL    (1). 
(Vol.   1,  p.  98). 

I.  Gabriel  II  d'Arlempdes  (2),  capitaine  dans  l'armée  du  prince 
de  Condé  ,  marié  à  Marguerite  de  Massugier.  Père  de  : 

II.  Louis  III  d'Arlempdes,  députée  l'assemblée  politique  gé- 
nérale de  La  Rochelle  en  1621  ,  gouverneur  de  Saint  Ambroix, 
Barjac  et  Les  Vans;  marié  le  7  avril  ii;86  avec  Marthe  de  Borne, 
fille  de  Pierre  de  Borne,  seigneur  de  Ligoniers  (ou  Ligonez). 
Père  de  : 

III.  Louis  IV  d'Arlempdes,  assiégé,  en  1628,  dans  son  châ- 
teau de  Mirabel,  avec  son  père,  par  Montmorency,  gouverneur 
du  Languedoc;  marié,  le  21  avril  1624,  avec  Françoise  du  Roure 
de  Beaumont,  sœur  de  Joachim  du  Roure  de  Beaumont  de  Bri- 
son,  dit  le  brave  Brison,  et  fille  de  Rostaing  du  Roure  de  Beau- 
mont. —  Sa  sœur  Louise  d'Arlempdes  épousa,  le  1  décembre 
1624,  François  de  Serres,  seigneur  du  Pradel ,  petit-fils  du  cé- 
lèbre Olivier  de  Serres.  —  Père  de  : 

IV.  Jacques  d'Arlempdes,  député  par  le  synode  du  Vivarais  au 
synode  général  de  Loudun  de  1659,  et  chargé  par  l'assemblée  de 
porter,  avec  le  dauphinois  David  Eustache  ,  pasteur  de  Mont- 
pellier, aux  pieds  de  Louis  XIV,  pour  lors  à  Toulouse,  ■<  ses 
très-humbles  devoirs,  soumission  et  remercîments;  »  marié  avec 
Jeanne  de  Beaumont,  sa  cousine  germaine,  fille  d'Antoine  de 
Beaumont,  marquis  de  Brison  st  seigneur  de  Chabreilles,  et  de 

(i)  De  Coslon,  Histoire  de  Mo)Uélitanr ,  t.  11.  p.  238,  466.  André  La- 
faisse,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'archéologip  de  la.  Drame,  t.  XIX, 
p.  13-20;  t.  XX,  p.  73-76.  Mollier,  Recherches  historiques  sur  Villeneuve- 
de-Berg,  p.  232,  233,  297,  298.  France  protestante ,  2'  édit. 

(2)  Arlempdes,  qui  était  une  paroisse  du  Velay,  comprise  aujourd'hui  dans 
le  canton  de  Pradeiies,  ne  doit  pas  être  confondu  avec  Arlandes,  près  Ver- 
rioux,  d'où  l'ancienne  et  honorable  famille  protestante  de  Paris,  Vernes 
d'Arlandes,  tire  son  nom, 


378  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Françoise  du  Roure  de  Beaumont,  mort  en  1673  ,  laissant  cinq 
fils  et  deux  ou  trois  filles.  —  Jeanne  de  Beaumont  mourut  en 
1716,  à  l'âge  de  72  ans,  «  regrettée  des  pauvres,  »  dit  Mollier, 
«  qu'elle  avait  comblés  d'aumônes,  et  de  toute  la  ville,  à  laquelle 
elle  laissait,  par  la  donation  de  l'immense  propriété  de  Devois, 
un  monument  impérissable  de  sa  libéralité.  » 

Un  frère  de  Jacques  d'Arlempdes,  Antoine  d'Arlempdes  ,  sei- 
gneur de  Vendrias,  capitaine  de  chevau-légers,  reçut  ,  le  24  fé- 
vrier 1668  ,  la  commission  de  lever  un  régiment  destiné  à  prendre 
part,  l'année  suivante,  à  l'expédition  dirigée  par  le  duc  de  Beau- 
fort  au  secours  des  Vénitiens  ,  assiégés  par  les  Turcs  dans  l'île 
de  Crête. 

V.  François  Rostaing  d'Arlempdes,  fils  aîné  de  Jacques,  fut  placé 
en  1675  dans  la  maison  du  célèbre  Turenne  ,  qui  s'était  converti 
au  catholicisme  en  1667,  et  se  convertit  lui-même.  Il  se  maria  en 
1698  avec  Jeanne  de  Garnier  (ou  Granier),  de  Privas.  Son  exem- 
ple fut  contagieux  et ,  d'après  Mollier,  presque  toute  la  famille 
d'Arlempdes  de  Mirabel  embrassa  le  catholicisme  avant  la  fin  du 
dix-septième  siècle.  Les  frères  et  les  sœurs  de  François  Rostaing 
étaient  :  Antoine  Constantin,  chevalier;  Jacques,  seigneur  de 
Chabreilles  ;  David;  Antoine,  dont  il  a  été  parlé  t.  I,  p.  41^: 
Anne  ;  Marguerite,  mariée  au  seigneur  de  Pallières. 

N"  III   bis.  —   Lettre   du  duc  de  Rohan  aux 

CONSULS    de     BaRJAC     (i). 
(Vol.  I,  p.  5  54). 

Messieurs  les  consuls  J'ay  faict  attaquer  cy  rudement  ce  jour- 
dhuy  le  chasteau  de  Salavas  et  sy  utilement,  Dieu  mercy,  que  sy 
dun  costé  je  lay  rangé  a  lestroict  il  nest  de  merveille  de  l'autre  sy 
plusieurs  de  mes  soldats  y  ont  esté  blessés;  leur  action  portant  est 
cy  louable  quelle  moblige  den  avoir  un  particulier  soing  et  vous 
exhorter  comme  je  fais  de  lavoir  semblable.  Je  vous  les  envoyé 
donc  et  vous  prie  de  les  bien  traicter  et  faire  panser  jusques  a 
guerison  entière,  en  telle  sorte  que  je  me  puisse  louer  de  vous  en 
cest  endroict  aussy  bien  que  je  fais  deux,  et  affin  que  vous  y 
puissiés  plus  comodement  vacquer  et  avoir  soigneusem»  le  cœur 

(i;  Communiqué  par  M.  le  comte  A.  de  Polhriant. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^79 

VOUS  poiirrés  vous  descharger  de  tous  les  autres  blessés  et  mala- 
des que  vous  avés  de  mon  armée  et  envoyer  à  S'  Ambroix  tous 
ceux  auxquels  lestât  de  leur  santé  le  permettra.  Jenvoye  ordre  et 
escris  pour  les  recevoir.  Je  vous  soulageray  aussy  incontinant  après 
la  prinse  de  Saiavas  ,  que  jespere  estre  bientost,  de  la  compagnie 
du  s""  de  la  Cassagne,  et  outre  ce  jauray  esgard  aux  despances 
que  vous  aurés  faictes  en  ceste  occasion.  Je  souhaite  bien  que 
vous  vous  acquitiés  mieux  de  ce  que  je  vous  ordonne  maintenant 
que  vous  navés  faict  à  fournir  la  munition  ;  les  inconvénients  en 
sont  tels  que  pour  un  tel  deffaut  mon  armée  cour  souvent  fortune 
de  route.  Je  vous  prie  de  ne  continuer  désormais  plus  à  tels 
manquements. 

Sur  ce  je  prie  Dieu  vous  tenir  en  sa  saincte  garde  et  demeure, 

Messieurs  les  consuls 

Vostre  très  affectionne  amy 

Henry  de  Rohan 

Consuls  de  Barjac. 

De  Labastide  ce  2^  mars  1028. 

N"  IV.  —  Serment  d'obéissance  des  protestants 
d'Annonay  en    1621    (i). 

(Vol.  I.  p.  509.) 

((  Nous  promettons  et  jurons  sincèrement  devant  Dieu  et  de- 
vant les  hommes  de  nous  tenir  fermes  et  inséparablement  attachés 
au  service  du  Roi,  Louis  le  Juste,  XIII  de  ce  nom,  roy  de 
France  et  de  Navarre;  lequel  nous  reconnaissons  pour  notre 
prince  naturel  et  légitime,  qui  nous  a  été  donné  de  Dieu  pour  la 
conduite  de  cette  monarchie  ;  —  voulant  vivre  et  mourir  dans  la 
naturelle  sujjettion  et  nécessaire  obéissance  que  nous  lui  devons, 
et  exposer  nos  biens  et  nos  vies  pour  les  opposer  à  tous  ceux  qui , 
soit  dehors  ou  dedans  le  royaume ,  auroient  des  desseins  contrai- 
res au  bien  de  son  Etat  et  préjudiciables  à  la  seureté  de  sa  cou- 
ronne; —  comme  y  étans  obligés  par  les  droits  de  notre  naissance 
et  par  les  lois  de  notre  religion  ,  l'empire  de  Dieu  demeurant  en 

(1)  Cliomel  le  Béat,  llishiirc  ilu  protrsiarilisme  à  Annon.vj  fms.). 


380  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

son  entier  et  nos  consciences  demeurants  en  liberté  ;  —  détestans 
et  abominans  les  personnes  et  doctrines  de  ceux  qui  pourraient 
avoir  ou  former  des  opinions  contraires  ;  et  pour  ce  qui  regarde 
la  renonciation,  nous  déclarons  nulles  les  assemblées  de  La  Ro- 
chelle et  de  Montauban  ,  et  toutes  les  autres  qui  ont  été  tenues 
ou  se  tiennent  encore  en  quelque  part  du  royaume  que  ce  soit , 
en  ce  qu'elles  se  sont  dévoyées  ou  voudraient  cy-après  se  dévoyer 
de  l'obéissance  due  à  Sa  Majesté  pour  pancher  tant  soit  peu  du 
côté  de  la  rébellion  ,  les  révoquans  dès  à  présent  en  tant  que  est 
en  nous,  y  renonçans  et  protestans  n'y  adhérer  en  façon  quelcon- 
que et  autrement,  comme  est  porté  par  la  déclaration  vérifiée  à 
Toulouse  et  à  Castres.  » 

Suivent  les  signatures  de  près  de  trois  cents  chefs  de  famille 
d'Annonay,  de  Boulieu  et  des  campagnes  environnantes. 

Cette  déclaration,  que  tous  les  protestants  devaient  signer,  en 
vertu  de  Tédit  de  Niort  du  27  mai  1621  ,  fut  faite  devant  Antoine 
Seigle,  docteur  es  droit,  conseiller  du  roi,  lieutenant  du  bailli 
du  Vivarais,  à  la  réquisition  de  Pierre-André  Gautier,  procureur 
du  roi. 

N°  V.  —  Réformés  du  Vivarais  exclus  de  l'am- 
nistie DE  septembre   1683  (i). 

iVol.  I,  p.  487.) 

Bavas  de  la  Baume.  Sagnol. 

Chambon,  du  Cheylard.  Romieu,  apothicaire. 

Colombier.  Charrier,  apothicaire. 

Pierre  de  Romieu.  Charles  Riou,  greffier. 

De  Beauregard.  Pierre  Riou,  garde,  de  i,;^roue 

De  Margier.  en  Velay. 

Badon,  de  Lamastre.  Jean  Pierre  Riou  ,   ] 

Corbier.  Félix  Riou ,  >   ses  frères. 

D'Indy.  Matthieu  Riou,      ) 

Bénistan  fils.  Jacques    Mole    dit    le    Cadet 

Giraud  dit  l'Altesse.  Mole,  du  Chambon  ,  officier 

Les  Soubeyrans.  de  cavalerie. 

Jean  Sabarot.  Matthieu  Murât. 

(t)  Claude  Brousson,  Apoloyii',  p.  227.  Nous  avons  rectifié  les  noms. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  }8l 

Pierre    Saurin  ,    bourgeois  de      Bonnet,  de  Chalencon. 

Beauchastel.  Jacob  Gré. 

Fauriès,  de  Bellevialle.  Daniel  Garnier. 

François  dit  de  Veyrassac.  Roussilhon. 

Castagnet.  Pailler,  de  Charmes. 
Pierre  Mirabel  de  la  Rouvière.       De  Bios. 

Des  Cours.  Bedos. 

Serrepuy  de  Sobeyras.  Lacroix. 

La  Coste  dit  La  Chassacie  ,  de      Vestieu  (ou  Vestion). 

Saint  Voy.  Lespigarie. 

Isaac  Brunet,  de  Toulaud.  Auquier. 

Marcillac.  Noguier. 

Lapassa.  Durand. 

N"  VI.  —  Suite  des  mauvais  traitements  infligés 
AUX  protestants  du  Vivarais  en    1683. 

(Vol,  L  p.  495)- 

«  Le  29  septembre  1683 ,  qui  fut  le  lendemain  de  la  nouvelle 
publication  que  l'on  fit  de  cette  amnistie  à  S»  Fortunat ,  quatre 
fusilliers,  s'étant  écartés  du  lieu  de  La  Traverse  et  ayant  rencontré 
le  nommé  Isaac  Faure,  le  tuèrent  d'un  coup  de  fusil. 

»  Le  3  octobre  suivant,  quelques  autres  fusiliers,  venant  de 
ravager  le  lieu  de  Saint- Pierreville  et  passant  par  celui  de  Mas- 
tenac,  obligèrent  le  nommé  Antoine  Faure,  vigneron  de  M.  le 
Comte  de  Vabres,  de  leur  donner  à  manger  et  ensuite,  pour  son 
payement,  ils  lui  tirent  un  coup  de  fusil,  dont  il  eut  l'os  de  la 
cuisse  brisé.  Comme  l'action  était  horrible  et  commise  en  plein 
jour  dans  un  lieu  où  il  y  avait  beaucoup  d'habitants,  celui  qui 
avait  fait  le  coup  fut  saisi  et  mené  devant  M.  de  Bovincourt,  qui 
commandait  le  bataillon  des  fusilliers.  mais  le  scélérat  en  fut 
quitte  pour  quelques  jours  de  prison. 

»  Les  soldats  du  marquis  de  La  Tourette  traitèrent  de  même 
un  nommé  Labeille.  Après  avoir  bu  et  mangé  chez  lui ,  ils  firent 
mille  désordres  dans  sa  maison,  et  l'ayant  réduit  à  prendre  la 
fuite,  ils  le  tuèrent  de  sept  ou  huit  coups  de  fusil,  dont  même 
l'un  estropia  sa  servante  et  l'autre  creva  l'œil  au  valet  d'un  de  ses 
voisins. 

»  A    Chalencon    une   femme ,  nommée  Catherine   Borie ,  qui 


382  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

avait  de  la  piété  et  qui,  s'étant  trouvée  quelquefois  avec  dix  ou 
douze  femmes  assemblées,  avait  toujours  fait  la  prière,  fut  tenue 
attachée  à  une  colonne  de  son  lit  durant  deux  fois  vingt-quatre 
heures  ;  mais  parce  qu'elle  montra  une  grande  fermeté  on  la 
détacha. 

»  On  prit  un  jeune  enfant  de  quinze  ans ,  fils  du  nommé 
Jacques  Gaillard,  du  lieu  de  La  Valette,  paroisse  de  Silhac,  et 
on  le  mena  dans  le  château  de  La  Tourette,  où  il  fut  détenu  sept 
ou  huit  jours,  pendant  lesquels  on  lui  mit  cinq  ou  six  fois  la  corde 
au  cou,  lui  disant  qu'il  allait  être  pendu  s'il  ne  changeait  de  reli- 
gion, et,  parce  qu'il  ne  voulait  pas  le  faire,  on  l'élevait  avec  la 
corde  au-dessus  de  terre  et  on  le  laissait  ensuite  aller  en  bas 
pour  le  faire  respirer,  mais,  comme  on  le  vit  résolu  à  mourir,  on 
le  mit  en  liberté. 

»  Dans  la  paroisse  de  La  Bâtie,  pour  forcer  un  paysan  nommé 
Isaac,  granger  du  s''  de  Clavières,  de  se  faire  catholique,  on  lui 
tenait  les  pieds  et  les  mains  si  près  du  feu  qu'ils  se  brûlaient.  On 
lui  mit  ensuite  un  charbon  de  feu  dans  la  main  et  on  la  lui  tint 
fermée  pendant  longtemps  ;  mais  ce  paysan  souffrit  ce  martyre 
avec  une  constance  admirable. 

»  On  attacha  les  bras  et  les  jambes  du  nommé  Molines,  gran- 
ger du  s'  de  Meyres,  demeurant  à  Belair,  qui  est  près  du  lieu  de 
Desaignes,  et  lui  ayant  mis  la  tête  dans  les  genoux  et  une  barre 
au  milieu  du  corps,  on  le  faisait  rouler  en  cet  état. 

»  Dans  le  même  lieu  de  Desaignes  le  nommé  Poujau ,  ne 
voulant  pas  non  plus  renoncer  à  la  religion,  on  lui  fit  passer  un 
charbon  ardent  par  les  lèvres. 

»  On  y  battit  à  coups  de  bâton  un  forgeron  du  même  lieu,  lui 
ayant  enfoncé  plusieurs  côtes  et  meurtri  toute  la  tête  en  telle 
sorte  qu'il  en  fut  à  l'extrémité. 

»  Dans  le  lieu  de  Prelles,  paroisse  de  Desaignes,  les  dragons, 
après  avoir  vendu  les  châtaignes  et  le  blé  d'une  pauvre  veuve, 
nommée  Marie  Barthélémy,  et  lui  avoir  brûlé  ses  habits  et  brûlé 
ses  meubles,  l'assomèrent  encore  de  coups,  lui  ayant  aussi  rompu 
trois  côtes.  Ils  voulurent  même  faire  passer  leurs  chevaux  sur  le 
corps  de  l'un  de  ses  enfants  appelé  Jean  Segnové,  mais,  ne  pou- 
vant le  faire,  ils  mirent  pied  à  terre,  lui  fendirent  la  tête  en  deux 
endroits  et  lui  meurtrirent  le  corps  et  le  visage  à  coups  de  bout 
de  mousqueton. 

f>   Au  lieu   de  Lamastre,  on  prit  le  nommé  Moujon  et  ensuite 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  ^S^ 

on  lui  dit  qu'il  avait  été  condamné  à  être  pendu.  On  lui  mit  la 
corde  au  cou,  et,  en  cet  état  on  le  mena  au  lieu  du  supplice;  mais, 
parce  qu'il  protesta  qu'il  aimait  mieux  mourir  qu'abjurer  sa  reli- 
gion ,  on  le  laissa  aller. 

»  Dans  le  lieu  de  Beauchastel  les  soldats,  qui  logeaient  dans 
la  maison  de  la  nommée  Marie  Colombet^,  veuve  de  Claude 
Buisson,  marchand,  âgée  de  74  ans  ou  environ,  attachèrent  cette 
femme  dans  un  fauteuil  et  l'apportèrent  à  la  place  publique  pour 
ouïr  par  force  le  sermon  d'un  missionnaire,  qui  n'était  point  scan- 
dalisé d'avoir  de  tels  auditeurs.  Et  parce  que  cette  vieille  femme 
baissait  la  tète,  on  la  lui  relevait  avec  le  bout  d'un  bâton  pour  lui 
faire  regarder  le  prédicateur.  Les  soldats  n'ayant  pu  gagner  son 
esprit,  la  détachèrent  après  le  sermon,  mais  lorsqu'elle  fût  de 
retour  dans  sa  maison,  ils  la  mirent  devant  un  grand  feu,  où  ils  la 
tinrent  jusqu'à  ce  quelle  évanouit  dans  leurs  bras... 

"  Jacques  Colombet,  hôte  du  bourg  du  Bousquet,  paroisse  de 
Saint-Laurent,  qui  est  du  mandement  de  Pierregourde,  ayant  été 
pris  à  Beauchastel  lorsqu'il  venait  de  faire  moudre  du  blé,  fut 
conduit  en  prison,  où  il  fut  détenu  onze  jours,  pendant  lesquels  on 
lui  arrachait  les  poils  de  la  barbe,  on  le  vanait  sur  une  couverture 
et  enfin  on  le  contraignit  de  bailler  200  livres  pour  recouvrer  sa 
liberté. 

»  Dans  le  lieu  de  Granger,  paroisse  de  Macheville^  on  lia  la 
femme  du  nommé  Jean  Jacques,  laquelle  était  enceinte,  on  la 
menaça  de  la  pendre ,  on  lui  mit  la  corde  au  cou  ,  on  la  conduisit 
ensuite  à  Macheville  dans  une  basse  fosse,  où,  dans  le  cœur  de 
l'hiver,  elle  avait  de  la  boue  jusqu'à  demi-jambe.  On  la  tint  là 
toute  la  nuit,  mais  parce  qu'elle  était  disposée  à  y  mourir,  on  la 
renvoya  chez  elle, 

»  Les  dragons  ayant  encore  pris  la  nommée  Anne  Reboul , 
femme  de  Moïse  Pouchon  ,  marchand  de  Vernoux,  on  lui  mit 
aussi  la  corde  au  cou,  on  dressa  une  échelle  contre  un  arbre  de 
la  place  publique  ,  on  la  fit  monter  par  deux  fois .  lui  disant  qu'on 
l'ail  lit  pendre  si  elle  n'abjurait  pas  sa  religion;  mais  comme  on  la 
vit  résolue  à  souflFrir  la  mort,  on  la  mena  dans  le  château  de  La 
Tourette,  où  elle  fut  détenue  plusieurs  jours,  et.  parce  qu'elle  fit 
toujours  paraître  la  même  fermeté  ,  on  lui  ouvrit  les  portes  de  la 
prison  (1).  » 

(0  Brousson.  Apologie  du   projet  des  réformés,  p.  ?i4-?20. 


384  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 


«  Il  y  eut  des  hommes  à  qui  on  arracha  le  poil  de  la  barbe, 
d'autres  de  qui  on  la  brûlait  à  la  chandelle  ,  d'autres  qu'on  laissa 
pendus  la  corde  au  cou  demi-morts  ,  d'autres  qu'on  lia  de  même  à 
des  cheminées,  dont  la  fumée  leur  bouchait  tous  les  passages, de 
la  respiration  ,  d'autres  qu'on  jeta  tous  liés  dans  un  grand  feu.  Il 
y  eut  des  femmes  liées  au  pied  de  leur  lit  et  qu'on  laissa  des  jours 
entiers  dans  cet  état,  d'autres  qu'on  assomma  de  coups,  d'autres 
qu'on  mit ,  durant  le  plus  froid  de  l'hiver,  dans  des  cachots  pleins 
de  boue,  d'autres  qu'on  fit  monter  sur  des  échelles  la  corde  au 
cou ,  en  jurant  qu'on  les  allait  pendre ,  d'autres  qu'on  força 
d'abandonner  leurs  maisons  par  la  crainte  d'être  violées.  » 

«  Le  marquis  de  La  Tourette  faisait  de  son  côté  tout  le  mal 
dont  il  se  pouvait  aviser.  Entre  ses  autres  cruautés,  celle-ci  est 
remarquable.  Il  avait  forcé  Pierre  Romieu  ,  qui  était  excepté  de 
l'amnistie,  à  changer  de  religion  pour  éviter  la  mort.  La  femme 
de  ce  converti ,  affligée  de  ce  qu'il  avait  eu  tant  de  faiblesse  ,  re- 
fusa de  le  voir.  Le  marquis  la  fit  enlever  par  ses  soldats  et  l'en- 
ferma dans  une  chambre  de  son  château,  où  il  lui  fit  toutes  sortes 
de  persécutions.  Il  la  menaça  même  que,  si  elle  ne  suivait  l'exem- 
ple de  son  mari,  il  la  ferait  pourrir  en  prison.  Il  lui  ôta  un  enfant 
qu'elle  nourrissait  et  lui  refusa  tout  ce  qui  pouvait  la  soulager. 
Dans  cet  état,  elle  se  résolut  à  couper  les  draps  et  les  rideaux  de 
son  lit  et  en  fit  une  corde  pour  descendre  par  la  fenêtre.  Cette 
mauvaise  corde  n'ayant  pu  la  soutenir  sans  se  rompre,  elle  tomba 
de  fort  haut  sur  les  rochers,  où  elle  demeura  toute  brisée  et  sans 
mouvement;  mais,  comme  en  la  relevant,  on  remarqua  en  elle  des 
restes  de  vie,  le  marquis  la  fit  remettre  en  prison  (i).  » 

N®  VII.  —  Livres  de  controverse  sortis  des  pres- 
ses DU  collège  des  Jésuites  de  Tournon  (2). 

(Vol.  I,  p.  556.) 

Epi^rammata  in  Hereticos,  authore  Andréa  Frusio ,  Societatis 
Jesu;  Turnoni,  1582,  in- 12, 

(i)  Benoît,  Histoire  de  l'édil  de  Nantes,  l.  V,  p.  664,  665. 

(2)  Les  mêmes  sources  que  dans  la   Pièce  justificative   qui   suit.  Nous  ne 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY,  385 

Enchiridion  contromrsiarum  prœcipuarum  nostri  temporis  de  Re- 
ligione  in  gratiam  sodalitatis  Beatissimœ  Virginis  Mariœ,  authore 
Reverendo  Patro  Francisco  Costero  (i),  Doctore  theologo  So- 
ciet.  Jesu  ;  Turnoni ,  1591  ,  in-S»  (d'après  l'édition  de  Cologne 
de  1 590). 

Response  de  l'Evesque  de  Mende  à  la  Lettre  de  François  Trouy, 
Ministre  de  la  Religion  prétendue,  pour  la  réalité  du  S.  Sacrement 
et  célibat  des  prestres,  par  Adam  de  Heurtelon  ;  Tounon,  1596, 
in-i2. 

Réprimende  aux  ministres  sur  la  Déclaration  d'Edmond ,  pré- 
tendu Jésuite ,  et  de  deux  autres  déserteurs  de  la  Foy  Catholique, 
par  Louis  des  Montaignes  (le  Père  Richeome)  (2);  Tournon 
(1601),  in-i2.  Jouxte  la  Copie  imprimée  à  Bourdeaux. 

Epistre  de  M.  Jean  du  Ranc,  natif  de  Montpellier,  Docteur  en 
Médecine,  habitant  la  ville  d'Aulbena^  en  Viimre^  ,  nouvellement 
reduict  à  la  Foy  Catholique ,  Apostolique  et  Romaine.  En  laquelle 
sommairement  sont  déclare^  les  erreurs,  blasphèmes  et  malheurs  du 
Calvinisme  qui  Font  esmeu  à  s'en  despartir;  Tournon,  1603,  in-12. 

Traduction  de  deux  épistres  de  Sainct  Hierosme  au  pape  Da- 
mase,  qui  tenoit  le  siège  en  Van  369,  avec  une  paraphrase  exempli- 
fiée  pour  monstrer  que  Fauthorité  du  Pontife  Romain  esloit  telle  en 
Vancienne  église  qu'elle  est  aujourd'huy ,  par  Antoine  Rambaud  ; 
Tournon,  161 5,  in-12,  56  pag.  (3). 

Le  Nouveau  Parnuge  ,  avec  sa  navigation  en  liste  imaginaire, 
son  rajeunissement  en  icelle  ,  et  le  voyage  que  fit  son  esprit  en  F  au- 
tre monde  pendant  le  rajeunissement  de  son  corps.  Ensemble ,  une 
exacte  observation  des  merveilles  par  luy  veuës  tant  en  Fun  que 
Fautre  monde.  A  La  Rochelle  (Tournon),  par  Michel  Gaillard, 
avec  privilège,  sans  date,  291  pag.  in-i8.  Autres  éditions  :  Lyon, 
161 5  ,  in-i6;  Id.,  1616,  390  pag.  in-16.  —  Ce  qui  nous  porte  à 
croire  que  cet  écrit  a  été  imprimé  à  Tournon,  c'est  qu'il  est  dédié 
«  à  Messieurs  les  ministres  du  Dauphiné  ,  «  et  qu'il  met  tour  à 

reproduisons  pas,  dans  ces  deux  Pièces  justificatives,  les  ouvrages  déjà  men- 
tionnés à  l'article  Doctrine,  vol.  1,  p.   551. 
(i)  Né  à  Malines.  IVlort  à  Bruxelles  en  1619. 

(2)  Né  à  Digne  en  1544.  Il  devint  assistant  général  de  France,  et  mourut 
en  1625. 

(3)  Sur  l'origine  de  ce  livre,  voy.  E.  Arnaud,  Not.  hisl.  et  bibl.  sur  les 
controverses,  etc.,  p.  25;  et  sur  Rambaud,  Rochas,  Biour.  ihi  Unujih.  et 
Revue  du  Dauph.,  juillet  18^9,  in-S". 

H.  t; 


j86  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

tour  en  scène  Charnier,  Murât,  Crespe,  Dragon,  Espagne,  Dau- 
phin ,  etc.,  pasteurs  de  cette  province.  L'ouvrage  n'est  d'un  bout 
à  l'autre  qu'un  indéchiffrable  logogriphe,  roulant  sur  des  commé- 
rages de  petite  ville  et  des  obscénités.  Le  jésuite  Isnard,  de  Die, 
pourrait  bien  en  être  l'auteur.  Son  «  Mercure  réformé  «  est  écrit 
dans  le  même  goût.  Voy.  plus  bas. 

La  Minislro graphie  huguenote  et  tableau  des  divisions  calviniques, 
par  Josué'Barbier ,  docteur  es  droicts  et  advocat  au  parlement  de 
Dauphiné  ;  Tournon,  1617,  in-8°,  214  pages.  Autre  édition  avec 
un  simple  rafraîchissement  du  titre,  Lyon  ,  1618  (i). 

La  Ministrophtorie  ou  renversement  des  Ministres  en  la  Réfuta- 
tion d'un  Imprimé,  faict  par  ceux  de  l'Eglise  prétendue  reformée  de 
la  ville  de  Grenoble.  Intitulé.  Responce  aux  escrits  du  Sieur  Petriny 
dit  le  Petit  Carme.  Touchant  la  réelle  existance  du  corps  de  Jesus- 
Christ  en  la  saincte  Eucharistie,  etc.,  par  Fr.  Jean  Petriny,  Reli- 
gieux de  l'Ordre  de  Nostre  Dame  du  Mont-Carmel ,  et  Prédi- 
cateur ordinaire  du  Roy,  etc.;  Tournon,  1619,  in-12,  728  pag.  (2). 

Déclaration  du  sieur  Gaspar  Benoit  Bourgeois  de  la  ville  de 
Crest  en  Dauphiné,  contenant  les  justes  causes  de  sa  Conversion  à 
la  Foy  Catholique ,  Apostolique  et  Romaine;  A  Tournon,  par 
Claude  Michel,  Imprimeur  de  l'Université,  1619,  162  pag.  in-80. 

Le  Mercure  réformé  apportant  consolation  à  Messieurs  et  Révé- 
rends Pères  les  Ministres  de  Dyois  et  Valentinois  désole^,  hélas/ 
pour  la  perte  de  M'"^  du  Poët  et  de  cent  autres  réduicts  à  l'Eglise 
Catholique,  l'an  1619,  ences  païs^  etc.,  etc.,  par  Jacob  d'Horel , 
Ministre  de  la  Parole  de  Dieu  ;  A  La  Rochelle,  par  Guillaume  du 
Coing  (1620),  359  p.  in-12  (3).  —  Jacob  d'Horel  et  La  Rochelle 
sont  des  pseudonymes  pour  Isnard  jésuite  et  Tournon. 

La  défense  de  l'infaillibilité  du  Sainct  Siège  contre  les  accusa- 
tions d'A.  de  Vina}';,  Ministre,  comprinses  en  son  traicté  contre  l'in- 
faillibilité du  Pape ,  par  un  sien  compatriote  dauphinois  (le  Père 
Isnard,  jésuite);  Tournon,  1622,  in-8°. 


(i)  Sur  Barbier,  ancien  pasteur,  voy.  E.  Arnaud,  Notice  historique  et  bi- 
bliograpliique  sur  les  controverses ,  etc.  Rochas,  Biograpliie  du  Dau- 
phiné. De  Prat,  Recherches,  etc.,  t.  IV,  p.  94. 

(2)  Sur  l'origine  de  cet  écrit,  voy.  E.  Arnaud,  Notice  historique  et  biblio- 
graphique sur  les  controverses,  etc.,  p.  jy,  et  sur  Petriny,  de  Prat,  Re- 
rliercltns,  etc.,  t.  II,  p.  657. 

(5)  Sur  ce  livre,  voy.  E.  Arnaud,  Not.  hisl.  rt  bihi.  sur  les  rotilroocr- 
ses,  etc..  p.  35, 


DU   VIVARAIS   ET   DU    VELAY.  387 

Le  moupement  général  de  la  rébellion ,  à  Messieurs  de  la  Reli- 
gion; Touvnon,  1622,  in-8". 

Adoration  du  vray  Dieu,  où  est  manifesté  raveuglement  de  ceux 
de  la  Religion  prêt,  r.,  qui  refusent  d'adorer ,  servir ,  aimer  et  crain- 
dre Dieu,  honorer  ses  Ss.  et  obeyr  à  son  Eglise,  par  le  R.  P.  An- 
déol  de  Lodeve,  capucin,  prédicateur  missionnaire;  Tournon, 
1638  ,  in-i2. 

N"  VIII.  —  Livres  de  controverse  émanés  d'au- 
teurs   CATHOLIQUES    DU    ViVARAIS   (l). 

(Vol.  1,  p.  Î56). 

Le  prix  du  Chevalier  chrestien,  par  Claude  Caron  ;  Tournon, 
1590,  in-8°,  72  pages. 

Traicté  du  sacrement  de  baptesme  et  des  cérémonies  d'iceluy,  par 
le  même;  Tournon,  1590,  in-8°. 

La  théologie  françoise  :  ou  les  canons  de  la  vérité  de  Dieu,  tire\ 
de  l'arsenal  des  S.  Escritures,  par  Jacques  d'Illaire,  sieur  de  Jo- 
vyac  ;  Paris,  1610,  in-12. 

LAnatomie  du  Calvinisme ,  par  Jacques  Gaultier,  d'Annonay  ;  • 
Lyon,  161 5,  in-i  2. 

La  conversion  de  P.  Marcha  sieur  de  Pras.  Cy  devant  Ministre 
en  Vivarais  es  pays  de  Languedoc.  Lequel  s  est  rendu  Catholique 
dans  l'Abbaye  S.  Ou'én  le  jour  de  Noël  dernier  en  présence  de  Sa 
Majesté;  Rouen,  1617,  in-12,  8  pag.  —  Cet  opuscule  est  une 
lettre  datée  de  Rouen,  28  décembre  1617,  qu'un  certain  person- 
nage, nommé  Madelenet,  écrit  au  célèbre  pasteur  apostat  Jéré- 
mie  Ferrier,  de  Nimes,  pour  lui  annoncer  la  conversion  de  Mar- 
cha. Il  raconte  que,  depuis  le  synode  national  de  "Vitré  (161 7), 
où  il  avait  été  envoyé  comme  premier  député  du  Vivarais,  Marcha 
avait  toujours  eu  soif  d'être  instruit  dans  la  religion  catholique  ; 
qu'il  le  mit  en  rapport  avec  les  plus  grandes  lumières  de  la  Cour, 
notamment  avec  le  Père  Arnoux  ,  qui  avait  eu  autrefois  des  con- 
troverses religieuses  avec  lui  par  écrit  ;  qu'après  avoir  suivi  ses 

(1)  De  Gallier,  L'imprimerie  à  Tournon  (dans  le  Bulletin  de  la  Société 
d'archéologie  de  la  Drôme,  1877).  Filhol,  t.  II,  p.  45,  49,  540-Hî-  De  Budé, 
Vie  de  Bénédict  Pirtet ,  p.  59,  55.  H.  Vaschalde ,  Etablissemenl  de  l'im- 
primerie dans  Ir  Vivarais  {Revue  du  nauphinr  et  du  Vit\irais,  Vienne, 
t.  1,  1877). 


^88  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

sermons  il  se  sentit  convaincu  et  abjura  sa  religion  dans  la  cathé- 
drale de  Rouen,  entre  les  mains  de  l'archevêque  de  cette  ville  , 
en  présence  de  la  Cour  et  d'un  grand  concours  de  peuple.  Ma- 
delenet  ajoute  que  Marcha  allait  faire  imprimer  à  Paris  le  récit 
de  sa  conversion  ;  mais  ce  qu'il  oublie  de  dire  ,  c'est  que  son  pro- 
tégé avait  été  déposé  par  le  synode  du  Vivarais  comme  adultère, 
et  que  sa  conversion  au  catholicisme  eut  lieu  immédiatement 
après.  Quant  au  récit  annoncé  par  Madelenet ,  en  voici  le  titre  : 

Ample  et  fidelle  narré  de  V heureuse  conversion  de  Pierre  Marcha, 
sieur  de  Pras,  Ministre  de  la  Religion  prétendue  reformée,  es  pa/s 
de  Languedoc;  Paris,  1618,  2^  pag.  in-8^  —  Cet  opuscule  fut 
réimprimé  la  même  année  sous  ce  titre  plus  étendu  : 

Ample  et  fidelle  narré  de  l'heureuse  conversion  de  P.  Marcha, 
sieur  de  Pras ,  Ministre  de  la  Religion  prétendue  reformée  es  pa/s 
de  Languedoc ,  faicte  en  l'Eglise  de  Sainct-Ouen  le  jour  de  Noël 
dernier,  en  la  présence  de  Sa  Majesté  très-chrestienne,  de  Messieurs 
les  Princes ,  de  toute  la  Cour  et  des  grands  de  son  Royaume  ; 
Rouen,  1618,  in-8°.  —  Marcha  raconte  sa  vie  et  ajoute  qu'il  con- 
féra ,  non  seulement  avec  le  jésuite  Arnoux ,  mais  encore  avec  le 
Cardinal  du  Perron,  Cospéau,  évêque  d'Aire,  et  Coifteau,  évê- 
que  d'Ardanie  ;  que  l'Eglise  de  S»  Ouen  renfermait  15,000  per- 
sonnes le  jour  de  son  abjuration ,  et  que  l'archevêque  de  Rouen 
le  présenta  au  Roi,  qui  l'assura  de  sa  protection  en  toute  ren- 
contre. —  Pour  d'autres  détails  sur  Marcha,  voy.  la  Biographie 
succincte  des  pasteurs. 

L'excellence  de  la  première  Messe  instituée  par  Jésus-Christ  avec 
ses  Apostres,  2»  édit.,  Paris,  161Q,  in-12,  340  pages. 

La  Discipline  des  églises  P.  R.,  etc.,  par  Pierre  Marcha,  sieur 
de  Pras,  etc.  ;  Paris,  1619,  in-12.  —  Cet  ouvrage,  accompagné 
de  remarques  critiques,  est  devenu  introuvable.  On  ne  le  connaît 
que  par  la  mention  qu'en  fait  le  controversiste  Fr.  Véron  dans 
a  La  Discipline  des  Eglises  Prétendues  réformées  de  France-, 
etc.;  »  Paris,  1645,  in-12,  p.  4. 

Réfutation  de  la  réponse  de  Monsieur  Pictct ,  Ministre  de  Ge- 
nève ,  au  Livre  intitulé ,  L'Heresie  des  Protestans ,  et  la  Vérité 
de  l'Eglise  mises  en  évidence  (i)  (par  le  frère  Antoine  Léorat  , 


(i)  L'hérésie  des  pralestants  avait  été  composée  par  Claude  Andry,  ec- 
clésiastique, Ly,on,  1714,  2  tomes  in-12,  et  la  Répnmtp  de  Pictet  avait  pour 
titre  :  La  religion  des  protestants  justifié<'  tl'hérésle  et  s;i  lu'.rité  démon- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  389 

Mineur  Conventuel  de  S.  François  d'Annonay);  Cologne,  1720, 
2  parties  en  4  tom.,  in-i  2. 

Apologie  de  la  Foi  catholique,  contre  les  erreurs  et  les  sophismes 
de  Benedict  Piclel ,  Ministre  de  Genève ,  pour  servir  de  réponse-  à 
son  livre  intitulé  :  La  Défense  de  la  religion  des  Protestans  (i) , 
etc.  Par  le  R.  P.  Antoine  Leorat,  Docteur  et  Professeur  en 
Théologie,  Religieux  Conventuel  de  S.  François;  Avignon,  1726, 
2  tom.  in-i2. 

La  Vérité  de  la  Foi  catholique  victorieuse  des  Erreurs  et  des  So- 
phismes de  M.  Benedict  Pictet,  Ministre  de  Genève,  Contenus  dans 
son  Livre  intitulé  :  l'Apologie  de  la  Religion  des  Protestans  (2), 
par  le  Frère  Antoine  Leorat,  Mineur  Conventuel  de  S.  François; 
Avignon,  1728,  2  t.  in-12. 

Le  Triomphe  de  la  Foi  Catholique  sur  les  erreurs  des  protestans, 
contenues  dans  les  œuvres  polémiques  de  feu  M.  Benedict  Pictet , 
Ministre  et  Professeur  en  théologie  à  Genève,  par  François  Vernet; 
Avignon,  1745,  in-12.  —  L'auteur  de  ce  livre,  qui  est  le  résumé 
des  trois  précédents  ,  est  Leorat.  Quant  à  Vernet ,  c'était  le  frère 
de  Jacob  Vernet,  pasteur  et  professeur  à  Genève.  Il  habitait  Avi- 
gnon, où  il  exerçait  la  profession  de  négociant.  Après  sa  conver- 
sion, et  pojjr  la  justifier,  il  avait  publié  trois  Lettres  apologéti- 
ques (3),  dues  peut-être  à  la  plume  de  Leorat. 

N«    IX. 

10  Jeunes  gens  du  Vivarais  étudiants  à  l'Académie  de  Genève  (4). 

(Vol.   I,  p.   584). 
1559,   IX  Novembris.  Joannes  Serranus  (=;)  Vivariensis. 

trée  pour  répondre  au  livre  de  M.  Claude  Andry ,  ecclésiastique,  Ge- 
nève, 1714.  2  tomes  in-12. 

(i)  Titre  complet  :  La  défense  rie  la  religion  des  prolestants  ou  Ré- 
ponse a  la  Réplique  de  M'  Claude  Andry,  ecclésiastique ,  Genève,  1716, 
2  tomes  in-i8. 

(2)  L  apologie  fut  publiée  à  Genève,  172b.  .1  tomes  in-12,  par  Pictet  fils. 
deux  ans  après  la  mort  de  son  père,  qui  l'avait  composée  pour  réfuter  VApo- 
logie  de  la  foi  catholique  de  Leorat. 

(5)  Pour  plus  de  détails,  voy.  E.  Arnaud,  Histoire  des  protestants  de 
Provence,  etc.,  vol.  II,  p.  ijo-i^' 

(4)  Le  livre  du  recteur,  Genève,   1860,  in-8». 

1^5)  C'est  le  célèbre  historiographe  du  roi. 


390  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

i^';9,   IX  Novembris.  Johannes  Mondonus  intraque   Vivariensis 
diocesis. 

1564,  Mcnse  Aprili.  Joannes  Arnaudus  (i)  Vivariensis. 

—  —  Georgius  Pretz  Vivar. 

1565.  Johannes   du   Faure    senior   Ville   Burgy  Sancti   Andeoli 

diocesis  Vivariensis. 

1581,  II  Junii.  Stephanus  Reboletus  Vivariensis. 

—  —       Zacharias  Crozianus  Vivariensis. 

1582,  28  Nov.  Joannes  Valetonus  (2)  Vivariensis  ecclesiae  Ne- 

mausiensis  alumnus. 

—  17  Junii.  Daniel  Serranus  (3)  Vivariensis  juris.  stud. 
1584,  die  Veneris  12  Junii.  Claudius  Régis  Vivariensis  a  Chey- 

lario  logices  stud. 

—  '  —  —         Gedeon  Angladius  Vivariensis  juris. 

stud. 

—  —  —        Joannes  Valletonus  (4)  Vivariensis. 

—  —  —         Daniel  Serranus  (5)  Vivariensis  oc- 

citanus  jurisp.  stud. 
1592.    Sebastianus  Joffrerius  viviascensis  stud.  2  sept. 
1598.    Nathanaël  de  La  Grange  d'Aubenas. 
1604,    Cal.  Nov.  Jacobus  Deconcherius  Privasiensis  in  Vivaria- 
tibus  ss.  the.  stud. 

1607,  Mense  Mayo.  Petrus  Coursassius  Vivariensis. 

1608,  Cal.  Maii.  Marcelinus  Tardy  Turnonensis. 

—  —         Ludovicus  Vintelius  Vivariensis. 
1614,  8  Martii.  Petrus  Marserius  Viviacensis. 

—  —        Ludovicus  Sautellus  Cheylariensis. 
1620.    Petrus  Gamonius  Annonaeo  Vivariensis. 
1632,   I  Junii.  Salomon  du  Fonte  Viviacensis. 
1640.   Jacobus  Dumarche  (6)  Vivariensis. 

1651,  5  Maii.  Petrus  Davellus  Viviacensis. 

1652,  3  Maii.  Jacob  Guidon  Helvet.  Viviaciensis. 
1654,  Mense  Martio.  Joannes  Pascal  Annoniensis. 


(i)  Pasteur  à  Largentière  en  1562,  et  à  Saint-Marcel-le-Rance  en  içoj. 

(2)  Pasteur  à  Privas. 

(3)  C'est  le  fils  du  célèbre  agronome  Olivier  de  Serres. 

(4)  Le  même,  sans  doute,  que  précédemment, 
(ç)  Le  même  que  précédemment. 

(6)  Pasteur  en  Dauphiné. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  59I 

1663,  Mense    Februario  Nob.  Alexander  a   Bruneis   de  Justet 

Vivariensis. 

1664,  26  Julii.  Jacobus  de  Vauxius  Petrigourdiensis  Vivariensis 

th.  stud. 

1665,  31  Januarii.  Johannes  Guiilelmus  Perrinus  Viviascensis. 

1671.  Joannes  Cluzel  (1)  Cheylariensis  Viviarensis  th.  et  phil. 

stud. 

—  Gedeo  Leorat  Annoniensis. 

1672,  die  Augusti.  Renatus  Chareirianus  (2)  Privasiensis   Viva- 

riensis stud.  th. 
167"; ,  22  Junii.  Gaspardus  de  Tecto  Vallonensis  ph.  stud. 

1677.  Andréas  Schaidlinus  Viviacensis  st.  ph. 

1678.  Hugo  Marcha  Annonaeensis  st.  ph. 

1688,  7    Maii.     Antonius    Duriou     Chalenconensis   Vivariensis 

stud.  th. 

1689,  27  Mayi.  Joannes  Petrus  Fatio  Viviacensis  theol.  stud. 

—  6  Augusti.  Isaac  Davellus  Viviacensis  th.  stud. 

—  6  Novembris.  Andreus  du   Fonte  Viviacensis  ss.  theol. 

stud. 

—  6  Decembris.  Franciscus  Pilliodus  Viviacensis  ss.  theol. 

stud. 

1694.  Ludovicus  Tourton  Annonaeensis. 

1695.  Isaac  Tourton  Annonaeensis. 

1719,  21  Juin.  Antonius  La  Grangette  Annoneensis  phil.  stud. 

1733,  8  Juin.  Johannes  Franciscus  Boissy  Lamastrensis  in  Viva- 

riensi  tractu  th.  stud. 

1734,  3  Juin.  Bartholomaeus  AUeon  Annoniacus. 

2°  Jeunes  gens  du  Viparais  étudiants  à  l'Académie  de  Die  (3). 

1610.  Henri  de  Lubac,  en  philosophie. 

—  Jean  Héra,  d'Annonay,  dans  la  1*"  classe  du  collège. 

—  Daniel  Croze,  de  Saint  Gervais,  dans  la  2"  classe. 

—  Pierre  Leorat,  d'Annonay,  idem. 

—  Alexandre  de  la  Serve  ,  de  Privas,  dans  la  3*^  classe. 


(i)  Pasteur  au  Cheylard. 
(2)  Pasteur  à  Gluiras  et  à  Saint-Pierreville. 

(?)  Conrlusions  du  Sénat  académique  de  Die  (Arch.  dép.  de  la  Drôme, 
D,  p,  53). 


392  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

1610.    Jacques  Néri,  de  Privas,  dans  la  3®  classe. 

—  Louis  Blache,  d'Annonay,  idem. 

—  Antoine  Garnier,  de  Privas,  idem. 
1636,    Tiniothée  Dauphin,  en  théologie. 
Entre  lôi^a  et  1660.  François  Valette. 

16159.    Alexandre  de  Bruneus,  de  Vais,  dans  la  i*"  classe. 

—  Charles  de  Longueville,  dans  la  2®  classe. 

(Ces  deux  derniers  écoliers  remportèrent  le  prix  Marquât , 
savoir  :  Bruneus  le  second  prix  de  latin,  Longueville  le  premier 
prix  de  latin  et  de  poésie). 

N"  X.  —  Gentilshommes  nouveaux  convertis, 
1686-171 I. 

(Vol.  H,  p.  6.) 

1°  Liste  des  gentilshommes  et  principaux  habitants  nouveaux  conver- 
tis dans  le  Vivarais  en  1686  (i). 

1.  S""  de  S*  Florent  ,  non  marié,  à  la  Bastide  de  Virac ,  mal 
intentionné. 

2.  S""  de  Versas  (2) ,  n'a  que  des  filles,  à  Sanilhac ,  paraît  bien 
intentionné. 

3.  S*"  de  Montbrison,  sans  enfants,  à  Aubenas,  paraît  bien  in- 
tentionné. 

4.  S*"  de  Justet,  ses  enfants  au-dessous  de  dix  ans,  à  Vais,  pa- 
raît bien  intentionné.  «  M.  Justet,  de  Vais,  s'est  toujours  con- 
duit à  merveille.  Il  a  épousé  en  secondes  noces  une  femme 
ancienne  catholique  ,  et  aussi  marié  son  fils  aîné  à  une  ancienne 
catholique.  Son  cadet  est  lieutenant  réformé  d'infanterie.  » 

5.  S""  de  Badel ,  a  un  fils  au-dessous  de  dix  ans,  à  Chomérac , 
paraît  bien  intentionné. 

6.  S""  d'Itier  (ses  fils  sont  au  service),  à  Saint  Priest ,  mauvais 
converti.  C'est  un  vieux  officier  de  cavalerie,  fort  accrédité  dans 


(i)  Bullelin  de  la  SorAélâ  de  l'histoire  du  prniesinntisme  fra.nçnifi, 
t.  XXIX,  p.  J62-564.  Ce  qui  est  entre  guillemets  est  tiré  de  l'état  n»  4. 

(2)  Les  de  Versas  et  de  Montbrison  s'étaient  déclarés  pour  la  réforme 
dès  IÇ62  (voy.  vol.  I,  p.  45). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  ^9? 

son  canton  ,  capable  de  faire    bien  du   désordre  s'il   se   mettait 
à  mal. 

7,  8.  S»  de  Cheylus  (i)  et  Tastaillon  frères,  fils  de  la  dame 
hier  d'un  premier  lit,  âgés  de  25  et  20  ans,  non  mariés,  très  mal 
intentionnés.  «  M.  le  baron  de  Cheylus,  de  la  paroisse  de  Cho- 
mérac,  est  très  huguenot  ;  il  ne  s'en  cache  pas  et  ne  déguise  pas  ses 
sentiments  sur  la  religion,  D'ailleurs  c'est  un  fort  honnête  homme, 
qui  a  toujours  été  avec  les  troupes  du  roi  dans  le  temps  des  dés- 
ordres. 11  a  même  contenu  tout  son  voisinage.  C'est  un  vieux 
garçon  qui  ne  demanderait  pas  mieux  de  se  retirer  à  Genève  si 
on  pouvait  lui  assurer  dans  ce  pays-là  les  revenus  de  ses  biens. 
Il  conviendrait  fort  au  bien  de  la  religion  qu'il  fût  hors  du  'Viva- 
rais,  n'y  ayant  plus  d'espérance  pour  sa  conversion.  —  M.  de 
Tastaillon,  son  frère,  n'est  pas  de  même  crédit,  mais  il  est  fort 
huguenot  et  s'avise  quelquefois  de  dogmatiser.  Il  a  son  frère  aîné 
capitaine  réformé  dans  le  régiment  Dauphin  infanterie.  C'est  un 
fort  honnête  garçon.  » 

9.  S''  de  Saint  Lager,  ses  fils  au-dessous  de  douze  ans,  à  Bres- 
sac ,  mal  intentionné. 

10.  Sieur  de  Chambaud,  non  marié,  à  Bressac,  mal  intentionné. 

11.  S''  du  Solier,  non  marié,  à  Saint  'Vincent  de  Barrés,  paraît 
bien  intentionné. 

12.  S""  de  'Verclause  ,  a  des  fils  au  service  ,  les  autres  sont  au- 
dessous  de  douze  ans,  à  Baix,  mal  intentionné. 

15.  S""  de  Saint  Jean,  n'a  que  des  filles,  à  Baix,  mal  inten- 
tionné. 

14.  S''  de  'Vaneilles  ,  non  marié,  à  Alissas  ,  mal  intentionné. 
«  M.  de  Vaneilles,  de  la  paroisse  d' Alissas,  est  un  jeune  garçon, 
qui  n'a  pas  encore  de  religion  parce  que  sa  mère,  sœur  de  M .  De- 
vès,  gentilhomme  de  Loriol  et  proche  parent  de  feu  M.  de  Ju- 
lien (2),  est  obstiné  dans  sa  religion.  C'est  elle  uniquement  qui 
retient  son  fils.  » 

15.  S""  de  Tardivon,  n'a  que  des  filles,  à  Pranles  ;  il  paraît 
bien  intentionné.  «  M.  de  Tardivon  ,  de  la  paroisse  de  Boffres , 
s'est  distingué  pour  la  religion  et  le  service  du  roi  dans  toutes  les 


(i)  Les  de  Cheylus  ont  figuré  dans  les  guerres  de  religion  plusieurs   fois. 

(2)  Jacques  de  Julien,  d'Orange,  à  qui  son  apostasie  et  ses  cruels  exploits 
contre  les  camisards,  en  1704,  valurent  le  grade  de  lieutenant  général  ;  mort 
en  1711. 


394  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

occasions.  Il  ne  s'est  pas  contenté  de  marier  son  fils  à  une  an- 
cienne catholique  :  il  a  encore  fait  bâtir  une  chapelle  dans  son 
château ,  où  il  fait  dire  souvent  la  messe.  » 

i6.  S""  de  Montefort,  son  frère,  non  marié,  à  Pranles  ;  il  paraît 
bien  intentionné. 

17.  S""  de  Sibleyras,  sans  enfant,  à  Saint  Pierreville;  il  paraît 
bien  intentionné. 

18.  S""  du  Cher,  son  frère,  non  marié,  à  Saint  Pierreville  ;  il 
paraît  bien  intentionné. 

19.  S""  de  Montrond,  a  un  fils  en  bas  âge,  à  Gluiras,  mal  inten- 
tionné. 

20.  S'"  de  Vielherma,  son  frère;  ses  enfants  sont  en  bas  âge, 
au  Cheylard  ,  mal  intentionné. 

21.  22.  S""  de  Marcous  du  Bayet,  à  Saint  Michel  le  Rance,  mal 
intentionné.  Son  second  fils  est  dans  les  pays  étrangers,  son  aîné 
a  vingt-cinq  ans  et  est  mauvais  converti  et  mal  intentionné. 

23.  S"'  du  Cluset,  non  marié,  à  Saint  Jean  Chambre  ,  mal  in- 
tentionné. 

24.  S""  de  Badel ,  non  marié,  à  Saint  Michel  de  Chabrillanoux, 
mal  intentionné. 

24.  S""  du  Pradel ,  n'a  qu'une  fille,  à  Villeneuve  de  Berg ,  mal 
intentionnée. 

2°  Nouveaux  convertis  du  Vivarais,  qui  ont  été  déclarés  faux  nobles, 
capables  d'entreprendre  et  très  mal  intentionnés  en  1686. 

Le  s*"  du  Trémolet  de  La  Cheysserie,  au  Gua. 

Les  s"  de  Craux  et  de  Saint-Andéol  ses  fils. 

Le  s'"  de  Chazalette ,  frère  du  s""  du  Trémolet,  à  Saint- 
Pierreville. 

Le  s''  du  Fraisse,  son  fils. 

Le  s""  du  Bays  ,  à  Bernard. 

Les  s""*  du  Gros  et  du  Plos,  ses  fils,  maison  forte. 

Les  s""'  de  Labeillon  et  du  Marrol  ses  frères,  dans  les  Boutières. 

Le  s''  Sautel  de  Monteillet  (i),  à  Saint-Sauveur.  —  Dans  l'Etat 
N°  5,  on  dit  qu'il  «  se  conduit  admirablement  bien  ». 

Ses  deux  fils,  âgés  l'un  de  25,  l'autre  de  20  ans. 


(i)  Il  fournit,   quelques  années  plus  tard,  <<  sa  production  de  noblesse  » 
(Etat  n»  5). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  395 

Le  s--  de  La  Pervenche,  frère  du  s""  de  Monteillet. 
Le  s'"  de  Contagnet,  aux  Charriers,  paroisse  de  Saint-Michel- 
le-Rance. 

3°  Aulres  nouveaux  non  nobles  capables  cf  entreprendre  en  1686. 

Pradier,  notaire,  à  La  Bastide  de  Virac. 

François  Massot,  chirurgien,  à  Vallon. 

Brun,  avocat,  à  Chomérac. 

Vincent,  notaire,  à  Privas. 

Charrier,  notaire,  à  Joux. 

Giraud  Lafueiile,  au  Gua. 

Mirabel,  avocat,  à  Saint-Genest  —  Lachamp. 

Deschamps,  notaire,  à  Saint-Pierreville. 

Jean  Boisson,  à  Roiffieux. 

Mendon  Ponsonne,  Idem. 

Thomé,  à  Boulieu. 

Tourton,  apothicaire,  à  Boulieu. 

Gautier,  bourgeois,  à  Flimes. 

Bega,  bourgeois,  à  Peaugre. 

4°  Estât  des  gentilshommes  nouveaux  convertis  du  Vivarais  {après 

I7ii)(i). 

1.  M.  le  baron  de  Cheylus.  Voyez  page  393. 

2.  M.  de  Vaneilles.  Idem. 

3.  M.  Badel,  de  Privas,  «  fait  son  devoir  de  catholique,  de 
même  que  ses  deux  fils  qui  ont  été  officiers  et  ses  trois  filles.  La 
femme  le  fait  aussi ,  mais  je  suis  persuadé  qu'elle  ne  le  fait  que 
par  politique  ;  mais  on  peut  compter  que  cette  famille  se  conduira 
toujours  bien.  » 

4.  M,  Justet.  Voy.  page  392. 

5.  M.  de  Tardivon.  Voy.  page  393. 

6.  M.  de  Chambaud  ,  «  de  la  paroisse  de  Saint  Julien  en  Saint 
Alban ,  a  toujours  fait  son  devoir  de  catholique.  Il  est  marié  de- 
puis longtemps  à  une  femme  de  condition,  ancienne  catholique.  » 

7.  M.  de  Rochessauve  ,  de  la  paroisse  de  Rochessauve ,  beau 
frère  du  baron  de  Cheylus  et  de  M.  de  Tastaillon,  est  fort  âgé  et 

(i)  Communiqué  par  M.  Vielles,  de  Montauban. 


^96  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

impotent.  Lui  et  sa  femme  très  huguenots,  ne  sortent  jamais  de 
leur  château.  Ils  ont  trois  fils,  dont  deux  capitaines  réformés  et 
le  troisième,  qui  est  l'ainé,  n'a  pas  encore  obtenu  sa  réforme  de 
capitaine.  Ils  sont  fort  vifs,  jeunes  et  pétulants.  On  n'a  rien  à  leur 
reprocher  parce  qu'ils  étaient  au  service  lors  des  Camisards, 
mais  il  y  aurait  lieu  de  les  observer  de  bien  près  en  cas  de 
troubles. 

8.  M.  d'Entrevaux,  de  Privas,  est  un  exemple  de  conversion. 
Son  aine  est  lieutenant  dans  le  régiment  Dauphin  infanterie  et 
son  cadet  a  une  prébende  dans  le  chapitre  de  Viviers. 

9.  M.  de  la  Baume  de  Bavas,  de  la  paroisse  de  BofFres,  ne 
vaut  rien  pour  la  religion.  Il  est  même  du  nombre  des  réservés 
dans  l'amnistie  accordée  aux  rebelles  de  1683;  mais  il  est  déjà  âgé 
et  ses  deux  fils,  qui  sont  au  service  en  qualité  de  cadets  ou  de 
soldats,  vont  à  l'Eglise  lorsqu'ils  sont  au  pays.  Je  suis  persuadé 
qu'ils  seront  bon  catholiques  après  la  mort  de  leur  père.  Cette 
famille  est  fort  obérée. 

10.  M.  de  la  Chesserie ,  qui  a  servi,  est  un  très  bon  sujet.  Il 
a  marié  ses  deux  sœurs  à  des  anciens  catholiques. 

50  Estât  des  nouveaux  convertis  qui  ont  pris  la  qualité  ou   vécu 
noblement  {après  1 71 1  ). 

M.  d'Audemard,  de  Toulaud,  dont  le  père  et  le  grand  père  ont 
été  lieutenants  colonels  d'infanterie.  Il  est  fort  sage,  s'étanl  tou- 
jours très  bien  conduit  pour  le  service  du  roi  et  de  la  religion. 

M.  de  Vaugiron,  de  Silhac,  dont  les  auteurs  ont  toujours  servi, 
est  un  médecin  de  quelque  réputation,  mais  fort  huguenot.  Il 
n'est  pas  jeune  et  n'a  qu'une  fille. 

M.  de  la  Suauve,  de  Charmes,  a  fort  bien  servi.  Il  fait  réguliè- 
ment  son  devoir  et  a  été  en  dévotion  depuis  six  mois  à  la  Sainte- 
Beaume. 

M.  de  Platfay,  de  Châteauneuf  de  Vernoux,  n'est  pas  d'une 
bonne  race  pour  la  religion.  Il  est  sans  courage  ni  crédit.  Il  n'est 
ni  huguenot,  ni  catholique.  Sa  femme,  de  condition. 

M.  de  Sautel  de  Monteillet.  'Voy.  l'Etat  N"  2. 

M.  d'Albon,  de  Mauras,  ne  vaut  pas  grand  chose. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


397 


N"  XI.  —  A.   Biens  des  Consistoires  du   Vivarais 
ET  DU  Velay  (i). 

(Vol.  II  ,  p.  8.) 


CONSISTOIRES. 

BIENS    FONDS. 

VALEUR 
TOTALE. 

CAPI 

PRINCIPAL. 

TAUX 

INTÉRÊTS. 

Salavas. 

Deux  terres  incultes.                  1 
Pièce  de  terre    rapportant  par/ 

an  50  sols.                                / 
Terre  avec    grange   rapportant! 

par  an  16  den.                          J 

148' 

Vallon. 

Maison  présentement  occupéej 
par  le  curé ,  valeur  6  ou  700/ 
livres.                                        / 

Petite  grange,        valeur  i  "Soliv.! 

Cimetière,                 —      30  — / 

163^' 

Lagorce. 

Place  du  temple,       -     120  — i 
Cimetière,                —    i  20  — ( 

240' 

Aubenas. 

Cimetière,                —      30  — ^ 
Place  du  temple,      —      30  — \ 

60' 

Vais. 

Soletplacedu  temple, —  120  — ) 
Cimetière,                 —       30  — ) 

MO' 

400' 

22' 

Champérache. 

Maison  ,                     —     i  U'»  — j 
Temple,                   —      30  — > 
Cimetière,                —      40  — ] 

220' 

Ajoux. 

Temple,                    —  3  à  4  — 

8' 

[})  Estai  (les  biens  des  Consistoires  de  la  province  de  Languedoc,  etc. 

—  Estât  des  biens  ayant  appartenu  aux  Consistoires  supprimés  de  ceux 
de  la  R.  P.  R.  du  Vivarès,  etc. —  Virarès  consistoriaux.  Estât  des  effets 
intèri'ls  ou  pensions  des  sommes  capitales  qui  peuvent  être  exigés,  etc. 

—  Vivarés  consistoires.  Estât  des  biens-fonds  qui  ont  appartenu  aux 
jadis  consistoires  de  ceux  de  la  R.  P.  R.  du  diocëze  de  Viviers,  etc.  — 
Mémrtires  sur  les  consistoires  du  diocéze  de  Viviers,  de  Valence  et  de 
Vienne.  —  Vivarez.  Estât  des  biens  qui  ont  appartenu  aux  fugitifs  du 
pais  de  Vivarez,  etc.  (Archives  de  l'Hérault,  C,  276,  278,  309). 


398 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


CONSISTOIRES. 


Le  Gua. 

Issamoulenc. 

SaintPierreville 

Gluiras. 


SaintSauveurde 
Montagut. 


Serres. 

Marcols. 

Le  Cheylard. 

Meysse. 

Baix  sur  Baix. 


BIENS    FONDS. 


VALEUR 
TOTALE. 


Le  Pouzin. 
Chomérac. 

Saint  Fortunat. 

Saint  Vincent  de 
Barrés. 


Platfondsdutemple, valeur  5  liv./ 
Cimetière,  — 60U7  — \ 

Fonds  du  temple,     —  ■;  ou6  — 
Cimetière,  —        3  — 

Fonds  du  temple,     —      10  — / 
Cimetière,  —      40  — \ 

Maison  ,  jardin  et  pré  occupés] 
par  le  curé,       valeur 400 liv. > 
Deux  granges,  —     150  — ) 

Temple,  —      20  — 

Cimetière  repris  par  le  proprié- 
taire. 

Terre,  7  livres  de  pension. 
Sol  du  temple  ,      valeur     61iv 


—  30  - 

—  50  — 

—  40  — 

—  80  — 
valeur  100  — 


Cimetière, 

Sol  du  temple, 

Cimetière, 

Sol  du  temple, 

Cimetière , 

Sol  du  temple, 

Pierres  du  temple. 

Cimetière,  —      50 

Sol  du  temple  chargé  de  5  1.  de 

pension  annuelle  ,   qu'il   faut 

payer  à   noble  Reymond  de| 

Calignon,  sieurde  Saint-Jean. 

Cimetière  chargé  de  5  cartes  de| 

froment  de  censé,  qui  sert  au 

roi,  valeur   2oliv. 

Sol  du  temple  et  cimetière  payés) 

pour  acquitter  les  dettes.        j 

Place  du  temple.  i 

Pierres  du  temple,  valeur  1 5  liv.> 

Cimetière,  —     50  — ' 

Sol  du  temple,  —     20  — / 

Cimetière,  100'  dues,  reste  100'^ 

Sol  du  temple.  , 

Cimetière.  ^ 


14' 
9' 

54' 

4313' 


70' 


120' 


Mo' 


145' 


I  I2'lO' 


65' 


I7S' 


2^' 


CAPITAUX 


PRINCIPAL. 


I26'l2'6d 

95'io' 
128'  4' 
3362' 


<;'  26" 

4'     5'6«i 
10'  28» 
ii;8'342' 


^31'  4' 


i*4d 


DU    VIVARAIS    ET    DU   VELAY. 


^99 


CONSISTOIRES. 


Chalencon. 


Desaignes. 

La  Bâtie  de 
Criissol. 

Saint  Agrève. 

Châteauneuf. 


Le  Pape  et 

Pierregourde. 

Saint  Voy. 


Soyons ,  Char- 
mesetToulaud, 


Boulieu. 

B  offres. 

Saint  Jean 

Chambre. 

Vernoux. 

La    Bastide   de 

Virac. 

Rochessauve, 

Ceux. 

Alissas. 

Flaviac. 

Le  Chambon 

Annonay. 


BIENS    FONDS. 


VALEUR 
TOTALE. 


CAPITAUX 


Maison  duministre, valeur  5  ooliv. 
Temple  (était  loué),  —  20  — | 
Jardin,  —     60 

Cimetière,  —      10  — | 

Chenevière,  —     30 — ! 

Petite  maison  à  trois  étages.  ( 
Place  du  temple  ,  valeur  60  \\y.\ 
Temple  démoli.  ) 

Cimetière    appartenant     à    un) 

particulier.  ) 

Cimetière  en  possession  du  sei-/ 

gneurdulieu,    valeur  i^liv.^ 
Cimetière. 
Sol  du  temple, 
Terre , 
Autre  terre , 
Platfonds  du  temple 
Cimetière,  —6007—) 

Sol  du  temple  sans  valeur.  i 

Cimetière  laissé  à  un  particu-j 

lier.  Repris  par  le  vendeur.    * 


25  — f 
20 

100  — j 
20  — ) 


Terre  , 


valeur  looliv.j 
Cimetière  à  Soyons,  —     }o — ( 
Place  du  temple,        —      >o  — 
Cimetière  àToulaud  —      10  — 
Maison  du  ministre. 


Dû  au  consistoire  le  vin  de  la 
sainte  Cène. 


620' 

570' 
90' 
69' 

205' 

27' 
40' 

170' 

700' 
40' 

25' 

1481 

45' 
15' 
6o> 

30' 
2900' 


PRINCIPAL. 

INTÉRÊTS. 

240' 

12'     9* 

60I 

3' 

130" 

6'   10" 

300' 

i^' 

128' 

5'  20'* 

500' 

25' 

125' 

61 

400 


HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 


B.   Biens  des  religionnaires  fugitifs  du  Vivarais 

ET    DU    VeLAY. 
(Vol.  H,  p.  9.) 


LIEUX. 

PAROISSES. 

Salavas. 

320' 

26052 

200 

Vallon. 

Lagorce. 

"Villeneuve  de  Berg. 

Aubenas. 

1600 

23100 

18240 

1 200 

Vais. 

Ajoux. 
Marcols. 

14700 

650 

1 3000 

Alissas. 

Chomérac. 

Flaviac. 

550 
6600 

Saint  Julien  en  Saint  Alban. 

Le  Pouzin. 

800 

Lavoulte. 

3000 

Beauchastel. 

5310 

Charmes. 

4500 
600 

Saint  Péray. 

Champis. 

600 

Boflfres. 

19000 

Vernoux. 

15110 

Châteauneuf. 

555 

Saint  Julien  Boutières. 

800 

Saint  Fortunat. 

6800 

Saint  Cierge  la  Serre. 

-00 

Saint  Sauveur  de  Montagut. 

800 

Saint  Michel  de  Chabrilla- 

noux  (en  deux  fois). 

Silhac. 

Chalencon. 

TiîOO 

3000 

4300 

200 

Saint  Jean  Chambre. 

Saint  Julien  la  Brousse. 
Saint  Christel. 

5050 
I  ^ÎOO 

Saint  Michel  le  Rancc. 

7000 

DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


401 


LIEUX. 


PAROISSES. 


Le  Cheylard. 

La  Mastre. 

Desaignes  (en  deux  fois) 

La  Bâtie  d'Andaure. 

Saint  Bazile. 

Le  Chambon. 

Antraigues. 

Annonay(en  deux  (ois). 

Boulieu. 

I  les  deLavoulte (en  deux  fois) 

Le  Pouzin  (en  deux  fois). 

Privas  (en  deux  fois). 

BJaizac. 

La  Fau. 

Pourchères. 

Lyas. 

Creissac. 

Chiroux. 

Saint  Maurice  en  Chaléncon 

Les  Blaches. 

Fontbonne. 

La  Fauriette. 

Peyrier. 

Tournaillon. 

Vaneilles. 

Peire  Arnaud. 

Coutaud. 

La  Couet. 

Dobiot. 

La  Toupasse  (en  deux  fois) 

Le  Chambon. 

Clémencieu. 

La  Nohérie  (?). 

Sunchie  (Les  Marcels). 

Larrin. 
Barbenoire  près  Royas. 
11. 


Lavoulte. 


Ajoux. 
Pourchères. 


Rompon. 
Saint  Didier  de  CrussoL 


Saint  Sauveur  de  Montagu. 

Silhac. 

Saint  Christol. 

Saint  Jean  Chambre. 

Silhac. 

Silhac. 
Silhac. 


Saint  Didier  de  Crussol. 

Chaléncon. 

Gluiras. 

Annonay. 

Annonay. 

Annonay. 

Serrières. 

Saint  Laurent  du  Pape. 

26 


15750' 
1240 

9579 

7270 

200 

1800 

40000 

82761 

10800 

800 

1200 

6000 

650 

8000 

12000 

2000 

650 

600 

950 

4500 

140 

?ooo 

800 

HO 
1200 
2000 

700 
1400 

6io 

38797 

1000 

1200 

^500 
4500 

100 

2700 


402  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

N"  XII.   —   Enlèvements  d'enfants  a   Annonay 
EN    1700  (i). 

(Vol.  II,  p.  48.) 

Justine  Demeure,  fille  de  noble  François  Demeure,  est  enfer- 
mée dans  le  couvent  de...  par  ordre  de  Bâville  du  10  mars  1700. 

Par  ordre  de  même  date,  du  même,  Marie  et  Claire  de  La- 
grange,  filles  de  Louis  de  Lagrange,  sont  enfermées  dans  le  cou- 
vent de  Notre-Dame-d'Annonay;  Isabeau  Baron,  fille  de  Barthé- 
lémy Baron,  procureur  du  roi;  Marguerite  de  Fornier ,  fille  de 
noble  André  de  Fornier  ;  Marie  Lagrange  ,  fille  de  Théodore 
Lagrange;  Jeanne  et  Isabeau  Rignol ,  filles  de  Jean  Rignol  ; 
Jeanne  Alléon,  fille  de  feu  Jean  Alléon  ,  dans  le  couvent  de 
Sainte-Claire-d'Annonay  ;  Isabeau  Chomel  ,  fille  de  feu  Jean 
Chomel,  expert  ;  Jeanne  Paret ,  fille  de  feu  Antoine  Paret ,  dans 
le  couvent  de...  à  Vienne. 

Lucrèce  d'Arbalestrier ,  femme  de  noble  André  de  Fornier 
(nommé  plus  haut),  reçoit  l'ordre  ,  le  i  7  juillet  1700,  de  François 
Barbier,  sergent  royal,  de  représenter  Marguerite  de  Fornier 
(nommée  plus  haut).  —  Il  suit  de  là  que  cette  jeune  fille  avait  pu 
échapper  à  l'ordre  de  Bâville. 

Armand  de  Montmorin  de  Saint-Hérem,  archevêque  de  Vienne, 
tout  grand  personnage  qu'il  fût ,  ne  dédaignait  pas  de  s'occuper 
en  personne  de  la  conversion  des  enfants  protestants  d'Annonay  , 
qui  ressortissait  à  son  diocèse  ;  mais  les  parents  de  ces  derniers 
lui  causaient  quelquefois  de  véritables  déboires.  C'est  ainsi  qu'en 
mars  1700,  ayant  voulu  se  rendre  à  Annonay  pour  leur  faire  des 
remontrances  sur  ce  qu'ils  n'envoyaient  pas  leurs  enfants  à  l'église 
catholique,  il  apprit  qu'ils  avaient  éloigné  tous  ceux-ci  de  la  ville, 
de  sorte  que  le  zélé  prélat  dut  remettre  sa  visite  «  jusqu'à  un  au- 
tre temps,  »  dit-il,  «  où  je  pourrai  m'y  rendre  à  leur  insçu  !  » 

Un  certain  abbé  d'Auvergne,  qui  remplissait  le  rôle  d'inquisi- 
teur de  la  foi  dans  le  diocèse  de  Vienne  à  la  plus  grande  satisfac- 
tion de  son  archevêque  ,  et  qui  se  rendait  fréquemment  à  Anno- 


(I)  Archives  du  conseil  presbytéral  d'Annonay.  Voy.  aussi  le  BuUpHv  ib 
In  Société  de  l'histoire  du  proteslHniisme  fraurais  (t.  XXX,  p.  i  17-124  , 
qui  a  commis  des  erreurs  de  date  et  de  nom. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  iq? 

nay  pour  surveiller  les  nouveaux  convertis,  parle,  à  la  date  du 
20  septembre  1700,  d'une  demoiselle  de  Mure,  cachée  à  Lyon,  et 
qu'il  comptait  également  enfermer  dans  un  couvent  en  commen- 
çant par  faire  emprisonner  son  père. 

N»   XIII.   —  Liste  générale    des   condamnations 

PRONONCÉES  CONTRE  LES  PROTESTANTS  DU  VlVA- 
RAIS  ET  DU  VeLAY  POUR  FAIT  DE  RELIGION  PEN- 
DANT   LA    PÉRIODE    DU    DÉSERT. 

1685 

27  juin.  Claude  Guérin,  de  Villevocance ,  galères  (par  le  prési- 
dial  du  Puy). 

Jean  Paul  Seignover,  enfermé  à  la  tour  de  Constance, 
où  il  mourut.  Sa  femme  ,  enfermée  au  château  de 
Sommières  pendant  20  ans. 

Vialette,  de  la  Bâtie  d'Andaure.  Arrêté,  puis  fugitif,  en- 
fin conduit  â  la  tour  de  Constance ,  où  il  mourut. 

Marc  Charrein  ,  pendu  â  Montpellier  (quelques  années 
après). 

1686 

2}  mars.  Antoine  Boissy.  de  la  Grimaudière,  5  ans  de  galères  (par 
le  parlement  de  Grenoble). 
—       Pierre  Fay  ,  de  Bronac  ,  5   ans  de  galères  (libéré  plus 
tard). 

10  mai.  Isaac  Sibleyras,  de  Masneuf,  galères  (par  le  parlement 
de  Grenoble). 

18  mai.    Antoine  du  Riou,  de  Silhac,  10  ans  de  galères. 

26  sept.  Jean   Bouniol,  chantre,  de  Chjrnavas,  galères  perpé- 
tuelles (par  le  parlement  de  Grenoble), 
Joachim,  d'Annonay  ,   enfermi   dans   l'hôpital  de   Va- 
lence. 

1687 

S  mars.  Paul  Lafont,  de  Beauvène.  galères  (par  le  parlement  de 
Dijon). 


404  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Jean  Crozier,  de  Villeneuve  de  Berg,  marchand,  déporté 
en  Amérique  sur  le  vaisseau  Notre  Dame  de  bonne 
espérance  et  naufragé. 

De  Paris,  de  Vallon  ,  déporté,  après  avoir  été  détenu 
dans  les  cachots  de  la  tour  de  la  Reine  en  1686. 

1689 

26  févr,    Paul  Reboul,  de  Chassut,  galères  (par  de  Broglie), 
2  mars.  Jean  Pierre  Perrin,  prédicant.  A  mort. 

Jean  Gresse  dit  Dequin ,  drapier  à  Laveneu.  A  mort. 
Siméon  Montflot  dit  Urbe,  laboureur,  de  Saumas ,  pa- 
roisse de  Vernoux. 
Jean  André  Quittau,  fils  d'Etienne,  drapier  à  Ponsoye, 

paroisse  de  Saint  Didier  de  Crussol.  A  mort. 
Etienne   Maire  dit  Coquandon  ,  fermier  du  comte  de 
Maugiron,  à   La   Mure,  paroisse  de  Saint  Julien  le 
Haut.  A  mort. 
Pierre  Maire  dit  Coquandon,  fils  d'Etienne,  laboureur 
du  même  lieu.  A  mort. 
26  mars.  Jean   Pierre   Douchon  ,   de  Talussac  ,  galères  (par  de 
Broglie). 

—  David  Reboul,  de  la  Serre  (ou  de  Maurans) ,  âgé  de 

3")  ans,  galères  (parle  présidial  de  Montpellier).  Mort 
le  )  septembre  1711,  «  constant  dans  la  foi.  » 

—  Jean  Rousseron  (ou  Rougeron) ,  de  Montélimar,  domi- 

cilié en  Vivarais,  galères  (par  le  même). 

—  Jean  Gourtol,  de  Bonnet  de  Ladreyt  (par  le  même). 

26  mai.  Antoine  Doalette  (ou  Doulette),  âgé  de  24  ans,  galères 
(par  le  présidial  de  Montpellier). 

10  juin.  Alexandre  Astier,  tisserand  de  toile,  de  Vignac,  paroisse 
de  Saint  Cierge  la  Serre,  âgé  de  27  ans  (par  de  Bro- 
glie) ;  libéré  en  171]. 

17  juin.  Matthieu  Pélissier ,  de  Chermaison,  galères  (par  de 
Broglie). 

—  Jean  Curson  ,  de  Desaignes  ,  galères  et  maison  démolie 

(par  de  Broglie)  ;  libéré  en  1698. 

—  Jean  Bravais,  de  Saint  Apollinaire  de  Rias,  galères  (par 

le  même)  ;  mort  à  la  peine. 

—  Daniel  Fontbonne,  de  Martel,  galères,  mort  à  la  peine. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  405 

17  juin.    Pierre  Rieu,  de  Saint  Voy,  galères  (par  de  Broglie). 

—  Mathieu  Ribery,  de  Lieurard,  galères  (par  le  même), 

18  août.   Bernard  Bouvier,  de  Saint  Didier  de  Crussol ,  galères 

(par  le  même). 

—  Jean  Molle,  de  Saint  Boni  en  Velay,  âgé  de  36  ans,  ga- 

lères (par  le  même)  ;  libéré  en  171 3. 
20  sept.  Jacques  Rey,  de  Saint-Voy,  galères  (par  le  même). 

—  Pierre   Mazet,   de   Saint  Jean  Chambre  (ou   de   Saint 

Agrève) ,   âgé  de   29  ans ,  galères  (par  de  Broglie)  ; 
vivait  encore  en  1708. 

—  Pierre  Riou,  de  Chambon,  galères  (par  le  même). 

28  sept.   Moïse  Frache  (ou  Fracha),  de  Chantier,  galères  (par 

le  même)  ;  mort  à  la  peine. 
10  oct.     Pabion  (Jacques),   tisserand  de   toile,    de  Desaignes , 

galères. 
12  oct.     Pottier  ou  Pothier,  de  Lespinas,  galères  (par  Bouchu , 

intendant  du  Dauphiné). 
—         Louis  Duclos,  de  Marneuf ,  perruquier  ,  arrêté  à  Rodo- 

mache  le  26  août,  galères;  libéré  en  171 3,  il  se  retira 

à  Berne. 

—  Pierre  Chapoulon,  de  Saint  Marcel  (par  l'intendant  du 

Dauphiné). 
23   nov.    Louis  Estoile  (ou  L'Estoile),  d'Annonay  ,  galères  (par 

l'intendant  du   Languedoc)  ;  mort  à   la  peine  en  avril 

1696. 
28  nov.    Jean    Bousquénaud  ,    de    Chalencon ,    galères   (par   le 

même). 

—  Isaac  Thaulier,  galères  (par  l'intendant  du  Dauphiné); 

mort  en  1695. 

—  Jaques  Juventin,  de  Vernes  (par  l'intendant  du  Langue- 

doc) ;  mort  à  la  peine. 

—  P.  Corréard ,  de  La  Baume,  galères. 

—  Pierre  Pagot,  des  environs  de  Valence,  galères  (par  or- 

dre du  roi). 
Dec.     Antoine  Crand,  de  Lamenac  (paroisse  de  Saint  Priest). 

Suivant  d'autres,  en  janvier  1690. 
Moïse  Tranchât,  âge  de  ^o  ans,  galères. 
J.  Courtol. 
Pierre  Maillet  (ou   Mallet).  âgé  de   28  ans,   galères; 

libéré  en  171 3. 


406  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS 

Jacques  Fort,  de  Silhac,  mandement  de  Chalencon,  âgé 
de  54  ans. 

Etienne  (ou  Antoine)  Grange  de  la  Ménardière,  de  Saint 
Jean  de  Prusi ,  âgé  de  29  ans,  galères  et  sa  maison 
démolie;  libéré  en  171  ]. 

André  Munier,  de  Saint  Priest,  galères;  mort  à  l'hôpital 
le  26  février  170 3. 

Barthélémy  Rossignol,  de  Saint  Peyre  (ou  d'Alboussiè- 
res),  galères  (par  de  Broglie);  libéré  en  1713. 

Louis  Valette,  de  Saint  Vincent  de  Durfort ,  pendu  à 
Lavoulte  ,  puis  brûlé.  î^rédicant. 

Nombre  considérable  d'insp'rés  enfermés  dans  le  château 
de  Lavoulte,  le  fort  du  Pont  Saint  Esprit,  la  Tour  de 
Constance,  le  fort  de  Nimes,  la  citadelle  de  Mont- 
pellier, ou  envoyés  aux  galères.     . 

1690 

2  janv,  Jean  Pierre  Sivart,  de  Gilhac,  galères  (par  de  Broglie). 

—  Etienne  Bernard,  d'Empurany,  galères  (par  le  même). 

—  Jean  Pierre  Dintres,  de  Bussy  le  haut  (paroisse  d'Em- 

purany), âgé  de  1}  ans,  galères  (par  de  Broglie);  mort 
à  l'hôpital  de  Marseille  le  7  février  1708. 

?o  janv.  Claude  Grand,  de  Saint  Faurié,  galères  (parle  même). 

?!   janv.  Jacques  Bel  (ou  Bets,  Bez),  galères;  mort  en  1701. 

—  Jacques  Bois,  de  Saint  Faurié  (par  de  Broglie). 

—  Pierre  Salque,  de  Saint  Faurié,  galères;  mort  à  la  peine. 
2  avril.  Gabriel  Astier,  inspiré  ,  roué  à  Baix  (par  ordre  de  Bâ- 

ville). 
19  mai.   Jacques  Rialhon,  du  mandement  de  La  Bastide  de  Vi- 
rac,  galères  (par  Bâville). 

—  Pierre  Palayer  ,  âgé  de   28  ans  ,  de  Desaignes  (par  le 

même). 
25  juin.   Françoise,  du  Chambon,  emprisonnée. 

Joseph  (ou  Josué)  Corbière,  prédicant,  âgé  de  54  ans  , 

galères;  libéré  en  171 3. 
Pierre  Sauzet,  de  Franchassis,  laboureur,  âgé  de  36  ans, 

galères;  libéré  en  1713,  il  se  retira  à  Bàle. 
Antoine  Grange,  de  Saint  Creyt,  galères. 
Daniel  Chanac,  prédicant,  enrôlé  de  vive  force. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VEl.AY.  407 

1691 

Isaac  (ou  Pierre)  Moucha,  de  Vernoux  ,   galères:  mort 
à  la  peine  même  année. 


1692 


David  Chabrières,  de  Saint  Julien  la  Brousse,  enfermé 

au  fort  du  Pont  Saint  Esprit. 
Fleuris  Imbert,  de  Saint  Martin,  de  même. 


1694 


François  Rochebilière  ,  dit  Duclos .  notable  de  Lamas- 
tre,  galères;  «  né  et  élevé  catholique  a  connu  et  em- 
brassé la  vérité  en  galère  avec  un  beau  zèle  ;  »  libéré 
en  1713. 

Jeanne  Elisabeth  Faure  ,  de  Chérin  ,  paroisse  de  Saint 
Julien  la  Brousse,  enfermé  en  février. 

1696 

Daniel  Arsac ,  de  Beauvert  ,  prédicant ,  âgé  de  2^  ans, 
cadissier,  prédicant.  galères;  libéré  en  ijn- 

Charles  Laurens ,  de  Desaignes ,  prédicant  ,  âgé  de 
24  ans,  galères  ;  mort  à  la  peine  peu  après. 

Jean  Valette,  prédicant,  galères  perpétuelles. 

Isaac  Berlier,  de  La  Bâtie  de  Crussol ,  prédicant,  em- 
prisonné quelques  mois  à  Beauregard. 


1697 


Marie    Seignaurette ,    enfermée    dans   diverses   prisons 
pendant  2";  ans. 

1698 

Pierre    Tromparent  ,    de  Charmes  ,   galères:    mort   le 
28  juin  1701  à  la  peine. 


408  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Matthieu  Dunis  (ou  Daunis).  dit  Laroche,  de  la  Selle  , 
en  Velay,  prédicant  ;  libéré  en  1713,  il  se  retira  à 
Neuchâtel. 

Plusieurs  protestants  emprisonnés  au  château  de  Beau- 
regard. 

1699 

10  oct.  Claude  Pavie,  laboureur,  de  Villeneuve  de  Berg ,  âgé 
de  31  ans,  galères;  libéré  en  171 3,  il  se  retira  à 
Saint  Gall. 

—  David  Bernard,  manchot,  de  Marcols,  veuf  avec  quatre 

enfants,  galères. 

—  Jacques  Boutou,  fils  d'Antoine,  d'Aucha,  diocèse  de  Vi- 

viers ,  galères. 

—  Ranc,  laboureur,  de  Desaignes,  veuf  avec  deux  enfants, 

galères  par  Bâville. 

I  700 

18  nov.  Jacques  Chaulet,  travailleur  de  terre,  âgé  de  62  ans,  ga- 
lères perpétuelles  (par  le  bailli  de  Villeneuve  de  Berg). 

—  Matthieu  Eschalier,  ménager,  âgé  de  64  ans,   galères 

perpétuelles  (par  le  bailli  de  Villeneuve  de  Berg). 

—  Louis  Giraudier,  laboureur,  âgé  de  38  ans,  galères  per- 

pétuelles (par  le  bailli  de  Villeneuve  de  Berg). 

—  Pierre  Plan,  tisserand,  âgé  de  35  ans,  galères  perpétuel- 

les (par  le  bailli  de  Villeneuve  de  Berg). 

—  Claude  Fezay  dit  Fumât,  d'Aubrès,  rentier  au  Chasta- 

nier,  âgé  de  40  ans  ,  galères  perpétuelles  (par  le  bailli 
de  Villeneuve  de  Berg). 
~       David   Maujaret,   travailleur  de  terre,  âgé  de  j<,  ans, 
galères  perpétuelles  (par  le  bailli  de   Villeneuve  de 
Berg). 

—  Antoinette  Reynet,  des  Tineaux,  âgée  de  20  ans,  prison 

perpétuelle  (par  le  bailli  de  Villeneuve  de  Berg). 

—  Bonne  Nogier^  âgé  de  18  ans,  prison  perpétuelle  (par  le 

bailli  de  Villeneuve  de  Berg). 

—  Madeleine  Bonnaud  ,  femme  de  Meissonnier,  âgée  de 

47  ans,  prison  perpétuelle  (par  le  bailli  de  Villeneuve 
de  Berg). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  409 

18  nov.    Marguerite    Brun,    femme    David    Maujarel ,  âgée  de 

22  ans.  prison  perpétuelle  (par  le  bailli  de  Villeneuve 

de  Berg). 
Ces  dix  condamnés  étaient  de  Vais. 
Arsac  (Antoine),  de  Beauvert,  prédicant ,  emprisonné  à 

Montpellier,  puis  enrôlé  dans  l'armée.    Il   réussit  à 

s'évader. 
Alzas ,  de  Salavas. 

1701 

27  sept.   Isabeau    Dauphinenche  .    de    Privas  ,    emprisonnée    à 
Tournon. 
2  nov.   Charles  Aurenche,  de  Malion ,  paroisse  de  Saint-Sau- 
veur-de-Montagut ,  galères. 

—  Noë  (ou  Noël)  Peyre,  de  Saint-Cierge-la-Serre,  galères 

(par  Bâville);  mort  Tannée  suivante. 
Pierre  Gaillard,  des  Plans,  galères  ;  libéré  le  7  mars  i  714. 

Jean  Marlié  le.         j     c     r  i>.  iua 

\   frères,  de  Sauliers,  galères;  libé- 
Jacques  Marlié        {         xi.  u        -.  - 

^  .  )        rés  le  M  novembre  171 7. 

Pierre  Marlié  ' 

Matthieu  de   Mars,   de    Vernoux  ,  galères;   libéré    le 

7  mars  1714. 
Jean-Pierre  Longuerville  ,  de  la  Pérouse  ,  galères. 
Louis  Merle  dit  Rousson,  de  Saint-Fortunat ,  galères  ; 

mort  à  l'hôpital  le  12  février  1708. 
Femme  Jourdan  ,  emprisonnée  au  Pont-Saint-Esprit. 
Jacques  Gaspard,  pendu  à  Vernoux. 
Claude  Mayre  dit  Cocadon  ,  id. 

Jacques-Salomon  Duplantier,  pendu  à  Saint-Pierreville. 
René  Faillot,  pendu  à  Saint-Agrève. 
David  Marlié,  pendu  à  Vallon. 
Une  fille  ,  pendue  à  Privas. 

1702 

6  mai.    René  Prat .  de  Meyras,  galères  (par  Bâville);  libéré  le 
I  ^  novembre  171 7. 

—  Jean  Rouvière,  de  la  Vause,  galères  (par  le  parlement 

de  Grenoble)  ;  mort  le  12  mars  1703  à  l'hôpital. 


410  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Jacques  Chaulet.  de  Vais;  mort  à   l'hôpital   le  3   jan- 
vier 1703. 
Charles  Dorince,  mort  le  17  octobre  1702, 
Jean  Charreyre  dit  le  petit  Marc,  prédicant ,  pendu  à 
Montpellier. 

1703 

22  août.  Jean  Clauzel,  pendu  à  Montpellier. 

Madeleine   Rouberte,  de   Saint-Maurice,  emprisonnée 

au  Pont-Saint-Esprit.  Y  était  encore  en  171 2. 
Suzanne  Vinçon,  id.,  id. 
Jeanne  Costet,  de  Saint-Martin,  id.,  id. 
Paul  Chamarand  ,  relaps  ,  galères. 
Louis  Croze,  id.,  id. 
Pierre  Plan  et  autres,  de  Vais,  galères. 
Jacques  Pinard  (avant  i  703),  galères  ;  libéré  en  171 3. 

1704 

Antoine  Fraisse,  de  la  Bâtie  de  Crussol,  galères;  libéré 

le  7  mars  1714. 
Lucrèce  Guigonne,  de  Dalbou,  paroisse  de  Marcols, 

emprisonnée  à  Carcassonne.  Y  était  encore  en  171  2. 
24  août.    Isaac  Duplantier,  rompu  vif  à  Vernoux. 

—  Un  autre  religionnaire,  pendu  à  Vernoux. 

—  Trois  prophétesses,  id.,  id. 
Claude  Mayre  dit  Cocadon,  id.,  id. 

170^ 

Isaac  Espérandieu  ,  galères  ;  libéré  le  24  juillet  1716. 
Jacques  Merlin,  de  Masmagnan,  galères;  id. 
Elisabeth  Mounière,  de  La  Chalaye,  paroisse  de  Saint- 

Agrève  ,  emprisonnée  à  Carcassonne.  Y  était  encore 

en  1712. 
Jeanne   Longuefaye  ,  de  Blanchi,  paroisse  de  Gluiras , 

id.,  id. 

1706 

p.  de  Larbie,  de  Teule,  paroisse  de  Gluiras,  galères  : 
mort  le  j8  janvier  1710. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  4»* 

P.  LascoLirs  (ou  Delascour),  du  même  lieu,  galères. 

Joseph  Teule,  du  même  lieu;  mort  le  30  mars  1709. 

Jacques  Fabre  (ou  Favre),  du  même  lieu,  galères  ;  mort 
à  l'hôpital  le  3  novembre  1707. 

Isaac  Gauchon,  du  même  lieu,  galères;  libéré  le  M  no- 
vembre 171 7. 

Joseph  Mours,  de  Lariva ,  galères  ;  mort  à  l'hôpital  le 
le  3  décembre  1709. 

Mailhard  (Claude),  de  Combalantar-de-Donar  (?),  galè- 
res; mort  le  12  octobre  1706  à  l'hôpital. 
2>  sept.    Plusieurs  religionnaires  qui  s'étaient  assemblés  au  mou- 
Im  de  Chamanche,  paroisse  de  Gluiras,  galères. 

Marie  Rousle  (ou  Roule),  de  Courac,  diocèse  de  Viviers, 
emprisonnée  à  la  Tour  de  Constance. 

1707 

Antoine  Duplan,  de  Charmai,  paroisse  de  'Vais,  galères: 
jeté  peu  après  dans  un  cachot  de  l'hôpital  à  Marseille 
où  il  mourut  le  2?  août  1707. 

1708 

23  juillet.  Jean  Beauthias,  galères  perpétuelles  (par  le  présidial  de 
Nimes),  libéré  en  1714. 

—  Pierre  Fontbonne,  de  Privas,  galères  perpétuelles  (par 

le  même);  libéré  le  i^  novembre  1717. 

—  Matthieu  Suel,  3  ans  de  galères  (par  le  même). 

—  Suzanne  Charrier,  dite  la  Randigonne,  d'Ouvèze ,  pa- 

roisse de    Privas,    prison    perpétuelle  à  la   Tour  de 
Constance  (par  le  même). 

1709 

Sébastien    Fontbonne,  de    Valonne,  galères;    mort   le 

2<,  septembre  1709. 
Joseph  Desjoux,  de  Plots  (paroisse  de  Gluiras),  galères  ; 

mort  le  28  novembre  i  709, 
Alexandre    Fayolle ,    de    Louzbre    (paroisse    de    Saint-- 

Fortunat),  galères. 


412  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

François  Traversier,  de  Mours  (paroisse  de  Gilhoc), 
galères;  mort  le  2^  novembre  1709.     - 

David  Chabrières,  de  Plots  (paroisse  de  Gluiras),  mort 
à  l'hôpital  le  2<^  novembre  1709. 

Jeanne  Mejanne  ,  de  Vernoux,  prison  perpétuelle  à  la 
Tour  de  Constance. 

Elisabeth  Catalone  (ou  Catone) ,  de  Chalencon  ,  idem. 

1710 

Jean  Chabris,  de  Saint-Julien-le-Vieux,  galères, 
n   nov.   Jean-Jacques  Chambon,  bourgeois  de  Gluiras,  galères; 
mort  à  Montpellier. 

1711 

18  juin.    Pierre  Bruy  dit  Saint-Julien,  de  Saint-Julien,  pendu  à 
Montpellier. 
Jacques  Vabres,  de  Saint- Jean-Chambre,  galères;  mort 

à  l'hôpital  le  3  janvier  171 2. 
Catherine  Roustan,  de  Saint-Agrève,  prison, 
Isabelle  Roustan,  sa  sœur,  du  même  lieu,  prison. 

1716 

Jean  Bernard,  galères. 
Meissonnier,  idem. 

1719 

Rouvière,  galères  perpétuelles. 
II    mai.    Jacques  Combe,  dit  Angély,  du  Bouchet ,  galères  per- 
pétuelles (par  de  Roquelaure). 
Pierre  de  Serret,  galères  perpétuelles. 
Deux  filles,  prison. 

1723 

Marie  Béraud,  de  Mours,  paroisse  de  Gluiras,  aveugle, 
prison  perpétuelle  à  la  Tour  de  Constance,  y  était 
encore  en  i  754,  et  avait  80  ans. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  41^ 

1728 

23  oct.  Marie  Vernet ,  de  la  Traverse,  paroisse  de  Saint-For- 
tunat,  prison  perpétuelle  à  la  Tour  de  Constance  (par 
ordre  de  la  cour) ,  y  était  encore  en  1 741 ,  et  avait 
60  ans. 

—  Antoinette  Gemin,  même  peine. 

—  Jean  Blache  dit  la  Calotte,  de  Mastenac  (paroisse  de 

Saint- Fortunat),  galères  perpétuelles. 

—  Jean-Jacques  Bonniard,  fils  de  Jacques,  idem. 

—  Paul  Bonniard,  idem. 

—  Jacques  Fargier,  idem  (contumace). 

—  Paul  Bonniard,  idem  (contumace). 

—  Claire,  prison  perpétuelle  à  la  Tour  de  Constance. 

—  Veyrenche,  idem. 

—  Boussena,  maintenu  en  prison. 

—  Judith  Chabrières,  idem. 

—  Catherine  Pascouret,  idem. 

—  Marguerite  Bonniard,  idem. 

—  Catherine  Bonniard,  idem. 

—  Maisons  de  Jean  Blache,  d'Antoine  Vernes,  dit  la  Tou- 

lipe,  de  Marie  Vernes  ,  et  le  cellier  de  Viliars  rasés. 

1729 

Plusieurs  protestants  condamnés  aux  galères. 

Jean  Alzas,  de  Salavas,  soupçonné  d'être  prédicant. 

Etienne  Durand,  père  du  pasteur  Pierre  Durand,  en- 
fermé au  fort  de  Brescou  (par  lettre  de  cachet),  libéré 
en  1743. 

Pierre  Comte,  de  Notre-Dame,  galères. 

De  la  Baume,  de  Boffres,  emprisonné  à  Beauregard. 
28  juin.    Matthieu  Serre,  emprisonné. 

1730 

28juiliet.  Marie  Durand,  sœur  du  pasteur  Pierre  Durand,  prison 
perpétuelle  à  la  Tour  de  Constance;  libérée  en  1750. 

16  juin.  Daniel  Serre,  fiancé  de  la  précédente,  de  Poux,  paroisse 
de  Saint-Pierreville  (par  ordre  du  comte  de  Saint- 
Florentiny,  libéré  en  i7i;o. 


414  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

i7?i 

21  avril.  Isabeau  Sautel ,  veuve  de  Jacques  Rouvier  ,  notaire  de 
Craux,  paroisse  de  Saint-Etienne-de-Serre,  belle-sœur 
du  pasteur  Pierre  Durand,  prison  perpétuelle  à  la 
Tour  de  Constance  (par  ordre  de  la  cour). 

Risserand ,  de  la  Combe  du   Pra  ,  paroisse  de  Silhac , 
galères. 

Marie  Neviliac  .  prison  perpétuelle  à  la  Tour  de  Con- 
stance. 

I7H 

2?   déc.  Jean  Bernard,  prédicateur,  de  la  Grassière,  paroisse  du 
Gua ,  emprisonné  au  fort  de  Brescou. 

1737 

;;  janv,  Marie  Veillard,  femme  de  Daniel  Sauzet ,  de  Sampzon, 
prison  perpétuelle  à  la  Tour  de  Constance;  y  était 
encore  en  1741  et  avait  45  ans. 

—  Marie  Vidal,  femme  de    Daniel  Durand,  de  Veyras  , 

même  peine  (par  le  marquis  de  La  Fare);  y  était  en- 
core en  1763  et  avait  53  ans. 
I**""  mars.  Isabeau   Menet,   de  Beauchastel ,   femme  de   François 
Fiales,  même  peine  (par  de  Bernage)  ;  rendue  folle  à 
son  père  le  3  mars  1750,  à  l'âge  de  35  ans. 

—  Marie  de  Goutet ,   femme   de    Noël  Vey,  même  peine 

(par   le    même),    y    était    encore    en    1763    et   avait 
57  ans. 

—  Jeanne  Menet,  même  peine  ;  s'évada  en  1737  et  se  re- 

tira à  Genève. 

—  Louis  Trapier,  de  Grosjeanne,  galères  perpétuelles  (par 

de  Bernage). 


DU     VIVARAIS    ET    DU     VELAY.  41; 

r'  mars.  François  Fiales,  de  Grosjcanne,  id.  (id.). 

—  Noël  Vey,  de  Saint  George,  id.  (id.). 

—  Jacques  (ou  Jean)  Clergues,  dit  Nodon  ,  laboureur  de 

Pierregourde  ,    id.  (id.)  ;   était    encore   aux   galères 
en  1746. 

—  André  Pinet,  de  Grosjeanne,  id.  (id.j. 

—  Jean  Jacques  Gay,  du  même  lieu,  id.  (id.). 

La  femme  du  sieur  Durand,  de  Vais,  prison  perpétuelle 
à  la  Tour  de  Constance  :  y  était  encore  en  mai  1742. 

1738 

4  janv.  François  Alzas,  de  Vallon,  emprisonné  à  Beauregard. 
Marguerite    Dugas  ,    femme    de    François    Peschaire 
id.,  id. 

Femme  Peschier,  épouse  de  Pierre  Pouget ,  id.,  id. 
Sa  fille,  id.,  id. 

Françoise  IVIassot,  femme  d'Antoine  Ollier,  chirurgien, 

id.,  id. 
Jeanne,  sa  fille,  id.,  id. 
Marie,  sa  fille,  id.,  id. 

Silhol  de  Lassessac,  paroisse  de  Lagorce,  id. 
Josephi,  son  fils  aîné,  id.,  id. 
Durand,  de  Vais,  emprisonné  à  Beauregard. 

I7Î9 

8  janv.  Etienne  Larnac,  condamné  à  entretenir  à  ses  frais  deux 
de  ses  fils  au  collège  des  barnabites  du  Bourg  Saint 
Andéol. 
12  sept.  Demoiselle  Delorme,  de  Silhac,  prison  perpétuelle  à  la 
Tour  de  Constance. 
Jean  Morel ,  frère  du  pasteur  Morel-Duvernet ,  empri- 
sonné  à  Beauregard  où  il  mourut. 

1740 

8  févr.   Morel  dit  Duvernet ,  ministre,  de  Saint  André  des  Ef- 
fingeas,  mémoire  éteinte,  supprimée  à  perpétuité. 
-       Louise  Peyron  dite  la  Peyrone ,    de   Lamastre  ,  prison 
perpétuelle  à  la  Tour  de  Constance. 


contumaces   ,      décrétés 
d'arrestation. 


416  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

8  févr.    Mathieu  Morel,  neveu  de  Morel-Duvernet,  deCiheyne, 

paroisse  du  Chambon  en  Velay,  galères  perpétuelles; 
libéré  le  12  février  1761. 

—  Françoise  Fontbonne,  veuve  de  Jean  François  Chazal  , 

admonestée. 

—  Jacques  François  Broë,  notaire,  emprisonnement  main- 

tenu. 

—  Pierre  Dunière,  fils  de  Paul  Dunière  (idem). 

—  Dubesset, 

—  Callon, 

—  Morel,  dit  de  Châteauneuf, 

9  févr.   Paule  Escoulens,  femme  du  ministre  Fauriel-Lassagne, 

de  Lassagne ,  paroisse  de  Silhac,  prison  perpétuelle 
à  la  Tour  de  Constance  (contumace). 

—  Anne  Lapra^,  femme  de  Jean  Pierre  Espinas,  prison  per- 

pétuelle à  la  Tour  de  Constance  (contumace). 

—  Fauriel  Jean-Gabriel,  ministre,  dit  Lassagne,  mémoire 

éteinte,  supprimée  et  condamnée  à  perpétuité. 

—  Jean  Pierre  Espinas,  procureur  de  Saint  Félix  de  Châ- 

teauneuf,  galères    perpétuelles  ;    libéré   le    22    jan- 
vier 1763. 

1741 

31  juillet.  Alexandre  Chambon ,  laboureur,  de  Pranles ,  âgé  de 
61  ans,  galères  perpétuelles;  libéré  en  1769  par 
l'entremise  de  Voltaire. 

1743 
Douze  religionnaires  emprisonnés  à  Tournon. 

1744 

M  déc.    Claude  Ponton,  de  Gluiras,  prison  à   Beauregard  (par 
ordre  de  Richelieu). 
Claude  dit  Roche,  du  même  lieu,  id.  (id.). 
Antoine  Terras,  de  Saint- Fortunat,  id.  (id.). 
Philippe    Blache ,    de    Mastenac,    paroisse    de    Samt- 

Fortunat ,  id.  (id.). 
Bougnard  dit  le  Père  Eternel,  du  même  lieu,  id.  (id.). 
Femmes  Glaizat,  mère  et  fille  ,  deux  mois  de  prison. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  417 


I74Î 


2  mai.    M""*  Gueze,  de  Chalencon,  enfermée  au  couvent  de  la 
Visitation  du  Bourg-Saint-Andéol  ;  sentence  exécutée 
le  iS  juin. 
D'Audemard  ,  emprisonné  4  mois  à  Beauregard. 

1746 

i"  fév.  Jean  Menut  dit  Rochette  (ou  La  Rochette),  de  Mazel, 
paroisse  de  Saint-Agrève,  galères  perpétuelles. 
—       Matthieu  Majàl  dit  Désubas,  ministre,  pendu  à  Mont- 
pellier. 

1747 

20  janv.  Demoiselles  Roulin.  de  Lavouite,  transfert  du  couvent 
des  ursulines  de  Valence  à  celui  des  dominicains  de 
Viviers  (sentence  exécutée  le  9  octobre). 

1748 

10  juin.  Jean  de  Jours,  de  Brussac,  mort  à  Montpellier  avant  sa 
condamnation. 

1749 

ô  janv.  Jean-Pierre  Bruguière,  deux  mois  de  prison. 

Antoinette  Valançon,  d'Annonay,  sa  femme,  id. 
28  avril.   Etienne  Valançon,  id. 

Elisabeth  Mantelin,  de  Peangres,  sa  femme,  id. 

1750 

4  fév.     Frt-.nçois  Coste,  maître  d'école  à  Saint- Voy,  100  livres 
d'amende. 
Jean  Menut,  id.,  id. 
Claude  Bois,  id.,  id. 
Jean  Bourette,  de  Bronac,  id.,  id. 

II.  27 


4lH  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

1751 

12  avril.  Jacques   Monteil ,   ancien    prédicateur,    emprisonné    à 
Beauregard,  mort  peu  après. 

1752 

14  janv.  Teyssier.  de  Saint-Péray,';oo  livres  d'amende. 

25  fév.     Isaac-Jean  Terrasse,  de  Silhac,  emprisonné  à  Beaure- 
gard, 50  livres  d'amende  ,  élargi  par  ordre  du  roi  le 
7  mai  1754. 
9  mars.  Jacques  Bernard,  de  Nozières,  id,,  2,000  liv.  d'amende 
(15  avril  I7'5  2);  élargi  par  ordre  du  roi  le   20  juillet 

1754- 
14  mars.  Jacques  Meyer,  de  Serre,  paroisse  de  Saint- Fortunat , 

id.,  id. 
Avril.  Jacques  Argod,  id. 
—       Marianne  sa  femme,  id. 

Tranchât,  de  Menuts,  paroisse  de  Saint-Fortunat,  id., 

3,000  liv.  d'amende. 
Ribes,  des  Chirouzes,  paroisse  de  Nozières,  id.,  2,000 

liv.  d'amende. 
Tussière,  de  Saint-Georges,  id.,  ^iOD  livres  d'amende. 
Plusieurs  autres  religionnaires  emprisonnés  à  Beaure- 
gard qui  s'évadèrent. 
30  mai.    Bac,  notaire  de  Beauchastel,  interdit  de  ses  fonctions. 

1764 

Quatre   religionnaires   emprisonnés   à  Tournon ,  puis  à 
Montpellier  (ou  au  fort  de  Brescou). 

1768 

24  fév.  Matthieu  Sédarret ,  maître  d'école  à  Faussemagne  , 
puis  à  Fontmourettes,  diocèse  du  Puy  ,  prison  (par 
ordre  du  roi). 

1770 

26  nov.  Villard,  père  et  fils,  de  Marcols,  emprisonnés  à  Beau- 
regard  (par. ordre  du  roi). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


419 


]S[o  XIV.  —  Etat  par  arrondissement  des  commu- 
nautés DU  VIVARAIS,  DU  NOMBRE  DES  FAMILLES  AN- 
CIENNES CATHOLIQUES  ET  DU  NOMBRE  DES  FAMIL- 
LES NOUVELLES  CONVERTIES  (PROTESTANTES)  VERS 
1740   (1). 

(Vol.  II,  page  18).) 


Ane. 

Nouv 

Arrondissements. 

Communautés. 

cath. 

conv. 

Annonay. 

Annonay. 

895 

90 

Saint-Péray. 

Saint-Péray. 

150 

50 

Toulaud. 

95 

48 

Ste-EulalieouGuilherand. 

25 

15 

Soyons. 

38 

47 

Saint-Georges. 

II 

48 

St-Marcel-de-Crussol. 
Beauchastel. 

10 

30 

1224 

328 

Beauchastel. 

50 

72 

Charmes. 

50 

70 

Pierregourde,  le  Pape  et 

St- André -de-Bruzac. 
Boffres. 

21 

100 

121 

242 

Boffres. 

3^ 

I  20 

St-Sylvestre  et  Champis. 

102 

118 

Saint- Didier. 

^2 

98 

St -Romain -de- Lerps. 

55 

3 

24-' 

V-^) 

(!)  Lettre  du  brigadier  de  La.  Devez"  à  Danpervilliers,  Tninistre  de  la 
guerre,  dans  L'Echo  de  l  Ardèche  du  ;  décembre  i8ji.  Dans  cet  état  ne 
sont  pas  compris  évidemment  les  lieux  qui  ne  renfermaient  que  des  catholi- 
ques. 


420 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


Arrondissements. 


Vernoux. 


Chalencon. 


Communautés. 

Vernoux. 

Châteauneuf-de- Vernoux. 
Saint-Julien-le-Roux. 
Saint-Fortunat. 


Ane. 

Nouv 

cath. 

conv. 

195 

168 

ï7 

68 

8 

^2 

44 

211 

264       499 


Chalencon. 

92 

4^ 

Saint- Apollinaire-de-Rias. 

22 

46 

Saint-Miche!-de-ChabriIla- 

noux. 

22 

100 

Silhac. 

60 

128 

St-Maurice-en-Chalencon. 

n 

^6 

St-Prix-en-Chalencon. 


Empurany. 


209       375 


Saint-Prix. 

60 

2^ 

Mounens  et  Cluac. 

16 

22 

Saint-Jean- Chambre. 

îo 

100 

St-Julien-Labrousse. 

80 

48 

186      195 


Empurany. 

264 

20 

Le  Crestet. 

65 

I 

Monteil. 

^4 

10 

Boucieu-le-Roi  et  Colom- 

bier-le- Jeune. 

12^ 

? 

Gilhoc  et  Grozon. 

'4î 

7^ 

St-Barthélemy-le-Pin. 

25 

19 

678     1 28 


Desaignes. 


Desaignes. 

'7^ 

20^ 

Lamastre. 

105 

40 

Macheviile  et  Retourtour. 

120 

2S 

Saint-Bazile. 

60 

58 

460       J  28 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  42I 


Ane. 

Nouv. 

Arrondissements. 

Communautés. 

cath. 

conv. 

Saint-Agrève. 

Saint-Agrève. 

I6S 

125 

St-Romain-le-Désert . 

42 

^9 

Les  Vastres. 

lOJ 

72 

Devesset. 

50 

35 

Le  Pouzat. 

15 

I 

Chaudeyrolles  et  Mezenc. 

90 

0 

580 

292 

Rochepaule. 

Rochepaule. 

90 

9 

St-André-des-Eflfengeas. 

73 

29 

La  Coste-la-Fare. 
Le  Cheylard. 

64 

0 

167 

38 

Le  Cheylard. 

Ï74 

84 

Arric. 

11 

i") 

St-Barthélemy-le-Meil. 

?o 

80 

Saint-Michel-le-Rance. 
Saint-Gilles-de-Mézilhac. 

40 

28 

pi 

207 

Mézilhac. 

119 

9 

Saint-Julien-du-Gua. 

21 

57 

Issamoulenc. 

20 

55 

Saint-Genest-Lachamp. 

M 

104 

Ajoux. 

12 

î8 

187 

26? 

Saint-Pierreville. 

Saint-Pierreville. 

115 

74 

Gluiras. 

60 

236 

Saint-Christol. 

16 

78 

Saint-Julien-d'Orcival  ou 

M 

135 

Marcols. 

Pranles. 

25 

•5' 

St-Etienne-de-Serres. 

24 

70 

261 

744 

422 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


Arrondissements. 


Privas. 


St-Vincent-de-Durfort. 


Chomérac. 


La  Voulte. 


Le  Pouzin. 


Ane. 

Nouv. 

Communautés. 

cath. 

conv. 

Privas. 

178 

277 

Tournon  et  Lyas. 

18 

86 

Lubillac  et  Coux. 

12 

99 

Veyrrs. 

6 

37 

Saint-Priest. 

46 

24 

260 

523 

St-Vincent-de-Durfort. 

10 

85 

Si-Sauveur-de-  Montagut. 

0 

57 

St-Cierge-la-Serre. 

7 

62 

Pourchères. 

17 

22 

St-André-de-Creysseilles. 

I 

62 

Gourdon. 

55 

0 

90 

288 

Chomérac. 

8s 

153 

Saint-Symphorien. 

10 

52 

Alissas. 

12 

70 

Rochessauve. 

H 

65 

Bressac  et  Saint-Lager. 

12 

48 

Saint- Vincent-de- Barrés. 

6 

110 

St-Bauzile-en-Barrès. 

6 

29 

165 

527 

La  Voulte. 

146 

72 

Royas. 

II. 

II 

Rompon. 

10 

68 

167 

'5' 

Le  Pouzin. 

10 

144 

Baix. 

9 

130 

Flaviac. 

6 

78 

Creissac. 

1 

39 

St-Julien-en-St-Alban. 

6 

24 

32 

415 

DU    VtVARAlS    ET    DU    VELAY.  42? 

Ane.        Nouv. 
Arrondissements.  Communautés.  cath.        conv. 


Villeneuve-de-Berg,         Villeneuve-de-Berg.  4?o         50 


Saint-Jean-le-Centenier. 

87 

0 

Saint-Maurice-d'Ibie. 

48 

I  2 

St-Genest-en-Coiron  et 

Montbrun. 

45 

0 

Vallon. 

610 

62 

Vallon. 

67 

»95 

Lagorce. 

2^ 

120 

92 

315 

Salavas. 

Salavas. 

52 

41 

Vagnas. 

72 

8 

La  Bastide-de-Virac. 

17 

18 

Bessas. 

.  .    . 

.  .   . 

141 

67 

Vais. 

Saint- Martin  de-Vals. 

20 

290 

Les  Saleiles. 

Les  Saleiles. 

47 

48 

Total  général  :  Anciennes  familles  catholiques.  7626 

Familles  de  nouveaux  convertis.  6664 


N"    XV.    —    Mémoire    des    Eglises    du    Vivarais 
(en    1744),   dressé  par   Peirot  (1). 

(Vol.    II.    p.    2IO.) 

1.  Le  Pouzin,  Baix,  Saint- Vincent-de-Barrès. 

2.  Chomérac  (2),  Saint-Simphorien,  Rochessauve. 


(i)  Ms.  Court,  n"  17,  vol.  Q,  p.   jiç-^iô. 

(2)  On  trouvera,  dans  le  Bulletin  de  la.  Société  de  l'iiistoire  du  protes- 
tantisme français  (année  1886,  p.  25  à  29),  un  »  Etat  des  religionnaires  de 
la  communauté  de  Chomérac  »  en  1745- 


424  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

j.  Creissic,  Ron^.pon,  Saint-Julien  [en  Saint-Alban],  Flaviac. 

4.  La  Voulteet  quelques  paroisses. 

5.  Privas,  Saint-André-de-Creyseii!es. 

6.  Saint-Cierge-ia-Serre. 

7.  Saint-Vinceni-de-Duifort. 

8.  Pranles. 

9.  S3int-Sauveur[-de-Montagut]. 

10.  [Saint-Etienne-de-]Serres. 

1 1.  Ajoux,  Le  Gua. 

12.  Issatnoulenc. 

13.  Vais. 


'^"  î  Gluiras. 
«5.) 


Silhac. 


(  Marcols  et  quelques  paroisses. 

i8.  Saint-Christol. 

ig.  [Saint-Genest-]Lachamp,  Saint  Péray  et  Saint-Cierge  (i[ 

20.  Saint- Maurice  [en  Chalencon]. 

21, 

22.  ) 

23.  Chalencon. 

24.  Siint-Julien-la-Bro'.'sse  et  quelque  autre  paroisse. 

25.  Saint-Jean-Chambre. 

26.  Vernoux. 

27.  Châteauneuf[-de-Vernoux]. 

28.  Boffres. 

29.  Bruzac  et  Toulaud. 

30.  Saint-Didier-de-Crussol  et  quelque  autre  paroisse. 

?i- 
32- 


Gilhoc  ou  quelque  autre  paroisse. 


;  Lamastre  avec  quelques  autres  paroisses. 

34.  ^ 

35.  Mouncns,  Saint-Bazile  ou  une  autre. 

36.  Saint-Julien-Boutières. 

2~.   I 

'       Saint-Agrôve. 
38.  \  ^ 

'  Le  Chambon. 


40. 

(i)  A  été  nommé  au  n"  b.  Double  emploi. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  425 

41,    ^ 


Saint-Voy. 

42.  ) 

43.  Araules,  Champclause. 


N°  XVI.  —  Noms  de  quelques-uns  de  ceux  qui 

FURENT  TUÉS  A   l'aFFAIRE    DE   VeRNOUX,    LE    12   Dé- 
CEMBRE    1745    (1). 

(VoL  II.  p.  226.) 

Etienne  Gourdol,  de  Bousquenaud. 

Matthieu  Courtiai,  de  Donas-Saint-Apollinaire. 

Jean-Pierre  Viouj^t,  dudit  lieu. 

Claude  Rias,  de  Rossille,  paroisse  de  Saint- Apollinaire. 

Jacques  Julien,  de  Jurus,  idem. 

Guilhaume  Boyer,  de  Rancel  ou  du  Vernat,  tailleur  d'habits  (il 
laisse  sa  femme  enceinte  ;  on  lui  cassa  la  tête). 

Claude  et  Daniel  Vernat,  père  et  fils,  du  lieu  de  Vernat. 

Marchon,  beau-frère  de  Vernat  père. 

Simon  Bernard,  habitant  à  Juventin. 

Jean-Pierre  Clos. 

Boissy,  de  Rias. 

Pierre  Briand,  de  Charatier  (il  restait  à  Sivos,  paroisse  de 
Saint-Silvestre.  Ses  frères  ont  donné  tout  son  bien  aux  pauvres). 

Jean-Jacques  Bravais,  de  Châteauneuf. 

Claudine  Théron  dite  la  Noaille,  belle-mère  dudit  Bravais,  de 
Châteauneuf. 

Jean-Pierre  Léorier,  du  lieu  de  Roumejean,  paroisse  de  Saint- 
Julien-le-Roux. 

Jean  Léorier,  idem. 

Ponce. 

Jean  Garayt,  du  lieu  de  Charbonnier,  près  de  Bruzac. 

Jacques  Bonnet,  habitant  au  grand  Valayer. 

Jacques  Bourette,  du  lieu  de  Champatier. 

Isaac-Jean  Tracol,  de  Bulli  ou  BuUier  il  laissa  sa  femme 
enceinte). 

Jean-Paul  Rossille. 

(i)  Ms.  Court,  n°  17,  vol.  P,  p.  ?5j,  554. 


426 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


Le  tisserand  du  lieu  de  Champ. 

Tausson ,  beau-frère  du  ministre  Fauriel  dit  Lassagne. 

Le  fils  de  Fonat  ou  de  Matthieu  Courtial ,  de  Saint-Voy. 

Jacques  Praneuf,  du  lieu  de  la  Coste. 

Gabriel  Beriou ,  de  Ponsoie,  paroisse  de  Saint-Didier. 

Pierre  Vallat,  de  Ponce,  paroisse  de  Samt-Péray. 

Jean-Pierre  Rissoan,  de  Roumejou,  paroisse  de  Saint-Julien. 

Jean-Jacques  Riou  le  Roux,  de  la  paroisse  de  Silhac. 

Pierre  Courtial ,  de  Saint-Voy. 

Pierre  Veron,  du  lieu  de  Fraissinet,  paroisse  de  Saint-Jeure- 
de-Bonas. 

(Ces  deux-ci,  avec  Matthieu  Courtial,  de  Saint-Voy,  tués  au 
grand  chemin  de  Cluac  par  le  détachement  du  Cheylard,  com- 
mandé par  M.  de  Marens). 


N"  XVII.  —  Liste  des   églises    protestantes  du 

ViVARAIS    ET    DU    VeLAY    (vERS     1756)    (l). 
(Vol.  II,  p.  280.) 


Noms  des  lieux  où  les 
assemblées  se  tiennent 
ordinairement  et  qui 
sont  autant  d'églises 
nombreuses. 


Paroisses,  bourgs  et  villes  qui  y 
assistent. 


Diocèses. 


1.  Les  Peines. 

2.  La  Favée. 
1.  Le  Pin. 

4.  Montréal. 


Viviers. 


1 .  Les  Vastres. 

2.  Chaudeyrolles. 
5.  S»  Front. 

4.  Champclauze. 

5.  Araules. 

6.  S'  Jeures  de  Bonas.  ^Le  Puy. 

7.  La  parcelle  haute  de  S'  Voy.l 

8.  Le  bas  de  S'  Voy. 

9.  Le  Chambon. 

10.  S' Jean-Roure.  , 

1 1.  S»  Agrève.  r, 

12.  S»  Julien-Boutières. 
13.5»  Romain  le  désert. 


Viviers. 


\ 


(i)  Collect.  Coquerel,  Pièces  hif!lnri(iup>i  ihi  ilix-hiiilièmc  siéclr   (BibI 
de  la  Soc.  de  l'hist.  du  prot,  franc). 


bu    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 

427 

l     '4- 

Tence. 

Le  Puy. 

IM. 

St  André  des  Effengeas. 

Valence. 

5- 

Maifraiches. 

16. 

D":^vesset. 

Viviers. 

i.7. 

Rochepaule. 

Valence. 

f   18. 

Une  partie  de  S'  Agrève. 

Viviers. 

20. 

S'  Jeure  d'Andaure. 

6. 

La  Naute. 

La  Bâtie  d'Andaure. 

Valence. 

>  21. 

Le  haut  de  Desaignes. 

) 

l    22. 

Nozières. 

\ 

]  23. 

Arlebosc. 

Vienne. 

7- 

Rozières. 

(  24. 
1   :..5. 

Le  Pouzat. 

Desaignes. 

\ 
j 

f    26. 

27. 

St  Prix. 
Mounens. 

>  Valence. 

1 

8. 

Magnon. 

28. 

Cluac. 

(   29. 

St  Julien  la  Brousse. 

Viviers. 

1    30. 

Empuragny. 
Monteil. 

Vienne. 
Walence. 

9. 

Valgela. 

/   ^^' 

Macheville  ou  Lamastre. 
S'  Bazile. 

'    34. 

SI  Barthélémy  le  Pin. 

i    ^5- 

S'  Apollinaire  de  Rias. 

lO. 

Goûta  L 

56. 

'  37- 

St  Jean  Chambre. 
Une  partie  de  Silhac. 

(  38. 

Silhac. 

iViviers. 

II. 

Rias. 

)  39- 
1  40. 

.  41- 

S'  Michel  de  Chabrillanoux. 
St  Maurice  [sous  Chalencon]. 
Chalamon. 

1 

12. 

Félix. 

\  42. 

l  44- 

45- 

Annonay. 
Roiffieux. 
Le  Crestet. 
Boucieu  le  Voy. 

I?- 

Boisrond. 

46. 
i  47- 

St"  Marguerite. 
Gilhoc. 

f  48. 

Colombier  le  jeune. 

Valence. 

(  49- 

St  Sylvestre. 

14. 

Alboussières. 

,0. 

(  52. 

Champis. 
St  Péray. 
Grozon. 

M- 

Ravel. 

l  54. 

Boffres. 

St  Félix  de  Ch^eauneuf. 

428 

i6.  Les  Rioux. 

17.  Barde. 

18.  Sarzier. 

19.  Bonier. 

20.  Avalon. 

21.  Les  Grangettes. 

22.  Lagarde. 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


2Î. 


f  57 
\  58 
(  50 


La-Croix  de  St- 
Alban. 


24.   La  Charonde. 


25.   Beaucaire. 


26.   Vaneilles. 


27.   Marjavans. 


28. 


S'  Didier  [de  Crussol]. 

Une  partie  de  Bofîres. 

Vernoux.' 

Le  Pouzat. 

S'  Julien  les-Boutières. 

60.  Toulaud. 

61.  Soyons. 

62.  Charmes. 

63.  S'  Georges. 

64.  SI  Marcel  [de  Crussol]. 

65.  Beauchastel. 

66.  Si  Laurent  d'Autussac  [ou  du 

Pape]. 

67.  Royas. 

68.  S'  Fortunat. 

69.  Lavoulte. 

70.  Rompon. 

71.  S'  Cierge  [la  Serre]. 

72.  Creissac. 

73.  S'  Julien  en  S'  Alban. 

74.  Le  Pouzin. 

75.  S'  Symphorien. 

76.  Bressac. 
yy.   Baix. 

78.  St  Bauzile. 

79.  S'  Lager, 

80.  Rochessauve. 

81.  Chomérac. 

82.  St  Priest. 

83.  Veyras. 

84.  Privas. 
S<i.  Coux. 

86.  Flaviac 

87.  S»  Vincent  [de]  Durfort. 

88.  Pranles. 

89.  Lyas. 

90.  Pourchères. 

91.  S'  André  de  Creysseilles. 

92.  Ajoux. 

93.  Vais. 

94.  Le  Gua. 


Valence. 

Viviers. 

Valence. 

Viviers. 


iValence. 


Viviers. 


29- 

30. 

?2. 


La  Pervenche 
Craux. 


DU    VIVAKAIS    KT    DU    VELAY. 

QS.    Issamoulenc. 


429 


Abrahon. 


96.  S»  Pierreville. 

97.  S»  Etienne  de  Serres. 

98.  Les  Ollières. 

99.  S'  Sauveur  [de  Montagut]. 
100.   Une  partie  de  Pranles. 

Saint-Martin  dejoi.  Giuiras. 
Colset  Meurs.  1 102.  S'  Barthélémy  le  Meil. 
iio^.  Si  Michel  le  Rance. 
<I04.   Une  partiede  S'' Genest[-La- 
(  champ]. 

[105.   Le  Cheylard. 
106.  StChristol. 
(107.  Arric. 

!io8.    Marcols. 
109.   Mezilhac. 
iio.  S»  Genest-la-Champ. 


}^.   Avertoux. 


14.   Faveyrolles. 


3  K .   Leyrat 


Vi 


iviers. 


Dans  quelques-unes  des  communautés  cy  devant   écrites  ,  le 
nombre  des  protestants  n'est  pas  considérable. 

N"  XVIII.   —  Familles    ou   ménages  protestants 
d'Annonay  en    1768  (l). 


(Vol.   Il,  p.  284.) 


Grande  rue  du  Champ. 

M"""  la  veuve  Veyrin. 

Le  mary  de  la  Marconne. 

Châtain. 

Jalate. 

M""  Veyrin,  cadet. 

M""  Astier. 

M''  Alleon,  cadet. 

M""  La  Grange. 

M""  Perrier. 

M"^  la  veuve  Paret. 


Rue  de  la  Pistorie. 

M""  la  veuve  dus'AndréLéorat. 

M""  Montilhon. 

M'"  de  Lamberty. 

M""  Veyrin. 

M""  Fournat  d'Ay. 

Le  tour  de  la  grande  église^ 

M--  Garde. 

M-"  AUéon,  l'aîné. 

M""  Ravel,  bourgeois. 


(i)  Chomel  le  Béat,  Histoire  du  pr'iipstnntif^inc  à  Annrinny  (ms.). 


4^o 

M""  Tourton. 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 


Rue  de  Deome. 

M"^  la  veuve  Léorat. 
M""  Jean-Pierre  Giscard. 
M"^  la  veuve  Giscard. 
M''  Alexandre  Léorat. 

A   Valgelas. 

Les  dem"°^  Chomel. 
La  veuve  Chomier. 

Rue  de  Cance. 

M""  Planchon. 
La  Chardonete. 
Les  dem"'^''  Laurent. 

A  la  Poterie. 
M""  Louis  Rouzier. 

Rue  Grangea. 
Les  dem"*^'  Fournat. 

A  Ste  Marie. 

Mad.  Boissi. 

La  Chatelle 

Brianson. 

Jean-Pierre  Cardeur. 

Mantelin. 

Veuve  Veyre  et  son  fils. 

Danty. 

La  veuve  Faucon. 

Les  dem""'  Chomel. 

Rue  derrière  le  Champ  ou  de  la 
Pomme. 

La  veuve  Galonné  et  sa  sœur. 

Rouveure. 

Ponsonnette. 


Barey. 
Cheval. 
Pagelle. 
Chantier. 

Une  fille  étrangère  chez  la  Ga- 
lonné. 

Fauxbourg  de  la  Reclu\iere. 

W  Siméon  Marcha. 

Serrepuis. 

M""  Marcha,  aîné. 

M""  Moureton. 

La  dem"*^  Moureton. 

La  veuve  Briançon. 

M""  Gren'er. 

La  Ghardjnete. 

M""  Léorat  Cezar. 

M""  Fournat  de  Brenieu. 

M*"  Léorat  l'aîné. 

M'-  Racle. 

La  Valette  et  Fayas. 

M""  Mathieu  Johannot. 

M""  Jean-Baptiste  Johannot. 

Un  ouvrier  papetier. 

Un  autre  papetier. 

Béraud,  vigneron. 

Le  nommé  Bois  teinturier. 

Un  drapier. 

M""  Antoine  Marcha. 

Dehors  la  ville. 

Ponsonnet,àli  portedu  Champ. 

M''  Leris.  à  Varaignes. 

M'"  Rouzier,  à  Chatiiiais. 

La  veuve  Fraisse,  à  Boucieu. 

Barey.  à  Marmati. 

M""   Rouzier  et  ses  filles,  au 

Colombier. 
M""  Giscard,  aux  Faucons. 


DU    VIVARAIS  ET    DU    VELAY.                                        43  1 

M'"  Veyrin,  aux  Faucons.  Mantelin. 

_       ,            ,     _,  Beraud. 

Fauxbouro-  de  Cance.  .,,,,.  , 

■       j.  .  M"'  Laye. 

Faroisse  ci  Annonar-  i               jl  ^ 

Le  nommé  Gras. 

M""  Deschaux,  cadet.  M""  Lacou. 

La  Charlotte.  M^  Broé. 

M"*  la  veuve  Deschaux  et  son  Ponsonnet. 

frère.  M""  Peiron,  à  Lapra. 

M""  Paret,  teinturier.  Ponsonnet,  à  Félix. 

La  Pagelle.  Beraud,  à  Félix. 

Fauxhour^  de  Cance. 
Paroisse  de  Roiffieu. 


Ponsonnet,  à  Baron. 
Valenson,  au  Fromental, 
Mantelin,  à  Mantelin. 
Ponsonnet.  Un  autre  à  Mantelin. 


«  On  peut ,  il  est  vrai ,  »  dit  Chomel  ,  «  ajouter  à  cet  état 
quelques  religionnaires  étrangers  non  mariés  et  inconnus,  qui 
travaillent  en  différentes  maisons.  » 


N"  XIX.  —  Notice   sur  les   Eglises  de   Vallon  , 
Salavas  et  Lagorce  depuis  leur  adjonction  au 

SYNODE  DU  BAS  LaNGUEDOC  ,  EN  I756  (ij. 
(Vol.  Il,  p.  279.) 

Les  premières  prédications  ,  données  aux  Eglises  de  Vallon  , 
Salavas  et  Lagorce  par  des  pasteurs  rattachés  au  synode  du  bas 
Languedoc,  datent  de  i7<)().  Nous  apprenons,  par  le  synode  de 
cette  province,  assemblé  le  2<,  avril,  même  année,  que  les  pasteurs 
François  Saussine  et  Michel  Teissier  consentirent  à  desservir  six 
mois  chacun  le  quartier  de  Vallon  ,  à  condition  qu'ils  seraient 
déchargés  de  ce  soin  l'année  prochaine. 

En  1763,  le  proposant  Simon  Lombard  y  donna  quelques  prédi- 
cations. 

Le  9  mai  1764,  le  synode  établit  comme  suit  le  Règlement  des 
courses  qui  devaient  se  faire  dans  ce  quartier  : 

(i)  Edmond  Hugues,  Les  sunodes  du  Désert  (passim). 


4^2  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

'<    M.  François  Saussine ,  en  juin  ; 

»  M.  [Paul]  Vincent,  vers  la  fin  d'août  ou  vers  le  commence- 
ment de  septembre  ; 

»  M.  [Pierre]  Allègre,  en  novembre; 

»  M.  [Jacques]  Matthieu,  en  décembre  ;  il  donnera  la  commu- 
nion de  Noël  ; 

»   M.  [Michel]  Teissier,  en  février; 

»  M.  [Jean]  Pradel  est  engagé  à  faire  une  assemblée  dans 
son  quartier  et  M.  [Jean-Pierre]  Lafon  une  autre  ; 

»   M.  [Jean-Louis]  Gibert,  en  avril.  » 

En  1769,  le  synode  du  22  mai  «  avait  bien  voulu  accorder  au 
district  de  Vallon  et  Les  Vans  un  pasteur  en  titre  ,  mais  cela 
n'ayant  pu  se  faire,  elle  lui  affecte  pour  six  mois,  »  disent  ses 
actes,  ((  le  ministère  de  M.  André  Bouët,  proposant,  et,  pour  les 
autres  six  mois,  celui  de  M.  [François]  Ricourt,  aussi  proposant. 
En  outre,  M.  [Simon]  Lombard,  pasteur,  est  chargé  d'y  faire 
trois  corvées,  les  deux  premières  de  suite,  et  MM.  [Guillaume] 
Bruguier  et  [François]  Fromental,  pasteurs,  sont  aussi  chargés 
d'y  faire,  le  premier  deux,  corvées  et  l'autre  une.  « 

«  Cette  décision,  «  dit  Edmond  Hugues,  «  mécontenta  les 
religionnaires  de  l'Eglise  de  Vallon,  qui  réclamaient  un  pasteur 
pour  le  service  de  leur  Eglise.  Le  pasteur  Bruguier  écrivait  à 
Rabaut  en  juillet  17Ô9  :  «  Les  Messieurs  de  Vallon  persistent  à 
refuser  le  ministère  des  proposants...  Vous  devriez  prendre  la 
peine  de  leur  écrire  pour  les  exhorter  à  se  soumettre  à  l'arrêt  qui 
les  concerne.  Votre  exhortation  étant  d'un  grand  poids,  il  n'est 
pas  à  douter  qu'ils  n'y  défèrent.  » 

Il  paraît  que  le  proposant  André  Bouët  eut  à  souffrir  de  ce 
mécontentement,  car  le  synode  du  1"  mai  1770,  «  pour  le  dé- 
dommager de  l'abandon,  »  disent  ses  actes,  «  où  l'a  laissé  le  quartier 
de  Vallon,  lui  accorde  la  somme  de  150  livres,  à  prendre  sur  ce 
qui  reste  des  collectes  faites  en  faveur  des  étudiants  et  y  ajoute 
la  somme  de  63  livres  dont  la  Compagnie  lui  fait  présent.  » 

Le  même  synode  de  1770  put  enfin  donner  un  pasteur  en  titre 
au  quartier  de  Vallon  dans  la  personne  Jean  Ol'vat  (d'Olivat  et 
Olivat),  qui  venait  de  l'Agenais,  dont  il  était  originaire,  et  qui  s'en- 
gagea à  desservir  le  quartier  deux  ans  et  demi.  Après  ce  temps, 
il  retourna  dans  son  pays.  Le  synode  du  12  mai  1772  rendit  «  le 
témoignage  le  plus  avantageux  à  la  pureté  de  sa  doctrine  et  de 
ses  mœurs,  ainsi  qu'à  sop  zèle,  à  sa  piété,  à  son  exactitude  dans 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY,  4JJ 

l'exercice  du  saint  ministère,  »  En  1779,  il  desservait  les  Eglises 
de  Picardie. 

Après  le  départ  d'Olivat,  le  pasteur  Simon  Lombard,  dont  il  a 
été  question  plus  haut,  donna  quelques  prédications  à  l'Eglise  de 
Vallon,  en  attendant  que  le  proposant  Roux  l'aîné,  du  bas  Lan- 
guedoc, à  qui  elle  avait  adressé  vocation,  et  sur  le  compte  duquel 
de  «  bons  témoignages  «  avaient  été  rendus,  fût  consacré  au  saint 
ministère.  La  cérémonie  eut  lieu  à  Vallon  même  en  1772.  Roux 
y  exerça  son  ministère  jusqu'en  1776,  et  retourna  dans  le  bas 
Languedoc. 

A  cette  dernière  date  ,  Sabatier  de  La  Bâtie,  pasteur  du  Viva- 
rais,  écrivit  au  pasteur  Paul  Rabaut  une  lettre  «  dans  laquelle  il 
demande  ,  au  nom  de  ladite  province ,  »  disent  les  actes  du  sy- 
node du  bas  Languedoc  du  27  avril  1776,  «  que  l'Eglise  de  Val- 
lon soit  rendue  au  synode  du  Vivarais  comme  lui  ayant  déjà  appar- 
tenue, et  qu'elle  n'avait  abandonnée  que  parce  qu'elle  n'avait  pu 
jusqu'ici  lui  affecter  le  ministère  d'aucun  pasteur.  Le  synode 
ayant  toujours  de  cette  Eglise  un  soin  pastoral  très  assidu,  qui  a 
établi  entre  elles  et  nous  une  affection  mutuelle,  laquelle  ne  nous 
permet  ni  de  nous  en  séparer  ni  de  douter  du  regret  que  la  dite 
Eglise  aurait  d'une  telle  séparation,  l'assemblée  a  délibéré  qu'on 
ne  pouvait  se  priver  d'une  Eglise  qui  n'existerait  pas  sans  nous  et 
que  nous  nous  sommes  acquis  à  bien  juste  titre.  » 

Le  successeur  de  Roux  l'aîné  fut  François  Ricourt,  nommé  plus 
haut,  qui  avait  été  proposant  dans  le  bas  Languedoc  de  176g  à 
1771,  et  fut  consacré  au  saint  ministère  à  cette  dernière  date.  Il 
demeura  à  Vallon  de  1776  à  1779  et  retourna  dans  sa  province, 
où  il  fut  pasteur  jusqu'à  la  suppression  des  cultes  en  1793.  En 
1807  il  était  pasteur  président  du  consistoire  d'Uzès. 

André  Encontre  (Encontre  Saint-André),  fils  du  pasteur  Pierre 
Encontre,  remplaça  Ricourt  et  demeura  à  Vallon  de  1779  à  1783. 
Proposant  dans  le  bas  Languedoc  de  1775  à  1779,  il  fut  consacré 
à  cette  dernière  date.  Le  synode  du  6  mai  1683  lui  accorda  un 
congé  de  deux  ans  sur  sa  demande  ,  «  les  besoins  actuels  de  la 
province  n'étant  pas  urgents  ;  »  mais  il  se  réserva  le  droit  de  le 
rappeler  quand  il  le  jugerait  nécessaire.  Encontre  ne  reprit  pas 
ses  fonctions  et  se  voua  à  l'instruction  publique  (i). 

Marc  Privât  lui  succéda.  Il  était  proposant  du  bas  Languedoc 

(i)  La  France  protestante,  t.  VI,  p.  14  (2'  édit.). 

II.  28 


434  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

en  1770  et  reçut  du  synode  de  sa  province,  assemblé  le 
31  avril  1771,  l'autorisation  de  se  rendre  à  l'étranger  (séminaire 
de  Lausanne)  pour  perfectionner  ses  études.  En  1 775 ,  il  était  pas- 
teur dans  les  hautes  Cévennes;  après  quoi  il  desservit  le  bas  Lan- 
guedoc. Il  séjourna  à  Vallon  de  1783  à  1791  ,  et  revint  ensuite 
dans  cette  dernière  Eglise,  où  on  le  retrouve  après  la  Révolu- 
tion. Privât,  paraît-il,  se  livrait  volontiers  aux  plaisirs  de  la  pèche. 
Ayant  prié  le  pasteur  Rabaut  Saint-Etienne ,  de  Nîmes  ,  de  lui 
acheter  un  filet,  ce  dernier  fit  sa  commission  ,  tout  en  lui  rappe- 
lant discrètement  des  occupations  plus  austères.  «  Les  apôtres,  » 
lui  disait-il,  «  qui  étaient  de  bons  pêcheurs  d'hommes,  étaient 
aussi  de  bons  pêcheurs  de  poissons;  et  il  y  a  beaucoup  d'analo- 
gie entre  ces  deux  professions.  Je  vous  y  souhaite  également  du 
succès  (i).  »  Privât  fut  nommé  pasteur  ,  président  du  consistoire 
de  Vallon  au  moment  de  la  réorganisation  des  cultes  en  1802  et 
vivait  encore  en  1810.  Il  décéda  à  Vallon  et  fut  inhumé  dans  le 
cimetière  de  famille  de  Pierre-Scipion  Ollier  de  Marichard. 

On  lit  ces  lignes  dans  les  actes  du  synode  du  bas  Languedoc 
3  mai  1791  ,  au  sujet  de  Jean-André  Gachon ,  qui  remplaça  Pri- 
vât :  «  M.  le  député  de  Vallon  ayant  témoigné  que  son  Eglise 
désirait  le  ministère  de  M.  Gachon  fils,  des  considérations  puis- 
santes ont  déterminé  ce  pasteur  à  répondre  à  ses  vues  malgré  le 
désir  qu'il  avait  eu  de  continuer  ses  fonctions  dans  l'Eglise  de 
Lezan.  Le  synode,  qui  a  été  intéressé  par  les  dispositions  géné- 
reuses de  ce  digne  pasteur,  afîecte  son  ministère  à  l'Eglise  de 
Vallon  et  l'y  accompagne  par  ses  vœux.  »  Gachon  ,  qui  était  le 
fils  du  pasteur  Jean  Gachon,  demeura  seulement  une  année  à  son 
poste,  de  1791  à  1792,  et  retourna  dans  le  bas  Languedoc.  En 
1807,  il  était  pasteur,  président  du  consistoire  de  Saint-Hippo- 
lyte,  et  remplissait  encore  ses  fonctions  en  1809. 

Le  dernier  pasteur  du  quartier  de  Vallon  avant  la  Révolution 
fut  Tarawx  ,' proposant  des  basses  Cévennes,  consacré  au  saint 
ministère  en  1792  et  pasteur  de  1792  à  1793. 

(i)  Le  Huguenol  (d'Anduzei  du  i''  novembre  1887. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


435 


N"  XX.   —  Synodes  du  VivarÂis  et  du  Velay  de 
l'époque  du  désert  (i). 


1721,  26  juiltet  (sans  indication 
de  lieu). 

1723,  16  août  — 

—  I  ■;  septembre      — 

1724,  8  juin  — 

—  1 1  novembre      — 
1721;,  17  avril  — 

—  21  juin  — 

—  29  août  — 

1726,  16  mai  — 

—  14  septembre     — 

1727,  21  avril  — 

—  30  octobre  — 

1728,  8  mai  — 

—  8  novembre      — 

1729,  14  avril  — 

—  5  septembre     — 

1730,  15  avril,  Boutières. 

—  i70ctobre  (sans  indication 

de  lieu). 

173 1,  10  mai  — 

—  8  octobre         — 

1732,  21  mai  — 

—  23  octobre,  Boutières. 

1733,  20  mai,  haut  Vivarais. 

—  21  octobre,  Boutières. 

1734,  3  mai,  haut  Vivarais. 

—  8  octobre,  Boutières. 

1735,  29  avril,  haut  Vivarais. 

—  II  octobre,  bas  Vivarais. 

1736,  25  avril  (sans   indication 

de  lieu). 

—  25  septembre     — 


1737,  25  avril  (sans  indication 

(de  lieu) 

—  7  octobre         — 

1738,  30  avril  — 

1739,  20  avril,  haut  Vivarais. 

—  17  octobre,  Boutières. 

1740,  Il  avril,  haut  Vivarais. 

—  25  novembre,  Boutières. 

1741,  i®""  mai,  haut  Vivarais. 

—  12  octobre,  Boutières. 
1744,  i^""  mai  (sans    indication 

de  lieu). 

—  27  octobre  — 
1748,  15  août,  au  Désert. 
174c),    21,    22    octobre,   Bou- 
tières. 

1750,  15  avril,  haut  Vivarais. 
1.752,  19  avril,  — 

1753,  8  mai,  — 

—  17  octobre,      — 

1754,  29  avril,  Boutières. 

1755,  29  avril,  haut  Vivarais. 

1756,  23  mars,  — 

—  12  octobre,       — 

1757,  26  avril,  — 

—  18,  i9octobre,  — 

1758,  29  mars,  — 

—  15  août,  — 

1759,  26  avril,  — 

—  10  octobre,      — 

1760,  22  avril,  — 

1761,  15  avril,  — 

1762,  28  avril,  — 


(I)  Recueil  des  actes  des  synodes    tenus  en  la  province   du  Vivarais 
et  du  Velay  (Arch.  du  consist.  de  Lavoulte). 


436 

HISTOIRE    DES 

PROTESTANTS 

1764, 

24,  21   octobre  ,  bas  Vi- 

1780, 

4  mai,  haut  Vivarais. 

varais. 

I78I, 

i^'"mai,            — 

1765, 

ler  mai,  haut  Vivarais. 

— 

22  août,          — 

1766, 

i"  mai,             — 

•  783, 

l'^'mai,           — 

1768, 

8  novembre,  — 

— 

i®""  novembre, — 

1769, 

4  mai,             — 

1784. 

—  . 

i77h 

18  juin,             — 

1785, 

26  mai,            — 

1772, 

i^-'mai,             — 

1786. 

19  juin,           — 

^773> 

29  juin,             — 

1787. 

7  juin,           — 

1774, 

27  avril,            — 

I78&, 

22  mai,            — 

— 

i®""  novembre,   — 

1789. 

1 3  mai,            — 

^77^, 

I*''  mai,             — 

— 

10  août,          — 

— 

8  septembre,  Velay. 

I79U 

23  juin,  Ardècheet  Haute- 

1776, 

i®""  mai  (sans   indication 

Loire. 

de  lieu). 

— 

I®''  novembre,             — 

1777, 

14  novembre,  haut  Viva- 

1792, 

19  septembre,  Ardèche. 

rais. 

179^1 

i'^'  mai  (an  II  delaRép.), 

1778, 

i'"'mai,                   — 

Ardèche. 

1779. 

1 3  mai,  bas  Vivarais. 

On  nous  a  communiqué  deux  lettres  de  convocation  au  synode 
du  Vivarais.  Quoiqu'elles  appartiennent  à  une  date  relativement 
récente  ,  elles  sont  encore  très  réservées.  En  voici  le  texte  : 

Première  lettre. 

«  Monsieur,  j'ai  été  chargé  de  vous  avertir  que  l'assemblée 
sinodale  est  fixée  au  18  du  courant  en  S'  Jean  Chambre.  Il  fau- 
dra vous  adresser  à  M.  R...  de  Jayac,  qui  vous  indiquera  le  lieu 
du  rendez-vous.  J'écris  pour  le  même  sujet  à  M.  G.  Vous  trou- 
vères sa  lettre  cy  jointe.  Faites  la  luy  parvenir  tout  de  suite  par 
une  voye  sure  et  fidèle,  je  vous  prie.  Je  suis  charmé  que  cette  oc- 
casion me  procure  l'avantage  de  vous  assurer  du  dévouement  sin- 
cère avec  lequel  j'ay  l'honneur  d'être  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur,  Rattier.  Ce  <j  juin  1771.  » 

Seconde  lettre. 


«  Monsieur,  je  suis  chargé  par  M.  V...  de  vous  dire  qu'on  a 
fixé  l'ass.  syn'''.  au  jour  de  la  Toussain  et  de  faire  vos  députés. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY. 


43  7 


Lendroit  n'est  pas  choisy.  On  pourra  s'adresser  à  M.  R...  de 
J...  J'écris  pour  le  même  sujet  en  Montagne.  Ayés  la  bonté  d'y 
faire  passer  la  lettre  cy  jointe.  J'ay  l'honneur  d'être  très  parfaite- 
ment, monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéiss.  serviteur.  Ra- 
ttier.  Au  bac  ce  14.  S""*  177?.  » 


SOURCES 


DE 


L'HISTOIRE  DES  PROTESTANTS  DU  VIVARAIS 
ET  DU  VELAY  (i) 


LE  VIVARAIS  EN  GÉNÉRAL  (2). 

Delichères ,  Notice  historique  sur  le  département  de  l'Ardèche 
(dans  l'Annuaire  de  l'an  X). 

Ovide  de  Valgorge,  Souvenirs  de  l'Ardèche  ;  Paris,  1846,  2  tom. 
in-4°. 

Albert  du  Bo/s  et  V.  Cassien ,  Album  du  Vivarais;  Grenoble, 
1846,  in-4''. 

J.  A.  Poncer ,  Mémoires  historiques  sur  le  Vivarais;  Annonay, 
1873 ,  1;  tom.  in-80. 

Weiss,  Velay  et  Vivarais  (dans  VEnc/clopédie  [protestante]  des 
sciences  religieuses.  Supplément;  Paris,  1877-1882,  in-8'^). 

Henry  Vaschalde ,  Mes  notes  sur  le  Vivarais;  Privas,  1873, 
in-i2. 

A.  Ma\on,  Petites  notes  ardéchoises ,  2«  série  ;  Privas,  1873, 
in-i2. 

PARTIES  DÉTACHÉES  DE  L'HISTOIRE  DU  VIVARAIS. 

Jo.  Columbi,  De  rébus  gestis  episcoporum  vivariensium  ;  Lug- 
duni,  lô^ïi  ,  in-4°. 


(f)  On  trouvera  les  livres  de  controverse  à  l'article  doctrine,  vol.  1,  p-H'- 
Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  sont  ceux  que  nous  n'avons  pu  con- 
sulter. 

(2)  Voyez  aussi  l'article  annonay. 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DU    VIVARAIS    ET    DU  VELAY.    4^9 

Dufaure-Satillev ,  Notice  des  hommes  célèbres  du  Vivarais 
(dans  l'Annuaire  de  l'Ardèche  de  l'an  X). 

Laboisssière ,  Supplément  à  la  notice  des  hommes  célèbres  du 
Vivarais  (dans  l'Annuaire  de  l'an  XI). 

Henry  Vaschalde,  Curiosités  de  l'histoire  du  Vivarais;  Privas, 
1875  ,  in-i2. 

Le  Même ,  Etablissement  de  l'imprimerie  en  Vivarais  (dans  la 
Revue  du  Dauphind  et  du  Vivarais;  Vienne,  1877,  in-4°,  t.  I). 

Monge,  Visite  des  Eglises  du  bas  Vivarais'en  1675-1676  (dans 
le  Bulletin  d'histoire  ecclésiastique  et  d'archéologie  religieuse  du 
diocèse  de  Valence,  t.  V). 


La  rencontre  des  2.  armées  francoises  faite  au  passage  de  la  ri- 
vière du  rosne  en  Dauphiné  le  28.  de  mars  1 570  (gravure  sur  bois 
de  la  collection  de  Tortorel  et  Périssin). 

Discours  véritable  de  ce  qui  est  advenu  en  Vivarois,  Velay, 
Forest  et  pays  voisins,  ez  années  1585  et  1 586,  par  la  guerre,  cherté 
et  pestilence  (par  Jean-Armand  Fourel,  d'Annonay,  procureur 
du  Roy,  1695),  à  la  suite  des  Mémoires  de  Achille  Gamon,  édi- 
tés par  J.  Brun-Durand;  Valence,  1888  ,  in-8".  Tirage  à  part  du 
Bulletin  de  la  société  d'archéologie  de  la  Drame. 

(Pierre  Marcha),  Les  Commentaires  du  soldat  de  Vivarois,  où 
se  voit  l'origine  de  la  Rébellion  de  la  France,  édités  par  La  Bois- 
sière  ,  Privas,  181 1,  in-8°. 

Dourille  de  Crest  ,  Histoire  des  guerres  civiles  du  Vivarais  ; 
Valence  et  Paris,  1846,  in-8°. 

*  Chastillon  déposé  de  son  gouvernement  par  le  Conseil  des 
Eglises  ,  avec  un  précis  de  ce  qui  s'est  passé  dans  le  Vivarois  de- 
puis la  prinse  de  Privas;  1621  (s.  1.),  in-8". 

Les  actes  de  l'assemblée  nouvellement  tenue  à  Nismes.  Parles 
Députez  des  Eglises  réformées  du  Languedoc,  Dauphiné,  Sevenes, 
Haut  et  bas  Vivarets,  etc.  Contre  Monsieur  de  Chastillon;  1622. 
in-S"  (20  novembre  162 1). 

*  Chastillon,  Manifeste  contre  les  articles  et  procédé  faicts  con- 
tre lui  en  l'assemblée  tenue  à  Nismes  par  les  Eglises  des  Céven- 
nes,  Gévaudan ,  Vivarois  et  autres  en  Languedoc,  1622  (s.  1.); 
in-i2. 

Estât  des  provinces  rebelles  non  subjuguées.  Le  Vivarois  (s.  1. 
ni  d.,  1622),  in-40. 


440  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Voyage  de  M.  le  duc  de  Rohan  en  Vivarois  (réimprimé  par  La 
Boissière  dans  Les  Commentaires  du  soldats  de  Vivarois). 

Lettres  d'abolition  accordées  par  Louis  XIII  aux  habitants  du 
Vivarais,  mai  1629  (dans  Henry  de  Lagarde ,  Le  duc  de  Rohan  , 
p.  304-307). 

E.  C.  Lascomhe  (Mad.)  Jacques  de  Lamotte-Brion.  Episode 
des  guerres  religieuses  du  XVIP  siècle,  Privas,  1885,  in-8°. 

Relation  des  progrez  du  Roy,  dans  le  Vivarets  et  le  Langue- 
doc. Ensemble  la  réduction  de  la  ville  d'Alletz,  et  la  Capitulation 
des  soldats  et  habitans  qui  estoient  dans  la  dite  ville,  Paris,  1629, 
in-i2. 


Brueys  ,  Relation  des  mouvemens  excités  dans  le  Dauphiné  et 
le  Vivarès  au  sujet  de  la  religion  en  l'année  1683  (dans  son  His- 
toire du  fanatisme,  t.  I). 

Tableau  naïf  des  persécutions  qu'on  fait  en  France  de  ceux  de 
la  Religion  Reformée  avec  une  Apologie  pour  le  mouvement  ar- 
rivé dans  le  Dauphiné,  Vivarets  et  Cevennes  à  l'occasion  du  pro- 
jet de  ceux  qui  l'ont  suivi  ;  Cologne  ,  1684,  in- 16. 

(Claude  Brousson),  Apologie  du  projet  des  réformez  de  France, 
fait  au  mois  de  may  1683  ;  Cologne,  1684,  in-i6. 

Les  conversions  des  huguenots  du  Vivarez  avec  un  abrégé  de 
ce  qui  s'est  passé  dans  leur  Révolte.  Et  la  réfutation  de  ce  qu'on 
a  écrit  contre  les  conversions  qui  se  font  dans  le  royaume  ;  Tou- 
louse 1684  ,  in-i6. 

Louïs  de  Su:^e  Evèque  et  Comte  de  Viviers.  Instructions  sur  les 
matières  de  Controverse.  Pour  les  Nouveaux  convertis  de  son  dio- 
cèse ;  Lyon  (s.  1.,  1685),  in-i6. 


Fléchier ,  Récit  fidèle  de  ce  qui  s'est  passé  dans  les  assemblées 
des  fanatiques  du  Vivarais  (dans  ses  Lettres  choisies;  Paris,  1752, 
t.  I,  p.  337-382  ,  in-12). 

Brueys,  Histoire  du  fanatisme  de  notre  temps;  Utrecht,  1737, 

3  t.  in-12. 

Louvreleuil ,  Le  fanatisme  renouvelé;  Avignon,    1668  (3''  éd.), 

4  t.  in-80. 

La  Baume,  Relation  historique  de  la  révolte  des  fanatiques  ou 


on    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  44! 

des  Camisards  ;  édité  par  l'abbé  GoilTon  ;  2"  édition,  Nimes,  1874, 
in-i2. 

Un  épisode  de  l'histoire  des  Camisards  dans  l'Ardèche.  Récit 
d'un  témoin  oculaire,  1704  (dans  le  Bulletin  d'histoire  ecclésiastique 
et  d'archéologie  du  diocèse  de  Valence,  t.  II). 

Relation  de  ce  qui  s'est  passé  à  Vagnas  le  10  février  1703  en- 
tre les  troupes  du  Roy  et  les  fanatiques,  tirée  par  M^rf>  Jean  Bois- 
son, notaire,  sur  les  Mémoires  d'autre  sieur  Jean  Boisson,  son 
aïeul  (dans  le  Bulletin  de  la  Société  littéraire  de  Privas,  t.  I,  1879, 
et  dans  Manus  Talon,  Fragment  de  la  guerre  des  Camisards; 
Privas,  1887,  in-S"). 

Relation  du  combat  de  'Vagnas,  dans  Comte  A.  de  Pontbrian, 
Guerres  de  religion.  Le  capitaine  Merle,  etc.,  p.  ^02-304;  Paris. 
1886,  in-8°. 

BIOGRAPHIES. 

Baron  de  Coston,  André  de  Lafaïsse  ,  maréchal  de  bataille 
(dans  le  Bullet.  de  la  Soc.  départ,  d'archéol.  de  la  Drôme , 
t.  XVIII-XX). 

(Anne  Homeï),  Histoire  de  la  mort  et  du  martyre  de  Monsieur 
Homel ,  pasteur  de  l'Eglise  de  Soyon  en  Vivarets  (réimprimée 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  fran- 
çais ^  t.  IX,  p.  312-330). 

Discours  du  grand  Homel,  ministre  de  l'Evangile  de  Jésus- 
Christ,  ayant  demeuré  onze  heures  sur  la  roue  sans  recevoir  le 
coup  de  grâce,  et  de  Soyon  en  Vivarois,  l'ayant  fait  mourir  à 
Tournon,  in- 16  (Londres,  le  ...  février  1699). 

Dernières  heures  d'Isaac  Homel  roué  vif  à  Tournon,  le  20  oc- 
tobre 1684  (dans  le  Bulletin  de  la  société  de  l'histoire  du  protes- 
tantisme français,  t.  IX,  p.  134-137), 

Rloustain],  Le  martyr  Homel ,  dernier  pasteur  de  Soyons  avant 
la  révocation  de  l'éditde  Nantes  (dans  Le  Chirstianisme  au  X/X« 
siècle,  année  1887,  N"'  16  et  17). 

Daniel  Benoit ,  Une  victime  de  l'intolérance  au  XVI IP  siècle. 
Désubas,  son  ministère,  son  martyre;  Toulouse,  1879,  in-12. 

Borrel,  Pierre  et  Marie  Durand  ou  le  frère  et  la  sœur,  Nimes, 
1868,  in-12. 

Meynadier ,  Pierre  Durand  pasteur  du  désert  et  martyr.  Va- 
lence, 1864  ,  in-12. 


442  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Lettres  du  pasteur  Durand  à  Antoine  Court  et  à  divers  (dans 
le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français ,  t. 
XXXIII). 

Relation  de  la  mort  de  M.  Pierre  Durand  (dans  le  même  Bul- 
letin, t.  XXXIII). 

Daniel  Benoit,  Marie  Durand  ,  prisonnière  à  la  tour  de  Cons- 
tance; Toulouse,  1884;,  in- 12. 

(Lombard),  Isabeau  Menet ,  prisonnière  à  la  tour  de  Cons- 
tance; Genève,  1873,  in- 12. 

Daniel  Benoit,  Pierre  Dortial  dans  L'Eglise  sous  la  croix , 
Toulouse,  1882,  in-i2. 

Martyre  de  Dortial  (dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire 
du  protestantisme  Jrançais,  t.  IXetX). 

Daniel  Benoît,  Le  portefeuille  d'un  pasteur  du  désert  (Peirot), 
dans  L'Eglise  sous  la  croix,  ci-dessus. 

Quelques  ministres  protestants  du  Vivarais  avant  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes  (dans  Les  chroniques  de  Languedoc,  t.  I, 
1874,  in-4°). 

MONOGRAPHIES  DE  VILLES  ET  BOURGS. 
Annonay. 

Achille  Gamon,  Sommaire  discours  d'auculnes  choses  mémora- 
bles arrivées  dans  la  ville  d'Annonay  et  lieux  circonvoisins  depuis 
l'année  1552  (dans  d'Aubais  ,  Pièces  justificatives,  t.  I).  —  Réé- 
dité par  J.  Brun-Durand,  d'après  un  manuscrit  plus  complet;  Va- 
lence ,  1888  ,  in-8°.  Tirage  à  part  du  Bulletin  de  la  Société  d'ar- 
chéologie de  la  Drôme. 

A.  Ma:{on,  Notice  sur  la  vie  et  les  œuvres  d'Achille  Gamon 
et  de  Christophle  de  Gamon;  Lyon  et  Paris,  1885,  in-8°. 

Histoire  remarquable  des  persécutions  de  l'Eglise  refformée  de 
la  ville  d'Annonay  en  l'année  1635  (dans  le  Bulletin  de  la  Société 
de  F  histoire  du  protestantisme  français,  t.  I,  p.  2815-292). 

Le  martire  du  ministre  d'Annonay,  mis  en  croix  par  ceux  de 
sa  religion  (s.  1.  ni  d.),  in-12. 

A.  Poncer  jeene ,  Mémoires  historiques  sur  Annonay  et  le 
haut  Vivarais  ;  Annonay  et  Lyon,  1834-185 5,  2  t.  in-8°.    . 

Filhol,  Histoire  religieuse  et  civile  d'Annonay  et  du  haut  Viva- 
rais ;  Annonay,  1880-1882,  4  t.  in-80. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  443 

Discours  prononcés  à  Annonay  par  J .  J.  H.  Kœnig  et  impri- 
més par  ordre  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution.  Vous 
avez  été  rachetés  à  grand  prix,  etc.,  i  Cor.,  7,  v.  23.  —  A  la 
suite  et  du  même  :  Discours  servant  de  réponse  à  différentes 
objections  faites  aux  quatre  Commissaires  députés  à  la  Fédéra- 
tion Patriotique  tenue  à  Valence,  Département  de  la  Drôme,  le 
3  juillet  1791.  —  Annonay  (s.  d.),  in-80. 

BOULIEU. 

Factum  pour  les  habitans  de  la  ville  de  Boulieu  en  Vivarets 
faisant  profession  de  la  R.  P.  R.,  demandeurs  en  lettres  de  rè- 
glement juges  contre  les  habitans  de  la  Religion  catholique  , 
apostolique  et  romaine  défendeurs  (s.  1.  ni  d.),  in-4°. 

Desaignes. 

Factum  pour  Maistre  Jean  Agussi,  ministre  de  la  Religion  pré- 
tendue Reformée  du  lieu  de  Saigne,  Jean  Gourion,  Jean  Guil- 
lard,  Anthoine  Maisonnet,  Anciens,  et  autres  habitans  de  la  dite 
Religion  du  dit  lieu  ,  défendeurs.  Contre  les  Sieurs  Agens  géné- 
raux du  Clergé  de  France,  demandeurs,  etc.  (s.  1.  ni  d.),  in-4°. 
Signé  Loride,  advocat  (décembre  1660). 

TOURNON. 

*  Jean  ViUemin,  Historia  belli  quod  cum  hgereticis  rebellibus 
gessit  anno  \<,6j  Claudia  de  Turone  ;  Parisiis,  Môq,  in-4°. 

Charles  Fleury ^  Histoire  du  cardinal  de  Tournon,  ministre 
sous  quatre  de  nos  rois;  Paris,  1728,  in-8°. 

*  Neiner ,  Notice  historique  sur  le  collège  royal  de  Tournon  ; 
Valence,  1841,  in-8°. 

Arthur  Wyart,  Notice  historique  sur  le  lycée  de  Tournon  ; 
Tournon,  1877,  in-8«>. 

Anatole  de  Gallier ,  L'imprimerie  à  Tournon  (dans  le  Bulletin 
de  la  Société  départementale  d  archéologie  et  de  statistique  de  la 
Drôme,  années  1877  et  1878). 

Le  Cheylard. 
La  trahison  descouverte  et  foy  faussée  de  ceux  de  la  Religion 


444  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Prétendue  Réformée  de  la  ville  de  Cheylard,  au  pays  du  Viva- 
rois,  Contre  le  Roy  et  Monsieur  le  Duc  de  Vantadour  leur  Sei- 
gneur naturel.  Ensemble  le  sacrilège  inhumain  par  eux  commis  en 
l'Eglise  et  volerie  sur  les  Catholiques  du  dit  lieu  ;  Lyon,  1621, 
in-8°. 

Les  Ruines  razement  des  murailles  et  fortifications  de  la  ville 
de  Cheylar  en  Vivarets.  Pour  la  rébellion  des  Habitans  d'icelle , 
de  la  Religion  prétendue  reformée,  le  29  et  30  juillet  1621;  Avec 
la  deffaicte  des  trouppes  huguenotte  du  païs  de  Languedoc  et  de 
Vivarets.  Par  Monsieur  le  Duc  de  Vantadour,  Lieutenant  pour 
le  Roy  au  gouvernement  de  Languedoc;  Paris,  1621,  in-8°. 

Lettre  écrite  aux  Fidèles  de  l'Eglise  Réformée  du  Cheylard 
en  Vivarez  par  Jean  Clu^el,  cy  devant  leur  ministre,  Qui,  pour 
éviter  la  mort,  avait  abjuré  sa  Religion  ;  au  Désert,  chez  Pierre 
le  Sincère,  1685,  in-12. 

Saint-Romain-de-Lerp. 

Garnodier ,  Recherches  archéologiques  sur  Saint-Romain-de- 
Lerp  et  ses  environs  ;  nouv.  édit.  ;  Valence,  1860,  in-8». 

Crussol. 

La  defaicte  de  certains  huguenots  qui  tenoient  assiégé  le 
chasteau  de  Crussol ,  faicte  par  M.  d'Orches,  couronnel  de  l'in- 
fanterie de  Dauphiné,  accompagné  de  plusieurs  gentilshommes 
et  de  ceux  de  Valence  ;  Lyon,  1577,  in-8°. 

Soyons  ,  Beauchastel  et  Saint-Alban. 

Récit  véritable  de  ce  qui  s'est  passé  à  la  prise  des  villes  de 
Soyon,  Beauchastel  et  S.-Auban,  par  Monseigneur  le  Prince. 
Avec  la  fuite  du  Seigneur  de  Brison  ;  Paris,  1627,  in-12. 

La  prise  des  places  de  Soyon,  Beau-Chastel,  et  autres  lieux  sur 
la  rivière  du  Rosne  ,  avec  le  châtiment  des  rebelles  de  Vivarets. 
Par  l'armée  du  Roy,  commandée  par  Monseigneur  le  Prince  de 
Condé  ;  Paris,  1627,  in-12. 

L'Abbaye  royale  de  Saint-Jean-l'Evangéliste  de  Soyons  ;  Re- 
ligieuses bénédictines;  Valence,  1882,  in-8". 


du  vivarais  et  du  velay.  445 

Le  Pouzin  et  Baix. 

Pclri  de  Baissât,  Pusinensis  obsidio  (anno  1622).  Dans  ses 
«  Opéra  seu  operum  fragmenta  ;  »  Viennae  Allobrogium  (s.  d.), 
in-folio  ;  p.  g  à  25. 

Les  grandes  batteries  nouvellement  faictes  contre  la  ville  et 
chasteau  du  Poussin,  retraite  des  Rebelles  en  Languedoc.  Par 
Monseigneur  le  Duc  de  Vantadour  ;  Paris,  162 1,  in-12. 

La  réduction  des  villes  du  Pousin  et  Bay  à  l'obéyssance  du 
Roy.  Par  Monsieur  le  Duc  de  Lesdiguières,  après  un  furieux 
assaut.  Ensemble  les  articles  de  la  capitulation;  Paris,  1622, 
in-12  (réimprimé  des  Actes  et  correspondance  de  Lesdiguières, 
t.  III,  p.  328-331). 

Abolition  pour  ceux  du  pays  de  Bays  sur  Bays  vérifié  au  par- 
lement de  Grenoble,  in-S"  (Août  1622  au  camp  de  Lunel). 

Relation  du  siège  et  de  la  prise  du  Pousin  par  Monseigneur 
de  Montmorency.  Ensemble  la  prise  de  quatre  canons  et  huict 
Drappeaux  envoyez  au  Roy  par  ledit  Seigneur  de  Montmorency; 
Paris,  1628,  in-i6.  —  C'est  la  reproduction  textuelle  d'une  par- 
tie de  la  plaquette  qui  suit. 

Relation  véritable  du  siège  et  réduction  de  la  ville  du  Pouzin 
en  l'obéyssance  du  Roy,  après  la  prise  de  Chaumerac  en  Viva- 
rets.  L'exécution  de  six  vingts  des  rebelles  qui  ont  eflé  pendus. 
Ensemble  les  articles  accordez  aux  bourgeois  et  soldats  dudit 
Pousin.  Le  Tout  par  Monseigneur  le  Duc  de  Mont-Morency  ; 
Rouen,  1628,  in-S". 

Relation  véritable  du  siège  et  prinse  du  Poussin,  par  Monsei- 
gneur le  Duc  de  Montmorency,  Pair  de  France  ,  Gouverneur  et 
Lieutenant  gênerai  pour  le  Roy  au  pays  de  Languedoc  ;  Bour- 
deauS;,  1628,  in-i6. 

Privas. 

Réduction  de  la  ville  de  Privaz  à  l'obéissance  du  Roy  par 
Monseigneur  le  Duc  de  Montmorency  grand  Admirai  de  France  : 
contre  les  rebelles  dudict  lieu.  Avec  l'institution  de  la  Messe, 
qui  y  a  esté  célébrée  le  Jeudy  dernier  d'Avril.  Et  comme  les  Mu- 
railles de  la  ville  ont  esté  prestes  d'estre  rasées,  et  eux  condam- 
nez à  l'amende  de  cinquante  mille  escus.   Le  tout  représenté  par 


446  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

une  Lettre  du  sieur  de  Ragot  à  un  sien  Cousin  de  la  ville  d'An- 
nonay;  Lyon,  1620,  in-S".  —  Précédemment  paru  à  Tournon. 

Récit  véritable  de  ce  qui  s'est  passé  à  Privas,  depuis  le  23.  24. 
et  25.  janvier  jusques  à  présent,  et  de  l'entreprise  sur  icelle 
(s.  1.),  1621,  in-8°. 

Remonstrance  adressée  à  Messieurs  de  Privas  (s.  1.),  1621  , 
in-i2. 

Discours  véritable  de  l'exécution  de  six  ministres  de  la  religion 
Prétendue  Reformée  ,  en  la  ville  de  Privas,  par  le  commande- 
ment de  Sa  Majesté  très  Chrestienne,  in-8°  (s.  1.  n.  d.). 

Discours  véritable  de  ce  qui  s'est  passé  sur  l'occurence  des 
mouvemens  de  la  ville  de  Privas  au  pays  de  Vivarais  (s.  1.),  162 1, 
in-i2. 


La  deflfaicte  et  mort  du  lieutenant  du  Duc  de  Rohan  dans  la 
ville  de  Privas  en  Dauphiné  (sic)  par  les  adhérans  de  son  party, 
le  quinzicsme  de  Janvier  1628.  Avec  le  restablissemenc  du  com- 
merce ,  et  trafic  sur  le  fleuve  du  Rhosne  ;  Bourges  (s.  d.) , 
in-i2. 

Récit  véritable  de  la  mort  du  capitaine  Brison  ,  tué  par  les  re- 
belles de  son  party.  Le  quatriesme  jour  de  la  présente  année 
1628;  Paris,  1628,  in-i2.  —  C'est  lamême  plaquette  que  la  pré- 
cédente avec  un  titre  différent. 


Récit  véritable  de  ce  qui  s'est  passé  au  siège  et  prise  de  Pri- 
vas, suyvant  la  lettre  escripte  mandée  à  M*"  le  Vice-legat  d'Avi- 
gnon par  un  gentilhomme  de  la  suitte  du  Roy;  Avignon,  1629, 
in- 12;  Aix,  1629,  in-i2  (réimprimé  dans  Albert  Du  Boys,  Al- 
bum du  Vivarais). 

La  prise  de  la  ville  et  du  fort  de  Privas  en  Vivarez  avec  la 
juste  punition  qui  y  a  esté  faicte  des  rebelles,  qui  s'y  sont  trou- 
vez; Aix,  1629,  in-i2  (réimprimé  dans  le  même). 

Lettre  du  Roy  à  la  Cour  de  parlement  de  Provence  contenant 
les  particularitez  de  tout  ce  qui  s'est  passé  au  siège,  prise  et  em- 
brasement de  la  ville  de  Privas  (Privas,  31  mai  1629);  Aix,  1629, 
in- 12  (réimprimé  dans  le  même). 


DUj  VIVARAIS;,ET    DU    VELAY.  447 

Lettre  du  Roy,  envoyée  à  la  Cour  de  parlement  de  Provence  , 
contenant  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  la  prise  de  Privas  jusques 
à  présent.  Avec  la  réduction  de  toutes  les  villes  rebelles  à 
l'obéissance  de  Sa  Majesté  (Lédignan,  29  juin  1629);  Aix,  1629, 
in-i2. 

Lettre  de  Louis  XI  II  au  duc  de  Ventadour,  sur  la  prise  de 
Privas  (30  mai  1629)  ,  dans  Y  Histoire  générale  de  Languedoc  , 
t.  IX,  p.  643,  644.  —  C'est  la  même  lettre  que  la  seconde 
adressée  au  parlement  de  Provence. 

Lettre  du  Roy  à  Monseigneur  le  Duc  de  Guise  ^  Gouverneur 
et  Lieutenant  général  pour  le  Roy  en  Provence.  Contenant  les 
particularitez  de  tout  ce  qui  s'est  passé  au  siège  ,  prise  et  embra- 
sement de  la  ville  de  Privas;  Aix,  1629,  in-12.  —  Même  re- 
marque. 

Lettre  envoyée  à  la  Reyne  Mère  du  Roy.  Contenant  ce  qui 
s'est  passé  en  la  prise  de  Privas.  Et  la  réduction  de  cinq  ou  six 
autres  places  rebelles;  Paris,  1629,  in-12. 

Lettre  du  Cardinal  de  Richelieu  à  la  Reyne  sur  la  prise  de 
Privas  (de  Privas,  ?o  May  1629),  dans  Aubery,  Mémoires  pour 
l'histoire  du  cardinal  duc  de  Richelieu;  Paris,  1660,  3  t.  in-fol. 

Déclaration  du  Roy,  contre  les  Habitans  qui  estaient  cy  devant 
en  la  ville  de  Privas...  (Juin  1629).  Vérifiée  au  Parlement  de 
Tholoze,  le  27.  Aoust  1629;  Paris,  1629,  in-12. 

La  Boissière  ,  Journal  historique  du  siège  de  Privas,  par 
Louis  XIII ,  en  1629  (dans  Les  Commentaires  du  soldat  de  Vi- 
varois). 


Affaire  de  la  Religion  P.  réformée.  Tactum,  Pour  les  habitans 
de  la  Religion  P.  R.  de  la  ville  de  Privas  sur  le  sujet  de  l'Arrest 
rendu  au  Conseil  d'Estat  du  Roy  le  22  Février  1664 (s.  1.),  1664, 
in-4°,  signé  Loride  Desgalesnieres,  Advocat. 

Factum  pour  les  habitans  de  la  Religion  P.  R.  de  la  ville  de 
Privas,  défendeurs,  contre  Jean  Aligier,  syndic  des  particuliers, 
habitans  de  Coux...  Présenté  au  Conseil  le  2  février  1662.  Signé 
Loride  advocat  (s.  1.  ni  d.),  in-4''. 

Factum  ,  pour  les  Habitants  de  la  ville  de  Privas  qui  font  pro- 
fession de  la  Religion  P.  Réformée^  in-4°  (s.  1.  ni  d.)   1664. 

Mémoire  pour  justifier  les  habitants  de  Privas  sur   le  siège  de 


448  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Privas  ,  arrivé  en  1629,  et  pour  parvenir  au  rétablissement  du  dit 
Privas  (dans  V Annuaire  de  VArdèche  pour  1854).  Composé  après 
1685. 

Chomérac  (i). 

La  deffaicte  des  ennemis  rebelles  au  Roy,  Par  Monsieur  le  Duc 
deVentadour  au  pays  de  Vivarets,  Avec  la  prise  de  deux  canons 
(s.  1.),  1621  ,  in-S". 

La  prise  de  la  ville  de  Chaumerac  en  Vivarests.  Par  le  Com- 
mandement de  Monseigneur  le  Duc  de  Montmorency.  Avec  l'exé- 
cution de  six  vingts  des  rebelles  qui  ont  esté  penduz  à  la  veuë  du 
Ponsin.  Et  le  pillage  et  bruslement  du  chasteau  de  Mauras  ,  et 
autres  maisons  qui  pouvoient  favoriser  le  passage  des  rebelles  de 
Privas  au  dit  Ponsin;  Paris,  1628  ,  in-8°. 

Cruas. 

C.  B.  Notice  historique  et  archéologique  sur  l'Eglise  de  Cruas; 
N.-D.  de  Lérins ,  1879,  in-i8. 

Vals. 

La  desroute  et  deffaicte  des  troupes  du  Comte  de  Chastillon 
par  Monseigneur  l'admirai  de  Montmorency  avec  la  prise  des 
villes  d'Aubenas  {Usci  Vais),  Dye  et  Crest,  rendues  à  l'obeys- 
sance  du  Roy.  Ensemble  ce  qui  s'est  passé  au  pays  de  Languedoc 
et  Vivarets  jusques  à  présent;  Paris,  1621,  in-12;  Lyon,  1875, 
in-i2. 

Ordonnance  du  duc  de  Montmorency  pour  le  rasement  des  mu- 
railles de  Vais  du  1  7  juin  1628  (dans  Henry  Vaschalde^  Mes  notes 
sur  le  Vivarais). 

Plaquette  sans  titre  et  sans  date  (1653)  sur  les  violences  exer- 
cées par  la  Maréchale  d'Ornano  contre  ses  sujets  de  Vais  appar- 
tenant à  la  religion  réformée  ,  in-4'^. 

*  Manifeste  des  Reformés  allant  au  secours  d'Aubenas  et  de 
Vais  contre  la  violence  de  la  maréchale  d'Ornano  (s.  1.  nid.  1653), 
in-4''. 

(ly  Voyez  aussi  l'article  le  pol'zin. 


DU    VIVARAIS    ET   DU    VELAY.  449 

AUBENAS. 

Récit  de  ce  qui  s'est  passé  en  la  ville  d'Aubenas,  lors  de  la 
guerre  de  la  Ligue  et  de  la  prinse  et  reprinse  de  la  dite  ville  (en 
1585  et  159?),  réimprimé  dans  Poncer,  Mémoires  historiques  sur 
le  Vivarais  ,  t.  III  ,  p.  657-687. 

La  prise  de  la  Ville  d'Aubenas,  capitale  du  païs  du  Vivarais, 
faicte  par  Monsieur  le  Comte  de  Tournon,  sur  les  rebelles  au  Roy, 
qui  l'avaient  occupé  l'espace  de  trente-deux  ans ,  avec  le  nombre 
de  huguenots  qui  ont  esté  tuez;  Paris,  1587,  in-8°. 

Oddo  de  Gissej  ,  Vie  du  P.  Jacques  Salez  et  du  F.  Guillaume 
Sautemouche  ,  son  compagnon,  martyrisés  à  Aubenas  en  !<,()'}  , 
avec  la  photographie  de  ces  deux  religieux  de  la  Compagnie  de 
Jésus;  Avignon,  1869,  in- 18. —  C'est  une  3" éd.  La  2e  avait  paru 
à  Toulouse  en  1642, 

Le  doux  et  gracieux  traictement  des  partisans  du  Roy  de  Na- 
varre à  l'endroict  des  Catholiques  ;  C'est-à-dire  :  Le  cruel  assassi- 
nat, ou  plutôt,  si  j'ose  dire  le  glorieux  martyre  de  deux  Jésuites 
commis  par  iceux  en  la  ville  d'Aubenas  le  8.  jour  de  Février  de 
ceste  année  1593.  D'où  l'on  peut  veoir  aisément  le  dessein  qu'ils 
ont  d'exterminer  la  Religion  Catholique;  Paris  1593,  in-12;  Ar- 
ras  (s.  d.)  ,  in-12. 

Narré  de  la  merveilleuse  conversion  des  hérétiques  d'Aubenas. 
A  Nostre  Sainte  Foy.  Au  Roy.  Paris,  1628  ,  in-i6. 

Lettre  aux  nouveaux  convertis  de  la  ville  d'Aubenas;  Paris, 
1628,  in-8°.  Signé  A.  Dubreton. 

Draussin ,  L'Eglise  d'Aubenas  au  XVI I^  siècle  .  notes  histori- 
ques ,  dans  L'Eglise  libre  de  Nice  des  20  et  27  janvier;  3  ,  10  et 
17  février,  et  2  mars  1888. 

Dom  Jaubert ,  Marie  de  Montlaur ,  maréchale  d'Ornano,  et  le 
relèvement  du  culte  catholique  dans  la  ville  d'Aubenas  (Bullet. 
d'hist.  eccl.  et  d'arch.  relig.  des  diocèses  de  Valence  ,  Gap ,  Greno- 
ble et  Viviers,  t.  VIII). 

MiRABEL. 

Récit  véritable  fait  aux    Reynes  par  le  sieur  de   Montgason  , 
gentilhomme  de  Monseigneur  le  Duc  de  Mont-Morency.   De  la 
prise  de  la  Ville  et  Chasteau  de  Mirabel.  Par  le  dit  sieur  Duc  de 
II.  29 


45©  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

Montmorency.  Avec  l'exécution  d'un  Soldat  du  Régiment  de  Pe- 
rault,  lequel  s'estoit  jette  dans  ladite  ville,  pour  donner  advis 
aux  rebelles  de  Testât  et  ordre  que  l'on  tenoit  au  siège  de  la  dite 
Ville;  Paris,  1628,  in-i8. 

Relation  de  la  Prinse  de  la  Ville  et  Chasteau  de  Mirabel  en 
Vivarez.  Par  Monseigneur  de  Montmorency  Duc  et  Pair  de 
France,  Gouverneur  et  Lieutenant  général  pour  le  Roy  en  Lan- 
guedoc; Tolose  ,  1628,  in- 18  (réimprimé  dans  Henry  Vaschalde, 
Mes  notes  sur  le  Vivarais). 

Le  Pradel. 

Controverse  sur  la  question  de  savoir  si  Olivier  de  Serres  a  pré- 
sidé au  massacre  du  22  mars  1573  (dans  Le  Patriote  de  lArdèche 
des  28  mars,  29  avril,  13  et  20  mai  1885  ,  et  VArdèche  républi- 
caine du  3  mai  1885). 

Reisnes ,  Olivier  de  Serres  agronome  du  XV I^  siècle;  sa  vie, 
ses  travaux,  ses  écrits;  Privas,  1858,  in-8°. 

Eugène  Villard ,  Olivier  de  Serres  et  son  oeuvre;  Paris,  1872, 
in-8°. 

Henry  Vaschalde ,  Olivier  de  Serres  ,  seigneur  du  Pradel ,  sa 
vie  et  ses  travaux  ;  Paris  ,  1886  ,  in-8°. 

Villeneuve  de  Berg. 

Histoire  mémorable  et  merveilleuse  advenue  à  Villeneufve  de 
Berc  en  Vivarets  au  mois  d'octobre  161 3  d'un  homme  de  la  Reli- 
gion Prétendue  Reformée,  blasphémant  contre  l'Eglise  Catholi- 
que ,  Apostolique  et  Romaine.  Contenant  tout  ce  qui  s'est  passé 
durant  sa  vie  et  après  sa  mort;  Au  Puy  (s.  d.),  in-12;  Paris 
(s.  d.)  in-12  ,  Lyon  ,  1875 ,  in-12. 

Mollier ,  Recherches  historiques  sur  Villeneuve  de  Berg;  Avi- 
gnon ,  1866 ,  in-8°. 

Largentière. 

Mémoire  sur  l'ancien  couvent  des  RR.  PP.  Cordeliers  de  Lar- 
gentière. Suivi  d'une  copie  d'une  requête  adressée  par  les  Pères 
Cordeliers  de  Largentière  à  Guillaume  de  Lamotte,  sur  les  pertes 
qu'ils  ont  éprouvées  pendant  les  troubles  du  Vivarais  en  1562.  s. 
d.  (1858)  in-4"  (Largentière,  veuve  Grobon). 


du  vivarais  et  du  velay.  4^1 

Vallon  ,  Lagorce  et  Salavas 

Jules  Ollier  de  Marichard ,  Essai  historique  sur  les  Seigneurs 
de  Vallon  ,  Lagorce  et  Salavas  de  1257  à  1842;  Privas,  1882, 
in-80. 

Le  Même,  Exploits  de  Matthieu  de  Merle  pendant  les  guerres 
civiles  de  1 568  à  1 580  ;  Privas  ,   1883  ,  in-8°. 

Comte  A.  de  Pontbriant ,  Guerres  de  religion.  Le  capitaine 
Merle  ,  baron  de  Lagorce ,  etc.  ;  Paris,  i886  ,  in-8''. 

VELAY. 

Le  livre  de  Podio  ou  Chroniques  d'Etienne  Médicis,  bourgeois 
du  Puy;  Le  Puy  en  Velay  ,  1869-1874,  2  t.  in-4° 

Mémoires  de  Jean  Burel^  bourgeois  du  Puy;  Le  Puy  en  Velay, 
1875,  in-4°. 


J.  A.  M.  Arnaud,  D.  M.  M.,  Histoire  du  Velay  jusqu'à  la 
fin  du  règne  de  Louis  XV;  Le  Puy,  1810,  2  t.  in-8°. 

Francisque  M  and  et ,  Histoire  des  guerres  civiles,  politiques  et 
religieuses  dans  les  montagnes  du  Velay  pendant  le  seizième  siè- 
cle; Paris  et  Le  Puy,  1840,  in-8°.  —  Réimpression  dans  VHis- 
toire  du  Velay  du  même  auteur,  t.  V,  sous  ce  titre  :  Guerres  ci- 
viles,  politiques  et  religieuses.  La  Réforme.-  —  La  Ligue;  Le 
Puy  ,  1862  ,  in-i2. 

J.  B.  Louis  de  Vinols,  baron  de  Montfleury,  Histoire  des  guer- 
res de  religion  dans  le  Velay  pendant  les  règnes  de  Charles  IX, 
Henri  III  et  Henri  IV;  Le  Puy,   1862.  in-8°. 

Ch.  Rocher,  La  ligue  en  Velay  (dans  les  Mémoires  de  la  Société 
des  amis  des  sciences^  de  l'industrie  et  des  arts  de  la  Haute-Loire  ; 
le  Puy,  1878,  in-8%  t.  I.) 


Histoire  de  l'image  miraculeuse  de  Notre-Dame  de  Pradelles  ; 
Le  Puy  ,  1843  ,  in-32.    - 
(Le  Franc  de  Pompignan  Jean-Georges),  Instruction  pastorale 


45  2  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS 

de  Monseigneur  l'évêque  du  Puy ,  sur  l'hérésie;  Au  Puy  ,  Lyon 
et  Paris,  1766 ,  in-4°. 

Daubenton,  Vie  de  S.  J»  François  Régis;  Clermont-Ferrand 
et  Riom  ;  1834  ,  in-i  2. 


Deffaicte  tres-veritable  de  cinq  cens  hommes  rebelles  à  Sa 
Majesté,  qui  s'estoient  glissez  dans  le  Velay ,  pensant  surpren- 
dre quelque  ville  pour  leur  asseurance.  Par  M.  de  Châte  ,  et  au- 
tre Noblesse  du  pays;  Paris  (s.  d.),  in-4°;  Yssingeaux  ,  1881, 
in-4". 

Deffaite  de  quatre  cens  rebelles,  ennemis  de  Dieu  et  du  Roy, 
partie  tuez,  partie  desarmez,  et  prins  prisonniers,  ayant  voulu 
surprendre  et  petardé  la  ville  d'Esseingeaux  en  Vellay.  Par  Mes- 
sieurs les  barons  de  Chatte  et  de  la  Motte  Bryon,  le  4.  d'Aoust , 
jour  de  la  prise  de  Clerac  ,  Lyon  1621  ,  in-S"  ;  Grenoble,  162 1, 
in-S"  ;  Yssingeaux,  1874,  in-8». 

Deffaite  de  quatre  cens  rebelles  envoyés  par  l'assemblée  de 
Privas  pour  faire  une  course  dans  le  Velay  (dans  La  Semaine 
d'Yssingeaux,  1838,  in-4°). 

La  sanglante  déroute  de  cinq  cent  rebelles  du  pays  de  Viva- 
rets ,  lesquels  pensant  surprendre  la  ville  d'Issingeaux  en  Vellay, 
ont  esté  taillez  en  pièces  par  Monsieur  de  La  Chaste  et  autre 
Noblesse  du  pays,  assistez  de  plusieurs  villageois.  Ensemble 
l'heureuse  Conversion  de  plus,  habitans  du  dit  pays,  par  un 
P.  Jesuiste;  Rouen,  1621,  in-8°. 

*  Le  vray  discours  du  siège,  prinse  et  totale  ruine  de  la  ville  de 
Sainct  Agreve  en  Vivarois,  faict  et  escrit  par  Monsieur  de  Figon, 
secrétaire  de  la  Reyne;  Lyon,  1580,  in-8°. 

MANUSCRITS. 

Mémoires  sur  les  guerres  civiles  et  de  religion  qui  ont  eu  lieu 
en  Vivarais  depuis  le  commencement  du  dix-septième  siècle  jus- 
ques  à  nos  jours.  S'arrête  à  l'année  1626  (Archives  de  M.  Dubois, 
de  Thueyts). 

Challamel  (Pierre  Joseph  Henri),  Notes  et  observations  chro- 
nologiques pour  servir  à  l'histoire  du  Vivarais  (Idem). 

Mémoires  d'Isaac  Meissonier,  cy-devant  ministre  à  Saint  Sau- 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  4^3 

veur  en  Vivarois  (Archives  de  M.  Souche,  agent  voyer  à  La- 
voulte). 

*  Journal  du  curé  Laurent  Rey  de  Saint  Péray. 


Livre  journal  ou  de  raison,  des  affaires  domestiques  de  Maistre 
Achille  Gamon,  licencié  ez  droictz,  habitant  de  la  ville  d'Annonay 
en  Vivarois  (Bibliothèque  d'Annonay). 

Duret,  docteur,  Notes  pour  servira  l'histoire  d'Annonay  et  des 
environs  (Idem). 

Registres  de  baptêmes,  mariages  et' mortuaires  des  églises  ré- 
formées d'Annonay  et  de  Boulieu  de  1^76  à  1788  (Archives  du 
Conseil  presbytéral  d'Annonay). 

Pièces  diverses  relatives  aux  protestants  d'Annonay  (Idem). 

Dame  Chomel,  religieuse  de  Sainte  Claire  ,  Annales  de  la  ville 
d'Annonay  écrites  pour  son  neveu  Louis  Chomel  ,  fils  de  Siméon 
Chomel  (Bibliothèque  d'Annonay). 

Louis  Chomel  le  Béat,  Histoire  du  protestantisme  à  Annonay 
(Archives  départementales  de  l'Ardèche  et  de  M.  A.  Mazon). 


Mémoyres  des  antiquités  de  l'Eglise  Cathédrale  de  Viviers  et 
de  plusieurs  autres  choses  arrivées  en  divers  temps  et  particuliè- 
rement de  celles  qui  se  sont  passées  durant  ma  vie,  par  Jacques 
de  Banne,  chanoine  (Archives  de  M.  Dubois,  de  Thueyts). 

Giraud-Soulavie,  Discours  et  remarques  sur  l'histoire  ecclésias- 
tique de  Viviers  (Biblioth.  du  grand  séminaire  de  Viviers). 

Mémoire  de  ce  qui  est  arrivé  de  plus  remarquable  du  temps 
du  règne  de  Louis  treize,  Roy  de  France  et  de  Navarre  .  dans 
la  ville  de  Privas  et  lieux  circonvoisins  depuis  le  27  décembre  1619 
(Archives  de  M.  Dubois,  de  Thueyts). 


Recueil  de  pièces  relatives  aux  Eglises  Réformées  du  Vivarais, 
du  Languedoc  et  du  Dauphiné  (Bibliothèque  de  la  Société  de 
l'histoire  du  protestantisme  français,  à  Paris). 

Registre  de  baptêmes,  mariages  et  mortuaires  de  l'Eglise  ré- 


454  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

formée  de   La  Bâtie  de  Crussol  de   1646  à    1649  et  de  1669  à 
1683  (Archives  de  M.  Dussaut,  pasteur  à  Alboussières). 

Registre  du  Consistoire  de  l'Eglise  Réformée  d'Aubenas.  N°  i, 
de  1614  à  1616  ;  N"  2  ,  de  1620-1627  (Archives  de  M.  le  baron 
de  Coston  à  Montélimar). 


Siège  de  S»  Agrève  par  les  catholiques  en  l'an  1580  (Arch.  dé- 
part, de  rArdèche,  E,  182. 

Relation  du  sac  de  la  Chartreuse  de  Bonnefoy  en  1^69,  faite 
par  un  religieux  de  cette  maison  (Archives  de  M.  Dubois,  de 
Thueyts). 

Articles  de  la  capitulation  du  Pouzin,  dans  le  Livre  de  liasse 
où  sont  inçérés  divers  actes  par  moy  Simon  Duboix,  notaire  royal, 
etc.,  8^  livre,  1619-1639  (Archives  de  M.  le  général  baron 
d'Azémar  à  Lavoulte). 


Lettres  diverses  écrites  du  Vivarais  à  Calvin  ,  Bèze  et  autres 
(Bibliothèque  de  Genève,  mss.  français,  n°*  109,  196,  1970*). 

Cahiers  particuliers  envoiez  aux  députés  généraux  et  par  eux 
présentez  au  nom  de  quelques  provinces,  etc.  Cahier  particulier 
du  Vivarois  (Bibliothèque  de  Carpentras,  ms.  Peiresc,  noXXXI, 
vol.  I). 

Discours  de  M''  Homel ,  étant  sur  la  roue  où  il  fut  rompu  et 
laissé  vif  pendant  deux  heures,  avant  que  de  recevoir  le  coup  de 
grâce  (Ms  Court,  n**  17,  vol.  F,  à  la  Bibliothèque  de  Genève). 

Actes  des  synodes  de  la  province  de  Vivarais  pendant  les  an- 
nées 1596,  1654,  16^7,  1664,  1669-1675,  1677,  1678  et  1680 
(Archives  nationales,  série  TT,  cartons  235,  259,  289  A  et  B, 
313,  321,  328). 

Pièces  diverses  relatives  aux  protestants  du  Vivarais  (Archives 
nationales,  série  TT,  cartons  235  ,  236,  242,  244,  259  A  et  B, 
261,  270,  284,  285,  286,  288  A,  289  A,  313,  314,  321,  328,  336, 

337'  349,  350,  355»  35^,  448). 

Idem  (Archives  du  dépôt  de  la  guerre,  vol.  1707,  1708,  1709, 
1796,  1798,  1799). 

Idem  (Bibliothèque  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme 
français^  à  Paris). 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  455 

Recueil  des  actes  des  synodes  tenus  en  la  province  du  Vivarais 
et  du  Velay  de  1791  à  1793  (Archives  du  consistoire  de  Lavoulte). 


Mémoire  d'Ebruy  awec  les  remarques  de  Morel  dit  Duvernet , 
20  mars  1734  et  17  août  17315  (Ms  Court,  n"  ly ,  t.  B  ,  à  la 
bibliothèque  publique  de  Genève). 

Mémoire  dicté  par  le  ministre  Coste  du  Vivarez  le  23  et  24  fé- 
vrier 1747  (Ms  Court,  n°  17,  t.  P,  Idem). 

Mémoire  dressé  par  M""  Peyrot  sur  les  assemblées  publiques 
du  Vivarais,  mai  1744  (Ms  Court,  n°  ij,  t.  Q,  Idem). 

Mémoire  des  Eglises  du  Vivarez  (Idem,  Idem), 

Copie  de  la  relation  dressée  par  Morel  dit  Duvernet  en  1737 
(Ms  Court,  no  17,  t.  B,  Idem). 

Deux  lettres  sur  la  capture  de  MM.  Duvernet  et  Lassagne 
(Ms  Court,  n°  17,  t.  F,  Idem). 

Lettres  de  divers  pasteurs  du  Vivarais  à  Antoine  Court  et 
autres  (Ms  Court,  n"  i,  t.  I-XXVIII,  Idem). 

Pièces  relatives  aux  protestants  du  Vivarais  (Ms  Court,  n°  17, 
t.  A  à  Z,  Idem). 

Idem  (Archives  départementales  de  l'Ardèche). 

Idem  (Archives  départementales  de  l'Hérault). 


Correspondance  historique  des  deux  Chirons  (Archives  de 
feue  Mad.  V*^  Sérusclat  à  Laroue). 

Au^ière,  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  des  Eglises  réformées 
du  Vivarais  et  du  Velay,  2  t.  in-4°  (Bibliothèque  de  la  société  de 
l'histoire  du  protestantisme  français,  à  Paris). 

Idem,  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  des  pasteurs  des  Egli- 
ses réformées  du  Vivarais  et  du  Velay,  2  t.  in-4°  (Idem). 

Recueil  de  notices  et  de  complaintes  sur  divers  pasteurs  du 
Désert  (Bibliothèque  de  Nimes,  n°  256  du  legs  Sabatier). 

PROVINCES  AVOISINANT   LE  VIVARAIS  ET  LE 

VELAY. 

Dom  Claude  de  Vie  et  Dom  Vaisselle,  Histoire  générale  de 
Languedoc;  Toulouse,  1840-1846,  10  vol.  in-40. 


456  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS 

Dernière  édition,  avec  des  Notes  et  des  Pièces  justificatives  ; 
Toulouse,  1872,  etc.,  in-4"  ;  t.  XIII  et  XIV  par  E.  Roschach. 

Journal  de  J.  Baudoin  sur  les  grands  jours  de  Languedoc  , 
1666-1667;  Paris,  1869,  in-8°- 

(Bâville) ,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  du  Languedoc 
(1598);  Amsterdam,  1734,  in-12. 

Mémoires  secrets  de  Lamoignon  de  Basville ,  intendant  de 
Languedoc,  pour  faire  connaître  à  Louis  de  Bernage,  son  suc- 
cesseur, l'esprit  de  la  province  et  l'art  de  la  gouverner  (1718), 
imprimés  dans  Les  Chroniques  de  Languedoc,  année  1877,  in-4°. 

Cambon  de  La  Valette ,  La  chambre  de  l'édit  de  Languedoc  ; 
Paris,  1872,  in-80. 

Dubédat ,  Histoire  du  parlement  de  Toulouse  ;  Paris,  1885, 
in-80,  t.  I. 

Déclaration  du  roi,  qui  lève  la  modification  insérée  par  le  par- 
lement de  Toulouse  dans  l'enregistrement  de  l'édit  du  mois  de 
Novembre  1787,  concernant  ceux  qui  ne  font  pas  profession  de  la 
Religion  catholique.  Du  7  mars  1788,  in-4°  (s.  1.  ni  d.). 

Ménard,  Histoire  civile,  ecclésiastique  et  littéraire  de  la  ville 
de  Nimes  ;  Nimes,  1874-1875,  7  t.  in-S®. 

Charles  d' Aigre  feuille ,  Histoire  de  la  ville  de  Montpellier; 
Montpellier,  1737,  in-fol. 

Corbière,  Histoire  de  l'Eglise  réformée  de  Montpellier; 
Montpellier  et  Paris,  1861,  in-8°. 

J.-P.  Hugues,  Histoire  de  l'Eglise  réformée  d'Anduze  ;  (s,  1.), 
1864,  in-80. 


Aug.  Bernard  jeune.  Histoire  de  Forez;  Montbrison,  1825, 
2  vol.  in-8". 

André  Imberdis,  Histoire  des  guerres  religieuses  en  Auvergne 
pendant  les  XVIe  et  XVI I»  siècles  ;  Paris,  1855,  in-8''. 

Nicolas  Chorier ,  Histoire  générale  de  Dauphiné  ;  Lyon,  1672, 
in-fol. 

Guy  Allard,  Les  vies  de  François  de  Beaumont ,  Baron  des 
Adrets,  etc.  ;  Grenoble,  1676,  in-i8. 

Annales  de  Michel  Forest  sur  ce  qui  s'est  passé  de  plus  remar- 
quable à  Valence  de  17^6  à  1784  ;  Valence,  1879,  in-8». 

Mémoires  de  Eustache  Piemond,  Notaire  royal-delphinal  de  la 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  4^7 

ville  de  St-Antoine  en  Dauphiné  (1572-1608);  Valence,  1885, 
in-80. 

Baron  de  Coston,  Histoire  de  Montélimar,  Montélimar  ;  1886, 
3  t.  in-80. 

Mémoires  de  Daniel  de  Cosnac  ;  Paris,  1852,  2  t.  in-8°. 

François  Joiibert  et  Salomon  de  Mere\,  Mémoires;  Grenoble, 
1886,  in-i2. 

Jules  Ollivier  ,  Essais  historiques  sur  la  ville  de  Valence  avec 
des  additions,  par  A.  Lacroix;  Valence,  188";,  in-80. 

Actes  et  Correspondance  du  connétable  de  Lesdiguières ;  Gre- 
noble ,  1878-1884,  5   t.  in-4°. 

Arrest  de  la  Court  de  parlement  de  Dauphiné  contre  les  subjets 
du  Roy,  tant  catholiques,  que  de  la  Religion  Prétendue  réformée, 
qui  ont  prins  les  armes  contre  le  service  de  Sa  Majesté,  font  faire 
un  fort  en  ceste  Province  le  long  du  Rosne  au  lieu  appelle  la 
Poule,  et  qui  suivent  le  duc  de  Rohan ,  et  autres  rebelles.  Enre- 
gistré au  Parlement  le  10.  avril  1628;  Paris  (s.  d.),  in-i6. 

(Justin  de  Montheux),  Histoire  des  guerres  excitées  dans  le 
Comtat-Venaissin  et  dans  les  environs  par  les  Calvinistes  du  sei- 
zième siècle  ;  Carpentras  ,  1782,  2  t.  in-12. 

Lo/s  de  Pérussis^  Histoire  des  guerres  de  la  Comté  de  Venay- 
scin  et  de  la  Provence  ,  dans  les  Pièces  fugitives  de  d'Aubais  et 
Ménard  ;  Paris,  1759,  3  t.  in-4''. 

OUVRAGES  RELATIFS  AU   PROTESTANTISME. 

Auteurs  protestants. 

Documents  protestants  inédits  du  XVP  siècle,  publiés  par 
E.  Arnaud;  Paris,  1872,  in-80. 

Lettres  diverses  écrites  par  les  Eglises  réformées  de  France  à 
Genève,  dans  Gaberel,  Histoire  de  l'Eglise  de  Genève;  Genève 
1853-1862,  4  t.  in-80. 

(Bè^e),  Histoire  ecclésiastique  des  églises  reformées  au 
royaume  de  France;  Toulouse,  1082.  2  t.  in-S". 

(Crespin),  Histoire  des  martyrs  persécutez  et  mis  à  mort  pour 
la  vérité  de  l'Evangile;  Genève,  1619,  in-fol. 

Correspondance  de  Calvin,  dans  Calvmi  opéra.  Brunswig, 
in-4°;  Vol.  X-XXI. 


458  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

Aymon^  Tous  les  synodes  nationaux  des  Eglises  reformées  de 
France;  La  Haye,  1710,  2  vol.  in-4°. 

(Elle  Benoit),  Histoire  de  l'édit  de  Nantes;  Delft,  1693-1695, 
3  t.  en  5  parties ,  in-4°. 

Gaultier  de  Saint-Blancard  F. ,  Histoire  apologétique  ou  Dé- 
fense des  libériez  des  Eglises  réformées  de  France;  Amsterdam, 
1688,  2  vol.  in-i2. 

(Claude) ,  Relation  succincte  de  Testât  ou  sont  maintenant  les 
Eglises  reformées  de  France  en  l'année  1666  (s.  1.  ni  d.),  in- 16. 

Jurieu ,  Lettres  pastorales  aux  fidèles  de  France;  Rotterdam, 
1688,  3«  édition,  3  vol.  in-12. 

Mémoires  du  duc  de  Rohan  sur  les  choses  advenuëesen  France 
depuis  la  mort  de  Henry  le  grand ,  jusques  à  la  paix  faite  avec 
les  Reformez  au  mois  de  juin  1629  (s.  1,);  1646;  in- 18  (seconde 
édition). 

Edmond  Hugues  ,  Les  synodes  du  désert  ;  Paris  ,  18H5-1886  , 
3  tom.  in-4°. 

Cortei:^,  Relation  historique  des  principaux  événements  qui  sont 
arrivés  à  la  religion  protestante  depuis  la  révocation  des  édits  de 
Nantes  ,  l'an  1685,  jusques  à  l'an  présent  1728  (dans  Edm.  Hu- 
gues, Antoine  Court,  etc.  ,  t.  I ,  p.  438-486). 

Mémoires  d'Antoine  Court  (1696-1729) ,  publiés  avec  une  pré- 
face et  des  notes  par  Edmond  Hugues;  Toulouse,  1885,  in-12. 

Le  Même,  Histoire  des  troubles  des  Cévennes  et  de  la 
guerre  des  Camisards ,  etc.;  Villefranche  (Genève),  1760,  3  t. 
in-12. 

Les  prophètes  protestants.  Réimpression  de  l'ouvrage  intitulé 
Le  théâtre  sacré  des  Cévennes,  etc.  ;  Paris  et  Melun  ,  1847,  in-8''. 

Armand  de  La  Chapelle,  La  nécessité  du  culte  public  parmi  les 
chrétiens;  Francfort,  2^  édition,  1747,  2  t.  in-12. 

(Antoine  Court),  Le  patriote  françois  et  impartial  ou  Réponse 
à  la  lettre  de  M.  l'évèque  d'Agen  ;  Villefranche  (Genève),  1753, 
2"  édition  ,  2  t.  in-12. 


Eug.  et  Em.  Haag,  La  France  protestante;  Paris,  1846-1859, 
10  vol.  in-8°;  Deuxième  édition,  par  Henry  Bordier,  Paris,  1876, 
etc.  in-8°;  6  vol.  parus. 

Bulletin  de  la  société  de  l'histoire  du  protestantisme  français, 
Paris,  1853 ,  etc.  in-8''.  37  t.  parus. 


DU    VIVARAIS    ET    DU    VELAY.  4^9 

Drion ,  Histoire  chronologique  de  l'Eglise  protestante  de 
France;  Paris  et  Strasbourg  ,  1855  ,  2  t.  in-12. 

Anque\,  Histoire  des  assemblées  politiques  des  réformés  de 
France;   Paris,  i859,in-8°. 

Le  Même ,  Un  nouveau  chapitre  de  l'histoire  des  réformés  de 
France;  Paris,  1865,  in-8°. 

Le  Même  y  De  l'état  civil  des  réformés  de  France  ;  Paris,  1868, 
in-8°. 

C/i.  Coquerel,  Histoire  des  églises  du  désert;  Paris,  1842,  2t. 
in-8". 

Nap.  Peyrat,  Histoire  des  pasteurs  du  désert;  Paris  et  Va- 
lence, 1842  ,  2  t.  in-8°. 

Douen,  Histoire  des  premiers  pasteurs  du  désert;  Paris,  1879, 
2  t.  in-80. 

Edm.  Hugues,  Antoine  Court  ;  Paris,  1872,  2  t.  in-8°. 

Rabaut  le  jeune,  Annuaire  ou  répertoire  ecclésiastique;  Paris, 
1807,  in-8°. 

Adolphe  Michel,  Louvois  et  les  protestants  ;  Paris  (s.  d),  in-12. 

Athanase  Coquerel  (fils)  ,  Les  forçats  pour  la  foi  ;  Paris,  1866, 
in-12, 

Charles  Sagnier,  La  tour  de  Constance  et  ses  prisonnières,  etc. 
Paris,  1880,  in-8°. 

Liste  des  forçats  et  galériens  pour  la  foi,  dans  La  France  pro- 
testante, 2^  éd. ,  vol.  6  ,  p.  213  à  358. 

G.  Frosterus,  Les  insurgés  protestants  sous  Lous  XIV;  Paris, 
1868,  in-12. 

Le  livre  du  Recteur.  Catalogue  des  étudiants  de  l'Académie 
de  Genève  de  1559  à  1859;  Genève,  1860,  in-8°. 

Auteurs  catholiques. 

Soulier,  Histoire  du  calvinisme;  Paris,  1686,  in-4°. 

Idem;  Histoire  des  édits  de  pacification;  Paris,  1682,  in-4''. 

J.  Lefèvre  ,  Discours  de  ce  qui  s'est  passé  pour  et  contre  les 
protestans;  Paris,  1690,  2  vol.  in-4°. 

J.  M.  Prat,  Recherches  historiques  et  critiques  sur  la  Com- 
pagnie de  Jésus  en  France  du  temps  du  P.  Coton  ;  Lyon,  1876- 
1878,  5  t.  in-8". 

Augustin  et  Aloïs  de  Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus;  Liège,  1853...,  5  séries,  in-4''. 


460  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS 

(Filleau),  Décisions  catholiques,  ou  Recueil  général  des  arrêts 
rendus  en  toutes  les  cours  souveraines  de  France,  en  exécution 
on  interprétation  des  idées  qui  concernent  l'exécution  de  la  R.  P. 
R.  ;  Poitiers,  1668,  in-fol. 

Henry  de  La  Garde  ,  Le  duc  de  Rohan  et  les  protestants  sous 
Louis  XIII;  Paris,  1884,  in-80. 

Schybergson,  Le  duc  de  Rohan  et  la  chute  du  parti  protestant 
en  France;  Pans,  1880,  in-8°. 

Boulainvilliers ,  Etat  de  France;  Londres,  1727-1728,  2  t. 
in-fol. 

Ouvrages  relatifs  aux  réfugiés  protestants. 

Ch.  Weiss,  Histoire  des  réfugiés  français;  Paris,  1853,  2  t. 
in-8°. 

Jules  Chavannes,  Les  réfugiés  français  dans  le  pays  de  Vaud  et 
particulièrement  à  Vevey  ;  Lausanne,  i874,.in-i2. 

Erman  et  Réclam,  iMémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  réfu- 
giés français  dans  les  états  du  roi  ;  Berlin,  1872  à  1799,  9  t.  in-S". 

F.  Godet,  Histoire  de  la  réformation  et  du  refuge  dans  le  pays 
de  Neuchâtel;  Neuchâtel,  1859,  in-12. 

Ernest  Combe,  Les  réfugiés  de  la  révocation  en  Suisse;  Lau- 
sanne, 1885,  in-8°. 

Charles  W.  Baird,  Histoire  des  réfugiés  huguenots  en  Améri- 
que,  traduit  de  l'anglais  par  A.-E.  Meyer  et  de  Richemond  ; 
Toulouse,  1886,  in-8^ 

F.  H.  Gagnebin,  Pasteurs  de  France  réfugiés  en  Hollande; 
La  Haye,  1884,  in-8°. 

HISTOIRES  DE  FRANCE. 

{fean  de  Serres) ,  Commentariorum  de  statu  religionis  et  rei- 
publicae  in  regno  Galliae,  I.  partis  libri  très,  4»  éd.,  1 577,.  in-8°  ; 
—  II.  partis,  etc.,  4"  éd.,  1577,  in-S";  -  III.  partis,  etc.,  1595, 
in-S"  ;  —  1 1 1 1^  partis,  etc. ,  2»  éd. ,  1577,  in-8"  ;  —  V^  partis,  etc. , 
Lugduni  Batavorum,  1580,  in-8''. 

La  Popelinièrc,  L'histoire  de  France  enrichie  des  plus  notables 
occurances  survenues  ez  provinces  de  l'Europe  et  pays  voisins 
(La  Rochelle),  1581,  2  vol.  in-fol. 

D'Aubigné,  Histoire  universelle  et  particulièrement  des  affaires 


DU    ViVARAlS    ET    DU    VELAY.  461 

de  France  depuis  l'an  550  jusqu'en  1601  ;  Amsterdam,  1626,  j  t. 
in-fol. 

Mémoires  de  la  troisième  guerre  civile  et  des  derniers  troubles 
de  France;  1 571,  in-S». 

Recueil  des  choses  mémorables  avenues  en  France  sous  le  rè- 
gne de  Henri  II.  François  II.  Charles  IX.  Henri  III  et 
Henri  IV;  2®  édit.,  1598,  in-12. 

De  Thon,  Histoire  universelle.  Traduit  sur  la  nouvelle  édition 
latine  de  Londres;  Basle,  1742,  11  t.  in-4°. 

Gabr.  Barthomœus  Grammond,  Historiarum  gallicœ  ab  excessu 
Henrici  IV.  libri  XVIII;  Tolosœ,  1643,  in-fol. 

[Claude  Malingre],  Histoire  de  la  rébellion  ;  Paris,  1622-1629, 
6  t.  in-8°. 

MÉMOIRES    ET    LETTRES. 

Mémoires  de  Condé  ;  Londres  et  Paris,  1743,  6  t.  in-4°. 

Mémoires  de  l'Estat  de  France  sous  Charles  neufviesme  ;  2® 
éd.,  Meildebourg,  1578,  etc.,  1  t.  in-12. 

Mémoires  de  La  Ligue;  nouv.  éd.,  Amsterdam,  1758,  6  t. 
in-4°. 

Mémoires  de  Soubise,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire 
du  Protestantisme  français ,  t.  XXVIII  et  XXIX. 

Millot ,  Mémoires  politiques  et  militaires,  etc.,  composés  sur 
les  pièces  originales  recueillies  par  Adrien  Maurice ,  duc  de 
Noailles,  maréchal  de  France  et  ministre  d'Etat  ;  2<^^  éd.,  Paris, 
1777,  6  vol.  in-12. 

Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  publiées  par  le  C^^  Hector 
de  La  Ferrière;  Paris,  t.  I,  1880;  t.  II,  188^,  in-4''  (se  continue). 

G.  B.  Depping ,  Correspondance  administrative  sous  le  règne 
de  Louis  XIV  ;  Paris,  1850-1855,  4  t.  in-40. 

A.  M.  de  Boislisle ,  Correspondance  des  contrôleurs  généraux 
des  finances  avec  les  intendants  des  provinces;  Paris,  1874,  in-4°. 

Biographies. 

Michel  le  Vassor,  Histoire  du  règne  de  Louis  XIII  ;  Amster- 
dam, 1 700-1 701,  19  vol.  in-12. 

Dupleix,  Histoire  de  Louis  le  Juste  XIII.  du  nom  ;  Paris, 
1654,  in-fol. 


462       HISTOIRE  DES  PROTESTANTS  DU  VIVARAIS  ET  DU  VELAY. 

Charles  Bernard,  Histoire  du  roy  Louis  XIII  ;  Paris,  1646, 
in-fol. 

Auber/,  L'histoire  du  cardinal  duc  de  Richelieu  ;  Paris,  1660, 
in-fol. 

Simon  Du  Cros,  Histoire  de  la  vie  de  Henry,  dernier  duc  de 
Mont-Morency ,  pair  et  maréchal  de  France  ;  Paris,  1643,  in-40. 

Mémoires  du  maréchal  de  Bassompierre  depuis  1598  jusqu'à, 
son  entrée  à  la  Bastille  en  163 1  ;  Cologne,  1665,  4  t.  in-S». 

J.  Roman,  Les  aventures  du  capitaine  Jean-Baptiste  Gentil  de 
Florac  (i  585-1650);  Grenoble,  1885,  in-8''. 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS 


VOLUME  PREMIER. 

Page  74,  note  2  :  N°  II,  lise:{  NM. 

Page  108,  ligne  3  :  Brognieux,  lise:{  Brogieu,  là  et  partout. 

Page  109,  ligne  33  :  ces,  lise:{  ses. 

Page  134,  ligne  14  :  Montmiadou,  lise:{  Montmiandon. 

Page  206,  ligne  23  :  fut,  lise:{  fût. 

Page  239,  ligne  30  :  Delonne,  lise:{  Deleune. 

Page  241,  ligne  25  :  Thueytz,  liseï  Thueyts. 

Page  268,  ligne  26  :  Lomps,  Use:{  Lemps. 

Page  279,  ligne  20  et  21  :  Place:{  ensuite  après  fut. 

Page  292,  ligne  32  :  La  Geste,  lise\  La  Coste. 

Page  335,  ligne  31  :  expérience,  /isg:(  expédition. 

Page  415,  ligne  i  :  Seneuillet,  lise^  Senouillet. 

Page  415,  ligne  2  :  fils  aîné,  lise:{  le  plus  jeune  des  fils. 

Page  415,  ligne  5  à  12  :  supprime:{  Un  procureur  du  roi... 
donc  dans  sa  famille  jusqu'au  14  mars  1678,  alors  qu'il,  et  lise^ 
Le  14  mars  1678,  il  fut  (Le  fait  rapporté  dans  les  lignes  suppri- 
mées se  rapporte  à  François  Rostaing  d'Arlempdes.  Voy.  Pièces 
justificatives,  N°  III). 

Page  432,  ligne  3,  note  i  :  Saint-Bauzise,  lise^  Saint-Bauzile. 

Page  455.  Depuis  l'impression  de  notre  premier  volume, 
M.  Teissier,  archiviste-paléographe  à  Nimes,  nous  a  obligeam- 
ment communiqué  des  documents  complémentaires  sur  Vaffaire 
de  Vais. 

Le  28  juillet  1653,  dès  le  lendemain  du  jour  où  la  maréchale 
d'Ornano  supprima  violemment  l'exercice  de  la  religion  réformée 


464  CORRECTIONS    ET    ADDITIONS. 

dans  ce  bourg,  le  consistoire  de  Privas,  au  nom  des  Eglises  du 
Vivarais,  exposa  ce  qui  venait  d'arriver  aux  pasteurs  et  anciens 
des  Eglises  réformées  du  bas  Languedoc  et  des  Cévennes.  La 
lettre  était  signée  par  Accaurat,  pasteur,  de  Pages,  La  Selve,  de 
Faïn,  du  Bois,  de  Combes  et  Bernard,  anciens. 

Le  8  août  suivant,  une  conférence  des  députés  du  bas  Langue- 
doc ,  des  Cévennes  et  du  "Vivarais  se  réunit  à  Uzès  «  pour  pour- 
voir aux  désordres  arrivés  en  l'Eglise  de  Vais.  »  Le  Vivarais  s'y 
fit  représenter  par  Durand  ,  pasteur  de  ce  lieu,  et  d'Achard  ;  et 
les  Eglises  du  bas  Languedoc  et  des  Cévennes  ,  par  celles  de 
Montpellier,  Nimes,  Uzès,  Anduze  et  Alais. 

La  conférence  décida  tout  d'abord  d'envoyer  quatre  députés 
au  comte  du  Roure  «  pour  le  supplier  très  humblement  d'interpo- 
ser l'autorité  du  roi  et  la  sienne  pour  faire  jouir  lesdits  habitants 
de  Vais  du  bénéfice  des  édits.  »  Les  députés  rencontrèrent  à 
Barjac  le  lieutenant  général,  qui  leur  répondit  que  la  suppression 
de  l'exercice  de  Vais  n'émanait  pas  du  roi ,  puisqu'il  n'avait  pas 
reçu  d'ordre  de  lui  à  ce  sujet  ;  que  c'était  «  une  passion  particu- 
lière ;  »  que  Sa  Majesté,  bien  loin  d'entendre  que  ses  sujets  de 
la  Religion  réformée  fussent  violentés  ,  voulait  au  contraire 
qu'ils  jouissent  paisiblement  de  leur  droit  d'exercice  conformé- 
ment aux  édits. 

Encouragée  par  cette  réponse,  la  conférence  d'Uzès  décida 
que  les  réformés  d.es  provinces  susnommnées  repousseraient  la 
force  par  la  force;  que  le  pasteur  Durand  rentrerait  à  Vais  avec 
une  escorte  aussi  nombreuse  que  possible  et  reprendrait  son  exer- 
cice interrompu  ;  que  la  chaire^  la  table  de  communion  et  les 
bancs  du  temple  seraient  remis  en  leur  place;  que  chaque  com- 
munauté du  bas  Languedoc,  des  Cévennes  et  du  Vivarais  fourni- 
rait des  hommes  et  des  vivres;  qu'on  informerait  les  colloques 
des  violences  exercées  contre  l'Eglise  réformée  de  Vais  et  de  la 
délibération  de  la  conférence,  et  que  les  colloques,  à  leur  tour, 
en  informeraient  les  gentilshommes  de  leur  ressort. 

La  conférence  décida  en  outre  qu'une  délégation,  émanée  de 
son  sein  ,  siégerait  en  permanence  à  Nimes  ,  puis  à  Uzès,  et  se- 
rait composée  de  MM.  Jacques  Benoit,  député  de  Montpellier; 
de  Montaren,  député  d'Uzès;  et  de  Montmoirac,  député  des 
Cévennes  ,  auxquels  le  député  du  Vivarais  se  joindrait  posté- 
rieurement. 

Bientôt  des  troupes  affluèrent  de  toutes  parts.  La  cavalerie  de 


CORRECTIONS   ET   ADDITIONS.  465 

Montpellier  était  conduite  par  M.  de  Fourques  et  celle  de  Sauve 
par  M.  le  Bailli.  Le  comte  Frédéric-Henri  de  Dohna,  gouver- 
neur d'Orange,  amena  sa  garnison  et  les  troupes  du  Dauphiné. 
L'armée  était  concentrée  à  Vallon  le  6  septembre  1653 ,  et  com- 
mençait même  à  manquer  de  vivres.  Le  sieur  de  Villefranche  et 
le  maréchal  de  camp  La  Cassagne  la  commandaient. 

Le  roi,  ayant  été  informé  de  ce  qui  se  passait,  envoya  le  sieur 
de  La  Tivolière  à  La  Cassagne  avec  la  lettre  qui  suit  : 

«  A  Monsieur  de  La  Cassagne  ,  maréchal  de  camp  en  mes 
armées. 

»  De  par  le  Roy. 

»  M.  de  La  Cassagne,  envoyant  en  ma  province  de  Languedoc 
et  pays  de  Vivarais  le  sieur  de  La  Tivolière ,  lieutenant  des  gar- 
dées du  corps  de  la  Reine,  Madame  ma  mère,  sur  le  sujet  des 
choses  qui  s'y  passent  et  de  la  conduite  de  mes  sujets  de  la  Re- 
ligion P.  Réf.,  le  rétablissement  de  leur  prêche  à  Vais  et  en 
d'autres  lieux,  je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  dire  d'ajouter 
toute  créance  à  ce  que  le  sieur  de  La  Tivolière  vous  fera  enten- 
dre de  ma  part  être  mon  intention  ;  pour  l'accomplissement  de 
laquelle  vous  vous  employerez,  ainsi  que  je  me  le  promets  de 
votre  affection.  Je  vous  en  reconnaîtrai  par  les  effets  de  ma  bien- 
veillance lorsqu'il  s'en  offrira  le  sujet.  Cependant,  je  prie  Dieu 
qu'il  vous  ait,  Monsieur  de  La  Cassagne,  en  sa  sainte  garde. 
Ecrit  à  Paris  le  premier  septembre  mil  six  cent  cinquante  trois.  » 
Signé,  Louis,  et,  plus  bas,  Phelippeaux. 

Quelques  jours  après,  Louis  XIV  députa,  porteurs  de  ses 
ordres,  le  marquis  de  Ruvigny  aux  chefs  de  l'armée  protestante 
et  le  sieur  Tibart  au  comte  de  Rieux. 

«  Il  a  été  ordonné,  »  disaient-ils,  «  aux  s""*  de  Villefranche  et 
La  Cassagne,  commandants  nos  sujets  de  la  Religion  P.  R., 
assemblés  à  Vallon  en  Vivarais  pour  rétablir  le  prêche  de  Vais 
et  autres  lieux,  d'ajouter  foi  et  créance  aux  ordres  que  le  sieur 
Ruvigny,  leur  député  général,  a  à  leur  donner  de  ma  part  ;  en- 
semble à  notre  cher  et  bien  aimé  cousin  le  comte  de  Rieux  d'obéir 
au  commandement  qui  lui  en  sera  fait  par  le  s''  Tibart,  l'un  de 
nos  hoquetons^  pour  laisser  libres  nos  dits  sujets  en  l'exercice  de 
leur  religion;  et,  en  refus,  enjoignons  à  tous  nos  lieutenants 
généraux  de  lui  courir  sus  à  main  armée,  sortir  les  canons  et  gar- 
nisons de  nos  villes  et  citadelles  de  Montpellier  et  Saint  Esprit, 
pour  plus  promptement  exécuter  notre  volonté.  Donné  à  Saint 
II.  30 


466  CORRECTIONS    ET    ADDITIONS. 

Germain  le  septième  septembre  1653.  »  Signé,  Louis,  et  plus 
bas ,  Phelipeaux. 

Nonobstant  ces  ordres,  les  nouvelles  de  la  cour  n'étant  pas 
satisfaisantes^  les  délégués  de  la  conférence  d'Uzès,  transférée  à 
Anduze,  savoir  MM.  Montmoirac,  Massanes,  La  Vallete  (?), 
Montredon,  Foissac  et  La  Baume,  décidèrent,  le  2  octobre  165;, 
qu'il  fallait  renforcer  l'armée  huguenote  et  demandèrent  au  Vigan 
un  nouveau  secours  d'hommes.  Une  lettre  d'Anduze  sans  signa- 
ture, du  17  septembre  précédent,  nous  apprend  que  les  chefs  du 
mouvement  voulaient  montrer  à  La  Tivolière,  l'envoyé  du  roi, 
que  tous  les  protestants  du  bas  Languedoc ,  des  Cévennes  et  du 
Vivarais,  étaient  étroitement  unis  les  uns  aux  autres  et  dispo- 
saient de  forces  considérables  pour  faire  valoir  les  droits  qu'ils 
tenaient  des  édits. 

Après  que  le  différend  eut  été  réglé,  le  roi  chargea  Pierre  For- 
ton  et  Jacques  Rozel-Lansard,  conseillers  au  présidial  de  Nimes, 
de  faire  exécuter  à  Vais  les  arrêts  qu'il  avait  rendus  en  son  conseil 
d'Etat.  Ces  deux  personnages  n'en  ayant  pas  accepté  la  mis- 
sion, les  consuls  de  Nimes,  avec  l'autorisation  du  roi,  élurent  à 
leur  place  Jean  de  Lagrange,  conseiller  au  présidial  de  Nimes,  et 
Malbois,  juge  de  Somraières.  Ceux-ci  se  transportèrent  à  Vais 
et,  le  22  février  1654,  firent  prêcher  deux  fois  le  pasteur  Durand 
dans  son  temple  en  présence  d'une  assemblée  de  2,000  personnes; 
puis  l'installèrent  dans  sa  maison ,  et  notifièrent  les  ordres  du  roi 
à  la  marquise  d'Ornano,  qui  s'y  soumit  sans  opposition. 

Page  503,  ligne  16,  ajoute\  :  Dix-huit  autres  fugitifs  furent 
condamnés  à  mort  par  contumace  ,  le  22  mars  1684,  par  l'inten- 
dant D"Aguesseau,  assisté  du  présidial  de  Nimes,  savoir  :  Bre- 
mond,  pasteur  de  Vernoux  ;  Brunier,  p^  du  Cheylard  ;  Romieu  , 
p""  de  Saint- Fortunat;  La  Motte,  maréchal,  et  Charier,  apothi- 
caire de  Vernoux,  au  supplice  de  la  roue;  —  La  Baume,  Baux 
et  De  Blo,  fils  du  sieur  des  Fonds,  à  la  décapitation  ;  —  Blanc  , 
p""  de  Chalencon;  La  Charrière  ,  p""  de  Gluiras  ;  la  veuve  Blanc  , 
Antoine  Juverrac ,  Pierre  Montchal,  Pierre  Pouchon,  Matthieu 
Vernet ,  le  Valet  de  Rousson,  Moïse  Muret,  Jacques  Lodi  et 
Isaac  Dethieux,  à  la  potence;  «  ce  qui  sera  exécuté  figurative- 
ment,  »  dit  la  sentence,  «  dans  un  ou  plusieurs  tableaux,  qui  se- 
ront posés  aux  places  publiques  de  la  ville  de  Tournon  et  des  au- 
tres lieux  ,  que  le  procureur  du  roi  jugera  nécessaires,  »  Les 
biôns  de  tous  furent  «  acquis  et  confisqués  au  roi.  »  Plusieurs  des 


CORRECTIONS    ET    ADDITIONS. 


467 


condamnés  avaient  été  exclus  de  l'amnistie  de  septembre  1683, 
savoir  La  Baume  (Gaspard  de  Chambaud  de  Bavas  de),  Charier(ou 
Charrier)  et  De  Blo  (ou  Bios).  —  Archives  de  la  Drôme,  D,  71. 

Page  5?7>  ligne  4  :  i597»  '«'s^  i599- 

Page  585,  ligne  27  :  Roban,  lise:{  Raban. 

Page  626,  ligne  26  :  Pierre  du  Rochat,  lise:{  Pierre  du  Rochet. 

Page  661,  ligne  4  :  Avranches,  lise^  Avenches. 

Page  683,  ligne  8.  Ajoutei,  Alexandre  de  Vinay  eut  cinq  en- 
fants :  Pierre,  docteur  en  droit,  avocat  au  bailliage  d'Annonay  ; 
Alexandre,  pasteur,  qui  suit;  Marie,  femme  d'Antoine  Bourget, 
pasteur  à  Boulieu  ;  Marguerite,  mariée  à  Antoine  Laurent,  doc- 
teur en  médecine  à  Annonay  ;  Anne,  célibataire. 

VOLUME  SECOND. 

Page  102,  ligne  18  :  Erieu,  lise^  Erieux,  là  et  partout. 

Page  346,  ligne  25  :  rébellion,  lise^  rébellion. 

Page  427,  ligne  32  :  Boucieu  le  Voy,  lise:[  Boucieu  le  Roy. 


TABLE  DES  MATIERES 


QUATRIÈME  PÉRIODE. 

LE   DÉSERT   (1685-I793). 

Vivarais  et  Velay. 


Emigrations.  Réfugiés  de  marque.  Nombre  des  réfugiés.  Aveux  de  Bâ- 

vilie I 

Confiscation  des  biens  des  consistoires  et  des  religionnaires  fugitifs  et 

leur  emploi 7 

Le  seul  pasteur  autorisé  à  rester  en  France  ,  1686 10 

Exemples  de  constance,  1685 15 

Souffrances  morales  des  nouveaux  convertis,  1686 16 

Les  premiers  prédicateurs  du  désert,  1685 19 

Inspiration.  Prédications  de  Gabriel  Astier,  1688,  1689 24 

Astier  dans  Les  Boutières.  Expansion  du  mouvement.  Assemblées  nom- 
breuses, 1689 28 

Continuation   des   assemblées.  Mort  du  capitaine  Tirbon.   Expéditions 

de  Folleville.  Boucherie  du  Serre  de  la  Palle  ,    1689 51 

Broglie  et  Bâville  en  Vivarais.  Continuation  des  boucheries.  Fin  de  la 
lutte.  Supplice  de  Gabriel   Astier.  Mémoire  envoyé  à  Bâville,   1689- 

1690 î8 

Projet  de  soulèvement  de  Cabralles.  Continuation  de  l'inspiration  et 
des  assemblées.  Brousson  en  Vivarais.  Persécution  générale.  Compli- 
cité du  clergé,  1690-1698 45 

Maisons  démolies  ou  incendiées,  1689-1705 49 

Souffrances  d'Alexandre  Astier  aux  galères,    1689-1715 p 

Ralentissement  momentané  de  la  persécution  au  début  de  la  guerre  de 
la  succession  d'Espagne.  Reprise  des  assemblées  publiques  et  leur  ré- 
pression  sanglante,  1 701 -1705 Ç7 

Les  Camisards  du  Languedoc  en  Vivarais.  Double  combat  de  Vagnas  , 
10  et  II  février  1705 61 


470  TABLE   DES    MATIÈRES. 

Soulèvement  Cainisard   en  Vivarais.  Combat  de  Franchassis.  Bouche- 
ries exécutées  par  Julien,  1704 64 

Assemblées  de  jour.   Condamnations.  Second  mouvement  Camisard  en 
Vivarais.  Combats  de  Gilhoc  ,  Saint- Fortunat,  Leyrisse,  1704-1709.  .       72 

Fin  delà  lutte.  Bataille  de  Font-Réal,  19  juillet  1709 84 

Démarches  faites  à  l'étranger  en   faveur  des  Camisards.   Fin  de  leurs 
trois  derniers  chefs.  Tentative  avortée  de  Chambon  et  son  supplice, 

1709-1710 88 

Recrudescence  de  l'inspiration,  1709 91 

Antoine  Court.   Sa  jeunesse.   Sa  vocation  pour  le  Saint  ministère.   Ses 

premiers  travaux  avec  Brunel,  1695-1714 94 

Courses  missionnaires  de  Court.  Son  projet  de  restauration  du  protes- 
tantisme. Mort  de  Louis  XIV.  Philippe  d'Orléans  régent.  Menées  du 

traitre  Lapise,  1715-1718 98 

Départ  de  Bâville.  Ses  instructions  secrètes,  1718 loj 

Pierre   Durand.  Sa  vocation  au  saint  ministère.  Arrestations.  Premier 

synode  du  Vivarais.  Succès  de  Durand  contre  les  inspirés,  1719-1721.     105 
Corteiz   et  Rouvière   en  Vivarais.  Fondation  d'Eglises.  Déclaration  du 

17  mai   1724;   1725,  1724 11} 

Zèle  de  Durand.  Visite  de   Court.  Union  des  Eglises  du  Vivarais,  du 
Dauphiné  et  du    Languedoc.   Décisions  synodales  diverses.  Procès 

fait  à  la  mémoire  de  Paule  Chermezon ,   1724-172Ç 116 

Premier  synode  national.  Consécration  de  Durand.  Son  mariage.  Pré- 
dicateurs du  Vivarais,  1726-1729 121 

Arrestation  du   père  de  Durand  ,   du  fiancé  de  sa  sœur  et  de  sa  sœur 

elle-même.  Lassagne,  second  pasteur  du  Vivarais,  i729-i7}o 125 

Départ  de  M'  Durand  pour  la  Suisse.  Arrestation  de  sa  mère.  Etat  des 

Eglises,  1750-1731 i)0 

Arrestation  de  Durand,    12  février  1732. 15a 

Durand  à  Tournon  et  son  transfert  à  Montpellier,   13-22  février   1732.     137 
Durand   à   Montpellier.   Assauts  des  convertisseurs.   Son  procès  et  sa 

condamnation,  i"  mars-22   avril  1732 139 

Exécution  de  Durand,  22  avril  1732 145 

Témoignage    rendu  à  Durand  par  le  synode  du  Vivarais.   Départ  mo- 
mentané de  Lassagne,  1732 149 

Continuation   des  assemblées.   Amendes.    Enlèvements  d'enfants  et  de 

jeunes  filles.  Condamnations,  1733-1735 IÇ3 

Capture  de  Bernard,  14  juin  1734.  Condamnations  diverses,  1734-1737.     155 
Etat  intérieur  du   protestantisme  en  Vivarais  et  en  Velay.  Arrestations 
diverses.  Enlèvements  de  jeunes  filles.  Deux  évasions.  Mariages  du 
désert   inquiétés.    Poursuite   des    ministres.   Prisonniers  de   Vallon , 

1757-1738 iç8 

Arrestation  et  mort  tragique  du  pasteur  Morel-Duvernet,  14  et    15   fé- 
vrier 1739.  Condamnation  de  ses  codétenus,  8  février  1740 168 

Arrestation  et  fin  tragique  du  pasteur  Fauriel-Lassagne.  7-14  août  1739. 

Condamnation  de  ses  co-détenus  9  février  1740 174 

Poursuites  contre   les   mariages,  1739 181 

Etat  des  pasteurs  et  de  la  population  protestante  en  Vivarais,  1740-1741     182 
Arrestation  ,  procès  et  supplice  de  Dorliai ,  4  juin  1741-31  juillet  1742.     i8ç 


TABLE   DES   MATIÈRES.  47I 

Amendes  exhorbitantes.  Situation  des  protestants  dans  les  diocèses  du 
Puy,  de  Viviers  et  de  Valence  ,  1742-1745 194 

Tolérance  momentanée.  Assemblées  de  jour  et  publiques,  10  mai  1744. 
Mémoire  de  Peirot.  Arrestations  particulières,  1743-1744 199 

Continuation  des  assemblées  de  jour.  Libelle  diffamatoire.  Réponse  de 
Désubas,  1744 209 

Politesses  faites  aux  pasteurs.  Des  curés  se  rendent  aux  assemblées,  1745 .     214 

Déclaration  du  roi  du  16  février  174Ç.  Amendes  considérables.  Lettre 
d'un  anonyme  de   Paris.  Ecrits  catholiques  et  protestants,  174J.    .    .     216 

Arrestation  de  Désubas,  u  décembre  1745.  Massacre  de  Vernoux. 
Mouvements  des  protestants  comprimés  par  les  pasteurs. 222 

Le  curé  de  Boffres  incendiaire.  Son  histoire  ,  174Ç 252 

Départ  de  Désubas  pour  Montpellier,  2  janvier  1746.  Démarches  en  sa 
faveur.  Conseils  de  Court.  Lettre  de  l'évêque  de  Valence 258 

Procès  de  Désubas.  Ses  sentiments.  Tentatives  de  conversion  auprès 
de  lui  ,  1746 242 

Condamnation  et  supplice  de  Désubas,  i""  février  1746 .     247 

Après  le  supplice,  1746 249 

Nombreux  soldats  en  Vivarais.  Reprise  des  assemblées.  Traîtres  sou- 
doyés par  des  prêtres.  Deux  traités  de  controverse  ,  1746-1747,    .    .     2J2 

La  persécution  recommence.  Arrestation  d'Argaud.  Réveil  des  protes- 
tants d'Annonay.  Amendes.  Ordres  sanguinaires.  Ordres  de  rebapti- 
sation.  Tournées  des  pasteurs  ,  1748-1750 256 

Procès  verbaux  contre  les  assemblées.  Rédaction  d'un  placet.  Arresta- 
tion et  mort  de  Monteil.  Reprise  des  assemblées.  Lettre  de  l'évêque  du 
Puy,    175 1 262 

Nombreuses  arrestations.  Amendes  ruineuses.  Départ  forcé  de  Coste. 
Consécration  de  Vernet,  1752 ...•.■ 26J 

Envoi  de  livres  de  Genève.  Assemblées  traquées  par  les  soldats.  Ban 
sanguinaire  de  Richelieu  non  suivi  d'effet,  1755-1754 271 

Triste  position  du  pasteur  Blachon.  Eglises  de  Vallon  ,  Salavas  et  La- 
gorce  distraites  du  Vivarais.  Lettre  des  pasteurs  à  M.  de  Lemps. 
Statistique  des  lieux  d'assemblées  ,  1755-1756 277 

Prières  et  jeûnes  publics  à  l'occasion  du  crime  de  Damiens.  Tranquil- 
lité. Départ  de  la  famille  Blachon.  L'évêque  Ponipignan  mal  vu  à  la 
cour,  1757-1760 281 

Départ  de  Blachon.  Projet  de  maisons  de  prière.  Arrestations.  Com- 
mission de  Court  de  Gébelin.  Lettre  de  l'évêque  du  Puj^ ,  1761-1766      284 

Venue  de  nouveaux  pasteurs.  Délivrance  de  Marie  Durand  et  de  Cham- 
bon.  Projet  renouvelé  de  maisons  de  prière,  1768-1771 289 

Schisme  de  Philip  dans  les  Eglises  de  La  Montagne,  1775-1792 292 

Venue  de  nouveaux  pasteurs.  Enlèvement  d'enfants.  Un  sermon  de  Ver- 
net  ,  1775-1775 ?io 

Avis  de  Vernet  sur  Du  Temps.  Persécutions  endurées  par  Chiron. 
Son  départ  d'Annonay.  Jugement  sur  Peirot,  1776-1777 516 

Accroissement  du  nombre  des  pasteurs  en  Vivarais.  Malveillance  des 
curés,  1778-1781Ç 518 

Edit  de  tolérance.  Restriction  du  Parlement  de  Toulouse,  Venue  de 
nouveaux  pasleurs  ,  1787-1791 519 


472  TABLE   DES    MATIÈRES. 

Constitution  du  5  septembre  1791.  Discours  d'Astier  et  de  Kœnig,  Pro- 
grès de  l'irréligion,  1791-1792 521 

Décision  patriotique  du  synode  du  Vivarais.  Jugement  sur  Vernet.  Der- 
niers pasteurs  du  Vivarais.  Conclusion,  1795 327 

APPENDICE   I. 

Biographie  succincte  des  pasteurs  du  Vivarais  et  du  Velay  pendant  le 
Désert  selon  l'ordre  \de  leur  consécration  ou  de  leur  venue  dans  la 
province Jîi 

APPENDICE   II. 

Prédicateurs  ,  proposants  et  étudiants  du  Vivarais  depuis  le  rétablisse- 
ment des  synodes  dans  la  province  en  1721 345 

PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

I.  Généalogie  des  Chambauds 553 

II.  Liste  générale  des  réfugiés  du   Vivarais  et  du  Velay 355 

A.  Réfugiés  de  Genève jjj 

1°  Réfugiés  reçus  habitants  de  Genève 555 

2°  Réfugiés  reçus  bourgeois  de  Genève 364 

B.  1°  Liste  des  réfugiés  du  Vivarais  étant  à  Lausanne  en  janvier 

1765 36Ç 

2°  Autres  réfugiés  du  pays  de  Vaud 366 

C.  Réfugiés  de  Neuchâtel  naturalisés 367 

D.  I"  Rôle  général  des  Français  réfugiés  dans  les  Etats  de  Sa  Ma- 

jesté le  roi  de  Prusse  et  électeur  de  Brandebourg  comme  ils 

se  sont  trouvés  au  51  décembre  1700 368 

2°  Liste  de  réfugiés  de  Genève  et  de  Suisse  qui  se  sont  arrê- 
tés à  Schwabach  depuis  le  mois  d'août  1693 571 

j"  Rolle  des  personnes  qu'on  a  assisté  de  la  collecte  de  Ham- 
bourg        372 

E.  Fugitifs  arrêtés  et  poursuivis  devant  le  Parlement  de  Grenoble, 

1685-1687 374 

F.  Confesseurs  morts  sur  le  premier  vaisseau  parti  pour  l'Amérique.  375 

G.  Autres  réfugiés 375 

H.  Réfugiés  du  mouvement  insurrectionnel  de  1683 37J 

III.  Généalogie  des  d'Arlempdes  de  Mirabel 377 

III  bis.  Lettre  du  duc  de  Rohan  aux  consuls  de  Barjac 378 

IV.  Serment  d'obéissance  des  protestants  d'Annonay  en  1621 379 

V.  Réformés  du  Vivarais  exclus  de  l'amnistie  de  septembe  1083      ,    ,    .     380 

VI.  Suite    des   mauvais   traitements  infligés  au  protestants  du  Vivarais 

en  1683 , 381 

VII.  Livres  de  controverse  sortis  des  presses  du  collège  des  jésuites  de 
Tournon 384 

VIII.  Livres  de  controverse  émanés  d'auteurs  catholiques  du  Vivarais.     587 

IX.  1°  Jeunes  gens  du  Vivarais  étudiants  à  l'Académie  de  Genève.    ,   .     389 
2»  Jeunes  gens  du  Vivarais  étudiants  à  l'Académie  de  Die 391 


TABLE    DES    MATIÈRES.  473 

X.  Gentilshommes  nouveaux-convertis,  1686-1711 592 

1°  Liste  des  gentilshommes  et  principaux  habitants  nouveaux  con- 
vertis dans  le  Vivarais  en  1686 592 

2»  Nouveaux  convertis  du  Vivarais  ,  qui  ont  été  déclarés  faux  no- 
bles, capables  d'entreprendre  et  très  mal  intentionnés  en  1686.  594 
50  Autres  nouveaux  non  nobles  capables  d'entreprendre  en  1686. .    .  59Ç 
4"  Estatdesgentilshommesnouveauxconvertisdu  Vivaraisaprès  1711.  395 
50  Estât  des  nouveaux  convertis  qui  ont  pris  la  qualité  ou  vécu  no- 
blement ,   après    17 II 596 

XI.  A.  Biens  des  consistoires  du  Vivarais  et  du  Velay 597 

B.  Biens  des  religionnaires  fugitifs  du  Vivarais  et  du  Velay ....  400 

XII.  Enlèvement  d'enfants  à  Annonay  en  1700 402 

XIII.  Liste  générale  des  condamnations  prononcées  contre  les  protes- 
tants du  Vivarais  et  du  Velay  pour  fait  de  religion  pendant  le  Désert.  405 

XIV.  Etat  par  arrondissement  des  communautés  du  Vivarais  ,  du  nom- 
bre des  familles  anciennes  catholiques  et  du  nombre  des  familles  nou- 
velles converties  (protestantes) ,  vers    1740 4^9 

XV.  Mémoire  des  Eglises  du  Vivarais  dressé  par  Peirot  (en  1744).   .   •  425 

XVI.  Noms  de  quelques-uns  de  ceux  qui  furent  tués  à  l'affaire  de  Ver- 
noux  le  12  décembre  174? • 425 

XVII.  Liste  des  Eglises  protestantes  du  Vivarais  et  du  Velay  (vers  I755)-  426 

XVIII.  Familles  ou   ménages  protestants  d'Annonay  en    1768 429 

XIX.  Notice  sur  les  Eglises  de  Vallon,  Salavas  et  Lagorce  depuis  leur 
adjonction  au  synode  du  bas  Languedoc  en  1756 45' 

XX.  Synodes  du  Vivarais  et  du  Velay  de  l'époque  du  Désert 455 

Sources  de  l'histoire  des  protestants  du  vivarais  et  du  velay.    .  4}8 

Corrections  et  additions 4*^5 

table  des  matières 4'>9 


TOULOUSE.    —    IMP.    A.    CHAUVIN    ET    FILS,    RUE    DES    SALENQUES ,    28. 


BW5941.A74V.2 

Histoire  des  protestants  du  Vivarais  et 

Princeton  Theological  Semmary-Speer  Library 


1    1012  00034  8898 


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