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Full text of "Histoire des protestants de Provence, du comtat Venaissin et de la principauté d'Orange"

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Arnaud,  E.  1826-1904. 
Histoire  des  protestants  de 
Provence 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/histoiredespro01arna 


HISTOIRE 

DES 

PROTESTANTS   DE   PROVENCE 

DU  COMTAT  VENAISSIN 
ET    DE    LA    PRINCIPAUTÉ    D'ORANGE 


VOLUME   PREMIER 
PROVENCE 


OUVRAGES  HISTORIQUES  DU  MÊME  AUTEUR 


Notice  historique  et  bibliographique  sur  les  imprimeurs  de  l'Académie  pro- 
testante de  Die  en  Dauphiné  au  XVIP  siècle;  Grenoble,  1870,  in-S" , 
56  pages. 

Histoire  de  l'Académie  protestante  de  Die  en  Dauphiné  au  XVII'  siècle, 
Paris,  1872,  in-B",  116  pages. 

Notice  historique  et  bibliographique  sur  les  controverses  religieuses  en  Dau- 
phiné pendant  la  période  de  l'édit  de  Nantes;  Grenoble,  1872,  in-8°  , 
64  pages. 

Notice  sur  David  de  Redon,  professeur  de  philosophie  à  Die,  Orange  et 
Genève  ;  Nîmes,  1872,  in-S",  27  pages. 

Documents  protestants  inédits  du  XVI*  siècle,  etc.;  Paris,  1872,  in-8», 
91  pages. 

Statistique  des  Eglises  réformées  et  des  pasteurs  de  la  province  du  Dauphiné 
aux  seizième  et  dix-septième  siècles;  Valence,  1874,  in-8°,  29  pages. 

Histoire  des  Eglises  réformées  de  la  VaUée  de  Bourdeaux  en  Dauphiné; 
Paris,  1876,  in-S",  ço  pages. 

Millet  (et  Arnaud) ,  Notice  sur  les  imprimeurs  d'Orange  et  les  livres  sortis 
de  leurs  presses;  Valence,  1877,  in-8°,  jy  pages. 

Histoire  des  protestants  du  Dauphiné  aux  XVP  ,  XVI1°  et  XVIII"  siècles; 
Paris,  1876  à  1877,  in-8»,  5  volumes  [épuisé). 

Carte  de  Dauphiné  avant  le  traité  d'Utrecht  de  171 5,  in-folio. 

Deux  médailles  de  la  Samt-Barthélemy ;  Genève,  imprimerie  de  J.-G.  Fick; 
Paris,  librairie  Grassart ,  in-12  (réimpression  d'une  plaquette  du  XVI» 
siècle).  —  i88r 


TOULOUSE.    —    IMPRIMERIE    A.    CHAUVIN    ET    FILS,    RUE    DES    SALBNQUES ,    28. 


HISTOIRE 


DES 


PROTESTANTS 

DE  PROVENCE 
DU  COMTAT  VENAISSIN 

ET  DE  LA 

PRINCIPAUTÉ  D'ORANGE 

AVEC 

UNE    CARTI-:    DE    L'ANCIENNE    PROVENCE 

PAR 

E.  ARNAUD 

PASTEUR 
PRÉSIDENT  DU  CONSISTOIRE  DE  CREST  ,  OFFICIER  DACADÉMIE 


VOLUME  PREMIER 

PROVENCE 


PARIS 

LIBRAIRIE  FISCHBACHER 

33,    RUE    DE    SEINE,    33 


//' 


AVANT-PROPOS 


A  sympathie  avec  laquelle  le  public  a 
accueilli  notre  Histoire  des  protestants 
du  Dauphiné  (Paris,  1875  à  1876, 
3  vol.  in-8°),  nous  a  encouragé  à  pour- 
suivre nos  travaux  historiques  et,  pour 
enrichir  d'une  étude  nouvelle  les  annales  des  dix- 
huit  provinces  ecclésiastiques  ou  synodales  que  comp- 
tait l'ancienne  Eglise  réformée  de  France  et  dont  trois 
seulement  on  trouvé  des  historiens,  le  Poitou,  la  Bre- 
tagne et  le  Dauphiné  ,  nous  avons  choisi  V Histoire  des 
protestants  de  Provence,  qui  n'a  pas  encore  été  écrite. 

Aussi  bien  cette  province  est  peu  connue  au  point  de 
vue  protestant.  A  part  quelques  travaux  partiels,  parus 
ces  dernières  années ,  comme  l'intéressant  ouvrage  du 
pasteur  Louis  Frossard  sur  le  massacre  des  Vaudois  de 
Mérindol  et  de  Cabrières  et  la  savante  et  impartiale 
Histoire  des  guerres  de  religion  en  Provence  du  docteur 
Gustave  Lambert,  il  n'a  été  pubhé  aucun  travail  d'en- 
semble sur  le  sujet  que  nous  traitons. 

Ce  n'est  pas  que  nous  attachions  une  importance  se- 
condaire aux  deux  ouvrages  que  nous  venons  de  citer. 


VI  WANT-PROPOS. 

Bien  loin  de  là ,  et  il  ne  nous  en  coûte  même  pas  de 
dire  que,  dans  leur  cadre  restreint,  ce  sont  des  œuvres 
achevées.  Tel  est  spécialement  le  cas  du  livre  de 
M.  Lambert,  qu'il  serait  difficile  de  mieux  faire.  Aussi 
l' avons-nous  suivi  presque  pas  à  pas,  en  l'abrégeant, 
dans  la  portion  de  notre  ouvrage  correspondant  au  sien. 
Quant  à  la  monographie  de  M.  Frossard,  la  publication 
récente  de  la  Correspondance  de  Calvin  et  de  quelques 
autres  travaux ,  aussi  bien  que  nos  recherches  particu- 
lières, nous  ont  permis  de  combler  plusieurs  de  ses  la- 
cunes, de  l'enrichir  même  de  chapitres  entièrement  neuls 
dont  l'importance  n'échappera  à  personne. 

Pour  ce  qui  est  des  autres  parties  de  notre  œuvre  ,  les 
lecteurs  pourront  s'assurer  qu'elles  ont  été  rédigées  sur 
des  documents  pour  la  plupart  inédits.  On  y  signalera 
sans  doute  des  lacunes,  surtout  pour  l'époque  du  Désert  ; 
toutefois  la  faute  en  est ,  non  pas  à  nos  recherches  ,  mais  à 
la  rareté  des  matériaux  relatifs  à  l'histoire  des  protestants 
de  Provence.  Le  mouvement  réformateur  de  ce  pays, 
qui  donna  d'abord  de  si  belles  espérances,  puisque,  en 
l'année  1560,  on  y  comptait  jusqu'à  soixante  Eglises 
«  dressées ,  »  fut ,  en  effet ,  comprimé  dès  son  berceau 
par  d'horribles  massacres,  qui  glacèrent  d'effroi  ses 
adeptes  et  les  empêchèrent  de  s'étendre.  Les  guerres 
de  religion  du  seizième  siècle ,  particulièrement  meur- 
trières en  Provence,  qui  furent  témoins  de  la  mort  pré- 
coce des  grands  capitaines  huguenots  Paulon  de  Mau- 
vans  et  le  baron  d'Allemagne,  firent  le  reste,  sans  parler 
des  violences  exceptionnelles  du  Parlement  d'Aix  et  de 
la  partialité  excessive  des  derniers  commissaires  exé- 
cuteurs de  l'édit  de  Nantes ,  qui  supprimèrent  presque 


AVANT-PROPOS  VII 

toutes  les  Eglises  réformées  de  Provence.  Les  lois 
barbares  du  dix-huitième  siècle,  qui  ne  tendaient  à  rien 
moins  qu'à  l'entière  destruction  du  «  petit  troupeau,  » 
ne  purent  que  l'affaiblir  considérablement. 

Néanmoins,  il  reste  encore  à  cette  heure,  dans  les 
trois  départements  formés  de  l'ancienne  Provence,  douze 
Eglises  réformées  reconnues  par  l'Etat,  sans  compter 
leurs  annexes,  et  les  Eglises  indépendantes  du  Httoral 
de  la  Méditerranée. 

En  terminant,  c'est  pour  nous  un  devoir  aussi  doux 
qu'impérieux  de  remercier  les  obligeants  bibliophiles 
qui  ont  mis  à  notre  disposition  les  trésors  de  leurs 
bibliothèques  (i),  et  les  amis  des  études  historiques  qui 
ont  bien  voulu  collationner  pour  nous  des  documents 
imprimés  ou  manuscrits  qui  n'étaient  pas  à  notre  por- 
tée (2). 


(1)  MM.  de  Gallier,  de  Tain;  Vallentin,  de  Montélimar;  Brun-Durand, 
deCrest;  Rattier  ,  de  Saint-Laurent-du-Pape  ;  et  le  marquis  de  Clapier, 
de  Marseille. 

(2)  MM.  Mireur,  archiviste  du  Var  ;  Arnaud,  juge  honoraire  à  Forcal- 
quier;  Ch.  Sagnier,  de  Nîmes;  Jules  Bonnet,  de  Courbevoie  ;  Léon  Feer  , 
de  Paris';  MM.  les  pasteurs  Gaussen  ,  de  Cabrières-d'Aigues  ;  Gounon,  de 
Lourmarin  ;  Weiss,  de  Boulogne-sur-Seine  ;  Théod.  Claparède,  de  Genève; 
et  bien  d'autres  érudits  également  serviables. 


SOURCES   PRINCIPALES 


DE 


LHISTOIRE  DES  PROTESTANTS  DE  PROVENCE 


l.    IMPRIMES. 

1°    HISTOIRES    DE    FRANCE. 

Crespin ,  Recueil  des  choses  faictes  durant  les  troubles  adve- 
nus en  France  sous  le  Roy  Françoys  II.  et  Charles  IX.; 
dans  l'Estat  de  l'Eglise  ,  dez  le  temps  des  apostres  ;  Strasbourg, 
1 565,  in-i2. 

[Jean  de  Serres],  Commentariorum  de  statu  religionis  et  reipu- 
blicae  in  regno  Gallise  ,  I.  partis  libri  très,  4»  éd.,  1577,  in-8"  ' 
—  II.  Partis  Commentariorum  de  statu  religionis  et  reipubiicœ  in 
regno  Galliae,  libri  très,  4^  éd.,  1577,  in-S»;  —  III.  Partis  Com- 
mentariorum de  statu  religionis  et  reipubiicœ  in  regno  Gallise  , 
emedati  et  varié  locupletati,  1595,  in-8°  ;  —  II II.  Partis  Com- 
mentariorum de  statu  religionis  et  reipublicse  in  regno  Gallise  , 
2a  éd.,  1577,  in-8°. 

[La  PopeUnière] ,  L'histoire  de  France  enrichie  des  plus  nota- 
bles occurances  survenues  ez  provinces  de  l'Europe  et  pays  voi- 
sins ;  [La  Rochelle],  1581,  2  tom.  in-fol. 

[Régnier  de  La  Planche],  Histoire  de  l'Estat  de  France  tant  de 
la  République  que  de  la  Religion,  sous  le  règne  de  François  II  ; 
éd.  de  Paris,  1836,  2  t.  in-80. 


X  SOURCES    PRINCIPALES 

Recueil  des  choses  mémorables  avenues  en  France  sous  le 
règne  de  Henri  II.  François  II.  Charles  IX.  Henri  III.  et 
Henri  IV.,  2"  éd.,  1598,  in-12. 

De  Thou  ,  Histoire  universelle...  Traduit  sur  la  nouvelle  édi- 
tion latine  de  Londres  ;  Basle,  1742,  11  vol.  in-40 

D'Aiibigné ,  Histoire  universelle  et  particulièrement  des  affai- 
res de  France  depuis  l'an  1^50  jusqu'en  1601...;  Amsterdam, 
1626,  3  t.  in-fo. 

2"    MÉMOIRES,    BIOGRAPHIES,    LETTRES. 

Mémoires  de  Condé  ,  ou  Recueil  pour  servir  à  l'histoire  de 
France...,  sous  le  règne  de  François  II  et  sous  une  partie  de  ce- 
lui de  Charles  IX;  La  Haye,  1743,  6  vol.  in-40. 

Mémoires  de  l'Estatde  France  sous  Charles  neufviesme,  2"^  éd., 
Meildebourg,  1578,  3  vol,  in-12. 

Mémoires  de  la  Ligue  ,  contenant  les  événemens  les  plus  re- 
marquables depuis  1576...;  nouv.  édit.,  Amsterdam,  1758,  6  tom. 
in-40. 

Brantôme ,  Vie  des  grands  capitaines  étrangers  et  François  , 
dans  les  Œuvres  complètes,  éd.  Buchon  ;  Paris,  1848,  t.  I. 

Girard,  Histoire  de  la  vie  du  duc  d'Epernon  ;  Rouen  ,  et  se 
vend  à  Paris,  1663,  3  vol.  in-12. 

Mauroy,  Mémoire  pour  la  vie  de  Bernard  de  Nogaret,  seigneur 
de  La  Valette;  Metz,  1624,  in-40. 

Videl ,  Histoire  du  connestable  de  Lesdiguières  ;  Grenoble, 
1649,  in- 16. 

Videl,  Vie  et  poésies  de  Soffrey  de  Calignon,  chancelier  de 
Navarre,  publiées  par  le  comte  Douglas;  Grenoble  ,  1874,  in-4''. 

Actes  et  correspondance  du  Connétable  de  Lesdiguières,  publiés 
sur  les  manuscrits  originaux  par  le  comte  Douglas  et  J.  Roman  ; 
Grenoble,  t.  I,  1878;  t.  II,  1881,  in-4°. 

Depping ,  Correspondance  administrative  sous  le  règne  de 
Louis  XIV  ;  Paris,  1850-1855,  4  vol.  in  40. 

Bouchitté ,  Négociations,  lettres  et  pièces  relatives  à  la  confé- 
rence de  Loudun  ;  Paris,  1862,  in-4". 


DE    L  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.  XI 

50    HISTOIRES    GÉNÉRALES  DE    PROVENCE. 

Nostradamus,  L'Histoire  et  chronique  de  Provence  ;  Lyon,  1614, 
in-foL 

Honoré  Bouche ,  La  Chorographie  ou  Description  de  Provence 
et  l'Histoire  chronologique  du  mesme  pays;  Aix ,  1664- 166 5  , 
2  tom.  in-fol. 

Gaufridi ,  Histoire  de  Provence;  Aix,  1684- 1694,  2  vol. 
in-fol. 

Papon,  Histoire  générale  de  Provence;  Paris,  1786,4  vol. 
in-4°. 

François  Bouche,  Essai  sur  l'Histoire  générale  de  Provence, 
suivie  d'une  Notice  des  Provençaux  célèbres;  Marseille,  1785, 
2  vol.  in-4°. 

Augustin  Fabre,  Histoire  de  Provence;  Marseille,  1833-1835, 
4  vol.  in-8". 

4°    HISTOIRES   PARTIELLES   DE  PROVENCE    ET  MÉMOIRES. 

N.  R.  p.  (Nicolas  Regnault  Provençal),  Discours  véritable 
des  guerres  et  troubles  avenus  au  pays  de  Provence  ;  Lyon  , 
ii;64  (3  éditions),  et  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  \U. 

Claude  de  Cormis ,  Mémoires,  dans  Louvet ,  Additions,  cité 
plus  loin. 

Pierre  de  Cormis,  Mémoires,  dans  le  même  ouvrage. 

Antoine  du  Puget ,  sieur  de  Saint-Marc  ,  Mémoires  de  1561  à 
1596,  dans  Michaud  et  Poujoulat  ;  collection  de  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  de  France,  t.  VL 

Pierre  Louvet,  de  Beauvais,  Histoire  des  troubles  de  Provence  ; 
Aix,  1679,  in-i8,  2  parties  ou  2  tomes. 

Pierre  Louvet  ,  Additions  et  illustrations  sur  les  deux  tomes  de 
l'Histoire  des  troubles  de  Provence  ;  Aix,  1680,  in-i8,  deux  par- 
ties ou  deux  tomes.  C'est  la  reproduction  partielle,  mais  sans  in- 
dication de  source  ,  des  Mémoires  de  Caïus  du  Virailh,  sieur  de 
La  Vallée. 


XII  SOURCES    PRINCIPALES 

Honorât  Me/nier ,  Le  principe  et  progrez  de  la  guerre  civile 
opposée  aux  gouverneurs  de  la  Provence;  Paris,  1617,  in-8°. 

Prosper  Cubasse  ,  Essai  historique  sur  le  Parlement  de  Pro- 
vence ;  Paris,  1826,  3  vol.  in-80. 

Hyacinthe  de  Boniface ,  Suite  d'arrests  notables  de  la  Cour  de 
Parlement  de  Provence  ;  Lyon,  1689,  3  vol.  in-fol. 

Achard,  Dictionnaire  des  hommes  illustres  de  Provence  ;  Aix, 
1787,  in-4*' ,  dans  le  Dictionnaire  de  la  Provence  et  du  comtat 
Venaissin. 

Artefeuille,  Histoire  héroïque  et  universelle  de  la  noblesse  de 
Provence  ;  Avignon,  1757,  2  vol.  in-40; 

Gustave  Lambert,  Histoire  des  guerres  de  religion  en  Provence, 
Toulon,  1870,  2  tom.  in-8^ 

5"    MONOGRAPHIES    DE    VILLES    PROVENÇALES    (l). 

a.  ViGUERiE  d"Apt. 

Bo:{e,  Histoire  d'Apt  ;  Apt,  1813,  in-S". 

Gay ,  Histoire  du  village  ,  du  château  et  du  fort  de  Buoux  ; 
Forcalquier,  1866,  in-80. 

Charles  Rolland,  Cadenet  historique  et  pittoresque;  Paris, 
1837,  in-i2. 

b.  ViGUERiE  d'Aix. 

Ruffi  (Antoine  de),  Histoire  de  Marseille  ,  1692,  2  vol.  in-fol. 
Fabre,  Histoire  de  Marseille  ;  Marseille,  1829,  2  vol.  in-8'>. 
Pitton,   Histoire  de  la  ville  d'Aix;  Aix,  1666,  in-fol. 
Octave  Teissier,  Histoire  de  Bandol  ;  Marseille,  1868,  in- 12. 

c.  ViGUERiE  d'Arles. 

Gilles  Duport,  Histoire  de  l'Eglise  d'Arles  ;  Paris,  1690,  in- 12. 

(i)  Il  existe  plusieurs  autres  monographies  de  villes  provençales;  nous 
n'indiquons  que  celles  qui  renferment  des  documents  sur  notre  sujet. 


DE   L  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.  XIII 

De  La  Lau\ière  ,  Abrégé  chronologique  de  l'Histoire  d'Arles  ; 
Arles,  1808,  in-40. 

Trichaudy  Histoire  de  la  sainte  Eglise  d'Arles  ;  Arles,  Nîmes 
et  Paris,  i8';8,  4  vol.  in-S". 

d.   ViGUERIE   DE    TaRASCON. 

Me/er ,  Inventaire  sommaire  des  archives  communales  de  Ta- 
rascon  ;  Paris,  1864,  in-4°. 

e.  ViGUERIE  DE  Digne. 

Esmieu,  Notice  historique  et  statistique  sur  la  ville  des  Mées  ; 
Digne,  an  XI,  in-80. 

f.   ViGUERIE    DE    FORCALQUIER. 

Féraud,  Histoire  civile,  politique  et  religieuse  de  Manosque  ; 
Digne,  1848,  in-8°. 

C.  Arnaud,  Les  protestants  de  Forcalquier,  dans  le  Journal 
de  Forcalquier,  année  1881,  nos  1 1^  12,  1 5,  19  et  20. 

C.  Arnaud,  L'abbé  de  la  Jeunesse,  ou  le  Gach  de  Saint-Mari, 
•  Histoire  du  temps  d'Henri  III  ;  Marseille,  1859,  in-12. 

g.   ViGUERIE    DE    SiSTERON. 

De  La  Plane ,  Histoire  de  Sisteron  tirée  de  ses  archives  ;  Di- 
gne, 1843,  2  vol.  in-8''. 

Lettre  pastorale  de  Monseigneur  l'Illustrissime  et  Révéren- 
dissime  Evesque  de  Sisteron  aux  Nouveaux  Convertis  de  son  dio- 
cèse (14  février  1585,  in-4°). 

h.    ViGUERIE    DE    CaSTELLANE. 

(Lamenei,  abbé),  Histoire  de  Castellane;  Castellane,  1775  » 
in-12. 

Gras-Bourguet,  Antiquités  de  l'arrondissement  de  Castellane  , 
1842,  in-i  2. 


XIV  SOURCES    PRINCIPALES 

i.    ViGUERIE    DE    DrAGUIGNAN. 

Sau:{ède ,  Histoire  religieuse  de  Bargemon  ;  Marseille,  1868. 
in-80. 

Mireur,  Rapport  sur  la  situation  des  archives  départementales 
[du  Var]  ;  Draguignan,  1878,  in-8°. 

Girardin,  Histoire  de  la  ville  et  de  l'église  de  Fréjus  ;  Paris, 
1729,  2  parties  ou  tomes,  in-8°. 

j.  ViGUERIE  d'Aups. 

De  Bresc ,  Episode  des  guerres  de  religion  en  Provence. 
Massacre  d'Aups  (octobre  M74):  Draguignan,  1877,  in-80. 

k.    ViGUERIE    DE    BriGNOLES. 

Raynouard,  Notice  sur  Brignoles  ;  Brignoles,  1829,  in- 16. 

1.    ViGUERIE   DE    BaRJOLS. 

Barbe,  Inventaire  de  documents  historiques.  Extrait  des  ar- 
chives de  la  ville  de  Barjols  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'étu- 
des scientifiques  et  archéologiques  de  Draguignan,  année  1857, 
t.  I,  in-8». 

m.  ViGUERIE  DE  Saint-Paul, 

Tisserand,  Histoire  de  Vence,  cité,  évêché,  etc.  Paris,  1860. 
in-8°. 

Tisserand,  Histoire  d'Antibes  ;  Antibes,  1876,  in-8". 

n.  Terres  adjacentes  de  Provence. 

Louis  Giinond,  Chroniques  de  la  ville  de  Salon,  depuis  son 
origine  jusqu'en  1792:  Aix,  1882,  in-Ho. 


DE    l'histoire    des    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.  XV 

o.  Supplément.  Comté  de  Nice  et  vicariat  (i)  de  Barcelonne. 

Tisserand,  Histoire  civile  et  religieuse  de  Nice  et  du  départe- 
ment des  Alpes-Maritimes  ;  Nice,  1862,  2  vol.  in- 12. 
Muston,  L'Israël  des  Alpes,  Paris,  185 1,  in-12,  t.  I. 

6°  PLAQUETTES  PROVENÇALES. 

Cantique  sur  le  siège  des  infidèles  et  séditieux  de  Provence, 
devant  la  ville  de  Sisteron  :  où  est  manifestée  l'assistance  et 
grande  bonté  de  Dieu,  lequel  maudit  et  rejette  les  œuvres  des 
meschans,  et  benist  les  faits  de  ses  serviteurs  et  enfans  :  Sur  le 
chant  du  Psaume  loi  ,  etc.;  Lyon,  1562,  in-S"  (réimprimé  dans 
Poésies  huguenotes  du  seizième  siècle;  Strasbourg,  1882,  in-12, 
publiées  par  C.  Schmidt). 

Histoire  véritable  de  la  prinse  de  Marseille  par  ceulx  de  la 
Ligue  et  la  reprinse  par  les  bons  serviteurs  du  Roy,  confirmée  par 
les  lettres  de  Sa  Majesté  au  sieur  de  Lude  et  aultres  y  ajoutées. 
Imprimé  novellement,  MDLXXV,  in-12,  16  pag.  Inséré  égale- 
ment dans  les  Mémoires  de  la  Ligue,  t.  I. 

Lettres  écrites  de  Marseille  contenant  au  vray  les  choses  qui 
s'y  sont  passées  le  8.  9.  et  10.  du  mois  d'apvril,  1585,  in-80. 

Lettres  du  roy  envoyées  à  monsieur  Du  Bouchaige,  chevalier 
de  son  ordre  du  Saint-Esprit...  sur  l'entreprise  de  la  ville  de 
Marseille,  en  Provence,  158^,  in-12  (réimprimé  par  Louis  Perrin, 
Lyon,  1874,  in-12). 

Ordonnance  faicte  par  Ms""  de  Vieilleville,mareschal  de  France 
et  lieutenant  général  pour  le  Roy  es  pays  de  Lyonnois,  Daulphiné, 
Provence  et  Languedoc ,  touchant  la  réduction  des  temples  ; 
Lyon,  1563,  in-80. 

Deflfences  de  par  le  Roy  et  Mg""  de  Vieilleville,  mareschal  de 
France,  à  toutes   personnes,  de   quelque  qualité  et  condition 

(1)  Ou  comté.  Appelé  encore  Terres  Neuves,  aujourd'hui  vallée  de  Barce. 
lonnette. 


XVI  SOURCES    PRINCIPALES 

qu'ilz  soyent,  de  ne  se  injurier,  ouitrager  et  provoquer  à  aulcunes 
injures,  appeler  papiste  ne  huguenot,  à  peine  d'estre  declairez 
rebelles  à  Sa  Majesté  ;  Lyon,  in-8  (s.  d.). 

Règlement  pour  les  procès  de  Provence;  Paris,  xvi  juin  1601, 
in-8». 

La  conversion  de  dix  notables  personnes  à  la  foy  et  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine  en  la  ville  de  Grasse  en  Pro- 
vence, confirmée  par  un  évident  miracle;  Paris,- 161 2,  in-12.  Réim- 
primé par  Perrin,  Lyon,  1874,  in-12. 

Histoire  nouvelle  et  espouvantable  d'un  jeune  homme  d'Aix- 
en-Provence  emporté  par  le  Diable  et  pendu  à  un  amandier  pour 
avoir  impiement  blasphémé  le  Sainct  nom  de  Dieu  et  mesprisé 
la  Saincte  Messe ,  deux  siens  compagnons  estant  demeurez  sans 
aucun  mal,  arrivé  le  douziesme  janvier  de  la  présente  année. 
Paris,  s.  d.,  vers  1615  (réimprimé  par  Perrin,  Lyon,  1874,  in-12). 

Histoire  espouvantable  et  véritable  arrivée  en  la  ville  de  So- 
liers  en  Provence  d'un  homme  qui  s'étoit  voué  pour  estre  à  l'Es- 
glise  et  qui  n'ayant  accomply  son  vœu  le  diable  lui  a  couppe  les 
parties  honteuses  et  couppe  encore  la  gorge  à  une  petite  fille 
aagée  de  deux  ans  ou  environs  ;  Paris,  1619,  in-i  2.  Réimprimé  par 
Perrin,  Lyon,  1875,  in-12. 

Le  petit  chien  de  l'Evangile  abboyant  contre  les  erreurs  de 
Luther  et  de  Calvin,  par  les  Religieux  de  N.-D.  de  la  Mercy,  du 
couvent  de  Tolon  ;  Marseille,  1675,  in-8''. 

Baltha\ar  de  Rie\,  La  vérité  catholique  victorieuse  contre 
l'impiété  de  Calvin,  qui  nie  que  Jésus-Christ  soit  mort  pour  tous 
les  hommes  généralement  ;  Aix,  1675,  in-40. 

7"    SOURCES    PROTESTANTES. 

[Bè\e\  Histoire  ecclésiastique  des  églises  réformées  au  royaume 
de  France;  éd.  Marzials,  Lille,  1841,  3  vol.  in-80. 

[Crespin] ,  Histoire  des  martyrs  persécutez  et  mis  à  mort  pour 
la  vérité  de  l'Evangile  ;  Genève,  1619,  in-f». 

Correspondance  de  Calvin,  dans  Calvini  opéra,  éd.  de  Bruns- 
wig, vol.  X-XXL 


DE    L  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.  XVII 

Herminjard,  Correspondance  des  réformateurs  dans  les  pays 
de  langue  française,  t.  I-VI  (se  continue). 

Eug.  et  Em.  Haag,  La  France  protestante;  Paris,  1846-1859, 
10  vol.  in-80. 

Bordier,  La  France  protestante,  2"  édit.  Paris,  1876  et  suiv., 
4  vol.  (se  continue). 

Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  du  protestantisme  français; 
Paris,  1853  et  suiv.,  32  vol.  (se  continue). 

A/mon,  Tous  les  synodes  nationaux  des  églises  réformées  de 
France  ;  La  Haye,  1710,  2  vol.  in-4''. 

[Elle  Benoît],  Histoire  de  l'édit  de  Nantes  ;  Delft,  1693-1695  ; 
}  tomes  en  5  parties,  in-40. 

P.  D.  B.,  Recueil  des  édits  de  pacification;  Genève,  1626, 
in-i8. 

Ch.  Coquerel,  Histoire  des  églises  du  Désert;  Paris,  1842, 
2  vol.  in-80. 

Drion,  Histoire  chronologique  de  l'Eglise  protestante  de 
France  ;  Paris  et  Strasbourg,  1855,  2  tomes  in-12. 

Anque:{,  Histoire  des  assemblées  politiques  des  réformés  de 
France;  Paris,  1859,  in-8°. 

Anque:^,  Un  nouveau  chapitre  de  l'histoire  des  réformés  de 
France;  Paris,  1865,  in-80. 

Anqiie:{,  De  l'état  civil  des  réformés  de  France  ;  Paris,  1868, 
in-80. 

f/M^u^s  (Edmond),  Antoine  Court;  Paris,  1872,  2  vol.  in-S». 

Antoine  Court,  Le  patriote  françois  et  impartial;  Villefranche 
[Genève],  1753,  2  vol.  in-12. 

Adolphe  Michel,  Louvois  et  les  protestants  ;  Paris  (sans  date), 
in-8«. 

Athanase  Coquerel  (le  fils),  Les  forçats  pour  la  foi;  Paris, 
1866,  in-i  2-. 

J.  A.  M.  D.  L.  P.  D.  D.,  Décisions  royales  sur  les  principa- 
les difficultés  de  l'édit  de  Nantes,  in-12. 

Le  Fèvre,  Discours  de  ce  qui  s'est  passé  pour  et  contre  les 
protestants;  Paris,  1696,  2  vol.  in-4"  (catholique). 

[Filleau].  Décisions  catholiques,  ou  Recueil  général  des  arrêts 


XVIII  SOURCES   PRINCIPALES 

rendus  en  toutes  les  cours  souveraines  de  France  ,  en  exécution 
ou  interprétation  des  édits  qui  concernent  l'exécution  de  la  R. 
P.  R.  ;  Poitiers,  1668,  in-fol.  (catholique). 

A^.  Wciss,  Provence  (le  protestantisme  en),  dans  l'Encyclopédie 
des  sciences  religieuses,  t.  XI  (supplément). 

E.  Arnaud,  Documents  protestants  inédits  du  XVI^  siècle, 
Paris,  1872,  in-8°. 

8"    SUR    LES    RÉFUGIÉS    PROVENÇAUX. 

Guillebert,  Le  refuge  dans  le  pays  de  Neuchâtel  (Bulletin  déjà 
cité,  vol.  IX). 

Jules  Chavannes ,  Les  réfugiés  français  dans  le  pays  de  Vaud  ; 
Lausanne,  1874,  in-12. 

Erman  et  Réclam  ,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  réfu- 
giés français  dans  les  Etats  du  roi  ;  Berlin,  1 782- 1 799,  9  vol.  in-80. 

Crottet ,  Histoire  et  Annales  d'Yverdon  ;  Yverdon,  Lausanne 
et  Genève,  1859,  in-8". 

9*'  SOURCES   SPÉCIALES  SUR  LES  VAUDOIS   DE   PROVENCE. 

Sleidan,  Histoire  de  l'Estat  de  la  Religion  et  République  sous 
l'empereur  Charles  V,  1557,  in-8''.  Traduction  de  l'ouvrage  latin 
paru  à  Strasbourg,  1555,  in-fol  (i). 

Crespin,  Histoire  des  martyrs  (déjà  cité). 

Histoire  mémorable  de  la  persécution  et  saccagemët  du  peu- 
ple de  Merindol  et  de  Cabrières  et  autres  circôvoisins,  appelez 
Vaudois...;  1556,  in-12.  Tirage  à  part  de  l'Histoire  des  martyrs, 
éd.  de  1 5  56,  in-12  (2). 


(i)  Sleidan  paraît  avoir  travaillé  sur  des  notes  de  Calvin  pour  la  partie  de 
son  histoire  qui  regarde  les  Vaudois.  Voy.  Cahini  opéra,  vol.  XIV,  n"»  1797 
et  1881. 

(2)  Cette  <i  Histoire  mémorable,  »  attribuée  très  à  tort  à  Guillaume  Du  Bel- 
lay, seigneur  de  Langey ,  avait  déjà   paru  in  extenso  dans  l'édition  de  Cres- 


DE    l'histoire    des    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.  XIX 

Bè^e,  Histoire  ecclésiastique  (déjà  cité). 

Pantaleon,  Martyrum  historia,  1563,  in-fol. 

Ludopicus  Camerarius ,  De  excidio  reliquiarum  Valdensium  et 
Albigensium  Merindolii  et  in  vicinis  locis  Provinciae...  ,  lugubris 
narratio,  dans  Joachim  Camerarius,  Historica  narratio  de  fratrum 
orthodoxorum  ecclesiis  in  Bohemia...  ,  chap.  X;  Heidelberg 
(1605),  m-8\ 

D.  Petrus  Wesenbeciits ,  Oratio  de  Waldensibus  et  Albigensi- 
bus  christianis,  dans  l'ouvrage  précédent,  chap.  XI  (i). 

Jacques  Auhery,  Histoire  de  l'exécution  de  Cabrières  et  de  Mé- 
rindol  et  d'autres  lieux  de  Provence...  Paris,  1645,  in-40  (2). 

Abraham  Scaltetiis  ,  Annalium  Evangelii  passim  per  Europam 
decimo  quinto  saluLis  partae  seculo  renovati  decas  prima;  Heidel- 
berg, i6i8,in-8o.  —  Idem,  Decas  secunda,  1620,  in-S". 

Perrin,  Histoire  des  Vaudois;  Genève,  1619,  in-12. 

Gilles,  Histoire  ecclésiastique  des  Eglises  réformées  recueillies 
en  quelques  vallées  de  Piedmont  et  circonvoisines,  autrefois  ap- 
pelées vaudoises;  Genève,  1644,  in-4". 

Léger,  Histoire  générale  des  églises  évangéliques  des  vallées 
du  Piémont  ou  Vaudoises;  Leyde,  1669,  in-fol. 

Muston,  l'Israël  des  Alpes  (déjà  cité). 

Correspondance  de  Calvin  (déjà  cité). 

Herminjard,  Correspondance  des  réformateurs  (déjà  cité). 

De  Serres,  Commentarii  ;  La  Popelinière,  l'Histoire  de  France  ; 
De  Thon,  Histoire  universelle  ;  D'Aubigné,  Histoire  universelle 
(déjà  cités). 

Nostradamus,  Honoré  Bouche.,  Gaufridi,  Histoires  de  Provence; 


pin,  15^5,  72  fol.  non  chiffrés,  et  fort  abrégée  dans  l'éditon  princeps  de  I5?4, 
p.  656  à  666,  où  Crespin  dit  qu'il  n'a  touché  qu'en  passant  à  ce  sujet  «  jus- 
qu'à ce  que,  plus  amplement,  toute  l'histoire  en  soit  rédigée  par  écrit,  comme 
elle  en  est  très  digne.  » 

(i)  Pantaleon,  Camerarius  et  Wesenbecius  se  sont  bornés  à  traduire  et 
abréger  Crespin. 

(2)  La  première  partie  de  cet  ouvrage  parut  en  latin  sous  ce  titre  :  Viri  cl. 
Jac.  Aiiberii pro  Merindoliis  ac  Caprariensibus  adio;  Lugduni  Batavorum  (1619), 
in-fol.,  24  pag.  Introuvable. 


XX  SOURCES    PRINCIPALES 

Loiivcl,  Lambert,  Histoire  des  guerres  de  religion  ;  Cabasse,  Es- 
sai (déjà  cités). 

Bo:{e,  Histoire  d'Apt  ;  Pitton,  Histoire  d'Aix  (déjà  cités). 

Roman,  Essai  historique  sur  les  Vaudois  de  Provence  ;  Stras- 
bourg, 1839,  in-40. 

Louis  Frossard ,  Les  Vaudois  de  Provence;  Avignon,  1848, 
in-80. 

Emile  Schlœsing ,  Les  Vaudois  de  Provence;  Marseille,  1877, 
in-i6. 

II.   MANUSCRITS. 

Livre  des  deniers  du  ministère  pour  l'église  réformée  de  Lour- 
marin,  1774- 1808  (Arch.  du  Consist.  de  Lourmarin). 

Divers  registres  de  baptêmes  ,  mariages  et  mortuaires  des  habi- 
tants de  Lourmarin  (XV I'',  XV H'^  et  XV HP  siècles)  faisant  pro- 
fession de  la  religion  réformée  (Arch.  du  consist.  et  de  la  com- 
mune de  Lourmarin). 

Divers  registres  de  baptêmes  et  mariages  et  autres  pièces 
relatifs  à  l'Eglise  réformée  de  Cabrières-d'Aigues  (Arch.  commu- 
nales). 

Actes  des  synodes  nationaux  du  Désert. 

Manuscrits  d'Antoine  Court  ,  à  la  bibliothèque  publique  de 
Genève,  n»  i,  t.  X,  XV,  XX  (F''  partie);  n°  17,  Q;  no  28  ;  n°  39, 
t.  1  ;  n°  42 ,  t.  I  ;  —  Manuscrits  français,  nos  197»,  1973», 
portef.  I. 

Papiers  Rabaut ,  à  la  Bibliothèque  de  l'histoire  du  protestan- 
tisme français,  I,  E,  G,  H  ;  III,  B,  G,  D,  E,  F,  G  ;  IV,  B. 

Papiers  Coquerel  (idem),  vol.  28,  30. 

Papiers  du  consistoire  de  l'Eglise  réformée  de  Riez,  Romolles 
et  annexes  (idem). 

Haberey  et  Boulet ,  Notice  historique  sur  l'Eglise  réformée  de 
Marseille  (composée  vers  1853). 

Archives  de  famille  du  baron  Maurice,  de  Genève. 

Correspondance  historique  d'Etienne  et  d'Abraham  Chiron 
(Archives  Sérusclat.  Copie  chez  l'auteur). 


DE    l'histoire    des    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.  XXI 


Arresté  et  délibérations  de  la  cour  de  Parlement  de  Provence, 
colligées  par  monsieur  Maistre  Honoré  d'Agut,  conseiller  du  Roy 
en  ladi^te  cour,  1643  (Bibl.  nation.,  fonds  français,  n°  I20';7). 

Arrêtés  et  délibérations  des  registres  secrets  de  la  cour  de  Par- 
lement d'Aix  (Bibl.  d'Aix,  ms.  907). 

Pièces  relatives  à  la  Provence  sous  le  gouvernement  du  duc 
d'Epernon  (Bibl.  nation.,  fonds  franc.,  n®  24168). 

Mémoires  et  autres  pièces  concernant  les  affaires  de  Provence 
dans  les  seizième  et  dix-septième  siècles  [idem,  n»  4598). 

Recueil  de  pièces  sur  la  Provence  {idem,  n»  18976). 

Archives  nationales,  série  TT,  cartons  232  ,  233  ,  235  A  ,  236- 
238,  247,  258,  261,  284,  285,  287,  288  B,  289,  317. 

Collection  de  pièces  sur  l'administration  de  la  Provence  pen- 
dant l'intendance  de  M.  Lebret  (Biblioth.  nation.,  fonds  français, 
nos  8820-8952). 

Archives  de  la  ville  d'Aix.  Reg.  des  délibérations  communales. 

J.  F.  Re  mer  ville ,  Hist.  de  la  ville  d'Apt  (depuis  sa  fondation 
jusqu'en  1660)  ;  bibl.  de  Carpentras  ,  ms.  531  ,  et  bibl.  d'Aix, 
ms.  742. 

J.  J.  Giberti ,  Histoire  de  la  ville  de  Pernes  (Bibl.  de  Carpen- 
tras, ms.  532  et  bibl.  d'Avignon). 

Huguenots,  depuis  1560  jusqu'en  1629  (Bibl.  de  Carpentras, 
ms.  Peiresc,  xxxi),  vol.  I  et  H. 

Sobolis  (Foulquet)  ,  Histoire  en  forme  de  journal  de  ce  qui 
s'est  passé  en  Provence  depuis  l'an  1562  jusqu'en  1607  (idem, 
ms.  525  bis  et  ms.  Peiresc  LXXI). 

Mémoires  de  Caïus  du  Virailh ,  sieur  de  la  Vallée  ,  1 585-1 586 
[idem,  ms.  526,  et  bibl.  d'Aix,  ms.  542). 

Diverses  pièces  dans  les  additions  aux  manuscrits  Peiresc  n»  9 
et  dans  le  ms.  540  (Bibl.  de  Carpentras). 

Inventaire  sommaire  des  Archives  départementales  des  Bou- 
ches-du-Rhône,  série  B,  n°*  225,  229,  230,  235,  250. 


XXII       SOURCES    PRINCIPALES    DE    L  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS. 


SUR    LES   VAUDOIS. 


Affaire  de  Mérindol  (bibl.  d'Aix,  n°  796). 

Procès-verbal  de  l'expédition  et  autres  pièces  (idem  ,  n"  798). 

Pièces  sur  le  Parlement  {idem,  n°  929-931). 


HISTOIRE 


DES 


PROTESTANTS  DE  PROVENCE 


PREMIERE  PERIODE 

ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE 
(1525-1562) 


LIMITES     DE     LA     PROVENCE.      CARACTERE      DE      SES 
HABITANTS. 


'ÉTENDUE  de  la  Provence  était  de 
44  lieues  de  pays  en  longueur  du  levant 
au  couchant,  et  de  32  depuis  les  îles 
d'Hyères  jusqu'au  village  dauphinois 
des  Crottes,  avoisinant  ses  frontières. 
Ses  limites  étaient  :  au  nord ,  une  partie  du  cours  supé- 
rieur du  Verdon,  le  comté  de  Barcelonne  (ou  Barcelon- 
nette),  la  Durance  et  le  Dauphiné  ;  —  au  sud,  la  mer 
Méditerranée ,  depuis  l'embouchure  du  Rhône  jusqu'à 
celle  du  Var;  —  à  l'est,  le  Var,  le  comté  de  Nice  et 

I 


2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

les  Alpes-Maritimes;  —  à  l'ouest ,  le  comtat  Venaissin 
et  le  Rhône. 

((  Les  Provençaux,  »  dit  Boulainvilliers  (i)  d'après 
les  rapports  des  intendants  ,  «  sont  naturellement  so- 
bres ,  surtout  lorsqu'ils  vivent  à  leurs  dépens  ;  ils  ont 
assez  de  courage ,  mais  ils  sont  inconstants  et  dou- 
bles. On  ne  doit  que  rarement  se  fier  à  leur  bonne  foi. 
Ils  sont  tous  grands  parleurs,  aimant  à  débiter  des  fa- 
bles de  leur  composition,  fort  entêtés  en  leur  propre 
mérite  et  arrogants  singulièrement  dans  leur  terrain.  Ils 
haïssent  la  dépendance ,  au  point  que  les  seigneurs  des 
lieux  et  tous  ceux  qui  ont  le  droit  de  supériorité  y  sont 
sujets  à  des  mortifications  sensibles ,  encore  est-ce  le 
moindre  cas  oij  ils  puissent  tomber,  y  ayant  eu  sou- 
vent de  massacrés  ou  indignement  traités.  Cette  dispo- 
sition les  a  fait  regarder  à  la  cour  comme  des  sujets 
très  disposés  à  la  révolte...  Les  Provençaux  aiment  fort 
les  ajustements  et  les  beaux  habits  ;  mais  ce  qu'il  y  a 
de  singulier  dans  le  pays  est  l'élégance  naturelle  et  le 
bon  sens  ordinaire  du  paysan  ,  qui  paraît  toujours  si 
bien  instruit  des  matières  dont  il  s'agit  que  l'on  a  peine 
à  comprendre  comment  il  a  pu  acquérir  ces  talents 
sans  éducation.  La  religion  catholique  a  toujours  été  la 
seule  reçue  dans  la  Provence;  toutes  les  fois  que  les 
hérétiques  ont  voulu  s'y  établir,  ils  en  ont  toujours  été 
repoussés  et  punis  sévèrement  quand  ils  ont  dogmatisé. 
On  en  peut  donner  pour  témoin  le  massacre  de  Mérin- 
dol  et  de  Cabrières  dans  le  seizième  siècle,  ainsi  que 
la  résistance  du  Parlement  à  l'établissement  d'une  cham- 
bre de  l'Edit  au  temps  de  Henri  IV,  quelque  profit 
que  le  Parlement  et  le  roi  lui-nlême  en  eussent  pu  es- 
pérer. » 

(i)  Etat  de  la  France,  édit.  1727-1728,  in-fol.,  t.  Il  ,  p.  447. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉl-ORME    EN    PROVENCE.  } 

LES  VAUDOIS  DE  PROVENCE  PRÉCURSEURS  ET  PRE- 
MIERS ADEPTES  DE  LA  RÉFORME  DANS  CETTE  PRO- 
VINCE.   PERSÉCUTIONS    PRÉCOCES   (  I  5  2  5  -  I  5  3  I  ). 

La  Réformation  religieuse  du  seizième  siècle  recruta 
ses  premiers  adhérents  en  Provence  parmi  les  Vaudois 
établis  dans  les  montagnes  du  grand  et  petit  Léberon , 
situées  sur  la  rive  droite  de  la  Durance.  «  De  temps 
immémorial ,  »  dit  de  Bèze,  «  les  Vaudois  s'étant  oppo- 
sés aux  abus  de  l'Eglise  romaine,  ont  été  tellement 
poursuivis,  non  point  par  le  glaive  de  la  Parole  de 
Dieu,  mais  par  toute  espèce  de  violences  et  cruautés, 
jointes  à  un  million  de  calomnies  et  fausses  accusations, 
que  force  leur  a  été  de  se  répandre  partout  où  ils  ont 
pu ,  errants  par  les  déserts  comme  pauvres  bêtes  sau- 
vages ;  ayant  toutefois  le  Seigneur  conservé  les  demeu- 
rants, que,  nonobstant  la  rage  de  tout  le  monde,  ils  se 
sont  maintenus,  comme  ils  se  maintiennent  encore  en 
trois  contrées  bien  éloignées  les  unes  des  autres,  étant 
les  uns  en  Calabre  ,  les  autres  en  Bohême  et  pays  cir- 
convoisins,  les  autres  aux  vallées  du  Piémont,  dont  ils 
se  sont  épars  des  quartiers  de  Provence  depuis  envi- 
ron deux  cent  soixante  et  dix  ans  ,  principalement  à 
Mérindol,  Cabrières  ,  Lourmarin  et  quartiers  d'alen- 
tour (i).  Et  combien  que  les  lieux  où  ils  se  retirèrent 
fussent  tous  déserts,  tant  à  cause  des  guerres  que  pour 

(i)  Nous  n'en  dirons  pas  plus  que  de  Bèze  sur  l'origine  des  Vaudois  de 
Provence  ,  vu  qu'on  ne  possède  aucun  document  certain  sur  les  causes  qui 
les  amenèrent  dans  ce  pays.  Ajoutons  toutefois  que  les  auteurs  ont  générale- 
ment adopté  l'opinion  d'Honoré  Bouche ,  le  plus  savant  historien  de  Pro- 
vence qui  dit  que  les  Bouliers  ,  seigneurs  de  Centallo  ,  Roccaspavera  et 
Démonte  dans  le  marquisat  de  Saluées,  en  Piémont,  les  firent  venir  des  Val- 
lées vaudoises  de  cette  contrée  pour  cultiver  les  terres  en  friche  qu'ils  avaient 
achetées  diins  '.es  montagnes  du  Léberon. 


4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

l'âpreté  du  pays ,  si  est-ce  que  Dieu  a  tellement  béni 
leur  labeur  assiduel ,  qu'ils  les  ont  rendus  abondants  en 
blé,  vin,  huile,  miel,  amandes  et  grand  bétail,  jusques 
à  en  soulager  tout  le  pays.  Leur  vie,  par  l'attestation  et 
voix  publique,  a  toujours  été  paisible  :  ce  qui  les  a 
rendus  agréables  à  leurs  voisins ,  ayant  acquis  la  répu- 
tation d'être  gens  loyaux,  charitables  à  merveille,  payant 
leurs  dettes  sans  plaidoyer,  et  en  général  ennemis  des 
vices.  Quant  à  leur  religion,  ils  n'ont  jamais  adhéré  aux 
superstitions  papales  ;  mais  par  longue  succession  de 
temps,  la  pureté  de  la  doctrine  s'étant  grandement 
abâtardie  entre  leurs  ministres,  qu'ils  appellent  en  leur 
langage  barbes  ,  qui  vaut  autant  à  dire  que  oncles ,  ainsi 
comme  en  l'Eglise  romaine  on  appelle  les  pères  et 
beaux-pères.  » 

Si  les  Vaudois  du  seizième  siècle  ne  professaient  plus 
le  pur  Evangile  ,  ils  étaient  vivement  désireux  de  le 
connaître  et  n'épargnèrent  rien  pour  y  parvenir.  Ils  se 
procurèrent  des  exemplaires  de  la  Bible  et  firent  donner 
de  l'instruction  aux  plus  sages  d'entre  eux.  Mais  à 
peine  eurent-ils  fait  éclater  plus  ostensiblement  leur  sé- 
paration d'avec  l'Eglise  romaine  qu'ils  furent  persécu- 
tés, notamment  par  le  moine  jacobin  Jean  de  Roma, 
revêtu  dans  ce  but  de  la  charge  d'inquisiteur  de  la  foi. 
C'était  un  homme  d'une  violence  extrême,  qui,  dans 
un  entretien  qu'il  eut  avec  le  célèbre  Farel,  en  1523,  à 
Paris  ou  à  Meaux ,  et  oia  ce  dernier  exprimait  l'espoir 
que  «  l'Evangile  aurait  lieu  au  royaume  de  France,  » 
répondit  :  «  Moi  et  autres  comme  moi  lèverons  une 
cruciade  (croisade)  de  gens,  et  ferons  chasser  le  roi  de 
son  royaume  par  ses  sujets  propres ,  s'il  permet  que 
l'Evangile  soit  prêché   (i).  »  C'est  vraisemblablement 

(i)  Herminjard,  t.  I,  p.  48;. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  ^ 

après  les  arrêts  du  parlement  de  Paris  (20  et  29  mars 
1524)  et  le  bref  du  pape  Clément  VII  (17  mai  1525) 
rendus  contre  les  luthériens ,  et  les  lettres  patentes  de 
la  régente  (10  juin  1525)  ordonnant  l'exécution  de  cette 
bulle,  que  Jean  de  Roma  commença  ses  informations 
contre  les  Vaudois  comtadins  et  provençaux.  «  En 
Provence ,  »  écrivait  en  1528  le  fameux  Erasme  au 
comte  de  Neuenar  (i) ,  <c  deux  personnes  ont  été  arrê- 
tées qui  risquent  de  perdre  la  vie,  parce  que,  contrain- 
tes par  la  maladie ,  elles  ont  mangé  pendant  deux  jours 
de  la  viande  en  carême.  Un  troisième  aurait  été  brûlé, 
si  le  roi  ne  fût  venu  à  son  secours  en  évoquant  son  pro- 
cès à  Paris.  Il  avait  dit  que  les  dépenses  immodérées 
consacrées  à  l'érection  d'un  certain  couvent  auraient  pu 
être  mieux  employées  peut-être  au  soulagement  des 
veuves  et  des  pauvres.  Ce  sont  les  commencements  ; 
vous  devinez  le  reste.  » 

Au  fur  et  à  mesure  que  la  Cour  se  prononçait  plus 
sévèrement  contre  les  doctrines  luthériennes,  la  persé- 
cution sévissait  en  France  avec  plus  d'intensité.  Jean 
de  Roma,  secondé  par  Jean  de  Grossi,  juge  à  Apt,  et 
Pierre  de  Sade,  coseigneur  d'Agouh,  son  parent,  rem- 
plissait de  graisse  bouillante  des  bottines  armées  d'un 
éperon  et  les  faisait  chausser  aux  malheureux  Vaudois , 
après  les  avoir  attachés  sur  un  banc  à  la  renverse  ;  et , 
prenant  plaisir  à  les  contempler  dans  ce  triste  état,  il 
leur  demandait  en  riant  s'ils  étaient  bien  équipés  pour 
se  mettre  en  voyage.  Allant  de  village  en  village  et  de 
maison  en  maison,  accompagné  de  gens  armés ,  il  se 
saisissait  de  l'or,  de  l'argent  et  des  meubles  précieux 
qu'il  pouvait  rencontrer,  faisait  condamner  ses  victimes, 
les  unes  au  feu,  les  autres  au  bannissement,  d'autres  à 

(1)  Erasini  epistolœ ,  éd.  de  Bàle,  1^-40,  p.  746. 


6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

la  prison,  et  les  ruinait  toutes  par  de  fortes  amendes. 
Dénoncé  enfin  à  François  1",  Jean  de  Roma,  qui  se 
livra  à  son  cruel  métier  jusqu'en  1531  ,  fut  décrété  de 
prise  de  corps,  sur  l'ordre  du  roi,  par  le  Parlement  de 
Provence  ;  mais  averti  à  temps  du  danger  qui  le  mena- 
çait,  il  s'enfuit  à  Avignon,  a  où,  s'il  fut  en  sûreté,  » 
dit  de  Thou,  «  contre  ce  qu'il  avait  à  craindre  des 
hommes,  il  ne  put  échapper  du  moins  à  la  vengeance 
divine.  Ayant  été  volé  par  ses  domestiques,  il  fut  réduit 
à  la  dernière  indigence,  et  son  corps  se  couvrit  d'ulcè- 
res qui  lui  firent  souhaiter  la  mort  à  tous  moments , 
quoiqu'elle  ne  vint  que  bien  tard  et  après  qu'il  eut  es- 
suyé longtemps  des  douleurs  insupportables.  » 

Nous  mentionnerons,  parmi  les  victimes  de  ces  pre- 
mières persécutions  :  Antoine  et  Poncet  Mesnier,  du 
village  d'Oppède  ;  Michelet  Serre  dit  Marre,  de  Ca- 
brières  ;  Guillaume  Mély,  Jacques  Agiton,  Etienne  et 
François  Féraud  (1531). 

DÉPUTATION   DES  VAUDOIS  AUPRÈS   DES   RÉFORMATEURS' 
DE   LA    SUISSE   ET   DE   l'aLLEMAGNE   (153O-I535). 

Ces  violences  n'arrêtèrent  pas  le  mouvement  qui 
poussait  les  Vaudois  à  embrasser  la  Réforme  ;  car  ayant 
appris  les  progrès  considérables  qu'elle  faisait  en  Suisse 
et  en  Allemagne,  ils  envoyèrent,  en  octobre  1 530,  deux 
de  leurs  barbes,  Georges  Maurel,  de  Freissinières  en 
Dauphiné,  qui  avait  été  élevé  à  leurs  frais,  et  Pierre 
JVIasson ,  de  Bourgogne,  auprès  de  Farel  à  Neuchâ- 
tel  ,  de  Berthold  Haller  à  Berne  ,  d'Œcolampade  à 
Bâle,  et  de  Bucer  et  Capiton  à  Strasbourg.  Les  deux 
députés,  qui  avaient  pour  mission  de  conférer  avec  ces 
réformateurs ,  leur  présentèrent  un  long  mémoire  où  ils 
faisaient   connaître  leur  discipline  ecclésiastique  ,    leur 


ETABLISSEMENT    DE    LA    REFORME    EN    PROVENCE.  7 

culte  ,  leurs  mœurs  et  leur  doctrine  ,  et  demandaient 
des  éclaircissements  sur  divers  articles  obscurs. 

Cet  exposé  attestait  une  connaissance  de  l'Evangile 
inférieure  à  celle  que  possédaient  leurs  ancêtres.  De 
là  l'incertitude  qu'on  y  rencontre  sur  quelques  points 
de  la  doctrine  biblique,  et  la  nécessité,  pour  les  com- 
munautés vaudoises,  de  se  réformer  sous  le  double  rap- 
port de  la  foi  et  de  la  discipline  chrétienne  (i). 

La  réponse  d'Œcolampade ,  datée  du  1 3  octobre 
1530,  a  été  publiée  avec  le  Mémoire  des  Vaudois  ; 
celle  de  Bucer  est  restée  inédite  (2).  Indépendamment 
de  ces  deux  consultations  doctrinales,  Œcolampade  et 
Bucer  remirent  encore  aux  députés  vaudois  des  lettres 
particulières  pour  leurs  frères  de  Provence.  En  voici  le 
texte  : 

Lettre  d'Œcolampade  :  «  Nous  avons  entendu  avec 
beaucoup  de  contentement ,  par  votre  fidèle  pasteur 
Georges  Morel,  quelle  est  votre  foi  et  religion,  et  en 
quels  termes  vous  parlez  d'icelle.  Or  nous  rendons 
grâce  à  notre  Père  très  bénin ,  lequel  vous  a  appelés  à 
une  si  grande  lumière  en  ce  siècle  et  parmi  les  ténèbres 
obscures  qui  sont  épandues  par  tout  le  monde ,  et  la 
puissance  désordonnée  de  l'Antéchrist.  Et  pourtant 
nous  reconnaissons  que  Christ  est  en  vous.  Par  quoi 
nous  vous  aimons  comme  frères.  Et  plût  à  Dieu  que 
nous  pussions  vous  faire  sentir  par  effet  ce  que  nous 
serions  prêts  de  faire  pour  vous,  quand  même  ce  serait 
chose  très  difficile  à  faire.  Au  reste,  nous  ne  voudrions 
point  qu'on  prît  ce  que  nous  écrivons  comme  si  par  or- 

(i)  Le  récit  de  l'ambassade  vaudoise  se   trouve  tout  au   long  dans  Abrah 
Scultet,  Annalium  Evangclil  passiin  pcr  Earopain  decimo  quinto  salutis  partœ 
seciilo  reiiovati;  dccas  sccunda ,  Heidelberg,  1620,  in-8°,  t.  II,  p.  294-5.16;  et 
a  été  reproduit  par  Abrah.  Ruchat,  Histoire  de  la  Réformation  de  la  Suisse 
édit.  Vulliemin ,  t.  II,  p.  319-530. 

(2)  Minute  originale  aux  archives  du  Séminaire  protestant  de  Strasbourg. 


8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

gueil  nous  nous  attribuions  quelque  supériorité  ,  mais 
comme  des  propos  tenus  à  nos  frères  en  charité  et  fra- 
ternelle amitié.  Le  Père  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ 
vous  a  départi  une  excellente  connaissance  de  sa  vérité 
plus  qu'à  beaucoup  d'autres  peuples  et  vous  a  bénis  de 
bénédiction  spirituelle.  Que  si  vous  persistez  sous  sa 
grâce,  il  a  encore  des  plus  grands  trésors,  desquels  il 
vous  peut  enrichir  et  vous  peut  rendre  parfaits ,  à  ce 
que  vous  croissiez  en  la  mesure  de  l'héritage  de 
Christ.  » 

Lettre  de  Bucer  :  «  Le  Seigneur  Dieu  et  Père  soit 
béni  ,  lequel  vous  a  conservé  jusqu'à  présent  en  si 
grande  connaissance  de  la  vérité,  et  lequel  vous  a  main- 
tenant inspirés  à  la  recherche  d'icelle,  vous  ayant  ren- 
dus capables  de  ce  faire.  Or  voici  quel  est  le  naturel  de 
la  vraie  foi  :  c'est  que  dès  aussitôt  qu'elle  reconnaît  en 
quelque  part  quelque  étincelle  de  la  clarté  divine ,  elle 
conserve  soigneusement  les  choses  qui  lui  sont  données 
de  Dieu.  Saint  Paul  nous  est  pour  exemple  ,  lequel  par 
toutes  ses  épîtres  fait  paraître  le  soin  qu'il  a  eu  de  pro- 
curer la  gloire  de  Dieu.  Et  certes,  si  nous  prions  de 
bon  cœur  que  le  nom  de  Dieu  soit  sanctifié  et  que  son 
règne  advienne  ,  nous  ne  poursuivrons  jamais  aucune 
chose  avec  tant  de  diligence,  comme  de  faire  en  sorte 
que  la  vérité  soit  établie  là  oij  elle  n'est  point ,  et  qu'il 
y  ait  de  l'avancement  là  où  elle  est  plantée.  Une  seule 
chose  nous  contriste  principalement  :  c'est  que  nous 
sommes  maintenant  occupés  en  plusieurs  autres  affaires. 
Et  pourtant  nous  n'aurons  loisir  de  vous  répondre  si  au 
long  comme  nous  eussions  bien  désiré,  etc.  » 

Il  existe  aussi  une  lettre  de  remontrance  d'Œcolam- 
pade  «  écrite  aux  Vaudois  de  Provence,  qui  estimaient 
pouvoir  servir  à  Dieu  en  prostituant  leurs  corps  devant 
les  idoles  papistiques.  »  Cette  lettre  avait  pour  but  de 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  9 

réagir  contre  la  réserve  que  les  Vaudois  de  ce  pays 
avaient  gardée  jusque-là  dans  l'observation  de  leur  culte 
et  qui  ressemblait  à  de  la  dissimulation  (i). 

Quand  les  deux  députés  eurent  rempli  leur  mission  , 
ils  revinrent  sur  leur  pas  ;  mais  Masson  fut  arrêté  et 
brûlé  vif  à  Dijon  comme  hérétique.  Maurel ,  assez  heu- 
reux pour  s'échapper  avec  ses  lettres  et  ses  papiers, 
exposa  à  son  retour  «  devant  tous  les  frères,  »  dit 
Crespin ,  «  les  points  de  sa  commission ,  et  déclara  pu- 
bliquement qu'en  plusieurs  sortes  et  façons  ils  erraient, 
et  que  leurs  anciens  et  ministres...  ne  les  enseignaient 
en  telle  pureté  qu'il  appartenait.  »  L'assemblée,  vive- 
ment émue  de  cette  révélation,  décida  qu'on  convoque- 
rait les  plus  anciens  frères  de  la  Fouille  et  de  la  Cala- 
bre  pour  les  informer  des  faits ,  et  qu'on  ferait  venir 
«  gens  doctes  pour  aviser  à  une  sainte  réformation.  » 
Poursuivie  avec  ardeur  et  sincérité ,  cette  œuvre  fut 
menée  à  bonne  fin.  Le  12  septembre  1532  eut  lieu  au 
val  d'Angrogne,  en  Piémont,  une  assemblée  générale 
et  solennelle  de  tous  les  barbes  et  des  principaux  mem- 
bres des  Eglises  vaudoises  ,  et  l'on  y  arrêta  un  certain 
nombre  d'articles  relatifs  à  la  doctrine  et  à  la  discipline. 
Trois  ans  après  (1535),  les  Vaudois  publiaient  à  leurs 
frais  la  première  version  protestante  française  de  la 
Bible,  due  aux  labeurs  persévérants  de  Robert  Olivé- 
tan,  aidé  de  Calvin,  son  parent.  Elle  fut  imprimée  à 
Serrières,  près  Neuchâtel ,  et  coûta  1,500  écus  d'or. 

suite  des  persécutions.   expéditions  armées 
d'eustache  marron  (1532-153  5). 

Les  violences  exercées  contre  les  Vaudois  amenè- 

(i)  Perrin,  Histoire  des  Vaudois,  Genève,  1619,  in-12,  p.  46-48,  210-216. 


10  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

rent  quelquefois  de  coupables  représailles.  C'est  ainsi 
qu'en  1532  les  soldats  du  pape,  ayant  enlevé  de  vive 
force,  près  de  Cabrières-du-Comtat,  des  filles  vaudoi- 
ses,  les  pères  de  ces  infortunés,  ne  pouvant  supporter 
une  séparation  si  douloureuse,  tentèrent  de  les  délivrer 
les  armes  à  la  main  ;  mais  ils  furent  eux-mêmes  pris  et 
incarcérés.  Un  homme  entreprenant  et  sanguinaire  de 
Cabrières,  Eustache  Marron  (en  provençal,  lou  Mar- 
roiil),  dont  le  nom  reviendra  plusieurs  fois  dans  la  suite, 
réunissant  quelques  hommes  déterminés  comme  lui , 
délivra  les  uns  et  les  autres  de  leur  captivité.  En  1535, 
le  même  Marron,  à  la  tête  de  cinquante  hommes,  mit  à 
mort  Antoine  Bermond,  sieur  d'Agouh,  et  Nicolas  Lau- 
tier,  d'Apt,  qu'il  surprit  chargés  de  la  mission  d'arrêter, 
à  Roussillon ,  un  certain  nombre  de  Vaudois.  Mais 
c'étaient  là  des  faits  isolés ,,  Marron  n'agissait  que  sous 
sa  propre  inspiration,  et  le  peuple  vaudois,  qui  opposa 
toujours  la  plus  entière  résignation  aux  violences  dont 
il  fut  l'objet ,  ne  saurait  être  rendu  responsable  des 
violences  d'un  homme  qui  ne  reçut  jamais  de  mandat 
de  sa  part. 

Cependant  le  pape  Clément  VII,  informé  des  progrès 
que  les  doctrines  luthériennes  faisaient  parmi  les  Vau- 
dois, promit  une  indulgence  plénière  à  tous  ceux  d'en- 
tre eux  qui  les  abjureraient  dans  les  deux  mois;  mais 
aucun  n'ayant  voulu  en  profiter,  les  juges  ecclésiasti- 
ques se  mirent  à  poursuivre  les  Vaudois  et  condamnè- 
rent à  mort  le  barbe  Guillaume  Serre  et  sept  de  ses 
compagnons.  Le  pape,  sur  ces  entrefaites,  s'étant  plaint 
au  roi  de  France  de  l'obstination  des  Vaudois,  ce  der- 
nier écrivit  au  Parlement  pour  stimuler  son  zèle,  et 
celui-ci  rendit  un  arrêt  (1532)  pour  faire  exécuter  à 
mort,  par  les  juges  séculiers  ordinaires,  les  sept  compa- 
gnons de  Serre,  et  cela  «  sans  voir  les  condamnés  et 


ETABLISSEMENT    DE    LA    REFORME    EN    PROVENCE.  I  I 

leur  procès.  »  Par  le  même  arrêt ,  il  enjoignit  aux  no- 
bles du  pays,  sous  peine  de  perdre  leurs  fiels,  de  prê- 
ter main-forte  aux  juges  d'églises  et  inquisiteurs  de  la 
foi;  mais  comme  les  gentilshommes,  qui  n'avaient  qu'à 
se  louer  des  Vaudois ,  ne  se  montraient  pas  disposés  à 
exécuter  l'arrêt,  le  Parlement  leur  ordonna,  sous  la 
même  peine,  par  un  second  arrêt,  de  s'enquérir  dans 
leurs  terres  et  juridictions  des  Vaudois  suspects  d'hé- 
résie, et  ordonna  à  ces  derniers  de  ne  tenir  aucune  as- 
semblée (1533). 

Un  contemporain,  Jean  Montaigne,  ancien  profes- 
seur de  droit  à  l'université  d'Avignon,  qui  avait  dû  se 
réfugier  à  Noves  à  cause  de  la  peste,  écrivait  à  ce 
propos,  à  la  date  du  6  mai  1533,  à  Amerbach,  son  an- 
cien pensionnaire  :  «  Les  Vaudois,  qui  suivent  depuis 
longtemps  la  secte  de  Luther,  sont  maltraités  ici.  Plu- 
sieurs ont  été  brûlés  vifs,  et,  chaque  jour,  on  en  arrête 
d'autres.  Plus  de  six  mille  hommes  appartiennent,  dit-on, 
à  cette  secte.  On  les  poursuit  parce  qu'ils  ne  croient 
pas  qu'il  y  ait  un  purgatoire ,  ne  prient  pas  les  saints  , 
disent  même  qu'il  ne  faut  pas  les  prier,  estiment  qu'on 
ne  doit  pas  payer  les  dîmes  aux  prêtres  et  autres  cho- 
ses de  ce  genre.  C'est  pour  cette  raison  seulement 
qu'on  les  brûle  vifs,  et  qu'on  confisque  leurs  biens  (i).  » 

L'année  suivante  (1534),  les  évêques  de  Sisteron , 
d'Apt,  de  Cavaillon  et  d'ailleurs  firent  rechercher  acti- 
vement les  luthériens  dans  leurs  diocèses  et  en  rempli- 
rent les  prisons.  Antoine  Pasquet ,  de  Saint-Second, 
prés  Rocheplate  en  Piémont,  et  douze  autres,  condam- 
nés à  être  brûlés  vifs  par  les  juges  ecclésiastiques ,  fu- 
rent livrés  aux  juges  séculiers  et  exécutés  le  5  avril,  à 
l'exception  de  Pierre  Chalvet,  de  Rocheplate,  mort  en 

(i)  Herminjard,  t,  III,  p.  4J,  note  21. 


12  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

prison,  et  de  Jean  Bernard,  de  Saint-Barthélemy,  qui 
fut  relâché  sous  caution  pour  cause  de  maladie.  Les 
prélats,  en  faisant  leurs  informations,  reconnurent  que 
ces  Vaudois  étaient,  en  partie,  Piémontais,  et  en  écri- 
virent à  l'archevêque  et  à  l'inquisiteur  de  la  foi  de  Tu- 
rin, lesquels  «  en  avertirent  incontinent  le  duc  Charles, 
dit  Gilles  (i),  et  l'importunèrent  tant  contre  les  sujets 
de  la  religion  qu'il  constitua  un  commissaire  contre  eux, 
le  sieur  Pantaléon  Bersour,  gentilhomme  de  Roche- 
plate.  »  Bersour  vint  en  Provence  pour  compléter  ces 
informations,  et  obtint  de  Claude  de  Savoie,  comte  de 
Tende,  lieutenant  du  roi  dans  cette  province  et  grand 
sénéchal,  la  permission  d'assister  «  à  l'examen  des  pri- 
sonniers, qui  se  ferait  par  le  conseiller  Sauveti,  à  ce 
député  par  le  Parlement,  et  que,  moyennant  la  due  ré- 
compense aux  greffiers,  on  lui  donnerait  copie  de  toutes 
les  dépositions...  Par  ce  moyen,  il  eut  les  informations 
quasi  de  toutes  les  familles  et  personnes  de  la  religion 
habitant  en  Piémont  et  autres  terres  de  S.  A.  de  Sa- 
voie... Car  il  y  avait  des  prisonniers  quasi  de  tous  les 
quartiers  du  pays  (12  juin  1435)-  "  ^^  apprit  aussi  les 
noms  des  barbes  vaudois  qui  avaient  instruit  et  visité 
leurs  frères  de  Provence  et  qui,  pour  la  plupart,  étaient 
originaires  du  Piémont,  savoir  :  Martin  Gonin  ,  d' An- 
grogne ,  Boinet,  Laurens ,  Jeannet,  Georges  Janon , 
Louis,  Etienne,-  Daniel^  Luc  et  autres.  Les  quatre  der- 
niers, 'en  'qualité  de  barbes  plus  âgés,  avaient  présidé 
les  synodes  tenus  en  Provence. 

Vers  le  même  temps  (19  juin  1535),  une  troupe  de 
soldats ,  munis  d'instructions  communes  du  Parlement 
d'Aix  et  du  légat  d'Avignon  et  avides  des   biens  des 


(i)  Histoire  ecclésiastique  des  Eglises  réformées  recueillies  en  quelques  vallées 
de  Piedmont,  etc.  Genève,  1644,  in-4'',  p.  56-42. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  H 

Vaudois  ,  se  ruèrent  violemment,  en  vertu  d'un  arrêt 
dudit  Parlement,  sur  quelques-un?  de  leurs  bourgs,  pil- 
lèrent les  maisons,  emmenèrent  les  troupeaux,  empor- 
tèrent tous  les  meubles  ;  et,  comme  tous  les  hommes 
valides  s'étaient  enfuis,  ils  détruisirent  le  reste  du  mo- 
bilier, qui  ne  pouvait  se  transporter  que  difficilement, 
et  incendièrent  quelques  maisons. 

ZÈLE    MISSIONNAIRE    DES    VAUDOIS. 

De  leur  alliance  avec  la  Réforme,  dont  ils  embrassè- 
rent entièrement  les  dogmes  (i),  les  Vaudois  de  Pro- 
vence reçurent  comme  un  nouveau  baptême.  Leur  foi 
prit  une  force  d'expansion  remarquable  et  ils  devinrent 
missionnaires.  Leurs  assemblées  religieuses,  qui  avaient 
lieu  la  nuit ,  se  tinrent  de  jour.  Beaucoup  de  catholi- 
ques se  convertirent,  notamment  le  curé  de  Mérindol , 
maître  François,  et  celui  de  Murs,  et,  au  dire  d'un 
Vaudois  fait  prisonnier  en  1538,  on  comptait  alors  dix 
mille  maisons  vaudoises  ou  tout  au  moins  luthériennes, 
tant  en  Provence  que  dans  le  comtat  Venaissin  et  la 
principauté  d'Orange ,  réparties  dans  les  villages ,  villes 
et  hameaux  suivants  : 

Viguerie  d'Apt  :  Apt,  Gargas,  Murs,  Gordes,  Goult, 
Roussillon,  Lacoste,  Rustrel,  Gignac,  Viens,  Peypin- 
d'Aigues,  Saint-Martin-d'Aigues,  Grambois,  La  Motte- 
d' Aiguës,  Sivergues,  Cabrières-d'Aigues ,  Lourmarin, 
Mérindol,  Cadenet,  Villelaure,  Trés-Emines,  Pertuis, 
Caseneuve,  Buoux,  La  Tour-d'Aigues,  Pierrevert  ; 

Viguerie  d Arles  :  Arles  ; 

Viguerie  de  Tarascon  :  Tarascon  ; 

(i)  «  Nostra  dogmata  receperunt  '>  {Cahini  opéra,  vol.  XII,  n»  642), 


14  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

VigLierie  d'Aix  :  Aix,  Joucques,  La  Roque-d'Anthe- 
ron,  Velaux,  Janson,  Mallemort,  Marseille  ; 

Viguerie  de  Forcalquier  :  Forcalquier ,  Manosque , 
Oppédette,  Saumane,  Sainte-Tulle,  Saint-Etienne  ; 

Vi guéries  de  Digne ,  de  Sisteron ,  de  Casteiiane ,  de 
Brignoles  :  Villes  de  même  nom  ; 

Viguerie  de  Barjels  :  Tavernes  ; 

yio;uerie  de  Drap-idznan  :  Gonfaron  : 

viguerie  de  Saint-Maximin  :  Tourves  ; 

Comtat  Venaissin  :  Cavaillon,  Oppède,  Sainte-Cécile. 

INTERCESSION    DES    SUISSES    ET  DES  ALLEMANDS   EN    FA- 
VEUR DES  VAUDOIS.   ÉDIT  DE   COUCY  (1535-I536). 

En  présence  des  persécutions  violentes  dont  ils  étaient 
les  victimes,  et  vingt-huit  de  leurs  frères  ayant  déjà 
péri  soit  sur  les  bûchers,  soit  en  prison,  les  Vaudois 
adressèrent,  en  Juillet  1535,  une  supplique  aux  protestants 
d'Allemagne  pour  réclamer  leur  intervention ,  et  l'ac- 
compagnèrent d'une  copie  de  leur  confession  de  foi  (i). 
Farel  et  Viret  y  joignirent  une  lettre  de  recommanda- 
tion,  datée  de  Genève  4  août  1535,  à  l'adresse  des 
évangéliques  de  la  Suisse  allemande  et  de  l'Allemagne. 
«  La  cause  des  Vaudois  est  la  nôtre  à  tous,  »  disaient- 
ils  en  substance.  «  Voyez  s'il  serait  possible  de  leur 
procurer  un  asile  dans  le  pays  d'un  prince  pieux,  oij  il 
y  ait  des  terres  à  défricher.  Il  ne  leur  reste  plus  d'autre 
chance  de  salut  que  d'émigrer  sous  la  garde  de  Dieu 
en  affrontant  tous  les  périls.  Nous  vous  conjurons,  au 
nom  de  Christ,  de  vous  souvenir  de  ces  malheureux 
frères,  de  les  assister  de  vos  conseils  et  de  vos  prières 

(i)  Celle  sans  doute  qui  fut  dressée  au  Synode  d'Angrogne  du  12  septem- 
bre 1552,  et  que  rapportent  Gilles  (liv.  cité)  et  Abrah.  Ruchat  (liv.  cité),  t.  III) 
p.   ÎÇ6-?fQ. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  I  5 

et  de  nous  communiquer  vos  idées  sur  les  moyens  de 
leur  venir  en  aide.  » 

En  passant  à  Bâle ,  le  barbe  vaudois  porteur  de  la 
lettre  de  Farel  vit  Bucer  et  Capiton,  qui  décidèrent  de 
solliciter  du  duc  de  Wurtemberg,  du  Landgrave  de 
Hesse  et  des  villes  évangéliques  de  la  Suisse,  des  let- 
tres en  faveur  de  leurs  frères  vaudois  à  l'adresse  de 
François  I^^  Bucer  devait,  en  outre,  tenter  la  même 
démarche  auprès  de  la  diète  des  villes  impériales  d'Alle- 
magne. Mais,  peu  confiant  dans  le  résultat.  Capiton  dit 
au  barbe  qu'il  fallait  être  prudent,  ne  concevoir  que  des 
espérances  modérées  et  graver  si  vivement  l'image  de 
Christ  dans  le  cœur  des  Vaudois  qu'ils  fussent  toujours 
en  état  de  légitimer  leur  aversion  pour  les  abus  du  pa- 
pisme. 

Luther,  en  apprenant,  vraisemblablement  par  Bucer, 
la  triste  condition  des  Vaudois  de  Provence,  en  fut  at- 
terré et,  prié  de  s'intéresser  à  eux,  il  écrivit  à  Georges 
Sailer  le  5  octobre  1535  :  «  J'ai  grandement  compas- 
sion du  malheur  et  de  la  tribulation  de  ces  habitants  de 
Provence  en  France,  et  plût  à  Dieu  que  je  pusse  y 
pourvoir  comme  j'en  suis  prié  !  S'ils  prenaient  la  fuite , 
peut-être  trouveraient-ils  quelque  part  des  lieux  où 
ils  pourraient  vivre.  Que  Christ  aie  pitié  d'eux  et  les 
délivre  en  visitant  enfin  tous  ceux  qui  pratiquent  l'ini- 
quité! ■) 

Un  frère  de  Farel ,  ou  bien  un  pasteur  de  la  Suisse 
normande,  peut-être  Viret,  qui  était  à  Berne  le  10  sep- 
tembre 1535,  se  rendit  en  Allemagne  pour  poursuivre 
l'œuvre  commencée  et  obtint  des  princes  protestants  de 
ce  pays  qu'ils  adresseraient  une  suppUque  au  roi  de 
France  pour  le  prier  de  faire  cesser  les  persécutions 
dont  souffraient  ses  sujets  de  Provence.  La  confession 
de  foi  des  Vaudois,  vraisemblablement  la  même  dont 


l6  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

le  barbe  vaudois  était  porteur,  paraît  avoir  été  jointe  à 
la  supplique  (i). 

François  I"  n'avait  pas  attendu  ces  démarches  pour 
se  montrer  plus  tolérant  ;  car,  dès  le  16  juillet  1535,  il 
rendait  l'édit  de  Coucy,  qui  faisait  grâce  aux  hérétiques 
qui  abjureraient  leurs  erreurs  dans  les  six  mois  et  or- 
donnait l'élargissement  des  prisonniers  et  la  restitution 
des  biens  confisqués.  Les  sacramentaires  seuls  et  les 
relaps  étaient  exceptés.  De  nouvelles  lettres  plus  clé- 
mentes encore,  du  31  mai  et  du  16  juillet  1536,  furent 
publiées,  qui  pardonnaient  à  tout  adepte  des  nouvelles 
doctrines ,  quel  qu'il  fût ,  sacramentaire  ou  non ,  pourvu 
qu'il  renonçât  à  ses  erreurs  dans  le  délai  de  six  mois , 
et  portaient  que  ceux  qui  étaient  déjà  en  prison  ne  se- 
raient pas  poursuivis.  Le  parlement  d'Aix  enregistra 
ces  lettres  le  31  juillet  suivant  (2). 

Pendant  ce  ralentissement  de  persécution ,  les  Vau- 
dois reçurent  la  visite  de  Savigné ,  d'Alençon,  converti 
au  luthéranisme  par  François  de  Cologne,  et  qui  visita 
successivement  Saint-Paul-lès-Durance,  Apt,  011  il  s'en- 
tretint avec  le  libraire  et  le  maître  d'école  du  lieu , 
Murs,  Gargas  et  Mérindol.  C'est  vers  le  même  temps 
que  le  barbe  Mihan  prêchait  à  Mérindol  et  les  lieux 
voisins. 

PREMIERS  ORDRES  DE  RÉPRESSION  DU  ROI.  ARRÊT  DE 
CONTUMACE.  DÉMARCHES  DE  FAREL  EN  FAVEUR  DES 
VAUDOIS.    EPISTRE    DE    VIRET    {1537-1540). 

Les  Vaudois ,  comme  on  pouvait  l'attendre  de  leur 
constance ,  n'obtempérèrent  point  aux  lettres  patentes 

(i)  Herminjard,  t.  III,  p.  527-352,  55Ç-559,  356-56.2,  et  les  notes. 
(2)  Arrêtes  et  délibérations  des  registres  secrets  de  la  Cour  de  parlement  d'Aix 
(Bibl.  d'Aix,  ms.  907). 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME  EN    PROVENCE,  17 

de  François  I^*"  du  i6  juillet  1535,  de  telle  sorte  que  ce 
monarque,  se  sentant  atteint  dans  son  autorité  royale  et 
poussé  par  le  procureur  général  d'Aix,  Thomas  de  Pio- 
lenc,  qui,  se  faisant  l'écho  des  calomnies  dirigées  con- 
tre les  Vaudois,  lui  écrivit  (1537)  que  ceux-ci  «  se  met- 
toient  en  armes  et  assemblées,  se  rebelloient  contre  sa 
justice,  se  retirant  en  places  et  châteaux  limithrophes  es 
montagnes  et  faisoient  lieux  malaisés  à  avoir,  »  et  que 
l'erreur  se  multipliait,  ordonna  au  parlement,  par  lettres 
patentes  datées  de  Fontainebleau,  2  mars  1538,  de  pu- 
nir à  toute  rigueur  les  hérétiques  et  ceux  qui  leur  avaient 
prêté  secours,  de  les  décréter  d'arrestation,  de  bannir 
ceux  qui  ne  pourraient  être  appréhendés  et  de  confis- 
quer les  biens  de  tous  «  jusques  à  abolition  et  ruine  » 
des  lieux  «  où  ils  seroient  forts  si  besoin  est.  » 

Là-dessus  le  Parlement  fit  des  informations  et  dressa 
une  liste  de  deux  mille  cinq  cents  Provençaux  réputés 
hérétiques  qu'il  adressa  au  roi.  Celui-ci,  après  en  avoir 
pris  connaissance ,  ordonna  au  comte  de  Tende ,  gou- 
verneur de  Provence,  de  leur  courir  sus.  De  son  côté, 
le  Parlement  les  cita  à  comparaître  dans  les  trois  jours, 
faute  de  quoi  ils  seraient  appréhendés  au  corps  ;  mais, 
comme  le  comte  ne  disposait  pas  d'assez  de  soldats 
pour  exécuter  l'arrêt  du  Parlement  et  que  les  mesures 
de  violence  répugnaient  d'ailleurs  à  son  caractère  doux 
et  conciliant,  les  choses  en  restèrent  là  pour  cette 
année. 

L'année  suivante,  en  mai  et  juin  1539,  parurent  de 
nouvelles  lettres  patentes ,  les  premières  défendant  aux 
Vaudois  d'aller  en  armes,  sous  peine  de  confiscation 
de  corps  et  de  biens,  et  les  secondes,  d'un  intérêt  gé- 
néral, ordonnant  aus  Parlements  de  France  d'informer, 
conjointement  avec  les  juges  ordinaires,  contre  les  hé- 
rétiques et  ceux  qui  leur  donnaient  asile,  de  prêter  main 


l8  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

forte  aux  juges  d'église  et  inquisiteurs  de  la  foi  pour 
l'exécution  de  leurs  sentences  sans  attendre  les  appel- 
lations, et  stipulant  que  les  jugements  des  baillis  et  sé- 
néchaux seraient  également  exécutés  aux  frais  des  pré- 
lats nonobstant  appel.  Une  lettre  spéciale  fut  adressée 
à  l'archevêque  d'Aix  pour  qu'il  eût  à  faire  son  devoir. 
En  suite  de  ces  nouveaux  ordres ,  Antoine  Garbille , 
ancien  prêtre,  converti  au  luthéranisme,  fut  incarcéré, 
ainsi  que  le  prédicateur  Jean  Serre  dit  Bérard.  Ils  dé- 
posèrent ,  en  apostasiant ,  que  les  luthériens  de  Mérin- 
dol,  Cabrières  et  Lourmarin  faisaient  des  amas  d'armes 
et  de  poudre  ;  qu'ils  espéraient  la  venue  du  comte  de 
Fiirstemberg  pour  se  ranger  sous  ses  armes  ;  qu'il  y 
avait,  en  Provence  et  dans  le  comtat  Venaissin,  dix 
mille  maisons  vaudoises  ou  luthériennes  et  à  Paris  plus 
de  cinquante  mille  hérétiques;  que  les  Vaudois,  à  la  suite 
de  diverses  assemblées ,  avaient  décidé  d'envoyer  une 
députation  au  roi,  composée  de  Claude  Favery,  de 
Tourves,  et  Florimond  Serre,  de  Cadenet,  et  que  Fran- 
çois, curé  converti  de  Mérindol ,  se  rendrait,  de  son 
côté,  auprès  de  François  I®^  C'est  sur  la  déposition  de 
ces  deux  hommes,  plus  que  suspects,  que  le  Parlement 
décréta  d'arrestation  de  cent  cinquante-quatre  Vaudois, 
au  nombre  desquels  le  prédicateur  Hélion  Barbaroux  de 
Tourves,  sept  membres  de  la  famille  Meynard,  plusieurs 
de  la  famille  Pallenc,  Claude  Favery  et  le  maître  d'école 
Jacques,  et  qu'ils  dressèrent  une  liste  de  quinze  mille 
suspects. 

François  Rousset ,  natif  du  diocèse  de  Turin ,  arrêté 
en  octobre  1539,  et  Jean  Balle  Gomati ,  ancien  prêtre 
de  Buzel,  arrêté  en  janvier  de  la  même  année,  abjurè- 
rent aussi  le  luthéranisme  comme  Garbille  et  Serre  et 
déposèrent,  le  premier,  qu'il  avait  entendu  un  Vaudois 
conseiller  la  résistance  à  main  armée ,   et  le   second , 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA   RÉFORME    EN    PROVENCE.  19 

qu'il  avait  fait  le  voyage  de  Genève,  où  il  avait  vu 
quinze  mille  Provençaux. 

Dès  que  les  Vaudois  eurent  connaissance  des  décrets 
d'arrestation,  ils  se  réfugièrent  dans  les  bois  et  les  ca- 
vernes, et  c'est  à  l'occasion  de  leur  triste  sort  que  Cal- 
vin écrivait  à  Viret,  le  19  mars  1540  :  «  La  plus  grande 
partie  de  ta  lettre  (où  Viret  donnait  à  Calvin  des  détails 
sur  la  situation  douloureuse  des  Vaudois),  m'a  d'autant 
plus  affligé  que  je  conjecture  assez  que  l'inhumanité  des 
bourreaux  grandit  au  delà  des  bornes,  comme  c'est 
l'habitude  lorsqu'elle  commence  une  fois  de  sévir.  Au- 
cune occasion  de  porter  secours  ne  nous  est  offerte. 
J'ai  écrit  à  Farel  que  l'espoir  qui  nous  a  tenus  long- 
temps en  suspens  s'est  évanoui.  C'est  pourquoi ,  si 
Dieu  n'ouvre  quelque  nouvelle  issue,  nous  ne  pourrons 
secourir  autrement  nos  malheureux  frères  que  par  des 
prières  et  des  exhortations.  Ces  dernières  même  sont 
si  dangereuses  pour  leurs  vies  qu'il  est  plus  prudent  de 
s'abstenir.  Il  ne  nous  reste  presque  qu'une  seule  chose  : 
c'est  de  recommander  à  Dieu  leur  salut  (i).  » 

Une  année  après,  François  I«'  publia  de  nouvelles 
lettres  patentes  relatives  aux  Vaudois  (31  mai  1540)  et 
l'édit  de  Fontainebleau  du  !«•■  juin  suivant.  Les  premiè- 
res, déclarant  que  l'hérésie  pullulait  en  Provence  et 
qu'il  fallait  la  comprimer,  ordonnaient  au  Parlement,  vu 
que  les  juges  inférieurs  n'avaient  pas  fait  leur  devoir, 
d'envoyer  sur  les  lieux  cinq  ou  six  officiers  royaux,  qui 
lui  rapporteraient  leurs  informations  pour  en  juger.  Elles 
l'autorisaient  également  à  déléguer  ses  pouvoirs  aux 
juges  du  pays,  ou  à  se  transporter  en  masse  sur  les 
lieux,  ou  encore  à  se  subdiviser  en  commissions  qui 
jugeraient  sommairement  les  causes.  Quant  à  l'édit  de 

(i)  Calvini  opéra ,  vol.  XI,  n"  35. 


20  HISTOIRL'    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Fontainebleau,  il  ordonnait  à  tous  baillis,  sénéchaux, 
procureurs,  avocats  du  roi  et  autres,  sous  peine  de 
suspension  et  privation  de  leurs  offices  ,  de  rechercher 
et  poursuivre  les  luthériens  et  de  les  livrer  au  jugement 
des  cours  souveraines. 

La  conséquence  de  ces  lettres  royales  fut  l'arresta- 
tion, par  ordre  du  Parlement,  d'un  certain  nombre  de 
Vaudois,  leur  condamnation  au  dernier  supplice  et  l'en- 
voi contre  les  habitants  de  Mérindol  de  la  compagnie 
d'hommes  d'armes  du  comte  de  Tende.  Celle-ci  passa 
par  Cadenet  ;  mais  comme  elle  était  peu  nombreuse  et 
qu'elle  rencontra  en  route  un  rassemblement  de  huit 
cents  Vaudois,  elle  fut  obligée  de  rétrograder  sans  rien 
entreprendre  (i). 

Le  juge  d'Apt,  Jean  de  Grossi,  jugea  bon,  de  son 
côté,  de  se  servir  de  l'édit  de  Fontainebleau  pour  satis- 
faire sa  cupidité.  Convoitant  le  moulin  du  plan  d'Apt, 
qui  appartenait  au  vaudois  CoUin  Pallenc,  il  fit  empri- 
sonner ce  dernier  comme  hérétique ,  le  condamna  à 
être  brûlé  vif  et,  après  l'exécution,  confisqua  son  mou- 
lin. Exaspérés  de  cette  iniquité,  cent  vingt  à  cent  qua- 
rante Mérindoliens ,  dont  la  conduite  ne  peut  qu'être 
blâmée,  se  rendirent  en  armes  au  moulin,  le  brisèrent, 
battirent  le  nouveau  meunier  et  le  menacèrent,  lui  et 
tous  ceux  qui  deviendraient  détenteurs  des  biens  confis- 
qués à  leurs  coreligionnaires. 

La  chambre  des  vacations  du  Parlement,  ayant  eu 
connaissance  de  l'attentat,  assigna  à  comparaître,  le  27 
et  28  juillet,  les  habitants  de  Mérindol  dans  la  personne 
de  dix-neuf  d'entre  eux,  dont  sept  avec  leurs  femmes  et 
leurs  enfants,  comme  si  les  Mérindoliens, pris  en  masse, 
étaient  responsables  de  la  faute  de  quelques-uns  d'eux. 

(i)  Octave  Teissier,  Cadenet  historique  et  pittoresque ,  p.  120. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    REFORME    EN    PROVENCE.  21 

Plusieurs  des  inculpés,  qui  étaient  étrangers  à  l'affaire 
du  moulin,  se  hasardèrent  à  venir  à  Aix,  mais,  prévoyant, 
par  les  supplices  de  divers  luthériens  dont  ils  furent 
témoins ,  qu'ils  seraient  condamnés  au  feu  comme  ces 
derniers ,  ils  se  retirèrent  bien  déterminés  à  ne  pas  ré- 
pondre à  l'assignation. 

Là-dessus,  le  Parlement  envoya  à  Mérindol  (août), 
pour  exécuter  son  décret  d'ajournement,  un  huissier  et 
un  greffier  qui  ne  trouvèrent  aucun  des  assignés  et  se 
bornèrent  à  se  saisir  des  biens  immeubles  du  bailli  An- 
dré Meynard  et  de  Philippe  Meynard,  les  seuls  d'entre 
eux  qui  possédassent  quelque  maison  ou  terre.  Après 
leur  départ,  les   Mérindoliens  rédigèrent   une  requête 
(2   septembre),  oij  ils  protestaient  de  leur  soumission 
aux  ordres  du  Parlement  et  de  leur  fidélité  au  roi,  et 
priaient  le  premier  de  ne  pas  ajouter  foi  aux  dénoncia- 
tions   mensongères    dont    ils    étaient   l'objet.    Comme 
preuve  à  l'appui  de  leur  dire ,  ils  relevaient  de  graves 
erreurs  de  personne  renfermées  dans  l'arrêt  de  compa- 
rution, et  ils  demandaient,  en  outre,  que  deux  conseil- 
lers du  Parlement  vinssent  sur  les  lieux  pour  s'informer 
de  la  vérité.  Sans  s'arrêter  à  cette  requête,  et  après  les 
trois  sommations  requises  et  diverses  informations  an- 
térieures des  4  et  19  septembre  et  deux  plus  récentes 
du    mois    de    novembre ,   le    Parlement    prononça,   le 
18  novembre  1540,   son  célèbre   arrêt   de  contumace 
ou    de    défaut ,    qui    visait   l'affaire   du  moulin  de  Pal- 
lenc  et    le    refus   des    Vaudois    d'obéir    aux    diverses 
lettres  patentes  du  roi  leur  enjoignant  d'abjurer  leurs 
hérésies. 

Ces  deux  causes  n'avaient  aucun  rapport  entre  elles 
et  auraient  dû  être  instruites  et  jugées  séparément  en 
bonne  justice;  mais  elles  furent  perfidement  rapprochées 
pour  perdre  plus  sûrement  les  Vaudois.  Quoi  qu'il  en 


22  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

soit,  l'arrêt  condamnait  dix-neuf  Mérindoliens  (i)  à  être 
brûlés  vifs  dans  trois  lieux  différents ,  savoir  :  deux  à 
Tourves,  un  à  Apt  et  les  autres  à  Aix.  Leurs  «  femmes, 
enfants,  serviteurs  ou  famille  »  étaient  «  abandonnés  à 
tous  pouf  les  prendre  et  représenter  en  justice,  afin 
de  procéder  contre  eux  à  l'exécution  des  rigueurs  et 
peines  de  droit ,  »  et ,  au  cas  oia  ils  ne  pourraient  être 
appréhendés  au  corps,  ils  étaient  condamnés  au  bannis- 
sement du  royaume  et  leurs  biens  confisqués.  Les  per- 
sonnes qui  leur  donneraient  asile  et  assistance  seraient 
également  bannies.  Quant  au  lieu  de  Mérindol,  il  devait 
être  détruit  et  «  rendu  inhabitable ,  »  et  son  château , 
situé  dans  les  bois,  rasé  et  les  bois  eux-mêmes  coupés 
à  deux  cents  pas  à  l'entour.  Enfin ,  défense  était  faite 
«  de  bailler  à  ferme  ou  arrentement,  ni  autrement,  les 
héritages  dudit  lieu  à  aucun  de  surnom  et  lignée  des 
susdits  condamnés  (2).  » 

Dès  que  Farel  eut  connaissance  de  cet  arrêt,  il  se 
rendit  sur-le-champ  à  Berne  pour  demander  aux  sei- 
gneurs du  Conseil  d'intervenir  auprès  du  roi  François  I*" 
en  faveur  des  Vaudois.  Il  se  présenta,  le  14  décem- 
bre 1540,  devant  le  Conseil,  dont  les  registres  portent 
ce  qui  suit  :  «  Sur  la  relation  que  Farel  a  faite  au  sujet 
de  la  persécution  ordonnée  par  le  roi  contre  les  chré- 
tiens de  Provence,  on  décide  que  Farel  doit  s'informer 
auprès  des  évangéliques  de  Worms  s'ils  seraient  dispo- 
sés à  envoyer,  comme  il  le  demande  lui-même,  une  am- 
bassade au  roi  pour  implorer  sa  miséricorde  en  faveur 
des  chrétiens  persécutés  ;  et ,  dans  le  cas  oij  Farel 
trouverait  les  Etats  évangéliques  disposés  à  entrepren- 


(i)  Parmi  ces  dix-neuf  condamnés  on  remarque  des  noms  de  familles  exis- 
tant encore  de  nos  jours,  comme  les  Meynard  et  les  Pallenc. 

(2)  Crespin,  fol.  141  et  142,  et  L.  Frossard ,  p.  55-58,  donnent  l'arrêt  en 
entier. 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  2} 

dre  une  pareille  démarche,  nos  seigneurs  veulent  bien 
s'y  associer  ;  sinon,  ils  estiment  que  leur  intervention 
isolée  aurait  peu  d'effet,  vu  l'écrit  méprisant  que  le  roi 
leur  a  jadis  adressé  à  propos  d'une  semblable  requête; 
écrit  dans  lequel  il  répond  qu'il  ne  souffrira  plus  qu'on 
lui  parle  de  ces  choses-là.  » 

Viret,  qui  s'était  déjà  intéressé  aux  Vaudois  en  1535, 
comme  on  l'a  vu  plus  haut  (p.  14),  leur  adressa,  de  son 
côté ,  une  touchante  Epistre  consolatoire ,  qui  circula 
d'abord  en  manuscrit  et  fut  imprimé  l'année  suivante  à 
Genève.  Il  était,  en  effet,  devenu  «  leur  principal  avo- 
cat auprès  des  évangéliques  de  la  Suisse  et  des  protes- 
tants d'Allemiagne  depuis  que  Farel ,  Calvin,  Saunier, 
Mathurin  Cordier  et  autres  Français  réfugiés  à  Genève 
avaient  été  successivement  expulsés  de  cette  ville.  C'est 
à  lui  que  les  messagers  vaudois  apportaient  les  nouvel- 
les alarmantes  et  les  suppliques  des  communautés  per- 
sécutées (i).  » 

valeur  morale  des  conseillers  au  parlement 

d'aix. 

Quelle  était  donc  la  moralité  et  les  mérites  profes- 
sionnels de  ce  Parlement  qui  s'acharnait  à  de  pauvres 
laboureurs,  honnêtes  et  paisibles  s'il  en  fut,  et  préten- 
dait venger  l'honneur  du  roi  et  de  la  religion  en  les 
condamnant  au  feu ,  en  confisquant  leurs  biens  et  en 
détruisant  de  fond  en  comble  le  lieu  de  leur  habitation  ? 
C'est  ce  que  les  faits  les  mieux  avérés  vont  nous  ap- 
prendre. 

En  1535,  le  roi,  «  apprenant  les  malversations  qui  se 
commettaient,  en  Provence,  dans  la  fonction  de  la  jus- 

(i)  Herminjard,  t.  VI,  p.  597,  428-458. 


24  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

tice,  »  avait  chargé  quatre  présidents  des  parlements  de 
Paris,  Bordeaux,  Toulouse  et  Grenoble  d'informer  sur 
les  abus  des  officiers  de  justice.  Le  résultat  de  leur  en- 
quête fut  la  révocation  de  deux  conseillers  du  Parle- 
ment. En  1551,  l'avocat  du  roi,  Aubery,  parle,  dans 
son  célèbre  plaidoyer  en  faveur  des  Vaudois,  du  «  très 
mauvais  ordre  de  justice  »  qui  règne  à  la  Cour  d'Aix  ; 
des  ((  exactions  ^)  et  «  emparements  des  biens  des  pau- 
vres, »  dont  les  conseillers  se  rendaient  coupables.  Le 
2  novembre  1553  le  roi  se  plaint,  dans  les  lettres  de 
réintégration  du  trop  fameux  Jean  Maynier,  seigneur 
d'Oppède,  dont  nous  allons  nous  occuper,  de  ce  que 
l'ordre  et  la  discipline  requise  selon  les  ordonnances 
ne  sont  pas  observés.  En  1 562^  le  comte  Antoine  de 
Crussol,  envoyé  par  le  roi  pour  pacifier  la  Provence  et 
surveiller  le  Parlement,  déclare  nettement  qu'il  a  reçu  la 
mission  de  mettre  un  terme  aux  concussions  des  magis- 
trats. En  1586,  le  duc  d'Epernon,  gouverneur  de  Pro- 
vence, écrit  que  «  le  Parlement  laisse  beaucoup  à  dési- 
rer par  deçà,  chacun  criant  contre  cette  Cour,  non 
moins  en  ce  qui  est  de  sa  fonction  ordinaire  que  des 
autres  choses  de  l'Etat.  »  La  comédie  et  la  poésie  po- 
pulaire s'attaquèrent  même  à  la  vénalité  des  juges 
d'Aix  et  à  leurs  exigences  de  toutes  sortes,  et  c'était  un 
dicton  fort  répandu  en  Provence  que  le  Parlement ,  le 
Mistral  et  la  Durance  étaient  les  trois  fléaux  de  cette 
province. 

Calomniait-on  cette  cour  souveraine  ?  Les  Mercuriales 
et  remontrances [\)^  restées  manuscrites,  nous  apprennent 
le  contraire.  Elles  renferment,  en  effet,  les  accusations 
suivantes  : 

Divers  présidents  et  conseillers  s'absentent  souvent 

(i)  Bibliothèque  d'Aix,  n"  900. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  25 

et  pour  longtemps  sans  la  permission  du  roi  (i  568).  En 
temps  de  peste,  plusieurs  d'entre  eux  ont  déserté  Aix, 
et  la  justice  est  restée  suspendue  (1536).  La  plupart  ne 
portent  l'uniforme  consacré  qu'à  l'audience  (1560).  Ces 
magistrats  et  leurs  enfants  fréquentent  les  banquets , 
jeux,  masques,  danses  et  autres  divertissements,  et  mè- 
nent une  vie  dissolue  (1570).  L'office  religieux  se  ter- 
mine par  des  scènes  bruyantes  et  scandaleuses,  oij  l'on 
se  dispute  les  requêtes.  Les  magistrats  en  sont  venus  à 
ne  plus  assister  à  la  messe  qui  se  dit  au  commencement 
des  audiences ,  de  telle  sorte  que  celle-ci  a  été  sup- 
primée (1598).  Des  voies  de  fait  se  commettent  même 
en  pleine  audience  à  la  suite  de  paroles  violentes  (i  560, 
1565,  1566).  Il  ne  se  dit  ni  ne  se  fait  aucune  chose  en 
la  chambre  du  Conseil  qui  ne  soit  rapportée  aux  parties. 
Les  magistrats  changent  souvent  de  place  pour  pres- 
sentir les  opinions.  Quand  on  opine,  ils  font  connaître 
leur  avis  par  signe  et  vont  jusqu'à  révéler  les  opinions 
aux  prisonniers,  désignant  ainsi  les  juges  à  leurs  ven- 
geances. Plusieurs  magistrats  ont  été,  de  la  sorte,  en 
danger  de  mort,  et  l'un  d'eux  a  été  massacré  aux  portes 
du  palais.  D'autres  n'osent  plus  opiner  ou  opinent  con- 
tre leur  conscience  (1537,  1546,  1560,  1570).  L'in- 
struction des  affaires  est  incomplète,  les  interrogatoires 
mal  faits ,  avec  de  grandes  pertes  de  temps  et  d'argent 
(1560,  1566).  Les  magistrats  ne  sont  pas  assez  dili- 
gents à  s'informer  des  gens  malfaisants  et  condamnés 
par  défaut  et  contumaces  qui  sont  au  pays.  A  l'au- 
dience ,  le  désordre  est  au  comble.  On  ne  fait  plus  de 
rôle  des  causes  et  des  procès  qui  sont  à  juger  au  Con- 
seil et  en  la  Chambre  des  requêtes.  Des  audiences  sont 
supprimées  ou  tenues  à  d'autres  heures  que  celles  qui 
ont  été  indiquées.  Des  affaires  civiles  se  présentent  à 
des   audiences  criminelles.  Parfois,  il  paraît   d'autres 


26  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

affaires  que  celles,  qui  sont  portées  sur  les  rôles , 
etc.,  etc.  (1537,  1560,   1565,  1566). 

Mal  étudiées,  les  causes  ne  sont  pas  mieux  enten- 
dues. Les  magistrats  n'écoutent  pas  jusqu'au  bout  les 
pièces  du  procès,  et  quelquefois  les  pièces  les  plus  es- 
sentielles (1560,  1583).  Ils  n'obéissent  pas  au  prési- 
dent ,  partent  avant  lui  de  la  salle  d'audience ,  se  don- 
nent mutuellement  des  démentis,  opinent  en  vociférant. 
Les  rapporteurs  ne  sont  pas  suffisamment  prêts  et  ne 
font  en  rapportant  que  deviser  et  caqueter ,  etc.  ,  etc. 
(1566,  1568). 

Les  juges  sont  accusés  de  partialité  et  de  vénalité , 
au  point  de  se  faire  les  conseils  soldés  de  certains  per- 
sonnages importants ,  de  soustraire  des  pièces,  d'enle- 
ver des  jugements  par  «  des  complots,  bandes  et  prati- 
ques, »  de  vendre  leurs  suffrages,  de  se  dérober  les 
uns  aux  autres  les  causes  fructueuses  ,  de  faire  profit 
des  commissions  (1546,  15  51,  1554,  1560,  1564,  1565, 

1570)- 

D'autre  part,  les  conseillers  ne  visitent  point  les  pri- 
sons au  plus  grand  détriment  de  ceux  qui  y  sont  renfer- 
més. Les  concierges ,  n'étant  pas  surveillés ,  laissent 
évader  les  plus  grands  criminels  moyennant  salaire. 
Ceux-ci ,  bien  souvent ,  ne  sont  pas  poursuivis  ,  s'ils 
trouvent  de  puissants  protecteurs.  Les  gens  du  roi 
eux-mêmes  se  rendent  coupables  des  mêmes  excès 
qu'ils  reprochent  aux  membres  du  Parlement,  qui  leur 
renvoient  leurs  accusations  ;  d'oia  naissent  des  rapports 
tendus  et  quelquefois  aigres. 

Les  greffiers,  de  leur  côté,  sont  fort  négligents  et 
commettent  des  exactions.  Les  lieutenants  de  justice  et 
leurs  commis  augmentent  leurs  frais  quand  ils  vont  en 
commission. 

Quant  aux  avocats  et  aux  procureurs ,  on  les  accuse 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  27 

d'insolence   envers  les  magistrats  et   de   tentatives  de 
corruption. 

Les  justices  ecclésiastiques  ne  sont  pas  mieux  admi- 
nistrées  et  deviennent   un   objet  de  trafic ,   etc.  ,   etc. 

(.564). 

Le  savant  auteur  qui  s'est  donné  la  peine  de  colla- 
tionner  toutes  ces  Mercuriales  et  remontrances  du  Par- 
lement de  Provence,  d'où  ces  tristes  détails  sont  tirés, 
conclut  sa  consciencieuse  étude  par  ces  réflexions  ,  que 
justifiera  du  reste  la  suite  de  notre  récit  :  «  Si  ces  hommes, 
en  condamnant  les  Vaudois,  ont  manqué  aux  lois  de  la 
charité,  aux  plus  simples  préceptes  de  l'humanité,  ils 
n'ont  pas  moins  manqué  aux  devoirs  de  leur  profession. 
Toutes  les  fautes  s'y  trouvent  :  négligence,  avidité,  mé- 
pris de  toutes  les  notions  de  la  justice.  La  condamna- 
tion des  Vaudois  ne  fut  pas  le  fait  de  l'égarement 
d'hommes  de  bien  entraînés  par  l'exaltation  religieuse. 
Ni  la  justice  ni  la  religion  ne  doivent  être  mises  en 
cause  à  ce  sujet.  Ce  fut,  avant  tout,  une  immense  pré- 
varication d'hommes  habitués  à  n'écouter  trop  souvent 
que  leurs  passions  (i).  » 

SURSIS    DANS    l'exécution    DE    l'aRRÊT    (i540)- 

Cependant,  l'exécution  de  la  sentence  de  contumace 
du  18  novembre  1540  «  fut  commise,  »  dit  de  Thou  , 
<(  aux  juges  ordinaires  d'Aix,  de  Tourves ,  de  Saint- 
Maximin  et  d'Apt.  Plusieurs  étaient  d'avis  qu'elle  fût 
suspendue  et  qu'on  la  différât  jusqu'à  ce  qu'un  juge- 
ment si  sévère,  porté  contre  des  absents,  par  contu- 
mace, et  qui ,  suivant  les  lois  et  les  usages,  n'était  pas 


(I)  A.  Joly,  Les  juges  des  Vaudois  (dans  le  Bulletin,  historique  et  littéraire  , 
187c,  octobre-décembre). 


28  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

définitif,  eût  acquis  avec  le  temps  ce  qu'il  fallait  pour 
le  devenir.  Au  contraire  ,  les  autres  voulaient  qu'il  fût 
promptement  exécuté  ,  par  Taversion  pour  le  crime 
qu'on  avait  condamné  et  par  la  crainte  que  cette  peste 
n'eût  le  temps  de  prendre  de  nouvelles  forces.  Les  ar- 
chevêques d'Aix  et  d'Arles  étaient  les  plus  ardents  à 
solliciter  le  premier  président  et  à  presser  qu'on  prît 
les  armes  contre  les  rebelles ,  promettant ,  de  leur  part 
et  de  celle  des  autres  ecclésiastiques  ,  une  grosse 
somme  d'argent  pour  les  frais  de  cette  guerre.  » 

Mais  le  président  Barthélémy  Chassanée ,  caractère 
doux  et  conciliant,  en  même  temps  que  jurisconsulte 
distingué ,  n'était  pas  disposé  à  charger  sa  conscience 
d'une  pareille  exécution.  Crespin  raconte  une  violente 
discussion  qui  s'éleva  à  ce  propos  à  Aix  dans  un  grand 
dîner ,  où  assistaient  les  principaux  personnages  de  la 
ville,  notamment  le  président,  plusieurs  conseillers  du 
Parlement,  les  archevêques  d'Aix  et  d'Arles,  des  gen- 
tilshommes et  des  dames  de  qualité.  L'une  d'elles  qui, 
selon  le  bruit  public,  avait  des  relations  criminelles 
avec  l'archevêque  d'Aix,  demanda  à  table,  à  Chassa- 
née ,  quand  il  ferait  exécuter  l'arrêt  rendu  contre  les 
luthériens  de  Mérindol.  Le  président  ne  répondit  pas; 
et  comme  une  des  personnes  présentes  demandait  ce 
qu'était  cet  arrêt ,  la  dame  se  mit  à  le  réciter  tout  au 
long  de  mémoire.  Jacques  Reynaud,  sieur  d'Alleins  (i), 
et  le  jeune  seigneur  de  Beaujeu  (2) ,  présents  au  ban- 
quet ,  ne  voulant  pas  croire  à  l'existence  d'un  pareil 
arrêt,  «  que  les  Turcs  et  les  hommes  les  plus  cruels,  » 
disait  ce  dernier,  «  jugeront  inhumain  et  détestable  ,  » 
la  dame  les  traita  presque  de  luthériens,  d'où  s'ensuivit 

(i)  Sur  ce  personnage,  voyez  Pièces  justificatives ,  n*  i. 
(2)  Sans  doute  le  neveu  du  comte  de  Tende.  Son  nom  reviendra  dans  la 
^uite. 


ÉTABLISSEMENT   DE    LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  29 

l'échange  de  propos  fort  aigres,  dans  lesquels  Beaujeu 
lança  à  son  interlocutrice  l'épithète  d'Hérodias,  cette 
princesse  incestueuse  qui  avait  demandé  à  Hérode  la 
tête  de  Jean-Baptiste.  L'altercation  dura  longtemps 
encore,  faisant  sourire  les  uns  ,  notamment  Chassanée , 
et  mettant  fort  mal  à  l'aise  les  autres  ,  surtout  l'arche- 
vêque d'Aix,  qui  en  «  perdait  le  boire  et  le  manger.  » 
Néanmoins,  «  ces  propos,  »  dit  Crespin ,  «  engendrè- 
rent grands  troubles  et  plusieurs  menaces  qui  seraient 
trop  longues  à  décrire.  Donc  le  président  Chassanée 
et  les  conseillers  se  départirent ,  et  les  gentilshommes 
s'en  allèrent  d'autre  part.  » 

L'exécution  de  l'arrêt  paraissait  ainsi  indéfiniment 
ajourné,  d'autant  plus  que  le  comte  de  Tende,  gouver- 
neur et  grand  sénéchal  de  Provence ,  chargé ,  par  une 
ordonnance  du  roi  du  14  décembre  1540,  de  faire  exé- 
cuter la  sentence ,  avait  député  son  lieutenant  de  Mol- 
lins  à  François  I^*",  pour  lui  représenter  qu'il  fallait  pour 
cela  deux  mille  hommes  au  moins  et  qu'il  ne  savait  où 
les  prendre.  De  son  côté ,  le  Parlement  se  plaignit  au 
roi  du  mauvais  vouloir  du  gouverneur,  et  l'affaire  en 
demeura  là  pour  le  moment. 

CONCILIABULES    DE    PRÉLATS    A    AIX    ET    A   AVIGNON 

(1540). 

Mécontents  de  ces  retards  ,  les  archevêques  d'Aix 
et  d'Arles  tinrent  un  grand  conseil  à  Aix  ,  oii  assistè- 
rent, outre  ces  deux  prélats,  quelques  abbés  et  prieurs, 
le  prévôt  du  chapitre  et  plusieurs  chanoines  d'Aix, 
pour  délibérer  sur  la  situation  présente  de  l'Eglise  et 
les  moyens  de  faire  exécuter  l'arrêt  de  contumace. 
«  Ce  serait  peu,  »  disaient-ils,  «  si  nous  n'avions  affaire 
qu'aux  gens  de  Mérindol  et  autres  paysans  semblables  ; 


30  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

mais  des  docteurs  en  théologie,  des  religieux,  des  con- 
seillers et  avocats  des  cours  souveraines,  des  gentils- 
hommes en  nombre  considérable ,  des  grands  même 
commencent  à  nous  mépriser.  Si  nous  n'y  pourvoyons , 
il  est  à  craindre  que  nous  ne  perdions  nos  bénéfices  et 
que  tout  l'ordre  ecclésiastique  ne  périsse  avec  nous.  « 

L'archevêque  d'Arles  ,  «  usant  de  ses  finesses  natu- 
relles d'Espagne,  »  opina  pour  qu'on  n'entreprît  rien 
contre  la  noblesse;  c  car  c'est  notre  bras  et  notre  pro- 
tection ,  »  dit-il ,  «  et  nous  faut  donner  garde  de  dispu- 
ter ni  contredire  à  de  tels  personnages ,  de  les  blâmer 
et  encore  moins  de  les  accuser,  mais- plutôt  de  les  adou- 
cir par  présents  et  dons  ;  car  c'est  chose  certaine  que 
si  nous  entreprenons  contre  la  noblesse ,  finalement  les 
juges  séculiers  en  auront  connaissance  ,  et  nous  n'y  ga- 
gnerons rien  ,  comme  déjà  nous  avons  assez  expéri- 
menté. » 

L'archevêque  d'Aix  se  rangea  à  cette  manière  de 
voir,  et  dit  qu'il  fallait  «  faire  telle  tuerie  de  ceux  de 
Mérindol  et  semblables  paysans,  »  que  personne,  fût-il 
même  de  sang  royal ,  n'osât  à  l'avenir  ouvrir  la  bou- 
che contre  le  clergé  ;  et  il  conclut  en  invitant  ses  amis 
à  se  rendre  à  Avignon ,  où  ils  trouveraient  plusieurs 
évêques  et  abbés  qui  s'emploieraient  à  leur  service. 

Cet  avis  fut  adopté,  et  les  prélats  et  autres  gens 
d'Eglise,  réunis  à  Aix,  allèrent  en  hâte  à  Avignon. 
L'archevêque  d'Aix,  chargé  de  prendre  la  parole,  fit 
un  tableau  lamentable  de  la  situation  de  l'Eglise  et  des 
dangers  que  courait  la  nacelle  de  Jésus-Christ.  «  Les 
offrandes  cessent,  »  dit-il;  «  les  pèlerinages  et  dévo- 
tions se  refroidissent ,  la  charité  est  quasi  gelée ,  et , 
qui  pis  est ,  notre  autorité  est  fort  abaissée ,  notre  juri- 
diction abattue,  les  ordonnances  de  l'Eglise  mépri- 
sées. »  Il  opina  donc  pour  que  lui  et  ses  amis  usassent 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  3  1 

de  tout  leur  pouvoir  pour  faire  exécuter  l'arrêt  rendu 
contre  les  Vaudois,  et  ne  craignissent  pas  de  s'imposer 
dans  ce  but  des  sacrifices  pécuniaires.  «  De  ma  part,  » 
s'écriait-il  en  terminant ,  «  j'offre  et  promets  de  sou- 
doyer, de  mon  argent  propre  ,  cent  hommes  bien  équi- 
pés et  bien  en  ordre,  voire  jusqu'à  ce  que  la  destruction 
de  ces  misérables  soit  faite.  » 

Cette  proposition  eut  l'agrément  de  toute  l'assem- 
blée, sauf  celui  d'un  docteur  en  théologie,  de  l'ordre 
des  Jacobins,  nommé  Bassinet,  qui  opina  de  la  sorte  : 
«  Suis  contraint  de  vous  déclarer  (mais  c'est  en  con- 
fession seulement),  que  j'ai  signé  bien  légèrement  plu- 
sieurs procès  de  ceux  qui  ont  été  accusés  d'être  héréti- 
ques ;  toutefois  je  puis  dire  vraiment  devant  Dieu,  qui  voit 
et  qui  connaît  nos  coeurs,  que  je  n'ai  point  eu  de  repos 
en  ma  conscience  depuis  que  j'ai  vu  l'effet  de  mes  si- 
gnatures ,  à  savoir  que  les  juges  séculiers  ,  à  mon  rap- 
port et  jugement ,  et  des  autres  docteurs  mes  sembla- 
bles, ont  condamné  à  mort  ceux  que  nous  avons  jugés 
hérétiques.  Et  la  cause  pourquoi  je  suis  ainsi  troublé 
en  moi-même,  c'est  que  depuis  quelque  temps  en  ça, 
je  me  suis  adonné  à  regarder  de  près  les  Ecritures,  et 
ai  trouvé  que  la  plupart  des  propos  que  maintiennent 
ceux  qu'on  appelle  luthériens  sont  assez  conformes  à 
l'Ecriture  sainte.  » 

Après  quelques  observations  des  archevêques  d'Aix 
et  d'Arles,  Bassinet,  devenant  plus  explicite,  s'écria  : 
«  Ceux  qui  tâchent  d'enfondrer  la  nacelle  de  Jésus- 
Christ...  ce  sont  ceux  qui  se  disent  le  sel  de  la  terre  et 
n'ont  aucune  vertu  ni  saveur.  Ils  s'appellent  pasteurs  et 
ne  baillent  la  vraie  pâture...  Et  si  j'osais  dire,  n'esti- 
merait-on pas  aujourd'hui  aussi  grand  miracle ,  si  on 
voyait  un  évêque  prêcher  que  de  voir  un  âne  voler...  Et 
puisqu'il  faut  dire  la  vérité...,  je  veux  maintenant  tenir 


32  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

par  les  saintes  Ecritures  que  le  grand  pilote  et  patron , 
notre  Saint  Père  le  Pape ,  et  ses  évoques  matelots  ,  et 
tous  semblables  bateliers  ,  qui  ont  délaissé  la  nacelle  de 
Jésus-Christ  pour  s'embarquer  sur  esquifs  et  brigantins, 
sont  pirates  et  écumeurs  de  mer,  faux  prophètes  et 
abuseurs,  et  non  point  pasteurs  de  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ.  » 

A  peine  Bassinet  eut-il  prononcé  ces  paroles ,  que 
toute  l'assemblée  grinça  des  dents  contre  lui ,  et  l'ar- 
chevêque d'Aix ,  au  nom  de  tous  ,  lui  dit  :  «  Vide  de- 
hors, méchant  apostat;  tu  n'es  pas  digne  d'être  en  cette 
compagnie.  On  en  a  brûlé  plusieurs  qui  ne  l'ont  pas  si 
bien  mérité  que  toi.  Ces  besaciers  et  coquins  de  moi- 
nes gâtent  tout.  »  Les  docteurs  mendiants  présents  à 
l'assemblée  s'étant  montrés  fort  offensés  de  ce  propos 
de  l'archevêque,  une  grande  discussion  suivit,  et  l'on 
se  sépara  sans  prendre  de  décision. 

Après  dîner ,  les  prélats  se  réunirent  de  nouveau 
pour  délibérer  ,  mais  seuls,  et  ils  tombèrent  bien  vite 
d'accord.  Il  fut  décidé  que  chacun  d'eux  contribuerait 
selon  ses  moyens  aux  frais  de  l'expédition  contre  les 
Vaudois ,  et  que  l'archevêque  et  le  prévôt  des  chanoi- 
nes d'Aix  poursuivraient  leurs  instances  à  frais  com- 
muns ,  et  s'efforceraient  de  persuader  au  Parlement  de 
ne  pas  craindre  de  faire  exécuter  son  arrêt  «  avec  tam- 
bourin et  enseignes  déployées  et  artillerie.  » 

Ces  deux  personnages,  de  retour  à  Aix,  se  hâtèrent 
de  remplir  leur  mandat  auprès  de  Chassanée  ;  mais  le 
président  leur  objecta  ,  dit  de  Bèze ,  «  que  cet  arrêt 
n'était  proprement  définitif,  et  que  partant  les  lois  et 
ordonnances  du  royaume  n'en  permettaient  l'exécution 
sans  autre  procédure  ,  joint  qu'il  pourrait  advenir  de 
grands  maux  d'une  telle  exécution ,  outre  le  méconten- 
tement qu'en  aurait  le  roi.  Ce  néanmoins ,  par  autorité 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA   RÉFORME    EN    PROVENCE.  33 

de  la  Cour ,  le  tambourin  sonna  en  Provence  et  furent 
ordonnés  capitaines  avec  nombre  de  gens  de  pied  et  de 
cheval ,  qui  commençaient  à  marcher  tous  armés  et 
équipés,  quand  le  sieur  d'AUeins,  muni  de  la  connais- 
sance du  droit  humain  et  divin,  usa  de  telles  et  si  vives 
remontrances  envers  ledit  président,  que  soudain  il  ré- 
voqua la  commission  et  fut  cette  entreprise  rompue.    » 

ENQUÊTE    ORDONNÉE    PAR    LE    ROI    (1540). 

u  Ceux  de  Mérindol  cependant,  »  continue  de  Bèze, 
((  sans  se  préparer  à  aucune  résistance,  hommes,  fem- 
mes ,  enfants,  maîtres  et  serviteurs,  n'attendant  que 
d'être  menés  comme  brebis  à  la  boucherie,  criaient  à 
Dieu ,  lequel  toucha  tellement  le  cœur  du  roi  que  , 
ayant  ouï  le  bruit  de  cette  affaire ,  au  lieu  de  le  trouver 
bon,  il  manda  lettres  au  sieur  de  Langey,  son  lieute- 
nant pour  lors  au  pays  de  Piémont ,  de  s'enquérir  dili- 
gemment et  au  vrai  de  tout  ce  fait,  » 

Guillaume  du  Bellay,  sieur  de  Langey,  «  trouva  par 
d'exactes  informations  ,  »  raconte  de  Thou ,  a  que  ceux 
qu'on  appelle  Vaudois  étaient  des  gens  qui ,  depuis  en- 
viron trois  siècles ,  avaient  reçu  de  quelques  seigneurs 
des  terres  en  friche ,  à  condition  de  payer  certains 
droits  à  ceux  qui  en  étaient  les  maîtres  ;  que ,  par  un 
travail  infatigable  et  une  culture  continuelle ,  ils  les 
avaient  rendues  fertiles  en  blé  et  propres  à  nourrir  des 
troupeaux  ;  qu'ils  savaient  souff'rir  avec  patience  et  le 
travail  et  la  nécessité  ;  qu'ils  abhorraient  les  querelles 
et  les  procès  ;  qu'ils  étaient  doux  à  l'égard  des  pau- 
vres ;  qu'ils  payaient  avec  beaucoup  d'exactitude  et  de 
fidélité  les  tributs  au  roi  et  les  droits  à  leur  seigneur; 
que  leurs  prières  continuelles  et  l'innocence  de  leurs 
mœurs  faisaient  voir  assez  qu'ils  honoraient  Dieu  sincè- 


^4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

rement  ;  mais  qu'on  les  voyait  rarement  dans  les  tem- 
ples ,  excepté  lorsqu'ils  étaient  obligés  par  leurs  affai- 
res d'aller  aux  places  voisines  de  leur  demeure;  qu'étant 
à  l'église  ,  ils  ne  fléchissaient  point  les  genoux  devant 
les  images  de  Dieu  ou  des  saints  ,  et  ne  leur  présen- 
taient ni  chandelles  ni  d'autres  offrandes  ;  qu'ils  ne 
priaient  point  des  prêtres  de  célébrer  des  messes  pour 
eux  ou  pour  l'âme  de  leurs  parents  trépassés  ;  qu'ils  ne 
faisaient  point  le  signe  de  la  croix  sur  leur  front,  selon 
l'usage  ordinaire ,  et  qu'ils  ne  prenaient  point  d'eau  bé- 
nite quand  ils  entendaient  le  tonnerre  ;  qu'ils  ne  fai- 
saient point  de  pèlerinages  ;  qu'ils  ne  se  découvraient 
point  la  tête  quand  ils  rencontraient  une  croix  dans  leur 
chemin  ;  que  leur  liturgie  était  en  langue  vulgaire  et 
n'était  point  conforme  à  l'usage  romain  ;  enfin  ,  qu'ils 
ne  rendaient  aucun  honneur  au  pape  et  aux  évoques , 
mais  qu'ils  choisissaient  quelques-uns  d'entre  eux  pour 
leur  servir  de  pasteurs  et  de  ministres.  » 

LETTRES  DE  GR'ACE  CONDITIONNELLES  DU  ROI.  CON- 
FESSION DE  FOI  ET  REQUÊTE  DES  VAUDOIS  ADRES- 
SÉES  AU  PARLEMENT  (1541). 

François  l^^ ,  ayant  reçu  l'enquête  de  son  lieutenant 
et  la  copie  de  l'arrêt  qu'il  lui  avait  demandée,  publia,  le 
8  février  1541,  des  lettres  patentes  adressées  au  parle- 
ment de  Provence  (i).  Elles  étaient  conçues  dans  le 
même  esprit  que  l'édit  de  Coucy  du  15  juillet  1535  et 
des  lettres  patentes  du  31  mai  1536  déjà  citées.  Elles 
faisaient  «  grâce  ,  pardon  et  rémission  »  aux  Vaudois , 
pourvu  que  dans  trois  mois  ils  fissent  «  abjuration  et 


(i)  Insérées  in  extenso  dans  Crespin,  fol.   14J  et  146,  et  dans  L.  Fros- 
sârd  ,  p.  95-96. 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA   RÉFORME   EN    PROVENCE.  35 

renonciation  solennelle  »  de  leurs  erreurs;  elles  don- 
naient à  cette  fin  pouvoir  au  Parlement  de  faire  compa- 
raître devant  lui,  mais  «  en  pleine  sûreté,  »  tel  nombre 
de  Vaudois  qu'il  jugerait  nécessaire  ,  et ,  au  cas  où  ces 
derniers  refuseraient  de  se  présenter,  d'en  «  faire  telle 
punition  qu'il  verrait  au  cas  appartenir.  » 

Les  Vaudois  ayant  continué  leurs  assemblées  reli- 
gieuses nonobstant  ces  lettres ,  le  roi ,  avant  la  fin  des 
trois  mois  de  délai  qu'il  leur  avait  fixés  pour  abjurer, 
leur  donna  l'ordre  de  les  cesser  et  de  ne  pas  se  réunir 
au  delà  de  vingt  personnes.  Il  écrivit  en  même  temps 
au  comte  de  Tende,  son  gouverneur,  et  au  Parlement, 
de  leur  «  courir  sus  comme  à  ses  ennemis,  »  en  cas  de 
désobéissance. 

Il  faut  dire  que  les  lettres  de  grâce  du  8  février 
avaient  été  tenues  secrètes  par  le  Parlement ,  «  jusqu'à 
ce  qu'enfin ,  »  dit  de  Bèze ,  «  par  importunité  et  après 
plusieurs  requêtes,  le  Parlement  en  fit  la  publication, 
ajoutant  que  tous  ceux,  tant  hommes,  femmes,  qu'en- 
fants qui  seraient  soupçonnés  d'être  luthériens ,  eussent 

à  se  représenter  par-devers  ladite  Cour Ceux-là  de 

Mérindol,  sur  cela,  ayant  remontré  par  requête  quel  tra- 
vail et  coût  ce  serait  de  venir  tous  en  personne  ,  obtin- 
rent qu'ils  feraient  cela  par  procureur  ;  et  de  fait ,  huit 
jours  après ,  François  Chaix  et  Guillaume  Armand,  fai- 
sant foi  de  leur  procuration  ,  comparurent ,  requérant 
qu'on  leur  fît  voir  de  leurs  erreurs  et  hérésies,  pour, 
après  en  être  convaincus  par  la  Parole  de  Dieu  ,  les 
abjurer  selon  l'intention  du  roi.  » 

De  Bèze  fait  observer,  à  ce  propos,  que  les  Vaudois 
n'avaient  jamais  pu  obtenir  «  copie  ni  double  d'aucun 
acte  ni  procédures  faites  contre  eux;  même  avaient  été 
défenses  faites  à  tous  greffiers,  notaires,  sergents  et 
tous  officiers  de  ne  reconnaître  aucun  acte,  opposition 


^6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

OU  protestation,  ni  de  leur  expédier  doubles  de  leurs 
exécutions  ;  de  sorte  qu'ils  furent  contraints  d'avoir  re- 
cours au  roi ,  lequel  commanda  leur  être  baillé  le  dou- 
ble de  toutes  les  procédures,  avec  mandement  à  tous 
notaires  et  d'officiers  d'exécuter  tous  actes,  nonobstant 
l'arrêt  de  la  Cour  donné  au  contraire ,  lequel  en  cet 
endroit  était  révoqué.  » 

Pour  en  revenir  aux  deux  députés  vaudois ,  Chassa- 
née  les  prit  à  part ,  et ,  en  présence  des  gens  du  roi 
seulement,  il  s'efforça  de  leur  faire  comprendre  que 
leurs  erreurs  étaient  manifestes ,  et  les  engagea  à  les 
reconnaître  pour  que  les  juges  ne  fussent  pas  contraints 
de  les  traiter  avec  plus  de  rigueur  qu'ils  ne  le  vou- 
draient ;  mais  Chaix  et  Armand  ayant  persisté  à  de- 
mander qu'on  leur  prouvât  par  les  Ecritures  en  quoi 
ils  erraient,  le  président  les  autorisa  à  présenter  par 
écrit  au  Parlement  les  articles  de  leur  croyance. 

En  conséquence ,  les  Vaudois  firent  rédiger  par  un 
notaire  de  Mallemort  une  supplique ,  accompagnée 
d'une  brève  confession  de  leur  foi  (i),  qu'ils  adressè- 
rent au  Parlement.  Les  deux  pièces  étaient  datées  de 
Mérindol,  6  avril  1541.  Peu  après,  ils  envoyèrent  éga- 
lement .leur  confession  de  foi ,  mais  dans  des  termes 
plus  amples  (2),  aux  syndics  d'Avignon,  à  l'évêque  de 


(i)  Insérée  tout  au  long  dans  Crespin,  fol.  146  et  147;  De  Bèze,  t.  I,  p.  25 
et  26;  Papon  ,  t.  IV,  p.  98-110;  Frossard,  p.  101-105.  Quant  à  la  supplique, 
elle  est  donnée  en  entier  par  Crespin  et  Papon ,  résumée  par  de  Bèze ,  et , 
avec  quelques  lacunes  ,  par  Frossard  ,  qui ,  quoi  qu'il  dise  ,  a  eu  une  copie 
imparfaite  sous  les  yeux. 

(2)  Cette  confession,  en  termes  plus  amples,  se  trouve  seulement,  croyons- 
nous  dans  VHistoire  mémorable  de  la  persécution  et  saccagemet  du  peuple  de 
Mérindol  et  Cabrieres  et  autres  circovoisins,  appelé^  Vaudois,  M.D.LVI,  in-i6, 
p.  Ç5-72,  extraite  de  l'édition  de  Crespin,  publiée  cette  même  année.  Henri 
Pantaléon  {Martyrum  historia ,  Bàle,  1Ç65,  in-fol.,  p.  130-156)  l'a  traduite 
en  latin,  et  Léger  {Histoire  générale  des  Eglises  évangéliques  des  Vallées  du  Pié- 
mont ou  paudoises,  Leyde,  1669,  in-fol.,  p.  107  et  108)  en  donne  une  analyse. 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA   RÉFORME    EN    PROVENCE.  37 

Cavaillon  qui  les  en  avait  requis ,  à  l'évêque  de  Car- 
pentras ,  le  célèbre  Jacques  de  Sadolet ,  au  Parlement 
de  Grenoble,  aux  princes  protestants  d'Allemagne  et  à 
d'autres.  Plus  tard,  ils  adressèrent  aussi  à  François  I*"" 
une  confession  de  foi  (i),  en  le  suppliant,  dit  Sleidan, 
de  ne  pas  croire  autre  chose  que  ce  qu'elle  disait  si  on 
lui  avait  fait  d'autres  rapports,  et  s'offrant  à  prouver, 
dans  le  cas  oij  on  leur  donnerait  audience,  que  ces  rap- 
ports étaient  faux.  Le  roi  se  fit  lire  la  confession  vau- 
doise  par  Pierre  du  Châtel ,  évêque  de  Tulle  (2),  son 
lecteur  ordinaire ,  et  n'y  trouva  rien  à  reprendre,  si  bien 
que  ceux  qui  assistaient  à  la  lecture,  ayant  été  interpel- 
lés par  François  I®*"  sur  les  points  du  document  qu'ils 
trouvaient  erronés  ,  n'osèrent  ouvrir  la  bouche  pour  y 
contredire.  Le  roi,  néanmoins,  chargea  Du  Châtel  de 
l'examiner  ;  mais  nous  ignorons  le  sentiment  qu'émit  le 
prélat. 

SADOLET    ET    LES    VAUDOIS    (154I,    I  542). 

En  adressant  leur  confession  de  foi  à  Sadolet  par 
messagers  exprès ,  les  Vaudois  l'accompagnèrent  d'une 


(i)  On  pense  que  c'est  en  1545  ,  car,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  les 
Vaudois  envoyèrent  à  cette  époque  une  députation  à  François  I^'.  Cette  con- 
fession de  foi,  qui  fut  lue  au  Parlement  de  Paris  en  155 Ç,  se  trouve,  avec 
des  variantes  peu  importantes  :  en  latin,  dans  Ch.  Dumoulin,  Prima  pars 
tractatus  de  origine,  progressa  et  excellentia  Regni  et  Monarchice  Francopum  et 
coronce  Francice ,  p.  95-101,  Lugduni,  1564,  in-4°;  —  en  français,  dans  Perrin, 
p.  87-90;  Léger,  p.  109  et  110;  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  pro- 
testantisme français ,  t.  VIII,  p.  500-Ç09  ,  d'après  un  manuscrit  du  seizième 
siècle;  Ch.  Schmidt,  Zeitschrift  fur  die  historische  Théologie,  t.  XXII,  année 
1852,  p.  2Ç6-2?8,  d'après  une  copie  du  temps.  —  Il  se  pourrait  toutefois, 
nonobstant  l'hypothèse  que  nous  émettons  dans  cette  note,  que  les  Vaudois 
eussent  envoyé  deux  confessions  de  foi  à  François  I"'  :  en  1J41,  celle  que 
donne  V Histoire  mémorable;  en  1J43  ,  celle  que  Dumoulin  a  publiée  pour  la 
première  fois. 

(2)  De  Mâcon  en  1544,  et  d'Orléans  en  1550. 


38  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

requête  où  ils  suppliaient  le  prélat  d'en  prendre  con- 
naissance et  de  leur  marquer  les  points  qu'il  trouverait 
contraires  aux  saintes  Ecritures,  ajoutant  que,  dans  le 
cas  où  il  les  convaincrait  d'erreur ,  «  non  seulement  ils 
se  soumettraient  à  abjuration ,  mais  à  telle  peine  qu'on 
les  voudrait  condamner.  »  Ils  disaient ,  en  outre ,  que 
si  un  juge  quelconque  du  comtat  Venaissin  pouvait  éta- 
blir, «  par  bonnes  informations,  qu'ils  eussent  tenu 
doctrine  scandaleuse  »  ou  pratiqué  une  autre  religion 
que  celle  qui  était  coutume  dans  leur  confession  de  foi, 
il  lui  plût  de  le  leur  faire  savoir,  s'offrant  à  obéir  en 
tout  ce  qui  serait  juste  et  raisonnable. 

Sadolet  était  un  homme  vertueux,  docte,  et  le  bien- 
faiteur de  son  diocèse.  Il  jouissait ,  en  cour  de  Rome 
et  ailleurs,  d'un  grand  crédit  et  pratiquait  le  principe  de 
la  tolérance.  Il  aurait  voulu  éviter  le  schisme  et  écrivit 
plusieurs  lettres  à  ce  propos  à  Georges,  duc  de  Saxe  (i), 
et  aux  Genevois  (2).  Dans  cette  dernière,  il  appelle  les 
habitants  de  Genève  ses  «  très  chers  frères  en  Christ.  » 
En  1 539,  le  pape  lui  envoya  des  pouvoirs  pour  recher- 
cher et  châtier  les  luthériens  de  son  diocèse  ;  mais  il 
répondit  (3)  à  Alexandre  Farnèse ,  archevêque  et  légat 


(i)  Le  21  septembre,  le  27  octobre  et  le  50  novembre  1558  (Herminjard, 
t.  V,  p.  26,  note  24). 

(2)  Le  18  mars  1539  (Herminjard,  t.  V,  p.  261). 

{5)  Le  29  juillet  1J39  (Herminjard,  t.  V,  p.  561-565  ;  Sadolet,  Epist.  779). 
Il  paraît  que  Sadolet  se  départit  quelques  années  après  de  sa  mansuétude 
ordinaire,  car  le  cardinal  Cartésius  lui  écrivait  de  Rome  le  1"  juillet  1J44  : 
«  Vous  employez  presque  tout  votre  temps  à  comprimer  et  détruire  l'impiété 
des  hommes  corrompus.  »  Calvin  écrivait  également  à  Myconius  le  20  juillet 
1546  :  (i  J'apprends  aussi  que  Sadolet  se  comporte  très  cruellement  en  Pro- 
vence envers  le  Seigneur  ;  je  n'attendais  pas  cela  d'un  homme  humain  »  {Cal- 
vini  opcra,  t.  XII,  p.  565).  L'évèque  de  Carpentras  sollicita  même  du  pape  et 
obtint  des  mesures  répressives  contre  les  Juifs  de  son  diocèse  et  composa  un 
traité  contre  eux  (Granget ,  Histoire  du  diocèse  d'Avignon  ,  Avignon  ,  1862  , 
in-8°,  t.  II,  p.  47).  Ce  qu'on  ignore  également ,  c'est  que  Sadolet  avait  mené 
une  vie  licencieuse  à  Rome  dans  sa  jeunesse.  Voyez  Philippe   Beroald,  lib.  I 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  39 

d'Avignon,  qui  les  lui  transmit  :  «  J'userai  de  ces  pou- 
voirs si  c'est  nécessaire  ;  mais  je  m'appliquerai  à  ce 
que  ce  ne  soit  pas  nécessaire...  Ce  n'est  pas  la  crainte 
et  le  châtiment,  mais  la  vérité  même  et  surtout  la  dou- 
ceur chrétienne,  qui  arrachent  aux  méchants  la  confes- 
sion d'une  erreur,  qui  est  plutôt  dans  le  cœur  que  sur 
les  lèvres...  Le  pape  pourra-t-il  faire  croire  qu'il  per- 
sécute les  luthériens  dans  ses  Etats  par  amour  de  la 
religion,  lui  qui  favorise  si  fort  les  juifs  dans  ces  mêmes 
Etats?...  Je  suis  le  pasteur  de  mon  peuple  et  non  pas 
un  mercenaire.  » 

Sadolet  reçut  avec  bonté  les  messagers  vaudois  et 
leur  répondit  en  substance  :  «  J'ai  lu  votre  requête  et 
les  articles  de  votre  confession.  Il  y  a  beaucoup  de 
matière ,  et  je  n'ai  pas  entendu  que  vous  soyez  accusé 
d^autre  doctrine  que  celle  même  que  vous  confessez.  Il 
est  vrai  qu'aucuns  ont  fait  bruit  et  vous  imposent  choses 
qui  étaient  grandement  à  reprendre  ;  mais  quand  on  a 
fait  diligente  inquisition ,  on  a  trouvé  que  c'était  tout 
calomnie  et  faux  rapport.  Au  reste  de  vos  articles ,  il 
me  semble  y  avoir  quelques  mots  qu'on  pourrait  bien 
changer  sans  préjudice  de  votre  confession ,  et  sembla- 
blement  il  me  semble  qu'il  n'était  pas  besoin  de  parler 
si  manifestement  contre  les  pasteurs  de  l'Eglise.  Quant 
à  moi,  je  désire  votre  bien  et  serai  marri  si  on  vous 
détruit  comme  on  l'a  entrepris.  » 

La  confession  de  foi  étendue  que  les  Vaudois  adres- 
sèrent à  Sadolet ,  aussi  bien  que  celle  plus  concise 
qu'ils  présentèrent  au  Parlement ,  reconnaît ,  comme 
tous  les  autres  formulaires  protestants  de  cette  nature 
du  seizième  siècle,  l'autorité  souveraine  de  la  Bible,  le 


Carminum,  ode  à  Jules  de  Médicis ,  et  Menagiana ,  t.  II,  p.  128,  129  (De 
Cambis  de  Velleron,  Annales  de  la  ville  d'Avignon,  t.  IV,  fol.  277). 


40  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

péché  originel ,  la  régénération  par  le  Saint-Esprit ,  la 
justification  par  la  foi  agissant  par  les  bonnes  œuvres, 
la  rédemption  par  Jésus-Christ,  seul  médiateur,  les 
sacrements  du  baptême  et  de  la  sainte  Cène. 

L'évèque  de  Cavaillon ,  animé  d'un  tout  autre  esprit 
que  celui  de  Carpentras  et  mécontent  de  ce  que  l'exé- 
cution de  l'arrêt  de  Mérindol  était  constamment  différée, 
requit  le  vice-légat  d'Avignon  de  donner  suite  à  la  sen- 
tence rendue  dans  cette  ville  contre  les  Vaudois  de 
Cabrières  du  Comtat ,  et  portant  que  ce  village  serait 
détruit  et  tous  ses  habitants  passés  au  fil  de  l'épée.  Les 
troupes  se  mirent  donc  en  marche  et  n'étaient  même 
plus  qu'à  une  lieue  de  Cabrières,  quand  Sadolet,  se 
rendant  en  hâte  auprès  du  vice-légat,  lui  montra  la  re- 
quête et  la  confession  de  foi  des  Vaudois  ,  et  obtint 
que  l'armée  se  retirerait  sans  faire  de  mal  aux  habitants 
de  Cabrières  (1542).  Il  partit  ensuite  pour  Rome,  mais 
non  sans  avoir  mandé  auparavant  auprès  de  lui  quel- 
ques-uns de  ses  fermiers  vaudois  (il  n'en  voulait  pas 
d'autres  pour  ses  terres),  et  plusieurs  habitants  de  Ca- 
brières, auxquels  il  déclara  qu'il  communiquerait  leurs 
articles  de  foi  aux  cardinaux,  et  espérait  qu'un  concile 
serait  convoqué  pour  la  réformation  des  abus  de  l'Eglise. 
Il  leur  recommanda  ,  en  terminant ,  d'être  prudents  , 
parce  qu'ils  avaient  beaucoup  d'ennemis. 

A  son  retour  de  Rome,  les  Vaudois  furent  bien  cha- 
grins d'apprendre  de  Sadolet  qu'on  songeait  moins , 
dans  la  cité  papale,  à  une  réformation  de  l'Eglise  qu'à 
la  continuation  de  la  lutte  contre  tous  ceux  qui  ne  vou- 
draient pas  vivre  selon  les  ordonnances  de  l'Eglise  ro- 
maine. Le  cardinal  ajoutait,  néanmoins,  qu'à  son  sens 
les  abus  ne  pouvaient  durer  encore  longtemps,  en  pré- 
sence du  grand  nombre  de  nations  qui  connaissaient  les 
saintes  Ecritures.  Le  trésorier  de  Carpentras,  celui-là 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME   E^f   PROVENCE.  4I 

même  qui  avait  été  chargé  de  payer  les  troupes  desti- 
nées à  opérer  contre  les  Vaudois,  tenait  à  ces  derniers 
le  même  langage  et  les  favorisait  de  tout  son  pouvoir. 
Aussi  fut-il  obligé  de  résigner  ses  fonctions. 

DÉCLARATIONS  DES  VAUDOIS  AU   PARLEMENT    (l540- 

Mais  revenons  aux  rapports  des  Vaudois  de  Mérin- 
dol  avec  le  Parlement.  Dans  la  supplique  qu'ils  lui 
adressèrent  conjointement  avec  leur  confession  de  foi , 
ils  énumèrent  les  persécutions  diverses  qu'ils  ont  eu  à 
subir  ,  font  remarquer  que  le  chancelier  de  France , 
Guillaume  Poyet,  et  le  Parlement  refusèrent  d'envoyer 
des  commissaires  chez  eux  pour  s'enquérir  de  leur  vie, 
de  leurs  mœurs  et  de  leur  foi ,  et  ils  se  disculpent  des 
accusations  dont  ils  ont  été  l'objet.  Ainsi  ,  ils  n'ont 
point  désobéi  à  la  justice  pour  avoir  refusé  de  compa- 
raître devant  le  Parlement ,  puisque  tous  ceux  qui  se 
sont  rendus  à  Aix  n'en  sont  point  revenus  et  ont  été 
condamnés  au  feu,  à  la  prison,  au  bannissement  ou  à  la 
confiscation  de  leurs  biens  ,  sans  qu'il  leur  ait  été  per- 
mis de  se  faire  défendre  par  des  avocats  ou  de  se  dé- 
fendre eux-mêmes  ;  ils  n'ont  jamais  enlevé  des  prison- 
niers des  mains  des  officiers  de  la  Cour;  ils  ne  se  sont 
point  retirés  dans  des  villes  fortes  ou  des  châteaux , 
lorsqu'on  est  venu  pour  se  saisir  d'eux  ou  qu'ils  ont 
appris  qu'on  s'apprêtait  à  raser  leur  village  et  à  les  brû- 
ler tout  vifs  ;  mais  ils  se  sont  simplement  enfuis  dans 
des  cavernes,  des  rochers  et  des  bois  pour  se  sous- 
traire à  une  mort  inévitable  ;  ils  n'ont  jamais  eu  chez 
eux  de  gens  d'armes ,  de  lansquenets  et  de  soldats  pié- 
montais.  En  terminant,  ils  supplient  le  Parlement  de 
donner  des  ordres  pour  qu'ils  ne  soient  plus  molestés 
tant  en  leurs  personnes  qu'en  leurs  biens,  attendu  qu'ils 


42  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

veulent  vivre  selon  la  foi  de  Dieu  et  de  l'Eglise  :  ce 
que  le  roi  désire  seulement  d'eux. 

Le  procureur  général  d'Aix,  Piolenc,  répondit  à  la 
supplique  des  Vaudois  en  requérant  le  Parlement  de 
nommer  deux  commissaires  ,  pour  que  les  suppliants 
déclarassent  devant  eux  s'ils  voulaient  bénéficier  des  let- 
tres de  grâce  du  roi.  Après  les  avoir  nommés,  le  Par- 
lement autorisa  dix  Vaudois  quelconques  à  venir  en 
toute  sûreté  à  Aix  pour  faire  la  déclaration  |susmen- 
tionnée.  A  la  suite  d'une  réunion  générale  tenue  à 
Mérindol  le  lo  avril  1541  ,  les  Vaudois  se  bornèrent  à 
députer  à  Aix  un  seul  des  leurs ,  nommé  Jamme  Es- 
tène ,  qui  supplia  le  Parlement  de  faire  jouir  ses  core- 
ligionnaires et  compatriotes  des  lettres  de  grâce  du  roi, 
sans  exiger  d'eux  aucune  rétractation  et  en  se  conten- 
tant de  la  déclaration  de  foi  qu'ils  avaient  précédemment 
déposée. 

Quatre  mois  après,  en  août,  quelques-uns  de  ceux 
qui  avaient  été  condamnés  par  l'arrêt  de  contumace  en- 
voyèrent, de  leur  côté,  une  procuration  au  Parlement 
pour  recueillir  le  bénéfice  des  lettres  du  roi,  promettant 
de  vivre  en  catholiques  si  on  leur  démontrait  leurs  er- 
reurs par  la  persuasion. 

Comme  le  Parlement ,  en  présence  de  cette  soumis- 
sion conditionnelle  des  Vaudois  ,  hésitait  à  sévir ,  l'avo- 
cat général  du  roi ,  Guillaume  Guérin  ,  écrivit  à  Fran- 
çois l^^  pour  se  plaindre  de  ses  lenteurs  ,  et  lui  fit  un 
tableau  si  chargé  et  si  vif  de  la  conduite  des  Vaudois  , 
que  le  roi  donna  l'ordre  à  son  lieutenant  en  Provence, 
Louis  Adhémar  de  Monteil,  comte  de  Grignan,  d'  «  ex- 
tirper et  du  tout  exterminer  la  secte  des  Vaudois,  et,  si 
besoin,  d'assembler  des  forces  pour  les  rompre  et  met- 
tre en  pièces ,  en  manière  que  la  génération  en  puisse 
du  tout  faillir  et  que  le  pays  en  soit  nettoyé.  » 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  43 

INTERVENTION    DES    PRINCES    PROTESTANTS    d'aLLEMA- 
GNE    EN    FAVEUR    DES    VAUDOIS    (1541). 

Pendant  que  ces  événements  s'accomplissaient ,  les 
Vaudois  avaient  prié  les  princes  allemands  de  la  confes- 
sion d'Augsbourg,  alliés  de  François  P"',  d'intervenir 
en  leur  faveur  auprès  de  ce  monarque.  Ceux-ci  s'y  prê- 
tèrent avec  joie,  et,  le  23  mai  1 541  ,  ils  écrivirent  au 
roi  de  France  la  touchante  lettre  qui  suit ,  due  à  la 
plume  du  célèbre  Mélanchthon.  Nous  la  traduisons  lit- 
téralement du  latin  : 

«  Roi  sérénissime  et  très  chrétien,  Salut  et  Respect. 

»  Puisque  Votre  Dignité  Royale  nous  a  toujours 
donné  des  marques  de  sa  bienveillance,  qui  prouvent 
suffisamment  qu'Elle  est  animée  envers  nous  de  dispo- 
sitions excellentes  et  très  amicales  ;  puisque  même  nous 
avons  quelquefois  éprouvé  que  nos  prières  n'ont  pas 
été  sans  valeur  auprès  de  Votre  Grandeur  Royale  ; 
nous  avons  jugé  bon  de  lui  écrire  et  d'intercéder  auprès 
d'Elle  pour  sauver  quelques  particuliers,  dont  les  uns 
sont  retenus  en  prison  dans  divers  lieux  de  votre 
royaume ,  surtout  à  Grenoble  et  dans  d'autres  villes  de 
la  Provence,  et  dont  les  autres  ont  abandonné  leurs 
maisons  avec  leurs  malheureax  enfants  et  ont  été  obli- 
gés de  se  réfugier  dans  des  cavernes ,  parce  qu'ils  pro- 
fessent, touchant  la  doctrine  chrétienne,  des  sentiments 
identiques  à  ceux  que  professent  nos  Eglises.  Nous 
sommes  affectés  d'une  grande  douleur ,  car  bien  qu'on 
ne  puisse  nier  que  beaucoup  d'anciens  abus  ne  se 
soient  introduits  dans  l'EgHse,  néanmoins  les  cœurs  se 
sont  enflammés  de  colère  çà  et  là,  au  point  que  les 
saines  idées  sont  étouffées ,  et  que  non  seulement  des 


44  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

particuliers  ,  mais  encore  des  peuples  entiers ,  sont  en 
péril.  Puisque  ceux-ci  s'adressent  en  suppliants  à  Votre 
Grandeur  Royale,  qu'Elle  considère  que  non  seulement 
nous  ,  mais  l'Eglise  de  Christ  elle-même  est  gisante  en 
pleurs  aux  pieds  des  plus  grands  rois,  implore  du  secours 
et  demande  que  la  lumière  de  l'Evangile  naissant  ne  soit 
pas  éteinte  et  que  Votre  Grandeur  Royale  épargne  des 
hommes  modestes  et  des  membres  de  Christ.  Nous 
savons  que  ceux  qui  sont  en  butte  à  la  haine  à  cause  de 
la  pieuse  doctrine  sont  chargés  pendant  ce  temps  d'au- 
tres crimes  et  qu'on  les  appelle  séditieux  ;  mais  nous 
avons  vu  la  confession  de  ces  affligés  présentée  au 
Parlement  de  Grenoble  et  la  justification  des  crimes 
qui  leur  sont  imputés.  C'est  pourquoi  nous  avons  pensé 
qu'il  fallait  prier  davantage  pour  eux ,  parce  que  leur 
confession  de  foi  est  pieuse  et  sans  aucun  doute  la 
pure  doctrine  de  l'Eglise  catholique  de  Christ,  que 
nous  professons  nous-mêmes.  Nous  prions  donc  Votre 
Grandeur  Royale  d'épargner  la  vie  soit  de  ces  prison- 
niers soit  des  autres ,  s'il  en  est  qui  courent  des  dan- 
gers pour  les  mêmes  motifs.  Nous  avons  appris ,  il  est 
vrai,  qu'on  pardonnerait  à  quelques-uns  d'eux  s'ils  re- 
nonçaient à  la  profession  d'une  doctrine  qu'ils  ne  dou- 
tent point  être  pieuse;  mais  comme  l'accomplissement 
de  cet  acte  serait  plus  dur  que  la  mort  même,  nous 
prions  Votre  Grandeur  Royale  d'adoucir  aussi  pour 
Dieu  cette  condition.  Votre  Majesté  Royale  n'ignore 
point  combien  il  est  grave ,  surtout  en  religion ,  d'ap- 
prouver quelque  chose  contre  sa  conscience.  Cette 
clémence  sera  asrréable  à  Dieu  et  recevra  une  récom- 

o 

pense  divine  ,  selon  ce  que  dit  le  Psalmiste  :  «  Heu- 
reux celui  qui  est  indulgent  pour  le  pauvre  et  le  misé- 
rable !  dans  les  jours  mauvais  Dieu  le  délivrera.  »  C'est 
pourquoi  nous  prions  instamment  Votre  Majesté  Royale 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    REFORME    EN    PROVENCE.  45 

de  se  montrer  clémente  en  cette  occurence  envers  ces 
malheureux ,  quelque  part  qu'ils  soient.  Ce  sera  un 
grand  bienfait,  tant  pour  nous  que  pour  tous  ceux  qui 
professent  la  même  religion  que  nous,  surtout  si  nous 
voyons  que  ces  malheureux  ont  dû  leur  délivrance  à 
notre  intercession  ;  et  la  clémence  et  la  modération  de 
Votre  Dignité  Royale  ne  seront  pas  l'objet  d'une 
louange  ordinaire  de  la  part  de  tous  les  gens  de  bien. 
Si  nous  obtenons  cela,  comme  nous  en  avons  le  bon 
espoir,  nous  nous  efforcerons ,  à  notre  tour ,  de  mon- 
trer des  cœurs  non  oublieux  et  reconnaissants  pour 
tous  les  services  qui  dépendront  de  nous;  désirant  que 
le  Dieu  tout  bon  et  tout  grand  conserve  longtemps 
Votre  Grandeur  saine  et  sauve  et  florissante. 

»  Donné  à  Ratisbonne  le  XXIII  mai  de  l'année 
M.D.XLI  du  Salut  de  Christ. 

»  Les  Princes ,  Députés  ,  Etats  et  Ordres  alliés  de 
la  Confession  d'Augsbourg,  réunis  à  Ratisbonne  (i).  » 

Cette  lettre  paraît  avoir  exercé  une  certaine  influence 
sur  le  cœur  de  François  I®"",  car,  pour  le  moment,  les 
poursuites  contre  les  Vaudois  furent  suspendues ,  mal- 
gré les  ordres  contraires  qui  avaient  été  donnés  au 
comte  de  Grignan. 

TENTATIVE    DE    CONVERSION    DES   VAUDOIS    (1542). 

Cependant  Jean  Maynier,  seigneur  d'Oppède  (2), 
venait  d'être  nommé  second  président  du  Parlement 
d'Aix.  a  Retenu,  »  dit  Papon ,  «  hors  de  la  Provence 
depuis  près   de   deux  ans  pour  les  affaires  du  roi ,  il 

(i)  Calvini  opéra,  vol.  XI ,  n°  311. 

(2)  C'est  à  tort  que  les  historiens  lui  donnent,  dès  cette  époque,  le  titre  de 
baron.  Sa  terre  d'Oppède  ne  fut  érigée  en  baronnie  que  plus  tard. 


46  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

n'avait  eu  aucune  part  au  fameux  arrêt  de  Mérindol  ni 
aux  procédures  qu'on  avait  faites.  Ayant  appris  à  Avi- 
gnon,  lorsqu'il  s'en  retournait  à  Aix ,  l'état  de  crise  où 
se  trouvait  sa  patrie,  il  engagea  l'évêque  de  Cavaillon, 
dans  le  diocèse  duquel  Mérindol  est  situé,  à  faire  un 
dernier  effort  pour  ramener  les  hérétiques  au  sein  de 
l'Eglise  par  la  persuasion.  » 

Arrivé  à  Aix  ,  Maynier  informa  le  Parlement  de  la 
démarche  qu'il  venait   de  faire,  et,   sur  son   avis,   la 
Cour  décida,  le  6  mars   1542,   qu'avant  de  procéder 
plus  avant   contre  les   Vaudois  qui  ne  voudraient  pas 
abjurer,  elle  s'assurerait  si  les  curés  résidant  au  milieu 
d'eux  avaient  publié  les   lettres  de  grâce  du  8  février 
1541,    et  que,   dans   l'affirmative,    elle  leur  enverrait 
l'évêque  de  Cavaillon ,  un  docteur  en  théologie  et  le 
conseiller  au  Parlement,  Georges  de  Durand,  seigneur 
du  Peynier,  pour  les  ramener  dans  le  giron  de  l'Eglise 
par  la  voie  de  la  persuasion.  Dans  le  cas  oij  les  Vau- 
dois ,  «  étant  convaincus  par  la  Parole  de  Dieu  d'avoir 
suivi  et  vécu  en  erreurs  et  hérésies,  ils  ne  voudraient 
faire  abjuration ,  »  procès-verbal  serait  dressé  de  leur 
refus    «   pour  y  procéder  comme   par  la  Cour  serait 
avisé.  »  Le  Parlement  était  pour  lors  présidé  par  Guil- 
laume Garçonnet ,  successeur  de  Chassanée  depuis  le 
i8  juin  1 541  ,  et  animé  du  même  esprit  de  tolérance  et 
de  douceur  que  lui. 

L'évêque  de  Cavaillon,  trop  impatient  pour  attendre 
l'époque  fixée  par  l'ordonnance  de  la  Cour  et  peut- 
être  aussi  plein  du  vaniteux  espoir  de  confondre,  par 
son  autorité  épiscopale ,  des  paysans  illettrés  ,  s'em- 
pressa de  se  rendre  à  Mérindol  accompagné  d'un  doc- 
teur en  théologie.  Les  habitants  lui  firent  remarquer 
que ,  par  sa  démarche ,  il  entreprenait  sur  l'autorité  du 
Parlement,  mais  ils  n'insistèrent  pas  sur  l'assurance  que 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  47 

leur  donna  l'évêque  qu'il  agissait  ainsi  pour  les  préser- 
ver du  pillage  et  des  mauvais  traitements. 

Ce  dernier  réclama  tout  d'abord  des  habitants 
une  abjuration  générale  ;  mais  comme  les  Mérindo- 
liens  désiraient  savoir  ce  qu'ils  devaient  abjurer,  ils 
demandèrent  qu'on  leur  montrât,  parles  saintes  Ecri- 
tures, les  points  sur  lesquels  ils  étaient  dans  l'er- 
reur. Ici  l'évêque  se  trouva  fort  embarrassé,  car  l'Evan- 
gile était  pour  lui  un  livre  à  peine  connu.  De  son  côté, 
le  docteur,  qui  ne  s'attendait  pas  à  discuter  sur  le  ter- 
rain de  la  Bible ,  demanda  un  délai  de  quelques  jours 
et,  s'étant  convaincu,  après  ce  temps,  de  la  conformité 
de  la  doctrine  vaudoise  avec  les  enseignements  de  la 
Bible,  il  <c  confessa  tout  hautement  qu'il  n'avait  pas 
tant  appris  des  saintes  Ecritures  tout  le  temps  de  sa 
vie  qu'il  n'avait  fait  en  huit  jours.  » 

L'évêque  de  Cavaillon,  qui  était  rentré  dans  son  pa- 
lais, s'apercevant  qu'il  n'avait  aucun  espoir  de  succès 
à  fonder  sur  les  arguments  de  son  docteur,  tenta  sans  lui 
une  nouvelle  démarche  auprès  des  habitants  de  Mérindol. 
Il  se  rendit  donc  une  seconde  fois  au  miHeu  d'eux  et, 
ayant  réuni  les  enfants  du  village ,  il  les  pria  de  lui  ré- 
citer en  latin  Notre  père  et  Je  crois  en  Dieu. 

Les  enfants  :  «  Nous  savons  bien  le  Pater  et  le  Credo 
en  latin,  mais  nous  ne  saurions  l'expliquer  que  dans 
notre  langue.  »  —  L'évêque  :  «  Vous  n'avez  pas  be- 
soin d'être  tant  savants  ;  car  il  y  a  beaucoup  d'évêques 
et  de  curés,  voire  de  docteurs  en  théologie,  qui  seraient 
bien  empêchés  d'exposer  le  Pater  et  le  Credo.  »  — 
André  Meynard,  bailli  de  Mérindol  :  «  A  quoi  servi- 
rait-il, monsieur,  de  savoir  réciter  de  bouche  le  Credo 
et  le  Pater,  si  l'on  n'entendait  point  ce  qu'ils  signifient? 
Que  si  on  ne  les  entend  point,  on  ment  et  on  se  moque 
de  Dieu  en  les  récitant...  »  —  Uévêque  :  «  Entendez- 


48  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

VOUS  bien  ce  que  signifie  :  Je  crois  en  Dieu^  »  —  Mey- 
nard  :  «  Je  m'estimerais  bien  misérable  si  je  ne  l'enten- 
dais point.  Le  moindre  enfant  de  ceux  que  vous  voyez 
ici  devant  vous  l'entend  bien,  et  je  n'aurais  pas  honte 
de  déclarer  ma  foi  et  ma  croyance  selon  qu'il  a  plu  à 
Dieu  m'en  donner  l'intelligence.  »  —  Lévêqiie^  après 
que  Meynard  eut  rendu  raison  de  sa  foi  avec  beaucoup 
de  netteté  :  «  Je  n'eusse  point  pensé  qu'il  y  eût  de  si 
grands  clercs  à  Mérindol.  »  —  Meynard  :  «  Le  moin- 
dre des  habitants  de  Mérindol  pourra  vous  rendre  rai- 
son de  sa  foi  encore  plus  nettement  que  moi  ;  mais, 
monsieur,  je  vous  prie  d'interroger  ces  enfants  ou  l'un 
d'eux,  afin  que  vous  sachiez  s'ils  sont  bien  ou  mal  in- 
struits.. » 

L'évêque,  aussi  embarrassé  de  questionner  que  de 
répondre,  s'y  étant  refusé,  le  syndic  de  Mérindol,  Per- 
ron Rey,  avec  sa  permission,  dit  aux  enfants  de  se  po- 
ser mutuellement  des  questions.  «  L'un  commença,  » 
dit  Crespin,  «  à  interroger  les  autres  de  si  bonne  grâce 
qu'on  eût  proprement  dit  que  c'était  un  inquisiteur  de 
la  foi;  et  les  enfants,  l'un  après  l'autre,  répondirent  tant 
bien  à  propos  que  c'était  merveille  que  de  les  ouïr. 
Or,  cela  se  fit  en  présence  de  plusieurs  gens  et  même- 
ment  de  quatre  religieux ,  lesquels  tout  fraîchement  ve- 
naient de  l'Université  de  Paris.  L'un  d'iceux  dit  à 
Tévêque  :  «  Il  faut  que  je  confesse  ici  que  j'ai  été  sou- 
vent à  la  Sorbonne ,  à  Paris ,  oyant  les  disputes  qui  se 
faisaient  en  théologie  ;  mais  je  n'ai  jamais  tant  appris 
de  bien  que  j'ai  fait  en  oyant  ces  petits  enfants.  »  A 
quoi  un  Vaudois,  qui  était  présent-,  Guillaume  Armand, 
répondit  :  «  Vous  avez  bien  lu  ce  qui  est  écrit  en  saint 
Matthieu  :  «  Père,  Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre,  je  te 
rends  grâce  que  tu  as  caché  ces  choses  aux  sages  et 
prudents  et  les  as  révélées  aux  petits.  » 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    REFORME    EN    PROVENCE.  49 

L'évêque,  ne  sachant  plus  à  quel  expédient  recourir 
pour  en  venir  à  ses  fins,  employa  les  caresses.  Ayant 
lait  retirer  les  étrangers  qui  l'avaient  accompagné,  il 
reconnut  devant  les  Vaudois  qu'on  les  avait  calomniés 
et  les  supplia,  au  nom  de  leur  intérêt,  de  faire  entre  ses 
mains  seules ,  sans  notaire  ni  témoins ,  une  abjuration 
générale ,  qu'ils  pourraient  toujours  nier  si  on  leur  fai- 
sait des  reproches  ou  qu'on  voulût  s'en  servir  contre 
eux.  Mais  ces  hommes,  au  cœur  droit  et  sincère,  ne 
consentirent  pas  à  se  prêter  à  un  mensonge  et  l'évêque 
s'en  alla  a  aussi  mécontent  que  confus.  » 

Le  4  avril  1542,  la  commission,  nommée  par  le  Par- 
lement d'Aix  pour  représenter  aux  Vaudois  leurs  héré- 
sies et  les  persuader  de  les  abjurer,  se  rendit  à  Mérin- 
dol.  L'évêque  de  Cavaillon,  qui  en  faisait  partie,  comme 
on  l'a  dit  plus  haut,  prêcha  dans  l'égHse  ;  mais  dix-neuf 
Vaudois  seulement  y  assistèrent.  Après  le  sermon,  Miche- 
lin Meynard  et  Jean  Romane,  syndics,  André  Meynard, 
bailli,  Jean  Palenc,  ancien  de  l'église,  et  Jean  Bernard, 
lieutenant  du  bailli,  furent  successivement  entendus  et 
demandèrent  qu'on  leur  signalât  les  erreurs  et  hérésies 
dont  ils  étaient  accusés.  Mais  au  lieu  de  leur  répondre, 
l'évêque  de  Cavaillon  parla  tout  bas  à  l'oreille  du  com- 
missaire Durand ,  et  après  qu'on  leur  eut  donné  lecture 
des  confessions  de  foi  qu'ils  avaient  adressées  au  Par- 
lement et  au  susdit  évêque  ,  ils  déclarèrent  que  telles 
étaient  bien  leurs  doctrines  et  demandèrent  une  nouvelle 
fois  qu'on  leur  montrât  en  quoi  elles  étaient  contraires 
à  l'Ecriture  sainte.  Pour  toute  réponse,  le  docteur  en 
théologie  prononça  un  discours  en  latin  ;  sur  quoi 
André  Meynard  pria  le  commissaire  de  faire  coucher 
sur  son  procès-verbal  le  refus  que,  tant  lui  que  l'évê- 
que, avaient  fait  de  les  convaincre  d'hérésie,  a  Ceux 
qui  étaient  là  venus,  »  dit  Crespin,  «  pensant  qu'on  dût 

4 


50  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

montrer  les  erreurs  auxdits  de  Mérindol ,  furent  ébahis 
de  voir  l'évêque  et  le  docteur  ainsi  vaincus  et  confus. 
Par  quoi  plusieurs  furent  émus  de  demander  le  double 
des  articles  de  la  confession  des  habitants  de  Mérin- 
dol, estimant  que  c'était  la  vraie  doctrine  de  Dieu.  » 
De  ce  nombre  furent  trois  docteurs  qui  étaient  ve- 
nus à  diverses  fois  catéchiser  les  Vaudois  et  qui  se 
convertirent  à  l'Evangile,  dont  ils  devinrent  de  zélés 
ministres  dans  la  Suisse  française.  Il  est  regrettable  que 
l'histoire  n'ait  pas  conservé  leurs  noms. 

EXPÉDITION  A  MAIN  ARMÉE  DE  l'ÉVÊQUE  DE  CAVAIL- 
LON  A  CABRIÈRES.  REPRÉSAILLES  d'eUSTACHE  MAR- 
RON   (1543). 

Très  mécontent  du  résultat  infructueux  de  ses  trois 
conférences  avec  les  Vaudois  de  Mérindol,  Tévêque  de 
Cavaillon,  oubliant  tous  ses  devoirs  et  exécutant  un 
projet  plusieurs  fois  avorté,  se  mit,  le  10  août  de  l'an- 
née suivante  (1542),  à  la  tête  de  gens  armés  et  entra 
dans  Cabrières  du  Comtat ,  oij  il  se  saisit  de  plusieurs 
Vaudois  qu'il  fit  conduire  à  Cavaillon  et  à  Avignon , 
après  avoir  saccagé  les  biens  des  habitants ,  coupé  les 
bourses  des  femmes,  effondré  les  meubles',  percé  les 
maisons  pour  passer  de  l'une  à  l'autre  et  enlevé  le  bé- 
tail. Eustache  Marron,  toujours  prêt  à  répondre  à  la 
violence  par  la  violence  et  sans  considérer  que  ses  en- 
treprises, contraires  à  l'esprit  de  l'Evangile,  ne  pou- 
vaient que  compromettre  la  cause  de  ses  coreligionnai- 
res ,  se  rendit  aussitôt  en  armes  à  Cabrières  avec  des 
Vaudois  de  Provence  et  du  comtat  Venaissin  pour 
secourir  ses  habitants,  mais  quand  il  arriva,  l'évêque 
était  déjà  parti  avec  sa  troupe. 

Le  comte  de  Grignan,  lieutenant  du  roi  en  Provence, 


ÉTABLISSEMENT    DE  LA    REFORME    EN    PROVENCE.  51 

ayant  été  informé  de  l'expédition  de  Marron,  chargea 
maître  Pierre  Johannis,  lieutenant  du  juge  d'Aix,  de 
faire  une  information  contre  les  coupables.  Il  visita  suc- 
cessivement Apt,  Gargas,  Roussillon,  Murs,  Joucas, 
Gordes  et ,  en  dernier  lieu ,  Cabrières ,  oîi  il  somma 
ceux  qui  avaient  pris  part  à  l'expédition  de  se  déclarer. 
Marron  comparut  aussitôt  devant  lui  et  les  consuls  peu 
après.  Le  juge  leur  ordonna  de  ne  pas  molester  l'évê- 
que  de  Cavaillon  et  de  respecter  le  territoire  papal,  en 
même  temps  qu'il  enjoignit  aux  Provençaux  qui  accom- 
pagnaient Marron  de  rentrer  dans  leurs  foyers.  Les  uns 
et  les  autres  promirent,  mais,  séance  tenante,  ils  dépo- 
sèrent entre  les  mains  de  Johannis  une  plainte  en  forme, 
signée  par  Marron  et  les  deux  consuls  de  Cabrières , 
contre  l'agression  inique  de  l'évêque.  De  Cabrières,  le 
juge  se  rendit  successivement  à  Lacoste,  Lourmarin , 
Lauris,  Mérindol,  Sénas,  Cadenet,  Villelaure  et  Per- 
tuis ,  dont  les  habitants  vaudois  avaient  fui  à  son  ap- 
proche. 

Le  comte  de  Grignan ,  peu  satisfait  de  ses  informa- 
tions,  l'obligea  à  repartir  pour  en  faire  de  nouvelles. 
Johannis  parcourut  tout  le  Comtat  ;  mais,  arrivé  à  Ca- 
brières, il  en  trouva  les  portes  fermées.  Ayant  mandé 
les  syndics.  Marron  comparut,  et  le  juge  lui  dit  que  s'il 
voulait  lui  livrer  leur  prêcheur,  maître  Jean,  tout  s'ar- 
rangerait pour  le  mieux.  Jean  était  un  ancien  domestique 
de  l'évêque  de  Cavaillon  et  le  curé  converti  de  Cabriè- 
res. Marron  répondit  qu'il  en  conférerait  avec  les  siens 
et  ferait  réponse  au  comte  de  Grignan.  De  là,  Johannis 
se  rendit  à  Lacoste  et  à  Lourmarin,  oii  il  s'aboucha  avec 
maître  Jean,  qui  le  traita  d^idolâtre  parce  qu'il  adorait  un 
morceau  de  pâte.  Dans  cette  dernière  localité,  il  se  saisit 
du  Vaudois  Chausse-de-Cuir ,  qui  était  occupé  à  jeter 
dans  l'eau  des  livres  luthériens  ;  mais  Marron  délivra  le 


52  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

prisonnier  et,  sur  l'heure,  arrivèrent  des  renforts  vaudois 
de  Mérindol,  Cabrières  d'Aiguës,  La  Motte  d'Aiguës 
et  d'ailleurs,  qui  venaient  au  secours  de  leurs  coreligion- 
naires de  Lourmarin.  Johannis  finit  par  revenir  à  Aix, 
où  il  rédigea  un  procès-verbal,  dans  lequel  il  demandait 
l'arrestation  d'un  certain  nombre  de  Vaudois.  Le  roi, 
informé  des  faits  par  le  vice-légat  d'Avignon,  qui  dési- 
rait poursuivre  activement  les  coupables ,  écrivit  au 
comte  de  Grignan  de  lui  prêter  main-forte  pour  exter- 
miner ces  derniers. 

DÉPUTATION    DES    VAUDOIS     AU     ROI.    NOUVELLES    LET- 
TRES   DE    GRACE    (1543,     1544). 

De  nouvelles  lettres  patentes  de  François  I^"",  de 
mars  1543  (i),  ordonnant  l'exécution  de  l'arrêt  de 
contumace  parce  que  les  Vaudois  n'avaient  point  voulu 
abjurer,  déterminèrent  ces  derniers  à  envoyer  au  roi,  au 
mois  d'avril  suivant,  des  députés,  qui  trouvèrent  de  forts 
appuis  à  Paris,  notamment  auprès  des  ambassadeurs  des 
princes  protestants  allemands  accrédités  à  la  Cour. 

Ils  exposèrent,  dans  la  requête  qu'ils  firent  présenter, 
à  cette  occasion,  à  François  I",  qu'ils  voulaient  vivre 
en  chrétiens  sous  l'obéissance  des  magistrats  séculiers 
et  ecclésiastiques,  que  depuis  treize  ans  on  les  accusait 
d'hérésie  parce  qu'on  en  voulait  à  leurs  biens,  que  plu- 
sieurs d'entre  eux  avaient  été  déjà  pillés,  saccagés, 
rançonnés  et  tués ,  et  qu'ils  avaient  pris  la  fuite  au  lieu 
de  se  présenter  devant  le  Parlement  parce  qu'on  les 


(i)  Avant  la  publication  de  ces  lettres,  et  encore  après,  François  I"'  en  avait 
édicté  deux  autres  d'un  caractère  général  qui  enjoignaient  :  les  premières 
(50  août  1542)  aux  parlements  du  royaume,  les  secondes  (25  juillet  1545)  aux 
inquisiteurs  de  la  foi,  de  rechercher  et  de  punir  les  luthériens  à  toute  rigueur, 
de  façon  à  exterminer  <(  la  racine  de  cette  peste.  » 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  53 

avait  retenus  en  prison  ou  fait  mourir,  et  qu'alors  était 
intervenu  l'arrêt  de  contumace  du  i8  novembre  1540.  Ils 
ajoutaient  que  plusieurs  personnage  de  l'entourage  du 
roi  et  des  officiers  du  Parlement  avaient  obtenu,  pour 
eux  ou  pour  leurs  parents,  les  biens  confisqués  sur  eux; 
que  certaines  gens,  qui  avaient  des  Vaudois  sous  leur 
dépendance  et  même  des  gentilshommes,  s'étaient  éga- 
lement saisis  de  leurs  biens;  que  les  juges  des  évoques 
avaient,  de  leur  côté,  pillé,  saccagé  et  mis  à  mort  des 
Vaudois  ;  ils  affirmaient,  en  terminant,  que  tout  ce  qui 
avait  été  fait  contre  eux  «  ne  procédait  que  d'avarice  et 
cupidité  et  non  du  zèle  de  les  réduire  à  la  voie  des 
vrais  chrétiens,  »  et  ils  demandaient  des  juges. 

Emu  de  cette  requête  hardie,  le  roi  ordonna  qu'un  de 
ses  maîtres  des  requêtes  irait  en  Provence  avec  un 
docteur  en  théologie  pour  informer  sur  la  vie  et  les 
mœurs  des  suppliants,  en  même  temps  que  sur  les  abus, 
malversations,  exactions  et  pilleries  des  officiers  royaux 
et  des  gentilshommes  (i).  En  conséquence,  il  donna  le 
mois  suivant,  le  17  mai  1543,  d'autres  lettres  patentes 
pour  surseoir  à  celle  de  mars  aussi  longtemps  que 
son  maître  des  requêtes  et  le  docteur  en  théologie 
n'auraient  pas  fait  leur  rapport.  Néanmoins,  ces  lettres 
ne  donnaient  que  deux  mois  aux  Vaudois  pour  abjurer 
entre  les  mains  d'un  conseiller  au  Parlement  et  de  l'ar- 
chevêque d'Aix,  après  que  la  Cour  les  aurait  convain- 
cus d'erreur  par  informations  dijment  faites. 

L'année  snivante,  le  14  juin  1544,  le  roi,  par  de  nou- 


(i)  Les  personnages  particulièrement  visés  étaient  d'Oppède,  qui  avait  pour- 
suivi en  justice  plusieurs  de  ses  vassaux,  notamment  les  Calliers  et  les  Serre, 
et  s'était  enrichi  à  leurs  dépens  ;  —  Gaspard  de  Forbin  ,  sieur  de  Janson  et 
de  Villelaure ,  son  neveu  ,  qui  courait  sus  à  ses  vassaux  ;  —  François  de  Pé- 
russis,  sieur  de  Lauris ,  son  gendre,  qui  convoitait  plusieurs  terres  vau- 
doises  ;  —  et  Esprit  Etienne,  sieur  de  Venelles,  qui  avait  eu  part  à  une  con- 
fiscation. 


54  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

velles  lettres,  ordonna  au  Parlement  et  au  comte  de 
Grignan  de  surseoir  encore  à  l'exécution  des  patentes 
de  mars  parce  qu'il  n'avait  pu  faire  partir  pour  la  Pro- 
vence ses  deux  commissaires,  savoir,  son  maître  des 
requêtes,  Jean  du  Pré  ,  et  le  dominicain  Jean  le  Chat, 
et  il  déclara  qu'il  évoquait  à  sa  personne  la  cause  des 
Vaudois,  défendant  à  la  Cour  d'en  prendre  connaissance 
et  lui  donnant  l'ordre  de  relâcher  tous  les  prisonniers. 
La  guerre  avec  l'empereur  Charles-Quint  empêcha 
malheureusement  les  deux  commissaires  d'accomplir 
leur  mission. 

d'oppède  et  autres  font  révoquer   les   lettres 

DE    GRACE    (l  544,     I  545). 

Les  lettres  d'évocation  du  14  juin  1544  furent  signi- 
fiées le  25  octobre  suivant  par  le  Vaudois  Florimond  au 
Parlement,  qui  se  vit  contraint  sur  l'heure  d'abandonner 
ses  poursuites  et  de  relâcher  ses  prisonniers  ;  mais, 
sans  tarder  aussi,  il  mit  tout  en  œuvre,  de  concert  avec 
les  évêques ,  le  comte  de  Grignan  et  le  nonce  du  pape 
à  Paris,  pour  obtenir  la  révocation  des  lettres  du  roi. 

((  Les  évêques,  »  écrivait  Calvin  à  ce  propos  à  Bul- 
linger,  de  Zurich,  le  25  novembre  1544  (i),  «  les  gou- 
verneurs et  le  Parlement  lui-même  s'opposent  de  toutes 
leurs  forces  à  ce  que  les  lettres  patentes  du  roi  suivent 
leurs  cours.  Si  elles  ne  sont  pas  acceptées,  les  frères 
de  Provence  seront  exposés  aux  lions  et  aux  loups,  qui 
déploieront  contre  eux  une  rage  cruelle ,  car  ce  qu'ils 
cherchent  c'est  de  pouvoir  attaquer  impunément  ces 
malheureux  ;  si  elles  sont  acceptées,  ils  n'échapperont 
pas  pour  cela  au  péril,  car  dans  trois  petites  villes  et 

(i)  Calvini  opcra ,  vol.  XI,  n"  586. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  J^ 

dans  plusieurs  villages,  ils  professent  la  pure  doctrine 
évangélique.  Dans  une  de  ces  petites  villes,  ils  ont 
purgé  l'Eglise  de  toutes  ses  souillures  et  y  célèbrent  la 
cène  et  le  baptême  à  notre  manière.  Plus  le  péril  les 
menace  présentement  de  ces  deux  côtés,  plus  grand 
doit  être  notre  zèle  à  leur  venir  en  aide ,  surtout  dans 
leur  admirable  constance,  à  laquelle  nous  ne  répon- 
drions pas  sans  nous  couvrir  d'une  grande  honte. 
Ajoutons  qu'ils  ne  s'agit  pas  ici  seulement  de  leur 
cause,  car,  ou  bien  leur  ruine  ouvrira  la  voie  aux  impies 
■  dans  tout  le  royaume,  ou  bien  l'Evangile  y  fera  irruption 
par  ce  moyen.  Que  nous  reste-t-il  donc?  Si  ce  n'est  de 
faire  tous  nos  efforts,  de  peur  que,  si  nous  nous  arrê- 
tions, ces  pieux  frères  ne  soient  opprimés  et  que  la  porte 
ne  soit  fermée  à  Christ  pour  longtemps.  J'ai  voulu  te 
prévenir  de  cette  affaire,  afin  que,  si  ces  pieux  frères  cher- 
chaient un  refugeauprès  de  vous,  vous  teniez  les  cœurs  des 
vôtres  prêts  à  leur  porter  secours.  Autrement,  il  faudra 
demander  au  roi  de  faire  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux 
choses  :  ou  bien  qu'il  permette  aux  frères  de  Provence 
de  jouir  de  la  grâce  qu'il  leur  a  accordée  une  première 
fois  ou  bien  qu'il  modère  sa  fureur,  si  elle  s'allume 
contre  eux.  » 

D'Oppède,  qui  avait  été  nommé  premier  président 
du  Parlement  d'Aix  le  20  décembre  1543  à  la  place  de 
Garçonnet,  décédé  cette  même  année  d'une  manière 
subite  qui  fit  croire  à  un  empoisonnement,  envoya  au 
roi,  par  l'huissier  Philippe  Courtin,  des  instructions 
«  par  lesquelles,  »  dit  de  Bèze,  «  il  donnait  à  entendre 
que  ceux  de  Mérindol  et  autres,  leurs  voisins,  jusqu'au 
nombre  de  quinze  mille  hommes ,  s'étaient  mis  aux 
champs ,  à  enseignes  déployées ,  en  délibération  de 
prendre  la  ville  de  Marseille  et  d'en  faire  comme  un 
canton  suisse.  »  L'avocat  général  Guérin,  de  son  côté, 


0  HISTOIRE  DES   PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

adressa  une  requête  au  roi  pour  qu'il  révoquât  ses  let- 
tres de  grâce,  et  les  Etats  de  la  province,  réunis  à  Aix 
le  15  décembre  1544,  émirent  le  même  vœu.  Quant  au 
comte  de  Grignan,  qui  «  avait  feint  d'aimer  l'Evangile,  » 
dit  Farel  (i),  et  «  promis  aux  Vaudois  de  plaider  fidè- 
lement leur  cause,  »  ajoute  Calvin  (2),  il  changea  com- 
plètement de  dispositions  et,  par  ses  faux  rapports, 
il  «  enflamma  l'esprit  du  roi  d'une  fureur  inouïe  jus- 
que-là, »  parce  que,  briguant  une  députation  auprès  de 
l'Empereur  et  des  princes  allemands,  qui  devaient  se 
réunir  à  Worms  pour  l'assemblée  des  Etats ,  et  ayant 
besoin  du  haut  appui  de  son  oncle,  François' Juste  de 
Tournon,  archevêque  d'Aix,  cardinal  et  ministre  du  roi, 
il  s'était  mis  entièrement  à  sa  dévotion.  Pour  ce  qui  est 
de  ce  dernier,  sa  haine  contre  les  luthériens  est  connue, 
et  ce  fut  surtout  lui  qui,  avec  l'appui  du  nonce  du  pape, 
décida  le  roi  à  publier,  le  i^'  janvier  1 545,  de  nouvelles 
lettres  patentes,  oi^i  il  avait  le  triste  courage  de  déclarer 
que  ses  lettres  de  grâce  du  14  juin  1 544  lui  avaient  été 
arrachées  par  surprise  et  ordonnait  au  comte  de  Grignan 
de  prêter  main-forte  au  Parlement  pour  dépeupler  entiè- 
rement le  pays  des  Vaudois  et  le  nettoyer  de  tous  les 
hérétiques  qu'il  renfermait. 

Une  lettre  écrite  à  cette  époque  (6  janvier  1545)  à 
Calvin  (3)  par  le  célèbre  humaniste  Claude  Baduel , 
pour  lors  recteur  du  collège  de  Carpentras  ,  nous  ap- 
prend que  lés  Vaudois,  naturellement  désireux  d'aug- 
menter le  nombre  de  leurs  amis  ,  accordaient  trop  fa- 
cilement l'hospitalité  aux  gens  qui  se  réfugiaient  dans 
leurs  montagnes  et  dont  la  vie  n'était  pas  toujours  en 


(1)  Lettre  à  Calvin  du  4  avril  1545  {Cabini  opéra,  vol.  XII  ,  n»  629). 

(2)  Lettre  à  Bullinger  du  24  juillet  1545  [Cabini  opéra  ,  vol.  XII ,  n°  664V 
(5)  Cabini  opéra,  vol.  XX,  11°  4141. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  57 

harmonie  avec  le  zèle  qu'ils  déployaient.  Leur  présence 
au  milieu  des  persécutés  et  l'influence  qu'ils  exerçaient 
sur  eux  pouvaient  causer  à  ceux-ci  un  dommage  réel. 
C'est  du  moins  ce  que  Baduel  semble  vouloir  donner  à 
entendre  par  ces  lignes  un  peu  énigmatiques  qu'il 
adresse  à  Calvin  :  «  Ecris  aussi  à  ces  hommes  de  bien, 
nos  voisins  (les  Vaudois),  et  exhorte  les  à  être  retenus 
et  prudents.  J'apprends  en  effet  qu'ils  se  conduisent 
avec  peu  de  prévoyance  dans  l'accueil  qu'ils  font  aux 
gens  qui  se  réfugient  auprès  d'eux  et  dont  plusieurs 
passent  pour  ne  pas  mener  une  vie  suffisamment  hon- 
nête et  chrétienne.  La  vie  et  les  mœurs  de  ceux-ci  font 
plus  de  tort  à  ces  hommes  de  bien  que  leur  bonne  vo- 
lonté leur  procure  d'avantages.  C'est  pourquoi  tu  feras 
bien  de  les  exhorter  à  agir  avec  quelque  discernement 
et  à  éprouver  la  vie  de  ces  hommes  avant  de  les  ac- 
cueilhr  ;  car  il  y  a  des  hommes  droits ,  auxquels  la  mé- 
chanceté des  autres  peut  causer  du  préjudice  et  du 
déshonneur.  Or ,  comme  je  suis  ici  leur  voisin  et  leur 
ami,  je  m'enquerrai  plus  exactement  de  toute  leur  ma- 
nière de  faire  et  d'agir,  et  je  t'en  informerai.  »  Baduel 
fait  peut-être  allusion  à  Eustache  Marron  et  à  ses  parti- 
sans, toujours  prêts  à  détourner  les  Vaudois  de  la  ligne 
de  modération  qu'ils  avaient  suivie  et  à  leur  con- 
seiller la  résistance  armée. 

LES    EXÉCUTEURS    DE    l'aRRÊT. 

Au  moment  de  décrire  le  traitement  effroyable  infligé 
aux  Vaudois  de  Mérindol ,  Cabrières  du  Comtat  et 
autres  lieux ,  il  est  bon  de  faire  connaître  les  hommes 
qui,  dans  cette  circonstance,  trempèrent  leurs  mains 
dans  le  sang  innocent,   tache  profonde  que  le  temps 


58  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

n'a  pu  encore  effacer  et  qui  demeure  attachée  comme 
une  honte  à  leur  mémoire. 

Le  premier  à  mentionner,  parce  que  ce  fut  le  plus 
coupable  et  le  plus  cruel ,  est  Jean  Maynier,  seigneur 
d'Oppède  ,  au  Comtat.  C'était  le  fils  de  Guillaume 
Maynier,  privé  de  ses  états  et  offices  de  président  au 
Parlement  d'Aix  à  cause  de  ses  rapines,  et  qui  dépensa 
presque  tout  son  bien  pour  sauver  sa  vie.  Jean  ,  »  vrai 
successeur  de  l'ambition  et  mauvaise  conscience  de  son 
père,  »  dit  de  Bèze  ,  «  besogna  si  bien  que  première- 
ment il  fut  fait  viguier  du  pape  en  la  ville  de  Cavaillon , 
au  Comté  de  Venisse.  »  Il  devint  ensuite  ,  grâce  à  la 
souplesse  de  son  caractère  ,  conseiller  au  Parlement 
d'Aix  en  1522,  second  président  en  1542  et  premier 
en  1543.  Il  avait  l'esprit  vif  et  bouillant,  était  très  versé 
dans  le  droit  et  le  palais  et  ne  manquait  pas  d'une  cer- 
taine fermeté  dans  l'administration  de  la  justice  ;  mais  il 
était  cupide  ,  dur  et  cruel,  et  il  refit  sa  fortune  aux  dé- 
pens de  ses  vassaux.  «  Voyant  que  son  père,  »  dit  Cres- 
pin  ,  «  ne  lui  avait  laissé  pour  tout  bien  que  le  titre  de 
la  seigneurie  d'Oppède  ,  qui  ,  pour  lors ,  était  bien  pe- 
tit cas ,  il  s'avisa  de  faire  accuser  par  subtil  moyen 
quelques  riches  laboureurs  d'Oppède  comme  hérétiques 
et  luthériens.  Il  les  tint  bien  longtemps  en  extrêmes  mi- 
sères de  prison  et  se  saisit  de  leurs  biens  meubles  et 
immeubles  sans  en  laisser  aucune  part  ni  à  leurs  femmes 
ni  à  leurs  enfants ,  lesquels  ,  abandonnant  tout ,  se  reti- 
rèrent à  Cabrières  ,  distant  d'Oppède  d'environ  une 
lieue.  »  Et  comme  ces  derniers,  réduits  à  la  plus  grande 
misère,  se  croyaient  en  droit  de  venir  chaque  année,  à 
l'époque  de  la  moisson  et  des  vendanges  ,  recueillir 
une  partie  des  fruits  de  leurs  anciennes  terres  ,  d'Op- 
pède avait  conçu  contre  eux  une  haine  mortelle  et  dé- 
sirait avec  ardeur  trouver  l'occasion  de  se  venger. 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA   RÉFORME   EN    PROVENCE.  59 

A  côté  de  lui  se  place  Antoine  Escalin  des  Aimars , 
baron  de  la  Garde,  dit  le  capitaine  Poulin  (i) ,  homme 
de  moeurs  dissolues ,  dur  et  a  de  si  basse  lignée  ,  »  dit 
de  Bèze,  «  qu'à  grand'peine  sut-on  son  père  ni  sa  mère 
et  encore  plus  bas  de  cœur.  »  Le  Laboureur  (2)  ajoute 
qu'il  «  acheta,  quand  il  fut  élevé,  la  baronnie  de  La 
Garde,  où  il  était  né.  »  Ce  fut  le  28  juillet  1543,  et  le 
comte  de  Grignan  lui  donna  l'investiture.  Sa  maxime  favo- 
rite était  qu'on  ne  doit  pas  garder  la  foi  aux  hérétiques, 
et  il  la  pratiqua  à  diverses  reprises ,  comme  on  le  verra 
par  la  suite.  Il  se  montra  d'autant  plus  cruel  dans  l'ex- 
pédition de  Mérindol  et  de  Cabrières  qu'il  avait  à  se 
purger  d'une  accusation  de  mahométisme  dirigée  contre 
lui.  Il  était  général  des  galères  du  roi  depuis  une  an- 
née, mais  ses  malversations  le  mirent  en  danger  plu- 
sieurs fois  de  perdre  sa  charge  ,  qui  lui  fut  enfin  re- 
tirée. 

On  a  l'habitude  de  joindre  à  d'Oppède  et  à  La  Garde 
l'avocat  général  au  Parlement  de  Provence,  Guillaume 
Guérin  ,  qui ,  par  ses  plaintes  continuelles  contre  les 
Vaudois  et  ses  requêtes  réitérées,  contribua  pour  beau- 
coup à  animer  l'esprit  du  roi  contre  ces  derniers  ;  mais 
il  ressort  d'une  pièce  catholique  du  temps,  insérée  dans 
Crespin  ,  que  ,  pour  une  raison  qui  n'est  pas  connue  , 
il  se  tint  à  l'écart  le  plus  qu'il  put  pendant  l'expédition. 
De  là  vient  que  plus  tard  il  ne  fut  pas  tout  d'abord  dé- 
crété d'arrestation.  Mais  c'était  un  homme  vénal ,  plu- 
sieurs fois  convaincu  de  faux ,  de  concussion  et  de 
péculat. 

(i)  Ce  surnom  lui  fut  donné  dans  sa  jeunesse  à  cause  de  la  fougue  de  son 
caractère  ;  mais  on  l'appelait  plus  souvent  Paulin  par  corruption  du  mot 
Poulin. 

(2)  Additions  aux  Mémoires  de  Mcssire  Michel  de  Castelnau;  éd.  de  Bruxel- 
les, 1751,  }  vol.  in-fol.,  t.  II,  p.  ç.  Voyez  aussi  Brantôme,  Œuvres  complètes, 
éd.  Buchon,  Paris,  1848,  t.  I,  p.  399  à  400. 


6o  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

EXÉCUTION    DE    l'aRRÊT    DE    CONTUMACE    (1545). 

Les  lettres  patentes  du  i**'  janvier  1545  portant  or- 
dre d'exécution  de  l'arrêt  de  contumace  furent  expé- 
diées à  d'Oppède  ce  même  mois  par  l'huissier  Courtin. 

11  les  garda  cachées  jusqu'au  1 2  avril  suivant  parce  qu'il 
attendait  le  départ  du  comte  de  Grignan  pour  la  diète 
de  Worms  ;  départ  qui ,  suivant  l'usage  du  royaume  , 
devait  lui  conférer  les  pouvoirs  de  Heutenant  du  roi  en 
Provence  pendant  l'absence  du  titulaire.  Sa  nomination 
fut  signée  le  26  février  et  enregistrée  à  Aix  le  1 2  mars 
suivant.  D'Oppède  attendit  encore  un  mois  pour  donner 
le  temps  d'arriver  aux  troupes  de  Piémont  qui  devaient 
s'embarquer  à  Marseille  à  destination  de  Boulogne 
pour  faire  la  guerre  aux  Anglais.  Lorsqu'elles  furent  sous 
sa  main,  il  convoqua  le  Parlement  (c'était  le  dimanche, 

12  avril)  et  lui  communiqua  les  lettres  du  roi.  La  Cour, 
sans  désemparer,  les  entérina  et,  requise  par  l'avocat 
général  Guérin  de  procéder  «  à  l'exécution  des  arrêts 
donnés  contre  ceux  de  Mérindol,  et  à  leur  totale  extir- 
pation, »  elle  nomma,  comme  commissaires  exécuteurs, 
François  de  Lafond ,  second  président  au  Parlement , 
Honoré  de  Tributiis ,  sieur  de  Sainte-Marguerite,  et 
Bernard  de  Badet ,  conseillers  ,  et  Guérin  en  rempla- 
cement du  procureur  général ,  Thomas  de  Piollenc  , 
absent.  D'Oppède  fut  également  requis,  en  sa  qualité  de 
lieutenant  du  roi,  de  prendre  le  commandement  des 
troupes. 

Ces  formalités  une  fois  remplies ,  le  nouveau  lieute- 
nant du  roi  fît  publier  dans  toute  la  Provence  que  a  tout 
homme  de  qualité  prît  les  armes  pour  faire  escorte  à 
ladite  exécution.  »  Il  s'adjoignit  ensuite  comme  aides 
de  camp  ses  deux  gendres  ,  le  sieur  de  Lauris  et  de 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    REFORME    EN    PROVENCE.  6l 

Pourrières ,  et  donna  le  commandement  général  des 
troupes  à  Lagarde,  arrivé  à  Marseille  depuis  le  6  avril. 

Le  1 3  avril  les  commissaires  se  mirent  en  route  , 
mais,  au  lieu  d'aller  droit  à  Mérindol ,  ils  se  rendirent 
à  Pertuis ,  oii  le  capitaine  de  Vaugines,  depuis  un  mois 
déjà,  sur  l'ordre  de  d'Oppède,  pillait  le  bétail  et  les 
biens  de  quelques  hameaux  des  environs  de  Pertuis,  oij 
habitaient,  disait-il,  des  luthériens. 

Le  14  ils  étaient  à  Cadenet,  oia  ils  rejoignirent  La- 
garde, qui  avait  sous  ses  ordres  six  régiments  d'infan- 
terie et  une  cornette  de  cavalerie.  Le  lendemain  ils 
tinrent  un  conseil  de  guerre,  où  il  fut  décidé  qu'on  in- 
cendierait Cabrières-d'Aigues  ,  La  Motte-d'Aigues  et 
Lourmarin,  bien  que  leurs  habitants  ne  fussent  pas  com- 
pris dans  l'arrêt  de  contumace  et  qu'ils  n'eussent  été 
ni  entendus  ni  condamnés.  Tributiis  n'avait  pas  voulu 
assister  à  ce  conseil  pour  dégager  sa  responsabilité  et , 
à  dater  de  ce  moment ,  il  se  retira  de  l'expédition. 

Quant  à  d'Oppéde,  il  partit  d'Aix  seulement  le  15. 
Il  sortit  à  la  tète  de  ses  gens  d'armes  et  de  quatre  cents 
pionniers  et,  divisant  sa  troupe  en  deux  bandes,  il  fit 
prendre  à  l'une  la  gauche  à  destination  de  Cadenet,  et 
à  l'autre  la  droite  à  destination  de  Pertuis.  Il  prit  lui- 
même  cette  dernière  direction  et  poussa  par  Pertuis 
jusqu'à  Cadenet,  où  il  présida  le  conseil  de  guerre  dont 
nous  venons  de  parler. 

Dès  le  lendemain,  16  avril,  le  pillage,  l'incendie  et 
la  tuerie  commencèrent.  Lagarde  ,  à  la  tête  de  ses 
vieilles  bandes  du  Piémont,  mit  le  feu  à  Cabrières-d'Ai- 
gues ,  Peypin-d'Aigues ,  La  Motte-d'Aigues  et  Saint- 
Martin-de-la-Brasque.  Ces  quatre  villages  appartenaient 
au  jeune  Jean-Louis-Nicolas  de  Bouliers  ,  sieur  de 
Cental,  qui  était  encore  sous  la  tutelle  de  sa  mère, 
veuve,  Françoise  de  Bouliers  ,  dame  ou  baronne  de  La 


62  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

Tour-d' Aiguës.  La  belle  ferme  de  cette  dernière,  qui 
avait  trois  cents  cannes  de  long  ,  ses  fours  et  ses  mou- 
lins furent  aussi  détruits,  malgré  les  remontrances  de  la 
baronne,  qui  demandait  des  juges  et  non  des  sol- 
dats (i).  «  La  plupart  des  pauvres  laboureurs  ,  sans  ré- 
sistance ,  »  dit  un  témoin  oculaire  catholique  cité  par 
Crespin ,  «  furent  tués  et  meurtris ,  femmes  et  filles 
violées,  femmes  grosses  et  petits  enfants  nés  et  à  naître 
tués  et  meurtris  ;  les  mamelles  à  plusieurs  femmes  cou- 
pées. On  voyait  les  petits  enfants  mourant  de  faim  au- 
près des  mamelles  de  leurs  mères  qui  étaient  mortes. 
Tout  y  fut  brûlé  et  saccagé  et  ne  furent  sauvés  que 
ceux  que  Poulin  choisit  pour  ses  galères.  » 

D'Oppède ,  de  son  côté ,  à  la  tête  des  troupes  pro- 
vinciales,  fît  brûler,  le  i8,  Lourmarin ,  Villelaure  et 
Très-Emines,  dont  tous  les  habitants  s'étaient  enfuis  à 
son  approche.  Pendant  ce  temps  ,  La  Roque-d'Anthe- 
ron  et  Saint-Estève-de-Janson ,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Durance  ,  étaient  incendiés  par  le  sieur  de  La  Roque, 
parent  de  d'Oppède,  assisté  de  plusieurs  personnes 
d'Arles.  Les  habitants  de  ces  villages  s'étaient  égale- 
ment enfuis. 

Blanche  de  Lévis,  mère  de  François  d'Agoult,  comte 
de  Sault ,  et  dame  de  Lourmarin ,  et  Gaspard  de  For- 
bin-Janson,  seigneur  de  Villelaure,  Trés-Emines  et  La 
Roque-d'Antheron,  qui  s'étaient  réfugiés  à  Cadenet 
quand  ils  avaient  vu  la  désertion  en  masse  de  leurs  vas- 
saux, ayant  eu  connaissance  des  desseins  de  d'Oppède, 
s'étaient  rendus  auprès  des  fugitifs  pour  leur  persuader 


(i)  Certains  historiens  assurent  que  d'Oppède  lui  en  voulait  parce  qu'elle 
avait  refusé  sa  main  ;  mais  le  témoin  catholique  bien  informé  que  cite  Cres- 
pin dit  qu'il  s'agissait  non  pas  de  la  baronne,  mais  de  sa  fille,  qu'elle  avait 
refusée  à  un  parent  du  président.  Elle-même  confirme  le  fait  dans  la  plainte 
qu'elle  déposa  après  les  événements  (Voyez  plus  loin). 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  6} 

de  regagner  leurs  demeures;  mais  ils  n'avaient  pas  été 
écoutés,  et  ils  revinrent  à  Cadenet,  où  défense  fut 
faite  à  Forbin-Janson  de  laisser  rentrer  ses  vassaux 
dans  ses  terres,  sous  peine  de  voir  celles-ci  confis- 
quées (i). 

Ce  même  jour,  i8  avril,  d'Oppède,  faisant  sa  jonction 
à  Lauris  avec  Lagarde  et  précédé  d'une  colonne 
d'éclaireurs,  commandée  par  de  Vaugines  et  Redortier, 
se  dirigea  sur  Mérindol.  où  il  ne  trouva  qu'un  «  jeune 
garçon  ,  nommé  Maurice  Blanc  ,  »  dit  de  Bèze  , 
a  homme  fort  simple ,  lequel  s'étant  rendu  prisonnier  à 
un  soldat  avec  promesse  de  deux  écus  pour  sa  rançon, 
d'Oppède  ne  trouvant  aucun  autre  sur  lequel  il  pût  exé- 
cuter sa  rage ,  paya  ces  deux  écus  au  soldat  et,  l'ayant 
fait  attacher  à  un  arbre  ,  le  fit  tuer  à  coups  d'arque- 
buse. »  Les  dernières  paroles  de  ce  malheureux  sont  à 
rappeler.  «  Seigneur  Dieu,  »  dit-il,  «  les  hommes  m'ôtent 
cette  vie  pleine  de  misères ,  mais  tu  me  bailleras  celle 
qui  est  éternelle  par  le  moyen  de  mon  Seigneur  Jésus- 
Christ ,  auquel  soit  gloire!  »  Mérindol,  comme  les  au- 
tres lieux  ,  fut  également  pillé  et  incendié.  Il  comptait 
deux  cents  maisons. 

Quand  Maynier  eut  accompli  son  œuvre  de  destruc- 
tion en  Provence  ,  il  entra  sur  le  territoire  du  comtat 
Venaissin  à  la  tête  de  l'armée.  Il  avait  préalablement 
donné  avis  de  son  expédition  et  rendez-vous  au  légat  du 
pape  Antonio  Trivulcio  ,  qui  réunit  mille  fantassins  et 
trois  canons  doubles  sous  le  commandement  du  capi- 
taine de  Miolans  et  se  mit  en  route  le  19  avril.  Dès  le 
lendemain,  il  faisait  sa  jonction  avec  d'Oppède  sous  les 
murs  de  Cabrières. 

Ce  village ,  qui  était  entouré  de  murailles  et  dont  les 

\i)  Octave  Teissier,  Cadenet  historique,   p.  ij-iy. 


64  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

habitants  n'avaient  pas  fui,  fut  canonné  les  20  et  21  avril 
jusqu'à  7  heures  du  matin.  Soixante  paysans ,  comman- 
dés par  le  trop  célèbre  Marron ,  défendaient  seuls  la 
place ,  aidés  de  trente  femmes  qui  les  servaient.  Ils 
avaient  pratiqué  des  meurtrières  dans  les  murailles  et 
tiraient  sur  l'armée,  mais  sans  lui  faire  grand  mal.  Les 
autres  habitants  s'étaient  réfugiés  dans  les  caves  du  châ- 
teau et  les  femmes  et  les  enfants  dans  l'église.  Une 
brèche  suffisante  ayant  ^té  faite  aux  remparts ,  le  sei- 
gneur du  lieu  ,  qui  suivait  l'armée ,  parlementa  avec  ses 
vassaux,  qui  répondirent  qu'ils  étaient  prêts  à  ouvrir 
leurs  portes  pourvu  qu'on  leur  permît  de  se  retirer  sains 
et  saufs  en  Allemagne  ou  bien  qu'on  leur  donnât  des  ju- 
ges. Ils  consentaient ,  du  reste ,  à  ne  rien  emporter  de 
ce  qui  pouvait  leur  appartenir.  Ledit  seigneur,  d'Oppéde, 
l'évêque  de  Cavaillon  et  Lagarde  acceptèrent  la  seconde 
proposition ,  et  leur  assurèrent  qu'on  examinerait  leur 
cause  en  justice  et  qu'on  n'exercerait  contre  eux  aucune 
violence. 

Là-dessus  ,  Marron ,  ses  compagnons  et  les  femmes 
qui  les  servaient,  sortirent  sans  méfiance  et  sans  armes, 
mais,  quand  ils  furent  à  une  certaine  distance  de  la  place, 
d'Oppéde,  ses  deux  gendres  et  d'autres  gens  de  sa  suite 
se  précipitèrent  sur  eux,  et  en  prirent  dix-huit  (i),  qu'ils 
menèrent  dans  un  pré  voisin,  oij  ils  les  massacrèrent  sans 
pitié.  Le  premier  coup  fut  porté  par  de  Fourrières.  On 
conduisit  leurs  compagnons  à  Avignon  ,  à  Aix  ou  aux 
galères  de  Marseille.  Marron,  dirigé  sur  la  première  de 
ces  villes,  y  fut  brûlé  vif  avec  le  pasteur  Guillaume  Serre 
et  plusieurs  de  ses  compatriotes.  Quant  aux  femmes,  on 
les  enferma,  sur  l'ordre  d'Oppéde,  dans  un  grenier  à 
foin,  où  l'on  mit  le  feu.  Quelques-unes  d'elles,  voulant 

(i)  Selon  d'autres  trente. 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  65 

s'échapper  par  les  fenêtres ,  furent  reçues  sur  des  per- 
tuisanes  ,  mises  à  mort  et  leurs  têtes  portées  en  triom- 
phe. 

Pendant  que  s'accomplissaient  ces  horreurs,  les  sol- 
dats comtadins  entrèrent  dans  la  place  pour  la  piller, 
et  mirent  à  mort  tous  les  hommes  qu'ils  rencontrèrent, 
suivant  le  jugement  rendu  à  Avignon ,  portant  que  tous 
les  habitants  de  Cabrières  seraient  exterminés.  Pour 
ce  qui  est  des  femmes,  filles  et  enfants,  qui  s'étaient  ré- 
fugiés dans  l'église,  leur  sort  fut  épouvantable.  Plusieurs 
personnes  du  sexe  furent  déshonorées  dans  l'église 
même;  d'autres,  qui  étaient  enceintes,  éventrées  ;  d'au- 
tres, précipitées  du  haut  du  clocher  ;  toutes  massacrées 
au  nombre  de  quatre  à  cinq  cents ,  à  l'exception  de 
quelques  jeunes  filles  et  de  quelques  enfants  que  l'on 
vendit  à  Lisle.  Cette  affreuse  tuerie  fut  ordonnée  par 
d'Oppède.  Le  capitaine  Jean  de  Gaye,  qui  reçut  la  mis- 
sion de  l'accomplir,  avait  hasardé  quelques  observations, 
mais  il  fut  menacé  par  le  président  d'être  traité  comme 
rebelle  au  roi  s'il  refusait  d'obéir.  Huit  ou  neuf  cents 
habitants ,  hommes ,  femmes  ou  enfants  périrent  ainsi  à 
Cabrières.  On  vendit  les  survivants  aux  particuliers  et 
les  plus  robustes  aux  capitaines  des  galères.  Le  village 
fut  démantelé ,  rasé  et  on  éleva  sur  ses  ruines  une  co- 
lonne où  l'on  inscrivit  «  l'an  et  jour  que  Cabrières»fut 
prise  et  ruinée  par  Jean  Maynier ,  seigneur  d'Oppède 
et  premier  président  au  Parlement  de  Provence.  » 

Cette  expédition  des  troupes  papales  dans  le  Comtat 
fut  suivie  de  plusieurs  autres,  ayant  le  même  but,  et  du- 
rèrent plusieurs  mois.  «  Chaque  jour,  écrivait  Calvin  à 
Bullinger,  à  la  date  du  24  juillet  (i),  du  comté  d'Avignon 
sont  faites  des  expéditions  contre  ceux  qui  ont  survécu.  » 

(i)  Calvini  opéra,  vol.  XII,  n°  664. 


66  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

En  rentrant  en  Provence,  d'Oppède  donna  ordre  aux 
commissaires  de  l'exécution,  aux  capitaines  et  aux  sol- 
dats,  sujets  du  roi,  qui  avaient  charge  et  commission, 
tant  de  lui  que  d'autres,  de  «  dévaliser ,  ruiner  et  saisir 
les  personnes  et  les  biens  des  sectes  vaudoise  et  luthé- 
rienne et  leurs  complices  atteints  dudit  crime.  »  Il  ex- 
cepta, toutefois  de  l'exécution  son  parent,  le  sieur  de 
Faucon ,  qui  était  luthérien ,  mais  qui  avait  promis  de 
livrer  à  la  justice  ses  vassaux  suspects. 

A  ce  moment,  le  sieur  de  Lacoste,  également  parent 
de  d'Oppède  ,  le  supplia  d'épargner  le  village  de  La- 
coste, moyennant  quoi  il  démolirait  des  remparts  de  la 
place  toute  l'étendue  qu'il  pourrait  désirer,  désarmerait 
lui-même  les  habitants  et  ferait  conduire  à  Aix  ceux 
d'entre  eux  que  le  président  lui  désignerait.  D'Oppède 
promit ,  les  remparts  furent  démolis ,  mais  il  donna  or- 
dre ,  sous  main  ,  à  trois  enseignes  de  soldats  d'aller  se 
saisir  du  village.  Elles  «  pillèrent,  »  dit  de  Bèze,  «  ce  que 
bon  leur  sembla,  brûlèrent  une  partie  du  village,  violè- 
rent femmes  et  filles  et  y  tuèrent  quelques  paysans  sans 
y  avoir  trouvé  aucune  résistance.  »  Aubery  ajoute  que 
des  mères  ,  au  milieu  de  ces  scènes  affreuses ,  donnè- 
rent des  couteaux  à  leurs  filles  pour  qu'elles  se  tuassent 
plutôt  que  d'être  déshonorées  ;  que  celles-ci  criaient 
qtj'on  les  mît  à  mort,  et  qu'une  malheureuse,  qui  s'était 
précipitée  du  haut  des  remparts  pour  échapper  au  der- 
nier outrage,  le  subit  quand  même  à  demi  morte.  D'Op- 
pède ,  il  est  vrai ,  décréta  d'arrestation  les  capitaines 
Beaudoin  et  Labbé  qui  avaient  laissé  consommer  ces 
horreurs,  mais  ce  ne  fut  que  pour  la  forme,  et  le  pre- 
mier reçut  même  plus  tard  de  l'avancement  (i). 


(i)  C'est  vraisemblablement  à   la  suite  de  ces  faits  que  d'Oppède  publia 
une  ordonnance  pour  «  défendre  aux  soudards  en  garnison  en  Provence  de 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  67 

A  Murs  de  sanglants  excès  furent  commis.  Vingt-cinq 
femmes  ou  enfants  s'étant  réfugiés  dans  une  caverne 
pour  sauver  leurs  vies,  une  compagnie  comtadine ,  qui 
avait  pénétré  en  Provence ,  essaya  de  faire  sortir  ces 
malheureux  à  coups  d'arquebuse  et,  n'ayant  pu  y  réussir, 
les  asphyxia  en  allumant  des  broussailles  à  l'entrée  de 
la  grotte. 

D'Oppède  et  ses  complices  n'étaient  pas  seuls  à  être 
animés  de  la  soif  du  pillage.  Les  catholiques,  voisins  des 
villages  vaudois  maltraités,  voulant  avoir  aussi  part  à  la 
curée  générale,  se  mirent  à  courir  le  pays  et  ne  respec- 
tèrent pas  même  les  églises.  Cloches,  croix,  calices  et 
autres  ornements  furent  volés.  Les  seigneurs  d'Ansouis 
et  de  Cucuron  se  signalèrent  dans  ce  pillage,  étrange 
pour  des  catholiques ,  ainsi  que  les  paysans  de  Cucuron 
et  de  Pertuis.  Des  coureurs,  sortis  de  la  Bastide-des- 
Jourdans  et  conduits  par  le  capitaine  Pierre  Martin, 
dévalisèrent  l'église  de  Peypin-d'Aigues  ,  et  des 
paysans  de  Saint-Zacharie  celle  de  La  Motte-d'Aigues. 
Ils  emportèrent  jusqu'aux  tuiles  des  maisons  et  aux  clô- 
tures des  champs.  Une  autre  bande  ,  partie  de  Gram- 
bois ,  Montjustin  et  Montfaron,  se  rendit  coupable  des 
mêmes  excès. 

A  ce  moment,  douze  ou  treize  villages  étaient  incen- 
diés ou  ruinés.  Les  hommes  valides  qu'on  avait  pu  sai- 
sir furent  conduits  aux  galères  par  bandes  de  trente  , 
cinquante  et  deux  cents,  et  les  fuyards  exposés  à  mou- 
rir de  faim,  car,  le  24  avril ,  d'Oppède  avait  fait  défen- 
dre ,  sous  peine  de  confiscation  de  corps  et  de  biens  , 
de  donner  des  vivres ,  munitions,  aide  ou  asile  aux  ha- 


courir  sus  aux  sujets  de  Sa  Majesté  et  de  les  trousser,  piller  et  maltraiter  , 
sous  prétexte  qu'ils  sont  suspects  d'hérésie  »  (21  avril  1545);  mais  on  verra 
plus  loin  qu'elle  n'arrêta  pas  les  excès  (Arch.  des  Bouch.-du-Rhône,  B,  22 J). 


68  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

bitants  de  Mérindol  et  autres  lieux,  convaincus  ou  sus- 
pects d'hérésie  (i). 

Le  commissaire  Lafond  et  le  grand  sénéchal  de  Pro- 
vence avaient  fait  faire  les  mêmes  criées.  Cette  mesure 
barbare  causa  la  mort  d'un  grand  nombre  de  femmes  , 
vieillards  et  enfants,  qui  périrent  dans  les  champs  ou  le 
long  des  chemins.  Près  du  château  de  la  Tour-d'Ai- 
gues,  il  en  mourut  une  si  grande  quantité  que  les  cada- 
vres engendrèrent  une  sorte  de  peste,  dont  furent  victi- 
mes plus  de  cent  cinquante  habitants.  On  trouva  dans 
un  pré  un  homme  mort  qui  avait  rongé  l'herbe  autour  de 
lui. 

REQUÊTE    DES    VAUDOIS.    LEUR    ASSEMBLÉE    AU    DÉSERT 

(M45)- 

Nous  avons  dit  qu'à  l'approche  de  d'Oppède  les  ha- 
bitants de  Mérindol  avaient  tous  fui.  Ils  se  retirèrent 
d'abord  dans  les  bois  voisins,  «  ce  qui  formait,  »  dit  de 
Thou,  «  le  plus  triste  spectacle  du  monde,  car  on  voyait 
marcher  pêle-mêle,  à  travers  les  champs  ,  les  vieillards 
avec  les  enfants  et  les  femmes  qui  emportaient  des  pe- 
tits ,  les  uns  dans  des  berceaux  ,  d'autres  entre  leurs 
bras  ou  dans  leur  sein  en  poussant  des  cris  pitoyables.  » 
Le  lendemain  ,  la  troupe  s'avança  plus  avant  dans  les 
bois  et  apprenant  que  d'Oppède  qui  se  dirigeait  à  ce 
moment  vers  Cabrières,  passait  non  loin  de  là,  les  hom- 
mes se  séparèrent  des  femmes  et  des  enfants,  que  leurs 
ennemis,  pensaient-ils,  n'oseraient  pas  massacrer  et  ga- 


(i)  Cette  défense  ne  fut  pas  lettre  morte,  et,  près  d'un  mois  après,  le 
15  mai  1545,  on  faisait  un  enquête  sur  des  transports  de  vivres,  qui  avaient 
été  effectués  de  IVIallemort  à  IVIérindol  et  l'on  menaçait  «  de  confiscation  de 
corps  et  de  biens  »  ceux  qui  ne  voudraient  pas  en  témoigner  (Archives  des 
Bouch.-du-Rhône,  B,  225). 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  69 

gnèrent  le  sommet  du  petit  Léberon ,  d'où,  apercevant 
les  villages  de  la  contrée  tout  en  feu,  ils  prirent  !e  che- 
min de  Murs,  situé  plus  au  nord  dans  la  chaîne  de  Vau- 
cluse,  où  toute  la  troupe  se  réunit. 

Cependant  d'Oppède,  dès  qu'il  avait  été  informé  que 
les  habitants  de  Mérindol  s'étaient  enfuis,  et  avant  même 
qu'il  eût  incendié  ce  lieu ,  avait  lancé  une  partie  de  ses 
gens  à  leur  poursuite.  Arrivés  dans  les  environs  de 
Murs,  un  soldat  se  détacha  furtivement  de. ses  compa- 
gnons ,  courut  bien  au-devant  d'eux  et  jeta ,  du  haut 
d'un  rocher,  deux  pierres  dans  un  lieu  où  il  pensait 
que  les  Vaudois  s'étaient  réfugiés ,  en  même  temps 
qu'il  criait  de  toutes  ses  forces  que  le  danger  était  pres- 
sant et  qu'il  fallait  se  hâter  de  fuir.  Quelques  personnes 
de  Murs  sortirent  de  leur  côté  pour  presser  de  partir 
les  femmes  et  les  enfants  vaudois,  campés  dans  le  voi- 
sinage avec  Jean  Perrier,  pasteur  de  Mérindol,  et  leurs 
guides,  et  ils  leur  indiquèrent,  au  milieu  des  broussailles, 
un  ciiemin  inconnu ,  qui  pouvait  favoriser  leur  retraite. 
Mais  au  même  moment  arrivèrent,  l'épée  à  la  main, 
les  gens  de  d'Oppède,  qui,  ne  respirant  que  le  sang  et 
le  carnage,  auraient  massacré  toute  cette  troupe  inof- 
fensive, si  les  menaces  de  leurs  officiers  ne  les  eussent 
arrêtés.  Ils  se  contentèrent  de  les  dépouiller  de  leurs 
effets  et  de  leur  enlever  leurs  bestiaux. 

Délivrés  de  cette  nouvelle  épreuve  par  l'effet  d'une 
générosité  que  nous  sommes  heureux  d'applaudir,  et  qui 
nous  repose  un  peu  de  toutes  les  scènes  d'horreur  aux- 
quelles nous  venons  d'assister,  les  Mérindoliens,  réfu- 
giés dans  les  montagnes,  «  ayant  fait  présenter  requête 
au  président  d'Oppède,  »  dit  Crespin',  «  le  suppliaient 
qu'il  lui  plût  octroyer  passage  pour  se  retirer  aux  villes 
d'Allemagne,  où  on  avait  églises  réformées  selon  la  doc- 
trine de  l'Evangile,  se  soumettant  de  quitter  et  aban- 


70  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

donner  tous  leurs  biens,  meubles  et  immeubles,  moyen- 
nant qu'il  leur  fût  permis  de  se  retirer  avec  leurs 
femmes  et  leurs  enfants  au  pays  des  anciens  amis  et 
alliés  de  la  France,  n'ayant  que  leur  chemise  pour  cou- 
vrir leur  chair.  D'Oppède,  ayant  entendu  le  contenu 
de  cette  requête,  répondit  :  «  Je  sais  ce  que  j'ai  à  faire 
de  ceux  de  Mérindol  et  de  leurs  semblables  ;  je  veux 
les  prendre  tous  sans  qu'aucun  puisse  échapper  de  mes 
mains,  et  les  enverrai  habiter  au  pays  d'enfer  avec  tous 
les  diables,  et  eux,  et  leurs  femmes  et  leurs  enfants,  et  en 
ferai  telle  destruction  que  j'en  ôterai  la  mémoire  à  ja- 
mais. »  Les  Mérindoliens  avaient  adressé  la  même  re- 
quête à  Lagarde,  qui,  tout  cruel  qu'il  fût,  paraissait  dis- 
posé à  y  donner  suite,  mais  d'Oppède  eut  bientôt  arrêté 
ce  bon  mouvement. 

Apprenant  l'inutilité  de  leur  demande,  les  Vaudois  se 
réunirent  en  assemblée  générale  pour  prendre  un  parti. 
Après  les  exhortations  et  les  prières  des  pasteurs  et 
des  anciens,  chacun  fut  appelé  à  donner  son  avis.  Voici 
quelques  extraits  des  paroles  remarquables  qui  furent 
prononcées  à  cette  occasion  : 

Un  premier  vieillard  :  «  La  moindre  sollicitude  que 
nous  devons  avoir,  c'est  de  notre  bien  et  de  notre  vie; 
mais  la  plus  grande  et  principale  crainte  qui  doit  nous 
émouvoir,  c'est  que  par  tourmients  et  par  infirmités  nous 
ne  défaillions  en  la  confession  de  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ  et  de  son  saint  Evangile...  Qu'il  n'y  ait  ni  feu,  ni 
flammes,  ni  glaive,  ni  famine,  pour  grande  qu'elle  soit, 
ni  bombardes  ou  canons,  qui  puisse  ébranler  notre  foi. 
Mes  amis,  crions  à  Dieu,  et  le  Seigneur  aura  pitié  de 
nous.   » 

Un  deuxième  vieillard  :  «  Les  hommes  aveugles  se 
sont  élevés  contre  nous  pour  nous  affliger  par  injures, 
par  outrages,  par  blâmes,  destructions,  fausses  accusa- 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  71 

lions,  pour  nous  mettre  à  mort,  pour  nous  tenailler,  pour 
nous  démembrer  et  exécuter  sur  nous  toutes  manières 
de  tourments  et  les  plus  cruels  dont  ils  se  pourront  avi- 
ser; mais  mourons  en  notre  simplicité,  et  le  ciel  et  la 
terre  seront  témoins  qu'ils  nous  détruiront  injustement. 
Comme  la  volonté  de  Dieu  sera,  ainsi  soit-il  fait...  Mou- 
rons plutôt  tous  que  de  laisser  la  loi  et  les  ordonnances 
de  Dieu  et  la  doctrine  du  saint  Evangile.  » 

Un  troisième  vieillard  :  «  Nous  voyons  souvent  que 
Dieu  se  moque  des  entreprises  des  hommes ,  de  leurs 
conseils  et  déterminations...  Nous  sommes  plusieurs 
anciens  que  le  Seigneur  a  par  plusieurs  fois  délivrés  de 
grands  périls...  Et  maintenant,  que  devons-nous  de- 
mander au  Seigneur  Dieu ,  sinon  qu'il  lui  plaise  nous 
donner  à  tous  le  cœur  de  l'honorer  et  le  craindre  de 
tout  notre  cœur,  et  de  mettre  toute  notre  confiance  en 
lui  ?  » 

Un  quatrième  vieillard  :  «  Le  Seigneur,  qui  seul  peut 
tout  ce  qu'il  veut,  ne  permettra  point  qu'un  seul  cheveu 
de  notre  tête  tombe  en  terre  sans  sa  volonté...  S'il  a 
ordonné  de  nous  délivrer  tous  ou  aucun  de  nous ,  nul 
ne  lui  pourra  résister.  S'il  lui  plaît  que  nous  mourions 
tous,  ne  craignons  point,  car  il  a  plu  à  notre  Père  de 
nous  donner  une  autre  habitation ,  qui  est  le  royaume 
céleste...  Réjouissons-nous  en  nos  tribulations  ,  sachant 
que  notre  tristesse  sera  tournée  en  joie.  » 

Un  cinquième  vieillard  :  a  Au  livre  de  Judith,  il  est 
dit  que  tous  les  fidèles  qui  ont  plu  à  Dieu  sont  ainsi 
passés  par  plusieurs  tribulations.  Si  ainsi  est  donc  que 
par  icelles  tribulations  il  nous  faut  entrer  au  royaume 
de  Dieu,  le  Seigneur  montre  bien  qu'il  a  le  soin  de 
nous...  Mettons-nous  donc  en  sa  sauvegarde  et  pro- 
tection, et  nous  ne  craindrons  point  chose  que  l'homme 
nous  puisse  faire.  » 


72  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

Plusieurs  jeunes  gens  parlèrent  après  les  vieillards. 
«  Le  Seigneur,  »  dirent-ils,  «  nous  envoie  les  afflictions 
pour  nous  humilier  et  éprouver  notre  patience,  pour  nous 
faire  connaître  nos  péchés  et  lui  demander  merci ,  afin 
qu'il  ait  pitié  de  tous...  Nous  avons  besoin  de  prières 
ardentes  pour  demander  merci  et  miséricorde,  pour  ob- 
tenir grâce  que  nous  puissions  plier  notre  col  sous  le 
joug  de  Dieu.  » 

D'autres  jeunes  gens  s'exprimèrent  ainsi  :  «  S'il  plaît 
à  Dieu  nous  retirer  à  soi ,  que  ce  soit  sans  regret  des 
biens  de  ce  monde...  Si  c'est  son  bon  plaisir  de  nous 
délivrer  de  la  sentence  de  mort  donnée  contre  nous, 
que  ce  soit  pour  servir  à  son  honneur  et  gloire.  » 

«  En  cette  sorte,  »  dit  Crespin ,  qui  nous  a  con- 
servé le  récit  de  cette  assemblée  émouvante,  «  le  résidu 
de  la  dispersion  de  Mérindol  se  fortifiait  et  avec  telle 
ferveur  de  zèle  embrassait  les  promesses  du  Seigneur, 
qu'il  n'y  eut  personne  en  la  compagnie  qui  ne  donnât 
consentement  aux  exhortations  des  anciens,  avec  propos 
et  délibération  d'endurer  plutôt  les  horribles  menaces 
des  ennemis  et  toute  cruauté  et  dernière  oppression  , 
que  donner  semblant  d'abjuration  ou  renoncement  de  la 
vérité.  » 

CONTINUATION   DES  VIOLENCES.  BILAN   DE  l'eXÉCUTION 

(1545)- 

On  aurait  pu  croire  que  les  persécuteurs  des  Vaudois 
seraient  enfin  rassasiés  de  tous  les  actes  de  sauvagerie 
qu'ils  venaient  de  commettre  :  il  n'en  fut  rien.  Les  vio- 
lences continuèrent  en  Provence  comme  dans  le  comtat 
Venaissin. 

Au  moment  de  rentrer  à  Aix  (3  mai) ,  d'Oppède,  qui 
feignait  de  redouter  des  représailles  de  la  part  des  fugi- 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  73 

tifs,  donna  commission  aux  capitaines  de  Vaugines, 
Redortier  et  Joseph  d'Agoult,  sieur  de  Rougon,  de 
surveiller  les  montagnes  du  Léberon  qui  servaient  de 
retraite  aux  Vaudois.  Au  lieu  de  remplir  leur  mission, 
les  trois  capitaines  et  leurs  bandes  se  comportaient  en 
véritables  brigands,  «  pillant  et  ravageant  les  sujets  du 
roi,  bons  et  fidèles  ;  n'ayant  égard  à  personne ,  forçant 
et  violant  les  femmes ,  »  vendant  les  jeunes  filles  et 
les  enfants. 

Peu  après,  d'Oppède,  pour  protéger,  disait-il  encore, 
la  petite  ville  de  Saint-Saturnin,  voisine  d'Apt,  que  per- 
sonne ne  songeait  à  attaquer,  forma  une  quatrième  co- 
lonne volante  aux  ordres  du  viguier  d'Apt,  qui  suivit  les 
traces  de  ses  collègues. 

Les  troupes  chargées  en  deux  fois  par  les  commis- 
saires, le  17  avril  et  le  2  mai,  de  garder  le  butin  consi- 
dérable fait  pendant  l'expédition  (i),  se  livrèrent  aux 
mêmes  excès.  Elles  étaient  commandées  par  Valéry 
Passaire,  de  Simiane,  et  Antoine  Bot,  sieur  de  Saignon, 
juge  royal  du  vicomte  des  Martigues. 

Le  sieur  de  Faucon,  parent  de  d'Oppède,  et  à  qui  ce 
dernier  avait  confié  la  mission  de  rechercher  ses  vassaux 
luthériens,  se  rendit  coupable  des  mêmes  pilleries. 

Vers  le  même  temps,  on  procéda  à  la  vente  des  ré- 
coltes en  terre  des  Vaudois.  Neuf  villages  avaient  été 
détruits  par  l'incendie  ;  on  vendit  les  récoltes  de  dix- 
huit.  Le  conseiller  Lafond,  qui  présida  l'opération,  eut 
soin  d'écarter  les  enchérisseurs  pour  favoriser  ses  créa- 
tures,  et   donna  pour    13,325   écus    ce   qui   en   valait 


(i)  Le  procès-verbal  de  la  tournée  que  fit  le  bailli  de  Lambesc  aux  lieux 
de  Rogues,  Mallemort,  Mérindol,  La  Roque-d'Antheron,  Saint-Estève-de- 
Janson  ,  d'Alleins,  etc.,  à  l'effet  de  procéder  à  l'inventaire  des  biens  et  meu- 
bles provenant  des  luthériens  et  des  Vaudois,  est  du  21  avril  154J  (Arch.  des 
Bouch.-du-Rhône ,  B,  22c). 


74  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

100,000  (i).  Cet  argent  servit  à  payer  les  commissaires 
et  les  autres  frais  de  l'expédition.  Quant  aux  meubles  et 
au  bétail,  il  resta  la  propriété  des  gens  de  guerre,  qui 
s'en  étaient  saisis. 

Après  trois  semaines  d'excès  de  toutes  sortes,  les 
commissaires  rentrèrent  à  Aix  avec  les  prisonniers. 
C'était  le  4  mai.  Dès  le  lendemain,  ils  rendirent  compte 
de  leur  conduite  au  Parlement,  qui  l'approuva  de  tous 
points  et  rendit  un  arrêt  portant  que  tous  les  crimes 
commis  par  les  capitaines  et  les  soldats  de  d'Oppède 
l'avaient  été  par  les  Vaudois  retirés  dans  les  montagnes  ; 
que  l'exécution  ordonnée  par  le  roi  et  commencée 
contre  les  hérétiques  s'étendrait  à  toute  la  Provence, 
pour  l'entière  extirpation  des  sectes  vaudoise  et  luthé- 
rienne ;  que  des  commissaires  seraient  désignés  pour 
informer  contre  eux  sur  les  lieux,  que  ceux  de  ces  der- 
niers qui  abjureraient  seraient  envoyés  aux  galères,  leurs 
femmes  et  leurs  enfants  enfermés  dans  des  maisons  pour 
être  instruits  dans  la  religion  catholique,  et  leurs  biens 
vendus. 

Cet  arrêt,  paraît-il,  ne  fut  pas  rendu  conformément 
aux  procédures  ordinaires,  et  quelques  conseillers  s'en 
plaignirent.  C'est  pourquoi  trois  semaines  après  (20  mai), 
d'Oppède  assembla  le  Parlement,  qui  rendit  un  nouvel 
arrêt  portant  que  les  Vaudois  habitant  des  lieux  sus- 
pects ,  ceux  qu'on  aurait  trouvés  en  armes  et  ceux  qui 
seraient  soupçonnés  d'hérésie  seraient  envoyés  aux  ga- 
lères, et  que,  quant  aux  Vaudois  qui  n'étaient  ni  rebelles 
ni  suspects,  ils  seraient  mis  en  liberté. 


(i)  Il  en  fut  de  même  pour  les  biens  meubles;  vendus  à  l'encan  public 
dans  les  lieux  de  Lambesc,  Rogues,  Maliemort ,  Le-Puy-Sainte-Réparade , 
Orgon,  Aileins,  et  Saint-Cannat  (25  juin  i54?-ii  août).  On  vendit  une  jument 
ij  livres,  une  mule  25  1.  5  sols,  un  âne  15  1.  4  s.,  un  bœuf  7  1.  19  s.,  etc. 
(Idem,  B,  250). 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  75 

Cependant  les  commissaires,  nommés  par  l'arrêt  du 
5  mai  pour  informer  contre  les  hérétiques  vaudois  et 
luthériens,  se  mirent  en  route.  C'étaient  les  conseillers 
Antoine  Rolland,  seigneur  de  Reillannette,  et  François 
de  Gêna,  seigneur  d'Eguilles.  Ils  avaient  reçu  l'ordre 
de  laisser  partir  pour  l'étranger  les  Vaudois  qui  en  ma- 
nifesteraient l'intention.  C'était  afin  qu'on  pût  se  saisir 
plus  facilement  de  leurs  biens.  Arrivés  sur  les  lieux,  ils 
furent  témoins  des  souffrances  des  Vaudois  dépossédés 
et  leur  firent  distribuer  des  vivres  à  Murs,  Roussillon, 
Beaumettes  et  Saignon.  D'autre  part,  ils  reçurent  des 
plaintes  sans  fin  sur  les  excès  de  tout  genre  commis  par 
d'Oppède ,  Lafond  et  les  divers  capitaines  chargés  de 
surveiller  les  Vaudois  ou  de  garder  le  butin.  Quant  à 
leur  mission  d'informer,  ils  ne  purent  la  remplir,  attendu 
que  ni  le  procureur  général  du  roi  ni  le  promoteur  de 
l'évêque  ne  purent  leur  fournir  des  témoins.  D'Oppède, 
du  reste,  les  rappela  bientôt  lorsqu'il  apprit  qu'on  les 
accablait  de  révélations  sur  les  crimes  qu'il  avait  commis 
ou  laissé  commettre  pendant  l'expédition. 

Le  Parlement  fit  après  cela  le  procès  des  Vaudois 
prisonniers  ou  fugitifs  et  en  condamna  à  mort  255  pour 
crime  d'hérésie  et  16  pour  crimes  de  droit  commun  (i)  ; 
460  furent  relâchés  parce  qu'on  ne  trouva  aucune  charge 
contre  eux,  et  on  fit  grâce  à  47,  qui  abjurèrent.  C'étaient 
des  vassaux  de  M™^  de  Cental.  666  Vaudois  ayant  été 
envoyés  aux  galères  de  Marseille  depuis  le  commence- 
ment de  l'expédition,  le  Parlement  chargea  le  conseiller 
Gaspard  d'Arcussis,  sieur  d'Esparron,  de  les  visiter.  Il 
trouva  parmi  eux  des  enfants  de  treize,  quatorze  et  quinze 


(i)  Il  s'agit  sans  doute  ici  des  Vaudois  qui  avaient  pris  part  à  l'affaire  du 
Plan  d'Apt  et  de  ceux  qui  avaient  accompagné  Marron  dans  son  expédition 
contre  Cabrières. 


76  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ans  et  des  vieillards  de  quatre-vingts.  Les  uns  et  les  au- 
tres souffraient  du  froid  et  étaient  soumis  à  un  régime 
alimentaire  plus  qu'insuffisant.  Il  leur  fit  donner  des  cou- 
vertures. 200  d'entre  eux  avaient  déjà  succombé. 

Lorsqu'on  fit  plus  tard  le  bilan  général  de  l'expédi- 
tion, on  trouva  qu'en  Provence  seulement  1840  per- 
sonnes de  tout  âge  et  de  tout  sexe  avaient  été  tuées, 
et  que  1000  autres  étaient  mortes  de  faim,  de  fatigue  ou 
de  frayeur,  c'est-à-dire  près  de  3000,  et,  en  comptant 
les  900  victimes  de  Cabrières  du  Comtat,  environ  4000  (  i  ) . 

D'un  autre  côté,  on  compta  764  maisons,  89  étables, 
31  jas  (écuries  en  rase  campagne)  et  22  villages  incen- 
diés ou  ruinés  en  partie  ou  en  totalité.  M""^  de  Cental 
perdit,  pour  sa  part  seule,  1,200  florins  de  revenus  an- 
nuels (7,200  fr.).  Quelques-uns  de  ces  villages  ne  furent 
pas  rebâtis,  notamment  Trés-Emines,  dont  on  voit  encore 
des  vestiges  au  bas  de  la  montagne  qui  porte  ce  nom 
et  qui  domine  Villelaure  au  nord  (2). 


EMIGRATION    DES    VAUDOIS    (1545)- 

Les  Vaudois ,  réfugiés  dans  les  montagnes  du  Lébe- 
ron  ou  de  Vaucluse,  et  composés  surtout  des  habitants 


(1)  «  Est  chose  très  assurée  qu'il  y  eut  plus  de  quatre  mille  personnes  mises 
à  mort,  lesquelles,  sans  faire  aucune  résistance ,  requéraient  miséricorde  » 
(Sarpi,  Histoire  du  Concile  de  Trente,  2'  éd.,  1635,  p.  156). 

(2)  L'expédition  contre  les  Vaudois  ne  faisait  pas  oublier  au  Parlement  les 
autres  luthériens  de  Provence,  car  nous  le  voyons  condamner  à  la  prison  , 
par  son  arrêt  du  29  janvier  1545,  un  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Dominique, 
nommé  Mutonis,  accusé  d'hérésie  (Arrêtés...  des  registres  secrets...  du  Parle- 
ment d'Aix,  bibl.  d'Aix,  mss.  907).  Il  déclara  coupable  d'hérésie,  par  un 
autre  arrêt,  Etienne  Boniface,  citoyen  de  Marseille,  qui  paraît  avoir  été  un 
maître  artisan ,  et  confisqua  ses  biens.  Sa  maison  fut  adjugée  au  prix  de 
820  écus  d'or ,  une  autre  maison  140  écus ,  son  établi  191  écus ,  etc. ,  le  tout 
2640  livres,  19  sols  tournois  (Arch.  des  Bouch.-du-Rhône,  B,  229;  14  juil- 
let IÇ4Î). 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    REFORME    EN    PROVENCE.  77 

de  Mérindol,  durent  prendre  un  parti,  car  depuis  l'or- 
donnance de  d'Oppède  du  24  avril,  ils  ne  trouvaient  ni 
vivres  ni  abri.  Plusieurs,  pressés  par  la  faim,  se  vendi- 
rent ;  ((  d'autres  se  cachèrent  chez  de  braves  gens  qui 
n'hésitèrent  point  à  exposer  leur  propre  vie  pour  les 
arracher  à  la  mort  (i);  »  mais  le  plus  grand  nombre 
cherchèrent  un  refuge  auprès  de  leurs  frères  du  Piémont 
ou  à  Genève. 

Dans  cette  dernière  ville,  on  les  reçut  avec  beaucoup 
d'humanité.  Jean  Perrier,  leur  pasteur,  raconta  comment 
il  avait  été  contraint  de  se  sauver  en  chemise  et,  le 
14  mai  1 545 ,  il  lui  fut  alloué  par  le  Conseil  un  secours 
de  4  écus.  On  le  nomma  ensuite  pasteur  à  Bossey- 
Neydans.  Le  Conseil  vota  aussi  10  écus  pour  soulager 
ses  compagnons  d'infortune,  indépendamment  d'une  col- 
lecte générale  qui  fut  ordonnée  à  cette  occasion  (2).  Un 
autre  pasteur  réfugié ,  nommé  Nicolas,  que  le  réforma- 
teur Viret  estimait  fort,  fut  nommé,  semble-t-il ,  dans 
une  égh'se  du  canton  de  Vaud  (3). 

Pour  donner  aux  Vaudois  les  moyens  de  gagner  ho- 
norablement leur  vie  ,  on  les  fit  travailler  aux  fortifica- 
tions de  Genève.  «  Environ  ce  temps,  »  dit  curieuse- 
ment Michel  Roset  (4),  «  furent  mis  en  oeuvre  à  faire  les 
fosseaux  (fossés)  de  la  ville  les  pauvres  de  Mérindol  et 
de  Cabrières,  qu'on  avait  logés  à  l'hôpital  pestilentiel  : 
Dieu  bénissant  leur  labeur,  car  ils  étaient  nourris  et  se 
voyait-on  crokre  l'ouvrage  qui  leur  était  mis  en  main , 
sur  lequel  ils  invoquaient  Dieu  de  soir  et  de  matin   et 


(i)  Lettre  de  Calvin  à  Bullinger  du  24  juillet  1545  {Cabini  opéra,  t.  XII , 
n»  664) . 

(2)  Reg.  du  Conseil,  vol.  XL,  fol.  114. 

(5)  Calvini  opéra,  t.  XII,  n»'  692  et  706. 

(4)  Chroniques  de  Genève,  chap.  J9  (mss.  des  archiv.  de  l'Hôtel-de-Ville  de 
Genève)  ;  —  Reg.  du  Conseil,  vol.  XLVIII,  fol.  51,  55. 


y8  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

à  leur  réfection  (repas).  Ils  introduisirent  la  façon  du 
pays,  chacun  selon  son  œuvre,  et  non  à  journées,  par 
le  moyen  de  petits  marreaux  (jetons)  de  plomb  qu'on 
livrait  pour  chaque  voyage  ;  tellement  que  celui  qui  était 
las  de  travail  se  pouvait  retirer  à  quelle  heure  qu'il  vou- 
lait, et,  si  était  payé,  rendait  les  marreaux.  » 

Neuf  ans  plus  tard ,  les  Vaudois  réfugiés  prièrent  le 
Conseil  de  leur  alberger  les  terres  incultes  qui  se  trou- 
vaient dans  les  mandements  de  Jussy,  de  Peney  et  d'ail- 
leurs; ce  qui  leur  fut  accordé  par  décision  du  lo  mai  1 5  54 
du  conseil  des  Deux  Cents. 

Les  Vaudois  qui  se  retirèrent  auprès  de  leurs  frères 
des  Vallées  vaudoises  du  Piémont  furent  également 
«  reçus  avec  toutes  sortes  d'assistances  possibles,  »  dit 
l'historien  Gilles  (i). 


PLAINTES    INUTILES    DE    M™^   DE    CENTAL    AU     ROI  ,    QUI 
APPROUVE    l'expédition    (1545). 

Cependant  M™® de  Cental,  dont  la  fortune  avait  subi  un 
grave  dommage  de  l'expédition  contre  les  Vaudois ,  se 
plaignit  à  François  1^""  des  excès  de  d'Oppède  qui , 
d'après  elle,  n'avait  agi  que  par  ambition  et  cupidité,  et 
parce  qu'il  n'avait  pu  obtenir  la  main  de  sa  fille  pour 
un  de  ses  parents.  Comme  cette  dame  avait  rendu 
de  grands  services  à  la  France  en  laissant  passer 
librement  les  troupes  royales  par  ses  terres  de  De- 
monte,  Roqua  Sparvera  et  Centalo  dans  le  marquisat 
de  Saluées,  sur  le  revers  oriental  des  Alpes,  François  I^"" 
demanda,  le  lo  juin  1 545,  au  Parlement  d'Aix  le  procès- 
verbal  de  l'exécution  et  une  copie  de  l'arrêt  de  contu- 

(i)  Pages  49  et  50. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  7g 

mace,  malgré  les  instances  de  de  Fourrières,  que  d'Op- 
pède  avait  envoyé  à  la  cour  pour  contre-balancer  l'effet 
de  la  plainte  de  M"'^  de  Cental,  et  qui,  dès  le  26  avril, 
avait  été  félicité  de  ses  exploits  par  le  cardinal  de  Tour- 
non  ,  l'implacable  ennemi  des  Vaudois  et  des  luthé- 
riens. 

La  reine  de  Navarre,  la  célèbre  Marguerite,  ne  fut 
pas  étrangère  sans  doute  à  la  détermination  de  son 
royal  frère.  Farel  écrivait  à  Calvin ,  dans  une  lettre  du 
1 5  mai  1 545  (i),  que  de  Fourrières  s'étant  rendu  auprès 
d'elle  pour  lui  raconter  le  massacre  des  Vaudois,  «  elle 
versa  beaucoup  de  larmes  sur  le  malheureux  sort  des 
pieux,  accueillit  durement  le  messager  et  menaça  le  pré- 
sident d'Oppède  en  disant  :  a  Votre  beau-père  a  ar- 
rangé tout  cela;  mais  moi  je  m'efforcerai  de  faire  en 
sorte  que  celui  qui  a  fait  le  mal  prenne  la  fuite  plutôt 
que  les  autres  ;  d  et  Fourrières  étant  tombé  sur  l'heure 
à  ses  genoux  ,  elle  ne  lui  dit  point  de  se  relever. 
Quant  à  François  I®"",  après  avoir  ouï  le  récit  de 
Fourrières ,  il  dit  cyniquement  :  «  C'est  une  belle  dé- 
faite. » 

Le  Farlement  ayant  répondu  à  la  demande  du  roi  que 
c'était  aux  exécuteurs  de  l'arrêt  à  rendre  compte  de 
leur  commission,  Lafond  rédigea  un  procès-verbal  chargé 
des  plus  odieuses  calomnies  contre  les  Vaudois,  auquel 
de  Tributiis  ne  voulut  pas  apposer  sa  signature.  De 
Badet  seul  y  mit  la  sienne.  Lafond  porta  lui-même  le 
procès-verbal  au  roi  et  le  procureur  général  de  Fiol- 
lenc  adressa  de  son  côté  une  requête  à  François  I^' 
pour  le  prier  de  renvoyer  M'"^  de  Cental  des  fins  de  sa 
plainte  et  d'ordonner  au  Farlement  de  détruire  entière- 
ment les  Vaudois,  ou  tout  au  moins  de  les  expulser  en 

(i)  Cahini  opéra,  vol.  XII,  n"  64?. 


8o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

masse,  sous  peine  du  feu  pour  ceux  qui  se  refuseraient 
à  partir.  Dans  une  seconde  requête,  conçue  à  peu  près 
dans  les  mêmes  termes ,  de  Piollenc  priait  le  roi  de 
décharger  les  conseillers  commissaires  de  la  responsa- 
bilité de  l'exécution  de  l'arrêt.  Ces  deux  pièces  furent 
rédigées  par  d'Oppède  lui-même. 

Lafond  eut  la  triste  audace  d'affirmer  au  roi  que  tous 
les  habitants  des  villages  brûlés  ou  saccagés  étaient 
connus  et  avaient  été  jugés  comme  hérétiques,  et,  sou- 
tenu par  le  cardinal  de  Tournon ,  il  obtint  du  roi  des 
lettres  patentes  d'approbation. 

Ces  lettres,  datées  du  i8  août  1545  (i),  pardonnaient 
aux  Vaudois  prisonniers  qui  abjureraient  leurs  erreurs , 
ordonnaient  l'extermination  de  ceux  qui,  étant  en  fuite, 
ne  se  présenteraient  pas  devant  le  Parlement  pour  faire 
leur  soumission ,  et  mandaient  au  comte  de  Grignan  et 
à  d'Oppède,  qui  le  remplaçait  provisoirement  comme 
lieutenant  général ,  de  prêter  main-forte  au  Parlement , 
si  besoin  était. 

Fort  de  ces  nouveaux  ordres,  d'Oppède  leva  quatre 
cents  hommes ,  et  le  Parlement  ratifia  de  son  côté  les 
arrêts  précédemment  rendus.  Lagarde,  qui  avait  besoin 
de  forçats  pour  ses  galères,  écrivit  à  d'Oppède  d'activer 
le  jugement  des  prisonniers,  de  telle  sorte  que,  sur 
l'ordre  du  président ,  tous  les  procès  touchant  les 
Vaudois  furent  vidés  avant  qu'aucune  autre  affaire  cri- 
minelle vînt  en  délibération.  Feignant  ensuite  des  sen- 
timents d'humanité,  il  se  rendit  à  Marseille  pour  visiter 
les  forçats ,  et  leur  fit  donner  un  médecin.  Le  roi 
le  félicita  de  son  bon  ordre  ,  et  le  pape  de  la  manière 
habile  et  énergique  dont  il  avait  mené  l'expédi- 
tion. 

(i)  Frossard  les  donne  in  extenso,  p.  195  à  200. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  8l 

DÉMARCHE  DES  ALLEMANDS  ET  DES  SUISSES  EN  FAVEUR 
DES  VAUDOIS  (l).  RÉPONSES  DE  FRANÇOIS  I^^  DÉVOUE- 
MENT  DE   CALVIN    (1545,    1546). 

La  nouvelle  du  massacre  des  Vaudois  et  du  saccage- 
ment  de  leurs  villages  fut  apportée  à  Genève  par  un 
messager  à  la  fin  d'avril  (2) .  Calvin  en  fut  atterré.  «  La 
chose  a  été  si  atroce,  »  écrit-il  à  Farel  (3),  «  que  j'en 
suis  stupéfait  en  y  pensant.  Tant  s'en  faut  que  je  puisse 
l'exprimer  par  des  mots.  »  Mais,  sans  se  laisser  aller  à 
des  regrets  stériles,  le  grand  Réformateur  songea  immé- 
diatement aux  moyens  de  venir  en  aide  à  ses  frères 
malheureux.  Après  en  avoir  délibéré  avec  le  Conseil  le 
4  mai ,  il  fut  convenu  qu'il  se  rendrait  immédiatement , 
au  nom  de  ce  dernier,  à  Berne,  Bâle  et  Zurich,  auprès 
des  églises  helvétiques,  et  à  Strasbourg  «  pour  obtenir 
quelque  subvention  en  faveur  des  Vaudois  et  afin  de 
disposer  lesdites  villes  à  envoyer  des  ambassadeurs  au 
roi  pour  le  prier  de  faire  cesser  cette  persécution  (4).  » 

Il  donna  rendez-vous  à  Farel  à  Berne  pour  remplir 
sa  mission  avec  lui  et  partit  le  5  mai  (5).  Le  12  il  était 
à  Zurich,  où  il  exposa  en  détail  aux  seigneurs  du  Con- 
seil le  massacre  immense  qui  avait  été  commis  et  les 
noms  des  bourgs  et  villages  incendiés  ou  saccagés. 
Profondément  émus  de  son  récit ,  les  seigneurs  convo- 
quèrent pour  le  21  à  Aarau  une  assemblée  générale  des 
cantons  de  Berne,  Bâle,  Schafîouse,  Saint-Gall,  Zurich 

(t)  Ruchat  (t.  V,  p.  253),  qui  rapporte  quelques-unes  de  ces  démarches, 
se  trompe  en  affirmant  qu'elles  eurent  lieu  avant  le  massacre. 
(2)  Cabini  opéra,  vol.  XII,  n°  636. 
(5)  Idem,  n°  659. 

(4)  Extraits  des  reg.  publics  de  la  Rép.  de  Genèue,  t.  I ,    p.   162  (mss.  de 
l'Hôtel-de-Ville). 

(5)  Cabini  opéra ,  vol.  XII,  n"  659. 

6 


82  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

et  autres  à  l'effet  de  délibérer  sur  l'envoi  d'un  message 
au  roi  de  France  en  faveur  des  Vaudois.  De  Zurich, 
Calvin  se  rendit  à  Bâle ,  et,  de  là,  à  Strasbourg,  pour 
persuader  au  conseil  de  cette  ville  d'adresser,  de  son 
côté ,  des  remontrances  à  François  P'"  au  nom  des 
princes  et  des  villes  de  l'Empire  germanique  (i).  Il  re- 
vint ensuite  à  Aarau  pour  assister  à  la  diète. 

Tous  les  députés  ne  se  montrèrent  pas  également 
disposés  à  agir.  Quelques-uns  objectèrent  à  Calvin  que 
le  bruit  s'était  répandu  que  le  roi  avait  sévi  contre  les 
Vaudois  parce  qu'ils  avaient  refusé  de  payer  les  dîmes 
ecclésiastiques.  Calvin  leur  assura  que  c'était  «  une  fa- 
ble impudente ,  »  que  les  ennemis  des  Vaudois  ne  leur 
avaient  jamais  adressé  un  pareil  reproche  et  qu'il  était 
connu  de  tous  que,  bien  que  les  prêtres  établis  au  mi- 
lieu d'eux  n'exerçassent  de  fait  aucune  fonction  de  leur 
ministère,  ceux-ci  n'avaient  jamais  cessé  d'être  rémuné- 
rés, a  Ils  ont  toujours  eu,  »  ajouta  le  Réformateur, 
«  des  hommes  prudents  et  modestes,  aux  sages  conseils 
desquels  ils  déféraient.  »  Puissamment  secondé  par 
Bullinger,  pasteur  à  Zurich,  Calvin  obtint  de  la  diète 
qu'elle  enverrait  une  députation  au  roi  (2). 

Les  Strasbourgeois  furent  les  premiers  à  mettre  la 
main  à  l'œuvre  et  écrivirent  à  François  P""  une  lettre 
assez  ferme  pour  le  prier  de  faire  cesser  les  persécu- 
tions dont  souffraient  les  Vaudois;  mais  ce  dernier  leur 
opposa  un  refus  sévère  et  fier,  comme  le  prouve  la  ré- 
ponse suivante  (3)  : 

ft  A  nos  chers  et  particulièrement  bons  amis  et  con- 
seil de  la  ville  de  Strasbourg, 

•)  Chers  et  particulièrement  bons  amis,  nous  avons  reçu 

(i)  Cabiiii  opéra,  vol.  XII ,  n°  642. 

(2)  Idem,  n°'  664  et  667. 

(5)  Nous  )a  traduisons  de  l'allemand,  car  l'original  français  est  perdu. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  8^ 

votre  lettre,  où  vous  nous  exposez  que  c'est  avec  beau- 
coup de  peine  et  d'affliction  que  vous  avez  appris  la  per- 
sécution tyrannique  et  horrible  qui  a  été  dirigée  contre 
les  Vaudois,  par  la  considération  que  ce  sont  des  gens 
innocents  et  qu'ils  professent  la  religion  chrétienne. 

»  Chers  et  particulièrement  bons  amis,  nous  vous  avons 
souvent  fait  savoir  que  jamais  nous  ne  nous  sommes 
occupé,  en  quoi  que  ce  soit,  des  coutumes  et  manières 
de  voir  de  vos  sujets  ;  mais,  qu'au  contraire,  nous  nous 
sommes  montré  votre  bon  ami  dans  tout  ce  que  nous 
avons  pu  faire.  En  outre ,  nous  ne  nous  sommes  dé- 
parti en  rien  de  l'administration  et  du  gouvernement  qui 
conviennent  à  un  roi  pieux  à  l'égard  de  ses  sujets.  Nous 
sommes  donc  bien  étonné  de  voir  que  vous  voulez  in- 
tervenir dans  les  disputes  de  nos  sujets  et  vous  en  mê- 
ler, ainsi  que  des  punitions  et  instructions  que  nous 
donnons  contre  eux;  de  même  de  ce  que  vous  appelez 
tyrannie  le  châtiment  que  nous  infligeons  à  ceux  qui  ont 
excité  contre  nous  des  révoltes  et  des  désobéissances, 
tandis  que,  contrairement  aux  lois  que  nous  observons 
et  que  nous  tenons  à  observer  dans  notre  royaume,  ils 
sont  intervenus  activement  et  hostilement  dans  les  affai- 
res d'un  des  principaux  Etats  de  notre  frontière.  11  nous 
est  tout  à  fait  impossible  de  reconnaître  qu'ils  aient 
suivi  en  cela  les  préceptes  de  l'Evangile,  quoique  vous 
disiez  qu'ils  l'ont  accepté  et  le  pratiquent.  Du  reste , 
nous  ne  vous  cacherons  pas  que  lesdits  Vaudois  pro- 
fessaient de  telles  erreurs  que,  d'après  notre  conviction, 
aucun  prince  et  aucun  Etat  de  la  nation  allemande  ne 
les  tolérerait  dans  son  pays  et  territoire.  De  même 
nous  ne  sommes  pas  disposé  à  tolérer  pareille  chose 
dans  notre  pays,  et  nous  vous  prions,  si  vous  nous 
écrivez  dans  la  suite,  de  vous  abstenir  de  termes  si  ab- 
surdes, tels  que  tyrannie  et  punitions  atroces,  de  peur 


84  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

que  nous  ne  soyons  obligé  de  vous  répondre  dure- 
ment. Du  reste,  en  considérant  votre  prudence  connue 
de  longue  date ,  nous  sommes  étonné  que  vous  ayez 
écrit  cette  lettre  tellement  à  la  légère.  Là-dessus  nous 
prions  notre  Créateur  de  vous  garder  en  sa  grâce,  vous, 
nos  chers  et  particulièrement  bons  amis. 

»   Fait  à  Touques  le  27  juin  de  l'an  1 545. 

»  Signé  :  François.       Contresigné  :  Bayard  (i).   » 

Le  mois  suivant,  François  I^""  usa  néanmoins  de  quel- 
que modération.  «  Pour  contenter  les  Allemands,  » 
comme  dit  Calvin  (2),  il  envoya  un  commissaire  pour 
informer  sur  le  massacre.  «  Mais  que  peut-on  espérer 
de  là ,  »  ajoute  le  Réformateur  ;  «  il  n'y  a  personne  à 
cette  heure  qui  ose  ouvrir  la  bouche  pour  soulager  les 
misérables  frères  ;  »  et  ailleurs  :  «  aucun  d'eux  n'ose 
prétendre  à  voir  sa  famille  (3).  » 

Deux  mois  et  demi  après,  lorsque  ce  fut  l'intérêt  des 
princes  allemands  de  se  concilier  la  faveur  de  Fran- 
çois I"  et  également  l'intérêt  de  celui-ci  d'avoir  les 
premiers  pour  alliés ,  ils  lui  envoyèrent  une  députatlon 
dont  Jean  Sturm,  de  Strasbourg,  fit  partie  ;  mais  elle 
n'obtint  aucun  succès  (10  septembre)  (4). 

Voyant  toutefois  les  proportions  que  prenait  la  sym- 
pathie de  l'Europe  protestante  pour  les  Vaudois,  le  roi 
fit  dire  à  ses  agents  à  l'étranger  qu'il  enverrait  un  com- 
missaire en  Provence  pour  faire  des  informations,  et, 
d'autre  part,  il  fit  répandre  le  bruit  déjà  connu  que  les 
Vaudois  avaient  été  châtiés,  non  point  à  cause  de  leur 


(i)  Cabini  opcra,  vol.  XII,  n«  66ç,  note. 

(2)  Idem,  n°  664. 

(5)  Idem,  n°  665. 

(4)  Idem,  n"  692,  note. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  85 

attachement  à  l'Evangile,  mais  parce  qu'ils  avaient  re- 
fusé de  payer  la  dîme  aux  évoques.  Il  ajoutait  qu'ils 
n'étaient  nullement  dignes  de  l'intérêt  qu'on  leur  portait. 
Or,  l'accusation  était  si  peu  fondée  que  le  comte  de 
Grignan,  qui  avait  le  plus  agi  sur  l'esprit  du  roi  pour  le 
pousser  à  exterminer  les  Vaudois  et  qui  avait  été  député 
à  la  diète  de  Worms  pour  engager  les  princes  protes- 
tants d'Allemagne  à  reconnaître  le  concile  de  Trente 
et  à  y  envoyer  des  députés,  n'osa  pas  reproduire  ce 
mensonge  à  la  diète  pour  expliquer  le  massacre  (i). 

Les  calomnies  débitées  par  les  agents  du  roi  produi- 
sirent néanmoins  leur  effet.  La  députation  des  cantons 
helvétiques  ne  se  pressait  pas  de  partir.  Berne  et  Bâle 
s'étaient  considérablement  refroidies.  Calvin  qui ,  dans 
toute  cette  affaire,  montra  le  dévouement  d'une  grande 
âme,  était  obligé  d'écrire  lettres  sur  lettres  pour  stimuler 
la  sympathie  et  le  zèle  des  confédérés.  «  Est-ce  que  le 
sang  innocent,  »  disait-il,  «  sera  répandu  sous  nos  yeux 
pendant  que  nous  demeurerons  en  repos?  La  rage  des 
impies  contre  nos  frères  marchera-t-elle  impunément  à 
grands  pas  ?  Christ  sera-t-il  un  objet  de  dérision  ?  »  D'un 
autre  côté ,  il  prodiguait  ses  encouragements  aux  can- 
tons qui  persévéraient  dans  leur  première  ardeur,  no- 
tamment  au    canton   de   Schaffouse ,  et   dictait   à   ses 
pasteurs    la    ligne    de    conduite   qu'ils    devaient   tenir. 
((  Déployez,  »  leur  écrivait-il  le  24  juillet,  «  la  plus  grande 
ardeur  que  vous  pourrez,  afin  qu'on  envoie  au  roi  une 
députation  sérieuse  qui  lui  demande  la  libération  des 
prisonniers ,  la  restitution  de  leurs  biens  aux  fugitifs  et 
l'ordre  d'informer  sur  la  foi  et  les  mœurs  des  fidèles.  » 
Calvin  tenait  le  même  langage  à  Joachin  Vadian,  bourg- 
mestre de  Bâle.  Il  se  fondait  sur  ce  que  la  persécution 

(i)  Calvini  opéra,  vol.  XII,  n«'  664  et  665. 


86  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

continuait  à  sévir  dans  la  Provence  et  le  comtat  Ve- 
naissin  (i). 

A  défaut  d'une  députation ,  les  Suisses  adressèrent 
des  remontrances  au  roi,  qui  leur  répondit  sur  le  même 
ton  qu'il  avait  écrit  à  Strasbourg.  Par  l'analyse  que  Viret 
donne  de  sa  réponse  à  Calvin  en  août  (2)  et  le  résumé 
qu'on  en  trouve  dans  Sleidan  (3),  on  est  même  en  droit 
de  penser  que  François  I"  se  borna  à  envoyer  aux 
Suisses  une  copie  de  la  lettre  qu'il  avait  écrite  à  ses 
alliés  d'Alsace. 

Les  amis  des  Vaudois  ne  se  laissèrent  pas  décourager 
par  ces  réponses  du  roi  et  furent,  plus  que  jamais,  d'avis 
qu'il  était  nécessaire  que  les  cantons  helvétiques  lui 
envoyassent  des  députés,  »  car,  »  écrivait  Farel,  «  les 
hommes  corrompus  qui  se  tiennent  auprès  du  roi  disent 
que  les  lettres  qu'on  lui  adresse  sont  mal  rédigées  et 
qu'il  est  nécessaire  de  les  revoir  avant  de  les  lui  com- 
muniquer, et,  pendant  ce  temps,  le  roi  s'occupe  d'au- 
tre chose  ;  ensuite,  si  ces  mêmes  hommes  lui  lisent 
lesdites  lettres,  ils  dénaturent  tout,  cachent  ou  changent 
les  faits,  de  sorte  que  des  lettres  ainsi  envoyées  nuisent 
plus  qu'elles  ne  servent  (4).  » 

Comme  c'était  la  ville  de  Berne  qui  s'était  le  plus 
refroidie  ,  Viret  jugea  nécessaire  de  s'y  rendre  vers  la 
fin  du  mois  de  juillet  en  compagnie  de  Farel,  qui  était 
à  Neuchâtel.  «  Nous  avons  trouvé  quelques  esprits,  » 
écrit-il  à  Calvin  à  ce  propos,,  «  très  irrités  de  la  réponse 
du  roi  et  d'autres  considérablement  refroidis.  Nous  nous 
sommes  efforcés  d'enflammer  les  cœurs  autant  que  nous 
avons  pu,  prenant  avec  ardeur  la  défense  de  nos  frères 

(i)  Calvini  opcra,  vol.  XII,  n°^  664,  66 j  et  677. 

(2)  Idem,  n"  677. 

(5)  Histoire  de  V estât  de  la  religion,  etc. 

(4)  Calvini  opéra,  vol.  XII,  n°  5J2. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  87 

et  réfutant  les  calomnies  de  leurs  ennemis.  »  Le  bailli 
de  Berne,  de  Vatteville,  se  montrait  fort  peu  disposé  à 
seconder  Viret  et  Farel  (i),  parce  qu'il  craignait  qu'une 
députation  n'attirât  sur  les  Suisses  le  courroux  du  roi  ; 
mais  d'autres  personnages  assurèrent  aux  deux  réforma- 
teurs que  le  sénat  «  n'oublierait  rien  de  ce  qui  regar- 
dait la  cause  des  Vaudois,  »  et  leur  donnèrent  le  ferme 
espoir  que  non  seulement  on  enverrait  une  députation 
au  roi ,  mais  encore  qu'on  ferait  circuler  sa  lettre  pour 
que  chacun  pût  juger  par  lui-même  si  elle  provenait 
bien  de  son  initiative  personnelle,  car  elle  était  «  tout  à 
fait  verte  (2).  » 

Malgré  les  instances  réitérées  des  réformateurs  de  la 
Suisse  française,  la  députation  n'était  pas  encore  partie 
au  commencement  de  septembre.  Il  était  pourtant  né- 
cessaire qu'elle  se  mît  en  route  au  plus  tôt  pour  que  ses 
démarches  pussent  coïncider  avec  celles  que  feraient 
les  princes  allemands  qui,  dans  quelques  jours,  allaient 
se  rencontrer  à  Metz.  Farel  espérait  que  le  roi  de 
France ,  «  interpellé  dans  le  même  moment  par  tant  et 
tant  de  députations,  »  finirait  par  céder  (3). 

Vers  ce  temps ,  une  troupe  de  Vaudois  fugitifs  étant 
arrivée  à  Genève,  Calvin  en  députa  deux  auprès  de  Vi- 
ret pour  essayer  de  ranimer  le  zèle  des  Suisses  en  fa- 
veur de  leur  cause  ;  mais  il  paraissait  perdre  tout  es- 
■  poir.  «  Satan,  »  disait-il  à  Viret  à  ce  propos,  «  machine 
toutes  choses  pour  détourner  les  esprits  de  la  pensée 
de  soulager  les  Vaudois ,  et  il  aiguillonne  plus  encore 
l'inhumanité  du  roi  et  de  ses  courtisans,  déjà  si  excitée. 
Non  seulement  les  Suisses  qui  sont  les  obligés  du  rqi , 


(i)  Cabirii  opéra,  vol.  XII,  n°  697, 
(2)  Idem,  n°  677. 
(5)  Idem,  n°  692. 


88  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

mais  encore  tous  ceux  d'entre  eux  qui  sentent  l'épicu- 
réisme  me  déchirent  parce  que  j'entraîne  leur  nation  à 
haïr  le  roi  (i).  » 

Voyant  que  personne  n'osait  se  mettre  en  avant  pour 
la  députation  à  envoyer  auprès  de  François  I^"",  Calvin, 
dit  Ruchat  (2),  voulut,  l'année  suivante,  «  aller  lui-même 
se  jeter  aux  pieds  de  ce  monarque  demander  grâce 
pour  les  Vaudois ,  mais  étant  tombé  malade  dans  le 
temps  qu'il  fallait  partir  et  Farel  se  trouvant  trop  appe- 
santi par  l'âge  pour  entreprendre  ce  voyage  ,  on  en 
chargea  Viret,  qui  porta  des  lettres  de  recommandation, 
non  seulement  de  la  part  des  Etats  réformés  de  la  Suisse, 
mais  aussi  des  Etats  protestants  de  la  ligue  de  Smal- 
kalde.  » 

Cette  nouvelle  démarche  n'amollit  pas  le  cœur  de 
François  I^""  qui ,  jusqu'à  sa  fin ,  laissa  martyriser  les 
luthériens  sur  toute  l'étendue  de  son  royaume.  Crespin 
affirme  toutefois  qu'en  ce  qui  concerne  les  Vaudois  , 
«  le  roi  François  I®"",  à  l'article  de  la  mort,  pressé  de 
remords  et  de  regrets  [de  ce],  qu'il  ne  pouvait  avant  de 
mourir,  faire  une  punition  exemplaire  de  ceux  qui,  sous 
son  nom  et  autorité  ,  avaient  fait  ce  dur  esclandre  ci- 
dessus  décrit  contre  ses  sujets  de  Provence  ,  chargea 
son  fils  avec  grandes  obtestations  de  ne  différer  ladite 
punition  ;  qu'autrement  Dieu  ,  qui  ne  laisse  telles  con- 
cussions et  saccagements  impunis,  en  ferait  la  ven- 
geance. Et  d'autant,  disait-il,  que  cette  affaire  touche 
notre  honneur  envers  toutes  nations  ,  on  ne  le  saurait 
mieux  réparer  qu'en  faisant  le  procès  à  tous  ceux  qui 
ont  en  telle  cruauté  abusé  du  devoir  de  leur  charge  , 
sans  épargner  ni  grand  ni  petit,  ni  faible  ni  fort;  qu'en 


(i)  Calvini  opéra,  vol.  XII,  n°  695. 
(2)  Tome  V,  p.  2J5. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA   RÉFORME    EN    PROVENCE.  89 

ce  faisant  seraient  tenus  ceux  qui,  à  l'avenir,  voudraient 
entreprendre  telles  ou  semblables  choses.  » 

Ces  regrets  de  François  I®""  furent  bien  tardifs  et  ne 
sauraient  laver  la  tache  de  sang  qui  souille  sa  mémoire. 

REVISION     DE    l'arrêt    DE    CONTUMACE.    ARRESTATION 
DES    COUPABLES    (1547-1550). 

Sa  mort  survenue  bientôt  après,  le  31  mars  1 547  , 
changea  la  face  des  choses.  Le  cardinal  de  Tournon 
fut  écarté  du  gouvernement.  Le  connétable  Anne  de 
Montmorency  et  le  duc  de  Guise  ,  François  de  Lor- 
raine ,  reprirent  faveur  à  la  cour  ;  le  comte  de  Tende 
fut  nommé  lieutenant  pour  le  roi  en  Provence  à  la  place 
du  comte  de  Grignan  ,  et  Guérin  appelé  au  poste  de 
procureur  général  en  remplacement  de  de  Piolenc. 

Guérin  qui,  depuis  l'exécution  de  Mérindol  et  de  Ca- 
briéres  ,  avait  été  poursuivi  comme  faussaire ,  concus- 
sionnaire et  même  comme  faux-monnayeur ,  était  parti- 
culièrement irrité  contre  d'Oppède ,  qui  avait  témoigné 
contre  lui.  Le  président  s'était  aussi  attiré  le  res- 
sentiment du  conseiller  de  Tributiis ,  l'un  des  com- 
missaires exécuteurs  de  l'arrêt  de  contumace ,  parce 
qu'il  avait  fait  emprisonner  comme  hérétiques  son  oncle 
François  d'Albenas  (i)  et  son  précepteur  Rolland  de 
Murs  dit  Bérangiers.  La  dame  de  Cental ,  de  son  côté, 
n'entendait  pas  renoncer  à  ses  revendications,  non  plus 
que  les  Vaudois  à  leurs  justes  plaintes ,  de  telle  sorte 
que  d'Oppède  se  vit  tout  à  coup  exposé  à  mille  atta- 
ques. Le  comte  de  Grignan  lui-même,  accusé  par 
Montmorency  d'avoir  poussé  à  l'extermination  des  Vau- 
dois uniquement  pour  se  venger  de  ce  qu'ils  lui  avaient 

(1)  Ou  Albertas, 


90  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

causé  quelque  dommage  dans  ses  terres  et  par  Guérin 
d'avoir  eu,  ainsi  que  Lagarde,  des  intelligences  avec  les 
gens  de  l'empereur  d'Allemagne  pendant  les  dernières 
guerres,  n'échappa  à  une  poursuite  judiciaire  qu'en  don- 
nant ou  vendant  sa  terre  de  Grignan  au  duc  de  Guise  , 
qui  s'était  tout  d'abord  déclaré  le  protecteur  des  Vau- 
dois.  Les  princes  protestants  d'Allemagne,  dont  Henri  II 
recherchait  l'alliance,  firent  aussi  entendre  leurs  voix  en 
faveur  des  victimes ,  de  telle  sorte  que  tous  ces  motifs 
réunis,  bien  plus  que  la  tolérance  et  l'humanité,  amenè- 
rent la  revision  de  l'arrêt  de  Mérindol. 

D'Oppède  fut  arrêté  le  premier  (octobre  1 547)  et 
enfermé  successivement  à  Vincennes,  Melun  et  Paris.  Sa 
captivité  dura  trois  années  et  on  le  traita  fort  durement. 
Après  lui  vint  le  tour  de  Lafond ,  de  Lagarde  et  des 
conseillers  Badet  et  Tributiis.  Ce  dernier,  toutefois  , 
obtint  d'être  élargi  provisoirement  parce  qu'il  avait  re- 
fusé de  prendre  part  au  conseil  de  guerre  de  Cadenet , 
comme  on  l'a  vu  plus  haut. 

Le  procès  de  d'Oppède  et  de  ses  complices  fut 
confié  à  un  tribunal  d'exception,  siégeant  à  Melun,  qui 
prit  le  nom  de  Chambre  de  la  Reine  et  qui  se  montra 
dès  l'abord  favorable  aux  accusés,  car,  lorsque  le  pro- 
cureur du  roi  demanda  que  ceux-ci  fussent  requis  de 
rendre  raison  par  procureur  ou  par  syndic  des  crimes  qui 
leur  étaient  imputés,  le  tribunal  refusa  et  passa  outre. 

Voyant  cela  et  craignant  un  acquittement ,  le  procu- 
reur du  roi  déposa  une  requête  tendant  à  être  reçu 
comme  appelant  (plaignant)  de  l'arrêt  de  Mérindol  et  de 
son  exécution;  mais  d'Oppède  et  ses  coaccusés  oppo- 
sèrent à  cette  requête  une  fin  de  non-recevoir,  en  se 
fondant  sur  ce  que  ledit  arrêt  émanait  d'une  Cour  sou- 
veraine et  que  son  exécution  avait  été  approuvée  par 
le  roi. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  9I 

Débouté  de  sa  plainte,  le  procureur  du  roi  déposa 
une  nouvelle  requête  pour  se  porter  comme  appelant 
d'un  arrêt  qui  avait  été  rendu  sans  qu'on  eût  entendu 
les  accusés  et  qui  renfermait  des  inhumanités  et  des  er- 
reurs. C'est  là-dessus  que  Henri  II ,  considérant  que 
la  Chambre  de  Melun  n'avait  pas  une  autorité  suffisante 
pour  juger  et  au  besoin  reviser  un  arrêt  rendu  par  un 
Parlement,  c'est-à-dire  par  une  Cour  souveraine,  dé- 
cida, par  lettres  patentes  du  17  mars  1550(1),  d'évoquer 
le  procès  à  soi  et  d'attribuer  à  la  grand'Chambre  du 
Parlement  de  Paris  la  connaissance  du  fond  de  la  cause 
et  des  requêtes  et  appellations  déposées  par  son  pro- 
cureur devant  la  Chambre  de  la  Reine,  en  interdisant  à 
celle-ci  «  toute  Cour,  Juridiction  et  connaissance.  » 

Dans  ses  lettres  (2),  le  roi  se  dit  irrité  (3)  de  ce  que 
les  catholiques,  pour  dégager  leur  responsabilité  du 
massacre,  la  rejettent  tout  entière  sur  son  père  ;  déclare 
que  l'arrêt  de  Mérindol  est  «  chose  notoirement  inique 
contre  tout  droit  et  raison;  »  qu'il  ne  fut  pas  exécuté 
fidèlement;  que  Lafond  extorqua  l'approbation  du  feu 
roi  au  moyen  de  mensonges  ;  que  «  sans  distinction  des 
coupables  et  des  innocents ,  contre  toute  force  et  ordre 
de  justice  et  sans  jugement  ni  condamnation  qui  eût  été 
donnée  auparavant  contre  les  Vaudois,  on  avait  pro- 
cédé par  voie  de  fait  et  de  force  ;  »  et  que  «  furent 
brûlés  et  pillés  vingt-deux  villages  sans  aucune  inquisi- 
tion ni  connaissance  de  cause  de  ceux  qui  étaient  cou- 
pables ou  innocents  et  sans  qu'il  y  eût  de  la  part  des- 


(i)  Le  roi  avait  déjà  renvoyé  l'affaire  au  Parlement  de  Paris  par  lettres 
patentes  du  28  janvier  précédent ,  mais  comme  celles-ci  étaient  intervenues 
le  jour  même  où  son  procureur  plaidait  sa  première  appellation ,  il  jugea 
nécessaire  de  publier  les  secondes  lettres  patentes  du  17  mars. 

(2)  Données  in  extenso  par  Crespin,  fol.  19J-197,  et  de  Bèze,  1. 1,  p.  45-50. 
Frossard,  qui  les  reproduit,  les  présente  donc  à  tort  comme  inédites. 

(3)  Ch.  Dumoulin,  p.  95-101. 


92  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

dits  habitants,  aucune  résistance  ni  aucun  bastion.  »  En 
conséquence ,  le  roi  assigna  les  gens  du  Parlement  de 
Provence  par  procureur,  puis  Maynier,  Lafond,  Badet 
et  Tributiis,  et  autres  qu'il  appartiendra,  de  venir  se 
purger  devant  la  grand'Chambre  du  Parlement  de  Paris 
des  crimes  qui  leur  sont  imputés. 

PLAIDOIRIES.     ACQUITTEMENT    DES    COUPABLES     (155O- 
1552).    NOMS    DE    QUELQUES    BARBES    VAUDOIS. 

Le  procès  eut  lieu  le  20  mai  comme  le  stipulaient  les 
lettres  du  roi ,  mais  les  plaidoiries  ne  commencèrent 
que  le  18  septembre  de  l'année  suivante  (15  51).  Douze 
parties  intervinrent  dans  la  cause  :  1°  Les  gens  du  roi, 
qui  furent  représentés  par  le  lieutenant  civil  de  la  pré- 
vôté de  Paris,  Jacques  Aubery  du  Maurier,  remplis- 
sant les  fonctions  d'avocat  général  à  la  place  des  avo- 
cats généraux ,  Pierre  Séguier  et  Denis  de  Rians  , 
récusés  pour  avoir  été  conseil  des  parties;  2°  le  procu- 
reur général  Brulard  ;  3°  le  Parlement  d'Aix;  4°  les 
gens  des  trois  états  de  Provence,  qu'on  voulait  rendre 
responsables  des  dommages  et  intérêts  réclamés  par 
M*"^  de  Cental  ;  5°  le  vice-légat  d'Avignon  ,  cardinal 
Alexandre  Farnèse,  et  la  Chambre  apostolique;  6**  d'Op- 
pède;  7°  Lafond;  8°  Badet;  9°  Tributiis;  lo**  Guérin  ; 
11°  Lagarde;  i2«  M"«  de  Cental. 

L'intervention  des  Vaudois  fut  récusée  parce  que  les 
gens  du  roi  avaient  appelé  eux-mêmes  de  l'arrêt  porté 
contre  eux  par  le  Parlement  de  Provence  et  de  tous 
les  mauvais  traitements  qu'on  leur  avait  fait  subir.  De 
la  sorte,  Aubery,  qui  parlait  au  nom  du  roi,  devenait 
indirectement  l'avocat  des  Vaudois.  Il  avait  demandé 
un  an  pour  se  préparer. 

Le  procès  commença  au  moment  oij  Henri  II  venait 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  93 

de  déclarer  la  guerre  à  l'empereur  Charles-Quint  et  au 
Pape,  et  il  disait  ouvertement  qu'il  n'approuvait  pas  les 
canons  du  concile  de  Trente  (i). 

Les  plaidoiries  furent  fort  solennelles  et  remplirent 
cinquante  audiences,  du  i8  septembre  1551  au  29  oc- 
tobre 1552,  en  présence  des  plus  grands  personnages 
et  d'un  grand  nombre  d'auditeurs.  Aubery  parla  sept 
journées  entières  et  reprocha  à  d'Oppède  d'avoir  : 
I®  souvent  écrit  au  roi  pour  l'indisposer  contre  les  Vau- 
dois;  2°  retenu  les  bandes  du  Piémont  en  Provence 
quand  elles  étaient  nécessaires  ailleurs;  3°  excédé  les 
ordres  de  François  I^""  dans  l'exécution  de  l'arrêt; 
4°  laissé  commettre  les  atrocités  de  Lacoste;  et  5°  dé- 
fendu de  fournir  des  vivres  aux  fugitifs. 

Jacquelot,  avocat  de  M"^  de  Cental ,  occupa  deux 
journées;  Millet,  avocat  de  Guérin,  une  journée;  La- 
porte,  avocat  du  Parlement,  trois  journées.  Ce  dernier 
soutint  que  l'appel  de  l'avocat  général  n'était  pas  rece- 
vable. 

Pierre  Robert,  avocat  de  d'Oppède,  plaida  neuf 
matinées;  il  demanda,  tout  en  défendant  son  client,  que 
M™«  de  Cental,  par  les  calomnies  qu'elle  avait  fait  débi- 
ter par  son  avocat  contre  d'Oppède  ,  fût  condamnée  à 
faire  amende  honorable  à  la  discrétion  de  la  Cour  et  à 
une  amende  envers  les  pauvres. 

Rochefort,  avocat  de  Lafond ,  parla  trois  matinées, 
et  Christophe  de  Thou  ,  avocat  de  Badet ,  autant. 

Danquechin ,  avocat  de  Lagarde ,  demanda  que  son 
client  fût  mis  hors  de  Cour  et  de  procès  ;  et  Cousin  , 
avocat  de  Tributiis  ,  soutint  que  ce  dernier  était  folle- 
ment intimé  puisqu'il  n'avait  pas  assisté  au  conseil  de 
Cadenet,  pris  part  à  l'exécution,  non  plus  que  signé  le 

(i)  Ch.  Dumoulin,  p.  95-101. 


94  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

rapport  mensonger  de  Lafond.  Du  Mesnil,  avocat  des 
trois  Etats  de  Provence ,  opina  pour  que  le  Parlement 
d' Aix  fut  conservé  dans  son  intégrité  et  que  le  Parlement 
de  Paris  mît  ses  officiers  d'accord.  Quant  à  Regnard  , 
avocat  du  vice-légat  d'Avignon,  Aubery  demanda  et 
obtint  qu'il  ne  fût  pas  admis  à  plaider,  à  moins  qu'il  ne 
voulût  accepter  la  juridiction  du  Parlement  de  Paris  et 
s'exposer  à  voir  son  client  condamné  :  ce  qui  ne  se 
pouvait ,  vu  que  les  difficultés  survenant  entre  princes 
souverains  se  traitaient  par  l'entremise  de  leurs  ambas- 
sadeurs. 

Ajoutons  que  d'Oppède  parla  pendant  deux  audien- 
ces et  que,  reprenant  les  cinq  accusations  d' Aubery,  il 
répondit  qu'il  était  de  son  devoir  d'informer  le  roi  de 
ce  qui  se  passait  dans  sa  province  ;  qu'il  n'avait  retenu 
les  troupes  de  Lagarde  que  pour  exécuter  des  ordres 
royaux  réitérés;  qu'il  s'en  était  tenu  aux  termes  de  l'ar- 
rêt et  avait  reçu  l'approbation  du  monarque  ;  que  la  res- 
ponsabilité des  excès  commis  à  Cabrières  du  Comtat 
devait  incomber  aux  officiers  du  pape  ;  qu'il  n'avait  pu 
ordonner  les  violences  commises  à  Lacoste ,  puisqu'il 
était  pour  lors  à  Cavaillon  ;  enfin,  que  les  lois  du 
royaume  défendaient  de  donner  du  secours  aux  ennemis 
de  l'Etat  et  celles  de  Dieu  d'avoir  communication  avec 
les  méchants. 

Les  répliques  présentèrent  quelques  incidents.  Ro- 
bert, avocat  de  d'Oppède,  ayant  lu  un  ancien  jugement 
qui  condamnait  par  contumace  Guérin  comme  concus- 
sionnaire, et  celui-ci  ayant  déclaré  que  cette  accusation 
avait  été  réduite  à  néant,  le  procureur  général  de  Rians 
requit  que  Guérin  fût  tenu  d'en  fournir  la  preuve.  Son 
avocat.  Millet,  déclara  qu'il  était  détenteur  de  l'arrêt 
par  lequel  la  contumace  de  son  client  était  mise  à 
néant.  Danquechin,  de  son  côté,  fit  remarquer  qu'Au- 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  91; 

bery  n'avait  pris  aucune  conclusion  contre  Lagarde,  son 
client ,  que  ce  dernier  n'avait  fait  qu'obéir  aux  ordres 
du  roi,  et  que,  pour  les  injures  que  M°»e  de  Cental  avait 
adressées  à  son  client  par  la  bouche  de  son  avocat  il 
en  demandait  réparation. 

Les  conclusions  que  prit  Aubery,  après  les  révéla- 
tions accablantes  qu'il  avait  faites  ,  sont  étrano-es  et  té- 
moignent de  l'intolérance  des  meilleurs  esprits  de  cette 
époque.  Il  se  borna  à  demander  que  le  Parlement  dé- 
clarât a  qu'il  a  été  mal ,  nullement  et  incompétemment 
délibéré  et  conclu  à  Cadenet;  mal  et  outrageusement 
exécuté  ladite  délibération...;  mal  inhibé  et  défendu 
de  bailler  vivres ,  aides  ni  secours  quelconque  aux  hé- 
rétiques ou  suspects  de  l'être.  »  Passant  ensuite  à  l'ar- 
ticle des  doctrines  religieuses  des  Vaudois,  il  se  montra 
aussi  dur  que  les  persécuteurs  ,  car  il  requit  a  que , 
pour  exterminer  les  hérésies  et  les  hérétiques  du  pays , 
il  soit  procédé  par  voie  de  justice  contre  eux  par  le 
Parlement  [de  Provence]  et  les  juges  y  ressortissant , 
selon  les  édits  et  ordonnances  de  François  I""",  le  der- 
nier édit  de  son  successeur ,  les  lois  du  royaume ,  le 
plus  tôt  possible;  surtout  contre  les  barbes;  que  le 
Parlement  supplie  le  roi  de  tenir  la  main  et  la  force 
contre  ceux  qui  s'élèvent  en  armes  ou  assemblées  con- 
tre les  exécutions  et  arrêts  de  la  Cour  touchant  la  pu- 
nition des  hérétiques  ;  que  l'arrêt  soit  publié  dans  tous 
les  lieux  de  Provence.  » 

Ces  conclusions  et  la  mise  en  liberté  anticipée  de  La- 
garde ,  déclaré  innocent  par  un  arrêt  du  conseil  du  roi 
du  15  février  1552,  et  celle  de  d'Oppède,  qui  demanda 
et  obtint  la  même  faveur,  faisaient  entrevoir  l'issue  finale 
d'un  procès  qui  passionna  la  Provence,  où  le  Parle- 
ment s'était  divisé  en  deux  camps,  l'un  pour  d'Oppède, 
l'autre  pour  Guérin  ,  regardé  comme  le  chef  des  ac- 


96  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

cusateurs  de  ce  dernier ,  et  qui  avait  eu  également  du 
retentissement  dans  toute  la  France  et  même  en  Europe. 
Quand  les  plaidoiries  pour  et  contre  furent  terminées, 
la  grand'Chambre  du  Parlement  de  Paris  retint  la 
cause  après  de  longs  retards  et  appointa  les  parties 
au  conseil  du  roi,  c'est-à-dire  les  renvoya  devant  cette 
juridiction  suprême  pour  que  la  cause  y  fût  jugée  sur  de 
simples  mémoires.  Ainsi  procédait-on  lorsque  les  juges 
voulaient  favoriser  une  cause  douteuse  ou  qu'elle  était 
trop  embrouillée.  Ce  jugement  équivalait  à  l'acquitte- 
ment de  tous  les  prévenus  ,  en  faveur  desquels  le  duc 
de  Guise,  qui  avait  changé  complètement  de  sentiments, 
et  le  comte  de  Grignan,  laissé  en  liberté,  firent  les  plus 
grandes  instances  auprès  du  roi. 

On  pensa ,  du  reste  ,  que  le  Parlement ,  retenu  par 
l'esprit  de  corps  ,  ne  voulut  pas  condamner  des  collè- 
gues et  infliger  un  blâme  indirect  aux  autres  Parle- 
ments et  à  lui-même  ,  qui  faisaient  mourir  chaque  jour 
des  luthériens.  Le  seul  bien  qui  résulta  de  ce  grand 
procès  fut  que  tous  ceux  qui  le  suivirent  entendirent  la 
lecture  de  la  confession  de  foi  des  Vaudois  et  purent 
se  convaincre  du  caractère  évangélique  de  leurs  doctri- 
nes. Charles  Dumoulin,  qui  a  rapporté  le  fait,  raconte  (i) 
que  c'est  à  ses  pressantes  sollicitations  que  cette  lec- 
ture eut  lieu. 

Pendant  que  le  procès  de  d'Oppède  et  des  autres 
exécuteurs  s'instruisait ,  les  réformateurs  de  la  Suisse 
française  agirent  à  Paris  pour  que  les  coupables  ne  pus- 
sent échapper  au  châtiment  qu'ils  méritaient.  Viret  écri- 
vait à  ce  propos  à  Calvin,  à  la  date  du  18  mai  1550  (2). 
«  Le  messager  nous  a  raconté  oia  en  est  l'affaire  des 


(i)  Pages  95-101. 

(2)  Cabini  opéra,  vol.  XIII,  n»  1574. 


ÉTABLISSEMENT   DE    LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  97 

tyrans  qui  ont  été  les  auteurs  de  la  ruine  des  Mérindo- 
liens  ,  et  ce  que  ces  derniers  demandent  de  nous  qui 
avons  leur  cause  en  main.  11  nous  a  laissé  la  note  qui 
contient  la  substance  de  la  requête  que  vous  entendrez 
de  sa  bouche.  Vous  voudrez  bien  tenir  toute  cette  affaire 
pour  recommandée.  Quant  à  moi  ,  si  je  puis  quelque 
chose,  j'agirai  et  j'exhorterai  mes  autres  frères  à  donner 
aussi  leurs  soins  à  cette  affaire^  pour  que  nous  ne  man- 
quions pas  d'hommes  de  bien  en  face  de  ces  tyrans 
sanguinaires.  Je  voudrais  savoir  positivement  de  vous 
ce  que  vous  pensez  que  nous  pourrions  faire.  »  Ces 
démarches  des  réformateurs  furent  impuissantes,  comme 
le  prouva  l'issue  du  procès. 

Guérin  seul,  arrêté  au  cours  des  débats,  sur  la  dénon- 
ciation de  Robert,  avocat  de  d'Oppède,  qui  l'accusa  de 
concussion,  fut  retenu  sous  les  verroux,  puis  condamné 
à  être  pendu  pour  ce  crime  et  d'autres  tout  aussi  gra- 
ves, dont  il  fut  dûment  convaincu.  L'arrêt  lui  fut  signifié 
le  20  avril  1554  et  rendu,  non  pas  par  la  grand'chambre 
du  Parlement  qui  venait  de  s'occuper  du  procès  des 
Vaudois ,  mais  par  des  commissaires  spéciaux  chargés 
de  connaître  des  crimes  de  faux,  l'un  de  ceux  dont  Guérin 
s'était  rendu  coupable.  Il  fut  pendu  le  même  jour  à  Paris, 
place  des  Halles,  et  sa  tête,  suivant  l'arrêt,  portée  à 
Aix  et  exposée  sur  la  grande  place  de  la  ville,  lieu  ac- 
coutumé des  exécutions. 

Ajoutons,  pour  compléter  ce  récit,  que  les  diverses 
procédures  et  enquêtes  dont  les  Vaudois  de  Prpvence 
et  du  Comtat  furent  l'objet  firent  découvrir  les  noms 
d'un  assez  grand  nombre  de  leurs  barbes,  prêcheurs  ou 
pasteurs  de  cette  époque.  Voici  les  noms  de  quelques- 
uns  d'eux  : 

Pasteurs:  Nicolas,  natif  de  Mérindol;  Guillaume  Serre, 
cordeher  normand,  converti  à  Cabrières  en  1545,  con- 

7 


98  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

damné  à  mort  en  1533  ,  brûlé  vif  à  Avignon  en  1545  ; 
Jean  Péréri  (pour  Périer) ,  à  Mérindol  en  1545.  — 
Prêcheurs  :  M""®  Angelin  ;  M'"«  Hélion  Barbaroux,  natif 
de  Tourves,  à  Mérindol  en  1540;  M""^  François,  curé 
converti  de  Mérindol  en  1543  ;  M"  Jean,  curé  converti 
de  Cabrières  en  1 543 ,  ancien  domestique  de  l'évêque 
de  Cavaillon  ;  Mihan,  à  Mérindol  et  ailleurs  en  1536; 
un  cordelier  converti,  à  Mérindol;  Jean  Serre  dit  Bé- 
rard,  à  Cadenet  et  ailleurs,  prisonnier,  apostat  et  dénon- 
ciateur des  Vaudois  en  1545. 

Il  manque  encore  treize  noms  à  cette  liste,  car  Aubéry 
(p.  215)  assure  qu'au  moment  du  massacre  de  1545  les 
Vaudois  avaient  vingt-trois  barbes  ou  pasteurs. 

RÉINTÉGRATION    DE    d'oPPÈDE.    SON    TRIOMPHE     ET    SA 
MORT  (1553-1558). 

D'Oppède  fut  réintégré  dans  sa  charge  par  lettres 
patentes  du  2  novembre  1553,  et  reçut  des  lettres  flat- 
teuses de  Montmorency,  alors  premier  ministre,  et  de 
Jean  Bertrand,  garde  des  sceaux  du  royaume  (18  dé- 
cembre 1553).  Trois  ans  après,  le  pape  Paul  IV  le  créa 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Latran ,  comte 
palatin,  et  attacha  ce  titre  à  sa  baronnie  d'Oppède. 
Le  roi  approuva  la  décoration  par  lettres  patentes  du 
28  août  1556.  Ainsi  fut  traité  par  la  justice  humaine  celui 
qui  avait  trempé  ses  mains  dans  le  sang  de  quatre  mille 
innocents  et  incendié  ou  ruiné  vingt-deux  bourgs  ou 
villages*! 

Pendant  sa  détention  ,  le  clergé  d'Aix  n'avait  pas 
cessé  d'ordonner  des  prières  pour  sa  délivrance,  et  son 
retour  fut  salué  par  des  fêtes  extraordinaires.  En  repre- 
nant ses  fonctions,  il  déclara  au  Parlement,  toutes 
chambres  réunies,  le  4  février  1554,  que  le  roi  recevait 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    REFORME    EN    PROVENCE.  99 

tous  les  jours  des  plaintes  sur  le  peu  de  soin  que  les 
conseillers  du  Parlement  apportaient  à  rendre  bonne 
justice ,  qu'il  y  avait  dans  la  Cour  de  la  partialité  et  de 
l'avarice,  et  que  plusieurs  juges  étaient  infectés  du  poison 
de  l'erreur.  Les  conseillers  répondirent  qu'ils  avaient 
toujours  fait  leur  devoir  et  qu'ils  désiraient  continuer  de 
le  faire.  «  Mais  on  s'en  souvint  si  peu,  »  dit  Gaufridy, 
qu'on  vit  toujours  la  même  conduite  ;  on  vit  toujours  la 
passion  régner  partout.  »  La  suite  de  cette  histoire  le 
montrera  surabondamment. 

L'épreuve  par  laquelle  avait  passé  d'Oppède  n'adou- 
cit pas  sa  haine  contre  les  luthériens.  Avant  de  quitter 
la  capitale ,  il  promit  à  ses  protecteurs  de  purger  entiè- 
rement la  Provence  des  sectaires  et  de  se  venger  du 
danger  qu'ils  lui  avaient  fait  courir  de  perdre  ses  biens 
et  sa  vie.  Un  de  ses  premiers  exploits  fut,  en  effet,  dit 
Crespin ,  «  contre  un  [avocat]  nommé  Gaulteri  (i),  du 
diocèse  de  Digne,  homme  de  lettres,  lequel  s'étant  re- 
tiré à  Aix  pour  avoir  quitté  la  pédagogie  chez  Du  Vernet, 
fut  cruellement  martyrisé  en  ladite  ville  et  brûlé  à  la 
poursuite  dudit  Maynier.  Item  Barthélémy  Audouin  dit 
de  Besse ,  à  raison  qu'il  était  dudit  lieu,  près  de  Bri- 
gnoles.  » 

Ces  supplices,  qui  ne  furent  sans  doute  pas  les  seuls, 
jetèrent  l'alarme  parmi  les  protestants  provençaux,  dont 
un  grand  nombre  se  réfugièrent  à  l'étranger.  Nous  en 
avons  compté  jusqu'à  soixante  et  dix-neuf  qui  s'établi- 
rent à  Genève  depuis  le  retour  de  d'Oppède  jusqu'à 
sa  mort  (2). 

Ce  dernier  ne  survécut  que  cinq  ans  à  son  triomphe, 
car  il  succomba  le  29  juillet  1 5  58  des  suites  d'une  grave 


(i)  Ou  Gauthery. 

(2)  Voy.  Pièces  justificatives,  n"  III,  i°  et  2°. 


100  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

maladie  des  voies  urinaires ,  qui  le  fît  cruellement  souf- 
frir. Il  «  mourut,  »  dit  Crespin,  «  avec  cris  et  dépite- 
ments  horribles,»  «atteint  d'un  feu  sacré  dans  le  corps, 
au  vu  et  au  su  de  la  Provence,  »  ajoute  de  Serres.  Son 
tombeau  fut  orné  de  fastueuses  inscriptions,  et  un  moine 
de  Lérins  composa  des  vers  à  son  honneur.  Gaufridy 
dit  qu'il  était  devenu  affable,  patient,  et  que  sa  fierté  et 
sa  fougue  se  changèrent  en  une  conduite  douce  et  mo- 
dérée. Nous  acceptons  ce  jugement  d'un  historien  aussi 
grave  que  Gaufridy,  mais  en  faisant  remarquer  que  la 
passion  profonde  qu'il  nourrissait  contre  les  luthériens 
ne  s'éteignit  qu'avec  son  souffle.  Il  est  vrai  que  l'Eglise 
en  faisait  alors  une  vertu  (i). 

RENTRÉE    DES    VAUDOIS    DANS    LEUR    PAYS    {1556). 

Après  la  dévastation  des  contrées  habitées  par  les  Vau- 
dois,  leur  pays  serait  resté  en  partie  désert  «  si  les  pros- 
crits, »  dit  Frossard,  «  que  rappelèrent  des  moments 
plus  tranquilles  et  l'amour  de  la  patrie,  n'étaient  revenus 
des  retraites  oii  ils  s'étaient  cachés  ou  des  pays  lointains 


(i)  La  chronique  d'un  notaire  d'Orange,  p.  39;  Aubery,  Histoire  de  l'exécution , 
etc.  ;  —  Sleidan,  Histoire  de  l'estat  delà  religion,  p.  260-262  ;  —  Crespin,  His- 
toire des  martyrs,  fol.  141-15^,  195-197;  —  De  Bèze ,  Histoire  ecclésiastique , 
t.  I,  p.  22-50,  45-50;  —  La  Popelinière,  Histoire  de  France,  t.  I,  fol.  24-29  ; 

—  Recueil  des  choses  mémorables,  p.  lo-ij  ;  —  De  Thou  ,  Histoire  universelle, 
t.  I,  p.  552-546;  — d'Aubigné,  Histoire  universelle,  t.  I,  col.  100,  ni,  112;  — 
Nostradamus,  p,  711  et  suiv.  ;  —  Honoré  Bouche,  t.  H,  p.  609,  62}  ;  — 
Gaufridy,  t.  II,  457-494;  —  Papon ,  t.  IV,  p.  90-108,  114-127,  155-14?  ;  — 
Louvet,  Histoire  des  troubles,  t.  I,  p.  96-153  ;  —  Lambert,  t.  I  ,  p.  25-83',  — 
Cabasse,  Essai  historique  sur  le  parlement  de  Provence,  t.  I  ,  p.  85-161;  — 
Pitton,  Histoire  de  la  ville  d'Aix,  p.  276-285  ;  —  Boze,  Histoire  d'Apt,  p.  237 
et  suiv.;  —  L.  Frossard,  Les  Vaudois  de  Provence,  etc.,  etc.  —  Manuscrits  de 
la  bibliothèque  publique  d'Aix:  Pièces  sur  le  Parlement  d'Aix  (n°»  929-931); 

—  Pièces  concernant  l'affaire  de  Mérindol  (n°'  796  et  798)  ;  —  Plaidoyers, 
etc.,  sur  le  fait  de  ceux  de  Cabrières  et  de  Mérindol  (n-  204)  ;  —  Manus- 
crits de  la  bibliothèque  publique  de  Carpentras  :  Remerville,  Histoire  de  la 
ville  d'Apt  ;  —  Giberti,  Histoire  de  la  ville  de  Pernes;  etc. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  lOI 

pour  reprendre  possession  de  leurs  terres  dévastées. 
Profitant  de  la  confusion  dans  laquelle  la  peste  de  1556 
avait  jeté  la  population  au  milieu  de  laquelle  elle  faisait 
des  ravages,  ils  rentrèrent  en  nombre  assez  considé- 
rable. » 

Ce  furent  surtout  les  Vaudois  réfugiés  chez  leurs  frè- 
res des  Vallées  du  Piémont,  d'oij  leurs  ancêtres  étaient 
sortis,  qui  revinrent  en  Provence.  Ils  usèrent  de  la  gé- 
néreuse hospitalité  qu'ils  avaient  reçue  «  jusques  à  ce 
que,  avec  le  temps,  »  dit  Gilles  (i),  «  ils  eurent  la  com- 
modité de  retourner  en  leurs  maisons ,  Dieu  ayant  fait 
périr  misérablement  la  plus  grande  partie  des  auteurs 
et  exécuteurs  desdites   cruautés,  avec   des  manifestes 
témoignages  de  sa  fureur  contre  eux.  Quelques-uns  de 
ces   réfugiés  désirèrent  de  continuer  leur  demeure  es 
Vallées,  surtout  quelques  filles  qui  s'y  marièrent.  Et  les 
autres,  retournés  en  leurs  maisons,  y  ont  rempli  leur 
lieu.,  continuant  en  la  profession  de  la  vraie  religion.  » 
Ils  rebâtirent  Mérindol  et  les  autres  lieux  incendiés,  et 
redevinrent  prospères  (2). 

MARTYRE  DE  ROMYEN  A  DRAGUIGNAN  (l^ÇS). 

Les  souffrances  inouïes  endurées  par  les  Vaudois 
n'arrêtèrent  pas  le  mouvement  de  la  Réforme.  Les  lu- 
thériens multiplièrent  leurs  prêches  et  étabHrent  des  lieux 
de  culte  partout  où  ils  étaient  les  plus  forts.  Personne 
n'y  pouvait  rien.  Le  Parlement  avait  perdu  son  crédit 
par  ses  excès  mêmes  ;  les  gentilshommes  catholiques 
étaient  impuissants,  les  villes  divisées  de  sentiments,  le 


(i)  Pages  49,  50. 
(2)  Gaufridy,  t.  II,  p. 


102  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

comte  de  Tende ,  lieutenant  pour  le  roi  en  Provence , 
hésitant  entre  les  deux  partis  (i). 

Henri  II  seul  n'hésitait  pas  et  rendait  édit  sur  édit 
contre  les  luthériens.  Le  24  juillet  1 557,  il  en  publia  un 
fort  sévère  qui  portait  peine  de  mort  contre  ceux  qui, 
publiquement  ou  en  secret,  professeraient  une  religion 
différente  de  la  religion  catholique.  Un  malheureux  col- 
porteur, qui  parcourait  la  Provence  vers  ce  temps,  en 
fut  la  victime. 

Benoît  Romyen  (ou  Rémy),  natif  de  Villard-d'Arènes 
en  Dauphiné,  avait  conduit  sa  femme  et  ses  enfants  à 
Genève  pour  qu'ils  pussent  y  pratiquer  librement  la  re- 
ligion réformée,  et  lui-même,  professant  l'état  de  mer- 
cier-colporteur, voyageait  pour  vendre  sa  marchandise. 
Passant  en  avril  1558  à  Draguignan  pour  se  rendre  à 
Marseille ,  il  offrit  deux  beaux  ouvrages  de  corail  à  un 
de  ses  confrères,  nommé  Lantheaume  Blanc,  qui,  n'ayant 
pu  les  acquérir  à  cause  du  prix  élevé  qu'en  demandait 
Romyen,  le  dénonça  par  envie  comme  luthérien  au  baron 
de  Lauris,  conseiller  au  Parlement  et  gendre  de  d'Op- 
pède,  comme  on  sait,  qui  était  pour  lors  à  Draguignan. 
Lauris  feignant,  pour  gagner  du  temps,  de  vouloir  ache- 
ter lui-même  ces  ouvrages  de  corail,  le  dénonça  à  son 
tour  au  viguier  du  lieu.  Ce  dernier,  se  saisissant  aussitôt 
de  la  marchandise  du  colporteur,  le  jeta  en  prison,  aver- 
tit l'avocat  du  roi  et  les  consuls  de  la  ville,  et  tous  en- 
semble lui  firent  subir  un  interrogatoire.  Romyen  con- 
fessa courageusement  sa  foi  et,  en  suite  de  ses  aveux, 
fut  jeté,  les  fers  aux  pieds,  dans  un  cachot  infect.  Lauris 
avertit  ensuite  Antoine  du  Revest,  lieutenant  du  séné- 
chal, qui,  lui  reprochant  d'avoir  empiété  sur  sa  juridic- 
tion, refusa  de  l'accompagner  à  la  prison.  Il  n'en  donna 

(i)  Gaufridy,  t.  II,  p.  495. 


ETABLISSEMENT   DE    LA    REFORME    EN    PROVENCE.  IO5 

pas  moins  l'ordre  de  transférer  le  colporteur  à  la  con- 
ciergerie, et  là  le  soumit  à  un  second  interrogatoire, 
qui  aboutit  au  même  résultat  que  le  premier. 

Le  lendemain ,  du  Revest  lui  adressa  de  nouvelles 
questions  dans  le  but  de  s'assurer  s'il  n'était  pas  venu 
dans  le  pays  pour  répandre  ses  doctrines,  et  ne  portait 
pas  avec  lui  quelques  livres  de  la  nouvelle  religion  :  à 
quoi  le  prisonnier  répondit  négativement. 

Prévoyant  la  fatale  issue  qu'aurait  son  procès ,  quel- 
ques luthériens  de  la  ville  lui  proposèrent  divers  moyens 
de  défense,  qu'il  repoussa  comme  contraires  à  sa  loyauté, 
et  leur  déclara  qu'il  était  résolu  à  mourir  pour  sa  foi. 
Sa  constance  ayant  fait  du  bruit  dans  Draguignan ,  le 
juge  du  lieu,  nommé  Barbosi,  homme  ignorant  et  gros- 
sier, désira  le  voir  et  lui  demanda  si  ceux  de  Genève 
croyaient  en  Dieu  et  le  priaient  :  ce  qui  lui  valut  une 
verte  réponse  du  colporteur. 

Du  Revest  l'ayant  interrogé  une  seconde  fois,  Ro- 
myen  demanda  la  permission  de  faire  sa  prière,  et  la 
prononça  avec  un  tel  accent  de  conviction  que  le  lieu- 
tenant en  fut  touché  ;  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  de 
Barbosi,  qui  dit  dans  toute  la  ville  que  le  colporteur 
n'échapperait  pas  et  qu'on  en  prendrait  bien  d'autres. 
Les  évangéliques,  effrayés  de  ces  paroles,  conseillèrent 
alors  à  Romyen  d'en  appeler  aux  seigneurs  de  Genève, 
et,  à  leur  défaut,  au  grand  conseil  du  roi,  et  il  y  con- 
sentit pour  leur  être  agréable,  car  il  ne  redoutait  pas  la 
mort  et  paraissait  même  la  désirer. 

De  son  côté,  un  moine  observantin,  qui  avait  prêché 
le  carême  à  Draguignan  et  demandait  à  grands  cris  le 
supplice  de  Romyen ,  gagna  à  sa  cause  les  consuls 
Gavai  et  Cavalieri,  et  tous  ensemble  menacèrent  le  lieu- 
tenant du  roi  de  le  dénoncer  au  Parlement  s'il  ne  faisait 
brûler  le  prisonnier.   Le  lieutenant  assembla  donc  les 


104  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

juges  le  15  avril,  et  leur  adjoignit  le  nombre  d'avocats 
voulus  par  les  ordonnances  royales.  L'un  de  ces  der- 
niers,  plus  humain  que  les  autres,  se  fondant  sur  ce 
que  Romyen  n'avait  pas  dogmatisé,  n'était  porteur  d'au- 
cun livre  hérétique  et  n'avait  fait  connaître  ses  doctrines 
que  parce  qu'il  y  avait  été  contraint  par  voie  de  justice, 
opina  pour  qu'il  fût  renvoyé  à  Genève,  puisqu'il  y  avait 
établi  son  domicile.  L'assemblée  se  divisa  là-dessus  en 
deux  camps  d'un  nombre  égal  de  voix,  à  l'exception  de 
du  Revest,  qui  n'avait  pas  fait  connaître  son  avis.  C'est 
pourquoi  les  ennemis  de  Romyen,  craignant  qu'il  ne  se 
prononçât  en  faveur  du  prisonnrer,  firent  lever  la  séance. 

Informé  de  ce  qui  s'était  passé,  le  moine,  l'official  de 
l'évêque  et  les  prêtres  ameutèrent  au  son  de  cloche  le 
peuple ,  qui  se  rendit  tour  à  tour  auprès  du  lieutenant , 
des  juges  et  des  avocats  pour  demander  le  supplice  du 
colporteur.  Et  comme  le  lieutenant  ne  voulait  pas  s'ad- 
joindre d'autres  juges  que  les  premiers,  ils  décidèrent 
le  conseil  de  ville  à  faire  les  frais  d'un  procès  au  Par- 
lement, qui,  sur  l'heure,  requit  le  lieutenant  de  lui  expé- 
dier le  prisonnier.  Barbosi  porta  le  dossier  à  Aix,  mais, 
comme  il  désirait  que  Romyen  fût  brûlé  à  Draguignan, 
il  obtint  que  son  procès  serait  fait  dans  cette  ville.  Le 
lieutenant  reçut  donc  l'ordre  de  s'adjoindre  les  plus 
anciens  avocats  de  Draguignan  et  de  rendre  son  arrêt. 
Ainsi  composé,  le  tribunal  condamna  Romyen  à  être 
brûlé  vif  comme  hérétique  ou ,  s'il  se  rétractait ,  à  être 
pendu. 

Ayant  fait  appel  de  ce  jugement  à  la  Cour  d'Aix, 
Romyen  y  fut  conduit,  mais  non  sans  être  témoin  des 
regrets  du  lieutenant  qui,  le  voyant  passer  de  sa  fenêtre, 
demanda  pardon  à  Dieu  de  l'avoir  condamné  à  mort. 
Le  Parlement,  ayant  fait  interroger  Romyen  par  un 
moine,  qui  discuta  avec  lui  pendant  trois  heures,  con- 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA   RÉFORME   EN    PROVENCE.  I05 

firma  la  sentence  des  premiers  juges.  Ramené  à  Dra- 
guignan ,  le  colporteur  fut  mis  à  la  torture  pour  qu'il 
dénonçât  ses  complices  s'il  en  avait  et  reniât  sa  foi. 
Mais  il  demeura  ferme  et  endura  de  si  grandes  souf- 
frances qu'on  le  conduisit  au  bûcher  presque  mort.  Les 
consuls  avaient  fait  convoquer  par  les  curés  les  habi- 
tants des  paroisses  voisines.  Romyen  ayant  prononcé  une 
prière  à  haute  voix  près  de  son  bûcher,  un  des  prêtres 
qui  étaient  là  en  grand  nombre  lui  dit  de  réciter  VAve 
Maria,  et,  sur  son  refus,  plusieurs  de  ces  derniers  lui 
tirèrent  la  barbe  et  l'injurièrent.  Un  lourdeau  d'entre  la 
troupe  monta  sur  le  bois  pour  l'admonester,  mais  il  lui 
dit  :  «  Laisse-moi  en  paix.  »  Là-dessus  ,  le  père  gar- 
dien d'un  couvent  s'écriant  qu'il  avait  blasphémé,  Bar- 
bosi  donna  ordre  de  Uii  mettre  un  bâillon,  et  le  peuple 
demanda,  de  son  côté,  qu'on  le  brûlât  sans  tarder. 
((  Lors  le  bourreau,  »  dit  Crespin,  a  mit  feu  à  la  paille 
et  au  menu  bois  qui  était  à  l'entour,  en  sorte  qu'ils  fu- 
rent incontinent  usés.  Romyen  demeura  pendu  en  l'air 
avant  de  mourir.  Etait  presque  tout  brûlé  par  le  bas , 
qu'on  le  voyait  remuant  les  lèvres  sans  faire  aucun  bruit 
et  rendit  l'esprit  à  Dieu.  » 

Les  avis  furent  partagés  dans  la  foule  au  sujet  de 
ce  supplice,  qui  eut  lieu  le  i6  mai  1558.  Les  uns  blâ- 
maient les  moines  et  les  prêtres  de  s'être  acharnés  à  la 
personne  du  martyr,  disant  que  si  l'on  l'avait  entouré  de 
gens  de  bien,  «  tout  fût  allé  pour  les  mieux.  »  Les  au- 
tres ne  se  cachaient  point  pour  avouer  «  qu'on  lui  avait 
fait  tort.  »  D'autres  s'entretenaient  avec  surprise  de  la 
cause  de  son  supplice  et  de  sa  doctrine  (i). 

Cet  autodafé  fut  le  prélude  d'événements  plus  graves 
qui  se  passèrent  à  Draguignan  même,  comme  on  va  le  voir. 

(i)  Crespin,  fol.  460-462;  —  De  Bèze,  t.  I,  p.  99- 


I06  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ANTOINE  ET  PAULON  DE  MAUVANS  EMBRASSENT  LA  RÉ- 
FORME. ASSAUT  DE  LEUR  MAISON.  ASSASSINAT  d'aN- 
TOINE  DE  MAUVANS.  MARTYRE  d'aULDOL  (  I  5  59  , 
1560). 

Les  seigneurs  Richieud  de  Mauvans  (i),  Antoine  et 
Paulon,  issus  d'une  petite  et  humble  famille  (2),  dont  les 
ancêtres,  de  père  en  fils,  dirigeaient  les  affaires  publi- 
ques dans  la  haute  Provence,  «  au  grand  contentement 
des  gens  de  bien,  »  et  qui  eux-mêmes  avaient  signalé 
leur  courage  dans  les  guerres  du  Piémont,  s'étaient  reti- 
rés chez  eux  et  passaient  une  partie  de  leur  temps  à  Cas- 
tellane,'oij  ils  possédaient  une  maison.  Ayant  embrassé 
les  doctrines  nouvelles  qui  avaietit  été  introduites  secrè- 
tement dans  la  ville  dès  1557  par  le  seigneur  de  Caille, 
de  la  famille  Brun,  ils  devinrent  l'instrument  de  la  con- 
version de  plusieurs  gentilshommes  de  leurs  parents  et 
amis  et  de  beaucoup  de  gens  du  peuple  qui  se  réunis- 
saient chez  eux  de  nuit  malgré  la  rigueur  de  l'hiver,  et 
souvent  de  loin ,  si  bien  qu'ils  appelèrent ,  pour  les  in- 
struire, un  ministre  de  Genève,  qui  arriva  à  Castellane 
en  janvier  1 5  59. 

Les  catholiques,  émus  de  ses  succès,  firent  venir  un 
cordelier  «  à  la  grande  manche  »  pour  prêcher  le  ca- 


(i)  Richieud  et  Mauvans  sont  les  vrais  noms,  au  lieu  de  Richiend  et 
Mouvans,  comme  écrivent  beaucoup  d'auteurs.  Le  premier  est  un  nom  de 
famille,  le  second  un  nom  de  terre.  Mauvans,  mieux  Malvans  {Castrum  de 
Malvinis) ,  était  une  commune,  déserte  à  cette  heure,  qui  garda  son  nom 
jusqu'en  1792,  époque  où  elle  fut  réunie  à  Vence  (Tisserand,  Histoire  de 
Vence,  p.  286  et  287).  Quand  au  nom  de  Paulon,  qu'on  va  rencontrer, 
c'était  un  sobriquet  pour  Paul. 

(2)  Leur  père  s'appelait  Antoine  Richieud  et  leur  frère  aîné  Elzéar. 
Celui-ci  était  resté  dans  sa  famille  pour  en  soutenir  le  rang,  et  ses  deux  frères 
avaient  embrassé  le  parti  des  armes  (L'abbé  Lamenei,  Histoire  de  Castellane, 
p.  271). 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA   RÉFORME   EN    PROVENCE.  107 

rême.  Ne  se  contentant  pas  de  remplir  sa  mission  reli- 
gieuse, le  cordelier  attaqua  violemment,  en  chaire,  les 
évangéliques ,  se  prétendit  injurié  par  le  ministre  et 
menacé  par  Antoine  de  Mauvans,  puis,  s'alliant  avec  les 
consuls  et  la  populace,  il  excita  une  sédition  au  son  du 
tocsin.  Cinq  ou  six  cents  personnes  assiégèrent  la  mai- 
son des  Mauvans  en  criant  :  Foro  (dehors),  luthériens! 
foro,  huguenauts!  rompirent  les  vitres,  les  fenêtres  et  la 
porte.  Mais  les  frères  Mauvans,  qui  étaient  de  vaillants 
soldats,  se  barricadèrent  chez  eux  avec  cent  des  leurs, 
firent  une  décharge  de  mousqueterie  qui  tua  trois  sédi- 
tieux, en  blessa  plusieurs  et  mit  les  autres  en  fuite. 
Puis,  le  lendemain,  ils  sortirent  de  la  ville  sans  que 
personne  osât  les  attaquer. 

Antoine ,  malheureusement ,  n'écoutant  que  la  ven- 
geance, se  mit  à  la  tête  de  trois  cents  hommes  déter- 
minés de  Castellane  et  des  environs,  saccagea  le  fau- 
bourg de  cette  ville  et  le  couvent  des  Augustins  qui  y 
était  bâti  et  continua  son  œuvre  de  destruction  par  les 
éghses  de  Senez,  Digne,  Barjols  et  autres,  maltraitant, 
tuant  même  ceux  qui  lui  opposaient  de  la  résistance  ; 
après  quoi,  il  se  rendit  dans  son  château  de  Mauvans, 
oij  il  se  fortifia  avec  ses  hommes. 

Paulon,  de  son  côté,  partit  secrètement  pour  déposer 
une  plainte  entre  les  mains  du  Parlement  d'Aix.  Le 
comte  de  Tende,  gouverneur  de  Provence  et  heutenant 
général  pour  le  roi ,  homme  naturellement  doux  et  mo- 
déré, le  reçut  dans  sa  maison  et  servit  ses  intérêts  de 
tout  son  pouvoir. 

Les  séditieux,  ayant  appris  cette  démarche  de  Paulon, 
envoyèrent  des  députés  à  Aix,  qui  se  concertèrent  avec 
un  conseiller  à  la  Cour,  nommé  François  Rascas,  sieur 
de  Bagaris,  et  Girard  Ambrois,  ancien  viguier,  très  mal 
disposés   l'un    et    l'autre   pour    les   Mauvans   à   cause 


I08  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

de  rivalités  d'influence,  et,  tous  ensemble,  dénoncèrent 
les  assemblées  nocturnes  des  luthériens  de  Castellane. 
Le  Parlement  délibéra  longtemps  sur  le  parti  qu'il  de- 
vait prendre ,  car  il  était  divisé  d'opinion.  Enfin  ,  non- 
obstant l'opposition  que  firent  plusieurs  conseillers,  il 
décida  qu'on  informerait  contre  les  Mauvans  comme 
hérétiques. 

Vétéris  (ou  Victoris)  et  Esprit  Vitalis,  jeunes  conseil- 
lers, chargés  de  l'instruction,  prirent  dès  d'abord  parti 
contre  les  accusés  en  faisant  relâcher,  à  Riez,  les  deux 
principaux  auteurs  de  la  sédition,  que  le  lieutenant  du 
sénéchal  de  Draguignan,  Antoine  du  Revest,  avait  déjà 
fait  emprisonner.  Ce  déni  de  justice  enhardit  tellement 
les  habitants  de  Castellane  qu'ils  mirent  aussitôt  à  sac 
la  maison  des  Mauvans,  en  chassèrent  leurs  femmes  et 
leurs  enfants  et  brûlèrent  leurs  granges.  Arrivés  à  Dra- 
guignan, les  commissaires  décrétèrent  de  prise  de  corps 
comme  hérétiques  les  deux  frères  Mauvans,  ce  qui  dé- 
cida Paulon,  qui  avait  passé  quinze  jours  à  Aix,  chez  le 
comte  de  Tende ,  à  se  rendre  à  la  cour  de  France  pour 
se  pourvoir  au  conseil  du  roi  contre  l'arrêt  du  Parle- 
ment, qui  avait  ordonné  des  poursuites  contre  lui  et 
son  frère.  Il  vit  Henri  II,  l'amiral  Gaspard  de  Coligny, 
Michel  de  l'Hospital,  chancelier  de  France,  et  Louis 
de  Bourbon,  prince  de  Condé,  leur  dénonça  les  con- 
cussions du  Parlement  de  Provence  et  ses  infractions 
aux  lois  du  royaume  et  obtint  du  roi  que  son  procès 
serait  jugé  par  le  Parlement  de  Grenoble  ;  mais  la  Cour 
d'Aix  refusa  de  se  soumettre  à  l'ordre  du  roi,  et,  grâce 
à  la  protection  du  cardinal  Charles  de  Lorraine,  frère  du 
duc  François  de  Guise,  obtint  des  lettres  de  cachet  qui 
lui  enjoignirent  de  ne  point  se  dessaisir  de  la  cause.  Les 
juges  du  conseil,  de  leur  côté,  retinrent,  par  ordre  du 
même  cardinal ,  les  pièces  des  Mauvans  pour  les  em- 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  1 09 

pêcher  de  poursuivre  leurs  procès  ;  mais  ceux-ci  ne  se 
laissèrent  point  arrêter  pour  cela  et ,  comme  «  ceux  de 
la  religion  de  divers  lieux  de  Provence,  »  dit  de  Bèze, 
((  se  sentant  pareillement  oppressés  d'une  infinité  d'in- 
justices, leur  baillèrent  force  mémoires  et  instructions 
contenant  une  infinité  de  concussions,  larcins  et  crimes 
énormes  commis  par  leurs  adversaires  du  Parlement,  » 
ils  décidèrent  de  fonder  une  bourse  commune  pour 
subvenir  aux  frais  de  la  poursuite  de  ces  derniers  auprès 
du  roi,  et  ayant  fait  entendre  plusieurs  témoins  et  re- 
cueilli les  pièces  à  l'appui,  ils  accusèrent  au  conseil  du 
roi  les  juges  du  Parlement  d'Aix  de  concussions  et  de 
brigandages.  On  peut  juger  par  là  de  l'énergie  et  du 
courage  des  frères  Mauvans.  Le  plus  jeune ,  Paulon , 
était  un  gentilhomme  particulièrement  remarquable. 
Claude  de  Cormis ,  son  contemporain ,  qui  le  connais- 
sait beaucoup,  dit  que  c'était  «  un  homme  d'une  grande 
âme  et  grand  dessein  et  entreprenant,  avec  l'esprit  pé- 
nétrant et  bon  entendement,  autant  savant  en  affaires 
qu'en  guerre  et  bien  capable  d'être  chef  de  parti,  »  et, 
ailleurs,  que  c'était  un  a  grand  personnage,  ayant  tête, 
cœur,  main  et  langue;  »  à  quoi  Nostradamus  ajoute 
qu'à  l'extérieur,  il  était  «  robuste,  de  belle  défaite  et 
de  gros  de  sang.  » 

Quelque  temps  après,  le  lieutenant  du  Revest  et 
Bruny,  receveur  à  Draguignan,  écrivirent  à  Antoine  de 
Mauvans  que  Girard  Ambrois,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut,  avait  des  propositions  d'accommodement  à  lui  faire  à 
Flayosc  et  qu'ils  lui  conseillaient  de  les  accueillir  favo- 
rablement. Antoine,  confiant  dans  leur  parole  et  accep- 
tant pour  arbitres  le  viguier  Martin  et  les  seigneurs 
de  Barrème,  d'Espinouse  et  de  Mandols,  part  avec  ses 
neveux  et  Honorât  Auldol  dit  Bramaire,  maître  de  l'hô- 
tel du  Cheval-Blanc  à  Castellane.  N'ayant  pas  rencon- 


110  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

tré  les  arbitres  à  Fiayosc ,  il  descendit  jusqu'à  Dragui- 
gnan  pour  y  passer  la  nuit  et  logea  à  rhôtellerie  des 
Trois-Rois.  C'était  le  23  octobre  1559.  Peu  après  son 
arrivée,  s'étant  promené  dans  la  ville,  il  fut  reconnu  par 
quelques  prêtres  ;  désigné  par  eux  à  des  enfants  qui, 
excités  par  leurs  paroles  et  par  un  conseiller  au  Parle- 
ment (i),  se  mirent  à  crier  au  luthérien  et  à  sonner  le 
tocsin  pour  ameuter  la  foule.  Antoine  se  hâta  de  rega- 
gner son  logis  avec  trois  autres  de  ses  compagnons  de 
route  ;  mais  la  populace ,  comptant  plus  de  trois  mille 
personnes ,  se  mit  à  faire  le  siège  de  l'hôtellerie  et  en 
força  les  portes.  Quelques  hommes  de  bien  de  la  ville, 
ayant  voulu  l'apaiser,  ne  durent  leur  salut  qu'à  la  fuite. 
Antoine ,  monté  sur  les  toits  pour  gagner  une  maison 
voisine,  reçut  un  coup  d'arquebuse.  Son  neveu,  qui  le 
suivait,  parvint  à  se  cacher  dans  une  cave.  Pour  lui,  il 
alla  s'enfermer  dans  une  chambre.  Les  mutins,  craignant 
qu'il  ne  leur  échappât  à  cause  de  la  nuit,  allèrent  cher- 
cher le  viguier  de  la  ville  qui  le  somma  de  se  rendre.  Il 
ouvrit  la  porte  et  saisit,  pour  se  protéger,  le  bout  du 
bâton  de  justice  que  lui  présenta  le  viguier  ;  mais  deux 
muletiers  survinrent  qui  retendirent  à  demi-mort  de  deux 
coups  de  bâton  ferré.  Lié  par  les  pieds  en  cet  état,  on 
le  traîna  jusqu'à  la  conciergerie ,  oia  il  ne  tarda  pas  à 
rendre  le  dernier  soupir  après  avoir  subi  des  outrages 
que  la  pudeur  ne  permet  pas  de  nommer. 

Les  mutins  sans  désemparer  retournèrent  à  l'hôtel- 
lerie pour  se  saisir  des  compagnons  d'Antoine,  et,  ne 
les  ayant  pas  trouvés,  quatre  d'entre  eux  se  rendirent 
en  hâte  à  Castellane  pour  exciter  le  peuple  à  faire  su- 
bir un  semblable  traitement  à  Paulon  son  frère ,  avant 
qu'il  fût  averti. 

(i)  Probablement   le    baron   de   Lauris ,   qui   avait   fait  arrêter  Romyert 
l'année  d'avant. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  I  I  i 

Le  lendemain,  les  séditieux  arrachèrent  les  entrailles 
du  cadavre  d'Antoine,  qu'on  avait  déposé  dans  la  prison 
et  que  les  enfants  se  mirent  à  traîner  dans  les  rues.  Ils 
coupèrent  également  son  cœur  et  son  foie  en  plusieurs 
morceaux,  qu'ils  fixèrent  à  des  bâtons.  L'un  d'eux  pré- 
senta un  des  morceaux  à  son  chien  qui,  ayant  détourné  la 
tête,  s'attira  cette  apostrophe  de  son  maître  :  «  Serais- 
tu  luthérien  comme  Mauvans  ?  »    Quelques  personnes 
charitables  voulurent  inhumer  le  cadavre,  mais  les  prê- 
tres s'y  opposèrent  et  le  corps  fut  de  nouveau  renfermé 
dans  la  prison.  Pour   les   autres  restes,  ils  furent  re- 
cueillis avec  soin  par  un  huguenot  secret,  natif  de  Dra- 
guignan,  nommé  Giraud,  qui  les  inhuma  pendant  la  nuit. 
Muni  d'un   sauf-conduit ,  Paulon  de   Mauvans  partit 
sans  plus  tarder  pour  Aix,  raconta  les  faits  au  comte  de 
Tende  et  requit  le  Parlement  de  faire  justice  d'un  si 
horrible  attentat.  Celui-ci  envoya  à  Draguigan  les  mêmes 
conseillers  que  précédemment,  Vetéris  et  Vitahs,   qui, 
au  lieu  de  rechercher  les  meurtriers,  donnèrent  l'ordre 
de  saler  le  corps  d'Antoine,  le  firent  porter  à  Aix  par 
les    assassins   eux-mêmes,   informèrent    sur  la  vie,   les 
mœurs  et  la  conduite  de  la  victime  et  dirent  à  quelques 
témoins  de  Castellane  que  «  ceux  de  Draguignan  leur 
avaient  donné  une  leçon,  leur  signifiant  qu'après  le  vieil 
tué,    il    ne  restait  plus  que    de    dépêcher   le  jeune.   » 
«  Vous  montrez  bien,  »  ajoutaient-ils,»  n'avoir  aucun  cou- 
rage; tuez,   tuez    cette  racaille  de  luthériens.  »   a   Ce 
peuple,  »  dit  de  Bèze,  «  qui  de  soi  n'est  que  trop  bouillant 
et    acharné,    se    sentant  encouragé    par   ceux    mêmes 
qui  devaient  le  retenir,  devint  si  fier  et  orgueilleux. que 
rien   plus.   Et  n'ayant  pu   attraper  Paul,   tuèrent  grand 
nombre  d'autres  gens,  sans  qu'aucune  punition  ni  per- 
quisition en  fût  faite  ;  en  sorte  que  toutes  choses  étaient 
licites  à  ces  insensés.  » 


112  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Honorât  Auldol,  qui  avait  été  mis  en  prison,  con- 
fessa courageusement  sa  foi  devant  les  deux  commis- 
saires du  Parlement  et  fut  emmené  à  Aix,  en  novembre 
1559.  De  son  côté,  le  baron  de  Lagarde,  qui  avait  reçu 
l'ordre  secret  du  duc  de  Guise  de  prendre  Paulon  mort 
ou  vif,  continua  ses  poursuites  contre  lui  et  contre  les 
autres  fidèles  de  Provence;  mais  le  Parlement,  crai- 
gnant le  bruit  que  pouvait  faire,  pour  le  moment,  le  pro- 
cès des  deux  frères  et  celui  d'Auldol,  les  laissa  som- 
meiller jusqu'au  5  février  1560,  époque  où  il  condamna 
le  corps  d'Antoine  à  être  brûlé,  de  même  qu' Auldol, 
sur  la  place  des  Jacobins.  Le  bienheureux  martyr  mon- 
tra la  plus  entière  constance.  Un  homme  de  la  foule  lui 
ayant  lancé  une  pierre  qni  le  blessa  grièvement  et  fit 
tomber  le  bâillon  qu'on  avait  mis  à  sa  bouche,  il  lui  ré- 
pondit avec  douceur  :  «  Dieu  veuille  te  pardonner!  » 
Après  quoi  il  rendit  l'esprit  (i). 

Le  martyre  de  Romyen  et  d'Auldol,  aussi  bien  que 
l'assassinat  d'Antoine  de  Mauvans,  n'était  pas  fait  pour 
calmer  les  alarmes  conçues  précédemment  par  les  pro- 
testants provençaux,  de  telle  sorte  qu'un  assez  grand 
nombre  d'entre  eux  se  réfugièrent  à  l'étranger.  De  la 
mort  de  d'Oppède  (29  juillet  1558)  jusqu'à  la  fin  de 
l'année  1560,  nous  en  trouvons  jusqu'à  soixante-deux 
établis  à  Genève  (2). 

PROGRÈS  DE    LA   RÉFORME    EN    PROVENCE.   STATISTIQUE 


(i)  Claude  de  Cormis ,  dans  Louvet ,  Additions,  t.  I,  p.  çi6  et  suiv.  ;  — 
De  Serres,  Comment,  i^  pars,  fol.  46;  —  La  Popelinière,  t.  I,  fol.  175-178; 
—  Régnier  de  la  Planche,  t.  I,  p.  217-220  ;  —  Recueil  des  choses  mémorables, 
p.  94;  —  Crespin,  p.  542,  Ç43  ;  —  De  Bèze,  t.  I,  p.  254,  255  ;  —  De  Thou, 
t.  II  ,  p.  817,  818  ;  —  Honoré  Bouche ,  t.  II ,  p.  628  ;  —  Papon  .t.  IV  , 
p.  144-147;  —  Lambert,  t.  I,p.  85-96;  —  L'abbé  Lamenei  ,  Histoire  de  Cas- 
tellane. 

(2)  Voy.  Pièces  justificatives,  n°  III,  1°  et  2». 


ÉTABLISSEMENT   DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  II? 

DES    EGLISES  RÉFORMÉES   ET    DES    LIEUX    DE  CE    PAYS 
HABITÉS   PAR  DES   PROTESTANTS  (1560-1562). 

Le  roi  Henri  II  était  mort  le  lo  juillet  1559,  avant 
les  derniers  événements  que  nous  venons  de  rapporter, 
et  avait  eu  pour  successeur  son  fils  François  II.  Les 
protestants,  espérant  qu'un  changement  de  règne  en 
amènerait  un  dans  leur  situation,  reprirent  courage  et 
introduisirent  en  France  une  grande  quantité  de  caté- 
chismes de.  Calvin  et  de  Psautiers.  La  Provence  en  fut 
remplie.  Les  airs  des  psaumes  «  résonnants  et  doux  à 
l'oreille,  »  dit  Nostradamus  (i),  charmaient  tout  le 
monde,  de  telle  sorte,  ajoute-t-il,  qu'il  n'y  avait  aucun 
homme  d'honneur  qui  ne  fût  «  tenu  pour  grossier  et 
lourd,  »  s'il  n'en  achetait  quelques  exemplaires. 

On  afficha  aussi  en  Provence  une  foule  de  placards 
dès  qu'on  apprit  que  Henri  II  avait  été  blessé  mortelle- 
ment. «  Le  loup  est  malade,  »  disaient-ils,-  «  les  brebis  ont 
bon  temps,  »  et  lorsqu'on  apprit  sa  mort  :  «  Le  loup 
est  mort,  les  brebis  sont  au-dessus  et  n'ont  plus  à 
craindre  (2).  » 

Le  ministre  Baussan ,  de  Lourmarin ,  dans  le 
Triomphe  de  l'Evangile,  publié  cette  même  année,  disait 
également,  en  parlant  de  la  mort  de  Henri  II  : 


Tu  pensais,  Papau  (pape)  séducteur 
Faire  envahir  nos  brebietes  (brebis)  : 
Mais  Dieu,  qui  est  nostre  pasteur, 
A  pris  l'une  de  ses  sagettes  (flèches) 
Et  en  a  tué  d'un  seul  coup 
Ton  grand  et  famélique  loup  (Henri  II). 
Nos  brebis  iront  donc  aux  champs 
Faire  le  saut  dessus  Therbette. 


(i)  Page  782» 

(2)  Boze,  Histoife  de  l'Eglise  d'Apt,  p.  295. 


114  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

Et  vous  mourrez,  Papaux  meschans, 
Sous  la  pâte  de  la  grande  beste. 

En  Juin  (i)  il  fit  un  Eédict 
Pour  faire  abolir  l'Evangille 
Comme  veut  ton  conseil  maudit  ; 
Mais  en  Juillet  un  seigneur  habille  (2), 
Conduict  de  Christ,  a  d'un  seul  coup 
Enterré  votre  avide  loup. 


On  s'enhardit  même  à  bâtir  des  édifices  consacrés 
au  nouveau  culte.  C'est  ainsi  qu'à  la  date  du  29  mai 
1 560  on  travaillait  à  la  construction  d'un  temple  à  La 
Roque-d'Antheron  (3),  Les  sources  de  l'époque  nous 
apprennent  que  ce  mouvement  s'étendit  de  proche  en 
proche  et  gagna  presque  la  moitié  de  la  Provence. 
«  Les  Provençaux  et  plusieurs  autres  ont  rejeté  les 
idoles,  »  écrivait  François  Hotman  à  Calvin,  à  la  date 
du  26  février  1560  (4),  sur  la  foi  de  Rufin,  prédicateur 
des  églises  de  Provence  et  d'un  autre  témoin.  Les  au- 
teurs catholiques  (5)  sont  d'accord  avec  de  Bèze  (6)  pour 
affirmer,  qu'en  mars  1560,  cette  province  comptait 
soixante  églises.  Ce  dernier,  malheureusement,  ne 
donne  les  noms  que  de  quelques-unes  d'elles,  et  il  est 
impossible,  même  avec  les  autres  documents  dont  on 
dispose,  de  les  énumérer  toutes  avec  exactitude.  Nous 
essaierons  néamoins  de  le  faire  en  utilisant  les  maté- 
riaux cités  en  notes  (7).  Les  noms  écrits  en  lettres  itali- 


(i)  Edit  d'Escouan  portant  peine  de  mort  contre  tous  les  luthériens. 
(2)  Gabriel  de  Montgomméry,  capitaine  de  la  garde  écossaise. 
(5)  Louvet,  Histoire,  t.  I,  p.  142. 

(4)  Cabini  opéra,  t    XVII I,  n°  5165. 

(5)  Nostradamus,  p.  784;  —  Boule,  Essay  de  l'hist.   gènêr.  des  protestans , 
Paris,  1647,  in-S»,  2*  éd.,  p.  75. 

(6)  Tome  I,  p.  108. 

{7)  Crespin  ,  fol.  674  ;  —  De  Bèze,  t.  III,   p.  215  et  suiv.  ;  —   Bulletin  de 
la  Soc.  de  l'Hist.  du  prot.  franc.,  VII,  22  et  suiv.  ;  —  Idem,  VIII,  72  et  suiv.  ; 


ÉTABLISSEMENT   DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  I  I  5 

ques  désignent  les  églises  dressées,  c'est-à-dire  possé- 
dant des  consistoires,  et  quelques-unes  des  pasteurs, 
et  les  noms  en  lettres  ordinaires,  les  autres  lieux  ren- 
fermant des  protestants. 

Apt^  Joucas,  Gardes,  Roussillon,  La  Bastide  des  Gros 
(hameau  de  Gordes),  Lacoste,  Glgnac,  Saint-Martin-de 
Castillon,  Peypin-d Aiguës,  Saint-Martin-d Aiguës  (i), 
Sannes,  La  Motte  -  d' Aiguës,  Sivergues,  Roquefure 
(hameau  d'Apt),  Cabrières-d Aiguës,  Lourmarin,  Mé- 
rindol,  Lauris,  Cadenet ;  —  Lagarde,  Caseneuve,  Saint- 
Quentin  (hameau  de  Saignon),  Pierrevert,  Viens,  Buoux, 
La  Tour-d'Aigues ,  Puget,  Simiane,  Murs  (viguerie 
d'Apt)  (2); 

Arles,  Les  Baux,  Mouriès,  Salon  (viguerie  d'Arles)  ; 

Tarascon,  Eyguières,  Sénas  ;  —  Noves,  Saint-Remy 
(viguerie  de  Tarascon)  ; 

Aix,  La  Roque-d'Antheron,  Saint-Paul-lès-Durance, 
Velaux,  Saint-Savournin,  Marseille  ;  —  Jouques,  Pey- 
rolles,  Pertuis,  Lambesc,  Saint-Cannat,  Lançon,  Cor- 
nillon,  Saint-Chamas,  Berre,  Saint-Mître,  Les  Marti- 
gnes,  Mimet,  Aubagne,  Ollioules  (viguerie  d'Aix)  ; 

Forcalquier,  Ongles,  Manosque,  Oppedette;  — Omer- 
gues,  Revets-de-Bion,  Saumane,  Saint- Etienne,  Banon, 
Sigonce,  Lurs,  Pierrerue,  Mane,  Saint-Quentin  (hameau 
d'Oppedette,  Céreste  (viguerie  de  Forcalquier)  ; 

Sisteron,  Villosc,  —  Curban,  La  Motte-du-Caire, 
Volonne  (viguerie  de  Sisteron)  ; 

Se/ne,  La  Bréole  ;  —  Selonnet  (viguerie  de  Seyne)  ; 

—  Idem,  IX,  295  et  suiv.  ;  —  les  sources  citées  dans  \'Hist.  particul.  des 
égl.  de  Prov.  au  seizième  siècle  racontée  plus  loin. 

(i)  Aujourd'hui  Saint-Martin-la-Brasque. 

(2)  Nous  suivons  les  délimitations  de  la  carte  du  «  Gouvernement  général 
de  Provence  divisé  en  ses  vigueries  »  par  Robert  de  Vaugondy,  le  fils, 
géographe  de  réputation ,  mais  nous  rectifions  l'orthographe  des  noms  de 
lieu. 


I  l6  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Digne,  Espinouse,  Puimichel;  —  Thoard,  Les  Mées 
(viguerie  de  Digne)  ; 

Rie^,  Puimoisson;  —  Moustiers,  Aiguines,  Rou- 
moules,  Valensole,  Gréoux,  Esparron-du-Verdon  (vi- 
guerie de  Moustier)  ; 

Castellanc,  Colmars;  —  Thorame  haute,  Saint-André- 
de-Meouilles  (viguerie  de  Castellane)  ; 

Barjols,  Quinson,  Vinon,  Tavernes  (viguerie  de  Bar- 

jols); 

Saint-Maximin,  Pourcieu,  Tourves  (viguerie  de  Saint- 

Maximin)  ; 

Sio-nes;  —  Brignoles,  Cabasse,  La  Celle,  Roque- 
brussane ,  Besse ,  Sainte-Anastasie  (viguerie  de  Bri- 
gnoles) ; 

Toulon;  —  La  Valette  (viguerie  de  Toulon); 

Sol/iès;  —  Hyères,  Pierrefeu,  Cuers,  Bormes  (vi- 
guerie d'Hyères)  ; 

Lorgnes  (viguerie  de  ce  nom); 

Draguignan,  Tourettes.  Le  Luc,  Fréjus; —  Fayence, 
Seillans,  Bargemon,  Claviers,  Montauroux,  Le  Muy, 
Gonfaron,  Pignan,  Grimaud,  Saint-Tropez,  Cogolin 
(viguerie  de  Draguignan)  ; 

Grasse,  Antibes  ;  —  Saint-Auban,  Cipières,  Caille, 
Le  Broc,  Vence,  La  Colle,  Gagnes,  Mouans-Sartoux, 
La  Napoule  (viguerie  de  Saint-Paul). 

A  ces  soixante  églises,  nous  ajouterons  celles  de  Sault, 
Séderon,  Barret-de-Lioure,  Ferrasiéres,  Montfroc,  Eyga- 
layes  sur  la  lisière  du  Dauphiné,  et  celles  de  La  Charce 
et  de  Lenips,  enclavées  dans  cette  province.  Ces  églises 
furent  longtemps  adjointes  au  Synode  du  Dauphiné. 

Comme  supplément,  nous  ajouterons  encore  les  égli- 
ses de  la  vallée  de  Barcelonnette,  savoir  :  Barcelonneite, 
Jausiers,  Larc/ie  et  Meyronne;  et  les  protestants  dissé- 
minés dans  le  Comté  de  Nice. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  II7 

On  trouvera  plus  loin,  à  l'histoire  particulière  des 
Eglises  réformées  de  Provence  au  seizeime  siècle,  tout 
ce  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  leurs  annales,  depuis 
leur  origine  jusqu'à  l'édit  de  Nantes  de  1 598. 

■  ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE  DE  MÉRINDOL.  ARMEMENTS  DE 
MAUVANS.  SON  TRAITÉ  AVEC  LE  COMTE  DE  TENDE. 
SA    FUITE    A    GENÈVE    (1560). 

Tel  était  l'état  de  la   Réforme  en  Provence,  quand 
Godefroy  de  Barri,  sieur  de  la  Renaudie,  et  plusieurs 
autres  gentilshommes,  témoins  de  l'oppression  exercée 
par  les  Guises  sur  le  nouveau  roi  François  II,  exaspé- 
rés des  exécutions  sanglantes   dont   les  religionnaires 
étaient  victimes    et  de   la  conduite  tenue  par  la  cour 
envers  les  princes  du  sang  (i),  convoquèrent  à  Nantes, 
le   I*'  février   1560,  les   gentilshommes  les  plus  entre- 
prenants du  royaume  et  formèrent  avec  eux  le  projet 
d'enlever  le  jeune  roi  et  la  famille  royale.  Désireux  de 
voir  leur  résolution  adoptée  par  leurs  coreligionnaires 
des  diverses   provinces  de  France,   ils   envoyèrent  en 
Provence  le  capitaine  de  Châteauneuf,  qui  réunit  immé- 
diatement à  Mérindol  (i  5  février  1 560)  les  représentants 
des  soixante  églises  réformées  de  Provence  et  les  invita 
à  nommer  un  député  pour  participer  à  la  conjuration  et 
généralement  pour  prendre   en    main  les  intérêts   des 
évangéliques.  Il  les  engagea  aussi  à  faire  prêcher  publi- 
quement l'Evangile  dans  toutes  les  églises  de  la  province 
et  son  conseil  fut  suivi. 

Calvin  n'approuva  pas  ces  prêches  au  grand  jour, 
qu'il  trouvait  trop  hâtifs.  Il  écrivait  à  ce  propos  à  Sturm 

(i)  Antoine  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme  et  roi  de  Navarre;  Charles  de 
Bourbon,  cardinal  ;  et  Louis  de  Bourbon  ,  prince  de  Condé,  tous  les  trois 
fils  de  Charles  de  Bourbon-Vendôme. 


Il8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

de  Strasbourg  (i)  :  «  Dans  quelques  villes  de  Provence, 
les  gens  de  bien  ont  plus  de  hardiesse  que  je  ne  vou- 
drais. Je  leur  conseille  de  ne  pas  se  montrer  en  public 
avant  l'épuration  de  l'entourage  royal.  Maintenant,  leur 
précipitation  engendrera  de  grands  troubles.  » 

Mauvans,  de  retour  de  Nantes,  où  il  n'avait  pas 
manqué  de  se  rendre,  et  élu  d'un  commun  accord  chef 
militaire  des  protestants  de  Provence,  s'assura  du  con- 
cours de  deux  mille  soldats  choisis  dans  les  églises,  sans 
parler  d'un  grand  nombre  de  volontaires,  et  résolut  de 
s'emparer  tout  d'abord  de  Pertuis.  «  La  possession  de 
cette  ville,  »  dit  Lambert,  «  lui  importait  beaucoup  comme 
base  d'opération  ;  située  à  peu  de  distance  d'Aix  et 
gardant  un  des  passages  de  la  Durance,  elle  présentait 
en  outre  le  grand  avantage  de  permettre  des  communi- 
cations faciles  et  sûres  avec  le  territoire  des  anciens 
Vaudois,  [la  haute  Provence  et  le  Dauphiné,  pays  qui 
montraient  de  l'enthousiasme  pour  la  Réforme.  »  Mau- 
vans tenta  de  s'emparer  de  la  place  en  incendiant  la 
porte  principale  ;  mais  il  fut  repoussé.  Une  mine  qu'il 
fit  pratiquer  sous  le  rempart  fut  découverte,  de  telle 
sorte  que,  découragé,  soit  par  cet  insuccès,  soit  par 
l'avortement  de  la  conjuration  d'Amboise,  qu'il  venait 
d'apprendre,  il  se  rapprocha  du  Dauphiné  avec  ses 
troupes  ;  mais  l'édit  de  Romorantin  qui  suivit  (mai  1 560) 
et  qui  attribuait  aux  prélats  la  connaissance  du  crime 
d'hérésie  et  la  répression  des  assemblées  secrètes,  jeta 
un  tel  effroi  parmi  ses  soldats,  qu'ils  se  retirèrent  pres- 
que tous  dans  leurs  maisons. 

Deux  mois  après  (15  juillet),  les  protestants  proven- 
çaux reprirent  courage  et  Mauvans,  se  mettant  à  la  tète  de 
cinq  cents  Vaudois,   alla  se  ranger  sous  les  drapeaux 

(i)  Lettre  du  25  mars  1560  {Cabini  opéra,  vol.  XVIII,  n"  5174). 


ETABLISSEMENT    DE   LA    REFORME    EN    PROVENCE.  no 

du  célèbre  chef  protestant  dauphinois  Charles  du  Puy- 
Montbrun,  qui  s'apprêtait  à  envahir  les  états  du  Pape. 
En  septembre,  il  rentra  en  Provence  et,  d'accord  avec 
les  gens  de  son  conseil,  il  résolut  de  s'emparer  d'Aix 
pour  délivrer  les  nombreux  religionnaires  qui  y  étaient 
retenus  prisonniers  et  d'y  faire  prêcher  publiquement 
l'Evangile  dans  le  but  d'encourager  les  autres  églises  de 
Provence  à  faire  de  même  et  d'obliger  le  roi,  par  cette 
unanimité  de  démarches  à  accorder  à  tous  ses  sujets 
la  ;liberté  de  conscience  et  de  culte.  11  avait  aussi  la 
pensée  de  tirer  vengeance  des  meurtriers  de  son  frère 
et  de  toutes  les  violences  dont  il  avait  été  lui-même 
l'objet.  Il  fut  convenu  que  les  protestants  d'Aix  s'em- 
pareraient de  deux  portes,  savoir  :  le  capitaine  Antoine 
Marin  de  celle  de  Bellegarde,  et  Jean  Ranc  de  celle 
de  Notre-Dame,  et  que  Mauvans,  en  pénétrant  dans 
la  ville,  se  saisirait  des  places  de  Saint-Sauveur  et  des 
Prêcheurs;  mais  le  complot  ayant  été  dénoncé  par  un 
faux  frère,  les  conjurés  perdirent  courage  et,  quittant 
la  ville,  se  retirèrent  auprès  de  Mauvans.  Les  con- 
seillers protestants  du  Parlement,  François  de  Gênas, 
seigneur  d'Eguilles;  Charles  de  Châteauneuf,  sieur  de 
Mollèges;  André  de  Pena  (i);  Jean  d'Arcussia,  sieur 
de  Gardanne;  Honoré  Somati,  sieur  du  Castellard  ; 
Jean  Ferrier,  seigneur  de  Sainte-Croix  ;  Jean  Salomon 
(d'abord  conseiller  au  Parlement  de  Toulouse),  soup- 
çonnés d'avoir  participé  au  complot,  se  cachèrent  en 
lieu  sûr,  car  on  criait  ouvertement  dans  les  rues  d'Aix 
qu'il  fallait  tuer  tous  les  luthériens  (i  5  décembre  1 560). 
Il  y  eut  aussi  des  complots  religionnaires  à  Forcal- 
quier,  Castellane,   Draguignan,  Sisteron,   Riez,  Arles, 


(i)  Un  des  plus  grands  hommes  de  son  temps.  Il  était  surtout  savant  en 
grec. 


120  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE  PROVENCE. 

Marseille,  Salon  et  ailleurs  ;  mais  ils  avortèrent  tous  et 
les  prisons  se  remplirent  de  conjurés. 

Mauvans,  qui  s'était  approché  jusqu'à  trois  ou  quatre 
lieues  d' Aix,  fut  obligé  de  rétrograder  ;  il  échoua  en  per- 
sonne sur  Apt  et  se  dédommagea  de  ses  insuccès  en  abat- 
tant les  images  des  églises  du  plat  pays  et  en  se  saisissant 
des  reliques  et  autres  ornements  d'or  et  d'argent  qu'il 
y  rencontra.  Il  faisait  fondre  tous  ces  objets  en  présence 
des  consuls  et  des  syndics  des  lieux  oia  il  passait,  et 
en  laissait  le  produit  entre  leurs  mains,  après  avoir  eu 
soin  de  se  faire  délivrer  des  quittances  en  règle  pour  mettre 
sa  responsabilité  à  couvert.  «  Chose  émerveillable,  »  dit 
de  Bèze,  «  en  ceux  de  cette  nation  (de  Provence),  qui 
ont  accoutumé  de  se  montrer  les  plus  insolents  de  tous 
les  gens  de  guerre  français.  »  Il  faut  dire  que,  dans 
l'armée  de  Mauvans,  le  pillage  était  puni  de  mort  et 
que  les  soldats,  qui  se  seraient  rendus  coupables  de  ce 
crime ,    s'exposaient ,    s'ils   parvenaient   à  fuir ,   à  être 
excommuniés  à  leur  retour  dans  leurs  maisons  et  livrés 
aux  magistrats  (i).  «  Ce  bon  ordre,  »  ajoute  de  Bèze, 
«  n'a  pas  toujours  duré.  »  Mauvans  se  saisit  ensuite  de 
Draguignan,    Castellane,    Entrevaux,    Saint-André-de- 
Meouilles,  Colmars,  Seyne,  La  Bréole,  La  Baume-de- 
Sisteron  et  autres  places. 

Le  Parlement  d'Aix,  à  la  première  nouvelle  de  la 
levée  de  boucliers  de  Mauvans,  avait  mandé  un  exprès 
au  comte  de  Tende,  qui  était  pour  lors  à  Marseille,  et 
au  baron  de  Lagarde,  pour  avoir  du  secours.  Le  comte 
convoqua  aussitôt  l'arrière-ban  de  la  noblesse  et,  à  la  tête 
de  six  mille  hommes,  marcha  contre  Mauvans,  qui  s'était 
rendu  en  dernier  lieu  à  Sisteron  pour  en  faire  ouvrir  les 

(i)  «  Moventius  mihi  valdè  placuit  ..  A  sanguine,  ubi  Victoria  prsesens  erat, 
abstinuit  et  prorsus  a  praedà,  quamvis  alii  indigne  ferant  »  (Lettre  de  Farel  à 
Calvin  dans  Calvini  opéra,  vol.  XIX,  n°  5851). 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA    RÉFORME  EN    PROVENCE.  121 

portes  aux  membres  de  l'Eglise  de  cette  ville,  à  qui 
elles  avaient  été  fermées  à  leur  retour  du  prêche,  situé 
dans  le  faubourg.  Mauvans,  qui  avait  licencié  ses  trou- 
pes et  gardé  seulement  auprès  de  lui  cinq  cents  fantas- 
sins et  autant  de  cavaliers,  ne  voulant  pas  hasarder  une 
bataille  avec  si  peu  d'hommes,  non  plus  que  congédier 
ses  gens,  qui  auraient  été  massacrés  un  à  un,  se  forti- 
fia au  haut  pays,  dans  l'abbaye  de  Saint-André,  sise 
sur  le  sommet  d'une  montagne,  près  Trevans,  à  six 
lieues  de  Digne. 

Le  comte  de  Tende,  apprenant  le  lieu  de  sa  retraite, 
s'y  porta  avec  ses  hommes,  et  Mauvans,  laissant  une 
petite  garnison  dans  l'abbaye,  se  jeta  si  résolument  sur 
Lagarde,  qui  était  venu  pour  le  reconnaître,  que  celui-ci 
se  hâta  de  revenir  vers  le  gros  de  l'armée  en  informant 
le  comte  de  Tende  qu'on  ne  pourrait  forcer  Mauvans 
qu'en  essuyant  de  grandes  pertes.  Le  lieutenant  du  roi, 
qui  avait  Mauvans  en  grande  estime  et  ne  voulait  pas 
répandre  à  la  légère  le  sang  de  ses  soldats,  chargea 
Claude  de  Cormis,  celui-là  même  qui  a  laissé  des 
Mémoires,  de  proposer  une  entrevue  au  capitaine  pro- 
vençal. Mauvans  accepta  et  se  rendit  auprès  du  comte. 
Les  gentilshommes  de  l'armée  le  reçurent  avec  beau- 
coup d'égards,  à  l'exception  de  Lagarde,  de  Jean  de 
Pontevés,  seigneur  de  Carcès  (i),  et  de  Durand  de 
Pontevès,  seigneur  de  Flassans,  son  frère,  deux  per- 
sonnages dont  il  sera  beaucoup  parlé  par  la  suite. 

«  Le  comte  lui  ayant  demandé,  »  dit  de  Thou,  c  par 
quel  motif  il  excitait  des  troubles  dans  la  province,  il  répon- 
dit que  le  meurtre  barbare  commis  en  la  personne  de 


(i)  Un  grand  nombre  d'auteurs  se  trompent  en  conférant  à  cette  époque 
le  titre  de  comte  à  Carcès  ,  qui  ne  fut  créé  tel  qu'en  1572,  de  même  qu'en 
l'appelant  Garces,  au  lieu  de  Carcès.  Ce  nom  est  celui  d'un  bourg  des 
environs  de  Brignoles. 


122  HISTOIRE  DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

son  frère,  lui  avait  mis  les  armes  à  la  main  ;  qu'en  ayant 
inutilement  poursuivi  la  vengeance  au  Parlement,  il  avait 
été  obligé  de  lever  des  troupes  pour  sa  défense  ;  que, 
du  reste,  il  ne  demandait  autre  chose,  sinon  que  les 
magistrats  punissent  les  auteurs  de  la  mort  de  son  frère, 
et  réprimassent  l'insolence  de  ceux  de  Castellane,  qui 
lui  tendaient  tous  les  jours  des  embûches  et  en  vou- 
laient à  sa  vie  ;  et  qu'il  souhaitait  qu'on  lui  accor- 
dât, à  lui  et  aux  siens,  le  libre  exercice  d'une  religion 
qu'il  croyait  véritable  ;  qu'il  serait  toujours  fidèle  sujet 
du  roi  comme  il  l'avait  été  jusqu'alors,  et  qu'il  ne  serait 
pas  moins  soumis  à  ses  ordres  qu'il  l'avait  été  à  ceux 
du  feu  roi,  de  glorieuse  mémoire.  Il  ajouta  ces  derniè- 
res paroles  pour  faire  croire  qu'il  n'était  point  entré 
dans  la  conjuration  d'Amboise,  quoiqu'il  en  fût  vérita- 
blement complice.  On  demeura  d'accord  que  Mauvans 
congédierait  ses  soldats  et  qu'il  n'en  garderait  que  le 
nombre  nécessaire  pour  la  sûreté  de  sa  personne.  Le 
gouverneur  lui  promit  qu'on  ne  ferait  aucune  insulte  à 
ceux  qui  auraient  servi  sous  sa  main  ;  qu'il  pourrait,  lui 
et  les  siens,  professer  sa  religion  en  toute  liberté  et  que 
le  Parlement  lui  ferait  justice  du  meurtre  de  son  frère.  » , 
Le  comte  promit  en  outre  à  Mauvans  d'obtenir  du  roi  la 
ratification  du  traité.  «■  Cet  acte  est  tel,  »  dit  de  Bèze, 
«  et  si  généreux  que  vraiment  il  doit  recommander  la 
mémoire  de  ce  simple  gentilhomme  entre  tous  ceux  de 
ce  temps-là.  »  Il  paraît  même  que  le  comte  offrit  à  Mau- 
vans de  gros  appointements  de  la  part  du  roi,  mais 
que  le  vaillant  capitaine,  qui  savait,  par  le  prince  de 
Condé,  qu'on  écrivait  «  des  lettres  doubles  de  la  cour  : 
au  comte  en  sa  faveur,  au  Parlement  contre  lui  pour  le 
tuer,  »  répondit  :  «  Vos  lettres.  Monseigneur,  portent 
récompense,  mais  celles  du  Parlement  parlent  supplice.  » 
Lagarde  seul  ne  fut  pas  satisfait.  Il  voulait  qu'on  ne 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  I23 

gardât  pas  la  foi  à  Mauvans  et  qu'on  le  taillât  en  pièces 
dans  quelque  défilé.  Ce  projet  criminel  ayant  été  re- 
poussé par  le  comte,  Lagarde  résolut  de  surprendre 
lui-même  Mauvans.  Il  espérait,  par  cette  trahison,  ren- 
trer dans  les  bonnes  grâces  des  Guises ,  qui  lui  avaient 
ôté  le  commandement  général  des  galères  à  cause  de 
ses  malversations,  mais  dont  il  avait,  pour  l'heure,  l'or- 
dre secret  de  prendre  Mauvans  mort  ou  vif.  Il  ne  re- 
cueillit que  de  la  honte  de  son  entreprise.  Averti  de 
son  embûche,  Mauvans  coucha  dans  un  autre  lieu  que 
celui  où  Lagarde  l'attendait,  et  le  lendemain,  surpre- 
nant les  coureurs  de  ce  dernier  dans  un  village ,  en  tua 
seize  et  lui  offrit  à  lui-même  la  bataille  avec  tant  de  ré- 
solution, que  le  traître,  se  voyant  enveloppé  de  toutes 
parts,  demanda  à. parlementer  et  qu'il  fût  convenu  que 
chacun  se  retirerait  chez  soi  en  bon  ordre.  Il  devint 
ainsi  la  risée  du  comte,  qui  désavoua  son  action  auprès 
de  Mauvans,  et  de  plusieurs  autres  grands  seigneurs, 
et  il  fut  longtemps  sans  oser  se  montrer  en  plublic. 

Calvin  n'approuva  pas  les  armements  de  Mauvans. 
Le  16  avril  1561  ,  il  écrivait  à  Coligny  (i)  :  «  Il  s'est 
fait  des  excès  en  Provence;  aucuns  ont  pris  les  armes, 
quelques  gens  ont  été  tués  ;  mais  il  faut  savoir  si  j'ai  eu 
nulle  intelligence  avec  les  auteurs ,  si  jamais  je  les  ai 
vus  ni  connus,  si  nous  avions  communiqué  ensemble 
par  lettres  ou  messages.  Or,  on  trouvera  que  je  n'ai 
pas  moins  réprouvé  tous  leurs  actes  que  ce  qui  s'était 
fait  auparavant  (2).  » 

Cependant,  Mauvans,  qui  s'était  retiré  dans  sa  mai- 
son, eut  vent  de  divers  côtés  qu'on  tramait  sa  perte  et 
que  le  duc  de  Guise  lui  en  voulait  tout  particulièrement 

(1)  Caluini  opéra,  vol.  XVIII,  n»  j574- 

(2)  Allusion  à  la  conjuration  d'Amboise,  à  laquelle  Calvin  se  défend  avec 
raison  d'avoir  participé. 


124  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

parce  qu'il  avait,  le  premier,  pris  les  armes  dans  le 
royaume  et  fait  avorter  plusieurs  de  ses  desseins.  Con- 
seillé par  ses  amis  de  quitter  la  France,  il  se  rendit  à 
Genève,  en  passant  par  Montbrun  et  Sisteron ,  avec 
quelques  cavaliers  fidèles.  A  peine  y  fut-il  arrivé  que  le 
duc  de  Guise  lui  envoya  un  émissaire  qui  lui  fit  les  plus 
belles  promesses  en  louant  sa  valeur.  Mauvans  refusa 
des  avances  qu'il  ne  croyait  pas  sincères  et  fit  répondre 
au  duc  que  tant  «  qu'il  le  connaîtrait  ennemi  de  sa  reli- 
gion et  du  repos  public  et  qu'il  occuperait  le  rang  des 
princes  du  sang,  il  se  pouvait  assurer  d'avoir  un  ennemi 
en  Mauvans,  pauvre  gentilhomme,  mais  qui  avait  tel 
crédit  et  faveur  avec  les  bons  sujets  et  serviteurs  du  roi 
et  de  la  couronne  et  de  la  maison  de  France,  qu'ils 
étaient  cinquante  mille,  dont  il  était  le  moindre,  qui  em- 
ploieraient leurs  vies  et  biens  pour  lui  faire  payer  ce 
qu'il  avait  commis  contre  tant  de  bons  sujets  et  servi- 
teurs de  Sa  Majesté,  et  se  pouvait  tenir  pour  tout  as- 
suré que,  tandis  que  l'un  d'eux  vivrait,  il  n'aurait  ni 
repos  ni  vie  assurés ,  ni  pareillement  toute  sa  race , 
puisqu'il  avait  tant  irrité  la  noblesse  de  France.  » 

Mauvans  reçut  aussi  à  Genève  des  lettres  du  roi  et 
de  la  reine  mère,  qui  approuvaient  le  traité  qu'il  avait 
conclu  avec  le  comte  de  Tende ,  le  déclaraient  «  l'un 
des  plus  loyaux  et  affectionnés  serviteurs  de  Sa  Ma- 
jesté »  et  lui  promettaient  de  grandes  récompenses  ; 
mais  il  apprit  en  même  temps  que  des  lettres  toutes 
contraires  adressées  au  Parlement  chargeaient  ce  der- 
nier de  chercher  à  se  défaire  de  lui  par  tous  les  moyens 
possibles,  ainsi  que  du  capitaine  Châteauneuf,  qui  avait 
été,  comme  on  l'a  vu,  l'agent  de  La  Renaudie  en  Pro- 
vence. On  agit  aussi  perfidement  avec  le  comte  de 
Tende.  Le  roi  et  la  reine  lui  avaient  donné  l'ordre  de 
ménager  Mauvans  et  de  l'attirer  dans  son  parti,  tandis 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  I25 

que  les  ministres  poussaient  le  Parlement  à  lui  faire  son 
procès  et  à  le  condamner  à  mort.  «  Ces  contradictions 
entre  le  roi  et  ses  ministres,  »  dit  Papon,  «  sont  d'au- 
tant plus  remarquables  qu'elles  n'arrivent  que  sous  un 
gouvernement  oij  il  n'y  a  plus  d'autorité  (i).  » 

Mauvans  fut  reçu  à  Genève  comme  un  héros.  On 
le  comparait  volontiers  à  Judas  Macabée  et  il  accepta 
l'offre  d'aller  secourir  les  Vaudois  de  la  vallée  de  Pra- 
gela,  persécutés  par  le  duc  de  Savoie. 

VIOLENCES   EXERCÉES  CONTRE   LES   PROTESTANTS    A   AIX 
ET  DANS  d'autres   LIEUX  (1561). 

Aussitôt  après  le  départ  de  Mauvans  pour  Genève , 
les  prêtres,  à  qui  on  avait  persuadé  que  le  chef  protes- 
tant voulait  les  faire  tous  périr,  commencèrent  de  res- 
pirer et,  se  croyant  désormais  à  couvert  de  ses  coups, 
excitèrent  le  peuple  à  massacrer  tous  ceux  de  la  nou- 
velle religion,  ce  qui  obligea  un  grand  nombre  d'entre 
eux  de  prendre  la  fuite. 

L'édit  d'amnistie  de  juillet  1 561,  inspiré  au  chancelier 
de  l'Hospital  par  son  esprit  de  tolérance  et  de  justice, 
n'arrêta  pas  le  cours  des  violences.  Elles  continuèrent 
jusqu'à  la  fin  du  colloque  de  Poissy  (13  octobre)  et 
même  après,  quand  revinrent  dans  leurs  diocèses  les 
prélats  provençaux  qui  y  avaient  assisté,  parmi  lesquels 

(i)  Régnier  de  La  Planche,  t.  I,  p.  221-229;  —  De  Bèze,  t.  I,  p.  255-240; 

—  Recueil  des  choses  mémorables,  p.  94-97;  —  De  Thou,   t.   II,  p.  817-820  ; 

—  d'Aubigné,  t.  I,  p.  124,  125,  153-155;  —  Claude  de  Cormis  dans  Loiivet, 
Additions,  t.  I ,  p.  516-528;  —  Nostradamus,  p.  784;  —  Honoré  Bouche*, 
t.  II,  p.  628;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I,  p.  140-144;  —  Papon,  t.  IV, 
p.  147-149;  —  Lambert,  t.  1,  p.  97-116;  —  (Lamenei) ,  Hist.  de  Castellane, 
p.  280-286. 

'  Cet  historien  se  trompe  en  attribuant  à  Antoine  de  Mauvans,  déjà  mort,  l'expédition 
de  Paulon. 


ia6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

révêque  de  Sisteron,  «  vrai  boutefeu,  »  dit  de  Bèze,  se 
montra  particulièrement  acharné. 

A  Aix  le  parti  catholique  avait  pour  chef  Flassans , 
dont  il  a  été  plus  haut,  «  issu  de  très  noble  et  très  an- 
cienne famille,  »  dit  Nostradamus,  «  mais  homme  rude 
et  d'aspect  menaçant  et  cruel...  qui  avait  la  peau  et  le 
poil  de  visage  à  demi  maure... ,  outre  qu'il  avait  dilapidé 
et  consumé  presque  tout  son  patrimoine,  qui  n'était  pas 
médiocre,  en  luxe  et  débauches  désordonnées.  »  De 
Bèze  et  Gaufridi  confirment  ce  jugement.  Il  avait  pour 
compagnon  le  chevalier  Glandevès ,  sieur  de  Cuges , 
«  qui,  »  dit  encore  Nostradamus,  «  n'était  guère  de 
nature  plus  douce  ni  plus  maniable,  d'humeur  turque  et 
grossier.  »  Flassans  se  fit  nommer  premier  consul  d'Aix 
à  Pentecôte  (25  mai)  et  devint  par  là  le  maître  absolu 
de  la  ville.  Il  se  faisait  appeler  le  chevalier  de  la  Foi  et 
portait  une  croix  blanche  à  son  chapeau.  Ses  partisans, 
au  chant  d'une  chanson  composée  récemment  à  Fri- 
bourg  contre  les  luthériens,  couraient  les  rues,  frappant 
aux  portes  des  maisons  des  religionnaires ,  jetant  des 
pierres  à  leurs  fenêtres  et  criant  qu'il  fallait  tous  les  tuer, 
à  comrnencer  par  les  officiers  suspects  du  Parlement, 
qu'ils  désignaient  par  leurs  noms. 

Pour  empêcher  qu'aucun  ministre  ne  vînt  s'établir  à 
Aix  ou  pour  obliger  de  fuir  ceux  qui  pouvaient  s'y 
trouver,  Flassans  obtint  du  Parlement  un  arrêt  qui  or- 
donnait à  tous  les  étrangers  de  quitter  la  ville  ;  mais  le 
conseiller  Salomon ,  luthérien  de  cœur ,  comme  il  a  été 
dit  plus  haut,  parvint  à  faire  insérer  dans  l'arrêt  la  défense 
de  proférer,  de  nuit,  des  cris  de  mort  devant  les  mai- 
sons des  religionnaires,  de  frapper  à  leurs  portes  et  de 
jeter  des  pierres  à  leurs  fenêtres,  et  il  se  fit  attribuer  la 
charge  de  poursuivre  les  délinquants.  «  La  populace 
n'en  fut  que  plus  irritée,  »  dit  Papon  ;  «  elle  s'assembla 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE,  127 

pendant  la  nuit  autour  de  la  maison  de  ce  magistrat, 
sur  laquelle  on  fit  pleuvoir  une  grêle  de  pierres,  tandis 
que  l'air  retentissait  de  toutes  sortes  d'injures.  Le  tu- 
multe fut  plus  fort  autour  de  la  maison  où  logeait  le 
ministre    luthérien  [Chabrand] ,  arrivé   depuis   peu    de 
Sisteron.  C'est  là  que  le  peuple,  furieux,  criait  de  tou- 
tes ses  forces  et  en  jetant  des  pierres  :  Fouero,Lutheran! 
«  Hors  d'ici,  Luthérien!  »  Le  désordre  durait  encore  le 
matin,  lorsque  le  Parlement  s'assembla,  et  de  la  salle 
d'audience  on  entendait  les  cris  de  ce  fanatisme.   La 
Cour  ne  vit  pas  d'autre  moyen ,  pour  calmer  les  sédi- 
tieux, que  de  donner  un  décret  de  prise  de  corps  contre 
le  ministre,  contre  l'habitant  chez  qui  il  était  logé,  et 
surtout  contre  ceux  qui  chanteraient  à  l'avenir  les  psau- 
mes de  Marot  ou  qui  tiendraient  le  prêche  dans  la  ville. 
Cependant,  comme  c'eût  été  manifester  un  esprit  de 
parti  trop  décidé  que  de  se  borner  à  prononcer  des 
peines  contre  les  hérétiques,  la  Cour  défendit,  le  17 
décembre  1561,  sous  peine  de  mort,  les  injures,  les 
chansons  diffamatoires,  les  masques,  le  port  des  armes 
pendant  le  jour  et  les  attroupements  des  enfants  pen- 
dant la  nuit.  Elle  défendit  aussi  de  frapper  aux  portes 
des  maison  et  de  jeter  des  pierres  aux  fenêtres  ;  on  me- 
naça même  de  la  prison  ou  de  l'estrapade  ceux  qui  se- 
raient surpris  dans  les  rues  après  8  heures  du  soir.  » 

«  Ces  règlements  furent  rendus  inutiles  par  le  crédit 
des  personnes  intéressées  à  les  violer.  »  Salomon  dé- 
posa des  plaintes  réitérées  contre  ceux  qui  y  contrevin- 
rent ,  mais  le  Parlement ,  soit  par  peur  soit  par  compli- 
cité, n'en  poursuivit  aucun.  Les  violences  continuèrent. 
Selon  Régnault,  qui  a  écrit  l'histoire  de  ce  temps,  Flas- 
sans,  Cuges  et  ses  partisans  «  avaient  conspiré  la  mort 
de  cinq  cents,  voire  de  mille  fidèles,  qui  étaient  dedans 
la  ville  d'Aix  ou  aux  environs.  »  «  Ils  ne  laissèrent  pas 


128  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

non  plus ,  »  dit  encore  Régnault ,  «  de  faire  leur  com- 
plot avec  leurs  voisins,  ceux  d'Avignon,  qui,  de  tout 
temps,  ont  été  grands  persécuteurs  de  F  Eglise  de  Dieu. . . 
Je  sais  qu'un  président  (i)  de  la  ville  d'Aix,  que  je  ne 
nommerai  pas,  complotait  tout  ceci  avec  le  vice-légat 
d'Avignon;  même  qu'ils  avaient  délibéré  de  faire  un 
nouveau  règne  pour  le  pape  et  fermer  les  portes  à 
Jésus-Christ  (2).  » 

Des  violences  analogues  à  celles  d'Aix  eurent  lieu 
dans  un  grand  nombre  d'autres  villes  :  à  Manosque  (3), 
à  Sisteron  (4) ,  à  Valensole,  à  Arles  et  ailleurs.  Partout 
des  potences  furent  dressées  dans  les  places  publiques 
pour  y  pendre  les  religionnaires.  Des  bandes  de  paysans 
catholiques ,  auxquels  on  donna  le  nom  de  cabans  à 
cause  des  grands  manteaux  qu'ils  portaient,  se  mirent  à 
parcourir  les  campagnes,  à  envahir  les  villages  et  les 
bourgs,  pillant,  saccageant  et  tuant  tout  sur  leur  pas- 
sage, même  les  magistrats  et  les  consuls  de  leur  reli- 
gion qui  voulaient  arrêter  leur  furie.  Fos  des  Porcellets, 
à  la  tête  de  ses  routiers,  se  rendit  entre  tous  tristement 
célèbre,  car  il  saccagea  entièrement  Salon  et  Saint- 
Chamas. 

A  Marseille,  les  luthériens  eurent  particulièrement  à 
souffrir  :  «  Les  uns,  »  dit  Ruffi  (5),  «  étaient  tués  dans 
leurs  maisons ,  et  les  autres  tramés  par  les  rues ,  et  la 
haine  publique  était  si  grande  contre  eux  qu'on  trouva 


(i)  Vraisemblablement  le  baron  de  Lauris  ,  dont  la  haine  pour  les  luthé- 
riens était  connue. 

(2)  K  Combien  que  ceux  qui  veulent  atténuer  les  fautes  des  rebelles  les 
pallient  sous  prétexte  de  la  religion,  si  est-ce  qu'il  y  a  tant  de  particularités 
en  ce  fait  que  l'on  ne  peut  dire  que  ce  ait  été  autre  chose  que  une  vraie 
conspiration  pratiquée  de  longue  main.  »  (Lettre  de  Fumée  et  Ponnat  au  roi 
du  II  mars  i|;62.  Bibl.  nat.  mss.  franc.,  n°  5186,  p.  55). 

(5)  Voyez  plus  loin  à  l'histoire  particulière  de  cette  ville. 

(4)  Idem. 

(J)  Ruffi,  p.  228;  —  Fabre,  Histoire  de  Marseille,  t.  II,  p.  8ç. 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME  EN    PROVENCE.  1 29 

un  jour  un  marchand  de  Montpellier  pendu  à  un  treillis 
de  fer...,  et  peu  après  trois  hommes  pendus  à  un  orme 
qui  était  au-devant  du  palais ,  qui  avaient  été  tirés  la 
nuit  précédente  des  prisons,  où  le  lieutenant  Catin  les 
avait  fait  mettre  comme  en  un  lieu  de  sûreté ,  sous  pré- 
texte de  les  vouloir  faire  punir...  Nonobstant  l'exacte 
recherche  qu'on  faisait,  il  y  en  eut  beaucoup  qui  furent 
sauvés  secrètement  par  leurs  parents  et  amis  ;  d'autres, 
que  leur  bourse  rendait  coupables  plutôt  que  leur 
croyance,  eurent  assez  de  peine  de  se  garantir,  d'autant 
que  le  peuple  se  portait  à  toute  sorte  de  licence  sous 
le  voile  de  la  religion,  la  justice  n'ayant  pas  assez  de 
force  pour  arrêter  ces  mouvements.  » 

MISSION   DE  CRUSSOL   EN    PROVENCE.   ÉDIT  DE  JANVIER. 
ÉMEUTE  SUSCITÉE  PAR  FLASSANS  A  AIX  (l  561  ,  I  562). 

En  présence  de  ces  violences,  «  les  fidèles  de  Pro- 
vence (ce  peu  qui  y  était),  »  dit  Régnault ,  «  s'assem- 
blèrent à  Riez  pour  prendre  conseil  et  adviser  à  ce  qui 
serait  nécessaire  pour  la  conservation  de  l'Eglise  de 
Dieu  :  ce  qui  atterra  tellement  messieurs  les  consuls  et 
le  gouverneur  de  la  ville  d'Aix,  que  peu  s'en  faut  qu'ils 
ne  fussent  désespérés,  car  ils  entendirent  qu'il  se  faisait 
gros  amas  de  fidèles  et  que  beaucoup  de  gentilshommes 
du  pays  de  Provence,  et  même  M.  de  Varages,  homme 
bien  entendu  au  fait  de  la  religion ,  s'était  voulu  trouver 
là  pour  délibérer  de  ces  choses  à  la  conservation  de 
l'Eglise.  V  L'assemblée  de  Riez  décida  qu'on  députerait 
au  roi  l'avocat  Mutonis  pour  lui  faire  connaître  les  mal- 
heurs et  lui  exprimer  les  plaintes  des  fidèles  de  Pro- 
vence et  implorer  son  intervention  pour  qu'il  fît  cesser 
les  violences  dont  ils  étaient  l'objet. 

Charles  IX,  faisant  droit  à  ces  doléances,  décida  d'en- 

9 


no  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

voyer  en  Provence  le  comte  Antoine  de  Crussol ,  qui 
jouissait  d'une  grande  considération  dans  le  royaume. 
(c  II  ne  se  souciait  pas  des  prêches,  »  dit  Pérussis,  «.  et 
allait  tous  les  jours  à  la  messe,  »  mais  c'était  un  homme 
juste  et  modéré.  Il  avait  pour  mission  de  pacifier  la  Pro- 
vence, de  connaître  des  excès  qui  avaient  été  commis 
et  de  s'enquérir  des  concussions  du  Parlement  d'Aix. 
Le  roi  lui  donna  pour  adjoints  Antoine  Fumée,  membre 
de  son  grand  conseil  et  rapporteur  à  la  chancellerie  de 
France,  et  A.  de  Ponnat ,  conseiller  au  Parlement  de 
Grenoble. 

Dès  que  Flassans  et  ses  adhérents  eurent  connais- 
sance de  la  mission  de  Crussol,  «  ils  firent  rassembler,  » 
raconte  Régnault,  «  toutes  les  communes  de  la  Pro- 
vence dans  la  ville  d'Aix,  ayant  délibéré  d'empêcher  de 
toutes  leurs  forces  cette  commission.  Les  communes 
s'assemblèrent  à  Aix  environ  la  fin  de  novembre  (i  561), 
un  ou  deux  de  chaque  commune,  et  là  fut  délibéré  de 
mettre  garnison  par  toutes  les  villes  et  maintenir  jusqu'à 
la  mort  la  loi  du  pape ,  et  changer  de  roi  plutôt  que  de 
loi  ;  en  signe  de  quoi  ils  se  mirent  un  petit  cordeau  au 
cou ,  enfilé  de  patenôtres ,  et  n'était  si  petit  compagnon 
du  pape  qui  ne  voulût  bien  avoir  ce  signe  à  son  cou... 
Les  pauvres  fidèles  tremblaient  dans  Aix,  et  plusieurs 
furent  contraints  de  s'enfuir.  Je  sais  qu'ils  prirent  de  ce 
temps  une  jeune  damoiselle  à  Aix,  et  la  battirent  de  telle 
sorte  que  c'était  grande  compassion,  parce  qu'elle  chan- 
tait des  psaumes.  Ils  jetaient  des  pierres  aux  fenêtres 
des  fidèles  ;  ils  rompaient  leurs  portes  et  les  tenaient 
comme  prisonniers  dans  la  ville  sans  qu'ils  pussent  en- 
trer et  sortir,  tellement  qu'ils  espéraient  de  jour  en  jour 
qu'on  leur  coupât  la  gorge  à  tous.  » 

Quand  Flassans  et  ses  acolytes  apprirent  la  promul- 
gation de  redit  de  janvier  1562,  qui  permettait  le  libre 


ÉTABLISSEMENT   DE   LA   RÉFORME   EN    PROVENCE.  I  ?  I 

exercice  du  nouveau  culte  en  dehors  des  villes ,  ils  re- 
doublèrent de  fureur  et  d'audace.  Ils  s'opposèrent  à 
l'enregistrement  de  l'édit  par  le  Parlement,  et  excitèrent 
une  sédition.  Ils  assemblent,  dit  Honoré  Bouche,  «  un 
tas  de  peuple  de  toute  condition,  parmi  lesquels  étaient 
quelques  bouchers,  gens  sanguinaires,  et  quelques  moi- 
nes libertins  et  débauchés,  »  puis  «  vont  courant  la  ville 
avec  des  croix  blanches  à  leurs  chapeaux ,  garnies  de 
plumes  de  coq,  excitant  le  peuple  à  sédition,  au  meurtre 
et  au  pillage  des  maisons  de  ces  nouveaux  religionnai- 
res,  jetant  des  pierres  contre  les  portes  et  les  fenêtres 
des  suspects ,  vomissant  contre  eux  de  grandes  injures 
et  opprobres  et ,  rencontrant  en  leur  chemin  quelques- 
uns  des  véritablement  atteints ,  ils  les  prenaient  et  les 
allaient  pendre  aux  branches  du  pin  sous  lequel  se  fai- 
sait le  prêche,  donnant  tous  leurs  biens  au  pillage  de 
ceux  qui  les  voulaient  prendre.  »  Tous  les  matins,  on 
voyait  pendue  à  cet  arbre  quelque  nouvelle  victime  ; 
de  là  cette  plaisanterie  cruelle  que  tous  les  jours  le  pin 
portait  de  nouveaux  fruits. 

Les  séditieux  avaient  l'approbation  tacite  du  tiers- 
président  sieur  de  Lauris ,  des  conseillers  Honoré  de 
Tributiis,  sieur  de  Sainte-Marguerite,  Bagaris,  Nicolas 
Ermenjaud,  sieur  de  Barras,  André  d'Ardillon,  sieur  de 
Montmirail,  Honoré  Laugier,  sieur  de  Colobrières,  et  de 
l'avocat  général  second-premier  Jacques  de  Rabasse, 
qui  plus  tard  furent  tous  révoqués.  Le  comte  de  Tende 
écrivit  au  comte  de  Carcès  de  persuader  à  Flassans  de 
cesser  ses  désordres ,  à  quoi  il  répondit  que  son  frère 
avait  «  l'âge  de  se  gouverner.  »  Il  pria  aussi  un  certain 
nombre  de  gentilshommes  de  Provence  de  venir  lui 
prêter  main-forte,  mais  seuls  Mauvans,  Balthazar  de 
Gérente,  seigneur  de  Sénas,  Antoine  d'Oraison,  vicomte 
de  Cadenet,  Scipion  de  Villeneuve,  sieur  d'Espinouse, 


Ip  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

et  Antoine  de  Marsch  dit  Tripoli,  citoyen  de  Salon, 
répondirent  à  son  appel.  Les  autres  se  dirent  malades. 
Les  consuls,  invités  également  à  faire  cesser  le  désor- 
dre, répondirent  qu'ils  ne  toléreraient  point  les  prê- 
ches. Là-dessus  Flassans  introduisit  dans  la  ville  «■  trois 
ou  quatre  cents  soldats  des  plus  séditieux  de  tout  le 
pays,  ')  dit  un  document  contemporain  (i),  «  et  les  logea 
dans  les  couvents,  monastères,  chapitres  et  autres  gens 
d'Eglise.  »  Le  comte  de  Tende  fit  entrer  de  son  côté 
quatre  cents  hommes ,  reprocha  aux  gens  du  roi  leur 
connivence  avec  les  rebelles,  et,  entrant  au  Parlement, 
le  rendit  responsable  de  tous  les  désordres  qui  pour- 
raient' arriver. 

Cependant  Flassans  fait  sonner  le  tocsin ,  et  bientôt 
trois  mille  séditieux  sont  sur  pied.  Le  comte  convoque 
le  premier  président,  les  gens  du  roi  et  le  viguier,  or- 
donne à  Flassans  de  quitter  la  ville,  et  somme  les  gens 
du  roi  de  faire  enregistrer  l'édit  de  Janvier;  mais  ses 
ordres  ne  sont  pas  exécutés.  Se  voyant,  dès  lors,  dans 
l'impuissance  de  maîtriser  la  sédition,  il  fait  sortir  ses 
soldats  de  la  ville  et  sort  lui-même  en  députant  Claude 
de  Cormis  au  roi  pour  l'informer  des  événements.  Maî- 
tre absolu  de  la  ville  et  désireux  de  s'y  maintenir  par  la 
force,  Flassans  en  fait  aussitôt  murer  les  portes. 

Dans  cette  sédition,  dix-huit  luthériens  furent  massa- 
crés et  vingt  autres  pendus  au  pin,  et  les  maisons  de 
tous  saccagées  et  pillées. 

Le  comte  de  Crussol,  parti  de  Paris  le  lo  décembre 
1 561,  était  arrivé  à  Tarascon  le  22  janvier  suivant.  Déjà 
à  Avignon  la  reine  mère  lui  avait  envoyé  l'ordre  de  se 
rendre  en  toute  hâte  en  Provence,  et  de  faire  enregis- 


(i)  Mém.  et  autres  pièces  Concernant  les  affaires  de  Prov.  dans  les  sei\iïme 
et  dix-septième  siècle  (Mss.  de  la  bibl.  nationale,  fonds  franc.,  n°  4598). 


ÉTABLISSEMENT    DE    LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  13:5 

trer  l'édit  de  Janvier  par  le  Parlement.   Rejoint  par  le 
comte  de  Tende,  il  s'arrêta  trois  jours  à  Marignane,  à 
cinq  lieues  d'Aix.  De  là  il  députa  le  vicomte  de  Cade- 
net  aux  consuls  d'Aix  pour  les  engager  à  recevoir  ce 
dernier  comme  leur  gouverneur  avec  cinq  cents  hommes 
de  garde,  et  à  consentir  à  l'établissement  d'un  prêche 
dans  un  faubourg   d'Aix.  Mais  Flassans  refusa  au  vi- 
comte l'entrée  de  la  ville  (i).  Crussol  ayant  député  ce 
dernier  une  seconde  fois,  le  Parlement,  qui  savait  que 
les  deux  comtes  disposaient  de  forces  considérables  ti- 
rées du  Dauphiné  et  de  la  Provence ,  soit  quatre  mille 
piétons  et  cinq  cents  chevaux,  jugea  prudent  d'entrer 
dans  la  voie  de  la  douceur,  et  députa  à  Crussol  le  pré- 
sident Louis  du  Puget,  coseigneur  de  Fuveau,  accom- 
pagné des  gens  du  roi  et  des  principaux  conseillers  de 
la  Cour  des  comptes ,  qui  accusèrent  Flassans  d'être 
la  cause  de  tous  les  désordres.  Deux  consuls,  députés 
par  le  conseil  communal,   qui  se   présentèrent   à  leur 
tour,  dirent  que  c'était  par  crainte  de  ceux  de  la  religion 
que  les  portes  de  la  ville  avaient  été  murées.  Ces  der- 
niers se  plaignirent  au  contraire  des  violences  et  extor- 
sions innombrables  dont  ils  avaient  été  victimes.  Quant 
à   Flassans,  invité   par  deux   fois  sans    succès   de   se 
rendre  auprès  de  Crussol,  il  fut  révoqué  de  ses  fonc- 
tions et  quitta  Aix  sur  l'ordre  du  Parlement.  Vingt-cinq 
ou  trente  mauvais  garnements  de  la  ville  l'accompagnè- 
rent, «  gens  séditieux,  »  dit  Régnault,  «  ivrognes,  pail- 
lards, mutins  et  dutout  désespérés,   qui  n'attendaient 
rien  que  le  pillage  des  pauvres  fidèles.  » 


(i)  Flassans  terrorisait  évidemment  la  cité  et  son  conseil ,  car  les  18  et 
50  janvier  celui-ci  décidait  d'envoyer  une  députation  au  comte  de  Crussol 
pour  l'assurer  des  intentions  de  la  ville  «  d'obéir  en  tout  et  partout  aux  édits 
du  roi  et  tenir  main  forte  à  la  justice.  »  Il  ne  serait  même  pas  surprenant  que 
Flassans  eût  empêché  la  première  députation  de  partir. 


n4  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

Crussol  entra  à  Aix  le  5  février  avec  deux  cents  hom- 
mes et  du  canon,  donna  ordre  de  dresser  des  potences 
en  divers  quartiers,  surtout  à  Fontettes,  pour  intimider 
les  mutins,  fit  vérifier  sa  commission  par  le  Parlement  et 
installa  ses  deux  commisssires.  Fumée  et  Ponnat. 
L'édit  de  Janvier  fut  enregistré  le  10  et  publié  dans  la 
ville,  puis  il  désarma  les  habitants,  fît  pendre  quelques 
mauvais  sujets  et  révoqua  de  leurs  fonctions  les  con- 
suls, les  conseillers  du  Parlement  et  les  gens  du  roi, 
qui  étaient  les  complices  de  Flassans,  et  leur  donna  des 
successeurs.  Tripoli  eut  le  gouvernement  de  la  place 
avec  cinq  cents  hommes  de  garnison.  C'était  un  «  vaillant 
homme,»  dit  Nostradamus,»  froid  et  sage  en  ses  actions, 
éloigné  de  toute  violence  inconsidérée ,  pourvu  et 
garni  de  bonnes  lettres.  »  Les  protestants  choisirent 
pour  lieu  de  culte  le  jardin  du  conseiller  d'Eguilles, 
près  la  porte  Saint-Jean,  011  était  le  pin  trop  célèbre, 
et  un  local,  situé  en  dehors  de  la  porte  des  Augustins, 
qu'ils  abritèrent  d'une  tente  mobile.  Le  culte  fut  célé- 
bré le  lendemain  même  de  l'entrée  de  Crussol.  Le  fils 
du  comte  de  Tende,  Honorât  de  Savoie,  comte  de 
Sommerive,  et  son  gendre,  Jacques  de  Saluées,  sei- 
gneur de  Cardé,  y  assistèrent,  ainsi  qu'un  grand  nombre 
d'autres  gentilshommes. 

LEVÉE  DE  BOUCLIERS  DE  FLASSANS.  SA  DÉFAITE  A  BAR- 
JOLS.  CRUELLES  REPRÉSAILLES.  ESSAI  DE  PACIFICA- 
TION  DE  LA  PROVENCE  (1562). 

Flassans,  en  quittant  Aix,  se  dirigea  vers  Brignoles. 
En  passant  àTrets,  il  tomba  àl'improviste  sur  une  com- 
pagnie, que  le  capitaine  Féraud  avait  levée  à  Grasse  et 
à  Fréjus  pour  le  roi,  sur  l'ordre  du  comte  de  Tende, 
tua  huit   ou  neuf  soldats  et  dispersa  le  reste.   Enhardi 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  I  3  5 

par  ce  succès,  il  appela  à  lui  quatre  ou  cinq  cents 
hommes  des  plus  malintentionnés  du  pays,  s'empara 
de  Tourves,  qui  renfermait  des  luthériens,  pilla  et  sac- 
cagea leurs  maisons  et  massacra  ceux  qui  n'avaient  pas 
pris  la  fuite.  De  Tourves,  il  se  transporta  en  divers  lieux 
où  il  commit  les  mêmes  excès  :  ce  qui  attira  à  lui  tous 
les  gens  avides  de  meurtre  et  de  pillage,  si  bien  qu'en 
peu  de  jours  il  se  vit  à  la  tête  de  quinze  cents  hommes. 
Pendant  ce  temps,  le  Parlement  procédait  par  voie  de 
justice  contre  lui  et,  après  trois  sommations  de  com.pa- 
raître,  auxquelles  il  ne  répondit  pas,  il  fut  déclaré  con- 
tumace, rebelle  et  coupable  de  lèse-majesté. 

De  Bèze  raconte  ainsi  sa  marche  :  «  Il  sortit  en  cam- 
pagne avec  enseignes  déployées  et  peintes  de  deux 
clés  du  pape,  ayant  chaque  soldat  un  chapelet  pendu 
au  cou,  marchant  devant  eux  un  cordelier  [Guillaume 
Taxil],  portant  un  grand  crucifix  de  bois,  comme  ils  ont 
coutume  d'en  porter  dans  les  cérémonies  mortuaires. 
Après  cela,  ayant  fait  crier  que  chacun  cherchât  soi- 
gneusement ceux  de  la  religion  pour  les  faire  mourir, 
ou  autrement  les  garder  selon  la  volonté  de  ceux  qui 
les  pourraient  prendre,  cela  fut  exploité  de  telle  sorte, 
qu'autant  qu'ils  en  purent  attraper  par  tous  les  heux  oij 
ils  marchaient,  autant  en  faisaient-ils  mourir,  les  uns 
dès  lors  qu'ils  les  avaient  pris,  les  autres  après  longue 
prison  et  grosse  rançon.  Et  quant  aux  femmes  et  aux 
filles,  la  plupart  étaient  violées,  les  autres  réservées 
pour  être  mariées  à  ceux  de  leur  bande  comme  bon 
leur  semblait;  et  afin  que  les  mariages  fussent  plus  ri- 
ches, les  parents  et  autres  qui  pourraient  faire  partage 
avec  elles,  étaient  forcés  de  leur  donner  en  contrat 
de  mariage  tous  leurs  biens  ou  bien  passés  par  le  fil  de 
l'épée.  Entre  autres  cruautés,  celle-ci  n'est  à  oublier 
pour  montrer  le  zèle  de  ces  bons  défenseurs  de  la  foi 


136  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

catholique,  c'est  qu'un  des  principaux  favoris  de  Flas- 
sans,  lorsque  les  troupes  entrèrent  à  Signes,  y  ayant 
trouvé  sa  soeur,  qui  était  de  la  religion,  la  fît  forcer  en 
sa  présence  par  le  cordelier  porteur  du  crucifix,  qui  n'en 
fît  aucune  conscience  et  de  plus  par  cinq  ou  six  au- 
tres. » 

Flassans  ,  courant  ainsi  pour  piller  le  pays  et 
tuer  les  luthériens,  tenant  pour  tels  tous  ceux  qui 
avaient  de  l'argent,  assiégea  sans  succès  Besse,  qui  fut 
secouru  par  Mauvans.  Le  vaillant  capitaine  était,  en 
effet,  rentré  en  France  après  l'édit  de  Janvier  et,  su^" 
l'ordre  de  Crussol,  avait  levé  une  compagnie  de  sol- 
dats pour  le  roi  dans  les  quartiers  de  la  Durance. 

Cependant  les  deux  comtes,  désireux  d'éviter  l'effu- 
sion du  sang,  députèrent  à  Flassans  le  sieur  de  l'Es- 
trange,  personnage  fort  poli  et  persuasif,  pour  l'engager  à 
déposer  les  armes;  mais  il  ne  voulut  écouter  aucun  avis. 
N'osant  toutefois  prendre  sur  eux  d'allumer  une  guerre 
dont  ils  prévoyaient  les  suites  funestes,  Crussol  et 
Tende  voulurent  prendre  l'avis  du  Parlement.  «  La 
Cour,  »  dit  Papon,  «  répondit  que  si  le  service  du 
roi  exigeait  qu'elle  s'expliquât,  elle  le  ferait  volontiers, 
mais  que  la  matière  n'étant  pas  de  sa  compétence,  elle 
s'en  rapportait  à  leur  prudence,  bien  persuadée  qu'ils 
ne  feraient  rien  que  d'avantageux  pour  le  bien  de 
l'Etat.  »  Après  cette  réponse  les  deux  comtes  résolu- 
rent d'en  venir  aux  mains. 

Flassans,  craignant  d'être  enveloppé  par  l'armée  qui 
se  formait  à  Saint-Maximin  et  considérant  que  Bri- 
gnoles,  qui  avait  été  son  premier  objectif,  était  un  lieu 
de  bien  petite  défense,  se  rendit  à  Barjols,  situé  dans 
la  montagne.  Avertis  de  son  départ,  les  deux  comtes 
envoyèrent  à  sa  poursuite  en  avant-garde  Mauvans  et 
Sénas,  avec  leurs  compagnies  d'arquebusiers  à  cheval, 


ÉTABLISSEMENT    DE  LA    RÉFORME   EN    PROVENCE.  137 

mais  les  habitants  de  Barjols  refusèrent  de  les  recevoir, 
tandis  qu'ils  ouvrirent  leurs  portes  à  Flassans.  Les  deux 
capitaines  s'étant  repliés  sur  Varages,  petite  place  à 
proximité,  Flassans  vint  les  y  attaquer.  Après  avoir 
épuisé  toutes  leurs  munitions  et  même  combattu  à  coups 
de  pierres,  ils  quittèrent  la  place  à  minuit,  à  la  faveur 
d'un  orage  et  rejoignirent  l'armée  royale  à  Saint-Maxi- 
min.  Celle-ci  se  mit  en  marche.  Elle  disposait  de  quatre 
canons  et  de  vingt  enseignes  de  gens  de  pied,  com- 
mandés par  Gaspard  Pape,  seigneur  de  Saint-Auban, 
habile  capitaine  dauphinois,  auquel  s'adjoignit  François 
de  Beaumont,  baron  des  Adrets,  qui  devint  s'y  triste- 
ment célèbre  dans  la  suite.  Perrinet  Parpailie,  président 
du  Parlement  d'Orange,  avec  quelques  soldats  de  cette 
principauté,  étaient  aussi  dans  l'armée  royale.  Flassans 
avait  quinze  cents  hommes  sous  ses  ordres,  comme  on 
l'a  déjà  dit,  et  la  place  de  Barjols,  située  dans  une  assez 
forte  assiette,  avait  une  muraille  continue  et  un  vieux 
château,  ruiné  en  partie,  où  se  réfugièrent  les  femmes 
et  les  enfants  avec  vingt-cinq  ou  trente  soldats  pour  les 
garder.  Les  habitants  y  avaient  aussi  déposé  leurs  meu- 
bles les  plus  précieux. 

Après  plusieurs  escarmouches,  Saint-Auban  fit  pos- 
ter ses  canons  sur  un  petit  col  proche  de  la  ville,  pen- 
dant que  Flassans,  de  son  côté,  établissait  sur  une  tour 
qui  regardait  l'infanterie  de  l'armée  assiégeante,  les 
quatre  mauvais  canons  qu'il  avait  trouvés  dans  la  ville. 
C'était  le  5  mars.  Sommés  le  même  jour,  par  des  trom- 
pettes, de  se  soumettre  au  roi  et  à  ses  lieutenants,  les 
assiégés  répondirent  qu'ils  voulaient  que  le  roi  leur 
donnât  un  lieu  sûr  où  ils  pourraient  se  retirer  en  atten- 
dant de  recevoir  leur  grâce  ;  que  Flassans  fût  réintégré 
dans  ses  fonctions  de  premier  consul  d'Aix  et  que  les 
prêches  demeurassent  interdits  en  Provence.  Ces  con- 


I}8  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

ditions  ayant  été  jugées  inacceptables,  il  fut  décidé 
qu'on  ouvrirait  le  feu  le  lendemain. 

«  Ledit  jour,  sixième  du  présent  mois,  »  dit  une 
lettre  du  temps  (i),  «  le  sieur  de  Saint-Auban,  principal 
conducteur  de  l'infanterie,  commença  à  faire  dresser 
l'escarmouche  et  l'assaut,  et,  par  ce  même  moyen, 
commanda  que  l'artillerie  fasse  son  devoir  d'abattre 
quelques  tours  qui  les  endommageaient...  Je  ne  veux 
oublier  à  vous  dire  qu'avant  d'entrer  à  l'escarmouche 
ni  à  l'assaut  toute  notre  infanterie  fit  des  prières  et 
chanta  quelques  psaumes  avec  affection  si  grande  que 
eussiez  dit  le  ciel  et  la  terre  se  devoir  ouvrir.  Et  au 
contraire,  leurs  adversaires  se  moquaient  et  leur  criaient 
mille  saletés. 

»  L'assaut  fut  commencé  sur  les  huit  heures  du  ma- 
tin, mais  d'une  telle  raideur  que  eussiez  dit  que 
c'était  foudre,  tellement  que  les  séditieux  n'attendirent 
pas  que  Messieurs  les  comtes  et  la  cavalerie  fussent 
arrivés  ;  mais  soudain  qu'ils  virent  un  peu  de  passage 
ouvert  se  jetèrent  dedans  le  faubourg  :  à  quoi  ne  se 
voulaient  arrêter  les  protestants.  Ainsi  entrèrent  à  l'in- 
stant dans  la  ville  et  gagnent  les  portes,  tellement  que, 
sur  les  onze  heures ,  ils  furent  maîtres  des  fau- 
bourgs et  de  la  ville.  Il  est  vrai  que  les  séditieux,  se 
voyant  ainsi  pressés  et  sentant  la  cavalerie  non  encore 
arrivée,  gagnèrent  une  des  portes  par  laquelle  ils  purent 
échapper  quelques  troupes,  non  tant  toutefois  qu'il  n'en 
soit  demeuré  grande  quantité  de  morts  et  de  prison- 
niers. » 

Flassans,  ignorant  l'art  de  la  guerre,  n'avait  rien  su 
prévoir  et,  fuyant  avec  ses  soldats  aussi  peu  expéri- 
mentés que  lui,  il  alla  s'enfermer  dans  le  fort  de  Por- 

(i)  Biblioth.  nation.,  fonds  français,  n°  4Ç98. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA   RÉFORME   EN    PROVENCE.  139 

querolles,  que  le  comte  de  Carcès,  son  frère,  possé- 
dait dans  les  îles  d'Hyères.  Son  compagnon,  le  cheva- 
lier de  Cuges,  s'enfuit  dans  la  montagne.  Les  troupes 
royales  passèrent  au  fil  de  l'épée  ou  tuèrent  autrement 
trois  cents  hommes,  notamment  le  fameux  cordelier. 
«  On  y  jetait,  »  dit  Du  Puget  de  Saint-Marc,  «  les 
hommes  par  les  fenêtres,  qui  étaient  reçus  sur  les  poin- 
tes des  hallebardes.  »  Elles  brûlèrent  ensuite  l'église  et 
le  couvent  des  Augustins  et  les  reliques  renommées  de 
saint  Marcel.  On  fit  deux  cents  prisonniers,  et  cent 
d'entre  eux,  qui  avaient  commis  le  plus  de  brigan- 
dages (i),  furent  pendus.  L'armée  royale  ne  perdit  que 
deux  hommes,  dont  l'un,  le  capitaine  La  Roquette,  fut 
tué  en  parlementant. 

Les  comtes  accoururent  pour  faire  cesser  cette  tuerie 
et  Tende  envoya  tout  exprès  son  gendre  Cardé  qui,  au 
moment  d'entrer  dans  la  ville,  fut  témoin  d'une  scène 
touchante.  Il  rencontra,  en  dehors  des  murs,  deux  com- 
pagnies de  Vaudois  de  Lourmarin  et  de  Mérindol,  qui 
remerciaient  Dieu  après  la  victoire,  car  ils  étaient  entrés 
les  premiers  par  la  brèche;  mais,  voyant  commencer  le 
pillage,  ils  avaient  déserté  la  place  et  s'étaient  retirés 
dans  un  champ  pour  prier.  Cardé  leur  ayant  demandé 
pourquoi  ils  avaient  quitté  leurs  compagnons  qui  pil- 
laient la  ville,  ils  répondirent  «  qu'étant  venus  pour  la 
gloire  de  Dieu  et  le  service  du  roi,  ils  ne  s'étaient  épar- 
gnés tandis  qu'il  avait  fallu  combattre,  mais  que,  la  vic- 
toire obtenue,  n'étant  convoiteux  des  biens  d'autrui,  ils 
s'étaient  retirés  pour  rendre  grâce  à  Dieu  de  la  vic- 
toire et  attendaient  le  commandement  qui  leur  serait 
fait.  » 


(i)  «  Nam  hactenus  latrunculorum  more  grassati  sunt  »  (Lettre  de  Calvin 
à  BuUinger,  dans  Cabini  opéra,  n»  ^7^7  du  vol.  XIX. 


140  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

Quand  les  soldats,  qui  gardaient  le  château  avec  les 
femmes  et  les  enfants,  virent  la  défaite  de  leurs  com- 
pagnons, ils  tentèrent  de  fuir;  mais,  pressés  par  les 
soldats  de  Saint-Auban,  ils  furent  obligés  de  rentrer. 
Du  reste,  manquant  de  vivres  et  de  munitions,  ils  deman- 
dèrent à  capituler  moyennant  la  vie  sauve  et  une  caution 
de  vingt-cinq  mille  écus  ;  mais  on  leur  répondit  «  qu'il 
ne  faut  pas  capituler  avec  son  prince  et  qu'ils  se  ren- 
dissent à  sa  miséricorde  et  justice  :  »  ce  qu'ils  firent 
la  nuit  suivante.  Guillaume  d'Entraigues  et  Laide,  leurs 
chefs,  ainsi  que  le  viguier  et  les  consuls  de  Barjols, 
qui  avaient  ouvert  leurs  portes  à  Flassans,  furent  con- 
duits à  Aix,  où  les  commissaires  Fumée  et  Ponnat  les 
condamnèrent  à  mort;  mais  les  deux  premiers  «  par 
faute  de  bonne  garde,  »  dit  une  lettre  du  temps  (i),  par- 
vinrent à  s'échapper.  Quant  à  Annibal  de  Glandèves  de 
Baudument,  qui  s'était  réfugié  au  château,  Mauvans  le 
fit  évader  à  la  requête  d'Espinouse.  Dans  la  suite  il  n'en 
usa  pas  de  même  avec  son  généreux  bienfaiteur ,  car  il 
fut  sans  miséricorde  pour  lui. 

On  laissa  dans  Barjols  une  compagnie  de  gens  de 
pied,  entretenue  aux  frais  de  la  ville,  dont  Saint-Auban 
fut  nommé  gouverneur,  et  Mauvans,  en  récompense  de 
ses  services ,  reçut  Tautorisation  d'occuper  Sisteron 
avec  cent  cavaliers. 

Dès  le  commencement  de  la  révolte  de  Flassans, 
Jean  de  Quiqueran  d'Arles  dit  Ventabren,  s'était  rendu 
dans  la  Camargue  pour  lever  des  troupes  en  faveur  de 
son  ami.  Ayant  fait  main  basse  sur  tous  les  chevaux 
d'Arles  et  des  environs,  il  alla  s'enfermer  dans  Saint- 
Remi,  où,  secondé  par  ses  soldats,  parmi  lesquels  se 
trouvaient  quelques  moines,  il  saccagea  les  habitations 

(i)  Cabini  opéra,  vol.  XIX,  n"  5751. 


ÉTABLISSEMENT    DE   LA    RÉFORME    EN    PROVENCE.  I4I 

des  luthériens,  en  attendant  les  renforts  qu'on  lui  avait 
promis  d'Avignon.  Barjols  pris,  les  deux  comtes  déci- 
dèrent de  le  poursuivre;  mais  Ventabren,  en  ayant  eu 
vent,  se  réfugia  à  Avignon. 

Les  comtes  établirent  ensuite  des  garnisons  dans 
chaque  ville  pour  assurer  l'exécution  de  l'édit  de  jan- 
vier. L'exercice  du  nouveau  culte  ne  fut  pas  libre  pour 
cela  dans  tous  les  lieux  de  Provence  qui  renfermaient 
des  protestants.  A  Marseille,  par  exemple,  l'exécution 
de  l'édit  «  rencontra  dans  la  ville,  »  dit  Fabre  (i),  «  une 
opposition  presque  générale  et  faillit  y  causer  un  soulè- 
vement des  prêtres,  qui,  méconnaissant  dans  la  chaire 
évangélique  la  sainteté  de  leur  ministère  de  paix,  en- 
flammèrent par  des  déclarations  furibondes  et  des  vœux 
sanguinaires,  les  passions  déjà  trop  ardentes  de  la  mul- 
titude égarée.  Les  monastères  et  les  confréries  des 
pénitents  montraient  surtout  une  exaltation  fanatique. 
Le  zèle  religieux  n'était  presque  plus  que  du  délire. 
Malheur  à  celui  qui  eût  voulu  faire  entendre  la  voix  de 
la  modération  et  de  la  douceur!  Le  conseil  municipal 
partageait  le  fanatisme  populaire;  mais,  intéressé  à  réta- 
blir le  calme  et  à  prévenir  les  malheurs  dont  on  était 
menacé,  il  envoya  des  députés  à  Charles  IX  pour  le  prier 
de  prendre  en  considération  l'état  alarmant  de  la  ville 
et  lui  exprima  avec  respect,  mais  aussi  avec  énergie, 
les  vœux  des  habitants,  bien  résolus  à  défendre  jus- 
qu'à leur  dernier  souffle  la  religion  de  leurs  pères  et  la 
sainte  Eglise  romaine  contre  des  sectaires  criminels,  et 
à  ne  pas  souffrir  que  leur  culte  impie  souillât  une  cité 
fidèle  au  vrai  Dieu.  Les  députés  prièrent  le  roi  de  France 
d'interpréter  l'édit  en  faveur  des  religionnaires  d'une 
manière  favorable  aux  vœux  des  Marseillais  qui,  jouis- 

(i)  Hist.  de  Marseille,  t.  Il,  p.  88-90. 


142  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

sant  de  privilèges  particuliers,  n'étaient  pas  soumis  à 
toutes  les  lois  générales  du  royaume.  Charles  IX,  par 
faiblesse  ou  par  politique,  déclara  qu'il  n'avait  jamais 
entendu  que  cet  édit  fût  de  point  en  point  admis,  «  et 
il  ordonna,  »  ajoute  Ruffi  (i),  «  que,  dans  Marseille 
et  son  détroit,  il  n'y  aurait  aucun  exercice  de  la  nouvelle 
religion  et  permit  aux  consuls  de  s'y  opposer  à  force 
d'armes.  » 

A  leur  retour  de  Paris,  les  députés  furent  reçus  avec 
de  grandes  acclamations  de  joie  et  les  prêtres  célébrè- 
rent ce  triste  triomphe  par  des  fêtes  religieuses  et  des 
prières  solennelles  (2). 

(i)  Page  228. 

(2)  Lettres  de  Calvin,  de  La  Place  et  de  de  Bèze,  dans  Calvini  opéra, 
vol.  XVIII,  n"=  5379  et  5403  ;  vol.  XIX,  n»"  5642,  :i7:i7 ,  5751  ;  —  Pérusiis, 
Discours  des  guerres,  p.  13,  20,  21,  55;  —  Du  Puget  de  Saint-Marc,  dans 
la  CoUeclion  de  Mémoires,  da  Michaud  et  Poujoulat,  t.  VI,  p.  706-752;  — 
Nicolas  Régnault,  Discours  véritable  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III, 
p.  636  et  suiv.;  —  Claude  de  Cormis  dans  Louvet ,  Additions,  p.  J29- 
J5Ç.  _  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  590;  —  Crespin,  Recueil  des 
choses  faites  durant  les  troubles,  p.  522;  —  De  Serres,  Comment.,  i»  pars, 
fol.  68;  —  De  Bèze,  t.  I,  p.  Ç61-J66;  —  De  Thou  ,  t.  III,  p.  234-257-, 
—  d'Aubigné ,  t.  I,  p.  iji;  —  Nostradamus  ,  p.  789  et  suiv.;  —  Honoré 
Bouche,  t.  II,  p.  634,  635  ;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I,  p.  144;  —  Gaufridi  , 
t.  II,  p.  505-512;  —  Papon,  t.  IV,  p.  150-158;  —  Pitton,  Hist.  de  la  pille 
d'Aix,  p.  284,  285  ;  —  Lambert,  t.  I,  p.  115-128  ;  —  etc.,  etc. 


^sm, 


^"C>.Si»* 


DEUXIÈME  PÉRIODE 

LES      GUERRES      DE      RELIGION 
(1*562-1598) 


HISTOIRE  EXTÉRIEURE 


PREMIÈRE  GUERRE  DE  RELIGION 

(avril    1562-19    MARS    1563) 


SOMMERIVE  EMBRASSE  LE  PARTI  DES  GUISES  CONTRE 
TENDE,  SON  PÈRE.  JUGEMENT  DES  HISTORIENS  SUR 
CETTE    DIVISION    (1562). 


A  pacification  de  la  Provence  par  les 
comtes  de  Crussol  et  de  Tende  fut  de 
courte  durée.  Le  i"*"  mars  1562  avait 
lieu  le  massacre  de  Vassy  par  les  pages 
et  les  domestiques  du  duc  de  Guise, 
qui  s'était  décidé  à  retourner  à  Paris  pour  se  ressaisir 
du  pouvoir.  Reçu  en  triomphe  par  son  parti,  il  arracha 
à  la  reine  mère  un  ordre  d'expulsion  contre  le  prince 
de  Condé,  qui,  quittant  la  capitale,  réunit  les  gentils- 


144  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

hommes  protestants ,  fut  proclamé  leur  chef  et  prit  les 
armes. 

En  apprenant  ces  événements,  Jean  de  Pontevès, 
seigneur  de  Carcès,  envoya  à  Paris  son  gendre,  Phili- 
bert de  Castellane,  seigneur  de  la  Verdière,  pour  négo- 
cier avec  les  Guise  le  remplacement  du  comte  de  Tende 
par  son  fils  Honorât  de  Savoie,  comte  de  Sommerive, 
âgé  de  vingt-quatre  ans  environ.  Le  Parlement,  de  son 
côté,  se  hâta  d'interdire  l'exercice  de  la  religion  réfor- 
mée dans  tout  son  ressort  (26  mars  1 562).  Enfin,  les 
villes  d'Aix  et  de  Marseille  députèrent  en  cour  des 
hommes  de  marque  pour  se  plaindre  des  prétendues 
rigueurs  des  deux  comtes,  de  l'omnipotence  des  com- 
missaires du  roi,  Fumée  et  de  Ponnat,  qui  prenaient 
leurs  délibérations  sans  consulter  le  Parlement,  et  du 
danger  qu'il  y  avait  à  accorder  trop  d'avantages  aux 
huguenots. 

Sommerive,  qui  avait  été  lui-même  envoyé  à  la  cour 
par  le  comte  de  Tende  pour  lui  rendre  compte  des 
derniers  événements,  fut  tellement  circonvenu  par  les 
Guises  qu'il  consentit  à  accepter  le  gouvernement  de 
Provence  à  la  place  de  son  père  (avril).  Il  était  moins 
aimé  de  ce  dernier  que  son  frère  cadet,  René  de  Sa- 
voie, baron  de  Cipières  (i),  né  d'un  second  mariage, 
et  en  avait  conçu  une  secrète  jalousie,  que  le  comte 
de  Carcès  sut  habilement  exploiter.  «  Ce  dernier  était 
un  homme,  »  dit  de  Bèze,  «  de  très  malin  et  très  perni- 
cieux esprit,  s'il  y  en  a  au  monde  (ce  qui  a  été  finale- 
ment l'occasion  de  la  ruine  entière  de  cette  maison).  » 
<(  Il  jouissait,  »  ajoute  Gaufridi,  «  d'un  grand  crédit 
sur  la  noblesse  et  sur  le  peuple.  Il  était  froid  et  sérieux; 

(i)  Appelé  souvent  Son'è:{e ,   parce  qu'il  avait  été  titulaire  de  l'abbaye  de 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  I4<; 

il  parlait  peu  ;  on  l'appelait  le  Muet.  Il  n'en  était  pas 
moins  très  affable  et  d'un  accès  facile,  mais  il  aimait 
fort  le  jeu,  »  Sommerive  reçut  de  la  cour  la  mission 
expresse  de  purger  sa  province  et  la  principauté  d'Orange 
de  tous  les  protestants  qu'elles  pouvaient  renfermer,  et 
le  comte  de  Tende  celui  de  casser  les  garnisons  qu'il 
^vait  établies  et  de  céder  le  gouvernement  à  son  fils.  Il 
le  fit  et  se  retira  à'  Salon.  Quant  à  Crussol,  la  cour 
l'envoya  en  mission  en  Languedoc. 

La  conduite  de  l'ancien  et  du  nouveau  gouverneur 
de  Provence  a  été  diversement  expliquée  par  les  histo- 
riens. Gaufridi  croit  que  le  comte  de  Tende  se  rangea 
du  parti  des  protestants  grâce  à  l'influence  de  sa  seconde 
femme,  Françoise  de  Foix,  qui  était  protestante  et  qu'il 
aimait  tendrement.  Il  en  avait  eu  un  fils,  Cipières,  qui 
ressemblait  à  son  père  par  la  douceur  et  que  Françoise 
aurait  voulu  faire  grandir  au  détriment  de  son  frère, 
«jeune  homme  vif  et  turbulent.  »  Honoré  Bouche  pense 
au  contraire  que  le  père  et  le  fils  étaient  secrètement 
d'accord  et  qu'ils  s'étaient  distribué  les  rôles  de  façon 
que,  ((  se  communiquant  entre  eux  les  desseins  des 
deux  partis,  ils  pussent  détourner  les  choses  qui  se- 
raient préjudiciables  à  la  vraie  religion  et  à  l'Etat.  » 
((  C'a  été  de  tout  temps,  »  ajoute-t-il,  a  la  maxime  de 
la  maison  de  Savoie,  de  laquelle  les  comtes  de  Tende 
et  de  Sommerive  étaient  issus,  de  clocher  des  deux 
pieds  et  de  marcher  de  deux  endroits.  »  Nous  préfé- 
rons à  ces  jugements  celui  d'un  contemporain,  Pierre 
de  Cormis  (i),  qui  était  un  familier  du  comte  et  à 
qui  ce  dernier  dit  un  jour,  en  s'expliquant  sur  ce  point 
délicat,  qu'il  soutenait  les  huguenots  «  par  le  vouloir  de 
la  reine  mèrQ,  qui  les  favorisait  sous  main  pour  régner;  » 

(i)  Mémoires,  dans  Louvet,  Additions,  t.  I ,  p.  Çi?. 

10 


146  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

à  quoi  Cormis  ajoute  que,  même  après  la  nomination 
de  Sommerive  au  gouvernement  de  Provence,  le  comte 
reçut  de  Catherine  de  Médicis  l'ordre  secret  «  d'em- 
pêcher l'extermination  des  huguenots.  »  C'était,  du 
reste,  à  son  jugement,  un  «  bon  prince,  droiturier,  ai- 
mant justice  et  raison,  ennemi  d'oppression  et  tyrannie, 
fidèle  serviteur  du  roi,  ami  du  pauvre  peuple,  procuranjj^ 
de  tout  son  pouvoir  que  justice  fût  faite,  usant  de  repro- 
ches envers  les  mauvais  juges,  de  plaintes  au  Parlement 
et  remontrances  au  roi,  aimé  néanmoins  du  Parle- 
ment jusques  à  l'interdiction;  mais  toutefois  le  fit  rétablir 
et  fut  sa  plaige  et  caution.  Il  ne  fut  jamais  protestant, 
ains  franc  catholique  et  s'opposa  aux  huguenots  sédi- 
tieux et  puis  aux  faux  catholiques.  »  De  Bèze  représente 
aussi  le  comte  comme  «  un  seigneur  de  fort  doux  natu- 
rel et  peu  ennemi  de  ceux  de  la  religion,  qu'il  voyait 
notoirement  être  opprimés  par  la  violence.  »  Il  recon- 
naît néanmoins  que  Jacques  de  Saluées,  seigneur  de 
Cardé,  son  gendre,  et  Cipières,  son  plus  jeune  fils, 
«  favorisaient  au  parti  de  la  religion  et  se  rendaient  plus 
sujets  et  aimables  audit  sieur  comte.  »  Enfin  Bran- 
tôme (i),  qui  connaissait  très  bien  les  hommes  de  son 
temps,  fait  également  le  plus  grand  éloge  de  Tende  et 
met  sur  le  compte  de  sa  femme  protestante  la  défaveur 
dont  il  jouit  pendant  quelque  temps  auprès  des  Proven- 
çaux, «  gens  bizarres,  »  dit-il,  «  fantastiques  et  mal 
aisés  à  ferrer,  »  qui  prétendaient  «  que  trois  choses 
gâtaient  la  Provence  :  le  vent,  la  comtesse  et  la  Du- 
rance.  » 

JOURNÉE    DES    ÉPINARDS.    EXPULSION    DE    LA    GARNISON 
d'aIX.     les     VIOLENCES     CONTRE     LES     PROTESTANTS 

(I)  Œui'n's  complètes,  édit.  Buchon,  Paris.  1848,  t.  I.  p.  :!4?. 


LES    GUERRES    DE   RELIGION.  I47 

RECOMMENCENT.      MASSACRE      DE      LA      FAMILLE      DE 
MANDOLS    (l  562). 

La  garnison  que  les  comtes  de  Crussol  et  de  Tende 
avaient  établie  à  Aix  n'était  pas  assez  mesurée  dans  ses 
rapports  avec  la  population  catholique  et  se  laissait  aller 
à  la  molester  gratuitement.  Au  rapport  de  Papon ,  les 
soldats  battaient  du  tambour  pendant  l'office,  tiraient  des 
coups  de  mousquet  aux  fenêtres  de  Téglise  pour  le  trou- 
bler, fouillaient  les  femmes  pour  leur  ôter  leurs  chapelets 
et  maltraitaient,  aux  portes  delà  ville,  les  paysans  qui  al- 
laient à  leur  travail  ou  en  revenaient.  Le  jour  de  la  fête 
de  saint  Marc  ils  agirent  très  malicieusement  à  l'égard 
des  habitants  de  la  ville,  qui  se  rendaient  en  pèlerinage, 
pieds  nus,  à  la  chapelle  de  ce  saint,  située  à  une  lieue 
d'Aix.  Ils  semèrent,  pendant  la  nuit,  des  grains  d'épinards 
le  long  de  la  route  (25  avril).  La  plupart  des  pèlerins 
rentrèrent  chez  eux  les  pieds  ensanglantés  au  milieu  des 
huées  des  soldats  et  sans  avoir  accomph  leur  pèleri- 
nage. Pour  les  autres,  qui  voulurent  aller  jusqu'au  bout, 
ils  rencontrèrent,  prés  de  la  chapelle,  Carcès,  à  qui  ils 
racontèrent  leur  mésaventure  et  qui ,  résolu  d'en  tirer 
vengeance ,  leur  conseilla  de  rentrer  dans  la  ville  et 
d^attendre  son  retour,  qui  devait  s'effectuer  à  la  nuit 
tombante.  A  peine  fut-il  rentré  que  cinq  cents  personnes 
vinrent  se  plaindre  à  lui  de  l'injure  qu'ils  avaient  reçue 
et  généralement  des  vexations  de  tout  genre  dont  ils 
étaient  l'objet  de  la  part  de  la  garnison.  Le  jour  des 
représailles  fut  fixé  secrètement  au  3  mai,  «  jour,  »  dit 
Papon,  ((  où  les  pénitents  noirs  avaient  coutume  d'aller 
en  procession  à  un  ermitage,  bâti  hors  du  faubourg...  » 
Le  nombre  des  pénitents  fut,  ce  jour-là,  plus  nombreux 
qu'à  l'ordinaire...  Ils  cachèrent  sous  leurs  habits  des 
armes  et  des  carniers  rempHs  de  pierres ,  et ,  dans  cet 


148  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

équipage...  ils  sortirent  en  procession  de  fort  grand 
matin  par  la  porte  des  Cordeliers.  Ceux  qui  défilaient 
les  premiers  firent  volte-face  avant  que  toute  la  proces- 
sion fût  hors  la  ville  et  tombèrent  sur  le  corps  de  garde 
qui,  se  trouvant  attaqué  par  deux  côtés  à  la  fqis,  fut  ou 
massacré  ou  dispersé.  De  là,  ils  allèrent  forcer  l'autre 
corps  de  garde,  qui  était  à  la  place  des  Fontettes,  et 
pénétrèrent  jusqu'à  l'hôtel  de  ville  dont  ils  se  rendirent 
maîtres.  Le  capitaine  Tripoli,  qui  commandait  la  garni- 
son, y  accourut  à  la  tête  de  ses  compagnies  ;  mais 
ayant  été  repoussé  après  avoir  perdu  beaucoup  de 
monde,  il  sortit  par  la  porte  Saint-Jean  dont  les  siens 
n'avaient  pas  encore  été  chassés...  Il  n'en  fallut  pas 
davantage  pour  donner  un  nouveau  degré  de  chaleur  au 
zèle  fanatique  des  habitants...  Leur  propos  le  plus  or- 
dinaire était  qu'en  dépit  des  huguenots  la  messe  ne  serait 
jamais  abandonnée.  Ils  le  disaient  en  provençal,  et  le 
mot  laîsado ,  dont  ils  servaient  pour  dire  abandonnée , 
sio-nifiant  en  même  temps  une  bêche^  ils  imaginèrent  une 
espèce  d'écusson,  dans  lequel  était  représenté  cet  in- 
strument de  labourage,  et  tout  autour,  il  y  avait  ces  mots 
provençaux  :  La  messe  ne  sera  jamais.  La  figure  de  la 
bêche  annonçait  le  reste.  » 

Durand  de  Pontevès,  seigneur  de  Flassans,  frère  de 
Carcès,  de  son  côté,  ne  restait  pas  inactif  pour  orga- 
niser la  résistance,  et  il  agit  avec  tant  de  zèle  que, 
dans  les  premiers  jours  de  mai  (1562),  il  disposait  de 
cent  à  cent  vingt  compagnies  de  gens  de  pied  de  trois 
cents  hommes  chacune,  qu'il  logea  à  Aix,  à  Marseille 
et  dans  les  autres  villes  de  la  basse  Provence,  d'oii 
résultèrent  d'affreux  désordres  et  de  cruels  traitements 
à  l'égard  des  protestants  jusqu'à  la  fin  du  mois  d'avril 
de  Tannée  suivante.  Nous  n'en  rapporterons  ici  qu'un 
seul  exemple. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  I49 

Le  sieur  de  Mandols,  professant  la  religion  réformée, 
gendre  du  baron  de  Bormes,  était  avec  sa  femme  chez 
son  beau-père,  au  château  de  Mouans,  près  Grasse, 
sur  la  fin  de  mai  (i  562),  quand  le  sieur  de  Briançonnet, 
qui  habitait  Grasse  et  se  disait  lieutenant  du  gouverneur 
de  Provence  en  ces  quartiers-là,  sous  prétexte  que 
quelques  religionnaires  d'Hyères  et  de  Bormes  s'étaient 
réfugiés  au  château ,  en  fit  le  siège  et  obtint  de  l'occu- 
per à  la  condition  de  respecter  la  liberté  des  personnes 
qui  s'y  trouvaient  ;  mais,  au  lieu  de  cela,  il  jeta  dans 
une  des  caves  du  château,  oij  ils  endurèrent  les  plus 
cruelles  privations,  les  trente  hommes  qu'il  rencontra, 
au  nombre  desquels  étaient  les  ministres  Mison  et  Vi- 
talis.  Quant  aux  seigneurs  de  Bormes  et  de  Mandols, 
il  les  fit  enfermer  dans  sa  maison  de  Grasse. 

Après  cela,  il  résolut  de  se  saisir  également  du  châ- 
teau du  sieur  de  Mandols  père,  à  Demandols,  près 
Castellane.  Pour  éviter  un  siège,  ce  dernier  fit  partir 
pour  la  Savoie  ses  gardes  et  ses  serviteurs  sous  la  con- 
duite de  son  frère ,  mais  quand  ceux-ci  furent  arrivés 
proche  du  village  de  Saint-Auban ,  à  trois  lieues  plus 
loin,  ils  furent  tous  massacrés  par  les  paysans,  à  l'insti- 
gation du  seigneur  et  de  la  dame  du  lieu ,  qui  assistè- 
rent à  ce  sanglant  spectacle.  Ils  étaient  dix-huit  et 
avaient  avec  eux  huit  femmes  et  le  pasteur  Georges 
Cornelli. 

Cependant  de  Mandols  père,  voyant  de  son  château 
arriver  les  gens  de  Briançonnet,  conduits  par  un  nommé 
Augustin  Raupe  et  auxquels  s'était  jointe  une  autre 
troupe  envoyée  par  Clausse,  évêque  de  Senez,  se  sauva 
à  une  lieue  de  là,  à  Vergons,  dans  la  montagne,  avec  sa 
femme,  une  jeune  fille  de  douze  ans,  la  femme  de  son 
frère,  déjà  massacré  à  Saint-Auban,  et  leur  enfant,  âgé 
de   six   mois,  la  femme  de  Michel   Bougarel,  de   La- 


150  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

garde,  et  ses  deux  petits  enfants,  une  femme  de  cham- 
bre, une  domestique  et  trois  jeunes  laquais.  Arrivés  au 
château ,  Raupe  et  les  siens  l'incendièrent  avec  toutes 
ses  dépendances  et  coupèrent  les  arbres  et  les  vignes. 
Quant  au  seigneur,  il  fut  nourri  à  Vergons  par  les  soins 
de  Bougarel;  mais  quelques  jours  après,  ayant  été  attiré 
dans  une  embuscade  par  ses  vassaux  catholiques,  qui 
feignirent  de  vouloir  le  ramener  dans  son  château,  il  fut 
massacré  avec  toute  sa  suite  ,  à  l'exception  des  deux 
petits  enfants  de  Bougarel ,  que  leur  père  put  cacher 
dans  un  buisson,  à  trois  cents  pas  de  là,  et  du  nourris- 
son de  la  belle-soeur  de  de  Mandols,  que  celle-ci  avait 
caché  sous  son  corps  pendant,  que  les  assassins  lui 
portaient  plusieurs  coups,  qui,  heureusement,  ne  mirent 
pas  sa  vie  en  danger. 

Pour  en  revenir  au  sieur  de  Mandols  le  fils  ,  il  fut 
changé  plusieurs  fois  de  prison  et  réussit,  après  avoir 
enduré  toutes  sortes  de  maux  ,  à  s'évader  et  à  gagner 
l'étranger.  «  Sa  femme  aussi  et  une  sienne  sœur,  fina- 
lement sorties  de  prison,  »  dit  Crespin ,  «  furent  reçues 
à  sauveté  à  l'Espel  en  Terre-Neuve^  en  la  maison  d'un 
vrai  homme  de  bien  ,  nommé  Bernardin  Richelme,  jus- 
ques  à  ce  que,  en  vertu  de  l'édit  de  pacification,  ils 
revinrent  en  leur  maison  bien  désolée  (i).  » 

TENDE  SE  MET  A  LA  TÊTE  DES  PROTESTANTS.  PRE- 
MIÈRES HOSTILITÉS.  NOUVELLES  VIOLENCES  DE  FLAS- 
SANS    A    AIX  (l  562). 

Enveloppés  de  toutes  parts,  réduits  à  la  plus  aflfreuse 
misère  et  exposés  à  une  mort  certaine  ,  les  protestants 
provençaux  se  réfugièrent  dans  les  villes  et  bourgs  oii 

(1)  Crespin,  fol.  679,  680;  —  De  Bèze,  t.  III,  p.  259-241, 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  I^I 

ils  étaient  en  nombre,  notamment  à  Lourmarin,  Cabriè- 
res-d' Aiguës  ,  Mérindol,  Cadenet,  Sisteron  ,  Riez  et 
autres  places.  Le  comte  de  Tende,  voyant  cela,  se  ren- 
dit à  Manosque  et  fit  prendre  les  armes  tant  aux  fugitifs 
qu'à  ceux  du  pays,  et  plaça  à  leur  tête  son  fils  Cipières 
et  son  gendre  Cardé ,  le  premier  comme  colonel  de  la 
cavalerie  et  le  second  comme  colonel  de  l'infanterie. 
A  eux  se  joignirent ,  avec  d'autres  troupes ,  Sénas , 
Mauvans  ,  Claude  de  Grasse,  seigneur  du  Bar,  Henri 
de  Grasse,  sieur  de  Malijai,  son  frère,  et  Scipion  de 
Villeneuve,  sieur  d'Espinouse,  gentilshommes  de  la 
première  noblese  de  Provence  et  protestants  de  cœur. 
Toutes  les  places  de  ce  quartier  de  la  Durance  se  dé- 
clarèrent pour  eux,  à  l'exception  de  Pertuis,  dont  Som- 
merive  s'était  emparé  pour  s'assurer  du  passage  de 
cette  rivière. 

Disposant  de  quatre  mille  hommes  de  pied  et  de  cinq 
cents  chevaux ,  mais  dépourvu  de  canons ,  le  comte  de 
Tende  fit  assiéger  Pertuis  pendant  dix-huit  jours,  et  il  était 
sur  le  point  de  le  prendre  après  l'heureux  succès  d'une 
mine  qui  avait  fait  sauter  une  partie  considérable  des 
murailles,  quand  il  apprit  que  les  troupes  de  son  fils 
approchaient.  Voulant  empêcher  l'effusion  du  sang,  il 
donna  au  gros  de  l'armée  Tordre  de  se  retirer,  par  la 
Tour-d'Aigues  et  Manosque,  dans  Sisteron,  qui  était  la 
plus  forte  place  de  la  vallée  de  la  Durance  et  même  de 
la  province,  et,  en  passant  à  Manosque,  y  laissa  une 
garnison  très  importante  sous  les  ordres  du  capitaine 
Coloux,  avec  des  vivres  et  des  munitions  en  abon- 
dance ,  pendant  que  Cipières ,  Cardé ,  Sénas  et  Mau- 
vans allaient,  sur  ses  ordres,  demander  du  secours  au 
baron  des  Adrets,  commandant  les  troupes  protestantes 
du  Dauphiné. 

Sommerive,  informé  de  la  marche  de  l'armée  de  son 


152  HfSTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

père ,  s'apprêtait  à  faire  le  siège  de  Sisteron  ;  mais  prié 
par  Fabrice  (i)  Serbelloni,  commandant  des  armées  pa- 
pales du  Comtat,  de  l'aider  à  s'emparer  d'Orange,  il 
rassembla  ses  hommes  à  Orgon  sur  la  Durance,  passa 
la  rivière  et  campa  à  Cavaillon  sur  la  rive  droite.  Après 
avoir  dirigé  quelques  pointes  sur  Mérindol ,  que  Mau- 
vans  défendait  encore  avec  des  cavaliers  huguenots  et 
oij  les  succès  furent  partagés ,  il  marcha  sur  Orange 
avec  Fabrice  et  François  de  la  Baume  de  Suze  (2) ,  et, 
ayant  ruiné  de  fond  en  comble  avec  eux  la  ville  et  mas- 
sacré un  grand  nombre  de  ses  habitants  inoffensifs 
(5  juin),  il  se  saisit  de  Manosque,  que  Coloux  lui  livra 
sans  coup  férir,  contre  l'attente  de  tout  le  monde.  C'est 
là  qu'il  réunit  toutes  ses  forces  ,  qui  s'élevaient  à  cin- 
quante enseignes  de  gens  de  pied  et  sept  canons,  et 
auxquels  s'étaient  joints  les  principaux  gentilshommes 
catholiques  de  la  province,  notamment  Carcès  et  ses 
deux  gendres,  La  Verdière  et  Bernard  d'Ornezan ,  ba- 
ron de  Montagut. 

A  la  faveur  de  l'épouvante  que  le  sac  d'Orange  jeta 
parmi  les  protestants  du  pays,  Flassans  rentra  dans  Aix 
avec  de  Cuges,  son  compagnon;  il  reprit  son  consulat 
et  les  violences  recommencèrent.  Des  pierres  furent 
jetées  aux  fenêtres  des  protestants  ;  on  en  pendit  au 
pin  deux  ,  puis  quatre  et  beaucoup  d'autres.  Chaque 
jour  quelque  malheureux  était  mis  à  mort.  Les  assassins 
avaient  à  leur  tête  un  paysan  fort  audacieux  et  de  grande 
mine,  nommé  Sen  Tarron,  qui  avait  mis  une  croix  blan- 
che à  son  chapeau,  et  qui,  suivi  des  bouchers  de  la 
ville,  d'un  capucin  et  de  plusieurs  femmes,  faisait  main 
basse  sur  les  protestants  et  les  pendait.  Les  conseillers 

(i)  Pour  Fabricio, 

(2)  C'est   à  tort  que  les  historiens  donnent  à  ce  personnage   le   titre  de 
comte,  attendu  qu'il  ne  fut  créé  tel  qu'en  1^72. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  153 

au  Parlement  soupçonnés  d'hérésie,  craignant  pour 
leurs  jours  ,  quittèrent  la  ville.  C'étaient  François  de 
Gênas,  sieur  d'Eguilles;  Charles  de  Châteauneuf,  sieur 
de  Molléges  ;  André  de  Pena;  Jean  Ferrier,  seigneur 
de  Sainte-Croix;  Jean  d'Arcussia,  sieur  de  Gardanne  ; 
Honoré  Somati ,  sieur  du  Castellard  (i),  auquel  il  faut 
joindre  l'avocat  général  Jean  du  Puget.  Le  conseiller 
Jean  Salomon,  également  soupçonné  d'être  protestant, 
ne  se  hâta  pas  assez  de  sortir,  et,  s'étant  caché  dans  le 
couvent  des  Prêcheurs,  il  fut  découvert,  mené  au  corps 
de  garde  et  assassiné,  a  plus  pour  son  argent  que  pour 
son  Evangile  ,  »  dit  un  auteur  du  temps.  Son  corps  fut 
traîné  en  chemise  jusqu'à  minuit ,  et  déposé  près  de 
l'église  de  Saint-Sulpice.  Jean-Augustin  de  Foresta , 
baron  de  Trets  ,  second  président  au  Parlement ,  vit 
son  cadavre  en  rentrant  au  palais  et  ne  put  retenir  ses 
larmes  (22  juin).  Le  prévôt  des  maréchaux  fut  accusé 
de  ce  crime  et  mis  en  prison  ;  mais  le  conseiller  Fran- 
çois de  Rascas ,  sieur  de  Bagaris  ,  ardent  cathohque  , 
le  fit  relâcher. 

Les  bouchères ,  voulant  suivre  les  traces  de  leurs 
maris ,  se  saisirent  de  la  femme  d'un  libraire  ,  nommée 
Melchionne ,  qui  s'était  réfugiée  dans  la  maison  de 
Flassans  pour  sauver  sa  vie.  Elles  lui  meurtrirent  le  vi- 
sage à  coups  de  couteau ,  la  traînèrent  par  les  cheveux 
et  la  pendirent  au  pin  encore  vivante  (26  août).  Le  Par- 
lement légiférait  contre  ces  violences ,  mais  ne  sévis- 
sait pas  ,  et  quatre-vingts  protestants  étaient  sous  les 
verroux  à  Aix. 


(i)  Somati  retourna  au  catholicisme  après  la  Saint-Barthélémy.  En  1Ç78, 
il  était  du  parti  des  rasats,  et  devint  ensuite  fougueux  ligueur  (Lambert,  t.  I, 
p.  529). 


I  54  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

SIÈGE     DE    SISTERON     PAR     SOMMERIVE    (1O-28    juillet 

1562). 

Revenons  à  Sommerive.  Le  comte  de  Tende ,  son 
père,  ne  doutant  plus  qu'il  ne  se  disposât  à  faire  le 
siège  de  Sisteron ,  fit  fortifier  la  place  du  mieux  qu'il 
put  et  y  laissa  onze  compagnies  de  soldats  sous  le  com- 
mandement de  Beaujeu  ,  son  neveu,  fils  de  sa  sœur, 
d'une  illustre  maison  de  Bourgogne  et  vaillant  guerrier. 
Ce  dernier  avait  sous  ses  ordres  Espinouse,  Du  Bar  et 
Malijai  son  frère ,  Antoine  de  Marsch  dit  Tripoli ,  et 
autres.  Le  comte  installa  ensuite  dans  un  couvent,  hors 
de  la  ville ,  les  femmes  et  les  enfants  des  fugitifs  ,  qui 
s'étaient  d'abord  établis  à  Lourmarin ,  Cabrières,  Mé- 
rindol  et  autres  lieux  des  bords  de  la  Durance.  Quand 
on  les  vit  arriver  à  Sisteron ,  escortés  des  compagnies 
vaudoises  par  le  vaillant  capitaine  Henri  Seguirani ,  on 
disait  :  «  Voici  le  peuple  d'Israël.  »  «  La  mère,  »  dit 
Nicolas  Régnault,  «  portait  le  petit  enfant  entre  ses 
bras ,  et  les  petits  enfants  de  cinq  ou  six  ans  étaient 
contraints  de  se  traîner  parmi  le  bagage,  sans  souliers, 
sans  habillements.  On  n'oyait  que  lamentations  parmi 
ce  peuple  pour  la  faim  qui  les  pressait.  Plusieurs  étaient 
tourmentés  de  fièvres  :  ce  que  voyant,  les  papistes  les 
interrogeaient  pourquoi  ils  pleuraient;  mais  ils  ne  sa- 
vaient que  dire ,  sinon  qu'ils  étaient  chassés  pour  la 
querelle  de  Dieu.  » 

Ces  préparatifs  étant  terminés ,  le  comte  se  retira , 
avec  le  reste  de  ses  soldats,  sur  le  plateau  d'Entraix, 
au  delà  du  Buech;  puis  à  huit  ou  dix  lieues  plus  loin, 
derrière  la  montagne  de  la  Baume  ,  vers  la  vallée  de 
Barcelonnette,  afin  de  pouvoir  alimenter  en  toute  sûreté 
la  place  de  vivres,  ménager  une  retraite  sûre  aux  assié- 


LES    GUERRES   DE    RELIGION.  1^5 

gés  en  cas  d'échec ,  et  surtout  faciliter  l'entrée  dans  la 
place  du  secours  en  hommes  que  Cipières  ,  Cardé , 
Sénas  et  Mauvans  devaient  amener  du  Dauphiné. 

Sommerive  se  mit  en  marche  et  aurait  été  arrêté  long- 
temps au  village  de  Lurs ,  assis  sur  une  montagne ,  à 
trois  lieues  de  Sisteron ,  au  bord  de  la  Durance  ,  et 
commandant  la  route,  fort  étroite  en  ce  lieu  ,  sans  la 
lâcheté  de  Châteauneuf,  surnommé  ne:^  de  velours,  qui 
lui  livra  le  passage. 

Le  4  juillet  il  était  à  Château- Arnoux,  et  y  demeura 
plusieurs  jours  pour  délibérer  sur  les  moyens  de  faire 
le  siège  de  Sisteron  ,  car  la  place  était  située  dans  une 
assiette  assez  forte  et  défendue  au  nord  et  à  l'est  par  le 
Buech  et  la  Durance,  et  à  l'ouest  par  la  montagne  du 
Molard,  à  laquelle  elle  était  adossée.  Sommerive  éta- 
blit son  camp  en  rase  campagne ,  avec  l'espoir  que  la 
garnison  se  rendrait  par  composition  sans  attendre  le 
canon ,  parce  que  les  murailles  de  la  ville  n'étaient 
flanquées  que  de  petites  tours  ;  que  les  assiégés  ne 
possédaient  que  dix  ou  douze  mousquets  ou  petits  ca- 
nons ,  et  que  leurs  vivres  seraient  bientôt  épuisés  à 
cause  de  la  grande  quantité  de  fugitifs  qui  s'étaient  re- 
tirés dans  la  place,  a  Mais,  »  dit  de  Bèze  ,  «  le  bon 
courage  des  habitants  et  le  peu  ou  point  d'espérance 
qu'avaient  les  fugitifs  de  recevoir  aucun  bon  traitement 
de  leurs  ennemis  si  cruels  et  si  inhumains,  avec  l'assu- 
rance que  Tende  leur  avait  donnée  de  ne  partir  jamais 
d'auprès  d'eux  et  de  les  aider  de  sa  personne ,  de  ses 
biens,  nom,  autorité  et  faveur  jusques  à  toute  extré- 
mité, les  firent  résoudre  de  se  défendre  moyennant 
l'aide  de  Dieu  et  la  bonne  diligence  de  Beaujeu ,  leur 
gouverneur,  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  leur  sang. 
En  cela  aussi  les  assura  grandement  la  venue  du  capi- 
taine [Antoine  Rambaud ,  seigneur  de]  Furmeyer  ,  gen- 


156  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

tilhomme  du  Dauphiné ,  avec  trois  cents  bons  hommes 
et  bien  délibérés.  Suivant  donc  cette  résolution,  Som- 
merive ,  le  septième  dudit  mois,  envoya  pour  reconnaî- 
tre toutes  choses  le  capitaine  [Puy-Saint-Martin  dit! 
Bouquenègre ,  vieil  et  vaillant  soldat ,  mais  au  reste 
aussi  méchant  et  détestable  en  toute  sa  vie,  comme  sa 
naissance  le  portait...  Celui-ci,  après  avoir  fait  son  ex- 
ploit, se  rafraîchissant  en  un  petit  village  appelé  Châ- 
teauneuf,  fut  pris  prisonnier  avec  deux  soldats  corses 
et  un  sien  valet...  et  peu  après  convaincu  d'infinis 
meurtres  et  violements,  fut  pendu  et  étranglé  en  la  place 
publique  par  les  propres  mains  de  son  dit  valet ,  mou- 
rant tout  ainsi  qu'il  avait  vécu.  »  On  lui  eut  néanmoins 
fait  grâce  ,  comme  on  la  lui  avait  déjà  faite  à  Barjols  ; 
mais  les  femmes  et  les  filles  réfugiées  à  Sisteron  de- 
mandèrent à  grands  cris  sa  mort,  comme  un  juste  châ- 
timent des  outrages  sans  nombre  et  sans  nom  qu'il  avait 
fait  subir  à  leur  sexe  (8  juillet).  Sommerive  ,  apprenant 
son  exécution,  écrivit  aussitôt  à  Tarascon  pour  qu'on 
mît  à  mort  par  représailles  le  capitaine  Coste ,  fait  pri- 
sonnier à  Orange  (15  juillet). 

Le  général  en  chef  partit  ensuite  de  Château-Arnoux 
(10  juillet)  et  avança  sans  résistance  jusqu'à  une  demi- 
lieue  de  la  ville,  011  il  trouva  les  chemins  rompus  et 
deux  compagnies  de  Cabrières  et  de  Mérindol  postées 
au  pont  du  Jabron  pour  barrer  le  passage  à  l'artillerie. 
Ayant  été  bientôt  culbutées,  elles  furent  réduites,  après 
avoir  perdu  trente  des  leurs  au  moins,  l'une  à  se  réfu- 
gier sur  un  coteau,  l'autre  à  prendre  la  grande  route  qui 
conduisait  à  la  ville.  La  dernière  fut  même  poursuivie 
de  si  près  par  l'ennemi  que  celui-ci  aurait  pu  pénétrer 
pêle-mêle  avec  elle  dans  la  ville  si  le  gros  de  l'armée 
ne  s'était  mis  sur  l'heure  en  devoir  de  rétablir  les  che- 
mins. Sommerive  s'établit  ensuite  au  sud  de  la  place, 


LES   GUERRES   DE    RELIGION.  157 

sur  la  rive  droite  de  la  Durance ,  à  la  portée  approxi- 
mative d'une  arquebuse,  près  des  ruines  de  l'Eglise 
des  Cordeliers ,  et  y  posta  deux  couleuvrines  et  deux 
moyennes  ;  puis  il  établit  deux  autres  moyennes,  qu'il 
entoura  d'un  retranchement,  dans  un  chemin  pratiqué 
sur  le  flanc  de  la  montagne  du  Molard,  d'oij  l'on  dé- 
couvrait l'intérieur  de  la  ville,  et  posta  un  corps  de 
garde  sur  le  sommet  de  la  montagne  elle-même.  Beau- 
jeu,  de  son  côté,  après  avoir  ordonné  des  prières  pu- 
bliques, logea  deux  mousquets  sur  la  plate-forme  de  la 
cathédrale;  mais  les  canons  de  Sommerive,  qui  tirèrent 
depuis  deux  heures  jusqu'à  la  nuit ,  en  eurent  facilement 
raison. 

Le  lendemain,  ii  juillet,  Sommerive  fit  dresser  une 
autre  batterie  contre  une  vieille  muraille  située  au  levant 
du  côté  de  la  Durance,  près  de  la  porte  de  Sauve,  et, 
après  quelques  volées  de  coups  de  canon ,  somma  les 
habitants  de  se  rendre ,  leur  promettant  vies  et  bagues 
sauves  et  la  permission  de  quitter  la  Provence.  Beaujeu 
répondit  qu'ayant  reçu  la  place  de  son  oncle  pour  le 
service  du  roi,  il  la  défendrait  jusqu'à  la  mort,  et  que  ce 
n'était  pas  l'habitude  de  sommer  des  assiégés  de  se 
rendre  quand  on  les  avait  canonnés  un  seul  jour.  La 
batterie  recommença  donc  et,  lorsque  la  brèche  eut  une 
largeur  décent  pas,  les  assiége'ànts  montèrent  à  l'assaut; 
«  mais  si  la  furie  des  assaillants  était  grande  ,  »  dit  de 
Bèze ,  «  la  constance  de  ceux  de  dedans  était  grande  à 
s'emparer  et  se  présenter  à  tous  dangers,  jusques  aux 
femmes  et  petits  enfants,  et  se  pouvait  là  remarquer  une 
merveilleuse  différence  entre  les  uns  et  les  autres,  car 
ceux  de  dedans  n'avaient  que  psaumes  et  cantiques  en 
leur  bouche,  apportant,  traînant  et  charriant  tout  ce  qui 
était  requis  ;  et  ceux  de  dehors,  au  contraire,  étaient  du 
dessus  de  la  montagne  du  Molard ,  dont  ils   voyaient 


158  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

toute  la  ville,  leur  disaient  mille  ordures  et  vilenies..., 
et  conviant  les  habitants  de  leur  apprêter  leurs  lits  et 
leurs  couches  ;  car,  de  fait,  ils  se  tenaient  tant  assurés 
de  souper  dans  la  ville,  qu'ayant  serré  tout  leur  bagage, 
sans  avoir  reconnu  autrement  la  brèche ,  ils  vinrent  la 
tête  baissée  jusques  à  trois  assauts  l'un  après  l'autre. 
Mais  ceux  de  dedans  furent  soutenus  avec  tel  courage 
et  si  bon  ordre  que  les  assaillants  n'y  gagnèrent  que 
des  coups  ;  en  quoi  se  montrèrent  merveilleusement 
courageuses  les  femmes,  rafraîchissant  les  unes  de  pain 
et  de  vin  à  toute  heure  les  combattants  et  retirant  les 
blessés  avec  extrême  diligence  et  sans  aucune  crainte  ; 
les  autres  faisant  des  balles  qu'elles  fournissaient  à  ceux 
qui  tiraient  ;  les  autres ,  avec  les  enfants  et  autres  per- 
sonnes inhabiles  aux  armes,  étant  arrangées  par  les  rues 
et  combattant  avec  prières,  les  mains  tendues  au  ciel, 
comme  aussi  Beaujeu  ,  Furmeyer ,  Malijai  et  autres  ca- 
pitaines firent  un  merveilleux  devoir,  »  si  bien  que  les 
assiégés  ne  perdirent  que  dix  ou  douze  des  leurs  dans 
ce  premier  assaut. 

Le  lendemain,  12  juillet,  Sommerive  trouvant  la  brè- 
che réparée  et  en  bon  état  de  défense  essaya  d'attirer, 
par  ruse ,  les  assiégés  hors  de  la  place ,  en  feignant  de 
lever  le  siège  pour  se  porter  à  la  rencontre  de  Cipières, 
Cardé,  Sénas  et  Mauvans,  qui  amenaient  du  Dauphiné 
un  secours  de  deux  mille  hommes  après  avoir  aidé  le 
baron  des  Adrets  à  prendre  Grenoble  ;  mais  personne 
ne  bougea  dans  la  ville.  Sommerive  eût  mieux  fait,  sans 
doute ,  de  recommencer  l'assaut ,  car  les  assiégés 
n'avaient  plus  que  vingt  livres  de  poudre.  Le  jour  sui- 
vant, 13  juillet,  il  se  borna  à  donner  un  semblant  d'as- 
saut et  à  tirer  quelque  coup  de  canon  dans  la  ville  ; 
puis,  apprenant  que  Cardé,  Cipières,  Sénas  et  Mau- 
vans approchaient,  il  passa  sur  la  rive  gauche  du  Buech 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  1  59 

pour  les  attendre.  Il  demeura  là  jusqu'au  i8,  mais  se 
retira  dès  que  leurs  deux  mille  hommes  parurent. 

Ce  même  jour,  à  lo  heures  du  soir,  trois  cents  as- 
siégés sortirent  de  la  ville  pour  détruire  le  corps  de 
garde  posté  sur  le  haut  du  Molard  et  enclouer  les  ca- 
nons de  la  batterie  établie  sur  ses  flancs.  «  L'alarme  se 
donne  au  camp,  »  dit  Du  Puget,  «  et  y  fut  envoyé 
secours;  le  combat  dura  longtemps;  ledit  fort  fut  quitté, 
et  quand  vint  le  point  du  jour,  le  combat  recommença 
plus  fort  qu'auparavant;  car  il  dura  longtemps,  et  tantôt 
l'un  était  rembarré  et  tantôt  l'autre.  On  vint  jusques  aux 
coups  de  pierre.  Sur  les  huit  heures  du  matin,  chacun  se 
retira  et  il  y  eut  force  tués  et  force  blessés.  » 

Le  22  juillet,  Cipières,  qui  commandait  le  secours 
du  Dauphiné ,  franchit  la  Durance  et  s'établit  à  La 
Baume,  petit  village  situé  en  face  de  Sisteron,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Durance.  Sommerive  tenta  de  lui  barrer  le 
passage,  en  abattant,  avec  son  artillerie,  le  pont  qui  re- 
liait La  Baume  à  la  ville  ;  mais  il  n'y  parvint  point  et 
refusa  même  la  bataille  que  Cipières  lui  offrit.  Il  avait, 
en  effet,  déjà  perdu  beaucoup  de  monde  pendant  le 
siège,  et  ses  troupes  s'étaient  débandées  en  partie  en 
apprenant  l'arrivée  du  renfort  dauphinois.  «  Dans 
vingt  et  quatre  heures,  »  dit  Du  Puget,  u  le  camp  s'af- 
faiblit de  dix  à  douze  mille  hommes,  de  manière  qu'il  y 
avait  telle  compagnie  de  gens  de  pied  oii  il  n'était  de- 
meuré que  les  officiers.  » 

LEVÉE  DU  SIÈGE  DE  SISTERON,  ATTAQUE  DU  CAMP  DE 
l'escale  par  la  GARNISON.  DES  ADRETS  EN  PRO- 
VENCE   (l  562). 

Le  28  juillet ,  Sommerive  ,  apprenant  que  le  baron 
des  Adrets  venait  battre  les  troupes  du  comtat  Venais- 


l6o  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

sin  à  Valréas  (25  juillet),  et  craignant  qu'il  ne  marchât 
contre  lui  ,  leva  son  camp  de  nuit ,  passa  sur  la  rive 
gauche  de  la  Durance  à  Volonne,  prit  l'Escale,  prieuré 
fortement  assis  entre  une  montagne  au  levant,  une  pe- 
tite rivière  au  midi  et  la  Durance  au  couchant,  y  établit 
une  garnison  et  alla  camper  entre  l'Escale  et  les  Mées, 
dans  une  plaine  «  fertile  en  arbres  fruitiers ,  »  dit  de 
Thou ,  «  et  abondant  en  toutes  les  choses  nécessaires 
à  la  vie ,  par  oij  l'on  pouvait  aisément  tirer  de  la  basse 
Provence  les  vivres  et  les  munitions  dont  on  avait  be- 
soin ;  mais  pour  fermer  de  ce  côté-là ,  comme  des  au- 
tres,  l'entrée  du  camp,  Sommerive  fit  faire  trois  fossés 
très  profonds,  laissant  un  chemin  libre  pour  les  vivres 
qu'on  apportait  de  la  basse  Provence.  » 

Après  la  levée  du  siège  ,  qui  inspira  à  un  poète  pro- 
testant un  Cantique  de  circonstance  que  l'on  retrouvera 
aux  Pièces  justificatives^  n°  II  ,  toutes  les  troupes  de 
Sisteron  vinrent  camper  devant  l'Escale.  Elles  comp- 
taient vingt-neuf  enseignes  d'infanterie  et  quatre  cornettes 
de  cavalerie,  grossies,  à  la  fin  de  juillet,  de  neuf  ensei- 
gnes de  fantassins,  faisant  mille  ou  douze  cents  hommes, 
et  de  trois  cents  chevaux  environ ,  tirés  de  la  vallée 
vaudoise  de  Pragela  ,  qui  faisait  alors  partie  du  Dau- 
phiné,  et  commandés  par  André  de  Ponnat ,  gouver- 
neur de  Grenoble. 

«  Cependant,  au  camp  de  l'ennemi,  »  dit  Nicolas 
Régnault,  «  arrivèrent  quelques  damoiselles  ,  à  savoir, 
la  damoiselle  de  Sommerive ,  de  Carcès ,  de  La  Ver- 
dière  et  autres  ,  lesquelles  furent  recueillies  des  capi- 
taines du  camp  en  grande  pompe  et  liesse;  entre  autres 
le  seigneur  de  La  Verdière  dit  qu'il  voulait,  pour  l'amour 
des  dames,  dresser  l'escarmouche  contre  M.  de  Mau- 
vans  :  ce  qu'il  fit.  Mais  le  seigneur  de  Mauvans,  enten- 
dant le  bruit,  monte  à  cheval,  ensemble  le  seigneur  du 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  l6l 

Bar  et  autres  qui  les  suivaient ,  lesquels  ,  après  s'être 
rencontrés ,  se  saluèrent  à  coups  de  pistolades  ;  mais 
La  Verdière  ,  reconnaissant  le  seigneur  du  Bar ,  com- 
mença à  crier  :  Au  Bar!  au  Bar!  Toutefois  Le  Bar  fut 
secondé  par  le  seigneur  de  Mauvans ,  et  lors  La  Ver- 
dière courut  sur  Mauvans,  et  Mauvans  le  blessa  d'une 
pistolade;  puis  Le  Bar,  le  poursuivant  de  son  couteau, 
le  tua.  »  La  Verdière,  gendre  de  Carcès,  était  l'un  des 
meilleurs  et  plus  vaillants  capitaines  de  l'armée  catholi- 
que. Mauvans ,  toutefois ,  ne  se  retira  pas  sain  et  sauf 
de  l'escarmouche  ,  et  reçut  un  coup  d'arquebuse  à  la 
cuisse  qui  le  blessa  grièvement  et  dont  il  resta  boiteux 
le  reste  de  ses  jours. 

Cependant  l'armée  protestante  avait  bien  de  la  peine 
à  se  ravitailler,  parce  qu'elle  n'avait  derrière  elle  que 
des  contrées  montagneuses  et  pauvres.  Le  comte  de 
Tende,  qui  était  rentré  à  Sisteron  ,  ne  put,  malgré  son 
zèle ,  procurer  suffisamment  de  vivres  à  la  ville  et  au 
camp,  de  sorte  que  les  soldats  commençaient  de  se  dé- 
bander. Voyant  cela ,  Cardé  résolut  de  tenter  un  grand 
coup  pour  forcer  Sommerive  à  sortir  de  ses  retranche- 
ments et  à  accepter  la  bataille.  Le  4  août,  Beaujeu  ,  se 
mettant  à  la  tête  de  la  compagnie  du  capitaine  Malijai 
et  de  celle  du  capitaine  Seguirani,  donna  avec  une  telle 
furie  dans  les  tranchées  qu'il  demeura  maître  de  la  pre- 
mière et  passa  outre.  N'étant  malheureusement  pas 
suivi  par  le  gros  de  l'armée,  qui  s'était  mis  en  ordre  de 
bataille  pour  attendre  l'ennemi  que,  par  cette  pointe  au- 
dacieuse ,  Cardé  espérait  attirer  dans  la  campagne, 
Beaujeu  fut  obligé  de  rétrograder,  au  grand  méconten- 
tement de  ses  soldats,  qui  blâmèrent  le  général  en  chef 
de  ne  pas  avoir  poursuivi  sa  pointe  ;  mais  Cardé  avait 
craint  que  l'artillerie  de  l'ennemi  ne  décimât  ses  trou- 
pes dans  un  assaut  général.  Ce  fut  un  mauvais  calcul, 

II 


l62  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

car  Du  Puget,  qui  servait  dans  le  camp  ennemi,  recon- 
naît lui-même  que,  t.  si  ledit  sieur  comte  de  Tende  n'eût 
arrêté  la  chaleur  des  siens  ,  étant  le  camp  si  affaibli 
(comme  dit  a  été) ,  il  y  eut  danger  de  quelque  inconvé- 
nient. » 

Le  lendemain ,  5  août ,  Ponnat ,  irrité  de  ce  qui  était 
arrivé,  craignant  surtout  de  manquer  de  vivres,  quitta  le 
camp,  quoi  qu'on  pût  lui  représenter  et  donna  par  là  le 
signe  de  la  retraite.  Quant  au  comte  de  Tende ,  il  fit 
rentrer  une  partie  des  troupes  à  Sisteron ,  où  il  fut  dé- 
libéré que,  pour  soulager  la  ville,  on  n'y  laisserait  que  le 
nombre  d'hommes  nécessaires  à  sa  défense.  Du  Bar  et 
son  frère  Malijai  partirent  donc  avec  trois  cornettes  de 
cavalerie  et  une  grande  partie  des  fantassins  pour  re- 
joindre le  baron  des  Adrets  et  revenir  ensuite  avec  de 
grandes  forces  dans  le  but  de  combattre  Sommerive. 

Le  farouche  capitaine  était  à  Valence  quand  les  pre- 
miers députés  de  Sisteron  vinrent  le  prier  de  secourir 
la  place.  Comme  il  songeait  déjà  à  trahir  son  parti  et 
était  jaloux  de  Mauvans ,  dont  la  bravoure  lui  portait 
ombrage,  il  ne  se  mit  en  marche  qu'après  beaucoup  de 
supplications.  Il  fit  passer  le  brave  Montbrun,  qui  com- 
mandait l'artillerie,  par  Grenoble,  Aspres,  Serres  et  Or- 
pierre  (i  5  août),  et  lui-même  descendit  dans  le  Comtat. 
Le  i*""  septembre  il  était  à  Cavaillon  et,  au  lieu  de 
tirer  droit  sur  Sisteron  par  la  montagne,  c'est-à-dire  par 
Gordes,  Saint-Saturnin  et  Sault,  il  prit  le  chemin  de  la 
plaine  et  alla  assiéger  Apt  le  4  du  même  mois.  Il  battit 
en  vain  la  place  avec  ses  canons  pendant  quatre  jours, 
pointant  successivement  les  remparts  de  La  Bouquerie  et 
le  parapet  de  la  Tour  de  l'Horloge,  et  il  allait  se  re- 
tirer, en  présence  de  la  résistance  des  habitants  encou- 
ragés par  leur  évêque ,  Jean-Baptiste  Rambaud  de  Si- 
miane  de  Gordes,   quand  un  protestant,  qui  avait  été 


LES   GUERRES  DE  RELIGION.  163 

obligé  de  quitter  la  ville  ,  lui  promit  de  lui  en  faciliter 
l'entrée  en  l'introduisant  par  la  fenêtre  d'une  tour  atte- 
nant à  la  maison  d'un  de  ses  coreligionnaires  et  com- 
muniquant avec  elle  par  une  porte.  Mais  le  complot  fut 
découvert  et  Des  Adrets  dut  lever  le  siège  (i).  Pen- 
dant ce  temps  et  grâce  à  ces  lenteurs  calculées  ,  Mont- 
brun  était  battu  à  Lagrand  ,  comme  on  va  le  voir,  et 
Sisteron  succombait. 

REPRISE  DU   SIÈGE  DE  SISTERON   (27    août-4  septem- 
bre).   RETRAITE    HÉROÏQUE    DE    LA    GARNISON    (1562). 

Sénas  ,  nommé  gouverneur  de  Sisteron  à  la  place  de 
Beaujeu ,  fortifia  la  ville  le  mieux  qu'il  put  avec  l'aide 
du  seigneur  de  Brac  et  du  capitaine  Tholon  ,  qui  rem- 
plissait les  fonctions  de  sergent-major.  Mauvans ,  griè- 
vement blessé ,  ne  pouvait  les  assister  que  de  ses  con- 
seils. Quant  au  comte  de  Tende,  il  se  réfugia  à  la  cour 
du  duc  de  Savoie. 

Sommerive,  se  voyant  débarrassé  d'une  bonne  partie 
de  l'armée  protestante  ,  ne  songea  plus  qu'à  reprendre 
le  siège  de  Sisteron.  Il  recruta  de  nouveaux  soldats  à 
la  place  de  ceux  qui  s'étaient  débandés.  Le  comte  An- 
toine de  Terni  lui  amena  deux  compagnies  italiennes 
(10  août),  Flassans,  mille  soldats  provençaux  (i8  août), 
Nicolas  de  Beausset,  Paul  Imperialis  et  Guillaume 
Olive,  cinq  cents  Marseillais  (i8  août),  et  Suze  ,  seize 
cents  hommes  du  Comtat  (24  août).  Il  se  trouva  de  la 
sorte  à  la  tête  de  cent  deux  enseignes  d'infanterie,  dont 
Sommerive  donna  le  commandement  général  à  Carcès, 
et  de  bon  nombre  de  cavaliers.  L'artillerie  fut  confiée  à 
La  Forest,  maître  de  cette  arme. 


(1)  Boze,  Hist.  d'Apt,  p.  261-264;  —  Remervllle,  Idem,  ms.  ;  —  Barjavel , 
Le  seizième  siècle,  p.  79. 


164  HISTOIRE^DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Le  27  août,  le  général  en  chef  était  sous  les  murs  de 
la  place.  Il  fit  aussitôt  pratiquer  une  grande  tranchée 
aboutissant  aux  coteaux  de  Saint-Jean  et  de  Saint-Bran- 
çon  pour  faire  passer  à  couvert  son  artillerie ,  car ,  en 
défilant  par  la  route  ordinaire  ,  il  eût  été  à  portée  de 
l'arquebuse.  Diverses  escarmouches  eurent  lieu,  mais 
les  assiégés  demeurèrent  maîtres  des  deux  coteaux  jus- 
qu'au moment  oij  ils  les  abandonnèrent  pour  occuper  le 
pont  du  Buech,  où  devait  passer  le  secours  que  Montbrun 
leur  amenait  du  Dauphiné  et  qui  comptait  douze  cents 
arquebusiers,  deux  canons,  quelques  pièces  de  campa- 
gne, deux  cents  cavaliers  et  trente  charrettes  de  vivres 
et  de  munitions  pour  ravitailler  la  place. 

Sommerive ,  sans  retard  ,  fit  pratiquer  une  autre  tran- 
chée pour  s'emparer  de  la  montagne  du  Molard  et 
donna  l'ordre  d'attaquer  le  pont  du  Buech,  que  les  as- 
siégés abandonnèrent  également  en  voyant  que  Mont- 
brun  n'arrivait  pas  ;  de  la  sorte  ,  la  ville  se  trouva  atta- 
quée au  nord,  au  levant  et  au  midi.  Peu  après, 
Montbrun  arrivait  à  Orpierre  ,  mais  trop  tard.  Somme- 
rive  ,  qui  était  maître  de  la  route  du  Dauphiné  ,  envoya 
Suze  à  sa  rencontre  avec  trois  à  quatre  mille  hommes 
et  six  cents  chevaux.  Le  choc  eut  lieu  à  Lagrand. 
«  Montbrun,  »  dit  de  La  Plane,  «  se  jeta  sur  Suze  avec 
fureur,  mais  il  éprouva  une  résistance  qu'il  avait  cru  sans 
doute  prévenir  par  son  impétuosité  et  dont  l'effet  inat- 
tendu ne  fit  alors  que  préparer  sa  défaite.  Montbrun 
pliait  déjà  lorsque  de  la  cavalerie  arrivant  lui  fit  un  grand 
carnage  et  lui  laissa  à  peine  le  temps  de  se  sauver  en 
toute  hâte  à  Orpierre.  »  Il  perdit  environ  cent  cinquante 
hommes  (i),  son  bagage,  ses  munitions,  son  artillerie  et 
son  convoi  de  vivres  (2  septembre).  L'effroi  fut  si  grand 

(t)  Nosiradamus  dit  960,  mais  c'est  exagéré. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  165 

parmi  ses  soldats  que  plusieurs  d'entre  eux  se  réfugiè- 
rent sur  des  arbres  ,  où  les  ennemis  les  tuèrent  sans 
pitié. 

Le  lendemain ,  3  septembre ,  Sommerive  braqua  sur 
les  deux  coteaux  de  Saint-Jean  et  de  Saint-Brançon, 
abandonnés  par  les  assiégés  ,  deux  grandes  couleuvri- 
nes  ou  moyennes,  et  un  fort  gros  canon,  que  Flassans 
et  La  Forest  avaient  amené  de  Marseille  pour  battre  à 
fleur  de  terre  la  courtine  de  la  ville  et  y  faire  une  brè- 
che plus  complète.  Il  posta  en  même  temps  deux 
moyennes  aux  ruines  de  l'église  des  Cordeliers  et  fit 
passer  sur  la  rive  droite  de  la  Durance  le  sieur  de  Mi- 
rebel  et  quelques  enseignes  pour  envelopper  la  ville  de 
toutes  parts. 

Le  4  septembre ,  le  feu  commença.  Les  canons  des 
coteaux,  qui  tirèrent  sept  cent  vingt-six  coups,  firent  une 
brèche  de  cent  quarante  pas  environ  au  plus  haut  point 
des  murailles  de  la  ville  regardant  le  Dauphiné,  pendant 
que  ceux  de  l'église  des  Cordeliers  battaient  le  chemin 
où  devaient  forcément  passer  les  assiégés  pour  défen- 
dre la  brèche.  «  Ce  nonobstant,  »  dit  de  Bèze,  «  et  bien 
que  la  plupart  de  ceux  de  dedans,  tâchant  de  remparer 
la  brèche  ,  fussent  emportés  et  volassent  par  pièces  en 
l'air,  hommes  et  femmes,  passant  les  vifs  par-dessus  les 
morts ,  ils   firent  un  étrange  devoir  d'apporter  terres  , 
coutres  de  lit,  fascines  et  tout  ce  qui  pouvait  servir.  Au 
même  instant ,  étant  donné  l'assaut  par  trente-trois  en- 
seignes d'infanterie  et  une  cornette  de  cavalerie  venant 
après  eux,  il  y  fut  combattu,  reprenant  haleine  par  cinq 
fois,  avec  une  telle  furie  que,  la  poudre  étant  faillie  aux 
uns  et  aux  autres ,  ils  vinrent  jusques  aux  épées  ,  aux 
pierres  et  aux  mains.  Mais  tant  y  a  que  les  assaillants 
finalement  furent  contraints  de   se  retirer.    »    L'action 
avait  duré  six  ou  sept  heures,  et  Mauvans,  qui  ne  pou- 


l66  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

vait  marcher  à  cause  de  sa  blessure ,  s'était  fait  porter 
à  la  brèche  pour  encourager  les  soldats  de  la  voix  et  du 
geste.  Le  jeune  François  de  Bonne  des  Diguières,  qui 
devint  si  célèbre  dans  la  suite,  et  n'avait  alors  que  dix- 
neuf  ans ,  combattit  aussi  avec  une  grande  vaillance  : 
ce  qui  donna  lieu  à  Beaujeu  de  prononcer  ces  paroles 
qui  s'accomplirent  de  tout  point  :  a  Si  ce  jeune  homme 
vit,  il  fera  parler  de  lui.  » 

Malgré  cette  victoire,  la  situation  des  assiégés  était 
devenue  fort  critique,  car  ils  avaient  perdu  beaucoup 
de  monde  et  dépensé  presque  toutes  leurs  munitions  et 
leurs  vivres,   et    ils  ne  pouvaient,   après  la  défaite   de 
Montbrun,  compter  sur  aucun  secours,  tandis  que  leurs 
ennemis  étaient  forts  et  nombreux  et  ne  manquaient  de 
rien.  C'est  po  urquoi  Sénas,  Mauvans  et  les  autres  capi- 
taines tinrent   un  conseil  secret  oiJ,  après  avoir  imploré 
le  secours  des  lumières  célestes,  la  retraite  fut  décidée 
pour  les  raisons  précédentes  et  également  pour  sauver 
la  vie  à  une  multitude  de  vieillards,  de  femmes  et  d'en- 
fants ,  que  l'armée  catholique  aurait  infailliblement  mas- 
sacrés comme  elle  l'avait  déjà  fait  à  Orange."  Il  fut  con- 
venu que,  cette  même  nuit,  à  onze  heures,  on  quitterait 
la  ville   par  un    petit  sentier  situé  à  l'une   des    issues 
du  village  de  La  Baume ,  et  conduisant  à  des  monta- 
gnes hautes  et  abruptes  par  Chardavoux,  Saint-Geniès, 
Anton  et    Feissal.   Sommerive  qui,  de   son   camp  des 
Cordeliers,  avait  vue  sur  ce  sentier,   n'avait  pas  jugé 
nécessaire  de  le  garder.  Un  traître,  qui  avait  assisté  au 
conseil  de  guerre ,  vint  bien  lui  révéler  le  plan  de  Sénas 
et  de  Mauvans,  mais  Gabriel  de  Bouliers,  sieur  de  Cen- 
tal ,  lui  persuada  que  c'était  une  ruse  des  assiégés ,  qui 
faisaient  courir  ce  bruit  pour  attirer  l'armée  sur  un  point, 
tandis  qu'ils    sortiraient  pour   enclouer  les  canons.   Il 
remit  donc  au  lendemain  le  soin  de  prendre  un  parti. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  \bj 

«  Cependant,  »  dit  de  Bèze,  «  dedans  la  ville  étant  dé- 
clarée la  retraite,  bien  que  tant  les  soldats  que  le  peuple 
fussent  merveilleusement  harassés  du  travail  si  grand  du 
jour  précédent,  chacun  s'apprêta  de  sortir.  Cela  ne  se 
pouvait  faire  sans  grande  confusion ,  chacun  troussant 
ce  qu'il  pensait  le  plus  aisé  à  porter  ;  les  uns ,  qui 
avaient  le  moyen,  chargeant  sur  ânes,  mulets  et  chevaux 
les  petits  enfants,  les  blessés,  les  malades,  les  vieilles 
gens  ne  pouvant  marcher  ;  les  autres ,  tant  pères  que 
mères,  portant  leurs  enfants  sur  leurs  cous,  entre  leurs 
bras  et  aux  mamelles ,  avec  grands  pleurs  et  lamenta- 
tions ;  et  se  faisant  tout  cela  à  la  vue  de  l'ennemi ,  qui 
les  pouvait  découvrir  du  camp  de  Mirebel,  et  de  la  ruine 
des  Cordeliers  pour  la  lumière,  qui  était  aux  fenêtres 
des  maisons  par  toute  la  ville.  » 

•  La  troupe,  après  avoir  marché  toute  la  nuit  par  une 
pluie  torrentielle  du  4  au  5  septembre  et  une  partie  du 
jour  suivant,  arriva,  à  quatre  heures  de  l'après-midi,  à 
Barles  (canton  de  Seyne),  et  y  fit  une  grande  halte  pour 
permettre  aux  blessés ,  aux  malades  et  aux  femmes  de 
rejoindre  le  gros  de  la  colonne.  Ils  se  trouvèrent  là  réu- 
nis au  nombre  de  quatre  mille ,  dont  deux  mille  seule- 
ment étaient  en  état  de  porter  les  armes.  Plusieurs  fem- 
mes avaient  accouché  en  route. 

Nous  n'avons  pas  à  raconter  en  détail  cette  retraite  ad- 
mirable qui,  s'étant  opérée  parle  Dauphiné,  appartient  à 
l'histoire  de  protestants  de  cette  province  ;  nous  nous 
bornerons  à  donner  le  nom  de  ses  diverses  étapes ,  sa 
voir  :  Barles,  Selonnet  (près  Seyne),  Ubaye,  proche  la 
Durance,  Le  Lauzet  (vallée  de  Barcelonnette),  Saint-Paul 
(idem),  La  Chenal,  par  le  col  de  l'Autaret  (aujourd'hui 
Ponte  Chianale  en  Piémont),  Molines  (Dauphiné),  par 
le  col  de  l'Agnel,  Ristolas  (Dauphiné),  Abriès  (idem), 
Largentière  (Piémont),  par  le  col  de  la  Mait,  Sauze  de 


l68  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Césane  (Piémont),  Pragela  [idem),  Césane  {idem),  mont 
Genèvre  ,  Briançon  ,  Freissinières  ,  Orcières  ,  Saint- 
Bonnet,  Mens,  Gières,  proche  Grenoble,  Moirans,  Vi- 
rieu,  Crémieu  et  Lyon.  Partis  de  Sisteron  le  4  septem- 
bre, ils  arrivèrent  dans  cette  dernière  ville  le  4  octobre 
après  avoir  enduré  toutes  sortes  de  fatigues,  de  priva- 
tions et  de  dangers  ;  traversé  les  contrées  les  plus  sau- 
vages et  les  plus  désertes  et  les  chemins  les  plus  inac- 
cessibles, et  tenté  par  deux  fois,  sans  succès,  d'entrer 
en  Dauphiné.  Les  fugitifs  furent  l'objet  des  soins  les  plus 
affectueux  de  la  part  de  leurs  coreligionnaires  de  Lyon, 
et  demeurèrent  dans  cette  ville  jusqu'au  mois  de  mai  de 
l'année  suivante,  alors  que  le  pays,  pacifié  pour  un 
temps ,  leur  permit  de  rentrer  dans  leurs  foyers ,  mais 
non  sans  endurer  de  nouvelles  épreuves  le  long  de  leur 
route,  comme  on  le  verra  plus  loin  (i). 

Sommerive  s'aperçut,  au  point  du  jour,  du  départ  des 
fugitifs  et  les  fit  poursuivre  par  un  certain  nombre  de 
fantassins  et  de  cavaHers,  qui  réussirent  seulement  à  se 
saisir  de  quelques  femmes  retardataires,  dont  les  unes 
furent  tuées,  les  autres  violées,  d'autres  emmenées  pri- 
sonnières. Aussi  bien  la  colonne  ne  tenait  pas  à  pousser 
loin  sa  poursuite ,  à  cause  du  mauvais  état  des  routes 
et  surtout  parce  qu'elle  voulait  avoir  sa  part  du  butin  de 
la  ville,  «  où,  »  dit  de  Bèze,  «  ils  trouvèrent  fort  peu  de 
gens  à  tuer  au  prix  de  ceux  qui  étaient  sortis,  et  fort 
peu  de  gens  à  piller.  Si  est-ce  qu'ils  y  tuèrent  de  trois 
à  quatre  cents,  que  femmes,  qu'enfants,  sans  aucun  res- 
pect ni  d'âge  ni  de  religion,  »  Ces  derniers  n'avaient 
pas  voulu  suivre  Sénas  et  Mauvans,  et  ceux  d'entre  eux 
qui  étaient  catholiques  crurent  qu'ils  seraient  épargnés. 


(0  Pour  les  détails  circonstanciés  de  la  retraite  de  Sisteron,  voy.  Arnaud, 
Hist.  des  prot.  du  Dauph.,  t.  I,  p.  145-148. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  1 6g 

Mais  il  n'en  fut  rien.  Les  soldats  de  Sommerive  les 
égorgèrent  sans  pitié  comme  les  autres.  Un  pareil  fait 
s'était  déjà  produit  à  Orange.  Les  quelques  soldats  qui 
avaient  été  préposés  à  la  garde  de  la  brèche  et  qui  ne 
furent  pas  avertis  du  départ  de  la  garnison  pour  que 
l'attention  de  l'ennemi  ne  fût  pas  éveillée  par  un  fait  qui 
aurait  paru  extraordinaire ,  périrent  également  dans  la 
tuerie. 

Après  cet  exploit ,  dont  il  ne  retira  que  peu  d'hon- 
neur, Sommerive  laissa  pour  gouverneur  dans  la  ville  le 
baron  de  Montagut  son  gendre  avec  un  régiment  de 
sept  compagnies ,  qui  relevèrent  les  murailles  renver- 
sées. ((  Dans  leur  fuite,  les  protestants,  »  dit  La  Plane, 
«  n'eurent  ni  le  temps  ni  la  faculté  d'emporter  de  gros 
bagages.  Ils  abandonnèrent  entre  autres  choses,  dans 
Sisteron,  leurs  livres  religieux  et  quantité  de  coins  pour 
la  fabrication  des  monnaies.  Les  coins  furent  brisés  et 
les  livres  brûlés  (i).  » 

DÉFAITE    DE    SOMMERIVE    ET    DE    SUZE  A    SAINT-GILLES. 
FAITS    d'armes    DIVERS    (1562-1563). 

Après  la  prise  de  Sisteron,  Suze  et  Sommerive  déci- 
dèrent de  marcher  incessamment  contre  Montpellier, 

(i)  Claude  de  Cormis  dans  Louvet,  Additions,  t.  I,  p.  557  et  suiv,;  — 
Pierre  Cormis  dans  Louvet,  Additions,  t.  I,  p.  20Î  et  suiv.  ;  —  Nicolas  Re- 
gnault  dans  Mémoires  de  Condé ,  t.  III,  p.  656  et  suiv.  ;  —  Du  Puget  Saint- 
Marc  dans  la  Collection  des  mémoires  de  Michaud  et  Poujoulat,  t.  VI,  p.  714- 
716;  —  Pérussiis,  Discours  des  guerres,  p.  55-92  ;  —  Mémoires  de  Condé,  t.  II, 
p.  42,  45,  j2,  76,  90;  —  Crespin,  Recueil  des  choses  faictes  durant  les  troubles, 
p.  J40,  541  ;  —  De  Serres,  Comment.,  i«  pars,  fol.  68,  69,  88;  —  De  Bèze, 
t.  III,  p.  200-212;  —  Recueil  des  choses  mémorables,  p.  264,  270-276; 
—  De  Thou,  t.  III,  p.  237-245;  —  d'Aubigné,  t.  I,  p.  20J  et  suiv.;  —  Nos- 
tradamus,  p.  789  et  suiv.;  —  H.  Bouche  ,  t.  II  ,  p.  656-641  ;  —  Gaufridi, 
t.  II,  p.  JI2-Ï2I;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I  ,  p.  1Ç6-160;  —  Papon,  t.  IV, 
p.  IJ9-162,  169-172,  175-179;—  Lambert,  t.  I,  p.  1 38-191;  —  De  la  Plane, 
Histoire  de  Sisteron,  t.  II,  p.  43-69  ;  —  etc.,  etc. 


170  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

dont  Jacques  de  Crussol ,  seigneur  de  Beaudinè,  frère 
cadet  du  comte  Antoine  de  Crussol,  s'était  emparé.  Ils 
passèrent  le  Rhône  le  17  septembre  sur  un  pont  de 
bateaux,  entre  Trinquetaille  et  La  Camargue,  et  résolu- 
rent de  prendre  d'abord  Saint-Gilles.  Leur  armée  comp- 
tait trois  mille  fantassins ,  huit  cornettes  de  cavalerie , 
dont  quatre  étaient  composées  uniquement  de  maîtres , 
trois  pièces  de  canon ,  une  couleuvrine  et  deux  pièces 
de  campagne.  Ils  se  croyaient  invincibles,  mais,  surpris 
par  le  capitaine  Grille,  ils  furent  mis  dans  une  complète 
déroute  près  de  Saint-Gilles.  Nous  n'avons  pas  à  ra- 
conter en  détail  cette  défaite  mémorable,  qui  appartient 
à  l'histoire  du  Languedoc  ;  nous  nous  bornerons  à  dire 
que  Suze  et  Sommerive  perdirent  deux  mille  hommes  (i), 
dix-sept  enseignes  ou  drapeaux,  deux  gros  canons  et 
leurs  armes  et  bagages  ,  tandis  que  Grille  n'eut  qu'un 
seul  des  siens  tués.  «  Le  butin  fut  grand,  »  dit  de  Bèze, 
«  d'autant  que  ces  gens  s'étaient  équipés  comme  pour 
aller  aux  noces,  de  sorte  qu'il  s'y  trouva  une  infinité  de 
violons  et  de  livres  d'amour  (2).  » 

Pendant  ce  temps,  les  catholiques  d'Apt  et  de  Bo- 
nieux  et  autres  lieux  surprirent  le  bourg  de  Joucas,  oc- 
cupé par  les  protestants,  et  tuèrent  quarante-sept  per- 
sonnes. Deux  jours  après,  le  chevalier  d'Ansouis  et  le 
capitaine  Pignolly  sortirent^  le  premier  de  Cucuron,  le 
second  de  Lacoste,  se  saisirent  de  Lourmarin,  tuèrent 
cinquante-cinq  protestants  et  chassèrent  les  autres,  qui 
se  virent  réduits  à  errer  dans  les  bois,  où  ils  eurent  à 


(1)  Selon  d'autres  i?oo  et  2500. 

(2)  Pérussis  dans  d'Aubais,  t.  I ,  p.  29;  —  De  Bèze  ,  t.  III ,  p.  104-10J  ;  — 
H.  Bouche,  t.  II,  p.  641,  642  ;  —  Gaufridi,  t.  II,  p.  J21  ;  —  Dom  Claude  de 
Vie  et  Dom  Vaissete,  Hist.  génér.  du  Languedoc,  éd.  de  Toulouse,  1840-1846, 
t.  VIII,  p.  587,  588;  —  Père  Justin,  Hist.  des  guer-res ,  éd.  de  Carpentras  , 
iSçS,  p.  165-166  ;  —  etc. 


LES   GUERRES   DE    RELIGION.  I7I 

endurer  toutes  sortes  de  privations,  surtout  la  faim  (i). 
La  mort  du  duc  de  Guise ,  assassiné  par  Poltrot  de 
Méré,  sous  les  murs  d'Orléans  (i8  février  1563),  ra- 
nima le  courage  abattu  de  quelques  protestants  de  Pro- 
vence. Un  petit  nombre  d'entre  eux,  réunis  dans  le  bois 
de  Murs,  s'emparèrent  de  Joucas,  attaquèrent  Goult 
sans  succès,  surprirent  et  pillèrent  Lacoste;  puis,  tra- 
versant la  montagne  du  Léberon,  ils  rejoignirent  à  Mé- 
rindol  une  troupe  de  cavaliers  de  leur  parti,  venue  de  la 
haute  Provence.  Formant  avec  eux  un  effectif  de  douze 
cents  hommes,  ils  franchirent  la  Durance  et  saccagèrent 
Sénas  et  Lamanon.  Pour  arrêter  leur  marche,  Somme- 
rive  envoya  contre  eux,  à  Orgon,  la  compagnie  de  Flas- 
sans ,  et  à  Mallemort  celle  de  Hubert  de  Garde,  sieur 
de  Vins,  neveu  de  Carcès,  qui  devint  célèbre  dans  la 
suite.  Le  premier,  aidé  des  capitaines  de  Meyrargues 
et  de  Mouriès ,  qui  avaient  déjà  tendu  avec  succès  une 
embuscade  à  la  nouvelle  garnison  de  Joucas,  s'empara 
du  château  de  cette  place ,  qu'il  restitua  à  de  Cuges,  à 
qui  il  appartenait.  On  y  trouva  de  grandes  provisions  de 
blé,  qui  furent  distribuées  aux  soldats  (2). 

MASSACRES  DANS  TOUTE  LA   PROVENCE  (1561,    I  562). 

La  chute  de  Sisteron  mit  complètement  les  protestants 
de  Provence  à  la  merci  de  leurs  ennemis,  et  on  n'en- 
tendit plus  parler,  pendant  plusieurs  mois,  que  des  vio- 
lences inouïes  dont  ils  furent  l'objet.  Non  seulement  ils 
furent  expulsés  des  villes  et  villages  qu'ils  habitaient,  mais 
encore  les  passions  les  plus  brutales  se  donnèrent  libre 
carrière  contre  eux,  et  ils  périrent  en  grand  nombre. 


(i)  Pérussis,  dans  d'Aubais,  t.  I,  p.  ji. 
(2)  Id.,  ibid.,  p.  57-40. 


172  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

Crespin  (i)  et  de  Bèze  (2),  en  nous  donnant  la  longue 
et  douloureuse  nomenclature  de  tous  ces  martyrs  de  la  loi 
évangélique,  nous  font  connaître  les  détails  horribles  qui 
accompagnèrent  la  mort  de  plusieurs  d'entre  eux.  Nous 
ne  reproduirons  pas  cette  liste  lugubre,  réimprimée  de 
nos  jours  (3),  et  nous  nous  bornerons  à  indiquer  le 
nombre  des  victimes,  en  les  classant  par  genre  de  sup- 
plices ,  suivant  le  travail  de  Drion  (4) ,  oij  sont  compris 
les  protestants  massacrés  depuis  le  commencement  de 
la  première  guerre  de  religion  jusqu'à  l'édit  de  pacifi- 
cation d'Amboise  : 

Hommes  tirés  des  prisons  et  tués  sans  jugement,  38 

—  brûlés,  23 

—  lapidés ,  6 

—  fendus  et  démembrés  vifs,                 ^  27 

—  tués  et  précipités ,  1 3 

—  morts  d'épouvante,  48 

—  enterrés  vifs,  6 

—  déterrés  et  jetés  aux  chiens,  2 

—  morts  de  faim,  2 

—  noyés ,  9 

—  pendus  et  arquebuses,  449 
Femmes,  filles  et  enfants  assassinés  par  coups,  443 
Femmes  et  filles  violées,  et  en  partie  tuées  dans 

1 3  locaHtés  diverses  ,  nombre  inconnu 

Femmes  et  filles  tramées  et  tuées  ensuite,  ,    12 


(i)  Fol.  674-680. 

(2)  Tome  III,  p.  215.  —  Voy.  aussi  de  Serres,  Comment.,  i^  pars,  fol.  88; 
—  Recueil  des  choses  mémorables  ,  p.  270;  —  De  Thou  ,  t.  III,  p.  248  ;  — 
d'Aubigné,  t.  I,  p.  204  ;  etc.  —  Les  historiens  provençaux,  des  six-septième 
et  dix-huitième  siècle  ,  généralement  partiaux  à  l'endroit  des  protestants,  ont 
Jugé  à  propos  de  passer  ces  massacres  sous  silence. 

(3)  Haag.  La  France  protestante,  t.  X,  p.  469-472. 

(4)  Hist.  chronolog.  de  l'Eglise  protest,  de  France.  Paris  et  Strasbourg,  iSjî, 
t.  I,  p,  99,  100. 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  1  73 

Femmes  et  filles  brûlées  vives ,  6 

—  —     pendues ,  4 

—  —     noyées ,  2 

—  —     percées  avec  un  bâton  ferré,  4 

—  —     couronnées  d'épines  et  tuées,  2 

—  —     mortes  d'épouvante ,  10 

—  ■    —     préciptées ,  i 

—  —     fendues  et  démembrées  vives, 

enceintes  de  jumeaux,  i 

—  —     déterrées,  i 

—  —  mortes  de  faim  et  de  froid,  1 17 
Enfants  tués ,  42 
Enfants  morts  de  faim  en  prison,  50 
En  tout,  plus  de  1300  personnes. 

Nous  ne  comptons  ici  que  les  protestants  massacrés 
de  sang-froid  et  sans  nécessité  et  le  plus  souvent  dans 
leur  propre  pays,  et  nullement  ceux  qui  furent  tués  à  la 
guerre,  où  les  adversaires  combattaient  loyalement  et  à 
armes  égales. 

Parmi  les  personnages  qui  se  signalèrent  dans  ces 
tueries,  soit  qu'ils  les  aient  commises  directement  ou 
laissé  commettre,  on  remarque  les  consuls  de  Marseille, 
de  Bormes,  du  Luc,  de  Pignans  et  de  Saint-Maximin  ; 
les  prêtres  de  Digne  et  de  Saint-Martin-de-Castillon  ; 
Hugues  Frenel,  viguier  de  Saint- Remy  ;  Jean  Clavier, 
juge  à  Brignoles  ;  le  lieutenant  du  bailli  de  Besse  ;  le 
viguier  et  les  juges  de  Saint-Maximin  ;  les  capitaines 
Héléon  de  Mirabel,  de  Thoard  ;  Louis  Bras,  du  Luc; 
Marquet,  de  Mérindol;  Pignolly,  Luquin  Joffret,  Bou- 
quenègre,  Montdragon  et  Flassans  ;  les  quatre  person- 
nes qui  suivent  de  la  famille  Quiqueran  :  Jean  de  Qui- 
queran  dit  Ventabren  ;  Honoré  de  Quiqueran  dit  le 
Sacristain,  son  frère;  Gaucher  de  Quiqueran  dit  Mé- 
janes  ;  Robert  de  Quiqueran  dit  Beaujeu,  etc. 


174  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

Les  personnages  d'une  position  sociale  plus  élevée, 
qui  commandèrent  les  massacres  ou  y  poussèrent,  sans 
oser  toutefois  les  commettre  eux-mêmes,  furent  Carcès, 
Mentin,  et  les  conseillers  au  Parlement  Tributiis,  Chesne 
et  Bagaris. 

l'édit  de   pacification  d'amboise  (19   mars   1565). 

VIEILLEVILLE,    COMMISSAIRE     EXÉCUTEUR    DE    l'ÉDIT 
EN    PROVENCE. 

Pendant  que  ces  excès  se  commettaient ,  Catherine 
de  Médicis  s'était  rapprochée  des  huguenots  et  avait 
fait  la  paix  avec  eux.  L'édit  de  pacification  d'Amboise 
du  19  mars,  qui  en  fut  la  conséquence,  garantissait  la 
liberté  de  culte  aux  nobles  dans  leurs  châteaux,  aux  re- 
ligionnaires  des  villes  qui  jouissaient  de  l'exercice  de  la 
religion  réformée  au  7  mars  1563,  et  à  ceux  qui  habi- 
taient les  faubourgs  des  villes  de  bailliage.  Les  habitants 
des  villages  étaient  sacrifiés. 

Cet  édit  fut  apporté  en  Provence,  le  19  avril,  par 
Antoine  de  Ben^nt  de  Lubières ,  sieur  de  Villeneuve , 
gentilhomme  de  la  chambre  du  roi,  mais,  peu  après  lui, 
arrivait  Marc  de  Branges,  porteur  de  lettres  royales  dé- 
fendant, au  contraire,  d'une  façon  absolue,  l'exercice  de 
la  religion  réformée  en  Provence.  Le  Parlement  qui , 
dès  la  nouvelle  du  traité  de  paix,  avait  décidé  de  conti- 
nuer la  guerre  et  rendu  un  arrêt  (26  mars)  portant  in- 
terdiction de  l'exercice  de  la  nouvelle  religion  dans  la 
province  ,  refusa  d'enregistrer  l'édit.  Le  roi  ,  se  déju- 
geant une  nouvelle  fois  ,  lui  ordonna  de  le  faire  en  lui 
dévoilant  (6  mai)  les  motifs  particuliers  qui  l'avaient  en- 
gagé à  se  réconcilier  avec  les  huguenots,  lui  disant,  en- 
tre autres  choses ,  que  la  ville  de  Lyon  ne  déposerait 
les  armes  que  lorsque  les  justes  réclamations  des  reli- 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  17^ 

gionnaires  de  Provence  seraient  satisfaites.  Mais  rien 
ne  put  vaincre  une  obstination  contre  laquelle  vinrent 
encore  échouer  une  lettre  de  jussion  de  Charles  IX  du 
21   mai  et  des  lettres   du  comte  de  Tende  des  i"  et 

19  juin  et  de  Sommerive  du  20  du  même  mois. 

Sur  ces  entrefaites ,  le  maréchal  François  de  Sce- 
peaux  de  Vieilleville ,  l'un  des  commissaires  institués 
par  la  reine  mère  le  18  juin  pour  faire  exécuter  l'édit 
d'Amboise  dans  le  royaume  ,  arriva  en  Provence.  Il 
passait,  au  dire  de  Brantôme  (i) ,  «  pour  être  plus  poli- 
tique que  religieux,  »  et  avait  même  favorisé  la  Réforme 
lorsqu'il  était  à  Metz ,  «  jusque-là  ,  »  ajoute  le  même 
auteur ,  «  qu'il  maria  sa  seconde  fille  avec  le  sieur  de 
Lys  de  Lorraine,  qui  était  fort  de  la  religion  ;  ce  que  de 
ce  temps  fut  trouvé  fort  étrange,  car  lors  ces  mariages 
n'étaient  communs  en  France.  » 

Vieilleville,  accompagné  de  Jean  Truchon,  président 
du    Parlement    de    Grenoble ,    arriva    à    Tarascon    le 

20  juillet.  Il  y  trouva  le  comte  de  Tende ,  qu'il  réinté- 
gra dans  ses  fonctions  de  goijverneur  de  Provence. 
Sommerive  était  également  venu  attendre  le  maréchal 
et  se  réconcilia  à  cette  occasion  avec  son  père.  Vieille- 
ville  écrivit  le  même  jour  au  Parlement  pour  lui  faire 
connaître  ses  ordres  (il  l'avait  déjà  informé  de  sa  mis- 
sion depuis  Lyon) ,  et  le  pria  de  lui  députer  quelques- 
uns  de  ses  membres  pour  conférer  avec  lui.  Le  prési- 
dent de  Lauris  et  les  conseillers  Ermenjaud  et  Bagarris, 
fougueux  catholiques,  acceptèrent  cette  mission.  Il  par- 
tit ensuite  pour  Aix  où  il  ne  séjourna  que  deux  jours , 
car  il  désirait  visiter  d'abord  Marseille.  Il  était  de  re- 
tour dans  la  capitale  de  la  Provence  le  i®""  août.  Le  8 , 
il  réunit  le  comte  de  Tende,  un  certain  nombre  de  con- 

(i)  Œuvres  complètes,  éd.  Buchon,  Paris,  1848,  t.  I,  p.  49J. 


176  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

seillers  du  Parlement  et  les  gentilshommes  les  plus 
marquants  de  la  Province  et  prit  avec  eux  les  résolu- 
tions suivantes  : 

<(  Ceux  de  la  religion  prétendue  réformée  se  retire- 
ront en  leurs  maisons,  seront  rétablis  et  réintégrés  dans 
leurs  biens,  offices  et  états  suivant  l'édit  du  roi; 

»  En  la  jouissance  et  entretenement  d'iceux  biens  et 
états  ne  leur  sera  fait  aucun  reproche,  ennui  ou  déplai- 
sir en  quelque  façon  que  ce  soit  ;  ains  vivront  sûrement 
et  en  liberté  de  leurs  consciences  en  leurs  dites  mai- 
sons sans  y  être  aucunement  recherchés  ou  contraints... 

»  Est  enjoint  aux  magistrats  et  consuls...  de  tenir  la 
main  à  ce  que  chacun  desdits  de  la  religion  puissent  vi- 
vre en  leurs  dites  maisons  en  toute  sûreté  et  liberté  de 
leurs  dites  consciences ,  sur  peine  d'en  être  responsa- 
bles en  leurs  propres  et  privés  noms... 

»  Et  quant  aux  prêches  et  exercices  de  la  religion  , 
requis  par  ceux  de  la  religion,  cela,  quant  à  présent,  est 
mis  en  surséance  et  défendu  jusques  à  ce  qu'autre- 
ment en  ait  été  ordonné  par  Sa  Majesté,  devers  laquelle 
se  pourront  retirer  pour  y  être  pourvu  selon  son  bon 
plaisir.  » 

En  vertu  de  ces  ordonnances  les  conseillers  protes- 
tants fugitifs  (i)  du  Parlement  durent  être  rétablis  dans 
leurs  fonctions.  Quand  ils  se  présentèrent  le  30  août 
pour  entrer  en  séance  ,  on  voulut  leur  faire  prêter  un 
serment  de  foi  catholique  ,  mais  ils  s'y  refusèrent ,  se 
fondant  sur  ce  que  Tédit  d'Amboise  leur  permettait  de 
vivre  en  liberté  quant  à  la  religion.  Le  Parlement,  em- 
barrassé, les  ajourna,  et  lorsque  Vieilleville  revint  à  Aix, 
le  6  septembre,  il  déclara  que  le  serment  religieux  était 


(i)  Eguilles,   Chateauneuf,    Pena,    Ferrier,  Arcussia,  Somati,  et  l'avocat 
généra    Puget  (Voy.  page  ijj). 


LES  GUERRES    DE    RELIGION.  177 

inutile  et,  accompagné  de  Truchon ,  il  introduisit  lui- 
même  les  conseillers  protestants  dans  le  Parlement,  où 
ils  furent  admis  en  prêtant  le  serment  professionnel  or- 
dinaire. 

Quant  aux  autres  protestants  fugitifs  de  Provence  qui, 
après  la  chute  de  Sisteron,  s'étaient  retirés  pour  la  plu- 
part à  Lyon,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  ils  étaient  des- 
cendus dans  le  comtat  Venaissin   après   la  publication 
de  l'édit  sous  la  conduite  du  comte  de  Tende,  Cipières, 
Beaujeu,  Sénas  et  Mauvans,  et  y  attendaient  l'autorisa- 
tion de  rentrer  dans  leurs  foyers  (i).  Vieilleville  négocia 
leur  rapatriement  pour  le  24  août,  après  avoir  eu  beau- 
coup de  peine  à  triompher  du  refus  des  villes  du  Com- 
tat, de  les  laisser  passer  dans  leurs  murs.  Au  nombre 
de   quinze    cents   hommes  environ  et    de    trois   cents 
femmes  ou  enfants,  ils  traversèrent  presque  tout  le  Com- 
tat en  passant  par  des  chemins  détournés  pour  ne  pas 
éveiller  l'attention  de  leurs  ennemis.  Le  27,  ils  franchi- 
rent la  Durance  à  Orgon.  Là  ils  se  séparèrent  selon  la 
lettre  des  procureurs  du  pays,  portant  que  ceux  de  la 
nouvelle  religion  de  ce  pays  de  Provence,  qui  viendraient 
pour  se  retirer  en  leurs  maisons  ne  pourraient  séjourner 
que  pour  un  repas  dans  les  lieux  qu'ils  traverseraient,  et 
former  des  groupes  de  plus  de  quarante  hommes,  selon 
les  articles  qu'en  avait  faits  le  maréchal  de  Vieilleville  (2). 
Le  plus  grand  nombre  des  fugitifs  se  retirèrent  chez  eux, 
quelques  autres  s'établirent  à  Orgon,  Sénas,   Alleins  et 
Mallemort,  et  voulurent  y  célébrer  leur  culte,  contraire- 
ment aux    ordonnances   de   Vieilleville,    Le  comte    de 
Tende  dut  leur  représenter  les  dangers  auxquels  ils  s'ex- 
posaient et  les  menacer  de   châtiment  s'ils  persistaient 

(i)  Sur  le  séjour  de  ces  réfugiés  dans  le  Comtat,  voyez  l'Histoire  des  pro- 
testants de  cette  province. 
(2)  Meyer,  Inventaire  sommaire  des  arcli.  commun,  de  Tarascon,  AA,  i}. 

I  2 


178  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

dans  leurs  prétentions  :  ce  qui  les  décida  à  s'établir  à 
Mérindol,  où  l'exercice  de  leur  religion  se  pratiquait  en 
toute  liberté. 


SUSPENSION  DU  PARLEMENT  ET  SON  REMPLACEMENT  PAR 
UNE   COMMISSION    DE  JUSTICE  (1563-1564). 

Cependant  le  Parlement  de  Provence  continuait  à 
obéir  aux  mêmes  passions.  Comme  auparavant,  il  s'abs- 
tenait de  poursuivre  les  meurtriers  des  protestants,  no- 
tamment ceux  d'Antoine  de  Mauvans  et  du  conseiller 
Jean  Salomon  ;  il  rendait  partialement  la  justice,  com- 
mettait des  iniquités  criantes  et  multipliait  les  concus- 
sions. Quant  à  l'édit  d'Amboise,  il  ne  se  préoccupait 
en  aucune  sorte  de  son  exécution.  C'est  ainsi  qu'à 
Valensole  on  chassa  tous  les  protestants  de  leurs  mai- 
sons au  son  du  tocsin  et  qu'on  massacra  Fosse  l'un 
d'eux.  Sommerive  en  écrivit  au  Parlement,  qui  ne  pour- 
suivit pas  les  coupables,  non  plus  qu'il  ne  fit  réintégrer 
les  exilés  dans  leurs  foyers. 

Profitant  de  la  déclaration  de  majorité  de  Charles  IX, 
les  protestants  de  Provence  déléguèrent  à  la  cour  de 
France  l'avocat  Mutonis,  leur  coreligionnaire,  pour  lui 
exposer  leurs  nombreux  griefs.  Le  roi,  pour  lors,  se 
décida  à  sévir  et  écrivit  au  comte  de  Tende  qu'il  était 
contraint,  «  contre  son  vouloir  et  inclination  naturelle  » 
de  suspendre  le  Parlement  jusqu'à  nouvel  ordre,  et  le 
24  novembre  1563,  il  signa  l'édit  qui  remplaçait  cette 
Cour  souveraine  par  une  commission  de  justice,  compo- 
sée de  quatorze  membres,  dont  un,  président,  douze  con- 
seillers et  un  procureur  général.  A  l'exception  de  ce  der- 
nier, les  membres  de  la  commission  furent  tous  choisis 
dans  le  Parlement  de  Paris,  ou  le  grand  conseil  du  roi 


â 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  1 79 

(4  mars  1 564).  Le  comte  de  Tende  reçut  la  mission  de 
les  installer. 

Quelques  jours  auparavant  le  roi  lui  avait  déjà  envoyé, 
pour  pacifier  la  Provence,  le  capitaine  seigneur  de  Biron, 
précédé  de  cinq  cents  hommes,  commandés  par  le  sieur 
de  Romoles(22  février  1564),  et  les  conseillers  au  grand 
Conseil  de  la  Magdelaine,  et  Jausse  (ou  Joseph)  de 
Beauquemare. 

Biron,  arrivé  à  Aix  au  commencement  de  mars  1564, 
convoqua  les  Etats  du  pays  à  Manosque.  Carcès,  con- 
sidéré comme  le  chef  de  la  noblesse  catholique,  ne  s'y 
rendit  point.  L'assemblée  fut  peu  nombreuse  et  ne  con- 
sentit pas  à  accorder  aux  protestants  des  assemblées  et 
des  prêches  ;  elle  décida  néanmoins  que  la  garnison 
catholique  de  Sisteron  quitterait  la  ville  et  que  le  gou- 
verneur en  serait  changé.  Biron  alla  à  Sisteron  le  4  avril, 
désarma  les  habitants  et  y  installa  comme  gouverneur  le 
neveu  du  comte  de  Tende,  Beaujeu,  qui  permit  l'exercice 
de  la  religion  réformée  dans  les  maisons  particulières. 
L'artillerie  fut  conduite  à  Marseille.  Divers  travaux  de 
défense  furent  rasés  et  les  remparts  eussent  été  égale- 
ment abattus,  sans  l'insistance  des  consuls,  qui  repré- 
sentèrent la  dépense  considérable  qu'entraînerait  cette 
démolition.  Peu  après,  les  catholiques  s'étant  plaints 
de  Beaujeu,  il  fut  remplacé  par  Urtys. 

Biron  et  les  deux  commissaires  qui  l'accompagnaient 
firent  tous  leurs  efforts  pour  pacifier  la  Provence,  mais 
le  désordre  était  si  grand  partout  qu'ils  ne  réussirent 
qu'en  partie.  Ainsi  Crespin  (i)raconte  «  qu'étant  à  Arles, 
où  ils  avaient  fait  exécuter  trois  brigands  en  effigie,  la 
potence  en  fut  arrachée  ;  et  dedans  Apt,  le  jour  que  l'édit 
de  paix  fut  publié,  les  brigands  allèrent  chantant  et  dan- 

(i)  Folio  680. 


l8o  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

sant  par  toute  la  ville,  disant  que,  pour  cela,  ils  ne  se 
garderaient  pas  de  faire  à  l'accoutumée  ;  comme  de  fait 
on  ne  laissa  de  tuer  et  massacrer  là  et  ailleurs.  » 

La  commission  de  justice,  destinée  à  remplacer  le 
Parlement,  arriva  à  Aix  le  5  avril  1564.  Le  comte  de 
Tende  et  Biron,  qui  avaient  reçu  de  nouveaux  ordres, 
l'installèrent  sans  opposition  le  12.  Elle  avait  pour  pré- 
sident Bernard  Prévost,  seigneur  de  Morsan,  président 
au  Parlement  de  Paris.  C'était  un  homme  intègre,  éclairé, 
et  sage,  qui  s'acquitta  de  ses  fonctions  avec  beaucoup 
d'impartialité.  Les  nouveaux  conseillers  châtièrent  les 
protestants  comme  les  catholiques  quand  leur  culpabi- 
lité leur  fut  démontrée.  Ils  firent  de  sages  règlements  de 
police  et  dépêchèrent  une  infinité  de  procès  et  de  causes 
pendues  au  croc  depuis  trente  ou  quarante  ans.  L'édit 
d'Amboisefut  exécuté  loyalement.  Sommerive  et  Carcès 
reçurent  l'ordre  de  se  retirer  dans  leurs  terres.  Flas- 
sans  quitta  Aix  avec  de  Cuges  avant  de  se  le  faire  dire. 
Gaspard  de  Garde,  sieur  de  Vins,  le  père  de  Hubert, 
un  des  conseillers  les  plus  passionnés  de  l'ancien  Parle- 
ment, ayant  refusé  de  quitter  la  ville,  fut  mis  en  prison 
et  n'en  sortit  que  plusieurs  mois  après. 

Voyant  que  la  commission  de  justice  était  bien  déci- 
dée à  remplir  son  devoir,  deux  mille  catholiques  proven- 
çaux qui  avaient  commis  des  violences  et  des  crimes  de 
divers  genres,  avant  et  pendant  la  guerre,  se  réfugièrent 
dans  le  comtat  Venaissin,  mais  le  comte  de  Tende  et 
Biron  obtinrent  l'extraction  des  plus  criminels,  qui  fu- 
rent exécutés  (i).  Les  églises  réformées  de  la  province 
renaquirent  à  l'espoir  (2),  et  les  Etats  du  pays,  assem- 
blés à  Tarascon  le  21  octobre  1564,  consentirent  enfin 

(i)  a  Decrudelissimis  aliquot  latronibiissumptum  est  suppliciiim.  »  {Calvinl 
opéra,  vol.  XX,  n°  4112.) 

(2)  Calinni  opcra,  vol.  XX,  n"  41 12. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  loi 

à  accorder  Mérindol  aux  protestants  comme  lieu  de 
culte,  sous  le  bon  plaisir  du  roi,  qui  confirma  la  déci- 
sion des  Etats  le  i6  novembre  suivant. 

VOYAGE  DE  CHARLES  IX  EN  PROVENCE.  RÉINTÉGRATION 
DU  PARLEMENT.  INSTITUTION  d'uNE  CHAMBRE  NEU- 
TRE (l  564-1567). 

Pendant  son  long  voyage  de  pacification  à  travers  le 
royaume,  Charles  IX  visita  la  Provence,  où  on  lui  fit  de 
grandes  fêtes  qui  contrastèrent  avec  la  misère  publique. 
Le  20  octobre  1 564  il  était  à  Aix.  Il  y  demeura  trois  jours 
et,  siégeant  au  Parlement,  il  rendit  une  ordonnance  pour 
abattre  le  pin  tristement  célèbre  du  jardin  du  conseiller 
d'Eguilles.  Après  avoir  parcouru  diverses  villes  du  pays, 
il  était  à  Arles  le  16  novembre,  où  il  fut  retenu  trois  se- 
maines par  une  inondation,  et  donna  l'ordre  d'exécuter 
à  mort  quatorze  ou  quinze  brigands,  qui  avaient  commis 
les  plus  grands  excès  pendant  les  troubles,  et  de  con- 
damner à  la  prison  quatre  ou  cinq  autres  mauvais  gar- 
nements. Il  ne  voulut  pas  aller  plus  loin  dans  la  voie  de 
la  répression  et,  à  la  demande  des  Etats  de  Provence 
et  du  comte  de  Tende  lui-même,  toujours  porté  à  ou- 
blier les  injures,  il  rappela,  par  lettres  patentes  datées 
d'Arles,  4  décembre   1564,  enregistrées  le  18,  l'ancien 
Parlement,    à   l'exception  des   conseillers   qui   avaient 
montré  le  plus  de  passion  pendant  les  troubles  (i).  La 
suspension  avait  duré  huit  mois.  De  Morsan  fut  maintenu 

(0  C'étaient  Jean-Augustin  de  Foresta,  baron  de  Trets,  premier  président 
Gaspard  de  Garde,  sieur  de  Vins,  quatrième  président  ;  Jacques  de  Rabasse, 
procureur  général;  Honoré  de  Trébutiis,  sieur  de  Sainte-Marguerite;  André 
d'Ardillon,  sieur  de  Montmirail  ;  Nicolas  Ermenjaud,  sieur  de  Barras  ;  Honoré 
Laugier,  sieur  de  Colobrières  ;  François  Rascas,  sieur  de  Bagaris.  —  Le  roj 
les  réinté!,'ra  plus  tard  dans  leurs  fonctions  par  des  arrêts  individuels. 


l82  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

comme  président.  En  installant  ses  nouveaux  collègues 
il  leur  <(  représenta  que,  outre  le  bien  de  la  justice,  trois 
choses  devaient  les  obliger  :  l'honneur  de  Dieu,  le  ser- 
vice du  roi  et  le  bien  du  peuple.  » 

Le  Parlement  épuré  poursuivit  l'oeuvre  de  la  commis- 
sion de  justice.  Il  continua  à  condamner  à  mort  des  catho- 
liques et-des  protestants  qui  s'étaient  rendus  coupables 
de  divers  crimes,  de  sorte  que  son  impartialité  mécon- 
tenta les  hommes  ardents  des  deux  partis.  Les  protes- 
tants se  plaignirent  lés  premiers  à  Charles  IX  (i6  mai 
1 565),  qui  ordonna  une  enquête.  Mais  bien  que  celle-ci 
eût  été  imparfaitement  dirigée,   il  fut  reconnu  que  les 
plaintes  étaient  exagérées.    Quant  aux  catholiques,  ils 
députèrent  au  roi,  en  août  de  la  même  année,  un  con- 
seiller qui  revint  avec  une  amnistie  générale  pour  toutes 
les  personnes  accusées  ou  convaincues  de  crimes  com- 
mis avant  l'édit  de  pacification  ou  retenues  prisonnières. 
Un  an  environ  après,  le  comte  de  Tende  mourut  à 
Cadarache  à  ïkge  de  cinquante-huit  ans  (23  avril  1 566), 
regretté  de  tous  les  esprits  modérés.  Il  était  né  le  27  mars 
1507.  Son  fils,  Honorât  de  Savoie  ,  comte  de  Somme- 
rive  ,  lui  succéda  dans  ses  fonctions  de  gouverneur  et 
de  grand  sénéchal  de  Provence  en  vertu  de  lettres  pa- 
tentes du  28  avril  1 566.  En  même  temps  ,  par  un  choix 
malheureux,  Carcès  fut  nommé  lieutenant  général  pour 
le  roi  dans  la  province,  et  de  Morsan  reçut  ses  lettres 
de  rappel.  Les  commissaires  parisiens  qui  l'avaient  ac- 
compagné  étaient  partis  plus   d'un    an  auparavant,  au 
moment  de  la  réintégration  du   Parlement.  C'est  ainsi 
que  cet  homme  juste  et  courageux  et  ses  associés ,  qui 
étaient  bien  décidés  à  rendre  la  justice  d'une  façon  im- 
partiale, se  virent  arrêtés  dans  leur  oeuvre.  «  La  multi- 
tude des  coupables ,  »  dit  le  Recueil ,  «  la  qualité  d'une 
partie  d'iceux ,  le  crédit  des  autres  et  les  merveilleuses 


LES    GUERRES   DE    RELIGION.  183 

pratiques  de  Carcès  et  du  Parlement  d'Aix,  empêchè- 
rent ces  justiciers  de  faire  ce  qu'ils  prétendaient.  »  A 
quoi  la  Popelinière  ajoute  :  «  Encore  est-il  notoire  que 
Morsan,  empêché  en  plusieurs  choses,  ne  la  fît  longue 
sans  être  révoqué,  ne  pouvant  exécuter  le  tiers  de  tant 
de  choses  qui  lui  avaient  été  déférées,  et  les  magistrats, 
auteurs  des  séditions,  remis  en  leur  premier  honneur.  » 

Alarmés  de  ces  changements  dans  le  personnel  poli- 
tique et  judiciaire  de  la  province  ,  les  protestants  con- 
çurent de  nouvelles  alarmes  et  demandèrent  au  roi 
d'adjoindre  au  Parlement  une  Chambre  de  justice  neu- 
tre ,  composée  mi-partie  de  conseillers  protestants  et 
de  conseillers  catholiques ,  qui  connaîtraient  des  con- 
traventions à  l'édit  d'Amboise  et  des  causes  oij  les  reli- 
gionnaires  seraient  partie.  Le  roi  accéda  à  leur  vœu  et 
la  Chambre  fut  créée  par  lettres  patentes  du  21  (ou  25) 
janvier  1 567  (i). 

Le  Parlement  vit  avec  peine  la  création  de  cette 
Chambre  mixte  et  n'enregistra  qu'à  regret,  trois  mois 
après  (10  avril),  les  lettres  patentes  de  son  institution. 
Encore  atténua-t-il  la  portée  de  celles-ci  en  déclarant 
qu'elles  ne  serviraient  qu'à  ceux  qui  les  avaient  sollici- 
tées. Il  n'est  pas  étonnant,  dès  lors,  que  la  nouvelle 
Chambre  ait  eu  peu  à  faire,  selon  la  remarque  de  Lou- 
vet,  et  qu'elle  ait  été  supprimée  au  bout  d'une  année 
(14  janvier  1 56^8). 

Le  jour  de  la  rentrée  du  Parlement,  en  1567,  après 
les  vacances,  les  conseillers  protestants,  s'étant  absen- 
tés pour  assister  au  culte  réformé  de  Mérindol ,  leurs 


(i)  En  firent  partie  les  conseillers  protestants  Eguilles,  Châteauneuf,  Pena, 
Somati,  Arcussia,  déjà  nommés,  et  Jean  du  Puget  avec  le  titre  de  président; 
et  les  conseillers  catholiques  Claude  de  Panisse,  baron  de  Montfaucon  ; 
Hugues  Dedons ,  coseigneur  d'Istres,  Geoffroy,  Pierre  Ferrier,  Louis 
Anthelmi,  Jean  Girandi,  seigneur  de  Broves,  Greoux  et  Rousset. 


184  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

collègues  ,  vivement  froissés  de  leur  démarche  ,  décidè- 
rent que  le  gouverneur  de  la  province  serait  dorénavant 
autorisé  à  se  saisir  des  revenus  des  conseillers  qui ,  à 
l'avenir,  s'absenteraient  de  la  Cour  ou  assisteraient  à 
des  assemblées  illicites  (1).  C'était  un  abus  de  pouvoir, 
car,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  l'exercice  réformé  avait 
été  autorisé  à  Mérindol. 


DEUXIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

(29    SEPTEMBRE    I567-2O    MARS    I568) 


LES    PROTESTANTS    SE    SAISISSENT    DE    SISTERON.    SIÈGE 
INFRUCTUEUX       DE      LA       PLACE       PAR      SOMMERIVE 

('567)-      . 

Catherine  de  Médicis  et  Charles  IX ,  en  continuant 
leur  long  voyage  à  travers  la  France ,  reçurent  de  per- 
fides conseils  du  duc  d'Albe ,  ministre  de  Philippe  II , 
roi  d'Espagne,  dans  les  entrevues  secrètes  de  Bayonne, 
il  les  pressa  de  mille  manières  d'exterminer  les  héréti- 
ques et  surtout  leurs  chefs.  Catherine  se  souvint  de  la 
recommandation  et ,   jugeant   le  moment  propice  pour 


(i)  Pérussis  dans  d'Aubais,  t.  I,  p.  45,  50,  Ç5,  55,  67,  69,  76;  —  De  Serres, 
Comment.,  III"  pars  ,  p.  5  ,  j8 ,  114  ;  —  La  Popelinière,  t.  II,  fol.  2-4;  — 
Mémoires  de  Coudé,  t.  II,' p.  175,  176,  184;  —  De   Bèze,  t.   III,  p.  241-245, 

—  Recueil  des  choses  mémorables,  p.  276  ;  —  Nostradamus,  p.  800  et  suiv.  ; 

—  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  645-650  ;  —  Pitlon  ,  p.  291-294;  —  Louvet , 
Histoire,  t.  I,  p.  167-221  ;  —  Gaufridi ,  t.  II.  p.  522-551  ;  —  Cabasse ,  Essai 
historique,  t.  I,  p.  185-208;  —  La  Plane,  Hist.  de  Sisteron,  t.  II,  p.  74-81  ;  — 
Lambert,  t.  I,  p.  191-222;  ~  etc. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  l8=; 

recommencer  la  guerre  ,  elle  emprunta  de  l'argent,  fit 
des  levées  de  troupes  et  appela  en  France  six  mille 
lansquenets  suisses.  Persuadé  dès  lors  que  l'édit  d'Am- 
boise  allait  être  déchiré,  le  prince  Louis  de  Condé , 
l'amiral  Coligny  et  les  autres  chefs  protestants,  ordon- 
nèrent une  levée  en  masse  de  tous  les  protestants  du 
royaume. 

Avertis  par  Moreau  ,  député  du  prince  de  Condé 
dans  la  principauté  d'Orange  ,  le  comtat  Venaissin  et 
la  Provence ,  les  protestants  de  ce  dernier  pays  entrè- 
rent en  campagne  au  jour  convenu  et  se  rendirent  par 
petites  bandes  vers  la  Durance.  Dans  quelques  commu- 
nes, comme  à  Forcalquier,  Sault ,  Peyruis ,  L'Escale, 
Château-Arnoux ,  Les  Mées ,  Seyne,  ils  expulsèrent 
les  garnisons  catholiques,  nommèrent  des  consuls  de 
leur  parti  et  célébrèrent  publiquement  leur  culte  [jo  sep- 
tembre). Les  six  conseillers  protestants,  Eguilles,  Châ- 
teauneuf,  Pena,  Ferrier,  Arcussia  et  Somati ,  un  huis- 
sier, plusieurs  avocats  et  procureurs  et  l'avocat  général 
Puget,  sortirent  furtivement  d'Aix  dans  la  nuit  pour  re- 
joindre leurs  coreligionnaires, 

Sommerive  ,  espérant  arrêter  le  mouvement ,  fit  pu- 
blier dans  toutes  les  communes  de  Provence  l'édit 
d'Amboise  ,  déclara  prendre  les  religionnaires  sous  sa 
protection  et  députa  à  Mérindol  le  baron  de  Lagarde  , 
le  président  au  Parlement  Louis  de  Puget,  et  les  con- 
seillers Geoffroy  et  d'Ardillon  pour  engager  les  protes- 
tants à  rentrer  dans  leurs  foyers  et  à  déposer  les  armes 
(3  octobre)  ;  mais  ils  ne  furent  pas  écoutés.  Ces  der- 
niers, se  saisissant  de  Cadenet  et  de  Lauris,  s'apprêtaient 
à  franchir  la  Durance  quand  ils  apprirent  que  le  prince 
de  Condé ,  ayant  échoué  dans  son  projet  d'enlever  le 
roi,  allait  l'assiéger  à  Paris  même,  oia  il  s'était  réfugié, 
et  appelait  à  son  aide  tous  les  protestants  du  royaume. 


l86  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Sur  cette  nouvelle ,  les  protestants  réunis  à  Mérindol 
se  partagèrent  en  deux  corps  d'armée  :  l'un  ,  sous  les 
ordres  de  Cipières ,  se  dirigea  vers  Sisteron  et  s'en 
empara  sans  coup  férir,  grâce  aux  intelligences  qu'il 
avait  nouées  dans  la  place  ;  l'autre,  comptant  dix  ensei- 
gnes et  commandé  par  Mauvans ,  rejoignit  les  troupes 
huguenotes  du  Dauphiné  qui  se  rendaient  au  siège  de 
•   Lyon  (octobre). 

Cipières  réunit  à  lui  les  soldats  protestants  de  la 
Provence  septentrionale  et  orientale ,  nomma  son  cou- 
sin Beaujeu  gouverneur  de  Sisteron  et ,  peu  à  près  , 
Scipion  de  Valavoire ,  auquel  succéda  ensuite  Saint- 
Martin  ;  et ,  après  avoir  donné  les  ordres  nécessaires 
pour  approvisionner  et  fortifier  la  ville  et  s'être  emparé 
de  toutes  les  places  environnantes  ,  il  partit  avec  six 
cornettes  de  cavalerie  pour  renforcer  la  garnison  pro- 
testante de  Nîmes. 

En  présence  de  l'attitude  résolue  du  prince  de  Condé, 
Charles  IX  publia  tout  d'abord  une  ordonnance  (28  sep- 
tembre) ,  où  il  témoignait  de  sa  résolution  de  faire  ob- 
server l'édit  d'Amboise  et  prononçait  l'amnistie  de  tous 
ceux  qui,  dans  les  vingt-quatre  heures,  déposeraient 
les  armes;  mais,  changeant  tout  à  coup  de  politique  et 
décidé  à  poursuivre  la  guerre  avec  vigueur,  il  donna 
ordre  aux  gouverneurs  de  ses  provinces  de  lever  le  plus 
de  troupes  possible.  «  Je  vous  prie  bien  fort,  mon  cou- 
sin, »  écrivit-il  le  28  septembre  à  Sommerive,  «  qu'incon- 
tinent la  présente  reçue...  vous  fassiez  par  tous  les  lieux 
de  votre  gouvernement  assembler  les  arrière-bans  et 
tous  mes  bons  et  loyaux  sujets ,  gentilshommes  et  au- 
tres..., afin  que  vous  puissiez  rompre  avec  tous  ceux 
que  vous  saurez  être  sn  armes  et  élevés  de  leur  au- 
torité sans  avoir  eu  commandement  de  moi  ou  de 
vous...,  de  sorte  que  vous  demeuriez  le  maître  et  que 


LES    GUERRES    DE   RELIGION.  187 

je  puisse  être,  par  tout  votre  gouvernement,  reconnu 
et  obéi  comme  je  dois.  » 

Sommerive  communiqua  ces  ordres  aux  protestants 
de  Sisteron  et  des  autres  places  qu'ils  occupaient. 
Quelques-uns  se  rangèrent  de  son  parti,  les  autres  re- 
tournèrent dans  leurs  maisons ,  mais  la  plupart  demeu- 
rèrent fidèles  à  leur  drapeau. 

Sommerive  réunit  ensuite  à  Aix  (20  octobre) ,  après 
avoir  au  préalable  consulté  les  Etats  du  pays  ,  quatre 
mille  fantassins ,  cinq  cents  cavaliers ,  sa  compagnie 
d'hommes  d'armes ,  celle  de  Carcès ,  presque  tous  les 
gentilshommes  cathohques  de  la  Provence  et  dix  pièces 
d'artillerie  qu'il  fit  venir  de  Marseille.  Ensuite  il  donna 
l'ordre  à  Carcès,  lieutenant  pour  le  roi  en  Provence,  de 
mettre  le  siège  devant  Sisteron  avec  l'infanterie.  Lui- 
même,  avec  la  cavalerie,  se  rendit  à  Barbentane ,  oij  il 
conclut  une  alliance  offensive  et  défensive  avec  le  car- 
dinal d'Armagnac,  colégat  du  pape  à  Avignon,  et  les 
députés  de  Bertrand  Rambaud  de  Simiane  ,  baron  de 
Gordes,  gouverneur  du  Dauphiné,  et  de  Guillaume,  vi- 
comte de  Joyeuse,  gouverneur  du  Languedoc.  De  là, 
il  alla  au  secours  du  baron  de  Lagarde ,  enfermé  dans 
le  château  de  Nîmes  (la  ville  était  tombée  au  pouvoir 
des  protestants)  ;  mais  il  fut  obligé  de  rétrograder 
(27  octobre)  sans  avoir  été  plus  heureux  que  François 
de  La  Baume  de  Suze,  qui  l'avait  devancé  ;  et  il  se  dé- 
cida à  rejoindre  Carcès ,  qui  approchait  de  Sisteron. 
Leurs  deux  armées  réunies  formaient  un  effectif  de 
quinze  mille  hommes,  tandis  que  les  huguenots  ne  comp- 
taient que  quatre  mille  fantassins  et  douze  cents  cava- 
liers ,  commandés  par  Cipières  ,  Beaujeu  ,  Sénas ,  Du 
Bar,  Malijai,  Valavoire  ,  Jean  de  Brancas  ,  baron  de 
Céreste,  et  autres  capitaines  renommés. 

Etant  campé   à  Château-Arnoux,  Sommerive   reçut 


lob  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

les  lettres  que  le  roi  écrivait  à  Cipières  et  à  divers  au- 
tres capitaines  huguenots  pour  les  engager  à  déposer 
les  armes,  les  assurant  «  qu'on  leur  garderait  la  foi  des 
édits  s'ils  demeuraient  sous  son  obéissance  (i).  »  Le  ca- 
pitaine Gaspard  de  Valavoire ,  seigneur  de  Vaux ,  frère 
aîné  de  Scipion ,  député  à  Sisteron  pour  faire  tenir  les 
lettres  à  leurs  adresses,  n'ayant  pas  été  reçu,  fit  lire  par 
un  trompette  aux  pieds  des  murailles  un  édit  du  roi  , 
sommant  les  rebelles  de  rentrer  dans  leurs  foyers.  Les 
Sisteronais  ayant  répondu  que  cet  édit  ne  les  concer- 
nait point  parce  qu'ils  ne  se  considéraient  pas  comme 
des  rebelles,  Valavoire  leur  fit  connaître  les  résultats  in- 
décis de  la  bataille  de  Saint-Denis  (lo  novembre);  mais 
cette  nouvelle  ne  fit  que  les  affermir  dans  la  lutte. 

Un  froid  précoce  et  rigoureux,  accompagné  de  neige 
et  de  pluie,  empêcha  Sommerive  d'entreprendre  le  siège 
de  Sisteron.  Il  se  borna  à  laisser  devant  la  place  des 
forces  suffisantes  pour  s'opposer  aux  sorties  des  assié- 
gés, cantonna  ses  troupes  dans  les  villages  environ- 
nants et  se  porta  au  secours  de  Gordes,  gouverneur  du 
Dauphiné ,  qui  était  serré  de  très  près  par  Jacques  de 
Crussol,  sieur  d'Acier  (2),  Mauvans  et  autres  capitaines 
huguenots.  Avant  de  partir,  il  voulut  tenter  une  der- 
nière fois  de  traiter  de  la  paix  par  l'intermédiaire  de 
Du  Puget  Saint-Marc,  parent  de  Saint-Martin,  gouver- 
neur de  la  ville  ;  mais  tout  fut  inutile. 

Voyant  que  Sisteron,  à  cause  de  l'inclémence  de  la 
saison,  ne  serait  pas  attaquée  de  sitôt,  deux  mille  hom- 
mes de  pied  et  quatre,  cents  chevaux  de  l'armée  pro- 


(1)  'Louvet,  Histoire,  t.  I  ,  p.  256,  mentionne  d'autres  lettres  du  roi  des 
14  et  17  octobre  et  du  2  novembre  1J67  ,  pardonnant  aux  religionnaires,  qui 
déposeraient  les  armes,  et  donnant  ordre  de  leur  courir  sus  en  cas  de  refus. 

(2)  Pendant  la  première  guerre  de  religion,  ce  gentilhomme  portait  le  nom 
de  seigneur  de  Beaudiné. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  189 

testante  s'étaient  rendus  ,  quelques  jours  auparavant , 
dans  le  Languedoc  par  le  pont  Saint-Esprit  sous  le 
commandement  de  Cipières  ,  pour  se  porter  au 
secours  des  huguenots  de  cette  province  (9  novem- 
bre). 

reprise  et  nouvelle  levée  du  siège  de  siste- 
ron.  belle  retraite  du  comte  de  carcès  (1567- 
M68). 

Sommerive  revint  au  camp  établi  devant  Sisteron  le 
I  [  janvier  de  l'année  suivante  (1568),  après  avoir  reçu 
un  renfort  de  sept  compagnies  dauphinoises  comman- 
dées par  Claude  de  Laire,  seigneur  de  Glandage,  Jean 
de  Gruel ,  seigneur  de  Laborel ,  et  Georges  de  Ferrus 
dit  La  Casette  (7  janvier).  La  température  s'étant  ra- 
doucie, on  put  songer  à  attaquer  sérieusement  la  place. 
C'était  des  hauteurs  de  l'hôpital  Saint-Jean  que  la  ville 
avait  été  canonnée  en  1562.  Carcès  ne  négligea  pas  les 
avantages  de  cette  position  et  y  établit  sa  principale 
batterie,  tandis  que  Sommerive  se  posta  sur  la  ligne  du 
Buech.  L'attaque  commença  bientôt  sur  tous  les  points. 
L'artillerie  eut  à  peine  ouvert  la  brèche  que  les  assiégés 
prirent  l'alarme.  Sommerive  en  profita  pour  leur  en- 
voyer un  parlementaire  ;  mais  ils  élevèrent  si  haut  leur 
prétention  qu'on  ne  put  s'entendre.  Néanmoias ,  les 
négociations  furent  reprises.  Dans  l'intervalle,  Cipières, 
qui  revenait  de  Montpellier,  où  il  avait  concouru  à  la 
prise  du  fort  Saint-Pierre,  rentra  dans  Sisteron  à  la  tête 
de  six  mille  hommes,  qui  comptaient  dans  leurs  rangs 
les  meilleurs  capitaines  protestants  du  Dauphiné,  Fur- 
meyer,  Lesdiguières,  Albert  Martin  ,  sieur  de  Champo- 
léon,  et  d'autres.  Renonçant  alors  au  système  de  tem- 


IÇO  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

porisation  qu'elle  avait  adopté  jusque-là  ,  la  garnison 
déclara  hautement  qu'elle  songeait,  non  pas  à  négocier, 
mais  à  se  défendre. 

Sommerive,  toutefois,  voulut  faire  un  dernier  effort. 
Il  proposa  une  entrevue  à  son  frère  Cipières,  qui  l'ac- 
cepta. La  discussion  fut  d'abord  assez  vive.  Sommerive 
fît  valoir  le  service  du  roi ,  l'ancienneté  de  la  religion 
catholique,  le  repos  de  la  province.  Cipières  parla  de 
sa  conscience ,  de  la  nécessité  de  réformer  le  catholi- 
cisme et  de  ne  plus  opprimer  le  peuple.  Les  deux  frè- 
res se  radoucirent  toutefois  dans  un  entretien  particulier 
et  se  séparèrent  avec  des  signes  visibles  de  satisfaction. 
Il  fut  convenu  entre  eux,  paraît-il,  que  le  siège  serait 
levé;  car,  à  la  nuit  tombante,  les  canons  catholiques 
furent  retirés.  Voyant  cela,  les  assiégés,  qui  ignoraient 
ce  que  les  deux  frères  avaient  décidé  entre  eux ,  ouvri- 
rent un  feu  nourri  sur  l'ennemi  et,  faisant  une  sortie 
générale  ,  jetèrent  le  désordre  dans  le  camp.  L'armée 
catholique ,  se  croyant  trahie  ,  se  débanda  ;  en  un  in- 
stant,  toutes  les  routes  furent  couvertes  de  soldats  er- 
rants à  l'aventure.  Quelques-uns  se  noyèrent  en  voulant 
franchir  la  Durance,  d'autres  gagnèrent  le  pont  du  Ja- 
bron,  affluent  de  cette  rivière.  Carcès  ne  put  rallier  que 
quatre  mille  de  ses  soldats  sur  quinze  mille,  et,  pour 
cacher  sa  retraite ,  il  fit  planter  des  bâtons  avec  des 
mèches  allumées  tout  le  long  des  tranchées  ;  mais  les 
assiégés  s'aperçurent  du  stratagème  et  poursuivirent  les 
fuyards.  Carcès ,  qui  était  à  un  quart  de  lieue  de  la 
place,  ne  se  déconcerte  point  pour  cela;  il  met  pied  à 
terre ,  fait  faire  volte-face  à  ses  soldats  et ,  s'armant 
d'une  pique  ,  il  offre  aux  siens  l'exemple  de  la  résis- 
tance. Mais  tous  ne  l'imitèrent  point ,  et  c'est  à  ce  mo- 
ment que  ,  voyant  fuir  un  gentilhomme  proposé  pour  ' 
recevoir  le  collier  de  l'ordre  du  roi ,  il   l'arrêta  en  lui 


LES    GUERRES    DE   RELIGION.  ICI 

criant  :   «  Où  allez-vous,  monsieur?  A  moi,  c'est .  ici 
qu'on  donne  l'ordre.  » 

Surpris  de  la  résistance  des  soldats  catholiques,  les 
protestants  cessèrent  de  les  attaquer  et  coururent  s'em- 
parer de  la  maladrerie  du  pont  du  Jabron,  située  à  un 
quart  de  lieue  de  là,  en  même  temps  qu'ils  occupèrent 
la  rive  droite  du  torrent  dans  la  pensée  que  leurs  enne- 
mis, ne  pouvant  passer  ailleurs,  il  leur  serait  facile  de 
leur  couper  la  retraite.  Carcès  avait  fait  occuper  ce 
point  par  Louis  d'Urre,  seigneur  du  Puy-Saint-Martin  ; 
mais  ce  gentilhomme,  au  lieu  d'arrêter  courageusement 
la  marche  des  soldats  de  la  garnison,  alla  avertir  Carcès 
de  leur  dessein  et  ces  derniers  purent  occuper,  sans 
obstacle,  ce  poste  important.  Ils  n'en  retirèrent  pas 
pourtant  de  grands  avantages.  Carcès,  voulant  sauver 
avant  tout  son  artillerie,  la  place  au  centre  de  ses  trou- 
pes et,  quoique  harcelé  de  toutes  parts  par  des  soldats 
dont  le  nombre  grossissait  de  plus  en  plus,  il  s'avance 
en  bon  ordre  jusqu'au  Jabron  et  y  trouve  ses  ennemis 
postés.  Les  plus  hardis  des  siens  roulent  les  pièces  de 
canon  dans  la  rivière  et  un  combat  furieux  s'engage.  Le 
jour  commençait  à  paraître.  Carcès  se  rend  sur  le  théâ- 
tre de  la  lutte  et,  après  des  prodiges  de  valeur,  chasse 
l'ennemi  et  parvient  à  tirer  ses  pièces  hors  de  l'eau. 
On  assure  qu'il  rompit  plusieurs  épées  dans  le  combat 
et  qu'on  le  vit ,  avec  un  tronçon  à  la  main  ,  poursuivre 
les  soldats  de  la  garnison  jusque  sous  les  murs  de  la 
place,  où,  au  dire,  évidemment  exagéré,  des  histo- 
riens, ils  ne  rentrèrent  qu'après  avoir  laissé  douze  cents 
des  leurs  sur  le  champ  de  bataille.  Il  rétablit  son 
honneur  compromis  par  la  déroute  qu'il  avait  essuyée 
au  commencement  de  l'action  sous  les  murs  de  la 
place.  Les  débris  de  l'armée  catholique  furent  ramenés 
à  Aix  par  Sommerive  qui ,  à  peine  arrivé ,  repartit   en 


192  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

hâte  pour  Riez  avec  quelques  compagnies  de  cava- 
lerie pour  repousser  un  parti  des  huguenots  de  Sisteron 
et  des  places  environnantes  qui  menaçaient  cette  ville 
(6  février  1568).  Quant  à  Cipières,  il  quitta  Sisteron 
après  y  avoir  laissé  sept  compagnies  sous  le  comman- 
dement du  capitaine  Coste  et  il  cantonna  ses  autres 
troupes  à  L'Escale,  Malijai,  Les  Mées  ,  Oraison,  En- 
trevenne  et  Digne,  qui  tenaient  son  parti. 

Sommerive,  pour  être  fidèle  à  l'alliance  offensive  et 
défensive  qu'il  avait  conclue  avec  le  cardinal  d'Arma- 
gnac, colégat  d'Avignon,  dut  bientôt  aller  à  son  secours 
(17  février);  mais  tous  ses  exploits  consistèrent  dans  la 
prise  de  quelques  places  sans  importance. 

ÉDIT     DE      PACIFICATION     DE     PARIS     {  2j      marS     I568). 
ASSASSINAT    DE    CIPIÈRES    A    FRÉJUS. 

Sur  ces  entrefaites,  on  apporta  en  Provence  la  nou- 
velle que  Charles  IX  venait  de  faire  la  paix  à  Lonju- 
meau  (20  mars  1 568)  avec  le  parti  huguenot.  L'édit  de 
pacification  de  Paris  (23  mars),  qui  suivit,  reproduisait 
en  gros  les  articles  du  célèbre  édit  de  janvier  1 562  et 
autorisait  l'exercice  de  la  religion  réformée  dans  un 
certain  nombre  de  villes  et  dans  les  maisons  des  gen- 
tilshommes ;  mais  il  ne  donnait  aucune  garantie  maté- 
rielle. 

Sommerive ,  revenu  à  Aix  de  son  expédition  du  com- 
tat  Venaissin ,  fit  mettre  des  gouverneurs  et  des  gar- 
nisons catholiques  dans  les  principales  villes  de  la 
province.  Le  baron  de  Lagarde ,  chargé  d'obtenir  la 
reddition  de  Sisteron ,  persuada  à  ses  habitants  et  à  la 
garnison  de  déposer  les  armes.  Sommerive  y  entra  donc 
le  7  mai  et  nomma,  comme  gouverneur,  Du  Puy-Saint- 
Martin,  à  qui  il  donna  l'ordre  de  réparer,  au  plus  tôt,  les 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  19:; 

fortifications  de  la  place,  qui  étaient  dans  un  grand  état 
de  délabrement.  Mauvans ,  qui  avait  suivi ,  avec  ses 
Provençaux,  le  prince  de  Condé  à  Orléans,  revint  dans 
sa  maison  de  Castellane. 

Deux  mois  après  eut  lieu  le  lâche  assassinat  de  Cipiè- 
res.  Ce  plus  jeune  fils  du  comte  de  Tende,  qui  n'avait 
encore  que  vingt  ans,  était  allé  à  Nice  rendre  visite  au 
duc  de  Savoie,  son  parent.  A  son  retour,  et  lorsqu'il 
était  près  de  la  ville  de  Fréjus,  on  l'avertit  que  des  embû- 
ches lui  étaient  dressées  dans  le  bois  de  l'Esterel.  Per- 
suadé qu'il  trouverait  un  asile  sûr  à  Fréjus  même,  il  y  en- 
tra avec  sa  suite,  composée  de  trente-six  hommes,  mais 
ceux  qui  s'étaient  embusqués  pour  le  surprendre,  entrè- 
rent bientôt  après  lui,  au  nombre  de  trois  cents.  Antoine 
de  Villeneuve,  baron  des  Arcs,  gouverneur  de  Fréjus, 
qui  les  conduisait,  fait  aussitôt  sonner  le  tocsin.  Douze 
cents  hommes  s'ameutent ,  et  assiègent  la  maison  où 
s'était  réfugié  Cipières.  Les  consuls  de  la  ville,  priés 
d'intervenir^  obtiennent  que  des  Arcs  et  tout  le  peuple 
se  retireront  pourvu  que  Cipières  et  son  escorte  livrent 
leurs  armes.  Cela  fait,  et  lorsque  la  multitude  s'est  en 
partie  écoulée,  des  Arcs  revient  avec  ses  gens,  attaque 
de  nouveau  la  maison  et  massacre  toute  la  suite  du 
jeune  gentilhomme.  Le  gouverneur,  ne  trouvant  pas  parmi 
les  morts  Cipières,  que  les  consuls  avaient  fait  évader, 
mande  ces  derniers,  feint  devant  eux  d'être  en  souci  sur 
le  sort  du  frère  de  Sommerive,  et  leur  promet  de  lui  con- 
server la  vie  s'ils  le  lui  amènent.  Les  consuls  ont  la  fai- 
blesse de  céder,  et  l'infortuné  jeune  homme  est  sur- 
le-champ  poignardé  par  le  baron.  Les  complices  le 
percent  de  mille  coups ,  et  son  corps  défiguré  n'est 
bientôt  qu'une  plaie  (30  juin  1568). 

Les  historiens  de  Serres  et  de  Thou  assurent  que  beau- 
coup de  gens  étaient  persuadés  que  l'ordre  d'assassiner 


194  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Cipières  émanait  de  la  cour  de  France.  D'Aubigné 
ajoute  même  que  des  Arcs  «  disait  tout  haut,  qu'il  ne 
faisait  rien  sans  bon  aveu  et  commandement  exprès,  » 
«  Ce  qui  rend  cette  opinion  très  vraisemblable  ,  »  fait 
remarquer  de  Thou,  «  c'est  qu'un  des  gens  de  Cipiè- 
res ,  qui  faisait  dans  ce  temps-là  ses  affaires  à  Paris , 
fut  dans  le  même  temps  assassiné  auprès  du  Louvre, 
sans  qu'on  ait  pu  en  savoir  la  raison,  à  moins  que  ce  ne 
fût  pour  se  saisir  des  lettres  et  des  ordres  secrets  qu'il 
pouvait  avoir  pour  son  maître  (i).  » 

Sommerive  (et  c'est  une  honte  pour  sa  mémoire)  ne. 
se  mit  pas  en  peine  de  venger  la  mort  de  son  frère.  «  Il 
n'avait  garde,  »  disent  des  mémoires  du  temps  (2),  a  de 
pousser  des  gens  qui  l'avaient  délivré  d'un  compétiteur 
à  ses  biens  et  qui  le  menaçait  à  tout  moment  de  faire 
ouvrir  un  testament  qu'il  avait  de  son  père.  »  Le  crime 
du  baron  des  Arcs  resta  impuni,  et  les  habitants  de 
Fréjus  ne  furent  non  plus  inquiétés.  Le  Parlement 
envoya  bien  un  commissaire  sur  les  lieux  pour  informer 
et  ce  fut  tout.  Brantôme  raconte  (3)  qu'un  des  meur- 
triers de  Cipières  apportait  tous  les  ans  des  limons  de 
Provence  à  la  reine  mère  à  Paris,  et  qu'il  l'avait  vu  lui- 
même  plusieurs  fois.  Ce  jeune  seigneur  fut  vivement  re- 
gretté de  tout  son  parti.  «  Les  huguenots  de  Provence,  » 
dit  le  même  Brantôme,  «  avaient  grande  créance  en  lui 
et,  s'il  ne  fût  mort,  il  aurait  fort  remué,  car  il  était  brave 


(i)  Les  historiens  provençaux  veulent  que  des  Arcs  n'ait  pas  été  l'assassin 
de  Cipières.  Aux  témoignages  rapportés  plus  haut,  nous  ajoutouterons  celui 
du  prince  de  Condé,  qui  écrivait  ceci  au  roi  peu  après  le  triste  événement  : 
(.  Comment  racontera-t-on  à  votre  Majesté  cette  triste  et  lamentable  mort  du 
sieur  de  Cipières,  lequel  inhumainement  et  de  guet-apens  a  été  meurtri  et 
massacré  avec  trente-six  gentilshommes  par  le  baron  des  Arcs,  accompagné 
d'un  grand  nombre  de  brigands  et  de  voleurs.  >>  {Histoire  de  nosfre  temps... 
s.  I.,  1570,  p.  122). 

(2)  Cités  par  Girardin,  Hist.  de  la  ville...  de  Fréjus.  t.  I,  p.  247. 

(5)  Œuvres  complètes,  éd.  Buchon,  t.  I.  p.  ?4^ 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  19:; 

et  vaillant,  et  y  était  très  grand  seigneur  ;  »  à  quoi  Du 
Puget  Saint-Marc  ajoute  :  «  Ce  fut  grand  dommage  ; 
car,  hors  la  religion,  c'était  un  des  gentils  seigneurs  qui 
furent  en  France...  accompagné  de  beaucoup  de  belles 
vertus.  » 

Les  huguenots  fugitifs  de  Provence,  peu  confiants 
dans  les  sentiments  de  modération  et  d'équité  de  Som- 
merive,  hésitaient,  malgré  l'édit  de  Paris,  à  rentrer  dans 
leurs  foyers;  c'est  pourquoi  le  gouverneur  fit  crier  à  son 
de  trompe,  à  Aix  et  dans  la  Provence  entière,  que  tous 
ceux  de  la  religion  qui  avaient  quitté  leurs  maisons  eus- 
sent à  y  revenir,  sous  peine  de  la  confiscation  de  leurs 
biens  (i). 


TROISIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

{2(,    AOUT    I  1568-8    AOUT    1^70) 


les  troupes  protestantes  de  provence  rejoignent 
l'armée  de  condé  et  les  catholiques  celle  du 

ROI.  MORT   de   MAUVANS.  VEXATIONS  DIVERSES  (  1  568- 

1570). 

La  paix  de  Lonjumeau  ne  fut  pas  observée  parla  reine 
mère.  Elle  garda  ses  troupes  sous  les  armes  et  laissa 
massacrer  impunément  les  huguenots  dans  les  principales 

(i)  Du  Puget  Saint-Marc,  Collection  Micliaud  et  Poujoulai,  i.  VI  ,  p.  716- 
717  ;  —  Pérussis  dans  d'Aubais,  t.  I,  p.  84-87,  89,  94-97  ;  —  La  Popelinière, 
t.  I,  fol.  45  ;  —  De  Serres,  Comment.,  IIl^  pars.  p.  147  -,  —  De  Thou,  t.  IV, 
p.  154;  —  D'Aubigné,  t.  I,  fol.  570-371,  512  ;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I,  p.  225- 
2jo;  — Gaufridi,  t,  II,  p.  J32-559;  —  Papon,  t.  IV,  p.  196-200; —  Lambert, 
t.  I,  p.  225-251  ;  —  La  Plane,  Histoire  de  Sisteron,  t.  II,  p.  91-102;  —  etc. 


I96  histoirl:  des  protestants  de  Provence. 

villes  de  France.  Dix  mille  d'entre  eux  périrent  sous  le 
fer  des  assassins.  Dès  lors,  les  protestants  ne  songèrent 
plus  qu'à  se  défendre.  En  Provence ,  Cipières  (c'était 
peu  avant  sa  visite  au  duc  de  Savoie  et  son  assassinat  à 
Fréjus)  eut  une  conférence  avec  Mauvans  à  Besse  ,  oiJ 
fut  arrêté  un  plan  de  campagne.  Sommerive,  qui  était  à 
ce  moment  à  Sisteron ,  en  ayant  été  informé ,  revint  à 
Aix  sur-le-champ  et  mit  dix-sept  compagnies  de  gens 
de  pied  sous  les  armes  ;  mais  aucune  rencontre  n'eut 
lieu  et,  pendant  cette  troisième  guerre  de  religion,  le 
sang  ne  coula  pas  en  Provence. 

En  septembre  parut  un  édit  du  roi ,  qui  abrogeait 
celui  de  Paris.  Il  portait  en  substance  que  les  dernières 
mesures  de  tolérance  avaient  été  arrachées  à  la  reine 
mère  «  contre  son  opinion ,  laquelle  a  toujours  été 
chrétienne,  »  et  enjoignait  aux  ministres  de  la  religion 
réformée  de  sortir  du  royaume  dans  les  quinze  jours 
sous  peine  de  confiscation  de  corps  et  de  biens.  Un 
autre  édit  du  25  du  même  mois  excluait  de  l'Université 
et  des  offices  de  judicature  tous  les  religionnaires.  Ces 
deux  édits,  enregistrés  par  le  Parlement  avec  un  grand 
zèle ,  furent  publiés  à  Aix  avec  une  pompe  extraordi- 
naire. Les  consuls  en  chaperon  ,  le  viguier  et  les  huis- 
siers du  Parlement  en  robes  rouges,  se  mêlèrent  à  la 
foule,  qui  manifesta  une  joie  cruelle  et  proféra  des  me- 
naces de  mort  contre  les  religionnaires.  Les  conseillers 
de  la  religion,  Eguilles,  Pena,  Châteauneuf,  Arcussia  et 
Somati  furent  révoqués  de  leurs  fonctions  en  vertu  du 
second  édit  (i),  ainsi  que  le  lieutenant  civil  François 
Guérin,  qui  était  protestant.  Le  sixième  conseiller  hu- 
guenot, Ferrier,  venait  de  mourir. 


(i)  Pena  et  Arcussia,  qui  abjurèrent,  obtinrent  leur  réintégration,  mais  ils 
dt.mcurcrent  protestants  au  fond  du  cœur  comme  on  le  verra  en  IÇ72. 


LES    GUERRES   DE   RELIGION.  197 

En  prenant  congé  de  Cipières  à  Besse ,  Mauvans, 
d'après  ses  ordres,  s'était  rendu  à  Séderon  'pour  rece- 
voir cinq  cents  huguenots  du  comtat  Venaissin  et  de  la 
principauté  d'Orange,  qui  venaient  se  joindre  aux  trou- 
pes protestantes  de  Provence ,  formant  seulement  un 
effectif  de  dix  enseignes  d'infanterie,  commandées  par 
le  baron  de  Céreste,  et  de  deux  cornettes  de  cavalerie, 
aux  ordres  de  Valavoire  et  de  Charles  Alleman,  vicomte 
de  Pasquiers.  Mauvans  aurait  réuni  plus  de  soldats, 
mais  le  baron  de  Sénas  et  le  pasteur  de  Mérindol ,  qui 
désapprouvaient  cette  nouvelle  guerre,  qu'ils  considé- 
raient comme  une  querelle  particulière ,  dissuadèrent 
beaucoup  de  gens  de  s'enrôler.  Mauvans  conduisait  ses 
troupes  au  prince  de  Condé,  qui  avait  appelé  à  lui  tous 
ses  coreligionnaire  du  royaume.  L'ordre  du  départ  était 
fixé  au  25  août  1568  et  le  rendez-vous  de  toutes  les 
troupes  protestantes  du  Midi  devait  avoir  lieu  à  Alais. 
D'Acier,  par  commission  de  Condé,  en  avait  été  nommé 
général  en  chef.  Au  nombre  de  trois  mille  environ,  les 
soldats  comtadins ,  orangeais  et  provençaux  franchirent 
le  Rhône  à  Loriol,  vis-à-vis  de  Baix-sur-Baix,  avec  une 
audace  et  une  habileté  inouïes,  qui  accrurent  la  célébrité 
déjà  considérable  de  Mauvans  (i). 

Nous  ne  raconterons  pas  les  destinées  de  la  petite 
armée  provençale  à  travers  le  royaume ,  car  elles  ap- 
partiennent à  l'histoire  générale  des  guerres  de  religion; 
nous  nous  bornerons  à  dire  que ,  réunie  aux  sept  régi- 
ments dauphinois  et  aux  soldats  languedociens ,  elle 
fit  sa  jonction  avec  l'armée  de  Condé  à  Aubeterre 
le  i®""  novembre  1568.  Le  duc  d'Anjou  (plus  tard 
Henri  III),  qui  commandait  l^armée  royale  et  attendait 
des  renforts,  ne  consentit  à  se  battre  que  le  13  mars 

(i)  Voy.  E.  Arnaud,  Hisf.  iies  prof,  du  Daupli.,  l.  I,  p.  251  et  siiiv. 


lyB  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

de  l'année  suivante  à  Jarnac.  Condé  fut  vaincu,  fait  pri- 
sonnier et  lâchement  assassiné  par  Montesquieu.  Par 
contre,  l'armée  protestante,  ralliée  par  Coligny ,  fut 
victorieuse  à  La  Roche-L'Abeille  (Vienne)  le  24  juin, 
battue  à  Moncontour  (Haute-Vienne)  le  3  octobre,  de 
nouveau  victorieuse  à  Arnay-le-Duc  (Côte-d'Or)  le  25 
juin  1570  et  se  dirigea  sur  Paris,  quand  Catherine  de 
Médicis,  craignant  d'être  faite  prisonnière,  signa,  à  La 
Charité,  le  8  août,  une  paix  beaucoup  plus  avantageuse 
aux  protestants  que  toutes  les  précédentes. 

Mauvans  avait  perdu  la  vie  dès  le  commencement  de 
la  lutte.  Sa  division,  campée  à  Mensignac,  à  douze 
kilomètres  de  Périgueux,  était  à  une  grande  distance 
du  corps  principal  de  d'Acier,  établi  à  Saint-Astier. 
Les  troupes  catholiques  en  profitèrent  pour  l'attaquer 
avec  de  grandes  forces.  D'abord  repoussées  avec 
perte  de  Mensignac,  elles  feignirent  de  battre  en  re- 
traite pour  attirer  Mauvans  dans  la  campagne,  oij  son 
infanterie,  dépourvue  de  piques,  serait  à  la  merci  de  la 
nombreuse  cavalerie  catholique.  Le  capitaine  huguenot, 
malgré  les  représentations  du  vaillant  François  de  Bar- 
jac  de  Pierregourde,  son  lieutenant,  et  l'avis  de  d'Acier, 
qui  lui  avait  fait  dire  de  tenir  bon  dans  son  village  en 
attendant  qu'il  le  secourût,  voulut  gagner  Ribérac.  Mais 
à  peine  fut-il  sorti  de  Mensignac  que  la  cavalerie  ca- 
tholique s'avança  nombreuse  et  en  bon  ordre.  Voyant 
cela,  Mauvans  choisit  cinq  cents  arquebusiers  qu'il 
équipe  à  la  hâte ,  met  pied  à  terre  en  tuant  son  cheval 
d'un  coup  d'épée  pour  montrer  à  ses  soldats  que  l'heure 
des  grandes  résolutions  est  venue  et  ordonne  le  feu. 
Une  grêle  de  balles  pleut  sur  les  cavaliers  royaux  ; 
mais  ceux-ci,  rabattant  leurs  lances,  fondent  avec  impé- 
tuosité sur  les  soldats  huguenots  qui,  malgré  leur  résis- 
tance ,  sont   rompus   et   mis  en    déroute.   Mauvans   et 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  I99 

Pierregourde  restèrent  sur  le  champ  de  bataille  avec 
six  cents  des  leurs,  tandis  que  les  ennemis  ne  perdirent 
que  quelques  cavaliers. 

On  ne  retrouva  pas  le  corps  de  Mauvans.  «  Il  y  eut 
quelques-uns  de  ses  soldats,  »  dit  Brantôme  (i),  «  qui 
affirmèrent  qu'étant  au  combat,  où  il  se  montra  fort  as- 
suré et  résolu  et  se  battit  bien,  comme  il  avait  toujours 
fait  en  tout  lieu,  il  eut  une  grande  arquebusade  dans  le 
corps  et  le  vit-on  soudain,  plein  de  colère,  de  rage  et 
de  dépit,  s'appuyer  la  tête  avec  ses  deux  mains  contre 
un  arbre...,  voire  qu'il  se  donna  de  la  tête,  par  deux 
fois,  contre  Tarbre,  pensez  plus  de  dépit,  d'ennui  et  de 
regret  d'avoir  perdu  ses  gens  que  de  sa  blessure...  et 
oncques  plus  ne  le  virent  »  (30  octobre  1568). 

Mauvans  avait  les  qualités  essentielles  à  un  homme 
de  guerre ,  la  bravoure ,  Pintrépidité ,  le  coup  d'œil  ; 
mais  il  péchait  par  un  excès  de  confiance  dans  son  cou- 
rage qui  lui  ôtait  la  prudence.  C'était,  du  reste,  un 
grand  cœur,  qui  ne  tolérait  ni  le  pillage  ni  le  meurtre 
parmi  ses  soldats.  Il  autorisait  seulement  la  destruction 
des  reliques  et  des  images,  qui  lui  paraissaient  des  si- 
gnes manifestes  de  superstition  et  d'idolâtrie.  Ses  soldats 
avaient  un  respect  extraordinaire  pour  sa  personne  et, 
dans  la  bataille,  déféraient  aveuglément  à  ses  avis. 
«  M.  le  prince  de  Condé,  »  dit  Brantôme  (2),  «  le  sut 
bien  regretter,  et  surtout  M.  l'amiral,  qui  savait  ce  qu'il 
valait.  »  Son  mérite  était  également  apprécié  à  l'étran- 
ger et  les  princes  allemands  ne  lui  écrivaient  qu'avec 
une  sorte  de  vénération. 

Ceux  de  ses  soldats  qui  échappèrent  à  la  bataille  de 
Mensignac  parvinrent  à  se  frayer  une  route  au  travers 


(i)  CÊuvres,  éd.  Biichon,  l.  1,  p.  019. 
(2)  Idem. 


200  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

de  la  cavalerie  royale;  mais,  poursuivis  par  les  gens  d'ar- 
mes du  colonel  Timoléon  de  Cossé,  comte  de  Brissac, 
ils  se  débandèrent.  Les  uns  rejoignirent  d'Acier  par 
petites  bandes ,  les  autres  errèrent  en  divers  lieux ,  où 
ils  furent  massacrés  par  les  habitants  après  avoir  enduré 
toutes  sortes  de  privations.  Quinze  cents  d'entre  eux 
périrent  de  la  sorte. 

Comme  les  confédérés  huguenots  disposaient,  dés  le 
début  de  la  guerre ,  d'une  armée  de  vingt-cinq  mille 
hommes,  le  roi  avait  invité  toutes  les  provinces  de  son 
royaume  à  lui  prêter  main-forte.  Sommerive  reçut  l'ordre 
d'armer  trois  mille  soldats  pour  sa  part.  La  noblesse  et 
le  clergé  s'étant  refusés  à  contribuer  à  leur  entretien, les 
communes  de  Provence  furent  chargées  de  ce  fardeau 
qui,  il  faut  le  dire,  fut  singulièrement  allégé  par  le  pro- 
duit de  la  vente  des  biens  meubles  et  immeubles  des 
huguenots  absents.  Cette  mesure,  que  le  Parlement  au- 
torisa, permit  à  Sommerive  de  lever  six  mille  hommes, 
au  lieu  de  trois  mille,  et  d'équiper  huit  galères,  dont  le 
commandement  fut  confié  au  baron  de  La  Garde,  réin- 
tégré depuis  deux  ans  dans  son  poste  de  général  des 
galères  du  roi.  Il  dirigea  vaillamment  le  feu  au  siège  de 
La  Rochelle. 

Sommerive  partit  seulement  le  20  novembre  1568, 
laissant  deux  mille  hommes  à  Carcès  pour  garder  la 
province,  et  il  se  rendit  au  camp  du  roi,  en  Saintonge, 
avec  vingt-trois  compagnies  d'infanterie  et  trois  cents 
chevaux.  Ses  soldats,  composés  de  la  fleur  de  la  no- 
blesse provençale  catholique  et  de  presque  tous  les 
jeunes  écuyers  et  cadets,  se  signalèrent  par  de  nom- 
breux désordres.  Sommerive  lui-même  donna  l'exemple 
de  l'insubordination  en  refusant  de  se  placer  sous  les 
ordres  de  Brissac  qui,  pour  ce  fait,  le  provoqua  inuti- 
lement  en    duel.    Il    prit    part    au    combat    de  Jarnac 


LES   GUERRES   DE    RELIGION.  201 

(13   mars   1569),  où  le  jeune  Hubert  de  Garde,  sieur 
de  Vins,  neveu  de  Carcès ,  se  couvrit  de  gloire,  et  il  ■ 
rentra  en  Provence ,  le  26  août  suivant ,  avant  la  fin  de 
la  guerre,  après  avoir  perdu  deux  mille  hommes. 

La  nouvelle  de  la  mort  de  Condé  avait  causé ,  en 
France,  une  joie  extraordinaire.  A  Aix,  on  la  célébra 
par  des  fêtes  publiques  et  une  procession  solennelle, 
oii  assistèrent  le  Parlement  en  robe  rouge  et  le  cardi- 
nal-archevêque Strozzi  qui,  perclus  par  la  goutte,  s'y  fit 
porter  dans  un  fauteuil  en  velours  cramoisi  à  franges  de 
fil  d'or  (3  avril  1 569). 

A  la  fin  de  l'année,  Sommerive  fut  prié  de  secourir 
les  catholiques  du  Languedoc,  menacés  par  les  protes- 
tants, qui  avaient  tenté,  sans  succès,  de  prendre  Mont- 
pellier et  s'étaient  saisis  de  Nîmes.  Le  château  seul  de 
cette  dernière  ville  résistait  encore.  Les  Etats  de  Provence, 
assemblés  à  Aix  le  22  novembre,  accordèrent  deux  mille 
hommes  à  Sommerive,  qui  traversa  la  Durance  le  2  jan- 
vier suivant ,  mais  il  conduisit  ses  troupes  avec  tant  de 
mollesse,  que  la  garnison  catholique  du  château  de  Nîmes 
fut  obligée  de  se  rendre,  faute  de  secours  (31  janvier). 

Tandis  que  Sommerive  était  au  camp  du  roi ,  les 
huguenots ,  restés  dans  le  pays .,  avaient  essayé  de  se 
soulever,  mais  Carcès,  s'étant  porté  en  toute  diligence 
sur  les  endroits  menacés ,  fit  échouer  leurs  desseins  en 
ordonnant  l'arrestation  des  principaux  d'entre  eux  dans 
chaque  lieu,  le  dimanche  des  Rameaux  (3  avril  1569). 

Le  29  avril  1570,  une  commission  fut  signée  «  pour 
procéder  à  la  vente  des  meubles  et  à  l'aliénation  des 
revenus  des  gens  de  la  religion  P.  R.,  débiteurs  des 
trois  Etats  de  Provence ,  à  l'effet  d'éteindre  leur  dette 
par  la  confiscation  de  leurs  deniers  (i).  » 

(i)  Archives  des  Bouches-du-Rhône,  B.  250. 


202  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

A  Sisteron ,  on  fit  du  prosélytisme  d'une  façon  bru- 
tale. On  rechercha  les  enfants  qui  avaient  été  baptisés 
par  les  ministres,  pour  le-s  rebaptiser  à  l'Eglise,  et  Ton 
expulsa  de  la  ville  tous  les  domestiques  protestants  qui 
servaient  chez  des  catholiques,  en  défendant  à  ces  der- 
niers d'en  avoir  désormais  à  leur  service  (23  mars  1 570). 
Par  contre  ,  les  protestants  de  Mérindol  célébrèrent 
leur  culte  en  grande  pompe  sans  être  inquiétés ,  le 
1 5  février  de  cette  même  année.  Tous  les  religionnaires 
de  la  Valmasque  y  assistèrent. 

Pendant  cette  nouvelle  guerre,  le  roi  avait  promulgué 
des  édits  rigoureux  contre  les  réformés,  notamment  celui 
du  25  septembre  1568,  qui  les  excluait  des  offices  de 
judicature.  Leur  exécution  toutefois  ,  dans  les  lieux  où 
ces  derniers  avaient  de  l'influence ,  n'était  pas  toujours 
facile.  C'est  ainsi  qu'à  Brignoles  les  consuls,  ayant  re- 
quis le  réformé  Jean  Clavier,  qui  tenait  le  siège  de  la 
Cour  ordinaire  du  lieu,  de  faire  exécuter  l'édit  du  25  sep- 
tembre 1568,  ce  dernier  ne  tint  aucun  compte  de  l'in- 
jonction et  laissa  Pons  de  Montz  et  autres  officiers 
royaux,  qui  appartenaient  à  la  religion  réformée,  conti- 
nuer en  paix  leur  office  de  judicature  ;  et  même  quand 
les  consuls ,  en  présence  de  Clavier ,  signifièrent  par 
requête  à  de  Montz  de  cesser  ses  fonctions,  l'officier 
huguenot,  entrant  dans  une  grande  colère,  déchira  la 
requête  en  prononçant  a  plusieurs  paroles  injurieuses,  » 
que  le  greffier  n'osa  pas  écrire,  et  il  continua  à  sié- 
ger à  l'auditoig^.  Les  consuls,  s'étant  ravisés,  som- 
mèrent de  Montz  de  «  se  désister  dudit  service,  » 
mais  ce  fut  sans  plus  de  succès,  car  le  juge  leur 
enjoignit  de  ne  pas  le  troubler  sous  peine  de  mille 
francs  d'amende.  Le  conseil  communal  s'assembla 
là-dessus  (12  novembre  1568)  et,  apprenant  la  conduite 
des  consuls,  décida  de  demander  l'avis  du   Parlement 


LES    GUERRES   DE   RELIGION.  20^ 

pour  que  l'édit  du  roi  pût  recevoir  son  exécution  (i). 
Pour  terminer  ce  qui  regarde  la  troisième  guerre  de 
religion  en  Provence,  nous,  ajouterons  que  plusieurs 
protestants  de  marque  de  cette  province  se  réfugièrent 
à  Lausanne  durant  son  cours ,  notamment  Cardé  avec 
sa  femme  et  leur  suite,  Jean  Puget,  avocat  du  roi,  Fran- 
çois Guérin ,  lieutenant  du  roi ,  Pena  et  Somati  ,  con- 
seillers au  Parlement  (2). 

ÉDIT  DE  PACIFICATION  DE  SAINT  -  GERMAIN  -  EN  -  LAYE 
(15  août  1560).  LA  SAINT-BARTHÉLEMY  EN  PRO- 
VENCE.   MORT    DE    SOMMERIVE    (1572). 

L'édit  de  Saint-Germain,  arraché  à  la  reine  mère  , 
comme  nous  l'avons  dit,  par  l'imminence  du  danger  de 
voir  Paris  tomber  au  pouvoir  des  huguenots  et  publié  à 
la  suite  du  traité  de  paix  de  La  Charité  du  8  août  1 570, 
rétablissait  l'exercice  de  la  religion  réformée  dans  tou- 
tes les  villes  occupées  par  les  religionnaires  au  i^""  août, 
le  permettait  encore  dans  les  faubourgs  de  deux  villes 
par  province  (pour  la  Provence,  ce  furent  ceux  de  Mé- 
rindol-et  de  Forcalquier) ,  et  livrait  au  parti  réformé 
quatre  places  de  sûreté,  appelées  aussi  places  de  ma- 
riage ou  d'otage.  Les  protestants  obtinrent  également 
quelques  garanties  pour  leur  procès  devant  les  Parle- 
ments. Ceux  de  Provence  eurent  le  droit  de  récuser 
trois  conseillers  par  chambre.  Les  conseillers  protes- 
tants révoqués,  Eguilles,  Châteauneuf  et  Somati,  repri- 
rent leurs  sièges,  et  l'ancien  lieutenant  civil,  François 
Guérin,  fut  nommé  conseiller  au  Parlement,  à  titre  de 
compensation. 


(1)  Reg.  des  délibérât,  commun,  de  Brignoles,  1566-157;,  fol.  186. 

(2)  Pièces  justificatwes,  n°  III,  B, 


204  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

Le  mois  suivant,  le  baron  de  Céreste,  réunissant  deux 
cents  religionnaires  provençaux  réfugiés  en  Dauphiné , 
surprit  le  château  de  Mane ,  près  Forcalquier ,  avec 
l'intention  de  faire  célébrer  le  culte  réformé  dans  les 
faubourgs  de  cette  ville ,  conformément  à  la  teneur  de 
l'édit;  mais  Sommerive,  qui  avait  sa  compagnie  de  gens 
d'armes  dans  Forcalquier  même ,  s'opposa  à  son  des- 
sein et  les  hommes  de  Céreste  durent  se  retirer  chez 
eux.  Lui-même  alla  s'enfermer  dans  son  château  de 
Céreste,  à  quelques  lieues  de  là. 

Dans  les  premiers  mois  de  l'année  suivante  (1571), 
Balthasar  de  Gérente,  baron  de  Sénas,  qui  s'était  illus- 
tré avec  Mauvans  au  siège  de  Sisteron  et  dans  la  retraite 
héroïque  de  la  garnison  protestante  de  cette  ville,  mou- 
rut dans  son  château  de  Sénas.  Il  avait  dépensé  une 
grande  partie  de  sa  fortune  pour  soutenir  la  cause  réfor- 
mée ,  mais  la  troisième  guerre  de  religion ,  comme  on 
l'a  vu  plus  haut,  n'avait  pas  eu  son  assentiment  et  il 
s'était  abstenu  d'y  prendre  part. 

Dans  le  mois  de  mars  de  la  même  année,  les  protes- 
tants célébrèrent  leur  culte  sans  opposition  à  Lourmarin, 
Cadenet  et  Mérindol,  et  y  prirent  la  cène  et,  en  août, 
à  La  Verrière,  Valsainte,  Forcalquier  et  Céreste. 

Les  Etats  de  Provence,  assemblés  à  Brignoles  le 
2  avril  de  Tannée  suivante  (1572),  manifestèrent  leur 
intolérance  habituelle.  Ils  refusèrent  de  réintégrer  le 
religionnaire  Perrochet  dans  son  office  de  lieutenant  au 
siège  de  -Forcalquier,  et  «  conclurent  que  supplications 
très  humbles  seraient  faites  au  roi  de  ne  permettre  point 
que  les  officiers  religionnaires  exclus  de  leurs  charges 
y  pussent  revenir  ni  permettre  l'exercice  de  la  religion 
prétendue  réformée  en  Provence  et  autre  lieu  que  Mé- 
rindol. » 

La  paix  dont  jouissait  la   province    fut  troublée  par 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  20^; 

les  massacres  de  la  Saint-Barthélémy  (24  août  1572). 
Jean  de  Valavoire ,  frère  de  Scipion,  en  fut  victime  à 
Orléans  ,  où  il  se  trouvait  pour  lors.  Le  jeune  Nicolas 
du  Mas,  seigneur  de  l'Isle,  devenu  plus  tard  célèbre 
sous  le  nom  de  baron  d'Allemagne  ,  ne  dut  son  salut  à 
Paris,  oia  il  était  au  moment  du  massacre,  qu'à  la  re- 
traite généreuse  que  lui  accorda  son  compatriote  de 
Vins. 

Sommerive,  comme  tous  les  gouverneurs  du  royaume, 
reçut  l'ordre  de  mettre  à  mort  les  huguenots  de  sa  pro- 
vince; mais  il  répondit  à  François  de  Boniface,  seigneur 
de  La  Molle,  qui  lui  présentait  la  lettre  royale  ,  scellée 
d'un  sceau  secret,  qu'il  ne  pensait  point  qu'elle  émanât 
du  roi;  que  l'on  devait  avoir  abusé  de  son  nom,  puis- 
qu'il avait  reçu  des  ordres  contraires,  quelques  jours 
auparavant;  qu'il  préférait  obéir  aux  premières  lettres 
qui  lui  paraissaient  plus  dignes  du  monarque,  et  que, 
quant  aux  seconds  ordres,  ils  lui  paraissaient  si  cruels 
et  si  barbares  ,  qu'il  n'y  obtempérerait  en  aucune  far 
çon  lors  même  que  le  roi  en  personne  les  lui  don- 
nerait. 

Les  mémoires  de  l'époque  (i)  disent  que  la  nouvelle 
des  massacres  de  Lyon  et  la  vue  des  nombreux  cada- 
vres charriés  par  le  Rhône  et  dont  plusieurs  étaient 
affreusement  mutilés  ,  causèrent  une  impression  si  vive 
en  Provence  que  les  catholiques  eux-mêmes  en  furent 
comme  frappés  de  stupeur.  «  Ceux  d'Arles,  entre  au- 
tres ,  »  disent-ils ,  «  n'osaient  ni  ne  voulaient  boire  de 
l'eau  du  Rhône,  ainsi  ensanglantée  ;  et  combien  qu''il  y 
eut  beaucoup  de  catholiques  remuants  en  Provence,  si 
est-ce  qu'il  n'y  eut  point  de  massacres ,  tant  la  plupart 
furent  émus  des  horribles  cruautés  commises  à  Lyon,  et 

(i)  Dont  s'est  servi  Crespin,  fol.  79?. 


2o6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

même  ils  enterrèrent  ces  morts  en  divers  endroits  et 
rivages  de  cette  province.  » 

Quelque  temps  après,  Sommerive  mourut  subitement 
à  l'âge  de  trente-quatre  ans  à  Avignon ,  où  il  s'était 
rendu  pour  recevoir  sa  seconde  femme  Madeleine  de 
La  Tour  (2  octobre  1572).  L'opinion  générale,  au  sei- 
zième siècle ,  est  qu'il  fut  empoisonné  par  un  ordre 
venu  de  l'entourage  du  roi  ou  du  roi  lui-même  ,  parce 
qu'il  avait  refusé  de  massacrer  les  huguenots  de  son 
gouvernement  (i).  Cette  belle  action  l'honore  assuré- 
ment ,  mais  ne  saurait  faire  oublier  sa  participation  au 
sac  d'Orange,  la  guerre  qu'il  fît  à  son  père,  sa  tolérance 
à  l'endroit  des  massacres  qui  ensanglantèrent  la  Pro- 
vence pendant  toute  la  première  guerre  de  religion  ,  et 
l'impunité  dont  il  couvrit  les  assassins  de  son  frère  Ci- 
pières.  Quant  à  sa  capacité  et  sa  valeur  militaires,  elles 
étaient  nulles  ou  à  peu  près. 

Du  reste ,  malgré  les  bonnes  dispositions  qu'il  mon- 
tera pour  les  protestants  au  moment  de  la  Saint-Barthé- 
lémy, il  n'avait  pas  laissé  de  les  persécuter  vers  la  même 
époque.  C'est  ainsi  qu'étant  à  Salon,  il  envoya  son  pré- 
vôt de  campagne  à  Sénas,  Eguilles,  Lourmarin,  Mérin- 
dol ,  Forcalquier  et  autres  lieux,  pour  y  interdire  les 
prêches ,  ce  qui  effraya  un  certain  nombre  de  protes- 
tants et  les  détermina  à  se  réfugier  en  lieu  sûr.  Ceci  se 
passait  en  août.  Le  mois  suivant ,  les  capitaines  La 
Molle  et  Limans  firent  démolir  le  temple  des  réformés 
de  Forcalquier.  Enfin,  le  5  octobre,  on  massacra  cinq 
chefs  huguenots  à  Sisteron,  ce  qui  décida  Carcès  ,  qui 
n'avait  non  plus  voulu ,  en  qualité  de  heutenant  pour  le 
roi  en  Provence,  exécuter  les  ordres  de  la  cour  et  avait 
répondu  à  ceux  qui  le  pressaient  de  procéder  au  mas- 

(i)  Voy.  aux  Pièces  justificatives  n"  II  les  preuves  de  son  empoisonnement. 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  207 

sacre  qu'il  n'était  pas  un  boucher,  mais  un  gentilhomme, 
à  «  retourner  en  Provence,  »  dit  Pérussis,  «  pour  em- 
pêcher le  peuple  de  continuer  le  massacre  des  hugue- 
nots. » 

Après  la  mort  de  Sommerive,  Charles  IX  érigea  les 
terres  de  Carcès  en  comté,  le  nomma,  en  outre  de  son 
titre  de  lieutenant  général,  grand  sénéchal  de  Provence, 
et  lui  confia  le  gouvernement  du  pays  en  attendant  l'ar- 
rivée du  maréchal  Gaspard  de  Saulx  de  Tavannes  ,  le 
successeur  désigné  de  Sommerive.  Carcès  fut  installé 
à  Aix  dans  ses  nouvelles  fonctions ,  au  mois  de  no- 
vembre 1 572  (i). 


QUATRIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

(novembre    I  572-11    JUILLET    M  73) 


FAITS    D  ARMES    SANS    IMPORTANCE    (1572-I573). 

Les  massacres  de  Paris ,  renouvelés  dans  plusieurs 
provinces  du  royaume,  remplirent  d'effroi  les  protes- 
tants. Un  grand  nombre  d'entre  eux  se  sauvèrent  en 
Angleterre,  en  Allemagne,  en  Suisse;  d'autres  s'éta- 
bhrent  dans  les  villes  où  leur  parti  était  le  plus  fort,  no- 
tamment à  Nîmes,  Montauban,  Sancerre  et  La  Rochelle. 
La  reine  Elisabeth  envoya  des  vaisseaux  à  leur  secours 

(t)  Du  Puget,  Collect.  Michaud,  t.  IV,  p.  200-205  ;  —  Pérussis  dans  d'Aubais, 
t.  I,  p.  98-100,  105,  104,  115,  117,  120,  127,  130,  132,  138,  140; —  De  Serres, 
Comment.,  HP  pars,  fol.  234,  235;  —  La  Popelinière ,  t.  I,  fol.  70;  — 
D'Aubigné ,  t.  I,  col.  381,  382,  588  ;  —  Nostradamus,  p.  804  et  suiv.  ;  — 
Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  651,  656;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I,  p.  254-266;  — 
Gaufridi,  t.  II,  p.  <i^9-^47  \  —  Papon,  t.  IV,  p.  200-203  ;  —  Lambert,  t.  I  , 
p.  2Ç1-271. 


2o8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

et  les  princes  protestants  d'Allemagne,  des  soldats.  La 
guerre  toutefois  ne  commença  qu'au  mois  de  novem- 
bre et  se  concentra  dans  le  siège  de  la  Rochelle  et 
celui  de  Sancerre. 

Le  Parlement  profita  de  ce  moment  de  stupeur  pour 
enjoindre ,  en  pleine  séance ,  aux  conseillers  de  Pena  , 
d'Arcussia  ,  dont  il  a  été  parlé  plusieurs  fois  ,  et  Sau- 
vaire  ,  qui  faisaient  profession  de  la  religion  réformée  , 
de  se  démettre  de  leurs  offices  et  de  produire ,  dès  le 
lendemain,  l'acte  d'abjuration  qu'ils  disaient  avoir  fait 
pour  après  y  être  pourvu  (6  novembre).  Il  décida,  en 
outre,  que  l'huissier  du  Parlement  se  transporterait, 
quatre  jours  après,  dans  le  domicile  des  conseillers  de 
Châteauneuf  et  François  de  Genest ,  de  l'avocat  géné- 
ral Du  Puget  et  de  François  de  Boniface,  général  des 
finances,  également  de  la  nouvelle  religion,  pour  leur 
signifier  le  même  arrêt  (i). 

Parmi  les  soixante  et  un  protestants  de  Provence  (2) 
qui  émigrèrent  à  Genève  à  cette  époque ,  nous  remar- 
quons :  Michel  Baile ,  procureur  de  Digne  ;  noble 
Henri  de  Grasse,  fils  de  Claude  de  Grasse;  le 
sieur  d'Auribeau  ;  François  Guérin ,  lieutenant  pour  le 
roi  à  Aix;  noble  Guillaume  de  Glandevès ,  sieur  de 
Montblanc  ;  Pascal,  ministre;  Gaspard  Delamer,  natif 
de  Sisteron ,  pasteur  à  Espinouse  ;  Pierre  Agard ,  natif 
de  Tourette-lès-Vence ,  pasteur  à  Fayence  ;  Pierre 
Franc,  natif  de  Riez,  pasteur  à  Marseille  (3). 

Les  protestants  qui  demeurèrent  en  Provence ,  con- 
sidérablement affaiblis  par  les  trois  guerres  précédentes, 


(1)  Arrêtés   et  délibérations  des  registres  secrets  de  ta  Cour  de  Parlement 
d'Aix  (Bibl.  d'Aix,  ms.  907). 

(2)  Pour  le  moins,  car  le  Registre  et  Rolle  des  Estrangies  de  Genève,  ren- 
ferme une  lacune  pour  les  huit  premiers  mois  de  l'année  1Ç72. 

(?)  PCeces  justificatives ,  n"  III ,  A,  i»,  2°  et  4°. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  209 

tentèrent  bien  quelques  mouvements  dans  les  monta- 
gnes du  Léberon  et  certaines  vigueries  de  la  haute 
Provence  (5  et  6  avril  1 573);  mais  Carcès  en  ayant  été 
informé  fit  rompre  le  pont  de  Mallemort,  sur  la  Du- 
rance,  près  Mérindol ,  et  y  posta  des  arquebusiers.  Il 
remit  ensuite  sous  l'autorité  du  roi  les  places  de  l'Escale, 
Volonne  et  Montfroc.  Celles  de  Thèze,  Le  Poët  et  Va- 
lerne  s'y  replacèrent  d'elles-mêmes.  Curban ,  pour  se 
rendre,  attendit  qu'on  l'assiégeât  ,  et  Saint-Vincent  fut 
emporté  à  l'escalade  par  le  capitaine  Saint-Maximin. 
Les  huguenots  provençaux,  en  armes,  se  retirèrent  pour 
lors  à  Ribiérs ,  en  Dauphiné  ,  où  ils  campèrent  long- 
temps. Carcès  réunit  aussi  à  Riez  les  principaux  protes- 
tants de  Provence  pour  les  exhorter  à  vivre  en  paix 
sous  les  édits  du  roi  :  ce  qu'ils  promirent  tous;  mais 
il  ne  put  empêcher  les  huguenots  du  Dauphiné  de  faire 
quelques  incursions  à  main  armée  dans  sa  province.  Il 
députa  bien  à  Montbrun ,  leur  chef,  de  Beaux,  séné- 
chal de  Nîmes,  et  de  Saint-Etienne  ,  d'Aix,  mais  ils  ne 
purent  rien  obtenir  de  lui  (8  mai)  (i). 

ÉDIT  DE  PACIFICATION  DE  BOULOGNE  (il  juillet  l^^j). 
TRÊVES  DIVERSES.  NAISSANCE  DU  PARTI  DES  POLI- 
TIQUES. 

Le  duc  d'Anjou ,  après  avoir  inutilement  assiégé  La 
Rochelle  et  perdu  quarante  mille  hommes  sous  ses 
murs ,  conclut  avec  les  Rochelois  un  traité  de  paix 
(24  juin  1573)  ,  confirmé  et  ratifié  par  l'édit  de  Boulo- 
gne du  1 1  juillet  suivant.  Ce  dernier  n'autorisait  l'exer- 

(I)  Gaufridi  dit  que  les  Huguenots  de  Provence  songèrent  à  cette  époque 
à  s'emparer  d'Arles,  Toulon  et  Marseille,  mais  nous  pensons  que  c'est  un 
anachronisme  ou  une  exagération,  car  ils  étaient  trop  faibles  pour  tenter  de 
pareils  coups. 

14 


210  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

cice  public  de  la  religion  réformée  que  dans  les  villes  de 
Nîmes,  Montauban  et  La  Rochelle.  Les  seigneurs  haut 
justiciers  obtenaient  le  droit  de  célébrer  les  baptêmes , 
mariages  et  sacrements  dans  des  réunions  privées  qui 
ne  pouvaient  compter  plus  de  dix  personnes.  Les  autres 
religionnaires  du  royaume  jouissaient  seulement  de  la 
liberté  de  conscience  et  du  for  intérieur. 

Cet  édit ,  comme  il  était  aisé  de  le  prévoir ,  mécon- 
tenta au  plus  haut  degré  ces  derniers  ,  qui  s'attendaient 
à  être  mis  en  possession  du  droit  d'exercice  que  l'édit 
précédent  leur  avait  déjà  garanti.  Aussi  ne  voulurent-ils 
conclure  que  des  trêves.  C'est  ce  que  firent  ceux  des 
provinces  méridionales,  dont  les  députés,  agissant  spé- 
cialement au  nom  des  églises  de  Provence  ,  Dauphiné 
et  Languedoc,  convinrent,  avec  le  maréchal  Henri  de 
Montmorency,  sieur  de  Damville,  gouverneur  du  Lan- 
guedoc, d'une  suspension  d'armes  de  quinze  jours  à 
dater  du  4  août.  Une  seconde  assemblée  des  délégués 
de  la  noblesse  et  du  commun  état  des  Eglises  réformées 
des  mêmes  provinces,  réunie  à  Nîmes  le  22  août,  dé- 
cida d'envoyer  des  députés  au  roi  pour  lui  demander 
une  nouvelle  trêve,  qui  fut  signée  à  Beaucaire  le  24  août 
et  qui  devait  se  prolonger  jusqu'au  1"  octobre.  Enfin, 
une  troisième  assemblée,  tenue  à  Montauban  ce  même 
24  août ,  où  assistèrent  des  députés  des  provinces  mé- 
ridionales du  royaume,  décida  également  d'adresser  une 
requête  au  roi  et  de  lui  envoyer  une  députation  pour  le 
prier   de  tirer  vengeance  des  massacres  de    la  Saint- 
Barthélémy  et  lui  demander  des  garanties  pour  le  libre 
exercice  de  la  religion  réformée.  Des  délégués  particu- 
liers des  protestants  provençaux  se  rendirent  de  leur 
côté  à  Paris  et  se  joignirent  à  ceux  de  l'assemblée  de 
Montauban. 

«  Depuis  quelque  temps  déjà,  »  dit  Lambert,  u  les  hu- 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  i\  i 

guenots  provençaux,  trop  faibles  pour  lutter  seuls  avec 
avantage,  avaient  songé  à  se  créer  une  force  plus  grande 
en  attirant  à  eux  le  nombreux  et  intelligent  parti  de  la 
bourgeoisie.  Ce  parti,  catholique  par  conviction  ou  par 
indifférence,  s'était  toujours  opposé  aux  violences  et 
aux  persécutions  et,  en  dernier  lieu,  s'était  fortement 
élevé  contre  les  excès  de  la  Saint- Barthélémy.  Comme 
il  tenait  dans  ses  mains  une  partie  de  la  fortune  territo- 
riale et  tout  le  commerce,  c'était  sur  lui  que  pesaient 
les  impôts;  aussi  les  religionnaires  de  Provence, 
pour  se  l'attacher,  prescrivirent-ils  de  parler  au  roi, 
moins  de  la  religion  que  d'une  réduction  d'impôts.  En 
effet,  dans  l'audience  que  Charles  IX  accorda  aux  délé- 
gués de  l'assemblée  de  Montauban...  ils  demandèrent, 
au  nom  de  la  Provence  la  suppression  de  toutes  les 
taxes  pendant  dix  ans  et,  ce  terme  écoulé,  leur  réduc- 
tion au  taux  du  régne  de  François  P^  »  Ils  prouvèrent 
que  les  impôts  s'étaient  progressivement  élevés  en  Pro- 
vence, depuis  Louis  XII,  de  86,000  livres  à  370,000. 
Charles  IX  garda  le  silence;  mais  la  reine  mère  se 
montra  offensée  de  tant  d'audace,  et,  n'ayant  pu,  ni  par 
promesses  ni  par  menaces,  amener  les  députés  à  modi- 
fier leur  requête ,  les  renvoya  auprès  de  Damville 
pour  s'entendre  avec  lui  sur  les  moyens  de  faire  exécu- 
ter le  dernier  édit  de  paix  (18  octobre).  Jacques  de 
Crussol,  duc  d'Uzès  (i),  qui  s'était  converti  au  catholi- 
cisme après  la  Saint-Barthélemy,  devait  les  accompa- 
gner. Quant  à  la  demande  spéciale  des  députés  de  Pro- 
vence, le  roi  s'excusa  de  ne  pouvoir  l'agréer,  mais  il 
promit  de  faire  tous  ses  efforts  pour  alléger  les  charges 
qui  pesaient  sur  leur  pays. 


(i)  Connu  précédemment  sous  le  nom  de  seigneur  de  Beaudiné,  puis  de 
baron  d'Acier. 


212  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Damville,  dans  l'intervalle  de  la  députation,  signa  une 
troisième  trêve  avec  les  huguenots,  qui  devait  se  pro- 
longer jusqu'au  1 5  novembre  suivant;  mais  il  posa  pour 
conditions  qu'elle  serait  acceptée  par  Gordes,  gouver- 
neur du  Dauphiné,  Carcès  ,  qui  remplissait  par  intérim, 
comme  on  l'a  dit,  les  mêmes  fonctions  en  Provence,  et 
le  cardinal  Georges  d'Armagnac,  colégat  d'Avigon. 
Peu  après  avoir  reçu  la  délégation  de  Montauban,  le  roi 
ordonna  à  Damville  de  conclure  une  quatrième  trêve 
avec  les  huguenots.  Elle  fut  signée  à  Montpellier  le 
29  novembre,  et  devait  se  prolonger  jusqu'au  15  février 
1 574.  Mais  ces  diverses  suspensions  d'armes  ne  parvin- 
rent pas  à  dissiper  les  craintes  des  huguenots  des  pro- 
vinces méridionales.  Au  retour  de  leurs  députés  de 
Paris,  qui  n'étaient  non  plus  rassurés  sur  les  dispositions 
pacifiques  du  roi  et  de  Catherine  de  Médicis  à  leur 
égard,  ils  tinrent  une  assemblée  politique  à  Millau 
(16  décembre  1 573),  où  ils  procédèrent  à  l'organisation 
civile  et  militaire  de  leur  parti. 

Pendant  ce  temps  se  formait  dans  le  royaume  le  parti 
des  politiques  ou  malcontents,  qui  se  recruta  d'un  certain 
nombre  de  gentilshommes  catholiques  influents,  que  la 
Saint-Barthélémy,  les  débauches  de  la  cour,  la  dilapi- 
dation des  finances  de  l'Etat,  et  l'espèce  de  captivité  où 
l'on  tenait  les  deux  jeunes  princes  Henri  de  Bourbon, 
roi  de  Navarre  (devenu  plus  tard  Henri  IV),  et  Henri 
de  Condé,  avaient  profondément  irrités.  Ce  parti,  qui 
avait  à  sa  tête  les  trois  frères  Montmorency,  savoir 
Henri  de  Damville,  nommé  plus  haut,  Guillaume  de 
Thoré  et  Charles  de  Méru,  s'unit  aux  huguenots  pour 
s'efforcer  d'arracher  le  sceptre  du  gouvernement  des 
mains  de  la  reine  mère. 

La  mort  désespérée  de  Charles  IX  (30  mai  1574), 
resserra  les  liens  des  confédérés,   qui  tinrent  une  nou- 


.LES   GUERRES   DE    RELIGION.  21  J 

velle  assemblée  politique  à  Millau  (lo  juillet),  oia  Dam- 
ville  fut  proclamé  chef  de  l'armée  alliée.  Catherine 
alarmée,  cherche  à  négocier;  elle  flatte,  promet, 
menace  ;  mais  on  ne  croit  plus  à  la  parole  de  cette 
reine  perfide  et  cruelle,  qui  a  tramé  dans  l'ombre  et 
ordonné  le  massacre  général  d'une  grande  partie  de 
ses  sujets ,  et  le  parti  des  politiques  grandit  de  jour  en 
jour. 

On  a  retrouvé  quelques-unes  des  lettres  que  le  duc 
d'Anjou,  son  fils,  devenu  roi  sous  le  nom  de  Henri  III, 
écrivit  sous  son  inspiration  à  certains  gentilshommes  de 
Provence,  qui  avaient  de  la  sympathie  pour  les  hugue- 
nots, et  étaient  entrés  dans  le  parti  des  politiques.  «  Je 
veux  bien  vous  faire  ce  mot,  »  disait-il  le  28  février  1 574, 
à  Matthieu  de  Baschi,  chevalier  de  Saint-Estève  (i)... 
«  pour  vous  dire  avec  toute  vérité,  que  jamais  prince  n'eût 
plus  d'inclination  à  conserver  la  vie  et  les  biens  de  tous 
les  bons  sujets  que  j'ai  de  ceux  de  ladite  nouvelle  opi- 
nion, qui  se  contiennent  doucement,  et  que  le  plus  grand 
déplaisir  que  je  saurais  recevoir,  c'est  d'entendre  qu'il 
soit  fait  tort  à  aucun  :  ce  que  je  vous  prie  de  votre  part 
empêcher  es  environs  de  votre  demeure  autant  qu'il  vous 
sera  possible...   Prenez  en  votre  protection   et  sauve- 
garde tous  ces  gentilshommes  vos  voisins,  étant  de  la 
nouvelle  opinion,   qui   se    contiendront   doucement.    » 
Quelques  mois  après  (i^'  août),  Henri  III  écrivait  ceci 
à  Louis  de  Baschi,  seigneur  d'Auzet,  frère  de  Saint- 
Estève  (2)  :  «  Je  désire,  en  tout  ce  qui  m'est  possible, 
de  réconcilier  et  réunir  mes  sujets  en  bonne  paix,  amitié, 
et  intelligence  les  uns  avec  les  autres,  et  leur  faire  con- 
naître que  je  ne  me  suis  point  acheminé  en  mon  royaume 


(i)  D'Aubais  et  Ménard,  Picces  fugitives,  t.  I,  2*  partie,  p.  72,  75. 
(2)  Idem,  t.  I,  p.  73. 


214  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

pour  les  travailler  et  répandre  le  sang.  Je  vous  en  ai 
bien  voulu  assurer  par  la  présente  (i).  » 


CINQUIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

(SEPTEMBRE    I  5  74-6    MAI    l<^76) 


ALLIANCE     DES     POLITIQUES     ET     DES    PROTESTANTS    EN 
PROVENCE.    PRISE    ET    REPRISE    DE    DIVERSES    PLACES 

(1574)- 

En  Provence,  comme  dans  tout  le  royaume,  les  pro- 
testants s'unirent  aux  politiques  pendant  cette  nouvelle 
guerre.  Parmi  ces  derniers,  nous  nommerons  le  cheva- 
lier de  Saint-Estève,  et  son  frère  d'Auzet;  Honoré  de 
Grasse,  seigneur  de  Tanaron,  et  son  frère  Antoine  de 
Grasse,  seigneur  de  Montauroux,  et  François,  baron 
d'Oraison  (2),  «  seigneur  de  beaucoup  de  mérite,  »  dit 
Nostradamus,  «  aimant  également  les  armes  et  les  livres.  » 

Le  chef  des  protestants,  pendant  cette  nouvelle  guerre, 
fut  Nicolas  du  Mas  de  l'Isle,  plus  connu  sous  le  nom  de 
baron  d'Allemagne  (3).  Il  agissait  comme  général  en 
Provence  par  commission  et  en  l'absence  de  Damville.  Il 
avait  parmi  ses  lieutenants  Timothée  du  Mas  de  l'Isle, 

(i)  Pérussis  dans  d'Aubais,  t.  I,  p.  145,  147.  151,  152  ;  —  La  Popelinière, 
t.  Il,  p.  189;  —  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  6ç6;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I, 
p.  270,  271  ;  —  Gaufridi ,  t.  II  ,  p.  548-551  ;  —  Ménard  ,  Hist.  civ.  eccl.  et 
littér.  de  Nîmes  (édit.  de  1874),  t.  V,  p.  88-101  ;  —  Lambert,  t.  I,  p.  275-285  ; 
—  etc. 

(2)  Fils  d'Antoine  d'Oraison,  vicomte  de  Cadenet.    ' 

(3)  Fils  de  Jean  du  Mas  de  l'Isle  et  de  Honorade  de  Castellane.  Melchior 
de  Castellane,  frère  de  celle-ci,  n'ayant  pas  d'enfant,  légua  ses  biens  et  son 
titre  de  baron  d'Allemagne  à  son  neveu  Nicolas  du  Mas  de  l'Isle. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  21) 

son  frère;  Thaddée  de  Baschi,  sieur  d'Estoublon,  frère 
du  chevalier  de  Saint-Estève  (i);  Claude  de  Villeneuve, 
baron  de  Vence  ;  Jean  de  Villeneuve,  baron  des  Tou- 
relles; de  Montpezal  ;  Tavenlurier  l'Espagnolel,  el 
aulres.  Ils  n'attendirenl  pas  que  leurs  alliés  du  rèsle  de 
la  France  eussenl  pris  les  armes,  car  ils  enlrèrenl  en 
campagne  au  mois  de  juillet.  Le  5  de  ce  mois,  Tlsle  et 
Montpezal  s'emparèrent  de  Riez,  où  ils  commirent  des 
meurtres  et  des  dévastations,  et  Esloublon  de  Digne. 

Les  politiques,  ayant  à  leur  tète Tanaron  et  Montauroux 
et  unis  à  quelques  huguenots  commandés  par  Bras, 
neveu  de  Mauvans,  s'emparèrent  de  Gréouls,  Puimois- 
son  ,  Espinouse ,  et  établirent  leur  quartier  général  au 
couvent  de  Saint-André-du-Désert  près  Riez.  Une  autre 
troupe  de  huguenots  surprit  quelques  lieux  de  la  Val- 
d' Aiguës  et  Montjustin  près  Forcalquier  (fin  août).  Un 
peu  plus  lard  (7  septembre),  L'Isle  et  l'Espagnolel 
emportèrent  d'assaut  Anod,  puis  Sainl-Georges-de- 
Thérame-la-Haute,  Torlone,  le  Poët,  Majaslres  et  aulres 
places.  Enfin  le  18  octobre,  la  ville  d'Aups,  ayant  refusé 
de  payer  sa  contribution  de  guerre,  fut  envahie  sans 
coup  férir  (c'était  une  place  ouverte)  ,  pillée  el  brûlée 
en  partie  par  les  troupes  réunies  du  baron  d'Allemagne, 
de  L'Isle  et  d'Estoublon.  Cent  vingt  personnes  y  furent 
tuées  (2). 

En  présence  de  cette  levée  générale  de  boucliers, 
Carcès  avait  ordonné  la  formation  d'un  camp  à  Barjols 
(i®""  août)  (3)  et  convoqua  le  ban  el  l'arrière-ban  de  la 
noblesse.   Secondé  par  son  neveu  de  Vins,   Pugel  de 


(1)  Estoublon  avait  épousé  Sara  du  Mas  de  l'Isle,    sœur  du  baron  d'Alle- 
magne (Nicolas  du  Mas  de  l'Isle). 

(2)  De  Brosc,  Episode  des  guerres  de  religion  en  Provence.  Massacre  d'Aups. 
(5)  Inventaire  de  documents  historiques  extraits  des  archives  de  la  ville  de 

Barjols. 


2l6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Saint-Marc,  Flassans  et  autres,  il  reprit  une  partie  des 
places  emportées  par  les  confédérés.  Le  chevalier  de 
Saint-Estève,  fait  prisonnier,  fut  jugé  par  le  Parlement 
et  décapité  à  Aix  à  l'instigation  de  Carcès,  qui  était 
envieux  de  ses  talents  militaires  et  le  haïssait.  L'assas- 
sinat de  d'Auzet,  qui  s'apprêtait  à  aller  à  la  rencontre 
de  Henri  III,  rentré  en  France  récemment,  fut  égale- 
ment attribué  au  ressentiment  de  Carcès.  Tanaron  et 
Montauroux ,  qui  avaient  surpris  Gréolières,  près  de 
l'embouchure  du  Var,  furent  assiégés  par  les  habitants 
de  Vence,  soulevés  à  la  sollicitation  de  Gaspard  de 
Villeneuve,  sieur  de  Verclause,  envoyé  par  Carcès. 
Faits  prisonniers,  conduits  à  Aix  et  condamnés  à  mort, 
ils  ne  furent  pourtant  pas  exécutés.  Henri  III  les  am- 
nistia le  TO  décembre  suivant,  ainsi  que  le  baron  d'Orai- 
son et  son  frère  André  d'Oraison  ,  ancien  évêque  de 
Riez.  Ce  fut  à  la  requête  de  leur  père,  le  vicomte  de 
Cadenet. 

DE  RETZ  PREND  POSSESSION  DE  SON  GOUVERNEMENT 
DE  PROVENCE.  SUCCÈS  ET  EXCÈS  DE  CARCÈS  (1574, 

1575)- 

Le  maréchal  de  Retz,  Albert  de  Gondi,  nommé  gou- 
verneur de  Provence  le  6  juillet  1573  ,  à  la  place  de 
Tavannes,  mort  avant  de  prendre  possession  de  sa 
charge,  apprenant  les  graves  événements  qui  se  pas- 
saient dans  sa  province,  se  mit  en  route  avec  trois  mille 
reîtres.  Il  était,  le  24  octobre  1574,  à  Avignon,  oia  les 
religionnaires  du  Léberon  lui  proposèrent  de  dépo- 
ser les  armes  ,  à  condition  qu'ils  ne  seraient  pas  pour- 
suivis et  obtiendraient  Grambois  comme  place  de  sû- 
reté; mais  il  ne  consentit  pas  à  traiter  avec  eux.  Arrivé 
à  Aix  le  16  novembre,  le  baron  d'Oraison  lui  députa  le 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  21  7 

capitaine  de  Seguirani  pour  lui  offrir  de  se  soumettre, 
moyennant  une  «  déclaration  (royale)  d'abolition  de 
toutes  choses  passées  durant  les  troubles,  »  qui  serait 
confirmée  par  le  Parlement  de  Provence  (i).  Nous  ne 
savons  si  le  maréchal  s'y  refusa,  toujours  est-il  qu'il  se 
mit  peu  après  en  campagne.  Le  4  décembre,  il  était 
devant  Riez.  Le  capitaine  huguenot  qui  y  comman- 
dait ayant  pris  la  fuite ,  la  garnison  se  rendit.  De 
Vins,  pendant  ce  temps,  faisait  le  siège  de  Digne,  et 
Estoublon  ,  qui  l'occupait ,  résistait  vaillamment;  mais 
Montbrun ,  chef  des  huguenots  dauphinois ,  qui  était 
venu  à  son  secours  avec  seize  cents  hommes  de 
pied,  huit  cents  chevaux  et  autant  d'arquebusiers,  com- 
mandés par  René  de  La  Tour  de  Gouvernet,  Cham- 
poléon  et  Lesdiguières,  ayant  été  battu  par  de  Vins,  il 
quitta  la  place,  laissant  seulement  quelques  soldats  dans 
le  château.  Après  quelques  jours  d'une  résistance  héroï- 
que, ceux-ci  se  rendirent  et  furent  tous  massacrés.  Les 
huguenots,  se  voyant  ainsi  dépossédés  de  toutes  les 
places  dont  ils  s'étaient  emparés,  se  retirèrent  à  l'Es- 
cale et  à  Seyne ,  dans  le  haut  pays,  où  les  neiges  les 
mettaient  à  l'abri  de  toute  atteinte.  Cette  dernière  ville 
fut  choisie  peu  après  comme  siège  de  la  recette  géné- 
rale des  finances  protestantes  de  la  Provence  par  l'as- 
semblée politique  de  Nîmes  du  12  janvier  1575,  qui 
organisa  le  parti  réformé  sous  le  triple  rapport  de  la  jus- 
tice, des  finances  et  de  la  guerre. 

De  Retz,  ayant  quitté  "la  Provence  pour  suivre,  au 
célèbre  siège  de  Livron,  Henri  III,  qui  venait  de  ren- 
trer en  France  et  s'était  arrêté  quelque  temps  à  Avignon 
(17  novembre),  Carcès,  qui  avait  le  commandement  en 


(i)  Articles  accordés  par  le  maréchal  de  Retz  à  ceux  de  la  religion  en 
Provence  (Bibi.  d'Aix,  ms,  J40). 


2l8  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

son  absence,  campa  avec  toutes  ses  troupes  le  long  du 
Rhône ,  dans  la  crainte  que  les  huguenots  du  Langue- 
doc ,  qui  avaient  remporté  de  grands  avantages  sur  les 
catholiques,  n'envahissent  la  Provence.  Les  confédérés 
provençaux  en  profitèrent  pour  relever  la  tête.  Une 
troupe,  sortie  des  montagnes  du  Léberon,  s'empara  de 
Joucas  et  de  Gargas.  Ayant  trouvé  dans  cette  dernière 
ville  une  quantité  considérable  de  grains,  elle  prit  la 
route  de  Ménerbes  en  Comtat,  pour  l'y  entreposer. 
Un  certain  nombre  de  soldats  d'Apt,  commandés  par 
Gaspard  de  Vintimille,  et  quelques  habitants  de  la  ville, 
sortirent  à  sa  poursuite.  Ces  derniers,  dans  l'espoir  de 
rapporter  beaucoup  de  butin,  s'étaient  munis  de  sacs,  et 
plusieurs  d'entre  eux  n'avaient  même  pas  pris  des  ar- 
mes. Tous  ensemble ,  ils  se  portent  en  avant  de  la 
colonne  huguenote  pour  lui  barrer  le  passage,  mais  tout 
à  coup  un  détachement  de  cavalerie  sort  du  ruisseau 
La  Rialle,  où  elle  s'est  embusquée,  fond  sur  eux  et  les 
débande.  Plusieurs  s'enfuient.  Vintimille,  qui  veut  résis- 
ter à  la  tête  des  plus  courageux,  reçoit  une  pistolade  à 
la  cuisse  qui  le  met  hors  de  combat.  La  déroute  aug- 
mente et  deux  cent  cinquante  Aptésiens  mordent  la 
poussière.  Cette  journée  meurtrière  resta  dans  le  sou- 
venir des  gens  du  pays  sous  le  nom  de  journée  du  Mas- 
sacre (i). 

De  leur  côté,  le  baron  d'Allemagne  et  Estoublon 
ravageaient  les  contrées  de  Bonnieux,  Lacoste  et  Agoult 
et,  franchissant  la  Durance,  rançonnèrent  les  plaines 
d'Orgoru,  Aigalliers',  Sénas,  Mallemort,  Lambesc  et 
autres  lieux  jusqu'aux  Martigues  (fin  février  1575)-  Des 
huguenots  des  environs  de  Forcalquier  et  de  Pertuis 
parcourent  à  leur  tour  les  environs  d'Apt  et,  faisant  leur 

(i)  Boze,  Histoire  d'Apt,  p.  274  ;  —  Remerville,  Idem,  ms. 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  219 

jonction  avec  une  autre  bande  venue  du  Comtat , 
échouent  sur  Sault,  mais  s'emparent  d'Aurel.  De  là,  se 
rendant  à  Orange ,  où  les  chefs  de  la  confédération 
délibèrent,  ils  partent  tous  ensemble  pour  délivrer  les 
filles  du  baron  d'Oraison,  enfermées  à  Corbières,  près 
Manosque,  u  par  ordre  du  roi  et  du  gré  de  leur  mère,  » 
vraisemblablement  parce  que  leur  père  les  faisait  élever 
ou  voulait  les  faire  élever  dans  les  principes  de  la  Ré- 
forme. Le  baron  pénétra  de  vive  force  dans  la  place  et 
emmena  ses  filles. 

De  Vins  se  mit  le  premier  en  campagne  pour  arrêter 
la  marche  des  confédérés  (mars  1575).  H  surprit  Tou-. 
rettes  dans  son  lit  à  Oraison,  lui  tua  cent  hommes  et 
lui  prit  cent  chevaux.  Il  enleva  ensuite  Majastres,  occupé 
par  L'Isle,  et  Tartone,  commandé  par  l'Espagnolet.  La 
rapidité  avec  laquelle  il  s'empara  de  ces  trois  places, 
fort  éloignées  les  unes  des  autres,  lui  fit  donner  le  sur- 
nom de  matinier  et  de  renard.  Vers  le  même  temps 
(19  avril),  ayant  ordonné  aux  consuls  de  Vence ,  dont 
le  seigneur  Claude  de  Villeneuve,  baron  du  lieu,  tenait 
le  parti  des  huguenots ,  de  se  saisir  de  tous  les  protes- 
tants de  la  ville,  mais  sans  leur  faire  aucun  mal,  et  de 
les  mettre  en  lieu  sûr,  ces  derniers,  effrayés,  se  réfu- 
gièrent au  château  du  baron.  Quelques  jours  après 
(22  avril),  le  sieur  de  Montbrun,  s'étant  présenté  de  la 
part  de  Verclause,  lieutenant  de  Carcès,  pour  faire  main 
basse  sur  les  protestants,  le  peuple,  se  joignant  à  lui, 
se  jeta  sur  les  gardes  du  baron ,  qui  allèrent  également 
s'enfermer  au  château.  Les  consuls,  pour  éviter  de  plus 
grands  malheurs,  parlementèrent  avec  Montbrun,  qui 
consentit  à  se  retirer;  mais  ils  n'en  furent  pas  moins 
condamnés  à  l'amende  et  aux  frais,  à  la  demande  du 
baron,  et  la  ville  perdit  sa  justice  seigneuriale  :  ce  qui 
engendra  une  grande  animosité  contre  Villeneuve,  dont 


220  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

le  valet  fut  assassiné  et  qui  se  vit  obligé  de  se  faire 
délivrer  plusieurs  fois  des  sauvegardes  du  roi  pour  met- 
tre ses  jours  à  l'abri  (i). 

Carcès,  qui  reçut  trois  cents  reîtres  du  Languedoc, 
se  mit  aussi  à  la  poursuite  des  confédérés  (juin).  Il  se 
saisit  de  l'Escale,  Espinouse  et  Gaubert,  du  côté  de 
Digne  ,  chasse  de  la  place  du  Poët ,  près  Sisteron ,  le 
capitaine  dauphinois  Gouvernet,  qui  voulait  s'emparer 
de  cette  ville  et,  ayant  assuré  ses  frontières,  redescend 
par  la  rive  droite  de  la  Durance,  prend  Montfort,  qu'il 
bat  de  deux  cents  coups  de  canon  et  dont  il  fait  pendre 
le  commandant,  qui  se  nommait  Verdelet;  continue  par 
Montjustin,  occupe  Lourmarin,  abandonné  par  ses  ha- 
bitants ,  se  saisit  de  Puipin,  Cabriérettes  et  La  Motte- 
d' Aiguës,  force  la  tour  de  Saint-Martin-de-la-Brasque, 
avec  le  concours  du  colonel  corse  Alphonse  d'Ornano 
et  de  quelques-unes  de  ses  compagnies ,  incendie  Gi- 
gnac  et  rentre  à  Apt,  pendant  que  Gouvernet  est  délogé 
du  pont  de  Sisteron  par  de  Vins.  Partout,  il  impose  des 
contributions  de  guerre  exorbitantes ,  principalement 
sur  les  lieux  appartenant  au  parti  des  politiques  ;  et  une 
grande  partie  de  la  Provence  retentit  du  bruit  de  ses 
exactions,  de  sa  cruauté  et  de  sa  tyrannie.  Le  muet ^ 
comme  l'appelaient  les  huguenots,  parlait  peu,  mais 
ses  coups  étaient  terribles. 

NAISSANCE    DU    PARTI    DES    RASATS.    REPRISE    DES    HOS- 
TILITÉS.   NOUVEAUX  REVERS   DES  CONFÉDÉRÉS  (ijyj, 

1576). 

C'est  vers  ce  temps  que  les  politiques  et  les  protes- 
tants se  renforcèrent  en   Provence  de  la  faction  des 

(i)  Tisserand,  Hist.  de  Vence,  p.  145  et  suiv. 


LES    GUERRES   DE    RELIGION.  221 

rasais,  ainsi  nommée  parce  que  ses  adhérents  se  rasaient 
une  partie  de  la  barbe  pour  se  reconnaître.  Elle  était 
née  du  besoin  de  résister  aux  exactions  croissantes  des 
trésoriers  ou  receveurs  du  fisc.  Les  députés  huguenots 
de  Provence,  envoyés  à  Charles  IX  en  1573  ,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut,  s'étaient  déjà  fait  l'écho  de  ce  besoin 
quand  ils  lui  demandèrent  infructueusement  la  réduction 
des  lourds  impôts  qui  pesaient  sur  leur  pays.  Plusieurs 
protestants  furent  enrôlés  dans  cette  ligue,  qui  comp- 
tait dans  son  sein  la  meilleure  noblesse  de  Provence, 
et  dont  firent  également  partie  les  huguenots  qui,  à 
l'époque  de  la  Saint-Barthélémy  ,  avaient  embrassé  le 
catholicisme  par  frayeur.  Pendant  la  sixième  guerre  de 
religion  qui  suit ,  la  dénomination  de  rasats  s'étendra 
même  indistinctement  aux  politiques ,  aux  huguenots  et 
aux  rasats  proprement  dit ,  qui  ne  formeront  plus  qu'un 
seul  et  même  parti.  Par  contre,  on  appela  carcistes ,  du 
nom  de  Carcés  leur  chef,  les  partisans  de  l'ancien  ordre 
de  choses  politique  et  religieux.  Ils  reçurent  aussi  le 
nom  de  marabouts ,  parce  qu'ils  laissaient  croître  toute 
leur  barbe  à  l'exemple  des  Turcs. 

L'insurrection  de  1575  des  habitants  de  Marseille 
contre  les  gabeleurs  ou  péagers  italiens  n'eut  pas  d'au- 
tre cause.  Ils  assaillirent  la  douane,  établie  depuis  quel- 
que temps  dans  leur  ville  par  Louis  de  Diaceto,  noble 
florentin,  et,  poussés  par  les  consuls,  ils  prirent  les  livres 
de  compte,  registres,  papiers  de  diverse  sorte,  poids  et 
mesures  des  exacteurs  et  les  jetèrent  à  la  mer;  puis  ils 
gardèrent  nuit  et  jour  les  places  et  les  portes  de  la 
ville.  Dans  plusieurs  autres  lieux  de  Provence,  les  rece- 
veurs des  tailles  pour  le  roi  eurent  le  même  sort  et  fu- 
rent contraints  de  se  cacher  ou  de  fuir. 

Les  hostilités  recommencèrent  bientôt  à  l'occasion 
d'un  grand  rassemblement  de  huguenots  qui  se  forma 


222  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE, 

dans  les  montagnes  du  Léberon  après  l'exécution  capi- 
tale,  à  Grenoble  (4  juillet),  du  célèbre  Montbrun ,  le 
chef  des  huguenots  du  Dauphiné.  De  Vins  se  mit  aussi- 
tôt en  campagne.  Ayant  déjà  fait  sommer  le  château  de 
Lourmarin  de  se  rendre,  les  assiégés  répondirent  qu'ils 
ne  traiteraient  qu'avec  Carcès  ;  mais  quand  celui-ci  fut 
venu ,  ils  changèrent  de  sentiment ,  et  le  comte  dut  se 
retirer  après  un  assaut  infructueux.  Ses  soldats  se  re- 
plièrent sur  Pertuis  et  y  trouvèrent  des  troupes  fraî- 
ches, ce  qui  porta  leur  effectif  à  douze  cents  chevaux 
et  autant  de  fantassins.  Ils  firent  venir,  en  outre,  quatre 
canons  d'Aix.  La  garnison  du  château  de  Lourmarin, 
jugeant  alors  prudent  de  ne  pas  se  défendre ,  se  retira 
dans  le  comté  de  Sault.  Celles  de  Mérindol  et  de  Jou- 
cas  firent  de  même.  Quelque  temps  après,  de  Vins 
tailla  en  pièces  ,  à  Aurel ,  quatre  cents  huguenots  dau- 
phinois. Il  en  tua  deux  cents  et  prit  beaucoup  de  che- 
vaux, pendant  que  d'Ornano  et  Saint-Martin  battaient, 
à  Pertuis ,  une  bande  de  provençaux  revenant  du  Dau- 
phiné (août).  Trois  mois  après  (21  novembre),  Carcès 
s'empara  de  Saint-Martin-la-Brasque  après  l'avoir  battu 
de  quarante  coups  de  canons.  Le  mois  suivant,  s'étant 
approché  de  Volonne  avec  son  artillerie ,  la  garnison 
abandonna  la  place,  qui  se  rendit. 

Le  25  avril  de  l'année  suivante  {1576),  de  Vins,  ayant 
appris  que  L'Isle  tenait  Majastres  avec  l'EspagnoIet, 
marcha  contre  eux  et  les  battit.  L'Isle  périt  en  combat- 
tant. Le  20  juin,  après  l'édit  de  Beaulieu,  dont  il  va  être 
parlé,  la  lutte  semblait  devoir  recommencer.  Les  politi- 
ques, commandés  par  les  barons  Gaspard  de  Villeneuve 
des  Arcs  (i)  et  de  Tourettes  et  Claude  Grasse  Du  Bar, 


(i)  Vraisemblablement   le  fils   d'Antoine  de  Villeneuve,  baron  des  Arcs  , 
l'assassin  de  Cipières. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  223 

parurent,  en  armes,  à  Trets  et  à  Gardanne,  à  la  tête  de 
mille  arquebusieurs  et  de  trois  cents  chevaux.  De  Retz, 
qui  était  revenu  en  Provence,  comme  on  le  dira,  s'étant 
transporté  sur-le-champ  auprès  d'eux,  parvint  à  leur 
persuader  de  déposer  les  armes.  Les  hostilités  cessè- 
rent à  dater  de  ce  moment.  Les  confédérés  de  la  basse 
Provence  rentrèrent  dans  leurs  foyers  et  ceux  du  haut 
pays  se  retirèrent  à  Ongles ,  à  quelques  lieues  de  For- 
calquier,  et  à  Seyne  ,  place  forte  située  plus  au  nord, 
dans  les  montagnes. 

De  Serres  explique  les  défaites  successives  des  con- 
fédérés par  les  rivalités  d'influence  qui  s'élevèrent  parmi 
eux.  Chacun  d'eux  aspirait  au  commandement  suprême. 
Les  barons  d'Oraison  et  d'Allemagne  surtout  se  dispu- 
taient le  pouvoir.  Si ,  au  lieu  de  former  des  bandes  sé- 
parées, agissant  chacune  pour  son  compte  personnel, 
ils  s'étaient  massés  en  un  seul  corps ,  leurs  adversaires 
n'eussent  pu  triompher  d'eux  si  aisément. 

Tandis  que  les  armes  des  huguenots  étaient  particu- 
lièrement malheureuses  en  Provence  ,  elles  obtenaient 
de  grands  succès  dans  le  reste  du  royaume.  Le  jeune 
Henri  de  Condé  avait  battu  les  troupes  royales  dans  la 
Champagne  et  la  Bourgogne,  François  de  La  Noue  dit 
Bras-de-Fer  en  Saintonge ,  et  Damville  dans  le  Lan- 
guedoc. Le  duc  d'Alençon,  frère  du  roi,  s'était  mis  lui- 
même  à  la  tête  des  confédérés  ;  le  jeune  roi  Henri  de 
Navarre  avait  réussi  à  se  sauver  de  la  cour,  et  des 
auxiliaires  allemands  étaient  venus  renforcer  les  alliés. 
Acculée  devant  une  armée  de  trente  mille  hommes  , 
Catherine  conclut,  le  6  mai  1576,  à  Chastenay,  avec  le 
duc  d'Alençon,  la  paix  dite  de  Monsieur,  du  nom  porté 
par  ce  dernier.  Un  nouvel  édit  de  pacification,  connu 
sous  le  nom  d'édit  de  Beaulieu  ou  de  Loches,  la  suivit 
bientôt. 


224  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ÉDIT     DE     BEAULIEU     (mai     1576).     RETOUR     DE     RETZ. 
JALOUSIE    DE    CARCÈS.    DÉPART    DU    PREMIER. 

Cet  édit  accordait  aux  réformés  «  l'exercice  libre , 
public  et  général  »  de  leur  religion  dans  toutes  les  villes 
et  lieux  du  royaume  qui  leur  appartenaient,  et,  généra- 
lement, dans  toutes  les  places  oia  les  autorités  leur  per- 
mettaient cet  exercice  ;  —  le  droit  d'avoir  des  temples, 
des  écoles,  des  consistoires,  des  synodes  et  des  cham- 
bres de  justice  mi-partie  dans  huit  parlements  (celle 
d'Aix  devait  être  composé  de  deux  présidents  et  de  dix 
conseillers)  ;  —  il  leur  octroyait  huit  places  de  sûreté 
(parmi  lesquelles  Seyne,  en  Provence,  qui  portait  alors 
le  nom  de  Seyne  la  Grand'-Tour,  et  dont  Estoublon  fut 
nommé  gouverneur)  ;  —  réhabilitait  la  mémoire  des  plus 
illustres  victimes  de  leur  parti,  relevait  les  réformés  de 
toutes  les  sentences  prononcées  contre  eux,  condam- 
nait la  Saint-Barthélémy,  etc. 

L'édit  de  Beaulieu  fut  très  mal  reçu  en  Provence  par 
Carcès  et  ses  partisans,  dont  les  troupes  avaient  battu 
en  toutes  rencontres  les  protestants  et  les  politiques,  et 
qui  croyaient  perdre  ainsi  tout  le  bénéfice  de  leurs  vic- 
toires. Le  retour  de  Retz  en  Provence ,  accompagné 
de  Jean-François  de  Mesmes,  plus  connu  sous  le  nom 
de  président  des  Arches,  accrut  leur  irritation  ;  car  le 
maréchal  venait  non  seulement  pour  reprendre  son  gou- 
vernement, mais  encore  pour  faire  exécuter  l'édit  de 
Beaulieu,  que  les  carcistes  et  surtout  les  officiers  de 
justice  violaient  tous  les  jours,  suivant  les  rapports  que 
les  protestants  provençaux  firent  parvenir  au  roi.  En 
apprenant  le  retour  de  Retz  cent  gentilshommes  catho- 
liques de  la  plus  haute  noblesse  acclamèrent  spontané- 
ment le  comte  de  Carcès  comme  leur  chef,  tandis  que 


LES   GUERRES   DE   RELIGION,  225 

les  confédérés  mettaient  à  leur  tête  le  baron  d'Oraison 
qui  venait  d'abjurer  le  catholicisme.  Le  baron  d'Allema- 
gne, qui  aspirait  également  au  commandement  suprême 
du  parti,  en  fut  très  froissé. 

Pour  faire  sentir  à  de  Retz  le  crédit  et  l'autorité  dont 
il  jouissait  en  Provence ,  Carcès  alla  à  sa  rencontre ,  à 
Tarascon,  avec  quatre  à  cinq  cents  cavaliers  (lo  sep- 
tembre 1576),  ce  qui  blessa  profondément  le  maréchal, 
qui  l'avait  prié  de  n'en  rien  faire.  Les  confédérés,  réunis 
à  Saint-Maximin ,  informés  de  la  démarche  de  leur  ad- 
versaire, offrirent,  à  leur  tour,  au  gouverneur  une  escorte 
d'honneur  de  cinq  cents  chevaux  et  de  mille  arquebu- 
siers. Il  la  refusa  pour  ne  pas  accroître  l'irritation  des 
partis ,  mais  il  donna  en  même  temps  rendez-vous  à 
leurs  principaux  chefs  alliés  à  Gardane  ,  à  peu  de  dis- 
tance d'Aix,  oia  il  leur  fit  connaître  sa  mission  et  leur 
assura  que  le  président  des  Arches  et  lui  «  travaille- 
raient de  sorte  que  chacun  serait  content,  et  que,  s'ils 
avaient  des  réclamations  à  faire,  ils  vinssent  à  Aix  pour 
y  proposer  leurs  requêtes.  »  Après  cela,  Retz  fit  son 
entrée  solennelle  dans  la  capitale  de  la  Provence ,  es- 
corté des  barons  d'Oraison ,  des  Arcs  et  de  Tourettes 
et  d'autres  chefs  confédérés ,  qui  demeurèrent  six  jours 
à  Aix,  après  quoi  il  les  congédia  (lo  octobre). 

L'hostilité  croissante  du  parti  catholique  contre  toutes 
les  mesures  de  tolérance  religieuse  se  traduisit  par  la 
création  de  la  célèbre  Ligue,  dont  Henri  de  Guise  fut 
proclamé  le  chef.  Cette  association  avait  pour  but  avoué 
l'anéantissement  de  la  Réforme  et  des  réformés ,  le 
maintien  de  la  religion  catholique  et  la  défense  de  la 
couronne  et  des  prérogatives  dont  jouissait  le  royaume 
sous  Clovis  ;  mais  son  but  secret  et  véritable  était  de 
supplanter  les  princes  du  sang,  Henri  de  Condé  et 
Henri  de  Navarre,  de   dominer   la  cour,  et,  comme 

15 


220  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Henri  III  n'avait  point  d'enfants,  d'assurer  la  succes- 
sion du  trône  de  France  à  la  maison  de  Lorraine ,  qui 
avait  la  prétention  de  descendre  de  Charlemagne. 

Dans   l'espoir  d'annihiler  le  pouvoir    de   la   Ligue , 
Henri  III  ne  crut  mieux  faire  que  de  se  mettre  à  sa  tête 
pendant  la  session  des  Etats  de  Blois  (6  décembre  1 576), 
mais  il  ne  fit  que  prouver  sa  faiblesse.  Cette  assemblée, 
toute  à  la  dévotion  du  duc  de  Guise  et  àjaquelle  les 
chefs  confédérés,  Condé,  le  roi  de  Navarre,  Damville 
et  autres,  n'assistèrent  point,  de  peur  d'y  être  arrêtés, 
demanda  au  roi,  à  la  pluralité  des  suffrages,  de  «  réunir 
tous  ses  sujets  à  la  religion  catholique  et  romaine,  »  et 
opina  pour  «  que  tout  autre  exercice  de  la  religion  pré- 
tendue réformée  fût  ôté  tant  en  public  qu'en  particulier; 
les  ministres  dogmatiques ,  diacres ,  surveillants ,  con- 
traints de  vider  le  royaume.   »   Les   députés  de  Pro- 
vence, appartenant  au  parti  de  Carcès,  votèrent  avec 
la  majorité.  C'étaient,   pour  le   clergé  :  Guillaume  Le 
Blanc,  évêque  de  Toulon  ;  pour  la  noblesse  :  les  com- 
tes de  Fourrières  et  de  l'Evesque  (ce  dernier,  seigneur 
de  Rogiers)  ;  pour  le  tiers-état  :  Antoine  Thoron,  avo- 
cat à  Digne,  et  Jean  Durand,  avocat  à  Draguignan. 

Vers  ce  même  temps,  une  bande  d'Arlésiens  passè- 
rent le  Rhône  pour  combattre  les  huguenots  du  Lan- 
guedoc. A  titre  de  représailles,  une  troupe  de  ces  der- 
niers,  sortie  d'Aigues-Mortes ,  ravagea  la  Camargue. 
Jean  de  Sabatier,  consul  d'Arles,  et  Robert  de  Beau- 
jeu,  à  la  tête  de  quatre-vingts  chevaux,  se  mirent  à  leur 
poursuite,  mais  le  premier  fut  grièvement  blessé  et  ses 
soldats  durent  se  réfugier  dans  le  château  du  Baron. 
Les  habitants  d'Arles  en  conçurent  une  alarme  d'autant 
plus  vive  qu'ils  furent  avertis  que  les  huguenots  de  leur 
cité,  sous  la  conduite  d'Arbaud  Spias,  devaient  livrer 
leurs  portes  aux  huguenots  du  Languedoc  le  jour  de 


LES    GUERRES    DE    RELIGION. 


Noël.  Les  consuls ,  avertis ,  jetèrent  en  prison  ceux 
qu'on  leur  désigna  comme  faisant  partie  du  complot 
et  exécutèrent  quelques-uns  d'eux.  Retz  se  rendit  sur 
les  lieux  (5  janvier  1577),  mais,  soit  que  les  preuves 
manquassent,  soit  qu'il  ne  voulut  pas  frapper  des  accu- 
sés appartenant  aux  premières  familles  d'Arles  et  au 
parti  des  politiques,  il  se  montra  indulgent  et  fut  accusé, 
à  son  tour,  de  pactiser  avec  les  conjurés.  De  là,  Retz 
visita  Toulon,  Fréjus,  Riez,  Draguignan  et  Cannes,  où 
dominaient  les  politiques,  et,  ayant  fait  dans  cette  der- 
nière ville  une  chute  de  cheval  qui  détermina  une  para- 
lysie du  côté  droit  de  son  corps,  il  se  fit  transporter, 
avec  la  permission  du  roi,  aux  bains  de  Lucques  (no- 
vembre). 

Le  départ  de  Retz  rendit  à  Carcès  toute  son  autorité. 
Le  roi  lui  avait  déjà  octroyé  une  déclaration  portant 
que  tout  ce  qu'il  avait  fait  était  pour  son  service  et 
ordonnant  qu'il  ne  fût  aucunement  recherché  à  ce  sujet. 
Peu  après,  il  lui  manda  que  le  plus  grand  service  qu'il 
pourrait  lui  rendre ,  serait  qu'il  accommodât  les  cho- 
ses de  façon  que  Sa  Majesté  n'en  entendît  plus  parler. 

Mentionnons  pour  mémoire  le  passage  en  Provence 
du  neveu  de  l'amiral  de  Coligny,  Guy  Paul  de  Châtil- 
lon,  comte  de  Laval,  qui  revenait  d'Allemagne  et  fut 
assez  heureux  pour  réconcilier  les  barons  d'Oraison  et 
d'Allemagne.  Damville  l'avait  tenté  sans  succès  deux 
mois  auparavant  (i). 

(i)  Pérussis  dans  d'Aubais,  t.  I,  p.  166-170,  172-174,  176,  177,  180-182,  184, 
186,  188-191,  193  ;  —  De  Serres,  Comment.,  IIII»  pars,  fol.  loj  ;  —  Recueil  des 
choses  mémorables  ,  p.  54c  ;  —  De  Thou  ,  t.  V,  p.  200,  201  ;  —  D'Aubigné  , 
t.  II,  col.  710;  —  Nostradamus,  p.  812-814;  —  Honoré  Bouche,  t.  II, 
p.  660-664;  —  Louvet ,  Histoire,  t.  I  ,  p.  278-298  ;  —  Papon  ,  t.  IV,  p.  204- 
209;  —  Lambert,  t.  I,  p.  285-509;  —  etc. 


2  28  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

SIXIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

(janvier    1577-17   SEPTEMBRE    1577) 


ASSEMBLÉES  POLITIQUES  DE  DRAGUIGNAN  ET  DE  SEYNE. 
LES  CONFÉDÉRÉS  DEMANDENT  LA  DESTITUTION  DE 
CARCÈS,  QUI  EST  REMPLACÉ  PAR  LE  GRAND  PRIEUR 
DE    FRANCE  (l  577). 

L'intolérance  des  Etats  de  Blois  (6  décembre  1576) 
détermina  une  nouvelle  guerre  de  religion  ,  surtout 
lorsqu'on  vit  Henri  III  annoncer,  conformément  aux 
décisions  qui  avaient  été  prises  ,  qu'il  ne  voulait .  plus 
qu'une  seule  religion  dans  son  royaume  et  déclarer  que 
l'édit  de  Beaulieu  était  sans  valeur  (i*""  janvier  1577). 

En  Provence,  plusieurs  chefs  huguenots,  notamment 
le  baron  d'Allemagne,  d'accord  avec  les  politiques  , 
estimaient  qu'il  était  préférable  pour  leur  parti  de  se 
tenir  complètement  sur  la  réserve  et  d'obtenir  du  roi  la 
destitution  de  Carcès  ;  mais  d'autres  chefs,  plus  ardents, 
ayant  à  leur  tête  Estoublon,  gouverneur  de  Seyne ,  ai- 
mèrent mieux  prendre  les  armes,  et  firent  diverses  cour- 
ses armées  ,  dont  les  politiques  eurent  à  souffrir  autant 
que  les  carcistes.  Courbons ,  près  Digne ,  tomba  sous 
leurs  coups. 

Peu  après,  le  9  juin,  eut  lieu  à  Seyne,  par  ordre  du 
roi  de  Navarre  ,  chef  suprême  du  parti  huguenot  en 
France,  «  l'assemblée  générale  de  la  noblesse  et  dé- 
putés des  églises  réformées  du  pays  de  Provence.  » 
Les  confédérés  décidèrent,  dans  une  réunion  prépara- 
toire qu'ils  tinrent  à  Draguignan  et  où  ils  jurèrent  de 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  229 

nouveau  «  l'union  qu'on  appelle  les  rasais  entre  la  no- 
blesse et  communes,  tant  d'une  religion  que  de  l'autre,  » 
qu'on  demanderait  à  Estoublon  et  à  ses  partisans  s'ils  en- 
tendaient adhérer  à  ladite  union  ,  cesser  leurs  courses 
dans  le  pays  et  abandonner  Courbons,  faute  de  quoi  les 
confédérés  seraient  contraints  de  «  leur  courir  sus 
comme  infracteurs  de  l'union  et  personnellement  du  re- 
pos public.  »  Estoublon  et  les  membres  de  son  conseil 
répondirent  qu'ils  entreraient  dans  l'union ,  si  celle-ci 
avait  pour  but  de  faire  respecter  par  les  carcistes  l'édit 
de  Beaulieu  et  si  les  confédérés  voulaient  les  aider  à 
tirer  vengeance  des  violences  nombreuses  dont  ceux  de 
la  religion  avaient  été  victimes  dans  les  bailliages  de 
Digne,  Sisteron,  Moutiers  et  autres,  et  à  faire  rempla- 
cer les  garnisons  catholiques  des  places  avoisinant 
Seyne  par  des  garnisons  appartenant  au  parti  rasât; 
qu'autrement  ils  ne  pourraient  déposer  les  armes  ni 
abandonner  Courbons. 

Les  agressions  des  carcistes  mirent  fin  à  cette  scis- 
sion momentanée,  et  l'on  vit  bientôt  unis  pour  défendre 
la  cause  commune,  les  gentilshommes  protestants  de 
toute  nuance  et  le  chef  des  rasais.  Les  villes  qui  se 
déclarèrent  pour  eux  furent  Toulon,  Hyères,  Fréjus, 
Antibes,  Grasse,  Draguignan,  Sorgues,  Brignoles, 
Saint-Maximin,  Barjols,  Fayence,  Castellane  et  autres. 

Carcès,  s'inspirant  des  décisions  des  Etats  de  Blois, 
et  de  la  nouvelle  politique  inaugurée  par  Henri  III,  se 
rendit  à  Arles  pour  recommencer  le  procès  des  person- 
nes soupçonnées  d'avoir  voulu  livrer  la  ville  aux  hugue- 
nots du  Languedoc  l'année  précédente,  et  que  de  Retz 
n'avait  pas  consenti  à  frapper.  Il  fit  arrêter,  et  vraisem- 
blablement aussi  empoisonner,  comme  beaucoup  de 
contemporains  le  crurent,  le  seigneur  de  Saint-Andéol, 
un  des  principaux  accusés,  car  ce  dernier  mourut  subi- 


230  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

tement  dans  sa  prison.  Après  cela,  il  fit  fortifier  le  Baron 
en  Camargue,  pour  arrêter  les  incursions  que  les  hugue- 
nots du  Languedoc,  conduitspar  Jean  de  Saint-Romain, 
seigneur  de  Saint-Chamond,  ancien  archevêque  d'Aix, 
ne  cessaient  de  faire  en  Provence.  Ce  dernier  ne  tarda 
pas  en  efïet  à  franchir  le  Rhône.  Il  s'empara  du  Baron, 
mais  n'osa  pas  attaquer  le  château,  qu'il  se  borna  à  blo- 
quer. Carcès  accourut  avec  six  cents  hommes,  dont  trois 
cents  à  cheval  ;  dégagea  les  assiégeants,  les  obligea  à 
repasser  le  Rhône  et,  reprenant  l'offensive  à  son  tour, 
traversa  le  fleuve  avec  son  neveu  Ennemond  de  Brancas, 
seigneur  d'Oise,  pilla  la  campagne  jusqu'aux  environs 
de  Montpellier  et  revint  en  Provence  chargé  de  butin. 

De  Vins,  de  son  côté,  avait  fait  plusieurs  expéditions 
dans  la  basse  Provence.  «  Les  soldats  pillards  et  indisci- 
plinés, «dit  Lambert,  «commettaient  sur  leur  passage  les 
plus  indignes  exactions,  violentaient  les  agriculteurs,  et 
réduisaient  le  menu  peuple  à  la  misère  et  au  désespoir. 
Les  politiques  surtout  payaient  chèrement  de  leur  repos, 
de  leur  fortune  ou  de  leur  vie,  leur  alliance  avec  les 
ennemis  de  la  foi  cathoHque.  » 

Cependant  de  Retz  était  revenu  des  bains  de  Luc- 
ques.  Il  ordonna  aux  belligérants  de  déposer  les  armes 
et  de  retourner  chez  eux,  et  aux  villes  de  ne  recevoir 
dans  leurs  murs  ni  carcistes  ni  rasats,  mais  il  avait  perdu 
considérablement  de  son  autorité ,  et  ses  ordres  ne 
furent  pas  exécutés...  Les  carcistes  le  haïssaient  pro- 
fondément, et  les  rasats  n'avaient  pas  une  pleine  con- 
fiance en  lui. 

Ces  derniers,  victimes  des  violences  sans  nom  de 
leurs  adversaires,  et  alarmés  de  l'influence  croissante 
de  Carcès,  n'avaient  pas  différé  plus  longtemps  de  met- 
tre à  exécution  leur  projet  de  demander  directement 
au  roi  la  destitution  de  son  lieutenant  général  en  Pro- 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  23  1 

vence,  et,  dans  ce  but,  ils  avaient  député  à  la  cour,  le 
baron  d'Oraison,  le  sieur  de  Cabris  et  un  bourgeois 
d'Antibes,  qui  décidèrent  Henri  III,  malgré  les  efforts 
de  Bourique,  un  des  maîtres  d'hôtel  de  Carcès,  à 
envoyer  en  Provence  Henri  d'Angoulème  (i),  grand 
prieur  de  France,  en  qualité  de  gouverneur  provisoire 
de  Provence  en  l'absence  de  Retz.  Plein  d'affabilité  et 
de  bonne  humeur,  Angoulème  gagna  tout  de  suite  la 
sympathie  de  ses  ressortissants  et,  pour  montrer  qu'il 
n'était  pas  suspect  de  partialité  envers  les  huguenots,  il 
mit  sur  l'heure  le  siège  devant  Ménerbes  en  Comtat,  que 
ceux-ci  occupaient. 

Autrement  la  sixième  guerre  de  religion  n'avait  pas 
eu  d'importance  dans  le  reste  du  royaume.  Elle  s'était 
réduite  à  quelques  escarmouches  et  à  la  prise  de  quel- 
ques places.  Le  roi  s'était  surtout  efforcé  de  détacher 
les  politiques  du  parti  huguenot,  et  il  y  avait  réussi  pour 
Damville,  le  chef  des  conférés  des  provinces  méridio- 
nales. Ne  voulant  pas  toutefois  détruire  le  seul  contre- 
poids qu'il  eût  à  opposer  à  l'omnipotence  des  Guises, 
qu'il  haïssait  mortellement,  il  fit  la  paix  avec  les  hugue- 
nots à  Bergerac  le  17  septembre  1577,  et  celle-ci  fut 
suivie  de  l'édit  de  Poitiers,  donné  dans  le  même  mois. 

ÉDiT   DE   POITIERS   (septembre    1 577).  continuation 

DES  hostilités  EN  PROVENCE.  NOMINATION  DE  SUZE 
AU  GOUVERNEMENT  DE  LA  PROVENCE  ET  SON  DÉPART 

(1577-1579)- 

Cet  édit,  que  le  Parlement  d'Aix  refusa  d'abord  d'en- 
registrer, était  en  grande  partie  la  reproduction  de  celui 


(i)  Ou  de  Valois,  fils  naturel,  mais  légitimé,  de  Henri  II,  roi  de  France,  et 
de  l'Ecossaise  Flamine  Levisthon. 


232  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

de  Beaulieu.  Il  maintenait  comme  place  de  sûreté  en 
Provence  «  Seyne  la  Grand'Tour  et  circuit  d'icelle  » 
(Honoré  Mathan  en  fut  nommé  gouverneur  par  lettres 
du  roi  du  5  janvier  1579)  (i);  mais  il  ajoutait  la  condi- 
tion que  le  roi  de  Navarre,  le  prince  de  Condé  et  vingt 
gentilshommes  de  ceux  qui  avaient  suivi  leur  parti, 
comme  aussi  le  gouverneur  de  la  place,  jureraient  de  la 
remettre  entre  les  mains  des  officiers  du  roi  à  l'expira- 
tion de  la  sixième  année  de  son  occupation.  Les  soldats 
de  la  garnison  seraient  levés  et  payés  par  le  roi  de 
France  et  le  gouverneur  choisi  par  le  roi  de  Navarre  et 
le  prince  de  Condé.  Henri  II  ne  se  réservait  que  le 
droit  de  confirmation.  Le  grand  prieur  fit  publier 
l'édit  à  Aix  le  12  novembre  1 577,  mais  les  esprit  étaient 
trop  animés  départ  et  d'autre  pour  qu'on  en  tînt  compte, 
nonobstant  les  lettres  que  François  de  Bourbon,  duc 
de  Montpensier  et  dauphin  d'Auvergne,  écrivitraux  gou- 
verneur et  sénéchaux  de  Provence,  et  celle  que  le  duc 
d'Anjou  adressa  à  Estoublon,  à  qui  il  disait,  le  17  sep- 
tembre ,  le  jour  même  ou  fût  signée  la  paix  de  Berge- 
rac :  «  Je  vous  ai  bien  voulu  avertir  et  faire  entendre 
qu'outre  lesdits  articles  (de  Bergerac),  il  a  été  ordonné 
que  tout  ce  qui  sera  fait,  pris  et  commis  d'une  part  et 
d'autre  par  voie  d'hostilité  ou  autrement  et  par  quelque 
occasion  que  ce  soit,  depuis  ce  jour  d'hui,  dix-septiéme 
jour  de  septembre,  que  lesdits  articles  ont  été  signés, 
sera  sujet  à  restitution  et  réparation  civile  ;  à  quoi  je 
vous  prie  tenir  la  main  à  ce  qu'il  ne  soit  fait  ou  entrepris 
aucune  chose  au  préjudice  de  ce  qui  a  été  accordé 
par  lesdits  articles  et  y  faire  obéir  tous  ceux  qui  sont 
employés  sous  votre  charge  et  commandement ,  sur 
peine,  àtous  ceux  qui  y  contreviendront,  d'en  répondre. . . 

(i)  Archives  nationales  (série  TT,  carton  284). 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  233 

Voulant  aussi  que  vous  soyez  contenu  en  votre  gouver- 
nement de  Seyne  pour  le  temps  de  six  ans,  en  attendant 
que  je  vous  enverrai  votre  provision.  »  On  a  vu  plus 
haut  que  le  roi  lui  donna  un  successeur  le  5  janvier  1 5  79. 

Carcès  se  soumit  extérieurement  à  l'ordre  du  roi  qui 
le  relevait  de  ses  fonctions,  mais  il  n'en  resta  pas  moins 
le  chef  du  parti  catholique  militant  (février  1 578).  Quant 
à  de  Retz,  il  se  démit  peu  après  de  sa  charge  en  faveur 
du  comte  de  Suze  (i®""  juin),  à  la  suite  d'une  négociation 
scandaleuse  entreprise  à  l'encontre  des  intérêts  du 
grand  prieur,  qui  avait  froissé  le  maréchal  en  lui  refur 
sant  son  concours  à  un  certain  moment  du  siège  de 
Ménerbes.  Angoulème  fut  donc  rappelé  à  Paris  par 
Henri  III  ;  mais,  profondément  blessé  de  n'avoir  pas  été 
confirmé  dans  ses  fonctions  de  gouverneur,  il  n'obéit 
pas  à  l'ordre  royal  et  alla  prendre  possession  du  com- 
mandement général  des  galères  (10  juin  1578),  que  la 
mort  du  baron  de  Lagarde  (mai  1578)  venait  de  laisser 
vacant  et  dont  il  avait  la  survivance. 

La  nomination  de  Suze  irrita  également  Carcès  et  ses 
partisans,  qui  ne  trouvaient  pas,  du  reste,  que  le  comte 
appartînt  à  une  assez  haute  et  ancienne  noblesse.  Le 
Parlement,  prévoyant  de  nouvelles  luttes,  envoya,  de 
concert  avec  les  Etats  de  la  province ,  des  députés  à 
Paris,  notamment  le  président  Des  Arches,  pour  sup- 
plier le  roi  de  relever  Suze  de  ses  fonctions  et  d'en 
investir  un  prince  du  sang  qui,  seul,  aurait  assez  d'auto- 
rité pour  empêcher  le  retour  de  la  guerre  civile  en 
Provence,  «  terre  si  revêche  et  si  barbare,  »  dit  Nos- 
tradamus,  «  pleine  de  lions  et  d'ours,  qui  ne  peuvent 
être  chassés  et  domestiqués  que  par  veneurs,  fils,  frères 
ou  neveux  de  rois.  »  Le  Parlement  pria,  de  son  côté, 
le  grand  prieur,  qui,  suivant  l'usage,  s'était  démis  de 
ses  pouvoirs  entre  ses  mains,  de  reprendre  la  direction 


2 54  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

des  affaires;  mais  celui-ci,  trop  ulcéré  encore  de  l'af- 
front qu'il  avait  reçu ,  remercia  le  Parlement  et  partit 
pour  les  îles  d'Hyères  avec  ses  galères. 

La  nouvelle  officielle  de  la  nomination  du  comte  de 
Suze  n'arriva  qu'en  août  (1578)  en  Provence.  Les  car- 
cistes  prirent  aussitôt  les  armes.  Annibal  de  Glandevès, 
seigneur  de  Baudument,  cousin  de  Vins,  se  saisit  de 
Saint-Paul-lès-Durance,  Vinon  et  Entrecasteaux.  Appre- 
nant ensuite  que  son  frère  était  assiégé  par  le  baron 
d'Allemagne  dans  Le  Cannât,  près  Le  Luc,  il  y  dépê- 
cha le  capitaine  Geymard ,  qui  réussit  à  pénétrer  dans 
la  place.  Le  baron,  ayant  voulu  forcer  le  château  avec 
des  échelles,  fut  repoussé.  Après  ces  faits  d'armes,  de 
Vins  se  mit  lui-même  à  la  tête  des  troupes  de  Baudu- 
ment, échoua  sur  Fayence  et  se  rendit  à  Besse. 

Les  rasats  s'étaient  mis  aussi  en  campagne  et  toute 
la  Provence  fut  en  feu.  Le  Parlement  envoya  bien  une 
députation  aux  deux  partis  pour  leur  enjoindre  de  dépo- 
ser les  armes;  mais  le  baron  d'Allemagne  seul  obéit. 
De  Vins  alla  se  loger  à  Cotignac ,  et  le  baron  des 
Arcs,  un  des  chefs  rasats ,  se  fortifia  au  Luc.  Le  Parle- 
ment aux  abois  ordonna  aux  communes  de  barricader 
leurs  portes  pour  qu'aucun  soldat,  à  quelque  parti  qu'il 
appartînt,  ne  pût  pénétrer  dans  leurs  murs ,  et  il  appela 
à  Aix  d'Ornano  avec  quatre  cents  Corses,  malgré  la 
population,  qui  était  toute  dévouée  aux  carcistes. 

Le  roi ,  nonobstant  les  représentations  du  Parlement 
et  des  Etats  du  pays,  avait  maintenu  Suze  dans  ses  fonc- 
tions. La  nouvelle  en  arriva  à  Aix  le  3  o  septembre  (  1 3  78). 
Le  nouveau  gouverneur ,  qui  n'avait  pas  encore  osé 
faire  son  entrée  dans  la  capitale  de  la  Provence  et  à 
qui  le  Parlement  avait  envoyé  une  députation  pour  qu'il 
la  différât,  y  pénétra  subrepticement  le  8  octobre,  grâce 
à  la  connivence  du  président  de  Lauris  et  de  d'Ornano 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  231; 

lui-même,  qui  lui  ouvrit  la  porte  des  Augustins  ,  dont  il 
avait  la  garde. 

Sa  présence  exaspéra  les  carcistes  et  releva  le  cou- 
rage des  rasats,  qui  se  mirent  résolument  en  campagne. 
Suze  recourut  à  la  médiation  du  cardinal  d'Armagnac  , 
vice-légat  d'Avignon ,  pour  engager  les  deux  partis  à 
déposer  les  armes.  L'assemblée  des  communes  de  Pro- 
vence, qu'il  convoqua  à  Aix  pour  exposer  ses  plans  de 
pacification  et  faire  voter  une  levée  extraordinaire  d'hom- 
mes, s'employa  au  même  but  ;  mais  les  esprits,  de  part  et 
d'autre,  n'étaient  pas  portés  à  la  conciliation  et  les  hos- 
tilités recommencèrent.  Le  7  janvier  1579,  Jean  de 
Castellane,  seigneur  de  La  Verdière,  neveu  de  Carcès, 
se  saisit  du  Puech,  situé  à  deux  lieues  d'Aix,  et  répan- 
dit la  terreur  dans  tout  le  voisinage  par  ses  dépréda- 
tions et  de  ses  incendies.  Suze  engagea  la  population 
d'Aix  à  s'armer  pour  mettre  un  terme  à  ces  excès; 
mais  elle  faisait  cause  commune  avec  les  carcistes  et  ne 
bougea  pas.  Quant  aux  Corses  ,  ils  étaient  en  quelque 
sorte  cernés  par  les  habitants  dans  leur  quartier  des  Au- 
gustins, et  ne  pouvaient  agir.  C'est  alors  que,  découragé 
et  craignant  même  pour  ses  jours,  Suze  prit  le  parti  de 
quitter  Aix  ,  d'où  il  sortit  furtivement  comme  il  y  était 
entré. 

GOUVERNEMENT  DU  PARLEMENT  EN  l'aBSENGE  DE  SUZE. 
MÉDIATION  INFRUCTUEUSE  DU  CARDINAL  d'aRMA- 
GNAC  (l  579). 

Le  départ  du  gouverneur  de  Provence  accrut  l'au- 
dace des  carcistes.  Un  soldat  du  nom  de  Reynier,  l'exé- 
cuteur des  hautes  œuvres  de  Vins ,  se  mit  à  la  tête  des 
plus  mauvais  garnements  d'Aix  et  livra  plusieurs  batail- 
les aux  soldats  corses.  Chassé  pour  quinze  jours  de  la 


2^6  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

ville  par  le  Parlement,  il  rentra  après  ce  temps  et,  re- 
connu par  des  soldats  corses,  il  fut  assassiné  en  pleine 
place  de  la  Madeleine.  La  population,  toute  dévouée 
à  Carcès,  se  saisit  aussitôt  de  quelques  canons  et  s'ap- 
prêtait à  les  braquer  contre  le  couvent  des  Augustins, 
où  les  Corses  tenaient  garnison,  quand  le  consul  Meyrar- 
gues  accourut  et  parvint  à  la  calmer. 

En  présence  de  cette  attitude  des  carcistes ,  les  rasais 
de  Lorgues,  Fréjus,  Draguignan  et  autres  lieux,  prirent 
les  armes  ,  mais  de  Vins  les  battit  en  toutes  rencontres. 
Néanmoins  il  échoua  sur  Lorgues ,  qui  se  défendit 
vaillamment.  Continuant  sa  marche,  il  s'empara  de  Saint- 
Jullien-le-Montaignier,  battit  le  capitaine  huguenot  Ver- 
daches  près  de  Barjols ,  incendia  le  château  de  Baga- 
ris,  ravagea  le  territoire  d'Hyères  et  massacra  un  grand 
nombre  de  rasais  à  Grimaud,  Bormes  et  Saint-Tropez, 
qui  avaient  dressé  précédemment  une  embûche  à  Bau- 
dument.  Terrifiés  par  ces  brigandages,  les  habitants  des 
campagnes ,  emmenant  avec  eux  leurs  femmes  et  leurs 
enfants,  se  réfugièrent  dans  les  villes  rasâtes  de  Bri- 
gnoles,  Draguignan,  Barjols,  Toulon,  Fréjus  et  autres. 

Les  Etats  de  la  province ,  assemblés  à  Lambesc  le 
22  février  1579,  furent  remplis  des  récriminations,  que 
se  firent  mutuellement  les  deux  partis  ;  ils  décidèrent 
néanmoins  d'envoyer  des  députés  à  Carcès  (25  février), 
retiré  à  Salon  ,  depuis  la  nomination  de  Suze  ,  pour  le 
supplier  de  rendre  la  tranquillité  au  pays  ;  mais  le  comte, 
tout  en  protestant  de  son  amour  de  la  paix ,  ne  voulut 
rien  promettre.  Les  Etats  décidèrent  alors  de  demander 
au  roi  de  remplacer  Suze  par  un  gouverneur  plus  sym- 
pathique à  la  noblesse  et,  en  attendant  sa  réponse,  ils 
ordonnèrent  aux  belligérants  de  déposer  les  armes.  De 
son  côté,  le  Parlement,  qui  comptait  pourtant  beau- 
coup de  carcistes  dans  son  sein  ,  rendit  ,  en  l'absence 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  217 

du  gouverneur  et  à  sa  place ,  comme  l'exigeait  Tordre 
politique  du  temps ,  un  arrêt  qui  déclarait  ennemis  du 
repos  public  tous  ceux  qui  avaient  les  armes  à  la  main 
et  autorisait  toute  personne  à  leur  courir  sus  (lo  mars 
^579)- 

Quelques  jours  après  (27  mars),  arrivèrent  des  lettres 
du  roi ,  qui  confiaient  de  nouveau  le  gouvernement  de 
Provence  au  maréchal  de  Retz  et  chargeaient  le  cardi- 
nal d'Armagnac,  colégat  du  pape,  de  pacifier  la  pro- 
vince en  attendant  l'entrée  en  charge  du  gouverneur. 
Cette  seconde  nomination  ne  contenta  aucun  parti. 
Les  rasais  se  réunirent  à  Fréjus  le  1 2  avril  et  votèrent 
une  levée  de  soldats ,  que  le  Parlement  autorisa.  Les 
barons  d'Allemagne ,  d'Oraiso-n  et  des  Arcs  eurent  le 
commandement  de  l'infanterie  ;  Estoublon ,  Tanaron  et 
Gabriel  de  Pontevès ,  seigneur  de  Buous  ,  celui  de  la 
cavalerie,  et  les  barons  deTourettes  et  de  Vence  furent 
nommés  syndics  de  l'union.  Les  huguenots  de  la  pro- 
vince adhérèrent  aux  délibérations  de  l'assemblée  de 
Fréjus  et  s'enrôlèrent  sous  leurs  chefs  habituels. 

Deux  jours  auparavant,  le  capitaine  Antoine  de 
Boyer,  sieur  de  Bandols,  que  Henri  IV  créa,  plus  tard, 
baron  dudit  lieu  à  raison  de  ses  services,  accomplit  un 
beau  fait  d'armes.  A  la  tête  de  sa  compagnie  des  Braves, 
comme  on  appelait  alors  sa  petite  troupe ,  et  de  douze 
cents  hommes  fournis  par  quelques  communes  rasâtes, 
il  profita  de  ce  que  de  Vins  avait  quitté  momentanément 
son  camp  de  Cuers  avec  une  partie  de  ses  troupes  pour 
attaquer  ce  dernier  et  il  le  mit  complètement  en  déroute 
(9  avril). 

D'autre  part,  Verdaches  battit  les  carcistes  à  Roque- 
vaire  et  à  Nans;  mais  d'Ornano  et  ses  Corses  échouè- 
rent contre  Le  Puech,  occupé  par  les  carcistes.  Estou- 
blon, réuni  à  Buous,  Tanaron  et  Jean-Baptiste  Rascas, 


238  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

seigneur  du  Muy,  tua  quatre  cents  carcistes,  à  Cabasse, 
commandés  par  Buisson,  et  en  dispersa  six  cents  autres 
qui  venaient  prêter  main-forte  à  Palamède  de  Forbin , 
seigneur  de  Solliès,  assiégé  dans  son  château  par  les 
gens  du  lieu  et  les  rasais  de  Toulon. 

Les  habitants  d'Arles,  résolus  à  ne  s'inféoder  à  aucun 
parti,  se  réunirent  à  l'archevêché  sous  la  présidence  et 
à  la  requête  de  Silvio  de  Sainte-Croix,  leur  archevêque, 
et  se  confédérèrent,  nobles  et  bourgeois,  pour  «  gar- 
der et  défendre  la  ville  et  cité  d'Arles  envers  et  contre 
tous  sous  l'obéissance ,  dévotion  et  commandement  » 
du  roi,  et  dénoncer,  poursuivre  et  faire  déclarer  enne- 
mis de  Sa  Majesté  et  perturbateurs  du  repos  public 
ceux  des  habitants  qui  pourraient  être  «  assez  mal  mis  » 
pour  les  subjuguer  et  les  soumettre  à  toute  autre  obéis- 
sance qu'à  celle  du  roi.  Vingt-cinq  nobles  et  vingt  et  un 
bourgeois  signèrent  la  convention  (i)  (10  avril  1579). 

Le  vice-légat  H' Avignon  arriva  à  Aix  le  15  avril  pour 
remplir  sa  mission  et  publia,  vingt  jours  après  (5  mai), 
une  amnistie  générale,  à  condition  que  les  deux  partis 
déposeraient  les  armes  ;  mais  elle  fut  mal  reçue.  Le 
cardinal  ne  se  découragea  pas  pour  cela.  Il  eut  deux 
entrevues  avec  Carcès  et  obtint  de  lui  que  ses  partisans 
évacueraient  Le  Puech  et  Saint-Paul-lès  Durance ,  qui 
étaient  une  menace  perpétuelle  pour  la  capitale  de  la 
Provence.  Mais  Louis-Honoré  de  Castellane,  seigneur 
de  Bezaudan  (le  frère  de  La  Verdière),  qui  commandait 
au  Puech,  refusa  d'abandonner  la  place,  et  les  carcis- 
tes d'Aix,  encouragés  par  sa  résistance,  se  soulevèrent 
contre  le  président  des  Arches,  que  le  roi  avait  donné 
comme  conseil  à  d'Armagnac,  et  l'auraient  même  mas- 


(i)  La  Lauzière,   Abrégé  chronologique  de  l'histoire  d'Arles  ;  —  Trichaud, 
Hist.  de  la  sainte  église  d'Arles,  t.  IV,  p.  114,  115. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  239 

sacré  sans  l'intervention  de  d'Ornano.  Le  Parlement, 
poussé  à  bout,  rendit,  le  17  mai,  un  arrêt  déclarant  les 
partisans  de  Carcès  rebelles,  factieux,  perturbateurs  du 
repos  public  et  autorisant  les  habitants  des  villes  et 
des  campagnes  à  leur  courir  sus.  Quant  à  d'Armagnac 
et  à  des  Arches ,  se  voyant  dans  l'impossibilité  absolue 
d'accomplir  leur  mission  de  paix,  ils  se  retirèrent  à  Avi- 
gnon,  après  avoir  séjourné  un  mois  seulement  à  Aix 
(18  mai). 

SAC    DE    CALLAS    PAR    DE    VINS.    VENGEANCE     DES     HABI- 
TANTS. JACQUERIE  PROVENÇALE.  MORT  d'eSTOUBLON 

(M78,    1579)- 

Nous  devons  raconter  un  triste  épisode  de  ces  temps 
de  guerre  fratricide.  Deux  fils  de  Jean-Baptiste  de  Pon- 
tevès,  seigneur  de  Callas,  vieillard  cupide  et  barbare, 
ravageaient  depuis  longtemps  les  campagnes  avoisi- 
sinant  ce  lieu,  avec  six  cents  routiers.  L'un  d'eux,  Jo- 
seph de  Pontevès,  pour  se  venger  des  actions  en  jus- 
tice que  les  habitants  de  Callas ,  ruinés  par  les 
nombreuses  exactions  de  son  père ,  intentaient  à  ce 
dernier,  écrivit,  par  son  ordre,  à  son  cousin  De  Vins 
de  venir  a  les  mettre  si  bas  et  faire  que  dudit  lieu  n'en 
soit  mémoire  et  mettre  le  feu  aux  quatre  coins  de  la 
ville.  »  De  Vins  accourut  avec  deux  mille  cinq  cents 
hommes  et  commit  des  barbaries  qui  rappelaient  celles 
de  Mérindol  et  de  Cabrières.  Quatre-vingt-seize  mai- 
sons furent  incendiées  ou  démolies ,  cinquante-huit  eu- 
rent leurs  portes  ou  leurs  fenêtres  brisées ,  quinze  leurs 
tonneaux  défoncés,  quarante-cinq  leurs  planchers  abat- 
tus ou  brûlés.  Des  habitants  furent  suspendus  par  les 
pieds,  d'autres  égorgés  ;  on  arracha  les  poils  de  la  barbe 
à  d'autres.  Mais  ce  que  Pontevès  père  désirait  avant 


240  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

tout,  c'est  que  les  habitants  de  Callas,  agissant  au  nom 
de  la  commune  entière,  reconnussent  comme  régulière- 
ment consenties  toutes  les  spoliations  dont  ils  avaient 
été  victimes  de  sa  part.  Dans  ce  but,  il  en  réunit  cent- 
cinquante  dans  l'église  à  coups  de  bâton  et  leur  fit 
signer  tout  ce  qui  lui  plut.  C'était  le  28  novembre  1 578. 
Le  i®'  décembre  suivant,  de  Vins  partit;  mais,  deux 
mois  plus  tard,  il  revint  encore  saccager  Callas,  à  la  de- 
mande de  Pontevès,  parce  que  les  habitants  contestaient 
la  validité  de  la  convention  qui  leur  avait  été  arrachée 
de  force  le  28  novembre.  Exaspérés,  ces  derniers  réso- 
lurent enfin  de  tirer  vengeance  des  iniquités  de  leur 
seigneur. 

Jacques  Sossy,  habitant  de  Callas  et  lieutenant  d'une 
compagnie  de  rasais;  Boniface  Giraud,  ancien  consul, 
Claude  Meyssal,  fils  d'un  consul  en  exercice,  et  sept 
autres  jeunes  gens  du  lieu,  s'emparèrent  par  surprise  du 
château  «  sur  l'heure  de  la  diane  ,  »  et  se  saisirent  de 
Pontevès  père,  de  Françoise  d'AgouIt,  sa  femme,  et  de 
Balthasar,  seigneur  de  Penafort,  son  fils.  Ce  dernier  et 
le  père  furent  enfermés  dans  une  cave  obscure  et  Fran- 
çoise d'Agoult  dans  une  maison  du  village.  Un  autre 
fils  du  seigneur  de  Callas,  Pierre,  qui  s'était  sauvé  dès 
l'entrée  des  conjurés  et  courait  épouvanté  sur  la  route 
de  Bargemon ,  fut  reconnu  et  massacré  par  quelques 
paysans  (avril  1579). 

Le  château  pris,  les  habitants  de  Callas  se  mirent  en 
devoir  de  le  piller,  et  Françoise  d'Agoult  estima  à  cent 
mille  écus  ce  qui  avait  été  dérobé  à  son  mari  en  argent, 
meubles  ou  provisions.  Le  seigneur  de  Callas  et  son 
fils  restèrent  emprisonnés  quarante-cinq  jours,  mais  non 
sans  être  harcelés  chaque  soir  par  quatre  ou  cinq  arque- 
busiers, qui  les  menaçaient  de  mort.  Après  ce  temps, 
Pontevès  obtint  la  permission  de  voir  sa  femme;  mais 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  24I 

il  ne  fut  pas  plus  tôt  sorti  de  prison  que  les  soldats  qui 
l'accompagnaient  le  tuèrent  à  coups  d'épée  et  de  dague. 
Quant  à  son  fils,  il  était  devenu  fou. 

«  La  prise  du  château  de  Callas ,  »  dit  Lambert , 
«  avait  produit  dans  la  province  une  sensation  immense. 
Les  communes  rasâtes  étaient  dans  un  état  de  fermen- 
tation extrême.  De  toutes  parts ,  les  populations  se 
réunissaient  en  armes  et  délibéraient  sur  les  grandes 
routes,  dans  les  bois,  dans  les  granges,  sur  les  places 
publiques.  Le  cri  de  :  Guerre  aux  châteaux!  s'élevait  du 
fond  des  chaumières  comme  du  sein  des  conseils  mu- 
nicipaux. »  Les  rasais  exploitèrent  à  leur  profit  ce  mou- 
vement de  revendication  communale  et,  de  toutes  parts, 
on  apercevait  les  sinistres  lueurs  des  châteaux  incen- 
diés par  les  mains  des  habitants  des  communes  au  sein 
desquelles  ces  édifices  s'élevaient  comme  des  menaces 
permanentes. 

C'est  ainsi  que  les  rasats  de  Draguignan,  pour  se 
venger  de  Claude  de  Villeneuve ,  marquis  de  Trans  et 
gendre  de  Carcès ,  dont  les  armements  ruinaient  leur 
ville  et  son  territoire,  résolurent  de  faire  le  siège  de  son 
château  de  Trans.  Estoublon ,  sur  leur  prière,  vint  à 
leur  aide,  et  le  baron  des  Arcs  se  joignit  également  à 
eux  par  ressentiment  contre  Carcès.  L'armée  rasate 
était  sous  les  murs  du  château  le  20  mai  1 579.  De  Vins 
accourut  pour  le  défendre  avec  sa  cavalerie  ;  mais  il  fut 
mis  en  déroute  ,  et  ne  put  faire  entrer  dans  la  place 
qu'un  officier  et  quinze  soldats.  Le  siège  commença 
deux  jours  après.  La  garnison,  excitée  par  le  courage 
de  la  femme  du  marquis,  Isabeau  de  Pontevès,  se  défen- 
dit vaillamment;  mais  le  marquis  ayant  été  tué  d'une 
arquebusade  (23  mai),  le  désordre  se  mit  parmi  les  assié- 
gés et  le  château  fut  pris.  La  veille,  les  rasats  avaient 
fait   eux-mêmes    une   grande   perte  dans   la   personne 

16 


242  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

d'Estoublon,  capitaine  aussi  expérimenté  que  brave,  qui 
fut  tué  en  pointant  un  canon. 

Des  faits  semblables  se  passèrent  ailleurs.  Palamède 
de  Forbin,  seigneur  de  Solliès ,  ayant  voulu  s'emparer 
de  vive  force  des  terres  gastes  et  des  moulins  que  cette 
commune  avait  dûment  achetés  de  son  ancien  seigneur, 
François  de  Forbin  ,  fut  chassé  et  son  château  pillé  et 
démoli. 

Le  château  de  Cuers,  qui  appartenait  à  Baudument , 
fut  aussi  incendié  avec  ceux  de  Sainte- Maxime,  Bau- 
duen  et  autres. 

Les  habitants  de  Brignoles  ruinèrent  en  un  seul  jour 
les  maisons  de  Vins ,  leur  compatriote ,  ravagèrent  ses 
domaines  et  coupèrent  jusqu'à  dix-huit  mille  pieds 
d'arbre. 

INTERVENTION  DE  LA  REINE  MÈRE.  FIN  DE  LA  GUERRE 
DES  RASATS  ET  DES  CARCISTES.  GOUVERNEMENT  DU 
GRAND     PRIEUR.     CHAMBRES      NEUTRE      ET     EXTRAITE 

(i  579-1 580). 

Alarmé  de  cette  jacquerie ,  renouvelée  du  '  quator- 
zième siècle,  le  Parlement  supplia  Catherine  de  Médi- 
cis ,  qui  revenait  de  son  voyage  de  Guyenne ,  de  se 
rendre  en  Provence  pour  la  pacifier.  Les  députés  du 
Parlement  allèrent  l'attendre  à  Beaucaire  et  lui  expo- 
sèrent longuement  les  excès  de  Vins  et  des  carcistes. 
Carcès,  de  son  côté,  députa  à  la  reine  son  neveu  Fran- 
çois de  Boniface,  seigneur  de  La  Molle,  accompagné 
des  délégués  de  quelques  communes  ;  mais  il  fut  mal 
reçu. 

Catherine  enjoignit  sans  délai  aux  deux  partis,  par  le 
sieur  de  Méran,  de  déposer  les  armes  le  14  juin  (i  579) 
au  plus  tard  et  de  restituer,  dans  les  six  jours,  les  places 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  24? 

et  les  prisonniers  qu'ils  détenaient,  faute  de  quoi  ils 
seraient  déclarés  coupables  de  lèse-majesté.  Ils  se  sou- 
mirent après  quelques  hésitations,  et  leurs  chefs,  no- 
tamment Carcès  et  le  baron  des  Arcs,  qui  en  avaient 
directement  reçu  Tordre ,  se  rendirent ,  le  1 5  juin ,  à 
Marseille,  où  se  trouvait  pour  lors  la  reine  mère. 

Celle-ci ,  pour  arriver  plus  sûrement  à  la  pacification 
de  la  province ,  écarta  de  la  direction  des  affaires  Car- 
cès, Retz  et  Suze,  et  nomma  le  grand  prieur  de  France 
gouverneur  de  Provence  en  l'absence  de  Retz.  Angou- 
lême ,  dont  les  provisions  furent  vérifiées  par  le  Parle- 
ment le  12  juin,  fit  son  entrée  solennelle  à  Aix  le  2^. 
La  reine  mère  arriva  le  lendemain  et,  dès  le  30,  con- 
voqua à  La  Bastide-de-Beauvoisin,  près  d'Aix,  les  no- 
bles les  plus  en  renom  de  la  province.  Carcès  arriva 
avec   cinq   cents  gentilshommes,  au   nombre  desquels 
étaient  de  Vins,  La  Verdière,  Bezaudun  son   frère  et 
Du  Puget  de  Saint-Marc.  Les  rasats  vinrent  en  moins 
grand  nombre,  conduits  par  le  vicomte  de  Cadenet,  le 
baron  d'Oraison  son  fils  et  le  baron  des  Arcs.  Chaque 
parti  se  livrant  à  des  récriminations,  Catherine,  pour 
couper  court,  reprocha  aux  carcistes  et  aux  rasats  leur 
désobéissance,   leur  fit   comprendre    que   la   noblesse 
n'avait  rien  à  gagner  à  déserter  la  cause  de  la  royauté 
et  les  obligea  à  signer  une  déclaration ,  où  ils  juraient 
obéissance  au  roi,  s'engageaient  à  ne  prendre  les  ar- 
mes qu'avec   sa  permission   et  à  déférer  toutes  leurs 
querelles  à  l'arbitrage  du  grand  prieur  (!«■•  juillet  1 579). 
Trente-quatre  gentilhommes  signèrent  cet  engagement, 
mais  nous  n'y  avons  pas  trouvé  la  signature  du  baron 
d'Allemagne.  Il  est  vraisemblable  qu'il  ne  fut  pas  con- 
voqué par  la  reine  mère  ou  ,  tout  au  moins ,  qu'il  ne  se 
crut  pas  en  sûreté  au  milieu  de  tant  d'ennemis. 

Catherine   fit  pourtant  quelque   chose  pour  les  hu- 


244  HISTOIRE    DES'  PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

o-uenots  de  Provence.  Elle  créa  une  Chambre  neutre 
(28  juillet),  composée  d'un  président,  qui  fut  Jean  de 
Bélièvre,  président  au  Parlement  de  Grenoble,  et  de 
onze  conseillers  du  Parlement  d'Aix,  choisis  parmi  les 
plus  modérés  et  les  plus  capables.  Elle  était  chargée 
de  connaître  des  procès  des  protestants  et  des  diffé- 
rends survenus  pendant  la  guerre  des  rasais  et  des  car- 
cistes.  Mais  comme  la  reine  mère  publia  bientôt  une 
amnistie  générale  du  passé,  cette  Chambre  fut  suppri- 
mée dès  le  13  avril  1580,  sur  les  représentations  du 
Parlement.  «  On  eut  bientôt  lieu  de  s'apercevoir,  »  dit 
Papon ,  «  que  les  besoins  de  la  province  la  rendaient 
nécessaire,  et,  quelques  mois  après,  elle  fut  établie  de 
nouveau  sous  le  nom  de  Chambre  extraite^  parce  qu'elle 
avait  été  tirée  du  corps  du  Parlement  et  subsista  jus- 
qu'au mois  de  juillet  158=5.  » 

Ainsi  se  termina  la  guerre  des  rasais  et  des  carcistes, 
que  nous  n'avons  racontée  que  sommairement  parce 
qu'elle  n'avait  pas  directement  pour  mobile,  comme  les 
guerres  précédentes ,  la  revendication  de  la  liberté  de 
conscience  et  de  culte  (i). 


SEPTIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

(FÉVRIER-26    NOVEMBRE    I  580) 


COURSES    DE    GOUVERNET    EN    PROVENCE    (1580) 


Cette  guerre  reçut  le  nom  de  guerre  des  Amoureux^ 

(1)  Pérussis  dans  d'Aubais  ,  t.  I,  p.  196,  202  ,  205  .  210,  22?  ;  —  Nostrada- 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  245 

parce  que,  selon  quelques  auteurs,  le  roi  de  Navarre 
l'entreprit  à  l'instigation  de  sa  femme  Marguerite,  vive- 
ment irritée  de  ce  que  Henri  III  avait  dénoncé  à  son 
époux  le  prétendu  commerce  adultère  qu'elle  entrete- 
nait avec  Henri  de  La  Tour-d'Auvergne,  vicomte  de 
Turenne,  duc  de  Bouillon.  La  lutte  n'eut  pas  un  grand 
retentissement  en  Provence.  Le  seul  fait  de  guerre  que 
nous   ayons  rencontré   fut  l'occupation   de   Montfroc, 
Saint-Vincent  et  Peipin,  sur  la  lisière  septentrionale  de 
la   Provence ,  par  Gouvernet ,  capitaine   huguenot  du 
Dauphiné,qui,  de  ces  places,  faisait  des  courses  armées 
dans  les  lieux  environnants.  Le  grand  prieur  le  fit  atta- 
quer à  Saint-Vincent  en  septembre  1580  par  d'Ornano 
et  ses  Corses  ;  mais  ceux-ci  ne  parvinrent  point  à  le 
déloger  et  perdirent  quelques  hommes  en  voulant  s'em- 
parer du  moulin  de  la  place.  L'année  suivante,  les  pro- 
cureurs du  pays  furent  obligés  de  lui  compter  vingt-deux 
mille  livres  pour  l'éloigner.  Il  assurait  que  la  Provence 
lui  devait  cette  somme.  Quant  aux  Corses,  après  leur 
échec  sur  Saint-Vincent,  ils  entrèrent  en  Dauphiné  pour 
ravitailler  Tallard ,  que  Lesdiguières ,  chef  des  hugue- 
nots de  cette  province,  tenait  assiégé  depuis  plusieurs 
mois. 

Dans  le  royaume ,  la  paix ,  après  quelques  faits  d'ar- 
mes insignifiants,  fut  conclue  au  Fleix,  en  Périgord,  le 
26  novembre  1580,  grâce  à  l'intervention  des  politiques, 
qui  rapprochèrent  le  roi  de  Navarre  et  le  duc  d'Anjou. 
Henri  III  approuva  le  traité  de  paix  à  Blois  le  26  dé- 
cembre suivant. 


mus,  p.  816  et  suiv.  ;  —  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  665-667;  —  Louvet,  t.  I, 
p.  299-545  ;  —  Pitton,  Histoire  de  la  pille  d'Aix,  p.  294  et  suiv.  ;  ~  Gaufridi, 
t.  Il,  p.  J69-588;  —  Papon,  t.  IV,  p.  211-254  ;  —  Lambert,  t.  I,  p.  509-568. 


246  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ARTICLES  DU  FLEix  (26  novembre  1580).  peste,  mort 

DE    CARCÈS.    RIVALITÉ    DES    CHEFS    PROTESTANTS    DE 
LA    HAUTE    PROVENCE    (1580-1585). 

Les  articles  du  Fleix,  comme  on  les  appelait,  confir- 
mèrent avec  quelques  restrictions  l'édit  de  Poitiers  du 
17  septembre  1577.  Ainsi  Seyne  la  Grand'-Tour  devait 
être  rendue  au  roi  de  France.  La  paix  dura  quatre  ans 
et  demi  (26  novembre  1 580-mars  1585)  et  fut  témoin  de 
la  mort  du  plus  jeune  des  fils  de  Henri  II,  François  de 
France,  d'abord  duc  d'Alençon,  puis  duc  d'Anjou 
(10  février  1 584)  ;  —  du  traité  conclu  à  Joinville  entre 
Philippe  II  d'Espagne  et  la  maison  des  Guises,  stipulant 
qu'au  cas  oia  le  roi  régnant  viendrait  à  mourir  sans  en- 
fants mâle,  le  cardinal  Charles  de  Bourbon,  oncle  du 
roi  de  Navarre,  lui  succéderait,  comme  premier  prince 
du  sang;  —  enfin  des  progrès  croissants  de  la  Ligue, 
qui  établit  son  siège  à  Paris  même  et  à  la  merci  de  la- 
quelle se  mit  le  faible  Henri  III  par  le  traité  de  Ne- 
mours, du  7  juillet  1585,  qui  défendait,  sous  peine  de 
mort,  l'exercice  de  la  religion  réformée  en  France  et 
donnait  un  mois  aux  ministres  pour  sortir  du  royaume  et 
six  à  leurs  ouailles. 

S'il  ne  se  livra  pas  de  combats  en  Provence  pendant 
ce  temps,  il  s'y  commit  néanmoins  de  grands  désordres 
à  la  faveur  de  la  désorganisation  et  de  l'effroi  que  causa 
l'affreuse  peste  de  juillet  1580  à  août  1581.  Le  grand 
prieur  y  remédia  le  mieux  qu'il  put.  Il  fit  le  tour  de  la 
province,  emmenant  avec  lui  des  commissaires  pour 
informer  sur  les  délits  et  rétablir  l'ordre  et  l'autorité  de^ 
la  justice. 

C'est  pendant   cet   intervalle  de  paix   que  Jean  de 
Pontevés ,  comte  de  Carcès,  mourut  dans  sa  terre  de 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  247 

Flassans ,  à  trois  lieues  de  Brignoles  ,  à  l'âge  soixante 
et  dix  ans  (20  avril  1582).  Ce  fut  un  général  médiocre, 
quoique  courageux  ;  mais  il  était  doué  d'un  grand  dis- 
cernement et  d'une  habileté  rare  à  manier  les  hommes. 
Bien  fait  de  sa  personne,  actif,  constant  dans  l'adver- 
sité, fidèle  à  son  parti,  froid  et  circonspect,  il  eût  pu 
exercer  une  influence  bienfaisante  dans  sa  province  ; 
mais  son  ambition,  plus  encore  que  son  fanatisme,  ne 
connut  point  de  bornes  et,  pour  la  satisfaire,  il  ne  crai- 
gnit pas  de  verser  des  torrents  de  sang  et  de  laisser 
commettre  des  dévastations  innombrables. 

Les  huguenots  de  Provence ,  soit  par  lassitude  soit 
par  faiblesse ,  n'avaient  pas  pris  les  armes  pendant  la 
septième  guerre  de  religion.  Durant  la  paix,  ils  eurent 
à  souffrir  des  rivalités  de  leurs  chefs  respectifs.  Il  ne 
leur  restait  comme  places  fortes  que  Seyne  (i)  et  La 
Bréole,  situées  dans  la  haute  Provence,  et  c'est  là  que 
de  fâcheuses  compétitions  faillirent  les  mettre  aux  prises 
les  uns  avec  les  autres.  Trois  chefs  aspiraient  au  com- 
mandement :  Bougarelly ,  sieur  de  Vachères ,  gouver- 
neur de  Seyne  par  commission  du  roi  de  Navarre , 
homme  impatient  et  grossier  ;  Jacques  de  Besse  dit  La 
Bréole,  un  des  plus  braves  et  des  plus  vieux  capitaines 
de  son  temps,  et  Du  Collet,  le  plus  habile  et  le  plus 
intrigant  des  trois.  Ils  s'étaient  approvisionnés  d'armes 
et  de  chevaux  en  Piémont  et  en  seraient  venus  aux 
mains  sans  l'intervention  de  Le^diguières,  qui  se  rendit 
au  milieu  d'eux  à  la  fin  de  l'année  1 584  et  les  réconcilia 
par  l'accord  suivant.  Il  donna  à  Bougarelly  le  comman- 
dement de  l'infanterie,  à  Du  Collet  celui  de  la  cavalerie 
et  de  toutes  les  troupes  qu'on  mettrait  aux  champs ,  et 


(i)  Cette  ville  d'otage  ,  qui  aurait  dû  être  restituée  au  roi ,  comme  on  l'a 
vu  plus  haut,  ne  le  fut  point. 


248  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

à  Arnaud  d'Entrevennes,  le  neveu  du  célèbre  Mauvans, 
celui  des  arquebusiers  à  cheval.  Bougarelly  garda,  en 
outre,  le  gouvernement  de  Seyne.  Quant  au  capitaine 
La  Bréole,  il  obtint  pour  la  défense  du  château  de  ce 
nom ,  qui  était  sa  propriété  personnelle ,  cent  hommes 
de  pied  et  douze  maîtres  (i). 

Nous  trouvons,  pour  cette  époque,  dans  un  cahier 
général  de  plaintes  des  Eglises  réformées,  présenté  au 
roi  en  1583  (2),  qu'un  sieur  d'Agulla,  relevant  de  l'au- 
torité de  l'archevêque  d'Aix,  et  un  sieur  de  Salles,  re- 
levant de  celle  de  Louis  François  d'Adhémar,  comte  de 
Grignan ,  furent  l'objet,  au  mépris  des  édits ,  de  vexa- 
tions diverses  de  la  part  de  leurs  seigneurs  respectifs. 


HUITIÈME  GUERRE  DE  RELIGION 

(août  M  585-13    NOVEMBRE    1)86) 


DE    VINS,   CHEF  DE  LA   LIGUE   EN    PROVENCE.   NAISSANCE 
DU    PARTI   DES    «    BIGARRATS   »    (1585). 

Hubert  de  Garde,  sieur  de  Vins,  succéda  à  son  oncle 
Carcès  comme  chef  du  parti  catholique  en  Provence. 
Ses  exploits  pendant  les  guerres  précédentes  avaient 
révélé  ses  talents  militaires  et  son  habileté  à  manier  les 
hommes.  Les  Guises  le  choisirent  pour  leur  lieutenant. 
Le  titre  de  chef  de  la  Ligue  fut,  il  est  vrai,  dévolu  à  son 


(i)  Pérussis  dans  d'Aubais,  t,  I,  p.  252  ;  —  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  67Ô- 
679;  —  Gaufridi,  t.  II,  p.  588-598;  —  Papon,  t.  IV,  p.  245,  246;  —  Lambert, 
t.  I,  p.  395.  394- 

(2)  Du  Plessis-Mornay,  Mémoires,  t.  II,  p.  320  et  suiv. 


LES   GUERRES    DE    RELIGION. 


249 


beau-père,  François-Louis  d'Agoult,  comte  de  Sauit, 
car  ce  dernier  appartenait  à  une  plus  haute  et  plus  an- 
cienne noblesse  que  son  gendre,  qui  était  le  petit-fils 
d'un  foureur  de  Brignoles,  mais  il  fut  l'âme  et  le  bras  de 
la  Ligue  en  Provence.  Le  grand  prieur,  à  force  de  pré- 
venances et  de  soins,  était  parvenu  à  réconcilier  la  no- 
blesse; de  Vins,  par  son  fanatisme  et  son  ambition,  la 
divisa  de  nouveau.  Il  était,  du  reste,  parent  de  la  femme 
de  Charles  de  Lorraine,  duc  de  Mayenne,  le  frère  du 
duc  de  Guise,  et  mécontent  de  Henri  III,  à  qui  il  avait 
sauvé  la  vie,  au  péril  de  la  sienne,  sous  les  murs  de  La 
Rochelle,  et  qui  ne  l'en  avait  pas  récompensé  assez 
grandement.  Il  «  avait  un  démon  charmant,  »  ajoute 
Nostradamus,  «  quoiqu'il  ne  fût  ni  large  ni  libéral  de  sa 
nature,  auquel  on  ne  pouvait  résister  quand  il  déployait 
sa  parole  et  sa  langue.  On  ne  pouvait  lui  faire  faire  un 
pas  de  clerc  ni  le  trouver  endormi.  » 

Il  n'attendit  pas,  pour  entrer  en  campagne,  le  com- 
mencement de  la  huitième  guerre  de  religion,  qui 
n'éclata  guère  qu'en  août  dans  l'intérieur  du  royaume. 
Dès  les  premiers  mois  de  l'année  1585,  deux  de  ses 
partisans  s'emparèrent  de  Colmars  et  de  Lançon.  Lui- 
même  dissimula,  quand  le  Parlement  lui  fit  demander, 
en  mars,  le  parti  qu'il  comptait  prendre  dans  la  lutte  qui 
paraissait  devoir  commencer,  mais  c'était  pour  mûrir  son 
plan.  Il  avait,  en  effet,  projeté  de  s'emparer  du  Puech, 
près  d'Aix,  pour  tenir  cette  ville  en  respect,  et  de  Sis- 
teron,  pour  dominer  la  vallée  de  la  Durance,  pendant 
que  le  fougueux  ligueur  Louis  de  La  Motte  dit  Dariez, 
deuxième  consul  de  Marseille,  ferait  soulever  cette  po- 
puleuse cité  en  faveur  de  la  Ligue,  en  l'absence  du  pre- 
mier consul,  Antoine  d'Arène,  député  pour  lors  à 
Paris  avec  Spinassi,  un  de  ses  collègues. 
Ce  plan,  il  est  vrai,  échoua,  mais  l'audace  de  Vins 


2^0  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

n'en  fut  pas  diminuée.  Le  3  avril,  il  lança  un  manifeste 
où  il  déclarait  que  lui  et  ses  amis  prenaient  les  armes 
au  nom  du  duc  de  Guise  pour  défendre  la  religion  ca- 
tholique ,  parce  que  le  roi ,  dominé  par  ses  mignons , 
laissait  péricliter  cette  religion  en  même  temps  que  son 
royaume,  et,  sur  Theure,  montant  à  cheval,  il  s'empara 
de  Puimoisson  ,  Saint-Paul-lès-Durance ,  Ansouis ,  La 
Tour-d'Aigues,  la  Motte-d'Aigues  et  autres  lieux. 

Les  Provençaux,  qui  refusèrent  de  s'enrôler  sous  ses 
drapeaux,  furent  traités  de  bigarrais  par  ses  partisans, 
qui  entendaient  railler  par  là  ce  qu'ils  appelaient  la  bi- 
garrure religieuse  et  politique  des  sujets  restés  fidèles 
au  roi. 

Quinze  jours  auparavant  (19  mars),  le  duc  de  Guise 
avait  envoyé  au  Parlement  le  manifeste  de  la  Ligue,  oia 
le  cardinal  Charles  de  Bourbon,  l'oncle  du  roi  de  Na- 
varre, prenait  le  titre  de  premier  prince  du  sang,  re- 
commandait aux  Français  de  maintenir  la  couronne  de 
France  dans  la  branche  catholique,  et  déclarait  que  «  le 
service  de  Dieu  serait  en  péril  tant  que  la  religion  pré- 
tendue réformée  ne  serait  pas  entièrement  abolie  et  ex- 
clue de  la  France.  »  Le  Parlement,  pour  l'heure,  ne  se 
laissa  pas  convaincre,  et,  par  son  arrêt  du  17  avril,  dé- 
clara que  tous  ceux  qui,  sans  une  commission  particu- 
lière et  sans  avoir  obtenu  la  permission  expresse  du 
roi,  prendraient  les  armes  ,  seraient  regardés  et  traités 
comme  perturbateurs  du  repos  public. 

RÉVOLTE    DE    DARIEZ    A    MARSEILLE    (1585). 

Dariez  tint  parole  à  de  Vins.  Le  8  avril,  après  avoir 
mandé  au  grand  prieur  que  Marseille  se  déclarait  pour 
le  Roi  des  rois,  il  se  saisit  du  fort  de  Notre-Dame,  réu- 
nit ses  partisans  à  l'hôtel  de  ville ,  et  leur  fit  signer  une 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  2,1 

adresse  à  de  Vins,  où  ils  l'engageaient  à  venir  vers  eux, 
et  l'assuraient  que  «  la  ville  de  Marseille  avait  pris  le 
parti  découvertement  de  Dieu  et  de  l'Etat  pour  faire 
entièrement  profession  de  la  foi  catholique.   » 

Le  jour  suivant  (9  avril),  à  l'entrée  de  la  nuit,  le  capi- 
taine Claude  de  Boniface  dit  Cabane,  complice  de  Da- 
riez  ,  fît  assassiner  son  propre  frère  Jean  de  Boniface, 
trésorier  général  de  France,  pour  avoir  ses  biens.  Les 
deux  misérables  heurtèrent  à  sa  porte,  «  disant  qu'ils 
avaient  là  un  paquet  de  lettres  de  monseigneur  le  grand 
prieur  audit  sieur  général  Boniface ,  qu'ils  lui  voulaient 
donner.  Ledit  sieur  Boniface  descend  à  la  porte,  sa 
femme  portant  la  chandelle  avec  lui.  Le  consul  Dariez, 
qui  n'était  lors  accompagné  que  du  capitaine  Boniface 
et  de  deux  autres,  baisa  le  paquet,  et,  en  le  donnant  au- 
dit général,  lui  dit  qu'il  exécutât  le  contenu.  Mais  c'était 
le  mot  du  guet  donné  aux  meurtriers  qui  l'accompa- 
gnaient pour  le  tuer,  car  aussitôt  ils  se  jettèrent  sur  lui 
et  le  tuèrent  à  coups  d'épée  et  de  dague,  et  le  capitaine 
Boniface  frère  monta  à  la  maison  pour  se  rendre  le 
maître  et  piller  (i).  »  Cela  fait,  Dariez  et  Boniface,  sui- 
vis de  leurs  partisans,  allèrent  incontinent  fouiller  toutes 
les  maisons  des  huguenots  et  jetèrent  ceux  qu'ils  ren- 
contrèrent, soit  dans  la  tour  Saint-Jean,  soit  dans  les 
prisons  ordinaires  de  la  ville. 

«  Le  lendemain  (io  avril),  »  dit  Ruffi  (2),  «  Dariez  fit 
publier  à  son  de  trompe  que  chacun  eût  à  porter  sur 
son  chapeau  une  croix  blanche ,  et  à  révéler  ceux  qui 
étaient  entachés  de  calvinisme ,  à  peine  de  trois  traits 
de  corde.  Pour  faire  exécuter  cette  ordonnance,  il  s'en 
allait  dans  la  ville  avec  son  chaperon ,  suivi  de  Claude 


(i)  Histoire  véritable  de  la  prlnse  de  Marseille. 
(2)  Hist.  de  la  ville  de  Marseille. 


252  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

de  Boniface,  du  capitaine  du  corps  de  la  ville,  de 
Charles  de  Casaulx  et  autres  mauvais  garçons,  et  faisait 
battre  ou  emprisonner  tous  ceux  qui  ne  portaient  pas  la 
croix  suivant  son  ordre.  »  Ces  violences  furent  suivies 
du  massacre  de  deux  religionnaires  :  un  revendeur, 
nommé  Chieusse,  et  un  vieillard  septuagénaire,  du  nom 
de  Clavier.  Dariez  les  livra  au  peuple ,  qui  traîna  leur 
corps  par  toute  la  ville,  et  les  jeta  par-dessus  les  mu- 
railles du  côté  de  Téglise  Majeure. 

Le  quatrième  jour  de  sa  révolte  (i  i  avril),  Dariez  fit 
faire  de  nouvelles  criées  plus  fulminantes  que  les  autres, 
portant  défense  de  receler  les  hérétiques,  à  peine  de  la 
corde;  puis^  tirant  de  la  tour  Saint-Jean  un  emballeur 
nommé  Antoine,  il  le  livra  au  peuple,  qui  le  mena  jus- 
qu'aux plus  hautes  murailles  de  l'Amiradour,  pour  le 
précipiter.  »  Ce  pauvre  misérable,  »  dit  encore  Ruffi, 
((  roula  jusqu'au  rivage  de  la  mer,  et,  se  sentant  encore 
un  peu  de  vie ,  voulut  tâcher  de  se  sauver  ;  mais  en  se 
relevant,  il  vit  deux  hommes  qui  descendaient  de  la  mu- 
raille pour  l'achever,  et  alors,  voyant  qu'il  n'y  avait  aucun 
moyen  d'échapper,  il  les  conjura  de  le  faire  prompte- 
ment  mourir,  ce  que  les  assassins  firent  aussitôt.  » 

Le  même  jour,  Dariez  convoqua  une  assemblée  gé- 
nérale à  l'hôtel  de  ville,  oij  cinq  cents  chefs  de  famille 
se  rendirent.  Un  des  plus  influents,  Nicolas  de  Beaus- 
set,  lui  ayant  demandé  raison  de  sa  conduite,  il  répondit 
qu'il  avait  reçu  des  ordres  supérieurs ,  et  ajouta  qu'il 
avait  fait  emprisonner  les  huguenots  parce  qu'ils  vou- 
laient s'emparer  de  la  ville,  et  que  le  peuple,  irrité  à  bon 
droit  contre  eux,  en  avait  arraché  quelques-uns  des  mains 
des  soldats  et  les  avait  mis  à  mort.  Sur  cette  réponse, 
l'assemblée  fut  comme  frappée  de  stupeur,  et  nul  n'osa 
proférer  aucune  plainte. 

Son  audace,  dès  lors,  ne  connut  plus  de  borne.  Le 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  2^3 

lendemain  (12  avril),  une  masse  populaire  se  réunit  aux 
abords  de  l'hôtel  de  ville  en  poussant  des  cris  de  mort 
contre  les  huguenots  et  leurs  alliés  les  bigarrats.  Ces 
derniers  se  répandirent  dans  les  rues  affolés  de  terreur, 
mais  l'un  d'eux,  François  Bouquier,  qui  jouissait  d'une 
influence  considérable  dans  la  cité ,  à  ce  point  qu'il  fai- 
sait et  défaisait  les  consuls  à  son  gré ,  releva  leur  cou- 
rage ,  et ,  suivant  les  ordres  qu'il  avait  reçus  du  grand 
prieur,  organisa  la  résistance.  Jusque-là  les  protestants 
n'avaient  pas  eu  à  se  louer  de  lui,  et  il  leur  inspirait  une 
telle  crainte,  qu'ils  s^étaient  réfugiés  en  masse  dans  l'ab- 
baye de  Saint-Victor,  dès  qu'ils  avaient  connu  ses  plans  ; 
mais  il  alla  les  trouver,  leur  promit  son  concours  et  les 
enrôla  dans  son  parti.  Dariez,  averti  des  dispositions  pri- 
ses par  Bouquier,  se  met  aussitôt  à  sa  poursuite  à  la  tête 
d'une  compagnie  de  ligueurs.  Ce  dernier,  n'attendant 
pas  d'être  attaqué,  va  au-devant  de  Dariez,  se  jette  sur 
ses  gens  et  les  met  en  déroute.  Il  faisait  nuit  noire.  Le 
consul  et  son  acolyte  Boniface  se  réfugient  dans  le  quar- 
tier de  Saint-Jean,  oij  ils  espèrent  faire  leur  jonction 
avec  deux  cents  soldats  tirés  des  quatre  galères,  que  le 
duc  de  Toscane  avait  envoyées  à  Marseille  pour  soute- 
nir l'insurrection;  mais,  au  lieu  de  cela,  ils  se  heurtent 
à  cinq  cents  habitants  qui  se  dirigeaient  sur  l'hôtel  de 
ville  pour  appuyer  Bouquier.  Se  voyant  perdus,  les  deux 
chefs  ligueurs  abandonnent  leurs  troupes  pour  s'embar- 
quer, mais,  serrés  de  près  par  leurs  adversaires,  ils  sont 
bientôt  faits  prisonniers. 

Cependant  le  grand  prieur  s'était  hâté  de  partir  pour 
Marseille  dès  qu'il  avait  connu  la  gravité  de  l'émeute. 
Il  arriva  aux  portes  de  la  ville  le  même  jour  (12  avril),  à 
onze  heures  du  soir,  avec  deux  cents  cavaliers  et  une 
chambre  de  justice.  Il  se  rendit  sur  l'heure  à  l'hôtel  de 
ville,  où  siégeaient  en  permanence  Bouquier  et  ses  amis, 


254  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

et  sauta  au  cou  du  libérateur  en  s'écriant  :  «  Mon  ami, 
vous  avez  gagné  une  bataille  au  roi.  »  Il  fit  ensuite  re- 
lâcher tous  les  religionnaires  et  alla  aux  prisons  avec  la 
chambre  de  justice,  qui,  sans  désemparer,  condamna  à 
mort  Dariez  et  Boniface  comme  traîtres  et  meurtriers. 
L'exécution  eut  lieu  le  lendemain  (13  avril),  à  minuit, 
pour  éviter  l'éclat.  Dariez  fut  loin  de  mourir  en  héros. 
Il  se  rétracta  en  couvrant  le  grand  prieur  de  flatteries, 
dans  l'espoir  de  sauver  sa  tête,  et  colora  sa  révolte  du 
prétexte  calomnieux  que  les  huguenots  avaient  conçu  le 
projet  de  s'emparer  de  la  ville.  Quant  à  Boniface,  il 
mourut  plus  lâchement  encore. 

Après  ces  événements,  le  grand  prieur  fit  publier  à 
Marseille  et  dans  toute  la  Provence  qu'on  eût  à  «  tenir 
ceux  de  la  religion  en  paix  et  sûreté.  »  Il  écrivit  aussi  à 
Guy-Paul  de  Châtillon ,  comte  de  Laval ,  qui  était  à  la 
tête  des  protestants  du  Languedoc ,  que  ces  derniers 
n'eussent  pas  à  s'alarmer  de  l'entreprise  de  Dariez,  parce 
qu'il  veillait  à  ce  que  les  articles  du  Fleix  (ils  étaient  en- 
core en  vigueur),  fussent  respectés  dans  son  gouverne- 
ment, où  ceux  de  la  religion  étaient  «  tranquilles  par- 
tout. )) 

Les  pièces  du  temps  établissent  que  l'insurrection  de 
Marseille  fut  plus  qu'un  mouvement  ligueur,  et  que  Louis 
de  Gonzague,  duc  de  Nevers,  beau-frère  du  duc  de 
Guise,  qui  s'était  avancé  jusqu'à  Avignon,  comptait,  si 
le  complot  de  Dariez  avait  réussi,  en  retirer  un  avantage 
personnel  en  s'emparant  du  gouvernement  de  la  Pro- 
vence à  la  place  du  grand  prieur.  C'est  dans  ce  but  qu'il 
avait  fait  venir  les  quatre  galères  toscanes  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  et  qui  n'étaient  destinées,  disait-il, 
qu'à  le  protéger  contre  les  pirates,  dans  le  voyage  qu'il 
se  disposait  à  faire  en  Italie,  pour  prendre  les  bains  de 
Lucques. 


LES    GUERRES    DE   RELIGION.  255 

Dès  que  le  roi  connut  la  répression  du  mouvement 
de  Dariéz  ,  il  en  informa  les  principaux  dignitaires  ec- 
clésiastiques et  gentilshommes  des  provinces  et  les  ha- 
bitants des  villes,  en  leur  représentant  que  la  religion 
catholique  ne  pouvait  être  restaurée  et  le  peuple  sou- 
lagé si  la  guerre  présente  continuait.  Il  les  engageait 
par  suite  à  lui  demeurer  fidèles  ,  à  se  séparer  de  toute 
ligue ,  à  recourir  à  sa  protection  et  à  travailler  à  la  con- 
servation de  l'Eglise  catholique,  car  les  fauteurs  des 
troubles  actuels  emprisonnaient ,  rançonnaient ,  tuaient 
et  saccageaient  ses  sujets  «  tant  catholiques  que  au- 
tres (i).  » 

Henri  III  était  dans  la  salle  du  Louvre  quand  il  apprit 
l'heureuse  issue  de  l'insurrection  de  Dariez.  Apercevant 
dans  la  foule  les  députés  de  Marseille,  d'Arène  et  Spi- 
nassi ,  il  leur  dit  :  «  Mes  amis,  je  vous  accorde  ce  que 
vous  m'avez  demandé  et  davantage  s'il  est  besoin.  Ma 
libéralité  ne  suffira  jamais  pour  reconnaître  votre  fidé- 
lité ;  »  et  peu  après  il  écrivit  au  conseil  municipal  une 
lettre  pleine  de  bienveillance  et  d'éloges  (2). 

ENTRÉE    TARDIVE    DU     GRAND     PRIEUR    EN     CAMPAGNE. 
ÉDIT    DU     18    JUILLET     I585. 

Le  grand  prieur  ne  montra  pas  assez  de  résolution 
au  début  de  cette  nouvelle  guerre,  qu'avec  plus  de 
promptitude  il  aurait  peut-être  comprimée.  Il  n'entra  en 
campagne  que  le  1 5  mai.  Il  disposait  de  deux  régiments, 
Champagne  et  Corse  ,  et  de  six  mille  hommes  de  mi- 
lice, dont  il  donna  le  commandement  aux  chefs  bigar- 


(i)  Lettres  du  roy  envoyées  à  M.  du  Bouchaige,...  sur  l'enircprise  de  la  ville 
de  Marseilles  en  Provence,  1565. 
(2)  Fabre,  Hist.  de  Marseille,  t.  II,  p.  112-121. 


256  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

rats,  le  comte  de  Grignan ,  le  baron  d'Oraison,  Puget 
de  Saint-Marc  et  autres.  Les  ligueurs  ,  qui  avaient 
réuni  depuis  le  manifeste  du  3  avril  deux  mille  arquebu- 
siers et  cinq  cents  chevaux  ,  commandés  par  le  comte 
de  Sault,  de  Vins  et  autres,  n'acceptèrent  pas  le  combat 
et,  reculant  toujours,  finirent  par  se  réfugier  en  Dau- 
phiné.  Le  grand  prieur  et  les  chefs  huguenots ,  qui 
s'étaient  joints  à  lui  ,  auraient  été  d'avis  de  le  poursui- 
vre, mais  les  chefs  bigarrais  et  les  procureurs  du  pays , 
chargés  de  l'approvisionnement  de  l'armée,  ne  voulurent 
pas  y  consentir.  Le  grand  prieur  se  vit  donc  obligé  de 
revenir  sur  ses  pas,  et  il  s'arrêta  à  Sisteron. 

De  Vins  mit  à  profit  cette  faute.  Par  une  habile  diver- 
sion il  attira  les  deux  régiments  du  grand  prieur  à  Vau- 
meilh,  qu'il  avait  fait  occuper  par  quelques  soldats,  et, 
à  la  faveur  de  ce  siège,  il  pénétra  en  Provence  d'un 
autre  côté  avec  son  infanterie  et  descendit  dans  la  vi- 
guerie  de  Draguignan ,  pendant  que  le  comte  de  Sault 
avec  la  cavalerie  faisait  son  entrée  en  Provence  par  le 
comté  de  ce  nom. 

C'est  à  ce  moment  que  parut  l'unique  édit  du  18  juil- 
let 1585 ,  qui  était  la  reproduction  des  clauses  du  traité 
de  Nemours  ,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut ,  et  qui 
réconcilia  pour  un  temps  ,  extérieurement  du  moins  , 
Henri  III  avec  le  duc  de  Guise.  La  ville  d'Aix ,  qui 
était  dévouée  à  la  Ligue ,  reçut  l'édit  avec  une  grande 
joie  et  le  Parlement,  qui  au  début  des  hostilités,  s'était 
montré  plus  modéré,  l'enregistra  avec  empressement  en 
présence  du  grand  prieur  (30  juillet).  Il  fit  même  davan- 
tage. Comme  il  y  avait  beaucoup  de  huguenots  à  Aix  , 
dont  les  uns  pratiquaient  leur  religion  ouvertement  et 
les  autres  en  secret ,  il  ordonna  à  tous  les  avocats  et  of- 
ficiers de  justice ,  aux  bourgeois  et  à  tous  les  corps  de 
métier,  de  prêter  un  serment  de  catholicité.  Quelques 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  2^7 

avocats  et  procureurs,   qui  craignaient  de  perdre  leurs 
charges,  eurent  la  faiblesse  d'abjurer. 

LE  BARON  d'aLLEMAGNE  NOMMÉ  GÉNÉRAL  DES  ÉGLI- 
SES RÉFORMÉES  DE  PROVENCE.  SON  ÉCHEC  SUR 
CASTELLANE  AVEC  LESDIGUIÈRES.  EXPÉDITIONS  DI- 
VERSES DES  HUGUENOTS  ET  DES  ((  BIGARRATS  » 
(1585-I586). 

L'édit  de  juillet  remplit  les  huguenots  de  crainte  et 
de  colère,  car  il  détruisait  d'un  trait  de  plume  les  droits 
sacrés  qu'ils  avaient  conquis  sur  maints  champs  de  ba- 
taille au  prix  du  plus  pur  de  leur  sang.  Le  roi  de  Na- 
varre écrivit  à  cette  occasion  une  lettre  singulière  aux 
chefs  de  son  parti  en  Provence.  Tout  en  les  prévenant 
qu'il  les  informera  du  jour  où  ils  devront  prendre  les  ar- 
mes, il  se  plaint  de  ce  que  ses  ennemis  le  traitent 
d'hérétique,  qualification  impropre,  qui  ne  convient 
qu'à  celui  qui  se  choisit  sa  religion  lui-même  et  qui  y 
persévère  contre  l'évidence  du  mauvais  choix  qu'il  a 
fait.  «  Quant  à  lui ,  »  ajoute-t-il ,  «  il  suit  la  doctrine 
dans  laquelle  ses  parents  l'ont  élevé  ;  disposé  néanmoins, 
s'il  est  dans  l'erreur,  à  la  reconnaître  et  à  l'abjurer  dès 
qu'on  la  lui  aura  montrée  :  ce  que  l'on  n'a  point  fait  en- 
core jusqu'ici ,  oii  l'on  a  plutôt  cherché  à  le  détruire 
qu'à  l'instruire.  »  On  voit,  par  ces  lignes,  que  le  Béarnais 
n'était  pas  un  croyant  bien  affermi  et  qu'à  un  moment 
donné ,  quand  son  intérêt  parlera  plus  haut  que  sa  reli- 
gion ,  il  saura  faire  le  saut  périlleux. 

Ce  fut  dans  sa  terre  du  Luc,  oij  il  s'était  retiré  après 
la  publication  de  l'édit  de  juillet,  que  la  baron  d'Alle- 
magne reçut  une  copie  de  la  lettre  du  roi  de  Navarre 
et,  peu  après,  l'ordre  de  prendre  les  armes.  Il  convo- 

17 


258  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

qua  aussitôt  à  Seyne  les  délégués  de  toutes  les  compa- 
gnies  qui  tenaient  garnison  dans   la  haute  Provence, 
leur  représenta  les  sinistres  projets  de  la  Ligue,  leur  fit 
comprendre  la  nécessité  de  ne  pas  morceler  le  com- 
mandement et  multiplier  les    expéditions   isolées ,   qui 
avaient  fait  tant  de  mal  à  la  cause  ,  et  leur  proposa  de 
nommer  un  général  des  églises  réformées  de  Provence. 
Le  baron  fut  élu  à  l'unanimité  ,  et  distribua  sur  l'heure 
à  ses  compagnons  d'armes  les  revenus  ecclésiastiques 
des  vigueries  de  Seyne,  Digne  et  Sisteron,  en  leur  re- 
commandant expressément   de   ne  «   toucher  aucune- 
ment aux  meubles  de  l'église  ni  à  la  personne  du  prêtre, 
sinon  qu'il  fût  trouvé  combattant  avec  armes.  »  Il  fit  en- 
suite fortifier  Seyne  ,  dont  il  confia  le  commandement  à 
Du  Collet,  ce  qui  mécontenta  fort  Bougarelly,  et  arma 
les  châteaux  du   Poil  et  d'Espinouse;  puis,   méditant 
une  entreprise  sur  Castellane ,  il  écrivit  à  Du  Collet  de 
lui  amener  ses  troupes.  En  passant  près  de  Digne  ,  ce 
dernier  aperçoit  deux  cents   habitants  de   la  ville   qui 
viennent  en  armes  à  sa  rencontre.  Il  fait  aussitôt  des- 
cendre de  cheval  quelques  arquebusiers  pour  leur  tenir 
tête,  pendant  qu'il  se  met  en  devoir  de  les  tourner  avec 
ses  cavaliers  ;  mais  il  se  trompe  de  route  et  ses  arque- 
busiers, n'étant   pas   soutenus,    sont   obligés   de  fuir. 
Il   arrive    enfin,    trouve    les    Dignois   retranchés    dans 
les  rochers,  tente  sans  succès  de  les  débusquer  et  re- 
çoit une  balle  qui  le  décide  à  donner  l'ordre  de  la  re- 
traite. 

Le  baron  d'Allemagne  ne  se  laissa  pas  abattre  par  ce 
premier  échec.  Sentant  néanmoins  la  nécessité  d'être 
secouru  ,  il  alla  en  Dauphiné  solliciter  l'appui  de  son 
cousin  Lesdiguîères,  dont  la  femme,  Françoise  de  Cas- 
tellane, appartenait,  comme  sa  mère,  à  la  grande  fa- 
mille de  ce  nom.  Le  célèbre  capitaine,  accompagné  de 


LES    GUERRES   DE    RELIGION.  2^9 

son  lieutenant  Gouvernet,  fit  sa  jonction  à  Ribiers  avec 
son  parent.  Il  commandait  à  deux  cents  maîtres  et  à  au- 
tant d'arquebusiers  à  cheval,  et  le  baron  à  soixante 
maîtres  et  à  cent  arquebusiers  également  à  cheval.  Ils 
traversèrent  ensemble  la  Durance  aux  Mées,  campèrent 
à  Barrème  (28  janvier  1 586),  et  le  lendemain  ils  étaient 
au  point  du  jour  sous  les  murs  de  Castellane ,  qu'ils 
eussent  peut-être  surpris  si  une  pauvre  femme  ,  qui  ra- 
massait du  bois  sur  une  colline ,  ne  les  eût  aperçus  de 
loin  et  n'eut  donné  l'alarme  dans  la  ville.  Voyant  qu'ils 
étaient  découverts  ,  le  prudent  Lesdiguières  ne  voulut 
pas  se  ranger  à  l'avis  du  baron  d'Allemagne  ,  qui  vou- 
lait forcer  sur  l'heure  une  des  portes  de  la  ville  dans  la 
persuasion  que  ses  partisans  du  dedans  feraient  un 
mouvement  en  sa  faveur,  et  l'armée  se  retira  à  une  cer- 
taine distance. 

Le  lendemain  ,  après  avoir  concerté  leur  plan  d'atta- 
que ,  les  deux  capitaines  investirent  la  place  et  tirèrent 
des  coups  d'arquebuse  sur  les  assiégés,  pendant  que  des 
pétards  étaient  cloués  à  une  des  portes  de  la  ville;  mais 
ces  engins  ne  produisirent  pas  l'effet  attendu ,  parce 
que  les  assiégés  avaient  eu  la  précaution  de  construire 
des  murs  en  pierres  sèches  derrière  leurs  portes.  Un 
pétardier  même  fut  tué  et  l'armée  s'éloigna  une  se- 
conde fois.  Le  soi^  eut  lieu  un  conseil  de  guerre  ora- 
geux. Lesdiguières  reprocha  à  son  cousin  de  l'avoir  in- 
duit en  erreur  sur  les  dispositions  de  Castellane  et  son 
état  de  défense,  qui  s'était  considérablement  amélioré 
depuis  trente  ans  que  la  ville  s'attendait  à  un  siège  ,  et 
opina  pour  la  retraite.  Le  capitaine  provençal  voulait  au 
contraire  tenter  un  assaut  général,  mais  l'avis  de  Lesdi- 
guières prévalut  et  l'armée  décampa  le  lendemain 
(31  janvier  1586),  au  milieu  des  récriminations  et  des  in- 
jures que  s'adressèrent  mutuellement   les  soldats   des 


26o  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

deux  chefs.  Il  paraît  même  qu'ils  en  vinrent  aux  mains 
dans  la  plaine  de  Cheiron  (i). 

La  petite  armée  huguenote  se  saisit  de  Barrème  , 
Mezel  et  Volone.  Là,  elle  se  sépara.  Le  baron  tira  sur 
Seyne  par  Sourribes,  Vilhosc  et  Saint-Geniès,  pendant 
que  Lesdiguières ,  marchant  sur  Sisteron ,  tenait  en 
échec  un  jour  durant  la  garnison  de  cette  place  ,  dont 
une  sortie  était  à  craindre.  Malheureusement  le  baron 
fut  en  retard  de  vingt-quatre  heures  avec  sa  troupe ,  de 
telle  sorte  que  Lesdiguières  étant  déjà  loin  ,  quelques 
soldats  de  Sisteron  sortirent  pour  harceler  les  soldats 
provençaux ,  qui  étaient  obligés  de  marcher  en  file  à 
cause  de  l'étroitesse  du  chemin.  Si  le  gouverneur  Biaise 
d'Estaignon  avait  emmené  plus  d'hommes  avec  lui  et 
eût  montré  plus  d'habileté  et  d'audace,  le  baron  aurait 
couru  de  grands  dangers  ,  car  il  était  loin  à  la  fois  de 
son  avant-garde  ,  déjà  logée  à  Saint-Geniès  ,  du  gros 
de  sa  troupe  qui  venait  d'entrer  à  Vilhosc ,  et  de  son 
arrière-garde,  qui  se  trouvait  encore  dans  la  plaine  de 
la  Durance.  Un  soldat  corse  s'approcha  même  très 
près  de  lui  et  le  visa  avec  son  arquebuse;  mais  heureu- 
sement le  coup  ne  partit  pas  et  Allemagne  lui  fendit  le 
crâne  d'un  coup  de  son  épée.  Arnaud  d'Entrevennes  , 
qui  commandait  l'arrière-garde ,  entendant  sonner  à 
l'étendard  et  le  bruit  de  la  fusillade,  arriva  avec  ses  hom- 
mes à  bride  abattue  et  délivra  le  baron,  qui  n'avait 
autour  de  lui  que  cinq  ou  six  maîtres  et  leurs  valets. 
Estaignon  se  sauva  au  haut  de  la  montagne,  mais,  ren- 
contrant le  capitaine  La  Brèole,  qui  commandait  le  gros 
de  la  troupe  et  qui,  ne  voyant  pas  venir  le  général 
en  chef,  avait  quitté  Vilhosc  pour  aller  à  sa  rencontre, 
il  s'enfuit  rapidement  et  rentra  dans  Sisteron. 

(i)  Lamenei,  Hist.  de  Castcllane,  p.  504. 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  261 

Quelque  temps  après ,  le  capitaine  huguenot  Scipion 
de  Villeneuve,  sieur  d'Espinouse,  parcourut  le  pays  au 
nord  de  la  Durance  et  s'empara  de  Grambois.  Le  bi- 
garrât Jean  de  Brancas,  baron  de  Céreste ,  assiégea 
sans  succès  Apt,  et  un  autre  bigarrât,  Jean-Baptiste 
Rascas,  sieur  Du  Muy,  qui  avait  abandonné  le  grand 
prieur,  tenta  vainement  avec  le  baron  d'Allemagne  de 
se  saisir  de  Draguignan.  Une  autre  troupe  plus  heu- 
reuse s'empara  du  Luc  ;  mais  le  grand  prieur  reprit 
cette  place,  établit  des  garnisons  dans  d'autres,  orga- 
nisa des  milices  et  contraignit  les  huguenots  de  se  réfu- 
gier dans  la  haute  Provence. 

Au  mois  d'avril  (1586),  ils  se  remirent  en  campagne, 
et  le  Parlement,  pour  répondre  à  leur  prise  d'armes, 
enregistra  (28  avril)  les  lettres  patentes  du  roi  du 
20  avril  1586,  qui  déclaraient  valablement  faite  la 
vente  des  biens  meubles  et  immeubles  de  ceux  de  la 
religion  qui  n'avaient  pas  obéi  à  l'édit  du  18  juillet  de 
l'année  précédente.  Le  baron  d'Allemagne  partagea 
ses  soldats  en  deux  colonnes  :  l'une  aux  ordres  d^Ar- 
naud  d'Entrevennes,  l'autre  qu'il  commanda  lui-même. 
Arnaud,  chargé  de  faire  rentrer  les  contributions  en  re- 
tard du  haut  pays,  s'empara  de  Thorame-Haute,  malgré 
la  vaillante  défense  de  ses  habitants,  et  décida,  par  cet 
heureux  coup  de  main ,  •  les  villages  de  la  contrée  à 
acquitter  leurs  contributions.  Quant  à  Allemagne,  tra- 
versant le  territoire  des  Mées  et  d'Espinouse,  il  assié- 
gea le  Luc,  mais  sans  succès  ;  remonta  à  Trans,  où  il 
se  réunit  à  Du  Muy  et  fit  avec  ce  capitaine  de  nom- 
breuses courses  à  Roquebrussane ,  Camps,  Besse  et 
dans  tout  le  territoire  de  Brignoles,  avec  l'intention  de 
surprendre  de  Vins  dans  son  château  de  Forcalqueiret. 

Ce  fut  à  peu  près  vers  ce  temps  que  Hector  de 
Mirabel,  sieur  de  Blacons,  gentilhomme  huguenot  du 


262  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Dauphiné,  qui  s'était  emparé  d'Orange,  faillit  réussir, 
avec  le  secours  de  Lesdiguières,  de  Gouvernet  et  d'au- 
tres capitaines  huguenots,  à  s'emparer  de  la  ville  d'Apt. 
Il  avait  projeté  de  forcer  la  porte  de  La  Bouquerie  au 
moyen  de  pétards,  et  choisit,  pour  exécuter  son  des- 
sein, l'heure  matinale  oia  les  soldats  de  garde  étaient  à 
la  messe.  La  porte  et  la  herse  furent  successivement 
enfoncées,  mais  la  sentinelle  postée  sur  la  tour,  ayant 
sonné  l'alarme,  et  jeté  la  cloche  sur  les  soldats  qui  en- 
traient par  la  brèche,  les  habitants  du  quartier,  éveillés 
par  le  bruit,  descendirent  en  hâte  dans  la  rue,  pendant 
qu'un  nommé  Pierre  Rigolt,  qui  attendait  le  jour  dans 
une  hôtellerie  voisine  de  la  porte,  empêchait  avec  une 
hallebarde  les  assaillants  de  pénétrer  dans  ce  logis  et 
donnait  le  temps  à  la  garde  d'accourir.  Les  gens  de 
Blacons  ne  songèrent  plus  dès  lors  qu'à  fuir  et  furent 
poursuivis  jusqu'au  pont  Julien  par  Gabriel  de  Ponte- 
vès,  seigneur  de  Buous,  gouverneur  d'Apt  (i). 

FIN     TRAGIQUE    DU     GRAND     PRIEUR.    DE    VINS     NOMMÉ 
GÉNÉRALISSIME  DE   l'aRMÉE   LIGUEUSE  DE  PROVENCE 

(,586). 

De  Vins,  en  apparence  inactif,  tramait  dans  l'ombre 
la  perte  du  grand  prieur,  qu'il  faisait  représenter  par  ses 
partisans  comme  un  ami  des  huguenots  ou  un  général 
incapable.  Ils  allaient  même  jusqu'à  demander  son  rem- 
placement. Instruit  de  toutes  ces  menées,  le  grand  prieur 
voulut  frapper  un  grand  coup.  Ayant  été  informé  que 
quelques  ligueurs,  en  haine  de  son  gouvernement,  s'ap- 
prêtaient à  livrer  Arles  à  trois  mille  huguenots  du  Langue- 
doc, commandés  par  Damville,  qui  avait  déjà  franchi  le 

(i)  Boze,  Hist.  d'Apt,  p.  291-295. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  20? 

Rhône,  il  fit  couper  la  tête  au  chef  du  complot,  le  che- 
valier d'Eyguières,  et  à  ses  complices.  Après  cet  acte 
de  vigueur,  qui  déplut  au  Parlement,  dévoué  en  majo- 
rité à  la  Ligue,  il  cita  de  Vins  à  comparaître  devant 
cette  cour  comme  fauteur  de  troubles.  Le  chef  ligueur 
n'eut  garde  de  se  présenter  (20  avril),  et  son  audace 
fortifia  celle  de  ses  partisans.  Le  grand  prieur,  aux  abois, 
essaya  alors  de  parlementer  à  la  fois  avec  les  b'igar- 
rafs  et  les  ligueurs  ;  mais  ces  derniers  ,  interprétant  les 
avances  qu'il  leur  faisait  comme  un  signe  de  faiblesse, 
empêchèrent  toute  levée  de  troupes ,  bien  qu'elles  fus- 
sent spécialement  destinées  à  combattre  les  huguenots, 
car  ils  craignaient  que  le  grand  prieur,  s'alliant  avec 
ceux-ci  et  les  Ingarrats ,  ne  s'en  servît  contre  eux. 

D'un  autre  côté,  de  nombreuses  dénonciations  étaient 
adressées  au  roi  contre  le  gouverneur  de  Provence,  que 
ses  ennemis  accusaient  d'être  de  connivence  avec  les 
ennemis  du  roi ,  de  négliger  les  affaires  de  son  gouver- 
nement et  de  faire  traîner  la  guerre  en  longueur  pour 
enrichir  ses  créatures.  L'une  de  ces  dénonciations,  qui 
avait  pour  auteur  Philippe  Altoviti,  un  des  commandants 
des  galères  de  Marseille,  lui  fut  renvoyée.  Rempli  d'une 
fureur  subite,  il  se  rend  à  l'hôtellerie  où  logeait  ce  der- 
nier, venu  à  Aix  pour  assister  aux  Etats  de  la  province, 
et,  lui  montrant  sa  dénonciation,  lui  donne  trois  coups 
d'épée  dans  le  ventre.  Altoviti,  saisissant  rapidement 
une  dague  cachée  sous  le  traversin  de  son  lit,  la  plonge 
dans  la  poitrine  du  grand  prieur ,  qui  s'affaisse  sur 
lui  même  en  s'écriant  :  Je  suis  mort!  A  moi!  Altoviti  me 
tue!  Ses  gardes  accourent,  percent  le  capitaine  des 
galères  de  mille  coups,  précipitent  son  corps  par  la 
fenêtre  et,  après  l'avoir  traîné  dans  les  rues,  le  mettent 
en  pièces  et  le  Jettent  à  l'eau.  Ils  tuèrent  également 
•Antoine  d'Arène,  consul  de  Marseille,  qui  avait  accom- 


264  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

pagné  Altoviti  aux  Etats.  Le  grand  prieur,  transporté 
dans  son  palais,  ne  vécut  que  jusqu'au  lendemain  à 
midi  (2  juin  1 586).  Telle  fut  la  fin  lam.entable  du  bâtard 
d'Angoulême.  Il  avait  l'esprit  fin,  beaucoup  de  goût 
pour  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts,  un  carac- 
tère humain  et  sympathique,  des  intentions  excellentes, 
quoique  ses  emportements,  qui  s'alliaient  à  une  faiblesse 
naturelle ,  le  poussassent  quelquefois  à  accomplir  des 
actes  de  violence.  Il  n'avait  pas,  du  reste,  les  qualités 
nécessaires  pour  gouverner  la  Provence ,  cette  terre 
«  pleine  de  lions  et  d'ours,  »  disait  Nostradamus,  et 
son  irrésolution  lui  aliéna  tous  les  partis.  Dans  les 
grandes  crises,  il  faut  de  grands  caractères,  qui  s'atti- 
rent, il  est  vrai,  des  haines  mortelles,  mais  qui  font 
naître  à  leur  tour  des  attachements  inébranlables. 

La  mort  du  grand  prieur  obligea  le  Parlement ,  sui- 
vant la  coutume  de  l'époque  ,  de  prendre  la  direction 
des  affaires  du  pays.  Il  organisa  la  police,  correspondit 
avec  les  gouverneurs  des  places  de  la  province  et  fit 
voter  par  les  Etats  une  levée  de  six  mille  hommes  pour 
maintenir  l'ordre,  en  même  temps  qu'il  députa  Du  Buys- 
son  à  Paris  pour  informer  la  cour  des  tragiques  événe- 
ments qui  venaient  de  s'accomplir. 

Quant  à  De  Vins  et  à  ses  amis,  ils  manifestèrent  une 
joie  bruyante,  et  ces  derniers  mirent  tout  en  œuvre 
pour  que  leur  chef,  qui  promit  de  «  faire  tête  aux  hu- 
guenots ,  »  fût  nommé  gouverneur  de  Provence.  Les 
Etats  du  pays ,  gagnés  en  majorité  à  la  Ligue ,  repous- 
sèrent la  candidature  du  baron  d'Oraison,  qu'appuyaient 
les  bigarrats^  et  nommèrent  de  Vins  général  en  chef  de 
l'armée  de  Provence,  sauf  l'approbation  du  Parlement, 
qui  ne  se  fit  point  attendre  (6  juin  1 586). 

LES    HUGUENOTS    ET    LES    «    BIGARRATS    »    REPRENNENT 


LES    GUERRES    DE   RELIGION.  265 

LES    HOSTILITÉS.     ILS     ÉCHOUENT     SUR     DRAGUIGNAN, 
INSUCCÈS    DE    l'assemblée    POLITIQUE    DE    CADENET 

(.586). 

La  mort  du  grand  prieur  et  la  nomination  de  de  Vins 
furent  le  signal  de  nouvelles  luttes.  Saint-Michel,  de  la 
maison  de  Bouliers,  chassa  les  ligueurs  de  la  tour  d'Ai- 
guës et  la  remit  à  d'Oraison  qui,  à  la  tête  de  cent  cin- 
quante cavaliers  bigarrais^  se  saisit  de  Venelles  et  de 
Tourvelle  (?),  s'approcha  d'Aix  et  enleva  soixante  et 
dix  mulets  chargés  de  sel,  qui  venaient  de  l'étang  de 
Berre.  Après  cela,  il  convoqua  à  Cadenet  tous  les 
chefs  bigarrais  et  huguenots  de  la  Provence  pour  es- 
sayer de  reconstituer  l'ancienne  union,  et  les  huguenots 
des  vigueries  de  Forcalquier  et  de  Draguignan  se  for- 
tifièrent à  Ongles  et  au  Cannet. 

Quant  au  baron  d'Allemagne,  il  se  ménagea  l'appui 
du  célèbre  capitaine  huguenot  du  Dauphiné,  Louis  de 
Marcel-Blaïn ,  seigneur  du  Poët-Célard,  connu  sous  le 
nom  de  Du  Poët,  et  d'un  corps  de  religionnaires  lan- 
guedociens, qui  se  rendirent  au  Luc  par  Tarascon  sous 
la  conduite  de  Blacons,  gouverneur  d'Orange.  Ensemble 
ils  tentèrent,  dans  la  nuit  du  8  au  9  juin  1586,  de  sur- 
prendre Draguignan  où  ils  avaient  des  intelligences.  Les 
capitaines  La  Bréole,  Arnaud  d'Entrevennes,  Paradis  et 
Scipion  du  Virailh  pénétrèrent  bien  dans  la  place  par 
escalade,  conjointement  avec  les  barons  d'Allemagne, 
de  Céreste  et  du  Poët  ;  mais  aucun  mouvement  ne 
s'étant  produit  en  leur  faveur,  et  Paradis  ayant  même  été 
tué  d'un  coup  d'arquebuse,  ils  regagnèrent  précipitam- 
ment leurs  échelles  et  s'enfuirent.  De  Draguignan, 
Allemagne  alla  à  Trans,  oia  il  comptait  trouver  quel- 
ques compagnies  de  bigarrais^  qui  lui  firent  défaut.  Il  se 
dirigea  ensuite  vers  Cadenet  pour  assister  à  l'assemblée 


266  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

générale  convoquée  par  le  baron  d'Oraison.  Pour  bra- 
ver le  Parlement,  il  passa  tout  près  d'Aix  (24  juin),  et 
fut  attaqué  par  trois  compagnies  de  gens  d'armes  de  la 
ville,  que  son  arrière-garde  chargea  vigoureusement. 
Une  pluie  torrentielle  mit  fin  au  combat.  Le  lendemain, 
pour  le  poursuivre ,  sept  à  huit  cents  hommes ,  tant  de 
pied  que  de  cheval,  conduits  par  les  capitaines  Barthé- 
lémy Sainte-Croix  et  Michel  Bastin ,  sortirent  d'Aix; 
mais  ils  se  mirent  si  tard  en  route  que  la  troupe  hugue- 
note avait  déjà  franchi  la  Durance. 

Les  bigarrais  ne  se  rendirent  qu'en  petit  nombre  à 
l'assemblée  de  Cadenet,  qui  décida  qu'un  nouvel  appel 
leur  serait  adressé.  Du  Muy,  le  baron  de  Tourves  et 
d'autres  furent  chargés  de  se  mettre  en  rapport  avec 
eux.  De  Vins  s'était  rapproché  de  la  Durance  pour  ob- 
server les  mouvements  de  l'armée  huguenote,  campée 
à  Cadenet  ;  mais ,  bien  que  sa  troupe  eût  été  renforcée 
de  huit  cents  arquebusiers  et  de  quatre  compagnies  de 
fantassins,  il  n'osa  pas  l'attaquer.^  Après  dix  jours  d'at- 
tente, le  baron  d'Allemagne  franchit  la  Durance  avec 
six  cents  fantassins  et  quatre  cents  chevaux  et  occupa 
Sénas,  dans  la  pensée  d'enlever  Aix  si  les  bigarrais  de 
la  ville  secondaient  ses  mouvements  ;  mais  ils  ne  remuè- 
rent pas,  et  le  capitaine  huguenot,  pour  recevoir  les  ren- 
forts qu'il  attendait  du  Languedoc,  occupa  Boulbon  sur 
le  Rhône,  qui  lui  fut  livré  par  son  gouverneur. 

Délivré  du  voisinage  du  baron,  de  Vins,  qui  avait  di- 
visé son  armée  en  trois  corps,  commandés  par  Etienne 
Boyer  d'Ollioules,  Buoux  et  lui,  envoya  Boyer  se  res- 
saisir du  Cannet,  et  Buoux  d'Ongles.  L'expédition  ayant 
réussi,  les  deux  capitaines  firent  leur  jonction  et  chassè- 
rent le  baron  d'Oraison  de  La  Tour-d'Aigues. 

Quand  Allemagne  eut  reçu  ses  renforts  du  Languedoc, 
il  vint  de  nouveau  à  Sénas  pour  attirer  de  Vins  dans  la 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  267 

plaine  ;  mais  le  capitaine  ligueur,  qui  ne  disposait  que  de 
son  corps  d'armée  particulier,  refusa  encore  le  combat, 
et  le  baron  retourna  à  Boulbon ,  d'oij  il  passa  en  Lan- 
guedoc, en  attendant  que  les  chefs  bi^arrats^  qui  avaient 
assisté  à  l'assemblée  de  Cadenet,  fussent  parvenus  à 
faire  prendre  les  armes  à  leurs  anciens  confédérés.  11 
laissa  même  ses  troupes  en  Languedoc,  sous  le  com- 
mandement de  Bougarelly  et  de  La  Bréole,  et  se  rendit 
dans  la  haute  Provence  pour  organiser  la  résistance. 
Quant  à  de  Vins,  il  alla  faire  le  siège  de  Boulbon,  et  pria 
le  colonel  d'Ornano,  qui  était  à  Tarascon,  de  lui  envoyer 
de  l'artillerie  ;  mais  ce  dernier,  qui  en  avait  besoin  pour 
défendre  sa  place,  ne  put  accéder  à  son  désir. 

Cependant  Bougarelly,  qui  haïssait  d'Allemagne,  con- 
seilla aux  soldats  qu'il  commandait  de  rentrer  en  Pro- 
vence, d'autant  mieux  que  Damville,  qui  commandait  les 
huguenots  du  Languedoc,  abusant  de  leurs  services,  les 
envoyait  toujours  les  premiers  au  feu,  sans  les  admettre 
au  partage  du  butin.  Il  réussit  à  les  convaincre,  et,  quit- 
tant de  nuit  l'armée  languedocienne,  il  franchit  avec  eux 
le  Rhône  à  Montélimar.  Ils  arrivèrent  ensemble  à  Seyne, 
à  travers  mille  périls  et  accablés  de  fatigue.  Quant  à  la 
troupe  aux  ordres  de  La  Bréole,  elle  prit  part  au  siège 
de  Saint-Laurent  (i),  et  rentra  en  Provence  à  la  demande 
d'Allemagne. 

LE  DUC  d'ÉPERNON  NOMMÉ  GOUVERNEUR  DE  PROVENCE. 
BATAILLE    CÉLÈBRE    d'aLLEMAGNE.    MORT    DU    BARON 

d'allemagne  (1586). 

Vers  ce  temps.  Du  Buysson,  député  du  Parlement  à 
la  cour,  revint  de  Paris,  annonçant  que  Jean-Louis  de 

(i)  Vraisemblablement  Saint-Laurent-des-Arbres  (canton  de  Rochemaure). 


268  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Nogaret,  duc  d'Epernon,  un  des  mignons  de  Henri  III, 
avait  été  nommé  amiral  du  Levant  (i8  juin  1586),  gou- 
verneur et  lieutenant  général  pour  le  roi  en  Provence 
(14  juin),  commandant  des  forces  royales  de  cette  pro- 
vince et  de  celles  de  Dauphiné  (21  juillet),  et  revêtu  des 
pouvoirs  les  plus  amples  pour  convoquer  les  officiers  de 
justice  en  Provence  et  les  suspendre,  au  besoin,  de  leurs 
charges  (22  juillet)  (i).  De  Vins,  qui  espérait  succéder 
au  grand  prieur,  en  fut  consterné,  mais  il  jugea  prudent 
de  dissimuler,  se  réservant  de  fatiguer  le  nouveau  gou- 
verneur par  son  opposition,  et  de  l'obliger  à  retourner 
à  une  cour  pleine  de  plaisirs,  qu'il  ne  tarderait  pas  à 
regretter. 

Cependant  les  huguenots  de  la  haute  Provence  recom- 
mencèrent leurs  expéditions,  non  pas  tant  pour  se  saisir 
de  nouvelles  places  que  pour  lever  des  contributions  né- 
cessaires à  leur  subsistance.  Les  habitants  de  ces  quar- 
tiers, remplis  d'effroi,  implorèrent  la  protection  du  Par- 
lement, qui  chargea  de  Vins  de  leur  porter  secours.  Ce 
dernier  fut  on  ne  peut  plus  satisfait  de  cette  commission, 
car  il  se  persuada  que,  lorsqu'il  commanderait  à  une  ar- 
mée nombreuse,  retranchée  dans  un  pays  de  montagnes, 
et  serait  vainqueur  des  huguenots ,  il  pourrait  faire  la 
guerre  avec  avantage  au  nouveau  gouverneur,  comme  il 
l'avait  déjà  faite  à  Henri  d'Angoulême.  Il  fit  partir  pour 
Riez ,  avec  deux  mille  hommes,  Balthazar  de  Castellane, 
seigneur  d'Ampus,  et  le  suivit  bientôt  après  avec  un  ré- 
giment de  cavalerie  italienne,  commandée  par  Louis 
Honoré  de  Castellane,  seigneur  de  Bezaudun,  frère 
d'Ampus,  cent  trente  maîtres  et  seize  cents  fantassins. 
Le  23  août  (i  586),  il  était  sous  les  murs  de  la  place  d'Al- 


(i)  Pièces  relût,  à  la  Prou,   sous  le  gouvern.  du  duc  d'Epernon  (Bibl.  nat. 
fond  franc.,  n°  24168), 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  269 

lemagne,  son  objectif,  occupée  pour  lors  par  Scipion 
de  Villeneuve,  sieur  d'Espinouse ,  mais  il  manquait  de 
canons  de  siège. 

Le  baron  d'Allemagne,  voyant  que  de  Vins  en  voulait 
à  son  château  et  à  ses  domaines,  pria  son  cousin  Lesdi- 
guières,  qui  se  trouvait  à  cette  heure  à  Nyons  en  Dau- 
phiné,  de  le  secourir  promptement.  Il  écrivit  en  même 
temps  à  tous  les  chefs  huguenots  et  bigarrais  de  lui 
prêter  assistance.  Ces  derniers,  à  qui  la  nomination  du 
duc  d'Epernon  avait  redonné  du  courage,  répondirent 
cette  fois  à  l'appel,  et  d'Allemagne  vit  venir  à  lui  les 
barons  d'Oraison,  de  Sénas,  de  Céreste  et  de  Tourves, 
Du  Bar,  Balthazar  de  Meyran  ,  sieur  de  La  Goy,  les 
sieurs  de  La  Javie,  de  Roumoules  et  autres.  Lesdiguiè- 
res ,  de  son  côté ,  accompagné  de  ses  lieutenants  Gi- 
raud  de  Déranger,  sieur  de  Morges,  Gouvernât,  Cbam- 
poléon ,  Blacons  et  autres  capitaines  renommés ,  arriva 
avec  quatre  cents  arquebusiers  à  cheval  et  deux  cents 
maîtres,  et  écrivit  aussitôt  à  de  Vins  pour  l'engager  à 
lever  le  siège  d'Allemagne  et  à  se  retirer.  Ce  dernier 
n'en  voulut  rien  faire,  et  il  était,  depuis  plus  de  huit  jours, 
devant  la  place,  vaillamment  défendue  par  Espinouse  et 
la  femme  du  baron,  quand,  le  vendredi  5  septembre  1 586, 
à  quatre  heures  du  matin ,  l'armée  huguenote  parut  sur 
les  hauteurs  environnantes.  Il  assembla  aussitôt  un  con- 
seil de  guerre  pour  délibérer,  et  presque  tous  les  capi- 
taines furent  d'avis  qu'il  fallait  s'enfermer  dans  Riez  ; 
mais  de  Vins,  plus  courageux,  dit  que  l'armée  se  couvri- 
rait de  honte  si  elle  fuyait  sans  avoir  combattu,  et  qu'en 
cas  d'échec,  il  serait  toujours  temps  pour  elle  de  cher- 
cher une  retraite  à  Riez  ;  et  comme  la  discussion  se  pro- 
longeait, il  leva  la  séance  et  donna  l'ordre  de  monter  à 
cheval. 

Il  abandonna  sur  l'heure  le  siège  d'Allemagne,  ne  lais- 


270  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

sant  sous  les  murs  de  la  place  que  cinq  cents  hommes, 
commandés  par  Ampus,  pour  empêcher  une  sortie  d'Es- 
pinouse;  posta  sur  le  coteau  de  Saint-Marc  cent  hommes 
et  deux  couleuvrines  à  la  chapelle  bâtie  à  son  extrémité, 
et  plaça  son  infanterie  dans  le  vallon  qui  conduit  à  Mon- 
tagnac.  Il  aurait  voulu  faire  venir  de  Riez  sa  cavalerie, 
mais  sachant  que  la  ville,  après  son  départ,  lui  fermerait 
aussitôt  ses  portes ,  il  renonça  forcément  à  s'en  servir. 
«  Vers  midi,  »  dit  Lambert,  qui  raconte  très  clairement 
les  diverses  péripéties  de  cette  bataille  mémorable , 
u  l'avant-garde  des  huguenots  parut  sur  la  crête  du  co- 
teau opposé  à  celui  qu'occupaient  les  ligueurs,  et  séparé 
de  lui  par  un  vallon.  L'armée  ennemie  se  divisa.  Une 
partie,  sous  les  ordres  de  Lesdiguières,  côtoya  le  vallon 
sur  la  gauche  de  Vins,  tandis  que  l'autre  partie,  com- 
posée des  contingents  provençaux,  sous  les  ordres  du 
baron  d'Allemagne,  prit  la  droite  de  l'armée  catholique 
en  la  tournant.  Dès  que  de  Vins  s'aperçut  qu'il  allait  être 
attaqué  de  deux  côtés,  il  rappela  Ampus  avec  ses  cinq 
cents  hommes,  et  fit  marcher  en  avant-garde  le  capitaine 
Marenq  de  Marseille  avec  trois  cents  arquebusiers,  pour 
dégager  la  route  en  cas  de  retraite  sur  Riez.  Il  se  plaça 
ensuite  au  centre  de  son  armée,  qu'il  forma  en  trois  co- 
lonnes sous  les  ordres  de  [Palamède]  Forbin  de  Saint- 
Cannat,  de  de  Gaud  et  de  Sainte-Colombe.  Le  baron 
parut  en  ce  moment  dans  les  broussailles  avec  ses  Pro- 
vençaux, après  avoir  tourné  la  chapelle  Saint-Marc  sans 
perte  d'hommes  ;  il  ordonna  à  quelques  compagnies  de 
mettre  pied  à  terre ,  et  leur  fit  engager  l'action  avec  la 
colonne  de  Saint-Cannat.  Pendant  ce  temps,  Espinouse, 
débarassé  d'Ampus ,  fit  une  sortie  avec  la  garnison  du 
château ,  et  attaqua  vivement  Sainte-Colombe ,  qui  for- 
mait l'arrière-garde.  Sainte-Colombe  fut  tué ,  la  con- 
fusion se  mit  dans  les  rangs  de  sa  colonne ,  qui  se  dé- 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  27I 

banda  et  porta  le  trouble  parmi  les  soldats  de  de  Gaud, 
au  milieu  desquels  se  tenait  de  Vins.  Saint-Cannat.  que 
son  intrépide  sang-froid  n'abandonnait  pas,  rappela  les 
cent  hommes  qui  occupaient  la  chapelle  Saint-Marc,  et 
arrêta  Espinouse  tout  en  se  repliant  sur  le  centre  pour 
venir  au  secours  de  de  Vins,  qui  allait  avoir  à  soutenir 
l'effort  d' Espinouse  et  du  baron  d'Allemagne.  Ce  der- 
nier... donna  contre  de  Vins  avec  impétuosité;  les  li- 
gueurs ne  résistèrent  pas,  et  une  terreur  que  rien  ne  peut 
expliquer  s'étant  emparée  d'eux,  le  désordre  se  mit  dans 
leurs  rangs...  De  Vins,  désespérant  de  les  rallier,  fit 
sonner  la  retraite.  Ce  mouvement  commença  sous  l'em- 
pire d'une  panique  extrême.  Ampus  et  Ventabren,  à  la 
tête  d'une  compagnie  d'arquebusiers  à  cheval ,  s'avan- 
cèrent pour  arrêter  l'ennemi  et  donner  le  temps  à  de 
Vins  de  se  reformer,  mais  ils  furent  promptement  rame- 
nés et  forcés  de  se  replier  sur  le  centre,  en  pleine  dé- 
route.. .  Pendant  ce  temps,  Sénas  et  le  baron  de  Tourves, 
avec  cent  cavaliers  bigarrais^  avaient  achevé  de  disperser 
les  soldats  d'Ampus  et  de  Saint-Cannat.  Il  ne  restait 
plus  de  l'armée  ligueuse  qu'une  compagnie  d'arquebu- 
siers commandés  par  La  Molle...  Allemagne  concentra 
tous  ses  efforts  sur  elle;  la  chaleur  était  accablante,  et 
la  sueur  ruisselait  sur  le  front  du  vaillant  baron  ;  il  ôta 
son  casque  et  vint  se  mettre  en  avant  des  troupes  pour 
charger  l'ennemi...  En  ce  moment,  une  balle  l'atteignit 
à  la  tempe  droite  (i)  et  le  renversa  de  son  cheval.  Ses 
soldats  le  prirent  dans  leurs  bras  et  le  portèrent  couvert 
de  sang  à  l'ombre  d'un  noyer,  où  il  rendit  l'âme  une 
heure  après.  » 

De  Vins,  désespéré  de  la  lâcheté  de  ses  soldats,  vou- 

(i)  Le  capitaine  Saint-Martin,  qui  a  laissé  un  récit  de  la  bataille  d'Allema- 
gne et  accompagnait  le  baron ,  dit  que  ce  dernier  u  eut  le  gosier  coupé  ;  » 
et  cela  paraît  plus  vraisemblable  puisque  le  baron  ne  mourut  pas  sur  le  coup. 


272  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

lait  se  faire  tuer  en  combattant,  et  il  fallut  l'entraîner 
presque  de  force  à  Riez,  oij  se  sauvaient  pêle-mêle  les 
fuyards.  Encore  faillit-il  être  fait  prisonnier  par  vingt  maî- 
tres qui,  l'ayant  reconnu,  le  poursuivirent  longtemps.  Le 
régiment  de  cavalerie,  cantonné  dans  cette  ville  et  com- 
posé d'Italiens  efféminés,  entendant  la  fusillade,  sortit 
pour  porter  secours  à  son  chef,  mais  ce  fut  au  moment 
où  arrivaient  éperdus  les  soldats  ligueurs,  de  telle  sorte 
que,  saisi  lui-même  d'une  terreur  panique,  il  rentra  avec 
ces  derniers  dans  le  plus  grand  désordre.  La  ville  de 
Riez  elle-même,  quoiqu'elle  pût  parfaitement  se  défendre 
avec  les  restes  de  l'armée,  éprouva  une  terreur  indicible 
à  la  pensée  qu'elle  serait  peut-être  assiégée  par  les  hu- 
guenots, et  ne  reprit  son  calme  que  lorsqu'elle  sut  que 
Lesdiguières  s'était  remis  en  route  pour  le  Dauphiné. 
De  Vins,  avec  deux  cents  chevaux,  essaya  bien  de  don- 
ner sur  la  queue  de  ses  gens,  mais  ce  fut  sans  succès. 
Les  soldats  ligueurs,  poursuivis  jusqu'à  Riez,  perdi- 
rent, dans  cette  journée,  douze  cents  hommes,  tant  tués 
que  blessés,  et  dix-huit  drapeaux  sur  vingt-deux.  Les 
huguenots  n'eurent  que  peu  de  morts,  mais  la  perte  du 
baron  d'Allemagne  fut  irréparable.  C'était  un  gentil- 
homme d'un  caractère  froid,  hautain  et  peu  sympathique  ; 
mais  sa  grande  naissance,  ses  talents  militaires,  sa  bra- 
voure et  la  sagesse  de  ses  conseils  lui  avaient  gagné  la 
confiance  de  ses  compagnons  d'armes.  L'armée  entière 
le  pleura  et  porta  son  corps  au  château  d'Allemagne, 
où  furent  déployés,  en  guise  de  trophées,  les  dix-huit 
drapeaux  pris  sur  les  ligueurs.  Les  huguenots,  toutefois, 
souillèrent  leur  victoire  en  mettant  à  mort,  sans  raison, 
douze  prisonniers.  La  femme  d'Allemagne  supporta  la 
perte  de  son  mari  avec  une  rare  constance.  «  Cette  hé- 
roïne ,  »  dit  de  Thou ,  «  qui  avait  soutenu  le  siège  avec 
un  courage  au-dessus  de  son  sexe,  soutint  son  malheur 


LES   GUERRES   DE    RELIGION.  273 

avec  la  même  fermeté ,  et  l'on  peut  dire  qu'elle  fut  la 
consolation  de  Lesdiguières  et  de  ceux  qui  venaient  la 
consoler.  » 

Autrement,  ce  dernier  ne  prit  qu'une  faible  part  à 
la  bataille  d'Allemagne,  dont  le  principal  honneur  revient 
au  baron.  L'habile  capitaine,  qui  n'avait  pas  oublié  son 
échec  sur  Castellane  et  était  dépourvu  de  guides ,  mar- 
chait prudemment  dans  un  pays  qu'il  ne  connaissait  pas, 
et  lorsque  d'Allemagne  lui  dépêcha  le  capitaine  Saint- 
Martin  pour  le  prier  d'avancer,  il  répondit  :  «  Allez  dire 
à  M.  d'Allemagne  que  s'il  veut  se  perdre  il  se  perde, 
car  je  ne  me  perds  pas  de  cette  façon,  et  on  me  devait 
laisser  des  gens  pour  me  conduire.  »  C'est  alors  que 
le  vaillant  capitaine  provençal  commença  l'attaque  en 
s'écriant  ;  «  C'est  aujourd'hui  l'heure  que  je  me  perds, 
ou  ferai  perdre  mon  ennemi.  » 

Quant  à  de  Vins ,  il  demeura  inconsolable ,  car  ses 
ennemis  le  raillaient  beaucoup  de  sa  défaite,  en  disant  : 
«  Le  matinier  s'est  laissé  surprendre  ;  il  a  trouvé  des 
gens  plus  matiniers  que  lui  (i).  » 

ARRIVÉE   DU    DUC    d'ÉPERNON    EN    PROVENCE.  AMNISTIE 
GÉNÉRALE  {l  586). 

Un  mois  environ  après  la  bataille  d'Allemagne,  le  duc 
d'Epernon  fit  son  entrée  solennelle  à  Aix  (21  septem- 
bre 1586).  Quelques  jours  auparavant  {i  5  septembre), 
le  Parlement,  pour  se  le  rendre  favorable,  avait  retiré  à 
de  Vins  sa  commission  de  généralissime  de  Tarmée  pro- 
vençale, et  condamné  à  mort,  par  contumace,  du  même 
coup ,  les  chefs  huguenots  et  bigarrats  qui  avaient  pris 

(i)  Défaite  d'Allemagne  par  le  sieur  de  Saint-Martin  (Bibl.  d'Aix.  ms.  540); 
Discours  du  siège  et  de  la  défaite  d'Allemagne  (Bibl.  de  Carpentras,  ms.  9  , 
additions  aux  ms.  Peiresc);  les  sources  citées  plus  loin. 

18 


2-^4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

les  armes  en  dernier  lieu  :  Céreste,  La  Goy,  La  Javie, 
EspinoLise  et  du  Muy,  avec  une  amende  de  cent  mille 
livres,  la  confiscation  de  leurs  biens  et  l'abolition  de 
leurs  titres  de  noblesse.  Le  baron  d'Allemagne,  quoique 
décédé,  ne  fut  pas  même  épargné,  et  on  l'exécuta  à  mort 
en  effigie. 

Dès  le  lendemain  de  son  arrivée ,  Epernon  convoqua 
dans  son  palais  les  présidents  du  Parlement,  le  procu- 
reur général  et  ses  deux  avocats  généraux  ,  pour  s'en- 
quérir auprès  d'eux  des  causes  des  troubles  de  la 
province.  Après  des  récriminations  mutuelles  (car  le 
Parlement  lui-même  était  divisé  entre  les  deux  partis), 
le  président  Louis  de  Coriolis  dit  la  Jambe  de  Bois  , 
magistrat  éminent ,  déclara  que  l'ambition  de  de  Vins  et 
d'Oraison  et  la  haine  réciproque  qu'ils  avaient  l'un  pour 
l'autre  étaient  la  grande  cause  de  la  guerre  civile ,  et 
opina  pour  que  le  nouveau  gouverneur  envoyât  des  dé- 
putés auprès  d'eux  et  les  assurât  que  le  Parlement 
abandonnerait  les  procédures  commencées  contre  eux 
et  leurs  partisans,  s'ils  consentaient  à  déposer  les  ar- 
mes. Cet  avis,  qui  prévalut  dans  l'assemblée,  eut  aussi 
l'assentiment  du  roi  ,  qui,  à  la  demande  d'Epernon,  en- 
voya des  lettres  de  surséance  à  l'exécution  des  arrêts 
que  le  Parlement  venait  de  lancer  contre  les  principaux 
hlgarrafs  et  huguenots,  et  lui  donna  les  instructions  sui- 
vantes touchant  le  cas  particulier  du  baron  d'Oraison  et 
de  ses  coreligionnaires  : 

a  Je  vous  prie  tant  faire  envers  le  vicomte  de  Cade- 
net  (i)  qu'il  se  range  à  l'Eglise  catholique,  comme  il 
m'a  souvent  promis  de  faire  ;  et  si  lui  ou  autres  refu- 


(i)Le  baron  François  d'Oraison  était  devenu  vicomte  de  Cadenet  depuis  la 
mort  de  son  père,  Antoine  Honoré  d'Oraison,  vicomte  de  Cadenet,  survenue 
cette  même  année  ij86.  Il  fut  créé  marquis  .en  1588,  vraisemblablement  en 
récompense  de  son  retour  au  catholicisme. 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  275 

sent  de  ce  faire,  les  admonester  de  ne  sortir  pas  seu- 
lement de  la  province...,  mais  aller  du  tout  hors  de  mon 
dit  royaume,  ainsi  qu'il  est  expressément  porté  par  ledit 
édit  (du  18  juillet  1585)...  Je  vous  envoie  une  déclara- 
tion générale  pour  ceux  qui  se  sont  réduits  à  la  religion 
catholique  suivant  mes  édits  et  s'y  réduiront  ci-après,  à 
ce  qu'il  leur  soit  permis  de  jouir  de  leurs  biens  tout 
ainsi  que  s'ils  avaient  satisfait  devant  le  temps  préfix 
par  iceux ,  afin  de  convier  les  autres  à  ce  faire  (i).  » 

Oraison  renonça  à  la  lutte  et  promit  même  de  retour- 
ner au  catholicisme.  Il  en  fut  de  même  des  autres  chefs 
huguenots.  Hésitants  d'abord ,  ils  finirent  par  accepter 
pour  la  plupart  les  conditions  de  l'amnistie  et  rendirent 
les  places  oia  ils  tenaient  garnison.  De  Vins  fit  de  même 
de  son  côté.  Sénas  et  Tanaron  seuls  ne  voulurent  pas 
promettre  de  renoncer  à  leur  foi. 

Epernon  aurait  désiré,  dans  l'intérêt  de  la  pacifica- 
tion de  la  province ,  remplacer  le  premier  président 
du  Parlement,  Jean-Augustin  de  Foresta,  baron  de 
Trets ,  magistrat  illustre ,  qui  était  un  des  chefs  les 
plus  ardents  de  la  Ligue  ;  mais  il  ne  parvint  ni  à  le  faire 
révoquer  ni  à  obtenir  sa  démission  volontaire.  Se  rabat- 
tant sur  l'administration  provinciale  et  communale  ,  qui 
appartenait  également  au  parti  de  la  Ligue  ,  il  nomma 
de  nouveaux  procureurs  du  pays  et  de  nouveaux  con- 
suls :  entreprise  qui  lui  attira  de  grandes  haines,  car, 
par  cette  mesure,  il  porta  une  grave  atteinte  aux  préro- 
gatives du  pays.  D'un  autre  côté,  pour  rassurer  les 
Provençaux  engagés  dans  la  dernière  guerre,  il  publia 
des  lettres  de  sauvegarde  en  faveur  de  tous  ceux  qui 
avaient  pris  les  armes  et  qui  voudraient  se  retirer  dans 
leurs  maisons. 

Il)  Matthieu,  Hist.  de  France,  éd.  de  Pans,  1671,  t.  II,  p.  121. 


276  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

REDDITION    DE    SEYNE.    PERFIDIE    d'ÉPERNON  (1586). 

De  toutes  les  places  occupées  par  les  huguenots , 
deux  seulement  n'avaient  pas  consenti  à  se  rendre  , 
Seyne  et  La  Bréole ,  cédées  aux  protestants  de  Pro- 
vence par  redit  de  Beaulieu  de  1576,  sous  le  nom  de 
«  Seyne  la  Grand'-Tour  et  circuit  d'icelle ,  »  et  qu'ils 
avaient  toujours  gardées  depuis  cette  époque.  Epernon , 
malgré  la  saison  avancée ,  voulut  réduire  ces  deux  for- 
teresses ;  mais  avant  de  s'engager  dans  les  neiges  de  la 
haute  Provence ,  il  essaya  des  moyens  de  conciliation 
qui  échouèrent.  Avec  l'énergie  qui  le  caractérisait ,  il 
résolut  de  recourir  à  la  force  des  armes.  Les  espions 
qu'il  envoya  pour  reconnaître  le  pays  furent  unanimes  à 
déclarer  que  les  chemins  étaient  impraticables  à  l'ar- 
tillerie ;  mais  rien  ne  l'arrêta.  Le  rendez-vous  général 
de  ses  troupes ,  qui  formaient  un  effectif  de  neuf  mille 
hommes  au  moins,  avec  sept  canons,  fut  fixé  à  Sisteron. 
Lorsqu'il  se  rendit  dans  cette  place,  la  baronne  d'Alle- 
magne lui  remit  ses  châteaux  d'Allemagne,  Valerne, 
Le  Poët  et  VitroUes.  Pour  lui  témoigner  sa  bienveil- 
lance, le  duc  lui  laissa  les  revenus  de  ces  divers  fiefs  et 
se  borna  à  y  mettre  des  garnisons.  11  agit  de  même  à 
l'égard  d'Espinouse,  qui  lui  remit  également  les  diver- 
ses places  dont  il  était  le  seigneur. 

Epernon  partit  de  Sisteron  le  20  octobre.  Arrivé  près 
de  Venterol  (il  avait  passé  par  La  Motte-du-Caire),  il 
apprit  que  Lesdiguières  ,  qui  surveillait  sa  marche  ,  cam- 
pait à  Venterol  même.  Croyant  le  faire  prisonnier  dans 
cette  place,  il  alla  l'assiéger  avec  cent  soixante  cava- 
Hers  ;  mais  il  avait  trop  présumé  de  son  habileté  et 
fut  repoussé  après  avoir  perdu  La  Tour ,  gentilhomme 
de  ses  parents.  De  Venterol,  Lesdiguières  se  rendit  à 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  277 

Seyne,  ordonna  quelques  travaux  de  défense  et  répartit 
comme  suit  le  commandement  :  Bougarelly  eut  le  gou- 
vernement général  de  la  place  ,  Arnaud  d'Entrevennes 
et  Louis  Ogines  la  direction  de  l'infanterie,  le  sieur  de 
Prunières  celle  de  la  cavalerie ,  et  Lanoze  la  garde  de 
la  Grand'-Tour.  Malheureusement,  l'accord  ne  régnait 
pas  entre  ces  différents  officiers.  Bougarelly  «  n'enten- 
dait rien  à  gouverner  ni  à  défendre  des  places ,  »  et 
Arnaud  et  Ogines,  plus  expérimentés,  manquaient  de 
l'autorité  suffisante  pour  faire  exécuter  les  résolutions 
qu'ils  jugeaient  utiles.  Prunières,  de  son  côté,  voulait 
commander  seul.  De  là  des  conflits  de  pouvoir  qui  écla- 
tèrent entre  lui  et  Bougarelly  après  le  départ  de  Lesdi- 
guières.  Les  soldats  ayant  pris  parti  pour  leurs  chefs 
respectifs  ,  la  défense  en  souffrit  beaucoup  ,  d'autant 
mieux  que  la  garnison  comptait  seulement  trois  cent 
cinquante  soldats  et  ne  disposait  que  de  trois  petits  ca- 
nons ,  dont  un  seul  pouvait  servir. 

Bien  que  la  distance  de  Sisteron  à  Seyne  ne  fût  que 
de  douze  ou  treize  lieues,  Epernon  ne  put  camper  à 
Saint-Pons,  hameau  à  proximité  de  Seyne,  qu'après  six 
jours  de  travaux  et  de  fatigues  inouïs,  en  laissant  sur 
son  passage  un  grand  nombre  de  malades  et  de  morts. 
Le  comte  de  Thermes,  qui  commandait  un  des  corps 
de  l'armée  et  qui  était  arrivé  le  premier  devant  la  place, 
la  somma  de  se  rendre;  mais  les  assiégés,  qui  n'avaient 
pas  encore  vu  l'artillerie  et  qui  ne  croyaient  pas  qu'il 
fût  possible  de  l'amener  aux  pieds  de  leurs  murailles , 
répondirent  par  un  refus  formel.  Epernon  eut  à  vaincre, 
en  effet ,  d'immenses  difficultés  pour  conduire  ses  sept 
canons  à  Seyne.  Il  dut  les  placer  sur  des  troncs  de 
sapin  évidés  et  leur  faire  franchir  les  rampes  des  mon- 
tagnes au  moyen  de  poulies  de  retour.  Quand  ils  fu- 
rent arrivés ,  Epernon  fit  dire  aux  assiégés  que  s'ils  ne 


278  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

se  rendaient  dans  les  vingt-quatre  heures ,  il  ouvrirait 
le  feu.  C'était  le  i"  novembre  1586.  Le  lendemain, 
Bougarelly ,  qui  connaissait  la  faiblesse  des  moyens  de 
défense  de  la  place ,  fit  savoir  secrètement  à  Epernon 
qu'il  la  lui  remettrait  s'il  voulait  permettre  à  la  garnison 
de  se  retirer  avec  armes  et  bagages  en  lieu  sûr,  garan- 
tir la  vie  des  habitants  et  respecter  les  propriétés.  Le 
duc  lui  en  donna  l'assurance  par  son  messager  Du 
Buysson ,  mais  sans  vouloir  s'engager  lui-même ,  parce 
qu'il  avait  de  mauvaises  intentions ,  comme  on  va  le 
voir.  Cette  réserve  excita  la  méfiance  des  assiégés  , 
notamment  celle  de  l'intrépide  et  loyal  Arnaud  d'Entre- 
vennes,  qui  voulait  combattre  jusqu'à  la  dernière  goutte 
de  son  sang;  de  sorte  que  le  duc  dut  promettre  per- 
sonnellement de  respecter  les  clauses  de  la  capitulation 
en  présence  de  Bougarelly ,  Prunières  ,  un  capitaine  , 
un  sergent  de  chaque  compagnie  et  un  caporal  de  cha- 
que escouade.  Gagnés  par  les  paroles  affables  d' Eper- 
non ,  ils  rendirent  la  place.  Le  duc  l'occupa  le  surlen- 
demain (3  novembre),  et  ne  tarda  pas  à  révéler  la 
perfidie  de  son  âme ,  car,  au  mépris  de  sa  parole ,  il  fit 
pendre  à  Seyne  :  Arnaud  d'Entrevennes,  Ogines,  Lanoze, 
Louis  de  Vaumeilh  et  sept  des  principaux  habitants  de  la 
ville;  et,  à  Selonnet,  le  diacre  Mausse,  ancien  avocat, 
et  le  vieux  pasteur  Simon  Lacombe.  Vingt  autres  nota- 
bles furent  jetés  en  prison  et  envoyés  à  Sisteron  et  à 
Aix.  Bougarelly  lui-même ,  livré  au  Parlement ,  se  vit 
condamné  et  exécuté  à  mort  à  Saint-Maximin.  Prunières 
seul  eut  la  vie  sauve  et  dut  se  retirer  dans  le  Dauphiné, 
son  pays  originaire.  Le  capitaine  Scipion  de  Virailh , 
dont  le  fils  a  laissé  des  Mémoires,  ne  dut  son  salut 
qu'à  l'intervention  de  son  oncle  Palamède  de  Valavoire, 
qui  servait  dans  l'armée  du  duc.  Quant  à  la  garnison,  il 
lui  fut  permis  de  se  retirer  soit  dans  la  vallée  de  Barcc 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  279 

lonnette,  qui  appartenait  pour  lors  au  duc  de  Savoie, 
soit  dans  ie  Dauphiné. 

REDDITION    DE    LA    BRÉOLE    (1586). 

Seyne  rendue,  Epernon  se  mit  aussitôt  en  devoir.d'as- 
siéger  La  Bréole,  défendue  par  le  brave  capitaine  de  ce 
nom.  C'était  une  place  d'une  forte  assiette,  bâtie  sur  un 
rocher  abrupt  au-dessus  du  torrent  de  l'LJbbaye,  profon- 
dément encaissé  en  ce  lieu.  Ses  remparts  étaient  solides, 
et  quatre  bastions  en  défendaient  l'approche.  La  garni- 
son ,  commandée  par  le  vaillant  capitaine  Masse  ,  se 
composait  de  cent  soldats  et  de  douze  cavaliers  ;  mais 
cent  soixante  jeunes  gens  des  environs  étaient  venus 
volontairement  la  renforcer.  Il  fallut  deux  jours  aux 
canons  du  duc  pour  franchir  les  trois  lieues  qui  sépa- 
rent Seyne  de  La  Bréole ,  quoique  quatre  enseignes  de 
fantassins  eussent  réparé  les  chemins.  Le  6  décembre, 
Epernon  somma  le  capitaine  La  Bréole  de  se  rendre. 
Celui-ci  ayant  répondu  par  un  refus  énergique,  la  place 
fut  battue  de  cinq  cent  soixante-quatre  coups  de  canon 
en  trois  jours.  Un  bastion  fut  entamé  et  deux  tours 
s'écroulèrent.  Le  duc  fit  construire  en  même  temps  un 
chemin  couvert ,  que  protégeaient  des  tonneaux  remplis 
de  terre,  et  qui  montait  du  bas  du  ravin  jusqu'au  bastion 
démoli  ;  puis  il  ordonna  l'assaut.  L'élan  de  ses  troupes 
fut  admirable ,  mais  il  vint  se  briser  contre  l'héroïque 
résistance  du  capitaine  La  Bréole  ,  homme  de  guerre 
remarquable ,  qui ,  malgré  son  grand  âge ,  déploya  une 
activité  qui  tenait  du  prodige.  Plusieurs  officiers  d' Eper- 
non furent  grièvement  blessés  ,  notamment  Caumont , 
Dominique  de  Vie,  qui  arrivait  de  Guyenne,  Fenissac, 
Lanty,  Saint-Aignan,  Bonouvrier  et  le  célèbre  Louis  de 
Berton  ,  sieur  de  Grillon.  Les  trois  avant-derniers  mou- 


28o  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

furent  même  quelques  jours  après  des  suites  de  leurs 
blessures. 

Le  1 2  novembre ,  Epernon  ayant  reçu  sept  cents 
boulets  de  Carmagnoles  en  Piémont  et  un  renfort 
d'hommes  et  de  canons,  que  lui  amena  du  Dauphiné 
son  frère  Bernard  de  Nogaret,  seigneur  de  La  Valette 
et  gouverneur  de  cette  province  ,  la  garnison  demanda 
à  capituler;  car,  cernée  de  toutes  parts  et  perdue  au 
milieu  des  montagnes ,  elle  n'avait  à  attendre  aucun 
secours,  et  la  famine  la  menaçait.  Le  duc  voulait  qu'elle 
se  rendît  à  discrétion  ;  mais  le  brave  La  Bréole  préfé- 
rait s'ensevelir  sous  les  ruines  de  sa  forteresse  plutôt 
que  de  subir  une  telle  humiliation.  Aussi  obtint-il  que 
ses  soldats  sortiraient  armes  et  bagages  saufs ,  avec  le 
simple  engagement  de  ne  pas  porter  de  trois  mois  les 
armes  contre  le  roi ,  et  qu'ils  seraient  escortés  par  des 
soldats  du  duc  jusqu'au  Lauzet,  dans  la  vallée  de  Bar- 
celonnette.  Connaissant  la  façon  déloyale  avec  laquelle 
Epernon  avait  tenu  ses  engagements  à  Seyne,  La  Bréole 
exigea  aussi  des  otages  de  sa  part  et  sortit ,  le  1 3  no- 
vembre ,  à  la  tête  de  deux  cent  quatre-vingt-treize  sol- 
dats. Le  duc  le  loua  beaucoup  de  sa  vaillance  et  aurait 
voulu  se  l'attacher;  mais  il  n'y  consentit  point  et  se  re- 
tira avec  les  siens  au  lieu  convenu  (i). 


(1)  Nostradamiis,  p.  857-850;  —  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  687-200;  — 
Pitton,  Hist.  de  la  ville  d'Aix,  p.  305-315  ;  —  Louvet,  Histoire,  t.  I,  p.  554  et 
suiv.;  —  Gaufridi,  t.  II,  p.  598-623  ;  —  Papou,  t.  IV,  p.  247-261  ;  —  Ca- 
basse,  Essai  historique,  t.  I,  p.  244-265  ;  La  Plane  ,  Hist.  de  Sisteron  ,  t.  II  , 
p.  112-131  ;  —  Lambert,  t.  I,  p.  571-466;  =  De  Thou,  t.  VI,  p.  456-459,  678, 
679,  694-696  ;  —  D'Aubigné,  t.  III,  col.  50;  —  Girard,  Hist.  de  la  vie  du  duc 
d'Epernon,  p.  115-118  ;  —  Videl,  Hist.  du  connestable  de  Lesdiguières ,  éd.  de 
Grenoble,  1649,  p.  1 12-116;  —  Videl,  La  pie  de  Sofirey  de  Calignoti ,  p.  59  ; 
Mauroy,  Mém.  pour  la  vie  de  Berii.  de  Nogar.,  seign.  de  La  Valette,  dans  le 
marquis  de  C"*,  Addit.  au  Mém.  histor.  et  crit.  de  la  vie  du  maréchal  de  Bel- 
legarde  (par  Secousse),  p.  211  ;  =  Mémoires  de  Caïus  de  Viraie  de  Valée. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  281 

FIN    DES    GUERRES    DE    RELIGION    EN   PROVENCE  (1586). 

La  chute  de  Seyne  et  de  La  Bréole  marque  le  terme 
des  guerres  de  religion  proprement  dites  en  Provence  et 
l'anéantissement  du  parti  huguenot  en  tant  que  puissance 
militaire  et  politique.  Les  luttes  vont,  sans  doute,  con- 
tinuer dans  cette  province  plus  sanglantes  que  jamais 
jusqu'à  la  paix  de  Vervins,  conclue  le  2  mai  1 598  entre 
Henri  IV  et  Philippe  II  d'Espagne,  mais  on  ne  trouve 
désormais  en  présence  que  le  parti  royaliste  ,  composé 
des  catholiques  politiques  ou  modérés  ,  débris  des  an- 
ciens rasais  et  bigarrais,  et  de  quelques  gentilshommes 
protestants,  et  le  parti  de  la  Ligue,  qui  se  déclare  l'en- 
nemi, non  seulement  de  toute  tolérance  religieuse,  mais 
encore  du  pouvoir  royal  représenté  par  Henri  III  et 
Henri  IV.  On  voit  la  cour  souveraine  de  Provence  se 
scinder  en  deux  camps,  et  deux  parlements  siéger  l'un 
en  face  de  l'autre  :  le  Parlement  royaliste  et  le  Parle- 
ment ligueur  ;  ce  dernier  appeler  à  son  aide  le  duc  de 
Savoie,  qui  entre  en  Provence  et  s'y  comporte  en  maî- 
tre :  ce  qui  provoque  un  schisme  dans  la  Ligue  elle- 
même  et  donne  naissance  à  la  ligue  savoyarde  et  à  la 
ligue  provençale.  —  Quand  les  deux  partis  se  sont 
enfin  réconciliés  sous  Henri  IV,  le  duc  d'Epernon,  qui 
a  soutenu  jusque-là  le  parti  royaliste,  continue  la  guerre 
pour  son  propre  compte,  se  rend  coupable  de  violen- 
ces inouïes  et  rêve  de  fonder  un  gouvernement  indé- 
pendant ,  qui  n'a  d'autre  but  que  de  faire  acheter  sa 
soumission  à  beaux  deniers  comptants.  —  Enfin,  on 
contemple,  comme  conséquence  de  ces  guerres  néfas- 
tes, la  misère  du  peuple,  la  ruine  de  la  noblesse,  la  dé- 
population des  campagnes ,  l'anéantissement  du  com- 
merce et  de  l'industrie,  les  châteaux  brûlés,  les  fermes 


282  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

détruites,  les  champs  en  friche,  le  pays  criblé  de  dettes 
et  écrasé  d'impôts  (i). 

RÉFLEXIONS    FINALES   SUR   LES    GUERRES    DE    RELIGION. 

Nous  ne  reproduirons  pas  ici ,  au  sujet  des  guerres 
de  religion,  que  tout  patriote  et  chrétien  doit  regretter 
et  réprouver,  les  réflexions  qui  ont  été  déjà  faites  dans 
un  autre  écrit  (2),  nous  ferons  seulement  observer  qu'en 
Provence,  comme  dans  le  reste  du  royaume,  ces  luttes 
fratricides  eurent  pour  première  cause  la  déloyauté  du 
pouvoir  royal ,  l'intolérance  du  clergé  et  la  cruauté  du 
Parlement.  La  politique,  la  religion  et  la  justice,  ces 
trois  forces  vives  de  l'Etat,  se  réunirent  pour  étouffer  la 
réforme  au  berceau  et  la  noyer  dans  son  propre  sang,  et 
ce  ne  fut  que  lorsque  les  protestants  eurent  enduré 
pendant  trente  ans  des  supplices  sans  fin  ,  joints  à  des 
flétrissures  ,  des  emprisonnements ,  des  amendes  et 
des  confiscations  de  tout  genre  ,  qu'ils  se  soulevèrent 
contre  leurs  oppresseurs.  Ils  eussent  dû ,  sans  doute  , 
quoiqu'ils  fussent  dans  le  droit  de  légitime  défense  , 
supporter  patiemment  ces  persécutions  ,  à  l'instar  des 
premiers  chrétiens ,  au  risque  d'être  exterminés  comme 
le  furent  leurs  coreligionnaires  d'Italie  et  d'Espagne; 
mais  il  serait  souverainement  injuste  de  ne  pas  tenir' 
compte  des  circonstances  exceptionnellement  doulou- 
reuses qui  les  poussèrent  à  défendre,  parles  armes, 
leurs  biens  ,  leur  honneur ,  leur  liberté  et  leurs  vies , 
dont  leurs  ennemis  se  faisaient  comme  un  jeu.  En  tout 


(i)  Toute  cette  partie  des  guerres  civiles  en  Provence  est  traitée  avec  une 
grande  abondance  de  détails  ,  jointe  à  la  sûreté  des  informations ,  dans  le 
tome  1 1  du  savant  et  remarquable  ouvrage  du  docteur  Lambert,  que  nous  avons 
souvent  suivi  pas  à  pas  dans  les  pages  qui  précèdent. 

(2)  E.  Arnaud,  Hist.  des  prot.  du  Daiiph.,  t.  I,  p.  102-104. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  283 

état  de  cause,  les  oppresseurs  sont  plus  coupables  que 
les  opprimés,  et,  si  ces  derniers  n'avaient  pas  tiré  l'epée, 
bien  que  l'Evangile  leur  fît  un  devoir  de  la  laisser  dans 
le  fourreau,  il  est  certain  que  le  règne  de  la  liberté  reli- 
gieuse, et  même  de  la  liberté  politique,  ne  se  fût  pas  de 
sitôt  acclimaté  en  France.  L'absolutisme  royal,  ecclé- 
siastique et  judiciaire  vint  se  briser  contre  ces  hommes 
de  fer  et  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  fut  son  der- 
nier effort.  A  cette  heure  ,  la  France  jouit  non  seule- 
ment de  la  liberté  de  conscience  ,  mais  encore  de  la 
liberté  des  cultes  ,  et  pourvu  que  ce  noble  pays  sache 
associer  à  ses  aspirations  vers  le  progrès  et  le  bien ,  le 
respect  de  toutes  les  convictions  religieuses  sincères 
et  honnêtes ,  il  verra  s'ouvrir  devant  lui  un  long  et  bel 
avenir;  mais  il  ne  faut  pas  qu'il  oublie  que  la  liberté  et 
l'instruction  ne  sauraient  remplacer  la  vertu,  et,  que  la 
vertu  ,  sans  la  religion  qui  fait  sa  force  ,  est  une  im- 
possibilité morale. 


SORT  DES   PROTESTANTS  PROVENÇAUX  PENDANT  LA 

LIGUE 

(1,-86-1598) 


PERSECUTIONS    DE    DIVERS    GENRES. 

Pendant  les  guerres  de  la  Ligue  les  huguenots  du 
Dauphiné  ,  commandés  par  Lesdiguières ,  rendirent  de 
grands  services  au  parti  royaliste  en  Provence.  C'est 
ainsi  que  le  célèbre  capitaine  fut  appelé  dans  la  pro- 
vince, en  1 592,  1 594  et  1 595  ,  pour  soutenir  les  droits 
de  la  royauté  :  les  deux  premières  fois  contre  les  ligueurs. 


284  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

la  dernière  contre  le  duc  d'Epernon.  C'est  grâce  à  son 
habileté  et  à  ses  victoires,  que  le  duc  de  Mayenne, 
Charles  de  Lorraine  (i)  ,  put  prendre  possession  du 
gouvernement  de  Provence  dont  il  avait  été  pourvu.  Le 
Parlement  disait  lui-même  que  Lesdiguières  «  lui  avait 
ôté  la  corde  du  cou  ,  »  et  le  proclamait  son  libérateur. 
Mais  les  catholiques  oublièrent  bientôt  ses  services  et 
l'on  vit  renaître  en  Provence  les  persécutions  précé- 
dentes et  les  dénominations  de  papiste  et  de  huguenot , 
«  ce  qui  faisait  voir,  »  dit  Elie  Benoit,  «  que  l'esprit  de 
la  Ligue  y  régnait  encore  ,  puisqu'on  renouvelait  ainsi 
les  noms  de  parti,  que  les  principaux  auteurs  de  cette 
faction  avaient  fait  naître  autrefois.  »  Le  Parlement 
d'Aix  n'avait  pas  encore  enregistré  en  1597  l'édit  de 
juillet  1591 ,  dit  de  Mantes,  par  lequel  Henri  IV  révo- 
quait les  édits  de  Nemours  du  7  juillet  1585  et  d'union 
de  juillet  1588,  qui  avaient  mis  Henri  III  dans  la  dé- 
pendance du  duc  Henri  de  Guise ,  bannissaient  de 
France  tous  les  religionnaires  et  leur  déclaraient  une 
guerre  qui  ne  devait  cesser  que  lorsque  le  dernier  d'en- 
tre eux  aurait  péri. 

C'est  également  sous  la  Ligue  en  Provence  que  le 
célèbre  Jean  de  Serres,  pasteur  à  Orange  depuis  1589 
et  historien ,  fut  pris  près  de  Nyons  au  moment  où  il 
négociait  «  certaines  choses  entre  les  églises  du  Dau- 
phiné  et  celles  de  Provence  et  de  Languedoc  (2).  »  Il  fut 
conduit  à  Apt,  puis  à  Aix,  oij  il  resta  en  prison  jusqu'à 
la  fin  de  1595.  Il  avait  été  arrêté  en  juillet  1592.  Le 
consistoire  de  Nîmes  ordonna  des  prières  publiques 
pour  lui  et  écrivit  une  lettre  de  consolation  à  sa  femme 
(29  juillet  1592).  Le  synode  d'Uzès  (le  5  mai  1593)  dé- 


(i)  Frère  du  duc  Henri  de  Guise  assassiné  en  ii 
{2)  Ch.  Dardier,  Jean  de  Serres,  p.  54  et  55. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  285 

cida  d'intercéder  en  sa  faveur  auprès  de  Henri  IV  et 
du  duc  de  Montmorency  ;  et,  lui-même,  implora  la  pro- 
tection d'Artus  Prunier  de  Saint- André,  son  ami,  pré- 
sident au  Parlement  de  Grenoble.  Lesdiguières  s'em- 
ploya également  pour  lui ,  et  le  Parlement  finit  par 
rendre  le  prisonnier  à  la  liberté. 

Nous  rattachons  à  cinq  chefs  principaux  les  persécu- 
tions de  divers  genres  que  les  protestants  provençaux 
eurent  à  subir  pendant  la  Ligue ,  revenant  quelquefois 
en  arrière  pour  le  meilleur  groupement  des  faits. 

Liberté  de  conscience.  —  Au  Brusquet ,  non  loin  de 
Digne ,  le  vicaire  du  lieu  et  les  routiers  voulurent  con- 
traindre les  habitants  réformés  d'aller  à  la  messe  ou  de 
quitter  le  pays. 

Exercice  du  culte.  —  L'article  7  de  l'édit  de  Poitiers 
(septembre  1 577),  confirmé  par  les  articles  de  la  confé- 
rence de  Nérac  (dernier  février  1579)  et  du  Fleix 
(26  novembre  1880),  permettait  aux  protestants  de  faire 
et  de  continuer  l'exercice  de  leur  religion  dans  toutes 
les  villes  et  bourgs  oij  il  avait  été  publiquement  célébré 
le  17  septembre  :  ce  qui  assurait  à  ceux  de  Provence 
un  assez  grand  nombre  de  heux  de  culte,  car,  à  cette 
date,  les  huguenots  et  les  rasats  étaient  étroitement 
unis  et,  dans  toutes  les  places  qu'ils  occupaient,  la  re- 
ligion réformée  était  librement  pratiquée.  Le  Parlement 
de  Provence ,  sans  tenir  aucun  compte  des  édits ,  ren- 
dit,  en  août  1596,  un  arrêt  qui  interdisait  l'exercice  de 
la  rehgion  réformée  dans  toute  la  Provence  sous  peine 
de  confiscation  de  corps  et  de  biens.  Le  22  octobre 
suivant ,  mêmes  défenses  et  mêmes  peines ,  mais  avec 
injonctions  très  expresses  aux  sénéchaux  ,  lieutenants  , 
juges,  consuls,  manants  et  habitants  de  tous  les  lieux,  de 
tenir  la  main  à  l'exécution  de  l'arrêt.  «  Et  afin  qu'on 
voie  mieux,  »  disent  les  Mémoires  de  la  Ligue,  «  l'indi- 


286  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

gnité  de  l'arrêt,  il  comprend  Mérindol ,  Cabrières  , 
LoLirmarin  ,  La  Roque  d'Antheron  ,  lieux  qui  ont  cet 
heur  (bonheur)  de  jouir  de  ce  qu'on  leur  veut  ôter,  non 
pas  depuis  vingt-cinq  ou  trente  ans  ,  depuis  l'édit  de 
janvier  [1562],  mais  de  temps  immémorial,  peu  plus 
pour  moins  de  trois  cents  ans.  »  Ce  qu'il  y  avait 
d'étrangement  inique  dans  la  conduite  du  Parlement, 
c'est  qu'il  invoquait,  pour  interdire  l'exercice  de  la  reli- 
gion réformée  en  Provence  ,  les  édits  mêmes  qui  l'y 
autorisaient. 

A  Digne,  les  juges  du  lieu  défendirent  aux  réformés 
de  s'assembler  pour  prier  Dieu  sous  peine  de  cent  écus 
d'amende,  et  leur  ôtèrent  même  leurs  Bibles,  psautiers 
et  autres  livres  religieux;  que  s'ils  venaient  à  en  garder 
quelques-uns,  c'en  était  assez  pour  qu'ils  fussent  punis 
d'amende,  de  prison  ou  de  bannissement. 

«  A  Manosque...,  »  racontent  les  mêmes  Mémoires 
de  la  Ligue,  «  comme  on  se  fut  assemblé  par  quelques 
dimanches  en  petit  nombre  et  secrètement,  découverts 
qu'ils  furent,  on  les  contraignit  de  désister,  et  fut  donné 
arrêt  de  la  Cour  de  Parlement,  portant  inhibitions  et 
défenses  à  ceux  de  la  religion  de  se  trouver  ensemble 
à  peine  de  dix  mille  écus  ;  et  depuis ,  à  l'occasion  d'un 
baptême  secrètement  fait  ,  peu  s'en  fallut  qu'ils  ne  fus- 
sent tous  massacrés.  » 

A  Antibes  et  à  Brignoles,  où  l'exercice  de  la  religion 
réformée  avait  eu  lieu  au  vu  et  au  su  de  tout  le  monde 
du  moment  de  la  signature  de  l'édit  de  Poitiers ,  la 
liberté  dont  jouissaient  les  protestants  «  de  droit  et  de 
fait  »  leur  fut  complètement  ôtée. 

A  Lourmarin,  les  soldats  du  duc  de  Mayenne,  gou- 
verneur de  Provence  ,  convertirent  en  écurie  l'église 
qui  servait  de  temple  aux  réformés  et  jetèrent  dans  un 
étang  le    maître  d'école  ,   qu'ils    avaient  pris   pour,  le 


LES   GUERRES   DE    RELIGION.  287 

ministre,  avec  sept  ou  huit  des  principaux   habitants. 

Le  cahier  des  plaintes  de  1 583 ,  adressé  au  roi  après 
l'assemblée  politique  de  Saint-Jean-d'Angély  et  celui  de 
1584,  rédigé  par  celle  de  Montauban,  portaient  déjà 
que  le  prêche  était  interdit  dans  plusieurs  villes  de  Pro- 
vence ,  où  il  avait  eu  lieu  pendant  de  longues  années , 
sous  prétexte  qu'il  n'avait  pas  été  célébré  le  jour  même 
où  fut  publié  l'édit  de  Poitiers,  et  dans  plusieurs  autres 
où  il  existait  pourtant  le  17  septembre  i  ^^-j^^  jour  où  fut 
signé  cet  édit. 

Enterrements.  —  L'édit  de  Poitiers  (art.  20)  et  les  ar- 
ticles du  Fleix  (art.  7)  portaient  que  Jes  officiers  des 
localités  seraient  tenus  de  pourvoir,  dans  la  quinzaine 
après  réquisition,  ceux  de  la  religion  d'un  lieu  com- 
mode pour  leurs  sépultures  «  à  peine  de  cinq  cents  écus 
en  leurs  propres  et  privés  noms.  »  Sur  ce  point  les 
édits  ne  furent  pas  plus  exécutés  que  sur  les  autres. 

«  Etant  morte,  »  disent  les  Mémoires  de  la  Ligue, 
«  une  bonne  femme  âgée  d'environ  cent  ans,  ainsi  qu'on 
portait  le  corps  en  terre  ,  y  ayant  en  la  troupe  quel- 
ques-uns des  gens  d'armes  de  la  compagnie  du  bailli 
de  Manosque ,  laquelle  pour  lors  y  était  en  garnison , 
le  curé  alla  lui-même  en  personne  aux  cloches ,  un  jour 
de  dimanche,  sonnerie  tocsin.  A  ce  son  se  ramasse 
une  foule  de  trois  ou  quatre  mille  personnes  en  armes , 
que  le  curé  conduisit  droit  au  cimetière  ;  de  quoi 
effrayés  tous  ceux  du  convoi  se  mettent  en  fuite,  qui  çà, 
qui  là,  abandonnant  le  corps  à  la  merci  du  curé ,  qui  le 
lit  enfouir  en  lieu  champêtre.  » 

«  A  Brignoles  ,  la  troupe  du  convoi,  qui  revenait  de 
mettre  en  terre  le  corps  de  la  fille  d'un  nommé  Bouet, 
ne  sut  rentrer  par  la  porte  de  la  ville ,  à  cause  tant  du 
pont-levis  qu'on  avait  haussé  que  des  pierres  qu'on  leur 
ruait  du  haut  des  murailles,   et  fallut  tournoyer  jusqu'à 


288  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

une  brèche  qu'il  y  avait  près  de  la  citadelle  par  oij  on 
entra. 

»  A  Hyères,  Draguignan  et  ailleurs,  on  ne  peut  faire 
les  enterrements  sans  grand  danger  de  la  vie ,  encore 
que  ce  soit  la  nuit ,  car  on  se  rue  sus  à  grands  coups 
de  pierre ,  si  bien  qu'on  est  le  plus  souvent  contraint 
d'abandonner  les  corps  à  la  merci  de  qui  voudra.  » 

«  A  Tarascon,  il  n'y  a  pas  longtemps  qu'étant  mort 
le  sieur  de  Modène,  on  ne  put  avoir  permission  de  lui 
donner  terre  en  toute  la  Provence  ;  ains  fallut  le  porter 
delà  le  Rhône  à  Beaucaire,  avec  le  congé  de  M""  de 
Pérault. 

»  A  Signe ,  à  La  Roque-d'Antheron  ,  à  La  Tour- 
d' Aiguës  en  Provence,  on  en  a  déterré  plusieurs  par 
le  commandement  de  l'évêque  de  Marseille. 

»  A  Draguignan,  Brignoles,  Hyères,  on  en  a  déterré 
et  jeté  à  la  voirie ,  qui  étaient  morts  huit  ans  aupara- 
vant. » 

A  Thorame  et  dans  plusieurs  autres  lieux  de  Pro- 
vence ,  on  refusa  aussi  des  cimetières  aux  réformés. 

A  Aix  même,  ils  n'en  avaient  pu  encore  obtenir  un 
en  1 584  et  n'en  eurent  point  jusqu'à  l'édit  de  Nantes  , 
encore  pas  immédiatement. 

Chambre  de  justice.  —  L'édit  de  Beaulieu  de  1576, 
comme  on  l'a  vu  plus  haut,  page  224,  créa  une  cham- 
bre mi-partie  au  Parlement  d'Aix  ,  composée  d'un  pré- 
sident catholique  et  d'un  président  protestant  et  de  dix 
conseillers  ,  dont  cinq  de  chaque  religion ,  et  stipula 
que  les  conseillers  catholiques  seraient  choisis  par  le 
roi  parmi  les  membres  des  parlements  du  royaume  ou 
du  grand  conseil ,  et  les  conseillers  protestants  parmi 
les  personnes  que  leur  mérite  ou  leurs  services  dési- 
gneraient à  sa  bienveillance. 

L'édit  de  Poitiers  de  1577  transforma  cette  chambre 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  289 

mi-partie  en  une  chambre  tri-partie,  composée  d'un  prési- 
dent catholique  et  d'un  président  protestant,  et  de  douze 
conseillers  dont  quatre  seulement  protestants.  Le  pré- 
sident et  les  conseillers  protestants  devaient  être  pris 
parmi  les  membres  du  Parlement  d'Aix,  et,  à  leur  défaut 
ou  en  cas  de  vacance  des  titulaires,  parmi  les  juriscon- 
sultes réformés  désignés  à  Henri  III  par  le  roi  de  Na- 
varre. Pour  la  première  fois,  les  offices  devaient  être 
concédés  gratuitement. 

Ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  deux  chambres  ne  purent 
être  établies  à  Aix  malgré  les  réclamations  du  roi  de 
Navarre. 

Six  mois  après  la  signature  des  articles  du  Fleix  de 
novembre  1 580  ,  l'assemblée  politique  de  Montauban 
(1581)  demanda  que  la  chambre  tri-partie  de  Provence 
redevînt  mi-partie ,  ou  tout  au  moins  que  tout  nouveau 
conseiller  fût  nommé  par  le  roi  de  Navarre  sur  l'avis  des 
Eglises  réformées  du  ressort.  Il  est  vrai  que  les  articles 
du  Fleix  ne  parlaient  pas  de  cette  chambre  tri-  partie  ; 
mais  aussi  bien  que  ceux  de  la  conférence  de  Nérac 
du  28  février  1 579,  ils  furent  toujours  considérés  comme 
de  simples  annexes  de  l'important  édit  de  Poitiers,  lais- 
sant subsister  tous  les  points  de  ce  dernier  édit  qui 
n'avaient  pas  été  modifiés. 

L'assemblée  politique  de  Montauban  de  i  ^84  se  plai- 
gnit au  roi  de  ce  que  la  chambre  exceptionnelle  d'Aix, 
malgré  les  engagements  les  plus  solennels,  n'avait  pas 
encore  été  établie  ,  et  de  ce  que  le  Parlement  de  Pro- 
vence s'attribuait  le  jugement  d'affaires  dont  la  con- 
naissance lui  était  interdite  par  les  édits.  Henri  III  pro- 
mit le  redressement  de  ce  grief,  mais  rien  ne  fut  changé 
dans  la  conduite  du  Parlement ,  qui  continua  à  être 
animé  de  la  même  hostilité  à  l'égard  des  protestants  de 
son  ressort. 

19 


200  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Le  traité  de  Nemours  de  1585,  qui  survint,  rétablit 
purement  et   simplement  l'ancien  ordre  de  justice  en 

France. 

Pour  terminer,  nous  mentionnerons  deux  arrêts  du 
Parlement  d'Aix,  enjoignant  aux  sieurs  de  Tartonne  , 
d'Espinouse  et  de  La  Bréole  u  d'abattre  toutes  les  dé- 
fenses de  leurs  maisons  ,  »  —  ce  qui  était  les  mettre  à 
la  merci  des  personnes  qui  voulaient  leur  nuire ,  —  et 
les  violences  dont  les  protestants  provençaux  furent 
l'objet  en  1594,  sous  le  second  gouvernement  du  san- 
guinaire duc  d'Epernon,  et  à  la  suite  desquelles  un 
grand  nombre  d'entre  eux  s'expatrièrent  momentané- 
ment. Le  synode  national  de  Montauban,  tenu  cette 
même  année,  et  auquel,  pour  cette  raison,  la  Provence 
ne  put  envoyer  de  député  ,  décida  «  qu'on  leur  écrirait 
pour  les  consoler  (i).  » 


HISTOIRE  INTÉRIEURE 


Il  n'est  resté  que  peu  de  documents  sur  l'histoire  in- 
térieure des  protestants  de  Provence  pendant  l'époque 
troublée  des  guerres  de  religion ,  qui  vit  disparaître  un 
grand  nombre  des  soixante  Eglises  que  comptait  la 
Provence  en  1 560  (V.  page  115).  Les  historiens  catho- 
liques n'ont  guère  raconté  que  les  faits  militaires.  Les 
événements  ecclésiastiques  proprement  dits  ne  les  inté- 
ressaient point   et  parvenaient   même  rarement  à  leur 


(i)  Mémoires  de  La  Ligue,  t.  VI ,  p.  470  ,  472,  474,  477,  478  ;  —  Benoît , 
Hist  de  L'é dit  de  Nantes  ,  t.  I,  p.  167,  204,  206,  209;  —  Aymon ,  Tous  les 
synodes  nationaux,  t.  I,  p.  174;  —  Anquez,  Hist.  des  assemblées  politiques  des 
réformés,  p.  89,  90,  119,  122,  125,  126,  128. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION,  201 

connaissance,  car  les  protestants,  réduits  le  plus  sou- 
vent à  célébrer  leur  culte  en  secret,  cachaient  avec  soin 
le  nom  de  leurs  pasteurs  et  leurs  affaires  intérieures. 
Les  renseignennents  que  nous  allons  donner  sur  leur 
histoire  ecclésiastique  se  trouvent  donc  forts  réduits. 

SYNODES    DE    PROVENCE. 

Les  Eglises  de   Provence  furent  rattachées  ,  à  l'ori- 
gine ,  au  synode  du  Dauphiné ,  en  même  temps  que  la 
principauté  d'Orange  et  le  comtat   Venaissin ,   comme 
nous  l'apprend  l'article  qui  suit  du  synode  de  Montéli- 
mar  du  6  mars   1 562  :  «  La  province  du   Dauphiné  et 
autres  conjointes  à  icelle  seront  divisées  et  ordonnées 
en  cinq  classes  ,   à  savoir  :  Viennois  et  Terre  de    La 
Tour  [du  Pin] ,  qui  est  le  bailliage  de  Vienne  et  Grési- 
vaudan  ;  Viennois  et  Valentinois ,  qui  est  le  bailliage  de 
Saint-Marcellin  ;   —   et  le   bailliage   de   Valentinois   et 
Diois ,   une  autre  classe;' —  Briançonnais  et   Embru- 
nais  ,   une  autre  classe  ;   —  Gapençais  et   Baronnies, 
une  autre  classe;  —  Saint- Paul-Trois-Châteaux,  Orange 
et  sa  principauté ,  le  comté  de  Venisse  et  Provence  ,  à 
savoir  les  places  et  lieux  qui  sont  entre  le  Dauphiné  et 
le  comté  d'Orange ,  une  autre  classe  (i).  » 

Nous  sommes  porté  à  croire  que  cette  union  syno- 
dale des  Eglises  de  Provence  avec  celles  du  Dauphiné 
subsista  pendant  tout  le  cours  du  seizième  siècle  ,  et 
que  les  premières  ne  formèrent  qu'une  classe ,  autre- 
ment dit  qu'un  colloque  du  synode  de  ces  deux  pro- 
vinces réunies  ;  mais,  dans  bien  des  cas,  le  colloque  de 
Provence  paraît  avoir  délibéré  comme  un  véritable  sy- 
node ,  soit  à  cause  des  distances ,  soit  à  cause  des  dif- 

(1)  E.  Arnaud,  Documents  protestants  inédits,  p.  57- 


292  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ficLiltés  de  communication  engendrées  par  les  guerres 
civiles. 

Le  seul  colloque  (ou  synode)  dont  nous  ayons  re- 
trouvé la  trace  est  celui  qui  se  réunit ,  au  mois  de  sep- 
tembre 1561  ,  dans  les  quartiers  de  la  Durance ,  vrai- 
semblablement à  Mérindol.  Il  nous  reste  de  lui  une 
lettre  adressée  à  la  compagnie  des  pasteurs  de  Genève, 
touchant  certaines  infractions  à  la  discipline  ecclésias- 
tique commises  par  plusieurs  pasteurs  de  Provence. 

Ainsi ,  Matthieu  Yssautier  (ou  Essaultier) ,  originaire 
du  Lauzet,  vallée  de  Barcelonnette,  pasteur  dans  les 
quartiers  de  la  Durance  ,  avait  donné  la  cène  à  deux 
personnes  qui  n'avaient  été  reçues  dans  aucune  église  , 
puis  à  tout  le  troupeau  ,  composé  de  trois  ou  quatre 
cents  personnes,  après  «  les  avoir  catéchisés  que  pour 
l'espace  de  deux  jours  seulement  ;  »  il  avait  baptisé  un 
enfant  en  dehors  de  l'assemblée  ;  déclaré,  dans  un  cas 
embarrassant  de  mariage  ,  que  c'était  à  l'archevêque 
d'Aix  à  en  décider;  dit  «  que  les  chrétiens  ne  doivent 
recourir  au  magistrat  pour  la  punition  des  séditieux  ;  » 
donné  des  lettres  de  recommandation  à  Georges  Cor- 
nelli ,  «  ingéré  de  son  propre  au  ministère  à  Orange,  » 
quoique  suspendu  de  son  ministère  en  Provence  par  le 
synode  de  cette  province  ;  enfin  ,  il  avait  «  établi  pour 
diacre,  dans  l'église  de  Saint-Martin  de  Castillon ,  un 
quidam  ,  naguère  prêtre ,  tenant  femme  à  pot  et  à  feu , 
nullement  épousée.  »  Censuré  au  dernier  synode  à 
l'occasion  de  ces  faits,  Yssautier,  non  seulement  ne 
s'était  pas  amendé,  mais  encore  semblait  «  vouloir, 
comme  par  dépit ,  empirer.  »  Ce  personnage  avait  été 
primitivement  pasteur  au  Grand-Sacconey,  près  Genève. 
Il  quitta  la  Provence  peu  après  le  synode  ,  et  eut  à  ré- 
pondre, devant  le  Consistoire  de  Genève,  des  infrac- 
tions à  la  discipline  dont  il  s'était  rendu  coupable  en 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  293 

Provence,  et  des  propos  médisants  qu'il  avait  tenus, 
depuis  son  retour  à  Genève,  contre  certains  pasteurs 
de  cette  ville.  Le  Consistoire  l'excommunia  et  pria 
MM.  du  conseil  de  lui  faire  son  procès  (i). 

Georges  Cornelli  (pour  Corneille)  avait  fait  bénir  par 
un  prêtre  son  mariage  avec  une  femme  qui  était  en- 
ceinte depuis  plusieurs  mois.  Lorsqu'il  était  encore  dans 
le  pays  de  Berne,  où  il  remplissait  les  fonctions  du  mi- 
nistère, il  avait  trompé  MM.  de  Berne,  en  faisant  affir- 
mer avec  serment  devant  eux ,  par  «  un  moine  de 
paille  ,  »  qu'il  «  était  mandé  par  certain  grand  seigneur 
au  pays  de  Provence  pour  servir  aux  églises  ;  »  de  plus, 
il  avait  «  prêché  l'idole,  qu'on  appelle  saint  Antoine,  ne 
devoir  être  tenue  à  moindre  rang  que  les  apôtres  ;  »  il 
s'était  «  ingéré  d'audace  à  exercer  le  ministère  contre 
la  détermination  »  du  dernier  synode  de  Provence ,  et 
avait  ((  appelé  tous  les  ministres  de  Provence  de  grands 
sots  et  badauds,  pour  l'avoir  débouté,  jusqu'à  répara- 
tion ,  de  son  ministère.  » 

Jean  Chabrand,  pasteur  à  Vilhosc,  avait  «  administré 
et  fait  un  mariage  d'un  prieur  et  de  sa  paillarde  sans 
assemblée  ,  ni  prédication ,  ni  annonce.  » 

Nicolas,  pasteur  à  Digne,  venu  de  Neuchâtel , 
avait  ^écrit  à  Georges  Cornelli,  qui  s'était  retiré  à 
Orange  ,  de  revenir  en  Provence ,  et  qu'il  trouverait , 
au  sein  du  prochain  synode ,  «  plus  d'amis  qu'il  ne 
pensait.  » 

«  Nous  voyons  là,  »  disent  en  terminant  les  pasteurs 
de  Provence  ,  «  quatre  garnements  conspirer  à  s'entre- 
bâiller la  main  pour  maintenir  et  couvrir  les  méchance- 
tés l'un  à  l'autre,  pour  finalement  réduire  ce  pauvre  pays 


(i)  Reg.  du  consist.  de  Gen.  des  26  nov.  et  3  déc.  IJ62,  14  janvier,  27  ma 
et  5  juin  1563. 


294  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

à  telle  corruption  de  religion  qu'ils  ont  par  ci-devant 
mis  le  pays  et  terres  de  Berne.  » 

La  lettre  est  signée  par  de  Mercurins  ,  pasteur  à 
Lourmarin  ;  Manny,  pasteur  à  La  Roque-d'Antheron  ; 
de  Fargues,  pasteur  à  La  Coste  et  Roussillon  ;  Bouon, 
pasteur  à  Sivergues  ;  de  la  Salle  ,  pasteur  à  La  Motte 
[d'Aiguës]  ;  et  Spiron ,  pasteur  à  Sénas  (i). 

On  voit,  par  ce  document,  qu'à  cette  époque  d'effer- 
vescence religieuse,  des  hommes  mal  qualifiés  s'étaient 
introduits  dans  le  corps  pastoral.  A  la  faveur  du  mou- 
vement irrésistible  qui  entraînait  les  masses  vers  la  re- 
cherche des  choses  saintes  ,  l'ivraie  se  mêlait  au  bon 
grain  ;  mais  les  hommes  vraiment  pieux  s'efforçaient 
avec  un  soin  jaloux  de  retrancher  du  corps  de  Christ 
ces  membres  gangrenés. 

DÉPUTATION    AUX    SYNODES    GÉNÉRAUX. 

Les  rapports  des  églises  de  Provence  avec  les  syno- 
des généraux  furent  peu  suivis  pendant  les  guerres  de 
religion  ,  à  cause  de  leur  situation  particulièrement  dif- 
ficile et  douloureuse.  Elles  n'envoyèrent  de  députés 
qu'à  deux  synodes  généraux,  si  toutefois  les  listes 
d'Aymon  (2)  sont  complètes,  savoir  :  au  synode  général 
de   Figeac  du   25   août    1579,  un  député,  Claude  de 


(i)  La  copie  de  cette  lettre,  imprimée  par  les  éditeurs  des  Œuvres  de 
Calvin  (vol.  XIX,  n°  5854),  d'après  un  ms.  de  la  bibi.  publ  de  Genève 
(vol.  196,  fol.  2Ç),  porte  par  erreur,  selon  nous,  la  date  de  1562.  Au  mois  de 
septembre  de  cette  année ,  Cornelli  était  mort  (voy.  Crespin  ,  fol.  679  et 
de  Bèze,  t.  III,  p.  239),  et  ce  n'est  pas  après  la  chute  de  Sisteron,  survenue 
le  4  septembre  1J62,  alors  que  la  Provence  était  remplie  de  soldats  avides 
de  sang  et  de  pillage,  que  six  pasteurs  auraient  pu  se  réunir  en  synode.  Pour 
le  même  motif,  Chabrand  ne  pouvait  exercer  son  ministère  à  Vilhosc,  à 
proximité  de  Sisteron  ;  et  de  Mercurins  n'était  plus  pasteur  à  Lourmarin 
en  i<|62. 

(2)  Tous  les  synodes  nationaux. 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  295 

Pensilles,  ancien  de  Forcalquier;  au  synode  général  de 
Saumur  du  3  juin  1 596  ,  un  seul  député  ,  Jean  de  Ser- 
res, pasteur  à  Orange.  Le  Dauphiné,  la  principauté 
d'Orange  et  la  Provence  s'étaient  unis  pour  cette  der- 
nière députation. 

HISTOIRE    PARTICULIÈRE   DES   ÉGLISES   DE    PROVENCE  AU 
SEIZIÈME    SIÈCLE. 

La  plupart  des  églises  de  Provence  firent  venir  pen- 
dant cette  période  leurs  pasteurs  de  Genève ,  qui  pos- 
sédait une  académie  florissante.  Ces  démarches  ,  qui 
s'expliquent  par  la  raison  bien  naturelle  que  les  Eglises 
de  France  étaient  destituées  à  cette  heure  de  collèges 
et  d'académies  ,  irritèrent  ,  paraît-il ,  un  certain  réfugié 
de  Provence ,  qui  fut  accusé ,  devant  le  consistoire  de 
Genève,  «  d'avoir  dit  à  certains  personnages  qui  étaient 
venus  quérir  des  ministres  en  cette  ville  :  «  Je  pense 
qu'on  fera  tantôt  une  Rome  de  cette  ville  et  de  M.  Cal- 
vin une  idole.  Que  n'allez-vous  quérir  en  votre  pays  et 
non  pas  ici  ?  »  Le  consistoire  décida  «  de  lui  faire  pour 
le  présent  bonnes  et  dues  remonstrances.  » 

Voici  les  divers  renseignements  que  nous  avons  pu 
recueillir  sur  l'histoire  des  églises  provençales  pendant 
cette  période.  Nous  suivons  l'ordre  du  tableau  de  la 
page  115. 

Apt.  —  La  ville  d'Apt  fournit  plusieurs  martyrs  avant 
qu'aucune  église  y  fût  dressée.  Jean  Féraud,  convaincu 
d'avoir  enseigné  les  erreurs  vaudoises ,  fût  brûlé  sur  la 
place  publique  de  la  cité.  En  1540,  Du  Plan,  qui  avait 
émis  sur  la  sainte  Vierge  des  idées  contraires  à  la  foi 
catholique  et  brûlé  des  images ,  fut  dénoncé  comme 
hérétique  et  conduit  à  Aix ,  où  le  Parlement  instruisit 
son    procès   et  le    condamna   également  à  être  brûlé. 


2C)6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Après  l'exécution,  le  président  Barthélémy  Chassanée, 
accompagné  de  Jean  de  Grossi,  juge  d'Apt,  et  de  quel- 
ques membres  du  Parlement,  firent  le  tour  de  la  vigue- 
rie    ressortissant   à   cette   ville   et   arrêtèrent    plusieurs 
villageois  suspects  ou  convaincus  d'hérésie.  Peu  après, 
de  Grossi  ,  ayant  fait  emprisonner  quelques  habitant- 
d'Apt    qui    passaient    pour  luthériens  ,    leurs  partisans 
brisèrent  les  portes  delà  prison  en  plein  jour  et  les  déli- 
vrèrent. Le  roi  François  I*^"" ,  informé  de  cet  acte  auda- 
cieux ,  intima  l'ordre  au   Parlement  de  sévir  contre  les 
coupables.  Le  juge  de  Grossi,  chargé  de  l'instruction, 
demanda  main-forte  pour  arrêter  ces  derniers  ;  mais  ils 
avaient  déjà  pris  leurs  mesures  pour  se  soustraire  à  ses 
poursuites.  Dix  ans  plus  tard  (1550)  ,  le  nombre  des 
luthériens  d'Apt  ne  cessant  de  s'accroître,  les  consuls 
d'Apt  firent  décréter,  par  le  Conseil  général  de  la  ville, 
que  tout  habitant,  convaincu  de  professer  les  erreurs  de 
Luther,  serait  poursuivi  aux  dépens  du  public,  à  moins 
qu'il  n'y  renonçât  ou  préférât  s'expatrier.   Dix  ans  plus 
tard  encore  (1560),   les   protestants  d'Apt  eurent  une 
nouvelle  alerte.   Les  consuls ,  craignant  que  le  célèbre 
capitaine  dauphinois,  Charles  du   Puy-Montbrun  ,  qui 
avait  envahi  le  comtat  Venaissin  en  juillet ,  ne  marchât 
contre  leur  ville  ,  fermèrent  toutes  leurs  portes ,  à  l'ex- 
ception d'une  seule,  et  décrétèrent  l'expulsion  des  va- 
gabonds, des  gens  sans  aveu  et  des  personnes  suspec- 
tes.   Ayant    également    décrété    le    désarmement    des 
luthériens,  ceux-ci,  quoique  peu  nombreux,  s'y  refusè- 
rent énergiquement.  Une  collision  eut  lieu,  et  un  luthé- 
rien fut  tué.  Le  comte  de  Tende  ,  gouverneur  de  Pro- 
vence ,    auprès   de    qui    les   luthériens  se    plaignirent  , 
nomma  Gabriel  de  Pontevès,  seigneur  de  Buous,  com- 
mandant de  la  ville ,  avec  pouvoir  de  lever  deux  cents 
hommes  de  garde.  Sa  commission  portait  qu'il  procé- 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  297 

derait  au  désarmement  de  tous  les  bourgeois  ,  à  quelque 
religion  qu'ils  appartinssent,  et  que  les  consuls  d'Apt  , 
en  cas  de  refus,  seraient  déclarés  rebelles  et  poursuivis 
comme  tels.  Les  habitants  de  la  ville  ayant  représenté 
au  comte  qu'ils  avaient  toujours  pourvu  eux-mêmes  à 
leur  défense  et  qu'un  désarmement  général  était  impra- 
ticable ,  le  gouverneur  de  Provence  consentit  à  réduire 
la  garnison  de  moitié.  Dès  Tannée  suivante  (1561),  on 
vit  des  Aptésiens  de  marque  embrasser  publiquement  la 
Réforme.  François  de  Remerville  (i)  fit  venir  de  Genève, 
cette  même  année,  le  pasteur  Jean  de  La  Plante^  qui 
tint  l'assemblée  dans  la  propre  maison  de  ce  gentil- 
homme. Y  assistaient  ostensiblement  François  d'Alber- 
tas,  grand  vicaire  de  l'évêque,  et  Philippine  d'Ardaillon, 
native  d'Orange,  religieuse  de  l'abbaye  de  Sainte-Croix 
d'Apt. 

A  la  fin  de  cette  année,  1561,  grâce,  sans  doute,  à 
l'influence  de  ces  personnages  et  de  leurs  amis ,  les 
consuls  de  la  ville  supplièrent  le  comte  de  Tende  de 
ne  pas  donner  lieu  aux  poursuites  que  l'on  voulait  diri- 
ger contre  les  luthériens  d'Apt,  vu  que  les  habitants 
n'avaient  pas  cessé  d'être  «  fidèles  à  Dieu  et  au  roi,  » 
et  qu'il  était  inutile  de  grever  le  trésor  communal  de 
dépenses  nouvelles.  L'évêque  Jean-Baptiste  de  Simiane 
de  Gordes,  dont  nous  allons  parler,  travaillait,  de  son 
côté,  à  faire  prédominer  les  mesures  de  douceur,  et  les 
autres  membres  du  clergé,  à  son  exemple,  étaient  loin 
d'agir  comme  d'ardents  catholiques. 

(0  Un  des  membres  de  cette  famille,  Pompée  de  Remerville,  professa 
aussi  le.  protestantisme ,  mais  il  l'abjura  ensuite  à  Bordeaux  en  présence 
d'Anne  d'Autriche ,  qui  le  nomma  gouverneur  de  Guyenne.  Il  mourut  en 
1640.  C'était  un  savant  homme,  versé  en  latin,  en  grec  et  en  hébreu.  —  Un 
autre  Remerville,  qui  avait  le  prénom  de  Pierre,  se  distingua  aux  batailles 
de  Dreux,  Jarnac  et  Moncontour  et  était  également  protestant.  Il  devint 
plus  tard  un  ligueur  obstiné. 


29B  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

L'édit  du  17  janvier  i  "562  assura  momentanément 
l'exercice  de  la  religion  réformée  à  Apt.  Le  gouver- 
neur Pontevès,  qui  favorisait  le  parti  contraire,  fut  ré- 
voqué de  ses  fonctions,  et  les  consuls  reçurent  l'ordre 
du  comte  de  Tende  d'ouvrir  de  nouveau  les  portes  mu- 
rées de  leur  ville ,  de  licencier  les  compagnies  bour- 
geoises et  de  faire  jurer ,  en  présence  de  l'évêque , 
chaque  chef  de  famille  de  garder  la  cité  sous  l'obéis- 
sance du  roi  et  de  sa  justice,  d'y  maintenir  le  bon  ordre 
et  de  ne  reconnaître  que  les  ordonnances  de  Sa  Ma- 
jesté. Les  habitants,  après  cela,  furent  désarmés,  et 
François  de  Simiane,  député  par  le  comte,  les  assembla 
dans  l'église  des  Carmes  et  leur  déclara  que  l'intention 
du  roi  était  de  vivre  et  de  mourir  dans  la  religion  catho- 
lique, de  restituer  à  leurs  légitimes  possesseurs  les  ef- 
fets pris  dans  les  églises,  de  laisser  aux  ministres  de  la 
religion  réformée  la  liberté  de  prêcher,  excepté  dans 
les  villes  closes,  oi^i  l'exercice  de  leur  religion  ne  serait 
permis  que  dans  les  faubourgs  ;  de  ne  pas  permettre 
enfin  que,  dans  les  élections  des  consuls  et  autres  offi- 
ciers municipaux,  il  fût  fait  aucune  différence  entre  les 
deux  religions. 

Ces  mesures  enhardirent  les  protestants  aptésiens 
qui,  en  1 564  et  1 565,  après  l'édit  de  pacification  d'Am- 
boise ,  demandèrent  hautement  d'être  représentés  au 
conseil  communal.  Ils  avaient  pour  chef  un  nommé 
Bourgarel. 

En  1567,  le  premier  consul,  Claude  Albertas ,  em- 
brassa la  Réforme. 

En  1571,  François  d' Albertas,  qui  était  son  parent, 
abjura  lui-même  le  catholicisme  et  partit  pour  Genève. 
Philippine  d'Ardaiilon  se  déclara  franchement  protes- 
tante et  se  maria  avec  Jacques  Turque,  seigneur  de 
Gignac.    L'évêque   d'Apt,    précédemment    de   Vence , 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  299 

Jean- Baptiste  Rambaud  de  Simiane  de  Gordes  (frère 
de  Bertrand  Rambaud  de  Simiane ,  baron  de  Gordes , 
lieutenant  général  pour  le  roi  en  Dauphiné) ,  dont  le 
penchant  pour  la  Réforme  n'était  un  mystère  pour  per- 
sonne dès  l'année  1569,  se  déclara  aussi  protestant  en 
1 571  (i),et  partit  avec  son  grand  vicaire  d'Albertas  pour 
Genève,  oi^i  il  se  maria  avec  une  jeune  religieuse,  qu'il 
avait  rejointe  dans  sa  retraite  et  dont  il  eut  M™«^  d'Alen- 
çon.  Après  avoir  séjourné  quelque  temps  dans  la 
cité  de  Calvin ,  il  se  retira  dans  les  baronnies  du 
Dauphiné  sous  le  nom  de  M.  de  Saint-Sernin,  vocable 
de  son  abbaye  toulousaine,  et  mourut  le  23  septem- 
bre 1584  au  château  de  Gordes,  qu'il  affectionnait  par- 
ticulièrement. Il  était  né  le  20  novembre  1520  et  avait 
été  d'abord  évêque  de  Vence  (1555).  «  A  des  manières 
douces,  »  dit  Barjavel,  «  et  engageantes,  il  alliait  un 
esprit  vif  et  pénétrant,  des  sentiments  nobles  et  magna- 
nimes, un  extérieur  des  plus  aimables  et  des  plus  at- 
tractifs ))(Boze,  Hist.  d'Apt,  p.  235,  246,  254-257,  346; 
Histoire  de  l'église  d'Apt ,  p.  293  ;  Barjavel,  Le  seizième 
siècle^  p.  28,  39,  41,  42,  79-91  ;  Dietionnaire  historique). 

JoucAS.  —  Unie  à  Gordes  ,  cette  église  avait  pour 
pasteur  Jean  Bouer  de  1596  à  1507. 

Gordes.  —  Pasteur  de  1583  à  1588  :  Jean  Bouer. 
Elle  s'unit  à  Joucas  en  1596,  comme  on  vient  de  le 
dire. 

RoussiLLON.  —  Le  20  septembre  1561  cette  église 
était  une  annexe  de  Lacoste  [Calvim  opéra,  vol.  XIX, 
n«  3854). 

Lacoste.  —  Le  20  septembre  1 561  cette  église  avait 


(i)  Un  autre  frère,  Jean-Antoine  de  Simiane,  sieur  de  Cabanes,  protonotaire 
apostolique,  né  le  7  septembre  1525,  se  fit  également  protestant,  mais  il  re- 
tourna plus  tard  au  catholicisme  et  mourut  en  février  161 2,  âgé  de  quatre- 
vingt-huit  ans  (Barjavel,  Le  se^i'ème  si'èc/c,  p,  28,  79-9'-) 


300  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

pour  pasteur  de  Fargues,  et,  en  1 567,  Mann/  (ailleurs, 
Magni)  (Calvlnl  opcra ,  vol.  XIX,  n°  3854;  Bulletin  de 
la  Société^  etc.  ,  t.  IX,  p.  294). 

GiGNAC.  —  Cette  église  demanda  pour  pasteur  à 
Genève,  en  1 567,  Boni/ace  Esniieu,  qui  lui  fut  accordé; 
mais  le  député  qui  avait  fait  le  voyage  pour  l'emmener 
revint  sans  lui,  nous  ne  savons  pour  quel  moi'iï {Bulletin 
de  la  Soeiéte\  etc.,  t.  IX,  p.  296). 

Saint-Martin-de-Castillon.  —  Cette  église  avait 
pour  diacre,  en  1561,  un  ancien  prêtre  peu  recomman- 
dable  {Calvini  opéra,  vol.  XIX,  n°  3854). 

La  Motte-d'Aigues.  —  Pasteurs  :  De  La  Salle,  le 
20  septembre  1561  ;  en  1580  :  Jean  Nicolet,  qui  des- 
servait aussi  Cabrières-d'Aigues  (Calvini  opéra,  vol. 
XIX,  n°  3854). 

SivERGUEs.  —  Pasteurs  :  Bouon ,  le  20  septem- 
bre 1561  ;  Guillaume  Cassy ,  de  1566  à  1567  {Calvini 
opéra,  vol.  XIX,  n°  3854). 

Cabrières-d'Aigues.  —  Cette  église  fut  dressée  en 
1557.  Pasteur  en  1580  :  Jean  Nicolet,  résidant  à  La 
Motte-d'Aigues,  comme  on  vient  de  le  dire  (de  Bèze , 
t.  I,  p.  108). 

LouRMARiN.  — Cette  église  eut  à  souffrir  de  son  sei- 
gneur, François  d'Agoult,  comte  de  Sault,  qui  ne  vou- 
lait pas  permettre  aux  ministres  de  prêcher  dans  ses  ter- 
res; de  sorte  que  son  pasteur.  De  Mercurins,  venu  de 
Genève  en  1 561  pour  la  desservir,  ne  put  y  remplir  les 
devoirs  de  sa  charge  et,  comme  il  le  dit  lui-même,  ne 
fit  rien  «  que  deçà  et  delà  confirmer  les  frères,  desti- 
tués de  pasteur  en  Provence,  lorsqu'il  en  était  requis.  » 
Il  devint  pasteur  de  l'église  de  Marseille,  où,  ayant  ap- 
pris que  le  comte  de  Sault  venait  d'être  appelé  au  gou- 
vernement de  Lyon,  il  pria  Calvin,  le  12  octobre  1561, 
de   pourvoir    de    pasteur    les    fidèles    de    Lourmarin  ; 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  30I 

<(  car,  »  ajoute-t-il ,  «  il  n'y  a  église  en  Provence  où 
Dieu  ait  plus  mis  de  sa  bénédiction  selon  l'apparence 
externe.  »  Autres  pasteurs  :  En  1563,  Barras;  de  1560 
à  1572,  Baussan^  qui  s'absenta  plusieurs  fois  et  fut  sup- 
pléé par  les  pasteurs  des  églises  environnantes,  Bouon, 
Franc,  Jean  Boiter;  de  1580  à  1581,  Georges  Drujon  ; 
de  1 588  à  1 595  (unie  à  Mérindol),  Jean  Bouer ;  de  1 595 
à  161  2,  Jacques  de  La  Planche  [Calvini  opéra,  vol.  XIX, 
n°*  3854  et  3568  ;  Arch.  consistor.  et  municip.  de  Loiir- 
marin.) 

Mérindol.  —  Dressée  en  1559,  cette  église  fut 
desservie  pendant  quelque  temps,  au  commencement  de 
l'année  1561,  par  Jean  Bonpari  (1).  La  même  année, 
elle  eut  pour  pasteur  Jean  Peréri {Perler),  qui  y  avait  déjà 
exercé  son  ministère  au  moment  du  massacre  de  Mé- 
rindol de  1545,  date  à  laquelle  il  fut  nommé  pasteur  à 
Bossey  et  Neydans  ,  près  Genève.  Comme  il  avait 
laissé  les  meilleurs  souvenirs  à  Mérindol,  il  y  fut  rap- 
pelé par  l'église  en  1561.  Il  répondit  que  des  affaires 
particulières  rempèchaient  de  partir  tout  de  suite,  mais 
qu'il  ferait  tous  ses  efforts  pour  être  libre  au  plus  tôt, 
pourvu ,  toutefois ,  que  ses  collègues  de  Genève 
consentissent  à  son  départ.  MM.  du  Conseil,  dont 
l'autorisation  était  nécessaire ,  s'y  refusèrent  d'abord 
(5  août  1561)  ;  mais  ils  paraissent  être  revenus  sur  leur 
détermination  bientôt  après,  car  les  ministres  de  Genève 
écrivaient,  dès  le  12  août  suivant,  qu'il  avait  été  permis 
à  M^  Jehan  Peréri,  pasteur  à  Neydans,  «  de  retourner 
à  Mérindol,  qui  est  sa  paroisse  ancienne.  »  Calvin  di- 
sait aussi,  dans  une  lettre  du  17  septembre  1561  :  «  Pe- 
réri est  parti.  »  —  Pasteurs  en   1580,  puis  de  1588- 

(i)  Il  avait  quitté  l'église  de  Saint-Ambrolx  en  Languedoc  sans  donner  de 
ses  nouvelles.  En  i^67  un  Bompar  était  pasteur  à  Rouen  {Bulletin  de  la  So- 
ciété, etc.,  t.  IX,  p.  206). 


302  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

1595,  desservant  aussi  Lourmarin  :  Jean  Bouer,  qui,  à 
dater  de  1575,  resta  seul  pasteur  de  Mérindol  (de  Bèze, 
t.  I ,  p.  108  ;  ms.  français  197"  de  la  bibl.  publ.  de 
Genève;  Registre  du  conseil  de  Genève,  fol.  223  ;  Bulle- 
tin de  la  Société^  etc.,  t.  VIII,  p.  '76  ;  Calvini  opéra, 
vol.  XVIII,  n«^  3476  et  3523). 

Arles.  —  Les  doctrines  luthériennes  ne  recrutèrent 
pas  un  grand  nombre  d'adhérents  à  Arles  et  le  prêche 
ne  paraît  pas  y  avoir  été  longuement  établi.  On  sait 
pourtant  que,  dès  1549,  il  s'y  tenait  k  des  assemblées 
et  congrégations  illicites  »  contre  les  édits  et  mande- 
ments du  roi ,  et  qu'à  cette  occasion  un  meurtre  fut 
commis  sur  la  personne  du  luthérien  Bernadin  Baud.  Le 
comte  de  Tende,  gouverneur  de  Provence,  ordonna  des 
poursuites  contre  les  coupables,  dont  les  principaux 
étaient  Jean  de  Quiqueran  dit  l'écuyer  de  Ventabren  et 
Louis  Gausan  dit  de  Labadie.  On  sait  aussi  que  l'ar- 
chevêque d'Arles,  Jacques  de  Broullat,  s'engagea  dans 
le  parti  des  huguenots  et  s'attacha  au  prince  du  Condé, 
de  telle  sorte  que  le  Parlement  de  Paris  le  déclara  dé- 
chu de  ses  bénéfices  (1562).  Le  prélat,  dépossédé,  qui 
n'avait  passé,  du  reste,  que  quelques  jours  dans  son 
diocèse,  se  retira  en  Allemagne,  oij  il  mourut  vers  1 575. 
Les  archevêques  qui  occupèrent  le  siège  après  lui  firent 
tous  leurs  efforts  pour  que  la  Réforme  ne  se  propageât 
pas  dans  leur  diocèse.  Le  cardinal  Hippolyte  d'Esté  se 
concerta  avec  les  consuls  pour  qu'on  ne  tolérât  aucune 
conversion  dans  la  ville.  De  son  côté,  Prosper  de 
Sainte-Croix ,  légat  du  pape  en  France ,  «  avait  tant 
d'aversion  pour  les  novateurs ,  »  dit  l'abbé  Trichaud , 
«  qu'il  les  éloigna  avec  zèle  et  intrépidité  de  son  dio- 
cèse. Aussi  les  hérétiques  le  haïssaient  si  fort  qu'ils  en 
vinrent  jusqu'à  attenter  à  sa  vie  et  qu'il  eut  bien  de  la 
peine  à  éviter  les  pièges  qu'on  lui  avait  artificieusement 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  303 

tendus  pour  le  perdre.  »  Le  prélat  ne  réussit  qu'impar- 
faitement dans  son  oeuvre  d'intolérance  ;  car  Arles  ren- 
ferma pendant  longtemps  des  huguenots  (Achard,  Invent, 
sommaire  des  archiv.  communales  d' Avignon.,  p.  71  ;  Du 
Port,  Hist.  de  l'église  d'Arles,  p.  244  et  249  ;  La  France 
protestante  au  mot  du  broullat  ;  Trichaud,  Hist.  de  la 
sainte  église  d'Arles,  t.  IV,  p.   103  et  iio). 

Salon.  —  Cette  église  eut  à  essuyer  un  violent  as- 
saut de  la  part  des  catholiques  en  1560.  Le  i"  mai, 
les  vignerons  du  lieu ,  excités  par  le  bourgeois  Louis 
Villermin  dit  Curnier,  à  la  suite  d'une  chanson  luthé- 
rienne chantée  dans  les  rues  par  des  enfants,  se  muni- 
rent de  bâtons  et,  ayant  mis  des  croix  de  papier  et  de 
longues  plumes  de  coq  à  leurs  barrettes ,  se  saisirent  à 
grands  cris  des  luthériens  de  Salon  et  les  menèrent  au  châ- 
teau. Le  viguier  Pierre  Roux,  sieur  de  Beauvezet,  ayant 
arrêté  un  des  mutins,  plus  de  cent  séditieux  se  jettent 
aussitôt  sur  lui  et ,  le  traitant  de  fauteur  de  luthériens , 
de  souteneur  de  luthériens,  de  luthérien  même,  l'obli- 
gent à  se  réfugier  dans  une  maison  dont  ils  s'apprêtent 
à  incendier  la  porte  et  où  il  n'échappe  à  leurs  coups 
qu'en  jetant  son  bâton  de  justice  par  la  fenêtre.  Les  sé- 
ditieux, satisfaits,  confient  le  bâton  à  Antoine  de  Cordes 
(ou  de  Corduba),  «  homme  fort  doux,  gracieux,  franc  et 
libéral.  »  Ce  dernier,  aidé  de  Palaméde  Marck  de  Châ- 
teauneuf,  parvient  à  les  calmer  momentanément  en  fai- 
sant enfermer  au  château  vingt-cinq  luthériens  ;  mais  les 
séd-iieux,  reprenant  bientôt  leurs  cris  de  :  Mort  aux 
luthériens!  se  saisissent  du  riche  marchand  Louis  Paul, 
second  consul,  qui  passait  pour  luthérien,  pillent  sa  mai- 
son, puis  celle  de  Jean  Paul,  son  frère,  «  homme  de 
bien  et  sans  bruit  de  cette  religion,  »  et  s'emparent  en 
dernier  lieu  d'une  vieille  femme,  mère  d'un  des  suspects 
emprisonnés,  l'entraînent,  après  l'avoir  assommée,  àdeux 


304  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

cents  pas  hors  de  la  ville,  sur  la  route  d'Avignon  jusqu'à 
la  léproserie  et  lui  tranchent  la  tête  à  coups  de  hache. 
La  sédition  dura  cinq  jours  et  deux  nuits.  Huit  jours 
après,  La  Garde  et  le  grand  prévôt  de  Provence  vinrent 
à  Salon  pour  informer  sur  les  troubles  et  demandèrent 
qu'on  leur  livrât  les  coupables  et  les  suspects;  mais  le 
conseil  général,  réuni  le  11  mai,  leur  répondit  que  les 
informations  étaient  déjà  commencées  et  se  continue- 
raient, et  l'affaire  fut  ainsi  assoupie.  Les  prisonniers 
demeurèrent  enfermés  quinze  jours  et  furent  relâchés  un 
à  un,  parce  qu'aucune  charge  ne  s'éleva  contre  eux. 
Le  bâton  de  viguier  fut  donné  à  Guillaume  de  Brunet, 
ami  de  Beauvezet ,  mais  les  meurtriers  restèrent  impu- 
nis. Le  2  juillet  suivant,  Louis  Villermin  dit  Curnier , 
qui  avait  été  nommé  second  consul,  ayant  péri  assassiné, 
ses  partisans  tentèrent  de  soulever  une  seconde  fois  les 
vignerons  ,  mais  ils  ne  trouvèrent  pas  d'écho ,  car  les 
habitants  le  plus  en  crédit  dans  la  ville ,  notamment 
Antoine  Mark  de  Tripoli,  penchaient  vers  la  Réforme. 

Après  l'édit  d'Amboise  de  1563  et  forts  des  garanties 
qu'il  donnait  aux  protestants  pour  le  respect  de  la  liberté 
de  conscience,  Jean  Paul  le  Vieux,  Etienne  Bernard, 
Bertrand  de  Sarraire,  bourgeois,  et  Hugues  Coiffet,  chi- 
rurgien, agissant  tant  en  leurs  noms  qu'au  nom  de  leurs 
coreligionnaires  protestants,  sommèrent,  par  acte  nota- 
rié du  3  novembre  1565,  le  curé  de  la  ville  de  s'abste- 
nir désormais  de  baptiser  les  enfants  de  leur  religion  et 
de  se  conformer  à  l'édit  du  roi.  Le  curé  répondit  au 
bas  de  la  sommation  que,  tant  qu'on  lui  présenterait  des 
enfants,  il  les  baptiserait  sans  s'informer  de  la  religion 
à  laquelle  ils  pourraient  appartenir  (Nostradamus,  p.  785- 
787;  Louis  Gimon,  p.  219-228,  247). 

En  1 567,  l'église  de  Salon  avait  dû  avoir  Rigole/ j  pro- 
cureur à  Grenoble,  pour  pasteur;  mais  ce  dernier,  qui 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  305 

était  alors  à  Genève ,  n'effectua  point  son  voyage  nous 
ne  savons  pour  quelle  raison,  et  alla  un  peu  plus  tard  à 
Grasse  [Bulletin  de  la  Sociélé,  etc.,  t.  IX,  p.  294;  Ms. 
franc.  n°  197*  de  la  bibl.  publ.  de  Genève). 

Tarascon.  —  En  août  15Ç9,  cette  église  avait  pour 
pasteur  Ollimer,  envoyé  par  la  compagnie  des  pasteurs 
de  Genève,  mais  elle  ne  put  prospérer,  car  les  consuls 
prirent  soin  d'isoler  la  ville  du  mouvement  réformateur 
des  pays  environnants.  De  1559  à  1564,  ils  arrêtèrent 
une  série  de  mesures  pour  veiller  à  sa  garde,  afin  «  d'avi- 
ser aux  invasions  qui  pourraient  survenir  à  cause  des 
troubles  qui  sont  à  présent  pour  les  faits  de  religion  ^) 
[Ballet,  de  la  Soc.,  etc.,  t.  VIII,  p.  76;  Meyer,  Inven- 
taire sommaire  des  arch.  commun,  de  Tarascon,  BB,  18). 

Sénas.  —  Le  20  septembre  1561,  cette  église  avait 
pour  pasteur  Spiron. 

En  1568,  le  baron  de  Sénas,  Balthasar  de  Gérente, 
celui-là  même  qui  s'était  illustré  avec  Mauvans  dans  la 
retraite  de  Sisteron,  désireux  de  dresser  une  église  dans 
son  fief,  adressa  à  ce  propos  la  belle  lettre  qui  suit  aux 
pasteurs  et  professeurs  de  l'Eglise  de  Genève  : 

a  Salut  par  notre  Seigneur  Jésus-Christ. 

»  Messieurs  et  frères  de  l'Eglise  de  Genève, 

»  Messieurs  et  frères ,  d'autant  qu'il  a  plu  à  notre 
Dieu  nous  faire ,  entre  autres  grâces ,  ce  bien ,  après 
nous  avoir  remis  en  nos  pays  et  maisons  que,  même  par 
notre  roi ,  ceux  de  la  noblesse  de  ce  pays ,  suivant  la 
liberté  qu'il  nous  a  octroyée,  peuvent,  sans  crainte  des 
hommes,  exercer  leur  religion,  car  j'ai  toujours  souhaité, 
depuis  qu'il  a  plu  à  ce  bon  Dieu  me  retirer  des  abîmes 
d'erreur  oij  j'étais  engouffré ,  de  faire  chose  qui  fût  à 
l'avancement  du  règne  de  Jésus-Christ,  ce  que  je  ne 
pense  point  mieux  excercer  qu'en  faisant  à  mon  pou- 

20 


306  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

voir  prêcher  et  publier  sa  parole  aux  lieux  et  places  que 
Dieu  m'a  donnés  en  ce  monde.  Et  pour  autant  qu'en  ce 
faisant  il  m'est  requis  d'avoir  un  personnage  doué  des 
grâces  du  Saint-Esprit  et  qui  ait  de  quoi  répondre  à  plu- 
plusieurs  personnes  (assez  fondées  en  plusieurs  raisons 
humaines),  qui  me  viennent  souvent  visiter  :  A  cette 
cause,  Messieurs  et  honorés  frères,  je  vous  supplie,  au 
nom  de  Dieu  ,  me  faire  ce  bien  de  me  vouloir  départir 
un  personnage  pour  venir  devers  moi  faire  l'oeuvre  du 
Seigneur.  Et  je  donnerai  ordre  (moyennant  son  aide) , 
qu'il  fera  quelque  bon  fruit  à  l'avancement  et  augmenta- 
tion de  son  Eglise ,  et  satisfera  à  toutes  charges  à  ce 
nécessaires.  Vous  supplions  derechef  me  faire  ce  bien 
et  me  tenir  pour  recommandé  en  vos  saintes  prières , 
comme  de  ma  part  je  supplie  le  Tout-Puissant  vous 
augmenter  en  toutes  ses  saintes  bénédictions. 

»   De  notre  maison  de  Sénas,  ce  xxvi®  avril  1568. 

»  Votre  humble  et  affectionné  frère  à  vous  obéir. 

»   Sénas.   » 

Nous  ignorons  si  la  démarche  du  baron  aboutit. 

(Calvini  opéra,  vol.  XIX,  n°  3854). 

Aix.  —  Le  22  septembre  1557,  les  luthériens  d'Aix 
avaient  pour  pasteur  Claude  Boissier,  natif  de  Tencin , 
en  Dauphiné ,  envoyé  par  la  compagnie  des  pasteurs 
de  Genève.  Il  ne  put  demeurer  longtemps  à  son  poste  (i). 
Un  deuxième  pasteur,  natif  de  Provence,  Jacques  Ruji, 
qui  avait  étudié  à  Genève,  vint  en  août  1 559  à  Aix  et  fut 
également  obligé  de  partir  (2).  A  lamême  date  d'août  1559, 

(i)  Il  était  à  Saintes  le  28  mai  1Ç58  {Bulletin  de  l'histoire,  etc.,  t.  VIII  , 
p.  76). 

(2)  11  fut  successivement  pasteur  à  Poitiers  (ij  août  ij6o),  à  Lyon,  à 
Valence,  à  La  Côte  Saint-André  (E.  Arnaud,  Hist.  des  prot.  du  Dauph., 
t.  11,  p.  424). 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  307 

et  adjoint  à  Ruffi,  un  autre  pasteur,  maître  Jehan  Grai- 
gnon,  était  aussi  venu  de  Genève  et  quitta  l'Eglise  quel- 
ques mois  après  (i).  A  cette  époque,  les  conseillers 
Eguilles,  Pena,  Châteauneuf,  Ferrier,  Arcussia,  Somati, 
Salomon  et  l'avocat  général  du  Puget  suivaient  les 
réunions  luthériennes ,  qui  se  tinrent  d'abord  secrète- 
ment dans  la  maison  du  premier  et  qui  se  transportèrent 
ensuite  dans  son  jardin,  près  la  porte  Saint-Jean.  Cette 
succession  rapide  des  pasteurs  de  l'Eglise  d'Aix  témoi- 
gne des  persécutions  dont  ses  membres  eurent  à  souf- 
frir. Calvin ,  pour  les  engager  à  les  supporter  patiem- 
ment, leur  écrivit,  le  i*""  mai  1561,  la  remarquable  lettre 
qui  suit  : 

a  Très  chers  seigneurs  et  frères, 

»  Soyez  tout  persuadés  qu'ayant  entendu  les  extor- 
sions et  violences  qui  ont  été  faites  à  plusieurs ,  nous 
sommes  touché  de  telle  compassion  que  requiert  le  lien 
fraternel  qui  est  entre  nous.  Ce  que  nous  protestons 
afin  qu'il  ne  yous  semble  qu'étant  loin  de  corps  et  à 
repos  nous  soyons  pius  hardi  à  vous  exhorter  à  patience, 
d'autant  que  le  mal  ne  nous  touche  point.  Or  combien 
que  la  tristesse  nous  soit  commune  avec  tous ,  si  nous 
faut-il  restreindre  et  tenir  en  bride,  et  donner  tel  conseil 
l'un  à  l'autre  que  celui  qui  a  toute  autorité  par-dessus 
nous  soit  simplement  obéi.  Nous  savons  bien  que  c'est 
une  belle  couleur  et  apparente  qu'il  est  licite  de  se  re- 
venger contre  un  populaire  mutin  pour  ce  que  ce  n'est 
point  résister  à  l'ordre  de  la  justice,  même  que  les  lois 
arment  tant  grands  que  petits  contre  les  brigands  ;  mais 
quelques  raisons  ou  convoitises  qu'on  amène ,  toute 
notre  sagesse   est  de   pratiquer   la  leçon   que  nous  a 

(i)Il  s'établit  à  Nérac,  après  avoir  séjourné  quelques  semaines  à  Sommiù- 
res  [Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  VIII,  p.  75  et  76). 


308  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

apprise  le  Souverain  Maître,  à  savoir,  de  posséder  nos 
vies  en  patience.  Et  de  fait,  c'est  la  meilleure  et  plus 
sûre  garde  que  nous  puissions  avoir  de  nous  cacher 
sous  son  ombre,  quand  nous  sommes  assaillis  de  tels 
orages.  Or  est-il  ainsi  qu'en  résistant  au  mal  par  force 
d'armes ,  nous  l'empêchons  de  nous  subvenir.  Et  voilà 
pourquoi  saint  Paul ,  pour  modérer  nos  passions ,  nous 
exhorte  de  donner  heu  à  son  ire ,  nous  appuyant  sur  la 
promesse  qu'il  a  faite  de  maintenir  et  garantir  son  peu- 
ple après  que  les  ennemis  auront  écume  leur  rage.  Si 
ce  qui  est  advenu  vous  étonne,  attendez  que  Dieu  mon- 
tre par  effet  ce  qui  a  été  toujours  connu  ,  à  savoir  que 
le  sang  des  fidèles  non  seulement  criera  vengeance , 
mais  sera  une  bonne  semence  et  fertile  pour  faire  mul- 
tiplier l'Eglise.  Ce  n'est  pas  sans  cause  que  l'Ecriture 
insiste  tant  à  corriger  notre  hâtiveté,  vu  qu'il  nous  est 
tant  difficile  de  faire  cet  honneur  à  Dieu  qu'il  besogne  à 
sa  façon  et  non  à  notre  appétit.  Car  quoiqu'on  nous  ait 
tant  souvent  remontré  qu'il  veut  édifier  son  Eglise  mira- 
culeusement ,  nous  ne  pouvons  endurer  qu'il  y  mette 
pierre  ni  mortier,  sans  grincer  les  dents,  s'il  ne  nous 
vient  à  gré.  Si  est-ce  que  le  temps  est  que  nous  tra- 
vaillions d'un  côté  et  souffrions  de  l'autre.  Nous  appe- 
lons travailler,  nous  porter  virilement  et  passer  par- 
dessus tous  obstacles,  quand  il  est  question  de  faire 
notre  devoir.  Car  plutôt  cent  fois  mourir  que  de  fléchir. 
Mais  cela  n'empêche  pas  que  nous  ne  souffrions  et 
qu'étant  menés  d'un  esprit  débonnaire,  nous  rompions, 
en  ne  bougeant,  les  impétuosités  de  nos  ennemis.  Si 
vous  acceptez  ce  conseil,  nous  avons  bonne  confiance 
en  Dieu  qu'en  bref  sa  main  vous  apparaîtra  pour  sau- 
vegarde. Sur  quoi,  très  chers  Seigneurs  et  frères,  nous 
le  prions  de  vous  conduire  en  esprit  de  prudence  et 
vertu,  vous  faisant  prospérer  en  tout  bien,  à  ce  que  son 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  309 

nom  soit  de  plus  en  plus  glorifié  en  vous.  Ce  i"  de 
may  1 561 .  » 

Le  29  mai  suivant ,  les  fidèles  de  l'église  d'Aix  ré- 
pondirent à  Calvin  :  «  Dieu  nous  fasse...  la  grâce  de 
bien  retenir  vos  saintes  admonitions.  A  quoi  nous  avons 
bonne  volonté  d'entendre  les  apprendre  et  y  se  ranger 
chacun  tant  que  pourrons.  Le  Seigneur  vous  veuille 
rétribuer  le  loyer  de  votre  labeur  que  prenez  pour  nous 
et  vous  bénir  en  toute  bénédiction  par  son  fils  Jésus.  » 

Au  commencement  de  cette  année  1561,  l'église 
d'Aix  était  desservie  par  Guy  de  Moranges  (dit  de 
La  Garde)  (1),  qui  quitta  Aix  pour  mettre  ordre  à  ses 
affaires  ,  mais  avec  promesse  de  revenir.  N'ayant  pu 
tenir  sa  parole,  l'église  chargea  de  Mercurins,  pasteur 
de  Lourmarin ,  qui  retournait  à  Genève  à  cause  de  l'in- 
tolérance du  comte  de  Sault,  d'amener  à  son  retour  un 
autre  pasteur.  «  Vous  supplions  humblement ,  »  lui  di- 
sait-elle dans  sa  lettre  du  29  mai ,  «  lui  assister  et  sub- 
venir à  notre  nécessité  présente  tant  qu'il  sera  possi- 
ble. »  Nous  ne  savons  si  de  Mercurins  réussit  dans  sa 
mission;  mais,  à  la  fin  de  l'année  1561  ,  c'est  Jean 
Chabrand,  pasteur  précédemment  placé  à  Vilhosc  et 
Sisteron,  qui  desservit  l'église  d'Aix.  On  a  vu  plus  haut 
(page  27)  le  décret  d'arrestation  lancé  contre  lui  par  le 
Parlement  et  les  épreuves  cruelles  par  lesquelles  l'église 
passa  à  cette  époque. 

Dès  le  29  mai  1561,  le  Conseil  communal  d'Aix  avait 
cherché  à  la  disperser.  «  Le  Conseil ,  »  lit-on  dans  le 
registre  de  ses  délibérations ,  «  avisé  que  plusieurs  dé- 
voyés de  la  religion  catholique  viennent  journellement 
se  retirer  en  la  présente  cité  d'Aix,  au  grand  scandale 

(i)  Il  était  à  Andiize  en  juin  iÇJy,  à  Yssoudun  en  mai  1558,  à  Uzès  en 
mai  ij6o,  à  Issoire  en  n62,  à  Aurillac  en  1567  {Bulletin  de  la  Société,  etc. 
t.  VIII,  p.  75-75,  t.  IX,  p.  295). 


:5I0  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

du  peuple,  et  ce  qui  pourrait,  en  outre,  causer  quelque 
émotion  et  sédition ,  a  délibéré  que  les  consuls  se  reti- 
reront par-devers  le  Parlement ,  à  l'effet  d'avoir  provi- 
sion pour  enjoindre  à  tous  étrangers  suspects  du  crime 
d'hérésie  de  sortir  de  la  ville  dans  les  trois  jours ,  sous 
telle  peine  que  la  Cour  arbitrera.  » 

Le  25  décembre  1 566,  Jean  de  Saint-Priest  de  Saint- 
Chamond ,  archevêque  d'Aix,  monta  dans  la  chaire  de 
l'église  métropolitaine  de  Saint-Sauveur,  revêtu  de  ses 
habits  pontificaux  ,  s'éleva  en  termes  aussi  énergiques 
qu'indignés  contre  les  abus  de  l'Eglise  romaine  et  la 
Cour  de  Rome;  puis,  déchirant  sa  mitre  et  jetant  sa 
crosse  ,  il  déclara  renoncer  à  son  archevêché  et  à  sa 
religion  pour  suivre  la  profession  des  armes.  L'année 
suivante,  il  épousa  Claude  de  Fay,  dame  de  Saint- 
Romain,  et  en  prit  le  nom.  A  dater  de  cette  époque,  il 
servit  dans  les  rangs  des  huguenots  et  mourut  gouver- 
neur d'Aigues-Mortes  ,  le  25  juin  1578,  «  non  sans 
soupçon  de  venin  ,  »  dit  Pérussis  [Bulletin  de  la  So- 
ciété^ etc.,  t.  VIII,  p.  72-76;  Calvim  opéra,  No\.  XVIII, 
n°*  3379,  3383  et  3403  ;  vol.  XIX,  n«  3854;  vol,  XXI, 
p.  667  et  732;  La  France  protestante,  au  mot  saint- 
CHAMOND.  Pérussis,  dans  d'Aubais,  t.  I,  p.  216;  Regis- 
tre des  délibérations  du  Conseil  communal  d'Aix). 

La  Roque-d'Antheron.  —  Dès  1 5  59,  on  célébrait, 
dans  cette  église,  la  cène  à  la  mode  de  Genève,  et 
l'année  suivante  on  y  construisait  même  un  temple.  Le 
20  septembre  1561  ,  elle  avait  pour  pasteur  Mann/, 
ailleurs  Magni  (Lambert,  t.  I,  p.  96;  Louvet,  Histoire^ 
t.  I,  p.  142;  Calvini  opéra,  vol.  XIX,  n°  3854). 

Saint-Paul-lès-Durance.  —  Dressée  en  1559  (De 
Bèze ,  t.  I ,  p.  108). 

Marseille.  —  Ruffi  raconte  que  la  Réforme  ne  jeta 
pas  de  profondes  racines  à  Marseille,  et  que  le  premier 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  3II 

luthérien  qu'on  y  découvrit  fut  un  mercier,  dont  la  bou- 
tique faisait  le  coin  en  allant  à  l'hôpital  Saint-Esprit.  Le 
peuple  le  poursuivit  un  jour  à  coups  de  pierre,  et, 
sans  l'assistance  d'un  voisin  qui  le  garantit,  il  aurait  été 
mis  en  pièces.  L'église  fut  dressée  en  1 559  et  eut  pour 
pasteur  Nicolas  Folion  (dit  La  Vallée) ,  ancien  carme  et 
docteur  en  Sorbonne  ,  qui  ne  put  demeurer  longtemps 
à  son  poste  (i). 

Le  15  février  [1560],  elle  demanda  à  Genève  un 
nouveau  pasteur  par  l'organe  de  Trophime  de  l'Aube  (2), 
qui  exerçait  pour  lors  son  ministère  au  milieu  d'elle  et 
avait  été  nommé  surveillant  de  classe  (président  de  sy- 
node) par  l'assemblée  (synode)  de  Mérindol.  De  l'Aube 
adressa  sa  lettre  à  son  ami  Coladon,  ministre  de  l'Evan- 
gile à  Genève ,  à  qui  il  disait  : 

«  Mons"" ,  A  l'assemblée  des  ministres  de  cette  pro- 
vince ,  tenue  à  Mérindol  le  second  février ,  fut  arrêté 
que  le  surveillant  de  la  classe  écrirait  au  nom  de  tous 
aux  pères  et  aux  frères  de  votre  compagnie  pour  vous 
prier  nous  donner,  pour  l'église  de  Marseille,  le  frère 
de  Mons""  de  Bargemont  (3).  Etant  venu  à  Marseille  et 
ayant  trouvé  la  commodité  du  porteur,  ai  été  prié  accom- 
pagner les  lettres  qu'ils  adressent  à  Mons"^  Candolle 
sur  le  présent  fait  et  vous  en  écrire  particulièrement  : 
ce  que  je  fais  d'autant  plus  volontiers  que  je  les  vois 
affectionnés  à  la  Parole  de  Dieu.  Je  ne  vous  écrirai 
plus  au  long  de  leur  zèle  et  de  l'accroissement  de  cette 
église,  parce  que,  par  autres  lettres  que  j'estime  qu'avez 
déjà  reçues,  vous  en  ai  écrit.  Pour  cette  cause,  je  vous 

(i)  Il  alla  à  Toulouse  cette  même  année  {Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  VIII, 
P-7Ç). 

(2)  Il  était  à  Montélimar  en  1568  {Hist.  des  prot.  du  Daup.,  t.  II,  p.  452). 

(5)  Il  y  avait  pour  pasteur  à  Périgueux  le  26  avril  1566  un  nommé  Etienne 
Digne  dit  Bargemont  {Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  VIII,  p.  7Ç). 


312  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

prie  avoir  égard  à  l'importance  de  cette  église ,  et  jugez 
si  celui  que  nous  demandons  y  est  propre,  et,  laissant 
le  tout  à  votre  discrétion,  vous  plaira  avoir  égard  de  la 
pourvoir  le  plus  tôt  qu'il  sera  possible...  Au  reste  , 
nous  recevons  de  jour  à  autre  bonne  nouvelle  de  la 
Cour  et  espérons  que  le  Seigneur  nous  délivrera.  Mais 
le  Seigneur  m'a  délivré  jusques  à  présent.  J'espère  qu'il 
continuera  sa  faveur  envers  moi  pour  servir  à  son  hon- 
neur et  gloire,  lequel  je  prie  vous  maintenir  en  sa  grâce, 
me  recommandant  bien  humblement  à  vos  saintes  priè- 
res et  bonne  grâce  ,  et  de  madame  votre  femme  et  de 
Judith.  De  Marseille,  ce  XVIII  février  [1560]. 

»  Votre  obéissant  frère  et  ami , 

»  Trophime  de  l'Aube.  » 

En  septembre  1561  ,  l'église  de  Marseille,  étant  pri- 
vée de  nouveau  de  pasteur,  adressa  vocation  à  de  Mer- 
curins ,  pasteur  de  Lourmarin  ,  qui  avait  été  obligé  de 
quitter  son  champ  de  travail  à  cause  de  l'intolérance  du 
comte  de  Sault.  De  Mercurins  ,  qui  était  originaire  de 
Marseille,  accepta  l'appel  avec  joie,  sous  la  réserve 
que  Calvin  agréerait  sa  détermination  et  que  sa  nou- 
velle église  se  chargerait  des  frais  nécessités  par  la  ve- 
nue d'un  autre  pasteur  à  Lourmarin  ,  quand  les  fidèles 
de  cette  église  pourraient  reprendre  leurs  exercices  in- 
terrompus. Les  frères  de  Marseille  adressèrent  à  ce 
propos  aux  pasteurs  de  Genève  la  lettre  suivante  : 

«  Salut  et  paix  par  notre  Seigneur  Jésus-Christ, 

»  Très  honorés  seigneurs  et  frères,  Dieu  nous  ayant 
donné  telle  ouverture  de  pouvoir  recouvrer  et  redresser 
notre  église,  à  peu  près  dissipée  par  la  rudesse  de  la 
vie  du  peuple  maritime  de  notre  ville ,  nous  devrions 
être  nonchalants  de  tel  bruit  qui  fait  que  vous  osons 


LES  GUERRES   DE    RELIGION.  31^ 

importuner.  Il  est  vrai  que  nous  dussions  avoir  gardé 
le  commis  que  de  votre  gré  nous  aviez  envoyé  par  ci- 
devant  (i);  mais  tous  ceux  qui  connaissent  le  naturel  de 
ce  peuple  furieux  nous  pardonneront  quelque  chose  , 
combien  que  nous  ne  voulons  en  tout  excuser  nos  fau- 
tes. Or,  Messieurs,  comme  le  sieur  de  Saulx  donnait 
empêchement  au  frère  ministre  de  Lourmarin  de  ne 
pouvoir  s'employer  à  son  église ,  même  depuis  son  re- 
tour de  Genève ,  nous  requîmes,  il  y  a  environ  un  mois 
et  demi,  de  le  pouvoir  employer  en  notre  église,  ce 
que  nous  avons  obtenu  et  de  son  église  et  de  lui ,  avec 
telles  manières  que  nous  manderions  à  nos  dépens  par- 
devers  vous  pour  recouvrer  comme  pour  ledit  Lourma- 
rin, toutes  fois  et  quantes  que  monsieur  de  Saulx 
laisserait  ses  sujets  en  paix  et  moyennant  que  vous  ap- 
prouviez la  vocation  dudit  frère  de  s'avouera  notre  église 
de  Marseille ,  sans  laquelle  condition  ne  nous  voulait 
concéder  aucune  chose.  Car  pour  ce  qu'il  nous  serait 
propre  pour  avoir  connaissance  du  naturel  du  pays 
comme  du  sien  et  qu'il  est  ayant  bon  témoignage  de 
nous  dès  son  enfance,  nous  vous  prions  affectueuse- 
ment ,  et  au  nom  de  Dieu ,  de  vouloir  nous  l'octroyer 
comme  ministre. 

»  Très  honorés  seigneurs  et  frères,  nous  nous  re- 
commandons à  vos  bonnes  grâces. 

»  Votre  très  humble  et  obéissant  serviteur , 

»  Jacques  de  Véga  ,  au  nom  des  frères. 

»  De  Marseille,  ce  oct.  1561.  » 

En  1567,  nous  trouvons,  pour  pasteur  à  Marseille, 
Molinon,  et,  à  l'époque  de  la  Saint-Barthélémy,  Pierre 
Franc ,  natif  de  Riez ,  qui  se  réfugia  à  Genève  et  y  fut 

(1)  Est-ce  Nicolas  Folion? 


314  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

reçu  bourgeois  le  24  octobre  1572  [Calvini  opéra  ^ 
vol.  XIX,  n"''  3556  et  3568;  Ruffi ,  Hist.  de  Marseille, 
p.  228;  de  Bèze,  t.  I,  p.  108;  Gaberel ,  Hist.  de 
l'église  de  Genève,  t.  I  (édit.  de  1853) ,  p.  81  et  82  ; 
Ms.  franc.,  n°  121  de  la  biblioth.  publiq.  de  Genève). 

FoRCALQuiER.  —  Un  des  premiers  adeptes  de  la 
Réforme  à  Forcalquier  fut  le  chanoine  Bernardin  de 
Candolle,  de  la  famille  duquel  est  sorti  le  célèbre  bota- 
niste de  ce  nom.  Il  s'établit  de  bonne  heure  à  Genève, 
oi^i  il  fut  reçu  habitant  en  1552  et  bourgeois  en  1555. 
Les  luthériens  de  Forcalquier  ayant  lacéré,  en  1558, 
des  images  et  abattu  des  oratoires,  que  divers  particu- 
liers avaient  élevés  dans  leurs  propriétés,  le  Parlement 
envoya  sur  les  lieux  pour  informer  le  conseiller  Honoré 
Laugier,  sieur  de  Colobriéres,  qui  ordonna  la  recon- 
struction, aux  frais  de  la  ville,  des  oratoires  renversés. 
L'année  suivante  (8  octobre) ,  des  enfants  ayant  chanté 
par  la  ville  la  chanson  de  Genève,  l'un  d'eux,  fils  de 
Bernardin  Aubert,  fut  jeté,  à  la  suite  d'une  grave  colli- 
sion .  dans  le  bassin  de  la  fontaine ,  où  il  faillit  périr. 
On  apposa,  d'autre  part,  des  placards  sur  la  porte  de 
l'église  et  à  la  grande  place.  Le  chapitre  se  plaignit  ; 
mais  comme  une  partie  des  officiers  de  la  sénéchaus- 
sée avait  adopté  la  Réforme  ,  notamment  le  lieutenant 
Jean-Baptiste  Perrochet,  aucune  poursuite  ne  fut  exer- 
cée. Là-dessus  le  conseil  communal  se  réunit  et  décida 
d'exclure  de  la  maison  de  ville  les  luthériens  ;  mais  la 
minorité  protesta  et  la  délibération  ne  fut  pas  exécutée. 
Des  assemblées  religieuses  avaient  lieu  en  même  temps 
dans  la  ville,  tant  de  jour  que  de  nuit.  Elles  persistèrent 
en  1560  et  1561  malgré  l'opposition  des  consuls.  Elles 
furent  aussi  nombreuses  que  bien  suivies.  C'est  à  ce 
moment  que  les  protestants  de  la  ville,  qui  étaient  sans 
pasteur,  écrivirent,  pour  en  obtenir  un,  à  la  compagnie 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  515 

des   pasteurs   de  Genève  la  touchante  lettre  qui  suit  : 

«  Salut  par  Jésus-Christ , 

))  Très  chers  seigneurs  et  frères ,  vous  avez  entendu 
(sommes  assurés,  à  votre  grand  regret),  la  dissipation  et 
la  ruine  de  notre  pauvre  église  à  cause  des  vagues  et 
assauts  dont  Satan  et  ses  suppôts  l'ont  assaillie  jusques 
à  la  vouloir  du  tout  exterminer  :  qui  nous  a  donné  ma- 
tière de  gémir  et  soupirer,  nous  voyant  constitués  en  telle 
famine  que  nos  adversaires  apertement  nous  jugeaient 
délaissés  de  Dieu  ,  privés  de  la  vraie  pâture  de  vie , 
c'est  de  sa  sainte  Parole,  et  déjà  dévalés  en  la  fosse. 
Toutefois,  ce  père  de  miséricorde,  ne  pouvant  montrer 
envers  nous  que  une  affection  paternelle  après  nous 
avoir  fait  connaître  notre  infirmité,  a  eu  pitié  de  nous, 
ayant  fait  cesser  ces  vagues  du  populas  indiscret  et 
ignorant,  confondu  et  renversé  les  forces  et  entreprises 
des  -adversaires  de  sa  vérité  et  tellement  avancé  sa  mai- 
son qu'il  ne  demeure  que  d'avoir  ouvriers  pour  rassasier 
les  pauvres  âmes  faméliques  et  languissantes  de  sa  pâ- 
ture spirituelle.  Pour  ce,  seigneurs,  voyant  la  grâce  que 
ce  bon  Dieu  nous  a  faite  et  veut  faire,  nous  avons  bien 
voulu  supplier,  comme  ceux  qui  avez  l'honneur,  bien  et 
salut  de  vos  frères  en  charité  pour  recommandés ,  de 
nous  vouloir  pourvoir  de  tel  ministre  et  pasteur  que 
bien  pourrez  entendre  nous  être  nécessaire.  Car,  pour 
avoir  à  faire  à  un  peuple  rude  et  mal  traitable ,  serait 
requis  d'avoir  homme  qui,  avec  saine  doctrine,  vie  sainte 
et  bon  exemple,  eût  véhémence  et  autorité  pour  adou- 
cir les  mœurs  des  ignorants.  Pour  ce,  nous  vous  prions 
avoir  pitié  de  nous  et  le  Seigneur  souverain  rémunéra- 
teur le  vous  rendra,  et  nous  le  prierons  vous  vouloir  de 
jour  en  jour  tellement  augmenter  ses  grâces  que  jusques 
en  la  fin  persévériez  en  la  vocation  qu'il  vous  appelés 


5l6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

du  ministère  de  sa  sainte  Parole,  vous  priant  de  nous 
avoir  pour  recommandés  en  vos  saintes  oraisons.  De 
Forcalquier  ce  viii.  octobre  1 561 . 

»  Par  vos  obéissants  et  affectionnés  frères,  au  nom 
de  tous  ces  frères, 

»   A.  Bandoly.   » 

Cette  lettre  étant,  paraît-il,  demeurée  sans  résultat, 
l'église  députa  à  Genève  d'Aimin,  qui  s'adressa  à  maître 
Reynaud.  Ce  dernier  ayant  dit  qu'à  Genève  pour  lors 
ne  se  trouvait  aucun  ministre  disponible,  l'église  envoya 
un  second  député  à  Artus,  pasteur  à  Bobi,  en  Piémont, 
qui  avait  manifesté  l'intention  d'exercer  son  ministère  en 
Provence  à  la  condition  que  les  pasteurs  de  Genève, 
qui  l'avaient  placé  dans  cette  église,  voudraient  bien  y 
consentir.  Voici,  du  reste,  la  lettre  que  les  anciens  du 
consistoire  de  Forcalquier  écrivirent  à  cette  occasion  à 
Genève  : 

«  Grâce  et  paix  de  par  Dieu  le  Père  et  notre  Sei- 
gneur Jésus-Christ. 

»  Au  retour  de  Genève,  que  le  frère  André  d'Aimin, 
un  des  anciens  de  cette  ville  de  Forcalquier,  a  fait  ces 
jours  naguère  passés ,  il  nous  a  dit  qu'il  avait  fait  ses 
diligences  à  vous  demander  ministre  pour  ladite  église; 
mais  que  maître  Reynaud,  auquel  il  s'était  adressé,  y 
avait  répondu  que  là  ne  s'en  trouvait  plus  pour  lors  à 
cette  cause  et  qui  soit  ministre.  Il  y  a  grand  danger  ici 
des  sectes  et  divisions  des  fidèles ,  mêmement  que  y 
abonde  grand  peuple  journellement  à  cause  de  la  justice 
qui  y  est  érigée,  qu'est  siège  royal  et  présidial  et  séné- 
chaussée. Nous  sommes  retirés  devers  les  ministres  qui 
sont  en  ce  pays  pour  y  pourvoir  ;  lesquels  étant  en  pe- 
tit nombre  et  avec  grande  moisson,  Dieu  loué,  ne  peu- 
vent   secourir    partout,    mais  nous    ont   avertis   qu'un 


LES   GUERRES   DE    RELIGION.  317 

M.  Hubert  Artus,  lequel  avez  autrefois  envoyé  à  Bobi, 
village  de  la  Val-Luzerne,  leur  avait  écrit  que,  s'il  vous 
semblait  bon ,  il  se  transporterait  en  ce  pays  pour  se- 
courir aux  nécessité  des  églises  ;  et  nous,  suivant  ledit 
avertissement,  avons  dépêché  le  frère  Bertrand  Bar- 
nouin,  présent  porteur,  devers  ledit  Artus  pour  voir  s'il 
pourrait  nous  venir  servir  et ,  audit  cas ,  avons  donné 
charge  audit  porteur  d'aller  par-devers  vous  pour  en 
avoir  l'octroi  et  lettres  nécessaires,  ce  que  nous  vous 
supplions ,  au  nom  de  Dieu ,  de  faire ,  afin  que  ledit 
M.  Artus  soit  prêt  et  diligent  de  venir  audit  minis- 
tère. Et  en  cela,  s'il  vous  plaît,  nous  aurez  pour  recom- 
mandés à  vos  saintes  prières.  De  Forcalquier,  ce  XVIII. 
de  novembre  [i  561]. 

»  A.  Bandoly,  ancien;  Melue,  ancien  ;  C.  Bol- 
LENE,  ancien;  Melue,  ancien;  André  Daimin,  an- 
cien; Chabert,  ancien.   » 

Nous  ignorons  si  la  mission  de  Barnouin  réussit. 

Quand  l'édit  favorable  de  janvier  1 562  parut,  l'avocat 
Baltha^ar  Boniface ,  devenu  ministre ,  présida  des  as- 
semblées religieuses  dans  sa  maison,  où  assistèrent  des 
personnes  étrangères  à  la  cité,  et  demanda,  avec  ses 
adhérents  au  conseil  communal,  de  «  faire  le  prêche  » 
dans  la  ville.  Ce  dernier,  embarrassé,  consulta  un  homme 
de  loi,  nommé  Jean  Nicolaï,  qui  établit,  dans  un  mé- 
moire, que  l'édit  n'autorisait  pas  l'exercice  de  la  religion 
réformée  à  Forcalquier  même.  Nicolaï  avait  raison  ; 
car  les  assemblées  religieuses  n'étaient  permises  qu'en 
dehors  des  villes  ;  mais  comme  Boniface  était  le  beau- 
frère  du  lieutenant  de  la  sénéchaussée  Perrochet,  le 
beau-père  du  procureur  du  roi,  l'oncle  du  viguier  et  le 
parent  ou  l'allié  de  tous  les  officiers  du  siège ,  le  con- 
seil communal  de  Forcalquier  se  sentit  impuissant  à 
empêcher  l'exercice  de  la  religion  réformée  et  décida 


Îl8  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

qu'on  laisserait  les  protestants  tenir  librement  leurs  as- 
semblées ,  mais  à  la  condition  qu'on  ne  prêcherait  pas 
à  la  place  du  Bourguet.  La  compagnie  d'infanterie,  qui 
tenait  garnison  dans  la  ville  et  y  maintenait  la  tranquillité 
publique,  ayant  été  retirée  quelque  temps  après,  plu- 
sieurs protestants  craignirent  d'être  emprisonnés  ou 
massacrés  et  quittèrent  la  ville ,  et  le  conseil  ordonna 
qu'on  murerait  les  portes  de  leurs  maisons.  La  guerre 
ayant  éclaté  en  avril ,  les  huguenots  s'emparèrent  de 
Forcalquier  (6  juin  1562),  mais  n'y  demeurèrent  que 
treize  jours. 

Après  l'édit  de  pacification  d'Amboise(i9mars  1 563), 
les  habitants  fugitifs  rentrèrent  dans  leurs  maisons  et 
les  prêches  recommencèrent.  Le  conseil  communal , 
pour  éviter  des  troubles ,  décida  qu'on  permettrait  aux 
protestants  de  célébrer  leur  culte  seulement  dans  leurs 
maisons. 

Pendant  la  deuxième  guerre  de  religion,  les  protes- 
tants devinrent  maîtres  de  la  ville  (18  octobre  1567). 
René  de  Savoie,  baron  de  Cipières,  qui  commandait  à 
deux  mille  cinq  cents  huguenots  ordonna  la  démolition 
des  remparts;  mais,  sur  la  représentation  de  Perrochet 
et  du  ministre  Bernardin  Codur,  il  rapporta  son  ordre 
moyennant  une  rançon  de  deux  cents  écus,  qui  lui  fu- 
rent comptés,  et  il  partit  le  10  novembre  suivant.  A 
cette  époque,  l'église  de  Forcalquier  avait  pour  pasteur 
Jacques  Giiérin ,  ce  qui  porterait  à  croire  que  Codur 
suivait  l'armée  protestante  en  qualité  d'aumônier. 

A  partir  de  la  troisième  guerre  de  religion  (25  août 
1568),  la  ville  tomba  tour  à  tour  aux  mains  des  deux 
partis  ;  mais  l'influence  catholique  finit  par  y  devenir 
prépondérante.  Le  29  avril  1570,  les  pauvres  de  la  re- 
ligion réformée  se  plaignirent  de  ce  qu'on  ne  les  lais- 
sait pas  sortir  de  la  ville  pour  aller  gagner  leur  vie. 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  310 

Pour  en  obtenir  la  faculté  ,  ils  furent  obligés  de  fournir 
une  caution ,  de  déclarer  où  ils  allaient  et  de  rentrer 
chaque  soir. 

Après  l'édit  de  pacification  de  Saint-Germain-en-Laye 
(15  août  1570),  qui  permettait  spécialement  l'exercice 
de  la  religion  réformée  dans  les  faubourgs  de  Forcal- 
quier,  le  prêche  se  fit  à  Saint-Pierre,  mais  il  fut  trans- 
porté ailleurs  l'année  suivante.  Le  Conseil  communal 
prit  diverses  délibérations  pour  l'interdire  ,  mais  sans 
pouvoir  y  parvenir  pour  le  moment.  Alors  on  persécuta 
les  protestants  d'une  autre  façon.  C'est  ainsi  que  d'Ai- 
glun ,  lieutenant  de  la  sénéchaussée ,  qui  avait  remplacé 
Perrochet ,  faisait  baptiser  par  force  à  l'église  les  en- 
fants protestants.  D'autre  part ,  on  défendit  aux  protes- 
tants émigrés  de  rentrer  dans  la  ville.  A  la  veille  de  la 
Saint-Barthélémy,  le  pasteur  de  l'église  était  Gaspard 
Meuse,  natif  d'Aups,  qui  se  réfugia  à  Genève  et  y  fut 
reçu  bourgeois  le  29  septembre  1572. 

Le  25  janvier  1575  ,  pendant  la  cinquième  guerre  de 
religion ,  le  Conseil  communal  défendit  l'entrée  de  la 
ville  aux  huguenots  du  dehors,  mais  sans  aller  pourtant 
jusqu'à  expulser  ceux  qui  l'habitaient.  Quelques  mois 
avant  l'édit  de  Beaulieu  de  mai  1576,  les  protestants 
ayant  recommencé  leurs  assemblées  (i),  le  Conseil  re- 
nouvela sa  défense  aux  huguenots  étrangers  d'entrer 
dans  la  ville  (15  septembre).  Le  10  octobre  de  l'année 
suivante ,  le  viguier,  assistant  à  une  séance  du  Conseil , 
offrit  d'informer  contre  les  assemblées  et  les  prêches , 
mais  à  la  condition  que  les  consuls  l'assisteraient  dans 


(1)  «  Ceux  de  la  religion  réformée  s'assemblaient,  faisaient  prières  et  chan- 
taient psalmes  publiquement  et  hautement  en  la  ville  »,  et  «  même  le  28  jan- 
vier dernier  ,  comm'e  la  procession  passait ,  étant  eux  assemblés  en  une 
maison ,  en  icelle  chantaient  à  haute  voix  les  psalmes  »  («Délibération  du 
Conseil   communal  de  Forcalquier). 


3  20  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

ses  visites  domiciliaires.  Ces  derniers  ne  paraissent  pas 
avoir  voulu  accepter  cette  mission  inquisitoriale  ;  mais 
le  Conseil  décida  (29  novembre)  de  s'opposer  formel- 
lement aux  prêches,  à  cause,  disait-il,  des  inconvénients 
et  des  dangers  qui  pourraient  en  résulter  pour  la  ville. 
Les  assemblées,  néanmoins,  continuèrent  comme  par 
le  passé,  et  la  requête  que  le  Conseil  présenta  au  Par- 
lement pour  les  interdire  ne  paraît  pas  avoir  abouti 
(Galiffe,  Notices  généalog.  sur  les  famil.  génev.^  t.  II, 
p.  408  ;  La  France  protestante  ^  t.  III,  p.  183  ;  Calvini 
opéra,  vol.  XIX,  n"  3557;  Bulletin  de  la  Société^  etc., 
t.  IX,  p.  297;  C.  Arnaud,  Les  protestants  de  Forcal- 
quier ,  dans  le  Journal  de  Forcalquier ,  année  1881  , 
n°'  II  ,  12,  15  ,  19  et  20;  et  Labbé  de  la  Jeunesse; 
p.  25,  26;  Ms.  franc.,  n°  197'''  de  la  bibl.  publ.  de  Ge- 
nève; Jean  Nicolaï,  Mémoire  en  défense  pour  la  com- 
mune de  Forcalquier ,  ms.  communiqué  par  M.  C.  Ar- 
naud). 

Manosque.  —  Dès  1532,  on  signalait  à  Manosque 
un  luthérien,  le  notaire  Aloat,  qui,  s'étant  rendu  à  Gap 
pour  visiter  son  parent  Gauthier  Farel ,  greffier  de  la 
Cour  épiscopale  et  frère  du  célèbre  réformateur,  dont 
il  voulait  acheter  l'office,  fut  amené  à  la  foi  évangélique 
par  un  autre  frère  du  réformateur,  Jean-Jacques  Farel, 
qui  lui  démontra ,  la  Bible  à  la  main  ,  les  erreurs  de 
l'Eglise  romaine.  De  retour  à  Manosque  ,  Aloat  ayant 
parlé  de  ses  nouvelles  convictions  ,  eut  à  subir  un  pro- 
cès criminel  dont  il  sortit  sain  et  sauf  par  une  amende 
honorable.  Le  germe  de  la  Réforme  n'en  était  pas  moins 
déposé  dans  les  cœurs ,  et  vingt-trois  ans  plus  tard ,  en 
1555,  les  luthériens  étaient  assez  nombreux  à  Manos- 
que pour  que  le  Conseil  communal  décidât,  sur  l'avis 
du  Parlement,  à  qui  il  avait  envoyé  deux  députés  en 
consultation,  «  que  l'on  exclurait  du  Conseil  de  Ma- 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  ^21 

nosque  ceux  qui  seraient  soupçonnés  d'hérésie ,  et  que 
l'on  élirait  à  leur  place  d'autres  conseillers  sur  la  religion 
desquels  on  pourrait  compter.  »  Cinq  ans  après  (i  560), 
Christophe  Brémond  fut  mis  en  prison,  accusé  et  con- 
vaincu d'avoir  fait  profession  publique  de  luthéranisme. 
En  15Ô2,  des  pasteurs  venus  de  Genève  et  de  la  vallée 
d'Angrogne  en  Piémont,  notamment  Gaspard  de  Yé\a^ 
consolidèrent  l'œuvre ,  mais  ne  purent  demeurer  long- 
temps à  leur  poste.  Ce  dernier  alla  exercer  son  ministère  à 
Sisteron.  Use  commit  des  excès  àManosque.  Des  images 
et  des  statues  furent  brisées  ,  des  tableaux  lacérés  dans 
l'église  du  hameau  de  Toutes-Aures.  Il  en  fut  de  même 
dans  la  chapelle  de  Notre-Dame-de-Consolation,  située 
au  nord-est  de  l'aire  de  Soubeiran.  «  On  se  réunissait 
pendant  la  nuit,  »  dit  Féraud,  «  dans  la  maison  d'école, 
qui ,  n'ayant  «  ni  cadenas  ni  verrouil ,  »  était  ouverte  à 
tout  le  monde.  Les  consuls ,  avertis  de  ce  qui  se  pas- 
sait ,  s'assurèrent  de  cette  maison ,  la  firent  fermer  par 
une  bonne  serrure,  et  dissipèrent  toute  assemblée  noc- 
turne dans  l'enceinte  de  la  ville.  Les  mêmes  consuls 
informèrent  le  roi  et  le  Parlement  d'Aix  de  cet  événe- 
ment ;  ils  convoquèrent  ensuite  un  conseil  général  de 
toute  la  communauté  ,  qui  fut  tenu  le  18  janvier  1 562  et 
auquel  assistèrent  sept  cents  chefs  de  famille.  On  y  ex- 
posa d'abord  l'objet  de  cette  convocation  extraordi- 
naire... ,  puis  on  demanda  que  chacun  des  assistants  fît 
connaître  hautement  sa  foi  catholique.  Aussitôt ,  et 
comme  d'une  seule  voix  ,  tous  prêtèrent  serment...  Les 
consuls  firent  dresser  deux  gibets ,  l'un  sur  la  place  du 
Marché,  l'autre  à  la  porte  de  la  Saunerie,  afin  que  l'ap- 
pareil du  supplice  rendît  fidèles  à  leur  serment  ceux  qui 
l'avaient  prêté,  et  qu'il  fît  abjurer  l'hérésie  à  ceux  qui 
l'auraient  secrètement  embrassée.  » 

Peu  après ,  le  favorable  édit  de  janvier  ayant  paru  , 

21 


9  22  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

les  protestants  de  Manosque  requirent  André  Arnaud, 
premier  lieutenant  du  juge  de  Forcalquier,  de  leur  céder 
la  métairie  de  Pierre-Blanche ,  sur  les  bords  de  la  Du- 
rance,  pour  y  tenir  leurs  assemblées  :  ce  qui  leur  fut 
accordé.  Ils  redemandèrent  alors  de  Véza  à  l'église  de 
Sisteron,  qui  ne  consentit  point  à  le  leur  céder,  mais 
qui  pria  Calvin  de  leur  procurer  un  autre  pasteur.' Gas- 
pard  de  Bet^c,  qui  vint  vers  ce  temps  ,  paraît  avoir  été 
envoyé  à  Manosque  en  réponse  à  leur  demande.  Les 
consuls  furent  fort  irrités  de  l'autorisation  donnée  par  le 
lieutenant  et  en  firent  leur  plainte  à  l'archevêque  d'Aix, 
au  Parlement ,  à  l'assemblée  des  Etats  de  la  province , 
qui  ne  donnèrent  pas  suite  à  leurs  doléances.  N'osant 
employer  la  force  ,  ils  recoururent  à  la  persuasion  et 
firent  venir  d'Avignon  un  prédicateur  jésuite  ,  nommé 
Guillaume  Changet ,  qui  resta  tout  une  année  à  Ma- 
nosque. 

En  1568,  l'église  comptait  trente-neuf  chefs  de  fa- 
mille protestants  ,  dont  les  noms  suivent  (en  tout  quatre- 
vingt-quatorze  personnes)  :  Antoine  Pasquier,  son  fils 
Joseph,  Paul  Brunet,  François  Aunier,  Foulque  Brunet, 
Claude  Bardol  ,  Esprit  de  Laventure  ,  Théobald  Lam- 
bert, Anton,  Armand  de  Tulette,  Jean  Clémontin,  Ber- 
trand Peget,  Jacques  Imberti,  François  Arnaud,  Jacques 
Boyer,  Elzéar  Féraud,  Raimond  Greoux,  Jean-François 
Brena  ,  Brémond  dit  Mouron,  Jean  Selon,  Raimond 
Taxil ,  Pierre  son  fils ,  Raimond  de  Ginieis ,  Esprit 
Fournel,  Denys  Dupuis,  François  Taxil,  Jacques  Rey, 
Joseph  Aimini ,  Barthélémy  Granon  ,  Elzéar  Battarel , 
Antoine  Simiane  ,  Michel -Olivier  Lesardy  ,  Antoine 
Cognac  de  Molet,  Saunier  de  la  Sourde,  Bonnet  Labory, 
son  fils ,  Jean  Trempe ,  Louis  Alloat ,  Etienne  Brunet , 
Honoré  démentis. 

A  l'époque  de  la  Saint-Barthélémy  (i  572),  l'église  de 


LES   GUERRES    DE   RELIGION.  323 

Manosque  avait  pour  pasteur  Georges  Volland  ^  qui 
chercha  un  refuge  à  Genève  (Féraud,  Hist.  civ.  pol. 
relig.  et  biogr.  de  Manosque,  p.  265-270,  291  ;  Bulletin 
de  la  Société,  etc.,  t.  VIII,  p.  76;  Charronnet ,  Les 
guerres  de  religion  dans  les  Hautes-Alpes,  p,  9-12). 

SisTERON.  —  Cette  église  fut  fondée  en  1 559  ;  mais 
ce  n'est  que  le  5  avril  1 560  que  les  registres  consulaires 
de  la  ville  mentionnent  les  premiers  mouvements  occa- 
sionnés ((  par  aucuns  sentant  mal  de  la  foi.  »  L'année 
suivante  (1561),  les  assemblées  et  les  prêches  étaient 
organisés,  mais  en  dehors  de  la  ville  :  ce  qui  attira  des 
vexations  à  ceux  qui  les  fréquentaient.  C'est  ainsi  que 
le  25  mars  ,  s'étant  assemblés  comme  de  coutume 
pour  célébrer  leur  culte,  ils  se  virent  fermer  les  portes, 
à  leur  retour,  pendant  six  mois.  Leurs  maisons  furent 
pillées  et  leurs  biens  confisqués.  Les  uns ,  privés  de 
tout  moyen  d'existence  ,  endurèrent  de  grands  maux 
dans  leur  exil  ;  les  autres  ,  ayant  composé  avec  ceux 
qui  les  avaient  dépouillés,  rentrèrent  ;  mais,  entière- 
ment désarmés  vis-à-vis  de  leurs  spoliateurs,  ils  furent 
traités  de  telle  sorte  qu'ils  eussent  préféré  demeurer 
loin  de  leurs  foyers. 

A  la  fin  de  cette  année  1561  (novembre),  les  protes- 
tants avaient  pour  pasteur  Jean  Chabrand  et ,  s'étant 
enhardis,  tenaient  leur  prêche  dans  la  maison  de  Gabriel 
Piolle  (i),  lieutenant  du  gouverneur  de  la  ville.  Le  30 
du  même  mois,  ils  se  livrèrent  à  des  voies  de  fait,  sans 
doute  à  des  bris  d'images  et  de  statues,  et  méconnurent 
l'autorité  des  consuls.  Sur  la  plainte  de  ces  derniers  au 
Parlement,  le  pasteur  Chabrand,  le  lieutenant  Piolle,  le 
gouverneur  Caïus  du  Virailh,   sieur  de  la  Vallée,   et  le 

(i)  Ancienne  maison  Chaix,  appartenant  en  1844  à  M.  Bontoux  de  Vau- 
meilh. 


3  24  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

procureur  du  roi  Jean  Venissardi,  tous  attachés  de  cœur 
à  la  Réforme,  furent  décrétés  de  prise  de  corps,  mais 
ils  purent  s'échapper.  Chabrand  se  rendit  à  Aix  et  eut 
pour  successeur  Gaspard  de  Vé\a^  qui  fut  obligé  de 
quitter  Manosque,  oij  il  exerçait  son  ministère.  Les 
élections  municipales  donnèrent  gain  de  cause  aux  réfor- 
més et  Jean  Guiramaud,  seigneur  de  Feissal,  et  Arnaud 
Chaix,  qui  étaient  de  leur  parti,  furent  nommés  consuls. 
Le  prêche  fut  aussitôt  rétabli  et  le  chapitre  assigné  pour 
avoir  à  assurer  le  salaire  du  pasteur  et  du  maître  d'école 
protestant  au  moyen  de  deux  prébendes  prélevées  sur 
les  revenus  ecclésiastiques.  Une  lettre  de  l'église  de  Siste- 
ron,  adressée  à  Calvin  le  ii  février  1562,  donne  les 
détails  suivants  sur  l'état  de  la  communauté  :  «  Notre 
Dieu,  »  disent  les  anciens  du  Consistoire,  «  nous  a  fait 
la  grâce  de  nous  commencer  à  nous  redresser  en  son 
église  par  le  ministère  de  Monsieur  Gaspard  de  Véza, 
par  vous  envoyé  deçà  premièrement  en  la  ville  de  Manos- 
que, et  depuis,  ne  pouvant  la  ministrer,  l'avez  exhorté  de 
se  retirer  à  autre  église,  par  quel  moyen  s'est  arrêté  avec 
nous  jusques  à  présent  l'espace  de  trois  mois,  adminis- 
tranttous  sacrements,  même  dernièrement  la  sainte  Cène 
en  grande  assemblée  et  grande  liberté  chrétienne,  si  que 
nous  réformons  à  votre  exemple  à  toute  possibilité.  » 
Et  comme  les  protestants  de  Manosque  avaient  «  plu- 
sieurs fois  sommé  et  requis  »  l'église  de  Sisteron  de 
leur  renvoyer  de  Véza,  les  mêmes  anciens  prient  instam- 
ment Calvin,  dans  leur  lettre,  de  leur  procurer  un  autre 
pasteur,  «  afin  qu'ils  aient  moyen  de  commencer  église, 
et  nous  augmenter  et  entretenir  ce  que  Dieu  a  déjà  fait 
ici  à  notre  ville...  qui  est  des  premières  de  ce  pays,  qui 
ne  doit  être  dépourvue.  »  Signé  :  Robert,  ancien; 
M.  G.  Yssautier,  ancien;  André,  ancien;  Béraud,  se- 
crétaire. 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  325 

Les  divers  sièges  que  Sisteron  eut  à  supporter  et 
qui  ont  été  racontés  précédemment,  portèrent  un  rude 
coup  à  l'église,  qui  alla  toujours  en  déclinant  (De  la 
Plane,  Hist.  de  Sisteron,  t.  II,  p.  36-42;  De  Bèze,  t.  I, 
p.  108,  561,  562;  Gaberel,  Hist.  de  Genève,  t.  I,  Piè- 
ces justificatives). 

ViLHOSc.  —  Cette  église  était  à  proximité  de  Siste- 
ron et  paraît  n'avoir  formé  qu'une  seule  et  même  com- 
munauté réformée  avec  celle  de  cette  ville.  Ce  qui  por- 
terait à  le  croire,  c'est  que  Jean  Chabrand ,  pasteur  de 
Sisteron,  porte  le  titre  de  pasteur  de  Vilhosc  dans  un 
document  synodal  du  20  septembre  1561.  Il  est  vrai- 
semblable que  Chabrand,  qui  n'aurait  pas  été  en 
sûreté  à  Sisteron,  s'était  établi  à  Vilhosc  .[Calvini  opéra  , 
vol.  XIX,  n°  3854). 

Seyne.  —  Cette  église  comptait  dans  son  sein  les  prin- 
cipaux habitants  de  la  ville.  Elle  avait  pour  pasteur,  en 
1 586,  Sime'on  de  la  Combe.  On  a  vu  plus  haut  (p.  278) 
que  le  sanguinaire  et  déloyal  duc  d'Epernon  le  fit  pen- 
dre à  Selonnet.  Pasteur  de  1 596  à  1637  :  P^'^''''^  Chalier 
{Reeueil  de  pièces  sur  la  Provence,  ms.  de  la  biblioth. 
nationale  n°  18976;  E.  Arnaud,  Histoire  des  prot.  du 
Dauph. ,  t.  II,  p.  407). 

Digne.  —  Cette  église  avait  pour  pasteur,  le  20  sep- 
tembre 1561,  Nicolas,  venu  de  Neufchâtel  [Calvini 
opéra,  vol.  XIX,  n°  3854'). 

EspiNousE.  —  En  1572,  année  de  la  Saint-Barthé- 
lémy, le  pasteur  de  cette  église  était  M'"''  Gaspard 
Delamer,  natif  de  Sisteron,  qui  se  réfugia  à  Genève  et 
y  fut  reçu  bourgeois  le  23   octobre  de  la  même  année. 

PuiMiCHEL.  —  Georges  Cornelli  (Corneille)  ,  ancien 
moine  augustin  de  Sainte-Marie  et  de  Camaret,  primi- 
tivement pasteur  «  au  pays  de  messieurs  de  Berne,  » 
desservait  cette   église  en  1561  ;  mais   la  petitesse  du 


?26  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

lieu  lui  ayant  fait  craindre  qu'il  ne  pût  y  fonder  une 
communauté  réformée  importante,  il  se  décida  à  accep- 
ter vocation  de  l'église  d'Orange.  En  retour,  celle-ci 
s'engagea  à  faire  venir  à  ses  frais  de  Genève  un  pasteur 
pour  Puimichel.  Cette  démarche  ne  put  aboutir;  et 
lorsque  Cornelli  se  vit  obligé  de  quitter  Orange,  il 
retourna  dans  son  ancienne  église.  Comme  ce  ministre 
n'avait  pas,  disait-on,  pris  l'avis  de  la  compagnie  des 
pasteurs  de  Genève  lorsqu'il  se  rendit  à  Puimichel  pour 
la  première  fois,  et  que  ses  collègues  de  Provence  le 
lui  reprochaient  comme  une  infraction  à  la  discipline, 
son  église  jugea  nécessaire  d'écrire  la  lettre  suivante  à 

»  Monsieur  Mons""  Viret,  fidèle  pasteur  et  ministre 
en  l'église  réformée  de  Genève,  à  Genève. 

»  Salut  par  notre  Seigneur  Jésus-Christ. 

«  Monsieur,  parce  que  les  ministres  de  cette  pro- 
vince ont  reproché  à  M®  George,  notre  pasteur  et  minis- 
tre, qu'il  est  venu  en  ce  pays  sans  avis  ni  conseil 
d'aucun  ministre  de  Genève  ,  chose  qui  pourrait  susci- 
ter des  schismes  entre  eux,  nous  vous  voudrions  hum- 
blement supplier,  au  nom  de  toute  l'église  de  Puimichel, 
de  nous  en  écrire,  un  mot  pour  montrer  le  contraire  à 
ceux  qui  telles  paroles  ont  avancées.  Et  quant  audit 
M*  George,  notre  ministre,  nous  vous  avertissons  et 
assurons  qu'il  converse  parmi  s*on  troupeau  en  la  crainte 
de  Dieu  et  grande  édification  de  l'église  ;  vous  remer- 
ciant humblement  de  nous  avoir  pourvu  d'un  tel  person- 
nage ;  faisant  fin  de  la  présente  après  avoir  prié  Dieu 
vous  donner  la  grâce  de  continuer  par  votre  plume  à 
nous  communiquer  des  grâces  que  Dieu  vous  a  données, 
et  vous  maintenir  en  bonne  prospérité.  De  Puimichel, 
ce  quinzième  jour  d'octobre  1561. 

»  Vos  humbles  serviteurs  et  amis,  prêts  à  vous  obéir, 


LES    GUERRES   DE    RELIGION.  327 

les  anciens  de  l'Eglise  dudit  Puimichel,  ensemble  le 
seigneur  d'Espinouse,  député  pour  les  églises  de  Pro- 
vence. 

»  Brien  (?),  Spinouse.  » 

iCalmni  opéra ^  vol.  XVIII,  n^  3409;  XIX,  n"  3854; 
ms.  français  n°    121,  de  la  biblioth.  publ.  de  Genève). 

Les  Mées.  —  En  1584,  les  protestants  de  ce  lieu 
«  avaient  un  ministre,  un  temple  et  un  local  destiné  à  la 
sépulture  de  leurs  morts  »  (Esmieu,  Notice  histor.  et 
statist.  de  la  ville  des  Mées,  p.  443-445). 

Riez.  —  Cette  église  avait  pour  pasteur  le  14  juin  1 566, 
Claude  Morel,  et  son  évêque  André  d'Oraison ,  comte 
de  Boulbon,  seigneur  de  Soleilhas  et  de  Barles,  frère 
du  célèbre  baron  d'Oraison,  ayant  renoncé  au  catholi- 
cisme et  embrassé  la  carrière  militaire,  se  maria  à 
Jeanne  d'Arces- Livarot  et  devint  successivement  maré- 
chal de  camp  des  vieilles  bandes  françaises,  et  cheva- 
lier de  l'ordre  du  Roi  [Bulletin  de  la  Société,  etc., 
t.  VIII,  p.   76;    Barjavel,   Dictionnaire,  t.  I,  p.  21). 

Castellane.  —  La  Réforme  fut  introduite  dans  cette 
ville  par  Brun,  seigneur  de  Caille,  et  une  église  y  fut 
dressée,  en  1559,  par  les  frères  Antoine  et  Paulon 
Richieud  de  Mauvans,  qui,  «  désireux  de  vivre  selon 
Dieu,  »  firent  venir  un  pasteur  de  Genève,  dont  nous 
ignorons  le  nom.  «  Tôt  après,  »  dit  de  Bèze,  «  plusieurs 
personnages  de  tous  états  s'adjoignirent  à  cette  assem- 
blée, laquelle  du  commencement  se  faisaitla  nuit  chez  ledit 
Mauvans.  Et  combien  que  l'hiver  fût  du  tout  âpre,  ils 
ne  furent  pas  empêchés  par  les  neiges,  verglas  ni  autres 
difficultés  d'y  arriver  de  fort  loin.  »  Les  assemblées 
avaient  lieu  dans  une  grande  salle  voûtée,  que  Brun 
avait  fait  aménager  dans  sa  maison,  sise  rue  Soubei- 
rane  ,    et    également    dans    la   maison    des    Richieud. 


328  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Ce  Brun  appartenait  à  une  famille  puissante  qui  possé- 
dait, outre  la  seigneurie  de  Caille,  celles  de  Rougon, 
Toulouse  et  Vaimeroi.  Les  protestants  de  Castellane 
eurent  beaucoup  à  souffrir  de  la  part  d'un  ancien  prê- 
tre du  nom  de  Caille,  qui  fut  nommé  gouverneur  de  la 
ville  et  qui,  sans  épargner  ni  l'âge  ni  le  sexe,  mit  à  mort 
plusieurs  d'entre  eux  (De  Bèze,  t.  I,  p.  108  et  234; 
Crespin,fol.  542;  Fèrauâ,  H ist.  cb.,  poL,  reiig.  et  biog. 
de  Manosque  ^  p.  302;  Lamenei ,  Hist.  de  Castellane^ 
p.  263,  269.) 

CoLMARs.  —  En  1 567,  cette  église  avait  pour  pasteur 
M''^  Raymond  Re/nac,  qui  y  demeura  peu  de  temps. 
Avant  ou  après  sa  venue,  mais  plutôt  avant,  l'église 
avait  demandé  à  Genève  et  obtenu  le  pasteur  Boniface 
Esmieu  (ou  Esmin);  mais  elle  ne  l'envoya  pas  chercher 
et  il  alla  ailleurs  [Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  IX, 
p.  295-296). 

Signes.  —  En  1578,  Frédéric  de  Raguenau,  évêque 
de  Marseille,  tout  prélat  modéré  qu'il  fût,  s'opposa  à 
l'exercice  de  la  religion  réformée  à  Signes,  et  comme, 
nonobstant  cela,  les  prédications  évangéliques  continuè- 
rent, il  en  référa  au  Parlement,  qui  défendit  par  arrêt  aux 
protestants  de  cette  localité  de  célébrer  aucun  acte  de 
leur  culte  (Casimir  Bousquet,  arrêt  du  Parlement  de  Pro- 
vence contre  les  auteurs  de  l'assassinat  de  Raguenau  ;  nouv. 
édit.,  Marseille,   1856,  p.  v). 

Brignoles.  —  Cette  ville  renferma  de  bonne  heure 
des  sectateurs  de  la  Réforme.  Les  registres  de  la  con- 
frérie des  Pénitents  blancs  mentionnent  les  noms  de 
ceux  de  ses  membres  qui,  à  diverses  époques,  furent 
exclus  de  la  corporation  pour  cause  d'hérésie.  En 
voici  la  liste  avec  les  motifs  et  la  date  de  leur  expul- 
sion : 

1559,  Jean-Baptiste  Gavot,  comme  luthérien;   Bar- 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  329 

thélemy  Truc,  pour  avoir  bruit  d'être  huguenot  ;  —  1 560, 
Jean  Danger  d'Aymar,  comme  luthérien;  —  1561, 
Icard  Botin,  pour  avoir  bruit  d'être  huguenot  ;  Jean 
Roustan,  suspect  d'hérésie;  Jean  Martin,  comme  luthé- 
rien; Antoine  Beletons,  pour  avoir  envoyé  sa  femme  au 
prêche  et  y  être  allé  lui-même. 

En  janvier  1567,  après  l'édit  de  pacification  d'Am- 
boise  de  1563  et  avant  la  deuxième  guerre  de  religion, 
les  habitants  réformés  de  Brignoles  adressèrent  aux 
consuls  la  requête  suivante  :  «  Comme  ainsi  soit  que, 
par  les  édits  et  ordonnances  du  roi,  même  l'édit  fait  sur 
la  pacification  des  troubles.  Sa  Majesté  ait  expressé- 
ment déclaré  qu'il  répute  pour  ses  bons  et  loyaux  sujets 
tous  ceux  de  son  royaume  tant  d'une  que  d'autre  reli- 
gion et  lesquels  vont  être  indifféremment  pourvus  et 
reçus  à  tous  honneurs,  offices,  charges  et  fonctions 
publiques  :  ce  qu'il  a  aussi  déclaré  par  l'édit  fait  de  sa 
majorité;  suivant  lesquels  feu  Mons'' le  comte  de  Tende, 
Mons""  de  Biron  et  les  commissaires  députés  sur  la  paci- 
fication des  troubles,  firent  règlement  du  26^  mai  1564 
pour  l'administration  des  affaires  communes  de  la  pré- 
sente ville  de  Brignoles,  et  depuis,  par  sentence  du 
S'  lieutenant  général  passée  en  cause  jugée,  a  été  con- 
firmé et  suivi  ;  et ,  par  autres  lettres  patentes ,  Sadite 
Majesté  a  plus  expressément  déclaré  son  intention  et 
vouloir  être  que  ceux  de  la  religion  réformée  fussent 
admis  es  charges  et  fonctions  publiques  en  tel  nombre 
que  leur  voix  peut  servir  de  délibération,  non  de  risée. 
A  cette  cause  ceux  de  la  religion  réformée  dudit  Bri- 
gnoles somment  et  requièrent  vous,  messieurs  les  con- 
suls et  autres  ayant  charge  de  ambuletter  [dresser  la  liste 
des  éligibles,  dont  les  noms  étaient  renfermés  dans  de 
petites  boules],  ceux  qui  doivent  avoir  telle  administra- 
tion, que  vous  ayez  à  observer  lesdits  édits,  règlements 


330  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

et  sentences,  même  que  lesdits  de  la  religion,  au  mois 
d'avril  dernier  passé,  consentirent  à  ce  que  paix  et  union 
fût  entre  les  habitants  de  ladite  ville,  que  l'état  [con- 
seil communal],  tel  qu'il  est  à  présent,  fût  ainsi  dressé, 
comme  de  leur  consentement  appert  par  l'arrêt  de  la 
Cour  sur  ce  intervenu,  et  lequel  leur  consentement  ne 
leur  doit  ni  peut  porter  aucun  préjudice,  étant  ledit 
arrêt  donné  sans  conséquence,  protestant,  en  cas  de 
contravention  desdits  édits,  règlements  et  sentences, 
soit  pourvu  par-devant  qui  appartiendra  et  prendre  les 
contrevenants  en  partie.  »  Cette  requête,  signée  par  les 
réformés  Frizu,  Jean  Clavier,  qui  était  en  1568  juge 
de  la  Cour  ordinaire  de  Brignoles,  et  Pons  Amy,  fut 
remise  au  conseil  communal  le  6  janvier  1 567  par 
M'®  Melchior  Ricaud  "et  François  Fulconis  ;  mais  le 
conseil  refusa  d'y  faire  droit  (i). 

LoRGUES.  —  En  1 5  58,  le  notaire  Talamer,  ayant  eu  à 
se  plaindre  d'un  luthérien  et  de  sa  femme,  qui  avaient 
intenté  un  procès  en  diffamation  contre  lui,  les  dénonça 
comme  «  chargé  du  crime  de  lèse  majesté  divine,  d'héré- 
sie que  l'on  dit  luthérienne,  ne  croyant  au  saint  sacre- 
ment et  autres  méchantes  propositions,  et  sommation 
est  faite  au  greffier  de  chercher  le  sac  du[dit]  crime  » 
(Mireur,  Rapport  sur  la  situation  des  archiv.  départ,  [du 
Var\.  Draguignan,  1878,  p.  10). 

Draguignan.  —  On  a  vu  plus  haut  (p.  loi)  que  la 
ville  de  Draguignan  renfermait  en  1 558  un  certain  nom- 
bre de  luthériens  et  que  le  colporteur  Romyen  y  subit 
le  martyre.  En  1 566,  ceux-ci  soutinrent  un  procès  de 
religion  avec  les  consuls  de  la  ville  «  pour  raison  des 
maîtres    des  écoles.    »   L'année   suivante,   Antoine   du 


(i)    Reg.  des  délibérations  communales  de  Brignoles  ,  i)66-i)75,  fol.  32 
(Raynouard,  Notice  sur  Brignoles,  p.  124.) 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  33  I 

Revest,  lieutenant  de  la  sénéchaussée  de  Draguignan, 
embrassa  de  cœur  la  Réforme.  Devenu  tout  à  fait  sus- 
pect aux  catholiques  quelques  années  après,  il  fut  incar- 
céré par  ordre  du  gouverneur  de  Provence  pour  avoir, 
paraît-il,  assisté  aux  prières,  prêches  et  autres  assem- 
blées de  ceux  de  la  religion.  «  Le  décret  d'ajournement 
collectif  lancé  à  cette  occasion,  »  dit  Mireur,  «  contient 
les  noms  d'une  quarantaine  de  personnes,  parmi  lesquelles 
figurent  des  avocats,  des  procureurs,  —  dont  la  plupart 
se  firent  rayer  du  rôle  des  interdits  «  pour  raison  du 
fait  de  la  religion ,  »  —  des  gentilshommes  et  des  bour- 
geois et  aussi  deux  anciens  dominicains  avec  leurs  fem- 
mes... 21  février  1567.  »  Voici  ces  noms  :  M ""^  Jean 
Durand  (i),  noble  François  Guillou  d' Allons  et  sa 
femme,  Jean  Versoris  et  Anne  Versoris  (famille  de  pro- 
cureurs), Antoine  Blanc  argentier,  sa  femme  et  son  fils, 
jyjre  Pierre  Bourelli  et  sa  femme,  François  Perrache  et 
sa  femme,  Honoré  Roux,  Charles  Tulle  (famille  de 
notaires),  Jean  Antoine  Fabre,  Antoine  Pascal  Pierre, 
jadis  religieux  de  Saint-Dominique,  avec  sa  femme, 
Antoine  Termini,  jadis  religieux  de  Saint-Dominique,  et 
sa  femme  (famille  de  magistrats),  Jean  Gaspard  Cadri, 
M*"®  Rodelatti,  Honoré  Pontii,  Barthélémy  et  Louis 
Donne,  père  et  fils,  Jacques  Versoris,  femme  et  enfants. 
Honoré  Seguiran  etsa femme,  Balthasar  Arnouxdit  Curs- 
queti(?),  Jean  Tulle  (famille  de  notaires),  Boniface  Gau- 
din,  M''^  Caille  le  Mandre,  le  serviteur  de  M.  le  lieu- 
tenant, Antoine  Laquet,  Jean...,  M""®  Boniface  Dori, 
Guillaume  Sassi  (famille  de  magistrats),  Pierre  Requin  dit 
Chafret,  Gaspard  Boeri,  François  Foulques,  François 
Sicolle  et  sa  femme,  Antoine  Diny,   Laurent  dit  Estro- 


(i)Tous  les  noms  précédés  de  M"'  désignent  des  membres  du  barreau  , 
avocats  ou  procureurs. 


îp  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

pial.  —  En  1568,  Draguignan,  malgré  les  cruelles  per- 
sécutions qu'eurent  à  subir  les  protestants,  renfermait 
«  un  petit  troupeau  de  fidèles  »  (Mireur,  Rapport  sur 
la  situât,  des  arch.  de  Drao-uignan  p.  10  et  11;  Registre 
des  sentences  de  la  sénéchaussée  de  Draguignan,  fol. 
152,  communiqué  par  M.  Mireur;  Crespin,  Hist.  des 
Martyrs). 

Le  Luc.  —  On  sait  par  un  document  des  archives 
du  Var  les  noms  des  diacres  de  l'église  du  Luc  au 
19  septembre  1582.  C'étaient  le  capitaine  Jean  Caron, 
M""®  Jean  François  Harguilhon,  Jacques  Amalric  fils 
d'Etienne,  Hermentaire  Giraud  et  Jean  Boeyt.  Ils  sont 
qualifiés  du  titre  de  «  diacres  et  surveillants  respecti- 
vement de  l'église  de  la  religion  prétendue  réformée  du 
Luc.  »  Dans  un  autre  document  du  8  octobre  1 585,  on 
trouve  un  Jacques  Boet,  docteur  en  médecine,  «  l'un 
du  consistoire  et  église  de  la  religion  prétendue  et 
réformée.  »  Enfin,  dans  un  dernier  document  du  18  avril 
1586,  est  mentionné  le  pasteur  du  Luc,  Honoré  Bérard, 
docteur  en  théologie,  «  administrateur  de  la  parole  de 
Dieu  »  (Arch.  du  Var,  sénéchaussée  de  Draguignan, 
série  B;  communiqué  par  M.   Mireur). 

Fréjus.  —  Cette  église  fut  fondée  en  1559,  mais  ne 
prospéra  pas  par  suite  de  l'hostilité  de  l'évêque  de  cette 
ville,  Bertrand  de  Romans,  qui  occupa  son  siège  de 
1565  à  1579.  «Il  gouverna  notre  diocèse,  »  dit  le  catho- 
lique Girardin,  «  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  sollicitude 
pour  empêcher  que  l'hérésie  de  Calvin,  qui  se  répan- 
dait de  toutes  parts,  ne  vînt  l'infecter;  et  en  effet  elle 
ne  fit  jamais  de  progrès  considérables  ni  sous  lui  ni  sous 
ses  successeurs  »  [Hist.  de  Fréjus,  t.  II,  p.  243). 

Fayence.  —  En  1 572,  année  de  la  Saint-Barthélémy, 
cette  église  avait  pour  pasteur  Pierre  Agard,  natif 
de   Tourettes-lès-Vence,    qui  se  réfugia   à   Genève  et 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  333 

y  fut  reçu  habitant  le  28  octobre  de  la  même  année. 
Grasse.  —  Nous  savons,  par  un  document  du  3  octo- 
bre 1 561 ,  qu'à  cette  date  l'église  de  Grasse  avait  envoyé 
un  député  à  la  compagnie  des  pasteurs  de  Genève  pour 
obtenir  un  pasteur.  Voici  le  texte  de  la  lettre  qu'elle  lui 
écrivit  un  peu  plus  tard  (23  décembre)  : 

«  Salut  et  paix  par  Jésus-Christ. 

»  Messieurs  et  frères.  Parce  que  le  Seigneur  nous  a 
fait  la  grâce  de  connaître  les  grands  abus  et  supersti- 
tions qui  régnent  aujourd'hui,  nous  désirons  vivre  selon 
la  réformation  de  l'Evangile  et  sommes  affamés  de  la 
parole  du  Seigneur;  par  quoi,  ayant  invoqué  le  nom  de 
Dieu,  avons  été  d'avis  vous  écrire  la  présente,  aux  fins 
qu'il  vous  plaise  nous  pourvoir  d'un  ministre  tel  que 
vous  connaîtrez  être  suffisant  pour  dresser  et  conduire 
l'Eglise  de  Jésus-Christ  en  cette  ville  de  Grasse  et  lieux 
circonvoisins,  car  nous  sommes  en  grand  nombre...  » 
Signé  :  O.  Baussay,  Anthony  Carie  et  quatre  autres. 

En  1567,  l'Eglise  avait  pour  pasteur  i?f^o/Ê'/,  ancien 
procureur  de  Grenoble,  qui  ne  put  demeurer  longtemps 
à  son  poste. 

A  Mouans ,  près  Grasse,  se  passa  en  1572,  après 
la  Saint-Barthélémy,  la  scène  suivante  :  Pompée  de 
Grasse,  dont  la  femme,  Suzanne  de  Villeneuve  des  Arcs, 
était  dame  d'honneur  de  la  célèbre  Marguerite  de 
Navarre ,  partageait  la  seigneurie  de  Mouans  avec  les 
Durand  et  l'évêché  de  Grasse,  et  était  un  des  hugue- 
nots les  plus  ardents  de  la  contrée.  Depuis  la  Saint- 
Barthélémy,  il  se  tenait  dans  son  château,  défendu  par 
vingt  petites  pièces  d'artillerie  et  trente  arquebusiers 
déterminés,  aux  ordres  du  capitaine  Reynaud.  Il  avait 
avec  lui  deux  ministres,  anciens  moines,  Luc  Corneili , 
et  Gaspard,  deSisteron,  qui,  craignant  d'être  massacrés, 


5  34  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

s'étaient  réfugiés  dans  son  château.  Le  curé  de  Mouans, 
Jacques    Gras,    avait   la  population   pour    lui.   Quand 
la  fête  de  Noël  approcha",  le  curé  demanda  à  Grasse, 
pour  l'aider  dans  son  ministère,  le  dominicain  Thomas- 
sin,  théologal  de  la  cathédrale.  Pompée,  en  qualité  de 
seigrieur   du   lieu,    demanda    aux  consuls  les  clés   de 
l'église  pour  y  faire  prêcher  aussi  ses  ministres,  fêtes  et 
dimanches.  Sur  quoi  le  conseil  communal  déclara  qu'il 
ne  pouvait  rien  faire  sans  l'autorisation  du  vicaire  capi- 
tulaire.  Celui-ci,  consulté  par  députation,  ainsi  que  le 
juge  de  Grasse,  envoya  deux  chanoines,  accompagnés 
d'un  avocat,  qui  apposèrent  une  affiche  à  la  porte  de 
l'Eglise  portant  que  personne,   sous  peine  d'amende, 
sauf  le  curé  ou  son  délégué,  ne  pouvait  y  pénétrer  pour 
y    exercer    le    ministère    ecclésiastique.    Le    mercredi 
veille  de  Noël,   Thomassin  était  venu  à  Mouans  «  tant 
pour  prêcher  que  pour  aider  au  curé.  »   Or,  vers  les 
lo  heures  du  soir,  quatre  hommes  armés,  délégués  par 
Pompée  de  Grasse ,  entrèrent  au  presbytère  et  dirent 
au  curé  :  «  Monseigneur  a  appris  qu'il  est  venu  ici  un 
prêcheur  cagot  et  séducteur  pour  mettre  ledit  seigneur 
et  ses  sujets  en  dissension.  Gardez-vous  bien  de  le  laisser 
prêcher,  entendez-vous?  »  —  Et  l'un  des  gens  armés, 
interpellant  Thomassin,  lui  dit  :  «  Et  vous,  ne  me  con- 
naissez-vous pas  ?  —  Non,  répondit  le  Père.  —  Non  ? 
Ne  vous  souvenez-vous,  quand  vous  disputâtes  au  châ- 
teau en  présence  de  M.  Ambe^  le  ministre  ?  —  Je  m'en 
souviens  bien ,  »  répliqua  Thomassin.  —  Et  les  quatre 
hommes  armés  se  retirèrent.  Lelendemain,  jourde  Noël, 
après  que  le   Père   et  le   curé  eurent  chacun   dit  une 
messe,  on  entendit  du  bruit.  C'était  Pompée  de  Grasse 
qui  se  promenait  devant  la  porte  de  l'église.  Quand  les 
catholiques  furent  tous  sortis,  il  entra  dans  l'église  avec 
sa  suite  et  les  deux  ministres,  dont  l'un  a  habillé  en  laï- 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  jîÇ 

que,  portant  un  manteau  noir  et  un  bonnet,  »  célébra 
le  service  à  la  manière  des  réformés.  Le  culte  fini, 
Pompée  de  Grasse  manda  le  curé  à  l'église  par  un  de 
ses  serviteurs,  lui  remit  les  clés,  après  lui  avoir  fait 
constater  qu'aucun  objet  n'avait  été  touché,  et  ajouta  : 
«  Ayez  soin  de  faire  partir  le  cagot  avant  trois  heures  ; 
autrement  je  le  ferai  mourir.  »  Le  curé  fit  observer  que 
Thomassin  était  venu  l'aider  et  non  prêcher,  a  A  la  bonne 
heure,  »  reprit  Pompée,  «  car  sachez  bien  que  je  suis  le 
maître  à  Mouans  et  que  je  ne  me  reconnais  sujet  que 
de  Dieu  et  du  roi.  »  Puis  il  s'en  alla  et,  après  les  vêpres, 
il  fit  prêcher  du  nouveau  un  des  ministres. 

Le  bruit  de  cet  événement  se  répandit  bien  vite,  et, 
dès  le  lendemain,  trois  cents  personnes  se  trouvèrent 
réunies  à  Mouans,  notamment  vingt-sept  à  vingt-neuf 
habitants  du  Bar,  parmi  lesquels  étaient  Claude  de 
Grasse,  seigneur  du  Bar,  sa  femme  et  sa  famille.  Quel- 
ques-uns disaient  :  «  Allons  voir  à  Mouans  la  mine  qu'a 
un  ministre.  »  Cornelli  fit  un  discours  de  controverse  et 
eut  pour  auditeur,  outre  du  Bar  et  les  siens,  le  docteur 
Roberti,  d'Escragnoles,  noble  François  de  La  Tour, 
Honoré  Tortel  dit  Colomb,  Claude  Rancurel,  Pierre 
Rémusat,  Antoine  Toulane,  Antoine  Isnard,  un  fils  de 
Jean  Isnard,  une  douzaine  de  femmes  et  beaucoup  de 
curieux.  Pompée  de  Grasse  pouvait  craindre  que  son 
audace  ne  lui  coûtât  cher.  Aussi  usa-t-il  d'intimidation 
pour  arrêter  les  représailles  et  les  poursuites.  L'année 
suivante,  le  jour  de  la  Saint-Jean,  au  moment  où  les 
catholiques  sortaient  de  l'église,  la  garnison  du  château 
rangea  en  bataille,  sur  la  place  de  Mouans,  ses  vingt 
petites  pièces  d'artillerie  et  dit  à  la  foule  :  «  Ne  bougez 
pas;  si  l'on  nous  faisait  le  moindre  mal,  nous  nous  trou- 
verions bientôt  deux  mille  et  plus  de  notre  parti,  et  nous 
irions  mettre  Grasse  sens  dessus  dessous  et   le  pays 


3?6  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

en  ruine;  nous  ne  quitterons  pas  le  château  avant  d'avoir 
vu  la  fin  de  notre  affaire  de  religion.  »  Il  est  vraisem- 
blable que  les  choses  en  restèrent  là  et  que  Pompée 
de  Grasse  se  borna  à  faire  dire  le  prêche  dans  son 
château  [Calvini  opéra,  vol.  XIX,  n°  3545;  Gaberel, 
Hist.  de  l'église  de  Genève^  t.  I,  Pièces  justifie.  ;  Bulletin 
de  la  Société^  etc.,  t.  IX,  p.  295;  Tisserand,  Hist. 
d'Antibes,  p.  296-299). 

Vence.  — Jean  Baptiste  Rambaud  de  Simiane,  évo- 
que de  Vence  depuis  1555,  parvint  à  empêcher  les  doc- 
trines luthériennes  de  pénétrer  dans  son  diocèse  ;  mais 
ayant  quitté  ce  siège  en  1560  pour  celui  d'Apt,  oij  il 
se  fît  protestant,  celles-ci  y  recrutèrent  des  adhérents, 
et  cette  même  année  1560  des  assemblées  religieuses 
se  tinrent  secrètement  dans  la  ville.  Le  gouverneur  de 
Provence,  comte  de  Tende,  qui  n'avait  pas  encore 
embrassé  le  parti  des  huguenots,  écrivait  le  1 5  mars  1560 
à  la  baronne  Françoise  de  Grimaldi,  femme  de  Claude 
de  Villeneuve,  baron  de  Vence,  de  faire  bonne  garde 
aux  consuls  de  la  ville  contre  «  les  mauvaises  congréga- 
tions; »  mais  c'était  peine  perdue,  car  le  baron  lui-même 
penchait  vers  la  Réforme ,  et ,  trois  ans  plus  tard,  il  se 
déclara  tout  à  fait  pour  elle;  si  bien  que,  ne  se  sentant 
plus  en  sûreté  au  milieu  des  siens,  il  se  fît  délivrer,  le 
5  juillet  1 562  des  lettres  de  sauvegarde  par  le  comte 
de  Tende.  La  ville  de  Vence,  en  effet,  était  demeurée 
en  grande  majorité  catholique,  et  les  consuls,  craignant 
l'introduction  des  étrangers  dans  leurs  murs,  faisaient 
défendre  le  21  octobre  1562,  à  «  tout  suspect  de  la  nou- 
velle religion  d'entrer  dans  cette  ville  ou  faubourgs 
d'icelle,  »  et  à  leurs  pères,  frères,  voisins  et  domesti- 
ques de  les  receler  dans  leurs  maisons,  terres,  vignes 
et  possessions.  Conformément  à  cette  défense,  le  baron 
de  Vence  lui-même  se  vit  refuser  l'entrée  de  sa  ville  et 


LES    GUERRES    DE    RELIGION.  337 

il  fallut  l'intervention  menaçante  de  son  beau-père,  Gas- 
pard de  Grimaldi,  seigneur  d'Antibes,  pour  la  lui  faire 
ouvrir.  Le  27  février  1563,  Sommerive,  nommé  gouver- 
neur de  Provence  à  la  place  de  son  père  le  comte  de 
Tende,  ordonna  au  conseil  d'arrenter  les  biens  de  ceux 
qui  s'étaient  absentés  de  la  ville  pour  cause  de  la  nou- 
velle religion  et  de  lui  envoyer  le  rôle  des  suspects,  qui 
se  trouvèrent  au  nombre  de  trente. 

L'édit  de  pacification  du  19  mars  1563  ayant  permis 
l'exercice  de  la  religion  réformée  dans  les  lieux  non 
soumis  à  la  juridiction  des  seigneurs  catholiques,  le 
comte  de  Tende,  réintégré  dans  ses  fonctions,  engagea 
les  consuls  de  Vence  à  s'entendre  avec  leur  seigneur 
et,  comme  le  barori  était  loin,  ceux-ci  décidèrent  d'aller 
trouver  la  baronne  «  pour  pacification  en  l'absence  de 
son  mari.  »  Il  est  vraisemblable  que  le  lieu  de  culte 
réformé  fut  choisi  dans  le  quartier  des  Arcs,  car  on  y 
voit  encore  une  rue  des  Huguenots.  Les  principaux  adep- 
tes du  protestantisme  et  amis  du  baron  de  Vence  étaient 
Fouques  Tombarel  dit  Brandes,  de  Gréolières;  Isnard 
Orselly,  juge  de  Colmars,  Raphaël  de  Russan,  écuyer 
de  Torène,  habitant  Grasse;  François  de  Simiane, 
écuyer  de  Manosque. 

En  1 565  (12-17  juin),  le  comte  de  Tende  donna  l'ordre 
au  conseil  communal  d'admettre  dans  son  sein  des  réfor- 
més, qui  furent  Romain  Signoret  et  Jean  Vidal.  Peu 
après,  les  conseillers  demandèrent  au  comte  des  instruc- 
tions sur  l'ensevelissement  des  mêmes  réformés,  qui,  dit 
Tisserand,  vivaient  en  bonne  intelligence  avec  eux, 
«  soutenaient  le  clergé,  payaient  exactement  les  dîmes, 
contribuaient  pour  la  facture  de  la  représentation  des 
Mystères  le  vendredi  saint  et  pour  les  prédications 
d'Audin  Garidelli  et  votaient,  en  1567,  pour  la  cloche 
de  la  chapelle  de  Saint-Bernardin.  »  Les  choses  chan- 

22 


:5  38  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

gèrent  bien  depuis.  Le  nouvel  évêque  de  Vence,  Louis 
du  Breuil  de  Grimaldi,  embrassa  lui-même  la  Réforme 
et  quitta  son  siège  ;  mais  plus  tard  il  rentra  dans  le 
giron  de  l'Eglise  catholique.  On  possède  encore  l'acte 
par  lequel  il  rétracta  ses  opinions  réformées  en  pré- 
sence du  Sacré  Collège  aux  pieds  de  Grégoire  et 
accepta  la  pénitence  qui  lui  fut  imposée.  Il  est  daté  du 
13  avril  1573-  Il  se  retira  auprès  de  son  frère  gouver- 
neur de  Nice,  et  le  duc  de  Savoie  en  fit  son  grand  aumô- 
nier (Tisserand,  Hist.  civ.  et  relig.  de  la  cité  de  Nice, 
p.  79;  Hist.  de  Vence,  p.  130-135). 

Antibes.  —  Le  seigneur  d'Antibes,  Gaspard  de 
Grimaldi,  intimement  lié  avec  les  moines  de  Lérins  et  le 
savant  bénédictin  Denis  Faucher,  '  ne  favorisa  pas  la 
Réforme ,  mais  il  ne  la  combattit  pas  ouvertement.  Ce 
dernier,  dans  sa  correspondance  avec  Alexandre  de  Gri- 
maldi, parent  de  Gaspard,  reconnaît  que  la  corruption 
du  clergé  est  plus  dangereuse  que  l'hérésie,  a  Tout  est 
plein  de  péril ,  »  dit-il  ,  «  et  il  y  a  plus  à  craindre  dans 
notre  âge  inondé  de  tant  de  maux,  du  relâchement  de  la 
discipline  que  des  gens  infectés  des  nouvelles  erreurs.  » 
Cet  aveu  n'empêcha  pas  le  bénédictin  de  lutter  contre 
l'envahissement  du  lutfiéranisme;  mais  il  n'employa  que 
les  armes  de  la  persuasion.  Il  écrivait  au  frère  Cyprien, 
maître  d'école  d'Antibes,  qui  avait  embrassé  la 
Réforme  :  «  Il  ne  peut  m'arriver  nouvelle  plus  affli- 
geante sur  votre  compte.  Vous  vous  êtes  jeté,  je  ne 
sais  pourquoi,  dans  la  folie  des  nouvelles  opinions.  Ne 
connaissez-vous  pas  ce  texte  de  saint  Pierre  par  lequel 
il  prédit  que  des  hommes  égoïstes  orgueilleux,  aban- 
donneront la  vérité  pour  le  mensonge?...  Mon  cher 
Cyprien,  au  nom  de  Tamitié  que  je  vous  porte,  imitez 
votre  confrère  de  La  Napoule,  André  Soliès.  Lui  a 
enfin  reconnu  ses  erreurs  »  (Mars  1561).  Cyprien  per- 


LES   GUERRES    DE    RELIGION.  339 

sévéra  dans  sa  foi  ;  car,  cette  année  même,  les  écoles 
d'Antibes  furent  mises  au  concours  :  ce  qui  prouve  qu'il 
se  démit  de  sa  charge  ou  fut  destitué.  Il  était  en  fonc- 
tion depuis  le  29  mars  1559,  aux  gages  de  trois  cents 
florins  par  an. 

En  1 562,  Gaspard  de  Grimaldi  reçut  l'ordre  du  Parle- 
ment d'informer  contre  M"  Georges  Bernard,  docteur 
en  médecine,  qui,  au  mois  de  janvier  de  la  même  année, 
avait  fait  baptiser  son  enfant  dans  une  maison  particu- 
lière en  présence  de  cent  cinquante  personnes.  Gri- 
maldi, auquel  répugnait  les  mesures  de  violence,  étouffa 
l'affaire  de  concert  avec  les  consuls  et  dit  que  le  bap- 
tême s'était  fait  suivant  les  règles  ordinaires  de  l'Eglise. 
Le  conseil  communal  n'était  pas  si  débonnaire,  car  le 
21  octobre  1 562  il  faisait  défendre  à  tout  suspect  l'entrée 
de  la  ville.  «  Ni  père,  ni  mère,  ni  frère,  ni  sœur,  ni 
voisin,  ni  ami,  ni  domestique,  »  ne  devaient,  sous  les 
peines  les  plus  sévères,  les  receler  dans  <(  leurs  mai- 
sons, bastides,  terres,  vignes  et  possessions.  »  La  vic- 
toire remportée  par  les  catholiques  à  Dreux  le  19  décem- 
bre 1562  les  anima  plus  encore  contre  les  adeptes  du 
parti  vaincu  et,  en  janvier  1563,  le  Parlement  d'Aix 
donna  ordre  aux  consuls  d'Antibes  d'arrenter  les  biens 
de  ceux  de  la  nouvelle  religion  qui  s'étaient  absentés. 
Ce  fut  du  reste  une  mesure  appliquée  à  toute  la  Pro- 
vence. 

Pendant  la  troisième  guerre  civile,  les  Etats  de  Pro- 
vence demandèrent  aux  consuls  les  noms  de  tous  leurs 
compatriotes  protestants  (i^""  août  1568),  et  plus  tard 
Sommerive,  gouverneur  de  Provence,  leur  défendit  de 
recevoir  dans  leurs  murs  qui  que  ce  fût  de  cette  reli- 
gion (31  mars  1570).  Pendant  la  quatrième  guerre,  le 
2  septembre  1573,  les  huguenots  d'Antibes,  qui  avaient 
eu  leurs  biens  séquestrés  de  1 567  à  1 570,  demandèrent 


340  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

qu'on  les  leur  rendît  et  qu'ils  n'eussent  à  payer  pour 
ce  laps  de  temps  ni  tailles  ni  cotisations.  Le  conseil 
communal  embarrassé  en  écrivit  aux  consuls  d'Aix,  de 
Marseille,  de  Brignoles  et  de  Draguignan,  qui  leur 
répondirent  qu'en  effet  les  huguenots  avaient  obtenu 
chez  eux  cette  exemption.  Il  s'agissait  spécialement 
d'une  contribution  levée  par  le  roi  sur  les  communes 
pour  payer  les  reîtres  qu'il  avait  fait  venir  en  France 
(Tisserand,  Hist.  d'Antibes,  p.  277-280,  283-285,  293, 

295). 

La  Napoule.  —  La  Réforme  recruta  quelques  adhé- 
rents dans  ce  village.  Le  maître  d'école  du  lieu,  nommé 
André  Soliès,  après  s'être  converti  aux  doctrines  luthé- 
riennes (i  559),  poussa  ses  coreligionnaires  à  détruire  les 
images  et  les  statues  servant  au  cuhe  catholique,  et  les 
églises  furent  dévastées.  Licossius,  dominicain  de  Grasse 
et  prieur  du  lieu,  employa  les  conseils,  les  reproches 
et  les  censures  et  parvint  à  comprimer  le  mouvement. 
Pour  se  venger  de  lui,  un  luthérien  malintentionné  déroba 
une  croix  d'argent  et  l'accusa  de  ce  larcin,  mais  le  prieur 
put  prouver  son  innocence.  Quant  au  maître  d'école, 
plus  passionné  que  convaincu,  il  ne  persévéra  pas  dans 
ses  nouvelles  croyances  (Tisserand,  Hist.  d'Antibes, 
p.   279;   Hist.  civ.  et  reiig.  de   la  ville  de  Nice.,  t.  II, 

p.  61). 

Sault  (terre  adjacente  de  Provence).  —  Pasteur  en 
1 5  66  :  Richard. 

Sederon  et  Barret  de  Liourre.  —  Ces  deux 
églises,  qui  appartenaient  aussi  aux  terres  adjacentes  de 
Provence,  furent  rattachées  dès  l'abord  au  Dauphiné 
sous  le  rapport  ecclésiastique.  On  lit  à  ce  propos,  dans 
les  actes  du  synode  provincial  de  Montélimar  du  6  mars 
11561  :  «  La  conjonction  et  alliance  faite  d'entre  les 
éo-lises  réformées  de  Lyon,  Annonay,  Séderon  et  Bar- 


LES   GUERRES   DE   RELIGION.  34I 

ret  et  autres  provinces  ne  pourra  être  disjointe  ni  sépa- 
rée quant  à  présent.  »  Cette  union  ne  fut  pas  définitive^ 
comme  on  le  verra  à  l'histoire  particulière  des  églises  ré- 
formées de  Provence  au  dix-septième|siècle(E.  Arnaud, 
Documents  protestants  inédits  du  seizième  siècle^  p.  36). 

Lemps.  —  Pasteur  en  1 596  :  Ennemond  Falquet. 

Vallée  de  Barcelonnette.  —  Cette  contrée, 
appelée  aussi  Terres-Neuves  et  Vicariat  de  Barcelonne 
et  située  au  nord-est  de  la  Provence,  appartenait  aux 
ducs  de  Savoie  et  fut  cédée  à  la  France  par  le  traité 
d'Utrecht  de  171 3  en  échange  des  vallées  de  Pragela 
et  d'Oulx,  qui  jusque-là  avaient  relevé  du  Dauphiné. 
Elle  fut  rattachée  à  la  Provence  par  une  déclaration  du 
roi  du  30  décembre  171 4,  parce  que  le  Dauphiné  s'était 
accru  du  territoire  de  la  principauté  d'Orange.  Elle  ren- 
fermait un  nombre  assez  considérable  de  Vaudois,  qui 
embrassèrent  la  Réforme  au  seizième  siècle ,  comme 
leurs  frères  du  Piémont,  du  Dauphiné  et  de  la  Pro- 
vence. Les  principaux  centres  protestants  ou  églises  de 
la  vallée  étaientBARCELONNETTE,  Jausiers,  Meyronne 
et  Larche.  Le  temple  était  bâti  à  Jausiers.  Ces  églises, 
saccagées  en  1 560,  virent  en  1 566  leurs  membres  expul- 
sés par  ordre  du  duc  de  Savoie;  mais  comme  aucun 
catholique  ne  voulut  entrer  en  possession  de  leurs  ter- 
res, il  leur  fut  permis  de  les  reprendre  et  ils  en  jouirent 
paisiblement  jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle.  L'église 
de  Larche  avait  pour  pasteur,  en  1556,  Jehan  Fabri 
(Muston  V Israël  des  Alpes,  t.  I,  p.  67  et  suiv.). 

Comté  de  Nice.  —  La  Réforme  ne  recruta  dans  ce 
pays  que  des  partisans  isolés.  Le  duc  de  Savoie,  Emma- 
nuel Philibert,  veillant  à  ce  qu'elle  ne  se  propageât  point 
dans  ses  Etats,  ne  cessait  d'inviter  les  évêques  de  Nice 
et  de  Vintimille,  situés  dans  le  comté,  et  également 
ceux  de  Glandevès   et  de  Vence  en    Provence,   à   la 


342  HISTOIRE  DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

combattre  par  de  fréquentes  prédications.  Malgré  ces 
précautions,  quand  Charles  Grimaldi  fut  élevé  au  siège 
épiscopal  de  Nice  (8  septembre  1565),  il  trouva  des 
protestants,  surtout  du  côté  de  Sostel.  Pour  les  ramener 
au  catholicisme  il  rétablit  la  discipline  ecclésiastique 
dans  son  diocèse  et  ordonna  à  ses  prêtres,  sous  les 
peines  les  plus  sévères  en  cas  de  négligence,  de  s'adon- 
ner à  la  prédication  et  de  s'occuper  de  l'enseignement 
du  catéchisme.  Généralement,  le  comté  de  Nice  fut  pré- 
servé de  troubles  religieux.  Néanmoins,  le  28  août  1 576, 
une  troupe  de  huguenots,  partie  de  Pigna,  dans  le  dio- 
cèse de  Vintimille,  se  jeta  sur  une  chapelle  de  la  Vierge 
qu'elle  dévasta.  L'évêque  Charles  Grimaldi  obtint  de 
prompts  secours  et  le  mouvement  fut  comprimé.  Le 
nouveau  duc  de  Savoie,  Charles  Emmanuel,  continua  la 
même  ligne  de  conduite  que  son  père  et  s'entendit  tou- 
jours avec  le  parti  catholique  de  Provence  pour  empê- 
cher la  Réforme  de  jeter  des  racines  profondes  dans 
ses  Etats  (Tisserand,  Hist.  civ.  et  relig.  de  la  cité  de 
Nice,  t.  II,  p.  61,  67,  85). 


TROISIEME  PÉRIODE 

RÉGIME     DE      l'ÉDIT     DE      NANTES 
(1598-1685) 


HISTOIRE  EXTERIEURE 


L  ÉDIT  DE  NANTES    EN    PROVENCE.    COMMISSAIRES   EXÉ- 
CUTEURS   DE    l'ÉDIT    en     1600    ET    EN     l6l2. 


E  Parlement  de  Provence ,  comme  on 
pouvait  l'attendre  de  ses  antécédents  , 
ne  se  montra  nullement  empressé  à  en- 
registrer l'édit  de  Nantes.  Il  réclama 
contre  l'attribution  qui  était  faite  à  la 
Chambre  de  l'édit  de  Grenoble  des  causes  dans  les- 
quelles les  protestants  de  Provence  étaient  partie  et 
déclara  que,  s'il  acceptait  l'édit,  c'était  «  sans  autre  ap- 
probation de  religion  que  la  catholique  ,  apostolique 
romaine.  »  Henri  IV  lui  adressa,  le  1 5  juillet  1 599,  des 
lettres  de  jussion  pour  qu'il  procédât  à  sa  vérification 
pure  et  simple,  mais  il  ne  se  soumit  que  le  1 1  août  de 
l'année  suivante. 

L'édit  de  Nantes,  vu  la  grande  étendue  de  la  séné- 
chaussée de  Provence,  qui  comprenait  toute  la  pro- 


344  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

vince,  accorda  aux  réformés  de  ce  pays  (art.  VI  des 
particuliers),  trois  lieux  de  plein  exercice,  qu'on  appela 
lieux  de  bailliage  ou  de  sénéchaussée  ,  outre  ceux  aux- 
quels ils  avaient  droit  parl'édit.  Ces  derniers  étaient  les 
lieux  où  le  culte  s'était  célébré  au  1 5  septembre  1 577 
(édit  de  Poitiers,  art.  10,  confirmé  par  l'édit  de  Nan- 
tes, art.  10),  «  en  l'année  1596  et  en  l'année  1597  Jus- 
ques  à  la  fin  du  mois  d'août,  nonobstant  tous  arrêts  et 
jugements  à  ce  contraires  »  (Art.  9). 

Comme  garantie  de  l'exécution  de  l'édit  de  Nantes, 
Henri  IV  accorda  et  promit  aux  réformés,  par  des  arti- 
cles secrets,  que  toutes  les  places,  villes  et  châteaux 
qu'ils  avaient  occupés  Jusqu'à  la  fin  du  mois  d'août  1 598 
demeureraient  «  en  leur  garde,  sous  l'autorité  et  obéis- 
sance de  Sadite  Majesté ,  par  l'espace  de  huit  ans  à 
compter  du  jour  delà  publication  dudit  édit.  »  C'est  ce 
qu'on  appelait  des  places  d'otage ,  de  mariage  ou  de 
sûreté.  L'état  de  ces  places,  dressé  par  Henri  IV  à 
Rennes  les  12 ,  14,  17  et  18  mai  1598,  assigna  seule- 
ment Lourmarin  à  la  Provence;  encore  ce  lieu  était, 
non  pas  une  place  de  sûreté  proprement  dite,  mais  une 
place  particulière,  qui  appartenait  à  un  seigneur  protes- 
tant et  qui ,  par  suite ,  avait  le  droit  de  se  garder  elle- 
même  sans  le  secours  d'une  garnison  à  la  solde  du  roi. 

Dans  le  but  d'éviter  des  contestations  regrettables  et 
d'interminables  lenteurs  dans  l'exécution  de  l'édit  de  Nan- 
tes, le  roi  nomma  des  commissaires  spéciaux  des  deux 
religions,  qui  eurent  pour  mission  de  déterminer,  dans 
chaque  province,  d'une  part  les  lieux  où  l'exercice  pouvait 
être  célébré  en  vertu  de  l'édit  (c'étaient  les  lieux  d'édit), 
et  d'autre  part  les  lieux  de  bailliage  ou  de  sénéchaussée 
accordés  exceptionnellement  en  sus  des  premiers. 

Les  commissaires  exécuteurs  de  la  Provence  furent 
Jean-Jacques  de  Mesmes  ,  sieur  des  Arches  ,  conseiller 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  345 

du  roi  et  maître  ordinaire  de  ses  requêtes  (catholique), 
et  Michel  de  Sade,  sieur  de  la  Goy  et  de  Romany  (i), 
gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du  roi  (protes- 
tant). La  nomination  fut  signée  à  Chambéry  en  octo- 
bre 1600  et  les  lettres  patentes  d'investiture  enregistrées 
par  le  Parlement  de  Provence  peu  après.  Les  églises 
réformées  de  ce  pays  se  firent  représenter  auprès  d'eux 
par  un  syndic  général,  qui  fut  Balthazar  de  Villeneuve, 
écuyer,  sieur  de  Dordonne.  lisse  mirent  à  l'œuvre  dès 
l'année  suivante  et  remplirent  généralement  leur  mission 
avec  impartialité ,  mais  non  sans  que  les  Etats  de  Pro- 
vence ,  toujours  hostiles  aux  protestants ,  leur  eussent 
recommandé  d'observer  avec  soin  les  exceptions  réser- 
vées par  l'édit  de  Nantes  (3  mars  1601).  Tous  les  lieux 
qui  avaient  droit  à  l'exercice  en  jouirent,  et  les  trois 
lieux  de  sénéchaussée  auxquels  l'exercice  fut  accordé 
comme  un  privilège  furent  Manosque,  Velaux  et  Le 
Luc  (ordonnance  du  23  février  1601).  Le  synode  ou  col- 
loque de  Lourmarin  du  i^""  octobre  1600  avait  proposé 
en  vain  Brignoles  à  la  place  de  Manosque  ,  parce  que 
ce  dernier  lieu  jouissait  déjà  de  l'exercice  en  vertu  de 
l'édit  de  Poitiers  1577.  Quant  au  Luc,  les  commissai- 
res ne  le  désignèrent  qu'autant  que  ses  habitants  réfor- 
més n'auraient  pas  joui  de  l'exercice  en  1596  et  1597; 
que  s'ils  pouvaient  justifier  de  cette  jouissance,  ce  lieu 
devait  être  remplacé  par  Tourves.  Tourves  ,  à  son  tour, 
si  ses  habitants  réformés  prouvaient  leur  droit  d'exer- 
cice, céderait  sa  place  à  un  autre  lieu.  Le  Luc  et  Tour- 
ves firent  cette  preuve  ;  mais  les  commissaires ,  nonob- 
stant cela  ,  désignèrent  ce  dernier  lieu  comme  lieu  de 
bailliage.  Ajoutons  que  leur  ordonnance  ne  fut  pas  exé- 

(i)  Vraisemblablement  le  beau-père  de  Balthazar  de  Gérente,  baron  de 
Sénas,  petit-fils  du  célèbre  défenseur  de  Sisteron,  qui  avait  épousé  en  1605 
Anne  de  Sade  La  Goy  (La  France  protestante,  t.  V,  p.  25c). 


34^  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

cutée  ,  car  les  commissaires  de  1661  choisirent  défini- 
tivement Le  Luc  comme  troisième  lieu  de  bailliage  et 
Tourves  fut  sacrifié  d'un  côté  comme  de  l'autre,  ainsi 
que  Brignoles  nommé  plus  haut. 

Un  cahier  de  plaintes,  présenté  au  roi  et  répondu  le 
31  août  1602,  reprocha  aux  commissaires  de  1600  de 
n'avoir  pas  voulu  reconnaître  le  droit  d'exercice  à  cer- 
tains lieux,  parce  que  ledit  exercice  n'y  avait  pas  été 
fait  exactement  le  17  septembre  1577.  Le  roi  décida 
que  cette  date  du  17  serait  étendue  à  tout  le  mois  de 
septembre. 

Certaines  ordonnances  contestables  des  commissai- 
res de  1600,  les  divers  cas  qu'ils  réservèrent  et  de  nou- 
velles difficultés  soulevées  par  les  catholiques  obligèrent 
Louis  XIII  à  nommer,  en  161 2,  de  nouveaux  commis- 
saires chargés  d'établir  l'exercice  partout  oij  le  permet- 
trait une  interprétation  équitable  de  l'édit  de  Nantes. 
Ces  commissaires  furent,  pour  la  Provence,  Claude 
Frère ,  président  au  Parlement  du  Dauphiné  (catholi- 
que),  et  de  Chambaud  (i)  (protestant).  Comme  leurs 
devanciers,  ils  furent  généralement  impartiaux  et  rendi- 
rent des  ordonnances  justes ,  qui  furent  confirmées  par 
le  Conseil  du  roi ,  comme  on  le  verra  à  l'histoire  parti- 
culière des  églises  de  Provence  au  dix-septième  siècle, 
racontée  plus  loin  (2). 


(i)  Sans  doute  René  de  La  Tour  Gouvernct-Chanibaud,  seigneur  de  Privas 
et  autres  lieux,  un  des  nombreux  fils  du  célèbre  capitaine  protestant  dau- 
phinois Gouvernet. 

(2)  Anquez,  Hlst.  des  assemblées  politiques,  p.  179,  159,  165;  —  Lambert, 
t.  II,  p.  509,  5 10;  —  Drion,  t.  I,  p.  2Ç4;  —  La  France  protestante,  pièces 
justificatives,  p.  260  ;  —  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  857  ;  Archives  nationales, 
série  TT,  cart.  232,  233,  247,  —  Cahier  de  plaintes  du  5  août  1617  (Papiers 
Hotman  de  Villiers,  t.  IV  à  la  bibl.  de  VHist.  du  protest,  franc.);  —  Décisions 
royales,  p.  i?,  16. 


REGIME   DE   L  ÉDIT   DE   NANTES.  347 

JURIDICTION   DE  LA  CHAMBRE  DE   l'ÉDIT  DE  GRENOBLE. 

Avant  de  conduire  plus  loin  ce  récit,  nous  devons 
parler  de  la  garantie  particulière  que  l'édit  de  Nantes 
accorda  aux  protestants  de  Provence  pour  le  jugement 
de  leurs  procès.  Il  ne  créa  pas  de  chambre  mi-partie  à 
Aix ,  mais  il  décida  que  celle  de  Grenoble  connaîtrait 
des  causes  des  réformés  ressortissant  au  Parlement 
d'Aix  (art.  32),  et  qu'en  attendant  l'établissement  de 
cette  chambre ,  tous  les  procès  mus  ou  à  mouvoir  entre 
protestants  et  catholiques,  ou  entre  protestants  seuls, 
seraient  portés  devant  le  Parlement  de  Grenoble  (art.  43  ). 
Mais,  dès  l'abord,  une  contestation  s'éleva  entre  les 
protestants  de  Provence  et  ceux  du  Dauphiné,  au  sujet 
du  pays  originaire  des  conseillers  réformés  de  la  Cham- 
bre de  l'édit  de  Grenoble.  Ces  conseillers  appartin- 
rent tous  au  Dauphiné,  et  les  Provençaux  auraient 
voulu  que  deux  d'entre  eux,  sur  six,  eussent  été  pris 
dans  leur  province.  Cette  contestation  fut  portée  devant 
l'assemblée  politique  provinciale  de  Gap  (mai  1 599),  qui 
la  trancha  en  demandant  à  Henri  IV  que  le  nombre  des 
conseillers  réformés  de  la  Chambre  de  Grenoble  fût 
porté  de  six  à  huit  ,  et  que  les  deux  nouveaux  con- 
seillers fussent  attribués  à  la  Provence.  Le  roi,  n'ayant 
pas  consenti  à  cet  arrangement,  qui  était  contraire  à 
l'édit  de  Nantes ,  l'assemblée  politique  de  Saumur 
(i  599-1601),  devant  qui  le  différend  fut  aussi  porté, 
n'accueillit  pas  les  réclamations  des  députés  de  Pro- 
vence ,  et  cette  affaire  n'eut  pas  de  suite. 

D'autre  part ,  comme  les  catholiques  provençaux , 
contrairement  à  l'article  32  de  l'édit  de  Nantes  cité  plus 
haut,  avaient  obtenu  du  Parlement  d'Aix  une  surséance 
de  deux  mois  pour  la  poursuite,  par-devant  la  Chambre 


}4^  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

de  l'édit  de  Grenoble,  de  tous  les  procès  qu'ils  avaient 
avec  les  réformés  ,  Henri  IV  édicta  un  règlement  spé- 
cial dont  la  teneur  suit  :  «  Voulons  et  nous  plaît  que 
nos  dits  sujets  de  ladite  religion  prétendue  réformée  de 
notre  pays  de  Provence  jouissent  de  l'évocation  audit 
Parlement  de  Grenoble  qui  leur  a  été  accordée  par 
l'édit  de  Nantes,  et  par  même  moyen,  autant  que  besoin 
est,  de  nouveau  avons  renvoyé  et  renvoyons  tous  les 
procès  desdits  exposants,  tant  civils  que  criminels,  mus 
et  à  mouvoir,  à  notre  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble, 
et  en  avons  interdit  et  défendu,  interdisons  et  défen- 
dons toute...  juridiction  et  connaissance  à  notre  dite 
Cour  du  Parlement  de  Provence ,  excepté  seulement 
pour  les  causes  et  procès  qui  concernent  le  paiement 
des  dettes  provenant  des  contributions  auxquelles  nos 
sujets  de  ladite  religion  prétendue  réformée  de  notre 
pays  de  Dauphiné  et  de  Provence  sont  parties.  »  Le 
roi  décida  que  ses  sujets  catholiques  provençaux  pour- 
raient opter,  pour  des  procès  de  cette  sorte,  entre  la 
Chambre  de  l'édit  de  Castres  et  celle  de  Grenoble. 

Enfin  ,  pour  que  les  intéressés  ne  se  méprissent  pas 
sur  le  caractère  de  juridiction  d'appel  de  la  Chambre 
de  Grenoble,  des  lettres  patentes  du  29  avril  161 2, 
confirmées  par  d'autres  du  8  mars  1621,  stipulèrent  que 
les  procès ,  une  fois  intentés  par-devant  les  juges  ordi- 
naires ,  ne  pourraient  être  évoqués  à  la  Chambre  de 
Grenoble ,  et  que  les  procès  pendants  devant  les  juges 
catholiques  et  intentés  par  des  catholiques  à  des  pro- 
testants ne  pourraient  non  plus  être  portés  à  ladite 
Chambre  sans  avoir  été  terminés  par  les  juges  ordinai- 
res ;  après  quoi  la  partie  protestante ,  si  elle  se  croyait 
lésée ,  pourrait  en  rappeler  à  Grenoble.  Il  fut  aussi 
arrêté  dans  la  Grand'Chambre  du  Parlement  d'Aix,  le 
17   décembre    1633,   que   les   réformés   ne   pourraient 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  349 

récuser  les  commissaires  des  choses  de  Pédit ,  lorsque 
ceux-ci  auraient  rapporté  un  arrêt  contradictoire  sur  le 
même  procès  (sauf  qu'il  serait  fait  droit  sur  les  causes 
de  récusation  venues  de  nouveau  à  la  connaissance  des 
parties),  non  plus  que  les  commissaires  et  autres  juges, 
le  procès  une  fois  commencé. 

On  verra  bientôt  les  entraves  de  toutes  sortes  que  le 
Parlement  d^Aix ,  qui  né  pouvait  tolérer  l'amoindrisse- 
ment de  sa  juridiction,  opposa  à  l'exercice  du  droit 
d'appel  des  protestants  provençaux  devant  la  Chambre 
exceptionnelle  de  Grenoble.  Dans  plusieurs  cas  ,  ces 
entraves  furent  de  véritables  dénis  de  justice  et  se  tra- 
duisirent, par  des  violences. 

Louis  XIV  supprima  la  Chambre  mi-partie  de  Greno- 
ble par  un  édit  de  juillet  1679;  mais  il  laissa  aux  pro- 
testants de  Provence  la  faculté  de  porter  leurs  affaires 
devant  le  Parlement  du  Dauphiné  ,  qui  passait  pour 
moins  intolérant  que  celui  d'Aix.  Cette  faible  garantie 
leur  fut  même  ôtée,  en  mai  1 582,  par  un  nouvel  édit  du 
roi,  qui  prétendit  que  cette  facilité  était  un  prétexte 
pour  empêcher,  par  des  évocations  ou  par  des  règle- 
ments de  juges,  que  la  justice  ne  fût  promptement  ren- 
due à  ses  sujets  (i). 

MASSACRE    A    SALON.    ATROCITÉ    A    SOLLIÈS. 

Les  protestants  de  Provence  ne  demandaient  qu'à 
jouir  paisiblement  de  leurs  droits  et  de  vivre  en  bonne 
intelligence  avec  les  catholiques  ,  après  les  luttes  fratri- 


(i)  Anquez,  Hist.  des  assemblées  politiques,  p.  205  ;  Brun  Durand  ,  Essai 
histor.  sur  la  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble,  Valence,  1875,  in-8°  ;  —  E.  Ar- 
naud, Hist.  des  prot.  du  Dauph,,  t.  II,  p.  îJ-63  ;  —  Honoré  Bouche,  t.  II  , 
p.  831  ;  —  Arrestés  et  délibérations  de  la  Cour  de  Parlement  de  Prou.,  p.  590 
(Bibl.  nation.,  fonds  franc.,  ms.  n"  120J7);  —  Règlement  pour  les  procès  de 
Provence,  Paris,  xvi  juin  1601  ,  in-4». 


3  5©  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

cides  qui  avaient  trop  longtemps  ensanglanté  le  sol  de 
la  Provence;  mais  ceux-ci  étaient  bien  loin  d'être  ani- 
més des  mêmes  sentiments  qu'eux.  En  1617,  «  la  Pro- 
vence, »  dit  Benoit,  «  était  aussi  exposée  à  de  grandes 
vexations.  Les  réformés  y  étaient  fort  divisés,  et  les 
catholiques  prenaient  l'occasion  de  ces  discordes,  qu'ils 
y  avaient  eux-mêmes  semées ,  pour  leur  faire  impuné- 
ment toutes  sortes  d'injustices.  »  Ils  se  rendaient  même 
coupables  à  leur  égard  de  violences  dont  la  gravité  rap- 
pelait les  scènes  barbares  de  Mérindol  et  de  Cabrières. 
«  A  Salon  de  Crau,  proche  de  nous,  »  écrivait,  à  la 
date  du  22  août  161 5,  de  La  Planche,  pasteur  à  Mérin- 
dol, à  la  compagnie  des  pasteurs  de  Genève,  «  le  on- 
zième de  ce  mois  d'août,  s'est  élevé  une  sédition  popu- 
laire de  trois  ou  quatre  mille  mécontents  après  souper, 
et  ont  fait  et  commis  un  meurtre  d'un  seigneur,  enfant 
de  la  ville,  qui  avait  été  par  trois  fois  leur  syndic,  nommé 
de  Châteauneuf  (i),  cousin  germain  du  baron  de  Sé- 
nas  (2),  lui  ayant  brisé  la  tête  d'un  coup  d'arquebuse. 
On  lui  a  donné  encore  douze  coups  d'épée  à  travers  et, 
qui  est  plus  horrible ,  voir  entre  les  bras  de  sa  mère  en 
rendant  l'âme  à  Dieu.  On  le  voulait  traîner  par  la  ville 
et  exposer  son  corps  à  la  furie  des  enfants  et  aux  bêtes. 
On  a  demeuré  quatre  jours  pour  lui  donner  sépulture, 
et  le  tout  a  été  fait  pour  ce  que  ce  gentilhomme  disputait 
de  la  vraie  religion  et  disait  qu'il  en  voulait  faire  pro- 
fession ouvertement.  Ce  fait  épouvantable  se  jurait  et 
tramait  afin  de  faire  perdre  entièrement  la  race  du  baron 
de  Sénas,   qui  avait   en  ladite  ville  ses  deux  frères ,  à 

(i)  Nous  pensons  que  c'est  un  fils  de  Louise  de  Gérente,  mariée  à  Louis 
Claude  de  March,  seigneur  de  Châteauneuf-lès-Moustiers  [La  France  pro- 
testante, t.  V,  p.  254). 

(2)  Balthasar  de  Gérente,  baron  de  Sénas,  petit-fils  du  célèbre  défenseur 
de  Sisteron  et  député  aux  assemblées  politiques  de  Sainte-Foy  1601  ,  Sau- 
mur  1611  ,  Grenoble  1615  ,  Loudun  1619. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  35I 

savoir  les  sieurs  de  Varages  et  de  Saint- Etienne  (i) 
et  toute  leur  famille ,  qui  sont  à  vrai  .dire  les  premiers 
et  les  plus  élevés  et  illustres  seigneurs ,  sages  et  crai- 
gnant Dieu,  et  plus  riches  que  soient  en  la  province. 
Ils  dépensent  une  grande  part  de  leurs  biens  pour  le 
pur  service  et  entretien  du  saint  ministère ,  et  font  de 
très  grandes  aumônes  à  tous  souffreteux,  leurs  maisons 
étant  ouvertes  à  tous  allants  et  venants.  La  sédition  a 
duré  quatre  jours  et  quatre  nuits.  Il  y  a  eu  quelques 
blessés  et  le  seul  susdit  mort.  Environ  trente  gentilshom- 
mes et  autant  de  capitaines  et  soldats  de  valeur  se  ran- 
gèrent avec  les  frères  du  baron,  faisant  force  barricades 
à  l'entour  des  maisons,  pour  tâcher,  par  tous  moyens, 
de  se  garantir  de  la  furie  et  rage  de  ces  méchants,  criant 
et  hurlant,  voyant  la  fin  des  huguenots  en  ce  lieu.  » 

Le  meneur  était  un  prêtre,  nommé  Louis  Michel,  qui 
reçut  plusieurs  coups  d'épée  dans  la  lutte.  Les  habitants, 
qui  avaient  pris  parti  pour  Varages  et  Saint-Etienne , 
quittèrent  la  ville  par  prudence ,  et  le  baron  de  Sénas 
ne  put  obtenir  justice  du  Parlement  qui ,  pour  ôter  le 
jugement  de  la  cause  à  la  Chambre  mi-partie  de  Greno- 
ble ,  la  renvoya  au  conseil  du  roi ,  en  prétendant  que 
c'était  un  «  fait  d'Etat.  »  La  Planche  dit,  en  terminant  sa 
lettre,  qu'il  est  probable  qu'on  accordera  une  amnistie 
générale  et  particulière  à  tous  ces  séditieux  qui,  «  quel- 
ques mois  auparavant ,  avaient  fait  sonner  le  tocsin  en 
criant  par  les  rues  :  Tue,  tue  huguenots!  »  Le  conseil 
du  roi  garda  l'instance  par-devers  lui  sur  les  renseigne- 
ments incomplets  que  lui  fournit  le  Parlement  ;  mais 
l'assemblée  politique  générale  de  Grenoble  de  1615 
chargea  ses  députés  en  cour  de  faire  les  démarches  les 


(i)  La  France  protestante  (t.  V,  p.  255)  n'a  pas  connu  ces  titres  des  deux 
frères  du  baron  de  Sénas. 


312  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

plus  actives  pour  que  la  cause  fût  renvoyée  à  la  Cham- 
bre de  l'édit  de  Grenoble ,  et  de  représenter  au  roi 
((  l'importance  de  cette  affaire ,  la  gravité  des  excès 
commis  en  la  sédition,  desquels  l'impunité  serait  de  mau- 
vaise conséquence.  »  Nous  ne  savons  ce  que  le  conseil 
décida,  mais  il  est  vraisemblable  que  la  supposition  de 
La  Planche  devint  une  réalité  (i). 

Citons  un  second  fait.  A  Solliès  vivaient,  en  1619, 
deux  frères  du  nom  de  Meissonnier ,  les  plus  aisés  de 
leur  village.  L'aîné  était  marié  et  protestant,  le  cadet, 
catholique,  avait  fait  vœu  d'appartenir  à  l'Eglise.  Pressé 
par  son  frère  et  le  pasteur  de  l'église  du  Luc,  à  laquelle 
ressortissait  cette  annexe,  d'embrasser  le  protestantisme, 
il  le  fit  et  fut  nommé  membre  du  consistoire  du  Luc,  oij 
il  résidait  souvent.  Sur  ces  entrefaites  ,  il  rechercha  en 
mariage  une  jeune  fille  de  ce  lieu  et  l'obtint.  Le  jour 
fixé  pour  la  cérémonie ,  il  se  rendit  chez  son  frère  à 
Solliès  et,  étant  monté  dans  une  chambre  pour  changer 
de  vêtements,  il  fut  aussitôt  terrassé  par  un  grand  per- 
sonnage noir  qui  le  mutila  affreusement  et ,  de  plus , 
coupa  la  gorge  à  une  petite  fille  couchée  dans  un  ber- 
ceau. Aux  cris  poussés  par  la  victime,  la  belle-sœur 
monte  et,  en  présence  du  sanglant  spectacle  qui  s'offre 
à  sa  vue,  elle  crie  à  son  tour.  Les  voisins  accourent  et 
les  officiers  de  justice ,  avertis  sur  l'heure ,  reçoivent  la 
déposition  du  blessé,  qui  expire  trois  quarts  d'heure 
après  dans  d'atroces  souffrances.  Onauraitpu  croire  que 
la  justice  rechercherait  le  coupable  :  il  n'en  fut  rien.  Le 
juge,  à  la  demande  du  procureur  fiscal,  fit  faire  le  pro- 
cès au  défunt,  qui  fut  déclaré  coupable  de  s'être  tué 
lui-même  et  d'avoir  coupé  la  gorge  à  sa  nièce,  et  dont 


(i)  Gaberel ,  Hist.  de  l'Eglise  de  Genève,  t.  il.  Pièces  justificatives,  p.  105- 
107;  —  Bouchitté,  Négociations,  etc.,  p.  59  ;  —  Benoît,  t.  II,  p.  227. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  3  5^ 

les  biens  furent  adjugés  au  seigneur  du  lieu.  Le  frère 
rappela  de  ce  jugement  inique  à  la  Chambre  de  l'édit  de 
Grenoble ,  qui  cassa  la  sentence  du  premier  juge  et  mit 
Meissonnier  l'aîné  en  possession  des  biens  de  son  frère 
défunt.  Quant  au  peuple,  il  demeura  convaincu  que 
c'était  le  diable  en  personne  qui  avait  commis  ce  meur- 
tre (i). 

•       NOUVELLES    GUERRES   DE    RELIGION. 

Les  luttes  religieuses  armées  recommencèrent  au  dix- 
septième  siècle,  après  que  Louis  XIII  eut  consommé 
en  personne  la  ruine  des  églises  réformées  du  Béarn. 
L'assemblée  politique  générale  de  La  Rochelle  de  1620 
leva  l'étendard  de  la  révolte  et  divisa  la  France  en  cer- 
cles politiques  ,  à  la  tête  desquels  elle  plaça  des  gou- 
verneurs militaires.  La  Bourgogne ,  la  Provence  et  le 
Dauphiné  formèrent  le  huitième  cercle ,  et  le  comman- 
dement en  fut  laissé  à  Lesdiguières ,  parce  qu'on  ne 
pouvait  le  lui  ôter.  Pourtant,  lorsque  le  rusé  capitaine 
eut  déserté  le  parti  huguenot  pour  se  ranger  du  côté  de 
celui  de  la  cour  (mars  1621),  la  même  assemblée,  qui 
n'osa  pas  lui  retirer  le  gouvernement  du  Dauphiné ,  en 
détacha  celui  de  la  Provence  et  le  confia  à  Jean  du  Puy- 
Montbrun,  fils  du  célèbre  capitaine  de  ce  nom,  «  ayant 
très  bonne  connaissance,  »  ajoute  la  commission,  «  de 
la  piété ,  vertu  ,  prudence  ,  valeur  et  grande  expérience 
au  fait  des  armes  qui  se  reconnaissent  en  sa  personne... 
même  de  son  zèle  et  singulière  affection  à  la  gloire  de 
Dieu  ,  bien  et  conservation  desdites  églises.  »  Il  est 
toutefois  à  remarquer  que  l'assemblée  n'accorda  à  ce 


(I)  Hist.  espouuantablc  et  véritable  arrivée  en   la  ville  de   SoUers  en  Pro- 
■vence ,  etc.  Paris,  1619,  in-12. 

23 


3  54  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

dernier  que  la  qualité  de  «  lieutenant  général  du  duc  de 
Lesdiguières  »  {14  mai  1621). 

Montbrun,  qui,  un  mois  auparavant  (avril  1621),  avait 
été  déjà  nommé  chef  militaire  des  huguenots  du  Dau- 
phiné  par  l'assemblée  politique  provinciale  de  Die,  ne 
porta  pas  les  opérations  en  dehors  de  cette  province. 
Il  s'empara  de  Reillannette  et  Molans ,  situés  sur  la 
frontière  de  Provence ,  assiégea  Le  Buis ,  et  de  là 
s'achemina  vers  le  nord.  Il  est  vraisemblable  que  l'atti- 
tude énergique  du  gouverneur  de  Provence  le  décida  à 
agir  ainsi ,  car  il  paraît  avoir  eu  en  un  instant  l'intention 
de  pénétrer  dans  cette  province  par  le  comté  de  Sault. 
Charles  de  Lorraine,  duc  de  Guise  (i),  qui  était  pour 
lors  à  la  tête  du  gouvernement  de  Provence  ,  avait  en- 
voyé le  capitaine  Castellane  ,  seigneur  de  La  Ver- 
dière  (2),  du  côté  de  Monsalier,  à  quelques  lieues  de 
Forcalquier,  avec  sa  compagnie  de  gens  d'armes,  qu'il 
fit  bientôt  suivre  du  prévôt  des  maréchaux ,  qui  prit  à 
Apt  une  escorte  de  gens  de  pied  et  de  cheval.  Ces 
troupes  s'avancèrent  jusqu'à  Sisteron  et  intimidèrent 
sans  doute  Montbrun  et  ses  lieutenants. 

Ce  dernier,  semble-t-il,  avait  compté  occuper  Ma- 
nosque  ,  car  on  lit  dans  les  délibérations  consulaires  de 
cette  ville  à  la  date  de  1621  :  «  Les  consuls  ayant  été 
avertis  que  les  huguenots  songeaient  à  s'emparer  de 
Manosque  ,  il  a  été  décrété,  dans  le  Conseil  de  ville, 
de  murer  les  deux  portes  de  Soubeiran  et  d'Aubette  et 
de  rétablir  les  murailles  qui  entourent  la  ville.  »  Les 
consuls  organisèrent  ensuite  une  garde  urbaine,  dont  le 
commandement  fut  confié  à  Joseph  Gasqui  (ou  Gasc)  , 
et  convoquèrent  les  quarante  chefs  de  famille  protes- 

(1)  Petit-fils  de  François  de  Guise,  assassiné  par  Poltrot  en  1565. 

(2)  Petit-fils  du  valeureux  capitaine  Philibert  de  Castellane  de  La  Verdière, 
tué  à  L'Escale  en  1Ç62. 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT   DE  NANTES.  35  5 

tants  que  renfermait  la  ville  (i),  pour  leur  faire  prêter 
serment  de  ne  rien  entreprendre  contre  la  cité  et  de  ne 
favoriser  en  rien  les  projets  des  huguenots  du  dehors. 

Nous  n'avons  rien  découvert  qui  établisse  que ,  pen- 
dant les  deux  autres  guerres  de  religion  qui  suivirent 
(1625-1626  et  1627-1629),  la  Provence  ait  été  le  théâ- 
tre d'aucune  lutte  armée.  Il  paraît,  toutefois,  que  le 
passage  ou  le  séjour  des  troupes,  que  le  gouverneur  de 
la  province  fît  mettre  sur  pied  pour  assurer  ses  frontiè- 
res ou  renforcer  l'armée  royale ,  qui  opérait ,  dans  les 
Cévennes,  contre  le  duc  de  Rohan,  causa  de  grands 
dommages  aux  églises  réformées  du  pays,  puisque  leurs 
députés  au  synode  général  de  Charenton  (163 1)  décla- 
rèrent ,  avec  ceux  du  Vivarais ,  qu'  «  ils  étaient  entière- 
ment ruinés  »  et  ne  pouvaient  contribuer ,  comme  les 
autres  provinces  ,  à  l'entretien  des  collèges  et  des  uni- 
versités. 

Notons,  comme  dernier  fait  relatif  aux  trois  guerres 
de  religion  du  dix-septième  siècle,  l'enregistrement  que 
fit  le  Parlement  de  Provence  ,  à  la  date  du  4  mars  1625, 
des  lettres  patentes  de  Louis  XIII  prescrivant  d'infor- 
mer contre  ceux  de  religion  prétendue  réformée  qui 
fabriquaient  de  la  fausse  monnaie  ,  et  les  privant ,  pour 
ce  cas  particulier ,  de  leur  droit  d'évocation  aux  cham- 
bres de  l'édit.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  remar- 
quer que  la  monnaie,  —  qualifiée  de  fausse  monnaie  par 
Louis  XIII,  —  était  non  point  de  mauvais  aloi ,  mais 
simplement  frappée  avec  des  marques  autres  que  celles 
de  la  monnaie  courante  (2). 


(i)  Voy.  leurs  noms  plus  loin  à  VHist.  part,  des  églises  réf.  de  Prov.  au 
dix-septième  siècle. 

(2)  Benoit,  t.  II,  p.  55c  ;  —  Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  IV,  p.  473;  — 
Aymon,  t.  II,  p.  515;  —  Boze,  HisL  d'Api,  p.  518;  —  Féraud  ,  Hist.  civ  , 
polit,  et  relig.  de  Manosque,   p.  290,  291  ;  —  E.  Arnaud,  Hist.  des  prof,  du 


3^6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

INIQUITÉS    DU    PARLEMENT    d'aIX. 

Le  Parlement  de  Provence ,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  se  rendit  coupable  des  plus  grandes  violen- 
ces à  l'égard  des  protestants  de  sa  juridiction.  Dans  la 
requête  que  le  député  général  des  églises  réformées  en 
cour,  Henri  de  Massue,  marquis  de  Ruvigny  et  lieute- 
nant général,  présenta  au  roi  pour  en  obtenir  la  cassa- 
tion,  il  exposait  que  <(  ce  Parlement  donnait,  sur  de 
simples  requêtes,  des  arrêts  d'interdiction  des  lieux  où 
les  réformés  faisaient  l'exercice  de  leur  religion  ;  qu'il 
contraignait  les  ministres ,  qui  ne  voulaient  pas  déférer 
à  ces  défenses,  par  des  emprisonnements,  des  amen- 
des ,  par  toutes  sortes  de  rigueurs  ;  qu'il  députait  des 
conseillers  de  son  corps  pour  faire  fermer  les  temples 
et  rompre  les  chaires;  que,  quand  il  n'y  avait  point  de 
parties  pour  recueillir  de  tels  arrêts  ,  il  y  taisait  paraître 
son  procureur  général  ;  qu'il  défendait  de  faire  le  moin- 
dre exercice ,  même  d'administrer  le  baptême  et  d'en- 
terrer les  morts,  hors  des  lieux  de  bailliage,  de  quoi  il 
y  avait  un  exemple  par  un  arrêt  rendu  cette  année  (1654) 
dès  le  deuxième  de  janvier,  où  les  contrevenants  étaient 
condamnés  à  cinq  cents  livres  d'amende.  Le  même  Par- 
lement déboutait  toujours  les  réformés  des  renvois  de 
leurs  causes  aux  chambres  de  l'édit;  empêchait  les 
huissiers  et  les  sergents  de  les  exécuter  sans  par eahs; 
décrétait  prise  de  corps  contre  ceux  du  conseil  et  des 
défenses  de  s'en  servir.  Il  portait  même  l'esprit  d'aigreur 


Dauph.,  t.  II,  p.  9  et  lo;  —  Arrestés  et  délibérât,  de  la  Cour  de  Parlement 
de  Prou.,  fol.  2Ç2  (Bibl.  nation,  fonds  franc.,  ms.  n»  12057);  —  Sommaire  de 
toutes  les  délibérations...  des  trois  Etats  du  pays  du  comtat  Venaissin  (Bibl. 
de  Carpentras,  ms.  265 ,  art.  Huguenots)  ;  —  Pouvoir  donné...  au  sieur  de 
Montbrun  {Id.,  ms.  Peiresc  ,  n»  XXX,  vol.  II). 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  3  57 

si  loin  que  le  comte  d'Alais,  gouverneur  de  la  province, 
ayant  rendu  une  ordonnance  en  faveur  des  réformés 
après  trois  lettres  de  cachet  qui  en  portaient  l'ordre ,  le 
Parlement  la  cassa  de  son  autorité  et  défendit  de  l'exé- 
cuter. »  Au  plus  fort  de  la  guerre  de  Trente  ans,  le 
comte,  ayant  levé  des  troupes,  où  la  plupart  des  réfor- 
més s'enrôlèrent  par  patriotisme ,  le  Parlement  écrivit 
au  comte  de  Carcès  d'empêcher  que  «  ces  troupes, 
composées  de  huguenots  factieux,  ne  tinssent  la  campa- 
gne. » 

L'histoire  particulière  des  églises  réformées  de  Pro- 
vence au  dix-septième  siècle,  qu'on  trouvera  plus  loin, 
et  les  nombreux  cahiers  de  plaintes  que  les  réformés 
adressèrent  à  Henri  IV  et  à  Louis  XIII,  confirment 
l'exposé  de  Ruvigny.  Les  extraits  suivants  de  ces  der- 
niers l'établissent  surabondamment  : 

((  Les  habitants  de...  Provence...  qui  sont  prévenus 
de  crimes  ne  peuvent  faire  remettre  par-devant  la  Cham- 
bre de  l'édit  l'original  des  informations  et  procédures 
contre  eux  faites,  quelque  injonction  qu'on  fasse  aux 
greffiers  qui  en  sont  saisis  :  ainsi  envoient  des  extraits 
tant  seulement,  ce  qui  leur  est  de  notable  intérêt,  attendu 
qu'il  faut  bien  donner  foi  à  ce  que  fait  un  greffier,  bien 
souvent  animé  pour  être  privé  du  profit  qu'il  en  attendait  ; 
outre  qu'on  ne  peut  faire  reconnaître  aux  témoins  leurs 
signatures,  lorsqu'on  procède  aux  recolements  et  con- 
frontations, ni  les  convaincre  lorsqu'ils  sont  variables  ou 
qu'ils  suivent  quelque  inscription  en  faux  »  (Cahier  du 
19  août  1606). 

«  La  Cour  de  Provence  contraint  ceux  de  ladite  reli- 
gion de  demander  pareatis  pour  l'exécution  des  juge- 
ments, provisions  et  arrêts  qui  ont  été  rendus  par  ladite 
Chambre  de  l'édit  de  Grenoble,  dont  il  advient  que  les 
parties, contre  lesquelles  lesdites  provisions  et  jugements 


3^8  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

ont  été  rendus  prennent  de  là  sujet  de  former  des  oppo- 
sitions et  incidents  pour  chicaner  et  faire  consumer  en 
frais  les  poursuivants,  ou  même  que  le  plus  souvent  les 
avocats  et  procureurs  généraux  dudit  Parlement,  requé- 
rant les  parties  être  renvoyées  en  audience ,  contreve- 
nant directement  audit  édit,  article  32,  par  lequel  les 
parties  plaidantes  en  ladite  chambre  ne  sont  tenues  de 
prendre  autres  lettres  ni  provisions  que  celles  qui  seront 
émanées  de  la  chancellerie  de  Grenoble  ;  en  consé- 
quence de  quoi  les  huissiers  et  sergents  refusent  de 
mettre  ladite  cause  à  exécution,  qui  est  rendre  auxdites 
parties  leurs  poursuites,  jugements  et  arrêts  entièrement 
illusoires  »  (Cahier  du  18  septembre  1610). 

«  Au  préjudice  du  47®  article  de  l'édit  et  des  provi- 
sions ordonnées  en  conséquence  par  les  réponses  de 
plusieurs  cahiers ,  le  Parlement  de  Provence  décrète 
journellement  contre  les  huissiers  qui  exécutent  dans 
leurs  ressorts  les  arrêts  de  la  chambre  de  l'édit  de  Gre- 
noble ,  et  à  cette  cause  les  sergents  établis  èsdite 
province  refusent  de  mettre  lesdits  arrêts  à  exécution  » 
(Cahiers  du  22  juillet  161 1). 

«  Il  ne  se  trouve  aucun  huissier  ou  sergent  en  Pro- 
vence qui  ose  exploiter  les  arrêts  de  la  Chambre  de 
Grenoble,  à  cause  des  défenses  très  expresses  qu'en  a 
faites  le  Parlement  de  Provence  sous  grosses  peines , 
ayant  fait  emprisonner  un  sergent  pour  avoir  exploité  un 
arrêt  de  la  Chambre  de  Grenoble  pour  Antoine  Boyer  » 
(Cahier  de  161 7). 

Les  huissiers  refusaient  d'exploiter  non  seulement 
les  mandements  de  la  Chambre  de  Grenoble ,  mais 
encore  toutes  les  autres  provisions  émanées  du  grand 
Conseil  et  du  Conseil  privé  du  roi,  et  il  était  fort  difficile 
de  faire  apparoir  dudit  refus  parce  que  les  notaires,  par 
crainte  des  sévérités  du  Parlement,  n'osaient  pas  som- 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  3 '59 

mer,  par  acte  authentique,  les  huissiers  de  remplir  leur 
mission  (Cahier  du  17  avril  16 12). 

Le  roi,  en  réponse  à  ce  cahier,  promit  d'écrire  au 
premier  président  et  à  ses  avocats  et  procureurs  géné- 
raux du  Parlement  d'Aix  de  nommer  quatre  sergents  qui 
seraient  tenus  de  mettre  à  exécution  les  arrêts  et  com- 
missions de  la  chambre  de  Grenoble  et  les  lettres  éma- 
nées de  sa  chancellerie  sans  demander  placet ,  visa  ou 
pareatis.  Le  roi  décida,  en  outre,  que  les  noms  de  ces 
sergents  ou  huissiers  seraient  inscrits  au  greffe  du  Par- 
lement. 

D'autre  part,  les  protestants  provençaux,  qui  se  pour- 
voyaient par-devant  la  Chambre  de  Grenoble ,  étaient 
obligés  de  prouver  leur  religion  par  acte  notarié,  quand 
l'attestation  de  leurs  ministres  aurait  dû  suffire. 

Il  n'était  non  plus  permis  aux  protestants  étrangers , 
Anglais  et  Flamands,  qui  habitaient,  pour  la  plupart, 
Marseille  et  les  autres  villes  du  littoral  de  la  Méditer- 
ranée, de  porter  leurs  causes  à  la  Chambre  de  Greno- 
ble. Le  roi,  prié  de  faire  cesser  cet  état  de  choses,  s'y 
refusa  formellement  (Cahier  du  17  avril  161 2). 

Les  prédicateurs  catholiques  et  les  avocats  du  Par- 
lement excitaient  eux-mêmes  le  peuple  contre  les  réfor- 
més. Le  cahier  du  19  août  1606  dit  à  ce  propos  : 
((  Contre  la  teneur  de  l'article  17  de  l'édit,  plusieurs 
prédicateurs  et  avocats  à  la  Cour  de  Parlement  de  Pro- 
vence se  licencient  journellement  de  tenir  propos  scan- 
daleux ,  appellent  ceux  de  ladite  religion  hérétiques , 
exhortant  les  enfants  et  menu  peuple  à  leur  dire  injures 
et  les  brocarder  lorsqu'ils  reviennent  de  l'exercice  de 
leur  religion.  » 

La  remontrance  de  Ruvigny  décida  le  roi  à  rendre 
un  arrêt,  le  17  août  1654,  qui,  statuant  sur  un  des  griefs 
allégués  par  le  député  général  et  confirmant  les  arti- 


500  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

des  32  et  34  de  l'édit  de  Nantes,  faisait  expresses 
défenses  au  Parlement  d'Aix  de  connaître  des  causes 
de  ceux  de  la  religion  et  ordonnait  que  les  jugements 
de  la  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble  seraient  exécutés 
en  Provence  sans  le  pareatis  du  Parlement  d'Aix. 

L'arrêt  du  roi  ne  mit  pas  un  terme  aux  abus  de  pou- 
voir du  Parlement,  car  nous  apprenons  par  Benoît  qu'à 
la  date  de  1677,  il  «  retenait  toutes  les  causes  des  ré- 
formés sous  prétexte  que  la  connaissance  du  crime 
d'impiété  était  renvoyée  aux  parlements  par  les  nouveaux 
édits  et ,  sur  ce  fondement ,  il  faisait ,  à  tous  ceux  qui 
voulaient  se  pourvoir  au  Parlement  de  Grenoble ,  des 
vexations  inouïes.  Le  conseil  même  [du  roi]  favorisait 
ces  entreprises  et  quand  quelque  réformé,  attaqué  par 
le  procureur  général,  se  rendait  prisonnier  à  Grenoble, 
on  lui  refusait  des  lettres  de  règlement  de  juges ,  parce 
qu'il  ne  s'était_!pas  remis  dans  les  prisons  du  Parlement 
de  Provence.  On  exposa ,  dans  un  placet  qui  fut  pré- 
senté au  roi,  sept  ou  huit  affaires  suscitées  à  des  parti- 
cuhers  à  qui  on  avait  refusé  leur  renvoi  et  dans  le  crime 
prétendu  de  qui  on  avait  fait  glisser  les  mots  de  blas- 
phème et  d' impiété  pour  avoir  une  raison  d'en  retenir  la  con- 
naissance. Mais  cela  n'eût  pas  plus  d'effet  que  le  reste.  » 

Nous  sommes  heureux  toutefois  de  constater  que  , 
dans  le  Parlement  d'Aix,  se  trouvaient  quelques  hom- 
mes d'un  esprit  élevé,  qui  ne  croyaient  pas  que  les  pro- 
testants fussent  des  parias  contre  qui  on  pouvait  tout 
oser.  Un  livre  de  l'époque  raconte  la  scène  suivante,  qui 
dut  se  passer  sans  doute  après  que  le  Conseil  du  roi  eut 
interdit  définitivement  le  chant  des  Psaumes  (23  février 
1662).  ((    Lorsque  feu  M.  le    président  d'Oppède  (i) 


(i)  Henri  de  Forbin  Maynier,  baron  d'Oppède,  fils  aîné  de  l'arrière-petit- 
fils  maternel  du  meurtrier  des  Vaudois. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT   DE   NANTES.  361 

était  à  la  tête  du  Parlement  d'Aix,  il  y  avait  près  de 
cette  ville  un  bonhomme  de  campagne ,  qui  peut-être 
est  encore  vivant.  Comme  il  était  de  notre  créance,  il 
chantait  les  divers  cantiques  sans  se  contraindre.  On 
en  avertit  M.  d'Oppède  qui  le  fait  venir.  Il  lui  demanda 
s'il  était  vrai  qu'il  chantât  des  Psaumes.  Le  bonhomme 
l'avoua.  Ce  fameux  magistrat  le  lui  défend  et  lui  dit  en 
souriant  qu'il  le  fera  pendre  s'il  continue.  L'autre  dit 
qu'en  ce  cas  il  ne  chantera  plus  ;  mais  au  moins  il  de- 
mande pour  toute  grâce  qu'il  lui  soit  permis  de  les  sif- 
fler. Le  président,  qui  aimait  la  joie,  lui  dit  qu'il  lui 
permet  d'en  siffler  un,  même  en  sa  présence.  Le  bon- 
homme choisit  le  CXLVI ,  et  comme  il  eut  sifflé  le  pre- 
mier verset,  M.  d'Oppède  lui  demande  ce  qu'il  a  sifflé. 
L'autre  répond  d'abord  que  ce  sont  ces  paroles  : 

Sus,  mon  âme,  qu'on  bénie 
Le  Souverain,  car  il  faut, 
Tant  que  durera  ma  vie , 
Que  je  loue  le  Très-Haut  ; 
Et  tant  que  je  dureray 
Psaumes  je  lui  chanteray. 

»  Sur  ce  M.  le  premier  président  le  renvoya  en  lui 
disant  qu'il  pouvait  chanter  ou  siffler  tout  comme  il  vou- 
drait et  qu'il  ne  courrait  aucun  risque.  » 

Mentionnons  pour  mémoire  ,  en  terminant  ce  chapi- 
tre ,  la  condamnation  que  le  Parlement  d'Aix  prononça 
contre  Gjlles  Gaillard,  écuyer  d'Aix,  né  dans  cette  ville 
qui ,  après  avoir  embrassé  la  religion  réformée  et  s'être 
fait  recevoir  pasteur ,  s'établit  à  Orange  et  y  publia  Le 
Prosélyte  évangéUqiie.  Livre  auquel  le  vray  Christianisme 
est  solidement  establi  et  le  papisme  clairement  réfuté  ; 
Orange,  1635,  iî^-4°  (sec.  édit.  Genève,  1642,  in-8°). 
Le  Parlement  condamna  non  seulement  l'auteur ,  mais 
encore   le   livre,    qui    n'avait   rien    de  particulièrement 


362  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

agressif  contre  l'Eglise  romaine.  Aussi  le  synode  natio- 
nal d'Alençon  de  1637  pria-t-il  le  roi  «  de  révoquer  et 
d'abroger  ce  décret  du  Parlement  d'Aix  (i).  » 

EMPIETEMENTS   DE    LA    COUR    DES    COMPTES  ,    AIDES    ET 
FINANCES   DE  PROVENCE. 

En  instituant  la  chambre  de  l'édit  de  Grenoble 
Henri  IV  déclara,  par  ses  lettres  patentes  du  4  novem- 
bre 1 599  (confirmées  en  1604) ,  et  Louis  XIII,  par  celles 
du  dernier  avril  161 2  ,  qu'il  n'entendait  attribuer  aucune 
juridiction  à  cette  chambre  pour  les  causes  et  matières 
qui  étaient  de  la  juridiction  de  la  Cour  des  Comptes , 
aides  et  finances  de  Provence,  dont  la  mission  spéciale 
était  de  juger  en  dernier  ressort  les  appels ,  plaintes  ou 
pourvois,  tant  au  civil  qu'au  criminel,  concernant  les 
aides,  tailles  et  gabelles.  La  Cour  des  comptes,  ne 
tenant  pas  compte  de  ces  déclarations^  n'établissait 
aucune  distinction  entre  les  causes  et  matières  et  pre- 
nait connaissance  d'un  grand  nombre  de  celles  qui  res- 
sortissaient  à  la  Chambre  de  l'édit.  Los  protestants  se 
plaignirent  souvent  de  ces  empiétements  qui  leur  cau- 
saient les  plus  grands  préjudices,  car  ils  étaient  l'objet 
de  la  part  de  la  Cour  des  comptes  de  Provence  d'une 
haine  aussi  implacableque  celle  que  leur  portait  le  Par- 
lement. Louis  XIII ,  répondant  à  leurs  mémoires  et 
cahiers,  déclara  que  la  Chambre  de  Grenoble  pourrait 
prendre  connaissance  des  procès  dépendant  de  la  juri- 
diction   de   la  Cour  des  comptes    lorsque  le   roi  n'y 


(t)  Décisions  royales,  p.  i6,  17,  ç-,  58,  68,  69,  86;  —  Anquez,  Hist.  des  as- 
semblées politiques ,  p.  415,  421;  —  Papiers  Hotman  de  Villiers,  t.  IV  (Bibl. 
de  la  Société  du  prot.  franc.);  —  Benoit,  t.  III,  2»  part.,  p.  542;  —  Drion  . 
t.  II,  p.  45  ;  —  Entretiens  .ûfe  Paulin  et  d'Acante,  p.  Ky;  —  Aymon  ,  t.  II. 
p.  605.  Ms.  XXXI,  vol.  I  (Peiresc)  de  la  bibl.  de  Carpentras. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  363 

aurait  aucun  intérêt,  que  ses  droits  ne  seraient  pas  con- 
testés par  les  parties  et  qu'il  ne  s'agirait  pas  de  «  levées  , 
impositions  et  contributions  de  deniers  de  Sa  Majesté 
ou  de  communautés  du  pays  de  Provence.  » 

Cette  déclaration  devint  à  peu  près  lettre  morte  ;  car, 
pour  en  éluder  la  teneur  et  arrêter  tout  appel ,  plainte , 
ou  pourvoi  devant  la  Chambre  de  Grenoble,  les  parties 
intéressées  à  aller  devant  la  Cour  des  comptes  d'Aix, 
avaient  soin  de  faire  intervenir  dans  le  procès  un  rece- 
veur ou  exacteur  des  tailles  relevant  de  l'autorité  royale. 
Il  y  a  plus,  pour  mieux  faire  disparaître  la  distinction 
essentielle  existant  entre  les  causes  où  le  roi  était  inté- 
ressé et  celles  oij  il  ne  l'était  point ,  la  Cour  des  comp- 
tes prétendit  que  toutes  les  affaires  criminelles  ren- 
traient de  plein  droit  dans  la  première  catégorie  parce 
que  son  procureur  général  y  était  partie,  et  elle  obli- 
geait les  prévenus  appartenant  à  la  religion  réformée  de 
comparaître  devant  elle.  Elle  allait  même  jusqu'à  appli- 
quer ces  derniers  à  la  question ,  comme  c'avait  été  le 
cas  des  Provençaux  Beauregard^  Antoine  Boyer,  capi- 
taine,  Jean  Cot  et  Jacques  Deshumeaux.  Le  roi,  qui 
reçut  une  plainte  à  ce  sujet,  déclara  que  les  intéressés 
pouvaient  se  pourvoir  devant  la  Chambre  de  Grenoble 
par  les  voies  de  droit  (i). 

ORDONNANCES  DES  COMMISSAIRES  EXÉCUTEURS  DE 
1661.  CONDAMNATION  d'uN  GRAND  NOMBRE  d'eXER- 
CICES. 

Les  ordonnances  des  commissaires  exécuteurs  de 
l'édit  de  Nantes,  nommés  par  le  roi  le  15  avril  1661  , 

(i)  Bouchitté,  Négociations,  etc.,  p.  55;  —  Honoré  Bouche,  t.  II,  p.  851  ; 
—  Décisions  royales,  p.  69-7;,  151,  152;  —  Papiers  Hotman  de  Villiers, 
t.    IV  {Bibl.  de  la  Société  du  prot.  franc.). 


364  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

aggravèrent  le  sort  des  réformés  de  Provence  et  les 
privèrent  d'un  grand  nombre  de  leurs  exercices  ou  lieux 
de  culte.  Ces  officiers  royaux  étaient  chargés  d'informer 
«  des  entreprises,  contraventions,  »  faites  aux  édits  de 
pacification,  et  cette  définition  de  leurs  pouvoirs  don- 
nait assez  à  entendre  qu'ils  avaient  reçu  la  mission  ver- 
bale de  supprimer  le  plus  d'exercices,  de  temples,  de 
cimetières  et  d'écoles  possible.  Les  personnages  ré- 
formés, adjoints  aux  catholiques  pour  remplir  cette 
mission,  étaient  fort  peu,  du  reste,  attachés  à  leur  reli- 
gion et  se  firent  bien  souvent  les  serviteurs  complaisants 
de  leurs  collègues.  Ce  fut  tout  particulièrement  le  cas 
du  commissaire  protestant  nommé  pour  le  Dauphiné  et 
la  Provence,  Charles  d'Arbalestier ,  sieur  de  Montclar 
et  de  Beaufort,  maréchal  de  camp.  Son  collègue,  Fran- 
çois Bochart  de  Champigny,  seigneur  de  Saron,  inten- 
dant du  Dauphiné  et  de  la  Provence,  écrivait  ces  paro- 
les significatives  au  ministre  de  La  Vrillière  :  «  Monsieur 
de  Monclar  est  toujours  en  inquiétude  de  ses  appoin- 
tements et  a  peine  à  se  tirer  de  l'esprit  que  ce  ne  soit 
moi  qui  empêche  qu'il  ne  les  touche.  //  travaille  contre 
sa  religion  :  il  semble  bien  juste  que  ce  ne  soit  pas  à 
ses  dépens  (i).  » 

Les  deux  commissaires  se  prononcèrent  sur  le  sort 
des  églises  suivantes  :  Joucas  (et  ses  annexes,  Gignac 
et  Oppedettes),  Cordes,  —  La  Bastide-des-Gros,  Lour- 
marin  (et  son  annexe,  La  Roque-d'Antheron),  Mérindol, 
Lacoste  (et  ses  annexes,  Sivergues  et  Roquefure),  Ca- 
brières  (et  son  annexe,  La  Motte-d'Aigues),  Velaux,  — 
Aix,  —  Marseille,  Manosque  (et  son  annexe.  Ongles), 
Seyne  (et  ses  annexes,  La  Bréole,  Selonnet,  Remollon 


(1)  Lettre  autographe  de  «  Saron  Champigny,  ^)   datée  de  «  Valence,  le 
14  juillet  1664.  »  ('Arch.  nation.  TT,  288,  B). 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  365 

et  Espinasse),  Thoard,  Le  Luc  (et  son  annexe,  SoUiès  : 
Ville  et  Pont),  Lemps. 

Les  deux  commissaires  s'accordèrent  pour  maintenir 
l'exercice  à  Mérindol,  Manosque ,  Velaux,  Le  Luc  et 
Seyne  ;  mais  ils  furent  partagés  de  sentiments  sur  Jou- 
cas,  Gordes,  —  La  Bastide-des-Gros,  Lourmarin  (et  son 
annexe,  La  Roque-d'Antheron) ,  Cabrières  (et  son  an- 
nexe, La  Motte-d'Aigues),  La  Bréole  (annexe  de  Seyne), 
Lacoste  (et  son  annexe,  Sivergues).  Ils  s'entendirent, 
d'autre  part,  pour  supprimer  l'exercice  à  Gignac  et 
Oppedettes  (annexes  de  Joucas),  Ongles  (annexe  de 
Manosque),  Selonnet  (annexe  de  Seyne),  Solliès  (annexe 
du  Luc),  Lemps. 

Quant  à  l'exercice  de  Roquefure  (annexe  de  Lacoste), 
dont  le  commissaire  catholique  demanda  la  suppression, 
le  commissaire  protestant  déclara  que  les  habitants  ré- 
formés n'ayant  pas  été  entendus  il  y  avait  lieu  de  sur- 
seoir à  tout  jugement. 

Pour  ce  qui  est  de  Thoard ,  les  deux  commissaires 
s'accordèrent  à  renvoyer  les  parties  devant  le  grand 
sénéchal  de  Provence. 

L'examen  des  titres  de  Remollon  et  d' Espinasse 
(annexes  de  Seyne) ,  situées  en  Dauphiné ,  fut  renvoyé 
à  l'époque  où  les  deux  commissaires  rempliraient  leur 
mission  dans  cette  province.  Nous  n'avons  pas  retrouvé 
leurs  décisions. 

L'exercice  ayant  déjà  été  interdit  à  Peypin-d' Aiguës 
et  à  Saint-Martin-de-la-Brasque  ou  d'Aiguës  (annexes 
de  Cabrières),  et  leurs  temples  démolis  par  arrêt  du 
conseil  du  roi  du  14  juillet  1661,  les  commissaires  n'eu- 
rent pas  à  s'en  occuper. 

Il  y  avait  encore,  en  Provence,  au  dix-septième  siè- 
cle, d'autres  églises,  savoir  :  Sisteron,  Curbans,  Séde- 
ron,   Lorgues,  Grasse  et  Antibes;  mais  elles  avaient 


^66  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

disparu   depuis  plusieurs  années   et  les   commissaires 
n'eurent  non  plus  à  s'en  occuper. 

Ils  ne  prirent  pas  davantage  de  décision  sur  Eyguiè- 
res,  Riez-Roumoules  et  La  Charce.  Les  deux  premières 
églises,  en  effet,  avaient  été  remises  vers  cette  époque 
en  possession  de  leur  droit  d'exercice  après  plusieurs 
années  de  persécution  (i)  qui  les  en  avaient  privé,  et  la 
dernière  était  une  église  de  fief  appartenant  aux  sei- 
gneurs de  La  Charce ,  descendants  du  célèbre  capi- 
taine huguenot  dauphinois ,  René  de  La  Tour-Gou- 
vernet. 

Champigny  et  Arbalestier  passèrent  un  mois  et  demi 
à  Pertuis-sur-la-Durance  pour  rendre  leurs  diverses 
ordonnances.  Celles  de  partage  furent  adressées  au 
ministre  de  La  Vrillière  le  i8  août  1662  par  Champigny, 
qui  les  accompagna  d'un  mémoire  historique  et  expli- 
catif d'oij  nous  extrayons  les  passages  suivants  :  «  De- 
puis que  les  guerres  ont  cessé  et  la  mort  de  Monsieur 
le  connétable  de  Lesdiguières,  toutes  les  personnes  de 
condition  se  sont  réunies  à  l'Eglise  catholique,  aposto- 
lique et  romaine ,  et  quantité  des  autres ,  en  sorte  qu'à 
présent  il  n'y  reste  plus  qu'un  gentilhomme  qui  a  quel- 
que moyen  et  deux  ou  trois  autres ,  qui  sont  très  peu 
considérables.  Il  n'y  a  aucun  officier  de  ladite  religion. 
On  n'a  remarqué  qu'un  seul  avocat  et  un  procureur  qui 
en  fasse  partie,  et  les  plus  considérables  après  sont 
des  notaires  de  village.  Dans  tous  les  quartiers  de  la 
province  le  nombre  en  diminue  tous  les  jours,  et  le 
quartier  qui  en  est  infecté  présentement  est  la  vallée 
d'Aiguës,  qui  conserve  toujours  son  ancien  venin. 
Quelques-uns,  marchands  étrangers  de  la  ville  de  Mar- 
seille qui  en  font  profession,  sont  les  plus  considérables, 

(i)  Voyez  plus  loin  les  notices  particulières  qui  leur  sont  consacrées. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  367 

et  on  n'estime  pas  qu'il  y  ait  dans  toute  la  province  neuf 
cents  ou  mille  familles.  Ce  qui  contribue  à  entretenir 
cette  religion,  c'est  que  beaucoup  de  gens,  pour  se 
tirer  de  la  justice  du  Parlement  de  Provence  et  porter 
leurs  affaires  en  la  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble,  en 
continuent  la  profession  (i);  même  il  y  a  des  catholi- 
ques qui,  la  professant  pendant  un  temps  pour  éviter  la 
justice  du  Parlement,  après  reviennent. 

»  Par  les  avis  du  commissaire  catholique ,  il  a  été 
conservé  cinq  lieux  pour  faire  l'exercice  de  la  R.  P.  R., 
savoir  :  les  trois  bailliages  accordés  par  l'édit  de  Nan- 
tes et  les  articles  secrets,  qui  sont  :  Manosque,  Le  Luc 
et  Velaux,  et  Seyne  et  Mérindol,  comme  l'exercice  y 
ayant  été  fait  en  l'année  i  ^'j'] .  Ces  cinq  lieux  sont  dis- 
posés en  sorte  qu'ils  peuvent  servir  à  toute  la  province. 
Seyne  pour  les  montagnes,  Manosque  en  la  descente 
des  montagnes,  Le  Luc  pour  le  quartier  du  côté  de 
Draguignan  et  de  Toulon  et  lieux  circonvoisins ,  n'y  en 
ayant  point  d'autre  établi  en  ces  quartiers-là  ;  Velaux 
pour  Aix  et  Marseille  :  les  lieux  qui  en  sont  le  plus 
éloignés  ne  l'étant  pas  de  deux  lieues.   » 

ARRÊTS    DU    CONSEIL    DU    ROI     RENDUS    SUR     LES     PAR- 
TAGES   DES    COMMISSAIRES. 


Le  conseil  du  roi  qui  devait  juger  en  dernier  ressort 
les  affaires  soumises  à  l'examen  des  commissaires  et 


(i)  Nous  croyons  la  remarque  de  Champigny  fort  exagérée.  Les  protestants 
capables  de  suivre  leur  religion  uniquement  par  intérêt  ne  pouvaient  être 
nombreux.  Leur  histoire,  au  seizième,  dix-septième  et  dix-huitième  siècle, 
montre  qu'ils  savaient  endurer  les  plus  grandes  souffrances  pour  demeurer 
fidèles  à  leur  foi.  Quoi  qu'il  en  soit ,  la  remarque  de  Champigny  subsiste 
comme  une  condamnation  de  la  manière  dont  la  Cour  d'Alx  rendait  la  jus- 
tice ,  même  aux  catholiques. 


368  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

uider  leurs  partages^  comme  on  disait  alors,  rendit,  le 
4  mai  1663 ,  trois  arrêts  conformes  aux  avis  de  Cham- 
pigny.  Un  premier  arrêt  maintint  l'exercice  à  Seyne , 
Manosque,  Velaux  et  Le  Luc,  permit  aux  habitants 
réformés  de  ces  lieux  d'avoir  de  petites  écoles  pour 
l'instruction  de  leurs  enfants  et  de  conserver  leurs  cime- 
tières. Pour  ce  qui  est  des  enterrements,  l'arrêt  portait 
qu'à  Seyne,  Velaux  et  Le  Luc,  ils  se  feraient  à  6  heu- 
res du  matin  et  à  6  heures  du  soir,  d'avril  à  septembre  ; 
à  8  heures  du  matin  et  à  6  heures  du  soir,  d'octobre  à 
mars,  et  que  trente  personnes  seulement  pourraient  y 
assister.  Quant  à  Manosque,  conformément  aux  arrêts 
du  Conseil  du  16  janvier  1607  et  du  19  mai  1612  et  à 
l'ordonnance  des  commissaires  exécuteurs  du  14  dé- 
cembre 1660,  les  enterrements  devraient  s'y  faire  à  la 
pointe  du  jour  ou  à  l'entrée  de  la  nuit  ;  huit  personnes 
seulement  y  assisteraient  et  il  ne  s'y  prononcerait  point 
de  harangue.  Un  deuxième  arrêt  ordonna  la  démolition 
des  temples  de  Lourmarin,  de  Cabrières  et  de  son  an- 
nexe, La  Motte-d'Aigues,  et  l'interdiction  de  l'exercice 
dans  ces  localités.  Un  troisième  arrêt  enfin  supprima 
l'exercice  dans  les  lieux  suivants  et  ordonna  la  démoli- 
tion des  temples  qui  y  avaient  été  construits  :  Joucas 
(et  ses  annexes,  Gignac  et  Oppedettes),  Gordes,  —  La 
Bastide-des-Gros ,  Lacoste  (et  ses  annexes ,  Sivergues 
et  Roquefure),  Ongles  (annexe  de  Manosque),  La  Bréole 
(annexe  de  Seyne),  Solliès  (annexe  de  Luc)  et  Lemps. 
Ce  troisième  arrêt  défendit,  en  outre,  aux  habitants  ré- 
formés de  ces  lieux  d'avoir  des  écoles  et  de  chanter 
des  Psaumes  dans  leurs  boutiques,  et  ordonna  que  les 
enterrements,  conformément  aux  arrêts  du  Conseil  du 
16  juin  et  des  7  et  13  août  1607,  se  feraient  à  la  pointe 
du  jour  ou  à  la  tombée  de  la  nuit.  Quant  aux  cime- 
tières possédés  par  les  réformés ,  l'arrêt  les  leur  con- 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  ]bt) 

servait,  mais  ne  les  affranchissait  pas  de  la  taille   (i). 

Il  est  difficile,  nonobstant  la  teneur  de  ces  arrêts,  de 
savoir  exactement  combien  il  resta,  à  cette  époque,  de 
lieux  d'exercice  en  Provence.  Un  opuscule  du  temps  (2) 
dit  qu'ils  furent  réduits  à  quatre  sans  les  nommer  ;  mais 
il  s'agit  évidemment  des  lieux  maintenus  par  l'arrêt  du 
Conseil  du  4  mai,  savoir  :  Se/ne,  Manosque,  Velaux 
et  Le  Luc.  Un  mémoire  des  papiers  du  consistoire  de 
Riez-Roumoules  (})  en  nomme  deux  en  sus  :  Mérindol 
et  La  Charcc.  De  plus ,  nous  voyons  des  pasteurs  à 
Efguières  et  à  Ric^-Roumoules  à  la  veille  de  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes.  C'est  pourquoi  nous  sommes 
porté  à  croire  que  les  huit  églises  que  nous  venons  de 
nommer  jouirent  de  l'exercice  jusqu'à  cette  époque.  Le 
fait  est  certain  pour  Velaux,  dont  l'exercice  ne  fut  inter- 
dit qu'en  1684. 

Tel  fut  le  triste  résultat  de  l'oeuvre  des  commissaires 
exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  en  Provence,  qui  se 
laissèrent  influencer  dans  leurs  décisions  par  les  sollici- 
tations du  clergé  et  celles  des  Etats  provinciaux,  comme 
le  prouve  ce  nouvel  extrait  du  mémoire  de  Champigny  : 
«  Ce  qui  est  en  cela  de  quelque  considération  ,  c'est 
que ,  dans  les  dernières  assemblées ,  les  députés  des 
trois  ordres  se  sont  déclarés  et  ont  ordonné  aux  procu- 
reurs du  pays  de  se  joindre  aux  syndics  du  clergé  pour 
réprimer  les  entreprises  de  ceux  de  la  R.  P.  R.  au 
préjudice  de  l'Etat  de  Nantes.  » 

Autrement,  les  églises  réformés  de  Provence  n'avaient 
rien   néghgé  pour  sauver  leurs   exercices.   Ainsi  elles 


(i)  Benoit,  t.  III,  Pièces  justificatives,  p.  112-1H;  —  Honoré  Bouche,  t.  II, 
p.  837;  —  Arch.  nation.  TT,  288,  B. 

(2)  Relation  succincte  de  restât  où  sont  maintenant  les  Eglises  réformées  de 
France  en  L'an  1666,  p.  12. 

(5)  Bibiioth.  de  la  Soc.  de  l'Hist.  du  prot.  franc,,  ms. 

24 


3  70  •        HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

députèrent  à  Paris,  en  1662,  peu  après  que  les  com- 
missaires exécuteurs  eurent  rendu  leur  jugement,  leur 
pasteur  le  plus  distingué,  Jean  Bernard,  de  Manosque, 
qui,  nonobstant  les  plus  grands  efforts,  ne  put  triompher 
du  mauvais  vouloir  du  Conseil  du  roi. 

On  n'avait  pas  attendu  du  reste  l'arrivée  des  commis- 
saires pour  travailler  à  la  ruine  des  églises  réformées 
de  Provence.  Dans  la  célèbre  a  Remonstrance  du 
clergé  »  présentée  au  roi  le  2  avril  1656,  l'archevêque 
de  Sens  s'écriait  :  u  D'où  vient  que  l'édit  de  Nantes 
leur  défendant  expressément  de  faire  le  prêche  en  des 
villages  dépendant  des  seigneurs  ecclésiastiques ,  il  ont 
osé  bâtir  des  temples  dans  Mérindol,  dans  Manosque 
et  dans  Lemps,  quoique  le  premier  de  ces  lieux  appar- 
tienne à  M.  l'évêque  de  Marseille;  le  second  à  un  com- 
mandeur de  Malte  ,  et  le  troisième  à  un  seigneur  ec- 
clésiastique! »  A  quoi  l'auteur  de  la  «  Response  à  la 
remonstrance  du  clergé  de  France  (i),  »  répond  que  le 
droit  d'exercice  étant  acquis  par  l'article  9  de  l'édit  de 
Nantes  aux  villes  et  lieux  où  il  s'était  fait  publiquement  par 
plusieurs  et  diverses  fois  aux  années  1 596  et  1 597  jusqu'à 
la  fin  du  mois  d'août  (ce  qui  était  le  cas  de  Mérindol , 
Manosque  et  Lemps) ,  et  Tédit  portant  que  les  seconds 
lieux  de  bailliage  seuls  ne  peuvent  être  choisis  parmi 
les  lieux  et  seigneuries  appartenant  aux  ecclésiastiques, 
la  plainte  du  clergé  de  France  demeure  sans  fondement. 

TRIBULATIONS   DU   CHIRURGIEN    LIEUTAUD,   d'aIX. 

Les  simples  particuliers  ne  trouvaient  pas  plus  de 
justice  en  Provence  que  les  Eglises.  Dans  une  requête 


(i)  Pa^.  15-17.  Voy.  aussi  Lettre  d'un  habitant  de  Paris  à  un  de  ses  amis  de 
la  campagne  sur  la  Remonstrance  du  clergé  de  France,  etc.,  p.  çS,  <9, 


REGIME    DE    LEDIT   DE    NANTES.  371 

générale  adressée  au  roi  en  1671,  on  rapportait  ce  qui 
suit  :  «  Antoine  Lieutaud  était  chirurgien  à  Aix  et  les 
maîtres  de  ce  métier  ayant  refusé  à  le  recevoir  à  faire 
chef-d'œuvre  à  cause  de  sa  religion,  il  avait  été  réduit 
à  recourir  à  des  moyens  extraordinaires  pour  surmon- 
ter la  difficulté.  La  peste  étant  dangereusement  éprise 
à  Aix  en  1650,  le  Parlement  invita  tous  les  compa- 
gnons de  ce  métier  à  servir  les  malades ,  assurant  ceux 
qui  s'y  seraient  dédiés  de  leur  donner  la  maîtrise  pour 
récompense.  Lieutaud  se  présenta  aux  consuls,  fit  un 
traité  avec  ceux  en  conséquence  de  l'arrêt,  fut  enfermé 
dans  l'infirmerie,  tomba  malade  en  servant  les  autres. et, 
après  sa  guérison  ,  fut  reçu  de  l'autorité  du  Parlement. 
Mais  depuis  cela  on  lui  fit  vingt  ans  durant  de  cruelles 
persécutions  pour  l'obliger  à  quitter  la  ville.  11  eut  pour 
parties  les  chirurgiens,  les  juges  de  police,  le  clergé, 
la  faculté  de  médecine  ,  le  Parlement ,  et  tous  ces  corps 
semblaient  avoir  conspiré  sa  perte.  Entre  les  autres 
moyens  dont  on  s'avisa  pour  l'accabler  on  lui  fit  un  pro- 
cès criminel  pour  cause  d'irrévérence.  Le  prétexte  fut 
qu'une  nourrice  qu'il  avait  prise  chez  lui  pour  un  de  ses 
enfants  le  quitta  sans  prendre  congé  et  le  vola.  Il  en  fit 
plainte  et  obtint  un  décret  de  prise  de  corps  contre  elle. 
Peu  après,  elle  eut  l'insolence  de  rentrer  dans  la  boutique, 
de  lui  sauter  au  visage,  de  l'égratigner,  de  lui  arracher 
les  cheveux  et  de  lui  dire  mille  outrages.  Il  en  porta  une 
seconde  plainte  en  justice,  mais  cette  femme  fit  sa  plainte 
respective  et  voulut  couvrir  ses  violences  de  cette  excuse 
que  le  sacrement  passait  dans  ce  moment,  qu'elle  l'accom- 
pagnait par  honneur,  que  Lieutaud  l'ayant  menacée  de 
sa  boutique,  le  zèle  l'avait  transportée  parce  qu'il  avait 
manqué  de  respect  pour  la  cérémonie  et  qu'elle  s'était 
jetée  sur  lui  par  ce  mouvement.  Cette  excuse  fut  reçue 
et,  sans  avoir  égard  aux  deux  plaintes  de   Lieutaud,  on 


3  72  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

le  mit  en  prison  sur  la  déposition  de  cette  malhonnête 
créature,  convaincue  d'avoir  mené  une  vie  infâme.  Après 
de  longues  chicanes  et  un  grand  conflit  de  juridiction 
entre  la  Chambre  de  Grenoble   et  le  Parlement,  enfin 
celui-ci,  qui  tenait  Lieutaud,  le  condamna  par  contumace 
sur  le  refus  qu'il  faisait  de  le  reconnaître,  et,  par  un 
arrêt  du   lo®  de  mai    1660,   il  ordonna  que  le  pauvre 
homme  et  sa  femme  seraient  menés  par  les  sergents  du 
sièf^e  ordinaire ,   en  présence  de  deux  huissiers  de  la 
Cour ,  devant  la  porte  de  sa  boutique ,  pendant  que  le 
saint  sacrement  passerait  et  que  tous  deux  à  genoux,  et 
Lieutaud  la  tête  nue,  ayant  chacun  un  flambeau  à  la  main, 
demanderaient  pardon  au  saint  sacrement.  Cette  espèce 
inouïe   d'amende    honorable   assujettissait  ces  pauvres 
gens  à  commettre  une  action  qu'ils  regardaient  comme 
une  exécrable  idolâtrie,  en  réparation  d'un  prétendu  défaut 
de  respect  qui,  jusque-là,  n'avait  jamais  été  puni  que  de 
quelque  légère  amende  et  défense  de  récidiver.  Néan- 
moins, comme  ils  étaient  prisonniers,  on  les  traîna  sur 
le  lieu  et  on  leur  fit  exécuter  l'arrêt  par  force.  Mais  cet 
indigne  traitement  ne    ralentit   point   les  persécutions 
parce  que  Lieutaud  ,  après  cette  infamie ,  ne  quitta  point 
la  ville.  On  lui  fit  de  nouveaux  procès  neuf  ans  durant, 
sous   divers  prétextes ,   jusqu'à  ce  que,  le  dernier   de 
mai  1669,  on  décréta  contre  lui  sous  prétexte  de  réci- 
dive, et  on  entreprit  de  le  faire  punir  corporellement.  Il 
eut  recours  à  la  Chambre  mi-partie  et,  après  de  longues 
procédures ,    oij  il   parut    que    la  protection   de  cette 
chambre  lui  était  inutile,   il  fut  obligé   de   porter  son 
affaire  au  Conseil,  où  il  servait  d'exemple  en  même  temps 
et  de  la  passion  du   Parlement  et  des  injustices  qu'on 
pouvait  faire  aux  réformés  pour  de  prétendues  irrévé- 
rences. Il  avait  été  volé,  battu,  outragé;  il  poursuivait 
en  justice  la  personne  coupable;  et  cependant  la  per- 


RÉGIME   DE   L'ÉDIT    DE   NANTES.  573 

sonne  coupable  fut  ouïe  contre  lui  et  se  tira  d'affaire  en 
l'accusant  d'avoir  manqué  de  respect  pour  le  saint  sacre- 
ment ;  et  cette  première  injustice  fut  l'occasion  de  lui 
en  faire  une  seconde  de  la  même  espèce;  le  Parlement 
se  servant  de  cette  raison ,  pour  retenir  la  cause ,  que 
cela  était  ordinaire  à  Lieutaud  et  qu'il  avait  été  déjà  puni 
pour  un  crime  de  cette  nature  (i).  » 

PROSÉLYTISME   ET  ADULATION   DU    CLERGÉ. 

Le  clergé  qui  était  un  des  grands  instigateurs  de  ces 
persécutions,  recourait  quelque  fois  à  la  voie  seule  légi- 
time et  chrétienne  de  la  persuasion;  mais  celle-ci  était 
bien  loin  de  lui  réussir  comme  celle  de  la  violence. 
En  voici  un  exemple,  de  l'année  1681  ,  rapporté  par 
Benoît  (2).  ((  Le  clergé,  »  dit-il,  «  fit  envoverde  Paris  à 
Toulon,  vers  la  fin  de  l'année  précédente,  un  mission- 
naire, docteur  de  Sorbonne,  nommé  Pilon,  pour  con- 
vertir par  des  conférences  les  officiers  de  la  marine  qui 
faisaient  profession  de  la  religion  réformée.  Ce  docteur 
ne  doutait  pas  que,  possédant  toutes  les  subtilités  de 
l'école,  il  ne  fût  capable  de  fermer  la  bouche  à  des 
gens  de  mer,  qui  devaient  avoir  plus  étudié  la  naviga- 
tion que  la  théologie.  Cependant  il  eut  de  la  peine,  dès 
l'abord,  à  leur  faire  prendre  la  résolution  de  le  venir 
écouter.  11  fallut  trois  ordres  exprès  pour  les  contrain- 
dre,  mais  enfin  l'air  menaçant  du  troisième  les  fléchit. 
Ils  obéirent  ;  ils  assistèrent  aux  conférences  des  mission- 
naires ,  qui  les  tenaient  trois  fois  la  semaine  et  qui  les 
faisaient  durer  trois  heures  entières.  Ce  docteur  était 
parfait  missionnaire.    Il  savait  par  cœur   certains  lieux 


(1)  Benoit,  t.  lU,  2'  partie,  p.  201  et  suiv.,  p.  444. 

(2)  Id.,  ibU.,  p.  444. 


3  74  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

communs  de  controverse.  11  était  aigre,  hardi,  incapa- 
ble de  se  taire  et  croyant  avoir  vaincu  pourvu  qu'il  eût 
empêché  son  adversaire  de  parler.  Au  lieu  de  conver- 
tir ces  officiers,  il  les  rebuta  par  ses  manières  et  reçut 
d'eux  assez  souvent  de  fâcheuses  mortifications.  Entre 
les  autres,  celle-ci  fut  assez  humiliante.  Il  cita  un  passage 
du  Nouveau  "Testament  à  un  capitaine  de  vaisseau  avec 
qui  il  disputa  en  présence  de  l'mtendant.  Ce  capitaine 
soutint  que  ce  passage  était  mal  cité  et,  après  quelques 
contestations ,  la  chose  en  vint  à  une  gageure  de 
dix  louis.  La  somme  fut  mise  de  part  et  d'autre  en 
mains  tierces  et  le  docteur,  étant  allé  chercher  le 
livre  dans  son  cabinet  ,  perdit  la  gageure.  Son  argent 
lui  fut  rendu  par  une  honnêteté  demi-forcée  du  capitaine, 
qui  reconnut,  au  discours  de  l'intendant,  qu'il  le  déso- 
bligerait s'il  en  usait  autrement.  Après  que  les  confé- 
rences eurent  duré  quelque  temps ,  le  docteur  se  retira, 
fort  mal  satisfait  de  son  voyage  et  sans  avoir  fait  de  con- 
quêtes ;  mais,  peu  après,  les  officiers  en  furent  remer- 
ciés ou  furent  obligés  de  complaire  aux  volontés  de  leur 
maître.  » 

Ce  maître,  Louis  XIV,  qui  servait  si  bien  les  intérêts 
du  clergé  et  lui  sacrifiait  les  droits  les  plus  sacrés  delà  con- 
science de  ses  sujets,  recevait  de  lui  en  retour  les  plus 
basses  flatteries.  Un  religieux  minime  de  la  province  de 
Provence,  nommé  Fr.  Philibert  Madon  ,  prêtre  et  lec- 
teur de  la  sainte  théologie  à  Marseille,  paraît  avoir 
voulu  sous  ce  rapport,  surpasser  tous  ses  collègues;  car, 
dans  des  thèses  qu'il  soutint  en  juin  1685  ,  c'est-à-dire 
à  la  veille  de  l'acte  odieux  de  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes,  on  lit  ceci  : 

«  Louis  le  Grand  ,  qui  porte  le  titre  de  roi  d'une 
manière  excellente  puisqu'il  commande  à  ses  passions 
aussi  bien  qu'à  ses  sujets;  qu'il  triomphe  de  toutes  cho- 


REGIME    DE    L  EDIT    DE    NANTES. 


ses  avec  beaucoup  de  douceur  et  de  force  ,  à  peu  près 
comme  Dieu  lui-même  qui ,  par  un  seul  acte  de  sa 
volonté,  soumet  toutes  choses  à  son  empire... 

»  Louis  le  Grand ,  si  puissant ,  si  sage  et  si  bon  qu'au- 
cun homme  ne  peut  lui  être  comparé  ;  et  qui  est-ce  qui 
porte  comme  lui  les  traits  de  la  très  sainte  Trinité?... 

»  Louis  le  Grand,  fils  aîné  de  l'Eglise,  qui  a  rétabli 
sur  leurs  sièges  les  évêques  qui  en  avaient  été  chassés  ; 
l'ennemi  des  hérésies ,  le  vainqueur  des  Turcs  ;  qui  a 
en  Dieu  toute  sa  confiance,  qui  brûle  d'amour  pour  lui, 
et  qui  est  un  modèle  de  foi ,  d'espérance  et  de  cha- 
rité... » 

Le  titre  des  thèses  ne  dépare  pas  leur  contenu.  Le 
voici  textuellement  :  «  Mes  ouvrages  sont  pour  le  Roi. 
Ps.  XLIV.  Vulg.,  XLVI,  I.  Thèses  sur  les  principales  ma- 
tières de  la  Théologie.  Qui  est  ce  Roi  de  gloire  fort  et  puis- 
sant dans  la  guerre  i'  Psaume  XXII I .  Vulg. ,  XX IV,  8(1).» 


HISTOIRE  INTÉRIEURE 


DISETTE     DE     PASTEURS.     PAUVRETE     DES     EGLISES    RÉ- 
FORMÉES   DE    PROVENCE. 

Quand  l'édit  de  Nantes  fut  promulgué,  les  églises  de 
Provence,  qui  avaient  particulièrement  souffert  des  guer- 
res de  religion  et  des  luttes  de  la  Ligue ,  se  trouvèrent 
presque  sans  pasteurs.  Pour  remédier  à  leur  disette,  le 


(i)  Dans  les  Mémoires  pour  servir  à  l'Iiist,  des  Egl.  réf.,  t.  1,  p.  337,  558 
(Bibl.  de  Genève,  ms.  Court,  n»  28). 


"yjb  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

synode  national  de  Montpellier,  de  1598,  et  celui  de 
Gergeau  ,  de  1601  ,  invitèrent  les  provinces  synodales 
du  bas  Languedoc  et  du  Dauphiné  à  les  secourir  en 
attendant  qu'elles  fussent  pourvues  d'un  nombre  suffi- 
sant de  pasteurs.  En  1607  ,  la  situation  n'ayant  pas 
changé  ,  les  députés  de  Provence  au  synode  national 
de  la  Rochelle  demandèrent  à  la  vénérable  assemblée 
de  leur  procurer  quelques  pasteurs,  et  le  synode  invita 
derechef  les  mêmes  provinces  à  leur  venir  en  aide.  A 
l'époque  du  synode  national  de  Privas,  de  161 1  ,  deux 
églises  importantes  de  Provence,  Velaux  et  Manosque, 
n'avaient  pas  encore  de  conducteurs  spirituels.  L'assem- 
blée enjoignit  au  synode  de  Provence  de  les  pourvoir  au 
plus  tôt,  en  accordant  deux  portions  franches  des  de- 
niers d'octroi  du  roi  à  la  première  et  une  à  la  seconde. 

En  161 7,  la  situation  s'était  bien  améliorée.  Quinze 
pasteurs  exerçaient  leur  ministère  dans  la  province  ; 
trois  proposants  étaient  en  cours  d'études ,  et  il  n'y 
avait  que  les  églises  de  Lacoste,  Séderon  et  La  Charce 
qui  fussent  à  pourvoir.  Le  synode  de  Vitré,  assemblé 
cette  même  année,  ordonna  au  synode  de  Provence  de 
leur  procurer  des  pasteurs  et,  pour  lui  venir  en  aide  , 
lui  assigna  «  trois  portions  surnuméraires ,  »  et  «  six 
autres  portions,  »  qui  seraient  distribuées  «  aux  églises 
les  plus  nécessiteuses,  selon  la  prudence  de  ladite  pro- 
vince. )) 

La  pauvreté  ,  la  faiblesse  ,  l'isolement  et  surtout  le 
petit  nombre  des  églises  de  Provence  firent  naître  dans 
quelques  esprits  la  pensée  de  les  rattacher  au  synode 
du  Dauphiné  ou  à  celui  du  bas  Languedoc  ,  dont  elles 
auraient  été  un  simple  colloque.  Le  synode  national 
d'Alais  de  1620,  qui  s'occupa  de  ce  projet,  considérant, 
d'une  part ,  les  difficultés  qu'entraînerait  cette  union  et, 
d'autre   part ,    le    nombre   considérable    d'églises    que 


RÉGIME    DE    LEDIT    DE    NANTES.  377 

comptait  déjà  le  Dauphiné,  estima  que  la  Provence  de- 
vrait plutôt  être  renforcée  de  plusieurs  églises  de  cette 
dernière  province  et  exhorta  le  synode  du  Dauphiné 
d'examiner  celles  qui  pourraient  lui  être  annexées  et 
d'apporter,  au  prochain  synode  national,  un  rapport  sur 
la  question  ,  à  laquelle ,  paraît-il ,  il  ne  fut  pas  donné 
suite.  Le  Dauphiné,  sans  doute,  ne  tenait  pas  plus  à  se 
dépouiller  que  la  Provence  à  perdre  son  autonomie,  et 
les  choses  en  restèrent  là. 

La  pauvreté  des  églises  provençales  se  montra  sur- 
tout dans  la  difficulté  avec  laquelle  celles-ci  payaient 
leurs  pasteurs.  Plusieurs  de  ces  derniers  quittèrent 
leurs  troupeaux  pour  ce  motif,  et  les  synodes  natio- 
naux retentirent,  en  diverses  fois,  de  leurs  plaintes, 
comme  on  peut  le  voir  dans  les  notices  consacrées 
plus  loin  aux  pasteurs  Chamforan  ,  Codur ,  Gabet ,  Gé- 
noyer,  Mercurin  et  Toussaint. 

Les  guerres  de  religion  du  dix-septième  siècle  con- 
tribuèrent encore  à  appauvrir  les  églises  de  Provence. 
Leurs  députés  au  synode  national  de  Charenton ,  de 
163 1 ,  rapportèrent  que  leur  pays  «  ayant  été  le  théâtre 
de  la  guerre,  ils  étaient  entièrement  ruinés  et  qu'à  cause 
de  leur  grande  pauvreté  il  leur  était  du  tout  impossible 
pour  le  présent  de...  contribuer  en  aucune  chose  pour 
aider  à  faire  subsister  les  universités  comme  les  autres 
provinces.  »  On  «  les  exhorta  pour  cette  fois  ,  et  en 
même  temps  on  leur  enjoignit ,  de  même  qu'aux  autres 
provinces,  de  lever  le  cinquième  denier  de  charité  pour 
être  employé  à  l'entretien  des  écoliers  que  l'on  desti- 
nait au  saint  ministère...,  et  il  leur  fut  ordonné  d'appor- 
ter, au  synode  national  suivant,  des  témoignages  qui 
fissent  foi  comme  ils  avaient  obéi  en  cela.  » 

Nous  donnons  ,  en  terminant  ce  chapitre,  le  nombre 
des  églises  et  des  pasteurs  de  Provence  à  différentes 


Î7^  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

époques  d'après  les  renseignements  fournis  par  les  ac- 
tes des  synodes  nationaux. 

Synode  de  Gergeau  de  1601  :  20  églises; 

—  Gap       de  1603  :  7  pasteurs,  7  églises 

vacantes  ; 

—  La  Rochelle  de  1607:  17  églises; 

—  Saint-Maixent  de  1609  :  7  pasteurs,  7  églises 

à  pourvoir  ; 

—  Vitré  de  161 7:  15  pasteurs; 

—  Alais  de  1620:  14  pasteurs,  2  églises 

vacantes  ; 

—  Charenton      de  1623 

—  Castres        de  1626 


Charenton      de   163 1 


14  pasteurs  ; 

1 5  pasteurs,  3  égli- 
ses vacantes  ; 

1 1  pasteurs ,  5  égli- 
ses vacantes  (  i). 


CONDUITE  IRREGULIERE  DES  AFFAIRES  ECCLESIASTIQUES. 
INTERVENTION    DES   SYNODES  NATIONAUX. 

La  pauvreté  et  la  faiblesse  numérique  des  églises  de 
Provence  engendra ,  comme  il  arrive  d'ordinaire  ,  des 
tiraillements  dans  leur  sein  et  leur  marche  ecclésiasti- 
que, au  dix-septième  siècle,  offrit  de  grandes  irrégulari- 
tés ,  qui  leur  attirèrent  de  nombreux  reproches  de  la 
part  des  synodes  nationaux. 

Ainsi ,  au  lieu  de  se  faire  représenter  à  ces  assem- 
blées par  deux  pasteurs  et  deux  anciens ,  comme  l'exi- 
geait la  discipline  ecclésiastique,  elles  n'y  députèrent  le 
plus  souvent  qu'un  seul  pasteur  et  un  seul  ancien  :  ce 
qui  leur  valut  l'injonction  du  synode  national  de  La  Ro- 
chelle de  1607  «  d'envoyer  quatre  députés  à  l'avenir  ou 


(i)  Aymon,  t.  I,  p.  231,  249,  552,  440;  t.  Il,  p.  150,  191,  515,  etc.  ;  Benoit, 
t.  II,  p.  227. 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT   DE   NANTES.  379 

de  se  joindre  à  une  autre  province.  »  Elles  n'envoyè- 
rent même  aucune  députation  au  synode  national  de 
Charenton,  de  1623,  qui  les  réprimanda  sévèrement. 
«  Le  vingt  et  unième  jour,  »  lit-on  dans  les  actes  de  ce 
synode,  «  on  apporta  et  on  lut  en  pleine  assemblée  des 
lettres  de  la  province  de  Provence,  assemblée  dans  son 
synode  à  Cabrières  [d'Aiguës],  le  vingt-huitième  du 
mois  d'août  dernier,  par  lesquelles  ledit  synode  s'excu- 
sait de  ce  qu'il  n'avait  pas  envoyé  des  députés  à  cette 
assemblée  et  priait  qu'on  ne  le  prît  pas  en  mauvaise 
part.  Mais  on  rejeta  toutes  les  raisons  qu'ils  alléguèrent 
pour  s'excuser  et  on  censura  ladite  province  pour  avoir 
manqué  à  son  devoir  en  cela,  puisqu'elle  pouvait,  si  elle 
en  avait  la  volonté  ,  députer  quelqu'un  de  son  corps  à 
ce  synode  ;  et  on  la  censura  encore  de  ce  que  ses  let- 
tres étaient  pleines  de  taches  et  de  ratures .  et  de  ce 
que  la  clause  de  soumission  aux  décisions  et  aux  ca- 
nons n'était  pas  couchée  en  termes  assez  emphatiques, 
comme  les  synodes  nationaux  précédents  l'avaient  pres- 
crit (i).  » 

Le  synode  de  Vitré  de  1617,  qui  avait  déjà  «  remar- 
qué plusieurs  défauts  dans  la  conduite  des  affaires  de 
Provence,  »  chargea  quelques  pasteurs  et  anciens  de  la 
province  du  bas  Languedoc  d'assister  à  un  de  ses  sy- 
nodes pour  s'enquérir  de  la  façon  dont  les  affaires  ec- 
clésiastiques y  étaient  conduites.  Sur  le  rapport  de  ces 
députés,  le  synode  national  d'Alais  1620,  dressa  les  ca- 


(i)  La  liste  donnée  par  Aymon  des  pasteurs  et  anciens  du  synode  de  Cas- 
tres de  1626  ne  mentionne  non  plus  aucun  député  de  Provence.  Nous 
voyons  pourtant,  par  les  actes  mêmes  de  ce  synode,  que  Génoyer,  pasteur 
de  Riez-Roumoules  ,  et  Mercurins,  pasteur  de  Grasse ,  y  étaient  présents. 
Comme  l'omission  de  la  députation  provençale  dans  la  liste  d'Aymon  ne  peut 
guère  s'expliquer  par  l'inadvertance  des  secrétaires  du  synode  ou  des  copis- 
tes ,  nous  pensons  que  cette  députation  ne  fut  pas  tenue  pour  régulière  et  , 
partant,  mentionnée  dans  les  actes  de  ce  synode. 


380  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

lions  suivants,  dont  il  prescrivit  l'observation  au  synode 
de  Provence  : 

«  I .  Le  synode  provincial  de  Provence  ne  se  sépa- 
rera point  qu'il  n'ait  désigné  le  lieu  du  synode  suivant  ; 
et  l'église  qui  aura  le  droit  de  le  convoquer  en  mar- 
quera le  temps  par  l'avis  de  deux  églises  voisines  ; 

»  2.  Aucun  de  ceux  qui  n'auront  pas  des  lettres 
d'envoi  de  leur  consistoire ,  de  quelque  qualité  ou  con- 
dition qu'ils  soient,  ne  pourront  entrer  dans  les  assem- 
blées synodales  que  lorsqu'ils  y  seront  appelés  ;  mais 
on  exhorte  les  consistoires  de  recevoir  des  gentilshom- 
mes dans  la  charge  d'anciens,  afin  qu'ils  puissent  être 
députés  auxdits  synodes  ; 

»  }.  Ceux  qui  seront  députés  aux  assemblées  syno- 
dales n'y  traiteront  que  des  affaires  purement  ecclésias- 
tiques ; 

»  4.  Les  charges  synodales  seront  tellement  distri- 
buées que  toute  matière  de  jalousie,  d'envie  et  discorde 
soit  ôtée  ; 

»  5.  Les  secrétaires  des  synodes  n'en  coucheront 
point  les  articles  en  forme  de  procès-verbaux,  ni  en 
termes  de  palais,  mais  avec  simplicité  et  brièveté  ; 

»  6.  Les  députés  ne  se  sépareront  point  qu'après 
que  tous  les  actes  seront  mis  au  net,  lus  et  signés  dans 
chaque  séance  ; 

»  7.  Pour  les  matières  pécuniaires,  on  suivra  les  rè- 
glements des  synodes  nationaux,  qui  portent  que  les 
appellations  faites  pour  cela  seront  renvoyées  à  la  pro- 
vince prochaine  pour  quelque  somme  que  ce  soit  ;  à 
l'occasion  de  quoi  on  exhorte  les  pasteurs  de  ne  pas 
s'absenter  de  leurs  églises  pour  ces  sortes  d'affaires 
sans  une  très  grande  nécessité  ;  mais  d'envoyer  leurs 
comptes  nets  dans  les  lieux  où  ils  adresseront  leurs 
appellations  et  de  prendre  aussi  garde  à  ne  se  rendre 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  381 

jamais  solliciteurs  de  procès  s'ils  n'y  sont  pas  contraints 
par  quelque  nécessité  urgente  ; 

»  8.  Parce  que  le  nombre  des  pasteurs  n'est  pas 
suffisant  pour  dresser  trois  colloques  et  qu'il  y  a  des 
inconvénients  à  n'en  avoir  que  deux  lorsqu'il  survient 
quelque  controverse  entre  un  colloque  et  un  autre , 
lesdits  pasteurs  se  réuniront  dans  un  seul  synode  jus- 
qu'à ce  que  Dieu  augmente  leur  nombre  ; 

»  9.  Pour  procurer  l'observation  de  ces  canons  dans 
la  susdite  province,  le  sieur  Brunier,  pasteur  de  l'église 
d'Uzès,  se  trouvera  au  premier  synode  de  Provence,  et 
toutes  les  fois  qu'on  y  convoquera  un  synode ,  ladite 
province  en  donnera  avis  à  celle  du  bas  Languedoc  et 
à  celle  du  Dauphiné,  afin  que  quelque  pasteur  de  l'une 
et  de  l'autre  puissent  être  députés  audit  synode,  comme 
il  se  pratique  entre  les  autres  provinces  pour  entretenir 
une  mutuelle  communication  et  une  bonne  correspon- 
dance. » 

Le  synode  national  de  Charenton,  de  1623 ,  n'ayant 
reçu  aucun  rapport  sur  la  manière  dont  ces  canons 
avaient  été  exécutés  en  Provence,  ordonna  que  «  pour 
remédier  aux  confusions  dont  cette  province  était 
agitée ,  »  Jacques  Pineton  de  Chambrun ,  pasteur  à 
Orange ,  et  Salomon  Crubélier ,  pasteur  à  Vauvert , 
«  iraient  en  personne  au  synode  provincial  suivant  de 
ladite  province ,  laquelle  paierait  les  frais  de  leur 
voyage,  et  qu'ensuite  les  provinces  du  Dauphiné  et  du 
bas  Languedoc  enverraient  chacune  un  pasteur  à  leur 
synode  suivant  pour  avoir  soin  que  les  canons  fussent 
exactement  observés  par  ceux  de  Provence  ;  et  que 
lesdites  trois  provinces  du  Dauphiné,  du  bas  Languedoc 
et  de  Provence  en  rendraient  compte,  chacune  en  par- 
ticulier, au  synode  national  suivant.  Le  synode  enjoignit 
encore  une  fois  à  la  province  de  Provence  d'observer 


^82  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

très  soigneusement  les  canons,  autrement  qu'elles  n'au- 
raient point  de  part  aux  sommes  que  nous  recevons  de 
la  libéralité  du  roi  ni  aux  intérêts  de  ladite  somme.   » 

Cet  arrêté  ne  reçut  pas  d'exécution.  La  visite  de 
Chambrun  et  de  Crubélier  fut  contremandée  par  le 
pasteur  Barthélémy  Récend,  de  Velaux,  Aix  et  Mar- 
seille, qui  leur  députa  dans  ce  but  le  pasteur  Mercurin 
de  Grasse.  Ce  dernier  déclara,  au  synode  de  Castres  de 
1626  u  que  ledit  Récend  l'avait  envoyé,  contre  sa  vo- 
lonté, vers  les  commissaires  Crubélier  et  Chambrun,  et, 
qu'abusant  de  sa  facilité  et  de  sa  bonté,  il  ne  lui  avait 
jamais  déclaré  ce  qui  était  contenu  dans  les  lettres  de 
créance  qu'il  lui  avait  mises  en  main  ;  tellement  que, 
quand  il  était  venu  à  Vauvert  et  à  Orange,  il  avait  été 
obligé  de  faire  son  rapport  touchant  ce  qu'il  s'était  pu 
ressouvenir  des  discours  tenus  entre  lui  et  ledit  Ré- 
cend. »  Le  synode  national  de  Castres,  justement  irrité 
de  la  conduite  de  ce  dernier,  lui  enjoignit  «  de  compa- 
raître devant  le  prochain  synode  du  bas  Languedoc 
pour  répondre  aux  accusations  que  l'on  portait  contre 
lui,  »  et  ordonna,  en  outre,  que  «  ladite  assemblée  pro- 
vinciale le  suspendrait  du  ministère  au  cas  qu'il  l'eût 
m.érité.  »  Le  synode  nomma  enfin  de  nouveaux  com- 
missaires pour  assister  au  prochain  synode  de  Pro- 
vence; mais,  en  163 1,  ces  derniers  n'avaient  pu  encore 
accomplir  leur  mission  «  à  cause  des  derniers  troubles  >> 
et  «  des  difficultés  »  qui  en  seraient  résultées  s'ils  y 
avaient  donné  suite.  C'est  tout  ce  que  nous  avons  pu 
recueillir  sur  ces  fâcheuses  divisions  intestines,  que  les 
catholiques  ne  manquaient  pas  d'exploiter  contre  les 
réformés,  comme  le  remarque  Benoît.  «  Les  réfor- 
més, »  dit-il,  «  étaient  fort  divisés  en  Provence,  et  les 
catholiques  prenaient  l'occasion  de  ces  discordes,  qu'ils 
y  avaient  eux-mêmes  semées,  pour  leur  faire  impuné- 


RÉGIME    DE    l"ÉD1T    DE    NANTES.  383 

ment  toutes  sortes  d'injustices.  Cette  province  acca- 
blait les  assemblées  générales  et  les  synodes  nationaux 
de  plaintes  que  les  membres  d'une  même  église  y  por- 
taient les  uns  contre  les  autres,  et,  souvent,  on  y  voyait 
des  députés  de  ces  divers  partis  qui  se  disputaient  mu- 
tuellement le  droit  de  la  députation  et  qui  protestaient, 
au  synode  général ,  contre  les  nominations  qui  étaient 
laites  (i).  » 

DISCIPLINE. 

Les  rares  documents  que  nous  avons  rencontrés  sur 
l'histoire  intérieure  des  ésflises  de  Provence  nous  enea- 
gent  à  rapporter  ici  l'extrait  du  seul  synode  datant  du 
régime  de  l'édit  de  Nantes  qui  nous  soit  tombé  sous  la 
main.  Il  est  presque  tout  entier  relatif  à  la  discipline  et 
nous  donne  une  idée  exacte  du  soin  jaloux  avec  lequel 
les  églises  réformées  s'efforçaient,  malgré  des  défaillan- 
ces que  nous  ne  voulons  pas  excuser,  d'entretenir  dans 
leur  sein  l'instruction  religieuse ,  la  pure  doctrine ,  la 
piété  et  la  charité. 

((  Comme  on  a  remarqué,  »  dit  cet  extrait  synodal, 
«  que,  parmi  un  grand  nombre  de  familles,  il  y  a  très 
peu  d'instruction ,  plusieurs  négligeant  à  apprendre  à 
lire  dans  des  catéchismes  familiers  quelques-unes  des 
prières  ordinaires  du  matin  et  du  soir  ;  y  en  ayant  même 
qui  osent  se  présenter  la  première  fois  à  la  Cène  sans 
avoir  subi  l'examen  pratiqué,  non  seulement  dans  toutes 
nos  églises,  mais  mêmement  dans  la  primitive  ; 

»  La  compagnie,  considérant,  avec  douleur  extrême 
une  si  grande  nonchalence  et  perversion  d'ordre ,  qui 


(i)  Aymon,  t.  I,  p.  298,  428;  t.  II,  p,  10^,  166,  169,  250,  122,  190,  285,  ^y<, 
591,  55?  ;  Benoit,  t.  II,  p.  227. 


384  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ne  peut  que  conduire  insensiblement  les  personnes  dans 
l'impiété,  l'athéisme  et  dans  toutes  sortes  de  vices:  vou- 
lant y  apporter  du  remède  par  les  moyens  les  plus  pro- 
pres et  les  plus  prompts  que  faire  se  pourra,  exhorte 
les  ministres,  en  l'adjonction  d'un  ou  de  deux  anciens 
qui  seront  nommés  dans  chaque  consistoire,  de  visiter 
toutes  et  chacune  les  familles  de  leur  troupeau  et  de 
s'informer  tant  de  l'instruction  des  pères  et  mères  que 
de  leurs  enfants  et  domestiques  ,  et  nommément  des 
prières  qu'y  font  le  matin  et  le  soir  ;  s'ils  ont  connais- 
sance des  catéchismes  famihers  ;  les  exhortant ,  sur 
peine  de  censure  et  de  suspension,  s'il  y  échoit,  qu'ils 
aient  à  envoyer  leurs  enfants  incessamment  aux  écoles  ; 
enjoignant,  d'autre  part,  aux  maîtres  d'école  de  redou- 
bler leurs  soins  pour  l'instruction  de  la  piété  des  enfants 
qui  leur  sont  envoyés;  exhorte  aussi  vivement  les  pères 
et  mères,  tuteurs  et  curateurs,  de  ne  permettre  point 
que  les  enfants  ou  pupilles  s'approchent  de  la  table  du 
Seigneur  que  premièrement  ils  ne  les  aient  présentés  au 
ministre  de  leur  église  pour  examiner  s'ils  ont  assez 
d'instruction  et  de  piété  pour  recevoir  cet  auguste  sa- 
crement ;  enjoignant  aux  ministres  et  anciens  de  chaque 
consistoire  de  veiller  et  de  refuser  la  communion  à  ceux 
qui  outrepasseront  ledit  règlement ,  duquel  ils  rendront 
compte  exact  au  prochain  synode ,  où  les  défaillants 
seront  gravement  censurés  ;  et  afin  qu'aucun  ne  pré- 
tende cause  d'ignorance  de  cet  article,  lecture  en  sera 
faite  le  premier  et  le  second  dimanche  de  la  Noël  pro- 
chain... 

»  Par  un  article  dudit  synode  a  été  ordonné  un  jeûne 
général  pour  la  province,  qui  se  doit  célébrer  le  diman- 
che avant  Pâques. 

»  Ladite  assemblée  a  péréqué  sur  l'église  de  Riez  et 
Roumoules  trois   écus  pour  subvenir  à  l'entretien  de 


RÉGIME    DE    l"ÉD1T    DE    NANTES.  38, 

deux  pauvres  enfants  orphelins  de  Mérindol  qui  sont  à 
Marseille.  Le  reste  [a]  été  péréqué  sur  le  reste  de  la 
province.  Ledit  entretien  pour  un  an ,  à  raison  de 
quarante-huit  livres  pour  ladite  année  ;  moyennant  quoi 
l'église  du  Luc  s'est  chargé  de  leur  entretien  (i).  » 

Pleins  de  charité  pour  leurs  frères  nécessiteux,  les 
protestants  provençaux  n'oublièrent  pas  non  plus  leurs 
coreligionnaires  des  pays  étrangers,  et  quand  les  Vau- 
dois  du  marquisat  de  Saluées ,  en  Piémont ,  persécutés 
par  le  duc  de  Savoie,  se  virent  contraints  d'abandonner 
leur  pays,  les  églises  réformées  de  Provence  demandè- 
rent à  Louis  XIII  que  ceux  d'entre  eux  qui  s'étaient 
établis,  soit  dans  leur  province,  soit  dans  les  autres  pro- 
vinces de  France,  eussent  la  liberté  d'aller  et  de  trafi- 
quer sur  les  terres  du  duc  de  Savoie  comme  les  autres 
sujets  de  Sa  Majesté,  «  sans  pouvoir  être  recherchés  à 
l'occasion  de  leur  religion  ni  empêchés  d'y  pouvoir 
négocier  leurs  biens  et  affaires.  »  Le  roi  accéda  à  leur 
vœu  et  promit  d'en  écrire  au  duc  de  Savoie  (Cahier  du 
17  avril  161 2)  (2). 

COLLÈGE    DU    LUC. 

Les  protestants  de  Provence  fondèrent  au  Luc,  quel- 
ques années  après  l'édit  de  Nantes,  un  collège  oia  l'on 
enseignait  les  humanités.  Ses  archives  n'ont  pu  être  dé- 
couvertes (3),  de  telle  sorte  que  nous  en  sommes  réduits, 
pour  connaître  son  histoire,  aux  rares  renseignements 


(i)  H  Extrait  des  actes  du  sinode  des  églizes  refformées  de  Provence  tenu  à 
Mérindol  le  troiziesme  de  novembre  1679  »  (Papiers  du  Consistoire  de  Riez; 
nis.  de  la  bibliotli.  de  la  Soc.  de  l'Hist.  du  prot.  franc.). 

(2)  Ms.  XXXI,  vol.  I,  de  la  bibliothèque  de  Carpentras. 

(5)  Quelque  diligence  qu'ait  faite  le  savant  archiviste  de  Draguignan, 
M.  Mireur. 

25 


i,H()  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

que  nous  fournissent  les  actes  des  synodes  nationaux. 
Nous  savons  qu'il  était  en  pleine  activité  en  i6i2,etque 
les  synodes  nationaux  lui  accordaient  une  subvention  an- 
nuelle de  quatre  cents  livres.  Mais  sur  ce  point,  comme 
sur  les  autres ,  les  protestants  de  Provence  montrèrent 
une  grande  négligence.  Le  synode  provincial  devait  rendre 
compte  aux  synodes  nationaux  de  l'emploi  des  deniers 
qu'il  en  recevait  pour  l'entretien  de  son  collège.  Eni6i2, 
il  ne  l'avait  pas  encore  fait;  ce  qui  lui  valut  une  censure 
sévère  du  synode  national  de  Privas ,  assemblé  cette 
année ,  qui  alla  jusqu'à  le  déclarer  «  déchu  du  droit 
dudit  collège ,  »  s'il  n'apportait  pas  ses  comptes  au 
prochain  synode  national. 

Le  synode  national  de  Charenton  de  1623  se  plai- 
gnit également  de  ce  que  les  députés  de  Provence  ne 
lui  avaient  pas  apporté  les  comptes  du  collège  du  Luc, 
bien  que  le  synode  national  d'Alais  de  1620  le  leur  eût 
expressément  recommandé;  «  c'est  pourquoi  cette 
assemblée,»  lit-on  dans  ses  actes,  «  leur  ordonna  de  les 
produire  au  synode  national  suivant  sur  peine  de  perdre 
leur  droit  de  collège;  et  les  députés  du  Dauphiné  et 
du  bas  Languedoc  furent  chargés  d'aller,  comme  il 
leur  avait  été  ordonné  par  un  décret  de  cette  assemblée, 
au  synode  de  cette  province ,  pour  s'informer  particu- 
lièrement de  l'état  dudit  collège  et  si  la  province  en 
avait  bien  agi  ou  non  à  son  égard.  » 

Au  synode  national  de  Castres  de  1626  l'affaire  re- 
vint en  délibération.  Les  députés  de  Provence  ne  pré- 
sentèrent non  plus  de  compte  et  dirent,  pour  leur  ex- 
cuse, que  le  duc  de  Guise  (i),  alors  gouverneur  de 
Provence,  avait  donné  à  leur  synode  provincial  l'ordre 


(1)   Charles  de  Lorraine,   petit-fils  de   François,   assassiné  par   Poltrot 
en  156;. 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  ^8" 

impératif  de  se  disperser  avant  qu'il  eût  eu  le  temps  d'ex- 
pédier aucune  affaire.  Ils  ajoutèrent  d'autre  part  «  qu'ils 
n'avaient  point  de  compte  à  apporter  parce  qu'ils 
n'avaient  touché  que  50  livres,  et  que  ,  nonobstant  qu'ils 
n'eussent  rien  touché  des  deniers  de  Sa  Majesté  ,  ils 
avaient  donné  les  salaires  accoutumés  au  régent  .de  leur 
collège  du  Luc.  » 

Les  choses  prirent  une  allure  meilleure  quand  la  con- 
fusion qui  régnait  dans  les  églises  de  Provence  eut  cessé  ; 
et  nous  voyons  le  synode  national  de  Charenton  de 
163 1  allouer  400  livres  au  collège  du  Luc.  Cette  même 
année,  Louis  Xlll  qui,  depuis  1627,  n'avait  plus  voulu 
concourir  au  traitement  des  pasteurs  des  Eglises  réfor- 
mées de  France ,  consentit  à  allouer  à  celles-ci  60,000 
livres  pour  l'entretien  de  leurs  académies  et  de  leurs 
collèges.  Mais  ce  fut  la  dernière  faveur  du  pouvoir  royal 
à  leur  égard.  Après  cette  époque  elles  ne  reçurent  de 
subvention  d'aucune  sorte ,  et  nous  nous  demandons  si 
les  églises  de  Provence  purent ,  vu  leur  pauvreté ,  con- 
tinuer longtemps  encore  à  entretenir  leur  collège.  Ce 
qui  est  constant ,  c'est  qu'il  n'est  pas  question  de  cette 
institution  dans  les  ordonnances,  que  les  exécuteurs  de 
l'édit  de  Nantes  de  1662  rendirent  touchant  l'église  du 
Luc.  Nous  voyons  les  habitants  réformés  de  ce  lieu 
demander  seulement  qu'il  leur  fût  permis  d'avoir  une 
petite  école  pour  l'instruction  de  leurs  enfants  :  ce  qui 
leur  fut  accordé  (ij.  Les  protestants  de  Provence  possé- 
daient du  reste  de  petites  écoles  dans  chacune  de  leurs 
églises,  mais  le  roi  ne  leur  permit  pas  d'en  ériger  dans 
les  lieux  où  l'exercice  de  leur  religion  n'était  pas  auto- 
risé par  l'édit  de  Nantes  (2). 

(1)  Aymon,  t.  I,  p.  434;  t.  II,  p.  290,  406;  Arch,  nation.  TT,  252-255, 

(2)  Cahier  répondu  le  17  avril  1712  (Ms.  Peiresc  XXXI,  vol.  I,  de  la  bibl. 
de  Carpentras). 


?88 


HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 


SYNODES    PROVINCIAUX    DE    PROVENCE    TENUS    SOUS    LE 
RÉGIME  DE   l'ÉDIT   DE    NANTES. 

Les  synodes  provinciaux  se  réunissaient  au  moins 
une  fois  l'année.  Les  noms  laissés  en  blanc  sont  ceux 
de  ces  assemblées  dont  nous  n'avons  par  retrouvé  de 
trace. 


Lourmariii,  i''''  octobre. 


Manosque,  2  mai.  .  .  . 
Lourmarin,  21  octobre. 
Le  Luc,  septembre.  .  . 


Cabrières  d'Aiguës, 

14  avril 

Manosque,  25  octobre.. 
Eyguières ,  2  mai,  .  .  . 
Roumoules,  mai 


Cabrières  d'Aiguës, 
28  août 


598 

599 
600 

601 
602 
603 
604 
605 
606 
607 
608 
609 
609 
610 
611 
612 
613 
614 
615 
616 

617 
618 
619 
620 
621 
622 

1623 


Lourmarin.  .   .   . 
Velaux,  20  août. 

Velaux 

Seyne 


Manosque,  30  juillet. 


Velaux,  20  septembre.  . 
Seyne ,  septembre.  .  .  . 
Le  Luc,  3 1  octobre.  .  . 
Seyne,  17  septembre.  . 
Velaux,  20  octobre.  .  . 
Mérindol,  mai  (ou  juin). 
Mérindol ,  <,  octobre..  . 

Roumoules,  23  mai.  .  . 

Eyguières,  27  mai.  .  .  . 

Lacoste,  14  juillet. .   .   . 

La     Roque -d'Antheron 

(ou  Lourmarin),  mai.. 


1624 
1625 
1626 
1O27 
1628 
1629 
1630 
1631 
1632 
1633 
1634 
1635 
1636 
1637 
1638 
1639 
1640 
1641 
1642 
1643 
1644 
1645 

1646 
1647 
1648 
1649 
1650 
16^1 


RÉGIME 

La  Charce 

Lourmarin 

Le  Luc,  20  avril 

Riez,  20  août 

Lourmarin  (ou  Mérin- 
dol),  1 5  juin 

Lacoste,  30  mai 

Cabri  ère  s-d 'Ai  gués  , 
27  juin 

Lourmarin ,   28  mai.   .   . 

Mérindol ,  20  août..   .   . 
Manosque 

Manosque,   21   mai.  .   . 
Mérindol ,  5  mai 


DE    LEDIT   DE   NANTES.  389 

6^2  Le  Luc 1668 

653  Seyne 1669 

654  1670 

654 1671 

655  1672 

656  1673 

Mérindol 1674 

657  Manosque,  mai 1675 

658  1676 

Manosque 1677 

659  Le  Luc,   juin 1678 

660  Mérindol ,  n  novembre.  1679 

661  1680 

662 1681 

663  1682 

664  Manosque,  mai 1683 

66?  1684 

666  168? 

667 


NOTICES  PARTICULIÈRES  SUR  LES  ÉGLISES  DE  PRO- 
VENCE ET  LEURS  ANNEXES  AU  DIX-SEPTIÈME  SIÈ- 
CLE   (l). 

joucAS  ,   Gignac ,  Oppedettes ,  Roussillon  ,  Murs. 
(Vigueries  d'Apt  et  de  Folcalqiiier.) 

De  1598  à  1605,  cette  église  fut  adjointe  à  celle  de 
Gordes.  Le  24  juin  1601,  les  catholiques  lui  contestè- 
rent le  droit  d'exercice  et  elle  se  borna  à  leur  répondre 
qu'elle  en  jouissait  de  temps  immémorial.  En  161 1, 
André  Garin  ,  son  pasteur,  desservait  aussi^Gordes  et 


(i)  Diverses  listes  de  pasteurs  et  d'églises  dans  le  Bulletin  de  la  Société,  etc., 
t.  VIII,  p.  25,  24,  72-76;  t.  IX,  p.  293-297;  t.  XV,  p.  ^77,  152,  IJ3  ;  t.  V, 
571,  372  ;  t.  VII,  428-434  ;  Les  larmes  de  Jacques  Pinetoit  de  Cliainbrun,  p.  286, 
287;  Lefèvre,  Nouveau  recueil  de  tout  ce  qui  s'est  fait  pour  et  contre  les 
protestants;  Aynion,  Tous  les  synodes  des  nationaux;  Benoit,  t.  III,  112-115 
(Pièces  justificatives)  ;  et  les  sources  citées  au  bas  des  pages. 


390  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

l'annexe  de  Murs,  et  les  réformés  de  ces  trois  localités 
lui  faisaient  428  livres  d'appointements.  Quelques 
années  après,  le  sieur  Bonine  ,  prêtre,  commandeur  de 
Joucas,  lui  suscita  des  difficultés,  qui  se  terminèrent 
par  la  transaction  du  13  juin  1622,  par  laquelle  ledit 
commandeur  permit  l'exercice  à  Joucas.  Un  arrêt  du 
conseil  du  roi  du  3  mars  1634,  enregistré  par  le  Parle- 
ment de  Provence  le  26  avril  suivant,  fit  défense  à 
André  Garin  et  tous  autres  ministres  de  faire  des  prê- 
ches et  autres  exercices  dans  les  lieux  autres  que  les 
lieux  de  bailliage.  Garin  quitta  alors  l'église,  qui  resta 
quelques  années  sans  pasteur.  Vers  1638,  un  revirement 
s'opéra  en  faveur  de  Joucas,  qui  put  reprendre  son 
exercice.  Un  arrêt  du  Conseil  du  roi  du  7  septem- 
bre 1645  défendit  même  au  Parlement  de  Provence  de 
connaître  des  différends  survenus  entre  les  réformés  de 
Joucas  ,  Gordes  ,  Murs  et  autres  lieux  et  les  catholiques, 
et  renvoya  les  parties  devant  la  Chambre  de  Tédit  de 
Grenoble. 

En  1662,  les  syndics  généraux  du  clergé  de  Provence 
contestèrent  de  nouveau  le  droit  d'exercice  aux  habi- 
tants réformés  de  Joucas  par-devant  les  commissaires 
exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  de  cette  époque,  et 
demandèrent  qu'il  fût  supprimé  et  que  le  temple  fût 
démoli ,  se  fondant  sur  ce  que  ce  dernier  avait  été  bâti 
sur  une  terre  appartenant  à  un  religieux  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem,  seigneur  haut-justicier.  Le  commissaire 
catholique  donna  raison  aux  syndics,  mais  il  opina 
pour  que  le  temple  fût  simplement  converti  à  un 
autre  usage.  Quant  au  commissaire  protestant,  il  demanda 
que  les  réformés  de  Joucas  fussent  admis  à  prou- 
ver par  témoins  qu'ils  avaient  joui  de  l'exercice  en 
1 596  et  1 597.  Joucas  ne  renfermait  à  cette  époque  que 
six  familles  catholiques  et  encore  moins  au  moment  où 


RÉGIME   DE   L'ÉDIT    DE  NANTES.  391 

fut  promulgué  l'édit  de  Nantes.  Le  procès-verbal  de 
partage  des  deux  commissaires  fut  signé  à  Pertuis  le 
17  mai  1662  et  renvoyé  au  roi,  qui  ordonna  en  son  Con- 
seil,  le  4  mai  1663,  la  suppression  de  l'exercice  et  la 
démolition  du  temple. 

Joucas    avait  pour    annexes    Gignac,   Oppedettes , 
Roussillon  et  Murs. 

Gignac  et  Oppedettes.  —  En  1625,  le  roi ,  répondant 
à  un  cahier  de  plaintes  des  églises  réformées,  avait  mani- 
festé le  désir  que  l'exercice  fût  restitué  à  Gignac,  mais 
la  volonté  royale  ne  fut  pas  exécutée.  Dans  les  plaintes 
portées  au  roi  par  les  députés  du  synode  général  d'Alen- 
çon  de  1637,  on  exposait  que  l'exercice  était  autorisé 
et  établi  à  Gignac  en  1620  avant  les  nouvelles  guerres 
de  religion,  et  qu'interrompu  à  cette  époque,  l'édit  de 
grâce  de  Nîmes,  de  juillet  1629,  en  avait  permis  le  réta- 
blissement ,  mais  que  les  commissaires  chargés  de  faire 
exécuter  l'édit  n'avaient  pu  remplir  leur  commission. 
Le  synode  d'Alençon  demandait  au  roi,  en  conséquence, 
de  rendre  justice  aux  habitants  réformés  de  Gignac.  Ils 
obtinrent,  paraît-il ,  gain  de  cause  ,  car  les  syndics  géné- 
raux du  clergé  de  Provence  demandèrent  aux  commis- 
saires exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes,  de  1661,  que  le 
pasteur  Pouyer,  de  Joucas,  ne  pût  plus  faire  l'exer- 
cice à  Gignac  et  Oppedettes  en  vertu  de  la  décla- 
ration royale  du  2  décembre  1634,  qui  interdisait  le 
prêche  dans  les  annexes.  Les  commissaires  s'étant  par- 
tagés sur  l'objet  du  litige,  le  roi ,  par  un  arrêt  de  son 
conseil  du  4  mai  1663  ,  supprima  l'exercice  à  Gignac  et 
Oppedettes.  La  première  annexe  comptait,  en  1682, 
cent  quatre  habitants  réformés  (vingt-deux  familles) , 
et  la  seconde  soixante  et  dix  (dix-sept  familles). 

Roussillon,  à  la  même  époque  ,  avait  soixante  habitants 
réformés  (quinze  familles). 


592  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Quant  à  Murs ,  elle  fut  adjointe  tour  à  tour  aux  églises 
de  Joucas,  Gordes  et  Lacoste. 

Il  y  avait  aussi,  en  1682,  à  Viens,  trente  habitants  réfor- 
més ,  à  Saint-Martin-de-Castillon  vingt ,  à  Caseneuve 
six. 

Pasteurs  de  Joucas  :  JeanBouer.  1596-1597;  André 
Garin,  1611-1634;  Théophile  Pouyer,  1650-1662; 
Bouer,  1685  (i). 

GORDES.    —    LA  BASTIDE-DES-GROS    (2). 

En  1 598,  Daniel  Chamforan  ,  pasteur  de  Gordes,  des- 
servait aussi  Joucas  et  son  annexe  de  Roussillon.  Ces 
trois  églises  réunies  lui  faisaient  un  traitement  de  500  li- 
vres et  cet  accord  dura  jusqu'en  1605,  Les  commissaires 
exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  de  1601  maintinrent 
l'exercice  à  Gordes,  où  il  s'était  établi  en  1 580,  et  ceux 
de  161 2  décidèrent,  le  29  mars  de  la  même  année,  que 
les  habitants  réformés  du  lieu  établiraient  par  témoins 
qu'ils  avaient  joui  de  l'exercice  en  1 577,  1 596  et  1 597; 
que  les  consuls  leur  donneraient  un  cimetière  ;  qu'à 
défaut  de  ce,  les  habitants  réformés  en  achèteraient  un 
aux  frais  de  la  commune,  et  que,  de  plus,  ceux-ci  par- 
ticiperaient à  toutes  les  charges  municipales.  Le  10  avril 
suivant,  l'exercice  fut  reconnu  avoir  été  pratiqué  aux 
dates  susdites  et  il  subsista  sans  interruption  jusqu'en 
1634. 

En  1608,  l'église  de  Gordes,  unie  à  Joucas,  Murs  et 
Lacoste  ,  perdit  son  pasteur ,  Daniel  Chamforan  ,  qui 
passa  au  service  des  églises  du  Vivarais.  Après  plu- 
sieurs mois  d'attente  et  craignant  de  demeurer  encore 

(i)  Aymon,  t.  H,  p.  596;  Arch.  nation.  TT,  232,  255,  235  A,  258,  288  B. 
(2)  Hameau  de  Gordes  ,   ne  formant  avec  cette  commune  qu'une  seule  cl 
mèine  église;  aujourd'hui  Les  Gros  simplement. 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  393 

longtemps  sans  pasteur,  elle  prit  le  parti  de  députer  un 
de  ses  anciens  à  la  compagnie  des  pasteurs  de  Genève 
dans  l'espoir  d'en  obtenir  un  de  sa  bienveillance.  Il  était 
porteur  de  la  lettre  suivante  :  «  Ce  personnage,  le  père 
André  Silvestre,  ancien  du  consistoire  de  l'église  réfor- 
mée de  Gordes  ,  vous  est  envoyé  de  notre  part  pour 
exposer  à  votre  compagnie  le  piteux  sort  de  notre 
église  dénuée  de  son  plus  grand  bien ,  du  service  d'un 
pasteur,  et  si  tellement  désireuse  d'icelui  qu'elle  vous 
ose  assurer  ne  pouvoir  vivre  sans  en  jouir.  C'est  une 
assemblée  de  plus  de  mille  personnes  admise  à  la  com- 
munion des  fidèles  qui ,  pour  avoir  déjà  passé  six  mois 
sans  exercice  ordinaire ,  en  ressentent  un  intérêt  et  un 
ébranlement  non  pareils  ;  contraints  à  porter  leurs  en- 
fants une  journée  loin  pour  [eue  faire  recevoir  le  saint 
baptême  et  appeler  à  soi  des  pasteurs  à  très  grande  in- 
commodité d'un  chacun  pour  célébrer  le  sacrement  de 
la  Cène  du  Seigneur;  outre  la  négligence  à  laquelle 
plusieurs  s'abandonnent  en  se  voyant  ainsi  dépourvus. 
Nous  nous  sommes  remontrés  ceci  à  notre  province  et 
la  supplier  y  vouloir  remédier  ,  mais  elle  ne  l'a  pu,  bien 
qu'elle  l'eût  voulu  ,  d'autant  qu'il  y  a  plusieurs  autres 
églises  qui  sont  de  même  rang  que  nous  et  demandent 
même  secours  sans  pouvoir  être  soulagées  que  de  l'em- 
prunt de  leurs  voisins.  Cette  voie  nous  étant  close  , 
nous  avons  cru  la  vôtre  nous  devoir  être  plus  ouverte , 
vu  que  d'une  telle  pépinière  de  l'Eglise  qu'est  votre  aca- 
démie, il  ne  peut  qu'à  toute  heure  il  ne  s'élève  de  jeu- 
nes plantes  à  nous  ensemencer  d'icelles  :  ce  qui  nous 
enhardit  à  vous  présenter  cette  humble  requête  que 
veuillez  nous  favoriser  de  l'octroi  d'un  pasteur  que  vous 
jugerez  nous  être  sortable  ,  ne  doutant  point  que  ne 
l'entériniez  d'un  témoignage  de  votre  affection.  Nous 
avons  donné  plein  pouvoir  à  notre  agent  de  convenir  et 


Î94  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

arrêter  avec  celui  qu'il  vous  plaira  nous  adresser  de 
moyens  requis  et  d'un  honnête  entretien.  Et  promettons 
par  celle-ci  ratifier  tout  ce  qui  en  sera  conclu  par  vos 
prudents  avis  ,  sur  lesquels  nous  reposant ,  nous  prions 
Dieu  de  bon  cœur  qu'il  vous  continue  toujours  le  cours 
de  ses  bénédictions  et  vous  supplions  nous  croire  tels 
que  nous  avouons,  messieurs  et  très  honorés  frères,  vos 
plus  humbles  et  affectionnés  frères  des  églises  réfor- 
mées de  Gordes,  Joucas  et  Murs,  Lacoste.  » 

Suivent  les  signatures  de  dix-neuf  anciens  ,  diacres , 
consuls  ou  autres  de  Gordes,  Joucas  et  Lacoste. 

Pour  donner  plus  d'autorité  à  cette  requête ,  le  bu- 
reau du  synode  provincial  de  Manosque  l'accompagna 
de  la  lettre  suivante  :  «  Messieurs  et  très  honorés  frè- 
res, il  est  advenu  que,  «par  le  départ  d'un  de  nos  frères 
d'avec  nous ,  l'une  des  plus  nombreuses  églises  de  ce 
pays  s'est  trouvée  destituée  de  l'entretien  spirituel ,  ce 
que  ne  pouvant  porter  patiemment ,  vu  son  zèle ,  elle  a 
eu  recours  à  nos  assemblées  pour  être  pourvue  par  no- 
tre adresse.  Vrai  est  que  jusqu'ici  il  n'a  été  en  nous  de 
satisfaire  à  son  désir  pour  avoir  en  notre  ressort  beau- 
coup plus  d'églises  à  dresser  que  l'espoir  de  leur  obte- 
nir à  toutes  des  pasteurs.  C'est  pourquoi  nous  avons 
jugé  ne  lui  pouvoir  donner  meilleur  avis  que,  la  vous 
recommandant,  l'induire  à  requérir  de  vos  faveurs,  per- 
sonnage qui  soit  et  propre  et  disposé  à  servir  Dieu  en 
icelle.  Ce  sont  les  témoignages  que  votre  piété  déploie 
journellement  au  maintien  de  l'église  qui  nous  ont  dicté 
d'implorer  de  vous  cet  aide.  C'est  le  célèbre  lot  de  vo- 
tre académie  qui  nous  assure  qne  ne  pouvez  être  sur- 
pris au  dépourvu  quand  on  recherche  des  pasteurs  ,  et 
c'est  notre  disetteux  état  qui  nous  presse  à  vous  impor- 
tuner. Vous  aurez  l'œil,  messieurs,  sur  une  province  qui 
se  relève  et  récrée  des  plus  grièves  oppresses,  que  no- 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  395 

tre  parti  ait  éprouvées  en  ce  royaume,  et  qui  rassemble 
peu  à  peu  une  troupe  éparse  en  divers  endroits ,  et  par- 
ticulièrement sur  une  église  épandue  en  trois  parts,  qui 
répondent  à  trois  divers  évêchés  et  se  confronte  Avignon 
et  le  comté  de  Venisse,  pour  y  envoyer  homme  qui  pro- 
mette se  développer  heureusement  des  attaques  qui  la 
peuvent  menacer,  sans  qu'il  ait  toutefois  à  craindre 
d'encourir  aucun  fâcheux  échec,  car  déjà  jouissons-nous 
de  quelques-uns  des  vôtres,  qui,  en  des  lieux  non  moins 
écartés  et  pierreux,  travaillent  à  bon  succès  et  vivent  à 
repos.  Au  nom  de  Dieu,  Messieurs,  recevez  notre  hum- 
ble requête  de  telle  affection  que  nous  espérons ,  et 
nous  vous  en  signalerons  une  telle  obligation  que  , 
priant  Dieu  pour  votre  conservation  et  avancement  de 
sa  gloire  parmi  vous ,  nous  dédierons  à  vous  servir  vos 
plus  humbles  et  affectionnés  frères  au  Seigneur,  les  pas- 
teurs des  églises  réformées  de  Provence  et  eux  :  Hu- 
ron  (qui  a  écrit  cette  lettre) ,  De  Croze ,  De  La  Plan- 
che. A  Manosque,  ce  2  mai  1609.  » 

Nous  croyons  c^ue  la  réponse  de  la  compagnie  des 
pasteurs  fut  négative;  mais  Gordes,  provisoirement  des- 
servie par  les  pasteurs  environnants,  conserva  sans  con- 
testation son  droit  d'exercice  jusqu'en  1634 ,  alors 
qu'elle  fut  comprise  dans  l'arrêt  du  Conseil  du  roi  du 
3  mars  de  cette  même  année,  cité  plus  haut,  qui  défen- 
dait l'exercice  à  Joucas  et  autres  lieux.  Vers  1638,  Gor- 
des put  en  jouir  de  nouveau  et  il  subsista  jusqu'au 
20  mars  165 1.  Mais,  à  cette  date,  le  Parlement  d'Aix, 
à  la  requête  de  Fortias  ,  évêque  de  Cavaillon  ,  défendit 
aux  habitants  réformés  de  Gordes  de  continuer  leur 
exercice.  Toutefois ,  comme  cette  affaire  ressortissait  à 
la  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble,  celle-ci  cassa,  le 
2  août  165 1 ,  l'arrêt  du  Parlement  d'Aix  par  un  arrêt  con- 
traire qui  maintint  l'exercice  et  fut  signifié  à  Tévêque  le 


396  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

14  août  suivant,  et  le  citait  à  comparaître  à  sa  barre. 
L'opposition  recommença  en  1662.  Les  syndics  géné- 
raux du  clergé  de  Provence  demandèrent  aux  commis- 
saires exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  de  cette  époque 
que  le  temple  de  la  Bastide-des-Gros  fût  démoli  parce 
qu'il  avait  été  rebâti  nouvellement.  Le  commissaire  ca- 
tholique leur  donna  gain  de  cause  ,  mais  à  la  réserve 
que  le  temple  serait  converti  à  un  autre  usage.  Quant 
au  commissaire  protestant,  il  demanda  que  les  habitants 
réformés  de  Gordes  fussent  autorisés  à  prouver  par  té- 
moins que  l'exercice  avait  eu  lieu  chez  eux  ,  avant  et 
après  les  années  1 596  et  au  mois  d'août  de  l'année  1 597. 
Le  procès-verbal  de  partage  des  deux  commissaires  fut 
signé  à  Pertuis  le  22  mai  1662  et  renvoyé  au  roi  qui  , 
statuant  en  son  conseil,  ordonna,  par  son  arrêt  du  4  mai 
1663,  que  le  temple  de  la  Bastide-des-Gros  serait  dé- 
moli et  que  l'exercice  y  serait  supprimé  de  même  qu'à 
Gordes. 

Pasteurs  :  Jean  Bouer,  1 583-1 588;  Daniel  Cham- 
foran  ,  1 598-1608  ;  Chabrand  ,  161 5-1634.  A  partir  de 
cette  époque,  Gordes  ne  paraît  pas  avoir  eu  de  pasteur 
en  propre  et  était  desservie  par  ceux  de  Joucas  ou  de 
Lacoste  (i). 

LACOSTE,  Sivergues,  Roquefure. 

(Viguerie  d'Apt.) 

Cette  église  semble  avoir  été  longtemps  unie  à  Gor- 
des et  l'était  encore  en  1609.  Nous  croyons  qu'elle  eut 
à  souffrir  de  l'arrêt  du  Conseil  du  roi,  du  3  mars  1634, 
qui  supprima  l'exercice  à  Joucas  et  autres  lieux.  Quoi 
qu'il  en  soit,  le   18  décembre   1639,  elle  était  de  nou- 

(i)  Arch.  nation.  TT,  258;  Ms.  franc,  de  la  biblioth.  de  Genève,  n"  197", 
porlet".  0  et  15. 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  397 

veau  en  possession  du  droit  d'exercice  et  convint,  avec 
les  églises  de  Joucas,  Gordes  et  l'annexe  de  Murs,  que 
François  Vallanson ,  son  pasteur,  desservirait  ces  der- 
nières églises  à  condition  qu'elles  contribueraient  à  ses 
appointements,  fixés  à  400  livres.  Cette  convention  sub- 
sista jusqu'en  1651,  époque  oij  Vallanson  passa  au  ser- 
vice des  églises  du  Dauphiné.  Les  commissaires  exé- 
cuteurs de  l'édit  de  Nantes,  de  i66r  ,  qui  eurent  à 
"examiner  les  prétentions  des  syndics  généraux  du  clergé 
de  Provence  touchant  la  suppression  de  l'exercice  à 
Lacoste  et  la  démolition  de  son  temple,  se  partagèrent 
sur  ce  double  objet  et  envoyèrent  leur  procès  verbal  au 
Conseil  du  roi  qui  ,  par  son  arrêt  du  4  mai  1663  ,  or- 
donna la  suppression  de  l'exercice  et  la  démolition  du 
temple. 

En   1682  ,  Lacoste  comptait  222  habitants  réformés 
(88  familles). 

Annexes  :  Sivergues  et  Roquefure. 

S'wergues.  —  Cette  communauté  appartenait  primitive- 
ment à  un  seigneur  réformé  ,  et  l'exercice  n'y  fut  pas 
d'abord  contesté  ;  mais  lorsqu'elle  passa  aux  mains  de 
Marguerite  d'Adhémar  de  Monteil  de  Grignan  ,  mar- 
quise de  Sivergues ,  les  syndics  généraux  du  clergé  de 
Provence  et  la  marquise  elle-même  demandèrent  aux 
commissaires  exécuteurs  de  1662  la  suppression  de 
l'exercice  et  la  démolition  du  temple.  Ils  se  fondaient 
sur  ce  que  ce  temple  avait  été  bâti  en  face  de  l'église 
il  y  avait  seulement  seize  ans  ;  que  c'était  une  réunion 
de  hameaux  contigus  à  Lacoste  et  que  jamais  aucun  mi- 
nistre n'y  avait  résidé.  Le  commissaire  catholique  émit 
un  avis  conforme  à  cette  prétention,  à  la  réserve  toute- 
fois que  le  temple  serait  converti  à  un  autre  usage. 
Quant  au  commissaire  protestant,  il  opina  pour  qu'il  fût 
permis    aux   habitants   réformés   du    Heu    de   prouver  , 


39^  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

comme  ils  le  demandaient ,  que  l'exercice  avait  été  fait 
à  Sivergues,  en  1 596  et  1 597.  Le  procès  verbal  de  par- 
tage fut  signé  à  Pertuis  le  20  mai  1662  et  renvoyé  au 
Conseil  du  roi,  qui  ordonna,  par  son  arrêt  du  4  mai  1 663 , 
rendu  en  son  conseil ,  que  le  temple  serait  démoli  et 
l'exercice  supprimé. 

En  1682,  Sivergues  comptait  94  habitants  réformés 
(21  familles). 

Roque f lire  (hameau  d'Apt).  —  Les  mêmes  commissai- 
res eurent  aussi  à  seprononcer  sur  le  droit  d'exercice  de 
cette  église.  Le  catholique  demanda  qu'il  fût  supprimé 
parce  que  Roquefure  était  un  hameau  dépendant  de 
Sivergues  et  une  simple  annexe.  Le  protestant  exprima 
sa  surprise  de  ce  que  son  collègue  interdisait  l'exercice 
à  Roquefure  quand  les  habitants  réformés  du  lieu  n'a- 
vaient pas  même  été  cités  à  comparaître,  et  il  émit  l'avis 
que  ceux-ci  fussent  admis  à  prouver  qu'ils  avaient  joui 
de  l'exercice  en  1596  et  1597,  mais  qu'en  attendant 
ledit  exercice  leur  fût  ôté.  Le  procès-verbal  de  partage, 
signé  à  Pertuis  le  20  mai  1662,  fut  renvoyé  au  Conseil 
du  roi,  qui  décida,  par  son  arrêt  du  4  mai  1663  ,  que 
l'exercice  serait  supprimé  à  Roquefure. 

En  1682,  cette  annexe  comptait  16  habitants  réformés 
(3  familles). 

Il  y  avait  aussi  24  habitants  réformés  (4  familles)  à 
Buoux  en  1682. 

Pasteurs  :  de  Fargues,  1561  (Lacoste  et  Roussillon 
réunies);  André  Busset,  1615-1616;  Raphaël  Gabet , 
1616-1616;  Jacques  Baille,  1626-1638;  François  Val- 
lanson ,   1639-1651  ;  Pierre  Chalier,  1660-1668(1). 

Pasteur  de  Sivergues  :  Bouon,  1 561  ;  Guillaume  Cassy, 
1566-1567. 

(1)  Arch.  nation.  TT,  25c  A,  2j8,  284. 


REGIME    DE    L  EDIT    DE   NANTES.  i^^C; 

MÉRINDOL. 

(Viguerie  d'Apt.) 

Cette  église  jouit  de  son  droit  d'exercice  sans  con- 
testation jusqu'au  14  juillet  1661.  A  cette  date  le  Con- 
seil du  roi,  ayant  été  saisi  d'une  requête  du  syndic  géné- 
ral du  clergé  de  Provence  tendant  à  la  démolition  du 
temple  et  à  l'interdiction  de  l'exercice,  décida  que  le 
ministre  et  les  anciens  du  lieu  fourniraient  la  preuve, 
par  pièces  originales,  que  l'exercice  avait  été  pratiqué 
à  Mérindol  en  1596  et  1597  et  renvoya  les  parties  de- 
vant les  commissaires  exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes 
en  Provence  nommés  l'année  d'avant.  La  preuve  ayant 
été  faite,  lesdits  commissaires,  par  leur  ordonnance 
de  Pertuis  du  19  mai  1662,  maintinrent  le  temple  et 
l'exercice  à  Mérindol.  Il  fut  établi  que,  de  mémoire 
d'homme,  le  culte  catholique  n'y  avait  pas  été  célébré. 
Le  conseil  du  roi  confirma  la  décision  des  commissaires 
par  son  arrêt  du  19  mai  1663,  nonobstant  deux  mé- 
moires catholiques  joints  au  dossier. 

Le  premier,  rédigé  par  le  cardinal  Grimaldi,  arche- 
vêque d'Aix,  est  intitulé  :  «  Moyens  pour  obtenir  de  la 
piété  et  du  zèle  de  S.  M.,  pour  l'extirpation  de  l'héré- 
sie, la  démolition  du  temple  de  Mérindol.  »  L'auteur 
expose  que  Mérindol  compte  150  maisons  ou  familles, 
dont  1 3  5  protestantes  et  1 5  catholiques,  que  de  l'église 
on  entend  le  chant  des  Psaumes  du  temple;  que  si  les 
édits  défendent  de  construire  des  temples  ailleurs  que 
dans  les  faubourgs  des  villes,  à  plus  forte  raison  défen- 
dent-ils de  les  agrandir;  que  celui  de  Mérindol  a  été 
agrandi  après  1650,  qu'il  mesure  25  cannes  carrées 
en  œuvre  et  a  empiété  sur  les  écuries  du  moulin  de  la 


400  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

communauté  ;  enfin  qu'il  a  été  bâti  sur  un  terrain  ecclé 
siastique. 

Le  second  Mémoire,  qui  porte  le  simple  titre  de 
«  Mémoire  contre  le  temple  de  Mérindol  ,  »  rappelle 
que  l'édit  de  Saint-Germain-en-Laye  du  15  août  1570 
autorisa  l'exercice  de  la  religion  réformée  dans  les 
faubourgs  de  Mérindol  et  de  Forcalquier;  qu'à  cette 
époque  le  temple  était  situé  à  mille  pas  du  village  et 
que,  quelques  années  après,  les  Mérindoliens  trans- 
portèrent leur  résidence  près  du  temple,  qui  se  trouva 
ainsi  bâti  au  milieu  du  nouveau  village.  Pareille  chose 
arriva  pour  l'église  paroissiale,  qui  ne  fut  construite 
qu'à  quinze  pas  du  temple.  Le  Mémoire  ajoute  que  le 
tempje  se  composait  de  deux  parties  :  l'une  fort  an- 
cienne et  l'autre  qui  avait  été  bâtie,  il  y  avait  environ 
trente-cinq  ans,  sur  un  fond  appartenant  à  la  commune, 
sans  la  permission  de  l'archevêque  de  Marseille,  seigneur 
de  Mérindol  ;  que  la  commune  avait  toujours  été  censée 
catholique  et  qu'il  était  probable  que  ce  temple  avait 
été  construit  avec  son  argent  (!).  . 

Le  Parlement  d'Aix,  le  7  janvier  1670,  condamna 
divers  particuliers  de  Mérindol  pour  «  irrévérences  com- 
mises contre  le  saint  sacrement  de  l'autel.  »  Il  avaient 
demandé  le  renvoi  de  leur  cause  devant  la  Chambre  de 
l'édit  de  Grenoble;  mais  ils  furent  déboutés  de  leur 
requête  parce  qu'aux  termes  des  art.  36  et  38  de  la  décla- 
ration royale  de  1669,  abrogeant  celle  de  1666,  «  ceux 
de  la  religion  devaient  cesser  de  chanter  dans  leurs 
temples  quand  le  saint  sacrement  passait  devant  iceluy, 
et  que  ,  le  rencontrant  par  les  rues ,  ils  étaient  tenus  de 
se  retirer  ou  de  se  mettre  en  état  de  respect  (1).  » 


(i)  Suite  d'arrcsts  notables  de  la  Cour  de  Parlement  de  Propence,  par  de 
Boniface  ,  t.  I  ,  chap.  XXI. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  40 1 

En  1682,  Mérindol  comptait  900  habitants  réformés. 

Pasteurs  :  Jean  Bonpart  ,  1651  ;  Jean  Peréri,  1545 
et  1 561;  Jean  Bouer,  1580;  puis  1 588-1 595  (Mérindol 
et  Lourmarin  réunis),  et  1595  (Mérindol  seul);  Barthé- 
lémy Récend,  1603-1611;  Jacques  de  La  Planche, 
1612-1620;  P.  Piélat,  1626;  André  Bernard,  1637; 
Charles  Agnel,  1660-1664;  Théophile  Pouyer  (premier 
pasteur),  1665-1671  ;  Bernard  (second  pasteur),  1666- 
1677;  Gaudemar,  1680  (i). 

LOURMARIN,  Cadeiiet  et  la  Roque-d'Antheron. 
(Vigueries  d'Apt  et  d'Aix.) 

Les  réformés  de  Lourmarin,  lieu  presque  entièrement 
protestant,  célébraient,  de  temps  immémorial,  leur  culte 
dans  l'église  catholique  ,  convertie  en  temple.  Les  com- 
missaires exécuteurs  de  1601  la  leur  ayant  ôtée  ,  ils  bâti- 
rent un  temple  et  jouirent  sans  contestation  de  leur 
droit  d'exercice  jusqu'en  1661.  A  cette  époque  le  Con- 
seil du  roi ,  ayant  été  saisi  d'une  requête  des  syndics  et 
clergé  d'Aix  et  de  l'évêque  de  Marseille  tendant  à  l'inter- 
diction de  l'exercice  à  Lourmarin  et  à  la  démolition  du 
temple,  décida  que  le  ministre  et  les  anciens  de  Lour- 
marin feraient  la  preuve  parpiéces  originales  que  l'exer- 
cice avait  été  pratiqué  dans  ce  lieu  en  1596  et  1597  et 
renvoya  les  parties  devant  les  commissaires  exécuteurs 
nommés  l'année  d'avant.  Bien  que  la  preuve  ne  laissa 
rien  à  désirer  comme  évidence,  le  commissaire  catholi- 
que opina  en  faveur  de  l'interdiction  de  l'exercice  et  de 
la  démolition  du  temple.  Pourtant  le  village,  ne  renfer- 
mait à  cette  époque  que  vingt  familles  catholiques.  Le 
commissaire  protestant  ayant  émis  un  avis  contraire,  un 


(i)  Arch,  nation.,  252,  23;,  2;6,  257,  288  B. 

26 


402  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

procès  verbal  de  partage  fut  signé  à  Pertuis  le  H)  mai 
1662  et  renvoyé  au  roi  qui,  statuant  en  son  conseil  le 
4  mai  1663,  ordonna  la  suppression  de  l'exercice  à 
Lourmarin  et  la  démolition  immédiate  du  temple,  à  moins 
que  les  réformés  ne  voulussent  l'abattre  eux-mêmes, 
moyennant  quoi  les  matériaux  leur  appartiendraient. 
L'historien  Pitton  nous  apprend  que  la  démolition  du 
temple  de  Lourmarin  fut  due  aux  obsessions  de  Gri- 
maldi ,  archevêque  d' Aix,  et  l'historien  Honoré  Bouche, 
que  Du  Chaîne,  chanoine  et  grand  vicaire  de  Grimaldi, 
assista  à  la  démolition  des  temples  du  ressort  de  l'arche- 
vêché d'Aix,  qui  eut  lieu  le  26  juin  1663. 

Pierre  Texier,  ancien  du  consistoire  de  Lourmarin, 
représenta  les  églises  de  Provence  au  synode  national 
de  La  Rochelle  de  1607  et  à  celui  de  Saint-Maixent 
de  1609.  Jean  Monastier,égalementanciendu  consistoire 
de  Lourmarin,  représenta  les  mêmes  églises  au  synode 
national  d'Alençon  de  1637. 

En  1682,  Lourmarin  comptait  mille  habitants  réfor- 
més (  250  familles),  et  de  1588  à  1619  il  se  célébrait 
dans  l'église  une  moyenne  de  soixante  à  soixante  et  dix 
baptêmes  par  an. 

Annexes  :  La  Roque-d'Antheron  et  Cadenet. 

La  Roque-d' Antheron.  —  Les  syndics  généraux  du 
clergé  de  Provence  demandèrent  aux  commissaires  exécu- 
teurs de  l'édit  de  Nantes  de  1662  la  démolition  du  tem- 
ple de  ce  lieu  et  la  suppression  de  l'exercice.  Le  com- 
missaire catholique  accéda  à  leur  vœu,  à  la  réserve  tou- 
tefois que  le  temple  serait  converti  à  un  autre  usage. 
Le  commissaire  protestant  opina  au  contraire  pour  que 
le  temple  et  l'exercice  fussent  maintenus.  En  1596  et 
1597,  remarquait-il,  l'exercice  se  faisait  à  La  Roque 
par  les  soins  du  pasteur  de  Lourmarin ,  comme  le  prouva 
l'enquête  ordonnée  en  septembre  i04opar  la  Chambre 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  403 

de  l'édit  de  Grenoble.  Sept  témoins  déposèrent  «  tout 
clairement  et  nettementcomme  d'une  chose  notoire,  que, 
depuis  plus  de  soixante  ans,  et  quelques-uns  depuis 
vingt-cinq  ans,  avant  les  troubles,  lesdits  habitants  de 
La  Roque  de  la  R.  P.  R.  faisaient  l'exercice  public 
de  leur  dite  religion  dans  le  temple  qu'ils  ont  audit 
lieu  par  le  ministre  de  Lourmarin ,  et  qu'ils  étaient  en 
possession  de  faire  audit  lieu  les  prières  publiques  par 
le  maître  d'école  à  défaut  du  ministre  ;  que  le  peuple 
s'assemblait  au  son  de  la  cloche  et  que  tous  leurs  papiers 
furent  brûlés  au  château  de  Gordes,  lors  des  guerres 
de  1592,  et  même  le  consul  de  La  Roque,  qui  était  de 
la  R.  P.  R.,  y  fut  tué.  »  A  la  suite  de  cette  enquête, 
l'exercice  fut  maintenu  à  La  Roque  par  arrêt  de  la 
Chambre  de  l'édit  de  Grenoble  du  22  février  1641,  et, 
le  16  septembre  de  la  même  année,  solennellement  réta- 
bli par  un  conseiller  de  ladite  Chambre,  qui  fit  ouvrir  le 
temple  et  prêcher  Pierre  Maurice,  pasteur  à  Lourma- 
rin, lequel  fit  encore,  le  lendemain,  la  prière  publique 
dans  le  temple  et  baptisa  un  enfant.  L'exercice  n'avait 
été  interrompu,  avant  cette  époque,  que  par  la  violence 
du  seigneur  du  lieu,  président  au  Parlement  de  Pro- 
vence, qui  avait  fait  rendre  un  arrêt  d'interdiction, 
s'appuyant  non  pas  sur  ce  que  les  protestants  n'avaient 
pas  de  droits ,  mais  sur  le  fait  qu'un  ministre  non  rési- 
dant y  faisait  l'exercice.  A  l'arrivée  des  premiers  com- 
missaires exécuteurs  de  1601  le  droit  des  habitants  réfor- 
més de  La  Roque  n'avait  pas  été  contesté,  et  ceux-ci 
en  jouirent  jusqu^en  1633,  alors  que  ledit  président  les 
en  dépouilla  par  le  motif  indiqué  ci-dessus.  Il  ne  saurait 
être  étonnant  du  reste,  faisait  encore  remarquer  le  com- 
missaire protestant ,  que  les  habitants  réformés  de  La 
Roque  n'eussent  pas  couché  leurs  actes  ecclésiastiques 
par  écrit  à  cause  de   la  proximité  du  Parlement  d'Aix 


104  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

qui,  en  avril  et  octobre  1596,  défendit  l'exercice  de  la 
relio-ion  réformée  dans  toute  la  Provence,  sous  peine  de 
confiscation  de  corps  et  de  biens.  Le  Président  au  Par- 
lement ne  s'était  pas  tenu  pour  battu  après  la  réouver- 
ture du  temple  en  1641  et,  trois  mois  après  le  départ 
du  conseiller-commissaire  de  la  Chambre  de  l'édit  de 
Grenoble,  il  avait  fait  murer  la  porte  du  temple  et  me- 
nacé les  réformés  que,  s'ils  osaient  continuer  leur  exer- 
cice, il  les  taillerait  en  pièces. 

Nous  ne  savons  ce  qu'il  advint  de  l'avis  émis  par  le 
commissaire  protestant,  mais  nous  n'avons  trouvé  aucun 
arrêt  du  conseil  du  roi  interdisant  l'exercice  à  La  Roque. 

En  1682,  cette  annexe  comptait  cent  familles  réfor- 
mées. 

Cadenet.  —  Dans  les  plaintes  portées  au  roi  par  les 
députés  du  synode  national  d'Alençon,  de  1637,  on 
exposait  que  l'exercice  était  autorisé  et  établi  à  Cade- 
net, en  1620.  avant  les  nouvelles  guerres  de  la  religion, 
et  qu'interrompu  à  cette  époque,  l'édit  de  grâce  de 
Nîmes,  de  juillet  1629,  en  avait  permis  le  rétablisse- 
ment ;  mais  que  les  commissaires  chargés  d'exécuter 
cet  édit  n'avaient  pu  remplir  leur  commission.  Le 
synode,  en  conséquence,  demandait  au  roi  de  rendre 
justice  aux  habitants  réformés  de  Cadenet,  d'autant  plus 
que,  dès  1625,  répondant  à  un  cahier  de  plaintes  qui 
lui  avait  été  adressé  cette  même  année,  le  roi  avait  ma- 
nifesté le  désir  que  l'exercice  fût  rendu  à  cette  église. 
Nous  ne  savons  s'il  fut  fait  droit  aux  nouvelles  plaintes 
du  synode  d'Alençon. 

En  1682,  Cadenet  comptait  cent  habitants  réformés 
(trente  familles). 

Il  y  avait  aussi  à  la  même  époque,  à  Lauris,  cent 
vingt  habitants  réformés  (vingt-cinq  familles). 

Pasteurs  :  De  Mercurins,  1 561  ;  Barras,  1 560;  Baus- 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT   DE    NANTES.  405 

san ,  1 560-1 572,  suppléé,  pendant  plusieurs  absences 
prolongées, par  Bouon  et  Franc;  George  Drujon,  1 580- 
1581  ;  Jean  Bouer,  1588-1595  ;  Jacques  de  La  Plan- 
che, 1595-1612;  Pierre  Maurice,  1612-1678;  second 
ministre  ou  suffragant ,  Jean  Poudrel  de  Corbière, 
1663  (I). 

Pasteur  de  La  Roque-d'Antheron  :  Manny,  1561. 

CABRiÈr<ES-D'AiGUES,  La  Molte-d' Aigiics ,  Peyp'm-d' Aiguës  , 
Sainl-Martin-if  Algues ,  La  Tour-d' Aiguës. 

(Viguerie  d'Apt.) 

Cabrières  et  ses  annexes  formaient  ce  qu'on  appelait 
«  L'Eglise  de  la  Vallée  d'Aiguës,  »  ou  simplement  de 
«  la  Vallée,  »  l'ancienne  Valmasque. 

Les  habitants  réformés  de  Cabrières  célébrèrent 
longtemps  leur  culte  dans  l'ancienne  église  catholi- 
que, qu'ils  pourvurent,  en  1603,  d'une  cloche,  achetée 
à  Avignon.  Un  arrêt  du  Parlement  de  Provence,  du 
2 1  juillet  1632,  leur  ayant  ôté  l'église,  ils  bâtirent  aussitôt 
un  temple.  Quelques  années  auparavant,  ils  avaient  eu 
à  souffrir  de  la  part  de  leurs  voisins  catholiques ,  car 
nous  voyons  une  délibération  du  conseil  communal  de 
Cabrières,  du  17  octobre  1623,  portant  qu'une  députa- 
tion  serait  envoyée  au  Parlement  pour  u  obtenir  injonc- 
tion contre  les  consuls  des  villes  et  lieux  circonvoisins 
et  des  villages  de  la  Val-d'Aigues  de  tenir  la  main  et 
prendre  garde  que  ne  soient  commis  aucun  excès  ni 
violences  »  contre  ceux  de  la  religion  réformée. 

Pendant  un  certain  nombre  d'années,  l'église  de  Ca- 


(i)  Aymon,  t.  II,  p.  590;  Benoit,  t.  III,  p.  164  ;  Arch.  nation.  TT,  252.  255, 
261,  288  B;  Divers  registres  de  bapt.  et  de  mariag.  aux  arch.  consister,  et 
commun,  de  Lourmarin  ;  Pitton,  Hist.  de  la  ville  d'Aix,  p.  271  ;  Honoré  Bou- 
che, t.  II,  p.  857. 


40(j  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

brières,  à  cause  du  chiffre  élevé  de  la  population  réfor- 
mée de  ses  annexes ,  eut  deux  pasteurs ,  dont  le  traite- 
ment était  fait,  non  pas  au  moyen  de  cotisations,  comme 
cela  avait  lieu  dans  la  plupart  des  églises  réformées , 
mais  par  une  impostion  de  trente  sols  par  livre  cadas- 
trale «  sur  tous  les  habitants  et  manants  de  Cabriè- 
res.  » 

L'église  jouit  sans  contestation  de  son  droit  d'exer- 
cice jusqu'au  14  juillet  i66î,  date  à  laquelle  le  Conseil 
du  roi,  ayant  été  saisi  d'une  requête  des  syndics  et 
clergé  d'Aix  et  de  l'évêque  de  .Marseille,  tendant  à 
l'interdiction  de  l'exercice  à  Cabrières  et  à  la  démoli- 
tion du  temple,  décida  que  les  ministres  et  les  anciens 
du  lieu  fourniraient  la  preuve  ,  par  pièces  originales , 
que  l'exercice  avait  été  fait  à  Cabrières  en  1596  et 
1597  et  renvoya  les  parties  devant  les  _  commissaires 
exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  nommés  l'année  d'avant. 
Bien  que  la  preuve  ne  laissât  rien  à  désirer  comme  évi- 
dence, le  commissaire  catholique  opina  néanmoins  pour 
que  l'exercice  fût  supprimé  et  le  temple  démoli.  Pour- 
tant, Cabrières  ne  renfermait  à  cette  époque  que  deux 
familles  catholiques,  qui  s'y  étaient  établies  depuis  quel- 
ques années  seulement.  Le  commissaire  protestant  ayant 
émis  un  avis  contraire  à  celui  de  son  collègue,  un  pro- 
cès-verbal de  partage  fut  signé  à  Pertuis  le  19  mai  1662 
et  renvoyé  au  roi  qui,  statuant  en  son  conseil,  ordonna, 
par  arrêt  du  4  mai  1663,  que  l'exercice  serait  supprimé 
à  Cabrières  et  le  temple  démoli  immédiatement,  à  moins 
que  les  habitants  réformés  ne  voulussent  l'abattre  eux- 
mêmes  dans  la  quinzaine,  moyennant  quoi  les  matériaux 
leur  appartiendraient.  Cette  mesure  leur  ayant  répugné, 
une  ordonnance,  du  27  juin  1663,  de  Blanc,  lieutenant 
général  commissaire  ,  les  obligea  à  payer  les  quatre- 
vingt-dix  livres  qu'avait  coûté  la  démolition  de  l'édifice. 


\ 


REGIME    DE    L  EDIT    DE    NANTES.  407 

En  1682,  Cabrières  comptait  six  cents  habitants  ré- 
formés (cent  trente  familles). 

Annexes  :    La   Motte-d' Aiguës,   Peypin-d' Aiguës  et 
Saint-Martin-d' Aiguës. 

La  Motie- d'Aiguës.  —  Comme  les  habitants  réformés 
de  Cabrières,  ceux  de  La  Motte  célébrèrent  d'abord 
leur  culte  dans  l'église  catholique,  qui  leur  fût  ôtée  par 
arrêt  du  Parlement  de  Provence  du  21  juillet  1632.  Ils 
construisirent  immédiatement  un  temple  et  en  jouirent 
paisiblement  jusqu'au  14  juillet  1661  ,  alors  que  le  con- 
seil du  roi,  ayant  été  saisi  d'une  requête  des  syndics  et 
clergé  d'Aix  et  de  l'évêque  de  Marseille,  tendant  à  la 
suppression  de  l'exercice  et  la  démolition  du  temple  de 
La  Motte ,  décida  que  le  pasteur  et  les  anciens  du  lieu 
fourniraient  la  preuve,  par  pièces  originales,  que  l'exer- 
cice avait  été  pratiqué  à  La  Motte  en  1 596  et  1597  et 
renvoya  les  parties  devant  les  commissaires  nommés 
l'année  d'avant.  La  preuve  fut  faite,  mais  le  commissaire 
catholique  n'en  opina  pas  moins  dans  le  sens  des  pré- 
tentions catholiques.  Son  collègue  protestant  ayant  émis 
un  avis  contraire,  un  procès-verbal  de  partage,  signé  à 
Pertuis  le  19  mai  1662,  fut  envoyé  au  roi  qui,  par  un 
arrêt  du  4  mai  1663,  rendu  en  son  conseil,  ordonna  que 
l'exercice  serait  supprimé  à  La  Motte-d'Aigues  et  le 
temple  démoli  tout  de  suite ,  à  moins  que  les  habitants 
réformés  ne  voulussent  l'abattre  eux-mêmes,  auquel  cas 
les  matériaux  leur  appartiendraient.  Pourtant,  le  sixième 
seul  des  habitants  de  La  Motte  étaient  catholiques, 
encore  ne  s'étaient-ils  établis  dans  la  commune  que 
depuis  quelques  années. 

En   1682,   La  Motte  comptait  trois  cent  cinquante 
habitants  réformés  (quatre-vingts  familles). 

Peypin-d'' Aiguës.   —   L'exercice  fut   supprimé  dans 
cette  annexe  et  son  temple  démoli  par  arrêt  du  conseil 


408  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

du  roi,  du  14  juillet  1661  ,  à  la  requête  des  syndics  et 
clergé  d'Aix  et  de  l'évêque  de  Marseille,  sans  que  la 
question  fût  soumise  à  l'examen  de  commissaires  spé- 
ciaux. 

En  1682,  Peypin  renfermait  deux  cent  vingt-cinq  ha- 
bitants réformés  (cinquante  familles). 

Saint-Martifi'd' A igiies  (aujourd'hui  de  La  Brasque). — 
Cette  annexe  fut  privée  de  son  droit  d'exercice  par  le 
même  arrêt  rendu  à  la  requête  des  mêmes  personnes. 

En  1682,  Saint-Martin  comptait  deux  cent  cinquante 
habitants  réformés  (cinquante  familles). 

Il  y  avait  aussi  des  protestants  à  Sannes  :  cent  qua- 
rante habitants  (quarante-trois  familles),  et  à  La  Tour- 
d'Aigues  six  familles. 

Pasteurs  de  Cabrières  :  Jean  Nicolet  1580  ;  Théo- 
dore Colladon ,  1599;  Barthélémy  Récend ,  1601- 
1602;  Antoine  de  Croze  (premier  pasteur),  1 602-1 644; 
Alexandre  Maurice  (second  pasteur),  1640-1662;  Salo- 
mon  Poucel,  1663-1678  (1). 

Pasteur  de  La  Motte-d'Aigues  :  De  La  Salle,  1^61. 

EYGUIÈRES,    SéliaS. 
(Vigueries  d'Aries  et  de  Tarascon.) 

Cette  église  fournit  deux  députés  aux  synodes  natio- 
naux :  en  1614,  Balthazar  (2)  de  Gérente ,  sieur  de 
Varages,  ancien  du  consistoire  d'Eyguières,  qui  repré- 
senta les  églises  de  Provence  au  synode  national  de 
Tonneins,  assemblé  cette  même  -année  ;  et,  en   16]  i  , 


(i)  Arch.  nation.  TT,  252,  255,  288  B;  Arch.  commun,  de  Cabrières- 
d'Aigues. 

(2)  Le  prénom  de  Balthazar  est  peut-être  une  erreur  et  paraît  plutôt 
appartenir  au  frère  du  sieur  de  Varages,  Balthazar  de  Gérente,  baron  de 
Scnas,  petit-fils  de  Fillustre  défenseur  deSisteron. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  409 

Pierre  de  Peyre,  seigneur  de  Cabardet,  également  an- 
cien du  même  consistoire  ,  qui  fut  député  au  synode 
national  de  Charenton. 

Les  habitants  réformés  d'Eyguières  jouirent  paisible- 
ment de  leur  droit  d'exercice  jusqu'au  i8  septem- 
bre 1647,  alors  que  le  seigneur  catholique  du  lieu, 
qui  portait  également  le  nom  d'Eyguières  ,  présenta  au 
Parlement  de  Provence  une  requête  tendant  à  interdire 
le  prêche  dans  cette  église  et  à  faire  défense  aux  réfor- 
més de  se  pourvoir  ailleurs  qu'audit  Parlement.  «  L'ar- 
rêt fut  conforme  à  sa  demande,  »  dit  Benoit,  «  mais 
les  habitants  d'Eyguières  ne  laissèrent  pas  de  se  pour- 
voir à  Grenoble  et  d'y  obtenir  commission  pour  faire 
assigner  leurs  parties.  Le  seigneur  y  fut  ajourné  en  con- 
séquence avec  son  procureur  fiscal  ou  juridictionnel  et 
le  vicaire  de  la  paroisse;  mais  le  Parlement  les  déchar- 
gea de  l'assignation  par  un  arrêt  du  dixième  de  décem- 
bre et  défendit  aux  réformés  de  procéder  ailleurs  que 
devant  lui.  Cette  affaire  eut  des  suites  au  delà  de  cette 
année  [1647].  ^^  seigneur  d'Eyguières  fit  mettre  en 
prison  Pierre  et  Honoré  Sabatier  qui,  pour  être  prison- 
niers, ne  perdirent  pas  courage.  Ils  firent  informer  con- 
tre lui  en  vertu  des  commissions  de  la  Chambre  de  Gre- 
noble. Il  ne  manqua  d'en  porter  la  plainte  au  Parlement 
de  Provence,  qui  ordonna,  le  onzième  de  janvier  [1648], 
que  les  informations  fussent  remises  à  son  greffe  à  moins 
de  dix  mille  livres  d'amende  ,  avec  défense  à  toutes  per- 
sonnes de  transporter  la  juridiction  de  la  Cour  et  à  tous 
huissiers  ou  sergents  d'en  faire  les  exploits,  à  peine  de 
trois  mille  livres  d'amende ,  de  suspension  et  d'autre 
peine  arbitraire  ;  et ,  le  quatorzième  du  même  mois ,  il 
débouta  les  prisonniers  du  déclinatoire  qu'ils  avaient 
proposé  ,  demandant^leur  renvoi  à  la  Chambre  de  Gre- 
noble. Cela  ne  lui  sembla  même  pas  suffisant  pour  les 


410  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

punir  de  leur  audace.  Mais,  comme  ils  avaient  appelé 
d'une  sentence  du  lieutenant  général  d'Arles  qui  avait 
décrété  contre  eux ,  le  même  arrêt  déclara  que  ,  faute 
d'avoir  cotté  leurs  griefs  dans  le  terme  de  l'ordonnance, 
ils  n'étaient  plus  recevables  à  l'appel  interjeté...  Plus 
de  deux  ans  après  il  y  eut  encore  arrêt',  le  vingt-deuxième 
de  juin  ,  qui  déboutait  les  réformés  et  le  ministre 
d'Eyguières  du  déclinatoire  requis,  cassait  les  procédu- 
res faites  à  leur  requête  sur  les  commissions  du  Parle- 
ment de  Grenoble;  défendait  à  tous  les  juges  et  officiers 
d'exécuter  aucun  arrêt  ou  décret  de  cette  Chambre  sur 
les  faits  contenus  aux  informations,  et  mettait  en  prise 
de  corps  un  juge  et  un  sergent,  qui  avaient  obéi  auk 
arrêts  de  la  Chambre.  Ce  Parlement,  transféré  d'Aix  à 
Arles,  était  brouillé  avec  la  Cour,  et  la  province  était 
agitée  des  mêmes  troubles  que  le  reste  du  royaume; 
mais  ces  grandes  affaires  ne  firent  point  oublierau  Par- 
lement ses  injustices  accoutumées.  Pendant  ces  vexa- 
tions on  ne  manqua  pas  de  se  pourvoir  au  Conseil  qui, 
après  diverses  fuites,  donna  un  arrêt,  le  28®  de  décem- 
bre 1648,  qui  maintenait  les  réformés  dans  leurs  privi- 
lèges, et  le  comte  d'Alais  eut  des  ordres  fort  exprès  de 
les  faire  exécuter.  Ce  prince  nomma  un  commissaire 
qui,  pour  toute  satisfaction  ,  reçut  du  seigneur  d'Eyguiè- 
res une  réponse  par  écrit,  signée-de  sa  main  ,  qui  por- 
tait que  ,  si  on  exécutait  l'arrêt,  il  s'y  opposerait  à  main 
armée.  Il  tint  parole  et,  en  i(^<,-{.  un  commissaire  de 
la  Chambre  de  Grenoble  étant  venu  pour  faire  exécuter 
un  nouvel  arrêt  du  Conseil  du  2^  de  septembre ,  le  sei- 
gneur prit  les  armes  et  empêcha  le  rétablissement  de 
l'exercice.  Le  duc  de  Mercosur,  gouverneur  de  la  pro- 
vince ,  voulut  faire  obéir  ce  seigneur  suivant  un  ordre 
exprès  du  roi  qu'il  avait  reçu  sur  ce  sujet ,  mais  il  n'eut 
pas  le  pouvoir  de  l'humilier,  et  ce  seigneur  lui  répondit 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  4I  I 

encore  une  fois  par  écrit,  signé  de  sa  main,  qu'il  s'oppo- 
serait par  les  armes  à  l'exécution  de  cet  ordre.  Il  joi- 
gnit à  toutes  ces  rébellions,  que  le  Parlement  de  Pro- 
vence autorisait,  des  vexations  et  des  cruautés  qu'il 
serait  trop  long  de  décrire,  de  sorte  qu'enfin  la  Cham- 
bre mi-partie  de  Grenoble  le  condamna  à  la  mort  et 
envoya  quelques-uns  de  ses  adhérents  aux  galères.  Mais 
après  cela,  il  eut  Taudace  de  se  pourvoir  au  Conseil, 
d'y  faire  assigner  l'église  ,  d'y  faire  par  provision  inter- 
dire l'exercice.  Il  obtint  même  des  lettres  d'abolition 
pour  lui  et  pour  ses  complices.  Il  fut  déchargé  du  devoir 
de  les  présenter  en  personne ,  et  il  les  fit  vérifier  au 
grand  Conseil,  qui  y  procéda  sans  que  les  parties  eus- 
sent été  appelées.  Les  réformés  voulurent  se  pourvoir 
contre  ces  irrégularités;  mais  ils  n'y  gagnèrent  rien  ,  et 
ils  furent  renvoyés  au  grand  Conseille  onzième  avril  1658. 
L'arrêt  ne  fut  pas  écrit  parce  qu'ils  déclarèrent  qu'ils 
aimaient  mieux  n'en  avoir  point  que  d'en  avoir  un  peu 
équitable.  Ainsi  une  affaire  si  importante  fut  abandon- 
née ,  et  dix  ans  de  rébellion  et  de  crimes  n'attirèrent 
même  pas  sur  le  coupable  la  honte  de  paraître  en  cri- 
minel devant  les  juges  et  de  répondre  sur  la  sellette. 
C'était  dire  assez  clairement ,  »  conclut  Benoit ,  «  que  les 
plus  grands  crimes  étaient  rémissibles  pourvu  qu'ils  ne 
fissent  de  mal  qu'aux  hérétiques,  de  qui  la  perte  était 
jurée.  » 

Les  tribulations  des  habitants  réformés  d'Eyguières 
paraissent  avoir  eu  un  terme  quelques  années  plus  tard, 
sans  doute  après  la  mort  du  seigneur  d'Eyguiéres.  Nous 
voyons  en  effet  un  pasteur  dans  ce  lieu  en  1665  et  nous 
pensons  que  l'exercice  y  était  déjà  rétabli  en  1660. 

En  1682,  Eyguières  renfermait  cent  cinquante  fa- 
milles réformées. 

Annexe  :  Senas,  résidence  de  la  famille  considérable 


412  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

de  ce  nom.  En  1682,  on  y  comptait  50  familles  réfor- 
mées. 

Il  y  avait  aussi,  en  1682,  des  réformés  à  Arles  (25),  à 
Mouriès  (75)  et  aux  Baux  (52).  Un  cahier  de  plaintes  du 
5  août  1617  ,  art.  III,  porte  que  les  habitants  réformés 
de  ce  dernier  lieu  ne  purent  être  rétablis  dans  l'exercice 
de  leur  religion,  quoiqu'ils  eussent  prouvé  qu'ils  y  avaient 
droit  suivant  l'édit. 

Dans  une  lettre  du  14  septembre  1679,  l'archevêque 
d'Arles,  en  envoyant  au  ministre  d'Etat  une  liste  de 
19  habitants  de  cette  ville  ,  tous  étrangers,  qui  s'étaient 
convertis  au  catholicisme,  ajoute  qu'il  avait  toujours 
empêché  que  les  hérétiques  s'établissent  dans  son  dio- 
cèse et  réussi  à  faire  changer  de  religion  aux  deux  ou 
trois  familles  qu'il  avait  trouvées  à  Salon  en  prenant  pos- 
session de  son  diocèse. 

Pasteurs  :  Pierre  Maurice,  1611-1612;  Paul  Mau- 
rice, 1620- 1647;  Charles  Maurice,  1665-1685(1). 

Pasteur  de  Sénas  :  Spiron,  1561. 

VELAUX-AIX- MARSEILLE. 
(Viguerie  d'Aix.) 

Les  commissaires  exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes 
de  1600  désignèrent  Velaux  comme  troisième  lieu  de 
bailliage  et  Joseph  Bonfils  ,  conseiller  du  roi,  lieutenant 
du  sénéchal  de  Provence  à  Aix,  rendit  une  ordonnance, 
le  23  février  1601,  pour  rendre  exécutoire  leur  décision, 
nonobstant  l'opposition  de  Bavoz  d'Ollioules ,  seigneur 
de  Velaux,  qui  demandait  l'interdiction  de  l'exercice.  Les 
réformés  de  Velaux  possédaient  déjà  un  temple  à  cette 


(i)  Benoît,  t.  III,  p.  8^-86;  —  Papiers  d'Hotman   de  Villers,    t.    IV  (Bi- 
bliolh.  de  la  Société  deVHist.  du  prct.  franc. ^:  Arch.  nation.  TT,  259. 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  413 

époque  et  jouirent  paisiblement  de  leur  culte  pendant  de 
longues  années;  mais  en  1661  les  syndics  généraux  du 
clergé  de  Provence  demandèrent  aux  commissaires  exé- 
cuteurs de  l'édit  de  Nantes  de  cette  époque  la  démolition 
du  temple  et  la  suppression  de  l'exercice.  Ces  derniers 
s'accordèrent  néanmoins  à  maintenir  l'un  et  l'autre,  par 
leur  ordonnance  du  29  mai  1661,  renouvelée  par  celle 
de  Pertuis,  du  19  mars  1662,  et  confirmée  par  un  arrêt 
du  conseil  du  roi,  rendu  le  4  mai  1663. 

Velaux,  ne  formait  qu'une  seule  et  même  église  avec 
Aix  et  Marseille,  mais  Texercice  n'était  pas  autorisé 
dans  ces  deux  dernières  villes.  Velaux  comptait  182  habi- 
tants réformés  en  1682. 

Aix. —  Les  habitants  réformés  du  lieu  ayant  demandé 
aux  commissaires  exécuteurs  de  1600  de  leur  faire 
octroyer  des  consuls  un  cimetière  particulier  pour  enter- 
rer leurs  morts ,  ces  derniers  leur  donnèrent  le  «  cazal 
de  Villeneuve,  »  et  comme  la  distance  de  Velaux  à  Aix 
était  considérable  et  qu'ils  auraient  bien  désiré  possé- 
der un  lieu  d'exercice  plus  rapproché,  ils  firent  insérer 
dans  ce  but  un  article  dans  un  cahier  de  plaintes,  pré- 
senté au  roi  par  l'assemblée  politique  de  Saumur  161 1, 
portant  que  le  lieu  d'exercice  qui  leur  avait  été  assigné 
était  fort  incommode;  mais  leurs  doléances  ne  furent 
pas  écoutées.  L'assemblée  politique  de  Grenoble 
de  161 5  se  plaignit  d'autre  part  au  roi  que  des  sépultu- 
res réformées  avaient  été  violées  à  Aix  et  des  enterre- 
ments empêchés. 

Pendant  que  la  capitale  de  la  Provence  commettait 
ces  attentats  contre  les  protestants,  qui  représentaient 
pourtant  la  lumière  et  le  progrès,  comme  l'histoire  des 
nations  protestantes  l'a  démontré  depuis,  elle  était  plon- 
gée dans  une  superstition  d'un  autre  âge  et  ajoutait  foi 
à  {'Histoire  nouvelle.,   merveilleuse  et  espowmntable  dun 


414  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

jeune  homme  d'Air  en  Provence,  emporté  par  le  diable  et 
pendu  à  un  amandier  pour  avoir  impiement  blasphémé  le 
Sainct  Nom  de  Dieu  et  mesprisé  la  Saincte  Messe;  deux 
siens  compagnons  estant  demeure:^  sans  aucun  mal;  arrivé 
le  dou^iesme  Janvier  de  la  présente  année  mil  six  cents 
quatorze  (i).  Il  s'agit  de  trois  jeunes  gens  qui  s'étaient 
rendus  dans  une  hôtellerie  d'Aix  pour  faire  un  dîner  et 
dont  deux ,  en  attendant  que  le  repas  fût  prêt ,  avaient 
jugé  convenable  d'aller  à  la  messe,  pendant  que  le  troi- 
sième ,  combattant  vivement  leur  projet .  se  mit  à  «  vo- 
mir une  infinité  d'exécrables  blasphèmes  contre  Dieu  , 
contre  la  sainte  messe  et  contre  ses  corripagnons ,  » 
ajoutant  a  qu'il  n'avait  que  faire  de  messe ,  qu'il  aimait 
mieux  faire  un  bon  dîner  et  qu'il  lui  ferait  plus  de  pro- 
fit. »  A  leur  retour,  les  deux  amis  trouvèrent  ivre  leur 
compagnon,  qui  recommença  ses  invectives  contre  eux 
et  contre  la  religion,  les  traita  de  bigots  et  d'hypocrites 
et  finalement,  à  la  suite  d'une  vive  altercation,  sauta  par 
la  fenêtre  et  alla  se  pendre  à  un  amandier  dans  un  accès 
de  délire  furieux.  Les  deux  amis  répandirent  alors  le 
bruit  que  le  diable  était  entré  dans  la  chambre  et  que , 
prenant  leur  malheureux  compagnon  par  les  cheveux , 
il  l'avait  élevé  en  l'air  et  emporté  par  la  fenêtre.  Quel- 
ques jours  plus  tard,  on  trouva  ce  dernier  pendu  à  un 
quart  de  lieue  d'Aix  et  l'on  prétendit  que  le  diable  l'avait 
tué  de  cette  façon. 

En    1682,  Aix  comptait  cent  habitants  réformés. 

Marseille.  — Le  20  septembre  1608,  Jacques  Gau- 
thier, maître  maçon  gypsier,  de  Marseille,  fit  un  testa- 
ment dans  lequel  il  manifesta  le  désir  d'être  enterré  à 
Marseille  et,  dans  ce  but,  fit  don  aux  habitants  réformés 


(i)  'i  Paris,  jouxte  la  Coppie  impriméeà  Lyon  »  (réimpriméeà  Lyon  par  Louis 
Perrin,  1874,  in-12). 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  41c 

de  la  ville  de  son  jardin  situé  au  «  quartier  de  l'Obser- 
vance. »  Un  demi-siècle  plus  tard,  le  4  avril  1658,  les 
anciens  du  consistoire,  Claude  Candolle  et  Isidore 
Chavoz ,  échangèrent  ce  cimetière  contre  un  jardin  des 
dames  religieuses  carmélites  qui,  ayant  obtenu  l'autori- 
sation de  fermer  une  rue  située  derrière  leur  couvent, 
barrèrent  par  ce  fait  le  passage  qui  conduisait  au  cime- 
tière protestant  primitif. 

Mentionnons,  pour  l'année  1669,  ia  conversion  au 
protestantisme  d'un  Marseillais,  nommé  Jean-Baptiste 
Blaïn,  réfugié  à  Genève,  qui  renonça,  le  12  mars,  «  à 
toutes  les  erreurs,  tant  générales  que  particulières,  fo- 
lies, idolâtries  et  superstitions,  qui  se  pratiquent  vaine- 
ment dans  l'Eglise  romaine,  et  particulièrement  à  ce  pré- 
tendu sacrifice  de  la  messe  au  préjudice  de  l'honneur 
de  Dieu  et  du  salut  des  pauvres  âmes  qui ,  étant  con- 
duites par  des  aveugles,  croupissent  et  meurent  dans 


leur  aveuglement.  » 


Marseille  comptait,  en  1682,  270  habitants  réformés 
(61  familles),  plus  37  forçats. 

L'église  de  Velaux-Aix-Marseille  fut  persécutée  plu- 
sieurs années  avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 
L'archevêque  d'Arles,  au  diocèse  duquel  ressortissait 
Velaux,  raconte,  dans  une  lettre  du  14  septembre  1679, 
qu'ayant  appris  que  les  jours  de  sainte  cène,  les  fidèles 
de  ce  lieu  faisaient  «  venir  des  ministres  étrangers  pour 
y  prêcher,  »  se  pourvut  par-devant  Rouillé,  intendant 
de  Provence,  pour  qu'il  le  leur  défendît,  et  que  ce  der- 
nier lui  donna  l'assurance  qu'il  édicterait  une  ordon- 
nance dans  ce  sens.  Mais  celle-ci  ne  fut  rendue  qu'en 
1684,  comme  le  montre  le  récit  suivant  :  a  Le  22  dé- 
cembre 168 [  déjà,  »  dit  Mœrikofer,  «  les  négociants 
suisses  établis  à  Marseille  se  plaignaient  à  la  diète  de 
ce  qu'ils  étaient  en  butte  à  l'inquisition  et  de  ce  que 


4l6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

eurs  malades  et  leurs  mourants  étaient  inquiétés  par  les 
prêtres.  Le  fait  que  Marseille  avait  été  déclaré  port 
franc  dès  1669  y  avait  attiré  beaucoup  de  négociants 
anglais,  hollandais  et  suisses;  ils  avaient  obtenu  de  cé- 
lébrer leur  culte  selon  le  rite  réformé ,  au  village  de 
Velaux,  à  cinq  lieues  de  Marseille  et  trois  lieues  d'Aix. 
On  voulait  maintenant  leur  en  retirer  l'autorisation.  Les 
ressortissants  de  ces  trois  Etats  s'adressèrent  à  leurs 
gouvernements,  demandant  qu'il  fût  fait  des  démarches 
auprès  du  roi.  Le  26  août  1684,  Georges  et  Barthé- 
lémy Zollikofer,  de  Saint-Gall,  envoyèrent  à  Zurich,  au 
nom  des  négociants  protestants  à  Marseille  ,  une  se- 
conde lettre  portant  que  défense  avait  été  faite  au  pas- 
teur de  prêcher  et  que  le  diacre  avait  été  jeté  en  pri- 
son ;  que  l'Angleterre  laissait  sans  réponse  la  requête 
qui  lui  était  parvenue  et  que  la  Hollande  n'osait  s'em- 
ployer pour  les  réformés  dans  la  crainte  que  la  France 
n'exigeât  pour  ses  propres  ressortissants  un  culte  catho- 
lique en  Hollande.  Ils  écrivaient  aussi  qu'ils  avaient  con- 
tre eux  tout  le  commerce  du  port ,  parce  que  les  négo- 
ciants étrangers  y  faisaient  plus  d'affaires  que  ceux  du  pays 
même.  »  jCette  démarche  n'aboutit  sans  doute  à  aucun 
résultat ,  mais  les  négociants  étrangers  demeurèrent  à 
Marseille,  comme  on  le  verra  dans  la  période  suivante. 

En  1682,  il  y  avait  aussi  des  protestants  à  Mimet 
(i  famille)  ,  à  Berre  (8  familles)  et  à  Saint-Savournin 
(9  familles,  faisant  36  habitants). 

Pasteurs  de  Velaux-Aix-Marseille  :  Maurice  avant 
1611  (?);  Barthélémy  Récend ,  1620- 1625  ;  Jacques 
Récend,  163  5-1637;  Jean  Bernard,  1660;  Barthélémy 
Bernard,  1664  (environ)- 1684  ;  François  Murât  (second 
pasteur),  1684  (i). 

Nostradamus  ,   p.    1088;   —  Anquez,  Hist.    des   assemblées  politiq 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT   DE   NANTES,  4I7 

Pasteurs  d'Aix  :  Claude  Boissier ,  1557;  Jacques 
Ruffi,  1 5  59  ;  M^  Jehan  Graignon ,  1559;  Guy  de  Mo- 
ranges  (dit  de  La  Garde),  1561  ;  Jean  Chabrand,  1561. 

Pasteurs  de  Marseille  :  Nicolas  Folion  (dit  La  Val- 
lée), 1559;  De  Mercurins,  1561  ;  Trophime  de  l'Aube, 
1562;  Molinon,  1567;  Pierre  Franc,  1572. 

MANOSQUE,  Forcalquier,  Ongles. 
(Vigueries  de  Forcalquier  et  d'Apt.) 

Le  colloque  de  Lourmarin  du  i^^  octobre  1600  fut 
invité  par  les  commissaires  exécuteurs  de  l'édit  de  Nan- 
tes en  Provence  de  cette  époque  de  désigner  Manos- 
que  comme  premier  lieu  de  bailliage  ou  de  sénéchaus- 
sée de  la  province,  mais  le  colloque,  se  fondant  sur  ce 
que  l'exercice  avait  été  déjà  autorisé  dans  le  faubourg 
de  cette  ville  par  l'édit  de  Poitiers  1577  (art.  7),  bien 
que  celui-ci  n'eût  pu  être  exécuté,  décida  qu'il  n'était 
pas  nécessaire  de  la  désigner  comme  lieu  de  bailliage 
et  choisit  Brignoles  à  sa  place  pour  ne  pas  priver  gra- 
tuitement d'un  lieu  de  culte  les  protestants  provençaux. 
Les  commissaires  ,  n'ayant  pas  voulu  entrer  dans  cette 
voie,  décidèrent,  le  23  février  1601,  que  l'exercice  serait 
établi  à  Manosque  à  titre  de  premier  lieu  de  bailliage , 
et  leur  ordonnance  fut  confirmée  par  arrêt  du  conseil 
du  roi  du  16  juin  16Ô7,  qui  désigna  comme  lieu  de 
réunion  la  bastide  du  sieur  de  Bersan  ,  située  au  ter- 
roir de  Pierre-Blanche,  proche  la  Durance.  Cette  bas- 
tide existe  encore  aujourd'hui  et  est  appelée  le  Prêche. 

Comme  ce  lieu  n'était  pas  à  proximité  de  Manosque, 
les  réformés  de  cette  ville  firent  insérer  dans  le  cahier 

p.  599  et  402  ;  —  Arch.  nation.  TT,  259,  289  A,  288  B;  —  Mss.  franc,  de  la 
biblioth.  de  Genève,  n»  197",  portef.  12;  —  Mœrikofer,  p,  184, 

27 


4l8  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

de  plaintes  présenté  au  roi  par  l'assemblée  politique  de 
Saumur,  lôii  ,  un  article  qui  déclarait  que  le  lieu  de 
Pierre-Blanche  était  fort  incommode  ;  et  ils  obtinrent , 
par  un  arrêt  du  conseil  du  roi  du  19  mai  1612,  qu'il 
leur  serait  permis,  suivant  l'avis  favorable  des  commis- 
saires exécuteurs  de  cette  époque  ,  de  bâtir  un  temple 
dans  la  terre  de  Catherine  Degremont  ou  dans  celle  de 
Jean-Pierre  Abrard,  son  mari,  en  la  combe  de  Gui- 
Ihem  Peyre,  à  deux  jets  de  pierre  de  la  ville.  Cet  arrêt 
leur  permettait  en  outre  de  faire  partie  de  la  maison 
commune  comme  consuls  ou  conseillers ,  vu  qu'ils  payaient 
le  douzième  de  l'allevrement  à  Manosque.  Quand  l'ar- 
rêt fut  rendu  ,  le  duc  Charles  de  Guise ,  alors  gouver- 
neur et  lieutenant  pour  le  roi  en  Provence  ,  assigna  le 
20  décembre  161 2  à  comparaître  devant  lui  à  Aix  ,  le 
15  avril  1613  ,  les  réformés  de  Manosque  pour  les  en- 
tendre et  se  transporter  ensuite  sur  les  lieux ,  afin  de 
recueillir  les  témoignages  des  habitants  des  deux  reli- 
erions sur  la  commodité  ou  l'incommodité  de  ce  nou- 

o 

veau  lieu  d'exercice.  Sur  ces  entrefaites  le  duc  de  Guise 
étant  allé  à  la  cour,  il  fut  sursis  à  l'exécution  de  l'arrêt 
du  conseil  pour  éviter  a  tout  désordre.  »  Quelque 
temps  après,  le  sieur  de  Montmeyan  ,  ayant  été  chargé 
par  le  duc  de  reprendre  l'affaire ,  se  transporta  sur  les 
lieux  et  assembla  les  notables  des  deux  religions.  Les 
catholiques  dirent  que  le  temple,  dans  ce  nouveau  lieu, 
serait  contigu  au  grand  chemin  public  où  passait  beau- 
coup de  monde  ;  que  c'était  là  que  se  donnaient  les  di- 
vertissements publics  et  qu'on  y  passait  deux  fois  par 
an  pour  se  rendre  en  procession  à  l'infirmerie  des  gens 
atteints  de  contagion  ;  enfin ,  que  le  temple  regarderait 
de  plein  front  une  des  portes  de  la  ville.  Les  protes- 
tants convinrent  eux-mêmes  que  ce  lieu  était  mal  choisi 
et  demandèrent  de  pouvoir  bâtir  leur  temple  au-dessous 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  419 

d'une  petite  colline,  distante  de  deux  cent  cinq  pas  en- 
viron dudit  lieu  et  appartenant  à  un  de  leurs  coreligion- 
naires de  Manosque.  Mais  deux  ou  trois  catholiques 
«  turbulents  »  s'y  opposèrent  en  disant  qu'il  fallait  s'en 
tenir  au  lieu  désigné  par  l'arrêt  du  conseil.  En  présence 
de  cette  opposition  ,  Montmeyan  décida  que  le  lieu 
choisi  par  les  premiers  commissaires  de  1601 ,  c'est-à- 
dire  Pierre-Blanche,  et  approuvé  par  l'arrêt  du  conseil 
du  roi  du  16  juin  1607,  serait  maintenu,  ou  bien  que  si 
les  protestants  voulaient  rapprocher  de  Manosque  leur 
temple,  ils  proposassent  «  un  lieu  qui  puisse,  »  dit  l'or- 
donnance, «  produire  un  commun  repos  à  tous  les  ha- 
bitants de  ladite  ville.  » 

En  1646,  l'affaire  de  l'approche  du  temple  était  en- 
core en  suspens  et  les  habitants  et  consuls  de 
Manosque,  craignant  qu'elle  ne  reçût  une  solution  pro- 
chaine, adressèrent  une  requête  au  comte  d'Alais,  gou- 
verneur et  lieutenant  général  pour  le  roi  en  Provence  , 
tendant  à  ce  qu'il  fût  sursis  à  son  examen  :  ce  que  le 
comte  leur  accorda  par  son  ordonnance  du  29  janvier. 
Cette  mesure  enhardit  les  catholiques,  qui  demandèrent 
purement  et  simplement  la  démolition  du  temple  de 
Pierre-Blanche;  et  nous  voyons,  par  un  acte  fait  à  Ar- 
les au  0  chapitre  provincial  dépendant  de  la  religion  de 
Malte,  ))  les  consuls  et  communauté  de  Manosque  pro- 
mettre au  bailli  de  leur  ville  et  au  grand  prieur  de  Saint- 
Gilles  de  les  indemniser  des  procédures  faites  en  leur 
nom  pour  supprimer  l'exercice  à  Manosque  et  dans  son 
terroir.  Les  Etats  du  pays  décidèrent,  en  août  1661,  que 
leurs  procureurs  se  joindraient  aux  procureurs  des  con- 
suls et  communauté  de  Manosque  pour  parvenir  aux 
mêmes  fins.  En  dernière  analyse,  le  conseil  du  roi  ren- 
dit ,  à  la  requête  des  consuls  et  communauté  de  Ma- 
nosque ,  un  arrêt  du  29  avril  1661  ,  portant  démolition 


420  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

du  temple  du  terroir  de  Manosque,  prohibant  l'exercice 
de  la  religion  réformée  sans  s'arrêter  à  l'ordonnance  du 
2""  février  1601  des  premiers  commissaires  exécuteurs 
de  l'édit  de  Nantes  et  aux  arrêts  du  conseil  du  16  juin 
1607  et  19  mai  1612,  mentionnés  plus  haut,  et  tous 
autres ,  et  renvoyant  l'examen  de  l'affaire  aux  nouveaux 
commissaires  nommés  le  15  avril  1661. 

Ceux-ci  ne  commencèrent  leurs  opérations  qu'en 
1662  et,  pour  influencer  leur  décision,  les  habitants  et 
consuls  de  Manosque  déclarèrent  (3  mai  1662)  que  leur 
ville  ne  renfermait  que  trente-deux  familles  réformées, 
formant  cent  cinquante  âmes ,  en  comptant  les  petits 
enfants  ;  et  que  ,  sur  ce  nombre ,  vingt-quatre  habitants 
de  Manosque  avaient  embrassé  la  religion  réformée  de- 
puis l'établissement  du  prêche  par  les  premiers  commis- 
saires exécuteurs.  Les  syndics  généraux  du  clergé  de 
Provence  demandèrent  de  leur  côté  la  démolition  du 
temple  de  Pierre-Blanche  et  la  suppression  de  l'exer- 
cice. Quant  aux  habitants  réformés  de  Manosque,  ils 
réclamèrent  l'exécution  de  toutes  les  ordonnances  des 
commissaires  antérieurs ,  notamment  l'autorisation  de 
rapprocher  leur  temple,  et  demandèrent  que  le  roi  fît 
injonction  aux  magistrats  de  tenir  la  main  à  ce  que  «  les 
habitants  de  ladite  religion ,  »  disent-ils ,  «  puissent 
aller  à  leur  dit  exercice  et  revenir  paisiblement  sans  être 
accablés  d'injures  atroces  par  des  personnes  qui  s'at- 
troupent aux  portes  de  la  ville  et  le  long  du  chemin  et 
qui  leur  jettent  des  pierres  jusques  au  lieu  de  leur  exer- 
cice, notamment  aux  femmes  et  aux  petits  enfants.  » 
Le  commissaire  protestant  opina  dans  le  sens  de  la  re- 
quête des  réformés ,  mais  le  catholique  se  borna  à 
maintenir  leur  droit  d'exercice  comme  premier  lieu  de 
bailliage,  sans  autoriser  toutefois  le  rapprochement  du 
temple  ,  parce  que ,  disait-il ,  il  y  avait  contradiction  en. 


REGIME    DE    L  EDIT    DE    NANTES. 


421 


tre  l'arrêt  du  conseil  du  16  juin  1607,  dont  se  préva- 
laient les  réformés,  et  un  autre  arrêt  du  3  juillet  1606, 
que  nous  n'avons  pas  retrouvé ,  qui  n'autorisait  pas  le 
rapprochement  du  temple.  Le  procès-verbal  de  partage 
des  commissaires  fut  signé  à  Pertuis  le  23  mai  1662  et 
renvoyé  au  roi  qui ,  statuant  en  son  conseil ,  ordonna  , 
le  4  mai  1663,  que  l'exercice  serait  maintenu  à  Manos- 
que ,  mais  qu'en  ce  qui  concernait  l'approche  du  tem- 
ple,  les  catholiques  pourraient,  vu  la  contrariété  des 
parties  entre  l'arrêt  du  conseil  du  3  juillet  1606  et  celui 
du  î6  juin  1607,  se  pourvoir  devant  Sa  Majesté. 

En  1622  ,  on  comptait  à  Manosque  cinquante  chefs 
de  famille  réformés,  suivant  la  déclaration  faite  sous  ser- 
ment au  juge  du  lieu  par  Esprit  Lombard.  Les  quarante 
plus  apparents  étaient  : 


Jean  Defauris. 
Jean  Guillaume. 
Philippe  Gaudemar. 
Antoine  Gaudemar. 
Paul  Gaudemar. 
Pierre  Gaudemar. 
Jean  Féraud. 
Josué  Féraud. 
Marcellin  Laugier. 
Pierre  Féraud. 
Jean  Granon. 
Honoré  Gaudemar. 
Jean  Féraud. 
Pierre  Portalis. 


Jean  Martin. 
Pierre  Faget. 
Marc  Masse. 
Etienne  Teissier. 
Joseph  Carriol. 
Melchior  Genoyer. 
Jean  Dufour. 
Pierre  Caudier. 
François  Taxil. 
Rolland  Génies. 
Pierre  Blaïn. 
Pierre  Guignet. 
Maurice  Resplendin. 
Michel  Reillet. 


Antoine  Melve. 
Jacques  Columbi. 
Antoine  Garcin. 
Isaac  Bourdin. 
Daniel  Peyre. 
Jean  Castagne. 
Henri  Blaïn. 
Joseph  Arbaud. 
Antoine  Larderet. 
Monet  Second. 
Etienne  Reillet. 
Gabriel  Reillet. 


En  1662,  les  50  chefs  de  famille  réformés  s'étaient 
réduits  à  32  (i  50  habitants),  comme  on  l'a  vu  plus  haut. 
En  1666,  même  nombre,  dont  20  non  natifs  de  Manos- 
que. En  1682,  142  habitants  réformés  (45  familles), 
sans  compter  200  protestants  au  moins  qui  venaient  du 


422  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

dehors  prendre  régulièrement  la  sainte  Cène  tous  les 
ans  à  Pierre-Blanche. 

Le  consistoire  de  Manosque  fournit  trois  représen- 
tants des  églises  de  Provence  aux  synodes  nationaux  : 
Jean  Furandi,  à  celui  de  Privas  de  1612;  Jean  Brun 
de  Castellane  ,  seigneur  de  Caille  ,  à  celui  de  Charen- 
ton  de  1644  (sur  sa  famille,  voyez  La  France  protestante, 
t.  III,  p.  40);  Jean  de  Moriès  ,  écuyer  d'Esparron  et 
de  La  Bâtie ,  à  celui  de  Loudun  de  1 5  59  (i). 

Annexes  de  Manosque  :  Forcalquier  et  Ongles. 

Forcaiquier.  —  Les  commissaires  exécuteurs  de  l'édit 
de  Nantes  de  l'année  1600  décidèrent,  le  14  décembre, 
qu'il  serait  pris  dans  «  un  enclos  proche  la  porte  Cham- 
bon  dudit  lieu ,  dans  un  carré  de  terre  fermé  de  deux 
côtés  la  quantité  de  huit  cannes  de  terre  en  carré  pour 
servir  de  cimetière  à  ceux  de  la  religion  prétendue  ré- 
formée. »  Quant  aux  commissaires  de  161 2,  ils  affran- 
chirent les  habitants  réformés  de  Forcalquier  de  l'obli- 
gation   de    contribuer  aux    réparations    des   églises   et 
condamnèrent  la  commune  à  leur  restituer  toutes  les 
sommes    que ,    pour    ce    regard ,    ils   pourraient   avoir 
payées  depuis  l'édit  de  Nantes.  D'autre  part,  les  habi- 
tants réformés  furent  condamnés  à  payer  à  la  commune, 
par  un   arrêt  du  conseil   privé    du   22   mai  1626,   une 
somme  de  1326  livres,  dont  nous  n'avons  pu  découvrir 
l'origine.    Une    transaction    intervint    entre    les    par- 
ties le  16  mars  1629,  et  les  habitants  réformés  demeu- 
rèrent débiteurs  d'une  somme  de  900  livres  seulement. 
Il  fut  en  outre  convenu  qu'on  renoncerait  à  toute  pour- 
suite criminelle  relativement  aux  dévastations  commises 
par  les  deux  partis. 

(i)  Féraud  ,  Hisi.  civ.  polit,  relig.  cl  hiogr.  de  Manosque,  p.  273  ,  289,  291  ; 
—  Achard,  Hist.  des  hoin.  illast.  de  Provence,  au  mot  Bernard  ;  —  Anqucz, 
Hisl.  des  assemblées  politiques,  p.  599;  —  Arch.  nation.  TT,  247,  288  B. 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  425 

Pour  ce  qui  est  du  droit  d'exercice,  les  habitants  ré- 
formés de  Forcalquier  en  jouirent  paisiblement  jusqu'à 
la  première  guerre  de  religion  du  dix-septième  siècle 
(1621),  époque  oij  il  fut  interrompu.  En  1625,  un  ca- 
hier de  plaintes,  présenté  à  Louis  XIII,  en  demanda  le 
rétablissement,  et  le  roi  y  ayant  consenti,  le  synode  na- 
tional de  Castres,  de  1626,  secourut  l'église  en  lui  al- 
louant une  portion  des  deniers  d'octroi  de  Sa  Majesté. 
L'année  suivante,  date  où  commença  la  troisième  guerre 
de  religion ,  il  y  eut  une  nouvelle  interruption  du  culte 
réformé  à  Forcalquier.  «  Un  certain  jour,  »  dit  M.  C.  Ar- 
naud..., «  les  catholiques,  cédant  on  ne  sait  à  quelle 
impulsion,  s'assemblèrent  tumultueusement,  assaillirent 
le  temple ,  y  mirent  le  feu  et  rossèrent  les  protestants  à 
mesure  qu'ils  sortaient.  Ceux-ci ,  justement  indignés  , 
se  plaignirent  à  l'autorité  municipale.  Le  conseil  de  la 
commune,  n'osant  pas  choquer  les  catholiques,  éluda  la 
question.  Il  répondit  que  le  fait  ne  le  regardait  pas.  » 
L'édit  de  grâce  de  Nîmes,  juillet  1629  ,  permit  le  réta- 
blissement de  l'exercice  à  Forcalquier,  mais  les  com- 
missaires chargés  d'exécuter  cet  édit  ne  purent  remplir 
leur  mission.  Les  choses  durèrent  ainsi  jusqu'en  1637  , 
alors  que  le  synode  national  d'Alençon  ,  réuni  cette 
même  année ,  demanda  justice  pour  les  habitants  réfor- 
més de  Forcalquier.  Nous  ne  savons  quelle  suite  fut 
donnée  à  cette  requête. 

En  1682,  Forcalquier  comptait  soixante  habitants  ré- 
formés (onze  familles)  (i). 

Ongles.  — Cette  église  jouit  paisiblement  de  son  droit 


(i)  Anquez,  Un  nowjcau  chapilrc ,  p.  184-186;  —  Aynioii,  t.  II,  p.  106  ;  — 
Décisions  roj-alcs ,  p.  U9,  M'^  ï  —  Archiv.  communales  de  Forcalquier, 
Actes  et  contrats,  BB,  44  ;  —  C.  Arnaud  .  VAbbc  de  la  Jeunesse,  p.  27  ;  — 
Aymon ,  t.  II,  p.  56. 


424  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

d'exercice  jusqu'en  1661  ,  alors  que  les  syndics  géné- 
raux du  clergé  de  Provence  demandèrent  aux  commis- 
saires exécuteurs  de  cette  époque  que  les  habitants  ré- 
formés d'Ongles  ne  pussent  faire  aucun  exercice  public 
de  leur  religion ,  ni  aucune  assemblée  particulière,  sous 
prétexte  de  baptêmes  et  de  visites  de  malades ,  ni  de 
chanter  des  psaumes  dans  leurs  boutiques  ou  autre 
part.  Le  commissaire  catholique  émit  un  avis  conforme 
à  ces  prétentions ,  mais  le  protestant ,  faisant  droit  en 
partie  à  la  requête  des  réformés  du  lieu,  représentés  par 
les  anciens  du  consistoire ,  Verdet ,  marchand ,  Verdet 
Charles,  ménager,  et  Verdet  David,  opina  pour  qu'ils 
fussent  admis  à  prouver  dans  les  quinze  jours  qu'ils 
avaient  joui  de  Texercice  en  1596  et  1597;  mais  que 
jusque-là  ils  ne  pussent  le  pratiquer  dans  leur  temple. 
Il  consentait  toutefois  à  autoriser  les  réunions  particu- 
hères  dans  les  maisons.  Le  procès-verbal  de  partage  , 
signé  à  Pertuis  le  20  mai  1662  ,  fut  envoyé  au  roi  qui, 
par  un  arrêt  du  4  mai  1663  ,  rendu  en  son  Conseil,  dé- 
cida que  le  temple  d'Ongles  serait  démoli  et  l'exercice 
supprimé  (i). 

En  1682,  Ongles  comptait  32  habitants  réformés 
(8  familles). 

A  la  même  époque  il  y  avait  à  Céreste  (2)  i  habitant 
réformé  ;  à  Banon  i  ;  à  Simiane  1 2  (2  familles)  ;  à  La- 
garde  18  (5  familles);  à  Mane  2;  à  Pierrevert  4  (i  fa- 
mille); à  Saint-Etienne  2  (i  famille)  ;  à  Sigonce  4  (i  fa- 
mille); à  Saumane  2  (i  famille). 

Pasteurs  :  Gaspard  de  Véza  ,  1561;  Gaspard  de 
Betze,  1 562  ;  Georges  Volland,  1 572  ;  E.  Huron,  1609  ; 
Philippe  Codurc ,    1603  ;  Jean  de   Cray,   161 7-1 622; 


(i)  Arch.  nation.  TT,  255  A,  288  B. 

(2)  Patrie  du  savant  Charles  Barbeyrac,  né  vers  1629. 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  ^2<y 

Paul  Gaudemar,  1626-1636;  Jean  Aymin,  1642-1644; 
Jean  Bernard,  164 5- 168 5. 

Pasteurs  de  Forcalquier  :  Balthazar  Boniface,  1 562  ; 
Bernardin  Codur,  1567  (de  passage)  ;  Jacques  Guérin, 
1 567  ;  Gaspard  Mense,  1572. 


SISTERON. 


(Vigueries  de  Sisteron  et  de  Forcalquier.) 

Cette  église  avait  pour  pasteur,  en  1620,  Mercurin, 
qui  passa  ensuite  au  service  de  l'église  de  Grasse. 
Comme  ce  pasteur,  qui  était  allé  porter  une  réclama- 
tion au  synode  général  de  Castres,  de  1626,  se  plaignit 
de  a  la  persécution  qu'il  avait  soufferte  de  la  part  des 
ennemis  de  l'Evangile,  »  et  d'un  ordre  exprès  d'empri- 
sonnement décerné  contre  lui  par  le  conseil  privé  du 
roi ,  nous  sommes  enclin  à  penser  qu'il  endura  cette 
persécution  à  Sisteron  même  et  que  c'est  à  cause  d'elle 
qu'il  quitta  l'église,  qui  vraisemblablement  perdit  pour 
toujours  son  droit  d'exercice.  De  La  Plane  dit  qu'à 
l'époque  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  «  il  y 
avait  longtemps  que  la  religion  réformée  n'avait  plus  de 
partisans  à  Sisteron.  Tous  avaient  disparu  dans  le  cours 
du  siècle  qui  venait  de  s'écouler,  les  uns  en  abandon- 
nant le  pays,  les  autres  en  abjurant  l'erreur...  Mais  dans 
certaines  parties  du  diocèse,  il  n'en  était  pas  de  même. 
Nombre  de  familles  y  conservaient  de  l'attachement  aux 
nouveaux  dogmes.  » 

Louis  de  Thomassin ,  évêque  de  Sisteron ,  avait  dé- 
ployé un  grand  zèle  pour  la  conversion  des  protestants 
de  son  diocèse.  Il  dit  lui-même  qu'il  avait  fait,  dans 
ce  but ,  des  sacrifices  pécuniaires  et  institué  des  ca- 
téchistes  spéciaux   à   leur   usage.    Néanmoins  ,    étant 


426  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

peu  rassuré  sur  la  solidité  des  conversions  qu'il  avait 
opérées,  il  adressa,  le  14  février  1685,  à  ses  nouvelles 
brebis,  une  Lettre  pastorale  pour  les  affermir  dans  la  foi 
catholique.  Il  redoutait,  surtout  pour  les  nouveaux  con- 
vertis ,  l'influence  de  leurs  anciens  coreligionnaires  qui 
n'avaient  pas  abjuré.  «  Les  loups  grondent  sans  cesse 
à  l'entour,  »  dit-il;  «  vous  avez  été  des  loups...  aujour- 
d'hui vous  êtes  des  agneaux  (i).  » 

En  1682,  Les  Omergues  comptaient  36  habitants  ré- 
formés (9  familles). 

Pasteurs  :  Jean  Chabrand,  1561  ;  Gaspard  de  Véza, 
1561,  1562;  Mercurin,  1620. 

sÉDERON,  Sault^  Barret-de-Liourc. 
(Vigueries  de  Sisteron  et  de  Forcalquier.) 

Le  synode  provincial  de  Grenoble  de  1602  et  le  sy- 
node de  La  Rochelle  de  1607  adjoignirent  cette  église, 
avec  Sault  et  Barret-de-Lioure ,  à  celle  de  Montbrun , 
située  en  Dauphiné,  jusqu'à  ce  que,  réunies,  elles  pus- 
sent avoir  un  pasteur  en  propre.  En  1626,  elles  jouirent 
de  ce  privilège,  et  Séderon,  qui  étaitlelieu  le  plus  con- 
sidérable de  la  contrée,  devint  le  centre  de  cette  petite 
agglomération  réformée,  qui  ne  paraît  pas  avoir  subsisté 
longtemps  comme  église  distincte  et  fut  sans  doute 
adjointe  à  l'église  de  Montbrun,  comme  elle  l'avait  été 
déjà  au  seizième  siècle  (2). 

En  1682,  on  comptait,  non  loin  de  là,  à  Ferrassières, 
12  habitants  réformés  (3  familles);  à  Montfroc,  i  famille. 


(i)  Hist.  de  Sisteron,  t.  II,  p.  151  ;  —  Lcltre  pastorale  de  Monseigneur  r Il- 
lustrissime et  Reperendissime  Evesque  de  Sisteron  aux  noupeaux  eonperlis  de  son 
diocèse. 

(2)  E.  Arnaud,  Hist.  des  prot.  du  Danph.,  t.   II,  p.  515. 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT   DE   NANTES.  427 

Il  y  avait  également  des  protestants  à  Eygalayes  et  à 
Revest-de-Bion.  Toutes  ces  localités  faisaient  partie 
des  terres  adjacentes  de  Provence  à  l'exception  de  la 
dernière. 

Pasteur  :  Jean  Bernard,  1626. 

Pasteur  de  Sault  :  Richard,  1566. 


CURBAN, 


(Viguerie  de  Sisteron.) 


Nous  n'avons  recueilli  aucun  renseignement  particu- 
lier sur  cette  église,  sinon  qu'elle  avait  pour  pasteur, 
en  1620,  J.  Maréchal,  et,  en  1626,  Ch.  Maréchal; 
encore  ces  deux  pasteurs  paraissent-ils  n'être  qu'un  seul 
et  même  personnage. 

SEYNE,  La  Bréolc ,  Sclonnct,  Rcmollon,  Espinasse. 

(Viguerie  de  Seyne  et  bailliage  d'Embrun.) 

L'édit  de  Beaulieu  de  1576  (art.  59)  et  celui  de  Poi- 
tiers de  1577  (art.  59)  avaient  donné  Seyne-la-Grand'- 
Tour  et  son  circuit  comme  place  d'otage  aux  réformés 
de  Provence,  et  une  lettre  de  Henri  III  du  5  janvier  1 579, 
confirmant  ce  privilège,  avait  confié  le  gouvernement  de 
la  place  à  Honoré  Matthan.  Son  droit  d'exercice  était 
donc  incontestable  et  il  fut  maintenu  par  les  commissai- 
res exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  de  1601  ,  161 2 
(19  mai),  et  1662  (18  mai).  La  question  du  mainden  du 
temple  souleva  seule  des  difficultés  à  cette  dernière 
date.  Les  syndics  généraux  du  clergé  de  Provence  pré- 
tendaient que  le  temple  avait  été  construit  sur  un  fonds 
appartenant  aux  Pères  dominicains ,  dont  les  réformés 
se  seraient  emparés  par  violence  pendant  les  troubles  , 


428  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

et  ils  en  demandaient  la  restitution.  Le  pasteur  Récend 
et  les  habitants  réformés  de  Seyne  établirent  au  con- 
traire que  le  temple  avait  été  bâti  sur  l'emplace- 
ment de  la  maison  de  Jeanne  Margaillane  (i),  acheté 
le  19  octobre  1598  par  les  réformés,  et  qu'il  ressor- 
tait d'un  acte,  produit  par  l'économe  lui-même  du  cou- 
vent des  Dominicains,  que  le  sol  de  cette  maison  ne  leur 
avait  jamais  appartenu.  Avant  de  trancher  la  question, 
les  commissaires  chargèrent ,  par  une  ordonnance  du 
18  mai  1662,  le  sieur  de  Caille,  gentilhomme  de  la  reli- 
gion réformée,  de  se  transporter  à  Seyne  pour  mesurer 
la  distance  qui  séparait  le  temple  du  couvent  des  Do- 
minicains et  de  la  chapelle  des  Pénitents.  Il  trouva  pour 
le  couvent  dix-huit  cannes  et  pour  la  chapelle  onze 
cannes  et  un  pan.  Il  constata  également,  dans  son  pro- 
cès-verbal du  24  mai  1662,  qu'entre  le  temple  et  les 
deux  autres  édifices  se  trouvaient  des  maisons  et  des 
jardins  appartenant  à  des  particuliers.  Le  commissaire 
catholique  ne  voulut  pas  se  rapporter  à  cette  expertise, 
car,  dans  l'exposé  des  motifs  de  son  procès-verbal,  il 
«  estime  qu'avant  de  faire  droit  sur  la  restitution  du 
fond  et  sol  du  temple ,  le  lieutenant  principal  du  séné- 
chal de  Provence,  avec  un  adjoint,  se  transportera  sur 
les  lieux  pour ,  en  présence  des  parties  ,  être  fait  mesu- 
rage  par  experts  ,  dont  elles  conviendront ,  de  la  dis- 
tance qu'il  y  a  du  temple  à  l'église ,  pour  ordonner  en 
suite  ce  que  de  raison.  »  Le  commissaire  protestant 
émit  l'avis  qu'il  fallait  n'avoir  aucun  égard  à  la  requête 
des  catholiques  et  conserver  le  temple ,  d'autant  mieux 
que  la  chapelle  des  Pénitents  n'était  pas  une  église  pa- 
roissiale ,  qu'on  la  construisait  encore  et  qu'on  l'avait 
rapprochée  du  temple  une  première  fois  de  deux  cannes 

(i)  Ailleurs  Madeleine  Palmier. 


RÉGIME  DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  429 

et  une  seconde  fois  de  quatre  cannes.  Néanmoins,  pour 
éviter  toute  contestation,  il  consentait  à  ce  qu'on  fermât 
deux  fenêtres  du  temple  du  côté  de  ladite  chapelle.  Le 
procès-verbal  de  partage  des  deux  commissaires  fut 
signé  à  Pertuis  le  27  mai  1662  et  envoyé  au  roi  qui, 
statuant  en  son  Conseil ,  maintint ,  par  son  arrêt  du 
.4  mai  1665,  l'exercice  à  Seyne,  mais  réserva  la  question 
de  l'emplacement  du  temple  et  décida  que  ses  confronts 
seraient  examinés  par  experts  pour  voir  si  le  sol  devait 
être  restitué  aux  catholiques.  Les  experts  constatèrent 
que  le  terrain  sur  lequel  le  temple  était  bâti  avait  été 
acquis  par  les  Jacobins  en  1507,  «  sur  quoi,  »  dit  Be- 
noît, «  sans  s'informer  plus  particulièrement  et  comment 
les  réformés  étaient  entrés  en  jouissance  de  ce  fonds , 
le  roi  les  condamna,  par  arrêt  du  12^  mai  1664,  à  le 
restituer  aux  Jacobins,  sans  parler  du  remboursement.  » 

L'église  de  Seyne  était  pauvre  et  eut  recours,  vers  le 
milieu  du  dix-septième  siècle,  à  l'assistance  de  la' com- 
pagnie des  pasteurs  de  Genève  par  l'intermédiaire  du 
bureau  du  synode  provincial  de  Lacoste  du  30  mai  1658, 
qui  lui  écrivit,  à  cette  date,  la  lettre  qui  suit  : 

«   Messieurs  et  très  honorés  frères  , 

»  Les  ruisseaux  qui  découlent  de  votre  charité  pater- 
nelle sont  en  si  grand  nombre  et  tellement  connus  à  tous 
les  nôtres,  qu'il  nous  convient  d'y  avoir  maintenant  re- 
cours en  faveur  d'une  pauvre  et  désolée  église  que  nous 
avons  au  lieu  de  Seyne,  laquelle  étant  recueillie  en  petit 
nombre  parmi  grande  multitude  d'adversaires  et  sur- 
chargée de  beaucoup  de  nécessités ,  peut  à  grand'peine 
subsister  si  elle  n'est  secourue  par  la  charitable  libéra- 
lité de  nos  frères  :  ce  qui  l'a  obligée  de  jeter  les  yeux  sur 
vos  S.  compassions  et  d'implorer  les  entrailles  de  votre 
bonté  pour  puiser  quelques  gouttes  de  cette  douce  et  con- 
solatoire  rivière  qui  réjouit  toute  la  cité  du  Seigneur  ;  vous 


430  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

suppliant  humblement,  puisque  ladite  église  est  de  cette 
province ,  de  lui  faire  part  de  cette  grande  abondance 
que  vous  communiquez  à  tant  d'autres.  Et  sommes  assu- 
rément persuadés  que  vous  recevrez  en  bonne  part  les 
humbles  requêtes  que  nous  vous  présentons  et  regar- 
derez de  l'œil  pitoyable  de  votre  charité  une  pauvre 
église,  laquelle,  faute  de  prompt  secours,  est  en  danger 
d'une  entière  et  totale  ruine  :  ce  qui  l'obligera  d'autant 
plus,  et  nous  avec  elle,  d'élever  ses  coeurs  et  ses  sou- 
haits à  Dieu  pour  la  continuation  de  ses  plus  précieu- 
ses bénédictions  sur  vos  personnes  et  S.  labeurs  en  sa 
maison  pour  l'avancement  du  règne  de  notre  Seigneur 
Jésus  et  la  continuelle  consolation  de  tous  vrais  fidèles. 
Nous  prions  le  Père  des  lumières  et  auteur  de  toute 
bonne  donation  de  vous  avoir  en  sa  plus  singulière  re- 
commandation ,  et  vous ,  de  nous  faire  cet  honneur  de 
nous  avoir  invariablement,  Messieurs  et  très  honorés 
frères,  vos  très  humbles,  très  affectionnés  et  très  obéis- 
sants frères  et  serviteurs  au  Seigneur,  les  pasteurs  et 
anciens  des  Eglises  réformées  de  Provence,  assemblés 
en  synode  et  pour  eux  : 

»  Maurice,  modérateur  de  l'action;  Bernard,  ad- 
joint; RouRE,  secrétaire. 

»  A  Lacoste,  ce  30  mai  1658.  » 

La  compagnie  des  pasteurs  de  Genève  répondit,  le 
Sdécembre  suivant,  que,  malgré  les  nombreuses  deman- 
des de  secours  qui  lui  arrivaient  de  toutes  parts,  elle 
envoyait  un  subside  de  cinquante  écus  à  l'église  de 
Seyne. 

En  1685,  à  la  veille  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nan- 
tes, l'église  de  Seyne  paraît  avoir  entièrement  disparu. 
Les  protestants  n'y  possédaient  même  plus  de  cimetière, 
et  la  ville  était  remplie  «  de  mutins  acharnés  contre  ceux 
de  la  religion,  les  veillant  avec  grand  soin  à  cause  du 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT   DE   NANTES.  431 

passage  de  Barcelonne  (Barcelonnette) ,  qui  conduit  en 
Piémont  et  Savoie  (i).  » 

Annexes  :  La  Bréole,  Selonnet,  Remollon  et  Espi- 
nasses. 

La  Bréole.  ' —  Cette  localité,  comprise  dans  le  «  cir- 
cuit de  Seyne  »  et  dépendant  de  son  mandement,  jouis- 
sait de  l'exercice  depuis  1571  et  même  avant,  mais  ne 
paraît  pas  avoir  eu  longtemps  des  pasteurs  en  propre. 
Dans  les  premières  années  du  dix-huitième  siècle,  elle 
ne  forma  qu'une  seule  et  même  église  avec  Seyne,  dont 
elle  devint  une  simple  annexe.  Elle  jouit  paisiblement  de 
son  droit  d'exercice  jusqu'en  1662,  alors  que  les  syndics 
généraux  du  clergé  de  Provence,  se  fondant  surla  décla- 
ration du  roi  du  2  décembre  1634  (enregistré  par  la 
Chambre  de  l'édit  de  Castres  le  5  janvier  1635),  4^^^ 
défendait  aux  pasteurs  de  prêcher  en  dehors  du  lieu 
de  leur  résidence ,  demandèrent  aux  commissaires  exé- 
cuteurs de  cette  époque  de  supprimer  l'exercice  à  La 
Bréole.  Divisés  sur  la  question,  les  commissaires  signè- 
rent à  Pertuis,  le  27  mai  1662,  un  procès-verbal  de 
partage  et  l'envoyèrent  au  roi ,  qui ,  par  arrêt  de  son 
Conseil  du  4  mai  1663  ,  ordonna  que  le  temple  serait 
démoli  et  l'exercice  supprimé. 

Selonnet.  —  Les  deux  commissaires  susnommés  s'ac- 
cordèrent à  supprimer  l'exercice  dans  cette  annexe, 
par  leur  ordonnance  du  27  mai  1662. 

Quant  à  Texercice  de  Remollons  et  Espinasses,  situés 
dans  le  bailliage  d'Embrun  en  Dauphiné ,  ils  déclarè- 
rent dans  la  même  ordonnance  qu'ils  y  pourvoieraient 
quand  ils  transporteraient  leurs  opérations  dans  cette 
province.  Nous  n'avons  pu  retrouver  leur  jugement. 
Peut-être  n'en  rendirent-ils  aucun. 

(i)  Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t,  XXXI ,  p.  514  et  J67. 


% 

43  2  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

Pasteurs  :  Siméon  de  Lacombe ,  1586;  Pierre  Chn- 
lier,  1 596-1637;  Récend  ,  1660. 

Pasteur  de  La  Bréole  :  De  Chamforan,  1603  (i). 

RiEz-ROUMOULES,  Puimoisson. 

(Vigueries  de  Moustiers,  Barjols,  Castellane.) 

L'église  de  Riez,  ville  épiscopale  ,  avait  pour  adjointe 
Roumoules ,  située  dans  son  voisinage.  Mais  l'exercice 
n'était  autorisé  que  dans  cette  dernière  localité,  oij  sié- 
geait le  consistoire  et  se  trouvait  le  lieu  de  culte.  Jus- 
qu'en 1644  les  réformés  de  cette  église  jouirent  paisi- 
blement de  leur  droit  d'exercice  ;  mais  à  cette  époque 
Grimaud,  seigneur  de  Régussis  ,  Roumoules  et  autres 
lieux,  entre  les  mains  de  qui  tomba  la  seigneurie  de 
Roumoules,  fit  tous  ses  efforts  pour  les  en  priver.  Dans 
le  but  de  conjurer  le  danger  qui  les  menaçait,  les  anciens 
du  consistoire  de  Roumoules  adressèrent  une  requête 
à  la  Chambre  mi-partie  de  Grenoble,  où  ils  déclaraient 
que  l'exercice  se  faisait  à  Roumoules  depuis  un  temps 
immémorial  et  n'y  avait  jamais  subi  d'interruption ,  et 
demandaient  qu'il  plût  à  la  Chambre  de  nommer  deux 
commissaires,  l'un  catholique  et  l'autre  protestant,  pour 
•constater  cette  ancienneté.  Les  deux  commissaires  dési- 
gnés entendirent  plus  de  soixante  témoins ,  âgés  de 
soixante  et  dix  à  quatre-vingts  ans ,  et  tous  catholiques  , 
qui  confirmèrent  la  déclaration  des  anciens  du  consis- 
toire et  leur  enquête  fut  enregistrée  à  la  Chambre  de 
l'édit.  Nonobstant  cela,  Grimaud  présenta  une  requête 
au  Parlement  d'Aix  tendant  à  la  suppression  de  l'exer- 
cice à  Roumoules.  a   II  énonçait,    »  dit  Benoît,  «  que 


(i)  Benoît,  t.   III,   p.  629;    —   Arch.    nation.   TT,    284,  287,  288  B  ;  — 
Mss.  franc,  de  la  biblioth.  publ.  de  Genève,  n°  197",  portef.  10. 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  433 

ce  qui  avait  donné  lieu    à  l'établissement  de  ce  droit 
était  que  la  seigneurie  avait  été  partagée  entre  plusieurs 
jusqu'à  ce  qu'elle  fût  réunie  entre  ses  mains.    Il  n'est 
pas  certain  néanmoins  qu'il  y  eût  jamais  eu  de  seigneur 
réformé  seigneur  de  ce  lieu  soit  en  tout  soit  en  partie , 
et  le  président  n'osait  l'affirmer  ;   de  sorte  qu'il  était 
presque  évident  que  c'était  un  droit  de  possession  que 
celui  de  cette  église,   non  un  droit  personnel ,  qui  fût 
attaché  à  la  qualité  de  la  terre.  C'est  pourquoi  le  prési- 
dent fut  obligé  d'ajouter  de  nouveaux  moyens  à  ceux  de  sa 
requête  fondée  sur  ce  que  le  ministre  n'y  demeurait  pas 
(il  résidait  pour  lors  à  Puimoisson) ,  et  qu'encore  qu'il 
y  eût  dans  ce  lieu  quinze  cents  âmes  capables  de  com- 
munier ,  il  n'y  avait  néanmoins  que   dix  familles  qui  y 
fussent  resséantes.  Sur  ces  motifs  (et  quoique  le  con- 
seil du  roi,  par  son  arrêt  du  30  février  1645  ,  eût  main- 
tenu l'exercice  à  Roumoules ,  nonobstant  les  défenses 
du  Parlement ,  et  renvoyé  les  parties  devant  la  Chambre 
de  Grenoble),  il  obtint  arrêt  le  dernier  de  juin  (1645), 
qui  défendait  de  continuer  l'exercice  à  Roumoules  et  aux 
habitants  de  souffrir  qu'il  fût  fait  et  de  louer  leurs  mai- 
sons pour  y  servir.  L'arrêt  fut  signifié  à  (Paul)   Gaude- 
mar,  ministre,  qui  refusa  d'obéir  et  protesta  de  se  pour- 
voir.   Il    avait    raison.    Ce   n'était   pas   là    l'affaire    du 
Parlement.  Les  commissaires  ou  les  chambres  mi-parties 
étaient  les  juges  compétents  des  droits  d'exercice,  et, 
en  particulier,   le    Parlement  de  Provence  était  récusé 
dans  toutes  les  causes  des  réformés ,  qui  étaient  commi- 
ses à  la  Chambre  mi-partie  de  Grenoble.  Mais  le  Par- 
lement n'avait  nul  égard  aux  évocations  et ,  sans  s'arrê- 
ter à  la  protestation  de  Gaudemar,  il  procéda  contre  lui, 
sachant  qu'il  n'avait  pas  laissé  de  prêcher  depuis  l'arrêt, 
de  sorte  que  la  Chambre  des  vacations  le  mit  en  décret 
de  prise  de  corps,  le  sixième  de  septembre  (1645),  et 

28 


434  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

confirma  au  reste  l'arrêt  précédent.  »  Le  protestant 
Latour,  chez  qui  se  faisait  l'assemblée,  fut  condamné 
de  son  côté  à  payer  une  amende  applicable,  moitié  à  la 
maison  de  charité  de  la  ville  d'Aix  moitié  à  la  répara- 
tion du  palais  du  Parlement.  Gaudemar  et  les  anciens 
du  consistoire  de  Roumoules ,  qui  s'étaient  pourvus  dès 
le  mois  de  septembre  devant  la  Chambre  de  Grenoble 
contre  l'arrêt  de  juin  du  Parlement,  obtinrent  gain  de 
cause.  La  Chambre  cassa  l'arrêt  du  Parlement  d'Aix,  lui 
défendit  de  connaître  de  cette  affaire  et  assigna  person- 
nellement Grimaud  à  comparaître  devant  elle  ;  mais  le 
président,  abusant  de  son  crédit,  se  fit  décharger  de 
l'ajournement  par  un  nouvel  arrêt  de  son  Parlement  du 
22  décembre.  Le  conflitfut  porté  devant  le  Conseil  privé 
du  roi  qui,  après  de  longs  retards,  rendit  un  arrêt  con- 
tradictoire renvoyant  la  cause  devant  la  Chambre  de 
l'édit  de  Grenoble  (1653).  Le  Parlement  étant  ainsi  mis 
de  côté  et  Grimaud  ne  voulant  pas  affronter  la  décision 
que  prendrait  la  Chambre  mi-partie,  l'évêque  de  Riez 
ramena  la  cause  devant  le  Conseil  du  roi  en  vertu  de 
lettres  de  la  grande  chancellerie  par  lesquelles  il  était 
reçu  partie  intervenante;  mais  aucun  nouvel  arrêt  ne 
paraît  avoir  été  rendu  par  le  Conseil.  Quoi  qu'il  en  soit, 
les  anciens  du  consistoire  de  Roumoules  ne  se  laissè- 
rent pas  intimider  par  cette  nouvelle  instance  de  l'évê- 
que ,  et  leurs  délibérations  qui ,  dans  le  registre  du 
consistoire,  s'arrêtent  à  l'année  1645,  époque  où  le 
pasteur  Gaudemar  fut  décrété  d'arrestation  et  l'exercice 
suspendu,  reprennent  à  l'année  1653.  Dans  celle  du 
26  décembre  de  cette  même  année  ,  nous  voyons  le 
synode  de  Lourmarin  de  1653,  sur  l'exposition  que  le 
député  laïque  de  Riez-Roumoules  fit  de  la  pauvreté  de 
l'église  et  de  la  persécution  qu'elle  avait  soufferte,  déci- 
der que   le  pasteur  de   Manosque ,  Jean  Bernard,  la 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  435 

visiterait  jusqu'à  ce  qu'elle  pût  en  avoir  un  en  propre. 
Le  même  registre  nous  apprend  que  le  synode  suivant 
se  tint  à  Roumoules  même  le  20  août  1654.  A  par- 
tir de  cette  époque,  l'église  ne  paraît  pas  avoir  été 
inquiétée. 

En  1680,  le  syndic  de  l'église  de  Riez  et  annexes 
demanda  aux  consuls  «•  de  leur  fournir  et  acheter  un 
lieu,  »  dit  leur  requête,  «  pour  leur  servir  de  cimetière, 
qui  soit  clos  et  fermé  ,  dans  l'enceinte  ou  aux  faubourgs 
de  la  ville  en  remplacement.de  celui  dont  ils  jouissaient 
au  pré  delà  foire,  et  ce  à  cause  que  les  murailles  dudit 
cimetière  ont  été  démolies  dans  les  derniers  troubles.  » 
Les  consuls  répondirent,  le  8  juillet  de  la  même  année, 
que,  d'après  les  ordonnances,  c'était  aux  réformés  à 
entretenir  les  murailles  de  leur  cimetière  et  que,  s'ils  vou- 
laient en  acheter  un  autre ,  ils  pouvaient  le  faire  avec 
leurs  propres  deniers.  Se  voyant  éconduits  par  les  con- 
suls ,  les  habitants  réformés  de  Riez  s'adressèrent  à 
Tévêque  seigneur  du  lieu ,  qui  écrivit  ces  mots  au  bas 
de  leur  requête,  signée  par  deux  Gaudemar,  deux  Ara- 
bin  et  A.  Segond  :  «  Soit  montré  aux  consuls.  » 
Ceux-ci  répondirent  qu'ils  n'étaient  plus  dans  les  ter- 
mes de  l'édit  de  Nantes  et  que,  depuis,  les  choses  avaient 
changé  de  face  par  les  nouveaux  édits. 

Mentionnons  encore,  pour  terminer  cette  notice ,  la 
décision  que  prit,  le  15  février  1632  ,  le  consistoire  de 
de  Riez  de  se  joindre  aux  frères  Charles  et  Nicolas 
Gaudemar  dans  le  procès  criminel  que  leur  intenta  l'évê- 
que  de  Riez  pour  n'avoir  pas  voulu  tapisser  leur  maison 
le  jour  de  la  Fête-Dieu. 

La  dernière  délibération  du  consistoire  de  l'église  de 
Riez-Roumoules  et  annexes  est  du  5  mai  1682  et  signée 
par  Bernard  ministre ,  Segond  ancien ,  Rodet  Mati  ancien 
et  [Nicolas]  Gaudemar  ancien.  Ce  dernier  fut  nommé  le 


_^-()  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

18  décembre  1678  à  la  place  de  son  père.  Il  se  réfugia 
en  Hollande,  à  l'époque  de  la  Révocation  de  l'édit  de 
Nantes,  et  y  fit  le  commerce  des  soies,  qu'il  exerçait 
sans  doute  déjà  à  Riez,  Il  avait  emporté  avec  lui  le 
Rea-istre  des  délibérations  du  consistoire  de  Riez  et  le 

o 

confia  avec  quelques  autres  papiers,  le  23  août  1 721,  au 
consistoire  de  l'église  wallone  d'Amsterdam,  qui  en  a 
fait  don  à  la  bibliothèque  de  la  Société  de  l'histoire  du 
protestantisme  français. 

En  1645,  Riez  comptait  10  familles  réformées  ,  et  1 1 
en  1682  (3 4 habitants).  Roumoules  ,  à  la  même  époque, 
renfermait  i  famille  réformée  (8  habitants). 

Puimoisson.  —  Considérée  comme  adjointe  à  Riez- 
Roumoules,  cette  annexe  avait  18  habitants  réformés 
(4  familles)  en  1682. 

Esparron-du-Verdon  contribuait,  en  1675,  pour  30  li- 
vres à  l'entretien  du  ministère. 

Il  y  avait  encore,  en  1682  ,  à  Valensole  ,  7  habitants 
réformés  (i  famille);  à  Quinson  8  (2  familles),  à  Mous- 
tiers  10  (2  familles);  à  Saint- André-de-Meouilles  i. 

Castellane  renfermait  aussi  quelques  réformés. 

Pasteurs  :  Claude  Morel ,  1566;  Philippe  Codurc, 
avant  1609;  Pierre  Huron,  1609-1620;  André  Genoyer, 
1625-163  5  ;  Paul  Gaudemar  ,  1636-1645  ;  Héléon 
Gaudemar,  après  1663  et  jusqu'en  1685  (i). 

THOARD-ESPINOUSE-PUIMICHEL  ,  DigRC ,  LeS  MéCS. 
(Viguerie  de  Digne.) 

Thoard  ,   Espinouse  et  Puimichel  formaient  en  1620 

(i)  Benoît,  t.  III,  p.  56,  57;  —  Filleau  ,  Décisions  catholiques,  p.  505;  — 
Papiers  du  consistoire  de  l'église  réformée  de  Riez,  Reniolles  et  annexes 
(Ms.  de  la  bibl.  de  la  Soc.  de  l'Hisi.  du  protest,  franc.). 


RÉGIME    DE    L'ÉDIT    DE   NANTES.  437 

une  église,  qui  ne  subsista  pas  longtemps  comme  église 
distincte. 

Thoard  jouit  paisiblement  du  droit  d'exercice-  jus- 
qu'en 1661  alors  que  les  commissaires  exécutifs  de  l'édit 
de  Nantes  de  cette  époque,  statuant  sur  la  requête  des 
syndics  généraux  du  clergé  de  Provence  tendant  à  inter- 
dire'l'exercice  à  Thoard  ,  s'accordèrent  à  renvoyer  les 
parties  devant  le  sénéchal  de  Provence  ,  qui  s'adjoin- 
drait un  gradué  de  la  religion  réformée  pour  leur  faire 
droit  après  enquête  et  rapport.  Un  ancien  du  consis- 
toire de  Thoard ,  Charles  de  Baschi ,  sieur  de  Saint- 
Estéve ,  fut  député  au  synode  national  de  Vitré  de  1617 
par  les  églises  de  Provence.  C'était  l'arriere-petit-fils 
de  Thaddée  de  Baschi,  seigneur  d'Estoublon  ,  beau- 
frère  du  célèbre  baron  d'Allemagne.  Charles  de  Baschi 
se  distingua  dans  les  guerres  de  religion  du  dix-septième 
siècle.  —  En  1682,  Thoard  comptait  4  habitants  réfor- 
més (une  famille). 

Espinoiise,  église  de  fief  de  Pierre  de  Villeneuve,  sieur 
d'Espinouse,  ancien  du  consistoire  d'Espinouse,  puis 
de  Riez ,  qui  fut  député  des  églises  de  Provence  aux 
synodes  nationaux  de  Gap  de  1603,  de  Privas  de  161  2 
et  à  l'assemblée  politique  de  Grenoble  de  161 5.  —  En 
1682  ,  Espinouse  comptait  30  habitants  réformés 
(12  familles). 

Puimichei,  église  de  fief  d'Elie  de  Glandevès  ,  sieur 
d'Ajou  ,  cadet  de  Puimichel ,  ancien  du  consistoire  de 
cette  église  et  député  des  églises  de  Provence  aux  sy- 
nodes nationaux  de  Saint-Maixent  de  1609  et  d'AIais 
de  1620,  et  à  l'assemblée  politique  de  Saumur  de  161 1, 
qui  lui  confia  une  mission  à  la  cour  pour  une  affaire 
étrangère  à  la  Provence.  D'Ajou  était  vraisemblable- 
ment de  la  même  famille  qu'Honoré  de  Glandevès, 
baron  de  Montblanc  ,  fils  de  Balthazar  de  Gérente,  ba- 


4^8  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

ron  de  Sénas ,  le  célèbre  défenseur  de  Sisteron.  —  En 
1682,  Puimichel  comptait  8  habitants  réformés  (3  fa- 
milles). 

Annexes  :  Digne.  —  Dans  les  plaintes  portées  au  roi 
par  les  députés  du  synode  général  d'Alençon  en  1637, 
ces  derniers  exposaient  que  l'exercice  était  établi  et 
autorisé  à  Digne  en  1620,  avant  les  nouvelles  guerres 
de  religion ,  et  qu'interrompu  à  cette  époque ,  l'édit 
de  grâce  de  Nîmes,  de  juillet  1629,  en  permit  le  rétablis- 
sement,  mais  que  les  commissaires  chargés  d'exécuter 
l'édit  ne  purent  remplir  leur  commission.  Les  députés 
demandaient  en  conséquence  au  roi  de  rendre  justice  aux 
habitants  réformés  de  Digne  ,  d'autant  mieux  que  ,  dès 
1625  ,  le  roi,  répondant  à  un  cahier  de  plaintes  qui  lui 
fut  présenté  cette  même  année  à  Fontainebleau  par  les 
députés  des  églises  réformées,  avait  manifesté  la  volonté 
que  l'exercice  fût  rendu  à  cette  église.  —  En  1682,  elle 
comptait  24  habitants  réformés  (4  familles). 

Les  Mées.  —  Peu  après  l'édit  de  Nantes,  les  protes- 
tants de  cette  ville  eurent  un  procès  avec  elle  par-devant 
la  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble,  «  tant  au  sujet  de 
leur  cimetière,  0  dit  Esmieu,  «  que  pour  des  excès  dont 
ils  se  plaignaient  de  la  part  des  habitants.  En  16 16,  le 
18  mai,  les  consuls,  au  nom  de  la  ville,  transigèrent  sur 
ces  différends  devant  Honoré  Salvator,  notaire,  avec  six 
particuliers,  qui  stipulent ,  tant  pour  eux  que  pour  tous 
les  autres  religionnaires  habitants  de  la  même  ville ,  en 
suite  d'une  délibération  qu'ils  avaient  prise  et  de  l'avis 
de  noble  Pierre  de  Villeneuve  ,  seigneur  d'Espinouse. 
Par  cet  acte ,  la  ville  leur  céda  un  nouveau  local  pour 
leur  servir  de  cimetière  ,  situé  entre  le  torrent  de  La 
Combe  ,  l'église  et  la  cour  de  noble  Jean  de  Magnan, 
duquel  la  ville  avait  acheté  le  terrain  contigu  à  sa  mai- 
son par  acte  du  même  jour.  Elle  s'obligea  de  faire  clore 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  439 

de  muraille  et  d'une  porte  ce  nouveau  cimetière;  elle 
leur  paya  en  outre  i  20  livres  pour  les  frais  du  procès. 
Par  un  article  particulier  de  cette  transaction,  il  fut  per- 
mis à  trois  frères,  qui  y  stipulent,  de  faire  exhumer  le 
corps  de  leur  père  et  de  le  faire  transférer  au  nouveau 
cimetière  pour  y  être  enseveli.  Du  nombre  des  six  par- 
ticuliers protestants  qui  figurent  dans  cet  acte  était  un 
notaire  ,  appelé  Alexandre  Gai ,  qui  avait  exercé  des 
fonctions  judiciaires  aux  Mées,  ainsi  que  ses  ancêtres  , 
et  un  capitaine,  nommé  Pierre  Bonhome,  dont  la  famille 
y  était  très  ancienne.   Les  descendants  de  celui-ci  du- 
rent s'expatrier  à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  en 
1685.  »  Les  protestants  des  Mées  possédaient  un  tem- 
ple, qui  subsistait  encore  en  1803,  quoique  dénaturé  à 
l'intérieur.  Vers  1777,  on  y  voyait  une  tribune  et  d'autres 
vestiges  de  l'ancien  culte.  Il  était  situé  dans  la  rue  de 
l'Horloge,  sur  la  ligne  des  maisons  qui  vont  aboutir  à 
l'ancienne   porte  de   Baudouine.   Son  propriétaire,   en 
1803,  était,  le  citoyen  Jean-Honoré  Clément  et  on  l'ap- 
pelait alors ,  et  sans  doute  encore  aujourd'hui,  ÏHugue- 
naiide.  En  1622  on  obligea  les  protestants  des  Mées  à 
prêter   serment  de   fidélité  au   roi  entre  les  mains  du 
lieutenant  de  la  sénéchaussée  à  Digne.  C'était  vraisem- 
blablement à  cause  de  la  nouvelle  guerre  de  religion 
qui  sévissait  dans  les  provinces  avoisinant  la  Provence. 

Pasteur  :  Jacques  Baille,  1620. 

Pasteur  d'Espinouse  :  Gaspard  Delamer,   1572. 

Pasteur  de  Puimichel  :  Georges  Cornelli,   1562. 

Pasteur  de  Digne  :  Nicolas,  1561  (i). 


(1)  Arch.  nation.  TT,  288  B  ;  —  La  France  protestante,  t.  I,  p.  27,  ;  t.  V, 
p.  2J4  ;  —  Aymon,  t.  II,  p.  596  ;  —Décisions  royales,  p.  159,  140  ;  —  Anquez, 
Un  nouveau  cliap.,  p.  184-186;  —  Esmieu,  Notice  hist.  et  statist.  de  la  fille  des 
Mées,  p.  443-44)'- 


440  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 


LE  LUC,  SOLLIES. 


(Vigueries  de  Draguignan  ,  Lorgnes,  Toulon,  Hyères,  Brignoles,  Barjols  et 
Saint-Maximin.) 


Les  commissaires  exécuteurs  de  l'édit  de  Nantes  de 
1600  attribuèrent  le  droit  d'exercice  au  Luc  comme  se- 
cond lieu  de  bailliage ,  à  moins  que  les  habitants  réfor- 
més du  lieu  ne  prouvassent  que  le  culte  y  avait  été  cé- 
lébré en  1577,  1596  ou  1597,  auquel  cas  Tourves 
serait  désigné  comme  deuxième  lieu  de  bailliage.  La 
preuve  put  être  faite,  et  le  Conseil  du  roi,  par  arrêt  du 
19  mai  161 2,  reconnut  Le  Luc  comme  lieu  d'édit  et 
Tourves  fut  choisi  comme  deuxième  lieu  de  bailliage ,  à 
moins  que  les  habitants  réformés  ne  pussent  établir 
qu'ils  avaient  joui  de  l'exercice  dans  les  années  mar- 
quées par  l'édit  de  Nantes. 

Les  commissaires  exécuteurs  de  1661  se  partagèrent 
sur  la  question  du  droit  d'exercice  au  Luc.  Le  commis- 
saire protestant  déclara  s'en  rapporter  à  l'arrêt  du  Con- 
seil précité;  mais  le  catholique  prétendit  que  cet  arrêt 
renfermait  «  beaucoup  de  nullités  »  et,  sans  aller  jusqu'à 
donner  droit  aux  syndics  généraux  du  clergé  qui  deman- 
daient la  démolition  du  temple  et  la  suppression  de 
l'exercice ,  il  opina  pour  que  celui-ci  fût  maintenu  au 
Luc,  mais  seulement  à  titre  de  deuxième  lieu  de  bail- 
liage. C'était  enlever  du  même  coup  un  lieu  d'exercice 
aux  réformés  de  Provence. 

D'autre  part,  les  deux  commissaires  furent  d'accord 
sur  le  maintien  de  l'école  réformée  du  Luc  ;  mais  le 
commissaire  catholique  n'agréa  pas  la  requête  des  habi- 
tants réformés,  qui  demandaient  que  les  murailles,  porte 
et  serrure  du  cimetière  qui  leur  avaient  été  assignées  pré- 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  44I 

cédemment  tussent  remises  en  état  aux  frais  de  la 
commune. 

Le  procès-verbal  de  partage  des  deux  commissaires, 
rédigé  à  Pertuis  le  19  mai  1662,  fut  envoyé  au  roi  qui, 
statuant  en  son  conseil,  ordonna,par  arrêt  du4  mai  1663, 
le  maintien  de  l'exercice  du  Luc  et  de  son  temple. 

L'historien  Aube  nous  fournit  quelques  détails  sur  le 
temple  du  Luc.  11  était  situé  «  au  milieu  des  jardins  qui 
occupaient  autrefois  l'emplacement  de  la  place  Neuve; 
et  le  cimetière  était  au  chemin  de  Brignoles,  près  de  la 
chapelle  de  Saint-Antoine.  L'entretien  du  temple  et  des 
ministres  était  à  la  charge  des  protestants  du  Luc  et  de 
ceux  des  pays  voisins ,  qui  étaient  imposés  à  cet  effet 
tous  les  ans.  L'état  des  cotes  de  1677  à  1678  porte  : 
pour  Le  Luc  80  livres,  pour  Toulon  139  livres,  pour 
Solliès  61  livres,  pour  Brignoles  21  livres;  total:  301  li- 
vres. Le  consistoire  du  Luc  avait  aussi  pour  208  livres 
de  pension  et  divers  immeubles,  dont  le  plus  important 
était  au  quartier  de  Paradis  et  est  encore  connu  sous  la 
dénomination  de  Consistoire.  »  A  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes,  ces  biens  furent  donnés  à  l'hospice  du  Luc. 

Jean  Clément  dit  Cadet,  ancien  du  consistoire  du 
Luc,  représenta  les  églises  de  Provence  au  synode  na- 
tional de  Vitré  de  16 17. 

En  1682,  l'église  du  Luc  comptait  100  habitants  ré- 
formés. 

Sur  la  catastrophe  arrivée  à  Meissonnier  le  jeune, 
membre  du  consistoire  du  Luc  en  1619,  voy.  page  352. 

Annexe  :  Sol/iès.  —  Le  seigneur  de  ce  lieu  fit  don  à 
Barthélémy  Asquier  d'un  petit  coin  de  terre,  proche  la 
chapelle  Saini-Antoine ,  pour  y  établir  un  cimetière  ré- 
formé. Cette  donation,  dont  la  date  n'est  pas  indiquée, 
paraît  remonter  à  la  fin  du  seizième  siècle  ou  au  com- 
mencement du  dix-septième.  Quoiqu'il  en  soit,  les  habi- 


442  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

tants  réformés  avaient  «  de  tout  temps  »  possédé  ce 
cimetière  et,  quelques  années  avant  1660,  à  cause  delà 
grande  étendue  de  la  commune ,  ils  en  avaient  acheté 
un  autre  au  quartier  du  Pont  (Solliès-Pont)  ,  près  des 
Pères  capucins ,  situé  à  huit  cents  pas  de  la  ville  (Sol- 
liès-Ville). 

Les  réformés  ne  paraissent  pas  avoir  possédé  de  tem- 
ple à  Solliès,  mais  ils  y  célébraient  pourtant  leur  culte. 
Les  syndics  généraux  du  clergé  de  Provence  deman- 
dèrent aux  commissaires  exécuteurs  de  1661  de  suppri- 
mer ce  culte  soit  en  public  soit  en  particulier.  Le  com- 
missaire catholique  fit  droit  en  partie  à  leur  requête.  Il 
défendit  les  assemblées  publiques ,  mais  autorisa  les 
ministres  à  visiter  les  malades  de  leur  communion  et 
aux  habitants  réformés  de  faire  leurs  prières  chez  eux, 
mais  sans  chanter  de  psaumes.  Le  commissaire  protes- 
tant opina  aussi  pour  que  l'exercice  public  fût  interdit 
à  Solliès  ;  mais  il  demanda  que  les  réformés  pussent  tenir 
des  assemblées  particulières  dans  leurs  maisons,  <■<■  tant 
pour  eux  que  pour  leurs  familles,  »  en  attendant  qu'ils 
justifiassent  d'avoir  joui  de  l'exercice  en  1 596  et  1 597. 
Le  procès-verbal  de  partage  des  deux  commissaires , 
signé  à  Pertuis  le  20  mai  1662,  fut  renvoyé  au  roi  qui, 
statuant  en  son  Conseil,  ordonna,  par  arrêt  du  4  mai  1663, 
la  suppression  de  l'exercice  à  Solliès. 

Quant  aux  cimetières  réformés  du  lieu,  un  seul,  celui 
du  Pont  (Solliès-Pont),  fut  maintenu  par  les  deux  com- 
missaires ,  parce  que  l'évêque  de  Toulon  avait  sommé , 
le  7  juin  1660,  les  réformés  du  lieu  de  prouver  dans  un 
mois  qu'ils  avaient  le  droit  de  posséder  deux  cimetières 
au  terroir  de  Solliès  et  qu'ils  ne  l'avaient  sans  doute  pu. 

En  1682,  il  y  avait  à  Solliès-Ville  15  habitants  réfor- 
més (3  familles),  et  à  Solliès-Pont  66  (13  familles). 

A  la  même  époque ,  il  y  avait  à  Gonfaron  4  habitants 


REGIME  DE   L  EDIT    DE   NANTES.  443 

réformés,  à  Lorgues  29,  à  Draguignan  6,  à  Fayence  23, 
à  Bargemon  i  ,  à  Tourelles  40,  |au  Muy  3  ,  à  Sainl- 
Tropez  i,  à  Toulon  14  (3  familles),  à  Cuers  i,  à  Hyé- 
res  9  (i  famille),  à  Cabasse  i,  à  Signes  24  (3  familles), 
à  Tavernes  4  (i  famille),  à  Brignoles  i. 

Cette  dernière  ville,  aune  époque  antérieure,  avait  dû 
compterun  plus  grand  nombre  de  protestants,  car  ceux-ci 
y  possédaient  un  cimetière,  qui  fut  transféré,  en  1601, 
par  le  conseil  communal,  au  quartier  de  Saint-Simian. 
Après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  en  1702,  les 
recteurs  de  l'hôpital  de  La  Charité  demandèrent  au 
conseil  communal  de  le  leur  céder,  sauf  à  remplir  ulté- 
rieurement les  formalités  d'usage  pour  en  devenir  les 
propriétaires  réguliers. 

Quant  au  lieu  de  Tourves ,  qui  renfermait  un  certain 
nombre  de  familles  protestantes  ,  il  avait  été  désigné 
comme  lieu  de  bailliage  parles  commissaires  exécuteurs 
de  l'édit  de  Nantes  de  1601  ,  et  une  ordonnance  du 
Conseil  du  roi  avait  même  autorisé  ses  habitants  à  con- 
struire un  temple  dans  l'intérieur  de  leur  ville  «  comme 
étant  privilégiés  ;  »  mais,  en  1614,  cette  ordonnance 
n'était  pas  encore  exécutée  et  ne  paraît  pas  l'avoir  ja- 
mais été  (i). 

Pasteurs    :    Honoré   Bérard,    1586;    Samuel  Tous- 
saint,    1603-1617;    André    Genoyer    vraisemblement , 
1618-1624;  Jean  de  Rié,   1626;  Jean  Bernard,   1633- 
1637;  Jean  Bouer,  )66o-i685. 
•  Pasteur  à  Fayence  :  Pierre  Agard,  1572. 


(i)  Arch.  nation.  TT,  252,  2^-;,  284,  288  B;  —  Aube,  Notice  histor.  sur 
Le  Luc,  p.  28-30;  —  Aymon,  t.  II  ,  p.  i;6;  —  Raynouard  ,  Notice  sur  Bri- 
/^nolcs,  p.  124. 


444  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

GRASSE. 

(Viguerie  de  Saint- Paul.) 

Cette  église  ne  paraît  pas  avoir  subsisté  longtemps 
comme  église  distincte,  et  une  plaquette  du  dix-septième 
siècle  nous  apprend  que  dix  de  ses  membres  embras- 
sèrent, en  1612,  le  catholicisme  à  la  suggestion  du  capi- 
taine Isaac  Pagan  ,  de  Grasse,  qui,  après  avoir  voyagé 
en  Italie  et  à  la  cour  de  France  et  suivi  les  prédica- 
tions de  carême  du  dominicain  Louis  Forneri,  prieur 
du  couvent  de  Tarascon  ,  se  fit  catholique.  Dès  qu'il 
eut  connaissance  de  ce  fait,  Jacques  Pelletier,  diacre  de 
Téglise  de  Grasse ,  qui  habitait  Châteauneuf,  à  proxi- 
mité de  la  ville,  vint  conférer  avec  Pagan,  qu'il  ne  put 
faire  revenir  de  sa  détermination.  Samuel  Toussaint, 
pasteur  du  Luc ,  qui  desservait  l'église  de  Grasse  ,  eut 
de  son  côté  une  dispute  publique  avec  Forneri,  à  la 
suite  de  laquelle  deux  nouveaux  protestants  abjurèrent 
leur  religion  ,  si  la  plaquette  à  laquelle  nous  empruntons 
ces  faits  est  fidèle.  Elle  ajoute  que  Toussaint,  tout  en 
déclarant  que  le  pain  de  l'Eucharistie  restait  pain,  con- 
fessa quatre  fois  la  réalité  du  corps  de  Christ  dans  ce 
sacrement  :  ce  qui  aurait  scandalisé  ses  coreligionnaires, 
témoins  de  la  dispute  (i). 

En  1682,  Grasse  comptait  3  habitants  réformés  (i  fa- 
mille). A  la  même  époque  il  y  avait  aussi  à  Cipières 
4  habitants  réformés  (i  famille),  au  Broc  2 ,  à  La 
Colle  3  ,  à  Caille  5  (1  famille) ,  à  Saint-Auban  2. 

Pasteurs   :    Rigolet,    1567;   Pierre  Mercurin,  1626. 


(i)  La  conversion  de  dix  notables  personnes  à  la  foy  et  religion  callwli- 
que,  etc. 


REGIME   DE   L  EDIT   DE   NANTES.  445 


ANTIBES. 


(Viguerie  de  Saint-Paul.) 


Le  i6  juillet  i6i2,les  consuls  d'Antibes  accordèrent 
un  cimetière  à  leurs  concitoyens  réformés  au  quartier 
de  Jaïssa.  Ces  derniers,  du  reste,  paraissent  avoir  joui 
paisiblement  de  leur  droit  d'exercice  jusqu'en  1642  , 
alors  que  Godeau ,  évêque  de  Vence  et  de  Grasse , 
écrivit  au  roi  que,  dans  la  maison  d'Augustin  Serrât,  de 
la  religion  réformée,  «  un  nommé  de  Gand  ,  »  dit  la 
requête,  a  se  mêle  de  prêcher  à  ceux  qui  s'y  ramassent, 
tant  des  habitants  de  la  ville ,  soldats  et  officiers  de  la 
garnison  ;  ce  qui  cause  un  grand  scandale  parmi  les 
catholiques  et  peut,  un  jour,  être  cause  de  grande  sédi- 
tion populaire  ;  davantage  que  les  consuls  de  ladite  ville 
d'Antibes,  ayant  été  condamnés  à  donner  un  cimetière 
aux  susdits  de  la  religion  prétendue  réformée ,  ils  leur 
en  ont  assigné  un  ,  il  y  a  quelques  années ,  proche 
l'église  et  cimetière  d'icelle  ,  et  l'un  ni  Tautre  n'étant 
point  clos ,  les  os  des  chrétiens  sont  mêlés  souventes- 
fois  avec  ceux  des  hérétiques  ,  ce  qui  est  tout  à  fait  con- 
tre la  piété  et  les  bonnes  mœurs.  »  «  C'était,  »  dit  spi- 
rituellement Benoît,  «  prendre  de  loin  des  préoccupations 
pour  le  dernier  jour,  où  la  puissance  divine  en  doit  faire 
le  discernement.  »  Godeau  concluait  en  demandant 
qu'il  fût  fait  défense  au  ministre  de  Gand  de  continuer 
ses  fonctions  et  que  le  cimetière  fût  transféré  ailleurs.  Le 
Conseil  du  roi  fit  droit  à  la  requête  de  Godeau  et,  par 
son  arrêt  du  16  décembre  1642,  supprima  l'exercice  à 
Antibes,  sous  prétexte  que  c'était  un  fief  d'église  ,  et 
ordonna  que  le  cimetière  protestant  serait  établi  à  cent 


446  ,  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

pas  au  moins  de  l'église  et  du  cimetière  catholique  (i). 

En    1682,   Antibes  comptait    23   habitants   réformés 
(i  familles). 

Pasteur  :  De  Gand,  1642. 


LA  CHARGE. 


Cette  église,  terre  de  Provence  enclavée  dans  le 
Dauphiné,  et  d'abord  rattachée  à  l'église  de  La  Motte- 
Chalencon  dans  le  Diois  ,  parait  n'avoir  eu  de  pasteurs 
en  propre  que  par  intervalle.  En  161 3,  elle  en  était  pri- 
vée et  fut  rattachée  par  le  colloque  du  Diois  à  Rosans, 
mais ,  trouvant  cette  église  trop  éloignée  ,  elle  en  appela 
de  l'ordonnance  du  colloque  au  synode  provincial  de 
Pont-en-Royans  de  1614,  qui  la  laissa  libre  de  s'unir  à 
telle  église  qui  lui  semblerait  bon.  Il  paraît  que  dès  lors 
elle  se  rattacha  à  la  Provence.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'exer- 
cice y  subsista  jusqu'à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 
Autrement  elle  était  pauvre ,  et  nous  voyons  le  synode 
provincial  de  Lacoste,  du  14  juillet  1645,  l'éviter  toutes 
les  églises  de  Provence  à  lui  venir  en  aide  pour  qu'elle 
pût  entretenir  un  ministre  (2). 

Pasteurs    :  André  Bernard,    1626;   Jacques  de  La 
Planche,  1660-1677. 


LEMPS. 


Cette  église ,  également  terre  provençale ,  enclavée 
dans  le  Dauphiné ,  était  adjointe  à  l'église  de  Rosans 
dans  les  Baronnies  et  desservie  régulièrement  par  ses 
pasteurs.  L'un  d'eux  porte  même  le  nom  de  pasteur  de 
Lemps  et  de  Rosans. 


(1)  Benoît,  t.  II,  p.  606;  —  Filleau,  Dccisions  catholiques ,  p.  50^ 

(2)  E.  Aniaud,  Hixt.  des  prol.  du  Dauph.  ,  t.  II,  p.  ^-^q. 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT   DE   NANTES.  447 

Le  i^'  avril  1603  les  catholiques  et  les  réformés  de 
Lemps  firent  une  transaction  en  vertu  de  laquelle  les 
premiers  cédaient  aux  seconds  la  maison  du  sieur  de 
Rocheblan  pour  célébrer  leur  culte.  En  1614,  une  nou- 
velle convention  stipula  qu'au  cas  oia  la  commune  aurait 
besoin  de  la  maison,  elle  en  fournirait  une  autre  aux 
protestants.  En  1638,  les  catholiques  ne  montrèrent 
plus  la  même  bonne  volonté,  car  ils  obtinrent  du  Par- 
lement de  Provence  un  arrêt  qui  interdisait  le  prêche  à 
Lemps.  La  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble  le  cassa  et 
fît  défense  au  Parlement  d'Aix  de  connaître  des  affaires 
des  réformés  de  Provence  ,  confirma  la  convention  du 
i^'' avril  1603  et  maintint  l'exercice  à  Lemps.  En  juin  1654, 
les  catholiques  obtinrent  un  nouvel  arrêt  du  Parle- 
ment qui  supprimait  l'exercice.  La  Chambre  de  l'édit 
ayant  cassé  ce  second  arrêt,  les  catholiques  se  livrèrent 
alors  à  des  voies  de  fait ,  s'emparèrent  de  la  maison  de 
prière  des  réformés  et  brisèrent  la  chaire  ,  les  bancs  et 
autres  meubles  qu'elle  contenait.  La  Chambre  de 
l'édit,  informée  de  ces  ^violences  d'un  autre  age^  cassa 
les  deux  arrêts  du  Parlement  de  Provence,  le  condamna 
aux  dommages  et  intérêts ,  maintint  l'exercice  à  Lemps 
et  ordonna  la  restitution  et  la  remise  en  place  des  meu- 
bles du  temple. 

Quelques  années  après,  quand  les  commissaires-exé- 
cuteurs de  l'édit  de  Nantes  en  Provence  furent  nommés, 
les  syndics  généraux  du  clergé  de  cette  province  leur 
adressèrent  une  requête  tendant  à  ce  que  l'exercice  fût 
interdit  à  Lemps  et  que  la  maison  où  on  le  célébrait,  et 
qui  avait  été  réparée  depuis  cinq  ou  six  ans,  fût  abattue  ; 
d'autant  mieux  ,  disaient-ils ,  qu'aucun  ministre  n'avait 
résidé  dans  la  commune.  Le  commissaire  catholique 
émit  un  avis  conforme  à  ces  prétentions,  à  la  seule  ré- 
serve  que  le  temple  serait  converti  en  un  autre  usage 


448  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE.    • 

avec  suppression  de  tous  les  emblèmes  protestants  qu'il 
pouvait  renfermer,  et  que  sa  cloche  ferait  retour  aux  ca- 
tholiques si  elle  portait  quelque  emblème  ou  inscription 
catholique.  Le  commissaire  protestant  demanda  qu'avant 
de  prendre  aucune  décision  de  cette  nature ,  les  habi- 
tants réformés  de  Lemps  fussent  admis  à  prouver  qu'ils 
avaient  joui  de  l'exercice  en  1596  et  1597,  et  qu'en  at- 
tendant, cet  exercice  fût  interdit.  Le  procès-verbal  de 
partage  des  deux  commissaires ,  signé  à  Pertuis ,  le 
14  mai  1662  ,  fut  renvoyé  au  roi,  qui ,  par  arrêt  de  son 
Conseil  du  4  mai  1663,  supprima  l'exercice  à  Lemps  et 
ordonna  la  démolition  du  temple.  Quant  à  la  cloche  , 
l'arrêt  portait  que ,  si  elle  avait  des  emblèmes  catholi- 
ques, elle  serait  remise  à  l'église  paroissiale  du  lieu,  si- 
non laissée  aux  réformés.  Ces  derniers  prouvèrent 
qu'elle  leur  appartenait  en  propre  ,  qu'ils  l'avaient  fait 
fondre  en  l'année  1603  et  que  le  lieutenant  de  Sisteron 
l'avait  visitée  et  reconnue  comme  leur  propriété  (i). 

Pasteur  de  Lemps  et  de  Rosans  :  Ennemond  Fal- 
quet ,  1596.  —  Pour  les  pasteurs  de  Rosans,  voy. 
E.  Arnaud  ,  Hist.  des  prof,  du  Daiiph. ,  t.  II ,  p.  347  , 
348. 

VALLÉE  DE  BARCELONNETTE ,  Jausieis ,  Mcyronnes  ^  Larche ,  Bar- 

celonnette. 

Le  duc  de  Savoie  persécuta  cette  église  en  1600,  et 
le  synode  provincial  de  Serres  en  Dauphiné,  assemblé 
cette  même  année,  l'exhorta  à  «  souffrir,  »  disent  ses 
actes,  «  tout  ce  qui  lui  sera  donné  de  souffrir  pour  ré- 
sister aux  assauts  des  adversaires  et  soutenir  la  vérité.  » 
En  1603,  la  persécution  ayant  pris  un  caractère  plus 

(I)  Arch.  nation.  TT,  2j8,  288  B. 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  449 

violent  et  les  réformés  se  voyant  menacés  de  perdre  le 
libre  exercice  de  leur  culte,  écrivirent  au  synode  géné- 
ral de  Gap,  assemblé  cette  même  année,  qui,  «  voulant,  » 
disent  ses  actes,  «  leur  donner  toute  la  consolation  pos- 
sible ,  les  exhorte  à  persévérer  constamment  dans  la- 
dite profession  avec  ceux  des  autres  vallées  du  Piémont, 
leur  promettant  les  mêmes  secours  de  charité ,  en  cas 
qu'ils  soient  molestés  ou  exilés,  qu'à  ceux  qui  sont  unis 
avec  nous  par  une  même  doctrine  et  discipline.  »  En 
1622,  un  ordre  formel  d'abjuration  ou  d'exil,  qui  leur 
fut  apporté  par  le  dominicain  Bouvetti  de  la  part  du  duc 
de  Savoie ,  les  obligea  de  quitter  pour  toujours  leur 
cruelle  patrie  et  de  s'établir,  les  uns  dans  les  Vallées 
vaudoisesdu  Piémont,  qui  jouissaient  pour  lors  du  libre 
exercice  de  leur  religion,  les  autres  dans  le  Dauphiné  , 
d'autres  à  Lyon  et  à  Orange. 

Ceux  qui  se  réfugièrent  dans  cette  dernière  ville  fu- 
rent reçus  par  leurs  coreligionnaires  avec  la  plus  grande 
sympathie,  et  le  prince  d'Orange  régnant  leur  accorda, 
à  diverses  reprises  (10  décembre  1630  et  9  octobre  1843), 
tous  les  privilèges  et  libertés  dont  jouissaient  ses  pro- 
pres sujets  (i). 

Pasteurs  :  Jehan  Fabri,  1556  ;  Recend,  1600. 

BIOGRAPHIE    SUCCINCTE    DES     PASTEURS    DE    PROVENCE 
AUX   XVI^    ET    XVII^    SIÈCLES. 

Agnel  (Charles),  de  Riez,  élève  de  l'académie  de 
Genève  en  1645,  pasteur  à  Sacconey,  Pregny,  Meyrin 


(1)  Recueil  des  synodes  du  Dauphiné  (ms.  des  arch.  dép.  de  la  Drôme)  ;  — 
Muston,  L'Israël  des  Alpes,  t.  I  .  p.  67  et  suiv.;  —  Aymon,  Tous  les  synodes 
nationaux;  —  Lettres  de  naturalité  des  habitants  du  marquisat  de  Salasses,  du 
Piedniont  et  vicariat  de  Barcitonne  octroyées  par  son  Altesse  Frédéric-Henry , 

prince  d'Orange,  etc. 

29 


450  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

et  Vernier,  dans  le  pays  de  Gex,  1647- 1659  ;  à  Mé- 
rindol,  1660.  Pour  le  reste,  voy.  La  France  protestante, 
vol.  I,  p.  51. 

Agard  (Pierre) ,  de  Tourettes-lès-Vence ,  élève  de 
l'académie  de  Genève  en  1563,  pasteur  à  Fayence  en 
1572,  réfugié  à  Genève  à  cette  dernière  date,  pasteur 
à  Filly  (Savoie)  en  1573  ,  à  Yvoire  [Id.) ,  1588  ;  mort 
pasteur  à  Romans,  1604.  Pour  le  reste,  voy.  E.  Ar- 
naud, Hist.  des  prot.  du  Dauphiné,  t.  II,  p.  369,  et  La 
France  protestante,  2^  édit.,  vol.  I,  p.  51. 

Ambe  ,  pasteur  en  séjour  au  château  de  Mouans 
avant  1 572. 

Arnaud,  pasteur  en  Provence  en  1665. 

Aube  (Trophime  de  F),  pasteur  à  Marseille  en  1 562; 
à  Montélimar,  1 568. 

Aymin  (Jean),  de  Sisteron,  et,  en  premier  lieu,  chirur- 
gien à  Die,  embrassa  le  saint  ministère  après  avoir  étu- 
dié à  l'académie  de  cette  ville  en  16 18;  reçu  ministre 
l'année  suivante;  pasteur  à  Briançon,  1619-1623  ;  à 
Saint-Paul-Trois-Châteaux ,  1626-1630  ;  à  Die,  1630- 
1642.  Il  fut  prêté  à  Lyon  en  1638  et  à  Saint-Jean- 
d'Hérans  en  1640.  Pasteur  à  Manosque,  1642-1644  ;" 
à  Gap,  1659,  comme  suffragant  du  pasteur  Cherler. 
Retiré  à  Nîmes ,  il  prêta  de  nouveau  son  ministère  à 
Lyon,  1662-1663.  —  Aymin  était  d'un  caractère  incon- 
stant et  difficile.  Il  avait  été  chargé,  en  163 3  "et  1634, 
d'une  commission  concernant  l'entretien  de  l'académie 
de  Die  et,  bien  que  ses  pouvoirs  fussent  expirés,  il 
s'était  obstiné  à  rester  à  Paris  contre  la  volonté  de*  ses 
commettants.  Le  synode  du  Dauphiné  blâma  sa  con- 
duite et  l'invita,  en  outre,  à  résider  dans  son  église.  Ne 
s'étant  point  soumis  à  cet  ordre ,  le  synode  national 
d'Alençon,  de  1637,  le  jugea  digne  d'une  censure  sé- 
vère, et  le  synode  de  Nyons,  du  1 5  août  1 542  ,  le  dé- 


RÉGtME    DE    I.'ÉDIT    DE    NANTES.  4^1 

chargea  de  Téglise  de  Die  en  lui  permettant  de  se 
pourvoir  ailleurs.  Il  passa  alors  au  service  de  l'église 
de  Manosque;  mais,  peu  satisfait  d'avoir  été  dépossédé 
de  son  ancienne  église,  il  en  appela  au  synode  national 
de  Charenton  de  1644-1645,  qui  confirma  la  décision 
du  synode  de  Nyons  et  sa  nomination  à  Manosque  par 
le  synode  de  Provence.  L'auguste  assemblée  lui  défen- 
dit ,  de  plus ,  de  rien  exiger  de  l'église  de  Die  pour  le 
temps  pendant  lequel  il  y  avait  exercé  son  ministère,  et 
cela,  sous  aucun  prétexte  de  marché  ou  d'accord  con- 
clu avec  elle,  et  il  permit  à  l'église  de  Manosque  de  se 
pourvoir  d'un  autre  pasteur  au  cas  où  Aymin  négligerait 
le  soin  de  son  troupeau  pour  poursuivre  le  procès  qu'il 
avait  intenté  au  recteur  de  l'académie  de  Die  et  au 
syndic  des  habitants  réformés  de  cette  ville ,  ou  quitte- 
rait son  église  avant  d'avoir  donné  sa  démission.  Aymin, 
qui  était  processif  de  sa  nature ,  appela  de  cette  déci- 
sion à  l'hôtel  des  requêtes  du  roi  qui,  jugeant  cette  af- 
faire ,  contrairement  à  l'article  3  5  des  Particuliers  de 
l'édit  de  Nantes,  interdisant  ces  sortes  d'appel,  con- 
firma la  décision  du  synode  de  Charenton  par  sa  sen- 
tence du  12  mai  1656.  Ce  jugement  ne  mit  point  fin  au 
débat,  qui  revint  devant  le  synode  national  de  Loudun 
de  1659.  La  haute  assemblée  revit  la  sentence  de  celui 
de  Charenton ,  examina  les  lettres  des  professeurs  de 
l'académie  de  Die,  censura  Aymin  pour  avoir  porté  ses 
appellations  devant  un  tribunal  séculier,  confirma  la  dé- 
cision du  synode  de  Charenton  et  autorisa  le  synode 
provincial  des  Cévennes,  au  cas  où  Aymin  continuerait 
à  se  montrer  réfractaire  à  la  discipline,  à  le  censurer 
selon  qu'il  l'aurait  mérité,  soit  en  le  suspendant,  soit 
en  le  déposant  de  son  office,  et  à  rechercher  exacte- 
ment les  motifs  qui  avaient  pu  le  porter  à  ne  plus 
exercer  le  ministère  (Aymon,  t.  Il,  p.  49=;,  564,  674  et 


4)2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

748;  Loride,  Sommaire  des  procès...  qui  arrivent  ordi- 
nairement dans  r exécution  des  édits  de  pacification^  Paris, 
1666,  p.  19  et  20;  Court,  Hist.  des  ministres  de  France, 
t.  I  ;  mss.  Court,  n^'  42,  à  la  biblioth.  publ.  de  Genève. 
—  Pour  le  reste,  voy.  E.  Arnaud,  Notice  sur  les  imprim. 
de  l'acad.  de  Die,  p.  19  et  21,  et  Notice  hist.  et  bibliogr. 
sur  les  controv.  relig.  en  Dauph.,  p.  51). 


Baille  (Jacques),  pasteur  à  Thoard,  1620  ;  à  La- 
coste, 1 626-1637  ;  à  Embrun  vraisemblablement,  1637. 

Barras,  pasteur  à  Lourmarin,  1564. 

Baussan.  Pasteur  à  Lourmarin,  1 560-1 572  (avec 
des  intervalles)  ;  auteur  du  Triomphe  de  l'Evangile , 
dont  nous  citons  un  fragment  page  113.  Faut-il  le  con- 
fondre avec  Damien  Baussan,  pasteur  à  Montélimar  en 
1568  ou  avec  Esprit  Beaussenc,  pasteur  à  Courthezon 
de  1595  à  1597? 

Bérard  (Honoré).  Pasteur  au  Luc,  1586. 

Bernard  (André).  Pasteur  à  La  Charce,  1626;  àMé- 
rindol,  1637;  mort  vers  1660,  mais  avant  cette  date. 

Bernard  (Jean).  Pasteur  à  Séderon  en  1626  ;  au  Luc 
163  3-1 63 7;  à  Velaux,  en  1660.  Le  frère  du  précédent. 

Bernard  (Jean),  fils  d'André  Bernard  (i)  docteur 
en  théologie ,  marié  à  Marguerite  Gaudemar  et  pas- 
teur à  Manosquede  1644  a  1685.  «  Il  sortit  du  royaume,  » 
dit  Court,  «à  la  révocation  de l'édit  de  Nantes.  Les  ré- 
fugiés qui  étaient  en  Suisse  et  en  grand  nombre ,  et  la 
plupart  dans  de  grands  besoins,  formèrent  le  dessein  de 
faire  une  députation  vers  tous  les  princes  souverains  et 


(1)  Il  est  appelé  le  neveu  sur  une  liste  de  1660,  parce  que  son  oncle  Jean 
était  le  seul  survivant  de  la  famille  avec  lui  à  cette  époque. 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT    DE   NANTES.  41;  5 

républiques  d'Allemagne  et  même  vers  les  rois  du  Nord, 
tant  pour  remercier  ceux  qui  avaient  déjà  exercé  leur 
charité  envers  les  pauvres  dispersés  que  pour  leur  en 
demander  la  continuation  et  pour  exciter  le  zèle  de 
ceux  qui  ne  se  seraient  pas  acquittés  de  ce  religieux 
devoir;  pour  leur  demander  l'établissement  de  nouvel- 
les colonies,  des  terres  à  défricher,  des  collectes  d'ar- 
gent oia  l'on  ne  voudrait  pas  recevoir  des  colonies ,  des 
secours  de  route  pour  le  soulagement  des  voyageurs  et 
tous  les  autres  moyens  pour  subvenir  aux  nécessités  des 
malheureux  qui  étaient  sortis  ou  qui  sortiraient  encore 
de  la  grande  tribulation.  Dans  ce  dessein  la  direction 
des  réformés  de  Lausanne  convoquapourleô  février  1688 
une  assemblée  générale  des  principaux  d'entre  les- 
dits  réfugiés  et  ceux  des  villes  voisines.  Là  fut  agité  et 
approuvé  la  nature  de  cette  députation  et  les  moyens  pour 
la  remplir;  là  furent  élus  à  la  pluralité  des  suffrages  Jean 
Bernard  et  de  Mirrnand,  gentilhomme  de  Nîmes.  Leurs 
lettres  patentes  furent  signées  de  cinquante-sept  person- 
nes, entre  lesquelles  étaient  trente -trois  ministres.  Cette 
députation  fut  approuvée  et  appuyée  par  des  lettres  de 
recommandation  des  seigneurs  des  cantons  évangéli- 
ques.  Les  députés  devaient  d'abord  diriger  leurs  pas 
auprès  du  grand  Electeur  de  Brandebourg.  Ils  étaient 
chargés  pour  lui  d'une  lettre  des  plus  touchantes  ;  mais 
ils  eurent  la  douleur  d'apprendre  en  chemin  la  mort  de 
cet  illustre  prince.  Le  marquis  de  Venours  et  de  Gissay 
et  quelques  autres  furent  joints  aux  députés  par  ordre 
de  Son  Altesse  Electorale  ;  mais  cette  députation,  dont 
on  avait  conçu  de  grandes  espérances,  se  réduisit  à 
peu  de  chose.  La  révolution  qui  survint  en  Angleterre 
en  changea  le  plan  et  en  arrêta  le  succès.  »  Ber- 
nard ,  contre  l'avis  de  la  colonie  française  de  Berlin 
(i*'  déc.  1688)  et  la  direction  des  réfugiés  de  Lausanne 


454  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

(i*""  mars   1689),. crut  devoir,  malgré  la  révolution  an- 
glaise et  les  grands  mouvements  politiques  de  l'Europe, 
continuer  sa  mission ,  bien  qu'on  la  lui  eût  retirée  plu- 
sieurs fois,  et  se  rendit  en  Angleterre,,  où  il  ne  put  être 
écouté.   Sa  persistance  fut  blâmée  avec   beaucoup  de 
vivacité  par   Gautier,    ancien  pasteur    de    Montpellier 
établi  à  Berlin ,  qui  lui  reprochait  de  manquer  de  con- 
stance,   de    modération    et  de  jugement.    Le    célèbre 
Pineton  de    Chambrun ,  qui  l'avait  vu  de  près  en  Hol- 
lande et  connu  sans  doute  en   France,  le  jugeait  bien 
différemment.  D'après  lui  Bernard  était  un  homme  très 
persuasif,  qui  s'était  attiré  à  La  Haye,  par  son  zèle,  sa 
piété  et  toute  sa  manière  d'agir,  la  bienveillance  de  la 
princesse  Marie  ,  qui  lui  avait  promis  des  secours  en 
argent  dès  qu'elle  serait  montée  sur  le  trône  d'Angle- 
terre. «  Il  est  écouté  des  puissances  avec  plaisir,  »  di- 
sait-il dans  une  lettre  du  10  novembre  1688,  «  sa  vertu 
et  les  dons  qu'il  a  pour  la  chaire  lui  ont  acquis  le  cœur 
de  tout  le  public  et  un  accueil  favorable  du  prince, 
mon  maître,  et  de  la  princesse,  qui  m'en  a  parlé  très 
avantageusement.  »  D'oij  l'ancien  pasteur  d'Orange  con- 
cluait qu'il  fallait  maintenir  Bernard  dans  l'emploi  qu'on 
travaillait  à  lui  ôter.  Un  historien  catholique  de   Pro- 
vence,   Achard,   porte  sur  lui  un  jugement  qui  corro- 
bore celui  de  Chambrun.  ((  Il  réunissait  en  lui,  >>  dit-il, 
«  les  mœurs,  l'esprit  et  la  science...  Une  probité  épu- 
rée, un  caractère  bienfaisant,  une  affabilité  prévenante, 
faisaient  aimer  Bernard  par  les  catholiques  mêmes.  Les 
saillies  de  son  esprit ,  les  agréments  de  sa  conversation 
et  une  physionomie  riante  le  faisaient  rechercher  de  tout 
le  monde.  Les  prêtres  eux-mêmes  vivaient  avec  lui  dans 
une  espèce  de   familiarité.   Il  était  fort  riche  et  faisait 
beaucoup  d'aumônes.  Sa  maison  de  campagne  est  en- 
core connue  sous  le  nom  de   Basitdo  d'ouo  Ministre  et 


RÉGIME   DE   l'ÉDIT   DE  NANTES.  455 

les  autres  terres  qu'il  possédait  sous  celui  de  Leis  Ber- 
nados.  »  A  son  retour  d'Angleterre ,  il  fut  inscrit  avec 
sa  femme,  le  21  avril  1691,  sur  la  liste  des  pensionnaires 
de  la  ville  d'Amsterdam.  Il  prêcha  dans  le  second  tem- 
ple de  cette  ville  jusqu'à  la  fin  de  1699  et  y  fut  inhumé 
le  3  août  1706. 

Pendant  que  Bernard  était  encore  en  Provence ,  il 
eut,  au  rapport  d'Achard,  une  dispute  théologique 
«  vive,  longue  et  animée,  »  avec  l'abbé  Aubert,  curé  de 
Notre-Dame  de  Manosque,  devant  une  assemblée  nom- 
breuse, réunie  à  l'hôtel  de  ville. 

On  connaît  de  Bernard  quatorze  sermons ,  dont  les 
titres  suivent  : 

Le  Seau  de  l'Esprit  ou  Sermon  sur  l'Epistre  aux  Ephe- 
siens ,  chap.  4,  vers.  30.  Prononcé  à  Charanton ,  le  Di- 
manche 30  juillet  1662.  Dédié  à  Boneau  ,  cousin  de 
Bernard.  —  Le  Cantique  de  délivrance  en  deux  sermons 
sur  le  pseaume  xcvin.  v.  i .  Dédié  à  M""®  de  Caille  et  de 
Rougon,  mère  du  sieur  de  Caille  et  de  M™^  du  Lignon. 
—  La  Consolation  des  chrétiens  en  deuil.  Sermon  sur  t  Evan- 
gile de  nostre  Seigneur  Jésus-Christ  selon  S.  Matthieu, 
chapitre  V.  v.  3  (sans  dédicace).  —  Jésus-Christ  dans 
l'assemblée  des  fidèles  ou  Sermon  sur  le  verset  20  du  chap. 
XVIII  de  l'Evangile  de  S.  Matthieu  :  Là  où  il  y  a  deux 
ou  trois  etc.  Prononcé  au  Luc  pendant  la  tenue  du  Sy- 
node. Dédié  à  M.  Dusson,  seigneur  de  la  Queze,  capi- 
taine d'un  des  vaisseaux  du  Roy  et  son  commissaire  au- 
dit synode  (i).  —  Le  Soulagement  du  fidelle  travaillé  ou 
Sermon  sur  l'Evangile  selon  saint  Matthieu ,  chap.  XI , 
vers.  28  .•  Vene^  à  mo/ ,  etc  (sans  dédicace).  —  Ces  six 


(i)  Ce[sermon  avait  déjà  paru  l'année  précédente  (1079)  à  Montauhan,  par 
les  soins  d'Antoine  Bertier,  imprimeur  de  la  ville  (exemplaire  du  marquis  de 
Clapier,  de  Marseille). 


456  HISTOIRE  DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

sermons,  formant  cinq  opuscules  in-i6  avec  une  pagi- 
nation distincte,  portent  tous  sur  le  titre  :  a  Genève, 
chez  Herman  Widerhold,  1680,  »  et  furent  sans  doute 
publiés  en  un  seul  volume  et  à  la  fois. 

Le  Souhait  apostolique  ou  Sermon  premier  sur  ces  pa- 
roles de  l' apostre  saint  Paul  écrivant  aux  Ephésiens.  Chap.  I, 
V.  2  ,  Grâce  vous  soit  et  paix  etc.  Prononcé  à  Saint- 
Gai,  en  l'année  1686.  Dédié  à  MM.  les  directeurs  des 
marchands  de  la  ville  de  Saint-Gai.  —  Le  Souhait  apos- 
tolique ou  Sermon  second  sur  ces  paroles ,  etc. ,  comme 
précédemment.  Dédié  à  M.  Ruts,  consul  à  Marseille 
pour  les  Très  Hauts  et  Très  Puissants  et  Souverains 
Seigneurs  les  Etats  généraux  des  Provinces  Unies,  qui 
se  trouve  à  présent  à  Amsterdam.  —  Imprimés  à  Genève 
chez  Jacques  de  Tournes,  1687,  in-16,  avec  deux  pa- 
ginations et  deux  titres  distincts. 

Le  Combat  du  fidèle  exposé  en  deux  sermons  sur  ces  pa- 
roles de  l'apostre  S.  Paul  en  sa  11^  epistre  à  Timothée , 
chap.  IV,  V.  y  et  8  :  J'ay  combattu,  etc.  Dédié  aux 
Avoyers,  Boursiers,  Banderets  et  Conseillers  de  la  ville 
et  canton  de  Berne,  Genève,  Duillier,  1689,  in-8. 

La  Vision  de  la  face  de  Dieu,  ou  premier  sermon  sur  la 
les  paroles  du  Prophète  David  ,  Ps.  17  ,  vers,  dernier  : 
Mais  moi  je  verrai,  etc.  Prononcé  dans  l'église  françoise 
de  Berne.  Dédié  à  M^""  d'Erlak  ,  seigneur  de  Chadaw, 
du  petit  Conseil  de  la  ville  et  canton  de  Berne.  —  Le 
Rassasiement  du  fidèle  ou  deuxième  sermon  sur  ces  paroles, 
etc. ,  comme  précédemment.  Prononcé  dans  l'église 
française  de  Berne.  Dédié  à  M?""  Steiger,  seigneur  de 
Saint-Christophle,  du  petit  conseil  de  la  ville  et  canton 
de  Berne.  —  Le  Réveil  du  fidèle  ou  Sermon  troisième  sur 
ces  paroles,  etc.,  comme  précédemment.  Aurait  été  dé- 
dié à  F.  Turrettin  si  la  modestie  de  ce  savant  théologien 
l'eût  permis.   —  Ces  trois  sermons  furent  imprimés  à 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  457 

Genève  pour  Jacques  Bardin,  1687,  in-i6,  avec  une 
pagination  et  des  titres  distincts. 

Sermon  sur  le  verset  5  du  second  chapitre  de  l'Apoca- 
lypse de  Saint  Jean.  Prononcé  dans  une  des  églises  wal- 
lonnes d'Amsterdam,  le  16  janvier  1695,  sur  la  mort  de 
la  Reine  d'Angleterre.  Amsterdam  ,  Corneille  de  Ho- 
genhuisen,  1695,  in-8°  (sans  dédicace). 

D'après  l'historien  Achard,  qui  donne  à  Bernard  le 
prénom  de  Joachim,  nous  ne  savons  pourquoi,  ce  pas- 
teur aurait  encore  composé  un  livre  intitulé  :  Obéissance 
des  sujets  à  la  loi  du  prince  et  du  prince  à  la  loi  de  Dieu, 
où  il  prouve  que  les  persécutions  ne  peuvent  autoriser 
les  sujets  à  se  révolter  contre  leur  prince  et  que  les 
princes  ne  doivent  pas  user  de  violence  pour  rameoer 
les  esprits  à  la  vraie  religion  (Court ,  Hist.  des  niinist.  de 
France  ,  t.  I  ;  Ms.  Court  n°  42  de  la  biblioth.  publ.  de 
Genève;  Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  IX,  p.  149-1 53  ; 
Achard,  Hist.  des  hom.  illustr.  de  Prov.;  La  France  pro- 
testante, 2®  éd.,  vol.  II,  p.  375,  376.  L'article  consacré 
à  Jean  Bernard  dans  ce  dernier  ouvrage  renferme, 
croyons-nous,  plusieurs  erreurs. 

Bernard  (...)  Frère  du  précédent,  second  pasteur 
de  Mérindol,  1666-1677. 

Bernard  (Barthélémy) ,  né  au  Luc  ,  immatriculé  à 
l'académie  de  Genève,  le  4  juillet  1662  ,  et  vraisembla- 
blement le  fils  de  Jean  Bernard,  pasteur  au  Luc,  de 
1633  à  1637,  fut  pasteur  à  Velaux,  Aix,  Marseille,  1664 
(environ)- 168 5,  et  député  des  églises  de  Provence  au 
synode  national  de  Loudun  de  1659.  Le  24  mai  1683  , 
Charles  de  Lombard  de  Gourdon,  marquis  de  Montau- 
roux,  conseiller  du  roi  en  sa  Cour  de  Parlement  de 
Provence ,  fut  commis  pour  instruire  contre  lui  parce 
qu'il  avait  recommandé  à  ses  ouailles,  au  temple  de  Ve- 
laux ,  de  prier  Dieu  pour  leurs   frères   persécutés    par 


458  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

rAntechrist  et  privés  de  leurs  temples  et  de  l'exercice 
de  leur  religion  (c'était  le  moment  où  un  grand  nombre 
d'églises  étaient  supprimées  par  le  Conseil  du  roi). 
Quinze  témoins  furent  entendus  contre  Bernard,  notam- 
ment un  capucin,  son  dénonciateur,  qui,  prêchant  le  ca- 
rême à  Velaux,  entra  le  jour  de  Pâques  dans  le  temple 
pour  entendre  le  sermon  de  Bernard.  Au  moment  de 
l'enquête,  ce  dernier,  malade  depuis  deux  mois,  était 
remplacé  dans  son  service  tantôt  par  Charles  Maurice , 
pasteur  d'Eyguières,  tantôt  par  d'Oraison,  maître  d'école 
de  Velaux.  La  conclusion  de  ce  procès  fut  la  suppression 
de  l'exercice  à  Velaux  l'année  suivante.  A  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes ,  Bernard  se  réfugia  à  Amsterdam 
avçc  sa  femme.  Le  24  avril  1686,  il  signa  la  confession 
de  foi  des  églises  wallones  et,  en  1688,  il  était  pasteur 
d'une  de  ces  églises  à  Amsterdam.  Il  mourut  avant  1694 
et  sa  famille  était  encore  assistée  en  1707  [Arch.  na- 
tion., TT,  289  A;  Bulletin  de  la  Soc.  de  Niist.,  etc.,  t.  V, 
p.  372  ;  t.  VII,  p.  434;  La  France  protestante,  2"  édit., 
vol.  II,  p.  375,  376). 

BoMPART  (Jean),  pasteur  à  Mérindol,  1561. 

BoissiER  (Claude),  pasteur  à  Aix,  1557. 

BoNiFACE  (Balthazar),  ancien  avocat,  pasteur  à  For- 
calquier ,  1 562. 

BouER  ou  Boër  (Jean),  né  à  Mérindol,  élève  de 
l'académie  de  Genève  en  1652,  pasteur  au  Luc,  1660- 
1685.  Sa  femme,  qui  s'appelait  Madeleine  Jouffret,  se 
réfugia  à  Mérindol  à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes 
et  y  demeura;  mais  son  fils  partit  pour  la  rejoindre  à 
l'étranger  le  1 5  avril  1687  (Arch.  nation.  TT,  236,  237). 

BouER  ou  Boër  (Jean),  originaire  du  Luc  en  Pro- 
vence, pasteur  à  Mérindol,  1580;  à  Cordes,  1583- 
1588;  à  Lourmarin  et  Mérindol  réunis,  1^88-159);  à 
Mérindol  seul,  1 595. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  459 

BouoN  ou  Bonon ,  pasteur  à  Sivergues ,  1561  ;  à 
Lourmarin  entre  1564  et  1572. 

BussET  ou  Blusset,  pasteur  à  Lacoste,  1615-1616; 
il  apostasia  à  cette  dernière  date  et  avait  trente-quatre 
ans.  Le  synode  national  de  Vitré  de  1617  donne  de  lui 
ce  signalement  :  «  11  est  de  moyenne  stature  et  porte  la 
tête  baissée.  Ses  yeux  sont  égarés  et  son  nez  presque 
toujours  renfrogné.  Sa  barbe  est  rousse  et  ses  cheveux 
sont  plus  clairs.  » 


Cassy  (Guillaume),  pasteur  à  Sivergues,  1 566-1 567. 

Chabrand,  pasteur  à  Vilhosc-Sisteron ,  1561;  à 
Aix  ,  fin  décembre  1 561  ,  et  décrété  d'arrestation  par  le 
Parlement. 

Chabrand,  pasteur  à  Gordes,  1615-1634.  Proba- 
blement le  même  que  Chabrand  pasteur  à  Vesc,  1644; 
à  Manas-Saou ,  1660,  deux  églises  du  Dauphiné. 

Chalier  (Pierre),  pasteur  à  Seyne ,  1 596-1637,  et 
député  des  églises  de  Provence  au  synode  national  de 
Saint-Maixent  de  1609. 

Chalier  (Pierre),  vraisemblablement  le  fils  du  pré- 
cédent; pasteur  à  Lacoste,  1660- 1668. 

Chamforan  (Daniel),  pasteur  à  Gordes,  1 598-1608, 
et  député  des  églises  de  Provence  au  synode  national 
de  La  Rochelle  de  1607.  Passé  en  Vivarais,  il  fut  pas- 
teur au  Pouzin  et  à  Saint- Alban  réunis,  161 1 -1626,  et 
député  par  les  églises  de  cette  province  au  synode  na- 
tional de  Tonneins  de  16 14.  Le  synode  national  de 
Privas  de  161 2  lui  fit  payer  une  somme  de  quarante- 
deux  livres ,  que  lui  devait  encore  l'église  de  Lacoste 
sur  ses  honoraires,  et  deux  cents  livres  à  son  fils  André, 
sur  les  deniers  d'octroi  du  roi  assignés  à  la  Provence , 


460  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

pour  l'entretien  que  cette  province  s'était  engagée  à 
fournir  à  ce  dernier  en  qualité  de  proposant,  de  1607 
à  1609. 

Chamforan  (...).  Peut-être  le  frère  du  précédent. 
Pasteur  à  La  Bréole,  1603.  II  y  avait  aussi  un  Joseph 
Chamforan,  pasteur  à  Mean,  161 6-1 61 9,  en  Dauphiné, 
qui  pourrait  bien  être  le  même  personnage  que  le  pas- 
teur de  La  Bréole.  Cette  famille  paraît  issue  des  Vallées 
vaudoises  du  Dauphiné  et  l'on  trouve  quelquefois  son 
nom  précédé  de  la  particule. 

CoDUR  (Bernardin),  d'Annonay,  pasteur  à  Forcal- 
quier,  1 567,  de  passage.  Paraît  avoir  été  l'aumônier  de 
René  de  Savoie,  baron  de  Cipières  ,  célèbre  capitaine 
huguenot  de  Provence  (Sur  le  reste ,  voy.  La  France 
protestante,  2*  édit.). 

CoDUR  (Philippe),  né  à  Annonay,  fils  du  précédent, 
pasteur  à  Manosque ,  1603;  à  Riez-Roumoules  avant 
1609;  député  des  églises  de  Provence  à  l'assemblée 
politique  de  Châtellerault  en  1605.  Il  quitta  la  Provence 
sans  que  ses  gages  lui  eussent  été  intégralement  payés , 
et  il  s'en  plaignit  au  synode  général  de  Vitré  de  1617, 
qui  chargea  les  pasteurs  et  anciens  du  bas  Languedoc, 
députés  au  synode  de  Provence ,  d'obliger  les  églises 
que  Codur  avait  desservies  «  de  régler  leurs  comptes 
avec  lui  et  de  le  contenter  »  (Voy.  La  France  protestante, 
2®  édit. ,  qui  a  ignoré  que  le  Dœmonomastix  de  signo 
crucis  de  Codur  a  paru  en  français  sous  ce  titre  :  La 
Colombe  de  Noe ,  ou  le  signe  de  la  croix  institué  par  les 
apostres ,  etc.;  Paris',  E.  Martin,  1659,  in-8°;  Bulletin, 
t.  IX,  p.  1 1 3-1 1 5). 

CoLLADON  (Théodore),  pasteur  à  Cabrières  d'Aiguës 
en  1 599. 

CoRNELLi  pour  Corneille  (Georges),  pasteur  à  Pui- 
michel,  1 561  ;  puis  à  Orange,  1 561  ;  derechef  à  Puimi- 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE   NANTES.  461 

chel  à  la  fin  de  la  même  année.  Réfugié  en  1562  au 
château  de  Demandols ,  près  Castellane ,  et  massacré 
peu  après,  en  mai,  à  Saint-Auban,  situé  non  loin  de  là. 

CoRNELLi  (Lucy,  réfugié,  en  1561,  au  château  de 
Mouans,  près  Grasse. 

Cray  (Jean  du),  pasteur  à  Manosque,  1617-1622.  Il 
avait  déjà  exercé  son  ministère  à  Villeneuve-de-Berg , 
en  Vivarais,  16 14,  et  fut  député  des  églises  de  cette 
dernière  province  au  synode  national  de  Tonneins ,  as- 
semblé cette  même  année. 

Croze  (Antoine  de) ,  pasteur  de  Cabrières,  1 603  - 1 644. 
Il  représenta  les  églises  de  Provence  au  synode  natio- 
nal de  Gap  de  1603. 


Dedun  (François),  originaire  de  Rouen,  pasteur  en 
Provence  en  1580,  marié  à  Antoinette  de  Lère. 

Delamer  (Gaspard),  pasteur  à  Espinouse  en  1572. 

Drujon  (Georges),  pasteur  à  Lourmarin,  1580-1 581  ; 
passa  au  service  des  églises  du  Dauphiné,  vivait  encore 
en  1593. 


Emery  (M""^),  diacre  en  Provence  en  1561. 

EsMiEu  (Boniface)  fut  accordé  à  Gignac  en  1 567  par 
la  vénérable  compagnie  des  pasteurs  de  Genève ,  mais 
les  députés  que  cette  église  avait  envoyés  à  Genève  ne 
l'emmenèrent  pas  et  il  fut  accordé  à  Colmars,  oia  il  n'alla 
pas  davantage  parce  que  l'église  ne  l'envoya  pas  cher- 
cher. 


Fabri  (Jehan),  pasteur  à  Larche  (vallée  de  Barcelon- 
nette)  en  1 556. 


462  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Falquet  (Ennemond),  pasteur  à  Lemps  en  1596.  Le 
synode  national  de  Montpellier  de  1598  exhorta  les 
églises  du  Dauphiné,  de  la  Provence  et  du  bas  Langue- 
doc à  le  secourir,  «  attendu,  »  disent  ses  actes,  «  qu'il 
a  heureusement  servi  nos  églises.  »  Il  semble,  d'après 
cela,  que  Falquet  avait  exercé  son  ministère  dans  ces 
trois  provinces.  Il  était  pour  sûr  pasteur  à  Gap  de  1 579 
à  1580. 

De  Fargues,  pasteur  à  Lacoste-Roussillon  en  1 561. 

FoLiON  (Nicolas)  dit  La  Vallée,  pasteur  à  Marseille 
en  1 559.  De  Toulouse,  oia  il  se  rendit  la  même  année, 
comme  nous  l'avons  dit  p.  311,  note  i ,  il  alla  à  Castres, 
puis  à  Orléans.  Voy.  La  France  protestante,  t.  IV,  p.  62 
et  t.  VI,  p.  439. 

Franc  (Pierre) ,  pasteur  à  Lourmarin  entre  C564  et 
1572,  à  Marseille  en  1572. 


Gabet  (Raphaël),  né  à  Orange,  élève  de  l'académie 
de  Genève  en  1609,  pasteur  à  Lacoste,  1616-1618.  A 
cette  dernière  date  il  quitta  la  Provence ,  en  suite  de 
quoi  les  synodes  provinciaux  de  Manosque  du  25  octo- 
bre 16 18  et  d'Eyguières  du  2  mai  16 19  lui  refusèrent 
les  témoignages  honorables  qui  lui  étaient  dus  et  le  rem- 
boursement des  frais  qu'il  avait  faits  pour  la  province. 
Le  synode  national  d'Alais  de  1620,  auquel  il  en  appela, 
jugea  u  les  procédures  faites  contre  ledit  sieur  Gabet 
injustes  et  défectueuses  en  plusieurs  choses ,  »  et  or- 
donna à  la  Provence  de  lui  donner  le  témoignage  qui  lui 
était  dû  et  soixante  écus  pour  le  remboursement  de  ses 
frais  de  voyage.  Pour  le  reste ,  voy.  E.  Arnaud ,  Hist. 
des  p rot.  du  Daiiph.,  t.  II,  p.  396. 

Gand  (de),  pasteur  à  Antibes  en  1642. 


RÉGIME   DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  463 

Garin  (André),  natif  de  Sault,  consacré  au  saint  mi- 
nistère en  1609,  pasteur  àJoucas,  1611-1634.  Il  avait 
été  d'abord  pasteur  à  Donzère,  en  Dauphiné,  1 609- 1 6 1  2. 

Gaspard  de  Sisteron,  pasteur  de  Provence,  réfu- 
gié au  ciiâteau  de  Mouans,  près  Grasse,  en  1561. 

Gaudemar  (Paul),  né  à  Manosque,  élève  de  l'Aca- 
démie de  Genève  en  décembre  1622,  pasteur  à  Manos- 
que, 1626-1636;  à  Riez-Roumoules,  1636-1645.  Il  fut 
nommé  à  ce  dernier  poste  par  le  synode  provincial  du 
Luc  du  i^*"  novembre  1636,  qui  fixa  ses  appointements 
à  deux  cents  livres,  y  compris  les  pensions.  Il  devait 
toucher  en  sus  le  montant  des  collectes  qui  se  feraient 
dans  les  annexes  quand  il  y  donnerait  des  prédications. 
Sur  sa  lutte  courageuse  contre  le  Parlement  de  Pro- 
vence, voy.  plus  haut,  page  433.  Nous  ne  savons  pour 
quel  motif  il  demanda  son  congé  au  synode  provincial 
de  Riez  du  20  août  1654  pour  quitter  non  seulement  son 
ancienne  église,  où  le  culte  avait  été  suspendu  pendant 
dix  ans,  mais  encore  la  Provence.  Il  résulte  même  de 
la  délibération  du  consistoire  de  Riez-Roumoules  du 
26  décembre  1653  qu'il  n'était  pas  dans  le  pays  à  cette 
dernière  date.  II  est  vraisemblable  qu'il  l'avait  abandon- 
née quand  le  Parlement  le  décréta  de  prise  de  corps  le 
6  septembre  1645,  et  qu'il  se  pourvut  d'une  autre  église 
dans  quelque  province  voisine. 

Gaudemar  (Héléon),  né  à  Manosque,  de  la  même 
famille  que  le  précédent,  lauréat  du  collège  de  Die  en 
1659  pour  l'art  oratoire,  immatriculé  à  l'Académie  de 
Genève  le  26  novembre  1663  ,  nommé  second  pasteur 
de  Manosque  peu  après  cette  date  pour  aider  Jean  Ber- 
nard à  desservir  cette  église  et  celle  de  Riez,  qui  n'avait 
plus  de  pasteur  en  propre  depuis  dix  ans.  Il  demeura  à 
son  poste  jusqu'à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  (  1 68  5  ). 

Génoyer   (André) ,   né  à  Manosque  vraisemblable- 


464  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ment,  où  se  trouvait  une  famille  de  ce  nom  et  entretenu 
aux  frais  de  la  province  à  l'académie  de  Genève.  Le 
synode  de  Cabrières,  du  14  avril  1617,  fit  savoir  à  la  vé- 
nérable compagnie  des  pasteurs  de  cette  ville  qu'il  dé- 
sirait que  Génoyer  fût  «  promu  au  saint  ministère  sous 
la  conduite  de  l'Esprit  de  Dieu  »  pour  le  prochain  sy- 
node de  Provence  qui  se  tiendrait  après  le  national  , 
c'est-à-dire  l'année  suivante.  Nous  ignorons  si  Génoyer 
put  être  consacré  à  cette  époque ,  mais  nous  le  voyons 
pasteur  à  Riez-Roumoules  de  1625  à  1635-  et  nous 
pensons  qu'il  le  fut  au  Luc  de  16 18  à  1624.  Pendant 
qu'il  était  dans  le  premier  poste ,  il  fit  diverses  appella- 
tions au  synode  national  de  Castres  de  1626  ,  auquel  il 
était  député  par  les  églises  de  Provence ,  touchant  les 
difficultés  qu'il  rencontrait  dans  l'exercice  de  son  minis- 
tère. Le  synode  renvoya  l'examen  de  celles-ci  au  col- 
loque de  l'Embrunais,  en  Dauphiné,  qui  devait  sommer 
l'église  du  Luc  en  particulier  de  produire  ses  griefs 
contre  Génoyer  et  qui  était  autorisé,  sur  son  refus  de 
s'expliquer,  à  rendre  un  jugement  contre  elle.  Le  collo- 
que de  l'Embrunais  n'ayant  pu  s'occuper  de  cette  affaire, 
le  synode  national  de  Charenton  de  163 1  chargea  de 
ce  soin  celui  du  Gapençais.  Génoyer  adressa  de  nou- 
velles plaintes  au  synode  national  d'Alençon  de  1637  , 
mais  la  vénérable  assemblée  répondit  que  ledit  pasteur 
<(  ne  devait  pas  les  embarrasser  de  choses  si  simples  et 
même  qu'il  n'avait  pas  prouvées ,  et  on  lui  défendit  de 
faire  de  pareilles  procédures  à  l'avenir.  »  Génoyer 
quitta,  en  1 63  5 ,  l'église  de  Riez-Roumoules,  qui  le  payait 
fort  mal.  Le  synode  de  Manosque  l'avait  même  autorisé 
à  partir  dès  le  30  juillet  1631,  mais  il  avait  retardé 
son  départ  de  quatre  ans.  Il  paraît  avoir  passé  au  ser- 
vice des  églises  du  Dauphiné.  Il  est  certain  du  moins 
qu'il  y  exerça  son  ministère  de  1648  à  1659. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  465 

Graignon  (M""e  Jehan),  pasteur  à  Aix  en  1 559. 
GuÉRiN  (Jacques),  pasteur  à  Forcalquier  en    1567. 


Hersan,  pasteur  de  deux  villages  de  Provence  en 
1567. 

Huron  (Pierre),  pasteur  à  Riez-Roumoules ,  1609- 
1620;  à  Die,  en  Dauphiné,  1622-1623  ;  à  Turenne,  en 
Limousin,  [623.  Il  dut  quitter  le  poste  de  Die  parce 
qu'il  s'y  était  fait  nommer  illégalement ,  et  fut  député 
des  églises  de  Provence  aux  synodes  nationaux  de  Pri- 
vas en  1612  et  d'Alais  en  1620,  et  à  l'assemblée  poli- 
tique de  Grenoble  de  161 5.  Pour  le  reste,  voyez  La 
France  protestante. 


Lacombe  (Siméon  de),  pasteur  à  Seyne  en  1586  et 
pendu  à  cette  date  par  l'ordre  du  sanguinaire  duc 
d'Epernon.  Il  avait  été  pasteur  à  Orange  en  1561  et 
dans  plusieurs  églises  du  Dauphiné.  Pour  le  reste , 
voyez  notre  tome  II  [Hist.  des  prot.  d'Orangé)  et  La 
France  protestante. 

La  Planche  (Jacques  de)  ,  pasteur  à  Lourmarin  , 
1 595-161  2;  à  Mérindol,  161 5-1620.  Il  avait  desservi 
auparavant  Vesc ,  1591-1503,  et  Dieulefit,  1594,  deux 
églises  du  Dauphiné.  Il  représenta  les  églises  de  Pro- 
vence au  synode  national  de  Privas  de  i6\2  et  il  quitta 
le  ministère  en  1620  à  cause  de  son  grand  âge  et  de 
ses  infirmités.  On  lit  à  ce  propos,  dans  les  actes  du  sy- 
node national  d'Alais,  1620,  auprès  duquel  il  s'était 
rendu  pour  demander  une  retraite  :  «  Le  sieur  Jacques 
de   La  Planche  ayant  heureusement   servi   l'Eglise    de 


466  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE.- 

Dieu  pendant  vingt-six  ans  en  Provence  et  se  trouvant 
maintenant  presque  privé  de  la  vue  et  fort  incommodé  , 
tant  par  une  grande  difficulté  de  respiration  que  par  di- 
verses autres  incommodités  provenant  des  travaux  qui 
ont  épuisé  ses  forces,  et  de  la  caducité  de  son  âge  dé- 
crépit, le  synode  de  ladite  province  l'a  dispensé  des 
fonctions  du  saint  ministère  et  lui  a  donné  des  témoi- 
ernaofes  fort  honorables  de  ses  bons  services  et  de  sa 
conduite  régulière  ;  mais  attendu  qu'il  est  destitué  des 
moyens  nécessaires  pour  sa  subsistance  dans  sa 
vieillesse  et  ayant  fait  connaître  ses  besoins  à  cette 
compagnie ,  elle  lui  a  donné  une  portion  franche ,  la- 
quelle sera  mise  parle  sieur  Ducandal  entre  les  mains 
du  sieur  Gras  à  Lyon  pour  la  lui  faire  tenir  dans  le  lieu 
où  il  fera  sa  demeure,  et  on  lui  a  donné  présentement 
la  somme  de  36  livres  pour  les  frais  de  son  voyage.  » 
De  la  Planche  paraît  s'être  résisté  à  Orange.  Il  assista 
du  moins  à  une  séance  du  consistoire  de  cette  ville  le 
31  octobre  1621  (Lapise  ,  Recueil  de  pièces  sur  l'histoire 
d'Orange,  t.  Il,  fol.  296). 

La  Planche  (...),  pasteur  à  La  Charce,  1660-1677. 
De  la  même  famille  sans  doute  que  le  précédent. 

La   Plante  (de),  pasteur  à  Apt  en  1561. 

La  Salle  (de),  pasteur  à  La  M otte-d' Aiguës  en  1 561 . 


Manny  ou  Magni  ,  pasteur  à  La  Roque-d'Antheron 
en  1 561 . 

Maréchal  (J.),  pasteur  à  Curbans  en  1620. 

Maréchal  (Charles),  pasteur  à  Curbans  en  1626. 
Le  même  sans  doute  que  le  précédent,  avec  une  erreur 
dans  le  prénom. 

Maurice  (...),  déchargé  du  ministère  en  161 1,  paraît 


RÉGIME    DE   l'ÉDIT   DE   NANTES.  467 

avoir  été  pasteur  à  Velaux-Aix-Marseille  (Voy.  Aymon, 
t.  I,  p.  440). 

Maurice  (Paul),  dit  VAîné,  en  1660  (i),  né  à  Ge- 
nève en  1577,  et  consacré  dans  cette  ville  en  1595, 
pasteur  à  Eyguières,  1619-1647  (où  son  fils  Christophe 
exerça  la  médecine  jusqu'en  1685),  député  des  églises 
de  Provence  à  Tasseniblée  politique  de  Loudun  de  1619 
et  aux  synodes  nationaux  de  Charenton  de  1631  et 
d'Alençon  de  1637.  Il  avait  été  d'abord  pasteur  à 
Orange,  1 603-1 614;  à  Tulette  en  Dauphiné ,  en  [614 
et  161 5.  Mort  en  1659. 

Quand  Maurice  était  encore  pasteur  en  Dauphiné  le 
colloque  de  Valentinois  lui  avait  promis  de  recevoir  son 
fils  comme  «  écolier  entretenu  aux  frais  dudit  collo- 
que ;  »  mais  le  synode  de  la  province  ayant  annulé  cette 
sentence,  Maurice  en  appela  au  synode  national  de 
Tonneins  de  1614,  qui  décida  que  son  fils  «  prendrait 
la  première  place  vacante  d'écolier  entretenu  ,  dans 
quelque  colloque  que  ce  fût  de  la  province  »  [A/mon, 
t.  II,  p.  94). 

Paul  Maurice  a  écrit  plusieurs  livres  de  controverse, 
qui  ont  échappé  à  La  France  protestante.  En  voici  les 
titres  :  Allégations  d'un  certain  se  disant  professeur  de  la 
règle  de  saint  François  pour  prouver  que  la  messe  a  este' 
chantée  es  cinq  premiers  siècles  dès  la  venue  de  Nostre  Sei- 
gneur Jesus-Christ,  etc.  Genève,  1633,   71   pag.  in-i6. 


(i)  C'était  le  fils  d'Antoine  Maurice,  originaire  de  Thoard  et  capitaine  de 
cavalerie',  qui  se  réfugia  à  Genève  en  154;  ,  où  il  embrassa  plus  tard  le  saint 
ministère.  Antoine  fut  pasteur  dans  le  pays  de  Gex  de  1591  à  1^96  et,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-quinze  ans ,  rejoignit  son  fils  Paul  à  Tulette.  En  passant  à 
Avignon,  il  fut  arrêté  et  enfermé  dans  un  couvent.  Le  pasteur  de  Tulette 
n'ayant  pu  obtenir  son  élargissement,  eut  recours  au  Parlement  d'Aix,  qui  lui 
délivra,  vers  1614,  des  lettres  de  représailles  en  vertu  desquelles  il  lui  était 
permis  d'arrêter  qui  que  ce  fût  de  la  ville  et  territoire  d'Avignon.  Son  père  lui 
fut  enfin  rendu  et  mourut  à  Tulette  en  161 5  (Archives  de  la  famille  Maurice). 


468  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

—  Responsc  à  la  ietire  de  frère  Jaeques  de  Vau/reas^  ca- 
puein,  adressée  à  M.  le  eadet  de  Rosset  ;  Genève,  1633, 
7  1  pag.  in- 16.  —  D'après  le  père  Bougerel,  Paul  Mau- 
rice aurait  encore  fait  imprimer  un  Catéchisme^  une  Con- 
férence avec  le  jésuite  Patornay  (Orange  ,  1609,  in  i  2)  , 
et  quelques  Disputes  avec  le  P.  Veron  (Notes  du  Père 
Bougerel  communiquées  par  le  marquis  de  Clapier,  de 
Marseille).  —  Pour  le  reste  ,  voy.  La  France  protes- 
tante. 

Maurice  (Pierre)  dit  le  Puisafné ,  en  1660,  frère  du 
précèdent,  pasteur  à  Eyguières  en  (612  ;  à  Lourmarin  , 
161 2-1678.  Il  représenta  les  églises  de  Provence  au 
synode  national  de  Vitré  de  1617  et  fut  député  en  cour 
en  1639,  nous  ne  savons  pour  quel  objet.  L'église  de 
Lourmarin ,  ainsi  que  Pierre  Maurice  son  pasteur  et 
l'ancien  Corriger,  se  plaignit  au  synode  national  d'Alais 
de  1620  de  ce  que  Maurice  avait  été  suspendu  de  ses 
fonctions ,  puis  rétabli  par  le  synode  de  Roumoules  et 
obligé,  tout  comme  Corriger,  de  demander  pardon  ,  à 
genoux,  audit  synode  de  choses  «  ou  nulles  ou  de  peu 
de  conséquence,  quand  elles  seraient  vraies,  »  avec 
une  prière  prononcée  par  le  modérateur.  Le  synode  na- 
tional condamna  la  province  de  Provence  «  pour  avoir 
abusé  de  la  discipline  et  donné  occasion  de  mépriser  le 
saint  usage  des  prières,  »  et  ordonna  que  l'acte  de  sus- 
pension serait  effacé  de  tous  les  exemplaires  du  synode 
de  Roumoules. 

Maurice  (Alexandre),  dit  le  Fils  du  défunt,  en  1660, 
parce  qu'à  cette  date  son  père  Maurice  Paul  était  mort. 
Pasteur  à  Cabrières  d'Aiguës,  1640-1662.  Il  avait 
été  d'abord  pasteur  à  Sedan  puis  à  Edimbourg. 

Maurice  (Charles),  né  à  Eyguières,  fils  de  Christo- 
phe et  petit-fils  de  Paul ,  immatriculé  à  l'académie  de 
Genève  le  7  septembre  1661,  pasteur  de  la  maison   de. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  469 

Sénas  de  1665  à  1670,  second  pasteur  à  Eyguières  , 
ibjo-iôSy  11  signa  à  Genève,  où  il  s'était  réfugié,  la 
réhabilitation  de  Jacques  Pineton  de  Chambrun  et  fut 
reçu  bourgeois  de  cette  ville  le  2  septembre  1697  avec 
son  fils  Antoine,  qui  devint  si  distingué  dans  la  suite. 
Charles  mourut  en  1729  à  ïàge  de  quatre-vingt-six  ans. 

Mense  (Gaspard),  natif  d'Aups,  pasteur  à  Forcal- 
quier  en  1 572  et  de  nouveau  en  Provence  en  161 1.  dé- 
puté des  églises  de  ce  pays  à  l'assemblée  politique  de 
Saumur  de  161 1  (La  France  proiesfanie,  t.  V,  p.  255). 

MisoN,  pasteur  de  Provence,  réfugié  au  château  de 
Mouans,  près  Grasse,  en  1562. 

Mercurîns  (de),  pasteur  à  Lourmarin  en  i  ^61  et  à 
Marseille  la  même  année. 

Mercurin  (Pierre),  né  en  Provence,  pasteur  à  Sis- 
teron  en  1620  et  à  Grasse  en  1626.  Entretenu  par  les 
deniers  de  l'église  à  l'académie  de  Montauban  depuis 
le  synode  national  de  Tonneins  de  161 4,  Mercurin, 
après  avoir  terminé  ses  études,  en  161 7,  demanda  au 
synode  national  de  Vitré,  tenu  cette  même  année,  que 
sa  subvention  de  six-vingt  livres  lui  fût  continuée.  La 
compagnie  décida  que  Ducandal ,  receveur  général  des 
églises,  lui  paierait,  pour  une  fois,  soixante  livres, 
((  afin.  »  disent  ses  actes,  «  qu'il  se  puisse  retirer  dans 
la  province  de  Provence  et  y  être  employé  d'une  ma- 
nière conforme  à  sa  capacité ,  suivant  le  décret  du 
synode  national  de  Tonneins.  »  Mercurin  éprouva  des 
difiicultés  dans  le  règlement  de  son  compte  avec  sa 
province,  et  le  synode  national  d'Alais  de  1620,  auquel 
il  en  appela,  décida  que  le  colloque  des  Baronnies,  en 
Dauphiné ,  terminerait  [le  différend  sous  l'autorité  du 
synode  général  et  iexaminerait  les  prétentions  de  Mer- 
curin. —  Sur  la  mission  que  Barthélémy  Recend ,  pas- 
teur   à    Velaux-Aix-Marseille ,    lui    confia,    voy.    plus 


470  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

haut,  p.  382.  —  Mercurin  se  rendit  au  synode  national 
de  Castres  de  1626  pour  se  plaindre  de  ce  que  la  Pro- 
vence avait  refusé  de  le  secourir  quoiqu'il  eût  «  souffert 
de  la  part  des  ennemis  de  l'Evangile.  »  Le  synode  lui 
alloua  une  somme  de  cent  cinquante  livres  sur  les  de- 
niers appartenant  à  la  Provence.  Quant  au  différend 
qu'il  avait  à  Sisteron  avec  son  ancienne  église,  le  même 
synode  chargea  le  synode  d'Embrun,  en  Dauphiné,  de 
le  juger  en  dernier  ressort.  Enfin  ,  Ducandal  fut  prié 
d'avancer,  sur  les  cent  cinquante  livres  susmentionnées', 
«  ce  qu'il  faudrait  pour  retirer  l'ordre  d'emprisonnement 
que  le  conseil  privé  avait  donné  contre  lui ,  afin  que  le 
Parlement  de  Provence  n'eût  pas  connaissance  des 
matières  par  lesquelles  il  était  molesté  et  qui  l'empê- 
chaient de  vaquer  aux  fonctions  de  son  ministère.  » 

MoLiNON,  pasteur  à  Marseille,  1567. 

MoRANGES  (Guy  de),  dit  de  La  Garde,  pasteur  à  Aix 
en  1 561 . 

MoREL  (Claude),  pasteur  à  Riez  en  1 566. 

MuRAT  (François),  né  à  Grenoble  et  second  pasteur  à 
Velaux-Aix-Marseille  en  1684.  Réfugié  à  Genève,  oij 
il  fut  assisté,  il  signa  la  réhabilitation  de  Jacques  Pine- 
ton,  de  Chambrun,  et  mourut  dans  cette  ville,  laissant 
la  réputation  d'un  pasteur  «  d'une  conduite  toujours 
édifiante  et  d'un  zèle  ardent  »  (Ms.  Court,  n"  17,  t.  R, 
à  la  bibliothèque  publ.  de  Genève).  Pour  le  reste,  voy. 
E.  Arnaud.  Hisf.  des  prot.  du  Daiiph.,  t.  II,  p.  415). 

MuTONis  (Jean),  moine  jacobin  de  Grasse,  converti 
à  la  Réforme,  élève  de  l'académie  de  Genève  en  1561 
et  donné,  cette  même  année,  comme  pasteur  à  Nîmes, 
oi^i  il  ne  resta  pas  longtemps.  Passé  au  service  des  églises 
de  Provence,  il  finit  par  être  martyrisé  le  14  février  1 564 
entre  Bagnols  et  Villeneuve-lès-Avignon.  Pour  le  reste, 
voy.  Crespin,  fol.  688,  et  La  France  protestante. 


RÉGIME    DE    l'ÉDIT    DE    NANTES.  47I 


Ollivier,  pasteur  à  Tarascon  en  1559. 


Nicolas,  natif  de  Mérindol,  pasteur  des  Vaudois  en 
1545  et  réfugié  en  Suisse  à  cette  date. 

Nicolas,  pasteur  à  Digne  en  1561.  Le  même  peut- 
être  que  le  précédent. 

NicoLET  (Jean),  pasteur  à  Cabrières-d' Aiguës  en 
1 580  ;  il  avait  été  pasteur  à  Gap  en  1 579. 


Pascal,  pasteur  en  Provence  en  1572,  réfugié  à 
Genève  à  cette  date  et  reçu  habitant  le  17  octobre  de 
la  même  année. 

Pascal  (Jean),  pasteur  de  Provence  en  1584.  Peut- 
être  le  même  que  le  précédent. 

Peréri  pour  Périer  (Jean),  pasteur  à  Mérindol  en 
1545  et  derechef  en  1561  ;  dans  l'intervalle  à  Bossey- 
Neydans,  près  Genève. 

Piélat  (P.),  pasteur  à  Mérindol  en  1626.  Peut-être 
le  même  que  Piélat  Jacques ,  pasteur  à  Condorcet,  en 
Dauphiné. 

PouDREL,  sieur  de  Corbières  (Jean),  pasteur  à 
Lourmarin  en  1663.  Pour  le  reste,  voy.  E.  Arnaud, 
Hist.  des  prot.  du  Dauph.,  t.  II,  p.  421. 

PouYER  (Théophile),  pasteur  à  Joucas,  1660-1684, 
se  réfugia  à  Genève  avant  la  révocation  de  Tédit  de 


472  HISTOIRE    DES    PROIESTANTS    DE    PROVENCE. 

•Nantes  et  fut  assisté  de  la  collecte  de  Hambourg  faite 
par  de  Mirmand. 


Recend,  pasteur  à  Barcelonnette  en  1600. 

Recend  (Barthélémy),  peut-être  le  même  que  le  pré- 
cédent,  pasteur  à  Cabrières-d'Aigues ,  1601-1602  ;  à 
Mérindol,  1603-161 1  ;  Velaux-Aix-Marseille ,  1620- 
1625,  député  des  églises  de  Provence  au  synode  natio- 
nal de  Saint- Maixent  de  1609  et  à  l'assemblée  politique 
de  Saumur  de  161 1.  Le  synode  d'Alais  de  1620,  qui 
eut  à  s'occuper  du  non-paiement  de  ses  appointements 
de  pasteur,  constata  que  la  Provence  lui  devait,  au 
13  septembre  1619,  la  somme  considérable,  pour  l'épo- 
que, de  1,123  livres  [6  sols  10  deniers,  au  sujet  de 
laquelle  il  décida  que  ladite  Provence  lui  paierait  la 
somme  de  500  livres  en  deniers  réels  et  que  le  surplus 
lui  serait  compté  en  deniers  ou  acquits  valables  au  collo- 
que de  Gap,  en  Dauphiné,  qui  allait  avoir  lieu.  —  Sur 
l'empêchement  que  Recend  opposa  à  la  mission  ,  en 
Provence ,  des  députés  du  synode  national  de  Cha- 
renton  de  1623,  voy.  page  382. 

Recend  (Jacques),  élève  de  l'académie  de  Genève 
à  la  date  du  18  octobre  1619  et  vraisemblablement  le 
fils  du  précédent.  Pasteur  à  Velaux-Aix-Marseille,  163  5- 
1637. 

Recend,  pasteur  à  Seyne  en  1660.  Peut-être  le  même 
que  le  précédent, 

Richard,  pasteur  à  Sault  en  1  )66. 

RiÉ  (Jean  de),  pasteur  au  Luc  en  1626, 

Rigolet,  pasteur  à  Grasse  en  1572. 

RuFFi,  pour  Ruffin  (Jacques),  pasteur  cà  Aix  en  1 559. 


RÉGIME    DE    L  ÉDIT    DE    NANTES.  473 

Pour  le  reste,  voy.  E.  Arnaud,  Hist.  desprol.  du  Dauph., 
t.  II,  p.  424. 


Second,  pasteur  en  Provence  vers  1612  dans  les 
environs  de  Lourmarin. 

Serre  (Guillaume),  pasteur  vaudois,  brûlé  vif  à  Avi- 
gnon en  I 54). 

Spiron,  pasteur  à  Sénas  en  1 561. 


Toussaint  (Samuel i,  pasteur  au  Luc,  1603-1617,  et 
député  des  églises  de  Provence  au  synode  national  de 
Tonneins  de  16 14.  Le  synode  national  d'Alais  de  1620, 
en  considération  de  sa  mémoire  (il  était  mort  à  cette  épo- 
que), et  de  ses  services,  ordonna  que  quatre  cents  livres 
seraient  déposées  par  la  Provence  «  dans  un  lieu  sûr  à 
intérêt  »  pour  ses  enfants';  que  ceux-ci  recevraient  pen- 
dant dix  ans  de  la  même  province ,  pour  leur  entretien  , 
une  somme  annuelle  de  soixante  et  quinze  livres  et  que  sa 
veuve,  Isabeau  de  Galles,  fille  d'un  docteur  en  méde- 
cine d'Orange ,  toucherait  non  seulement  le  secours 
particulier  de  soixante  et  quinze  livres,  que  le  synode  de 
Lourmarin  de  1617  lui  avait  alloué,  m.ais  encore  les 
arrérages  du  traitement  de  son  mari  dus  par  l'église  du 
Luc  et  que  lui  refusait  le  synode  d'Eyguiéres  de  161 9, 
dont  elle  était  appelante.  Aucune  de  ces  sommes  ne  lui 
ayant  été  payées,  Isabeau  de  Galles  s'en  plaignit  au 
synode  national  de  Charenton  de  1623,  qui  ordonna  à 
Ducandal ,  receveur  général  des  églises  de  F'rance,  de 


474  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

payer  directement  quatre  cents  livres  à  la  veuve  de  Tous- 
saint sur  les  deniers  d'octroi  du  roi  revenant  à  la  Pro- 
vence. Quant  au  paiement  des  autres  sommes,  le  même 
synode  national  de  Charenton,  conformément  à  la  déci- 
sion du  synode  national  d'Alais  de  1620,  chargea  le  col- 
loque des  Baronnies  en  Dauphiné  de  le  faire  effectuer 
après  l'examen  des  titres  de  la  veuve  Toussaint.  Un 
arrangement  intervint  entre  les  parties,  qui  fut  approuvé 
par  le  synode  national  de  Castres  de  1626.  —  Sur  la 
dispute  de  Toussaint  à  Grasse  en  161 2  avec  le  domini- 
cain Louis  Forneri,  voy.  p.  444.  —  Samuel  Toussaint 
était  le  frère  de  Jean  Toussaint,  pasteur  à  Loriol  en 
Dauphiné,  1620-1626. 


Vallanson  ou  Vallansan  (François),  né  à  Montéli- 
mar,  pasteur  à  Lacoste,  1639-165 1  ;  député  des  églises 
de  Provence  au  synode  national  de  Charenton  de  1644. 
L'année  précédente,  il  fut  aus^i  député  en  Cour  par  les 
mêmes  églises,  nous  ne  savons  pour  quel  motif. 

Vergnes  (Charles),  pasteur  de  Villemanle  (?)  en  Pro- 
vence, apostasia  à  la  révocation  de  Tédit  de  Nantes, 
«  mais  donna  à  l'étranger  de  grands  signes  de  repen- 
tance  »  (Mss.  Court,  n"  28,  t.  I,  p.  69). 

ViLLET  (Etienne),  né  à  Lacoste,  pasteur  de  Provence 
avant  1685.  Réfugié  à  cette  date  à  Orange,  il  parvint  à 
échapper  aux  dragons  du  comte  de  Tessé ,  qui  avait 
envahi  la  ville  et  emprisonné  tous  les  ministres  {Larmes 
de  Jacques  Pineton  de  Chambrun,  p.  126). 

ViTALis,  pasteur  de  Provence,  réfugié  au  château  de 
Mouans,  près  Grasse,  en  1 562. 


RÉGIME    DE    L  ÉDIT    DE   NANTES. 


47^ 


YssAUTiER  OU   EssAULTiER,   pasteur  dans  les  quar- 
tiers de  la  Durance  en  1561. 


Véza  pour  Vèze  (Gaspard  de),  pasteur  à  iManosque, 
1 561  ;  à  Sisteron,  1561  et  i  ^62. 


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(QUATRIEME  PÉRIODE 


LE    DÉSERT    (1685-I7QI 


CONVERSIONS     FORCÉES,      DRAGONNADES      ET     MISSIONS 
(1685-1698). 


'ÉDiT  de  Louis  XIV,  publié  en  octobre 
1685,  qui  révoqua  l'œuvre  de  Henri  IV, 
est  connu.  En  voici  néanmoins  la  sub- 
stance :  Interdiction  absolue  du  culte 
réformé  .  bannissement  de  tous  les  pas- 
teurs ,  promesse  à  ceux  d'entre  eux  qui  voudront  se 
convertir  d'une  pension  viagère  excédant  d'un  tiers  leurs 
gages  et  réversible  par  moitié  sur  leurs  veuves,  dispense 
d'études  de  droit  pour  ceux  qui  désireront  se  vouer  au 
barreau ,  défense  aux  parents  réformés  d'instruire  leurs 
enfants  dans  leur  religion ,  ordre  de  faire  baptiser  ces 
derniers  aux  églises  catholiques  et  de  les  conduire  à  la 
messe  sous  peine  de  cinq  cents  livres  d'amende,  injonc- 
tion à  tous  les  réfugiés  de  rentrer  en  France  dans  un 
délai  de  quatre  mois  sous  peine  de  confiscation  de  leurs 
biens ,  interdiction  à  tous  les  réformés  de  sortir  du 
royaume  sous  peine  des  galères  pour  les  hommes  et  de 
la  réclusion  pour  les  femmes ,  confirmation  des  lois  an- 
térieures édictées  contre  les  relaps. 


47^  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

L'édit  de  révocation  laissait  ainsi  aux  protestants  la 
liberté  du  for  intérieur,  mais  cette  faible  garantie  n'était 
qu'un  leurre  décevant.  Louis  XIV  voulait  qu'il  n'y  eût 
désormais  qu'une  seule  religion  en  France.  Dès  lors , 
tous  les  moyens  furent  mis  en  usage  pour  obliger  les 
protestants  à  abjurer.  Edits  et  déclarations  royales,  let- 
tres de  cachet,  arrêts  des  cours  de  justice,  ordonnances 
des  intendants,  missions  bottées  ou  dragonnades,  caté- 
chismes obligatoires,  réclusion  dans  les  hôpitaux  et  les 
maisons  de  propagation  de  la  foi,  emprisonnement,  tor- 
tures, galères,  confiscations,  amendes,  enlèvements  d'en- 
fants :  rien  ne  fut  épargné  aux  victimes,  qui  virent  s'armer 
contre  elles  le  pouvoir  royal,  la  justice,  l'administration, 
l'armée  et  la  religion,  c'est-à-dire  toutes  lés  forces  vives 
de  l'Etat.  Pendant  les  dernières  années  du  dix-septième 
siècle  et  les  trois  quarts  du  dix-huitième ,  on  s'en  prit 
tour  à  tour  à  leur  fortune,  à  leur  liberté,  à  leur  hon- 
neur, à  leur  vie,  à  leur  foi  religieuse  et  jusqu'à  leur  qua- 
lité d'homme  par  la  dissolution  de  leurs  mariages,  et  on 
ne  leur  laissa  d'autre  alternative  qu'un  changement  de 
religion,  qui  répugnait  à  leur  conscience,  ou  la  fuite  qui 
entraînait  pour  eux ,  s'ils  étaient  arrêtés  aux  frontières  , 
les  galères  ou  la  mort. 

Pour  obliger  les  protestants  de  Provence  à  se  con- 
vertir au  catholicisme,  on  y  organisa  des  missions  bottées 
comme  dans  les  autres  provinces  du  royaume.  Thomas- 
Alexandre  Morant,  seigneur  de  Seulles,  intendant  de 
Provence,  et  François  de  Castellane- Adhémar  d'Or- 
nano ,  comte  de  Grignan,  lieutenant  général  pour  le  roi 
dans  le  même  pays,  reçurent  l'ordre  du  marquis  de 
Louvois,  François-Michel  Letellier,  de  loger  des  dragons 
chez  les  religionnaires  de  la  province.  Ils  en  mirent  aux 
Baux,  à  Sénas,  Eyguières,  Mérindol,  Cabrières  d'Ai- 
guës, Lourmarin  et  ailleurs.   Mais  ils  avaient  reçu  l'or- 


LE    DÉSERT.  47Ç) 

dre  de  ménager  les  négociants  étrangers  résidant  à 
Marseille.  «  L'intention  du  roi,  »  écrivait  à  ce  propos 
Louvois  à  Morant  le  27  octobre  1685,  «  est  que  ,  pour 
l'avantage  du  commerce  dans  Marseille ,  l'on  y  laisse 
les  Anglais,  Hollandais  et  Suisses  dans  une  entière 
liberté  pour  leur  religion  ;  mais  à  l'égard  de  ceux  qui 
ont  pris  des  lettres  de  naturalité ,  Sa  Majesté  désire 
qu'ils  soient  regardés  comme  ses  sujets  ;  ainsi  ils  doi- 
vent, de  même  que  les  autres  religionnaires ,  se  con- 
former à  la  volonté  de  Sa  Majesté,  »  c'est-à-dire  se 
convertir  au  catholicisme. 

Les  protestants  de  Marseille ,  avant  d'avoir  reçu  la 
visite  des  dragons,  avaient  promis  à  Morant  d'obéir  au 
roi;  mais  ils  s'étaient  ensuite  ravisés  en  s'autorisant  de 
la  dernière  clause  de  l'arrêt  révocatoire  ainsi  conçu  : 
«  Pourront  au  surplus,  lesdits  de  la  R.  P.  R.,  en  atten- 
dant qu'il  plaise  à  Dieu  les  éclairer  comme  les  autres, 
demeurer  dans  les  villes  et  lieux  de  notre  royaume... 
sans  pouvoir  être  troublés  ni  empêchés  sous  prétexte 
de  ladite  R.  P.  R.  »  En  présence  de  cette  résistance  et 
voulant  les  «.  punir  durement,  »  le  comte  de  Grignan 
fit  marcher  sur  Marseille  un  escadron  de  dragons. 
Louvois,  qui  lui  transmit  l'approbation  du  roi,  le 
7  novembre  1685  ,  lui  recommanda  de  détromper  les 
religionnaires  marseillais  par  des  «  logements  considéra- 
bles (t).  » 

Une  pièce  catholique  du  temps  raconte  ainsi  les  suc- 
cès des  dragons  à  Marseille  :  «  Le  second  novem- 
bre 1685  ,  jour  du  saint  Dimanche,  est  arrivé  en  cette 
ville  cent  cavaliers,  dits  dragons,  avec  les  noms  des 
huguenots  habitant  cette  ville ,  allant  à  cheval  à  chaque 
maison  desdits  huguenots  lui  dire,  de  la  part  du  roi,  si 

(i)  Adolphe  Michel,  Loudois  et  les protesfanls,  p.  iSç-içS. 


480  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

veulent  obéir  à  rarrêt  du  roi  ou  aller  dès  à  présent  en 
galères  et  leurs  femmes  à  l'Amérique.  Pour  lors,  voyant 
la  résolution  du  roi ,  crient  tout  haute  voix  :  «  Vive  le 
roi  et  sa  sainte  loi  catholique ,  apostolique  et  romaine , . 
que  nous  croyons  tous,  et  obéirons  à  ses  commande- 
ments. »  Donc,  iMM.  les  vicaires,  chacun  à  sa  paroisse, 
les  ont  reçus  comme  enfants  de  l'Eglise,  et  renoncé  à 
Calvin  et  à  Luther.  M.  le  grand  vicaire  les  obligea 
d'assister  tous  les  dimanches  au  prône  ,  chacun  à  sa 
paroisse ,  et  les  vicaires  avant  de  commencer  le  prône  , 
les  appela  chacun  par  son  nom ,  et  eux  de  répondre 
tout  haute  voix  :  <(  Monsieur,  suis  ici  (i).  » 

Ce  récit  peut  s'appliquera  tous  les  lieux  de  Provence 
qui  renfermaient  des  protestants.  Partout,  les  dragons 
furent  les  agents  les  plus  autorisés  et  les  plus  actifs  de 
leur  conversion.  Dans  certaines  localités  (2),  peut-être 
dans  toutes,  les  réformés  embrassèrent  en  masse  la  reli- 
gion catholique ,  à  l'exception  de  ceux  qui  émigrèrent 
avant  l'arrivée  des  dragons. 

Il  est  juste  toutefois  de  reconnaître  que  l'on  recourut 
quelquefois  à  des  moyens  plus  honnêtes,  en  fondant  des 
missions  spéciales  destinées  à  ramener  les  protestants 
au  catholicisme.  C'est  ainsi  qu'à  Sisteron  un  chanoine 
nommé  Tyrany  (Pierre- André)  conçut  l'idée  d'un  éta- 
blissement oi^i  de  jeunes  ecclésiastiques  se  formeraient 
aux  travaux  des  missions,  principalement  pour  les  égli- 
ses de  campagne,  où  il  y  aurait  de  nouveaux  convertis. 
Par  lettres  patentes  d'avril  1698,  le  roi  autorisa  l'évê- 
que  de  Sisteron,  Thomassin,  de  doter  Je  nouveau  sémi- 
naire d'un  revenu  de  deux  mille  livres  provenant,  savoir 
moitié  de  bénéfices  qui  y  seraient  attachés  à  perpétuité, 

(i)  Bulletin  de  la  Soc,  etc.,  t.  XXVIII,  p.  14;. 

(2)  Arch.  commun,  de   Cabrières-d'Aigues  ;  —  Aube,  Notice  hislor.  sur  le 
Luc,  p.  50. 


LE   DÉSERT.  48 I 

moitié  d'un  prélèvement  sur  tous  les  revenus  ecclésias- 
tiques du  diocèse  au-dessous  de  quatre  cents  livres,  les 
cures  exceptées  (i). 

Quant  aux  rares  temples  qui  avaient  été  épargnés  en 
Provence  avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  ,  ils 
furent  démolis  sur  l'ordre  que  le  roi  en  donna,  le  19  oc- 
tobre 1685,  au  comte  de  Grignan.  Celui  du  Luc  fut  rasé 
en  novembre  en  vertu  d'une  ordonnance  particulière  du 
comte,  datée  de  Cadenet,  29  octobre  (2). 

EMIGRATIONS.     LEUR    NOMBRE.     DE    LA    CAILLE     ET    ISA- 
BEAU    DE    FOURQUES-d'aRBAUD    (1685-1690). 

Un  nombre  assez  considérable  de  protestants  pro- 
vençaux prirent  le  parti  de  la  fuite  plutôt  que  de  renon- 
cer à  leur  foi.  C'est  en  vain  que  les  peines  les  plus 
sévères  étaient  édictées  contre  les  fugitifs,  que  les  hom- 
mes se  voyaient  condamnés  aux  galères  perpétuelles , 
les  femmes  à  la  réclusion  à  vie ,  les  uns  et  les  autres  à 
la  confiscation  de  leurs  biens,  ceux  qui  favorisaient  leur 
évasion  frappés  des  mêmes  peines  et  plus  tard  de  mort  ; 
c'est  en  vain  que  l'on  promettait  aux  délateurs  une  part 
des  dépouilles  des  fugitifs,  un  cinquième  des  protestants 
provençaux  quittèrent,  de  1686  à  1698,  l'ingrate  patrie 
qui  leur  refusait  le  droit  d'adorer  Dieu  suivant  leur 
conscience. 

La  Provence ,  d'après  un  dénombrement  de  l'année 
1682,  trois  ans  avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes, 
renfermait  1,369  familles  protestantes,  faisant  6,042 
habitants  (3),  mais  ce  chiffre  doit  être  porté  à  7,000  ou 
7,500  attendu  que,  dans  le  dénombrement  susmentionné, 

(i)  De  la  Plane,  Hist.  de  Sisteron,  t.  II  p.  iji. 

(2)  Aube,  Notice  histor,  sur  le  Luc,  p.  29. 

(3)  Bulletin  de  la  Soc,  etc.,  t.  VII,  p.  25. 


482  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

sont  omises  les  églises  de  Murs,  Joucas,  Gordes ,  La 
Bastide-des-Gros,  Lemps,  La  Charce  et  Séderon.  Qua- 
torze ou  quinze  cents  protestants  quittèrent  donc  la  Pro- 
vence à  l'occasion  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 
Les  uns  se  réfugièrent  en  Suisse  par  les  montagnes  du 
Dauphiné  ;  d'autres  ,  comprenant  deux  cents  chefs  de 
famille,  s'établirent  dans  le  Palatinat  sous  la  conduite 
du  pasteur  Charles-Maurice,  d'Eyguières;  d'autres  cher- 
chèrent par  mer  un  refuge  dans  la  république  de  Gênes. 
Louis  XIV,  en  ayant  été  averti,  songea  un  moment  à 
■"demander  l'extradition  de  ces  derniers.  Son  ministre , 
Jean-Baptiste  Colbert  le  fils,  marquis  de  Ségnelay,  en 
écrivit  au  consul  français  qui  répondit  que  cette  extra- 
dition entraînerait  de  trop  grandes  difficultés.  Désireux 
toutefois  d'obtenir  le  même  résultat  par  un  moyen 
détourné ,  le  consul  fit  courir  le  bruit  qu'il  avait  reçu 
l'ordre  de  demander  à  la  République  tous  les  Français 
de  la  R.  P.  R.  qui  étaient  à  Gênes.  Ce  moyen  ne  pa- 
raît pas  lui  avoir  réussi,  mais  il  eut  la  haute  approbation 
du  roi. 

Cette  émigration  donna  lieu  à  de  honteuses  délations. 
C'est  ainsi  que  le  sieur  de  Lignon  ,  qui  s'était  converti 
au  catholicisme ,  informa  le  roi  qu'il  y  avait  à  craindre 
que  sa  femme  et  la  dame  de  La  Caille ,  sa  belle-mère  , 
ne  sortissent  du  royaume.  Sur  quoi  le  ministre  d'Etat 
Colbert  fils'  écrivait  confidentiellement  au  comte  de 
Grignan  :  «  Il  faut  que  vous  envoyiez,  avec  les  précau- 
tions que  vous  estimerez  nécessaires ,  audit  lieu  de  La 
Caille,  qui  est  dans  les  montagnes  de  Provence,  pour 
obliger  ces  femmes  de  venir  à  Aix  avec  les  trois  enfants 
dudit  Lignon  et,  en  cas  qu'ils  fussent  déjà  sortis  du 
royaume.  Sa  Majesté  veut  que  vous  fassiez  arrêter  le 
sieur  de  La  Caille,  beau-frère  dudit  de  Lignon,  en  vertu 
de  l'ordre  ci-joint,  et  que  vous  lui  déclariez  qu'il  ne  sor- 


LE  DÉSERT.  483 

tira  point  de  prison  qu'il  n'ait  fait  revenir  ces  fem- 
mes (j).  »  Si  ce  gentilhomme,  comme  cela  paraît  vrai- 
semblable, est  le  même  que  Scipion  Brun,  sieur  de 
Caille ,  l'ordre  de  Colbert  arriva  trop  tard ,  car  ce  der- 
nier avait  déjà  gagné  la  Suisse  (2)  ;  mais  nous  ne  sau- 
rions dire  s'il  avait  pu  emmener  avec  lui  les  trois  enfants 
du  sieur  de  Lignon  et  leur  mère. 

Autrement ,  l'émigration  des  protestants  avait  déjà 
commencé  avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes ,  car 
Louis  XIV  n'avait  pas  attendu  la  publication  de  son 
édit  pour  les  persécuter.  Nous  transcrivons  à  ce  propos 
une  partie  du  touchant  mémoire  que  la  fille  du  marquis 
de  Fourques,  gentilhomme  provençal,  et  femme  de  Jean 
d'Arbaud,  baron  de  Blauzac,  établi  à  Nîmes,  également 
originaire  de  Provence,  envoya  «  à  Messieurs  de  Berne 
sur  sa  fuite  miraculeuse  de  France.  » 

«  La  première  source  de  mon  malheur,  »  dit-elle, 
«  est  le  cruel  changement  de  mon  mari,  qui  s'est  laissé 
séduire  aux  derniers  états  tenus  à  Montpellier,  où  il  a 
fait  abjuration  le  19  décembre  1684.  Ce  qu'ayant  appris 
chez  mon  frère,  le  marquis  de  Fourques,  oii  j'étais  pour 
lors,  je  partis  incontinent  pour  aller  joindre  mes  dix 
enfants,  que  j'avais  laissés  dans  notre  terre  à  la  campa- 
gne pour  les  garantir  du  malheur  que  je  prévoyais  qu'il 
arriverait  de  ce  changement  fatal.  Et  la  première  démar- 
che que  je  fis  fut  d'envoyer  deux  de  mes  garçons ,  les 
plus  aînés ,  âgés  de  dix-huit  à  vingt  ans ,  à  Genève  ,  et 
deux  de  leurs  sœurs,  âgées  de  treize  à  quatorze  ans,  du 
côté  du  Dauphiné ,  où  je  les  mis  à  couvert  auprès  de 
mes  parents,  et  que,  pour  mes  autres  filles,  qui  restaient 
auprès  de  moi,  l'aînée  d'entre  elles,  âgée  de  vingt  et  un 


(i)  Depping,  Correspondance  administrative,  t.  IV,  p.  381. 
(2)  Féraud,  Hist.  civ.,  etc.,  de  Manosque,  p.  502. 


4^4  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ans,  fut  sollicitée  puissamment  au  même  changement  par- 
la promesse  qu'on  lui  fît  de  lui  donner  une  place  chez 
Madame  la  Dauphine  et  dix  mille  écus  en  sortant  ;  et 
l'autre,  âgée  de  dix-neuf  ans,  par  un  mariage  fort  avan- 
tageux ;  et  la  troisième,  âgée  de  dix-sept  ans,  par  d'au- 
tres promesses  aussi  bien  que  par  des  menaces.  Il  ne 
me  restait  encore  que  trois  petits  enfants  qu'on  m^avait 
bien  enlevés,  mais  que  mon  mari  me  fit  rendre,  me 
voyant  en  état  de  l'abandonner  et  de  tout  entreprendre 
et  accablée  de  douleur. 

»  Je  ne  perdis  pas  pour  tout  cela  ma  crainte,  puis- 
que, en  me  rendant  mes  enfants,  on  mit  en  même  temps 
un  prêtre  dans  ma  maison  pour  les  instruire  et  pour 
être  leur  garde ,  et  pour  faire  en  même  temps  auprès 
de  moi  tout  ce  qui  dépendrait  de  lui  pour  me  perdre , 
n'ayant  épargné  pour  cela  ni  promesses ,  ni  menacés  ; 
étant  même  venu  à  toutes  sortes  d'emportements  horri- 
bles pendant  six  ou  sept  mois ,  que  j'ai  restés  encore 
auprès  de  M.  d'Arbaud,  mon  mari,  qui,  de  son  côté, 
fit  aussi  son  possible  pour  m'engager  et  m'intimider , 
afin  de  m'inspirer  les  mêmes  sentiments  qu'il  avait  pour 
la  conservation  et  l'agrandissement  de  sa  maison,  ne  se 
contentant  pas  de  ce  que  Dieu  lui  avait  donné  de  nais- 
sance et  de  biens. 

»  Comme  je  voyais  donc  qu'il  n'y  avait  point  de  fin  à 
toutes  ces  violentes  persécutions,  que  le  danger  de  per- 
dre mes  enfants  et  de  nous  voir  sans  exercice  et  dans 
le  dernier  malheur  augmentait  tous  les  jours,  je  me  suis 
enfin  contrainte  de  prendre  la  résolution  de  me  retirer 
et  faire  mon  possible  pour  sauver  mes  pauvres  enfants, 
quoique  je  fusse  pour  ainsi  dire  dans  l'impuissance 
d'exécuter  mon  dessein  et  dépourvue  même  des  choses 
nécessaires  pour  faire  mon  voyage ,  ayant  employé  une 
partie  de  ce  que  je  pouvais  avoir  au  voyage  et  à  l'en- 


LE    DÉSERT.  485 

tretien  de  mes  enfants  à  Genève.  Mais  enfin  m'étant 
abandonnée  à  la  providence  de  mon  Dieu  et  résignée  à 
tout  ce  qu'il  lui  plairait  de  m'envoyer  (mon  mari  m' ayant 
ôté  tous  les  moyens  de  retirer  quelque  chose,  de  la 
crainte  qu'il  avait  de  ma  retraite),  fortifiée  par  la  grâce 
de  Dieu  et  par  la  nouvelle  que  je  venais  de  recevoir 
que  mon  mari,  avec  le  procureur  du  roi,  venait  de  m'en- 
lever  deux  de  mes  filles ,  l'aînée  et  la  troisième  ,  qui 
étaient  pour  lors  à  la  campagne ,  pour  les  mettre  dans 
le  couvent  et  pour  se  saisir  du  reste  de  mes  enfants  que 
j'avais  auprès  de  moi  et  pour  arrêter  ma  personne  même, 
je  me  résolus  sans  hésiter  davantage  avec  ce  que  je 
pouvais  avoir,  n'ayant  pas  voulu  même  demander  un 
secours  à  personne  qui  ait  pu  m'aider  à  mon  dessein  , 
de  crainte  de  leur  faire  des  affaires,  me  servant  de  l'occa- 
sion de  la  foire  de  Beaucaire,  où  toute  notre  petite  ville 
est  en  foule  et  où ,  par  bonheur ,  était  aussi  allé  notre 
prêtre ,  fâcheux  ennemi  de  notre  repos  ;  m'y  ayant  fait 
traîner  avec  mes  enfants  dans  un  pitoyable  équipage  et 
déguisée  pour  n'être  pas  reconnue.  Mais  ce  qu'il  y  a  de 
surprenant  et  qui  marque  merveilleusement  la  provi- 
dence de  Dieu  sur  ses  enfants  fut  d'a,voir  rencontré 
mon  mari  en  chemin  dans  son  carrosse  à  la  vue  de  Beau- 
caire qui.  accompagné  de  M.  le  procureur  du  roi, 
menait  mes  deux  pauvres  filles  captives ,  que  je  re- 
connus d'abord  et  auxquelles,  après  un  triste  regard 
et  plusieurs  larmes  répandues  d'une  mère  fort  affligée , 
je  ne  pus  donner  d'autre  secours  que  celui  de  mes 
prières,  n'ayant  osé  me  donner  à  connaître  de  peur  de 
perdre  encore  les  autres.  Dieu  sait  avec  quelle  amer- 
tume de  cœur  je  poursuivis  mon  chemin ,  me  voyant 
daus  l'obligation  d'abandonner  un  mari ,  peut-être  pour 
jamais,  que  j'aimais  extrêmement  avant  sa  chute,  et  deux 
de   mes  enfants  exposées  à  toutes   les  plus   violentes 


486  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

persécutions  et  à  être  mises ,  ce  jour  même ,  dans  le 
couvent  ;  mais  enfin,  voyant  que  je  n'avais  pas  de  temps 
à  perdre ,  étant  assurée  qu'on  me  poursuivrait  dans  ma 
fuite,  je  pris  au  plus  vite  le  chemin  le  moins  dangereux, 
qui  était  celui  de  Marseille,  oia  j'ai  rencontré  mes  deux 
filles,  que  j^avais  auparavant  envoyées  du  côté  du  Dau- 
phiné  pour  les  mettre  à  couvert,  et  qui  avaient  ordre  de 
s'y  rendre  ;  et  de  là  j'allai  jusqu'à  Nice,  jusques  à  Tu- 
rin ,  et  de  Turin  à  Genève ,  où  j'arrivai  avec  mes  six 
enfants  par  la  grâce  de  Dieu,  après  avoir  été  un  mois 
en  chemin ,  souffert  une  grande  fatigue  et  consumé  ce 
que  je  pouvais  avoir  sur  moi.  Là,  j'eus  la  joie  de  voir 
mon  fils  aîné ,  l'autre  étant  parti  depuis  deux  ou  trois 
mois  avec  Monsieur  le  baron  de  Prisse,  le  beau-fils  de 
Monsieur  le  comte  de  Dona,  pour  avoir  de  l'emploi. 
Et  comme  l'on  n'a  pas  jugé  à  propos  que  je  restasse  à 
Genève,  je  continuai  ma  route  jusques  à  Nyon,  où  cha- 
cun fut  touché  de  compassion  à  la  vue  de  ma  famille , 
ce  qui  m'obligea  à  me  prévaloir  de  l'offre  honnête  que 
me  faisaient  des  dames  charitables  de  ce  lieu  à  rece- 
voir deux  de  mes  filles,  en  attendant  que  la  providence 
divine  y  ait  pourvu,  et  d'y  laisser  deux  petites  en  pen- 
sion, après  quoi  j'ai  pris  les  deux  autres  à  Berne  avec 
moi,  dont  l'aînée  est  partie  pour  Bâle  joindre  Madame  la 
comtesse  de  Dona,  et  l'autre  est  encore  auprès  de 
moi.  » 

Ajoutons  à  ce  récit  émouvant  que  l'aînée  des  filles 
de  la  baronne  d'Arbaud  de  Fourques  fut  emmenée  par 
son  père  dans  un  couvent  d'Arles  sous  prétexte  d'un 
voyage  d'affaires,  et  que  la  jeune  fille,  ayant  eu  plusieurs 
entretiens  avec  le  provincial  des  Carmes,  abjura,  quel- 
ques mois  après,  le  protestantisme  entre  les  mains  de 
l'archevêque  d'Arles  qui ,  pour  donner  à  cet  acte  le 
plus  de  solennité  possible,  officia  lui-même.  Le  baron 


LE    DÉSERT.  48^ 

d'Arbaud,  de  retour  dans  sa  maison  et  ne  retrouvant 
pas  sa  femme  et  ses  enfants .  se  hâta  de  réclamer  leur 
arrestation  auprès  du  secrétaire  d'Etat,  mais  ils  étaient 
déjà  à  l'abri  de  toute  atteinte  (i). 

La  fuite  héroïque  de  la  baronne  d'Arbaud  émut  con- 
sidérablement les  esprits  en  France  et  en  Suisse,  et  un 
poète  du  temps  en  fit  le  sujet  d'une  éloquente  élégie  , 
qui  renferme  une  épître  que  le  baron  est  censé  écrire  à 
sa  femme  et  la  réponse  de  celle-ci.  On  la  trouvera  dans 
le  Bulletin  de  la  Soeiété  de  l'histoire  du  protestantisme 
français^  t.  XXI,  p.  478-485. 

CONFISCATION    DES    BIENS     DES     RELIGIONNAIRES    FUGI- 
TIFS   ET    DES    CONSISTOIRES    (1685-1689). 

Louis  XIV  manifesta  bientôt  l'intention  de  se  saisir 
des  biens  des  religionnaires  fugitifs.  Les  intendants  des 
provinces  reçurent  des  instructions  dans  ce  sens.  Pierre 
Cardin  Lebret,  nommé  en  avril  1687  à  Tintendance  de 
Provence,  charge  qu'il  cumula  quelques  années  après 
avec  celle  de  premier  président  du  Parlement  d'Aix, 
faisait  connaître  au  ministre  Charles  Colbert ,  marquis 
de  Croissi,  les  difficultés  qu'il  rencontrait  dans  l'accom- 
plissement de  sa  tâche.  «  Quoique  le  nombre  des  nou- 
veaux convertis  de  cette  province  ,  »  lui  écrivait-il  le 
9  août  1687,  «  ne  soit  pas  considérable,  ils  sont  dis- 
persés en  tant  de  lieux  différents ,  qu'il  faut  beaucoup 
de  mal  pour  être  exactement  informé  du  nom  et  des 
facultés  de  ceux  qui,  au  préjudice  des  défenses  portées 
par  les  déclarations  du  roi ,   ont  passé  dans  les  pays 

(i)  Baum ,  Les  Eglises  réformées  de  France  sous  la  croix,  p.  28-p  ;  —  La 
France  protestante ,  2=  éd.,  vol.  I,  p.  307-511  ;  —  Adolphe  Michel,  Louvois  et 
les  protestants,  p.  188;  —  Depping,  Correspondance  administrative ,  t.  lY  , 
p.  596;  —  Archives  de  la  famille  Maurice. 


488  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

étrangers  ;  et  en  attendant  que,  par  les  mesures  que  j'ai 
déjà  prises,  vous  puissiez  être  informé  plus  sûrement  et 
dans  le  détail  de  ce  en  quoi  consistent  les  effets  que 
les  fugitifs  ont  abandonnés,  j'ai  cru  que  je  devais  pren- 
dre la  liberté  de  vous  envoyer  l'état  général  ci-joint,  qui 
contient  tout  ce  que  j'ai  trouvé  dans  les  mémoires  et 
procédures  que  M.  Morant  m'a  laissés  sur  cette  ma- 
tière, car  bien  que  je  sache  qu'il  n'est  pas  aussi  exact 
qu'il  aurait  été  à  désirer,  je  suis  persuadé  que  ce  qu'on 
reconnaîtra  dans  la  suite  y  avoir  été  omis  ne  se  trouve 
pas  fort  considérable.  » 

Peu  après,  Lebret  demanda  au  roi  (5  décembre  1687) 
que  les  revenus  des  biens  des  religionnaires  fugitifs  fus- 
sent appliqués  aux  hôpitaux  généraux  qu'il  travaillait  à 
établir  dans  les  principaux  lieux  de  Provence  (i).  Nous 
ne  savons  si  Louis  XIV  accéda  à  son  désir,  car  sa 
jurisprudence  varia  sur  l'emploi  de  ces  biens.  Ainsi, 
son  édit  du  22  décembre  1689  portait  que  lesdits  biens 
appartiendraient  aux  plus  proches  parents  ou  aux  créan- 
ciers des  fugitifs.  Et  comme  il  n'était  pas  toujours  facile 
de  découvrir  la  nature  et  l'étendue  de  ces  biens ,  il  fut 
décidé  plus  tard  (2)  que  les  personnes  qui  les  feraient 
connaître  jouiraient  des  remises  suivantes  :  Pour  les 
biens  dont  le  revenu  serait  de  100  livres  jusques  à 
500  livres  inclusivement,  moitié  dudit  revenu;  pour 
ceux  de  600  livres  jusques  à  900  livres ,  un  tiers  dudit 
revenu;  pour  ceux  de  900  livres  et  au-dessus,  un  quart. 

Quant  aux  biens  ecclésiastiques,  Louis  XIV,  déjà 
avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  et,  par  ses  dé- 
clarations de  1683  et  de  1684,  avait  accordé  aux  hô- 
pitaux la  plus  grosse  portion  des  biens  des  consistoires 

(i)  Bibl.  nation.,  fonds  français,  n°8952. 

{2)  ArrU  du  Conseil  du  roi  du  9  février  1757, •  —  Ordonnance  de  l'intendant 
de  Provence  du  15  avril  1738  (Arch.  commun,  de  Lourmarin). 


LE    DÉSERT.  489 

des  églises  interdites,  et  il  décidait  en  1686  et  1689, 
après  la  Révocation,  que  ce  seraient  les  hôpitaux,  les 
plus  rapprochés  des  consistoires  qui. hériteraient  de  leurs 
biens. 

En  Provence,  l'hôpital  général  de  la  ville  d'Aix,  sur 
la  demande  de  ses  administrateurs  et  conformément  à 
l'avis  de  Lebret,  fut  mis  en  possession,  par  un  brevet 
du  roi  du  6  novembre  1689  «  des  biens  des  consistoi- 
res des-  temples...  démolis  dans  la  province,  comme 
aussi  [de]  la  jouissance,  mais  pendant  trois  ans  seule- 
ment, des  fruits  et  revenus  de  ceux  du  sieur  et  dame 
de  Caille,  habitants  de  Manosque,  sortis  du  royaume 
au  préjudice  des  défenses  portées  par  les  déclarations 
de  Sa  Majesté,  à  la  réserve  toutefois  de  2000  livres... 
payées  à  chacune  desdites  trois  années  aux  jésuites  de 
la  ville  d'Aix.  »  L'hôpital  d'Arles,  qui  était  beaucoup 
moins  riche  que  celui  d'Aix  (i),  rédigea  en  1688  un 
projet  de  requête  au  roi  pour  réclamer  la  moitié  des 
biens  concédés  à  ce  dernier,  et  la  totalité  «  des  fruits  , 
rentes  et  revenus  des  biens  des  gens  de  la  religion  pré- 
tendue réformée  de  ladite  ville  d'Arles...  sortis  du 
royaume;  »  mais  nous  ne  savons  s'il  y  fut  donné  suite  (2). 

La  jurisprudence  royale,  du  reste,  varia  aussi  sur  ce 
point,  car,  en  janvier  r688,  le  roi  promulgua  un  édit 
qui  réunissait  purement  et  simplement  au  domaine  royal 
les  biens  des  consistoires  et  ceux  des  protestants  fu- 
gitifs. Un  arrêt  du  Conseil  du  8  janvier  1689  nous  ap- 
prend d'un  autre  côté  qu'une  partie  de  ces  biens  fut 
employée  au  paiement  des  pensions  faites  aux  protes- 
tants dont  on  avait  acheté  les  conciences,  et  un  édit 


(i)  En  1698,  l'hôpital  d'Aix  avait  50,000  livres  de  revenus,  et  celui  d'Arles 
seulement  20,000  livres  {Mémoire  sur  la  généralité  de  Provence,  Bibl.  nation., 
ms.  fond  français,  n"  22205). 

(2)  Le  Christianisme  au  dix-neuvième  siècle,  ii»  année,  n"  44,  p.  547  et  M^- 


490  histoire:  des  protestants  de  Provence. 

de  décembre  de  la  même  année  porte  que  «  les  biens 
des  consistoires  seront  employés  à  des  hôpitaux  et  œu- 
vres pies.  » 

Quant  au  mode  d'administration  de  ces  biens ,  il  va- 
ria suivant  les  circonstances  et  nous  voyons  la  régie 
les  arrenter  quelquefois  aux  communes  sur  le  territoire 
desquelles  ils  étaient  situés.  C'est  ainsi  que  Cabrières- 
d'Aigues  payait  à  la  régie  une  redevance  annuelle  de 
45  livres  pour  des  biens  estimés  900  livres  de  capital. 
Autrement  ces  biens  ne  rapportaient  pas  toujours  de 
grandes  sommes  à  l'Etat,  car  Lebret ,  dans  une  lettre 
du  5  décembre  1687,  écrit  au  marquis  de  Croissi  que 
la  meilleure  partie  de  leurs  revenus  consumait  a  en 
frais  de  justice,  de  régie  et  de  commissaires.  » 

Mentionnons,  en  terminant  ce  sujet,  une  ordonnance 
de  Lebret  du  16  mai  1693  '  autorisant  les  habitants  de 
Cabrières-d' Aiguës,  réfugiés  à  Genève,  qui  avaient 
abjuré  le  protestantisme  dans  cette  ville,  à  rentrer  en 
France  et  dans  la  possession  de  leurs  biens  ,  à  condi- 
tion qu'ils  rapportassent  un  certificat  de  catholicité  de 
d'Iberville  ,  résidant  du  roi  à  Genève  (1). 

ÉDUCATION  CATHOLIQUE  FORCÉE  DES  ENFANTS  DES  RE- 
LIGIONNAIRES.  RÉSISTANCE  DES  PARENTS.  ESPION- 
NAGE.   IGNORANCE  DES  CURÉS  (1698). 

Louis  XIV  prit  une  série  de  mesures  pour  que  les 
enfants  des  protestants  fussent  instruits  dans  la  religion 
catholique.  Tous  les  maîtres  d'école  réformés  furent 
remplacés  par  des  catholiques.  Dans  les  paroisses  pau- 
vres ou  récalcitrantes ,  leur  entretien  fut  en  partie  à  la 
charge  du  roi;  et  les  parents  reçurent  d'autre  part  l'or- 

(i)  Arch.  commun,  de  Cabrières-d'Aigues. 


LE   DÉSERT.  49 I 

dre  d'envoyer  leurs  enfants  aux  écoles,  instructions  et 
catéchismes  des  curés,  sous  peine  de  les  voir  élever 
loin  d'eux  et  à  leurs  frais  :  les  fils  dans  des  collèges, 
les  filles  dans  des  couvents  ,  et  les  pauvres  dans  des 
hôpitaux  (i).  Des  ordres  particuliers  furent  aussi  adres- 
sés aux  maîtres  d'école  pour  qu'ils  conduisissent  à  la 
messe  les  enfants  des  nouveaux  convertis.  Lorsqu'il 
s'agissait  de  religionnaires  considérables  par  leur  po- 
sition ou  leur  fortune,  contre  lesquels  les  intendants 
n'osaient  pas  sévir,  Louis  XIV  délivrait  à  ces  derniers 
des  lettres  de  cachet  spéciales  pour  enlever  leurs  en- 
fants. C'est  ainsi  que  les  fils  d'un  protestant  nommé 
Lieux  furent  enfermés  dans  un  collège  (12  mars  1698), 
et  une  demoiselle  Gassand  dans  un  couvent  de  religieu- 
ses à  Sisteron  (i  5  mai  1 598). 

Nonobstant  ces  mesures  tyranniques ,  les  parents  ré- 
sistaient dans  certaines  localités  où  les  protestants 
étaient  en  nombre  et  demeuraient  attachés  de  cœur  à 
leurs  anciennes  croyances,  quoique  nominalement  ils 
fussent  devenus  catholiques.  La  lettre  fort  incorrecte 
qui  suit,  écrite  de  Lourmarin  à  Lebret ,  par  un  corres- 
pondant anonyme ,  vraisemblablement  le  curé  de  la  pa- 
roisse ,  est  caractéristique  sous  ce  rapport  : 

«  Lourmarin,  ce  4  mai  1698. 

«  Monseigneur,  le  mépris  qu'on  fait  de  vos  ordres, 
et  par  conséquent  de  ceux  de  notre  grand  roi  dans  ce 
lieu ,  m'oblige  de  vous  avertir  que  ceux  à  qui  vous  les 
adressez  (2)  en  tiennent  fort  peu  de  compte  de  les  faire 
mettre  à  exécution,  ne  sachant  point  encore  si  on  leur 
graisse  la  patte  pour  cela  ;  car  cette  maudite  canaille 
de  huguenots  n'épargnent  rien  pour  détourner  et  tra- 

(1)  Lettres  de  cachet  des  lo  et  25  mai  1686;   —    Déclaration  du    16  no- 
vembre 1700  et  du  18  février  1698;  —  Ordonnance  du  8  novembre  171 5. 

(2)  Sans  doute  les  consuls. 


492  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

verser  l'intention  de  notre  bon  roi.  Vous  serez  averti 
toutes  les  semaines  si  ceux  à  qui  vous  envoyez  les  or- 
dres après  que  vous  leur  aurez  menacé  de  les  faire 
mettre  dans  une  citadelle ,  ne  le  faisant  pas  comme  il 
faut,  suivant  l'intention  du  roi.  De  cent  enfants  il  n'en 
va  pas  six  à  la  messe  ni  au  catéchisme,  pas  une  fille  seu- 
lement. Quand  on  a  été  obligé  d'en  faire  mettre  un  en 
prison,  on  s'est  contenté  de  la  lui  faire  voir  et  de  le 
mettre  ensuite  aux  arrêts  du  château  ,  qu'il  était  mieux 
qu'à  leur  maison  :  ce  qui  donne  à  cette  canaille  de  se 
moquer  de  notre  religion  et  de  vos  ordres,  et  par  con- 
séquent de  ceux  de  notre  grand  roi.  J'ai  cru  que  je  ne 
vous  devais  pas  cacher  plus  longtemps  la  chose  ;  mais 
brûlez  ce  billet  si  vous  voulez  savoir  toutes  les  semai- 
nes si  on  fait  leur  devoir.  » 

Le  comte  de  Grignan  avait  aussi  ses  espions.  «  Je  fais 
demeurer  sous  divers  prétextes,  »  dit-il,  «  des  gens  de 
confiance  dans  les  contrées  de  cette  province  où  il  y  a 
de  nouveaux  convertis  ,  afin  qu'ils  observent  leur  con- 
duite,  qu'ils  m'en  donnent  avis  et  qu'ils  soient  à  portée 
d'exécuter  les  ordres  que  j'envoie.  »  Un  de  ces  espions, 
établi  à  Lourmarin  ,  accusa  un  cardeur  de  laine ,  nou- 
veau converti,  nommé  Rouvet,  d'avoir  dit,  le  jour  de  la 
publication  de  l'ordonnance  du  roi  relative  aux  désar- 
mements des  nouveaux  convertis,  qu'on  pouvait  aller 
chercher  ses  armes,  qu'elles  étaient  dans  un  lieu  oii 
elles  ne  se  mouillaient  pas  et  qu'elles  n'en  sortiraient 
qu'avec  deux  balles  dans  le  corps  de  celui  qui  cherche- 
rait à  s'en  saisir.  Rouvet  fut  jeté  pour  ce  fait  dans  un 
cachot  à  Aix ,  mais  le  démenti  énergique  qu'il  opposa 
à  la  dénonciation  de  l'espion  du  comte  de  Grignan  le 
sauva  des  galères. 

Un  correspondant  anonyme  de  l'archevêque  d'Aix  , 
qui  paraît  avoir  été  un  curé,   lui  écrivait  de  la  Motte- 


LE   DESERT.  493 

d'Aiguës  vers  le  même  temps  :  «  Les  nouveaux  con- 
vertis de  la  vallée  de  Lourmarin  commenceraient  de 
vivre  en  catholiques  s'ils  n'en  étaient  empêchés  par  six 
de  leurs  principaux  chefs ,  qui  sont  les  nommés  Auman 
et  Thomas  de  La  Motte-d'Aigues,  le  nommé  Roux,  no- 
taire à  Cabrières-d' Aiguës,  deux  frères  nommés  Turet 
de  Peypin,  Aillaud  de  Lourmarin.  Ce  dernier  a  toujours 
fait  semblant  d'être  bien  converti  ;  cependant  sa  femme 
et  ses  enfants  n'ont  presque  point  paru  à  la  messe  ni  à 
l'église.  Depuis  la  lettre  que  M.  l'intendant  a  pris  la 
peine  d'écrire  pour  les  avertir  des  intentions  et  des  or- 
dres du  roi,  surtout  que  les  parents  envoyassent  leurs 
enfants  aux  écoles,  ils  les  empêchent  au  contraire  d'y 
aller.  Avant  la  réception  et  la  lecture  qui  a  été  faite  de 
cette  lettre ,  on  voyait  tous  les  jours  quinze  ou  vingt 
petits  garçons  à  l'école  de  La  Motte  et  un  beaucoup 
plus  grand  nombre  au  catéchisme  et  à  la  messe.  Il  n'y 
en  a  plus  à  présent  qu'un  seul.  » 

Les  nouveaux  convertis  de  La  Roque-d'Antheron 
étaient  dans  les  mêmes  dispositions  d'esprit.  Il  faut  dire 
que  les  curés  étaient  loin  de  posséder  une  culture  litté- 
raire et  théologique  suffisante  pour  attirer  à  leurs  in- 
structions les  protestants,  nourris  jusque-là  des  prédi- 
cations de  leurs  pasteurs  ,  qui  avaient  fait  leurs  études 
dans  des  académies  et  universités  savantes  sous  la  con- 
duite de  professeurs  éminents.  A  la  cour,  on  en  conve- 
nait aisément,  et  le  ministre  Boucherat  écrivait  à  ce  pro- 
pos à  Lebret  :  «  Les  cures  sont  remplis  d'ignorants  et 
d'incapables  d'instruire  les  peuples  et  particulièrement 
les  nouveaux  convertis  et  ceux  de  la  religion  prétendue 
réformée  (i).  h 


(i)  Pour  tout  ce  chapitre,  voy*  Biblioth.  nation.,  fonds  français,  n<>8865  ; 
Adolphe  Michel,  Louvois  et  les  protestants,  p.  189. 


494  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

CONDAMNATIONS  DIVERSES.    ASSEMBLÉES   RELIGIEUSES  A 
MARSEILLE  (1687-1690), 

Nous  n'avancerons  pas  davantage  dans  ce  récit  sans 
mentionner  les  diverses  condamnations  pour  cause  de 
religion  prononcées  contre  un  certain  nombre  de  pro- 
testants provençaux  pendant  les  premières  années  qui 
suivirent  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 

Déportés  en  Amérique  en  1687  :  Jacques  Bousquet, 
de  Lacoste;  J.  Fargues ,  de  Peyroles  ;  Marguerite 
Vieilles,  du  même  lieu. 

Condamnés  aux  galères  :  le  27  novembre  1687, 
Louis  Souverain,  de  Saint-Etienne  (par  Lebret)  ;  le 
3  avril  1689,  Moïse  Reynaud ,  Etienne  Jean  et  André 
Jean  ,  de  La  Charce  (par  le  comte  de  Grignan)  ;  le 
27  avril  de  la  même  année,  Jacques  Martin  et  Pierre 
Blanc,  de  Gigors  (par  le  Parlement). 

Etaient  sur  les  galères  en  1689  :  Boitias  (ou  Beau- 
tias)  Pierre,  âgé  de  trente-deux  ans,  sur  ï Ambitieuse, 
de  Marseille;  EstranJean;  Martin  Jacques  ;  Renaud 
Pierre,  âgé  de  trente  et  un  ans;  Renaud  Moïse, 
son  frère,  âgé  de  quarante  et  un  ans  (libéré  en  171 3); 
Etienne  Jean  et  André  Jean,  mentionnés  ci-dessus. 

Enfermée  à  la  Tour  de  Crest  :  Jeanne  Bonfils,  de 
Sisteron ,  âgée  de  trente-trois  ans  ,  en  1702. 

Lebret  condamna  également  aux  galères  plusieurs 
protestants  originaires  du  Dauphiné  :  Jacques  Bonnau, 
d'Orange,  et  Jean  Bernard,  de  Venterol(27  juillet- 1 687)  ; 
Alexandre  Julien,  de  Tulette  (i  5  décembre  de  la  même 
année). 

Pierre  Sautier,  de  Marseille,  fut  condamné  à  la  même 
peine  le  19  septembre  1690  par  le  duc  de  Broglie,  gou- 
verneur du  Languedoc. 


LE    DÉSERT.  495 

Mentionnons  encore  l'arrestation  d'un  grand  négo- 
ciant de  Marseille  ,  nouveau  converti ,  nommé  Baguet , 
que  Lebret  soupçonnait  d'entretenir  des  relations  épis- 
tolaires  avec  l'étranger,  mais  dont  il  annonçait  la  pro- 
chaine délivrance,  dans  une  lettre  du  14  juillet  1690,  si 
la  levée  des  scellés  apposés  sur  ses  papiers  ne  faisait 
rien  découvrir  de  suspect  (i). 

Les  protestants  provençaux,  comme  on  le  voit,  fu- 
rent relativement  peu  frappés  pendant  cette  période.  La 
cause  en  est  à  la  guerre  de  la  Ligue  d'Augsbourg,  qui 
dura  onze  ans  (1686-1 697),  et  pendant  laquelle  Louis  XIV 
eut  à  lutter  contre  le  duc  de  Savoie  (1690-1696),  qui 
s'allia  avec  l'Espagne  et  l'empereur  d'Allemagne,  en- 
vahit le  Dauphiné,  prit  Embrun  et  brûla  Gap  (1692),  et 
à  la  non  moins  longue  guerre  de  la  succession  d'Espa- 
gne (1701  à  171 3),  qui  ouvrit  de  nouveau  les  portes  du 
dauphiné  au  duc  de  Savoie  (1708).  On  comprend  que, 
dans  de  telles  circonstances,  le  roi  de  France  ait  craint 
que,  s'il  persécutait  à  outrance  les  protestants  de  ses 
frontières  des  Alpes ,  ceux-ci  ne  se  portassent  à  des 
extrémités  fâcheuses  et  ne  fissent  cause  commune  avec 
les  envahisseurs. 

Il  est  bon  de  remarquer,  d'un  autre  côté,  que  les  ré- 
formés de  Provence,  moins  nombreux  et  plus  isolés 
que  leurs  frères  des  autres  provinces  du  royaume,  pa- 
raissent s'être  interdit,  pendant  un  certain  temps,  de 
tenir  ces  assemblées  rehgieuses  du  Désert,  qui  exaspé- 
raient la  cour  et  provoquaient  un  redoublement  de 
persécutions. 

Il  faut  toutefois  faire  une  exception  en  faveur  des  pro- 

(1)  La  France  protestante  ,  t.  X,  p.  432 ,  433  ,  445  ;  —  Athanase  Coquerel, 
Les  forçats  pour  la  foi,  p.  287,  290,  291,  292;  — Court,  Hist.  des  Egl.  réform. 
(ms.  Court,  n"  28) ,  t.  I  ,  p.  349  ,  551  ,  940,  iijj ,  1240;  mss.  de  la  bibl. 
nation.,  n°  89Ç2  ,  fol.  668  et  669,  du  fonds  franc. 


496  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

testants  de  Marseille,  qui,  malgré  les  édits,  eurent,  vers 
ce  temps,  des  assemblées  de  nuit  en  dehors  de  la  ville. 
On  lit  ce  qui  suit,  dans  une  dénonciation  anonyme  en- 
voyée à  la  cour  :  «  L'on  écrit  et  l'on  assure  de  Mar- 
seille que  ,  dans  la  bastide  du  sieur  Reine  Barne,  Hol- 
landais et  nouveau  catholique ,  se  font  des  assemblées 
de  nuit.  Il  est  véritable  qu'on  n'a  pu  encore  rien  prou- 
ver, mais  ce  qu'il  y  a  de  positif  c'est  que  Reine  et  Mar- 
tin Barne,  père  et  fils,  ont  paru  toujours  très  mal  con- 
vertis et  encore  plus  mal  intentionnés.  Ainsi  l'on  croit 
qu'il  serait  à  propos  d'obliger  le  nommé  Barne  de  ven- 
dre sa  bastide.  Le  fond  pourrait  être  mis  ou  sur  la  mai- 
son de  ville  de  Marseille  ou  sur  tel  autre  endroit  que 
M.  Lebret  intendant  jugerait  à  propos,  afin  que  ces 
deniers  ne  sortissent  point  du  royaume  ;  et  on  croit 
encore  que  ces  mêmes  deniers  pourraient  lui  être  ren- 
dus dans  le  terme  qu'il  aurait  plu  au  roi  de  fixer,  afin 
qu'il  eût  pour  lors  la  liberté  d'en  user  suivant  sa  vo- 
lonté. L'évêque  de  Marseille  croit  qu'il  ne  convient  pas 
qu'on  se  doive  fier  à  ces  deux  hommes  et  moins  au 
fils  qu'au  père,  qui  a  près  de  quatre-vingts  ans  (1).  » 

Nous  ne  pensons  pas  que  des  assemblées  religieuses 
de  cette  sorte  se  soient  tenues  ailleurs  qu'à  Marseille, 
grande  cité  où  l'on  pouvait  facilement  déjouer  les  recher- 
ches; et  c'est  à  leur  absence  qu'est  due  en  grande  par- 
tie la  disparition  d'un  grand  nombre  d'églises  de  Pro- 
vence ,  qui  trouvèrent  déjà  dans  le  petit  nombre  de 
leurs  membres  et  leur  isolement  au  sein  des  popula- 
tions catholiques  une  source  de  faiblesse  et  de  dépéris- 
sement. Nous  citerons  comme  ayant  complètement  dis- 
paru vers  cette  époque  les  protestants  d'Eyguières  (2), 


(i)  Arch.  nat.  TT,  247. 

(2)  Lettres  de  Corleiz  à  Court  des  4  et  14  mai  1755  (ms.  Court,  n°  i,  t.  X). 


LE   DÉSERT.  4^7 

Velaux,  Manosque  (i),  Sisteron  (2),  Séderon,  Riez, 
Roumoules,  Thoard,  Espinouse,  Puimichel,  Le  Luc, 
Antibes  et  Lemps. 

VISITE  DU  PASTEUR  ROGER  EN   PROVENCE  (1719). 

Pendant  les  premières  années  du  dix-huitième  siècle 
nous  ne  trouvons  aucun  fait  relatif  aux  protestants  de 
Provence  ;  mais  en  1 7 1 9  ces  derniers  furent  visités  par  le 
célèbre  pasteur  Jacques  Roger,  de  Boissière  en  Lan- 
guedoc ,  le  restaurateur  du  protestantisme  en  Dauphiné 
et  l'émule  du  non  moins  célèbre  Antoine  Court.  Il 
quitta  momentanément  sa  province  à  la  suite  du  sacca- 
gement  de  la  vallée  de  Bourdeaux  par  les  soldats  du 
comte  de  Médavid,  commandant  les  troupes  royales 
en  Dauphiné  (3).  A  sa  voix,  les  protestants  provençaux 
sortirent  de  leur  long  sommeil  et  Roger  vit  son  minis- 
tère béni.  «  La  contagion  affligeant  la  Provence,  »  dit  un 
Mémoire  du  temps  (4),  «  le  zèle  des  réformés  se  réveilla 
et  les  assemblées  furent  plus  nombreuses;  on  chantait 
dans  les  bourgs  et  dans  les  villes  et  les  villages  haute- 
ment les  louanges  de  Dieu.  » 

Ceci  doit  surtout  s'entendre  des  protestants  des  val- 
lées de  la  rive  droite  de  la  Durance  qui,  à  raison  de 
leur  nombre  relativement  considérable,  se  fortifièrent 
mutuellement  et  résistèrent  aux  tentatives  de  conversion 
dont  ils  furent  les  objets.  A  partir  de  la  visite  de  Roger, 
ils  reçurent  comme  un  nouveau  baptême  et  ne  craigni- 
rent plus  de  s'assembler  au  Désert  pour  célébrer  leur 


(i)   En   1720  ,  il  n'y  avait  plus  aucun   protestant  dans    cette  ville  (Féraud 
Hist.  du.,  poL,  rel.  et  biog.,  p.  275). 

(2)  De  la  Plane,  Hist.  de  Sisteron,  t.  Il,  p.  iji. 

(3)  E.  Arnaud,  Hist.  des  protest,  du  Dauph.,  t.  III,  p.  129-133. 

(4)  Dans  Ed.  Hugues,  Antoine  Court,  t.  I,  p.  67. 

32 


498  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

culte.  Les  événements  extérieurs,  du  reste,  vinrent  en 
aide  à  leur  courage  ;  car,  pendant  les  premières  années 
du  ministère  du  cardinal  André  Hercule  de  Fleury,  ancien 
évêquede  Fréjus  (1726- 173  2),  les  protestants  de  France 
jouirent  d'une  tolérance  relative,  qui  cessa  quelques  an- 
nées après,  sur  les  remontrances  du  clergé,  qui  se  plai- 
gnait amèrement  de  ce  que  les  édits  du  roi  n'étaient  pas 
exécutés. 

VISITE   DU    PASTEUR    ROUX.    ASSEMBLÉE    DE    CABRIÈRES- 
d'aIGUES.  ARRÊT  DE  CONDAMNATION  (1735-1736). 

En  1735,  François  Roux,  natif  de  Caveirac  et  pas- 
teur dans  le  bas  Languedoc  (i),  évangélisa  les  protes- 
tants de  Provence  sur  la  fin  de  mars.  Le  27,  il  présida 
une  assemblée  à  Baumettes  près  Gordes,  où  assistè- 
rent des  protestants   de  Mouriès.   Il   se  rendit  ensuite 
à  Eyguières;  «  mais  un  réformé  des  plus  riches,  »  dit  une 
pièce  du  temps  (2),  «  ne  permit  point  qu'on  y  convoquât 
aucune  assemblée.  D'ailleurs  presque  tous  les  réformés 
de  cette  église,  qui  avait  autrefois  un  pasteur,  sont  tom- 
bés dans  les  erreurs  de  l'Eglise  romaine.  Le  29,  il  con- 
voqua une  assemblée  à  Mérindbl  avec  un  heureux  suc- 
cès ;  de  là  il  se  rendit  à  Lourmarin  ,  qui  sont  presque 
tous  des   réformés,   mais  un  réformé   des   plus  riches 
s'opposa  et  empêcha  la  convocation  de  l'assemblée  et 
le  seul  mot  à' assemblée  le  fit  tout  trembler.   Ensuite   il 
passa  à  Cabrières  [-d'Aiguës]  et  y  convoqua  une  assem- 
blée en  faveur  des  réformés  de  ce  lieu  et  de  ceux  des 
villages  voisins.  Elle  fut,  dit  M.  Roux,  assez  nombreuse 
et  la  dévotion  fort  édifiante.  Ledit  M.  Roux  se  serait 


(i)  Etudiant  au  séminaire  de  Lausanne  en  1728. 

(2)  Lettres  de  Corteiz  à  Court  des  4  et  14  mai  17;!?  (ins,  Court,  n"'  1,  t.  X). 


LE   DÉSERT.  499 

porté  plus  loin,  jusqu'à  Manosque,  mais  les  réformés 
de  Cabrières  lui  dirent  qu'il  n'y  avait  point  de  lieu  pro- 
pre pour  la  convocation  des  assemblées  ni  de  person- 
nes à  qui  on  pût  se  fier.  Ainsi ,  il  fut  obligé  de  rétro- 
grader et,  à  son  retour,  il  fit  encore  une  assemblée  à 
Mérmdol  et  se  retourna  en  Vaunage,  le  tout  sans  trou- 
ble et  sans  alarme  du  côté  de  l'ennemi.   » 

Peu  après  le  départ  de  Roux,  le  comte  du  Muy, 
commandant  militaire  de  Provence ,  qui  eut  connais- 
sance de  l'assemblée  de  Cabrières,  chargea  Brunet  de 
Molan,  subdélégué  de  l'intendant  à  Manosque,  de  faire 
des  informations.  Ce  dernier  entendit  soixante  témoins 
qui  révélèrent  les  particularités  suivantes  : 

L'assemblée  s'était  tenue,  dans  la  nuit  du  30  au 
31  mars,  dans  la  bergerie  d'Antoine  Orcel ,  ménager 
de  Cabrières.  Roux  se  faisait  passer  pour  un  marchand 
de  soie  et  était  accompagné  de  quatre  étrangers.  Il 
montait  un  cheval  gris-pommelé ,  tirant  sur  le  blanc.  Il 
parlait  français  et  s'exprimait  quelquefois  en  mauvais 
provençal.  Bien  fait  de  sa  personne ,  il  avait  le  visage 
plein  et  brun  clair,  les  yeux  gros,  les  sourcils  épais,  le 
front  grand ,  le  nez  un  peu  fort ,  une  taille  épaisse  et 
haute  de  cinq  pieds  et  deux  ou  trois  pouces.  Il  était 
âgé  de  quarante-cinq  ans  et  portait  une  petite  perruque, 
un  habit  gris  clair,  tirant  sur  le  ventre  de  biche,  une 
veste  noire  et  un  chapeau  bordé  d'argent,  qu'il  changea, 
pour  présider  l'assemblée ,  en  un  autre  sans  bordure. 
Il  avait  été  conduit  à  Cabrières  depuis  Mérindol  par 
Paul  Meynard  dit  La  Bourdille  et  Jean  René  Meynard. 

Un  protestant  4iommé  Jacques  Murât  commença  le 
service  par  la  lecture  d'un  ou  deux  chapitres  du  Nou- 
veau Testament  et  le  chant  de  quelques  Psaumes.  Après 
quoi  le  ministre,  prenant  pour  texte  ces  paroles  :  «  Que 
l'espérance  du  Saint  vous  serve  de  bouclier  et  la  Pa- 


500  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

rôle  de  Dieu  d'épée  de  l'Esprit  »  (Ephés.,  VI,  17),  il 
prêcha  pendant  une  heure  sur  la  charité  et  les  bonnes 
œuvres.  On  chanta  le  Psaume  LI  :  «  Miséricorde  à  un 
pauvre  pécheur,  Dieu  tout  puissant,  selon  ta  grande 
miséricorde.  »  Le  ministre  prononça  ensuite  une  prière, 
oij  le  roi  et  les  personnes  en  dignité  ne  furent  pas  ou- 
bliés, et  termina  par  ces  paroles  :  «  Mes  enfants,  que 
Dieu  vous  bénisse!  »  Murât  (i)  fit  une  quête  qui  rap- 
porta 8  à  10  fr.,  remis  à  Roux  pour  les  pauvres  de 
Cabrières.  L'assemblée,  qui  comptait  de  cent  cin- 
quante à  deux  cents  protestants ,  se  termina  à  minuit. 
La  sainte  Cène  ne  fut  pas  distribuée  et  aucun  assistant 
n'avait  des  armes.  Les  consuls  de  Cabrières,  quoique 
huguenots,  n'y  prirent  pas  part;  le  ministre  ne  prononça 
aucune  parole  séditieuse  et  on  ne  lui  donna  point  d'argent. 
Le  boulanger  de  Cabrières  vendit  vingt-quatre  douzaines 
de  pains  de  plus  qu'à  l'ordinaire. 

Telles  étaient ,  dans  leur  touchante  simplicité ,  ces 
assemblées  du  Désert,  que  l'on  voulait  faire  considérer 
comme  des  conciliabules  séditieux  et  dont  les  assistants 
étaient  impitoyablement  condamnés  à  mort  ou  aux  ga- 
lères. 

Le  comte  Du  Muy,  au  reçu  des  informations,  cita 
huit  religionnaires  à  comparaître  à  Aix,  notamment  Paul 
Meynard  dit  La  Bourdille  et  Antoine  Orcel.  S'étant 
contredits  et  coupés  dans  leurs  dépositions,  ils  reçurent 
l'ordre  de  demeurer  à  Aix  à  la  disposition  de  la  justice, 
mais  ils  jugèrent  prudent  de  fuir.  Le  comte  Du  Muy  se 
rendit  ensuite  sur  les  lieux,  accompagné  de  deux  compa- 
gnies du  bataillon  de  milice  de  Fontanilles,  dont  l'une 
fut  logée  à  Cabrières  et  l'autre  à  Mérindol ,  chez  les 
religionnaires   les   plus    compromis.    Plusieurs    d'entre 

(i)  Jean-René  Meynard,  suivant  une  autre  déposition. 


LE    DESERT.  ^01 

eux  furent  arrêtés  et  les  officiers  reçurent  Tordre  de 
découvrir  le  nom  et  la  demeure  du  ministre  ;  mais  ce 
fut  peine  perdue  :  aucun  religionnaire  ne  voulut  le 
trahir. 

Le  roi,  instruit  de  ce  qui  s'était  passé,  chargea,  par 
arrêt  du  22  mai  1735  ,  Jean-Baptiste  des  Galois ,  sei- 
gneur de  La  Tour  et  autres  lieux ,  intendant  de  Pro- 
vence et  premier  président  au  Parlement  d'Aix,  d'in- 
struire et  de  juger  en  dernier  ressort  le  procès  «  avec 
tel  présidial  ou  le  nombre  des  gradués  requis  par  l'or- 
donnance. »  La  Tour  rendit  sa  sentence  le  24  mars  1736. 
Des  84  personnes  inculpées,  une  fut  condamnée  à  mort  : 
le  prédicant  ;  6  aux  galères  perpétuelles  :  Jacques  Mu- 
rat,  négociant  de  Lourmarin  ;  Louis,  Daniel  et  An- 
toine Roux,  ménagers;  Antoine  Courbon ,  maçon; 
Pierre  Jourdan  (ces  cinq  derniers  de  Cabrières);  —  4  a 
un  bannissement  de  trois  années  :  Daniel  Jourdan,  Jac- 
ques Sallon,  Anne  Estaillard  (femme  de  Pierre  Jourdan)  : 
tous  de  Cabrières;  Jean  Clôt,  de  Mérindol. 

Ces  onze  condamnés  étaient  contumaces. 

Paul  Meynard  dit  La  Bourdille,  cabaretier  de  Mé- 
rindol, fut  banni  pour  dix  ans,  et  Antoine  Orcel,  ména- 
ger de  Cabrières,  pour  trois  ans;  trente-trois  autres 
accusés  furent  condamnés  à  la  confiscation  de  la  moitié 
de  leurs  biens ,  de  même  que  les  précédents  ;  trente- 
neuf  renvoyés  absous;  la  bergerie  d'Antoine  Orcel, 
«  démolie  et  entièrement  rasée,  »  et  l'arrêt  affiché  à 
Mérindol,  Lourmarin  et  Cabrières.  En  vertu  d'un  second 
jugement  de  Latour,  du  18  avril  1736,  un  poteau,  por- 
tant l'arrêt  du  24  mars  1736,  fut  dressé  sur  l'emplace- 
ment de  la  bergerie  et  le  prédicant  pendu  en  effigie  à 
Cabrières. 

En  envoyant  une  copie  de  ses  jugements  au  roi,  le 
26  mars ,  Latour,  qui  était  un  homme  modéré,  compre- 


502  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE, 

nant  les  véritables  intérêts  de  l'Etat,  écrivit  à  Phely- 
peaux,  comte  de  Saint-Florentin,  ministre  d'Etat  : 
((  Presque  tous  ces  gens-là  sont  des  paysans  ou  artisans 
qui  n'ont  point  de  bien  ou  fort  peu ,  et  les  autres  sont 
des  bourgeois  de  village  qui  ont  assez  de  peine  à  vivre, 
en  sorte  que  tous  ces  misérables ,  qui  ne  sont  pour  la 
plupart  coupables  que  d'une  trop  grande  facilité  ou  tout 
au  plus  d'une  ancienne, prévention  pour  la  religion  dans 
laquelle  ils  sont  nés,  seront  réduits  à  l'aumône  ou  dans 
la  nécessité  de  sortir  du  royaume,  si  notre  jugement 
est  exécuté  à  la  rigueur.  Il  serait  de  la  bonté  et  de  la 
charité  du  roi  de  modérer  ces  amendes  eu  égard  aux 
crimes  et  aux  facultés  des  coupables.  »  Latour  pensait 
aussi  qu'il  fallait  faire  grâce  aux  religionnaires  condam- 
nés à  des  peines  afflictives,  qu'autrement  ils  quitteraient 
le  pays  :  ce  qui  causerait  à  ce  dernier  un  grand  préju- 
dice. Le  roi  agréa  la  proposition  de  Latour,  mais  il 
voulait  que  les  religionnaires  qui  pouvaient  payer  les 
amendes  le  fissent. 

Les  biens  des  condamnés  s'élevaient  à  la  somme 
de  22,650  livres  4  sous  4  deniers,  savoir  14,958  livres 
8  sous  pour  les  religionnaires  de  Cabrières ,  5,752  li- 
vres 16  sous  4  deniers  pour  ceux  de  Lourmarin ,  et 
1,942  livres  pour  ceux  de  Mérindol.  Ils  devaient  payer 
la  moitié  de  cette  somme  en  vertu  du  jugement.  Les 
condamnés  offrirent  4,800  livres,  soit  3,070  livres 
pour  Cabrières  (offre  du  21  juin  1736);  1,080  pour 
Lourmarin  (offre  du  19  juin),  et  150  livres  pour  Mérin- 
dol [idem]  ;  mais  ayant  été  mis  dans  l'impossibilité  de 
payer  même  ces  sommes  réduites  par  suite  des.  mau- 
vaises récoltes,  ils  demandèrent  d'en  être  entièrement 
déchargés  dans  une  requête  adressée  au  comte  de 
Saint-Florentin,  où  ils  disaient,  parlant  d'eux-mêmes  : 
«  Comme  ils  sont  presque  tous  misérables,  et  que  la 


LE   DÉSERT.  503 

mauvaise  récolte  de  cette  année  les  met  hors  d'état  de 
payer  cette  somme ,  ils  supplient  très  respectueusement 
Votre  Grandeur  de  vouloir  bien  par  charité  leur  procu- 
rer de  Sa  Majesté  la  remise  entière  desdits  4800  fr.,  et 
ils  continueront  leurs  prières  pour  la  conservation  de 
Votre  Grandeur.  »  Le  roi  ayant  répondu  que  les  con- 
damnés étaient  solidaires  et  devaient  payer  les  uns  pour 
les  autres,  Lato  ur  fit  remarquer  que,  s'il  devait  en  être 
ainsi,  les  condamnés  quitteraient  la  France.  Quatre 
d'entre  eux  s'offrirent  néanmoins  à  payer  leur  part  des 
4,800  livres,  savoir  :  Paul  Meynard,  Jacques  Murât,  Da- 
niel et  Antoine  Roux;  mais  comme  ces  trois  derniers 
étaient  contumaces  et  que,  d'après  les  lois  du  royaume, 
aucune  grâce  ne  pouvait  être  accordée  à  des  condam- 
nés de  cette  catégorie,  Latour  fit  remarquer  que  ,  s'ils 
n'étaient  pas  tous  déchargés,  Paul  Meynard  serait  seul 
en  état  de  profiter  de  la  remise  d'une  partie  de  son 
amende.  Nous  ne  savons  ce  qui  advint  de  cette  affaire, 
qui  fut  conduite  avec  une  remarquable  modération  par 
l'intendant  (i). 

ENLÈVEMENT  DE  FILLES  PROTESTANTES  (1740). 

De  1737  à  1741  on  s'attacha  surtout  en  France  à 
arracher  de  vive  force  leurs  filles  aux  religionnaires  pour 
les  faire  instruire  dans  le  catholicisme.  La  Provence  eut 
sa  triste  part  de  cette  persécution  inhumaine.  «  L'an 
1740,  »  dit  une  lettre  du  temps  (2),  «  dans  cette  époque 
sinistre  et  calamiteuse  pour  les  filles  des  réformés  ,  que 
les  évèques  faisaient  enlever  pour  les  enfermer  dans  des 


(1)  Archives  nationales,  TT,  256,  257,  ^ny;  —  Arrêt  placard  du  24  mars  17^6. 

(2)  De   M.   de  Montagni  (Etienne  Defferre)  à  Court  du   i;  avril  1744  (ms. 
Court,  n°  I,  t.  X). 


504  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

couvents,  on  enleva  la  fille  unique  d'une  veuve  très  riche, 
qu'on  mit  dans  un  couvent  de  religieuses  d'Aix.  Elle 
y  est  restée  captive  environ  trois  ans.  Pendant  que  cet 
espace  de  temps  s'écoule,  la  dolente  mère  me  disait 
comme  elle  pourrait  faire  pour  retirer  sa  fille  d'un  en- 
droit si  contagieux.  Il  fut  résolu  avec  l'oncle  de  cette 
orpheline  et  l'un  de  ses  amis  qu'il  fallait  l'enlever.  Ces 
trois  personnes  seulement  se  transportèrent  à  Aix.  Les 
deux  hommes  se  tinrent  à  la  porte  du  cloître  et  la  mère 
sonna  la  clochette  et  [demanda]  à  voir  sa  petite.  D'abord 
les  religieuses  lui  firent  beaucoup  d'accueil  et  d'hon- 
nêteté, parce  qu'elle  était  riche  et  leur  faisait  quantité 
de  présents.  On  lui  fit  venir  ensuite  sa  fille;  elle  la  ca- 
ressa, elle  la  mignota  et,  la  tenant  par  la  main,  elle  la 
tira  toujours  du  côté  de  la  porte  sans  faire  semblant  de 
rien.  Quand  elle  n'en  fut  qu'à  environ  trois  ou  quatre  pas, 
elle  la  prit  par  les  bras  et  la  jeta  dehors  la  porte  entre 
les  bras  de  ces  deux  hommes,  qui  attendaient  avec  im- 
patience ce  cher  dépôt.  Dès  qu'ils  l'eurent ,  ils  firent 
toute  la  diligence  possible  pour  la  mettre  en  sûreté.  » 
«  La  même  année  1740,  »  dit  encore  la  même  lettre, 
a  dans  un  lieu  qui  s'appelait  Joucas,  [vivait]  le  nommé 
Antoine  Robert  dudit  lieu  et  Jeanne  Beridol ,  de  Mé- 
rindol ,  son  épouse.  Ayant  plusieurs  filles,  on  lui  en- 
voya trois  cavaliers  de  la  maréchaussée  de  la  ville  d'Apt 
pour  lui  en  enlever  deux  entre  onze  heures  et  minuit. 
Ces  émissaires  de  la  tyrannie  furent  heurtés  fortement 
à  leur  porte  en  lui  criant  que  s'ils  ne  l'ouvraient  sou- 
dainement, ils  allaient  la  mettre  par  terre.  La  femme  , 
se  trouvant  toute  seule  dans  la  maison,  se  leva  de  son 
lit  tout  épouvantée  pour  leur  ouvrir  et  leur  demanda  ce 
qu'ils  voulaient.  Ils  lui  répondirent  qu'ils  venaient  de  la 
part  du  roi  et  de  Monseigneur  l'évêque  de  la  ville  d'Apt 
pour  prendre  deux  de  ses  filles,  Isabeau  et  Marianne. 


LE   DÉSERT.  505 

Elle  leur  dit  qu'elle  ne  savait  point  oij  elles  étaient. 
Alors  lesdits  cavaliers  furent  fouiller  par  toute  la  mai- 
son pour  les  chercher.  Ne  les  ayant  point  trouvées,  ils 
allèrent  visiter  le  lit.  En  ayant  trouvé  une ,  nommée 
Marguerite,  âgée  de  trois  ans,  ils  dirent  :  «  Puisque 
nous  ne  trouvons  pas  les  autres  ,  nous  allons  toujours 
prendre  celle-ci  en  attendant  ;  »  ce  que  la  femme  ayant 
entendu  ,  elle  courut  au  lit  et  prit  sa  fille  entre  ses  bras. 
Un  de  ces  bourreaux,  n'ayant  de  l'homme  que  la  figure, 
voyant  cela,  fut  la  prendre  par  les  pieds  et  la  tira  comme 
s'il  avait  voulu  l'écarteler  ;  mais  comme,  sans  doute,  il 
ne  put  arracher  cette  innocente  victime  d'entré  les  bras 
de  cette  tendre  et  affectionnée  mère ,  il  lui  donna  un  si 
grand  coup  de  poing  qu'il  la  jeta  sur  le  carreau  et  lui 
enleva  en  même  temps  sa  petite.  La  peur  que  cette 
pauvre  femme  eut  de  cette  funeste  catastrophe  lui  occa- 
sionna une  si  violente  révolution  dans  le  sang  que ,  de 
huit  jours  en  huit  jours ,  elle  tombe  morte  et  ne  revient 
de  ce  pitoyable  état  que  trois  heures  après. 

»  Cette  femme  éplorée  étant  revenue  à  elle-même, 
envoya  chercher  son  mari  et  lui  raconta  le  cruel  et  bar- 
bare traitement  qu'on  lui  avait  fait  et  qu'on  avait  emmené 
leur  fille  Marguerite  à  la  ville  d'Apt.  Ce  récit  fait,  le 
mari  partit  sur-le-champ  pour  ladite  ville.  Il  fut  tout 
droit  à  l'évêché,  et  trouvant,  en  entrant  dans  la  salle, 
que  ces  impitoyables  bourreaux  y  étaient  encore,  il  se 
jeta  sur  eux  comme  un  lion  en  leur  disant  :  «  Malheu- 
reux! il  faut  que  je  te  fasse  comme  tu  as  fait  à  mon  en- 
fant; ))  et  si  l'évêque  n'y  fût  accouru  ,  au  bruit  qu'il  en- 
tendit, en  lui  criant  :  <■  Robert,  Robert,  que  veux-tu 
faire  ?  »  il  l'aurait  sans  doute  déchiqueté  et  mis  en  piè- 
ces. Mais  il  quitta  prise  pour  répondre  à  l'évêque  qu'on 
lui  rendît  sa  fille.  «  Eh  bien,  amène-moi  les  deux  au- 
tres, et  je  te  rendrai  celle-ci.  »  Ledit  Robert  dit  qu'on 


5o6  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

les  lui  avait  enlevées.- «  Va,  va,  retire-toi,  et  amène  tes 
filles  dans  ta  maison.  » 

»  Ce  bonhomme  crut  d'être  en  sûreté  sur  la  parole 
de  l'évêque,  et  envoya  chercher  ses  filles  qui  étaient  à 
Mérindol.  Mais  qu'il  était  crédule  de  se  tenir  assuré 
sur  la  simple  parole  d'un  malhonnête  homme  ,  d'un  ty- 
ran, d'un  persécuteur,  puisque,  à  peine  quinze  jours 
furent  écoulés ,  que  les  cavaliers  furent  chercher  chez 
lui  pour  prendre  ses  filles.  Le  tapage  que  firent  ces 
estaffiers  éveillèrent  ledit  Robert,  qui  se  leva  de  son 
lit  et  sauta  d'une  fenêtre  d'environ  douze  pans  de  hau- 
teur qu'il  avait  derrière  sa  maison;  en  même  temps  son 
épouse  prit  une  de  ses  filles  par  le  bras  et  la  jeta  par 
la  fenêtre,  qu'il  reçut  en  son  sein  tout  en  chemise.  Ce 
tendre  et  affligé  père,  ému  de  compassion  de  voir  ainsi 
son  enfant  exposée  à  la  rigueur  du  temps,  se  dépouilla 
de  sa  veste  pour  la  couvrir,  et  lui,  tout  en  chemise,  la 
porta  dans  une  bastide  à  une  demi-lieue  de  leur  maison. 
L'épouse,  qui  était  restée,  lorsqu'elle  crut  son  mari  as- 
sez loin,  fut  ouvrir  sa  porte  à  ces  gens  de  sac  et  de 
corde  en  leur  disant  :  «  Que  me  demandez-vous,  Mes- 
sieurs ?  mes  filles?  Je  n'en  ai  point.  »  Alors  les  cavaliers 
entrèrent  et  cherchèrent  les  filles  par  toute  la  maison. 
Ne  les  ayant  pas  trouvées  après  avoir  vomi  contre  cette 
femme  plusieurs  injures  et  plusieurs  duretés ,  ils  se  re- 
tirèrent en  la  menaçant  qu'ils  prendraient  le  petit  qui  était 
dans  le  berceau. 

«  Six  mois  après  ils  revinrent  de  nouyeau  à  la  charge, 
et,  pour  ne  pas  manquer  leur  but,  ils  usèrent  de  ce 
stratagème.  Ils  prirent  avec  eux  le  nommé  Pierre  Gau- 
din,  qui  se  prêta  pour  leur  faire  ouvrir  la  porte.  Ce  cro- 
codile fut  crier  à  la  femme,  qui  était  seule  dans  la  mai- 
son ,  de  lui  venir  ouvrir,  qu'il  venait  pour  lui  rendre 
service,  et  lui  ayant  répondu  qu'elle  n'ouvrait  point  sa 


LE    DÉSERT.  ijO/ 

porte  à  une  heure  indue ,  il  lui  protesta  de  nouveau 
qu'il  venait  pour  ses  affaires  :  ce  qu'ayant  cru  bonne- 
ment, elle  vint  lui  ouvrir.  D'abord  les  cavaliers  se  je- 
tèrent sur  elle  comme  des  furieux,  mais,  en  ayant  saisi 
un,  elle  le  renversa  par  terre  et,  s'ils  n'avaient  été  que 
deux ,  elle  s'en  serait  défaite  et  les  aurait  battus  cer- 
tainement, mais  il  fallut  céder  à  la  force.  Tout  ce  qu'elle 
put  faire  dans  le  temps  qu'on  cherchait  ses  filles,  ce 
fut  de  prendre  son  petit  enfant  qu'elle  porta  à  sa  belle- 
sœur,  après  quoi  elle  alla  appeler  son  mari,  qui  était 
à  un  pré.  a  Mon  cher  Robert,  »  lui  cria-t-elle,  «  viens 
vite  :  nous  n'avons  plus  de  filles;  c'en  est  fait,  on  nous 
les  enlève.  »  Cet  homme  courut  de  toutes  ses  forces  , 
mais  il  ne  fut  plus  temps  ;  en  arrivant,  il  trouva  ses  filles 
attachées  sur  des  chevaux.  Il  fut  prendre  son  fusil;  mais 
par  bonheur  il  ne  se  trouva  point  chargé,  car,  s'il  l'avait 
été,  il  aurait  tué  quelqu'un. 

»  Les  cavaliers  cependant  faisaient  toujours  chemin 
vers  la  ville  d'Apt.  Alors  ledit  Robert,  ne  pouvant  faire 
autre  chose,  les  suivit  jusqu'à  la  ville  ,  oij  il  fut  trouver 
l'évêque  pour  lui  dire  les  larmes  aux  yeux  :  «  Ce  n'est 
pas,  Monseigneur,  ce  que  vous  m'avez  promis  de  ne 
plus  me  faire  enlever  mes  filles.  »  L'évêque  lui  répon- 
dit :  ((  Prends  la  plus  jeune,  si  tu  veux.  —  Il  n'est  plus 
temps  de  me  la  rendre  à  présent  qu'elle  est  morte  et 
qu'on  me  l'a  tuée.  —  Est-ce  que  tu  ne  la  veux  pas  ? 
Fais  comme  tu  voudras,  je  suis  content.  —  Pardonnez- 
moi,  Monseigneur,  je  la  veux  ;  car,  quoi  qu'elle  soit 
morte  ,  je  la  porterais  avec  les  dents  plutôt  que  de  vous 
la  laisser.  »  L'ayant  donc  emportée  chez  lui,  elle  mou- 
rut dix-huit  jours  après.  » 

Le  malheureux  Robert  perdit  ainsi  ses  trois  filles  : 
la  plus  jeune  âgée  de  trois  ans,  que  les  cavaliers  de  la 
maréchaussée  avaient  enlevée   en  premier  lieu  et  qui 


>08  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

mourut  évidemment  des  suites  des  violences  dont  elle 
fut  l'objet,  et  les  deux  aînées ,  qui  demeurèrent  la  proie 
de  l'évêque. 

UN    FAUX  PRÉDICANT   (1742-I744). 

Deux  années  après  ces  enlèvements,  un  prédicant 
hypocrite  et  éhonté,  qui  faisait  trafic  des  choses  saintes, 
vint  présider,  dans  les  églises  des  vallées  de  la  rive  droite 
de  la  Durance  ,  des  assemblées  de  jour  et  de  nuit  sans 
garder  aucune  mesure.  C'était  d'ailleurs  un  personnage 
étrange  qu'une  pièce  du  temps  (i)  décrit  ainsi  :  «  i°  C'est 
un  de  ces  fous  et  de  ces  téméraires  qui  s'en  vont,  tam- 
bour battant ,  mèche  allumée ,  sans  faire  attention  aux 
dangers  qu'ils  courent  ;  car  si  nos  ennemis  ne  se  sont 
pas  saisis  de  lui,  ce  n'est  pas  à  sa  prudence  qu'il  en  est 
redevable,  mais  à  un  pur  hasard  et  à  sa  propre  folie, 
parce  qu'il  traverse  des  villages  papistes  en  chantant 
des  Psaumes  à  plein  gosier;  il  les  chantait  aussi  dans 
les  cabarets  lorsqu'il  était  en  débauche,  profanant  de 
cette  manière  les  louanges  du  Seigneur;  2°  c'est  un 
menteur  de  premier  ordre ,  les  bonnes  gens  chez  qui 
il  allait  loger  m'ayant  raconté  plusieurs  de  ses  men- 
teries  et  déclaré  en  même  temps  qu'ils  ne  croyaient  pas 
la  plupart  des  choses  qu'il  leur  disait;  qu'ils  voyaient 
clairement  que  c'étaient  de  purs  mensonges;  3°  c'est 
un  emporté  ,  un  querelleur  ,  un  de  ces  faux  braves  qui, 
pour  la  moindre  bagatelle,  ne  parlent  que  de  battre, 
que  de  massacrer,  ayant  eu  deux  ou  trois  disputes  avec 
des  jeunes  gens,  qui  l'auraient  étrillé  d'importance  si 
on  ne  les  avait  pas  retenus;  4°  c'est  un  avaricieux,  qui 


(i)  Lettres  de   M.   de  Montagni  (Detîerre)  à  Court  du  15  avril  1744  (ms. 
Court,  no  I,  t.  X). 


LE   DÉSERT.  50Q 

n'a  d'autres  vues  dans  ce  qu'il  fait  que  ses  propres  in- 
térêts :  cette  âme  vénale  s'emparant  de  l'argent  des 
pauvres  qui  se  lève  dans  toutes  les  assemblées  qu'il  fait; 
5°  il  n'est  pas  non  plus  exempt  d'orgueil  ni  de  vanité; 
il  en  a  une  assez  bonne  dose  :  faisant  parade  de  ce  pa- 
trimoine d'iniquité  qu'il  se  formait  des  deniers  des  pau- 
vres, montrant  sa  bourse  à  ses  familiers  amis,  en  leur 
disant  :  «  Tenez,  voyez,  j'ai  40,  50  louis  ;  »  oh  !  que 
cela  est  rampant  de  se  faire  gloire  de  ce  qui  devait  le  cou- 
vrir de  honte  et  de  confusion  ;  6°  enfin  c'est  un  farceur,  un 
petit  arlequin,  car  il  montait  en  chaire  avec  un  bonnet  et 
un  grand  ruban  bleu  autour  de  sa  tête ,  un  petit  collet  de 
papier  ;  joignez-y  encore  un  nœud  fait  avec  un  autre 
ruban  bleu ,  qu'il  mettait  à  son  habit  comme  les  femmes 
mettent  à  leur  robe.  Que  dites-vous  de  ces  ornements 
pontificaux?  Si  la  chose  n'était  pas  si  sérieuse,  rien  ne 
serait  plus  risible  ni  plus  comique  que  de  voir  monter 
en  chaire ,  avec  la  gravité  d'un  sénateur,  un  pareil  ori- 
ginal. Si  les  ennemis  de  notre  sainte  religion  avaient 
été  spectateurs  de  cette  ridiculité ,  quel  scandale  n'en 
serait-il  pas  rejailli ,  quelles  railleries  piquantes  n'en 
feraient-ils  pas  ?  Cependant,  il  faut  Tavouer,  ce  coureur, 
avec  tous  ces  vices  et  cet  équipage  pédantesque,  a  pro- 
duit un  certain  bien  parmi  le  bas  peuple,  qu'il  a  raffermi, 
car,  pour  les  gens  d'une  certaine  façon,  ils  n'en  ont 
point  fait  de  compte.  Or,  si  un  homme  de  cette  espèce 
a  fait  du  bien,  quel  progrès  ne  ferait-il  pas,  un  pasteur 
animé  de  l'esprit  de  l'Evangile  et  orné  de  toutes  les 
vertus  essentielles  à  un  ministre  de  Jésus-Christ!  » 


VISITE    DU    PASTEUR    DEFERRE     (1744). 

Le  pasteur  Etienne  Defferre ,  natif  de  Grand-Gallar- 


^10  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

gues,  en  Languedoc  (i),  qui  nous  a  laissé  ces  derniers 
récits,  les  avait  entendu  raconter  dans  le  voyage  qu'il 
fit  en  Provence  en  1744,  trois  ou  quatre  jours  seule- 
ment après  le  départ  du  faux  prédicant  dont  il  vient  d'être 
parlé.  Il  reçut  des  protestants  de  cette  province  un 
accueil  enthousiaste.  «  J'ai  été  visiter,  »  dit-il  (2),  «.  ces 
pauvres  fidèles  affamés  et  altérés  de  la  parole  de  Dieu, 
qui  demandent  du  pain,  et  personne  ne  leur  en  donne 
avec  ces  dispositions.  J'ai  été  reçu ,  non  pas  comme  un 
homme,  mais  comme  un  ange  de  Dieu.  A  voir  l'em- 
pressement et  l'ardeur  avec  laquelle  ces  enfants  d'Israël 
venaient  des  villages  et  des  hameaux  pour  me  voir  et 
pour  m'entendre,  on  aurait  dit  que  le  Messie  était 
arrivé  dans  leur  contrée.  Tous  voulaient  m'embrasser; 
tous  voulaient  m'avoir  chez  eux  :  c'était  à  qui  mieux 
mieux.  Ils  me  témoignaient  beaucoup  d'affection  et  de 
tendressse...  Autant  que  j'en  puis  juger  et  que  j'en  ai 
pu  connaître,  ces  descendants  des  Vaudois ,  qui  ont 
enduré  tant  de  massacres  et  de  persécutions  pour  la 
profession  de  la  vérité ,  n'ont  pas  entièrement  dégénéré 
du  courage  et  de  la  fermeté  de  leurs  ancêtres.  Il  s'en 
ferait  de  très  bons  soldats  de  Jésus-Christ.  » 

Defferre  présida  à  Mérindol  une  assemblée  de  qua- 
tre cents  personnes,  «  secrètement  et  avec  toute  la 
prudence  possible,  »  et,  s'étant  transporté  de  là  à 
Lourmarin  ,  il  s'apprêtait  à  en  présider  une  seconde, 
quand  il  apprit  que  cinquante  soldats  marchaient  sur 
Mérindol,  cent  sur  Lourmarin  et  cinquante  sur  Cabriè- 
res.  Les  assemblées  du  faux  prédicant  avaient  fait  du 
bruit,  et  le  commandant  militaire  de  la  Provence  envoyait 
ces  soldats  pour  les  faire    cesser.   Defferre  crut  qu'il 

(1)  Elève  du  séminaire  de  Lausanne  en  1742. 

(2I  Lettre  de  M.  de  Montigni  ,  etc.  —  Sur  Defferre,  voy.  La  France  pro- 
testante. 


LE    DÉSERT.  ^I i 

était  sage  de  se  retirer  sur-le-champ  pour  laisser  pas- 
ser l'orage,  u  Lorsque  ces  chers  fidèles  apprirent  que  je 
voulais  m'en  aller,  »  raconte-t-il  ;  «  qu'il  n'était  pas  pru- 
dent que  je  restasse  plus  longtemps  dans  leurs  cantons, 
ils  se  mirent  à  pleurer  et  à  s'attrister  profondément. 
—  Au  nom  de  Dieu,  me  disaient-ils,  notre  cher  pas- 
teur, ne  nous  abandonnez  pas;  au  nom  de  Dieu,  sou- 
venez-vous de  nous ,  souvenez-vous  que  nous  sommes 
de  pauvres  brebis  abandonnées  ;  venez  au  moins  nous 
visiter  quelquefois.  —  Après  quoi  je  me  séparai  d'eux, 
les  larmes  aux  yeux ,  en  leur  promettant  que  je  vien- 
drais les  voir:  ce  que  j'effectuerai,  moyennant  le  secours 
de  Dieu,  lorsque  les  troupes  se  seront  retirées.  En 
chemin  faisant,  je  bénis  un  mariage  à  Lacoste  et,  sans 
l'arrivée  des  troupes,  j'en  aurais  béni  plus  de  quarante, 
car  il  y  en  a  plusieurs  qui  se  sont  mis  ensemble  sans 
être  épousés  ;  les  prêtres  ne  voulant  pas  leur  accorder 
la  bénédiction  nuptiale  sans  qu'au  préalable  ils  ne  se 
confessent  et  ne  communient  :  ce  qu'ils  ne  veulent  point 
faire.  » 

Ce  zèle  touchant  des  protestants  de  Provence,  cons- 
taté par  d'autres  pièces  de  l'époque  (i) ,  décida  le  qua- 
trième synode  national ,  réuni  au  Désert  cette  même 
année  1744,  à  leur  accorder  un  pasteur,  qui  leur  serait 
alternativement  prêté  par  les  provinces  du  bas  Langue- 
doc et  du  Dauphiné ,  à  commencer  par  la  première ,  et 
qui  desservirait  en  même  temps  l'Eglise  d'Orange. 
Nous  ne  savons  si  cette  décision  fut  exécutée  à  cette 
époque ,  mais  elle  le  fut  certainement  plus  tard  ,  alors 
même  que  la  Provence  possédât  un  et  même  plusieurs 
pasteurs  en  propre  (2). 

(i)  Lettre  de   Desubas  à  Peirot  du   19  février   1744  (ms.   de  nos   archives 
particulières). 
(3)  Les  pasteurs  qui  firent  des  séjours  temporaires  en  Provence  en  vertu 


512  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

MINISTÈRE    DES    PASTEURS    LAFONT    ET    ROLLAND 

(1745-I747). 

Deux  ans  après,  en  1746,  le  pasteur  Lafont  dit 
Fontenelle ,  qui  avait  fait  ses  études  à  ses  frais  au  sémi- 
naire de  Lausanne,  d'avril  1745  à  juillet  1746,  s'établit 
en  Provence ,  où ,  par  son  zèle ,  furent  dressées  les 
églises  suivantes  :  Cabrières ,  La  Motte-d'Aigues,  Pey- 
pin-d'Aigues ,  Saint-Martin-de-la-Brasque  (ces  quatre 
églises  formant  une  population  protestante  de  douze 
cents  âmesj ,  Lourmarin,  Lacoste,  Sivergues  (15  famil- 
les), Mérindol  et  la  Roque-d'Antheron  (15  familles). 
Lafont ,  qui  résidait  habituellement  à  Lourmarin ,  paraît 
avoir  exercé  son  ministère  en  Provence  jusqu'en  1754. 
A  cette  époque,  il  desservait  les  églises  du  Poitou,  et 
en  1774  celle  du  bas  Languedoc.  En  1750,  il  lit  une 
courte  apparition  dans  le  Dauphiné. 

En  mars  1747,  Etienne  Rolland,  qui  avait  évangélisé 
le  Dauphiné  de  1729  à  1747,  soit  comme  proposant, 
soit  comme  pasteur,  visita  les  églises  de  Provence  en 
vertu  de  la  décision  du  synode  de  1744,  mentionné  plus 
haut,  et  son  ministère  fut  abondamment  béni  dans  cette 
province.  «  Il  fait  des  merveilles,  »  écrivait  à  Court,  le 
29  juillet  1747,  son  collègue  dauphinois,  le  pasteur 
Daniel  Vouland,  «  tant  par  des  mariages  et  des  baptêmes 
que  par  des  assemblées,  quoique  [sous]  la  croix,  mais 
sans  être  inquiété  ;  et  des  marchands ,  qui  sont  venus 
de  là-bas ,  nous  ont  dit  qu'on  ne  voulait  pas  le  laisser 
revenir,  et  lui  s'y  plaît  aussi  beaucoup.  Je  lui  ai  pour- 
tant écrit  qu'il  eût  la  bonté  de  revenir  pour  prendre  nos 

de  cette  décision  synodale  furent  :  Etienne  Rolland  ,  1747  ;  Dusserre  ,  entre 
1747  et  1749  ;  Jean  Encontre,  entre  1754  et  17^9  ;  François  Saussine  ,  idem; 
Jean  Guizot,  1758;  Pierre  Puget,  1760-1761  ;  Noë,  176Ç-1766. 


LE   DÉSERT.  513 

arrangements,  afin  que,  s'il  veut  adopter  ces  églises, 
nous  sachions  à  quoi  nous  en  tenir.  >> 

Vouland  écrivait  encore  au  même  Court ,  quelques 
mois  plus  tard  (20  octobre  1747)  :  «  Notre  M.  Rol- 
land est  toujours  en  Provence,  où  il  fait  des  merveilles. 
Il  y  a  fait  un  grand  nombre  de  baptêmes.  Dans  le  mois 
de  juillet,  il  écrivit  à  M.  La  Place  (Pierre  Rozan,  pas- 
teur en  Dauphiné) ,  qu'en  arrivant  il  avait  béni  seize 
baptêmes ,  que  depuis  il  en  avait  fait  cinquante-quatre. 
Quoiqu'il  ne  parle  pas  des  mariages,  il  est  certain  qu'il 
en  a  fait  également.  On  y  est  fort  content  de  lui  et  on 
ne  veut  pas  le  laisser  revenir.  Presque  tous  les  protes- 
tants bourgeois  et  autres  vont  à  ses  assemblées.  Nous 
lui  avions  écrit  de  venir  à  présent  pour  ranger  ses  affai- 
res, mais  il  n'est  pas  encore  venu.  »  Rolland,  qui  s'éta- 
blit définitivement  en  Provence  et  résidait  habituelle- 
ment à  Cabrières-d' Aiguës,  exerça  son  ministère  dans 
cette  province  jusqu'en  1762.  A  cette  date  nous  le  per- 
dons complètement  de  vue  (1). 

PERSÉCUTIONS    DIVERSES    (1749-I753) 

Ces  événements  se  passaient  pendant  la  longue 
guerre  (i 741 -1748)  de  la  succession  d'Autriche,  qui 
avait  détourné  l'attention  de  la  cour  de  France  des 
affaires  protestantes.  Il  n'en  fut  pas  de  même  dans  les 
années  qui  la  suivirent.  Les  persécutions  sévirent  cruel- 
lement dans  tout  le  royaume,  et  la  Provence  en  souf- 
frit comme  les  autres  provinces. 

«  Au  mois  d'avril  1749,  »  dit  Court  (2),  «  décédèrent  à 

(i)  Ms.  Court,  n"  i,  t.  X.X,'.V^  partie,  p.  31 J  ;  2^  partie  ,  p.  95  ;  n»  7, 
t.  9  ,  p.  1 54  ;  t-  I  î  ,  p.  8  ;  n»  17 ,  Q;  —  Edm.  Hugues ,  Antoine  Court ,  t.  II , 
p.  414,  415  ;  —  Lettre  de  Martin  à  Paul  Rabaut  du  10  janvier  1774  (  Papiers 
Rabaut,  III,  D). 

{2)  Mémoire  historique  dans  le  Patriote  français  et  impartial,  t.  II,  p.  5-7. 


514  HISTOIRE    bES    PROTESTANTS    UE    PROVENCE. 

Mérindol   demoiselle  Maynard,  lemme  veuve,  et   Paul 
Maynard ,  son  fils ,  âgé  d'environ  cinquante  ans.    L'un 
et  l'autre  furent  ensevelis  dans  la  nuit  et  sans  bruit,  le 
même  jour  de  leur  décès;  mais  tant  de  précautions  sont 
inutiles  contre  la  violente  calomnie.   Le  curé  du  lieu  , 
nommé  Lombard,  que  le  dessein  de  nuire  ronge  depuis 
longtemps,    saisit   l'occasion,   court   chez   l'évêque  de 
Cavaillon,  son  diocésain,  lui  fabrique  une  histoire,  et 
que  ne  lui  dit-il  pas  ?  Il  lui  dit  que  le  convoi  funèbre  de 
la  mère  et  du  fils  s'est  fait  avec  tout  l'appareil  et  tout 
l'éclat  de  la  rébellion  ;  que  le  ministre  des  huguenots  y 
marchait  à  la  tête  en  robe  noire ,  et  que ,  pour  insulter 
aux  catholiques,  on  avait  fait  trois  fois  le  tour,  en  pro- 
cession, de  l'église  paroissiale.  Le  prélat  croit  tout  et 
en  écrit  aux  puissances.  Heureusement  pour  les  pro- 
testants   de    Mérindol,    on    ordonne    une    procédure. 
M.   Esmioli,   lieutenant   criminel  de  la  ville    d'Aix,  le 
substitut  de  M.  le  procureur  du  roi,   suivis  d'un  huis- 
sier  et  d'un  greffier,  tous  autorisés  par  le   Parlement 
d'Aix,  font  une  descente  sur  les  lieux;  ils  informent  et 
verbalisent;  mais  plus  leurs  recherches  sont   exactes, 
plus  elles  se  multiplient,   et  plus  elles  tendent  à  con- 
vaincre d'imposture  le  prêtre  calomniateur.  Cela  n'em- 
pêche pas  que  Maynard,  fils   et  frère  du  défunt,  Jean 
Bouvier,  bourgeois,   et    Paul    Maynard,    fabricant  de 
laine,  qui  avaient  été  arrêtés  avant  les  informations,  ne 
tiennent  longtemps  en  prison,  et  que  le  curé  ne  demeure 
impuni.    »    Les   deux   premiers    furent   privés   de   leur 
liberté  une  année  et  le  dernier  dix-huit  mois  au  moins. 
<(  Le  10  avril  1749,  »  dit  encore  le  même  auteur  (i) , 
«  Daniel  (Etienne),  dit  La  Montagne,  mourut  à  Cade- 
net ,  en  Provence.    Un  de  ses  voisins  fut  en  avertir  le 

(1)  Mémoire  historique,  de  ,  p.  159-141. 


LE    DÉSERT.  515 

curé  et  lui  demanda  s'il  voulait  l'enterrer.  Au  refus  du 
curé ,  quelques  protestants  enlevèrent  le  cadavre  dans 
la  nuit  et  furent  l'enterrer  à  la  campagne  dans  une  fosse 
qu'ils  avaient  creusée  exprès.  Comme  ils  étaient  épiés 
et  qu'ils  furent  suivis  par  Pascal  Béraud,  chirurgien  du 
lieu,  et  par  quelques  autres  catholiques,  qui  étaient 
armés  de  pelles  et  autres  instruments  propres  à  remuer 
la  terre,  ils  n'eurent  pas  plus  tôt  enseveli  leur  mort  que 
ceux-ci ,  l'ayant  exhumé ,  lui  attachèrent  une  corde  au 
cou  et  le  traînèrent  ainsi ,  au  son  d'un  tambourin  et 
d'un  flageolet,  par  tout  le  village,  et,  dans  chaque  sta- 
tion qu'ils  faisaient,  ils  frappaient  le  cadavre  à  gros 
coups  de  bâton  en  l'apostrophant  ainsi  ':  '(  Ce  coup  est 
pour  telle  assemblée  où  tu  as  été;  celui-ci  est  pour 
celle-là.  Ah!  pauvre  Montagne,  tu  n'iras  plus  au  prêche 
à  Lourmarin.  »  Las  de  cette  manœuvre,  ils  attachent 
l'objet  de  leur  fureur,  par  les  pieds,  dans  un  lieu  élevé; 
ils  lui  ouvrent  ensuite  la  poitrine  et  le  ventre,  lui  arra- 
chent le  cœur,  le  foie  et  les  entrailles,  attachent  toutes 
ces  parties  au  bout  de  gros  et  longs  bâtons  dont  ils 
sont  armés ,  élèvent  ces  bâtons  aussi  haut  que  leurs 
bras  le  peuvent  permettre  ,  et  vont  ainsi  en  procession 
dans  les  rues,  en  criant  à  gorge  déployée  :  «  Qui  veut 
acheter  de  la  fraîchaille  ?  »  C'est  la  noble  expression 
dont  ils  se  servent.  Las  de  cette  nouvelle  manœuvre  , 
ils  retournent  auprès  de  leur  cadavre ,  le  coupent  en 
quatre  quartiers ,  le  mettent  dans  un  panier  et  l'empor- 
tent ,  de  cette  manière  ,  chez  le  chirurgien.  Tout  cela 
fait  du  bruit,  saisit  d'horreur,  excite  des  plaintes.  Le 
magistrat  ne  peut  s'empêcher  de  verbaliser.  Il  le  fait, 
mais  ce  n'est  que  pour  la  forme.  Personne  n'est  puni, 
et  le  chirurgien ,  qui  passe  pour  le  plus  coupable ,  en 
est  quitte  pour  quelques  jours  d'absence.  » 

Ces  horreurs  n'empêchèrent  pas  le  courageux  pas- 


5l6  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

teur  Rolland  d'organiser  des  consistoires  et  de  grouper 
les  és:lises  réformées  en  Provence  en  trois  arrondisse- 
ments  ou  colloques  (i). 

Là  ne  s'arrêtèrent  pas  les  persécutions.  On  empri- 
sonna une  foule  de  religionnaires  qui  avaient  assisté  à 
des  assemblées  du  désert.  «  Les  prêtres  même,  » 
disent  des  pièces  de  l'époque  (2) ,  «  allaient  à  la  tête 
des  détachements  qui  les  arrêtaient.  Le  nommé  Sambuc 
l'aîné  a  été  conduit  aux  îles  Saintes-Marguerites; 
MM.  Payan  frères,  Penatel ,  un  autre  Sambuc  et 
Arnaud,  tous  de  Mérindol,  de  Lacoste  ou  de  Gordes, 
sont  en  fuite  et  errent  de  lieu  en  lieu  ;  MM,  Maynard  , 
deux  germains;  M.  Bovet  des  Aires,  avec  d'autres  de 
.Mérindol,  sont  dans  les  prisons  d'Aix.  Ces  mouve- 
ments et  ces  emprisonnements  ont  beaucoup  alarmé  les 
esprits  dans  cette  province  et  y  ont  suspendu  les 
assemblées.  » 

Un  protestant,  nommé  Jacques  Martin,  qui  fuyait 
ces  rigueurs,  fut  arrêté,  en  1752,  sur  les  frontières  de 
la  Suisse  et  emprisonné  à  Belley  en  Bugey  {jj. 

Le  15  janvier  1753,  le  Parlement  d'Aix  rendit  un 
arrêt  confirmatif  d'un  arrêt  antérieur,  dont  nous  n'avons 
pu  découvrir  la  date,  qui  fut  obtenu  contre  divers  habi- 
tants du  lieu  de  Lacoste  ,  et  par  lequel  il  était  défendu 
aux  juges  de  recevoir  les  défenses  judiciaires  des  pro- 
testants ,  et  ordonné  aux  pères  de  faire  baptiser  leurs 
enfants  à  l'église  catholique ,  dans  les  vingt-quatre 
heures  qui  suivraient  leur  naissance,  sous  peine  de  cin- 
quante livres  d'amende ,   et  d'envoyer  ceux  qui  étaient 


(i)  Edm.  Hugues,  Antoine  Court,  t.  Il,  p.  276. 

{2)  Lettres  deVouland  à  Etienne  Ctiiron  du  6  janvier  17J0;  de  Court  au  même 
du  16  janvier  1750  (Correspondance  d'Etienne  et  d'Abraham  Cliiron);  ms- 
Court,  n»  7,  vol.  Il,  p.  112;  vol.X,  p.  164;  —Mémoire  historique,  etc.,  p.  95- 

(î)  Ms,  Court,  n"  7.  vol.  XllI,  p.  i,  2,  144,  145. 


LE    DÉSERT.  )I7 

suffisamment  âgés  aux  instructions  paroissiales.  Un 
grand  nombre  de  parents,  qui  habitaient  surtout  les 
lieux  de  Gordes,  Joucas  et  Sivergues,  n'ayant  point 
obtempéré  à  l'arrêt  du  Parlement,  il  n'y  eut  point  de 
mauvais  traitements  qu'on  ne  leur  fît  subir  pour  les  con- 
traindre à  faire  rebaptiser  leurs  enfants.  «  On  mit  chez 
eux  des  archers ,  à  qui ,  outre  la  nourriture ,  ils  étaient 
obligés  de  donner  chacun  six  livres  par  jour.  »  Entre 
plusieurs  qui  eurent  à  endurer  ce  traitement  ruineux, 
nous  citerons  le  sieur  Daunis,  de  Joucas,  qui  reçut 
une  de  ces  garnisons  le  4  février  1753  ,  et  qui  fut  de 
plus  conduit  dans  les  prisons  d'Apt,  parce  que  son  fils 
s'était  marié  au  Désert.  Les  biens  des  trois  autres  pro- 
testants furent  également  saisis  pour  le  même  fait,  et 
un  habitant  de  Gordes  fut  même  condamné  à  mort,  par 
contumace,  sous  l'accusation  d'avoir  fait  les  fonctions 
de  ministre  (i). 

MINISTÈRE  DES  PASTEURS  BÉTRINE,  MARTIN  ET  PIC. 
LA  PROVENCE  ET  LES  SYNODES  NATIONAUX  (1754- 
1763). 

L'année  suivante  (1754),  Jean  Bétrine  fut  appelé  en 
Provence.  Il  avait  étudié  au  séminaire  de  Lausanne,  de 
mars  à  juillet  173 1  ,  et  desservit  depuis  les  églises  des 
Cévennes ,  de  La  Guyenne  et  de  La  Saintonge.  Sus- 
pendu de  sa  charge  en  1756,  nous  ne  savons  pour  quel 
motif,  il  fut  rétabli  dans  le  saint  ministère  et  remplaça 
Lafont  (2).  Comme  lui,  il  fixa  sa  résidence  à  Lourma- 
rin.  Député  deux  ans  après,  avec  un  ancien,  au  sixième 


(i)  Mémoire  historique,  etc.,  p.  78-79;  —  Ms.  Court,  n"  7,  vol.  XIII, 
p.  144-145- 

(2)  Lettre  de  Vouland  à  Court,  du  iç  mars  17^4  (nis.  Court,  vol.  XIII» 
p.  72). 


5l8  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

synode  national  du  Désert,  assemblé  en  1758,  il  de- 
manda à  la  vénérable  compagnie  d'adjoindre  la  Pro- 
vence à  une  province  voisine,  pour  qu'elle  formât  avec 
celle-ci  un  seul  et  même  arrondissement  synodal. 
Bétrine  estimait  que  les  églises  et  les  pasteurs  de  Pro- 
vence étaient  trop  peu  nombreux  pour  avoir  droit  à  un 
synode  particulier,  et  que,  d'autre  part,  telle  difficulté 
pouvait  surgir  qui  nécessitât  l'examen  d'un  corps  ecclé- 
siastique possédant  une  autorité  supérieure  à  celle  d'un 
consistoire.  Le  synode  général  ne  trouva  pas  à  propos 
d'accéder  à  la  demande  des  députés  de  Provence  et  les 
renvoya,  en  cas  de  différend,  à  quelqu'une  des  provin- 
ces voisines,  conformément  à  ce  qu'ordonnait  la  disci- 
pline. 

Bétrine  et  son  ancien  ayant  exposé  de  plus ,  à  la 
vénérable  compagnie ,  le  besoin  qu'avaient  les  églises 
de  Provence  d'un  ministre  ou  proposant,  le  synode  leur 
accorda  Joseph  Picard,  de  Nîmes,  étudiant  au  sémi- 
naire de  Lausanne  depuis  1754  ;  mais  ce  dernier  ne 
paraît  pas  avoir  séjourné  longtemps  en  Provence. 

Le  synode  national  conféra  enfin ,  à  la  Provence, 
le  droit ,  dont  jouissaient  les  autres  provinces  du 
royaume,  d'envoyer  au  séminaire  de  Lausanne  des  pro- 
posants, qui  seraient  entretenus  et  formés  gratuitement 
au  saint  ministère. 

Bétrine  étant  mort  peu  après  (i)  (en  1757  ou  1758), 
le  pasteur  Rolland,  député  au  septième  synode  national 
de  J7)8,  représenta  à  la  vénérable  compagnie  l'impos- 
sibilité où  étaient  les  églises  de  Provence  de  fournir 
seules  à  l'entretien   de  la  famille  du  défunt ,    dont   la 


(i)  Son  fils  Jean-Paul  Bétrine,  étudiant  au  séminaire  de  i_ausanne  en  1761 
et  consacré  au  saint  ministère  par  le  synode  du  bas  Languedoc  (Papiers 
Rabaut,  I,  E,  p.  25).  fut  pasteur  à  Lourmarin  en  1807  après  la  réorganisa- 
tion des  cuites. 


LE    DESERT.  ^IC) 

détresse  était  grande.  Le  synode,  ayant  égard  aux  ser- 
vices rendus  aux  églises  de  France  par  Bétrine,  accorda 
à  sa  veuve  une  pension  de  trois  cent  seize  livres ,  qui 
devait  être  payée  par  diverses  provinces  du  royaume  , 
savoir  :  par  La  Saintonge ,  soixante  livres  ;  le  bas  Lan- 
guedoc, cinquante;  les  basses  Cévennes ,  trente;  les 
hautes  Cévennes,  vingt-quatre;  le  Vivarais ,  vingt- 
quatre;  le  Dauphiné,  vingt;  le  Béarn ,  douze;  la  Pro- 
vence, soixante  et  douze;  le  haut  Languedoc,  vingt- 
quatre.  Paul  Rolland  ,  célèbre  pasteur  du  bas  Langue- 
doc, fut  chargé  de  centraliser  les  cotisations  et  de  les 
transmettre  à  la  veuve  Bétrine. 

Rolland ,  resté  seul  en  Provence  depuis  le  départ  de 
Lafont  et  de  Picard,  et  la  mort  de  Bétrine,  supplia  le 
synode  national  de  lui  adjoindre  un  collègue.  Le  pas- 
teur Jean  Martin,  des  hautes  Cévennes,  s'étant  offert 
à  aller  en  Provence ,  la  vénérable  Compagnie  «  l'y  af- 
fecte pour  toujours,  »  disent  ses  actes,  «  et  fait  les  vœux 
les  plus  ardents  pour  le  succès  de  son  ministère.  » 

Martin  ne  passa  que  quelques  années  en  Provence  et 
fut  remplacé  par  le  pasteur  Jacques  Pic  dit  le  Jeune, 
natif *des  hautes  Cévennes,  qui  avait  étudié  au  sémi- 
naire de  Lausanne,  en  1753.  Il  s'établit  vers  1761  en 
Provence  ,  et  ,  comme  ses  prédécesseurs  Lafont , 
Bétrine  et  Martin  ,  il  fixa  sa  résidence  à  Lourmarin. 
Député  au  huitième  synode  national  de  (763 ,  avec  Ber- 
nard, ancien  du  synode  de  Lourmarin,  il  représenta  à  la 
vénérable  compagnie  qu'il  était  impossible  à  sa  province 
de  payer  en  entier  les  soixante  et  douze  livres  de  la  pen- 
sion de  la  veuve  Bétrine ,  comme  l'avait  établi  le  sep- 
tième synode  national  de  1758.  Le  synode,  tenant 
compte  de  sa  réclamation ,  ht  une  nouvelle  répartition , 
comme  suit  :  Le  Montalbanais ,  vingt-quatre  livres;  La 
Rochelle ,    vingt-quatre  :    la    Saintonge    et    Bordeaux 


520  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

trente-six;  le  Périgord  et  l'Agenais,  vingt-quatre;  le 
Vivarais  ,  seize  ;  le  Dauphiné  ,  douze  ;  le  Béarn ,  douze  ; 
les  basses  Cévennes,  vingt;  le  haut  Languedoc,  seize; 
la  Provence ,  quarante-huit.  La  pension  était  diminuée 
de  quatre-vingt-quatre  livres  ;  mais  la  veuve  Bétrine 
était  déchargée,  à  cette  époque,  d'un  fils  qui  étudiait 
au  séminaire  de  Lausanne.  Les  cotisations  devaient 
courir  depuis  le  mois  de  septembre  1758  et  être 
((  payées  d'année  en  année  jusqu'à  nouvel  ordre  (i).  » 
La  Provence  avait,  l'année  même  oij  se  réunit  le 
huitième  synode  national,  un  proposant  au  séminaire  de 
Lausanne,  nommé  Pierre  Martin. 

PAIX    PROFONDE     EN     PROVENCE.     PREMIERS     PASTEURS 

DE  l'Église  de  Marseille  (1751-1770). 

Autrement,  la  tranquillité  la  plus  grande  régnait  dans 
la  province.  Les  protestants  y  jouissaient  d'une  liberté 
presque  complète.  Leurs  assemblées  n'étaient  inquié- 
tées d'aucune  sorte,  et  le  proposant  provençal,  Pierre 
Martin,  qui  étudiait  au  séminaire  de  Lausanne,  comme 
on  l'a  dit,  et  qui  termina  ses  études  en  1765  ,  s'établit 
comme  pasteur  dans  son  pays ,  où  il  exerça  son  minis- 
tère jusqu'à  la  Révolution. 

Les  églises  de  Provence  voyaient  donc  s'ouvrir 
devant  elles  un  avenir  prospère.  Ce  fut  tout  particuliè- 
rement le  cas  de  l'église  de  Marseille  (2) ,  qui  s'était 
considérablement  accrue  depuis  la  peste  de  1720.  Cet 
horrible  fléau  ayant  fait  périr  la  moitié  des  habitants  de 

(i)  Les  actes  des  sixième  et  septième  synodes  nationaux,  que  nous  citons 
dans  ce  chapitre,  ont  été  imprimés  dans  Cli.  Coquerel,  t.  I,  p.  526;  t.  Il, 
p.  584,  et  La  France  protestante,  t.  X,  p.  452  ;  quant  au  huitième,  il  est  encore 
inédit. 

(2)  Lettre  de  Pic  à  Journet  du  50  sept.  1765  et  à  Rabaut  du  17  oct.  1765 
{Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  V,  p.  260;  —  Papiers  Rabaut,  III,  B). 


LE   DESERT.  52I 

la  ville,  les  magistrats,  pour  la  repeupler,  y  attirèrent  le 
plus  monde  qu'ils  purent,  et  un  grand  nombre  de  protes- 
tants du  Languedoc,  du  Dauphiné  et  de  la  Suisse  s'y 
établirent,  les  uns  comme  ouvriers,  les  autres  comme 
négociants,  et  prospérèrent.  En  175 1,  ils  avaient  pour 
pasteur  un  Suisse  nommé  Bridel ,  comme  nous  l'ap- 
prend une  note  exacte  des  ministres  du  Désert,  de  leurs 
femmes  et  de  leurs  pères  (i),  dressée,  vers  175 1,  sans 
doute  par  un  des  agents  de  l'intendant  du  Languedoc, 
Nicolas  de  Lamoignon  dit  Bâville ,  et  011  on  lit  ces 
mots  :  «  Bridel,  prédicant,  fils  d'un  ministre  suisse  de 
ce  nom,  reste  chez  M.  Butini,  consul  de  Suède,  en 
qualité  de  précepteur  et  fait  d'autres  fonctions  en  ville. 
Il  pourrait  cependant  avoir  décampé  parce  que,  depuis 
trois  mois,  je  n'en  ai  pas  eu  de  nouvelles  :  c'est  ce  qui 
est  aisé  à  voir.  »  Bridel  était  le  chapelain  de  la  colonie 
suisse  de  Marseille. 

A  cette  époque  ou  quelques  années  avant,  les  protes- 
tants de  Marseille  s'assemblaient ,  en  cachette  et  de 
nuit,  pour  célébrer  leur  culte.  Une  dame  de  Vair,  qui 
habitait  une  maison  de  la  rue  Noailles  ,  ayant  une 
seconde  porte  sur  la  rue  des  Feuillants,  réunissait  ses 
coreligionnaires  pour  prier  Dieu.  Les  uns  passaient  par 
une  rue  et  les  autres  par  l'autre,  pour  ne  pas  éveiller 
l'attention.  Un  maître  tanneur  du  quartier  de  Sainte- 
Claire  les  réunissait  également.  Quant  aux  enterrements, 
ils  avaient  lieu  de  nuit,  par  ordonnance  du  lieutenant  de 
police,  dans  le  cimetière  accordé  par  la  ville  aux  reli- 
gionnaires  étrangers,  en  présence  d'un  délégué  de  la 
police  et  du  gardien  des  clés  du  cimetière,  qui  signaient 
l'acte  de  décès.  Il  était  situé  au  quartier  des  Moulins, 


(i)  Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  Vil,  p.  461-464;  —  Haberey  et  Boulet, 

Notice,  etc. 


522  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

derrière  les  Accoules,  où  se  trouve  actuellement  un  ré- 
servoir du  canal  de  la  Durance. 

Quelques  années  après,  quand  la  persécution  com- 
mença à  faiblir,  les  protestants  marseillais  louèrent  une 
bastide  aux  environs  de  Notre-Dame  de  la  Garde; 
mais,  comme  elle  était  construite  sur  le  territoire  de 
l'abbaye  de  Saint-Victor,  les  abbés  se  plaignirent  aux 
échevins  de  la  ville,  qui  envoyèrent  leurs  agents  sur  les 
lieux.  Une  assemblée  fut  surprise  et  les  religionnaires  le 
plus  en  vue  furent  arrêtés  et  conduits  en  prison  au  mi- 
lieu des  huées  de  la  populace.  Ils  y  demeurèrent  six 
mois.  Le  nom  d'un  seul  est  parvenu  jusqu'à  nous  :  c'est 
celui  de  Joseph  Raillon,  fabricant  de  chapeaux. 

En  1767,  l'église  fut  visitée  par  le  pasteur  Joseph 
Gai  dit  Pomaret,  et  en  1768,  par  le  pasteur  Paul  Ra- 
baut,  du  bas  Languedoc,  qui  y  passa  trois  semaines, 
«  s'occupant  de  sa  profession  non  sans  succès  (i).  » 
Ce  fut  lui,  sans  doute,  qui  procura  à  l'église,  la  même 
année,  le  pasteur  Jacques  Teissier  (2),  qui  y  était  en- 
core l'année  suivante  (3),  mais  n'y  demeura  pas  long- 
temps, car  une  lettre  de  Marseille,  adressée  à  Paul 
Rabauf,  le  27  septembre  1769  (4],  nous  apprend  que  ce 
dernier  avait  consenti  à  ce  que  son  fils  Jacques-Antoine 
Rabaut  dit  Pomier ,  qu'on  désirait  vivement  en  Pro- 
vence dès  le  15  juillet  1764  (5),  vînt  desservir  l'église 
pendant  une  année,  sauf  à  prendre  de  nouveaux  enga- 
gements après  cette  époque.  «  Ce  terme,  »  ajoute  la 
lettre,  «  nous  paraîtrait  bien  court  si  nous  n'avions  pas 
l'espoir  de  le  retenir  ici  plus  longtemps,  comme  nous 


(i)  Ch.  Coquerel,  t.  Il,  p.  597. 

(2)  Etudiant  au  séminaire  de  Lausanne  en  i7<;4. 

(?)  Papiers  Rabaut,  I,  G,  p.  ;5  et  4(<. 

(4)  Papiers  Rabaut,  111,  B;  —  Papiers  Ath.  Coquerel,  vol.  42. 

(Ç)  Papiers  Rabaut,  111,  C. 


LE    DÉSERT,  5 2^ 

sommes  d'avance  très  persuadés  que  nous  serons  parfai- 
tement contents  et  satisfaits  de  lui.  Vous  devez  égale- 
ment l'être  que  nous  ferons  tout  ce  que  nous  pourrons 
pour  l'engager  à  rester  auprès  de  nous.  » 

Rabaut  Pomier  rencontra,  à  Marseille,  «  quelques 
difficultés  que  l'on  trouve  dans  une  église  naissante  ;  » 
mais  il  espérait  qu'elles  disparaîtraient  bientôt  et  qu'il 
serait  à  Marseille  agréablement.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
«  contribua  puissamment,  par  ses  prédications  et  ses 
efforts,  à  relever  l'église  de  Marseille  où  de  longs  ora- 
ges avaient  assoupi  le  zèle  des  protestants ,  s'ils  ne 
l'avaient  éteint  (i).  »  Rabaut  Pomier,  après  avoir  passé 
l'année  1769  à  1770  à  Marseille,  accepta  la  vocation 
que  lui  adressa  l'église  de  Montpellier.  Les  pasteurs  de 
Provence  visitèrent  aussi  leurs  frères  de  Marseille  : 
Jacques  Pic,  en  1762,  1771  et  1773  ;  Pierre  Martin, 
en  1768,  1769,  1770  et  1773. 

Cette  tranquillité  profonde,  dont  jouissait  la  Provence 
et  qui  s'étendait ,  du  reste ,  aux  autres  provinces  du 
royaume,  grâce  aux  progrès  de  l'esprit  public,  était  due 
en  partie  aux  hommes  remarquables  qu'elle  avait  à  sa 
tête  et  qui  pratiquaient  la  tolérance  ou  s'en  faisaient  les 
apôtres.  Nous  citerons  de  Saint-Jal,  gouverneur  de  Pro- 
vence, qui  fermait  les  yeux  sur  les  assemblées  du  Dé- 
sert ;  l'intendant  et  premier  président  au  Parlement  de 
Provence,  Jean- Baptiste  des  Gallois,  seigneur  de  la 
Tour,  dont  il  a  été  déjà  question,  qui  se  fit  remarquer 
par  sa  douceur  et  eut  des  relations  suivies  avec  les 
églises  protestantes  de  sa  province  (2j_,  et  le  procureur 
général  au  Parlement  d'Aix,  le  célèbre  marquis  Jean- 
Pierre-François  de  Rippert,  seigneur  de  Montclar,  qui 

(i)  Lettre  du  27  juillet  1770  à  Etienne  Chiron  (Correspondance  d"Etienne 
et  d'Abraham  Chiron). 

(2)  Charles  Coquerel,  t.  I,  p.  482;  i    II.  p.  9. 


524  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

publia  son  Mémoire  théologique  et  politique  au  sujet  des 
mariages  clandestins  des  protestants  de  France,  où  l'on 
fait  voir  qu'il  est  de  l'intérêt  de  l'église  et  de  l'Etat  de 
faire  cesser  ces  sortes  de  mariages,  en  établissant  pour 
les  protestants  une  nouvelle  forme  de  se  marier  qui  ne 
blesse  point  leur  conscience  et  qui  n'intéresse  point 
celle  des  évêques  et  des  curés.  »  Cet  écrit  remarquable 
eut  un  immense  retentissement  en  France  et  fut  souvent 
réimprimé.  A  Aix,  «  aucun  avocat  ne  voulut,  en  1770, 
plaider  contre  les  enfants  d'un  protestant,  le  sieur  Pa- 
lisse, marié  au  Désert,  et  les  membres  les  plus  distin- 
gués de  l'ordre,  les  Portalis  et  les  Paréry,  tinrent  à 
honneur  de  rédiger  des  consultations  en  leur  faveur  (i).  » 

ALERTES    A    MARSEILLE    (177I-I772).       . 

Nonobstant  cette  amélioration  sensible  des  mœurs 
publiques,  les  protestants  de  Provence,  comme  leurs 
coreligionnaires  des  autres  provinces  du  royaume,  eurent 
encore  quelques  alertes.  C'est  ainsi  que  le  pasteur  Pierre 
Martin,  qui  présidait  par  intervalle  des  assemblées  à 
Orange,  fut  emprisonné  à  Avignon  en  1771,  mais  élargi 
peu  après  (2). 

L'année  suivante  (1772),  les  assemblées  de  Marseille, 
présidées,  dans  la  maison  de  la  veuve  Jersin,  d'origine 
suisse,  par  Châtelain,  de  Genève,  pasteur  de  la  colonie 
helvétique,  craignirent  un  moment  pour  leur  existence. 
«  Nous  avons  été  avertis,  ^)  dit  cette  dame  dans  une 
lettre  adressée  à  Paul  Rabaut,  le  15  janvier  1772  (3), 
«  que,  pendant  trois  dimanches  consécutifs,  il  passait  un 


(1)  Anquez,  De  l'état  civil  des  réformes  de  France,  p.  102. 

(2)  Lettre   de   Paul  Rabaut  du    10    août    1771   (Correspondance  d'Et.  et 
d'Abrah.  Chiron). 

(?)  Papiers  Rabaut,  III,  B. 


LE    DÉSERT.  525 

valet  de  ville  qui  faisait  l'espion  dans  la  rue.  On  igno- 
rait à  qui  il  en  voulait.  A  la  fin,  un  voisin  nous  avertit 
qu'il  s'était  informé  s'il  venait  beaucoup  de  monde  dans 
notre  maison.  Ce  petit  son  de  cloche  nous  fit  prémunir 
contre  toute  surprise.  Nous  avons  eu,  pendant  trois  di- 
manches, quelqu'un  à  la  fenêtre  avec  ordre  de  heurter 
au  plancher  sitôt  que  l'on  verrait  la  livrée  de  la  ville 
approcher  de  la  porte.  Notre  précaution  fut  inutile  ;  per- 
sonne ne  vint,  et  nous  n'y  fîmes  plus  d'attention  et  con- 
tinuâmes notre  exercice  avec  sécurité.  Nos  messieurs  et 
nos  dames  me  faisaient  dire  de  ne  plus  chanter  :  à  quoi 
je  ne  voulus  pas  obéir.  J'étais  toute  résolue  à  paraître 
devant  MM.  les  magistrats,  si  on  me  faisait  appeler 
pour  savoir  ce  que  j'avais  à'  craindre  ou  à  espérer. 
C'était,  suivant  mon  idée,  assez  tôt  de  cesser  quand  je 
serais  forcée  ;  de  sorte  que  notre  société  allait  toujours 
de  même,  sans  interruption,  jusqu'à  ce  dimanche  que 
l'on  heurte  et  nous  ouvrons  comme  à  l'ordinaire  sans 
nous  informer  qui  c'était. 

»  Ma  fille  fit  attention  que  l'on  n'avait  pas  refermé  la 
porte  ,  conclut  que  c'était  quelque  étranger ,  sortit  à 
l'escalier  et  demanda  qui  était  là.  Une  grosse  voix  ré- 
pond :  «  Ami  !  »  un  autre  :  «  La  maison  de  ville  !  »  Elle 
répond  :  «  La  maison  de  ville  n'a  rien  à  faire  ici  ;  notre 
»  maison  est  affichée  pour  une  honnête  maison  et 
»  suisse.  »  Le  commissaire  dit  :  «  Pour  assemblée!  » 
A  quoi  elle  répliqua  :  «  Nous  n'avons  qu'une  société 
»  d'amis  !  »  Pendant  le  dialogue ,  elle  voit  paraître  six 
hommes.  Le  capitaine  de  quartier,  s'avançant  le  premier, 
affectait  de  faire  voir  que  sa  poitrine  était  décorée  d'un 
hausse-col  et  montait.  Elle  retint  le  capitaine  d'une  main 
et  de  l'autre  la  porte,  et  m'appela  avec  M.  Hentzi.  Je 
leur  dis  avec  fermeté  qu'ils  n'entreraient  pas  ,  et 
M.  Hentzi  s'écria  contre  une  telle  violence  et  dit  qu'il 


1^26  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

ne  croyait  pas  que  MM.  les  magistrats  eussent  le  pou- 
voir de  troubler  d'honnêtes  gens  chez  eux  ;  qu'il  était 
persuadé  que  Sa  Majesté  accorde  qu'un  chez  soi  doit 
être  un  asile  assuré.  Nous  les  obligeâmes  à  descendre, 
et  M.  Hentzi  et  moi  avec  eux,  débattant  toujours  nos 
droits.  Le  commissaire,  piqué,  dit  que  nous  faisions  no- 
tre affaire  mauvaise.  «  Nos  messieurs  en  écriront  en 
»  cour.  »  Il  leur  fut  répondu  par  ledit  M.  Hentzi,  fort 
vivement  :  «  Si  ces  messieurs  écrivent,  j'écrirai  aussi!  » 
Alors  le  greffier,  que  je  connaissais,  me  dit  (comme  en 
priant)  :  «  Si  donc  vous  n'avez  rien  à  craindre,  laissez- 
»  nous  monter.  »  Ma  fille,  qui,  pendant  ce  temps,  avait 
fait  entrer  trois  personnes  dans  le  cabinet,  dont  l'un  ne 
devait  point  être  vu  (vous  pouvez  bien  deviner  qui 
c'est)  (i),  cria  alors  :  «  Laissez  monter,  ils  verront  que 
»  nous  n'avons  rien  à  craindre  !  » 

»  Croiriez-vous,  monsieur,  que,  dans  ce  moment, 
parmi  cette  cohorte,  nous  n'étions  point  émus  ?  Le  capi- 
taine m'avoua  que,  si  on  lui  avait  annoncé  notre  maison, 
il  n'y  serait  point  venu.  Malgré  leurs  beaux  dehors,  ils 
ont  verbalisé.  Quand  il  écrivait  tous  les  noms  qui  termi- 
naient par  Suisse,  il  paraissait  capot.  Le  digne  M.  Fran- 
çois leur  dit,  d'un  grand  air  tranquille  :  «  Ecrivez,  écri- 
»  vez  ,  messieurs  :  David  François  ,  Hambourgeois. 
»  Quand  vos  messieurs  me  feront  appeler,  je  me  ren- 
»  drai  toujours  à  leurs  ordres.  Je  serai  encore  ici  di- 
»  manche  prochain,  à  la  même  place,  et  encore  l'autre 
»  dimanche.  »  Ils  sortirent  enfin  en  faisant  des  excuses 
de  nous  avoir  dérangés,  sans  nous  faire  aucune  défense 
pour  l'avenir.  Je  le  conduisis  à  la  rue  pour  ôter  aux 
voisins  tout  soupçon  de  quelque  mauvais  événement. 
Alors  le  greffier,  vrai  rejeton  de  Loyola,  me  dit  que 

(i)  Le  pasteur  Châtelain. 


LE    DESERT.  ^27 

cette  visite  ne  s'était  faite  que  parce  qu'on  croyait  qu'il 
y  avait  des  Français,  desquels  on  voulait  dissoudre  les 
assemblées;  qu'il  était  charmé,  par  rapport  à  moi,  de 
n'avoir  trouvé  que  des  Suisses.  Ensuite,  chacun  se  ran- 
gea à  sa  place  ;  on  relut  le  texte  (c'était  là  que  nous 
étions  lorsqu'on  nous  interrogeait);  nous  entendîmes 
M.  Châtelain  et  nous  chantâmes  comme  à  l'ordinaire  : 
je  pourrais  dire  plus  haut. 

»  Dans  un  instant ,  cet  événement  fut  divulgué , 
alarma  quelques  personnes  et  il  fut  résolu  que  je  parti- 
rais pour  Aix  avec  M.Hentzi,  muni,  par  M.  Boulay(i), 
d'une  lettre  pour  M.  l'avocat  Portalis,  où  il  lui  insinuait 
de  me  faire  présenter  devant  monseigneur  l'intendant 
avec  mes  plaintes,  se  flattant  que  ce  seigneur  écrirait  à 
MM.  les  magistrats  de  laisser  les  gens  tranquilles,  que 
tout  serait  compris  dans  cette  défense. 

»  Le  coup  a  manqué;  MM.  les  avocats  ne  l'ont  pas 
trouvé  à  propos,  ne  connaissant  pas  encore,  en  ce 
sujet,  l'esprit  de  ce  seigneur,  a  II  fallait,  »  disaient-ils, 
«  couper  le  mal  par  sa  racine  et  présenter  requête  au  Par- 
lement, »  ce  que  nous  n'avons  pas  voulu  faire  sans  un 
plus  ample  conseil.  Ils  m'ont  recommandé  de  continuer 
mes  sociétés  ,  et  que  les  ouvriers  aillent  toujours  à  la 
campagne  (2).  Nous  avons  appris  ensuite  que  ces  traî- 
tres avaient  envenimé  le  verbal  ,  ayant  écrit  à  Aix , 
qu'ayant  eu  des  plaintes  d'une  maison ,  ils  y  avaient  fait 
faire  une  visite  sans  dire  pourquoi ,  et  qu'un  nommé 
Hentzi  avait  mal  parlé  des  magistrats.  M.  l'intendant  l'a 
écrit  à  son  subdélégué,  M.  Alliot,  qui  a  fait  venir 
M.  Boulay  et  l'a  prié  d'amener  ledit  M.  Hentzi  et  un 


(i)  Vraisemblablement  le  consul  suisse. 

(2)  C'est-à-dire   que  les  protestants  tiennent  leurs  assemblées  au  Désert 
comme  par  le  passé. 


528  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

nommé  Gaitte ,  rebelles.  Ils  y  ont  paru  ;  il  les  a  reçus 
avec  cette  douceur  qui  lui  est  naturelle  ;  ils  se  sont  jus- 
tifiés ;  il  les  a  assurés  que,  s'il  ne  tenait  qu'à  lui,  tout  le 
monde  serait  tranquille... 

»  Nous  continuerons  notre  petite  société,  attendant 
avec  impatience  que  le  ciel  nous  favorise  et  dissipe  le 
faux  zèle  de  ceux  qui  mettent  obstacle  à  nos  aimables 
promenades  (i).  Puissions-nous  faire  visite  à  ces  ro- 
chers !  mais  je  crains  que  nous  ne  verrons  pas  sitôt 
revenir  ces  aimables  entrevues.   » 

Le  pasteur  Jacques  Mathieu ,  qui  vint  peu  après  à 
Marseille  (1772),  présida  des  assemblées  partielles  dans 
des  maisons  particulières.  Il  eut  toutefois  quelque  peine 
à  trouver  des  familles  qui  voulussent  consentira  lui  prê- 
ter leurs  appartements,  et  résolut  de  tenir  des  assem- 
blées générales  dans  les  environs  de  la  ville,  non  plus 
dans  l'ancienne  bastide  oij  les  protestants  se  réunissaient 
d'habitude,  car  les  magistrats  y  avaient  posté  un  com- 
missaire, mais  dans  d'autres  où  ils  s'étaient  déjà  assem- 
blés autrefois  et  que  leurs  propriétaires  mirent  volon- 
tiers à  leur  disposition.  Mathieu,  ayant  désiré  savoir  la 
position  qui  lui  serait  faite  par  l'église ,  eut  une  confé- 
rence avec  les  notables ,  qui  estimèrent  qu'il  n'était  pas 
prudent  qu'un  ministre  résidât  à  Marseille  l'année  en- 
tière, outre  que  l'église  ne  pourrait  payer  complètement 
ses  gages,  «  la  plupart  des  fidèles  étant  refroidis  et  plu- 
sieurs disposés  à  donner  plutôt  pour  qu'on  n'en  n'eût  point 
que  pour  qu'il  y  en  eût  un.  »  Les  notables  décidèrent, 
en  conséquence  ,  que  l'on  traiterait  avec  l'église  de 
Lourmarin ,  qui  enverrait  Mathieu  à  Marseille  une  ou 
deux  fois  l'année.  Ce  pasteur  alla  donc  s'établir  dans  la 
première  de  ces  localités,  où  nous  le  trouvons  en  1773 

(i)  Assemblées  du  Déserta 


LE   DÉSERT.  ■)  29 

et   1774,  date  à  partir  de  laquelle  nous  le  perdons  de 
vue  (i). 

NOUVELLES    ALERTES    (1773)- 

Cette  même  année,  1773,  de  Jouy ,  procureur  géné- 
ral au  Parlement  d'Aix,  détacha  quelques  cavaliers  de 
la  maréchaussée  à  la  poursuite  du  pasteur  Pic,  qui  avait 
eu  la  hardiesse  de  présider  une  assemblée  religieuse  à 
Marseille,  malgré  l'opposition  du  magistrat.  La  conduite 
de  Pic  ne  fut  pas  généralement  approuvée,  a  Nous 
avons  quelques  pasteurs,  »  dit  la  lettre  (2)  q.uinous  ra- 
conte ce  fait ,  «  qui  se  croiraient  en  droit  d'aller  paître 
les  protestants  transportés  à  Cadix.   » 

L'année  suivante ,  le  pasteur  Martin  et  ses  collègues, 
Pic  et  Mathieu,  furent  aussi  inquiétés.  «  M.  de  Jouy,  »  ra- 
conte le  premier  (3),  «nous  fit  dire,  il  y  a  quelque  temps, 
que  je  n'avais  qu'à  m'absenter  des  églises,  sans  quoi  il 
se  verrait  forcé,  par  des  ordres  qu'il  avait  reçus,  de  me 
faire  capturer.  Là-dessus  je  m'empressai  d'assembler 
dans  chaque  lieu  MM.  les  Anciens  pour  voir  le  parti 
que  nous  pouvions  prendre.  Les  uns  conseillaient  qu'il 
ne  fallait  pas  se  raidir  sur  ces  menaces ,  crainte  d'en 
être  la  victime  ;  les  autres,  —  et  ce  fut  le  plus  grand  nom- 
bre ,  —  décidèrent  différemment,  disant  que  si,  sur  les 
premiers  vents  ,  on  se  donnait  la  peur,  ce  serait  donner 
trop  grande  satisfaction  et  mettre ,  par  ce  moyen ,  les 
églises  dans  une  situation  critique.  Je  me  rendis  à  l'avis 


(i)  Lettre  de  Matthieu  à  Rabaut  des  15  avril  1772  et  16  janvier  1774 
(Papiers  Rabaut,  III,  D). 

(2)  Lettre  de  Gal-Pomaret  du  2  mai  1775  {Bulletin  de  la  Soc,  etc.,  t.  XVIII, 
P-   559)- 

(3)  Lettres  à  Paul  Rabaut  du  10  janvier  1774  (Papiers  Rabaut,  III  ,  D); 
—  Lettre  de  Rabaut  Saint-Etienne  du  25  janvier  1775  [Bulletin  de  la  Soc,  etc., 
t.  XIX-XX,  p.  58). 

34 


5  50  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

de  ces  derniers  comme  m'ayant  paru  plus  sage.  Je  con- 
tinue donc  à  remplir  toutes  mes  fonctions  ,  mais  avec 
toute  la  mesure  que  la  prudence  peut  me  suggérer.  Je 
n'ai  osé  depuis  habiter  chez  moi;  je  cours  de  gîte  en 
gîte  comme  on  le  faisait  au  temps  jadis.  J'eus  l'autre 
jour,  à  Lacoste,  une  alerte  terrible.  Il  y  parut  de  1 5  à 
30  cavaliers,  dont  l'un  d'entre  eux  dit  à  l'un  de  nos 
messieurs  qu'ils  étaient  là  en  partie  pour  le  marquis  de 
Sade  (i)   et  en  partie  pour  le  ministre.   » 

Vers  le  même  temps,  l'église  de  Marseille  pria  Paul 
Rabaut  de  lui  procurer  le  pasteur  J.  Chabaud  ,  qui 
exerçait ,  croyons-nous ,  son  ministère  dans  le  bas  Lan- 
guedoc. Le  pasteur  Matthieu  joignit  ses  instances  à 
celles  de  l'église  de  Marseille  pour  que  Chabaud  se 
rendît  le  plus  tôt  possible  à  son  poste ,  s'il  était  réelle- 
ment dans  l'intention  de  l'occuper.  Chabaud  accepta  la 
vacation  ,  mais  il  ne  paraît  pas  avoir  résidé  longtemps  à 
Marseille,  car  nous  le  voyons  à  Cabriéres  en  1774  et 
à  Lourmarin  en  1775  et  1777  ,  pour  remplacer  sans 
doute  Matthieu,  que  nous  ne  retrouvons  plus  à  partir 
de  1774. 

AFFAIRE    DE    PIC    (I773-I776). 

Cependant,  le  pasteur  Pic  avait,  depuis  un  an,  donné 
des  sujets  de  plaintes.  Il  s'était  immiscé  dans  des  affai- 
res de  commerce,  qui  ne  lui  réussirent  point  et  lui  firent 
négliger  les  devoirs  de  son  ministère.  Le  consistoire  lui 
présenta,  à  cette  occasion,  de  fraternelles  observations, 
qu'il  reçut  mal,  et  ses  créanciers,  l'ayant  fait  mettre  en 
prison ,  il  eut  peur  et  fit  «  des  démarches  scandaleuses 


(i)  Célèbre  par  ses  débauches  et  ses  écrits  obscènes,  et  condamné  à  mort 
par  le  Parlement  d'Aix. 


LE   DÉSERT.  55 I 

auprès  des  puissances  »  pour  renoncer  à  sa  charge,  ce 
qui  ,  avec  sa  sortie  de  prison,  accrédita  le  bruit,  mal 
fondé  du  reste,  qu'il  avait  apostasie.  Il  se  rendit  ensuite 
à  Paris  vers  la  fin  de  mai  1773  ,  pour  implorer  sa  grâce 
du  comte  de  Saint- Florentin,  auquel  il  fut  présenté.  Il 
écrivit  bien  de  Paris  à  Lourmarin  que  Court  de  Gebelin, 
l'agent  général  officieux  des  Eglises  réformées,  et  Fré- 
déric-Guillaume de  La  Broue,  chapelain  de  l'ambassade 
hollandaise  à  Paris ,  avaient  approuvé  sa  conduite , 
mais  on  ne  le  crut  point.  Après  neuf  mois  d'absence  , 
qu'il  ne  put  Justifier ,  il  revint  en  Provence  et  s'établit  à 
Cabrières-d' Aiguës,  où  il  exerça  les  fonctions  de  son 
ministère,  quoique  le  synode  de  Provence,  tenu  au 
Désert,  le  9  juin  1774,  le  lui  eût  formellement  défendu  ; 
ce  qui  obligea  deux  nouveaux  synodes  du  5  juin  et  du 
18  août  1775  de  lui  interdire  «  toute  fonction  pastorale 
dans  la  province,  sous  peine  d'être  poursuivi  selon  la 
rigueur  de  la  discipline.  »  Ces  deux  assemblées  auraient 
pu  le  déposer;  mais,  «  voulant  donner  audit  M.  Pic 
toutes  sortes  de  moyens  pour  rentrer  dans  la  règle,  » 
elles  prièrent  le  pasteur  Chabaud,  leur  modérateur,  «  de 
lui  représenter  de  nouveau  son  devoir  et  le  danger  qu'il 
courait.  »  Chabaud  le  fit  «  avec  toute  la  modération 
possible  ;  »  mais  Pic  ne  donna  que  des  «  réponses  peu 
satisfaisantes  »  et  déclara  que,  si  on  agissait  avec  ri- 
gueur à  son  égard,  il  prêcherait,  non  seulement  dans 
l'église  qu'il  s'était  appropriée,  mais  encore  à  Lourmarin 
et  ((  qu'il  casserait  le  consistoire,  disant  même  qu'il  le 
damnerait.   » 

Le  synode  de  Provence,  assemblé  une  nouvelle  fois, 
le  12  octobre  1775,  «  ayant,  »  disent  ses  actes,  «  mû- 
rement examiné  la  conduite  que  M.  Pic  a  tenue  dans 
cette  province ,  depuis  environ  trois  ans ,  »  et  n'ayant 
«  trouvé  aucun  moyen  de  le  justifier  aux  yeux  des  égli- 


i;5  2  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

ses  et  de  le  mettre  à  l'abri  des  articles  de  la  discipline 
qni  portent  cassation;  nonobstant  cela...,  quoique  la 
discipline  porte  plus  fort  contre  les  infracteurs  de  nos 
lois  ecclésiastiques,  dans  le  chapitre  premier,  l'assem- 
blée a  jugé  convenable  de  défendre  seulement  toute 
fonction  pastorale  à  M.  Pic,  l'espace  de  deux  ans, 
dans  aucune  église  de  ce  royaume,  et  jamais  dans  la 
province  de  Provence ,  sans  être  déclaré  schismatique 
et  entièrement  rebelle  à  l'ordre  ecclésiastique;  laquelle 
déclarant  qu'en  cas  de  désobéissance,  il  sera  et  demeu- 
rera entièrement  déposé.  Comme  il  pourrait  arriver  que 
M.  Pic,  sans  considération,  se  rendit  dans  des  églises 
étrangères ,  oij  l'on  ne  connaîtrait  pas  son  état ,  et  y 
fonctionnât  contre  les  règles,  le  synode  a  prié  M.  Cha- 
baud  d'en  aviser  toutes  les  églises  de  France  (i).  » 

Pic  se  soumit  à  cette  décision,  mais  comme  le  synode 
de  Provence,  composé  à  cette  époque  de  deux  pasteurs 
seulement  (Martin  et  Chabaud),  ne  lui  parut  pas  investi 
d'une  autorité  suffisante  pour  juger  définitivement  son  pro- 
cès et  que  le  cinquième  synode  national  du  Désert  de  1756 
comme  on  l'a  vu  plus  haut,  avait  décidé  que,  s'il  sur- 
venait quelque  différend  dans  les  églises  de  Provence, 
celles-ci  pourraient  en  renvoyer  l'examen  à  une  province 
voisine ,  Pic  demanda  au  synode  du  bas  Languedoc  de 
statuer  en  dernier  ressort  sur  le  litige.  Le  synode,  par 
amour  de  la  paix,  et  à  cause  des  longs  services  que  Pic 
avait  précédemment  rendus  à  l'église  sous  la  croix,  se 
borna  à  le  suspendre  pour  trois  mois  de  ses  fonctions, 
à  cause  du  grand  tort  qu'il  avait  eu    «  de   s'immiscer 


(i)  Actes  du  synode  des  églises  de  Provence  du  12  octobre  1775  (ms.)  ; 
lettre  de  Martin  à  Rabaut  du  10  janvier  1774  et  de  Matthieu  à  Rabaut  du 
16  janvier  1774  (Papiers  Rabaut,  III,  D)  ;  lettre  de  Rabaut  Saint-Etienne  à 
Desmons  du  25  janvier  177)  {Bulletin  de  la  Sociélé,  etc.,  t.  XIX-XX,  p.  38), 


LE    DÉSERT.  5?? 

dans  des  fonctions  qui  lui  étaient  interdites.  »   (17  juin 
1776)  ((). 

Ainsi  se  termina  cette  pénible  affaire,  qui  troubla  pen- 
dant quelque  temps  les  églises  de  Provence  et  qui  fut 
cause,  au  jugement  du  pasteur  Martin  et  de  Rabaut  Saint- 
Etienne  (2),  des  menaces  dont  le  premier  fut  l'objet,  en 
1774,  de  la  part  du  procureur  général  de  Jouy,  qui  crut 
pouvoir  intimider  Martin  comme  il  gavait  intimidé  Pic. 
Ce  dernier  revint  en  Provence  après  le  jugement  du 
synode  du  bas  Languedoc  et  s'établit  de  nouveau  à  Ca- 
brières-d' Aiguës,  où  il  demeura  jusqu'en  1793.  Après  la 
Terreur,  en  1797,  il  exerça  son  ministère  à  Lourmarin, 
pendant  quatre  mois ,  et  à  l'époque  de  la  réorganisation 
des  cultes,  il  fut  nommé  pasteur  des  communes  rurales 
du  consistoire  de  Marseille ,  en  résidence  à  Mouriès 
{1807-1810).  Il  devait  être  âgé  d'environ  quatre-vingts 
ans  (3). 

l'église    de    lourmarin,    de    1777    A  LA  RÉVOLUTION. 

J.  Chabrand,  à  la  suite  de  nous  ne  savons  quelle  dif- 
ficulté, quitta  la  Provence  en  1777.  Quant  à  Martin, 
une  lettre  de  l'église  de  Lacoste  à  Paul  Rabaut,  du 
18  mars  de  cette  même  année  (4),  nous  apprend  que 
l'église  de  Lourmarin,  ajoutant  trop  légèrement  foi  à 
des  calomnies  répandues  sur  son  compte,  l'avait  con- 


(i)  Ch.  Coquerel,  t.  II,  p.  526. 

(2)  Lettre  de  Rabaut  de  10  janvier  1774  (Papiers  Rabaut,  III,  D)  ;  lettre 
de  Rabaut  Saint-Etienne  du  25  janvier  1775  {Bulletin  de  la  Soc,  etc.,  t.  XIX- 
XX,  p.  58). 

(3)  Rabaut  le  jeune,  Annuaire,  p.  244;  Almanach  des  protestants  pour  1809, 
p.  64;  idem,  pour  1810,  p.  40;  le  Livre  des  deniers  du  ministère  pour  l'église 
réformée  de  Lourmarin  (ms.). 

(4)  Signée  par  Payan,  Sambuc,  Perrottet,  Lappy,  Martin  et  Sambuc,  an- 
ciens de  Lacoste,  et  par  Bouër,  Cavalier,  Meynard  et  Noumane,  ancien  de 

Mérindol  (Papiers  de  Rabaut,  III,  E). 


554  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

gédié  précipitamment  et  que  l'église  de  Lacoste,  après 
avoir  mûrement  examiné  les  griefs  articulés  contre  lui 
et  avoir  trouvé  Martin  innocent ,  avait  contracté  avec 
lui  un  engagement  d'un  an.  La  conduite  des  anciens  de 
Lourmarin  était  d'autant  plus  étrange  que,  dans  un  récent 
colloque,  ils  avaient  voulu  qu'on  bannît  Martin  delà  Pro- 
vence tout  en  lui  délivrant  de  bonnes  attestations.  Delà 
cette  plainte  des  anciens  de  Lacoste  et  de  Mérindol  con- 
tre leurs  collègues  :  a  MM.  de  Lourmarin  ont  toujours 
suscité  des  tracasseries.  »  Martin  demeura  en  Provence 
jusqu'en  1793  et  résidait  à  Mérindol  en  1785. 

Les  pasteurs  qui  succédèrent  à  Martin  à  Lourmarin 
furent  Nogaret,  natif  de  Provence,  de  1777  à  1783; 
Matthieu  (Jean),  de  1783  à  1784;  Bertrand  (David-Fré- 
déric), de  1784  a  1785,  et  Bassaget  (André),  ancien  pas- 
teur de  Massillargues,  de  1 785-) 794,  procuré  par  l'en- 
tremise d'Isaac-Malignas  Durand,  pasteur  à  Mar- 
seille. 

Bertrand  est  le  seul  sur  lequel  nous  possédions  des 
renseignements.  11  était  natif  de  Nyons  et  avait  déjà 
exercé  son  ministère  en  Dauphiné  et  à  Orange  (i). 
L'église  de  Lourmarin  lui  allouait  738  livres  pour  ses 
gages,  et  36  livres  pour  son  logement.  Le  24  jan- 
vier 1785,  étant  tombé  gravement  malade,  il  pria  le  con- 
sistoire d'agréer  sa  démission.  A  son  entrée  en  charge 
il  avait  dressé  un  règlement  ecclésiastique  qu'il  fit  adop- 
ter à  son  consistoire  et  dont  nous  rapportons  ci-après 
le  remarquable  préambule  : 

((  L'an  mil  sept  cent  quatce-vingt-quatre  et  le  vingt- 
neuvième  jour  du  mois  de  mars,  le  consistoire  de 
l'église  protestante  de  Lourmarin  s'étant  assemblé ,  pré- 
sidant M.    Frédéric-Bertrand  David,  pasteur  de  cette 

(1)  Voy.  E.  Arnaud,  Hist.  des  prot.  du  Dauph.,  t.  III,  p.  j20. 


LE    DÉSERT.  531^ 

église ,  à  l'effet  d'établir  un  régime  pour  le  gouverne- 
ment de  la  dite  église,  soit  pour  déterminer  les  devoirs 
des  anciens  qui  composent  ou  composeront,  à  l'avenir, 
le  consistoire,  soit  pour  fixer  d'une  manière  invariable, 
les  formes  d'administration ,  tant  des  deniers  du  minis- 
tère que  de  ceux  des  pauvres  ; 

»  Considérant  que,  pour  remplir  cette  tâche,  le  prin- 
cipal objet  dont  ils  doivent  s'occuper  est  la  conduite  du 
pasteur  et  des  anciens  envers  le  troupeau  qui  est  confié 
à  leur  zèle  et  à  leurs  soins  :  pour  cela ,  il  est  nécessaire 
qu'ils  se  rappellent  sans  cesse  que,  pour  exciter  tou- 
jours plus  dans  les  fidèles  la  pratique  des  vertus  chré- 
tiennes ,  ils  doivent  leur  en  donner  l'exemple ,  par  une 
conduite  pure  et  sans  tache,  s'encourager  et  s'aider  les 
uns  les  autres,  comme  frères ,  à  remplir  dignement  et 
sans  esprit  de  domination  et  de  primauté,  toutes  les 
obligations  sacrées,  que  leur  état  leur  inspire,  qui  con- 
sistent à  soulager  les  pauvres,  à  consoler  les  affligés, 
aux  exhortation^s  et  aux  prières  pour  les  malades,  à  l'in- 
struction des  enfants,  à  rétablir  la  paix  dans  les  familles 
et  parmi  les  particuliers,  oia  il  y  a  des  divisions;  enfin, 
à  observer  exactement  et  scrupuleusement  tout  ce  que 
la  charité  et  l'Evangile  prescrivent  à  ceux  qui  sont  dans 
la  voie  de  Christ  et  qui  peut  être  utile  à  son  Eglise. 

»  Mais  comme  tous  ces  devoirs  ne  sont  pas  les  seuls 
qui  soient  imposés  aux  anciens,  ils  doivent  de  plus  éta- 
blir un  ordre  immuable  pour  les  deniers  du  ministère  et 
pour  ceux  des  pauvres ,  afin  que  le  zèle  des  fidèles  ne 
soit  jamais,  et  dans  aucun  cas,  refroidi  à  ces  deux 
égards  et  qu'ils  puissent  voir  et  examiner  en  tout  temps 
la  forme  et  l'emploi  de  cette  sorte  d'administration...  » 
(Suit  le  règlement.) 

Les  cotisations  pour  le  ministère  rapportèrent  cette 
même  année  1784,  la  somme  de  952  livres   12  sous, 


(fjô  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

payées  par  245  personnes;  et  M™®  de  Lajas  fit  don  à 
l'église  de  deux  coupes  d'argent  pour  la  communion, 
qui  furent  faites  par  un  orfèvre  de  Valréas. 

Le  service  religieux  fut  célébré  à  Lourmarin  jusqu'à 
l'époque  de  la  Terreur  suivant  cette  note  du  Livre  des 
deniers  du  ministère  pour  l'église  réformée  de  Lourmarin  : 
«  Le  culte  public  a  été  interrompu,  par  suite  de  la  Révo- 
lution depuis  le  16  mars  1794,  jusqu'au  25  décem- 
bre 1796,  ou  5  nivôse  an  V.  »  Les  anciens  du  consis- 
toire étaient  en  1792  :  D.-H.-J.  Aguitton ,  Antoine 
Bernard,  Daniel  Bernard,  Joseph  Bey,  Anf'^'-Ab'^Gou- 
lin,  Jacques  Richaud ,  Joseph  Sambuc,  Antoine  Vial. 

l'église    de    MARSEILLE,    de    I772    A    LA    RÉVOLUTION. 

En  1772,  l'église  de  Marseille  fut  visitée  par  le  pas- 
teur Rabaut-Pomier,  du  bas  Languedoc,  qui  l'avait  déjà 
desservie  de  1769  à  1770,  et,  en  1774,  par  J.  Chabaud, 
pasteur  de  Provence,  A  cette  dernière  date,  les  protes- 
tants de  Marseille,  évidemment  rassurés  du  côté  des 
persécutions,  nommèrent  un  consistoire  dont  les  mem- 
bres les  plus  marquants  étaient  :  Joseph  Raillon , 
A.  Gaitte  et  le  négociant  Henri  Boulet,  connu  sous  le 
nom  de  pape  des  huguenots.  Le  consistoire  loua  une 
salle  de  culte  dans  une  maison  de  campagne  donnant 
sur  le  chemin  de  la  Belle-de-Mai,  près  du  Cannet, 
éloigné  de  la  ville  à  cette  époque,  et  appela,  comme 
pasteur,  Vouland  le  fils,  dit  Roche,  qui  avait  déjà  des- 
servi les  églises  du  Vivarais,  d'Orange  et  du  Dauphiné, 
et  reçut  son  congé  définitif  du  synode  de  cette  dernière 
province  à  cause  de  son  humeur  originale  et  inquiète  et 
de  son  défaut  de  tenue  (i).  Après  deux  ans  de  séjour  à 

(i)  Voy.  E.  Arnaud,  Hist.  des  prot.  du  Dauph.,  t.  III,  p.  317,  et  VHist.  des 
prot.  d'Orange. 


LE   DÉSERT.  537 

Marseille,  il  avait  déjà  mécontenté  une  partie  de  son 
église,  qui  adressa  vocation  à  un  pasteur  du  bas  Lan- 
guedoc. Pour  dissuader  ce  dernier  d'accepter,  il  écrivit 
le  28  février  1777,  à  Paul  Rabaut  la  lettre  suivante, 
que  signèrent  aussi  les  anciens  A.  Gaitte,  Henri  Rou- 
zet,  et  Pierre  Pallenc  (i)  :  «  Au  cas  que  vous  connais- 
siez le  pasteur  sur  lequel  on  a  jeté  les  yeux  pour  des- 
servir l'église  de  Marseille,  nous  vous  prions  de  lui  faire 
les  observations  suivantes  :  i*'  Que  n'ayant  été  appelé 
que  par  une  partie  des  anciens  et  non  par  le  consistoire, 
sa  vocation  est  illégale  ;  2"  Que  la  susdite  vocation  ne 
pourra  pas  être  confirmée  dans  un  synode,  comme  elle 
doit  l'être,  parce  que  le  pasteur  fera  valoir  les  droits 
incontestables  qu'il  a.  » 

Nous  ignorons  la  suite  qu'eut  cette  affaire;  mais,  en 
1777,  l'église  de  Marseille  fut  visitée  par  Frédéric- 
David  Bertrand,  pasteur  à  Orange,  et,  en  1777, 
elle  adressa  vocation  au  pasteur  Isaac-Malignas  Durand, 
natif  de  Monoblet  et  marié  à  M"®  Causse,  qui  exerça 
son  ministère  sans  entrave.  Il  écrivait  le  5  juin  1779,  à 
Paul  Rabaut,  qui  l'avait  sans  doute  procuré  à  l'église  : 
«  Demain,  je  prêche  au  Parc,  et  le  ministre  du  régi- 
ment (2)  prêche  pour  moi;  jugez,  parla,  de  la  hberté 
dont  nous  jouissons.  » 

A  partir  de  1780,  les  protestants  de  Marseille  célé- 
brèrent leur  culte  dans  une  maison  de  campagne,  sise 
chemin  de  Malaval,  n"  5 ,  et  qui  avait  l'avantage  d'être 
plus  rapprochée  de  la  ville  et  d'appartenir  à  Des  Pilles, 
viguier  de  Marseille,  qui  se  déclarait  le  protecteur  de 
ses  locataires.  Ceux-ci  habitaient  presque  tous  près  de 
l'Hôtel-de-Ville,  où  était  la  Bourse,  dans  la  rue  du  Con- 


(i)  Papier  Rabaut,  III,  E. 

(2)  Sans  doute,  l'aumônier  d'un  régiment  suisse. 


5  38  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

cordât,  appelée  rue  des  Huguenots^  jusqu'à  la  Révolu- 
tion. 

En  1781;,  les  enterrements  protestants,  qui  avaient  eu 
lieu  de  nuit  jusque-là,  purent  se  faire  à  l'entrée  de  la 
nuit,  et  comme  l'église  s'était  beaucoup  accrue,  le  con- 
sistoire demanda  aux  échevins  de  la  ville  un  cimetière 
plus  spacieux  et  clos  pour  éviter  les  profanations  et 
déprédations  ;  mais  leur  requête  ne  fut  pas  agréée. 

Trois  ans  plus  tard,  en  1788,  la  population  protes- 
tante s'élevait  à  deux  mille  âmes,  et  le  consistoire  com- 
posé de  MM.  Eymard,  Chapelier,  D.  Baux,  Raynaud, 
Alexandre  Defague  et  Boulet,  songeait  à  appeler  un 
second  pasteur.  Les  souscriptions  pour  le  culte  avaient 
produit  4,785  livres,  et  une  somme  de  3,315  livres  res- 
tait encore  à  trouver  pour  solder  les  dépenses,  qui, 
avec  deux  pasteurs ,  monteraient  à  8,100  livres  ,  savoir: 

Honoraires  de  deux  pasteurs.    .   .   .  6,000  livres. 
Loyer  de  la  maison  qui  sert  d'église 

et  d'hôpital 1,200  — 

Réparations  annuelles 100  — 

Honoraires  du  lecteur  et  du  chantre.  250  — 

Concierge  et  domestique 150  — 

Bois  et  charbon 100  — 

Dépenses  ordinaires 300  — 

Total 8,100  livres. 

Les  événements  politiques  qui  se  préparaient  empê- 
chèrent le  consistoire  de  donner  suite  à  son  projet.  En 
1791,  l'Assemblée  nationale  proclama  bien  la  liberté  des 
cultes,  et  la  ville  de  Marseille  céda  aux  protestants,  pour 
célébrer  le  leur,  l'Eglise  de  la  mission  de  France,  rue 
du  Tapis  Vert,  mais  deux  ans  après  ,  en  1793,  toutes 
les  églises  et  tous  les  temples  furent  fermés  en  France. 


LE    DÉSERT.  539 

Le  pasteur  Malignas  Durand  quitta  Marseille  à  cette 
époque.  Il  était  président  du  consistoire  de  Ganges  en 
1807  et  18 10  (i). 

l'ÉDIT     de     tolérance    de     1787     DEVANT     LE     PARLE- 
MENT   DE    PROVENCE. 

La  tolérance  dont  jouissaient  les  protestants  dans  le 
dernier  quart  du  dix-huitième  siècle  avait  laissé  néan- 
moins subsister  tout  l'arsenal  des  édits  et  lois  barbares, 
édictées  contre  eux.  Leurs  mariages  étaient  toujours 
frappés  de  nullité  et  leurs  enfants  déclarés  illégitimes. 
Louis  XVI ,  vaincu  par  les  instances  de  Louis-Auguste 
Le  Tonnelier,  baron  de  Breteuil,  son  ministre  d'Etat, 
l'historien  et  poète  Claude  Carloman  de  Rulhière,  le 
vertueux  Chrétien  Guillaume  de  Lamoignonde  Malesher- 
bes  et  le  célèbre  Lafayette,  signa  enfin  l'édit  de  tolé- 
rance de  1787  qui  accordait  un  état  civil  aux  protes- 
tants, mais  non  la  liberté  de  leur  culte. 

L'enregistrement  de  cet  édit  fut  voté  à  la  presque 
unanimité  par  le  Parlement  d'Aix,  le  13  février  1788. 
Seul,  un  des  présidents  de  chambre,  de  Saint-Vincent, 
eut  le  triste  courage  de  faire  de  l'opposition.  Il  préten- 
dait que  l'édit  faciliterait  les  progrès  de  l'hérésie  et  de 
l'athéisme,  et  que  si  un  paysan,  un  bourgeois  ou  un  no- 
ble venait  à  se  brouiller  avec  son  curé,  il  se  déclarerait 
protestant  pour  se  soustraire  aux  charges  imposées  aux 
fidèles  par  l'Eglise.  Il  citait  comme  exemple  le  seigneur 
provençal  de  Valavoire,  qui  laissa  ses  biens  en  friche 
pendant  plusieurs  années  pour  ne  pas  payer  la  dîme  à 
son  curé.  Il  répétait  ensuite  l'argument  rebattu  que  le 
protestantisme  est  une  religion  commode  et  que,  par- 

(i)  Papiers  Rabaut,  III,  G,  p.  21  ;  III,  F;  Rabaut  le  jeune,  Annuaire, 
p.  214  et  122  ;  Nouvel  Annuaire  protestant  de  1821  ,  p.  19  ;  Haberey  et  Bou- 
let, Notice  historique,  etc.  ;  Arch.  du  consistoire  de  Marseille. 


540  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

tant,  des  gens  se  diraient  protestants  pour  s'affranchir 
des  messes  ,  du  maigre  et  autres  règles  pénibles.  Il 
ajoutait,  enfin,  que  les  novateurs  et  les  athées  pourraient 
abriter  leurs  théories  subversives  sous  le  nom  de  protes- 
tantisme, et  que  la  nouvelle  loi  aurait  pour  effet  de  per- 
mettre aux  juifs  l'accès  des  municipalités.  Il  demandait 
donc  que  l'édit  de  1787  ne  put  être  appliqué  qu'à  ceux 
qui,  étant  nés  catholiques,  abjureraient  la  foi  de  leurs 
pères  et  que  les  maisons  de  ville  fussent  spécialement 
interdites  aux  juifs. 

Le  président  de  Saint- Vincent  traita  incidemment, 
dans  son  discours,  la  question  de  la  liberté  des  cultes 
et  accorda  que,  si  le  nombre  des  sectaires  atteignait  un 
jour  le  chiffre  de  20,000,000,  il  serait  prudent  d'autori- 
ser l'exercice  public  de  leur  culte,  car  il  valait  mieux 
tolérer  une  religion  fausse  que  de  permettre  à  des  sujets 
de  n'en  pratiquer  aucune  (i). 

Tels  étaient  les  étranges  arguments  que  de  Saint-Vin- 
cent faisait  valoir  à  une  époque  oi^i  le  souffle  puissant  de 
la  liberté  agitait  tous  les  esprits.  L'assemblée  nationale 
se  réunit  deux  ans  après  et  proclama  ,  les  21  et 
23  août  1789,  l'égalité  de  tous  les  citoyens  devant  la 
loi  et  la  liberté  des  opinions  religieuses  dans  les  limites 
du  respect  de  l'ordre  public  établi  par  la  loi.  Le  24  dé- 
cembre suivant ,  elle  déclarait  expressément  les  non- 
catholiques  aptes  à  remplir  toutes  les  fonctions  ci- 
viles, politiques  et  militaires,  et,  le  10  juillet  1790,  elle 
ordonna  la  restitution  des  biens  des  religionnaires  fugi- 
tifs. Enfin,  la  Constitution  du  3  septembre  1791  cou- 
ronna l'œuvre  en  garantissant  à  tout  homme  la  liberté 
d'exercer  son  culte  religieux  (2). 

(i)  Anquez,  De  l'état  civil  des  réformés,  p.  258-241. 

(2)  J.-P.  Rabaiit,  Précis  historique  de  la  Révolution  française,  éd.  de  Paris 
et  Strasbourg,  p.  5,  6,  10  et  u. 


LE    DESERT.  54I 

SUITE    DES    PASTEURS    DE    PROVENCE    PENDANT    LA 
PÉRIODE    DU    DÉSERT. 


Jacques  Roger  (en  visite) 

François  Roux  (en  visite) 

Etienne  Defferre  dit  de  Montagni  (en 

visite) 

Lafont  dit  Fontenelle 1746  - 

Etienne  Rolland 1747  - 

Dusserre  (prêté), entre  1747  et 

Jean  Bétrine ^754  - 

Joseph  Picard,  proposant  (prêté).   .   . 

Jean  Encontre  (prêté), entre  1754 et 

François  Saussine  (prêté).   .   .   .  entre  1754 et 

Jean  Martin 1758  - 

Jean  Guizot  (prêté) 

Pierre  Puget  (prêté) 1760  - 

Jacques  Pic i76i(?)- 

Noë  (prêté) 17^5  - 

Pierre  Martin ^7^S  ~ 

Jacques  Matthieu 1772  - 

J.  Chabaud 1774  - 

Nogaret 1777  - 

Jean  Matthieu 1783  - 

David-Frédéric  Bertrand 1784  - 

André  Bassaget ^7^5  " 

PASTEURS    PARTICULIERS    DE    MARSEILLE. 


719 

73  5 

744 

754 
762 

749 

758 
756 

759 

759 
761 

758 

761 

810 

766 

793 
774 
777 
783 
784 

785 
794 


Bride! .....' i75i(-^) 

Gai  (Joseph)  dit  Pomaret 1767 

Paul  Rabaut  (en  visite) 1768 

Jacques  Teissier 1768  -  1769 


542  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

Rabaut-Pomier 1769  -  1770 

Châtelain 1772 

Jacques  Matthieu 1772 

J.  Chabaud ,  .   .  ^774 

Vouland  fils  dit  Roche 1775  -  1777 

Isaac-Malignas  Durand  (i) ^779  -  ^793 


(i)  Ajoutons  à  ce  que  nous  avons  dit  de  ce  pasteur,  page  J41,  qu'à  la  fin 
de  sa  carrière  il  se  retira  à  Monoblet ,  son  lieu  de  naissance  ,  et  qu'à  l'âge 
de  près  de  quatre-vingts  ans ,  et  ayant  conservé  toutes  ses  facultés  ,  il  ne 
craignait  pas  «  de  s'enfoncer  dans  les  ténébreuses  profondeurs  de  la  méta- 
physique, »  et  publia  Le  Code  évangéUque ,  ouvrage  approprié  à  V usage  de 
toutes  les  familles  et  de  tous  les  chrétiens.  Uzès,  1824,  5  parties  avec  une 
pagination  différente,  in-8°.  —  Préface  de  F'  Roux,  pasteur  président. 


PIECES   JUSTIFICATIVES 


N«  I  (Pages  28  et  33). 

NOTICE    SUR    JACQUES    REYNAUD ,    SIEUR    d'aLLEINS. 

Jacques  Reynaud,  seigneur  d'Alleins  (i),  jurisconsulte  distin- 
gué, qui  prit,  en  1540,  la  défense  des  Vaudois  auprès  du  prési- 
dent Chassanée  et  parvint  à  retarder  l'exécution  du  terrible  arrêt 
contumace  rendu  contre  eux,  appartenait  à  une  des  plus  ancien- 
nes familles  d'Arles  et  s'était  toujours  fait  remarquer  par  sa  pro- 
bité et  sa  bienfaisance.  Il  embrassa  de  bonne  heure  ,  avec  sa 
femme,  les  idées  de  la  Réforme,  auxquelles  il  resta  fidèles  jus- 
qu'à sa  mort,  mais  sans  les  professer  ouvertement  et  se  croire 
obligé  de  rompre  avec  l'Eglise  romaine.  Désireux  de  faire  élever 
son  fils  Robert  dans  les.  principes  de  l'Evangile,  il  l'envoya  à 
Lausanne,  où  enseignait  le  célèbre  humaniste  Mathurin  Cordier, 
et  le  confia  ensuite,  en  octobre  1548,  au  savant  professeur  du 
collège  des  Arts  de  Nîmes,  Baduel,  dont  il  suivit  les  cours  libres. 

Un  peu  avant  cette  époque,  aux  mois  d'août  et  de  septembre 
de  cette  même  année  1548,  d'Alleins,  qui,  sans  doute,  était  allé 
chercher  son  fils  à  Lausanne,  se  mit  en  rapport,  à  Genève,  avec 
Calvin  et  se  chargea  de  ses  messages  confidentiels  pour  ses  amis 
de  Lausanne,  en  même  temps  qu'il  mettait  obligeamment  au  ser- 
vice du  grand  réformateur  «  sa  personne,  sa  maison  et  ses 
soins  (2).  » 

L'année  suivante,  d'Alleins,  qui  jouissait  d'une  grande  considé- 
ration parmi  ses  compatriotes  à  cause  de  l'intégrité  de  son  carac- 


(i)  Non  Allen  ou  Aliène. 

(2)  Cabini  opéra,  vol.  XIII,  n°'  1069  et  1071. 


544  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS   DE    PROVENCE. 

tère  et  de  sa  charité  envers  les  pauvres,  fut  nommé  premier 
consul  d'Arles,  où  il  avait  déjà  rempli ,  vingt  ans  auparavant,  les 
fonctions  de  viguier. 

Cependant,  son  fils  Robert  apportait  la  plus  grande  application 
à  ses  études,  et  la  satisfaction  qu'il  procurait  à  son  nouveau  maître 
ne  fit  que  resserrer  les  liens  d'amitié  qui  unissaient  ce  dernier  à 
son  père.  «  Quand  survenait  un  congé  de  quelques  jours  dans  la 
classe,  »  dit  M.  Gaufrés,  le  biographe  de  Baduel,  «  le  maître  et 
l'élève  se  rendaient  à  Arles  par  la  route  de  Bellegarde  et ,  pour 
faciliter  le  voyage,  Jacques  Reynaud  envoyait,  au  besoin,  un 
mulet.  y>  La  bête  portait  la  valise  du  jeune  homme  et  l'un  des  voya- 
geurs. D'autres  fois,  Robert  partait  seul.  «  Je  vous  envoie  votre 
fils,  ou  plutôt  le  mien,  comme  vous  voulez  que  je  l'appelle,  » 
écrivait  alors  Baduel  à  son  ami  ;  «  mais  je  vous  prie  de  le  faire  bien- 
tôt revenir  pour  qu'il  ne  se  laisse  pas  devancer  par  ses  condisci- 
ples, dont  le  travail  continue  en  son  absence.  » 

Peu  après,  d'AUeins  tomba  gravement  malade  en  même  temps 
que  son  fils  aîné,  le  sieur  de  Maillane.  «  Mon  afi"ection  pour 
vous,  »  lui  écrivit  aussitôt  Baduel,  «  et  celle  que  vous  portent  tous 
nos  frères  en  la  foi  nous  mettent  en  grande  perplexité  au  sujet  de 
votre  maladie.  Dans  ce  commun  chagrin,  j'invoque,  pour  vous  et 
pour  votre  fils,  le  Père  de  Jésus-Christ  et  le  nôtre  ;  je  lui  de- 
mande de  faire  éclater  dans  votre  infirmité  corporelle  les  consola- 
tions de  son  Esprit...  Je  le  prie  de  vous  aider  dans  votre  lit  de 
douleur  et  de  vous  soulager,  comme  il  l'a  promis  dans  le  Psaume  : 
«  Heureux  qui  se  comporte  avec  intelligence  à  l'égard  du  néces- 
siteux :  le  Seigneur  le  délivrera  au  mauvais  jour.  »  Je  vous  ai  vus 
l'un  et  l'autre  au  nombre  de  ceux  que  n'offense  pas  l'humilité  et 
la  pauvreté  de  Christ  dans  cette  vie ,  qui  ont  toujours  accueilli 
affectueusement  le  Crucifié  et  ses  membres  affligés.  J'espère  donc 
que  le  Seigneur  vous  sera  miséricordieux,  qu'il  l'est  déjà  et  que  la 
santé  vous  revient.  Nous  sommes  à  lui  dans  la  maladie  et  dans  la 
santé,  dans  la  vie  et  dans  la  mort.  Sa  charité  et  son  amour  se  sont 
si  fortement  imprimés  dans  nos  cœurs  que  rien  ne  les  pourra 
jamais  effacer.  Je  ne  doute  pas  que  cette  pensée  ne  vous  console 
et  que  la  grâce  divine  n'inonde  de  plus  en  plus  vos  âmes.  » 

Les  prières  de  Baduel  ne  furent  pas  exaucées  en  ce  qui  concer- 
nait d'AUeins,  car  l'heure  du  délogement  du  pieux  gentilhomme 
sonna  en  même  temps  que  les  cloches  de  Noël.  Son  savant  ami, 
le  médecin  Valériole,  qui,  comme  lui,  était  évangélique  de  cœur, 


PIECES   JUSTIFICATIVES.  545 

lui  prodigua  non  seulement  les  ressources  de  son  art,  mais  encore 
les  consolations  que  son  âme  chrétienne  put  lui  suggérer,  et  il  eut 
la  joie  de  le  voir  mourir  dans  la  paix  de  son  Dieu.  Il  en  informa 
Baduel  qui,  à  son  tour,  en  fit  part  à  Calvin.  «  Toutes  les  dou- 
ceurs, »  lui  disait-il,  «  que  l'amitié  d'un  homme  pieux  peut  procurer 
à  un  autre  homme  animé  des  mêmes  sentiments  et  des  mêmes 
goûts,  je  les  ai  éprouvés  dans  mes  rapports  chrétiens  avec 
Reynaud  ;  mais  Dieu  a  voulu  le  rappeler  à  lui  et  me  laisser  dans 
cette  vie.  » 

Autrement,  Baduel,  aussitôt  qu'il  eut  appris  la  mort  de  d'Al- 
leins ,  «  accourut  auprès  de  sa  veuve,  »  dit  M.  Gaufrés,  «  pour 
l'aider ,  par  sa  sympathie  chrétienne  ,  à  supporter  une  si  rude 
épreuve.  Il  se  trouva  que  d'Alleins  avait,  par  son  testament,  spé- 
cialement recommandé  son  fils  à  Baduel.  Celui-ci  écrivit  peu 
après  à  un  ami  :  «  Le  fils  d'Alleins ,  qui  m'a  été  recommandé  par 
les  dernières  volontés  de  son  père  et  par  votre  récente  lettre,  me 
sera  si  cher  qu'un  fils  ne  pourrait  l'être  davantage.  Je  mettrai  tous 
mes  soins  à  ce  qu'un  jeune  homme  si  modeste  soit  élevé  comme 
le  demande  le  pieux  souvenir  du  père  et  l'heureux  naturel  du  fils. 
Samedi,  au  Gymnase,  il  a  si  bien  déclamé  que  son  discours  a 
donné  la  meilleure  idée  de  son  caractère  et  de  son  talent.  »  Ce 
discours  fut  prononcé  à  Noël  et  imprimé.  Dans  un  autre  discours, 
qui  n'a  pas  été  publié ,  le  jeune  Robert  s'élevait  avec  force 
contre  une  imitation  trop  servile  des  anciens  dans  l'éloquence. 

Pour  en  revenir  à  son  père ,  nous  ajouterons  que ,  n'ayant  pas 
fait  profession  ouverte  de  protestantisme  et  n'étant  connu  de  ses 
compatriotes  que  par  ses  vertus,  il  «  fut  enterré,  »  au  rapport  de 
La  Lauzière ,  «  avec  beaucoup  de  pompe  en  l'église  de  Saint-Ho- 
norat,  hors  la  ville  (i).  » 


N»  II  (Page  206). 
PREUVES      DE      l'empoisonnement       DE      SOMMERIVE   , 


(i)  La   Lauzière,  Hist.  chronolog.  d'Arles,  année   tÇ49;  Gaufrés,  Claude 
Baduel,  p.  197,  198,  222-225. 

?5 


546  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

COMTE  DE  TENDE  ET  GOUVERNEUR  DE  PROVENCE, 

EN  I 572. 

Brantôme  :  «  Le  roi  lui  (à  Sommerive)  en  voulut  (de  n'avoir 
pas  fait  massacrer  les  huguenots)  et  en  fut  très  mal  content.  On 
dit  qu'il  mourut  de  dépit  de  ce  mécontentement,  conçu  du  roi 
sans  raisons;  d'autres  ,  que  ses  jours  furent  avancés  »  {Œuvres 
complètes,  éd.  Buchon,  t.  I,  p.  343). 

Davila  :  «  En  Provence ,  le  comte  de  Tende  dit  franchement 
qu'il  n'en  ferait  rien  (qu'il  ne  massacrerait  pas  les  huguenots)  ;  à 
raison  de  quoi,  peu  de  jours  après,  étant  dans  la  ville  d'Avignon, 
il  fut  mis  à  mort,  à  ce  que  l'on  croit,  par  l'exprès  commandement 
du  roi  »  {Hist.  des  guer.  civil,  de  France  ,  mise  en  français  par 
J.  Baudoin;  i"^^  éd.,  Paris,  1Ô47,  p.  330). 

Jean  de  Serres  :  «  Tendius  ,  post  aliquot  dies,  dum  Avenione 
esset ,  regiorum  admissariorum  operâ,  veneno  moritur  »  (III, 
partis,  Commentar.  de  statu  relig.  et  reipublic.  in  regno  Galliœ 
1575,  fol.  54)- 

Mémoires  de  l'Estat  de  France  sous  Charles  neufiesme  : 
«  Cette  magnanime  réponse  (de  Sommerive  à  La  Molle)  servit  à 
ceux  de  la  religion  de  ce  gouvernement-là  (de  Provence),  car  il 
n'y  eut  point  de  massacrés  ;  mais  elle  fit  perdre  la  vie  au  gouver- 
neur qui ,  quelque  temps  après ,  fut  empoisonné  dans  Avignon  , 
dont  il  mourut  »  {2'^  éd.,  Meildebourg,  1578,  vol.  I,  fol.  292). 

Honoré  Bouche  :  «  Quelques-uns  ajoutent  que  le  même 
comte  (de  Tende)  fut  tué  quelques  jours  après  dans  Avignon  et 
ce,  par  le  commandement  de  très  hautes  puissances,  comme  si 
c'était  en  punition  de  ce  qu'il  n'eut  point  voulu  obéir  à  ce  qu'on 
lui  avait  commandé  (de  faire  massacrer  les  huguenots)  »  {La  Cho- 
rographie  ou  Description  de  Provence.,  t.  II,  p.  655). 

Le  Laboureur  :  «  Honorât  de  Savoie,  comte  de  Tende,  mou- 
rut de  poison...  le  8  septembre  1572  »  (Additions  aux  Mémoires 
de  messire  Michel  de  Castelnau;  nouv,  éd.,  Bruxelles,  1731, 
t.  II,  p.  14). 


PIECES   JUSTIFICATIVES.  547 

N«  III. 

LISTES    DIVERSES    DE  RÉFUGIÉS    PROTESTANTS    DE    PRO- 
VENCE. 

A.    RÉFUGIÉS    DE   GENÈjVE. 

i»  Reçus  bourgeois  (i). 

1547,  jer  juillet.  Jehan,  fils  de  Loys  Mathieu,  pottier  de  Siste- 

ron. 
1550,  14  août.  Esprit,  fils  de  feu  François  Nyelle ,  d'auprès  de 
Manosque. 

1555,  2  avril.  René ,  filz  de  feu  Bertrand  de  Gassin  ,  de  Sallon 

de  Craux. 

»  21  avril.  Pierre,  filz  de  feu  Antoine  de  La  Mer,  de  Saint- 
Rémy,  en  Provence. 

»  9  mai.  Bernardin  (2),  filz  de  feu  Jehan  de  Candolle  ,  de 
Marseille. 

»  »       Jehan,  filz  de  feu  Mery  Jacquemoz,  de  Cadenet. 

»  »       Claude,  filz  de  feu  Noël  Tabuys  ,  de  Saint- Vin- 

cent. 

»  »       Pierre,  filz  de  feu  Noël  Tabuys,  de  Saint-Vincent. 

»  »       Anthoine,  filz  de  feu  Jacques  Guerin,  de  Cadenet. 

»  6  novembre.  Nicolas  de  Tabuys,  fils  de  Noë,  cirurgien 
de  Saint-Vincent. 

»  1 1  novembre.  Jehan  ,  fils  de  feu  Jacques  Guerin,  hoste  de 
Cadenet. 

1556,  14  janvier.  Jehan,  fils  de  Jehan  Fabri ,  ministre  de  Larche 

en  Terre-Neuve. 
1559,  21  avril.  Baptiste,  fils  de  Jehan  Didier  de  Soliers. 
»        9  mai.  Thomas ,  fils  de  Bertrand  Allègre  de  Marseille  , 

ayant  ung  fils  nommé  Girard. 
»        4  juillet.  Estienne,  fils  de  Pierre  Guitton  de  Rossillon. 


(i)  Livre  de  bourgeoisie  (ms.  de  l'iiôtel  de  ville  de  Genève). 
(2)  Chanoine  à  Forcalquier,  d'après  Gaiiffe ,  Notices  généalogiques  sur  les 
familles  genevoises,  II,  p.  408. 


548  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

1559,    13  juillet.  Anthoine  ,  fils  de   Monet  Cresp,  sargier  de  la 
ville  de  Grasse  ,  ayant  un  fils  Augustin. 
»         5  décembre.  Dominique  (i),  fils  de  Bernardin  Patac  ,  de 
Dignes,    ayant  Jehan,    Paul,    Pierre   et 
.  Honorât  ses  enfants. 

»  »       Claude,  fils  de  Biaise  Lance,  de  Dignes,  ayant  un 

fils  nommé  Abraham. 
1567,     9  mai.  Pierre,  fils  de  feu  Rocquebrunne,  natif  de   Mar- 
seille ,   ayant   Abraham ,    Jehan   et    Pierre   ses 
enfants. 
1572,  17  octobre.  Guillaume  Rey,  de  Tarascon  ,  mercier. 
1575,  II  novembre.  André  Arnaud,  Provençal. 
1578,    8  mai.  Jehan,  fils  de  Jullien  Arnaud,  de  Tournouz,  vallée 

de  Barsillonnette,  en  Terres-Neuves, 
1594,  18  novembre.  S''  Piramus  (2),  fils  de  Cosme  de  Candolle  , 

de  Saint  Jullin. 
1617,  30  novembre.  Noble  André  Bonnet  (3),  D^"  M°  ,  natif  du 

pays  de  Provence. 
1634,  16  mai.   Michel  Paure,  Le  dit  Paure  originaire  de  Siste- 

ron. 
1643  ,  24  février.  S""  Charles  Savornin,  de  Lormarin. 
»       10  mai.  Jean  de  Candolle,  neveu  de  Piramus. 
1659,     2  novembre.  André  Vernet  (4),  de  Soyne. 
168=; ,  10  mars.  S''  René  Garnier  d'Aiguières  avec  son  fils. 
1699,     2  septembre.  Charles  Maurice,  ministre  d'Aiguières,  avec 

son  fils  Antoine. 
1714,  19  septembre.  S""  Joseph  ,  fils  de  feu  sieur  Jean  Bouër,  du 

Luc.  avec  Joseph  Bouër,  son  fils. 
1744,  21  août.  S'"  Guillaume  ,  fils  de  feu  Guillaume  Aguiton  ,  de 

Lourmarin. 
1769,  31  mars.  Noble  Arnaud,  de  Chateauvieux  ,  écuyer,  fils  de 


(i)  Galiffe  {idem,  t.  III,  p.  557)  dit  que  Patac  appartenait  à  une  famille  no- 
ble. Nous  voyons  pourtant  un  Claude  Patac,  de  Digne,  reçu  habitant  à  Ge- 
nève le  ij  mai  1559,  simple  chaussetier.  Il  y  avait  un  pasteur  à  Orange  du 
nom  de  Patac  en  1562. 

(2)  C'est  l'ancêtre  direct  des  deux  célèbres  botanistes,  Augustin-Piramus 
et  Alphonse  de  Candolle, 

(5)  Son  père  était  médecin  du  duc  de  Savoie,  Charles  III.  Gali/fe  [Idem, 
m,  64)  passe  sous  silence  sa  noblesse. 

(4)  Ancêtre  du  théologien  Jacob  Vernet. 


PIECES   JUSTIFICATIVES.  549 

Noble  Gaspard  d'Arnaud  de  Chateauvieux,  de 
Mison. 
1771  ,    6  février.  S""  Pierre-Elisée  Auriol,  né  à  Marseille  ,  fils  de 
feu  Jean- Louis  Auriol,  de  Castres. 
Guerres  de  religion,  Philibert  Rey,  d'après  La  France  protes- 
tante. 

2°  Reçus  habitants  (i). 

1549,  12  avril.  Louis  Nyel,  de  Sainct-Maximin. 

»      26  août.  Gabriel  Comte,  cottelier,  natif  de  Manosque  ,  en 
la  diocèse  de  Cisteron. 

1550,  20  juin.  Jehan,  fils  de  feu  Claude  Armand,  de  Zays,  orfè- 

vre ,  et  Pierre  Armand ,  son  frère ,  esperonnier. 
))       II  juin.  Jacques  Beaulmont,  natifzde  Lisle  de  Martaigne, 
tissotier. 
1550,  24  juin.   Nicolas  Pierre  et  Claude  Tabuys  ,  frères,  natifz 
du  lieu  de  Sainct- Vincent,  du  diocèse  d'Embrun. 
1 5  5 1 ,  27  août.  Gaspard  Bonaud,  fils  de  Spriam  Bonaud,  natif  du 
Val. 
■>■>      I*'"  septembre.    Loys  Pompard  ,   fondeur  de  lettres  ,   natif 
d'Aix. 
1552.  Bernardin,  fils  de  feu  Jehan  de  Candolle,  de  Mar- 

seille. 
»         2  décembre.  Esprit  Arnaud,  de  Barcillon,  diocèse  d'Em- 
brun. 
1^5^,    4  mai.  Gedeon  Loys  Castel,  de  Valerne. 

»       12  juin.  Joachim  de  la  Mer,  de  la  ville  de  Saint-Remy. 
i))4,  dernier  juillet.  Jacques  Gasquet,  d'Ansouis. 
»         6  août.  Louis  Renyer,  cardeur,  natif  de  Marseille. 
»       17  septembre.  Loys  Blanc,  de  l'evesché...,  en  Provence. 
»       10  décembre.  Jehan  Aulbert,  natif  d'Arles. 
M5  5,     2   janvier.    François  Sicard,  de   Barcillonne  en  Terres- 
Neuves. 
))       25  février.  Guigon  Borgue,  de  Mus,  auprès  de  Cabrières. 
»         4  mars.  Durant  Rouz,  de  Lourmarin  près  Mérindol. 
»       18  mars.  Guillem  Perrin,  maçon,  natif  de  Brignolle. 
))       !'=■'  avril.  Pierre  Tiirdan,  de  Saint-Remy,  diocèse  d'Avignon. 


(i)   Registre  el  Rolle  des  estrangiers...  reçus  pour  habiter  Genève  (ms.  des 
Arch.  de  l'hôtel  de  ville  de  Genève). 


5  50  HISTOIRE   DES   PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

1555,  8  avril.  George  Farcy,  timburier  de  la  cité  d'Arles. 
»       15  juillet.  Paul  Branton,  du  lieu  de  Rossillon. 

»        2  septembre.  Antoine  Sauron  ,  du  lieu  de  Tourves,  dio- 
cèse d'Aix. 
»  »       Jean  Antoine  Cresp,  lanier  ou  sargier  de  Grasse. 

»       16  septembre.  Jean  Romane,  natif  de  Mérindol. 
D       i40Ctobre.  Louis  Boullet,  natif  du  Luc,  diocèse  de  Frejuex. 
»       16  décembre.  Barthélemi  Jacquemot,  de  Cadenet. 

1556,  13  janvier.  Jacques  Bertholus  ,  de  Figuières  ,  diocèse  de 

Frejus. 
»         2  mars.  Antoine  Digne,  de  Bargemon. 
»       16  mars.  Claude   Lance,  cordanier  ,   natif  de  Larche  de 

Digne. 
»  »       Jehan  Lance,  de  Velaux,  diocèse  d'Aix. 

»  »       André  Seguyran,  de  la  ville  d'Aix. 

»      25  mars.  Louis  Janyn,  de  Tourves,  diocèse  d'Aix. 
»  »       Louis  Eyssautier,    natif  du   lieu   de    Lauzet   en 

Terres  Neuves. 
»       13  avril.  Bartholomée  Boulles,  du  lieu  de  Luc,  diocèse 

de  Fréjus. 
»       20  juillet.   Jehan  Mestayer  ,  de  Draguignan,   diocèse  de 

Fréjus. 
»       27  juillet.  Huon  Beotin,  de  Lormarin. 
»         3  août.  Beraud  Serre,  d'Apt. 

»      17  août.  Etienne  et  Giraud  Aguyton,  frères,  de  Rossillon  , 
diocèse  d'Apt. 

1557,  28  décembre.  Anthoine  Bachelard,  natif  du  lieu  de  Chas- 

tellet,  diocèse  de  Riez. 

»  22  février.  Claude  Alvy,  de  la  ville  de  Manosque. 

»  I"  mars.  Claude  Roussetan,  serrurier,  natif  de  Lourmarin. 
»  »       Jehan  Rambert,  tissottier  de  Villelaure. 

»  ^  avril.  Jehan  Couchet,  de  la  ville  d'Apt. 

»  19  avril.  Jacques  Premier,  de  Rossillon. 

»  3  mai.    Barthe  Sambuchi,  de  Rossillon. 

»  4  mai.   Guillaume  Faulcon,  de  La  Roque. 

»  7  juin.  Gabriel  Pascal,  cardeur  de  laine,  de  Grignan. 

))  16  juin.  Mire  Jacques  Roux,  natif  de  la  ville  d'Yères. 
»  »       André  Arnaud,  natif  de  Grimaud,  diocèse  de  Frejus. 

»  5  juillet.  Jehan  Raynaud,  menuisier,  fils  de  feu  Loys  Ray- 
naud,  natif  de  Digne. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  55  I 

1557,   2  août.  Loys  Vincent,  de  Maryes,  diocèse  d'Arles. 

»       5   septembre.  Symon  Le  Febvre,  natif  de  Grasse. 

»     15  octobre.  Jehan  Meille,  ribautier,  natif  de  la  ville  de 
Bougnieux. 

»  »  Jacques  Gras,  natif  du  lieu  de  Saint  Paul,  res- 

sort de  Barcillonne,  en  Terres  Neuves. 

»  »  Poncet  Martin,  de  Rossillon. 

»  ))  Jehan  Mauvenc,  marchand,  de  Voulanne. 

»     18  octobre.  Gabriel  Giraud,  natif  de  la  ville  de  Forcalquier. 

»  ))  Loys  André ,  ribautier,  natif  d'Aix. 

»  »  Pierre  Bartholin,  natif  de  Rossillon. 

»  »  Antoine   Firminy,  ribautier,  natif  de  Dragui- 

gnan. 

»  »  Jacques  Imbert,  cordonnier,  de  Bausset. 

»  »  Monet  Cavallier,  de  Lourmarin. 

»     19  octobre.  Aymé  Collet,  de  Cuers. 

»     26  octobre.  Jehan  Romegat,  de  Provence. 

»       9  novembre.  Jehan  Serre,  de  la  ville  d'Apt. 

»     22  novembre.  Jehan  Pampinelles,  d'Establon. 

»  »  Nicolosin  Cresp,  drapier,  natif  de  la  ville  de 

Grasse. 

»     XXIX  novembre.  Huguet  Cavallier,  de  Lourmarin. 

»  »  Colin  Serre,  de^Mus. 

»       6  décembre.  Thomas  Chrestien,  natif  d'Aix. 

),  »  Jehan  Loche,  natif  d'Hyères. 

1558,  dernier  janvier.  Pierre  Guiton,  de  Lourmarin. 

1)         4  avril.  Antoine  Meissonnier,  forbisseurde  la  ville  d'Apt. 

»  »       Gaspard  Jofîret,  de  Volonne. 

»  »       Biaise  Serre,  de  Provence. 

»  »       Claudin  Serre,  de  Provence. 

»         2  mai.  JehanDodon,deMontevienne,diocèsedeFrejoux. 

»         9  mai.  Jehan  Pinchinat,  de  la  ville  d'Aix. 

»         2  mai.  Pierre  Pascal,  natif  du  lieu  de  Lormarin,  diocèse 
d'Aix. 

»  »       Philippe  Vian,  de  Goud,  diocèse  d'Apt. 

»       30  mai.  Conrard  Ricaud,  de  Riez. 

»         6  juin.  Jehan  Picard,  natif  de  Marseille. 

»        13   juin.  Vincent  Rosset,  de  Joucas. 

»         4  juillet.  Pierre  Fabri,  de  Larche,  en  Terres  Neuves. 

»  »  Baptiste  Deydier,  de  Solliers. 


552  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

1558,    4  juillet.  Constant  Peyre ,  fils  de  Jehan  Peyre,  natif  de 
Lormarin. 
»       18  juillet.  Mathieu  Taupin,  natif  de  ...,  diocèse  de  Sénez. 
»  »  Laurent,  fils  de  feu  Pierre  Amandy,  ribautier, 

du  Luc. 
»       i^''  août.  Jehan  Piston,  de  Berre. 
»       29  août.  Gaspard  Romey,  natif  de  Saint-Maximin. 
»       19  septembre.  Jean  Baptiste  Bonet,  du  lieu  de  Bargeme. 
»       16  septembre.  Andrieu  Païen,  du  lieu  de  IMérindol,  dio- 
cèse de  Marseille. 
»  »  Pierre  Martin  Chapuis,  natif  de  Rossillon. 

»       10  octobre.  Honorât  Raynaud,  natif  de  Marseille. 
»  »  Michel  Venturo,  natif  de  Marseille. 

»  »  Lazare  Brun,  natif  du  Luc,  diocèse  de  Sene. 

»       Dernier  d'octobre.  Jehan  Paul  Bonon,  escolier,  de  Grasse. 
»       28  octobre.  Ogier  Louys  et  Jehan  Gonaus  fils,  du  lieu  de 

Manosque. 
»       12  décembre.  Laurent  Premier,  faiseur  de  gants,  natif  de 

Rossillon. 
»  »  Pierre  Antoine  Roman,  médecin  d'Aix. 

»       26  décembre.  Jehan,  fils  de  feu   Thomas   Robert,  cor- 

royeur,  de  Gorde. 
»  »  Guillaume  Bourgue,  laboureur,  natif  du  lieu 

de  Blavetal. 
»  »  Claude  Perrin ,  compagnon  chappin ,  natif 

d'Aix. 
1559,  13  février.  Antoine  Pascal,  jardinier,  natif  de  Rossillon. 
»         6  mars.  Perceval  Janen,  jardinier,  natif  de  Rossillon. 
Pierre  Rocobrune,  natif  de  Marseille. 
Jacques  Bertrand,  aguillotier,  natif  du  lieu  de 

Gordes. 
Bernardin  Coduc,  de  Forcalquier. 
Esprit  Coct,  natif  de  Pertuis. 
»  »       Biaise  Viene,  laboureur,  de  Mus. 

»  »       Ciry  Ablault,  arbalétrier,  natif  d'Ast. 

»       24  avril.  Jehan  Roux,  tisserand,  de  Saux. 
»       i'^"'  mai.  Vincent  Fermus,  du  lieu  de  Bourguet.    • 
»        8  mai.  Jacques,  fils  de  feu  Martin  Ayesot,  de  La  Coste, 
de  la  paroisse  Dat. 
1559,  8  mfii.   Charles  Amaudy,  diocèse  de  Friguy. 


20 

mars 

» 

10 

avril. 

17 

avril. 

PIÈCES   JUSTIFICATIVES. 


553 


155Q,  8  mai.   Laurent  Branton,  de  Rossillon. 
»•  »       Jehan,  fils  d'Antoine  Pascal,  de  Lourmarin. 

))  «       IVIichel  Serre,  de  Mutz,  diocèse  de  Carpentras. 

»  »       Nicolas  Tirard,   natif  de  Barcillonne   en  Terres 

Neuves. 
»       1 5  mai.  Claude  Patac,  chaussetier,  natif  de  Digne. 
»       22  mai.  Constant  de  Cindre ,  fils  de  Jacques  de  Cindre  , 

des  Beaumettes,  près  Cabrières. 
»  »       Jehan  Rogon,  cordonnier,  natif  de  Barbentane. 

»       29  mai.  Jehan  Sevet,  natif  de  la  ville  de  Marseille. 
»       26  juin.  François  de  Gardanne,  diocèse  d'Aix. 
»  »       Honoré  Arnaud ,    natif  du  lieu  de   Beaumes   lès 

Colmars,  de  la  sénéchaussée  de  Senez. 
»       10  juillet.  Etienne  Natet,  navatier,  de  la  ville  de  Marseille. 
»       17  juillet.  Antoine  Guibert,  de  la  ville  de  Castellanne. 
»  »       Claude  Burras,  natif  de  Puymichel,  diocèse  de 

Dig  ne 
»         7  août.  Jean  Boet,  cardeur  de  laine,  natif  du  lieu  de  Luc. 
»  »       Pierre  Couade ,  natif  de  Grasse. 

»       21  août.   Huguet  Bosque,  natif  de  Mus. 
»         2  octobre.  Aulban  Lantelme ,  chaussetier,  natif  de  Les 

Mées. 
»       16  octobre.  Antoine  Mouton,  de  la  ville  de  Grasse. 
»  »         Antoine  de  l'Estoile  de  Chevaly,  natif  du  lieu 

de.  Montfort. 

Antoine  Brocher,  natif  de  Meaumnes. 

Jehan  Monton,  natif  de  la  ville  de  Grasse. 

Raymond  Hugonis,  natif  de  Provence. 

Jehan  Nicolas,  originaire  de  Sauze. 

Jehan  Cresp,  natif  de  la  ville  de  Grasse. 

Louys  Montagnier,  sergier  de  Castellanne. 
»       29  novembre.  Antoine  Palme,  de  Gaud. 
»       II  décembre.  Jehan  de  Chasteauneuf,  natif  de  Brignolles. 
»  »  Thomas  Sambuc,  natif  de  la  ville  de  Ros- 

sillon. 
»       18  décembre.  Camille  Goulin,  natif  de  la  ville  du  Luc. 
1560,  8  janvier.  Jehan  Daumas,  de  la  cité  de  Digne. 
»  »         Jehan  Deconvenis,  docteur  en  droit  de  la  ville 

de  Castellanne. 
(Lacune  dans  les  registres.) 


554  HISTOIRE    DES   PROTESTANTS   DE   PROVENCE. 

1572,    16  septembre.  Guillaume  Roy,  de  Tarascon. 

»       27  septembre.  Olivier  Guyot,  de  Manosque. 

»       29  septembre.  Gaspard  Manse,  d'Aups. 

»  »  N[oble]  Pierre  Trymon ,  de  Digne. 

»  »  Michel  Baile,  procureur  à  Digne. 

»  »  Melchion  Prote,  de  Digne,  gréeur. 

»  7  octobre.  Jacques  Barrier,  verrier,  deGignac,  et  P.  Chris- 
thophe  Barrier,  son  fils. 

»         8  octobre.   Matthieu  Dandréan  dit  Chevalier,  de  Pertuis. 

»       16  octobre.  Guilllaume  de  Riez,  clerc  de  Folcoquier. 

»  »  N[oble]  Henry  de  Grâce,  fils  de  Claude  de 

Grâce ,  sieur  d'Oribeau ,  escolier. 

»  »  Pierre  Pasquier,  clerc,  de  Monosque. 

))  »  Franc.  Renaud,  de  Monosque,  apoth*. 

»  »  Mathurin  Perraud ,  de  Corbières  ,  près  Mo- 

nosque. 

))  »  François  Renaud,  cordonnier,  de  Monosque. 

»  17  octobre.  Claude  Pilissier,  de  Balaison ,  demeurant  ci- 
devant  à  Marseille. 

»  »  Pascal ,  natif  de  Provence. 

»       20  octobre.   Pons  Buysson  ,  du  Luc,  cape. 

»  »  Pierre  Saussy,  de  Digne,  escolier  en  droit. 

»  »  Denis  Dastoin ,  de  La  Motte  du  Cayres. 

»  2j  octobre.  M.  Gaspard  Delamer,  de  Sisteron,  ministre 
de  la  Parole  de  Dieu  à  Spinouse. 

»  24  octobre.  Jacques  David  ,  de  Salon  de  Craux ,  cous- 
turier. 

»  »  M''  Pierre  Franc,  de  Riez,  ministre  de  l'église 

de  Marseille. 

»       27  octobre.   François  Combe,  de  Pertuis. 

»  »  Jehan  Ventre,,  de  Tourves. 

»  28  octobre.  Pierre  Agard,  de  Tourrettes  lès  Vances,  mi- 
nistre de  Faience. 

»  »  Jehan  Lois  Jubert,  de  Roquebrune. 

»  »  Antoine  Escolle,  de  Torrette  de  Vance,  car- 

deur  de  laine. 

»       29  octobre.   Pierre  Monel,  de  Saint-Remy. 

»       30  octobre.  Christoffle  Segnoret ,  marchand,  d'Ast. 

»       I'"'  novembre.  Thomas  Raphelis,  d'Aix,' matematicien. 

»         }   novembre.  Jehan  Roche,  d'Aix,  sellier. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  555 

1572,   6  novembre.  André  Georges  Voland  et  son  fils,  de  Mo- 
nosque ,  cordonnier. 

»  »  S.  François  Guerin,  lieutenant  pour  le  roy 

à  Aix. 

»  »  Joseph  Donoti ,  de  Marseille,  peirolier. 

»  1)  Joseph  Grafel,  de  Bargeos,  apoth*^. 

»         8  novembre.   Pierre  de  Peilobier,  gentilhomme. 

»  n  Etienne  Baruns ,  de  Sault. 

»      18  novembre.  Pierre  Tassil,  de  Monosque,  cordier. 

))  «  Honorât  Digne,  de  Bergemont. 

»       21  novembre.  André  Aulogner,  de  Monosque,  perrolier. 

»       24  novembre.  Joseph  de  Coreis,  de  Tourrene. 

y>  ))  Claude   Ruy  de  Bogencier ,  de  Provence , 

papetier. 

»  »  Pierre  Jurs,  de  Tourves,  cousturier. 

»       25  novembre.  Jacques  Saussy,  de  Digne,  escolier. 

»       2-/  novembre.  Pons  de  Voilant,  fils  de  Pierre  Voilant,  de 
Folcoquier. 

»         8  décembre.  Joseph  Boyer,  mercier,  de  Draguignan. 

»  »  Claude  Boyer,  de  Riez. 

»       22  décembre.    N[oble]    Guill*    de    Glandeves  ,   sieur  de 
Montblanc. 

»  »  Honorât  Boyer,  de  Draguignan. 

»       29  décembre.  Constant  Troittier,  de  Marseille,  marchand 
épicier. 

)>  »         Jehan  du  Puys,  de  Marseille. 

1)73,  12  janvier.  André  Scudier,  de  Riez,  cordonnier. 

»      31  janvier.  François  Candolle,  S'' de  Jullians. 

»        6  février.  Nicolas  Combe,  de  Pertuis. 

»        9  février.  Jean  La  Ville  de  Tarascon,  habitant  de  Valence, 
cordonnier. 

»      26  février.  Loys  Bayet,  de  Montdragon. 

»      27  avril.  Michel  Baliste,  du  Luc. 

»  »  Jean  de  Geoffrer,  de  Marseille,  marchand. 

))      24  octobre.  Guillaume  Augier,  de  Digne,  app''^ 
1 574,  16  août.  Noble  Cosme  de  Candolle  (i),  Sr  de  JuUian. 
1585,  29  mars.  Jean  de  Frénet,  d'Entrevaux  (2). 


(i)   Frère  de  Bernardin,  déjà  établi  à  Genève. 

(2)  Note  du  registre  :  «  Renvoyé  au  moys  de  mai  et  reçu  le  8.  » 


556  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE   PROVENCE. 

1585,  15  avril.  Jean,  fils  de  feu  Claude  du  Til ,  de  Digne,  cor- 

donnier. 
«      17  mai.    Michel  [fils]  de   M'''  Honoré  Peignet ,  de  Riez, 

serrurier. 
»        6  septembre.  Pierre  ,  fils  de  Me  Monet  Borgel ,  de  Mar- 
seille, tailleur  d'habits. 
»        2  novembre.  Gaspard  Brun,  de  Draguignan,  S''  de  Caille. 
»  »  Pierre  Saurin,  de  Tourame. 

»       8  novembre.  Emmanuel  Bonet,  advocat,  d'Antibes. 
»  »  Renaud  Bermet,  d'Antibes ,  marchand. 

1586,  10  janvier.  Robert  Bogue,  de  Marseille,  et  Pierre  Bogue, 

son  neveu,  dudit  lieu. 
»       8  février.  Loys  Mure,  de  Saint  Maximin. 
»      II  juillet.  Renaud  Bermond,  marchand,  d'Au... 
1586,  28  août.  Honorât,  fils  de  Arnaud   Boliers ,  de  Marseille, 
drappier. 

5"  Secourus  par  la  Bourse  française  (i). 

1682.  Daumasse  Marguerite,  de  Marseille. 
1685.  Lateur  François,  de  Lourmarin. 

1689.  Marie  Cavalier,  veuve  de  Jean  Bernard,  de  Lourmarin. 
»     Messonnier  Charles,  de  Soliers. 

»      La  veuve  de  Pierre  Maurice,  pasteur  de  Lourmarin. 

1690.  La  femme  de  Moïse  Arber,  de  Seyne,  chargée  de  deux  en- 

fants et  enceinte  de  sept  mois. 
»     Jean  Bernard,  de  Mérindol. 

»     Le  sieur  Constans  avec  sa  femme  et  quatre  enfants. 
»     Second  Judith,  de  Grasse. 

1691.  Api  Jacques,  de  Lacoste. 

»      Lagier  André ,  de  Manosque  ,  chargé  de  famille  ,  dont  la 

femme  a  l'esprit  troublé. 
»     Anerin  Pierre  et  sa  femme,  de  Lourmarin. 

1692.  Besse  Madeleine,  de  la  basse  Provence. 

1693.  La  veuve  de  Guillaume  Cavali,  du  Luc. 

1694.  Lagier  André  (la  délaissée  de),  de  Manosque. 


(i)  J.-César  Auquier,  Liste  des  assistés  de  la  Bourse  française  de  Genève 
de  1680  à  1710  (ms.). 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  557 

1697.  Jean  Garcin,  de  Seynes. 

1698.  La  femme  d'André  Guiton,  de  Lourmarin. 
»     Jean  Léger,  de  MérindoL 

»  '  Jean  Nante,  de  Mouriès. 

»     Veuve  de  J.  Rancurel,  de  Grasse. 

»     Etienne  Roy,  de  Saint-Martin  Val  d'Aiguës. 

»     Daniel  Villian,  de  Lourmarin. 

1699.  Bernard  François,  de  Lourmarin. 
»     Baptiste  de  Lourmarin. 

»  Guillaume  Bœuf,  de  Draguignan. 

»  Jacques  Chauvin,  de  Lourmarin. 

»  Marie  Chauvine,  de  Lourmarin, 

»  Paul  Donier,  de  Gordes. 

»  Marc  Esnard,  des  Turrettes. 

»  Jean  Laneau,  de  Mérindol,  avec  sa  femme  et  cinq  enfants. 

»  Pierre  Martin,  de  Mérindol. 

»  Jean  Monbrion,  de  Lourmarin. 

»  Pierre  Malan,  de  Lourmarin. 

»  Guillaume  Martin,  de  Lourmarin. 

»  François  Nestay,  de  Lourmarin. 

»  Reine  Marguerite,,  de  Lourmarin. 

»  Roux  Jean,  de]Lourmarin. 

»  Jean  Ramas,  de  Peypin. 

»  Mr  de  Saint-Martin  de  Seyne. 

»       Antoine  Terras,  de  Viens. 

1700.  Bernard  Joseph,  de  l'Espinouse. 
»       Benjamin  Donier,  de  Gordes. 

»       Le  sieur  Giroud,  de  Costebelle,  près  Aix. 
»       Pierre  Leblanc,  de  Lourmarin,  venant  des  troupes  de  Hol- 
lande. 

1701.  Théophile  Bertin,  de  Lourmarin. 

»  Etienne  Dubois,  de  Salles  en  Provence. 

»  Daniel  Favatier,  de  Mérindol. 

»  David  Guillet  et  sa  femme,  d'Aix. 

»  André  Logier,  de  Manosque. 

»  Joseph  Nègre,  de  Giver  en  Provence. 

1702.  Suzanne  Perrotin,  de  Lourmarin. 
»  Paul  Honoré,  de  Brignolles. 

»       Etienne  de  Pouzière,  d'Aix. 

1703.  Charies  Logier,  fils  d'André,  d'Ongles. 


558  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

1703.  Daniel  Verdet,  de  Provence. 

»       David  Patras,  et  4  personnes,  de  Sauge  en  Provence. 

1704.  Loger  Jacques,  sa  femme  et  trois  enfants,  de  Mérindol. 
»       André  EscofRer,  de  Chovas  en  Provence. 

»       David  Goiran,  de  Provence. 

1705.  Simon  Talon,  de  Lourmarin. 
»       Malan  Daniel,  de  Mérindol. 

1706.  Jean  Roux,  fils  d'Honoré,  de  Provence. 
»       David  Dubois,  de  Manosque. 

1707.  François  Delespan,  de  Valensole,  religieux  trinitaire ,  qui 

veut  abjurer. 
»       David  Dubois,  sa  femme  et  trois  enfants,  de  Manosque, 

revenant  de  Manheim,  envahi  par  les  troupes  françaises. 
»       Barthélémy  Gardiol  d'Aiguières. 
»       Jacques  Papier,  sa  femme  et  trois  enfants. 
»       Jean  Rousset,  d'Aix. 
»       Cornet  Marie,  de  Provence. 

1708.  Bosquet  Marie,  de  Velaux. 

»       Honoré  Derrès,  de  Cadenet. 

1)       Malan  Jean,  de  Mérindol,  sa  femme  et  deux  enfants. 

»        Roux  Antoine,  de  Provence. 

»       Louis  Papeti,  d'Aix. 

1709.  Robert  Pierre  et  sa  femme,  de  Manosque. 
»       Alard  Jean  Baptiste,  de  Digne. 

»       Alary  Jean  Baptiste,  de  Moustiers. 

1710.  Vilette  Jean,  de  Marseille,  religieux  franciscain,  renvoyé 

comme  pas  assez  instruit. 
»       Pierre  Perleve,  de  Provence ,  a  déserté  à  Huningue. 
»       Belissin  Honoré,  de  Grasse. 
»       Gabriel  Allier,  de  Seyne,  et  trois  enfants. 

4°  Réfugiés  de  la  Saint-Barthélemjr  dont  les  familles  subsistent 
encore  à  Genève  (i). 

Vincent  Vital,  d'Aix. 

Baptiste  Pernichot,  bailli  de  Forcalquier  en  Provence. 

Pierre  de  Sise  ,  de  Forcalquier. 

Jacques  Bonet,  fils  de  Pierre  Bonet,  dict  de  Provence,  marchand. 

(i)  Gaberel,  Hist.  de  l'église  de  Genhe,  t.  Il,  p,  215-21^, 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  5  50 

Pons  Buisson,  du  Luc  en  Provence. 
André  Aulegner,  de  Manosque  en  Provence. 
Claude  Boyer,  de  Riez  en  Provence. 
Nicolas  Combe,  de  Pertuis  en  Provence. 
J.  Motet,  de  Sault  en  Provence. 

B.    —    RÉFUGIÉS    DE   LAUSANNE    ET    DE    VEVAY    (l). 

1558,    8  février.  Pierre  Acton,  de  Rossilion  en  Provence. 
1563 ,  15  novembre.  Maistre  Pierre  Raymond,  de  Provence. 

1568,  II   octobre.  Michel  Forres,  de  Marseille,  serrurier  et  fai- 

seur d'arquebuse. 

»  »  Gratian  Ysserault,  de  Marseille,  mercier. 

»  23  décembre.  Monsieur  de  Cardé,  homme  de  grande  mai- 
son, et  Madame  sa  femme,  fille  du  comte 
de  Tende,  avec  train  de  gentilhommes  et 
demoiselle,  s'estant  icy  retiré  à  cause  des 
pays  envahis  par  les  papistes  au  pays  de 
Provence  et  Languedoc. 

1569,  23   mars.  Le  maistre  d'hostel   de  Madame  Carde  prend 

«  honneste  congié.  » 

»       22  juin.  Monsieur  Pierre  Pillovier,  de  Provence. 

»  ')       Pierre  Frayment,  de  Digne,  dudict  Provence. 

»  »      Claude  Darmis,  dudit  lieu. 

»         2  août.  Jehan  Puget,  advocat  du  roy,  à  Aix  en  Provence. 

»  >'        Monsieur  François  Guerin,  lieutenant  du  roi. 

»  »        Monsieur  Lazarin  de  Auria,  escuyer  et  echevin, 

de  Marseille. 

»  16  septembre.  Spectable  André  Péna,  conseiller  à  Aix  en 
Provence. 

»  15  décembre.  Monsieur  Lazarin  de  Auria ,  de  Marseille, 
et  Monsieur  Tadvocat  du  roy,  à  Aix  en 
Provence,  prennent  congié. 

1570,  12  septembre.  Monsieur  Honoré  [Somati],  seigneur  de  Cas- 

tellar,  conseiller  du  roy  en  la  Cour  de 
Parlement  de  Provence,  prend  congié. 
1573,  22  janvier.   Maistre  Jehan  Ricaud  dit  Londres,  de  Dines 
en  Provence. 

(1)  Bulletin  de  la  Société,  etc..  t.  XXI,  p.  465-478. 


560  HISTOIRE   DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

1573  ,   I'''  septembre.   Nicolas  Combas,  de  Provence.    - 
1574,     4  mai.   Bartholomie  de  Jaufz,  mercière,  de  Marseille. 
»       13   mai.  Jehan 'de  Geoffreys,  de  Marseille,  ayant  femme 
et  une  petite-fille. 
1685.    Scipion   Brun,  s»'  de   La  Caille,  de   Manosque,  veuf  de 
Judith  de  Gouche  depuis  1679,  avec  sa  mère,  ses  deux 
filles  et  son  fils  Isaac.  De  1690  à  1696,  il  perdit  à  Lau- 
sanne sa  mère,  une  de  ses  filles,  et,  en  dernier  lieu, 
son  fils   Isaac,    mort  d'une  trop   grande   application  à 
l'étude.  Il  ne  survécut  pas  longtemps  à  ce  coup,  non 
plus  que  sa  seconde  fille  (i). 
»       Mesdemoiselles    Planchut ,    de   Provence ,    secourues  en 
1698.  «  On  leur  donne,  à  la  chambre  [des  réfugiés  de 
Lausanne],  6  sols  par  semaine  à  chacune.  On  estime  qu'on 
doit  les  augmenter  de  4  sols  chacune  par  semaine  (2). 
»       Segon  ,  escuyer  de  Fayence ,  vivait  encore  à  Lausanne  en 

1597. 

»  Philippe  Aiguisier,  de  Marseille,  prêtre  et  docteur  en 
théologie ,  fils  de  noble  Aiguisier ,  avocat ,  réfugié  à 
Vevey,  où  il  fut  nommé,  en  avril  1689  ,  régent  de  pre- 
mière et  principal  du  collège.  Il  se  maria,  le  17  novem- 
bre 1690,  avec  Judith  Favier,  de  Montélimar,  réfugiée 
à  Vevey,  et  mourut  quatre  ans  après..  Aiguisier  s'était 
converti  au  protestantisme  en  assistant,  en  1686,  le  mar- 
tyr François  Teissier,  viguier  de  Durfort  (3). 

»  Tallemand,  sieur  de  Lussac,  de  Provence,  reçu  bourgeois 
de  Vevey. 

»  Magalon,  sieur  de  Rousset,  de  Provence,  reçu  bourgeois 
de  Vevey  (4). 

»  Philippe  Sylvestre  Du  Four,  né  à  Manosque  vers  1622, 
établi  à  Lyon  et  réfugié  à  Vevey  en  1685 ,  où  il  mourut 
la  même  année.  Il  était  à  la  fois  humaniste,  auteur,  et 
négociant  et  collectionneur  de  médailles  ,  d'antiques  et 
et  de  productions  rares  de  la  nature  (5). 


(i)  Féraud,  Hist.  cw.,  polit.,  relig.  et  biogr.  de  Manosque,  p.  502. 

(2)  Bulletin  de  la  Société,  etc. ,  t.  XIII,  p.  1 50. 

(5)  Jules  Chavannes,  Les  réfugiés  français  dans  le  pays  de  Vaud,  p.  267. 

(4)  La  France  protestante,  t.  V,  p.  515.  note. 

(5)  Ibid.,  t.  VII,  p.  344- 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  561 

C.  —  RÉFUGIÉS  DE  NEUCHATEL    REÇUS    BOURGEOIS  (l). 

1710,  27  janvier.   Pierre   de    Bardel ,   de    Plaine,    capitaine   de 
Maison. 
»       28  février.  Henri  Vitalis,  de  Fayence. 
»       17  mars.      Jean  Féraud,  de  Manosque ,  faiseur  de  bas. 
»  »  Scipion  Féraud,  de  Manosque,  et  sa  sœur. 

D.    —   RÉFUGIÉS   D'ALLEMAGNE    (2). 

Jérémie  Masse  (ou  Massa) ,  colonel  et  conseiller  de  guerre  à 
Brandebourg  (5  mai  1670). 

Guillaume  Segond  de  Blanchet,  né  en  1694  à  Schwabach,  mort  à 
Londres  en  1740,  chargé  de  la  direction  des  mines  de  la  prin- 
cipauté d'Halberstadt.  Son  fils  mourut  à  Berlin  conseiller  privé 
et  juge  à  la  justice  supérieure  française. 

Marthe  d'Audifret,  première  femme  de  Henri  de  Mirmand, 
sieur  Roubiac  et  de  Vestric ,  ancien  président  à  Nîmes. 

Louis  Crouzet,  de  Gignac,  mort  en  1721 ,  à  l'âge  de  soixante- 
quatre  ans,  à  Berlin,  où  il  remplissait,  quoique  aveugle  ,  les 
fonctions  de  prédicateur  à  La  Chapelle. 

Jean-Pierre  Borelly,  de  Raisonnel  ,  natif  de  Sisteron,  régent  au 
collège  royal  français  de  Berlin. 

Alexandre  de  Clapier  ,  seigneur  de  Collongues  ,  d'Aix  ,  d'abord 
capitaine  en  France ,  puis  en  Prusse. 

Charles  de  Constans ,  écuyer,  de  La  Bréole ,  mort  en  1694,  à 
l'âge  de  soixante-neuf  ans. 

Jean  d'Esparon,  natif  de  Manosque  ,  homme  d'un  grand  esprit, 
mort  à  Berlin  en  1 748. 

Jean  de  Moreez,  écuyer,  seigneur  d'Esparon,  marié  à  Madeleine 
de  Tholozan  de  Remoulon,  native  d'Embrun. 

Jean  de  Martineau,  écuyer,  sieur  de  Clavel,  capitaine,  natif  de 
La  Bréole,  marié  à  Françoise  de  Massa  de  Chauvet,  mort  à 
Berlin  en  1730. 

Marquis  de  Montbel,  originaire  de  Provence,  né  à  Uzès,  d'abord 


(i)  Bulletin  de  la  Société,  etc.,  t.  IX,  p.  466  et  suiv. 
(2)   Erman  et  Réclam,  t.  H,  V,  VIII,  IX,  passim. 

36 


562  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

général  en  Portugal ,  établi  ensuite  à  Berlin ,  où  il  mourut  en 

1756,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans.  Sa  fille  épousa  le  baron 

Lefort ,  et  elle  fut  dame  d'honneur  de  la  reine  de  Prusse. 
Jean  d'Orville,  né  le   16  mai  1588  à  Aix  ,  mort  le  29  septembre 

1660  à  Hambourg,  où  il  s'était  réfugié,  et  eut  de  sa  femme, 

Barbe  Hertsbeck,  dix  enfants  (i). 
Eléazar   Mauvillon,   littérateur  et   historien,   né  à   Tarascon  le 

15   juillet  171 2,  établi  successivement  à  Dresde,    Leipzig  et 

Brunswick,  où  il  mourut  en  mai  1779  (2). 

E.    -^   RÉFUGIÉS    DIVERS. 

1686,  21   août.  Eléazar   Daudet,  de   Digne,  ancien  chantre  et 

lecteur  de  l'église  de  Castres ,  réfugié  à  Yver- 
don ,  postula  la  place  de  maître  d'écriture  et 
composa  douze  tables  pour  faciliter  l'étude  de 
la  musique  (3). 

1687,  6  mai.  Départ  de  Provence  de  Jean  Meinard,  bourgeois, 

avec  sa  famille,  quatre  mâles  et  une  fille. 
»  ï       làzm ,    de    Pierre   Romane  et    Marie   Roux,   sa 

femme  ,  embarqués  à  Marseille  ,  deux  autres  fils 
absents  depuis  un  an. 
»  »       /ûfg/n,  des  fils  de  la  veuve  de  Jean  Romane. 

»  novembre,  là^m,  de  Daniel  Espariat,  cordonnier. 

»  »  làem,  du  fils  de  la  veuve  de  Daniel  Bouër. 

»     15  avril,  là^m  ^  du  fils  de  la  femme  Magdeleine  Joufrète  , 
épouse  de  Jean  Bouër,  ci-devant  pasteur  au 
Luc. 
»       6  avril,  làzm,  de  Jacques  Roux  et  de  son  fils. 
»       2  mai.  làem,  de   Pierre  Malan,  âgé  de  22  ans,  fils  de 
Thomas  Malan,  bourgeois  de  Mérindol,  et  d'An- 
dré Malan,  son  autre  fils,  âgé  de   16  ans,  logés 
d'abord  à  Eyguières  (4). 

1688,  Jean  Roi  et  Jean  Roux  de  Provence  ,  dans  la  colonie  idu 

Cap  (5). 

(i)  La  France  protestante,  t.  VIII,  p.  52. 

(2)  Ibid.,  t.  VII,  p.  ?44- 

(5)  Crottet,  Hist.  et  annal,  de  la  ville  d'Yvcrdon,  p.  401,  403. 

(4)  Arch.  nation.,  TT,  n"'  256  et  237. 

(5)  Bulletin,  t.  XXXI,  p.  419- 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  56] 

N»  IV. 

LISTE    DES     ÉTUDIANTS     PROVENÇAUX    IMMATRICULÉS    A 
l'académie    de    GENÈVE    (l). 

1559.  Joannes  Mutonus  Grassensis. 

»  Anthonius  Romanus  Aquensis. 

»  Robertus  de  Begua  Massiliensis. 

1564.  avril.  Albertus  Bremundus  Grassanus, 

1565.  10  décembre.  Pierre  Candolle,  de  Marseille. 

»       15  décembre.  Jehan  Pascal,  de  la  ville  d'Auriol. 

1566.  Cal,  nov.  Gaspar|Mense  Dignensis. 

»  27  octobre.  Antonius  Mauritius  Thoardensis. 
»  ))  Bertrand  Salvafort  Mosteronensis. 

1567.  Anthonius  Ricaudus  Provincialis. 
»  Wilhenus  Provincialis. 

1576.  II  juin.  Joanes  Casanovanus  Aquensis. 

1584.  Joanes  Davius  Provincialis  jurisp.  stud. 

»  Abel  Barerius  Aquensis  theol.  stud. 

1619.  18  octobre.  Jacobus  Recendus  Provincialis. 

1622.  décembre.  Mathias  Lynen  Aquensis. 

»  Paulus  Gaudemar  Provincialis. 

1626.  6  Cal.  nov.  P.  Lacolleta  Manuescensis. 

»  »  E.  Gaudemar  Manuescensis. 

1634.  Martelly  Aquensis  antea  ordinis  Minimorum. 

165 1.  Andréas  Chionus  Manuescensis. 

1652.  Theophilus  Porgetus  Valtensis. 

»  Johannes  Boerius  Merindolensis. 

1654.  3  mai.  Salomon  Pogel  Cadenetensis  datum  Genevse. 

1661.  7  septembre.  Carolus  Mauricius  Aquariensis. 
»  26  mai.  Cyrus  Chionus  Manuescensis. 

1662.  4  juillet.  Bartholomaeus  Bernardus  Lucensis  S.  S.  theol. 

stud. 

1663.  26  novembre.  Heleo  Gaudemarus  Manuescensis. 
1606.    5  février.  Mathaeus  Mathyus  Manuescensis. 

»  »        Petrus  Gaudemarus  Provincialis  Regiensis. 

»       Pridiè  cal.  Augusti.  Charolus  Mathyus  Manuescensis. 

(1)  Le  livre  du  recteur,  etc. 


564  HISTOIRE    DES    PROTESTANTS    DE    PROVENCE. 

1668.  16  juin.  Vincentius  Bonardus  Crassiacensis. 

1678.  13  juin.  Joannes  Monestier  Lauromarinensis. 

1680.  7  février.  Josias  de  Villanova  Manuescensis. 

1691.  Antonius  Mauricius  Aquariensis. 

1692.  Joannes  Gassaudus  Forcalquerensis, 
1694.  Franciscus  d'Esparron  Manosquensis. 

»  Thomas  Mauricius  Aquariensis. 

1702.  23  mars.  Samuel  Colombus. 

1722.  5  février.  Joseph  Lefort,  de  Pertuis,  étudiant  en  théologie. 

1729.  16  mai.  Petrus  Goudet  Massiliensis. 

1739.  26  mai.  Jacobus  Seimandy  Massiliensis, 

1741.  mai.  Laurencius  Franciscus  Tarteron. 

1747.  cornai.  Ludovicus  Seimandy  Massiliensis. 

1764.  27  mai.  Joseph  Hugues  Massiliensis. 


N°  V  (page   160). 

Cantique  sur  le  siège  des  infidèles  et  séditieux  de  Provence,  devant 
la  ville  de  Sisteron  :  où  est  manifestée  l'assistance  et  grande  bonté 
de  Dieu,  lequel  maudit  et  rejette  les  œuvres  des  meschans,  et 
benist  les  faits  de  ses  serviteurs  et  enfans  :  Sur  le  chant  du 
pseaume  loi,  etc.  (Lyon,  1562,  in-S»  (réimpression  dans  les 
Poésies  huguenotes  du  seizième  siècle,  publiées  par  G.  Schmidt, 
Strasbourg,  in- 12). 

1 .  Tous  les  malins  du  pays  de  Provence, 
Bandez  s'estoyent  faisant  une  alliance, 
D'exterminer  les  vrais  enfans  de  Dieu, 

En  chascun  lieu. 

2.  Mais  le  Seigneur,  seul  vainqueur  des  alarmes, 
A  détesté  de  telles  gens  les  armes, 

Et  desdaignant  leurs  pernicieux  faits, 
Les  a  deffaits. 

3.  Dy,  ennemy,  qui  nous  cuydais  deffaire, 
A  quoi  tient-il  que  tu  n'as  peu  parfaire 
Ge  que  brassois  au  profond  de  ton  cœur. 

Par  sirand  fureur  r 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES.  565 

4.  Que  t'a  servy  ton  camp  plain  de  bravades, 
Ton  fier  parler,  tes  hautes  canonades  r 
Que  vaux-tu  mieux  d'avoir  tant  molesté 

Nostre  cité  ? 

5.  Qu'as  avancé  par  brèche  basse  et  large, 
Nous  cuidant  tous  de  ton  espée  et  targe, 
Anéantir  sans  reserver  quelqu'un. 

Non  jusqu'à  un  ? 

6.  Certes,  il  faut  que  confesses  sans  feinte, 
Que  nostre  Dieu  de  sa  montagne  sainte. 
Après  avoir  nostre  fait  débattu, 

A  combattu. 

7.  C'est  luy  qui  a  défendu  sa  querelle, 

Et  qui  tousjours  combattra  pour  icelle  ; 
C'est  luy  qui  tient  les  siens  par  sa  bonté, 
En  seureté. 

8.  C'est  luy  qui  a  renversé  ton  emprise 

Et  ton  dessein,  sans  qu'ayes  sur  nous  prise, 
C'est  luy  qui  t'a  devant  nous  arresté, 
Puis  rebouté. 

9.  C'est  luy  qui  fait  que  tu  t'enfuis  de  honte, 
Et  qui  ton  cœur  caut  et  superbe  domte. 
Et  qui  fera  qu'en  desespoir  mourras 

Et  périras. 

10.     Et  nous  ainsi  délivrez  de  ta  rage, 

Aurons  Dieu  en  tout  temps  et  tout  aage, 
Et  chanterons  de  luy  la  grande  bonté 
Et  loyauté. 


FIN. 


TABLE  DES  MATIERES 


Avant-propos v 

Sources  principales  de  l'histoire  des  protestants  de  Provence.  .       ix 

PREMIÈRE   PÉRIODE. 

ÉTABLISSEMENT    DE   LA   RÉFORME    EN    PROVENCE  (1528-I562). 

Limites  de  la  Provence.  Caractère  de  ses  habitants i 

Les  Vaudois  de  Provence,  précurseurs  et  premiers  adeptes  de  la  Ré- 
forme dans  cette  province.  Persécutions  précoces  (1Ç25-1J  3 1) 5 

Députation  des  Vaudois  auprès  des  réformateurs  de  la  Suisse  et  de 
l'Allemagne  (1Ç50-1555) 6 

Suite  des  persécutions.  Expéditions  armées  d'Eustache  Marron  (1532- 

1Ç55) 9 

Zèle  missionnaire  des  Vaudois 15 

Intercession  des  Suisses  et  des  Allemands  en  faveur  des  Vaudois.  Edit 

de  Coucy  (1535-1536) 14 

Premiers  ordres  de  répression  du  roi.  Arrêt  de  contumace.  Démarches 

de  Farel  en  faveur  des  Vaudois.  Epistre  de  Viret  (1J57-1J40).     ...  16 

Valeur  morale  des  conseillers  au  Parlement  d'Aix 23 

Sursis  dans  l'exécution  de  l'arrêt  (1540) 27 

Conciliabules  de  prélats  à  Aix  et  à  Avignon  (i')  40) 29 

Enquête  ordonnée  par  le  roi  (1540) 35 

Lettres  de  grâce  conditionnelles  du  roi.   Confession  de   foi  et   requête 

des  Vaudois  adressées  au  Parlement  (1541) 54 

Sadolet  et  les  Vaudois  (1J41-1542) 37 

Déclarations  des  Vaudois  au  Parlement  (1541) 41 

Intervention  des  princes  protestants  d'Allemagne  en  faveur  des  Vau- 
dois  (1541) 43 

Tentative  de  conversion  des  Vaudois  (1542) 4j 

Expédition  à  main  armée  de  l'évêque  de  Cavaiilon  à  Cabrières.  Repré- 
sailles d'Eustache  Marron  (1545) ço 


568  TABLE   DES    MATIÈRES. 

Députation  des  Vaudois  au  roi.  Nouvelles  lettres  de  grâce  (1545-1544).  52 

D'Oppède  et  autres  font  révoquer  les  lettres  de  grâce  (1Ç44-1545). .    .  54 

Les  exécuteurs  de  l'arrêt 57 

Exécution  de  l'arrêt  de  contumace  {154?) 60 

Requête  des  Vaudois.   Leur  assemblée  au  Désert  (1545) 68 

Continuation  des  violences.  Bilan  de  l'exécution  (i 545) 72 

Emigration  des  Vaudois  (1545) 76 

Plaintes  inutiles  de  M^'deCental  au  roi,  qui  approuve  l'expédition  (1545).  78 
Démarches  des  Allemands  et  des  Suisses  en  faveur  des  Vaudois.  Ré- 
ponses de   François  I".  Dévouement  de  Calvin  (1545-1546) 81 

Revision  de  l'arrêt  de  contumace.  Arrestation  des  coupables  (1547-1550).  89 
Plaidoiries.  Acquittement  des  coupables  (1550-1552).  Noms  de  quelques 

barbes  vaudois 92 

Réintégration  de  d'Oppède,  son  triomphe  et  sa  mort  (1553-1558),   .    .  98 

Rentrée  des  Vaudois  dans  leur  pays  (1556) 108 

Martyre  de  Romyen  à  Draguignan  (1558) 101 

Antoine  et  Paulon  de  Mauvans  embrassent  la  Réforme.  Assaut  de  leur 
maison.  Assassinat  d'Antoine  de  Mauvans.  Martyre  d'Auldol  (1559- 

1560) 106 

Progrès  de  la  Réforme  en  Provence.   Statistique  des  églises  réformées 

et  des  lieux  de  ce  pays  habités  par  des  protestants  (i 560-1 562).    .   .  112 
Assemblée  générale  de  Mérindol.  Armement  de  Mauvans.  Son  traité 

avec  le  comte  de  Tende.  Sa  fuite  à  Genève  (1560) 117 

Violences  exercées  contre  les  protestants  à  Aix  et  dans  d'autres  lieux 

(i$6i).- 125 

Mission  de  Crussol  en  Provence.  Edit  de  janvier.  Emeute  suscitée  par 

Flassans  à  Aix  (1562) 129 

Levée  de  boucliers  de  Flassans.  Sa  défaite  à  Barjols.  Cruelles  repré- 
sailles. Essai  de  pacification  de  la  Provence  (1562) 134 

DEUXIÈME  PÉRIODE. 

LES   GUERRES   DE   RELIGION    (1562-1598). 
HISTOIRE   EXTÉRIEURE. 

PREMIÈRE   GUERRE    DE    RELIGION    (avril    I562-I9   marS    iÇÔj). 

Sommerive  embrasse  le  parti  des  Guises  contre  Tende,  son  père.  Ju- 
gement des  historiens  sur  cette  division  (1562) 142 

Journée  des  Epinards.  Expulsion  de  la  garnison  d'Aix.  Les  violences 
contre  les  protestants  recommencent.  Massacre  de  la  famille  De  Man- 
dols  (1562) 146 

Tende  se  met  à  la  tête  des  protestants.  Premières  hostilités.  Nou- 
velles violences  de  Flassans  à  Aix  (1562) 150 

Siège  de  Sisteron  par  Sommerive  (10-28  juillet  1562) 154 

Levée  du  siège  de  Sisteron.  Attaque  du  camp  de  l'Escale  par  la  gar- 
nison. Des  Adrets  en  Provence  (1562) 159 


TABLE    DES    MATIÈRES.  569 

Reprise  du  siège  de  Sisteron  (27  août-4  septembre).  Retraite  héroïque 
de  la  garnison  (1562) 163 

Défaite  de  Sommerive  et  de  Suze  à  Saint-Gilles.  Faits  d'armes  di- 
vers (1562-156;) 169 

Massacres  dans  toute  la   Provence  (i  561-1562) 171 

L'édit  de  pacification  d'Amboise  (19  mars  1565).  Vieilleville,  commis- 
saire exécuteur  de  redit  en  Provence 174 

Suspension  du  Parlement  et  son  remplacement  par  une  commission 
de  justice  (i 565-1 564) 178 

Voyage  de  Charles  IX  en  Provence.  Réintégration  du  Parlement.  Insti- 
tution d'une  Chambre  neuve  (1564-1567) 181 

DEUXIÈME  GUERRE  DE  RELIGION  (29  Septembre  1567-20  mars  1568). 

Les  protestants  se  saisissent  de  Sisteron.  Siège  infructueux  de  la  place 
par  Sommerive  (1567) 184 

Reprise  et  nouvelle  levée  du  siège  de  Sisteron.  Belle  retraite  du  comte 
de  Carcès  (i 567-1 568) 189 

Edit  de  pacification  de  Paris  (25  mars  1568).  Assassinat  de  Cipières  à 
Fréjus 192 

TROISIÈME    GUERRE    DE    RELIGION    (25    aOÛt    l568-8aoflt   1570). 

Les  troupes  protestantes  de  Provence  rejoignent  l'armée  de  Condé  et 
les  catholiques  celles  du  roi.  Mort  de  Mauvans.  Vexations  diverses 
(1568-1570) 195 

Edit  de  pacification  de  Saint-Germain-en-Laye  (15  août  1570).  La  Saint- 
Barthélémy  en  Provence.  Mort  de  Sommerive  (1572) 205 

QUATRIÈME  GUERRE  DE  RELIGION  (novembre  1572-11  juillet  1575). 

Faits  d'armes  sans  importance  (i 572-1 573) 207 

Edit  de  pacification  de  Boulogne  (11  juillet  1574).  Trêves  diverses. 
Naissance  du  parti  des  politiques 209 

CINQUIÈME  GUERRE  DE  RELIGION  (septembre  1574-6  mai  1576). 

Alliance  des  politiques  et  des  protestants  en  Provence.  Prise  et  reprise 

de  diverses  places  (1574) 214 

De  Retz  prend  possession  de  son  gouvernement  de  Provence.  Succès 

et  excès  de  Carcès  (i 574-1575) 216 

Naissance  du  parti  des  rasais.  Reprise  des  hostilités.  Nouveaux  revers 

des  confédérés  (i 575-1 576) 220 

Edit  de  Beaulieu  (mai  1576).  Retour  de  Retz.  Jalousie  de  Carcès.  Départ 

du  premier 224 

SIXIÈME  GUERRE  DE  RELIGION  (janvier  1577-17  septembre  1577). 
Assemblées  politiques  de  Draguignan  et  de  Seyne.  Les  confédérés  de- 


570  TABLE   DES    MATIERES. 

mandent  la  destitution  de  Carcès,  qui  est  remplacé  par  le  grand 
prieur  de  France 228 

Edit  de  Poitiers  (septembre  1Ç77).  Continuation  des  hostilités  en  Pro- 
vence. Nomination  de  Suze  au  gouvernement  de  cette  province  et 
son  départ  (1J77-1Ç79) 251 

Gouvernement  du  Parlement  en  l'absence  de  Suze.  Médiation  infruc- 
tueuse du  cardinal  d'Armagnac  (1579) 25? 

Sac  de  Callas  par  de  Vins.  Vengeance  des  habitants.  Jacquerie  proven- 
çale. Mort  d'Estoublon  (i 57.8-1  Ç79) 239 

Intervention  de  la  reine  mère.  Fin  de  la  guerre  des  rasats  et  des  car- 
cistes.  Gouvernement  du  grand  prieur.  Chambres  neutre  et  extraite 
(i  579-1580) 242 

SEPTIÈME  GUERRE  DE  RELIGION  (février-26  novembre  1580). 

Courses  de  Gouvernet  en  Provence  (1580) 244 

Articles  de  Fleix  (26  novembre  1580).  Peste.  Mort  de  Carcès.  Rivalité 
des  chefs  protestants  de  la  haute  Provence  (i 580-1 585) 246 

HUITIÈME  GUERRE  DE  RELIGION  (août  1585-13  novembrc  1586). 

De  Vins,  chef  de  la  Ligue  en  Provence.  Naissance  du  parti  des  bi- 
garrais (1585) 248 

Révolte  de  Dariez  à  Marseille  (1585)0 250 

Entrée  tardive  du  grand  prieur  en   campagne.  Edit  du   18  juillet  1585.  255 
Le  baron  d'Allemagne  nommé  général  des  églises  réformées  de  Pro- 
vence. Son  échec  sur  Castellane   avec  Lesdiguières.  Expéditions   di- 
verses des  huguenots  et  des  t/>arra^s  (1585-1586) 257 

Fin  tragique  du  grand  prieur.  De  Vins  nommé  généralissime  de  l'armée 

ligueuse  de  Provence   (1586) 262 

Les  huguenots  et  les  bigarrais  reprennent  les  hostilités.  Ils  échouent 

sur  Draguignan.  Insuccès  de  l'assemblée  politique  de  Cadenet  (1586).  264 
Le  duc  d'Epernon  nommé  gouverneur  de   Provence.   Bataille  célèbre 

d'Allemagne.  Mort  du  baron  d'Allemagne  (1686) 267 

Arrivée  du  duc  d'Epernon  en  Provence.  Amnistie  générale  (1586).  .   .  273 

Reddition  de  Seyne.  Perfidie  d'Epernon  (1586) 276 

Reddition  de  La  Bréole  (1586) 279 

Fin  des  guerres  de  religion  en  Provence  (1586) 281 

Réflexions  finales  sur  les  guerres  de  religion • 282 

SORT    DES    PROTESTANTS    PROVENÇAUX    PENDANT    LA    LIGUE    (1586-I598). 

Persécutions  de  divers  genres  touchant  la  liberté  de  conscience,  l'exer- 
cice du  culte,  les  enterrements  et  la  Chambre  de  justice 283 

HISTOIRE   INTÉRIEURE. 

Synodes  de  Provence 291 

Députation  aux  synodes  généraux 294 


TABLE   DES    MATIERES.  57I 

Histoire  particulière  des  églises  de  Provence  au  seizième  siècle  :  Apt, 
Joucas,  Roussillon,  Lacoste,  Gignac,  Saint-Martin-de-Castillon,  La 
Motte-d'Aigues,  Sivergues,  Cabrières-d'Aigues,  Lourmarin,  Mérindol, 
Arles,  Salon,  Tarascon,  Sénas,  Aix,  La  Roque-d'Antheron,  Saint- 
Paul-lès-Durance,  Marseille,  Forcalquier,  Manosque,  Sisteron ,  Vil- 
hosc,  Seyne,  Digne,  Espinouse,  Puimichel,  Les  Mées,  Riez,  Castel- 
lane,  Colmars,  Signes,  Brignoles,  Lorgues,  Draguignan,  Le  Luc, 
Fréjus,  Fayence,  Grasse,  Vence,  Antibes,  La  Napoule,  Sault,  Séde- 
ron  et  Barret-de-Liourre,  Lemps,  Vallée  de  Barcelonnette,  Comté 
de  Nice 295 

TROISIÈME  PÉRIODE. 

RÉGIME    DE   l'ÉDIT    DE   NANTES  (1598-1685). 
HISTOIRE  EXTÉRIEURE. 

L'édit  de  Nantes  en  Provence.  Commissaires  exécuteurs   de  Tédit  en 

1600  et  1612 545 

Juridiction  delà  Chambre  de  l'édit  de  Grenoble 547 

Massacres  à  Salon.  Atrocité  à  Solliès 549 

Nouvelles  guerres  de  religion 553 

Iniquités  du  Parlement  d'Aix 556 

Empiétements  de  la  Cour  des  comptes,  aides  et  finances  de  Provence.  562 
Ordonnances  des  commissaires  exécuteurs  de  1661.  Condamnation  d'un 

grand  nombre  d'exercices 36; 

Arrêts  du  conseil  du  roi  rendus  sur  les  partages  des  commissaires.    .   .  367 

Tribulations  du  chirurgien  Lieutaud,  d'Aix 370 

Prosélytisme  et  adulation  du  clergé 375 

HISTOIRE  INTÉRIEURE. 

Disette  de  pasteurs.  Pauvreté  des  églises  réformées  de  Provence.   .   .     375 
Conduite  irrégulière  des  affaires  ecclésiastiques.  Intervention  des  sy- 
nodes nationaux 378 

Discipline 385 

Collège  du  Luc 585 

Synodes  provinciaux  de   Provence  tenus   sous  le  régime  de  l'édit  de 

Nantes 388 

Notices  particulières  sur  les  églises  de  Provence  et  leurs  annexes  au 
dix-septième  siècle  :  Joucas,  Cordes  et  Labastide-des-Gros,  Lacoste, 
Mérindol,  Lourmarin,  Cabrières-d'Aigues ,  Eyguières,  Velaux-Aix- 
Marst.lle,  Manosque,  Sisteron,  Séderon,  Curban,  Seyne,  Riez  et 
Roumoules,  Thoard-Espinouse-Puimichel ,  Le  Luc,  Grasse,  Antibes, 

La  Charce,  Lemps,  Vallée  de  Barcelonnette.  .   .  _ 589 

Biographie  succincte  des  pasteurs  de  Provence  aux  seizième  et  dix- 
septième  siècles 449 


572        .  TABLE    DES    MATIÈRES. 

QUATRIÈME    PÉRIODE. 

LE   DÉSERT    (1685-I791). 

Conversions  forcées,  dragonnades  et  missions  (1685-1698) 477 

Emigrations.  Leur  nombre.  De  La  Caille  et  Isabeau  de  Fourques-d'Ar- 

baud  (1685-1690) 481 

Confiscation  des   biens   des  religionnaires   fugitifs  et  des   consistoires 

(168Ç-1689) 487 

Education  catholique  forcée  des  enfants  des  religionnaires.  Résistance 

des  parents.  Espionnage.  Ignorance  des  curés  (1698) 490 

Condamnations  diverses.  Assemblées  religieuses  à  Marseille  (1687-1690).  494 

Visite  du  pasteur  Roger  en  Provence  (1719) 497 

Visite  du  pasteur  Roux.    Assemblée  de  Cabrières-d'Aigues.  Arrêt  de 

condamnation  (i7?5-i756) 498 

Enlèvement  de  filles  protestantes  (1740) 505 

Un  faux  prédicant   (1742-1744) 508 

Visite  du  pasteur  Déferre  (1744) 509 

Ministère  des  pasteurs  Lafont  et  Rolland  (1745-1747) 512 

Persécutions  diverses  (1749-1753) Ç15 

Ministère  des  pasteurs  Bétrine,  Martin  et  Pic.  La  Provence  et  les  syno- 
des nationaux  du    Désert   (1754-1763) 517 

Paix   profonde  en    Provence.  Premiers  pasteurs  de  l'église  de  Mar- 
seille (1751-1770) .   .  520 

Alertes  à  Marseille  (1771-1772) Ç24 

Nouvelles  alertes  (1773) Ç29 

Affaire  de  Pic  (1775-1776) j;o 

L'église  de   Lourmarin,  de  1777  à  la  Révolution 553 

L'église  de  Marseille,  de  1772  à  la  Révolution Ç56 

L'édit  de  tolérance  de  1787  devant  le  Parlement  de  Provence.    ...  559 

Suite  des  pasteurs  de  Provence  pendant  la  période  du   Désert.    .    .   .  541 

PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

N°  I.  Notice  sur  Jacques  Reynaud,  sieur  d'Alleins 543 

N°  II.  Preuves  de  l'empoisonnement  de  Sommerive,  comte  de  Tende 

et  gouverneur  de  Provence 545 

N"  III.  Listes  diverses  de  réfugiés  protestants  de  Provence 547 

A.  Réfugiés  de  Genève 547 

1°  Reçus  bourgeois 547 

20  Reçus  habitants ,  549 

3°  Secourus  par  la  bourse  française. '.   .  5Ç6 

4°  Réfugiés  de  la  Saint-Barthélemy  dont  les  familles  existent 

encore  à  Genève 558 

B.  Réfugiés  de  Lausanne  et  de  Vevey ÎÇ9 

C.  Réfugiés  de  Neuchatel  reçus  bourgeois 561 


TABLE   DES    MATIERES.         '  573 

D.  Réfugiés  d'Allemagne 561 

E.  Réfugiés  divers 562 

N"  IV.  Liste   des   étudiants  provençaux  immatriculés  à  l'académie   de 

Genève j6} 

N».  V.  Cantique  sur  le  siège  des  infidèles  et  séditieux  de  Provence,  etc.  564 

Table  des  matières 567 


Toulouse.  —  Imp.  A.  Chauvin  et  Fils,  rue  des  Salenques  ,  28. 


DATE  DUE 

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GAYLORD 

PRrNTED  IN  U.S.  A. 

BW5952.A74V.1 

Histoire  des  protestants  de  Provence, 


Princeton  Theological  Seminary-Speer  Library