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Full text of "Histoire des progrès de la civilisation en Europe depuis l'ère chrétienne jusqu'au XIXe siècle"

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IIISTOIIIB 


DES  PROGKÈS 


DK    LA 


CIVILISATION 


EN  RUROPK. 


lanmiii  n  J.-B.  gros,  suce,  n  J.  gràtiot, 
Rue  da  Foin  Saint* J«e(|iies»  n«  ft. 


HISTOIRE 

DES  PROGRÈS 


DE    LA 


CIVILISATION 

EN  EUROPE 

DKPIIIS  L'finR  CUn|}.TIRNNB  JUSQU'AU  XrX°  SIÈCLE; 

PAR  H.  ROUX  FERRAND. 


w  S'il  riibti*  111)0  iriciuT  «le  |irrv(jii  Icn  pro^rAi 
tifl  lV»prit  liiiiiiaiti,  do  lui  iliii((fi',  <lti  \etacei\i' 
MT,  l*lii!«lniii>  <lc  (CMi  <|u'i'llt'  ••  r.iiu  nt  iloil  é(ro 
L  Im»o  lucinif'ff,  »»  (OoNiJURfUT.) 


TOUR  ClNQUIliUi:. 


•  •  -    • 


... 

•-  •  •  .  •  • 


PARIS,  i..iUV^'••• 


CHRXL.  IIACHETTr,, 

LIDnAIRK  PR  L'I'NIVRIIKITK  ROYALE  DBI'RANCR, 

iiur,  l'iKiiiii!  HAimAziti>  M°  13; 

KT  CIIUZ  PAULIN,  HUE  DE  SEINE,  N*  0. 

18ft0. 


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•  ;.  •  ■ 


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HISTOIRE 

DtB 


PROGRÈS  DE  LA  CIVILISATION 


EN  EUROPE 


Bx»vu  vÈBx  oBBivixHxsnwftV'AV  ie*»ilwui. 


CHAPITRE  PREMIER. 


Dans  le  passage  lent  et  gradué  du  quatorzième 
au  quinzième  siècle,  un  grand  fait  s^est  accompli 
en  Europe.  Depuis  la  mort  de  Charlemagne^  dont 
le  génie  puissant  avait  tout  uni,  tout  centralisé, 
ces  éléments  divers,  qu'il  avait  attirés  à  lui ,  se 
sont  divisés  par  une  sorte  de  réaction  qui  se  re- 
trouve dans  Tesprit  des  peuples  comme  dans  les 
lois  de  la  phy8i<}ue.  Tout  a ,  dès  lors,  tendu  à  la 
séparation  ,  à  Tisolemcnt,  à  une  existence  ou  lo- 
cale ou  spéciale...  Eh  bien  ^  cW  cet  état  qui  dis- 
jiaraît  peu  à  peu  au  quinzième  siècle  :  par  une 
oscillation  ou  une  réaction  contraire^  rKuro(Xf , 
V.  i 


sans  s^en  rendre  compte ,  s'est  ^  dans  tous  les  cen- 
tres d'action ,  rapprochée  de  l'unité. 

La  royauté,  le  clergé  ont  acquis  plus  de  puis- 
sance ;  les  intérêts  généraux,  les  idées  générales 
ont  prévalu...  non  de  suite  et  instantanément  par 
une  révolution  ou  une conmiotion  violente,  l'hu- 
manité procède  rarement  ainsi  j  mais  par  un  tra- 
vail sourd  et  caché  dont  les  peuples  ignoraient 
eux-mêmes  les  causes  et  les  résultats.  Le  seizième 
siècle  accomplit  ce  travail  préparé  par  son  devan- 
cier. 

Le  seizième  siècle  vît  aussi  s'accomplir  un  autre 
fait  non  moins  intéressant  à  étudier  et  que  faisait 
prévoir  depuis  long-temps  la  tendance  des  esprits 
penseurs  et  impatients  du  joug...  Mais  toutes  ces 
transformat  ions,  tous  cesboule  versements  matériels 
ou  moraux  ,  nous  les  retrouverons  bientôt.  Nous 
n'avons  dû  que  les  indiquer  maintenant  pour  les 
reprendre  plus  tard.  Les  événements  européens 
réclament  leur  place  dans  ce  volume  comme  dans 
les  précédents  j  et ,  suivant  notre  marche  accou- 
tumée, c'est  de  la  France  que  nous  allons  d'abord 
nous  occuper^  car  c'est  d'elle  que  part  tout  pro- 
grès. Qu'elle  ait  été  conduite  par  la  framée  de 
Glovis^  par  la  croix  de  Gharlemagne ,  par  rori- 
flamme  de  Saint-Louis ,  le  panache  de  Henri  IV 
ou  les  aigles  de  Napoléon»  toujours  elle  a  été  la 


—  5  — 


première  entre  les  nations  européennes  dans  la 
voie  de  la  civilisation  \ 


La  démence  du  roi  et  Todieux  gouvernement 
de  princes  fastueux  y  avides,  sans  talents  et  désu- 
nis entre  eux,  avaient  mis  la  France  plus  mal 
qu'elle  n'était  avant  Cliarles  V.  Le  désordre  des 
finances  était  tel  que,  même  en  temps  de  paix  , 
l'argent  manquait  pour  tous  les  services  publics , 
et  la  situation  des  cultivateurs  était  si  pénible,  quïls 
abandonnaient  leurs  champs  en  friche  et  se  réfu- 
giaient dans  les  bois  d'où  Ton  voyait  ensuite  sortir 
des  bandes  de  pillards  qui  infestaient  les  grands 
chemins  '.  L'état  était  abandonné,  sans  police , 
sans  justice,  sans  lois,  sans  travaux  publics  :  l'au- 
torité semblait  prendre  à  tâche  de  ruiner  le  com-^ 
merce  comme  Pagriculture,  par  des  emprunts  for- 
cés ,  des  variations  de  monnaies,  des  impôts  de 
tout  genre. 

Les  ducs  d'Orléans  et  de  Bourgogne  régnaient 
tous  les  deux  sur  cette  malheureuse  France,  vic- 
time de  leurs  dissensions.  On  était  accoutumé  à 
voir  dans  le  conseil  ces  deux  princes,  toujours 
dW  avis  opposé  et  prêts  à  se  déchirer.  Un  jour 
cependant  leur  onde ,  le  duc  de  Berry,  essaya  de 


—  u  - 

les  reconcilier,  et  pour  mieux  y  réussir,  les  fit 
communier  ensemble  aux  Auguslius  et  dîner  chez 
lui  ;  là ,  ils  se  jurèrent  une  amitié  éternelle.  Le 
lendemain,  à  la  nuit  ^  le  duc  d'Orléans  fut  assassiné 
à  coups  de  hache  dans  les  rues  de  Paris...  La 
cour  en  était  tout  en  émoi  ;  le  duc  de  Bourgogne 
s'écria  «  que  jamais  en  ce  royaume,  si  mauvais  et 
si  traître  meurtre  n'avait  été  commis  et  perpé- 
tré ^.  »  Mais,  troublé  bientôt  après^  il  avoua  que^ 
tenté  par  le  diable,  il  avait  commis  le  crime. 
Cependant^  il  résolut  d'en  laver  son  honneur  et 
demanda  jour  au  roi  pour  donner  publiquement 
les  motifs  de  cet  assassinat.  Ce  jour  fut  le  8  mars 
1/iO/i.  L'assemblée  était  nombreuse  et  composée 
de  princes^  nobles  et  bourgeois.  Maître  Jean  Petit, 
cordelier  normand ,  prononça  un  long  discours , 
lequel  prouvait  :  i^  Que  la  convoitise  est  la  source 
de  tous  maux;  2^  Qu'elle  a  fait  des  apostats  ; 
3""  Qu'elle  a  fait  des  déloyaux;  U''  Diverses  autres 
vérités  tendant  toutes  à  prouver  que  monseigneur 
de  Bourgogne  aynii irès-bien  agù..  Ce  discours  des 
plus  curieux,  qui  se  trouve  tout  au  long  dans 
Monstrelet,  donne  une  idée  de  l'éloquence  de  ce 
siècle.  Le  pouvoir  du  duc  de  Bourgogne ,  au  lieu 
de  diminuer,  s'en  accrut  singulièrement.  Il  de« 
vint  en  peu  de  temps  seul  maître  du  royaume^ 
qu'il  mena  avec  une  verge  de  fer; 


—  5  — 

Mais  le  jeune  duc  d'Orléans  songeait  à  venger 
son  père  :  uni  au  comte  d'Armagnac,  ilsorganisèrent 
unefaction  puissante  qui  prit  le  nom  de  ce  dernier  et 
lutta  durant  de  longues  années  avec  celle  des  Bour- 
guignons. On  se  battait  partout,  et  Ton  se  battait 
avec  la  fureur  que  mettent  les  partis  à  s'entre-dé- 
chirer,  avecTaviditédu  pillage  que  peuvent  avoir 
des  troupes  qui  n'ont  que  le  pillage  pour  solde. 
Les  terribles  bouchers  de  Paris ,  sous  le  nom  de 
CabochienSj  firent  ruisseler  le  sang  dans  cette 
ville  pour  soutenir  le  duc  Jean-sans-Peur  et  ne 
pas  rester  en  arrière  des  pillards  d'Armagnac.  La 
France  n'avait  ni  gouvernement  ni  roi  ;  Charles, 
dans  ses  moments  lucides,  rendait  des  ordonnan- 
ces dont  une  frénésie  empêchait  l'exécution.  Tour  à 
tour  Armagnac  et  Bourguignon,  il  ne  recouvrait 
une  étincelle  de  raison  que  pour  attiser  la  guerre 
civile. 

Les  Anglais  ne  pouvaient  avoir  d'occasion 
plus  favorable  pour  étendre  leurs  conquêtes.  Leur 
roi  Henri  V,  soutenu  par  d'Armagnac,  s'empara 
de  la  Normandie  et  se  fit  appeler  roi  de  France. 
Tel  était  l'aveuglement  des  partis,  qu'au  lieu  de 
défendre  leur  pays,  ils  négociaient  tous  deux  avec 
le  roi  d'Angleterre  qui  agissait  là  comme  le  troi- 
sième larron  de  la  fable  ^.  Enfin ,  on  en  vint  aux 
grands  moyens  ;  les  4'4rmagnac  çt  \e  cl^uphii^ 


—  0  — 

résolurent  de  se  défaire  de  Jean-^ans-Peur  ;  ils 
tnënagèrent  une  entrevue  sur  le  pont  de  Monte* 
reau,  et  ce  dernier  y  fut  assassiné,  comme  Tavait 
été  le  duc  d'Orléans  dans  la  rue  Barbette,  à  coups 
de  hache....  Le  dauphin  s'en  lava  plus  tard,  non 
par  réloqueuce  d'un  cordelier^  mais  en  écrivant 
aux  bonnes  villes  du  royaume  que  :  «c  reprochant 
au  duc  de  ne  pas  repousser  les  Anglais,  celui-ci 
répondit  plusieurs  folles  paroles  et  chercha  son 
cpée  à  nous  envahir  et  villener  en  notre  personne; 
laquelle,  nous  avons  su,  il  contendait  à  prendre 
et  mettre  en  sa  sujétion.  De  laquelle  chose,  par 
divine  pitié,  et  par  la  bonté  et  aide  de  nos  loyaux 
serviteurs,  nous  avons  été  préservés ,  et,  il,  par  sa 
folie^  mourut  en  la  place  ^.  )» 

Ce  fut  le  tour  du  fils  de  Jean-sans*Peur  de  ven* 
ger  son  père,  et  pour  cela  il  se  ligua  avec  Henri  Y, 
qui,  profitant  toujours  de  l'occasion,  s'empara  de 
Montereau  et  de  Melun  où  il  égorgea  nombre 
de  bourgeois  et  deux  moines  ;  prit  Meaux,  où  il  fit 
pendre  six  chevaliers  reconunandés  à  sa  merci, 
et  vint  enfin  mourir  à  Yincennes,  que  le  nouveau 
duc  de  Bourgognelui  avait  livré  avec  la  Bastille  et 
le  Louvre.  Son  fils  était  encore  au  maillot;  il 
confia  l'Angleterre  au  duc  de  Glocestre  et  la 
France  à  Bedfort  !  Nous  allons  la  lui  voir  enlever, 
cette  France ,  et  par  les  mainsd'une  femme... 


—  7  — 

Charles  VI  mourut  quelques  semaines  après 
Hem:i  V,  abandonné  de  tous;  à  peine  remarque-t- 
on sa  maladie.  Il  avait  régné  quarante-deux  ans..; 
Le  peuple  versa  des  larmes  à  sa  mort^  non  qu'ail 
en  eût  reçu  du  soulagement,  mais  dans  un  temps 
où  tout  ce  qui  touchait  au  pouvoir  opprimait  le 
pauvre^  le  pauvre  devait  de  la  reconnaissance  à 
la  main  puissante  qui  ne  s'appesantissait  pas  sur 
lui. 

Princes  et  chefs  de  factions,  à  cette  malheureuse 
époque,  souillaient  leur  vie  de  crimes  et  la  termi- 
naient victimes  d'assassinats  ou  de  la  vengeance 
du  peuple  :  c'est  ainsi  que  périt  d'Armagnac , 
dépouillé  et  déchiré  par  la  populace  de  Paris. 
Triste  retour  du  sang  qu'il  avait  fait  verser. 

Charles  VII ,  comme  Charles  V ,  arrivait  au 
trône  sous  de  funestes  auspices  et  précédé  par 
une  odieuse  renommée.  La  gravité  des  circon- 
stances suffit  à  peine  pour  donner  un  peu  d'éner- 
gie à  son  caractère  indolent  et  ami  des  plaisirs  : 
proclamé  roi  par  quelques  nobles  attachés  à  sa 
mauvaise  fortune,  il  combattit  et  fut  battu  en  plu- 
sieurs rencontres.  Cinq  mille  français  perdirent 
la  vie  à  la  bataille  de  Verneuil.  Les  Anglais  étaient 
sur  le  point  d'entrer  en  vainqueurs  à  Orléans^  et 
ce  dernier  refuge  du  parti  de  Charles  allait,  en 
ouvrant  ses  portes,  donner  la  France  aux  Anglais, 


—  8  — 

lorsqu'un  miracle  la  sauva.  N'est-ce  pas,  en  effol, 
une  sorte  de  miracle  que  l'apparition  inattendue 
à'une  jeune  paysanne  qui,  rêvant  qu'elle  doit 
sauver  la  France^  endosse  la  cuirasse^  et^  la  lance 
au  poing,  anime  les  soldats,  tue  des  Anglais,  dé- 
livre Orléans,  fait  sacrer  le  roi  à  Reims  et  meurt 
au  milieu  des  flammes  sans  pousser  un  cri  ?  C'est 
la  vie  de  Jeanne  d'Arc...  Notre  cadre  est  bien 
restreint^  mais  comment  ne  pas  sacrifier  quelques 
pages  à  des  aventures  aussi  extraordinaires  ,  aussi 
glorieuses  pour  notre  pays? 

Nëe  à  Domremy,  en  Champagne,  vers  1Ù12, 
Jeanne  n'avait  devant  les  yeux,  depuis  son  en- 
fance, que  la  misère  du  peuple  de  son  village,  et 
n'entendait  que  des  imprécations  contre  les  An- 
glais auteurs  de  ces  maux.  Toutes  ses  prières 
étaient  pour  la  délivrance  de  son  pays  et  la  des- 
truction de  l^élranger.  Cette  idée  était  devenue 
chez  elle  une  idée  fixe.  Elle  avait  des  visions;  elle 
croyait  entendra  un  ange  lui  dire  d'aller  trouver 
le  roi  ou  ses  hommes  d'armes  ;  deux  saintes  lui 
apparaissaient  aussi  et  troublaient  chaque  nuit  son 
sommeil...  Enfin  Jeanne  obéit.  Renvoyée  comme 
folle  par  le  sire  de  Raudriconrt,  elle  ne  se  rebuta 
point  et  passa  plusieurs  jours  en  prières,  essayant 
sans  cesse  de  parler  aux  gentilshommes.  Elle  crut 
alors  entendre  des  voix  lui  dire  de  prendre  un 


—  9  w 

vétemenl  d^honime  et  de  chausser  l'ëperon.  Elle 
partît  pour  Chinon,  où,  après  trois  jours  d'hési- 
tation^ le  roi  consentit  à  la  voir.  Elle  embrassa 
ses  genoux  en  disant  :  Très-noble  Seigneur,  le  roi 
des  cieux  vous  mande  par  moi  que  vous  serez 
sacré  et  couronné  à  Ueims^  et  que  vous  serez  son 
lieutenant  au  royaume  de  France.  Charles  Técouta 
avec  complaisance,  et  la  fit  interroger  par  tous 
ses  conseillers  ;  là,  chaque  docteur  lui  expliquait 
savamment  ses  doutes  :  «  Je^ne  sais  ne  A  ne  6, 
disait-elle,  mais  je  viens  de  la  part  du  roi  du  ciel 
pour  faire  lever  le  siège  d'Orléans  et  conduire  le 
roi  à  Reims.  »  Enfin,  il  fut  décidé  qu'on  accep- 
terait ses  offres.  Ses  saintes  pratiques  lui  don- 
nèrent  en  peu  de  temps  un  prodigieux  renom  dans 
Pesprit  du  peuple  et  de  Tarmée,  dont  elle  corrigea 
les  mœurs  dissolues  et  réforma  la  discipline.  Tous 
se  sentaient,  dit  la  chronique,  reconfortés  par  la 
vertu  de  cette  simple  fille.  Chacun  voulait  tou- 
cher son  vêtement,  son  cheval  ou  son  étendard. 
Avant  de  commencer  les  hostilités,  elle  écrivit  au 
duc  de  Bedfort  de  retourner  en  son  pays  :  «  Si 
vous  ne  le  faites,  lui  disait-elle,  attendez  nouvelles 
de  la  pucelle  qui  vous  ira  voir  bien  fièrement  à 
votre  grand  dommage;  je  suis  ici  envoyée  de  par 
le  roi  du  ciel  pour  vous  bouter  hors  de  toute 
France.  »  Les  Anglais  rirent  et  méprisèrent  sa 


^  40  — 

lettre,  et  cependant  huit  jours  plus  tard  ils  avaient 
abandonné  le  siège  d'Orléans*. ».  Le  roi  et  ses 
guerriers,  pleins  d'admiration  et  de  confiance»  ne 
doutèrent  plus  de  la  mission  divine  de  Jeanne. 
A  peine  guérie  d'une  grave  blessure  qu'elle  avait 
reçue  sur  la  brèche^  elle  voulut  amener  le  roi  à 
Reims,  et  cette  fois  l'on  n'hésita  plus.  On  la  suî« 
vit  de  victoire  en  victoire;  toujours  animée  du 
même  zèle,  elle  soignait  les  blessés,  leur  fiBÛsail 
donner  la  communion,  animait  les  soldats;  et  les 
Anglais,  partout  battus,  cédaient  pas  à  pas  leter^ 
rain  de  France.  Enfin  Ton  arriva  à  Reims,  où  le 
roi  fut  sacré  le  17  juillet  1429^  après  avoir  été 
fait  chevalier  par  le  duc  d'Alençon.  Jeanne  au- 
près de  lui,  tenant  fièrement  son  étendard  victo- 
rieux, versait  des  larmes  de  joie  :  «  Gentil  roi, 
s'écria-t-elle  à  Tinstant  de  la  cérémonie,  or  est 
exécuté  le  plaisir  de  Dieu.  »  Elle  croyait  sa  mis- 
sion accomplie,  et  supplia  le  roi  de  lui  permettre 
de  se  retirer  à  Domremy  ;  mais  Charles  ne  voulut 
pas  perdre  un  si  bon  appui ,  il  n'eût  plus  été 
sûr  de  ses  troupes.  Jeanne,  toujours  attachée  à 
son  roi^  lui  gagna  encore  des  batailles  et  des 
villes.  La  fortune  se  lassa  cependant  de  lui  être 
fidèle  y  et  elle  expia  cruellement  quelques  an- 
nées de  triomphe  :  blessée  et  prisonnière,  elle  fut 

amenée  au  camp  des  Anglais,  qui  cruient,  en 

à 


—  41  — 
la  voyant,  avoir  de  nouveau  conquis  la  France. 

Après  six  mois  passes  dans  les  prisons  d'Arras 
et  de  Cretoy,  Jeanne  fut  conduite  à  Rouen,  où 
l'on  fit  forger  pour  elle  une  cage  de  fer  qu'on 
plaça  dans  la  grosse  tour  du  château.  C'est  là 
qu'elle  était  journellement  insultée  par  ses  gar- 
diens et  les  seigneurs  anglais.  Son  procès  se  jugea, 
et  la  plus  odieuse  sentence  fut  portée  contre  elle. 
On  voulait  lui  faire  avouer  ce  qu'on  appelait  ses 
sorcelleries.  Des  tortures  affreuses  ne  purent  lui 
arracher  autre  chose  que  des  prières  et  ces  simples 
mots  :  «  Tout  ce  que  j'ai  fait,  j'ai  bien  fait  de  le 
faire,  »  Cependant,  lorsqu'on  lui  annonça  qu'elle 
serait  brûlée,  la  nature  l'emporta  un  instant  ;  elle 
se  prit  à  pleurer  et  à  s'arracher  les  cheveux  : 
«  Hélas!  disait-elle,  réduire  en  cendres  mon 
corps  qui  est  pur  !  J^aimerais  sept  fois  mieux  qu'on 
me  coupât  la  tête...  Ah!  j'en  appelle  à  Dieu ,  le 
grand  juge  des  cruautés  et  des  injures  qu'on  me 
fait.  »  Ainsi,  protestant  de  son  innocence  et  se 
recommandant  au  ciel,  on  l'entendit  encore  prier 
à  travers  les  flammes,  et  le  dernier  mot  qu'on  put 
distinguer  fut  «/^^i/^.'  « 

Jeanne  n'existait  plus;  mais  l'armée  qu'elle 
avait  guidée,  les  généraux  accoutumés  à  vaincre 
à  ses  côtés,  et  les  Dunois,  les  Xaintrailles,  conti- 
nuèrent ses  conquêtes.  Indolent  témoin  des  efforts 


—  4i  — 

de  ces  braveâ^  Charles  oubliait  dans  les  plaisirs 
qu'il  avail  encore  des  ennemis,  et  cependant  le 
duc  de  Bedfort,  ayant  repris  courage,  fit  cou- 
ronner Henri  VI  à  Paris  pour  s'attacher  les  ha- 
bitants, ce  qui  ne  lui  réussit  guère  ;  car  il  ne  fallut 
que  la  défection  du  duc  de  Bourgogne,  honteux 
enfin  de  son  alliance  avec  Tétranger,  pour  rendre 
cette  ville  et  In  France  à  son  roi  :  son  entrée  dans 
Paris  fut  admirable,  disent  les  anciens  récits  :  on 
y  vit  tous  les  princes  et  tous  les  seigneurs  cha- 
marres d'or  et  de  broderies,  ainsi  que  les  pages  et 
les  guerriers  revêtus  d'armures  éclatantes,  les 
étendards  flottant  au  milieu.  On  y  vit  une  caval- 
cade composée  des  sept  vertus  tftéologales  et 
caixlinalesj  et  des  sept  péchés  capitaux*  Des 
saints  mystères  étaient  joués  sur  la  route  du  cor- 
tège :  ici,  c'était  toute  la  Passion,  et  le  traître 
Judas  se  pendant  par  désespoir  ;  ailleurs,  Saint* 
Micliely  pesant  les  dinesy  ou  Marguerite  foulant 
aux  pieds  le  dragon.  La  joie  du  peuple  était 
grande,  et  Charles  avait  les  larmes  aux  yeux  d'être 
M  bien  reçu...  Aussi  jura--t-il  en  entrant  dans  la 
cathédrale  qu'il  tiendrait  loyaument  et  bonne- 
ment tout  ce  que  bon  roi  devait  faire.  Il  tint  une 
partie  de  ses  promesses  :  maître  enfin  paisible  de 
son  royaume,  il  y  rétablit  un  ordre  qu'on  n'était 

pluq  hç^bitué  ^  y  voir  depuis  Churle»  V.  5^s  derr 


^  43  — 

toièi^es  années,  plus  heureuses  pour  ses  sujets, 
furent  empoisonnées  de  chagrins  domestiques; 
son  fils  Tabreuva  de  douleurs  :  ce  fils  fut  plus 
tard  Louis  XI. 

Charles  VI, tombé  en  démence;  quelques  grands 
se  disputant  en  son  nom  la  tyrannie  ;  leurs  que- 
relles devenues  des  guerres  civiles;  les  Anglais, 
secondés  par  nos  discordes ,  usurpant  un  instant 
la  couronne  de  nos  rois  ;  la  France  changée  en  un 
vaste  champ  de  bataille ,  sa  ruine  presque  cer- 
taine ;  puis  tout-À-coup  un  triomphe  inespéré,  et 
nos  anciens  vainqueurs  tombant  de  toutes  parts 
avec  leur  conquête  et  leur  gloire  ;  après  vingt  ans 
d'mie  oppression  orageuse,  le  peuple  trouvant 
enfin  la  paix  et  des  lois  ;  changements  et  réformes 
dans  les  mœurs,  Fétat  et  PEglise;  la  noblesse 
échangeant  son  indépendance  pour  la  faveur,  et 
préparant  elle*méme  sa  servitude  que  Louis  XI 
va  rendre  plus  dure  et  plus  honteuse  encore  ^. . . 
Tel  est  le  spectacle  que  nous  ofire  la  première 
moitié  du  XV'  siècle. 

La  seconde  lui  ressemble  peu. 
£levé  au  milieu  des  troubles,  témoins  des 
guerre  suscitées  à  la  couronne  par  une  foule  de 
princes  et  de  seigneurs,  Louis,  né  despote  et  dis- 
simulé voulut  régner  seul  :  sans  égard  pour  les 
services  passés,  le  rang  ou  la  naissance,  il  donna 


—  4H  — 

• 

toutes  les  charges  k  des  serviteurs  dévoues  et  ha- 
biles ;  il  s*en  ëtait  fait  une  quantité  de  toutes  con- 
ditions que  Ton  savait  prêts  à  lui  obéir  en  tout,  à 
exécuter  ses  volontés  sans  ménager  personne^  et 
à  ne  reconnaître  ni  bien»  ni  mal,  ni  juste  ni  in- 
juste, lorsqu'il  s  agissait  d'accomplir  un  comman- 
dement du  roi.  a  C'était^  dit  M.  de  Barante^  un 
grand  motif  de  crainte  et  de  méfiance^  chacun 
tremblait  pour  soi  et  se  trouvait  contraint  de  mé<- 
nager  humblement  des  gens  de  rien  qu'au  fond 
on  détestait  et  méprisait.  » 

La  féodalité  allait  recevoir  le  dernier  coup;  elle 
se  releva  un  instant,  sous  prétexte  de  soulager  le 
peuple  de  son  despotisme  ;  les  nobles  se  liguèrent 
contre  le  monarque  ;  le  duc  de  Bourbon  lui  écri*- 
vit  une  lettre  insultante  où  il  lui  reprochait  son 
amitié  pour  des  hommes  de  néant,  sa  haine  pour 
les  grands  9  etc.  Les  ducs  de  Bretagne,  de  Bour- 
gogne, de  Berrjr,  de  Charolais  et  nombre  d'autres 
unirent  leurs  étendards ,  armèrent  leurs  vassaux, 
et  cette  croisade  de  nouvelle  espèce  se  nomma 
Ligue  du  bien  public.  Le  bien  public  joue  toujours 
un  rôle  dès  qu'il  s'agit  de  mettre  le  peuple  de  son 
côté.  Louis  avait  une  armée  régulière  et  discipli- 
née ,  grâce  aux  bons  généraux  de  son  père  ;  mais 
il  fallait,  pour  faire  face  à  tant  d'ennemis,  di- 
viser  ses  forces  :  une  grande  bataille  livrée  à 


—  45  — 

Montlfaâry  n*eut  d'autre  résultat  que  de  verserbea u- 
conp  de  sang.  La  politique  astucieuse  de  Louis  XI 
gagna  du  temps  et  termina  tout  à  l'avantage  de  la 
monarchie.  Seul  contre  tous,  cela  semble  assez 
difficile  j  mais  c'était  là  le  caractère  de  son  génie. 
«  Sa  ruse,  dit  Mézerai,  était  admirable.  Il  trou- 
vait le  moyen  de  gouverner  leurs  maîtresses,  leurs 
favoris  et  tous  ceux  qui  les  approchaient.  Il  en 
étudiait  les  humeurs  et  les  désirs  afin  de  les  ga- 
gner. Il  caressait  jusqu'aux  moindres  valets,  ache- 
tait leur  fidélité,  quoi  qu'elle  coûtât,  et  ne  se  re- 
butait pas  pour  avoir  été  éconduit  deux  ou  trois 
fois;  mais  il  persistait  toujours  à  force  de  pré- 
sents et  de  caresses,  tant  qu'il  eût  gagné  ceux  qu'il 
croyait  lui  être  utiles...  » 

Geprincese  laissa  cependant  tromper,  et  souvent 
il  se  prit  dans  ses  propres  filets  :  sur  le  point  de  ter- 
miher  par  une  bataille  ses  différends  a  vecla  maison 
de  Bourgogne,  Louis  XI,  comptant  sur  son  habileté 
de  négociateur  et  sur  le  peu  de  finesse  de  Charles- 
le-Téméraire ,  fut  se  mettre  dans  les  filets  de  son 
ennemi.  Charles^  étonné  de  cette  visite,  apprit 
pendant  le  séjour  de  son  hôte  royal  à  Péronne  la 
révolte  des  Liégeois;  furieux  à  cette  nouvelle,  il 
accusa  Louis  de  les  avoir  engagés  à  secouer  le  joug 
de  la  Bourgogne ,  et  le  retint  prisonnier.  Le  roi 
de  France  fut  obligé^  pour  sortir  d'embarras ,  de 


—  ré- 
signer tout  ce  qu^OD  voulut ,  et  d'aller  en  personne 
combattre  les  Li^eois,  dont  il  avait  rëellement 
excite  la  rébellion^  et  au  milieu  desquels  il  criait  à 
côté  de  son  terrible  vassal  :  Ville  gagnée  !  Vive 
Bourgogne.  Il  obtint  ainsi  sa  liberté. 

A  son  retour  dans  Paris  ^  plusieurs  kabilants 
avalent  instruit  des  geais  et  des  pies  à  prononcer 
le  nom  de  Pémnne.  Louis  se  vengea  de  sa  mésa- 
venture sur  ces  malhemreux  oiseaux  et  leurs  mali* 
cieux  instituteurs. 

Le  cardinal  Balue,  Tune  de  ces  créatures  tirées 
du  plus  bas  étage,  le  trahit  quelque  temps  après  ; 
mais  pour  cette  fois  Louis  découvrit  la  trame  et 
enferma  le  cardinal  dans  une  cage  de  fer  de  huit 
pieds  carrés ,  invention  du  prélat  lui-même.  Ci- 
tait justice,  car.  à  en  croire  divers  historiens^  Ba- 
lue  était  un  être  sans  moeui^s,  sans  foi^  ingrat^ 
vindicatif,  effronté,  ne  connaissant  ni  patrie,  ni 
souverain  ,  ni  religion  ;  immolant  tout  à  son  in- 
térêt ou  à  ses  plaisirs...  Si  ce  portrait  est  vrai, 
on  ne  peut  plaindre  Louis  XI;  quand  on  donne 
sa  conflance  à  de  pareils  hommes,  on  doit  s'atten- 
dre à  tout  8. 

La  guerre  avec  la  Bourgogne  n'était  pas  finie. 
Louis  avait  trop  peu  de  foi  pour  tenir  les  traités 
signés  à  Péronne,  et  le  duc  un  caractère  trop  im- 
pétueux pour  y  souffrir  la  moindre  infraction.  Des 


—  47  — 

intrigues  de  cour  vinrent  se  joindre  à  ces  causes 
de  troubles,  et  l'empoisonnement  du  duc  de 
Guyenne^  frère  et  ennemi  de  Louis ,  ayant  donne 
à  Gharles-le-Téméraire  un  juste  prétexte,  il  rava- 
gea les  provinces  du  roi  avec  une  férocité  digne 
du  sixième  siècle.  Arrivé  devant  les  murs  deBeau- 
vais ,  la  résistance  des  bourgeois  et  Faudacieuse 
résolution  d'une  femme  le  forcèrent  à  lever  le 
siège  :  Jeanne  Hachette  se  présenta  sur  la  brèche^ 
répée  à  la  main,  arracha  l'étendard  bourguignon^ 
renversa  le  soldat  qui  le  portait ,  appela  ses  com- 
pagnes ,  et ,  de  concert  avec  elles ,  fit  pleuvoir  sur 
les  assaillants  des  pierres  et  du  feu.  LesBeauvai- 
siens ,  animés  par  leur  exemple ,  repoussèrent 
Charles  et  les  siens,  Louis  récompensa  le  service 
des  femmes  de  Beauvais  en  instituant  une  pro- 
cession où  elles  avaient  le  pas  sur  les  hopimes,  et 
leur  permettant  de  porter  les  habits  et  les  bijoux 
qu'elles  voudraient.  Etait-ce  bien  là  la  récompense 
qui  convenait  à  de  pareilles  héroïnes  ? 

Charles  VU  avait  formé  lés  gardes  écossaises  ; 
Louis XI  institua  la  garde  suisse,  et  fit  avec  cette 
nation  un  traité  maintenu  jusqu'à  nos  jours  ^. 

Charles*le-Téméraire^  ne  sachant  où  porter  s^^ 

brigandages^  se  hasarda  dans  les  montagnes  de  ce 

peuple,  pauvre,  fier  et  courageux  ;  les  Suisses  lui 

envoyèrent  des  députés  porteurs  de  ces  paroles  : 

V.  a 


•  Qu'y  a-t-îl  à  gagner  avec  non»?  Pays  stérile , 
villes  pauvres ,  toutes  nos  richesses  rassemblées  ne 
valent  pas  les  brides  de  vos  chevaux ,  les  ëpées 
de  vos  chevaliers...  »  Charles  ne  tint  compte  de 
la  harangue  ;  il  attaqua  les  Suisses ,  et  ses  premiers 
succès  furent  marqués  par  des  cruautés  qu'il  ex- 
pia bientôt.  Chassé  des  gorges  sauvages  de  Gran- 
son,  il  vint  assiéger  Mérat...  Dix-huit  mille  Bonr- 
guigncms  y  furent  exterminés  ,  et  leurs  os  rassem- 
blés ont  formé  une   chapelle  expiatoire  sur  le 
champ  de  bataille ,  jusqu^au  moment  ou  les  ba- 
taillons bourguignons  de  1798  ont  détruit  ce  mo- 
nument^ qui  rappelait  une  défaite  de  leurs  ancê- 
tres. A  cette  défaite  de  Granson  le  trésor  et  les 
équipages  du  duc  restèrent  au  pouvoir  des  vain- 
queurs ;  jamais  ces  montagnards  n'en  avaient  vu 
de  pareils  ;  ils  prenaient  l'argenterie  pour  de  l'é- 
tain  ;  un  Suisse  ramassa  le  beau  diamant  du  duc^ 
le  jeta  comme  un  morceau  de  verre,  le  reprit,  le 
livra  à  un  prêtre  pour  un  florin;  le  prêtre  le  vendît 
un  éeu.  Depuis  ce  temps  il  a  été  évalué  deux  mil- 
lions^ et  est  estimé  le  second  des  diamants  de  la 
couronne. 

Peu  de  temps  après  cette  double  défaite , 
Nancy,  dont  le  duc  voulait  faire  la  capitale  d^un 
nouveau  royaume,  tomba  au  pouvoir  de  Louis  XI. 
Charles 9  désespéré^  s'abandonna  au  plus  violent 


déêèêpbit  :  il  laidsa  croître  9a  barbe  et  é^  Ofiglei , 
né  changea  plus  d'habits,  et^  au  milieu  des  neiges 
d'un  hiver  aflfireux  ^  fut  mettre  le  siège  devant 
Nancy,  D  y  cottibàttit  en  furieux  et  y  trouva  k 

■ 

iROi*t.  Le  politique  Louis  ne  put  contetiir  sa  joie 
k  cette  nouvelle  inattendue  et  s'empressa  d'en 
^ofiter.  Sa  tyrannie  rf'eutpltts  de  bornés  f  eMôfirë 
d»  fattléo»  Otîvier-Ie-^DaiÉn ,  barbier  qti'il  nink 
Ibfe  rtfînîsire,  de  sèn  compère  Tristan  ^*^,  df*ast*i> 
logues^  d*èrniites  et  ^autres  personnages  de  trelte 
a6T(e>  il  s*enl!ferma  dans  son  château  dé  Pîèssts^ 
lè^TourS ,  dorit  les  portes  et  les  fenêtres  hrfrJssrfes 
êë  fers ,  les  avenues  couvertes  de  trappes ,  Tiso^ 
hilent  dé  tout  ce  qu'il  y  avait  de  pur  à  la  c<mr; 
et,  de  là,  au  milieu  des  reliques  qu41  se  faisait 
apporter  de  tous  les  coins  de  l'Europe  ,  il  dictait 
ses  traités^  ses  ëdits,  ses  éxecutions,  ses  Véngean^ 
ces^..,  et  au  knilieu  des  craintes  étemelles  de  ta 
mort ,  il  s*amusait  à  y  tracer  le  dessin  de  son  tom- 
beau futur...  Son  corps  languissant  dépérissait  à 
vue  d'œil  ;  prêt  à  mourir  enfin ,  il  défendit  qu'on 
j^ciOnçftt  le  mot  terrible  et  voulut  qu*on  TâVer- 
Itt  de  son  heure  suprême  en  lui  disant  :  Parlsz 
petë»  Il  retrouva  dti  courage  à  ses  derniers  moments 
«K  estptra  eii  invoquant  sa  bonne  vîer*ge...  Cette 
v4eipgé>  témoin  de  toua  ses  erime^^  et  dont  il  por* 
tifti  Ai#kli  lillMrge  en  ptonib^eoûime  pMf  le^tûOt- 


—  10  — 

mettre  avec  impunitë!  Après  chaque  forfait  U 
s^agenouillait  devant  elle  et  lui  demandait  hum* 
blement  Tabsolution...  La  France  doit  beaucoup 
à  Louis  et  n*ose  lui  en  savoir  gre.  Mauvais  fib^ 
mauvais  frère ,  mauvais  ëpoux ,  roi  cruel  et  aana 
foi^  il  a  cependant  su  rendre  à  ses  sujets  une  jus- 
tice sévère ,  réprimer  les  vexations  des  grands , 
encourager  l'industrie ,  mettre  de  Tordre  dans 
l'administration  ,  réunir  à  la  couronne  plusieura 
provinces  importantes,  et  affermir  la  monarchie. 
Louis  XI  peut  être  un  grand  roi ,  mais  à  coupait 
ce  ne  fut  pas  un  bon  roi.  Son  successeur  ne  fut  ni 
Tun  ni  Vautre;  au  contraire  de  Louis,  ditCom» 
mines,  Charles  YIII  avait  bon  cœur  et  mauvaise 
tétc  :  ce  Gommines ,  autrefois  secrétaire  du  duc 
de  Bourgogne,  et  que  Louis  attacha  à  lui  pendant 
sa  captivité  à  Pérou  ne,  a  été  Thistorien  le  plus 
célèbre  de  son  règne.  SHl  rendit  quelques  services 
à  son  maître  pendant  sa  vie,  il  fut  bien  funeste  à 
sa  mémoire  en  consignant,  jour  par  jour,  toutes 
les  horreurs  de  sa  vie  privée  et  le  peu  de  foi  de  ses 
actes  royaux.  Non  seulement  Louis  fut  toujours 
perfide,  mais  en  trompant  ses  voisins  il  leur*  ap- 
prenait à  Tétre  ;  aussi  fut-il  souvent  dupé ,  et  ses 
vengeances  alors  étaient  terribles.  De  sombres  ca« 
chots,  des  cages  de  fer  et  son  tombeau ,  voilà  les 
seuls  monuments  que  nous  a  légués  son  règne. 


Plus  de  quatre  mille  victimes  Tont  précédé  au 
tribunal  suprême,  où  il  arriva  dëcoré  du  titre  en- 
core inusité  de  roi  trèS'Chrétien , . . .  il  eût  mérité 
plutôt  celui  de  roi  trèa^superêtitieux  ;  on  n*avait 
pas  encore  appris  à  distinguer  deux  choses  si  dif- 
férentes. Tous  les  rois  depuis  Louis  XI  ont  porté 
ce  titre  de  roi  très^hrétien ,  bien  peu  Tout  mé- 
rité! 

Charles  n  avait  pas  quatorze  ans  lorsqu'il  monta 
sur  le  trdne.  Dans  un  pays  où  la  couronne  est  hé- 
réditaire, il  ne  peut  y  avoir  de  troubles  que  pour 
la  régence  ;  aussi ,  à  chaque  minorité,  voit-on  une 
guerre  civile.  Le  duc  d'Orléans,  gendre  de  Louis, 
voulait  gouverner  sous  le  nom  de  Charles  VIII^ 
mais  les  états  de  Tours  ne  le  lui  permirent  pas. 
Il  fut  se  faire  un  parti  dans  les  provinces^  fut 
battu  et  rentt*a  en  grâce  en  attendant  de  régner  à 
son  tour.  Le  grand,  ou  pour  mieux  dire  le  seul 
événement  du  règne  de  Charles^  est  la  guerre  de 
Naples  :  le  jeune  souverain ,  entouré  de  jeunes 
courtisans ,  se  prend  de  passion  pour  la  gloire , 
rassemble  toutes  ses  forces  et  jure  de  ne  revoir 
son  palais  qu'après  avoir  conquis  l'Europe  ;  il  en- 
tre en  vainqueur  à  Florence,  à  Rome,  où  régnait 
l'horrible  Borgia  qui  daigna  le  proclamer  empe- 
reur d'Orient,  à  Naples  enfin,  d'où  il  repartit  après 
avoir  pris  le  titre  à! Auguste.  C'est  tout  ce  que 


lui  TiUt  M  oûoquâte  :  à  peine  wri?^  an  Fran^Bâ 
dis  lui  fol  enleva  par  Ferdiaandi!^  Caiholiçue^ 
GoDwlve  de  Çofdouei  qui  reodireat  le  royaume 
à  BPfi  aouver^in,  Charles  mourut  d'uue  apoplexie. 
I^  ëtato  de  Tours  avaient  été  convocpaés  par  çp 
prince,  en  iU^  i  iU  firent  une  peinture  efl^yantis 
iles  n^lbeuTB  du  peuple»  mais  n^  cbangèreiH  r i#n 
à  .«a  situation.  «  Le  peuple,  disaient-ils,  oppriiM 
a  4m  £0113  par  des  gens  de  guerre  qu'il  pa^^  ^pepea- 
4|i|t  ppur  en  être  pi*otége ,  et  par  les  oIScieiBS 
iJs^g^s  de  penoey oir  les  revenus  du  roi ,  astiabass^ 
iU  ^  fn^Â^pns  4lévastees,  et  erre  sans  «uj^istanas 
à^a^  Içn  f^êt^.  La  piMpart  dê^  laboureui^  k  qui 
9P  |i  ê^in  jti6qu'4  leurs  chevaux ,  attelant  leufs 
fl^^ies  et  leurs  en&nts  à  la  charrue)  et^  nVisant 
niéine  labourer  que  la  nuit ,  dans  U  crainte  4'êtfe 
a^Tetdis  et  jetés  da«>s  les  cachots ,  se  eachent ,  pen- 
dant le  jour^  landisque  d'autres  ^  redits  au  déses- 
poir, iiiieut  chez  les  étra^geI;s^  après  avoir  égorgé 
leur  fanaille ,  qu'ils  n'étaient  plus  en  état  de  nour- 
rir ^^^.  » 

Louis  XII  commença  son  régne  par  œ  mot 
célèbre  qui  mit  un  terme  aux  divisions  inté- 
rieures :  «  Le  roi  de  France  ne  venge  pas  les  in* 
f  jures  du  duc  d'Orléans.  ^  Les  peuples  sont  bien 
pKÙns  difficiles  à  contenter  qu'on  ne  le  croit 
généralf(0ient«  î^mj  pédant  k  la  manie  des  foi|- 


i^  «5  — 

quétea  qui  3'^tait  emparée  de  la  noblesse  fran- 
çaise^ et  encouragé  par  son  ministre  le  cardinal 
d'Amboise,  dépensa  Targent  de  ses  sujets  à  des 
victoires  inutiles  en  Italie,  où  il  s'avilit  par  l'al- 
liance de  rhorrible  famille  des  Borgia  :  battu  en 
France  par  les  Anglais  et  les  Impériaux,  trahi 
par  le  pape,  les  Suisses  et  Ferdinand-le-Catho- 
Uque,  il  eut  un  règne  peu  brillant  à  Textérieur, 
mais  il  aima  réellement  son  peuple  et  en  fut  aimé. 
Grâce  à  cet  amour  du  bien  public  et  à  une  sage 
économie  dans  quelques  parties  de  l'administra-* 
tion,  tout  prospéra  dans  le  royaume  :  le  com- 
merce devint  florissant ,  l'industrie  augmenta 
rapidement,  les  villes  se  bâtirent  mieux,  les  fau- 
bourgs s'agrandirent ,  les  landes  et  autres  lieux 
incultes  se  défrichèrent.  Cependant,  les  denrées 
se  soutenaient  à  plus  haut  prix,  preuve  de  plus 
grande  consommation.  Les  péages,  gabelles,  greflès 
et  autres  revenus  semblables  augmentaient  des 
deux  tiers  sur  le  règne  précédent  ^^.  Ce  bien-- 
être était  si  réel  et  si  bien  senti  qu'à  une  assem- 
blée des  états  généraux  qui  eut  lieu  à  Tours, 
l'orateur  chargé  d'ordinaire  de  porter  au  roi  les 
griefs  et  les  doléances  de  la  nation ,  lui  fit  le  ta- 
bleau de  la  France  heureuse,  et  lui  donna,  au  nom 
de  ses  mandataires ,  le  titre  de  Père  du  peuple  l 
Qu^U^  plus  douce  récompense  peut  demander  un 


—  il»  -^ 

roi  ?  Louis  en  ëtait  digne.  II  versa  des  larmes  de 
joie  en  le  recevant...  Les  Français  en  versèrent 
de  douleur  à  sa  mort  :  a  Ce  bon  roi,  disaient>il8, 
nous  a  fait  vivre  en  paix  ;  il  a  ôtë  la  pillerie  des 
gens  d'armes  et  mieux  gouverne  qu'aucun  roi  ne 
fit  '\  > 

En  rësumë ,  le  r^ne  de  Louis  XII  ne  fut  pas 
celui  d^un  grand  capitaine^  encore  moins  d'un 
grand  politique  ;  mais  ce  fut  celui  d'un  bon  père 
qui  administre  en  conscience  et  avec  amour  le 
bien  de  ses  enfants.  Son  successeur  ne  devait  pas 
rimiter.  Aussi  Louis  qui  le  connaissait,  disait-il 
souvent  de  lui  :  Ce  gros  garçon  gâtera  tout... 

Ambitieux  de  tous  les  genres  de  gloire ,  Fran- 
çois P'  désirait  surtout  briller  dans  les  jeux  guer- 
riers, et  dans  les  fêtes  de  sa  cour.  Une  figure  noble 
et  belle,  une  taille  ëlevëe,  de  Tadresse,  de  l'esprit 
et  beaucoup  de  vivacité  lui  eussent  fait  un  nom 
s'il  n^eût  été  que  simple  baron  ;  mais  ces  bril- 
lantes qualité ,  nécessaires  au  courtisan ,  nuisi- 
rent à  rhéritier  du  trône ,  et  surtout  au  succes- 
seur de  Louis  XII. 

Aussi  présomptueux  que  brave,  il  crut  conqué- 
rir TEurope  avec  autant  de  facilité  que  le  prix 
d'un  tournoi  ;  après  s'être  fait  des  ressources  par 
la  vente  des  charges  de  judicature ,  il  mena  les 
Français  au-delà  des  Alpes ,  battit  les  Suisses  à 


—  25  — 

Afarignan;  et,  après  cette  victoire  chèrement 
achetée  et  un  traite  de  paix  perpétuelle  avec  cette 
nation,  qui  s'engagea  à  ne  plus  servir  aucun  état 
contre  la  France  ^  il  se  fit  armer  chevalier  par 
Bayard.  Jojeux  d'un  tel  honneur,  le  chevalier 
sans  peur  et  sans  reproche  s'écria  en  sortant  son 
épée  :  «  Tu  es  hien  heureuse  d'avoir  aujourd'hui 
à  si  vertueux  et  si  puissant  roi  donné  Tordre  de 
chevalerie!...  Ma  bonne  épée,  tu  seras  moult 
bien  comme  relique  gardée  et  sur  toute  autre  ho- 
norée «*!  » 

Ce  premier  succès  obtenu  à  vingt  ans  augmenta 
encore   la  présomptueuse  confiance   de  Fran- 
çois I".  Le  trône  d'Allemagne  était  sans  souve- 
rain ;  il  crut  pouvoir  Toccuper,  mais  il  avait  af- 
faire à  un  terrible  concurrent.  Charles-Quint, 
peu  doué  de  qualités  brillantes;  en  avait  de  plus 
solides,  qui  toutes  manquaient  au  jeune  prince  : 
grand  politique ,  habile  négociateur,  il  l'emporta 
facilement  sur  lui,  et  de  ce  moment  datent  tous  les 
malheurs  de  François  I*'.  Une  partie  de  l'Europe 
se  ligua  contre  la  France,  et  le  roi  compta  parmi 
ses  ennemis  Tun  de  ses  meilleurs  généraux,  le 
connétable  de  Bourbon.  Ce  dernier,  vainqueur  à 
Marignan,  ne  reçut  en  récompense  que  des  mor- 
tifications, et  s'en  vengea  cruellement  en  prenant 
parti  pour  Charles-Quint.  Bajard,  la  fleur  des 


chevaliera  de  Troque  ^  perdit  la  vie  eadëfeA** 
dant  contre  lui  son  pays  et  son  roi.  Ce  roi  ioqpnn 
dent  3'inquiëtait  peu  de  la  coalition  :  Tamour^ 
les  plaisirs  et  les  lettres  lui  firent  toujours  our 
blier  ses  infortunes. 

A  en  cxoire  Brantôme  ^  Tan^iral  fionnivet  li» 
détermina  à  repasser  les  Alpes  en  lui  parlant 
ayee  feu  des  charmes  d'une  belle.  Milanaise  ;  iL 
consulta  &eA  vieux  guerriersi  mais .  n'épouta  pua 
leurs  remontrances  :  il  y  perdit  la  foitaille  dû 
Pavie  et  la  liberté.  Le  roi  de  France,  vaincu  pat 
son  sujet  le  duc  de  Bouii>on  et  prisonnier  de 
Cbarles-Quinti  écrivait  à  sa  mère  :  Tout  est  pardn 
fors  Thonneur.  £n  effet,  il  erétait  battu  comme  no 
lion  et  refusait  avec  dignité  les  propositions  avi^ 
liasantes  de  Tempereur^  Il  faiblit  plus  tard  ;  «en** 
nuy é  de  sa  prison  9  il  aœepta  le  traité  »  revit  aa 
patrie  et  manqua  à  ses  engagements ,  objetitaot 
que  la  France  ne  pouvait  ratifier  un  contrat  ooé»- 
reux  auquel  elle  nWait  point  eu  de  part.  Charles* 
Quint  9  pris  dans  ses  propres  filet$|  se  contenta 
dWe  somme  de  douce  cent  mille  écus  ^  et  VEurr 
rope  fut  tranquille  quelques  années. 

La  civilisation  marche  vite  en  temps  de  paix» 
et  François  I*^  Taida  de  tout  son  pouvoir  ;  les  arts 
et  les  lettres  lurent  surtout  encouragés  par  ce 
prince  ^irituel  et  ami  dea  plaisirs»  U  achetait  d«s 


«•  ty  «- 

tMÊÊSÉSt  pfêimmf  loi  proptfsfttt  «en  laodàb  Vax 
aitisteB  français ,  faisait  Tmir  à  grands  frais  ded 
Hummerits  dé  ritalfç-at  de  là  Gràee^  eonsultait 
Buàéf  Ijaioalts ,  «oirespondait  a^ec  Ëra^ïae^  visî^ 
teit  dumieuRS  aleliws  le  Prknatîee  -et  liëonardde 
Yintrik  ïre  premier,  il  fit  n^i^er  ^^  Fmnce  la 
phjnâque  et  la  l)9tamt!|«re  ;  il  oonmi^nça  le  Louvre 
^  bfrtit  lest^teail^x  de  iïliambord  et  de  Footai-- 
mbieaiii  Ses  seins  len  pluseetift  étaient  dirigés 
^mrê  l'tédwoatûiti..^  Toal  «liait  au  «aieuic ,  lorsqiie 
ie  dépsfrt  de  Gharke^mat  pOat  TAfrique  lui 
dMkflia  de  iHMTelles  idëes  de  t)aiH|«^s  {  il  peoê% 
fiimofe  Ml  MtlaRaisy  et  le  due  Sforoe  lui  ayant 
fbonri  vtm  prilÊ&xtm  l^itime^  «1  -s^nlp^a  du  Pi^ 
taofil  vl  entra  en  Lombaidie^  ^utmd  r'ein|)eteur 
itnxmma  *yi^ili<|(»rat  de  l'AiriqUe^  DeveuU  tiusai 
tmpmdimt  t|uè  son  lival ,  il  né  eefigeait  à  lûeo 
moins  ^'à  s'emparer  de  la  Franee*  Mais  i^e  fdtea 
Tain  qu'il  se  {»*ësenta  derani  Marseille  «t  Arles  ; 
les  provençaux  le  contraigpîrettt  4  i^às^ar  les 
Alpes.  Montmèrency  avait  tout  brûlé  sur  eon 
passage,  et  eè  terrible  expédient  liti  avait  réussi.  ^  • 
L'ambition  d^an  roi  est  un  cruel  flëau  pour  nùn 
peuple.  Ces  dtoux  tentatives  de  conquête  n^euïwnt 
d'iaitre  résultat  que  la  ruine  de  la  IVovence  ;  ils 
avaient  ftiil  une  solitude  de  la  plus  riobe  contrée 
de  là  FtaHM^  IHiwre  praplei^ 


—  M  — 

François  I*  n^avait  pas  abandoniië  le  Milabais; 
il  se  ligua  avec  le  sultan  Soliman  contre  leur  en* 
nemi  eommun^  et  Charles-Quint  eût  pu  succom- 
ber sous  leurs  coups  réunis,  si  son  astucieuse  poli- 
tique ne  fut  venue  à  son  secours  :  il  employa  le 
pape ,  entama  des  négociations,  les  fit  traîner  en 
longueur  et  obtint  une  trêve  de  dix  ans.  Ce  fut 
alors  que,  se  fiant  à  la  loyautë  de  son  ennemi  le 
plus  acharné ,  il  ne  craignit  pas  de  lui  demander 
une  entrevue  que  François  accorda,  sans  en  pro- 
fiter, comme  l'eût  peut-être  fait  son  rival.  Elle 
eut  lieu  à  Âigues-Mortes,  où,  d'après  la  relation 
d'un  témoin  oculaire ,  il  nVst  gracieusetés  que  le 
roi  ne  fît  à  l'empereur  :  «c  II  se  rendit  à  Vauvert 
et  de  là  à  la  plage  ;  les  souverains  s^embrassêrent 
cordialement  et  firent  leur  entrée  à  Aigues-Mortes 
au  bruit  de  Tartillerie  de  la  ville  et  du  port  :  après 
avoir  repu,  Tempereur  fut  se  jeter  dans  son  lit,  et 
la  reine  étant  venue  heurter  à  Fantichambre ,  le 
sut  éveillé ,  et  vint  avertir  le  roi,  qui  s'y  rendit 
avec  quelques  seigneurs  et  lui  dit  en  entrant  :  Et 
puis,  mon  frère,  comment  vous  trouvez- vous? 
Avez-vous  bien  reposé  ?  L'empereur  répondit 
qu'oui,  et  qu'il  avait  tant  banqueté  qu'il  lui  au- 
rait convenu  dormir.  Le  roi  lui  répliqua  qu'il 
prétendait  qu'il  eût  en  France  le  même  pouvoir 
qu'en  Espagne  et  lui  donna  en  signe  d'amitié  un 


—  29  — 

diamant  estimé  trente  mille  ëcus,  avec  ces  mots 
autour  de  la  bague.  Dilectionis  testis  et  exem- 
plum.  L'empereuç  ôta  son  bonnet  pour  remercier 
le  roi  qui  avait  aussi  ôtë  le  sien,  et  ayant  pris  ]e 
cordon  de  Tordre  quUl  portait  au  col,  il  le  mit  à 
celui  du  roi,  qui  en  fit  de  même*..  Après  le  sou- 
per, la  reine  se  déroba  et  alla  voir  si  la  chambre 
où  l'empereur  son  frère  devait  coucher  était  prête, 
et  ayant  trouvé  tout  disposé^  elle  en  avertit  ce 
prince  et  Faccompagna  jusqu'à  la  porte.  Le  len- 
demain le  roi  vint  Vy  prendre,  ils  entendirent  la 
messe  et  l'empereur  se  rembarqua  pour  l'Es- 
pagne ;  le  roi  revint  à  Aigues-Mortes  après  l'avoir 
accompagné  dans  sa  galère,  et  le  17  juillet  1538 
il  alla  coucher  à  Nîmes.  »  Telles  sont  les  véri- 
tables circonstances  de  cette  entrevue,  rapportée 
par  deux  témoins  oculaires  ^^. 

Cette  entrevue  singulières^  semblait  devoir  ter- 
miner tous  les  différends. •••  Peu  de  temps  après 
les  deux  princes  se  battaient  sur  toutes  leurs  fron-' 
Uères,  le  sang  coulait  en  France  comme  en  Italie, 
et  la  politique  notait  plus  seule  à  faire  des  vic- 
times :  le  fanatisme  était  venu  y  mêler  ses  fu- 
reurs. Ce  serait  ici  le  moment  de  parler  de  Luther 
et  de  la  réforme,  si  cet  événement,  immense  dans 
les  fastes  de  TËurope,  ne  devait  ti^ouver  sa  place 
ailleurs. 


Noos  n^Muadneamê  pis  aénie  li  làomXf  Mbs 
le  pontificat  duqtiel  Det  i$?ëaeaEieBt  s'aoconpls»- 
saît,  eût  pu  étouffer  les  semenoes  du  sohisDm  9n 
agissant  autrement  qu'il  ne  fit,  et  essayant  de 
gagner  Thërësiarque.  Le  fait  est^  et  ici  de  sont  las 
fidts  seuls  qui  nous  occupent  ^  qu'A  le  m^Msa  et 
rexeommunia  en  1530. 

Qc  fougueux  théologieii,  sèufeAii par  fMd^rie, 
duc  de  Saxe ,  devint  alors  FeiitteBli  ifv^wnci- 
liable  de  la  papauté  t  k  Sa>e^  la  Hesse,  BvûJÊh 
mkhj  le  Danemarck^  la  Sukde  secouéMnt  le  f&9^^ 
2^uÎDgle  ajouta  aux  erreurs  de  Luther^  e(  entiilAia 
la  {dus  grande  partie  de  la  Suisse»  Peu  de  tamps 
après  Grenète  embrassa  les  nouvelles  opinions, 
et  devint  Tune  des  capitales  des  protestatta  de 
toutes  les  sectes  nëes  du  Iuthéi4ani8me>  pMtni 
lesquelles  se  distingua  Celle  de  Calvin,  dont  k  doe- 
trine  fit  de  rapides  progrès.  Des  opinions  neuves, 
hardies,  des  problèmes  importants  à  r(&ietedM>  une 
grande  liberté  de  penser,  firent  à  Calvin  des  pF*- 
séljtes  parmi  les  érùdits;  le  vnlgaira  y  trottva 
d'autres  avantages ,  au  pretmer  rang  desquels  ^n 
doit  placer  celui  de  ne  pas  payer  k  dtme. 

Charles^Qnint  avait  accordé  aux  luthériens  la 
liberté  de  conscience^  et  François  1%  p^  ^^^ 
singulière  bisarrerie  de  sa  poIHiqne,  seUguèlt  tt9tc 
les  hérétiques  d'Allemagne  et  kissait  brâicr  Mtiz 


-.-—-.  -.»»•■• 


^  94  — 

de  MOétftM.  Plttsieiirs  bourgs  du  Languedoc  et  de 
Pretenee  où  s'étaient  conservées  les  traditions 
^6s  Albigeois,  avaient  embrassé  la  réformé;  ils 
iîirent  condamnés  au  feu.  Le  parlement  d^Aix 
a^aft  sollicité  la  sentence;  elle  fut  cruelle,  et 
l'exëeistion  épouvantable.  Les  malheureux  villa- 
geois étaient  poursuivis  dé  toôhefs  en  rochers  à 
ia  lue^r  des  feux  qui  consumÂiént  leurs  maisons. 
Diii9  k  seule  ville  de  Cabrîêrës  on  égorgea  plus 
de  sept  cents  habitants  et  toutes  les  femmes  furent 
>«rtlée»  dans  un  grenier  plein  dé  paille  ;  celles  qui 
tentaient  de  '  s'échapper  par  les  fenêtres  étaient 
Mpoussées  à  coups  de  piques  ;  enfin ,  selon  la  te^ 
Hcw  de  la  sentence,  téÉ  maisons  Jurent  rasées  ^ 
le»  bois  coupés,  et  ce  pays  naguères  si  fertile, 
éevint  inculte  et  désert  *^  Ce  fut  là  le  prélude  des 
jttetres  civiles  qui  ont  ensanglanté  la  France.  On 
Irit  depuis  lorâ  des  rois  ordonner  ces  massacres  et 
se  SôuiUer  euic-méiûes  du  sang  de  leurs  sujets.  On 
doit,  du  moins,  à  la  riaémoîre  de  François  I"  de 
tfifé  quHl  fut  affligé  de  ces  horreurs,  et  qu'il  re- 
eommanda  en  môttii^antà  son  fils  Henri  II  défaire 
informer  au  sujet  des  injustes  vexations  du 
paHérrtetlt  StAlx  en  cette  occasion 
'    Quelques  tictbires^  au  nombre  desquelles  on 
itistingue  celle  de  Gérîsoles,  mais  qui  furent  sans 
féMdtàt,  terminèrent  le  règne  de  François  l^^y 


—  tt  — 

qu'on  ne  peut  mettre  au  nombre  des  bons  rois^  el 
qu^on  ne  doit  cependant  pas  frapper  de  réproba- 
tion, n  fit  beaucoup  de  fautes,  leva  beaucoup 
d'impôts,  vendit  les  charges  publiques^  s'aban- 
donna aux  plaisirs^  par  fois  même  à  la  dëbauchey 
mais  il  aima  les  lettres^  protégea  les  arts,  adoucit 
les  mœurs  des  Français  et  ne  fut  étranger  à  aucun 
genre  de  gloire  :  léger,  prodigue,  imprudent^  am» 
bîtieux  ^^j  il  fut  aussi  loyal,  généreux^  spirituel, 
affable.  Ses  contemporains  avaient  quelque  droit 
de  se  plaindre  de  lui^  la  postérité  doit  l'absoudre. 
Digne  fils  de  François  1*%  Henri  II  avait  les 
goûts,  les  vices ,  et  presque  toutes  les  vertus  de 
son  père  ;  aussi  continua-t-il  son  règne  :  conune 
lui,  amoureux  et  esclave  de  Diane  de  Poitiers^  le 
crédit  déjà  bien  grand  de  cette  favorite  augmenta 
au  lieu  de  diminuer;  comme  lui,  rival  de  Charles- 
Quint,  il  lui  prit,  avec  Paide  du  premier  des 
ducs  de  Guise^  plusieurs  villes  de  Lorraine  et  se 
laissa  battre  plus  tard  ;  comme  lui,  il  fit  brûler  les 
hérétiques;  comme  lui,  enfin,  il  fut  passionné 
pour  la  chevalerie  et  les  jeux  guerriers^  et  périt 
dans  un  tournoi.  Vers  le  milieu  de  son  règne  il 
prit  une  singulière  fantaisie  à  Charles-Quint  : 
après  neuf  voyages  en  Allemagne^  six  en  Espagne^ 
sept  en  Italie^  quatre  en  France^  dix  aux  Pay»- 
Basj  deux  en  Angleterre  et  deux  en  Afrique; 


-  55  — 

après  des  victoires  et  des  conquêtes  innombra- 
bles, ce  hëros  du  XVF  siècle,  fatigué  sans  doute 
d^une  carrière  si  laborieuse,  s'^enferma  dans  un 
cloître,  ou  il  regretta  plus  d'une  fois  son  an*» 
cienne  splendeur  et  son  activité  passée.  Phi- 
lippe II,  son  fils,  occupa  sa  place  dans  VEurope, 
qu'il  remplit  de  sang  et  de  bûchers.  Les  trésors 
qu'il  tira  du  Mexique  et  du  Pérou  luî  fournirent 
les  moyens  de  guerroyer  sur  tous  les  points  :  il 
fut  nu  moment  de  prendre  et  saccager  Paris. . . 

Le  nombre  des  calvinistes  s'accrut  singulière- 
ment sous  ce  règne ,  et  peut-être  en  raison  des 
maux  qu'ils  soufirirent*  L'expérience  nous  a  ap- 
pris que  la  persécution  est  ]e  plus  mauvais  de 
tous  les  moyens  pour  anéantir  les  sectes  reli- 
gieuses :  sous  Henri  U,  les  calvinistes  se  compa- 
raient aux  premiers  chrétiens ,  et  cette  compa- 
raison aurait  intéressé  en  leur  faveur  si  Calvin , 
tout  puissant  à  Genève ,  n'eût  pas  livré  aux 
flammes  le  fameux  Servet^  qu'il  accusait  de  ne 
pas  croire  à  la  Trinité  I  Les  passions  des  hommes 
ont  de  tout  temps  dénaturé  la  morale  religieuse 
et  corrompu  ses  bienfaits.  Le  moyen  le  plus 
simple  de  faire  triompher  sa  religion^  n'était-il 
pas  de  l'embellir  par  l'exemple  des  vertus  chré- 
tiennes ?  Mais  elles  étaient  oubliées,  on  égorgeait 
au  nom  du  Christ!. .. 

V.  3 


—  !W  — 

La  mort  de  Henri  II  laissa  Yétki  eti  pnlie  âilt 
factions  :  un  roi  enfiint  est  une  bonne  fbrtone 
pour  les  princes  ambitieux,  et  il  y  en  avait  bon 
nombre  à  cette  époque. 

Des  massacres  multiplies  et  Pexëcution  d'un 
conseiller  au  parlement,  distingue  par  sa  nais» 
sance ,  ses  talents  et  Taustëritë  de  ses  mdeurs  > 
avaient  irrite  les  reformes  contre  les  GnisQ 
qu'un  zèle  outre  pour  la  religion  avait  tiMddS 
odieux  à  tout  ce  qui  n'était  pas  fanatique.  Lëé 
princes  protestants  vôulureht  en  profiter  :  une 
conspiration  dont  Gondé  était  le  chef  vint  ëcfaouétr 
à  Amboise,  devant  le  gënie  de  Guise;  les  conju- 
res périrent  en  braves ,  et  les  supplices  redoublè- 
rent    Gondë,  qu'on  n'avait  pu  convaincre^ 

allait  pourtant  être  pendu,  quand  François  II  s^é^ 
teignt .  Infirme  dès  sbtt  enfance^  ce  priiice  ne  fut 
pour  rien  dans  Thistoire  dé  son  règne.  Il  laissa  ta 
couronne  à  Charles  IX,  âgé  de  dîîc  ans,  c'est  diiiè 
que  rien  n'était  changé  à  Tétat  des  choses  que  16 
nom  du  roi.  , 

Le  duc  de  Guise  avait  fait  épouset  à  Français  If 
là  belle  et  célèbre  Marie  Stuart,  qui^  malgré  toii 
atjûour  pour  la  France  ,  fat  obligée  de  retourttét^ 
eh  Ecosse  où  l'attendaient  de  nouVeilés  et  gràndëa 
infortunes  ^^. 

Nous  voici  arrivés  à  ce  règne  dé  Ohàtteâ  IX , 


—  56  — 

qui  a  acquis  dans  l'histoire  une  bien  déplorable 
c(flëbrîlë.  n  me  dera  impossible  de  suivre  tous  les 
fils  de  celte  astucieuse  politique^  qui  conduisît  la 
France  et  son  roi  au  plus  grand  des  crimes.  Quand 
des  têtes  comme  celles  de  Catherine ,  de  Phi- 
lippe 11^  des  deux  Guise  ^  de  Calvin  et  du  jésuite 
LaîneK^  successeur  dlgnace  de  Loyola;  quand 
d'illustres  personnages  tels  que  Montmorency^ 
Goàdé,  l'Hôpital,  l'amiral  Col igny  et  Thëodofe 
dé  Bèse  se  trouvent  en  pre?sence  soutenant  de« 
int^ét»  divers,  ori  doit  s'attendre  à  Uh^é  lutté 
d^antanl  plus  terrible  que  le  peuple  partage  leur 
furetir  en  insthiment  aveugle,  et  ne  demande 
qu^un  signal  pour  frapper.  Le  cadre  adopté  jus- 
qu'ici m'interdit  les  détails  de  ce  drame  long  et 
sanglant;  contentous^nous  d'en  retracer  les  pritici- 
paut  résultats. 

Le  plus  beau  rôle  appartient  au  chancelier  l'Hô- 
pital :  il  essaya  vainement  de  concilier  les  esprits, 
il  avait  à  ftiire  à  l^ambition  et  au  fanatisme.  Ca- 
therine de  Médîcis,  tantôt  pour  les  calvinistes, 
tantôt  pour  les  catholiques ,  ne  voulait  que  gou- 
verner, et  rien  ne  lui  coûtait  pour  en  venir  à  aés 
fins  :  superstitieuse  et  non  pieuse,  la  religion  n'é- 
tait  iche*  elle  qu'un  moyen. 

Une  ambition  effrénée  animait  tes  Gnise ,  q[m 
ne  TiftMeut  rien  moins  qu'au  trône ,  ^  le  module 

9. 


—  5«  - 

Coligny  n'avait  pour  devise  que  sa  religion ,  son 
pays  et  son  roi*  Ce  roi^  le  personnage  le  plus  nul 
de  la  cour^  n  entendait  et  ne  voyait  que  par  les 
oreilles  et  les  yeux  de  Catherine. 

La  France  ëtait  en  feu  ;  chaque  province  avait 
sa  guerre  civile^  plusieurs  parlements  répétaient 
le  signal  du  parlement  de  Paris  :  courrez  sus  aux 
huguenots  ^M  et  les  huguenots  périssaient  par  mil- 
liers; à  Toulouse^  en  cinq  mois,  on  en  tua  cinq 
mille ^;  vaiqueurs  sur  quelques  points^  ils  souil- 
laient leur  triomphe  par  des  représailles  non 
moins  horribles  :  un  de  leurs  cbefs^  le  baron  des 
Adrets^  est  devenu  célèbre  par  sa  cruauté  dans  un 
temps  où  elle  était  si  commune,  t  Aussi ,  dit  Bran- 
tôme ,  le  craignait-on  plus  que  la  tempête  qui 
passe  par  de  grands  champs  de  blé  ;  jusque  là  que 
duns  Rome  on  appréhendait  qu^il  arm&t  sur  mer 
et  qu'il  la  vînt  visiter.  »  La  mort  qui  décimait  les 
masses  hérétiques  et  catholiques  n'épargnait  pas 
les  chefs:  Montmorency,  le  maréchal  Saint- An- 
dré, le  roi  de  Navarre,  père  de  Henri  IV,  furent 
tués  en  combattant;  le  duc  de  Guise  termina  sa* 
belliqueuse  carrière  sous  le  poignard  de  Poltrot , 
gentilhomme  protestant.  On  s'était  battu  avec 
acharnement  à  Rouen,  à  Dreux,  à  Orléans,  et,  dans 
tous  ces  combats  célèbres^  pas  un  étranger  ne  fut 
tué;  le  Français  n'en  voulait  qu'au  Français!  si 


—  37  — 

Ton  pouvait  justifier  cette  ardeur  fanatique ,  -  le 
duc  de  Guise  serait  un  grand  homme  :  doue  des 
plus  nobles  qualités  ^  il  était  Toracle,  le  seul  espoir 
de^son  parti  et  depuis  long-temps  faisait  pâlir  l'as- 
tre de  Catherine^  qui  le  haïssait  mortellement  et 
qui  dissimula  mal  sa  joie  en  héritant  de  son  pouvoir. 
Tous  ces^  grands  événements,  pressa,  accumu- 
lés l'un  sur  l'autre  y  ne  laissaient  pas  les  haines 
s'assoupir  :  une  nouvelle  bataille  fut  livrée  à  Jar- 
nac;  le  prince  de  Condé,  vaincu^  y  fut  assassiné 
de  sang-froid  par  Montesquieu  après  avoir  rendu 
les  armes.  Goligny  sauva  les  débris  de  Farmée  y 
qui  prit  pour  chef  le  jeune  Henri  de  Navarre^ 
destiné  à  jouer  un  bien  plus  grand  rôle.  La  ba- 
taille de  Montcontour,  aussi  funeste  à  la  réforme 
que  celle  de  Jarnac ,  fut  suivie  d'une  afireuse 
boucherie  de  huguenots;  leur  sang  ruissela  dans 
le  Béam,  la  Saintonge  ,  la  Guienne  et  le  Poitou. 
Fatigué  d^une  si  longue  campagne,  le  due  d'Anjou 
et  Catherine  accordèrent  à  leurs  ennemis  une  paix 
perfide ,  et  semblèrent  revenir  à  des  sentiments 
humains,  à  des  idées  de  tolérance.  Ils  firent  plus: 
ils'  attirèrent  à  la  cour  le  vieux  amiral,  que  Ca- 
therine et  Charles  IX  accueillirent  avec  des  ap- 
parences de  vénération,  d'amitié^...  et  le  jeune 
roi  de  Navarre,  à  qui  Charles  fit  épouser  sa  sœur. 
Ce  monarque  avait  atteint  sa  majorité,  mais  IV. 


—  58  — 

cenéf  nt  que  sa  raàre  avait  pria  mr  lui  était  Irap 
fort  pour  que  oet  ëyënement  oKange&t  rien  aux  af- 
fiEiirea  du  royaume.  Son  caractère  était  auasi  timide 
que  soinbre ,  haineux  et  dissimule.  Gatherine  l'a- 
vait aoooutumé  à  trembler  devant  elle  ;  il  eonau- 
mait  sa  triste  existence  à  craindre  y  à  soupçonner 
tout  ce  qui. l'entourait  et  n'avait  quelque  plaisir 
que  dans  les  vices  auxquels  il  se  livrait  avec  eette 
brutalité  qui  en  augmente  la  laideur.  Aus«  sa 
mèi>e  ne  lui  tnvait-elle  qu'un  défiiut  :  celiti  de 
ne  pas  savoir  donner  à  ses  goûts  une  forme  agréa- 
ble et  polie.  On  ne  peut  tout  réunir,  et  la  bo»ue 
femme  avait  tort  de  se  plaindre  de  cettQ  légère 
imperFeetion. 

La  cour,  quoique  appauvrie  par  tant  de  guerres 
civiks,  élait  Piniage  du  goût,  de  la  grâce  et  de 
Populence.  Cent  cinquante  tillea  d'honneur  oliôi- 
sies  parmi  les  plus  belles  et  les  p)u3  nobles  de 
France  y  répandaient  un  cliarme  corrupteur  qui 
laissait  peu  de  place  à  la  politique  et  aux  pensées 
sérieuses^  on  y  oubliait  la  religion  pour  les  dfu- 
êe$,  les  spectacles ,  les  concerts  et  les  fêtes  de  tout 
genre.  Catherine  seule  veillait  au  milieu  de  ce 
sommeil  enchanteur  ;  elle  veillait  pour  caresser 
ses  ennemis,  semer  la  discorde  dans  leurs  rangs 
et  les  anéantir  après.  L*un  des  soins  les  plua  as^ 
sidus  de  Tastucieuse  italienne  était  d'instruire  son 


—  59  — 

fibà  jouer^dansThomble  tragédie  qu'elle  prépa- 
jW>t  y  vku  rôle  digne  d'elle.  Son  disciple  fit  mer- 
YfiUIe  cette  fois  :  sa  sœur  élevait  quelque  .scru- 
pules religieux  sur  ce  mariage ,  qui  devait  attirer 
à  Paris  le  roi  de  Nayarre  et  sa  cour  ;  Charles  cour- 
rrac^  s'^ria  :  «  Si  ma  sœur  fif argot  refuse  ,  je  la 
conduirai  épouser  en  plein  prêche.  »  Le  pape , 
q^  n'était  pas  dans  le  secret ,  se  plaignait  avec 
amertume  de  cette  alliaqce  avec  un  roi  huguenot  : 
.«  Groyea  en  ma  parole,  dit  Charles  au  légat  du 
pontife ,  je  sais  ce  quQ  je  fais  et  ma  mère  aussi  ; 
encore  un  peu  de  temps  çt  le  pape  sera  obligé  de 
IdBuer  mon  zèle  pour  la  religion  é  »  Us  appelaient 
cela  de  la  religion!...  Lorsque  l'amiral,  trompé 
pas  les  lettres  du  roi ,  quitta  ses  champs  malgré 
les  conseils  de  tous  ses  proches  pour  se  rendre  à  la 
cour^  le  jeune  hypocrite  osa  lui  dire  en  Pembras- 
sant  :  «  Nous  vous  tenons  maintenant ,  mon  père, 
vous  i^  nous  échapperez  plus  !  »  La  reine  de  Na- 
varre y  £emme  simple  et  austère,  mais  clairvoyante, 
pouvait  âiire  échouer  leurs  desseins ,  elle  fut  em* 
poisonnée.  Charles  l'appelait  sa  bonne  et  chère 

iantey  sa  mieux  aimée 

Mais  en  voilà  bien  assez  pour  faire  connaître  la 
part  qu'eut  le  roi  dans  cette  infernale  machina- 
tÀQimi  dont  la  préméditation  est  assess  prouvée  par 
tou^le^  auteurs  c^mtemporains. 


—  W)  — 

Henri  de  Guise,  fils  du  dernier  duc  de  ce  noniy 
ne  respirait  que  vengeance  depuis  la  mort  de  son 
père^  qu^on  affectait  d'attribuer  au  vénérable  ami* 
raL  II  n'eut  pas  la  patience  d'attendre  le  dénoue- 
ment ,  ou  craignait  de  manquer  sa  proie  :  il  en- 
voya un  assassin  qui  ne  fit  sa  besogne  qu'à  moi- 
tié. Coligny  blessé,  étendu  sur  son  lit  de  douleurs, 
y  reçut  la  visite  du  roi,  et  sa  grande  àme,  que 
rien  ne  pouvait  détromper,  était  encore  touchée 
en  entendant  son  roi  lui  parler  comme  le  fils  le 
plus  tendi  e  :  t  Mon  père ,  lui  disait-il ,  vous  êtes 
blessé  vraiment  >  mais  je  sens  la  douleur  de  votre 
plaie.  Par  la  mort  Dieu  !  je  vengerai  cet  outrage 
si  roidement  qu'il  en  sera  mémoire  à  jamais...  »  et 
le  monstre ,  irrité  contre  la  maladresse  de  Guise  » 
aiguisait  des  poignards  plus  sûrs. 

Il  hésitait  cependant  au  moment  fatal.  On  ne 
pouvait  lui  arracher  ce  signal  tant  désiré  par  Ca- 
therine et  les  fanatiques.  Il  jetait  des  regards  fa- 
rouches sur  ses  courtisans  rassemblés  autour  de 
lui  ;  tous  frémissaient  et  croyaient  voir  Tarrét  de 
leur  mort  dans  un  moment  d'hésitation  et  de  i*e- 
pentir.  Galherine  elle-même  craignait  de  n'avoir 
pas  comnuiniqué  assez  de  scélératesse  à  son  fils^  et 
s^étudiaità  Taffermir  en  montrant  la  plus  grande 
liberté  d'esprit.  Troublé  jusque  dans  son  &me,  dit 
un  contemporain,  il  était  comme  muet,  éprouvant 


des  convulsions  et  des  tressaillements.  L'ordre  fu- 
neste est  enfin  sorti  de  sa  bouche,  la  cloche  sonne, 
et  cette  fête  infernale,  préparée  avec  tant  de  soin, 
commence  : 

Le  palais,  les  Tuileries,  les  bords  du  fleuve, 
les  places  publiques^  les  rues^  les  édifices  sacrés 
et  profanes  sortent,  comme  par  un  jeu  de  théâtre^ 
de  ces  demi-ténèbres  qui  les  enveloppaient,  et 
resplendissent  de  clartés.  Toutes  les  façades  des 
maisons  sont  éclairées  comme  en  plein  jour; 
presque  à  chaque  fenêtre  brille  un  flambeau ,  on 
dirait  un  vaste  incendie  qui  rougit  au  loin  Thori-f 
zon.  Goligny  fut  la  première  victime  immolée  à 
la  fureur  de  Guise  et  de  Catherine.  La  mort  du 
vieux  guerrier  fut  digne  de  sa  vie. 

Quelques  bourgeois  qui  avaient  devancé  Theure 
du  meurtre,  vinrent  se  réunir  aux  soldats  de 
Guise,  et  tous  ensemble,  à  un  signal,  partent  pour 
leur  expédition  homicide.  Guidés  par  ces  clèirtés 
terribles  qui  enveloppent  la  capitale  comme  dans 
un  cercle  de  feu,  ils  reconnaissent  Thabitalion 
des  hérétiques  à  des  signes  fraîchement  tracés. 
Ombrez,  dépôt*  le  roi  y  est  le  mot  d'ordre  des 
meurtriei^s  :  quelques  uns  se  hâtent  d'obéir,  et 
leur  vie  s'éteint  avec  la  lumière  qu'ils  ont  allumée 
pour  reconnaître  qui  les  appelle  ;  d'autres  ^  ou- 
vrant leurs  fenêtres  pour  voir  qui  frappe  à  cette 


-»  lAi  — 

havre  âvtneëe^  toniheiit  ttteiiits  de  viftgt  haUei  à 

U  fois;  un  autre  s'enveloppe  dans  d'ëpab  ipéit- 
meoU  et  feint  de  dormir  profondément }  «Ion  sa 
porte  d'habitation  vole  en  éclats,  et  d^iK  cm  trais 
iMisassins  y  se  détaehaut  ^  vont  Tégorger  duns  son 
Ut.  Quelquefois  ils  n-ensauglantent  pas  le  fojer 
domestique,  mais»  amehant  la  victime  de  sa  çon- 
^he ,  ils  la  traînent  dans  la  rue  et  la  livrent  à  la 
populace. 

Qatberine,  alors  à  sa  fenêtre,  compte  et  iicnmne 
tout  bas  à  l'oreille  de  son  fils,  les  cadavres  qam  1^ 
^  soldats  entassent  dans  la  cour  du  Louvre^  sourit  à 
ceux  qui  dépouillent  les  morts,  les  mpntee  à  ses 
tourtisans,  et  semble  s'enivrer  au  miliea  de  eelte 
vapeur  de  carnage,  qui  s'élève  comme  un  nuage 
autour  d'eUe* 

Pendant  que  le  sang  coule  ainsi  à  grands  flots 
sous  les  yeux  de  la  reine,  les  gardes  de  nuit  y  les 
quartenters,  les  dizeniers,  les  boui^eois  auxquels 
on  a  distribué  des  armes,  sortent  de  leurs  de- 
meures, en  répétant  :  Tuel  tue!  Le  bruit  des 
clocbes  y  le  frottement  des  armes ,  le  retentisse- 
ment des  pavés ,  la  marche  vagd^nde  des  assas- 
sins^ le  mouvement  de  translation  des  flambeaux, 
se  mêlent  à  ces  cris  que  l'écho  nocturne  rend 
plus  horribles  encore.  Alors  le  massacre  <leirieiit 
général;  point  de  ^é  pour  l'âge ^  le  sexe  eu  la 


«i|]|qi|Q^  ^n  T'«P««n»ît  Vt^oF^UqW  î  quicqnque 
l^^nii^  ^  {WT^  ^  ri|pfvr(>ehç  4'uf(«  b^iodi?  aripëe, 

O»  ^t.  ^(WT9i9f é  )  f^  l)^é^u$  ;   q^^  Krefus^  de 

«4pf^4]^  «»ij  4^m%acle  l$i  vi^  est  l^^^(^\ie;  qui 
u»  fKWrte  f9A  m  feras  d^  ci;m^  feln^cbe,  est  he'r^- 

Ui&r  VuppeU?,  6»st  hérétique.  Ije3  ^ssas^fn^  p'ont 
pas  besoin  de  parler;  il  n'y  a  pas  ici  déjuges; 
|oi»t  9Sk  feoiifreau  }  §i  i^  r^r^îs  p^r-plo^  tW»bçii|t  de 
telfs.là¥i»fij,  cVrt  pwr  9e  plwpd^*  de  leur  f^tigup, 
OU  pOOT  î««dt#r  nu  pfttkut  i  WSqre  Je  plu#  §pu- 

mmpkt 

P^ursuiYÎs  de  low^ep  piMTli  par  le%  i^^ii^^Qiçs.  dopt 
ifi^^endi^  k  qapîtajii» ,  tr^q^^  fitOi^mQ  die^  feétes 
iisiuves,  eu  vain  kft  prot^sUiut^  ^s^yent^-ils.  de 
trempa  lei  destÎB  :  s'jlsi  §e  jeUpl^t:  dws  des  teqi- 
plea  catholicpies ,  d^  g9r4e#  ^rm^s  veiUeut  aux 
portas  {  sHl3  s'(^pFoch^i|t  du  ï^ouyi^e)  \^  Sui^iies 
sont  là  qui  \^  aUeud^ut)  le  o^Qusquçt  en  arV^ut , 
et  Charles  VU  çst  ^yqq  e\m  1  Tarquebusç  à  la  m^Wy 
Iq  monalre  tire  mv  s^  si\|^t3  ^l 

Ce  joar,  lu  nuit  suiy^te  çt  1^  Jour  qui  vint  «n- 
suitfi  écJlanrèrent  de  nouvelle  Si^^u^  d^  meurtre. 


-  w  - 
blics  restèrent  suspendus;  les  rues  désertes  ta'ëtaieiit 
traversées  qu'à  de  longs  intervalles^  par  quelques 
voyageurs  qui  regardaient  autour  d'eux,  et  se 
hâtaient  de  fuir  cette  ville  homicide  ;  toutes  les 
fenêtres  étaient  closes,  et  les  portes  des  habita- 
tions fermées.  Les  catholiques,  frappés  de  terreur 
comme  les  réformés,  n'osaient  sortir;  quelques 
centaines  d'individus  armés  tenaient  dans  leurs 
mains  la  vie  d'un  demi-million  de  leurs  sem- 
blables • 

Le  crime  était  consommé  et  le  supplice  de 
Charles  commençait.  Ses  terreura  toujours  crois- 
santes ne  lui  permettaient  pas  de  prendre  un  ins- 
tant de  repos  ;  soit  crainte  ou  remords ,  il  rejetait 
la  responsabilité  de  cette  journée  :  «c  Ecrivez  ^ 
disait-il,  que  les  Guise  ont  tout  fait...  >  Mais 
Catherine  est  là  pour  le  calmer  ;  elle  lui  prouve 
par  de  longs  raisonnements  que  son  action  est 
juste  et  agréable  à  Dieu,  elle  lui  montre  les 
prêtres  de  Nismes  jetés  vivants  dans  un  puits , 
les  sépulcres  des  rois  violés  à  Cléry  et  à 
Vendôme,  l'église  de  Saint-Martin  détruite  ,  les 
ruines  de  dix  mille  monastères,  les  reliques  des 
saints  jetées  au  vent!...  Et  Charles,  rassuré^  rit 
de  ses  visions  et  se  jette  dans  les  bras  de  sa 
mère  ^*  ...  De  pareils  êtres  peuvent-ils,  après  de 
pareils  forfaits,  vivre  et  régner  encore?  Ecoutez, 


—  «5   - 

et  voyez  la  fin  :  Le  massacre  a  parcouru  la 
France ,  Gatlierine  s'est  délivrée  de  tous .  ses  en- 
nemis, elle  a  atteint  son  but,  elle  va  être  heu- 
l'euse...  Mais  la  nuit  du  2U  août  a  pour  jamais 
éloigné  le  sommeil  de  ses  paupières;  ses  cheveux 
ont  blanchi  en  quelques  heures;  sa  figure  s'est 
ridée ,  et  dégoûtante  du  sang  de  ses  sujets ,  elle 
n'inspire  plus  que  Thorreur...  Charles  est  plus 
hideux  encore  :  à  peine  âgé  de  vingt-quatre  ans, 
il  a  toutes  les  infirmités  de  la  vieillesse ,  sa  tête 
fi^affaisse  sur  sa  poitrine ,  son  œil  hagard  est 
conmie  obscurci  ;  on  dirait  qu'il  n'entend  plus , 
qu^il  n'est  déjà  plus  de  ce  monde.  •.  Il  a  peur  de 
sa  mère.. •  de  lui-même!  Enfin,  il  meurt  aban- 
donné de  tous,  même  de  ses  complices ^  et  la 
postérité  maudit  encore  son  nom... 

Nous  en  avons  assez  dit  pour  prouver  que  la 
religion  et  ses  ministres  sont  innocents  du  crime 
de  la  Saint  -  Barthélémy ,  qui  fut  seulement 
l'œuvre  d'une  femme  horrible,  d'un  souverain 
lâche  et  tremblant  devant  sa  mère  qui  avait  su 
le  fasciner  comme  elle  avait  su  fanatiser  le  peuple 
de  Paris,  pour  le  faire  servir  à  ses  coupables 
desseins...  Ce  jour  là,  sans  doute,  on  eût  vu 
Timage  du  Christ  se  couvrir  d'un  sombre  voile 
et  des  larmes  couler  sur  les  joues  cicatrisées  de 
celui  qui  mourut  pour  le  salut  des  hommes ,  de 


..  f)\3  — 

celui  dbtit  Tétistetttce  huttàim    et  la   Tôttguè 
agonie  ont  divinise  Tahiôur  et  la  charitë... 

Mais  revenons  à  notre  rëcit  dont  aucun  épisode 
ne  viendra  plus  maintenant  arrêter  la  course  Ra- 
pide. Nous  avons  voulu ,  efi  ire  dissimulant  îien , 
montrer  du  moins  dans  le^  fbits  è\it-méme^ 
quels  Airent  lès  Vra%$  atttet^H  d«S  ittbhstruieûi 
masûiactes  trbp  )souvent  tisprùchës  âù  6)Bitho!it^iM1iè. 

Le  due  d^AnJôU,  ^  là  nouvelle  àe  là  tnôft  de 
sôH  frère ,  àttlVa  en  toute  b&t^  de  PblbgM  tt^  t>ii 
lui  aVàit  dontt^  utrè  coûlroUM  d6fit  lé  poMs  !e 
Atîguaît.  Vainquent  à  Jaruac  et  à  BTxitthîotttotWf, 
les  fàtaatiques  croyaient^  aveb  quelque  faistm^' 
Voiïr  en  lui  un  chef  et  Guîse  ttu  riVal  ;  il  ne  iîA 
qu'un  roi  faible  et  bul.  Son  caractère  tst  un  sîlft^ 
gulier  mélange  de  quatitéSs  et  de  vicres  opposés. 
Oh  tw>uve  en  lui ,  dit  Vitet^  les  è^fltàVâjgàtfceS  d^ùn 
idiol,  les  puérilîtës  d^ln  enfant  tna!  ^ev^,  dé  ïâ 
snperslition...  et  parfois  de  h  ]péhétratîtm  et  dû 
jbgeWent.  Assez  brave  pôtir  tfôtteerVer  sron  î^àtig- 
fVoid  et  payer  de  sa  pef^Ube  ^ttt  un  bhamp  èé 
bataille,  il  pAlîsèaît  à  la  vue  d^uft'è  demi-ddUfcaÎYie 
de  bôîirgeois  armes  dépiques^.  Henri  ëtailnëaveô 
d'heûreusès  dispositions;  à  Gatlierine  appartefuaréfttt 
ses  dé&utsèt  sa  nùUitë.  Aussi  fatale^i^êseûfanta  '(^\ 
ses  sujets,  cette  mëgèrè  l'es  abrutissait  pdur  gouiref-* 
ner...  Mais  ton  Yèffiè  âàit  pas^.  Elle  H^a^âflft 


plus  dé  Jpàrtîâaiis  paMni  les  fàtaatiqiies  dë^rôtii^s  à 
Tambitieux  duc  de  Guise,  elle  en  avait  p'çxi  daaé 
les  rangs  des  politiques  ou  amis  dé  la  royauté  6t 
des  lois,  elle  était  en  horreur  aux  Huguenots  .•• 
Henri  de  Guise  est  le  héros  du  règne  d^tienri  III: 
A  un  courage  brillant,  à  Un  coup-d'œil  rapide  et 
sûr^  il  joignait  les  avantages  extâ*ieurs  lés  plus 
séduisants;  Adoré  de  la  popukcé  qui  lé  éôn^iafssâit 
sdMle  nom  ds  Bcàafré^  poussé  ^ar  ht  dudiesse  de 
MotitpéJDisitèr  sA  sceur^  et  isés  notnbtièù^  paKisàtts, 
il  rêva  la  reyànté^.  Pour  arrivera  sdhbut^  il  fitreVï- 
vM  une  ligtte  ^catholique  ibiagitiée  autrefois  par  le 
cârdiftàl  dé  L6rhiine,  [et  Oi^gahisa  nne  guerre 
civile  qui  affligea  la  Franefè  jusqu'au  côurobUttr 
Dïéiit  d'Henri  IV. 

Ou  avait  n^assacré  desmillieris  dé  protestànts^léu^ 
sang  len  enfanta  d'autres;  le  parti  persécuté,  décimé, 
était  devèUu  plus  pùissant.Henrilir,  vaincu  et  forcé 
de  fiiiré  ce  sacrifice  ^  sa  sûreté,  signa  une  paix  hon- 
tisùiire  avec  les  réfohïïés  :  il  s'y  déclarait  contré  te 
ilkaa^ck^  dé  la  Saint-  Barthélémy  qu'il  avait  aidé, 
et  réhabilitait  la  mémoîté  de  Goligny  et  des  chefs 
pfotéaÀan^îs  qu'il  avait  fait  égorgfer  ;  l'exerciée  dé 
Ifettf  Wliglôn  étaitlîbt*e  ;  ib  étaient  admis  aux  chaip-^ 
g^,  ette. ,  etCi  Les  fanatiques  Ue  virent  dians  le  traité 
qU'ncfe  Injure  à  la  relîgioU,  ilss'unifc'eUt  éOUtk*e  leurs 
eiilMH!ili»  ^t  jurèîrekitdén'^èéirqa'à^isecbefdé  la 


—  w  — 

sainte  ligue.  Henri  mëprisë,  haï  des  deux  côtes  ne 
yit  d'autre  moyen  desortir  de  cette  situation  qu*en 
se  déclarant  chef  de  cette  ligue  organise'e  contre 
lui  :  il  n'en  retira  d'autre  fruit  qu'un  surcroît  de 
mëpris...  Pendant  que  Henri  de  Navarre  exerçait 
avec  sa  noblesse  dévouëe^  une  bravoure  et  d'ans- 
tères  vertus  que  devait  plus  tard  admirer  la  France; 
pendant  que  Henri  de  Guise  entretenait  Tardenr 
fanatique  de  ses  partisans  et  de  son  peuple  pari- 
sien ,  le  roi  Henri  le  plus  puissant  des  trois  par 
son  titre,  passait  ses  jours  et  ses  nuits  dans  des  dé- 
bauches infâmes  avec  des  favoris  dignes  de  lui. 
Le  désordre  de  ce  temps  était  hideux  ;  il  semblait 
que  la  Saint-Barthëlemy  eût  laisse  dans  les  esprits 
un  besoin  de  sang  que  rien  ne  pouvait  assouvir. 
Toute  éducation  se  tournait  au  profit  du  crime  ; 
le  comble  de  la  maladresse  était  d'être  puni  pour 
un  assassinat  ;  il  n'en  était  aucun  du  reste  dont  on 
ne  fût  absous,  soit  en  prêtant  de  l'argent  au  roi  , 
soit  en  épousant  une  des  filles  d'honneur  de  la 
reine-mère.  Le  trésor  royal  s'épuisait  en  largesses 
pour  les  êtres  les  plus  vils,  malgré  les  sages  re- 
montrances des  présidents  de  Thou,  Hariay  et 
Séguier.  Toutes  les  places  du  parlement  étaient 
envahies  par  ces  mêmes  favoris  qui  avaient  le 
double  emploi  d'aider  aux  dépenses  et  de  les  voter. 
Un  tel  état  devait  amener  une  crise  ;  on  comp- 


—  rtg  — 

tait  à  Paris  plus  de  vingt  mille  conspirateurs  contre 
la  dynastie  du  Valoîs  (  c'est  le  nom  qu'on  donnait 
à  Henri  III)  ;  des  procureurs  ,  des  huissiers  ,  des 
marchands  et  des  moines  ourdissaient  chaque  jour 
de  nouveaux  complots  pour  enlever  le  roi  et  s'em- 
parer du  Louvre.  Un  conseil  qui  conserva  le  nom 
des  Seize  mettait  en  mouvement  les  seize  quartiers 
qui  divisaient  la  capitale.  Un  transfuge  nomme 
Poulain  dëjouait  chaque  jour  leurs  projets  en  les 
communiquant  au  premier  ministre,  d'Epernon  ; 
enfin  le  duc  de  Guise^  malgn^  l'ordre  formel  du  roi, 
vient  à  Paris  le  braver  en  face ,  et  son  entrée  est 
un  triomphe.  Henri  III  tremble  devant  son  sujet , 
il  fait  venir  les  Suisses  à  son  secours  ;  le  peuple 
s'oppose  à  leur  entrée.  Les  rues  sont  barricadées 
par  des  chaînes  de  fer  ,  des  poutres^  des  tonneaux 
de  fumier.  Grillon  après  avoir  reçu  l'ordre  de  les 
forcer ,  reçoit  l'ordre  contraire^  il  se  retire  en  ex- 
primant hautement  son  mécontentement.  Le  roi 
s'enfuit  à  Ghartres  et  laissa  Paris  en  proie  à  Guise 
et  aux  siens. 

Ce  fut  là  tout  le  résultat  de  ces  grandes  menées. 
Guise  ne  sut  pas  profiter  de  sa  victoire,  et  il  en  re- 
douta les  suites  :  il  recula  devant  son  ouvrage  au 
point  que,  voulant  donner  à  cet  attentat  une  cou- 
leur de  justice,  il  alla  trouver  le  célèbre  président, 

Achille  de  Harlay,  et  en  reçut  pour  toute  réponse 
V.  A 


—  50  ^ 

ces  paroles  prononcées  a yeo  une  mëfnîsante  fierté  : 
«C'est  grand  pitié  quand  le  valet  diasse  le  mat- 
tre.  Au  reste^  mon  ame  est  à  Dieu^  ma  foi  à  mon 
roi^  mon  corps  entre  les  mains  des  méchants  j  ils 
en  feroùt  ce  qu'ils  voudront.  Vous  me  parles 
d'assembler  le  parlement^  mais  quand  la  majesté 
du  prince  est  violée ,  le  magistrat  n'a  plus  d^an-* 
torité.  }^ 

Le  caractère  de  Guise  était  plus  politique  qu0 
bouillant,  il  crut  avoir  nieilleur  parti  du  roi  aux 
prochains  états  qui  devaient  se  tenir  à  Blois,  et  se 
prépara  à  y  frapper  lés  grands  coups.  Henri  III 
qui  le  voyait  s'agrandir  sans  cesse ,  le  prévint  : 
digne  élève  de  Catherine^  il  reçut  son  ennemi  eh 
frère^  et  le  Ht  assassiner  par  ses  gardes,  ainsi  quo 
le  cardinal  de  Lorraine.  Trop  indécis  à  son  tour 
pour  profiter  de  son  crime  et  de  la  première 
consternation  des  ligueurs  sanà  chef  ^  il  retomba 
dans  son  indolence  accoutumée  et  laissa  Paris 
dans  le  trouble,  sans  songer  à  y  reparaître  en  roi< 
La  ligue  en  profita  :  le  parlement  fut  mis  à  la 
Bastille,  Mayenne  succéda  à  ses  frères^  et  ob  le 
proclama  lieutenant-général  de  la  couronne  dé 
France  en  attendant  un  plus  noble  titre.  La  fureol^ 
fanatique  des  parisiens  ne  connut  plus  de  bornes* 
Les  rues ,  les  marchés ,  les  églises  retentissent  dé 
sanglots  et  d'imprécations  :  Invoquons  ces  deui 


—  64  — 

saints  ntartjrrs!  Vengeoiis-les  de  lèura  bouKremixl 
sMorièrent  les  Seize.  On  agite  le^  poignards  jusque 
dans  le  sanctuaire.  Des  hommes  Audacieux  s^of- 
frent  pour  aller  soulever  les  yillés  les  plus' impôt» 
taiktés  du  royaume i  Gbaoun  olïre  une  partie  dé 
ses  biens  pour  contribuer  aux  frais  de  lec^'  Toy  àge^ 
T^iiê  ks  loces  dëebaihës  tiennent  servir  la  cause 
du  fanati^Éfiè*  Tout  excès  est  permis  &  tfui  fait  1m 
plue  exécrables  seroiefntd* 

Gath^iae  tenait  de  meuriri 

Henri  effraye  de  se  yoir  sanel  guide  au  miiiea 

dee  feolrpétes  qui  le  menaçaiGàt,  s6  laissait  aller  au 

dësespoir  lorsque^  pour  la  première  fois^  sa  pensée 

se  Wirfta  ySv»  le  roi  de  Navarre  et  ses  hugilenots; 

il  sd|ela  dans  letirs  bras  éomnle  un  bomme  perdu/ 

et  (pii  de  se^t  maùx^  choisit  le  moindre^  Il  en 

était  de  plus  dangereux  pour  Itri  que  le  lojal 

Béarnais  :  à  peine  ralliance  es^-élle  faite  que  les 

revers  du  roi  se  changent  en  succès  y  Paris  est  sur 

le  peiitt  d^étre  pris>  les  deux  monarques  soilt  à 

SaiJ^-Gleud^  lorsqu'un  matift  (  i''  août  1S89)  le 

roi  est  averti  qu'un  jeune  dominicaid  demandé  à 

lui  jparler  pour  des  afiaire^^  impor  iantés  et  secrètes^ 

GUoi^i  9e>  montre  disposé  à  Téécuter  malgré  seé 

courtiianfi  à  (|lii  il  répond  :  Eb  )  que  ûè  dinAeUi 

pA^  W  préiclicateurs  de  Paris  ^  si  Toa  nte  vojaiC 

triûter  \fif  religieux  sans  considération  1  II  le  fait 

Â. 


—  52  — 

entrer.  Jacques  Glëment  demande  alors  à  lui  par* 
1er  sans  tënK>ins.  Resté  seul  avec  le  roi,  il  tombe 
h  ses  genoux,  lui  remet  une  lettre  et  pendant 
qu'il  la  lit,  lui  enfonce  son  couteau  dans  le  ventre. 
Henri  tombe  en  criant  :  Âh  !  le  mëchant  moine  ! 
Il  m'a  tué  !..' Jacques  Clément  restait  immobile, 
les  mains  levées  vers  le  ciel  ;  le  roi  arrache  le  cou- 
teau de  la  plaie,  en  donne  deux  coups  à  l'assassin , 
les  gardes  accourent  et  Fachèvent.  Dans  le  pre- 
mier moment  la  blessure  du  roi  ne  fut  pas  jugëe 
dangereuse,  mais  le  couteau  était  empoisonné.  ••• 

La  dudiesse  de  Montpensier,  avait  dirigé  ce 
coup.... 

Ainsi  se  termina  la  guerre  des  trois  Henri.  Dans 
cet  heureux  temps  le  poison  et  le  poignard  fai^ 
saient  justice  de  tout  :  l'ambition  du  Guizard  fut 
punie  par  le  f^aloiSy  le  méprisable  Valois  tomba 
sous  le  couteau  d'un  moine;  un  poignard  attendait 
aussi  le  loyal  et  brave  Béarnais.... 

Henri  IV  (car  nous  pouvons  enfin  lui  donner 
ce  nom  chéri)  Henri  IV,  avec  quelques  sujets  fidèles^ 
était  entouré  d'ennemis  implacables  que  lui  fai-^ 
saient  et  sa  religion,  et  sa  bravoure,  et  la  simplicité 
de  ses  mœurs.  Toute  la  noblesse  corrompue 
d'Henri  III  se  retira  pour  se  joindre  à  la  ligue; 
Targent  manquait  comme  les  soldats  ;  la  galté  et 
le   courage  restaient  seuls.  Il  était  difficile  de 


—  65  — 

prendre  Paris  avec  de  pareilles  ressources.  Paris 
fut  pris  cependant;  mais  que  de  peine,  que  de 
constance,  que  d'habileté  ne  fallait-il  pas  au  roi 
des  braves  pour  en  venir  là!  Vaincre  Mayenne 
avec  des  forces  dix  fois  moindres,  payer  ses  troupes 
avec  des  éloges  et  des  saillies,  donner  partout 
l'exemple  d'une  valeur  téméraire,  vaincre  encore 
à  la  célèbre  bataille  d'Ivri,  bloquer  la  capitale 
affamée,  battre  les  Espagnols....  Tout  cela  fut  un 
jeu  pour  Henri.  Il  pouvait  entrer  dans  Paris  que 
les  ligueurs  etTardeur  du  fanatisme  défendaient 
seok,  il  abjura  pour  épargner  le  sang  des  Français; 
et  les  Français  qui  avaient  su  Fapprécier  en  le 
combattant,  lui  ouvrirent  leurs  portes  avec  joie  «s. 
La  ligue  tomba  alors ,  et  avec  elle  s'éteignit 
le  XVI"  siècle  et  ses  souvenirs  de  sang  ^. 


,.r.  .  ., 


..      i^  •     ■ 


—  6*  — 

Gil4P|TBE  SECOND. 


3^As  le  nkîit  des  ëvënements  européens^  nous 
avâos  lia  laisser  k  la  Fr^»ipe  una  large  part,  q«i^- 
4|He  resserre  que  fl&t  notre  eadre.  Maie  les  C|îte  ce 
nuikiplleat  )é  tnesure  ^e  nous  avançons,  ce  ré' 
msqmi  absoebjsrak  le  Toliimp  tout  entier  si  noveac- 
condîons  uqe  place  igale  aux  autoss  ëtats.  Nous 
410US  oonteoieRops  donc  d^un  eoup^d'œil  mpide 
flilirieB  fastes  des  «allons  de  TËurc^pe  pepidaiâ  les 
quinzième  et  aeieième  eièdes  avant  dWrWer  à 
rapprëciation  morale  des  faits  qui  perdront  dès- 
lors  leur  spécialité  pour  se  confondre  et  s'unir  ^ 


La  longue  rivalité  de  TÂngleterre  et  de  la 
France  ;  la  lutte  contre  la  France  au-dehors,  la 
guerre  des  deux  roses  au-dedans,  sont  les  deux 
grands  faits  de  l'histoire  d'Angleterre  au  XV*siècle, 
Les  maisons  d'Yorck  et  de  Lancastre  pesaient  alors 
sur  l'Angleterre  conomie  pesaient  sur  la  France 
celles  d'Armagnac  et  de  Bourgogne.  Nous  avons 


i-  55  — 

TU  la  lutte  des  deux  royaumes  et  la  lâche  ven- 
geance que  les  Anglais  tirèrent  de  leurs  défaites 
en  brûlant  rhéroïne  qui  les  avait  chassés  de  la 
terre  de  France.  Trente  ans  de  désordres  et  la 
guen*e  civile,  lune  des  plus  furieuses  qui  figurent 
dans  l'histoire,  suivfsnt  ce  honteux  auta^Orfé^ 
comme  une  punition  du  ciel...  L'ambition  et  les 
prétentions  à  la  cQurx)nne  de  deux  princes  rivaux 
;en  furent  la  cause  ou  le  prétexte.  La  force  décida 
par  deux  fois  entris  les  deux  prétendants  :  War^ 
wiok  et  son  armée  placèrent  sur  le  trôneÉdouard 
d  Yoi^ck;  mécontents  de  ce  souverain,  ils  se  révol- 
tèrent ensuite^  et  Henri  de  Lancastre  qui  avait 
fait  son  entrée  dans  Londres  »  sous  le  ventre  d'un 
cheval  et  aux  huées  de  la  populace,  fut  proclame 
par  le  peuple  et  le  parlement.  Ce  dernier,  qui  avait 
nommé  Edouard  roi  légitime  de  l'Angleterre,  le 
déclara  traître  et  usurpateur.  ••  Plus  tard,  Edouard^ 
vainqueur  de  Warwick,  le  faiseur  de  rois  ^,  rentra 
dans  sa  bonne  ville  de  Londres  où  Henri  YI  fut 
assassiné  par  le  duc  de  Glocester,  qui  annonçait 
déjà  ce  que  devait  être  Richard  UL 

Ainsi  ilnit  la  guerre  des  deux  roses  qui  coûta 
la  vie  à  plus  d'un  million  d^hommes  et  à  quatre- 
vingts  princes  du  sang  royal. 

Frère  du  feu  roi  et  tuteur  de  son  fils,  Glocester 
voulut  s'emparer  du  trône.  Fouii)è   et  brave  ^ 


—  52  — 

entrer.  Jacques  Glëment  demande  alors  à  lai  par* 
1er  sans  témoins.  Reste  seul  avec  le  roi,  il  tombe 
h  ses  genoux,  lui  remet  une  lettre  et  pendant 
qu'il  la  lit,  lui  enfonce  son  couteau  dans  le  ventre. 
Henri  tombe  en  criant  :  Âh!  le  méchant  moine! 
Il  m'a  tué  !..  Jacques  Clément  restait  immolule, 
les  mains  levées  vers  le  ciel  ;  le  roi  arrache  le  cou- 
teau de  la  plaie,  en  donne  deux  coups  à  Fassasun, 
les  gardes  accourent  et  Fachèvent.  Dans  le  pre- 
mier moment  la  blessure  du  roi  ne  fut  pas  jngfc 
dangereuse,  mais  le  couteau  était  empoisonne.  ••• 

La  dudiesse  de  Montpensier,  avait  dirige  oe 
coup.... 

Ainsi  se  termina  la  guerre  des  trois  Henri.  Dans 
cet  heureux  temps  le  poison  et  le  poignard  fai« 
saient  justice  de  tout  :  l'ambition  du  Guizard  fat 
punie  par  le  F^aloiSy  le  méprisable  Valois  tomba 
sous  le  couteau  d'un  moine;  un  poignard  attendait 
aussi  le  loyal  et  brave  Béarnais.... 

Henri  IV  (car  nous  pouvons  enfln  lui  donner 
ce  nom  chéri)  Henri  IV,  avec  quelques  sujets  fid^es^ 
était  entouré  d'ennemis  implacables  que  lui  fiô* 
saient  et  sa  religion,  et  sa  bravoure,  et  la  simplicité 
de  ses  mœurs.  Toute  la  noblesse  corrompue 
d'Henri  III  se  retira  pour  se  joindre  à  la  ligue; 
l'argent  manquait  comme  les  soldats  ;  la  galté  et 
le   courage  restaient  seuls.  Il  était  difficile  de 


—  63  — 

prendre  Paris  avec  de  pareilles  ressources.  Paris 
fut  pris  cependant;  mais  que  de  peine,  que  de 
constance,  que  d'habileté  ne  fallait-il  pas  au  roi 
des  braves  pour  en  venir  là!  Vaincre  Mayenne 
avec  des  forces  dix  fois  moindres,  payer  ses  troupes 
avec  des  ëloges  et  des  saillies,  donner  partout 
l'exemple  d'une  valeur  téméraire,  vaincre  encore 
à  la  célèbre  bataille  d'Ivri,  bloquer  la  capitale 
affamée,  battre  les  Espagnols....  Tout  cela  fut  un 
jeu  pour  Henri.  Il  pouvait  entrer  dans  Paris  que 
les  ligueurs  etTardeur  du  fanatisme  défendaient 
seok,  il  abjura  pour  épargner  le  sang  des  Français; 
et  les  Français  qui  avaient  su  l'apprécier  en  le 
combattant,  lui  ouvrirent  leurs  portes  avec  joie  «s. 
La  ligue  tomba  alors ,  et  avec  elle  s'éteignit 
le  XYI*  siècle  et  ses  souvenirs  de  sancr  ^. 


■  'f 


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—  w  — 
Gil4PITBE  SECOND. 


0aiis  le  nkîit  âes  ëvënements  européens ^  sons 
avaas  dû  laisser  k  la  France  une  large  parl^  ^«et- 
que  resserre  que  fôt  notre  cadre.  Maie  les  l^ito  6^ 
muJtipIleat  )é  mesure  que  nous  avançone,  ce  ré* 
eii|wrf  absoebierak  le  Tolump  tout  entier  si  noM  se- 
condions uqe  place  ^gale  aux  autces  ëtate.  Nous 
nous  oontenierops  donc  d'un  coupr^l'œil  nplde 
fluries  fastes  des  saisons  de  TËurope  pepidMrt  les 
quinzième  et  «eieième  eièdes  avant  d^wtwén  h 
rapprëciation  morale  des  faits  qui  perdront  dès- 
lors  leur  spécialité  pour  se  confondre  et  s'unir  ^ 


La  longue  rivalitë  de  TÂngleterre  et  de  la 
France  ;  la  lutte  contre  la  France  au-dehors^  la 
guerre  des  deux  roses  au-dedans,  sont  les  deux 
grands  faits  de  l'histoire  d'Angleterre  au  XV* siècle. 
Les  maisons  d'Yorck  et  de  Lancastre  pesaient  alors 
sur  l'Angleterre  comme  pesaient  sur  la  France 
celles  d'Armagnac  et  de  Bourgogne,  Nous  avons 


i«  55  — 

TU  la  lutte  des  deux  royaumes  et  la  lâche  ven- 
geance que  les  Anglais  tirèrent  de  leurs  dë&ites 
en  brûlant  Thëroïne  qui  les  avait  chassés  de  la 
terre  de  France.  Trente  ans  de  désordres  et  la 
guen*e  civile,  lune  des  plus  furieuses  qui  figurent 
dans  l'histoire,  suivpnt  ce  honteux  auto-dorfé^ 
comme  une  punition  du  ciel...  L'ambition  et  les 
prétentions  à  la  couronne  de  deux  princes  rivaux 
.en  furent  la  cause  ou  le  prétexte.  La  force  décida 
•par  deux  fois  entris  les  deux  prétendants  :  War- 
wieà  et  son  armée  placèrent  sur  le  trône  Edouard 
dTorck;  mécontents  de  ce  souverain,  ils  se  révol- 
tèrent ensuite^  et  Henri  de  Lancastre  qui  avait 
fait  son  entrée  dans  Londres  »  sous  le  ventre  d'un 
cheval  et  aux  huées  de  la  populace,  fut  proclame 
par  le  peuple  et  le  parlement.  Ce  dernier,  qui  avait 
nommé  Edouard  roi  légitime  de  l'Angleterre,  le 
déclara  traître  et  usurpateur...  Plus  tard,  Edouard, 
vainqueur  de  Warwick,  le  faiseur  de  rois  %  rentra 
dans  sa  bonne  ville  de  Londres  où  Henri  YI  fut 
assassiné  par  le  duc  de  Glocester,  qui  annonçait 
déjà  ce  que  devait  être  Richard  UL 

Ainsi  iinit  la  guerre  des  deux  roses  qui  coûta 
la  vie  à  plus  d'un  million  d^hommes  et  à  quatre- 
vingts  princes  du  sang  royal. 

Fr)èf  e  du  feu  roi  et  tuteur  de  son  fils,  Glocester 
voulut  s'emparer  du  trône.  Fouii)e   et  brave  ^ 


—  66  — 

féroce  et  habile,  il  fit  le  mal  par  goût  et  par  am- 
bition. Doue  d'une  ftme  atroce  dans  un  corps 
hideux,  il  sembla  se  yenger  sur  Tespèce  humaine 
des  disgrâces  de  la  nature.  Il  dirigea  les  partis 
d'une  minorité  turbulente  de  manière  à  attirer 
tout  à  lui;  il  se  fit  nommer  protecteur  ;  il  fit  tom- 
ber dans  ses  pièges  la  reine-mère  et  ses  deux  fils , 
qu'il  fit  passer  pour  b&tards  \  Cette  usorpatictt 
aussi  rapide  que  sanglante  s'accomplit  en  deux 
mois.  Le  peuple,  qui  eut  à  peine  le  temps  de 
Tapercevoir^  fut  loin  de  s'y  prêter  :  interroge  ^ 
il  la  condamna  par  son  silence.  Le  parlement 
ratifia  encore. 

Richard  III  fut  en  tout  semblable  au  duc  de 
Glocester  ;  le  peuple  fatigué  de  sa  race  aida 
Henri  VU ,  le  premier  des  Tudors,  à  monter  sur 
le  trône,  et,  selon  son  habitude  toute  pacifique , 
le  parlement  le  reconnut  comme  roi  légitime.  Le 
Pape  sanctionna  aussi  ce  changement  de  dynastie. 
Gela  se  passait  en  1485.  Deux  ans  plus  tard 
Funion  de  la  Bretagne  à  la  France  se  cimenta 
d'une  manière  durable  par  le  mariage  de  Char» 
les  YIU  et  d'Anne  de  Bretagne.  Les  Anglais 
n'étaient  plus  d'ailleurs  en  état  de  s'y  opposer. 
Henri  YII mit  cependant  lesiége  devant  Boulogne, 
mais  Charles  Féioigna  avec  de  l'or  ;  avare  et  des- 
pote, Henri  faisait  consister  tout  l'art  du  souve- 


•-i-  57  •■—       .[.y.zr;    — .-- •■' 

Tain ,  à  dépouiller  le  peuple  pour  payer  ses  gardes 

et  une  armée. 

Son  successeur  Henri  YIII,  aussi  despote  et 
plus  capable  de  tenir  les  rênes  ,  et  de  conduire 
la  nation  à  son  but,  accomplit  pour  TAngleterre 
Tére  du  pouvoir  absolu  que  Louis  XI  avait  ac- 
compli pour  la  France. 

£n  Angleterre  comme  en  France,  le  douzième 
siècle  fut  celui  des  communes:  la  liberté  parlemen- 
taire dura  les  deux  siècles  suivants,  puis  elle  tomba 
avec  la  féodalité,  sous  la  verge  de  fer  des  deux 
Henri.  Les  Plantagenet  virent  la  première  révo- 
lution, et  sous  les  familles  d'York  et  de  Lancastre , 
la  chute  de  la  royauté  féodale  prépara  les  voies 
au  despotisme  qu'établirent  les  Tudors.  Tantôt 
catholique  zélé,  tantôt  luthérien,  selon  que  le 
Pape,  le  clergé  entrait  dans  ses  vues,  Henri  VDI 
avait  surtout  la  prétention  odieuse  de  diriger  les 
consciences.  Il  aimait  à  faire  des  articles  de  foi, 
comme  les  autres  rois  des  ordonnances;  s'il  eut  en 
effet  besoin  de  s^arroger  les  droits  de  souverain 
pontife  dans  ses  états,  poursanctionner  sa  conduite 
privée^  tour  à  tour  amant  ^  époux  et  bourreau  de 
Catherine  d* Aragon,  d'Anne  Boleyn,  de  Jeanne 
Seymour,  d'Anne  de  Clèves  et  de  Catherine  Ho- 
ward ,  il  ne  fut  subjugué  que  par  l'adresse  de  la 
veuve  d'un  de  ses  lords^  qui  après  avoir  été  cou- 


^  9B   ^ 

d'AB^Jcstcnre,  m  et 
pour  flatter  les  caprices  théologiens  db 
gnioaûre  époux  ^. 

QuaBid  OB  Et  la  ¥ie  d'ioi  tjrvi,  dii  n 
aa  hisUmea  nedeme,  «o  s'étame  qac 
pies  aient  pu  le  «apporter  loag-teflapi»;  ^famtMk  im 
lit  celle  de  Henri  ^  soayeraîji  chi  Tfîiiftww  flipclc  l 
on  a«  peut  le  cencevoir.  Le»  Wîs  wléÈÊàewiL  pas 
seuleoMBt  fies  pîéges  temianôk 
num  des  dilenpwy  sauf  laaUqot  ne  Lear 
aucniifi  issaey  C2g  eUea  puai^saiettL  fe  ponr 
A>atare.  Ce  fut  uo  erme  de  rqjarde 
lifléa  ka  4cve  premif rs  mariayi  du  roi;  c*«i  fiiÉ 
UB  de  refirdet  ceouua  iUégkbncs» 
ué^  de  çai  BBaiia^.  Quaudoa 
ces  ({uestioBS  ^  dew:  farandbauts,  W 
était  ua  flrÎBae  de  kaulc  trahîaou.  rnu—aiii  !■ 
Anglaîfl^  ce  peuple  si  prompt  à  la  lémile  et  d 
jaloux  de  sa  liberté^  ont-ik  pu  eudur 
raoDl,  pendaul  irente-sepi  ans,  nue  t 
pncîeuse  si  songent  en  contradictiou 
méfltt^  ai  qui  opprimait  jusqu'à  la  cnaaeiaMBe? 
Gela  ue  peut  s'expliquer  que  par  une  jpni^mh 
comq>liou  et  une  grande  ind 
dans  Les  classes  supérieures  K 

Hoiri  YIII  avait  institué  sei 
uiimtairesetdouze  conseillers  pour  gouvemevpM- 


I*  • 


-M  50  — 

4mt  la  miaOTité  âe  md  fils  Edouard  :  Mais  l'nn  de 
ees  dmirfers^  le  éoe  de  Somerset  j  protestant  zël^, 
parvint  à  se  faire  nommer  protecteur  ^  et  soo  actÎTitë 
MÉtf gafel^  ^ifervit  $ya  succès  de  ia  réforme  en  An- 
gtétcfre";  S  réussi t plo^diâldlement  en  Seosse  oà  la 
cmrr  iSbiit  «nrie  au  olerg^.  Somerset  y  marcba  arec 
^iaÈ^ttk  fiàiHe  hommes.  Il  Touiait,  suivant  une  des 
iiêes  àfHemi  YIII,  marier  eon  Toi  Edouard  avec 
là  féuoe  M arie^-Stuart;  les  Eoofss^is  firent  échouer 
ee  préfet  qirî  tte  plaisait  ni  ji  iear  foi  cathcdicpie  ^ 
irf  %  leur  fi^ê  (fid^pendasce.  Somerset  et  le  pri- 
«Éat^raoïmer  c^figèr^t  dora  tOQs  le^rs  efforts  sur 
t^Afij^tefre^  ils  abolii^nt  les  messes  privées,  pros- 
^rMrent  la  plupart  des  cérëmotiies  catholiques 
fl  «sniogèrant  à  la  royauté  ledvoit  de  nommer  les 
4irè^9ê:  Shj^  aotve  e6të  om  brM^it  cpux  qui  doa- 
liilSBt  4^  my^àiftê  ad?   $  par  la  réarme. .  • 

Bêmewet  expia  crueUenuçnt  pins  tard  son  »m- 
WdoR  :  sa  iéte ,  demandi^  par  le  puissant  War- 
miA  et  accordée  par  le  faillie  J^douanl^  routa  sur 
i^fchafimd. 

Le  jeiM^  roi  traiba  desmaine  de  Somerset  dans 
celles  de  Warwick  et  mourut  à  seize  ans  avant 
dVivoir  pu  manifester  une  Tolontë.  Marie  lui  suc- 
céda, ardente  cathoUque  et  douëe  d\ine  ënei^e 
nre  «hasuoe  femme,  elle  soumit ,  emprisonna  «u 
At  moirter  aar  l'rf<;hafaad  ses  ^nenns  pc^itiq^s 


—  60  — 

et  religieux.  Les  statuts  d'Edouard  furent  abdis, 
la  messe  i*etablie  et  le  serment  de  saprématM 
supprime. 

Philippe  n^  fils  de  Charles-Quint,  aspirante  do- 
miner r Angleterre  et  TEspagne,  demanda  la  mab 
de  Marie  et  Tobtint.  La  chambre  basse  8*oppo8a  à 
cette  alliance  impoliUque ,  elle  iut  dîaaoaley  le 
parlement  se  montra  cette  fois  indocile;  ilfot 
casse.  Gardiner^  après  s'être  lâchement  plie  à  toutes 
les  exigences  despotiques  et  capricieuses  de 
Henri  VII,  fut,  sous  Blarie,  le  plus  ardent  persé- 
cuteur des  protestants  :  dans  l'^espace  de  trois  ans, 
disent  les  historiens ,  deux  cent  soixante  dix-aept 
victimes  montèrent  sur  Tëchafaud  ou  sor  le 
bûcher.  La  seconde  fille  de  Henri  \II  n^ëchappt 
à  la  mort  que  par  une  vie  retirée  et  studieuse ,  et 
en  mettant  à  profit  cette  dissimulation  qui  »  pins 
tard ,  lui  servit  à  gouverner.  L'administration 
du  royaume  allait  cependant  fort  mal ,  on  con- 
tractait des  emprunts  ruineux  ,  on  vendait  les 
domaines  de  la  couronne^  et  la  révolte  était 
près  d'ëclater  sur  tous  les  points,  quand  Bbrie 
mourut. 

m 

Elisabeth  repara  tout.  L'étude  ,  la  retraite'  et 
les  soujBrances  avaient  développé  son  esprit  peu 
ordinaire,  mais  TAng^le terre  changeant  de  foi 
au  gré  du  sort  et  selon  le  caprice  de  ses  souve- 


—  64  — 

rains,  fut  de  nonveàu  sous  Fempire  de  la  reforme. 
Les  protestants  sortirent  de  prison  pour  prendre 
place  au  conseil,   et  le  parlement  reconnut  la 
suprématie  spirituelle  de  la  reine.  La  messe  fut 
abolie  ainsi   que  la  lithurgie  romaine  ,   et   les 
^yéques  qui  refusèrent  de  prêter  serment  furent 
chassés  sans  pitié.  Le  besoin  d'absolutisme  aigrit 
peu  à  peu  le  caractère  d'Elisabeth  ;  elle  sévit 
cruellement  contre  ses  ennemis ,  et  n'épargna  pas 
même  sa  sœur/   Marie   Stuart,    qui^   chassée 
d'Ecosse  j  était  venue  chercher  un  asile  dans  ses 
états  ^«  Une  cour  de  haute  commission ,   sorte 
d'inquisition  protêistante  ^  instituée  par  le  parle- 
ment j    recherchait    alors   les  dissidents   et  les 
jugeait  avec  autant  de  célérité  que  de  rigueur  : 
cinquante  ecclésiastiques  furent  exécutés  en  quel-^ 
ques  années.  Jacques  YI  apprit  en  Ecosse  la 
mort  de  sa  mère ,  et  son  premier  mouvement  fut 
de  la  venger,    mais  la  tête  du  roi  l'emporta 
bientôt  sur  le  cœur  de  son  fils ,  il  songea  que  cette 
Angleterre ,  dont  il  espérait  un  jour  être  le  souve- 
rain,  était  trop  puissante  pour  lui  laisser  des 
chances  de  succès,  et  que  cette  levée  de  bou- 
cliers détruirait  ses  rêves  d'avenir.  Philippe  II , 
qui  n'avait  pas  les  mêmes  raisons  de  s'abstenir , 
y  vit ,  au  contraire ,  un  motif  de  faire  expier  la 
réforme  à  la   protestante  Elisabeth.    Il  équipa 


une  flotte  immeiiBe  destinée  à  un^  deMente  en 
Angleterre ,  et  la  nomma  j  d'avance  y  tbwmtablei 
Elisabeth  sut  intéresser  l'honneur  national  dam 
cette  guerre  formidable ,  et  Piwincible  ÙA 
yaincue.  Ses  deux  cents  voiles  et  ses  trente  niDe 
hommes  battus  par  la  tempête  le  fiorent  ennîte 
par  la  flotte  habile  et  l^àre  d'Elisabeth. 

Ce  succès  enivta  la  nation  anglaise  et  an  son» 
veraine  ;  le  Portugal^  r£spagne#  la  H<dJuide  et 
la  France  virent  les  troupes  d'Elisabeth  ^  ^ 
se  trouvaient  partout  où  l'intérêt  du  pratflitMp 
tisme  les  appelait  (i). 

Elisabeth  avait  eu  beaucoup  d'amaatBf  nris 
malgré  les  vobux  réitérés  du  parlement,  elle  qe 
voulut  jamais  un  époux  ^  craignant ,  sans  doute  | 
de  se  donner  un  maître.  Au  cél^e  Leicester 
avait  succédé  le  jeune  comte  d'Essex  |  qui  profita 
ou  abusa  de  la  faiblesse  de  sa  souveraine  pour  ai 
faire  donner  le  commandement  d'une  armée  igA 
se  fit  battre  en  Irlande.  Mis  en  jugement  et  aaavé 
de  Téchafàud  par  Elisabeth ,  il  noua  des  intrigues 
avec  Jacques  Y I  ^  et  se  révolta  contre  sa  bien» 
faitrice  ;  cette  fois  il  fut  pris  et  décapité...  Mais 
Elisabeth  ne  put  se  pardonner  sa  mort|  et  « 
souvoiir  cruel  la  conduisit  elle-même  au  tombemi; 
Elle  s'éteignit  avec  le  seizième  siècle. 
Malgré  le  despotisme,  les  mœuri  rrlftrhrfWj 


-es- 
la  cramtë  religieuse ,  et  la  hautaine  sMCéptïhilîtê 
de  oette  reine ,  l'Angleterre  la  regretta ,  dar  elfe 
avait  des  vues  élevées,  une  main  ferme,  et 
réckty  respecte  au  dehors,  prospérait  à  Tinté- 
rieur:  les  dettes  étaient  éteintes,  les  arsenau:lt 
remplis  j  la  nation  riche  et  satisfaite  ». 


En  Espagne ,  le  XV*  siècle  n'offrit  rien  d'îd- 
térissant  que  les  luttes  incessantes  des  MaUTeêr  et 
des  Gwtiifens  jusqu'au  règne  d'Isabelle  et  d& 
Ferdinand  i 

Leur  union  fut  l'ouvrage  delà  noblesse,  que  les 
deiix  souverains  abaissèrent  plus  tard  en  lui  en- 
levant ses  prérogatives.  Le  déspotîsifte  royal  tlë 
s'aocorde  pas  avec  celui  de  Faristocratie  :  Loufs 
XI  humilia  aussi  les  grandd ,  et  favorisa  le  {)eupléf 
qtt^il  voulait  gouverner  seul ,  La  pensée  première 
et  dominante  de  Ferdinand  fut  Fe^pulsioti  dëg 
Maures  :  aidé  de  tous  les  corps  de  Tétat  et  dé 
Te^lt  national  de  ses  peuples ,  il  leur  enleva , 
en  peu  dé  temîps,  toutes  leurs  possessions,  e^cept^ 
la  riche  Grenade  cobtre  laquelle  il  tourna ,  alorâ , 
ses  forces  réunies.  Elle  résista  dît  arts ,  et  suc^ 
comba  :  la  puissance  musulmane  expiïti  avefc  elle 
dans  le  monde  chrétien  »•  De  Tetptilsioii  dëA 
Maures  et  des  Juifs ^  date  la  naiââàiice  de  Tlii- 


—  6*  — 

quisition  qui,  bientôt,  leva  sa  tête  hideony  et 
s'abreuya  de  sang  chrétien^  après  avoir  épuisé 
celui  des  inGdèles  *^. 

En  ce  temps-là  9  Colomb  découvrait rAmériqiae, 
Bias  et  Gama  arrivaient  aux  Indes  par  le  cap  de 
Bonne-Espërance ,  et  une  odieuse  ingratiliide 
paya  de  tels  bientaits  ^^ 

Louis  XII  venait  d'envahir  Tltalie,  Ferdinand 
l'arrêta  par  un  traite  qu'il  viola  ensuite;  après 
bien  des  guerres  et  des  débats,  le  pape  et  les  Vé- 
nitiens s'unirent  à  Ferdinand  contre  Looia^  qin 
vit  s'évanouir  ses  espérances  en  Italie  après  k 
bataille  de  Cérignoles. 

La  mort  d'Isabelle  et  des  dissentions  civiles 
suivirent  ces  succès  de  Ferdinand;  le  vieux  itH 
fut  nommé  régent  malgré  l'opposition  des  grandS| 
et  le  cordelier  Ximénès  se  mit  à  la  tête  des  af* 
faires  jusqu'au  moment  où  la  mort  du  souvenu 
et  la  jeunesse  de  Charles-Quint  lui  donnèrenl 'ff 
régence. 

Charles  de  Luxembourg  fut  la  tige  de  la  dynas- 
tie autrichienne  qui  remplaça^  sur  le  trône  de 
Castille ,  la  maison  de  Bourgogne  établie  en  Ara- 
gon et  en  Castille,  depuis  quatre  siècles  et  demi. 

Charles  avait  un  esprit  actif,  élevé  et  entrepre- 
nant, un  caractère  ferme  et  absolu.  U  di^^racia 
Ximénès,  convoqua  les  certes,  leur  demanda  de 


—  65  — 

l'argent  pour  aller  en  Allemagne  recueillir  l'hé- 
ritage  de  son  aïeul  Maximilien,  et  se  faire  pro- 
clamer empereur.  Au  lieu  d'accorder  des  subsides^ 
Valladolid  leva  l'étendard  de  la  révolte;  les  prin- 
cipales villes  d'Espagne  suivirent  son  exemple, 
et  malgré  tous  ces  troubles,  la  Gorogne  donna  de 
l'argent  et  Charles  partit.  Le  cardinal  Adrien^ 
nommé  régent,*  ne  put  bientôt  plus  contenir  la 
révolte  ;  il  écrivit  à  Charles^  qui  promit  son  re- 
tour, arma  secrètement  la  noblesse  en  la  flattant» 
et  les  amis  de  la  liberté  et  des  lois  furent  vaincus. 
Le  retour  de  Charles- Quint  rétablit  l'ordre; 
Padilla  y  et  dix-huit  de  ses  compagnons ,  eurent 
la  tête  tranchée. 

En  1521,  le  roi  et  l'empereur  se  liguèrent  avec 
le  pape  et  l'Angleterre  contre  François  P%  qui 
d'abord  résiste  à  tout,  s'empare  de  Novare,  de 
Fontarabie,  et  se  les  laisse  enlever  bientôt  après, 
ainsi  que  Biagrajo  ;  il  prend  l/i.,000  Suisses  à  sa 
solde,  entre  en  vainqueur  dans  le  Milanais,  et 
vient  échouer  à  Pavie ,  où  Charles-Quint  le  fait 
prisonniar,  et  ordonne  sa  translation  à  Madrid; 
François  P'  acheta  sa  liberté  par  la  cession  de 
l'Italie,  des  Pays-Bas  et  de  la  Bourgogne  ! 

Après  la  paix  de  Cambrai,  signée  par  le  Saint- 
Père,  Charles  fut  couronné  empereur;  mais  ne 
pouvant  rester  dans  Tinaction,  il  passa  en  Afrique 
V.  5 


—  60  * 

pour  secourir  Muley-Hasscm^  expulsé  par  Hiria- 
dan-Barberousse^  et  réussit  encore  à  le  tromper. 

Bientôt  la  guerre  recommence  en  Italie  ; 
Charles  en  chasse  les  Français ,  assiège  MarBeille 
et  l'aurait  peu^-étre  prise ,  sans  la  peste  qui  Tint 
décimer  son  armée. 

Les  trente  années  qui  suivirent  cet  ëvéneeient 
furent  encore  employées  à  combattre;  tanlAt 
vaincu  et  plus  souvent  vainquem*^  Gharlea-Qaint 
finit  par  succomber  à  la  journée  de  Renti,  en 
Artois^  complètement  battu  par  les  Français.  Il 
avait  conquis  vingt  couronnes  au  moins,  mais  la 
fortune  abandonne  les  veillards,  et  dès  ce  naoment 
il  forma  le  projet  de  se  retirer  du  monde,  et 
choisit  pour  refiectuer  le  monastère  de  Saint-Jiist. 
Toujours  avide  de  célébrité  de  tout  genn,  il 
voulut  faire  ses  funérailles  encore  vivant  9  et  la 
mort  le  prit  au  mot. 

11  persécuta  vivement^  pendant  son  r^iae,  La* 
tlier  et  les  protestants  ;  mais  il  fut  surpris  à  las- 
pruck  par  Télecteur  Mauiûce  et  Henri  H^  pai  de 
France,  et  fut  obligé  de  signer,  en  ib&i,  le  tnM 
de  Passau ,  qui  sanctionnait  la  liberté  da  oalle 
protestant. 

Philippe  II  ne  fît  qu^accomplir  les  désaatres 
préparés  sous  le  règne  de  son  père;  Charles  avab 
laissé  la  monarchie  épuisée  d'hommes  et  d\ugca|, 


—  67  — 

mais  ces  ruines  encore  brillanlas  miraient  pu 
être  relevées  sous  un  autre  successeur. 

Philippe  envahît  la  Picardie,  prit  Saint-Quen- 
tin et  fit  égorger  la  garnison  ;  il  bâtit  ensuite  le 
palais  de  l'Escuinal,  pour  ëteinîser  le  souvenir  de 
cette  victoire,  qui  fut  suivie  de  la  paix.  Les  hos- 
tilitës  recommencèrent ,  et  les  Français ,  encore 
vaincus  à  Graveline ,  firent  encore  la  paix.  La 
princesse  Isabelle  de  France  fut  le  gage  de  ce  ndti- 
Veau  traité. 

De  retour  en  Espagne,  Philippe  apprend  qu'ûfi 
a  cëlëbrë  un  auto-da-fë  il  y  a  peu  de  jours,  et  en 
ordonne  un  second  en  son  honneur;  soixante^ 
dix  victimes  furent  hrûléespour  ramour  de  Dieu 
et  la  gloiî'e  du  roi. .  • 

Les  Pays-Bas  souffrirent  plus  que  TEspagM 
même  des  cruaute?s  religieuses  de  Philippe.  Lt 
sang  des  hommes  libres  y  coulait  .^  grands  flbts, 
et  les  pères  n'exislaîent  plus  quand  les  fils  corn-* 
iliencèrent  %  jouir  de  quelque  inde'pendance. 
L'odieux  Granvelle  ëlaît  en  Flandre,  le  digne 
ministre  du  roi. 

Philippe  assaisonnait  tous  ses  crimes  de  consul* 

tations  théologiques  ;  il  se  faisait  démontrer  par 

des  moines  la  nécessité  de  IVissassinat  ;  il  accotn- 

pHssait  un  devoir  en  égorgeant  son  fils  eft  aotl 

épouse,  et  il  écrivait  aux  princes  de  FEurope  que 

5. 


—  60  — 

pour  secourir  Mutey-Hasscfn^  expulse  par  Hàrian 
dan-Barberousse^  et  réussit  encore  à  le  tromper. 

Bientôt  la  guerre  recommence  en  Italie  ; 
Charles  en  chasse  les  Français ,  assiège  Marseille 
et  Taurait  peut-être  prise ,  sans  la  peste  qui  Tint 
décimer  son  armëo. 

Les  trente  années  qui  suivirent  cet  ëvénesient 
furent  em^ore  cmplojées  à  combattre;  tantôt 
vaincu  et  plus  souvent  vainqueur^  Gharles-Quint 
finit  par  succomber  à  la  journée  de  Renti,  en 
Artob^  complàtement  battu  par  les  Français.  Il 
avait  conquis  vingt  couronnes  au  moins,  mai^  la 
fortune  abandonne  les  veillards,  et  dès  ce  moment 
il  forma  le  projet  de  se  retirer  du  monde,  et 
choisit  pour  reficotuer  le  monastère  de  Saint-Just. 
Toujours  avide  de  célébrité  de  tout  genre  >  il 
voulut  faire  ses  funérailles  encoi*e  vivant ,  et  la 
mort  le  prit  au  mot. 

11  persécuta  vivement^  pendant  son  règne,  Imh 
tlicr  et  les  protestants  ;  mais  il  fut  surpris  à  los* 
pruck  par  Téleoteur  Mam^ice  et  Henri  11^  roi  de 
France,  et  fut  obligé  de  signer,  en  i55S^  le  traitjé 
de  Passau ,  qui  sanctionnait  la  liberté  du  oolle 
protestant. 

Philippe  II  no  fit  qu'accomplir  les  désastres 
préparés  sous  le  règne  de  son  père;  Charles  avait 
laissé  la  monarchie  épuisée  d'hommes  et  d^irgent» 


—  67  — 

mais  ces  ruines  encore  brillantes  auraient  pu 
Are  relevées  sous  un  autre  successeur. 

Philippe  envahit  la  Picardie,  prit  Saint-Quen- 
tin et  fit  égorger  la  garnison  ;  il  bâtit  ensuite  lé 
palais  de  ITEscurial,  pour  ëteniîser  le  souvenir  de 
cette  victoire,  qui  fut  suivie  de  la  paix.  Les  hos- 
tilitës  recommencèrent ,  et  les  Français ,  encore 
vaincus  à  Graveline ,  firent  encore  la  paix.  La 
princesse  Isabelle  de  France  fut  le  gage  de  ce  nou- 
veau traite. 

De  retour  en  Espagne,  Philippe  apprend  qu'ûfi 
a  cëlëbrë  un  auto-da-fé  il  y  a  peu  de  jours,  et  en 
ordonne  un  second  en  son  honneur;  soixante^ 
dix  victimes  furent  brûlées />owr  V amour  de  Dieu 
et  la  gloire  du  roi. . . 

Les  Pays-Bas  sottffrirent  plus  que  TEspagne 
même  des  cruaute?s  religieuses  de  Philippe.  L« 
sang  des  hommes  libres  y  coulait  à  grands  flbts, 
et  les  pères  n'exïslaient  plus  quand  les  fils  com- 
iliencèrent  %  jouir  de  quelque  indépendance. 
L^odieux  Granvelle  était  en  Flandre,  le  digne 
ministre  du  roi. 

Fliilîppe  assaisonnait  tous  ses  crimes  de  consul* 

talions  théologiques  ;  il  se  faisait  démontrer  pMr 

dei  moines  la  nécessité  de  IVissassinat  ;  il  accotn- 

pfissait  un  devoir  en  égorgeant  son  fils  eft  soti 

épouse,  et  il  écrivait  aux  princes  de  FEurope  que 

5. 


—  68  — 

la  religion  im^saii slux  voisdepenibles  clei^oirs.: 

Le  sanguinaire  duc  d*Albe  succëda  à  Granvelle, 
et  dix-huit  mille  personnes  périrent  sous  la  main 
des  bourreaux.  La  révolte  suivit  ces  massacres  et 
l'exercice  public  de  la  religion  réformée  fut  in- 
troduit dans  les  Pays-Bas. 

La  reine  Elisabeth  avait  réduit  les  Espagnols, 
dans  les  Pays-Bas,  au  seul  pays  de  Namur, 
Luxembourg  et  Limbourg.  Le  prince  de  Parme 
arriva,  et  fit  rentrer  la  Flandre,  l'Artois  et  le 
Hainault,  sous  la  domination  espagnole.  Ce  fut 
alors  que  se  forma  Tunion  des  sept  Provinces- 
Unies,  à  la  suite  de  laquelle  les  provinces  protes- 
tantes se  séparèrent  des  catholiques. 

Philippe  met  à  prix  la  tête  du  prince  d'Orange, 
dont  le  génie  avait  contribué  à  la  nouvelle  répu- 
blique, et  ce  prince  meurt  assassiné  dans  sa  tente. 

En  158'i,  à  la  prise  d'Anvers,  cent  mille  réfu- 
giés transportèrent  dans  la  Hollande,  leur  fortune 
et  leur  industrie  :  les  protestants  de  France  vinrent 
augmenter  ce  nombre,  et  unirent  leurs  efforts  pour 
relever  l'industrie  de  cette  nation  hospitalière. 

En  1585,  les  Maures,  persécutés  aussi  par  l'in- 
quisition, se  révoltent  et  s'emparent  de  plusieurs 
villes;  mais  ils  sont  repoussés  et  battus  par 
don  Juan  d'Autriche,  sur  la  vie  duquel  nous  re- 
grettons de  ne  pouvoir  donner  plus  de  détails.  Ce 


—  69  — 

jeune  prince,  vainqueur  de  la  Porte,  au  golfe  de 
Lepante,  mourut  empoisonné  à  32  ans  ;  le  célèbre 
Cervantes,  se  distingua  aussi  à  Lépante,  et  y  fut 
blessé. 

Philippe,  repoussé  du  Portugal  qu'il  voulait 
réunir  à  laGastille,  arme  une  flotte  de  cent  voiles, 
et  le  Portugal  se  soumet  après  la  défaîte  du  prînce- 
prétre  don  Antonio.  Fier  de  ce  succès,  Philippe 
arme  successivement  deux  flottes  contre  FAngle- 
terre  ;  elles  sont  dispersées  par  la  tempête.  Il  fut 
plus  heureux  dans  ses  desseins  contre  la  France 
où  son  or  fomentait  des  guerres  de  religion  ;  mais 
Henri  lY  mit  fin  à  ses  noires  machinations.  Ce 
prince  avait  déjà  envahi  la  Picardie  et  les  Pays- 
Bas,  lorsque  Philippe  demanda  la  paix  en  cédant 
Calais  à  la  France.  Il  mourut  peu  de  jours  après 
ce  traité,  à  Page  de  61  ans. 

Dissimulé,  fanatique  et  cruel ,  Philippe  II  avait 
rempli  l'Espagne  de  ses  crimes ,  et  son  royaume 
sortit  délabré  de  ses  mains.  Le  caractère  national 
fut  dépravé  par  sa  politique  :  l'inquisition  seule 
gagna  à  son  règne,  et  peut-être  aussi  l'étiquette 
des  cours. 

Le  Mexique ,  le  Pérou  et  les  Philippines  furent 
conquis  de  son  temps  ^*. 


—  70  — 

L*£cosse,  rirlande  et  le  Portugal  ^  bieuqu'ayaDt 
eu.»  dans  les  premiers  temps  surtout,  uue  Vie  k 
part  de  TAngleterre  et  de  TEspagne ,  n'ont  pi^ 
pris  9  dans  les  destins  de  FEurope,  une  place  as- 
9ea  importante  pour  que  nous  en  fassions  l'dajet 
d'un  résuma  spécial  :  le  fait  le  plus  intéressant»  \a 
piHSit  seul  par  lequel  le  Portugal  mérite  une  pUda- 
brillante,  la  plus  brillante  peut-être  parmi  les  Wr^ 
tioa»  européennes  du  xv""  siècle  i  ce  sont  les  àfih 
^Ottvertes  de  sa  marine. 

Le  prince  Henri  donna  y  en  &4i0 ,  la  premièf e 
impulsioa  aux  entrepi*ises  aventureuses  des  Pw- 
tugaia.  Il  cultivait  depuis  long-temps  les  sciencif 
et  était  assez  verhé  cbns  les  mathématiques  pour 
ialroduire  des  perfectionnements  dans  Fart  si 
peu  avancé  alors  de  la  navigation.  Fixé  k  Sagres^ 
ville  qu^il  avait  fondée  lui-même  à  rcxtrémité  du 
cap  Saînt-Vinçent,  il  traçait  de  là  ritinérairc  de 
set.  vaîaseaiix  explorateurs.  Il  avait  établi  wm 
éccde  de  navigation  y  la  première  qui  ait  existé  en 
Em!ope,  et  dana  laquelle  Cbristophe  Colomb  vini 
plus  tard  perfectionner  ses  connaissances  et  pres- 
sentir peut-être  ce  nouveau  monde  quHl  devail^ 
dnmer  à  l'ancien  ^^. 

En  peu  d'années  la  domination  portugaise  s'é^ 
tendit  sur  des  contrées  plus  vastes  que  celles  qui 
avaient  été  soumises  aux  Romains.  Ce  fut  là  une 


—  74  — 

gransde  épocfae^  non  seulemait  pour  le  Portugal , 
raak  enc^ire  pour  le  monde  entier.  Une  ardeur 
d'ëaiigrtttion  pareille  à  celle  des  croisades  j  mais 
nme  par  d'autres  motifs ,  s'emparait  de'  tout  ce 
qufi  àTait  une  imagination  yive  et  un  cœur  in-^ 
trépide,  et  le  Midi  ne  manque  jamais  de  ces  ima- 
ginations et  de  ces  cœur»-là  ^^...^  L'univers  sem- 
blait s^aignindir  devant  ceux  qui  poursuivaient  ses 
limites...  Les  ëvënements  qui  nous  occupent  au- 
jourd%ui  paraissent  bien  mesquins  quand  on  les 
compare  à  ses  rapports  inattendus  qui  venaient 
anncrtiCier  des  mondes  nouveaux,  des  nations  in^ 
oomiues ,  une  civilisation  étrangère  à  nos  arts ,  à 
nosmceurs,  à  nos  croyances.  Le  monde,  vieilli , 
n'a  plus  de  ces  grandes  révélations  à  espérer... 

La  valeur  portugaise  brilla  d'un  vif  éclat  dans 
Hûde.  Elle  fut  couronnée  par  de  nombreuses  con- 
quêtes, ccWiquêtes  plus  glorieuses  que  celles  des 
Espagnols  en  Amérîcpie ,  puisqu'elles  furent  plus 
disputées,  plus  utiles  à  l'Europe,  puisqu'elles 
arrêtèrent  le  débordement  de  la  puissance  mu- 
sulmane. 

Ces  hardis  aventuriers  régnèrent  en  maîtres  ab- 
solus sur  des  contrées  qui  leur  prodiguaient  toiit 
les  trésors  du  luxe  oriental  ;  il  est  cependant  vrai 
de  dire  que  les  Portugais  ne  parurent  point  uni- 
quement guidés  par  cette  soif  de  l'or  qui  enfante 


^  7t  — 

presque  toujours  la  soif  du  sang.  Us  furent  rigou* 
reux  envers  les  peuples  qui ,  en  voulant  conser- 
ver ou  recouvrer  leur  indépendance,  ne  leur  pa- 
raissaient que  des  sujets  rebelles;  mais  ils  ne  fu- 
rent point  barbares,  et  la  justice  tempéra  aoavoit 
leur  sévérité. 

.  Parvenu ,  par  ses  conquêtes  dans  Tlnde ,  à  l'a- 
pogée de  sa  puissance,  le  Portugal  ne  put  que  dé- 
cliner,  car  les  moyens  même  qui  l'avaient  fondée 
devaient  amener  sa  décadence.  Si  l'or  abondait 
dans  toute  la  Péninsule,  l'agriculture,  les  arts 
utiles  y  languissaient  :  la  meilleure  partie  de  la 
population  était  sur  les  mers,  Fautre  v^était, 
attendant,  dans  le  plus  indolent  repos,  les  navi- 
res, For  et  les  récits  qu'ils  apportaient;  toute  la 
vie  du  Portugal  était  là.  L^Orient  était  son  tribu- 
taire ,  qu'avait-il  encore  à  s'agiter  pour  vivre  et 
jouir?...  Mais  c'est  au  milieu  de  ce  luxe,  de  ce 
repos  ,  de  ce  far  mente  honteux ,  abrutissant  | 
que  les  nations  s'énervent,  déclinent  et  finiraient 
par  s'éteindre ,  si  les  nations  pouvaient  périr  ^K 


Dans  la  période  précédente,  l'histoire  de  l'Italie 
se  liait  intimement  à  celle  de  l'Allemagne  ;  dans 
celle  que  nous  parcourons  aujourd'hui  elle  se  lie 
davantage  aux  divers  événements  qui  ont  agité 


—  75  — 

la  France  et  PEspagne.  Charles  VIII,  Louis  XII , 
François  l^  surtout  et  Charles-Quint,  en  ont  fait 
le  théâtre  d'une  lutte  incessante  et  pleine  d'in- 
térêt. 

Elle  se  divisait ,  à  la  fin  du  x v®  siècle ,  en  une 
foule  de  petits  états  indépendants,  parmi  lesquels 
nous  citerons  le  duché  de  Savoie ,  qui  s^étendait 
jusqu'à  Nice,  et  qui  comprenait  le  Piémont  ;  le 
duché  de  Milan ,  qui  occupait  Tltalie  septentrio- 
nale jusqu'au  delà  de  Parme;  la  république  de 
Venise ,  qui  était  sortie  de  ses  lagunes  pour  s'é- 
tendre jusqu'aux  Alpes  au  nord ,  jusqu'à  Bergame 
à  Touest,  et  à  Test  jusqu'au  golfe  de  Trieste  ;  la 
république  de  Gènes ,  dont  les  possessions  entou* 
raient  le  fond  du  golfe  sur  lequel  s'élève  sa  capi- 
tale, et  comprenaient  de  plus  l'île  de  Corse  et 
quelques  villes  de  la  Crimée  et  de  la  Grèce;  la 
république  de  Florence ,  qui  s'était  emparée  des 
ports  de  Pise  et  de  Livourne  ;  le  duché  de  Fer- 
rare  ,  illustré  par  le  gouvernement  de  la  maison 
d'Esté  ;  le  duché  de  Modène ,  Tétat  de  Mantoue , 
la  république  de  Bologne,  celles  de  Lucques,  de 
Sienne,  de  Saint-Martin  et  celle  de  Piombino, 
qui  comprenait  l'île  d'Elbe,  située  vis-à-vis  les 
côtes.  Enfin ,  les  états  de  TEglise  et  le  royaume  de 
Naples,  qui  occupaient  tout  le  centre  et  le  sud 
de  la  Péninsule. 


—  w  — 

Oki  comprend  qn^ayec  nn  pareil  morcellement, 
il  est  impossible  de  dire  quelque  chose  de  corn-» 
pèet  et  de  svivi  sur  Thistoire  dltalie ,  qui  se  re- 
trouve d'ailleurs  dans  les  annales  des  autre»  na- 
tions. Tour  k  tour  dominée  par  des  princes  Aran- 
gert,  tourmentée  par  les  factions  intérieures,  par 
les  guerres  ^états  à  états,  le  plus  souvent  conribée 
aoug  le  joug  avec  des  sentiments  de  nationalité  et 
d'indépendance,  elle  ne  se  souvient  plus  de  son 
aniiqae  imité ,  de  sa  domination  universelle  que 
pour  gémir  sur  sa  condition  présente.  Cette  do- 
mination y  cette  souveraineté  temporelle  n'existe 
plus  pour  elle  et  ne  doit  plus  exister.  La  su- 
prématie pontificale  lui  a  succédé  :  Rome  gou- 
verne toujours  TEuropc  et  le  monde  catholique  **, 
mais  son  empire  est  tout  spirituel ,  et  la  pensée 
seule  lui  est  soumise  i7.  Sans  chef  ^  sans  instite- 
ttons ,  sans  loi^ ,  sans  unité^  Tltalie  vaincue ,  dé- 
chhrée,  conquise ,  étale  aux  regards  de  ses  enfants 
comme  à  ceux  de  l'Europe  des  ruines  de  toute  es- 
pèce. Sans  animation ,  sans  énergie ,  elle  attend , 
prosternée  aux  pieds  des  autels  ;  elle  prie  Dieu  de 
lui  envoyer  un  vengeur  qui  lave  tant  et  de  si 
cruelles  humiliations,  ou,  pour  nous  servir  des 
énergiques  expressions  de  Macchiavelli  :  «  Rimane 
come  senza  vita  e  aspetta  quai  possa  esser  quelio 
elle  sani  le  sue  ferîtc  o  ponga  fuie  aile  dlrcpsîoni 


—  76  — 

e  a'  saixhi  di  Lonabardia  aile  espilazionî  e  taglie 
del  Reame  e  di  Toscana  e  la  guarisca  di  quelle 
sue  piaghe  già  par  il  lungo  tempo  inGstolite.  Yede 
si  corne  la  prega  Dio  che  le  mandi  quaicuno  che 
la  redima  da  queste  crudeltà  ed  insolenzie.  Vede- 
asi  iicora  lutta  pronta  e  disposta  a  seguire  una 
baiidiera  purcbë  cisia  alcuno  che  la  pigli*.*  d 


—  76  — 


CHAPITRE  TROISIEME. 


^*a^i 


Notre  cadre  s'agrandit  avec  les  siècles  et  se  Iié- 
risse  de  difficultés  nouvelles  :  comment  l'espace 
consacre  jusqu'à  présent  à  la  revue  des  états  du 
Nord  et  de  l'Orient  pourra-t-il  suffire  à  parler  de 
la  Russie,  de  la  Pologne^  de  la  Hongrie  et  de  la 
Bohême^  de  la  Suède,  du  Danemarck,  de  la  Hol- 
lande^ de  la  Prusse,  de  l'empire  Germanique,  de 
la  Suisse  et  du  Bas-Empire...  Dix  états!  dont  Pan, 
à  nous  en  croyons  M.  deHumbold,  a  pour  étendue 
une  portion  de  terre  égale  à  la  partie  visible  de 
la  lune  ^.. 

On  nous  pardonnera  donc  de  ne  jeter  sur  chacun 
d'eux  qu'un  conp-d'œil  rapide  et  général. 

Les  destinées  de  la  Russie  dans  les  deux  siècles 
qui  nous  occupent  ont  été  bien  différentes  :  des 
guerres  extérieures,  des  guerres  civiles,  des  at- 
tentats domestiques,  des  trahisons,  des  revers  et 
une  barbarie  constante,  remplissent  la  première 
période,  mais  une  ère  nouvelle  semble  corn- 
lancer  avec  le  règne  d'Ivan  IIL  Oubliée  de  l'Eu- 


—  77  — 

rope  y  et  jusque  4à  en  proie  aux  brigandages  des 
hordes  sauvages  qu'elle  doit  soumettre  plus  tard, 
la  Russie  ya  se  préparer  à  entrer  sur  la  scène  du 
monde  européen.  Usés  par  leurs  dissentions,  les 
Tartares,  si  long-temps  le  fléau  et  la  terreur  des 
provinces  russes,  n'offraient  plus  une  cause  im- 
minente de  péril.  Supérieurement  organisés  pour 
parcourir  le  monde  et  le  dévaster^  ces  peuples 
étaient  peu  propres  à  fonder  une  puissance  du- 
rable; l'immense  sol  de  la  Chine  qu'ils  envahi- 
rent aussi ,  neutralisa ,  en  l'absorbant,  leur  vertu 
belliqueuse,  et  ils  reçurent  de  la  paix  et  du  repos 
le  joug  qu'ils  avaient  coutume  d'imposer  par  la 
guerre  et  les  massacres. 

Dans  le  courant  du  Xyp  siècle,  la  Russie,  ré- 
générée par  les  deux  Ivan  *,  et,  comme  nous 
1  avons  dit,  par  des  circonstances  heureuses  et  la 
force  d'une  civilisation  sans  cesse  en  progrès,  vit 
arriver  dans  sa  capitale  les  ambassadeurs  de  l'em- 
pereur d'Allemagne,  du  pape,  de  la  république 
de  Venise,  de  la  Pologne  et  du  Danemarck;  les 
arts  pénétrèrent  sous  les  glaces  du  nord  à  la  suite 
de  ces  premières  relations  ;  l'Italie  et  l'Âng^e- 
tmre  envoyèrent  à  Moscou  des  ouvriers ,  des  ar- 
tistes ,  des  savants  encouragés  par  Fattrait  de 
grandes  récompenses  à  ces  transplantations  loin- 
taines. Tout  changea  dès  lors,  tout  s^embellit,  et 


—  Tô- 
les princes  du  noitl,  qui  prirent  le  titre  dé  grands- 
ducs,  commencèrent  h  dormir  soos  des  lambris 
inconnus  à  leurs  ancêtres.  L'aigle  notre  à  deas 
têtes  remplaça  à  cette  époque  le  saint  Oeoi^^  à 
cheyal^  qui  avait  été  jusque  là  ie  type  armoriai 
des  soureraiiiB  de  Kief  et  de  VokidiBÛr  >;  les 
troupes  fiireiit  soumîtes  à  une  diaoipline  qui  leur 
était  inconnue,  et  le  mousquet  remplaça  Tare 

Léi  ^Tasions  des  Tartares  avaient  interrompu 
les  rdations  avec  IHMent  ;  il  &llait  se  frayer  des 
routes  vers  les  nations  occidentaies;  le  (dus  heu* 
feux  hasard  servit  encore  le  cssar  Ivan  :  des  an<^ 
glais,  jetés  pu*  le  naufrage  vers  rembomcliure  de 
la  Dwina,  devinrent  les  négociateurs  du  prramr 
traité  qui  ait  existé  entre  rAngletonre  et  la 
Russie  !  alors  le  czar  ouvrit  un  mafché  à  Narva  i 
et,  mdgré  les  diâenses  de  leurs  gouvememums 
jaloux  et  inquiets,  les  Anglais,  les  Français,  les 
Lubeckois  et  les  trafiquants  des  autres  villes  un- 
séatiques  y  accoururent  avec  enq>ressement. 

Encouragépar  le  succès,  le  csar  cherdka  vers  le 
sud-<est  ces  routes  si  long-temps  négligées,  qui  me- 
naient dans  les  riches  contrées  delà  Perse,  de  Tlnde 
et  de  la  CSûne.  C'est  dans  cette  exploration  que  w 
fit  à  la  fois  la  découverte  et  la  conquétede  la  SU 
bérie. 
Yoilà  le  beau  côté  de  cette  époque  ménoraUe 


—  io- 
de la  Russie;  voyons  maintenant  le  revers  de  la 
médaille;  il  est  horrible. 

Ivan  IV,  le  Louis  XI  de  Tempire  russe ^  mais 
plus  barbare  cent  fois  que  le  monarque  français^ 
savait  allier  la  plus  froide ,  la  plus  hideuse  féro- 
cité au  génie  des  conquêtes  et  de  la  civilisation  ; 
pendant  qu'il  attirait  dans  ses  états  les  savants 
et  les  artistes  des  pays  les  plus  en  progrès,  il  as- 
sistait comme  par  passe-temps  à  des  scènes  de  car- 
nage dignes  d'Héliogabale  et  de  Caligula ,  et  y 
prenait  part  lui-même.  A  en  croire  MuUer^  îi  ar- 
riva un  jour  à  Novogorod  dans  le  dessein  de  punir 
cette  opulente  cité  de  Tidée  qu'elle  avait  eu  de  se 
donner  à  la  Pologne.  Il  entre  avec  son  fils  dans 
une  enceinte  construite  exprès  pour  servir  de 
théâtre  à  sa  vengeance^  et  où  les  principaux  ha- 
bitants avaient  été  renfermés.  Tous  deux^  montés 
sur  des  chevaux  vigoureux,  ils  se  précipitent  sur 
ces  infortunés,  la  lance  au  poing,  et  tuent  jusque 
l'épuisement  de  leurs  forces.  Quand  le  fer  leur 
tombe  de  la  main^  le  reste  des  victimes  est  livi^ 
aux  opritchmkis y  comme  les  restes  d'un  festin 
sont  livrés  aux  chiens  ou  aux  esclaves.  Ensuite 
les  glaces  du  Volkof  sont  rompues ,  et  Ton  y  pré- 
cipite les  habitants  par  centaines. 

Les  villes  de  Pleskof  et  de  Twer,  également  ac- 
cusées d'être  dUntelligence  avec  la  Pologne,  fu- 


—  80  — 

rent  aussi  châtiëes  avec  rigueur^  mais  non  pas 
dëpeuplëes.  Sur  le  bruit  de  toutes  ces  fureurs  et 
de  tous  ces  meurtres,  les  malheureux  habitants  de 
Moscou  attendaient  le  retour  du  czar  dans  le  si- 
lence de  la  consternation.  Il  arrive,  il  entre,  et 
aussitôt  quatre-vingts  fourches  patibulaires  s'élè- 
vent dans  la  place  publique  de  la  capitale^  de 
nombreux  instruments  de  supplice  y  sont  ap- 
portes,  de  grands  feux  sont  allumés,  et  Teau 
bouillonne  dans  de  vastes  chaudières  d'airain.  A 
cet  appareil  chacun  frémit  au  fond  de  son  asile  ; 
mais  bientôt  trois  cents  citoyens,  tous  illustres 
par  la  naissance ,  et  même  des  princes  de  la  fa- 
mille du  czar,  sont  tirés  des  cachots^  et  paraissent 
portant  l'affreuse  empreinte  des  tortures  qu'ils 
ont  déjà  subies;  traînés,  poussés  par  des  soldats 
cruels,  ils  arrivent  à  demi  immolés  sur  le  lieu  de 
ces  exécutions  sanglantes.  Les  courtisans,  devenus 
bouiTcaux,  tirent,  non  pas  leurs  glaives,  mais 
leurs  couteaux,  et  pièce  à  pièce  emportent  la 
première  victime  :  c'était  un  secrétaire  d'état  qui 
venait  d'être  suspendu  par  les  pieds  à  une  po- 
tence. Trois  jours  après  il  fit  encore  trancher  la 
tête  à  plusieurs  personnages  des  mêmes  familles, 
et  portant  sa  fureur  sur  les  restes  inanimés 
de  sa  haine^  il  les  frappa  de  sa  hache.  Les  corps 
abandonnés  sur  la  place  furent  déchirés ,  et  les 


■  —  SI  — 

os  disperses  par  les  chiens.  Huit  cents  femmes 
furent  nojées.  G'e'taît  un  jeu  pour  Ivan  de  voir 
lentement  couper  par  morceaux,  ou  plonger  à 
différentes  reprises  dans  des  chaudières  bouil- 
lantes ceux  qui  lui  e'taient  suspects  '*... 

J'aurais  pu  passer  sous  silence  tant  de  scèncif 
d'horreurs  ,  mais  je  n'aurais  accompli  qu'une 
partie  de  ma  tâche.  Nous  connaissons  maintenant 
la  Russie,  nous  savons  à  quel  prix  elle  achetait 
au  XVP  siècle  cette  civilisation  naissante  à  la- 
quelle Pierre  I**^  devait  donner  cent  ans  plus 
tard  une  extension  si  grande;  conlinuojis  notre 
course. 


La  Pologne  e'tait  alors  une  naiionj  une  nation 
libre,  puissante  et  redoutable,  victorieuse  sous 
les  Jagellons  ^  dos  chevaliers  de  Tordre  teu to- 
nique et  maîtresse  de  la  plus  grande  partie  de  la 
Prusse;  la  Pologne,  jointe  à  la  Lithuan'e,  avait 
sous  ses  lois  un  vaste  territoire  qui  s'e'tendait  des 
monts  Krapacks  aux  rives  de  la  Baltique.  Plus 
vieille  que  la  Russie  de  puissance  et  de  civilisa- 
tion, elle  voyait  avec  défiance  cette  nation  nou- 
velle sortir  de  l'obscurité  et  la  combattre  avec  rage, 
comme  si  elle  avait  eu  dès  lors  le  pressentiment 

de  son  oppression  future (iouvernée  par  une 

V  6 


—  82  — 

brave  mais  turbulente  noblesse,  1»  bourgeoisies 
était  elFacëe,  malheureuse^  et  le  peuple  était  serf. 

La  féodalité  semblait  être  Tessence  des  moeurs^ 
polonaise/s,  aussi  s^y  implanta-t-elle  de  façon  àa. 
ne  point  faire  place,  comme  le  reste  de  rEurope^ 
à  un  pouvoir  uni<][ue  et  souverain  qui  Teût  miem? 
défendue.    Sans  peuple,  sans  bourgeoisie  ,^  sans 
unité  de  gouvernement ,  elle  n'eut  pour  défense 
et  pour  soutien  que  Tépée  de  la  plus  chevale- 
resque et  de  la  plus  brave  noblesse  du  monde^  et 
ce  soutien  était  faible  en  présence  des.  péril^  ûn- 
menses  qui  entouraient  à  cette  époque  les  nations 
européennes. 

A  la  fin  du  XV*  siècle,  la  Pologne  étendait  son 
influence  sur  la  Hongrie  et  la  Bohême.  Sans  cesse 
minées  par  les  dissentions  civiles  et  par  la  con- 
quête étrangère,  ces  deux  nations ,  séduites  par 
les  brillantes  apparences  des  nobles  polonais , 
s'étaient  appuyées  sur  leur  loyale  protection  :  la 
Pologne  fut  loyale  en  effet  autant  que  brave,  mais 
impuissante  pour  ses  alliés  comme  pour  elle.  Bes 
états  autrichiens  absorbèrent  la  Hongrie  et  la 
Bohême,  et  s'en  servirent  dans  leurs  guerres  in- 
cessantes contre  l'empire  turc. 

Sigismond,  qui  commença  son  r^ne  avec  le 
treizième  siècle,  fit  pour  la  Pologne  ce  qu'avait 
fait  Ivan  pour  la  Russie  ;  moins  cruel  cependant 


—  85  — 

et  plus  génëreux,  il  sut  civiliser  sans  détruire,  et 
donna  un  essor  immense  à  la  grandeur  de  la  Po- 
logne. L'empereur  Maxîmilien ,  d'abord  son  en- 
nemi, rechercha  son  alliance,  et  la  Pologne  prit 
une  place  honorable  en  Allemagne^  où  elle  oblin. 
le  droit  de  voter  dans  la  diète  impériale. 

En  paix  avec  ses  voisins,  Sigismond  s'occupa  à 
augmenter  Finstruction  ;  il  favorisa  Findustrie. 
Les  villes  devinrent  plus  florissantes^  les  maisons 
plus  commodes,  et  les  champs  furent  mieux  cul- 
tives. Maïs  le  monarque  polonais  fut  moins  heu- 
reux  dans  ses  efforts  contre  la  réforme  religieuse. 
Les  doctrines  de  Luther,  celles  de  Zwingle,  de 
Calvin,  de  Melanchton  avaient  chacune  de  nom- 
breux  sectateurs,  et  trouvaient  des  soutiens  jusque 

dans  les  ran^s  du  sénat.  Cette  tendance  continua, 

■.■■■"■■'■  ^  • 
s'accrut  même  sous  son  successeur  Sigîsmond-Au- 

guste^  et  ce  fut  là  ,  comme  dans  la  plupart  des 

états  de  l'Europe,  le  grand  événement  du  seizième 

.1  • 

siècle  «. 


Nous  avons  laissé  la  Suède  puissante  et  heu- 
reuse encore  des  lois  de  Saint-Eric'  et  de  son 
union  avec  la  Norwège  et  le  Danemarcl.  L'union 
de  Colmar,  qui  eut  lieu  la  dernière  année  du 

XIV*  siècle,  en  réservant  à  chaque  .nation  ses 

6. 


—  S'I 


cïroîts  parliculicrs,  aviiit  ru  c(\o\  conslilne  un 
rojauiiic  Scandinave  capable  de  lutter  contre  les 
Slaves  et  les  Allemands,  maïs  cvAU*  union  ne  dnra 
qu^ui  demî-sieele  :  en  l'i»^(),  la  Suède  avait  un 
roi  à  elL*^  el  d(vs  piinces  allemands,  les  comtes 
d'Oldenhuif:;,  régnaient  sm*  le  Oanemarck  et  la 
Norsvège.  La  féodalité  qui  convcMiait  aux  derniers 
états  pesait  sur  la  Suède,  qui  linit  par  s'en  dtîbar- 
rasser. 

Depuis  la  lin  d(î  l'imiou,  jus(|u'à  ravénement  de 
(jusiave  \\  a/a,  l<'s  (as! es  de  la  Suède  oflVenl  peu 
d'inl('rel  :  (uharl(\s   \  II! ,   (^hrislian   V^ ^  Charles 
(]anulsou,   Sh cii-Slure,  ,](Mm  F"',  Suante-Sture  et 
Chrislern  II,  rè^nenl  lour  à  tour  sur  la  Suède  ou 
radmiuistieut  sans  la  rendre  heureuse;  Christern  II, 
surtout,  pesa  s'^r  elle  comme  un  de  ces  fléaux  que 
le  ciel  envoie  parfois  aux  p(»uples  pour  les  punîr 
de  leurs  crimes».  Sa  t y raimie prépara  l'usurpation 
de  Gustave  c|ue  sanctionna  la  Suède  heureuse  de 
sa  délivrance».  [/av('U(»ment  de  (îe  jninccî  est  en- 
touré   d'aventures  romauescpies   qui    rappellent 
celles  dWIfred-le-tirancP.  A  rinsu[)portable  ty- 
rannie de  Christiern  succédèrent  i\Q^  jours  plus 
heureux;  Gustave,  après  avoir  rétabli  la  paix  et 
le  calme  dans  ses  étals,  s'occupa  à  former  des  al- 
liances ifnpv)rtantes   qui   pussent   fain;  entrer  la 
Suède  daîisie  système»  politique  d(»  l'Europe,  et 


—  85  — 

signa  avec  le  nanemarçk  une  paix  (!:•  Mcixaiitc  aîîs 
qui^  liîallieineusoDic/it,  ne  dura  gM^'u'c  plus  que 
lui.  Après  le  recrue  de  ce  grand  homme  ipii,  ce- 
pendant, et  autant  da  :s  l'intérêt  de  l'Elat  que 
dans  celui  de  sa  famille,  avait  rendu  la  couronne 
héréditaire,  la  Suéde  fut  tourmentée  par  (î'inces- 
santés  questions  de  partage  et  d'iieredile.  Tous  les 
vœux  patriotiques  du  vieillard  furent  contraries 
par  l'ambition  et  Fincapacite'  de  son  (iîs,  et  les 
plans  qu'il  avait  conçus  étoufl'es  (hxiis  leurs  pre- 
miers  développements.  La  di{)lonjatie  jus(jue-!à 
inconnue  dans  les  états  dulNord,  reiiiplaca  la  vo- 
lonté ferme  et  droite  du  conquérant  icgislaicur  qui 
n'avait  jamais  eu  de  favoris  ni  de  mini.strcs.  Nous 
ne  suivrons  pas  les  détails  de  ces  divers  régnes  qui 
offrent  peu  d'intérêt;  nous  ne  parierons  pas  ici 
non  plus  de  la  réforme  :  établie  par  Gustave,  dont 
elle  servit  l'ambition,  elle  produisit  en  Suède^, 
comme  en  Danemarck,  et  partout  ailleurs,  des 
ferments  de  discordes  intérieures  et  de  guerres  ex- 
térieures qui  se  développèrent  après  que  la  main 
d'un  homme  de  génie  ne  put  plus  contenir  les  di- 
vers éléments  de  troubles  qu'elle  st)ulcve  et  porte 
avec  elle. 


L'histoire  du  Danemarck  est  presque  constam- 


—  sè- 
ment liëe  à  celle  de  la  Suède  et  de  la  Norwège. 
Dans  les  siècles  que  nous  parcourons,  vers  la  tin 
du  quatorzième,  Marguerite,  fille  de  Valdemar  III, 
avait  rëunî  sur  sa  léte  les  trois  couronnes,  et  formé 
par  le  traité  de  Colmar  une  monarchie  qui  sem- 
blait devoir  être  indissoluble,  mais  cet  édifice  ne 
put  se  soutenir  après  celle  qui  l'avait  élevé,  la 
maison  d'Holstein  fut  appelée  au  trône  en  iUkS. 
Les  atrocités  de  Ghristiern  II,  séparèrent  de  nou- 
veau la  Suède  du  Danemarck  et  firent  tomber  de 
la  tête  de  ce  monarque  les  deux  couronnes  qui 
lui  restaient  :  quelques  liistoriens  pensaient  que 
la   cruauté   de   ce  prince    qui ,    en    effet,    pesa 
plus  sur  la  Suède  que  sur   le   Danemarck,  n^est 
pas  la  seule  cause  de  la  clécli(''ance  de  Ghristierp 
et    de    l'avènement  de  Frédéric   de    Hblstein , 
mais  surtout  un  système  de  gouvernement  hos- 
tile   à    Taristocratie    et    favorable   au    peuple , 
système  bon  en  lui-même,  mais  accompli  despo- 
tîquement  et  nuisible  aux  classes  riches  et  puis- 
santes. 


Les  seigneurs  danois,  enfaisant  cette  révolution, 
se  réservèrent,  comme  condition  expresse,  le  droit 
de  yie  et  de  mort  sur  leurs  paysans  ^°. 


Au  quinzième  siècle  seulement  la  Hollande 
prend  uîie  vîeà  part  et  pleine  d'intërét.  Son  corif- 
merce  s^ëtend,  et  ses  provinces  font  une  portion 
notable  de  la  ligne  anséatîque  i^j  sa  marine  com- 
mence à  se  faire  respecter  dans  le  Nord  et  termine 
avec  honneur  une  guerre  contre  les  états  Scandi- 
naves. 

Elle  éUît,  un  siècle  plus  tard,  le  plus  beau 
fleuron  du  vaste  empire  de  Gharles-Quînt,  qui  se 
plaisait  à  le  rëpëter  lui-même ,  tout  en  IVpuîsant 
d'hommes  et  d'argent  pour  soutenir  ses  guerres 
perpétuelles.  Mais,  c'est  avec  Philippe  II,  son  fils, 
que  commença  pour  la  Hollande  une  ère  nouvelle. 
C'est  de  ce  souverain  que  date  réellement  l'histoire 
des  provinces  unies  :  un  peuple  peu  nombreux  va 
conquArir  sa  nationalité  sur  des  oppresseurs  puis- 
sants et  riches  j  délivré  de  ses  oppresseurs  il  les 
poursuivra  à  son  tour  sur  toutes  les  mers,  détruira 
leur  puissance  navale,  formera  des  établissements 
coloniaux,  et  pendant  deux  siècles  remplira  l'Eu- 
rope de  sa  renommée,  jusqu'au  moment  où  miné 
lui-même  par  des  dissentions  intérieures^  il  verra 
s^éclipser  sa  grandeur  momentanée  ^^.. 


Si  le  résumé  de  l'histoire  d'une  nation  pen- 
dant deux  siècles  pleins  de  faits  importants,  est 


▼  _     VsS     — 

diflicile  à  faire,  inèino  duanJ  celle  nation  a  de 
ruiiile  el  une  vit»  à  elh»,  coîiibien  celle  difliculté 
ne  doit-elle  pas  s'iîc^croilre  lorscju'il  est  question 
(Tun  ern|)îre  in<;:cel('  ci>m:ne  celui  d'Allemagne. 
De  releclii,»!!  di»  Sij^isinoiul,  d(»rnier  empereur  de 
la  maison  de  Liixeiiibourir,  à  la  inicrre  de  trente 
ans,  <jui  commence?  le  di\-se|)llcme  siècle,  que 
d'événements  gciiéiaux  ou  parliels  î  La  condam- 
nalion  de  Jean  lluss  el  de  Jérôme  de  Pragues,  au 
concile  de  Constance^  la  guerre  des  Ilussiles,  qui 
ta  suivit,  l'clévalion  de  la  maison  de  Habsbourg, 
les  règnes  de  Frédéric  IV  et  dt*  Maximilien  d'Au- 
triche, la  diète  de  W'orius,  ia  division  de  Fem- 
])ire  en  Cercles,  et  l'établiîisemcnl  d'un  tribunal 
suprême;  enlin,  les  deux  vies  si  pleines  et  si  fé- 
condes de  Charles-Quint  et  de  Luther  qui  re- 
muèrent, non  .seulement  1  AUcnuigne  et  l'Europe, 
nuiis  le  monde  entier.  En  voilà  plus  qu'il  n'en 
faut  poar  justifier  la  crainte  avec  laquelle  nous 
suivons  une  marche  que  chaque  pas  rend  plus  épi- 
neuse et  plus  rude. 

L'Allemagne,  vaste  corps  composé  d'états  si 
divers,  de  principautés  indépendanteSp  de  do- 
maines ecclésiastiques,  de  républiques  commer- 
çantes, n'obéissait  pas  aux  chefs  qu'elle  se  choi- 
sissait; de  là  des  guerres  nouvelles  que  chaque 
événement  religieux  ou  politique  venait  com- 


j;)iiqaer  encore.  Vers  la  liu  du  (juinzième  siècle, 
la  prospéiite'  des  villes  allemandes  avait  atteint 
ison  apogée,  et  si  un  tel  morcellement  avait  com- 
pose une  union  durable,  TAUemagne  eût  été'  plutôt 
une  vaste  et  puissiuiîe  rJ[)ul)]îque  qu'un  empire  '^. 

Mêlée  par  sa  posilioa  centrale  à  toutes  les  af- 
faires de  l'EuroDe,  celle  l^izarre  constitution  reçut 
le  nom  de  saint  cjnpire  Romain,  bien  qu'il  ne 
fût,  comme  Fa  observé  Voltaire  avec  autant  de 
justesse  que  de  malice^  ni  salnt^  ni  empire^  ni 
romain...  Ce  n'était,  en  effet,  que  l'informe  amal- 
galmede  pouvoirs  hétérogènes  mal  définis  et  mal 
pondérés.  Aussi,  que  voit-on  dans  les  annales  de 
Tempire  germanique  depuis  la  domination  de  la 
maison  d'Autriche?  Les  efforts  constants  des  em- 
})creurs  pour  soumettre  à  leur  autorité  des  états 
avides  d'indépendance,  et  les  guerres  religieuses 
venant  en  aide  aux  guerres  politiques  ou  les  ame- 
nant elles-mêmes. 

Il  est  cependant  vrai  de  dire  que  Maximilien  et 
Charles-Quint  donnèrent  de  la  splendeur  à  la  cou- 
ronne impériale  :  le  premier  abolit  le  droit  du 
plus  fort  et  rétablit  la  paix  publique  en  fondant 
des  cours  de  justice  et  des  diètes  provinciales  et 
divisant  l'Allemagne  en  Cercles.  L'état  militaire, 
ainsi  que  la  justice,  reçut  sous  son  règne  des  formes 
plus  déterminées  et  l'artillerie  fut  perfectionnée. 


—  00  — 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  le  règne  de 
Charles-Quint  qui  se  He  à  Thistoire  de  tous  le* 
états  de  l'Europe,  non  plus  que  sur  les  graves» 
événements  qui  suivirent  la  réforme  et  que  nous 
devons  retrouver  bientôt  sous  un  autre  point  de 
vue.  Qu'il  nous  sufTise  de  dire  que  fatigué  du 
trône  et  d'une  vie  si  pleine,  ou  peut  elre  ambi- 
tieux de  tous  les  genres  de  gloire  et  de  célébrité, 
Charles  abdiqua  en  1556,  et  mourut  deux  ans 
après,  accablé  de  regrets  et  d'ennui,  dans  un 
cbuvciil  (VEspagne,  laissant  ses  immenses  étals 
en  proie  aux  discordes  civiles  qu'amènent  tou- 
jours la  fin  de  la  te(e  puissante  et  de  la  main 
ferme  qui  seules  peuvent  tenir  les  renés  ^*. 


I/iuiilé  que  nous  regrel lions  de  ne  |)as  trouver 
dans  les  annales  si  variées  de  l'empire  Germa- 
nique, nous  la  retrouvons  dans  la  Suisse  :  celte 
intéressante  contrée,  bien  que  formée  de  la  réu- 
nion de  plusieurs  cantons,  est  unie,  au  XV*  siècle, 
par  le  lien  puissant  de  la  persécution  et  la  néces- 
sité de  résister  à  de  terribles  ennemis. 

Nous  avons  laissé  la  ligue  helvétique  victo- 
rieuse et  l'orgueil  bourgeois  abaissant  avec  joie 
Porgueil  aristocratique;  chaque  année  était  mar- 
quée par  l'extinction  de  quelqu'anrienne  maison 


'O  I 


et    quelque     nouveaux    progrès    de    la    classe 
moyenne  ^^.   Le  territoire  helvétique  s'étendait, 
l'industrie  s'améliorait,  s'agrandissait  et  pénétrait 
dans  les  cantons   les  plus  sauvages,  lorsque  la 
guerre   civile  et  la  guerre  étrangère  vinrent  ar- 
rêter ces  progrès,  couvrir  de  sang  et  de  deuil  les 
niontagnes  de  la  Suisse,  et  donner  à  la  réputation 
guerrière  de  ses  habitants  un  éclat  plus  grand 
encore.  Après  les  désastres  causés  par  la  sépara- 
tion de  Zurich,   que  Charles  VII  vint  défendre 
avec  ses  Armagnacs,  commandés  par  le  dauphin 
Louis,  trente  mille  hommes  allemands  ou  français 
succombent  devant  seize  cents  montagnards. 

Une  pareille  défaite  décida  la  retraite  du  dau- 
phîn,  et  le  premier  traité  de  paix  et  d'alliance 
entre  la  France  et  la  Suisse  fut  signé.  La  guerre 
alors  s'alluma  entre  Gharles-le-Téméraire  et  les 
treize  cantons.  Louis,  plus  avisé  cette  fois,  sou- 
tient et  excite  les  Suisses,  et  donne  passage  àuX 
troupes  qui  marchent  contre  son  beau  cousin  de 
Bourgogne.  Celui-ci  animé  par  tous  ces  obstacles, 
lève  une  armée  considérable,  s'assure  de  la 
Franche-Comté,  qui  liait  ses  vastes  domaines  et 
à  grandes  cJievauchees  vient  avec  moult  geh^ 
dormes  de  pied  et  de  cheval^  répandant  la  ter- 
reur au  loin  par  son  ost  innombrable.  Là  estait 
cinquante  mille,  voire  pluSy  de  toutes  langues 


—  Oi  — 


et  contives^  forces  canons  cl  autres  enf:;i/is  d 
la  nouvelle  facture^  pa^'illons  et  accoutrenu'nL^ 
tous  reluisants  cTor^  et  grandes  bandes  de  valets^ 
marchands  (  t  filles  de  joyrujo  amours  ^^, 

Cet  attirail  inimcnsi»  cl  imililc,  loin  (raidcr  à 
la  victoire  cli*  Chiirîcs,  contribua  à  la  hoiUciist? 
défaite  ({u'il  (.ssaya  il  <[uc  \iut  renouveler  [:1ns 
honteusement  enroi\'  i.*  t'!('.\astre  de  3Iorat. 

La  Suisse  avait  ainsi  conlinnc*  sa  liberté  el  an- 
pri:>  à  l'Lurope  la  p.iissniCxî  de  1  inranleiie  «jne 
niait  la  cbevaieresijue  nol^lesse  àc^  siècles  preee- 
denUi.  L'alliance  des  (prisons,  Taccession  d(î  eincj 
nouveaux  cantons  avaicnl,  après  cette  double  vic- 
toire, porté  la  Suisse  au  plus  liant  point  de  i^ran- 
deur,  et  les  bourj^eois  de  lierne  et  les  bergers 
d'Uri  virent  les  rois  et  les  papes  solliciter  leur 
alliance  et  les  s(?cours  de  leurs  bras  éprouvés. 
François  1**^  voulut  cependant  abaisser  l'orgueil 
helvétique,  i!  sj  fraya  sur  les  Alpes  des  chemins 
nouveaux  avec  un  bagage  immense  d'artillerie; 
aidé  par  un  corps  de  montagnards  des  Pyrénées 
il  gravit  les  cimes  les  plus  difliciles  et  un  coniLat 
furieux  s'engagea.  Les  Suisvses  y  soutinrent  digne- 
ment leur  réputation  :  j'ai  vu  dix-huit  batailles 
rangées,  disait  Trivulce,  mais  celle-ci  est  le  com- 
bat des  géans!  François  P'  épouvanté,  d'une  vic- 
toire qui  lui  coûtait  tant,   traita  avec  eux,  et  ce 


—  95  — 

traite,  qui  suivit  la  bataille  de  Marignan,  fut  la 
Ijïase  de  tous  les  traites  poste'rieurs.  Délivrés  de 
Xa  guerre  c'trangère,  les  discordes  religieuses,  suites 
fDrdinaires  de  la  réforme,  les  armèrent  les  uns 
cïontre  les  autres  et  les  renfermèrent  dans  leurs 
montagnes. 


Après  avoir  rapidement  parcouru  les  fastes  de 
l'empire  Grec  pendant  sa  longue  et  déplorable 
vie ,  nous  sommes  enfin  parvenus  au  dernier 
siècle  de  son  existence,  au  règne  du  dernier  de 
ses  souverains  qui  soutinrent  si  faiblement  le  nom 
et  la  majesté  des  Césars,  à  la  limite  qui  sépare  le 
moyen  âge  des  temps  modernes  ^7. 

A  défaut  de  génie,  le  dernier  Constantin  pos- 
sédait au  moins  ce  courage  du  soldat  qui  sait 
mourir  en  héros  pour  défendre  un  nom  illustre 
et  le  garder  de  la  honte  attachée  à  une  lâcheté. 
Mais  il  avait  un  terrible  adversaire  :  Mahomet  II, 
fanatique  et  ambitieux,  avait  pour  le  siècle  où  il 
vivait  une  instruction  peu  commune,  on  assure 
qu'il  parlait  cinq  langues  ^^;  inflexible  et  dur,  il 
versait  des  ruisseaux  de  sang  pour  satisfaire  ses 
caprices  et  punir  la  moindre  infraction  à  sa  vo- 
lonté de  fer  ^^.  Avec  la  bravoure  du  guerrier,  il 
avait   les  qualités  du  général,   et  ici  c'était  un 


—  d/*  - 
monde  que  le  soldat  et  le  général  allaient  con— 
quérir,  c'était  un  monde  que  défendait  cet  em- 
pereur. Jamais  lutte  fut-elle  plus  intéressante  ? 

Séparée  de  l'Europe  par  les  Turcs  et  par  le 
tdiiime»  réduite  à  quelques  arpeois  de  terre, 
Gonstantinople  la  grande,  la  bellei  la  riche ) 
voyait  sous  ses  murs  trois  cents  mille  Barbares 
et  point  d'alliés,  4)oint  d'amis...  Les  Anglais  re- 
tenaient Cliarles  \II,  la  Hongrie  était  en  proie  à 
des  divisions  intérieures,  FAutriche  s'organisait  ; 
Venise  délibéra  froidement  si  elle  renoncerait  à 
ses  conquêtes  d'Italie ,  et  GêneS|  enfin,  envoya 
quatre  vaisseaux  ^  ! . . . 

Pendant  ce  temps^  quatorze  batteries  dont  la 
grosseur  était  fabuleuse,  des  béliers,  des  navires^ 
partout  des  feux  grégeois,  Tartillerie  moderne 
venant  en  aide  à  Tartillerie  ancienne,  entouraient 
les  murs  de  la  ville,  et  Sainte-Sophie  répondait 
seule  par  son  lugubre  tintement  aux  cris  des  as- 
saillants enivrés  de  sang  et  de  pillage. 

Constantin,  découragé,  voulut  donner  un  jour 
de  |;loire  à  la  cité  de  ses  pères.  U  se  prépara  à 
mourir  et  y  ediorta  les  siens  :  un  fossé  inuuense 
avait  été  creusé  autour  des  murs  de  la  ville^ 
Mahomet  y  poussa  ses  plus  mauvaises  troupes^ 
les  cadavres  remplirent  bientôt  cet  intervalle,  le 
but  de  Mahomet  fut  atteint,  et  sur  ce  pont  san- 


—  So- 
ûlant ses  farouches  janissaires  montèrent  à  |  as- 
^ut;  trois  fois  ils  furent  repoussés  par  la  yaletir 
de  Constantin^  trois  fois  ils  revinrent  à  la  chaîne, 
et  après  ce  dernier  effort  de  la  tenaci^té  et  du 
nombre ,  «ur  le  courage  du  désespoir,  Mahomet 
en  Ira  à  ctieyal  dans  Sainte-Sophie^  renriplie  de 
chrétiens  prosternés,  et  en  fit  abattre  Tautel  que 
Constantin  ne  pouvait  plus  défendre  :  il  était 
mort  en  combattant,  et  du  moins  ses  jeux  ne 
furent  pas  affligés  du  spectacle  affreux  du  sac  de 
sa  belle  cité^  qui  fut  pillée,  ensanglantée  et  dé- 
truite^ pendant  trois  jours  et  trois  nuits  ^K..  Le 
siège  avait  duré  quarante  jours,  et  d'incroyables 
efforts  avaient  été  faits  des  deux  côtés;  la  chjiite 
du  dernier  César  de  Bysance  avait  été  plus  glo«- 
rieuse  que  la  longue  prospérité  de  ses  lâches  pré- 
décesseurs ^. 

Après  la  prise  de  Constantinople,  et  lorsquUl 
ne  fut  plus  temps  de  remédier  au  mal,  rËurope 
s'émut  :  Nicolas  V  prêcha  la  croisade,  mais  cette 
ardeur  que  la  honte  avait  allumée^  s'éteignit  tivec 
le  temps,  et  l'intérêt  privé  des  nations  leur  fit 
contracter  des  aUiances  avec  les  Turcs  vain- 
queurs;  la  commerçante  Venise  avait  donné 
l'exemple,.  • 

Sainte-Sophie  devenue  mosquée,  la  ville  d^ 
Constantins  devenue  la  proie  de  Mahomet»  n'in- 


—  9t;  — 
(ercsse  plus  que  raibicmeut  l'Europe  chrétienne- 
Que  nous   înipoitent   en  effet   les  querelles  dci» 
Bajazct  et  des  Sîzim  et  les  révoltes  de  sérail  ? 
Que  nous  importent  une   longue  série  d'événe- 
ments qui  ne  se  lient  quelque  peu  à  l'Europe  que 
par  le  règne  civilisaleur  de  Soliman  et  la  défaite 
de  Sélim  dans  le  golfe  de  Lépante  ^3? 

Abandonnons  le  récit  des  faits  :  tant  d'événe- 
ments,  tant  de    révolutions,    tant    de    vies    et 
de    morts    célèbres,    press(\s,    accumulés,   sans 
suite,   sans  liaison,  sont  de  nature  à  fatiguer  la 
plus   patiente  et    la   plus  courageuse   attention. 
Voyons  maintenant  la  vie  religieuse,  sociale,  mo- 
rale et  intelleciuelle,  de  cette  Europe  si  divisée 
dans  ses  affaires  intérieures,  mais  souvent  réunie 
par  un   même  lien  et  autour  de  grands  centres 
d'actions  comnnms  à  toutes  les  portions  de  son 
vaste  territoire.  Ainsi,  la  réforme  sera  pour  son 
histoire  ce  qu'ont  été  la  république  de  Rome, 
l'empire  des  Césars,  le  christianisme,  l'invasion 
des  Barbares,  le  règne  de  Gharlemagne,  et  plus 
récemment  enfin  la  féodalité  et  les  croisades.... 
Evénements  or.  idées,  bons  ou  nuisibles  à  l'hu- 
manité, mais  attirant  fortement  son  attention  et 
la  réunissant  par  un  lien  commun  dans  une  pen- 
sée commune. 


—  07  -• 

CHAPITRE  QUATRIÈME. 


Nous  avons  laissé  la  papauté  divisée  et  TÉglise 
en  proie  au  scliisme  le  plus  violent  etle  plusdé* 
plorable  qu^elle  eût  eu  encore  à  supporter.  La 
majeure  partie  de  TËurope  était  restée  fidèle  à 
Home  et  à  Urbain^  les  partisans  de  Clément  YII 
appartenaient  tous  à  TOccident. 

Deux  pontifes  infaillibles,  tout-puissants^  sol- 
licitant tous  deux  les  suffrages  populaires^  exigeant 
tous  deux  les  tributs  des  fidèles  et  l'hommage  des 
souverains^  s'anathématisant  mutuellement  et 
lançant  l'un  sur  Tautre  leurs  foudres  autrefois  si 
terribles  et  i9aintenant  vaincues  et  sans  effets 
puisqu'elles  frappaient  chacune  une  tête  invio- 
lable, c'est  là  le  plus  affligeant  spectacle,  le  plus 
tiiste  effet  des  passions  humaines  mêlées  aux 
choses  divines...  Et  ce  scandale  dura  plus  d'un 
quart  de  siècle  ! . . .  On  voyait  des  populations  en- 
tières abhorrer  ce  que  d'autres  vénéraient,  et  PE- 
glise  n  avait  aucun  moyen  de  faire  cesser  un  si 
V.  T 


fâcheux  ëtat  !  Cependant  telle  ëtait  encore  Pau- 
réole  divine  dont  la  papauté  était  entourée,  que^ 
malgré  les  réflexions  qu^uu  pareil  état  de  choses 
devait  araetMr,  la  Vftp^^  1^  oi  il  était  reconnu, 
voyait  les  populations  à  ses  pieds,  les  souverains 
conduisaient  sa  haqu^f^»  le  denier  de  Saint 
Pierre  n'était  jamais  refusé,  et  de  pieux  pèlerins 
venaient,  comme  par  le  passé,  se  prosterner  de- 
vant sa  sainteté,  au8Sii\Gtpbrettx  que  des  essaims 
d^abeifksf  •  *- 

Malgré  cette  ferveur,  malgré  ce  respeêt  reli- 
gienx,  suite  d'une  immense  et  profon4e  ^éqffra- 
tion^  on  ne  pouvait  se  dissimuler  que  les  antiques 
rapports  de  la  papauté  et  de  la  chrétienté  avatqnt 
été  dissous.  Les  conséquences  de  ce  scMsme  ne 
s^arrétèrent  pas  en  effet  au  Saint-^ége  :  il  y  avait 
de  toute  nécessité  deux  classes  de  cardinaux,  ^*é- 
véques,  de  simples  prêtres,  de  fidèles...  comment 
le  fidèle  eût-il  pu  éclaircir  ce  que  rEgiiae  ne 
pouvait  décider?  Eh  !  bien  nous  n'hésitais  pas  k 
le  dire  :  c'est  encore  une  preqve  de  la  dlviai^é 
de  la  foi  catholique;  si  la  vérité  n'eût  pas  ^  U^^ 
quelle  puissance  humaine  ehtré^iaté  à  uneéprMve 
pareille  1  ? 

L'Université  de  Paris  voulut  mettre  un  terme 
au  schisme,  mais  ce  fut  en  vain.  Les  esprits  étaient 
tellement  exaspérés,  et  le  furent  si  long-tempi, 


qu'à  la  mort  même  d^Urbain  on  uomroa  un  nou- 
veau pape  plutôt  que  de  se  rëunir  à  Clément  VII, 
et  que  djQ  coupables  représaille$  leunent  lieu  à  la 
mort  ^e  ce  dernier  :  !3oniface  IX  et  Benoît  XIJI 
succëdèreut  à  Urbain  YI  et  à  Gltfment  Y II,  et 
\U  ne  devaient  p^s  être  les  dei*n{6r$  :  à  Boni- 
fijice  IXy  succécia  Innocent  YII9  et  à  Innocent, 
Gr^oire  XII;  c'étaient  donc  Grégoire  XII  e^ 
Blenoit  XIII>  qui  se  prétendaient  papes  et  agis- 
saient QQ^nme  tçlç,  donnant  à  l'Europe  le  spec- 
tacle 4'une  complète  désorganisation  du  haut  de 
oe  siège  que  Jésus-Christ  avait  institué  comme  le 
principe  et  le  type  de  l'unité  chrétienne  *. 

Cependant  les  cardinaux  pressés  par  les  souve- 
:i^ins  et  par  les  peuples  profondément  affligea 
du  .^cand^le  quoffrait  TEglise,  prirent  sur  eux 
de  çenvoquer  un  concile  général'.  Cette  grande 
meyMire  eut  TefiFet  qtf elle  devait  avoir  :  du  con- 
cile de  Pise  date  pour  l'Eglise  une  nouvelle  ère, 
nouvelle  surtout  en  |cela  que  les  conciles  gé- 
aéraux  eurent  plus  de  pouvoir  que  par  le  passé 
et  s'attachèrent  à  consulter  les  manifestations 
Içs  pjius  pures  de  Topiaion  de  leur  temps.  Ce 
Qoncil^  s'ouvrit  le  2:5  mars  1409.  Il  s'y  ti-ouva 
^  cardinaux,  les  4  patriarches  d'Alexandrie, 
d^^^tioql^e  j,  de  Jéi'usçlem  et  de  Grenade,  19.  ar- 
c^eiréques  pr^ents  et  l/i  par  procureurs,  80  évc- 

7. 


nion^  et  les  dernières  promotions  de  Cirdiiidvx 
qu'ils  ont  faites  l'un  et  Tautre. 

On  convint  ensuite  que  les  cardinanic  crëfti 
par  les  prétendus  papes  sëparës  l'iln  de  l'autns 
procéderaient  pour  cette  fois  à  Pëlection  sous  ratt- 
toritë  du  concile,  sans  prétendre  déroger  àTëléo^ 
tion  des  cardinaux.  On  fit  une  procession  solen- 
nelle pour  demander  à  Dieu  les  grâces  nécessaires 
pour  l'élection  d'un  pape  :  en  conséquence ,  leà 
cardinaux,  au  nombre  de  vingt-quatre,  étant  eii* 
très  au  conclave  qui  avait  été  préparé  dans  l*âi^ 
chevêché,  el  dont  là  garde  fut  confiée  au  Grand-* 
Maître  de  RHodes,  y  demeurèrent  enfermés  dti 
jours,  après  lesquels  ils  élurent  unismlliiettiwit 
Pierre  de  Candie ,  de  l'ôirdre  dés  frères  mineûH  ^ 
cardinal  dé  Milan,  âgé  de  soixAhte-dik  ans,  etqili 
prît  le  nom  d^Atôxandre  V. 

Dès  qu'il  fut  élu,  Jean  Gw'scmi,  clianceliei^  de 
l'université  de  Paris ,  prononça ,  en  présence  du 
nouveau  paj^e  et  de  tout  le  concile,  un  discôiiî^ 
dahs  lequel  il  prit  jpour  texte  dés  paroles  dés  actek 
des  apôtres  :  JDomme,  siin  lémporè  hàc  ^stiMês 
regHum  Isfael?  a  Seigneur^  sefra-ce  ente  tethp» 
que  vous  rélablirei  le  royaume  d'Israël?  %  Ilp^ouva 
la  validité  du  cohcîle  de  Pise  el  son  autorité,  pat* 

J'e^emple  du  concile  de  Nicée  qui  fut  assembW 
pw  Constantin  seul }  et  par  le  ciotjuième  concile 


œcam^qiie,  contré  Théodore^  db^iple  de  Nés-- 
torius',  as^mblë  par  lesr  jpèrès  eux-mêmes;  il  ex^ 
horta  le  pa|pe  à  ne  se  dispenser  d'aucun  de  ses  de-> 
voirs ,  et  à  couper,  sans  différer,  la  racine  du 
schisme^  par  k  vive  poursuite  des  deux  concur- 
rerits'2  it  s^étéya  ccmtre  le  relâchement  du  clergé^ . 
et  surtout  dés  moines  mendiants:  il  parla  des  abus 
et  exhorta  les  pères  àuÉ  concile  à  travailler  sërieu- 
semént  à  la  rëformation  de  TËglise. 

Le  nouveau  pape  prësida  la  dix-neuvième  ses- 
sion qui  eut  lîeti  le  i^*  juillet  ;  il  y  fit  un  discours . 
sur  ces  paProlee^  de  sain^  Jean  :  Fiet  unum  ovilè  et 
unus  prtstor. 

Dans  lès  deiùc  sessions  qui  suivirent  on  régla 
les  affaire»  de  TEglise  pour  réparer  autant  que 
pos^Mé  les  maux  que  le  schisme  avait  causés  ^. 

L'Eurbpe  entière  avait  applaudi  à  Tidée  du 
concile  ainsi  qu'à  ses  décisions,  inais  l'entliour 
siasmé  ne  tarda  pcis  à  diminuer  lorsque  le  nouveau 
Pape  fut'  ëonhd.  Gâ  vieillard,  impuissant  j^our 
une  si  tûde  fâché,  hé  put  tenir  les  rênes  d'une 
main  assez  ferme  pour  réparer  les  maux  de  FE^ 
glise  comtné  Fàvàit  désiré  le  concile,  et  les  ûar- 
diriaurjf,  séduits  p^t  la  modeste  piété  du  père  près- 
qu'inconnu  qui  n'avait  excité  parmi  eux  aucune 
rivalité,  nfe  tài*dèrent  pas  à  s'apercevoir  qu'ils 
avàiéiït  ci^éé  ub  trdsièmé  pape.  Les  deux  pre^ 


— -!(»  — 

miers  avaient  fulminé  contre  la  mesure  de<  car-« 
dinaux  :  «  le  pape  seul,  disait  Grégoire  XII,  avait 
le  droit  de  convoquer  un  concile,  et  en  son  ab-« 
sence  l'empereur  comme  avojer  de  TEglise.  •  Ua 
ne  le  reconnurent  donc  pas  et  opposèrent  leur» 
actes  souverains  aux  actes  souverains  du  mendiant 
de  Candie  ^...  Le  vieillard  ëteint,  le  cardinal 
Gossa  qui  avait  peut-être  fait  de  Pierre  de  Gandie 
un  marche-pied,  fut  élu  à  sa  place  sous  le  nom  de 
Jean  XXIII  ;  mais  le  mal  s'était  enraciné,  et  un 
nouveau  concile  devint  indispensable. 

L'extinction  définitive  du  schisme  n^était  pas 
la  seule  afiaire  importante  à  résoudre,  on  s'occu-^ 
pait  aussi  de  la  réforme  de  l'Eglise  devenue  né- 
cessaire, peut-être  même  aussi  imminente  que 
l'autre,  et  en  effets  si  cette  mesure  eût  pu  avoir 
un  plein  succès  elle  eût  évité  de  bien  grands  et  de 
bien  longs  malheurs  à  la  chrétienté. 

Le  concile  fut  convoqué  à  Gonstance  en  lAl/i, 
par  Jean  XXIII,  et  ouvert  par  une  messe  ponti- 
ficale à  laquelle  assista  Tempereur  Sigismond  en 
habit  de  diacre. 

Nous  reproduisons  ici  les  principales  décisions 
qui  furent  prises  dans  les  U5  sessions  de  cet  im- 
portant concile. 

Iro  session.  —  On  prit  d'abord  la  résolution  d*o» 
pineppar  nations,  et  pour  cela,  on  partagea  le  coa-» 


cileencinqnatioDs:  Tltalie,  la  France,!' Allemagne, . 
TÂngleterre,  et  plus  tard  TEspagne.  Od  nomoia 
un  certain  nombre  de  députés  de  chaque  nation, 
avec  des  procureurs  et  des  notaires,  qui  avaient  à 
leur  tête  un  président  que  l'on  changeait  tous  les 
mois.  Gela  faisait  comme  des  tribunaux  séparés 
oii  les  députés  de  chaque  nation  s'assemblaient 
en  particulier  pour  délibérer  des  choses  qui  de- 
vaient être  portées  au  concile.  Quand  on  était 
convenu  de  quelque  article,  on  l'apportait  à  une 
assemblée  générale  des  cinq  nations  ;  A,  si  lar-* 
ticle  était  unanimement  approuvé,  on  le  signait 
et  on  le  caclietait  pour  le  porter  dans  la  session 
suivante,  afin  d'y  être  autorisé  par  tout  le  con- 
cile,   qui  ne    manquait    jamais  d'j  acquiescer. 
Ainsi,  quand  on  tenait  une  session,  tout  était 
déjà  conclu,  et  il  n'était  plus  question  d^y  prendre 
l'avis  de  chaque  personne  ;  mais  seulement  â!y 
ratifier  ce  qui  avait  été  résolu  par  le  plus  grand 
nombre  des  nations. 

Dans  une  de  ces  congrégations,  on  présenta  une 
liste  de  griefs  très-considérables  contre  le  pape, 
et  on  lui  envoya  des  députés  pour  l'engager  à  re- 
noncer de  lui-même  au  pontificat.  Il  répondit 
qu'il  le  ferait,  si  les  deux  autres  contendants  pre- 
naient Je  même  parti;  mais  il  remit  de  jour  en 
jour  à  donner  une  formule  claire  et  précise  de  ^ 


—  100  — 

ceMiOn.  Pendant  cé  temps-lï  ^  1^  d^tës  deVtt^ 
myevsité  âe  Paris  arrivèrent  à  Constance,  ajnMt 
à  leur  tête  le  célèbre  Gcrson,  ctteincêTîèr  <fe 
université ,  et,  en  mdme  tenlps,  ààk&HrMdéMr 
rbî  Charles  VI. 

ir  session.  — 2  Mars.  —  Le  pape  y  prùiiofi^ 
une  formule  prëcîse ,  par  laquelle  il  fâfsaft  sërfntèrit 
de  renoncer  au  pontificat ,  si  son  abdicâtioti 
pouvait  éteindre  le  schisme.  Elle  aVait  êiédré6iêé 
par  trois  nations  du  concile;  mais,  cdmcàe^  âaiti 
une  congrégation  qui  se  tînt  ensuite  ,  on  pi^d^KtSi 
dcdontier  un  pape  à  l'Église,  Jean  XXIÏÏ,  s^é- 
tant  ddguîsd  en  postillon ,  sortît  secrèfenieht 
de  Constance,  et  se  retira  à  SchaflFhouse.  L'èttf- 
pereur ,  voyant  le  trouble  que  la  fuite  du  jOipé 
avait  causé  dnrtS  les  esprits ,  déclara  que  la  fé^ 
traite  de  Jean  XXIII  n'empêchait  pas  le  côhcile 
de  travailler  h  la  réunion  de  l'Église.  Gerson ,  de 
concert  avec  les  nations ,  fit  un  discours ,  pout 
établir  la  supériorité  du  cohcîle  au-dèsàtts  dû 
pape. 

Ce  discours  fut  l'origine  dé  la  question  ^nî  fût 
vi\'emént  agitée  alors  ^  si  lô  concile  est  ait-dëàsds 
du  pape  ou  non.  Gerson  prouva  que  rÉglîse  ôtf 
le  cohcîle  a  pu,  et  peut  en  plusieurs  cas,  s*aii* 
sembler  sans  un  exprès  consentétnent  ou  éôA- 
mandement  du  pèrpe^  qtiand  méthe  il  atiTaft  été 


canoniquembiit  ëlu^  et  qu'il  vivrait  t^^liét'e^ 
ment. 

IIP  et  IV^  sessiondé— -^La  métne  disousdîon  coih 
tinue  et  eat  enfin  terminée  par  tiil  décret  remar* 
quable^  pointant  que  le  concile  de  Gbnstancé, 
légitimement  assemblé^  au  nom  du  Saint-ËspHt^ 
et  représentant  TEgiise  catholique  militante  ^  a 
reçu  immédiatement  de  Jébu^-Ghri^t  Une  puis-^ 
sance  à  laquelle  toute  përsdhiie ,  de  quelque  état 
et  dighité  qu'elle  soit ,  même  papale ,  est  obligée 
d*obéir  dand  ce  qui  regarde  la  foi,  l'éxtirpatidn 
du  slâhidtne)  et  la  réformation  de  TÉglièie  dans 
son  chef  et  dans  ses  membres. 

Dans  les  sessions  suivantes,  Jean  XXIII  fut 
mis  en  aô^^Usaiion  et  mandé  à  là  barre  dli  Concile. 
Sur  Mh  reftii  d'y  comparaître ,  on  prbfcéda  icorittisi 
Itii  ell  iûêïùé  temps  que  cotitre  les  héirésiarquèa 
Wîcifef,  Jérôfaede  Prague  et  Jean  Hus*— DansI 
la  X*  séssibh  >  le  concile  df^olara  le  Pape  atteint 
et  convaincu  d'averti'  ëkercé  publiquement  la  si- 
monie, entendant  le^  bénéfices  ,  et,  comme  tel, 
le  suspendit  de  toutes  les  fonctions  de  Pape ,  et 
de  toute  administration  tant  spirituelle  que  tem- 
porelle  ^  OH  lui  envoya  notifier  ce  qui  s'était  passé 
dans  le  concile ,  il  l^pôndit  qu'il  n'avait  rîén  à 
opposer  à  ce  qu'on  lui  reprochait,  qu'il  reobK- 

nai9Mit  Ift  coticile  comxM  mnt  et  Infaillible^  et  il 


livra  y  en  même  temps  que  le  sceau^  Panneau  da 
pécheur  et  le  livre  des  suppliques  qu'on  lui  de- 
manda ;  et  il  fit  prier  le  concile  d'avoir  ^;ard  à 
sa  subsistance  et  à  son  honneur.  Ce  fut  après  cette 
session  que  Jean  XXIII  fut  conduit  dans  nne 
ville  de  Souabe ,  à  deux  lieues  de  Constance. 

XI'  session.  — Jërôme  de  Prague  comparut 
devant  le  concile  y  fut  arrête ,  et  mis  en  prison. 
Xiy*  session.—- On  reçut  l'abdication  de  Gré- 
goire XII:  il  la  fît  faire  en  son  non^  par  Charles 
de  Malatesta.  On  somma  Pierre-de-Lune  de  faire 
la  même  chose  ^  ce  qu'il  refusa  opiniâtrement, 
et  persista  dans  son  refus  jusqu'à  sa  mort,  en 
1424. 

XY^  session.  —  On  termina  l'affaire  de  Jean 
Husy  que  Ton  fit  comparaître.  Le  promoteur  da 
concile  demanda  que  les  articles  prêches  et  en- 
seignes par  Jean  Hus ,  dans  le  royaume  de  Bo- 
hême et  ailleurs ,  étant  hérétiques,  séditieux,  cap^ 
tieuXy  offensant  les  oreilles  pieuses ,  fiissent  con- 
damnés par  le  concile  ;  et  que  les  livres  dont  ces 
articles  étaient  tirés  fussent  brûlés.  On  lut  dn« 
quante-huit  articles  tirés  des  écrits  de  Widef,  et  on 
le  condamna.  On  lut  quelques-uns  de  ceux  de  Jean 
Hus:  il  ne  voulut  jamais  reconnaître  qu'il. était 
coupable  ;  et  le  concile ,  après  avoir  condamné 
tous  ces  articles,    le  condamna  lui-même  à  être 


àé^ndé ,  et  abandonne  au  jugement  séculier  ;  en 
conséquence,  on  procéda  à  sa  dégradation,  et  on 
le  livra  au  bras  séculier  qui  le  fit  brûler.  Le  con- 
cile difolara  ensuite  hérétique ,  scandaleuse  et 
séditieuse,  la  proposition  de  Jean  Petit  :  savoir  , 
qu'un  tyran  peut  être  tué  licitement,  et  d'une 
manière  méritoire ,  par  chacun  de  ses  vassaux 
et  sujets,  même  clandestinement,  par  embûches 

■ 

secrètes ,  par  flatteries  ou  caresses ,  nonobstant 
toute  promesse^  serment  et  confédération  faite 
avec  lui  9. 

XXP  session.  —  Jérôme  de  Prague,  après  avoir 
parlé  avec  beaucoup  de  hardiesse,  fut  exhorté 
par  les  pères  à  se  rétracter  ;  et ,  ayant  persévéré 
dans  son  opini&treté,  il  fut,  par  sentence  du  con- 
cile ,  déclaré  hérétique ,  relaps  et  excomunié.  En- 
suite on  le  livra  au  bras  séculier,  qui  lui  fit  subir 
le  sort  de  Jean  Hus. 

XXXVir  session.  —  On  y  prononça  (après 
s^en  ^tre  occupé  dans  un  grand  nombre  de  sessions 
précédentes)  la  sentence  de  déposition  contre 
Benoit  ;  elle  déclare  que  Pierre-de-Lune  ,  dit 
Benoît  XIII,  a  été  et  est  parjure;  qu'il  a  scanda- 
lisé Téglise  universelle;  qu'il  est  fauteur  du  schisme 
et  delà  division  qui  régne  depuis  si  long-temps, 
un  homme  indigne  de  tout  titre,  et  exclu  pour  tou- 
jours de  tout  droit  ^  la  papauté ,  et  comme  tel  t 


■  •  «<     • 


lis  concile  le  dégr^iàe ,  le  dépoae  et  )e  jir-j 
tputes  9f»  digpUâ  «t  piEjce^;  lui  dëfiçqd  ( 
gftrd^r  «informais  copime  pape;  dëfep< 
les  cbrëtiei!»,  de  quelque  ordre  qu'ils  soient, 
obéir,  sous  peine  d^étre  traités  comqae  fautei 
schisme  et  d^hérësie,  etc.  Cette  sentence  fi 
prouvée  de  tout  le  concile ,  et  affichée  ç 
ville  de  Constance. 

Çel^  fait ,  on  entama  Tœuvre  de  1^  i*ëfo] 
clergé  ;  mais  on  ne  voulait  la  terminer  quV 
rélection  d'un  pape.  En  conséquence ,  0|i 
da  ^  œttQ  él^tion ,  et  au  bout  de  trois  jgu] 
conclave,  le  cardinal  Colonne  fut  élu  et  prît  le 
de  Martine  V,  après  son  couronnement. Les  nf  I 
lui  ayant  demandé  de  travailler  à  la  réformai 
qv'il  avait  pfomise  après  son  élection ,  il 
vêla  sa  promesse.  ^ 

XLir  session.  —  Le  nouveau  pape  y  pi\âd<|^ 
et  Tempereur  y  fut  présent.  Les  nations  pn^ntlV 
rent  un  mémoire  pour  Taffaire  de  la  réfomatMl?  : 
mais  Martin^  importuné  de  leurs  in^ances ,  dMÉt* 
un  {MTojet  vague  sur  lequel  on  ne  pouvait  rien  i)(tft^^ 
cdure,  et  après  cette  sorte  d'ajournement  de 'M- 
question  la  plus  importante,  le  concile  £«l'liBH; 
miné.  U  avait  duré  trois  ans  et  demi.  v     ) 

On  a  reproché  à  ce  conçue ,  si  important  d'wl* 
leurs  et  si  sage  dans  la  plupart  de  ses  déereta,  sa 


le 

Qd  de 
end 

faute 


4^  s^éffkA  emtre  jbi^a  Hu»  et  Jéràme 

»  edoq  »  argu^  de  Ui  qu'il  n'âail pa^ 

ique.  L^  parlisana  du  concile  répondent 

^pjpqssiDt  que  la  rjgueuc  soit  exo^sive,  la 

jà%  ppiptélé  fs^uâiee,  et  que  si  les  conciles 

Iqu^^ont  ip^illibleâ  dausieurs  décision, 

p^uyent  être ,  d^aip.iès  la  nab^re  hummine 

ffs  auÊsursy  in^pecpable^  dans  Vapplication. 

I%i«soo«  aux  Théologiens  le  soin  de  d^ider 

çteslïipn^. 

.neste  9  le  supplice  de  Jean  Hiis  porta  ses 
comme  la  plupart  des  autres  persécutions  *; 
toont,  expjoitée  par  un  autre  enthousiaste  ^ 
^  fut  la  source  de  mille  hocrencs  et  d  une 
civile  et  politique  qui  désola  Prague  et 
emagne* 
Le  pape  avait  ajourné  à  cinq  ans  la  réforme  et 
AOUi{e£^u  concile  général ,  maïs  il  ne  devait  pas 
k  pnéûder^  Ge  soin  fut  rései^vé  à  son  succes^ur 
ft^è^ie  IV*  Ge  pontife,  lié  par  des  promesses  anté* 
lleafas  ^  devait  avant  tout  s.'occuper  de  réformer 
lt,oaiUf  4^  Kqme ,  et  se  mettre  à  la  discrétion  des 
fudinajux  les  plus  inQuenta  pouv  la  tenue  des  cour 
mLqsw  II.  avait  promb  eq  outre  à  ce  corps^  si  puis- 
fgnfc  alors^  delui  laisser  l'administration  des  villes 
dont  chaque  cardinal  avait  la  garde  j  ms|is  le  pou- 
voir change  facilement  les  idées  i  repentant  de  sa 


faiblesse  y  il  rrfumsBait  avec  iMitear  le  ooncile  de 
Bâle  qui  devait  être  pr^dë  par  le  cardinal  Gësa- 
rioi  f  occupé  alcMTS  à  diriger  une  armée  allemaâde 
contre  les  Hussites  ,  et  aussicdt  après  aa  réunion 
il  résolut  de  le  dissoudre,  pour  Pajoiumar  à  dix- 
huit  mois  ;  mais  il  trouva  une  rénstance  à  laqudle 
il  ne  s'attendait  pas.  Les  pères  du  eoncile  firent 
au  l^t  du  pape  une  réponse  sy nodtSe^  dans  kh 
quelle  ils  posent  les  mêmes  principes;  et  ils  les 
appuient  par  de  solides  raisons  :  «  i*  snr  ce  qnè 
pei^sonne  ne  peut  contester  l'autorité  de  l'Bgfiae» 
et  que  tout  ce  qu'elle  reçoit  doit  être  reça  par 
t  )us  les  tidèles  ;  qu'elle  jouit  seule  du  privil^ 
ae  Pinfaillibilité  y  et  qu'ainsi  elle  seule  peut  fiiire 
des  lois  qui  obligent  universellement  tous   les 
fidèles  ;  2^  sur  ce  que  les  conciles  généraax  sont 
d'une  autorité  égale  à  celle  de  TËglise,  parce 
qu'ils  représentent  l'Eglise  catholique,  qui  tient 
sa  puissance  immédiatement  de  J.-G.,  comme  Ta 
décidé  expressément  le  concile  de  G>nstance9  donc 
les  conciles  généraux  sont  in£adllibles,  puisqu'ils 
sont  l'Église  même  ;  â"^  sur  ce  que  le  pape,  quoique 
chef  ministériel  de  l'Ëglise,  n'est  pas  cep«ida«t 
au-dessus  de  tout  le  corps  mystique,  parce  que 
ce  corps  mystique,  même  sans  c<mipter  le  pape, 
ne  peut  pas  errer  dans  les  choses  de  foi»  au  lien 
que  le  pape,  quoique  chef  de  ce  corps,  peut  errer; 


ce*  que  Teitpërience  fait  voir.  D'ailleurs,  ôe  même; 
corps  a  déposé  des  papes  convaincus  d'erreur 
daus  la  foi;  et,  au  contraire,  le  pape  n*a  jamais 
condamné  ou  excommunié  le  reste  du  corps  de 
TEglise.  » 

Malgré  la  solidité  de  ses  raisons,  Eugène  voulant 
toujours  que  le  concile  fût  dissous ,  ce  même  con- 
cile crut  devoir  opposer  son  autorité  à  la  sienne '• 

Eugène  IV  fut  invité  à  se  rendre  au  con- 
cile ;  il  répondît  en  annulant  ses  travaux ,  mais 
le  concile  luttant  avec  lui  de  fermeté,  somma 
de  nouveau  le  pape  de  comparaître  dans  son  sein 
et  de  révoquer  ses  bulles;  à  défaut ,  le  concile  de- 
vait s'emparer  de  l'administration  de  FEglise  et 
considérer  le  pa^e  comme  n'existant  plus. 

Les  travaux  continuèrent  en  effet  dans  qua- 
rante-cinq sessions  successives  qui  ne  durèrent 
pas  moins  de  douze  ans...  Ne  pouvant  reproduire 
ni  même  résumer  les  décisions  de  cette  assemblée, 
nous  nous  contenterons  d^indiquer  les  plus  im- 
portantes. 

Dans  la  première  session  le  cardinal  Julien 
avait  exhorté  les  pères  à  mener  une  vie  sainte  et 
pure,  à  avoir  de  la  charité  les  uns  pour  les  au- 
tres, et  à  ne  travailler  que  pour  le  bien  de  l^É-* 
glise.  On  exposa  ensuite  les  motifs  de  la  convo- 
cation, du  concile,  savoir  :  1^ extirper  les  héré- 
V,  8 


sies  ;  T  réunir  tout  le  peuple  Clirélien  à  TEglite 
catholique;  3"  donnci*  des  instruclions  sur  les 
vérités  de  ]<i  foi  ;  U'^  a{)aiâer  les  guerres  entre  les 
princes  chrétiens  ;  5"  réformer  TEglise  dans  son 
chef  et  dans  ses  membres  ;  G"*  rétablir  autant  quMl 
est  possible  rancicnnc  discipline  de  FEglise.  On 
renouvela  les  décrets  du  concile  de  Constance 
contre  ceux  qui  troubleraient  le  concile  par  des 
intrigues  secrètes  ou  par  une  violence  ouverte, 
et  contre  ceux  qui  se  retireraient  sans  avoir  fait 
part  de  leurs  raisons.  Enlln,  le  concile  fit  un  dé- 
cret portant  que  le  saint  concile  de  Bàle  était 
légitimement  assemblé,  et  que  les  prélats  dtvaient 
s'y  rendre. 

Dans  la  plupart  des  sessions  suivantes  on  ne 
s'occupa  que  du  pape,  qu'on  finit  par  déclarer 
contumax  s'il  ne  se  rendait  dans  la  chaire  où 
rappelaient  son  devoir  et  ses  promesses. 

Pendant  ce  temps,  Eugène  IV  convoquait  un 
autre  concile  à  Ferrare,  mais  les  pères  assemblés 
à  B&Ie^  arrivés  alors  à  leur  vingt-sixième  session» 
refusèrent  la  bulle  de  translation,  cassèrent  ras- 
semblée de  Ferrare  comme  schismatique^  et  con<« 
tînuèrent  leurs  travaux  ^°. 

Voulant  frapper  un  coup  d^autorité^  ils  dres- 
sèrent  contre  Eugène  huit  articles  portant  ;  que 
c'est  une  vérité  de  foi  catholique  que  le  concile 


—  445  — 

général  est  supérieur  au  pape;  qu^il  ne  peut  ëlre 
dissous  ni  transféré  sans  le  consentement  général. 
Et  Pon  établit  ces  propositions  comme  articles  de 

foi''. 

On  s'occupa  ensuite  de  Télection  d'un  nouveau 
pape.  Le  conclave  présidé  par  le  cardinal  d'Arles 
nomma  Amédée,  duc  de  Savoie.  On  lui  députa 
vingt*cinq  ecclésiastiques  qui  furent  le  trouver 
dans  sa  solitude,  vainquirent  avec  quelque  peine 
sa  résistance^  et  il  prit  le  nom  de  Félix  V  ^*. 

Cette  élection  fut  la  source  d'un  nouveau 
schisme;  les  Français ^  quoique  partisans  du  con- 
cile de  Bâle,  reconnurent  toujours  Eugène  pour 
ne  pas  renouveler  les  scandales  passés.  :Lcs  An- 
glais et  les  Ecossais  en  firent  autant,  mais  les  sou- 
verains d'Aragon,  de  Hongrie,  de  Bavière  et 
d'Autriche,  reconnurent  Félîx^  ainsi  que  les 
universités  d'Allemagne  et  de  Cracovie. 

Pendant  ce  temps,  Eugène  avait  rassemblé  jus- 
qu'à soixante-douze  évêques  dans  un  autre  con- 
cile, et  s'occupait,  sans  pouvoir  y  parvenir,  de 
la  réunion  des  sectes  d'Orient  au  Saint-Siège.  Il 
mourut  en  \,W]y  après  seize  ans  de  pontificat,  et 
après  avoir  guerroyé  tout  ce  temps  spirituelle- 
ment et  temporellement. 

Ce  pontificat  est  le  seul  reconnu  par  l'Egliae, 

malgi'é  les  décisions  du  oonoile  deBwle,  et  c'est 

8. 


un  hommage  rendu  à  ruiiilé^  car  rînflexîbîlîfë 
de  son  caractère  hautain  lui  (it  beaucoup  de 
mal. 

Félix  V  e'tait  trop  accommodant  et  trop  peu 
ambitieux  pour  continuer  le  schisme  ;  il  reçut  de 
Nicolas  y  le  chapeau  de  cardinal^  aussi  humble- 
ment qu'il  avait  reçu  la  tiare  du  concile  de  Bàle. 

Malgré  toutes  les  agitations  et  les  schismes  qui 
avaient  ébranlé  le  pontificat,  dit  avec  raison  un 
historien  protestant^  mais  impartial,  malgré  les 
coups  que  lui  avaient  portés  les  conciles  généraux, 
il  se  serait  relevé  promptement  après  la  dissolu- 
|tion  de  l'assemblée  de  Bâle,  et  il  eût  peut-être 
repris  toute  sa  vigueur  ancienne^  si  de  nouveau^ 
Grégoire  Vil  eût  encore  siégé  à  Rome.  Peut- 
être  même  la  papauté  se  serait-elle  élevée  plus 
haut  que  jamais,  si,  comprenant  dans  toute  leur 
urgence  les  besoins  du  temps  et  satisfaisant  aux 
vœux  des  hommes  le  plus  éclairés,  elle  eut  donné 
au  monde  ce  que  trois  conciles  avaient  promis  en 
vain:  des  réformes.  Point  de  doute  que,  dans  ce 
cas^  la  reconnaissance  des  peuples  et  la  vénération 
des  fidèles  n'eussent  redoublé  d'ardeur  pour  ce 
sacerdoce  qui,  huit  siècles  auparavant^  avait  ci- 
vilisé l'Europe^  livrée  par  le  paganisme  à  l'inva- 
sion des  Barbares.  Qu^on  se  le  persuade  bien,  si 
Rome  elle-même  eût  commandé  des  réformes. 


—  M7  — 

la  reforme  telle  que  lajit  le  seizième  siècle ,  û'eût 
pas  même  été  proposée. 

Les  améliorations  yenant  d'en  haut  se  font  à 
bien  moindres  frais  et  satisfont  à  un  degré  bien 
supérieur  que  celles  qui  s'opèrent  d'en  bas.  Il  y  a 
une  loi  pour  arrêter  les  unes;  les  autres  ne  po- 
sent l'épée  qu'après  épuisement....  Mais  tel  n'é- 
tait pas  le  sort  de  l'Eglise ,  elle  devait  subir  Lu- 
ther, puis  Calviu,  et  les  nombreux  novateurs  nés 
de  ces  deux  réformateurs  célèbres ,  et  souilrir  de 
tous,  quoique  se  conservant  toujours  dans  sa  foi 
et  dans   sa   vérité  primitive,  car   la  vérité  est 

UNE. 

Nicolas  V  avait  des  intentions  généreuses  ;  il^ 
s'occupa  d'abord  de  pacifier  Tltalie,  considérant 
cet  objet  comme  un  préliminaire  indispensable  à 
son  projet^  d'unir  les  princes  chrétiens  contre 
les  Turcs;  mais  il  n'y  put  parvenir,  non  plus 
qu'à  faire  renaître  l'harmonie  entre  la  France  et 
l'Angleterre.  Dans  les  moments  de  calme  que  lui 
laissait  sa  politique  conciliatrice,  mais  faible,  il 
cultivait  et  protégeait  les  lettres  ;  sa  mort  arriva 
doucement  sur  ces  entrefaites,  après  douze  ans  de 
ppntifîcat.  On  n'a  chargé  sa  mémoire  que  d'une 
faute  :  c'est  d'avoir  affecté  le  produit  des  indul- 
gences à  une  guerre  politique,  au  lieu  de  le  ré- 
server pour  la  croisade  projetée. 


Alphonse  Borgia  ou  Calixte  III|  son  raooesseur, 
à  qui  la  France  doit  la  révision  du  procès  do 
Jeanne  d^  Arc,  fut  la  cause  bien  innocente  de  bien 
grands  malheurs  pour  la  chrëtientë,  en  prépa- 
rant à  son  neycU)  fort  jeune  encore^  les  Toies  an 
pontificat  ^». 

Le  savant  Pie  II ,  qui  avait  été  le  secrétaire  du 
concile  dcBftle^PaulII,  Sixte  lY,  Innocent  VIII^ 
se  succédèrent,  apr^s  Calixte,  à  des  intervalles 
rapprochés,  mais  sans  pouvoir  redonner  ik  la  pa-« 
pauté  cette  vie  et  cette  autorité  qui  lui  manquaient 
depuis  Grégoire  VIL  Ils  roulèrent  daus  le  même 
cercle  de  bonnes  pensées  de  réformes  sans  en 
^mettre  aucune  à  exécution.  Il  fallait  une  autre 
main  que  les  leurs.  Ce  fut  bien  pis  encore,  ou  plu- 
tôt  ce  fut  un  épisode,  heureusement  unique^  mais 
horrible  et  désastreux,  que  le  pontificat  d'A-^ 
lexandre  VI,  d'Alexandre  Borgial 

Après  la  mort  dlnnocent  VIII^  la  ville  sainte 
fut  abandonnée  à  la  fureur  du  peuple  qui  pillait 
les  palais^  maudissant  la  mémoire  du  pape  défunt 
et  lui  reprochant  de  n'avoir  des  pauvres  aucune 
compassion.  Les  rues  étaient  remplies  de  voleurs 
et  d*assassins^  et  les  cardinaux  étaient  obligés -de 
s'entourer  de  gardes  pour  protéger  leurs  jours. 
Lorsque  cette  première  fureur  populaire  fut  oaU 
.  xuicj,  l'dvéque  do  Gonoorde,  («isant  romson  fu« 


nèbre  d'Innocent,  en  présence  do  toute  la  cour 
romaine,  exposa  le  triste  ëtat  où  se  trouvait  VE^ 
glise  et  exhorta  les  cardinaux  à  dlire  un  pape  in- 
rëprochable  dans  ses  mœurs  et  accoutume  à  la 
pratique  de  toutes  les  vertus,  qui  fôt  sans  amh^ 
tion^  savant,  charitable  et  saint,  tel  en  un  mot 
que  devait  être  un  vicaire  de  Jésus -Glirist. 

Le  conclave  élut  Borgia  ! 

Roderic  Borgia  était  de  la  première  noblesse 
(lu  rojaume  de  Valence.  Il  monti^a  de  bonne 
heure  une  haute  capacité  et  les  mauvaises  disposi- 
tions qui  lui  en  firent  faire  un  si  funeste  usage  : 
(ral)ord  avocat^  ses  débauches  le  jetèrent  dans  le 
métier  des  armes,  et  plus  tard  il  embrassa  par  gu« 
pidité  et  ambition  IVtat  ecclésiastique.  Elevé  au 
cardinalat^  par  Calixte  III,  son  oncle,  dont  il  avait 
sans  doute  trompé  la  crédule  tendresse,  il  abusa 
(le  sa  confiance  pour  faire  un  trafic  indigne  des 
chai'ges  et  des  dignités  les  plus  saintes.  Il  se  livra ^ 
en  secret  encore^  car  il  songeait  à  Tavenir^  à  de 
honteux  débordements  que  notice  plume  se  refuse 
ii  décrire.  Gr&ce  à  sa  profonde  dissimulation  et  à 
son  habileté^  sa  réputation  de  sainteté  couvrait  ai 
bien  toutes  ses  infamies  que  le  peuple  romain 
salua  par  des  acclamations  de  joie  la  nouvelle 
élection  du  conclave  au  sein  duquel  ses  immenses 
richesses  avait  acheté  une  majorité*. • 


—  420  — 

Mais  inipalient  de  secouer  cette  rude  et  trop 
longue  contrainte^  Alexandre  VI,  âgé  alors  de 
53  ans^  apprit  à  la  chrétienté  qu'il  était  père  de 
cinq  enfants  tous  faits  à  son  image,  tous  héritiers 
de  ses  vices.  Il  semblait  jouir,  du  haut  de  la  chaire 
de  Saiat-Pierre,  du  mépris  du  monde  Clirétienl 
Ses  trésors  ne  pouvant  suffire  à  ses  orgies,  il  tra- 
fiqua de  tout  ce  que  son  autorité  suprême  lui  met- 
tait sous  la  main,  aussi  dit-on  de  lui  : 

F'endit  Alexander  claves ,  allaria,  Clirislum  : 
Emerat  ille  prias,  vendere  jure potest  ^** 

Il  éleva  son  second  fils,  Géi>ar  Borgîa,  à  la  di- 
gnité de  cardinal;  celui-ci,  digne  acolyte  de  son 
père^  se  fit  par  ses  débauches  et  ses  empoisonne- 
mcQts  un  nom  pareil  au  sien  ^^.  Ils  étaient 
aidés  dans  leurs  trames  anti-chrétiennes  par 
leur  fille ^  leur  sœur,  leur  maîtresse!  Lucrèce 
Borgia  qui  préparait  les  poisons  et  enivrait  ses 
complices  de  toute  la  lubricité  de  Messaline.  C'é- 
tait Satan  et  les  démons  dans  la  chaire  de  Saint- 
Pierre  ^<*!  on  eût  dit  que  Dieu  eût  voulu  punir 
l'Eglise  de  ses  fautes,  mais  hélas  !  à  cette  punition 
passagère  comme  la  vie  humaine,  devait  succéder 
une  punition  plus  durable  :  Luther  j  né  de$ 
Borgia^  des  erreurs  et  des  schismes  passés,  de- 


Vait  être  plus  funeste  à  TEglise  que  les  déborde- 
ments  de  NeVon  et  de  Messaline. 

Mais  laissons  la  vie  privée  de  cette  hideuse  fa- 
mille et  des  détails  dont  nous  devons  le  récit  à 
la  malheureuse  idée  qu^eut  le  chapelaia  Bernard 
d'écrire  le  journal  des  actions  de  son  maître.  Di- 
sons, pour  être  juste  avec  tous,  même  avec  le 
Diable,  que  la  vie  politique  d'Alexandre  VI,  mé- 
rita moins  que  sa  vie  privée  et  sa  vie  pontificale^ 
['exécration  de  la  postérité  ;  mais  Thomme  y  re- 
parut souvent,  malgré  ses  efiforts,  Ua varice  ou 
plutôt  le  besoin  d'or,  le  dominait  tellement,  qu'il 
dépouilla  tous  les  princes^  ses  voisins,  pour  aug- 
menter ses  trésoi-s.  On  Taccusa  même  d'avoir  livi'é 
Zizim  à  Charles  YIIl,  après  l'avoir  préalablement 
empoisonné  pour  le  prix  de  trois  cent  mille  écus 
d'or^  reçus  de  Bajazet.  On  a  peine  à  concevoir, 
iprès  tout  cela,  son  alliance  avec  ce  bon  Louis  XII. 
U  parvint  sans  doute  à  le  tromper  et  à  fasciner  ses 
yeux  comme  il  avait  fait,  plus  jeune,  du  pape  Ca- 
lixte,  qui  éleva   aucardinalat  un  pareil  monstre, 
et  l'y  éleva  innocemment. 

Ce  pontificat  termine  le  XV*  siècle,  pendant 
lequel  les  convictions  et  la  foi  catholique  durent 
nécessairement  s'affaiblir  dans  toutes  les  clas- 
ses :  à  Rome  même ,  où  l'on  ne  passait  pour 
im  homme   éclairé  qu'en   parlant  ou  écrivant 


1 


—  4M  — 

contre  la  momie  du  Christ  et  les  mystères  de  la 
religion;  à  la  cour  on  ne  parlait  qu'ironîcjuc- 
ment  des  institutions  de  l'Eglise  et  des  livres 
saints.  In  quel  tempoj  dît  Carraciolo,  nonpareva 
fosse  s^alantuomo  e  biion  cortigiano  coltd  che 
dei  dogmi  délia  chiesa  non  m'evn  qualche  opir 
nion  cTronen  ede^etica  i^... 

Cet  état  anormal  et  monstrueux  va  porter  ses 
fruits  dans  le  siècle  suivant  :  nous  allons  assister 
à  la  désorganisation  de  PEglise  et  de  la  chrë*" 
ticntë,  à  la  rcfforme  de  Luther,  sources  de  toutet 
les  guerres  civiles  qui  ont  afïligë  Phumanitë,  de 
tout  le  sang  vcrsd  pendant  deux  siècles  entiers  •% 
mais  ht'las!  résultat  h  jamais  déplorable  desf&nte»- 
de  l'Eglise;  de  cette  Eglise  fondée  parle  Christ eb 
dénaturée  par  Thommc.  Ainsi  le  monde  cr^d  dâr 
Dieu  fut  dénaturé  et  perverti  par  Thomme  Kbitr 
et  pécheur. 


f 


i'. 


'•/i' 


CHAPITRE  CINQUIÈME. 


Nous  venons  de  le  voir,  la  papauté,  favorisée 
>ar  le  développement  antérieur  de  Thistoire^ 
Haiit  au  contraire  sourdement  minée  dans  les 
ièoles  que  nous  parcourons.  Les  nations  de  1-Ëu- 
*ope  se  sentant  fortes  dans  leur  indépendance  et 
lans  leur  unité,  souffrirent  impatiemment  un 
oug  qu'elles  avaient  long-temps  reci^ercbé  comme 
M  bienfait.  Lorsque  survint  le  schisme,  les 
^rinces  adhérèrent  suivant  leur  politique  parti^- 
îulière  à  l'un  ou  à  Fautre  pape^  et  dès-lors  le  près-* 
tige  fut  détruit.  Le  respect  pour  la  Tiare,  par  la 
Faute  de  TËglise  elle-même,  ne  fut  plus  qu'un 
acte  de  politique.  On  se  représente  souvent  à  tort 
la  papauté  comme  ayant  eu  jusqu'à  la  réforme 
une  puissance  illimitée,  mais  dans  le  fait,  pen- 
dant le  XY®  siècle,  les  états  avaient  envahi  une 
partie  considérable  du  pouvoir  ecclésiastique.  En 

France^  les  rois  nommaient  aux  évéchés;  Phi-. 

lippe-le^Bel  insultait  k  h  Tiare,  Edouard  III  re^ 


fusait  le  tribut  payé  par  ses  prédëcesseurs^  et  Fer- 
dinand-le-Catholique,  lui-mcme,  résista  plus  d^une 
fois  au  représentant  du  Sainl-Siége. 

A  quoi  tenait  cet  état  de  choses?  à  la  fatalité, 
au  malheur  des  temps?  Non.  Mais  seulement  aux 
progrès  des  uns,  aux  fautes  des  autres  ^  ;  et  puis, 
il  faut  le  dire,  à  ce  besoin  de  liberté  et  de  nou- 
veauté que  ressentait  depuis  long-temps  Tintelli- 
gence  humaine  ^  remuée  par  Abeilard  et  les  pen- 
seurs des  hiècles  précédents  '. 

L'unité  monarchique^  le  bien  le  plus  précieux 
des  peuples,  existait  enfin  en  Europe.  Plus  mor- 
celée qu'au  temps  de  Cbarlemagne,  elle  étail 
mieux  répartie  et  mieux  gouvernée.  Elle  pouyail 
espérer  quelque  repos  de  ce  côté,  mais  Forage 
grondait  d'un  autre  :  l'antique  unité  religieuse 
devait  s'efifacer^  le  trône  pontifical,  naguère  élevé 
bien  haut,  allait,  sinon  s'écrouler,  du  moins  subii 
ime  épreuve  terrible,  une  épreuve  telle,  que  sans 
la  volonté  divine,  qui  sait  toujours  séparer  et  re- 
hausser ce  qui  émane  d'elle^  TEglise  abâtardie  e1 
livrée  aux  plus  coupables  désordres  se  fût  anéantie 
devant  la  puissance  rationaliste.  Mais,  sidansuc 
combat  entre  hommes,  l'un  a  été  forcé  dereculei 
devant  Luther,  dans  le  couibat  de  la  foi  et  de  l'au- 
torité divine  contre  la  raison  individuelle,  celle 
ci  devait  être  vaincue^  et  elle  Ta  été.  La  réfoniu 


'      ^  i*aît  couler  bien  du  sang,  elle  a  eu  tine  appa^ 
^ence  de  puissance  tant  qu'un  fanatisme  ignorant 
J 'a  persécutée  ;  laissée  à  elle-même,  réduite  à  ses 
propres  forces,  aussitôt  qu'elle  n'a  plus  été  pro- 
"tégée  par  la  persécution,  elle  a  décru  en  raison 
inverse  du  progrès  des  lumières.  Ce  qu'il  y  avait 
clans  le  clergé  d'humain  et  de  peccable  a  péché  et 
en  a  été  puni  *.  Mais  Dieu  n'a  laissé  triompher  un 
instant  la  raison  en  délire  que  pour  mieux  mon- 
trer plus  tard  sa  faiblesse,  sa  nullité;  et  comme  il 
^  permis  que  l'Eglise  fût  punie^  il  a  voulu  que 
son  caractère  divin  ressortît  au-dessus  de  ses  fautes 
et  se  montrât  plus  haut  que  les  orages  humains, 
crayonnant  de  splendeur  et  de  puissance. 

Depuis  long-temps,  nous  l'avons  vu  par  les  dé- 
crets des  conciles,  TEglise  avait  perdu  avec  les 
TÎchesses  et  le  pouvoir,  la  pureté  des  anciens 
jours  ;  elle  semblait  et  par  ses  mœurs  *  et  par  le 
choix  de  ses  pontifes,  abandonnée  de  l'esprit  di- 
vin. Quelques-uns  des  papes  schismatiques,  en- 
suite Sixte  IV,  Innocent  VIII,  Jean  XXIII,  Eu- 
gène IV^  et  plus  tard  Alexandre  VI,  avaient  fait 
monter  dans  la  chaire  de  Saint-Pierre  toutes  les 
passions  humaines  ;  Jules  II  était  un  capitaine 
plutôt  qu'un  prélat^;  la  charité  avait  fait  place  à 
la  luxure  chez  le  premier,  à  la  soif  des  combats 
cbez  le  second;  Léon  X,  leur  successeuri  eut  U 


passion  des  arts  et  du  luxc^  moins  condamnable 
sans  doute»  louable  même  dans  T     Bonyeniiis 
temporels,  mais  coupable  chez  un  pontife,  sur- 
tout^ lorsque  au  mépris  de  sa  sainte  missioni  il 
spéculait  sur  la  pieuse  crédulité  de  son  troupeau 
pour  en  obtenir  cet  or  qu^il  prodiguait  BXOf.  9X* 
listes.  La  postérité  se  souviendra  sans  doute  que 
Léon  a  favorisé  le  génie  de  Michel-Ange  et  de 
Raphaël I  qu'il  a  tendu  la  main  au  génie  tout  moiH 
dain  et  si  peu  ortliodoxe  d'Ârioste^  mais  elle  ne  peut 
oublier  que  c^est  avec  Tor  arraché  à  ses  ouailleSi 
au  moyen  des  indulgences^  qu'il  payait  les  arts  et 
les  lettres  ^«  Cet  oubli  des  convenances  était  d'au* 
tant  plus  condamnable  quUl  passait  du  pontife  aux 
vicaires.  On  voyait  alors  un  cardinal  Bembo  ne 
jurer  que  par  Cicérone  et  recommander  au  pr^ 
dicateur  Sadolet  de  ne  pas  se  gâter  le  goût  par 
la  lecture  de  Saint-Paul! 

Amoureux  de  tous  les  genres  de  gloire,  la  gloire 
de  TËglise  seule  touchait  peu  l'imprévoyant  Léon: 
les  premiers  pas  de  Luther  l'ctonnèrent  sans 
Talarmer ,  et  il  répondait  aux  évéques  effrayés  de 
l'audace  du  novateur,  que  ce  moine  était  un 
homme  tràs-remarquable,  et  qu'une  basse  envies'at* 
tachait  à  lui  ifra  Martino,  disait-il,  a  belUssimo 
ingénia,  e  coteste  non  sono  che  invidiefratesche... 
Cet  asprit  supérieur ,  si  admiré  du  confiant  pon- 


tife^  devait  exdcuter  ce  que  n'avait  pu  mettre  à 
fia  Arnaud  dp  Brescia  en  Italie ,  Yaldua  en 
Fnmce ,  Wictef  en  Angleterre... 

Il  attaqua  d'abord  Tabus  des  indulgences ,  et  de 
Fabus  allant  au  principe ,  il  nia  leur  valeur;  puis 
arriva  Tintercession  des  Saints,  puis  la  confession, 
le  purgatoire ,  le  cëlibat  des  prêtres ,  la  transsub- 
stantiation, et  enfin  Fautoritë  de  l'Eglise  et  le  carac- 
tère de  son  chef,.  •  Il  fit  plus  :  passant  des  opinions 
aux  actes ,  il  osa  brûler  sur  la  place  de  Wiitem- 
bergla  bulle  qui  condamnait  son  hérésie.  •. 

Si  Luther  n'eût  pas  trouve  une  partie  de  TEu- 
pope  prëparëe  à  soutenir  tant  de  hardiesse ,  et  à 
embrasser  une  reforme  quelle  qu'elle  fût ,  le 
lutikérianisme  n'eût  jamais  éié  une  religion  , 
mais  Tamour  de  la  dispute  et  de  la  nouveauté 
qui  avait  saisi  l'Allemagne  lui  faisait  beau 
jeu.  I  iput  se  livrer  sans  crainte  à  toutes  ses 
passions,  élever  chaire  contre  chaire,  autel  contre 
autel}  il  no  devait  pas  périr ,  car  la  politique  des 
princes  avait  pria  parti  pour  lui  ;  le  génie  fiscal  du 
diergë  italien  les  oppressait  et  les  ruinait ,  ils  avaient 
aoutena  les  Hussites ,  ils  soutenaient  Luther;  ils 
auraient  soutenu  tout  réformateur  hardi  qui  eût 
&vopiséleur  haine  ^  sans  s'enquérir  si  la  réforme 
était  raisonnable  et  bonne.  Cette  disposition  des 
esprits  était  connue  de  Luther,  et  la  grande  image 


cle  Cbarles-Qiûnt  lui-même  ne  put  Teffrayer  :  €  J« 
suis  sommé,  disait-il^  decomparaîia  à  Worms,  e 
dussé-je  voir  conjures  contre  moi  y  autant  de  dia 
blés  qu'il  y  a  de  tuiles  sur  les  toits,  je  m'y  ren* 
drai...»  D  pi*écliait  une  croisade  contre  le  Pape  qn 
était  d'après  lai  €  un  loup  possédé  du  malin  espri 
contre  lequel  il  fallait  ameuter'  les  villages  et  le 
bourgs  sans  attendre  la  sentence  des  juges ,  ni  di 
concile...  Si  j*étais  le  maître  deTempirCy  disait-i 
ailleurs ,  je  ferais  un  petit  paquet  du  Pape  et  de 
cardinaux,  et  je  jetterais  tout  cela  dans  ce  petit  fosa 
qu'on  appelle  Mer  de  Toscane,  ce  bain  les  guéri 
Tait  ;  j*y  engage  ma  parole  et  je  donne  Chriii  pou 
caution  "...  »  Du  reste ,  il  ne  craignait  le  Pape  ei 
aucune  façon,  car  il  était  sûr  de  le  yaincre 
4C  Dewt  viderit  uter  primo  defecerit  Papa  of 
»  Lut  fieras!  d  Toutecetteboufibnnerie  était  pou 
Luther  une  arme  ;1  avait  par  elle  cette  partie 
de  la  population  indifférente  et  rieuse^  comme  i 
avait  par  sa  science,  par  ses  hardiesses  thëologi 
ques  et  par  son  courage  d'homme ,  la  partie  gravi 
et  passionnée.  Aussi  ne  ménageait-il  pas  plus  le 
souverains  temporels  que  les  souverains  spirituels 
Henri  YIIl  était  surtout  traité  dans  ses  écrits  ava 
un  mépris  calculé  pour  flatter  la  haine  des  prince 
allemands  9.  A  son  retour  de  Worms,  l'un  d'eux  h 
fit  enlever  pour  le  soustraire  à  des  dangers  imagi< 


ns^ifes  :  )!  sç  tint  près  d'un  an  caclid  dans  un  manoir 
féodal ,  ignore  du  genre  humain^  et  de  là  il  inon- 
(iaît  rSwQpfi  d^  se9  écrits  qui,  arrivant  de  qe  pré- 
dicateur invisible  d^Qi^t  nul  pe  ço^niiissait  le  $ùr\f 
ïC^^  frappaient  que  pli^s  violemment  Timagipation 
impre^onal^le  de  cette  AU^tnagne  qu'il  voulait 
surtout  fiëduire  et  passionner  poi)r  {ui  tP. 

QuViîv^itril  de  tout  cela  1  qne  les  priuççs 
all^mandsi  m^lan^  enfin  Faction  jira4P^iratiQa  et  à 
l'éloge  j  ûfidnX  main  ba^se  sur  les  propriété  e^c^e-* 
aiaaliqùes  ;  que  h  peuple  voul^t  ausai  faire  ^  vér 
fornam  et  pilla  les  égUs^a^  foodit  les  métaux  pré* 
oieux^  démolit  les  châteaux,  brûla  les  livrée 
€  Toutes  inv^ations  4u  diable,  dans  le  çeul  but 
3»  de  rétablir  Tégalité  naturelle  précbéc  par 
»  Gbriet!...  » 

Quelle  était  donc  cette  doctrine  neuve  et  siprQr 
gnewive  qu^on  allait  substituer  à  la  doctrine  catho- 
lique upiver^elW)  ancieaae  connue  le  Sauveur? 
U  Mirait  décile  d^  fqrBaerd^opipiooâ^sans  ce^^ 
modifiées,  de  Luther  un  corps  de  doctrine  complet* 
De  toui  H^  pamphlets  réuni»  et  commentés:  par  de 
«avtiita  d^teure  des  deux;  comniunions ,  il  ré* 
tolte: 

i^  Que  nScriture  siainte  est  la  seule  base  de  la 

foi ,  ba^a  inviolable  et  sacrée  ; 

2^  QuVu(Bune  oMonté  humaine,  n^existe  plus 
V.  9 


—  ^50-. 

et  que  chacun  peut  interpréter  à  son  grë  le  livre 
delà  loi. 

De  là  ces  innombrables  variations  dont  Bossnet 
a  tire  plus  tard  un  si  grand  parti  11  * 

De  là  aussi  l'abolition  de  la  confession^de  la 
messe^  de  la  communion  sous  les  deux  eetpèces  y 
des  vœux  monastiques  ^  du  célibat  force,  de  là 
croyance  à  Texpiation  des  âmes  après  la  mort  d'où 
étaient  nées  les  indulgences...  G^est  ainsi  que  ju- 
geant la  chose  sur  l'abus  de  la  chose,  et  substituant 
une  passion  humaine  à  une  autre  passion  humaine, 
il  errait  grossièrement.  D'après  le  réformateur  et 
de  son  autorité  privée,  les  sacrements  se  trouvaient 
réduits  à  trois  :  le  Baptême,  la  Pénitence,  TEui- 
charistie...  Quant  à  la  présence  réelle  il  Pavait 
d'abord  admise,  mais  les  contrariétés  personnelles 
qu'il  éprouva  plus  tard  la  lui  firent  rejeter^*. 

n  expliquait  ces  variations  en  disant:  qu^il  fallait 
conserver  la  présence  réelle  quand  on  la  rejetait 
comme  impie  et  la  rejeter  lorsqu'on  Vimposah 
comme  nécessaire. 

Par  une  singulière  aberration  d'esprit,  Phomttîe 
dn  libre  examen  niait  la  liberté  morale;  Lïberum 
arbilrium  non  est  Dominus  actuum  suorum.' Il 
aflîrmaît  que  l'homme  livré  à  lui-même  péchait 
toujours  et  mortellement  :  Diim  facit  quod  in  se 
est,  peccat  mortdliter...  que  dans  une  bonne  ac- 


—  m  — 

tion  tout  appartenait  à  Dieu  et  rien  à  l'homme  : 
actum  honumesse  iotum  a  />efo..»La  philosophie 
et  la  religion  condamnent  également  de  telles  as- 
sertions *'. 

Il  fallait  que  les  fautes  des  serviteurs  de  Dieu 
fussent  bien  grandes  y  et  que  la  politique  passion- 
nde  des  princes  fût  bien  forte  pour  qu^unc  partie 
de  TËurope  abandonn&t  ses  anciennes  croyances 
pour  suivre  un  pareil  raisonnement  ! 

Pendant  que  Luther,  retire  au  château  de  Wart- 
bourg,  essayait  de  former  un  corps  de  doctrine  , 
et  que  la  rêveuse  Allemagne  s^empressait  de  tout 
adopter  par  amour  pour  la  nouveauté,  par  haine 
des  idées  positives  de  TOccident ,  qui  riait  encore 
desbouffoneriesdeLuther&ans  pouvoir  les  prendre 
au  sérieux  ,  la  Suisse  était  le  théâtre  d\ine  autre  ré- 
formation ;  révoltée,  dans  la  simplicité  etla  pureté 
de  ses  mœurs,  du  traiic  des  indulgences  dont  elle 
ne  pouvait  comprendi^e  d*autre  motif  que  celui  de 
la  rapacité  des  prélats  guerroyeurs  et  fastueux  9 
elle  écoutait  avec  faveur  un  jeune  enthousiaste 
nommé Zwingle qui  enseignait  duhant  delà  chaire 
de  Zurich  qu*unc  vieptire  et  unéftme  religieuse 
étaient  plus  agréables  à  Dîeu  que  les  pénitences  les 
plus  austères.  Jusque  h\  tout  était  bien,  mais  eni- 
vré de  son  succès^  et  brûlant  de  devenir  Pémule 
de  Luther,  dont  la  réputation  grandissait  dans  la 

9. 


i 


—  4pt  — 

Suisse  allemande^  il  rejota  successivement  la 
Me^e,  la  Confession,  le  Purgatoire,  ri|itercpssi|W 
des  Saints,  le  Célibat  des  prêtres  et  de  plus.la.Prë-r 
scnce  réelle;  allant  ainsi,  dès  ses  premiers  pa3|  plus 
loin  que  le  moine  d'Erfurth  y  il  opéra  *4^iis  pes 
montagnes  une  véritable  révolution  religieuse  • 
dont  le  berceau  de  la  liberté  helvétique  sut  prqsr 
que  seul  se  garantir^*. 

La  porte  était  ouverte  à  la  raison  humaine  ;  les 
hérésies  avaient  beau  jeu  :  auxBcghards,  aux  Loi- 
lards^  aux  Albigeois^  aux  Vaudois,  aux  Stediq- 
guiens  et  aux  Flagellans ,  à  Wiclef,  Jean  Huss  , 
Jérôme  de  Prague,  Luther,  Zwingle,  MelanchtOQ 
et  Œcolampade  ^^  succédèrent  les  Sacramentaire^ 
les  udnabaptisteSj  les  Ubiquitaires  et  Calvin. 
La  première  de  ces  sectes  fondée  par  Carlostad  se 
contentait  de  supprimefla  présence  réeilej  elle  fat 
l)i6ntôt  dépassée  par  la  suivante  qui  prêchait  \a^ 
nécessité  d'un  second  baptême ,  parce  que  Jfésu^r 
Christ  n^avait  été  baptisé  quêtant  adulte ,  et 
qu'il  fallsiit  absolument  l'imiter  en  ce  point...  Lu- 
ther, d'après  eux ,  était  un  esprit  timide  qui  n'avait 
fait  qu'entrevoir  les  principes  de  la  vraie  liberté 
chrétienne.  Il  n'y  a  dans  TEcriture  ni  évêques,  ni 
cures ,  donc  toute  hiérarchie  ecclésiastique  dQÎt 
être  abolie.  Le  livre  de  la  loi  est  là,  il  suffit  à  tous , 
chacun  peut  l'ipterpréter  à  son  gré  et  ne  doit  pas 


dièrbher  aillèiirs  des  commentairësiiliilîles..,  L'in- 
tetprëtatidii  fut  bientôt  faite  chez  les  ps(ySans  dés 
campagnes  de  Soùabë  et  de  Frant^onie  :  Jêsiià- 
Christ  si  ëtabli  FëgsUitë  parmi  lés  Hbilibtiês,  pârtkrit 
fhïÈ  de  drbit  d\é  chasse  et  de  péclie,  plus  d'iiii- 
pdts. ; .  et  s'énflàmmant  à  là  voix  déltûtiser  ils  jire- 
tt6ient  les  armes  en  criant  :  <t  SuS^  ^ii$,  siis  !  il  lest 
tèfnlps  que  tes  méchants  tremblent  !  ^«  >>  Boris  et 
méchants,  tout  tremblait  en  eflfet  devant  ceà  foi*- 
tëttéà  ^uî  ^liiviretot  le  cours  du  Rhin,  et  furent 
plftrte!*  la  flatnmë  et  lé  fet*  jusque  dans  les  protîn- 
ces  de  France.  Dûnd  toutes  les  villes  où  ils  pas- 
saient, letu*  fureur  religieuse  les  portait  d'abord  à 
brâleples  archiva^  lestilUsëésj  les  bibliothèques. 
Gçtte  préttlière  justice  faite,  ils  égorgedient  lès 
t*ibhes^  les  nobles  et  les  ptétreâ,  abattant  tout  ce 
cjdi  ëldil  jilus  hnutqu'eiix  ,  tdut  ce  qui  lélir  faîsïiit 
bhibragè.  Ldthèr  fulminait  fctintre  eux,  dat^  sâhs 
pouvoir  les  drrétèr  ^7;  le  boh  Mëlahchtdn  pleurait^ 
mdis  Ses  Itfrld^s  philanttopiqUës  ne  rëmëdidiefat 
pus  niiètli  an  mal;  le  tigre  ëtait  lanëë,  il  dëtol-a 
jtiàtfu'à  ce  que  ik  fditti  fût  kssduvië.  Altird  6ri  le 
mttsela.  La  ildblesse  allemande s'èîlrajra  dtÉ  dkU-- 
get  :  prisé  iU  dëpôurtu^  elle  avait  ëproUvë  dès 
ftertës;  ralliée  et  armëe,  elle  v$[itic(fail  lëâ  Atidbap- 
tidléS  ebiflttie  la  riûblëâie  frahçaisë  àtàît  Vaitifcu 
lë&/âèf^tél?à$dus  lërbi  Jëâti.      . 


faiblesse,  il  rëuiÛMait  ayeo  l«itear  la  ooncile  éâ 
Bàle  qui  devait  être  prëtidë  par  le  cardinal  GëBa- 
rioi  f  occupé  alors  à  diriger  une  armée  aUemand* 
contre  les  Hussites  ,  et  aussitôt  après  sa  rëunioa: 
il  résolut  de  le  dissoudre,  pour  rajoumer  à  dix« 
huit  mois  ;  mais  il  trouva  une  résistance  à  laquelle 
il  ne  s'attendait  pas.  Les  pères  du  eoneile  firent 

• 

au  légat  du  pape  une  réponse  synodde ,  dans  kh 
quelle  ils  posent  les  mêmes  principes  j  et  ils  les 
appuient  par  de  solides  raisons  :  «  1*  snr  ee  que 
pei^sonne  ne  peut  contester  l'autorité  de  PÉgliae» 
et  que  tout  ce  qu'elle  reçoit  doit  être  reçu  par 
t  )us  les  ddèles  ;  qu'elle  jouit  seule  du  privil^e 
ue  Pinfaillibilité ,  et  qu'ainsi  elle  seule  peut  fiun 
des  lois  qui  obligent  universellement  tous  Ica 
fidèles  ;  S"*  sur  ce  que  les  conciles  généraux  sont 
d'une  autorité  égale  à  celle  de  TEgUseï  parce 
qu'ils  représentent  l'Eglise  catholique,  qna  tie&t 
sa  puissance  immédiatement  de  J.-G.,  comme  Vêl 
décidéexpressémentle  concile  de  Constance,  donc 
les  conciles  généraux  sont  infaillibles,  puiaqu*ili 
sont  l'Église  même  ;  â""  sur  ce  que  le  pape,  qnoiqm 
chef  ministériel  de  PEglise,  n'est  pas  cependaat 
au-dessus  de  tout  le  corps  mystique,  parce  qpie 
ce  corps  mystique,  même  sans  compter  le  papa^ 
ne  peut  pas  errer  dans  les  choses  de  foi^  au  iliea 
que  le  pape,  quoique  chef  de  ce  corps,  peuterrerf 


ce*  que  l'elpérience  fait  voir.  D'ailleurs,  6e  même 
corps  a  déposé  des  papes  convaincus  d'erreur 
dans  la  foi;  et,  au  contraire,  le  pape  n'a  jamais 
condamné  ou  excommunié  le  reste  du  corps  de 
rSglise.  ^ 

Malgré  la  solidité  de  ses  raisons,  Eugènevoulant 
toujours  que  le  concile  fût  dissous ,  ce  même  con- 
cile crut  devoir  opposer  son  autorité  à  la  sienne^. 

Eugène  IV  fut  invité  à  se  rendre  au  con- 
cile ;  il  répondît  en  annulant  ses  travaux ,  mais 
le  concile  luttant  avec  lui  de  fermeté ,  somma 
de  nouveau  le  pape  de  comparaître  dans  son  sein 
et  de  révoquer  ses  bulles;  à  défaut ,  le  concile  de- 
vait s'emparer  de  Padministration  de  FEglise  et 
considérer  le  pa^  comme  n'existant  plus. 

Les  travaux  continuèrent  en  effet  dans  qua- 
rante-cinq sessions  successives  qui  ne  durèrent 
pas  moins  de  douze  ans...  Ne  pouvant  reproduire 
ni  même  résumer  les  décisions  de  cette  assemblée, 
nous  nous  contenterons  dUndiquer  les  plus  im- 
portantes. 

Dans  la  première  session  le  cardinal  Julien 
avait  exhorté  les  pères  à  mener  une  vie  sainte  et 
pure,  à  avoir  de  la  charité  les  uns  pour  les  au- 
tres, et  à  ne  travailier  que  pour  le  bien  de  l'É" 
glise.  On  exposa  ensuite  les  motifs  de  la  convo- 
cation du  concile,  savoir  :  1^ extirper  les  liéré- 
V.  8 


sies  ;  ^  réunir  tout  le  peuple  Clir^tieu  à  TËglIlK» 
catholique;  3"  donner  des  instructions  sur  les 
vëritës  de  la  foi  ;  U^  apaiser  les  guerres  entre  les 
princes  chrétiens  ;  5"^  réformer  TEglise  dans  son 
chef  et  dans  ses  membres  ;  G'^  rétablir  autant  qu'il 
est  possible  l'ancienne  discipline  de  TEglise.  On 
renouvela  les  décrets  du  concile  de  Constance 
contre  ceux  qui  troubleraient  le  concile  par  des 
intrigues  secrètes  ou  par  une  violence  ouverte, 
et  contre  ceux  qui  se  retireraient  sans  avoir  (ait 
part  de  leurs  raisons.  £nlin,  le  concile  fit  un  dé- 
cret portant  que  le  saint  concile  de  Bàle  était 
légitimement  assemblé,  et  que  les  prélats  devaient 
s'y  rendre. 

Dans  la  plupart  des  sessions  suivantes  on  ne 
s'occupa  que  du  pape,  qu'on  finit  par  déclarer 
contumax  s'il  ne  se  rendait  dans  la  chaire  où 
rappelaient  son  devoir  et  ses  promesses. 

Pendant  ce  temps,  Eugène  lY  convoquait  un 
autre  concile  à  Ferrare,  mais  les  pères  assembles 
à  Bàle^  arrivés  alors  à  leur  vingt-sixième  session^ 
refusèrent  la  bulle  de  translation,  cassèrent  ras- 
semblée de  Ferrare  comme  sclxismatique^  et  Qon* 
tinuèrent  leurs  travaux  ^^. 

Voulant  frapper  un  coup  d'autorité^  ils  dres* 
sèrent  contre  Eugène  huit  articles  portant  ;  que 
c'est  une  vérité  de  foi  catholique  que  le  concile 


gënëral  est  supérieur  au  pape  ;  qu^il  ne  peut  être 
dissous  ni  transféré  sans  le  consentement  général. 
Et  Ton  établit  ces  propositions  comme  articles  de 

foi''- 

On  s'occupa  ensuite  de  l'élection  d'un  nouveau 

pape.  Le  conclave  présidé  par  le  cardinal  d'Arles 
nomma  Amédée,  duc  de  Savoie.  On  lui  députa 
vingt-cinq  ecclésiastiques  qui  furent  le  trouver 
dans  sa  solitude,  vainquirent  avec  quelque  peine 
sa  résistance^  et  il  prit  le  nom  de  Félix  V  ^^. 

Cette  élection  fut  la  source  d'un  nouveau 
schisme;  les  Français ^  quoique  partisans  du  con- 
cile de  Bâle^  reconnurent  toujours  Eugène  pour 
ne  pas  renouveler  les  scandales  passés.  .Les  An- 
glais et  les  Ecossais  en  firent  autant,  mais  les  sou- 
verains d'Aragon^  de  Hongrie,  de  Bavière  et 
d'Autriche,  reconnurent  Félix^  ainsi  que  les 
universités  d'Allemagne  et  de  Cracovie. 

Pendant  ce  temps,  Eugène  avait  rassemblé  jus- 
qu'à soixante-douze  évêques  dans  un  autre  con- 
cile, et  s'occupait,  sans  pouvoir  y  parvenir,  de 
la  réunion  des  sectes  d'Orient  au  Saint-Siège.  Il 
mourut  en  lft47,  après  seize  ans  de  pontificat,  et 
après  avoir  guerroyé  tout  ce  temps  spirituelle- 
ment et  temporellement. 

Ce  pontificat  est  le  seul  reconnu  par  l'Eglîae, 

malgré  les  déciaions  du  coaoile  de  Baie,  et  c'est 

8. 


un  hommage  rendu  à  rniiilé,  car  rînflexîbîlîfé 
de  son  caractère  hautain  lui  fit  beaucoup  de 
mal. 

Félix  V  e'tait  trop  accommodant  et  trop  peu 
ambitieux  pour  continuer  le  schisme  ;  il  reçut  de 
Nicolas  y  le  chapeau  de  cardinal^  aussi  humble- 
ment qu'il  avait  reçu  la  tiare  du  concile  de  Bâle. 

Malgré  toutes  les  agitations  et  les  schismes  qui 
avaient  e'branlé  le  pontificat,  dit  avec  raison  un 
historien  protestant^  mais  impartial,  malgré  les 
coups  que  lui  avaient  portés  les  conciles  généraux, 
il  se  serait  relevé  promptement  après  la  dissolu- 
|tion  de  l'assemblée  de  Bâle,  et  il  eût  peut-être 
repris  toute  sa  vigueur  ancienne,  si  de  nouveau^ 
Grégoire  VII  eût  encore  siégé  à  Rome.  Peut- 
être  même  la  papauté  se  serait-elle  élevée  plus 
haut  que  jamais,  si,  comprenant  dans  toute  leur 
urgence  les  besoins  du  temps  et  satisfaisant  aux 
vœux  des  hommes  le  plus  éclairés,  elle  eût  donné 
au  monde  ce  que  trois  conciles  avaient  promis  en 
vain  :  des  réformes.  Point  de  doute  que,  dans  ce 
cas,  la  reconnaissance  des  peuples  et  la  vénération 
des  fidèles  n'eussent  redoublé  d'ardeur  pour  ce 
sacerdoce  qui,  huit  siècles  auparavant,  avait  ci- 
vilisé l'Europe,  livrée  par  le  paganisme  à  l'inva- 
sion des  Barbares.  Qu'on  se  le  persuade  bien,  si 
Rome  elle-même  eût  commandé  des  réformes^ 


—  M7  — 

la  réforme  telle  que  la  fit  le  seizième  siècle  ^  û'eût 
pas  même  été  proposée. 

Les  améliorations  venant  d'en  haut  se  font  à 
bien  moindres  frais  et  satisfont  à  un  degré  bien 
supérieur  que  celles  qui  s'opèrent  d'en  bas.  Il  y  a 
une  loi  pour  arrêter  les  unes;  les  autres  ne  po- 
sent Tépée  qu'après  épuisement....  Mais  tel  n'é- 
tait pas  le  sort  de  l'Eglise ,  elle  devait  subir  Lu- 
ther, puis  Calvin,  et  les  nombreux  novateurs  nés 
de  ces  deux  réformateurs  célèbres ,  et  souûrir  de 
tous,  quoique  se  conservant  toujours  dans  sa  foi 
et  dans   sa   vérité  primitive,  car   la  vérité  est 

UN£. 

Nicolas  V  avait  des  intentions  généreuses  ;  il^ 
s'occupa  d'abord  de  pacifier  l'Italie,  considérant 
cet  objet  comme  un  préliminaire  indispensable  à 
son  projet^  d'unir  les  princes  chrétiens  contre 
les  Turcs;  mais  il  n'y  put  parvenir,  non  plus 
qu'à  faire  renaître  l'harmonie  entre  la  France  et 
l'Angleterre.  Dans  les  moments  de  calme  que  lui 
laissait  sa  politique  conciliatrice,  mais  faible,  il 
cultivait  et  protégeait  les  lettres  ;  sa  mort  amva 
doucement  sur  ces  entrefaites,  après  douze  ans  de 
pontificat.  On  n'a  chargé  sa  mémoire  que  d'une 
faute  :  c'est  d'avoir  aflfecté  le  produit  des  indul- 
gences à  une  guerre  politique,  au  lieu  de  le  ré- 
server pour  la  croisade  projetée. 


Alphonse  Borgia  ou  Galixte  III^  son  suoceaseur) 
à  qui  la  France  doit  la  révision  du  procès  de 
Jeanne  d'Arc,  fut  la  cause  bien  innocente  de  bien 
grands  malheurs  pour  la  chrëtientéi  en  prëpt* 
rant  à  son  neveu,  fort  jeune  encore,  les  voies  au 
pontificat  ^*. 

Le  savant  Pie  II ,  qui  avait  été  le  secrétaire  du 
concile  deBâle,PaulII,  Sixte  IV,  Innocent  VIII, 
se  succédèrent,  après  Galixte,  à  des  intervalles 
rapprochés,  mais  sans  pouvoir  redonner  h  la  pa- 
pauté cette  vie  et  cette  autorité  qui  lui  manquaient 
depuis  Grégoire  VIL  Ils  roulèrent  dans  le  même 
cercle  de  bonnes  pensées  de  réformes  sans  en 
'mettre  aucune  à  exécution.  Il  fallait  une  autre 
main  que  les  leurs.  Ce  fut  bien  pis  encore,  ou  plu- 
tôt ce  fut  un  épisode,  heureusement  unique,  mais 
horrible  et  désastreux,  que  le  pontificat  d'A-« 
lexandre  VI,  d'Alexandre  Borgia  1 

Après  la  mort  dlnnocent  VIU,  la  ville  sainte 
fut  abandonnée  à  la  fureur  du  peuple  qui  pillait 
les  palais^  maudissant  la  mémoire  du  pape  défunt 
et  lui  reprochant  de  n'avoir  des  pauvres  aucune 
compassion.  Les  rues  étaient  remplies  de  voleurs 
et  d'assassins,  et  les  cardinaux  étaient  obligés  de 
s'entourer  de  gardes  pour  protéger  leurs  jours» 
Lorsque  cette  première  fureur  populaire  fut  oaU 
îliécji  revécue  4e  Concorde)  faisant  l'onôsoo  fu« 


n^re  d'Innocent,  en  présence  de  toute  la  cour 
romaine,  exposa  le  triste  ëtat  où  se  trouvait  VE^ 
glise  et  exhorta  les  cardinaux  à  ëlire  un  pape  ir- 
réprochable dans  ses  mœurs  et  accoutumé  à  la 
pratique  de  toutes  les  vertus,  qui  fût  sans  amh^ 
tion^  savant^  charitable  et  saint,  tel  en  un  mot 
que  devait  être  un  vicaire  de  Jésus -Ghrist. 

Le  conclave  élut  Borgia  ! 

Roderic  Borgia  était  de  la  première  noblesse 
du  royaume  de  Valence.  Il  montra  de  bonne 
heure  une  haute  capacité  et  les  mauvaises  disposi- 
tions qui  lui  en  firent  faire  un  si  funeste  usage  : 
d'abord  avocat^  ses  débauches  le  jetèrent  dans  le 
métier  des  armes,  et  plus  tard  il  embrassa  par  cu- 
pidité et  ambition  Pétat  ecclésiastique.  Elevé  au 
cardinalat^  par  Galixte  III,  son  oncle,  dont  il  avait 
sans  doute  trompé  la  crédule  tendresse,  il  abusa 
de  sa  confiance  pour  faire  un  trafic  indigne  des 
charges  et  des  dignités  les  plus  saintes.  Il  se  livra^ 
en  secret  encore^  car  il  songeait  à  Tavenir^  à  de 
honteux  débordements  que  notre  plume  se  refuse 
à  décrire.  Grâce  à  sa  profonde  dissimulation  et  à 
son  habileté^  sa  réputation  de  sainteté  couvrait  si 
bien  toutes  ses  infamies  que  le  peuple  romain 
salua  par  des  acclamations  de  joie  la  nouvelle 
élection  du  conclave  au  sein  duquel  ses  immenses 
richesses  avait  acheté  une  majorité.. • 


—  420  — 

Mais  impatient  de  secouer  cette  rude  et  trop 
longue  contrainte^  Alexandre  VI,  âgé  alors  de 
53  ans^  apprit  à  la  chrétienté  qu'il  était  père  de 
cinq  enfants  tous  faits  à  son  image,  tous  héritiers 
de  ses  vices.  Il  semblait  jouir,  du  haut  de  la  chaire 
de  Saipt-Pierre,  du  mépris  du  monde  Glirétienl 
Ses  trésors  ne  pouvant  suf&re  à  ses  orgies,  il  tra- 
fiqua de  tout  ce  que  son  autorité  suprême  lui  met- 
tait sous  la  main,  aussi  dit-on  de  lui  : 

Vendit  Alexander  claves  y  allaria ,  Cluistum  : 
Emerai  iUe prias,  venciere  jure potest  ^*. 

Il  éleva  son  second  iîls,  César  Borgia,  à  la  di- 
gnité de  cardinalj  celui-ci,  digne  acolyte  de  son 
père,  se  fit  par  ses  débauches  et  ses  empoisonne- 
ments un  nom  pareil  au  sien  ^^.  Ils  étaient 
aidés  dans  leurs  trames  anti-chrétiennes  par 
leur  fille ^  leur  sœur,  leur  maîtresse!  Lucrèce 
Borgia  qui  préparait  les  poisons  et  enivrait  ses 
complices  de  toute  la  lubricité  de  Messaline.  C'é- 
tait Satan  et  les  démons  dans  la  chaire  de  Saint- 
Pierre^*!  on  eût  dit  que  Dieu  eût  voulu  punir 
l'Eglise  de  ses  fautes,  mais  hélas  !  à  cette  punitioa 
passagère  comme  la  vie  humaine,  devait  succéder 
une  punition  plus  durable  :  Luther ,  né  des 
Borgia^  des  erreurs  et  des  schismes  passés,  de- 


vait  être  plus  funeste  à  TEglise  que  les  déborde* 
ments  de  NeVon  et  de  Messaline. 

Mais  laissons  la  vie  privée  de  cette  hideuse  fa- 
mille et  des  détails  dont  nous  devons  le  récit  i 
la  malheureuse  idée  qu^eut  le  chapelaia  Bernard 
d'écrire  le  journal  des  actions  de  son  maître.  Di- 
sons,  pour  être  juste  avec  tous,  même  avec  le 
Diable,  que  la  vie  politique  d'Alexandre  VI,  mé- 
rita moins  que  sa  vie  privée  et  sa  vie  pontificale^ 
l'exécration  de  la  postérité  ;  mais  l'homme  y  re- 
parut souvent,  malgré  ses  efforts.  L'avarice  ou 
plutôt  le  besoin  d'or,  le  dominait  tellement,  qu'il 
dépouilla  tous  les  princes^  ses  voisins,  pour  aug- 
menter ses  trésors.  On  l'accusa  même  d'avoir  livré 
Zizim  à  Charles  VIII,  après  l'avoir  préalablement 
empoisonné  pour  le  prix  de  trois  cent  mille  écus 
d'or,  reçus  de  Bajazet.  On  a  peine  à  concevoir, 
après  tout  cela,  son  alliance  avec  ce  bon  Louis  XII. 
Il  parvint  sans  doute  à  le  tromper  et  à  fasciner  ses 
yeux  comme  il  avait  fait,  plus  jeune,  du  pape  Ca- 
lixte,  qui  éleva  aucardinalat  un  pareil  monstre, 
et  l'y  éleva  innocemment. 

Ce  pontificat  termine  le  XV^  siècle,  pendant 
lequel  les  convictions  et  la  foi  catholique  durent 
nécessairement  s'affaiblir  dans  toutes  les  clas- 
ses :  à  Rome  même ,  où  Ton  ne  passait  pour 
un  homme   éclairé  qu'en   parlant  ou  écrivant 


contre  la  morale  du  Christ  et  les  mystères  de  la 
religion;  à  la  cour  on  ne  parlait  qu'ironique- 
ment des  institutions  de  TEglise  et  des  livres 
saints.  In  quel  tempoy  dit  Garraciolo,  nonpareça 
fosse  ^alantuomo  e  biton  cortigiano  coltd  che 
dei  dogml  délia  chiesa  non  ave\^a  qualche  opi- 
nion erronea  edefetica i^... 

Cet  état  anormal  et  monstrueux  va  porter  ses 
fruits  dans  le  siècle  suivant  :  nous  allons  assister 
à  la  désorganisation  de  PEglise  et  de  la  chrë«* 
tiontë^  à  la  reforme  de  Luther,  sources  dé  toutéi 
les  guerres  civiles  qui  ont  aflligé  l'humanitë,  de 
tout  le  sang  versd  pendant  deux  siècles  entiers  ••, 
mais  hdlas  !  rcsidtat  h  jamais  ddplorable  des  fautes 
de  PEgHse;  de  cette  Eglise  fondée  parle  Christ  et 
dénaturée  par  Thommc.  Ainsi  le  monde  crë^  de 
Dion  fut  déiiaturd  et  pfcrvertî  par  Thomme  lîbrti 
et  pécheur. 


CHAPITRE  CINQUIÈME 


Nous  yenons  de  le  voir,  la  papauté,  favorisée 
par  le  développement  antérieur  de  riiistoire^ 
était  au  contraire  sourdement  minée  dans  les 
siècleb  que  nous  parcourons.  Les  nations  de  l-Ëu- 
rope  s(B  sentant  fortes  dans  leur  indépendance  et 
dans  leur  unité,  souffrirent  impatiemment  un 
joug  qn'ellês  avaient  long-temps  recherché  comme 
un  bienfait.  Lorsque  survint  le  schisme,  les 
princes  adhérèrent  suivant  leur  politique  parti- 
culière à  Fun  ou  à  Tautre  pape^  et  dés4ors  le  pres- 
tige fut  détruit.  Le  respect  pour  la  Tiare,  par  la 
faute  de  l'Eglise  elle-même,  ne  fut  plus  qu'un 
acte  de  politique.  On  se  représente  souvent  à  tort 
la  papauté  comme  ayant  eu  jusqu'à  la  réforme 
une  puissance  illimitée,  mais  dans  le  fait,  pen- 
dant le  XY^  siècle,  les  états  avaient  envahi  une 
partie  considérable  du  pouvoir  ecclésiastique.  En 
France^  les  rois  nommaient  aux  évéchés  ;  Phi-* . 
lippe-le^Bel  insultait  h  la  ïiare,  Edouard  III  re^ 


fusait  le  tribut  payé  par  ses  prédécesseurs,  et  Fer^ 
dioand-le-Catholique,  lui-même,  résista  plus  d^une 
fois  au  représentant  du  Sainl-Siége. 

A  quoi  tenait  cet  état  de  choses?  à  la  fatalité, 
au  malheur  des  temps?  Non.  Mais  seulement  aux 
progrès  des  uns,  aux  fautes  des  autres  ^  ;  et  puis, 
il  faut  le  dire,  à  ce  besoin  de  liberté  et  de  nou- 
veauté que  ressentait  depuis  long-temps  Tintelli- 
gence  humaine  ^  remuée  par  Abeilard  et  les  pen- 
seurs des  siècles  précédents  '. 

L'unité  monarchique^  le  bien  le  plus  précieux 
des  peuples,  existait  enfin  en  Europe.  Plus  mor- 
celée qu'au  temps  de  Charlemagne,  elle  était 
mieux  répartie  et  mieux  gouvernée.  Elle  pouvait 
espérer  quelque  repos  de  ce  côté,  mais  Torage 
grondait  d'un  autre  :  Tantique  unité  religieuse 
devait  s'effacer^  le  trône  pontifical,  naguère  élevé 
bien  haut,  allait,  sinon  s*écrouler,  du  moins  subir 
ime  épreuve  terrible,  une  épreuve  telle,  que  sans 
la  volonté  divine,  qui  sait  toujours  séparer  et  re- 
hausser ce  qui  émane  d'elle^  TEglise  abâtardie  et 
livrée  aux  plus  coupables  désordres  se  fût  anéantie 
devant  la  puissance  rationaliste.  Mais,  sidansun 
combat  entre  hommes,  l'un  a  été  forcé  de  reculer 
devant  Luther,  dans  le  combat  de  la  foi  et  de  Tau- 
torité  divine  contre  la  raisou  individuelle,,  celle* 
ci  devait  être  vaincue^  et  elle  Ta  été.  La  réforme 


U  lait  couler  bien  du  sang,  elle  a  èa  tine  appa<- 
rence  de  puissance  tant  qu'un  fanatisme  ignorant 
Ta  persécutée  ;  laissée  à  elle-même,  réduite  à  ses 
propres  forces,  aussitôt  qu'elle  n'a  plus  été  pro- 
tégée par  la  persécution,  elle  a  décru  en  raison 
inverse  du  progrès  des  lumières.  Ce  qu'il  y  avait 
dans  le  clergé  d'humain  et  de  peccable  a  péché  et 
en  a  été  puni  ^.  Mais  Dieu  n'a  laissé  triompher  un 
instant  la  raison  en  délire  que  pour  mieux  mon- 
trer plus  tard  sa  faiblesse,  sa  nullité;  et  comme  il 
a  permis  que  l'Eglise  fût  punie^  il  a  voulu  que 
son  caractère  divin  ressortît  au-dessus  de  ses  fautes 
et  se  montrât  plus  haut  que  les  orages  humains, 
rayonnant  de  splendeur  et  de  puissance. 

Depuis  long-temps,  nous  l'avons  vu  parles  dé- 
crets des  conciles,  TEglise  avait  perdu  avec  les 
richesses  et  le  pouvoir,  la  pureté  des  anciens 
jours  ;  elle  semblait  et  par  ses  mœurs  ^  et  par  le 
choix  de  ses  pontifes,  abandonnée  de  Tesprit  di- 
vin. Quelques-uns  des  papes  schismatiques,  en- 
suite Sixte  IV,  Innocent  VIII,  Jean  XXIII,  Eu- 
gène IV,  et  plus  tard  Alexandre  VI,  avaient  fait 
monter  dans  la  chaire  de  Saint-Pierre  toutes  les 
passions  humaines  ;  Jules  II  était  un  capitaine 
plutôt  qu'un  prélat^;  la  charité  avait  fait  place  à 
la  luxure  chez  le  premier,  à  la  soif  des  combats 
chez  le  second  ;  Léon  X,  leur  successeur,  eut  la 


passion  des  arts  et  du  luxe,  moins  condamnable 
sans  doute,  louable  même  dans  les  souverains 
temporels,  mais  coupable  chez  un  pontife,  sur- 
tout;  lorsque  au  mépris  de  sa  sainte  missioUi  il 
spéculait  sur  la  pieuse  crédulité  de  son  troupeau 
pour  en  obtenir  cet  or  qu^il  prodiguait  au^  ar^ 
tistes.  La  postérité  se  souviendra  sans  doute  que 
Léon  a  favorisé  le  génie  de  Michel-Ange  et  de 
Raphaé'l|  qu'il  a  tendu  la  main  au  génie  tout  mon- 
dain et  si  peu  ortliodoxe  d'Ârioste,  mais  elle  ne  peut 
oublier  que  c^est  avec  Tor  arraché  à  ses  ouailles, 
au  moyen  des  indulgences^  qu'il  payait  les  arts  et 
les  lettres^*  Cet  oubli  des  convenances  était  d'au- 
tant plus  condamnable  qu'il  passait  du  pontife  aux 
vicaires.  On  voyait  alors  un  cardinal  fiembo  ne 
jurer  que  par  Cicéron,  et  recommander  au  pré- 
dicateur Sadolet  de  ne  pas  se  gâter  le  goût  par 
la  lecture  de  Saint-Paul! 

Amoureux  de  tous  les  genres  de  gloire,  la  gloire 
de  TËglise  seule  touchait  peu  l'imprévoyant  Léon: 
les  premiers  pas  de  Luther  Tétonnèrent  sans 
Talarmer ,  et  il  répondait  aux  évéques  effrayés  de 
l'audace  du  novateur,  que  ce  moine  était  un 
homme  tràs-remarquable,  et  qu'une  basse  envies'atr 
tachait  à  lui  ifra  Martino,  disait-il,  a  belUssùno 
ingenio,  e  coteste  non  sono  che  invidiefratesche... 
Cet  esprit  supérieur,  si  admiré  du  confiant  poQ- 


tifci  devait  exécuter  ce  que  n'avait  pu  mettre  à 
fin  Arnaud  dff  Brescia  en  Italie ,  Yaldus  en 
France ,  Wic^f  en  Angleterre... 

Il  attaqua  d'abord  l'abus  des  indulgences ,  et  de 
Fabus  allant  au  principe ,  il  nia  leur  valeur  ;  puis 
arriva  Tintercession  des  Saints,  puis  la  confession, 
le  purgatoire ,  le  cëlibat  des  prêtres ,  la  transsub- 
stantiation,  et  enfin  Fautoritë  del'Egliseet  le  carac- 
târe  de  son  chef,. •  Il  fit  plus  :  passant  des  opinions 
aux  actes  9  il  osa  brûler  sur  la  place  de  Wittem- 
bergla  bulle  qui  condamnait  son  hérésie.*. 

Si  Luther  n'eût  pas  trouvé  une  partie  de  l'Eu- 
rope préparée  à  soutenir  tant  de  hardiesse ,  et  à 
embrasser  une  reforme  quelle  qu'elle  fût ,  le 
lutkérianisme  n'eût  jamais  été  une  religion  , 
mais  Tamour  de  la  dispute  et  de  la  nouveauté 
qui  avait  saisi  l'Allemagne  lui  faisait  beau 
jeu.  I  iput  se  livrer  sans  crainte  à  toutes  ses 
passions,  élever  chaire  contre  chaire,  autel  contre 
antel^  il  ne  devait  pas  périr ,  car  la  politique  des 
princes  avait  pris  parti  pour  lui  ;  le  génie  fiscal  du 
dergé  italien  les  oppressait  et  les  ruinait ,  ils  avaient 
aoutena  les  Hussites ,  ils  soutenaient  Luther;  ils 
auraient  soutenu  tout  réformateur  hardi  qui  eût 
iavoriséleur  haine  ^  sans  s'enquérir  si  la  réforme 
était  raisonnable  et  bonne.  Cette  dispontion  de» 
esprits  était  connue  de  Luther^  et  la  grande  image 


de  Cbarles-Qiûnt  lui-même  ne  put  Teffrayer  :  c  Je 
suis  sommé,  disait-il^  de  comparaîtra  Worms,  et 
dussé-je  voir  conjurés  contre  moi ,  autant  de  dia- 
bles qu'il  y  a  de  tuiles  sur  les  toils,  je  m*y  ren- 
drai...» n  prêchait  une  croisade  contre  le  Pape  qui 
était  d'après  lui  «  un  loup  possédé  du  malin  esprit 
contre  lequel  il  fallait  ameuter*  les  villages  et  les 
bourgs  sans  attendre  la  sentence  des  juges ,  m  du 
concile...  Si  j*étaisle  maître  deTempirCy  disait-il 
ailleurs  )  je  ferais  un  petit  paquet  du  Pape  et  des 
cardinaux,  et  je  jetterais  tout  cela  dans  ce  petit  fossé 
qu'on  appelle  Mer  de  Toscane,  ce  bain  les  guéri- 
rait ;  j'y  engage  ma  parole  et  je  donne  Chriii  pour 
caution  "...  »  Du  reste ,  il  ne  craignait  le  Pape  en 
aucune  façon ,  car  il  était  sûr  de  le  yaincre  : 
€  Deus  viderit  uter  prinio  defecerit  Papa  an 
»  Liitherus!  »  Toutecetteboufibnnerie  était  pour 
Luther  une  arme  ;1  avait  par  elle  cette  partie 
de  la  population  indifférente  et  rieuse^  comme  il 
avait  par  sa  science,  par  ses  hardiesses  théologi- 
ques et  par  son  courage  d'homme ,  la  partie  grave 
et  passionnée.  Aussi  ne  ménageait-il  pas  plus  les 
souverains  temporels  que  les  souverains  spirituels: 
Henri  YIIl  était  surtout  traité  dans  ses  écrits  avec 
un  mépris  calculé  pour  flatter  la  haine  des  princes 
allemands  9.  A  son  retour  de  Worms,  Pun  d'eux  le 
fît  enlever  pour  le  soustraire  à  des  dangers  imagi-^ 


mivfis  :  il  $ç  tiqt  près  d^uQ  an  caclu:  dans  un  manoir 
féodal  j  ignore  du  genre  humain^  et  de  là  il  inon- 
(iait  rS^rop^  d^  se$  écrite  qui,  arrivant  de  ce  pré- 
dicateur invisible  ^x^t  mvX  9e  connaissait  le  sort^ 
n'^n  fr9ppai9nt  que  plus  violemment  Fimagiiiation 
imf^easioiiable  de  cetifi  AUi^l^agae  qu'il  voulait 
surtout  aëduire  et  passipnner  poqr  l[ui  ^^. 

QuVurriy^ltTil  de  |;put  cela  J  q^e  les  priuçps 
allw)aiid«i  mélaol  en^  Faction  ^  Tadmiratioi^  e(  à 
l'éloge  y  âri^qt  vmn  h^^e  sur  les  propriété  eçpV^ 
Cliques  ;  que  le  peuple  yqulut  aussi  faire  ss^  vér 
fonm  et  pilla  les  égli^f^  fonj^lit  les  métaux  pré* 
cieuX)  diémolit  les  châteaux,  brûla  les  livret 
c  Toutes  inventions  du  diable,  dans  le  sfeul  but 
]»  de  rétablir  l'égalité  naturelle  préchée  par 
»  Cibvirt!...  » 

Quelle  était  donc  cette  doctrincf  neuve  et  sipr^r 
greisive  qu'on  allait  substituer  à  la  doctrine  catho- 
Uque  upiverAelle^  ancienne  comme  le  Sauveur? 
U^rait  difficile  de  fQrixier  dies  opipions^  sans  cqi^ 
modifiées,  de  Luther  un  corps  de  doctrine  complet* 
De  tout  ^  pampblet9  réwi»  et  c^mmenté^par  de 
gawantii  dateurs  des  deu:K  comoiunions ,  il  ré* 
suite: 

i^  Que  l^ritijire  sj^inte  est  la  seule  base  de  la 
foi  I  ba^nft  inviolable  et  sacrée  ; 

2^  QuViwune  autorité  humqine.  n'existe  plus 
V.  9 


—  150  — 

et  que  chacun  peut  interpréter  à  son  grë  le  livre 
de  la  loi. 

De  là  ces  innombrables  variations  dont  Bossuet 
a  tire  plus  tard  un  si  grand  parti  ^ ^  * 

De  là  aussi  Tabolition  de  la  cohfession^de  la 
messe^  de  la  communion  sous  les  deux  ectpéces , 

t 

des  vœux  monastiques  ^  du  célibat  forcé,  de  la 
croyance  à  Texpiation  des  âmes  après  la  mort  d*où 
étaient  nées  les  indulgences...  C'est  ainsi  que  ju- 
geant la  chose  sur  l'abus  de  la  chose,  et  substituant 
une  passion  humaine  à  une  autre  passion  humaine, 
il  errait  grossièrement.  D'après  le  réformateur  et 
de  son  autorité  privée,  les  sacrements  se  trouvaient 
réduits  à  trois  :  le  Baptême,  la  Pénitence,  l'Eu- 
charistie...  Quant  à  la  présence  réelle  il  Pavait 
d'abord  admise,  mais  les  contrariétés  personnelles 
qn*il  éprouva  plus  tard  la  lui  firent  rejeter  ^^ 

n  expliquait  ces  variations  en  disant:  qu*il  fallait 
conserver  la  présence  réelle  quand  on  la  rejetait 
comme  impie  et  la  rejeter  lorsqu'on  Vimposait 
comme  nécessaire. 

Par  une  singulière  aberration  d'esprit,  rhomitoe 
du  libre  examen  niait  là  liberté  morale;  Liberum 
atbilrium  non  est  Dominus  actuum  suorum.' Il 
aflirmait  c[ue  riïomme  livré  à  lui-même  péchait 
toujours  et  mortellement:  Diim  facit  quod  in  se 
est,  peccat  mortriliter...  que  daiis  une  bonne  ac- 


—  151  — 

tion  tout  appartenait  à  Dieu  et  rieti  à  riiotiiine  : 
actum  bonumesse  totum  a  Deo.,*ha  philosophie 
et  la  religion  condamnent  également  de  telles  as- 
sertions ^'. 

n  fallait  que  les  fautes  des  serviteurs  de  Dieu 
fussent  bien  grandes ,  et  que  la  politique  passion- 
née des  princes  fût  bien  forte  pour  qu^une  partie 
de  PEurope  abandonnât  ses  anciennes  croyances 
pour  suivre  un  pareil  raisonnement  ! 

Pendant  que  Luther,  retiré  au  château  de  Wart- 
bourg,  essayait  de  former  un  corps  de  doctrine  , 
et  que  la  rêveuse  Allemagne  s'empressait  de  tout 
adopter  par  amour  pour  la  nouveauté,  par  haine 
des  idées  positives  de  l'Occident ,  qui  riait  encore 
desbouffoneries  de  Luther  sans  pouvoir  les  prendre 
au  sérieux  ,  la  Suisse  était  le  théâtre  d'une  autre  ré- 
formation ;  révoltée,  dans  la  simplicité  etla  pureté 
de  ses  mœurs,  du  traiic  des  indulgences  dont  elle 
ne  pouvait  comprendre  d'autre  motif  que  celui  de 
la  rapacité  des  prélats  guerroyeurs  et  fastueux  j 
elle  écoutait  avec  faveur  un  jeune  enthousiaste 
nommé  Zwîngle  qui  enseignait  du  haut  delà  chaire 
de  Zurich  qu'une  vie  pure  et  une  âme  religieuse 
étaient  plus  agréables  à  Dieu  que  les  pénitences  les 
plus  austères.  Jusque  là  tout  était  bien,  mais  eni- 
vré de  son  succès^  et  brûlant  de  devenir  Témule 

dé  Luther ,  dont  la  réputation  grandissait  dans  la 

9. 


—  ipt  — 

Suisse  allemnndc ,  il  reji^ta  successivement  la 
Messe,  la  ConfessioD)  le  Purgatoire,  rililerc^ssion 
(les  Saints,  le  Célibat  des  prêtres  et  de  plus  laPsë-r 
sence  réelle;  allant  ainsi,  dès  ses  premiers  pas,  plus 
loin  que  le  moine  d^Erfurth  ,  il  opéra  *4<^ns  pes 
montagnes  une  véritable  révolution  religieuse, 
dont  le  berceau  de  la  liberté  lielvétique  sut  pres- 
que seul  se  garantir^*. 

La  porte  était  ouverte  à  la  raison  humaine  ;  les 
hérésies  avaient  beau  jeu  :  auxBcghards,  aux  Loi- 
lards^  aux  Albigeois^  aux  Yaudois^  aux  Stediq- 
guiens  et  aux  Flagellans,  à  Wiclef,  Jean  Huss  , 
Jérôme  de  Prague,  Luther,  Zwingle,  Melanchton 
etŒcolampade  ^'^  succédèrentles  Sacramentaire^ 
les  Anabaptistes^  les  Ubiquitaires  et  Calvin. 
La  première  de  ces  sectes  fondée  par  Garlostad  se 
contentait  de  supprimer  la  présence  réellej  elle  fut 
bientôt  dépassée  par  la  suivante  qui  prêchait  li| 
nécessité  d^un  second  baptême ,  parce  que  Jésusr 
Christ  n^avait  été  baptisé  quêtant  adulte ,  et 
qu'il  fallait  absolument  Timiter  en  ce  point...  Lu«» 
tlier,  d'après  cu2(  pétait  un  esprit  timide  quin*avfiit 
fait  qu'entrevoir  les  principes  de  la  vraie  liberté 
chrétienne.  II  n'y  a  dans  rEcrituro  ni  évéques,  ni 
cures  I  donc  toute  hiérarchie  ecclésiastique  dqît 
être  abolie.  Le  livre  de  la  loi  est  là,  il  suffit  à  tous , 
chacun  peut  Tipterpréter  à  son  gré  et  ne  doit  pas 


dièrcher  aillëiirs  des  commehtairësiiitltiles...  L'in- 
tei|3irétati0ii  fut  bientôt  faite  chez  les  ps(j$ans  dès 
eaiB|fagné9  de  Souabè  et  dé  Frantroiiie  :  J&iiâ- 
Christ  d  ëtabli  l'ëgdliië  parmi  lés  hbtUhiéSy  psiHâdt 
plm  de  drbit  de  chasse  et  de  péclie ,  plus  d'itii- 
p6ts.  ; .  lét  s'énflammant  à  la  voix  déMudser  ils  lire- 
liaient  les  arrhes  en  criàni  :  <t  Suâ^  hxié^  siis  !  il  est 
tënips  que  tes  mëcharits  tremblent  !  *^  ^  Boris  et 
méchants,  tout  tremblait  en  efiet  devant  ceÈ  fol*- 
WttÉiA  i]ui  âtiivirefot  le  cours  du  Rhin,  et  forent 
pdfHef  la  flammé  et  le  fet*  jusque  dans  les  protîn- 
ces  de  France.  Dans  toutes  les  villes  où  ils  pas- 
saient, leuf  fureur  religieuse  les  portait  d'abord  à 
bràlerles  archiveî^,  leslnusëesj  les  bibliothèques. 
O^tte  prëlilière  justice  faite,  ils  egdrgedient  lès 
ribhes^  les  nobles  et  les  ptétreà,  abattant  tout  ce 
cjdi  ëldit  plus  haulqu'eiix  ,  tout  ce  qui  létir  faîàdit 
btnbragè.  Ldthfer  fulminait  tbntre  eux,  niais  sàhs 
pouvoir  les  ërrétèr  ^^j  le  bon  Mëlahchttfn  pleurait^ 
mais  ses  làrHi^s  philantropiqtiés  ne  rêtnëdifliefat 
pH$  niiëUi  au  mal;  le  tigre  ëtait  lance,  il  détofa 
jtt*qtfà  ce  que  Èk  faim  fût  àssduvié.  Altird  6ri  le 
ttiUsela.  La  tidblesse  alleiridndes'éffrajra  d«  dritt-- 
ger  :  prise  iii  dëi)ôurVu,  elle  avait  éprcrtivë  dès 
piertéâ;  ralliée  et  armée,  elle  vafincjùil  ]ëà  AlWbap- 
tidtëd  ebiîMle  la  ridblèâie  française  àtàit  ValUfcu 
lteà/âcgtti?àtouà  lërbi  Jéaa.      . 


Cependant  une  opinion  plus  sérieuse  se  prépftF 
rait  :  la  réforme  à  son  premier  &ge  n'avait  guère 
fait  que  détruire ,  il  lui  fallait  fonder  quelque 
chose  de  stable  ou  përir^et  trop  d'esprits  pcoi- 
seurs  Tavaientadoptée»  trop  de  souverains  ravalent 
soutenue  et  favorisée  pour  qu  elle  périt  ainsi.  Bon 
ou  mauvab  il  lui  fallait  un  corps  de  doctrine  qui 
soutînt  Texamen  et  la  controverse  ;  Calvin  le  lui 
donna. 

Calvin  n'avait  ni  Fimpétuosité^  ni  la  bmsque 
franchise,  ni  la  bouffonnerie  de  Luther;  son  style 
était  amer^  tiîste,  mais  fort,  serrée  pénétrant;  sa 
popularité  fut  prompte  et  grande  à  Genève^  où  il 
s'était  fixé ,  à  Strasbourg  et  ailleurs.  La  rigimir 
avec  laquelle  il  exerçait  son  pouvoir  causa 
quelques  troubles  dans  la  république,  mais  son 
talent  et  sa  fermeté  triomphèrent  de  ses  ennemis, 
U  était  inflexible  dans  ses  sentiments ,  invariable 
dans  ses  démarches  ^^  et  capable  de  tout  sacrifier 
pour  la  défense  de  son  système.  Un  homme  de  ce 
caractère  subjugue  facilement  des  esprits  fatigués 
du  vague^  et  auxquels  le  besoin  de  croire  à  quelque 
chose  fait  adopter  la  première  doctrine  donnée 
avec  assurance,  soutenue  avec  talent  et  gravité. 

Quelle  était  donc  cette  doctrine  et  en  quoi  dif- 
fétait-elle  de  celle  de  Luther  ?  Simplement  dansla 
négation  de  la  présence  réelle  et  Tabolition  com- 


plète  àe  rëpiscopat,  comme  de  tout  ce  que.le  cAlte 
poavait  avoir  d'extëricQr  et  de  solennel  **.  Adop- 
tant cependant  un  terme  moyen  entre  Luther  j 
^Zwîngle  etCarlostad^  pour  ne  paraître  suivre  les 
traces  d'aucun  d'eux ,  il  se  rapprocha  tellement 
de  ce  qu'il  niait  d'une  manière  absolue,  que  l'on  put 
croire  qu'il  ne  repoussait  pas  ce  qu'il  condam- 
nait. En  effet  il  admet  que  nous  participons  réel- 
lement au  vrai  corps  et  au  vrai  sang  de  Jësus- 
Ghrist;  et  il  le  disait  avec  tant  de  force  que  les 
Luthériens  croyaient  presque  qu'il  était  des  leurs  : 
car  il  répète  cent  et  cent  fois  <c  que  la  vérité 
nous  doit  être  donnée  avec  les  signes;  que  sous 
CES  SIGX9ES  nous  recevons  vraiment  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus^Christ  ;  que  la  chair  de  JésuS" 
Christ  est  distribuée  dans  ce  sacrement;  qu'elle 
nous  pénètre;  que  nous  sommes  participants  non 
seulement  de  V esprit  de  Jésus-Christy  mais  de 
sa  chair ^  que  nous  en  avons  la  propre  substance j 
et  que  iious  en  sommes  faits  participants;  que 
Jêsus-^Christ  s  unit  à  nous  en  entier ,  et  pour  cela 
qu^il  s'y  unit  de  corps  et  d^ esprit^  qu'il  ne  faut 
poifit  douter  que  nous  ne  recevions  son  propre 
corps ,  et  que  sHl  y  a  quelqiûun  dans  le  monde 
qui  reconnaisse  sincèrement  cette  vérité  f  c'est 
Im^w. 

L'épiscopat  aboli  ^  chacun  était  le  maître   de 


—  480  — 

8*iibwiidre,  et  pimr  pm  qu^ua  obrëtien  fflt  bton 
àUÊpùêé  eh  8â  fiiTMf ,  ce  qui  aitÎTë  asaes  fréquenn 
meut)  il  était  asmrrf  non  senlement  de  sa  ytct li/f oii< 
iion,  comme  le  disait  Luther,  Ifiais  eâoorede  OTh^ 
jMilut...  Aussi  le  prince  Frédéric  III^  Too  de  ma 
fAttiiiers  disciples^  disait^il  arec  confiance  i  mâU 
gi'ë  la  malice  de  mes  actions  passées  et  celle  contre 
lacjudle  j'atirai  à  combattre  tonte  iHa  ticy  je  sais 
tfês-cerlainement  que  je  serai  sttuvë  **..• 

Uri  autre  point  de  différence  enti^  Latllêft  et 
Calvin  créait  qde,  d'aptes  lé  premier)  le  ÛàHk 
justifia  pouvait  déchoir  de  la  gr&ce^  ë%  que  le 
second  soutenait  nii  contraire  que  la  gtkcë  «ne 
fois  reçue  rie  peut  pins  se  perdre. 

EhQtïj  et  pôTir  fie  pas  entrer  dtfns  d'autres  At^ 
tai jjf  étrûti^m  h  ncttfé  o&titre  et  tn  ddborsf  dé  IRitrb 
(rlari  y  noxis  d'r^6rrs  en  (e'Mfiifiant  qùè ,  bieb  qtMr  le 
bdfAéfùe  filt  côn^^ré  fm  Ëalvlnf ,  il  n'unit  plus 
duB^  ttécesâlté  ab^lne ,  puisque^  d'après  sa  d«e- 
Itïnëj  (jtlA  tiàtt  d  un  fidèle^  ntfit  dans  fcdiiwk» 
«I  ûÉhÉ  U  grftce  ^  et  qui  a  k  grftcè  ne  peut  plèw 
déèHôir.  Voilà  dottc ,  èoiMlie  Tobsérte  tfo^kuet , 
Hr  gfài^étetidtie  àdes  géttératiôni  infinie».  9fi\  y 
É  0«  sMl  fid^é  Atitïë  toiltè  Une  rac«  ^  U  desMO- 
à&iïce  à€  (ee  fidélè  est  tOùtë  ptédésti^e;  9i  dfl  y 
trouve  un  hoRune  qui  meurt  dans  le  criACi  elle 
B&t  pétdUe  tti  entier... .é*. 


—  157  — 

Mous  ne  pouyoDs^  comme  nous  veuaoa  deie 
direy  donner  ici  Taimlyse  de  la  doctrine  de  Goivdtt 
qui,  maigre  quelques  contradictions  inévitables^ 
puisqu'elles  tenaient  à  l'essence  de  sa  doctrine , 
à  sa  c^viation  du  vrai,  est  incomparablement 
plus  forte^  plus  suivie  ,  plus  compréhensible  que 
celles  de  Luther,  de  Zwingle^  de  Mélancthon^ 
de  Garlostad,  d^QEcolampade  et  des  Yaudois 
prédécesseurs.  Mais,  plus  on  Texamine,  plus 
on  est  convaincu  que  pour  toucher  à  une  religion 
qui  s'appme  sur  les  paroles  mêmes  du  Christ,  il 
faut  que  la  raison  se  sente  bien  forte  et  que  la  vé- 
rité nouvelle  quelle  avance  soit  bien  palpable. 
Or,  est-ce  ce  qui  existe  ici?  autant  d^hommes^  au^ 
tant  d'interprétations,  quand  Pinterjprétattoa  de 
TËglise  est  si  ckire  et  sa  doctiine  si  pure  et  si 
belle!  Que  les  hommes  en  aient  abusé  pour  faire 
le  mal^  soit  ;  mais  c'est  une  preuve  de  pluâ  que 
rhomme  dénature  ce  qu'il  toudie  aulieu  de  le 
rectifier.  Pouvons-nous,  après  cela,  nous  glorifier 
de  notre  raison  et  la  mettre  au-dessus  de  la  vérité 
immuable  et  une  que  le  sauveur  nous  a  laissée  ^. 

D'après  ce  que  nous  avons  vu  de  la  doctrine 
de  Luther  et  de  Calvin,  il  semblerait  que  la  pre- 
mière vertu  du  réformateur  doit  être  la  tolérance^ 
puisque  la  base  de  cette  doctrine  est  la  liberté  de 
conscience  et  la  suprématie  de  la  raison  humaine 


sur  Taiitoritë...  Eh!  bien^  nous  voyons  Calvin 
faire  brûler  Servct  pour  avoir  trouve  dans  récri- 
ture un  sens  diffifrent  de  celui  qu^l  y  trouvait  lui* 
même  **.  Si  tout  homme  est  juge  du  sens  de  IV- 
criture  et  peut  Fintcrpreter  à  sa  façon,  pourquoi 
ces  rigueurs?  Si  les  ministres  catholiques  ont  ëté 
trop  durs,  trop  impitoyables,  dans  la  répression 
des  hérésies,  pourquoi  cette  dureté^  cette  cruauté? 
Nul  homme,  rcpi*endra-t-on,  n'est  sans  irritation 
et  sans  passions  ;  nul  homme  ne  peutse  dépouiller 
de  la  partie  humaine  qui  est  en  lui.  Mais  alon^ 
et  c^est  là  où  nous  voulions  en  venir ^  pourquoi 
réformer  une  institution  dipinc  parce  qu'elle  a 
été  faussée  par  ses  ministres  humains  ?  Réformes 
les  ministres,  changez-les,  mais  ne  vous  en  prenex 
pas  à  la  religion  y  surtout  quand  il  n'y  a  d'autres 
résultats  possibles  que  le  doute,  Fégarement,  la 
haine,  la  division^  la  guerre,  une  guerre  inces- 
sante et  éternelle. . . 


—  450 


MM»»M^%/»t^^»*  »>M^^i»<i<»i^»%%^^M#»»uv%  v^^'*>*^m/^m\/%/vkty%ik/k^^A0V¥*mvy% 


CHAPITRE  SIXIÈME. 


L'histoire  de  la  reforme  protestante  et  de  ses 
principaux  chefs  a  absorbe  tout  le  chapitre  prë- 
cèdent;  voyons  maintenant  ce  qu^ëtait  devenue 
TEglise  et  le  parti  qu'avait  pris  la  papautë  pen- 
dant cette  révolte  ouverte  contre  son  autorité,  et 
les  lois  divines  qu'elle  est  chargée  de  faire  exé- 
cuter j  voyons  surtout  les  fruits  de  cette  terrible 
leçon  qu'elle  vient  de  recevoir,  et  l'influence  de 
la  réforme  sur  les  mœurs  et  les  lumières  de  l'Eu- 
rope chrétienne. 

A  la  mort  de  Léon  X,  qui  a  été  jugé  par  la  pos- 
térité de  tant  de  manières  diverses  %  le  précep- 
teur de  Charles  V  fut  élu  sous  le  nom  d'Adrien  Y L 
L'élection  n'était  pas  tombée  depuis  long-temps 
sur  un  homme  aussi  digne  :  Adrien  avait  une  ré  • 
putation  irréprochable  ;  il  était  pieux,  économe^ 
actify  bienveillant,  mais  sévère  ^.  a  Nous  savons^ 
ditrily  peu  après  son  élévation,  que  depuis  long-» 
temps  d'abominables  excès  ont  eu  lieu  près  du 


—  mo  — 

SaiutrSiége^  et  la  corruption  s'est  répandue  de  k 
tête  aux  membres.  Nous  avons  tous  dévie,  il  n  j 
en  a  eu  aucun  qui  ait  fait  du  bien  \..  »  et  ilsW 
gagea  à  tout  changer,  il  fît  èsjperer  line  rëforae 
telle  qu^on  pouvait  la  désirer,  mais  Tœuvre  ii'é* 
tait  pas  facile,  la  bonne  volonté  d^un  seul,  quel* 
que  haut  placé  qu'il  fût,  était  loin  d'y  suffire;  le 
mal  était  trop  enraciné^  il  fut  plus  fort  que  liûet 
Pentraîna;  aussi  sa  dernière  parole  fut^élié  ub 
ci*]  de  douleur  et  si  significatif  qii*il  a  été  gi^vÎ! 
sur  son  tombeau  :  Pouirjùoî  y  a-t-^I  dek  iéiiifis 
daHê  lesquels  le  meilleur  homme  hé  peîii  ifvtsfi 
Jpctii'e  que  succomber  ! 

Clément  YII  hii  succéda.  C'était  lin  llfc^aicis. 
Il  eiît,  comme  Adrien,  l'ambition  diibiêri  étptot- 
étrb  plus  de  lumières  pour  robtëhit*  <•  Riais  les 
événements  ne  favorisèrctit  pas  s^  Ibtëtttibâi. 
Poursuivi  par  la  fatalité  dans  ses  actes  les  j^liis 
importants,  il  acheva  de  se  perdre  êii  se  pMû- 
pitant  plein  de  cohfiahce  h'u  devant  dé  ses  éhki^ 
idis  teiiiporels  et  spirituels. 

Les  malheurs  de  tlome,  hbfribldneiii  sàdc^gëè, 
d  là  défection  de  rÂUéhiàgrië,  fii*éUt  {^Vëfit 
sdigtiër  son  cœur  ^.  La  ix^flifme  giîîUdtt  et  àè  dé- 
veloppa devant  ses  yèii^  ^i^  qtt*il  lui  îht  {MS- 
sible  de  Varrétër,  bt  il  laissa  le  Sàiht^iëgë  ft««i 
une  t*ëptitâtiou  Gomprdtâiscy  sahs  à'utôrité  d|)irl- 


^«  luolle  ni  teiuporellO|  aprâs  avoir  eonstaiitment 
'*   comballu    pour    ces  dqux  causes.  L'i^llQmagitfj 
'-    duNopd,  de  tout  temp^  si/avorable  !^  la  p9p&Mt^> 
^    cette  Allemagne  flout  la  cQMversion  avait  servi  ei^ 
''    Occident  à  fonder  la  puissance  du  sidge  romain^ 
cAle  AU«in{igne  qui  autrefois  avait  si  efiicaqe- 
ment  aidé  les  papus  dans  rétablissement  de  If^ 
hiérarclne,  travaillait,  apvèa  s'âtre  rëyoltëci  ^  faire 
pas^r  ses  convictions  dans  la  Scandinavie,  en 
Angleterre,  pu  Suisse,  eu  France,  et  jusqu'en  Es- 
pagne, mçilgre  les  eflforts  de  Charles-Quint...  La 
lutt«  dps  intc^réts  spirituels  et  temporels  dans  la- 
i[uclle  la  pnpautd  s'ctait  placde^  paraissait  soule-r 
vt^  tout  exprès  pour  procurer  aux  opinions  de  1^ 
i^ëforme  une  domination  plus  grande  ^. 

Ta|it  de  douleurs,  augmentées  de  violenta  cha- 
grins domestiques,  conduisirent  au  tombeau  ce 
|)ape  bon  et  éclairé,  mais  moins  fort  que  son 
ùècle  et  Iq^  circonstances  qui  rentouraien|;. 

Alexandre  Farnùse,  sous  le  nom  de  Paul  III| 
succéda  à  Clément  YII;  il  était  Agé  de  soixante 
ans,  mais  encore  vert  et  plein  d'ardeur;  quarante 
années  de  cardinalat  Tavulent  initié  aux  affaii^fs, 
et  telle  était  qa  position  à  ilome  qu'il  attendait  b^ 
Tigre  con^fiie  on  attend  un  héritage  \  De  grand» 
éf  éneoients,  de  grandes  choses,  étaient  en  eiïc^ 
réservées  à  son  pontificat  :  la  réaction  catholique 


—  1W  — 

manifestée  par  le  concile  de  Trente»  et  la  mis- 
sauce  de  l'ordre  des  Jésuites. 

Paul  m  avait  des  manières  ais^y  nobles  et 
magnifiques,  il  ëtait  adoré  dans  Rome  où  son  au' 
torité  était  plus  grande  que  celle  de  ses  prédëces' 
seurs,  bien  qu'il  laissât  aux  princes  de  llSglise  la 
liberté  de  manifester  hautement  leur  opinion 
pour  que  la  lumière  jaillît  de  la  discussion  ;  mais 
en  même  temps  il  maintenait  ses  droits  et  savait 
faire  respecter  sa  volonté.  Sa  pi*udence  et  sa  cir- 
conspection étaient  connues  des  souverains  de 
TEurope,  et  Fissue  des  négociations  lui  était 
rarement  défavorable;  en  un  mot,  il  était  re- 
douté au  dehors  et  aimé  des  siens.  Yoilà^  sans 
doute,  bien  des  éléments  de  succès,  bien  des  qua- 
lités dans  un  pontife  du  XVI*  siècle;  pourquoi 
faut-ii  dire  après  cela  que  son  cœur  était  dur  et 
que  cet  esprit  élevé  était  superstitieux.  Gomme 
Louis  XI,  avec  lequel  d'ailleurs  il  avait  beaucoup 
de  traits  de  ressemblance,  il  crojait  à  l'astro- 
logie et  à  l'influence  des  constellations  qu^I  con- 
sultait fort  souvent  ». 

Laissant  de  côté  ses  négociations,  ses  démêlés 
avec  TEmpire,  et  toute  sa  vie  politique,  nous 
nous  attacherons  plus  particulièrement  à  peindre 
les  deux  phases  importantes  de  son  ponlifîcat| 
dont  nous  avons  parlé. 


—  4*5  — 

D'accord  avec  Charles-Quint ,  le  concile  de 
Trente^  dont  le  pape  avait  plusieurs  fois  retarde 
Touverturei  craignant  de  ne  pouvoir  le  dominer 
assez,  fut  ouvert  le  iâ  décembre  i5&5.  Ce  concile» 
le  dernier  des  Œcuméniques  »  si  long  et  si  im- 
portant, qne  Sarpi  Tappelle  Vllliade  du  XW 
siède  '»  fut  ouvert  par  trois  cardinaux,  légats  du 
pape.  Quatre  archevêques  et  vingt-deux  évéques 
seulement,  assistaient  à  la  première  session,  mais 
ce  nombre  s'accrut  beaucoup  dans  les  sessions 
suivantes  :   deux  points   importants  appelaient 
surtout  Tattention  de  cette  réunion  si  ardemment 
désirée,  et  devenue  si  célèbre  :  la  réfor  me  en  elle- 
même»  c'est-à-dire  l'hérésie  des  novateurs  et  en- 
suite la  réformation  des  abus  de  la  cour  de  Rome, 
â  la  révision  sévère  des  lois  et  des  règlements  de 
l-Eglise,  la  foi  àconserver,  la  discipline  à  rétablir. 
On  procéda  d'abord  avec  système,  etTontiaita 
de  in  révélation^  des  sources  dans  lesquelles  il 
&ùt  en  puiser  là  connaissance  et  la  preuve.  Après 
quelques  dLscus^on^  entre  les  évéques  dont  les 
opinions  se  seraient  volontiers  rapprochées  du 
protestantisme ,  et  les  évéques  o^tliodoxes,  il  fut 
convenu  que  là  tradition  non  écrite  reçue  de  la 
bioiiehe  du  Christ,  propagée  par  les  apôtres,  doit 
Hi^adinise  comme  récriture  elle-même,  <jue  la 
iFulgate  en  était  la]  traduction   aulheulique,  et 


qu'elle  devait  être  imprimée  avec  les  plus  grandes 
précautions. 

Passant  ensuite  au  dogme  imporlael  et  poaiii/ 
de  la  justification  et  des  doctrines  qui  s'y  rat^ 
tachent,  on  entendit  les  mêmes  évoques ,  de 
Gliiozza,  de  Bellune,  de  la  Cava,  de  Sienne,  et  In 
cardinal  Poole  qui,  presque  comme  Luther,  attri- 
buaient uniquement  la  justification  au  mérite  di| 
Christ,  déclarant  que  les  œuvres  ne  sont  que  les 
preuves  de  la  foi,  Pespérance  et  la  charité  ses 
compagnes.  Cette  doctrine  repoussée  avec  fbroe^ 
on  écouta  avec  un  peu  plus  de  faveur,  mais  sans 
l'admettre  cependant,  une  modification  prësentëe 
par  Séripando,  général  des  Augostins  ;  ceux  qui 
la  combattirent  le  plus  vivement  furent  Garaffa, 
Salmeron  et  Lainez,  amis  et  émules  d'Ignace  de 
Loyola,  dont  nous  aurons  bientôt  à  nous  oc- 
cuper. 

Enfin^  l'assemblée  conclut,  et  tout  en  admettant 
avec  les  évéques  dissidents  les  mérites  du  Ghrist, 
comme  base  première,  eUe  ne  leur  atla'ibua  If  jui- 
trfication  qu^autant  qu'ils  produisent  la  n^^ioiManqe 
intérieure,  et  par  conséquent,  les  bonnes  crawiv 
desquelles  tout  dépend  :  «  les  pécheurs^  dil  le 
concile,  sont  disposés  à  être  justifiés,  lorsqu^efXffiMi 
et  aidés  par  la  grftce,  et  qu'ajoutant  foi  kla  pa- 
role sainte  quHls  entendent,  ils  se  portent  li|iM- 


ment  vers  Dieu,  croyant  que  tout  ce  qu'il  a  ré- 
\élé  et  promis  est  véritable,  et  surtout  que  Tîm- 
pieest  justifie  par  la  grâce  que  Dieu  lui  donne  par 
]à  r^emption  de  Jësus-Ghrist  ;  et  lorsque,  se  re- 
connaissant pêcheurs,  quVtant  frappés  utilement 
de  là  crainte  delà  justice  de  Dieu,  et  ajant  recours 
à  la  divine  miséricorde  ils  conçoivent  rèsperance 
et  ont  confiance  que  Dieu  leur  sera  propice  à  cause 
de  Jésus-Ghrist,  et  commencent  h  Taimer  comme 
-source  de  toute  justice  ;  et  que  ,  pour  cela ,  ils  se 
tournent  contre  leurs  péchés ,  par  la  haine  qu'ils 
en  conçoivent ,  et  par  la  détestation  ;  c'est-à-dire 
par  la  pénitence  qu'il  faut  en  faire  avant  le  bap- 
tême; enfin,  lorsqu'ils  se  proposent  de  recevoir  le 
baptême ,  de  commencer  une  vie  nouvelle ,  et 
d'dbseirver  les  commandements  de  Dieu.  » 
■  Le  concile  explique  ensuite  la  nature  et  les  ef- 
fets de  la  justification ,  en  disant  qu'elle  ne  consiste 
pas  seulement  dans  la  rémission  des  péchés,  mais 
aussi  dans  la  sanctification  et  le  renouvellement 
intérieur  de  l'âme  ^o. 

'  Cest  ainsi  que  fut  exclue  à  jamais  Topinion  de 
Luther ,  celle  de  Calvin  ,  ainsi  que  celle  des  évé- 
qoès  métiiateurs  qui,  sans  ado|)ter  ce  qui  était  gé 
nâralèmeiit  regardé  comme  nue  hérésie  par 
l^Églîse,  auraient  cependant  adopté  une  opinion 
moyenne  et  conciliatrice. 

V,  10 


—  VAS  — 

Il  fut  convenu  conunc  corollaire  que  les  sacre- 
ments doivent  être  conservés  tels  qu'ils  existent  ^ 
car  ib  embrassent  toute  la  vie  de  Thomme»  ils  sont: 
la  pierre  fondamentale  de  la  liiérarchie,  ils  aa«> 
noncent  la  grâce ,  la  communiquent^  et  complÀ- 
tent  le  rapport  qui  rapproche  Thomme  de  Diea« 

Le  concile ,  après  avoir  dëfini  et  expliqué  la 
doctrine  catholique^  condamne,  dans  les  trente- 
trois  canons  suivants,  les  erreurs  contraires  à  cette 
doctrine  j  et  déclare  que  TËglise  ne  reconnaitra 
jamais  une  opinion  qui  pourrait  s'en  écarter  ^K 

Ici  se  termine  la  partie  du  concile  de  Trent? 
qui  a  rapport  à  la  conservation  de  la  doctrine  ca- 
tholique. Les  sessions  n'étant  pas  continues,  nou0 
retrouverons  sous  les  successeurs  de  Paul  III  la 
reformation  de  la  discipline  ecclésiastique  f  qui 
n  est  pas  la  partie  la  moins  importante  de  ce  con- 
cile 19.  Bevcnons  un  peu  sur  nos  pas  pour  con- 
naître la  vie  d*un  homme  qui  a  tant  influé  sur  les 
événements  religieux  de  cette  époque  et  de  Fa- 
venir. 

Parmi  toutes  les  nations  de  TEuropei  l'Eispagne 
était  la  plus  empreinte,  à  la  fin  du  XY®  siècle^- de 
ces  idées  de  chevaleiîe  qui  commençaient  à  d^ 
cliner  ailleurs.  Le  séjour  des  IVIaures,  les  oonqoâ- 
tes  du  Nouveau-Monde  avaient  surtout  contribarf 
à  les  y  conserver  pendant  qu'elles  se  perdiûent 


en  ÏVanee  et  eh  AUemagne.  Aa  milieu  de  e^t  en- 
diettstasftie  chevaleresque   et  guerrier   ëtàU  Wé 
dans  lé  Guijtùscoa  un  jeune  desoendant  de  k  ntH 
ble  làaîaon  de  Lôjbla  neninsé  Inîgô  ^^.  Sa  pre^ 
imère  jeunesse  se  passa  à  la  ctmr'dé  Fcrditiaiid  le 
Gadielique  et  dans  èeUe  tâu  due  de  Maj&ra  ;   Mn 
tme  itaipressioiniable  et  ardenfè  s^y  déreloppâ 
•0tis  Tebipii^ê  des  passions  qfui  rentouraientr  ht 
mége  de'  Pampëlunë  contre  écs  Français  lot  dott ^ 
Tlsccarion  de  déployer  nné  Valeur  dont  il  eût  rins^ 
Itt  tàk^  parler  l'fitirôpe  entière  y  liJaià  son  «fdo!^ 
inétoie  te  trDmpa  5  et  il  ne  trouVà  qu  une  inakdie 
lengue  et  dduloûreuse  \k  où  il  eût  voulu  abqttértt- 
une  gloire  ^pieliii  présentaient  sahs  oesse  Ses  sbn^- 
ges  endidusiastes;   Il  pôtta  cependant  dtfiti  sié^ 
souSraBees  ce  eouriage  patieiit  et  calme  qni  est  le 
pMpre  des  km^  fbrtenieiit  trempées.  Reténtt  au 
Ut  par  ses  blesàUres,-  il  feuilletait^  pour  cllarmèt 
sta  ettnui^  dés  rotnaiis  dk  ehëvalerie  au  milieu 
desquels  se  tfouvètètit  FlMi*îATioir  et  la  vie  d4e% 
Saints.  Cette  lecture  faouy elle  le  sttrprit>  rattdélfit^ 
et]^  à  peu  son  enthousiasme  cfaangea  d'objet;  il 
eMS^t  le  néant  dés  gloives  hdniaines  et  des  plai- 
sirs de  ee  modde.  Il  Int  ensuite^  il  médita  TE vatii 
giWy  et  son  ^rt  fut  à  jamais  fixé...  Mafe)  dépôts- 
Hnt  aussitôt  le  bùt^  son  imagination  brâlatitérévà 
U  destûmée  la  plus  extiraordinairé  ^  la  plus  hautis  ^ 

10. 


à  laquelle  un  chrétien  puisse  prëtendre.  G'âait 
une  sorte  de  chevalerie  spirituelle  en  harmonie 
avec  ses  premiers  goûts  et  ses  nouvelles  idées ,  qb 
combat  pei^pétue  contre  sa  chair  et  contre  Satan 
en  rhonneur  delà  vierge  sans  tache  et  de  son  di- 
vin fils.  Sa  guërison  accomplie ,  il  mit  en  action 
tous  ses  rêves ,  il  suspendit  son  épëe  sous  Pimage 
de  la  vierge  aux  pieds  de  laquelle  il  fit  la  amlle 
des  armes j  et  ëdiangea  sa  lourde  et  brillante 
cuirasse  contre  Thabit  grossier  des  ermites  du 
Mont-Ferrat.  Puis,  après  avoir  fait  une  confession 
générale ,  il  partit  pour  Jérusalem.  Arrêté  dans 
sa  roule  par  des  circonstances  plus  fortes  que  sa 
volonté,  il  s'enferma  dans  la  cellule  d'un  couvent 
de  dominicains ,  et  s'y  livra  aux  plus  durs  exer- 
cices de  pénitence.  Il  se  levaità  minuit  ponrprier^ 
passait  sept  heures  de  la  journée  à  genoux  ^  se  dé- 
chirait le  corps  ^  et  trouvait  qu'il  n'avançait  pas 
encore  assez  vite  dans  la  vie  du  Seigneur.  Il  était 
sans  cesse  tourmenté  de  l'idée  qu'il  serait  rejeté 
de  Dieu ,  et  se  livrait  aux  plus  cruelles  souffran- 
ces ,  aux  plus  dures  privations ,  soit  popr  expier 
sa  vie  passée ,  soit  pour  conjurer  les  fentatîoM 
présentes  qui  venaient  sans  relâiche  assaillir  sa 
jeune  et  bouillante  imagination  i*.  Un  jour  ce- 
pendant il  lui  sembla  se  réveiller  d'un  sommdl 
f;itigant  ^  et  sentir  que  ses  doutes  si  poignants  n'é- 


talent  que  de$  taotaUoDa  du  démon  ;  il  prit  dds 
lors  une  grande  et  ferme  résolution  ;  celle  d^en 
finir  avec  sa  vie  passée^  de  l'oublier  pour  no  s'at- 
tacher qu'à  son  avenir,  et  de  quitter  a  jamais  Sa- 
tan pour  Jésus-ClirÎHt.  Sortant  alors  de  sa  cellule, 
il  se  prit  h  pleurer  à  chaudes  larmes ,  ayant,  dit- 
ily  la  vision  de  la  sainte  TriaitéM.  C'est  aiasi  que 
par  intuition  les  uijfstèrcs  de  la  foi  lui  furent  tous 
révélés  en  diverses  circoustances...  Il  lui  sembla 
dés  lors  être  un  homme  tout  nouveau  qui  mour- 
rait avec  joie  pour  défendre  la  vérité  de  sa 
croyance  et  de  ses  saintes  apparitions  i s. 

Reprenant  alors  sa  route  vers  Jérusalem,  il  es- 
pérait ^  dans  son  ardeur  et  son  immense  amour 
pour  la  loi  du  Christ,  y  faire  de  nombreuses  et 
éclatantes  conversions  :  mais  isolé  ^  sans  compa- 
gnons ^  sans  crédit,  sans  pouvoir  aucun, son  pro- 
jet échoua  encore,  et  force  lui  fut  alors  de  retour- 
ner dans  sa  patrie ,  jusqu'à  ce  que  Dieu  voulût 
aplanir  ces  obstacles  incessants  qui  s'élevaient 
devant  tous  ses  desseins  les  plus  pieux.  Ignorant 
comme  un  chevalier  du  XVI*  siècle  ^  sans  aucune 
notion  de  théologie,  que  pouvait-il  espérer?  Il 
résolut  de  s'y  appliquer,  et  c'est  alors  que  Fhori- 
son  s'éclaircit  réellement  devant  lui.  Déjà  plus 
éclairé  des  vérités  d^une  religion  pour  laquelle  il 
avait  combattu  avec  tant  d*ardeur ,  sans  la  bien 

\ 


—  450  — 

connaftre ,  il  se  rendit  à  IHiniveraitë  de  Phrb ,  k 
plus  célèbre  de  l'Europe ,  et  là  son  humilitë  eut 
encore  à  s'exercer,  car  Fimpitoyable  discipline 
de  cette  savante  maison  le  plaça  dans  les  premiè- 
res classes  de  grammaire^  avant  de  Tadmetlre  à 
faire  la  philosophie  religieuse.  Sa  volonté  forte 
ne  se  rebuta  d'aucun  dc^goût ,  son  obéissance  fut 
passive,  et  ses  progrès  prompts  et  continus  *^.  Oe 
l'ut  le  rpie  Lojola  fit  la  connaissance  de  deux  jeu- 
nes étudiants  qu'il  entraîna  dans  sa  fortune  y  et 
dont  les  noms  se  trouvent  ainsi  toujours  lies  au 
sien  ;  Pierre  Faberde  Savoie ,  et  François  Xavier 
de  Pampelune.  <cOn  est  étonné  et  attendri,  dit  le 
{U'O^ostant  Hanke^  en  contemplant  cette  pauvre 
cellule  de  Sainte-Barbe,  où  se  trouvaient  réunis 
trois  hommes  si  extraordinaires,  trois  hommes 
dominés,  enlraînés  par  une  dévotion  rêveuse, 
exaltée,  formant  de  vastes  plans,  préparant  de 
gigantesques  entreprises,  et  ne  sachant  encore  où 
les  conduiraient  ces  entreprises  et  ces  plans  ^^••.  » 

D^utres  jeunes  gens  enthousiastes  vinrent  se 
joindre  à  ce  noyau  dont  les  progrès  remarqua- 
bles et  Texaltation  mystique  commençaient  à 
faire  du  bruit  dans  Funiversité  :  Salmeron,  Boba- 
dilla  et  surtout  Lainez  partagèrent  la  vie  de 
Loyola  et  de  saint  François  Xavier. 

Ils  formèrent  de  nouveau  le  projet  de  visiter 


la  Terre-Sainte,  et  pour  la  Iroisième  fois  Ignaicç 
fut  obligd  d'y  renoncer.  Il  comprit  alors  que 
Dieu  n  approuvait  pas  ses  vues  etchaqgea  dH4ees. 
n  se  mit ,  après  avoir  fait  avec  ses  compagnons 
un  voeu  de  cliasteté ,  de  pauvreté'  et  d'obéisSauce 
absolue^  à  la  discrétion  du  pape  Paul  III.  Ils  se 
firent  alors  ordonner  prêtres  àVenise,  etprenantle 
nom  de  soldats  de  Jésus,  se  présentèrent  au  Saint- 
Père  j  lui  ofii*ant  de  J aire  en  tout  temps  ce  quil 
leur  ordonnerait^  de  parcourir  le  monde ^  daller 
préclier  chez  les  Turcs  y  chez  les  Païens,  les  Inji- 
4èle^^  à  son  commandement l  sans  objection! 
sans  condition  !  sans  salaire!  sans  retard !..*^^ 

C'était  prendre  le  contre-pied  de  l  esprit  de 
l'ëpoque.  Pendant  que  tous  les  hommes  supérieurs 
tenaient  à  honneur  d  avoir  une  doctrine  à  eux 
et  de  faire  opposition  à  la  volonté'  souvQiaine, 
ce  fut  une  chose  monstrueuse  pour  les  uns,  sublime 
pour  les  autres  que  cette  obéissance  passive.  EUç 
devait  en  eflfet  enfanter  des  miracles  de  dévoue- 
ment et  de  force.  Le  pape^  on  le  conçoit,  adju- 
rant un  si  noble  abandon ,  une  ollre  au;ssî  géi)^. 
reuse,  Faccepta  et  autorisa  Tassocialion  en  15^ 
Alors  la  société  s'organisant  nomma  pour  spn 
chef  cet  Ignace  qui  les  aidait  tous  engendrés  en 
Jésus  et  lui  fit^  un  VQP«  solenqel  d'pbéi§saQçe 
comme  celui-ci  l'avait  fait  au  pape. 


Elaguant  de  leur  règle  tout  ce  qui  pouvait  lea 
détourner  de  leur  but ,  ils  scf  vouèrent  spéciale- 
ment à  la  prëdication^  à  la  confession  et  à  Fins- 
truclion  gratuite  du  peuple ,  les  trois  moyens  les 
plus  puissants  de  régénération.. •  Ainsi  se  méta- 
morphosèrent les  rêves  mystiques  du  jeune  cheva- 
lier, ainsi  se  réalisa  cette  grande  destinée  ré-> 
vélce  par  tant  de  miraculeuses  visions!  Le  pauvre 
soldat  malade  y  ignorant  et  ignoré^  à  peine  assex 
savant  pour  épéler  TImitation  et  FEvangils  se 
trouvait  maintenant  à  la  tête  d^une  société  créée 
par  lui,  illuminée  de  son  esprit,  une  société  qui 
plus  tard  remua  l^urope  et  le  monde  et  fit 
trembler  les  souverains  sur  leur  trône  chance- 
lant. 

Cette  fortune  de  la  Compagnie  de  Jésus  ne  fut 
pas  un  des  moindres  titres  de  gloire  du  pontificat 
de  Paul  III.  Si  elle  porta  de  mauvais  fruits  elle 
en  porta  de  bons  aussi,  et  le  bien  et  le  mal  qu*elle 
fit  furent  immenses  comme  les  succès  et  les  tra- 
verses qu'elle  éprouva  dans  sa  longue  carrière 
dont  la  trace  n^est  pas  effacée  parmi  nous,  au 
XIX*  siècle. •• 

Rome^  Parme^  Venise,  en  Italie  ;  Barcelonne» 
Valence,  Salamanque,  en  Espagne;  Lœven,  dans 
les  Pays-fias,  furent  les  premières  villes  qui  reçu- 
rent et  favorisèrent  les  jésuite^  soutenus  par  la 


-  1W  - 
puissante  famille  Farnèse»  Des  collèges  furent 
fondes  près  des  universités  pour  y  ëlever  des 
hommes  plus  jeunes;  un  nombre  immense  d'élèves 
s'y  présenta  et  fut  admis,  ce  quine'cessîta  l'intro- 
duction de  professeurs  laïques  qui  néanmoins 
prononçaient  les  trois  vœux  indispensables  :  chas- 
teté, pauvreté,  obéissance.  Ce  fut  la  source  d'une 
hiérarchie  nouvelle  quî^  dans  ses  divers  degrés, 
reliait  entre  eux  tous  les  membres.  Voilà  le  bon 
côté  de  cette  célèbre  société;  mais  malheureuse- 
ment cette  oi^anisation  si  forte  reposait  sur  des 
lois  que  la  nature  et  la  civilisation  repoussèrent 
également.  L'obéissance  absolue  avait  fait  con- 
damner tout  amour  de  la  famille  comme  un  pen- 
chant charnel  et  mauvais,  l'héritage  du  jésuite 
ne  doit  pas  aller  à  ses  parens  mais  à  la  société 
qui  ainsi  accapare  tout  :  amour ^  confiance, 
richesses,  elle  veut  Thomme  tout  entier  pour  s'en 
servir  comme  d'un  moyen ,  d'une  machine 
obéissante  et  passive.  Toute  opinion  contraire  à 
celle  du  supérieur  est  condamnée  comme  une 
hérésie  ;  tout  le  corps  est  un  seul  être  dont  le  supé- 
rieur est  la  tête  ;  les  autres  membres  fonctionnent 
automatiquement. 

Avec  une  pareille  organisation  il  y  avait  un 
danger  à  prévoir:  c'était  que  ce  chef  si  puis- 
sant ne  se  laissât  séduire  par  Ta  lirait  du  pouvoir 


et  ne  secouât  pour  lui-même  le  joug  qu^il  impo* 
sait  aux  autres;  mais  le  gênerai  e'tait  forcé  par  la 
constitution  de  recevoir  du  corps  entier  la  r^le 
de  sa  vie  quotidienne.  Ainsi  ses  repas,  ses  véte- 
meqts ,  son  sommeil  tout  était  prévu,  réglé,  et  il 
était  sévèrement  surveillé,  de  telle  sorte  que  le 
possesseur  d'une  si  vaste  puissance  était  privé  de 
cette  liberté  dont  jouit  le  dernier  des  hommes^^ 
Le  règlement  était  le  despote  du  chef  suprême 
comme  ce  chef  était  maître  absolu  du  corps 
entier,  âmc^  corps  et  biens.  Entre  eux,  c'était  un 
contrat  sy nallagmatique . . . 

Une  semblable  organisation  ne  semble  pas 
humainement  possible ,  et  cependant  elle  était 
indispensable  à  racccomplissement  de  si  pénibles 
devoirs;  elle  existait  ;  son  influence  fut  imniomse 
sur  la  société  du  XVP  siècle  ;  elle  suvveillait  les 
mœurs  et  les  croyances  de  la  jeunesse  comme  son 
instruction.  La  méthode  des  disciples  de  Luther 
et  de  Calvin  naturellement  discoureuse^  démons- 
trative et  polémique  portait  à  Texamen  et  à  la 
controverse  j  celle  des  disciples  d'Ignace  était 
courte,  serrée,  basée  sur  Tessor  de  Fesprît  rélî- 
gieux  et  sur  la  spontanéité  du  dévouement  et  cte 
Tobéissance.  On  y  voyait  en  entier  Tesprit  mili- 
taire et  Pesprit  ascétique  du  fondateur.  A  sa 
mort   et  après  treize   ans   de  combat^   Ignace 


»  155  — 

epmptoit  déjà  treize  provinces  à  lui  ou  aux  siens  ^^^ 
sans  compter  les  possessions  dans  les  Indes  Orien- 
tales^ le  Brésil,  etc.  La  rapidité  de  cette  marche 
annonçait  dëjà  T^xtension  que  la  société  devait 
prendre  dans  la  suite  et  la  puissance  à  laquelle 
elle  était  destinée^  puissance  (|ui  lui  fut  fhtale 
plus  tard  lorsqu'elle  porta  ombrage  aux  souverains 
dç  l'Europe. 

C'était  donc  au  centre  du  catholicisme,  à  Rome 
même,  auprès  du  Souverain  Pontife,  que  s'était 
consitituée  une  direction  nouvelle^  opposée  à  l'es- 
prit dv  réforme,  née  pour  la  combattre.  Ces  deux 
tendances  inoculées  à  Vcsprit  des  populations 
enthousiastes  de  l'époque  firent  p&Iir  momentané- 
ment Tautorilé  des  souverains  temporels  et  spiri- 
tuels et  couslituerent  un  combat  sans  An  dans  ta 
société  désorgiinisée.  On  lisait  sur  une  bannière  : 
libre  examen,  puissance  de  la  raison,  révolte  légi- 
time; sur  Tautre:  autorité  absolue  ^  obéissance 
passive,  rigueurs  salutaires...  Et  des  deux  côtés 
cette  devise  fut  suivie.  Mais  revenons  à  l'histoire 

do  la  papauté... 

La  mort  <Je  Paul  III  avait  donné  la  tiare  à  son 
l^at  le  cardinal  Monte  qu'on  choisit,  non  parce 
qu*il  était  le  plus  capable,  mais,  selon  la  coutume 
un  peu  égoïste  des  cardinaux ,  parce  qu'il  était 
l'un  des  plus  i^gcs.  Kien  de  saillant  sous  ce  nou« 


-  466  - 

veau  pontife  i  ai  ce  nW  1«  conatruolion  d'un 
immense  et  magnifique  palais  dana  lea  aoins  de 
laquelle  Jules  IH  passa  sa  vie  et  oublia  le  reste 
du  monde,  sans  toutefois  oublier  sa  famille.  Le 
népotisme  était  en  général  le  défaut  des  papes 
médiocres. 

La  nnllité  de  JuU's  III  avait  fait  sentir  la 
nécessité  de  donnera  VËglise  un  pontife  sérieux» 
capable  et  ferme  qui  put  lui  donner  enfin  la 
direction  dont'elle  avait  tant  besoin. 

Marcel  II  fut  élu  et  ses  intentions  promettaient 
i  la  chrétienté  un  avenir  plus  beau  ;  mais  Dieu 
l'enleva  k  l'Église  le  22'  jour  de  son  pontificat. 
Son  successeur ,  Paul  I Y.  fut  élu  dans  le  même 
esprit.  C'était  Garaffa ,  le  plus  sévère  de  tous  les 
cardinaux.  Presque  octogénaire^  maiâ  vert  encore 
et  de  tête  et  de  corps^  il  eut  assez  d'énergie  pour 
se  proposer  la  restauration  entière  du  catho- 
licisme et  pour  rétablir  Tinquisition  qui  se  mou- 
rait faute  d'appui.  La  réforme  du  clergé  ne  Poc- 
cupa  pas  moins  vivement:  «  Nous  promettons  et 
faisons  serment^  dit-il  dans  sa  première  bulle,  de 
mettre  un  soin  scrupuleux  à  ce  que  les  réformes 
de  l'Eglise  universelle  et  de  la  cour  de  Rome  soient 
exécutées...»  et  aussitôt  il  se  remit  à  Tœuvre. 
Mais  il  semblait  qu'un  génie  malfaisant  s'attachât 
à  renverser  tous  les  efforts  tentés  en  faveur  de 


—  457  — 

cette  reforme  8Î  dtésirëeet  si  nécessaire;  la  guepre 
absorba  pendant  plusieurs  année»  les  facultés  du 
yieillard' forcé  de  s'y  livrer;  la  tendance  de  la 
papanté  fot  encore  une  fois  changée  et  le  sort 
de  l'Église  remis  en  question.  Pendant  ces  guerres 
incessantes  il  avait  laissé  à  des  neveux  qu'il  avait^ 
suivant  Pusage ,  élevés  au  pouvoir,  le  soin  de 
Tadministration  ecclésiastique.  Ils  en  abusèrent^ 
et  le  pape  9  plus  pape  cette  fois  que  parent^  les 
chassa  de  Rome  et  renouvela  tout  le  personnel 
comme  le  système  de  son  gouvernement*'.  A 
l'issue  de  sa  lutte  avec  Tempereur  Philippe  H  et 
le  duc  tfAlbe  (lutte  qui  n'avait  pas  tourné  à  son 
avantage,  car  ce  n'est  que  lorsqu'il  vit  ses  projeta 
ruinés,  ses  alliés  battus,  ses  états  envahis  et  sa 
capitale  menacée  qu'il  se  prêta  à  la  paix,)  à  l'issue 
de  sa  dernière  lutte  son  esprit  ardent  revint  à 
ses  projets  de  réforme  et  y  mit  toute  son  énergie. 
Il  introduisit  dans  les  églises  une  discipline  plus 
sévère ,  défendit  toute  espèce  de  mendicité  y  fit 
enlever  ies  tableaux  scandaleux  que  le  goût  des 
arts  profanes  avait  osé  placer  dans  le  sanctuaire. 
On  frappa  en  son  honneur  une  médaille  -sur 
laquelle  on  voyait  un  Christ  tenant  un  fouet  et 
chassant  les  marchands  du  temple.  Il  expulsa  de 
la  ville  les  moines  défroqués  et  força^la  cour  à 
observer  le  jeûne  et  la  communion  pascale.  It  ne 


—  45i  * 

voulut  plu8  entendre  parier  du  produit  des  dis 
penâtf  deinariegey  non  plus  que  des  autres  abus  de 
œ  genre»  Enfin  tous  les  jours  de  la  vie  du  pautife 
furent  marqués  par  quelque  ordonnanee  oosoar- 
nant  le  rétid>lis6eaient  de  TÉglise  dans  sa  pureté 
prinûtive.  Pourquoi  feiut-il  après  cela  qu'ii  eiât 
avoir  besoin  de  Tinquisition  pour  favoriier 
Texécution  de  ses  projets  de  réforme  ^^! 

Le  peuple  en  général,  et  le  peuj^e  Italien  Sur- 
tout, ne  conii»*end  pas  les  réformes  ;  il  n'en  saisit 
pas  le  bien  et  ne  voit  que  l'apparente  dureté  ^ 
despote.  Aussi  à  peine  la  dépouille  mortelle  de 
Paul  IV  fut-elle  refroidie  qu'il  se  prit  à  ta  maa-^ 
dire  avec  .fureur  et  qu*il  renversa  les  statuts  et 
les  monuments  élevés  sous  son  pontificat. 

La  sévérité  de  Paul  IV  eut  un  résultat  plus 
Acheux  enecNre  :  le  protestantisme  se  fit  une  armb 
morale  du  rétablissement  de  l'inquisition  ;  toutes 
les  tendances  opposées  à  la  papauté  se  relevèrMt 
de  nouveau  avec  énergie.  Les  partisans  des  prélats 
mondains^  persécutés  par  la  rigide  orthodoxie  da 
Paul  IV  se  vengèrent  de  leurs  soufirances  méritées 
et  une  nation  eut  lieu.  A  cette  époque  de  l'IiiM 
toire  de  TËglisey  nous  voyons  la  presque  totsjiité 
de  Tidlemaglie  échapper  au  Saint-Siège  ainsi  qiie 
la  Scandinavie  I  l'Angleterre,  la  Pologne^  la 
Hongrie  et  d'autres  provinces  importantes.  La 


—  469  — 

France  et  surtout  Tlttlie  et  l*Eapagne  rësistaMM 
eticora^  maris  la  premiàre  résistait  faiblement  t  àm 
élëmeots  de  discordes  s'y  faisaient  jour  et  prépà*^ 
raient  d^a&euses  tempêtes  pour  l'avenir. 

U  #st  rare  qu'après  un  pap^  sëvère  le  monda 
clirétian  n'en  ait  pas  eu  un  doux  et  torrent  et 
viM'vetêâ,  Les  réactions  sont  le  cours  dece  monde 
imparfait  et  misérable.  On  n'atteint  pas  le  bul^ 
on  I0  d^pusse  èb  Ton  voit  partout  les  oaoillatioos 
de  Topinion  comofie  celle  du  pendule. 

A  Paul  ly  succéda  Pie  IV,  aimable  et  bôti, 
doux  et  tolérant,  aimant  sa  table  ^  son  palais  y  sa 
maison  des  champs  j  sa  promenade  ;  facile  aveé 
touSi  cbaâtable  pour  tous,  il  se  fit  aimer^  mais  né 
tint  pas  le  moins  du  monde  à  continuer  l'œuvre 
de  flOn  prédécesseur^  Il  aimait  peu  à  être  eontrifié> 
et  ne  se  laissa  pas.  dominer  pur  sa  fiinnlle  ;  mais 
rien-  de  grand  ne  sortit  de  son  règne  pontifiosdf^  si 
eto  n'esl  cependant  la  dernièra  moitié  du  concile  de 
Tredttt^  ma  décisions  duquel  il  eut  pen  de  part^^ 
bien  qn'on  Ini  en  ait  souvent  attribué  la  gle^r e^. 

Ithomm^  vertueux  y  le  saint  de  cette  époque 
doneé  pour  les-  Italiens  fut  Charles  Borromée 
neveu  de  Pie  IV.  U  ne  regarda  pas  sa  haute 
position  coffinM  un  droit  de  tout  faire,  maife 
comme  un  devoir  rigoureux  de  bien  fait*ei  «  On 
ne  sait  natte  chose  de  lui ,  disait  Soratizo'>  si  ce 


—  400  •- 

n^eAt  qu'il  est  pur  de  toute  tache  ;  il  vit  ai  religieu* 
semeut  qu'il  ne  laiase  rieo  à  désirer  à  la  piëtë  la 
plus  exigeante.»  Sa  seule  rëcrëaiion  était  U 
réunion  de  quelques  savants  qui  venaient  eauser 
avec  lui  des  moralistes  grecs  et  chrétiens^  de  leur 
vie  et  de  leurs  œuvres.  Il  ne  voulut  pas  trop  se 
rapprocher  de  son  oncle  pour  ne  pas  s'exposer 
aux  velléités  de  luxe  et  d'ambition  qui  eussent 
pu  surpreiidi^esa  faiblesse,  et  ne  lui  fit  des  visites 
iissidues  (|ue  pour  l'exhorter  à  la  mort. 

Il  eut  été  facile  à  Charles  Borroniée  de  suc- 
céder à  Pie  IV,  et  c'eut  été  pour  le  monde  un 
bonheur  bien  grand  ^;  mais  il  ne  voulut  se  mê- 
ler à  aucime  intrigue  de  ce  genre ,  et  ce  fut  au 
contraire  sous  son  inspiration,  que  le  cardinal 
d'Alexandrie  fut  élu  sous  le  nom  de  Pie  Y  *• 
C'était  encore  lu  une  réaction. 

Mais,  avant  de  continuer  notre  rapide  coup* 
d'œil  sur  Thistoire  de  la  papauté,  il  convient  de 
dire  un  mot  des  dernières  sessions  du  concile  de 
Trente  :  la  première  partie  du  concile  avait -été 
consacrée  à  séparer  ù  jamais  le  dogme  des  chi- 
nions protestantes  ;  et,  de  la  doctrine  de  laJMti- 
fication,  sortit  tout  le  système  dogmatique  de 
TËglise,  tel  qu'il  est  encore  aujourd'hui. 

Dans  la  seconde  période,  en  1563 ,  la  hiérar- 
chie fut  fondée  par  les  canons  sur  rordination 


—  464  — 

pour  les  théories,  et  par  les  (dations  de  réforme 
pour  la  pratique.  Les  fidèles  furent  soumis  à  atie 
discipline  ecclésiastique  très-sévère,  et  du  glaive 
de  rexconununication.  Des  séminaires  furent 
fondés  sons  l'empire  de  la  règle  la  plus  austère, 
afin  de  mieux  préparer  Tayenir.  Les  paroisses 
furent  régularisées^  l'administration  des  sacre- 
ments réorganisée^  la  coopération  des  moines  sou- 
mise à  de»  lois  déterminées.  La  Surveillance  du 
clergé  fut  confiée  aux  évéques  ;  enfin,  ces  derniers 
s'engagèrent  solennellement  (et  ce  fut  là  le  point 
Ifj^le  plus  important  de  la  deuxième  partie  de  cette 
assemblée)  h  observer  les  décrets  du  concile  de 
Trente  et  à  une  soumission  absolue  aux  ordres 
du  pape.  Toute  la  direction  de  la  discipline  ré- 
formée se  trouva  donc  ainsi  concentrée  dans 
Rome,  et  l'Eglise  devînt  plus  forte  de  son  unité^ 
les  princes  chrétiens  ayant  tous  donné  leur  ad- 
hésion à  ces  sages  mesures  qui  honorent  le  pon- 
tificat de  Pie  IV  ^•. 

Pie  V  (Michèle  Ghislieri),  était  de  basse  ex- 
traction, il  ne  chercha  jamais  à  s'élever,  arriva 
sans  le  croire  ni  le  vouloir  au  pontificat,  et  vécut 
comme  pape  avec  la  rigidité  d'un  simple  moine*'. 
La  papauté,  loin  de  servir  son  ambition ,  lui  eiit 
paru  insupportable  sans  les  grâces  de  la  prière. 
Le  seul  bonheur  quM  pût  éprouver  était  celui 
V  11 


d'une  méditation  fervente  et  du  sentiment  qu'il 
avait  acccoDipli  ses  devoirs  dans  toute  leur  ri- 
gueur. On  le  voyait  dans  les  processions  âe  re* 
lever  de  son  adoration  les  jeux  noyés  de  lacmesi 
parcourir  les  rues  de  Kome  pieds  ni|s^  tête  oue, 
le  visage  rayonnant  d^une  joie  pure.,,  et  le  peuple 
eutrainé  par  tantde  piété  mêlait  ses  larmes  ^ux 
siennes w.  Un  siècle  de  cette  vie  et  le  peupla 
romain  eût  fait  un  pas  immense  ^  il  eût  été  meil* 
leur  et  plus  heureux...  Mais  il  faut  le  dire;  à 
cette  admirable  piété  se  joignait   une  sevérîité 
d'autant  plus  grande  que  Pie  Y  considérait  cettfi*^ 
(^en*e  comme  un  lieu  d^exil  où  les  plus  cruelles 
souffi^ances  n'étaient  rien  qu^une  préparation  à 
la  mort ,  porte  du  salut  éternel ,  et  de  là  ses 
rigueurs  pour  toute  impiété,  sa  joie  à  toute  con-* 
version ,  de  là  Tinquisitiou  et  ses  horreurs,  de 
là    les   imprécations   des   écrivains   philosophes 
contre  la  mémoire  d^un  pontife  qui  n'était  cou- 
pable que  dVprouver  pour  les  hommes  un  amour 
trop  rapproché  du  ciel  pour  avoir  rien  d^humatn. 
Aucune  considération  ne  pouvait  Tarrêter:   le 
dévot^  Tentliousiaste  Philippe  11^  exaspéré  lui- 
même  de  sa  sévérité  excessive ,   lui  écrivait  un 
jour  <(  qu'il  ne  devrait  pas  essayer  de  voir  ce  que 
peut  faire  un  roi  puis:5ant  poussé  aux  dernières 
extrémités!» 


Ea  gén^l  le  stjlè  de  ses  oi<dcfrfnarH^eâ  est  (^ 
qve-sè^ cardinaux  et  se»  jirëlat»  lés  plus  t!eii!tié^x 
étaient  ioatevA  obiî^ë»  d^  hii  rappelée  ^H} 
n'araît  pB&  affaire*  ii  des  a^^g^  ihais  à  uiïè'  s(N4i^ 
d'IiomBiib»  »/ 

Ge  fat  là  le  daractère  ^,nétA  dé'  sôti  pëhHÈMt 
qui  dura  six  nnnée^ ,  pendaM  lesquelles  on  "^ 
lar  reforme  dé  la  cour  de  Reime  dont  on  ê*êlsâi 
tabC  oicfoupé  enfiâ  réedisëe.  Lcfs  dépensé»  der  Id 
mfeâsMF  ptfpaf e  furent  ettr^oixKnatréfneinft  '  rés*-  ' 
trtiiitèa;  Pie  V  rivait  ateo  fort  peu  et  disait 
soutrem,4<iélm  qni  veut  gouyemet  le»  autwâfîle^t 
commeacer  par  se  gotrverner  lui>fnéme.»  En  un 
mot  il  prêchait  d'exemple  potir  r^onomîeconrme 
pour  la  piëtë\,  et  c'est  toujours  et  en  tont  le 
meitlefir  niojen  ,  aussi  ftif^il  suivi  de  sueêès,  an 
môioa  de  aé  côté. 

n  iCvait  défendu  k  se»  ffevëux  IVntrée  de  ses 
psdais  e^  n'écouta  jamâii»  leiirs  ambiHeuses  de* 
mandes?.  It  établit  poni^  les  éOuventé  ks  régler  lëi 
plus  F^ornreisses ,  à  tel  poiM,  dit,  sloto  hisltnièn 
Tiepolo,  qtte  Ton  rît  des  religieuses  s'évacl^ir 
et  d*aâirea  périr  de  d^spoir  :  spesse  i^olté, 
ajaute-t*il V  »^?  àar  rime^  a  qucttche  dièùrâinè 
inàarréinun  àUro  maggiore ^ pfvcedehdo  massi-- 
niomentepep  iyia  degU  estrend  v>.  Pauvre  nature 
humaine!  La  vie  de  Pie   V  n'est-elle  pas  un 


*  4M  ^ 

noavel  cxempleque  la  perfoclion  ne  lui  est  pas  pos- 
sible et  qiiMI  y  a  de  la  folie  et  de  Timpiëtë  à  y 
prétendre?...  Il  mourut  comme  il  avait  vëca^ 
comme  un  saint ,  qui  n*a  eu  d'autre  pss  ion  que 
celle  du  bien,  mais  qui,  sublime  dans  le  bot, 
s'est  trompe  dans  les  moyens.  Un  des  plus  grands 
éloges  qu'on  puisse  adresser  à  sa  mémoire  c'est 
que  malgré  cette  rigueur  inouie  sa  perte  fut  sentie 
très-vivement  à  Rome  et  dans  toute  la  chrétien^ 
Il  avait  constitué  une  vigoureuse  unité  el  laissait 
après  lui  une  puissance  organisée  pour  maintenir 
la  direction   imprimée  au  monde  catholique^ ^ 
Aussi  prit-il  de  nouvelles  forces  sous  ce  ponti-* 
ficat  et  s'avsnça*t-il  à  la  rencontre  de  son  jeune  et. 
implacable  ennemi  avec   une  ardeur  que  .  rien 
désormais  ne  put  affaiblir  et  qui  n*eut  dsnitre 
tort  que  Texcès  et  la  cruauté.  Mais  la  cruautéi 
passe  avec  Texagération  et  le  bien  reste.  Si  la 
Saint -Barthélémy  fut   une   action   horrible   et 
rinquisition  un  hideux  abus  de   l'autorité ,  la 
réforme  progressive   de  Téglise  dans  les  XtVI* 
et  XYIP  siècles  fut  un  sublime  spectacle. 

Grégoire  XIII  (HugoBuon  Gonipagoo  )  avait 
une  tendance  très-prononcée  à  rindulgence.et=à: 
la  bonhomie  ;  s'il  eût  vécu  un  siècle  plus  tAt  ileut. 
laissé  flotter  les  rênes  et  eût  probablement  suivi 
le  torrent  du  siècle  ;  mais  on  vit  par  lefTort  qu'il 


fit  Sur  lui-même  tout  ce  (juepeutla  pensëe  domi* 
nante  d'une  époque ,  même  sur  la  volonté  toute 
puissante  de  celui  qui  est. appelé. à  ]a  diriger*  Il 
y  avait  à  la  cour  de  Home  un  parti  vigilant  et  déjà 
riche  en  racines  vivaces  ;  à  sa  tête  étaient  les 
jésuites  qui  ne  tardèrent  pas  à  s'en^arer  de  Tes- 
prit  du  pape  et  à  le  diriger  dans  une  voie  toute 
religieuse  et  :plus  sévère  que  ne  Teût  comporté 
son  caractère  facile  et  doux^^. 

Grégoire  XIII  s'occupa  avant  tout  de  propager 
rinstruction  ecclésiastique  dans  toute  sa  pureté  ; 
il  favorisa  avec  générosité  le  coU^e  des  jésuites , 
il  acheta  des  édifices  pour  eux  et  pour  les  profès 
de  Rome;  il  fonda  et  soutint  des  collèges  en  Alle- 
magne et  dans  d'autres  parties  de  TEurope.  U 
ajouta  à  ces  travaux  la  réforme  du  calendrier  pour 
obéir  au  vœu  du  concile  de  Trente^  et  le  publia 
lorsqu^il  fut  terminé  avec  une  très-grande  solen- 
nité. Après  ces  éloges ,  disons^  pour  être  juste , 
que  Grégoire* XIII  se  lia  avec  les  Guise  et  qu'il 
favorisa  la  ligue  en  France.  A  la  fin  de  sa  carrière 
Rome  se  ressentit  de  la  iaiblesse  de  son  souverain^ 
les  états  de  l'église  furent  infectés  de  brigands 
puissants  et  redoutables  auxquels  le  pape  fut 
obligé  de  pardonner  une  série  d'exactions  et  de 
meurtres  dont  la  nomenclature  le  faisait  tooibler. 
Les  Piocolomini  en  étaient  les  principaux  chefs  ^'. 


—  ItB  — 

Apràft  IrcÎM  MpiëtB  thi  pontifiottt  de  <0p^ 
goîrc  XUI  )  Sixte»  Quint  oco^mi  le  saifit  rfttgo» 
Sorti  des  derniers  nmgi  de  peiif>le'* ,  œ  pape  é|^ 
cnojnit  appelé  die  Dten  au  premm*  rang  de  YRr 
f^isb  9  et  clioqoe  ^^  dans  aa  carriène  Tavait  -c&h^ 
finmé  dans  cette  idée.  Ne  dootant  pasidii  «neeès 
de  toutes  ses  4iiU«prises  et  de  le  proteelièn  Hpê- 
cîalc  du  Seigneur ,    it  dëdara  à  son  at<ëneiBent 
qu'il  voulait   exlciMniner  les  bandits  ,    la  piM 
f^randc  plaie  de  llt4iUe ,  et  qvte ,  s^l  n^yfek  pas 
la  foroe  sottisaMe  ^  une  lëgien  d^anges  viendrait 
^sombattpe  pour  Ini.  11  entreprit  celte  œuvre  difll^ 
cile«vee  ix^tetion«t  jir^i^nient^ €%  la  eandtfffift  Sur^ 
i»w<  avec  -une  .ytfv4rit<^  excessive.  Aucun  môyeti 
«e  iiii  eoùià  ^mn  eft  ^eiih*  à  ses  Tins  :  les  t^testom^ 
lNÛiMità<e<^nt<«^'nrsflnns  lefî  (kalsdelïgîisc,  ettOtft 
U»c«»l)lait  au  hoiVi\  dtme  «nnce  devant  celte  vt>- 
tenUé  de  fer  que  lîen  ne  pouvait  attendrir  W  ^  et 
que  Sisbe^uint  porta  -aUleArs  que  dans  l'^extcrmi* 
«aWîotfi  des  4>andits.  Gi'^ire  Xllî  avait  ëtë  se- 
vèfe^  ënergiqeitt  dans  les  Yttesures  g^ttérsAes  de  MU 
«dii^istvation;  son-snceessenr  fut  implacable  dam 
4esdf^fri5  individu^.  Il  ëtoufik  ainsi  par  hi  crainte 
}es  in^si^télligencts  de  pnissanfts  vtrisins  qtfitrou*» 
Paient  la  pM(  au  Ssiint-Siége.  13  avait  trouva  les 
nanees  ^pinsëes ,  il  sut  les  rétabHr  et  amasser  en 
4reis  ans  quptre  initiions  et  demi  de  sctidi,  tl  en 


—  167  — 

forma  un  trésor  qu'il  déposa  au  château  Saint- 
Ange,  nie  contoct-a  à  la  sainte  vîerçe  èt'dëTefndft 
d^y  toucher,  sauf  ïes  cas  extraordinaires  de  croi- 
sade ,  de  famine  ou  d^învasîon ,  engageant  même 
«es  successeurs  à  «^astreindre  à  cette  juste  oMiga- 
tîdn ,  sous  peine  de  la  colère  cëleste. 

Les  économies  dé  la  maison  souveraine  étaient 
sans  doute  pour  beaucoup  dans  ce  résultat  "extra- 
ordinaire, mais  ses  ennemis  lui  reprochent  d'y 
ayoir  fait  entrer  pour  beaucoup  aussi  la  vente  des 
emplois  et  des  impôts  écrasants  pour  son  peuplé. 
Ces  ressources  servirent  à  faire  de  Rome  Tufie  des 
plus  bdles  viHes  du  monde.  Le  sort  de  celte  ca- 
pitale est  bien  singulier  :  après  avoir  étédétruîHc 
et  reconstruite  plusieui-s  foîs^  la  ville  desCésars  et 
des  papes  ctail  devenue  ,  au  commencement  é» 
XV*  siècle  ,  un  vaste  village  :  lout  souvenir  lie 
i^anti^ité  avait  disparu,  le  Capitolc  était  ie  mont 
âes  chèvres ,  !e  forum  le  champ  des  vadies ,  «t 
Téglîse  Saint-Pierre  menaçait  ruine.  Loiwjueflfi* 
cdas  eut  replacé  toute  la  dirétienté  sous  son  obé^ 
dience,  et  acquis  d'immenses  richesses  par  les 
contributions  des  pèlerins  acoouinis  av  jubilé ,  it 
conçut  la  pensée  de  rendre  à  Rome  «on  ant^ve 
splendeur^  mais  ce  ne  pouvait  être  Vcsuvve  Jlfmm 
seul  iiomme  ;  tous  les  papes  y  ont  ooopére  pen- 
dant des  siècles  ,  et  surtout  Iules  II  ^  Léon  X  «t 


^  408  — 

Si  JLte-Quiot.  Ce  dernier  eut  sur  ses  devanciers  Ta* 
vantage  d'avoir  donne  de  Teau  aux  sept  collines 
mourant  de  soif.  Aussi ,  pénétre  du  sentiment  de 
sa  gloire ,  fit-il  représenter  sur  le  nouveau  cours 
d'eau  qu'il  nomma  agua  Jelice  >  une  statue  de 
Moïse  faisant  couler  d'un  coup  de  baguette  l'onde 
bienfaisante'^.   Sixte -Quinl  n'^avait  cependant 
|)as  le  sentiment  des  arts ,   à  peine  s'il  pouvait 
tolérer  au  Vatican  le  Laocoon  et  l'ÂpolIon  du 
Belvédère,  et  il  déclara  qu'il  démolirait  le  Gapi» 
tôle  si  on  n'en  enlevait  pas  les  impudiques  statues 
des  dieux  païens.  Minerve  seule  fut  laissée  j  mais 
Sixte  exigea  qu'elle  représentât  Rome  chrétienne. 
Il  lui  arracha  sa  lance,  qu*il  remplaça  par  une  croix 
de  même  dimension  '^  La  politique  de  Sixte  V 
avait  été  conforme  h  sa  vie  :  plein  de  vues  ambi-' 
tieuses,  accordant  tout  à  son  imagination  exaltée 
et  à  ridée  que  Dieu  lui-même  le  guidait,  il  rêvait 
et  voulait  accomplir  tout  ce  qu'il  rêvait.  Il  fut 
saisi  d'une  tristesse  profonde  lorsqu'il  vit  à  la  fin 
de  ses  jours  que  la  fortune  l'avait  abandonné  j  et 
il  mourut  (  en  1590  )  au  milieu  de  la  situation  la 
plus  critique ,   sans  avoir  pu  prendre  une  seule 
résolution  capable  d'amener  à  bonne  tin  les  ques- 
tions importantes  agitées  sous  son  règne.  Il  eut 
jusqu'à  la  douleur  de  vbir  reparaître  avant  sa 
mort  ces  bandits  qu'il  avait  eu  la  gloire  de  dé- 


'^i    truire  dans  les  premiers  temps  de  son  ponti£cat. 
^i'       Au  moment  où  il  rendait,  sa.  grande  âme, 
^}    un  orage   ëclala   sur  le  Quirinal.  La  foulie   se 
I     persuada    que  fra  FeUce  avait  fait  un  pacte 
avec  le  diable ^   et  que   c*ëlait   après  ce  pacte 
qu'il  s'était  élevé  du  degré  le  plus  bas  au  sommet 
des  honneurs  :  le  pacte  accompli ,  son  âme  avait 
été  enlevée  par  le  démon  au  milieu  de  Torage. 
C'est  sous  cette  image  grossière  que  la  populace 
exprimait  son  mécontentement  de  tant  de  sévé- 
rité »  de  tant  d'impôts.  En  conséquence  elle  ren- 
versa avec  une  sauvage  furie  les  statues  qu'elle 
lui  avait  élevées  cinq  ans  avant  au  Gapitole....  Sic 
transit  gloria  mundi!  ^ 

De  la  mort  de  Sixte-Quint  à  la  fin  du  XVI** 
siècle,  cinq  papes,  cinq  conclaves;  et  ce  qu'il 
y  eut  dHmportant  dans  cette  période  de  dix 
ans  9  ce  n'est  pas  le  règne  des  papes  ^  ce  sont 
les  conclaves  :  à  chacun  d'eux  les  intrigues  des 
puissances  européennes  se  renouvelaient  plus  croi- 
sées y  plus  fortes ,  plus  vivaces  et  plus  irritées. 
Urbain  VII,  Grégoire  XIV,  Innocent  IX  vécu- 
rent à  peine  quelques  mois  après  leur  élection  ; 
on  eût  dit  que  cette  élection  n'était  qu'un  atter- 
moiement|  un  moyen  de  gagner  du  temps^  à  dé- 
faut de  victoire  certaine.  Presque  toujours  cepen- 
dant le  parti   catholique  exalté ,  le  parti  de  la 


Itgiie  et  de  l'Espagne  l'emporta.  Le  dernier  re- 
présentant de  ce  parti  fut  Santorio  San  Severina, 
créature  dX)Iivarcz ,  dont  un  seul  mot  peint  ïe 
caractère  mieux  que  ne  pourraient  le  fiiîre  its 
Tolvmes.  Il  parle  incidemment,  à  propos  du 
massacre  des  Huguenots ,  drt  gfusto  sdegno  âel 
re  Carlo  di  gloriosa  memoria ,  m  quel  cetdnv 
^mo  di  S.  Bartolommeo  lietissbno  à  catto- 
Ifci!.*.  Déplus,  il  ëtait  l'âme  de VînquisStîon ,  et 
son  ftge  peu  avancé  faisait  tout  espérer  à  ses  fana- 
tiqties  pniiisans.  Il  e'iait  sur  le  point  d*étreélii, 
lorsqu'une  voix ,  la  seule  qui  fit  la  majorité  au 
condate,  celle  du  cardinal  Golonna,  se  détacha 
de  son  parti.  Après  une  longue  méditation ,  dans 
laquelle  le  sombre  fimatismc  de  Tinquisilion  lui 
appamt  plus  dangereux ,  ri  s'écria  :  «  Je  vois  que 
Dieu  ne  veut  point  de  San  Scveriita  :  Ascaniu 
Cotonna  aussi  n'en  veut  pas  !...  Et  sortant  airssî>- 
tdt  de  la  chapdle  Pauline  où  f?taîent  ses  amis ,  fl 
se  rendit  à  la  chapelle  Sixtine  auprès  des  adver- 
saires de  San  Severina.  Sa  voix  donna  !a  tiare  jk 
Aldobrandini ,  Tami ,  le  protégé  de  Sîxte  V .  <jw 
prît  le  nom  de  Clément  VIH.  Cet  événement  f<* 
remarqué  et  passa  alors  pour  un  indice  -de  la  yt^ 
lonté  divine  qui  réprouvait  i'înqmsitiott  -et  «es 
excessives  rigueurs  ;  Vesprit  piWie  y  gagna. 
H  en  résulta  dans  îa  marc4ie  do  la  papauté  un 


cbagemetti   impKntaat  pour  l'Emiof».  Oofmfa 

ioDjffteBipB  lïlspa^^  j  doamiQit  iBt  j'aîAdt  Au 

SmBÏ^&ége  eMatBè  fe  SmiA-âîég»  Hûdiâtf  la 

Franet  mal  ^ouTernée  n'avaitjdansla  bafaDce  «u>- 

itipe»ma«{nVin  p^s  très-faible^  et  la  lîgiie  unie 

à  PJiUîppEe  II  venait  encwe  agrandir  la  piâssaticç 

Esfmgtmie.   Mais  Henri  IV  était  monté  sur  te 

laône ,  il  avek  abjuné  et  se  montrait  hon  oathpljr 

qae.  S  sollicitait  la  recon»aissaiic«ctrat)solutia(fi 

ida  pape  {  les  exah^s  «'y  opposaient ,  disant  (j«ia  le 

fape  Joi^Bâsie  n^aTott  pas  le  droit  d'afasondm 

iMi  liënéfekpie  «i^Iaps  ;  les  prëdéeeastui^s  deCA^mciiit 

aBl'enKtnrt  pasâiit^  San  Screrina  eètxeijetëc^tle 

idée  conune  xm^Ae^  Clëftiesit  tscr^vetna  ^  luésita  , 

GftF  riispa^tte  Ml  ^nd  jetait  ie  plus  fart«oatien 

tk  :Saiot*St:é^e  ;  «Mais  voyant  ia  f^nissatioe^dllen^ 

ri  IV  ftu^nmtier,  il  céia  ,  et  la  politique  eim>- 

fmnneprit  dèsll^rs  4ine  face  difl\^^en1)eX'J0fl«tiictî 

ftaiifMiÎM  wa  larda  pas  à  se  «i^oiitrer ,  et  air«c  ^lle 

des  idén  de  tolerasice  et  de  pais:« 

Les  jténtitas  «sfaassés  de  Fvanoe  j  rtiparuneiit^  «et 
fieori  (de  Navurs  nte  araigait  *pu  ide  okoisîr 
parmi  eux  8ontnaiiBsanir'>«.  L'Ëlpagttc  èaon  iOttr 
les  persécuta,  et  le  pape  s'établit  en  médiateur  »». 
La  tactique  principale  et  la  plus  digne  d'éloges 
du  Saint-Siège  était  à  celte  époque  de  ne  s'aliéner 
aucune  des  puissances  sur  lesquelles   repose  l'é- 


quUifare  du  monde  catholique  »  d'apaiser  les  dif- 
férends qui  surgissent  entre  elles^  et  de  conser? er 
son  influence  sur  tous  les  états  de  la  clirëtienU!. 
C'est  ainsi  que  TEurope  dut  à  Clément  YIII  la 
paix  de  Vervins  conclue  en  1598.  Quelque  éloi- 
gnés que  f\]ss(>nt  Tun  de  l^ultrc  le  vieux  Philippe 
et  le  jeune  iieuri,  la  politique  conciliatrice  du 
pape  sut  les  nuir.  Henri  y  perdit  ses  anciens  al- 
liés les  Anglais  et  les  Hollandais ,  et  Philippe ^ 
satisfait  de  ce  triomphe  du  catholicisme  >  o'hédti 
plus  à  rendre  toutes  ses  conquêtes.  Ce  fut  là,  diaent 
quelques  historiens ,  le  triomphe  le  plus  doux  -cl 
la  joie  la  plus  vive  qu'éprouva  le  saint  père  dam 
les  quatorze  années  de  son  pontificat  ^. 

Ici  finit  le  résumé ,  bien  incomplet  sans  doote^ 
de  rhistoire  de  la  papauté  pendant  ces  deux  siè* 
clés.  Le  XVF  nous  semble  avoir  racheté  bien  des 
fautes  du  XV*  :  les  effets  de  la  réforme  catholique 
s'y  font  déjà  sentir ,  et  cependant  eUe  n'est  que 
préparée  pour  le  siècle  suivant,  dans  lequel  les 
communautés  religieuses  achèveront  l'œuvre  que 
les  papes  éclairés  et  consciencieux  de  cette  der^ 
nière  époque  ont  si  bien  commencée. 


es: 


^1  CHAPITRE  SEPTIËKE. 


Nous  avons  vu  dans  les  conciles  œcuméniques, 
dans  celui  de  Trente  surtout,  des  documents  pré- 
cieux sur  l'histoire  de  TEglise,  et  des  détails  sur 
la  réforraation  catholique  qui  dénotent  un  pro* 
grès  réel  dans  l'Eglise,  dans  les  moeurs,  et  dans 
l^Dtention  des  pasteurs  appelés  à  la  gouverner. 
Cherchons  maintenant  dans  les  conciles  provin« 
cianx  et  particuliers  ces  petits  détails  de  mœurs 
locales  que  les  conciles  généraux  ne  peuvent  nous 
offrir.  Le  même  progrès  s'y  fait  apercevoir.  L'im* 
s  moralité  a  fait  place  à  la  passion  d&s  discussions 
thëologiques,  à  une  tendance  prononcée  pour 
Texamen  et  la  controverse.  C'est  le  doute,  Tin- 
crédulité,  l'hérésie,  que  l'on  veut  frapper  ;  on 
sent  le  besoin  d^éloigner  de  la  crédule  naïveté  du 
peuple,  les  erreurs  qui  corrompent  la  foi  primi;- 
tive...  Ainsi,  dans  le  concile  d^Oxford^  tenu  en 
i^08,  on  défend  aux  maîtres  des  arts  libéraux  de 
traiter  de  théologie  ou  des  dogmes  de  foi,  et  à 
Inirs  élèves  d'en  disputer;  de  publier  des  livres 


qui  ne  loient  approuvés  par  racM^mie  ^(kr 
ford  ou  par  douze  docteurs  choisis  par  rcvéque; 
on  ne  soufire  fttm  do  Iraduetîoii  de  Vttrkure  qai 
ne  soit  revue  et  autorisée  par  qui  de  drait;  on 
défend  d  avancer  aucune  proposition  qui  ait  an 
mauvais  sens^  sous  prétexte  qu'elle  peut  en  avoir 
un  bon,  de  disputer  des  points  de  doctrine  dé- 
cidée par  rEgtise,  si' ^  n'est  pour  PexpliqM^» 
etc. 

Le  ooBOÎte  deTertose»  i&29^  excotnmunié  céni 
qui  éditfiiffent  Tesptit  des  grands  contre  rÉ^Rsé. 

Le  concile  dé  Bourges,  1598,  otdànvtë  kûi 
curé»  de  dénonkcet*  aux  irêqvtcs  ceux  ék  lëtnré'  pi- 
roiâsiens  qu'ils  satitont  être  infectés  de»  efriJorf» 
de  Luther,  ainsi  €{ue  ceux  qiti  s'occuperont  lier 
magie. 

Concile  de  Pàfiis,  1538.  —  La  pr^ce  qm  se 
lit  au  commmencement  de  ce  concile  fiiil  vbîr  là' 
coAfonnité  des  erreurs  de  Luther,  de  Zuinglë^  é( 
des  autres  nouveaux  hérétiques,  avec  celles  cRr 
Manès,  d'Arius,  de  Vigilance,  de  Pierre  Vâldd, 
de  Matflile  de  Padoue,  et  de  Wiclef.  Il  y  est  ré^ 
mmjaéy  sur  la  fin,  que  les  novateurs  ne  s'ac- 
cordent point  entré  eux  ;  que  les  uns  abattent  lès 
images  qui  sont  tolérées  par  les  autres  ;  que  lés 
uns  rejettent  les  pratiques  humaines  comme  un 
poison,  et  que  les  autres  les  défendent  comme 


-  m  — 
tréMitileft;  qua  quelques-uns  eMeigiient  laria* 
bapttfme^  et  que  \m  miteê  oab  eette  praëqne  e(M 
Wrew^  qu'ik  ne  s'aceordent  pea  sar  FEudm- 
nstie  ;  que  les  uns  croient  qu'elle  n'est  que  le 
$i^fu^  du  0orpa  et  du  «ang  de  Jësui4jtirilfc^  etqfcie 
lea  aolire»  feat  profetwiott  de  croire  qu'elle  eaf 
véritablertient  le  corps»  et  le  sang  do  J^aua-Qirtt*  f 
tiMua  qu'ils  a'élmgnerit  lea  uns  et  lea  antres  de  la 
sénté^  en  ee  qu  ils  assurent  que  la  substance  du 
pain  et  du  vin  y  demeure  ;  qu'il  y  en  a  qui  se 
vantent  d/avoir  le  Saint-Esprit^  qui  bur  deme 
rioteiligeHCe  de  TEcriture  sans  qu'ils  aient  besoin 
d'interprâle,  sentiment  que  les  autres  rejettent  ; 
que  ces  contradicticms  fout  assez  connaître  cem* 
bien  ils  sont  éloignes  de  la  vëritë,  qui  est  teu* 
jours  la  ntém^,  et  ne  se  combat  jamais. 

Concile  de  Gaml>rai,  i565«  — '  Il  ne  swa'  point 
permis  aux  libraires  et  aux  imprimeurs  de  vendre 
et  de  faire  venir  des  livres^  sans  qu'ils  en  aient 
fait  approuver  le  catalogue  pai*  qui  de  droit  )  et 
l'on  priera  les  magbtrats  de  les  obliger  de  faire 
tous  les  ans  leur  {M^ofession  de  foi^  selon  la  doc- 
trine du  concile  de  Trente,  et  de  promettre  obéis- 
lance  au  Saintr-Sk«ge. 

Les  évéques,  les  cures,  et  les  prédicateurs^  ex» 
termineront^  autant  qu'ils  pourront,  tous  les 
livres  de  magie  et  de  divination. 


—  478  — 

On  puisera  les  livres  de  prières  de  tout  ce 
qu^il  pourra  y  avoir  de  faux  et  de  superstitieux. 

IjCs  cures  prêcheront  tous  les  dimanches  et 
toutes  les  fêtes  solennelles. 

Us  instruiront  leurs  paroissiens  sur  les  tradi- 
tions apostoliques,  de  même  que  sur  la  vertu  et 
rinstitution  des  cérémonies  saintes. 

Ils  témoigneront  beaucoup  de  charité  en  trai- 
tant les  questions  de  controverse,  et  se  conten- 
teront d^expliquer  ce  qu'il  faut  croire,  sans  in- 
jurier  les  hérétiques.  S'ils  ne  sont  point  assez 
habiles  pour  traiter  ces  sortes  de  matières^  ils  se 
borneront  à  exhorter  leurs  auditeurs  à  la  crainte 
du  Seigneur,  à  la  pratique  de  tous  les  devoirs  de 
1.1  religion^  et  à  la  fuite  de  tous  les  vices. 

Ils  ne  permettront  à  personne  de  prêcher  dans 
leurs  églises  sans  l'autorisation  de  Tordînaire,  et 
«^abstiendront  de  tout  dogme,  non-seulement  hé- 
rétique, mais  encore  superstitieux  ou  fSsibuleux. 

Les  curés  n'aui*ont  point  de  livres  qui  puissent 
corrompre  la  religion  ou  les  mœurs  :  ils  n'en  au-> 
ront  que  de  bons  et  qui  soient  approuva  par 

des  univei'sités  catholiques 

'  Il  est  peu  de  conciles  de  ces  deux  siècles  qui 
ne  portent  quelques  statuts  pareils  &  ceux  que 
nous  avons  cités,  et  que  nous  pourrions  multiplier 
à  rinfioi,  mais  ce  ne  sont  pas  les  seules  matières 


—  -477  — 

dont  on  s'occupait  alors  :  l'Eglise  songeait  sérieu- 
sement à  ramëlioration  de  ses  mœurs;  elle  avait 
compris,  en  présence  de  la  reTorme  protesranle, 
qu'il  fallait  sortir  de  toute  ignorance  et  com- 
battre les  erreurs  par  la  vérité,  comme  par  la 
pureté  de  doctrine  et  la  pureté  morale. 

Ainsi,  dans  le  concile  de  Nantes,  en  1431,  on 
lit  la  défense  «  de  pratiquer  les  cérémonies  ridi- 
cules du  1®*"  de  mai^  du  lendemain  de  Pâques  et 
fie  la  fête  des  fous.  Au  l®**  demaî^  on  rançonnait 
ceux  qui  avaient  été  surpris  au  lit.  Le  lendemain 
(le  Pâques,  ceux  qu'ion  trouvait  aussi  couchés, 
étaient  conduits  à  TEglisc,  et  on  leur  administrait 
une  espèce  de  baptême.  Pour  la  fête  des  fous, 
c'était  une  mômerie  qui  commençait  à  Noël,  et 
durait  jusqu'à  la  fête  des  Innocents.  On  habillait 
des  enfants  en  papes,  en  cardinaux,  en  évêques; 
et^  le  jour  des  Innocents^  l'office  se  faisait  dans 
les  collégiales  par  les  enfants  de  chœur  et  le  bas 
clergé.  Tout  cela  était  accompagné  cTZ/rerér^Aice^ 
et  de  débauches. . . 

On  fît  aussi^  dans  le  concile  de  Nantes,  des  rè- 
glements contre  les  vexations  pécuniaires^  pour 
l'absolution  des  censures^  contre  les  bruits  scan- 
daleux qui  se  faisaient  aux  secondes  noces  (c'est 
ce  qu'on  appelle  encore  charharï)*^  contre  les 
prédicateurs  qui   prêchaient  sur  les  éthafauds  , 

V.  12 


dans  les  places  publiques.  Le  prétexte  de  ce  der- 
nier usage  ëtait  la  multitude  des  auditeurs;  mais 
cela  dégénérait  en  spectacle  et  en  action  théâtrale^ 
auviépris  de  la  divine  parole  i  ». 

Concile  de  Sens,  1528.  — Il  estdit  que  le  faste, 
le  luxe  et  l'avarice^  sont  ordinairement  la  cause 
pour  laquelle  les  ecclésiastiques  ont  une  mauvaise 
réputation  :  c'est  poun|uoi  on  les  avertit  de  se 
souvenir  qu'ils  ne  sont  pas  appelés  pour  être  ser- 
vis, mais  pour  servir. 

Par  le  trentième  article,  il  est  permis  aux  ec- 
clésiastiques de  faire  un  petit  métier  honnête  pour 
pouvoir  subsister  sans  avilir  le  Sciccrdoce;  et, 
par  le  trente-unième,  il  leur  est  défendu  d'être 
marchands. 

Concile  de  Cambrai,  15G5.  —  Les  évêques  au- 
ront soin  de  rétablir  ou  d'entretenir  les  écoles 
chrétiennes  pour  instruire  les  enfants  des  élé- 
ments de  la  religion. 

Il  y  aura  des  maîlres  d'école  pour  Tinstruction 
de  la  jeunesse  dans  tontes  les  ])aroisses.  Les  curés 
s'informeront,  tous  les  mois,  des  progrès  des  en- 
fanls;  et  ils  apporteront  tous  leurs  soins  pour 
qu'on  leur  inspire  la  crainte  et  Tamour  du  Sei- 
gneur, dès  leur  plus  tendre  enfance. 

Les  doyens  ruraux  visiteront,  louslessix  mois, 
ou  au  moins  tous  les  nns,   ces  petites  écoles,  et 


rendront  compte  à  l'ordinaire  delà  manière d'îns- 
ttuire  la  jeunesse. 

Les  carîllonneurs  ne  toucheront  sur  les  cloches 
que  des  cantiques  et  des  hjmnes,  et  jamais  des 
aits  lascifs  et  déshounétes. 

Concile  de  Tours^  l68â.  —  Analhéme  à  qui- 
conque ose  contredire  à  la  puissance  du  roi,  qui 
ne  vient  que  de  Dieu  seul^  et  qui  refuse  opiniâ- 
trefeent  d'obéir  à  ses  justes  ordonnances. 

On  prie  le  pape  d'accorder  aux  évéques  et  à 
leurs  grands- vicaires,  officiaux  et  pe'nitencîers^  la 
permission  d'absoudre  de  Théresie.  On  prie  aussi 
le  roi  de  faire  publier  le  concile  de  Trente. 

Tous  ceux  qui  forceront  une  fille  ou  une  femme 
à  se  faire  religieuse,  seront  également  excommu- 
niés. 

Lés  ecclésiastiques  qui  donneront  la  sépulture 
dans  leurs  églises  ou  dans  leurs  cimetières,  aux 
hérétiques,  encourront  l'excommunication  ma- 
jeure. On  n'enterrera  personne  auprès  du  grand 
aufèl,  et  toutes  lés  fosses  en  seront  éloignées  au 
moins  dé  cinq  ou  six  pieds.  On  excepte  de  cette 
règle  les  évéques,  les  curés  et  les  fondateurs. 

Les  oflBiciaux  seront  prêtres^  de  bonne  réputa- 
tion^ ou  habiles  dans  le  droit  canonique. 

Concile  d'Avignon^   1594.  —  On  défend  dé 

bâiir  les  secondes  noces ,  de  dire  la  Inesse  de 

1S. 


nuit,  et  il  osl  expressëmcnt  déPendu  aux  femmes 
de  prc'senter  fleurs  ou  gAtcaux  à  ceux  qui  entrent 
dans  IVglise,  comme  elleft  ont  coutume  de  le  faire 
hvs  jours  de  fcte^  etc. 

Il  serait  tit)p  long  de  donner  le  détail  des  or- 
donnances de  règle  et  de  discipline,  dont  les  con- 
ciles dotaient  clia(|ue  pays  selon  ^es  besoins  di-  \ 
vers  ;  il  nous  suffit  de  voir  que  les  mœurs  et  les 
lumières  pe'nètrent  parlout.  Cette  tendance  est 
surtout  sensible  dans  la  seconde  moitié  du  XVI» 
siècle,  car  alors^  elle  descendait  du  pontife  aux 
simples  cures,  et  des  conciles  aux  chapitres.  En 
présence  de  la  réforme  protestante,  on  avait  senti 
le  besoin  de  redoubler  de  se? vérité  et  de  refaire 
les  mœurs.  Vu  ce  sens,  on  lui  doit  quelque  re- 
connaissance. C'est  le  seul  bien  qu'elle  ait  pro- 
duit, et,  nous  devons  le  croire  par  lamai*chedes 
choses,  ce  l)îen,  un  peu  plus  tard,  peut  être,  au- 
rait été  opéré  sans  elle. 

Ainsi,  les  conciles  de  cette  époque,  rédigeant 
de  véritables  codes  de  morale  divine  et  de  sagesse 
chrétienne,  travaillaient  lentement,  mais  avec 
fruil,  à  n'cjénérer  la  société  ecclésiastique  et  civile. 
Heureux  les  peuples,  s'ils  n'avaient  eu  qu*à  suivre 
cetlebieiiniisante  impulsion,  mais  le  remMe avait 
paru  trop  lent  et  trop  [)eu  (inergiqucau  zèle  exalté 
de  quolqn<»s-uris,  (ît  Tinquisition  moderne  rem- 


—   18)  — 

plaça  plus  furieuse  encore,  et  plus  iuiplloyabîc, 
l'inquisition  du  X11I«  siècle  «. 

Les  Juifs  furent  la  cause  première  de  ce  redou- 
blement de  rigueur  :  les  richesses  immenses  (|irils 
avaient  su  amasser  en  Espagne  avaient  attiré  sur 
eux  Tenvie,  la  haine  et  la  persécution  ;  ils  pou- 
vaient éviter  la  mort  en  se  faisant  Chrétiens,  ils 
en  profitèrent;  mais  la  plupart  de  ces  conversions 
forcées  durèrent  peu,  et  le  danger  passé,  les  Juifs 
retournèrent  secrètement  au  Judaïsme.  De  h\  Tes- 
piounage,   Tinquisition    et  des  peines    terribles 
contre  les  apostats  ^  L'avidité  du  roi  Ferdinand^ 
qui  confisquait  les  biens  des  condamnes,  aida  au 
sfièle  de  Torqueniada^  prieur  du  couvent  des  Do- 
minicains  de  Séville  et  grand   inquisiteur.   La 
reine  Isabelle  résistait;  sa  charité  de  fenmie  souf- 
frait de  ces  affreuses  tortures;   on  sut  lever  ses 
scrupules,  et  rien  n'empêcha  |)lus  Tinquisition  de 
fleurir  et  de  fructifier  dans  l'un  des  plus  beaux 
pays  du  monde  *.  Repoussée  en  France,  ù  Rome 
même,  et  surtout  à  Naples  ',  elle  leva  sa  tête  hi« 
deuse  dans  la  Péninsule  et  y  but  le  sang  de  tout 
ce  que  lui  laissa  Témigration  ^.  Le  nombre  des 
prisonniers  était  tel  que  les  prisons  étaient  trop 
petites,  et  qu'on  fit  servir  quelques  couvents  à 
cet  usage.  Ils  en  sortaient  pour  être  enfermés  dans 
des  statues  de  pliÀtre  exposifes  à  un  feu  ardent 


-  181  — 

qui  desséchait  et  consumait  peu  à  peu  leurs  corps. 
Des  plaintes  nombreuses  arrivèrent  au  pape,  mais 
la  vulonlé  de  Sixle  lY  ne  fut  pas  assez  foite  ou 
assez  puissante  pour  faire  cesser  un  état  de  choses 
que  lolérail  Ferdinand. 

Jusqu'en  1^8^,  tout  cela  s'était  fait  sans  lois, 
sans  l'èglementSy  en  manière  d'essai  j  mais  à  cette 
épo(jue,  Torquemada  convoqua  une  junte  géné- 
lale  à  Siivilie,  et  l'on  y  dttcréta  les  premières  lois 
peruianv'ules  de  rinquisition  d'Espagne.  Ce  nou-* 
veau  Code  avait  vingt-huit  articles  :  «  les  troi^ 
premiers  déterminaient  la  manièi*e  d'installer  les 
tribunaux  dans  les  villes^  la  publication  des  cou* 
surtîs  contre  Icb  hérétiques  et  les  apostats  qui  ne 
se  dciionceraieiu  \)i.\s  voloutuirement,  et  fixaient 
le  déLi  de  grâce,  pour  éviter  la  coniiscatiqu  des 
bicii>. 

Le  quatrième  article  portait  que  les  conléssions 
volontaires,  faites  avant  le  temps  de  grâce,  de- 
vaient être  écrites  sur  l'interrogatoire  des  inqui- 
siteurs. Par  celte  manière  de  procéder,  on  n^aOr 
cordait  la  gruce  à  un  homme  que  loi*squ*il  en  av%ît 
fpit  Iivrt;r  d'autres  à  la  persécution. 

L'ai  l.iclc  cinquième  défendait  de  donner  aecrà- 
tement  l'absolution,  excepté  dans  le  seul  cas  ou 
personne  n'aurait  eu  connaissance  du  crique  du 
réconcilié. 


—  485  — 

Par  le  sixième  article,  le  réconcilié  se  trouvait 
condamne  à  la  privation  de  tout  emploi  hono- 
rifique^ et  de  l'usage  de  l'or,  de  l'argent,  des 
perles,  de  la  soie,  et  de  la  laine  line. 

L'article  septième  imposait  des  pe'nitences  pé- 
cuniaires^ même  à  ceux  qui  avaient  fait  une  con- 
fession volontaire. 

Le  huitième  portait  que  le  pénitent  volontaii^e, 
qui  se  présenterait  après  le  terme  de  grâce,  ne 
pourrait  être  exempté  de  la  confiscation  de  ses 
biens,  qu'il  avait  encourue  de  droit  le  jour  de 
son  apostasie  ou  de  son  hérésie.  On  voit^  par  ces 
deux  ai*ticles,  tout  ce*  que  la  cupidité  de  Ferdinand 
s'était  promise  de  Tinquisition. 

Le  neuvième  article  ordonnait  de  n'imposer 
qu'une  pénitence  légère  aux  sujets  âgés  de  moins 
de  vingt  ans,  qui  se  présenteraient  volontairement. 

L'article  dixième  imposait  l'obligation  de  pré- 
ciser le  temps  ou  le  réconcilié  était  tombé  dans 
ITiérésie,  afin  desavoir  quelle  portion  de  ses  biens 
appartenait  au  fisc. 

Si  un  hérétique,  détenu  dans  les  prisons  se-: 
crêtes  du  Saint-Office,  touché  d'un  véritable  re- 
pentir, demandait  l'absolution,' l'article  onzième 
portait  qu'on  pourrait  la  lui  accorder,  en  lui  im- 
posant pour  pénitence  un  emprisonnement  per- 
pétuel* 


L(^  douzicine  article  autorisait  les  inquisiteurs 
à  condamner  à  la  relaxation,  comme  faux  pënitent, 
tout  réconcilie  dont  ils  jugeraient  la  confession 
imparfaite  ou  la  repentance  simulée.  Ainsi,  la 
vie  d'un  homme  dépendait  de  l'opinion  d*un  in- 
quisiteur. 

L'article  treizième  prononçait^k  même  peine 
contre  ceux  c[ui  se  vanteraient  d'avoir  caché  plu- 
sieurs crimes  dans  leur  confession. 

Le  (juatorzièmc  portait  que,  si  Taccusë  con- 
vaincu persistait  dans  ses  dénégations,  il  devait 
être  condamné  comme  impénitent.  Cet  article  fît 
conduire  au  bûcher  des  milliers  de  victimes, 
parce  qu'on  regarda  cojnme  convaincues,  des  per- 
sonnes qui  étaient  bien  loin  de  Tétre. 

D'après  le  quinzième  article,  toutes  les  fois 
(|u'il  existait  une  demi  preuve  contre  un  accusé 
qui  niait  son  crime,  il  devait  être  soumis  à  la 
question  :  s'il  s^avouait  coupable  dans  les  tour- 
ments, et  confirmait  ensuite  sa  confession,  il  était 
condamné  comme  convaincu^  et,  s'il  la  rétractait, 
il  devait  subir  une  seconde  question. 

Il  était  défendu  par  le  seizième  article  de  com* 
muniquer  aux  accusés  la  copie  entière  des  décla— 
rations  des  témoins. 

Le  dix-septième  prescrivait  aux  inquisiteurs 
d'interrpger  eux-mêmes  les  témoins. 


—  185  — 

Le  dix-huitième  voulait  qu'an  ou  deux  inqui- 
siteurs fussent  toujours  présents  à  la  question,  afin 
de  recevoir  les  de'clarations  des  prévenus. 

Le  dix-neuvième  exigeait  qu'on  condamnât, 
comme  hérétique  convaincu,  tout  accusé  qui  ne 
comparaîtrait  pas  après  avoir  été  assigné  dans  les 
foiines.  I 

Le  vingtième  portait  que,  s'il  était  prouvé  par 
les  livres  ou  par  la  conduite  d'un  homme  mort 
qu'il  avait  été  hérétique,  il  devait  être  jugé  et  con- 
damné comme  tel,  son  cadavre  exhumé,  et  la  to- 
talité de  ses  biens  confisquée  aux  dépens  de  ses 
héritiers  naturels. 

D'après  le  vingt-unième  article,  il  était  or- 
donné aux  inquisiteurs  d'étendre  leur  juridiction 
sur  les  vassaux  des  seigneurs,  et  de  censurer  ces 
derniers,  s'ils  y  mettaient  quelque  obstacle. 

Le  vingt-deuxième  article  voulait  qu'on  accor- 
dât aux  enfants  de  ceux  dont  les  biens  auraient 
été  confisqués,  une  portion  de  ces  mêmes  biens 
à  titre  d'aumône.  Cet  article  devint  illusoire,  car 
jamais  les  inquisiteurs  ne  se  sont  occupés  du  sort 
de  ces  malheureux  :  l'abandon  et  la  misère  étaient 
toujours  leur  partage. 

Les  autres  six  articles  de  ce  code  étaient  relatifs 
aux  procédés  que  les  inquisiteurs  devaient  obser- 
ver entre  eux  et  envers  leurs  subordonnés. 


—  180  — 

Cette  constitutiop  fut  augmentée  plusteors  fois, 
même  dans  les  premiers  temps;  mais  nuilgré 
toutes  ces  modifications ,  les  formes  de  procédure 
ont  toujours  été  à  peu  près  les  mêmes,  et  les 
inquisiteurs  n'ont  jamais  renonce  à  Tarbitraire 
qui  fait  le  fond  de  celte  cruelle  juri^ru- 
dence.  11  était  impossible  à  l'accusé  d^établir 
sa  défense  convenablement,  et  les  juges,  placés 
entre  Falternativc  de  reconnaître  son  innocence, 
ou  de  le  soupçonner  coupable,  adoptaient  toujours 
ce  dernier  parti,  et  n'avaient  plus  besoin  de 
preuves. 

Un  code  aussi  sanguinaire^  dont  rexecuUoQ 
était  confiée  à  des  hommes  qui  croyaient  se  ren- 
dre agréables  à  Dieu  en  faisant  brûler  des  mil- 
liers de  lem*s  semblables,  ne  pouvait  que  reudi*e 
l'inquisition  odieuse.  Aussi  excita-t-elle  le  plus 
vif  mécontentement,  et  les  peuples  des  Espagnes 
lui  opposèrent  une  résistance  qui  fut  souvent 
sanglante. 

Nous  ne  nous  appesantirons  pas  sur  des  détails 
horribles  qui,  (mtrele  dégoût  qu'ils  inspirent,  peu- 
vent n'être  pas  exacts  7;  et  pour  caractériser  cette 
institution,  aussi  peu  populaire  que  peu  chrétienne, 
nous  nous  borneiH>ns  à  donner  après  ces  statuts 
la  peinture  d'un  auto-da-fé.  Ce  tableau  des  mceurs 
de  l'époque  en  dira  plus  que  tontes  les  réflexions. 


Le  Saint-Office  c^lëbrait  deux  sortes  d'auto- 
da-fe.  Les  auto-da-fe'  particuliers  avaient  lieu 
plusieurs  fois  dans  Tanuëe,  les  éxecutions  géné- 
rales ou  grands  auto-da-fé  étaient  réservés  pour 
les  grandes  occasions,  telles  que  Tavènement  ou 
le  mariage  d^un  souverain,  la  naissance  d'un  en- 
fant rojalou  l'anniversaire  des  jours  mémorables. 
Tous  les  condamnés ,  dont  plusieurs  gémissaient, 
dans  les  prisons  depuis  longues  années,  en  étaient 
tirés  alors,  morts  ou  vifs,  pour  figurer  dans  cetto 
barbare  cérémonie. 

Un  mois  avant  le  jour  fixé  pour  l'auto-da-fé  gé- 
néral ,  les  membres  de  Tinquisition ,  précédés  de 
leur  bannière^  se  rendaient  en  cavalcade,  du  pa- 
lais duSaini-Oilice  à  la  grande  place  pour  y  s^n*- 
noii^ccr  aux  babitanU»  qu'à  un  moi$  de  là,  à  pareil 
jour,  il  y  aurait  une  exéculiou  générale  des  per- 
sonnes condamnées  par  Tinquisition  :  cette  ca- 
valcade faisait  ensuite  le  tour  de  la  ville  au  son 
des  trompettes  et  des  timbales.  Dès  cet  instant  on 
s'occupait  des  préparatifs  nécessaires  pour  rendre 
la  cérémonie  aussi  solennelle  que  magnifique  |,  à 
cet  efict ,  on  dressait  sur  la  grande  place  un  tb0à- 
tre  de  50  pieds  de  long^  élevé  jusqu'à  la  hauteiM: 
du  balcon  du  roi,  lorsque  la  ville  où  devait  avoir 
lieu  Tauto-da-fé  était  la  résidence  royale.  A  l'ex- 
trémité et  sur  toute  la  largeur  de  ce  théâtre  s'éle^ 


yait)  à  la  droite  du  balcon  du  roi,  un  aniphiiht^ft- 
tre  de  yingt«cinq  à  trente  degrés  destinés  pour  le 
eonseil  de  la  wSuprc^me  et  pour  les  autres  conseils 
d'Espagne.  Au-dessus  de  ces  degrés,  l'on  voyait, 
sous  un  dais,  le  fauteuil  du  grand  inquisiteur, 
qui  se  trouvait  i)eaucoup  plus  élevé  que  le  balcon 
du  roi.  A  la  gauche  du  théâtre  et  du  balcon ,  on 
dressait  un  second  aniphitliéiUre  où  les  condam- 
nés devaient  être  placrs.  Au  milieu  du  grand 
théâtre^  il  y  en  avait  un  autre  fort  petit,  (|ui  sou- 
tenait deux  espèces  de  cages  en  bois,  ouvertes  par 
le  haut,  dans  lesquelles  on  plaçait  les  condamnés 
pendant  la  lectui*e  de  leur  sentence.  En  face  de 
ces  cages  se  trouvaient  deux  chaires ,  une  pour  le 
relateur  ou  lecteur  des  jugements,  l'autre  pour  le 
prédicateur;  et  enfm  on  dressait  un  autel  auprès 
de  la  ])lace  des  conseillers. 

Le  roi^  la  famille  royale,  ainsi  que  toutes  les 
dames  de  la  cour,  occupaient  le  balcon  royal. 
D'autres  balcons  étaient  également  pré])arés  pour 
les  ambassadeurs  et  pour  les  grands  de  la  cou- 
ronne ,  et  des  échafauds  pour  le  peuple. 

Un  mois  après  la  publication  de  Tauto-da-fé, 
la  cérémonie  commençait  par  une  procession  com- 
posée de  charbonniers ,  de  dominicains  et  de  fa- 
miliers^ qui  partait  de  l'église  et  se  rendait  sur  lu 
grande  place  ;   elle   s*cn  retournait  après  avoir 


planld  pr(\s  de  Taulel  une  croix  verte,  eotourëe 
d*an  crêpe  noiri  et  Tétendard  de  llnquisition. 
Les  dominicains  seuls  restaient  sur  le  théâtre^  et 
passaient  une  partie  de  la  nuit  à  psalmodier. 

A  sept  heures  du  matin ,  le  roi ,  la  reine  et 
tonte  la  com*  paraissaient  sur  les  balcons. 

A  huit  heures^  la  procession  sortait  du  palais 
de  rinquisition,  et  se  rendait  sur  la  place,  dans 
Tordre  ^suivant  : 

1°  Cent  charbonniers  armés  de  piques  et  de 
mousquets.  Ils  avaient  le  droit  de  faire  partie  de 
la  procession,  parce  qu'ils  fournissaient  le  bois 
destine?  h  brrder  les  hérétiques. 

2o  Les  dominicains,  précédés  d'une  croix  blan- 
che. 

3"  L''élendard  de  llnquisition^  porté  par  le  duc 
de  Médina- Céli,  suivant  le  privilège  de  sa  fa- 
mille. Cet  étendard  était  de  damas  rouge,  sur  le- 
quel on  avait  brodé  d'un  côté  les  armes  d^Espa- 
gne,  de  Tautre  une  épée  nue,  entourée  d'une  cou- 
ronne do  laurier. 

/l^  L(\s  grands  d'Kspagne  et  les  familiers  de  l'In- 
(fuisition. 

5"  'Joutes  I(\s  victimes,  sans  distinction  de  sexe, 
pîarées  stiivant  Irvs  peines  plus  ou  moins  sévères 
aiixfjuell(?s  elles  étaient  condamnées. 

délies  rondanniées  à  de  légères  pénitences mar- 


cfaaient  les  premières ,  la  tête  et  les  pieds  nus ,  re* 
yétues  d^un  san-bénito  de  toile ,  avec  une  grande 
croix  de  saint  André  jaune  sur  la  poitrine ,  et  une 
autre  im  le  dos.  Après  cette  classe  marchait  celle 
des  condamnés  au  fouet,  aux  galères  et  à  Fempri- 
sonnement. 

Venaient  ensuite  ceux  qui,  ayant  évité  lé  feu 
en  avouant  après  leur  jugement^  devaient  être 
étranglés  seulement;  ils  portaient  un  san-bénito^ 
sur  lequel  étaient  peints  des  diables  et  des  flam- 
mes ;  un  bonnet  de  carton  de  trois  pieds  de  haut, 
appelé  corozay  peint  comme  le  san-benitOy  était 
placé  sur  leur  télé. 

Les  obstinés^  les  relaps  et  tous  ceux  qui  de- 
vaient être  l)rûlés  vifs,  marchaient  les  derniers^ 
vêtus  comme  les  précédents,  avec  la  différence 
que  les  flammes  peintes  sur  leurs  san  -  bérdto 
étaient  ascendantes.  Parmi  ces  malheureux  il  J 
en  avait  souvent  qui  marchaient  bâillonnés.  Tovs 
ceux  qui  devaient  mourir  étaient  accompagnés  cle 
deux  familiers  et  de  deux  religieux.  Chaque  conh 
damné,  à  quelque  classe  qu'il  appartînt,  tenait  à 
la  main  un  cierge  de  cire  jaune. 

Après  les  victimes  viv«intes  ,  on  portait  les  sta- 
tues en  carton  des  condamnés  au  feu^  morts  avant 
Tauto-da-fé  ;  leurs  os  étaient  aussi  portés  dans  à& 


Une  grande  cavalcade,  composée  de  conseillers 
de  la  Suprême,  des  inquisiteurs  et  du  clergé, 
Fermait  la  marche.  Le  grand  inquisiteur  était  le 
dernier^  vêtu  d^un  habit  violet  :  il  se  faisait  es- 
corter par  ses  gardes-du-corps. 

DèvS  que  la  procession  était  arrivée  sur  la  place, 
et  que  chacun  était  assis ,  un  prêtre  commençait 
la  messe  jusqu'à  l'évangile.  Le  grand  inquisiteur 
descendait  alors  de  son  fauteuil^  et,  après  s'être 
fait  revêtir  d'une  chape  et  d'une  mitre ,  il  s*ap- 
prochait  du  balcon  où  était  le  prince,  pour  lui 
faire  prononcer  le  serment  par  lequel  les  rois 
d^Kspa{rnc  s'obligent  de  protéger  la  foi  catholique^ 
d'extirper  les  hérésies,  et  d'appuyer  de  toute  leur 
autorité  les  procédures  de  l'inquisition.  Sa  Ma- 
jesté Catholique ,  debout  et  la  tête  nue ,  jurait  de 
l'observer.  Le  même  serment  était  prêté  par  toute 
rassemblée. 

Un  dominicain  montait  ensuite  dans  la  chaire 
et  faisait  contre  les  hérésies  un  sermon  rempli  de 
louanges  de  l'inquisition.  Dès  que  le  sermon  était 
fini,  le  relateur  du  Saint-Office  commençait  à  lire 
les  sentences  ;  chaque  condamné  entendait  la 
sienne  à  genoux  dans  la  cage ,  et  retournait  en- 
suite à  sa  place. 

A  la  fin  de  cette  lecture,  le  grand  inquisiteur 
quittait  son  siège  et  prononçait  l'absolution  de 


—  19Î  — 

ceux  qui  étaient  réconciliés;  quant  aux  malheu- 
reux condamnés  à  perdre  la  vie,  ils  étaient  livrés 
au  bras  séculier,  placés  sur  des  ânes,  et  conduits 
au  quemadero  pour  y  recevoir  la  mort  Là  se 
trouvaient  autant  de  bûchers  qu^il  y  avait  de  vic- 
times. On  commençait  par  les  statues  et  les  os 
des  morts,  que  Ton  brûlait;  après  Içs  statues,  on 
attachait  successivement  tous  les  condamnés  aux 
poteaux  élevés  au  milieu  de  chaque  bûcher,  et 
Ton  y  mettait  le  feu.  I^  seule  grâce  que  Ton  fai- 
sait à  ces  malheureux,  c'était  de  leur  demander 
s'ils  voulaient  mourir  en  bons  chrétiens: dans  ce 
cas ,  le  bourreau  les  étranglait  avant  de  mettre  le 
feu  au  bûcher. 

Les  réconciliés  condamnés  à  la  prison  perpé- 
tuelle^ aux  galères  et  au  fouet,  étaient  ramenés 
dans  les  prisons  du  Saint-Oflice,  d'où  ils  sortaient 
pour  subir  les  pénitences  qui  leur  étaient  impo- 
sées ,  et  pour  être  conduits  à  leur  destination. 

Telles  étaient  les  formalités  et  les  cérémonies 
employées  dans  ces  barbares  exécutions,  que  Ton 
a  osé  apj^cltT  actes  de  foi  ^  auxquelles  le  roi  et  la 
cour  assistaient  comme  à  une  grande  fête.  L^Es- 
pagne  leur  doit  la  perte  de  la  moitié  de  sa  popu- 
lation ,  et  la  honte  de  les  avoir  froidement  sup- 
portées ^ . 

Après  la  mort  deTorquemada;,  quarante-qua- 


—  -195  — 

tre  autres  grands«inquisitenrs  se  succëdèrent ,  et 
tous  introduisirent  des  changements  pins  ou 
moins  notables^  soit  dans  les  règlements,  soit 
dans  les  cërëmonies,  mais  sans  que  rien  pût  justi- 
fier les  crùautës  dont  TEspagne  fut  le  théâtre  pen- 
dant plusieurs  siècles'  • 

Après  la  mort  de  Charles-Quint,  Philippe  II 
eut  l'heureuse  idëe  décrier  un  tribunal  ambulant 
de  rinqoisition  ,  charge  de  découvrir  et  de  pour- 
suivre les  hërëtiques  sur  les  navires.  Ce  tribunal 
maritime  fut  de  courte  durée,  parce  qu'on  s'aper- 
çut qu'il  mettait  des  entraves  à  la  navigation.  A 
cette  inquisition  des  flottes  succéda  l'inquisition 
des  douanes ,  dont  l'objet  était  d^empêcher  Tin- 
troduction  des  livres  défendus...  Ainsi ,  pendant 
que  les  conciles  de  la  France  et  de  Fltalie  es- 
sayaient de  lutter  glorieusement  contre  les  doc- 
trines subversives,  TEspagne  prenait  à  tâche  de  les 
justifier  par  ses  excès  et  son  ignorance  sangui- 
naire *^.  Les  mœurs  y  étaient-elles  meilleures  ?  la 
crainte  avait-elle  produit  de  bons  effets?..  L'his- 
toire prouve  le  contraire,  et  d'une  manière  irréfra- 
gable :  nous  pourrions  en  donner  des  preuves  nom- 
breuses, mais  elles  trouveraient  mal  leur  place  ici, 
et  d'ailleurs  le  fait  n'est  pas  de  nature  à  être  nié  ou 
controversé  ^\  Pendant  que  l'Espagne,  en  proie  à 
l'inquisition  ,  voyait  sa  population  diminuer  par 
V.  13 


une  émigration  constante^   la  cour  xoinaiiie  et 
Vltalie  avaient  un  sort  biea  différent,  biea  dîffî- 
rent  surtout  de  celui  qu'elles  avaient  eu  aoua  les 
pontifes  dissolus  ou  batailleurs.  Dé[à  sous  Pau^  lY 
on  s'en  était  aperçu;  mais  l'exemple  de  Pie  Y  et 
de  Grégoire  XIII  produisit  un  effet  extraordinaire. 
Ce  qu'en  rapporte  Tiepolo ,  qui  vivait  au  milieu 
du  XYIe  siècle^ est  fort  remarquable.  €  Rien,  dit- 
il ,  n'a  fait  tant  de  bien  à  TËgLise  que  cette,  suc- 
cession de  papes  d'une  vie  irréprochable;  tons 
ceux  qui  les  ont  suivis  sont  devenus  meilleurs,  les 
cardinaux  et  les  prélats  cherchent  avec  soin  à  évi- 
ter tout  scandale,  ei  la  ville  entière  s'efforce  à 
leur  exemple  de  sortir  de  la  déconsidéi:atioi3.  où 
elle  était  tombée.  Rome  enfin  s'approche,  de  U 
perfection  dans  les  limites  imposées  à  la  nature 
humaine...  ^^  »  <{  Non  pour  cela,   observe  Tiia' 
pai^tial  historien  de  la  Ipapauté ,  que  la  cour  pa- 
pale ne  renfermait  que  des  bigots  ou  des  hyvfi^ 
crites ,    nous  aimons  à  reconnaître  au  contraire 
qu'elle  était  composée  d^hommes  distingués  qpi 
pratiquaient  à  un  haut  degré  toute  l'austiéritérer 
lîgieuse  de  leur  époque  '^  :#. 

La  population  mobile  de  Rome  suivait  tput^p 
ces  phases^  et  sa  croissance  ou  sa  décroiswnee 
marquaient  la  somme  de  bonheur  ou  de  ma}l|çu]r 
qu'on  trouvait  sous  tel  ou  tjsl  pontife.  EocoiBe  xér 


—  495  — 

dttite  60US  Paul  IV  à  4&9OOO  t^mm,  elle  se  relet» 

MeDtôl  et  fut  portée  à  70)000.  Elle  ëialt  de  flm 

de  1^,000  80US  Sixte-Quint  ;  et  celte  rimsae  a'é- 

Ciit  pas  âenleindut  reiuaine,  ei^^dk>rsl'et»i^ratîéH 

et  le  re^^r  etisseat  été  tnoins  prl^mpt^,  mais  FI- 

talie  entière ,  et  même  la  France  et  l'Ëspagnei 

foorfiissâkîlStleur  Gotilingeilt.  «  Ainii^dit  Ralfke, 

à  GOté  dû  Lombard  attentif  et  docile,  on  dSstin^ 

guait  l'habitant  de  Gènes  erdyant  yenir  ^  b<mt  dé 

tout  a?e6  son  argent^  le  Vénitien  cbericbanf  à  dé* 

cxHi¥rir  les  secrets  des  étrangers^  le  Florentin  ë6o- 

noble  etbayard^  le  Rooatâgtet  prudeitt  ti  èvare^ 

le  Napolitain  prétentieux  et  cérémonieux.  Géux 

des  pays  dn  nord  cherchaient  seulement  à  jcmir 

du  elimat  et  de  la  vie.  Le  Français  renonçait  dif^ 

ficilement  aux  mœurs  de  sa  patrie;  TEspàgnoli 

enveloppé  de  son  soltana,  son  manteau  sUr  1'^ 

p^e^  méprisait  tous  les  âati'es ,  et  silencieux  se 

tenait  à  l'écart». •  » 

Le  clergé  y  ayait  ud  esprit  t^ublic^n  qui  {è^ 

DBÎt  sans  doute  à  ee  que  diaoua  portait  sous  la 

aoatane^  non  le  bâton  de  maréchal ,  mai3  la  mitfë 

de  pape.  Depuis  un  siècle  surtout  les  cbangemèal^ 

avaient  été  si  multipliés^  et  tant  de  j^apes  s'étaient 

élevés  de  fort  bas ,  qui  tous  ay  aient  eu  leurs  cffo- 

tures,  que  chacun  pouvait  se  oroke  appelé  à  fairtf 

aussi  fortune*  Et  de  là   tes  cA)sé^uiosités  daikl 

15. 


—  406  — 

étaient  entoures  cardinaux  et  archevéqnes,  qui 
tous  avaient  leur  cour  assidue  et  prévenante.  On 
vivait  comme  an  milieu  d'une  loterie  dontkB 
chances  incalcnlables  et  précipitées  entretenaient 
constamment  dans  tous  les  joueurs  la  même  espé- 
rance. 

Voilà  les  deux  côtés  de  Fltalie  ou  XVI^  siècle^ 
le  religieux  et  le  mondain  ;  le  prélat  et  Phomme; 
le  ciel  et  la  terre...  Mais  comme  rien  nepeutét^e 
parfait  ici-bas,  c'était  cependant  une  amélioration 
qu*îl  nous  est  doux  de  constater,  surtout  en  re- 
gard de  la  Saint-Barthélemi  française  et  de  Tin- 
quisition  espagnole. 

Et  en  effet,  avec  un  tel  état,  peu  à  peu  les  nioetirs 
s'améliorent,  et  la  conséquence  naturelle  de  ce 
progrès  est  de  porter  à  la  tête  de  la  hiérarchie  ceux 
dont  l'existence  entière  est  le  plus  en  rapport 
avec  les  exigences  de  l'époque.  Peuples  et  ponti- 
fes réagisssent  ainsi  les  uns  sur  les  autres;  les  pon- 
tifes ont  façonné  le  peuple^  qui  à  son  tour  ré- 
clame, exige  des  pontifes  vertueux,  zélés  pour  le 
bien  et  dignes  de  leur  haute  position.  Le  XIX* 
siècle  souffrîrait-îl  encore  un  Borgia ,  ou  seule- 
ment un  cardinal' Dubois? 

En  attendant^  comme  nous  Tavons  dit  pins 
haut ,  des  sommités  aux  villes  et  aux  hameaux  des 
divervses  contrées  de  l'Europe,  nous  retrouverons 


—  i07  — 

les  mêmes  destinées  ;  ainsi,  au  XY*^  siècle  les  cou- 
vents étaient  déserts,  ou  Ton  y  passait  la  vie  la 
plus  molle  et  la  moins  religieuse  ;  les  jeunes  abbés 
qui  recevaient  les  ordres  donnaieut  un  repas  et  un 
bal  où  ils  dansaient  eux-mêmes;  les  abbes  di- 
saient la  messe  en  bottes,  pendant  que  le  cheval 
et  la  meute  préparés  pour  la  chasse  à  cor  et  à  cris 
attendaient,  bruyants  et  impatients,  à  la  porte 
de  Téglise  ^^.  Les  laboureurs  travailluieut  les  jours 
de  fête  et  dimanches ,  ou  allaient  danser  dans  les 
cimetières;  les  églises  étaient  pleines  de  prome-* 
neurs  et  de  discoureurs  pendant  la  messe,  et  le 
seigneur  du  lieu  t^'y  permettait  de  baiser  au  front 
les  jolies  filles  qui  entraient.  Les  religieuses  sor- 
taient seules ,  les  sorciers  avaient  accès  partout , 
débitant  leurs  prophéties ,  et  tout  cela  et  tant 
d autres  choses  encore,  les  indulgences  le  répa- 
raient et  le  lavaient...  ^^ 

Voyez  ce  que  disaient  de  leur  siècle  les  hqoi- 
mes  qui  l'honoraient  le  plus  :  Dante  ^  catholique 
et  théologien  zélé^  admet  tous  les  dogmes  de  Fé- 
glise  romaine ,  mais  il  ne  cesse  de  tonner  contre 
les  abus  et  la  corruption  de  son  clergé  ;  il  place 
dans  son  enfer  tous  les  hérétiques,  mais  il  y  place 
aussi  les  trafiquants  de  prières  ^^.  Il  respecte  les 
droits  spirituels  du  clergé ,  mais  il  a  en  horreur 
ie  pouvoir  auquel  il  attribue  la  dégradation  reli- 


—  4«8  — 

gieuse  ;  il  le  signale  comme  destrncteur  de  mu 
pays  et  peuple  Tenfer  de  ses  ministres  :  €  Là  ils  ae 
lancent  des  rochers,  là  ils  sont  prëctpilés  dans  des 
chaiidièrrs  de  poix  bouillante;  plus  loin  on  lef 
voit  enchaînés  dans  une  prison  de  glace,  ou 
roulant  du  sommet  d'une  pyramide  de  flammes 
qui  tourne  autour  d'eux.  ^^  >  Ainsi  que  Dante» 
Pétrarque  était  bon  catholique,  plein  de  xèle  pour 
les  intérêts  du  Saiiit-Siéi^e;  et  |iendant  qu'il  con- 
struisait à  Arqua  une  chapelle  dédiée  à  laVierge, 
il  tonnait  contre  les  excès  du  clergé  de  son  temps 
en  ternies  singulièrement  énergiques  ^•. 

Eh  bien  !  ce  qui  existait  déjà  au  temps  du  Dapte 
et  de  Pétrarque  n  avait  cessé  de  croître  et  d'empi- 
rer jusqu'à  la  Hn  duXV*^  siècle.  Au  XVI',  au  con- 
traire, M  Tintoléranco  était  plus  grande,  plus 
O'Iicuse ,  d^in  autre  côté ,  la  rivalité  menait  an 
bien.  Dans  un  temps  où  la  pensée  et  la  bouche 
étaîent  sans  cesse  pleines  de  haines  et  de  disputes 
théologiquos ,  on  entendait  dans  les  réanipqs  po- 
pulaires des  conversai tions  et  des  mots  pareils  à 
cenx-ci  :  fr  Pour  faire  enrager  les  hugnenots,  jf 
veux  fonder  nn  bel  hôpital.  —  Afin  que  les  pa- 
pistci  le  voient ,  je  veux  faire  tous  les  jours  distri- 
buer de  grands  pains  devant  ma  pqrte.-— Gessona 
nos  querelles,  nos  discus»ons,  elles  font  1^  plaisir 
des  huguetiofA.  —  Aimons-noue ,  sçoonrOBS-nons^ 


les  papistes  le  sauront.  —  A  cause  des  huguenots, 
ne  chantons  pas  de  chansons  galantes.— Point  de 
baîs^  point  de  danses,  soyons  moins  relâches  que 
les  papistes ^^.  » 

Au  milieu  de  ce  conflit  perpétuel ,  tantôt  bon, 
tantôt  mauvais,  mais  mauvais  surtout,  Henri  IV 
apparût  à  tous  comme  un  sauveur;  il  remplit  là 
France  de  sa  force  et  de  sa  tolérance.  Il  dit  aux 
frères  :  oubliez  vos  haines  et  embrassez-vous  ; 
enfin  il  mit  à  ses  pieds  les  fanatiques  des  deux 
commutiions,  les  uns  reconnaissants,  les  autres 
morts...  * 

Nous  avons  vu  dans  le  cours  du  XVP  siècle 
le  protestantisme  naître  et  s'étendre  avec  une 
rapidité  effrayante  pour  l'Eglise;  nous  en  avons 
dit  les  causes,  nous  en  verrons  plus  tard  les  re'- 
sullats  ;  essayons  aujourd'hui  de  résumer  en 
quelques  mots  l'histoire  philosophique  de  cfe 
siècle. 

Le  génie  et  Ténergie  morale  de  Grégoire  Vil 
avaient  délivré  l'Eglise  de  la  servitude  que  voulait 
Ini  imposa  la  féodalité,  mais  le  grand  homme 
ne  put  consolider  et  continuer  son  œdvre  :  Tislai- 
nîisme  d'un  côté,  les  schismes  de  l'autfe  re- 
muèrent et  ébranlèrent  la  chrétienté  ;  le  Saint-^ 
Sî^e ,  vîctorieuK  et  tranquille  en  appdfehce^  eut 
bientôt  à  se  combattre  lui-même,  et  fut  d'abord 


—  200  — 

eiilraiiié  à  se  si^rvir  de  sa  souveraineté  spirituelle 
pour  agrandir  sa  souveraineté  temporelle.  Pousses 
dans  celte  direction  par  les  Laïques  romains  j  les 
pontifes  en  arrivèrent  bientôt  à  une  couiusion 
toUde  entre  les  deux  puissances  établies  en  leur 
personne  y  et  Ton  vit  Jules  II,  le  casque  en  tête, 
ambitionner  la  gloire  des  Césars.  L'administra- 
tion ecclésiastique  suivit  nécessairement  cette 
impulsion ,  et  l'argent  étant  devenu  d'une  néces- 
sité absolue  pour  faire  une  guerre  incessante,  la 
simonie  corrompit  bientôt  les  plus  hautes  dignités 
de  TEglisc.  Des  désordres  de  tous  genres  suivirent 
(*e  premier  égarement ,  et  Uome ,  la  mère  de 
rËglise  chrétienne ,  vit  tous  les  vices  surgir  dans 
son  sein  !  Aux  monstrueux  plaisirs  d'Alexandre , 
à  Tardeur  belliqueuse  de  Jules ,  avaient  succédé 
les  élégants  plaisirs  de  la  cour  de  Léon.  U  y  avait 
là  beaucoup  moins  de  scandale  ,  sans  doute,  mais 
plus  de  danger  y  peut-être  ^  pour  l'austérité  du 
dogme  catholique  :  lorsque  le  chef  de  TÉglise, 
dit  un  spirituel  écrivain  ,  ^*  s'enivrait  de  musique 
et  de  parfums,  dans  ce  temple  magnifique ,  pour 
l'érection  duquel  Jules  II  avait  démoli  la  vieille 
basilique  sanctifiée  par  les  tombeaux  des  martyrs; 
lorsque  sur  les  eaux  de  Bolsene,  ou  sous  les 
bosquets  ombreux  de  Malliana ,  il  passait  sa  vie 
d^ms  le  commerce  des  artistes ,  des  poètes  et  des 


—  201  — 

philosophes,  au  milieu  de  ces  nobles  causeries , 
le  catholicisme  ne  pouvait  manquer  de  se  dé- 
pouiller de  son  caractère  pour  revêtir  les  formes 
idéales  d'une  poésie,  les  apparences  d'une  phase 
transitoire  de  l'intelligence  humaine. 

Au  platonisme  florentin  de  la  cour  des  Mé- 
dicis  succéda*  bientôt,  au  sein  de  Rome  même, 
une  philosophie  plus  audacieuse.  L'immortalité 
du  principe  pensant  était  niée  jusque  dans  les 
écoles  publiques;  et  lorsque  Erasme  visita 
-  l'Ualie ,  lorsque  le  jeune  Luther  vint  lui-même , 
portant  aux  marches  de  la  confession  de  Saint- 
Pierre  une  foi  ardente  et  encore  entière ,  Tépi- 
curéisme  avait  envahi  les  doctrines  au  même 
degré  que  les  moeurs.  Les  chefs  de  Fauguste  hié- 
rarchie romaine ,  abaissés  au  rang  de  princes  d'un 
étiit  temporel,  souriaient  trop  souvent  à  des 
dogmes  dont  le  sens  allait  s'oblitérant  chaque 
jour,  et  des  paroles  blasphématoires  se  mêlèrent 
plus  d'une  fois  à  celles  par  qui  se  consomme  sur 
l'autel  le  sacrifice  de  la  nouvelle  alliance. 

Or^  à  la  même  époque,  et  par  réaction  conti*e 
ces  déplorables  tendances,  un  mouvement  op- 
posé, provoqué  par  Tétude  des  écritures,  se  ma« 
nifestait  dans  le  nord  de  l'Europe  ;  mouvement 
de  spiritualité  exaltée  qui  eut  b  le  a  tôt  dépaissé 
toutes  les  bornes ,  parce  qu'aucune  force  morale 


n'était  alors  en  mesure  de  le  contenir  et  de  le 
r^ler  dans  le  sens  d*un^  hante  et  intelligente 
orthodoxie. 

Lorsque  Luther  commença  sa  prédication,  le 
terrain  sur  lequel  il  semait  Thérésie,  était  dé^ 
profondément  remué,  d'une  part,  par  les  efforts 
d^associations  ascétiques,  de  Vautre,  par  les  tra- 
vaux de  Beuchlin  et  d'Erasme ,  par  la  vulgarisa- 
tion des  saintes  Ecritures  ^. 

Néanmoins,  toutes  ces  causes  ne  seraient  point 
parvenu  PS  h  donner  au  protestantisme  une  posi- 
tion importante  en  Allemagne^  si  la  politiqtle 
romaine  ne  s'était  trouvée  par  ses  intérêts  tem- 
porels en  dissidence  presque  constante  avec  celle 
des  empereurs ,  et  si  ceux-ci  ne  s'étaient,  sans  uni 
scrupule ,  servi  de  la  réforme  comme  d'un  instru- 
ment pour  abaisser  et  contenir  la  papauté. 

On  comprend  en  effet  sans  peine,  en  étu- 
diant cette  époque  pleine  de  vie  et  féconde  en 
leçons,  que  le  protestantisme  s'est  moins  établi 
par  la  force  intime  de  son  principe  que  par  lés 
complications  émanées  de  la  politique  romaine 
et  de  ta  politique  impériale.  Les  alliances  les 
plus  diverses  furent  formées ,  non  dans  un  bot 
CitèhoKque ,  mais  dans  un  but  îvmain ,  et  i 
chaque  phase  nouvelle,  des  complications  suc- 
cessives amenaient  des  intérêts  nouveaux,  dans 


I  —  805  — 

I  lesquels  la  religion  était  pour  bien  peii.  Gettë 
marche  des  choses  ne  pouvait  être  favo^ablé  k 
J'Eglise  ;  aussi  vit-elle  sans  surprise ,  mais  avec 
douleur,  la  Saisse,  la  Hollande,  la  Suède,  le 
Danemark,  l'Angleterre  et  la  plus  grande  partie 
de  l'Allemagne  échapper  à  son  jong;  le  protes- 
tantisme gagnait  aussi  la  France,  et  sans  là  po- 
litique et  heureuse  abjuration  d'Henri  IV,  il  est 
difficile  de  dire  ce  qui  serait  advenu.  Voilà  donc 
l'Europe  divisée ,  et  divisée  par  Rome  elle- 
même,  qui  eut  eu  tant  d'intérêt  et  tant  de  gloire  à 
tout  réunir.  Pourquoi  faut-il  que  l'esprit  de 
l'homme  se  mêlant  trop  long-temps  à  l'esprit  du 
pontife  ait  anrené  cette  déplorable  scission  qui 
hri.sa  la  magnifique  unité  de  l'Europe  chrétienne! 
Ce  divorce  désastreux  qui  ensanglanta  les  con- 
trées les  plus  belles  du  globe,  et  fit  des  hommes 
autant  de  bêtes  sauvages  qui  s'entre- déchirèrent 
pendant  des  siècles,  au  nom  d'un  Dieu  de  paix  et 
d'amour!  Ce  sont  là  les  fautes  de  l'Eglise,  elle  les 
a  bien  expiées... 

Elle  voulut  plus  tard  y  porter  remède,  mais  la 
plaie  était  trop  profonde,  trop  envenimée,  et  les 
remèdes  héroïques  qu'elle  employa^  l'inquisition 
par  exemple,  furent  une  faute  et  un  malheur  de 
plus.  Le  dix-septième  siècle  nous  consolera  un  peu 
de  tant  d'erreurs  et  de  désastres  :  ce  que  n'auront 


pu  faire  malgré  leurs  efforts  les  successeur  im- 
mëdiats  d'Alexandre  VI»  de  Jules  II,  et  de  Lëon  X, 
il  sera  donné  de  le  faire  aux  successeurs  de  Sixte- 
Quint  et  de  Clément  YIII,  et  aux  communautés 
religieuses  qui  se  fondèrent  sous  leur  pontiâcat. 
Nous  verrons  TEglise  ramenée  à  Torthodoxie  et  à 
la  vertu  la  plus  sévère,  par  la  force  du  principe 
catholique  qui  ne  peut  périr  ^,  et  par  les  desseins 
immuables  de  Dieu  sur  son  Eglise  ^. 


—  105  — 


*^^  %tt0**l^%é9/^fUt0t/V^^ 


CHAPITRE  HUITIÈME. 


—  »>  ■■ 


Nous  avons  donne  beaucoup  à  l'Église  dans  ce 
volume,  J3arce  que  l'Eglise,  au  XVF  siècle,  est 
presque  toute  l'hîstoîre.  Ainsi  l'invasion^  Char- 
lemagne ,  la  fëodalitë ,  les  croisades  ont  tour  i 
tour  captivé  Tattention,  assume  toutl'întërét  jus- 
qu'à cette  ëpoque;  ainsi  la  papauté,  la  réforme 
sont  toute  la  vie  du  XVI*  siècle,  l'Eglise  le 
centre  de  toute  action  et  de  toute  vie  ;  mais  pour 
cela  nous  n'abandonnerons  pas  les  parties  acces- 
soires, et  fidèles  à  notre  plan,  nous  continuerons 
la  revue  des  divers  éléments  de  la  civilisation  de 
chaque  époque ,  laissant  seulement  un  peu  plus 
d'espace  à  celui  qui  en  réclame  davantage. 

L'absence  d'idées  générales,  d'intérêts  généraux 
bien  compris ,  bien  appréciés  a  surtout  caracté- 
risé le  XVP  siècle  ;  la  société  en  souffrance  ne 
savait  ce  qui  pouvait  assurer  son  bien-être,  elle 
ignorait  même  ce  qui  lui  manquait  pour  exis- 
ter réellement.  Cette  recherche,  ce  travail  d'orga- 
nisation  fut   le  caractère  du  XV*;   tout   était 


—  106  — 

spécml.  11  refit  tout .  avec  des  idées  de  géné- 
ralité et  dWdre  iuconiius  avant  lui.  La  société 
en  un  mot  s'organisa ,  se  transloima|  se  créa  un 
gouvernement.  Toutefois  avant  de  réjjlementer 
et  de  réformer,  un  premier  travail  était  néces- 
saire: il  fallait  purger  TEurope  des  bandits  qui 
Tinfestaient.  (Charles  \  H  vu  vint  à  bout  en 
France  avec  les  compagnies  d'ordonnance  i  et  le 
paiement  régulier  de  la  taille  fut  le  prenûer 
résultat  de  railermissemeut  de  Tordre  2.  En  même 
temps  s'organisait  le  grand  instrument  du  pou-^ 
voÎTi  l'administration  de  la  justice:  les  parle- 
ments furent  successivement  établis  à  Grenoble^ 
à  Bordeaux^  à  Dijon  et  plus  tard  à  Rouen  et  à 
Aix.  Ces  corps  de  magi.slrature  travaillèrent  k 
établir  entre  eux  une  confédération  nécessaire  à 
leur  puissance,  prenant  en  général  pour  modèle* 
et  pour  guide  le  parlement  de  Paris ,  (|uî  était 
le  plus  ancien  et  celui  dont  la  juridiction  était  la 
plus  étendue  et  le  pouvoir  le  plus  éminent^.  Cet 
établissement  donna  les  moyens  de  recourir  à 
des  j^ges  plus  éclairés  et  plus  int^res  qfie  leB 
juges  sei|^euriaux  et  contribua  puissamméat  à 
améliorer  en  France  la  justice  seigneuriale* 

Louis  XI,  sous  lequel  celte  amélioration  de  la 
justice  et  cet  accroissement  graduel  de  Tordre 
devinrent  plus  sensibles,  opéra  une  véritable  révo- 

\ 


lutiou  dans   U  isanière  de  gouvemer.  Jnacpi^ 
lui  la  force  avait  été  le  seul  mobile,  il  iïwtnta  et 
mit  à  ]a  place  la  politique  et  la  diplomatie.  La 
persuaiâon»  l'adresse,  le  meosoQge,  aoe  prudence 
uae  dUsjnnuIatiQii  ex.eessivesfuFeiiitse&prifteipakflr 
armes"^  ;  apoies  U:ès-peu  coouues  jusqa^à  kii   efc 
très-peu  îippréciées ,  surtout  par  son  beau  cousioc 
de  Bourgogne,  Gharles-le-Te'méraire,  qui  pouïv 
vait  être  pria  pour  type  de  la  politique  des  siècles 
précérfenJU,  On  a  souvent  blâmé  Louis  XI  ^  on-  % 
voulu  flétrir  sa  mémoire,  et  il  est  vrai  de  dire  que 
cejbte  politique  nouvelle,  toute  de  mensonge,  dé 
finasaerie  et  de  duplicité  était  loin  d'être  morale^ 
m«ii&  eWe-  était  cependant  un  progrès ,  un  trè»- 
gran4  progrès,  puisque   la  supériorité  mteifeo 
tue  lia*  a  siutcédé  par  elle  à  la    supériorité  OMh- 
térielle  eb   qu'elle  a  été  une     transition    pooi^ 
ar<riv.ar  à  la^  diplomatie  qui  règle  le  d^it  de» 
n^toos.  etépai^ne  tant  de  sang,  à  ces  oégoeia^ 
tions^  de   souverains  à  souverain»  par  ambassa^- 
deurs  plioa  dignes  et  moins  odieuses  que  VqvA  ee 
qui  ay^ait}  précédée 

L(mis  Hix  eût  voulu  rassembler  les  coutàitiies 
des^  royaumes,  en  composer  un  code  unifonne^el 
lie  rendre  obligatoire  pour  toutes  les  provittce»|' 
cette  réforme  d'une  immense  utilité  resta^  e» 
projet-}. loFraucen^'était  pas  mdrepour  la  receroîi^- 


{ 


—  t08  — 

Quant  k  la  justice  criminelle^  toutes  les  fois  qu'elle 
se  trouva  mélëe  à  la  politique  elle  demeura 
livrée  au  plus  révoltant  arbitraire  :  le  prévôt 
Tristan  résumait  alors  à  lui  seul  toute  la  justice, 
mais  cet  arbitraire  même  était  un  bienfait  lors- 
qu'il s'agissait  de  punir  les  brigandages,  les  vols, 
ainsi  que  les  exactions  et  les  violences  des  gens 
de  guerre. 

Une  autre  révolution  opérée  par  LiOÛis  XI  et 
qui  se  rattachait  toujours  à  son  système  Jordre 
et  de  domination,  c'était  l'abaissement  sinon 
Textinction  de  la  noblesse.  En  France  comme 
dans  toute  l'Europe  les  guerres  du  moyen-ftge 
s'étaient  faites  avec  des  gentilshommes  suivis  de 
leurs  vassaux,  les  croisades,  la  prise  de  Gonstan- 
tiuople,  la  conquête  de  la  Grèce,  les  luttes  contre 
les  Turcs,  les  guerres  de  succession  avaient  eu  lieu 
avant  que  la  bourgeoisie  pût  y  prendre  part  ;  et 
reût-elle  pu^  trop  occupée  de  ses  propres  afl&ires, 
elle  n  y  eût  sans  doute  pas  songé.  Les  rois  de 
France  s'^entouraient  de  la  noblesse  ancienne  et 
la  plus  guerroyante.  Louis  s'attacha  à  augmenter 
les  privilèges  de  toutes  les  villes  importantes,  il 
permit  aux  bourgeois  de  ces  villes  d'acquérir  des 
fiefs  nobles  et  les  mit  au  niveau  de  la  noblesse.  Il 
fit  plus,  avec  son  œil  de  lynx ,  il  devina  les  capa* 
cités  et  les  prit  dans  tous  les  rangs,  de  préférence 


^  S09  -- 

dans  r^jtage  le  plus  bas  ;  il  courbait  tellement  ceux 
qu*il  admettait  à  ses  conseils^  qu^ii  nivelait  bar* 
bier ,  chevalier  ou  bourreau  sans  avoir  égard  à 
d'autres  qualités ,  à  d'autres    vertus  que  celles 
de    Tintelligence   et    de   l'activité ,    lorsqu'elles 
étaient  jointes  à  une  obéissance  passive.  Le  ciel 
sembla  Taider  dans   son  dessein  eu  décimant  à 
cette  époque  les  plus  grandes  familles  de  France 
et  dEurope  parmi  lesquelles  on  compte  dix-sept 
maisons  souveraines^;  et  la  mort  de  la  noblesse 
n'a  pasété,  comme  on  le  croit  communément,  une 
simple  chute  de  titre,  elle  a  été,  après  le  christia- 
nisme,  la  révolution  la  plus  profonde  qui  se  soit 
opérée  dans  le  sein  des  sociétés  modernes  ;  dans 
les  lois  des  peuples  la  mort  de  la  noblesse  cor- 
respond à  Tabolition  du  droit  féodal  et  à  la  for- 
mation   du   droit  civil  ;    dans    la    politique ,   la 
mort  de  la  noblesse  correspond  à  Tavènement 
des  bourgeoisies. 

Les  bourgeoisies  ont  donc  pris  la  place  de  la 
noblesse  dans  la  conduite  des  nations  ;  elles  ont 
envahi  et  conquis  toutes  les  fonctions  sociales ,  la 
juridiction,  la  guerre,  le  sacerdoce,  la  science^. 
Les  transformations  des  grandes  masses  d'hom- 
mes au  milieu  desquelles  on  voit  germer  de  nou- 
vellesidées  et  de  nouvelles  passions,  ne  sont  jamais 
soudaines,  les  siècles  les  ont  préparées  en  silence 
V.  U 


—  210  — 

et  un  œil  attentif  peut  seul  les  Jiscerder  à  tnvfM 
les  mille  faits  qui  se  croisent  et  détruisent  ISinité. 
Cependant  il  est  facile  de  comprendre  que  cette 
chute  de  la  noblesse ,  que  raccroissenlent  des 
lumières  protégées  par  Timprimerie  naissante  à 
dà  changer  la  face  de  Tétat  social  :  aussi  le  pas- 
sage du  XY^  au  XVl^  siècle  est-il  généralement 
considéré  comme  la  transi  lion  du  moyen^ge  aux 
temps  modernes  et  de  la  barbarie  à  la  cÎTilisation 
réelle ,  à  cette  civilisation  dans  laquelle  le  poil-' 
voir  et  la  liberté ,  les  lumières  et  les  vertus  ne 
s^exduent  pas  ». 

Malheureusement  les  successeurs  de  Louis  XI , 
loin  de  profiter  de  la  sagesse  de  ses  vues^  songè- 
rent surtout  à  l'agrandissement  du  territoire ,  et 
perpétuèrent  ces  chocs  de  peuple  à  peuple  qui 
les  aigrissent  au  lieu  de  les  rapprocher  par  cette 
douce  fralernité  qui  seule  peut  établir  le  botiheiif 
général.  Ils  attisèrcut  ainsi  ces  haines  nationalâl 
qni  ont  tant  retardé  les  progrès  de  la  civilisaticm 
européenne,  quand  tout  concourait  à  les  assurel*. 
A  l'intérieur ,  au  contraire,  Fénergie  leur  manqua 
pour  étouffer  les  complots  d'une  aristocratie  qtii 
relevait  la  tête.  Madame  de  Beaujeu  j  à  laquelle 
Louis  mourant  avait  remis  les  rênes  de  l'état 
pendant  la  minorité  de  Charles  ,  ne  trouvant  au- 
cun antre  moyen  de  sortir  d'embarras,  convoqua 


les  étAts^jgénérmx.  thxnoiê  aVftit  fortnë  une  Iig:tié 
de  {)riiicêft^  dont  le  but  était  d'eûleVer  à  la  l^o^âu^ 
té  tout  ce  qu'elle  avait  conqui»  de  forces  datië  le 
règne  ptëcëdeût ,  pour  le  rendre  h  l'eriâtocràtlè  ; 
cette  tentative  tomba  devant  k  mesure  haf die  ^ 
sage  de  la  régente.  Le  penple  rappiiyà,ear,  paf 
le  seul  fait  de  la  convocatioa  des  états,  la  fiatii:^ 
entrait  dans  Texercice  de  ses  droits  politiquë^^  et 
une  monarchie  représentative  s'établisëait.  Lé^ 
députée  convoqués  en  1484  représentaient  la  iicN 
blesse  ^  le  elergé  et  la  bourgeoisie.  Ils  siégèrent  àU 
nombre  de  â46.  L'assemblée  y  établit  : 

10  Qm  la  souveraineté  résidait  dans  le  peuple, 
composé,  non  de  la  populace  seulement,  mais  dé 
la  totalité  des  citoyens  ; 

2®  Que  ce  peuple  avait  le  droit  de  régler  par 
ses  députés  la  succession  au  trône ,  la  régence  et 
tontes  les  affaires  politiques  et  socialéis  d'une 
moindre  importance. 

Entrant  ensuite  en  fonctions ,  les  députés  com- 
posèrent le  conseil  du  roi  de  tous  les  princes  du 
sang^  de  quelques  ministres  du  dernier  règne  et 
de  douze  députés  dés  états-généraux. 

Tous  les  objets  de  législation  et  d'administrti- 
tion  devaient  être  examinés  par  le  conseil,  mais 
au  roi  seul  était  réservé  le  droit  d'expécKer  les  let- 
tres-patentes  ^  règlements  et  ordoonaiites.  Les 

U. 


—  ta  — 

AatJi  ferlèrent  aussi  souverainement  les  impôts 
selùn  la  naturelle  frofichiae  âe  France.  Ils  s*ë- 
levaient  sous  Louis  XI  à  quatre  millions  sept  cent 
mille  francs  ;  les  «^tats  les  rëduisirent  à  deux  mil- 
lions cinq  cent  mille  francs.  ILs  dëgrévèreot  quel- 
ques provinces  qui  avaient  été  écrasées  à  dessein 
par  Louis. 

Sur  tous  les  autres  objets  les  états  ne  statuèrent 
pins,  ils  requinent^  ils  supplièrent...  Chaque  corps 
écrivit  des  cahiers  de  sollicitations  :  ainsi  le 
cahier  de  TEglise  demandait  le  prompt  rétablis- 
sement do  la  Pragmatique,  pour  empêcher qu  *  les 
annates,  resserves,  expectatives,  indulgences, dé- 
cimes, dispenses,  n^attirassent  en  Italie  tout  Tar- 
gent  du  royaume,  et  que  les  dignités  et  bénéfices 
ecclésias!i(|ue8  ne  fussent  plus  conférés,  soit  à  des 
étrangers,  soit  à  des  hommes  sans  instruction  et 
sans  mœurs.  Le  clergé  réclamait  de  plus  ses  im- 
munités et  privilèges,  souvent  violés  par  Louis  XL 
Les  nobles  demandaient  qu^on  ne  convoquât  que 
dans  les  plus  grands  dangers  le  ban  et  Tarrière- 
ban  ;  que  leurs  vassaux  ne  fussent  plus  tenus  de 
servir  que  sous  leur  bannière  ;  qu'on  rendît  leur 
droit  de  chasse  aux  seigneurs ,  etc.  La  bourgeoisie 
suppliait  le  roi  de  la  mettre  à  Tabri  des  vexations 
des  agents  du  fisc  et  des  violences  des  gens  de 
guerre;  de  supprimer  lesoflices  inutiles,  de  ré- 


duire  les  traitements,  de  proscrire  les  cumuls  et 
de  diminuer  les  pensions. 

Les  trois  ordres  insistèrent  pour  que  les  justices 
préyôtaies  fussent  abolies  et  qu'aucun  citoyen  ne 
pût  être  distrait  de  ses  juges  naturels.  Ils  récla- 
mèrent l'interdiction  de  tout  commerce  aux  offi- 
ciers de  justice  et  de  finances ,  et  un  grand  nom- 
bre d  autres  améliorations.  Enfin  rassemblée  de- 
manda à  être  convoquée  tous  les  deux  ans. 

Malheureusement  pour  la  France^  les  réformes 
utiles  ne  furent  exécutées  qu'à  demi  ;  chaque  classe 
réclama j  de  nouvelles  ligues  se  formèrent,  et  la 
discorde  éclata  partout,  parce  qu'une  direction 
unique  et  puissante  n'était  point  imprimée  au]$ 
affaires  de  l'état.  Charles  VIII  enti*aina  la  France 
dans  une  autre  voie,  celle  des  conquêtes,  et  toute 
amélioration  fut  ajournée.  L'assemblée  de  iUSU 
ne  fut  qu'un  jalon  pour  l'avenir. 

Ces  guerres  incessantes  avaient  occupé ,  d  Sa- 
bord ,  et  plus  tard  ruiné  et  décimé  la  haute  aristo- 
cratie; Louis  XII,  débarrassé  de  ce  côté,  régoa 
sans  é tats- généraux  ^,  mais,  hâtons-nous  de  le 
dire ,  il  ne  profita  de  son  pouvoir  arbitraire  que 
pour  faire  le  bien  plus  facilement  et  plus  vite  , 
pour  améliorer  la  condition  du  peuple  et  accroî- 
tre la  prospérité  du  pays  «o.  11  fut  pour  le  peuple 
ce  que  madame  de  Staël  appelle  spirituellement  2//t 


acddêni  heurêus.  H  eût  ëtë  mieux  pour  la  nation 
que  Louis  XII  s'attachât  à  consolider  le  bienfait 
d'une  monarchie  représentative  :  la  Fiance,  ajnsi 
gouyeniée  ,  n'eût  probalilement  pas  paissd  par  le^ 
épreuves  tLTribles  de  Tabsolutisme  et  de  l'anar^ 
chie  réactionnaire  qui  l'a  suivi. 

Frampois  T^  proGta  d^es  dispositions  de  f^^ouisXU 
et  remplaça  la  monarchie  mixte  de  ses  trois  pré- 
déresseurs  [)ar  la  monarchie  absolue ,  sans  racoiJr 
rir  au  concours  d'aucun  des  ordres  et  corps^  de 
Télai.  Il  négocia  en  lôl6,  avec  le  pape  Léon  X, 
le  poucordat  destiné  à  remplacer  la  PragmatiqMe* 
Le  clergé  et  Tuniversité  de  Paris  ^^y  opposèrenl; , 
\&  parleinc!Ji  rel'usa  d'cnni^isirer,  le  roi  mep?,^ 
ru;nvi'i'si(é  delà  privaliou  de  ses  privilèges  et  le 
paileuu'ut  (lelVxil.  \U  oI)éireut,  mais  en  protes- 
laut  que  lu  i'urcc  seule  les  faisait  céder.  Une  fois 
engagé  dans  celte  route,  François  F*"  ne  s  arrêta 
pas.  Il  supprima  les  état^-généraux  et  les  remplaça 
par  une  assemblée  composée  de  notables ,  qui  ne 
prit  aucune  part  aux  aflfaircs  intérieures  et  au  gour 
vernement.  L'absolgtisme  était  complet,  ilne^V 
gij^ait  plus  que  de  le  formuler?  et  le  roi  y  pourvut 
en  ejjtployant  le  premier  dans  ses  édits  les  mots: 
Car  tel  est  noire  bon  plaisir.  Ce  qui  restait  de 
puissance  aux  princes  du  sang,  à  la  noblesse  el;  aux 
villes  ne  suffisait  pas  désormais  pour  disputer  ^  la 


—  «46  — 

rpjauté  Tautorité  exclusive  qu'elle  s'iétait  attri- 
buée; il  fallait  qu'ils  trouvassent  un  auxiliaire 
dans  UD  principe  nouveau  qui  rendit  des  chances 
de  svpcès  à  une  nouvelle  lutte  contre  le  trône.  Ce 
principe  dit  la  liberté  de  conscience  et  la  réforme 
religieuse. 

Le  règne  de  Henri  II  fut  l'apogée  du  pouvoir 
royal  jusqu'au  despotisme  de  Richelieu  et  de 
Louis  Xiy  ;  peu  à  peu  s^étaient  évanouies  les  der- 
nières |;races  de^  franchises  communales  et  das 
droits  des  états  :  une  seule  assemblée  de  notables 
fut  copvoquée  en  1558,  après  la  bataille  deSaint- 
Quentip,  pour  obtenir  des  subsides;  encore  ces 
notables  furent~ils  tous  nommés  par  le  roi... 

Quanta  la  justice^  Henri  institua  de  nouveaux 
juges  nommés  pvcsidiaux^  devant  lesquels  on 
pouvait  appeler  à^^^  sentences  des  tailles,  et  per- 
pétua 1?  vénalité  introduite  sous  le  dernier  règnie, 
cp  créant  soixante -dix  charges  nouvelles  au  par- 
lement de  Paris,  qui  toutes  furent  livrées  à  ^t& 
j^ix  exorbitants.  Cet  abus  ,  qui  provoqua  les 
plaintes  éloquentes  du  président  deTliou^  rabaissa 
la  dignité  de  la  magistrature.  Enfin  ,  on  trouve 
encore  à  cette  époque  déplora J)lc  ,un  4^rnier 
exeqiple  (}e9  combats  judiciaires  ^'. 

A  la  mPrt  de  tiei;^ri  II ,  dont  le  règne  fut  un/e 
Qouv/Blle  preuve  des  écueils  nombrieux  dis  ji^absp-- 


—  «6  — 

lutisuie,  un  nouvel  état  de  choses  commença.  La 
monarchie  absolue  peVit,  les  Français  Tëchangè- 
rcnt  contre  un  singulier  mélange  de  royauté,  d'aris- 
tocratie et  de  démocratie  dans  lequel  rien  n^était 
iixé  ni  coordpnné.  Sous  François  II  et  Charles  IX 
le  renouvellement  des  états  généraux  rendit  à  la 
nation  une  part  de  souveraineté  dentelle  était  pri- 
vée depuis  Louis  \I,  et  la  hitte  religieuse  donnaà 
la  partie  calviniste  du  peuple  une  liberté  que  sanc- 
tionna redit  de  Nantes,  et  que  la  faiblesse  d'Hen- 
ri III  refusa  et  laissa  prendre  ;  elle  laissa  périr  pièce 
à  pièce  Tordi^e  politique  établi  sousLouisXI,  etle 
pouvoirabsoluétabli  par  François  P"'  ^^.  La  France 
reprit  sous  Henri  IV,  Richelieu  et  Louis  XIY,  cet 
ordre  sans  lequel  un  état  ne  peut  long -temps 
exister,  cette  énergie  qui  donne  le  calme  et  qui 
amène  à  son  tour  d'autres  maux...  Mais  cette 
époque  n*est  plus  la  nôtre  :  après  ce  rapide  coup* 
dœil  sur  Tétat  politique  et  social  de  la  France, 
parcourons  plus  rapidement  encore  les  autres 
contrées  de  l'Europe.  Nous  y  verrons  le  même 
travail  d'organisation,  cette  lutte  de  rintelligence 
contre  la  force,  des  lumières  contre  la  barbarie, 
de  Tordre  contre  Tanarchie. 

Commençons 'notre  course  par  TAngleterre. 
Quel  spectacle  oflFre-t-elie  à  la  même  époque  ? 
La  guerre  étrangère    et    la    guerre    civile,    ia  . 


—  217  — 

lutte  des  deua;  roses  au  dedans,  la  lutte  contre  la 
France  au  dehors.  Toutes  deux,  en  épuisant  les 
forces  du  royaume^  concentrèrent  la  puissance 
entre  les  mains  de  la  royauté.  Henri  V  en  profita 
le  premier  et  quand  arriva  le  terme  des  débats 
sanglants  des  maisons  d^York  et  de  Lancastre, 
ses  successeurs  ne  laissèrent  plus  reprendre  le  des- 
sus à  une  aristocratie  affaiblie  et  ruinée  ^'.  Avec 
Henri  VII ,  le  premier  des  Tudors,  commença 
l'ère  de  la  centralisation  politique  que  nous  ve- 
nons de  remarquer  en  France  et  que  nous  retrou- 
vons en  Espagne. 

Ici,  le  XV  siècle  amenait  la  fin  de  la  conquête 
de  Grenade  et  de  la  longue  et  dramatique  lutte  des 
Chrétiens  et  des  Arabes.  L'union  de  Ferdinand  et 
d'Isabelle  unissait  les  deux  principaux  royaumes, 
la  Castille  et  TAragon  ;  et  le  pouvoir  royal  aidé 
de  rinquisition  saisissait  les  rênes  d'une  main 
ferme.  Le  temps  où  les  Gortès  signifiaient  au  roi  de 
dépenser  cent  cinquante  inaravédis  par  jour ^  et 
pas  davantage,  et  de  recommander  aux  gens 
de  sa  suite  de  manger  plus  modérément  ^^,  était 
bien  loin  des  mœurs  du  XV*  et  XVP  siècles.  Phi- 
lippe I"  et  Charles  P'  firent  des  lois  sans  consul- 
ter les  Coriès;  Philippe  II  et  sessucccsscMirs  abo- 
lirent tous  les  privilèges  constitutionnels.  Des 
tentatives  étaient  faites,  il  est  vrai,  par  le  peuple 


—  Î18  — 

pour  ressaisir  le  pouvoir  :  une  pétition  datée  de 
1555  demandait  que  les  lois  passées  dans  les  Cor- 
tès  pe  pussent  être  révoquées  que  par  les  Coûtes  ^'; 
mais  le  caractère  de  Tépoque  se  peint  en  eqtier 
daps  la  réponse  :  «  à  ceci  nous  répondrons  qpe 
nous  agirons  comme  il  convient  à  notre  gpUYfer- 
nement.  »  Les  représentants  de  la  Castille  ne  ces- 
sèrent pas  pour  cela  d'élever  leurs  voix  patrio- 
tique contre  les  ordonnances  illégales ,  mais  ces 
remontrances  faites  dans  les  termes  les  plus  res- 
pectu.ciix  furent  peut-être  en  ce  pays  les  deraiers 
accens  de  la  liberté  mourante  ^^. 

En  Allemagne,  quoique  plus  lentjement  peut- 
étre,  la  mémo  marche  des  choses  avait  lieu,  et  la 
çonditiojp  politique  des  nations  subissait  des  trans- 
formations analogues.  D'abord  l'empire  de  Char- 
lemagne,  fractionné  par  les  princes  yassaux, avait 
dpn.né  naissance  à  une  multitude  de  s0uv.er9inet.es 
dont  l'indépepdance  semblait  résider  dans  la  par- 
nianence  de  leurs  querelles.  Ces  quejrcljles  se  vi- 
daient toujours  par  le  mojep  des  afugiies  et  ^y^ 
toute  l'atrocité  des  temps ^  la  trahispqi  et  lassas- 
§îpat  étaient  le  fruit  et  la  fin  des  pjL^goci;9ljioo$  les 
mieux  conduites.  La  couropne  impériale  n  fitait 
plus  qu'un  Q091 ,  et  S9  médiation  j  ijjb^soirjç.  Les 
papes  avaient  profité  de  la  faiblesse  d^  suicces- 
mUY^  immédiats  de  Charl.eni^gne^,  pour  sarroger 


sur  l'empîrç  upe  juridiction  nncQxe  plus  ^b;w|p9 
que  sur  )e  reste  du  monde  prosterné  à  lieyrs  pfei}^, 
Les  factions  des  Guelfes  et  des  Gîbelîijs  ay^i/epl; 
je^s^ngl^pté  à  la  fois  rAllemagne  et  llt^lie,  trois 
siècles  d^^i'^nt.  Les  formes  seules  de  ]^  subordip^r 
tion  féodale,  dit  Robertson,  conservaient  ^u% 
débris  de  l^mpire  une  apparence  de  liaispn  et 
de  dépendance  respective.  Les  peuples  g.éip?^- 
saient  $ous  les  maux  inséparables  d'un  tel  ordre 
de  ch.QS/es.  L'oppression,  les  rapines,  les  putr^gcs, 
tpuf  le  cortège  inévitable  des  guerres  pa^tipiir 
lières,  pesaient  sur  la  Germanie,  I^  con^ipierçe 
et  rjndustrie  étaient  paralysp's.  L'excès  des  pai- 
$ère^  publiques  provoqua  e^fin  quelques  ffinjL^-^ 
livcs  d'juj]ii/>u  de  Ij^  part  des  co^u^nuneç  ROfl^fi  l^ 
jjobji'sse.  Le3  cercles /et  leurs  juridictijopâ  prpvinir 
cibles  fwr.ept  créés;  mais  les  désordres  et  les  mal- 
Leurs  publics  n'eurent  véritablement  un  ternje 
.et  pn  fr^in  que  sous  Maximilien  V'^  qui  foff.d? 
définit iyempnt  J^  prépondérance  de  s^  iqtai/sp^ 
et  l'exercice  régulier  de  Ta.utorité  /cepjtr^le* 
Cliarles  VII  avait,  le  premier  en  France,  créé 
pour  le  maintien  de  l'ordre  une  milice  perma- 
nente; jie  prjemier  aussi,  Maxii^jlie^ ,  dan$  ^i^ 
étals  héréditaires,  atteint  le  ipeme  but  par  Ip 
même  /cnoye^i.  Louis  XI  avait  établi  ^a  FrajpÀip 
Si  poste  ai^x  lettres,  Maximilien  l'int^odifit  qa  AJ- 


—  «0  — 

lemagnej  partout  les  mêmes  progi*ès  de  lu  civi- 
lisation sont  pareillement  exploités  au  profit  du 
pouvoir  central  ^'. 

En  Italie,  si  la  royauté  ne  s'établit  pas,  la  tur- 
bulente deHioci^atie  s'etciiit  devant  Tunité.  Le 
pouvoir  tombe  entre  les  mains  d'une  famille 
riche,  puissante,  ou  considérée.  Dans  le  Nord,  le 
duché  de  Milan  absorbe  les  républiques  Lom- 
bardes; Florence,  si  iinlente  à  défendre  ses  pri- 
vilèges, n^en  tombe  pas  moins  sous  la  domination 
des  Médicis,  Gènes  devient  sujet  des  Milanais, 
Naples,  d'un  souverain  étranger  ^*... 

Les  autres  Etats  de  l'Europe  n'apparaissent  en- 
core que  sur  un  plan  fort  reculé,  et  nous  ne  les 
amènerons  pas  sur  la  scène  du  monde  politique 
avant  qu'ils  y  aient  conquis  un  rang  ^^  ;  il  nous 
suffisait  de  constater  ce  fait  que  les  nations  et  les 
gouvernements  de  ces  deux  siècles  tendaient  au 
même  but  :  la  centralisation,  l'unité.  Les  libertés 
traditionnelles  périssent,  des  pouvoirs  nouveaux 
s'c^^vent  plus  concentrés,  plus  réguliers,  plus 
forts. 

Le  cadre  que  nous  nous  sommes  imposé ,  et 
la  route  toujours  plus  pleine  et  plus  pressante 
que  nous  avons  encore  à  parcourir,  nous  inter- 
disent des  détails  que  nous  eussions  aimé  à  donner 
à  nos  lecteurs.  Nous  avons  essayé  d'y  suppléer 


—  aai  — 
en  iodiquantlessources  auxquelles  peuvent  puiser 
ceux  d'entre  eux  quî,  après  avoîr  vu  ce  tableau 
succinct,  voudront  en  étudier  les  diverses  par* 
ties.  Gela  dit,  nous  ne  pouvons  mieux  terminer 
ces  données  sur  l'état  politique  et  social  de  l'Eu- 
rope, que  par  les  belles  paroles  tombées,  en  1828, 
de  la  chaire  de  M,  Guizot  :  «  C'est  au  XV®  siècle 
que  les  relations  des  gouvernements  entre  eux  ont 
commencé  à  devenir  fréquentes,  régulières,  per- 
manentes. Alors ,  se  sont  formées  pour  la  pre- 
mière fois,  ces  grandes  combinaisons  d'alliance, 
soit  pour  la  paix,  soit  pour  la  guerre,  qui  ont 
produit  plus  tard  le  système  de  l'équilibre  ;  la 
diplomatie  date,  en  Europe,  du  XV^  siècle...  Le 
nouvel  ordre  de  faits  a  été  très-favorable  au  dé- 
veloppement delà  royauté!  D'une  part^  il  est  de 
la  nature  des  relations  extérieures  des  états  de 
ne  pouvoir  être  conduites  que  par  une  seule  per- 
sonne ou  un  petit  nombre  de  personnes,  et  d'exiger 
un  certain  secret;  de  l'autre,  les  peuples  étaient 
si  imprévoyants,  que  les  conséquences  d^une  com- 
binaison de  ce  genre  leur  échappaient  j  ce  n'était, 
pas  pour  eux  un  intérêt  direct,  intérieur;  ils  s'en 
inquiétaient  peu^  et  laissaient  de  tels  événements 
à  la  discrétion  du  pouvoir  central.  Ainsi,  la  di- 
plomatie en  naissant  tomba  dans  la  main  des 
rois;  et  l'idée  qu'elle  leur  appartenait  exclusive- 


—  î«  — 

metity  que  leur  pajs,  même  libre,  même  ayant  lé 
droit  de  voter  ses  impôts,  et  d'intervenir  dans 
Ses  affaires,  n'ëtait  point  appelé  à  se  mêler  de 
Celles  dà  dehors  ;  cette  idée,  dis-je,  s'établit  dans 
tous  les  esprits  en  Europe  comme  un  principe 
convenu^  une  maxime  de  droit  commun. ••  Scms 
quel(}ue  point  de  vue  que  se  présente  à  nous  Thi^ 
ioil*ë  de  rËiu*ope,  à  cette  époque,  soit  que  liOi 
regards  se  portent  sur  Fétat  intérieur  du  pays^  Ob 
sur  les  relations  des  pays  entre  eux,  soit  que  nous 
côrïsidérions  Tadministration  de  la  guerre,  de  la 
justice,  des  impôts,  partout  nous  trouvons  le 
ihéme  caractère  ;  partout  nous  voyons  la  même 
tendance  à  la  centralisation^  à  Tunité,  à  la  for- 
mation et  à  la  prépondérance  des  intérêts  géné- 
raux, des  pouvoirs  publics.  C'est  là  le  travail  caché 
du  XV^ siècle,  travail  qui  n'amène  encore  aucun 
résultat  très-apparent,  aucune  révolution,  pfo- 
prekttent  dite,  dans  la  société,  mais  qui  les  pré- 
pare toutes  20. , .  » 

Le  ÎVI«  siècle,  nous  Pavons  dit,  acheva  Tosavre 
du  XV®  :  tout  occupé  de  ses  affaires  religieuses, 
et  bien  que  contrarié  par  les  idées  d'examéû  et  de 
liberté  qui  découlaient  de  la  réforme,  il  trouva 
un  travail  commun,  le  suivit  et  Paméliora.  La 
ceiitràlisation ,  l'autorité,  qui  en  étaient  la  base 
et  la  conséquence,  parvinrent  à  Papogée  de  là 


-£28- 

puissaace  avec  le  XYII°  siècle  et  Loui»  XIV}  une 
rëactiou  contraire  les  mina  et  les  renversa  au 

XVIIP. 

Napoléon,  par  une  autre  réaction  pli|s  violente, 
et  plus  prompte,  les  re'tablit  pour  un  temps  li- 
mité, et  de  toutes  ces  oscillations  est  née  une  li- 
berté sage,  réglée,  plus  mesurée  et  plus  solide- 
ment assise  :  celle  dont  nous  jouissons  aujour- 
d'hui. 


— 1««^  — 


>.%^^%<»^f»l%^^^  %%*^<^»< 


CHAPITRE  NEUVIEME. 


A  mesure  que  la  civilisation  avance  et  que  tout 
tend  vers  Tunité  ,  les  divisions  doivent  nécessai- 
rement s'effacer.  Quelque  désir  que  nous  aj^ons 
de  conserver  un  pian  unifonne,  cela  devient  im- 
possible :  comment  en  effet  peindre  les  mœurs  de 
château ,  les  mœurs  féodales  quand  il  n'j  a  plus 
de  féodalité ,  les  mœurs  chevaleresques  quand  il 
n'y  a  plus  de  chevaliers ,  les  mœurs  de  la  corn* 
mune  quand  la  commune  n'est  plus  qu'une  do 
mille  parties  toutes  semblables  de  TEtat ,  sans  c»-j 
ractère  spécial?  Que  faire  alors?  Prendre  au  ha- 
sard, sans  ordre,  ni  plan  ,  tous  les  traits  carac-; 
téristiques  de. l'époque  que  nous  voulons  peindre» 
les  présenter  naïvement  tels  que  nous  lestrouyoni^ 
sans  divisions ,  sans  compartiments  arrêtés  à  Fi 
vance.  Peu  de  mots  suffiront  pour  tirer  de  ce 
bleau  les  enseignements  qu'il  contiendra.  Jel 
d'abord  un  coup  d'œil  sur  les  mœurs  privées, 
la  famille  et  sesdi verses  phases  comme  sur  les  li( 


—  «t5  — 

tii  la  rattachent  à  la  grande  association  ,  &  la  pa-^ 
rie  ;  nous  essaierons  ensuite  de  présenter  les  dif^i- 
Srences  qui  existent  de  peuple  à  peuple  dans  la 
»atrie  commune  dont  nous  retraçons  THistoire; 


Le  Christianisme,  on  le  sait,  a  changé  con^ 
^lètement  le  point  de  rue  du  mariage  ;  de  là  là 
iëvëritë  pour  le  concubinage  des  clere^  et  même 
les  laïques  ;  mais  à  k  sainteté  du  mariage  ohré'* 
tien  et  à  son  caractère  inviolable  étaient  mêlés  les 
Qiages  que  les  mœurs  de  Fépoque  amenaient  et 
changeaient  souvent.  On  est  déjà  accoutumé  par 
k  récit  des  mœurs  féodales  à  ces  détails  plus  que 
singuliers;  nous  les  retrouverons  non  moins  ex* 
travagants  au  XV^  et  même  au  XV P  siècle;  la 
raison  humaine  marche  lentement  ;  et  ce  n'est 
qu-après  des  tâtonnements  sans  fin ,  des  essais  de 
tout  genre ,  que  nous  sommes  parvenus  à  cett^ 
simplicité  digne  qui  nous  est  maintenant  si  natu- 
relle ,  que  nous  rions ,  ^ans  pouvoir  y  croire,  aux 
naïves  folies  de  nos  pères.  C'est  en  Allemagne 
surtout  que  se  trouvent  les  usages  les  plus  singu<^ 
liers  :  nous  y  voyons  Martin  Luther,  le  grand 
informateur  lui*méme ,  assistant  à  la  noce  d'une 
jeune  fille ^  conduisant  la  mariée  ,  et  enlevant  à 

l*époux  un  soulier  qu'il  place  sur  le  ciel  du  lit , 
V.  15 


afin  de  lui  donner  ainii  la  supreioatie  ol  le  gofir 
veruenent  de  k  SGiaUoii  ^ 

Le  mariage  était  regardé  cQuioie  conaonmé 
lorsque  la  couvartiuc  avait  été  étendue  piur  )|^ 
deux  époux  ;  les  parents  et  les  amis  jetaient  alcHrs 
leui*s  cadeaux  sur  le  lit  ;  le  matin  on  servait  au 
nouveau  AMMi^le  un  meta  ^u'il  mai^i^i  d^pioîçîé. 
Chez  Les  riches ,  c'4taijt  ^ne  poule  r^tiiQy  ffâ^'w^ 
appelait;  poul^  de^  ttoces,  Q^é^ii  epiçpfe  au  jlij^ 
qu'ik  payf^^iit  les  d^Um  ^  mwiage  ;  ^W?'» 
comme  ie  mrévQuhU  b^'nistr^M  Ut  dostH^mg^ 
riet^  Les  diz  variez,^,  dirent  que  le  lit  t^  Jiém^ 
jab&mistj  se  Us  n^ avaient  de$  difi  mmiez  deu^, 
fmsncs  d'or  pouvles  orilUera....  les  varies^  4fi^4ii 
•hammel ,  à  {fui  ht  droit  des  orUUeffS  0fpafft§uitût^ 
.  A  en  croire  Baluse  ^  le  mari  qui  batt#Â%.||l 
£emme  sans  ,exces  y  ne  vîc^it  fias  la.  paÂx.  dii«  tté^ 
tnagé^  et  l'on  bafouait  oeluÀ.qui  se  laisÀailtjp^li^ 
•par  «sa  moitié)  les  :maris  xjuise  laissent  b&tbMi 
pflir  leurs  femmes»  dit  la  «outuipe  de  Senlid^iMp 
ixmtamtrains  et  ca^dempne^  à  ch^ifaUGhifir.  itm 
rosne,  le  visaige  par  deiêers  la.qwîuedit'ditm$Mk 
hèShùïûxxmes  deSakâto^ge^deDrou^yet  daphir 
jsisnRs  autres  villas  âoM  €K)Q£orine9  en  cela  àioaUii 
tdeSenlis;  etlecapoirail-on?  quelques  petites  mSÙm 
.des  Gévennes  cQnsei*vent  encore  cet  usaga^  an 
JiJEX*  siècle!... 


^  Allemagne^  les  femmes  eaceintes  pouvaient, 
pour  satisfaire  leur  envie^  preadre  à  leur  volonté 
des  fruits  ,  des  légumes,  et  jusqu'à  dçs  vQlailles  ^ 
sans  être  passibles  crauc^ne  peine.  Bien  plus ,  le 
scheff  est  cFavis  que  les  gens  de  Schonaw  doivent 
entretenir  un  verger ,  afin  que ,  si  une  femme  vient 
à  passer  y  elle  puisse  contenter  son  envie,  e^  quHl 
n^y  ait  dommage  plus  grave... 

En  France  9  les  niariages  des  veuves  pu  noces 
réchauffées  *,  devaient  avoir  Ueu  la  nuit.  Le  ma-' 
riage  de  la  reine  Ëléonor  avec  François  P^,  le  roi 
lui-même!  fut  célébré  un^  heure  devant  le  jour  K 

Jusqu'au  rt^ne  de  Henri  III  en  France ,  on 
coucha  nu  à  nue ,  ce  qui  donna  lieu  au  provei*be 
où^  en  voulant  parler  d'une  promesse  difficile  à 
tenir,  on  disait  :  elle  ressemble  à  celle  d'une  ma- 
riée qui  voudrait  entrer  au  lit  en  chemise  ^. 

Les  promesses  de  la  mariée  ,  cbez  les  pauvres 

cultivateurs  de  France   au  XV ^  siècle,   avaient 

qu^kpie  diQse  de  touchant  :  Je  te  prends .  disait* 

elle  9  à  espoux  et  mari ,  et  te  promets  que  je  te 

porterai  §oj  et  loyauté  de  mon  corps  et  de  mes 

biaos,  et  cy  te  garderai  sai;^  et  malade  en  quel- 

qu'estat  qu'il  plaise  à  Dieu,  que  tu  sois  ne  pour 

]^e  ne  pour  meilleur ,  je  ne  te  changerai  }us(pi^à 

là  mort  ^. 

La  foniie  la  plus  dure ,  la  plus  oppressive  et  la 

15. 


—  2Î8  — 

plus  choquante  du  mariage  dans  les  temps  de  féo- 
dalité, citait  la  marquette  (cazzagia);  mais  rien 
n'indique  que  ce  droit  honteux  ait  jamais  étë  pajë 
en  nature.  Il  se  rachetait  dans  le  nord  de  l'Eu* 
rope  ;  en  Ecosse ,  on  donnait  un  certain  nombre 
de  vaches;  on  payait  encore  à  Ulva,  après  le 
XVr  siècle ,  la  mercheta  mulierum  *. 

En  France ,  les  ecclésiastiques  eux-mêmes  per- 
cevaient quelquefois  ce  droit  bizarre  en  qualité  de 
seigneurs ,  et  il  existe  un  arrêt  du  19  mars  1&09 
qui  défend  à  l'évéque  d'Amiens  d'exiger  une  in- 
demnité des  personnes  nouvellement  mariées  ?. 

Ce  droit  aboli ,  il  en  resta  long-temps  encore 
un  autre  beaucoup  plus  tolérable  :  c'est  celui  qui 
enjoint  aux  nouveaux  époux  «  de  convier  lesser- 
jenns  du  seigneur  au  mets  de  mariage,  lequel  dit 
mets  doit  être  composé  d'un  membre  de  mouton, 
deux  poulets ,  quatre  quartes  de  vin  valant  quatre 
pintes,  quatre  pains,  quatre  chandelles  et  dn  sel, 
et  cela  1^  jour  des  espousailles  en  peine  de  60  sois 
parisis  d'amende. 

Le  prêtre  ou  chapelain^  après  la  célébration^ 
aura  aussi  ses  plats,  et  les  exigera  si  besoin  est 
publiquement,  sous  peine  d'excommunication  ••• 

On  rencontre  encore  une  redevance  à  peu  près 
pareille  en  1615. 

Un  droit  plus  beau,  plus  humain  du  moins, 


—  220  — 

s^il  n'est  pas  plus  fondé  sur  la  raison ,  c^est  celui 
qu'a  eu,  jusqu'au  XVF  siècle,  en  France,  une 
jeune  fille  de  sauver  un  criminel  en  Tépousant  : 
on  lit  dans  le  journal  dW  bourgeois  de  Paris, 
écrit  en  1429  :  «  Au  moment  où  Pan  allait  exe-- 
cuterwi  très  bel  jeune  fils ,  dUens^iron  i^ingt-quatre 
ans^  qui  aurait  fait  des  pilleries  autour  de 
Paris ,  une  jeune  fille ,  ne'e  des  Halles ,  le  pint 
hardiem^nt  denuinder;  et  tant  fit  par  son  bon 
fourchas ,  qu^il  fut  remené  au  C/uistellet,  et 
depuis  furent  espousez  ensemble.  » 

Un  édit  de  Henri  II  défendait  aux  Français  de 
donner ,  en  mariage ,  une  dot  de  plus  de  dix 
mille  livres  tournois  et  condamnait  les  contreve- 
nants à  une  forte  amende.  Il  était  aussi  défendu 
aux  financiers  de  donner  à  leurs  filles  plus  du 
dixième  de  leurs  biens.  L'amour  de  la  réforme 
dégénérait  en  minutieà  cette  époque  :  L'Hôpital, 
après  avoir  réglé  tous  les  détails  de  rhabillement 
des  Français  par  l'édit  de  janvier  1563 ,  descendit 
à  ceux  des  repas  :  il  régla  gravement  le  nombre 
de  plats  qui  pouvaient  couvi'ir  la  table.  «  Qu'en 
quelques  noces ^  dit-il,  banquets,  festins,  ou 
tables  privées^  que  ce  soit  n'y  ait  plus  de  trois 
services^  à  savoir  :  les  entrées  de  table,  puis  la 
chair  ou  poisson  et  finalement  l'issue.  »  Il  ne 
permet  que  six  plats  à  chaque  service ,  et  défend 


—  250  — 

de  les  doubler  ;  «c  comme ,  par  exemple  >  ne  se 
pourront  servir  deux  chapons ,  deux  lapins^  deux 
perdrix^  mais  seulement  un  de  chaque  espèce.  « 
It  est  ptds  indulgent  pour  le  rôti.  «  Quand  aux 
l^oulels  et  pigeonneaux  se  pourront  ser vif  josqu^à 
trois;  allouettes,  une  douxaine^  grires, bëcassines 
et  autres  tels  oiseaux,  jusqu'à  quatre,  et  ainsi 
d'espèces  semblables  selon  la  diversité  des  pays 
à  qui  nous  chargeons  nos  juges  de  pourvoir  plus 
particulièrement.  »  Cette  effrayante  sobriëlë  ne 
pouvait  qu'irriter  rt  indisposer  les  grands  sd- 
gnenrs  de  la  cour  de  Catherine.  Mais  Phomme 
d'e'tnt  tenait  peu  de  compte  des  plaintes  des  cour- 
tisans, do  plus,  il  défendait  de  hanter  les  ca- 
barets, et  sa  vîgihuice  infatigable  ne  s'arrêtait 
point  à  ces  réformes,  elle  s'occupait  même  du 
prix  des  comestibles  j  la  main  qui  avait  rëdîgé 
tant  d*édits  profonds  signait  des  ordonnances 
pour  la  vente  de  la  volaille.  Imitant,  en  cela , 
Texemple  de  Charlemagne,  il  ne  croyait  pas  in- 
digne de  lui  de  diminuer  la  misère  du  pauvre  en 
prévenant  la  cherté  des  objets  de  première  né- 
cessité. 5 

Les  répressions  ,  dont  nous  venons  de  parler, 
touchaient  peu  les  habitudes  bourgeoises  des  pro- 
vinces; voici  le  menu  d'un  repas  de  ce  genre  en 
Champagne  au  XVl^  siècle  : 


-  «51  ^ 

«  Tous  les  jours  le  pot  bouillant  est  placil  au 
milieu  de  la  table.  11  ent  rclev({  par  un  grand  plat 
de  mouton,  de  veau  et  de  lard.  A  la  fin  du  repas 
on  porte  avec  le  fruit  une  tarte ,  un  gftteaa ,  et 
c'est  tout.  Avec  cela  du  vin  rouge  ou  bbmc  dans 
des  verres  dont  le  fond  est  garni  de  pimpre- 
nelle.*»  » 

On  se  moquait  encore ,  à  C6tte  (époque  »  du 
ridicule  usage  de  manger  avec  une  fourchette. 
Cette  fantaisie  nouvelle,  de  ne  plus  se  servir  des 
doigts  y  avait  bien  pu  gagner  Paris,  disait-'On, 
mais  a  coup  sAr,  elle  ne  gagnera  pas  les  cam- 
pagnes ^•.  Apri^H  le  repas,  la  prière,  qui  se  re- 
nouvelle au  nionient  où  l'on  se  s($pnre  pour  se 
coucher,  et  5  laquelle  on  Joint  l'oraison  du  vo^^a- 
geur  s'il  y  eu  a  quel([u*un  de  pressent  ^'. 

Dans  les  maisons  plus  riches,  et  qui  tenaient 
le  milieu  entre  la  petite  bourgeoisie  et  la  haute 
noblesse,  il  y  avait  moins  de  respect  pour  les 
prières,  et  plus  d'attention  au  menu  des  repas, 
avant  les(|uels  on  avait  soin  de  mener  les  convies 
au  bain  ^s. 


Ce  que  nous  venons  de  dire  se  retrouvait 
pour  les  mœurs  gcînc'rales,  en  France  surtout, 
f^tis  on  approchait  de  ta  cour  et  du  souverain, 


—  252  — 

plus  on  trouvait  de  dissolution.  La  classe 
moyenne  était  plus  morale ,  et  celle  du  peuple 
rëlait  plus  encore»  ce  qui  n'existe  pas  aujour- 
d'hui :  la  corruption  s'est  peu  à  peu  infiltrée 
dans  les  basses  classes^  la  classe  éleyëe  a  senti  le 
besoin  de  moraliser  en  éclairant ,  et  c'est  main- 
tenant^ d'en  bas^  que  vient  la  résistance. 

La  cour  de  Catherine  et  de  ses  deux  fils   était 
hideuse  de  corruption  et  de  cruauté,  ce  qui  ne 
Tempéchait  pas  d'être  la  plus  élégante^   la  plus 
galante  des  cours  de  l'Europe  :  le  poison  était  un 
auxiliaire  de  Tamour  ;  le  fer  accompagnait ,  pro- 
tégeait la  débauche  qui  ne  connaissait  plus  de 
sexe,  et  le  plus  souvent  c'était  dans  les  maisons 
royales  que  se  commettaient  les  attentats  les  plus 
exéci'ables.  Avec  cela ,  cette  brillante  jeunesse  de 
Catherine  croyait  à  la  sorcellerie^  se  pressait  au 
sermon  dont  elle  ne  prenait  que  l'exagération 
superstitieuse;»   laissant  aux  pauvres  d'esprits  la 
bonne  et  douce  piété ,  et  ses  lectures  se  portaient 
sur  les   romans  dont  Ainadis  des  Gaules  était 
devenu  le  plus  j^arfait  modèle.  Aussi  le  brave 
Lanoue  ,  que  ses  mœurs  guerrières  tenaient  plus 
long-temps  éloigné  de  la  cour,   disait-il  :  <c  Les 
livres  ne  sont  que  vilaines  peintures,  et  si  quel« 
au^un  cependant  les  voulait  blâmer,  on  lui  cra- 
^*^waît  au  visage,  et  connais  telles  personnes,  qui, 


après  avoir  appris  à  amadiser  de  paroles ,  l'eau 
leur  venait  à  la  bouche,  tant  elles  désiraient 
tâter  un  petit  morceau  des  friandises  qui  j  sont 
narrées.  » 

La  galanterie  était  inséparable  des  duels ,  et 
les  duels  avaient  graduellement  amené  l'assassinat 
qui  était  devenu  chose  commune.  Villequier 
donna  Tun  des  premiers  exemples  des  meurtres 
domestiques  si  communs  depuis  lors  :  il  égorgea 
sa  femme  enceinte,  sur  un  soupçon;  il  Tégorgea 
dans  le  Palais  du  Koi,  presque  sous  ses  yeux,  et 
le  roi  pardonna.  Cet  exemple  encourageant  fut 
suivi.  Le  moindre  soupçon  qui,  avec  de  pareilles 
mœurs ,  devait  nécessairement  être  fondé  ,  était 
puni  de  mort.  Le  vendredi^  disait-on ,  était  le 
jour  le  plus  propice  à  la  préparation  des  breu- 
vages empoisonnés  sur  lesquels  des  médecins 
étaient  appelés  à  donner  leur  avis  I...  Et  ce 
peuple  cruel  était  timide  :  une  comète  répandait 
Tépouvante  dans  les  cœurs  qui  ne  craignaient  pas 
de  diriger  les  fils  de  la  Saint-Barthélémy,  et 
d'ordonner  le  massacre  des  hérétiques;  Nostra- 
damus  et  Cosme  Ruggieri  étaient  tout-puissants 
dans  une  cour  où  tous  tremblaient  :  c'est  qu'ils 
commandaient  aux  autres  et  y  lisaient  l'avenir^^. .. 

Le  souverain  pontife ,  justement  îjffligé  de  cet 
état  de  choses  ,  refusa  à  la  mort  d'Henri  III  de 


rendre  à  sa  mëmoire  les  honneurs  dus  aux  rois , 
et  la  cour  de  France  se  vengea  de  Tëdit  par  un 
arrêta  quî  défend  de  porter  le  deuil  des  papes. 

Cependant,  hâtons-nous  de  le  dire,  cet  ëtàt  de 
chose  était  accidentel  et  du  surtout  à  Gathertoe. 
Le  règne  d'Henri  IV  en  fît  disparaître  non  pas 
toute  rîmmoralite' ,  elle  était  trop  forte  et  trop 
enracinée  pour  cesser  ainsi  tout-à-coup  et  com- 
plètement ,  mais  le  bon  roi  fît  tout  ce  qu*il  était 
humainement  possible  de  faire,  et  la  France,  un 
moment  égarée  par  ses  souverains ,  revint  avec 
bonheur  à  celte  douceur  de  mœurs  qui  lui  est  na- 
turelle. Avec  Paslucieuse  et  cruelle  Italienne  dis- 
parurent la  débauche,  l'astuce  et  la  cruauté.  La 
loyale  franchise  du  béarnais  ramena  la  galanterie 
chevaleresque,  et  chassa  le  hideux  cortège  des  fa- 
natiques et  des  mignons. 

Mais  revenons  aux  règnes  de  ses  trois  indignes 
prédécesseurs,  puisque  nous  sommes  condamnés  a 
en  retracer  Thistoire,  et  replaçons-nous  dans  cette 
cour  dissolue  dont  nous  n'avons  pas  esquissé 
toutes  les  faces. 

La  féodalité^  en  mourant^  avait  laissé  à  la  no- 
blesse un  nombre  immense  de  privilèges  qui 
maintenant  nous  paraîtraient  exorbitants  et  veica- 
toires  et  qui  alors,  par  une  comparaison  toute  ré- 
cente, étaient  considérés  comme  un  bienfait. 


—  855  — 

Ainsi ,  le  noble  seul  portait  Vépée  et  le  véte^ 
ment  rouge  ^  il  marchait  après  le  clergé  et  avant 
la  bourgeoisie  dans  les  solennités;  il  ne  payait  pas 
les  tailles,  ne  payait  pas  les  passages  de  bacs,  était 
etempt  du  guet  et  des  factions  aux  remparts;  il 
franchissait  un  degré  ou  deux  de  juridiction  dans 
les  procès  ;  enfin,  il  ne  pouvait  être  emprisonné 
pour  dettes^  et  en  cas  de  crime  capital,  était 
exempt  de  Tignôminie  du  gibet  '^. 

Mais  si  le  noble  comparé  au  bourgeois  était  un 
être  honoré,  grand  et  heureux^  sa  position  était 
bien  infime  auprès  des  Princes  du  Sang  royal  de- 
puis la  chute  dé  la  féodalité.  Ainsi  c'était  un  gentil- 
homme qui  servait  le  souverain  à  table,  c'était  un 
noble  qui  tous  les  soirs  battait  le  lit  du  prince  pour 
s'assurerquepersonnen'yéiait  cachée  «b.  à  tel  point, 
dit  un  historien  du  XV»  siècle,  que  sur  sept  cents 
officiers  nobles  du  roi,  delà  reine  ou  du  Dauphin, 
il  n'en  est  aucun  qui  n'eût  pu  vous  dire  d'un  air 
lassé  :  vous  plairait-il  de  prendre  ma  charge,  pré- 
sentez vos  épaules  ^®.  Tout  à  la  cour  était  obliga- 
tion, et  la  préséance,  et  la  place  à  table,  et  la 
conversation ,  et  le  deuil...  «c  II  n'y  a  pas  long* 
temps,  raconte  dans  ses  mémoires  la  vicomtesse 
de  Furnes,  que  j'allai  voir  la  veuve  du  vicomte  qui 
venait  de  mourir  ;  je  la  trouvai  dans  sa  chtfmbre 
tendue  de  noir,  couchée  dans  un  lit  blanc.  Elle 


—  «50  — 

y  duit  depuis  quatre  semaines  et  me  dit  qu^ellc  ne 
se  Icvcrait  que  dans  deux.  »  La  douleur  officielle 
triait,  on  le  voit,  fort  bien  observée,  à  défaut  de 
vraie  douleur  "! 

Jetons  maintenant  un  dernier  coup-dœii  sur 
la  cour.  Suivons-là  dans  ses  excursions  autour  de 
la  capitale  :  aussilol  qu'elle  arrive  dans  une  ville 
de  r&idence  roj^ale,  les  locataires  des  plus  belles 
maisons  sont  tenus  de  déguerpir^  les  portes  dési- 
gnées sont  marquées  à  la  (^raie  blanche,  si  la  mai- 
son est  destinée  aux  princes  ;  à  la  craie  jaune  si 
elle  est  destinée  à  leurs  gens;  et  si  quelqu'insolent 
bourgeois  a  Taudace  d^cftacer  ce  signe  de  la  vo- 
lonté royale^  il  aie  poing  coupé.  Les  logements,  il 
est  vrai,  sont  payés;  il  en  coûte  3  sous  par  jour 
aux  seigneurs ,  et  un  sou  pour  leurs  chevaux.  Le 
prix  des  vivres  est  fixé  par  le  prévôt  de  ThôteL 
Lorsque  la  ville  est  ainsi  royalement  habitée,  les 
étrangers  doivent  se  tenir  à  une  distance  telle  que 
la  prudence  et  le  respect  1  exigent  :  quatre  lieues 
est  le  terme  ordinaire.  Si  deux  bourgeois  se  que- 
rellent et  se  battent  dans  la  ville  honorée  de  la 
présence  des  princes,  uneordonnancede Henri III 
veut  qu^on  les  assouune.  Conunent  croirait-on 
que  François  II  se  débarrassa  des  nombreux  solli- 
citeurs qui  Tempéchaient  de  jouir  des  plaisira  du 
voyage  :  il  menaça  de  les  faire  pendre,  et  fit  dres- 


ser  à  cet  effet  une  potence  plus  ëlevëe  que  le  clo- 
cher de  la  paroisse  18. 

En  revanche ,  ces  bons  boui^eois  étaient  ad* 
mis ,  non  à  prendre  leur  part  des  perdrix  aux  pattes 
dorées  et  des  omelettes  sucrées  de  perles  fines  et 
parfumées  de  musc ,  mais  à  sentir  la  bouche  des 
courtisans  au  sortir  de  la  table  du  prince ^^.  Heu- 
reux bourgeois  !  heureux  temps ,  que  ne  sauraient 
trop  regretter  les  Français  tyrannisés  par  la 
royauté  du  XIX»  siècle!.... 

Passons  des  plaisirs  aux  douleurs ,  et  des  festins 
aux  funérailles  ;  vanité  d'outre-tombe,  dernier 
mot  de  l'orgueil  qui  s'éteint  pour  retrouver  un 
monde  où  toute  hauteur  s'abaisse ,  où  toute  puis- 
sance humaine  s'évanouit,  où  toute  humble  vertu 
reprend  sa  place  au-dessus  du  vice  couronné. 

Parlons  d'abord  des  funérailles  royales,  et 
empruntons  notre  récit  à  un  chroniqueur  du 
XV  siècle  : 

«  L'an  1Û22,  le  mercredi  21  octobre  ^  feste  des 
onze  mille  vierges,  environ  six  heures  du  matin, 
le  roy  Charles  YI,  que  Dieu  absoilte.,  trespassa, 
et  pourceque  on  ne  peut  promptement  faire  Tob- 
sèque  du  dict  roy,  son  corps,  vuidé  des  entrailles 
et  rempli  d'espices  et  d'herbes  sentant  bon ,  fut 
mis  en  un  coffre  plombé  ,  et  gardé  en  la  chapelle 
de  l'hostel  Saint-Pol,  jusquesau  10  denovend)re 


en  uiTanet ,  et  cependant  furent  ehantëes  messçi 
et  le  service  des  trespassés  solenneUement  t  en  If 
dite  chapelle,  cfaascun  jour  par  les  gêna  d'Eglise  et 
Cottëge  de  la  dite  ville  de  Paris. 

«  Le  duc  de  Bcdfort ,  régent  du  royaume  4^ 
France,  vint  à  Paria  le  &  novembre^  ela|irèa  sa 
yesue ,  on  apoîsta  de  faire  l'euterremenl  et  serr* 
vice  du  roy,  duquel  le  corpa  estoit  en  la  chapella 
de  son  hostel  lez  Saint*Pol ,  et  fut  son  ohsèqae 
moult  noble ,  voir  est  que  grans  aUercationa  i 
moult  de  diverses  opinions  de  la  manière  coiuDMiit 
elle  serait  fiiite;  car  en  ce  temps  y  avoit  pen  de 
gens  i  qui  souvenoit  comment  on  av<Nbt  accoutume 
de  faire  au  temps  passé  porter  les  roys  de  Franee 
en  sépulture  ^  et  en  quel  ordre  les  gens  y  dev^eqt 
aller  chascun  son  estât. 

«  Premièrement^  une  litière  (ut  tahe  à  limeps 
devant  et  derrière ,  et  les  dits  limons  furent  fouraf 
et  couvers  de  cuir  ou  de  drap  noir  y  pour  moiey 
Uecey  ceulx  qui  porteroient  le  corps ,  car  le  eoffire 
où  le  corps  estoit  bouté  avec  le  plomb  et  aultree 
cbeses  qui  y.estoient  dedans,  peaoient  bien  qne-^ 
torze  cents.  En  icelle  litière  fut  mis  le  eoffire  et 
tout  le  corps  du  roy ^  et  sur  le  dit  cofire  on  mit  nae 
coesteet  un-cocssin^  et  deux  draps  de  Un^  linceuDC^ 
beaox  et  déliez^  et  par  dessus,  en  manière  de- 
converture,  un  grand  poêle  de  di^ap  d'or  sur  Aa^^p 


vermeil,  bordé  autour  d'au  bord  de  veluyau  MXkt^ 
courone  de  fleurs  de  Ijra  d'or  et  de  brodure^ 
esloU  le  dit  bord  large  d^enviroa  demi-pied  y  et  la 
dit  poele  e;>toit  si  large ,  que  de  cbascun  coatë  il 
traignoit  à  terre  ou  bien  pi*às^  et  si  estoit  la  dite 
litière  luiulc  de  la  hauteur  d'oo  homme ,  on  ne 
vojoit  pas  le  cofire^  car  il  estoit  mui^s^  $ou8  W 
coest^  et  le  dit  poele  ;  mais  sur  toutes  ces  choses  fut 
m^e  rim^ige  du  rojr>  la  plus  propre  qu'on  la  pou- 
voit  faire  à  la  ressemblance  du  dit  roy ,  yestu  de 
cot^e  royale ,  et  par  dessus  un  mantel  demi  le  drap 
du  poele  9  et  estoit  le  mantel  fourre  d*heriniue  ou 
dis  loutre  ^  les  chausses  avaient  été  semellées  dW 
drap  de  soje  azur>  tissu  ù  tleur  de  lys^  en  les  mains. 
avoit  d^s  gjindâ  blancs ,  et  sur  aa  tète  avoik  une 
couronne  »  et  Fune  de  ses  mains  tenait  un  ceptre , 
et  eu  Tautre  maie  une  verge  comme  celle  qui  fut 
envoyée  du  cid,  car  au  bout  avoit  eu  aernblanee 
une  main  qui  seignits  ou  benist  et  eatuient  ka 
dites  couronne ,  ceptre  et  verge  >  tout  d'une  ma-*- 
oière  en  façon  d  argent  doré. 

«  Maistres  d'hoste),  eschansons,  pannetters^ 
traeeliiers  ^  varleta  de  chambre  ^  fouriers ,  varlels 
lie  porte  I  et  tpus  les  officiers  de  l'hostcl  du  roy^ 
furent  vostu»  de  brunette;  les  eschansona,  pan- 
netiers  et  varleta  de  chambre  y  portoient  okascun 
vine  tordie  pesant  quatre  livres ,  et  sur  leur  poi- 


—  tw  — 
trine  et  espanles  avoient  escussons  aux  armes  de 
France ,  estoient  bien  deux  cents  portant  lesdites 
torches.  Le  corps  et  la  litière  furent  portés  par  les 
yarlets  de  porte,  car  c^est  leur  droit;  et  estoient 
bien  cinquante  aux  limons  de  la  dite  litière ,  qui 
estoient  tous  las  de  la  porter,  et  bien  souvent  leur 
convenoit  reposer  et  mettre  la  litière  sur  deux 
grands  tréteaux  propices  qu^on  portoit  après  ;  ainsi 
fut  portd  le  corps  à  Nostre-Dame ,  à  heure  de 
vespres. 

«  Uordre  des  gens  fut  tel  :  les  ordres  mendians^ 
c'est  h  savoir  Jacobins,  Gordeliers  ,  Carmélites  et 
Augustins  ù  belle  procession  furent  premiers;  les 
Collèges ,  si  comme  Sainte-Catherine-de- Vaulx  f 
des  escoIiers,lesMathurins,  les Billettes ,  Sainte- 
Croix^  et  leurs  semblables  après,  les  Paroisses, 
les  Eglises  collégiaux^  si  comme  Saint-Benoist-le- 
bien-tourné,  Saint-Mery ,  le  Sépulcre ,  Saint-Gcr- 
main-FAuxerrois,  et  leurs  semblables  après;  les 
collèges  de  Notre-Dame  et  de  la  Sainte-Chapelle 
du  palais  après,  et  toutes  les  dites  gens  d'église 
deux  à  deux  ,  alloient  d'un  descostés  de  la  rue,  et 
les  escoliers  et  supports  de  TUniversité  de  Paris 
alloient  de  Tautre  costé  de  la  rue ,  après  les  dites 
processions ,  alloient  neuf  prélats ,  que  évesques, 
que  abbés ,  revestus  de  cbappes  noires  et  mittres 
blanches,  entre  lesquels  estoit  le  patriarche  de 


—  2ÏM  — 

Constantinople^  lors  administrateur  de  l'ëveschë 
de  Paris ,  lequel  fit  l'office  ;  le  prevost  de  Paris 
alloit  entre  les  prëlats  et  le  corps ,  devant  la  li- 
tière ,  une  verge  en  sa  main  ;  les  chambellans  du 
roy ,  varlets  tranchants ,  et  escuyers  d'escuiries , 
et  les  maistres-d'hostel  ailoient  entre  le  prevost  et 
la  litière,  les  quatre  présidens  du  parlement, 
vestus  de  leurs  manteaux  vermeils  fourrés  de  vair, 
tenoient  les  quatre  cornets  du  poêle ,  et  les  sei- 
gneurs et  les  greffiës  du  Parlement  entour  la  li- 
tière de  costë  et  d'autres ,  et  tenoient  ce  que  pen- 
doit  du  poêle ,  car  c'est  leur  droit  que  ils  qui  en 
parlement  repre'sentent  la  personne  du  roy,  et 
qui  gouvernent  la  justice  souveraine  du  royaume, 
soyent  au  plus  près  du  corps  du  roy  ;  les  huissiers 
de  parlement ,  tenant  leurs  verges ,  estoient  aux 
quatre  cornets  de  la  litière,  emprès  les  présidens 
pour  garder  que  nuls  gens  ne  se  boutassent  entre 
eux,  et  le  premier  huissier  avoit  son  bonnet 
fourré  en  teste ,  aussi  les  présidens  et  seigneurs  et 
greffiers  du  Parlement  avoientvestu  leurs  chape- 
rons fourrés ,  ainsi  comme  ils  les  ont  en  la  cour 
du  dit  Parlement. 

«  Le  prevost  des  marchands  et  eschevins  de  la 

ville  portoîentun  ciel  haut  à  huitbastons,  tel  que 

l'on  a  accoustumé  de  porter  sur  le  corpus  Domini, 

té  jour  de  la  Feste-Dieu  aux  processions,  lequel 

V.  16 


ciel  estoit  grand  et  large  et  bien  hault,  et  A  eataiit 
de  même  drap  du  poêle,  et  quand  let  dits  pra«- 
vost  et  eschevins  estoient  las  de  pcHrter  le  dit  ciel| 
qui  estoit  bien  pesant,  on  mettoit  en  leur  liea  no- 
tables bourgeois  qui  le  portoient  jusque  oe  quU 
estoient  las. 

«  Le  duc  de  Bedfort,  régent  le  rojaume  dé 
France,  le  chancelier  de  France  ,  les  maistres  des 
requêtes  et  autres  conseillers  et  ofliders  du  roj^ 
alloient  derrière  la  litière ,  et  après  le  peuple  en 
grand  nombre ,  et  allant  par  les  rues  ^  gens 
aux  buis  et  fenestres,  et  sur  les  estaulz,  qui 
ploroient  et  menoient  grand  deuil ,  et  non  sans 
cause  j  car  grand  désolation  fut ,  et  ne  sçayoient  si 
de  long-temps  auroient  roy  en  France. 

«  Ainsi  fut  porté  le  corps  du  bon  roj  à  Nostre- 
Dame,  et  fut  mis  au  cœur  de  l'Eglise  à  tout  la 
litière  sous  la  chapelle  qui  noblement  fut  foite  et 
allumées ,  car  chascun  cornet  de  la  dite  chapelk 
ayoit  un  gros  cierge  tout  rond  pesant  yingtrcinq 
livres  de  cire  et  sur  la  dite  chapelle  tant  qaU  y 
pouvoit  de  cierges  de  deux  livres ,  tout  autour  ds 
TEglise  par  bas  ayoit  torches  de  quatre  livres  à 
deux  rangs,  et  par  le  haut  du  chœur  et  lont 
autour  de  TEglise  par  en  haut  dessous  les  voultes 
et  par  tout  les  pilliers  du  lieu  ayoit  cierges  bieii 
drus  iVune  )iife.  Toute  Féglise  à   Pentour  fut 


vironnëe  ou  enceinte  d'un  parement  de  toile  perse- 
eemé  de  fleur  de  Ijs;  furent  parés  tous  les  pilliers 
de  la  dite  Eglise  par  le  haut  de  tant  que  la  dite 
toile  estoit  large.  On  arriva  à  la  dite  Eglise 
Nostre-Dame.  Ainsi  comme  après  les  vespres  et 
chanta  les  vigilles  des  morls  notablement  et  à  trait, 
auxquelles  furent  les  neuf  prélats  devant  dits. 

Léandemain  qui  fut  mardi  dixième  jour  de  no- 
vembre, environ  huit  heures  au  matin,  en  la  dite 
Eglise  et  en  Tordre  et  manière  devant  dite,  furent 
faites  les  recommandances  et  après  fut  chantée 
la  messe  des  morts  et  nul  n'alla  à  Toffrande  si 
non  le  duc  de  Bedford.  Après  la  messe  chantée 
chascun  alla  disner  où  il  ot  appareillé,  et  environ 
douze  heures  on  se  reassembla  en  la  dite  Eglise  de 
Nostre-Dame  pour  aller  à  Saint-Denis  et  fut  porté 
le  corps  par  les  gens  et  en  l'ordre  du  jour  précé- 
dent ,  et  quant  on  fut  hors  la  porte  Saint-Denis 
qu'on  dit  la  Bastille,  les  varlets  de  porte  du  roy 
qui  jusques  là  a  voient  porté  le  corps  le  laissèrent 
et  les  hannoùars  porteurs  de  sel  le  portèrent.  La 
litière  fut  mise  au  chœur  de  TEglise  sous  la  cha- 
pelle qui  y  fut  faite  semblable  à  celle  de  Nostre- 
Dame  de  Paris,  et  peut-être  qu'elle  n'estoit  pas  si 
large  :  mais  le  luminaire  fut  pareil  et  le  parement 
de  la  toile  perse  peinte  à  fleurs  de  lys  autour  du 
moustier  et  autour  de  chascun  pillier:  ce  soir 

16. 


furent  chaulés  vîgilles  à  neuf  ])saulmes  par  les 
religieux  de  céans  :  certes  collèges  et  autres  gens 
d'Eglise  de  Paris  s'en  retournèrent  quant  le  corps 
fat  livré  aux  dits  religieux,  et  le  landemain  qui  fut 
mercredi  feste  de  Saint-Martin  ,  la  messe  de  re- 
quiem fut  chantée  à  grand  solemnité. 

Quant  la  messe  fut  chantée  le  corps  fut  porté 
enterrer  en  la  chapelle  emprès  le  degré  devers  la 
bonne  main,  ou  furent  enterrés  ses  père  et  mère, 
et  fut  porté  le  corps  du  chœur  jusques  à  la  sépul- 
ture par  les  vai'lets  de  porte  du  roy  qui  par  ayant 
Fa  voient  porté, 

A  l'entrée  y  ot  grand  débat  entre  les  religieux 
d'une  part  et  aucuns  officiers  de  l'hostel  du  roy, 
ne  sçoit  si  cstoient  sergens  d'armes  ou  fourriers 
ou  varlets  de  porte  et  estoit  pour  le  poêle  et  aul- 
très  habillements  estant  entour  le  corps  du  roy 
que  chascune  des  dites  parties  disoit  à  lui  appar- 
tenir et  que  tels  estoient  leurs  droits,  et  tirèrent 
l'un  de  ça,  l'autre  de  la,  et  à  peine  qu'ils  neyien- 
drent  à  voye  de  fait,  mais  le  régent  fit  mettre  le 
débat  en  main  de  justice  et  fut  le  corps  enterré. 

Après  l'enterrement  et  illec  mcsme  avant  que 
auscun  se  repartis ,  un  crieur  de  corps  cria  à 
liaulte  voix  ,  priez  pour  l'ame  de  très  excellent 
prince  Charles  VI,  roy  de  France. 

Ces  chosesainsi  faictes,  le  disnéfut  appareillé  en 


l'abbaye  à  tous  venans,  le  duc  de  Bedfort  dîsna  en 
chambre ,  la  grande  salle  fut  toute  pleine  de 
tables  et  de  gens. 

Tandis  qu'on  faîsoit  le  service  on  fit  une 
donnée  de  six  doubles  dont  les  cinq  valoîent  huit 
deniers  parisis  à  tous  ceuxquiy  voudroîent  venir, 
et  là  reçurent  plus  de  cinq  mille  personnes,  Dieu 
lui  présente  à  Tâme. 

Voilà  le  récit  d'un  fait,  en  1422;  voici  main- 
tenant le  règlement  tel  que  le  donne  un  auteur 
de  l'époque  écrivant  un  demi-siècle  après:  c^est 
la  fourme  et  la  manière  après  le  trespas  du 
rqy  y  comment  il  se  doit  porter  en  litière  pour 
porter  au  lieu  où  il  a  élu  sa  sépulture  :  première-' 
ment,  comment  avoir  une  litière  portée  par 
certains  officiers  royaux^  et  doit  estre  en  la  dite 
litière,  une  fourme  ou  forme  en  semblance  de 
roy  couché  en  lit  ^  en  grands  draps ,  la  forme 
toute  vestue  en  forme  de  homme  comme  roy^ 
c^est  à  sçavoir  vestu  d'un  pourpoint,  tunique 
et  dalmatique  de  drap  d'or  à  fleurs  de  lys 
fourré  d  hermine  s,  Jermé  dessus  Vespaule  d'un 
bouton  de  perles ,  tenant  en  sa  main  dextre  un 
grand  sceptre  et  en  la  main  senestre  une  main 
de  justice  ai^ecques  anneaux  esdites  mains j  en  sa 
tête  une  couronne ^  les  sandales ^  chausses^  sem* 


—  2^  — 

blables  aus  dits  vestements  ,  ai^ec  souliers  de 
niesme,  couvei^t  ladite  litière  de  draps  dorpen-' 
dant  de  tout  coste  de  la  dite  Utière,  et  de  dans 
la  dite  litière  vers  la  teste  du  dit  rofj  à  deux  oril^ 
iers  de  velour  vermeil  à  quatj^e  trouppes  de  perle 
chaci/Hj  au  pied  de  la  dite  litière^  deux  lanciers 
(Vor  pleins  de  cire  ^  ardents  continuellement 
jusqu  après  la  sépulture  y  une  croix  y  con  bénois^ 
tiers  et  deux  ascensiers  doj\  et  pour  couvrir  la 
dite  litière,  un  ciel  de  drap  âtor  à  quatre  lances, 
et  après  la  sépulture  du  dit  roy  ^  est  couverte 
la  place  d'un  drap  d'azur  àjleurs  de  Ijrs  à  une 
croix  blanche  de  velous. 

Ajoulons  à  cela^  (Ftiprcs  d'aiilres  historiens,  que 
depuis  la  renaissance  des  arts  on  a  moulé  le  visage 
des  souverains  avec  du  plaire  et  reproduit  son 
effigie  en  cire;  on  a  de  plus  fait  accompagner 
le  cercueil  royal  de  quarante  musiciens  jouant  des 
symphonies  avec  des  instruments  voilés  de  longs 
crêpes  de  deuil...  Le  caveaude  Saint-Denis  a  reçu 
plus  tard  le  cadavre  autour  duquel  une  voix  lugu- 
bre criait  trois  fois  :  le  roi  est  mort  !  Une  voîx 
plus  sonore  et  plus  éclatante  criait  ensuite  yiyb 
LE  ROI  !  Et  ce  cri  j  qui  annonçait  à  la  France  le 
nouveau  souverain  ,  terminait  la  cérémonie  *>. 

Chaque  château  ,  chaque   manoir  imitait  en 
petit  l'exemple   du  roi.   Une  tombe ,  des  cërë- 


monies  plus  modestes  dont  le  rëcit  oflfrirait  pen 
d'intérêt  étaient  destines  aux  bourgeois  et  au 
peuple  j  que  la  plus  simple  croix  conduisait  à  la 
dernière  demeure.  L'Eglise,  dont  les  prières  et  les 
câ'ëmonies  ne  varient  pas,  n'avait  consenti  à 
s'adjoindre  que  des  corneurs^  le  faux-bourdon  et 
des  pleureurs  dont  les  gémissements  payés  faisaient 
un  triste  contraste  avec  le  déchant  et  le  bruit 
des  cors  de  cuivre  des  ménétriers**. 

Racontons  maintenant  quelques  usages  de  ce 
monde  du  XY^  siècle  qui  nous  apparaît  sous  une 
forme  si  grotesque  comparée  à  celle  de  notre 
siècle  poli ,  civilisé. 

C'était  au  moyen  âge  et  jusqu'au  XV*  siècle 
encore  une  affaire  importante  et  solennelle  que 
de  se  faire  saigner.  Dans  les  maisons  princières 
on  réunissait  tous  les  chevaliers  des  environs; 
quand  Topération  réussissait  on  en  remerciait 
Dieu  et  l'on  passait  plusieurs  jours  en  fête.  Pour 
les  époux  et  les  fiancés  c'était  l'occasion  d^un 
usage  touchant  :  le  jeune  homme  allait  chez  celle 
qu'il  aimait  lui  demander  du  bon  sang.  La 
fiancée  baisait  et  bénissait  la  plaie^. 

Il  n'était  pas  d'usage  d'embrasser  les  grands , 
non  plus  que  de  leur  serrer  cordialement  la  main, 
comme  cela  se  fait  aujourd'hui  :  on  les  embras- 
sait aux  genoux^  on  leur  serrait  respectueusement 


la  botte  9  les  plus  intimes  se  permettaient  de 
baiser  un  doigt  ^.  Devant  les  grandes  dames  on 
fléchit  un  genou  et  l'on  baise  le  bas  de  la  robe; 
entre  femmes  d'un  certain  rang  les  baisers  étaient 
de  droit  :  une  femme  du  monde  pouvait  et  devait 
dire  à  la  maîtresse  de  maison  qui  ne  l'eût  pas 
reçue  avec  cette  marque  de  déférence  :  madame 
vous  devez  me  baiser^*. 

Si  dans  la  conversation  on  s'adressait  à  un  grand 
seigneur  ou  à  un  prince  de  l'Eglise^  on  devait 
rappeler  monseigneur;  on  disait  à  un  chevalier 
ou  à  tout  gentihomme  messiœ;  à  un  magistrat 
monsieur^  maître;  à  un  avocat  ou  un  médecin  et 
même  au  bourreau  maître  j  ce  dernier  répondait 
presque  toujours  alors  :  «Dieu  vous  garde  de  mes 
mains.... ))^  Aux  supérieurs  des  communautés^  : 
nos  maîtres  ;  aux  moines,  dom ,  diminutif  de  do^ 
minus;  aux  religieux  :  révérend  père  ou  frère,  et 
sœur  ou  mère  aux  religieuses  *\ 

En  France  comme  partout ,  au  XV*  sîède 
comme  au  XIX^,  le  peuple  des  campagnes  et  la 
populace  des  villes  s'est  toujours  moucha  sans 
mouchoir,  la  noblesse  commença  la  première  au 
XY^  siècle  à  se  défaire  de  ce  sale  usage  et  de  là 
le  proverbe...  a  II  ne  se  mouche  pas  avec  la  man« 
che*'.  j> 

Si  Ton  présentait  une  lettre,  on  devait  la  baiser 


—  afto  — 
ayant  de  la  donner,  sur  l'adresse  étaient  les  mar- 
ques du  respect  le  plus  profond ,  ainsi  c'était  à 
monseigneur  le  très-illustre  éiféque;  à  vertueux 
et  excellent  docteur  ;  à  très-illustre  et  très-révé^ 
rend  seigneur^  mon  très-honoré  maître  le  duc 
de...^  et  ainsi  de  suite,  selon  le  rang  du  correspon- 
dant^. 

Par  contre  les  jurements  et  blasphèmes  étaient 
punis  avec  d'autant  plus  de  force  au  XVP  siècle 
que  Tusage  en  était  devenu  très-fréquent  ;  une 
ordonnance  de  1534,  renouvelée  par  Giiarles  IX 
en  1561^  fait  «  inhibition  expresse  à  toutes  les  per- 
sonnes de  quelqu'état,  qualité  ou  condition  qu'elle 
soit  de  renier ,  malgréer ,  dépiter ,  blasphémer  et 
faire  autres  vilains  et  détestables  serments  sur  la 
peine  d'être  condamnés  pour  les  premières  fois 
en  amende  pécuniaire  ,  double  ou  triple  selon  les 
récidives,  pour  la  cinquième  à  être  mis  au  caveau, 
sujets  à  toutes  les  vilainies  que  chacun  voudra 
leur  impropérer,  pour  la  sixième  fois  seront  me- 
nés au  pilory  et  là  auront  la  lèvre  coupée  d'un 
fer  chaud..,.  Pour  la  septième  fois  la  lèvre  de 
dessous  et  là  où  il  adviendra  que  de  rechef  ils 
commettront  les  dits  jurements  et  délits ,  auront 
la  langue  coupée  tout  juste...}^ i* 

On  comptait  dans  Paris  tous  les  ans  un  grand 
nombre  de  meurtres,  bien  que  la  police,  encore 


diDf  Tenfaoce  y  ftt  tous  ses  efforts  pour  les  prë» 
venir. 

Il  n*dtait  permis  à  personne  d'avoir  j^us  dViM 
porte  à  sa  maison ,  ie  chef  de  la  polioe  avait  le 
droit  de  faire  murer  les  autres  ;  on  ne  devait  pas 
laisser  sa  maison  inhabitée  sans  y  laisser  un  garda 
de  ville.  Ainsi  dans  chaque  maison  sans  excop» 
tion  il  y  avait  un  homme  aux  aguets  et  qui  au 
premier  signal  sonnait  la  cloché  jusqu'à  ce  que 
les  cloches  vobines  l'eussent  entendu ,  alors  et  à 
l'instant  toutes  les  fenêtres  s'illuminaient,  tout  le 
monde  sortait  en  armes  et  les  malfaiteurs  étaient 
poursuivis,  environnés  et  arrêtes. 

Le  soir,  point  de  réverbères,  mais  des  lanternes  ; 
chaque  citoyen  était  tenu  d'en  avoir  une  à  la  main  : 
ce  mouvement  de  milliers  de  lanternes,  dit  un  des 
contemporains,  faisait  spéciale  aux  sombri»  soi- 
rées  de  l'hiver  ^. 

Gela  n'empêchait  pas  les  voleurs^  les  aasasaina 
et  une  autre  classe  de  bandits  appelés  champiims 
de  fourmilier  à  Paris  et  de  porter  leurs  coups 
jasques  sous  le  palais  des  Rois.  Ils  s'engageaient 
en  compagnies  appelées  compagnie  des  Guilleris^ 
des  Plumets  y  des  Grisons^  des  Tires^laines  ou 
voleurs  du  peuple ,  des  Tire-soie  ou  voleura  de  * 
bon  ton.  Lsi  compagnie  des  Jlfaupaia-garçona  était 
celle  des  meurtriers  qui  se  louaient  publiquement 


—  «54  — 

au  plus  offrant,  et  puis,  oomme  nous  Tavoiis  dit> 
les  champions  qui  faisaient  leur  métier  plus  noble^* 
ment  en  épousant  la  querelle  des  premiers  venus 
et  la  vidant  les  armes  à  la  main.  Joignes  à  cela 
les  turbulents  écoliers  de  l'université  et  les  ou*« 
vriers  sans  travail,  vous  aurez  le  plus  joli  assem« 
blage  de  population  qu'ait  jamais  offert  une  société 
organisée**.  C'était  cependant  celle  des  XV*  et 
Xyi*  siècles  dans  le  pays  le  plus  civilisé  de  l'Eu* 
rope!... 

Les  punitions  devaient  être  sévères  dans  ce  aiè^ 
de  de  désordi^  et  les  supplices  en  harmonie  avec 
la  licence  éhonUfe  des  mœurs  qu'on  réprimait  avec 
plus  de  sauvagerie  que  d'efficacité.  Le  bourreau, 
si  haut  pincé  dopuis  Louis  XI,  était  nécessairement 
l'homme  le  plus  utile  du  royaume.  Un  gibet  et 
un  pilori  permanents,  une  justice  et  une  échelle, 
x>mme  on  disait  alors  ^  étaient  dressés  au  milieu 
les  places^  scellés  dans  les  pavés  sans  compter  les 
loyades  juridiques  :  «  n*est-il  pas  consolant ,  dit 
m  de  nos  plus  illustres  romanciers,  qu'après  avoir 
)erdu  successivement  toutes  les  pièces  de  son  ar<» 
nure,  son  luxe  de  supplices,  sa  pénalité  dlmagt* 
lation  et  de  fantaisie ,  sa  torture  à  laquelle  elle 
efaisait  tous  les  ans  un  lit  de  cuir  au  grand  Ghâ* 
elet,  la  peine  de  mort,  cette  vieille  suzeraine  de 
I  société  féodale  presque  mise  hors  de  nos  lois  et 


de  nos  villes  ,  traquée  de  code  en  code  |  chassëe 
de  place  en  place,  n*nit  plus  dans  notre  immense 
Paris  qu'un  coin  dcslionorc  de  la  Grève  »  qu^ane 
misérable  guillotine  furlivc  ,  inquiète ,  honteuse, 
qui  scnd)le  toujours  craindre  d\Hre  prise  en  fia* 
grantdclil,  tant  elle  disparail  vite  après  avoir  fait 
son  coup  !  3«.  j) 

Ces  expressions  ne  sont  pas  trop  fortes,  et  quand 
on  lit  les  histoires  du  temps,  on  est  presque  tenté 
de  les  trouver  en  dessous  de  la  vérité.  Sans  nous 
appesantir  outre  mesure  sur  ce  triste  sujet,  il  est 
bon  do  savoir  en  quoi  consistaient  alors  la  torture 
et  les  supplices. 

Le  tourmentrnr  pissait  d  abord  une  corde  au- 
tour des  bras  du  patient  et  le  suspendait  au  mojren 
d'une  poulie,  tandis  (|u'un  poi(b  de  cent  livres 
pendait  i\  ses  pieds;  sorti  de  là  sans  avoir  rien 
avoué,  on  lui  serrait  les  deux  jambes  entre  deux 
planchettes  et  Ton  enfonçait  des  coins  de  bois  de 
manière  si  rendre  la  douleur  lente  et  progressive. 
Le  brodecpiin  venait  ensuite  ;  enfui  chaque  mem- 
bre semblait  appelé  à  témoigner  de  la  force  et  de 
la  patience  du  malheureux  (|ue  Ton  martj'risait 
ainsi  dans  le  but  d'arracher  de  lui  un  aveu  vrai 
ou  faux  et  qu'il  rétractait  d'ordinaire,  quand  la 
douleur  n'était  pas  \h  pour  le  forcer  à  mentir. 

Les  supplices  étaient  diversiliés  à  Tinfini  :  l'eaU| 


la  terre ,  le  feu  ,  Pair  »  tous  les  élëments  ëtaient 
mis  à  contribution  par  les  inventeurs.  Ainsi,  on 
lit  dans  Floquet  et  Garpentier  que  les  faux  mon- 
nayeurs  étaient  bouillis  en  chaudière  ^  dans  les 
chartes  du  comté  de  Bigorrc ,  que  les  meutriers 
étaient  ensevelis  vivants  sous  leurs  victimes  ;  dans 
l'histoire  de  Zurich  que  Ton  murait  les  coupables 
de  manière  à  ce  qu'ils  ne  res^is  sent  plus  ne  soleil  ni 
lune...  on  sortait  ensuite  les  cadavres  par  une 
ouverture  pratiquée  sous  le  seuiL 

Les  suicides  étaient  punis  aussi...,  on  faisait 
subir  au  cadavre  un  supplice  analogue  au  genre 
de  mort  qu'il  s'était  choisi,  et  cela  dans  la  crainte 
superstitieuse  que  le  mort  ne  revùit  et  nerrât^^^ 

La  liste  des  supplices  n^en  finirait  plus  si  Ton 
voulait  s'y  arrêter  :  elle  variait ,  elle  était  riche 
comme  l'imagination  des  hommes,  et  chaque  na- 
tion tenait  à  l'honneur  d'inventer  les  siens  ;  la 
guillotine  même  était  connue  au  XY*"'  siècle  et  l'in- 
vention tant  vantée  du  docteur  Guillotin  était  à 
ipeitïQ  xmM  amélioration  ;  Demetrij  riche  génois, 
auteur  d'un  soulèvement ,  estendit  le  col  sur  le 
chappus.  Le  bourreau prini  une  corde  à  laquelle 
tenait  attaché  un  gros  bloc,  à  tout  une  doulouère 
trenchante^  luintée  dedans^  venant  d^àmont  en- 
tre deux  poteaux  y  et  tira  la  dite  corde  en  ma^ 
nière  que  le  bloc  tranchant  à  celuy  Génois  tomba 


ffuuc  injures  grarei, 

«  ^  hmn  en  pniilic''.  Li 

uHt  f}ae  le  viol , 

iji  prévùLi  y  as- 


roy 

était  .< 
tendue , 

(levait  ni<. 
courir  tout  . 
—  Cctle  peint 


■  ^^  AM»  'pp^t  amûs  m 
^  fenkK-mùÊ  cdai- 
,  iaiUMUoi  puber  ed 
I  loaL  cil  Te  promenant 
■a.  Us  fiuil  Anne  de 
r*>  Uc  nMle  police 


■^>p«nlu  piirai  les  ul^ 
.«  fttttnolnji  tlt  mon- 
.^•a  |in>vrrhe. 

X  n  ctC  quclifue. 

ttCtsun  /uoulni 
»4ftliojrvr  Iiuilcenti 
^p^^^teu  lï  l'«riDtfe* 
^^  ^Hi  il»  ajpins  T  aa 

■    :..„ft.  vilK-  «n 
■  '"'lieu  dit 
".  'i.rbareî, 
V^ttlt  ''  '  ->li»iHll1  <iu  oi- 

■iiid  qui  y 


dnp  les  d6UX8enrit€uri  du  oonfteil  de  TilUi»  OU  k^l 
n'en  a  pas  les  moyens  ^  il  sera  emprisonné ^et  Vou 
enlèyera  le  toit  de  sa  maison  (année  IdQ/j.). 

Si  deux  femmes  se  querellent  jusqu'à  se  battt*e^ 
en  se  disant  en  même  temps  des  injures  f  elles  por< 
teront  tout  le  long  de  la  ville ,  et  par  la  voie  com» 
mune^  deux  pierres  attachées  par  des  chaînes ,  et' 
ces  pierres  pèseront  à  elles  deux  un  cent  ;  la  pre« 
mière  les  portera  de  la  porte  orientale  h  la  porté 
occidentale ,  pendant  que  Fautre  la  stimulera  d'un 
aiguillon  de  fer  fixé  à  un  bâton ,  et  toutes^  deux 
iront  en  chemise'^. 

La  femme  adultère ,  d'après  le  droit  de  Soleure, 
(1506)f  devait  déguerpir  sans  rien  emporter  de  la 
maison  qu'une  quenouille  et  quatre  pfennigs»  En 
Espagne  »  elles  étaient  brûlées;  à  Brunswick,  on 
les  enterrait  toutes  yives^  et  de  préférence  f  ea-^ 
tremetteuse  ^  s'il  y  en  avait  une  ;  de  plus ,  on  en- 
fonçait à  ces  dernières  un  pieu  dans  le  sein.  Les 
mômes  crimes,  on  le  voit 9  étaient  bien  diverse- 
ment punis  f  selon  le  degré  de  moralité  des  na- 
tions  

Le  code  militaire  de  France,  au  XV*  siècle, 
était  en  rapport  avec  les  mœurs  :  sévère,  dur,  mais 
peu  conséquent ,  restant  en  deçà  des  limites  de  la 
justice  et  d'une  bonne  discipline ,  ou  les  dé^ 
passant. 


—  256  — 

Lorsque  le  soldat  donnait  un  soufflet  à  un  ca- 
marade ,  il  devait  en  recevoir  un  autre  de  sa  main 
en  présence  de  la  compagnie  assemblée.  Les  ré^ 
glemens  permettaient  le  duel  pour  injures  graves, 
mais  ils  exigeaient  qu'il  eût  lieu  en  public''.  La 
désertion  était  punie  de  mort^  ainsi  que  le  viol, 
et  le  vol  même  dans  quelques  cas.  Les  prëvôts  j  as< 
sistés  des  six  avocats  du  plus  prochain  si^e»  pou- 
vaient condamner  à  mort  sans  appel;  mais  an 
ordre  du  connétable  suffisait  :  Pendez-moi  celui- 
ci!  tranchez-moi  celui-là!  faites-moi  passer  cet 
autre  par  les  piques  !  disait  tout  en  se  promenant 
ou  en  récitant  son  chapelet ,  le  vieil  Anne  de 
Montmorency.  La  mémoire  de  cette  police  ex- 
péditive  ne  s'est  pas  encore  perdue  parmi  les  sol- 
dats :  Dieu  nous  garde  des  patenoires  de  num- 
sieur  le  connétable ,  est  passé  en  proverbe. 

La  police  des  colonels-généraux  a  été  quelque- 
fois bien  plus  terrible  :  Au  pont  de  Gé^  on  montre 
Tendroitoùle  colonel  Strozzi  fit  noyer  huit  cents 
filles  de  joie  ^  restées  malgré  ses  bans  à  Farméé**. 

A  côté  des  supplices  étaient  les  asjrles  :  au 
moyen-âge  et  jusqu'à  Louis  XII ,  toute  ville  en 
France  a  eu  ses  asyles.  Ils  étaient  ^  au  milieu  du 
déluge  de  lois  pénales  et  de  juridictions  baiiMires, 
des  espèces  d'îles,  qui  s'élevaient  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  justice  humaine.  Tout  criminel  qui  y 


—  Î57  — 

abordait  ëtait  sauvé.  Il  y  avait  dans  une  banlieue 
presque  autant  de  lieux  d^asjrles  que  de  lieux  pa- 
tibulaires; deux  choses  mauvaises^  qui  tâchaient 
de  se  corriger  l'une  par  l'autre,  mais  aucune  d'elles 
n'abandonnait  ses  droits  ;  la  roue ,  le  gibet ,  l'es- 
trapade ,  faisaient  bonne  garde  autour  des  lieux  de 
refuge.  On  a  vu  des  condamnés  qui  blanchissaient 
ainsi  dans  un  cloître  ou  sous  un  porche  d'église. 
De  cette  façon,  l'asyle  était  une  prison  comme 
une  autre;  il  arrivait  quelquefois  qu'un  arrêt  so* 
lennel  violait  le  refuge  et  restituait  le  condamné 
au  bourreau ,  mais  la  choSe  était  rare;  et  à  moins 
d'un  arrêt  du  Parlement,  malheur  à  qui  violait  à 
main  armée  un  lieu  d'asjle.  On  sait  quelle  fut  la 
mort  de  Robert  de  Clermont,  maréchal  de  France , 
et  de  Jean  de  Chàlons,  maréchal  de  Champagne, 
et  pourtant  il  ne  s'agissait  que  d'un  misérable  as- 
sassin de  la  classe  du  peuple  ,  mais  les  deux  maré- 
chaux avaient  brisé  les  portes  de  Saînt-Méry  >  là 
était  l'énormîté. 

Les  églises  avaient  d'ordinaire  une  logette  pré- 
parée pour  recevoir  les  suppliants  ;  en  lil07,  Ni- 
colas Flamel  leur  fit  bâtir  une  chambre  sous  les 
voûtes  de  Saint-Jacques-la-Boucherie  ;  à  Notre- 
Dame  ,  c'était  une  cellule  établie  sur  les  combles 
des  bas-côtés ,  etc.  '^. 

On  voyait  à  cette  époque  les  vœux  les  plusex- 

V.  IT 


—  258  — 

travagans ,  accomplis  avec  une  religieuse  fidélité; 
le  vœu  de  pauvreté  était  le  plus  fréquent  ;  celui 
qui  le  faisait^  abandonnait  hôtel,  richesses»  luxt» 
honneurs  et  toute  espèce  de  bien-être,  ponr 
vivre  de  la  vie  des  mendiants. 

Ce  n'était  pas  chose  très- rare  non  plus  que  les 
vœux  de  réclusion  perpétuelle:  «  On  rencontrait 
souvent  dans  les  rues  les  plus  fréquentées  de  Paris 
ou  des  provinces  y  une  sorte  de  caye  murée  €t 
grillée  y  au  fond  de  laquelle  priait  jour  et  nuit  on 
être  humain  |  volontairement  dévoué  à  quelque 
grande  expiation,   et^cet  étrange  spectacle^   ce 
souffle ,  cette  voix ,  cette  prière  éternelle  dans  une 
boite  de  pierre ,  cette  face  a  jamais  tournée  vers 
l'autre  monde^  rien  de  tout  cela  n'était  aperçu  par 
la  foule;  elle  honorait ,  sanctifiait  au  besoin  le 
sacrifice ,  mais  n'en  comprenait  pas  les  souffrances 
et  s'en  appitoyait  médiocrement  ;  elle  apportait 
de  temps  en  temps  quelque  pitance  au  malheu- 
reux pénitent ,  regardait  par  le  trou  s^il  viv^L. 
encore  y  ignorait  son  nom  ,  savait  à  peine  depuis 
combien  d'années  il  avait  commencé  à  mourtr|.  et^ 
à  rétranger  qui  les  questionnait  sur  le  squelettes 
vivant  qui  pourrissait  dans  cette  cave ,  les  voisinstf 

répondaient  simplement  :  C'est  le  reclus!...  cV 
la  recluse ^0  J,,.,  „ 

Nous  avons  suivi  jusqu'à  présent  avec  intérêt  li 


—  259  — 

sort  des  Juifs.  Ces  parias  de  l'Europe  mérileot 
notre  pitié,  non  par  leur  probité  et  la  pureté  de 
leurs  mœurs,  mais  par  Texcès  de  leur  misère. 
Voyons  quel  était  leur  état  social  aux  XV®  et  XVI* 
siècles. 

En  France,  sous  Charles  VI,  un  édit  royal 
statue  que  nul  Juif  ne  pourra  plus  demeurer  dans 
le  royaume  ;  que  ceux  qui  y  seront  quitteront  le 
territoire  de  France  dans  Fespace  d'un  mois,  et 
que  les  officiers  du  roi  saisiront  tous  leurs 
biens  »  etc.  Cet  édit  mit  fin  à  Texistence  légale  des 
Juifs  en  France ,  et  ils  comptent  cet  exil  subit  et 
inattendu  au  nombre  des  plus  rudes  persécutions 
qu'ils  aient  essuyées.  La  démence  du  roi  empêcha 
cependant  qu'il  fût  exécuté  à  la  lettre. 

Dans  la  Provence,  qui  n^appartenait  pas  alors 
à  la  France,  les  Juifs  étaient  moins  avilis  et  moins 
persécutés  ;  on  lit  dans  une  ancienne  charte  d'Aix, 
«  qu Ils  payaient  à  l'archevêque  une  certaine  quan- 
tité de  poivre ,  pour  avoir  la  permission  d'avoir 
une  synagogue  au  livre  de  la  loi ,  une  lampe  per- 
pétuelle et  un  cimetière.  Cependant,  les  statuts 
municipaux  de  Marseille ,  Arles  et  Aix ,  ne  leur 
permirent  pas  de  témoigner  contre  un  Chrétien , 
ni  d'aller  aux  étuves  et  bains  publics  ,  sauf  le  ven- 
dredi^ jour  qui  leur  était  réservé  comme  aux  cour- 
tisanes et  aux  esclaves* {  Par  contre  ^  Tun  d'eux 

n. 


—  260  — 

était  tenu  d'aller  chaque  dimanche  entendre  le 
sermon  à  la  cathédrale,  sur  une  escabelle  à  côte 
du  sacristain. 

Les  statuts  d'Avignon  leur  défendent  de  toucher 
le  pain  et  les  fruits  exposés  au  marché^'. 

£n  Espagne,  en  i/ilS,  il  parut  une  ordon- 
nance en  vingt-quatre  articles  ^  qui  reléguait  les 
Juifs  dans  des  quartiers  isolés  et  clos.  La  tolérance 
qu'on  leur  avait  quelque  temps  accordée ,  cessa  : 
ils  ne  purent  plus  être  médecins  y  ni  apothicaires, 
ni  droguistes,  ni  aubergistes,  etc.  Il  leur  fut  dé- 
fendu d'avoir  des  domestiques  et  des  ouvriers 
chrétiens  ;  on  leur  ôta  le  droit  d'avoir  des  juges 
de  leur  nation  et  de   porter  le  don.  Us  durent 
laisser  croître   leur  barbe  ^  sous  peine  de  cent 
coups  de  verges  et  d'une  amende.  Les  hommes 
portèrent  des  tabarcs  sur  leurs   habits,    et   les 
femmes  des  mantilles  descendant  jusqu'aux  pieds; 
l'or  devait  être  banni  de  leur  parure;  enfin ^  il 
leur  était  interdit  de  s'enfuir  du  royaume,sous  peine 
de  servitude  personnelle  et  confiscation  des  biens; 
défense  était  faite  à  tous  les  seigneurs  de  les  rece- 
voir dans  leur  fuite.  En  i/!i96  f  un  édit  de  Mannel 
ordonna  un  bannissement  général ,  et  y  joignit 
l'ordre  cruel  d'arracher  aux  parens  les  enfants  au- 
dessons  de  quatorze  ans  pour  les  faire  baptiser. 
Une  foule  de  Juifs ^  un  peu  plus  civilisés  à  cette 


—  261  — 

époque ,  et  moins  faits  aux  avanies  des  temps  pré- 
cédens,  se  tuèrent  de  désespoir*^. 

En  Italie ,  les  Juifs  furent  menace's ,  au  XV®  siè- 
cle ,  de  plusieurs  persécutions  violentes.  On  les 
accusa  à  plusieurs  reprises,  d'avoir  immolé  des 
enfants  pour  leurs  pâques ,  et  on  épuisa  contre  les 
accusés  tous  les  genres  de  supplices  qu'eussent  en 
effet  mérité  des  crimes  aussi  horribles.  Mais  les 
malheureux  n'étaient  réellement  coupables  que 
de  grosses  usures.  Cependant ,  malgré  ces  injus- 
tices^ les  Juifs  exilés  d'Espagne  se  réfugièrent  vo- 
lontiers en  Italie.  On  cile  un  rabbin  exilé  de  Lis- 
bonne, Joseph  Ben -Don-David^  auteur  de  plu- 
sieurs ouvrages  sur  le  Thcdmud^  qui  fut  pendant 
vingt-deux  ans  rabbin  de  la  synagogue  d'Imola,  et 
qui  laissa  trois  fils,  dontPun  fut  médecin  àPadoue. 
En  1559,  Pie  IV  permit  aux  Juifs  d'acquérir  et 
de  posséder  des  biens-fonds  jusqu'à  la  valeur  de 
1,500  ducats  d'or^  et  de  les  affermer  à  des  Chré- 
tiens ,  d'avoir  des  boutiques  hors  de  la  Juiverie , 
de  faire  le  commerce  de  grains  et  comestibles,  de 
pratiquer  tout  autre  métier  quelconque,   et  de 
quitter  en  voyage  la  barette  jaune  *^. 

Bien  que  ces  persécutions  soient  encore  déplo- 
rables ,  il  y  a  cependant  loin  de  là  aux  jours  ter- 
ribles du  XIIP  siècle  où  Von  jetait  péle-méle  au 
bûcher  Juifs,  lépreux,  feux  et  fagotsl.... 


Nous  n'entendons  pas  dire  pour  cela  que  les 
lumières  avaient  fait  un  grand  pas;  les  citations 
que  nous  venons  d'accumuler  seraient  à  notre  as- 
sertion un  éclatant  démenti  :  le  XVI*  siècle  «*ë- 
teignîiit  lentement  en  Europe,  en  France  surtout, 
sons  laisser  d'autres  traces  que  le  sang^  d*autre 
expérience  que  celle  des  malheurs  qu'entraînent 
la  nullité  des  rois,  la  corruplion  des  cours,  les 
dissensions  religieuses,  Tignorance  et  le  fanatisme 
du  peuple.  Pour  donner  une  idée  du  point  où  en 
étaient  encore  les  lumières  en  France  ,  il  suflb^it 
de  transcrire  une  page  de  De  Thou,  le  gi'ave  his- 
torien de  celte  époque  :  un  gentilhomme  d'Arles 
reproche  nu  président  du  parlement  d'Âixsatrop 
grande  rigueur  envers  les  Huguenots  :  a  Je  crois^ 
dit-il,  (]iie  vous  vous  souvenez  de  ce  que  you^ 
pensiez ,  lorsque  n'étant  encore  qu'avocat  à  Au- 
tun,  vous  y  plaidâtes  la  cause  des  rats.  Vousavex 
fait  imprimer  ce  plaidoyer  ;  et  comme  je  connais 
votre  modestie  et  votre  candeur,  vous  souffires 
volontiers  qu'on  vous  rappelle  le  souvenir  de  ce 
temps-là.  Or,  voici  comment  vous  exposiez  le  fait 
de  votre  cause  :  Un  grand  nombre  de  rats  s'ëtant 
répandus  dans  le  territoire  d'Auiun ,  où  ils  man- 
geaient tous  les  blés,  on  ne  trouva  point  de  meil- 
leur remède  à  ce  mal  que  de  les  faire  exconamn-> 
nierpar  révéq[ue  du  lieu,  ou  par  son  grand^yioaire^ 


—  265  — 

il  fut  d'avis  qu'avant  toute  chose  on  fit  donner 
aux  rats  trois  assignations  ^  mais  il  ne  voulut  point 
prononcer  la  sentence  qu'on  n'ait  nomme  un  avo- 
cat pour  plaider  la  cause  des  absents.  Ce  fut  voua 
qui  entreprîtes  leur  défense,  et  qui ,  pour  remplir 
YOlre  ministère  avec  exactitude,  fîtes  sentir  aux 
juges,  par  d'excellentes  raisons,  que  les  rats  n'a- 
vaient pas  été  ajournes  dans  les  formes  :  vous 
obtîntes  que  les  cures  de  chaque  paroisse  leur  fe- 
raient signifier  un  nouvel  ajournement,  puisque, 
dans  cette  affaire ,  il  s'agissait  du  salut  ou  de  la 
ruine  des  rats.  Après  cela ,  vous  fîtes  voir  que  le 
délai  qu'on  leur  avait  donné  était  trop  court  pour 
pouvoir  tous  comparaître  au  jour  de  l'assignation  ; 
d'autant  plus  qu'il  n'y  avait  point  de  chemin  où 
des  chats  ne  fussent  en  embuscade  pour  les  sur- 
prendre. Vous  employâtes  ensuite  plusieurs  pas- 
sages de  l'Écriture  sainte  pour  défendre  vos  clients, 
et  enfin  vous  obtîntes  qu'on  leur  accorderait  un 
plus  long  terme  pour  comparaître.  Cette  cause,  que 
vous  défendîtes  si  bien ,  vous  acquit  la  réputation 
d'un  vertueux  et  savant  avocat.  Or ,  je  vous  ren- 
voie aujourd'hui  à  ce  plaidoyer  _,   et  je  vous  pro- 
pose vos  propres  arguments  :  n'est-il  pas  étrange 
que  celui  qui,  dans  la  cause  des  rats,  a  insisté  si 
fortement  sur  Tordre  et  les  formes  de  la  justice  , 
paraisée  aujourd'hui  les  négliger ,  lorsqu'il  s^aglt 


de  la  vie  et  des  biens  de  tant  d'hommes  **...  > 
Nous  ajouterons  à  ces  faits  deux  arrêts  du  par- 
lement  de  Paris  :  Tun  de  l/i/i6,  qui  condamna  une 
truie  et  un  homme  à  être  brûlés  ensemble  comme 
atteints  et  convaincus  de  pécJié  morieU  L'autre 
de  15/^6 ,  qui  condamne  une  vache  et  un  hooune 
à  être  pendus  ^  et  puis  brûles ,  et  leurs  cendres  je- 
tées au  vent  pour  actions  criminelles.  Une  sentence 
du  juge  ecclésiastique  de  Montpellier ,  datée  de 
1565 9  reproduit  le  même  fait,  mais  la  coupable 
est  une  mule.  En  Suisse ,  à  la  même  époque  ^  un 
juge  (le  Bule  faisait  brûler  un  coq  comme  sorcier 
pour  avoir  fait  un  œuf! 

Nous  multiplions  ces  tableaux,  et  nous  insistons 
sur  ces  preuves  de  Fesprit  du  temps ,  non  pas  tant^ 
on  le  voit^  pour  faire  remarquer  la  différence  qui 
existe  entre  les  lumières  et  les  mœurs  du  XVI*  siè- 
cle et  celles  du  siècle  précédent,  que  pour  bien 
établir  le  point  d  où  nous  allons  partir,  et  constater 
le  progrès  réel  qui  va  rapidement  s'opérer  dans 
les  siècles  suivants  à  Taide  de  la  boussole  et  de 
l'imprimerie  ^  ces  deux  grands  moteurs  de  la  civi* 
lisation  européenne. 

Mais  si  nous  nous  sommes  laissés  entraîner  par 
rinlérêt  attaché  à  ces  divers  usages ,  à  ces  détails 
de  mœurs  en  Fraqce,  on  sentira  qu'il  nous  est  imr 
possible  d^étendre  à  toute  l'Europe  cette  façotn 


—  265  — 

d'agir;  si  les  documents  ne  nous  manquaient  pas, 
l'espace  nous  manquerait,  et  nous  lasserions  la  pa- 
tience de  nos  lecteurs  déjà  fatigues  de  citations. 
Bornons-nous  donc  à  dire  quelques  mots  des  deux 
Etats  qui  sont  placés  aux  deux  bouts  de  la  civilisa- 
tion de  cette  époque ,  et  entre  lesquels  la  France 
tient  le  milieu  :  Fltalie  et  TEmpire  russe. 

La  belle  Italie  devançait  alors  tout  le  reste  de 
l'Europe  :  elle  en  avait  la  conscience  ;  et  comme 
Tancien  peuple  romain ,  elle  était  fière  de  voir  les 
grandes  nations  tributaires  de  ses  lumières  et  de 
son  industrie.  Elle  leur  reconnaissait  bien  une  su- 
périorité de  forces  matérielles,  assez  souvent  ra- 
valée par  l'apparition  des  bandes  germaniques  et 
de  la  chevalerie  française ,  mais  elle  se  reposait  sur 
la  supériorité  de  sa  politique  et  de  sa  diplomatie. 
Le  XV®  siècle  nous  offre  en  effet  un  perpétuel 
exemple  de  ce  jeu  savant  et  compliqué  où  se  dé- 
battait la  question  de  Téquilibre  de  la  puissance 
entre  cinq  ou  six  Etats  de  forces  à  peu  près  égales, 
jeu  dans  lequel  Tltalie avait  toujours  eu  le  dessus, 
depuis  la  mort  de  Louis  XI  surtout. 

La  richesse  était  un  autre  avantage  de  Tltalie, 

le  conunerce  y  prospérait  comme  les  arts,  comme 

1  es  lettres,  et  toutes  ces  causes  réunies  concourent 

puissamment  à  la  douceur,  sinon  à  la  pureté  des 

KQceurs.  Dans  aucun  pajs,  peut-être^  l'état  des 


—  5168  — 

tendre  la  mort  dans  cet  état.  L*atrocitë  de  ce  sup* 
plice  fait  supposer  qu'elles  assassinaient  souvent 
leurs  époux  en  représailles  des  rigoureux  traite- 
ments auxquelles  elles  étaient  exposées. 

Enfin  la  vie  matérielle  était  encore  bien  dure 
et  bien  triste. 

Les  Russes  ne  connaissaient  pas  ces  titres  héré- 
ditaires de  comte  et  de  baron,  qu'ils  n'ont  adopté 
que  sous  Pierre  P^.  Ils  avaient  des  princes  et  de 
la  haute  et  petite  noblesse.  Le  titre  de  kniaz ,  oa 
^  de  prince  ne  fut  long-temps  accordé  qu'aux  des- 
cendants de  Rourik,  leur  premier  souverain.  Les 
princes  tuteurs,  convertis  au  GhristianismCi  por- 
tèrent aussi  ce  titre. 

Les  armes  ordinaires  des  Russes  étaient  Parc,  le 
javelot,  la  hache,  la  massue,  le  casque,  la  lance  et 
la  cotte  de  mailles.  On  connaissait  peu  llnfànterie 
avant  le  règne  de  Vassili  Ivanowitch. . .  Voilà 
à  peu  près  les  données  les  plus  certaines  que  nous 
offrent  les  historiens  qui  se  sont  occupés  de  la  vie 
morale  des  peuples,  et  jusqu'ici  ces  historiens  sont 
rares,  mais  fussent-ils  plus  nombreux  et  moins 
concis  sur  cet  intéressant  sujet,  notre  cadre  nous 
refuserait  des  détails  plus  longs.  Nous  croyons 
avoir  assez  dit  pour  donner  une  idée  générale  des 
mœurs  de  la  France  et  des  divers  Etats  européens  ^ 
auxXV;  et  XVr  siècles  ^ 


—  269  — 


CHAPITRE  DIXIÈME. 


Nous  voîci  revenus  à  Thistoire  de  rintelligence 
humaine^  à  la  philosophie ^  aux  lettres  qui  su- 
bissent dans  ces  deux  siècles  une  transformation 
complète.  Mais  ayant  d'entreprendre  celte  tâche, 
disons  un  mot  des  établissements  scientifiques,  de 
ces  nombreux  foyers  d'instruction  répandus  dans 
les  divers  états  européens.  Toutes  les  nations  ne 
marchaient  pas  également  dans  la  carrière  de  la 
science.  Ce  qui  leur  était  commun  c'était  le  be- 
soin de  savoir,  que  venaient  à  chaque  instant  ir- 
riter   et    alimenter    de    nouvelles  découvertes. 
L'Italie,  l'Ecosse,  l'Allemagne,  l'Espagne  et  la 
France  rivalisaient  d'ardeur.  Les  universités  déjà 
nombreuses  au  XIV*  siècle  se   multipliaient   à 
l'infini ,  le  XV*  compte  vingt-trois  créations  im- 
portantes,   et   le  XVP  au   moins   autant  \   A 
côté  de  ces  écoles,  où  devait  s'instruire  la  jeu- 
nesse sortie  des  collèges,  s'élevaient  des  académies 
destinées  à  compléter  l'instruction  des  hommes. 


—  270  — 

Celles  de  Florence^  de  Padouc,  de  Parme,  de 
Venise  datent  de  la  première  moitië  du  XVP 
siècle.  La  bibliolhèquc  du  Vatican ,  fondée  par 
Nicolas  V,  fut  agrandie  sous  Léon  X.  La  biblio- 
thèque .Ambroîsienne  doit  une  partie  de  ses  ri- 
chesses au  vénérable  archevêque  de  Milan^ 
Saint-Charles- Borromée.  La  bîhliotlièque  Palatine 
d^Heidelberg  passait  pour  une  des  plus  riches  de 
FEurope  avant  la  guerre  de  trente  ans.  Les 
princes  enrichissaient  à  l'en vi  ces  précieux  dépots 
des  connaissances  humaines...*  Et  telle  était 
rtmportance  qu'on  attachait  à  la  science  et  à 
Pamour  de  Tantîquité  que  le  roi  de  Naples,  Al- 
phonse-le-Magnanime ,  en  traitant  avec  Florence, 
stipulait  que  la  république  lui  céderait  un  beau 
manuscrit  de  Tile-Lîve... 

La  philosophie  avait  la  première  place  dans 
les  études  sérieuses  :  le  règne  de  la  scolastique  a 
eu  tk*ois  périodes  bien  distinctes  :  elle  jeta  ses 
fondements  dans  la  première ,  la  seconde  est  son 
époque  brillante;  sa  décadence  et  sa  chute  se 
trouvent  dans  la  troisième ,  au  XV*  siècle  :  le 
champ  qn^elle  défricha  dans  son  passage  fut  en 
apparence  stérile^  mais  si  des  subtilités  nom- 
breuses et  de  creuses  théories  ont  encombré  là  - 
voie  qu'elle  se  traçait,  le  progrès  ne  s^j  fait  pas  ^ 
moins  sentir  au  fond  :  elle  avait  conduit^  à  f^s^ 


—  «74  — 

lents  ^  il  est  vrai ,  les  esprits  à  Tétude  detf  «nci^iiA  9 
et  f  après  avoir  éclairé  les  générations  de  plusieurs 
siècles  des  lumières  de  l'antiquité  ^  elU  prépâ:hsi 
le  retour  à  l'évangile  1  le  vrai^  le  seul  fondement 
de  toute  philosophie  raisoïinablè.  La  «cotastiqne 
avait  exercé  les  facultés  de  rintelligetkce  ;  Tiatel^ 
ligence  se  dégageant  de  ses  langes  était  revenue 
au  spirilualisfue  ,  à  la  piété  '. 

Deux  systèmes  résument  la  philosophie  qui  lui 
succéda  >  et  deux  hommes  sont  Texpressioii  de  «s 
deux  systèmes  :  Aristote  et  Platon.  Âpres  la 
chute  de  Tempire  grec  ^  quelques  savants  étaient 
venus,  Aristote  et  Platon,  à  la  main^  demander 
un  asile  à  Tltalie  :  Rome^  IVaples,  FlorenOa 
surtout  leur  avait  donné  une  généreuse  hospitalité» 
et  bientôt  la  guerre  avait  commencé  dans  les 
écoles ,  entre  les  interprètes  du  Lycée  ei  ceui  de 
l'Académie.  Cette  guerre  dura  plus  d'un  siécU , 
pendant  lequel  la  pensée  de  ces  deux  colosses  de 
rintelligence  a  souvent  disparu  sous  les  coùl- 
ikientairès  ^*.  Les  esprits  positifs  préféraient  Técole 
péripatéticienne,  les  rêveurs,  les  enthousiastes  et 
les  novateurs  du  XYP  siècle  ^  se  tournaient  vers 
JPlaton.  Les  doctrines  de  ces  deux  illustres  phi- 
losophes,  encore  rivaux  ^  vingt  siècles  après  leur 
Tnorty  sont  assez  connues  pour  qu'il  ne  soit  pas 
l>esoin  de  les  rappeler  ici^  celles  de  leurs  adeptes 


1 


—  872  — 

sont  trop  nombreuses ,  trop  diverses ,  trop  dif- 
férentes pour  que  nous  essayons  de  les  analyser. 
Quelques  esprits  modères  et  conciliateurs  vou- 
lurent y  en  vain  ,  tenter  une  paix  impossible ,  le 
cardinal  Bessarion  y  épuisa  sa  science  ;  le  dissen- 
timent était  trop  profond. 

Le  XW  siècle  s'écoula  dans  ces  luttes  de 
l'esprit ,  confondant  souvent ,  comme  aux  siècles 
antérieurs ,  la  philosophie  et  la  théologie ,  et  les 
ruinant  toutes  deux,  en  y  mêlant  les  passions  hu- 
maines. 

Nous  citerons  parmi  les  plus  illustres  philo- 
sophes de  ces  deux  siècles,  Théodore  de  Gaza, 
Georges  de  Trébisonde,  Gemistius  Pletho^  Marcile 
Ficin  à  qui  Ton  doit  une  version  latine  de  Platon 
et  des  Alexandrins  y  les  deux  comtes  Jean  Pic  et 
François  Pic  de  la  Mirandole,  Nicolas  de  Guss, 
Taurellus,  J.  Bruno  qui  renouvella  lacahalle, 
et  périt  sur  le  bûcher,  Ramus  (Pierre  de  la 
Ramée  )  victime  de  son  fanatisme  anti-aristoté- 
lique ^  ;  r Allemand  Jean  Reuchlin ,  Acchillini  di 
Bologne,  Zimara  et  Simon  Porta  de  Naples 
Jules-César  Yanîni  brûlé  à  Toulouse  comme  athée  -^ 
Capellanna,  Paracelse  de  Einsiedeln,  Jérôme 
Cardan  de  Pavie,  Pierre  Pomponazzi  de  Padoue  -« 
Génésius  Sépulvéda ,  Crémonini ,  André  Cisalpine 
d'Arezzo ,  précurseur  de  Spinosa  qui  représen^ 


tait  Dieu ,  non  comme  la  cause ,  mais  comme  la 
jsubstance  du  grand  tout ,  et  qui  admettait  une 
âme  unique  pour  toutes  les  créatures  animëçs  K 
Le  premier  Lorenzo  Valla  et  le  Stoïcien  Juste- 
Lipse  se  firent  aussi  remarquer^  car  à  cette  ëpoque, 
pour  qu'un  système  eût  quelque  crédit,  il  fallait 
qu'il  se  rattachât  sinon  à  Platon  et  Aristote ,  au 
moins  à  quelqu'autre  prince  de  la  philosophie 
l^recque  :  jusqu'à  Descartes ,  on  n'osa  pas  penser 
seul  et  a^oir  un  système  à  soi.  Telezio  de  G)senga 
et  Patrizzi  de  Glisso,  après  avoir  professé  le 
Néoplatonisme ,  enseignèrent  une  philosophie 
naturelle ,  et  expliquant  la  nature  par  des  hypo- 
thèses, voulurent  pénétrer  dans  les  principes 
essentiels  des  choses.  Ulric  de  Hutten  et  Erasme 
de  Rotterdam ,  célèbre  parmi  les  plus  célèbres 
par  son  esprit  satirique ,  contribuèrent  à  la  ré- 
forme sans  vouloir  adopter  aucun  système  ^  mais 
en  sapant  par  la  base  tout  ce  qu'on  avait  reconnu 
jusqu'alors  comhie  saint  et  sacré.  Uéloge  de  la 
folie  est  resté  comme  un  modèle  de  scepticisme 
et  d'ironie  qu'imita  Rabelais ,  plus  jeune  que  lui 
de  seize  ans.  Erasme^  disait-on  après  la  réforme, 
a  pondu  les  œufs  que  Luther  a  fait  éclore...^ 

Nous  nous  rapprochons  d'une  époque  où  lés 
disputes  philosophiques  prennent  un  caractère 

plus  grave.  Ici,  nous  citerons  seulement  Mé* 
V.  '  18 


lanchton  j  penseur  sërienx  et  éruditi  tfbl  MNih 
calmer  enrëclairant  la  fougue  du  gtàùd  têRtfiàM^ 
teur.  Les  autres  appartiennent  en  entlm*  &  TM^ 
toire  religieuse,  et  nous  avons  eu  à  en  pUlXér^. 
A  côte  de  ces  philosophes  croyants  et  ImMiMÉMb 
s'élevait  un  représentant  de  Pjrrhon  et  d*EpidiMiy 
un  sceptique ,  un  sensualiste  célèbre  dont  la  HiHUk 
croyance  céda  cependant  au  lit  de  mort  à  là 
conviction  religieuse,  it  Montaigne  que  néttiM>- 
trouverons  avec  ses  émules  et  ses  amis  Labdââé 
et  Charron ,  en  nous  occupant  des  lettrés  mû^ 
{laises. 

La  philosophie  et  la  théologie  étaient  ëiM^ 
péennes,  à  cette  époque  surtout;  les  troi^nîMA 
religieuses  et  morales  sont  choses  trdp  sékiéttMlr'^ 
trop  vastes )  pour  être  circonscrites  à  un  pliyi,lk 
changer  de  nation  à  nation  suivant  les  méstM'W 
les  usages  ;  les  lettres ,  au  contraire ,  reflet  êÊk 
mœurs  de  chaque  peuple,  et  assujetties  à  sa1ifi%illi 
doivent  être  étudiées  dans  Je  pays  qu'elles  ié|ltfr 
sentent.  La  France  aura  naturellement  la  priotftl^ 
ne  ftasions^nous  pas  français ,  elle  devrait  Tairdlt 
encoure ,  car  elle  a  été  sans  cesse  investie  dHittll 
mission  civilisatrice ,  et  comme  nous  Tavofts  iSi^à 
dit^  a  toujours  marché  la  première  dans  la  "tbie 
du  progrès  :  qu'on  la  prenne  sous  ChùrieiAhglié  » 
ressuscitant  Tempire  et  constituant  TAIIeiittigtlë^ 


—  275  — 

SOUS  les  Arabes ,  s^approprîant  la  cîvîlisatîon  et 
les  arts  de  l'Orient;  sous  Grégoire  Vil,  contri- 
buant ,  par  son  ardente  milice  de  Gluni ,  à  Te'ta- 
blissement  de  la   monarchie    pontificale;    sous 
Philippe  r',  donnant  des  souverains  à  l'Angle- 
terre ,  à  ritalie ,  à  la  Sicile  et  à  Jérusalem  ;  sous 
saint  Bernard  etsainl  Louis,  intervenant  comn^e 
médiatrice  entre  les  états  euro|)éens3  sous  Phi- 
lippe-le-Bei ,  jetant  les  fondements  du  pouvoir 
administratif;  sous  Jean  II  j  essayant  en  iâ57  la 
révolution  de  1789  ;  sous  Charles  V  et  Jeanne 
d'Arc ,  s'affranchîss£«it  de  la  domination  anglaise  i 
sous  Charles  VIII ,   entreprenant    la    cqnquétt 
italienne  ;  sous  François  T^^  réprimant  Forgueil 
espagnol  :  la  France  semble  présider  à  tous  les 
mouvements,    et   occuper  partout   la  première 
place.  Quand  elle  ne  crée  pas.,  elle  reçoit  et  per- 
fectionne. En  contact  avec  les  nations  voisines, 
dont  elle  peut  être  regardée  comme  le  centre, 
elle  a  entretenu  avec  elles  un  échange  perpétuel^ 
un   commerce   non    interrompu   dUdées   et   de 
principes.   Elle  a  formé  la  scolasti<{ue  ;   elle  a 
ouvert  un  asile  à  la  renaissance  ;    elle  n'est  pas 
restée  inaccessible  à  la  réformation.  C'est  en  s'i- 
dentifiant  avec  TEurope ,  et  en  lui  imposant  son 
esprit,   quMle   a  pu,    renouvelant  au  dernier 
siècle  ce  qu'elle  avait  fait  sous  les  premiers  Ca- 


—  Î7C  — 

pëtiens  9  voir  des  princes  français  s'asseoir  sur  les 
principaux  trônes,  merveilleuse  conquête  qui  té« 
moigne  de  Tuniversalité  de  notre  caractère  et  de 
son  immense  sympathie  ^2  ! 

Cependant,  après  avoir  accompli  cette  première 
tâche  nous  essayerons  de  jeter  un  coup  d'œil  ra- 
pide sur  les  autres  contrées  de  FEurope. 

Le  langage ,  première  base  de  toute  littëi*ature, 
conunençait,  au  XY^  siècle ,  à  devenir  plus  clair, 
plus  correct,  plus  philosophique^  plus  nourri 
d'idées,  et  cependant  la  littérature  française,  sui- 
vant seulement  l'impulsion  qu'elle  recevait  du 
dehors,  était  laissée  en  arrière  par  celle  de  la  plu- 
part des  autres  nations  :  c'est  que  des  essais  multi- 
pliés, bizarres^  contradictoires,  avaient  précédé 
un  progrès  réel.  Avant  que  la  langue  se  fût  épuréci 
enrichie  et  complétée ,  les  ouvrages  les  plus  re- 
marquables se  trouvaient  parmi  les  romans  de  che- 
valerie; les  contes,  les  fabliaux  sont  la  lecture 
des  gentilshonunes  de  cette  époque  ;  et  comme  les 
vers  des  trouvères  étaient  jugés  fatigants,  le  grand 
travail  du  XV^  siècle  fut  de  les  traduire  en  prose, 
soit  pour  leur  enlever  de  la  monotonie,  soit  pour 
leur  donner  une  forme  plus  moderne,  plus  en 
harmonie  avec  les  progrès  de  la  langue.  Âinsi^  les 
romans  d'Ogier  le  danois  et  des  autres  paladins 
de  Charlemagne  furent  traduits  sous  Charles  VII. 


—  Î77  — 

Deux  cent  quarante -'cinq  romans  de  chevalerie 
furent  imprimes  dans  le  langage  moderne  de  1Û62 
à  1520  '*.  C'était  une  Traie  fureur;  aucun  homme 
d'armes  ne  concevait  là  guerre ,  aucun  prince  ne 
comprenait  la  politique  autrement  qu'il  ne  la  trou- 
vait dans  les  romans.  Louis  XI  est  une  exception. 
Mais  si  les  romans,  la  seule  ëtude  du  plus  grand 
nombre,  h'en  étaient  pas  une  pour  ce  prince,  les 
fabliaux  étaient  son  délassementfavori.  Ces  contes 
demi-dévots ,  demi-galants  ou  satiriques^  étaient 
empruntés  aux  légendes ,  à  Bocace ,  à  l'antiquité 
même,  qu'on  torturait  pour  la  traduire  en  Notb' 
velles.  Les  Cent  Noupelles-Noupelles  furent  com- 
posées, traduites  ou  recueillies  sur  Tordre  du  dau- 
phin Louis^  comme  contes  qui  sont  moult plai- 
sans  à  raconter  en  toute  bonne  compagnie  pour 
manière  de  joyeuaeté.,.^  et  en  effet  ils  sont  attri- 
bués aux  plus  grands  seigneurs  de  France  et  de 
Bourgogne,  au  jeune  duc  Charles  et  au  dauphin 
lui-même^*.  Les  mésaventures  conjugales  de  la 
noblesse  et  de  la  bourgeoisie  sont  le  thème  fré- 
quent de  ces  productions  licencieuses  mises  à  la 
mode  par  le  roman  de  la  Rose  dont  le  succès  avait 
gâté  le  goût  et  nui  aux  mœurs  françaises  ^^. 

La  poésie  lyrique  était  aussi  cultivée  à  cette 
époque,  et  elle  était  aussi  presque  exclusivement 
le  partage  des  grands  seigneurs,  qui  décidément 


voulaient  sortir  de  Tignoranceoù  lesayaieotlaisaéi 
jusqu'alors  la  barbarie ,  la  féodalité  et  la  nëceanté 
de  guerroyer  à  tout  instant.  Charles,  duc  d'Orlëanai 
le  père  de  Louis  XII ,  Toncle  de  François  V, 
acquit  par  ses  ballades  une  réputation  qui  ne  fut 
pas,  disent  les  historien^^  sans  influença  sur  la 
politique;  ce  sont  au  moins  celles  qui  malrquen^ 
le  mieux  les  progrès  de  la  langue  et  du  goût.  Nous 
en  citerons  une  à  l'appui  de  cette  assertion,  Ceat 
un  madrigal  qu'il  adressa  en  1^33  au  duc  de  Ikmiw 
bon  I  son  compagnon  de  captivité  en  Angleterre, 
lorsque  celui-ci  obtint  la  permission  d^  rentrer 
en  France  : 

Puîsqu'aÎQsi  est  que  vous  allez  en  FraDce^ 
Que  de  Bourbcn ,  mon  compaigoon  trës-chicri 
Où  Dieu  vous  doiit^  selon  la  dësirance 
Que  tous  ayons',  bieo  pouvoir  besongnier. 
Mon  lait  vous  veulx  descouvrir  et  chargieri 
De  tout  en  tout^  en  sens  et  en  folie; 
Trouver  ne  puis  nul  meilleur  mcssaigier, 
11  ne  faut  jà  que  plus  je  vous  en  die. 

Premièrement ,  si  c'est  votre  plaisance , 
Recommandez-moi ,  sans  point  l'oublier, 
A  ma  Dame  ;  ayez-en  souvenance 
Et  lui  dites ,  je  vous  prie  et  requier. 
Les  nanx  que  j'ai ,  quand  ne  faut  «sioignier 
Wittgv^  n<M|  v/euïl  fa  dpuce  compaîgQÎe. 


—  879  — 

Voof  farez  bitn  que  Q*at  de  td  aiesder, 
n  ne  faut  jà  que  plus  }è  V99>  ^  iJ^* 

Ùr  y  fûtes,  comme  j'ai  la  fiance. 
Car  in)  aiui  4QÎt  pour  Tautiae  Tailler. 
Si  Tons  ditcz  :  je  ne  sïiiç  ^ans  doutanœ 
Qui  esûcelle  :  yeuiUezl^  m'ens^igoier? 
Ip  vous  répond  que  pe  vous  £aut  serdper 
Fors  que  celle  qui  est  la  mieux  garnie 
Se  tous  les  biens  qu'on  saurait  sonhaitier  : 
n  ne  ikut  jà  que  plus  je  tous  en  die. 


Si  Ton  pouvait  être  certain  de  l'authenticité 
des  poésies  de  Clotilde  de  Surville  qui  viyait  à 
la  mén^e  époque,  peut-être  y  trouverait-on  un 
progrès  plus  réel  encore,  dans  les  pensées  surtoiit 
et  dans  ces  sentiments  nobles  et  purs  qui  fpnt  de 
la  poésie  Tinstitutrice  du  gepre  humain*^. 

En  l/i31  naquit  Villon  que  Boileau  nous  pré- 
sente comme  le  premier  poète  qui  ait  su  donner 
des  règles  à  la  langue  et  à  la  versification;  ce  juge- 
ment, qui  n'a  pas  été  confirmé  par  la  postérité  j 
n^était  pas  juste  en  eflFet  :  Villon  peut  tout  au  plus 
être  considéré  comme  le  Créateur  de  la  poésie 
burlesque*^;  ipiage  de  sa  vie  agitée,  ordurîère  et 
cependantoriginale  et  poétique,  qu'eût  terminée  la 
potence,  si  Louis  3LI  ne  se  tût  trouvé  dans  un  de 


—  i80  — 

ses  moments  de  clémence  le  jour  où  la  oorde  atten<- 
dait  le  rimeur  qui  la  narguait. 

La  poésie  du  XVr  siècle  (dans  leqad.  nous 
entrons  après  Villon  )  se  ressent  de  l'inflaence  de 
la  niforme  comme  toutes  les  autres  branches  de 
la  littérature.  Si  Marot ,  par  exemple ,  ne  f&t  pas 
né  dans  des  temps  de  luttes  et  dliérësies ,  poète 
ingénieux  et  galant ,  il  eût  chanté  comme  Horaœ 
ou  Anacréon...  Il  traduisit  les  psaumes  de  David! 
c'est  que  le  calvinisme  était  alors  de  mode  à  la 
cour,  comme  le  yoltairianisme  au  XVIU*  siècle. 
La  tolérance  de  François  V^  le  permettait  ainsi  **| 
mais  ce  bon  temps  ne  dura  pas,  et  Marot*  protes- 
tant par  bon  ton^  Marot  exilé  auprès  de  la  duchesse 
de  Ferrare ,  sollicita  son  retour  aussitôt  qu'il  eud 
appris  l'art  difficile 

De  parier  peu  et  de  polUoniser^ 

£t  d'un  seul  mot  de  Dieu  ne  dcriser. 

Le  caractère  de  la  poésie  de  Marot,  lorsque  ce 
n'est  pas  le  sectaire  qui  écrit,  c'est  la  grftce  et  la 
délicatesse  :  jamais ,  dit  avec  raison  un  critique 
moderne,  jamais,  même  dans  la  raillerie,  son  Ion 
n'est  amer  ni  emporté.  Il  plaisante  de  l'Eglise  et 
du  Clergé  en  réformé  mondain ,  plutôt  qull  ne 
l'attaque  en  prédicateur  fanatique.  Admirateur  et 
héritier  de  Tesprit  libre  penseur  de  Tillon ,  la  li- 


berlé  de  sa  vîe  se  ressent  aussi  un  peu  des  exem- 
ples de  son  devancier  >  mais  son  libertinage  est 
plus  élëgant  et  plus  poli. 

L'ëcole  de  Marot  finit  à  Genève  avec  de  Béze, 
sectaire  grave  et  enthousiaste  qui  n'avait  pris  du 
poète  que  le  côté  sérieux  ;  en  France  elle  conti- 
nua dans  Saint-Gelais,  prélat  courtisan^  flatteur^ 
délicat^  naïf  et  gracieux  comme  son  maître,  mais 
sans  portée^  sans  ce  ton  incisif  qu'aimait  tant 
la  cour  de  François  I*'»  Saint-Gelais  et  de  Bèze 
furent  la  monnaie  de  Marot ,  qui  avait  su  réunir 
ce  qu'exigeaient  Tardente  austérité  du  calvinisme 
et  les  mœurs  licencieuses  du  grand  monde. 

Les  rondeaux  de  Saint-Gelais  sont  c?n  général 
d'un  ton  heureux ,  et  s'ils  s'écartent  souvent  du 
bon  goût ,  ils  s'éloignent  rarement  du  bon  ton. 
Le  poète  savait  qu'un  évêque  qui  conte  fleurette 
offre  un  contraste  bizarre ,  même  à  la  cour;  mais 
au  lieu  de  se  laisser  décourager  par  cette  difficulté, 
il  en  profitait  avec  un  art  piquant  qui  devançait 
le  XV m®  siècle  ,  Voltaire  et  l'abbé  de  Bernis  j 
c'est  ainsi  qu'il  disait  aux  dames  : 

Si  du  parti  de  celles  voulez  être 
Par  qui  Venus  de  la  cour  est  bannie^ 
Moi ,  de  son  fils  ambassadeur  et  prêtre. 
Savoir  vous  £iis  qu'il  vous  excommunie. 


*S8t — 

Certes ,  il  faut  bien  s'identifier  avec  les  ptamn 
(le  la  cour  de  France  à  cette  ëpoqi|e  pour  ne  ^ 
être  indigne  de  ce  double  rôle  de  prêtre  d^  fénfBt 
Christ  et  de  Cupidon...  Eh  bien,  celan*ët^it  dcm 
(ju^unegentillessci  une  espièglerie  de  PfëlçtfMQp 
faisait  des  madrigaux  sur  les  niartyrSi  on  ëcrivai|  i\p 
langoureux  petits  vers  sur  les  psautiera  deq  daippB 
pendant  que  la  reforme  grondait  à  \^  porte  dfli 
ëglises  et  des  Palais  :  on  chantait  et  Yqu  précb^d 
on  chantait  et  Ton  persécutait.  Tout  cela  allait 
ensemble  et  nul  ne  s^en  étonnait.  • . 

Au  milieu  de  ce  déluge  de  fureurs  et  defadis^rs 
singulièrement  accouplées,  quelques  érudits  cul^« 
vaieat  en  silence  la  poésie  antique,  Pub^ll^J  et 
Ronsard  sortirent  de  celte  nouvelle  école  :  arri^, 
s^écriele  premier,  plus  de  cette  poc^sie  qui  qe  Wiit 
pas  sortir  de  la  vie  commune  j  prei^oiis  TessQr^ 
imitons  Tancienne  Italie  :  marchons,  et  de  ffi» 
dépouilles  comme  de  celles  de  la  Qrèce  OrQQRS 
pos  temples  et  nos  autels...  Cette  nouvelle  et  m- 
blime  ardeur  ne  donna  cependant  pas  &  ]fiW 
poésies  le  caractère  d'originalité  qui  aurait  d^  PQ 
sortir  ;  ils  ont  beau  comparer  leurs  dames  à  Diane, 
à  Vénus ,  à  Hélène  ;  pour  être  grecques  ou  niy- 
thologiques;  elles  n'approchent  pas  plusdel^ure 
ou  de  Béatrix  que  la  France  n'approcl^  do  Tlta- 
lie  du  XVP  sièclci  cl  cependant  lionsard  était  le 


ciemi-dieu  de  rëpoc|ue  :  901^  styl»  lyi^îcfue^  tout 
essoufilë  d'enthousiasme^  plaisait  à  la  foula  dorée; 
Is^  r^orme  même ,  qui  le  haïsaait  comme  oathoU^ 
qi|e,  l'admirait  comme  poète.  Les  hommes  qui 
soumettaient  les  dogmes  à  leur  examen  et  ne 
craignaieut  pas  de  détruire  l'antique  autorité  de 
Vqglise  s'inclinaient  devant  Finfaillibilité  de  Ron* 
sa^d^  A.U5si  ce  poète,  infatué  de  sa  gloire^  s'écriait*» 
il)  en  parlant  de  ses  nombreux:  coufràres  an 
4pQUon : 

Vous  dtes  me$  au  jets ,  je  suis  seul  votre  roi  !..  «• 

La  France  ne  s'inclinait  pas  seule  devant  eo 
puissant;  génie  si  complèteqieqt  onhlifi  aujour- 
d'h^i.  D^ns  les  universités  d'Allemagae  et  d'Aur 
gjeterre  on  expliquait  tantôt  lloqdèfe  et  tantôt 
(lons^^^U.. 

Ponpi  les  poètes  de  Fécole  de  Ronsard  deux 
^e^lefpçnt  méritent  QQtre  attention  :  d'Aubigné 
et  Desportes*  A  peine  âgé  de  huit  ^n^»  d^Aubigné 
passant  par  Amboise  yit  des  téte^  de  Huguenote 
attachées  h,  h  poteppe  ej;  entendit  fiop  père  qui, 
sous  peine  de  m^édictipn,  lui  ordonnait  de  ven- 
ger  le  meurtre  4^  ses  frères.  Le  jeupe  homme, 
poète  plutôt  que  beUiquevix,  les  vengea  pur  des 
impréc^^ipos  rimées  ;  se»  satire^  bibliques  e^rent 
un  grai^d  s^^pés  dans  son  p^irti.  Despo^t^l  9y  eon*- 


traire,  favori  d*Henri  III,  chanta  ses  mignons  et 
ses  maîtresses ,  devint  plus  tard  un  riche  abbë  él 
laissa  doucement  couler  sa  vie ,  sans  sMnqàiëter 
du  lendemain  y  dans  les  douceurs  de  la  gloire,  de 
la  fortune  et  du  plus  dolcefar  niente. 

A  Tëcole  de  Ronsard  succéda  celle  de  R^[nier, 
qui  n'eut  cependant  pas  Tambîtion  d^étre  Vwa 
des  réformnteui^  de  la  poésie.  Ronsard^  en  vou- 
lant rehausser  le  ton  de  la  poésie,  avait  pris  Tem- 
pliase  pour  de  la  noblesse  et  copia  les  anciens  en 
les  boursoufflant.  Régnier  chanta  plus  naturelle- 
ment ses  impressions  et  laissa  davantage  à  la  na- 
ture *^. 

On  remarque  à  cette  époque  un  changement 
notable  dans  l'esprit  de  la  littérature  qui^  trop 
longtemps  mêlée  aux  agitations  politiques^  com- 
mence à  rentrer  dans  sa  sphère.  Les  poètes  ne 
sont  plus  catholiques  ou  reformés,  ils  sont  poètes. 
Le  repos  succède  à  l'agitation ,  la  réaction  amène 
l'amour  de  Tart  pour  lui-  même,  et  Malherbe  »  le 
vrai  roi  des  poètes  du  XVI*  siècle^  naft  de  cette 
douce  révolution  due  à  la  lassitude  autant  qu*aa 
génie  ferme  et  conciliateur  du  bon  Henri.   ' 

Laissant  de  côté  la  foule  des  rimeurs  à  la  suite  **^ 
c'est  donc  de  Malherbe  seul  que  nous  allons  nous 
occuper.  Non  que  ce  poète  riche  d'une  imagina- 
tion brillante  et  d'un  génie  créateur  ait  lanéàé 


beaucoup  de  chefs-d'œuvre,  mais  il  eut  un  mé^ 
rite  peut-être  plus  grand,  car  il  embellit  et  fixa  la 
langue.  Que  les  reformés  soient  vaincus  par  la 
ligue ,  que  cette  ligue  elle-même  succombe  sous 

les  coups   du  roi Qu'importe  à  Malherbe? 

mais  qu'un  mauvais  rimeur  produise  un  sonnet 
réprouvé  par  le  goût  ou   d'un  style  barbare  , 
alors  il  s'émeut  et  s'indigne,  car  il  s'agit  du  sa- 
lut de  la  poésie  française!  C'est  qu'il  avait  donné, 
lui,  le  vrai  caractère  de  cette  poésie,  le  vrai  gé- 
nie de  cette  langue^  c'est  qu'il  avait  la  conscience 
d'avoir  trouvé  et  embelli  ces  matériaux  dont  al- 
laient se  servir  Corneille  et  Racine  pour  en  bâtir 
un  temple  immortel  à  la  gloire  des  lettres  fran- 
çaises... Sa  sévérité,  dit  un  critique  ^  passe  les 
paroles  au  crible  ;  s'il  donna  peu  à  l'imagination, 
en  revanche,  il  sépara^  classa  les  pensées  et  les« 
mots,  régla  leur  emploi  avec  toute  la  rigidité 
d'un  grammairien;  un  économiste  ne  réglerait 
pas  avec  plus  de  soin  les  finances  de  l'État  :  tout 
est  à  sa  place,  rien  n'est  oiseux ,  rien  n'est  jeté  au 
hasard.  Il  déclarait  une  guerre  à  mort  à  la  servile 
imitation  des  anciens,  introduitepar  Ronsard,  en 
même  temps  qu'il  dégascormait  ^  comme  le  dît 
Balzac,  la  cour  et  la  ville.  Cette  sévérité  s'accor- 
dait   merveilleusement   avec    la   tendance    des 
mœurs  du  siècle  :  sous  Henri  IV,  la  monarchie 


—  »6  — 

s'affermissait,  la  dëbaudie  ëhontëe  s^enfuySiit, 
Tëtiquette  et  la  bienséance  naissaient;  car  n 
joueuses  que  fussent  les  a]lui*es  du  Bëamais,  elles 
avaient  la  noblesse  et  la  dignité  qui  manquaient 
à  ses  prédécesseurs. 

N'exagérons  rien  cependant ,  et  n^allohs  pas 
croire  que  Malherbe  ne  fAt  qu'un  puriâte  Du  un 
froid  rhéteur.  Nous  »\ons  voulu  indiquer  le  ca- 
ractère de  son  talent ,  mais  ce  caractère  n^exduait 
par  les  sentiments  et  la  grâce;  on  en  jugera  par  la 
pièce  suivante,  son  chef-d^œuvre ,  il  est  vrai, 
mais  qui  serait  un  chef-d^ceuvre  encore  dans  no- 
tre époque...  il  donnera  en  même  temps  la  mesnie 
des  progrès  qu'avait  faits  la  langue  à  la  fin  dn 
XVI"  siècle. 

CONSOLATION.  —  a  M.  du  PEainsa. 

1599. 

Ta  douleur,  du  Perrier^  sera  donc  éternelle  ? 

Et  les  tristes  discours 
Que  te  met  ai  l'esprit  Tamitié  paierndle 

L'aogmeoteront  toujours? 

Le  malheur  de  ta  fille  au  tombeau  descendue 

Par  un  commun  trdpas , 
Est*ce  quelque  dédale  où  ta  raison  perdue 

Ne  se  retrouve  pas  ? 


Je  sais  de  quds  appas  son  e&iance  était  pleiof  i 

Et  n'ai  pas  entrepris  » 
iDJurieui  ami ,  de  soulager  ta  peine 

Avecque  son  mépris* 

Mais  elle  était  du  monde  où  les  pliu  beUes  okoses 

Ont  le  pire  destin  ) 
Et  rose  elle  a  vécu  ce  que  vivent  les  rosM  i 

L'espace  d'un  matin. 

Puis  quand  ainsi  serait  que  »  selon  ta  priire  ^ 

Elle  ttea&  •btem 
D'avoir  en  cheveux  blanes  terminé  sa  oarrike  ^ 

Qu'en  fût*il  avenu  ? 

Penses-tu  que  plus  vieille  en  la  maison  eéleste 
Elle  eût  eu  plus  d'accueil  ? 

Ou  qu'elle  eût  moins  senti  la  poussière  funeste 
Et  les  vers  du  cercueil  ? 

Non  ,  non,  mon  du  Perrier,  ftisshAt  que  II  Parque 

Otel*tmedii  corps, 
L'âge  s'cvanouit  au-deçà  de  la  barque , 

Et  ne  suit  point  les  morts. 


Ne  te  lasse  donc  plus  â*inntiles  complaintes; 

Mais ,  sage  à  Tavenir, 
Aime  une  ombre  comme  ombre ,  et  des  oendrei  éteintes 

Éteins  le  souvenir. 


CeA  Um  Je  le  eonfesse»  nue  jute  eoutume 

Que  le  Cttur  affligé/ 
Par  le  canal  des  yeux  venant  son  amertomey 
Cherche  d'être  ali^. 

Même  quand  il  avient  que  la  tombe  sépare 
Ce  que  nature  a  joint  ; 

Celui  qui  ne  s'émeut  a  Tâmed'un  barbare  y 
Ou  n'en  a  du  tout  point* 

Mais  d'étiie  inconsolable  et  dedans  sa  mémoire 

Enfermer  un  ennui  » 
N'est-ce  pas  se  haïr  pour  acquérir  la  gloire 

De  bien  aimer  autrui? 


De  moi  dqà  deur  fois  d'une  pareille  foudre 
Je  I  ne  suis  tu  perclus; 

Et  deux  fois  la  ra  ison  m'a  si  bien  £ût  résoudre 
Qu'if  ne  m'en  souyient  plus. 

Non  qu'il  me  soit  g^ief  que  la  terre  possède 
Ce  qui  me  fut  si  cher; 

Mais  en  un  accident  qui  n'a  point  de  remède 
Il  n'en  faut  point  chercher* 

La  mort  a  clés  rigueurs  à  nulle  autre  pareilles  : 
On  a  beau  la  prier  ^ 


.j 


La  cruelle  qu'elle  est  se  bouche  lei  oreilles , 
Et  nous  laisse  crier. 

Le  pauvre  en  sa  cabane  ^  oii  le  chaumn  le  couyre , 

Est  sujet  h  ses  lois; 
Et  la  garde  qui  veille  aux  barrières  du  Louvre 

N'en  défend  point  nos  rois. 

De  murmurer  contre  die  et  perdre  patience 

IlestmnlÀ  propos; 
Vouloir  ce  que  Dieu  veut  e»t  la  seule  science 

Qui  nous  met  en  repos. 

N()\is  cti  nvons  fini  avec  la  poésie.  La  sme  de 
nos  prosateurs  riVsl  ni  moins  leeonde  ni  moins 
inleressanle.  L'iiisloire,  qui  jusqu'alors  n'avait  etd 
([Wi}.  chronique  ^  va  désormais  prendre  rang  dans 
la  littérature;  à Froissart  avaient  suecédé :  Monstre- 
let,  narrateur  sans  imagination  ,  sans  cet  enthou- 
siasme naïf  (|ui  fait  supporter  les  longueurs  de 
Froîssart;  le  roi  d'armes  Berry,  qui  eherolia  de 
honne  foi ,  mais  sans  talent^  i\  consacrer  les  hauts 
faits  royaux  etcheva1eres(pics  ;  (îhartîer,  nomme? 
par  Charles  VU  historiographe  de  France,  et  qui 
ne  sut  faire  qu^m  long])anc^gyriquedesou  maître; 
Jacques  du  Clercy  et  Mathieu  de  Coucy,  person- 
nages puissants,  i^  portée  de  bien  savoir,  mais  fa- 
tigants par  leur  prolixitcf...  Avec  Commines,  com- 
mença cette  sdrie  de  mémoires  intéressants  que 
V.  19 


nous  connaissons  sur  lesXY*  et  WX^  «î^ttt  ®^ 
que  termina  V Histoire  unwerseUe  de  Thou^  qui 
enfin  éciivit  thistoire. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  parler  d^Olivier 
de  la  Marche ,  de  d'Aubigné^  de  Lanoue  ^  du  ma- 
réchal de  Fleurange^  deCondë,  deTEstoile^  du 
cynique  Brantôme  et  du  bouillant  M ontluc  ^  de  la 
spirituelle  et  voluptueuse  Marguerite  de  Navarre, 
de  Dubellay ,  de  Tavannes,  de  la  Chastre^de  Go- 
ligny ,  etc.  *>,  force  nous  est  de  nous  en  tenir  à 
Commines ,  qui  ouvre ,  et  à  de  Thou^  qui  clôture 
cette  curieuse  série.  Le  premier,  doué  de  ce  coup 
d*œil  sec  et  froid  qui  ne  permet  à  aucune  passion 
de  se  livrer  à  Texamen  des  événements,  dénué 
d'ailleurs  d'imagitiation ,  avait  été  l'ami^  le  con- 
fident et  la  victime  de  Louis  XL  Instruit  par  de 
telles  leçons ,  soumis  à  de  pareilles  épreuves  ^  avec 
ce  caractère  i  il  ne  peut  plus  avoir  la  naïve  bonr 
homie  et  le  moi  piquant  de  nos  chroniqueurs  ;  il 
écarte  au  contraire ,  comme  sM  eut  dû  en  souffrir 
encore,  tous  les  souvenirs  de  la  vanité  person- 
nelle, il  s'efface  même  dans  les  circonstance^  où 
il  a  dû  jouer  un  grand  rôle.  Cette  impassible  froi- 
deur^ que  Brantôme  chercha  plus  tard  à  imiter, 
étonne  d^abord^  et  puis  irrite  le  lecteur,  quelque 
peu  ému  du  spectacle  de  Thistoire  ;  résigné  aux 
vices ,  aux  malheurs ,  aux  sottises  des  lioaunesi 


il  accepte  tout^  il  explique  tout^  il  es\,  fataliste 

Ainsi  nou^  avofis  vu  de  nos  jours  un  écrivain^ 
plus  jeupe  et  moins  éprouvé,  nous  raconter  les 
horreur?  de  la  révolutîoa  avec  ce  calme  froid  qui 
explique  tout  pt  ne  s'e'meut  fie  rien.  La  trame  des 
événements  se  lie,  aux  yeux  de  ces  hjstûriens,  par 
une   combinaison  nécessaire  des  carijctères  hu- 
mains et  des  circonstanççs  qui  les  environnent». 
De  Tlîou,    président  au  Parlement,    érudit, 
consciencieux  et  grave,  fit  faire  à  l'histoire  un 
pas  immense  ;  au  récit  diffus  des  chroniqueurs,  il 
substitua  le  premier  une  4qrralion  claire  et  métho- 
dique ,  il  distribua   les  faits  selon  les  règles  de 
l'art  et  du  goût,  et  mêla  à  son  répit  des  réflexiorjs 
judicieuses  et  souvent  profondes,  mais  qui  se  bor- 
nent au  présent,  et  préjugent  rarement  l'avenir. 
Son  style,  imité  des  anciens,   qu'il  ain^ait  jus- 
qu'au point  d'adopter  leur  langue  quand  la  sienne 
était  déjà  formée,  son  style  est  toujours  grave  et 
majestueux ,  et  s'il  ne  devança  pas  les  historiens 
modernes  dans  les  vues  philosophiques  et  géne- 
ralisatrices,  c'est  que  peut-êire  il  prévoyait  que 
son  siècle  ne  Teût  pas  compris 


94 


En  continuant  la  revue  de  nos  prosateurs  les 

plus  célèbres  y  nous  retrouvons  en  première  ligne 

19. 


Monlaigne^  La  Boêlie  cl  Charron  ,  écrivains  mo- 
ralistes; la  politique  nous  donna  Pasquier,  THô- 
pital  et  Bodin  ;  la  jurisprudence  Cujas^;  la  satire 
philosophique  Erasme ,  Rabelais  et  la  Ménippee. 
Le  caractère  de  la  littérature  philosophique  de 
ces  deux  siècles^  c'est  une  horreur  profonde  de 
tout  frein  ;  l'esprit  libre  penseur  se  montre  par- 
tout,  depuis  les  fabliaux  légers  jusqu'aux  gros  li- 
vres de  morale ,  dans  la  controveree  religieuse 
comme  dans  la  poésie  satirique;  ce  ton  naïf  et 
malin  qu'on  admire  dans  toutes  les  productions 
de  cette  époque  ,  les  rend  inimitables  et  délicieuses 
à  lire.  Ce  n'est  précisément  ni  de  la  sédition  en 
politique,  ni  de  l'incrédulité  en  religion ,  ni  de 
l'obscénité  dans  les  romans  de  mœurs  *^;  c'est  une 
sagacité  pénétrante  ,  vive  et  malicieuse,  une  ori- 
ginalité piquante  y  qui  ne  laisse  aucun  repos  à  l'es- 
prit ,  et  cependant  le  délasse  et  lui  plaît.  Quoi  de 
plus  attrayant  que  les  Essais  de  Michel  Mon- 
taigne*', de  plus  gai,  de  plus  fort,  de  plus  spiri- 
tuel que  l'histoire  drolatique  de  Gargantua  et  de 
Pantagruel?  et  cette  Satire  Ménippee j  combien 
de  fois  ne  l'avons-nous  pas  lue  et  relue ,  sans  nous 
en  lasser  jamais?  Cependant,   au  dire  des  plus 
savants  critiques,  son  principal  mérite  ;  c'est  l'à- 

propos,  cet  à-propos  qui  tua  la  Ligue Mais  il  y 

a  autre  chose  encore  :  la  Ménippee ,    fille  des 


Contes  drolatiques ,  est  Tœuvre  de  cinq  ou  six 
Homère  de  cabaret^  admiratcurn  de  Rabelais  et  de 
J*îinliquîUî^  mêlant  volontiers  AriHtopbnno  et  Lu- 
cien, 1(*8  J^Huites^  Mayenne  et  Luther,  Gargantua^ 
lo  DigcHte  et  TOrgie.  IIh  avaient  nom  Pithou  , 
Ha()in^  Le  Roy,  Gillot  et  autres.  Us  buvaient, 
riaif^rit ,  lançaient  des  dpigrammes  contre  la  Ligue^ 
racontaient  les  joyeux  triomphes  du  Bdarnais ,  et 
do  longs  chapitres  de  la  Mdnippée  mvb^xQwl  de  ces 
rcndc/.-vous  bachico-littdraires, comme  nos  plus 
spirituels  vaudevilles  des  salons  gastronomiques 
de  V<*ry^« Quelquefois  ils  s^ëlevaient,  ils  de- 
venaient vraiment  dloquents^  et  là  encore  ils  trou- 
vaient leur  modèle  en  Rabelais , l'un  des  meilleurs 
types  do  Tdpoque.  N'y  a-t-il  pas  en  eflfet^  dans 
Rabelais ,  des  moments  de  la  plus  noble  éloquence? 
n'y  a.-t-il  pas  aussi  du  pathétique  le  plus  délicat? 
Nous  n'en  donnerons  comme  preuve  que  ce  Por- 
trait de  Panurge,  pauvre  savant,  si  malin  et  si 
naïf^  arraché  à  la  misère  par  Pantagruel,  et  de- 
venu son  (»mi  de  cœur  et  son  confident  ;  caractère 
esquissé  avec  esprit  et  môme  avec  gr&ce;  on  croit 
y  retrouver  Timage  de  Rabelais^  et  le  témoignage 
de  sa  reconnaissance  envers  le  cardinal  du  Bellay, 
qui  levait  emmené  en  Italie,  et  Tavait  protégé 
contre  les  persécutions. 

Ainsi,  dit  un  critique ,  ainsi  se  confondent  dans 


—  191»  — 

cet  ëtrange  gënle ,  la  raillerie  particulière  à  notre 
nation ,  la  bouffonnerie  de  son  ëpoque^  rallëgorit 
monstrueuse  et  métaphysique^  née  du  moyen* 
âge ,  ^érudition  qui  commençait  à  dey.enir  puis*. 
santé  et  dont  il  pressentit  les  progrès^. 

Bien  autre  était  lecole  de  Pasquier^  de  Bodin  et 
delHôpital,  qui  s'élevait  à  côté,  riche  de  science 
aussi ,  mais  sérieuse,  mais  digne,  voulant  le  bien, 
et  mêlant  pour  Taccomplir  Faction  aux  écrits  et  à 
une  éloquente  parole'^. 

  coté  de  cette  mission  que  s*étaient  donnée 
des  hommes  supérieurs,  mais  de  caractères  si  di- 
vers, se  range  celle  des  orateurs  sacrés^  en  tête 
desquels  nous  pourrions  placer  la  noble  fille  à  qui 
la  France  du  XV*  siècle  doit  son  salut.  Ces  belles 
paroles,  ces  mots  si  simples,  mais  inspirés  ,  de  la 
vierge  de  Vaucoulcurs  ne  sont-ils  pas  de  rélp* 
quence?  une  éloquence  sublime,  car  elle  vient  de 
Dieu3<. 

On  connaît  assez  généralement  les  noms  des 
Maillard,  des  Ménot,  des  Raulin^  sermonaires 
qui  vivent  encore  sur  une  vieille  réputation ,  mais 
que  notre  siècle  délaisse  ;  rebuté  qu'il  est  par  It 
mélange  bizarre  de  latin  et  de  \ieux  français,  par 
des  bouffonneries  dont  il  perd  le  sel ,  enfin  par 
des  caractères  gothiques  hérissés  d'abréviations. 
La  tache  est  rude,  nous  en  convenons,  mais  si 


l'on  dë]|)Ôuillér«éuvirfe(îe  cette  écorcegrdsfeiêré,  fei 
Fon  oublie  la  forme  pour  aller  au  fond  dfefe  idéês^ 

si  l'on  a  la  patience  d'ëlagiifet*  et  de  choisit ôh  ! 

alors  on  trouve  la  récompense  d'un  travail  aride  ^ 
car  dans  ce  fumier  brille  pluà  d'iihe  |)erle.  A  aés 
bou&bnneries  quelquefois  dé  inaùVais  ion ,  mais 
que  tolëràit^  que  demandait  même  le  siècle ,  ^é 
mêlent  des  traits  piquants  qui  frappaient  fort  et 
juste  ;  •  ces  vêtements  dont  voué  vous  parez,  dit 
Menot  aux  courtisahs  ddrës,  si  ôii  les  rtiëttâlt 
sous  le  pressoir,  le  sang  des  pauvres  en  défcoulfe- 
rait!  —Lorsque  vous  êtes  aii  palais,  crie-t-il  àiik 
âvobats,  il  semble  que  voué  soyei  prêts  h  voiis 
ehtre-dëvorer,  et  que  vous  avez  surtout  uh  Vil* 

plaisir  de  protéger  r innocence et  lorsque  vous 

étésisortis  de  Tâudiehcfe,  voiis  allez  énserfiblë  à  la 
buvette,  pour  y  avaler  la  sÛbsiaHce  dé  vdS  fcliëHls, 
semblables  à  des  renards  qui  paraissent  voutôir 
s'entre-déchirer,  et  puis  se  pre'cîpitenl  tdUà  ëft 
commun  sur  les  poulaillers.  Vous,  Messieurs,  dit  il 
aux  juges,  d'où  tenez-voUs  ces  maisons,  cëà 
bourses  d'or,  celte  tunique  de  soie ,  rbligô  coïhHié 
le  sang  du  Christ?  celte  tunique  crie  vengeance 
contre  vous !....  Je  voUs  dis  que  le  sarig  du  Gllrlsi  * 

crie  miséricorde  pour  lé  pauvre  dépouille 

Mais ,  répondez-vous  ,  il  nous  faut  dés  '^pibëS  êl 
le  sel  pour  empêcher  nos  provisîofts  dé  sd  pburtrif  ! 


C'est  donc  là  la  source  des  taxes  que  vous  imposex^? 
eh  bien  !  ces  taxes  seront  le  sel  et  les  ëpices  pour 
poudrer  vos  chaînes  dans  Tenfer.  —  Il  n'épargnait 
pas  même  les  siens  :  Messieurs ,  disait-il  en  fixant 
le  banc  des  chanoines^  vous  qui  avez  cinq  ou  siX 
cloches  sur  i^os  têtes  ^  pensez-vous  qu^on  vous 
donne  ces  nombreux bënëfices seulement  pour  en- 
tretenir les  cuisines^'?....  Ce  n'est  pas  là  seule- 
ment de  la  boufTonnerie ,  c'est  un  sentiment  pro- 
fond des  misères  du  peuple ,  qui  se  trahit  en  invec- 
tivcs  très-souvent  éloquentes,  contre  la  classe 
riche  qui  l'opprimait  et  vivait  de  son  sang.  Ce  qui 
est  aujourd'hui  le  texte  des  déclamations  les  plus 
exagérées ,  était  au  XV®  siècle  une  déplorable  vé- 
rité. 

Maillard,  plus  savant ,  plus  grave  que  Ménot» 
n'épargnait  pas  plus  que  lui  la  haute  classe ,  et 
s^attaquaità  Louis  Xllui-méme.  Ce  prince,  irrité, 
menaça  un  jour  de  le  faire  jeter  à  la  rivière. 
Bast?  répondit  celui-ci ,  j'irai  plus  vite  au  Paradis 
par  eau ,  que  le  roi  avec  ses  chevaux  de  poste.  •— > 
Préchant  un  dimanche  à  la  cour  rassemblée  à 
Bruges,  il  trouva  piquant  de  l'apostropher  en  dé- 
tail :  après  avoir  établi  un  parallèle  entre  la  pra- 
tique et  les  devoirs ,  il  montra  que  la  société  se 
divisait  en  deux  parts ,  celle  de  Dieu  et  celle  du 
Démon  ;  il  apostropha  son  auditoire  en  commen- 


—  «97  — 

çant  par  le  prince  et  la  princesse ,  et  leur  dit  en 
les  sommant  de  répondre  :  «  Étes-vous  de  la  part 
de  Dieu?....  —  Il  attend  la  réponse.  —  Baissez  la 
tête ,  s^écrie-t-il;  »  puis  s'adressant  aux  magistrats: 
ft  Et  vous  y  gros  fourres  ,  éles-vous  de  la  part  de 
Dieu?....  Baissez  le  front!...,  Mais  il  vaut  mieux 
citer  le  passage  tout  entier,  et  dans  Tidiôme  de 
Maillard,  qui  laissait  le  latin  plus  volontiers  que 
Ménot  : 


a  Or  acoustez,  m'entendez*  Sainct  Jacques  nous  en  parle  en 
sa  canonique.  Or  dictes ,  sainct  Jacques  mon  amy.  Quiconque 
deffâillera  çn  Tung  des  commandemens ,  il  sera  coupable  de 
tous  les  aultres.  Certes^  Seigneurs ,  il  ne  souffist  mye  de  dire: 
je  ne  suis  pas  meurtrier,  je  ne  suis  pas  larron ,  je  ne  suis  pas 
adultère;  se  tu  as  failly  au  moindre,  tu  es  coulpable  de  tous* 
Il  ne  faut  qu'ung  petit  trou  pour  noyer  le  plus  grant  navire  qui 
soit  sur  la  mer  :  il  ne  fault  que  une  petite  faulse  poterne  pour 
prendre  la  plus  forte  ville  ou  le  plus  fort  chasteau  du  monde; 
il  ne  Êiult  que  une  petite  fenestre  ouverte  pour  de'rober  la  plus 
grant  et  puissant  boutide  de  marchand  qui  soit  en  Bruges. 
Hëlas  pêches  ,  puisque  pour  defïault  d'ung  nous  sommes  coul-* 
pables  de  tous ,  qu'est-il  de  vous  aultres  qui  en  rompez  tant 
tous  les  jours*  À  qui  commenceray-je  premier?  A  ceulx  qui 
sont  en  ceste  coiutine ,  le  prince  et  la  sua  altessa,  la  prin* 
cesse.  Je  vous  asseure.  Seigneur,  qu'il  ne  soufGst  mye  d'estre 
bon  homme;  il  fault  estre  bon  prince,  il  fault  faire  justice,  i[ 
faut  regarder  que  vos  subgetzse  gouvernent  bien.  £t  vous^dame 
la  princesse ,  il  ne  souffist  mye  d'estre  bonne  femme ,  il  fault 


—  M8  — 

aroir  regard  à  rostre  famille,  qu*dle  se  pmteme  biôi  adoi 
droict  et  raison*  J*en  dict  autant  k  tous  les  aultres  de  toiiz  ca* 
tats.  A  ceulx  qui  maintiennent  la  justice ,  quils  ûssént  jroict  et 
réisbn  àdiascun  :  les  cheraliers  de  Tordre  que  faites  tes  si^nnenis 
qtii  appartiennent  à  yotre  iHrdre  ;  ces  aermenis  sont  hbsé  fjtwm 
comme  Ton  dist  ;  maïs  tous  en  ayez  fiit  ung  anltrë  premier  qél 
TOUS  gardes  mieulx ,  c'est  que  tous  ne  ferez  rien  de  tout  ee  qaa 
TOUS  jureres.  Ditz-je  Tray  ?  qu'en  que  tous  plaist  ?  — *  En  bonne 
îajf  frère ,  il  en  est  aînsy .  Tirez  oultre.  —  EsteK-TOus  U  ,  les 
officiers  de  la  panneterye ,  de  la  fruitterye,  de  la  boutillerie^ 
Quant  TOUS  ne  dcTriez  desrober  que  ung  demy  lot  de  TÎn  o« 
■ne  torche ,  tous  n'y  lauldrez  inye.  ^^  fin  bonne  foy,  frère , 
TOUS  ne  dictes  que  dn  moins.— Où  sont  les  trésoriers  ^  ka  nigm* 
tiers  ?  Estes-Tous  là  qui  fiiîctes  les  bcsoignes  de  ToSlre  ttittrè  et 
les  TOitres  bien?  accoustez  :  à  bon  entendeur  il  ne  fii«k  ^ 
demy  mot.  I..es  dames  de  la  court,  jensnes  gàrches  iH«cqo€s  ^  3 
fault  laisser  toz  alianrcs.  Il  n'y  a  ne  si  né  c[ua<  JêUMe  gaudb^ 
seor  là,  bonnet  ronge,  il  fault  baisser  toz  regards.  Il  n'y  n  de 
quoi  rire  j  non ,  femmes  d'estat ,  bourgeoises ,  nlanAand^  ,  tons 
et  tontes  généralctaient  qaciz  quilz  soient.  Il  se  ftikl  ôstér  Mtos 
de  la  serTitude  du  dyable  et  garder  tous  lès  colhmlndertieiRs  dé 
IKen.  En  les  gafdant ,  vous  raseret  et  destmiittt  la  cité  de  Jbf- 
rico  :  et  c'est  de  quoy  je  Teul jc  tmdtr  en  iny  le  tbensnie  (tliéttS) 
allègue,  9H  civitas  Jherico  anathigma  bt  émnit^qtté  rà  érf 

Suiyéflt  nne  digression  sur  les  quâlit&  que  dttlt 
réunir  un  hon  prêcheur ,  et  des  reproclies  ^  cênk 
qui  ne  viennent  au  sermon  que  pour  reprendre  le 
prédicateur,  ou  qui  s'y  rendent  et  écoulent  sans 


—  «99  — 

profiter  et  sans  s'amender.  Puis  tout  à  coup  Mail- 
lard s'écrie  : 

«  Or,  levez  1rs  esperits  |  qa'en  dictes  vous,  Seigneurs  ?  estes- 
tous  de  la  part  de  Dieu  ?  le  prince  et  la  princesse ,  en  csles- 
vous?  Baissez  le  firont.  Vous  aultres^  gros  fourrez,  en  estes- 
vôus?  Baissez  le  front.  Les  chevaliers  de  l'ordre,  en  esles-vous? 
Baissez  le  front.  (jëdtilz-hoTumes ,  jeubes  gàudisseui^,  en  estes- 
ireus?  Baissez  lé  froUt.  Et  vous,  jcUbes  gércliei ,  ûnèà  fé&ellés 
le  court ,  en  estes- Vous  ?  Baissez  le  fit>nt^  VoM;  estét  cftbHptël 
au  livre  dés  dampnez.  Vostre  chambre  est  toute  kierqui^  kma 
les  dyables.  Dietes-moj  ,  s'il  vous  ]^laist ,  ne  vous  tttes-vous  pas 
myrées  aujourd'hui,  lavées  et  espoussetëes  ?  Dj  bien,  frère.  — ' 
À  ma  voulenté ,  que  vous  fusiez  aussi  soigneuses  de  nectoyer 
vos  âmes.  —  Quel  remède  ,  frère?  «*-  Je  veulx  dite  que  se ,  le 
temps  passe ,  si  pro  quia^  proh  dolory  il  n'a  éii  dès  mues , 
laissons  nostre  mauvaise  vie ,  Dieu  aura  pitié  de  nous  :  si  que 
non ,  je  vous  convye  avec  tous  les  dyables.  » 

Ces  personnalités,  ces  attaques  directes,  aux- 
quelles  nos  mœurs  se  refuseraient  aujourd'hui, 
étaient  souvent  plus  fructueuses  que  de  vagues 
généralite's ,  qui  menacent  tout  le  monde  et  n'at- 
teignent personne^'.  Deux  siècles  plus  tard,  la 
chaire  était  devenue  une  tribune  académique,  le 
mot  propre  y  avait  fait  place  à  la  périphrase  ,  et  il 
fallait  y  pour  émouvoir,  des  Massillon  ,  des  Bour- 
daloue  ou  des  Bossuet;  encore  n'affirmerions-nous 


—  300-~ 

pas  que  leurs  prédécesseurs  n'aient  exercé  [dus 
d^nfluence  sur  les  masses. 

Raulin ,  plus  sérieux  que  Maillard  ,  fait  ra- 
rement diversion  à  la  gi^vité  de  ses  préceptes; 
c'est  un  calviniste  subtil^  un  tiiéologien  consommé, 
mais  ce  n*est  pas  un  orateur;  il  donne  des  con- 
seils et  ne  lance  pas  d'invectives^  il  signale  le  dé- 
sordre des  mœurs  et  ne  le  foudroie  pas  ;  ses  ser- 
mons ne  sont  que  des  traités  didactiques  sur  la 
confession ,  le  mariage  et  Teucharistie;  aussi  Teflêt 
était-il  médiocre  sur  cette  foule  impressionnable 
et  avide  d'émotions.  Raulin  n'en  est  pas  moins 
un  des  sermonaires  du  XY^  siècle  les  plus  appré- 
ciés de  la  postérité  y  qui  Ta  mieux  compris  que  les 
contemporains  ^. 


—  501    — 

CHAPITRE  ONZIÈME. 


Tournons  maintenant  nos  regards  vers  la  belle 
Italie ,  la  première  entre  les  nations  au  siècle 
J*Auguste.  Ici  nous  ayons  à  conside'rer  le  pontife 
lous  un  aspect  diflFérent  :  si  nous  l'avons  blâmé 
îomme  pape^  nous  l'exalterons  comme  souverain. 
Tamais  en  effet  la  tiare  n'avait  brillé  de  tant 
le  splendeur ,  toutes  les  couronnes  s'effaçaient 
levant  elle  :  c'est  que  le  nom  de  Léon  X  réveillait 
la  fois  toutes  les  idées  de  poésie ,  d'art  et  de 
;loire,  c'était  la  pensée  recouvrant  ses  droits,  la 
►oésie  recommençant  des  chants  interrompus ,  le 
tatuaire  reprenant  son  ciseau ,  le  peintre  sa 
►aletle,  c'était  l'antiquité  retrouvée  avec  son  culte 
►Dur  les  arts  ,  ses  couronnes  pour  les  artistes ,  sa 
)assion  intelligente  pour  les  monuments,  c'était 
a  vieille  Rome  ressuscitée,  c'était  un  monde  tout 
louveau  ^  un  monde  fait  comme  à  dessein  pour 
iternîser  sa  mémoire  ,  qu'il  baptisait  de  son  nom 
în  le  peuplant  des  plus  belles  intelligences  que 
Keu  eût  jamais  créées... 


—  801  — 

L'imprimerie  avait  prëcëdë  sa  venue  et  l'Italie 
avait  été  Tune  des  premières  à  cëlëbrer  cette 
découverte,  premier  jalon  d'une  civilisation  nou- 
velle. Pendant  que  la  France  était  encore  dans 
renfance,  Tllalie  commençait  une  ère  d'érudition, 
et  lorsque  Téruditiuii  arrivait  en  France  au 
X\V  siècle,  rilalie  déjà  brillait  d'un  vif  éclat 
parmi  toutes  les  nations  européennes,  jusqu'au 
moment  où  le  XVir'  siocle  donna  le  sceptre  à  la 
Fri^nce  qui  ne  le  perdit  plus. 

Dès  le  commencement  du  XY*  siècle  plusieurs 
letU^és  Bysantins,  dégoûtés  des  humiliations  de 
leur  pays,  émigraient  en  Italie  :  ils  y  enseignèrent 
la  langue  de  leurs  aïeux,  y  firent  connaître  }eui's 
grands  écrivains  et  inoculèrent  la  science  dai)§ 
cette  imagination  populaire ,  toute  jeune  et  toute 
méridionale  qui  donnait  des  charmes  nouveaux  à 
la  vieille  érudition  grecque;  mais  l'exagération 
vint  se  mêler  au  bien  :  on  ne  parla  bientôt  plus 
en  Italie  la  langue  de  Bocace  et  de  Pétrarque, 
On  n'écrivit  plus  qu'en  latin  ;  mais  dans  cette  exa- 
gération même ,  le  goût  se  retrempa  ,  et  lorsque, 
après  un  repos  d'un  siècle ,  Tidiôme  natal  se 
réveilla  sous  la  plume  du  Tasse ,  d'Àrioste  et  de 
Machiavel,  on  le  vit  plus  pur ,  plus  fort ^  plilS 
flexible  encore,  sans  avoir  rien  perdu  de  sa  gr&ce 
et  de  sa  vigueur. 


—  505  — 

Il  y  eut  cependant  quelque^ exceptions  à  ce  labo*. 
ri^ux  travail  des  savant  4*Italie  absorbes  dans  la 
contemplation  de  Vaqticjuité  renaissante.  Giustp 
de^  Conli^  Burchiello,  Tommaso  de  Re^gio^i 
Laurent  ^e  ^édicjs  et  Politien  brillent  comiuQ 
Italiens  9  dans  rilalie  latinisée  par  la  piiode  :  le 
premier  imita  Pétrarque  avec  quelque  bqnlieur^ 
Burchiello  eût  été  célèbre  s'il  eût  été  plus  intelli- 
gible 9  Tommaso  traduisit  Y  Enéide  ;  Laurent,  aui 
acr|uit  tous  les  genres  de  gloire,  fut  encore  le 
meilleur  poêle  de  son  siècle,  ou  du  moinSy  ne  par- 
tagea la  palme  qu'avec  Politien.  L'amour  ne  le 
rendit  pas  poète  comme  tant  d^autres,  mais  ce  fut 
la  poésie  qui  le  rendit  amant  ;  voulant  célébrer  la 
belle  Simonetta,  maîtresse  de  son  frère  Julien  (qui 
venait  de  mourir)  il  chercha  un  objet  pour  l'ins- 
pirer et  se  figura  Tavoir  perdue  pour  la  chanter, 
ce  qu'il  fit  dans  plus  de  160  sonnets  ou  canzoni. 
Son  poëme  de  VOmhrone  est  plein  de  descriptions 
charmantes  et  écrit  avec  beaucoup  de  facilité. 

Ange-Politien  débuta  par  un  poé'me  qu'il  n'a 
pas  terminé  et  qui  n'est  connu  que  sous  le  nom  de 
Stanze ,  sur  la  joute  de  Julien  de  Médicis  ;  il  le 
dédia  à  Laurent  ,  et  c'est  de  là  que  date  leur 
amitié.  Cette  pièce  est  un  des  plus  brillants  mor- 
ceaux de  poésie  du  siècle.  Elle  offre  la  fraîcheur 
et  la  fertilité  d'une  jeune  imagination  et  le  style 


.  SOI»  — 

forme  de  Tàge  mûr.  Dans  la  description  de  Ttle  de 
Chypre  et  du  palais  de  Yëaus  on  reconnaît  le 
premier  modèle  des  îles  d^Âlcine  et  d*Armide  » 
Politien  ny  est  pas  au-dessous  de  TÂrioste  et  du 
Tasse  \  Son  poëme  du  Taifola  d Orphée  est  le 
premier  dans  ce  genre,  et  fait  époque  dans  la 
poésie  dramatique  italienne. 

On  ne  cite  guère  dans  ses  Canzoni  que  celle 
qui  commence  par  ces  vers  : 

MoDti ,  yalli ,  antri  ,  colli ,  etc. 

qui  est  la  meilleure  faite  depuis  Pétrarque. 

Après  Politien  viennent  les  trois  frères  Pulci. 

Bernardo,  qui  traduisit  le  premier  en  italien  les 
églogues  de  Virgile  et  fit  uu  poëme  sur  la  passion 
de  J,-C. 

Luca^dontona  un  poème  sur  le  tournoi  de  Julien. 

Luigi ,  le  dernier  et  le  plus  célèbre  des  trois 
frères,  a  donné  à  l'Italie  le  poëme  du  Mot^ante 
Magyare  9  premier  modèle  des  poëmes  romanes- 
ques dont  les  exploits  deCharlemagne  et  de  Roland 
sont  le  sujet.  Le  Boyardo  a  fait  un  RoUmdamour 
reuxtyoL  on  ne  Ht  presque  plus:  ÀriosteelBerniFont 
tué,  Fun  en  le  continuant,  l'autre  en  le  refaisant. 

Vers  la  fin  de  ce  siècle  se  distinguèrent  quel- 
ques femmes  poëtes.  La  princesse  Balliste  et  sa 
petite  fille  Constance. 

Le  goût  pour  Fart  oratoire  fut  à  cette  époque 


—  500  — 

aussi  commun  parmi  les  femmes  que  le  talent 
poc^tique.  La  plus  célèbre  de  ces  femmes  fut  Cas- 

sandra  Fedele,  née  5  Venise  en  l^iCS.  Politien 

■ 

en  faisait  le  plus  grand  cas  et  lui  a  (Çcrît  des  let- 
tres pleines  d'dloges  3, 

Un  prédicateur  rem])lit^  à  la  fin  du  XV*  siècle, 
ritalie  de  son  nom  :  Savonnrola  souleva  le  pays 
par  son  éloquence  républicaine  et  mourut  mé- 
prisé de  ce  peuple  qu'il  avait  si  long-temps  do- 
miné, parce  quMl  n'avait  pas  eu  le  courage  de 
mourir  en  martyr, 

A  ces  hommes  déjîi  célèbres  succédèrent  des 
liomuies  plus  célèbres  encore  :  h  Laurent,  Léon  X; 
à  Politien,  le  Tasse;  à  Boyardo,  TArioste.  Mais 
Home  n'était  pas  seule  à  fournir  des  protecteurs 
aux  lettres  :  à  Florence  losgi*andsducs  Cosme  V^y 
Frtiuçois  et  Ferdinand  de  Médicis;  à  Ferrare  les 
princes  de  la  maison  d'Esté,  lesGonzagueàMan- 
toue,  les  La  Rovère  à  Urbin  ,  et  en  Piémont  les 
ducs  de  Savoie  recherchèrent ,  honorèrent  et  ré- 
compensèrent généreusement  les  littérateurs  et  les 
artistes. 

Deux  hommes  remplirent  de  leur  renommée  lu 
p(^riode  dont  nous  retraçons  la  vie  :  Tasse  et 
Arioste.  C'est  d'eux  surtout  que  nous  aurons  h 
nous  occuper. 

Arioste  naquit  en  lli7b  d'une  famille  alliée  aux 

V.  ao 


--  50fi  — 

ducs  de  Ferrare  ;  accueilli,  fétë  par  Léon  X,  Hip- 
poljrte  d'£ste  et  son  père  Alphonse  P^,  il  n'en  re- 
çut cependant  aucun  secoiu*s;  il  fat  admis  dans 
leur  intimité,  et  malgré  cela  il  vécut  et  mourut 
pauvre.  Un  mal  de  langueur,  provenu  d'un  lonjg 
tr^yailet  deTattention  forcée  qu'il  avait  mise^  la 
correction  d'une  nouvelle  édition  de  sou  Roland» 
Tenleva  à  V  Europe  à  Tâgc  de  59  ans. 

La  gloire  de  TArioste  est  toute  dans  son  Roland| 
,ip^is  cette  épopée  toute  de  verve  Ta  fait  un  des 
premiers  poètes  modernes.  L'un  des  caractères 
d'originalité  de  son  talent,  c'est  de  faire  sortir  la 
l^aisanterie  du  sérieux  même  de  l'exagération.  Riçn 
ne  devait  plaire  davantage  aux  Italiens,  que  ce  ri- 
dicule piquant  jeté  sur  toutes  les  idées  sérieuses  et 
exaltées  de  la  chevalerie.  Il  est  dans  leur  caractère 
d'aimer  à  réunir  dans  les  objets  d'une  haute  impor- 
tance, la  gravité  des  formes  à  la  légèreté  .des  sen- 
timents; Arioste  est  le  plus  gracieux  modèle  de  ce 
genre  national. 

Le  Tasse  emprunte  aussi  de  l'imagination  orien^ 
taie  ses  tableaux   les  plus  brillants;  mai3  il  j 

réunit  souvent  un  cliarme  de  sensibilité  quin'ap- 
partient  qu'à  lui  seul.  Ce  qu'on  trouve  le  j))us^i;a- 
rement ,  en  général,  dans  les  ouvrages  it^lieiii , 
quoique  tout  y  parle  d'amour,  c'est  de  la  sensibi- 
lité. La  recherche  d'esprit  qui  s'est  introduite  sur 


—  507  — 

ce  sujet  dès  l'origine  de  leur  littérature,  est  Fob- 
stacle  le  plus  insurnaontahle  à  la  puissance  d'é* 
mouvoir. 

La  Jérusalem  n'est  pas  cependant  une  gloire 
moins  grande  que  celle  du  Roland  ;   ce  poê'm^» 
quoique  sérieu:^^  eut  unç  popularité  immense.  Le 
Tasse  s'adresse  à  tous  les  siècles,  il  parle  à  toutes 
les  nations,  c'est  son  secret  pour  se  faire  lire  par  Im 
Italiens,  les  Français,  les  Suédois,  les  Anglais^  les 
Grecs  et  les  Turcs  eux-mjéoies  ;  le  grand  poète  9 
ressuscité  le  héros  de  la  guerre  sainte  ;  les  cham" 
pions  du  Christ  aux  prises  avec  l'islamisme ,  lui 
offraient  une  vaste  matière,  le  choc  des  passîops 
et  le  contraste  de  deux  croyances.  Ce  qui  distingue 
surtout  Tasse  des  autres  poètes  ,  c'est  qu^îl  a  sa 
chpisir  un  certain  notnbre  d'idées  accessibles  à 
tous  les  peuples  i  heureux  celui  asse«  parfaitement 
organisé  pour  les  puiser  à  cette  source,  cet  homme* 
là  est  vraiment  poète  ;  la  nationalité  n'est  rien  pour 
lui;  son  cœm-  sympathise  avec  l'humanité  entièi*e. 
£n  exaltant  les  gloires  du  pays^  il  a  sympathisé 
aussi  avec  la  postérité,  et  Ton  entend  encore  les 
bateliers  du  Lido  chaqter  les  stances  de  la  Jéru- 
salem avec  le  même  charme  qui  les  faisait  chanter 
il  y  a  déjà  quatre  siècles.  • . 

Après  ces  deux  çolQnnes  de  la  littératgre  ita* 
lienne,  comment  parler  d'urne  foiiie  d'«ûritains  à 


In  fliiitc  qui  ont  donne  i\  Tltalie  la  réputations 
quelque  peu  méritée,  d\ivoir  des  musiciens  plutôt 
que  des  j>o«*tes'? 

Parmi  les  prosateurs  de  cette  époque,  un  seul 
sort  de  la  foule  avec  éclat^  et  il  sort  surtout  par 
Poriginalltts  l'inattendu  de  son  talent.  C^est  peut- 
être,  dit  Madame  de  Staël  y  par  antipathie  pour 
Texagération  italienne  que  Machiavel  a  montré 
une  si  cflTrayanle  simplicité  dans  sa  manière  d*ana- 
lyser  la  tyrannie;  il  a  voulu  que  Thorreur  pour  le 
crime  naquit  du  développement  môme  de  ses 
principes;  et  poussant  trop  loin  le  mépris  pour 
Tapparence  même  de  la  déclamation,  il  a  laissé 
tout  faire  au  sentiment  du  lecteur.  Les  réflexions 
de  Machiavel  sur  Tite-Live  sont  bien  supérieures 
à  son  Prince.  Ces  réflexions  sont  un  des  ouvrages 
où  l'esprit  humain  a  montré  le  plus  de  profon- 
deur. Un  tel  livre  est  dû  tout  entier  au  génie  de 
1  auteur;  il  n'a  point  de  rapports  avec  le  carac- 
tère général  de  la  littérature  italienne. 

Les  troubles  de  Florence  avaient  contribué  sans 
doute  à  donner  plus  dVnergie  à  la  pensée  de  Ma- 
chiavel  ;  mais  néanmoins  en  étudiant  ses  ouvrages, 
on  sent  ({u'ils  appartiennent  à  un  homme  unique 
de  sa  nature  au  milieu  des  autres  hommes.  Il  écrit 
comme  pour  lui  seul,  reOet  qu'il  doit  produire 
ne  Ta  jamais  occupé. 


—  509  — 

L'on  peut  accuser  Machiavel  de  n'avoir  pas 
prévu  les  mauvais  effets  de  ses  livres;  maïs  ce 
qu'on  ne  peut  croire,  c'est  qu'un  homme  d'un  tel 
génie  ait  adopté  la  théorie  du  crime.  Cette  théorie 
est  trop  courte  et  trop  imprévoyante  dans  ses  plus 
profondes  combinaisons. 

On  nous  pardonnera  de  ne  pas  nous  étendre 
sur  les  successeurs  de  ces  grands  écrivains  et  d'en 
rejeter  dans  nos  notes  la  froide  nomenclature  *• 
Guicciardini  seul  mérite  que  nous  nous  y  arrêtions 
un  instant  dans  notre  course  rapide  :  Machiavel 
avait  écrit  Thistoire  de  Florence  ;  Guicciardini 
nous  a  laissé  l'histoire  de  l'Italie  depuis  l'expé- 
dition de  Charles  VIII  jusqu'à  la  mort  de  Clé- 
ment VIL  II  avait  été  avocat,  professeur  de  droit, 
homme  d'état  avant  d'être  historien.  Il  fut  gou- 
verneur de  Modène  et  de  Reggio  sous  Léon  X; 
sous  Clément  VII,  il  gouverna  toute  la  Uomagne. 
En  153^^  il  se  retira  dans  sa  maison  de  campagne, 
voisine  de  Florence,  et  consacra  le  reste  de  ses 
jours  à  écrire  son  histoire,  qui  ne  fut  publiée  que 
vingt  et  un  ans  après  sa  mort,  en  1561.  Cet  ou- 
vrage, composé  à  la  manière  antique,  présente  un 
heureux  mélange  de  réflexions  et  de  récits.  Mon- 
taigne en  a  parfaitement  apprécié  les  quaUtés  et 
les  défauts  :  «  Guicciardini  est  historiographe  di- 
ligent, et  duquel,  à  mon  advis,  autant  exactement 


—  Mo- 
que de  mil  aultrei  on  peut  apprendre  la 
affaires  de  son  temps  ;  aussi ,  en  la  plupart,  en  a-t-il 
^.é  acteur  lui-mesme  et  en  rang  honorable  '.  » . 


L'Espagne,  aux  siècles  qui  nous  occupent,  auâài 
étrangère  et  plus  insouciante  encore  que  Fltalie 
aux  travaux  philosopliiques,  fut  dëtournëede  toute 
émulation  littéraire  par  la  tyrannie  oppressive  et 
sombre  de  l'Inquisition  ;  la  poésie  fit  à  de  longs 
intervalles  quelques  efforts  heureux  pour  sortir 
de  son  engourdissement  ^  mais  ce  n'est  qu'après 
les  grands  succès  de  Charles-Quint  que  l'Espagne, 
plus  paisible ,  vit  tiaitre  ci)  qu'elle  appela  aveb 
orgueil  son  siècle  (ïor^  bien  înfeVîcur  cependant 
aux  beaux  siècles  de  rilalic  et  de  la  France.  Doù 
Henrique  de  Villena  ,  le  marquis  de  Santilkné, 
Juan  de  Mena  VEnnius  espagnol,  le  rival  dti 
Tasse  l'immortel  Camocns ,  Garcilasso  de  là 
Yéga ,  rhistorien  Mariaua  sont ,  dans  tOUé  lés 
genres,  les  princes  des  lettres  de  cette  époqtté  ;  et« 
àVL  dire  des  Espagnols ,  il  n^en  est  aucun  qilî  ne 
Tait  emporté  sur  tous  ses  rivaux  européens.  C'est 
le  propre  de  l'ignorance ,  et  on  ne  peut  pas  trop 
le  reprocher  à  l'orgueil  deâ  Espagnols  ;  n'étâit-cè 
pas  assez  pour  Cette  nation  malheureuse  de  con- 
naître et  d'exalter  ses  propres  auteurs  !  Là  cticl^è 


—  544  — 


quî  étudie ,  analyse  et  compare ,  ne  pouvait  en 
être  comprise 


Passons  maintenant  de  la  littérature  vive  et 
brillante  du  Midi  à  la  littérature  mélancolique  et 
intime  du  Nord. 


La  guerre  des  Deux  Roses  avait  fait  perdre 
à  l'Angleterre  le  goût  des  lettres  :  vers  le  milieu 
du  XV  siècle ,  les  noms  d'York  et  de  Lancàstre 
remplissaient  le  royaume  et  absorbaient  tous  les 
esprits.  Six  batailles  rangées  avaient  commencé 
cette  effrayante  série  de  massacres  devant  lesquels 
s'enfuyait  la  muse  de  la  poésie  ,  que  semblait  vou- 
loir recueillir  rÉcossé.  A  cette  époque ,  les  mon- 
tagnes Scandinaves ,  pleines  encore  du  souvenir 
de  Wallace  ,  retentissaient  de  vers  à  sa  louange. 
Si  la  guerre  et  lès  préoccupations  politiques  sont 
latales  aux  lettres ,  le  souvenir  de  ces  scènes  de 
carnage  se  poétise,  et  le  temps  ennoblit  jusqu'il  la 
cruauté.   Aussi  pendant  que  Henri  Vt  îui-ni^me 
se  plaignait  des  chagrins  que  lui  donnait  lVt£(t 
précaire  de  sa  puissance  ^ ,  Jacques  et  Edouard 
couronnaient  en  paix  de  nombreux  poètes  par* 
mi  lesquels  on  distingue  les  noms  de  Henri-Soun, 


—  542  — 

Dunbar  Lindsay ,  et  plus  tard  Drummond  que 
les  Ecossais  considèrent  comme  le  plus  pur  des 
poètes  de  ces  deux  siècles.  La  poësie  anglaise, 
plutôt  orale  qu'écrite ,  était,  avant  la  rèforDiation, 
simple ,  mais  incorrecte ,  Thistoire  curieuse , 
mais  renfermée  dans  le  cercle  individuel.  Au 
X.yV  siècle  j  on  voit  la  haute  poésie  prendre  le 
dessus  avec  les  événements  et  la  méditation  qui 
en  découle,  la  grande  histoire  tue  la  petite,  et 
cette  révolution  litléraire  s'accomplit  par  la  marche 
graduelle  de  la  civilisation  au  moment  de  Tune 
des  plus  terribles  révolutions  de  la  pensée  hu* 
maine,  au  moment  où  l'unité  catholique  ya  se 
rompre,  où  la  fraternité  européenne  va  faire  place 
à  d'interminables  divisions. 

Le  Luthérien  Henri  YIII  faisait  de  la  thëolo* 
gie ,  des  vers  et  de  la  musique  ;  la  papiste  Marie 
a  laissé  aussi  des  lettres  latines  et  françaises; 
Elisabeth  a  laissé  Shakespeare,  et  sa  gloire  en 
est  plus  belle  et  plus  durable  que  celle  de  ses 
devanciers. 

Nous  allons  retrouver  le  grand  poète  comme 
prince  du  théâtre  au  XVP  siècle  ;  disons  seule- 
ment, pour  en  finir  avec  TAngleterre,  que  la 
littérature  protestante,  ouverte  par  Luther,  vit 
briller  au  premier  rang  Knox  et  Buchanan,  ami» 
de  Théodore  de  Bèze ,  Thomas  More ,  ce  Surrey 


—  313—  '        ^^ 

qui^  au  dire  de  Pope^  fut  emprisonne  par  Henri 
VIII,  pour  avoir  fait  gras,  et  d'autres  nobles  per- 
sonnages, tels  que  Lord  Rochford  qui  partagea 
le  sort  de  sa  sœur  Anne  de  Boley n ,  sir  Walter 
Raleig  y  le  comte  d'Essex  et  enfin  Spenser ,  le  der- 
nier et  le  plus  célèbre. 

Spenser  est  conside'ré  comme  le  premier  chaî- 
non de  la  littérature  moderne  en  Angleterre ,  et 
cependant  sa  poésie  tient  plutôt  de  celle  du 
Roman  de  la  Rose  et  du  Roland  furieux  que  de 
l'école  moderne.  Spenser,  pauvre  et  rebuté  de  scg 
parents ,  des  protecteurs  qu  il  avait  recherchés  , 
des  écoles  où  il  avait  en  vain  sollicité  des  grades  ^^ 
et  enfin  de  la  dame  de  ses  pensées  ,  Spenser ,  la 
honte  et  le  désespoir  dans  le  cœur ,  sentit  y  naître 
le  génie  !  il  se  fit  poète  ,  et  fut  admiré. 

Son  premier  ouvrage  Shepherd*s  Calendar , 
le  Calendrier  du  Berger j  l'ayant  mis  en  évi- 
dence^,  il  en  profita  pour  sortir  de  la  misère  en 
dédiant  à  lord  Sidney,  à  Elisabeth  elle-même, 
ses  autres  ouvrages  parmi  lesquels  les  Anglais 
citent ,  avec  orgueil ,  la  Reine  des  Fées ,  Fairiè 
Queen^  allégorie  perpétuelle,  incompréhensible 
pour  tout  autre  qu'un  Anglais  du  XVI*  siècle, 
mais  riche  de  poésie ,  féconde  et  variée  comme 
VOrlando, 


Bien  autre  ëtait  à  cette  ^oquè  la  fitCératùré  dé 
rAllemagne. 


A  voir  rAllemagne  actuelle ,  et  naiénié  FAlié- 
magne  des  niehelungen  ^^  on  ne  la  soupçonnerait 
pas  d'avoir  e'té,  au  XVP  siècle,  une  nation  gaie, 
celle  de  TEurope,  peut-être,  qui  prisait  le  plus 
les  contes  burlesques  et  drolatiques'  à  Tëpoqûe 
où  le  sërieux  y  pénétra  avec  Luther.  Un  dernier 
èflbrl  fut  tentd  pour  ressaisir  là  gahé  qui  s'é- 
chappait, et  rien  nY^st  plus  curieux  que  ce  d^ 
bordemcnt  de  satires  contre  le  clergë  que  semolait 
autoriser  et  provoquer  la  reTorme  naissante, 
mais  qui  ne  brillent  pas  toutes  par  un  goût  pur 
et  sévère,  ClausNarr,  Kurz-von  ,  s^étàient  fait 
alors  une  position  littéraire  égale  à  celle  qu'occu  • 
pait  en  France  notre  Rabelais  ;  les  aventures  dn 
curé  de  Galemberg^  du  moine  Rush  et  les  bons 

tours  du  curé  Amis  étaient ,  grâce  aux  bienfaits 

•  . .    .      • 

de  la  presse  naissante ,  dans  tous  les  chftteaux  et 
dans  toutes  les  tavernes  ;  toujours  entre  la  pipe  et 
le  pot  de  bière.  Donnons  en  quelques  mots  unfe 
idée  de  ces  contes  et  de  la  vie  du  curé  Amii.  Ce 
joyeux  compère,  plus  riche  d'esptit  que  de  re- 

,  ,    exiguïté 

de  sa  bourse  le  mettait  sans  cesse  aux  expédients  y 


—  545  — 

et  grâces  à  la  crédule  bonhomie  dés  Alléffiâîidâ , 
il  réussissait  toujours.  Ainsi,  il  est  reçu  dâfi^  lib 
château  où  il  fait  très-bonne  cnère ,  et  coiifche 
près  du  bufiFet;  la  carcasse  à^un  chapon  y  gisait 
dans  un  plat  :  le  cure,  saisi  d'une  idée  lumineuse, 
va  au  marché  en  acheter  un  fort  beau  et  plein 
de  vie ,  il  le  met  à  la  place  des  os  du  défunt ,  et 
se  recouche.  Grande  merveille ,  le  matin  !  —  Lé 
bhapon  est  ressuscité ,  notre  hôte  est  un  saint  ! 
—  L'histohe  court  la  ville ,  et  le  curé ,  pressé  de 
monter  en  chaire ,  avoue  que  chaque  fois  qu'un 
bienfait  y  une  simple  aumône  lui  ont  été  donnés^ 
Dieu  Ta  rendu  au  centuple  à  ses  bienfaiteurs..*. 
Le  lendemain ,  il  partit  du  château ,  pliant  sous 
le  poids  des  pièces  d'argent ,  et  riaiit  dé  tout  soîî 
coeur. 

Ainsi decenttourstousdumémegenre,  où  legro- 
tesque  le  dispute  au  bouffon.  L'Allemagne ,  on  le 
voit ,  traitait  ses  curés  comme  la  France  ses  clercs 
de  la  Basoche ,  et  TEspagne  ses  barbiers  ;  c'était 
un  type  comme  nous  avons  vu  de  nos  jours  les 
Mayeux  et  les  Macaires;  mais  les  curés  n'étaient 
pas  les  seuls  :  de  toutes  les  gentillesses  gernia- 
liiques  ,  la  plus  exquise  est  la  création  des  âchild 
Bourgeois  :  tout  ce  qui  se  fait  de  ridicule,  de  fou, 
d'absurde  en  Geirnanie  leur  est  attribué,  c'est 
Tidéal  de  la  bêtise  ,  comme  l'ont  été  Turcoing  en 


—  31G  — 

Flandre,  Gothain  en  Angleterre  et  la  Cham- 
pagne en  France  ^^.  Ces  bons  paysans^  dit  la 
légende ,  s'en  vont  à  la  foire  à  pied  de  peur  de 
nuire  à  la  santé  de  leur  jument,  ils  répondent 
eux-mômcs  qu'ils  ne  sont  ^pas  chez  eux ,  ils  em- 
portent h\  lumière  du  soleil  à  la  cave  dans  une 
boîte  ,  et  sont  surpris  de  ne  plus  l'y  retrouver, 
ils  descendent  de  la  montagne  a  bras  une  meule 
de  moulin  qu'ils  n'eussent  eu  qu'à  rouler,  et,  sur 
l'observation  qu'on  leur  en  faite  moitié  chemin, 
ils  la  remontent  à  grande  peine  pour  la  lancer  de 
plus  haut....  Nous  pourrions  raconter  encore  de 
quelle  manière  s'y   prit  un   énorme   chat  pour 
détruire  les  principales  maisons  de  la  ville,  la 
grande  guerre  des  Schild   Bourgeois  contre  le 
matou  y  les  traités  diplomatiques  auxquels  celte 
guerre  donna  lieu,  et  tout  le  reste  de  cette  facé- 
tieuse Iliade  ,  mais  nous  préférons  renvoyer  nos 
lecteurs  au  iSarenburgh.   En  les  y  lisant,  sans 
cesse    répétées   et    renouvelées   sous   toutes  les 
formes ,  qu'on  ne  raille  pas  de  voir  tant  de  puéri- 
lités recueillies  par  tant  de  graves  savants  :  ces 
joyeux  enfantillages,  qu'ont  remplacés  des  puéri- 
lités rêveuses  et  tristes  ,  tiennent  leur  place  dans 
l'histoire  des  nations.  N'est-il  pas  curieux  de  voir 
les  métamorphoses   que  leur  génie    a  subies  k 
travers  les  âges? 


-  5n  - 

Toutefois  ,  ce  serait  se  faire  une  fausse  îdëe  du 
caractère  de  la  littérature  allemande  que  de  sup- 
poser qu'elle  est  toujours  ainsi  burlesque  et  rieuse* 
Les  Allemands  du  siècle  de  Lutlier  étaient  oc- 
cupc?s  (le  soins  trop  importants  pour  s'amuser 
exclusivement  de  ces  contes  joyeux  :  il  y  avait 
le  côté  sérieux  de  la  nation  près  du  côté  burlesque, 
et  si  on  lisait  les  puerilia  de  Stans  Sachs  dans  les 
tavernes  et  les  échoppes  ,  on  lisait  volontiers,  et 
non  sans  enthousiasme,  le  Teuerdank  de  Mel- 
cliior  Pfinzing  dans  les  salons  aristocratiques. 
Le  premier ,  sorte  d'allégorie  dans  le  goût  du 
roman  de  la  Rose ,  était  dû  à  la  plume  féconde 
du  secrétaire  de  Tempereur  Maximilien  Y^j 
l'autre  à  celle  d'un  cordonnier  qui  chanta  pour 
le  peuple,  et  eut  une  immense  renommée  ^^ 
Stans  Sachs  mourut  en  1576,  après  avoir  été 
tailleur  et  cordonnier,  après  s'être  marié  deux 
fois  ,  et  la  seeonde  à  Tûge  de  66  ans,  avec  sept 
enfants;  après  avoir  fait  comme  il  s'en  vante  lui- 
même  ,  10,840  pièces  de  vers  **. 

La  vie  de  Sachs  donne  une  idée  de  ses  écrits  : 
ce  poète  ouvrier  fut  long-temps  l'objet  du  dédain 
de  crîtques  allemands;  le  célèbre  Wiland^ 
frappé  de  l'injustice  de  ses  compatriotes,  se  jeta, 
avec  quelques  autres  critiques,  dans  un  excès 
contraire,  et  prêta  au  cordonnier  Nurenburgeois^ 


—  548  -* 

upe  supériorité  cju'il  n'avait  réellement  pas.  Les 
imitateurs  de  Sachs  furent  nombreux,  et  le 
nombi*e  de  ce  qu^on  nommait  alors  les  maîtres  en 
chant  s'augmenta  tellement  que  la  seule  ville  de 
Nurenberg  en  comptait  250  au  milieu  du  XVP 
siècle. 

Pendant  ce  temps ,  un  rigorisme  extrc^me  por- 
tait les  poètes  protestants  de  la  haute  classe  à  nf 
s'occuper  que  de  matières  religieuses,  et  pen- 
dant que  les  bûchers  se  dressaient  en  Espagne  et 
en  Italie,  l'Allemagne^  où  régnait  une  sorte  de 
liberté  de  conscience,  ne  retentissait  que  de 
chants  joyeux  et  de  cantiques  sacrés. 

Luther,  lui-même ,  composait  et  chantait,  bien 
que  la  poésie ,  séparée  de  l'empire  religieux  q^'^ 
lui  attribuait,  fût  à  ses  yeux  chose  bien  futilej 
et  peu  digne  d'occuper  un  esprit  penseur. 

La  poésie  didactique  et  les  fables  eurent  aussi 
quelques  auteurs  :  on  cite ,  parmi  les  plus  célèbres, 
George  RoUenhagcn^  Sébastien  Brandy  Thomas 
Murner,  Jean  Fischart,  Ulric  de  Hutten,  Biir 
Kart  Waldis  etc  i*.  Ce  dernier  eut  le  mérite  de 
prêter  à  ses  nombreuses  fables  un  charme  et  upg 
naïveté  qui  appartiennent  peu  à  son  siècle. 

Le  nord)  moins  civilisé  de  l'Europe ,  suivait 
peu  à  peu  les  traces  des  nations  plus  avancée^  ; 
En  Hongrie,  au  XY^  siècle^  Rilassa  et  Rincii 


çQ^pOf^WPt;  dfi9  ode3  p^r  dç3  sujets  sacres  ^ït^i^ 
.005  po^$ie$  f^  i^esseatent  dQ  Tiniperfectip)}  4^ 
IfiQgagie  et  d/e  la  4iffîicqlté  du  mètre.  Les  œuyjrs^ 
dfi  Boi  ajenicza  et  d|p  jGronc^zi^  et  la  traduction  qi^ 
y^rs  hongrois  de  Pierre  de  Pros^ence  et  de  Iq 
J?i&//£;  Hiagi^elonne^  pressentent;  les  méniçs  défaits, 
L^  XV^  sièçl^  vit  naître  le  drame  hongrois^ 
qui  début^  par  des  chansons  dramaticjues  et  de? 
difiilogjues  eu  vers.  Dans  ce  siècle^  aux  chants 
gjiferriiçrs  succédèrent  les  chroniques  en  vers  quj 
trjf  itèrent  cJeThist^re  de  la  Hongrie ,  et  des  sujets 
IfBS  plus  remarquables  de  Taptiquité.  La  première^ 
écrite  par  Szekely  en  ^559^  est  conservée  dan^ 
les  archives  du  pays.  Temesvari,  Haltajr  et 
Xuiçdi  %^^nt  liçs  sectatevirs  et  les  imitateurs 
de  S;e;e]kely .  Piins  ces  poèmes ,  comme  dans  les 
ppësies  lyriqu^QSy  le  ^tyle  manque  de  gi*&ce^  le  vers 
^  dur  /  et  |e  mèti*^  n^est  soumis  à  aucune  ^àgle. 


L'art  dramatique ,  que  nous  avons  éxjé  si  long- 
t^ps  réduits  à  chercher  dans  son  expression  la 
plus  obscure  ,  la  moins  développée ,  dans  la  lé- 
gende dçs  premiers  Chrétiens^  dans  la  tradition 
p^ïenye  des  ^arbares ,  qui  s'est  recouvert  des  plij 
de  la  statuaire,  s'est  réfléchi  dans  les  vitraux  des 
églises  ;  puis  ^  grandissant  à  Tombre  du  cloître  ^ 


DfiMa  enfin  aux  mains  des  confrëries  laïques;  l'art 
dramatique  touche  à  son  complet  développement: 
marchant  à  peu  près  de  front  en  France  et  en  An- 
gleterre, on  Yoit  dans  les  deux  nations  la  BAk^ 
YÉvan^lej  et  jusqu'aux  livres  apocryphes  dé- 
pouillés et  mis  à  sec,  tant  était  grand  alors  comme 
aujourd'hui  le  besoin  du  nouveau.  De  temps  en 
temps  on  voyait  l'esprit  inquiet  des  auteurs  es- 
sayer de  secouer  le  joug  clérical ,  et  se  lancer  dans 
le  profane.  C'est  ainsi  qu'on  vit  représenter  à  Or- 
léans^ en  1^50,  le  mystère  de  la  guerre  de  Troie! 
immense  innovation  qui^  peu  à  peu,  nous  a  amené 
réternelle  famille  des  Atrides,  et  nous  a  conduit 
jusqu'à  Racine... 

Au  Xy*  siècle,  les  spectacles  commencent  à  être 
accompagnés  de  paroles ,  et  ces  paroles  sont  des 
vers!  En  1^32^  Henri  YI,  après  son  couronne- 
ment à  Paris,  fît  son  entrée  triomphale  à  Londres; 
il  y  eut  à  cette  occasion  des  représentations  mê- 
lées de  paroles  et  de  spectacles  allégoriques;  mais 
les  personnages   religieux  dominaient.    Waton 
croit  que  ces  vers  furent  écrits  par  Lydgate.  On 
vit ,  entre  autres  symboles  dramatiques,  un  géant 
qui  représentait  le  courage  religieux;  Enoch  et 
Ely ,  la  sainte  Trinité  ,  la  Miséricorde,  la  Vérîté| 
les  sept  arts  libéraux  personnifiés  et  précédés  de 
leur  reine  dame  Sapience ,  qui  parla  en  vers  | 


parurent  successivement  dans  cet  intermède  royal. 

En  1474^  le  prince  Edouard^  fils  d'EdouardIV, 
visita  Coventr j ,  et  eut  à  son  entrée  des  reprë- 
sentations  théâtrales*  Edouard-le-Gonfesseur^  puis 
saint  Georges,  armé  de  pied  en  cap^  lui  adressè- 
rent des  stances  :  il  y  eut  un  combat  entre  saint 
Georges  et  le  Dragon. 

En  France ,  les  entrées  de  Charles  VIÏ  et  de 
Louis  XI  furent  surtout  remarquables. par  la  quan- 
tité des  personnages  qui  y  jouèrent  un  rôle.  A 
celle  de  Louis  XI  ^  en  ib6i ,  on  vit  trois  femmes 
nues  représentant  des  sirènes  ;  àFentrée  de  Charles- 
le-Téméraire  à  Lille ,  le  Jugement  de  Paris  fut 
représenté  par  trois  femmes.  Colonia ,  dans  son 
histoire  de  Lyon,  rapporte  qu'au  passage  de 
Louis  Xn  ei|  1^99 ,  après  son  mariage  avec  Anne 
de  Bretagne  ,  les  confréries  de  la  Passion  de  cette 
ville  jouèrent  la  F'ie  de  sainte  Madelaine.  Les- 
Pères  Augustins  avaient  fait  construire  un  grand 
tjiéâtre  aux  Terreaux  :  on  y  joua  la  f^ie  de  saint 
Nicolas  de  Tolentin. 

Pendant  les  XIV  et  XV'  siècles,  ces  pièces 
théâtrales,  quelque  î^l  le  nom  qu'on  leur  donna, 
furent  représentées  sur  les  marchés  et  les  places. 
L'Italie  fut  la  première  à  bâtir  un  th^tré  qui  se 
rapprochait  de  celui  des  ancienfs.  En  1499 ,  un 
Lyonnais  fit  construire  un  théâtre  où  il  y  avait 
V.  SI 


des  logis  et  des  balcons C'est  ainsi  que,  pea 

à  peu,  le  progrès  du  luxe  et  des  lumières  est  arrive 
jusqu'au  théâtre  Saint- Charles  de  Naples  et  à 
V Opéra  de  Paris.  Jje  même  progrès  se  fait  aper- 
cevoir dans  les  décors  et  les  costumes  :  ces  der- 
niers cependant  sont  restés  en  arrière  en  France 
bien  plus  long-temps  que  ne  semblait  le  compor- 
ter le  degré  de  notre  civilisation* 

Le  nombre  des  acteurs  était  prodigieux  tant 
que  les  représentations  restèrent  en  plein  vent  ; 
on  en  compta  jusqu'à  six  cents ,  dont  cent  an 
moins  parlaient. •••  Tel  fut  le  drame  deSaûljouë 
en  1571  j  et  dont  la  représentation  dura  quatre 
jours  ^K 

Les  antécédents  du  théâtre  espagnol  lai  sont 
communs  avec  tous  les  autres  théâtres  des  pajs 
échappés  à  la  domination  romaine  ;  il  se  rattadie 
à  l'antiquité  par  Tîntermédiaire  du  moyen-âge. 
Mais  une  fois  qu'il  a  quitté  son  point  de  départ , 
le  théâtre  espagnol  va  toujours  en  a'âotgaanl;  de 
plus  en  plus  des  formes  antiques ^  jusqa^k.ce  qu'fl 
devienne  lexpression  originale  d^  la  civiljaatitta 
nouvelle  du  milieu  de  laquelle  il  est  sorti. 

On  peut  placer,  à  la  fin  du  XYF  siècle ,  les 
conunencements  vraiment  dramatiques  du  théfttilB 
espagnol.  Nous  le  verrons  sortir  des  habitudes 
religieuses  et  sociales  du  peuple^  sans  impul* 


—  sss  — 
sîon  étrangère^  sans  intervention  savante,  de 
sorte  que  la  popularité  en  restera  le  principal 
caractère.  Ce  ne  sont  d^abord  que  des  dialogues 
rustiques ,  des  ëglogues  pastorales ,  où  des  bergers 
s'entretiennent  entre  eux  au  sujet  des  fêtes  que 
l'on  va  cëlëbrer.  Ces  drames ,  ou  plutôt  ces  rëcits 
dialogues ,  étaient  écrits  en  mètres  lyriques ,  ac- 
compagnes de  chants  rustiques ,  viUancicos ,  qui 
répondaient  à  nos  joyeux  noëls.  Une  fois  que  les 
populations  eurent  pris  goût  à  ces  sortes  de 
drames,  on  ne  tarda  pas  à  les  appliquer  à  des 
sujets  tires  de  la  vie  commune ,  à  des  faits  mon* 
dains  et  profanes  ^  qui  ouvrirent  à  Part  naissant 
une  voie  nouvelle.  Ainsi  dés  le  commencement, 
le  théâtre  espagnol  se  divise  en  deux  branches  ^ 
le  drame  religieux  et  le  drame  profane  ;  mais  »  \ 
la  différence  des  autres  pays  romans^  où  le  drame 
profane  prit  le  dessus ,  et  finit  bientôt  par  régner 
seul ,  les  deux  branches  dramatiques  furent  €ul« 
tivées  parallèlement  en  Espagne^  avec  la  môme 
complaisance ,  avec  le  môme  succès.  Cette  pre- 
mière période  peut  être  représentée  par  Lope  de 
Hueda^  qui  mourut  en  1560. 

A  partir  de  1565  >  on  représenta  un  grand 

xioiid)re  de  pièces  classiques  qui  furent  accueillies 

Favorablement  des  classes  élevées ,  et  pendant  une 

TÎngtaine  d'années ,  on  n'entend  plus  parler  du 


drame  populaire;  mais  il  ne  cessa  pas  pour  cela 
(rêtrc  cultivé  ;  c'est  même  ù  cette  époque  quMl 
reçut  la  forme  définitive  qu'il  a  conservée.  Cette 
Jutte,  dont  il  sortit  vainqueur >  le  rendit  plus 
cher  au  peuple,  et  lui  fit  contracter  de  fortes 
antipadiies  pour  le  genre  classique  dont  Tenvt* 
hissement  détruisait  son  existence  populaire.  Il 
faudra  plus  tard  une  révolution  pour  rappeler  le 
drame  classique  en  Espagne  *^. 

11  n'en  était  pas  de  même  en  Allemagne  ;  vonëe 
aux  mystères  comme  les  autres  parties  de  l'Eu- 
rope, elle  vit  paraître,  à  la  fin  du  XY^  siècle, 
une  traduction  de  Térence  qui  fit  révolution. 
Dès  cette  époque  (Lutlier  avait  alors  paru), 
toutes  les  pièces  religieuses^  qui  furent  repré- 
sentées, furent  des  satyres.  Ainsi,  à  Eisleben, 
patrie  de  Luther ,  on  jouait  un  mystère  intitulé  : 

LE  JOLI  JEU  DE  DAME  JUTTA   qui  fut  pCLpC  ^    et  qui, 

étant  à  Rome  sur  le  Saint-Siège  y  fit  un  poupon  *'. 
C^est  la  fable  de  la  papesse  Jeanne ,  long-temps 
exploitée  par  les  partisans  de  la  réforme.  Ce 
mystère  qu'on  décora  plus  tard  du  nom  de  tra* 
gédie  est  un  salmigondis  incroyable  :  on  y  voit 
figurer  neuf  démons^  Lîtlis,  mère  du  Diable, 
Satan  ,  Astarols  ,  la  papesse ,  son  amant ,  un  pos* 
sédé ,  Jésus-Christ ,  la  Vierge ,  saint  Nicolas ,  dcft 
cardinaux,  des  anges  et  enfin  la  Mort 


—  5t5  — 

L'éditeur  de  ce  chef-d'œuvre  assure  qu'il  avait 
ëté  représenté  en  1480,  et  que  Tauteur,  dont  il 
possède  le  manuscrit  original  sur  parchemin, 
s'appelait  Théodoric  Schernebeck.  Gottsched  re- 
garde cette  pièce  comme  la  plus  ancienne  tragé- 
die allemande  imprimée  ;  il  Ta  reproduite  dans 
le  second  volume  de  son  Histoire  de  fart  dra- 
matique en  Allemagne.  Voici  le  début  de  la  pre- 
mière scène  traduit  fidèlement,  sauf  quelques 
noms  de  diables  intraduisibles  : 

SATAN. 

Allons,  allons,  mes  diableteaax, 
Accoarez  des  monts  et  des  plaines , 
Du  fond  des  bois,  du  sein  des  eaux, 
Des  près,  des  buissons,  des  fontaines  ; 
Accourez  du  fond  des  roseaux  ^ 
Venez  de  tous  les  coins  du  monde  : 
N'attendez  pas  que  je  vous  gronde  ! 
Joli  troupeau  de  Lucifer, 
Avec  moi  grillé  dans  l'enfer, 
N'attendez  pas  que  je  vous  gronde. 
Venez  de  tous  les  coins  du  monde 
En  mon  honneur  danser  la  ronde 
Autour  de  mon  sceptre  de  fer. 

C'est  un  possédé  du  démon  qui  découvre  et 
trahit  la  grossesse  de  madame  Jutta;  elle  ac- 
couche ,  meurt  et  tombe  dans  l'enfer ,  d'où  elle  ne 


tarde  pas  à  sortir  par  rinterces3ion  de  la  vierge 
Marie. 

Tout  cela  n'est  pas  plus  bizarre  que  beaucoup 
de  pièces  de  Lope  et  de  Galdëron  j  postérieurs  à 
ce  Schernebeck  de  plus  d'un  siècle.  Il  y  a  déjà, 
dans  cette  entrée  et  cette  apostrophe  de  Satan, 
quelque  chose  du  génie  qui  mit  sur  le  théâtre 
les  sorcières  de  Macbetli  et  les  fantàmes  d^ 
songes  de  Richard  III. 

Bientôt  on  s'accoutuma  à  revêtir  de  la  forme 
dramatique  tous  les  événements  ^  toutes  les  idées. 
Un  homme,  tant  soit  peu  connu,  faisait-il  un 
pèlerinage  à  Jérusalem,  lisait-on  une  histoire 
dans  la  mjthologie  ou  dans  la  l^ende  dorée|  vite 
on  en  faisait  une  comédie. 

Ici ,  nous  retrouvons  le  maître  chanteur  de 
Nuremberg,  ce  célèbre  cordonnier  qui  compta 
parmi  ses  œuvres  52  comédies  et  28  tragédies 
profanes,  26  comédies  et  i07  tragédies  spiri^ 
tuelles  ^^...  Et  qui  y  jouait  lui-même  le  principal 
rôle. 

Voici ,  pour  seul  échantillon ,  le  sujet  de  Tune 
des  nombreuses  comédies  de  Sachs.  On  yerni 
quUl  ne  lui  a  pas  fallu  de  bien  grands  efforts  de 
génie  pour  composer  tant  de  chefs  d'oeuvres  :  il 
est  vrai  que  ce  qu'on  y  remarquait ,  et  ce  qu'on 
y  recherchait  le  plus^    était  cette  intarifisaUe 


gaité  qui  dëridâit  leà  Allemands  quelque  pea  fa- 
tigues des  discussions  thëologiques  amenées  par 
la  réforme  : 

<t  Les  enfants  dEve ,  dissemblables  entre 
eux  ^  et  comment  Dieu  y  notre  Seigneur^  leur 
adresse  la  parole.  »  (155S).  Le  personnage  qui 
récite  le  prologue  nous  apprend  que  le  sujet  de 
la  pièce  a  été  traité  en  latin  par  Philippe  Mé- 
j'anchton.  On  le  retrouve  ;,  en  effet ,  dans  le  tome 
1*'  (p.  342)  de  sa  correspondance.  Lettre  ùu 
comte  Jean  de  Wied.  Eve ,  dit  Mélanchton ,  re- 
gardant un  matin  à  sa  fetiétre,  vit  venir  le 
bon  Dieu  avec  une  escorte  d'anges.  Comme  c'é- 
tait fête  le  lendemain)  elle  avait  commencé  à 
débarberuiller  ses  enfants  ^  mais  tous  ne  l'étaient 
pas  encore.  Craignant  donc  qàe  le  bon  Dieu  ne 
les  vit  sales  et  malpropres,  elle  les  fit  cacher 
dans  un  tas  de  foin  et  de  paille  qui  se  trouvait  là 
pour  les  bestiaux;  ensuite,  ayant  fait  ranger  les 
autres  en  haie,  elle  leur  montre  comment  ils 
doivent  saluer  le  bon  Dieu  après  elle^  en  baisant 
leur  main ,  et  fléchissant  un  peu  le  genou.  Us 
souhaiteront  le  bonjour,  et  puis  s'en  retourneront 
à  leur  place ,  où  ils  se  tiendront  en  silence.  La 
leçon  ainsi  faite ,  le  Bon  Dieu  entre  ;  tout  S6  passe 
selon  le  souhait  de  la  bonne  mère,  et  Dieu,  en 
s'en  allant  9   lui  donne  de  grands  éloges  pour 


avoir* fait  la  toilette  de  aes  enfanta ^  et  surtont 
pour  les  avoir  habitues  de  bonne  heure  à  la 
politesse. 

Hans  Sachs  a  brodé  sur  ce  thème  les  plus 
énormes  et  les  plus  ridicules  anachronismes  : 
Dieu,  dans  sa  comédiei  interroge  les  fils  d*Àdam 
sur  le  catéchisme  de  Lutlier  ;  Abel  répond  par* 
faitement,  et  Gain  tout  à  rebours.  On  demande  à 
Gain  son  Credo  :  il  embrouille  le  Credo  avec  le 
Pater;  on  lui  demande  le  Pater;  dès  les  pre- 
miers mots  il  confond  la  (in  avec  le  commence- 
ment et  travestit  la  prière  d'une  façon  iinpie. 
Âbcl  parle  comme  un  professeur  de  théologie  de 
la  confession  d'Augsbourg ,  Gain  comme  un  petit 
polisson  qui  ne  veut  rien  apprendrci  etc.  ^K 

Telle  est  en  Allemagne  la  ))arodie  des  saints 
mystères  représentés  depuis  deux  siècles  dans 
TEurope  chrétienne.  Jjh  parodie  y  tua  Fart  nais- 
sant... A  cette  époque  Tempire  Grec  venait  de 
s'écrouler,  ses  plus  illustres  débris  remplissaient 
ritalie  et  donnaient  en  retour  d'une  noble  hos* 
pitalité,  les  manuscrits  d'Aristophane^  de  Mé- 
nandre,  d'Eschyle,  de  Sophocle  et  d'Euripide  ;  on 
les  connut  I  on  les  étudia ,  on  les  admira^  et  à 
compter  de  ce  moment  il  n  y  eut  plus  dans  l'Eu- 
rope de  théâtre  national;  toute  œuvre  postérieure 
au  XVr  siècle  adopta  systématiquement  la  fonne 


—  519  — 

et  l'allure  grecques^  môme  quand  le  fond  ëtaît 
tire  d'une  autre  histoire.  Il  en  fut  de  la  tragédie 
comme  de  Tarchitecture  :  la  renaissance  tua  le 
gothique. 

Les  merveilleuses  compositions  de  Rotrou,  de 
Corneille  et  de  Racine,  sanctionnèrent  la  révolu- 
tion qui  avait  détrôné  l'art  national,  et,  comme 
le  dit  M.  Alexandre  Dumas,  leur  poésie  fut  l'huile 
sainte  qui  sacra  roi  l'art  étranger.  La  civilisation 
du  Christ  fut  reniée  pour  celle  de  Jupiter  :  nos 
vierges,  nos  martyrs  et  nos  guerriers  firent  place 
aux  demi-dieux  et  aux  héros  du  paganisme  :  ce 
fut  un  culte  splendide^  mais  ce  n'en  fut  pas  moins 
une  idolâtrie. 

Il  n'y  eut  point  jusqu'à  Molière,  cet  apôtre  de 
la  comédie  populaire,  qui  ne  se  fit  un  instant 
apostat;  mais^  pareil  aux  Israélites  dans  le  désert, 
il  ne  perdit  jamais  de  vue  la  colonne  de  feu  :  elle 
le  conduisit  à  la  terre  promise. 

L'Angleterre  seule  opposait  encore  au  XVP 
siècle  un  colosse  au  génie  envahissant  des  So* 
phocle  et  des  Euripide  ^^  :  Shakespeare ,  objet 
d'une  admiration  si  juste,  si  grande,  si  cons- 
tante en  Angleterre,  et  si  peu  compris  dans 
notre  France.  C'est  que  le  grand  poète  était 
surtout  national  ;  on  a  beau  retourner  et  méditer 
un  mot  de  Shakespeare,  jamais  on  ne  peut  le  con- 


cevoir  dit  d'âne  autre  manière,  taqt  ches  loi  h 
pensée  et  Pexpression  se  lient  étroitement.  Cette 
adaptation  si  iotime,  entre  ce  qu'il  penae  et  oa 
qu'il  dit,  a  rendu  Shakespeare  en  Angleterre  1V>- 
riginal  d'un  genre  dont  nul  autre  n'a  approdié. 
Il  ne  faut  pas,  dit  un  judicieux  critiqueî  lui  de» 
mander  des  leçons  de  rhctoriquei  il  a  au  con» 
traire  un  mépris  souverain  pour  les  précautions 
ordinaires  des  formes  de  la  phrase  et  de  la  pé- 
riode. Son  vers ,  tout  brut ,  et  sans  quHl  le  re- 
manie, semble  sortir  visiblement  du  fond  d*ane 
âme  profondément  sensible  et  convaincue.  Il  fiiut 
aller  chercher  dans  les  écrits  de  ce  grand  poète 
Fexempie  d'un  langage,  naturel  et  franC|  toujoun 
l'esclave  de  sa  pensée.  Jamais  Shakespeare  n'ap- 
prit à  personne  à  écrire.  Il  est  trop  grand  mattre 
pour  être  bon  professeur.  Un  trait  de  son  genrCi 
et  ce  n'est  pas  le  moins  frappant,  c'est  l'espritt  le 
sarcasme,  le  sel  de  son  discours.  On  ne  sait,  à  y 
regarder  de  près,  s'il  y  avait  plus  de  sérieux  que 
de  gaîté  dans  ce  cœiur  qui  sentait  si  vivement. 
Du  reste^  son  style  s'adapte  parfaitement  aux  ca* 
ractères  :  qu'il  fasse  parler  un  vieillard  ou  un^ 
jeune  fille,  un  roi^  un  guerrier,  un  honune  gros- 
sier, et  même  un  être  imaginaire,  une  fée  ou 
spectre,  à  Tinstant  il  leur  donne  et  il  leur 
serve  un  langage  spécial. 


U  résulte  de  lè  que  SJhfJiespeare  e^t  dbaolument 
intraduisible;  les  efforts  înouiâ  et  inutiles  des 
écrivains  français  en  sont  la  preuve.  Traduire 
Shakespeare,  c'est  le  dénaturer;  le  préciser,  en 
style  moderne,  c'est  le  travestir.  C'est  que 
Shakespeare  n'était  point  un  auteur^  il  ci^éa  la 
tragédie  comme  Molière  créa  plus  tard  la  co- 
médie :  en  la  jouant,  il  la  sentait  arriver  dans 
son  cœur,  sur  ses  lèvres,  et  il  écrivait...  Aussi  1^ 
Français  ont-ils  long-temps  méconnu  Shakespeare 
comme  les  Allemands  et  les  Anglai3  ont  méconnu 
notre  Molière  ^\ 


—  35Î  — 


CHAPITRE  DOUZIEME. 


Il  ja  dans  rarchiteclurc  religieuse  deux  choses; 
le  fonds  et  la  forme.  La  première  doit-étre  im- 
muable ^  Tautre  change  à  tout  vent.  C'est  toujours 
la  même  charpente  intérieure^  la  même  disposi- 
tion des  parties,  et  comme  le  dit  un  illustre  ëcri- 
yain,    quelle  que  soit  l'enveloppe  sculptée  et 
brodée  d*une  cathédrale^  on  retrouve  toujours 
dessous,  au  moins  k  Pétat  de  germe  et  de  rudi- 
ment, la  basilique  romaine.  Elle  se  développe 
éternellement  sur  le  sol  selon  la  même  loi  :  ce  sont 
imperturbablement  deux  nefs  qui  s'entrecoupent 
en  croix,  et  dont  Tcxtrémité  supérieure^  arrondie 
en  absides,  forme  le  chœur;  ce  sont  toujours  des 
bas-côtés,  pour  les  processions  intérieures,  sortes 
de  promenoirs  latéraux  où  la  nef  principale  se 
dégorge  par  les  entrecolonnements.  Gela  posë^  le 
nombre  des  chapelles,  des  portails,  des  clochers, 
des  aiguilles,  se  modilic  à  Tinfini,  suivant  la  fan- 
taisie du  siùclc,  du  peuple,  de  l'art.  Le  service 
du  culte  une  fois  pourvu  et  assuré,  rarchiteclurc 


—  333  — 

fait  ce  que  bon  lui  semble.  Statues,  vitraux,  ro- 
saces, arabesques,  dentelures,  chapiteaux,  bas- 
reliefs,  elle  combine  toutes  ces  imaginations.  De 
là  la  prodigieuse  yariëtë  extërieure  de  ces  (édi- 
fices au  fond  desquels  rëside  tant  d'ordre  et  d'u« 
nite'.  Le  tronc  de  Tarbre  est  immuable  ;  la  vë- 
gétatiou  est  capricieuse. 

Ainsi,  durant  les  six  mille  premières  années 
du  inonde  rarchitecture  a  étë  la  grande  écriture 
du  genre  humain,  et  cela  est  tellement  vrai  que 
non  seulement  tout  symbole  religieux,  mais  en- 
core toute  pensde  humaine  a  sa  page  dans  ce  livre 
immense.....' 

Durant  la  première  période  du  moyen-âge,  pen- 
dant que  la  théocratie  organise  TEurope,  on  voit 
peu  à  peu,  sous  le  souffle  du  Christianisme  et  sous 
la  main  des  barbares  à  demi  civilises,  surgir  des 
ruines  des  architectures  grecque  et  romaine, 
cette  mystérieuse  architecture  romane,  emblème 
du  catholicisme  pur  et  immuable  de  l'unité  pa- 
pale. Toute  la  pensée  d'alors  est  écrite  dans  ce 
sombre  style  roman.  On  y  sent  partout  Tautorité, 
l'impénétrable,  l'absolu  Grégoire  VII ,  partout  le 
prêtre,  la  caste,  jamais  le  peuple  ;  mais  les  croisades 
arrivent;  c'est  un  grand  mouvement  populaire, 
source  de  l'esprit  de  liberté,  l'autorité  s'ébranle, 
l'unité  se  biQTnrque,  la  féodalité  avait  demandé  à 


partagêr  arec  la  thëocralie^  le  pcniplc  est  Ik^ 
maintenant  qui  Ta  se  faire  la  part  du  lion  :  li 
seigneurie  perce  sous  le  sacerdoce,  la  commune 
sous  la  seigneurie,  la  face  de  l'Europe  est  cfaangëei 
celle  de  l'architecture  Test  aussi  :  comme  la  dri- 
lisation  elle  a  tourne  la  page,  et  l'esprit  nouveau 
des  temps  la  trouve  prcte  à  ëcrire  sous  sa  «dictëe. 
Elle  est  revenue  des  croisades  avec  Togî  ve  comme 
les  nations  avec  la  liberté.  Alors,  tandis  que  Rome 
se  démembre  peu  à  peu,  Tarchitecture  romane 
meurt.  L*hiërogljrphe  déserte  la  cathédrale  et  sW 
va  blasonner  le  donjon.  La  cathédrale  elle-méme| 
cet  édifice  autrefois  si  dogmatique^  envahie  dé- 
sormais par  la  bourgeoisie,  par  la  commune^  par 
la  liberté,  échappe  au  prêtre  et  tombe  au  pouvoir 
de  Fartiste.  L^artiste  la  bâtit  à  sa  guise.  Adieu  le 
mystère,  le  mythe,  la  loi.  Voici  la  fantaisie  et  le 
caprice.  Pourvu  que  le  prêtre  ait  jsa  basilique  et 
son  autel,  il  n^aura  rien  à  dire.  Les  quatre  murs 
sont  à  l'artiste.  Le  livre  architectural  n'appartient 
plus  au  sacerdoce,  h  la  religion,  à  Rome;  il  estli 
l'imagination ,  à  la  poésie ,  au  peuplé.  De  là  les 
transformations  rapides  et  innombrables  de  cette 
architecture  qui  n'a  que  trois  siècles,  si  frappantes' 
après  rimmobilité  stagnante  de  Tardiitecturé  nn 
mane  qui  en  a  six  ou  sept.  ti*art  cependant 
marche  à  pas  de  géant.  Le  génie  et  l'originalité 


populaires  font  la  besogne  qae  feraient  les  ^véqùes. 
Chaque  race  ëcrit  en  passant  sa  ligne  sur  le  livre; 
elle  rature  les  vieux  hiëroglyphes  romans  sur  le 
frontispice  des  cathédrales,  et  c'est  tout  au  plus  si 
l'on  voit  encore  le  dogme  percer  ça  et  là  sous  le 
nouveau  symbole  qu'elle  y  dépose.  La  draperie 
populaire  laisse  à  peine  deviner  Tossement  reli- 
gieux. On  ne  saurait  se  faire  une  idée  des  licences 
que  prennent  alors  les  architectes  même  envers 
l'Eglise  :  c'est  l'aventure  de  Noë  sculptée  en 
toutes  lettres  ^  comme  sous  le  grand  portail  de 
Bourges;  c'est  un  moine  bachique,  à  oreilles 
d'Ane  et  le  verre  en  main,  riant  au  nez  de  toute 
une  communauté,  comme  sur  le  lavabo  de  l'abbaye 
de  Blosseville.  Il  existe  à  cette  époque  pour  la 
pensée  éciûtc  en  pierre,  un  privilège  tout-à-fait 
comparable  à  notice  liberté  actuelle  de  la  presse. 
C'est  la  liberté  de  l'architecture. 

Au  XV*  siècle  tout  change. 

La  pensée  humaine  découvre  un  moyen  de  se 
perpétuer,  non  seulement  plus  durable  et  plus  rt^ 
sifilant  queTarchitecture,  mais  encore  plus  simple 
et  plus  facile.  L'architecture  est  détrônée,  elle  se 
dépouille  et  s'effeuille^  elle  n'exprime  plus  rien, 
pas  même  le  souvenir  de  l'art  d'un  autre  temps* 
Réduite  à  dle-méme^  abandonnée  des  autres  arts 
parce  que  la  pensée  humaine  l'abandonne^  elle 


—  356  — 

appdle  des  manœuvres  à  défaut  d'artistes.  La  vitre 
remplace  le  vitrail.  Le  tailleur  de  pierre  succède 
au  sculpteur.  Adieu  toute  sève,  toute  originalité, 
toute  vie>  toute  intelligence.  Elle  se  traîne  d'a- 
telier en  atelier,  de  copie  en  copie,  Michel-Ange^ 
qui^  dès  le  XYP  siècle,  la  sentait  sans  doate 
mourir,  avait  eu  une  dernière  idée,  une  idée  de  dé- 
sespoîr.  Ce  Titan  de  Part  avait  entassé  le  Pantfaécm 
sur  le  Partkénon,  et  fait  Saint-Pierre-de-Ronie. 
Grande  œuvre  qui  méritait  de  rester  unique^  dei^ 
uière  originalité  de  Tarchitecture,  signature  d'un 
artiste  géant  au  bas  du  colossal  registre  de  pierre 
qui  se  fermait.  Michel- Ange  mort,  que  &it  cette 
misérable  architecture  qui  se  survivait  à  ell^ 
même  à  Fétat  de  spectre  et  d'ombre  ?  Elle  proid 
Saint-Pierre-de-Rome,  et  le  calque,  et  le  parodie... 
mais  plus  rien  d'original  *  ! 

Il  ue  parait  pas  qu'aucune  modification  réelle 
ait  été  introduite  au  XY^  siècle  dans  le  plan  des 
Eglises.  La  forme  générale  demeura  la  même  jus- 
qu'au temps  où  Ton  abandonna  le  style  ogival 
pour  revenir  à  Parchitecture  classique.  Nous  n*eih  . 
trerons  pas,  à  ce  sujet,  dans  des  détails  que  M 
comporte  pas  notre  œuvre.  Nous  nous  contente-. 
rons  de  renvoyer  nos  lecteurs,  soit  à  PexceUent 
cours  de  M.  de  Gaumont,  sur  les  antiquités-  ttio* 
numentales,  soit  aux  basiliques  elles-mêmes  qu^on  ^ 


-i5S7  -r 

trouve  encore  avec  profusion  dans  TEurope  chrë-* 
tienne,  et  notamment  à  Rouen,  Bayeux^  Lisieux, 
Saint-Lô^  Gaen,  Nantes^  pour  le  XV'  siècle  ;  à 
Dieppe ,  É  vreux ,  Saint  *  Quentin ,  Beau  vais , 
Âlençon,  Chartres,  Tours,  Poitiers,  Albj,  etc. 
pour  leXVIe. 

En  général,  les  Eglises  du  XY  siècle  furent 
moins  grandes  et  moins  élevées  que  cdles  du  XIY<' 
et  la  profusion  de  penacles  et  de  figures  pyramidales 
qui  les  décorent  ne  peut  dissimuler  entièrement 
ce  défaut  capital.  On  ne  peut  nier  cependant  que 
le  style  ogival  de  la  troisième  époque  n'oflte  de 
grandes  beautés,  et  il  existe  des  monuments  d'une 
rare  élégance  et  d'une  exécution  admirable  qui 
appartiennent  tout  entiers  à  ce  style. 

Outre  les  sommes  considérables  que  le  clergé 
consacrait  à  la  construction  -et  à  la  réparation 
des  Eglises,  l'usage  où  l'on  était  d'accorder  les 
grâces  spirituelles  à  ceux  qui  contribuaient  aux  dé- 
penses fournissait  de  grandes  ressources  au  XV^ 
siècle^  comme  dans  les  siècles  précédents  s.  A 
Rouen,  Tabbaye  de  Saint-Ouen  fut  obligée  plu*- 
sieurs  fois,  malgré  ses  immenses  domaines,  d'avoir 
recours  à  ce  moyen  pour  la  continuation  des  tra- 
vaux de  sa  magnifique  Eglise. 

Cependant,  vers  la  fin  du  XV^  siècle  le  zèle 
des  fidèles  comnoençait  à  se  lasser^  et  quelquefois 

V.  22 


il  fallait  le  stimuler  en  accordant  des  permissions 
nouvelles,  en  adoucissant  sous  quelque  rapport  la 
sëvérité  des  abstinences. 

Tout  le  monde  sait  que  la  tour  qui  termine  la 
façade  de  la  cathédrale  de  Rouen^  au  aud^  fut 
construite  au  moyen  des  aumônes  offertes  par  les 
fidèles  qui  obtinrent  la  permission  de  manger  du 
beurre  pendant  le  carême'.  Nous  pourrions  citer 
des  concessions  du  même  genre  faites  pour  de 
semblables  motifs  dans  divers  diocèses. 

Les  artistes  étaient  nombreux  et  habiles^  mais 
au  zèle  religieux  qui  les  animait  aux  XIW  et  XIV° 
siècles^  vintsc  joindre  un  autre  sentiment^  l'amour- 
propre  et  le  désir  de  briller.  S  ils  travaillaient 
pour  Tamour  de  Tart  et  pour  la  gloire  de  Dieu 
ils  pensaient  aussi  à  leur  propre  gloire. 

Ce  fut  au  XV'''  siècle  que  les  architectes  habiles 
formèrent  en  Alsace  et  en  Allemagne  des  sociétës 
différentes  de  celles  qui  avaient  existé  et  qu^ils 
voulurent  se  distinguer  des  autres  en  créant  des 
loges  maçofiigues . 

Les  diflérences  entre  Tarchitecture  du  XY* 
siècle  et  celle  du  XYP  sont  si  peu  de  choee, 
qu'elles  ne  sont  appréciables  qu'aux  jeux  (fan 
observateur  attentif.  U  s'établissait  en  FrancCi  en 
Angleterre  et  en  Allemagne»  vers  la  fin  do  XV* 
siècle,  un  système  de  décoration  monmnentale  qui 


—  SS9  — 

consistait  surtout  à  surcharger  de  ciselures  toutes 
les  parties  des  édifices  et  à  substituer  aux  co- 
lonnes et  aux  entablements  un  nombre  considé* 
rable  de  filets  et  de  nervures.  Le  dernier  âge  du 
stjle  ogival  était  celui  des  travaux  partiels,  des 
restaurations,  des  retouches  et  des  substructions. 
Les  artistes  s'attachaient  particulièrement  à  rendre 
les  détails  d'ornement  avec  une  extrême  finesse  : 
et  ne  pouvant  élever  de  grandes  constructions^ 
ils  produisaient  des  morceaux  d'une  élégance  ad- 
mirable, d'une  exécution  éblouissante  *.  Mais  le 
stjle  ogival,  après  avoir  parcouru  les  diverses 
périodes  de  perfectionnement  et  de  dégénérâtion, 
qui  sont  le  lot  de  toute  œuvre  humaine,  touchait 
enfin  à  son  terme,  et  la  seconde  moitié  du  XVP 
siècle  vit  le  plein  cintre,  abandonné  depuis  le 
XIP  siècle,  reprendre  le  dessus..,  une  immense 
révolution  s'opéra  alors  dans  Tarchitecture. 

La  découverte  des  manuscrits  de  Vitruvé,  les 
travaux  d'Albertî,  de  Brunelleschî,  et  de  plusieurs 
autres  architectes  italiens  ;  le  goût  qui  s^était  ma- 
nifesté si  ouvertement  pour  l'antiquité  classique, 
à  la  fin  du  XV®  siècle  et  au  commencement  du 
XVP;  enfin,  cet  esprit  d'innovation  et  de  réforme 
qui  fermentait  dans  la  société ,  aussi  bien  parmi 
les  artistes  que  parmi  les  théologiens^  tout  avait 
préparé   les  esprits  pour  ce  grand  changement 


—  540  — 

qui,  clans  nos  contrées,  s'opér    i rinoipaicmcnt 
sous  les  rognes  de  Louis  XII  el  de  François  ^*^ 

De  même  qu'au  Xir  sièele  une  aix^hitecture  de 
transition  s'était  formée  lorsqu'on  avait  abandonné 
le  cintre  pour  Fogive,  on  vit  paraître^  lorsqu^on 
revint  au  cintre,  un  style  mixte  résultant  de  la 
combinaison  des  formes  classiques  avec  les  orne- 
ments du  XV^  siècle.  Le  plein  cintre  romain  se 
montra  couvert  de  la  riche  parure  du  style  ogival 
quaternaire.  C'est  ce  style  mixte  qu'on  appelle 
architecture  de  la  renaissance ,  parce  que  dès 
lors  y  on  regarda  le  moyen  âge  comme  un  temps 
d'ignoranee  et  de  barbarie. 

L*abside  de  TEglise  Saint-Pierre  et  celle  de 
Notre-Dame  à  Caen,  la  chapelle  de  rancien 
ëvéché  de  Uayeux ,  le  portail  de  l'Eglise  Trinitë 
à  Falaise  peuvent  fournir  des  exemples  de  style 
de  la  renaissance  dos  le  milieu  du  XYP  siècle. 
Cette  architecture  se  dégage  des  accessoires  qu^elle 
avait  empruntés  au  style  ogival  ;  c'est  aussi  à  peu 
près  à  cette  époque  que  ce  dernier  style  qui  avait 
continué  d'être  usité  dans  les  monuments  reli- 
gieux concurremment  avec  celui  de  la  renais- 
sance, cesse  d'être  employé,  et  on  peut  fixer 
approximativement  à  1550  le  terme  de  la  përiode 
ogivale. 

En  i^ésumé,  on  peut  dire  que  les  premières 


Eglises  ont  été  calquëes  sur  les  basiliques  ro* 
maînes,  que  rarchîtecture  usitée  en  France  de- 
puis le  V*  siècle  n^était  elle-même  que  rarchî- 
tecture romaine  plus  ou  moins  altérée ,  qu*elle 
a  subi  (le  nombreuses  modifications  au  XF  et  au 
XIP  siècle  ;  enfin ,  que  le  style  ogival ,  adopté  à 
celte  époque,  après  avoir  brillé  d'un  vif  éclat ,  a 
gi*aduellement  déchu  dans  le  XV*  siècle ,  et  a  été 
abandonné  dans  le  XVP  pour  celui  de  la  renais- 
sance dont  nous  suivrons  la  destinée  dans  le  vo- 
lume suivant  ^. 


Quelle  époque  pour  les  arts  que  celle  qui  a  vu 
naître  Léonard  de  Vinci ,  le  Perugin ,  Volterre , 
del  Piombo ,  le  Véronèse ,  Jules  Romain ,  Titien , 
Corrège ,  del  Sarto ,  Primatice ,  Parmezan ,  les 
trois  Carrache,  Albert  Durer ,  ï.  d'Udine ,  Cara- 
vage,  Bassan,  Tintoret,  Michel- Ange  et  enfin 
Raphaël,  se  groupant  autour  de  ce  Léon  X  dont 
la  bienfaisante  influence  se  fit  sentir  parmi  les 
peintres  comme  parmi  les  poètes  et  les  savants. 

Une  autre  circonstance  contribua  à  donner 
à  l'art  ce  vif  éclat  j  la  découverte  de  la  pein- 
ture à  rhuile  :  ce  fut  vers  le  milieu  du  XV*  siècle 
que  Jean  de  Bruges ,  cherchant  à  composer  un 
vernis  pour  donner  plus  d'éclat  à  ses  ouvrages. 


reconnut  que  les  couleurs  s'unissaient  plus 
ment  à  riiuile  qu'à  Teau  y  qu'on  avait  employé 
jusqu'alors;  que  les  teintes  en  recevaient  plus  de. 
force  et  les  mélanges  plus  de  douceur;  que  cette 
peinture  portait  avec  elle  un  lustre  naturel ,  et 
qu'elle  avait  une  grande  soliditë.  C'est  ainsi  que 
les  plus  belles  découvertes  ont  été  souvent  le 
produit  du  hasard,  et  non  le  fruit  des  combi» 
naisons  du  génie  :  celle-ci  causa  une  des  révolu- 
tions les  ])lus  célèbres  et  les  plus  pitxnptes  dans 
les  annales  des  beaux -arts. 

Un  tableau  peint  à  l'huile  fut  envoyé  à  Al- 
phonse V^y  roi  de  Naples.  On  ne  put  s'empêcher 
de  Tadmirer ,  et  plusieurs  peintres  se  rendirent  en 
Flandre  pour  en  apprendre  le  secret.  Jean  de 
Bruges  en  fit  part  à  Antonello  da  Messina  y  qui  le 
douna  à  quelques  uns  de  ses  élevés.  André  del 
Castagno  en  devint  possesseur  par  un  crime  af- 
freux,  et  rapporta  à  Florence^  où  il  peignit» 
sous  les  auspices  de  Laurent  de  Médicis^  la  con- 
juration et  le  supplice  de  Pazzi.  Jean  et  Grentîe 
Bell  in  furent  ses  rivaux  à  Venise ,  où  ils  repré^ 
sentèrent ,  en  plusieurs  tableaux  y  les  événements 
mémorables  des  guerres  de  la  république  contre 
Tempereur  Frédéric  y  en  faveur  du  pape  Alexan- 
dre III ,  qui ,  en  reconnaissance  des  services  que 
lui  rendirent  les  Vénitiens ,  donna  au  doge  le 


droit  d^ëpouser  la  mer.  Peu  de  temps  après^ 
André  Verocchîo,  qui  eut  pour  disciples  le  Pe- 
rugîn  et  Léonard  de  Vinci,  se  fit  une  réputation 
par  ses  portraits  ^  si  ressemblants  qu'on  assurait 
que  pour  parvenir  à  ce  degré  d'exatitude,  il 
prenait  au  moule  les  traits  des  personnes  qui  se 
faisaient  peindre. 

Léonard  excellait  dans  l'expression ,  et  avait 
une  grande  entente  de  l'ejBfet  des  lumières  et  des 
ombres.  On  lui  reproche  d'avoir  soigné  les  détails 
de  manière  à  altérer  l'harmonie  de  l'ensemble, 
d'avoir  arrêté  trop  fortement  les  contours  de  ses 
figures,  et  donné  une  couleur  fausse  à  ses  carac- 
tères. Afilîgé  de  quelques  tracasseries  que  ses 
rivaux  lui  suscitèrent  près  de  la  cour  de  Rome , 
il  quitta  cette  ville  et  se  fixa  en  France,  où  il 
inspira  aux  grands  le  goût  de  la  peinture.  Fran- 
çois I*^  le  combla  de  bienfaits  et  d'amitié,  et  il 
mourut  dans  les  bras  de  ce  prince. 

Dans  le  même  temps,  Michel-Ange  Buona- 
rotti ,  de  Florence  ,  architecte ,  peintre  et  sculp- 
teur ,  faisait  des  pas  immenses  dans  cette  triple 
carrière.  Élève  de  Ghirlandaïo,  il  lutta  contre 
Léonard  de  Vinci ,  et  surpassa  bientôt  son  émulé 
par  la  simplicité  et  la  grandeur  de  sa  composition  ^ 
dont  il  ne  reste  qu'une  gravure  connue  sous  le 
nom  des  grimpeurs.  Il  fit  ensuite ,  d  un  bloc  de 


M.    Vin   mm 

marbre  qu*un  artiste  barbare  avait  essayé  de 
mettre  en  oeuvre ,  une  figure  colossale  de  David 
pour  le  Palais  de  Justice  de  Florence;  et  sur 
sa  réputation ,  qui  surpassait  dëjà  celle  de  tous 
les  artistes  connus ,  le  pape  Jules  II  Tappelli  à 
Rome  ^  et  le  chargea  de  l'érection  de  son  mau- 
solée. Michel-Ange  entreprit  avec  ardeur  ce  mo- 
nument immense,  qui  devait  être  composé  de 
quarantes  figures;  la  statue  de  Moïse,  remar- 
quable par  la  beauté  des  formes  et  une  étonnante 
hardiesse  d'exécution  ,  fut  terminée  en  peu  de 
temps,  ainsi  que  plusieurs  statues  accessoires. 
Jules  n^  qui  croyait  que  ce  travail  devait  aller 
aussi  vite  que  sa  bouillante  imagination,  parut 
s'impatienter  et  se  dégoûter  d'un  ouvrage  aussi 
dispendieux.  Michel-Ange,  mécontent  de  quel- 
ques paroles  mortifiantes ,  l'abandonna.  Jules  ne 
put  trouver  d'artistes  capables  de  terminer  ce 
que  Michel- Ange  avait  si  bien  commencé^  et  il 
se  vit  obligé  de  menacer  Florence  de  sa  colère  et 
même  d^une  déclaration  de  guerre^  pour  ravoir 
son  sculpteur.  Michel-Ange  jeta  en  bronie  sa 
statue  j  lui  donna  de  la  grandeur,  de  la  majesté , 
un  air  de  hardiesse  et  de  courage ,  et  lui  mit  en 
main  une  épée  au  lieu  de  Févangile ,  par  Texprés 
conunandement  du  pape. 
Raphaël    Sanzio»   d'Urbin,    devint    bientôt 


—  5^  — 

dans  la  peinture^  le  rîyal  redoutable  de  Michel- 
Ange.  Ne  pauvre ,  son  père  l'avait  d'abord  occupe 
à  dessiner  des  pièces  de  faïence  ;  mais  son  gënie 
ne  pouvait  s'arrêter  à  un  si  misérable  travail  j  et 
à  peine  eut-il  aperçu  les  ouvrages  du  Perugin , 
qu'il  vit  s'ouvrir  devant  lui  la  carrière  qu'il  a 
parcourue  avec  tant  de  gloire.  Le  Perugin  lui 
donna  des  leçons  ^  et  Raphaël  adopta  sa  pianière. 
Il  la  quitta  dès  qu'il  eut.  vu  les  cartons  de  Michel- 
Ange  et  de  Léonard  de  Vinci.  Ëtonnë  des  beautés 
qu'il  y  découvrit,  il  les  étudia  avec  soin,  réforma 
la  sécheresse  de  son  pinceau  et  la  roideur  de  ses 
compositions,  et  parvînt,  autant  par  ses  études 
que  par  les  inspirations  de  la  nature,  à  réunir  la 
grâce  à  la  sublimité.  Les  progrès  qu'il  fit  faire  à 
l'art^  et  qui  le  portèrent  à  la  perfection ,  furent  si 
rapides,  et  il  y  a  une  telle  distance  entre  les  ta- 
bleaux qu'il  peignit  dans  la  manière  du  Perugin 
et  ceux  qui  font  sa  réputation  ,  que  Ton  conçoit  à 
peine  qu'ils  soient  de  la  même  main. 

Michel- Ange  et  Kaphaèl,  divisés  d'intérêt,  le 
furent  aussi  par  la  jalousie.  Léon  X  parut  mécon- 
naître les  talents  de  Michel-Ange,  et  réserva  toute 
sa  bienveillance  pour  Raphaël ,  qui ,  chargé  déjà 
des  fresques  du  Vatican,  les  continua  sous  son 
pontificat.  Michel-Ange,  au  contraire,  qui  peignait 
les  plafonds  de  la  chapelle  Siiçtine,  abandonna  ses 


travaux ,  ou  du  moins  ne  les  suivit  qu'avec  dëgoût. 
II  a  représenté  divers  sujets  de  l'histoire  sacrée 
sons  des  formes  gigantesques ,  et  a  donné  aux 
figures  de  prophètes  un  caractère  tellement  élevé 
qu'il  en  est  prcîsquo  eflrayant. 

Raphaël  adoucit,  dans  ses  compositions  élé- 
gantes et  gracieuses,  la  hardiesse  et  la  vigueur  de 
Michel -Ange  :  adroit  courtisan,  il  eut  soin  de 
ilatter  le  pape  en  représentant  souvent  ses  actions 
dans  des  sujets  allégoricpies.  Il  orna  de  ses  pro- 
ductions immortelles  lessalles  et  lesloges  duVati** 
can,  eteomposa  pour  celles-ci  une  suite  de  tableaux 
tirés  de  lliistoire  sacrée ,  dans  l'exécution  desquels 
il  se  lit  aider  par  plusieurs  de  ses  élèves,  entre 
autres  :  Jule  Romain,  Jean  d'Udine  et  Polydore 
de  Caravage.  Ses  quatre  tableaux  principaux  des 
salles  du  Vatican  sont  :  la  Théologie^  la  Phi- 
losophic^  la  Poésie  et  la  Justice.  Le  sujet  qui 
constitue  la  première  est  la  dispute  sur  les  sacre- 
ments, vaste  tableau  qui  offre  deux  scènes  dis-» 
tîncles  et  qui  pèche  contre  l'unité.  Une  lumière 
étrangère  éclaire  les  personnages  divins  qui  rem- 
j)lissent  la  partie  supérieure  de  cette  composition. 
On  y  remarque  des  accessoires  où  Ton  a  employé 
la  dorure^  et  d'autres  défauts  qui  se  ressentent  de 
la  première  manière  de  l'artiste.  La  philosophie 
c:>t  représentée  par  l'école  d'Athènes,  conception 


admirable,  traitée  avec  le  talent  le  plus  parfait. 
On  reconnaît  la  poésie  à  rAssemblëe  des  Muses  et 
des  auteurs  célèbres  sur  le  Parnasse ,  où  le  peintre 
s'est  réservé  une  place  à  lui-même  ;  et  le  tableau 
de  la  justice  divisé ,  comme  celui  de  la  théologie , 
en  deux  scènes,  rappelle  l'établissement  de  la  loi 
canonique  et  celui  de  la  loi  civile.  Grégoire  IX 
reineiiiknt  les  Décrétâtes  à  un  avocat  consistorial, 
et  Justinien  donnant  les  Pandectes  à  Tribonîen. 

Michel-Ange  et  Raphaël  remplirent  les  temples 
et  les  palais  d'Italie  de  leurs  chefs-d'œuvre,  parmi 
lesquels  se  font  surtout  admirer  le  Jugement  der- 
nier et  la  Transfiguration. 

Michel' Ange  vécut  quatre-vingt-dix  ans,  Ra- 
phaël mourut  à  trente-sept  ans  pleuré  du  pape, 
des  amis  des  arts  et  des  artistes  eux-mêmes  qu'il 
aidait  de  ses  conseils  et  de  sa  fortune  :  il  la  partagea 
toute  entière  entre  ses  élèves.  A  ces  grands  hom- 
mes succédèrent  avec  des  mérites  divers  Titien , 
Corrège ,  et  tous  ceux  enfin  dont  nous  avons  cité 
les  noms  immortels ,  mais  dont  il  nous  est  mal- 
heureusement impossible  d'analyser  ici  le  talent 
et  les  œuvres  ^. 

Lasculptures'essayaitàFlorenceen  même  temps 
que  l'architecture  et  la  peinture.  Tandis  que  les 
Médicis  faisaient  partout  fouiller  le  sol  étrusque 
pour  en  tirer  des  statues  antiques ,  Donatelloi 


—  M8  — 

Ghibcrti,  Brunelleschi  lui-même  furent  les  pre- 
miers sculpteurs  modernes  ;  ils  sculptaient  ou  ci- 
selaient à  Tcnvi  le  marbre,  le  bronze,  l'argent. 
Un  concours  eut  lieu  entre  eux  pour  les  portes  en 
bronze  du  baptistaire  de  la  cathédrale;  mais  à 
peine  Donatello  et  Brunelleschi  eurent- ils  vu 
Fessai  de  Ghiberti  qu^ils  se  retirèrent,  laissant  à 
leur  rival  tout  Thonneur  de  Touvrage.  Et  cepen- 
dant eux-mêmes  ils  avaient  produit  des  che&- 
d'œuvre;  on  cite  particulièrement  la  statue  de 
saint  Marc,  par  Donatello.  Michel- Ange  dit  un 
jour,  après  Pavoir  contemplée  dans  une  religieuse 
extase  :  Marco^  perche  non  mi  parU? 

Le  XV""  siècle  connut ,  en  même  temps  que  les 
premiers  chefs-d'œuvre ,  Part  heureux  de  les  re- 
produire. Le  Florentin  Marco  Finiguerra  avait 
déjà  essayé  de  tirer  des  empreintes  d'armoiries. 
PoUajuolo  et  Botticelli ,  concevant  tout  le  prix 
de  cette  découverte ,  essayèrent  de  la  perfection- 
ner. Montegna  lui  donna  de  Fimportance  par  des 
essais  plus  heureux;  elle  acquit  enfin  un  prix 
inestimable  lorsque  le  Flamand  Albert  Durer,  et 
surtout  Marc-Antoine  de  Boulogne,  gravant  sur 
cuivre  les  dessins  de  Baphaël,  firent  ainsi  con- 
naître au  monde  entier  ses  chefs-d'œuvre  :  Tltalie 
seule  en  avait  joui  jusques  alors, 
i    L'invention  de  la  gravure  à  Peau  forte  suivit  de 


près  celle  de  burin,  et  il  devient  dôs-loTS  impos- 
sible de  citer  tous  les  artistes  qui  se  sont  fait  un 
nom  dans  cet  art. 

C'est  encore  de  Fltalie  que  nous  vient  la  mu- 
sique, non  qu'on  ne  la  connût  dans  les  autres 
contrées  de  l'Europe,  mais  c'est  là  surtout  qu'elle 
régnait  comme  les  autres  arts,  comme  les  lettres  : 
rilalie  au  XVP  siècle  ëtaît  la  sentînele  avancée 
de  la  civilisation  comme  le  fut  la  France  un  siècle 
plus  tard. 

Une  ligne  avait  été  ajoutée  au  cadre  qui  était 
en  usage ,  et  les  clés  avaient  été  imaginées  pour 
élever  les  sons  d'un  octave. 

La  première  forme  de  poésie  italienne,  à  la- 
quelle on  ait  essayé  d'adopter  la  musique ,  est  le 
madrigal;  le  plus  ancien  des  madrigaux  connus 
fut  composé  par  un  nommé  Lemmo  de  Pistoïa  et 
mis  en  musique. 

Vers  la  fin  du  XVP  siècle  la  musique  fut  en 
grand  honneur  dans  la  majeure  partie  de  l'Europe, 
Chaque  nation  la  cultiva  avec  le  caractère  qui  lui 
était  propre,  et  déjà  Ton  distinguait  la  mélodie 
italienne  et  riiarmonie  allemande.  La  musique 
dramatique  n'existait  point  encore;  mais  la  musi* 
que  religieuse  était  à  son  plus  haut  point  de  per« 
fection.  On  connaît  ces  cantiques  à  la  Vierge, 
Laudi  spirituali^  d'un  style  si  simple  et  d'une 


mëlodie  si  touchante»  que  chanUient  en  chœur  les 
confréries  italiennes.  La  chapelle  Sixtine  redit 
encore  les  accents  inspires  de  Palestrina,  et  ce 
Miseivre  dont  Texpression  ëtait  d'accord  avec  le 
Jugement  dernier  de  Michel-Ânge.  On  cite  encore 
du  même  artiste  un  morceau  qu'il  composa  à  Toc* 
casion  du  tremblement  de  terre  de  1575.  Emilio 
del  Cavalière  se  fit  un  nom  dans  ce  genre  de  mu- 
sique moins  sévère  qui  était  Fornement  obligé 
des  fêtes  de  cour,  la  musique  de  danse  et  de 
concerts.  En  France,  comme  en  Allemagne  et 
en  Italie^  on  cultivait  la  musique  sacrée.  Le  maître 
de  chapelle  de  François  V^^  Jean  Mouton ^  riva- 
lisait avec  Nicolas  Grombcrt,  maître  de  chapelle 
de  l'empereur  Charlcs-Quint. 

Le  goût  de  Tart  musical  devint  bientôt  telle- 
ment populaire  9  que  Ton  établit  des  professeurs 
de  musique  dans  les  universités.  Les  souverains , 
les  hommes  célèbres  étaient  presque  tous  musi- 
ciens :  Henri  VIII  jouait  de  la  flûte  et  du  clavecin;' 
Charles  IX  était  assez  fort  sur  le  violon  ;  Elisa- 
beth était  une  virtuose  sur  Tépinette;  Luther 
voulait  réformer  le  chant  d^Eglise,  en  même 
temps  que  le  dogme  et  la  discipline. 

L  art  de  fabriquer  les  instruments  avait  fait  de 
grands  progrès  au  milieu  du  XYI*  siècle.  Les 
luthiers  de  Crémone  étaient  célèbres  ^  entr^autres 


i 


les  Amatî ,  dont  les  instruments  étaient  renommes 
dans  toute  l'Europe.  Le  violon^  diminutif  de  la 
viole  ^  commença  à  être  mis  en  usage  dans  les 
premières  années  du  XVP  siècle/  Il  parait  qtill 
fut  d'abord  fabriqué  en  Fi*ance  ;  car  on  voit , 
dans  plusieurs  compositions^  qu^on  lui  donnait 
alors ,  en  Italie  j  le  nom  de  violino  alla  Fran^ 


cese  ^ 


Après  les  arts,  les  sciences,  pour  suivre  l'ordre 
que  nous  avons  adopté  jusqu^ici. 

Long-temps  négligées  en  Occident,  elles  com- 
mençaient à  marcher  d'un  pas  rapide  au  XYP 
siècle  :  un  moine  italien,  un  Toscan,  avait  été 
visiter  l'Orient  en  homme  érudît  et  curieux  pour 
recueillir  les  traditions  de  la  science  arabe;  de 
retour  en  Italie ,  il  occupa  long-temps  une  chaire 
de  mathématiques  importante,  et  résuma  dans 
un  savant  traité  toute  la  science  algébrique  du 
temps,  d'autres  Italiens  suivant  ses  traces  parvin- 
rent à  établir  les  équations  du  quatrième  degré. 
Viette  fit  plus  tard  une  révolution  dans  la  langue 
algébrique  en  se  conservant  des  lettres  de  l'al- 
phabet pour  représenter  toutes  sortes  de  grandeurs 
connues  ou  inconnues. 

Il  ne  fallait  rien  moins  que  ce  grand  dévelop- 


pcmcnt  des  sciences  mathématiques  rtfani  an 
perfectionnement  des  instruments  d^optique  pour 
arriver  aux  découvertes  astronomiques  qui  con- 
tribuèrent à  immortaliser  le  siècle- 
Copernic  vivait  alors,  il  appartenait  par  sa 
naissance  à  la  ville  de  Thom ,  par  ses  études  k 
l'université  de  Gracovie^  mais  ce  n'est  qn*eB 
Italie,  à  Bologne,  que  son  génie  se  développa  : 
une  observation  astronomique  du  Bolonais  Moria 
lui  donna  la  première  idée  du  mouvement  te^ 
restre ,  et  d^observations  en  observations  Co- 
pernic en  arriva  à  faire  une  révolution  complète 
dans  la  science.  Tel  était  le  génie  de  ce  grand 
homme  que  plusieurs  des  conséquences  qu'il  avait 
tirées  de  ses  principes,  sans  être  lui-même  à 
portée  de  les  vériGer ,  furent  plus  tard  reconnues 
vraies.  Quand  il  avait  dit  que  Vénus  et  Mercnre, 
plus  rapprochés  que  nous  du  soleil ,  tonmaient 
comme  la  terre  autour  de  cet  astre ,  on  lui  avnt 
répondu  :  mais  si  Mercure  et  Vénus  tournent 
autour  du  soleil^  et  que  nous  tournions  dans  un 
])lus  grand  cercle,  nous  devons  voir  Mercure  et 
Vénus  tantôt  pleins ,  tantôt  en  croissant,  comme 
la  lune  ;  or,  c'est  ce  que  nous  ne  voyons  pas. 
C'est  pourtant  ce  qui  arrive,  répondit  GopemiC| 
et  c'est  ce  que  vous  verrez  si  vous  trouvez  mojea 
deperfectionner  votre  vue  ouïes  instrumentsqnib 


—  S65  — 

suppléent.  En  effets  rinyention  du  télescope  et 
les  ol)servalîons  de  Galilëe  prouvèrent  que  Co- 
pernic avait  raison. 

Mais  cet  ensemble  d'observations  et  de  calculs 
sublimes,  qui  révélait  au  genre  humain  quelques 
unes  des  lois  de  l'univers,  ne  fut  d'abord  reçu  en 
Europe  que  comme  une  hypothèse.  Encore  cette 
b  jpothèse  n'ëtait-elle  admise  que  chez  les  savants 
^t  les  hommes  éclairés.  Parmi  les  autres,  c'était 
tin  concert  d'épigrammes  et  de  quolibets.  On  jouait 
[Copernic  sur  le  théâtre^  comme  autrefois  on 
ivait  joué  Socrate,  comme  dans  le  même  temps 
3n  jouait  Ramus,  qui  de  son  côté  rétablissait 
['ordre  dans  Tentendement.  Copernic  souriait  de 
ces  sarcasmes,  «  Que  voulez-vous ,  disait-il  à  ses 
îmis^  je  ne  sais  pas  ce  qui  plaît  au  vulgaire,  et 
le  vulgaire  ne  comprend  pas  ce  que  je  sais.  » 
Cependant ,  pour  se  mettre  à  Tabri  des  ignorants 
et  des  envieux ,  il  dédia  son  système  au  pape 
Paul  IIL  II  était  alors  retourné  dans  son  pays , 
où  il  fut  fait  chanoine  de  Warmie.  Calme  au 
milieu  des  querelles  religieuses  qui  divisaient 
l'Europe ,  il  resta  toute  sa  vie  attaché  aux  formes 
catholiques  et  à  ce  culte  intime  qu'il  avait  vourf 
à  la  science.  «  Je  vous  supplie,  écrivait-il  ari 
pontife ,  de  protéger  mes  livres  contre  les  insi  • 
nuatîon^s  malveillantes.  Il  ne  manquera  pas  do 
V.  '23 


«561»  — 

gens  qui  abuseront  contre  moi  de  certains  pas* 
sages  de  rëcriture  qu'ils  prendront  à  la  lettre 
et  quUls  détourneront  de  leur  véritable  sens.  > 
Cette  prédiction  se  réalisa;  car  Copernic  pré- 
voyait aussi  infailliblement  les  inconséquences  de 
l'esprit  humain  que  la  marche  régulière  des  corps 
célestes.  Plus  d'un  demi  siècle  après  la  mort  de 
ce  grand  homme ,  son  système  ^  que  Galilée  avait 
complété,  fut  condamné  comme  hérétique  par 
Tinquisition  romaine. 

Ce  furent  encore  les  observations  de  Copernic 
qui  amenèrent  plus  tard  la  réforme  du  calendrier: 
ce  savant  polonais  en  avait  entretenu  Paul  III , 
mais  ce  pontife  ,  trop  occupé  de  querelles  de  re- 
ligion pour  tenter  lui-même  une  réforme  scienti- 
fique^ en  laissa  la  tradition  et  le  soin  à  Grégoire 
XIII,  de  qui  émane  la  bulle  du  1^^  mars  1582 
qui  réforme  le  calendrier  '. 


La  prise  de  Gonstantinople  et  Témigratioa  des 
Grecs  fut  plus  favorable  encore  aux  sciences 
qu'aux  lettres.  Les  études  prirent  avec  la  lecture 
de:  Anciens  une  direction  toute  nouvelle ,  il  fallat 
les  reprendre  ab  ovOy  et  on  se  trouva  précisé- 
ment au  point  où  Ton  en  était  resté  un  siècle 
après  le  règne  d'Auguste.   Les   traduction!    de 


Platon  ;  d^Aristote  y  et  surtout  celle  d^Hippocrate 
entreprises  par  Philelphe ,  étaient  dans  tontes  les 
mains  ;  Dioscoride  et  Pline  furent  reproduits  par 
Hermolaâs.  L'anatomie  fut  ëtodiëe  avec  plus  de 
soin  qu'elle  ne  Tavait  jamais  été  $  Yesale  ^  Co- 
lombe et  Ettst^ch^  lui  firent  faire  tout  les  progrès 
dont  elle  dti^it  suaoeptibld  à  une  époque  où  Ton 
ne  connaissi^t  pi^  enocire  la  cireiilation  du  sang. 
C'est  principalement  à  BaiUou ,  Duret  et  HouUer, 
médecins  de  l'école  de  Paris  »  qu'est  dà  le  t éta- 
blissement de  la  méthode  hippocratique  ou  d'ob- 
servation. Ils  pensaient  ^  comme  les  maîtres^  que 
la  nature  seule  guérit  lea  maladies;  qu'il  faut  être 
bien  sobre  dans  l'application  des  remèdai)  de  la 
saignée  surtout^.* 

Cette  époque  vit  nattre  deux  cruelles  maladies  : 
le  scorbut  et  le  mal  vénérien  ;  ce  dernier ,  con- 
tracté par  les  Espagnols  dans  File  «d'Haïti  ^  fut 
apporté  par  eux  à  Naples  et  en  France,  d'où  il  se 
répandit  bientôt  dans  toute  l'Europe.  La  mé- 
decine, d'abord  impuissante  à  le  combattre,  a 
ensuite  trouvé  des  secrets  povr  en  amoindrir  sen- 
siblement les  funestes  effets. 

Parmi  les  méderîns  du  XW  siècle ,  célèbres 
à  divers  titres ,  on  distingue  surtout  Femel  et  ce 
Paracelse  que  sa  vie  et  sa  doctrine  rendirent  éga- 
lement illustre    . 


Suivant  notre  cadre  habituel  nous  enssiofis 
fait  volontiers  précéder  l'histoire  des  découvertes 
de  quelques  données  sur  Féconomie  politique  de 
l'époque,  mais  les  découvertes  du  XV*  siècle 
sont  si  importantes^  si  fécondes  que  force  nous 
est  d*en  parler  avant  de  passer  outre.  Le  siède 
précédent  avait  donné  à  l'Europe  la  boussole  j  et 
une  pareille  découverte  ne  pouvait  rester  stérile  : 
Tactivité  de  Tesprit  humain  cherche  sans  cesse , 
veut  tout  avoir  ^  tout  voir ,  tout  perfectionner! 
une  connaissance  mène  à  l'autre  :  la  boussole 
conduisit  à  la  découverte  d'un  nouveau  monde. 

Un  homme  de  génie,  frappé  des  entreprises 
des  Portugais,  conçut  qu'on  pouvait  faire  quelque 
chose  de  p]us  grand,  et^  par  la  seule  inspection 
d'une  carte  de  notre  hémisphère ,  jugea  qu^l  de- 
vait y  en  avoir  un  autre ,  et  qu'on  le  trouverait 
en  voguant  toujours  vers  l'Occident.  Son  courage 
fut  égal  à  la  force  de  son  esprit;  il  eut  a  com- 
battre les  préjugés  de  tous  ses  contemporains; 
Ijrènes  le  traita  de  visionnaire  ;  l'Angleterre  ne 
l'écouta  pas;  il  fut  rebuté  par  le  Portugal;  la 
France  et  F  Allemagne  ne  pouvaient  laider;  Venise 
ne  voulut  pas  favoriser  un  enfant  de  Gènes  »  sa 
rivale  :  Colomb  n'espéra  plus  qu'en  la  cour  d*Es- 
pagne. 

Ferdinand  et  Isabelle   réunissaient  par  leur 


—  367  — 

mariage  toute  l'Ë8pagDe« .  Ces  deux  souverains 
consentirait ,  après  huit  ans  |de  sollicitations  ^  au 
bien  que  le  Génois  voulait  leur  faire.  La  cour 
d'Espagne  ëtait  pauvre  ;  il  fallut  que  le  prieur 
Ferez  et  deux  n^ociants  avançassent  17,000 
ducats  pour  les  frais  de  l'armement.  Le  23  août 
i&92,  Colomb  eut  de  la  cour  une  patente^  et 
partit  enfin  du  port  de  Palos^  en  Andalousie,  avec 
trois  petits  vaisseaux ,  et  un  vain  titre  d'amiral. 

L'art  de  la  construction  était  encore  dans  Ten- 
f  ance  au  XY^  siècle  ;  les  vaisseaux  n'étaient  £aiits 
que  pour  des  voyages  très  courts  dans  lesquels 
on  ne  s'écartait  point  des  cotes  :  le  courage  et  le 
génie  de  Colomb  éclatèrent  surtout  dans  la  con- 
fiance avec  laquelle  il  se  hasarda^  avec  des  na- 
vires si  peu  propres  à  une  longue  navigation, 
dans  des  mers  inconnues^  sans  cartes  pour  le 
guider ,  sans  connaissance  des  courants  »  sans  ex- 
périence antérieure  des  dangers  qu'il  avait  à 
craindre;  mais  son  empressement  à  accomplir 
rimmense  projet  qui  depuis  long-temps  occupait 
toutes  ses  pensées  lui  fit  compter  pour  rien  toutes 
ces  circonstances  qui  auraient  arrêté  un  esprit 
moins  audacieux  que  le  sien. 

Ce  fut  pour  les  marins  le  sujet  de  vives  inquié- 
tudes que  de  voir  disparaître  les  côtes,  Colomb, 
pour  les  rassurer,  dissimula  une  partie  du  chemin 


-559  «^ 

qu'on  faisait  ;  mais  la  crainte  de  ses  compagnon^ 
augmenta  chaque  jour  ;  il  sut  en  prëyenîr  les  con* 
séquences  en  multipliant  les  fables ,  les  encoura- 
gements y  les  traits  de  fermetd ,  avec  une  sup^ 
rioritii  et  une  présence  d'esprit  inconcevables. 
Enfin  j  la  révolte  de  ses  équipages  allait  le  forcer 
à  renoncer  à  son  entreprise  lorsque ,  déterminé 
par  les  signes  multipliés  qui  annonçaient  le  voisi- 
nage de  la  terre  j  et  surtout  par  une  conviction 
intime  et  puissante  qu^ellc  ne  pouvait  être  éloi- 
gnée, il  promit  solennellement  que  si  dans  trois 
jours  on  ne  la  voyait  point  ^  il  reprendrait  la  routé 
crEspagnc. 

Le  soir  du  il  octobre,  quoique  Ton  n'aperçût 
que  ciel  et  eau ,  11  fit  prendre  à  ses  vaisseaux  des 
précautions  pour  qu'ils  ne  fussent  pas  jetés  à  la 
côte  :  tous  les  équipages  veillaient.  Vers  dix  heures 
(lu  soir,  Colomb,  placé  sur  le  gaillard  d'avant, 
découvrit  le  premier  et  fit  voir  à  ses  gens  une 
lumière  qui  était  en  mouvement  h  peu  de  distance. 
Un  peu  après  minuit  on  entendit  crier  :  Terre! 
d'un  des  vaisseaux  de  l'escadre  qui  était  en  avant. 
Au  jour  on  aperçut  distinctement  vers  le  nord 
une  île  plate  et  verdoyante  couverte  de  boîs  et 
arrosée  de  plusieurs  ruisseaux  :  l'Amérique  était 
découverte  !  Au  lever  du  soleil  les  équipages  s'a- 
vancèrent vers  l'île  au  son  de  la  musique ,  enseigne 


—  s»— 
déploj^ëe.  Colrnnb  fui  kl  pt^etiiier  qiri  wit  h  pied. 
sur  le  Nouyeau-MotKieyle  iSoottibrei  &d9;  il  eajurit»^ 
solennellement  pOB$ë86io&«u  ncmid'IssdïeUeek  d« 
Ferdinand,  pendant  qu'a»  grand  nontbre  de  sauvai, 
ges  entouraient  ayed  étonaerne»!  le»  Eaiopéens*« 

Colomb  dëcouvrit  peu  de  jours  apfè&  Cuba  et 
Saint -Domtngite  qui  vient  de  reprendre  son  nom 
originaire^  eelui  d^Haïti,  qui  a  vi|  en  trois  centa. 
ans  trois  races  d'bommes  maîtriser  son  sol. 

Les  Antilles  étaient  découvertes ,  et  le  pas  qu'il. 
y  avait  à  faire  pour  arriver  au  continent  allait 
être  franchi.  Un  événement  wdinaire  manqua  de 
priver  le  monde  du  fruit  de  ses  travaux.  Çolomhy 
qui  voulait  annoncer  luinoiéDûie  le&  résultats  de 
son  entreprise  à  la  cour  d'Espagne  >  fut.assaiUl  à 
son  retour  par  une  effroyable  tempête.  Gtoyant 
que  le  vaisseau  allait  périr,  ce  ^rand  homme  ne 
voulut  pas  que  sa  gloire  fut  anéantie  et  l'hunaanîté 
dépouillée  des  avantages  de  son  entreprise  :  il 
écrivit  à  la  liàte  sur  du  parchenûn  une  relation 
abrégée  de  sa  découverte;  il  la  mit  ensuite  dans 
un  gâteau  de  cire^  enfermé  danaun  tonneau  qu'il 
jeta  à  la  mer  avec  l'espoir  cpi'il  serait  poussé  vêts 
quelque  câte  habitée.  Tranquille  alors^  ii  ne  rck 
douta  plus  rien  des  éléments. 

Ferdinand  et  Isabelle  furent  étonnés  autant  que 
ravis  de  le  voir  revenir  avec  des  sativages  ,*  des 


-  500  — 

fruits  d'Amérique»  et  surtout  de  Por.  Ils  le  firent 
asseoir  et  couvrir  comme  un  grand  d^£spag^e|  le 
nommèrent  grand-amiral  et  vice-roi  du  Nouveau- 
Monde;il  était  regardé  partout  comme  un  homme 
unique  envojë  du  ciel.  C'était  à  qui  s'intëresse- 
rait  dans  ses  entreprises,  à  qui  s'embarquerait 
sous  ses  ordres.  Il  repart  avec  une  flotte  de  dix* 
sept  vaisseaux  ;  il  trouve  de  nouvelles  îles  :  les 
Antilles  et  la  Jamaïque.  Le  doute  s'était  changé  en 
admiration  à  son  premier  voyage  ;  au  second  lad- 
miration  se  tourna  en  envie. 

Il  était  amiral,  vice-roi,  et  pouvait,  dit  Vol- 
taire, ajouter  à  ce  titre  celui  de  bienfaiteur  de 
Ferdinand  et  d'Isabelle.  Cependant  des  juges  en* 
voyés  sur  des  vaisseaux  pour  veiller  sur  sa  con- 
duite le  ramenèrent  en  Espagne.  Le  peuple ,  qui 
entendit  que  Colomb  arrivait ,  courut  au-devant 
de  lui ,  le  regardant  comme  le  génie  tutélaire  de 
l'Espagne.  On  tira  Colomb  du  vaisseau  ;  il  parut  f 
mais  avec  les  fers  aux  pieds... 

Il  fit  cependant  un  troisième  voyage  dont  le 
résultat^  aussi  important  que  celui  des  deux  pre- 
miers pour  l'Espagne  et  le  monde  entier,  fut  encore 
plus  malheureux  pour  lui.  Colomb ,  emprisonné 
de  nouveau ,  périt  dans  la  disgrâce ,  et  fit  ense- 
velir avec  lui  les  fers  dont  le  soupçonneux  et 
ingrat  Ferdinajnd  avait  osé  le  charger. 


^  564  — 

La  boussole  avait  amené  la  découverte  d'un 
nouveau  monde ,  le  vin  avait  conduit  à  Teau-de- 
vie ,  le  papier  précéda  et  peut-être  amena  Tinven* 
tion  de  rimprimerie. 

Après  quelques  essais  infructueux,  un  habitant 
de  Mayence^  qui  ne  supposait  pas  faire  ainsi  une 
révolution ,  imagina  de  graver  sur  deux  planches 
de  bois  des  pages  entières  que  Ton  imprimait  en- 
suite autant  de  fois  que  Ton  voulait.  Ce  fut  là  le 
premier  pas  .-  c'était  beaucoup  j  mais  ce  n'était  pas 
assez  ;  il  fallait  un  travail  immense  pour  graver 
ainsi  un  seul  ouvrage  i  et  Gutemberg  voulait 
abréger  le  temps.  Il  mit  en  œuvre  un  nouveau 
moyen  :  il  sculpta  en  relief  des  lettres  mobiles  ou 
sur  bois  ou  sur  métal.  Ces  lettres  se  plaçaient  les 
unes  à  côté  des  autres,  enfilées  par  un  cordon 
comme  les  grains  d'un  chapelet.  Ces  tentatives  lui 
réussirent  peu  et  épuisèrent  sa  fortune.  Il  se  vit 
obligé^  en  iUUUj  de  retourner  à  Majence  et  de 
s'associer  avec  un  orfèvre  appelé  Fusth  qui  lui 
fournit  de  l'argent.  Us  admirent  dans  lem*  société 
un  homme  industrieux  et  éclairé,  Pierre  Schœfier, 
Allemand.  Ce  fut  lui  qui  acheva  la  découverte  de 
l'imprimerie  en  trouvant  le  secret  de  jeter  en 
fonte  les  caractères  que  jusqu'alors  on  avait  sculp- 
tés un  à  un. 

Ce  ne  fut  qu'en  1469  que  l'imprioieric  com- 


mença  à  élrc  excrcëe  dans  la  capitale  de  la  Franée. 
On  doit  son  élabiissement  aux  docteurs  de  la  Sor* 
bonne,  qui  appelèrent  à  Paris  trois  imprimeuA 
de  Mayence.  Le  caractère  dont  ils  se  servirent 
pour  Pimpression  de  leur  premier  ouvrage  est 
rond,  de  gros  romain.  Il  s^y  rencontre  sotiTenl 
des  lettres  à  demi  formées,  des  mots  achevés  à  h 
main,  des  inscriptions  manuscrites,  les  lettres  ïxAf 
tiales  en  blanc  pour  donner  le  moyen  de  les  priiH 
dre  en  azur  ou  en  or. 

Cependant  les  ouvriers  n'dtaient  pas  encoK 
fort  habiles  ni  trop  expéditifs;  les  livres  ne  s*inH 
primaient  pas  vite,  et  Ion  n'en  tirait  pas  un  grand 
nombre  d'exemplaires.  Les  progrès  vinrent  pett 
à  peu. 

La  science  passa  avant  les  lettres  :  les  livres 
furent  d*aI)ord  pour  les  konmies  d'étude  ou  les 
hommes  d'Eglise.  Pour  les  uns  conune  pour  les 
autres  le  point  capital  fut  qu'un  volume  cdntitit 
le  plus  possible,  et  on  s'inquiéta  peu  qu'il  fût 
portatif,  car  dans  ce  temps-là  on  ne  lisait  guène 
que  devant  une  table  et  la  plume  à  la  main.  Lés 
ouvrages  qui  eurent  les  premiers  les  honneurs  de 
l'impression  furent  les  écritures  saintes,  les  livres 
admirables  des  saints  pères  et  les  chroniques, 
dont  les  rares  manuscrits  n'avaient  pu  être  connas 
jusqu'alors  que  d'un  petit  nombre  de  savants.  A 


-ses  — 

mesure  que  le  goût  de  Tétude  se  rendit,  et  que 
le  besoin  des  livres  se  fit  sentir,  on  les  vît  se  mo- 
difier dans  leur  forme  et  devenir  plus  portatifs- 
Ce  fut  d'abord  le  papier  qui  fut  moins  grand  ;  puis 
Timprimerie  faisant  un  pas  vers  le  progrès,  on 
imagina  de  mettre  plus  de  quatre  pages  sur  une 
feuille,  et  les  in-quarto  ne  firent  que  précéder  de 
peu  tous  les  in-octavo  et  les  autres  formats.  Mais 
si  on  voulut  des  volumes  qui  pussent  se  trans- 
porter avec  facilité  9  on  ne  cessa  pas  pour  cela  de 
vouloir  qu'ils  continssent  beaucoup  ;  aussi  la  ma- 
tière y  fut-elle  pressée ,  le  caractère  fin ,  les  marges 
petites  et  le  texte  presque  toujours  divisé  en  deux 
colonnes.  Tout  le  problème  était  alors  de  faire 
peu  de  volumes  avec  de  grands  ouvrages,  et  c'est 
au  génie  de  nos  éditeurs  modernes  qu'il  était  ré- 
servé de  trouver  le  secret  de  faire  beaucoup  de 
volumes  avec  de  petits  livres.  Le  dernier  siècle  a 
élevé  de  la  sorte  des  monuments  typographiques 
qui  sont  encore  fort  estimés  de  nos  jours  ^  et  qui 
n'ont  jamais  été  surpassés  pour  l'exactitude  et  le 
mérite  de  la  correction.  Il  est  même  arrivé  que 
les  veilles  laborieuses  et  les  efforts  d'obscurs  im* 
primeurs  ont  enfanté  des  renommées  plus  durar 
blés  que  celles  que  créent  les  affaires  publiques. 
Cest  ainsi  que  les  noms  des  Elzévirs,  des  Âlde, 
des  Henri-Étienae  et  des  Barbou  sont  connus  de 


—  56U  — 

tout  le  monde ,  tandis  que  personne  ne  pourrait 
nommer  peut-être  les  ministres  du  temps. 

L'imprimerie  rojale  fut  établie  un  siècle  après 
par  François  I*',  qui  fit  fondre  des  caractères  hé- 
braïques, grecs,  latins;  elle  devint  plus  florissante 
sous  Louis  XIII  par  les  soins  de  Richelieu. 

Les  premiers  imprimeurs  avaient  été  poursuivis 
par  le  peuple  comme  sorciers,  un  tribunal  même 
fit  confisquer  leurs  livres  ;  et,  sans  Louis  XI  qui 
les  protégea  en  arrêtant  les  poursuites  et  aehe* 
tant  les  ouvrages,  la  science  eût  eu  de  nouvelles 
victimes  •o. 

Descendons  de  ces  importantes  découvertes, 
qui  changent  la  face  du  globe  et  améliorent  le  sort 
de  ses  habitants,  aux  inventions  d'un  ordre  in- 
férieur, mais  qui  ont  aussi  leur  utilité  et  leur  in- 
térêt. 

La  taille  du  diamant  est  au  nombre  de  ces  der- 
nières :  elle  ne  doit  son  origine  qu*au  hasard. 
Louis  de  Berguem  Tessaya  le  premier,  à  Bruges, 
en  i/i50.  Ce  jeune  homme,  qui  sortait  à  peine  des 
classes^  n'était  pas  initié  dans  le  travail  de  la 
pierrerie  ;  il  avait  éprouvé  que  deux  diamants  s'en- 
tamaient si  on  les  frottait  Tun  contre  l'autre;  ilra- 
massa  la  poudre  qui  provenait  de  ce  frottement; 
et,  h  Taîdc  des  roues  de  fer  qu'il  inventa,  par- 
vint à  polir  et  à  tailler  les  diamants  avec  celte  pou- 


tire.  Lcsanciens  tiraient,  dans  les  premiers  temps, 
lenrs  diamants  d'Ethiopie;  on  en  tira  ensuite  des 
Indes^  de  l'Arabie ,  de  Chypre  et  de  la  Macëdoine  : 
on  ne  les  tire  guère  aujourd'hui  que  de  Golconde 
et  du  Bengale.  Les  mines  qu'on  exploite  ne  sont 
connues  que  depuis  quelques  siècles. 

On  attribue  aussi  au  hasard  la  dëcouyerte  de 
celle  de  Golconde.  Un  pâtre  aperçut  une  pierre 
qui  jetait  de  Fëclat  :  il  la  ramassa  et  la  vendit 
pour  un  peu  de  riz  à  quelqu'un  qui  n'en  connais- 
sait pas  mieux  la  valeur.  De  main  en  main  elle 
tomba  enfin  dans  celle  d'un  joaillier  ;  la  chose  fit 
du  bruit,  et  chacun  de  chercher  les  lieux  où  le 
diamant  avait  étë  trouvé.  Les  recherches  ne 
furent  pas  long-temps  infructueuses ,  et  Ton  finît 
par  découvrir  dans  les  rbches  les  plus  arides  du 
royaume  de  Golconde  une  mine  de  diamants. 
Plus  de  trente  mille  ouvriers  sont  occupés  à  les 
extraire  :  plusieurs  d'entre  eux  en  avalent  pour 
les  vendre  ensuite  à  des  Européens.  Avant  cette 
importante  découverte,  on  ne  voyait  des  diamants 
qu'aux  daines  de  la  plus  haute  condition.  Agnès 
Sorel  fut ,  dit-on  ,  la  première  qui  en  orna  sa 
belle  chevelure. 

Le  plus  magnifique  des  diamants  connus  est 
celui  du  grand  Mogol,  qui  est  estimé  près  de 
douze  millions.  Notre  régent  en  vaut  cinq.  La 


-306- 

c^èbre  Catherine  paya  trois  millions  celui  qu  die 
acheta.  Ce  dernier  diamant  passe  pour  avoir 
forme  un  des  deux  yeux  de  la  statue  de  Sdie- 
nngham^  dans  le  temple  de  Brama  :  un  grenadier 
français ,  amoureux  des  beaux  yeux  de  la  statue, 
s'introduisit  dans  Fenceinte  sacrëei  et  réussit  à 
en  voler  un^  qui  passa  par  bien  des  mains  avant 
d'arriver  à  Timpératrice. 

Uu  nommé  Claude  Briagues  trouva  plus  tard 
le  moyen  de  graver  sur  le  diamant. 

Puisque  nous  sommes  au  milieu  des  cours  et 
du  luxe  des  souverains ,  passons  des  diamants  aux 
carrosses. 

£n  1&57|  la  reine  de  France  reçut  du  roi  de 
Hongrie  un  cadeau  qui  étonna  beaucoup  la  capi- 
tale :  c^était  un  cliar  ifonlant  et  moult  ridie; 
mais  pendant  long-temps  elle  fut  seule  à  }Ouir  du 
plaisir  de  se  promener  ainsi  :  les  seigneurs 
féodaux  en  repoussèrent  Tusage ,  et  nous  voyons 
encore^  en  i5S8,  Jules  de  Brunswick  défimdre 
à  ses  vassaux  de  se  servir  de  carrosses  :  «  c'est  avec 
bien  du  chagrin,  leur  dit-il,  que  nous  nous 
sommes  apcarçus  que  Tusage  mâle  et  louable  de 
monter  à  cheval,  armé  de  toutes  pièces,  B*ett 
affaibli  dans  nos  principautés,  comtés  et  sei- 
gneuries \  il  faut  en  chercher  la  cause  dans  Tha- 


bîtude  qu^ont  prise  noâ  vassaux  de  fainéanter,  et 
de  se  faire  conduire  en  Carrosse.  » 

L'infante  d'Espagne  Marie  avait,  en  1631 ,  un 
carrosse  de  verre  dans  lequel  deux  personnes 
avaient  place.  Du  temps  dé  François  V^  on  n'en 
comptait  que  trois  dans  Paris  :  ils  appartenaient 
à  la  reine ,  à  Diane  de  Poitiers  et  à  Rend  de  Laval  ^ 
que  sa  grosseur  monstrueuse  empêchait  de  tnon- 
ter  à  chevaL  Les  c&rrosses  avaient  de  grandes 
portières  de  cuir  qu'on  abaissait  pour  y  entrer. 
L'usage  des  glaces  nous  est  venu  d'Italie }  c'est 
Bassompierre  qui ,  sous  Louis  XIII ,  en  fit  mettre 
le  premier  à  son  carrosse. 

La  découverte  de  Colomb^  fbneste  à  l'Espagne, 
qu'elle  ruinait  en  la  couvrant  d'or,  donna  à  l'Eu- 
rope une  foule  de  productions  plus  précieuses 
que  cet  or  lui-*mâme.  Tandis  que  l'indolent  espa- 
gnol ,  trop  fier  de  sa  richesse  et  de  sa  souve- 
raineté lointaine,  végétait  dans  un  lâche  repos, 
de  nouvelles  sources  de  commerce  s'étaient  ou- 
vertes aux  peuples  industrieux.  L'indigo,  le  tabac, 
le  coton,  la  vanille,  le  cacao,  le  quinquina,  la 
cochenille ,  vinrent  du  nouveau  monde  enrichir 
la  vieille  Europe.  Les  Hollandais  et  les  Anglais 
surent  par-dessus  tous  les  autres  profiter  de  ces 
trésors  inconnus..  • 

L^an  1520,  les  Espagnols  apportèrent  du  cho* 


—  SfiS  — 

colat  (lii  Mexique  en  Europe.  L'archevêque  de 
livon ,  frcre  du  cardinal  de  Ridielieu ,  en  a  le 
premier  fait  usage  en  France.  Des  moines  espa- 
gnols lui  avaient  vendu  ce  secret  pour  guérir  ou 
modérer  les  vapeurs  de  sa  rate.  U  se  coDSomme 
en  Europe ,  au  XIX*  siècle ,  vingt-trois  millions 
de  cacao  par  an. 

Rien  n'est  plus  incertain  que  Torigine  du  caK 
ou  plutôt  de  son  usage.  D'après  Fausto  Najrone, 
le  café  fut  découvert  par  le  prieur  de  quelques 
moines ,  après  qu'il  eut  été  averti  par  un  gardeur 
de  chèvres  ou  de  chameaux  que  quelquefois  son 
bétail  veillait  et  sautait  toute  la  nuit  après  avoir 
mangé  du  café.  Ce  supérieur  en  fit  prendre  une 
infusion  à  ses  moines^  qui  donnaient  en  disant 
l'office  de  nuit.  D'autres  disent  qu'on  doit  la  dé- 
couverte du  café  à  un  Muphti  qui ,  pour  faire  des 
prières  plus  longues  que  les  autres  Dervis^  en  fit 
rcxpérience.  Enfin  ^  on  rapporte  qu'au  milieu  du 
XV"  siècle  un  certain  G emma-Reddin,  faisant  on 
voyage  en  Perse ,  y  trouva  des  gens  de  son  pays 
qui  prenaient  du  café  et  vantaient  cette  boisson; 
à  son  retour  il  fut  malade^  en  prit  et  fut  gnéri. 
Dès  lors  il  mit  cette  liqueur  en  vogue  à  A4jen; 
de  h\  elle  passa  à  la  Mecque  :  de  l'Arabie  heu- 
reuse, elle  fut  portée  au  Caire  et  à  Gonstanti- 
nople.  Plusieurs  fois  les  sultans  Tout  interdite, 


—  569  — 

d'autres  l'ont  permise;  enfin  l'usage  s'en  établit 
peu  à  peu. 

Le  premier  café  qui  parvint  en  France  ar- 
riva h  Marseille  en  16ÛÛ ,  et  le  premier  qui  en 
introduisit  Pusage  à  Paris  fut  un  envoyé  de 
Mahomet  IV. 

On  a  essaye  de  cultiver  le  café  en  Europe^ 
mais  sans  succès  pour  la  qualité.  On  dit  qu'un 
Français  des  environs  de  Dijon  en  fit  le  premier 
Texperience.  Il  eut  du  fruit,  mais  fade  ,  insipide, 
et  ne  put  eh  faire  usage.  La  consommation  an« 
nuelie  du  cafë  en  Europe  est  de  cent  quarante 
millions  de  livres. 

Les  hommes ,  non  contents  de  satisfaire  leur» 
besoins  et  leurs  services ,  ont  encore  su  s'en  crëer 
de  factices.  C'est  ainsi  que  s'est  peu  à  peu  établi 
l'usage  de  remplir  son  nez  d'une  poudre  sale  dont 
l'odeur  chatouille  agréablement  des  organes 
blasés,  et  d'aspirer  une  fumée  plus  sale  encore, 
qu'on  rend  ensuite  à  l'air  pour  en  aspirer  de  nou- 
veau. Les  partisans  du  tabac  soutiennent  qu'il  est 
un  véritable  besoin ,  et  citent  l'histoire  à  l'appui 
de  leur  assertion  :  Si  les  Gaulois  et  les  Germains  » 
nous  disent-ils,  ne  connaissaient  pas  le  tabac, 
ils  en  avaient  l'équivalent;  ils  recevaient  la  fumée 
du  chanvre  brûlé  sur  des  pierres  rougies  au  feu  , 
et  s'enivraient  de  cette  vapeur ,  ainsi  que  leurs 
V  84 


'^  570  ^ 

druides  devant  leur  dieu  TeuUtàs,  quMls  croyaient 
honorer  ainsi.  Quoiqu'il  en  soit,  la  plante  de 
tabac  fut  introduite  en  Europe  en  i560.  Elle 
parvint  tout*à-coup  à  un  si  haut  deffré  de  fa- 
veur,  que  chacun  a  voulu  lui  donner  wn  doul 
On  rappela  tour  à  tour  nicotianej  herbe  du 
grand-'prieur,  herbe  à  la  reine  ^  parce  que 
Nicot,  ambassadeur  de  France  à  la  cour  de 
Portugal,  l'ayant  reçue  d'un  marchand  flamand^ 
la  présenta  k  son  arrivée  à  Lisbonne  au  Grand- 
Prieur,  et  puis  k  son  retour  en  France ,  à  la 
reine  Catherine  de  Médicis*  Elle  fut  aussi  oom- 
mée  herbe  de  samte-Croix ,  herbe  de  torrwr 
Buana ,  noms  des  deux  cardinaux  qui  les  pre- 
miers la  mirent  en  réputation  dans  TltaUe*  Aux 
Indes ,  au  ^BapééX ,  dans  la  Floride  »  elle  portait 
le  nom  de  p^un  >  qu'elle  y  conserve  encore  ; 
mais  les  Espagnols  lui  donnèrent  celui  de 
iabacco,  parce  qu^ils  la  connurent  premièrement 
à  Tabago,  Tune  des  Antilles  c  c'est  de  cette  lie 
que  sir  Fr.  Drake  Fapporta  en  Angleterre  en 
1585.  Ainsi  cette  plante,  qui  n'était  qn-one 
simple  production  sauvage  d^une  petite  fin  d'A- 
mérique »  se  répandit  en  peu  de  temps  4tiii  lova 
les  climats.  On  la  cultive  surtout  aigoiird'hvi  au 
Brésil,  dans  la  Virginie ,  le  Maryland,  le  Mexi« 
que,  ll(alÎ0t  rflspegne,  la  Hollande ,  l'Angle-» 


•i-  874  ifef 

terre,  et  dans  quelques  contrdes  de  la  France , 
telles  que  la  Bourgogne,,  T Alsace ,  le  Bëarn  ,  et 
surtout  les  environs  de  Tonnerre,  près  d^Âgen. 
Le  tabac,  comme  on  le  voit,  a  eu  de  nombreux 
partisans  :  au  nombre  de  ces  derniers  il  ne  faut 
pas  compter  un  empereur  des  Turcs,  un  czar, 
un  roi  de  Perse,  qui  en  dc^fendirent  Pusage  à 
leurs  sujets ,  sous  peine  d'être  privés  de  la  vie  ou 
du  nez  ;  un  roi  d'Angleterre,  qui  a  écrit  un  traite 
contre  la  maudis  plante  ;  un  pape  enfin ,  qui 
excommunie  les  fidèles  qui  se  permettent  de 
priser  dans  les  Eglises  ^^ 

Le  chocolat,  le  café,  le  tabac,  agissent  d'une 
manière  différente  pour  exciter  les  organes  :  ils 
donnent  à  Tesprit  de  Fhomme  cette  activité  qui 
Faide  à  supporter  une  vie  souvent  pleine  de 
douleur.  Le  lait  d'&nesse  vint  après  comme  un 
contre-poids  pour  calmer  des  sens  trop  vifs  et 
des  imaginations  trop  exaltées. 

Nous  avons  vu  que  Poppée ,  épouse  de  Néron , 
prenait  des  bains  de  lait  d'ànesse  ;  mais  personne 
ne  dit  qu'on  se  fût  avisé  d'en  boire  comme  re- 
mède jusqu'à  François  F'.  Voici  comment  on  le 
connut  :  ce  monarque  se  trouvait  faible  et  ma- 
lade; les  médecins  ne  purent  le  rétablir.  On 
parla  au  roi  d'un  juif  de  Constantinople  qui  pas- 
sait pour  Irès-liabile  médecin;  François  P'  or- 

24. 


—  Ô7Î    - 

donna  à  son  ambassadeur  en  Turquie  de  faire 
venir  à  Paris  ce  docteur  ,  quoiquHl  eu  pût  coûter. 
Il  arriva  ,  et  n^ordonna  pour  tout  remède  que  du 
lait  d'ànesse.  Lj  remède  réussit  y  et  les  courtisans 
des  deux  sexes  s'empressèrent  de  suivre  le  même 
régime.  Depuis  lors  les  ânesses  n'ont  pas  cessé 
de  croître  en  réputation ,  et  sont  en  aussi  grande 
yënëration  auprès  des  dames,  que  la  plante 
du  tabac  Test  auprès  de  leurs  époux.  Ajoutons^ 
pour  terminer  ce  sujet,  la  découverte  des  pommes 
de  terre.  Celte  plante ,  dit  sir  J.  Banks,  dont  on 
fait  maintenant  un  usage  si  étendu,  fut  apportée 
en  Angleterre  par  les  colons  que  sir  Walter 
Raleig  avait  envoyés ,  en  vertu  d'une  patente  de 
la  reine  Elisabeth ,  pour  découvrir  et  cultiver  en 
Amérique  de  nouvelles  contrées  non  possédées 
par  les  chrétiens.  Quelques  uns  des  navires  de  sir 
Walter,  qui  firent  voile  en  158Ù,  apportèrent 
avec  eux  la  pomme  de  terre  en  1586.  Elle  ne  fut 
d'abord  cultivée  que  comme  objet  de  curiosité; 
mais  après  deux  siècles  d'insouciance,  les  nations 
du  nord,  éclairées  par  Texpérience,  cultivèrent 
à  Tenvi  ce  précieux  végétal.  C'est  Parmentier 
qui ,  par  ses  écrits  et  les  efforts  soutenus  de  la 
plus  active  philaulropie ,  parvint  à  généraliser 
cette  culture  en  France,  Il  prouva  qu'elle  pouvait 
flatter  les  goûts  les  plus  délicats ,  et  qu'on  pour* 


I 


—  575  — - 

rait  la  cultiver  dans  les  terrains  les  plus  stériles. 
II  demanda  la  plaine  des  sablons  pour  faire  ses 
essais.  Louis  XVI  la  lui  accorda,  et  donna  sa 
protection  à  la  nouvelle  culture  :  il  parut  le  jour 
d'une  fête  solannelle  devant  toute  la  cour,  portant 
à  sa  boutonnière  un  bouquet  de  fleurs  de  pommes 
de  terre ,  et  dès  ce  moment  leur  vogue  fut  assurée. 

Depuis  Parmentier,  on  a  tiré  de  la  pomme  de 
terre  de  Peau-de-vie ,  de  la  potasse ,  une  couleur 
jaune ,  une  autre  grise  ,  du  papier  d'emballage  ; 
etc.  C'est  une  véritable  mine  d'or... 

Le  XVP  siècle^  presque  exclusivement  absorbé 
par  les  disputes  religieuses,  ne  vit  aucune  de  ces 
découvertes  importantes  qui  signalèrent  les  deux 
précédens ,  mais  de  nombreux  perfectionnements 
eurent  lieu  dans  les  inventions  déjà  faites. 

C'est  ainsi  qu'on  vit  succéder  à  Thorloge  les 
montres  portatives  ou  montres  de  poche.  On  les 
nomma  d'abord  œujs  de  Nuremberg,  parce 
qu'elles  avaient  une  forme  ovale,  et  que  la  pre- 
mière avait  été  fabriquée  par  un  ouvrier  de  Nu- 
remberg. Elles  furent  d'Allemagne  chez  les  An- 
glais, qui  un  siècle  après ,  perfectionnant  encore 
firent  la  montre  à  répétition. 

C'est  ainsi  que  les  bombes  et  les  mortiers  fu- 
rent employés  dans  les  sièges  pour  aider  l'artil- 
lerie, contre  laquelle  on  avait  appris  à  défendre 


—  574  - 

les  murs  9  et  que  les  pistolets ,  inventes  par  un 
armurier  de  Piatole  9  tinrent  la  place  des  fusils 
ti*op  lourds  pour  les  cavaliers. 

C'est  ainsi  que  les  dames  ^  fatiguées  dea  bn>* 
«bettes  de  bois,  d'ivoire  ou  d'épine  qui  leur  ser- 
vaient à  ajuster  leurs  parures,  adoptèrent  avec  en* 
thousiasme  les  épingles  qui,  d'Angleterre,  se  ré- 
pandirent avec  rapidité  dans  le  monde  civilisé. 

C^cst  ainsi  qu'à  des  couleurs  pâles  et  sans  lustre 
succéda  le  brillant  vernis  apporté  de  la  Gliine 
])ar  des  missionnaires. 

Le  XVr  siècle  est  aussi  Tépoque  où  furent 
élablis,  en  diverses  contrées  de  TEurope,  des 
jardins  botaniques  y  et  l'Italie  eut  la  gloire  de 
donner  Texemplc.  Le  premier  fut  celui  de  Pa- 
doue^  en  1533.  Quelques  années  après  furent  for- 
més ceux  de  Florence ,  de  Pisc ,  etc.  Paris  avait 
\\\\  jardin  botanique,  en  1591;  celui  de  Mont- 
pcUier,  établi  par  le  médecin  Ricber  de  Bellevalj 
date  de  Tannée  1598. 

Quant  au  Jardin  des  Plantes  ,  la  première  idée 
de  ce  magnifique  établissement ,  le  seul  qui  existe 
en  Europe ,  est  dû  à  Guy  de  la  Brosse ,  médecin 
de  Louis  XIII  ta. 


Si  nous  avons  rabaissé  d'abord  et  puis  exalté 


-  «76  - 

Léon  X  en  le  consîdéraiit  comme  pontifo  et 
comme  souverain ,  si  nous  avons  exalte  Charles- 
Quint  sous  de  certains  rapports  et  que  nous  le 
rabaissions  so«lfi  d'autres^  c'est  que  ces  deux  grau- 
ci  os  figures  du  XVI^  siècle  eurent  rëellemeut  leur 
l)on  et  leur  mauvais  côté  :  Gharles^Quint ,  si 
grand  comme  politique,  (ut  le  flëau  de  l'industrie 
ot  du  commerce  de  son  temps  ;  s'il  n*a  pas  tuë  Vé^ 
conomie  politique  naissante  c^  que  les  ëvëne^ 
ments  sont  plui  ftnrta  que  les  homme»  et  que  la 
civilisation  retardée  regagne  toujours  le  terrain 
perdu. 

Ce  n'est  pas  sans  raison  qua  les  histeriena  s'ac- 
cordent à  considérer  Ib  règne  de  Gharles^^Quint 
comme  le  point  de  départ  dSm  nofuvel  ordre  so^ 
cial  en  Europe.  A  dater  de  son  règne,  en  eflbt,  il 
s'opère  un  changement  rapide  et  profond  dans  la 
marche  de  la  civilisation.  Les  idées  sont  aussi 
agitées  que  les  empires  et  pour  la  première  fois , 
depuis  bien  des  siècles^  le  monde  semble  convo- 
qué à  la  lutte  définitive  du  despotisme  et  de  la 
liberté.  La  découverte  de  l^Âmérfque,  Pexpulsion 
des  Maures  d'fispagne,  la  réformation  protestante^ 
la  traite  des  noira^  sont  des  événements  contem- 
porains de  Gharles-Quint ,  et  chacun  de  ces  évé- 
nements poiH;e  dans  ses  flancs  le  germe  de  vingt 
révolutions.    Au   régime  municipal  qui   s'était 


—  576  — 

établi  sous  Tiofluencc  du  travail  dans  toutes  les 
villes  libres  de  rAUemagne  ,  de  la  Belgique ,  de 
l'Espagne  et  des  républiques  italiennes ,  nous  al- 
lons voir  succéder  la  domination  de  quelques 
puissantes  monarchies  qui  se  partageront  TEurope 
après  ravoir  minëc.*  Charles-Quint  a  été  le  prin- 
cipal instrument  de  cette  révolution ,  dont  le 
contre-coup  devait  être  si  fatal  à  Téconomie  poli- 
tique^ en  mettant  sous  la  protection  de  la  force  les 
plus  funestes  doctrines  qui  aient  affligé  Thumanité. 
La  nécessité  de  soutenir  des  guerres  sans  cesse 
renaissantes ,  réduisit  ce  monarque ,  dès  les  pre- 
mières années  de  son  règne,  à  des  expédients  finan- 
ciers qui  enlevèrent  la  majeure  partie  des  capitaux 
aux  industries  productives,  pour  les  engloutir 
dans  le  gouffre  de  la  consommation  stérile.  Son 
trésor  était  toujours  vide;  les  troupes  étaient 
mal  soldées^  et  elles  prirent  Thabitude  de  vivre 
au  moyen  de  pillages ,  de  concussions  ou  de 
taxes  arbitraires.  Des  mesures  violentes  et  oppres- 
sives remplacèrent  partout  le  système  régulier  de 
contributions  établi  par  les  financiers  italiens. 
Alors  commencèrent  les  extorsions  de  toute  espèce, 
les  logements  militaires,  les  impôts  excessifs  sur  la 
consommation^  qui  faisaient  renchérir  le  prix  de 
la  main-d'œuvre  au  détriment  des  manufactures. 
On  augmenta  les  droits  sur  les  matières  premières 


—  377  — 

à  rentrée  et  sur  les  produits  fabriques,  à  la  sortie. 
Au  libre  exercice  des  arts  on  substitua  le  mono- 
pole des  métiers  et  celui  du  commerce.  Partout 
s'ëlevèrent,  flanquées  de  privilèges,  les  manufac- 
tures impériales  et  royales  dont  il  fallut  acheter 
des  licences  pour  avoir  le  droit  de  travailler.  Tout 
cet  attirail  restrictif  s'établissait  peu  à  peu  dans 
les  lois  et  dans  les  mœurs  ;  puis  vinrent  les  sophis- 
tes qui  en  firent  des  doctrines^  et  c'est  ainsi  que 
toutes  les  hérésies  économiques  dont  l'Europe  est 
encore  infestée ,  sont  devenues  d'autant  plus  difli- 
ciles  à  détruire  qu'elles  se  présentent  avec  la  sanc- 
tion du  temps  et  le  caractère  de  l'autorité.  Charles- 
Quint  les  rendit  plus  funestes,  en  les  organisant, 
en  les  faisant  pénétrer  dans  Tadministration  dont 
elles  devaient  devenir  la  règle  de  conduite  et  le 
dogme  inviolable  ^'. 

Le  règne  de  Charles-Quint  a  surtout  été  con- 
traire aux  progrès  de  l'économie  politique,  en  ce 
sens  qu'il  a  détourné  violemment  l'Europe  des 
voies  régulières  de  la  production  pour  la  préci" 
piter  dans  les  hasards  de  la  guerre  et  dans  le 
vieux  système  d'exploitation  engendré  par  la  féo- 
dalité. Tout  ce  que  nous  avons  aujourd'hui  de 
fausses  doctrines  et  de  funestes  préjugés  à  com- 
battre y  nous  le  devons  à  son  gouvernement  con- 
tinué et  empiré  par  sou  exéci'able  successeur. 


—  S78  — 

Uhumanitë  a  des  reproches  plus  graves  enccm 
à  faire  à  la  mémoire  de  Charles-Quint  :  il  a  réta* 
bli  sur  une  immense  échelle  l'esclavage  qui  yenait 
de  mourir,  et  rexploitation  humaine  qui  touchait 
a  son  terme.  La  traite  des  nègres  fut  organiseSe 
sous  ce  rogne  comme  une  institution  l^itime  et 
i-égulîère,  et  Ton  renouvela  des  Grecs  et  des  Ro- 
mains la  doctrine  funeste  en  vertu  de  laquelle  ks 
profits  du  travail  social  appartenaient  de  droit  i 
quelques  priviUfgiés.  Des  millions  d^hommes  péri- 
rent en  Amérique  victimes  de  ce  préjugé  détes- 
table, et  r Afrique  n\i  pas  encore  cessé,  après  trois 
cents  ans,  de  payer  son  tribut  de  sang  et  de  larmes 
au  système  qui  en  a  été  le  fruit.  On  ne  saurait  sa 
faire  une  idée  de  toutes  les  absurdités  qui  furent 
imaginées  à  cette  époque  pour  assurer  aux  hommes 
de  la  métropole  les  béaéiiccs  et  les  revenus  de  la 
nouvelle  colonie  :  jamais  Paudace  du  privilège  ne 
sMtait  manifestée  d^une  manière  aussi  tjranni- 
que.  La  métropole  imposa  tous  ses  produits  à  la 
colonie  et  lui  interdit  de  se  les  procurer,  même 
sur  son  propre  sol.  Il  fut  défondu  aux  Américains 
de  planter  le  lin,  le  chanvre  et  la  yignei  d*éU- 
blir  des  manufactures ,  de  construire  des  navireSi 
de  faire  élever  leurs  énfans  ailleurs  qaen  Espa- 
gne. En  même  temps,  on  leur  prescrivait  certaines 
consommations  inutiles,  et  ils  étaient  assujettis  il 


—  579  -» 

dea  avanies  dont  Fhistoire  semblerait  fabuleuse 
aujourd'hui.  Le  fouet  du  commandement  repré- 
sentait alors  toute  la  civilisation  espagnole  ^^... 

La  découverte  du  Nouveau^Monde  et  de  ses 
trésors  porta  aussi  un  coup  funeste  à  l'industrie^ . 
au  travail  et  à  la  science  économique  :  la  nation 
espagnole,  la  première  en  possession'des richesses 
du  Pérou,  s'accoutuma  peu  à  peu  à  Pidée  de  faire 
fortune  sans  travailler,  et  elle  dédaigna  les  occu- 
pations agricoles;  chaquie  citoyen  espagnol  se  crut 
un  gentilhomme  investi  de  son  fief  dans  le  Nou- 
veau-Monde ,  et  la  législation  coloniale  vint  bien-» 
tôt  confirmer  ce  fâcheux  préjugé.  L*Amériqu©  fut 
considérée  comme  une  propriété  nationale  de  la 
métropole ,  et  celle-ci  lui  imposa  des  règlements 
dont  la  tyrannique  absurdité  est  devenue  égale- 
ment funeste  aux  deux  pays.  Telle  a  été  Forigine 
des  préjugés  coloniaux  qui  ont  entravé  si  long- 
temps la  prospérité  du  monde  et  frappé  de  stérilité 
aux  mains  de  ses  auteurs ,  la  découverte  du  nou- 
veau continent.  L'esclavage  noir,  cette  honte  de 
la  civilisation,  n*en  est  qu'un  épisode,  et,  quoi- 
qu'il existe  encore,  nous  espérons  que  sa  dernière 
heure  n'est  pas  loin  de  sonner.  Mais  il  est  d'autres 
vices  qui  seront  longtemps  incurables,  parce  que 
leur  origine  remonte  aux  premiers  jours  de  la 
conquête,  et  qu'ils  ont  profondément  pénétré  dans 


—  580  — 

les  mœurs  coloniales.  On  s'est  trop  habitué  à  viirre 
aux  dépens  des  travailleurs  de  tout  ordre  ;  et  tan- 
dis qu'au  Mexique  et  au  Pérou  les  colons  cxploi- 
taicut  sans  pitié  les  malheureux  indigènes,  la 
mcîtropole,  non  moins  impitoyable,  enlevait  aux 
colons  le  fruit  de  leurs  rapines  sous  les  noms  de 
tarifs,  de  dîmes,  etc.  Cette  mauvaise  économie 
politique  a  infecté  FEurope  et  préparé  les  riva- 
lités industrielles  et  commerciales,  d'où  sortiront 
presque  toutes  les  guerres  modernes  *^. 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu^au  bon  roi  et  à 
l'excellent  ministre  qui  préparèrent  et  virent  naître 
l'aurore  d'une  nouvelle  ère  pour  Téconomie.  po- 
litique :  Henri  IV  et*  Sully  réparèrent  autant 
qu'il  était  en  eux  le  mal  qu'avait  fait  Charles- 
Quint.  Ils  frappèrent  sur  la  noblesse  dissolue  et 
paresseuse  autant  que  riche,  et  M  quelque  sei- 
gneur^ comme  d'Epernon ,  osait  leur  résister,  ijs 
soutenaient  en  hommes  de  guerre  leurs  opérations 
de  finances  ^^. 

Labourage  et  pâturage,  disait  Sully,  sont  les 
deux  mamelles  de  TEtat.  Et,  en  conséquence  de 
ce  système  pacifique ,  il  porta  surtout  ses  soins  à 
l'agriculture ,  et  lui  prodigua  des  encouragemenb 
si  utiles  que  peu  d'années  après  les  champs  tombés 
en  friche  par  les  malheurs  de  la  guerre  avaient  été 
remis  en  culture.  Il  abolit  les  entraves  les  plus 


—  381   — 

gênantes  pour  la  cîrculatîon  et  supprima  les  fa- 
veurs de  toute  espèce  que  Thabileté  des  courtisans 
avait  surprises  aux  rois. 

Ce  n'est  pas  que  Sully  lui-même  fût  exempt 
d'erreurs ,  il  e'taît  de  son  siècle  et  faisait  un  pas... 
La  science  économique^  à  sa  naissance^  était 
heureuse  de  marcher,  si  doucement  que  ce  fût ,  et 
quelque  lents  que  fussent  ses  progrès,  ils  prépa- 
raient ceux  que  les  Malthus,  les  Ricardo,  les 
Smith,  les  Say  et  les  Rossi  ont  pu  faire  plus  tard. 
On  reprocha  à  Sully  Tabandon  des  manufactures 
qu'il  voyait  prospérer  avec  peine  au  détriment  de 
l'agi'iculture ,  son  idée  favorite.  Il  disait  qu'on 
énervait  les  gens  de  la  campagne  en  les  rendant 
sédentaires,  et  qu'ils  étaient  ensuite  inhabiles  à 
supporter  le  casque  et  manier  Tépée..,  l'époque 
excusait  Sully.  Henri  IV  eût-il  été  un  bon  roi  s'il 
n'avait  su  combattre  et  montrer  son  panache  flot- 
tant aux  braves  qui  le  suivaient  dans  la  mêlée  *'? 

Quelques  aperçus  sur  l'état  matériel  des  peu- 
ples aux  XV®  et  XVP  siècles  termineront  ce  que 
nous  avions  à  faire  connaître  sur  cette  intéres- 
sante période  de  l'histoire  européenne. 

Nous  avons  déjà  beaucoup  dit  sur  ce  sujet  dans 
le  chapitre  consacré  aux  mœurs  et  aux  usages  des 
diverses  classes  de  la  société,  nous  pous  contente^ 


roDa  (loDC  de  quelques  d<$taila  sur  le  prix  des  dci^ 
réeSf  sur  les  chemins ,  les  auberges ,  les  yoitursBf 
sur  le  costume,  etc.  Mais  ici  notre  t&che  derieit 
presque  impossible  :  chaque  paya  ayant  aoquis 
une  nationalité)  une  physionomie  à  part^  oomment 
les  caractériser  toutes?  ce  serait  là  im  Inyail 
immense  et  hors  de  notre  cadre.  On  nous  pai> 
donnera  donc  si  nous  nous  attachons  plus  parti- 
cul  icrement  à  la  France,  qui  a  toujours  mardbë 
en  t^*te  de  la  civilisation.  Lltalie  de  Lëon  X,  II* 
talie  artiste  et  lettrée  était  bien  au-dessus 
au  XVI*  siècle ,  mais  c^était  tout  ;  Paris  ayait 
le  scq)lre  pour  ne  plus  Tabandonner»  et  la  |^in 
éphémère  de  l'Italie  céda  mÀne  celui  des  lettrai 
devant  la  grande  image  de  Louis  XIV. 

Une  diflercnce  exorbitante  dans  leprixdesdsttr 
récsse  fait  ressentir  d'un  siècle  à  l'autre  dansTEa- 
rope  septentrionale,  et  Ton  y  racoonaU  Vw  da 
Pérou  : 

Ainsi^  le  setier  de  froment  se  vendait  au  XY*  fflè- 
clc  20  sols,  au  XVF  cinq  fois  davantage  }  on  boMif 
environ  12  fr.  au  XV  siècle;  60  fr.  au  XVI\ Et 
ainsi  du  reste  *^. 

Les  chemins,  dit  un  savant  écrivain ,  gagnaient 
surtout  au  XVI*  siècle  :  on  les  creusait  et  on  la 
remplissait  de  pierres,  ce  dont  on  ne  s'était  ja- 
mais avisé  jusqu'alors,  et  puis  on  plaçait  des  poteau 


—  585  — 

OÙ  on  lisait  une  charitable  et  prudente  inscription  : 
Chemin  du  diable.  ~  Brîganderie.  —  Passage 
périlleux.  —  Bois  de  deux  lieues.  —  Passez  vile. 
— ^Pays  cultivé.  --^  fs^yu  d'ouri.  —  Pays  de  loup. 
-^  Landes^  etc#,  etc.  Des  guides  manuscrits  ou  im- 
primés donnaient)  outre  ces  indications,  le  relevé 
des  productions  agricoles  et  industrielles  du  pays, 
le  nom  des  bonnes  auberges,  etc.  ^^. 

Mais,  ajoute-t*il,  cfest  surtout  à  ces  dernières 
<|u'on  voit  la  différence  des  peuples  et  des  pays 
que  Ton  traverse.  On  y  est  aussi  bien  et  mieux 
que  cbeis  soi.  Quelle  supériorité  sur  les  auberges 
d^spagne;  ici  Von  est  obligé  de  tout  porter,  ex- 
cepté rhuile ,  le  vinaigre  et  le  sel  ^.  Afin  d'établir 
une  louable  hiérarchie  dans  la  sodété,  od  limite 
la  dépense  des  voyageurs  à  pied  et  à  cheval.  La 
dînée  du  premier  est  affichée  à  six  sols ,  celle  du 
cavalier  à  12  sols  :  le  premier  voudrait  dîner  splen- 
didement comme  le  second^  il  ne  le  pourrait. . .  les 
lois  françaises  empêchent  l'up  de  trop  dépenser, 
Pautre  de  ne  pas  dépenser  assez. 

En  France  cependant,  et  malgré  sa  supériorité 
reconnue ,  on  était  obligé  dans  certaines  auberges 
nommées  repues  de  manger  du  corbeau ,  du  ser- 
pent, du  cheval  pour  du  perdreau»  de  Tanguille 
ou  du  bœuf.  Mais  il  faut  dire,  pour  être  vrai>  que 
les  repues  étaient  alors  aux  auberges  ce  que  les 


nuhorgos  sont  aujourd'hui  aux  liôteb.  Dans  les  pre- 
mièrcs  cntraientles  voyageurs  à  pied  ou  en  charette 
tentée,  dans  les  secondes  les  litières  à  franges,  à 
devises  et  lettres  d'or,  les  carrosses *>  remboorréii 
matelassés,  couvertsdc  cuir,  de  drap  ou  de  ydoiirB| 
garnis  de  mantelets  de  custode^  et  de  rideaux;  le 
tout  sculpte  j  peint  et  clouté  de  millions  de  petita 
clous  dorés... 

Cela  était  certes  bien  plus  beau  que  les  équi- 
pages de  notre  temps,  sinon  plus  commode;  ce 
qui  Tétait  aussi  beaucoup  plus ,  c'étaient  les  boise- 
ries sculptées  des  églises  et  des  appartements,  les 
parquets,  les  meubles,  etc.  On  voyait  au  XVI*  siè- 
cle des  alcôves  à  rameaux,  à  feuillage^  à  grillage, 
à  chiifre  que  perfectionna  sans  doute  le  XVII*  siè- 
cle, et  que  nous  avons  abandonné  pour  ce  que 
nous  appelons  le  simple  et  le  confortable. 

L'un  des  objets  où  l'aristocratie  du  temps  met- 
tait le  plus  de  luxe  était  les  grilles  des  jardins 
dans  les  châteaux  :  les  chiffres,  les  écussonsy 
brillaient  au  milieu  des  plus  inextricables  dessins; 
mais  c'est  que ,  malgré  la  hausse  subite  des  jonr- 
nées  et  des  matières  premières ,  le  prix  de  la  livre 
de  fer  ne  valait  encore  que  6  deniers ,  la  livre  de 
cuivre  3  sols  et  la  livre  d'argent  37  fr.;  aussi  les 
prodiguait-on^  car  c'était  là  le  luxe  à  la  moàe^ 
ainsi  que  les  tapis  dont  ou  commençait  à  xe« 


—  585  — 

couvrir  les  parquets  des  maisons  princièreSê 
A  ces  nouvelles  inventions  s'en  mêlaient  d'au» 
très  relatives  à  la  toilette  des  grandes  dames  et 
des  merveilleux  du  temps.  Ceux-ci  portaient  dgs 
chausses  à  la  gigoUe^  le  haut  enfle  par  de  lëgèi^es 
lames  de  fer,  des  habits  brodes  de  perles ,  etc. 
Considéré  dans  son  ensemble  Thabillement  des 
femmes  avait  la  forme  d'une  horloge  de  sable,  ou 
de  deux  cloches  opposées  à  leur  sommet.  Le  corps 
de  jupe,  très-serré  à  la  ceinture,  allait  s^élargi$* 
sant  jusqu'en  bas.  Le  corps  de  robe  très*serré auçai 
à  la  ceinture,  et  tendu  sur  le  corset  de  baleine ^ 
allait  de  même  s'élargissant  jusqu'aux  épaules  oii^ 
pai^  le  développement  de  la  fraise,  il  prenait  aussi 
une  très-grande  ampleur.  Les  ceintures  étaieaS  ou 
en  argent  ou  en  étain ,  à  grillage  sur  velours  ou 
sur  satin.  Les  souliers  de  soie  ou  de  velours  dé- 
chiquetés en  barbe  d'écrevisse,  lacés  et  serrés 
comme  les  jarretières  par  des  nœuds  de  ruban; 
en  ville  les  souliers  à  patins  étaient  préférés.  L^ 
dames  portaient  des  patins  plus  hauts,  plus  déliés, 
ou  d'élégantes  mules. 

tt  En  France,  dit  un  contemporain,  il  n'y  a 
que  les  clercs  et  les  nobles  qui  puissent  porter  (ite 
la  soie  ;  et  parmi  les  clercs  i\  n'y  a  que  les  prélaU, 
et  parmi  les  nobles  il  n'y  à  que  les  hauts  geu^Jf!- 
hommes  ou  les  gens  de  guerre  qui  puissent  pQfb^r 
V.  »5  '     ' 


8oie  sur  soie.  En  outre  la  couleur  aussi  bien  que 
rëtoffe  distingue  les  ëtats  :  les  mënétriers  sont 
habillés  de  bleu  ou  de  vert  ;  les  bateleurs  portent 
un  bas  de  chausse  d^une  couleur  et  un  bas  de 
chausse  d^nne  autre;  les  bourgeois  sont  hahillës 
de  noir;  les  archidiacres,  les  hauts  dignitaira 
ecclésiastiques  ,  d^écarlate;  les  nobles  le  sont  de 
même.  Aussi,  qu«and  je  vois  entrer  dans  ma  liou- 
tique  un  bonnet  rouge,  j'ôte  mon  chapeau,  car  je 
suis  bien  sûr  que  c'est  au  moins  un  gentilhomme. 

Quelquefois  les  grands  seigneuis  s'iiabilient 
comme  la  dernière  classe  du  peuple,  c'est-à-dire 
de  blanc;  mais  c'est  de  velours  blanc  avec  des 
bottes  blanches. 

D'autres  fois  ils  veulent  cacher  leur  qualité, 
ou  pour  acheter  ù  meilleur  marché ,   ou  pour 
d'autres  raisons;  mais  je  les  reconnais  au  seul    ' 
fourreau  de  leur  (?pée,  quelqu'usé  qu^en  soit  le 
velours. 

Nos  jeunes   clercs  de    palais,   et   marne  nos 
jeunes  marchands ,  veulent  au  contraire  quelque^ 
fois  passer  pour  des  gentilshommes ,  et  se  donner 
les  airs  de  porter  des  chaînes  d*or,  des  ferrement 
d'or ,  des  chapeaux  à  plumes  ;  on  voit  qu'ils  n' 
sont  pas  accoutumés ,  on  voit  bientôt  ce  qu'ils 
sont. 

Quand  ils  portent  une  épée ,  l'observation 


—  587  — 

encore  plus  facile  à  faire.  Les  gentilshommes, 
surtout  à  la  cour ,  la  portent  sur  les  reins  ;  mais 
eux  au  contraire  la  portent  sur  la  hanche  pour  se 
donner  de  temps  en  temps  le  plaisir  de  la  re- 
garder. 

Du  reste,  les  grands  seigneurs  ne  portent  pas 
toujours  leur  épëe ,  ils  la  font  quelquefois  porter. 
Dernièrement  y  il  vint  chez  moi  un  homme  ha- 
billé d'une  couleur  dont  je  ne  me  souviens  pas 
bien  y  mais  c'était  d'une  couleur  bourgeoise.  Il 
était  suivi  par  un  valet  qui  lui  portait  son  épée. 
Mon  garçon  de  boutique,  nouvellement  arrivé  du 
village,  le  reçut  fort  lestement.  Je  vous  assure 
que  je  le  tançai  de  manière  que  ce  seigneur  dut 
en  être  bien  conleot. 

La  soie  est  de  même  exclusivement  réservée  aux 
femmes  nobles.  On  les  reconnaît  aussi  è  leur 
cachelet,  à  leur  cache-nez^  ou  à  leur  cache-col, 
à  leurs  petites  mules  ou  multins  de  taffetas ,  sur* 
tout  à  la  largeur  de  leurs  vertugadins.  Il  faut 
savoir  encore  que  les  femmes  de  la  cour ,  ainsi 
que  les  dames  de  distinction  ,  portent  ordinai- 
rement des  caleçons  ou  des  hauts  de  chausse. 

Mais,  ai-je  dit  à  ce  marchand,  plusieurs 
femmes  sont  successivement  entrées,  toutes  en 
chaperon  ;  comment  avez«vous  pu  faire  pour  les 
distinguer?   Monsieur,    m'a-t-il   répondu,    les 

S5. 


-568- 

boorgeoiaeB  ayaiept  un  chaperon  de  drap,  les 
nobles  en  avaient  un  borde  de  soie.  Si  jamais 
Y0U3  allez  en  ILorraine^  vous  verrez  encore  qu*on 
y  distingue  au  chaperon  les  femmes  des  ndto 
des  femmes  des  annoblis  :  celles-ci  ne  peuvent 
en  faire  sortir  les  cheveux.  ^  » 

Les  app^rten^ents  étaient  éclairés  avec  Thuile 
de  navette  et  Fhuile  de  noix ,  parfois  avec  de  la 
chandelle  de  suif,  et  dans  les  grandes  niiûsoos 
de  la  diandelle  jaune,  lavée  et  blanchie  à  la 
rosée.  La  première  coûtait  â  sous  la  livre ,  la  se- 
conde 18  sous  ;  on  en  vendait  en  outre  de  la  cire 
peinte  et  bariolée  de  mille  couleurs 


Nous  voici  arrivés  au  terme  de  notre  œuvre  !  Un 
pas  encore  dansnotre  course  rapide  et  nous  aurons 
laissé  derrière  nous  le  XYIIP  siècle  comme  les 
précédents!  Mais  quelle  route  inunense^  eflrajantei 
s*est  ouverte  à  mesure  que  nous  avancions  !  Qu^est 
devenue  cette  unité  de  Tempire  Romain,  de  Char* 
lemagne^  celle  qu^avaient  créée  les  prédications 
d'Urbain  et  de  Pierre  l'hermite?  Quelle  confu^on 
de  peuples  divers,  de  mœurs^  de  coutumes,  de 
lois  diverses ,  se  mêlant,  se  séparant^  se  ralliant 
par  les  guerres,  les  mariages,  les  traités!...  Il  y 
a  quatre  siècles  k  peine  le  quonde  ne  se  connaissait 


—  S89-» 

pas  :  la  boussole  ouvre  les  mers,  Pimprimerie 
ouvre  Pentendement)  porte  aux  nations  nouvelles 
ce  pain  de  l'intelligence  qui^  comme  la  boîte  de 
Pandore,  serait  sans  la  religion  une  source  de 
maux  :  on  dirait  que  le  monde  intellectuel  n^a 
été  jusqu'alors  qu'un  enfant  dans  ses  langes,  et 
Tesprit^  accoutume  à  cet  inépuisable  foyer  de 
connaissances,  ne  comprend  pas  comment  le 
monde  civilise  a  pu  exister  sans  Timprimerie. 
Maintenant  tout  va  marcher  ensemble  et  de  con- 
cert, la  matière  et  Tesprit;  un  monde  nouveau 
va  vivre  et  se  développer.  Essayons  d*en  retracer 
les  phases.  Mais  hélas!  que  sont  nos  faibles  res- 
sources pour  une  tâche  aussi  immense? 


NOTES 


£T 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


CHAPITRE  PREMIER. 


(I)  .  .  .  Jamais  l'humanité  n'a  rëellement  ïtAl dm  pas  en  arrières  la  féo- 
dalité, issue  du  démembrement  de  l'empire  carlovinglen,  a  été  elle-même  ui 
progrès.  Sans  doute,  il  n'est  pas  donné  de  voir,  sans  une  secrète  émotioii,  la 
société  secouant  par  intervalles  an  sommeil  d'isolement,  répandre  dans  les  mi- 
sérables hostilités  des  seignemn  le  plus  pur  sang  du  peuple.  Mais  œ  sommeil 
que  l'on  serait  presque  tenté  de  prendre  ponr  un  signe  de  mort,  n*est  aoire 
chose  que  la  préparation  à  la  vie  plus  active  et  la  transition  de  l'enEuioe  à  la 
Jeunesse.  Mais  ce  sang  doit  féconder  les  germes  de  liberté  que  le  christianisme 
a  apportés  au  monde.  A  peine  le  réveil  de  l'an  mil  a  en  lien,  et  rhumaniléi  qui 
avait  cru  un  instant  qu'elle  allait  finir,  dépouillant  les  baillons  d'une  feinte 
vieillesse,  se  remit  à  vivre  d'une  vie  nouvelle,  et  la  trêve  de  Dieu  ouvrit  qm 
ère  plus  brillante  de  progrès.  La  France  devait,  comme  toujours,  entier  la  pre- 
mière dans  cette  voie.  Préludant  à  une  renaissance  universelle,  elle  place  sur 
le  trône  pontifical  un  de  ses  enfants,  un  grand  pape,  le  plus  savant  homme  de 
son  époque.  Gerbert  donne  des  rois  à  la  Pologne  et  à  la  Hongrie  t  le  premier, 
il  lait  un  appel  aux  princes  pour  les  exciter  à  délivrer  l'orient  chrétien.  La  cha- 
rité reparait  avec  la  science,  et  semble  vouloir  reconstituer  le  monde.  Gré- 
goire VII,  le  plus  formidable  instrument  que  Dien  ail  Jamais  choisi  pour  briser 
les  rois  au  Jour  de  sa  colère,  surgit  avec  son  génie  dominateur,  et  de  sa  voix  ré- 
formatrice soulève  les  peuples  contre  les  abus  du  despotisme  féodaL  It  la 
France  qui  l'a  compris,  parce  qu'il  lui  parlait  son  langage,  Crit  retentir  parlottl 
le  cri  de  liberté.  Et  voilà  que  les  coounnnes  8*aflhmchissent  du  Joug  dei  sei- 
gneurs, et  qu'un  indicible  mouvement  transporte  les  esprits,  depuis  lliiunMe 


i 


—  592  — 

dMumière  do  la  pUioe  jusqu'au  laperfee  doiOoD  de  la  moDUgue.  SaiiteBit  h 
croii  d'une  nuin  et  de  l'autre  \'^\^  des  belliqueux  Nonnandt ,  la  Fnnee 
donne  des  rois  à  l'Angleterre,  i  l'Italie,  au  PortuKal,  à  JéniFalem  et  à  Couta- 
tioople.  Ce  n'est  (las  assez  :  elle  iropoie  au  monde  l'autorité  de  laint  Benard 
et  la  Justice  de  saint  Louis.  Kntrainéc  par  un  irrésistible  besoin  d'extenka, 
die  tente  à  la  fois  la  croisade  à  l'orient  et  au  midi,  et  lutte  «tcc  on  égal  hé- 
roïsme sur  denxciiampi  de  batirilkL  Partout  elle  pUnlt  son  Éri^Mn,  pKtail 
elle  propage  son  influence,  c'est-à-dire  la  civilisation,  dont  eÛe  peot  être  ngv- 
dée  comme  Tapôtre.  Pourquoi  cet  ascendant?  pourquoi  cette  mUon?  Ceit 
que  la  France,  avec  la  vigueur  de  lajcnnesBC,  a  su  en  acquérir  la  liberté  ;  c'ait 
qu'elle  a  reçu  de  la  Providence  un  caractère  et  un  rôle  d'initiation  ;  c'ert  que 
de  bonne  heure,  elle  s'est  créé  un  pou|4o.  et  que  ce  peuple  a  été  k  patpte 
chéri  et  choisi  dt  Dieu.  Voilà  pourquoi  la  France  a  marcbé  la  prcmitee  dav 
la  voie  du  progrès  social.  On  trouverait  à  peine  une  époque  où  elle  n'ait  pas 
été  à  la  tète  des  nations  :  même  dans  ses  mauvais  Jours,  elle  n'a  Jamais  abdk|iié 
la  supériorité  de  son  génie.  Contemplez-la.  par  exemple,  au  milieu  de  la  gnem 
éB  cent  au.  Bile  était  loin  de  la  victoire  de  Bouvine  et  des  trion^iliet  d9  pà- 
■ppeAuguate.  lonqu'cUe  viiit  nobleaae  aotsaonBée  par  na  glalTU  vèSiBm» 
■on  roi  prisonnier  à  Londres,  et  sa  bannière  rongie  du  sang  d^  a^  cnfnto. 
ITeAton  pta  dit  qu'elle  allait  devenir  une  province  de  1* Anglelann  •  il  «^ 
eeasanC  d'être  elle-niénie,  elle  (devait  subir  la  dure  loi  du  vaini|B8ar  ?  MiiaaQn; 
la  France  resta  France  :  Jeanne^i'Arc  opéra  le  miracle  d'una  gloriMH  et 
prompte  déiivrtnoe.  Senlemeni,  comme  si  nous  deviona  toujonn  tirer  It  Uan 
éhi  mai,  notre  nationalité  s'était  aoUdemeni  constituée.  eU  à  la  piaqe  d«  l^arii- 
iKTitie  aeigneuriale.  le  peuple  avait  grandi  dans  les  élata-génénnu  I|  i;|^ 
I  consommer  l'antre  :  Louis  XI  s'en  chargea.  Voua  aavei  oommeot  il  «mplqp 
tontes  lea  ressources  du  despotisme  à  compléter  la  ruine  de  l'édifioe  tjJQrtMi  <U 
niveler  tout  soua  son  sceptre  de  fer.  Aussi,  quand  la  main  dt  oel  m^ilOfiliB 
médedn  eut  appliqué  un  remède  salutaire  sur  les  plaies  de  la  Wtme^wmtafik^ 
t-eRepaa  à  recouvrer  ses  forcea,  et  à  se  préparera  une  nouveUe  IdUs.  ffTHI* 
du  courage  de  la  virilité,  et  mettant  à  profit  les  dlssentiona  de  l'An||c|KiQt,  aHa 
■'élança,  aona  Charles  Vin,  à  la  conquête  de  l'Italie,  et  endialu  iM  «toeivQ^ 
m  char  de  aa  fortune.  Sur  le  point  d'^onter  à  ses  lauriers  une  oounMBitippf 
ffato,  elle  tat,  il  est  vrai,  contrainte  de  suspendre  aa  oouraei  etpcuitaUÉnn 
même  qu'èUe  aemblait  reculer  devant  l'heureux  génie  de  Cliarte^)nin|g 
I  aes  prindpei  de  aacrilce,  elle  sauvait  l'Europe  de  la  de 

Mala  quel  est  au|milieu  dea  armes  ce  bruit  sinistre?  Pouiquoii 
tingtontéea?  La  vote  d'un  homme  a-t-eUe  donc  pu,  de  Witlenh«t«i  db  WMI* 
bourg,  soulever  les  peuples  contre  l'BgUse  du  Chiiat?  ànHimmm  ■■* 
sieurs,  et  laissons  passer  la  justice  de  Dieu.  S'il  permet  cet  afflreoz  dédutae- 
roent  des  passions,  c'est  iK>ur  les  briser  et  les  anéantir  par  un  dioc  mntncL  SlV 
ne  s'oppose  pas  à  ce  qu'on  perle  bur  le  temple  une  main  sacrilège,  c'eat  qntt 


—  595  — 

pént  le  rebâtir  en  trois  jours.  £t  eft  effet,  I  t^it»  fe  fànâttsine  ê*éA  éMiàê, 
tràtiiânt  après  lui  son  hideni  cortéjlé,  étiwHo&t'fVMtiPé  Ht  rëUttAtMà  tëtk- 
nehce ,  et  le  csithbltèlMibèt  èMtduré  (Sttiûé  notfvtlHe'  gftaérttlMr  M' fpoWMes, 
soutenu  par  de  nouTeaux  ordres  monastiques,  apparaît  plus  pur  et  pft^ffiji^- 
tueux.  Voici  venir  Henri  IV  ayec  TJdlft  âé  f^inïèl,  et  Snllf  ittec  son  esprit  répa- 
rateur—  (Al.  Girmain.) 
(2)  Foy.  Sismondi,  HisU  des  FraneaiSft  il 

(5)  roy.  Monstrelet.  1. 1 . 

(4)  Les  préjugés  et'lâ  (leité  dieYâlerèèqoé  èê  fi  tiôMoltè  française  aidèrent 
autant  l'Angleterre  que  les  négôdaHom  dei  BourgiM|ftAiA  ef  des  d'Armagnacs. 
Elle  dédaignait .  les  secours  de  Tinfiinteriè  et  des  É^îhèâ,  tîrJs  des  communes» 
et  craignait  que  le  peuple  n'acquit  le  senttmenVde  M  Axte  en  apprenant  l'usage 
de  l'arbalète  ;  elle  refusait  le  dévo(kment  de  la  mfiloe' parisienne. ...  Et  pendant 
ce|temps  les  Anglais  s'em^ahrteiM  du  roya^ime  «tec  leur  treo  manri,  et  maiv 
eboient  avec  confiance  à  la  tète  de  la  classe  populaire. 

(0)  lfon8treIel«t.4.  f 

(6)  Dépositiokis  des  divers  chevaliers  français  et  anglais ,  chronique  de  la 
Pucelie.  Monstrelet,  Chartier,  etc. 

(7)  Hignet,  Éloge  de  ChaHet  VtL 

(8)  La  duplicité  et  la  fineiiB  de  Bahie  (oa  La  Bahie)  étaient  r4usai  à  tromper 
révéque  JuvenaldetUrsinietlepape  Fien^  qui  l'avaient  élevé  sans  le  bien 
connaître  ;  mais  Louis  XI  ne  l!af  ait  attiré  et  élevé  que  parce  40*11  k  conoeris- 
aaitbicn.... 

Vcy.  la  biogr.  de  M icband*  Baraute;  et  les  d&veiiei  ehrariquei  4r  tenpf. 

(•)  Il  7  eut.cependant  une  interruption.  Noué  verrons  plna  kerd  <fue  FHhi- 
fioét  I?",  après  avoir  battu  les  Suisses  à  Harigain,  refit  aveo  ettc  ce  tnilé  qui  a 
dnréittsqu'en1830. 

(10)  Ce  Tristan,  que  Lonis  appehUt80Daom|ière,»*étalkvieB:deiiQi«t  <pie 
l'exécuteor  des  hautes  «Bovrei*. . . .  G*étJât  rhomne  le  plm  oompé  du  rojfttume. 

(44)  Mablr,  t  III,  éfapris  h  tahier  du  étati  de  rourit  I4M. 

(Ul)  dattdeSeysselj  BM.  Hnpaiêréde  LevUXL 

(15)  Fleuiangei*  Mimoires.  —Le  pape  Jules  U  mérita  plus  que  Louis  XII 
le  loin  de  grand  eapitaine.  « . 

(14)  HUU  de  Sayrd,  I529r. 

(15)  ffitt»  de  Langnedoct  ti  8é 

(16)  Après  vin^  àiis  de  guerre  déclarée  on  dlrimltlë  ^eerète,  àprei  tM 
d'ifijùres  réciproques»  des  démentift  et  dès  carttis.  tâié  telle  éûHhiitte  Mt  en 
erièt  paraître  biefi  singcAètè  ;  ^âb  fhiiitohrèile  eeé  deiiî  Éottafi|ttes  ëM-fÉttè 
de  contrastes  aussi  f\rapl(^tt  et  ausii  bruiqaèi.  (lUMÉMMIi.) 

(17)  DeThou,  1. 1 ,  et  Anquetil,  t.  tl. 

(18)  DeThou,  1. 1. 


(19)  Que  d'argent  et  de  Miig  ont  ooAté  à  l'Earopo  rambHfcm  de  Françoù  cl 
de  Uuriei  !  Dieu  let  fit  naitra  envioui  de  ia  grandeur  l'un  de  rautrc  ;  c*eilc8 
qui  a  CMné  la  raine  d'nn  mUlion  de  famUleB.  (Hortloc.) 

(»)  Marie-SCuntoonpoia  le<fen  soiTanlsinr  le  niTireiiiB.la  oondoiMità 
DoaTmi 

Adieu,  plainnt.lpayt  de  France, 
O  ma  patrie, 
La  plut  chérie, 
Qui  a  nourri  ma  Jeune  enfance  : 
Adieu,  France  :  Adieu,  rocs  beauljoun  : 
La  nef  qui  dl^oint  noi  amoun 
N'a  eu  de  mol  que  la  moitié; 
l'ne  part  te  reste,  elle  est  tienne: 
Je  la  Rc  à  ton  amitié 
:  ; .  : .  I  oiir  que  de  l'autre  il  te  souvienne. 

(2n  Ce  nom  de  Huguenots,  qu'on  donna  aux  calTlnlstes,  Tient  d'un  wil 
allemand  qui  signifie  confédérés  ou  alliés  |>ar  serment.  Celui  de  protesUnl, 
d'une  formule  de  protestation  contre  l'Kglise  romaine,  dans  laquelle  Im  ré- 
formés aTaient  cru  mettre  leur  conscience  en  sftreté. 

On  les  appelait  indifféremment  réformés,  calvinistes,  hugnenoCi, 
naires  et  protestants.  Ce  dernier  nom  seul  est  resté. 

Cf'oy.  PLUQUir,FiJi]iT,  «te) 

(tt).  Lacretelle  :  Guerres  de  religion,  t  «1. 

(23).  Quelques  seigneurs  réformé»,  réveillés  par  la  marche  des 
Guise,  sortent  à  demi  vêtus,  s'approchent  de  la  Seine,  près  da  Lonvnb  ^ 
âcbent  de  reconnaître  ce  qui  se  passe  sur  l'autre  rive  t  ils  voient  des 
se  lever  et  [s'abaisser,  des  torches  qu'on  agite  précipitamment  i  dei 
des  pistolets,  des  épieux;  ils  entendent  des  cris  de  mort!...  Mail  qnai  eil 
donc  ce  groupe  qui  se  presse  près  du  balcon  et  se  penche  pour  écouler?  Ib 
l'ignorent  i  ils  s'approchent  encore  ;|à  l'éclat  des  vêtements,  an 
ment  des  cottes  d'armes,  au  mouvement  des  panaches,  à  œa 
brillantes  allumées  dans  le  fond  de  l'appartement,  à  d'autres 
croient  que  (Charles  e«tà  la  fenêtre.  Le  vidame,  en  levant  les  mate  an  cU» 
crie  :  <  Maudit!  il  nous  regarde  tuer!  >  Il  s'enfuit  précipitammiBL  Leti 
se  diseut  entre  eux  :  «Traversons  le  fleuve;  c'est  le  roi  que  lai  Gniaai 
taqnent  jusques  dans  son  palais;  allons  à  son  secours.  •  Us  a'aiment 
gagnent  les' bords  de  la  Seine.  Une  barque  de  pécheurs  est  amarrde  au  riragl 
Is  vont  s'y  Jeter,  lorsqa'en  levant  les  yeux  sur  la  rive  opposée^  ils  aperçoIfHll 
Catherine,  dont  le  doigt  immobile  semble  montrer  le  fleuve,  des  ooortSrtas 
qui  chargent  des  armes,  et  Charles,  penché  sur  la  fenêtre  du  Louvre,  uneai^ 
quebose  à  la  main,  dont  il  fait  feu  sur  les  ombres  malheureuses  des  protestanls. 


—  395  — 

pressés  sur  la  rive  itaucbe,  mab  vainement,  dit  Brantftmet  car  l'arquebiise  ne 
va  pas  si  loin.  Tue!  tue!  dit-iià  ses  aoldats,  en  leur  dëeignant  les  réformés! 
tue  !  tue  !  répètent  ses  gardes  en  inclinant  la  tête  i  tue!  tue  !  répond  sa  mère! 
tue  !  tue!  mugit  ce  peuple  rassemblé  aooa  les  fmétres  de  son  prince. 

(HisToiBB  DB  LA  SiiifT-BABTBÉLinT,  d'après  Ics  cbronlques,  mémoirea  ot 
manufcrits  contemporains). 

(24)  roy,  la  même  histoire,  I  vol.  in-8».  —  lâiS. 

(28)  «  On  a  trop  long-temps,  dit  l'anlear  de  l'histoire  de  USaint-Bartiiélemry 
que  nous  avons  déljà  dté,  accusé  la  religion  de  cette  horrible  journée  :  il  but 
que  le  saog  retombe  sur  qui  l'a  répandu»  et  la  religion  n'en  versa  pas  une 
goutte.  Si  le  signal  du  meurtre  fût  sonné  par  la  cloche  qui  avait  coutume  d'ap- 
peler les  cathoUques  à  la  prière,  si  les  assassins  parèrent  leurs  Yétements  d'une 
croix,  symbole  de  la  foi  des  chrétiens,  si  presque  tons  InToqoèrent  le  nom  de 
Dieu!  avant  et  après  le  crime,  c'est  que  Catherine  fut  bien  aise  de  conyrir  de 
Toiles  sacrés  cet  attentat  politique  :  elle  seule  le  médita  et  l'aooomplit*  Gharlea 
ne  hit  que  l'instrument  de  cette  femme  étrangère  ;  ce  fut  ponr  sauver  quel* 
ques  lambeaux  d'un  pouvoUr  expirant  Qu'elle  eut  recours  à  ces  sacrifiœs  hr| 
mains» etc...  • 

L'auteur  eût  pu  i^ter  que  l'ambition  de  Guise  aida  la  reine  mère;  ce  n'était 
pu  donner  des  armes  contre  son  système,  cjir  l'ambition  politique  exclut  l'Idée 
de  religion. 

Si  notre  cadre  nous  l'eût  permis»  nous  aurions  présenté  à  côté  de  ce  tableau 
hideux  le  spectacle  consolant  d'hommes  généreux  qui  opposèrent  une  noble  ré* 
•istanoe  à  ces  ordres  sanguinaires.  Nous  nous  contenterons  de  dter  id  leurs 
noms  devenus  diers  à  la  postérité»  et  en  première  ligne  ceux  de  Oordes,  Cba- 
bot-Cbami,  de  Tendes,  Satait-Héran,  Mandelot»  Jean  Hennujer,  évéque  de 
Lisieux,  et  du  vicomte  d'Orthe,  de  ce  vieux  commandant  de  Bayonne  qui 
écrivit  au  roi  t  qu*U  n*aoaii  trouvé  dans  sa  gamisùn  que  de  bon^  cUoyemê 
et  de  braves  soldats,  mais  pas  un  bourreau, ... 

Nous  aurions  tracé  aussi  phis  au  long  le  portrait  de  ce  roi  si  Msarre,  de  ce 
roi  poète,  enthousiaste»  mais  abruti  et  si  complètement  fasciné  par  sa  mère , 
qu'il  n'est  plus  qu'un  automate  sans  volonté  devant  ces  volontés  aussi  tenaces 
que  sanguinaires.  Nous  donneronsjolontiers  id  qudques  traita  du  portrait 
qui  nous  est  laissé  par  les  historiens  du  temps. 

Le  Jeune  monarque»  d'après  eux  (et  qui  le  connaîtrait  mieux  que  ceux  qui  le 
voyaient  et  suivaient  toutes  ses  actiona?)»  avait  dansses  Jeunes  ans  une  surabon- 
dance de  vie  qu'il  ehcrdiait  à  user  à  la  chasse,  sa  passion  dominante,  on  do 
moins  Vune  de  ses  deux  passions  dominantes  t  comme  ce  distique  en 
tait  foi: 

■  «  Pour  aimer  fort  Diane  et  Cythérée  aussi , 

«  L'une  et  Pautre  m*ont  mis  dans  ce  tombeau  ieyt  ^ 


4  FM  ii  m^'  M.^Lw  —  .M— ■  jBiiomwriimBii 

.«of  c«  I  •pMlimi|«VayaMilllbil.iryi 

{■nipartropiHniiT.ai       n\  lliliref.BeNpta'*"^^**^] 

▼WfBfs  fdicVcjM.  Fif6t"ii  innTAis  ifinpi,  ra  d0  plliyft  CM  d\B  fnni 
chawl,  voilà  lir  nionanitie  bisaot  fioérir  ncsHiciin  lei  poflfM  lliMtvd ,  dtW 
BaU,  ilann  «on  cahinrt,  derimit  H  mmpiMaAt  avi«  aai.  ••  fSiiNnt  ilt  (»« 
■vcc  te  DnttlioiMfew  Anyotf  mni  ^ffwf^fw.  t  av  ètfi  M  otfMAiA»  Mumoii 
I  II  iiMW*.  fwrfMt  le  même  rnttwmriaimg.  An  romell,  Tûllft  ni  fol  ée  HV 
tm  qui  étonne  fia  ttelOanh  inr  ton  él(N|iimoe  :  la  rrttK4iiêrt  panlt,  cailla 
ranni  (j^\  pleiiK  et  (|iU  demande  pardott  (l*€tfe  ntt  HHM  iiohlM. . . . 

iroiH  Mriohs  pn  anari.  rrrc  pin*  de  place,  pr^ientait  Molei  lotf  ÎMtt  *  h 
(pMitfcHi,  donner  (|nelqnei-ani  de  cet  prfteitei  dont  CiIlNriÉBttfiK  MMi 
te  lerrlr  nipiH  de  cens  cpi'^lle  Tonialt  filtre  leifh  I  ladNMftii. 

Le  dc^fn»  en  Fnmce .  ne  traMt  pat  toofom  tai  fétoittéi  i  ¥ÉMiplMM  9k 
qoèlipief  pointa,  lia  ae  raaaemblalent  detant  mi  flenvo,  oeMkno  U  ttMHIbli 
KMoe  Oh  le  Hhin.  appelalmt  à  leur  arenon  dca  étfingeia  o«  iet  MltoÉH^cl 
la  Inlte  recommençait.  Vainqueur».  Ils  ne  i»anIonnaient  paa  eomaae  toi  (M* 
liens  de  U  i^uiHlve  B^IIMi  et  Riidaient  nppreatfon  posr  op|NPMlOH-  Q■al^B^ 
Ibta  ils  demandaient  en  expiation  le  sang  des  eatiMillipief.  Tanitt  Bi  i 
la  croli  (lu  Christ  et  les  Images  des  ulnts.  en  brisaient  nos  pdntnrei 
et  les  rfpNsentatloiis  maifériellea  de  la  adencft  et  déa  iffi  dont  Ha 
dans  la  terre  potir  y  chercher  les  cendres  de  nta  érêquei »  dv  hm 
qu'ils  Jetamt  Mi  Tent.  comme  I  Lyon,  h  Angraléme,  I  mmci.  i1MN(MHl 
Ik  renrerMiiflit  II  plenre  du  sanctuahf  et  diapertaleiil  IM  MMMr  i 
Cétalt  la  pMpart  dn  tétaps  des  rétagiés  de  Oenêf<e  ou  de  TA 
nate,  qui  \  cn:;oateM  âhnl.  par  dliorriMei  iiprdwBeii  lM«oltte< 
la  mémcdre  d^  Lnther  on  de  tilthi  déchirtfe  dkM  dtl  ehmti 
frères  tournés  en  dérision  Jusque  sur  le  lien  dU  snpplM  HJMVpfUlMiMdh  à 
coups  de  liatehf.  et  hrAr^n  an  mRIrti  des  eris  de  Joie  etdé  dMMik  iMn  fh^àt 
prières  flnéfl  anx  flammes  on  Jetés  dans  b  rirlérê.  AlMl,  dei 
qnes  élefalettt  entfif  ira  dMk  partis  une  étemelle  aéfMntlorii 

rby.  r/Hff .  rfp  M  snînî  PartMtmy,  chronlqnei.  Wénwifcm  cl 
du  XW  sitidc. 

<18)  tftM.  hitirofl.  ant  Ihirri^adfs, 

ffi)  telOmal  f9r«.  fût  dérobée  la  irtie  croix  «Init  M  II 
dn  palais.  I  Paris,  dto  i|ot>l  le  peuple  et  (oote  U  ville  ftmntlDft 
rélerà  incomhwntnn  bfttir.  qu'elle  atalt  éMwlevde  per  Im 
grands  et  même  de  la  reine  mère,  que  le  peuple  avait  tant  en 
valse  réputation,  que  tout  oe  qui  arrivait  de  «ilenooMlrt M  Ml 
disait-on,  qu'elle  ne  faisait  Jamais  bien  que  qnaid  eUe  pwNll  filifi  : 

iJaurnaide  J^enry///.  Ll«.) 
'  (28)  Pendant  la  famine  la  plus  affreuse,  au  moment  où,  aenle,  elle  pontH 
onvilr  au  roi  les  portes  de  sa  capitale,  le  bon  Henri  laissait  pMNr  daa  vlvifict 


—  507  — 

nourriMilt  les  viellUrds  et  les  feiiiiiMis  qve1liy«Dne  diaisait  comiM  bonchei 
inutiles.  «  srignaiir,  disalt-ll  on  Yoyant  leur  misera,  tu  sait  qui  en  est  U  oiBse, 
mais  donne-moi  le  moyen  de  sauver  oeax  (pie  la  malice  de  mes  ennemis  s*opi- 
nidtrc  si  fort  à  faire  périr.  >  (HiiDOUui  di  Piiiriub) 

(S9)  La  paix  av^it  été  établie  au  dehors  par  le  traité  de  Verfins,  elle  le  tai 
surtout  au  dedans  par  l'édlt  de  Nantes.  Les  protestants  repriiebalent  à  Henri  IV 
•on  altjuration  ;  il  répondit  en  les  autoriunt  à  conserver  pendant  huit  ans  les 
places  dont  ils  étaient  mattrcs  (V.  le  traité  de  Saint-Germain  dn  6  déc.  I0B7), 
en  s'cngagcaut  4  |>ayer  les  garnisons  protestantes,  à  maintenir  leurs  gouverne- 
monts,  et  puis  vint  le  bmoux  édit,  dont  les  hases  avaient  été  long-temps  disan- 
te dans  les  conrércnoet  de  Châtellerault  par  Schomberg,  Jeannin;  de  Thou. 
Colignon,  qui  tous  appartenaient  à  ce  parti  modéré  dont  THoipttal  atalt  éM  le 
pcrsëcutrur.  c  Nous  avons  (permis  et  permettons  à  ceox  do  la  religion  prétendue 
réformée,  vivre  et  demeurer  par  toutes  les  villes  de  noitre  royaume,  tans  eilrtt 
cuquis.  moicités  ni  astr^ts  à  faire  chose  contre lenr  consdcnqo.  •  leieelgMWi 
et  gciiUlbiiommes  qui  professaient  la  religion  réibrmée,  étalent  «torisés  à 
exercer  loiu*  cuite  dans  l'intérieur  do  leurs  châteaux.  Les  réibrmés  ponratant 
pratiquer  librement  leur  religion  daniL  toutes  les  villes  désignées  par  rédtt  de 
i*oitiers  et  dans  les  faubourgs  de  toutes  les  autres  villes,  excepté  cettes  où  II  y 
avait  dos  archevêchés  ou  év^chés.  et  les  lieux  et  sclgn^ories  appartenant  n» 
ecclésiastiques.  L'exercice  de  la  religion  ^orm^  était  partlcuUéitment  dé- 
fendu à  Paris  et  à.çim^  lieues  aux  environs.  Cependant  les  protestants,  soitdMli 
la  capitale,  soi^dans  les  autres  villes  où  reiercloe  dé  teur  outte  étatt  prolilM* 
ne  devaient  point  être  rechorohès  pour  leurs  opinions  reUglenses. 

Les  nibrais.élaleat  lanas  d'ohaerver  les  fkes  Oei'tgUae  roqiaiBe.  et  ^ 
payer  la  dlme  eodésiastiquo  ;  ils  devaient  avoir  des  dvwKiéroB  aéparés,  Da 
teste,  ledit  proolamait  l'égaUté  entre  Iles  deuxenltes.  t  II  ne  aen  faâct  dilii- 
lenoe  ny  disikictton,  pour  !•  foict de  UieMcion,  à  ceoevoir  les  eacQUeci  ^ 
universités,  collèges  et  eaeolMt  ot  les  malades  es  bqipitaïax*  maladrcdes  et  an- 
■mane  publique....  Afin  que  la  iosUoe  soit  rendqe  à  uQisuh)(^taaWM  anonne 
kaine  ou  faveur,  urdonneos  qu'ea  PQstre  oour  de  parleiuont.de  ?ariat  mm 
establio  une  diambro  composée  d'un  p(ésid«nt  ft  seiie  conseillers ,  laq«ieUe 
sera  aiHielée  U  c*am(»r#  i(e  r^icfi  et  c«ii¥)ialM  (||ia  çanm  at  piqp^ 
de  la  religion,  tant  dana  les  ressorts  de  fadiote  ottur  que  dansoelni  4a  nea  par* 
leanents  de  Normandie  et  de  Bretagna.  •  U  devait  être  établi  en  <wtre  une 
dMnbie  mi-partie  de  catholiques,  et  de  proteaUnta  dans  ka  parlementa  da 
Tesilooso.  de  Grenoble  et  do  Bordeaux. 

Indépendamment  de  ledit  en  quaire-vingt-douie  articles ,  donné  par  le  rei 
au  mois  d'avril  I8M,  et  enregistré  au  parlement  le  t  février  suivant»  U  y  anrait 
un  édit  secret,  qui  comprenait  cinquante^  articlei,  ot  qui  fM  oommûniqpié 
seulement  aux  chefs  du  parti  calviniste. 


—  SB8  — 


CHAPITRE  DEUXIÈME. 


(1)  Urtformation,  noTention  de  l'imprimerie  et  de  U  booHOle.  il  HooiÉe 
CB  grandt  rétoltaU.  U  centralUatioo  de  la  paittance  dTile  I  la  chûle  de  la  Mo- 
dalité, etc..  ne  sont-ils  pas  communs  à  plutieun  Datkmt.  et  lennoooiéiiMMa 
D'intéreaeDt-clles  pat  l'EaroiMî  entière  ? 

(2)  Kin^'  maker. . .  Céuit  le  surnom  qu'on  donnait  à  Warwick,  en  Â■sl^ 
terre,  an  milieu  du  quinzième  siècle. 

(5)  Ce  passage  de  l'Iiistoire  d'Angleterre  est  le  fqjetderonedei  pin  inléreH 
aantes  et  des  meilleures  tragédies  de  G.  DelsTlgne. 

(4)  Le  seul  Jour  où  Catherine  Par,  veure  du  lord  Lallmer.  et  éçom 
d'Henri  Vlii,  s'aTisa  d'aroir  une  opinion  dilTérente  de  eeDe  de  aon  rayai  ami. 
le  bûcher  se  dressa;  mate  prévenue  à  temps,  Catherine  ra? int  anr  ses  pas  aree 
adresse,  flatta  Henri,  entra  dans  ses  vues,  et  lui  dit  avecnn  lelnl  enlbwliwM 
qu'elle  se  trouvait  bien  heureuse  d'être  sous  la  direction  d'un  al  aannt  tbéola- 
gien.  Henri,  transporté  de  joie  d'une  dodltté  orttiodoie  qol  flattait  t«t  sot 
amonripropre,  s'écria  i  Traiment,  tous  voilà  devenue  m  doetenr!  Mm  éber 
ccBur,  nous  sommes  toujours  amis. . .  • 

(8)  roy.  Bodin.  Cette  indifférence  rdigieuie  n'eitotA  W|WBilMit  pas  ai 
XVr  siècle  :  mais  la  crainte  était  plus  forte  encore  que  la  foi  dwi  OM  MÉM 
corrompue  et  dé>  démoralisée  par  le  règne  précèdent 

(6)  Si  nous  ne  nous  étendons  pas  davantage  sur  la  fin  célètoa  do  Hato* 
Stuart,  c'est  toojours  notre  cadre  qu'il  faut  en  aocnaer.  Morte  •  conpiilB  de 
beaucoup  de  désordres,  crut  n'être  qu'une  victime  rdlgicose...  UéêfmÊiÊm 
que  fussent  les  Camtes  on  les  crimes  de  cette  femme  oâèbre,  aa  norti  porlÉMr 
elle  un  intérêt  qui  les  a  fait  oublier.  Les  circonstances  qui  enloMt  as  di^ 
niers  moments  sont  fort  touchantes,  et  ont  bien  contribné  à  Irira 
cette  illustre  infortunée  le  voile  du  pardon.  Après  avoir  écrit  aea 
lontés  f  t  de  tendres  lettres  d'adieu  à  ses  pareuts  de  France, 
à  ses  domestiques  les  oljeta  précieux  qui  lui  restaient  eDe  vooint  ae  : 
la  mort  selon  u  croyance;  mais  cette  tiveur  lui  fût  refusée.  Ble 
dans  son  oratoire,  où  elle  communia  avec  une  hostie  consacrée,  qne  le  pi^a 
Pie  y  lui  avait  Jadis  envoyée,  et  qu'elle  avait  précieusement  gardée  poor  oot 
instant  suprême.  Quand  elle  descendit  dans  la  grande  cour  du  cliAteao,  àà  k» 
instruments  du  supplice  étaient  préparés,  comme  elle  portait  à  U  natal  m  i 


—  599  — 

dfiz,  le  comte  de  Kent  Ini  dit  d*an  ton  séYère  t  <  Ifadame,  il  font  «voir  le  Christ 
dans  le  cœur  et  non  pas  à  la  main.  »  Pour  l'avoir  pins  sûrement  dans  le  cœur, 
il  est  bon  de  Favoir  sons  les  yeux.  •  Ces  paroles  exprimaient  bien  le  caractère 
des  deux  personnages  et  celui  des  deux  cultes  qui  étaient  en  présence.  Marie 
fut  condanmée  à  subir,  avant  le  coup  mortel,  l'exhortation  puritaine  du  doyen 
de  Peterborough,  qui  la  menaça  de  la  damnation  étemelle  si  elle  ne  renonçait 
à  Vidddtrie.  Puis  elle  ôta  elle-même  ceux  de  ses  vêtements  qui  auraient  pa 
gêner  le  coup  mortel,  consola  ses  femmes  et  son  vieil  intendant  Meiwill,  qui 
fondaient  en  larmes  auprès  d'elle.  Elle  posa  sa  tête  sur  le  billot  Le  doyen  pro- 
nonça la  formule  ordtaiaire  :  c  Ainsi  périssent  tous  les  ennemis  de  la  reine!  » 
Une  seule  voix  répondit  am^n;  c'était  cdie  du  comte  de  Kent 

La  royauté  absolue  était  si  bien  établie  alors  en  Angleterre,  que  cet  acte  vio- 
lent et  atroce  ne  fit  qu'assurer  Elisabeth  sur  le  trône. 

(7)  Henri  IV  avait  demandé  et  obtenn  des  secours  d'Elisabeth  contre  la  ligne. 

(8)  Voy,  Hume,  Ronjoux,  Bodin,  etc. 

(9)  Lorsque  la  discorde  entre  les  diflérentes  tribus  eut  préparé  la  mine  de 
l'empire  des  Maures,  et  quand  la  bravoure  et  la  persévérance  castillane  l'eurent 
complètement  consommée,  le  catholicisme,  dont  les  conquêtes  avaient  été  moins 
rapides,  se  trouva  dans  la  Péninsule,  au  milieu  d'une  population  dont  an  moins 
la  moitié  était  son  ennemie  implacable.  Le  pouvoir  royal,  dont  les  taitérêts 
étaient  les  mêmes  que  les  siens,  ne  vit  d'autre  moyen  de  consolider  ses  soooès, 
que  celui  de  détruire  cette  population,  dont  Texistenoe  pouvait  un  Jour  les  oom^ 
promettre.  Toutefois,  Ferdiiâind  et  Isabelle  n'eurent  point  recours,  comme 
Charles  IX,  à  une  Saint-Barthélémy  ;  ils  se  bornèrent  à  expulser  les  Maures,  au 
lieu  de  les  massacrer.  Mais  ils  instituèrent  l'inquisition»  qui  effectua  en  détail  ce 
que  fit  en  masse  cette  sanglante  Journée.  \ 

Ce  tribunal  fut  manifestement,  dans  son  origine,  une  institution  politique  di- 
rigée contre  la  population  maure,  qui,  toute  vaincue  qu'elle  était,  n'en  était  p:  t 
moins  maîtresse  du  pays,  de  son  industrie  et  ses  richesses.  Il  atteignit  ce  but 
par  les  mêmes  moyens  qui  réussirent  aux  décemvirs  de  Rome  et  aux  inquisi- 
teurs d'état  de  Venise,  pour  soutenir  une  autorité  tyrannlqne.  Seulement,  au 
lieu  de  tomber  sous  la  hache  du  licteur,  ou  de  mourir  lentement  sous  le  plomb 
du  palais  Saint-Marc,  les  victimes  forent  brûlées  vives. 

(MOBBAU  DE  JONNis.) 

(10)  LIorente  qui.  en  qualité  de  secrétahre  de  ce  terrible  tribunal,  avait 'pu 
compulser  les  archives,  affirme,  dans  une  lettre  à  M.  Ciausel  de  Conssergues, 
publiée  en  1 824,  que,  dans  le  cours  de  277  années,  les  effets  de  ses  arrêts  lurent 
ataisi  qu'il  suit  De  1481  Jusqu'en  1788,  il  y  eut  : 

S4,S82  condamnés,  brûlés  en  personne; 
1 7.690  brûlés  en  effigie  ; 
291,450  incarcérés,  reclus,  et  presque  tous  dépouillés  de  leurs  biens. 


—  1*00  — 
Lonqn'fprèi  la  disparitloo  des  Maarei,  llnqaititkm  ceai  d*€tre  QDeimttta- 


(II)  UwpKHé»c1<ipot<now  itfi*  »noi  iumUmp  <wiWM)g<«i  tm 
é— FortigiiKt  dw  gingwili,  ^/m  nom  nfrmgnfnm  ^Êfkm 
»  to  iNitet  ^  YM  C0MMNM  tt  imlDiMtL  CimtaitoMMi  4^ 
Mlto  4|M«Be  rardow  d«  déooavertts  ëlitt  tatte  il  réwilMlM  coin  te 
mpèaiHiUrtgwiic,  pila  afaictéU  forçai  agitypalariw 
ptaMvai aa«a  la proieatta  da la  oow  da  lUMOi,  «t  êlwrtaaYl  a«Ml  tnoi  II 
ligne  de  <i^iiiii  rcaUta  (IttS).  GeltB  Hgiie,  tiréa  à  omt  Iia««i  à  roMal  éa  l'ai 
éaiAcaf«ii«daaBeidnGap*Vert,oo«|MdlL'OaéaD alla  «osée  aodaKfar- 
tiea  :  tout  les  payi  dëcouvarli  o«  à  découvrir  appirtanatart  m»  Poringik  k 
l'ait  da  U  Ucne,  et»  àrawat.  aoi  Eapagnob.  Mais  les  Portqgala  ae  plai|9licit 
d'être  gênés  dans  leors  conquêtes,  tandis  que  les  EqMgnols  avaient  rôoén 
tout  entier  omrert  devant  eux  ;  et  les  députés  des  deux  élali.  réunis  rannéeâni* 
vime  à  TotdBrillMb  dans  la  Vlallla-Caitllie.  signarent  un  trattd  pwtaiml  U 
HgnedadéHuraitiMidMi  raaoiéa  àtroAsoaitsûixaBlaMUilIncaà  l^asot* 
rme  des  Iles  du  Cap-Vart 

Fvy.  RaynaUl,  Barroa,  et  rexcallent  ouvrage  de  H.  Filon,  auquel  noviaih 
voyais  noa  lacteun.  Cet  auteur  a  traité  avec  un  soin  particuUar  cette  pvttDtl 
I  IriHoira  d'Europe  an  XVP  siècle. 

(la)  Fby .  mobertaoa,  Babbe,  ifariana.  Kocb,  Dumaioil.  aie. 

(a)^ay.F«rrària,  La  Oède,  Laatan,  Gebaoar,  Maltebnin,  Flta.  BabbCi 
châtelalUfl  aie. 

(U)L*oBthouslMiaa  en  étail  venu  à  un  tel  point,  en  Portngal  svloa^  qm 
les  dames  de  Lisbonne,  dit  Gebauer,  refunient  leur  nudn  à  celai  qni  ■Tanilt 
pas  encore  signalé  son  audace  sur  le  rivage  africain  par  quelque  brillani  bit 
d'aniies. 

(1!Ô  ^oy-  les  mêmes  historiens  cités  phis  haut. 

(16)  La  période  que  nous  parcoorons  dans  ce  volume  contenant  le  adbdlBe 
siêde»  nous  sommes  forcés  de  substituer  le  mot  cathoUqoe  an  mot  ch^ddeQ. 

(17)  Le  quinzième  siècle,  comme  les  trois  précédents,  est  plein  de  oea  i 
solennels  qui  Jugent  les  rois,  les  reconnaissent  ou  les  déposent,  et  qd 
nent  par  rezcommonication  ces  sentences  politiques  que  Philipp^MIel 
presque  seul  de  reconnattre.  Cette  primauté  ne  fiit  altérée  ni  par  les  i 
térieurs  ni  par  les  désordres  du  grand  s<AiBmc  s  elle  est  iBuaortalle  pane  qMIa 
est  divine.  Nous  pensons  qu'on  sera  curieux  de  oonnatire  à  ce  i 
SdMBli,  oélèhreUstoiian  protestant  t  <  L'autorité  du  pape  rapaaai 
que  les  efforts  des  hoounes  ne  peuvent  renverisr,  soir,  oonme  le 
de  centmauooa  de  chréticnf,  parce  qu'elle  fajtueepwtiawifrtliyidacalii 


ÉigliM  contre  laquelle  il  eitdit  çp»  les  portes  de  renfer  ne  prévaudront  pat 
soir,  comme  le  pensent  les  dinklentB,  paroe  que  cette  autorité  repose  sur  le 
fondement  le  plus  solide,  sur  lequel  one  institution  humaine  puisse  s'appuyer, 
savoir  :  sur  la  croyance  à  son  ori^ne  divine,  croyance  eoracinée  et  consolidée 
par  un  grand  nombre  de  fidla,  de  lois,  d'institutions  ;  sur  la  sagesse  des  maximes 
et  le  choix  prudent  des  moyens  dont  les  mhiistres  et  agents  de  ce  pouvoir  fi  • 
reut  usage.  • 


V.  S6 


—  DOS  — 


GIIAPITKE  TROISIÈME. 


(i ;  La  RoMle;  niaii  y  compris,  à  la  Térité,  lea  potm^OM cn  Arie.  —  ROM 
donoeruns  ici  on  aperçu  de  la  putilion  géographique  de  cet  dIvefB  pifi.  l» 
grand  ducbé  de  Ruuie  ou  de  UoilLuf  ie,  avait  pour  llmilei  la  tnède  et  11  UnÊÊ» 
à  l'Ouest,  le  ducbé  de  LiUiuaoie  et  les  royanmef  Tartares  an  flod  et  à  lïrt.  La 
royaume  de  Pologne  CtNicbait  à  la  mer  Baltique  et  le  proloQgeait  aa  Snà-mafL 
jusqu'aux  rivages  de  la  mer  Noire.  Le  royaume  de  Suéde  powédiK  toate  li 
partie  orientale  de  la  Péninsule  Scandinave  et  la  Finlande  :  le  DaMoaickcoBi- 
prenait  les  lies  Danoises  et  le  Jutland;  U  Norwége  s'étendait  anr  tonlai  kl 
ctites  occidentales  et  septentrionales  de  U  Scandinavie,  elle 
l'Islande,  les  lies  Orcades,  et  quelques  autres.  La  Pnisae  et  la  Uvonie 
paient  uue  très  grande  partie  des  côtes  orientales  de  U  mer  Baltk|nei  lai 
gric  s'étendait  de  l'empire  d'Allemagne  aux  mootagnes  qoi  aéparoil  la' 
sylvanie  de  la  Moldavie  et  de  la  Valacbie  et  Jusqu'à  Belgrade  sar  le 
Elle  touchait  par  la  Croatie  les  rivages  de  l'Adriatique.  L'eoBpire  < 
s'étendait  de  la  Ueusc  à  l'Oder  et  de  la  Baltique  anx  Alpes  :  œt 
prenait  la  Bohême,  la  Bavière,  la  Saxe,  la  Poméranie,  le  BiaiidebuiUfc  kê 
dudiés  de  Brunswick,  de  Ueddcmbourg,  de  Lorraine,  de  Savoie,  le 
Holsteinet  le  l'alatiuat;  la  Confédération  Helvétique  et  ta  ligne 
comprenaient  une  foule  de  grandes  villes,  d'états  on  de  cmtona,  4|a1 1 
trop  long  d'énnmérer  ici  et  qu'on  retrouvera  avec  détails  dans  le  M 
de  Kruse. 

(2)  Ivan  III,  Vassiliewitch  ;  Ivan  IV,  premier  txar,  snmonuiié  par  ka 
le  terrible,  et  pir  les  étrangers  le  tyrao,  et  qui,  certes,  méritait 
degré  ces  deux  noms.  C'est  une  bien  singulière  destinée  que  œUe  de  ce  i 
verain  à  si  Juste  titre  maudit  de  ses  contemporains  et  béni  de  ta  pmlérMtf  I 

(3)  Ce  Saint-Georgei,  à  cheval,  se  retrouve  encore  sur  plottaon 
monnaies  de  Bussie. 

(4;  ;  oy.  Eicchorn,  Klaprutb,  Karamsin,  Huiler,  Lévesqne, 
Deppiog,  Rabbe,  etc.  —  Ivan  IV,  pour  compléter  sa 
Louis  M.  alliait  à  sa  férocité  et  à  son  génie  despotique  et  dvilluteiir,  HN 
bigoterie  excessive  basée  sur  ia  superstition  et  sans  oonnaissaiioe  dea  loii  iH 
de  U  morale  du  christ,  c'est  ahisi  ({u'il  avait  coutoiOB  d'eotieiidn  ta  asMe 


—  W)5  — 

ayant  de  verser  le  sang,  ttqn'li  fonda  des  monastères  RptH  avoir  tué  son  iSU 
dont  la  popularité  lui  taisait  ombrage... 

(5)  La  dynastie  des  JageUons  commença  en  1S87,  et  finit  en  4874.  Les  prin- 
cipaux rois  furent  Uladislas  V,  Uladislas  YI,  Casimir  IV,  Jean  1er,  Alexandre» 
Sigismond  1er,  et  Sigismond-Angnste. 

(6)  Foy,  Rulbière,  Ol^olski,  Solignac,  Kocb,  Tbiessé,  Dlngoss,  Malte-firtm, 
Filon,  etc. 

(7)  Saint-Eric,  ainsi  qnenous  Tavons  vn  dans  le  volume  précédent,  avait 
promulgué  au  milieu  du  XII«  siècle  un  système  de  lois  fort  remarquable  pour 
le  temps  et  qu'il  avait  surtout  puisé  dans  les  anciennes  traditions  du  pays  ;  ce 
(X>de  fut  appelé  Saint  Erie's  Lag. 

(8)  yoy,  La  notice  de  Heiberg  sur  le  règne  de  ChrisUem  IL 

(9)  Parmi  les  otages  enlevés  par  le  roi  de  Danemarck,  se  trouvait  Gustave 
Wasa,  fils  d'un  sénateur.  Ce  Jeune  seigneur  réussit  à  s'évader,  traversa  Tarmëe 
danoise  sous  un  costume  de  paysan,  parcourut  les  villages  pendant  la  nuit, 
excitant  le  peuple  à  la  liberté,  mais  ses  premiers  efforts  furent  vains.  Au 
milieu  de  ses  efforts  il  apprit  la  mort  de  son  père  tombé  sous  les  coups  de 
ChrisUem  et  son  ardeur  de  vengeance  redoubla.  Il  résolut  de  s'adresser  aux 
montagnardrdc  la  Dalicarlie  où  il  arriva  après  mille  périls,  et  là,  sans  secours, 
sans  amis,  sans  moyens  d'existence.  Il  fut  contraint  de  s'engager  dans  Texpiol- 
tation  des  mines.  C'était,  dit  M.  Cb.  Coquerel,  à  qui  nous  empruntons  ces  dé- 
tails, c'était  un  sort  bien  singnlier  que  celui  de  ce  grand  homme,  confondu 
avec  les  ^plcs  mineurs,  occupé  des  travaux  les  plus  pénibles,  se  nourrissant 
d'aliments  grossiers,  et  n'ayant  pour  sa  couche  qu'un  grabat  d'écorce,  où 
souvent  les  froides  humidités  des  mines  vensdent  interrompre  son  sommeil. 
Qnelle  forte  trempe  de  caractère  ne  dut-n  pas  avoir,  pour  songer  à  renverser 
alors  une  domination  consolidée  sur  trois  royaumes  et  cimentée  par  l'alllanee 
d'une  foule  de  rois  !  Cependant  il  réussit  à  échanger  son  habit  de  mineur  pour 
le  manteau  royal,  et  l'ouvrier  des  mines  de  cuivre  a  fondé  une  dynastie. 

Gustave  se  rendit  sans  délai  à  Mora,  centre  de  réunion  de  tous  les  villages 
Dalécarliens.  Il  eut  soin  de  s'offrir  devant  les  montagnards  avec  le  costume  de 
son  rang.  La  noblesse  de  son  maintien,  la  résolution  de  ses  paroles,  la  dignité 
de  sa  démarche,  tout  lui  concilia  leur  admiration.  Ils  étaient  firappés  de  llié- 
rotsme  du  vaste  plan  qu'il  leur  développa,  ses  traits  réguliers  et  imposants,  ce 
visage  où  éclatait  la  noble  impatience  de  briser  le  Joug  de  fa  tyrannie,  produi- 
sirent l'impression  fl  plus  profonde  :  et  quand  ils  entendirent  ce  jeune  homme, 
dépeindre  l'état  de  la  Suède,  le  despotisme  de  Christlem,  l'abaissement  de  là 
patrie,  les  malheurs  du  peuple,  quand  11  répéta  les  paroles  de  vengeance  des  sé- 
nateurs, quand  il  excita  les  Dalécarliens  à  prendre  les  armes  pour  la  plus  sainte 
des  causes  et  à  sauver  l'honneur  de  l'antique  Scandinavie,  un  cri  d'enthou- 
siasme s'éleva  dans  l'assemblée.  Les  paysans,  portant  les  mains  vers  le  ciel,  un 
les  étendant  vers  Gostave,  firent  le  serment  de  le  suivre,  pour  vaincre  ùù 

S6. 


noarira  v  étal.  Oowloiirittalori  yen  les  TieUltfdt  pour  enteodratavatk 
ntrépoodirent  que  «  U  vent  du  nord  •  Tenant  des  contréea  où  riége,  daMls 
glaoefv  lepalaii  enchanté  des  bérot,  ayant  •oalBé  pendant  le'diaoom,  e'êtM 
leprétaged'inbiliibletsacoèti  et  anuitM  Gnstafe,  à  la  tète  deqniln  ccnU 
iNNnmei,  commença  cette  lërie  de  victoires  qui  se  tennina  piv  TezU  dn  lym 
«tla  déllTrance  de  sa  patrie. 

(10)  ^oy.  Mallet,  Lami,  Vertot,  Pilon,  etc. 

(11)  Lapêcbedu  barcoft  derint  an  XV«  siècle  ponr  la  HoUande  one  aoace 
de  richesses.  L'art  de  eaqurr  ce  poisson,  déoonrert  par  Gdllanne  nwifcfliii, 
a  valu  à  son  auteur  une  célébrité  durable. 

(13)  Guillaume  de  Nassau,  après  avoir  pris  part  ani  dernières  billes  des 
calvinistes,  avait  profité  de  la  paix  de  Saint-Germain  ponr  rester  en  Vranoe. 
Il  était  lié  avec  les  chefs  du  parti,  et  particulièrement  avec  Gottsnyt  «pi 
8*taitéresssit  vivement  à  la  liberté  des  Pays-Bas.  L'amiral  hd  cooicilU  de  taire 
la  guerre  sur  mer.  C'était  un  avantage  pour  les  BaUvesi  car  les  Bsp^DOis 
n'avaient  point  de  vaisseaux  sur  ces  parages,  Guillaupie  suivit  le  conseil  :  il 
organisa  ce  qu'on  appelait  les  gueux^marins,  et,  dès  le  l«r  avril  1572,  deux 
cent  doqnanle  de  cet  intrépides  pirates  surprirent  la  ville  de  Briel,  dans  FUe 
de  Woom.  A  dater  de  ce  jour  la  n>publique  Batave  était  fondée.  Les  villes  de 
Zélandeet  de  Hollande  ne  tardèrent  point  à  se  donner  anx  tasuiféSyCtle 
prince  d'Oraoge  fut  prodamé  Stathouder,  —  Nous  retrouvenMis  la  Ugne  an- 
aéatique  dans  le  chapitre  consacré  au  commerce. 

(13)  Les  progrès  du  commerce,  des  sciences  et  des  arts,  conlriboall 
à  atigrocoter  l'imposant  de  la  confédération  germjniqne  :  aeiac 
Avaient  été  successivement  établies  sur  le  modèle  tie  celle  de  Leipalc  cC  dm- 
naient  au  peuple  une  masse  de  connaissances  toutes  nonveUei  que  l'ImprkMrie 
répandait  avec  autant  de  profusion  que  de  vitesse.  Nous  retronveraos  l'Aile- 
magne  sons  ses  formes  les  plus  importantes  dans  les  chapitres  oonaacréaà  b 
rdigion,  aux  sdences  et  au  commerce. 

(U)  D'après  les  mémoires,  encore  manuscrits»  du  cardinal  de  GnuTdk, 
rnn  des  plus  curieux  monuments  de  llUstoire  du  seixième  aiède,  Chvici- 
t^nint  abdiqua  parceque  la  force  lui  manquait  pour  venir  à  boni  de  UNHea  ces 
entreprises  et  que  chaque  nouvel  obstade  effrayait  sa  vidUesse  IhMgiM^  dtee 
si  longue  lutte  contre  les  hommes  et  les  choses.  Son  abdicatioii  eot  Uen  à 
Bruxdles  avec  le  plus  grand  éclat  :  il  voulut  être  lui-même  JnM|a*ia  booL  II  y 
avait  probablement  plus  d'ostentation  qne  de  véritable  pléH  dans  œs  pvoleB 
qu'il  prononça  en  baisant  la  terre  où  il  devait  mourir  :  ù  mère  «««MiMim  des 
bonunes.  Je  suis  sorti  nu  du  sein  de  ma  mère,  je  rentrerai  nn  dana  ton  aein.  > 
rny,  Robertson,  GranveUe,  Strada,  Scheffer,  Schmidt,  PfèffBl,  etc. 

(15)  Yers  le  milieu  du  XVe  siècle  Appenzel  imita  Uri,  Schwlu  etUodemal, 
d  bientôt  après  la  Rhétie  entière  secoua  le  joog.  La  guerre  dvlle  soMt  de 
pièces  victoires  de  >> 


(Kl)  CvH  f(;iiiin(>M,  (Moluii  SchllUnKi  ëtalont  iilufl  do  trois  mille.  Lo  cain|i  de 
CliarlcH  <^tntt  uik)  cnpiUilo  mubllo,  dont  tuâtes  les  nuits  et  toutes  les  Journéee 
nVcoulattiit  daiiit  Ioh  plalMini  et  los  fêtes.  Une  nouvelle  d()putaUon  vient  repré- 
mmtcr  nu  prince  tihndraire  qu'il  ne  trouvera  pas  en  Suisse  la  valeur  des  éperons 
(lon'M  (|ut)  Htm  clitivaliers  portent.  «  Hien  ne  voulut-il  entendre  »  dit  lo  même 
liifltoiirn,  et  J^  lo  conduisait  son  malheur.  »  Il  atta<iue  Grandron,  offre  unect- 
piiulatioii  honorable  à  la  garnison  (ful  maotiuait  do  vivres,  pend  aux  arbres  des 
riivii*(>uti  tous  ces  malheureux  qui  s'étaient  fiés  h  sa  parole,  et  coolinoe  sa 
route.  Kai8lH  d'horreur,  les  oonfétlérés  •  témoignent,  dit  le  même  autour,  oour- 
niÊk  8i  furieux,  que  dire  ne  se  peut,  Jurant  tous  que  vengés  seraient  lews 
fri^trcM  par  sang  et  vie,  sans  nul  répit.  •  Ils  forcent  un  défilé  riilre  le  coteau  do 
Vnuniareiis  ot  la  chartreuse  do  la  Lance,  no  trouvent  en  lurésenoe  de  l'ennemi, 
re<;<)iv(«iit,  sans  s'ébranler,  plusieurs  charges  de  cavalerie,  s'écrient  i  Grtm» 
dson  !  Grandson  !  ot  marchent.  Alors  le  reste  de  Tarméo  confédérée  psnit 
sur  lofl  hnut((urs,  éclaire  des  feux  du  soleil  k  son  midi  i  le  ion  éclatant  do  oor 
d'irnderwalden.  lo  sombre  mugissement  du  taureau  d'Uri.  trompette  fomée 
d'un  rouleau  d'écoroe,  rotentissoul  du-haut  des  collines.  Fatiguées  d'une  pn* 
nûistti  attaque,  les  troupes  du  duc  s'étonnent  de  cotte  nouvelle  lutte.  «  Cepeo* 
<lant.  dit  encore  le  chroniqueur,  elles  avancent  à  grand  bruit  de  trompes. ... 
et  npparaiMHent  devant  les  ligues  gens  d'armes  bourguignons  superbement  ao* 
contrées  ;  c'était  une  fourmiiUêre.  Les  ligues  font  planter  on  terre  phtaes  et 
banditiros,  ot  d'un  commun  accord,  à  genoux,  requièrent  faveur  du  Dieu  fort, 
(«0  (|ue  le  duc  voyant,  cria  :  Fartaini  Geoiy^t  f^  eanailles  crient  môreil 
genê  de  rnnmi,  féu  sur  eta  vUaim  !  Mais  les  ligues,  comme  grêle,  se  meut 
dessus  les  siens,  taillant,  dépléçeant  deçà  delà  tous  ces  beaux  galants.  Tant  et 
si  bien  déconfits  fureuttà  Vauderouto  ces  pauvres  Bourguignons,  que  somblê- 
rent-ilH  fumée  épendue  par  vent  de  bise.  »  C'était,  selon  l'expression  d'un  autre 
chrouhiueur  alors  présent.  NohilUng.  un  troupeau  do  bétail  chassé  par  lei 
Suintiez.  Los  vainqueurs  poursuivent  pondant  une  doml-lieue  lesvalnoua,  qui, 
daus  leur  terreur,  no  laissent  (pio  miilo  morts  sur  le  diarop  de  bataille.  Cent 
vingt  plOccB  do  canon,  «luatre  oonts  tontes,  celles  du  duc,  brodées  on  or  et  en 
perles,  aix  cents  bannières  et  drapeaux,  plus  de  quatre  quintaux  de  vaisselle 
d'argent,  les  sceaux  du  duo,  ce  diamant  célèbre  qui  pasia  par  tant  de  mains, 
et  fut  pendant  plus  d'un  siècle  lo  premier  diamant  de  la  couronne  de  France  t 
tel  fut  lo  butin  dos  Suisses.  Plusieurs  miUlons  de  florins  so  répandent  en 
Nuisso.  somme  énorme  daus  ce  temps  et  dans  un  pays  si  pauvre. 

Charles,  désespéré,  se  renferme  pendant  six  semaines.  La  douleur  abat  loii 
esprit  et  mue  sa  complexion^  Les  autres  rois  voient  avec  plaisir  une  chute  si 
subite  et  si  terrible.  Les  soigneurs  ot  les  vassaux  abandonnent  un  tyran  dont 
la  puissance  s'écroule.  I>éjà  les  villes  impériales  s'unissent  à  la  confédération 
suisse  :  ou  so  plaint  des  sacriHcos  exigés  par  une  guerre  inutile.  Sourd  à  tous 
les  avis,  le  duc  rallie  en  Franche-Comté  les  débris  de  son  armée,  fait  faire 


des  lov^  dlioinmes  ft  d'argent,  change  en  caooni  et  a  ftuih  tas  doeheict 
les  liaUcries  dn  cubinr.  et  s'avance  inrri  de  deaz  mille  seiRneon  et  chen- 
tten;  en  U.ut  inixante  mille  bomnios.  Il  assiège  Moral,  défendu  par  Biiia- 
berg,  avojf  r  de  Brme,  rappelé  d'nn  exil  inja«te.  Les  portes  étaient  onTcrto, 
et  Bnbenberg,  à  la  tête  de  ses  qninie  cents  homme*,  qui  frisaient  sm  ewe 
des  sorties,  répondait  aux  sommations  de  l'ennemi  :  •  Entrrt ,  on  rom  n- 


Cependant  les  Gonféilérét  arrivent  poar  sauTer  Morat.  Trenle-an  mille  te» 
lassins  et  «luatrc  mille  chevaux,  la  plus  forte  armée  que  la  Snisae  eftt  levée 
jusqu'alors,  avaient  marché  sans  relAche,  la  nuit  et  le  Joor.  sons  des  torraMs 
de  pluie.  Elli*  tombait  encore  i|uand  le  soleil  parut,  l'n  tiers  de  l'hibArie 
IMNiait  des  armcA  à  feu  que  l'on  allumait  avec  des  mèches.  L'espadon,  épée 
longue  de  quatre  pieds  et  «lemt  sur  deux  pouces  de  large,  pendait  sur  le  doi 
des  fantassins,  qui  avaient  au  cûté  une  autre  épée  ctmrte.  Les  bataillons  sniaseï, 
de  trois  à  quatrt*  mille  hommes,  formés  en  carrés,  hérissées  de  piques  de  diz- 
buit  pieds,  citadelles  mouvante»,  s'avançaient  son«  le  feu,  et  recevaient  toalB 
les  charges  sans  en  .recevoir  d'échec;  Le  soleil  perce  un  nuage  ;  an  moment 
même  les  Suisses  achèvent  leur  prière.  Diru  novs  éclaire,  s'écrie  HaUvyll. 
que  les  confédérée  ont  nommé  général  en  chef,  en  souvenir  d'nn  oomeil  qaTii 
a  donné  à  la  balaille  île  fîraiidson.  Les  ligues  immenses  des  Bonitolgnoni 
soutiennent  le  choc  violent  de»  Sni^st^s.  René,  duc  de  Lorraine,  charge  d'un 
cMé.  Ilallwyll  de  l'autre.  Dubenlx^rg  prend  l'ennemi  3i  dos.  et  le  général  de 
Luceme,  c;a9par«l  de  liertenstein,  guerrier  li  cheveux  blancs,  achève  de  le 
eemer.  La  mort  vole  dauii  tous  les  rangs  :  des  milliers  combattent,  des  ndUlen 
tombent.  La  retraite  est  coupée  .inx  fuyards,  dont  les  cada^TCS  rempUssent  le 
lac  de  Uorat  Le  duc  fuit  ceiK'Qdant,  i^lle.  abattu,  consterné  et  presque  seul. 
«  Petite  ftat.  dit  une  chronique,  la  perte  des  ligues  ;  cent  trente  dans  Tassant 
des  pals  et  canons  ;  les  coiilevrenides  et  batteries  frappèrent  deux  centqnatre- 
viiigt.  •  Les  vainqcenrs  donnent  au  duc  de  Lorraine  la  tente  dd  doc  de  Bonr- 
gogne  et  tout  le  canon  que  celui-ci  lui  avait  pris  ft  Nancy.  «  En  place  des  prf- 
ciosilés  prises  à  Grandson,  dit  encore  le  chroniqnenr.  messieurs  des  Ugnei 
trouvèrent  à  lfor;.t  deux  mille  cour:isane$  et  joyeuses  donzelles;  et  déUbémt 
que  telles  marchandises  ne  bailiereient  grand  profit  aux  leurs,  si  les  laliaènnt- 
ils  courir.  ■  Fribourg  et  Berne,  qui  avaient  le  plus  souflSnrt,  enrent  la  pins 
grande  partie  des  canons,  et  retinrent  soa^t  les  drapeaux  douze  mille  honunes, 
avec  lesquels  ils  soumirent  le  pays  de  Vaud  et  menacèrent  Genève. 

René,  duc  de  Lorraine,  profite  de  l'occasion,  fait  une  guerre  à  oatmmà 
son  ennemi  humilié,  et  reprend  Nincy.  Huit  mille  Suisses  viennent  à  son  w- 
cour».  Sous  les  murs  de  cette  ville  s'engage  un  grand  combat.  Mais  l'araide  de 
René  l'emportait  sur  celle  du  duc.  en  nombre,  en  force  et  en  oonnge.  Le 
comte  Campo-Basso.  napolitain,  trahissait  le  doc  ;  avant  le  comliat,  fl  paMi 
avec  près  de  trois  cents  hominc<  djtns  le  camp  de  l'ennemi.  Les  Snissesi  iadi- 


—  ftÛ7  — 

gfiés,  Iqi  firent  répoiidre  gii'il  i^ût  à  8*éloi|per  ;  qu*!^  oç  voulaient  nuls  traîtres 
parmi  eux.  Aisément  yaincp,  Charles  Ta  périr  dans  un  mar^s.  couvert  d*une 
l^re  couche  de  glace  ^  et  René,  après  lui  avoir  rendu  les  honneurs  fimèbres, 
rentre  dans  Nancy  à  |a  tête  des  vainqueurs,  sous  un  arc  de  triomphe  formé 
des  débris  des  (^ens  et  des  çbevauq^,  dont  les  habitants  avsUent  été  forcés  de 
se  nourrir  pendant  le  çjy^.  Quatre  ana  après  la  bataille  de  liorat,  les  osse- 
ments des  Bourgpignops  firent  exhumés;  on  les  plaça  d^s  un  ossuaire,  avec 
cette  inwrlpUco  svbliine  pv  la  modestie  et  la  fierté  de  TexpieBsion  : 

Dio  on.  mx. 

CilQliI  IWLTTI  «r  lOBTlSSON 

BUBflDNMJI  DUCIS 

BXERCITU8  MURÀTUM  OBSIDENS 

in  BlLVBTIU  fiJSSUS 

Hoc  SUI  MONDIfSHVD»  111400». 

{Foy.  PB.  GBA8LB8,  d*après  Schilling,  MOllii, 
CoHiiiBS  et  autres  chroniqueurs.) 

^  (f  7)  La  prise  de  Constantinople  est,  en  effet,  le  point  choisi  par  les  historiens 
pour  marquer  le  passage  d'une  époque  à  Tautre,  et  si  nous  ne  Tarons  pas 
fait  ainsi,  c'est  que  nous  étions  liés  par  notre  division  par  siècles,  qui  n'est 
peut-être  pas  moinp  rationnelle,  surtout  pour  une  histoire  de  la  civilisation. 

(18)  Quinquelinguasprselersuamnoverat:grsçam,  latinam,  chaldaîcam. 
pnsicaoi... 

(f  9)  Gib])on  révoque  en  doute  l'histoire  du  melon  que  fit  chercher  Maho- 
met II  dans  le  ventre  de  dix  de  ses  pages,  pour  connaître  celui  d'entre  eux  qui 
était  coupable  de  gourmandise. 

(20)  Les  quatre  vaisseaux  de  Gênes  firent  cependant  tout  ce  qui  était  en  leur 
pouvoir  :ils  triomphèrent  sous  les  yeux  de  Mahomet  de  18  galères  musul- 
manes, et  entrèrent  dans  le  ^port  aux  acclamations  des  assiégés.  Dans'  son 
dépit,  le  sultan  fit  amener  devant  lui  le  commandant  de  sa  flotte,  et  te  frappa 
cent  fois  de  son  bdton  ctor  qui  pesait  cinq  livres  (cinq  cents  dragmes.) 

Foy,  DocÀS.  BouiLLÀRD  et  Gibbon. 

(21)  ....  Les  captifs  mâles  se  trouvèrent  liés  avec  des  cordes ,  les-  femmes 
avec  leurs  voiles  et  leurs  ceintures  :  les  sénateurs  furent  accouplés  à  leurs  es- 
claves, les  prélats  aux  portiers  des  églises,  des  jeunes  gens  de  race  plébéienne 
à  dé  nobles  vierges,  cachées  jusqu'alors  au  jour  et  aux  regards  de  leurs  plus 
proches  parents.  Cette  captivité  confondit  les  rangs  de  la  société  et  brisa  les 
liens  de  la  nature;  et  les  gémissements  des  pères,  les  larmes  des  mères,  les  la- 
mentations des  enfants,  ne  purent  émouvoir  les  inflexibles  soldats  de  Mahomet. 
Les  cris  les  plus  perçants  étaient  ceux  des  religieuses,  qu'on  voyait  arrachées 
des  autels  le  sein  découvert,  les  bras  étendus  et  les  cheveux  épars;  nous  de- 


—  :é08  — 

Toos  croire  qae  pen  d'entre  ellei  parent  préférer  les  griOa  te  idnil  àedhi 
(In  monastère  :  lei  mes  ëuknt  pleines  de  œs  malheareux  cspttli,  de  ces  sift- 
maui  domestiques  rudement  conduits  en  longues  fllek  Le 
de  retonmer  chercher  un  nonrean  bnlin,  hâtait,  par  des  i 
leur  marche  tremblante.  An  même  instant,  les  mêmes  ioènes  de  npins  ss 
répétèrent  dans  toutes  les  églises  et  dans  tons  les  eonfcnts,  lonn  les  pilais  et 
toutes  les  habitations  de  la  capitale  ;  le  lien  le  plus  sacN  on  le  plos  soMrihs 
ne  put  défendre  la  perMmne  ou  la  propriété  des  Orées.  Uns  dt  eotanteariit 
de  ces  infortunés  lurent  traînés  dans  le  camp  et  sur  la  flottes  UsABentéchangéi 
ou  Tendus  d'après  le  eapriee  ou  l'Intlrét  de  lenrs  miitrm.  «t 
les  diverses  provinces  de  l'easpire  ottoman. 

(OUMM.) 

(XI)  loi/* Cbalcocondyles,  Léonard  de ChiOi, Dncm,  Fhnumn» le 
Totr,  Gibbon  et  les  historiens  modernes. 

r25)  Le  règne  de  Soliman-ie-Magnifique  avait  été  l'^iogée  de  b 
ottomane.  Sous  son  indolent  successeur  Sélim  II»  les  Turcs  enlevèrent  Chypn 
aux  Vénitiens,  mal  secondés  par  l'Espagne  i  mais  ils  furent  déUts  don  le 
tiûMt  de  Lépaote  par  les  flottes  combinées  de  Philippe  II,  de  Yenlse  et  dn  pape, 
sons  \c%  «mires  de  D.  Juan  d'Autriche.  Depuis  cet  échec  •  les  Tbêkm  avonèrent 
que  Dieu,  qui  leur  avait  donné  l'empire  de  la  terre,  avaK  latasé  eatad  dt  la  msr 
aux  infidèles. 

Sous  Amurat  III .  Mahomet  III  et  Acmet  I«r  (1574-1617) ,  les  Tares  son. 
tinrent,  avec  des  succès  divers,  de  longues  guerres  contre  les  Tttum  et  lis 
Hongrois. 


—  1109  — 


CHAPITRE  QUATRIEME. 


(4)  Quoique  l'on  fût  partagé  sur  le  droit  des  concurrents,  on  n'en  demearait 
pas  moins  attaché  au  siège  ^ostolique.  à  la  chaire  de  saint  Pierre;  et  ce 
schisme,  tout  déplorable  qu'il  était  en  lui-même,  nnisit  peut-être  moins  aux 
consciences  que  d'autres  scandales.  C'est  la  réflexioD  de  saint  Anlonin,  arche- 
vêque de  Florence,  qui  écrivait  vers  le  milieu  dii  siècle  soivant  :  •  On  poorait, 
dit-il,  être  de  bonne  foi  et  en  sûreté  de  conscience  dans  l'un  on  l'antre  parti  : 
car,  quoiqu'il  soit  nécessaire  de  croire  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  chef  YisiUe  âfo 
celte  Eglise,  s'il  arrive  cependant  que  deux  souverains  pontifes  soient  créés  en 
même  temps,  il  n'est  pas  nécessaire  de  croire  que  celui-ci  ou  celui-là  est  le  pape 
légitime  ;  mais  il  faut  croire  seulement  que  le  vrai  pape  est  celni  qui  a  été  ca- 
noniquemeut  élu,  et  le  peuple  n'est  point  obligé  de  discerner  quel  est  ce  pape  : 
il  peut  suivre  en  cela  le  sentiment  et  la  conduite  de  ses  pasteurs  particuliers.  » 

(2)  Noas  donnons  ici,  comme  par  le  passé,  la  nomenclature  des  papes  des 
XVe  et  XVIe  siècles.  XVe  siècle,^  Innocent  Vil,  Grégoire  XU,  Benoit  XIV, 
Alexandre  V,  Jean  XXIU,  Martin  Y,  Eugène  IV,  Nicolas  V»  CalUste  HI,  Pie  H, 
Paul  U,  Sixte  IV,  Innocent  VlU.  Alexandre  VI. 

XVr  siècle.  —  Pie  m,  Jules  n,  Léon  X.  Adrien  XI,  Clément  VU,  Panl  m, 
Jules  III,  Marcel  n,  Paul  IV,  Pie  IV,  Pie  V,  Grégoire  XIU,  Sixte-Qnint,  Ur- 
bain VII,  Grégoire  XIV,  Innocent  IX,  Clément  VIII. 

(5)  Le  concile  de  Pise  n'est  pas  regardé  comme  général  par  tous  les  théolo- 
giens, non  plus  que  les  conciles  de  Constance  et  de  Bâte  par  les  théologiens 
d'Italie.  Mais  cela  n'enlève  rien  à  leur  autorité  dans  l'Église. 

(4)  voy,  Lenfant,  Histoire  du  Concile  de  Pise,  et  le  père  Richard,  Analyse 
des  Conciles.  Voy.  aussi  les  oeuvres  de  J.  Gerson. 

(5)  Pierre  Philargus,  qui  fut  élu  sous  le  nom  d'Alexandre  V,  au  concile  de 
Pise,  avait,  quelques  mois  avant,  mendié  dans  l'ile  de  Candie,  d'où  il  (ut  retiré 
par  le  cardinal  Cossa,  qui  le  proposa  comme  un  moyen  terme  qui  ne  devait 
pas  exciter  la  jalousie  à  cause  de  sa  vieiUesse  et  de  sa  grande  piété. 

{Biog.eedéskut.^ 

(6)  Jean  XXIU  était  d'une  famille  noble  de  Naples,  né  avec  de  Tesprit,  de 
l'audace,  de  l'ambition,  mais  sans  fortune.  Il  avait  fait,  dans  sa  jeunesse,  le 
métier  de  corsaire,  qu'il  abandonna  bientôt  pour  se  pousser  dsns  l'état  ecdé- 


•ijMtiqQe.  n  Bt  lei  étiKlei  MM  trop  d'cmrie  d0  defcnlr  nn^ 
4lBtrodiiire«qNPès  do  pape  BonUue  DL.  en  Tendant  an  pin  hant  prii  ki  W- 
néfioei  et  aei  indolgf  ncct.  Ce  pape  ie  fit  cardinal,  et  loi  donna  la  légation  de 
Bologne.  La  corruption  de  let  mœurs,  ton  faite  et  ta  tyrannie  loi  méritèNil 
la  diif{rJlce  d'Innocent  VU  et  de  Grégoire  XII  t  malt  tons  lenrt  elTorts  et  Um 
kinrs  foudm  échouèrent  contre  la  témérité  du  légat,  qui  aontlnt  Tit^iii 
d'eui  M  rébellion»  par  les  démarches  les  p*at  hardies  et  par  les  Toies  les  pin 
odieuses.  Ce  fui  on  grand  scandale  pour  l'Église,  de  Toir  les  fimcUons  di  vi- 
cahre  de  Jésus-Christ  confiées  à  un  homme  qui  n'ayalt  ni  adence,  ni  ¥ertii,et 
qui  avait  montré  Jusque  là  tons  les  vices  des  maîtres  avides,  dnfs  et  cmeb. 

(BisMre  des  Papes,  tirée  des  anfenn  ecdésiaiL) 

(7)  #^flf.  k  prenier  chapitre  de  ce  folnme.  relatif  ai  aaiaon  dtiea»#etit 

(S)  Jtm  Hoas,  né  en  I99S.  avait  été  snccessivenent  à  Prague  profesaevr.  pré- 
étealear.  reelear  de  roniverslté  et  confesseur  de  la  reloe.  Les  erreurs  de  Wi- 
def  amenèrent  les  siennes  :  le  pape,  pour  lui.  était  hérétique.  Il  l'appelait  nnH- 
clirlst.  ges  partisans  forent  nombreux  :  Jean  Xin  l'eieonmania  et  JetartaderdR 
•nr  Prague  tant  qu'elle  snulfrïrait  l'hérésiarque  dans  ses  murs.  H  en  appela  da 
pape  k  nn  eoncHe  général  ;  il  fat  Jn^.  condamné  à  mort  à  celnl  de  coortanes 
et  pois  hrftié.  H  supporta  son  suppliée  avec  la  fermeté  d*nn  enthousiaste.  Ses 
partisans  se  levèrent  en  masse,  et.  commandés  par  Ziska.  ils  brAlèrent  à  lenr 
lonr  les  églises,  les  abbayes,  égorgeant  prêtres  et  moines.  Cet  épisode  dsi 
sneinsniigienies  fut  long  et  horrible. 

(Voy.  Bitlaria  ti  monaiMeilla  /.  ^iniH.) 

OfiDcaiSyivIaa  (pie  U)  dit  que  Ica  hnsiltes  rAcièient  ta  tem  dtna  l'eadrait  eu 
leur  maître  avait  été  brûlé,  et  l'emportèrent  prédensament  I  Prigpw 

((Ell|(4S  SfLVIBp,  BigL  èoMp.) 

0>)  Vfff •  XMUtfOrt  (ku  cmeile  d^  «iU,  VÀn^liftfi  4m  f««fi^  eu  4»«  Ai- 
ekardf  etc. 

(10)  Quelques  historiens  ecclésiastiques  prétendent  que  dès  œ  moment  le 
concile  de  Bile,  quoique  légalement  convoqué,  cessa  d'être  œcamâilque,  mais 
cehil  de  Ferrare  ne  le  fut  pas  davantage. 

(11)  Histoire  du  eoneile  d*i  Bdle,  XXXIIc  et  XXXin*'  sessions. 

(12)  Amédée.  après  avoir  abdiqué  I4  spvvffiiget^  ^  Sff^  ^  CiywrdB 
son  fils,  s'était  retiré  à  Ripaille,  sur  le  lac  de  Genève,  où,  sons  lliabit  d*her- 
mlte,  U  menait  une  vie  de  pénitent  selon  les  uns,  de  qrbarlte  aelop  d'aolm, 
ce  qui  donna  lien  k  ce  dicton  populaire  faire  ripaUU. 

(13)  Alenndre  Borgia  (Alexandre  TI)  était  le  neten  ^àJt^houm  Borgla 
(CalistelU). 

(U)  Ce  distique  fat  appliqué  avec  deux  autres  contre  une  statue  nraUlée 
fljlilHilUàU  p(W!te  fi'na  HiHeyg  iMéJéem,  muamà  Boifntan,  tt  énlnt  Fori* 
gl^>  <lw  iiB<ti»»iadffi.  Mi  atgmiiae,  tascwaaatéa  et  Igs  d^pnataHwnti  <■  pape, 


accréditèrent  protfiptement  cette  invention  de  la  vengeance  populaire.  La 
statue  paria  toua  les  Jours,  «t  les  flattenrs  d'Alexandre  VI  loi  comeillèreiit  de  la 
Seterdaiu  le  Tibre.  «  SUe  m  changerait  m  grenovIUe,  répondit  llmpiidettt 
pontife ,  et  j'en  seraii  importuné  nuit  et  Jonri  J'aime  mlein  ime  pierre 
muette.  * 

(15)  Un  tiistorien  ou  chroniqueur  italien  du  XVe  si^le  raconte  de  la  manière 
suivante  une  partie  des  cruautés  de  César  Borgia. ...  H  primo,  il  fratello  cfie 
si  chiamava  lo  Duc  adi  Gandia,  io  fcce  buttar  infîume.  Fece  ammaziare  lo  Co- 
gnato,  che  cra  figlio  del  duca  di  Galabria,  era  lo  più  bello  giovane  che  mai  f| 
vedassi  in  Roma.  Ancora  fece  anunazzare  Vitellozo,  lo;più  Valentuomo  che 
fusse  in  quel  tempo,  etc. 

(16)  Lucrèce  Borgia  vivait  en  même  temps  avec  son  père  et  ses  deux  frères 
César  et  le  duc  de  Gandie.  Le  cardinal  ne  put  souffrir  co  partages  le  duc 
disparut,  et  quelques  jours  après  on  trouva  son  cadavre  dans  le  Tibre, 
Alexandre  VI  en  éprouva  un  chagrin  d'autant  plus  violent,  qu'il  préférait  ce 
fiis  à  tous  les  autres;  il  resta  trois  jours  sans  manger,  mais  il  finit  par  oublier 
cet  assassinat,  et  célébra  le  retour  du  meurtrier,  qui  s'était  réfugié  à  Naplcs, 
par  une  grande  chasse,  que  signalèrent  le  faste  et  la  débauche  la  plus  immo- 
dérée. Rome,  disent  les  historiens  du  temps,  était  une  caverne  de  voleurs,  un 
sanctuaire  d'iniquité  ;  et  Pontanus  a  consacré  les  déportements  de  Lucrèce 
Borgia  et  de  son  père  par  cette  épitaphe  : 

Hoc  tumulo  dormit  Lucretla  nomine,  sed  re 
Thais,  Alexandri  filia,  nupta,  uurus. 

Cette  Messaline  faisait  ouvertement  les  honneurs  du  palais  pontifical  ;  elle 
y  rassemblait  tout  ce  que  Rome  renfermait  de  femmes  impudiques,  donnait 
audience  aux  cardinaux,  maniait  toutes  les  affaires,  ouvrait  toute  la  corres- 
pondance de  son  père,  expédiait  les  brefs,  et  poussait  l'effronterie,  ajoute  le 
journal  de  Burchard,  jusqu'à  paraître  dans  la  basilique  de  Saint-Pierre  avec 
ses  compagnes  de  débauches,  aux  grandes  solennités  de  l'église.  Les  hommes 
les  plus  reconmiandables  de  ces  temps  d'immoralité  prêchaient  en  vain  contre 
ces  désordres  ;  en  vain  la  faculté  de  théologie  de  Paris  réclamait  un  concile 
général  pour  y  mettre  un  terme.  Le  prédicateur  Savonarole  expia  sur  un 
bûcher  sa  généreuse  indignation,  n  avait  prédit  la  chute  des  Hédicis  et  des 
Borgia,  Alexandre  VI  l'interdit,  Savonarole  résiste  et  reparaît  dans  la  chaire, 
il  subit  l'épreuve  du  feu  avec  un  autre  ecclésiastique  qui  avait  embrassé  sa 
cause,  la  douleur  leur  arrache  quelques  concessions,  Alexandre  en  profite  pour 
le  dégrader,  faire  jeter  au  bûcher  l'homme  le  plus  extraordinaire,  le  plus  éner- 
gique de  son  temps  et  celui  qu'il  redoutait  le  plus.  i 

(roy,  les  auteurs  ecclésiastiques,  la  biographie  de  Mlchaud,  etc.) 

(17)  Fo^.BUBCARDlDlABIOlf-EGiBDI,  Corp.  Mit. 

(18)  La  réforme,  dans  une  histoire  bien  faite,  ne  serait  pas  simplement  un 


—  ^2  — 

tcWnw  qui  a  doimé  DMianoe  à  dei  guerrai  et  ftaeaMé  dei  dladènet  ;  ce  iff  A 
on  schiBiiie  de  Untei  les  faBllIet,  pénétrant  dam  l'iotériev  de  chaiiiie  wê/Iêoê, 
annaot  lei  taitérétt  lei  ona  contre  les  autres,  oppoiant  le  fila  an  père,  et  le 
frère  à  la  Mrur  ;  noua  Terrions  toutes  les  âmes  énniea  de  cette  grande  et  n- 
dontable  passloo.  nous  la  retrouTerions  dans  le  salon  do  bootseois»  daMTd- 
cote  de  la  prinoeste  et  dans  la  place  publique,  etc. 

(RiY.  dd  PUt-Ilad.p  c  f .) 


—  IH5  — 


CHAPITRE  CINQUIÈME. 


(1)  11  y  avait  plosieiin  aiècies  qu'on  désirait  la  réfonnatkm  de  la  dbcipiine 
ecclésiastique  :  Qui  me  domiera,  disait  saint  Bernard,  que  je  voye  avant  que 
de  mourir,  l'Église  de  Dieu  comme  elle  élait  dams  les  premiers  jours? 
Si  ce  saint  liomme  a  en  quelque  chose  à  regretter  en  mourant,  c'a  été  de  n'ayoir 
pas  TU  un  changement  si  heureux,  n  a  gémi  tonte  sa  fie  des  maux  de  l'Église, 
n  n'a  cessé  d'en  ayertir  les  peuples,  le  cleigé»  les  érèqnes,  les  papes  mêmes  : 

ne  craignait  pas  d'en  avertir  aussi  ses  reUgienx,  qui  s'en  affligeaient  avec 
lui  dans  leur  solitude,  et  louaient  d'autant  plus  la  bonté  divme  de  les  y  avoir 
attirés,  que  la  corruption  était  plus  grande  dans  le  monde.  Les  désordres 
s'étaient  encore  augmentés  depuis.  L'Église  romaine,  la  mère  des  ^ises,  qui 
durant  neuf  siècles  entiers,  en  observant  la  première  avec  nue  exactitude 
exemplaire  la  discipline  ecclésiastique,  la  maintenait  de  toute  sa  force  par  tout 
l'univers,  n'était  pas  exempte  de  mal  ;  et  dès  le  temps  du  concile  de  Vienne, 
un  'graod  évèque,  chargé  par  le  pape  de  préparer  les  matières  qui  devaient 
y  être  traitées,  mit  pour  fondement  de  cette  sainte  assemblée  qu'il  y  fallait  ré' 
former  l'Église  dans  le  chef  et  dans  Us  memhres.  Le  grand  schisme  arrivé 
un  peu  après  mit  plus  que  jamais  cette  parole  à  la  bouche,  non  seulement  des 
docteurs  particuliers,  d'un  Gerson,  d'un  Pierre  d'Ailli,  les  antres  grands 
hommes  de  ce  temps-U,  mais  encore  des  condles,  et  tout  en  est  plein  dans  le 
concile  de  Plse  et  dans  celui  de  Constance.  On  sait  oa  qui  arriva  dans  le  con- 
cile de  Bâle,  où  la  réformation  fut  malheureusement  éludée,  et  l'Église  replongée 
dans  de  nouvelles  divisions.  Le  cardhial  Julien  représentait  à  Eugène  IV  les 
désordres  du  clergé,  principalement  de  celui  d'Allemagne.  •  Csf  désordres, 
lui  disait-Il,  excitent  la  hahie  du  peuple  contre  tout  l'ordre  eodésiastiqne.  La 
cognée  est  à  la  racine,  l'arbre  pendie»  et,  au  lien  de  le  soutenir  pendant  qu'il 
en  est  temps  encore,  nous  le  précipitons  à  terre.  » 

(B088UBT,  Histoire  des  variations,  etc.) 

(2)  «I A  mon  avis,  dit  M.  Guixot,  sur  la  haute  impartialité  duquel  nous  ahnons 
à  nous  étayer,  à  mon  avis  la  réforme  n'a  été  ni  un  acddent,  ni  une  simple  vue 
d'amélioration  religiense,  le  fruit  d'une  utopie  d'humanité  et  de  vérité.  Elle  a 
eu  une  cause  plus  puissante  que  tout  cela,  et  qui  domine  toutes  les  causes  par- 
ticulières. Elle  aété  un  grand  élan  de  liberté  de  l'esprit  humain,  un  besoin 


DooTeau  de  penier,  Ue  Juger  Ubreiarat.  iKHir  son  compte,  avec  tes 
forcet,  dft  faits  et  de*  Idées  qiic  Jusqurii-la  rKumpe  receraitides  mains  di 
ranU»riti}.  C'est  une  grande  tentative  d'arTranchissoment  de  la  penste  fao- 
nuine  ;  et.  pour  appeler  les  choses  par  leur  nom.  une  insurreciiom  detêt- 
prit  humain  etmtrr  tf  |>oMpo<r  ahs^iu  Hnna  l'ordre  apirifise/.  Tel  al, 
selon  moi.  le  véritable  caracten*.  le  nractère  général  et  dominant  de  la  ré- 
forme... .  > 

(3)  Nuiis  avons  rapidement  iiamnini .  dans  le  volume  quatrième,  l*hlitQlR 
des  div4*rses  communautés  dissidenteti  :  l<*s  stédinguiens.  les  flagellans.  In 
«icletites,  les  hnssites,ont  pré|>aré  l.utlier  ;  Luther  ouvrit  la  vole  à  CalTlB,et 
ainsi  fut  amenée  une  révuliitiuu  inévitable,  une  anarchie  inleOectaelle,  qpl 
plus  tard  amena  une  n-action  non  moins  înêvitalile.  Jean  IIum  est  le  leai  îa 
prédécesseurs  de  LuUicr  «fui  appartienne  au  \  V  siècle. 

v4)  L'opiuiou  de  la  plupart  d4>8  lilsinrii'ua  de  la  réforme  est  que  si  Eoae 
cUe-inèmc  eAt songé  à  une  rvîornw sàifusr,  la  réftirmo.  telle  que  la  fireit 
Luther  et  Calvin,  bnisi|ur,  al>Miluo,  rjdicaic.  u'f  At  lias  même  été  proposée. 

(5.  «  llalheur,  s'écrie  un  vénérable  prélat  du  \v.>  siècle,  malheur  qui  bH 
naître  dans  mos  yeux  une  abon<lante  soun.'iu  de  iarnie«.  Cens  qui  étaient  Ml 
l»ar  une  obligatiou  sévère  de  la  loi  ont  apostasir,  la  vii;ne  du  Seigneur  est  n 
vjgéc  ï  s'ils  [Mûrissaient  seuls,  ce  serait  un  mal.  et  crpenilani  on  |H)urrait  le  luj^ 
Itorter.  Hais  connue  ils  circulent  dan»  toute  la  chrétionlé  de  la  même  manièrB 
(pie  les  veines  dans  le  corps,  leur  dcpravation  entraîne  nécessaireiuent  la  rabM 
du  monde!....  ■ 

(6)  Jules  II.  dans  les  rangs  suiial:iTne<.  fut  rcliollc  :  devenu  maître.  Il  Ibraia 
des  caMcs  en  grand.  Son  anlcur  ixmr  dominer  lui  lit  commettra  Uen  des 
injustices  :  sa  passion  )H>ur  la  guerre  déshonora  «on  caractère. 

vLiiciEi,  Histoire  de  reniée), 

Ixs  voies  ([n'avaient  {mê  Jules  II  pour  assurer  sou  élévation,  n'avaient  pa 
fait  espérer  un  pontife  fort  religieux,  ui  le  nom  de  premier  empereur  RMuIn 
(lu'il  avait  choisi,  un  prince  paciliiiue.  Son  caractère  se  trouva  tel  qn*on  rivait 
imaginé.  Tout  entier  à  la  guerre  et  A  la  pi)liti.|ue,  il  alumionna  le  soin  delà  fol 
et  des  impurs  &  ses  ministres  les  plus  subalternes.  L'Italie  se  vit  plni  d*aiit  foli 
â  la  tète  des  armées,  et  l'Kurope  entière  fut  Iniulevcrsée  par  ses  iutrlgnei.  On 
renuriiuait  dam  son  curactèn^  un  fond  (i'iti(|ui(^tude,  (jui  ne  lui  permettait  pM 
d'être  sans  projets.  (*t  une  certaine  audace  (|ui  lui  en  taisait  préférer  les  pbn 
lianlis;  il  mesurait  s(\s  eutrepriscs,  plutôt  sur  son  aud)iti(m  que  sur  ses  foroei, 
et  les  prétentions  cliiméri«pieH  de  (|ueli|u(>$-uiiN  de  ses  prédécesseurs  étalent  à 
«es  yeux  des  droits  insé|Mirables  de  w  place. 

[Histoire  du  divorce  df  Hturi  y III  ,t  de  Catherine  d^Àrragon). 

Ce  caractèrt*  de  Jules  II  et  de  (pielques-uns  de  soi  pnmét^csseiirs,  est  en  paille 
Justine  par  l'esprit  de  son  temps.  Les  papes  avairnl  eu.  du  II* au  XIVc  stdcle,  dé 
grandes  Idées  et  de  nobles  tendances,  dit  le  protestant  Ranke,  mali  au  ternie 


—  M5  — 

I  sommes  arrivés,  les  circooiUnoM  iraioit  arrêté  tel  4im  tiotfNMi  t 
spirituel  fat  entraîné  à  diriger  d'une  manière  eielnslve  Uwle  Maaelh 
:s  l'agrandissement  de  la  prinei|Mni(é  lenporeUe.*.  et  depnii  Wn^ 
I  si^ie  olxiissait  à  cette  direction. 

(V.  l'aiiUÀre  dé  la  pépautë^  1 1)« 

existe  aa  sujet  de  Léon  X  an  phénomène  assez  cnrlenx  en  lilstMh!  (A 
peut-être  dans  ililstoire  religiettsè.  ùarrei  la  ^ii|»ârt  des  anteoM 
stiques,  vous  y temcqike  ce  poittte  Ait  fà»tueuâs,  ùr^^UêUMUS,  mé' 
tie  vie  1/noHe  et  iioiwfîuêiue^  eîe.  ttM»  ensuite  an  dû  {Aûl  céHiMk 
a  calvinistes,  Roëeoê  t  il  est  rempli  d'âoges  sor  Léon  %. . .  AtsnrèiMHt 
uice,  Kinon  la  vérité,  est  do  oOté  des  protestants.  Céte  se  conçoit»  ee- 
1 8()UB  un  rapport  :  Hé  détalent  moins  etiger  d*tan  pape  <iue  des  éorf- 
riiiodoxes  qui  eussent  vontu  volt  Vtglkd  régénérée  par  leà  Vertds  éC 
le  de  son  ctiof,  an  lied  de  la  voir  se  précipiter  tonjonré  davantage  dantf 
qui  a  conduit  à  la  réfontae. . . 

oy.  les  œuvres  de  Iutubb.  ^ 

iillicr  rcproclia  au  Pharaon  d'Angleterre  de  groailr  la  nombre  dia 
aux  de  Saint-Thomas,  c'est-à-dire  de  partager  les  opIalonadiSataitii 
!-d'Aquln  sur  les  sacrements.  —  L'église  d'Angleterre  étiAt  to  frmiâe 
uée,  et  les  docteurs  de  Paris  des  ânes  :  aHni  parUiênte$\  le  |iBpi 
1  loup  fossûdé  du  malin,  toutunuvee  le  turc  et  lêdiabU. 

{roy.  les  œuvres  deLOTBEB  et  celles  de  lliLiRcntiiO  ii)« 

[:'esl  pendant  00  séjour  à  Warbottt*gqne  tntlier  aurait  eu  avec  le  dikblé 
use  conférence  nocturne,  qui  se  termina  par  l'abolition  des  messes  prl- 
<e  récit  de  cette  conférence,  dont  ses  disciples  ont  voulu  contester  FâU- 
ité,  fut  publié  en  idss,  c'est-à-dire,  tteize  aUs  avant  sa  mort,  sans  iiii*tt 
ais  réclamé  contre  un  pareil  ouvrage  Imprimé  sous  son  nom. 
er,  retiré  dans  ce  château  dcWarbourg,  y  laissa  croître  sa  barbé  et  en 
vec  l'épéc,  la  cuirasse,  les  bottes  et  les  éperons,  sous  le  nom  de  cheva' 
orgês.  Le  célèbre  peintre  Luoas  Cranâcihs  l'a  représenté  sous  ce  costumé 
tant  à  wittemberg  en  sortant  de  Warbourg,  qu'il  appelait  ton  He  de 
\ot .  (TiBiBitD,  Biogr,  de  Luther,} 

Ces  deux  points  fondamentaux  du  protestantisme  furent  adoptés  par 
comme  par  Luther,  mais  les  applications  en  furent  diverses  et  ianom* 
n  Calvin  prétendait  entre  autres  choses  que  Dieu  a  fait  sur  le  oiel  etsur 
c  tout  ce  (|u'il  a  voulu  ;  il  en  conclut  que  les  crimes  des  hommes  et 
vertus  sont  l'ouvrage  de  sa  volonté.  Si  Dieu  n*opérait  pas  daua  nos 
toutes  nos  déteriulqations ,  l'Écriture  nous  tromperait  dono  lors» 
nous  dit  qu<;  Dieu  ôte  la  prudence  aux  vieillards  et  lecœw  aux  prlniMi 
erre,  àtiii  ({u'ils  s'égarent.  Prétendre  que  Dieu  permet  seulement  cea 


—  MO  — 

BunxreC  gn'il  n'en  YenC  pu.  qn*U  ne  les  prodoH  pu,  e'ert  lenfiariei  In 
règles  dolangigeet  tons  les  principes  de  rinterpréUtion  de  l*BGritiire. 

(IngiU.  L I .  c.  7.  —  rop.  ausri  PhiqQet.  Bosmet,  etc.) 

(IS)  Lallier  ftat  toojoiin  fort  incertain  sar  la  question  de  la  f mnmMM- 
tUUiom  :  il  voulait  d'abord  atta«|urr  la  présence  réelle,  t  On  loi  eiU  lUt  gml 
plaisir.  disait-Il.  de  lui  donner  quelque  moyen  de  la  nier,  parce  qne  rien  wU 
wralt  été  phu  utile  daus  le  dessein  qu'il  avait  de  jinire  à  la  papanlé.  »  nrateit 
cependant  sans  en  faire  un  article  de  foL  Puis,  dans  a  dlspole  ODoIra  le  n^ 
d'Angletcne,  qui  s'en  était  fait  le  champion,  il  la  proscrivit  haatanenL  Easrib 
il  la  pasN.  par  accommodement,  à  certaines  églises  dltalle,  qni.  A  oettecondl* 
tion,  paraissaient  vouloir  entrer  dans  la  réforme.  Carlostad  Tafant  TloiflHiMt 
attaquée,  il  se  décida  à  la  garder.  Il  la  garda  effectivement  p— '*?»!>  ptande 
vingt  ans,  et  ne  l'abandonna  qn  en  1545,  par  complaisanoe  poor  le  landgrave  de 
liesse,  qui  voulait  appuyer  la  réforme,  mais  une  réforme  ndieale.  Il  prttti- 
dait  expliquer  ces  variations,  en  disant  qu'il  fallait  conserver  U  préienoe  ridto 
quand  on  la  rejetait  comme  impie,  et  qu'il  fallait  )a  njeter  qnand  oq  napo- 
sait  comme  nécessaire.  Enfln,  son  dernier  mot  fut  de  la  rétablir  en  IMSb  una 
avant  sa  mort:  et  Calvin,  qui  la  rejeta  sans  hésiter,  dit  que  par  cette  déddon 
Luther  avatt  relevé  l'idole  dans  le  temple  de  Dieu.  Ainsi,  avec  beancoop  4« 
caractère  d'enthousiasme  et  même  d'éloquence.  Luther  manquait  de  méthode 
et  de  fixité  dans  les  idées.  Un  prédicant  se  plaignait  à  lui  de  ne  pouvoir  par- 
venir à  croire  ce  qu'a  enseignait  aux  autres.  Dieu  soit  béni  !  s'écria  Luther,  je 
ne  suis  donc  pas  le  seul  à  qui  cela  arrive. 

(Filon,  d'après  Matherius.  Bayle,  Gaillard  et  les  oeuvres  de  Luther.) 

(13)  La  liberté,  bannie  de  Tàme  humaine,  c'est  Dieu  qui  y^M?mplH  dired^ 
ment  tous  les  événements  de  ce  monde,  et  il  faut  renoncer  à  s'opposer  &  qooiqw 
ce  soit,  même  aux  triomphes  des  méchants,  sous  peùie  de  se  révolter  contre  la 
volonté  divine.  Luther  ne  recula  point  devant  cette  contéquenoe  de  a 
trine.  Comme  on  parlait  des  Turcs  qui  menaçaient  l'Europe  d'une 
nouvelle.  Luther  dit  qu'il  (allait  bien  se  garder  de  les  combattre,  qno  ce 
combattre  Dieu  lui-même,  qui  venait  visiter  nos  iniquités  par  le  moyen  des 
Ottomans  :  Pneliari  advenus  Torcas  est  repognare  Deo,  TisUanll  i«iq»rfi«t— 
nostras  per  illos  (I>e  capt.  Babyl.)  C'était  tout-à-fait  le  fatalisme  tnic  Nous  ne 
présumons  pas  que  Luther  ait  .trouvé  cela  dans  la  Bible,  et  s'il  Ty  a  vu ,  c'était, 
il  faut  l'avouer,  un  singulier  commentateur  des  livres  saints  ! 

(14)  A  Uri.  Schwytz  et  Unterwalden.  les  mœurs  étaient  afanpies,  le  deqsé 
pauvre  et  les  couvents  peu  nombreux.  Le  peuple,  élevé  dans  les  habitudes  ri- 
lendeuses  d'une  foi  contemplative,  avait  peu  de  gQùt  pour  la  science  dea  éooleii. 
Aussi  l'indignation  des  gens  d'Uri.  de  Schwytz  et  d'Cnterwaklen  fot-de 
grande,  quand  on  leur  annonça  que  les  pèlerinages  allaient  finir,  que  les  naît 
des  églises  allaient  être  dépouillés  et  blanchis. ...  et  que  peut-être  lia 
raient  de  a  rendre  chaque  année  à  la  chapelle  de  Gaillaorne  TeD. . . .) 

(HOTTIlIfin.) 


I  A  ces  noms  célèbres  nous  ponrrioiis  en  Conter  d'autres,  si  nous  ne  de- 
les  retrouver  ailleurs  :  Rabelais  et  Érasme,  sans  être  aussi  sérieux  que 
ir,  n'en  ont  pas  moins  été  funestes  à  TÉgUse.  Tout  le  monde  connatt 
re  de  llabelais,  l'ironie  du  pbilosopbe  de  Rotterdam  U'a  pat  été  si  popu- 
mais  elle  est  tout  aussi  poignante.  Nous  n'en  citerons  qu'un  exemple» 
lans  Y  Éloge  de  la  folie,  satire  qu'il  composa  pendant  les  prédications  de 
er.  c  II  n'y  a  pas  d'espèce  d'hommes  au  monde  qui  vive  plus  doucement  et 
moins  de  soucis  que  ces  vicaires  de  Jésus-Christ.  lis  croient  avoir  asset 
tour  le  Seigneur  lorsqu'au  milieu  des  plus  fastueuses  cérémonies,  dans  un 
reil  mystique  et  presque  théâtral,  leur  sainteté  vient  prodiguer  des  béné- 
3ns  ou  lancer  des  anathémes.  Faire  des  miracles,  le  temps  en  est  passé  ; 
aire  le  peuple,  cela  donne  trop  de-  mai  ;  expliquer  l'Écriture  sainte,  c'est 
ire  de  l'école;  prier,  c'est  quand  on  n'a  rien  à  faire;  verser  des  larmes, 
ne  convient  qu'aux  femmes;  vivre  dans  la  pauvreté,  c'est  une  honte; 
r,  c'est  une  lâcheté,  indigne  assurément  de  celui  qui  admet  par  grâce  les 
grands  rois  à  baiser  ses  bienheureux  pieds  ;  mourir,  c'est  bien  triste  ;  être 
iflé,  c'est  infâme!  »  Et  cependant  (s'il  faut  co  croire  une  correspondance 
iée  au  XYIe  siècle)  le  pape  Paul  lU  oubliant  ces  paroles  haineuses ,  son- 
t  à  le  faire  cardinal  :  quàm  statuUset  Pauius  III  in  futuram  synodum  all- 
:  eruditos  in  cardinallum  ordinem  allegere,  propositnm  est  et  de  Erasmo, 
6)«  Sus,  sus,  sus  {dran,  drauj  dran),  il  est  temps  ;  les  méchants  tremblent. 
»  sans  piUé,  quand  même  Esaû  vous  donnerait  de  beUes  paroles.  Soulevez 
rilles  et  les  villages. . . .  Sus,  sus,  sus  !  pendant  que  le  fan  diauffe,  que  le 
^e  tiède  de  sang  n'ait  pas  le  temps  de  refroidir.  Forgez  Nemrod  sur  ren- 
ne ;  tuez  tout  dans  la  tour.  Tant  que  ceux-là  vivront,  vous  ne  serez  jamais 
nrés  de  la  crainte  des  hommes....  Sus,  sus,  sus,  pendant  qu'il  fait  jcnir, 
1  vous  précède,  suivez.  Dieu  vous  dit  de  ne  rien  craindre    n'ayez  peur  du 
ibre.  Ce  n'est  pas  votre  combat,  c'est  celui  du  Seigneur.  Soyez  hardis ,  et 
I  éprouverez  la  puissance  du  secours  d'en  haut.  Âmcn.  Deuoéà  Mûlliau- 
en  1525.  Thomas  Mûnzer,  serviteur  de  Dieu  contre  les  impies.  • 

(f^oy.  les  mémoires  de  Luther.) 
Oncer  ou  Mtknzer  disait  de  Luther  :  qu'il  était  l'ante-christ  ou  un  nouveau 
e ,  et  que  s'il  devait  y  en  avoir  deux,  Luther  était  le  plus  dur,  car  11  n'y 
it  plus  moyen  de  souffrir  ses  emportements. 

7)  Foy»  Lutherus  :  adoei^sus  rustieos. 

18)  Calvin,  observe  M.  Ifichelet,  était  plus  conséqnent  dans  ses  écrits  que 

s  sa  conduite,  car  il  commença  par  réclamer  la  tolérance  auprès  de  Fran- 

I  V,  et  finit  par  faire  brûler  Servet,  bannir  Bolsec,  et  trancher  la  tête  â 

ques  Gruel. 

^oy,  les  œuvres  de  Michelet,  l'histoire  de  Genève  et  les  lettres  de  Calvin  à 

Palais.) 

y,  27 


—  «18  — 
^oy.  amii  BoMKt,  Plnquet,  Maimboorg.  Bannie,  C^iefigne,  FOob.  «t  m 
grand  Bonfara  d'autarei  htotortct  tow  d*«oeonlfliir  lei  h^bm 
(19)  OBiiepeatcloaler.6tlet|iliitcélèfereiproCttlMlien 
Calf  la  n*aU  prit  pour  le  foodi  deta  doctrine  œlle  dea  Yandola,  | 
ett  œ  qu'il  dit  qa'U  n'f  a  dani  la  Cène  dn  Seigneur  qae  dn  patai  et  dn  ite,  nw 
platane  réelle  ec  locale  da  corpe  et  du  ttog  de  Jte»-Cliriit:  en  ce  qil  ne 
vent  ni  TëntratloB,  dI  Invocation  dea  sainli,  ni  chef  rirfble  de  rtf gjw,  ai  Ht- 
Farahiei.  ni  éyéqatê,  ni  prétref,nimeMei,  ni  Ries,  al  fanage,  ni  cnb,  tf  béaé- 
dldiooi,  niancane  de  cet  eérémoniet  tacréet  dont  l'nMienne  i^flae  a'ertto- 
JoDii  tente  pour  bire  l'ollioe  difin  avec  Mentéanee,  et  œtle  aafatte  nmertéqil 
iBaprimedantrioM  de  ceus  qui  let  regardent  arec  un  «eU  on  pcn  tpMad 
let  tenllBentt  d'une  dévotion  tendre  et  retpectnente,  poor  honoaq  Dieo  dai 
tel  redootablet  mystèret.  De  torte  quele  caltininne .  formé  de  noDreaniark 
modèle  dct  Vaudoii ,  n'est  qu'un  squelette  de  religion ,  tl  J'ote  m'eipriner 
ainti.  n'ayant  ni  tue,  ni  oncti<m,  ni  oroementt  ni  rien  qui  tente  et  qnl  iaiplre 
la  dévotion,  et  qui,  entrant  par  les  sens  dant  le  fond  de  famé,  l'attira  et  réHfe 
par  let  chotes  viables  au  Dieu  invisible,  ainsi  que  lui-même  l'ordonne. 

(MAiiBOUio.  Hiitoire  du  eahdnUwu.) 
Les  luthérieot  avaient  retenu  let  cérémonies  dn  culte  qnl  n'étaient  pm  lor- 
meltemcnt  en  oppotitiou  avec  leurs  noureaux  dogmes;  mais  Calvin  let  fnt- 
crivit  tontes  comme  une  tdolitrie.  Son  culte,  nu  et  dépouillé,  pamt ,  anx  foa 
de  piusieurs,  avoir  élevé  la  religion  au-dessos  dn  vulgaire,  en  lui  Alant  tont  ce 
qui  n'a  pour  objet  que  de  frapper  les  sens.  Ce  motif  Inl  eondlia  on  gnni 
nombre  d'hommes  du  monde,  tandis  qu'une  portton  contidéndile  dea  geM  da 
peuple,  entraînée  par  i'unonr  des  nouveautés  et  par  Fesprit  de  parti,  troava 
prédtément  dant  cette  absence  de  toute  cérémoniet  le  moyen  le  pina 
«le  marquer  sa  séparation  d'avec  le  parti  opposé.  Il  était  en  efSet  Uen 
d'appeler  idoUtres  ceux  qui  vont  à  la  messe  ou  qui  placent  des  inugea  dai 
eurs  temples  que  de  disputer  avec  eux  sur  la  foi  jvstifietrUe  on  aor  to  pré- 
teuce  réelle, . . . 

(20)  F'oy,  les  institutions  de  Calvin,  liv.  lY.  Nous  ne  pouvons  donner  idle 
résumé  de  ces  institutions,  car  ce  n'est  point  une  œuvre  de  théologie  qne  now 
avons  eotreprise.  Notre  but  sera  atteint  si.  en  donnant  let  pointa  principna 
dei  doctrinet  des  deux  cbefis  de  la  réforme ,  nous  en  faisons  connallra  TtÊgrit, 
renvoyant  aux  ouvrages  de  Luther  et  de  Calvin  ceux  de  nos  ledenra  qpl  Ton- 
draient approfondir  cet  intéressant  sojet  :  la  question  de  la  Oèna  aviait,  dia  let 
commencements  de  la  réforme,  causé  d'étranges  divisions  entre  lea  «f  *"■—<■ 
Luther,  conservant  aux  paroles  ceci  est  moti  corpSf  leur  sou  littéral,  cnfllt 
que  J.-C.  est  substantiellement  présent  dans  le  sacrement  de  la  Cène;  H  nUt 
seulement  que  le  pain,  après  la  consécration,  devint  une  simple  of^poranM  ^ 
pain>  et  fLt  réellement  le  corps  de  J.-C,  comme  Le  diient  Iri  rathnliiiiMi  Car 
ostad  ayc^nt  soutenu  que  notre  Cène  n'était  qu'une  figure  et  une  < 


—  mo  — 

ion  do  celle  de  J.-G.  avec  ses  disciples,  Luther  s'emporta  avec  excès  contre 
lui,  et  publia  à  ce  sujet  un  grand  nombre  d'écrits.  Zwingle  défendit  ropinion  de 
Carlostad,  qui  fut  embrassée  par  toutes  les  églises  de  Suisse,  par  celle  de  Stras- 
bourg, et  môme  dans  plusieurs  parties  de  l'Allemagne.  Cette  querello  sur  le 
sens  littéral  et  le  sens  figuré  devint  une  guerre  civile  qui  coûta  beaucoup  de 
sang  aux  deux  partis.  Calvin  n'écrivit  sur  cette  question  qu'après  les  troubles 
qu'elle  avait  excités.  Il  présenta  une  troisième  opinion.  Il  nia  que  le  corps  de 
J.-c,  qui  est  au  ciel,  pût  être  substantiellement  présent  sur  la  terre,  comme 
e  disaient  le»  partisans  de  Luther  et  du  sens  littéral  ;  mais  il  n'en  soutint  pas 
moins  (|ue,  dans  la  Cène,  l'homme  est  nourri  de  la  propre  substance  de  J.-C, 
(ini,  du  haut  du  ciel,  nous  y  fait  participer,  à.  peu  près  comme  le  soleil,  malgré 
sa  distance  prodigieuse,  nous  communique,  quand  il  nous  éclaire,  la  substance 
niêinc  de  ses  rayons.  Ainsi,  selon  lui,  la  Cène  n'était  pas  une  simple  figure  des- 
tinée à  conserver  le  souvenir  de  la  Cène  de  J.-C,  mais  une  Cène  réelle,  où 
J.-C.  se  donne  véritablement  à  nous. ...  Ainsi,  depuis  que  les  réformés  se 
sont  séparéH  de  l'Église  Jusqu'à* Calvin,  voilà  déjà  trois  manières  différentes 
d'expliquer  ce  (|uc  l'Éciiture  nous  dit  sur  le  sacrement  de  l'Eucharistie.  Et  ces 
trois  explications  o[)i)Osécs  sont  données  par  trois  cticfs  de  parti  qui  prétendent 
tous  troi»  ne  suivre  que  l'Écriture,  et  qui  disent  qu'elle  est  assez  claire  pour  que 
les  simples  iidèlcs  découvrent  la  vérité. 

(•21)  roy,  La  confession  de  foi  de  l'électeur  Palatin,  Frédéric  III,  S.  Gcn. 
2'  part. 

(22)  Foij.  Uosmat  î  Histoire  des  variations ^  livre  0.  —  Il  serait  difficile 
d'expliquer  ici  assez  brièvement,  et  avec  une  clarté  suflisante  comment  il  alla 
plus  loin  (|uc  Luther  sur  la  matière  du  libre  arbitre,  et  Injustice  imputative 
et  du  mérite  d(;s  bonnes  (ruvrcs  ;  mais  ce  qui  est  phis  aisé  à  saisir  que  ces  sub- 
tilités théologiqnes,  ce  (lui  frappa  alors  tous  les  esprits,  ce  sont  les  conclusions 
hardies  (|n'il  tirait  de  ses  principes.  Il  n'attaqua  pas  seulement  la  primauté  du 
siège  de  Uome,  comme  on  l'avait  fait  avant  lui,  mais  l'autorité  même  des  con- 
ciles généraux  ;  il  ne  reconnait  pas  plus  le  caractère  d'évêque  et  de  prôtre 
que  de  celui  de  chef  visible  de  l'Église ,  il  n'admet  d'autres  vœux  que  ceux  du 
baptême,  d'autres  sacrements  que  ceux  du  baptême  et  de  la  cène,  et  ne  veut 
pas  même  qu'on  regarde  ceux-là  comme  indispensabiement  nécessaires  au 
salut.  11  traite  la  messe  d'impiété,  et  les  honneurs  rendus  aux  saints,  de  véri- 
table idolâtrie.  (de  Babànte  :  Biograp,  de  Calvin), 

(23)  Nous  citerons  encore  ici  la  parole  puissante  et  impartiale  de  notre  grand 
liistorien  :  «  quels  rq)rochcs  adressent  à  la  réforme  ses  adversaires?  Deux 
principaux  :  i»la  multiplicité  des  sectes,  la  licence  prodigieuse  des  esprits,  la 
destruction  de  toute  autorité  spirituelle,  la  dissolution  de  la  société  religieuse 
dans  son  ensemble;  2ola  tyrannie,  la  persécution.  «  Vous  provoquez  lalicence, 
a-t-on  dit,  aux  réformateurs,  vous  la  produisez  ;  et  quand  elle  est  là,  vous 
voulez  la  contenir,  la  réprimer,  et  comment  la  réprimez-vous?  par  lei 


—  U20  — 

moyeiit  tel  plus  dan,  les  plut  flolenli.  Yoiis  vamk  tous  ponéenlei  rbàPMe, 
cl  en  ^txiu  (Tane  Mtorlté  UlëgiCliiie...  • 

Le  parti  réfonué  eo  éUit  trèt-emtamM*^.  Quand  on  lui  impulait  la  mnltf- 
pMdlé  des  lecm,  au  lieu  de  Tavouer,  au  lieu  de  soutenir  la  légitimité  de  leur 
libre  déirelappemeiit,  il  auatliématisait  les  sectes,  Il  k'en  dé*olait,  il  s'en  eics- 
sait.  Le  taxait-on  de  persécution  ?  il  se  défendait  afec  quelque  embarras;  il 
alléguait  la  nécessité;  Il  avait.  disait-Il,  le  droit  de  réprimer  et  de  pimîr  l'er- 
reur, car  il  était  en  possession  delà  vérité;  ses  croyances,  ses  iu^titiilioui. 
étaient  seules  légitimes;  bi  l'église  romaine  n  avait  pas  le  droit  de  punir  la 
réformés,  c'est  qu'elle  avait  tort  contre  eux. 

Et  quand  le  reprodie  était  adressé  au  parti  dominant  dans  la  rélî»nne.  boo 
par  ses  ennemis,  mais  par  s<'8  propres  enfants;  quand  les  sectes  qu'il  anatbé* 
matlsait  lui  disaient  :  ■  nous  faisons  ce  que  vous  avez  fait;  nous  nous  sé|)aruitt 
comme  vous  vous  êtes  séparés.  •  Il  était  encore  plus  embarrassé  pour  répoudre, 
et  ne  répondait  bien  souvent  que  par  un  redoublement  de  rigueur. 

C'est  qu'en  efTet,  eo  travalUaut  à  la  dej^troction  du  pouvoir  absolu  dans 
l'ordre  spirituel,  la  révolution  rfligieuse  du  seizième  siècle  n'a  pas  connu  les 
trais  priiidpeide  la  liberté  lutelk-ctudle  :  elle  affrancbissait  l'esprit  Immaio, 
et  prétendait  encore  à  le  gouverner  par  la  loi  ;  en  Ealt,  die  faisait  prévaloir  le 
libre  examen;  en  prindpe,  elle  croyait  substituer  un  pouvoir  légitime  à  un 
pouvoir  illégitime.  Elle  ne  s'était  point  élevée  Ju8(|u'à  la  première  raison,  elle 
n'était  point  descendue  jusqu'aux  dernières  conséquences  de  son  oeuvre.  Ausi 
est-elle  tombée  dans  une  double  faute  :  d'une  part,  elle  n'a  pas  connu  ni  m- 
pecté  tous  les  droits  de  la  pensée  bnmaine;  an  monit-nt  où  elles  les  réclamait 
pour  sou  propre  compte,  elle  les  violait  ailleurs;  d'antre  part,  elle  n*a  pas  sa 
mesurer,  dans  l'ordre  iuteUectuel,  les  droits  de  l'autorité. . .  • 

(Gdizot.  Cours  d'histoire  moderne,  I8S8). 

(S4)  Calvin  a  osé  faire  l'apologie  de  sa  conduite  envers  Servet  et  a  entrepris 
de  prouver,  lui  protestant  contre  l'autorité  en  matière  de  foi,  qu'il  fallait  dé- 
truire les  hérétiques (^Foyez  l'ouvrage  intitulé  :  Fidelis  expositio  erro- 

rumMichaeiis  Serveti  et  brevis  eorumdemrefutatiouài  docetmrjuregia' 
éH  eoereendos  esse  hœretieos.  1554.  —  Au  reste,  la  condamnation  de  Servft 
se  fut  pas  la  seule,  c  ainsi,  dit  M.  de  Barante.  un  magistrat  fût  privé  de  ses 
emplois,  et  condamné  à  deux  mois  de  prison,  parce  que  sa  vie  était  déréglée,  et 
qu'il  était  lié  avec  les  ennemis  de  Calvin  ;  ainsi,  Jacques  Gruet  eut  la  tête  truk- 
chée  pour  avoir  écrit  des  lettres  impies  et  pour  avoir  travaillé  à  ivnvener  les 
ordonnances  eodésiastiques  ». 

(f^oy.  Barante  père,  Pluquet,  Capefigue.  et  tous  les  biographes  de  Calvin). 

Les  persécutions  des  protestants  suisses  ne  s'arrêtèrent  pis  là  :  on  trouve 
dans  l'histoire  de  la  réformation  suisse,  dans  Ruchat.  dans  HoUer,  etc,  des  dé- 
tails sur  la  spoliation  des  Eglises,  sur  une  sorte  d'Inquisition  exercée  sur  les 
consciences,  et  enfin  sur  la  vente  des  biens  ecclésiastiques  :  les  Bemoii,  devenus 


—  ^121  — 

maîtres  de  ces  biens,  en  donnèrent  nue  portion  aoi  yilksetanx  oommunes,  afin 
de  les  gagiiiT  à  ia  réforme*  et  l'autre  servit  au  salaire  des  ministres  réformés  : 
ainsi,  le  |irieur(3  de  Divonnc  fat  vendu,  en  4342,  pour  l,CM)0  écns,  celui  de 
Pcrroy  pour  3,300  Hurins  C4}lâ3  fr.)»  la  terre  de  Villars,  près  Morat,  qui  vaut 
anjoui-cl  litii  500,000  fr.,  fut  cédée  à  Tavoyer  J.-J.  de  WattoviUc,  pour  6,800 liv. 
de  Berne,  etc.,  etc. 


—  I»!2  — 

CnVIMTllE  SIXIÈME. 


I)  Le  peuple  romain  ne  pouvait  loi  pardonner  d'aToir  dépeBii  tant  d'aiSBit 

*t  payer  ses  dettes  ;  il  accompagna  ses  fonëraiDe»  en  ioTccthrant  sa  méniafra  : 
t  Tu  es  parvenu  comme  on  renard.  disalt*U.  tu  as  régné  comme  nn  Ikni  et  ta 
es  mort  comme  un  chien.  »  La  postérité  pardonna  à  Léon,  et  donna  ton  nom  I 
un  grand  siècle. 

(3^  Vir  est  sui  tenax,  in  concedendo  parcissimus,  in  recipiendo  nolhis;  ia 
sacriGcio  qootidianus  et  matutinus  ;  ira  non  agitor  ;  jocis  non  dndtur. 

{Foy.  SiiiCTO.) 

^'i  Instmctiopro  Francisco  cheregato.         (roy.  Rbtnalocs.  Rami,  elc) 

(4)  Non  supcrbo,  non  simoniaco,  non  avaro.  non  Ubidinoso;  sobrio,  paico, 
roligioso,  devoto . . .  (  Vbttou.) 

(5)  C'est  sons  son  épiscopat  qo'ent  lieu  ce  fameux  sac  de  Rome  qui  dnra  cin- 
quante jours,  pendant  lesquels  le  papo.  retiré  au  château  Saint- Ange,  ne  poo- 
vait  que  pleurer  sur  les  atrocités  dont  ses  sujets  étaient  victimes.  Les  Impérianx 
entrèrent  dans  Rome  le  6  mai  1527.  et  jamais  butin  plus  riche  ne  tomba  dans  les 
mains  d'une  armée  plus  sauvage  :  Ca  uecisione  non  fu  moita ,  dit  VeClori, 
fterchè  rari  ti  uccidono  quelii  che  non  si  vogliono  difendere;mala  frtim 
fit  inestimabile  in  danari,di  gioii\  doro  latorato,  di  vesiiH^  é^arassh 
paramentl  di  cazu,  etc.  Nous  n'entrerons  point  dans  les  affireux  détailtdn  sac 
et  do  pillage  de  Rome,  qui  se  trouve  dans  tous  les  historiens  du  XVI  siècle. 

(yoy.  surtout  Jacques  Bonaparte,  Relation  du  sac  de  Romet  Gnicd  ArdU 
et  Vcttori.) 

(6)  f'oy.  Soriano,  Vettori  et  Léopold  RoniLe. 

'J^  ()ouphriu5  Panvinius,  (|ui  a  écrit  la  fie  de  Paul  III,  prétend  qn*il  n'arait 
jamais  pardonné  à.  Clément  Vil  de  lui  avoir  enlevé  douze  années  de  papanlé. 

(8)  E  venido,  la  cosa  a  que  ay  muy  ftocos  cardenaies  que  ^oomeierUm 
negocios aunque sea  para  compta una  carga  de  lena,  sino  e*  opor  «smUo 
deaigun  asirologo o  hechizerc. . .  On  voit,  par  cette  citation  de  Mendoaa, 
qu'il  avait  conununiqué  à  ses  cardinaux  cette  faiblesse  qui,  dn  rate,  fttUi 
eelle  du  siècle  ;  la  cour  brillante  et  éclairée  d'Elisabeth  d'Angieterre  en  oBre 
de  fréquentes  preuves. 

(9)  On  peut  appeler  assez  proprement  ce  concile  llliade  de  notre  aiède... 

(Fra  Paolo  Sarpi,  Histoire  du  Coneiie  de  7V*eiit«.) 
Scipion  Henri  critique  amèrcmeut  Fra  Paolo  pour  avoir  donné  oe  n«Mn  an 
concile;  mais  ou  ne  voit  pas  pouiiiuoi,  puisque  tant  déraisons  montrent  la 
justesse  de  cette  applicatii)n.  (F.  LKOOIATIB») 

(10)  yoy.  Sarpi, //iftoi/d  </u  Concile  de  Trente,  le  P.  Richard,  Anai$u 
des  Conciles ,  Cbemnitins,  Examen  du  concile  de  Trente ,  Léopold  JUnke» 
Histoire  de  la  Papauté,  1  abbé  Beigier,  etc.,  elc 


(U)  f'o^.  lei  mêmes  onvrages. 
'    (1 2)  Le  concile  de  Trente  s'ouvrit  en  1 548  ;  le  pape  Paul  III  moumt  en  1 549, 
et  le  concile  se  termina  en  1065,  après  avoir  dnrô  16  ans  et  sous  cin<)  papes 
différents  :  Paul  III,  Jules  HI,  Marcel  n,  Paul  IV  et  Pie  IV. 

(Voy.  VHUUÀre  du  Concile  de  Trente  de  Sarpi.) 

(13)  Ignatius,  dont  on  a  flSritpIns  tard  Ignace. 

(14)  Maffei,  Orlandino,  Ribadeneira,  et  beaucoup;  d'autres  historiens,  ont 
raconté  avec  détails  cette  singulière  phase  de  la  vie  d'Ignace  de  Loyola. 

(13)  roy.  tous  les  contemporains  et  les  diverses  vies  de  saint  Ignace  :  c  Fie 
dieron  tania  eonfirmacione  sémpre  de  la  fè.  »  HU  vUU  haudmediocriter 
tum  confirmatus  est  ut  sœpè  etiam  id  cogitavU  quod  eisi  nulla  scriptwa 
mysteriaillafideidoeerett  tamen  ipse  oh  ea  ipsa  quœ  viderai,  statuerit 
siH  pro  his  etsemoriendum.  {Aela  antiquisslma.) 

(16)  Quand  sonhumitfté  mettait  ainsi  Ignace  sur  les  bancs  des  Jeunes  éco- 
liers, il  se  sentait  bien  souvent  saisi  par  des  élancements  et  des  ravissements 
qui  le  détournaient  des  analyses  grammaticales,  et  venaient  se  confondre  avec 
les  notions  logiques  qu'il  devait  étudier.  Il  eut  assez  de  Jugement  pour  com- 
prendre (juc  ce  ne  pouvait  être  que  des  tentations  du  malin  esprit  pour  empêcher 
les  progrès  dans  l'étude,  et  assez  de  noblesse  pour  le  déclarer  hautement  et  se 
soumettre  à  une  discipline  rigoureuse  afin  de  chasser  ces  visions.  (LiOF.  Ranke.) 

(17)  Histoire  delà  Papauté,  Yoy.  aussi  Orlandinus,  Ribadenelra,  Pacchi- 
nus,NigroDi,  etc. 

(18)  F01J.  les  mêmes  auteurs. 

(19)  Constitutiones,  cb.  IX.  Les  délégués,  prévenus  par  l'admonitor,  pou- 
vaient convoquer  une  réunion  générale,  autorisée  dans  ce  cas  à  prononcer  la 
destitution  du  général.  Les  Jésuites  ne  pouvaient  pas  même  accepter  une  di- 
gnité quelconque  dans  l'ordre  ecclésiastique. 

(20)  Foy,  Sacchinus  et  Ranke.  La  plus  grande  partie  du  collège  des  jésuites 
était  en  Espagne  :  en  1556,  il  y  en  avait  dix  en  CastUle,  cinq  eu  Aragon,  nonante- 
cinq  en  Andalousie,  vingt-huit  membres  de  l'ordre  étaient  occupés  dans  lo 
Brésil,  cent  dans  les  Indes,  depuis  Goa  Jusqu'au  Japon. 

(21)  Parmi  les  améliorations  introduites  dans  l'administration  des  affaires  de 
l'Église,  on  citecelie-ci  t  «  Une  botte  fut  établie  dans  laquelle  chacun  pouvait 
jeter  ses  griefs,  le  pape  seul  en  avait  la  clé.  > 

(22)  Garraccielo,  Fita  di  Paolo  IF,  Léopold  Ranime,  Histoire  de  la  Pa- 
pauté,  Biographie  universelle,  Bistoire  des  Papest  tirée  des  auteurs  eC' 
clésiasliques,  etc.  Nous  retrouverons  dans  le  chapitre  suivant  des  détails  sur 
l'inqukition,  qui,  placés  ici.  couperaient  trop  le  fil  de  notre  récit. 

(23)  Foy,  Sarpi  et  les  écrivains  contemporahis. 

(24)  Saint  Ciiarles  Borromée,  né  sur  les  bords  du  lac  Majeur,  dans  le  Mila- 
nais, fut  le  modèle  de  toutes  les  vertus  au  milieu  d'un  siècle  corrompu,  et  le 
restaurateur  de  la  discipline  ecclésiastique  dans  le  vaste  diocèse  que  hii  confia 
le  pape  Pie  IV,  son  oncle.  Il  fit  plus,  il  parvint  à  imprimer  dans  l'Ame  du  sou* 


viTrfin  piiilifo  un  drf(r(^  «lYoerftio  pour  le  bien  de  l'i^UM»  qpÉ»  dMi  «B< 
p''ii.iirr  infliiiK*,  •rmlitiit  frurpjsvcr  les  lorcei  onUmlm  de  la  aatiire,  et  H 
iTtisftir  i  iloiinrr  immvrinfut  cl  âoie  auxdemièiCiiéuioeidaooiiclledeTnale. 
Sa  vie  privée  ré|:oii«Uit&  cet  haul»  vertui  publiques  x  U  noonca  à  U  iplai 
(Inir  (lif  la  cour  rotnaine.  fit  disparaître  les  pelnUiiei  proCuMs  de  sob  palais, 
réiliiisit  le  nombre  des  domestiques.  U  se  fondanma  à  une  ahilhienca  tétèn. 
couchait  ^ur  des  planches,  étudiait  ou  priait  dans  la  noU»  et  sa  ■■!«■  cÉta 
était  plutôt  une  commuiiauté  qu'un  palais.  Ansià  en  softi^U  de  gnads  et 
saints  |H:r!u>nDa5es  fomiûi  à  won  êculc. 

(Voy.  la  Biotjr,  unit,  et  la  fie  de  laint  Ck.  Borrcmée,  par  Godean,  ddita 
de  rabhi-  Sephrr.) 

(23^  •  l^irsque  U  vie  Irréprochable  et  les  sentiments  de  ealnlelé  en  ardlnri 
d'Alexandrie  me  furent  connus,  je;  pcnui  que  la  répoMiq—  chrétienBe  M 
pouvait  être  mieux  gouvernée  que  par  lui.  et  Je  lui  consacrai  tons  mes  efforts.  • 

{yie  de  Ck,  BorromÊéeJ) 

{W  II  existe  beaucoup  d'éditions  du  concile  de  Trente  et  un  gtwd  noabn 
d'onvraj;es  qui  y  ont  rapport  Nous  dteroos  particulièrement  les  suivwlB  : 

<.  Concilium  Trideiitinnm .  1564. 
Id.  cum  orationibns,  1567. 

Trad.  en  français  des  actes  du  concile  de  Trente,  par  l'abbé  Ckamit,  1C7i 
Histoire  du  concile  de  Trente  par  le  cardinal  Sforsa  PallaficiBO,  1681. 

5.  IstoriadelconciliodlTrento,1666. 

6.  Antonio  Haldassari  condlii  Tridentini  istorla. 

7.  Pra  Paolo,  Histoire  du  concile  de  Trente  en  italien.  Cette  Ustoire  savaMs, 
et  rftiniéc  d'ailleurs,  ne  doit  être  lue  qu'avec  beaucoup  de.droonspedion  p« 
les  (Mtholiipies,  car  l'auteur  ne  l'est  pas  toujours. 

8.  instr.  et  lettres  des  rois  de  France  sur  le  concile  de  Trente»  lecwiHv 
parPupery,  1651. 

9.  DionyKii  Pelavii  disscrUtio  de  Tridentini  conciUi,  etc.,  etc.  «64a. 

';27}  Ne  mai  ha  lasciato  la  camisiada  rassa  che  comelfrate  inconrinciddi  portKI. 
Fa  le  orazione  divotissimamente  e  aicun  volte  coUe  lagrime.  (Paul  TnrOlAi) 

v28)  rofj,  Ranke,  Histoire  de  la  PapauW,  d'après  Paole  Tiepolo.  etc. 

^119)  Nous  défendons,  dit  Pic  V  dans  une  de  ses  bulles,  à  tout  médecin  ds 
f  isiter  son  malade  plus  de  trois  jours,  s'il  n'obtient  pas  l'attestation  qn'U  a  re- 
nouvelé la  coufessiou  de  ses  péchés.  Une  autre  buUe,  sur  la  pcoftmatton  dn  dl* 
manche,  porte  que  le  délinquant  doit  rester  debout  tout  un  Jonr  devant  las 
portes  de  l'église  les  mains  liées  derrière  le  dos,  et  pour  U  seconde  fois,  on  W 
fera  traverser  la  ville  en  le  fustigeant;  pour  la  troisième^  on  Ini  peraon  II 
langue  et  on  l'enverra  aux  galères. 

(Voy.  les  Bulles  de  Pie  y,  Informationi,  qpistolet  etc.) 

(fO)  P.  Tiepolo.  Foy.  aussi  Catena  vita  Pio.  Pie  V  donna  aonlappniMta 
aix  mesures  sanguinaires  du  duc  d'Albe  dans  les  Pays-Bas,  auquel  il  eoTOya 


l'ëpée  et  le  chapeau  consacrés.  Rien  ne  prouve,  et  ancim  historien  n*a  pu 
prouver,  qu'il  ait  eu  connaissance  des  préparatifs  de  la  Saint-Bartbélemy. 

(31)  Pie  V,  disent  quelques  auteurs  ecclésiastiques,  peut  être  dépeint  par  la 
seule  citation  de  sa  bulle  in  eœnd  Domini,  qui  contient  tout  son  caractère  : 
cette  bulle,  en  effet,  déclare  excommuniés  tous  ceux  qui  en  appellent  au  oondle 
général  des  décrets  et  sentences  du  pape  ;  toutes  les  universités,  collèges  ou 
chapitres  qui  enseignent  que  le  pape  est  soumis  au  concile  général»  tous  les 
princes  qui  fondent  des  impôts  sans  la  permission  du  Saint-Siège,  etc.,  etc.  Il 
faut  ajouter ,  pour  être  Juste,  que  si  la  domination  formait  la  plus  grande 
partie  du  caractère  de  Pie  V,  on  voyait  en  même  temps  ce  sahit  pape  favoriser 
l'institut  de  la  doctrine  chrétienne,  laver  les  pieds  des  lépreux,  les  embrasser 
et  les  consoler,  ruiner  son  corps  de  macération  en  élevant  son  âme  et  consa- 
crer toutes  ses  veilles  à  la  prière,  k  l'étude  et  à  l'administration  de  ses  états. 

(32)  Nella  religione  la  toUo^  mm  solo  d'imitar ,  ma  ancore  ifavanior 

Pio  V,  (P.  TlSPOLO.) 

(33)  Voy.  Schiller,  Ranke,  dispœcio  donato^  ete»  —  L*un  de  ces  brigands 
refusa  le  pardon  solennel  du  pape,  prétendant  <  ehe  il  vioer  fuoruscito  H 
torni  più  à  conto  e  di  maggior  sieur  ta, . .  » 

(34)  Le  jeune  Félix  (depuis  Sixle-Quint)  avait  été  plus  d'une  fois  réduit  à 
garder  les  porcs  dans  la  Marche.  Faute  de  5  bajocchi  par  mois,  son  père  ne 
pouvait  l'envoyer  aux  écoles  ;  un  de  ses  parens,  .un  franciscain,  se  laissa  toucher 
par  la  position  de  cet  enfant  et  paya  ses  mois  d'école.  La  bonne  action  porta 
ses  f  mils!... 

(35)  Pas  un  jour  ne  se  passait  sans  exécution  :  en  tous  lieux,  à  la  ville,  dans 
les  forêts,  dans  les  champs,  on  rencontrait  des  poteaux  sur  lesquels  les  tètes 
des  bandits  se  trouvaient  exposées.  Aucun  moyen  ne  coûtait  à  Sixte-Quint  pour 
parvenir  à  ce  but  :  on  raconte  entr'autres  choses  que  trente  brigands  s'étaient 
retranchés  sur  une  hauteur  près  d'Urbino.  Des  mulets  furent  conduitsdanslea'' 
voisinage  portant  une  grande  provision  de  vivres ,  le  convoi  fiit  piUécomme  oa 
l'avait  prévu  et  les  vivres  consommés  par  les  brigands^ilsétaientempoisonnés. 
—RagguagliotoSixto,  dit  l'historiende  cette  époque,  wepre^e  graneonUnto... 

(36)  roy.  Les  historiens  de  l'époque  et  V Histoire  de  la  Papauté  de  Raake» 
Foy.  aussi  les  stances  du  Tasse  sur  l'aqua  felice  di  Roma, 

(37)  vita  Sixtiipsivs  manu  emendata.  Foy.  dansle  même  ouvrage  le  récit 
plein  d'intérêt  de  la  translation  de  l'obélisque  devant  l'église  Saint-Pierre* 

(38)  Le  père  Cotton.  Ceci  se  passait  dans  la  dernière  année  du  seizième 
siècle.  —  L'édit  par  leqhel  les  jésuites  furent  rétablis  en  France  ne  fut  cepen- 
dant publié  qu'en  1605. 

(39)  Henri  IV  avait  imposé  à  cette  société  robUgation  de  choishr  ses  cheli 
parmi  des  Français. 

(40)  Les  dernières  années  de  ce  pontificat  sont  moins  importantes  et  n'ap- 
partiennent pas,  d'ailleurs,  au  seizième  siècle. 


—  ki»  — 


CIIAPITIIE  SEPTIEME. 


ri)  Le  P.  Alcbard,  Analyse  des  Conciles  ;  Lobineao,  Histoire  de  Bt*- 
tagne  ;  TraTors,  Histoire  des  Étéques de  Nantes;  et  le  P.  Berthier,  iTttfoirt 
de  tâgiise  gattieane, 

(1;  rojf.  le  tome  IV  de  cette  histoire,  chip.  VI.  p.  149  et  soi?. 

(5)  Le  Jntr  converti  qui  voulait  retoarner  au  juddsme,  était  bien  le  maRie 
de  sortir  d'Espagne;  et  en  y  demeunnt.  il  savait  à  quoi  il  s'exposait,  dit  sé- 
rieusement M.  de  Maistre  ;  nul  n'a  le  dnùt  de  se  plaindre  de  la  loi  qui  est  bfie 
pour  tous.  >  Cest  U.  il  faut  l'avouer,  une  singulière  morale  et  une  plus  sinp- 
n^re  tolérance.  «  Quanta  la  torture,  ajoute  M.  de  Maistre.  toutes  les  dédana- 
tions  disparaissent  devant  la  froide  logique  ;  les  inquisiteurs  l'ordonnaient  ca 
vettn  des  lois  espagnoles ,  et  totUes  les  nations  modernes  ont  employé  ce 
OMyen  terrible  de  connaître  la  vérité. . . .  Quant  à  la  peine  du  feu,  c'est  en- 
core on  moyen  universel, ...»  Et  quand  cela  serait,  ce  qui  est  fort  dooten. 

le  moyen  et  l'usage  en  sont-ib  moins  odieux  pour  cela ?  Qui  veut  trop 

prouver  ne  prouve  rien,  et  peut  être,  avec  quelque  Justice,  accusé  de  par 
«alité. 

(4)  Le  danger  croissant  tous  les  Jours,  Ferdinand-le-CathoUqoe  n*inu@ina, 
pour  sauver  l'Espagne,  rien  de  mieux  que  l'inquisition.  Isabelle  y  répugna 
4'aborti,  mais  enfin  son  époux  l'emporta,  et  Sixte  IV  expédia  les  bulles  d'initi- 
tntiota  en  Tannée  1 47S .  (Josipb  de  Mâistib.) 

(8)  Charles-Quint ,  effrayé  des  progrès  dn  luthérianisme  en  Allemagne, 
▼oalut  introduire  l'inquisition  à  Naplcs  pour  l'empêcher  d*y  pénétrer;  il  n'igno- 
rait pas  que  son  grand-pére  avait  déjà  échoué  dans  cette  entreprise,  mais  il  es- 
saya de  nouveau  et  de  nouveau  fut  forcé  d*y  renoncer  :  les  Napolitains  se  aon- 
levërent.  coururent  aux  armes,  et  le  vice-roi  et  l'empereur  capitulèrent  A 
Itome,  l'inquisition  exista,  mais  plus  courte  et  infiniment  moins  féroce  qu'en 
E^gne.  A  Venise,  on  laissait  la  liberté  aux  étrangers,  mais  les  indigènes  pro- 
testants Ibrent obligés  d'abjurer;  plusieurs  prirent  la  fuite. 

{^roy,  Rinx,  etc.) 

(6)  Une  multitude  innombrable  de  juifs,  et  même  de  chrétiens,  émigraea 
France,  en  Portugal,  et  Jusqu'en  Afrique;  d'autres  furent  à  Rome  demander 
Justice  au  pape,  mais  la  volonté  de  Sixte  IV  ne  fut  pas  assez  forte  ou  assez  pnis- 
iMBte  pour  porter  remède  au  mal. 


—  «27  — 

(7)  Noos  ne  prenons  en  effet,  dans  les  dhrers  doemnento  qui  nous  tout  of^ 
ferts,  que  ce  qui  a  le  caractère  dé  la  pins  grande  anthenticité,  sans  cependant 
nier  l'éTidcnce,  et  user  du  subterfuge  dont  se  sert  IL  J.  de  Malstre  ponrpfmiTer 
que  les  inquisiteurs  ecclésiastiques  n'ont  Jamais  été  pour  rien  dans  les  eondm- 
nations  à  mort.  Qu'importe  cette  formule  adopkée  par  eux  ;  Déclar&ns  ^e 
l'accusé  doit  être  abandonné  au  bras  séeuUer,  que  nous  prions  iris^af' 
feetuevsement  de  la  meilleure  et  (à  plus  forte  maniêf-e,  d^en  a§ir  à 
regard  du  coupable  avec  bonté  et  commisération, . . .  Qu'Importe  cette  for- 
mule, si  la  mort  la  suivait  presque  topjoors?  N'est-ce  pas  seulement  l'hypo- 
crisie jointe  à  la  cruauté? 

(8)  L.  Gallois,  roy.  aussi  Lorente,  Layallée,  Caraffa»  oairatfoto,  Ranke, 
Bromate,  etc.  Après  cette  peinture,  dont  on  écartera  si  on  le  tent  tons  tés 
détails  qui  peuvent  être  empreints  d'un  caractère  d'exagération,  Men  que  pris 
dans  les  récits  contemporains,  n'est-il  pas  surprenant  de  Hre,  dans  les  lettres 
sur  rinquisitioQ  de  M.  J.  de  Maistre,  «  ^'1/  ne  peit  y  avoir  dans  l'uttHrers 
rien  de  plus  calme,  de  plus  drcoDspect,  de  plus  humain  par  natare  que  l'iu- 
quisition.  Dans  ce  tribunal,  établi  pour  effrayer  l'imagination,  et  qui  de^t  être 
nécessairement  environné  de  formes  mystérieuses  et  sévères,  le  principe  reli- 
gieux conserve  toujours  son  caractère  ineffaçable  ;  au  milieu  môme  de  l'appa- 
reil des  supplices,  il  est  doux  et  miséricordieux. ...  En  effet,  il  porte  dans  ses 
bannières  la  devise  inconnue  à  tous  les  tribunaux  du  monde  :  MisnicoBDiA  et 

JDSTICIA.  » 

Plus  loin,  M.  de  Maistre  reproche  au  tribunal,  le  croira-t-on?  no  exeès  d'in- 
dulgence. {Lettre  HT,  p.  75.) 

(9)  Le  XVill'  siècle  vit  encore  des  auto-da-fé .  et  le  WX"  des  inquisiteurs; 
mais  CCS  derniers,  il  faut  le  dire  k  la  gloire  de  notre  époque,  n'en  avaieiit  que  le 
titre,  et  n'étaient  que  d'horribles  ombres  du  passé  ;  et  d'aiBeors,  à  eetle  époqve, 
il  fallait  être  en  Espagne  pour  en  supporter  même  l'ombre. 

(10)11  n'est  besoin  que  d'un  seul  exemple  entre  mfUe,  poor  doniler  une 
idée  de  l'ignorance  superstitieuse  des  Inquisiteurs  d'Espagne  :  «  ^û  eomnit- 
saire  de  l'inquisition  voulant  s'assurer  de  la  vérité  des  fklts  Xnltuptùptt  expé* 
rience,  fit  venir  une  vieille  sorcière,  lui  promit  sa  grâce,  à  cdàdflkm  qu'elle 
ferait  devant  lui  toutes  ses  opérations  de  sorcellerie,  et  inl  pèrarit  des'éèhapper 
pendant  son  travail,  si  elle  en  avait  le  pouvoir.  La  iFleflle  «yant  accepté  la  pro- 
position, demanda  la  boite  d'onguent  qu'on  avait  trouvé  sur  elle,  et  monta  avec 
le  commissaire  dans  une  tour,  où  elle  se  pilaça  arec  lui  devant  une  Tenétre. 
Elle  commença,  à  la  vue  d'un  grand  nombre  de  personnes,  par  se  metOre  4e 
son  onguent  dans  la  paume  de  la  main  gauche,  an  poignet,  an  noeud  du  cottde, 
sous  le  bras,  dans  l'aine  et  au  cdté  gauche  ;  enstdle  die  dit  d'une  voit  Ms- 
forte  :  Es-tu  là?  Tous  les  spectateurs  entendirent  dans  les  airs  une  ttlï  qoi 
répondit  :  Oui,  mevoid.  La  femme  alors  se  mit  à  descendre  le  lodg'deteltour. 
la  tète  en  bas,  en  se  servant  de  ses  pieds  et  de  ses  malnB  k  la  «imNiii  M  lé- 


—  î*28  — 

lardt  i  tfrtfée  an  nlUen  de  la  haateur,  die  prit  ton  toI  dans  Talr.  derant  lei 
aMlstanis.  qui  ne  ceM^reot  de  la  voir  qne  lonqu'elle  eot  dépiiië  llioriaoo. 

Dans  rétoonenifiu  où  ce  prodige  avait  plongé  toot  le  monde,  le  i*in"i*tMrn 
Ht  publier  qu'il  accorderait  une  1001010  d'argent  considérable  à  quiconque  ta! 
ramènerait  la  sorcière.  Elle  fat  arrêtée  par  des  bergers,  qui  la  loi  préaentèieit 
au  bout  de  deux  Jours.  Le  commissaire  lui  demanda  pourquoi  elle  n'avait  pM 
viiléasseï  loin  pour  échapper  à  ceux  qui  la  cberdiaient.  A  quoi  ello  répoadll 
qne  son  maître  n'avait  voulu  la  transporter  qu'à  la  distance  de  trois  lieues,  «1 
qu'il  l'avait  laissée  dans  le  champ  où  Ifs  bergers  l'avaient  rencontrée. . . . 

Cette  expérience  ayant  convaincu  le  commissaire  que  cette  malbeanne 
était  réellement  une  sorcière,  il  fit  livrer  a  l'Inquisition  plui  de  cent  finqnwln 
autres  femmes  de  la  même  secte,  que  le  Saint*Ofllee  onndainna  aérieoMnMl 
comme  magiciennes.  • 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  prévenir  nos  lecteurs  que  ce  sont  des  Uatorteni  e^ 
pagnols  oontemporaius  «lui  parlent 

(11)  Il  l'a  été  oeiHuidant,  comme  nous  l'avons  vu  par  M.  de  Matalm.  Nom 
attacherions  plus  d'importance  aux  assertions  du  brillant  écrivain,  b*U  n'avan- 
çait le  plus  gravement  du  monde  1  <*  que  l'inquisition  était  avant  tomt  /Mis 
et  miséricordieuse,  et  qu'elle  n*est  coupable  que  d'unexeée  d^imdmlfenee  s 
T  qu'à  elle  seule  appartient  le  bonheur  dont  a  joui  fSspagnê  mu 
Xf^i'siéele.,,, 

(12)  P.  Tiepolo.  1576,  cité  par  Hankc. 

(13)  L.  Ranke,  Uistoire  de  la  Papauté,  t.  i. 

(14)  D'après  on  titre  conservé  dans  la  coomiune  de  MontIgnf-le-Rci ,  le 
curé  avait  le  droit  de  dire  la  messe  en  bottes,  deux  pistoleti  anr  ranCd,  à  nt 
o6tés  deux  dogues  enchaînés,  et  de  plus,  à  la  porte  de  l'égUse.  un  dMfnl  pié- 
paré  pour  la  chasse  à  cor  et  à  cris. 

(AiARTOif ,  Annuaire  de  la  Càle^éCOr.) 

(15)  y,  les  conciles  du  XVc  siècle;  HUtoria  et  reformaUo  mmêvantêiaiti 
Sermumes  JfeuoCf  ;  Chroniques  de  Jean  de  Troyes  ;  le  Grand  eomehtmkr, 
Montlancon;  Jfomiineii/^  de  la  Monarchie  firançalsei  Gallim  ekrUiimm; 
O.  Veissette,  BisU  du  Languedoc,  etc.,  etc.,  etc. 

(16)  y,  le  Purgatoire,  chap.  X. 

(17)  F,  le  Purgat,,  chap.  X  et  XX. 

(18)  Fontana. 

(19)  /^.lesbistdcNismM,dell6ntauban,de  Génère, etc. K. amallei  Mr* 
monaires  protestants  au  temps  de  Henri  IV,  VMiist,  des  t^rmufàti  «n 
Xr*  sUcle  par  Alexis  MonteU,  etc. 

(90)  y.  le  Journal  de  Uenriir,  MontCauoont  Oallia  ekriêUmna,  Pé* 
réfixe.  etc. 

(21)  L.  de  Camé. 

(22)  Il  n'élait  pas  rare  en  effet,  ft  cette  époque,  de  voir  les  questloiiB  les  ph» 


—  ^28  — 

ardues  résolues  dans  les  plus  boargeolses,  dam  les  moUii  sanntes  Nniitoiis. 
Tous,  depuis  l'écolier  jusqu'au  professeur,  depuis  l'artisan  jusqu'au  prince. 
méditaient  sur  le  libre  arbitre  et  la  grâoe,  et  remuaient  dans  ses  profon- 
deurs le  modo  de  l'action  divine  sur  l'hunumlté  et  les  rapports  de  l'homme 
avec  son  Dieu.  Des  quoitions  que  Platon  n'entrevoyait  qu'à  travers  un  voile 
que  ne  remuait  pas  saus  effroi  le  génie^des  Pères  et  des  docteurs,  étaient  l'en- 
tretien habituel  de  la  famille,  le  mobile  de  toutes  les  passions. 

(23)  Au  V<  siècle,  l'arianisme  a  été  quelque  chose  de  plus  grand,  de  plus 
puissant,  de  mieux  constitué  surtout  que  ne  l'est  la  réforme;  au  VI1«,  la  con- 
quête luuiulmane  débordait  l'Europe  catholique  ;  au  X»,  les  courtisans  lai- 
Mieut  les  papes,  et  les  seigneurs  féodaux  revêtaient  la  mitre  éplscopalei  au 
XV«,  Home  était  l'asile  de  tous  les  vices  et  de  tons  les  crimes  i  au  commence- 
ment du  XVI%  il  paraissait  évident  que  la  France,  les  Pays-Bas,  l'AUemagna 
entière  avec  la  Hongrie  et  la  Pologne  allaient  échapper  au  catholicisme  i  au 
XV1I1«,  les  prêtres,  devant  la  philosophie  oonflante  dans  les  progrès  de  la 
raison  humaine,  osaient  à  peine^  du  haut  des  chaires  chrétiennes,  confesser 
leur  Dieu  crucifié.  Quelques  années  plus  tard,  les  derniers  vestiges  de  la  fol 
étalent  noyés  dans  le  sang. ...  Et  pourtant  le  vieux  dogme  est  debout,  écoutant 
saus  émotion  de  prophétiques  menaces ,  et  sommant  les  doctrines  diverses  de 
le  formuler,  les  hiérarchies  nouvelles  de  produire  leurs  titres. . . . 

(L.  ni  CiBNi  ) 

(24)  ....  Église  chrétienne,  catholique ovl  unioerstlU,  paro^n'elle  em- 
brasse tons  les  temps  et  tous  les  lieux,  qu'elle  est  une  dans  m  foi,  d3ns  sa  morale 
et  dans  son  cultu.  qu'elle  est  gouvernée  par  le  même  chef  et  ne  porte  le  nom 
d'aucun  pays  ni  d'aucun  homme  parlicoUer. . . .  Église  fondée  par  Jésus-Christ 
lui  inAnic,  ({ui,  avec  ses  Apûtres,  en  forma  le  premier  noyau,  et  de  laquelie, 
comme  du  grain  de  sénevé,  devait  sorthr  un  grand  arbre,  qui,  d'après  les  ordres 
de  son  divin  fondateur,  fût  perpétuée  par  sahit  Pierre  et  les  Apôtreii  9«'i/  ê^" 
voya  dans  le  monde  comme  son  Père  l'avait  envoyéM  qu'il  chargea,  non  de 
distribuer  des  livres  et  d'eu  abandonner  l'interprétation  à  chaque  individu, 
mais  tVinsti-uire  tous  les  peuples  de  la  terre,  et  de  leur  apprendre  à  garder 
tous  ses  commandements,  en  leur  adressant  ces  paroles  mémorables  :  Qui 
vous  t'coute  m'écoute,  qui  vous  risette  me  rejette,  et  11  appela  cette  Église 
son  corps,  c'est-à-dire  l'organe  visible  de  son  esprit. . . . 

(Ui  Hallbi,  Hitt»dcla  lié  forme  protestante  dans  la  Suisse,) 


—  IjôO  — 


CHAI>ITK1-:  lilJITlEMK. 


(1  )  L'ëUbllMenieiit  dfii  compaicntes  île  troii|>et  régulfèret .  par  IV 
lie  Gharlet  \U,  m  MM.  fnt  une  mmure  pollthiue  et  très  popnlaira.  Oa  peu  le 
rrgtrder  comme  le  premier  exemple  d'une  année  peramenlecn  Barope. 

(HàLLAM.) 

• 

(2)  Les  éUU-généraux  ne  furent  convoqués  qne  rarement  loiis  Cbntas  fl  et 
Charles  Vil.  Tous  doux  levèrent  des  impdls  sans  leur  oonoosm.  CcpealMt  en 
trouve*  sous  le  dernier  de  ces  princes,  de  fortes  preuves  qoa  radhéstai  dei 
représentants  de  la  nation  était  encore  jiiRée  nécessaire  ponr  la  vaMHé  de 
toute  ordonnance  qui  Imposait  une  taxe  {générale,  quoique  la  gravilé  des  dr- 
oonstanoef  pAt  excustcr  des  mesures  arbitraires.  C'est  ainsi  qui»  44K. 
Charles  Vil  déclare  qu'il  a  renouvelé,  avec  le  conseniement  des  troUmràru, 
les  aides  qui  avaient  été  prt^ct^deroment  al»olies.  L'édit  important  qui  créa  tes 
convpagniet  d'ordonnance  |>orte  au&si  qu'il  a  été  Lit  de  l'avis  et  du  eonseU 
des  élats  g^éraux  assemblés  à  Orléans.  Il  semble  même  résulter  daa 
employés  dans  le  quarante  et  unième  article  de  cet  édit,  que  nul 
pouvait  être  légalement  établi  sans  ce  consentement.  Qnelque*  écrifalna  eut 
prétendu  que  la  taille  perpétuelle,  établie  vers  le  même  temps,  fut  réelleBBeBt 
consenlie  par  les  états  de  1439. 

(y,  Hallam.  BoulalaviUiers,  Bréquigny,  Goizot.  et  les  ordonnanoei  dei  rais 
de  France.) 

(3)  Dans  le  principe,  le  parlement  n'était  qu'une  simple  oonr  ou 
de  Justice  institué  pour  Juger  les  procès  Miivant  les  lois.  Ll  se  bomlt 
pouvoir. 

Avant  Charles  M,  chaque  parlement  était  annuel,  et  ne  tenait  que  deux 
sessions  dans  l'année,  l'une  ï  Pd'^ucs  et  l'antre  à  la  Toussaint. 

Les  rois  nommaient  chaque  année  les  juges  qui  devaient  le  oompoaer. 

Suus  (Uiarles  VI,  le  parlement  fut  rendu  permanent  :  à  cette  époque  les  Joges 
(Commencèrent  k  jouir  de  leurs  onices  pendant  tout  le  ri-gnc  du  priuœ  qui  ks 
avait  nommé»,  mais  ils  avaient  bcsuin  d'être  confirmés  par  son  successenr. 
~  A  la  uièuie  é|>oque,  le  parleincnl  acquit  le  druit  de  présenter  lul-méoe 
au  roi  les  personnes  qu'il  désirait  pour  remplir  les  places  qui  venaient  k 
vaquer. 

Cette  compagnie  était  considi'rée  par  ses  lumières,  et  quoiqu'elle  n'eût  aneui 


—  W54  — 

droit  de  prondro  part  I  r«dmliiiitr«tiiMi  d#  V^^,  li#  rp|«  éV4#Rt  dMi|  l*||i|ii 
d'appeler  k  kuir  conseil  quelques-un»  de  ni  princii^]^  nietalins. 

Ce  tpil  augmenta  beaucoup  le  lustre  dn  parletneot.  Cttt  luNige  que  les  cq|a 
suivirent,  depuis  Charles  V,  do  venir,  acoompagnéi  dea  primoea  et  dea  grtwM, 
y  tenir  les  asii'mbk^s  solennelles  appelées  lila  de  juHiee%  dana  lesquell^  tt| 
réglaient  les  alTairos  les  plus  importantes.  Coi  usage»  en  flattant  la  vM^té  dea 
Juges,  leur  inspira  le  déilr  de  devenir  hununet  d'état. 

Dans  h»  cil-constances  où  le  Joug  du  pouvoir  absolu  des  roia  paraiiaalt  tro|^ 
dur.  tous  ceux  qui  en  étaient  vicUiucs.  privés  de  la  protootioi|  dea  étala  géné- 
raux tombés  en  dtî^iuétude,  tournèrent  leurs  regarda  vert  le  parlement,  aeul 
corps  dont  Ils  pouvaient  attendre  queltiucs  socours)  et  ils  l'invitèrent  à  at 
ivuàrc  le  pn)tccleur  du  peuple. 

On  vit  des  provinces  y  porter  leurs  protestations  et  leurs  appels  dea  prdom 
nauccs  par  lcs(picllos  le  gouvernement  les  surchargeait  dl^pOta  icMtrateia 
C'est  ce  que  tirent  aussi  la  noblesse  du  Languedoc,  en  IS7I,  la  oomteiae  de  Va- 

I  entin()ls.  le  sire  de  Tourny,  et  plusieurs  barons,  on  1383.  L'université  de  Parla 
riuvita,  en  1413,  à  foire  des  remontrnnces  au  roi,  sur  la  mauvaise  administra- 
tion des  flnances. 

Cette  conflance  dont  le  publie  honorait  le  parlement  flt  comprendre  Itoua 
ceux  qui  se  disputaient  l'autorité  royale  combien  il  .leur  serait  avantageux  de 
s'attacher  cette  compagnie.  Les  ministres  la  consultèrent  sur  les  opératlona 
qu'ils  méditaient.  Chaque  parti  qui  occupa  le  mlniatère>  déairant,  pour  s'y 
arferuiir,  donner  plus  de  crédit  à  ses  ordonnanoes,  prit  l'habitude  de  IcaWre 
publier  au  parlement,  et  de  les  faire  tranaortare  dana  aea  regiilrei,  afin  de  |iA* 
rattre  avoir  l'approbation  de  cette  cour. 

Telle  Tut  l'origine  do  reureglsiremcnt;  formalité  dont  le  parlement  aboaa  al 
fi)rt  dans  la  suite,  qu'elle  devint  entre  les  rois  et  lui  l'ocoaaion  dea  pliu  vlolenls 
déniiMés  dont  le  dernier  a  donné  naissance  à  la  lévoluiion. 

(r.  Mably,  Thoiiret,  ctn.). 

^4)  Le  roi  Jean,  disait  en  1360  :  si  la  bonne  foi  était  bannie  de  la  terre,  on 
devrait  la  retrouver  Oans  la  bouche  des  rois. . .  Louis  XI  changea  cette  belle 
niaxiiue,  el  conuno  poiu*  répondre  au  bon  roi,  il  disait  >  «  qui  ne  sait  dlisl- 
inulor.  ne  sait  régner.  —  Si  mon  chapeau  uvalt mon  seeret,  je  le  brAlerals. .  .t 

II  (!st  dDulourcux  d'avoir  à  appeler  cela  un  progrès,  mais  TRurope  était  trop 
vioilir  ou  trop  Jeune  pour  supporter  les  résultats  de  la  maxime  du  roi  Jean. 

^5)  Louis  M  est  bien  l'un  des  premiers  souverains  de  rSuropo  qui  ait  fiUt 
succéder  la  di(»lou)atie  k  la  force,  mais  il  n'est  pas  le  seuls  le  mouvement  élall 
gt^ieral  :  «  c'est  au  quinxième  siècle,  dit  If.  Guiiot,  que  les  relations  dea  goa- 
vernenu*nls  entre  eux  ont  commencé  à  devenir  fréquentes,  régulières,  perma- 
ncnte;}.  Alors  se  sont  formées  pour  la  première  fols  ces  grandes  eombânalsona 
d'alliance,  soit  pour  la  paix,  soit  po^r  la  guerre,  qui  oi^t  prodllU  pina  tard  le 
système  (le  l'équilibre.  La  diplomatie  date,  en  Europe,  du  quinxième  liècle» 


—  4SS  — 

la  feit,  totm  foyei  fart  la  Un  deeeilècletefpriiidpalet  pnlMiner  i  du  coiiaagi 
européen,  let  papa,  lei  ducs  de  MlUn,  les  VénlUaii,  lat  anapareiin  d'Allir 
nainie,  tel  rois  d'Kipagne  et  let  robde  France  te  rapprocher,  négocier,  iTea» 
tendre,  s*anlr,  te  iMlanoer.  Alnti,  an  moment  où  CharleaVUI  Ikllaoneipé* 
ditloo  pour  aller  conquérir  le  royaume  de  !Saplct.  une  srande  ligne  te  noue 
contre  lai  entre  l'EiiiaRne,  le  pape  et  Ift  Véoitlent.  La  ligne  de  C^ndirai  m 
forme  queliiuot  annces  plut  tard  (an  1508).  contre  lee  Vénltient.  La  sainte  Dgne, 
dirigée  contre  Loult  XII,  tiiccùdc  en  I5H  à  la  ligue  de  Cambrai  ■.  Ce  nontel 
ordre  de  faltt  n'a  pu  qu'être  farorable  à  la  royauté  et  an  développeneul  île 
tonpouToâr  :  Il  diplomatie,  pour  être  bien  conduite,  vent  noc  lAle  unique  et 
forte. 

(6)  Uant  l'espace  d'un  tiècle.  Il  s'écroula  dlx-tept  malsons  souveralues  >  Ici 
malsons  de  Foix,  d'Arragou,  d'Armagnac,  de  Chiloos,  de  Milan,  d'Urltùi,  de 
Reoii.d'Albret,  des  comtes  palatins  du  Rhin,  de  Glèvcs,  deLatour,  de  Val- 
fin,  de  Visca,  d'Bst,  de  Rurlck.  de  Tudor  et  de  Joniaque. . . . 

Il  était  donc  dans  la  destinée  de  la  noblesse  de  disparaître  pcédsément  i 
cause  de  la  part  qu'elle  prenait  à  la  couduiie  des  sociétés  naissantes,  cunuae 
sllMeunelttiaTalt  permis  de  donner  la  fie  au  peuple  qn'en  la  perdani,  uu 
comme  s'il  était  dans  les  deOinées  de  tout  instrument  de  dviUsalion  de  is 
roni;ire  nécessairement  à  l'œuvre.  (A.  GiAinia  ni  CAstAOïac.) 

(7)  y,  le  même  antenr.  *-  '\  aussi  Dnclos.  Cayx,  etc. 

(!)  Les  Yieilles  garanties  nationales ,  et  les  usurpations  poalétlenrca  de  la 
féodalité,  périssaient  oonfoadoes  au  profit  du  pouvoir  royal.  Lee  états  gêné* 
ranx,  négligés,  avaient  cédé  aux  rois  toute  la  iHiissance  législative.  Les  jm- 
tiees  royales  avalent  étouffé  peu  à  peu  les  Justices  seigneariales  i  et  les  teala- 
tivet  beureuses  de  Charles  VII  et  de  Louis  XI,  pour  avoir  de  l'argent  tans  le 
concourt  des  états,  et  une  force  armée  permanente  sans  le  conoonn  des  gnaéi 
vassaux,  avaieut  complété  cette  transformation  d'un  gouvernement  preniae 
démocratique  dans  l'origine,  puis  aristocratique,  en  monarchie  pnre  et  ah* 
aolne.  (RAnt.) 

(9)  Louis  XII  convoqua  les  états  généraux  «né  fois  (en  480g),  et  dam  1a  seul 
but  de  s'autoriser  de  leur  assentiment  pour  rompre  le  mariage  de  u  fllle  avec 
Charles  de  Luxembourg,  et  à  violer  un  traité  qui  entraînait  le  démembrenMBt 
du  territoire. 

(10)  Louis  s'attacha  surtout  à  écarter  du  peuple  le  fardeau  des  lro|iAts  i  U 
commença  par  abolir  le  droit  de  Joyeux  avènement,  qui  s'élevait  à  S00,000  fr.. 
et  la  dixième  partie  des  talilei.  Il  n'exigea  pour  toutes  contributions  que  deux 
millions  et  demi  environ,  etc.  (r.  les  mémoires  du  tenpa.) 

(11)  Henri  II,  affligé  de  la  mort  de  Lachâtaigneraie,  dont  II  avait  autorité  le 
duel  avec  Jamac.  se  décida  enfin  à  abolir  par  un  édlt  les  oonbats  Judidahts. 


Deia  «ntrei  duels  eurant  cependant  lien  après  cet  édit.  Cette  contume  tonte 
Itarbare  arait  autant  de  peine  I  se  déraciner  alors,  que  le  simple  duel  en  a  au- 
jourd'hui. 

(y.  Cayx,  Précis  de  tHisU  de  France). 

(12)  r.  le  même  auteur. 

(IS)  F.  Hume,  Onizot«  et  surtout  Hallam  f(l*Surope  au  moyen  âge\  dans 
lequel  on  trouvera  de  précieux  détails  sur  la  constitution  anglaise  du  XVf  au 
XVie  siècle. 

(14)  r.  Marina. 

(15)  H»  a  su^licado  el  reino  a  F»  M,  no  sepromulguen  nuevas  leges,  ni 
en  todo  ni  en  parte  las  antiguas  se  alteren  sin  que  sea  por  Cartes. . .  y  por 
ser  de  tanio  impùrtanda  vuelve  el  reine  a  suppticarlo  humUmente  a  F.  M, 

{Teoria  de  las  Cortés.) 

(16)  r.  Marina,  Teoria  de  Las  Cartes,  Hallam,  Rabbe.  etc. 

(17)  F,  Guizot,  Rabbe,  Robertson  et  Hallam.  F»  aussi  Goxe,  Pfefrel,  Scbmidt» 
Pntter  et  Struvins. 

(18)  Voyez  Sismondi,  Histoire  des  républiques  Italiennes,  Guicciardini , 
l'abbé  Dubos,  Scipione  Ammirato,  etc. 

M.  de  Sismondi  estime  qu'il  pouvait  y  avoir  alors  en  Italie,  sur  dix-buit 
millions  d'habitants,  seize  à  dix-huit  mille  hommes  Jouissant  des  droits  poli- 
tiques ;  tandis  qu'an  Xiy«  siècle  on  en  aurait  peut  être  compté  cent  quatre-vingt 
mille,  et  qu'au  XlUe  siècle  le  nombre  des  citoyens  aurait  pu  s'élever  Jusqu'à  un 
million  huit  cent  mille.  La  liberté  n'était  donc  plus  qu'un  privilège,  et  les  répu- 
bliques Italiennes  étaient  devenues  des  aristocraties. 

(49)  Quelques  états  européens,  et  notamment  la  Pologne,  pourraient  échapper 
à  cette  exclusion  :  la  Pologne,  en  effet,  avait  une  constitution,  mais  les  détails 
nous  échappent,  et  comme  nous  l'avons  dé|jà  dit,  notre  œuvre,  toute  généra- 
lisatrice,  ne  les  comporte  pas.  Voyez  pour  ce  qui  concerne  ce  peuple,  à  part 
entre  tous  les  peuples  du  Mord,  les  œuvres  de  Dlugoss,  Sollgnac,  Contant  d'Or 
ville,  Koch,  Rulhière,  Thiessé,  etc. ,  etc. 

(90)  Cours  d'histoire  modemey  professé  en  4828, 1  la  Sorbonne. 


518 


—  n»  — 


CHAPITRE  NEUVIÈME. 


(0  mdU^  Mémoires  de  Luther. 

(3)  iiaritagia  reetUefaeta.  F.  Lalber  et  Dncange. 
(3)DDcaiige. 

(4)  De  Mayer.  Galerie  du  Xyh  siècle. 

(3)  sututfl  «ynodanx  de  Troref,  Forma  sponsalimm. 

(fi)  Y.  Bracton.  Jonhioo  et  Uichelet. 

\J)_  11  j  est  dit  expressément  que  cbacan  des  liabitants  pomi  coDchet  liée 
sa  finiune  la  première  nuit  de  set  nooes  sans  permissUm  de  tévéque.  F»  Las- 
rière.  t.1. 

(5)  Statuta  eccles.  Meldeni,  dté  par  Mlchelet. 

(9)  F.  les  dlters  édits  de  Charles  IX  de  «98S  à  4887. 
CIO;  Eiitrapel  et  Rabelais,  cités  par  Honteil. 
(I I  )  Eotrapel  et  Rabelais ,  cités  par  Montell. 

(12)  f\  les  biojo'aphiej  et  en  particolier  les  Heures  du  XFtt  sUde. 

(13)  A.  Monteil,  t.  5. 

(1 4)  La  sorodierie  s'était  aussi  fait  jour  dans  le  peuple,  qnl .  pfaM 
imitait  de  bonne  foi  ce  qn'il  Toyait  dans  les  rao^  plos  élefés  qm  les 
Ainsi,  des  enchanteurs  de  bas  étage  lui  Tendaient  da  vent,  de  la  ploie,  des 
mans,  des  pliiltres,  etc.  selon  leurs  besoins.  La  magie  noire  et  4ilaDcbe 
en  honneur  dans  tuutes  les  classes  de  la  société  des  XVe  et  XTI«  slfrla  Oa 
peut  consulter,  pour  s'en  convaincre,  les  traités  de  nécromancie  de  lYprapti. 
et  les  divers  ouvrages  de  sorcellerie  dont  le  nombre  est  aaseï  grand.  Les  t||kt- 
graphies  de  quelques  villes  s'en  occupent  aussi  sérieusement,  oeUci  de  Ttofm, 
Rouen.  Arras.  Provins,  par  exemple. 

(13;  V.  les  procès-verbani des  états  provinciaux,  les  statuts  de  dlvert  dio- 
cèses, les  coutumes  d'Amiens,  du  Haine,  de  Bretagne,  de  Toaraiiie.  de  Ter* 
mandois.  du  Bourbonnai«.  etc..  etc..  le  traité  de  la  noblesse  par  Laioipe»  toi 
notes  recueillies  par  AI.  Monteil,  etc. 

(16)  y.  Godefroy,  André  Lavigne  et  les  historiens  de  Oiarles  YII,  Lonii  XI 
et  Charles  Vlll. 

(17)  V.  les  Honneurs  de  la  cour,  par  la  vicomtesse  de  Fnmes.  Cette  noite 
dame  raconte  de  plus  qu'à  la  mort  du  roi  la  reine  de  France  ne  peot  aortir  iTiB 
an  et  ne  doit  voir  pendant  six  semaines  d'antre  lumière  que  celle  dei 


—  «55  — 

(18)  r.  redit  du  7  juillet  1606  sur  les  logements  à  la  cour  et  suite  du  roi, 
'édit  du  24  mars  1539  %\ktlefaici  des  vivres  de  la  cow\  l'ordoniianoe  do 
12  janvier  1578  sur  les  querelles  et  l'Histoire  générale  de  Daubigoé,  citée  par 
A.  Monteil. 

Si  monseigneur  veut  venir  avec  ses  amis,  les  voisins  devront  lui  donner  bêtes 
qui  volent  et  nagent,  bêtes  sauvages  et  privées,  et  on  le  traitera  bien.  On  don- 
nera au  mulet  de  l'orge  d'été,  au  faucon  une  poule,  et  au  chien  de  chasse  un 
pain  ;  aux  lévriers  aussi  on  donnera  du  pain  en  suffisance,  lorsqu'on  l'emporte 
de  tabJe,  et  on  devra  donner  aussi,  pendant  qu'on  sera  à  table,  foin  et  avoine  en 
suffisance  aux  chevaux. ...  Et  la  femme  du  fermier  fera  coucher  le  seigneur  de 
la  cour  sur  un  lit  écorché  (tout  prêt)  et  sur  des  draps  qui  craquent  (secs).  Si 
mieux  elle  agit,  mieux  elle  remercie.  Le  seigneur  envoyé  entrera  à  cheval  avec 
quatre  chevaux  et  demi  (quatre  chevaux  et  un  mulet),  avec  cinq  chevaux  et 
demi  (cinq  hommes  et  un  garçon)  ;  on  lui  préparera  un  lit  écorché  avec  des 
draps  qui  craquent  et  un  feu  sans  fumée.  G.  258.  Les  seigneurs  justiciers  de- 
vront, la  veille  du  jour  d'assemblée,  à  l'heure  du  repas,  se  présenter  avec  deux 
hommes  et  demi,  deux  chevaux  et  demi,  deux  chiens  et  demi,  et  demander  le 
repas  ;  s'il  est  prêt,  ils  descendront  de  cheval  et  boiront  chopine  ;  si,  au  con* 
traire,  il  ne  l'est  point,  ils  se  retireront  dans  la  première  auberge,  s'y  feront  pré- 
parer un  repas,  et  ce  repas,  c'est  la  petite  propriété  (das  niedere  eigentkum) 
qui  le  paiera  (année  1575).  Ceci  est  pour  l'Allemagne,  r.  Micbelet,  Origine 
du  Droit  français. 

(19)  Description  de  l'isle  des  Hermaphrodites. 

(20)  ...  Et  premièrement  à  François  Clouet ,  peintre  et  valet  de  chambre 
dudit  seigneur. . .  à  sçavoir  vingt  solz  en  plâtre,  huile  et  pinceaulx  pour  mouler 
le  visaige  et  effigie  d'icelui  deffeunct  roy...  douze  livres  dix  sols  pour  vingt- 
cinq  livres  de  cire  blanche....  employée  pour  ladite  effigie...  quarante-hait 
solz  pour  six  livres  de  céruse  pour  mettre  avec  la  cire  blanche.  Roole  des  par- 
ties et  sommes  payées  pour  les  obsèques  et  pompes  funèbres  du  feu  roy 
Henri  II. . . .  An  milieu  du  cœur  fut  mis  la  bière  dudit  feu  seigneur  sur  trois 
trettaux. . .  autour  étaient  seize  gros  cierges  de  cire  blaucbe. . .  Toute  la  dicte 
église  entre  les  pilliers...  innombrable  quantité  de  cierges  et  luminaires... 
Services  pendant  plusieurs  jours. . .  Le  lendemain  mardy. ..  à  la  fin  de  la 
messe. . .  le  cardinal  de  Bourbon  et  ses  religieux  vinrent  devant  la  cave  où 
devoitêtre  inhumé  ledit  seigneur...  Le  corps  dudit  seigneur  roy  fut  dévallé 
en  ladicte  cave...  Le  corps  ainsy  dévallé, Normandie ,  le  plus  ancien  roy 
d'armes,  appela  à  haute  voix...  Monseigneur  de  Sedan,  apportez  votre  en- 
seigne, ce  qu'il  fit. . .  la  mit  bas  et  dans  la  cave. ..  etc.  des  autres. . .  Monsei* 
gncur  d'Annebaud,  apportez  la  bannière  de  France,  ce  qu'il  fit,  et  fut  mise  ea 
bas  en  ladite  cave. . .  Le  roy  d'armes  cria  par  trois  fois  le  roy  est  mort. . .  et 
après  vive  le  roy,  répété  par  tous  les  roys  d'armes. . .  (Pompe  funèbre  de  Fran- 
çois 1er.) 

28. 


(M  )  V.  U  IUblk>tlièqiie  biDçalM  de  G<mjet  et  letGoolei  tfSatrapel,  ci^ 
Al.  Mooteil. 

(32)  Léop.  Rankf ,  d'après  let  dironiquet  det  XIV  et  XVe  lièclef . 

(23)  f\  let  UéiDOiret  de  BaMompierre,  de  Sally.  de  Francton,  ete.— Le«eoi- 
trals  feicelUieat  alors  |)ar  un  baiser  :  Moi  Itambtrt,  j'aeeorde  de  meê  bêmu 
ce  qui  a  été  donné  à  la  sainte  Vierge  et  à  saint  Cyprien,  sansi 
cependant  tout  droit  seigneurial  ;j'ai  promis  en  baisant  le  crucifix 
Véijlise  de  Saint- Just,  et  J'ai  confirmé  cette  promesse  par  un  baiser, 

(2«)  V.  les  mémoires  du  temps  et  les  Contes  d'Eutrapel. 

(25)  Les  sens  Âgés,  dit  U.  Monteil.  peuvent  se  soutenir  de  cette  plirtK(^ 
t'était  coosenrée  jusqu'au  XVlll';  siècle)  de  la  part  du  bourreau,  <|u'od  reeoB- 
naissait  alors  a  la  potence  et  à  l'échelle  brodée  qu'il  portait  tur  ton  liaML  U 
bourreau,  à  cette  époque,  était  beaucoup  plus  en  contact  avec  la  popuhliai 
qu'il  ne  l'est  aujourd'hui. 

(26)  V.  les  niéiiioin'i  du  temps  et  les  Contes  d'Eutrapel. 
(27;  V.  les  Mémoires  de  Franciou  et  le  Recueil  det  prorerttes. 

(29)  V.  les  Mémoires  de  Francion.  V.  aussi  l'Ile  det  HermaphrodiCet  et  la 
Confession  de  Sancy. 

(29)  Ordonnance  signée  li  Saint-Gerroain-en-Laye.  Juillet  f  SS4 , 
en  t06l. 

(30)  V.  X Histoire  de  Paris,  par  Félibien  et  Lobineau.  V.  anal  let 
du  Parlement.  1526.  1558.  1598. 

(31  )  V.  le  Journal  de  Henri  tll  et  Henri  lf\  Tordonnanoe  de  llloit,  1879. 
couccruant  la  justice,  les  Mémoires  de  d'Aubigné.  etc. 
(32;  V.  Hugo.  Notre-Dame  de  Paris, 

(33)  Micbelet.  Origine  du  Droit  français. 

(34)  J.  d'Auton.  dlé  par  Michelet. 

(35)  Année  1449. 

(36)  Micbelet,  Origine  du  Droit  :  La  femme  qui  dira  vilenie  à  outre,  <i 
comme  de  putage,  paiera,  ou  elle  portera  ta  pierre,  toute  nue  an  sa  che- 
mise, à  la  procession,  cl  celé  la  poindra  après,  an  la  nage  d'un  açuillo». 

(CAIPtXTin.) 

(37)  Le  dod  judiciaire  était  cependant  fort  rare  à  cette  époque,  et  Ibrt  re- 
marqué par  les  historiens  comme  des  érénements  tinguUen.  même  chei  les 
gentilshommes,  parmi  lesquels  ils  étaient  si  communs.  On  en  trouTe  quelques 
exemples  dans  Monstrdet.  Martin  Did>elloy,  Lauriere,  etc. 

(38)  V.  les  ordonnances  de  1514.  1534.  I VSO  et  1586,  relatifes  aux  genres 
d'armes  dtéet  par  Monteil-  y>  aussi  les  vuvrei  de  Branldme  et  de  Jean  de 
Caurre. 

(39)  V.  Hugo,  Notre-Dame  de  Paris. 

(40)  Idem,  idem. 

(41  )  V.  Ruffi .  Depplng.  etc. 


—  Uù7  — 

(42)  Voy.  le  Natalilium  fidei,  Mb.  5.  --  De  rébus  Emmanuelis^  etc. 
(45)  Declaratio  et  limitatio  constUuHonis  Pauli  IF,  —  Voy.  le  Bulta- 
rium  magnum  romanum. 

(44)  De  Tbou.  ffist.  unioersellf,  1. 1.  —  A  cette  même  époque  on  enterrait 
les  animaux  à  l'égal  des  hommes.  On  lit  dans  Baluze  une  singulière  formule 
pour  rappeler  la  reine  d*uu  essaim  d'abeilles  :  Je  t'adjure,  lui  criait-on  so- 
lennellementi  Ud  mère  des  abêtîtes^  au  nom  de  Dieu,  Roi  du  ciel,  et  du  ré» 
dempteur.filsde  Dieu ,  je  t'adjure  de  ne  voler  loin  ni  haut,  mais  dere» 
venir  au  plus  vite  à  ton  arbre.  Là,  tu  te  placeras  aoec  toute  ta  lignée  ou 
tes  compagnes.  J'ai  là  un  bon  vase  bien  préparé  où  vous  travaillerez  au 
nom  du  Seigneur,  ^  Adjuro  te,  mater  avioritm..  .etc.  —  Les  angoOlet  d« 
lac  Léman*  les  papillons  de  Saluoes»  les  sangsues  de  Bemet  jouent  aussi  ao 
grand  rôle  dans  les  fastes  de  la  justice  criminelle  en  Suisse. 

(45)  VidXï\sotL^Descript*ofBrit. 

(46)  Pfefrel. 

(47)  Voy,  iEoeas  Sylvius  de  moribus  germcmorwn,  Hallam,  etc. 

(48)  Voy.  Rulhière,  KJapproth.  Lévesque,  Depping,  Rabbe,  etc. 

r49)  Nous  dirons  à  ceux  de  nos  lecteurs  que  ce  sujet  intéresserait  plus  parti- 
culièrement, qu'indépendamment  des  ouvrages  de  science  et  d'hbtoire  qu'on 
peut  consulter  pour  connaître  les  mœurs  des  W*'  et  XVIc  siècles,  il  est  des  ou- 
vrages moins  sérieux,  mai^  d'un  grand  mérite,  qui  peignent  admirablement 
cette  époque  :  ainsi,  Gilblas  pour  l'Espagne,  le  Château  de  Kenilwort  pour 
l'Angleterre,  i  Prçmessi  sposi  pour  l'Italie,  Quentin  Durward,  et  Notre- 
Dam>e  de  Paris  pour  Ja  France,  etc.  Quant  à  Voltaire,  qui  a  fait  un  ouvrage 
spécial  sur  VEspi'it  et  le^  mœurs  des  nations,  on  ne  trouve  rien  chez  loi. 


—  1(38  — 


CII.VPITUE  DIXIÈME. 


(I)  Void  le  Ubieaa  des  dif  enet  académies  fondées  pendant  le  ccnizb  des  XT« 
et  XVic  siècles,  avec  la  date  de  leur  création. 

Turin I40S 

Ail IMt 

Ingolstadt MIO 

Leipsick I4M 

Saint-André,  en  Ecosse 4411 

Louvain 4411 

Déle I4S 

Poitien 4419  et  I4SI 

•     Bordeaux 144© 

Besançon 148i 

Caen i4tt 

Glascow I4S8 

Valence,  en  Dauphiné 1451 

Bâle 140» 

Fribourg 1460 

Bude 141» 

Bourges 14G6 

Tobingnc 1477 

t'psal réformée  en  1477 

Aberdeen 1477 

Copenhague 147« 

Palma 148S 

An  XVi*:  siècle,  l'électeur  de  Saxe.  Frédéric-le-Sage,  fonda  l'nnifviilé  de 
Wittemberg,  en  1502;  l'électeur  de  Brandebourg.  Joacfaim,  fonda  eelte  de 
Francfort  sur  l'Oder;  le  cardioal'Ximénès  établit  enlEspagne  ronlversité  dTAl- 
cala(l5l7);  Charles-Quint  fonda  celle  de  Séville  ^1 521),  celle  de  Coopostdle 
(1332),  celle  d'Oviedo  (1556),  celle  de  Grenade  (1537),  et  celle  de  Tortose 
(1340).  L'université  de  Strasbourg  fut  fondée,  en  4538,  par  le  sénat  deoelte 
ville.  Le  roi  de  Danemarck,  Frédéric  le>,  fonda  celle  de  Copenhagoe  (ISS), 
tandis  que  le  pape,  Paul  Ul.  fondait  celle  de  Macerata,  dans  la  marche  d*An- 
cône.  Albert  Ki  fonda  celle  de  Kœnigsberg,  en  4544.  Le  roi  de  PortogaL 
Jean  lU.  avait  fundé  ceUc  de  Goùnbre,  en  4641 .  Cosme  U  dota  Florence  d'i 


—  ^59  — 

unlYersité  (f84^;  le  cardinal  de  Lorraine  en  donna  une  à  la  Tille  de  Hheidif 
(4547),  an  moment  où  JacqnetVl  réorganisait  celle  de  Glasoow.  Charks-Quint, 
qui  en  avait  tant  fondé  en  Espagne,  en  fonda  une  en  Sicile,  à  If  esaine  (484S)  ; 
trois  ans  plus  tard  il  transportales  oonnainances  européennes  dans  le  Nouveau- 
Monde  par  l'établissement  des  universités  de  Mexico  et  de  Uma. 

En  France,  depuis  Philippe-Auguste,  Tuniversité  jouissait  de  nombreux  pri- 
vilèges, et  entr'autres  de  celui  de  ne  point  relever  de  la  justice  séculière  dans 
les  causes  criminelles.  Ce  privil^e  était  si  cher  à  runiversité,  qu'eUe  le  dé- 
fendit en  toute  occasion,  et  par  tous  les  moyens  qui  étaient  en  son  pouvoir. 
En  4304,  elle  cesse  ses  leçons  pour  obtenir  vengeance  du  prévôt  de  Paris,  qui 
avait  condamné  à  mort  et  fait  exécuter  un  de  ses  membres.  En  4384 ,  elle  accusa , 
devant  l'évëque  de  Paris,  Hugues  Aubriot.  aussi  prévôt,  et  dont  le  crime  était 
d'avoir  fait  emprisonner  des  écoliers.  En  4407,  le  sire  de  TignonvUle,  égale- 
ment prévôt,  avait  fiit  arrêter  deux  écoliers,  coupables  des  plus  grands  forfaits; 
il  avait  eu,  avant  de  les  faire  juger,  la  précaution  d'offrir  de  les  remettre  à  la 
justice  de  l'université  i  eUe  répondit  qu'elle  désavouait  de  pareils  membres: 
ils  furent  pendus.  Jean-Sans-Feur.  qui  en  voulait  au  sire  de  TignonvUle  pour 
ses  actives  recherches  an  sujet  du  meurtre  du  duc  d'Orléans,  excita  si  bien 
contre  lui  ses  partisans  dans  l'université,  qu'elle  ordonna  la  cessation  des  études 
et  des  sermons,  alla  trouver  le  roi  en  corps,  demanda  vengeance  au  sire  de 
Tignonville,  et  menaçant,  si  elle  lui  était  refusée,  de  quitter  Paris.  Le  roi  céda, 
Tignonvillefut  destitué  et  condamné  à  des  excuses;  il  s'acquitta  de  ce  dernier 
devoh:  d'une  façon  assez  ironique  : 

«  Messeigneurs,  dit-il,  outre  Je  pardon  que  vous  m'accordez  je  vous  ai 
grande  obligation  ;  car  lorsque  vous  m'avez  attaqué,  je  me  tins  pour  assuré 
d'être  mis  hors  de  mon  état;  mais  je  craignais  qu'il  ne  vous  vint  aussi  en  idée 
de  conclure  à  ce  que  je  fusse  marié,  et  je  suis  bien  certain  que  si  une  fois  vous 
eussiez  mis  cette  conclusion  en  avant,  il  aurait  fallu,  bon  gré,  mal  gré,  me 
marier  par  votre  grâce;  vous  avez  bien  voulu  m'exempèer  de  cette  rigueur,  ce 
doptje  vous  remercie  três-humblement  ». 

Ce  n'était  pas,  au  reste,  pour  ce  seul  privii^  que  l'université  combattait  i 
coup  de  cessation  de  sermons  et  d'études  ;  elle  les  défendait  tous  ainsi,  et  ses 
prétentions  en  ce  genre  étaient  si  multipliées,  et  souvent  si  Insoutenables, 
qu'elle  fut  fréquemment  obligée  de  recourir  à  ce  moyen  extrême.  Il  lui  réussit 
long-temps  ;  chacun  tremblait  devant  cette  interdiction,  et  elle  finissait  tou- 
jours par  arriver  à  ses  lins.  Le  premier  échec  qu'elle  reçut  lut  de  la  part  des 
Anglais,  au  moment  où  Paris  leur  appartenait;  l'université  réclama  contre  des 
impôts  que,  malgré  son  droit  reconnu,  on  voulait  lui  imposer.  Loin  d'écouter 
CÊB  doléances,  le  roi  Henri  la  fit  taire,  et  la  menaça  de  prison.  Cette  défaite  fut 
sHîvie  de  phisieurs  autres.  L'université  avait  la  prétention  de  n'être  jugée, 
dans  toutes  ses  contestations,  que  par  le  roi  s  elle  récusait  la  juridiction  du  par- 
lement: s  car,  disaient  les  écrivaini  dn  XVe  siècle,  la  cour  de  parlement  cpt 


—  k'AO  — 

•œor  de  ronlf  mité,  et  non  u  maltiene  ■.  Opentat.  cB  1418,  cl  m|pl 
toolet  Mfl  plaintes,  Charlei  Vil  loi  donna  le  pariemeat  pour  Juge,  «  pvceqw, 
dil-il,  les  grandes  et  haotes  afErires  de  notre  royawmc,  en  qool  ■ow  aoMMi 
oonflnneU' nient  occupés,  ne  nous  pennettent  pas  de  vaquer  ni  flrtcwJiiiui 
notre  penonne .  ouïr,  discnter  et  décider  des  qoereOei,  g 
questions  de  notre  fiDe  Tunlrersité  de  Paris,  ni  des  mppOti  ^ktXtti  et 
moalt  plus  irrandes  choses  que  celle  de  ladite  oniTenité,  notre  diln  oonr  da 
parteaent  connaît,  décide  et  détermine  de  Joor  en  Jour  ■•  Ldob  xn  ^anl 
rendo.  en  1498,  une  ordonnance  qni  rédoifalt  I  la  durée  dei  étndei.  ka  prM- 
légrs  scolastiques.  et  mettait  des  bornes  an  droit  des  nenbreide  fàulicuM 
de  n'être  JuRé^  qu'à  Pari»,  Inni?  ersité  fit  cesser  les  daases  et  lea 
chargeant  les  prédicateurs  de  notifier  au  people  sa  résolnllon,  et  de  la  | 
G  Hnme opprimée.  Tout  Paris  fût  dans  l'agitation;  on  redoutait 
querelle  que  pouvait  rendre  sandante  le  grand  nombre  des  membres  de  fn- 
ni vmité  :  en  1 461 ,  U  s'élevait  à  plus  de  15,000.  Loals  XU  ne  fléeUt  pm  deval 
celte  crainte:  il  s'avança  à  la  tête  de  sa  maison  mflUafarei  mnfverritéUI. en- 
voya k  Corheil  une  dépntatlan  ;  elle  fut  fort  mal  reçue.  Le  cardinal 
dit  à  reui  qui  la  composaient,  qu'ils  mériteraient  une  punMon 
s'ils  n'avaient  affain*  à  un  maître  qui  aimait  à  pardonner  :  «  Betoumes. 
t-il,  versceui  qui  vous  ont  envoyés;  faites  que  tout  rentre  dans  ledevoirt 
i-flarei  par  une  conduite  irréprochable,  le  souvenir  de  voire  faute,  et  ne  crifr 
gnez  point  après  cela,  de  manquer  de  privilèges  •.  Le  roi  les  tnlla  encore  phi 
mal  :  fl  Allex,  dit-il,  et  values  de  ma  part  les  honnêtes  gens  qui  sont  parai  vnui, 
car  pour  les  mauvais  Je  n'en  tiens  aucun  compte,  ils  m'ont  taié  aol-niêiM 
dans  leurs  Kcrmons. . .  Ah  !  Je  les  enverrai  bien  prêcher  aUlenrs  s.  Il  tint  parolBb 
se  rendit  à  Paris,  traversa  le  quartier  de  l'université  k  la  tête  de  ses  gesUb- 
lionimes  et  de  ses  garde»,  armés  de  toutes  pièces  et  la  lanoe  en  arrC^  et  ail 
dans  cet  appareil  au  parlement,  où  il  ordonna  une  nouvelle  pnUkCtloB  di 
l'ordonnance.  L'université  céda,  et  céda  pour  toujours. 

O'oir  les  diverses  histoires  de  IVndfcntt^ 

(2i  Voyez  Filon,  Histoire  de  C Europe  au  seisUnu  àlècU* 

(3). . .  Au  surplus,  le  soolasticisme  n'avait  pas  été  inutile,  I  avrit 

lacune.  Il  avait  jeté  on  pont  quelconque  entre  les  derniers  restes  des 

anciennes  et  cette  heureuse  restauration  des  sdenœs,  qui  a  cpéré  orite  de  ii 

religion.  Si  le  scolaticlsme  fut  d'abord  un  champ  aride  et  stérile,  lU 

théories,  de  subtilités,  trop  peu  de  vie  et  de  force,  il  s'enridilt  et  i 

tant  à  mesure  que  Fétude  des  langues  fit  des  progrès  ;  à  mesure  qnc  céDc  de  ii 

géographie,  de  l'histoire,  des  sciences  naturelles,  des  mathémathpwset  i 

f  éconda  les  esprits.  En  effet,  la  philosophie  n'est  pas  demeurée 

pendant  ces  siècles,  et  la  théologie  a  fait  quelques  pas.  Après 

Hippement  que  les  études  ont  reçu  dans  les  derniers  temps,  les  seul  isliqpMCt- 

'rent  peu  de  ressources  I  notre  âge;  .maislleurs  ouvrages  fonat  utiles  à  cou 


—  V*4  — 

aiixqaeb  ils  étaient  destinés.  Ils  ont  exercé  les  facultés  de  rinteUigence  d'une 
manière  remarquable,  digne  d'admiration.  Us  ont  rempli  une  autre  destinée  t 
au  milieu  decette'littérature  populaire  si  frivole,  si  licencieuse  et  si  profondé- 
ment corruptrice,  ils  ont  offert  aux  esprits  un  aliment  noble  et  grave.  Dans  une 
société  où  le  pouvoir  matériel,  les  forces  brutes  dominaient  presque  exclusi- 
vement, ils  sont  venus  en  appeler  à  l'intelligence,  au  spiritualisme. . . 

(Màtteb,  Histoire  universelle  de  l'Eglise). 

(4)  Patrizd  estime  qu'au  commencement  du  XVIe  siècle,  il  avait  été  écrit  plus 
de  douze  mille  volumes  sur  la  philosophie  d'Aristote.  L'un  d'eux  y  trouve  jus- 
qu'aux sacrements,  qu'un  autre  non  mofais  fou  cherche.  .  •  .  dans  les  Méta- 
morphoses d'Ovide. 

(5)  V.  les  chapitres  précédents,  Telatib  à  la  réforme. 

(6)  J.  Bruno  renouvela  la  eabbale^  science  merveilleuse,  venue  de  Ray- 
oiond  Lulle.  Il  fut  traduit  au  tribunal  de  l'inquisition,  condamné  comme  héré- 
tique, et  brûlé  le  17  février  1600. 

(7)  Ramus  fut  assassiné  comme  hérétique  à  la  Saûit-Barthélemy.  Un  de  ses 
adversaires  en  philosophie  l'indiqua  aux  assassins.  Pierre  la  Ramée,  fils  d'un 
l)erger  picard,  avait  gardé  les  troupeaux  ;  devenu  domestique  à  ruoiversité  de 
Paris,  il  apprit  sans  maître  les  langues  antiques,  et,  s'apercevant  de  la  stérilité 
de  la  science  enseignée,  il  leva  l'étendard  contre  Aristote.  Ramus,  dit  un  cri- 
tique, fut  le  précurseur  de  Descartes  :  il  brisa  tous  les  liens  d'une  logique  pé- , 
dantesque.  Il  ne  refait  pas  l'esprit  humain  comme  Descartes,  mais  il  refait  le 
raisonnement,  et  la  raison  peut  travailler  désormais  sans  craindre  que  l'instru- 
ment trahisse  ses  efforts.  Ramus,  en  émancipant  la  logique ,  fit  pour  la  philo- 
sophie ce  que  l'inventeur  des  télescopes  fit  pour  l'astronomie  t  il  ne  découvrit 
rien,  mais  il  prépara  toutes  les  découvertes  à  venir. 

(S)  Une  bulle  de  Léon  X,  et  le  concile  de  Latran,  condamnèrent  ces  doctrines 
en  1513. 

(9)  On  peut  avancer,  scoute  Buhle.  que  les  Lettres  d'Ulric  et  l'Éloge  de  la 
folie  d'Érasme  furent  les  ouvrages  qui  nuisirent  le  plus  à  l'autorité  papale. 

(10)  V.  Hatter,  Filon,  Tennemann,  Buhle,  Cousin,  Laurent,  G.  Arnoolt,  'Da- 
gald  Steward,  etc.,  etc. 

(11)  Montaigne,  dit  Pasquier,  demeura  trois  jours  entiers  plein  d'entende* 
ment,  mais  sans  pouvoir  parler;  et  comme  il  sentait  sa  fin  approcher,  il  pria 
par  un  bulletin  sa  femme  d'avertir  quelques  voisins,  afin  de  prendre  congé 
d'eux.  Quant  ils  furent  arrivés,  il  fit  dire  la  messe  dans  sa  chambre,  et,  au  mo- 
ment de  l'élévation,  le  pauvre  gentilhomme  s'étant  soulevé  comme  il  put  sur 
son  lit,  les  mains  jointes,  il  expira  dans  cet  acte  de  piété  le  13  septembre  1503. 
Ce  qui  fut,  ajoute  Pasquier,  un  beau  miroir  de  l'intérieur  de  son  âme. 

(12)  Ainsi,  i^oute  le  jeune  et  déjà  célèbre  historien  auquel  nous  empnmtons 
ces  dernières  paroles,  soit  que  nous  mettions  la  France  en  rapport  avec  les 
états  voisins,  soit  que  nous  la  considérions  en  elle-même,  nous  retronroiis  par- 


—  loéî  — 

tant  la  M  da  profrèi.  Celle  loi  dontae  noue  liWolre.  elle  en  cit  eonee 
le Bee nécewiire.  BMiyei  4e ▼cet  y  MMMtnlie,  et  nos  amuta, il  belieietd 
éfenaUqoeivM  m«I  phn  qu'me  éaiRine  indécUffraUe,  oa  dci  Unibewi  de 
ckraaiiiaci  arides.  BlenlM  Tout  ne  reDoooticrei  plot  dans  noe  prddeu  né- 
Molm,  daot  mm  oambnum»  eoUecUont.  dans  dm  rattei  archhrei,  qn'aae 
Irtirc  morte  i  taol  il  eit  vrai  que  ce  qui  fait  la  vie  de  cet  gnmdt  répertoink 
c'cit  la  fol  aa  pnifirèt.  (GiiBài?i.) 

(IS)  V.  fMtmoiMll.  Hiêt.  âeëFranfùU,  et  VlllemalD ,  Coure  tfe  LiUrraturt 

<f 4)  V.  SiflBondl.  V.  antti  Ifê  Cent  Nouvelles  nouvelleM. 

(15)  Le  Roman  de  la  Jiose  était  placé  par  l*aiiqukr  lol-nCnc  à  eAlé  de  !• 
Divine  comédie  du  Dante!  Aoatl,  pendant  le  XV*  siècle,  lei  hnllaleiiri  de  cet 
mmnf ma  oaTnme  te  tnocédèrent  en  grand  nombre. 

(Ml)  Mnoade  de  Sitmondi. 

^7)  V.  les  œuvres  de  Villon,  recneillieii  par  Clément  Ifarot.  en  fdSS. 
F(I*)V.  de  Thon,  dn  Belle  j,  Blahe  de  Montlnc,  I«anoae  et  lea  aatret  mémoires 
dn  tempt. 

(49)  Un  |oar  an  Jenne  poète  italien,  qui  voulait  fiire  un  poème  épique, 
vint,  en  tremblant,  demander  conseil  au  chantre  de  Francut.  Rontard  te* 
coeilllt  le  Jeune  homme,  et  Jeta  un  regard  favorable  sur  set  etsals.  Voyei  les 
caprices  delà  postérité!  Il  y  avait  là  deox  poètet  épiques,  l'on  déjà  grand  et 
admiré,  l'autre  Jeune  et  inconnu.  C'est  le  |iius  Jeune  et  le  plus  obscur  qu'elle  a 
choisi,  et  dont  elle  a  conservé  le  nom  en  le  changeant  ;  car  quand  il  vint  voir 
Ronsard  11  ne  se  nommait  encore  que  Messev  Torquato  T^tso,  et  depuis  la 
France  Ta  appelé  Li  TissK.  (SiiiiT-lfiBC  GiiiAoïii.) 

llj!!i(Mb(!  devança  pour  Ronsard  le  Jugement  de  lapottérité;  pent-ltie 
anttI  y  entrait-il  on  peu  de  Jalousie  contre  un  poète  qui  était  preaqoe  ton 
contem|H>rain.  Il  avait  effacé  dans  un  eiemplaire  des  poésies  de  Ronsard  to« 
les  vers  qui  lui  paraissaient  pauvres,  et  ce  nombre  augmentait  tout  let  Jours. 
Un  amt  lui  ayant  demandé  s'il  trouvait  nullement  bon  ce  qui  n'était  pat  effacé: 
Pas  plus  que  le  reste,  répondit-il,  et  de  peur  que  la  postérité  ne  le  crût  comme 
son  ami,  il  effara  tout.  Lorutiu'il  trouvait  quelque  chose  de  défectueux  deos 
tet  vers  en  les  lisant  à  ses  amis,  il  s'arn'tait  i)Our  dire  en  riant  :  Ici  je  Rùrnar' 
disais ...  r  V.  la  Biographie  de  Malherbe.) 

(20 ")  Contraire  à  ces  resveurs  dont  la  muse  insolente. 
Censurant  les  plus  vieux»  arroganirocnt  se  vante 
De  réformer  let  vert,  non  les  tiens  seulement. 
Mais  veulent  déterrer  les  Crées  du  monument. 
Les  Latins,  let  Hébreux,  et  toute  1  «uitit|uaille. 
£t  leur  dire  à  leur  uca  t|u'ils  u'ont  rieu  lait  qui  vaille* 
Ronsard  eu  son  mestier  n'était  qu'un  apprcntif, 
U  avait  le  cerveau  fantastique  et  rétif  : 


D«iportei  n'est  imi  net  i  du  BeUiy  trop  taeile  s 
Bellean  ne  parie  pu  eomme  on  parle  I  la  YlUet 
Il  a  des  motabargneui,  bouffis  et  rele^ei; 
Qui  du  peuple  aqjourd'huy  ne  sont  pts  approovei. 

Gomment  I  il  nous  faut  donq,  pour  faim  une  cMTre  grande. 
Qui  de  la  oalomnie  et  du  temps  se  deffende. 
Qui  trouve  quelque  place  entre  les  bons  antbenrs. 
Parler  comme  à  sainot  Jean  parlent  les  orochetenn! 

(RBomii.> 

(21)  Parmi  ces  rimeurs  à  la  suite.  Il  est  cependant  Inste  d*en  disttogaer 
quelques-uns  i  Dnbartas,  par  exemple,  qui  eot  une  réputation  momêntmiée 
égale  à  oelie  de  Marot  et  de  Ronsard.  Ses  œuvres  poétiques,  si  parfaitement 
oubliées  aujourd'hui,  eurent  six  éditions.  Puis  ce  Desportes,  auquel  la  langoe, 
alors  en  grand  travail,  doit  le  Joli  mot  pudeur,  qui  a  remplacé  ce  vilain  mot 
vergogne  ;  Deiportes,  qui  eût  été  Pamy  s*il  eût  vécu  deux  siècles  plus  tard,  et 
que,  an  rebours  de  Dubartas,  on  n'apprécia  pas  assei.  Nous  ne  citerons  en- 
preuve  que  les  six  vers  suivans  : 

. . .  Que  de  plaisir  de  voir  deux  colombelles 
Bec  contre  bec,  en  agitant  leurs  ailes, 
Mille  baisers  se  donner  tour  à  tonr. 
Puis,  tout  ravi  de  leur  grâce  naïve, 
Dormir  au  ftais  d'une  source  d*eau  vive 
Dont  le  doux  bruit  semble  parler  d'amour. 

(22)  La  liste  des  auteurs  de  mémoires  serait  longue  encore  i  nous  nous  bor^ 
nous  aux  principaux,  à  ceux  dont  la  lecture  si  attrayante  résume  ce  XVIe  lièale 
si  fertile  en  é? ènements  de  tout  genre  et  en  passiona  de  toute  sortA.  Dana  cea 
mémoires  particuliers  que  leurs  auteurs  écrivirent,  non  pour  briller  parmi  lea 
gens  de  lettres,  mais  pour  exprimer  vivement  et  perpétuer  Iqipn  passiona,  leur 
caractère  s'imprime  avec  cette  force  qui,  sous  les  rides  même  du  style,  oeouna 
le  dit  Montaigne,  nous  frappe  et  nous  émeut  enoore.  Qbaeun  de  ees  aeftewrs 
d'une  scène  sanglante  se  repiie  sur  lui-môme  pour  se  défendre,  s'excuser,  s'ei- 
pUquer,  combattre  les  opinions  adverses,  raconter  ses  périls,  développer  sea 
raisons,  peindre  ce  qu'il  a  vu,  ce  qu'il  a  osé,  ce  qu'il  a  souffert.  Notre  nation, 
par  son  penchant  à  raconter  et  son  humeur  un  peu  vaine,  semblait  prédes- 
tinée à  produire  les  meilleurs  mémoires  historiques. 

23)  V.  les  Mémoires  de  Comines  et  ÏNiet,  de  ia  RévoêuUon  franpaiêe  de 
M.  Mignet. 

v24  V.  chasles,  Saint-Marc  Girardin,  Villemalnet  Barante. 

^25)  Cujas  est  le  plus  célèbre  des  Jurlseomultes  de  ces  deux  sMdei ,  mais  il 
n'est  pas  le  seul  célèbre.  François  1er,  qui  voulait  doter  la  France  de  la  eivili- 
satioo  italienne,  attira  dans  ses  états  le  célèbre  Alciat,  et  lui  dettna  nne  ehairo 


—  ir-i  — 

dans  l'unlTenilé  de  BourR».  Mais  la  France  poiiédilt  d^àdtt  Jurlieomiiiti, 
Uéi  le  GoaimeiioeiiieoK  du  XVlt  iMde,  Bodé  commenU  lei  PandMtoit  MealAt 
Charlet  Dumoulin  publia  set  aaTanU  ouTragei,  et  Cqjai  paitit,  «hil  de  loai  la 
modernet  qui  •  |)énétré  le  phM  atant  dans  l'esprit  da  droit  roowbi.  Godelhqr. 
de  Paris,  composa  ploslears  traités  remarqnabifs  snr  le  droit  cItU  «t  «r  b 
droit  pul>Uc.  c  Td  advoeat,  dit  Pas<iuier.  oontrebit  parflbia  le  açafanl»  qnl  M 
reluit  que  de  la  plume  de  Godefiroy.  • 

(36)  Ce  n'était  pa»  là  en  effet  le  caractère  ((énéral.  mab  od  ne  peoftp»  dire 
cependant  que  dans  Rabelais,  le  type  et  le  modèle  de  l'époque,  on  tronie  mm- 
vent  de  l'obscorité  dans  les  paroles  et  de  l'Irréligloa  dans  lea  pensées  t  lei 
coups  portent  parfois  plus  haut  que  ceux  de  Lntber. . .  ot,  per  eiemple,  quand 
pour  donner  une  Idée  de  la  généalogie  de  Pentagmel,  Il  parodie  oelle  dD 
Jésut-Cbrist 

(27)  A  mesure  que  nous  avançons,  et  que  notre  cadre  s'agmdlt,  nom  ne 
pouvons  parler  avec  détail  roènie  des  hommes  les  plus  Ulustret.  Montaigne  ert 
de  ce  nombre.  Si  nous  ciwions  pu  dire  toute  notre  opinion  sur  ton  noopte, 
nous  aurions  ecsayé  dm  pruiiver  que  cri  lioiinne  qui  condamne  tonie  faiMva* 
tlun  en  innovant,  qui  doute  rn  aftirniant,  qui  croit  nous  dédommager  de  I1n- 
mobillté  à  lM|iielle  II  nous  conUauiue  par  je  ne  sais  quelle  liberté  InlÉrlenre. 
parfaite,  égoïste,  n'dt  le  re pn^entant  d'aucune  opinion  dominante  de  Tépoque. 
Il  n'est  que  lui.  Disons  avec  un  judldeiu  critique,  qu'en  vérité  Tâme  serait  en 
triste  bienfeit  de  la  lYovidcnce.  si  égofsto  et  indifférente  comme  la  fidt  Mon- 
taigne, elle  s'occupait  de  ses  pensées,  Jusqu'à  négUger  ses  actioni.  BUe  manqM 
à  ses  destinées,  quand  elle  renonce  à  la  société,  quand  elle  se  reoloraM  en  elto> 
même  pour  Jouir  solitairement  de  u  liberté  et  de  son  InlelUgenee.  Mail  mm 
l'a  donnée  pour  animer  le  monde  et  pour  travailler  à  l'cravre  da  la  dvUlsatloii 
La  Uberté  phllosophiqne  n'est  sainte  et  respectable  qu'autant  qn'éUe  eil  la  nèn 
et  la  nourrice  de  la  liberté  religieuse  et  de  la  liberté  politique,  qn'antant  qa*ék 
vit  pour  lenr  rappeler  sans  cesse  leur  légitimité,  et  les  afformlr  qnaud  ettH 
diancellent* 

charron,  oet  autre  ami  de  Montaigne,  héritier  de  ses  armoIrlM  et  de  aesdo^ 
trincs,  se  contenta  de  reproduire  systématiquement  et  d'engérar  ateo  né> 
thode  les  pensées  que  son  maître  avait  émises  sous  la  forme  plna  kiblleBMl 
modeste  du  soupçon  et  du  doute.  Montaigne  avait  montré  le  rUIenle  da  dag- 
roatisme  ;  Charron  dogmatisa  le  sceptiscisme;  l'un  disait  en  rliot  fmnâiiêT 
l'antre  affirmait  qu'il  ne  «avait  rien.  U  vérité  des  religions,  rantorHé  de  rîjglliib 
la  certitude  de  la  morale  même,  tarent  attaquées  par  Charron  t  n  ponMaJnaiie*! 
l'abnégation  de  toute  r^e',  l'indépendance  désodées  qne  tai  afalt  BBieigiya 
Montaigne. 

(28)  Ce  sont  lesétats  de  la  ligne  qnl  fbnt  l'action  prlndpÉte  de  la  Mlyr»  M^ 
nippée^  ce  sont  ses  orateurs  qui  en  sont  les  personnages  t  rardwfémie  da 
Lyon  représente  rarobitioii  épiscopale,  Mayence  l'égblsme  des  princes  t  tow 


les  traits  de  chaque  acteur,  se  trouve  peinte  une  des  passions  de  lliunumité. 
Chacun  a  une  part  de  férité  contemporaine  qui  marque  sa  date  et  son  nom, 
et  une  part  de  vérité  abstraite  et  philosophique  qui  lui  donne  quelque  chose 
d'étemel.  C'est  par  là  que  la  Ménippée  est  autre  chose  qu'un  admirable  pam- 
phlet, car  les  pamphlets  ne  peignent  des  gens  que  le  costume  et  les  dehors.  La 
Ménippée,  qui  est  une  comédie,  perce  jusqu'à  l'homme,  et  sous  ses  ridicules 
du  Jour,  elle  montre  et  bit  ressortir  les  passions  étemelles  de  notre  nature.  — 
Les  passages  les  plus  beaux  de  la  Ménippée  sont  attribués  à  F.  Pithou,  Juris- 
consulte; l'idée  première  qui  transforme  en  deux  charlatans  le  parti  de  Lor- 
raine et  celui  d'Espagne  appartient  à  Pierre4e-Roy,  chanoine.  Parmi  les  autres 
auteurs,  l'un  S.  Gillet,  était  conseiller-clerc  au  parlement,  l'autre  N.  Rapin , 
était  prévôt  de  la  connétablie.  De  simples  poètes  assistaient  aussi  parfois  à  la 
réunion  qui  avait  lieu  d'ordinaire  chez  le  chanoine  Leroy. 

(29)  Rabelais  poussa  si  loin  l'ironie,  qu'a  eût  pu  s'en  trouver  mal;  aussi  se 
donnait-il  une  peine  infinie  pour  déguiser  la  pensée  sous  des  bouffonneries 
presqu'absurdes.  mais  en  même  temps  il  avait  soin  d'arranger  les  choses  de 
façon  à  ce  qu'on  ne  pût  se  méprendre  sur  ses  intentions  :  «  Posé  le  cas,  dit-il, 
dans  son  prologue  de  Gargantua,  posé  le  cas  que,  an  sens  littéral,  vous  trouvea 
matière  assez  Joyeuse,  toutesfois  pas  demeurer  là  ne  tauit;  ains  à  plus  hault 
sens  iuterpréter  ce  que  par  advenlure  cuydiez  dict  en  gayeté  de  cueur. . .  Yeis- 
tez-vous  oncques  chien  rencontrant  quelque  os  modulaire?  C'est,  comme  dict 
Platon,  la  beste  du  monde  plus  philosophe.  Si  veu  l'avez,  vous  avez  peu  noter 
de  quelle  dévotion  il  le  guette,  de  quel  seing  il  le  guarde,  de  quelle  ferveur  il  le 
tient,  de  quelle  prudence  il  l'entomne.  de  quelle  affliction  il  le  brise,  et  de  quelle 
diligence  il  le  sugce.  Qui  l'iuduict  à  ce  faire?  Quel  est  l'espoir  de  son  estude? 
Quel  bien  prétend-il  ?  Rien  pins  que  ung  peu  de  mouelle  ». 

Rabelais,  auquel  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  donner  plus  de  place  dans 
cette  revue  du  XVIe  siècle,  est  ainsi  jugé  par  un  de  nos  plus  spirituels  critiques  : 
«  Quel  est  ce  personnage  étrange,  à  demi  homme,  à  demi  brute,  comme  le  ca- 
liban  de  l'auteur  anglais^  Quelle  bacchanale  l'environne  et  le  suit?  Des  géants, 
des  nains  difformes,  se  pressent  autour  du  char  qui  le  porte;  ils  traînent  des 
objets  révérés  avec  de  longs  éclats  de  rire;  leurs  jeux  obscènes  effraient  les 
regards;  et  la  diversité  de  leurs  costumes,  l'audace  de  leur  verve,  la  singu- 
larité des  masques  qu'ils  empruntent  et  qu'ils  déposent,  répandent  une  con- 
tagieuse gaité.  Voyez  le  roi  de  ces  saturnales,  le  père  de  cette  troupe  folâtre, 
fille  de  la  folie  et  de  la  débauche  ;  monté  sur  un  chariot  dont  la  forme  rappelle 
la  cuve  de  nos  vendanges;  revêtu  du  froc,  l'œil  animé,  appuyé  sur  les  faciles 
compagnes  de  ses  plaisirs  et  suspendant  à  sa  marotte  la  couronne  des  rois,  le 
rabat  du  prêtre,  le  c»'>rdon  du  moine  et  l'écritoire  des  pédants?  MerveUlenx  as- 
semblage !  Impitoyable  et  hardi  railleur  !  il  passe  devant  les  palais  et  les  au- 
berges, se  moquant  avec  une  égale  licence  des  monarques  et  des  paysans  dn 
Bas-Poitou,  confondant  la  carte  Sde  l'Europe  avec  celle  de  U  Touralne  ;  raillant 


A  h  Mi  le  vilB«H»  it  nMgnn ,  cètal  de  PiYle,  et  le  tifenter  de  «m  v^ 
DiM  fon  imtKOftUlÊ  feMleiioe,  le  emé  BabeM$  nÊÊt  noMieutemat  I» 
■Mioee,  tasc^MiclH.  lei  été^ts^  lei  eordiii^au,  mali  le  pape  lÉiniêt,«<l 
lai  anM^M  *  ta  KllSim  >  et  te  Méfier  qiii  défoie  flervet.  piédiaM  IWMil 
iNea.  e'éleiot  pour  cet  tromie  qnl.  de  toatet  les  patenioei  du  cM  eldik 
tatre,  aereipealejaiuli  que  la  dive  booteUe  et  ta  «piiiiteiUBee  lacrée  k 

Ce  ta  cyBk|iie  dont  Boiif  admirerons  bientôt  la  ralnn  protondei  dirit  m 
tmâtiitr  tooraasaaD,  d'one  vire  Imagination,  d'âne  mdiiMdi  e  iw  wWilf  MB,  # 
moarspenorthodoMi}  toar  à  toar  bénédictin,  dianolnei  cmé» 
l'art  d'Hippoerate,  eoramentaleur  tafant,  boufTon  de  mi  maindra,  al  i 
deaai  ouaillai.  Inexorable  pour  les  trarert  nombren  de  aon  tempe,  dêifil 
apeiçot  «a  ridicule,  il  Tattacinei  et  la  goerre  à  ontranee  qnlllitre  à  aoai 
est  son  anique  pensée.  Puérile,  grossier,  d'one  liberté  tana  bomet,  fl 
Jniqn'au  délire  lei  priTllégfi  de  la  boulTonnerte.  Dana  aea  éerila  a*c 
choquent  et  ae  confondent  la  ? érité.  la  fiction,  la  licence,  TàBégorie.  la 
des  allnslona  obatures,  des  oontei  vnigairet;  dei  inrenHona  iHjaimwi, 
ce^ablea,  inaensées.  Frappé  de  la  confosion  et  des  oontmlet  de  aon  alède.  ■  m 
reproduit  tonÉonnlefl  follet,  en  augmentant  lenr  détordre;  et oomnwlfeit 
édMpper  à  la  Teugeance  de  ceux  qu'l  firappe.  Il  prend  pour  égide  dea  Isrmei 
et  un  style  si  grotesque,  que  l'iTrase  semble  en  dicter  les  propoa  el  en  goWr 
la  marehe.  Bn  ?ain  let  commcntatenn  ont  essayé  d'écUdrclr  et  de  défamB* 
ce  chaot,  d'otfi  JalHlssent  encore  de  nombreux  rayons  de  lumière.  Wabiilriirt 
▼outa  que  raHler  les  institutions,  les  morars,  les  Idées  :  s'il  portail  dea  eoi|i 
an  haaid,  set  atteintes  étaient  profondes.  U  n'y  a,  chei  loi,  qne  attira  et  p^ 
rodk.  Le  plan  même  de  ses  fictions  est  burietqnement  imtlé  des  ronanidè 
chcfalerie.  alors  en  vogue.  Étrange  difertisBement  qu'il  ae  dôme,  otk  toothi 
est  bon,  où  tout  lui  sert,  poumi  qu'il  alimente  sa  gafté  par  le  apeetade  de  la 
folie  unitenelle  >.  (PB.  CniAts). 

(30)  Les  lettres  de  P«quler  sont  un  des  plus  précieux  moamnenla  de  nb» 
toire  du  XVIe  siècle.  Ce  sont  de  ▼éritables  mémoires  où  perce  U  plnegnadft 
sagaoUé,  aidée  d'une  pariaite  connaissance  des  faits.  Bodin  a  lalaaé  denz  tnMî 
méthodiques  :  l'un,  turlout,  sur  la  rr'pHblique,  est  fbrt  estimé,  Men  qaTU  aè 
ressente  de  l'esprit  réfeur  et  incertain  de  son  auteur. 

(SI)  Certes,  il  faudrait  admettre  que  tons  les  éTénemenls  de  Itiiatoiraae dé- 
veloppent au  hazard,  sans  Intervention  d'une  puissance  supérieure  qnl  légpi 
let  destinées  de  l'homme,  on  bien  reconnaître  dans  ce  fait  là,  entre  tonaiii 
autres,  et  à  un  degré  plus  prononcé,  l'action  de  la  puissance 
L'histoire  a  reeneilli  un  certain  nombre  de  mots  de  la  Pncelle  dans  ' 
eetle  oonriction  profonde,  imperturbable,  se  montre  atec  évidence. 

(SI)  Voy.  La  Revue  française,  de  novembre  1939.  Toy.  aussi  Gém^ 
jrittoire  de  Vélwiuenee  aux  XV*  et  XTI«  tiêcles;  Sitmondi,  Hfaloiria  êm 
FranfQit,  t.  «t,  etc. 


Nouf  doonoDi,  pour  faire  connaître  la  manière  de  Menot,  le  texte  d'an  apo- 
logue tiré  d'un  de  les  lermoni  sur  la  flatterie  t  Simias  tenelMUit  ftatum  et  lia* 
bebant  uxores  et  aueiiorei  t  et  allqulf  babouin  trantf  vit  i  ô  dloH  domlnus  i  et 
traneitls  fie  line  fodendo  iMXiofein  oarl»r  Bt  de<|w>  teneor  TObia  faoere  bo- 
norem  :  qui  eitia  Ita  infect»  perionœ  et  Inbooeit»?  et  le  babou/in  fut  em- 
poigné,  et  idndltur  cjui  cauda.  O  dicit  dominui ,  o  quam  fellx  ett  qui  est  in 
corta  vestra?  Ecoe  hoc  didt  vulpes ,  et  itaUm  data  eat  ei  cauda  longa  et  tunlca 
mi^iu  et  autoritaf  ficieodl  quaoumqne  ToUet.  Sla  eatii  ad  ÔKMOm  alici^ii 
borgentis,  domine  Joannei  x  dicatls  dominie  t  ecce  eitii  tam  honesta.  O  do^ 
nrioe  ioannea  rne  portabiUs  Vaumusi»,  et  pertabitli  caudam  Tulpli,  9ive  ptt 
flaUe.  Habebltia  eoiin  beneficlum,  nonne  sic  fit  hodie.  81  sH  usai  talia  qoi  aie- 
terlt  in  domo  alicuius  domini,  vel  forte  servierit  à  torcher  ealeeanienta  iUo- 
rom  et  eos  docendum  ad  icholasi  et  quod  bene  ioiYlt  Indere  de  Ungnâ,  Uxh 
dando  domlnum  :  o  apporteblt  eum  babere  beMAcluni,  et  aie  bona  éomkd 
difttribuuntur!  et  quando  est  elevatus  tune  neminem  cognosdtt  est  anpetbdi 
sicttt  unus  magnuadiabolus  et  sape  dedlgnaturÂvIdere  snot  perentei  et  forte 
eos  qui  sunt  in  causa  quare  talia  bona  liabet  », 

Au  milieu  de  ce  déluge  de  bouffonnerie  on  peut  Toir  combien  le  récit  est 
vivant  et  dramatique,  et  comme  la  satire  et  la  morale  y  sont  habilement  en- 
châssés. 

(SS)  Voici  le  Jugement  d'Henri  Estienne,  sur  nos  sermonaires,  dont  il  était 
presque  contemporaio  :  <  11  sera  pins  expédient  à  mon  advis,  avant  qu'entrer 
plus  avant  en  ce  propos,  et  discourir  plus  amplement  du  train  de  noitre  siècle, 
'Informer  de  quel  pied  marchoyent  nos  prédécesseurs,  je  dl  ceux  qui  eitof  ehl 
il  y  a  soixante  ou  quatre  vingts  ans. . .  A  qnl  donc  nous  adresserons4iotts  pour 
faire  telle  enqucite?  aux  prescheiirs  qui  estoient  lori{  et  entr*autres  pour  la 
France,  h  père  Olivier  Maillard  et  fk^re  Michel  Ménoti  pourVltaUe,  I  frère 
Michel  Barelote,  ou  soit  de  Barcleta,  lesquels  combien  qu'ils  aient  falsifié  ta 
dootrine  cbestlenne  par  toutes  sortes  de  songes  et  de  rêveries,  et  par  ptusieura 
mesebans  propos,  loi  uns  provenans  d'Ignorance,  les  autres  de  pure  malice, 
si  est-ce  toutesfois  qu'ils  se  sont  aisoz  vaillamment  escarmouchez  contre  tel 
vices  d'alors,  comme  on  pourra  cognoistre  par  ce  qui  s'ensuit. .  .t . 

(H.  EsTisnnrt,  Apologie  pour  Hérodote), 

(S4)  Ce  père  Michel  Ménnt  mourut  en  I5lê,  Olivier  Maillard  en  «soa,  et 
Raullii  en  1914. 

Nous]  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  l'éloquence  de  la  chaire,  parce 
que  nous  avons  eu  souvent  l'occasion  de  parler  des  plus  oélèbrei  prédicateur! 
de  la  réforme  et  que  noui  trouverons  souvent  celle  de  parler  des  orateon 
étrangers,  de  Uarlettc  surtout,  qui  était  I  cette  époque  le  héros  de  la  chaire 
italienne,  ainsi  (lue  le  constate  le  proverbe  nathmal  <  qui  neseH  Bnrttittare 
n€$eit  prœtUeare  !.... 


'r- W8  — 


CHAPITRE  ONZIÈME. 


(I)  Il  y  a  det  sUneet  entMrement  hnltéet,  eiitr*aiitrei  la  ISm  cC  lai 
PolItteB. 

(a)  ^of.Giiigneiié.Sa'.fiet  vuiemaio.  — DtooDi  loi ooaoM  M.  Gémei.  et 
afecptaidevéritéqiielui.  qnell.  VlUemain  a  dérobé  tout  eeu  ^  denkrt 
le  ralTTC  dans  la  même  carrière,  et  ne  leur  a  laiMé  d*aatre  naaoufce  pour  k 
défrayer  que  l'emprtmt.  Ilenreiiteiiieot  il  leur  crt  pennit,  alnoii  d'Mqpillerta 
detle  qn'lb  oontracteot,  au  molm  de  Tamortlr  par  on  aveo  rinoère  et  iii  ilw 
adndratkm. 

(S)  Le  TaMe  lol-Bitaie  a  donné  iiea  à  cette  critfc|iie<  aadane  deStaflie 
ditalt-elle  pat  :  «  Quand  on  Ut  dan  Le  Taaae  cet  ven  : 

Ckiama  gli  ahitafor  deW  ambre  Heme 
Il  ra^co  suon  delta  tartarea  tramba  : 
TVffiiaii  le  tpasloze  atre  catemet 
E  l'aer  cieco  a  quel  romor  rhmboinka  i 

Il  n*eft  personne  qui  ne  soit  transporté  d'admiratioo.  Cepesdant«  oneunianil 
le  sens  de  ces  paroles,  oo  n'y  trouve  rien  de  sobllme  i  c'est  coanae  grand  bb- 
slden  que  Le  Tasse  tous  fait  trembler  dans  cette  strophe  i  et  l«  beam  ahsée 
Jomelli  produiraient  sur  vous  un  effet  h  peu  près  semblable  •• 

(4)  Chronolosie  des  écrivains  iuttens  des  XV*  et  X¥I«  aitelei  i  Steobrttl, 
mort  en  1403;  Laudivio,  1405;  Villani,  1406t  Bruni,  4444 1  BurchiellOi  lUIs 
Conti,4440:  VaUa,  1457s  Vegk).  1458;  Auri^M,  1489;  BraociQlini,44a»|llr 
netti,  1459;  Guarino,  1460;  Plccdomlnl,  1464;  Gonrani,  44«i 
447l:Pulci.  44«0;  Albert!,  1480;  PlaUna,  1481;  FUotfo,  44M; 
4489,  Giustinlani.  1489 ;  BeUindoni.  441M  ;  Médids,  14tt;  Pic  44e«  t  MUaaa, 
4494;  Pulci.  4470;  Bojardo,  1494;  Aveugle.  4490;  RobeitO,  440Bt  GablMe. 
4490;  VInciguerra.  1495:  Savonarola,  1498 ; Leto,  4498; FiciBO,  44Mi lùMOdo, 
4499;  AquUano,  1500;  VerardI,  1500. 

XVle  siècle.  —  Pontano.  1508;  Landino,  4504;  SabeBioo,  480ts  Uleeoia  da. 
4508;  Spi«nuoU.  1516:  Léon  X,  4581;  RucflUi.  4SM;  lladllafcBI.45BBrsllar- 
tdU,15S7;  Castlglione,l5»;  Navagero.  18»;  Porto,  48»;  SanBanro.4a» 
Broccardo,  45SI:  Egidio,  1532;  Ariosto.  4533;  Acooiti,  45S4|  Xuria,  408, 
Castaldi,4536;  Bemi.  4536;  Mauro.  15SS:  Guicdardini,  4810;  OiMeelOBl, 
1541  :  Benivieni,  1549;  Beoloo,  1548;  Molxa.  1544;  Fdengo.  4844,  Benbo»  «BIfi 
Gotoona.  4547  s  FiremaoU,  4548  :  Arcarido.  4543  ;  NeUi,  4846  ;  BoiiCidio»48B8i 


—  4ÏW  — 

Triflsino, hSSO t  Aroaseo,  45S2 ;  Fracastoro,  4S9S;  Tolomel,  I5S9,  Epicaro,  1855; 
lltrdf.  Vm%  AretiM,  49K;  Can.  «Wt  MèfU,  UM|  Ubsniio.  I5S7  ;  Landi. 
4599;  Segoi,  4S9»t  Amlm,  IS»;  Dlirilo^  «flHi  Caiak»ttf^,  48621  GeUi, 
4563  ;  Ochino.  48d4  ;  Varcbi,  48SS  ;  Simeoili.  4565  ;  ancBili,  4863 j  Caro,  4566- 
yida,4896;AiigtUBara,4«8s€BneMoelil,«567;Dolce,  4968;  Pogiaoi.  1566; 
Taittillo,4a88;  Ta8M>,4986;  BONO,  1469;  Franco,  4560t  Mro»,  1374  ;  Pavaxi» 
4870;  Verdinotti,  4878;  Caatdvetro,  4SH  ;  Cataao.  4$74«  GinkU,  4878;  Donj. 
1574;  Rota,  4978;  Mnzto,  19r6;GardaBO,  49716;  JfanolBi,  4860s  ficanlUaeae^  4862; 
Corso.  45»;  T«Oofi,  4866;  Srino,  4968;  Gottanso,  4966;  Sperooi,  4866; 
Tdesio,  4866 ;9alTfalf.  1966;  Beeeari,<4«0;  VilvaMBC,  19664  Gooehi,  4860; 
Ongaro.  488S;  TasSO,  1998;  Panila,  4998»  HauoBi,  4966 ;ft(argiiioi>  4«66. 
XVIIe  tiécle.  —  CaporaU,  4604  ;  Ammirato.  4604  ;  Ginstiniani,  4666:  An* 
niiitatf,  4666  ;  toraUl,  4666  ;  BOBffelU, 4666  ;4Mdl,  4660 ;  Ooa^ 
CBUoi,  1645;  ^Poita,  1615;  AMi,  4«f ?;  AittiMeW)  4«ll  ;  iarpi,  4666;  Ccta,  46^i 
Béni,  1623;  Marini,  4635;  CitUdial,  4617;  €«i,  4680;  Karai,  4tfi4  HililO. 
4651;  TasBOBl,  «688i  âiM»r«ra,  4667;  !.«».  I6S7{  ftieCKd^ 
Ciampoli,  1643  ;  Bentiyogiio,  4644  ;  Mambelli,  4644;  Pallayicino,  4644  fBm»* 
cioUni,  4648;  Testi,  4646 ;  Buonarroti,  1646;  Baoïnattoi,  46é7«  ToriCflUi,  4647 ; 
CaTtOeri,  4647.  • 

(6)  Lliistoire  deGinoclaidiBi,  dU  M .  Mlon,  it  léfMOMiait  HqpiÉBnMat  d«s 
tonte  rBorapes  elle  fat  traduMi  en  latin,  4  Bâte,  m  4866;  tn  feancaif,  pm 
Chomeday,  eo  4866;  en  allemand,  en  4374;  en  espagnol,  en  4884  ;  en  flamw^i» 

(9)  Kingdomes  are  hoU  eares, 
SlùU  y 9  dtcoyd  o/  HaU, 
Bythes  are  ready  snarei 
And  hasten  to  deeaie. 

.  L66  royanmea  ont  ffiUle  wMxdi.  la  pvliMnoe  n*a  point  do  dorée.  Lès  rk^^ 
ne  sont  que  des  piéses  et  bientôt  elles  se  flétrteent.  ^ 

(7)  6penser,^  avait  en  qoelques  sncoès  dans  ses  classes,  éduma  oemplO- 
tement  à  Cambridge  dans  les  concoors  ponr  le  degré  de  fetitm  on  d'i^i^  à 
rnaifeistté. 

(6)  ^oy.I.etei|M4,dup.XL 

(9)  C'est  à  oetle  époqae  que  nous  est  vean  d'AUemagnele  mot  upié^e,  91 
«*9  pas  d'antre  origine  qœ  le  nom  du  maJâmSpiegei^  dont  lesboa»  tonraonten 
dans  leur  époqne  la  même  célébrité  que  ceux  de  Giiblas  et  de  MascariUe. 

(%Qij  On  connaît  le  proverbe  :  69  moutoM  U 1  Clumpemois  fiml  eenl  MTm, 
lA  ville  de  Berbeaet,  dans  Icliangnedoc,  est  anssi  cél^hccsons  oenipporU 

(14)  IhirimlemtU^PwriHa 

auvn  SCmtCnWtn  orVItCn  acTWviOWm  Setf , 

{lebensbeschreibung  ttans  Swhstmywn,  If,  RabiscBi  1709,  fn  V,  nfu4 

99 


—  .'♦JO  — 

Lct  PuerUia  îarttA mùMê  d«  Basêiguoi  de  rfUrtnnt rrg^  rfcMf  iJKTinriiM 
nr  E^other.  et  d'une  foule  d'mtfct  poëilet  du  méiDeceiM,  pmnft  lwn«iilci  ob 
dittinsoe  une  élégie  sur  la  mort  du  réfonnateor. 

(12)  llam  Sadu  aloule  à  celle  liaiianCe  nomenrtatiire  73  ehiBMOi  popin 
ItlKsoQ  religieuMi»  et  trouTe  avec  utkfaeUoo  »  pour  fniit  des  lo^ptoaUeai 
iNNinei  ou  naoYaiiei  de  la  muae.  la  loaima  éno.me  de  18.140  pUeei  de  ven, 
doul  il  flt  un  cboiz  qn'll  répartit  en  cinq  livres,  et  qu'il  pnblia  aoni  le  fonMI 
In-folio,  depuis  l'année  1888  Jusqu'en  «861 .  Ilans  tedis  oMNinit  e&  ISIiL 

(13)  EMiiCB.  afmd  Bomlerweek't  ces,  tL  Bered^  L  0.  p.  403. 

(U)  V.  Rou.uoAfliii'8,  Koca'8  "  Ccmfpenéium ,  Bmmiimio»  Boom- 
wu,  etc. 

(l8;Oo  tnmre dans  Aleiis  Montett  de  prédem  détails  anr  le  tMMio  au 
XV«  et  XVI«  siècles.  V.t  3.  p.  73»  86  etc.,  1 6.  p.  100.  etc.  Ut  aont  liop  kmi 
poor  les  reproduire  Ici,  mèoie  dans  les  notes. 

(16)  V.  Ilagnin,  pour  le  tbUtre  en  fténéral.  Monteil  pow  ta  Fionco  «t  nnri^ 
pour  rfespagne. 

(17)  SUiêben,  I06S,  In^. 

(18)  V.  le  prospectus  des  enivres  de  H.  Sadis,  publié  par  Bertnckde  Weffnv. 
(10)  Les  réfomuteurs  ne  se  contentaient  pas  de  se  moqner  des  mpUm 

de  la  reUgion  ;  ils  allaient  plus  loin,  comme  on  le  Terra  par  Pneodote  mk" 
▼ante: 

■  L'empereur  Cliarles-Quiat  se  trouvait  à  AugriKmig,  avee  aon  fMvo  Fenli- 
nand,  roi  des  Romains. 'Que'ques  acieors  ambulants  firent  deaMUnder  Ot  obtin- 
rent U  permiision  de  jouer  une  pièce  muette  pendant  le  repoi  do  tanrs  ma- 
Jestés.  Or,  ces  acteurs  étaient  hérétiques  ;  ils  voulurent  eipoeer  am  pcineai 
l'origioe  et  les  progrès  de  leur  secte. 

D'aiiord  parut  ou  |)ers(iunagc  vêtu  en  docteur,  portant  an  dos  ui  pardunin 
sur  lequel  son  nom  était  inscrit  ;  on  y  lisait  x  Riucaua  on  Gamioii.  U  portidt 

sous  le  bns  un  faoot,  dont  H  défit  gravement  le  lien;  après  quoi,  ■  86  mit  i  dis- 
perser les  branches  à  droite,  k  gauche,  au  hasard.  Cela  bit,  U  se  Nlin  dln  pot 
tranquille  et  lent 

Il  (nt  remplacé  par  un  acteur  qui,  voyant  tontes  ces  brandws  é|iones^  «■- 
mcnra  par  les  raskcmbler  ;  ensuite,  il  tftcba  d'i^ter  les  draitcs  ivoc  laa  ler- 
tues  ;  mais,  n'ayant  pu  y  réussir  après  bien  du  travail  et  maigid  ai 
abandonna  la  besogne  et  sortit  On  put  alors  lire  sur  aon  due  i 

ROTTUDAn. 

Un  gros  moine  kii  succéda  :  c'était  Luther.  Il  portait  à  tamalB  on 
ardent  plein  de  braise  et  de  tisons.  H  renversa  son  réchaud  sur  lobûla 
celé,  et  souffla  de  toute  son  haleine  ;  la  flamme  ne  tarda  pas  à  s'élever.  tIto  ol 
brillante.  Luther  contempla  un  moment  son  ouvrage  •  et  a'en  alta  on  lémli 
gnant  qu'il  était  charmé  d'avoir  si  bien  réussi. 

Un  comédien  vint  ensuite,  en  habit  d'empereur,  qui  tirtaoB  épée  oCoo  ait  4 


espadonner  coùtre  le  bûdior.  tHals  Yorant  <ta*tu  Heu  de  l'ételodre  U  ne  faisait 
que  l'attUer,  il  partit  a^eo  des  gestes  de  ddpit  et  de  colère. 

Le  dernier  personnage  était  le  pape  lui-même,  dans  toute  la  gloire  de  ses  or- 
nements pontiKcaux.  l'aspect  des  flammes  sembla.Tépouvanter  beaucoup.  De 
tous  côtés  il  cherchait  du  secours.  U  aperçoit  deux  crachés  dans  un  coin  ;  il 
s'empare  de  la  première  venue  et  la  vide  dans  les  flammes.  Hélas  !  funeste  er« 
reur  !  il  avait  pris,  au  lieu  de  la  cruche  à  Teau,  la  cruche  à  l*bnile  !  L'incendie 
aussitôt  grandit  avec  fureur,  et,  sur  le  point  d'en  être  lui-même  atteint,  le  pape, 
désespéré,  s'enfuit  et  termine  ahisi  la  pièce. 

L'empereur  et  son  frère,  irrités  de  l'audace  des  comédiens,  les  firent  cher- 
cher partout  ;  mais  il  fut  impossible  de  les  trouver.  Ils  s'étaient  dérobés,  par 
une  fuite  modeste  et  prudente,  aux  éloges  et  à  la  récompense  dont  ils  pré- 
voyaient bien  qu'on  voudrait  payer  leurs  talents.  •  (  F .  G.) 

Cette  pantomime  théologique  peut  servbr  de  résumé  à  l'histoire  religieuse, 
comme  à  l'histoire  de  l'art  théâtral  en  Allemagne,  pendant  le  XVIe  siècle. 

[20)  Shalcespeare  ne  lût  pas  le  seul  poète  dramatique  de  sott  époque,  puisque 
Robert  Green,  Heywood,  Decker,  Rowley,  Peal,  Cbapmano,  Ben^lonhsoa, 
Beaumont,  Fletcher  et  d'autres  encore  vivaient  à  peu  près  dans  le  même 
temps,  mais  l'auteur  d'Othello  leur  est  tellement  supérieur,  que*  dans  un  cadre 
pareil  au  nôtre,  il  est  excusable  de  ne  s'occuper  que  de  lui. 

(21)  F,  Chateaubriand,  Dubois,  Coquerel,  Guiiol ,  etc.  Molière  Jouait  en 
effet  son  Pourceaugnac,  de  même  que  Shaleespeare,  le  bateleur^  grimaçait  son 
Falstaff.  Camarade  du  pauvre  Mondorge,  l'auteur  du  Tartuffe  avait  changé  son 
illustre  nom  de  Poquelin  pour  le  nom  obscur  de  Uolière,  afin  de  ne  pas  désho- 
norer son  père  le  tapissier. 

jivant  qu'im  peu  de  Urre  obtenu  par  prière 
Pour  jamais  sous  ta  tombe  eût  enfermé  Molière, 
Mille  de  ses  beaux  traits,  aujourd'hui  si  vantés. 
Furent  des  sots  esprits  à  nos  yeux  rebutés. 

Ainsi,  ces  voyageurs  voilés,  qui  viennent  de  foi%  I  autre  s'asseoir  à  notre 
table,  sont  traités  par  nous  en  hôtes  vulgaires.  Nous  ignorons  leur  nature  im- 
mortelle Jusqu'au  Jour  de  leur  disparition.  En  quittant  la  terre,  ils  se  transfi- 
gurent à  nous,  disant^  comme  l'envoyé  du  ciel4  Tobie  t  ■  Je  suis  l'un  des 
sept  qui  sommes  présents  devant  le  Seigneur.  > 

Ces  divinités  méconnues  des  hommes  à  leur  passage,  ne  ae  méconnaissent 
point  entre  elles.  ■  Qu'a  besoin  mon  Shakespeare,  dit  Milton,  pour  ses  os  vé- 
nérés, de  pierres  entassées  par  le  travail  d'un  siècle;  où  faut-il  que  ses  saintes 
reliques  soient  cachées  sous  une  pyramide  à  pointe  étoilée?  Fils  chéri  de  It 
mémoire,  grand  héritier  de  la  gloire,  que  t'importe  un  si  faible  témoignage  de 
ton  nom,  toi  qui  t'es  b&tl,  à  notre  mtnreiUeux  étonnement,  un  monument  de 


—  451  — 

flfoir  BO  pvBil  tombctUy  WÊKiÊuÊÊtnkBÊkéiB 

9Vhmt  neeé*  «ly  Skakgpmr^  for  \it  komor^d  ftoso^ 

T%e  iabamr  ofam  âge  in  pUed  stones  ? 

Or  that  hîs  kaliùo'd  relique*  skomtd  ht  Md 

thtâer  m  tUnrp-pifîniînQ  pyramMf 

Dear  son  ofmêmorjf,  greùt  Aeflr  offame, 

fflkaf  need^st  tkam  iMeh  weah  wîkusê  oftk$  nmme? 

Tkou  im  cur  womder  and  aMoniihmtnt 

n$i  bwiit  ikpMtifm  Hf^ang  moiiKiiiéiit. 

Ând  jo  tcjmfeftr'd  In  j»dk  pomp  dort  ile, 
That  kings,  for  tuch  a  tomd,  voutd  uUktûdk. 


# 


-.%!»-. 


CHAPITRE  DOUZIÈME. 


(1)  Voir,  »iir  ce  lojet,  lei  adtnirabtoi  pʧm  dt  Notrê^Pam$  de  furie» 

(2)  Quelquefois  le»  prlncoi  ou  lei  srancU  de  l'état  aeeottfalaBt  deaaeeoura 
comidérablfi  on  arfiott  avtorlMlaat  det  eonpaa  tslraordi&alrea  dt  Miou 
remeltatont  dea  kopMË,  fomt  aider  aux  dépeMea* 

(Voir  t'KMal  mr  l'afoMteotnre  du  mofeii-Age,  |iir  Ht  de  Cewioot), 
(9;  c'est  pour  oette  raison  (fn'on  désigne  eneoee  «4onrd'M  eetle  leuf  aons 
le  nom  de  Tom'  de  Béu/rn, 

(4)  Les  tiUlettcs  de  pierre  de  Itraibonrf  loelaiilfnt  dyde  lonn-4fliiiped'uoe 
haute  ooDsldérstioti  à  cause  des  travaux  exécutéi  p<4PJ'éieetloa  de  lenr  ca- 
th(iilra!e,  lorsque  Dotzliigor,  qui  répara  le  chœn^de  cetle  baslliquei  profila  de 
son  ascendant  pour  réunir  en  un  seul  corps  toutrs  Tes  oorporattona  éparses, 
et  pour  former  une  raale  a««eeiatl(Hi  ^ul  eompreiieN  le  pina  fs^waét  partie  de 
1* Allemagne*  Gotfe  ooiiipagrife<  fem0eefil4Mt  M!  MiieMMer  ew  iMPrpar 
une  asseniblée  générflle  des  mekrea  dei>ai0irerf  eto  teg«»,  ftnue  I  MttibeMiei 
elle  flt  des  réglementa  peur  la  réeepcloi*  det  eppremia,  dea  ecwfiagnwia  eldes 
maîtres,  étabHtdes  atgoeaieeretapef  feaqneie  aefc  nemfciwa  pont atef  le  Preen« 
naître,  et  ad<)pta  poof  grande  iMirree  de  tente  II  eenfrelariitd  HeeiMieetes 
de  la  cathédrale  de  straibourg.  celle  aiaoelillott  fnt  eonimde  dene  le  leite 
par  le»  emperenra  d*AlleiMigtte#  Le  maglptfaf  de  âtraibonrg  œnfle  pmiant 
quehine  temps  la  déelshm  de  tontea  taa  WMMUglensra,  en  fHH  ée  Mtlneiits, 
au  dicf  do  son  atelier  de  tailleurs  de  pierres  i  et  le  dne  de  HIMn  d—aade^en 
\m,hùt  magistrat,  nftavdilieele  eepeble  de  diriger  la  conatwetlo»ée  le  su- 
perbe église  métropolitaine  de  %ti  eapHate. 

La  suprématie  du  grend*maltre  de  Talaller  de  gtrasbourg  sur  lea  toges  d'en 
grande  partie  de  l'iUleingoei  ne  eene  qu'aptes  la  téùÊSoù  de  eelle  iHùiê  I  le 
France. 

(Voy.  VEiin*  mit^^qm  de  M,  âekwtlghiHttêr,  mm*  13^  emUédfuh  dé 
Strasbourg), 

(5)  |l  ne  faut  pas  oublier,  dH  M«  de  Canmont,  am|«el  nene  emprmitepf  la 
plus  grande  partie  de  ces  dennéesi  (iiie  eette  oleasMeatlon  eif  surtout  applicable 
ant  monummtfde  FOueit.  I^aprèadea  observaHone  feemtea,  lesprotlnoes 
dn  centre  et  du  midi  de  le  vranee,  plw  Mèlea  an  plein  einif  e»  eerMenl  eon- 
serve  retie  arcade  longitenipa  «tant  le  iuiWMiiidiiiiiildn  régai»  de  l'egMe,  et 
pout-ôtrc  Jusqu'au  XlVc  siècle,  quoique  le  style  ogival  y  m^mMImÊtlèm: 


ployé  dèi  le  XIII .  M.  Leduc.  aMiqnain  ûUdaSÊê,  qil  a  nptam  de  «■ 
▼oyagc  en  AoTergne  eten  Profcnoe  une  rlcbeoollectkm  de  deirini,  pcaw  qee 
beiiiGoop d'égllset  romaneide  cette  parUe  deU  France  youireienf  fcha «e 
dater  qae  da  Xllb  tiède  etfinéiiie  da  cummenccinent  da  XIV*. 

(6)  Oq  cite  surtout,  parmi  lea  ourraseï  dfs  plot  grade  laaitrei.  le  Jmgtmmt 
dernif»;  de  Mlcbd-Aiigei  ila  jyantfigut'ati4m,  de  BaptuAs  1»  Ck^é  eu 
géants,  de  Jule«  Romalnt  la  IV«fiiTfcf  fo«  de  £asar^de8éb»llal  delHeafees 
|a  DtrnenU  de  croix,  de  Daniel  de  Valtenet  ICiiV^«riiia  d'AMMitw,  di 
Titien,  et  quelques  autres  moàni  odélires. 

Voy.  Vaiari,  FèUblen,  de  Roujooi,  etc. 

(7)  Voy.  Laborde.  Bettinelil/de  Eoi^oux,  Petit,  FAao.  ete. 

(8)  Voy.  Botsuet,  Gassendi,  Filon,  etc.  —  c  Les  Pratestnti,  dit  VMMre.  ai 
sujet  do  calendrier  grégorien,  s'obstinent  à  ne  pas  recevoir  dn  ndhv  dn  p^ 
une  ▼ërlté  qu'il eAt  tsllu  recevoir  des  Turcs  s'ils  Pavaient  propotée.. .s 

Qè)  Voy.  Kurth  Spreogel.  TourteUe,  etc. 

(10)  L'imprimerieavait  été  caractérisée  par  ce  ven  de révéqoe  de TeraM», 
devenu  populaire  r^ 

Intprimit  illa  DIB  quantum  non  teribitur  JNNO. 

Voici  ce  qu'on  lit  dans  une  bbtolre  de  l'origine  de  rimprimerie  •  docUepee 
après  cette  admirable  découverte  x  •  Vbbs  l'an  1440,  JiiN  GuTnauM»  Jiài 
GBNSPLEiKcn ,  surnonuné  GomMuiG.  on  Jean  Zdhjunoin  di  Guniune, 
natif  de  Strasbourg  et  Bourgeois  de  Mayence,  selon  les  uns.  ou  natitde  Vayenee 
et  Bourgeois  de  Strasbourg  aebn  les  antres,  simple  domestique  selon  qacbpMt 
uns,  teulemmt  Orlèvre  selon  quelques  autres,  mais  Gentilbomme  teiOBFbi- 
sieurs,  et  véritablement  de  l'ancienne  Famille  de  Ziin^figen.  qui  avaH  nn 
Hdtel  de  oe  Nom  das  Mayenœ,  et  une  espèce  de  Palais  nommé  gnirewlerf 
dans  le  Voisinage  d<  cette  We.  Mgina.llfflprimerie  à  Strasbourg,  el  la  per- 
fectionna enfin  à  llayence.  ^ 

Apait  beaucoup  de  Tentatives  inutiles,  alant  déjà  dépensé  praqae  tout  aoB 
Bien  sans  avoir  pu  réduire  cette  Théorie  en  Pratique,  et  désespémnt  de  pouvoir 
y  K^ussir  tout  seul,  il  découvrit  son  Secret  à  quelques  iricbet  Pomcgeoia  de 
M aïencf ,  qui  l'asBisfèrent  de  leurs  Uolens,  <t  avec  lesquels  A  t'amocia  à  net 
égard.  Les  seuls,  qu'on  connaisse,  sont  Jban  MBDiNBieiyOn  pfaitdtlInBni- 
BAcn,  dont  on  ne  nous  a  conservé  que  le  Nom;  et  Jian  FosTi  limiimu  do  trta- 
bonne  Famille  de  cette  Ville,  originaire  d'AschafTenbourg»  et  Gribvve 
fession,  qui  contribua  beaucoup  à  l'Avancement  de  cette  admirable 
Un  de  set  DomestiqueB,  nommé  pitoia  ScBOimnn  ou  Scnonon.  «aLidki 
Opiuo,  ce  qui  signifie  en  Français  Biigbb,  natif  de  Gemsbeira  dHii  lo 
graviat  de  Darmstadt,  et  Clerc  du  Diocèse  de  llalenoe,  alant  pénétré 
cbose  de  leur  Secret,  y  fut  entièrement  admis,  et  s'appliqua  tetenMnt  aMe< 
àleperfectioniwr. 


—  ï*66  — 

.  A  rOMi  d0  tnrailler,  tts  le  raodlraiit  I  U  fln  prtllcablet  et,  quelque  im« 
ptffUtqa'ilfM  encore,  GhevUler  n'a  poM  dû  ne  le  regarder  liiiipleaMot  que 
eoMme  la  grmmre  éeê  inieriffHons  lendoe  phif  uClle,  et  oomme  antii  pea 
digne  da  Titre  d*art  lumveUenuiU  Hwenté,  que  tlatrodnctlon  de  rHafle  dant 
la  Peintore  lorf  de  loo  Senonf eUement  «d  XV«  liècle.  Car,  f'il  eit  vrai  qu'on 
a  ioq|oarf  graré  inr  le  Bolf ,  la  Pierre,  et  les  llétanz,  U  ne  Teit  paf  niofaïf,  que, 
poorgraTermirleBoif,  I  rutage  de  rimprbnerie,  H  a  faUn  Imaginer  de  dif- 
poier  les  Caraolèref«t  let  Nota  de  droite  I  ganobe,  comme  ceoi  det  Languea 
Oitentalei;  de  ne  lea  paa  grarer  en  ereoi«  comme  dam  let  inicriptloni,  maii 
de  les  tailler  en  relief,  comme  aur  la  Monnaie  et  tar  lea  Mëdaillet}  de  les  co* 
lorer  d'une  Encre  éfialsee  et  gluante,  mais  non  trop  fluide  { d'imposer  dessus  du 
Papier  ou  du  Parcliemin  trempé  pour  en  recerolr  l'Empreinte  t  de  les  glisser 
ensuite  dans  nue  Presse  propre  Iles  y  imprimer  { en  un  mot,  de  faire  en  sorte 
qu'ils  pussent  être  imprimés  seuls  et  nettement  sur  le  Papier  ou  le  Parchemin 
préparé,  et  y  être  plus  dans  leur  Ordre  naturel}  et  toot  cela  est  certainement 
quelque  chose  de  phis  qu'une  simple  Imltatioo  on  Amélioration  de  hi  Orarure 
des  inscriptions,  anécessairement  demandé  de  la  pénétration  et  de  l'application, 
et  a  sans  doute  rencontré  bien  des  difQcnltés  à  surmonter, 

HiuaiuaiHiNT,  ces  diven  associés  y  réussirent  vers  l'An  M*  GGGC.  L.  t  Ils 
portèrent  enfin  la  Chose  Jusqucià  acherer  l'impreasion,  non  senieaMntde 
quelques  simples  Lirrets,  tels  qu'un  Alphabet  pour  les  plus  petites  écoles,  et 
nn  Douai ,  espèce  de  Grammaire  Latine  à  TUsage  des  pins  basses  Gbuaes.  mais 
même  d'un  Ouvrage  aussi  considérable  qu'une  Compilation  de  Grammaêrt,  de 
Bhétùrique ,  et  de  Poétique,  solfie  d'un  ample  DUtionnairB*  et  intitulée 
Catholieon  .loRAWiia  JANUinaïa. 

C'aer  de  cette  même  sorte  d'Imprimerie  de  Caractères  tatUés  en  relief,  que 
sont  encore  sortis  le  Donatuê,  les  ConfessUmalia,  le  Bréviaire,  PseauUer^ 
Manuel  on  Horologium  Beatœ  Virginie  Mariœ,  de  la  Gfand'  Hère  de  Joseph 
Scaliger,  l'Art  memorandi  notabiiit  per  Pigurae  evangelietarum,  et  un 
Livre  Latin  de  figurée  de  la  Bible  conservé  dans  le  Cabinet  de  M.  Scbelhom, 
le  Cantieum  ou  VHietoria  Beatœ  Mariœ  virginU  i»  Figwrii  comené  à 
Harlem,  VHittoria  S,  Johannie  evangelietœ  in  Pigurie,  côté  du  papier,  dont 
on  était  obllgéde  coller  ensuite  les  deux  Faces  blanches  l'une  contre  l'antre,  afin 
de  cacher  ce  Défrati  elles  causaient  nécessafarement,  et  donUe  Peine,  et  double 
Dépense,  pour  ne  produhie,  après  tout,  qu'un  ouvrage  assea  imparfiit. 

DÉGOÛTÉ  donc  de  ces  imperfections,  nos  trois  Inventeurs  portèrent  plus 
loin  leurs  Recherches.  A  force  de  réfléchir  sur  leur  nouvelle  Invention,  ils  s'a- 
Tisèrent  de  diviser  les  unes  d'avec  les  autres  les  Lettres  de  leurs  Tables  on 
Flanches,  et  d'en  fSaçonner  séparément  de  semblables,  de  Plomb,  d'Étain,  et 
de  Cuivre.  Mais,  elles  demandaleut  trop  de  Temps,  de  Soin»,  et  de  Travail,  et  ne 
pouvaient  qne  trèt-difflciiement  se  former  de  Proportion  égale  et  ccovenable. 
Aussi,  ne  volons-nous  pas  qu'ib  en  aient  fait  aucun  usage. 


—  «é5«  - 
MmmUÊkf,  kiWBaidrolt  tld^liprilfffcCitf i0f«lli^i 

tMCdetof<ni,fpf««BAKi'avlM4etytar  du 
triOBfi  de  Uirli|iicf  et  JiHtMer  dn  WMlêiii  et  d# 
Nvt  et  iépflrdnf  doM  tt  pvt  à  iM  gid  eonpMi 

PI^K  CBllèffBt  dont  H  Ullltt  iKlOlft  t  M  VD  BMitt  dS  ANHÉt  IMÉ I  i 

oenalre  pour  fonnrr  dei  canelêffi  leb  <f  id  oMfli  qm 

depub  :  et  U  te  reodlt  ahui  riareiitear  «t  te  P6PI  dt  ta  fdHCiMB  ot 

prloirftc*. 

Voy.  Aottf  Berf^lanoi.  Momlb,  Tritbentat»  MiWiitoot,  elo. 

ni)  Amont  fT,||ichelFéddP0Tlth,JMqiM9 Martel  ViWéVUI. 

{IX)  Vof.  îfoëU  voltrtre,  RobertMto.  te  DkHoûnméré  âê  rfwbref rM, ki 
Âmmsemcntê  phiMûçîqaes ,  et  mon  BUMre  mbréféê  éê$  êéêmmeflm  9i 
intentions,  6*  édition. 

(\5)  Blanipii.  hiUffire  de  léetmtmU  poHOqm. 

(Il)     M.  iif. 

(  1 5)  La  découverte  dn  ffoorenhlIondiB  aurait  dA  faire  de  l'BipigMtopiM  fkkt 
et  ie  idwhemftu  paya  de  l'Eoiope.  L'étaMiieemcntde  rhmnhUtuM  iH'iiaprtilin 
des  Mam^ gâtèrent  tout.  Lei manaflMtorea  retiréei deai 
restèrent  saoa  exercice  t  n  a'emnMt  tme  dépopulaHeÉ 
avrnftWe  ne  pomrattfiMreeoanattre  cette  Unie,  eUeaeerofaa  paa  awir  hwpinde 
cnltnre  et  d'indnatrle }  aon  sol,  c'étaient  set  valsaeaaB,  aeaBBOiMnM«  toi vefaiei; 
tm  fndastrle,  Tor.  toujours  l'or  !  Ge  niélÉl  devenu  cuwiiiwn  ptimeltiit  et  «- 
rusiit  tous  les  besoins  do  luxe  ;  on  le  voyait  briller  Joaqn'MMpiidadflBcheiiBT 
L'Espagne  aurait  Uenldt  senti  la  vérité  de  U  fable  de  Midaa,  li  toi  tranUes  de 
la  France  n'avalent  amené  dans  aon  aein  dea  owrien  et  dei  takanHnInp* 
rais.  Cet  or  avait  tourné  U  tète  de  Ghartes-Qatait!.. 

(MHAfMV 

(16)  Forbounals,  Rechereket  atrr  let  finances, 

^17)  Solly  a  pris  le  sohi  de  rébumiT  hii-mtaie  aee 
dans  un  exposé  qui  lut  fut  demandé  par  Henri  IV,  et  «in'il  a 
liémoires  :  «  Pour  voir  si  mes  idées  ne  rapportaient  an  ateoBHb  dtt4l.  terol 
voulut  que  Je  loi  donnasse  une  note  de  tout  ce  que  Je  erofola  eipibln  de 
verser  on  simplement  (le  ternir  la  gloire  d'os  paiÊStali  rofi— i  M  la 
kà  comme  un  abrégé  des  principes  qui  m'ont  servi  derftgtab  Cet  OHNade  U 
ruine  on  de  l'aRaiblIssement  des  monarchlea  sont  Ica  taUdiÉ  mÊKéêi  tes  «t 
nopoles,  principalement  sur  le  Ué;  le  négHgement  dncoaHanve^da  faaiQféi 
labourage,  des  arts  et  métiers  ;  le  grand  nombre  de  cM^vi  Im  fnlidices 
ofticf S;  l'autorité  excessive  de  ceux  qui  Ips  exercent,  lea  IMs»  taatemMHiet 
l'iniquité  de  la  Justice  ;  Toisivcté,  le  Inxe  et  terni  M  ^  ff  o  mppeslg  tadé- 
bauciie  et  la  corroption  des  moNirs;  la  confusion  dos  oomÉUêomêi  taa  Wii* 
tioiu  dans  la  mounaic  ;  les  guerres  injustes  et  imprudentes;  le  éeêfoiUwu en 


—  ^67  — 

sùuwrains }  lear  attachement  aveugle  à  eertainês  personnes  ;  leut  pitfyea- 
tion  en  fayenr  de  certaines  oondftioni  on  de  certaines  professions;  la  cupidité 
des  ministres  et  des  gens  en  fayeur  ;  Vavilissement  des  gens  de  qualité}  le 
mépris  et  l'oubli  des  gens  de  lettres;  la  tolérance  des  médiantes  coulumes  et 
l'infracUon  des  bonues  lois  ;  la  mnltipliclté  des  édits  embarrassants  et  des  règle- 
ments inutiles  •. 

c  Henri  IV,  dit  l'historien  de  Mayer,  sentit  le  besoin  da  commerce,  mais  il 
youlait  trop  le  ^eyoir  à  ses  propres  forces,  il  l'appelait  au  milieu  du  tumuite 
des  armes,  il  s'iaiaginait  que  le  commerce  et  rindustrie  florlraient  sur  jur  sol 
déchiré  par  les  instrument  dp  carnage  ;  il  ne  savait  pas  <|iie  c'est  auprès  de 
l'arbre  de  la  paix  que  l'iDdustrie  sans  alarmes  s'élèye,  fleurit,  et  croît!..» 
Henri  IV  savait  tout  cela,  et  Sully  aussi,  mais  peut-on  lenr  faire  un  crime  de  la 
guerre  quand  elle  seule  pouvait  consolider  les  bienfaits  de  l'agriculture?  Qne 
fût  devenu  Henri  IV  sans  son  courage  et  son  énergie  guerrière?  Ht  doiUm  pas 
plutôt  lui  savoir  gré  d*avohr  songé  à  allier  les  deux  choies  dana  une  auMl  dé- 
plorable époque? 

(18)  Je  vendrai,  annéet 


Lesetier  de  froment 
Celui  de  seigle  .  .  . 
Celni  d'orge .... 
Celui  d'avoine  .  •  • 


Cehû  de  fèves  ...»%...*. • 

Le  mnid  de  vin • 

Un  bœuf • 4S 

Une  vache 8 

Un  mouton » 

Un  porc  gras ^ S 

Un  oison 

Une  cane 

Une  poule 

Un  chapon 

Le  cent  d'oeufs 

La  livre  de  beurre 

Le  boisseau  de  navets 

Le  cent  de  noix  .  » 

La  livre  de  cire 

Prix  du  setier  de  froment,  mesure  de  Paris.  ...     5 

Du  setier  de  seigle 4 

Du  se  lier  d'avoine S 

Prtxdu  rouicideyin,  meiure  de  Paris ft 


Uv. 

soos 

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i« 

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ém. 


10 


40 
18 


4 


—  »«58  — 


7 


11 


Pilxd'un  cheYal  fia 

D'un  cheval  «le  Irait 190 

n'unbffuf 00 

D'uue  vache •  •  •    M 

l>*un  niouioo 

D'uuporc ».... 4( 

l>ilx d'une  poule 

D'uBchapoo •  . 

D'un  dindon 

PrizdeUlhrredebenrre 

De  fromage 

De  la  domaine  d'orab  . 

De  la  livre  dedre 

De  la  voie  de  boif 

Du  cent  de  cottereli B 

Prix  de  la  hotte  de  foin » 

Ne  cooduei  paîi  de  cet  prix  que  le  iermler  doive 
8'enrichlr. 

Car  11  faut  qu'il  paie  au  premier  va&et  de  charrue 
pour  let  gagea 48 

Aux  autrei  valeti S8 

Alaménagère fS 

Anxiervantes •  •  .  •    10 

Au  maître  berger 36 

II  but  que,  pour  le  aciage.  U  donne  aux  moiaton- 
nrart  par  arpent  de  champ  de  Ihmient,  trois  bois- 
seaux de  froment,  et  que  par  arpent  de  champ  d'a- 
voine il  leur  paie  . s 

11  but  qu'il  paie  aux  faucheurs,  par  arpent  de  pré.    • 

Il  faut  qu'il  donne  aux  batteurs  en  grange  la  vingt* 
quatrième  partie  du  bM  qu'ils  ont  battu. 

11  faut  que  pour  les  difléreotes  façons  des  vignes  II 
paie  aux  vignerons,  par  arpent M 

U  but  qu'il  pale  aux  journaliers  la  journée  d'été.  •     • 

Et  U  journée  d'hiver • 

(19;  voy.  U  Guide  des  chemins  de  France,  pçr  Ckarieê  Bêtkmtê*  JfmriÊ 
4865. 
(SO)  V.  Hitpaniœ  itinerarium. 
Câl)  V.HonteU,  BUtoirc  des  Finançais  dte  dhersétmU. 
(ii)  Caiio  iosso.  V.  Le  Dictionnaire  ctymotogique  de  Mrfngffc 
(23)  ||ontett,d'aprâflleZ>ic<ioiiiiair0d«  j\rico/,/e  XiraiUdê  to méftin, $lu 


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48 


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TABLE  DES  MATIERES 


OOUTENUES   dans  LB   cinquième    VOLUMKi 


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cHAPrraE  premier. 

Exposé  des  événemeiits  européeuA  pendant  les  qoinsième  et  seizièaie 
siècles  :  —  Ocddenk  :  France.  Page  I. 

CHAPITRE  SECOND. 
Suite  du  même  exposé  :  —  Occident  ;  Angleterre.  —  Écosie.  —  Es- 
pagne. —  Portugal.  —  ttalie.  Page  M. 

CHAPITRE  TROISIÈBIE. 
Suite  du  même  exposé  :  peuples  du  Nord  et  de  l'Orient  :  Russie  :  Pc. 
logne.  —  Hongrie.  —  Suède.  —  Danemarck.  —  Hollande.  —  Empire 
germanique.  —  Suisse.  —  Bas-Empire.  Page  76. 

CHAPITRE  QUATRIÈME. 
État  de  rËglise  au  quinzième  siècle  :  --  Schisme  d'Occident.  —  Pa« 
pauté.  —  Travaux  et  décisions  des  principaux  conciles.       .Page  97. 

CHAPITRE  CINQUIÈME. 
Suite  de  l'histoire  de  l'Église  :  —  Seizième  siècle.  —  Coap-d'œllsar 
la  réforme.  —  Luther.  —  Zwingle.  —  Mélanchton.  •—  Œcolampade* 
—  Carlostad.  —  Sacramentaires ,  anabaptistes,  nbiquitaires.  —  Cal- 
vin. —  Considérations  générales  sur  la  réforme.  Page  125. 

CHAPITRE  SIXIÈME. 
Suite  de  l'Église  :  seizième  siècle.  —  Papanté.  —  Concile  de  Trente.  ^ 
Ignace  de  Loyola.  —  Ordre  des  Jésuites.  Page  159. 

CHAPITRE  SEPTIÈME. 
Suite  de  l'Église  :  Mœurs  religieuses.  ^  Travaux  des  conciles.  —  In- 
quisition. —  Considérations  générales  sur  l'hittoire  eedéaiastiqae  de 
cette  époque.  Page  175, 


ClIAPnRK  HUITIÈME. 
Ktat  politique  et  social  :  Li^giilaiioii.  —  Adiuluislritloa  de  la  jaillce. 

—  l^ric.iienti,  etc.  Page  SOS, 

GIIAPITIIK  NECVIKME. 

Mœuri  privées  ci  publiques  eu  Kruuce  et  dam  let  dif  en  l^lala  euro- 
péens :  Ci>nsidéralioiis  prtliniiaairet.  —  Mariagca»  -^  Hepai.  —  Or- 
doDunrn^s  soinpluaires  du  cJiaDcdîer  l'Hôpital.  —  Mœurt  géndrale 
des  ffraiids,  de  la  liourgeoisie  et  du  peuple.  —  Tftbicau  de  la  cour  de 
Cathoriue  et  de  sci  trois  flis.  —  Privilt^  rertëa  à  la  nuMease  aprèi 
la  chute  du  rt^sme  ftkKial.  ^  FunérailLs.  —  Usages  dif  era  admis 
daiu  la  société.—  Polia*  de  Parii.^  Multiplicité  des  vols.  —  Aauaiiiii 
et  champioas.  —  Uépression  drs  dtMits  et  des  criinea,  —  Tortures  et 
supplices  divers.  —  (Iode  militaire  eu  Frauco.  —  Asiles,  leurs  privi- 
lèges. —  Vœux  de  pauvreté  et  de  réclusion  perpétuelle. 

Etat  des  Juifs  daos  les  dWersea  eontréet  de  rfiurope.  ^  CooildéraUona 
générales  sur  la  tnpcritiUon  de  eette  époqoe.  —  Pnlmnoe  de  fioi- 
tradanus  et  de  Gosmo  Ruggieri.  —  Procès  contre  lea  anlmain»  etc. 

Etal  moral  de  l'Italie,  de  l'Allemagne,  de  la  Roasio,  etc.        Page  2II. 

CHAPITRE  DIXIÈME. 

Unlverittés.  ^  Philosophie.—  Lettres  en  Fnnee  :  poMe.  —  Iflrtnlni 

—  Politique  et  religion.  —  Satire  Ménippée.  —  ; 


GHAPXTEE  ONZIÈME. 
Sollc  des  lettres  :  peuples  du  Midi.—  Italie  :  Arloste»  Taaae»  MieUatd  » 
etc.  —  Espagne  et  Portugal.  —  Peuples  du  Mord  :  —  Angleterre.  — 
Allemagne.—  Hongrie,  etc.—  Théâtre,  ses  progrte  an  aetalème  alèda. 

—  Shakespeare.  Page  301 . 

CHAPITRE  DOUZIÈME. 

Beaui-arts  :  Architecture,  Peinture,  Sculpture,  Mudqne.  —  Seieneea 

oiactes.  —  Sciences  physiques.  —  Médecine.  —  Inventions  et  déeou- 

Tertes  :  Amérique,  Imprimerie,  Taille  du  diamant,  Carroaw,  Ghocolati 

Café,  Tabac,  etc.  —  Perfectionnements  divers.  —  Économie  politiqiie. 

—  Coiumerco.  —  Industrie.  —  Agriculture.  —  État  matériel  dea 
peuples.  —  Coucluiiou  de  la  cluquiùmo  époque.  Page  5SS. 

Kotc«  et  pièces  justincativea.  Page  S90, 


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